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Full text of "Bulletin"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVCRSITY  OF 
TORO.VTO  PR(;SS 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.archive.org/details/bulletingeo31sociuoft 


BULLETIN 


DE    LA 


/  / 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE   LILLE 

(LILLE,    ROUBAIX,    TOURCOING). 


& 


BULLETIN 


DE    LA 


r  r 


*•* 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE    LILLE 

(LILLE,  ROUBAIX,  TOURCOING). 

Reconnue  d'utilité  publique  par  décret  du   21  Décembre  1895. 

I'"  SEMESTRE  DE  1899 

Vingtième  Année.  —  Tome  Trente-Unième. 


SIEGE  DE  LA  SOCIÉTÉ  : 

116,  rue  de  môpital-MUitaire,  116 

LILLE. 


Q. 

■//    ■ 

s  se 

t.  Sl-SS. 


^621751 


Clirlir  l'EBRAM),  iiliolo;;.,  I.illo. 


OSCAR     DK     PRAT 

Ailjiidanl  iTInfanlcrii-  ilc  Marine, 
MEMBRE     DE     LA     MISSION     MARCHAND. 


L'ADJUDANT  DE  PRAT  A  LILLE 


Un  explorateur  lillois  revenant  à  Lille  et  accueilli  par  l'enthousiasme 
sans  restriction  de  tous  ses  concitoyens,  voilà  qui  n'est  point  banal  et 
qui  prouve  combien  le  goût  des  choses  géographiques  et  coloniales  a 
fait  des  progrès  dans  notre  région. 

A  sa  Séance  Solennelle,  la  Société  de  Géographie  a  nommé  par 
acclamation  l'Adjudant  de  Prat  Membre  d'honneur  ;  nous  relaterons 
cette  mémorable  cérémonie  dans  notre  Bulletin  de  Février. 

Aujourd'hui  nous  nous  bornerons  à  rappeler  qu'au  milieu  de  toutes 
les  délégations  accourues  à  la  gare  de  Lille  pour  acclamer  l'Adjudant 
de  Prat,  se  trouvait  le  Comité  d'Etudes  de  la  Société  de  Géographie. 
M.  NicoUe,  Vice-Président,  lui  a  parlé  en  ces  termes  : 

«  Mon  cher  Collègue  ,  (1), 

»  J'ai  l'honneur  de  vous  apporter  les  compliments  du  Comité 
d'Études  de  la  Société  de  Géographie.  Vos  relations  si  cordiales  avec 
notre  cher  et  honoré  Président  M.  Paul  Crepy,  vous  feront  certaine- 
ment regretter  de  ne  pas  recevoir  nos  félicitations  de  sa  bouche,  il  leur 
aurait  donné  une  valeur  qui  vous  aurait  touché  davantage.  De  son  côté, 
notre  Président  est  amèrement  privé  de  ne  pas  vous  recevoir  lui- 
même  ;  j'en  ai  l'assurance  par  ses  paroles  avant  son  départ  et  par  ses 
télégrammes  depuis  trois  jours.  Songez  cependant  que  tous,  nous  vous 
avons  suivi  sympathiquement  par  la  pensée,  dans  toutes  les  péripéties 
de  la  longue  et  héroïque  mission  Marchand.  C'est  dire  que  tous  nous 
sommes  pour  vous  des  amis  du  premier  degré.  J'ajouterai,  pour  moi 
personnellement,  que  j'ai  appartenu  jadis,  comme  vous  appartenez 
aujourd'hui,  à  un  des  corps  de  la  marine  ;  cela  crée,  entre  nous  deux, 


(1)  L'Adjudant  de  Prat   est  Membre   de   la   Société   de   Géographie   de   Lille 
depuis  1896. 


—  6  — 

line  confraternité  ineffaçable  dont  je  suis  fier,  et  cela  m'encourage  à 
penser  que  peut-être  votre  regret  de  ne  pas  entendre  interpréter  nos 
sentiments  par  notre  Président  en  sera  diminué  dans  une  certaine 
mesure. 

»  Nous  nous  unissons  tous  dans  le  même  mouvement  d'admiration 
pour  votre  entrain,  votre  énergie  et  votre  abnégation  qui  vous  faisaient 
poursuivre  l'agrandissement  du  domaine  extérieur  de  la  patrie  et  la 
mise  en  œuvre  par  la  civilisation  de  vastes  contrées,  sans  intérêt  maté- 
riel, sans  espérance  autre  que  celle  de  la  satisfaction  légitime  du  devoir 
accompli  et  de  la  difficulté  vaincue,  au  milieu  de  dangers  de  tous 
genres ,  y  compris  ceux  qui  menacent  traîtreusement  l'existence , 
comme  les  infections  des  climats  meurtriers.  Nous  sommes  heureux 
que  vous  y  ayez  échappé  et  que  vous  nous  reveniez,  que  vous  reveniez 
à  votre  famille,  avec  toute  la  force  de  votre  tempérament. 

»  Dimanche  prochain,  vous  assisterez,  nous  y  comptons,  à  notre 
Séance  Solennelle  et  vous  constaterez  que  ces  sentiments  sont  ceux  de 
l'unanimité  de  nos  collègues.  » 

L'Adjudant  de  Prat  a  été  très  touché  de  cette  réception.  «  Certes, 
me  disait-il,  nous  avons  été  bien  reçus  et  fort  acclamés  à  Marseille, 
mais  ma  réception  à  Lille  passe  tout  ce  que  j'avais  pu  imaginer.  Quand 
mes  compatriotes  s'en  mêlent,  ils  rendent  des  points  comme  enthou- 
siasme aux  Marseillais.  » 

N'est-ce  pas  aussi  votre  avis,  ami  lecteur  ? 

A.  M. 


PROGRAMME  DES  EXCURSIONS  PROJETÉES  EN   1899 


Du  lundi  G  au. jeudi  1(3  février.  —  Lyon.  —  Marseille.  —  Nice.  —  Monaco.  —  Vin- 

timille.  —  Gênes.  —  Turin.  —  Organisateurs  :  MM.  Pailliez  Colin.  P.  Dhalluin. 

—  25  personnes,  se  faire  inscrire  avant  le  'Z")  janvier. 
Mardi  14  février.  —  Cassel  (Carnaval).  —  Organisateurs  :  MM.  Mcrchier,  Cantineau. 
Mercredi   8    mars.    —    Visite    de    l'Institut   industriel.  —  Organisateurs  :  MM.  0. 

(jodin,  Cantineau. 
Du  mardi  28  mars  au  mardi   18  avril.   —  Le    Congrès   national  de  Géographie  à 

Alger,  Bougie,  Sétif,  Constantine,  Tunis,  Cartage,  Kairouan,  Sousse,  Bizerte.  — 

Marseille.  —  Organisateurs  :  MM.  0.  Godin,  Decramer. 


Du  samedi  15  au  mardi  18  avril.  —  Liancourt  (visite  de  l'usine  de  la  Société  des 
manufactures  de  chaussures).  —  Paris.  —  Sèvres.  —  Versailles.  —  Organisa- 
teurs :  MM.  Palliez  Colin,  Galonné. 

Samedi  22  avril.  —  Visite  de  l'Institut  Pasteur.  —  Organisateurs  :  MM.  Gantineau, 
0.  Godin. 

Du  mardi  9  au  mercredi  10  mai.  —  Bruges  (Procession  du  St-Sang).  —  Organisa- 
teurs :  MM.  Van  Troostenberghe,  Galonné. 

Mardi  16  mai.  —  Armentières.  —  Visites  de  la  filature  Dansette  frères,  de  l'École 
professionnelle  et  de  l'Asile  d'aliénés.  —  Organisateurs  :  MM.  Van  Troosten- 
berghe, Déhée. 

Jeudi  18  mai.  —  Marchiennes.  —  La  forêt.  —  Visites  de  la  faïencerie  et  de  la  tréfi- 
lerie.  —  Organisateurs  :  MM.  Vaillant,  Dhalluin. 

Du  samedi  20  au  lundi  22  mai  (Pentecôte).  —  Le  Boulonnais.  —  Organisateurs  : 
MM.  P.  Destombes,  Gh.  Derache. 

21-28  mai  ou  28  mai-4  juin.  —  Folkestone.  —  Brighton.  —  lie  de  Wight.  —  Ports- 
mouth.  —  Londres  (Derby  d'Epsom).  —  Oxford.  —  Organisateurs  :  MM.  R. 
Thiébaut,  P.  Ravet.  —  (Suivant  la  date  du  Derby  d'Epsom). 

Dimanche  4  juin.  —  Mont  de.Kemmel.  —  Organisateurs  :  MISI.  Van  Troostenberghe, 
Galonné. 

Jeudi  8  juin.  —  Visite  aux  mines  de  Bruay  (Pas-de-Galais).  —  Organisateurs  : 
MM.  le  D''  Vermersch,  Dehée. 

Mardi  20  juin.  —  Lannoy.  —  Visite  d'établissements  industriels.  —  Organisateurs: 
MM.  Gh.  Derache,  Thieffrj-. 

Dimanche  25  juin.  —  Gambrai.  —  Ruines  de  l'abbaye  de  Vaucelles.  —  Les  sources 
de  l'Escaut.  —  Le  canal  souterrain  de  St-Quentin.  —  Organisateurs  :  MM.  Fer- 
naux,  H.  Beaufort. 

Dimanche  2  juillet.  —  Bavai.  —  Le  Gaillou  qui  bique.  —  Organisateurs:  MM.  Pal- 
liez Golin,  Decramer. 

Du  samedi  8  au  mardi  18  juillet.  —  Le  littoral  de  toute  la  presqu'île  bretonne.  — 
Organisateurs  :  MM.  Gantineau,  Gh.  Derache. 

Du  jeudi  13  au  dimanche  16  juillet.  —  Anvers.  —  Golonie  de  Gheel.  —  Abbaye 
des  Prémontrés  à  Tongerloo.  —  Gand.  —  Exposition  provinciale  et  visite  de 
l'exploitation  horticole  de  la  Société  anonyme  Van  Houtte  et  G'e .  —  Organisa- 
teurs :  MM.  le  D''  Vermersch,  Van  Troostenberghe. 

Fin  juillet.  —  St-Amand.  —  Établissement  thermal.  —  Verrerie  de  M.  Renard  à 
Fresnes.  —  Organisateurs  :  MM.  R.  Thiébaut,  P.  Ravet. 

Du  jeudi  10  au  dimanche  27  aoijt.  —  Lyon.  —  La  Grande  Ghartreuse.  —  Grenoble. 

—  Pont-en-Royans.  —  La  Mure.  —  N.-D.  de  la  Salette.  —  Lacs  de  Laffrey.  — 
Vizille.  —  Bourg  d'Oisans.  —  La  Grave.  —  Gol  du  Lantaret.  —  Briançon.  —  Gol 
du  Galibier.    —    St-Michel  de  Maurienne.    —    Ghambéry.  —  Aix-les-Bains.  — 

—  Organisateurs  :  MM.  H.  Beaufort,  A.  Grepy.  —  24  personnes. 

Du  samedi  2  au  mercredi  6  septembre.  —  Mézières.  —  Sedan.  —  Bazeilles.  — 
Luxembourg.  —  Bruxelles.  —  Organisateurs  :  MM.  Decramer,  Galonné. 


—  8  — 
RÈGLEMENT. 


Dans  sa  séance  du  9  Janvier  1899,  la  Com^nission  des  Excursions 
a  pris  et  arrêté  les  dispositions  suivantes  : 


Art.  1.  —  La  Commission  se  réserve  le  droit  de  modifier  la  Dale  et  l'Itinéraire 
des  Excursions  projetées,  et  de  limiter  le  nombre  des  Excursionnistes. 

Art.  2.  Le  Programme  détaillé  de  chaque  Excursion  sera  communiqué  aux 
Sociétaires,  au  Siège  de  la  Société,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116.  Il  indiquera 
l'itinéraire  définitivement  adopté  et  la  somme  à  consigner  entre  les  mains  de 
M.  Hachet,  Agent  de  la  Société  (chaque  jour  non  férié,  de  7  h.  3/4  à  8  h.  3/4 
du  matin  et  de  6  à  8  heures  du  soir). 

Art.  3.  —  Les  adhésions  ne  seront  admises  qu'au  Secrétariat  de  la  Société  ,  un 
mois  au  plus  tôt  avant  les  dates  fixées  au  tableau  qui  précède. 

Aucun  Sociétaire  ne  pourra  se  considérer  comme  définitive- 
ment inscrit  s'il  n'a  versé  directement  on  par  mandat  la  somme 
déterminée  par  les  organisateurs. 

La  liste  sera  close  dès  que  le  nombre  des  adhésions  fixé  au  programme  aura  été 
atteint,  et  au  plus  tard  8  jours  avant  chaque  Excursion,  (les  Compagnies  de  chemin 
de  fer  exigeant  la  remise  de  la  liste  des  excursionnistes  8  jours  avant  le  départ). 

Art.  4.  —  11  sera  remis  à  chaque  souscripteur  une  Ca7-te  distinctive  devant 
ser\âr  de  signe  de  ralliement,  et,  le  cas  échéant,  de  justification  d'identité. 

Art.  5.  —  Les  femmes  et  enfants  des  Sociétaires  peuvent  être  admis  à  participer 
aux  Excursions.  Toutefois,  si  les  enfants  ne  sont  pas  accompagnés  de  leur  père  ou 
de  leur  mère,  ils  devront  avoir  au  moins  17  ans. 

Art.  6.  —  Les  frais  généraux  d'organisation  sont  prélevés  sur  les  cotisations 
des  Excursionnistes  à  raison  de  5  */o.  Ce  prélèvement  ne  pourra  dépasser  cinq  francs 
par  personne.  Le  reliquat  disponible  sera  versé  au  Trésorier  pour  être  affecté  à 
l'achat  de  guides  et  cartes. 

Art.  7.  —  Les  Excursionnistes  qui  aJjandonnent  le  groupe  en  cours  de  voyage 
perdent  tout  droit  à  remboursement  et  reviennent  à  leurs  frais  et  risques. 

Art.  8.  —  Les  Membres  de  la  Société  qui  voudraient  bien  se 
clieirger  d'organiser  et  de  diriger  des  Exciirsions  nouvelles , 
sont  priés  de  soumettre  ,  par  écrit ,  leurs  projets  au  Président 
de  la  Commission  des  Excursions. 

Art.  9.  —  Les  comptes  rendus  des  Excursions  devront  être  remis  dans  un  délai 
d'un  mois,  au  Siège  de  la  Société,  pour  être  soumis  à  l'approbation  du  Comité  de 
révision. 

Le  Présirlent  de  la  Commission  des  Excursions, 
Henri  BEAUFORT. 

Vu  et  approuvé  par  le  Comité  d'Etudes , 

Le  Président  de  la  Société , 

Paul  CREPY. 


9  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE    * 


EXCURSION  A  LA  CAPITALE  DE  TAMERLAN 


Conférence  faite  le  13  Novembre  1898, 

Par  M.  Eugène  GALLOIS, 
Membre   des   Sociétés   de   Géographie   de   Paris   et   de   Lille. 


(Suite)  (1). 


CHEMIN    DE  FER  TRANSCASPIEN. 

On  a  déjà  beaucoup  écrit  à  ce  sujet  et  nous  ne  saurions  mieux  faire 
pour  plus  amples  détails  que  de  renvoyer  le  lecteur  à  quelques  ouvrages, 
consciencieusement  et  plus  ou  moins  humoristiquement  écrits,  comme 
ceux  dus  à  la  plume  de  M.  Leclercq,  le  distingué  Président  de  la  Société 
de  Géographie  de  Belgique,  ou  à  colle  de  MM.  Napoléon  Ney,  de 
Pontevès  de  Sabran,  Boulangier  et  autres.  En  une  aussi  courte  étude 
que  celle  que  nous  avons  entreprise  nous  ferons  part,  surtout  des 
impressions  que  nous  avons  notées  en  cours  de  route  et  que  nous 
réunirons  succinctement. 

La  longueur  de  cette  grande  voie  ferrée  dépasse  1.450  kilomètres 
jusqu'à  Samarcande  que  l'on  met  deux  bonnes  journées  à  gagner; 
actuellement  elle  se  prolonge  jusqu'à  Taclikent,  la  capitale  administra- 


(1)  Voir  tome  XXX,  1898,  page  327. 


—  10  - 

tivc  du  Turkestan  russe  (1).  Il  n'est  pas  besoin  de  rappeler  qu'elle  est 
l'œuvre  d'un  général  dont  le  nom  est  devenu  populaire,  Annenkof;  on 
sait  Joute  l'énergie  qu'il  déploya  pour  mener  à  bien  ce  colossal  travail 
qui  demanda  environ  huit  ans.  Sans  faire  l'historique  de  ce  chemin  de 
fer,  pour  rétablissement  du({uel  il  fallut  surmonter  des  difficultés 
multi])les,  parmi  lesquelles  le  manque  d'eau  et  la  traversée  de  dunes 
de  sable  ne  furent  pas  des  moindres,  il  est  bon  de  rappeler  que  ce  fut 
Skobeleff  qui  eut  l'idée  de  construire  un  «Decauville»  pour  ravitailler  ses 
troup<?s  en  campagne  contre  les  Tekkès.  De  là  à  l'établissement  d'une 
grande  voie  pour  poursuivre  leur  œuvre  les  Russes  n'eurent  qu'un 
pas  à  faire  et  c'est  ainsi  que  poussé  d'abord  jusqu'à  Kizil-Arvat,  puis  à 
Merv.  qu'il  atteignait  en  1885,  le  chemin  de  fer  était  poursuivi  jusqu'au 
bord  de  l'Oxus  et  deux  ans  après  son  terminus  était  Samarcande  la 
capitale  de  Tamerlan.  Le  procédé  de  construction  au  moven  des  trains 
dits  :  de  pose  ,  véritables  villages  sur  rails  comprenant  chantiers , 
ateliers,  magasins,  logements,  etc.,  a  déjà  été  assez  souvent  décrit 
pour  que  nous  n'y  revenions  pas. 

Pour  donner  une  idée  générale  du  paysage  qu'offre  le  trajet,  paysage 
en  résumé  fort  monotone,  il  suffira  de  rappeler  quelques  mots  échappés  à 
M.  Leclercq  :  «  A  part  les  bords  de  l'Amou  Daria  (l'Oxus)  et  quelques 
•  rares  oasis,  tout  le  territoire  traversé  par  le  chemin  de  fer  est  d'une 
si  effroyable  désolation  que  l'homme  ne  s'y  sent  pas  à  sa  place.  Une 
instinctive  inquiétude  passe  des  yeux  à  l'âme  à  la  vue  de  cette  nature 
navrante,  répulsive,  destituée  de  tout  ce  qui  peut  charmer  les  sens».  Et 
cependant  malgré  cette  impression  qui  se  dégage  et  n'est  peut-être  pas 
si  intense  chez  tous,  nous  ajouterons  que  cela  ne  doit  pas  rebuter  le 
touriste  désireux  de  voir  et  d'apprendre  et  qui  sera  bien  compensé  de 
ses  peines  ne  fusse  que  par  la  vision  des  fantastiques  ruines  4e 
Samarcande. 

Le  chemin  de  fer  transcaspien  est  avant  tout  une  ligne  stratégique 
qui  a  été  ouverte  au  commerce.  Les  wagons  y  sont  relativement 
confortables,  on  trouve  cependant  un  exigu  wagon-restaurant  où  il 
nous  souvient  avoir  choqué  nos  verres  à  diverses  reprises  avec  des 
dames  et  surtout  des  officiers  russes.  Les  prix  de  parcours  sont  peu 
élevés  et  diminueot  progressivement  au  fur  et  à  mesure  de  l'augmen- 


(1)  Depuis  le  chemin  de  fer  a  été  poussé  jusqu'aux  limites  extrêmes  du  territoire 
russe. 


,  —  11  — 

tation  de  la  distance,  néanmoins  il  ne  faudrait  pas  croire  qu'on  arriverait 
ainsi  à  être  pavé  ou  à  voyager  gratis...  la  progression  a  une  limite. 
Quand  nous  y  sommes  passés  deux  trains  soit  disant  directs  circulaient 
régulièrement  par  semaine  et  de  plus  il  y  avait  chaque  jour  un  train  de 
nuirchandises  prenant  des  voyageurs  de  troisième  classe  seulement  ; 
du  reste  il  n'y  a  que  deux  classes,  c'est-à-dire  secondes  et  troisièmes. 
Les  voitures  sont  peintes  en  couleurs  claires  souvent  en  blanc.  Les 
stations,  inutile  de  le  dire,  sont  généralement  fort  modestes.  Le  service 
est  fait  par  la  troupe  et  les  chefs  sont  des  officiers  appartenant  aux 
différents  grades  suivant  l'importance  de  leur  poste. 

C'est  à  Ouzoun-Ada  que  nous  débarquâmes  sur  les  bords  de  la 
Caspienne  après  nous  être  échoués  sur  un  des  nombreux  bancs  de  sable 
qui  rendent  l'accès  de  la  rade  si  difficile  ;  c'était  à  cette  époque  le  point 
de  départ  de  la  ligne,  établi  autrefois  à  Michaïlowsk,  et  transporté 
depuis  à  Krasnovodsk,  port  d'un  accès  plus  facile. 

Le  débarquement  s'opère  en  plein  sable,  et  l'aspect  de  cette  ville 
embryonnaire  aux  baraques  en  bois  groupées  près  des  ateliers  de 
construction  du  chemin  de  fer  et  de  la  gare  était  peu  récréatif.  On 
aurait  vainement  cherché  une  trace  quelconque  de  verdure,  partout  le 
sable  et  rien  que  le  sable  k  perte  de  vue  dans  la  direction  du  désert. 
Aussi  on  ne  saurait  séjourner  que  le  moins  possible  dans  ce  lieu  de 
spleen  et  l'on  prend  le  premier  train  en  partance. 

La  voie  construite  sur  pilotis  ou  sur  une  digue  s'avance  au  milieu 
de  lagunes  plus  ou  moins  desséchées  ayant  l'aspect  de  certains  chotts 
africains;  à  l'aspect  de  ces  sables  mouvants  on  comprend  de  suite  les 
difficultés  d'exécution  qui  ont  surgi  dès  l'origine  des  travaux.  Les 
tempêtes  ne  sont  pas  rares  dans  ces  dunes  où  les  trombes  de  sable 
tourbillonnant  ont  vite  recouvert  les  rails  et  nivelé  le  sol  ;  un  souffle 
brûlant  rappelant  le  siroco  ou  le  simoun  soulève  une  impalpable 
poussière  qui  vous  suff'oque.  Le  train  est  bloqué  comme  dans  les  neiges 
et  il  faut  alors  raccoler  des  équipes  de  travailleurs  pour  dégager  la  voie, 
cet  emprisonnement  est  relatif  naturellement  et  si  nous  avons  eu  la 
chance  de  n'être  arrêté  qu'une  heure  ou  deux,  il  n'en  a  pas  toujours  été 
ainsi.  11  est  arrivé  parfois  que  ce  n'était  plus  l'encombrement  temporaire 
de  la  ligne  qui  interrompait  le  service,  mais  bien  des  accidents  plus 
graves  et  d'une  réparation  plus  ou  moins  laborieuse,  comme  l'interrup- 
tion de  la  voie  sur  des  étendues  quelquefois  considérables  où  la  tempête, 
pluie  et  vent,  avait  tout  emporté,  rails  et  balast.  Ce  sont  là  heureuse- 
ment des  faits  rares  qui  ne  doivent  pas  influencer  le  voyageur.  Pour 


—  12  — 

assurer  le  bon  état  de  la  voie  autant  que  possible,  on  a  enfoncé  au 
sommet  des  dunes  des  palissades  et  planté  des  tamaris  et  des  arbrisseaux 
«  saksaouls  »,  espèce  herbacée  désertique  par  excellence  qui  plonge 
profondément  dans  le  sable  ses  longues  racines  et  aide  ainsi  au  raffer- 
missement du  sol.  A  cette  traversée  des  sables,  il  faut  ajouter  la 
question  de  température  et  ne  pas  oublier  que  le  Turkestan  est  une 
région  aux  climats  extrêmes,  sec  et  très  chaud  en  été  mais  par  contre 
très  froid  en  hiver  puisque  le  thermomètre  y  descend,  paraît-il,  jusqu'à 
vingt  et  vingt-cinq  degrés  au-dessous  de  zéro  ;  la  meilleure  saison  est 
le  printemps  qui  nous  a  favorisé  quoique  la  chaleur  ait  commencé  à  se 
faire  sentir. 

Quand  on  quitte  le  sable  la  voie  s'avance  au  milieu  des  terres  plates 
qui  se  colorent  légèrement  en  vert  après  les  pluies  mais  prend  la 
majeure  partie  du  temps  l'aspect  jaune  du  désert  ;  néanmoins  on  y  voit 
des  traces  de  culture.  Kazandjick  est  le  premier  centre  habité  que  l'on 
rencontre,  bien-qu'en  plein  désert  d'alluvion.  On  a  laissé  au  nord  une 
chaîne  de  collines  dénommée  le  grand  Balkan  par  opposition  à  une 
autre  de  moindres  dimensions,  dite  le  «  petit  Balkan  »  située  sur  la 
droite.  A  la  suite  est  le  Kuren-Dagh  puis  la  voie  ferrée  longe  lu  pied 
des  montagnes  qui  s'étendent  sur  plusieurs  centaines  de  kilomètres 
inclinant  vers  le  sud-est  et  séparent  la  Transcaspie  de  la  Perse.  Elles 
portent  le  nom  de  Kopel-Dagh  et  profilent  sur  le  ciel  leur  silhouette  peu 
variée  dont  l'attitude  varie  entre  mille  et  quinze  cents  mètres  en 
moyenne.  A  gauche  c'est  le  désert  plat  à  perte  de  vue. 


KIZIL-ARVAT. 

Mais  auparavant  on  a  atteint  la  première  grande  station  de  Kizil- 
Arval,  gros  village  situé  à  217  verstes  de  la  Caspienne.  C'était  là 
qu'aboutissait  jadis  une  des  routes  ou  plutôt  des  pistes  fréquentées 
conduisant  à  Khiva  à  travers  ce  désert,  de  Karakoum  large  de 
plusieurs  centaines  de  kilomètres. 


On  entre  alors  dans  l'oasis  d'Akhal-Atek,  habitée  par  les  fameux 
Tekkès  répartis  dans  un  grand  nombre  de  villages  qui  s'échelonnent 


-  13  — 

sur  la  ligne,  plus  ou  moins  entourés  de  cultures,  grâce  aux  eaux  qui 
coulent  do  la  montagne  à  certaines  époques,  formant  do  minces  et 
temporaires  ruisseaux.  On  estime  la  population  à  plusieurs  centaines 
de  milliers  d'individus  de  cette  tribu  jadis  si  féroce,  groupés  dans 
environ  soixante  mille  tentes. 

Parfois  la  vie  des  champs  se  révèle  par  quelque  charrue  tirée  par 
un  ou  deux  chameaux  ou  par  quelque  cultivateur  isolé,  de  même  que 
de  loin  en  loin  on  aperçoit  des  caravanes  s'avançant  lentement  dans 
ces  solitudes.  Aux  gares  les  officiers  et  les  fonctionnaires,  coiffés  de 
leur  casquette  blanclie  qui  remplace  le  casque  colonial  et  paraît 
rendre  les  mêmes  services,  viennent  se  distraire  en  regardant  passer  le 
train.  Nous  ne  saurions  énumérer  toutes  les  stations ,  comme  un 
vulgaire  horaire,  nous  nous  arrêterons  à  celles  qui  offrent  quelque  intérêt 
ou  évoque  quelque  souvenir  historique  ou  simplement  anecdotique. 
Chemin  faisant  on  a  déjà  remarqué  des  villages  fortifiés  aux  murs  de 
terre  flanqués  de  tours  plus  ou  moins  écroulées,  derniers  vestiges  des 
centres  de  résistance  de  la  population  Tekké  ;  le  plus  imposant  par  ses 
vastes  ruines  est  la  citadelle  de  Ghéok  Tépé  qui  tomba  aux  mains  de 
Skobeleff  le  12  janvier  1881 . 


GEOK-TEPE. 

C'est  là  que  le  vaillant  mais  téméraire  Général,  qui  avait  toutes  les 
audaces  et  un  héroïsme  rare  brisa  définitivement  et  sans  retour  la  puis- 
sance des  Turkmènes,  qui  avaient,  on  se  le  rappelle,  infligé  plusieurs 
échecs  aux  armes  russes.  Il  avait  merveilleusement  pris  ses  dispo- 
sitions et  tenait  tellement  à  frapper  un  grand  coup  et  à  terroriser 
ces  populations  pour  leur  montrer  la  puissance  de  la  Russie,  qu'on 
a  prétendu  qu'il  avait  à  dessein  laissé  entrer  dans  la  citadelle  un 
grand  nombre  d'habitants  avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants.  Le 
siège  de  la  forteresse  est  une  émouvante  page  d'histoire  qu'il  faut 
lire  tout  au  long  pour  voir  les  héroïques  efforts  tentés  de  part  et 
d'autre;  dans  ses  «  notes  de  voyage  d'un  hussard»,  M.  de  Pon- 
tevés-Sabran  en  tait  un  pittoresque  et  passionnant  récit  se  terminant 
par  le  succès  des  Russes  qui  avaient  en  vain  canonné  les  murs 
de  terre  où  s'enfonçaient  les  boulets  impuissants.  11  eut  recours  à 
la  mine  qui  tailla  une  vaste  brèche  dans  l'enceinte  de  plus  d'une  lieue 
de  tour,  dernier  rempart  de  la  puissance  Tekké.  Les  indigènes  furent 


-  14  ^ 

terrifiés,  comme  ils  ravuuèrent  eux-mêmes  par  cette  explosion 
inattendue .  mais  néanmoins  ils  coururent  se  faire  tuer  sur  les 
remparts,  préférant  mourir  que  de  battre  on  retraite.  Devant  l'assaut 
effroyable  ceux  qui  n'avaient  pas  succombé  dans  la  lutte  cherchèrent  à 
prendre  la  fuite,  mais  Skobeleff  lança  à  leur  poursuite  des  cosaques  qui 
ramenèrent  plusieurs  milliers  de  femmes  et  d'enfants  devant  servir  de 
gage  pour  la  paix.  La  journée  avait  coûté  cher  et  si  l'on  comptait  de 
nombreuses  victimes  du  côté  russe,  les  indigènes  auraient  perdu,  s'il 
faut  en  croire  certains  auteurs,  sept  à  huit  mille  hommes.  Le  général, 
qui  avait  bien  payé  de  sa  personne,  faisait  mettre  la  citadelle  en  état 
de  défense,  après  avoir  accordé  quatre  jours  de  pillage  à  ses  vaillants 
soldats.  Un  mois  après,  les  principaux  chefs  avaient  fait  leur  soumission 
et  la  pacification  de  l'oasis  d'Akhal  était  un  fait  accompli. 


ASKABAD. 

A  peine  une  cinquantaine  de  kilomètres  séparent  Géok-Tépé 
d'Askabad,  le  chef-lieu  de  la  Transcaspie.  Malgré  ce  titre  cette  ville 
est  loin  d'avoir  l'envergure  d'une  capitale.  Elle  n'était  il  y  a  à  peine 
dix  ans,  qu'un  modeste  village,  et  maintenant  elle  possède  des  rues 
avec  de  véritables  maisons,  des  boulevards  plantés  d'acacias,  des 
jardins  avec  des  fleurs,  des  places  où  l'on  trouve  des  phaétons  de  louage 
en  station,  peut-être  y  a-t-on  établi  un  service  de  tramway  ou  d'omnibus 
depuis  notre  passage.  11  n'y  manque  rien,  pas  même  un  hôtel,  tenu  par 
une  Française  qui  s'est  eff"orcée  de  nous  recevoir  de  son  mieux,  une 
boulangerie-confiserie,  qui  avait  aussi  comme  patronne  une  de  nos 
compatriotes,  des  photographes,  sans  parler  d'une  église  neuve,  à 
laquelle  avait  également  travaillé  un  entrepreneur  français  établi  à 
Tiflis,  des  casernes,  du  Club  si  accueillant  des  officiers,  etc. 

Nous  avons  i)rononcé  le  mot  de  Transcaspie,  bien  que  d'une  façon 
générale  il  s'applique  aux  pays  situés  au  delà  de  la  Caspienne,  néan- 
moins il  personnifie  plus  spécialement  le  territoire  s'étendant  jusqu'à 
l'Oxus,  et  relève  administrativemenl  du  Gouvernement  général  du 
Caucase,  tandis  que  le  Turkeslan  comprend  le  reste  de  l'Asie  russe 
au-delà  du  grand  fleuve.  Sa  capitale,  nous  l'avons  dit  est  Tachkend. 

Tous  les  voyageurs  semblent  j)lus  ou  moins  s'être  plaints  de  la 
poussière,  mais  dans  ces  i)ays  il  n'y  faut  plus  prendre  garde  ;  un  incon- 


—  15  — 

vénient  plus  grave  c'est  le  clou,  sorte  de  boulon,  frère  du  clou  d'Alep 
ou  de  Biskra,  qui  paraît-il  est  donné  par  l'eau,  il  paraît,  disparaît, 
reparaît  et  est  au  résumé  fort  désagréable. 

De  loin  la  ville  est  comme  enfouie  dans  la  verdure  et  offre  un 
agréable  contraste  avec  le  désert.  Toutes  proches  sont  les  ruines 
intéressantes  d'une  cité  disparue. 


ANAOUR. 

Il  n'y  a  guère  qu'une  douzaine  de  verstes  à  franchir  pour  se  trouver 
au  milieu  des  tours  éventrées,  de  pans  de  murs  de  mosquées  informes, 
le  sol  est  jonché  de  débris  ;  quelle  image  de  tristesse  et  de  désolation 
que  la  vue  de  ces  squelettes  de  cités  mortes  ainsi  perdues  dans 
l'immensité  de  la  steppe  ;  mais  ce  n'est  là  qu'un  avant-goût  de  ce  que 
nous  verrons  plus  loin,  car  ce  sera  au  milieu  de  villes  dont  certaines 
ont  été  considérables  jadis  que  nous  errerons  tout  à  l'heure  à  la 
recherche  de  quelque  débris  informe  de  construction  sous  lequel  nous 
chercherons  à  mettre  un  nom.  Ces  cités  étaient  riches  et  prospères 
quand  est  survenu  le  farouche  envahisseur,  qu'il  ait  été  Gengis  khan, 
Tamerlan  ou  Nadir.  Le  conquérant  semait  la  ruine  sur  son  passage  et 
après  d'épouvantables  massacres  emmenait  le  restant  de  la  population 
en  esclavage.  Ces  immenses  nécropoles  de  l'Asie  centrale  ont  une 
physionomie  toute  particulière  que  nous  ne  saurions  oublier.  Celle  qui 
nous  intéresse  présentement  n'offre  plus  à  notre  curiosité  qu'une 
mosquée  pour  partie  encore  debout,  c'est  tout  ce  qui  reste  à  proprement 
parler  d'Anaour,  mais  elle  charme  encore  par  la  richesse  et  la  fraîcheur 
de  tons  de  sa  décoration  céramique,  souvenir  de  Perse  ;  de  chaque  côté 
de  la  grande  arcade  ogivale  un  dragon  déroule  ses  plis,  tenant  dans  sa 
gueule  une  tulipe  jaune,  le  motif  semble  inspiré  de  l'art  chinois  et  il 
est  regrettable  qu'on  ne  puisse  pas  le  mettre  à  l'abri  des  injures  du 
temps  et  des  déprédations  de  la  nature  et  des  hommes. 

Non  loin,  relativement,  d'Askabad  est,  en  Perse,  la  ville  sainte  de 
Mesched  distante  d'environ  trois  cents  verstes  ;  une  route  carrossable 
y  conduit  et  il  aurait  même  été  question,  paraît-il,  d'établir  un  tramway. 

Mesched  est  une  cité  des  plus  curieuses  s'il  faut  en  croire  certains 
auteurs,  mais  nous  renverrons  pour  sa  description  aux  rares  voyageurs 
qui  l'ont  fait  connaître. 


—  16  — 

Ayant  déjà  franchi  la  moitié  de  la  distance  de  Paris  à  Marseille,  plus 
de  quatre  cents  kilomètres,  nous  nous  trouvons  à  plus  de  moitié  ronte 
de  Merw,  la  dernière  des  oasis  formant  une  sorte  de  chapelet  au  long 
des  montagnes  que  nous  allons  laisser  derrière  nous  pour  nous  engager 
dans  les  solitudes  du  désert. 

A  mi-route  environ  est  la  station  de  Douchak,  d'où  part  une  route 
plus  directe  pour  Meschcd  à  travers  la  montagne.  C'est  la  jonction 
probable  de  la  future  voie  ferrée  qui  gagnera  Hérat  pour  se  prolonger  à 
travers  l'Afghanistan  et  chercher  à  rejoindre  les  lignes  anglaises  des 
Indes  ;  mais  ce  sont  là  des  visées  encore  lointaines  (1).  Le  chemin  de  fer 
qui  suivait  une  direction  plutôt  sud-est  fait  un  brusque  coude  pour 
remonter  vers  le  nord-est,  abandonnant  le  pied  des  montagnes  pour 
s'engager  dans  le  désert  ;  les  dernières  traces  de  verdure  disparaissent 
et  pendant  une  vingtaine  de  lieues  on  traverse  un  coin  de  cette  terre 
de  désolation,  le  Karakoum,  qui  signifie  «  sables  noirs  »  et  paraît, 
d'après  le  nombre  considérable  de  mollusques  qu'on  y  trouve,  n'être 
autre  chose  que  le  lit  d'une  ancienne  mer  qui  occupait  tout  ce  bassin 
aralo  caspien  ,  et  dont  le  fond  argileux  s'est  desséché  sous  l'influence 
des  vents.  Du  reste  l'aspect  général  est  encore  celui  d'une  mer  avec 
ses  vagues  de  sable  fin  aux  crêtes  aiguës,  qui  semblent  déferler  quand  le 
vent  fait  «  fumer  »  la  dune.  C'est  là  un  étrange  et  bien  curieux  spectacle 
auquel  il  nous  a  été  donné  d'assister,  assailli  comme  nous  l'avons  été 
par  une  tempête  à  notre  passage  au  travers  de  ces  mortelles  solitudes. 
Mais  la  verdure  reparaît. . .,  c'est  l'oasis  de  Merw. 


MERW. 

La  fertilité  du  sol  de  cette  oasis  est  réputée,  paraît-il,  dans  toute 
l'Asie  centrale  ;  grâce  à  la  clialeur  humide  du  climat,  tout  y  pousse  à 
souhait,  blé,  S(jrgho,  riz  et  jns(iu'au  coton.  Les  essais  de  cette  culture 
ont  bien  réussi  et  le  produit  en  est  d'aussi  bonne  qualité  que  celui 


(1)  Depuis  les  Russes  ont  modifié  lours  projets  et  ils  ont  poussé  deux  pointes  en 
avant  vers  l'Afghanistan.  Un  premier  tronçon  ferré  se  détache  du  Transcaspien  à 
Merw  et  s'avanco  jusqu'à  Kouckh  aux  portes  d'Hcrat,  tandis  que  lo  second  remonte 
la  vallée  de  l'Amou  Daria,  dans  la  direction  de  Balkh. 


-   17  — 

fourni  par  rAmériquo.  La  production  augmente  et  il  existe  un  véritable 
marché.  Cette  culture  prendra  d'autant  plus  d'extension  qu'en  dehors 
des  encouragements  donnés  par  la  Société  d'agriculture  du  Caucase 
elle  trouvera  un  débouché  assuré  dans  l'industrie  russe  qui  serait 
disposée  à  accorder  à  ces  cotons  la  préférence  sur  leurs  frères 
d'Amérique.  La  population  de  ce  territoire,  dont  la  superficie  est 
d'environ  seize  cents  kilomètres  carrés,  s'élève  à  environ  deux  cent 
cinquante  mille  âmes  réparties  tant  dans  la  ville  et  les  villages  que  dans 
une  cinquantaine  de  milliers  de  tentes.  Quelques  chiffres  compléteront 
ces  données  pour  rendre  compte  de  son  importance;  c'est  ainsi  qu'elle 
possédait,  d'après  un  recensement  remontant  à  quelques  années,  cent 
soixante  mille  moutons,  vingt-quatre  mille  àncs,  douze  mille  chevaux, 
environ  huit  mille  chameaux,  et  quarante  à  cinquante  mille  autres  tètes 
de  bétail  divers. 

Notre  court  séjour  à  Merw  nous  rappelle  encore  un  aimable  accueil 
qui  nous  était  réservé  tant  par  le  colonel  Gouverneur  que  par  son  bras 
droit  le  colonel  résidant  à  Baïram-Ali,  dont  la  sympathique 
réception  nous  a  profondément  touché.  Ce  dernier  avec  une  extrême 
obligeance  a  chargé  son  officier  d'ordonnance,  un  beau  capitaine  de 
cosaques,  parlant  couramment  le  français,  de  nous  faire  les  honneurs 
des  ruines,  dont  nous  allons  chercher  à  donner  une  idée  au  lecteur; 
mais  avant  de  quitter  la  ville  de  Merw,  établie  sur  les  bords  d'une 
modeste  rivière  le  Mourgab,  qui  vient  de  l'Afghanistan  pour  se  perdre 
dans  les  sables,  esquissons  à  grands  traits  la  figure  d'un  officier  dont 
la  carrière  aventureuse  fut  loin  d'être  banale,  le  colonel  Alikanoff  qui 
brille  d'un  vif  éclat  à  côté  de  Skobeleff.  D'abord  il  n'est  pas  russe  à 
proprement  parler  et  de  plus  musulman  ;  étant  capitaine  il  fut  dégradé 
à  la  suite  d'une  altercation  avec  un  de  ses  chefs.  Redevenu  simple 
soldat  il  reconquit  sa  situation  d'officier  dans  la  guerre  russo-turque  ; 
envoyé  au  Turkestan,  il  pénétra  dans  Merw  à  la  faveur  d'un  déguise- 
ment et  prit  ensuite  une  large  part  à  l'annexion  de  l'oasis.  Ce  type 
d'officier,  on  le  voit,  n'est  pas  ordinaire. 

Merw,  qui  du  X*  au  XV^  siècle  fut  une  des  principales  capitales 
de  l'Asie,  l'antique  Mérou,  Maour  au  March  (la  reine  du  monde)  peut 
revendiquer  une  lointaine  origine  s'il  faut  eu  croire  la  tradition  ;  elle 
est  mentionnée  dans  le  Zend-Avesta  ce  livre  des  légendes  plus  ou 
moins  historiques.  Une  cité  aurait  été  fondée  par  Zoroastre  et  aurait 
été  dénommée  :  Giaour  Kala,  une  autre,  Iskander-Kala  aurait  été 
fondée    par    Alexandre  -  le -Grand  ,    du  V    ou    VlIP  siècle  ;    elle 


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abrita  les  Nestoriens.  Deux  siècles  plus  tard  elle  fut  la  capitale  de 
Khorassan  et  vers  le  XI®  ou  XIP  siècle  elle  atteignit  son  apogée. 
Le  conquérant  Gengis  Khan  l'épargna,  ce  que  ne  fit  pas  son  fils 
qui  sut  cependant  ménager  les  artisans  habiles  pour  les  mettre  à 
contribution.  Elle  tomba  au  pouvoir  des  Persans  qui  la  détruisirent. 
Les  habitants  quelques  années  plus  tard  reconstruisirent  leur  cité  mais 
la  repoi'tèrent  plus  à  l'ouest  ;  elle  tomba  ensuite  aux  mains  des 
Ivhivains  dont  elle  resta  tributaire  jusqu'en  1835.  En  1856  les  Tekkés 
s'y  installèrent  et  enfin  après  la  chute  de  Géok  Tépé  elle  fît  sa  soumission 
à  la  Russie  entre  les  mains  du  Général  Komaroff  en  janvier  1884. 

Si  la  ville,  à  côté  de  laquelle  les  Russes  ont  élevé  un  quartier  moderne, 
ne  saurait  retenir  le  voyageur,  il  n'en  est  pas  de  même  des  ruines  qui 
couvrent  une  surface  énorme  et  au  travers  desquelles  nous  avons  erré 
pendant  des  heures,  l'appareil  photographique  et  le  crayon  à  la  main. 
Elles  sont  situées  à  environ  vingt-huit  kilomètres  de  Merw,  auprès  de 
la  station  de  Baïram-Ali,  qu'avoisinent  d'intéressantes  plantations. 
L'aspect  général  est  saisissant  et  pendant  des  kilomètres  le  chemin  de 
fer  passe  au  milieu  de  ces  débris  plus  ou  moins  informes  de  cités 
disparues.  La  scène  est  grandiose  vue  à  distance  ;  à  perte  de  vue  se 
profilent  sur  le  ciel  mille  silhouettes  de  tours,  de  dômes,  de  murs 
dentelés  de  créneaux,  des  enceintes  entières  de  citadelles  encore 
debout  avec  leurs  portes  pittoresques  :  toute  cette  fantastique  architec- 
ture semble  un  décor  de  féerie  surgissant  du  sable,  mais  le  spectacle 
est  encore  plus  impressionnant  quand  on  circule  au  milieu  de  ces 
antiques  débris,  vestiges  des  opulentes  cités  chantées  par  les  poètes 
persans,  dont  les  écoles  furent  des  foyers  de  science  au  cœur  de  la 
mystérieuse  et  barbare  Asie.  Plus  de  traces  de  vie  ;  le  silence  règne 
seul  dans  cette  solitude,  où  l'on  réfléchit  au  néant  des  destinées  et  à  la 
fragilité  des  choses  d'ici-bas  !  Voilà  donc  tout  ce  qui  reste  des  villes 
disparues,  de  trois  cités  (certains  auteurs  vont  jusqu'à  six)  dont  une 
passerait  pour  remonter  à  l'époque  d'Alexandre-le-Grand  et  dont  la 
plus  moderne  aurait  été  complètement  détruite  en  1795  par  l'émir 
Mourad  de  Bokhara. 

Dans  l'enceinte  la  plus  proche  et  la  mieux  conservée,  percée  de 
j)ortes  flanquées  de  tours,  on  peut  distinguer  parmi  des  amoncellements 
de  matériaux  les  restes  assez  considérables  d'un  i)alais  avec  ses  cours 
intérieures,  ses  salles,  surgissant  seulement  de  quelques  mètres 
au-dessus  du  sol,  les  arcades  d'une  musquée  sont  égalemeut  restées 
debout.  Elles  n'ont  du   reste  aucun  caractère  s^)écial  ainsi  qu'il  est 


—  19  — 


facile   de  s'en  convaincre  par  la  vue  ci-contre.  Plus  loin  hors  de 


LA   MOSQUEE    AU   VIEUX   MERW. 

(La  gravure  ci-dessus  et  les  suivantes  ont  été  empruntées  au  «  Moniteur  de  l'Architecture  »,  organe 
de  la  Société  centrale  dos  Arcliitectes  de  Paris). 


l'enceinte  se  dressent  encore  deux  tombeaux,  de  prophètes  ou  saints, 
simples  arcades  à  décors  de  briques  bleues  émaillées.  Devant  de  petits 
enclos  murés  percés  de  portes  à  jour  protègent  les  tombes  que 
surmontent  des  étendards.  Mais  l'édifice  intéressant  par  excellence  et 
vraiment  imposant  par  ses  dimensions,  c'est  le  turbé  ou  tombeau  du 
Sultan  Sandjar  qui  se  dresse  majestueux  dans  la  plaine  toute  bosselée 

de  décombres  recouverts 
par  les  sables.  Cet  édi- 
fice carré  en  partie  ruiné 
peut  mesurer  de  quinze 
à  dix-huit  mètres  de  côté 
sur  vingt-cinq  à  trente 
mètres  de  haut.  Il  se 
compose  d'une  vaste  salle 
coiffée  d'un  dôme  sur- 
baissé. Au  centre  est 
une  modeste  tombe. 
Notre  présence  en  ces 
lieux  déserts  était  venu 
TOMBEAU  DU  SULTAN  SANDJAR.  troubler  la  paisible  re- 

traite'de  quelques  rares 
oiseaux,  seuls  hôtes  de  ce  séjour  désolé.  Nous  n'avons  pu  on  pré- 


ii>-*rrS^ 


'-^&- 


-  20 


sence  de  cette  ruine  que  regretter  de  la  voir  ainsi  abandonnée... 
A  quelque  distance  enfin  est  une  bizarre  enceinte,  dont  la  disposition 


TOMBEAUX   DE    SAINTS   A   MERW. 


ne  se  rencontre  dans  aucun  autre  pays,  composée  de  maçonneries 
pleines  en  terre  aflfectant  à  l'extérieur  la  forme  de  tuyaux  d'orgue  ; 
elle  est  surnommée  la  «  maison  de  la  jeune  fille  ».  Certains  pensent  que 
cette  dénomination  lui  viendrait  de  sa  destination  probable  :  un  harem; 
mais,  c'est  le  cas  de  le  dire,  les  historiens  ne  sont  pas  d'accord. 
D'autres  constriictiuiis  du  même  genre  apparaissent  également  isolées 
dans  la  plaine. 

Telles  sont  aujourd'hui  les  rares  vestiges  d'une  cité  qui  joua  un  grand 
rôle  surtout  à  l'époque  musulmane,  et  compta,  i)rétend-on,  jusqu'à  un 
million  d'habitants.  C'est  là  qu'au  A'IIP  siècle,  le  chiite  Abou-Moslin 
proclama  la  déchéance  des  Omcyades  de  Damas,  c'est  là  aussi  que  le 
calife  Mamoun,  un  des  successeurs  d'Aroun  el  Raschild,  transféra  le 
siège  du  gouvernement  arraché  à  Bagdad.  Ce  fut  en  1221  que  la  Merw 
musulmane  fut  détruite  par  les  Mogols  sous  la  conduite  d'un  fils  de 
Gengis  Khan. 

Chemin  faisant  il  ne  faut  pas  oublier  de  noter  que  nous  avions  vu 
des  maisons  indigènes  encore  debout  avec  leurs  tours  carrées  de  défense 
qui  de  loin  leur  donnent  l'aspect  de  petites  forteresses  ;  elles  nous  ont 
paru  abandonnées  pr)ur  la  pliip.irt. 

Cette  excursion  nous  remet  en  mémoire  une  anecdote  puisée  à  notre 


—  21  — 

carnet  de  route.  Ayant  aperçu  de  loin  des  indigènes  accroupis  autour 
d'une  moite  de  terre,  nous  nous  approchâmes  pour  voir  ce  qu'ils 
faisaient  ;  grande  fut  notre  surprise  en  les  voyant  à  tour  de  rôle  coller 
leurs  lèvres  à  la  terre  puis  se  retirer —  ils  fumaient  !  et  voici  quelle 
est  cette  singulière  pipe.  Les  indigènes  font  un  tas  de  terre-meuble  qu'ils 
tassent  et  retassent  avec  leurs  mains  après  avoir  eu  soin  de  ménager 
un  canal  au  moyen  d'une  cordelette  que  l'on  relire  dès  que  le  tas  est 
fait.  On  élargit  un  des  orifices  qui  devient  le  fourneau  que  l'on  charge 
de  tabac  ;  l'allumer  par  l'autre  bout  en  aspirant  est  facile,  et. le  tour  est 
joué.  Néanmoins  nous  n'avons  pas  été  tenté  d'y  goûter  ! 

En  sortant  de  Toasis  de  Mcrw,  on  se  retrouve  dans  ce  désert  au  sable 
impalpable,  plus  fin  que  celui  du  Sahara,  c'est  une  véritable  mer  figée  à 
travers  laquelle  il  a  fallu  établir  une  chaussée  bétonnée  pour  soutenir 
la  voie  ferrée.  Après  quelques  heures  de  cette....  navigation,  on 
pourrait  presque  dire,  on  pousse  un  soupir  de  soulagement  à  la  vue 
du  premier  brin  d'herbe  ;  il  semble  que  l'on  renaît  à  la  vie.  Le  sable 
finit  assez  brusquement,  et  bientôt  la  sensation  d'une  température  plus 
agréable  réconforte  de  l'accablement  causé  par  l'atmosphère  embrasé 
du  désert.  C'est  ainsi  que  l'on  atteint  la  zone  de  verdure  qui  annonce 
le  voisinage  du  grand  fleuve  du  Turkestan. 

TCHARJOUL 

Tchardjoui  est  le  nom  de  la  ville  importante  peuplée  de  plus  de 
30.000  habitants,  située  non  loin  du  fleuve  ;  il  y  règne  une  grande 
animation  surtout  les  jours  de  marchés  et  le  spectacle  des  représentants 
de  races  les  plus  diverses  aux  costumes  bariolés  offre  un  tableau  des  plus 
curieux.  Le  seul  monument  de  quelque  importance,  est,  si  l'on  peut 
lui  donner  ce  nom,  le  palais  du  bey  ou  beck,  qui  a  beaucoup  d'analogie 
avec  celui  de  l'émir  de  Bokhara  que  nous  verrons  tout  à  l'heure.  Tout 
proche  est  la  station  d'une  importance  capitale,  située  à  près  de  mille 
kilomètres  de  la  mer  Caspienne  ;  c'est  là  le  dépôt  d'une  grande  partie 
du  matériel  de  la  ligne,  non  seulement  en  tant  que  voitures, 
locomotives,  etc.,  mais  aussi  comme  approvisionnement  de  toutes 
sortes.  On  compte  par  dizaines  de  milliers  de  kilomètres  les  rails  déposés 
on  cet  endroit,  et  l'on  comprend  le  soin  que  les  Russes  mettent  à 
l'entretien  de  ce  ravitaillement  quand  on  songe  à  l'éloignement  de  ce 
poste  placé  à  portée  du  grand  fleuve  et  si  loin  de  la  frontière. 

Le  général  Annenkoff  avait  fait  son  quartier  général  do  ce  point  ; 


terminus  de  la  ligne  il  y  a  dix  ans,  c'est  la  résidence  ordinaire  de 
l'Administration  et  du  personnel  ;  aussi  l'animation  est-elle  considérable 
et  nous  nous  rappelons  lors  de  notre  passage  la  foule  grouillante  qui 
s'agitait,  allant  et  venant,  tout  comme  dans  une  de  nos  grandes  gares 
un  jour  de  fête,  mais  bien  autrement  curieuse  et  pittoresque,  il  n'est 
pas  besoin  d'ajouter  ! 

Avant  de  franchir  l'Oxus,  le  fameux  Amou-Daria,  ce  fleuve  si  large 
qu'on  en  distingue  à  peine  la  rive  opposée  et  auquel  nous  avons  trouvé 
de  grandes  analogies  avec  le  Nil,  sur  certaines  parties  de  son  parcours, 
mais  en  moins  pittoresque  et  surtout  moins  artistique,  hâtons-nous 
d'ajouter,  rappelons  que  cet  endroit  peut  être  le  point  de  départ  d'une 
excursion  à  Khiva,  situé  à  quelques  centaines  de  kilomètres  au  nord- 
ouest  non  loin  du  fleuve,  qui,  après  s'être  divisé  en  plusieurs  bras,  va,  on 
s'en  souvient,  se  jeter  dans  la  mer  d'Aral.  Des  bateaux  à  vapeur  russes 
desservent  l'Amou-Daria,  mais  ce  sont  surtout  des  porteurs  à  marchan- 
dises. L'éloignement,  la  perte  de  temps  et  le  manque  de  confort,  sans 
parler  du  peu  d'intérêt  relatif  à  côté  de  la  visite  de  Bokhara  que 
présente  la  capitale  du  khanat  de  Khiva  seront  les  raisons  pour 
lesquelles  elle  sera  bien  rarement  visitée.  Un  des  rares  voyageurs,  qui 
s'y  est  aventuré  avant  la  création  du  chemin  de  fer  et  la  complète 
pacification  du  Turkestan,  M.  Moser,  nous  apprend  qu'elle  est  située 
au  milieu  d'une  oasis  de  plus  de  30.000  kilomètres  carrés,  peuplée 
d'environ  700.000  habitants.  Les  Russes,  nous  l'avons  déjà  dit,  eurent 
des  difficultés  avant  de  pouvoir  s'y  installer,  car  les  Khivains  étaient  de 
forte  race  ;  aujourd'hui,  grâce  au  nouvel  état  de  choses,  les  bienfaits  de 
la  civilisation  se  sont  déjà  fait  sentir  et  l'œuvre  la  plus  méritoire  a  été 
l'abolition  de  l'esclavage.  De  loin  la  ville  présente  une  physionomie 
assez  originale  avec  ses  minarets  et  quelques  dômes,  et  sa  citadelle 
dominant  l'ensemble,  mais  la  visite  est  loin  d'ofl"rirles  charmes  étranges 
de  Bokhara,  paraît-il  ;  les  maisons  en  terre,  et  quelques  mosquées 
sont  bien  les  mêmes  exemples  de  cette  architecture  simple  et 
primitive.  Auprès  do  la  ville  ,  environnée  d'un  parc  étendu 
encerclé  d'un  haut  mur,  est  la  résidence  du  khan  ,  composée  de 
bâtiments  sans  intérêt  spécial  et  de  kiosques  garnis  de  vérandhas. 
Dans  l'intérieur  on  y  voit,  paraît-il,  des  meubles  modernes  déplus  ou 
moins  bon  goût  ainsi  que  dans  les  demeures  des  hauts  personnages,  et 
jusqu'à  des  pianos,  comme  M.  Moser  dit  eu  avoir  vus  !  Cela  ne  saurait 
surprendre  ceux  qui,  comme  nous,  ont  visité  des  palais  de  rajahs  et 
de  sultans  des  pays  exotiques,  dont  les  ameublements  cocasses  nous 
ont  parfois  bien  étrangement  stupéfait. 


—  23  - 

Revenons  au  bord  du  fleuve,  qui  jadis  se  jetait  non  pas  dans  la  mer 
d'Aral,  n'iais  dans  la  Caspienne.  Son  emboucliure  était  proche  de 
l'endroit  où  s'élève  aujourd'hui  Ouzoun-Ada  et  son  cours  devait  suivre 
approximativement  le  tracé  actuel  du  chemin  de  fer  d'après  les  avis 
émis  par  notre  distingué  confrère  M.  Edouard  Blanc,  auteur  d'intéres- 
sants travaux  sur  toute  cette  région  qu'il  connaît  si  bien.  Pierrc-le- 
Grand,  dont  le  génie  a  eu  le  pressentiment  de  tout  ce  qui  pouvait  faire 
la  grandeur  de  son  pays,  et  dont  les  successeurs  se  sont  bornés  à 
réaliser  les  idées  et  les  hardis  projets,  le  fondateur  de  la  Russie,  était 
venu  sur  la  côte  occidentale  de  la  Caspienne  à  l'endroit  où  se  trouve  le 
port  de  Pétrovsk,  et  avait  fait  étudier  le  régime  de  l'Amou-Daria,  si 
bien  que  lorsqu'il  vint  à  Paris  où  il  fut  reçu  par  l'Académie  des  Sciences, 
il  put  rectifier  des  erreurs  alors  accréditées  sur  le  cours  du  fleuve. 

On  a  répété  sur  tous  les  tous  ce  qu'était  cet  audacieux  pont  de  bois 
qui  avait  été  jeté  sur  le  fleuve  aux  eaux  limoneuses,  dont  la  profondeur 
et  le  volume  est  très  variable  suivant  les  saisons.  Ce  chef-d'œuvre  de 
hardiesse  a  surpris  le  monde  entier  et  sa  vue  nous  a  arraché  un  cri 
d'admiration,  quelque  peu  mélangé  de  stupeur.  C'est  qu'il  paraissait 
bien  frêle  et  du  reste  on  ne  le  franchissait  que  très  lentement  ;  aussi  le 
besoin  se  faisait-il  sentir  de  lui  ériger  un  remplaçant  en  fer,  que  l'on 
songeait  à  établir  lors  de  notre  passage,  il  y  a  déjà  quelques  années.  Ce 
pont  bâti  sur  pilotis  était  tout  en  charpente  de  bois  que  l'on  sentait 
craquer  péniblement  sous  le  poids  du  train  ;  il  n'avait  pas  moins  de 
tout  près  d'une  lieue  de  longueur,  reposant  par  parties  à  peu  près 
égales  sur  le  sol  plus  ou  moins  ferme  d'îles  ou  bancs  de  sable  changeant, 
et  franchissant  les  divers  bras  du  fleuve  aux  largeurs  variables  ;  une 
seule  de  ces  branches  avait,  à  elle  seule  plus  d'un  kilomètre.  L'entretien 
de  ce  pont  était  également  fort  coûteux,  cela  va  sans  dire.  Des  accidents 
plus  ou  moins  graves  se  produisaient  fréquemment  et  il  est  même 
arrivé  que  le  pont  a  été  emporté  sur  d'importantes  longueurs  à  diverses 
reprises,  interceptant  toutes  communications  ;  mais  les  voyageurs 
désormais  n'auront  plus  do  crainte  à  avoir  avec  un  pont  en  fer  d'une 
résistance  éprouvée. 

Lorsqu'on  a  franchi  l'Amou-Daria,  on  voit  se  poursuivre  encore 
pendant  quelque  temps  la  contrée  verdoyante  dont  l'aspect  fait  un  si 
agréable  contraste  avec  les  affreux  déserts  delà  région  transcaspienne. 
C'est  surtout  aux  canaux  d'irrigation  que  cette  contrée  doit  sa  fertilité. 
Le  blé,  le  seigle,  et  le  coton  y  senties  principales  cultures  ;  on  y  trouve 
aussi  des  magnaneries.  Mais  bientôt  le  désert  reprend  son  empire, 


succëdaut  brusquement  aux  (.-hamps  cultivés;  du  milieu  des  vagues  de 
sable  surgissent  des  ruines  qui  attestent  un  état  disparu.  C'est  qu'en 
effet,  cette  contrée,  aujourd'hui  ensevelie  en  quelque  sorte  sur  des 
sables  mouvants,  était  d'une  admirable  fertilité  avant  la  prise  de 
Samarcande.  Les  traditions  rapportent  que  tout  le  pays  qui  s'étend  au 
nord  jusque  vers  Khiva  était  jadis  si  peuplé,  qu'un  chat  pouvait  aller 
d'une  ville  à  l'autre  sans  quitter  les  toits  des  maisons  ;  c'est  le  cas  de 
s'exclamer  :  jugez  un  peu  !  Ces  pays  devaient  leur  prospérité  aux 
canaux  d'irrigation,  comme  on  l'a  vu  ;  le  jour  où  ils  s'ensablèrent  par 
négligence  des  habitants,  les  champs  se  changèrent  en  déserts.  Le  seul 
moyen  efficace  pour  ramener  la  fertilité  serait,  il  n'est  pas  besoin 
d'ajouter,  le  rétablissement  desdits  canaux.  Dans  leur  marche  envahis- 
sante et  irrésistible,  les  dunes  semblent  se  diriger  sur  Bokhara,  dont 
elles  approchent  à  grands  pas,  et  le  jour  viendra  peut-être  où  la  grande 
cité  sera  à  son  tour  engloutie  par  des  flots  de  sable  comme  le  fut  jadis 
la  puissante  Merw.  Ainsi  se  réaliserait  une  ancienne  prophétie  à  laquelle 
croient  tous  les  Boukhariens  avec  l'inévitable  conviction  que  donne  le 
fatalisme  musulman.  Ce  serait  là  une  perte  irréparable  et  à  ce  point  de 
vue  des  auteurs  pessimistes  ont,  à  notre  avis,  peut-être  un  peu  été  de 
trop  précoces  prophètes  de  malheur  ! 

Il  y  a  sur  cette  partie  du  parcours  certaines  gares  perdues,  où  l'on 
ne  saurait  longtemps  laisser  des  hommes  sous  peine  de  les  voir  devenir  • 
fous  ;  on  n'a  pas  idée  de  l'affreuse  condition  dans  laquelle  ils  se  trouvent 
ainsi  isolés.  Ils  sont  complètement  ravitaillés  par  les  trains,  cela  va 
sans  dire,  et  à  ce  sujet,  un  des  obstacles,  comme  on  l'a  vu,  qui  a  rendu 
si  pénible  l'établissement  du  chemin  do  fer,  c'est  le  manque  d'eau  ;  on 
y  obvie  au  moyen  du  transport  de  l'élément  indispensable  à  la  vie  dans 
des  sortes  de  citernes  posées  sur  des  trucs,  et  il  faut  voir  ainsi  des  trains 
d'eau  circulant  sur  la  ligne,  comme  entre  Bakou,  Tittis  et  Baloum 
circulent  des  trains  de  pétrole. 

KARAKOUL. 

A  la  station  de  Karakoul  on  trouve  la  première  verdure  avec  un 
nouveau  plaisir,  on  rentre  dans  l'oasis.  C'est  là  que  le  Général 
Anneiikoff  a  tenté  la  culture  de  la  vigne  secondé  par  des  Français  ;  nous 
avons  bu  de  ce  vin  blanc  teinté,  propre  à  faire  du  «  Champagne  ». 
MM.  de  Monlebello  ont,  parait-il,  fait  des  essais  en  ce  genre;  mais  il 
paraîtrait  que  n'ayant  pas  donné  ce  que  l'on  espérait  on  a  renoncé 


à  poursuivre  ces  tenlatives.  La  voie  ferrée  présente  dans  ces  parages 
quelques  travaux  d'art,  modestes  tranchéos  de  quelques  nièlres  de 
])rofondeur. 

C'est  ainsi  que  nous  atteignons  la  fameuse  capitale  des  Etats  de 
l'Emir,  vassal  de  la  Russie,  dont  les  journaux  ont  entretenu  le  public 
à  diverses  reprises,  dernièrement  encore  à  propos  des  grands  événe- 
ments de  l'alliance  franco-russe,  car  l'Emir  qui  a  figuré  aux  fêtes  n*a 
pu  passer  inaperçu,  cela  va  sans  dire,  rien  que  par  l'éclat  éblouissant 
de  sa  personne  toute  constellée  de  diamants.  Qui  aurait  pu  croire  il  y 
a  un  quart  de  siècle  seulement  que  Boukliara  aurait  sa  station  de 
chemin  de  fer,  cette  fanatique  cité  où  de  si  rares  voyageurs  avaient  à 
peine  osé  pénétrer  sous  de  trompeurs  déguisements.  Ainsi  va  le  progrès 
dans  sa  marche  en  avant,  aujourd'hui  des  employés  crient  le  nom  de 
la  station  où  l'on  trouve  un  buffet  ;  mais  en  réalité  elle  est  à  quelque 
distance  de  la  ville,  une  douzaine  de  kilomètres,  le  souverain  ayant 
craint  la  trop  grande  proximité  du  voisinage  de  la  civilisation 
européenne.  Depuis  les  indigènes  se  sont  civilisés  et  ont  compris  les 
commodités  de  cette  innovation,  si  bien  que  lors  de  notre  passage  le 
besoin  d'un  tramway  reliant  la  ville  à  la  gare  se  faisait  déjà  sentir.  A 
quelque  chose  malheur  est  bon,  dit  le  proverbe,  et  dans  l'espèce,  cette 
situation  de  la  ville  à  l'abri  du  contact  immédiat  de  la  civilisation  et 
d'un  de  ces  principaux  agents  de  pénétration,  lui  permettra,  peut-être, 
pour  la  joie  des  touristes  amateurs  de  pittoresque,  de  conserver  plus 
longtemps  sa  couleur  locale  si  intéressante. 

Rappelons  en  passant  que  les  Etats  de  l'Emir  mesurent  une  surface 
de  248.000  kilomètres  carrés,  soit  environ  les  deux  cinquièmes  de  la 
surface  de  la  France  ;  mais  ils  ne  comptent  guère  que  trois  millions 
d'habitants.  Proche  de  la  gare  s'élève  une  ville  russe  embryonnaire  aux 
rues  peuplées  seulement,  il  y  a  quelques  années,  de  rares  et  modestes 
habitations  ,  demeures  de  fonctionnaires,  postes  et  établissements 
publics,  et  surtout  un  hôtel,  aussi  rudimentaire  que  ceux  que  nous 
aA'ons  trouvés  au  Turkestan.  La  seule  habitation  ayani  quelque  tournure 
était  la  résidence  de  M.  Lessar,  l'agent  diplomatique  j)lacé  par  la 
Russie  auprès  de  l'Emir.  La  haute  compétence  de  ce  fonctionnaire 
l'avait  appelé  à  ce  poste  important.  Nous  ne  saurions  oublier  l'accueil 
si  gracieux  qu'il  nous  fit  à  mes  compagnons  et  à  moi,  et  nous  sommes 
heureux  de  saisir  encore  l'occasion  de  le  remercier  ici,  au  nom  de 
l'alliance  qu'il  avait  ainsi  mise  en  pratique,  avant  sa  sanction  officielle. 

{A  suivre). 


-  2G  — 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN  1898. 


L'ASCENSEUR  DES  FONTINETTES , 
ARQUES  ET  ST-OMER. 


Excursion  du  Jeudi  5  Mai  1898. 


Directeurs  :    MM.    Cantine  au    et    Vaillant. 


La  Société  de  Géographie  a  visité  plusieurs  fois  déjà  le  remarquable  Ascenseur 
des  Fontinettes  ;  mais  les  générations  se  succèdent,  curieuses  de  voir  ce  prodigieux 
appareil  qui  jongle  si  facilement  avec  les  bateaux  de  300  tonnes. 

M.  Gruson,  le  distingué  ingénieur  en  chef  du  département,  notre  concitoyen,  qui 
est  Fauteur  de  cette  œuvre  gigantesque,  a  fait  le  plus  aimable  accueil  à  notre 
demande  de  visite  ;  avec  la  cordialité  qu'on  lui  connaît  à  l'égal  de  sa  haute 
science,  il  a  voulu  accompagner  lui-même  notre  groupe  pour  donner  toutes  les 
explications  qui  nous  ont  fait  clairement  comprendre,  non  seulement  le  principe, 
mais  encore  le  mécanisme  de  l'Ascenseur. 

Partis  à  7  h.  05,  nous  débarquâmes  à  St-Omer  à  8  h.  25  ;  à  peu  de  distance  de  la 
gare,  à  l'écluse  de  St-Bertin,  la  grande  barque  des  Ponts  et  Chaussées,  avec  loggia 
■vitrée,  attendait  les  dames  ;  un  rapide  cheval  la  hâla  si  bien  que  les  piétons  durent 
marcher  vivement  pour  la  suivre.  Nous  dépassâmes  le  curieux  ouvrage  carré  qui 
permet  de  laisser  couler  à  volonté  l'eau  de  l'Aa  à  travers  le  canal  de  Neuffossé 
vers  les  Wateringues,  et  à  9  h.  nous  vîmes  apparaître  la  haute  tour  en  briques  et 
les  charpentes  en  fer  de  l'ingénieux  appareil. 

Aussitôt,  M.  Gruson  et  M.  Dupcrrier,  Tingénieur  ordinaire  venu  de  Dunkerque, 
nous  donnent  toutes  les  explications  nécessaires  pour  comprendre  le  mécanisme 
de  ce  colossal  instrument  qui  doit  supporter  des  charges  de  1.500.000  kilos;  il  a 
été  inauguré  le  8  Juillet  1888  par  M.  Deluns-Montaud,  Ministre  des  Travaux  publics 
et  visité  peu  après  par  le  Président  Garnot.  Nous  assistons  à  la  manœuvre  de 
montée  et  de  descente  de  plusieurs  bateaux  et  nous  sommes  émerveillés  de  la 
puissance  et  de  l'utilité  de  l'Ascenseur,  ainsi  que  de  la  facilité  avec  laquelle  il 
fonctionne.  Il  seml)le  une  gigantesque  balance  avec  un  fléau  inférieur  remplacé  ici 
par  une  conduite  d'eau  ;  les  plateaux  sont  deux  grands  bacs  oii  flottent  les  grandes 
l)élandrcs  de  39  m.  montant  et  descendant  par  le  mouvement  do  bascule,  qu'elles 
soient  chargées  ou  vides,  suivant  le  principe  d'Archimède  ;  la  pression  dans  les 
grandes  presses  hydrauliques  et  les  conduites  d'eau  est  de  30  atmosphères,  le çoids 


de  chaque  plateau  chargé  étant  d'environ  800,000  kilos  ;  roscillation  pour  franchir 
les  13  m.  15  do  hauteur  d'un  bief  à  l'autre  dure  quelques  minutes,  mais  les 
manœuvres  des  bateaux  pour  entrer  ou  sortir  des  sas  ont  une  durée  variable,  en 
moyenne  10  minutes,  selon  leur  grandeur  et  leur  charge. 

Ce  n'est  pas  sans  de  prodigieux  efforts  de  science  et  d'énergie  qu'on  est  parvenu 
à  installer  ce  curieux  appareil  (1),  puis  à  le  réparer  lorsqu'on  1893  des  mouvements 
du  terrain  très  instable  par  nature  (sables  boulants,  c'est-à-dire  fine  argile  très 
sableuse),  eurent  occasionné  des  crevasses  à  la  maçonnerie,  dès  lors  insuffisamment 
étanche.  M.  Gruson  nous  raconte  ses  déboires  quand,  s'étant  servi  de  la  méthode 
de  congélation  du  sol  pour  réparer  ces  maçonneries,  il  fut  surpris  par  la  pluie  dilu- 
vienne tout  à  fait  unique  et  inoubliable  du  31  Octobre  1894,  laquelle,  nous  le  savons, 
produisit  de  désastreuses  inondations  dans  toute  notre  région  ;  elle  apporta  là  25  m. 
d'eau  qui  détruisirent  la  congélation,  occasionnant  un  retard  d'un  an  avec  un  sup- 
plément de  300.000  fr.  de  réparations.  Quel  sang-froid  il  a  fallu  alors  à  l'ingénieur 
en  chef  pour  empêcher  la  destruction  complète  de  son  oeuvre. 

Après  avoir  compris  l'Ascenseur,  nous  allons  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  biefs 
d'amont  et  d'aval  et  nous  visitons  l'ancienne  série  d'écluses  ,  immense  escalier  à 
l'usage  des  bateaux  qui  mettent  deux  à  trois  heures  à  le  franchir.  On  a  conservé  ce 
système  comme  secours  d'opération  en  cas  d'encombrement,  ou  en  cas  de  répara- 
tions importantes. 

Il  passe  à  l'Ascenseur,  au  plus  75  bateaux  par  jour,  40  à  50  en  moyenne  ;  il  en  a 
passé  11.159  en  1897  avec  1.887.344  tonnes.  Les  bateaux  n'ont  pas  de  frais  de  pas- 
sage autres  que  le  paiement  des  hâleurs  qui  les  tirent  pour  traverser  les  bacs  entre 
les  biefs. 

Il  est  10  h.  30,  nous  nous  rendons  à  la  fabrique  de  bouteilles  de  MM.  Ed.  Ver- 
meesch  et  G'e ,  tout  près  du  pont  d'Arqués.  Nous  sommes  reçus  avec  beaucoup 
d'amabilité  ;  on  nous  initie  à  la  préparation  du  verre  et  à  sa  fusion,  puis  à  la  cueil- 
lette en  trois  fois,  au  soufflage  des  bouteilles  à  la  bouche,  terminé  à  la  mécanique  ; 
aux  diverses  opérations  de  moulage,  de  timbrage,  de  cuisage,  etc.  ;  on  nous  offre 
même  des  larmes  bataviques.  On  nous  montre  la  fabrication  des  creusets  avec  de 
la  terre  spéciale  venue  de  l'Oise  et  des  vieux  creusets  pulvérisés  ;  il  faut  six  mois 
pour  bien  fabriquer  et  sécher  un  creuset  qui  ne  dure  pas  le  quart  de  ce  temps  à 
l'usage. 

Nous  croyons  reconnaître  à  l'aspect  des  ouvriers,  que  l'industrie  du  verre  n'est 
plus,  comme  elle  l'était  encore  au  siècle  dernier,  l'apanage  des  gentilshommes,  qui 
pouvaient  être  verriers  sans  déroger,  en  vertu  de  l'ordonnance  rendue  en  1300  par 
Philippe-le-Bel.  Au  XV"  siècle,  les  gentilshommes-verriers  obtinrent  des  privilèges 
importants  qui  firent  naître  de  nombreuses  réclamations  contre  ces  ouvriers 
exempts  de  la  taille  par  les  autres  ouvriers  et  contre  ces  ouvriers  nobles  par  les 
nobles  non  ouvriers  ;  une  ordonnance  d'Henri  IV  en  Juillet  1603,  fit  cesser  ces 
dissidences. 

Nous  partons  ensuite  en  voiture  pour  St-Omer,  passant  sur  le  pont  de  l'Aa  où  se 
trouve  une  minoterie  importante  et  en  face  le  vieux  château  dArques  daté  de 
1664,  à  côté  de  l'église  à  la  flèche  gothique  de  1776. 

Avant  midi,  nous  atteignons  St-Omer;  la  double  enceinte  bastionnée  vers  la  porte 
d'Arras  n'existe  plus  et  depuis  le  démantèlement  de  1893-94,  toutes  les  rues  qui 
aboutissaient  aux  remparts  débouchent  vers  la  campagne  ;  on  peut  aujourd'hui  se 


(1)  Voir  :  description,  plan  et  coupes  dans  le  Bulletin  d'Août  1889. 


-  28  - 

rendre  du  dehors,  droit  à  la  Cathédrale  et  au  Palais  de  Justice  son  voisin,  ainsi 
que  vers  le  quartier  de  St-Bcrtin. 

M.  Gruson,  toujours  afïable,  a  bien  voulu  accepter  de  présider  notre  dîner,  pen- 
dant lequel  nous  sommes  heureux  de  pouvoir  rendre  un  respectueux  et  éclatant 
hommage  à  sa  science  et  à  sa  cordiale  obligeance.  Après  le  repas,  nous  lui  expri- 
mons tous  de  nouveau  notre  vive  gratitude  et  il  reprend  la  route  de  Lille  pendant 
que  nous  nous  dirigeons  vers  le  Musée  Dupuis,  tout  voisin  de  Thôtel.  Le  conser- 
vateur, ]\I.  Charles  de  Pas,  veut  bien  nous  y  attendre  pour  nous  montrer  les  superbes 
et  nombreuses  collections  qui  ont  été  léguées  à  la  viUe  en  1889  avec  la  maison  qui 
les  contient,  située  au  Marché  au  Poisson.  Tout  est  resté  tel  que  l'avait  installé  le 
donateur  :  faïences  curieuses,  oiseaux  du  pays  empaillés  par  lui,  et  surtout  splen- 
dide  collection  de  coquillages  actuels  et  fossiles  avec  l'image  peinte  sur  verre,  de 
l'animiil  de  chaque  espèce  circulant  en  vie,  etc.,  etc. 

M.  De  Pas,  Térudit  conservateur,  veut  bien  nous  guider  et  nous  renseigner,  puis 
il  nous  conduit  au  Musée  archéologique  installé  dans  l'ancien  hôtel  du  bailliage  du 
XVIIP  siècle  sur  la  Grande-Place.  Nous  y  voyons  une  admirable  collection  de 
médailles  romaines,  dont  plusieurs  très  rares  en  or  ;  puis  des  collections  françaises 
et  flamandes,  le  sceau  de  St-Omer  du  XIIP  siècle  et  beaucoup  d'autres  ;  la  curieuse 
matrice  en  ivoire  du  sceau  de  St-Bertin  du  XIV«  siècle,  pièce  unique  et  sans  prix  ; 
puis  chose  qui  nous  intéresse  spécialement,  la  matrice  en  cuivre  du  sceau  du 
couvent  de  Thôpitid.  St-Sauveur  de  Lille,  portant  :  Coventus  hospital  S.-Salvator 
Isulen  (pour  Insidensis).  Plus  loin  sont  les  faïences  de  l'Evesque  au  Haut-Pont  en 
1750  et  d'autres  de  St-Omer,  dites  de  Lille  pour  leur  donner  de  la  valeur.  Puis 
nous  admirons  les  émaux  cloisonnés  d'un  très  beau  pied  de  Croix  en  bronze  du 
XIP  siècle,  provenant  de  l'abbaye  de  St-Bertin.  Dans  la  collection  d'armes  il  y  a 
des  épées  saxonnes  dont  les  inscriptions  n'ont  pu  être  traduites,  même  pendant 
leur  séjour  à  l'Exposition  de  1880. 

Le  Musée  des  tableaux  est  tout  voisin  dans  l'Hôtel  de  Ville  (monument  signalé 
en  AoiJt  1889)  ;  la  collection  peu  importante,  est  intéressante  par  les  œuvres  des 
artistes  audomarois  qui  sont  nombreux,  et  dont  quelques-uns  sont  devenus  célèbres; 
ainsi  nous  remarquons  parmi  les  œuvres  d'Alph.  Deneuville,  son  fameux  tableau 
du  Salon  de  186i  :  V Attaque  de  Magenta  par  les  Zouaves  de  la  Garde -^  de  Léon 
Belly  :  les  Sirènes  autour  du  navire  d'Ulysse,  médaillé  à  l'Exposition  universelle 
de  1867,  etc.,  etc.  Mais  ce  que  nous  sommes  surpris  de  trouver  ici,  c'est  un  tableau 
de  notre  concitoyen  César  Ducornet,  le  peintre  sans  bras,  né  à  Lille  le  10  Janvier 
1806,  qui,  médaillé  en  1822  aux  Écoles  académiques,  reçut  de  la  ville  de  Lille  une 
pension  pour  aller  étudier  5  Paris,  oii  il  obtint  des  médailles  en  1810,  1841  et  18i3; 
ce  tableau  de  41  cent,  sur  33  représente  une  Baigneuse.  Nous  voyons  ensuite  des 
antiquités  de  l'abljaye  de  Clairmarais  et  aussi  de  celle  de  St-Bertin,  dont  nous 
remarquons  la  maquette  ;  il  y  a  aussi  des  tapisseries  d'Arras,  des  armes  du  Moyen- 
Age  et  une  collection  de  faïences  de  tout  le  Nord  de  la  France. 

Nous  remercions  vivement  M.  Ch.  de  Pas  de  son  aimable  complaisance  et  nous 
partons  rapidement  pour  la  Bibliothèque  nouvellement  construite  dans  la  rue  Gam- 
betta,  à  côté  du  Lycée,  en  face  des  bureaux  du  Génie  militaire  installés  dans  l'an- 
cien refuge  des  moines  de  l'abbaye  St-Winoc  de  Bergues,  que  le  Lillois  Jean  Six, 
évêque  de  StOmer,  érigea  en  Séminaire  au  XVI'  siècle.  Elle  abrite  maintenant, 
avec  sécurité  :  les  archives,  jadis  exposées  à  la  destruction,  contre  la  salle  de 
.spectacle  aménagée  dans  une  aile  de  l'Hôtel  de  Ville,  et  aussi  la  Bibliothèque 
municipale,  dont  les  richesses  relativement  importantes,  surtout  en  manuscrits, 
étaient  entassées  dans  les  combles  du  Lycée.  Elle  possède  parmi  ses  21.000 
volumes,  une  quarantaine  d'incunables,  dont,  le  troisième  exemplaire  de  la  Bible 


'—  2S)  — 

Mazarine,  les  deux  autres  étaut  à  Londres  et  à  Paris,  et  I-caucoup  de  livres  pré- 
cieux provenant  des  abbayes  de  St-Bertin  et  de  Clairmarais,  ainsi  que  de  la  Char- 
treuse de  Longuenesse.  Gomme  documents  de  haute  valeur,  nous  voyons  aussi  les 
Archives  et  le  Gartulaire  de  St-Ber(in  ;  les  Archives  des  Argentiers  de  St-Omer,  de 
1450  à  1786,  avec  une  lacune  de  1677  à  1700;  les  Archives  ecclésiastiques  depuis 
Charles-Quint;  les  Lettres  des  Papes  depuis  Nicolas  II  (Pape  dès  1058),  etc.,  etc. 

Nous  remercions  chaleureusement  le  bibliothécaire,  M.  Framezelle,  de  sa  grande 
obligeance,  ainsi  que  M.  Maillond,  professeur  d'histoire  au  Lycée,  qui  a  bien  voulu 
nous  donner  d'utiles  renseignements.  ^ 

A  propos  d'archives,  je  soumets  aux  psychologues  une  anecdote  restée  dans  ma 
mémoire  sans  plus  de  détails.  Vers  1785,  un  Audomarois  confiant  dans  la  décou- 
verte de  Franklin,  voulut  dompter  la  foudre-et  établir  sur  sa  maison  un  paraton- 
nerre ;  ses  voisins,  craignant  de  voir  le  dompteur  dévoré  et  d'être  atteints  eux- 
mêmes,  s'opposèrent  à  la  fantaisie  de  leur  scientifique  concitoyen.  Un  jeune  avocat 
d'Arras,  de  piètre  figure  et  d'un  talent  restreint,  mais  honnête,  austère  et  timide, 
vint  à  St-Omer  plaider  pour  la  science  ;  ce  fut  sans  succès.  Or,  cet  humble  et 
calme  progressiste,  ce  médiocre  poète  qui  faisait  partie  des  Rosati,  cet  avocat  mal- 
heureux du  paratonnerre,  devint  par  un  miracle  des  temps  troublés,  le  farouche 
Conventionnel  Maximilien  Robespierre,  le  Tyran  qui  aimait  tant  la  guillotine  qu'il 
en  usa  lui-même à  contre-cœur,  sans  doute. 

Cependant  nous  nous  hâtons  vers  la  Cathédrale,  si  intéressante  sous  tous  les 
rapports  (v.  Bull.  Aoiît  1889)  ;  portail  latéral  et  chevet  avec  leurs  ogives,  leurs 
arcs-boutants,  leurs  piliers  et  leurs  clochetons  de  différentes  époques  captivent  le 
visiteur,  tout  autant  que  les  tombeaux,  les  ex-voto  en  marbre  ou  en  albâtre  et  les 
autres  richesses  de  l'intérieur,  jusqu'au  grand  Dieu  de  Thérouanne,  dont  l'appa- 
rence ultra-archaïque  arrête  quand  même  le  touriste,  qui  y  retrouve  la  simplicité 
toute  majestueuse  des  âges  primitifs. 

La  pluie  nous  surprend  pendant  cette  visite  et  nous  avons  la  déception  de  ne 
pouvoir  jouir  du  haut  de  la  tour  d'une  vue  panoramique  charmante,  surtout  dans 
la  direction  de  la  Flandre,  oii  l'on  voit  comme  de  près  le  Mont  Cassel  qui  est  à 
18  kilom..  et  aussi  le  Mont  de  Watten.  Il  faut  cependant  songer  au  retour,  on  se 
lance  bravement  à  travers  l'ondée  qui  tombe  un  peu  trop  tôt  et  nous  ne  pouvons 
que  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  ruines  de  l'abbaye  de  St-Bertin,  où  fut  enfermé  et 
mourut  en  755,  Childéric  III,  le  dernier  Mérovingien.  Cette  riche  et  ancienne  abbaye 
ne  fut,  dit-on,  qu'indirectement  détruite  par  les  révolutionnaires  ;  ils  ne  firent  qu'en- 
lever les  couvertures  en  plomb  de  la  basilique,  sauf  celle  de  la  tour  qui  existe 
encore,  mais  la  pluie  et  les  intempéries  désagrégèrent  les  voîjtes  et  crevassèrent 
les  murailles  ;  puis  quand  arriva  1830,  on  donna  de  l'ouvrage  aux  ouvriers  inca- 
pables de  restaurer  l'intéressant  monastère,  en  le  faisant  démolir  ;  on  ne  laissa  que 
la  tour  avec  quelques  arcades  qui  s'y  appuient. 

Nous  saluons  ensuite  au  passage  la  statue  de  l'héroïne  du  siège  de  1711,  Jacque- 
line Robyns,  dont  l'attitude  énergique  nous  frappe  (v.  Bull.  Octobre  1888),  et 
quelques  minutes  après,  à  5  h.  40,  nous  sommes  dans  le  Iraiii  qui,  à  7  h.  30,  doit 
nous  déposer  sur  les  quais  de  la  gare  de  Lille. 

Le  raid  dans  Hazebrouck  ne  put  être  exécuté,  des  grenouilles  elles-mêmes 
n'auraient  pas  voulu  le  tenter  à  travers  les  ondées  torrentielles  qui  ruisselèrent 
sur  nos  wagons  pendant  la  route  ;  heureusement ,  elles  cessèrent  pour  notre 
arrivée. 

E.  Cantineau, 

.\rchiviste  de  la  Société. 


-  30  - 


BRUXELLES.  —  LIEGE.  —  SPA.  — 
ROGHEFORT.  —  GROTTES  DE  HAN.  —  DINANT. 


Directeurs  :  MM.  Van  Troostenberghe  et  Rollier. 


13-18  Juillet  1898. 


Le  13  Juillet,  18  excursionnistes  répondent  à  l'appel  de  MM.  Van  Troostenberghe 
et  Rollier.  L'itinéraire  ,  tracé  à  travers  l'une  des  contrées  les  plus  pittoresques  de 
la  Belgique,  comportait,  défalcation  faite  du  jour  de  départ,  cinq  journées  ainsi 
réparties  : 

Le  14.  Liège,  Seraing  et  les  Usines  Cockerill. 

Le  15.  Ghaudfontaine,  Spa. 

Le  16.  Rochefort,  Han-sur-Lesse,  les  Grottes. 

Le  17.  Dinant. 

Le  18.  Namur  et  retour  à  Lille. 

Ce  programme  peut  sembler  chargé  à  première  vue.  De  fait ,  à  qui  vou- 
drait avoir  une  connai.ssance  un  peu  approfondie  du  centre  industriel  de  Liège,  par 
exemple,  il  faudrait  un  temps  aussi  long.  Les  promenades  qui  font  le  charme  de 
Spa  occuperaient  trois  journées.  Mais  le  but  visé  était  tout  autre,  et  il  fut  atteint  à 
la  satisfaction  de  tous. 

En  ce  temps  relativement  court,  nous  pûmes  visiter  Liège,  et  près  de  cette  ville, 
l'un  des  ateliers  les  plus  vastes,  les  mieux  outillés  de  l'industrie  métallurgique, 
puis  parcourir  les  vallées  tour  à  tour  riantes  et  sauvages  de  la  Vesdre,  de  TOurthe, 
de  la  Lesse,  de  la  Meuse.  Les  villes  nous  retinrent  peu  ,  moins  certes  que  les  sites 
pittoresques  dont  fourmille  toute  cette  région.  A  deux  reprises ,  de  Rochefort  à 
Dinant,  de  Dinant  à  Namur,  nous  délaissons  le  rapide  mais  prosaïque  moteur  à 
vapeur,  et  c'est  en  voiture  découverte,  dans  une  vaste  tapissière  que  nous  voya- 
geons. Rien  ainsi ,  n'est  perdu  pour  nos  yeux  ,  de  cette  petite  Suisse  que  nous  tra- 
versons. Grâce  à  l'ingénieuse  prévoyance  de  notre  Directeur,  c'est  tout  à  notre 
aise,  posément,  que  nous  nous  réjouissons  les  yeux  du  spectacle  de  cette  nature, 
si  changeante  en  ses  beautés,  et  si  différente  de  notre  Flandre  :  c'est  la  plaine, 
mais  onduleuse,  tantôt  riche  de  moissons,  tantôt  pauvre,  laissée  à  la  jachère.  C'est 
le  cours  d'une  rivière  aux  méandres  nombreux  comme  celui  de  l'Ourthe,  que  vous 
voyez  tour  à  tour  apparaître,  puis  disparaître,  do  la  façon  la  plus  capricieuse,  ou 
calme,  tranquille,  comme  celui  de  la  Meuse.  C'est  l'horizon  dentelé  des  Ardennes 
verdoyantes  ou  rocheuses,  bois  épais  ou  pentes  abruptes  et  déchiquetées  oii 
•s'ouvrent  de  nombreuses  carrières  de  grès  bleu. 

Et,  dans  nos  souvenirs  à  tous,  à  côte  des  sauvages  grandeurs  que  nous  dôvoi- 


-al- 
lèrent les  grottes  de  Han  ,  surnagera  le  charme  inoubliable  de  ces  deux  longues 
chevauchées  par  monts  et  par  vaux. 

DÉPART.  —  Deux  compartiments  nous  ont  été  gracieusement  réservés  dans 
l'express  de  1  h.  56.  —  Présentations  faites  ,  toute  gène  disparaît  bientôt  ,  et  c'est 
gaîment  que  l'on  devise,  tandis  que  nous  filons  vers  Bruxelles. 

Blandain,  visite  de  douane  après  laquelle  nous  remontons  en  voiture.  Dès  lors , 
nous  n'avons  plus  à  descendre  avant  l'arrivée  à  Liège.  Quelques-uns  toutefois  n'ont 
pu  trouver  place  avec  nous,  et  à  Bruxelles,  oii  nous  touchons  quelques  minutes 
seulement,  ont  failli  prendre  une  fausse  direction.  L'alerte  fut  courte  heureu- 
sement. 

4  h.  50  m.  —  Nous  repartons,  mais  moins  gais.  La  pluie  tombe  fine,  serrée,  et 
ne  discontinue  guère  jusque  notre  arrivée.  Le  ciel  se  couvre  de  nuages  de  plus  en 
plus.  Lorsque  nous  approchons  de  Liège  —  sept  heures  n'ont  pas  sonné  —  le  jour 
est  tombé,  et  nous  ne  faisons  qu'entrevoir  du  haut  du  viaduc  qui  les  domine,  les 
faubourgs  de  Liège,  puis  Liège  elle-même.  Nous  débarquons  à  7  h.,  gare  des 
Guillemins ,  d'oii  le  car  nous  emmène  jusque  l'Hôtel  de  Suède.  —  Rapide 
toilette,  et  à  7  h.  1/2  nous  nous  trouvons  pour  la  première  fois  réunis  au  complet. 
Un  trajet  à  peu  près  ininterrompu  de  cinq  heures  a  ouvert  l'appétit  et  l'on  fait 
honneur  au  menu.  L'on  fait,  en  même  temps,  plus  intimement  connaissance,  et  la 
conversation  devient  bien  vite  générale.  On  se  sépare  sur  cette  consolante  consta- 
tation que  le  baromètre  semble  nous  donner  espoir  pour  notre  première  journée. 

14  Juillet.  —  Nos  craintes  de  la  veille  s'évanouissent  en  effet  à  la  clarté  d'un 
gai  soleil.  Après  le  déjeuner,  c'est-à-dire  vers  9  h.,  nous  allons  prendre  au  quai  de 
l'Université  le  car  qui  doit  nous  porter  à  Seraing.  Le  trajet  de  8  kilomètres  que 
nous-mettons  20  minutes  à  parcourir,  suit  la  route  entre  la  Meuse  et  les  collines 
qui  bordent  sa  rive  gauche. 

Nous  traversons  un  quartier  ouvrier  et  industriel,  et  remarquons  au  passage  les 
Ateliers  de  construction  de  la  Meuse,  les  Usines  de  la  Vieille-Montagne  situés  sur 
la  rive.  Sur  les  hauteurs  sont  les  puits  d'extraction  ou  d'aérage  des  mines  de 
houilles  qui  s'étendent  sous  la  ville  même. 

Il  est  10  h.  quand  nous  traversons  la  Meuse,  sur  un  pont  suspendu,  en  face 
même  de  l'Usine  Gockerill.  Les  dames  nous  ont  accompagnés  jusque  là.  Mais  le 
règlement  est  formel  et  leur  interdit  l'entrée  des  ateliers.  Elles  se  séparent  de 
nous,  et,  par  le  bateau-mouche,  regagnent  Liège. 

Gockerill.  —  Un  de  nos  collègues,  en  1892,  dans  un  rapport  très  documenté,  a 
fourni  sur  cette  Société  les  renseignements  les  plus  complets  et  les  plus  intéres- 
sants. Je  me  borne  donc  à  quelques  chiffres  qui  rappellent  la  place  importante 
qu'elle  occupe  dans  l'industrie  métallurgique. 

Elle  occupe  environ  10.000  ouvriers.  La  force  motrice  employée  s'élève  à  23.000 
chevaux.  Sa  production  augmente  progressivement  : 

Gharbons 26.000  tonnes. 

Coke 124.000  » 

Minerais 300.000  » 

Fontes  diverses 220.000  » 

Rails,  bandages,  aciers,  canons 1 10.000  » 

Tôles,  poutrelles,  barres,  etc 32.000  » 

Machines,   chaudières,  locomotives,   canons,    cou- 
poles, navires,  etc. . . .    42.500  » 


—  32  — 

La  superficie  de  rétablissemeut  est  de  près  de  80  hectares. 

Dès  notre  arrivée,  un  guide  est  mis  à  notre  disposition  et  nous  conduit  dans  les 
divers  chantiers. 

Dans  la  première  halle,  qui  a  120  m.  de  longueur  sur  45  m.,  et  dans  ses  annexes, 
plusieurs  centaines  de  machines-outils  percent,  tournent,  rabotent,  taraudent, 
façonnent,  polissent  l'acier,  transforment  un  bloc  informe  en  un  bijou  de  préci- 
sion. Dans  le  même  bâtiment  est  la  boulonnerie. 

Au  montage,  s'ajustent  les  mille  pièces  des  locomotives,  volants  de  toute  taille, 
machines  diverses  pour  les  mines,  pour  la  marine.  Il  comprend  plusieurs  halles. 
Dans  la  plus  importante,  haute  de  20  mètres,  desservie  par  des  grues  de  15  tonnes, 
se  trouvent  les  machines-outils  de  grande  puissance ,  les  tours ,  dont  l'un  a  été 
construit  pour  tourner  des  plongeurs  de  presse  hydraulique  de  2  m.  de  diamètre. 

Au  sortir  du  montage ,  guidés  par  les  coups  sourds  qui  ébranlent  le  sol,  l'on 
entre  dans  les  ateliers  de  grande  forge,  oii  les  masses  incandescentes  de  métal  sont 
amenées  à  la  presse  hydraulique  ou  au  marteau-pilon.  La  grande  presse  façonne 
les  plus  fortes  pièces  d'acier  sans  effort  apparent,  sans  choc.  Elle  peut  développer 
une  force  de  2.000  chevaux. 

A  côté  sont  l'aciérie  et  les  hauts-fourneaux.  —  II  y  a  G  hauts-fourneaux  dont  4 
produisent  100  et  120  tonnes  de  fonte  Bessemer  par  24  heures.  Un  autre  fournit 
150  tonnes.  Le  sixième  a  24  mètres  de  hauteur;  sa  production  par  24  heures  atteint 
200  tonnes  de  fonte. 

Quant  à  l'aciérie,  le  spectacle  en  est  réellement  grandiose  et  inoubliable  :  c'est 
l'ouverture  du  convertisseur  Bessemer  avec  sa  gigantesque  fusée  de  flammes 
éblouissantes  qu'accompagne  un  bruit  de  tonnerre.  Puis,  c'est  la  coulée  au  moule 
avec  son  flot  de  feu,  et  son  bouquet  de  gerbes  d'acier  en  fusion.  C'est  la  masse 
ardente  sortant  du  moule,  puis  plongée  dans  les  égalisateurs,  passant  de  là  au 
laminoir,  et  sous  nos  yeux  transformée  en  rails  de  15  mètres.  Aucun  de  nous,  je 
crois,  ne  perdra  le  souvenir  de  ce  spectacle  impressionnant. 

Notre  visite,  commencée  à  10  h.,  finit  vers  midi  et  demi  ,  sans  que  personne  eût 
trouvé  le  temps  long. 

Le  retour  se  fit  par  la  >rouse  et  ne  fut  pas  sans  charme. 

En  mnints  endroits,  les  deux  rives  sont  bordées  de  noires  usines  empanachées 
d'épaisse  fumée.  Mais  tout  peu  à  peu  change  d'aspect  aux'  approches  de  la  ville. 
L'on  a  à  gauche  un  vert  ridoau  de  collines  boisées,  à  droite  quelques  campagnes, 
puis  de  coquets  restaurants  de  banlieue.  Plus  loin  ,  au  monîeut  oii  la  Meuse  se 
divise  et  enserre  l'île  du  Parc,  le  panorama  vaut  un  coup-d'œil.  L'île,  au  centre, 
présente  au  spectacle,  un  massif  de  verdure,  le  jardin  d'acclimation  qu'enserrent 
les  deux  bras  de  rivière,  ptiis  les  rives  très  riantes  en  cet  endroit,  tandis  que  le 
fond  de  la  perspective  est  donné  par  la  ville  bâtie  en  amphithéâtre,  et,  tout  au  fond, 
un  massif  montagneux  sombre. 

Nous  passons  et,  dix  minutes  plus  tard  ,  quittant  le  quai,  nous  gagnons  l'hôtel 
d'un  pas  que  la  faim  rend  plus  alerte. 

La  ViixE.  —  Le  Fort.  —  Le  Palais  de  Justice.  —  L'aspect  général  de  la 
ville,  si  l'on  excepte  les  boulevards  nouveaux  et  les-quais,  manque  de  grandeur. 
Toutefois,  les  artères  qui  avoisincnt  le  théâtre,  le  jardin  botanique,  la  place  de 
l'Université  sont  très  larges,  bien  tracées,  bordées  de  jolies  habitations.  Sur  l'em- 
placement du  bassin  et  de  l'île  du  Gouimcrce  un  quartier  nouveau  s'est  élevé  : 
beau  parc,  boulevards,  constructions  dont  les  façades  artistiques  rivalisent  de 
richesse  et  de  goût. 

A  3  heures,  nous  montons  en  voiture.  Nous  di.sposons  de  quatre  heures,   temps 


Liège.  —  Palais  du  Gouvernement. 


Citadelle  de  Liège.  —  La  relève  de  la  garde. 


-  33  - 

relativement  court,  que  nous  utilisâmes  toutefois  de  la  façon  la  plus  heureuse  : 
visite  du  fort,  de  quelques  églises  :  St-Antoine,  St-Martin,  du  palais  de  justice. 
Courtes  haltes  au  palais  provincial,  au  jardin  botanique,  à  l'hôtel  de  ville. 

Le  Fort.  —  On  y  arrive  par  une  route  en  pente  raide  au  flanc  de  la  colline  de 
Ste-Walburge  qu'il  couronne.  Il  ne  sert  plus  aujourd'hui  que  de  caserne,  et  n'offre 
rien  de  curieux  aux  visiteurs.  On  est  toutefois  largement  dédommagé  par  la  vue 
que  du  haut  de  ses  remparts  l'on  a  sur  l'ensemble  de  la  ville  et  de  toute  la  vallée. 
Un  aimable  sergent  d'infanterie  nous  servit  de  cicérone,  et  nous  fit  les  honneurs 
du  poste  qu'il  commandait.  Un  instantané,  pris  par  M.  Savary,  des  soldats  entourant 
nos  excursionnistes,  et  fort  bien  réussi,  termina  cette  visite. 

Le  Palais  de  Justice.  —  Ancien  palais  des  princes-évêques,  remonte  au  commen- 
cement du  XVP  siècle  ;  mais,  à  la  suite  d'un  incendie,  dut  être  restauré  en  partie 
Taa  1737.  C'est  ainsi  que  la  façade  sur  la  place  Saint-Lambert  fut  reconstruite  en 
style  moderne. 

Les  bâtiments  enclosent  deux  vastes  cours  :  la  plus  grande,  accessible  au  public, 
est  entourée  de  portiques.  Ces  galeries  ,  à  voiite  surbaissée  d'une  grande  portée, 
présentent  une  série  d'arcades  dont  l'ogive  est  écrasée.  Les  colonnes,  massives, 
sont  unies  dans  leur  moitié  inférieure,  renflées  en  balustre  dans  la  moitié  supé- 
rieure, et  terminées  par  des  chapiteaux  fantastiques  à  arabesques  variées.  —  La 
seconde  cour,  transformée  en  jardin,  accède  au  Musée.   Celui-ci  est  peu  important. 

Le  Palais  Provincial  a  été  ajouté  au  palais  de  justice,  et  sa  façade,  de  style 
analogue  à  celle  des  parties  anciennes  de  ce  monument,  donne  sur  la  place 
Notger.  Elle  est  ornée  de  nombreuses  statues  et  de  bas-reliefs. 

15  Juillet.  —  Branle-bas  à  7  h.,  et  à  8  h.  38,  départ  pour  Chaudfontaine  et  Spa. 

Au  sortir  de  Liège  ,  traversée  de  la  Meuse  sur  le  pont  du  Val  Benoît,  long  de 
158  mètres.  Puis  on  longe  les  ateliers  de  la  Vieille-Montagne ,  on  franchit 
rOurthe,  et  l'on  pénètre  dans  la  vallée  de  la  Vesdre  à  Ghénée,  pour  la  suivre 
jusque  Pepinster. 

Arrivés  à  8  h.  52  à  Chaudfontaine  que  nous  devons  quitter  à  10.  13,  nous 
pûmes,  durant  cette  halte  d'une  heure  et  demie  environ,  faire  une  charmante 
excursion.  —  Au  sortir  de  la  gare,  nous  traversons  la  Vesdre ,  dont  le  cours  tor- 
tueux longe  le  kursaal.  Tournant  à  gauche,  nous  remontons  sa  rive  gauche,  et  par 
un  ombreux  sentier  gagnons  le  coteau.  A  l'endroit  oii  nous  nous  arrêtons,  la 
vallée  se  resserre  entre  les  collines  plus  rapprochées ,  tandis  qu'au  delà  de  Chaud 
fontaine,  le  lit  de  la  Vesdre  s'infléchit  fortement  et  les  collines  semblent  former 
une  ceinture  ininterrompue.  A  nos  pieds,  la  rivière  et  la  voie  ferrée  se  côtoyant 
pénètrent  par  une  brèche  qui  n'a  pas  plus  d'un  kilomètre  environ  de  largeur.  — 
Plus  boisées  sur  la  rive  gauche,  les  hauteurs,  sur  la  rive  droite,  sont  abruptes  et 
nues,  sauf  en  quelques  endroits. 

C'est  à  ce  cadre  et  à  ses  eaux  thermales  que  Chaudfontaine  doit  d'attirer  nombre 
de  Liégeois  durant  l'été.  Les  eaux  thermales  sont  inodores,  douces,  limpides.  Leur 
température  s'élève  à  37"  environ.  Elles  s'emploient  contre  les  rhumatismes  et  les 
maladies  des  reins,  du  foie. 

Le  Chaudfontaine  à  Spa,  l'on  suit  tout  d'abord  à  peu  près  le  cours  de  la  Vesdre. 
Les  sinuosités  de  la  capricieuse  rivière  se  multiplient  ;  avant  Pepinster  (13  kilom.) 
l'on  franchit  10  tunnels  environ  ,  presque   autant  de  ponts.   Et  à  chaque  fois  l'on 

3 


—  34  — 

découvre  un  nouveau  ei  joli  vallon  dont  la  ceinture,  comme  à  Ghaudfontaine,  est 
formée  de  collines  ou  boisées  ou  nues.  Les  carrières  de  pierre  sont  nombreuses.  — 
A  Pepinster,  l'on  change  de  voitures,  et,  repart  en  suivant  La  Hoigne,  affluent  de 
la  Vesdre.  Les  sites  sont  toujours  variés  et  pittoresques.  Arrivée  à  Spa  à  11  h.  1/2. 

Spa.  —  Dès  l'abord,  le  voyageur  est  séduit  par  son  aspect  riant,  coquet,  par  sa 
propreté,  par  une  certaine  simplicité.  L'avenue  qui  le  conduit  au  centre  de  la  ville, 
à  la  place  Royale,  à  l'établissement  thermal  est  bordée  de  beaux  arbres.  Ce  n'est 
point  la  cité  ancienne  dont  les  monumente  racontent  l'histoire.  C'est  une  ville  un 
peu  cosmopolite  où,  de  Belgique,  de  France,  d'Allemagne,  l'on  vient,  pendant 
les  plus  beaux  mois  de  l'année,  chercher  l'un  la  santé,  l'autre  le  repos  elle  charme 
de  nombreuses  excursions  au  milieu  d'une  nature  pittoresque. 

Après  visite  de  la  ville,  nous  déjeunons  à  l'Hôtel  de  Laeken.  A  3  heures ,  des 
voitures  doivent  nous  prendre  pour  faire  la  promenade  des  Fontaines.  Hélas  1  nous 
sommes  au  14  .Juillet.  Au  dessert,  nous  avons  bu  à  la  France.  Mais  ce  jour  même 
et  le  lendemain  la  Belgique  est  en  fête,  elle  aussi.  Spa,  résidence  favorite  de  la 
Reine  Marie-Henriette  se  prépare  à  célébrer  la  fête  de  la  souveraine.  Les  étrangers 
affluent  et  les  voitures  manquent.  Malgré  les  engagements  pris,  l'on  ne  nous 
envoie,  après  réclamations,  qu'une  tapissière  pour  12  personnes.  Que  faire  ?  Le 
soleil  est  si  ardent,  la  chaleur  lourde.  Les  dames,  au  moins,  pourraient  profiter  de 
l'aubaine.  Mais  elles  s'y  refusent,  et  bravement  nous  faisons  à  pied  la  promenade 
du  Tonnelet  et  du  lac  de  Waarfaz. 

Tout  d'abord,  visite  du  Pouhon  St-Pierro,  oii  une  plaque  de  marbre  rappelle  le 
séjour  de  Pierre-le-Grand.  Puis  l'on  prend  la  route  qui  conduit  à  la  Géronstère, 
et  tournant  à  gauche  par  une  pente  raide,  sous  un  soleil  de  plomb,  à  petits  pas 
nous  gagnons  la  source  du  Tonnelet.  Celle-ci  est  à  80  mètres  environ  au-dessus  de 
Spa.  —  Au  Tonnelet,  nous  prenons  le  frais  un  moment,  pour  ensuite  descendre  au 
Waarfaz.  Un  .peu  à  l'aventure,  par  des  sentiers  en  lacets,  étroits,  mais  ombragés, 
nous  allons  en  file  indienne.  Après  un  soleil  cuisant,  voici  qu'entre  deux  éclats  de 
rire  nous  pestons  contre  un  sol  boueux,  glissant,  que  les  pluies  des  jours  précé- 
dents ont  détrempé.  Le  passage  difficile  est  franchi  et  à  travers  les  derniers  buis- 
sons nous  apercevons  le  lac.  Le  fracas  d'une  chute  d'eau  se  fait  entendre.  C'est  la 
décharge  des  eaux  du  lac  que  l'on  a  endiguées  pour  ne  leur  laisser  comme  issue  qu'un 
entonnoir  hémisphérique  étage  en  gradins  ,  oij  les  eaux  tombent  à  une  quinzaine 
de  mètres  environ.  Bordée  d'un  côté  par  des  collines  très  élevées  que  les  bois 
couvrent  d'un  manteau  vert  sombre,  la  perspective  s'étend  d'autre  part  à  perte  de 
vue  vers  Sart.  Après  une  halte  que  nous  prolongeâmes  le  plus  possible,  nous 
reprenons  la  route  de  Limbourg  qui  nous  ramène  à  Spa. 

A  8  heures,  illumination  de  la  place  Royale  et  de  l'avenue  du  Marteau,  et 
concert.  M.  Van  Troostcnberghe,  par  une  prévenance  qui  nous  a  charmés,  nous  a 
retenu  la  table  et  le  couvert  à  la  Taverne,  qui  avoisine  le  kiosque.  A  9  ii.  50  nous 
repartions,  et  rentrions  à  Liège  à  10  h.  58. 

iG  Juillet.  —  Départ  de  Liège  à  10  h.  03  pour  arriver  à  Rochefort  à  12  h.  44. 
Le  paysage  a  de  grandes  analogies  avec  celui  que  l'on  traverse  de  Liège  à  Pepinster» 
L'on  suit  la  vallée  de  l'Ourthe,  dont  le  cours  est  tout  aussi  sinueux  que  celui  de  la 
Vesdre.  De  Hamoir  à  Bornai  on  franchit  sis  fois  la  rivière  et  jusque  Laroche  on  ne 
la  quitte  guère.  La  nature  peu  à  «jcu  cliange  de  caractère. 

Après  les  riches  vallées  de  Tiff,  Esnenx,  Hamoir,  sur  lesquelles  tranchent  de 
temp.s  à  autre  les  massifs  granitiques  dans  lesquels  s'ouvrent  de   vastes  carrières, 


ROCHEFORT. 


Dînant.  —  Rocher  Bayaro. 


-  35  - 

on  découvre  des  vallées  étroites,  encaissées  ;  puis,  en  quittant  les  bords  de 
rOurthe,  d'immenses  plaines  en  jachère  ou  des  taillis  peu  vigoureux. 

Nous  sommes  attendus  à  l'Hôtel  Byron,  servis  immédiatement,  et  à  2  h.  i/2,  dans 
une  vaste  tapissière  gagnons  Han-sur-Lesse,  puis  les  Grottes. 

La  description  en  a  été  faite  bien  souvent.  J'en  ai  lu  plusieurs.  Pas  une  ne  m'a 
semblé  traduire  de  façon  satisfaisante  l'impression  qu'elles  m'ont  laissée.  Au  reste, 
c'estlaremarquequenous  échangions  aprèsleur visite, cetteimpression  est  réellement 
indéfinissable  :  il  y  a,  dans  l'esprit,  de  l'admiration,  de  l'étonnement,  un  peu  même 
il  me  semble  de  curiosité  non  satisfaite  ,  dans  le  cœur  un  peu  de  crainte  vague 
sous  cette  voûte  qui  supporte  un  massif  montagneux  de  plusieurs  centaines  de 
mètres  d'épaisseur.  Et  sur  près  de  trois  kilomètres,  l'on  va  par  un  dédale  de  corri- 
dor^, de  salles,  dont  l'aspect  varie  à  chaque  instant,  guidés  par  la  lumière  pâle  des 
lampes. 

Après  avoir  vu  la  perte  de  la  Lesse,  nous  allons  à  la  nouvelle  entrée  des  Grottes, 
et  y  trouvons  le  guide  et  les  porte-flambeaux.  La  première  impression  n'est  pas 
favorable.  La  descente  est  assez  rapide  ,  par  des  marches  inégales ,  humides  et 
gHssantes.  Mais  elle  disparaît  dès  la  première  salle,  et  s'oublie  rapidement  :  car 
les  surprises  se  succèdent,  et  le  charme  grandiose  de  ces  sauvages  beautés  va 
grandissant  à  mesure  que  s'élèvent,  que  s'élargissent  aux  proportions  d'une 
immense  cathédrale  les  voûtes  des  salles.  L'on  passe  ainsi  de  la  salle  des  Scara- 
bées à  la  salle  Vigneron,  à  celle  des  Précipices,  plus  vaste  déjà,  puis  à  celle  de  la 
Cascade,  dont  les  stalactites  imitent  à  s'y  méprendre  des  eaux  débordantes  figées 
dans  leur  chute  par  la  gelée.  —  Puis  la  galerie  de  Lannoy  nous  mène  aux  Mysté- 
rieuses, quatre  salles  oii  les  stalactites  prennent  les  formes  les  plus  fantastiques  et 
résonnent  harmonieusement  sous  le  doigt  qui  les  frappe.  Viennent  ensuite  le 
Portique  des  Draperies,  où  les  concrétions  descendent  de  la  voûte  en  lamelles 
ondulées,  amples  et  légères,  laissant  transparaître  la  lumière  comme  un  blanc 
tissu,  enfin  la  Salle  du  Dôme.  Longue  de  160  •"  sur  140,  haute  de  130  ">  environ, 
elle  écrase  le  visiteur  par  l'abîme  de  ses  profondeurs  que  l'œil  ne  peut  sonder. 
Les  foyers  électriques  dont  le  guide  promène  dans  tous  les  recoins  l'éclair  éblouis- 
sant, nous  en  découvre  une  à  une  les  apparences  fantastiques  :  Têtes  d'animaux , 
draperies  immenses,  pierres  scintillantes  comme  des  perles,  amas  chaotique  d'im- 
menses quartiers  de  rocs  éboulés  et  dont  la  chute  semble  toujours  imminente.  Un 
de  nos  guides,  dans  l'obscurité,  gagne  l'un  des  points  les  plus  élevés  de  la  salle. 
Il  y  allume  une  torche  dont  la  clarté  ressemble  à  celle  d'une  étoile  perçant  à  peine 
une  nuit  sombre.  Un  coup  de  sifflet  et  la  lumière  s'élance  vers  nous  ,  par  bonds 
saccadés  et  brusques.  Elle  tombe  ,  semble-t-il ,  jetée  par  la  main  du  guide  ,  nous 
découvrant  toute  cette  partie  de  la  salle  :  le  Chaos.  En  moins  d'une  minute,  le 
guide  nous  a  rejoints,  et  je  crois  bien  qu'un  soupir  de  soulagement  nous  a  échappé 
à  tous  à  la  fin  de  cette  descente  vertigineuse  de  près  de  100  mètres. 

Quittant  la  Salle  du  Dôme,  l'on  redescend  vers  les  parties  les  plus  profondes  et 
gagne  le  petit  lac.  On  le  traverse  en  bachots  pour  sortir  des  Grottes.  Et  ici  se 
place  pour  moi,  le  moment  inoubliable  qui,  dans  les  souvenirs,  subsiste  après  les 
autres,  pour  le  visiteur  qui  a  pu  en  jouir  aussi  complètement  que  nous. 

Excursionnistes  et  guides,  nous  prenons  tous  place  dans  la  même  barque,  et  une 
à  une  les  lumières  s'éteignent.  Et  il  y  a  là  dans  cette  traversée  silencieuse ,  dans 
une  obscurité  qui  ne  permet  pas  de  voir  son  voisin,  une  première  impression  pro- 
fonde. Nous  avançons  tout  doucement  poussés  par  les  rames  et  le  courant ,  quand 
la  guide  attire  l'attention  sur  une  pointe  lumineuse  vers  laquelle  nous  glissons. 
Insensiblement  elle  grandit,  s'étend,  puie  elle  se  colore.  Et  peu  à  peu  se  forme 
une  nappe  de  lumière  dont  les   teintes  de  l'arc-en-ciel  peuvent  donner  une  idée. 


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mais  lointaine  :  les  tons  sont  à  la  fois  plus  brillants  et  plus  doux,  plus  nuancés  et 
fondus  dans  un  ensemble  féerique.  Rien  ne  peut  rendre  cette  splendeur,  ni  la 
parole,  ni  la  peinture. 

A  rapproche  de  la  sortie  les  teintes  s'effacent  et  nous  arrivons  dans  la  baie  lumi- 
neuse par  oii  nous  allons  sortir.  En  ce  moment ,  un  petit  pierrier  est  allumé  ,  et  le 
son  se  prolongeant  sur  le  canal,  s'enfle,  se  répercute  dans  les  couloirs  et  les  salles, 
donnant  l'illusion  de  l'écroulement  des  voûtes. 

La  visite  a  duré  trois  heures.  Le  soleil  est  toujours  vif,  mais  moins  cuisant.  Nous 
regagnons  Han  à  pied,  puis,  en  tapissière,  Rochefort. 

En  attendant  le  dîner,  les  plus  intrépides  battent  Rochefort.  Comptant  à  peine 
3.000  habitants,  elle  n'a  aucun  cachet  historique  ou  archéologique.  L'église 
moderne,  de  style  roman,  est  jolie.  La  ville  est  bâtie  dans  un  site  pittoresque,  au 
flanc  Ouest  d'une  colline  au  pied  duquel  elle  s'étend.  Dans  le  Midi,  un  autre  escar- 
pement tout  proche  est  couvert  de  bois  et  de  villas.  Au  loin,  dans  le  Nord,  on  suit 
les  ondulations  des  Ardennes. 

Après  le  dîner,  on  pianota  et  dansa  un  peu.  Mais  la  journée  avait  été  fatigante, 
et  on  ne  prolongea  guère  la  soirée. 

17  Juillet.  —  Départ  de  Rochefort  à  8  heures  en  voiture.  Le  trajet  est  long,  et 
avec  les  vigoureux  postiers  qui  nous  menaient,  nous  y  employâmes  quatre  heures. 

Mais  quel  enchantement  que  cette  premenade  !  La  terre  est  fertile  ,  le  paysage 
toujours  changeant.  Un  peu  nue  au  départ,  la  campagne  se  boise  peu  à  peu,  et, 
suivant  presque  la  crête  des  coteaux,  nous  voyons  défiler  sous  nos  yeux  après  les 
moissons  mûres,  de  profonds  taillis.  A  certaine  montée,  l'on  quitte  la  voiture  et, 
nous  engageant  sous  bois,  ne  la  rejoignons  qu'au  haut  de  la  côte.  Aussi,  fimes- 
nous  ce  trajet  sans  aucune  fatigue.  D'ailleurs,  la  gaîté  était  générale  et  ne  cessa 
pas  durant  la  route  d'éveiller  les  rires,  et  même  les  chansons. 

Arrivée  à  Dinant  vers  midi,  et  descente  à  l'Hôtel  de  la  Poste.  Gaie  avait  été  la 
route,  plus  gai  fut  le  dîner.  J'en  prends  à  témoin  les  Chevaliers  de  Léopold  qui 
furent  les  héros  de  la  journée. 

Vers  3  heures ,  ascension  au  Fort.  Citadelle  ancienne  bâtie  au  sommet  de 
gigantesques  rochers  escarpés,  au  pied  desquels  est  bâtie  l'église  Notre-Dame.  On  y 
accède  par  un  escalier  de  408  marches.  De  la  terrasse  ,  on  a  une  belle  vue  sur  la 
ville  que  l'on  a  à  ses  pieds,  étendue  au  bord  de  la  Meuse,  et  sur  la  vallée.  Une  de 
nos  aimables  excursionnistes  nous  y  ménagea  la  surprise  de  la  descente  d'un 
parachute.  Son  ombrelle  en  fit  les  frais.  Au  reste,  retrouvée  un  peu  plus  tard,  elle 
revint  aux  mains  de  sa  propriétaire. 

Nous  redescendîmes  par  un  chemin  qui,  descendant  en  lacets,  traverse  une  sorte 
de  Parc  et  aboutit  aux  jardins  du  Casino.  Nous  terminâmes  la  promenade  par  la 
Roche  à  Bayard,  dont  la  gigantesque  aiguille  se  dresse  au  bord  de  la  Meuse  ,  lais- 
sant un  étroit  passage  entre  son  pied  et  les  maisons  adossées  à  la  montagne,  dont 
elle  semble  avoir  été  détachée.  —  Ce  qui  charme  à  Dinant,  c'est  comme  à  Spa,  le 
site.  Comme  à  Spa,  les  excursions  à  faire  aux  environs  sont  nombreuses  :  Anse- 
remme,  Walzin,  Ardenne,  Maredsons.  Par  la  Meuse,  l'on  peut  redescendre  jusque 
Namur  ;  un  bateau  à  vapeur  fait  la  route  chaque  jour  en  trois  heures  et  demie. 

18  Juillet.  —  Devant  arriver  à  Namur  vers  midi ,  nous  devons  renoncer  à  y 
arriver  par  la  Meuse,  le  bateau  ne  partant  qu'à  1  h.  1/2.  Aussi  ferons-nous  à  nou- 
veau la  route  en  voiture.  Le  plaisir  fut  le  même ,  mais  la  fatigue  un  peu  plus 
grande  :  la  chaleur  était  torride  ;  les  chemins  devenus  poussiéreux  à  cause  de  la 
sécheresse,  nous  envoyaient  de  temps  à  autre  des  nuages  aveuglants.  Mais,  malgré 


.—  37  — 

cela,  nous  goûtâmes  tout  le  charme  de  cette  route  qui  longe  presque  continuel- 
lement la  Meuse. 

A  notre  arrivée  à  Namur  (trajet  :  30  kilomètres)  ,  nous  n'eûmes  que  le  temps  de 
nous  mettre  à  table.  Il  était  plus  de  midi,  et  nous  reprenions  le  train  pour  Bruxelles 
à  1  h.  52.  —  Dernier  dîner  de  l'excursion.  Nous  bûmes  à  ceux  qui  avaient  été  les 
organisateurs  de  l'excursion  et  en  avaient  assuré  le  succès.  Jamais  remercîments 
ne  furent  plus  mérités,  ni  plus  sincères. 

Partis  de  Dinant  à  1  h.  52,  nous  touchions  à  Bruxelles  à  3  h.  22.  —  Promenade 
d'une  heure  en  voiture  et  remontant  en  wagon  à  4  h.  56,  nous  rentrions  à  Lille 
à  7  h.  37. 

Un  mot  avant  de  clore  ce  trop  long  rapport.  Dans  les  divers  hôtels  où  nous 
descendîmes,  nous  fûmes  parfaitement  reçus  et  servis,  mais  je  tiens  à  signaler 
surtout  la  parfaite  complaisance  et  l'urbanité  avec  laquelle  nous  fûmes  reçus  à 
Liège  :  Hôtel  de  Suède,  et  à  Dinant  :  Hôtel  de  la  Poste. 

Hector  DUFOUR. 


UNE  EXCURSION  AUX  PYRENEES. 


11-28   Août   1898. 


Directeurs  :  MM.  H.  Beaufort  et  Auguste  Grepy. 


Le  quai  de  la  ligne  de  Paris  présentait  le  jeudi  11  Août  1898,  au  départ  de 
l'express  de  1  h.  23,  une  vive  animation,  et  le  préposé  au  contrôle  des  -billets 
s'exclamait  moitié  plaisant,  moitié  maussade  :  «  Décidément,  tout  le  monde  en  est 
de  la  Société  ».  Beaucoup  en  étaient  en  effet  de  notre  chère  Société  de  Géographie 
de  Lille,  et  sur  le  quai,  autour  des  heureux  partants,  se  pressait  une  foule  de 
parents  et  amis  venus  leur  apporter  leurs  derniers  souhaits.  Le  Président  lui-même 
avait  tenu  par  sa  présence  à  nous  donner  un  témoignage  de  sa  sympathie,  je  dirai 
plus,  de  son  affection.  A  l'heure  fixée,  le  train  s'ébranle,  le  voyage  est  commencé. 

Je  ne  dirai  rien  de  la  première  étape.  Indifférents  aux  plaines  éternellement 
plates  qui  fuient  derrière  eux,  les  excursionnistes  s'occupent  à  faire  connaissance 
ou  à  renouer  d'anciennes  relations  :  et  c'est  chose  aisée  ,  car  beaucoup  parmi  eux 
sont  des  vétérans,  habitués,  de  longue  date,  à  la  grande  excursion  annuelle. 

Arrivés  à  Paris,  au  lieu  de  traîner  chacun  notre  valise,  parfois  pesante,  nous  les 
déposâmes  toutes  sur  un  tricycle  de  la  Compagnie  et,  moyennant  une  faible  rétri- 
bution,   tous    les   bagages  du   groupe  furent  ainsi  transportés  jusque  sous  l'œil 


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vigilant  du  préposé  de  roctroi.  Il  ne  nous  restait  plus  qu'à  traverser  la  rue  pour 
arriver  à  THÔtel. 

Le  système  fut  employé  avec  succès  pendant  tout  le  coars  du  voyage. 

Le  soir  chacun  fut  libre  de  son  temps  et  rendez-vous  fut  pris  pour  le  lendemain. 

De  bonne  heure  chacun  est  sur  pied.  A  8  heures  des  omnibus  nous  emportent 
jusqu'à  la  gare  d'Orléans.  Là,  nous  sommes  rejoints  par  quelques  collègues  venus 
d'autres  directions,  ou  qui  nous  avaient  précédés  à  Paris.  Et  c'est  au  nombre  impo- 
sant de  30  que  nous  nous  embarquons  dans  le  rapide  pour  Bordeaux.  De  F*aris  à 
Bordeaux  l'aspect  du  pays  n'est  pas  bien  curieux.  C'est  une  traversée  monotone  de 
coteaux,  de  prairies  desséchées,  de  villages  sans  importance,  et  de  villes  plus 
considérables  telles  qu'Orléans,  Blois,  Amboise,  Tours,  Poitiers,  Angoulème,  etc.. 
Le  paysage  offre  quelque  agrément  dans  la  vallée  de  la  Loire.  Le  tieuve  aux  eaux 
basses  qu'un  soleil  implacable  épuise  depuis  tantôt  trois  mois,  les  dômes  de  ver- 
dure d'oii  émergent  les  tourelles  de  châteaux,  ramènent  maint  souvenir  sur  les 
lèvres  des  excursionnistes  qui,  l'an  dernier,  sous  un  ciel  plus  clément,  ont  visité 
cette  contrée  historique  et  pittoresque.  Les  fraîches  vallées  du  Cher  et  de  l'Indre 
viennent  à  propos  interrompre  la  monotonie  envahissante  du  spectacle.  La  tra- 
versée successive  de  la  Creuse,  de  la  Vienne,  du  Clain,  de  la  Charente,  le  bassin 
de  la  Dordogne,  de  l'Isle,  fournissent  aux  plus  érudits  de  nombreuses  réminis- 
cences géographiques.  Enfin,  dans  le  lointain,  se  dessinent  tout  à  coup  les  vagues 
contours  de  la  Garonne.  Bientôt  Bordeaux  apparaît  avec  son  fort. 

Nous  sommes  à  la  Bastide. 

Bordeaux  est  une  des  premières  villes  de  France,  non  seulement  par  ses  dimen- 
sions, sa  population,  son  importance  administrative  et  militaire,  mais  surtout  par 
son  commerce  ,  son  site  magnifique  et  son  aspect  grandiose.  «  Bordeaux ,  écrivait 
jadis  Théophile  Gautier,  offre  beaucoup  de  ressemblances  avec  Versailles  pour  le 
goût  des  bâtiments.  On  voit  qu'on  a  été  préoccupé  de  cette  idée  d'égaler  Paris  en 
grandeur.  Les  rues  sont  larges  et  les  immeubles  vastes.  Le  théâtre  a  des  dimen- 
sions énormes  :  c'est  l'Odéon  fondu  dans  la  Bourse.  . . .,  mais  les  habitants  ont  de 
la  peine  à  remplir  leur  ville  ».  Depuis  l'époque  oii  parurent  ces  lignes  ,  si  la  ville 
monumentale  est  restée  de  même,  elle  s'est  complètement  transformée  pour  le 
mouvement  et  a  beaucoup  gagné  en  animation. 

Sa  population  dépasse  aujourd'hui  2.57.000  habitants  :  la  plus  grande  activité 
règne  principalement  sur  les  quais.  Le  fleuve  forme  en  cet  endroit  de  son  cours  un 
arc  de  cercle,  qui  a  fait  donner  le  nom  de  port  de  la  lune  à  ce  magnifique  port 
naturel,  d'une  superficie  de  10  hectares  et  pouvant  contenir  1.000  à  1.200  navires. 

Bien  que  Bordeaux  soit  à  96  kilomètres  de  l'embouchure  de  la  Garonne,  la  marée 
s'y  fait  fortement  sentir,  et  les  jilus  grands  navires  peuvent  à  ce  moment  remonter 
jusqu'aux  quais  et  s'y  amarrer. 

Les  constructions  navales  occupent  un  rang  important  dans  l'industrie  bordelaise. 
Pour  ce  qui  regarde  le  commerce,  Bordeaux  fait  peu  d'affaires  avec  le  bassin  de  la 
Méditerranée,  mais  il  est  en  relations  suivies  avec  le  reste  du  monde. 

Le  port  a  des  services  réguliers  avec  les  mers  du  Nord,  la  Manche,  la  Baltique, 
etc ,  l'Australie  la  Havane,  le  Mexique,  l'Afrique,  l'Inde,  etc 

Le  commerce  des  vins  et  spiritueux  y  tient  la  tète  ;  puis  viennent  les  denrées 
alimentaires,  les  sucres  raffinés,  papiers,  cristaux,  porcelaines,  cuirs,  soies,  fils, 
tissus  pour  l'exportation. 

Les  importations  consistent  surtout  en  produits  coloniaux,  fer,  étain,  cuivre, 
plomb,  bois  de  construction  et  houille  d'Angleterre. 

En  arrière  du  port  et  reliant  à  la  ville  le  faubourg  de  la  Bastide  est  lancé  un 


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vaste  pont  de  pierres  d'une  longueur  de  487  mètres,  reposant  sur  17  arches  à  large 
cintre.  C'est  un  dos  plus  remarquables  qu'on  puisse  voir.  L'ensemble  du  monu- 
ment est  d'allure  légère  ;  dans  l'intervalle  de  chaque  arche  saillit  le  chiffre  royal 
sculpté  sur  un  fond  de  briques.  Deux  pavillons  aux  portiques  d'ordre  dorique 
s'élèvent  à  chacune  de  ses  extrémités.  Sous  la  chaussée  ont  été  pratiquées  de  vastes 
galeries  qui  allègent  la  construction,  et  permettent  de  veiller  à  son  entretien  et  de 
la  réparer  sans  interrompre  la  circulation. 

En  amont  de  ce  pont  de  pierre,  on  a  jeté  sur  le  fleuve  un  pont  en  fonte  de 
construction  élégante  et  hardie,  destiné  à  relier  les  chemins  de  fer  du  Midi  et  de 
l'Orléans.  Ce  pont  tubulaire,  long  de  500  mètres,  se  trouve  encore  prolongé  par  un 
viaduc  courbe  de  100  mètres. 

De  ce  pont ,  en  remontant  la  rive  gauche  et  les  quais  ,  on  rencontre  plusieurs 
monuments  historiques. 

La  porte  de  Bourgogne,  dite  autrefois  des  salinières,  parce  que  les  bateaux  de 
sel  se  déchargeaient  dans  son  voisinage ,  reçut  son  nom  actuel  des  ducs  de 
Bourgogne,  fils  de  Louis  XV.  En  1807,  elle  fut  démolie  en  partie  et  transformée 
en  arc  de  triomphe  pour  le  passage  des  troupes  qui  se  rendaient  en  Espagne  guer- 
royer sous  les  ordres  de  Soult  et  Junot.  Elle  marque  ,  avec  le  cours  Victor-Hu'^'-o  , 
les  limites  de  la  vieille  ville  qui  s'étendait  de  là  jusqu'aux  Quinconces. 

Du  quai  de  Bourgogne  se  détache  le  cours  d'Alsace-Lorraine ,  belle  rue  neuve 
qui  conduit  à  la  cathédrale.  Etre  transformées  en  arcs  de  triomphe  semble  le  sort 
commun  des  portes  de  Bordeaux,  ainsi  la  por<e  rf'.Açwitome  servit  d'arc  de  triomphe 
aux  Bourbons  rentrant  en  France  en  1814.  La  porte  de  Cailhau,  sur  la  place 
Royale,  ancienne  porte  d'entrée  du  palais  de  l'Ombrière,  résidence  des  ducs  d'Aqui- 
taine, servit  d'arc  de  triomphe  à  Charles  VIII  après  la  bataille  de  Fornoue.  C'est 
une  belle  porte  gothique  flanquée  de  2  tours  rondes,  bâtie  en  1495  et  récemment 
restaurée. 

En  aval,  sur  le  quai  de  ce  nom,  s'élève  Vhôtel  de  la  Douane.  A  son  fronton  ,  il 
porte  une  sculpture  de  belle  dimension  représentant  Mercure  protégeant  la  navi- 
gation de  la  Garonne.  La  place  de  la  Bourse  est  décorée  d'une  belle  fontaine  en 
bronze  des  3  Grâces  ;  elle  s'étend  entre  l'hôtel  de  la  Douane  et  Vhôtel  de  la 
Bourse.,  qui  fait  pendant  au  précédent.  Une  sculpture  allégorique  montre  Neptune 
favorisant  le  commerce. 

Nous  remarquons  en  passant  sur  la  place  de  Richelieu  le  monument  de  Carnot, 
puis  tournant  par  le  cours  du  Chapeau  rouge  nous  longeons  les  façades  de  la 
Préfecture  et  du  Théâtre  et  arrivons  à  l'hôtel  Richelieu.  Nous  sommes  au  centre 
de  l'animation.  Devant  nous  s'étend  la  place  de  la  Comédie  bordée  de  superbes 
cafés  que  fréquentent  de  nombreux  clients.  La  place  est  encombrée  d'une  multi- 
tude de  promeneurs  citadins,  paysans  voisins,  étrangers  venus  pour  un  concours 
de  musique  et  de  cette  foule  se  dégagent  un  bruit  et  un  mouvement  qui  auraient 
bien  étonné  l'écrivain  cité  plus  haut. 

Cette  place  doit  son  nom  au  théâtre,  qui  jouit  d'une  réputation  méritée.  Sa 
façade  ofl"re  un  péristyle  formé  de  12  colonnes  d'ordre  corinthien  surmontées  d'un 
entablement  formant  balustrade  et  portant  12  statues  allégoriques  analogues  à  la 
destination  du  lieu.  Il  renferme  deux  belles  salles  de  spectacle  et  do  concert.  C'est 
là  que  se  sont  tenues  en  1871  les  séances  de  l'Assemblée  nationale. 

La  place  de  la  Comédie  est  prolongée  en  ligne  droite  par  le  cours  du  30  Juillet 
qui  conduit  à  la  place  des  Quinconces,  la  plus  grande  et  la  plus  belle  de  la  ville, 
et  tout  Bordelais  s'en  montre  aussi  fier  que  le  Marseillais  peut  l'être  de  sa  Cane- 
bière.  C'est  une  vaste  esplanade  assise  au  bord  de  la  Garonne  et  dont  la  plantation 
déjà  ancienne  donna  lieu  à  de  grandes  solennités  municipales.  Elle  est  décorée  des 


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statues  de  Montaù/ne  et  (le  Montesquieu  et  de  deux  colonnes  rostrales  surmontées 
chacune  d'une  statue  :  celles  de  la  Navigation  et  du  Conimerce  qui  servent  aussi 
de  phares. 

A  l'une  de  ses  extrémités  s'est  élevé  récemment  le  Monument  des  Girondins  : 
large  colonne  portant  à  son  sommet  une  figure  allégorique  de  la  Liberté,  entourée 
sur  ses  bas  côtés  d'applications  en  bronze  représentant  les  principaux  Girondins 
dont  en  a  voulu  commémorer  le  souvenir,  et  des  statues  de  Bordeaux,  de  la 
Garonne  et  de  la  Dordogne,  de  l'Eloquence  et  de  l'Histoire.  A  sa  base  jaillissent 
deux  belles  fontaines  avec  les  statues  de  la  République  et  de  la  Concorde,  assises 
sur  des  chars  traînés  par  des  chevaux-marins.  Cette  place  fut  le  centre  de  l'Expo- 
sition de  Bordeaux  de  1895,  dont  les  constructions  s'étendaient  par  le  cours  du 
30  Juillet  jusqu'au  Jardin  public. 

Ce  Jardin  public  est  une  création  du  marquis  de  Tourny,  gouverneur  de  la  ville 
vers  le  milieu  du  XVIIP  siècle.  En  administrateur  intelligent ,  il  abattit  les  rem- 
parts, perça  les  rues  et  embellit  la  cité.  A  la  suite  de  nombreuses  transformations, 
ce  jardin  est  devenu  un  superbe  jardin  anglais  avec  lacs,  cascades,  îlots  plantés 
d'arbres,  bosquets  formés  de  plantes  précieuses,  et  serres  remplies  de  végétaux 
rares.  C'est  le  rendez-vous  des  promeneurs,  et  le  dimanche  des  musiques  mili- 
taires }•  donnent  des  concerts.  Près  de  ce  jardin,  à  gauche  du  Muséum,  on  trouve 
dans  un  square,  les  ruines  des  arènes  àiiù&  palais  de  Gallien,  qui,  dit-on,  cons- 
truisit l'amphithéâtre.  Victorieux  des  siècles  et  des  saisons,  il  était  assez  bien 
conservé  quand,  en  1774,  il  fut  affecté  à  une  entreprise  de  voitures  publiques. 
En  1792,  on  en  commença  la  démolition,  bientôt  arrêtée  par  l'Administration,  à 
qui  l'on  doit  la  conservation  des  ruines  actuelles.  De  la  place  de  Tourny  on 
aperçoit  les  allées  de  ce  nom  :  sorte  de  place  oblongue,  une  des  promenades  les 
plus  fréquentées  de  la  ville. 

Près  de  la  place,  le  marché  des  grands  Hommes,  construction  de  forme  circu- 
laire en  fer  et  en  verre,  mérite  une  visite,  surtout  à  l'époque  des  fruits. 

La  bibliothèque  voisine  est  riche  en  volumes  et  en  manuscrits.  L'église  Notre- 
Dame  est  construite  dans  le  stjie  grec,  l'intérieur  est  décoré  avec  un  luxe  de  goût 
médiocre.  On  ne  peut  guère  citer  que  quelques  peintures  artistiques,  dont  la  prin- 
cipale est  une  grande  fresque  représentant  le  triomphe  de  la  Sainte  Vierge.  Sa 
voîite  est  basse  ,  la  clarté  peu  abondante  ,  aussi  laisse-t-elle  une  impression  peu 
favorable. 

Je  dois  (pour  rester  fidèle  à  l'ordre  par  nous  suivi  dans  notre  excursion  dans 
Bordeaux),  m'arrèter  uif  moment  dans  la  description  de  la  ville  et  raconter  l'inté- 
ressante visite  que  nous  fîmes  à  la  fin  de  la  matinée  aux  chais  et  enirepôts  de  la 
maison  Larcher. 

La  réception  fut  cordiale  et  charmante.  A  l'entrée  de  leurs  caves,  .\LM.  Larcher 
attendaient  les  excursionnistes  et  se  mirent  à  leur  disposition  pour  leur  montrer 
leur  installation.  Ce  fut,  en  même  temps  qu'une  excursion,  un  cours  d'un  extrême 
intérêt.  Une  bonne  cave  est  indispensable  à  la  conservation  des  vins,  on  ne  saurait 
apporter  trop  de  soins  à  la  disposition  de  la  porte,  ainsi  qu'au  nombre  et  à  l'em- 
placement des  ouvertures.  La  température  doit  demeurer  constante  ei  l'air  et  la 
lumière  doivent  être  sagement  distribués  :  l'air  circulant  assainit,  l'obscurité  dété- 
riore à  la  longue.  Mais  la  chaleur  et  la  clarté  trop  vives  aigrissent  le  vin  et  le  font 
évaporer  eu  desséchant  les  barriques  qui  le  contiennent. 

La  disposition  des  barriques  est  remarquable  :  elles  sont  disposées  en  une 
double  rangée  à  5  étages  :  celles  du  bas  sont  soutenues  par  des  coins,  et  malgré 
le  poids  qu'elles  supportent  ne  subissent  aucune  fatigue.  Cette  disposition  sur 
iloublc  rangée  des  barriques  qu'on  a  soin  de  placer  bonde  de  côté,  permet  do 


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soigner  facilement  le  vin.  La  bonde  est  formée  par  un  Jjouchon  en  roseau  :  l'em- 
ploi du  liège  et  la  nécessité  de  le  remplacer  fréquemment  seraient  une  cause 
d'ennuis  incessants. 

La  fermentation  et  l'évaporation  du  vin  dans  les  barriques  ainsi  disposées 
amènent  un  vide  :  Touillage  ou  addition  de  vin  a  pour  but  de  réduire  la  surface  du 
liquide  ainsi  en  contact  avec  l'air.  Le  soutirage  se  fait  aisément  à  l'aide  d'un  siphon 
des  tonnes  supérieures  à  celles  placées  plus  bas.  Près  du  tonneau  récepteur  un 
homme  surveille  le  débit  et  sitôt  que  le  moindre  dépôt  se  manifeste  ,  il  arrête  la 
conduite.  Pour  le  soutirage  des  barriques  du  sol,  quand  le  niveau  s'est  établi,  une 
simple  pression  d'air  dans  le  siphon  à  l'aide  d'un  soufflet  suffit  pour  refouler  le 
liquide  dans  l'autre  tonne,  sans  remuer  la  lie. 

Avant  leur  emploi  les  barriques  ont  été  soufrées,  aussi  à  mesure  que  le  vin 
monte  dans  la  barrique,  voit-on  sortir  une  fumée  acide  qui  vous  prend  à  la  gorge. 
Cette  opération  du  soutirage  doit  être  conduite  avec  de  grandes  précautions  pour 
développer  la  formation  d'acide  acétique  s'il  y  avait  fermentation.  Même  répétée  , 
elle  est  parfois  insuffisante  pour  donner  au  vin  une  limpidité  parfaite.  De  là,  obli- 
gation de  recourir  au  collage  ,  afin  d'enlever  au  vin  une  partie  du  tannin  qu'il 
contient  et  entraîner  le  ferment  qui  peut  rester  en  suspension.  Qu'on  opère  avec 
du  blanc  d'œuf,  sang,  gélatine  (vins  rouges),  ou  avec  de  la  colle  de  poisson  (vins 
lilancs),  on  verse  le  mélange  dans  la  barrique  dont  on  a  agité  la  masse  liquide  au 
moyen  d'une  lance  de  fer  garnie  de  crins.  L'opération  terminée  ,  on  bouche  le 
tonneau  et  on  le  laisse  reposer  avant  de  procéder  à  un  soutirage. 

Telles  sont  les  principales  opérations  auxquelles  donne  lieu  le  traitement  des 
vins.  Elles  se  font  de  préférence  en  hiver  ou  au  printemps,  avant  l'apparition  des 
chaleurs.  C'est  aussi  le  moment  préféré  pour  les  expéditions.  La  maison  emploie 
le  transport  par  chemin  de  fer,  mais  elle  se  sert  aussi  des  cabottiers,  terre- 
neuviens  ou  autres  qui  viennent  se  décharger  à  Bordeaux,  et  de  la  Compagnie 
des  bateaux  à  vapeur  du  Nord  dont  le  siège  social  est  dans  notre  département,  à 
Dunkerque. 

Un  lunch  amical  suivit  cette  agréable  visite.  MM.  Larcher  eurent  l'amabilité  de 
nous  inviter  à  venir  visiter  l'après-midi,  leur  propriété  de  Bon-Air  et  les  vignobles 
dont  était  sortie  la  récolte  que  nous  venions  de  voir. 

Le  château  Bon-Air  est  situé  à  quelques  kilomètres  de  Bordeaux.  Le  domaine 
comprend  une  maison  d'habitation  précédée  d'une  avenue,  avec  ses  dépendances, 
un  grand  parc  et  une  vingtaine  d'hectares  plantés  de  vignes.  Le  vignoble  est  bien 
situé  sur  un  plateau  graveleux,  il  est  planté  des  meilleurs  cépages  de  la  Gironde  et 
produit  un  excellent  vin  de  la  catégorie  des  Graves  rouges. 

Nos  aimables  hôtes  voulurent  bien  reprendre  leur  leçon  du  matin  et  sur  le 
terrain  même  ils  nous  fournirent  d'abondantes  explications. 

Les  sols  calcaires  et  silicieux,  les  terrains  primitifs  ou  de  transition  conviennent 
parfaitement  à  la  vigne,  pourvu  qu'ils  n'occupent  pas  de  bas-fonds  oii  les  brouil- 
lards s'abattent  et  séjournent.  L'excès  d'humidité  dans  le  sol  et  dans  l'atmosphère 
est  également  nuisible.  Le  terrain  est  ici  composé  de  graviers,  de  sable  et  d'argile. 
Eutre  chaque  rangée  de  plants  sont  creusées  de  petites  rigoles  qui  facilitent  l'écou- 
lement des  eaux.  La  vigne  une  fois  plantée  exige  chaque  année  des  soins  inces- 
sants, principalement  vers  la  quatrième  année. 

Des  deux  sarments  laissés  sur  la  souche  dans  les  tailles  précédentes,  l'un  devient 
la  branche  à  bois,  l'autre  que  l'on  fait  courir  horizontalement  est  la  branche  à 
fruits.  Vers  le  milieu  de  cette  branche ,  on  place  un  petit  échalas  qui  sert  de 
soutien,  et  chaque  échalas  dans  la  rangée  est  relié  aux  autres  par  un  fil  de  fer  qui 
assure  la  solidité  du  tout  et  permet  aux  pampres  de  la  vigne  de  trouver  un  appui. 


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La  vigne,  vers  la  septième  année,  arrive  à  son  état  de  perfection  et  de  production, 
et  pendant  vingt  ans  maintient  sa  vigueur  et  sa  fertilité,  si  ou  lui  donne  les  amen- 
dements et  les  engrais  nécessaires,  et  si  les  intempéries  de  l'air  et  les  insectes  ne 
viennent  la  ravager. 

De  tous  les  accidents,  le  plus  terrible  est  la  grêle.  Pour  diminuer  les  consé- 
quences malheureuses  de  son  passage,  le  seul  remède  encore  pratique  est  une 
bonne  assurance.  Les  gelées  peu  intenses  dans  la  région  méridionale,  sont  une 
cause  de  graves  dommages  pour  la  vigne.  On  y  obvie,  quand  on  les  prévoit,  par 
la  combustion  de  foyers  résineux  imprégnés  de  goudron  et  de  coaltar  qui  forment 
au-dessus  des  plants  un  nuage  de  fumée  impénétrable. 

La  maladie  la  plus  fréquente  dans  la  vigne  est  l'oïdium,  champignon  micros- 
copique qui  recouvre  les  raisins  d'une  poussière  blanche  et  leur  fait  répandre 
une  odeur  de  moisi  ;  remèdes  :  1»  sulfate  de  carbone,  le  soufre  et  une  bouillie  dite 
bordelaise  ;  l'crinéon  s'attaque  aux  feuilles,  Tanthracose  se  développe  sur  les  ceps, 
enfin  le  blakrot  et  le  milden. 

Plus  nombreux  sont  les  ennemis  de  la  vigne  ,  plus  nombreuses  sont  les  précau- 
tions qu'elle  réclame  :  quelque  nom  qu'ils  portent,  ce  sont  les  mêmes  soins.  Aussi 
la  petite  viticulture  a-t-elle  grand  peine  à  se  suffire;  quelques  années  de  médiocrité, 
l'absence  d'une  récolte  et  la  voilà  mortellement  atteinte. 

A  côté  des  difficultés  de  la  culture,  la  vinification  est  chose  relativement  aisée. 
Le  raisin  est  jeté  dans  de  grandes  cuves  et  soumis,  soit  à  la  foulée  par  le  pied, 
soit  au  pressoir.  Le  vin  est  recueilli  dansd'autrcs  cuves  qu'on  ferme  hermétique- 
ment et  soumis  à  la  fermentation  pendant  une  durée  de  15  à  21  jours.  L'acide 
carbonique,  résultat  de  la  fermentation,  se  dégage  dans  une  nappe  d'eau.  Après  la 
première  foulée,  le  résidu  a  été  mis  au  pressoir  :  cette  opération  pétrifie  en 
quelque  sorte  les  grains  et  les  peaux,  qui  doivent  être  parfois  attaqués  à  la  bêche. 
On  reconnaît  par  la  dégustation  et  le  degré  de  fermentation,  quand  l'opération 
approche  de  sa  fin. 

Après  la  visite  aux  vignobles-,  MM.  Larcher  nous  firent  les  honneurs  de  leur 
château.  Une  collation  intime  fut  suivie  d'une  visite  dans  le  parc,  au  cours  de 
laquelle  un  photographe  de  notre  Société  prit  un  groupe  des  excursionnistes  et  de 
leurs  aimables  hôtes,  afin  de  perpétuer  le  souvenir  de  cette  charmante  journée. 

Après  avoir  remercié  ces  Messieurs  de  leur  aimable  accueil,  nous  reprîmes  la 
route  de  Bordeaux.  A  quelques  minutes  de  Bon-Air  nous  vîmes  en  passant  le 
vignoble  du  pape  Clément,  dont  l'origine  est  très  ancienne  et  la  réputation  consi- 
dérable, le  château  du  même  nom,  l'une  des  plus  belles  résidences  des  environs 
3e  Bordeaux,  le  vignoble  de  la  Mission  et  celui  de  Haut-Brion,  dont  la  renommée 
a  franchi  les  mers. 

Par  une  série  de  boulevards  remarquables  à  la  fois  par  leur  étendue,  leurs  frais 
ombrages  et  l'élégance  de  leurs  immeubles  ,  nous  rentrons  dans  Bordeaux.  Nous 
voyons  en  passant  V Hospice  des  Enfants  assistés ,  la  Porte  d'Aquitaine  ,  dont  il  a 
déjà  été  parlé,  et  la  place  de  ce  nom,  sur  laquelle  donne  une  Ecole  de  Médecine 
très  réputée  ;  par  le  marché  neuf  nous  arrivons  à  Véylise  St-Michel ,  monument  de 
style  ogival  en  forme  de  croix  latine  avec  bas-côtés  ;  les  chapelles  ont  été  ajoutées 
après  l'achèvement  de  l'église  :  celle  du  Saint-Sépulcre  renferme  une  belle  Descente 
de  Croix,  celle  de  Catherine  de  Mcdicis  a  un  beau  rétable  en  ivoire.  Au-dessus  des 
nefs  à  hauteur  du  chœur,  de  très  anciens  vitraux  donnés  par  Charles  VIII.  Les 
trois  portails  ont  des  sculptures  intéressantes  :  celle  du  portail  Sud  représente 
l'Apparition  de  saint  Michel  à  l'évêque  de  Siponte  ;  celle  du  Nord,  le  Sacrifice 
d'Abraham  ;  celle  de  l'Orient,  la  Naissance  de  l'Enfant-Jcsus  et  l'Adoration  des 
Bergers. 


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A  30  mètres  environ  de  Tégliso  se  dresse  une  tour  isolée  sous  laquelle  est  un 
caveau  oii  Ton  montre  des  momies,  provenant  d'un  cimetière  voisin,  dont  le  terrain 
sablonneux  avait  la  faculté  de  conserver  les  corps. 

La  Porte  de  l'Hôtel  de  Ville,  beau  reste  de  Tancien  hôtel,  est  un  monument  à 
tourelles  avec  arcade,  lanterne  et  cadran  de  la  Renaissance. 

Le  cours  Victor-Hugo  mène  à  VUnive?-sité,  au  Palais  des  Facultés  des  Lettres, 
des  Sciences  et  de  Théologie.  Son  beau  vestibule  à  doubles  rangées  de  colonnes 
contient  le  tombeau  de  l'auteur  des  Essais,  dont  les  restes  sont  conservés  dans  le 
sous-sol.  C'est  une  œuvre  remarquable  de  la  Renaissance  avec  statue  couchée.  On 
va  de  là  à  l'Hôpital  St-André  et  au  Palais  de  Justice,  vaste  édifice  de  façade  lourde 
composé  d'un  avant-corps  décoré  d'un  péristyle  d'ordre  dorique  et  de  deux  ailes. 
Les  motifs  saillants  de  cet  avant-corps  sont  décorés  de  statues  colossales  de 
Malesherbes,  d'Aguesseau,  Montesquieu  et  l'Hôpital.  La  salle  des  pas-perdus  est 
considérée  par  les  Bordelais  comme  un  chef-d'œuvre  d'architecture.  Derrière  le 
palais  sont  les  prisons. 

La  Cathédrale  St-André  est  une  église  gothique  d'une  beauté  incomparable. 
Vue  extérieurement,  du  côté  du  chevet,  elle  présente  un  aspect  très  pittoresque. 
On  y  accède  par  deux  portes  latérales.  La  porte  principale  du  Nord  offre  d'inté- 
ressantes sculptures,  figures  d'anges,  patriarches,  apôtres  et  dans  le  tympan,  la 
Gène  et  l'Ascension.  Elle  est  couronnée  par  une  belle  rose  et  flanquée  de  deux 
tours  terminées  par  des  flèches  élégantes.  La  porte  du  Sud  ne  présente  pas  le 
même  intérêt,  ses  tours  attendent  encore  leurs  flèches. 

L'église  n'a  qu'une  nef  entourée  d'un  collatéral,  bordé  lui-même  de  neuf  cha- 
pelles rayonnantes  hexagonales.  Il  y  règne  une  grande  variété  de  style,  due  aux 
diverses  époques  de  construction  ;  l'église  renferme  plusieurs  tombeaux  remar- 
quables, entre  autres'  celui  en  marbre  blanc  du  cardinal  de  Cheverus  et  celui  de 
Mgr  Donnet.  Parmi  les  tableaux,  une  Résurrection,  par  Véronèse  et  un  Crucifie- 
ment, de  Jordaëns.  Sous  l'orgue,  deux  beaux  bas-reliefs  représentent  la  Descente 
de  Jésus-Christ  dans  les  limbes  et  sa  Résurrection.  L'église  renferme  encore  un 
Chemin  de  Croix  en  tout  petits  émaux,  et  derrière  le  maître-autel,  une  statue  de  la 
Vierge  en  marbre  blanc. 

Sur  la  petite  place,  devant  le  portail  Nord,  s'élève  une  statue  de  bronze,  repro- 
duction du  Gloria  Victis  de  Mercié.  A  quelques  mètres,  dans  un  square,  s'élance 
une  tour  quadrangulaire  surmontée  d'une  flèche  octogonale  qu'on  a  couronnée  d'une 
statue  dorée  de  la  Vierge  :  c'est  le  clocher  Peyberland. 

IS Hôtel  de  Mlle  est  sur  un  vaste  corps  de  logis  flanqué  de  deux  ailes  réunies 
par  deux  péristyles.  Il  a  servi  tour  à  tour  d'archevêché,  d'hôtel  de  département,  de 
palais  impérial,  de  palais  royal;  sa  destination  actuelle  remonte  à  1875. 

Saint-Seurin  date  des  premiers  siècles  du  Christianisme.  Il  a  été  construit, 
continué,  restauré  à  toutes  les  époques.  On  y  entre  par  un  portail  très  ancien. 
L'intérieur  est  sombre  et  bas,  les  chapelles  latérales  se  confondent  dans  l'architec- 
ture du  chœur,  dont  une  grille  seule  les  sépare.  Dans  une  sorte  de  bas-fond,  à 
gauche,  est  une  chapelle  dédiée  à  Notre-Dame  de  la  Bonne-Nouvelle,  dont  le  culte 
ici  est  très  en  honneur. 

Nous  terminâmes  ici  notre  visite  à  Bordeaux. 

L'heure  du  dîner  approchait.  Nous  avions  vu  d'ailleurs  les  principaux  monuments 
et  noiis  avions  une  idée  bien  nette  du  plan  et  de  l'importance  de  la  ville.  La  jour- 
née du  lendemain  promettait  d'être  lourde.  11  fallait  ménager  ses  forces. 

Le  lendemain,  à  5  h.  1/2  du  matin,  à  travers  un  brouillard  épais  que  le  soleil 
naissant  n'avait  pas  encore  la  force  de  percer,  nous  nous  dirigions   vers  le  quai 


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Louis  XVIII  pour  prendre  le  bateau  à  vai)eur  qui  fait  le  service  de  Bordeaux  à 
Roy  an. 

L"excursion  de  Royan  est  très  suivie  en  été  ;  aussi  rencombrement  était-il  déjà 
grand  à  notre  arrivée.  La  durée  du  voyage  est  d'environ  quatre  heures  et  demie. 
La  contrée  est  relativement  peu  intéressante,  à  peu  près  sans  relief,  et  Teau  du 
fleuve  est  trouble  et  jaunâtre.  Cependant,  la  Gironde  est  intéressante  par  sa  lar- 
geur, qui  atteint  près  de  12  kilomètres  à  certaijis  endroits. 

En  quittant  le  quai,  ou  traverse  d'abord  une  partie  du  port  que  bordent  des 
magasins,  des  usines  et  des  chantiers.  A  l'extrémité  des  quais  s'ouvrent  un  bassin 
à  flot  destiné  aux  plus  grands  navires  et  des  docks  importants.  La  brume  épaisse 
fait  disparaitre  les  rives  sous  un  voile  impénétrable.  Aussi  l'on  déserte  volontiers 
le  pont  pour  la  salle  à  manger  du  bord.  A  travers  le  brouillard,  on  soupçonne  plutôt 
qu'on  ne  voit  les  coteaux  de  Sarmont-Parempuyres,  célèbre  par  ses  vignobles 
et  son  élevage  de  sangsues,  Montferiand,  Macau,  Ambez  et  le  bec  d'Ambez,  pointe 
de  terre  basse  assez  aiguë,  qui  s'avance  au  loin  au  confluent  de  la  Garonne  et  de 
la  Dordogne  et  reçoit  les  rudes  assauts  du  Mascaret.  Puis  des  îles  et  des  carrières 
sur  la  rive  droite  assez  belle  jusqu'à  Blaye. 

Blaye  est  bâtie  dans  une  situation  très  agréable,  au  pied  et  sur  la  croupe  d'un 
rocher  escarpé.  La  \'ille  haute  nommée  citadelle  est  une  fortification  élevée  par 
Vauban  et  défendue  par  le  fort  Médoc  sur  un  îlot  et  le  fort  Pâte  sur  la  rive  gauche 
du  fleuve.  A  gauche,  le  soleil  qui  perce  enfin,  montre  distinctement  Pauillac, 
célèbre  par  son  cru  de  Ghàteau-Laffite,  le  deuxième  du  Médoc,  le  lazaret  et  les 
appontements  de  Trompeloup,  oii  s'arrêtent  les  steamers  d'un  trop  fort  tonnage. 
St-Estèphe  succède  avec  ses  vignobles  connus.  Vers  cet  endroit,  la  Gironde  atteint 
une  grande  largeur.  On  se  rapproche  alors  de  la  rive  droite  ,  nettement  dessinée 
par  ses  falaises  crayeuses.  • 

La  plage  de  St-Georges  Didone  et  la  pointe  perdue  au  loin  du  phare  de  Cordouan 
annoncent  l'approche  de  Royan.  Nous  débarquons  bientôt  sans  nous  être  lai.ssés, 
qui  que  ce  soit,  éprouver  par  la  navigation. 

Royan,  ville  moderne  de  premier  ordre  parmi  les  villes  de  badns,  est  l'œuvre  de 
la  pensée  et  de  la  munificence  d'Eugène  Pelletan.  Gomme  Biarritz,  elle  attire  toute 
une  aristocratie  de  baigneurs,  mais  elle  doit  aussi  une  partie  de  sa  clientèle  aux 
départements  voisins.  Le  port  est  très  étroit  et  manque  d'eau.  Il  donne  abri  à  une 
simple  flottille  de  pêche  ;  de  grands  navires  ne  sauraient  y  tenir.  Aujourd'hui,  jour 
de  régates,  sa  rade  souvent  morne  est  sillonnée  par  de  jolies  embarcations  et 
navires  de  plaisance  aux  longues  voiles  blanches  déployées  comme  des  ailes  de 
mouette. 

La  principale  plage  offre  un  splcndide  coup  d'œil.  C'est  une  suite  de  jolies  villas 
perdues  dans  la  verdure  ;  vers  le  milieu  un  Casino  moderne  éblouissant  de  blan- 
cheur, j)lus  loin  une  large  terrasse  encore  dépourvue  d'arbres,  rendez-vous  des 
étrangers.  En  seconde  ligne  apparaissent  de  grands  hôtels  et  la  ville  marchande 
avec  ses  rues  étroites  et  tortueuses  bordées  de  petits  magasins,  une  belle  église 
gothique,  un  marché,  un  établissement  de  bains  et  un  joli  parc  dans  un  bois  de 
pins,  où  se  sont  construites  quantité  de  villas  d'hiver. 

Outre  celte  première  plage  appelée  la  Grande-Conche  ,  Royan  en  compte  encore 
quatre  autres,  baies  plus  ou  moins  profondes  en  pente  douce  et  recouvertes  ,<i'un 
sable  fin.  Ce  sont  la  conche  de  Foncillon,  en  face  d'un  grand  Casino  moderne 
style  Renaissance,  les  petites  conches  de  Chay  et  du  Pigeonnier  à  mi-chemin  de  Pon- 
taiUac,  et  la  conche  de  Pontaillac,  oit  la  mer  est  plus  forte.  Un  tramway  relie  entre 


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elles  les  diverses  plages  à  travers  une  succession  de  plantations  verdoyantes  ,  de 
jardins  et  de  villas. 

A  4  heures  nous  reprenions  le  bateau  pour  Bordeaux.  La  marée  contraire,  la 
violence  du  courant  et  peut-être  aussi  l'intérêt  bien  compris  de  la  Compagnie,  qui 
a  tout  à  gagner,  rien  à  perdre,  d'un  séjour  prolongé  à  bord,  de  000  passagers,  nous 
amenèrent  à  quai  bien  au  delà  de  l'heure  fixée.  Patients  et  résignés  ,  nos  excur- 
sionnistes trompèrent  la  longueur  et  l'obscurité  du  trajet  par  des  jeux  d'esprit,  des 
bons  mots  et  les  chants  du  pays. 

A  la  fin  du  repas  qui  clôture  tardivement  la  journée  ,  comme  on  était  à  la  veille 
du  15  Août,  un  gai  poète  de  nos  compagnons,  qu'il  nous  a  été  donné  d'entendre  à 
diverses  reprises  et  toujours  avec  un  vif"  plaisir,  célèbre  dans  ses  vers  la  fête  du 
lendemain  et  celles  de  nos  compagnes  qui  portent  le  nom  souhaité.  Un  toast  de 
l'une  de  ces  dames,  la  réponse  du  plus  autorisé  des  interprètes ,  parmi  les 
hommes,  furent  suivis  d'un  joyeux  vivat  qui  attira  sous  nos  fenêtres  plus  d'un 
curieux  attardé. 

Le  lendemain,  départ  pour  Arcachon.  La  voie  traverse  d'abord  les  vignobles  Je 
Haut-Brion,  puis  les  landes  s'annoncent  par  les  plantations  de  pins  qui  succèdent 
aux  vignes.  De  vastes  étendues  presque  complètement  désertes ,  recouvertes  de 
bruyères,  ajoncs,  fougères  et  genêts.  Elles  sont  souvent  ravagées  par  l'incendie. 
Les  troncs  des  pins  sont  sillonnés  d'entailles  et  garnis  de  petits  godets  pour 
recueillir  la  résine  qui  forme  ici  un  élément  de  commerce  assez  important.  Dans 
les  bas-fonds  qui  précèdent  Arcachon,  on  remarque  les  huîtrières  de  Gujan  ,  puis 
la  ville  de  la  Teste,  ancienne  résidence  des  fameux  captaux  de  Buch,  —  enfin 
Arcachon. 

Arcachon  est  une  ville  de  bains  à  la  mode  et  en  même  temps  une  station  d'hiver. 
Elle  est  de  création  encore  récente,  mais  sa  réputation  est  déjà  faite,  elle  a  son  lot 
de  fervents  et  de  détracteurs.  Les  uns  l'estiment  pour  les  ressources  qu'elle  pré- 
sente, les  autres  lui  trouvent  un  aspect  triste. 

Elle  se  compose  de  deux  parties  :  la  ville  proprement  dite ,  située  sur  le  bassin 
du  même  nom,  et  la  ville  d'hiver  plantée  dans  la  forêt  sur  les  dunes.  Le  bassin 
d'Arcachon  est  une  baie  de  80  kilomètres  de  circuit,  de  forme  triangulaire,  d'en- 
viron 15.000  hectares  de  superficie,  dont  toutefois  les  deux  tiers  se  dessèchent  à 
marée  basse.  11  communique  avec  la  mer  par  une  large  passe  indiquée  et  éclairée 
par  un  phare  de  premier  ordre. 

La  barre  et  les  bancs  qui  bordent  la  passe  sont  formés  de  sables  mouvants  qui 
rendent  l'accès  de  la  rade  difficile.  Malgré  tout,  sur  celte  côte  perdue,  elle  offre 
aux  navires  un  abri  parfaitement  sîir.  Sur  les  rives  du  bassin  sont  assis  de  nom- 
breux villages,  notamment  celui  de  la  Teste  de  Buch.  Dans  son  milieu  émerge  une 
île  connue  sous  le  nom  d'île  des  Oiseaux,  et  le  banc  de  la  Hillon  et  ses  célèbres 
parcs  aux  huîtres,  d'une  étendue  de  4.000  hectares,  répartis  entre  quelques  cen- 
taines de  concessionnaires  et  faisant  vivre  20.000  personnes.  Les  huîtres  y  sont 
singulièrement  conformées  :  on  les  appelle  gravettes,  à  cause  des  sillons  qu'elles 
laissent  dans  le  sable. 

La  plage  est  commode  et  sûre  :  à  marée  basse  ,  on  y  marche  sur  un  sable  par- 
faitement uni,  et  la  pente  est  si  douce,  qu'à  marée  haute  on  peut  s'y  baigner  sans 
crainte.  Une  chose  lui  manque,  un  quai  où  l'on  puisse  se  promener  en  tout  temps. 
Devant  le  bassin  s'étend  la  ville,  :  ses  jolies  maisons  au  bord  de  l'eau  se  dérobent 
capricieusement  dans  des  nids  de  verdure. 

Derrière  cette  première  ligne  s'étend  un  long  boulevard  qui   conduit  à  la  place 


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Thiers.  De  ce  boulevard  se  détache  à  hauteur  du  grand  hôtel  une  rue  montante 
vers  le  Casino,  charmant  palais  à  deux  coupoles  mauresques  entouré  de  jardins. 

A  quelques  pas  se  dresse  une  tour  en  fer  assez  légère,  décorée  du  nom  d'obser- 
vatoir*Ste-Céeile.  C'est  de  ce  point  qu'on  peut  le  mieux  contempler  le  gracieux 
paysage  d'Arcachon,  du  bassin,  de  la  forêt  et  des  dunes  voisines.  La  ville  d'hiver, 
derrière  le  Casino,  est  disséminée  dans  un  bois  de  3.fK)0  hectares  planté  principa- 
lement de  pins,  de  chênes,  d'arbousiers  et  d'aubépines.  On  y  rencontre  de 
magnifiques  hôtels  entourés  de  jardins  et  de  villas  de  tout  style,  dont  quelques- 
unes  originales.  Remarquée  entre  autres  la  villa  Alexandre  Dumas  avec,  sur  sa 
façade,  les  noms  d'hommes  illustres.  Les  émanations  résineuses  des  pins,  l'air  vivi- 
fiant de  la  mer  toute  proche  sont  très  salutaires  aux  malades  qui  viennent  ici 
respirer.  Bien  plus,  le  climat  supérieur  à  celui  des  contrées  environnantes  rap- 
pelle, sinon  par  la  pureté  du  ciel,  du  moins  par  la  régularité  de  la  température,  le 
climat  des  stations  d'hiver  les  plus  fréquentées  de  la  Provence  et  de  la  Ligurie. 
C'est  presque  le  doux  climat  hivernal  de  Cannes  et  de  Menton,  cependant  Arcachon 
est  loin  de  soutenir  la  comparaison  avec  les  stations  de  la  Méditerranée. 

Comme  monuments,  on  ne  peut  guère  citer  que  l'église  gothique  de  Notre-Dame, 
l'église  de  .St-Ferdinand  et  sur  une  place,  la  statue  de  Brémontier,  ingénieur- 
planteur  qui  arrêta  l'envahissement  des  dunes  par  des  semis  de  pins.  Dans  le 
quartier  de  Mouleau,  se  trouve  un  sanatorium  pour  les  enfants  pauvres  ;  Arcachon 
possède  une  institution  de  Dominicains. 

Le  déjeuner  eut  lieu  devant  un  paysage  splendide  ;  de  la  salle  à  manger  nous 
embrassions  tout  le  bassin,  dont  les  eaux  bleues  rappelaient  par  leurs  nuances  eelles 
de  la  Méditerranée.  Seul  l'azur  du  ciel  n'était  pas  absolument  pur.  Sur  la  baie  se 
balançaient  et  glissaient  mollement  une  multitude  de  barques  et  de  petits  yachts 
aux  grandes  voilures  blanches  réunis  pour  les  régates  du  jour.  Dans  l'après-midi, 
une  promenade  sur  le  lac  fut  pour  quelques-uns  le  plus  agréable  des  passe-temps. 

La  route  d'Arcachon  à  Bayonne  se  fit  sur  sa  plus  grande  longueur  dans  l'obscu- 
rité. Elle  fut  heureusement  coupée  par  le  dîner,  pris  dans  le  wagon-restaurant. 

Aussitôt  arriA'és,  et  après  un  peu  de  confusion  dans  la  distribution  des  colis, 
causée  par  les  ténèbres,  chacun  s'empressa  de  gagner  sa  chambre. 

Le  lendemain  réservait  une  surprise  en  même  temps  qu'un  changement  d'itiné- 
raire. Après  une  correspondance  ardue  et  nombre  de  dépêches  contradictoires, 
notre  Directeur  venait  de  recevoir  enfin  la  nouvelle  qu'il  y  avait  ce  jour-là  course 
de  taureaux  à  St-Sébastien.  Du  consentement  général,  la  visite  de  Bayonne  fut 
remise  au  lemieniain  et  à  7  heures  du  matin  nous  prenions  le  chemin  do  fer  via 
Fontarabie.  La  route  offre  assez  d'intérêt.  Le  sol  moins  privé  d'eau  porte  une 
culture  plus  abondante  et  plu>  prospère.  On  franchit  au  départ  la  rivière  de  l'Adour 
et  on  contourne  la  ville  ;  puis,  après  une  série  de  tunnels,  on  traverse  la  Nive.  A 
quelques  kilomètres  se  trouve  la  station  do  Biarritz,  dite  de  la  Négresse,  précédant 
le  Bois  de  Boulogne  de  Biarritz  avec  le  lac  Mouriscot  et  la  mer.  Nous  la  saluons 
en  lui  promettant  une  prochaine  visite. 

A  Bidart,  la  voie  se  rapproche  insensiblement  de  la  mer  qui  présente  bientôt  un 
très  beau  coup  d'oeil.  Saint-.Jean-de-Luz  entrevu  au  passage  est  une  petite  ville, 
autrefois  prospère  par  son  commerce  maritime  et  la  pêche  ,  aujourd'hui  en  pleine 
décadence.  Un  souvenir  hi.storique  s'y  rattache,  le  mariage  du  grand  Roi  avec 
l'Infante  Marie-Thérèse.  Beau  spectacle  à  l'entrée  de  la  vallée  de  la  Bidassoa.  A 
gauche,  sur  le  territoire  espagnol,  Ij  Haya  et  ses  trois  sommets,  à  droite,  un  beau 
château  moilernc,  la  plago  d'Hendaye  et  le  lit  sablonneux  de  la  rivière.  Enfin,  la 
pittoresque  Fontarabie.  Pour  y  monter,  on  peut  quitter  la   voie  ferrée  à  Hcndaye 


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et  traverser  la  Bidassoa.  On  peut  aussi  continuer  en  wagon  jusqu'à  Iran.  C'est  le 
parti  que  nous  adoptons. 

A  la  gare,  visite  de  la  douane  espagnole.  Très  curieux  le  costume  des  douaniers  : 
casquette  blanche,  pantalon  bleu  à  bandes  rouges,  veste  de  drap  bleu,  l'ensemble 
d'une  clarté  qui  dénote  le  Midi  et  son  soleil.  Très  consciencieux  ces  braves 
employés  :  jusqu'aux  appareils  de  photographie,  tout  doit  être  présenté  à  l'inspec- 
teur et  subir  une  violente  marque  à  la  craie.  Encore  bien  qu'on  ne  doive  pas 
montrer  les  plaques  !  Dans  la  gare  ,  un  policeman  dort ,  effondré  sur  un  banc. 
Quel  accoutrement  :  toque  rouge  avec  plaque  de  cuivre  et  matricule,  pantalon 
rouge;  comme  veste  une  sorte  de  mac-ferlane  en  drap  bleu  très  court. 

A  la  porte  de  la  gare  attend  le  tramway  poui-  Fontarabie.  Avant  que  les  mules 
attelées  en  flèche  s'enlèvent  sous  la  caresse  de  la  longue  chambrière  ,  donnons- 
nous  l'illusion  d'avoir  vécu  vingt  minutes  de  moins  et  prenons  l'heure  de  Madrid. 

Le  trajet  est  vile  franchi.  Çà  et  là  sur  la  route  de  lourds  chariots  à  roues  de  bois 
pleines,  traînés  par  des  bœufs  ;  des  gendarmes  vêtus  comme  nos  gardes-cham- 
pètres  avec  en  sus  un  baudrier  jaune  et  un  plat  bicorne  en  toile  cirée  ;  des  femmes 
portant  de  larges  corbeilles  sur  la  tête  ;  des  soldats  qui  ne  marchent  pas  du  même 
pied  ,  sans  allure  régulière ,  le  fusil  posé  indistinctement  sur  l'une  ou  l'autre 
épaule  ;  des  mathurins  de  l'aviso  Urania,  et  au  milieu  de  tout  cela  des  troupeaux, 
des  pourceaux  sur  le  seuil  d'une  chapelle.  Sur  une  élévation  on  aperçoit  de 
blanches  arènes.  Nous  sommes  à  Fontarabie.  Aussitôt  nous  sommes  assaillis  par 
une  multitude  de  gamins  qui  disent  parler  français.  Comprennent-ils  seulement 
notre  langue  ?  Leurs  réponses  permettent  fortement  d'en  douter. 

FoNT.\RABiE  n'a  pas  seulement  un  aspect  pittoresque,  elle  offre  de  plus  au  voya- 
geur les  marques  d'un  caractère  nouveau,  le  caractère  tout  à  fait  espagnol  Les 
rues  sont  fort  étroites  et  les  toits  des  maisons,  prolongés  en  saillies,  tendent  à  se 
rejoindre  par  dessus  la  chaussée.  Les  maisons  sont  en  général  misérablement 
construites.  Quelques-unes;  plus  importantes,  sont  massives  et  surchargées  de 
sculpture  ;  certaines  ont  des  balcons  en  fer  ouvragé  et  portent  sur  leur  façade 
armoiries  et  écussons.  On  pénètre  en  ville  par  une  porte  très  ancienne  en  partie 
écroulée,  dont  le  sommet  est  couronné  des  armes  de  la  cité.  La  rue  principale, 
Calle  mayor,  monte  vers  l'église  et  le  château.  L'éf/iise  est  de  style  gothique 
altéré  par  la  Renaissance.  Décorée  avec  un  luxe  extraordinaire ,  on  peut  la  com- 
parer à  un  petit  musée,  mais  le  mobilier  manque  totalement  d'unité.  De  beaux 
autels  avec  des  retables  en  bois  doré,  des  bas-reliefs,  des  chapiteaux  ciselés,  des 
statues  richement  habillées,  entre  autres  une  Vierge  des  Sept-Douleurs  et  un  Christ  à 
Gethsémanie.  La  conformation  de  l'orgue  est  originale  ;  à  côté  des  tuyaux  droits  il 
en  renferme  de  parallèles  au  sol  qui  s'étendent  par  dessus  la  tribune.  L'église  ne 
connaît  ni  le  gaz  ni  l'électricité,  la  chandelle  est  son  mode  d'éclairage. 

Nous  assistons  à  un  service  funèbre.  Le  défunt  est  resté  à  l'extérieur,  dans  un 
caveau  pratiqué  sous  la  paroi  de  la  nef.  L'assistance  est  peu  nombreuse  ;  dissé- 
minée dans  l'église,  elle  psalmodie  sur  un  ton  lugubre.  Les  chants  mêmes  du  célé- 
brant diffèrent  sensiblement  des  nôtres.  Les  ornements  aussi,  la  chasuble  n'est 
qu'une  large  bande  d'étoffe  à  deux  côtés  sans  image  ni  croix.  L'Elévation  a  lieu  au 
milieu  d'un  formidable  carillon.  On  ne  connaît  point  ici  l'u-sage  des  chaises  ni  la 
vente  des  cierges  par  les  chaisières  ;  chacun  apporte  de  sa  demeure  une  sorte  de 
chandelle,  roulée  comme  une  saucisse  sur  une  plaque  de  tôle  et  qu'on  allume  par 
les  deux  bouts,  légèrement  redressés. 

Le  Château.,  dit  de  Charles-Quint,  n'est  qu'une  ruine  sans  grand  intérêt.  Dans  un 
coin  de  cour  sont  réunis  des  petits  canons  courts  avec  d'étranges  projectiles  et 


quelques  anciens  meubles  en  bois  assez  curieux.  Par  des  escaliers  très  irréguliers 
quant  aux  marches,  on  monte  à  une  plate-forme  qui  domine  la  vallée  et  d'où  l'on  a 
une  vue  spleudide.  En  face,  le  commencement  des  Pyrénées  avec  le  triple  sommet 
de  la  Haya  perdu  au  loin  dans  les  nuages,  le  Jaisquivel  qui  porte  à  sa  crête  une 
caserne  d'infanterie  et  un  sanctuaire  de  Notre-Dame  de  la  Guadeloupe,  et,  sur  ses 
flancs,  une  multitude  de  petites  maisonnettes  qui  apparaissent  semblables  à  des 
jouets  d'enfant. 

Derrière,  la  plage  de  Fontarabie  précédée  d'une  avenue  plantée,  ses  falaises  et 
ses  villas.  A  gauche,  l'important  village  d'Hendaye  avec  ses  bains  de  mer,  sa  plage 
et  son  Casino.  Baignant  le  pied  du  château,  la  Bidassoa  qui  porte  dans  son  lit  la 
borne-frontière  franco-espagnole.  A  quelques  mètres  de  la  terrasse  et  à  la  même 
hauteur  le  clocher  de  l'église,  d'oii  s'échappent  les  sonneries  bruyantes  des  cloches 
lancées  à  toute  volée.  Elles  annoncent  le  départ  de  la  procession  de  Saint  Roch 
dont  on  célèbre  aujourd'hui  la  fête.  En  tête  le  clergé  avec  la  croix ,  puis  la  statue 
du  saint  suivie  d'un  groupe  considérable  de  femmes.  Elle  serpente  à  travers  les 
quelques  rues  de  la  cité  et  rentre  bientôt  à  l'église.  Les  rues  d'alentour  sont 
tortueuses  et  sales,  bêtes  et  gens  s'y  pressent  pêle-mêle.  Les  maisons  blanchies  à 
la  chaux  sont  jonchées  à  l'intérieur  de  gerbes  de  maïs,  céréale  qui  joue  ici  un  rôle 
considérable  :  sa  tige  sert  de  litière  et  son  fruit,  sous  des  accommodements  peu 
variés,  forme  un  des  principaux  éléments  de  l'alimentation  populaire. 

Le  travail  n'est  guère  en  honneur.  La  principale  industrie  du  pays  est  la  fabri- 
cation de  paillassons  et  d'espadrilles.  En  quittant  Fontarabie  nous  nous  dirigeons 
vers  Irun. 

iRtiN  n'a  pas  au  même  degré  que  sa  voisine  le  véritable  cachet  espagnol.  Cepen- 
dant on  en  trouve  des  traces  dans  les  rues  étroites  et  les  maisons  coiffées  de 
pignons  débordants.  La  vieille  cité  s'est  singulièrement  modernisée  :  éclairage  et 
traction  électriques.  Casino  moderne,  vastes  immeubles  sur  un  large  boulevard, 
halles  couvertes ,  postes  et  télégraphes  ;  elle  a  de  quoi  satisfaire  aux  exigences 
modernes.  Le  seul  monument  curieux  est  l'église  Nuestra  Senora  del  Juncal.  C'est 
une  vieille  construction  du  XYI"^  siècle  à  voûte  élevée ,  mais  écrasée  dans  le  bas 
par  une  immense  tribune.  Elle  a  pour  seul  accès  un  portail  sur  le  côté.  A  côté 
d'antiques  rétables  et  de  sculptures  anciennes  représentant  les  principales  scènes 
de  l'Évangile,  elle  étale,  sur  ses  murs,  des  peintures  toutes  modernes  et  s'éclaire 
à  l'électricité.  De  retour  à  la  gare  d'Irun  nous  prenons  au  buffet  un  confortable 
repas  en  attendant  le  départ  pour  Saint-Sébastien.  Malheureusement ,  la  cuisine 
manquait  de  tout  cachet  local  et  nous  fi'mies  servis  à  la  française.  Puis,  devant  un 
Cambio  de  Monedas,  chacun  se  livra  à  un  agio  qui  n'avait  rien  d'efîréné;  grâce  à  la 
notable  dépréciation  de  la  monnaie  espagnole,  il  fut  loisible  à  chacun  de  se  pro- 
curer contre  notre  botinc  monnaie  française,  un  nombre  considérable  de  pesetas 
dont  l'emploi  serait  tôt  trouvé  à  Saint-Sébastien. 

Saint-Séb.\stien,  bien  que  d'origine  très  ancienne,  est  maintenant  une  ville  tout 
à  fait  moderne,  mise  à  la  mode  par  le  choix  qu'en  ont  fait  pour  résidence  d'été  la 
reine  régente  et  le  roi  Alphonse  Xlll.  C'est  l'un  des  premiers  «  bains  de  mer  »  de 
l'Espagne.  Elle  occupe  un  site  très  pittoresque  sur  une  presqu'île  du  golfe  de 
Biscaye,  terminée  par  le  mont  UrguU.  Nous  parcourons  en  voiture  les  parties 
{irincipales  de  la  ville.  La  Concha  d'abord  au  bout  de  l'avenue  de  la  Liberté  , 
après  le  pont  sur  l'Uruméa.  C'est  une  baie  aux  eaux  bleues  communiquant 
avec  la  mer  par  un  étroit  goulet  entre  les  hauteurs  escarpées  des  monts  UrguU  et 
Igueldo,  lesquels  se  détachent  nettement  dans  le  ciel  azuré.  Dans  la  baie,  entre  les 


r-    49    - 

montagnes,  face  au  palais  Miramar  ou  palais  royal,  émerge  la  petite  île  de  Sainte- 
Claire. 

C'est  à  cette  belle  plage  de  la  Concha  formée  de  sable  fin  et  en  pente  très  douce 
que  se  prennent  les  bains  de  mer  :  elle  est  entourée  de  belles  constructions  per- 
dues dans  les  arbustes  et  les  fleurs.  A  quelques  pas  un  parc  ,  puis  un  Casino  très 
joli  précédé  du  beau  boulevard  de  FAlmeda,  on  arrive  à  un  petit  port  assez  curieux 
qu'éclairent  la  nuit  les  feux  du  phare  de  l'île  Sainte-Claire.  Dans  son  voisinage 
l'église  Sainte-Marie,  dans  le  style  Renaissance,  avec  deux  tourelles  et  un  corps 
principal  en  forme  de  demi-cercle  convexe,  remarquable  par  la  richesse  exubérante 
de  sa  façade  et  ses  autels  de  proportions  monumentales.  Malheureusement  elle  est 
totalement  dépourvuQ,  à  l'intérieur,  de  clarté. 

L'église  toute  proche  de  Saint-Vincent  est  un  édifice  gothique  dans  le  même 
goût  que  la  précédente.  Au  centre  de  la  ville  s'étend  la  curieuse  place  de  la 
Constitution.  Elle  servait  autrefois  d'emplacement  pour  les  courses  et  les  solen- 
nités. Ses  maisons  d'un  style  uniforme  sont  garnies  d'arcades  et  de  balcons  à 
tous  les  étages.  Chacune  des  fenêtres  a  été  numérotée  pour  les  fêtes  dont  la  place 
a  été  le  théâtre.  Sur  une  de  ces  faces  on  voit  l'Hôtel  de  Ville.  Un  des  plus  beaux 
monuments  de  Saint-Sébastien  est  sans  contredit  son  palais  de  la  Députation  ou 
du  Conseil  général.  C'est  à  l'extérieur  un  superbe  bâtiment  dans  le  style  classique. 
L'intérieur  est  vaste  et  luxueux.  Un  bel  escalier  de  marbre  blanc  dominé  par  un 
grand  vitrail,  qui  représente  Alphonse  VI  prêtant  .serment  de  respecter  la  liberté 
basque,  conduit  à  un  hall  magnifiquement  tapissé.  Les  appartements  sont  de  toute 
beauté,  particulièrement  la  salle  des  délibérations  du  Conseil  et  le  bureau  du  Pré- 
sident. Au  deuxième  étage  sont  installés  la  bibliothèque,  le  secrétariat,  les  salles 
de  travail,  les  bureaux,  donnant  de  plain-pied  sur  un  vestibule  oii  sont  exposées 
les  copies  des  principales  œuvres  des  maîtres  ;  ce  vestibule  est  décoré  d'un  superbe 
panneau  représentant  la  Capitulation  de  Breda.  Les  dépendances,  vestiaires, 
lavabo,  etc....,  sont  établis  avec  une  somptuosité  extra-moderne.  En  face  du 
palais  s'étend  un  jardin  public  avec  une  belle  cascade,  une  rivière  oii  nagent  des 
cygnes,  un  canon  minuscule  que  le  soleil  fait  partir  à  midi ,  une  originale  borne 
thermométrique  et  astronomique  fondée  sur  de  grandes  pierres  qui,  par  leur  ordi- 
nateur et  les  flèches  qui  y  sont  dessinées  indiquent  les  points  cardinaux. 

Nous  nous  dirigeons  vers  les  arènes.  Hors  de  la  ville,  près  de  la  gare,  ces 
arènes  récemment  rebâties  sont  une  jolie  construction  moresque  pouvant  contenir 
10.000  personnes.  C'est  là  que  se  donnent  les  courses  de  taureaux ,  dont  le  peuple 
espagnol  est  si  amateur.  La  nouveauté  du  spectacle,  la  mise  en  scène,  l'enthou- 
siasme des  spectateurs,  les  cris,  les  bravos,  les  sifflets,  l'éclat  du  soleil,  la  clarté 
des  costumes,  le  mouvement  des  éventails  off'rent  dans  leur  ensemble  un  spectacle 
difficile  à  décrire  et  excessivement  curieux.  Gomment  ne  pas  se  laisser  empoigner  ! 
L'entrée  et  les  évolutions  du  quadrige,  la  remise  de  la  clef  du  toril,  le  taureau 
bondissant  dans  l'arène,  les  excitations  des  écarteurs,  l'attaque  des  piccadors,  les 
représailles  sanglantes  de  l'animal  furieux,  le  jeu  léger  des  banderilleros  ,  la  mise 
à  mort  par  l'espada  au  milieu  des  applaudissements  et  des  fanfares,  l'enlèvement 
du  cadavre  par  un  quadrige  de  mules,  voilà  bien  un  spectacle  unique,  capable  de 
soulever  les  foules. 

Nous  assistâmes  ainsi  à  quatre  courses  et  pûmes  nous  faire  une  idée  exacte  de 
ces  jeux  si  réputés  et  du  tempérament  et  des  mœurs  des  Espagnols. 

Le  soir  nous  étions  de  retour  à  Bayonne. 

Bayonne  est  une  place  forte  très  ancienne  assise  sur  l'Adour  et  la  Nive,  dans  un 
joli  site,  à  quelques  kilomètres  du  golfe  de  Gascogne.  C'est  une  ville  mal  bâtie  et 

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sans  grand  intérêt.  Elle  se  divise  en  trois  quartiers  :  le  grand  Bayonne,  qui  se 
développe  sur  la  rive  gauche  de  la  Nive,  renferme  un  vieux  château  du  XV"  siècle 
qui  fut  témoin  de  la  rançon  de  François  P''  en  1521). 

Le  petit  Bayonne,  sur  la  live  droite  de  la  Nive  et  la  gauche  de  TAdour,  contient 
le  château  neuf  flanqué  de  4  tours  ,  construit  par  la  reine  douairière  d'Espagne  , 
Marie-Anne  de  Neubourg  ;  Napoléon  y  détrôna  les  Bourbons  d'Espagne  pour 
mettre  à  leur  place  son  frère  Joseph  et  donna  une  nouvelle  Constitution  à  l'Espagne. 

Saint-Esprit,  le  troisième  quartier,  a  été  détaché  du  département  des  Landes  et 
annexé  à  Bayonne.  En  haut  de  ce  quartier  se  dresse  la  citadelle,  qui  commande  la 
ville  et  le  port.  Bayonne  offre  un  aspect  légèrement  pittoresque  par  ses  construc- 
tions dans  le  style  espagnol.  On  y  pénètre  par  les  portes,  seules  tranchées  ouvertes 
dans  les  travaux  de  défense  qui  entourent  encore  la  ville. 

La  cathédrale  Notre-Dame  est  le  seul  monument  du  Moyen-Age  qui  reste  encore 
debout.  C'est  un  édifice  de  style  ogival  dans  ses  parties  principales  et  qui  est  à 
trois  nefs  :  la  nef  latérale  de  gauche  est  seule  bordée  de  chapelles.  Celle  de  droite 
est  appuyée  sur  un  cloître.  Les  transepts  ne  sont  indiqués  que  par  l'espacement 
des  travées,  à  la  naissance  du  chœur  ils  sont  éclairés  par  des  roses  de  la  plus 
grande  élégance.  Une  galerie  percée  d'arceaux  en  ogive  et  décorée  de  colonnettes 
et  de  trèfle  règne  autour  de  la  nef  et  du  chœur  à  la  naissance  des  arcades.  Au- 
dessus  de  cette  galerie  se  déroulent  deux  lignes  de  larges  vitraux  coloriés  ,  dont 
quelques-uns  très  anciens. 

Un  cloître  qui  servait  autrefois  de  cimetière  aux  chanoines  de  la  cathédrale  est 
placé  à  sa  droite.  C'est  une  construction  ancienne  remarquable  récemment 
restaurée. 

L'ensemble  du  monument  n'a  pas  encore  reçu  son  complet  développement ,  mais 
grâce  à  un  legs  fait  par  un  Bayonnais,  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  on  travaille 
constamment  à  sa  continuation  et  à  sa  restauration.  Ce  sera,  à  n'en  pas  douter,  un 
beau  morceau  d'architecture  le  jour  oii  il  sera  terminé. 

Bayonne  est  reliée  à  Biarritz  par  une  ligne  de  tramway  qui  part  des  allées  de 
Paulmy  et  aboutit  à  la  place  de  la  Liberté,  près  de  la  plage,  après  avoir  traversé 
la  grand'route  de  Biarritz,  bordée  de  villas  sur  une  grande  longueur.  Mais,  sur  la 
proposition  de  l'hôtelier,  au  lieu  de  recourir  à  ce  mode  de  locomotion  trop  rapide, 
nous  prîmes  de  grands  breaks  pour  descendre  jusqu'à  l'embouchure  de  l'Adour  et 
de  là  gagner  Biarritz.  Pendant  la  première  partie  du  trajet  nous  suivons  le  fleuve. 
Sur  sa  rive  droite  l'industrie  a  élevé  un  important  établissement  de  forges  où  l'on 
fait  principalement  des  rails,  des  sommiers  et  des  fils  de  fer,  puis  une  fabrique  de 
ciment  qui  crache  une  fumée  épaisse  dans  le  ciel  limpide.  De  Bayonne  à  son 
embouchure  la  rivière  est  bordée  de  quais  où  se  déchargent  les  navires  ;  mais  l'en- 
treprise commencée  est  loin  d'être  terminée  :  ici  le  terrain  est  réservé  pour  la 
construction  des  cales  sèches,  là  pour  des  docks  étendus.  La  digue  même  ne  se 
développe  pas  sur  toute  sa  longueur  prévue. 

Lorsque  nous  arrivons  au  phare,  la  mer  est  déjà  entrée  dans  le  fleuve  :  la  lutte 
du  courant  contre  la  mer  est  déjà  terminée.  Nous  avons  manqué  le  spectacle  inté- 
ressant de  la  barre.  Mais  comment  regretter  la  promenade  ?  A  nos  pieds,  la  mer  : 
dans  le  fond,  Bayonne  avec  sa  citadelle,  son  agglomération,  ses  usines,  ses  quais 
et  son  port  ;  à  droite,  le  champ  de  courses  de  Biarritz,  une  petite  forêt,  le  cap 
Saint-Martin  surmonté  d'un  phare,  Biarritz  et  ses  rochers,  et  tout  au  fond  la  masse 
imposante  des  Pyrénées. 

Non  loin  de  la  mer,  à  Anglet,  se  trouve  un  établissement  de  filles  repenties 
appelé  le  Refuge,  et  sur  la  plage  entre  Biarritz  et  Anglet,  la  grotte  dite  Cùanibre 


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d'amour,  où  périrent  engloutis  par  les  flots,  Dieu  sait  quand,   deux  jeunes  amants 
que  la  tradition  nomme  Lavrens  et  Saubade. 

Biarritz,  sur  le  golfe  de  Gasgogne,  est  peut-être  la  station  balnéaire  la  plus 
réputée  de  France.  Elle  est  fréquentée  par  la  haute  société,  par  l'aristocratie  du 
Midi  et  particulièrement  par  les  Espagnols  en  été,  les  Anglais,  les  Russes  et 
autres  étrangers  en  hiver.  Les  souverains  eux-mêmes  ne  dédaignent  pas  de  s'y 
arrêter.  La  ville  doit  la  faveur  dont  elle  jouit  à  l'originalité  de  son  site,  à  sa  plage 
magnifique  et  surtout  à  son  climat  tempéré  et  régulier,  qui  en  fait  une  station 
d'hiver. 

La  disposition  naturelle  des  falaises,  la  force  des  lames  qui  déferlent  sur  les 
rochers  en  y  creusant  da  profondes  excavations,  ont  divisé  la  vaste  plage  en  plu- 
sieurs parties  distinctes.  La  grande  plage  s'étend  du  cap  Saint-Martin  au  promon- 
toire de  l'Atalaye,  c'est  la  plus  appréciée  des  baigneurs.  Elle  est  étranglée  vers  son 
milieu  par  l'hôtel  du  pèilais,  ancienne  villa  Eugénie,  du  temps  oii  y  résidait  l'ex- 
impératrice  Eugénie  ;  lourde  bâtisse  de  pierres  et  briques.  Tout  à  côté  s'est  élevée 
dernièrement  une  élégante  chapelle  russe.  Un  établissement  de  bains  récemment 
construit  sollicite  vivement  la  visite  des  touristes  brûlés  par  le  soleil  et  accablés 
par  la  chaleur.  Impossible  de  résister  et  bientôt  nous  voilà  plongeant  dans  les 
belles  eaux  bleues  au  sein  d'une  agréable  fraîcheur.  Le  nouveau  Casino  avec  sa 
grande  terrasse  est  le  centre  de  l'animation  et  de  l'élégance.  Il  rivalise  de  luxe  et 
d'éclat  avec  l'ancien  Casino,  sorte  de  château  aérien  au  bord  d'une  falaise  escarpée. 
Le  visiteur  qui  se  promène  à  la  terrasse  de  cet  ancien  Casino  entend  à  ses  pieds  le 
bruit  des  vagues  qui  se  brisent  en  grondant  et,  au-dessus  de  sa  tête,  comme  des- 
cendant du  ciel,  des  flots  d'harmonie  qui  tombent  d'une  galerie  vitrée,  élevée  à  la 
hauteur  d'un  troisième  étage.  Tout  à  l'entour  de  vastes  hôtels  dressent  leur  façade 
régulière  et  leurs  étages  désespérants  ;  ils  rappellent  aux  touristes  les  stations 
méditerranéennes  et  la  foule  incessante  qui  les  encombre  pendant  la  saison. 

L'Atalaye  qui  borne  la  grande  plage  est  un  cap  autrefois  avancé  au  loin  en  mer, 
mais  qui,  sous  l'effort  des  vagues  et  des  tempêtes  s'est  ruiné,  aminci,  brisé  et 
éboulé  en  chaos  pittoresque.  Sa  tête  porte  encore  les  ruines  d'un  vieux  château. 
Une  de  ses  principales  excavations  sert  d'abri  à  une  petite  flottille  de  pêche. 
Plus  loin  un  tunnel  de  75  mètres  donne  accès  à  une  sorte  de  terrasse  prolongée 
par  un  passage  dans  un  rocher,  lequel  est  surmonté  d'une  Vierge,  jusqu'à  une 
digue  moderne  destinée  à  un  port  de  refuge  que  la  mer  a  déjà  détruite.  De  cette 
extrémité  la  vue  s'étend  au  loin,  le  long  des  côtes,  vers  le  Nord  et  Bayonne,  et 
sur  la  chaîne  des  Pyrénées  qui  projette  vers  le  ciel  les  pics  de  la  Rhune,  de  la 
Haya  et  du  Jaisquivel.  On  a  à  ses  pieds  une  sorte  de  bassin  oii  la  mer  plus  calme 
et  l'absence  de  courant  permettent  aux  intrépides  de  nager  vigoureusement.  Plus 
loin  s'étend  la  deuxième  plage,  dite  plage  des  Basques,  ainsi  appelée,  dit-on, 
parce  que  les  Basques  ont  coutume  de  venir  s'y  baigner  en  grand  nombre,  comme 
en  partie  de  plaisir,  le  deuxième  dimanche  de  Septembre.  A  cet  endroit,  la  mer  est 
toujours  démontée  et  les  lames  se  brisent  et  jaillissent  en  gerbes  d'écume  très 
violentes.  Aussi  la  plage  est-elle  peu  fréquentée. 

Comme  tous  les  bains  de  mer  nés  à  la  fortune,  Biarritz  possède  deux  quartiers 
de  ville,  assez  difficiles  à  déterminer  exactement.  L'un,  ancien,  qui  n'offre  rien  de 
remarquable,  l'autre,  neuf,  du  côté  de  la  grande  plage,  bien  bâti,  couvert  de  belles 
villas,  d'hôtels,  de  chalets  pour  clubs,  voire  même  de  beaux  châteaux.  C'est  dans 
ce  quartier  que  se  trouve  le  bel  établissement  des  thermes  salins  qu'alimentent  les 
eaux  de  Briscous. 

La  vie  commerciale  est  concentrée  aux  environs  de  la  gare  et  de  la  mairie.  Le 


magasins  oflrent  aux  yeux  des  promoneurs  de  magnifiques  étalages,  oii  la  beauté 
des  objets  ne  le  cède  qu'à  la  cherté  des  prix.  La  A'ie  est  chère  en  effet  à  Biarritz, 
mais  s'il  y  a  quelquefois  pour  le  voyageur  français,  motif  à  s'indigner  contre  les 
assauts  livrés  à  sa  bourse,  qu'il  tâche  de  mettre  un  frein  à  son  mécontentement  en 
pensant  que  les  étrangers  dépensent  ici  sans  compter  et  que  l'or  qu'ils  prodiguent, 
grâce  à  une  exploitation  bien  comprise,  est  une  source  de  richesse  et  de  prospérité 
pour  l'industrie  nationale. 
Le  soir  nous  couchions  à  Bayonne,  le  lendemain  nous  arrivions  à  Pau. 

M.  S. 
(A  suivre). 


EPHEMERIDES  DE  L'ANNÉE  1898 


JANVIER. 

5.  —  Chine.  —  Arrangement  entre  la  Chine  et  l'Allemagne  ;  cession  de  Kiao- 
Tcheou. 

.9.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.  ASSEMBLÉE  SOLENNELLE.  —  Confé- 
rence de  M.  Chailley-Bert  :  La  Politique  coloniale  en  1898. 

iO.  —  Chine.  —  Première  conférence  à  Pékin,  au  sujet  de  l'emprunt  britan- 
nique de  12  millions  de  livres  sterling. 

20.  —  Algérie.  —  Commencement  des  troubles  antisémites  à  Alger. 

23.  —  Algérie.  —  Les  troubles  d'Alger  prennent  une  extrême  gravité  :  pillage 
et  incendie  das  magasins  juifs. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


—   Géographie  commerciale.   —   Faits  économiques 
et  statistiqiies. 


P^KANCE. 

liC  coiiiinerce  de  la  France  en  l$97.  —  D'après  le  tal)leau  que 
vient  de  publier  l'adininistration  des  douanes,  le  mouvement  du  commerce  général 
de  la  France  avec  ses  colonies  et  les  puissances  étrangères  est  évalué  ,  pour  1897 
(importations   et   exportations    réunies    des  marcliandises  de  toute  .sorte),  à  une 


.     —  53  — 

somme  totale  de  9,941  millions  ;  c'est  une  augmentation  de  419  millions  sur  Tannée 
précédente  et  de  558  millions  sur  la  moyenne  de  la  période  quinquennale  anté- 
rieure à  1897. 

A  l'importation,  les  valeurs  ont  atteint  le  chiffre  de  5,138  millions.  Elles  ont  été 
supérieures  de  209  millions  à  celles  de  Tannée  précédente  et  de  192  millions  à  la 
moyenne  quinquennale. 

A  l'exportation,  le  montant  des  valeurs  a  été  de  4,803  millions  ;  il  est  en  excé- 
dent de  209  millions  sur  le  chiffre  de  1896  et  de  366  millions  sur  la  moyenne 
quinquennale. 

Le  commerce  général  comprend,  comme  on  le  sait,  à  l'importation,  la  totalité 
des  marchandises  étrangères  arrivées  de  l'étranger,  des  colonies  et  de  la  grande 
pèche,  par  terre  ou  par  mer,  et  déclarées  tant  pour  la  consommation  que  pour  le 
transit,  l'entrepôt,  le  transbordement,  la  réexportation  ou  Tadmission  temporaire. 

Le  commerce  général  d'exportation  comprend  la  totalité  des  marchandises  qui 
sortent  efi'ectivement  de  France,  sans  distinction  de  leur  origine  nationale  ou  étran- 
gère, c'est-à-dire  les  marchandises  reprises  au  commerce  spécial,  plus  les  marchan- 
dises étrangères  qui  ne  font  que  transiter  sur  le  territoire  français  ou  qui  sont 
transbordées  dans  nos  ports  à  destination  de  l'étranger,  celles  qui  ont  été  extraites 
des  entrepôts  pour  la  réexportation  et  celles  qui,  après  avoir  été  admises  tempo- 
rairement en  franchise,  sont  réexportées  après  main-d'œuvre  pour  l'apurement  des 
soumissions. 

Le  commerce  spécial  comprend,  à  l'importation  :  1"  toutes  les  marchandises 
mises  en  consommation,  c'est-à-dire  la  totalité  des  marchandises  importées  en 
exemption  définitive  des  droits,  et,  s'il  s'agit  de  marchandises  taxées,  les  quantités 
qui  ont  été  soumises  à  l'acquittement  des  droits,  soit  à  l'arrivée,  soit  après  avoir 
été  déclarées  par  le  transit,  l'entrepôt  ou  Tadmission  temporaire  ;  2»  les  sucres 
importés  des  colonies  ou  de  l'étranger  et  déclarés  sous  le  régime  de  Tadmission 
temporaire. 

Le  commerce  spécial  d'exportation  comprend  :  1"  la  totalité  des  marchandises 
nationales  exportées  et  les  marchandises  d'origine  étrangère  qui,  ayant  été  admises 
en  franchise  ou  nationalisées  par  le  paiement  des  droits  et  se  trouvant,  par  suite, 
sur  le  marché  libre  de  l'intérieur,  sont  renvoyées  à  l'étranger  ;  2"  les  sucres 
exportés  après  raffinage  à  la  décharge  des  comptes  d'admission  temporaire. 

Dans  les  chiffres  du  commerce  spécial  de  1897,  les  importations  sont  comprises 
pour  3,956  millions,  les  exportations  pour  3,598  millions.  Il  en  résulte,  relative- 
ment à  1896,  une  augmentation  de  157  millions  pour  les  marchandises  importées  et 
de  197  millions  pour  les  marchandises  exportées. 

Tels  sont  les  résultats  globaux  du  mouvement  du  commerce  de  la  France 
en  1897. 

Il  faut  distinguer  entre  le  commerce  par  terre  et  le  commerce  par  mer.  En  1897, 
la  valeur  totale  des  transports  par  mer  a  été  de  6,968  millions  (importations  et 
exportations  réunies).  Le  pavillon  français  est  compris  dans  ce  chiffre  pour 
3,2.56  millions  dont  832  millions  pour  la  navigation  avec  les  colonies  et  possessions 
françaises  et  la  grande-pèche,  et  2,424  millions  pour  la  navigation  avec  Tétranger. 
La  part  de  la  marine  étrangère  a  été  de  3,712  millions. 

Les  puissances  avec  lesquelles  nos  échanges  ont  eu  le  plus  d'importance  en 
1897  sont  les  suivantes  :  l'Angleterre,  la  Belgique,  les  États-Unis,  l'Allemagne,  la 
Suisse,  l'Espagne,  l'Algérie,  l'Italie,  la  Russie,  la  République  Argentine,  le  Brésil, 
la  Turquie,  la  Chine,  les  Indes  anglaises  et  le  Japon. 

Dans  nos  importations,  qui  se  chiffrent  par  3,956  millions  au  commerce  spécial, 
les  objets  d'alimentation  entrent  pour  1  milliard  29  millions ,  les  matières  néces- 


-  54  - 

saires  à  rindustric  pour  2  milliards  119  millions  et  les  objets  fabriqués  pour 
608  millions. 

Comparés  à  ceux  de  189G,  ces  chiffres  sont  supérieurs,  pour  les  objets  d'alimen- 
tation, de  22  millions,  pour  les  matières  nécessaires  à  l'industrie,  de  145  millions. 
Ils  présentent,  pour  les  objets  fabriqués,  une  diminution  de  10  millions. 

Les  exportations  comprennent,  toujours  au  commerce  spécial,  721  millions 
d'objets  d'alimentation,  944  millions  de  matières  nécessaires  à  l'industrie  et  1  mil- 
liard 933  millions  d'objets  fabriqués  ;  comparativement  à  l'année  précédente ,  on 
constate,  au  commerce  spécial,  des  augmentations  de  69  millions  sur  les  objets 
d'alimentation,  de  108  millions  sur  les  matières  nécessaires  à  l'industrie,  de  20  mil- 
lions sur  les  objets  fabriqués. 

En  ce  qui  concerne  la  navigation,  on  remarque  la  faible  part  du  pavillon  national 
dans  le  mouvement  des  importations.  Cette  part  qui,  en  1896,  était  de  26,77  %  du 
poids  total  des  chargements  est,  pour  1897,  de  25  "/o-  La  diminution,  bien  que  peu 
importante,  est  de  nature  à  appeler  l'attention  de  ceux  qui  se  préoccupent  de 
l'avenir  de  notre  flotte  commerciale.  On  constate,  il  est  vrai,  une  diminution  à  peu 
près  égale  pour  les  navires  des  pays  de  provenance.  Ces  navires  qui  absorbaient, 
en  1896,  45,31  "'„  du  fret  d'importation  n'y  ont  participé  en  1897  que  pour  43,53  %• 
Par  contre ,  les  navires  faisant  l'iQtercourse  entre  la  France  et  les  pays  dont  ils 
ne  portent  pas  les  couleurs  (navires  tiers),  voient  s'accroître  leur  contingent  de 
27,lé  %  6n  1896,  ils  passent  à  31,47  %  ^n  1897.  C'est  surtout  pour  le  transport  des 
céréales,  des  bois,  des  fruits  et  graines,  du  coton  et  des  autres  matières  textiles 
que  ces  intermédiaires  sont  utilisés.  Ils  ont  presque  seuls  profité  du  regain  d'acti- 
vité qui  s'est  manifesté  vers  les  derniers  mois  de  1897  dans  les  arrivages  des  céréales, 
à  la  suite  de  notre  mauvaise  récolte. 

De  même  qu'à  l'entrée,  on  relève,  dans  les  affrètements  à  la  sortie,  une  faible 
diminution  de  la  part  proportionnelle  att'érente  aux  navires  français  (49,85  %  sn 
1897  contre  50,85  7o  en  1896).  Ici ,  les  augmentations  se  sont  produites  en  faveur 
des  pavillons  des  pays  de  destination  ,  pour  lesquels  nous  trouvons  38,66  %  i  alors 
qu'en  18ii6  leurs  chargements  représentaient  36,72  7o-  Ui^c  diminution  affecte  les 
navires  tiers  à  peu  près  dans  la  même  proportion  que  nos  bâtiments.  Ces  navires, 
qui  comptaient  12,43  %  en  1896  n'ont  plus  que  11,49  %  en  1897.  Rapprochés  des 
données  de  l'importation,  ces  chiffres  présentent  un  écart  considérable.  La  diff'é- 
rence  en  moins  à  la  sortie  s'explique  par  cS  fait ,  que  les  navires  tiers  ,  après  avoir 
débarqué  en  France  les  marchandises  pour  le  transport  desquelles  ils  avaient  été 
nolisés  dans  les  pays  étrangers  ,  relèvent  le  plus  souvent  pour  les  pays  où  ils  ont 
été  armés  ;  leurs  cargaisons  de  retour  figurent,  dès  lors,  sous  la  rulirique  réservée 
aux  navires  des  pays  de  destination. 

11  est  intéressant  de  voir  quel  a  été  le  produit  des  douanes.  D'apn-s  les  docu- 
ments publiés  par  l'administration,  les  perceptions  do  toute  nature  opérées  en  1897 
par  le  service  des  douanes  pour  le  compte  de  l'Etat  se  sont  élevées  à  'i77  millions 
.381,024  fr.  Elles  se  décomposent  ainsi  qu'il  suit  : 

Droits  d'importation 432.774.847 

Droits  de  statistique 7.163.473 

Droits  de  navigation 7.757.()51 

Droits  et  produits  accessoires 5.6."^f).004 

Taxe  de  consommation  appliquée  aux  sels 24.0i9.0'i9 

Sommé  égale 477.381 .024 

II  résuhe  de  ces  chiffres  ,   comparativement  au  total  des  recettes  de  189') ,  une 


—  55  - 

augmentation  de  8,064,674  fr.  Les  droits  d'importation  présentent  à  eux  seuls  une 
plus-value  de  8,855,872  fr.  Les  autres  branches  de  recettes  sont  également  en  aug- 
mentation, à  l'exception  des  droits  et  produits  accessoires  et  de  la  taxe  de  consom- 
mation sur  les  sels,  qui  sont  respectivement  en  diminution  de  226,413  fr.  et  de 
997,717  fr. 

En  ce  qui  concerne  les  droits  d'importation,  l'excédent  le  plus  important  a  été 
réalisé  sur  les  céréales.  Ce  résultat  est  dû  aux  fortes  importations  de  blé  et  d'orge 
qui  ont  été  effectuées  en  vue  de  combler  le  déficit  de  notre  dernière  récolte. 

J.  Raubert. 


EUROPE 

Sitiintioii  coniiiicrcialc    et   ludustriellc  de  la  Ntiède.  —  A 

la  date  du  17  février  1896 ,  M.  Rouvier,  ministre  de  France  à  Stockholm,  écrivait  : 

«  L'Allemagne  a,  dans  ces  dernières  années  particulièrement,  développé  son 
commerce  d'importation  en  Suède.  Au  lieu  de  22,55  %  dans  la  période  1871-75,  elle 
est  aujourd'hui  parvenue  à  fournir  34  %  des  marchandises  étrangères  introduites 
en  Suède,  tandis  que,  dans  le  même  temps,  les  importations  anglaises  fléchissaient 
de  33,03  "/„  à  28,^4  %•  » 

Le  29  décembre  de  la  même  année,  dans  le  rapport  commercial  relatif  à  l'exer- 
cice 1895,  la  Légation  de  France  écrivait  : 

«  Un  fait  reste  certain,  évident,  c'est  l'écrasante  supériorité  de  l'Allemagne,  qui 
est  devenue  maîtresse  du  marché  après  avoir  égalé,  puis  dépassé  l'Angleterre.  Ce 
résultat  est  dû  spécialement  à  la  présence,  dans  les  grandes  villes  de  Suède,  d'un 
certain  nombre  de  maisons  importantes  dirigées  par  des  hommes,  Allemands  d'ori- 
gine, d'éducation  et  de  goût,  qui  ont  pris  la  nationalité  suédoise  pour  la  plus 
grande  commodité  de  leurs  affaires,  mais  qui  restent  tellement  fidèles  à  leur  pre- 
mière et  véritable  patrie  qu'ils  se  réunissent  encore  à  la  légation  d'Allemagne  pour 
y  célébrer  les  anniversaires  fêtés  à  Berlin  et  à  Frederiksrûhe.  Ils  forment  une 
clientèle  assurée  aux  fabriques  allemandes  et  éliminent  peu  à  peu  du  marché  les 
modèles  des  eutres  nations. 

»  Le  développement  de  l'esprit  d'entreprise  chez  les  négociants  français  pourrait 
seul  modifier  une  situation  évidemment  défavorable.  Ceux-ci  se  contentent,  pour  la 
plupart,  de  faire  des  offres  par  correspondance  ;  ils  s'adressent  souvent  à  la  Léga- 
tion, soit  par  l'intermédiaire  du  Ministère  du  Commerce,  soit  directement,  pour 
obtenir  l'indication  d'  «  agents  honnêtes  et  actifs  »,  propres  à  s'occuper  du  place- 
ment de  leurs  produits.  La  Légation  fournit  les  adresses  des  agents,  en  petit 
nombre,  dont  l'honorabilité  lui  a  été  le  mieux  ciffirmée,  elle  ne  peut  faire  davan- 
tage ;  mais  il  est  à  craindre  que  la  concurrence  des  offres  faites  aux  mêmes  agents 
ait  pour  résultat  de  faire  hausser  le  taux  de  la  commission  d'un  intermédiaire  aussi 
recherché  plutôt  que  la  somme  des  marchandises  vendues  par  lui.  » 

Enfin,  une  communication  du  18 janvier  1898,  exposait  les  considérations  sui- 
vantes : 

«  Malgré  les  lacunes  que  peuvent  présenter  les  indications  dés  statistiques  des 
importations  suédoises. . . .,  il  est  certain  que  la  part  de  la  France  reste  minime  et 
qu'elle  pourrait  être  considérablement  développée  par  l'initiative  de  nos  nationaux, 
s'ils  empruntaient  les  procédés  qui  ont  rendu  les  Allemands  maîtres  du  marché 
suédois  ;  ces  procédés  peuvent  se  résumer  en  ceci  :  représentation  permanente  sur 
place  et  communications  rapides.  .. .    Tandis   que  les  services  de  transport  entre 


-  56  - 

rAllemagne  et  la  Suède  déjà  nombreux,  se  multiplient  et  s'accélèrent  d'année  en 
année,  les  communications  maritimes  entre  la  Suède  et  la  France  restent  lentes  et 
coûteuses,  irrégulières  et  très  peu  nombreuses.  Les  marchandises  de  petite  vitesse 
mettent  un  mois  et,  parfois,  six  semaines  à  franchir  la  distance  de  Paris  à  Stock- 
holm ;  le  prix  du  fret  est  assez  élevé  pour  qu'il  soit  plus  avantageux  et  plus  rapide 
de  faire  transiter  les  marchandises  par  chemin  de  fer  à  travers  l'Allemagne  jusqu'à 

Hambourg  ou  Lubeck,  où  elles  sont  embarquées  à  destination  de  la  Suède Si, 

comme  on  le  dit,  une  ligne  de  navigation  doit  être  établie  entre  la  France  et  les 
ports  russes  du  golfe  de  Finlande,  il  serait  très  désirable  que  cette  ligne  fit  escale 
au  moins  à  Stockholm.  Elle  devrait  être  composée  non  de  bateaux  luxueux  mais 
de  cargo-boats  appropriés  à  la  navigation  et  au  commerce  de  ces  parages.  » 

Ces  considérations  ont  conservé  toute  leur  valeur  ;  le  récent  rapport  adressé  à 
son  gouvernement  par  le  consul  d'Angleterre  en  confirme  l'exactitude. 

Dans  leur  lutte  avec  l'élément  anglo-saxon  pour  la  suprématie  commerciale  ,  les 
Allemands  tirent  un  grand  avantage  d'une  éducation  commerciale  habilement 
dirigée  et  d'une  facilité  particulière  à  se  déraciner,  à  adopter,  avec  la  nationalité 
légale,  les  habitudes  et  les  goûts  moyens  des  pays  ou  ils  s'établissent.  L'Anglais, 
au  contraire,  cherche  à  implanter  et  réussit  souvent  à  faire  adopter,  là  où  il  réside, 
ses  mœurs,  ses  modes,  son  goût,  affectant  toujours  de  les  conserver  sans  transiger, 
s'isolant,  au  besoin,  plutôt  que  de  se  modifier. 

D'une  façon  générale  du  reste,  le  progrès  des  importations  étrangères  en  Suède 
est  combattu  par  le  développement  des  industries  locales.  Celle  du  sucre  en  est 
l'exemple  le  plus  frappant  ;  tandis  qu'en  1892  la  Suède  importait  31  millions  de 
kilogrammes  de  sucre  brut  ou  raffiné  (non  compris  les  sirops  et  mélasses),  pour 
une  valeur  de  9,448,000  couronnes,  en  1896,  cette  importation  était  tombée  à 
4,823,000  kilogrammes,  valant  1,247,000  couronnes. 

En  quelques  années,  l'industrie  de  la  raffinerie  a  été  introduite  en  Suède,  la 
culture  de  la  betterave  s'est  développée  en  Seanie  et  à  Gotland, .  et  le  pays  a  cessé, 
à  peu  près,  d'avoir  à  s'adresser  à  l'étranger  pour  cette  denrée.  La  production  du 
sucre  brut  de  betterave  qui,  de  4,298  tonnes  en  1885,  est  passée  à  26,842  tonnes  en 
1892,  43,167  tonnes  en  1894,  63,473  tonnes  en  1896. 

Le  même  phénomène  s'est  produit  dans  d'autres  industries,  quoique  d'une 
manière  moins  complète.  C'est  ainsi  que,  dans  l'industrie  du  fer,  la  Suède  qui 
fabriquait  surtout  le  métal  brut,  aujourd'hui  l'affine,  le  transforme,  pour  son 
marché  intérieur,  en  outils,  machines,  instruments  aratoires  de  toutes  sortes  et 
envoie  à  l'étranger  sinon  encore  beaucoup  de  pièces  achevées,  du  moins  des  maté- 
riaux parvenus  à  un  degré  avancé  de  préparation  qui  lui  assurent,  entre  autres 
bénéfices,  celui  de  la  main-d'œuvre.  C'est  ainsi,  également,  que,  dans  l'industrie 
du  bois,  ce  ne  sont  pas  seulement  des  troncs  bruts,  des  madriers,  des  planches, 
que  la  Suède  expédie  au  dehors,  ce  sont  des  châssis  de  fenêtres,  des  portes  en 
blanc,  des  parquets  prêts  à  être  posés.  Les  procédés  les  plus  perfectionnés  de  la 
fabrication  mécanique  américaine  ont  été  introduits  en  Suède  par  quelques  indus- 
triels entreprenants. 

Le  rapport  du  consul  anglais  apporte  une  preuve  frappante  du  développement 
industriel  de  ce  pays,  en  constatant  que,  tandis  que  l'importation  des  produits 
fabriqués  anglais  diminuait,  les  envois  de  charbon  ont,  au  contraire,  doublé 
depuis  1886. 

En  présence  de  ce  développement  de  la  production  Scandinave  ,  la  France  doit- 
elle  abandonner  l'espérance  de  prendre  une  place  importante  sur  le  marché 
suédois  ?  Nullement,  il  semble,  au  contraire,  qu'à  mesure  que  se  développera  la 


—  57  — 

richesse  du  pays,  la  France  devrait  y  trouver  un  marché  cliaquc  jour  élargi  pour 
ses  industries  de  luxe  et  ses  produits  artistiques. 

Mais  on  ne  saurait  demander  au  commerce  de  détail  suédois  de  faire  seul  tout 
l'eftort  pour  répandre  nos  modèles.  C'est  à  nos  fabricants  qu'il  appartient  d'envoyer 
des  représentants  soit  spéciaux,  soit  collectifs,  qui  mettent  les  Suédois  en  présence 
des  produits  dont  ils  admettent  volontiers,  d'avance,  la  supériorité,  mais  qu'ils  ne 
sauraient  assumer  l'initiative,  la  peine  et  les  risques  d'aller  chercher  ;  il  faut  qu'on 
les  leur  apporte. 

Il  est  un  point  qui  n'a  pas  été  abordé  dans  le  rapport  du  consul  anglais,  non 
plus  que  dans  ceux  de  la  Légation  et  qui,  tout  en  échappant  aux  statistiques, 
touche  de  très  près  aux  rapports  commerciaux  de  la  Suède  avec  les  autres  puis- 
sances. C'est  la  part  des  capitaux  étrangers  dans  les  affaires  industrielles  suédoises; 
il  serait  difficile,  à  cet  égard,  d'obtenir  des  chiffres  précis.  Il  est  cependant  certain 
que  dans  ce  pays  oii  l'argent  est  rare,  l'intérêt  élevé  (celui  des  dépôts  à  vue  dans 
les  banques  est  communément  de  2  Vo,  au  lieu  de  0,50  chez  nous),  le  développe- 
ment récent  de  l'industrie  s'est  fait  en  partie  avec  le  concours  de  capitalistes 
étrangers,  surtout  anglais  et  allemands. 

On  peut  signaler,  comme  une  marque  de  l'intérêt  que  les  affaires  industrielles 
suédoises  éveillent  en  Angleterre,  l'arrivée  prochaine  d'un  groupe  important  d'in- 
génieurs et  d'usiniers  anglais  qui  se  rendent  à  Stockholm  à  titre  privé.  Le  roi, 
officieusement  prévenu  de  leur  passage,  a  attaché  à  leur  visite  assez  d'importance 
pour  exprimer  l'intention  de  leur  accorder  une  audience  et  d'entrer  en  rapport 
avec  eux. 

Il  est  regrettable,  en  ce  qui  concerne  la  France,  que  ses  relations  financières 
avec  les  États  Scandinaves  se  bornent  à  la  conversion  de  quelques  emprunts  d'Etat 
et  que,  dans  ce  pays  comme  dans  beaucoup  d'autres,  se  vérifie  cette  assertion 
qu'elle  n'a  plus  guère  d'autre  produit  à  exporter  que  son  argent. 

H.  Marcel, 
Ministre  de  France  à  Stockholm. 


Ll'ilidiistric  du  coton  et  sa  production  dans  l'empire 
russe.  —  Nous  empruntons  ces  détails  sur  l'industrie  russe  du  coton  à  un  rap- 
port de  l'ambassadeur  de  France  à  Saint-Pétersbourg  : 

«  L'industrie  du  coton  a  fait  en  Russie,  durant  les  cinquante  dernières  années, 
d'énormes  progrès.  Tandis  qu'en  1843  l'empire  russe  ne  possédait  que  350,000 
fuseaux,  dont  la  production  respective  ne  dépassait  pas  un  poud  le  fuseau  ,  on 
compte  actuellement  environ  5,000,000  de  fuseaux,  fournissant  2  pouds  1/2  chaque. 
De  plus,  on  constate  que  durant  les  vingt  dernières  années,  le  but  poursuivi  par  la 
Russie  a  été  d'amener  l'industrie  nationale  à  n'employer  que  des  matières  premières 
produites  dans  l'Empire  et  à  ne  se  servir  que  de  la  main-d'œuvre  russe. 

Ainsi  a-t-on  vu  à  Saint-Pétersbourg,  Lodz,  Moscou,  Swanvo,  Wesnezenza  se 
fonder  des  usines  pour  fournir  les  machines  nécessaires  aux  établissements  de 
tissages,  d'apprêts  et  aux  fabriques  d'indiennes. 

Il  est  vrai  que  jusqu'à  présent  on  continue,  comme  par  le  passé,  à  faire  venir  de 
l'étranger  les  moteurs  ainsi  que  les  métiers  à  filer,  mais  on  peut  prévoir  le  moment 
prochain  oiî  les  usines  nationales  qui  se  créent  journellement  de  toute  part  fourni- 
ront au  commerce  des  machines  russes  pour  remplacer  les  moteurs  étrangers.  Il 
n'en  est  pas  de  même  pour  la  fabrication  des  machines  spéciales  à  la  filature  ,  car 
l'installation  des  usines  nécessaires  demanderait  de  très  importants  capitaux  et  les 
commerçants  russes  ne  prévoient  pas  l'écoulement  facile  des  produits  de  cette  nou- 


r)8 


velle  industrie.  On  peut  donc  espérer  que  l'importation  des  machines  et  appareils 
étrangers  nécessaires  à  la  filature  n'aura  pas  à  craindre  la  concurrence  locale.  Il 
est  triste  de  dire  que  notre  commerce  a  peu  d'intérêt  à  la  question,  l'Angleterre 
important  presque  toutes  ces  machines. 

A  l'heure  actuelle  ,  le  coton  travaillé  en  Russie  est  fourni  pour  plus  d'un  quart 
par  la  production  nationale  du  Caucase  et  des  provinces  russes  de  l'Asie  centrale. 
Il  faut  cependant  constater  que  le  coton  de  ces  régions  (Khiva,  Boukhara,  Samar- 
kand, Tachkent  et  aussi  dans  le  Caucase)  est  assez  grossier,  les  filaments  ne  sont 
pas  longs  et  comme  qualité  il  approche  de  beaucoup  de  celui  des  Indes  orientales. 

Cependant,  dans  la  province  de  Tachkent,  des  plantations  faites  avec  des  graines 
américaines  ont  fourni  un  coton  aussi  bien,  sinon  supérieur,  à  celui  produit  par  les 
États-Unis. 

Grâce  aux  mesures  protectrices  du  gouvernement  impérial ,  les  plantations  de 
coton  ont  pris  en  Russie  un  développement  considérable,  elles  couvraient  61.000 
déciatimes  de  terrain  en  1887,  elles  en  sont  en  1893  évaluées  à  136,000  déciatimes, 
soit  en  six  ans  un  accroissement  de  12.5  %• 

Mais  si  l'on  consulte  les  dernières  statistiques,  on  constate  que  dans  le  Turkestan 
2,200,000  déciatines  sont  destinées  à  cette  culture  ,  dont  plus  de  la  moitié  a  déjà 
obtenu  le  drainage  nécessaire  à  leur  mise  en  culture.  En  calculant  que  le  quart  de 
ces  champs  seulement  peut  être  annuellement  ensemencé,  on  obtient  un  résultat 
dépassant  de  vingt-sept  fois  les  chiffres  indiqués  précédemment.  D'autre  part,  de 
nouvelles  plantations  ont  été  fahes  dans  le  Transcaucase  et  dans  le  gouvernement 
d'Érivan,  dont  les  régions  cultivées  donnent  déjà  660,000  pouds  de  coton  par  an. 

Les  fabriques  de  l'Empire  travaillent  environ  12  millions  1/2  de  pouds  de  coton 
(soit  20i,750  millions  de  kilogr.)  par  an,  ce  qui  représente  un  dixième  de  la  pro- 
duction totale  de  l'Europe  et  des  Etats-Unis.  .Jusqu'à  présent  l'étranger  fournissait 
la  plus  grande  partie  de  cette  consommation  (environ  9,000,000  de  pouds),  et  les 
principaux  clients  de  la  Russie  étaient  l'Amérique,  l'Egypte,  les  Indes  orientales 
et  la  Perse,  fournissant  surtout  les  qualités  moyennes  middling  good,  middUnge  et 
middling  fair. 

Le  tableau  suivant  donne  les  chiffres  des  importations  du  coton  en  Russie  : 


Ajinées. 

1883... 
1884... 
18a5. . . 
1886... 
1887... 
1888... 
1889. . . 
1890. . . 
1891... 
1892... 
1893. . . 
1894. . . 
1896. . . 
1897... 


Quantités 

'Valeur 

en 

en 

pouds. 

roubles. 

8.090.000 

93.864.000 

0.277.000 

76.170.000 

0.. 378. 000 

(u.9(i7.000 

7.2/18.000 

71.980.000 

i  0.0.-/).  000 

90.430.000 

6.890.000 

68.248.000 

8. 020. 000 

83.509.000 

7.69.->.000 

79.121.000 

7.J31.000 

69.. 397. 000 

i).40().(K)0 

8r).l.ô4.000 

7.444.000 

62.407.000 

11.200.000 

89.400.000 

i).2.-)7.000 

» 

9.  uryj.  000 

» 

-  59  - 

Si  on  jette  maintenant  un  regard  sur  les  statistiques  fournies  au  sujet  de  l'im- 
portation des  cotonnades,  dont  le  tableau  vient  ci-dessous,  on  constate  que  l'impor- 
tation étrangère  faiblit  graduellement  et  en  raison  de  l'essor  que  prend  l'industrie 
nationale.  A  l'heure  actuelle  ,  les  cotonnades  importées  ne  représentent  plus  que 
1/80  de  la  production  russe. 


IMPORTATION  DES  COTONNADES  EN  RUSSIE. 

Importation  Valeur 

en  en 

Années.  pouds.  roubles. 

1883 220  000  10./i38.000 

1884 1(36.000  8.r)13.0()0 

1885 174.000  7.774.000 

1886 169.000  7.690.000 

1887 219.000  9.644.000 

1888 263.000  10. 02."). 000 

1889 271.000  9.837.000 

1890 228.000  8.609.000 

1891 148.000  4.868.000 

1892 114.000  3.887.000 

1893 127). 000  4.151.000 

1894 139.000  4.069.000 

1896 69.646  » 

1897 59.944  » 

L'importation  étrangère  fournit  en  première  ligne  les  fils  à  coudre  et  à  broder 
que  l'industrie  nationale  ne  produit  jusqu'ici  que  d'une  façon  très  limitée ,  mais  les 
progi'ès  rapides  des  dernières  années  ne  permettent  pas  de  douter  que  dans  un 
avenir  très  proche  cette  importation  ne  devienne  presque  nulle. 

L'importation  des  tissus  de  coton  a  faibli  également  pendant  la  période  de  treize 
années,  1883  à  1894,  sur  lesquelles  seulement  j'ai  les  données  statistiques  du 
tableau  suivant,  mais  cette  tendance  n'a  fait,  que  s'accentuer  durant  les  trois  der- 
nières années. 

IMPORTATION   DES   TISSUS   DE    COTON. 

Importation  Valeur 

en  en 

Années.  pouds.  roubles. 

1883 45.400  2.866.000 

1884 38.800  2.099.000 

1885 a5.000  2. .384. 000 

1886 29.600  1.840.000 

1887 21 .500  1 .4.35  000 

1888 19.400  1.100.000 

1889 27.000  1.017.050 

1890 25.500  1.491.000 

1891 22.400  1.318.000 

1892 14.300  930.000 

1893 14.000  874.000 

1894 16.900  1.081.000 


—  60  - 

Il  faut  observer  que  ces  importations  comprennent  les  tissus  de  qualité  supé- 
rieure, ainsi  que  les  nouveautés  de  la  mode  que  fournissent  seuls  les  marchés 
étrangers. 

Notre  commerce  français  n'a  cependant  pas  à  s'inquiéter  beaucoup  de  cette  dimi- 
nution, car  nos  tissus  fins  et  de  luxe  ne  pourront  de  longtemps  trouver  de  concur- 
rence dans  la  fabrication  russe. 

L'exportation  des  cotonnades  russes  joue  un  rôle  beaucoup  plus  important  dans 
l'industrie  des  cotons  de  l'Empire.  La  Chine,  la  Turquie,  la  Roumanie,  la  Perse 
sont  des  clients  sans  cesse  plus  importants.  La  Perse  spécialement  a  augmenté 
sans  discontinuer  ses  demandes  durant  les  dernières  années  et  on  constate  à  l'heure 
présente  qu'un  tiers  des  cotonnades  vendues  sur  les  marchés  persans  est  fourni 
par  la  Russie.  Ce  succès  du  commerce  russe  est  d'autant  plus  flatteur  pour  les 
produits  de  l'Empire  que  la  lutte  contre  le  commerce  anglais  dans  les  provinces 
persanes  a  été  acharnée. 

Les  Anglais  avaient  en  leur  faveur  l'avantage  de  la  proximité  d'un  marché  inter- 
national de  coton  tel  que  Liverpool,  auquel  ils  pouvaient  demander  au  fur  et  à 
mesure  de  leurs  besoins  la  matière  première  nécessaire.  Les  négociants  russes  au 
contraire  n'ayant  pas  près  d'eux  des  marchés  de  coton  importants  devaient  se 
fournir  de  stocks  considérables  et  consacrer  à  leurs  achats  des  capitaux  nombreux 
destinés  à  rester  quelquefois  longtemps  improductifs. 

D'autre  part,  les  Anglais  profitaient  d'nn  fret  maritime  très  bas  ,  tandis  que  le 
fabricant  russe  était  obligé  d'expédier  ses  produits  par  voie  de  terre  à  d'énormes 
distances.  Enfin  le  bas  prix  du  combustible ,  l'usage  des  machines  et  appareils 
nécessaires  à  cette  industrie  et  de  nature  très  perfectionnée  ,  l'excellent  enseigne- 
ment et  enfin  l'emploi  d'un  personnel  et  d'ouvriers  très  experts  ,  tout  concordait  à 
donner  au  commerce  anglais  une  situation  exceptionnelle,  aussi  faut-il  reconnaître 
que  la  fabrication  a  dû  à  sa  seule  supériorité  la  place  prépondérante  qu'elle  s'est 
faite  sur  un  terrain  déjà  conquis  par  le  commerce  étranger. 

Le  nombre  actuel  des  broches  en  activité  en  Russie  est  d'environ  six  millions  et 
demi  de  pièces.  Il  était  en  1892  de  4,331,508  et  les  métiers  se  trouvaient  au  nombre 
de  100,630.  L'Angleterre  possédait  d'après  les  statistiques  de  1891 ,  44  millions  de 
broches  à  elle  seule,  soit  environ  un  demi  du  total  universel,  mais  il  faut  observer 
que  les  métiers  russes  travaillenf  sans  interruption  jour  et  nuit. 

La  fabrication  russe  produit  surtout  les  cotonnades  et  tissus  communs.  » 


ASIE. 

ludo-Chiiic  —  C.'licmins  ilc  fer.  —  M.  Doumer,  gouverneur-général, 
qui  vient  d'arriver  en  France ,  doit  s'occuper  pendant  son  séjour  à  Paris ,  de  la 
question  des  chemins  de  fer  à  construire  dans  notre  vaste  empire  indo-chinois. 

Actuellement ,  la  seule  ligne  de  chemin  de  fer  existante  est  celle  de  Saigon  à 
Mytho,  de  70  kil.  de  longueur.  La  direction  des  travaux  publics  d'Indo-Chine  a 
élaboré  un  plan  d'ensemble  des  lignes  à  construire  en  les  classant  en  trois  caté- 
gories, suivant  leur  ordre  d'urgence.  Parmi  les  lignes  de  première  urgence,  on 
voit  celle  de  Haïphong  à  Hanoï  et  Lao-Kaï  vers  la  frontière  de  Chine,  de  Hanoï  à 
Nam-Dinh,  au  Tonkin,  de  Tourane  à  Hué  en  Annam.  La  banque  de  l'Indo-Chine, 
d'accord  avec  les  principaux  établissements  financiers  de  Pafis  ,  a  envoyé  sur  les 
lieux  une  mission  d'ingénieurs  qui  a  élaboré  des  avant-projets  permettant  de  fixer 
les  bases  générales  d'exécution  des  diverses  lignes.  ( 


-  61  — 


La  banque  étudie  les  offres  qu'elle  a  reçues  de  diverses  maisons  françaises  pour 
l'exécution,  de  manière  à  préciser  la  question  et  à  être  en  mesure  dé  la  discuter 
utilement  avec  M.  Doumer  pour  arriver  à  la  conclusion  d'un  contrat  de  concession. 


Sitiiatiou  écouoinif|ue  <lc  l'Iiiclo-C'hInc  au  moi»  de  jauvier 

1898.  —  (Lettre  au  Ministre).  —  Les  rapports  économiques  qui  me  sont  par- 
venus des  diverses  parties  de  Tlndo-Chine,  pour  le  mois  de  janvier  dernier, 
signalent  partout  la  situation  comme  très  satisfaisante. 

Cependant ,  quelques  provinces  de  l'Annam  se  ressentent  encore  de  la  disette 
don  elles  ont  eu  à  souffrir  dans  les  derniers  mois  de  l'année  1897.  L'administration 
du  protectorat  et  la  cour  de  Hué  se  sont  efforcées  de  leur  venir  en  aide  dans  la  plus 
large  mesure  possible,  et  la  situation  s'améliorera  vite  si,  comme  il  est  permis  de 
l'espérer,  la  récolte  donne  de  bons  résultats. 

Agriculture.  —  Le  rendement  des  rizières  ,  ainsi  que  vous  l'a  exposé  sommaire- 
ment mon  dernier  rapport,  aura  été  inégal  pour  les  diverses  régions,  même  d'un 
seul  pays  comme  la  Cochinchine,  ou  les  pluies  persistantes  ont  pu  compromettre 
la  récolte  dans  certains  arrondissements,  ou  le  Tonkin,  oii  la  sécheresse  prolongée 
a  pu  faire  naître  des  appréhensions  pour  l'avenir  de  la  récolte,  dans  quelques 
régions.  Toutefois,  le  rendement  sera,  en  moyenne,  celui  d'une  année  ordinaire. 

Des  essais  fort  encourageants  ont  été  faits  en  plusieurs  endroits  de  la  Cochinchine 
et  du  Tonkin  avec  différentes  variétés  de  riz  de  Java.  Les  résultats  en  sont  tels , 
que  le  riz  de  Java  prendra,  selon  toutes  prévisions  ,  une  place  importante  dans  les 
rizières  de  l'Indo-Chine.  Par  contre ,  les  variétés  de  Birmanie  n'ont  pas  répondu 
aux  espérances  mises  en  elles ,  et  se  trouvent  délaissées  par  ceux  qui  en  avaient 
fait  l'essai. 

Les  cultures  diverses  prêtent  à  quelques  remarques  intéressantes.  Au  Tonkin 
entre  autres,  les  semis  de  pavot  à  opium,  ont  parfaitement  réussi,  en  particulier 
dans  les  cercles  de  Cao-bang,  Lao-Kay,  Yen-Bay  et  Bao-Lac. 

Dans  celui  de  Mon-Cay,  la  culture  de  la  badiane  prend,  de  jour  en  jour,  une 
importance  plus  grande. 

La  laque  donne  lieu  à  un  commerce  actif  dans  la  province  de  Hun-Hoo.  Cette 
sécrétion  d'insectes,  de  fourmis  rouges  particulièrement,  est  très  estimée  par  les 
indigènes  qui  s'en  servent  pour  teindre  leurs  étoffes  et  aussi  se  laquer  les  dents. 

La  récolte  du  sucre  à  Quang-Naï,  principal  centre  de  la  production  en  Annam , 
promet  d'être  fort  belle.  Pendant  sept  ou  huit  mois  de  l'année ,  la  population 
entière  de  la  région  est  occupée  à  la  culture  de  la  canne  et  à  la  fabrication  du 
sucre.  Bien  qu'inférieure  à  la  canne  des  Antilles,  celle  du  Quang-Naï  est  assez 
sucrée,  et  particulièrement  robuste.  11  serait  utile  qu'elle  serait  connue  davantage 
des  industriels  ou  importateurs  français.  Cependant,  le  commerce  du  sucre  tend  à 
se  développer.  L'exportation  qui  s'était  élevée  à  2,287,275  kilogrammes  en  1892,  a 
atteinc  5,881,229  kilogrammes  en  1896.  Cette  situation  s'améliorerait  encore  très 
certainement. 

En  Cochinchine ,  les  plantations  de  café  prospèrent  en  plusieurs  endroits.  Le 
«  libéria  »  réussit  mieux  que  les  autres  variétés.  Il  donne  surtout  de  bons  résultats 
dans  les  terrains  élevés  et  riches  en  humus. 

Les  poivrières  de  Hatien  sont  très  belles  et  le  rendement  en  sera  considérable 
cette  année. 

Une  culture  à  propager  même  en  Cochinchine,  dans  la  haute  région,  est  celle  du 
thé  ;  des  expériences  d'acclimatement  vont  être  entreprises  sur  les  flancs  de  la 


-  62  - 

montagne  de  Tayninh,  avec  des  graines  de  thé  de  Chine  et  de  thé  de  Goylan  que 
j'ai  demandées  à  nos  consuls  de  Shanghaï  et  de  Colombo. 

La  récolte  de  la  Ciirdamome  au  Cambodge  et  au  Bas-Laos  est  des  plus  satisfai- 
santes. Les  plantations  se  multiplient.  Le  Bas-Laos  seul  en  a  produit  2,00()  piculs 
pendant  la  saison.  Le  picul  valant  en  moyenne  20  piastres,  c'est  40,00()  piastres  que 
cette  exploitation  a  pu  rapporter  à  la  population  indigène. 

Concessions.  —  Les  demandes  de  concessions  agricoles  deviennent  de  plus  en 
plus  nombreuses  dans  toutes  les  parties  de  Flndo-Chine.  C'est  là  une  preuve,  à  la 
fois  de  la  confiance  que  nos  nationaux  apportent  en  l'avenir  de  l'œuvre  de  coloni- 
sation en  Indo-Chine,  et  un  témoignage  des  progrès  que  fait  chaque  jour,  en  France, 
l'idée  d'expansion  coloniale. 

En  général,  les  colons  s'occupent  sérieusement  de  leurs  exploitations.  Mais 
beaucoup,  particulièrement  en  Cochinchine,  éprouvent  de  réelles  difficultés  à  se 
procurer  la  main-d'œuvre  qui  leur  est  indispensable. 

Je  m'occupe  d'une  façon  toute  spéciale  de  cette  importante  question.  Elle  inté- 
resse, en  effet,  au  plus  haut  point,  la  colonisation  européenne.  Vous  savez  d'ail- 
leurs que  cette  situation  n'est  pas  particulière  à  l'Indo-Chine.  Nos  colonies  de  la 
Nouvelle-Calédonie  et  de  la  Réunion,  entre  autres,  et  les  colonies  étrangères  de 
l'Extrême-Orient,  souff'rent  de  la  même  pénurie  de  la  main-d'œuvre. 

Epizootie.  —  La  peste  bovine,  dont  mes  rapports  précédents  vous  ont  signalé 
l'existence  en  divers  points  de  l'Indo-Chine  ,  n'avait  pas  complètement  disparu  au 
Tonkin,  à  la  fin  du  mois  de  janvier.  Mais  elle  était  en  décroissance  et  toutes  les 
mesures  avaient  été  prises  pour  l'enrayer. 

Mines.  —  L'exploitation  des  mines  de  charbon  se  poursuit  régulièrement  au 
Tonkin.  On  a  extrait  à  Hongay,  dans  le  courant  du  mois  de  janvier,  5,600  tonnes 
de  charbon  ;  15,600  tonnes  ont  été  exportées. 

Kébao  a  produit  9,540  tonnes  et  en  a  exporté  4,525. 

Des  fouilles  sont  pratiauées  actuellement  dans  le  cercle  de  Lao-Kay. 

Le  vapeur  anglais  Sulbert  a  emporté  à  destination  de  Shanghaï,  les  1,200  tonnes 
de  charbon  qui  constituaient  tout  le  stock  d'approvisionnement  de  la  Société  des 
houillères  de  Nong-Son  (Annani). 

Conunei'ce.  —  F'artout,  en  Iiulo-Chine,  les  marchés  ont  été  généralement  très 
animés  pendant  la  première  (juinzaine  de  janvier,  mais  les  transactions,  comme  de 
coutume,  presque  totalement  suspendues  pendant  les  fêtes  du  «  têt  ».  Ce  n'est 
qu'à  la  fin  du  mois  que  les  marchés  ont  repris  leur  physionomie  habituelle.  11  n'est 
pas  sans  intérêt  de  constater  que  les  marchés  du  cercle  de  Gao-bang  au  Tonkin, 
ont  été  fréquentés  par  un  grand  nombre  de  marchands  chinois,  qui  ont  apporté  et 
vendu  un  certain  stock  d'articles  européens.  Malheureusement ,  tous  ces  articles 
sont  de  fabrication  anglaise  et  allemande. 

Dans  le  Haut-Laos  également ,  ce  sont  les  produits  anglais  et  allemands  qui  se 
vendent.  .le  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  là  seulement  l'indice  d'un  manque  d'initiative 
de  la  part  de  nos  commerçants.  Il  faut  constater  aussi,  une  fois  de  plus,  que  l'une 
des  causes  de  notre  insuccès  vient  de  ce  que  nos  articles  ne  répondent  ni  au  goiît, 
ni  aux  besoins  des  populations  auxquelles  ils  sont  destmés. 

Sans  doute,  ils  sont,  en  général,  supérieurs  aux  produits  allemands,  mais  par 
cela  même,  ils  coûtent  beaucoup  plus  cher  et,  puisque  l'indigène  se  contente  de 
produits  inférieurs,    il    est  de  l'intérêt  immédiat  du   vendeur   de  lui  en  fournir. 


•  -  03  - 

Lorsque  les  produits  étrangers  auront  complètement,  ou  à  peu  près  disparu  de  nos 
marchés,  il  est  possible  qu'on  puisse  imposer  à  l'acheteur  le  goût  du  tiibricant  et 
développer  chez  l'indigène  le  désir  de  remplacer  la  marchandise  de  qualité  infé- 
rieure, mais  à  bon  marché,  par  les  produits  plus  chers  et  plus  durables.  Mais 
jusqu'à  ce  que  ce  moment  soit  arrivé ,  il  faut  lutter  avec  les  armes  dont  se  servent 
nos  adversaires. 

En  résumé,  la  situation  économique  des  pays  de  l'Indo-Chine  est  pleinement 
rassurante.  Il  se  produit  sans  conteste,  sur  tous  les  points  du  territoire,  un  mou- 
vement en  avant,  une  extension  de  la  production  et  des  échanges,  un  développe- 
ment de  la  colonisation  dont  nous  pouvons  hautement  nous  féliciter. 

Signé  :  Paul  Dou.mer. 
Saigon,  30  Mai  1898. 

{Revue  coloniale). 


liC  coiiinicrce  «le  la  Sibérie.  —  Extrait  d'une  correspondance  adressée 
à  la  Chambre  do  commerce  française  de  Gonstantinople  par  son  correspondant  de 
Varsovie  et  publiée  dans  le  dernier  Bulletin  de  cette  Chambre  : 

«  La  Sibérie,  que  sillonnent  déjà  des  trains  réguliers  parcourant  d'immenses 
espaces,  commence  à  attirer  les  voyageurs  désirant  faire  connaissance  avec  les 
conditions  économiques,  ethnographiques  et  autres  de  ce  curieux  pays. 

Déjà,  des  capitalistes  étrangers,  parmi  lesquels  les  Français  brillent  par  leur 
absence  complète,  plantent  leurs  jalons  afin  d'aller  à  la  conquête  de  nouveaux 
débouchés  et  d'établir,  en  même  temps,  les  bases  d'une  exportation  rationnelle  de 
matières  premières. 

La  Sibérie,  malgré  ses  immenses  et  presque  inépuisables  richesses  minérales,  ne 
fabrique  encore  rien  ;  aussi  a-t-elle  besoin  de  l'Europe  pour  tout  ce  qui  touche  aux 
produits  de  première  nécessité. 

Jusqu'à  présent,  les  marchés  sont  exploités,  pour  la  plupart,  par  des  fabricants 
et  des  marchands  de  Moscou,  qui  se  rendent  annuellement  aux  foires  de  Nijni- 
Novgorod  et  d'irbit,  à  409  kilomètres  est  de  Perm.  Là,  entre  Russes,  Sibériens, 
Boukhares,  Tartares,  Persans,  Grecs  et  Arméniens  ont  lieu  les  transactions  qui 
alimentent  le  commerce  de  ces  régions  qui,  jusqu'alors,  n'étaient  praticables  qu'aux 
Russes  par  la  voie  de  terre. 

Le  gouvernement  de  Varsovie,  qui  est  un  grand  centre  de  production  pourtant, 
s'était  contenté,  jusqu'à  ce  jour,  de  vendre  ses  produits  aux  marchands  de  Moscou, 
qui  les  écoulaient  ensuite  en  Sibérie ,  prélevant  sur  eux  des  bénéfices  immenses. 

Les  Anglais  et  les  Allemands  procèdent  d'une  tout  autre  manière.  Je  citerai 
pour  exemple  l'expédition  du  capitaine  Wilkins  qui,  l'automne  dernier,  a  pénétré 
jusqu'à  l'embouchure  de  l'Oka  par  la  mer  de  Kara  et  qui,  en  échange  d'un  charge- 
ment de  pacotille,  enlève  du  blé  et  une  jolie  quantité  de  roubles  supplémentaires. 
Le  fret  de  Londres  montait  de  20  copecs  de  poud  (16  kilog.  360  liv.),  et  la  plupart 
des  marchandises  importées  étaient  entrées  en  libre  franchise. 

Les  Moscovites,  il  est  vrai,  effrayés  par  cette  intrusion  britannique,  ont  supplié 
le  Ministre  des  Finances  de  faire  jouer,  pour  les  produits  importés  par  le  canal  de 
l'Océan  glacial,  le  garrot  fiscal  avec  lequel  on  étrangle  l'importation  étrangère  en 
Russie.  L'année  1898  a  donné  satisfaction  aux  desiderata  du  commerce  de  Moscou. 

Les  Allemands  ne  s'endorment  pas  non  plus  :  le  puissant  développement  de  leur 
marine  marchande  les  met  à  même  de  réduire,  à  minima,  les  frais  de  transport,  et 
étant  donné  que  leur  industrie  progresse  de  jour  en  jour,  ils  arriveront  facilement 
à  se  créer,  dans  ce  véritable  Nouveau-Monde  qu'est  la  Sibérie,  de  solides  débouchés. 


-  64  - 

....  Les  deux  points  sur  lesquels,  pour  le  moment,  se  dirigent  l'attention,  sont 
Tonisk  et  Omsk.  Le  voyage  de  Moscou  à  Tomsk  coûte  actuellement  9  roubles,  soit 
23  fr.  84  et  18  roubles  en  première  avec  lits  pour  la  nuit.  Les  trains  sont  munis 
d'un  restaurant  et  d'un  bar  qui  ne  ferment  jamais. 

A  mon  avis,  des  Sociétés  devraient  s'organiser  à  l'effet  d'acheter  sur  place  des 
peaux  d'animaux  qui  abondent  en  Sibérie  ,  et  qui  ne  s'obtiennent  que  de  troisième 
main  aux  foires  de  Nijni-Novgorod. 

Le  commerce  français,  de  par  les  voies  de  communication  de  terre  et  de  mer  qui 
lui  ouvrent  le  cœur  de  la  Sibérie,  doit,  d'ores  et  déjà,  faire  tout  son  possible  pour 
créer  des  comptoirs  là  oii  il  est  possible  d'acheter  à  bon  compte  les  produits  indi- 
gènes et  d'écouler,  dans  les  mêmes  conditions  avantageuses,  les  produits  manufac- 
turés de  l'industrie  française,  ainsi  que  les  vins  et  spiritueux. 

....  Le  Transsibérien  n'est  pas  encore  achevé  que  l'on  pense  déjà  à  Pétersbourg 
à  pousser  le  Transcaspien  au  delà  des  possessions  afghanes  et  de  le  réunir  aux 
réseaux  des  chemins  de  fer  indiens  de  l'Est,  à  peu  de  distance  de  Cachemire.  Ce 
point  est  éloigné  de  720  verstes  de  la  Samarcande  russe.  Sur  ces  720  verstes  de 
parcours,  120  traversent  les  possessions  afghanes,  250  traversent  le  territoire  russe 
et  50  les  terres  anglo-indiennes.  Cette  ligne  serait  plus  longue  si  elle  avait  comme 
point  de  départ  Caboul.  Ce  projet  a  une  très  grande  importance  pour  le  commerce 
européo-asiatique,  et  serait  d'une  importance  non  moindre,  au  point  de  vue  du 
transit,  pour  la  ville  de  Varsovie  oii  aboutissent  les  chemins  de  fer  à  double  voie 
et  commencent  les  voies  simples.  » 


II.   —    Généralités. 


lie  premier  port  du  nioude.  —  New- York,  va  dépasser  Londres. 
—  Progrès  énormes  depuis  deux  ans.  —  Un  des  passages  les  plus  frappants  du 
rapport  annuel  que  va  publier  M.  Chamberlain,  commissaire  de  la  navigation  à 
Washington,  est  celui  oii  il  est  dit  qu'à  la  fin  de  l'exercice  courant,  c'est-à-dire  le 
30  juin  1899,  ÎS'ew-York  sera  le  premier  port  du  monde  entier,  alors  que  Londres 
l'nura  été  pendant  des  siècles. 

Les  statistiques  du  Board  of  trade  anglais  constatent ,  en  effet ,  qu'à  Londres  , 
pendant  l'année  1897,  les  entrées  et  sorties  des  navires  faisant  des  voj'ages  de  long 
cours  ont  représenté  un  tonnage  total  de  15,797,059  tonneaux  ,  ce  qui  consti- 
tuait une  augmentation  de  215,000  tonneaux  par  rapport  à  l'année  précédente. 

Pendant  l'année  finissant  le  30  juin  1898  ,  les  entrées  et  sorties  de  New-York  de 
navires  faisant  des  voyages  de  long  cours  ont  donné  un  tonnage  total  de  15,343,242 
tonneaux,  soit  une  augmentation  de  1,131,727  tonneaux  par  rapport  aux  douze 
mois  précédents. 

Si ,  comme  tout  porte  à  le  croire  ,  l'augmentation  de  tonnage  se  maintient  en 
faveur  de  New- York  ,  avant  la  fin  de  l'exercice  courant ,  le  premier  port  du  monde 
sera  en  Amérique. 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   secrétaire-général, 
LE  secrétaire-général  ADJOINT  ,  A.   MERCHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 


Lille  Imp.LDaneL 


05  — 


SEANCE    SOLENNELLE 

du  Dimanche  22  janvier  1899. 


RÉCEPTION  DE  L'ADJUDANT  DE  PRAT 


C'est  le  dimanche  22  janvier  que  s'est  tenue  notre  Séance  solennelle. 

La  cérémonie  empruntait  cette  année  un  éclat  exceptionnel  à  ce  fait  que  la 
Société  de  Géographie  de  Lille  recevait  solennellement  l'adjudant  de  Prat ,  le 
Lillois,  compagnon  de  Marchand.  Aussi,  avant  3  heures,  la  salle  était  comble  :  la 
Commission  des  fêtes  était  sur  les  dents  et  multipliait  ses  efforts  pour  placer  tout 
le  monde  ;  malgré  tout,  beaucoup  ont  dû  rester  debout  près  des  diverses  entrées, 
quelques-uns  même  n'ont  pu  trouver  place  et  ont  dû  rebrousser  chemin. 

Pour  la  première  fois  depuis  sa  fondation,  la  Société  do  Géographie  de  Lille  a 
été  privée  en  sa  Séance  solennelle  de  la  présence  de  son  cher  Président.  M.  Paul 
Crepy,  souffrant,  a  dû  fuir  la  rigueur  de  notre  climat  du  Nord,  pour  aller  chercher 
le  soleil  et  l'air  pur  sur  les  bords  de  la  Méditerranée,  d'où  certainement  sa  pensée 
nous  a  suivis  pendant  toute  cette  après-midi. 

En  son  absence,  c'est  à  M.  Ernest  Nicolle  qu'est  échue  la  présidence.  Sur  l'es- 
trade, autour  de  lui,  avaient  pris  place  le  général  Allard,  gouverneur  de  Lille, 
Vatin,  préfet  du  Nord,  Margottet,  recteur  de  l'Université  de  Lille,  MM.  le  capitaine 
officier  d'ordonnance  du  général  Allard  ;  le  chanoine  Pillet,  Eeckman,  Quarré- 
Reybourbon,  Auguste  Crepy,  Gcdin,  Fernaux-Defrance,  Beaufort  et  les  autres 
membres  du  Comité  de  la  Société. 

M.  Ernest  Nicolle,  en  ouvrant  la  sé^ce,  s'exprime  en  ces  termes  : 

Mesdames,  Messieurs, 

En  ouvrant  cette  séance  mon  premier  devoir  est  de  remercier  les 
hautes  autorités  qui  ont  bien  voulu  prendre  place  au  bureau  :  M.  le 
général  Allard,  gouverneur  de  Lille,  M.  le  préfet  du  Nord  et  M.  le 
recteur  de  l'Académie  de  Lille.  Leur  présence  à  notre  séance  montre 
comment  sont  appréciés  nos  efforts  pour  développer  l'étude  et  l'action 
géographiques.  J'en  trouve  une  autre  marque  dans  les  envois  faits  par 
M.  le  Ministre  des  Colonies,  M.  le  Ministre  du  Commerce  et  M.  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique ,  de  huit  prix  dont  nos  jeunes 
lauréats  seront  reconnaissants,  de  même  que  nous. 


—  OG  - 

C'est  la  première  fois  que  M.  Paul  Crepy,  notre  cher  et  digne  Pré- 
sident, a  dû  abandonner  la  présidence  de  cette  réunion,  où  s'établit 
pour  ainsi  dire  le  bilan  annuel  de  notre  Association.  A  mon  sentiment 
de  l'honneur  d'occuper  sa  place  se  mêle  un  regret  que  vous  partagez 
assurément  en  pensant  à  la  privation  que  lui  impose  Tabsence. 

Notre  Société,  c'est  son  œuvre,  aidée  de  votre  concours,  et  il  suffit 
de  jeter  les  yeux  sur  cette  Assemblée  pour  constater  sou  succès, 
succès  grandissant  d'année  en  année  parce  que,  de  longue  date,  notre 
Président  a  su  le  préparer.  Nous  lui  enverrons  d"ici  un  souvenir  ému, 
plein  de  respect  et  d'affection,  avec  nos  souhaits  d'un  prompt  retour. 

Que  signalerai-je  à  votre  attention  depuis  un  an  ?  Toutes  nos  branches 
ont  suivi  leur  marche  progressive, 

A  Lille,  nous  avons  eu  33  conférences  ;  nous  en  comptons  10  à  Rou- 
baix  et  autant  à  Tourcoing.  Elles  embrassent  un  horizon  vaste  et 
varié  :  l'histoire  des  découvertes,  celle  des  colonies,  la  politique  colo- 
niale, la  géographie  descriptive,  la  géographie  économique,  la  mer  et 
la  navigation,  le  tourisme,  l'alpinisme,  l'archéologie,  et  j'en  passe. 

Dans  la  plupart,  les  projections  ont  accompagné  les  descriptions,  les 
complétant  heureusement  ;  souvent  le  mérite  artistique  des  photogra- 
phies nous  a  tous  frappés. 

Je  ne  crois  pas  m'illusionner  en  pensant  que  le  niveau  de  nos  confé- 
rences ne  cesse  pas  de  s'élever,  et  que  la  participation  de  plus  en  plus 
active  de  nos  Sociétaires  n'est  pas  étrangère  à  cet  heureux  mouvement. 

Je  m'abstiens  de  citer  en  particulier  les  conférences  et  les  conféren- 
ciers, il  faudrait,  pour  être  juste,  citer  tout  et  ne  rien  laisser  pour  le 
rapport  de  notre  Secrétaire-Général,  et  puis,  parler  si  longtemps  que 
nos  Sociétaires  s'impatienteraient.      * 

Pour  les  excursions  :  voyages  au  loin  et  dans  le  voisinage,  visites 
-économiques,  industrielles,  artistiques ,  archéologiques.  Visites  de 
grands  établissements  d'enseignement,  rien  n'y  manque,  toutes  les 
aspirations  ont  pu  y  trouver  leur  compte,  (^est  que  nos  organisateurs 
sont  infatigables  et  habiles.  Pour  eux  et  leurs  œuvres,  comme  pour  les 
conférenciers,  je  dois  à  regret  rester  dans  les  généralités. 

Notre  Bulletin  est  toujours  le  recueil  intéressant  auquel  chacun 
rend  justice,  un  des  attraits  de  notre  Société.  Vous  y  avez  vu  cette 
année  ce  qu'a  été,  ce  que  sera  le  cours  de  géographie  commerciale  de 
Roubaix,  et  aussi  l'annonce  du  cours  de  topograpliie  de  Lille  ;  je  vous 
en  reparlerai  dans  la  suite  de  la  séance. 

Le  concours  de   1898  est  aussi  fort  satisfaisant  ;  Notre  Président, 


après  son  examen  des  copies  des  élèves  de  l'Ecole  supérieure  de  com- 
merce ,  s'exprimait  ainsi  ;  «  Je  suis  vraiment  surpris  de  constater 
»  comment  ces  jeunes  gens  connaissent  les  choses  géographiques,  les 
»  comprennent  et  les  raisonnent;  peut-être  doivent-ils  tout  cela  à  leur 
»  excellent  professeur  ».  Ce  sont  ses  expressions  textuelles.  Nous 
sommes  de  cet  avis  ;  ils  le  doivent  sûrement  à  leur  excellent  profes- 
seur qui  n'est  autre,  vous  le  savez,  que  M.  Merchier,  notre  sympathique 
Secrétaire-Général,  qui,  avec  son  talent  d'exposition  et  sa  grande 
compétence  professionnelle,  vous  parlera  tout  à  l'heure  en  détail  de 
ce  que  je  n'ai  fait  qu'efUeurcr  d'une  manière  générale  et  rapide. 

Ce  discours  est  fréquemment  interrompu  par  de  chaleureux  applaudissements. 

H.  Haumant,  professeur  à  l'Université  de  Lille,  a  bien  voulu  se  charger  de  la 
conférence  à  faire.  Il  doit  nous  parler  de  l'ancienne  Moscovie  ;  mais  voilà  que,  pris 
d'un  malaise  subit,  il  a  dû  avoir  recours  à  l'antipyrine.  Il  sollicite  avant  de 
commencer  un  répit  de  quelques  minutes,  c'est  pourquoi  la  parole  est  donnée 
d'abord  au  Secrétaire-Général  pour  la  lecture  du  rapport  sur  les  travaux  de  l'année. 

Mes  chers  Collègues, 

Quand  arrive  notre  Séance  solennelle,  je  ressens  toujours  une  certaine  appré- 
hension :  je  suis  comme  le  locataire  pauvre  qui  voit  arriver  l'échéance  du  terme 
avec  cette  diflf'érence  que  je  suis  embarrassé  par  ma  richesse.  J'ai  tant  de  choses  à 
dire  quand  je  considère  l'ensemble  des  travaux  de  la  Société  de  Géographie  de 
Lille,  et,  d'autre  part,  je  sens  la  nécessité  d'être  bref.  Je  sais  que  vous  attendez 
avec  impatience  la  distribution  des  récompenses.  Aussi,  sans  plus  tarder,  je 
commence. 

Au  mois  de  septembre  dernier,  la  Société  de  Géographie  de  Lille  avec  ses  deux 
sœurs  de  Roubaix  et  de  Tourcoing,  comptait  2,201  membres,  chifïre  qui  se  trans- 
forme en  celui  de  2,242  si  nous  y  ajoutons  la  liste  des  géographes  de  Valenciennes 
abonnés  à  notre  Bulletin. 

Ce  Bulletin  a  présenté  cette  année  un  intérêt  exceptionnel  grâce  à  l'inser- 
tion d'une  correspondance  régulière  datée  du  Haut-Nil  et  venant  d'un  Lillois  dont 
sa  ville  natale  est  fière  :  c'est  à  lui  que  nous  devons  d'avoir  publié  une  carte 
itinéraire  que  nous  avons  été  les  premiers  à  donner  au  monde  scientifique  ;  c'est 
grâce  à  lui  que  notre  cher  et  aimé  Président,  M.  Paul  Grepy,  a  pu  annoncer 
qu'en  dépit  d'affirmations  intéressées,  la  mission  Marchand  n'était  pas  perdue, 
enlisée  dans  les  marais  du  Bahr-el-Gazal,  et  qu'elle  marchait  sans  défaillance  vers 
son  but. 

Bien  que  formant  2  gros  volumes  enrichis  de  nombreuses  phototypies,  notre 
Bulletin  ne  pourrait  suffire  s'il  devait  donner  le  compte  rendu  de  toutes  les  confé- 
rences que  vous  avez  entendues. 

Pour  commencer  par  ce  qui  touche  aux  généralités,  je  rappellerai  avec  quelle 
science  de  géographe  et  même  de  géologue,  notre  collègue,  M.  Ardaillon,  nous  a 
parlé  de  la  Mer,  de  ses  profondeurs,  de  sa  vie  et  de  ses  mouvements  ;  et,  pour 
que  rien  des  choses  maritimes  ne  nous  restât  étranger,  avec  une  rare  compétence, 


-  68  — 

M.  de  Chassoloup-Laubat  est  venu  nous  faire  l'Historique  gênerai  de  la  naviga- 
tion. Avec  le  D""  Vermersch  nous  nous  rapprochons  de  la  côte  et  nous  voici  au 
Zuydersée.  Nous  ne  nous  arrêtons  pas  à  la  plaine  :  tout  au  plus  faisons-nous  une 
courte  station  dans  la  région  des  plateaux,  station  il  est  vrai  bien  agréable  avec 
M.  Houbron  qui  nous  parle  de  la  Forêt  d'Ardenne  historique  et  légendaire.  Cette 
année,  tout  est  aux  montagnes  et  à  Valpinisme  que  M.  Ronjat  associe  avec  la 
bicyclette,  tiindis  que  M.  Maquet  retrouve  son  succès  de  Fan  passé  en  nous  racon- 
tant son  Excursion  dans  le  Valais.  Par  deux  fois,  M.  Meys  fait  défiler  sous  nos 
yeux  ces  photographies  qu'il  sait  prendre  avec  un  goût  si  artistique.  La  première 
fois  il  nous  transporte  dans  les  Montagnes  d'Aragon,  la  deuxième  dans  ses  chères 
Pyrénées.  Plus  hardi,  M.  Vallot  nous  entraîne  à  sa  suite  en  son  Observatoire,  sur 
la  cime  du  Mont  Blanc.  Mais  'SI.  de  Beugny  d'Hagerue  est  incapable  de  demeurer 
à  ces  hauteurs  :  avec  une  fougue  juvénile,  qu'il  sait  conserver  malgré  ses  cheveux 
blancs,  il  nous  crie  :  «  En  zigzag,  par  monts  et  par  vaux,  »  et  nous  voilà  visitant 
les  lacs  italiens,  Agram,  Salzbourg,  Inspruck. 

Sortons  d'Europe.  Nous  voilà  faisant  un  Voyage  du  cap  Nord  à  Samarcande,  à 
la  suite  d'une  jeune  Lilloise  qui,  trop  modeste  pour  nous  parler  elle-même,  a  su 
au  moins  choisir  le  meilleur  des  interprètes,  c'est-à-dire  M.  Haumant.  Nous  restons 
en  Transcaspie  avec  M.  Gallois,  puis  nous  visitons  la  Chine  avec  M.  Guimet,  dont 
l'érudition  et  l'humour  font  sur  nous  une  vive  impression.  Un  de  nos  conférenciers 

aimés,  M.  Paillot,  nous  convie  à  voir  le  Pays  des  Croisés par  le  fenêtre  de 

l'objectif,  et  nous  voilà  admirant  ses  belles  projections  sur  Rhodes,  Adalia,  Damas, 
Balbek,  Jaffa,  Jérusalem  1  Mais  après  lui,  s'inspirant  de  l'actualité,  avec  autant  de 
verve  que  d'esprit,  l'abbé  Sagary  nous  mène  en  Orient  avec  l'empereur  Guillaume. 

Vous  YOj'ez  que  l'Asie  a  été  favorisée  :  nous  avons  pourtant  été  en  Amérique, 
grâce  à  une  charmante  conférencière,  IM""=  de  Mayolle,  qui  nous  raconte  son  voyage 
très  mouvementé  chez  les  Indiens  du  Nouveau-Mexique.  Pour  la  seconde  fois 
M.  Gallois  nous  sert  de  guide,  mais  c'est  maintenant  en  Océanie,  au  Pays  des 
pagodes,  en  Birmanie,  à  Singapour  et  à  Java.  L'Afrique  s'étonne  d'être  un  peu 
délaissée  :  elle  n'est  représentée  que  par  la  conférence  de  M.  Bousquet  sur  le 
Transvaal. 

Plus  que  jamais  les  questions  coloniales  ont  été  à  l'ordre  du  jour:  M.  Long- 
champs  a  même  considéré  nos  Colonies  dans  le  passé  sous  la  forme  des  Indes  et 
du  Canada.  Je  rappelle  de  quelle  façon  magistrale  M.  Chailley-Bert  a  envisagé  la 
Politique  coloniale  de  la  France.  SI.  l'abbé  Rouïet  nous  a  aussi  parlé  de  la  Colo- 
nisation française.  C'est  déjà  à  un  point  de  vue  plus  particulier  que  le  comman- 
dant Leblond,  professeur  à  l'Ecole  supérieure  de  guerre,  nous  a  parlé  du  Rôle  de 
la  France  dans  le  Levant  et  en  Egypte.  Par  M.  Lagrillère-Beauclerc,  nous  avons 
été  mis  au  courant  de  la  Situation  actuelle  du  Sénégal  et  du  Soudan  ;  et  le 
conférencier  était  bien  renseigné  puisqu'il  avait  suivi  le  Ministre  des  Colonies  dans 
sa  visite  à  cette  fille  de  Faidherbe  !  M.  Mévil  nous  a  parlé  de  la  Guinée  française 
et  de  la  Côte  d'Ivoire  ;  M.  Levât  nous  a  montré  la  Guyane  française  ;  enfin  , 
cela  a  été  un  régal  ponr  les  délicats  que  d'entendre  M""^  Massieu  nous  raconter 
son  Voyage  dans  le  Haut-Laos. 

En  vérité,  nous  sommes  universels  !  Nous  avons  fait  de  l'archéologie  en  visitant 
Rome  antique  avec  un  maître,  j'ai  nommé  le  chanoine  Pillet,  doyen  de  la 
F'aculté  de  théologie.  Nous  avons  fait  de  l'art  avec  M.  Quarré-Reybourbon  à  travers 
les  monuments  et  les  musées  de  Londres,  de  l'ethnologie   avec  le  D''  Carton  qui 

nous  a  révélé le  Bédouin.  La  belle  conférence  du   D""  Éduardo  d'Avellar  sur 

Dom  Vasco  da  Gama  et  les  Navigateurs  portugais  du  XP  siècle  a   été  une  page 


.-  09  — 

d'histoire  en  même  temps  qu'un  hommage  à  un  pays  ami  ;  avec  M.  Dupont,  membre 
du  Bureau  de  Roubaix,  nous  avons  fait  do  la  saine  géographie  économique  en  étu- 
diant l'Enseir/nenient  commercial  en  Allemagne. 

Il  était  tout  naturel  de  me  voir  exposer  devant  nos  trois  Sociétés  les  travaux  du 
Congrès  de  Marseille  :  un  autre  conférencier  commun  aux  trois  Sociétés  a  été 
M.  Richet  qui  a  parlé  du  Klondyke  ;  on  trouve  aussi  le  nom  de  M.  Haumant,  mais 
il  a  eu  la  coquetterie  de  traiter  des  sujets  différents  :  à  Roubaix,  le  Voyage  d'une 
jeune  Lilloise  ;  à  Tourcoing,  la  Bulgarie  et  les  Bulgares.  C'est  pour  Roubaix  seul 
que  M.  Albert  Waeles  a  parlé  de  la  Mission  lyonnaise  et  de  son  voyage  à  travers 
la  Chine.  Roubaix  a  entendu  encore  M.  Camille  Guy  qui  a  rappelé  la  Conquête  du 
Tonkin,  M.  Senevez  qui  a  parlé  de  VAhyssinie,  M.  Félix  Yieuille  qui  a  étudié 
Moscou  et  la  région  de  la  Volga,  M.  Jules  Brun  qui  a  parlé  de  la  Roumanie. 
Enfin  Roubaix  a  eu  la  bonne  fortune  d'entendre  le  doyen  des  Secrétaires-Généraux, 
le  si  bon,  si  sympathique  Secrétaire-Général  de  la  Société  de  Géographie  com- 
merciale de  Paris,  ^I.  Gauthiot,  qui  a  fait  une  charmante  et  instructive  causerie 
sur  le  développement  colonial  de  la  France. 

Tourcoing  a  eu  aussi  ses  conférenciers  spéciaux.  D'abord  M.  Laborde,  alors  pro- 
fesseur au  Lycée  et  que  des  liens  d'amitié  personnelle  attachent  au  vénéré  Président 
M.  François  Masurel.  La  vie  flamande  il  y  a  4  siècles,  tel  fut  le  sujet  de  cette 
conférence.  M.  Ardaillon  a  fait  une  magique  évocation  du  passé  en  parlant  des 
Villes  antiques  de  la  Grèce.  M.  Levât  avait  eu  à  Tourcoing  un  avant-goùt  du 
succès  qu'il  devait  avoir  à  Lille  avec  sa  conférence  sur  la  Guyane.  j\I.  Diamanti  a 
parlé  de  la  Syrie  et  de  la  Palestine.  M.  René  Wauthicr,  avocat  à  la  Cour  d'appel 
de  Bruxelles,  a  traité  de  main  de  maître  le  Congo,  et  ce  fut  une  véritable  solennité 
quand  le  colonel  Monteil  vint  traiter  devant  un  public  enthousiaste  :  ^a  France 
coloniale  en  1898. 

Les  conférences  portent  leur  fruit,  on  le  voit  par  le  goût  du  publie  pour  les 
choses  coloniales,  alors  qu'il  y  a  vingt  ans  il  n'avait  que  dédain  pour  ce  genre  de 
questions.  Pour  être  moins  brillant,  un  cours  régulier  laisse  parfois  une  impression 
plus  durable  encore.  Nous  avons  eu  de  ces  cours. 

A  Lille,  le  lieutenant  Lemayeur  et  le  sous-lieutenant  Debord  du  43'-  régiment 
d'infanterie  ont  bien  voulu  se  charger  d'un  cours  de  topographie.  4  séances  ont  été 
faites  au  siège  de  la  Société,  4  sur  le  terrain,  et  les  résultats  ont  été  assez  satisfai- 
sants pour  que  votre  Comité  jugeât  dignes  de  récompense  certains  des  travaux 
présentés.  Le  lieutenant  Lemayeur  veut  bien  nous  assurer  la  continuation  de  son 
précieux  concours. 

J'ai  déjà  signalé  dans  le  Bulletin  les  résultats  remarquables  obtenus  par  le  cours 
que  M.  Lefebvre  professe  avec  tant  de  dévouement  à  Roubaix.  La  géographie  de  la 
République  Argentine  a  été  étudiée  d'une  manière  toute  nouvelle,  par  une  sorte 
d'enseignement  mutuel,  oii  le  professeur  va  à  l'école  des  principaux  négociants 
pour  être  ensuite  un  agent  de  transmission  auprès  de  ses  auditeurs.  Ici  tout  est 
pratique,  terre  à  terre,  mais  utile,  de  façon  à  préparer  d'excellents  agents  commer- 
ciaux :  c'est  l'application  des  méthodes  allemandes  qu'a  si  bien  exposées 
M.  Dupont. 

Les  excursions  n'ont  point  chômé.  Elles  commencent  dès  le  mois  de  février  par 
une  pointe  au  carnaval  de  Nice  d'où  Ton  pousse  jusqu'à  Menton.  MM.  Rollier  et 
Savary  conduisent  l'excursion.  Plus  tard  les  grandes  excursions  se  multiplient.  Au 
mois  de  mai,  c'est  une  visite  aux  bords  du  Rhin  sous  la  conduite  de  MM.  Thiébaut 
et  Ravet  :  ce  pays  a  tant  de  charmes  qu'au  mois  de  juillet  nous  y  retrouvons  une 
nouvelle  excursion,  cette  fois  sous  la   conduite  de  MM.  Godin  et  Destombes.  Au 


—  70  — 

même  moment  un  groupe  de  nos  Sociétaires  lillois  visite  la  Belgique  et  la  Hollande 
sous  la  conduite  du  D""  ^'e^mersch  et  de  INI.  Decranier,  ttmdis  qu'un  autre  groupe 
parcourt  les  Vosges  et  le  Jura  avec  iSIM.  Fernaux  et  Galonné.  Du  11  au  28  aoiît, 
MM.  Beaufort  et  Auguste  Crepy  avec  un  groupe  d'intrépides,  bravent  la  chaleur, 
parcourent  la  Guyenne  et  la  Gascogne  en  véritables  cadets  de  ce  nom,  franchissent 
les  Pyrénées,  poussent  jusqu'en  Espagne,  puis  vont  voir  couler  la  Garonne  à 
Toulouse. 

Pour  être  plus  modestes,  les  autres  excursions  ne  sont  pas  moins  intéressantes. 
M.  Van  Troostenberghe  met  beaucoup  de  bonne  grâce  à  nous  montrer  la  Belgique 
qu'il  connaît  si  bien.  C'est  avec  lui  qu'on  a  visité  Naniur,  Dinant,  Spa,  les  grottes 
de  Han  ;  il  avait  pour  collaborateur  ]\I.  Rollier  :  c'est  avec  lui  encore  qu'on  a  été 
visiter  Ostende  et  la  procession  du  St-Sang  à  Bruges,  son  collaborateur  était  alors 
M.  Galonné  que  nous  retrouvons  pour  la  visite  d'Ypres.  M.  Beaufort  en  personne 
se  joint  à  M.  Van  Troostenberghe  pour  nous  conduire  à  Halluin  visiter  des  mer- 
veilles industrielles.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  avec  MM.  Herland  et  Vaillant 
nous  visitons  la  chocolaterie  de  M.  d'Halluin  et  la  pétrolerie  du  Nord.  Une  excur- 
sion qui,  sans  franchir  l'enceinte  de  Lille,  a  présenté  néanmoins  un  vif  intérêt,  est 
celle  qu'ont  dirigée  MM.  Beaufort  et  Eustache  aux  Facultés  catholiques.  St-Omer  et 
l'ascenseur  des  Fontinettes  ont  reçu  leur  contingent  de  visiteurs  sous  la  conduite 
de  MM.  Cantineau  et  Vaillant.  Bergues,  Dunkerque  et  ce  coin  trop  peu  connu  des 
Moëres  ont  été  visités  grâce  au  D''  Vermersch  et  à  M.  Decranier.  M.  Fernaux  con- 
duit une  excursion  à  Audenarde,  MM.  Thieffry  et  Decramer  en  conduisent  une 
autre  aux  carrières  de  Soignies.  MM.  Cantineau  et  Godin  ont  bien  voulu  conduire 
à  Calais  et  Boulogne  les  lauréats  du  prix  Danel.  J'ai  réservé  pour  la  fin  l'excursion 
au  Mont  ^es  Cats,  parce  qu'elle  prouve  que  depuis  notre  mère  Eve  la  femme  a 
gardé  son  péché  mignon  de  curiosité.  Cette  année,  par  faveur  spéciale  et  pour 
quelques  jours  seulement,  les  dames  étaient  admises  à  visiter  le  fameux  monas- 
tère :  du  coup,  nous  avons  eu  250  excursionnistes.  Il  a  fallu  se  fractionner.  Trois 
corps  ont  été  mobilisés  :  M.  Beaufort  étant  général  en  chef  avec  le  D''  Vermersch, 
MM.  Van  Troostenberghe,  Thiébaut  et  Ravet  pour  lieutenants. 

L'année  a  donc  été  féconde.  Je  terminerai  rapidement  en  exprimant  l'espoir  que 
l'année  qui  commence  ne  le  cédera  en  rien  à  ses  devancières  et  que  la  Société  de 
Géographie  de  Lille  pourra  s'appliquer  cette  devise  :  «  Toujours  plus  oultre  ». 

Après  la  lecture  de  ce  rapport,  M.  Haumant  prend  place  à  la  table  du  conféren- 
cier. Son  arrivée  est  saluée  par  des  applaudissements  et  cela  n'est  point  fait  pour 
surprendre,  car  voici  ce  que  dit  un  journal  de  Lille  : 

«  M.  Haumant  est  un  conférencier  des  plus  agréables  à  entendre  ;  c'est  un  de 
ceux  que  le  public  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille  vient  toujours  écouter  avec 
un  sensible  plaisir.  C'est  dire  combien  ce  causeur  délicat,  ce  fin  lettré  a  été  goûté 
et  applaudi.  » 

Nous  aurions  voulu  donner  in-extcnso  cette  belle  conférence,  mais  M.  Haumant 
ne  l'a  pas  encore  écrite.  Il  nous  fait  espérer  que  nous  l'aurons  quelque  jour.  Nous 
sommes  donc  réduits  à  un  compte  rendu  ai;alytique. 


—  71  — 


CONFERENCE   DE   M.   HAUMANT 


UN  VOYAGE  BANS  L'ANCIENNE  MOSCOVIE 


En  débutant,  M.  Haiimant  se  fait  l'interprète"  du  sentiment  de  tous 
en  exprimant  le  vœu,  avec  beaucoup  de  délicatesse,  que  M.  l'adjudant 
de  Prat  veuille  bien  consentir  à  donner  une  prochai-ne  conférence  à  la 
Société  de  Géographie.  Voici  comment  il  s'exprime  à  ce  sujet  : 

«  J'éprouve  quelque  embarras  à  vous  parler  aujourd'hui  de  la 
Russie.  Il  est  trop  évident  que  vos  préoccupations  sont  ailleurs  et  qu'à 
mon  sujet  moscovite,  vous  préféreriez  n'importe  quel  sujet  africain. 

»  Mon  excuse  de  venir  si  mal  à  propos,  c'est  —  et  je  crois  pouvoir 
le  dire  sans  trop  d'indiscrétion  —  que  le  Comité  souhaite,  espère 
même  vous  offrir,  à  bref  délai,  une  conférence  sur  l'Afrique,  confé- 
rence qui  sera  faite  par  quelqu'un  d'autorisé,  de  ires  autorisé... 

»  Si  notre  espoir  se  réalise,  vous  me  pardonnerez  sûrement  d'avoir 
occupé  la  scène  en  attendant  le  vrai  lever  de  rideau,  le  sujet  sensa- 
tionnel qui  vous  passionnera  tous.  » 

Après  ce  début,  chaleureusement  applaudi,  ^I.  Haumant  examine  la 
situation  de  la  Moscovie  il  y  a  quelques  siècles. 

Il  parcourt  la  Moscovie  du  XVIP  siècle  à  la  suite  d'un  ambassadeur 
hollandais,  Mejerberg,  et  en  trace  une  description  absolument  iné- 
dite, très  curieuse  et  que  complètent  des  vues  fournies  par  de  vieilles 
estampes. 

Moscou,  qui  a  encore  aujourd'hui  une  physionomie  si  particulière, 
était  bien  alors  la  «  Rome  tartare  »,  mer  de  maisons  et  de  jardins, 
surmontée  d'innombrables  clochers,  bulbeux,  jaunes,,  verts,  ^bleus, 
striés,  étoiles  d'or  et  d'argent,  terminés  par  de  hautes  croix  d'or.  Au 
milieu  de  cette  vaste  agglomération,  une  autre  enceintei^une  ville 
dans  la  ville,  le  Kremlin,  rés^idence  du  tsar,  fouillis  confus  de  dômes 
d'or,  de  tours  crénelées,  au  couronnement  d'un  vert  sombre,  et  enfin, 
point  culminant,  la  tour  blanche  d'Ivan-le-Graud. 

Il  se  dégageait  de  ce  spectacle  une  impression  de  grandeur  et  de 
magnificence  qui  s'évanouissait  quand  on  pénétrait  dans  l'intérieur  de 


la  ville  proprement  dite,  d'aspect  sale  et  misérable,  avec  de  véritables 
bourbiers  comme  rues  et  des  maisons  ressemblant  à  des  huttes. 

Toujours  à  la  suite  de  l'ambassadeur  Meyerberg,  nous  assistons  à 
une  audience  du  tsar,  nous  visitons  son  palais,  puis  la  maison  d'un 
hoiar  ou  grand  seigneur  russe. 

Les  Moscovites^  ne  connaissaient  nullement  encore  le  confort  qui 
commençait  à  's'introduire  dans  l'Europe  occidentale.  Ils  avaient  un 
mobilier  sommaire,  des  usages  très  primitifs,  même  dans  les  hautes 
classes  ;  leurs  repas  se  ressentaient  d'une  demi-barbarie  et  étaient  peu 
raffinés. 

M.  Haumant  étudie  ensuite  la  condition  des  femmes  russes  dans 
l'ancienne  Moscovie.  La  femme  russe,  surtout  celle  de  haute  condition, 
vivait  très  renfermée  dans  son  terem  ou  ses  appartements  particuliers. 
Mais  il  ne  faut  voir  là  aucun  rapport  avec  les  harems  de  l'Orient.  La 
femme  russe  était  enfermée  dans  le  terem,  parce  qu'on  la  considérait 
comme  un  être  faible,  incapable  de  faire  son  salut  sans  la  surveillance 
et  l'autorité  de  son  mari. 

Le  mari  avait  toute  autorité  sur  son  épouse  et  avait  le  droit  de  la 
frapper  au  fouet  lorsqu'elle  faisait  quelque  chose  qui  lui  déplaisait.  En 
revanche.  Madame  avait  quelques  compensations.  Elle  passait  son 
temps  à  broder,  à  prendre  des  bains  russes,  avait  des  appartements 
très  somptueux,  et  usait  de  son  autorité  souveraine  pour  rendre  aux 
domestiques,  avec  de  gros  intérêts,  ce  que  lui  faisait  endurer  son  mari! 

Depuis  ce  temps,  du  reste,  elle  a  bien  pris  sa  revanche,  car  il  est 
peu  de  pays  où  les  femmes  et  les  jeunes  filles  jouissent  de  plus  de 
liberté  que  dans  la  Russie  actuelle. 

Elle  a  commencé  à  se  transformer  vers  la  fin  du  XVIP  siècle,  dès 
le  règne  d'Alexis  Mikhaïiowitch.  Le  fils  de  ce  souverain,  le  célèbre 
Pierre-le-Grand,  accentua  cette  tranformation,  qui  s'opéra  avec  une 
rapidité  «  kaléïdoscopiquc  ».  A  partir  de  Pierre-le-Grand,  la  transfor- 
mation n'a  fait  que  s'étendre,  et  il  est  inutile  d'insister  davantage  sur 
ce  qu'est  devenu  aujourd'hui  le  puissant  empire  des  tsars. 

Les  immenses  progrès  accomplis  par  la  Russie,  personne  ne  les 
prévoyait  au  XVIF  siècle.  Et,  à  ce  propos,  ]\1.  Haumant  conclut  en 
ces  termes  : 

«  Les  voyageurs  dont  j'ai  jiarlé  ont  trop  fait  attention  aux  petites 
choses  qui  les  amusaient  ou  les  choquaient,  pas  assez  aux  grandes  qui 
les  avaient  instruits. 


—  73  - 

»  Trop  préoccupés  des  dîners  et  du  cérémonial  moscovite,  ils  n'ont 
pas  assez  remarqué  la  discipline,  la  cohésion  religieuse  et  nationale 
du  monde  moscovite  ;  ils  n'ont  pas  assez  noté  les  ferments  de  progrès 
qui  commençaient  à  soulever  cette  «  pâte  »  compacte. 

»  Cela  dit,  il  serait  injuste  de  leur  reprocher  de  n'avoir  pas  prévu 
l'avenir.  La  baguette  divinatrice  des  montreurs  de  source  qui,  jadis, 
s'en  allaient  par  les  champs  pour  révéler  aux  paysans  les  eaux  vives, 
prêtes  à  jaillir,  pour  apporter  au  sol  aride  la  fécondité  et  la  vie,  cette 
baguette  divinatrice  n'a  jamais  été  à  la  disposition  des  géographes.  » 

Cette  analyse  de  la  très  instructive  conférence  de  M.  Haumant  est 
assurément  bien  pâle  et  bien  incomplète.  Mais  le  succès  que  le  confé- 
rencier a  obtenu  a  été  des  plus  vifs,  et  M.  Nicolle  l'a  remercié  chaleu- 
reusement au  nom  de  tous. 

«  Vous  venez  de  nous  prouver,  dit-il,  combien  j'avais  raison  de  dire 
tout  à  l'heure  que  le  niveau  de  nos  conférences  ne  cesse  de  s'élever 
et  je  dois  me  féliciter  que  cette  preuve  soit  faite  par  un  de  nos 
confrères  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  ». 


REMISE  DES  MÉDAILLES  DE  VERMEIL. 

L'excellente  musique  de  riaiprimerie  Danel,  qui  a  bien  voulu  nous  prêter  son 
concours,  fait  entendre  un  morceau,  puis  M.  Nicolle  se  lève  et  annonce  que  la 
Société  de  Géographie  décerne  une  médaille  de  vermeil  à  M.  Lefebvre,  professeur 
à  l'Institut  Turgot,  de  Roubaix,  qui  a  montré  une  si  heureuse  initiative  dans  le 
cours  de  géographie  commerciale  de  cette  ville.  L'enseignement  de  M.  Lefebvre 
est  de  la  plus  grande  utilité  pour  ses  élèves,  «  qui  en  tireront  des  résultats  pra- 
tiques précieux,  non  seulement  pour  eux-mêmes,  mais  encore  pour  notre  dôvelop^ 
pement  économique  national.  » 

Cette  distinction  est  très  applaudie.  C'est  aussi  au  milieu  des  applaudissements 
de  toute  la  salle  que  M.  Nicolle  prononce  les  paroles  suivantes  : 

M.  le  lieutenant  Lemayeur,  du  43®  d'infanterie,  a  bien  voulu  se 
charger  d'un  cours  de  topographie  qui  a  fort  bien  réussi,  grâce  à  sa 
connaissance  spéciale  du  sujet  et  à  son  activité  ;  nous  lui  offrons  aussi 
une  médaille  de  vermeil,  avec  d'autant  plus  de  plaisir  qu'elle  s'adresse 
à  un  officier,  à  un  membre  de  l'armée,  cette  gardienne  vigilante  de 
tout  ce  qui  fait  l'honneur,  la  sécurité  et  la  grandeur  de  la  patrie  ;  nous 
saisissons  avec  joie  l'occasion  de  donner  à  cette  grande  institution  des 
témoignages  de  confiance  et  de  respect. 

Lieutenant  Lemayeur,  acceptez  de  nous  ce  souvenir  cordial. 


—  il  — 


Les  paroles  patriotiques  de  M.  Nicolle  soulèvent  l'enthousiasme  de  l'auditoire  et 
une  ovation  est  faite  à  M.  le  lieutenant  Leniayeur. 


LA  REMISE  DE  LA  MÉDAILLE  D'OR  A  L'ADJUDANT  DE  PRAT.  (^) 

M.  de  Prat,  en  grande  tenue  d'adjudant  d"infanterie  de  marine,  portant  les  deux 
décorations  de  la  Légion  d'Honneur  et  de  la  Médaille  militaire,  était  assis  au  pre- 
mier rang  des  fauteuils,  entouré  des  membres  de  sa  famille.  La  modestie  de 
l'attitude  de  l'adjudant  produisait  l'impression  la  plus  favorable. 

Le  moment  est  venu  de  lui  décerner  la  médaille  d'or. 

Au  milieu  d'un  silence  solennel,  M.  Nicolle  reprend  la  parole.  Il  est  visiblement 
ému,  et  il  s'exprime  en  ces  termes  : 

C'est  encore  à  un  m.embre  de  l'armée  que  je  m'adresse,  à  un  homme 
qui  a  dépensé ,  prodigué  les  plus  belles  années  do  sa  vie ,  avec  une 
persévérance  que  rien  ne  décourageait,  dans  des  expéditions  lointaines, 
au  milieu  de  périls  incessants  et  de  toute  sorte,  n'ayant  en  vue  d'autre 
compensation  que  la  gloire  d'ajouter  au  patrimoine  de  la  France  et  de 
l'humanité  civilisée.  Yous  reconnaissez  l'adjudant  de  Prat,  le  membre 
intrépide  de  la  mission  Marchand,  le  Lillois  qui  nous  écrivait  des 
relations  si  pleines  de  vie  du  fond  de  l'Afrique. 

Ah  !  Sans  doute,  nous  n'avons  pu  garder  tous  les  points  conquis  par 
des  efforts  héroïques,  mais  il  ne  faut  pas  mesurer  l'éloge  et  l'admira- 
tion au  bénéfice  immédiat  et  matériel  d'une  entreprise. 

Les  énergiques  qui  tombent  une  fois  peuvent  se  relever  plus  vail- 
lants et  reconquérir  l'avenir. 

Retenez  bien  ceci,  jeunes  gens  qui  débutez  dans  la  vie. 

Tant  que  la  France  sera  peuplée  d'enfants  tels  que  Marchand  et  ses 
compagnons,  tels  que  de  Prat,  pleins  d'entrain,  de  volonté,  d'amour 
de  l'action,  d'intentions  droites  et  généreuses  et  d'un  dévouement  sans 
borne,  elle  pourra  subir  des  fluctuations  dans  sa  marche,  mais  elle 
aura  l'avenir  pour  elle. 

Le  gouvernement  a  reconnu  les  services  et  le  mérite  de  l'adjudant 


(1)  Dans  un  banquet  intime  offert  par  souscription  à  l'adjudant  de  Prat  et  qui 
comptait  90  convives,  M.  Nicolle  a  remis  à  notre  brave  compatriote  une  croix  en 
brillants  au  nom  du  Comité  d'Études  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 


de  Prat  par  la  décoration  de  la  Légion  d'honneur;  nous  nous  en 
réjouissons  et,  de  notre  côté,  nous  lui  offrirons  notre  plus  éclatante 
récompense,  notre  médaille  d'or  que  je  serais  fier  de  lui  remettre  mais 
qu'il  recevra  avec  plus  de  plaisir  encore  de  la  main  du  général  Allard. 

Nous  reverrons  ici  M.  de  Prat,  je  me  plais  à  vous  l'annoncer,  il 
nous  a  promis  la  primeur  du  récit  de  sa  dernière  expédition  ;  nous  ne 
lui  laisserons  pas  oublier  sa  promesse. 

Un  tonnerre  d'applaudissements  accueille  les  paroles  de  l'honorable  M.  Nicolle. 
L'adjudant  de  Prat  monte  sur  l'estrade.  Les  applaudissements  redoublent,  enthou- 
siastes, frénétiques,  pendant  qu'un  immense  cri  de  «  Vive  l'armée  !  Vive  Marchand  ! 
Vive  de  Prat  !  »  ébranle  la  salle. 

La  musique  joue  la  Marseillaise^  toute  l'assistance  est  debout,  une  ovation 
indescriptible  est  faite  à  l'adjudant  qui  reçoit  sa  médaille,  descend  de  l'estrade  et 
va  embrasser  sa  mère  qui  pleure  de  joie.  Bien  des  yeux  se  mouillent  à  ce  touchant 
spectacle. 

Et  cependant  la  manifestation  continue  intense,  délirante.  Cette  scène  profondé- 
ment émouvante  restera  gravée  dans  la  mémoire  de  tous  les  assistants. 

Sur  l'invitation  qui  lui  est  adressée,  M.  de  Prat  remonte  sur  l'estrade  et  va  s'as- 
seoir entre  M.  le  général  Allard  et  M.  le  recteur  Margottet.  Il  paraît  fort  ému  et 
serre  vigoureusement  les  mains  que  lui  tendent  le  général  gouverneur  et  M.  Mar- 
gottet. 

M.  Nicolle  donne  alors  lecture  du  télégramme  suivant  qu'il  a  reçu  aujourd'hui 
même  de  M.  Paul  Crepy  : 

Tamaris -sur-Mer,  22  janvier,  9  h.  50  matin. 

Veuillez  joindre  mes  plus  cordiales  félicitations  aux  applaudissements 
enthousiastes  qui  acclameront  notre  vaillant  collègue  de  Prat  lorsque 
vous  lui  remettrez  la  grande  médaille. 

Je  propose  qu'il  soit,  en  Séance  solennelle,  proclamé  membre  d'hon- 
neur de  notre  chère  Société. 

Paul  Crepy. 

Les  applaudissements  de  l'auditoire  prouvent  combien  cette  proposition  de 
M.  Paul  Crepy  rencontre  l'approbation  unanime.  M.  de  Prat  s'incline  et  remercie 
avec  sa  modestie  habituelle. 

Quand  l'émotion  est  calmée,  M.  Quarré-Reybourbon  donne  lecture  du  palmarès 
des  concours  de  1898,  et  on  procède  à  la  distribution  des  récompenses. 


TU 


PALMARÈS  DES  CONCOURS  DE  GÉOGRAPHIE  DES  28  JUILLET 
ET  13  NOVEMBRE  1898. 


JEUNES    GENS. 
Section  supérieure. 

!■■•   SÉRIE.   —   GÉOGRAPHIE  MILITAIRE. 

Sujet  :  Les  Alpes  françaises  au  point  de  vue  d'une  guerre  franco-italienne.—  Carte. 

1"  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie, 
des  Postes  et  des  Télégraphes  : 
MM.  Vauthier  (Jean-Robert),    Lycée  Faidherbe,  Lille. 
2'      —  Loizeau  (Lucien),  id. 

3«      —  Wemaëre  (Maurice)  id. 

Accessit.  Fontenay  (Léon),  id. 

GÉOGRAPHIE   COMMERCULE. 

2«  SÉRIE.  —   EMPLOYÉS  DU  COMMERCE  ET  DE  L'INDUSTRIE. 

Sujet  :  Le  Brésil  et  le  Chili  ;  leurs  facultés  productives,.,  importations,  exportations, 
routes  et  transpjorts  ;  moyens  de  développer  leurs  relations  commerciales 

avec  la  France. 

1"  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  du  Commerce,  de  l'Industrie, 
des  Postes  et  des  Télégraphes  : 
MM.  Herteman  (Paul). 
1"  Accessit.  Thirion  (Joseph). 

2*      —  Rosenfeld  (René).  ^ 

3«  SÉRIE.  —   ÉCOLE  SUPÉRIEURE  DE  COMMERCE. 

Sujet  :  Géographie  économique  des  possessions  françaises  en  Asie.  — 
Colonies  et  pays  de  ptrotectorat.  —  Carte. 


Prix  Desroclies. 


l"Accessit.  MM.  Gayet  (Fernand). 
2^      —  Bosc  (Léon). 


COURS   33E   TOPOGRAPHIE. 

i"  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 

MM.  Delmée  (Paul). 
2«      —  Noé  (Maurice). 

Accessit.  Delaistre  (Alfred). 


—  11  — 


Enscigneuient  sccoudairc. 

1"   SÉRIE.   —   L'Europe   moins  la   France. 

Sujet  :  Les  Alpes  depuis  le  Mont  Blanc  jusqu'aux  environs  de  Vienne.  Indiquer 
les  eaux  qui  en  de'coulent,  les  cols  et  passages  ;  les  jirincipaux  chemins 
de  fer  qui  les  franckissent.  —  Carte. 
l"  Prix.  P)'ix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  rinstruction  publique  : 


MM.  Babey  (Marcel), 

2»      —  Ingelrans  (Maurice), 

1"  Accessit.  Carlier  (Jean), 

2*      —  Verhaeghe  (Etienne). 

3»      —  Vaillant  (Léon), 


Lycée  Faidherbe,  Lille, 
id. 
id. 
id. 
id. 


2«  SÉRIE.  —  L'Asie,  l'Afrique,  l'Océanie. 
Sujet  :  UHindoustan.  —  Géographie  physique.,  politique  et  économique.  —  Carte. 

i«f  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  rinstruction  publique  : 

MM.  Lemire  (Louis).  Lycée  de  Tourcoing. 

2«      —  Storet  (Gaston),  Pensionnat  Saint-Pierre,  Lille. 

Accessit.  Paul  (Henri),  id. 

Euscigiiemcnt  primaire  supérieur. 

1"   SÉRIE   —    GÉOGRAPHIE   PHYSIQUE   ET  ÉCONOMIQUE   DE   l'AsIE   ET   DE  l' ARCHIPEL 

Malais.  —  Géographie  physique,  politique  et  économique  de  l'Europe, 
MOINS  la  France. 

Sujet  :  L'Empire  des  Tzars.  —  Description  générale.  —   Climat.  —  Productions. 
—  Voies  de  communication .  —  Carte. 
1"  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  des  Colonies  : 

MM.  Lubrez  (Daniel),  École  supérieure  d'Haubourdin. 

2«      —  Lalisse  (Henri),  id. 

VandrepotefEugène),  École  supérieure  de  Fournes. 
Martin  (Edmond),      École  supérieure  d'Haubourdin. 
Hachin  (Léonce),  id. 


Prix 

LéonardDanel 

Voyage 

à  la  mer. 


Il"  Accessit. 

'2*      

.3»      — 


4»  Accessit.   MM.  Turbier  (Georges), 
5'      —  Delattre  (Auguste), 

MM.  Legrand  (Eugène), 
Bauduin  (Gaston), 
Leroy  (Auguste) 
?•      —  Jeanne  (Léon), 


6'  Accessit 
ex-œquo. 


École  supérieui'e  de  Fournes. 
École  supérieure  d'Haubourdin. 

id. 

id. 
Institut  Turgot,  à  Roubaix. 
École  supérieure  d'Haubourdin. 


2«  Série.  —  Géographie  de  l'Océanie  (moins  l'Archipel  Malais),  de  l'Amérique 
ET  DE  l'Afrique.  —  Explorations.  —  Notions  de  géographie  économique 

Sujet  :  L'Australie.  —  Géographie  physique ,  politique  et  économique.  —  Carte. 

1"  Prix      (  MM.  Risbourg  (Jules),      École  supérieure  d'Haubourdin. 

ex-œquo.   (  Beugin  (Auguste),  id. 

2«      —  Haynau  (Géry),  id. 

l"Accessit.  Landron  (Marcel),  id. 

2»      —  Livoy  (Élie),  id. 


Prix 

LéonardDanel 

Voyage 

à  la  mer. 


-  78 


3«  Accessit. 

MM.  Durieu  (Albert), 

Écoie  supérieure  d'Haubourdin, 

4«      — 

Gruson  (Achille), 

Ecole  supérieure  de  Fournes. 

5"      - 

Sarrazin  (Henri), 

École  supérieure  d'Haubourdin, 

6«      - 

Dedryver  (Georges), 

École  supérieure  de  Fournes. 

T"      — 

Raux  (Albert). 

id. 

8«      — 

Hubert  (Louis), 

id. 

9"      — 

Bri.sy  (Gaston), 

École  supérieure  de  Lille. 

10»      — 

Laurent  (Paul), 

École  supérieure  de  Fournes. 

Euseiguc  nient  primaire   élémentaire. 

1"  SÉRIE.  —  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE  ET  POLITIQUE  DE  L'EuROPE,  MOINS  LA  FRANCE. 

Sujet:  La  presqu'île  hispanique.  —  Géographie  physique  et  politique.  —  Carte, 
l^'  Prix.  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  : 


MM, 

.  Legland  (Eugène), 

École 

supérieure  d'Haubourdin, 

2"      — 

Lozé  (Eugène), 

id. 

i"  Accessit. 

Grolez  (Jean), 

id. 

2«      — 

Burie  (Léon), 

id. 

3"      — 

Delahaye  (Alphonse), 

id 

4e       _ 

Delefosse  (Léon), 

id. 

5«      - 

Delecourt  (Henri), 

id. 

6«      —         ( 

Leclercq  (Noël), 

Pensionnat  Saint-Pierre,  Lille. 

cx-œquo.    \ 

Merlevede  (Charles), 

id. 

7"  Accessit. 

Libert  (Jules), 

École 

supérieure  d'Haubourdin, 

2*  SÉRIE.  —  La  France.  —  Le  département  du  Nord. 

Sujet  :  Faire  par  fleuves  et  canaux  le  voyage  de  Lille  à  Bordeaux.  —  Bire  les 
provinces  traversées  ,  les  villes  ptrincipales  rencontrées  et  ce  que  l'on  sait  de 
ces  villes.  —  Pas  de  car;e.  —  Tracer  la  carte  du  réseau  des  chemins  de  fer 
de  l'Est. 

École  de  la  rue  Tcrnaux,  Roubaix. 

id. 
Ec.  lib.  de  N.-D.  de  Lourdes,  Tourcoing. 
École  des  Frères  St-Gabriel,  Tourcoing. 
Ecole  de  la  rue  Ternaux,  Roubaix. 

id. 

id. 
Ec.  de  la  r.  du  Conditionnera.,  Tourcoing. 
Ecole  de  la  rue  Ternaux,  Roubaix. 
École  des  Frères  Maristes,  Lille. 


1"  Prix.         MM. 

Braunwald  (Roger), 

2«  Prix         j 

Isoré  (René), 

ex-œquo.    \ 

Dumez  (Henri), 

1"  Accessit. 

Labis  (Jule.s), 

2e      — 

Isoré  (Hector), 

3«      — 

Delepierre  (Edouard), 

¥      — 

Delahaye  (Paul), 

o«      — 

Legrand  (Alfred), 

6"      — 

Verrier  (Ernest), 

7e         _   . 

Dcwas  (Paul), 

Institution  des  Sourds-Muets  de  RoncMn. 

première  division 


Prix. 
Accessit. 


MM. 


Fiévet  (Henri). 
Lourme  (Louis). 


—  79 


DEUXIEME   DIVISION. 


Prix.  MM.  Leborgne  (Germain). 

Accessit.  Lebrun  (Georges). 


JEUNES  FILLES. 
Euscigucuient  sccoudairc. 

1™  SÉRIE.   —   L'Europe   moins   la   Frange,   l'Asie. 

Sujet:  L'Empire  cV  Allemagne.   —   Géographie  physique.,  politique 
et  commerciale.  —  Carte. 

Prix.  Médaille  Parnot.  PrLv  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  des  Colonie? 
Meiie  Merchier  (Jeanne),  Collège  Fénelon,  Lille. 

2»  SÉRIE.  —  L'Afrique,  l'Océanie  et  les  deux  Amériques. 

Sujet  :  Les  États-Unis.  —  Géographie  physique,  politique  et  économique.  —  Carte. 

l"  Prix.  Médaille  Parnot.    M^He  Collette  (Suzanne),  Collège  Fénelon,  Lille. 
2«      —           MeUes  Wliitelock  (Clara),  '         id. 

1"  Accessit.  Cussac  (Marie-Tliérèse).  id. 

2«      —  Wagon  (Madeleine),  id. 

3»      —  Delhaye  (Marguerite),  id. 

Enselgucincut  primaire  supérieur. 

1"  Série.  —  Géographie  physique  et  économique  de  l'Asie  et  de  l'Archipel 

Malais.  —  Géographie  physique,  politique  et  économique  de  l'Europe, 

moins  la  France. 

Sujet  :  L'Empire  des  Tzars.  —  Description  générale.  —  Climat.  —  Productions. 
Voies  de  communication.  —  Carte. 

1"  Prix  hors  classe.  Médaille  Parnot.  M^ue  Deracinois  (Berthe),  Éc.  sup"'"  de  Lille. 
2«  Prix         (    Médaille  Parnot.  Melies  Richy  (Maria),  id. 

ex-œquo.    {   Médaille  Parnot.  Deleval  (Jeanne)  id. 

3«  Prix  Molles  Merlot  (Gabrielle),  id. 

4"      —  Debuchy  (Germaine),  École  Sévigné  de  Tourcoing. 

1*'  Accessit.  Vandendriessche  (Madeleine),  id. 

2«      —  Cartier  (Marguerite)  id. 

3*      —  Labeau  (Marie),  École  supérieure  de  Roubaix. 

4*      —  Desrumaux  (Marie),  École  Sévigné  de  Tourcoing. 

2"  Série.  —  Géographie  de  l'Océanie  (moins  l'Archipel  malais),  de  l'Amérique 
ET  DE  l'Afrique.  —  Explorations.  —  Notions  de  Géographie  économique. 

Sujet:  L'Australie.  —   Géographie  physique^  politique  et  économique.   —  Carte. 

Prix  l  Meiies  Vandeninde  (Zulma),  École  supérieure  de  Lille. 

ex-œquo.    \  Garcenot  (Madeleine),  id. 


-  80 


1"  Accessit. 

Bernard  (Alzina), 

Institut  Sêvisnê  de  Roubais 

2»      — 

Riveret  (Louise), 

id. 

3'      — 

Legay  (Elise), 

id. 

Enscigucnieut  primaire  cléiuentairc. 

1"  SÉRIE.  —  GÉOGRAPHIE  PHYSIQUE  ET  POLITIQUE  DE  l'EuROPE,  MOINS  LA  FRANCE. 

Sujet  :  La  presqu'île  hispanique.  —  Géographie  physique  et  politique.  —  Carte. 

1"  Accessit.  M^'i'es  Dubois  (Delphine),  Institut  Sévigné   de  Roul)aix. 
2"      —                      Delys  (Berthe),  id. 

3^      —         \  Payelle  (Émilienne),  id. 

ex-œquo.    \  Bon  (Louise),  Inst.  de  M"'"  Walter,  Tourcoing. 

4* Accessit   (  Mézière  (Berthe),  Institut  Sévigné  de  Roubaix. 

ex-œquo.    \  Derain  (.Julie),  Inst.  de  M'"*'  Walter,  Tourcoing. 

2*   SÉRIE.    —    La   FRANCE.   —   Le   DÉPARTEMENT   DU  NORD. 

Sujet  :  Faire  par  fleuves  et  canaux  le  voyage  de  Lille  à  Bordeaux.  —  Dire  les 
'provinces  traversées.,  les  villes  prijtcipales  rencontrées  et  ce  que  l'on  connaît 
au  sujet  de  ces  villes.  —  Pas  de  Carte.   —   Iracer  la  carte  du  réseau  des 
chemins  de  fer  de  l'Est. 

Prix.  Meiies  Bonté  (Madeleine),  Institut  Sévigné  de  Roubaix. 

1"  Accessit.  Gobrecht  (Jeanne),  Éc.  Hanquillart  à  La  Madeleine. 

2*      —  Spéneux  (Thérèse),  École  Sévigné  de  Tourcoing. 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


EXCURSION  A  LA  CAPITALE  DE  TAMERLAN 


Conférence  faite  le  13  Novembre  1898, 

Par  M.  Eugène  GALLOIS, 
Membre   des   Sociétés   de   Géographie   de   Paris   et   de   Lille. 


(Suite  et  fin)  (1). 


BOKHARA. 

Mais  c'est  la  ville  indigène  qui  nous  intéresse...  Longtemps  avant 
d'atteindre  Bokhara  désignée  aussi  sous  le  nom  de  Boukhara  la  Noble, 
on  aperçoit  au  loin  poindre  dans  le  ciel  la  liante  tour  de  Mira-Arab, 

(1)  Voir  tome  XXX,  1808,  page  327  ;  tome  XXXI,  1899,  page  9. 


—  81  — 

tristement  célèbre  par  l'usage  auquel  elle  était  autrefois  réservée, 
comme  on  va  le  voir.  Sur  la  route  poudreuse  qui  mène  à  la  ville,  le 
mouvement  est  extraordinaire  ;  une  foule  d'asiatiques  de  toutes  races, 
vêtus  plus  ou  moins  comme  au  temps  de  Tamerlan  vont  et  viennent, 
les  uns  à  pied,  les  autres  les  jambes  pendantes  sur  de  petits  ânes  qui 
portent  souvent  l'homme  et  la  femme,  on  croise  des  arbas,  lourds  chariots 
du  pays  montés  sur  de  hautes  roues  plus  ou  moins  rondes,  qui  rendent 
de  réels  services  au  passage  à  gué  des  rivières  qu'elles  permettent  ainsi 
de  franchir  à  sec  dans  plus  d'une  occasion,  ou  encore  des  chameaux 
qui  s'avancent  lentement  au  milieu  de  la  route.  La  campagne  à  droite 
et  à  gauche  paraît  très  fertile.  Des  murs  en  terre  soutenus  par  de 
curieux  contreforts  s'allongent  en  bordure  de  la  route,  enclosant  des 
jardins  et  de  distance  en  distance  on  aperçoit  des  sortes  de  fermes  ou 
des  caravansérails  avec  des  galeries  extérieures  aux  rustiques  poteaux 
de  bois  sous  lesquels  s'abritent  de  pittoresques  groupes  d'individus,  bien 
faits  pour  tenter  le  pinceau  de  l'artiste  ou  l'objectif  de  l'appareil 
photographique,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  nous  sommes  en  pays 
musulman,  où  le  fanatisme  nous  a  un  peu  gênés  ;  on  nous  avait  prévenu 
et  nous  avons  dû  agir  avec  prudence  et  user  de  subterfuges,  grâce 
auxquels  nous  avons  pu  tromperies  indigènesel  rapporter  d'intéressants 
clichés.  A  l'approche  de  la  ville  de  liantes  murailles  cachent  aux  yeux 
des  passants  la  vue  des  jardins  au  milieu  desquels  se  dresse  un  palais 
de  l'Emir,  auquel  nous  devions  être  présentés,  mais  qui,  malheureuse- 
ment pour  nous,  se  trouvait  en  déplacement  dans  ses  Etats,  accompagné 
paraît-il  d'une  suite  imposante  de  plus  de  3.000  individus,  courtisans, 
serviteurs  et  soldats. 

Nous  avons  toujours  pu  visiter  la  princière  demeure.  C'est  une 
réunion  de  bâtiments  qui  nous  ont  paru  construits  sans  plan  d'en- 
semble ;  on  pénètre  d'abord  dans  une  grande  cour  sur  laquelle 
donne  un  édifice  sans  caractère  particulier  avec  façade  à  deux 
étages  et  portique  en  bois.  Dans  l'intérieur  on  trouve  une  suite  de 
salons  de  dimensions  diverses,  au  sol  tout  couvert  de  tapis  mais 
dépourvus  de  meubles.  Leur  décoration,  due  probablement  à  quelque 
artiste  italien,  avec  de  grossières  peintures  à  fresques  représentant  des 
ornements,  ou  simplement  du  papier  peint,  est  d'assez  mauvais  goût. 
On  pourrait  en  dire  de  même  des  plafonds,  dont'un  seul,  curieusement 
ajouré,  fait  exception.  Certaines  salles  portent  les  noms  pompeux  de  : 
salles  de  justice,  salle  du  trône,  etc..  cette  dernière  comporte  un  siège 
moderne  en  bois  doré,  qui  ressemble  à  un  mauvais  accessoire  de 


théâtre.  On  nous  prie  de  nous  reposer  et  le  majordome  qui  nous  escorte 
nous  fait  servir  du  thé  et  des  fleurs  !. . .  Oui,  mesdames,  quoique  cela 
puisse  vous  surprendre. 

Si  nous  n'avons  pu  voir  l'Emir  actuel,  homme  encore  jeune,  de  belle 
prestance,  qui  rappelle  le  type  arabe  dans  sa  beauté  classique  et  dont 
on  a  pu  voir  des  portraits,  car  il  n'a  pas  craint  de  poser  devant  les 
photographes  à  diverses  reprises,  par  contre,  nous  n'avons  pas  été 
astreints  au  cérémonial  mi-européen  mi-asiatique  par  lequel  il  fallait 
passer,  il  y  a  encore  quelques  années,  pour  être  admis  en  présence  du 
Prince.  Mais  on  est  loin  de  l'étiquette  qu'il  fallaitjadis  observer.  Parfois 
l'Emir  offre,  paraît-il,  quelque  cadeau  à  l'étranger  qui  vient  ainsi  le 
saluer,  ou  lui  accorde  une  décoration,  qu'on  avait  fait  miroiter  à  nos 

yeux mais  la  mauvaise  chance  a  été  notre  partage,  là  comme 

ailleurs  dans  d'autres  circonstances.  L'avènement  de  l'Emir,  façonné 
par  les  Russes  ,  s'est  fait  sans  aucune  difficulté,  comme  nous 
l'apprend  l'histoire  ;  il  sait  du  reste  qu'il  ne  saurait  agir  sans  l'assenti- 
ment de  la  Russie,  qui  l'a  obligé  à  l'abolition  de  deux  des  principaux 
abus  qui  florissaient  jadis  :  l'esclavage  et  le  zindane  ou  fosse  à  punaises, 
sorte  de  trou  profond  où  l'on  jetait  les  criminels  qui  y  croupissaient 
vivant  plus  ou  moins  longtemps,  au  lieu  d'être  précipités  du  haut  de  la 
tour  de  Mira-Arab.  Ajoutons  que  le  Prince  passe  pour  être  fort  simple. 
Ses  principales  distractions  sont  ses  femmes  et  ses  batchas,  jeunes 
garçons  efféminés  qui,  vêtus  de  robes  et  maquillés,  exécutent  des  danses 
lascives  répondant  bien  aux  goûts  dépravés  de  ces  pays  ;  nous  en  avons 
vus  aussi  à  Samarcande.  L'Emir  de  Bokhara  entretient  une  armée  forte 
de  douze  mille  hommes,  d'assez  piteux  aspect.  Les  soldats  sont  habillés 
mi  à  l'européenne,  mi  à  l'asiatique,  ayant  une  sorte  de  tunique  et  de 
pantalon  large  avec  des  bottes  grossières  et  un  bonnet  en  mouton. 
Inutile  de  dire  que  leur  armement,  composé  de  vieux  fusils  de  rebut, 
laisse  fort  à  désirer. 

Mais  nous  sommes  arrivés  à  la  porte  crénelée  de  la  ville,  ou  du  moins 
une  des  treize  portes,  que  précède  un  long  faubourg  auquel  est  accolé 
un  curieux  cimetière  dont  les  tombes  en  briques,  figurent  des  sarco- 
phages arrondis  d'une  forme  très  raisonnée.  La  vaste  enceinte  de  la  ville 
qui  paraît  très  peuplée  et  contiendrait  suivant  les  auteurs  cinquante, 
cent,  deux  cent  mille,  et  plus  d'habitants,  se  ferme  chaque  soir  pour 
rouvrir  au  matin.  La  population  paraît  des  plus  denses  et  l'on  ne  saurait 
se  faire  une  idée  du  grouillement  extraordinaire  du  peuple.  On  a  à  peine 
franchi  le  seuil  de  la  porte  où  veillent  les  soldats  que  l'on  se  perd  dans 


—  S3  — 

un  dédale  inextricable  de  ruelles  étroites,  aux  murs  de  terre  se 
dressant  sans  symétrie,  et  presque  sans  ouverture  extérieure,  les 
maisons  étant  aérées  et  éclairées  sur  la  cour  intérieure  à  la  mode  arabe  ; 
toutes  ces  rues  presque  se  resseml)lent  aussi  est-il  facile  de  s'égarer 
si  l'on  n'a  en  lieu  et  place  de  fil  d'Ariane  un  guide  sûr,  enfant  du  pays. 
Nous  avons  traîné  ainsi  des  heures  par  ces  corridors  non  pavés,  où 
glissent  quelques  ombres  solitaires  ou  de  rares  cavaliers  dont  les 
jambes  semblent  frôler  les  murailles.  Une  des  curiosités  pittoresques 
de  Bokhara,  ce  sont  les  étangs,  bordés  d'échoppes  à  l'ombre  d'arbres 
parfois  très  vieux,  qui  se  trouvent  disséminés  dans  la  ville  ;  ils  offrent 
de  charmants  sujets  de  tableaux  qui  semblent  nés  d'une  imagination 
d'artiste.  Malheureusement  leurs  eaux  vertes,  plus  ou  moins  fétides  , 
sont  dangereuses,  et  il  faut  bien  se  garder  d'y  toucher,  sans  compter 
que  les  indigènes  s'y  baignent  ;  elles  recèlent  des  germes  de  maladies 
et  surtout  ceux  du  richta  ou  ver  de  Guinée,  ce  désagréable  et  dangereux 
habitant  des  piscines,  qui,  absorbé,  après  une  longue  incubation  de 
plusieurs  mois,  refuse  de  s'en  aller  et  perfore  l'estomac  pour  aller  se 
loger  dans  une  partie  quelconque  du  corps  provoquant  des  sortes 
d'abcès  qui  révèlent  sa  présence  quand  il  s'approche  de  la  surface  de 
la  peau.  Dès  que  la  tête  apparaît,  grâce  à  une  pression  délicate,  il  faut 
la  saisir  et  extraire  le  ver  sans  le  rompre  ;  pour  cela  on  l'enroule  sur 
de  petites  bobines,  ce  qu'excellent,  paraît-il,  à  faire  les  barbiers  ;  si  le 
ver  se  brise,  l'opération  est  à  recommencer  et  de  nouvelles  plaies  se 
forment,  pouvant  alors  devenir  très  dangereuses  et  même  entraîner  la 
mort.  On  prétend  que  le  corps  peut  nourrir  plusieurs  de  ces  hôtes 
désagréables  et  on  cite  des  exemples  des  gens  qui  en  auraient  eu  jusqu'à 
quinze  et  vingt,  mais  le  cas  doit  être  rare.  On  a  étudié  cet  animal  avec 
soin,  mais  le  meilleur  remède  c'est  l'assainissement  du  pays  et  surtout 
de  ces  bassins,  foyers  pestilentiels,  au  fond  desquels  on  a  parfois  décou- 
vert des  cadavres. 

Un  des  attraits  tout  particuliers  de  cette  cité  qtie  nous  déclarons,  avec 
plusieurs  voyageurs  qui  l'ont  visitée  comme  nous,  la  ville  la  plus 
originale  et  curieuse  que  l'on  puisse  rêver,  est  la  suite  des  bazars  ;  elle 
nous  a  paru  au-dessus  de  tout  ce  que  nous  avons  vu  en  Orient  dans  ce 
genre  et  l'on  pourrait  dire  dans  le  monde  entier.  On  se  croirait 
transporté  plusieurs  siècles  en  arrière  tant  sont  étranges  les  types  de 
cette  foule  au  milieu  de  laquelle  on  est  noj'é,  attirant  forcément  les 
regards  plus  ou  moins  haineux  de  ces  enfants  du  Prophète.  Les  échan- 
tillons des  races  les  plus  bizarres  se  confondent,  avec  leurs  costumes 


-  8i  - 

variés,  longues  robes  aux  fleurs  de  couleurs,  costumes  plus  simples, 
turbaus  blancs  ou  de  couleurs,  bonnets  en  peau  de  mouton,  etc..  ;  il 
y  là  des  Persans,  des  Kirgihz,  des  Sarles,  à  la  calotte  pointue,  des 
Juifs,  des  Hindous  (de  même  que  nous  avons  trouvé  des  Bokhariotes 
dans  l'extrême  nord  des  Indes),  des  Juifs. . .,  où  n'en  trouverait-on  pas  ? 
quelle  ville  au  monde  offre  un  pareil  mélange  de  races,  nous  n'en 
finirions  pas  s'il  fallait  tous  les  dépeindre  ou  même  seulement  les 
énumérer  :  derviches,  mollahs,  porteurs  d'eau  avec  leur  peau  de  bouc, 
marchands,  artisans,  à  peine  vêtus,  mendiants  (et  ils  sont  nombreux) 
femmes,  soigneusement  voilées,  enfants  qui  courrent,  se  glissant  au 
milieu  des  ânes  et  des  chameaux  qui  semblent  promener  d'un  geste 

lent  et  digne  leur  lourde  tête  au-dessus  de  la  foule 

Tel  est  le  spectacle  qui  attend  tout  voyageur,  étrangement  surpris 
par  cette  vision  bien  faite  pour  laisser  un  impérissable  souvenir.  Il 
faut  errer  parmi  ces  bazars,  plus  ou  moins  classés  par  catégories,  tantôt 
simples  rues  aux  misérables  échoppes,  tantôt  longs  passages  couverts  de 
légers  abris  en  joncs  ou  toiles  tendues  ou  mieux  voûtes  sombres  dans 
lesquelles  filtre  en  rayons  lumineux  le  jour  qui  arrive  de  l'extérieur 
par  d'étroites  ouvertures  ménagées  au  plafond,  tels  les  souks  du  Caire, 
de  Tunis  et  autres  villes  orientales,...  il  faut  flâner  un  peu  au  hazard 
pour  bien  voir  cette  intensité  de  vie  si  curieusement  pittoresque  ;  tous 
les  corps  d'état,  tous  les  métiers  sont  représentés  là  :  les  marchands 
d'étoffes,  spécialités  de  Bokhara,  soies  aux  vives  couleurs,  ou  sim- 
plement colonnades,  importées  d'Europe  ;  les  marchands  do  tapis  qui 
étalent  des  productions  de  fabrication  indigène,  les  marchands  de 
bibelots,  écritoires  ou  autres  menus  objets,  les  couteliers  avec  des 
instruments,  échantillons  de  l'industrie  locale,  aux  manches  plus  ou 
moins  riches  de  bois  ou  d'ivoire,  dont  la  lame  paraît  bien  trempée  et 
qui  cependant  sont  d'un  prix  fort  modique,  les  chapeliers,  aux  étalages 
garnis  de  calottes  brodées  de  caractères  persans  ou  de  bonnets  en 
peau  de  mouton  ou  encore  de  curieux  chapeaux  de  feutre  simple 
(forme  Louis  XI)  que  nous  retrouverons  surtout  à  Samarcande.  11  y  a 
encore  les  selliers,  chez  lesquels  on  peut  voir  des  harnachements  fort 
riches,  rehaussés  d'or  ou  d'argent,  avec  des  incrustations  d'ivoire,  des 
bijoutiers,  joailliers,  orfèvres,  aux  petites  vitrines  contenant  des 
boucles  d'oreilles,  colliers,  bracelets,  agrafes,  ceintures,  etc..  bijoux 
en  métal  précieux  souvent  garnis  de  pierres  fines.  A  ce  sujet  la  richesse 
du  bazar  rlc  Bokhara  a  déjà  attiré  plus  d'un  marchand  européen  et 
même  des  bijoutiers  parisiens,   qui  ont  pu,   paraît-il,  y   réaliser    de 


•     —  85  - 

bonnes  affaires  ;  les  pierres  les  plus  nombreuses  sont  les  topazes,  les 
rubis,  les  émeraudes,  les  saphirs,  les  turquoises  et  autres.  Comme 
chacun  va  et  vient,  cause,  cela  produit  un  bourdonnement  qui  rappelle 
celui  d'une  ruche  (l'abeilles  et  dominant  le  bruit  retentissent  les  sons 
sonores  des  raarteleurs  frappant  sur  leur  chaudronnerie.  Ils  fabriquent 
des  vases  de  diverses  formes,  des  aiguières  au  col  allongé  plus  ou 
moins  gravés  de  figures  ou  versets  du  Coran.  Non  loin  les  forgerons  à 
lïnstallation  primitive  travaillent  le  fer...  on  se  croirait  transporté  aux 
premiers  âges  du  Monde. 

Il  y  a  aussi  les  armuriers,  où  l'on  peut  voir  des  casques,  des  bou- 
cliers, des  épées  à  deux  tranchants,  des  casse-têtes,  et  une  série 
d'armes  plus  ou  moins  moyennageuses  avec  lesquelles  on  pourrait 
composer  une  importante  panoplie  ;  il  y  a  jusqu'à  des  cottes  de  maille... 
avis  aux  amateurs.  Les  marchands  d'objets  anciens  (lu  réputés  tels  savent 
l'intérêt  qu'ils  offrent  à  l'étranger,  aussi  ne  se  privent-ils  pas  de  le 
harceler,  lui  faisant  les  prix  les  plus  fantaisistes  ;  malheureusement 
des  amateurs  éclairés  sont  déjà  passés  par  là  et  ce  n'est  plus  à  beaucoup 
près,  paraît-il,  ce  que  c'était  autrefois.  Dans  le  marché  à  proprement 
parler,  il  y  a  des  assortissements  de  légumes  variés  et  surtout  de  fruits 
fort  appétissants,  dont  beaucoup  sont  frères  de  ceux  de  nos  contrées  ; 
sans  parler  des  restaurants  en  plein  vent  où  l'on  voit  rôtir  des  morceaux 
de  mouton,  à  côté  de  la  boutique  de  boulangers  qui  cuisent  des  galettes 
plates  sans  levain  (le  pain  persan  ainsi  fait  est  préférable  à  notre 
avis  à  certaine  «  boule  de  son  »  de  couleur  marron  sans  croûte  que 
l'on  nous  servait  d'ordinaire).  On  n'en  finirait  pas  s'il  fallait  passer  en 
revue  toutes  ces  industries,  tous  ces  commerces  des  plus  variés, 
auxquels  il  convient  d'ajouter  les  changeurs  chez  lesquels  nous  avons 
pu  découvrir  quelques  pièces  anciennes.  La  monnaie  courante  de 
Bokhara  consiste  en  quelques  modèles  de  pièces  d'argent  et  surtout 
en  petits  carrés  de  bronze  sans  effigie  ne  portant  pas  la  moindre  indi- 
cation de  valeur. 

Si  la  flânerie  dans  ces  dédales  de  corridors  aux  mystérieux  car- 
refours est  pleine  de  pittoresques  anecdotes  et  de  surprises  parfois,  la 
promenade  à  travers  la  ville  ne  manquera  pas  de  charmes.  Les 
monuments  sont  assez  nombreux  mais  d'importance  secondaire  et 
parmi  les  centaines  de  mosquées  ou  médressés  (écoles)  que  compterait 
la  ville,  nous  ne  voyons  guère  que  la  grande  mosquée  à  signaler,  celle 
dite  de  Kolan,  bâtie  par  Tamerlan  et  restaurée  par  Abdullah-khan. 
Sa  façade  simple  présente  un  grand  portail  à  deux  étages  flanqué  à 


-  8G  - 


droite  et  à  gauche  de  trois  arcades  auxquelles  sont  accolés  des  tours 
à  la  base  évasée.  Deux  coupoles  surmontent  les  parties  latérales.  Le 
tout  est  de  ce  style  en  ogive,  réminiscence  de  belles  cathédrales 
gothiques.  Jadis  le  monument  devait  étinceler  sur  son  revêtement  de 
ces  belles  faïences  aux  vives  couleurs,  malheureusemenl  disparues 
aujourd'hui.  Ses  dimensions  sont  vastes  puisqu'on  prétend  qu'elle  peut 
contenir  dix  mille  fidèles  ;  nous  n'avons  pu  pénétrer  dans  l'intérieur 
qui  était  défendu  par  mesure  de  prudence  pour  ne  pas  choquer  la 
population  fanatique  ,  mais  nous  nous  sommes  dédommagés  à 
Samarcande.  Sur  la  place  se  dresse  le  grand  minaret  célèbre  de 
Mira-Arab  qui  se  dresse  isolé  à  50  mètres  de  hauteur  ;  sa  forme  est 
des  plus  originales,  comme  on  peut  s'en  convaincre  par  la  vue 
ci-jointe  ;  c'est  un  long  cylindre  couronné  de  corniches  superposées 


GRANDE  MOSQUEE  DE  BOKHARA  ET  TOUR  DU  MIRA-ARAB. 

avec  des  motifs  décoratifs  ;  au  sommet,  un  petit  pyrami(]on  supporte  le 
nid  de  cigogne  qui  complète  r;ircliifeclure  des  minarets  du  Turkestan. 
Le  nombre  des  malheureux  (pii  ont  été  précipités  de  là-liaut  sur  un 
signe  du  Maître  a,  paraît-il,  été  considérable  et  le  souvenir  de  ces 
barbares  usages  fait  dresser  les  cheveux  sur  la  tète.  La  dernière 
exécution  ainsi  accomplie  ne  remonte  qu'à  Une  douzaine  d'années,  à 
la  veille  de  l'iM-cupalion  jtar  les  Russes.  11  est  inutile    d'ajouter  que 


•   —  87  — 

la  vue  étendue  dont  on  jouit  de  cet  observatoire  sur  la  ville  et  les 
environs  est  des  plus  intéressantes,  mais  les  habitants  ne  se  prêtent 
pas  toujours  à  la  chose  ;  ils  nous  regardaient  du  reste  parfois  d'un 
mauvais  œil  et  notre  ignorance  de  la  langue  nous  évitait  d'entendre 
des  compliments  peu  aimables.  Parmi  les  autres  mosquées,  citons  pour 
mémoire  une  assez  vaste,  datant  du  dix-septième  siècle  et  qui  est 
désignée  sous  le  nom  d'Abdul  Azis  Khan.  Dans  une  autre,  du  milieu  du 
siècle  suivant,  se  trouve  le  tombeau  d'imlah,  un  des  saints  les  plus 
vénérés. 

Quant  aux  écoles,  on  peut  difficilement  juger  d'un  enseignement 
en  retard  de  plusieurs  siècles,  qui  consiste  surtout  dans  l'étude  du 
Coran,  tout  comme  à  l'époque  du  passage  du  célèbre  voyageur  vénitien, 
Marco  Polo  ;  on  peut  compter,  paraît-il,  près  d'une  centaine  de  ces 
médressés,  prétendus  foyers  de  science  qui  attirent  encore  des  milliers 
d'étudiants  de  tous  les  points  de  l'Asie,  et  où  se  forment  les  mollahs,  qui 
entretiennent  le  fanatisme  dans  le  peuple.  Ces  établissements  accom- 
pagnent généralement  les  mosquées  et  l'aspect  intérieur  évoque  le 
souvenir  de  scènes  entrevues  ailleurs  en  pays  musulman,  aussi  nous 
n'insisterons  pas. 

Notons  en  passant  que  bien  que  celte  ville  soit  un  foyer  de  maladies, 
plus  cruelles  et  affreuses  les  unes  que  les  autres,  il  n'y  a  pas  de 
docteurs-médecins  ou  plutôt  l'art  d'Esculape  est  pratiqué  par  des 
barbiers  ou  des  sortes  de  sorciers  dont  la  réputation  est  parfois  grande; 
mais  si  la  folie  et  la  lèpre  ne  sont  pas  rares,  nous  n'insisterons  pas 
davantage  sur  les  maux  qui  assaillent  la  pauvre  humanité  et  en  parti- 
culier les  Bokhariotes,  qui  manquent,  il  n'est  pas  besoin  d'ajouter,  des 
principes  d'hygiène  les  plus  élémentaires. 

Bokhara  renferme  aussi  quelques  places,  comme  celle  où  s'élève  le 
Mira-Arab,  que  nous  venons  de  voir,  et  d'autres  plus  ou  moins  impor- 
tantes comme  le  Divanbeghi,  en  souvenir  du  grand-vizir,  ce  haut 
dignitaire  qui  en  serait  l'auteur  au  XVIP  siècle  sous  l'émir 
Imankoulj-khan,  auquel  on  doit  aussi  un  médressé  et  une  mosquée 
entourant  une  vaste  pièce  d'eau  ombragée  par  des  arbres  séculaires. 
La  place  pi-incipale  est  le  Reghistan,  sorte  de  forum  où  la  foule  se 
presse  presqu'à  toute  heure  du  jour  et  où  se  tient  un  marché  extraor- 
dinairement  animé  ;  rien  de  pittoresque  comme  ces  groupes  bizarres 
au  milieu  desquels  nous  avons  figuré  nous-même  ;  seulement  ce  ne 
sont  plus  quelques  lignes  mais  des  pages  qu'il  faudrait  consacrer  à 
tout  cela,  or  nous  ne  voudrions  pas  abuser  du  lecteur  et  l'espace  nous 


-  88  — 

est  mesuré.  Une  des  originalités  qui  frappent,  c'est  l'usage  de  sortes  de 
parasols,  abris  en  paillassons  qui  protègent  les  marchands  accroupis 
sur  des  tréteaux  au  milieu  de  leurs  denrées  ou  de  leurs  bibelots,  ou 
simplement  assis  sur  le  sol.  Que  de  scènes  de  genres  dans  ce  cadre  ;  il 
n'est  pas  besoin  d'insister,  on  le  comprendra  facilement. 

Dominant  cet  ensemble,  c'est  l'ancienne  citadelle,  l'Ark,  dont  l'ori- 
gine remonterait  au  IX®  siècle.  Ses  murailles  couronnent  une 
éminence  haute  de  quelques  mètres  et  abritent  la  résidence  du  Prince 
régnant  et  des  principaux  dignitaires.  L'ensemble  de  cette  enceinte, 
où  nous  n'avons  pu  pénétrer,  mesure  une  superficie  de  plus  de  dix 
hectares.  On  y  accède  par  un  important  portail  ogival,  flanqué  de  deux 
tours  rondes  coniques,  mais  on  est  tout  surpris  d'y  voir  au-dessus  de 
la  porte  une  vulgaire  horloge,  construite  vers  le  milieu  du  siècle  par 
un  voyageur  italien  auquel  l'Emir  Nasser-Oulah  avait  donné  le  choix 
pour  échapper  à  la  mort  de  se  convertir  à  la  religion  de  Mahomet  ou 
de  fabriquer  un  appareil  servant  à  marquer  le  temps.  On  comprend 
que  le  malheureux  voyageur  fut  trop  heureux  d'échapper  ainsi  au 
triste  sort  qui  lui  était  réservé,  s'il  faut  en  croire  les  autours.  Sous  le 
portique  sont  étendus  des  gardes  nonchalants  à  l'air  parfois 
farouche. 

Il  existe  aussi  à  Bokhara  des  caravansérails  où  se  pressent  bêtes  et 
gens  dans  l'encombrement  des  ballots  de  marchandises. 

Nous  pensons  avoir  suffisamment  démontré  qu'il  n'y  avait  rien 
d'exagéré  en  proclamant  Bokhara  la  Noble  la  plus  curieuse  ville  du 
monde  et  l'on  ne  saurait  trop  dire  aux  amateurs  de  pittoresque  d'aller 
s'en  rendre  compte  par  eux-mêmes  et  de  no  pas  trop  tarder,  car  le 
progrès  marche  sous  l'influence  russe  et  la  route  devient  plus  suivie 
chaque  année,  et  avec  le  temps  la  civilisation  fera  perdre  sa  physio- 
nomie à  cette  étrange  cité  dont  Quinte-Curce  fait  mention.  Elle  fut  la 
proie  des  plus  fameux  conquérants  et  la  capitale  de  grands  rois;  vers  le 
X*  siècle  elle  était  regardée  comme  la  principale  ville  d'Asie  et  a 
pu  échapper  jusqu'à  présent  aux  atteintes  trop  directes  des  transfor- 
mations. On  ne  pourrait  en  dire  autant  des  autres  grands  contres  du 
Turkestan  et  en  particulier  de  Samarcande,  dont  deux  cent  cinquante 
kilomètres  nous  séparent  encore. 

La  voie  ferrée  poursuit  sa  course  à  travers  l'oasis  arrosée  par  le 
Zerafcliano,  la  rivière  que  les  anciens  nommaient  Sogd,  d'où  vient 
l'étymologie  du  nom  de  la  province  Sogdiane.  campagne  fertile  grâce  à 
l'irrigation  bien  comprise.  Après  (|uelques  heures  de  marche  on  quitte 


—  89  — 

les  Etats  de  l'Emir  pour  rentrer  sur  le  territoire  russe,  et  bientôt  appa- 
raissent dans  le  lointain  les  premières  montagnes  qui  encadrent 
Samarcande,  premiers  échelons  du  massif  central  asiatique  et  en  parti- 
culier de  l'Alaï. 

SAMARCANDE. 

Samarcande,  ce  nom  qui  évoquait  autrefois  pour  nous  des  splendeurs 
mystérieuses  entourées  de  légendes,  résonne  aujourd'hui  agréablement 
à  notre  oreille  tant  il  nous  a  laissé  de  belles  impressions,  et  de  fait  nous 
connaissons  peu  de  villes,  dans  nos  pérégrinations  à  travers  le  monde, 
qui  nous  ont  laissé  d'aussi  profonds  souvenirs  ;  c'est  là  du  reste  une 
impression  commune  à  tous  ceux  qui  ont  fait  le  voyage,  plus  d'un  l'a 
non  seulement  dit  mais  écrit.  Lors  de  notre  passage  l'antique  Maracanda, 
fondée  par  le  Grand  Alexandre  était  le  terminus  du  chemin  de  fer 
transcaspien,  et  il  vient  d'y  avoir  dix  ans  que  la  première  locomotive 
sifflait  aux  portes  de  la  capitale  de  Tamerlan. 

Nous  avons  parlé  du  manque  de  confort  relatif  d'un  voyage  en  ces 
pays  et  il  nous  souvient  que  l'hôtel,  modeste,  mais  le  plus  digne  de  ce 
nom,  se  trouvait  à  Samarcande  l'hôtel  central  tenu  par  une  dame. 

Les  Russes  ont  eu  l'idée,  comme  ailleurs  du  reste,  de  créer  une  ville 
européenne  à  quelque  distance  de  la  ville  Sarte,  laissant  ainsi  à  la  ville 
indigène  son  cachet  propre  et  évitant  les  difficultés  que  pourrait 
susciter  une  trop  grande  promiscuité.  L'aspect  de  la  nouvelle  cité  est 
des  plus  gais,  elle  est  littéralement  enfouie  dans  la  verdure  et  semble 
un  immense  jardin  dont  les  larges  avenues  figureraient  les  allées.  La 
fraîcheur  y  est  entretenue  par  des  ruisseaux  qui  couvrent  en  bordure 
des  chemins  entretenus  avec  soin  et  arrosés  par  des  cantonniers 
comme  cela  se  pratique  dans  les  cités  les  plus  modernes.  L'essence  la 
plus  répandue  est  le  peuplier  qui  se  développe  bien  et  atteint  même 
de  grandes  proportions.  Seulement....  il  y  a  un  seulement,  il  paraît 
que  si  cette  humidité  constante  rafraîchit  et  vivifie  les  plantes,  elle 
engendre  par  contre  la  fièvre.  Les  maisons  disparaissent  pour  la 
plupart  dans  l'entourage  de  leurs  jardins.  11  n'existe  pas  de  monument, 
car  on  ne  peut  donner  ce  nom  h  la  résidence  du  Général  Gouverneur 
qui  nous  a  ménagé  un  si  aimable  accueil  pas  plus  qu'au  pavillon  du 
Club  militaire  ou  même  à  la  chapelle  aux  verts  clochetons.  Aussi  nous 
n'insisterons  pas  sur  cette  cité  toute  moderne,  où  circulent  des  voitures 
russes  tout  comme  à  Moscou  et  à  St-Pétersbourg,  pour  visiter  la  vieille 
et  antique  Samarcande  dont  les  ruines  grandioses  apparaissent  au  loin 
gigantesques  comme  certaines  ruines  de  Rome  et  des  environs.  Disons 


-  90  — 

en  passant  que  ces  monuments,  victimes  de  tremblements  de  terre  à 
diverses  époques,  ont  été  fortomont  endommagés  comme  on  va  le  voir, 
il  est  vrai  qu'ils  sont  en  briques  séchées  au  soleil  et  non  en  pierres 
ou  en  marbre.  Tous  ces  édifices  datent  du  début  du  XIV^  siècle 
jusque  vers  la  fin  du  XVIP  ;  mais  les  plus  beaux  sont  de  l'époque 
de  Tamerlan,  c'est-à-dire  de  1380  à  1405  surtout.  Tout  récemment 
encore  ces  grandioses  débris  ont  été  fortement  endommagés  par  un 
tremblement  de  terre  ;  heureusement  que  de  nombreuses  photographies 
en  ont  été  prises  et  que  nous-même  nous  en  avons  exécuté  quelques 
croquis  et  aquarelles  et  relevé  des  plans  sommaires.  Le  gouvernement 
russe  a  aussi  envoyé  une  mission  archéologique  dont  on  verra  très 
probablement  le  relevé  des  travaux  à  notre  grande  Exposition  de  la  fin 
du  siècle. 

Une  citadelle  dominant  le  vallon  qui  sépare  les  deux  villes  rappelle 
aux  indigènes  que  la  puissance  russe  saurait  se  faire  respecter  au 
besoin  ;  on  peut  y  voir  la  «  pierre  verte  ou  Hoch  Tach  »  trône  de 
Tamerlan,  ainsi  que  quelques  débris  da  palais,  parmi  lesquels  la  salle 
d'audience;  mais  avant  de  gagner  l'antique  cité  arrêtons-nous  au 
«  Gow^  EiJih"  »  ou  toniheoM  de  Tamerlan.  C'est  un  bel  édifice  en 
partie  ruiné  dont  la  coupole  se  dresse  fièrement  à  environ  quarante  à 
cinquante  mètres  au-dessus  d'une  vaste  arcade  évenlrée  que  flanque 
un  minaret  décapité  dont  l'équilibre  paraît  inquiétant.  Ce  monument, 
œuvre  de  Tamerlan,  qui  y  fit  enterrer  son  précepteur  et  maître  spirituel 
auprès  duquel  il  devait  venir  reposer  lui-même  quelques  années  plus 
tard,  était  recouvert  de  mosaïques  compliquées  entremêlées  de  carac- 
tères ])ersans,  et  ces  parois  émaillées  aux  vives  couleurs  devaient 
resplendir  sous  l'éclat  du  soleil.  Elles  sont  fortement  endommagées 
aujourd'hui  et  la  coupole  en  particulier  n'en  porte  plus  que  des  traces. 
Les  Tinsses  ont  dû  prendre  des  mesures  pour  arrêter  la  ruine  complète 
dont  l'édifice  semblait  menacé. 

C'est  par  le  portique  faisant  face  à  l'ouest  que  l'on  pénètre  dans 
l'édifice  ;  ce  portique  de  proportions  modestes  est  également  recouvert 
de  briques  vernissées  ornées  d'inscriptions  persanes  d'un  bel  efiet 
décoratif,  dont  l'une  d'elles  relate,  paraît-il,  le  nom  de  l'auteur  de 
l'édifice  qui  serait  un  nonnné  Abdullah,  d'Ispahan.  Il  est  du  reste  évident 
que  les  monuments  de  Samarcande  doivent  être  l'œuvre  d'artistes 
persans,  car  leur  ressemblance  avec  les  monuments  de  Perse  est  de 
toute  évidence.  On  traverse  une  petite  cour-jardin  où  se  tiennent 
d'oi-dinaii-c  queb^ucs  prêtres,  gardiens  du  lieu,  avant  de  pénétrer  sur 
la  haute  coupole,  que  supporte  une  pièce  carrée,  dont  les  murs  sont 


^  Ul  — 


garnis  de  plaques  de  jaspe  jusqu'à  hauteur  d'homme.  Au  haut  des  murs 
règne  une  suite  de  petites  niches,  qui  rappellent  des  cases  à  pigeons. 
Du  côté  de  l'édifice  figure  le  niirab.  Au  centre,  dans  une  enceinte 
rectangulaire  formée  par  une  balustrade  en  albâtre  ajouré,  se  trouvent 
six  cénotaphes  en  marbre  de  diverses  couleurs.  Celui  de  Tamerlan, 
placé  au  centre,  porte  une  tablette  de  jade  vert  très  foncé,  presque  noir 
d'aspect,  sur  le  pourtour  de  laquelle  se  déroule  une  longue  inscription 
en  caractères  anciens,  déchiffrée  il  y  a  quelques  années,  qui  nous 
apprend  les  noms  et  titres  du  puissant  Potentat  et  de  ses  ancêtres  et  la 
date  de  sa  mort.  Celte  pierre  d'une  grande  valeur  passe  pour  un 
présent  offert  par  une  princesse  mongole,  mais  pou  importe.  A  côté  de 
ce  sarcophage,  se  trouve  celui  d'Ouloug-Beg,  mort  en  1449,  le  petit- 
fils  du  conquérant  redoutable.  A  la  suite  la  tombe  du  précepteur, 
derrière  laquelle  est  un  petit  tabernacle  carré  à  coupole,  où  brûlait  la 
lampe  du  feu  éternel. . .  éteinte  depuis  longtemps  déjà  !  Au-dessus  des 
mausolées  se  dressent  deux  longues  hampes  vermoulues  surmontées 
du  croissant  et  auxquelles  pendent  la  verte  bannière  du  Prophète  et  la 
queue  de  cheval  (insigne  du  commandement  et  symbole  de  bravoure). 
En  dessous  est  une  crypte,  sombre  salle  souterraine,  renfermant  les 
restes  des  personnages  dont  il  vient  d'être  parlé  ;  on  n'y  pénétrait  ja- 
dis que  rarement 
et  en  tremblant; 
aujourd'hui  les 
touristes  y  sont 
conduits  par 
des  gardiens  la- 
léchés  par  le 
pourboire  :  telle 
est  l'œuvre  des 
temps.  On  y  re- 
trouve une  ba- 
lustrade comme 
au-dessus  avec 
les  sarcophages; 
au  dire  de  Vam- 
béry  c'est  là  que 
l'on  aurait  caché 
le  fameux  exem- 
plaire du  Coran 


^-^ç^^œ^fr- 


IJE   «  GOUR  EMIR»  —  TOMBEAU   DE   TAMERLAN   A   SAMARCANDE. 


—  92  — 

écrit  sur  peau  de  gazelle  par  Otliman,  secrétaire  de  Mahomet  et  enlevé 
du  trésor  de  Bajazet  par  Tamerlan,  «  Tel  nous  est  apparu,  comme  le 
dit  avec  beaucoup  d'humeur  M.  le  comte  de  Pontevès  de  Sabran,  le 
tombeau  du  plus  infatigable  émondeur  de  peuples  et  du  plus  farouche 
gâcheur  de  nations  dont  il  soit  fait  mention  dans  l'histoire.  De  ce 
Tartare  fameux  qui,  dépassant  en  atrocité  ses  sanguinaires  prédéces- 
seurs, Attila  et  Gengis  khan,  fit  décapiter  à  Bagdad  quatre-vingt-dix 
mille  vaincus,  donna  une  naumachie  dans  leur  sang,  et,  avec  leurs 
têtes  coupées  éleva  une  pyramide  au  Dieu  de  la  Victoire  ;  qui,  à  Delhi, 
ordonna  le  massacre  de  cent  mille  prisonniers;   qui,  partant  enfin  de 

Moscou  au  Gange ,  faucha  impitoyablement  le  troupeau    humain, 

entassant  ruines  sur  ruines,  et  ne  reconstruisit  jamais  une  ville  sans 
jeter  dans  ses  fondations  une  couche  de  vivants  et  de  morts,  enterrés 
pêle-mêle  sur  le  mortier  et  les  pierres  ».  C'est  hanté  par  ces  faits 
historiques  qu'on  ne  peut  se  défendre  d'un  étrange  sentiment  quand 
vos  pas  vous  ont  conduit  à  travers  les  déserts  asiatiques  jusqu'au- 
près de  ce  qui  reste  d'un  des  plus  terribles  chefs  de  hordes  humaines. 
Que  de  réflexions  vous  traversent  l'esprit  et  qui  peuvent  se  résumer 
en  deux  mots  :  grandeur  et  néant  ! 

Tout  proches  du  «  Gour  Emir  »  se  trouvent  deux  monuments  d'un 
intérêt  fort  médiocre  ;  le  premier  est  un  turbé  ou  tombeau  et  le  second, 
un  médressé  ruiné  avec  une  pièce  d'eau  carrée,  à  la  cour  duquel  donne 
accès  une  porte  moderne  flanquée  de  deux  clochetons. 

Il  faut  franchir  quelques  centaines  de  mètres  par  une  avenue 
plantée  d'accacias  qui  abrite  une  suite  de  petites  échoppes  ou  boutiques 
pour  atteindre  la  célèbre  place,  unique  au  monde  en  son  genre,  où  se 
trouvent  groupés  trois  de  ces  imposants  édifices  qui  sont  l'orgueil  de 
Samarcrmde.  Nulle  description  ne  saurait  rendre  l'impression  que  l'on 
ressent  à  la  vue  de  ces  monuments  d'une  majestueuse  grandeur.  La 
vaste  place  si  curieuse  et  si  animée  dans  le  jour,  surtout  à  certaines 
heures,  porte  le  nom  de  Reghistan,  elle  marquerait  paraît-il  le  lieu  où 
le  Grand  Alexandre  tua  son  ami  Clitus  au  cours  d'une  de  ces  orgies 
sardanapalosques,  qui  virent  tant  d'étranges  choses.  Elle  est  bornée 
sur  trois  côtés  par  les  façades  de  médressés,  des  plus  remarquables  : 
Tilla  Kari,  Ouloug-Beg  et  Chir  Dar  qui,  quoiqu'ayant  de  grandes 
analogies,  présentent  cependant  chacun  leur  intérêt  particulier.  Ces 
monuments  aux  grandes  arcades  flanquées  de  coupoles  et  minarets 
décapités,  qui  de  loin  ressemblent  à  des  sortes  de  cheminées  d'usines, 
qu'un  tremblement  de  terre  aurait  fait  dévier  de  la  verticale,  snnt  dans 


-  93  - 

le  style  des  mosquées  d'Ispahan  et  présentent  ce  mode  de  décoration 
extérieure  des  faïences  émaillées  aux  jolies  tonalités.  Deux  d'entr'eux 
se  faisant  face  se  ressemblent  et  le  troisième  ne  diffère  gaère.  Pour 
donner  une  idée  de  l'impression  que  l'on  ressent  à  leur  vue,  nous  no 
saurions  mieux  faire  que  de  détacher  quelques  lignes  de  l'ouvrage  de 
M.  Leclercq,  auquel  il  a  déjà  été  fait  allusion  :  «  J'ai  vu  le  Reghistan, 
dit-il,  aux  premières  heures  du  jour,  lorsque  les  indigènes  s'y  pressent 
en  foule,  à  l'heure  torride  où  le  soleil  au  zénith  l'éclairé  de  ses  rayons  les 
plus  flamboyants,  à  l'heure  où  l'astre  à  son  déclin  teint  en  rose  et  en  or 
ses  coupoles  et  ses  minarets  ;  mais  c'est  à  minuit,  dans  le  drame  des 
ténèbres  que  je  l'ai  vu  sous  son  plus  saisissant  aspect.  Celui  qui 
voudrait  emporter  de  Samarcande  un  meilleur  souvenir  y  devrait 
arriver  le  soir,  visiter  le  Reghistan  el  s'en  retourner  aussitôt.  11  n'est 
peut-être  pas  au  monde  de  plus  fantastique  vision  que  ce  forum  oriental 
à  la  clarté  lunaire  ;  ses  monuments,  dans  le  silence  do  la  nuit,  prennent 
un  aspect  si  aérien,  si  vaporeux,  si  idéal,  qu'on  s'en  prend  à  douter 
s'ils  sont  les  œuvres  d'hommes  ou  de  génies  !  ». 

Le  plus  ancien  des  trois  monuments  est  celui  d'Ouloug-Beg,  fondé 
en  1434  par  le  petit-fils  de  Tamerlan,  car  il  est  à- noter  que  les  édifices 
qui  nous  intéressent  ont  dû  succéder  à  d'autres  plus  anciens  et  pour  la 
plupart  disparus.  Ce  prince  Ouloug-Beg  fut  un  liomme  éclairé  et  de 
progrès  pour  son  temps  ;  c'est  ainsi  qu'il  voulut  faire  de  Samarcande 
un  foyer  de  science  et  qu'il  appela  des  savants  à  lui  prêter  l'appui  de 
leurs  lumières.  L'astronomie  sembla  l'attirer  plus  spécialement.  Ces 
établissements  appelés  à  réunir  des  centaines  et  même  des  milliers 
d'étudiants  venus  de  tous  les  points  du  monde  asiatique  sont  presque 
déserts  aujourd'hui  et  semblent  abandonnés.  Fort  délabrés  et  éprouvés 
par  des  tremblements  de  terre,  ils  ne  sauraient  être  que  l'objet  de 
restaurations  sommaires  dont  semblent  vouloir  s'occuper  les  Russes 
pour  les  préserver  d'une  destruction  presque  complète.  La  disposition 
de  ces  édifices  est  à  peu  près  la  même  ;  c'est  un  portique  imposant  par 
lequel  on  accède  à  une  cour,  avec  fontaines  aux  ablutions  et  mosquée, 
toute  garnie  au  pourtour  sur  deux  étages  de  cellules,  où  logeaient  les 
étudiants,  qui  avaient  pour  unique  mobilier  une  natte.  L'hiver  ils 
pouvaient  chauff"er  la  modeste  pièce  au  moyen  d'un  brasero  ménagé 
dans  le  sol  ou  dallage.  Quelques  livres  et  une  pipe  étaient  le  bagage  de 
ces  jeunes  gens  qui  venaient  ainsi  pour  s'instruire.  Ces  étabhssements 
ont  des  biens  inaliénables,  reconnus  par  la  Russie,  leur  procurant 
ainsi  des  revenus  pour  l'entretien  des  mollahs. 


-  04  — 

Les  façades  de  ces  édifices  portent  encore  les  traces  de  décorations 
aux  couleurs  variées;  dans  certaines  les  notes  brunes  ou  jaunes 
tachent  le  fond  bleu  vert  d'un  ton  délicieux,  où  l'or  met  ses  pointes 
brillantes,  comme  dans  la  Tilla  Kari  ou  «  Œuvre  d'or  »  qui  présente 
seize  fausses  ogives  et  est  flanquée  de  deux  tours.  Les  décorations 
se  répètent  à  l'intérieur  sur  les  cours  ;  ce  sont  des  dessins  et  arabesques 
en  fleurs  en  général,  parfois  aussi  figurent  des  animaux  comme  sur 
la  façade  de  Chir  Dar  désignée  sous  le  nom  de  «  porte  du  lion  » 
que  décorent  deux  tigres  fauves  zébrés  de  noir  auprès  d'un  soleil, 
dans  le  genre  persan.  Ce  dernier  édifice  qui  a  grand  air  avec 
ses  coupoles  aux   côtes   marquées   date  de  1618  et  serait  l'œuvre 


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MEDRESSE   DE   CHIR  DAR   SUR   LE    REGHISTAN. 


d'Yalangtach-Bahadour.  grand-vizir  de  l'émir  Imamkouli  ;  les  frais  de 
construction  auraient  été  couverts  par  le  pillage  du  trésor  de  Méched. 
Une  inscription  rappelle  le  nom  du  fondateur  et  avec  la  phase 
orientale  chante  les  merveilles  de  cette  œuvre,  à  la  Mie  de  laquelle, 

paraît-il,  la  lune  étonnée  se  serait  posée  le  doigt  sur  les  lèvres ! 

Nous  ne  saurions  entrer  dans  la  description  détaillée  de  chacun 
de  ces  monuments  qui  n'offrirait  que  peu  d'intérêt  au  lecteur,  il  nous  a 
suffi  de  chercher  à  soulever  le  voile  qui  les  cachait  au  monde  il  y  a 
quehpies  années  encore.  De  même  nous  n'insisterons  pas  sur  le 
spectacle  intéressant  de  la  foule  si  curieuse  qui  s'agite  sur  cette  place  ; 
il  y  a  là  des  groupes  pittoresques,  des  conteurs,  les  représentations 


^95 


plus  OU  moins  curieuses  de  derviches,  etc. ..  on  passerait  des  lieures  à 
observer,  à  noter.  Avant  de  quitter  le  Reghistan  le  voyageur  pourra 
monter  sur  un  des  monuments  pour  jouir  du  coup  d'œil  d'ensemble  de 
la  ville.  De  là  la  vue  embrasse  l'ensemble  de  cette  cité  dont  Marco  Polo 
a  fait  une  si  enthousiaste  description  et  dont  les  édifices  ne  sont  plus 
que  l'ombre  de  ce  qu'ils  étaient  et  ne  donnent  qu'une  faible  idée  de  ce 
que  pouvait  être  la  ville  d'où  s'élançaient  les  terribles  chefs  des  hordes 
sauvages  qui  envahirent  l'Europe  à  diverses  époques.  Samarcande 
était  retombée  dans  l'oubli  et  elle  semblait  condamnée  à  disparaître  à 
jamais  quand  les  Russes  sont  venus,  pacificateurs  conquérants,  la  faire 
briller  d'un  nouvel  éclat  et  la  révéler  en  quelque  sorte  au  monde  étonné. 
Si  Samarcande  avec  ses  monuments  se  présente  bien  de  loin  comme 
on  l'a  vu  en  venant  de  la  ville  russe,  elle  offre  un  tableau  inoubliable 
qu'un  de  nos  amis  M.  Eysséric  a  su  si  bien  rendre  et  que  les  visiteurs 
du  salon  de  peinture  n'auront  pas  négligé  d'admirer,  quand  on 
la  contemjtlede  l'est  sur  la  route  suivie  par  d'interminables  caravanes. 
D'une  aride  colline  dominant  l'ensemble  du  paysage  aux  horizons 
lointains  que  ferme  une  suite  de  montagnes  s'estompant  dans  la  brume 
de  l'éloignement,  on  voit  s'étendre  les  échoppes  des  marchés  et  les  toits 
plats  desquels  émergent  gigantesques  les  colossales  ruines  ;  pans  de 
murs,  minarets  tronqués  et  coupoles.  La  double  masse  imposante  qui 
semble  la  plus  distincte  est  ce  qui  reste  du  plus  important  des  édifices 
de  la  ville  dite  la  «  Reine  do  l'Univers  »  ou  le  «  foyer  central  du  globe  » 
ou  encore  la  «  Mère  dos  sciences  »  car  on  sait  la  richesse  des 
expressions    de   la    langue    orientale  ;  c'est    la  «  Bibi   Khaneh    ou 


Samarcande.     (Vue  d'ensemble  des  monuments). 

REGHISTAN.    MÉDRESSÉ   DE   BIBI   KHANEH. 


Bibi-Khanoum  »  médressé  aux  énormes  proportions  du  nom  de  la 
reine  Bibi,  cette  petite  et  mignonne  princesse,  fille  d'un  Empereur 
de  Chine,  qui  avait  été  l'épouse  favorite  de  Timour  le  boiteux,  le 
farouche  et  sanguinaire  despote  qui  a,   on  peut  dire,  fait  trembler 


—  9G  — 

l'univers  entier.  Le  prince  et  la  sultane  furent  les  auteurs  de  ce 
monument  élevé  en  1388  et  destiné  à  recevoir  un  millier  d'étudiants. 
Si  l'on  juge  par  ce  que  nous  avons  pu  contempler  de  nos  yeux  étonnés, 
cet  édifice  par  son  importance  et  la  richesse  des  décorations,  était  le 
plus  somptueux  que  l'on  puisse  rêver,  malheureusement  si  cela  continue 
dans  moins  d'un  quart  de  siècle  il  n'en  restera  plus  rien,  malgré  les 
efforts  faits  pour  arrêter  le  mal  de  la  destruction  à  laquelle  ont 
travaillé  les  hommes  et  le  temps. 

En  façade  on  trouve  d'abord  un  monumental  portail  flanqué  de  deux 
hautes  tours  hexagonales  d'un  bel  ensemble  dans  leurs  vastes  propor- 
tions. La  hauteur  peut  atteindre  de  trente  à  quarante  mètres,  certains 
disent  cinquante,  la  longueur  de  l'arcade  est  de  quinze  à  seize  mètres 
et  la  profondeur  environ  de  moitié.  Les  mosaïques  qui  recouvrent  le 
tout  ne  subsistent  que  par  parties  et  ce  qui  en  reste  fait  juger  du 
merveilleux  dessin  et  de  la  vivacité  de  ces  revêtements  en  terre  cuite 
vernissée  d'un  si  gracieux  effet  ;  en  plusieurs  endroits  on  trouve  des 
traces  d'or  sur  l'émail  encore  brillant.  Une  sorte  de  cour  plantée 
s'étend  à  la  suite  ;  au  centre  une  sorte  de  double  pupitre  en  marbre 
blanc  supporté  par  neuf  petites  colonnes  devait  supporter  un  immense 
exemplaire  du  Coran.  A  droite  et  à  gauche  deux  coupoles  effondrées 
indiquent  la  place  de  mosquées.  Enfin  au  fond  un  majestueux  dôme 
sur  lequel  le  temps  a  mis  sa  patine  subsiste  encore.  Il  coiffait  une  vaste 
mosquée,  également  enrichie  de  décorations,  caractères  persans  et 
autres  ornements,  fort  dégradés.  Un  récent  tremblement  de  terre  a 
paraît-il  compromis  l'existence  de  ce  monument  presque  unique  au 
monde  en  son  genre. 

Tout  proche  on  peut  voir  les  ruines  malheureusement  presque 
informes  d'un  mausolée  dont  la  voûte  en  s'écroulant  révéla  une  crypte 
renfermant  cinq  sarcophages  recouverts  de  versets  du  Coran,  qui 
seraient,  d'après  la  tradition,  ceux  de  la  reine  Bibi  Khaneh  et  de  ses 
quatre  enfants. 

Plus  loin  est  un  groupe  de  bâtiments  des  plus  inléressants,  connu 
sous  le  nom  do  Chah  Zindeh  ou  «  du  roi  vivant  »  élevé  par  Tamcrlan 
pour  perpétuer  la  mémoire  d'un  saint  des  plus  vénérés,  Kanin  bcn 
Abbas,  un  des  premiers  disciples  du  Prophète.  Une  légende  se  rattache 
à  sa  personne  ;  il  vivait  depuis  des  siècles  sans  pouvoir  mourir,  las  du 
poids  des  ans,  il  se  creusa  une  tombe  où  il  descendit.  Comme  on 
prétendait  qu'il  y  vivait  encore  Tamerlan  envoya  des  émissaires  pour 
constater  le  fait.  Plusieurs  se  dévouèrent  mais  ne  revinrent  pas,  quand 


-  97  - 


un  fanatique  se  présenta  ;  il  se  fit  descendre  la  tête  la  première  par 
respect  pour  le  Prophète,  qu'il  trouva  en  prière;  revenu  au  jour  sur 
la  permission  du  saint  auquel  il  avait  juré  de  ne  rien  dire,  il  se  vit 
menacé  de  mort  par  Tamerlan,  s'il  ne  révélait  pas  ce  qu'il  avait  vu  ;  il 


NÉCROPOLE   DE    CHAH   ZINDEH    (SAMARCANDE). 

avait  à  peine  ouvert  la  bouche  qu'il  fut  frappé  de  mutisme  et  que  la 
punition  s'étendit  sur  sa  descendance  jusqu'à  la  huitième  génération. 
C'est  alors  que  Tamerlan  pour  apaiser  le  saint  lui  fit  ériger  un  superbe 
monument  qui  devint  un  lieu  de  pèlerinage  très  fréquenté. 

A  l'aspect  extérieur,  ce  monument  qui  s'étage  sur  le  flanc  d'une 
colline  présentant  un  curieux  ensemble  d'édifices  plus  ou  moins 
importants  surmontés  de  coupoles,  et  encore  garnis  par  partie  de  faïences 
vernissées,  a  une  physionomie  des  plus  originales.  11  débute  par  un 
grand  portail  ogival  enrichi  de  mosaïques,  derrière  lequel  quelques 
mollahs  ont  trouvé  abri  dans  de  modestes  cellules.  Un  majestueux 
escalier,  jadis  recouvert  de  marbre,  conduit  à  une  sorte  de  corridor 
sur  lequel  s'échelonnent  plusieurs  pavillons  ou  tombeaux,  parmi 
lesquels  celui  de  la  sœur  de  Tamerlan.  Des  petites  chapelles  octogonales 
sont  aussi  des  merveilles  d'architecture  orientale.  Nous  ne  saurions 
insister  sur  le  charme  de  la  décoration  des  coloris  des  revêtements  sous 
peine  de  redite.  Au  fond  se  trouve  le  sanctuaire  vénéré  consistant  en 
une  salle  carrée  à  coupole  où  dans  la  sombre  et  mystérieuse  retraite  le 
mausolée,  enveloppé  de  draperies  est  à  peine  visible.  Tout  autour  sur 
les  murs  sont  enferme  d'ex-voto,  des  tableaux  et  objets  divers  laissés 
par  les  pèlerins.  A  côté  est  une  pièce  oîi  l'on  fait  voir  un  exemplaire 
gigantesque  du  Coran  dont  les  feuillets  sont  rongés,  et  une  autre 
chambre  où  s'enferment  la  nuit  les  femmes  stériles,  désireuses  d'avoir 
des  enfants,  et  dont  les  vœux  sont  parfois  exaucés,  paraît-il  !  Nous 
n'insisterons  pas 


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Les  monuments  de  Samarcande  sont,  on  peut  dire,  tout  l'attrait  de 
la  cité  qui  ne  compte  qu'une  quarantaine  de  milliers  dïndividus.  A  côté 
d'eux  on  ne  prend  plus  garde  à  l'intérêt  qu'offrent  les  bazars,  cepen- 
dant assez  populeux  où  s'agite  une  foule  bigarrée,  rappelant  un  peu, 
mais  de  loin,  celle  de  Bokhara.  Ces  bazars  ont  été  presque  complètement 
détruits  par  les  Russes  et  la  seule  partie  curieuse  est  une  rotonde  située 
près  du  Reghistan.  C'est  là  surtout  que  se  tiennent  les  chapeliers  ou 
plutôt  marchands  de  calottes  pointues  plus  ou  moins  richemenl  brodées. 
On  peut  voir  encore  des  bottes  aux  hauts  talons  couvertes  de  broderies 
parfois  fort  riches  et  des  babouches  de  toutes  nuances  que  les  indigènes 
chaussent  par-dessus  la  botte.  Plus  loin  ce  sont  des  selles  et  harna- 
chements, étriers,  mors,  etc.  Il  y  a  aussi  comme  à  Bokhara  des  marcliands 
de  vases,  cafetières,  théières  en  cuivre  ouvragé,  de  couteaux,  de  soies 
et  étoffes,  et  de  pipes  à  eau  très  originales  faites  d'une  courge  desséchée; 
sans  parler  du  reste.  Les  jours  de  marché  l'animation  est  grande 
surtout  sur  la  place  à  l'entrée  de  la  ville  à  l'est  et  dans  la  rue  qui 
mène  au  Reghistan,  il  est  alors  difficile  de  s'y  frayer  un  passage  au 
milieu  des  bêtes  et  des  gens.  Les  transactions  sont  nombreuses  sur  les 
articles  de  consommation  comme  le  coton,  la  soie,  le  sel,  le  riz,  les 
fruits  et  les  bestiaux,  chevaux,  mulets  et  moutons  plus  spécialement. 

Enfin  aux  environs  de  la  célèbre  capitale  de  Tamerlan  on  peut  encore 
voir  des  substructions  et  vestiges  d'édifices  de  cette  grande  époque, 
parmi  lesquels  les  restes  imposants  d'un  palais  érigé  par  la  princesse 
Bibi  Khaneh.  11  nous  souvient  aussi  avoir  visité  un  important  édifice 
de  plan  régulier,  beau  médressé,  dont  les  revêtements  d'un  délicieux 
émail  à  fond  bleu  étaient  malheureusement  fort  détériorés.  Dans  nos 
pérégrinations  aux  alentours  nous  avons  aussi  trouvé  un  porche 
monumental  couvert  de  caractères  persans  en  guise  de  décoration, 
sous  lequel  nous  n'avons  pu  également  mettre  un  nom.  Pour  finir,  il 
existe  à  quelque  distance  dans  un  ravin  sauvage  au  bord  d'un  ruisseau, 
à  un  endroit  dit  «  Afrousiab  »  où  l'un  a  découvert  des  poteries  et  autres 
objets  seml)lant  remonter  à  l'époque  grecque,  le  tombeau  d'un  saint 
prophète  qui  attire  grand  nombre  de  fidèles,  du  prophète  Daniar,  dont 
le  nom  ne  serait,  selon  certains  auteurs,  que  la  corruption  du  mot 
Daniel  (de  la  Bible)  et  qui  aurait  été  un  disciple  du  Chah  Zindeh.  Il 
consiste  en  un  simple  sarcophage  en  briques  peintes  à  la  chaux, 
s'élevant  sur  une  terrasse.  La  particularité  de  ce  monument  serait, 
d'après  la  légende,  son  élasticité  ;  il  s'allongerait  paraît-il  chaque 
année  et  quand  nous  l'avons  vu  il  mesurait  déjà  plus  de  dix  mètres 


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de  longueur....  on  ne  dit  pas  si  le  corps  du  saint  grandit  dans  les 
mêmes  proportions  !  Autour,  des  hampes  portent  des  lambeaux  de 
drapeaux   et  des  crinières   de  cheval. 

TACHKENT,   KHODJENT,   KOKAN,   MARGHELAN. 

Au  delà  de  Samarcande  s'étendent  les  provinces  du  Turkestan  anté- 
rieurement conquises  par  les  Russes,  comme  on  a  pu  le  voir  dans 
l'aperçu  historique  au  début  de  cet  article  ;  au  désert  ont  succédé  des 
régions  fertiles  où  l'on  trouve  quelques  centres  importants  comme 
Tachkent,  Khodjent,  Kokan  et  Marghelan.  Ces  pays  d'un  tout  autre 
aspect,  plus  accidentés,  se  relient  au  nord  aux  autres  provinces  russes 
sibériennes  et  à  l'est  et  au  sud  à  la  Chine,  comme  le  Ferganah  ou 
ancien  Khanat  de  Kokan,  qui  s'appuie  aux  Monts  Alaï,  ces  contreforts 
du  fameux  plateau  de  Pamir.  Les  communications  dans  ces  régions  se 
font  au  moyen  de  voitures,  des  fameuses  tarentass,  longs  chariots  où 
l'on  peut  s'étendre  à  l'aise  à  défaut  de  banquettes,  et  dans  lesquels  on 
est  fortement  secoué,  cela  va  sans  dire,  sur  des  routes  fort  accidentées. 
Ce  véhicule  est  néanmoins  préférable  à  la  téléga,  caisse  posée  sur-quatre 
roues  sans  ressort,  do  laquelle  nous  avons  personnellement  conservé 
un  assez  désagréable  souvenir  ou  au  perecladnaia,  qui  n'est  pas  plus 
confortable.  11  n'est  pas  question  de  pont  en  général  dans  ces  longs 
trajets  à  la  traversée  des  rivières  que  l'on  franchit  à  gué  et  parfois  les 
pieds  dans  l'eau,  on  se  sert  aussi  dans  ces  circonstances  de  l'arba, 
voiturette  perchée  sur  deux  hautes  roues.  Tel  est  le  procédé  grâce 
auquel  on  arrive  à  parcourir  relativement  encore  assez  rapidement  de 
grandes  distances  et  il  est  des  cas  où  les  Russes  font  ainsi  plusieurs 
centaines  de  kilomètres  d'une  traite.  Pour  notre  part  il  nous  souvient 
avoir  accompli  en  Arménie  un  trajet  de  plus  de  deux  cents  kilomètres 
sans  autres  arrêts  que  ceux  aux  relais  ou  stantsias,  stations  de  poste,  où 
le  samovar  est  toujours  prêt  pour  le  voyageur  muni  de  son  thé  et  de 
son  sucre,  dont  le  Russe  ne  se  sépare  jamais.  Pour  voyager  ainsi  il  faut 
être  porteur  du  podorojna,  sorte  de  feuille  de  route,  sur  le  vu  de 
laquelle  le  maître  de  poste  (starosta)  vous  donne  des  chevaux  de 
rechange. 

Actuellement  on  peut  déjà  atteindre  Tachkent  en  chemin  de  fer,  en 
attendant  les  autres  lignes  ;  on  franchit  le  Zerafchane,  qui  arrose  la 
plaine  de  Samarcandc  ou  la  Sogdiane,  du  nom  du  Sogd  (Zerafchane) 
dont  les  eaux  captées  avec  soin  vont  se  perdre  dans  le  désert  auprès 


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de  Bokhara.  Au  bout  de  quelques  lieues  on  quitte  la  vaste  campagne 
pour  retrouver  le  désert,  puis  on  franchit  une  petite  chaîne  monta- 
gneuse qui  sépare  la  vallée  du  Zerafchane  de  celle  du  Syr  Daria,  ce 
vaste  fleuve,  que  l'on  traverse  avant  Tachkent  et  qui  va  se  jeter  à  la  mer 
d'Aral.  Au-delà  d'un  passage  resserré  dans  la  montagne  se  trouve 
Djisak,  petite  ville  de  quelques  milliers  d'habitants,  située  à  moins  de 
cent  kilomètres  de  Tachkent  ;  elle  est  le  point  de  départ  de  la  route  de 
Khodjent,  Kokan  et  Marghelan.  A  ce  propos  on  peut  dire  que  les 
routes  du  Turkestan  sont  fort  désagréables  et  que  si  l'hiver  on  y 
grelotte  au  milieu  de  la  neige,  l'été  on  y  grille  sous  un  soleil  torride 
au  milieu  d'une  poussière  intense  qui  pénètre  partout;  on  connaît  du 
reste  les  températures  extrêmes  de  ces  régions  oîi  si  le  thermomètre 
monte  à  50  et  60  degrés  parfois  il  descend  aussi  au-dessous  de  glace 
jusqu'à  moins  20  et  moins  30  degrés. 

Tachkent  est  située  à  280  verstes  de  Samarcande  et  à  environ  cinq 
cents  lieues  d'Orenbourg  la  dernière  ville  Russe  ;  elle  est  la  capitale 
du  Turkestan  russe  et  le  quartier  général  de  l'Administration.  Elle  se 
compose  de  deux  villes  distinctes,  la  ville  russe  et  la  ville  indigène, 
son  nom  signifie  «  ville  de  pierre  »  de  tach,  pierre,  et  kent,  ville.  La 
première  créée  par  le  général  Kaufmann,  le  premier  Gouverneur  du 
Turkestan,  qui  y  mourut  en  1882,  regretté  de  tous,  rappelle  Samarcande 
par  ses  avenues  droites  bordées  de  jardins,  qui  lui  donnent  l'aspect  d'un 
parc  où  seraient  disséminées  des  villas.  Sa  population  est  d'environ 
douze  mille  âmes.  Elle  jouit  d'un  climat  relativement  salubre.  En 
dehors  de  l'Eglise  qui  s'élève  sur  une  vaste  place,  la  ville  compte 
quelques  édifices  d'importance  fort  secondaire  du  reste. 

La  résidence  du  Gouverneur  Général  est  une  villa  fort  simple 
entourée  d'un  beau  parc,  mais  dont  l'intérieur  est  relativement  luxueux. 
On  peut  voir  aussi,  parmi  les  principaux  édifices,  le  Cercle  militaire, 
sorte  de  casino  où  se  donnent  des  fêles  brillantes,  le  théâtre,  où  ont 
lieu  des  bals  masqués,  tout  comme  à  l'Opéra  de  Paris.  11  nous  est 
arrivé  du  reste,  d'assister  «  au  Grand  Prix  »  de  Samarcande  et  nous 
nous  souvenons  avoir  assisté  là  à  un  spectacle  qui  laissait  bien  loin 
derrière  lui  celui  des  courses  de  Longcliamp.  Aux  lieu  et  place  du 
Président  de  la  République,  se  tenait  le  Général  Gouverneur  entouré 
de  son  état-major  à  l'abri  d'une  tente,  sous  laquelle  les  officiers  russes 
nous  avaient  conviés  à  prendre  place.  Quelques  chefs  indigènes  en 
grande  tenue  jetaient  une  note  amusante  et  pittoresque  au  milieu  des 
uniformes  européens,  et  la  foule  à  pied  et  à  cheval  formait  un  r('jouis- 


•—  101  — 

sant  spectacle,  comme  il  nous  a  rarement  été  donné  d'en  contempler. 
Les  cavaliers  surtout  avec  leurs  costumes  étrangers  et  les  harna- 
chements fantaisistes  de  leurs  montures  étaient  des  plus  curieux  et  un 
artiste  ou  photographe  aurait  fait  là  ample  moisson  de  sujets  inédits. 
Quelques  instantanés  sont  pour  nous  de  précieux  souvenirs.  Nous 
n'insisterons  pas  sur  le  programme  varié  de  cette  réjouissance  publique 
où  Russes  et  indigènes  ont  rivalisé  ;  les  fantasias  qui  n'avaient  pas 
certains  des  charmes  de  couleurs  de  celles  de  nos  Arabes  étaient 
cependant  des  plus  pittoresquement  intéressantes. 

Mais  revenons  à  la  ville,  qui  nous  intéresse.  Tachkent  est  le  siège 
également  du  Tribunal  suprême,  la  résidence  d'un  évêque,  etc..  On 
peut  y  voir  de  beaux  magasins,  comme  dans  une  grande  ville  euro- 
péenne, des  industries  de  diverses  natures,  jusqu'à  une  brasserie  qui 
expédie  chaque  jour  des  milliers  de  bouteilles  ;  on  y  trouve  du  vin  des 
environs  où  poussent  des  plans  de  vignes  d'espèces  variées  depuis  des 
espèces  bordelaises  jusqu'à  des  boutures  caucasiennes,  criméennes  ou 
espagnoles.  Des  vignerons  français  sont  venus  leur  prodiguer  leurs 
soins  et  initier  les  indigènes  à  cette  culture.  Des  magnaneries  ont  été 
aussi  installées  dans  le  pays.  Quant  à  la  culture  -du  coton  on  a  déjà 
signalé  les  progrès  qu'elle  a  faits  au  Turkestan,  dont  la  fibre  du  précieux 
arbrisseau,  produit  luttant  déjà  avec  ses  frères  concurrents,  deviendra 
une  des  principales  richesses.  Mais  ce  n'est  pas  le  lieu  de  nous  étendre 
sur  des  considérations  économiques  pour  l'étude  desquelles  la  place 
nous  fait  défaut. 

Tachkent,  comme  toute  ville  qui  se  respecte,  possède  un  musée, 
riche  du  reste  en  antiquités  ei  curiosités  ethnographiques.  On  peut  y 
voir  une  belle  collection  d'antiquités  grecques  trouvées  à  la  place  où 
fûl  l'antique  Samarcande,  des  idoles,  des  instruments  primitifs,  des 
faïences  émaillées,  et  des  échantillons  de  la  flore  et  de  la  faune  du 
pays.  Une  bibliothèque  est  annexée  à  ce  musée,  elle  renferme  des 
documents  les  plus  curieux  sur  le  Turkestan,  ouvrages  en  langues 
indigènes,  manuscrits,  etc..  Son  conservateur  était,  il  y  a  quelques 
années  un  hardi  voyageur,  qui  avait  visité  l'Afghanistan  et  avait  pu 
pénétrer  à  Caboul  à  une  époque  où  l'on  n'osait  guère  s'aventurer  dans 
ces  pays  fanatiques  et  d'une  sécurité  plus  que  douteuse.  Enfin  un 
journal  se  publie  dans  la  ville  où  a  résidé  un  administrateur  habile  qui 
a  beaucoup  fait  pour  le  développement  du  pays  et  sa  marche  en  avant 
dans  la  voie  du  progrès,  nous  voulons  parler  de  S.  E.  Général 
Rosenbach  ,  un  des  promoteurs  des  chemins  de  fer  transcaspiens , 


-  102  — 

créateur  de  plusieurs  établissements  liosj)italiers  et  d'écoles  indigènes. 
Quant  à  la  ville  Sarte  de  Tachkent,  vieille  de  plusieurs  milliers 
d'années,  si  elle  est  curieuse  par  ses  bazars,  elle  n'offre  pas  l'intérêt 
de  Samarcande  au  point  de  vue  des  monuments  ne  comptant  que 
quelques  mosquées  plus  ou  moins  modernes.  Autrefois  fortifiée,  elle  a 
vu  sa  vaste  enceinte  percée  d'une  douzaine  de  portes,  rasée  par  les 
Russes.  Le  cédant  à  Bokliara  à  tous  points  de  vue,  elle  compte  cepen- 
dant plus  de  120.000  habitants.  Tout  l'intérêt  consiste  donc  dans  le 
pittoresque  des  bazars  où  l'on  retrouve  cette  même  confusion  de  races 
et  le  mélange  des  costumes.  Toujours  mêmes  enfilades  de  sombres  et 
étroites  échoppes  où  règne  généralement  une  odeur  plus  ou  moins 
nauséabonde  ;  on  retrouve  là  les  représentants  de  tous  genres  de 
commerces  et  industries,  marchands  de  denrées,  fruits,  légumes, 
rôtisseurs  de  petits  pâtés  de  viande  hachée  avec  des  oignons, 
confectionneurs  de  plats  de  riz,  etc.,  plus  loin  les  orfèvres, 
aux  étalages  desquels  figurent  des  boutons,  de  grosses  boucles  de 
ceinture,  des  diadèmes,  des  colliers  ;  des  ouvriers  travaillant  le  cuir, 
ou  brodant  des  étoffes  ;  des  couteliers  et  surtout  des  chaudronniers. 
A  ce  sujet  il  est  à  noter  que  si  à  Tachkent  les  vases  sont  en  cuivre 
étamé  avec  dessins  sur  fond  blanc,  ils  sont  en  cuivre  rouge  à  Bokliara 
et  en  cuivre  jaune  à  Kokan.  On  retrouve  encore  là  l'inévitable  conteur 
d'histoires  avec  ses  clients  ordinaires,  le  barbier  qui  rase  la  tête  à 
l'aide  d'un  instrument  primitif.  Il  y  a  quelques  années  on  pouvait 
encore  trouver  des  bibelots  anciens,  mais  ils  deviennent  fort  rares. 

Nous  ne  saurions  terminer  cette  courte  étude  sur  le  Turkeslan  sans 
dire  deux,  mots  de  Khodjcnt,  Kokan  et  Marghelane. 

La  première  de  ces  trois  cités  passe  pour  une  des  villes  les  plus 
antiques  du  monde  ;  des  auteurs  prétendent  qu'elle  serait  l'ancienne 
Alexandria,  c'est-à-dire  le  point  extrême  atteint  par  le  Grand  Con- 
quérant. Son  histoire  est  des  plus  variées  et  elle  vil  les  Chin(HS,  les 
Persans,  les  Turcs  et  enfin  les  Russes  se  succéder  dans  sa  vaste 
enceinte  presque  abandonnée  et  dénuée-  de  tout  intérêt.  Kodjent  s'élève 
sur  les  bords  du  Syr  Daria,  large  de  })lusieurs  centaines  ch'  mètres  et 
est  situé  à  i»lns  do  cent  verstes  de  Kokan. 

L'ancienne  capitale  des  khans  de  Kokan,  bien  déchue  de  son 
ancienne  splendeur  rappelle  les  villes  asiatiques  que  nous  connaissons 
maintenant  ;  même  aspect  extérieur,  mêmes  scènes  de  genre  dans  la 
.rue  et  les  bazars,  Tort  imi)ortanls.  La  ville  ne  compte  guèr^>  ({ii'une 


—  103  — 

soixantaine  de  milliers  d'habitants.  Les  rivières  qui  l'arrosent  n'ajoutent 
aucun  cachet  particulier  à  sa  physionomie  et  ne  la  rendent  pas  plus 
propre  ni  plus  salubre,  paraît-il,  que  Marghelane  où  le  climat  est  des 
plus  fiévreux.  Les  monuments  de  Kokan  n'ont  pour  eux  que  leurs 
proportions  et  ne  sauraient  intéresser  à  côté  des  édifices  de  Samarcande. 
L'ancien  palais  des  khans  est  un  considérable  ensemble  de  bâtiments 
séparés  par  des  cours,  et  englobé  dans  une  vaste  enceinte  défendue 
par  un  fossé.  La  façade  moderne  présente  un  grand  portail  flanqué  de 
minarets  et  encadré  par  une  suite  de  fenêtres  ogivales  terminées  par 
d'autres  minarets.  Le  revêtement  des  faïences  lui  dorme  l'aspect  d'une 
pièce  de  porcelaine,  et  peut  donner  une  idée  de  ce  que  devaient  être 
jadis  les  édifices  dont  nous  avons  parlé,  quand  ils  brillaient  dans  tout 
l'éclat  de  leurs  splendeurs.  La  description  de  l'intérieur  du  palais  ne 
saurait  révéler  rien  de  particulièrement  curieux,  et  la  décoration  en  est 
d'un  goût  plus  ou  moins  douteux,  Un  pont  de  pierre  dans  l'intérieur  de 
la  ville  offre  un  pittoresque  spécimen  d'architecture.  Nous  n'insisterons 
pas  sur  les  bazars  sous  peine  do  redite  :  à  signaler  cependant  les 
théières,  cafetières  et  aiguières  d'une  jolie  forme,  tenant  à  la  fois  des 
arts  persan  et  hindou,  ainsi  que  quelques  bijoux  de  forme  naïve  et 
des  tapis,  sans  parler  des  fourrures. 

Quant  à  la  capitale  du  Ferganah,  résidence  du  gouverneur  de  cette 
province  extrême,  confinant  à  la  Chine,  elle  comprend  aussi  deux 
villes  distinctes  éloignées  de  plusieurs  versles,  dont  nous  n'avons  rien  à 
dire,  à  cause  du  peu  d'intérêt  relatif  qu'elles  présentent.  Marghelane, 
qui  fut  le  point  de  départ  de  nos  hardis  compatriotes,  Bonvalot,  Capus 
et  Pépin,  pour  leur  belle  exploration  du  Pamir,  est  située  à  plus  de 
cinq  cents  kilomètres  de  Samarcande  et  à  près  de  cent  de  Kokan. 

C'est  ainsi  que  nous  aurons  conduit  sans  fatigue...  d'aucune  sorte, 
nous  l'espérons,  nos  aimables  lecteurs  jusqu'au  pied  des  montagnes  du 
Trans-Alaï,  au  delà  desquelles  on  peut  entrevoir  en  une  Imaginative 
vision  le  plateau  central  dit  le  «  Toit  du  Monde  »  avec  ses  solitudes 
glacées,  royaume  de  la  désolation  et  de  la  mort  ! 

Eugène  Gallois. 


—  104 


Le  Comité  de  V Alliance  française  nous  envoie  l'appel  suivant  avec 
prière  de  l'insérer. 

Nous  aurions  mauvaise  grâce  à  nous  y  refuser,  car  nous  savons  le 
but  de  ses  patriotiques  efforts. 

Nous  nous  souvenons  qu'elle  a  envoyé  il  y  a  quelques  années  M.  Vahl 
à  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  ce  qui  nous  a  valu  une  magistrale 
conférence. 

Enfin  nous  avons  tous  en  haute  estime  l'éminent  signataire  de 
l'article. 

A.  M. 


POUR    LA    FRANCE  ! 


V Alliance  française  vient  d'entrer  dans  la  seizième  année  de  son 
existence.  Depuis  sa  fondation,  elle  n'a  cessé  de  grandir  et  de  s'étendre. 
Aidez-nous  à  la  faire  progresser  encore. 

Notre  génération  a  connu  les  humiliations  de  l'année  terrible  et 
elle  s'était  juré  de  travailler  de  toutes  ses  forces  au  relèvement  de  la 
patrie  :  elle  a  tenu  parole  ;  V Alliance  française  est  l'une  des  filles  de 
ce  serment. 

Jamais  depuis  1870  et  1871  l'union  de  tous  les  Français,  de  toutes 
les  femmes  françaises,  dans  un  sentiment  de  piété  commune  envers  la 
France,  ne  fut  plus  nécessaire  ni  plus  urgente  ;  jamais  l'utilité  de  notre 
association  ne  fut  plus  manifeste. 

Le  culte  de  la  langue  française,  symbole  de  l'unité  nationale,  est 
peut-être  le  seul  qui  puisse  rallier  sans  réserve  toutes  les  adhésions, 
toutes  les  sympathies.  Français  de  toute  classe  et  de  tout  parti,  de 
toute  opinion  et  de  toute  croyance,  vous  pouvez  accepter  et  serrer  avec 
confiance  nos  mains  tendues  vers  vous.  Depuis  quatorze  ans,  nous 
avons  fait,  par  nos  actes  conformes  à  nos  paroles ,  la  preuve  de  notre 
loyale  impartialité.  Venez  dans  nos  conférences,  venez  dans  nos 
comités,  afin  d'y  oublier  ce  qui  vous  divise  les  uns  les  autres  ;  venez 
travailler  à  notre  œuvre.  S'il  n'est  pas  au  pouvoir  de  V Alliance  fran- 


'—  i05  — 

çaise  de  proclamer  la  paix,  puisse-t-elle  au  moins  ouvrir  chez  elle  un 
asile  à  la  Trêve  de  Dieu  ! 

Voyez  quelle  est  l'immensité  de  notre  tâche  ! 

Le  jeune  empire  colonial,  conquis  en  moins  de  vingt  années  par 
l'héroïsme  des  explorateurs,  des  marins,  des  soldats  de  la  République 
française,  est  désormais  fixé  dans  ses  lignes  générales,  et  il  comprend 
des  territoires  plusieurs  fois  grands  comme  la  métropole,  où  la  langue 
française  est  à  peine  parlée,  à  peine  connue.  Le  gouvernement  ne  suffit 
pas  à  l'y  propager;  il  fait  appel  à  notre  concours.  Comment  le  lui 
refuser  ?  Gomment  nous  désintéresser  d'une  entreprise  dont  l'enjeu 
est  l'avenir  de  la  race  française  dans  le  monde  ?  Puisque  la  population 
de  la  vieille  France,  en  efi'et,  s'accroît  si  lentement  qu'elle  est  dis- 
tancée de  plusieurs  millions,  chaque  année,  par  l'expansion  de  ses 
voisins  et  de  ses  rivaux,  un  seul  espoir  lui  reste  de  faire  un  jour  équi- 
libre aux  agglomérations  anglo-saxonne,  germanique  ou  slave,  c'est 
de  rapprocher  d'elle  et  de  sa  civilisation  les  indigènes  de  ses  colonies, 
c'est  de  conquérir  leur  cœur  en  éclairant  leur  intelligence,  c'est  d'en 
faire  des. auxiliaires  de  sa  puissance  menacée,  en  leur  enseignant 
d'abord  la  langue  nationale. 

Dans  la  lutte  économique  de  plus  en  plus  âpre  qui  met  aux  prises 
les  grandes  nations  productrices,  voici  que  les  marchés  qui,  depuis  des 
siècles,  paraissaient  acquis  à  l'influence  française,  -menacent  de  lui 
échapper.  Dans  le  Levant  même,  où  la  France  eut  toujours  une  situa- 
tion privilégiée,  où  elle  possédait  intact,  naguère  encore,  le  protectorat 
des  catholiques  de  toute  nationalité,  où  ses  produits  régnaient  presque 
en  maîtres  depuis  le  XVP  siècle,  ses  rivaux  lui  font  une  concurrence 
chaque  jour  plus  redoutable.  Elle  n'a  guère  qu'un  moyen  de  se 
défendre,  c'est  d'adopter  notre  programme,  c'est  de  multiplier  les 
écoles  françaises  dans  les  pays  d'outre-mer  encore  ouverts  à  son  expor- 
tation, c'est  d'y  encourager  les  missionnaires  des  divers  cultes  ou  les 
maîtres  laïques  français,  c'est  d'y  secourir,  d'y  protéger,  d'y  susciter 
au  besoin  l'enseignement  de  la  langue  française,  ce  puissant  véhicule 
du  commerce  national. 

Et  pourquoi  no  réussirions-nous  pas  à  reprendre  le  premier  rang  là 
où  d'autres  ont  pu  nous  supplanter  ?  Sommes-nous  moins  riches  qu'eux, 
moins  actifs  ou  moins  intelligents  ?  Ce  n'est  pas  vraisemblable.  Il  ne 
nous  manque  peut-être,  pour  remporter  la  victoire,  que  do  la  méthode, 
de  la  suite  et  un  peu  de  confiance  en  nous-mêmes. 

V Alliance  française  a  entrepris  et  poursuit  résolument  une  œuvre 


-  iOO  - 

de  très  longue  haleine.  Elle  espère  que  son  exemple  contribuera  à 
discipliner,  à  enhardir  tous  les  courages.  Le  coq  gaulois  chante  tou- 
jours clair,  et  tant  qu'il  y  aura  un  soleil  pour  éveiller  l'aube,  pourquoi 
donc  cesserait-il  de  chanter  ? 

Dans  les  pays  de  civilisation  européenne,  notre  tâche  est  différente  ; 
elle  n'est  ni  moins  liante  ni  moins  grande.  Les  ennemis  de  la  France, 
habiles  à  profiter  de  ses  malheurs,  à  triompher  bruyamment  de  ses 
passagères  défaillances,  vont  répétant  que  sa  langue  et  sa  littérature 
ne  comptent  plus  sur  la  planète.  Et  le  peuple  français,  trop  crédule, 
toujours  prompt  au  découragement  (comme  il  l'était  déjà  au  temps  de 
César),  croit  sur  parole  les  gazettes  étrangères.  Nous  savons  à  quoi 
nous  en  tenir,  à  V Alliance  française,  sur  la  réalité  de  ces  mauvaises 
nouvelles  ;  mais  nous  savons  aussi  que  notre  vigilance  ne  doit  pas  s'en- 
dormir, que  l'anglais,  que  l'allemand,  que  le  russe  se  répandent  de 
toutes  parts;  que  d'autres  littératures  se  réveillent  d'un  grand  sommeil; 
que  d'autres  encore,  toutes  neuves,  toutes  fraîches ,  ont  pris  leur 
essor.  Aussi  faut-il  entretenir  et  stimuler  le  zèle  de  nos  Comités  d'Eu- 
rope et  d'Amérique,  encourager  sans  relâche  les  cercles  français,  les 
bibliothèques  françaises  qui  s'adressent  à  nous,  multiplier  les  croisades 
pacifiques  de  nos  conférenciers,  assurer  le  succès  toujours  grandissant 
de  nos  Cours  de  vacances. 

Non,  non,  le  règne  n'est  pas  fini  de  Pascal  et  de  Molière,  de  Lamar- 
tine et  do  Mclor  Hugo.  Et  pour  peu  que  nos  écrivains  d'aujourd'hui 
nous  aident,  qu'ils  puisent  leurs  inspirations  aux  sources  pures,  et 
que  du  sein  des  écoles  nouvelles,  où  brillent  tant  de  talents  divers, 
jaillisse  quelque  génie,  notre  rôle  (modeste  assurément)  sera  facile, 
et  le  «  doux  parler  de  France  »,  planant  au-dessus  du  chaos  des 
égoïsmes  déchaînés,  continuera  à  charmer  les  délicats,  à  consoler  les 
misérables,  à  donner  une  âme  aux  plus  nobles  pensées  du  genre 
humain. 

Aidez-nous  !  Associez-vous  aux  vastes  desseins  de  V Alliance  fran- 
çaise. Ne  vous  relâchez  point  dans  votre  propagande.  Prêchez 
d'exemple  autour  de  vous.  Ayez  la  foi  !  Essaimez,  jusque  dans  les  plus 
petits  centres,  des  Comités  actifs  et  vivants.  Prenez  des  écoles  sous 
votre  patronage  direct,  comme  l'ont  déjà  fait  plus  de  quarante  de  nos 
Comités  de  France  et  d'Algérie.  Organisez,  comme  à  Nancy,  des  cours 
de  vacances.  Préparez-vous  enfin ,  avec  nous,  à  faire  bonne  figure 
devant  l'étranger,  quand  s'ouvrira  l'Exposition  universelle  de  cette 


•—  107  — 

fin  de  siècle  qui  peut,  si  tous  les  Français  de  bonne  volonté  le  veulent 
fermement ,  inaugurer  pour  notre  cher  pays  une  ère  nouvelle  de 
sagesse  et  de  concorde,  de  fécondité  et  de  grandeur. 

Pour  le  Conseil  d'Administration  : 

Le  Secrétaire  -Général  fondateur, 

P.    FONCIN. 

Paris,  le  15  Janvier  1899. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN    1898. 


UNE  EXCURSION  AUX  PYRENEES. 


ii-28  Août  1898. 


Directeurs  :  ]MM.  H.  Beaufort  et  Auguste  Grepy. 


Suite  et  fin  (1). 


Pau.  —  Au  sortir  de  la  gare ,  le  voyageur  se  trouve  au  pied  d'un  plateau  élevé , 
coupé  presque  à  pic.  La  crête  est  courounée  de  constructions  monumentales  et  de 
villas,  dont  les  blanches  façades  se  détachent  gaiement  sur  un  fond  de  verdure. 
C'est  la  ville  de  Pau  qui  présente  sur  son  premier  plan ,  à  côté  de  monuments 
anciens  témoins  de  scènes  historiques,  comme  le  château  de  Henri  IV,  la  vieille 
église  Saint-]Martin  et  l'antique  palais  du  Parlement,  une  série  d'édifices  modernes 
sortis  des  exigences  et  de  la  fantaisie  d'un  siècle  raffiné,  grands  hôtels  ofirant  à 
leurs  clients  cosmopolites  les  installations  les  plus  confortables,  villas  et  maisons 
pressées  sur  le  flanc  du  plateau,  un  Casino  moderne  et  un  vaste  bois. 

Un  chemin  de  piétons  mène  à  la  place  Royale  que  décore  la  statue  du  Béarnais. 

Quand  l'horizon  est  clair,  ce  qui  n'est  malheureusement  pas  le  cas  aujourd'hui, 
le  panorama  est  incomparable.  Le  Gave,  ruisselet  limpide,  en  cette  saison  desséché, 
torrent  redoutable  à  la  fonte  des  neiges.  Au-delà,  resserrant  les  vallées  toujours 
vertes,  des  coteaux  boisés  dont  les  croupes  s'étagent  jusqu'aux  montagnes.  Au 
troisième  plan,  les  Pyrénées  coupant  l'horizon  d'une  ligne  dentelée  :  le  pic  du  Midi 


(1)  Voir  tome  XXXI,  180U,  page  37. 


-  108  - 

dont  la  fourche  aiguë  domine  les  Eaux-Bonnes,  les  Eaux-Chaudes  et  la  vallée  de 
Laruns,  le  Marboré  et  le  Vignemale  qui  rappellent  Lourdes,  Gauterets,  Saint-Sau- 
veur, Gavarnie.  Le  pic  du  midi  de  Bigorre  et,  tout  au  fond,  rapetisses  par  Féloigne- 
ment,  le  Mont-Perdu,  la  ÎNIaladetta  et  tout  le  groupe  des  montagnes  de  Luchon. 

De  la  place  Royale  on  gagne  le  château  par  la  terrasse  et  le  boulevard  du  Midi, 
en  laissant  sur  la  droite  l'église  Saint-Martin  et  le  magnifique  hôtel  Gassion. 

Le  château,  universellement  connu,  s'élève  au  confluent  du  Gave  et  du  Hédas, 
sur  un  promontoire  ;  il  est  séparé  de  la  ville  par  un  large  fossé  transformé  actuel- 
lement en  une  belle  allée  d'arbres.  Il  forme  un  pentagone  irrégulier  que  dominent 
six  tours  carrées  ;  chacune  a  son  nom.  La  plus  importante  est  celle  de  Gaston 
Phœbus,  en  briques,  de  34  à  35  mètres  de  haut,  puis  viennent  celles  de  Montauset 
vis-à-vis  la  porte  d'entrée,  qui  doit  son  nom  aux  échelles  remplaçant  à  l'intérieur 
un  escalier  absent  et  que  les  défenseurs  du  château  retiraient  après  eux  en  cas  de 
siège,  la  Tour  Neuve,  celle  de  Bilherès,  celle  de  Mazeies  et  de  Louis  Philippe.  Au 
pied  des  deux  dernières  s'étend  une  terrasse  en  hémicycle,  au  centre  de  laquelle 
s'élève  la  statue  de  Gaston  Phœbus.  Un  portique  à  trois  arcades,  dominé  à  gauche 
par  le  donjon,  donne  accès  dans  la  cour  d'honneur  du  château. 

Au  fond  de  la  cour  se  trouve  l'entrée  destinée  aux  visiteurs.  Après  avoir  traversé 
au  rez-de-chaussée  la  salle  des  gardes  et  la  salle  à  manger  des  princes,  on  entre 
dans  la  salle  à  manger  des  souverains,  jadis  salle  d'armes,  puis  salle  des  Etats  de 
Béarn.  Une  grande  table  en  occupe  le  centre,  les  murs  sont  tendus  de  précieuses 
tapisseries  de  Flandre,  commandées  par  François  I"  pour  orner  le  château  de 
Madrid  (bois  de  Boulogne).  Elles  représentent  des  scènes  de  chasse  ;  au  fond  de  la 
salle  se  trouve  la  statue  de  Henri  IV. 

Un  escalier  d'honneur,  oeuvre  remarquable  de  la  Renaissance,  conduit  aux  étages. 
A  chaque  palier,  les  arcs  de  voijte  varient  de  forme,  tour  à  tour  en  ogive,  en  plein 
cintre  ou  cintre  surbaissé.  Des  H  et  des  M  entrelacés  (Henri  II  et  Marguerite  de 
Valois),  ornent  les  frises.  Au  premier  étage  un  salon  d'attente  tendu  d'admirables 
tapisseries  des  Gobelins  et  de  Flandre,  précède  le  salon  de  réception  de  Henri  H, 
tristement  célèbre  par  le  massacre  de  10  nobles  Béarnais  catholiques  sur  les  ordres 
de  Montgommery,  général  de  Jeanne  d'Albret.  Le  salon  de  famille  contient  une 
table  en  porphyre  rose  de  Suède.  L'ancienne  chambre  des  rois  de  Navarre  est 
décorée  de  tapisseries  et  de  meubles  de  luxe  d'une  grande  valeur  historique  :  elle 
est  suivie  de  plusieurs  riches  appartements  :  Cabinet  du  souverain,  boudoir  de  la 
reine  avec  une  immense  glace  de  Venise,  chambre  à  coucher  de  la  reine,  etc. . .  Au 
deuxième  étage  s'ouvrent  la  chambre  de  la  reine  Jeanne,  avec  son  lit  en  bois 
sculpté  et  portant  le  millésime  de  1562  et  autres  meubles  de  la  même  époque,  le 
cabinet  de  la  reine.  Enfin  la  chambre  de  Henri  IV,  qui  passe  pour  celle  oii  il  naquit 
le  14  Décembre  1553  et  qui  conserve  encore  la  carapace  de  tortue  qui  lui  servit  de 
berceau.  A  cette  chambre  font  suite  plusieurs  salles.  Tune  d'elles  servit  à  Abd-el- 
Kader  lors  de  son  internement  au  château,  une  autre  logea  à  la  même  époque  les 
femmes  de  l'émir.  Les  derniers  hôtes  du  château  ont  été  en  1868  la  reine  Isabelle  II 
d'Espagne  et  son  mari  François  d'Assise,  renversés  du  trône  par  la  Révolution.  La 
principale  richesse  du  château  de  Pau  consiste  dans  ses  tapisseries.  Les  apparte- 
ments ne  contiennent  relativement  qu'un  petit  nombre  d'objets  du  temps,  de 
Henri  IV,  la  plupart  ne  remontent  pas  au  delà  de  Louis  XIV  et  furent  donnés  par 
le  souverain  à  l'intendant  Foucault,  en  récompense  du  zèle  par  lui  déployé  contre 
les  protestants. 

Du  château  on  descend  sur  un  viaduc  au  quinconce  de  la  Basse-Plante,  à  la  suite 
duquel  s'étend  le  parc  du  château,  charmante  promenade  qui  franchit  le  Gave  et  se 


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prolonge  dans  sa  vallée.  Sur  la  place  Grammont,  de  l'autre  côté  du  château,  s'élève 
la  statue  du  maréchal  Bosquet. 

En  suivant  la  rue  de  Bordeaux  qui  longe  une  vaste  esplanade  avec  caserne,  et  la 
rue  d'Orléans,  on  arrive  au  Palais  de  Justice,  remarquable  par  son  beau  péristyle 
en  marbre  blanc,  puis  à  l'église  Saint-Jacques,  monument  moderne  de  style  ogival 
assez  bien  pastiché.  La  nouvelle  église  Saint-Martin  possède  un  beau  clocher  avec 
flèche  en  pierre.  La  halle,  la  mairie  et  la  bibliothèque  ne  sont  qu'un  seul  monu- 
ment quadrangulaire  formé  de  grandes  arcades  surmontées  d'une  tour.  Le  théâtre 
est  bâti  sur  l'emplacement  occupé  jadis  par  les  arcades  ruinées  do  régiisc  Saint- 
Louis.  Le  musée  est  de  création  récente,  mais  déjà  riche  en  peinture.  Non  loin  de 
là,  dans  le  parc  Beaumont,  en  ce  moment  particulièrement  bouleversé,  se  dresse 
un  Casino  blanc  à  coupole  centrale  à  peine  terminé.  Par  sa  terrasse  on  accède  au 
boulevard  des  Pyrénées,  large  artère  qui,  longeant  le  bord  du  plateau,  ramène  à  la 
place  Royale. 

Ce  qui  a  fait  la  iortune  de  Pau  c'est,  bien  plus  que  son  panorama  et  son  site 
pittoresque,  la  douceur  de  son  climat.  Les  premiers  visiteurs  venus  à  Pau  y  ont 
été  retenus  par  son  atmosphère  vivifiante,  qui  ne  connaît  ni  les  brusques  variations 
de  la  température,  ni  l'humidité  de  l'air,  ni  les  rudes  caresses  du  vent.  Les  malades 
y  sont  d'abord  venus  sans  bruit,  sans  réclame,  bientôt  la  station  d'hiver  était 
fondée.  Elle  devint  rapidement  la  conquête  de  l'étranger.  Celui-ci  s'y  6.st  implanté 
non  pas  en  la  personne  du  malade  qui  cherclie  uniquement  à  rétablir  sa  santé  , 
mais  sous  la  forme  du  sportsman  ami  du  bruit,  des  plaisirs  et  du  luxe.  Peu  à  peu  , 
la  colonie  étrangère  continuant  à  se  développer,  les  intérêts  qu'elle  avait  créés 
devenus  plus  puissants  parvinrent  à  se  faire  écouter  et  les  municipalités,  par  leurs 
subsides,  mirent  à  la  mode  la  vie  de  plaisir  ;  théâtre,  orchestre,  tirs  divers,  jeux 
de  paume,  de  polo,  de  golf,  vélodrome,  courses  de  chevaux,  chasse  au  renard,  tout 
est  subventionné  et  pour  un  peu  deviendrait  l'apanage  exclusif  des  étrangers, 
principalement  des  Anglais.  Cette  vie  cosmopolite  est  devenue  une  source  de 
revenus  considérables  pour  la  cité  qui,  depuis  lors,  ne  cesse  de  s'embellir  et  de  se 
modifier.  De  grands  projets  sont  encore  à  réaliser  qui  en  feront  une  des  plus 
agréables  stations. 

La  pluie  qui  nous  avait  accueillis  à  l'arrivée  ,  avait  cessé  pendant  la  visite  du 
château.  Cependant,  quand  l'heure  du  départ  sonna,  le  soleil  n'était  pas  parvenu  à 
déchirer  le  voile  de  brume  qui,  tendu  au  dessus  des  Pyrénées,  nous  dérobait  par- 
ticulièrement leur  magnifique  panorama.  En  quittant  Pau  pour  Lourdes  on  passe 
à  Coarraze ,  petit  village  oii  Henri  IV  fut  élevé  d'une  façon  rustique,  comme  les 
enfants  des  paysans,  courant  nu-pieds  et  tête  nue  dans  les  champs. 

A  quelques  minutes  de  la  station  de  Mortaut,  se  trouve  le  célèbre  pèlerinage  de 
Betharam,  dont  la  fondation  remonte  aux  Croisades  et  à  propos  duquel  court  la 
citation  :  «  N'allez  pas  à  Lourdes  sans  voir  Betharam  ».  Près  de  l'église,  décorée 
dans  le  goiît  espagnol ,  commence  une  série  de  chapelles  romanes  formant  les 
stations  d'un  Chemin  de  Croix.  Dans  le  haut  est  planté  un  Calvaire,  plus  loin  on 
trouve  l'église  de  la  Résurrection. 

Aux  approches  de  Lourdes,  le  long  du  Gave,  le  trajet  devient  plus  intéressant. 
Au  moment  d'atteindre  la  ville,  la  ligne  domine  la  grotte,  rayonnante  de  lumières, 
la  basilique,  la  cité,  le  château  ;  le  coup  d'œil  mérite  d'être  admiré. 

Lourdes  est  une  petite  ville  sur  la  rive  droite  du  Gave  de  Pau,  à  l'endroit  oii  la 
rivière  descendant  de  la  vallée  d'Argelès  tourne  brusquement  vers  la  plaine.  Elle 
est  bâtie  au  pied  d'un  château  aérien  qui  commandait  jadis  l'entrée  de  la  vallée  et 
qui   fut   souvent   assiégé   au    Moyen-Age,    dans  la  guerre  avec  l'Angleterre.  Les 


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guerres  de  religion  à  leur  tour  lui  permirent  de  jouer  un  rôle  considérable,  et  il 
passa  successivement  et  à  plusieurs  reprises,  des  mains  des  Huguenots  dans  celles 
des  Catholiques  et  réciproquement.  Du  haut  de  ce  château,  la  vue  sur  le  pays  est 
très  belle  et  s'étend  jusqu'au  versant  neigeux  du  Vignemale. 

L'histoire  de  la  ville,  longtemps  inséparable  de  son  château,  s'est  augmentée  de 
pages  précieuses  dans  cette  dernière  partie  du  siècle,  à  la  suite  des  apparitions  de 
Notre-Dame  dans  la  grotte  de  Massabielle  en  1858  et  des  miracles  qui  n'ont  cessé 
depuis  de  s'y  opérer.  Et  la  ville  historique  est  devenue  religieuse,  l'un  des  pèle- 
rinages les  plus  célèbres  de  la  chrétienté.  Pèlerins  et  malades,  en  dépit  des 
distances,  viennent  y  satisfaire  leur  religion  ou  retrouver  la  santé.  Et  c'est  par 
centaines  de  mille  qu'on  compte  aujourd'hui  les  visiteurs  de  Lourdes. 

Les  abords  du  pèlerinage  ont  été  dégagés  de  façon  à  faciliter  à  la  foule  l'accès 
de  la  grotte  et  des  églises. 

Devant  le  pont  sur  l'Adour  s'étend  un  grand  square  décoré,  d'une  statue  de  la 
Vierge,  d'une  Croix  qu'on  illumine,  la  Croix  des  Bretons,  et  d'une  grande  statue 
de  saint  Michel.  Sur  la  droite,  en  passant  sous  une  rampe  en  forme  de  fer  à  cheval, 
qui  conduit  à  la  basilique,  on  arrive  à  la  grotte.  C'est  une  excavation  dans  le  roc, 
peu  profonde  et  fermée  par  une  grille.  Au-dessus,  sur  un  ressaut  du  rocher,  est 
placée  une  statue  en  marbre  de  la  Vierge,  la  représentant  telle  que  Bernadette  l'a 
dépeinte  et  à  l'endroit  où  elle  l'a  vue,  vêtue  de  blanc  avec  une  écharpe  bleue.  Les 
parois  de  la  grotte  sont  tapissées  d'ex-voto,  surtout  de  béquilles  laissées  par  les 
infirmes  guéris.  A  l'intérieur,  la  piété  des  fidèles  entretient  un  foyer  perpétuel  de 
lumières.  Sur  le  devant,  en  plein  air,  une  chaire,  des  bancs,  et  une  esplanade 
contre  le  Gave,  dont  elle  a  emprunté  l'ancien  lit.  A  gauche,  la  fontaine  miraculeuse 
captée  derrière  un  mur  garni  de  robinets,  et  les  piscines,  oii  brancardiers  et  infir- 
miers font  baigner  les  malades.  Plus  loin,  précédant  la  basilique,  l'église  du 
Rosaire,  sorte  de  rotonde  de  style  bizantin,  un  peu  trop  écrasée  par  sa  coupole 
surbaissée,  15  chapelles  rayonnent  autour  du  dôme.  Le  tympan  du  grand  portail 
est  décoré  d'un  magnifique  bas-relief  représentant  la  Vierge  remettant  le  rosaire  à 
saint  Dominique.  Par  deux  grandes  rampes  on  monte  à  la  terrasse  qui  précède  la 
basilique.  C'est  un  fort  beau  monument  artistique  en  style  gothique  du  XHI'  siècle, 
de  proportions  vastes  et  gracieuses.  L'intérieur  est  sobre  d'ornements  et  rappelle 
la  plus  belle  époque  de  l'architecture  religieuse. 

L'église  n'a  qu'une  nef  flanquée  à  droite  et  à  gauche  de  chiipelles,  elle  est  d'une 
richesse  inconcevable  et  tapissée  d'ex-voto  de  grand  prix.  Le  clocher,  d'une 
grande  élégance,  supporte  une  flèche  hardie  ornée  à  sa  base  de  4  clochetons  sou- 
tenus par  de  légères  colonnettes.  Au-dessous  de  l'église  s'étend  une  crypte  à  deux 
nefs.  A  peu  de  distance,  sur  une  élévation,  un  Calvaire  d'où  l'on  a  une  belle  vue. 
En  temps  de  pèlerinage,  deux  fois  par  jour  la  grotte  offre  un  magnifique  spectacle. 
Une  première  procession,  dite  du  Saint-Sacrement,  circule  à  travers  les  rangs  de 
malades  étendus  devant  la  grotte,  au  milieu  des  chants  et  des  acclamations.  C'est 
la  plus  imposante  des  manifestations  religieuses.  L'autre,  aux  flambeaux,  le  soir, 
dans  l'obscurité,  serpente  à  travers  la  montagne  en  montant  devant  la  basilique 
jiour  redescendre  et  se  dérouler  dans  le  square  en  face  de  l'église  du  Rosaire.  La 
foule,  l'éclat  des  cierges,  les  chants,  tout  contribue  à  former  un  spectacle  féerique. 
Bientôt  les  lueurs  s'éteignent,  les  voix  se  taisent  et  la  petite  ville,  si  bruyante  le 
jour,  rentre  dans  le  silence  et  s'endort. 

Le  lendemain  on  s'éveille  aux  crix  de  :  «  on  voiture  ».  Aussitôt  nous  voici  rangés 
devant  l'hôtel,  attendant  et  cherchant  les  attelages.  Rien  ;  enfin  ils  paraissent,  on 
se  trémousse,  on  se  case  et  bientôt  toute  la  caravane  est  installée  dans  six  grands 


— 'lli  - 

landaus  à  quatre  chevaux,  qui  s'ébranlent  au  bruit  du  claquement  des  fouets.  Pen- 
dant quatre  jours  nous  allons  voyager  en  ce  pompeux  équipage. 

La  première  étape  comprend  :  excursion  à  Gauterets  et  coucher  à  Luz. 

En  quittant  Lourdes,  on  contourne  la  colline  dominée  par  le  château,  puis  on 
traverse  la  vieille  ville  avec  son  marché  en  plein  vent,  ses  halles,  son  palais  de 

justice,  etc Nous  sommes  sur  la  route  d'Argelès.  Elle   s'étend  le  long  d'une 

muraille  de  rochers  effrités  de  nature  ardoisière  ;  sur  l'autre  côté  une  haie  de 
grands  arbres  et  de  verts  buissons  lui  dérobent  à  chaque  instant  la  vue  de  la  vallée 
fertile  et  la  ligne  du  chemin  de  fer  de  Pierrefite  dans  le  bas.  Peu  d'habitations  sur 
la  route  même,  elles  sont  plutôt  disséminées  dans  la  plaine  sur  l'autre  rive  du 
torrent.  Un  vieux  pont  de  pierre  traverse  à  la  fois  le  Gave  et  le  chemin  de  fer.  On 
aTrivs  à  une  jolie  villa  entièrement  tapissée  de  lierre. 

Voici  Argelès.  La  ville,  depuis  qu'on  y  a  construit  un  établissement  thermal , 
tend  à  s'augmenter  d'un  beau  quartier  encore  en  formation  ,  oii  l'on  voit  le  Casino 
et  l'établissement.  La  distance  est  courte  d'Argelès  à  Pierrefite.  Ce  village  est 
plutôt  un  lieu  de  passage  que  de  séjour.  On  ne  fait  qu'y  laisser  aux  chjvaux  le 
temps  de  souffler. 

Départ  pour  Gauterets.  La  route  carossable  est  admirablement  construite.  C'est 
la  plus  belle  de  la  contrée.  Elle  laisse  à  gauche  celle  de  Luz  à  Barèges  ,  monte 
d'abord  beaucoup  en  offrant  une  belle  vue  de  la  vallée  d'Argelès  et  gagne  par  un 
grand  lacet  la  vallée  du  Gave  de  Gauterets.  Dans  le  lointain  se  montrent  déjà  le 
Hourmegas  revêtu  de  sapins  et  le  Péguère  qui  dominent  Gauterets. 

On  vient  de  construire  un  chemin  de  fer  électrique' pour  relier  Gauterets  à  Pier- 
refite. Les  voitures  sont  en  train  de  faire  leurs  essais.  Les  entrepreneurs  de  trans- 
port craignent  bien  que  dans  deux  ans,  il  n'y  ait  semblable  chemin  de  fer  de 
Pierrefite  jusqu'à  Luz  et  dans  cinq  ans  jusqu'à  Gavarnie. 

On  s'engage  bientôt  dans  un  défilé  sauvage  où  la  route  ,  taillée  dans  le  roc ,  est 
comme  suspendue  au-dessus  du  torrent  qui  mugit  dans  le  bas.  Tout  à'I'entour  se 
dressent  des  montagnes  abruptes  ;  on  traverse  un  petit  chaos  de  rochers  éboulés, 
appelé  le  Limaçon,  puis  en  serpentant  à  travers  la  vallée  qui  va  s'élargissant ,  on 
atteint  bientôt  Gauterets.  C'est  l'heure  du  déjeuner.  Chacun,  dès  l'arrivée,  s'em- 
presse d'assouvir  sa  faim,  puis  tandis  que  les  uns  se  cantonnent  dans  la  ville,  les 
autres  poussent  la  promenade  jusqu'à  rétablissement  de  la  Raillère  et  la  cascade 
de  Gerisey. 

La  ville  n'a  de  curieux  que  ses  magnifiques  hôtels,  de  construction  assez  récente, 
dans  le  nouveau  quartier,  près  de  l'Esplanade,  puis  la  promenade  avec  les  Thermes 
des  œufs,  mais  elle  occupe  un  très  beau  site  dans  un  vallon  encaissé  par  les  mon- 
tagnes. Elle  est  au  centre  de  nombreuses  et  faciles  excursions  et  est  actuellement 
une  des  premières  stations  thermales  des  Pyrénées,  visitée  annuellement  par  plus 
de  20,000  baigneurs  ou  touristes.  Ses  eaux  célèbres  sont  surtout  sulfureuses,  mais 
on  en  trouve  de  sulfatées  et  d'alcalines.  Elles  sont  formées  par  24  sources  et  utili- 
sées dans  8  établissements  parfaitement  organisés  pour  leur  usage  en  boisson, 
bains,  douches,  inhalations,  etc 

Le  plus  remarquable  des  établissements  est  le  Therme  des  Œufs  ,  puis  viennent 
les  Thermes  de  César  et  des  Espagnols,  les  Néothermes  et  plus  haut,  dans  la  mon- 
tagne ,  l'établissement  de  Douze- Vieux.  L'établissement  de  la  Raillère,  le  plus 
important  de  tous,  est  relié  à  la  ville  par  une  grande  route,  un  chemin  de  piétons 
et  une  voie  à  traction  électrique.  11  est  situé  à  une  altitude  de  1.600  mètres  et  le 
panorama  qu'on  a  de  cette  hauteur  est  vraiment  beau.  11  l'est  encore  plus  loin 
quand,  après  avoir  dépassé  le  petit  Mauhourat,  l'établissement  de  bois  d'en  haut, 


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et  rimposante  cascade  de  Ccrisoy,  qui  précipite  avec  fracas  dans  la  profondeur  du 
ravin  ses  deux  nappes  d'écume,  on  arrive  à  la  double  cascade.  C'est  alors  qu'il 
faut  regarder  en  arrière  le  paysage  grandiose  qui  s'offre  aux  regards. 

Le  défaui  de  temps  mit  un  terme  à  notre  excursion  et  il  nous  fut  impossible  de 
pousser  jusqu'au  pont  d'Espagne  et  au  lac  de  Gaubc.  Il  fallut  redescendre,  et,  ren- 
trés à  Cauterets,  par  le  tramway  électrique,  nous  en  repartions  aussitôt  pour  Luz. 
Nous  parcourûmes  à  nouveau  la  route  déjà  connue  de  Pierrefite ,  laissant  sur  la 
gauche  celle  d'Argelès  ;  la  route  s'engage  ensuite  dans  une  sorte  de  long  défilé 
taillé  dans  le  roc  sur  le  bord  du  ravin  et  des  plus  sauvages.  Lo  soleil  baisse  déjà 
et  il  faut  se  hâter  pour  arriver  à  Luz  avant  l'obscurité  complète.  Le  tracé  de  la 
route  emprunte  tour  à  tour  l'une  ou  l'autre  rive  du  torrent.  C'est  un  passage  inin- 
terrompu de  ponts  :  de  l'Echelle,  d'Arsinoé  aujourd'hui  abandonné,  de  la  Crabe, 
de  la  Muladère  et  de  la  Pescadère.  A  cette  saison,  la  rivière  qu'ils  surplombent  est 
très  sage  et  bruit  à  peine.  Mc\is  que  viennent  la  pluie  et  les  neiges,  et  le  Gave 
gonflant  ses  eaux  sortira  en  bouillonnant  de  son  lit ,  renversant  tout  sur  son 
chemin. 

On  peut  encore  voir  à  certains  endroits  une  ligne  blanche  dans  le  roclier.  Elle 
marque  la  hauteur  jusqu'oli  s'élevèrent  les  eaux  lors  du  débordement  destructeur 
de  1872.  La  nuit  descend  rapidement,  les  troupeaux  rentrent  à  l'étable  ;  c'est  de 
tous  côtés  une  musique  de  cloches  aux  sons  variés. 

Nous  pénétrons  enfin  dans  une  vallée  plantée  de  hauts  peupliers  et  bordée  de 
larges  pierres,  quelques  cabanes,  et  nos  équipages  s'airètent.  Nous  sommes  à  Luz. 

Luz  doit  l'animation  dont* il  déborde  à  sa  proximité  de  Saint-Sauveur  et  de 
Gavarnie  et  à  sa  situation  au  croisement  des  routes  de  Pierrefite  et  de  Barèges. 
Ce  n'est  guère  cependant  qu'un  lieu  de  passage.  En  été,  quelques  rares  baigneurs 
viennent  y  prendre  des  eaux  amenées  de  Barèges  à  son  modeste  établissement 
thermal.  L'hiver,  assure-t-on,  la  douceur  du  climat  y  amènerait  quelques  malades. 
L'église  est*  une  construction  curieuse  attribuée  aux  Templiers.  Avec  ses  deux 
tours  carrées,  ses  créneaux,  ses  meurtrières,  elle  a  tout  l'air  d'un  châleau-fort. 
Dans  l'une  des  tours  un  petit  musée  étale  ses  antiques  et  modestes  trésors  :  urnes 
romaines,  tombeaux  ou  débris  de  tombeaux,  armures  du  Moyen-Age,  mousquets 
de  rempart  du  temps  des  Ligueurs. 

Luz  est  entouré  d'un  délicieux  vallon  sillonné  par  le  cours  bleuâtre  du  Gave,  qui 
roule  ses  vagues  contre  les  galets  et  les  rocs.  Au  delà  du  Bastan,  sur  un  monticule 
qu'il  faut  gravir  à  travers  les  pierres  éboulées  et  les  broussailles,  se  dressent  les 
ruines  pittoresques  du  château  Sainte-Marie,  ancien  repaire  des  routiers  anglais. 

.  A  quelques  minutes,  Saint-Sauveur.  La  route  qui  y  conduit  est  aussi  bien  cons- 
truite que  la  distance  est  courte.  Saint-Sauveur  n'a  qu'une  seule  et  longue  rue  oii 
tout  respire  la  gaîté  et  le  mouvement.  L'église,  de  style  pittoresque,  lance  une 
flèche  hardie  dans  le  ciel.  Une  belle  promenade  publique  inclinée  vers  lo  Gave, 
assez  semblable  à  un  jardin  anglais,  se  déroule  devant  l'établissement  des  Dames, 
monument  à  colonnades  qui  porte  sur  son  frontispice  invitation  à  y  pénétrer  : 
«  Vos  haurietis  aquas  de  fontibus  Salvatoris.  » 

Le  plateau  de  la  Montalade,  sur  lequel  sont  bâtis  d'autres  thermes,  est  une  pro- 
menade fréquentée  d'oii  l'on  a  un  beau  panorama. 

A  la  sortie  du  village  la  route  passe  sur  le  pont  Saint-Sauveur  ou  Napoléon, 
arche  gigantesque  do  65  mètres  de  hauteur  sur  07  de  largeur,  lancée  audacicuse- 
ment  au-dessus  du  Gave  et  qui  apjjaraît  comme  la  porte  d'entrée  du  ravin.  C'est 
d'en  bas  surtout,  du  fond  de  la  gorge,  qu'il  faut  admirer  l'incroyable  légèreté  de 


•va 


SaiNï-Sébastikn.  —  La  Plaj^-e. 


— 'rr^rsii 


Lourdes.  —  La  Basil!([iie. 


Biarritz. 
Le  Rocher  de  la  VieriJ-e. 


Route  de  Pierrefitte  à  Luz. 


'  —  113  — 

l'œuvre.  Nous  sommes  sur  la  rive  droite  du  Gave,  A  quelques  pas  un  sentier 
grimpe  vers  la  chapelle  de  Solférino  qui  remplace  un  antique  ermitage.  En  tace  se 
dresse  une  pyramide  funéraire  :  sous  ce  monument  reposent  les  restes  du  capitaine 
Ambroise  de  Lombez,  mort  à  Saint-Sauveur  au  siècle  dernier,  et  dont  le  corps  a  été 
transporte  ici  par  ordre  de  Napoléon  111.  La  route  est  savamment  tracée,  large  et 
plane,  les  voitures  y  roulent  à  Taise.  Le  temps  n'est  plus  oia  il  fallait  se  risquer  à 
cheval  ou  à  mulet  à  travers  la  gorge  perdue,  franchir  le  pas  de  l'Echelle,  le  jiont 
de  Sia,  le  pont  Desdouroucat,  l'cibrupt  couloir  de  Gèdrc  et  les  formidables  éboule- 
mcnts  du  Chaos  par  des  sentiers  à  peine  frayés.  Cependant,  en  dépit  de  la  civilisa- 
tion et  des  travaux  faits  pour  l'établissement  de  la  route,  le  site  a  gardé  son  carac- 
tère sauvage  et  offre  de  magnifiques  beautés,  des  gorges,  des  défilés,  des  abîmes, 
des  rocs  suspendus,  des  monts  menaçants,  d'autres  fendus  et  brisés,  renversés,  et 
au  milieu  de  tout  cela  des  eaux  bondissantes,  des  cascades  retombant  en  poussière 
de  vapeur,  un  torrent  qui  gronde.  Après  une  halte  à  Gèdre,  on  pénètre  dans  le 
Chaos.  Un  contrefort  du  Coumélie  s'est  effondré  là  autrefois,  la  masse  de  la  mon- 
tagne s'est  précipitée  en  avalanche  et  nous  en  contemplons  les  débris.  Un  affreux 
chaos  vraiment.  Roches  broyées  et  fracassées,  blocs  montueux  dans  la  plus 
effrayante  confusion.  En  face  l'immense  escarpement,  morne,  triste,  nu,  qu'on 
nomme  si  justement  le  mont  sinistre.  Un  creux  dans  le  rocher  marque,  assure-t-on, 
l'empreinte  des  pieds  du  cheval  Bayard,  le  coursier  du  paladin  Roland  qui,  s'élan- 
çant  du  glacier  de  la  Brèche,  a  sauté  jusqu'ici.  Notez  qu'en  ligne  droite  nous 
sommes  à  plus  de  4  lieues  de  la  Brèche  et  qu'il  y  a  une  différence  de  niveau  d'au 
moins  1.700  mètres.  Mais  la  légende  ne  se  laisse  pas  arrêter  par  ces  détails.  La 
vallée  est  aride  et  désolée.  Bientôt,  dans  le  lointain,  se  dessine  nettement  le 
cirque  de  Gavarnie.  Guides  et  âniers  se  disputent  notre  préférence  et  nous  harcèlent 
d'offres  de  services.  Décidons-nous  promptement,  car  qui  sait  si  nous  trouverons 
là-bas  montures  assez  nombreuses  pour  toute  notre  caravane. 

Du  village  oii  nous  nous  arrêtons  un  instant  jusqu'à  l'entrée  du  cirque,  il  y  a 
bien  une  heure  de  marche.  A  première  vue  on  ne  voudrait  le  croire ,  mais  il  est  de 
Gavarnie  comme  de  toutes  les  choses  vraiment  grandes,  et  les  proportions  du 
cirque  sont  telles  qu'on  s'illusionne  sur  la  distance.  Il  faut  serpenter  le  long  des 
rives  du  Gave,  traverser  les  bassins  de  plusieurs  grands  lacs  aujourd'hui  taris, 
cheminer  au  milieu  de  routes  aiguës  et  après  une  longue  montée,  pénétrer  enfin 
dans  la  vaste  enceinte  le  plus  près  possible  de  la  cascade.  En  face  se  dresse  le 
Marboré  et  ses  tours,  le  Cylindre,  le  Casque,  la  Brèche  de  Roland,  le  Taillon,  le 
Gabiétou,  etc. . . .  Les  gradins  sont  couverts  d'une  neige  éternelle  et  de  glaciers 
qui  brillent  de  mille  feux  sous  le  rayonnement  d'un  soleil  implacable.  Le  Gave 
sorti  du  Mont  Perdu,  bondissant  de  plus  de  300  pieds  d'élévation,  se  partage  en 
plusieurs  cascades  :  la  plus  belle,  celle  que  nous  contemplons,  tombe  d'une  hau- 
teur si  prodigieuse  (422  m.)  et  si  détachée  du  roc,  qu'elle  ressemble  à  un  nuage 
délié,  qui  glisse  dans  l'air.  L'eau  dissoute  en  brume  et  frappée  par  les  rayons  du 
soleil  forme  une  variété  d"arcs-en-ciel  multiples  et  répand  en  tombant  une  rosée 
extrêmement  fine.  C'est  la  première  cascade  de  l'Europe,  par  sa  hauteur,  après 
celle  de  Dagerfos  en  Norvège,  qui  a  au  moins  450  mètres.  Elle  tombe  d'un  seul  jet 
quand  elle  est  très  abondante  ;  lorsque  nous  la  voyons  elle  forme  deux  gerbes 
successives.  Le  spectacle  est  aussi  difficile  à  décrire  qu'à  se  figurer.  Ceux  qui  n'ont 
pas  vu  le  Cirque  ne  s'en  feront  jamais  qu'une  idée  très  imparfaite.  Et  ceux,  dit-on, 
qui  l'ont  vu  seulement  d'en  bas,  n'en  soupçonnent  qu'à  peine  la  prodigieuse  immen- 
sité et  la  magnificence  sublime.  Pour  l'admirer  dans  toute  sa  beauté,  il  faut  grimper 
au  sommet  des  Pyrénées  !  Alors,  les  gigantesques  parois  du  Cirque  s'élevant  du 
sein  d'énormes  profondeurs ,    paraissent    avoir    démesurément  grandi.   Les  plus 


—  114  — 

hautes  montagnes  s'élèvent  encore  bien  au-dessus  du  touriste  ,  devant  les  yeux  de 
qui  s'étalent  et  se  développent  dans  leurs  éblouissantes  blancheurs  d'immenses 
napies  de  neiges  et  de  glaces  mal  entrevues  de  la  vallée  et  de  murmurantes 
cascades.  C'est  une  découverte  de  merveilles  non  soupçonnées  d'en  bas. 

Mais  tout  le  monde  n'a  ni  leçied  d'un  alpiniste,  ni  le  temps  dont  il  faut  disposer 
pour  des  excursions  de  ce  genre.  Après  avoir  contemplé  à  notre  aise  le  cirque  d'en 
bas,  nous  repartîmes  pour  Luz  oit  nous  déjeunâmes. 

Dans  l'après-midi  départ  pour  Barèges. 

La  distance  est  courte,  mais  la  route  monte  en  pente  raide  dans  la  vallée  de 
Bastan. 

Le  paysage  d'abord  boisé  et  riant  change  bientôt  d'aspect  et  ne  montre  plus  que 
des  montagnes  dénudées  et  ravinées.  Le  Gave  court  capricieux  entre  d'énormes 
blocs  tombés  des  sommets  et  qui  retiennent  dans  leurs  intervalles  des  débris  encore 
récents  d'arbres  et  de  constructions.  La  rive  elle-même  est  tourmentée,  déchirée. 
On  est  en  train  de  rétablir  la  route  qui  la  longeait.  Tout  dénote  un  cataclysme 
arrivé  depuis  peu,  le  torrent  est  bas  aujourd'hui  :  c'est  qu'il  se  repose  de  sa  redou- 
table colère  du  printemps  dernier,  quand,  à  la  fonte  des  neiges,  il  s'est  précipité 
comme  un  furieux  à  travers  la  contrée,  balayant  tout  dans  sa  course  désordonnée, 
transformant  les  prairies  en  chaos,  rasant  les  maisons,  et  emportant  la  route  dans 
sa  plus  grande  longueur  jusqu'à  Barèges. 

Nous  passons  lentement  au  milieu  de  ce  spectacle  désolé  et  nous  atteignons 
Barèges. 

Barèges  n'est  qu'une  longue  rue  en  pente  oii  rien  ne  distrait  l'œil.  Deux  ou 
trois  centaines  de  maisons  d'apparence  fort  communes  ;  voilà  tout  le  village. 

L'hiver  il  est  inhabitable,  et  pendant  six  mois  dort  sous  un  épais  linceul  de 
neige.  Dès  la  fin  de  Septembre,  les  baigneurs  s'envolent  ;  avant  la  fin  d'Octobre, 
les  Barégeois  eux-mêmes  émigrent  vers  un  pays  plus  clément.  Quelques  monta- 
gnards se  résignent  à  rester  là  comme  gardiens  pour  surveiller  les  avalanches, 
mais  les  avalanches  tombent  quand  elles  sont  prêtes  et  sans  les  consulter. 

Barèges  en  ce  moment  porte  encore  les  marques  d'une  récente  avalanche.  Plu- 
sieurs de  ses  maisons  ont  été  enlevées  ou  coupées  en  deux  parties  ;  un  grand 
nombre  n'ont  dtl  leur  conservation  qu'à  leurs  murs  construits  épais  comme  ceux 
d'une  forteresse  et  qu'on  a  renforcés  du  côté  du  torrent. 

Depuis  longtemps  Barèges  est  célèbre  par  ses  eaux  thermales  sulfureuses  ,  les 
plus  énergiques  des  Pyrénées.  En  1G75,  leurs  vertus  curatives  étaient  suffisamment 
appréciées  pour  que  M""*  de  Maintenon  fût  chargée  d'y  conduire  le  jeune  duc  du 
Maine.  De  nos  jours,  elle  est  fréquentée  par  un  nombre  imposant  de  baigneurs. 

L'établissement  thermal  est  un  assez  bel  édifice  de  marbre  fort  bien  aménagé,  où 
ont  été  réunies  les  différentes  sources  au  nombre  de  13.  A  quelques  pas  ,  près  du 
ravin  du  Midaon,  s'élève  un  hôpital  militaire  pour  les  soldats  malades  envoyés  là 
prendre  les  eaux,  et  sur  la  hauteur  opposée,  un  hospice  dit  de  Sainte-Eugénie 
réservé  aux  ecclésiastiques  ou  religieuses  pendant  une  partie  de  la  saison,  et  oii 
les  pauvres  sont  admis  gratuitement  le  reste  du  temps. 

Les  promenades  créées  autour  de  Barèges,  parmi  lesquelles  la  Petite  Horizontale 
et  l'allée  Verte  dans  les  bois  d'Artigon,  le  reboisement  et  le  regazonncment  des 
flancs  do  la  montagne  par  lesquels  l'administration  a  essayé  de  remédier  aux 
avalanches,  ont  donné  à  la  vallée  un  nouvel  aspect. 

Pendant  l'été  elle  est  relativement  agréable,  mais  même  au  mois  d'Août,  Barèges 
est  loin  d'être  un  lieu  plein  de  charmes.  Puissiez-vous  n'être  jamais  condamné  par 
votre  docteur  à  y  faire  une  saison  ! 


—  115  — 

Le  séjour  fut  de  peu  de  durée.  Le  lendemain,  de  grand  matin,  chacun  reprenait 
sa  place  qui  dans  les  voitures,  qui  sur  son  siège,  et  les  Barégeois  à  peine  éveillés 
saluèrent  notre  départ. 

Dès  les  premiers  pas,  la  route  remonte  une  rampe  très  raide  dans  la  direction  du 
pic  du  Midi.  Les  chevaux  marchent  lentement  et  il  est  loisible  de  les  suivre  sans 
fatigue.  A  droite,  notre  vue  est  bornée  par  les  parois  de  la  montagne.  A  notre 
gauche,  le  Bastan  coule  au  milieu  d'une  plaine  fertile  semée  çà  et  là  de  construc- 
tions rustiques.  Ce  ne  sont  même  pas  des  maisons  de  paysans ,  mais  de  simples 
abris  pour  les  troupeaux.  L'hiver,  quelques  gardiens  s'y  enferment  avec  eux  et  là, 
entre  quatre  murs  résistants,  sans  presque  voir  le  jour  dont  les  sépare  une  épaisse 
couche  de  neige,  ils  passent  les  plus  mauvais  mois  de  la  saison,  heureux  si  les 
provisions  ne  viennent  pas  à  manquer,  si  le  torrent  n'emporte  pas  la  cabane,  si  la 
neige  ne  les  ensevelit  pas  vivants.  En  attendant,  les  troupeaux  paissent  paisible- 
ment au  versant  de  la  montagne.  Que  ne  pouvons-nous  les  rejoindre  et  grimper 
par  les  lacets  tracés  par  les  piétons,  au  lieu  de  suivre  une  route  aussi  aisée  et 
facile.  Bientôt  quelques-uns  désertent  la  voiture  et  descendent  vers  le  lit  du  Gave. 
Quel  plaisir  de  suivre  la  pente  douce  sans  chemins  frayés,  de  se  construire  un  gué 
de  rocs  pour  traverser  l'eau  sans  accident  ni  bain.  Dilatez  vos  poumons,  et 
remontez  sans  perdre  haleine  la  côte  presque  à  pic  qui  ramène  maintenant  à  la 
route.  Derrière,  dans  le  lointain  fuyant,  se  détache  confusément  la  vallée  de 
Barèges,  nous  sommes  au  col  du  Tourmalet,  entre  le  pic  de  Tourmalet  et  le  pic 
d'Espade.  L'altitude  est  de  2,122  mètres  et  nous  sommes  arrivés  à  cette  grande 
hauteur  sans  fatigue,  mollement  assis  sur  les  coussins  de  notre  landau  !  C'est  bien, 
est-il  permis  de  penser,  un  des  passages  de  voiture  les  plus  élevés  de  l'Europe. 
Que  de  travail,  que  de  vies  a  dû  coûter  la  construction  de  cette  belle  route  carros- 
sable, que  d'entretien  elle  réclame,  quand  les  rocs  détachés  viennent  la  labourer 
en  s'y  brisant,  et  quand  pluies  et  neiges  s'accordent  pour  la  défoncer. 

Déjà  apparaît  le  pic  du  Midi  de  Bigorre ,  superbe  dans  son  isolement  d'avec  les 
autres  pics  de  la  chaîne.  Quel  superbe  contraste  entre  la  plaine  verdoyante  et  ces 
innombrables  sommets  neigeux.  A  sa  crête  on  aperçoit  sur  une  plate-forme  une 
sorte  de  ruban  rouge  vif.  C'est  la  toiture  de  tuiles  qui  recouvre  l'Observatoire  établi 
de  1878  à  1881  par  le  général  de  Nansouty. 

Après  un  court  repos  dans  une  cabane  de  paysan  ,  nous  nous  ébranlons  à  nou- 
veau. La  route  redescend  plus  vite  encore  qu'elle  est  montée.  On  la  suit  par  une 
succession  ininterrompue  de  lacets  et  de  coudes,  sur  le  bord  escarpé  de  la  montagne 
au-dessus  du  ravin.  Un  faux  pas  des  chevaux,  un  frein  qui  se  brise,  une  distraction 
du  cocher,  un  tournant  trop  brusque,  et  nous  pouvons  être  emportés  sans  merci 
dans  le  précipice.  Cette  perspective  n'est  pas  sans  effrayer  quelques  compagnons, 
qui  trahissent  leur  inquiétude  par  des  exclamations  ou  des  jeux  de  physionomie 
curieux  à  observer. 

Par  un  long  détour,  la  route  pénètre  dans  la  vallée  du  Garet,  dont  le  torrent 
mêlant  ses  eaux  à  celles  du  Tourmalet  va  former  plus  loin  les  belles  cascades  de 
Gripp.  Au  delà  du  deuxième  torrent,  on  passe  face  à  un  dépôt  de  l'Observatoire  du 
pic  du  Midi  relié  à  sa  station  par  un  chemin  de  mulets. 

Toujours  plus  bas,  on  trouve  enfin  le  hameau  de  Lartigues,  oii  nous  nous  arrê- 
tons pour  déjeuner. 

A  l'ombre  d'une  tente,  devant  le  lit  desséché  du  Tourmalet,  les  touristes  s'ins- 
tallent gaiment,  bien  serrés,  les  coudes  au  corps.  La  maison  est  renommée  pour 
sa  spécialité  de  truites  ,  et  la  renommée  est  justifiée.  Les  plats  ne  font  que  paraître 
et  disparaître,  et  chacun  aidant,  le  service  est  expédié,  non  pas  à  l'étonnement  d'un 
personnel  aussi  restreint  que   complaisant,  mais  à  son  plus  grand  soulagement. 


—  IIG  — 

Puis  pendant  que  les  uns,  abrités  sous  la  tente  contre  les  ardeurs  du  soleil,  se 
livrent  à  des  divertissements  variés,  principalement  à  un  carnage  effréné  de 
mouches,  les  autres,  profitant  de  leur  liberté  vont  à  la  cascade  la  plus  proche.  Son 
accès  n'est  pas  très  facile,  mais  sa  vue  est  d'un  bel  effet.  Bondissant  d'un  ressaut 
du  rocher,  elle  s'élance  à  pic  sur  un  parcours  assez  étendu.  Elle  est  pittoresque- 
ment  encadrée  de  bosquets  de  pins  et  d'arbres  touffus.  On  la  contemple  vers  le 
milieu  de  sa  chute  dans  un  léger  brouillard  de  gouttelettes  vaporisées.  Quelques- 
uns  descendent  ensuite  à  travers  le  lit  du  torrent  à  quelques  pas  de  la  cascade  et 
vont  s'enfoncer  dans  la  monlagne  boisée  qui  fait  face  à  l'hôtel,  oii  l'on  aperçoit  les 
camarades  sous  leur  tente.  'Slaïs  bientôt  l'heure  et  la  pluie  les  chassent  des  frais 
ombrages  et  tous  reprennent  ensemble  la  route  de  Bagnères-de-Bigorre. 

Suivant  le  Gave  à  droite ,  elle  s'engage  dans  une  sorte  de  grande  avenue  de 
forêt,  entre  les  arbres  de  laquelle  on  aperçoit  les  pâturages  de  la  vallée,  et  la  mon- 
tagne tout  à  l'heure  grise  et  maintenant  parée  de  verdure.  On  oublierait  pour  un 
peu  qu'on  voyage  aux  Pyrénées,  mais  soudain  le  spectacle  change,  la  montagne 
se  redresse  et  reprend  ses  teintes  de  grisaille  triste.  Nous  traversons  Gripp-Sainte- 
Marie  et  pénétrons  dans  la  petite  vallée  de  Campan.  Le  haut  de  la  vallée  renferme 
des  carrières  de  marbre  vert  nuancé  de  blanc  et  de  rjse,  dont  les  produits  sont  très 
variés  et  estimés.  Elles  sont  en  pleine  exploitation.  Sur  la  route  sont  établis  une 
usine  à  scier  le  marbre  et  plusieurs  établissements  de  même  industrie.  11  s'y  fabrique 
principalement  des  cheminées,  des  tables,  des  dessus  de  meubles,  des  revêtements, 
des  dallages,  etc.  La  main-d'œuvre  trouve  dans  les  eaux  de  l'Adour  un  auxiliaire 
puissant.  A  quelques  kilomètres  de  Bagnères  on  trouve  la  campagne  et  les  villas 
qui  annoncent  l'approche  d'une  ville  tant  soit  peu  importante.  La  route  à  cet 
endroit  est  dans  un  état  déplorable.  Elle  a  été  complètement  envahie  par  les  eaux 
et  emportée  sur  un  long  parcours.  On  a  dû  enfoncer  d'immenses  pieux  pour  la 
soutenir  et  l'étayer.  On  a  même  dû  la  reporter  à  quelques  mètres  plus  loin.  Des 
ruines  de  maisons  ajoutent  à  la  tristesse  du  spectacle.  Nous  arrivons  et  bientôt 
nous  sommes  installés.  Ce  n'est  pas  toutefois  sans  quelques  difficultés  pour  notre 
Directeur.  La  ville  abrite  encore  de  nombreux  baigneurs  et  les  hôtels  ne  peuvent 
fournir  qu'un  nombre  restreint  de  chambres  ;  le  soir  après  le  dîner,  oia  pour  la 
première  et  unique  fois  la  colonie  se  trouva  séparée,  on  se  retrouvait  sur  la  pro- 
menade des  Goustous. 

La  ville  de  Bagnères  de  Bigorre  occupe  un  rang  assez  avantageux  parmi  les 
stations  thermales  pyrénéennes.  Son  climat  est  réputé  pour  sa  douceur  ,  mais  elle 
n'offre  rien  comme  site  qui  puisse  venir  en  comparaison  avec  Cauterets  ou  Luchon. 
On  prend  les  eaux  soit  à  l'établissement  thermal  qui  est  propriété  de  la  commune, 
soit  dans  des  établissements  particuliers  assez  nombreux.  Bagnères  est  placée  sur  une 
nappe  d'eau  minérale  qui  émerge  naturellement  en  plusieurs  endroits.  L'établisse- 
rtent  thermal  est  vaste,  construit  presque  entièrement  en  marbre,  d'un  bel  aspect 
et  son  aménagement  intérieur  laisse  peu  à  désirer.  Parmi  les  autres  étal)lisse- 
ments,  on  peut  citer  les  Néothermes  de  BcUevue,  Lasserre,  Lias,  Versailles,  de 
Salut,  etc..  Bagnères  possède  un  Casino,  une  église  originale  dite  de  Saint- 
Vincent,  une  tour  de  Jacobins,  de  nombreuses  et  belles  promenades. 

Cinq  heures  du  matin.  Dans  le  jour  naissant ,  après  une  nuit  écourtce ,  nous 
reprenons  la  route  de  la  veille  jusqu'au  hameau  de  Sainte-Marie.  Là  ,  première 
station,  chacun  en  profite  pour  calmer  les  tiraillements  de  son  estomac  à  jeun.  Le 
bourg  dort  encore,  l'auberge  est  à  peine  ouverte.  A  force  de  frapper  de  droite  et 
gauche,  on  finit  par  trouver  pain,  lait,  œufs  en  quantité  suffisante.  C'est  la  fortune 
du  pot  augmentée  des  hasards  de  l'invasion. 

Nous  laissons  la  route  de  Barèges  pour  remonter  les  vallées  de  Campan  et  de  la 


—  117  — 

Séoube.  A  Paillole  nous  nous  arrêtons  à  nouveau  pour  mettre  l'aubergiste  à  contri- 
bution :  chacun  mange  à  sa  faim  et  tout  va  bien  jusqu'au  moment  de  payer.  L'hô- 
telière jusqu'alors  très  prévenante,  prend  de  grands  airs  revèches  et  réclame  un 
prix  outrageusement  majoré.  Après  un  long  débat,  on  parvient  à  lui  faire  entendre 
à  demi  raison.  Heureux  de  se  délier  les  jambes,  plusieurs  prennent  les  devants 
dans  la  direction  du  col  d'Aspin  pendant  qu'on  remet  les  chevaux  à  la  voiture.  Le 
paysage  se  modifie  insensiblement;  aux  pâturages  qui  tapissaient  si  agréablement 
le  fond  de  la  vallée  ,  succèdent  des  faillis  enchevêtrés ,  des  bosquets  de  grands 
arbres  ou  de  pins  qui  annoncent  la  montagne.  A  son  pied  s'est  bâti  un  petit 
hameau  dont  l'industrie  consiste  dans  l'exploitation  de  la  carrière  de  marbre  dite 
de  Campan.  La  route  carrossable  monte  rapidement  en  zigzag  dans  la  forêt  de 
sapins,  mais  ses  détours  impatientent  l'ardente  jeunesse  qui  s'élance  à  travers  les 
petits  sentiers  çà  et  là  tracés.  Dans  l'ardeur  de  l'ascension  on  se  sépare  en  deux 
groupes,  et  tandis  que  la  majorité  continue  dans  la  voie  tracée,  quatre  ou  cinq 
cinglent  en  ligne  droite  vers  le  sommet.  Bientôt,  séparés  des  autres  dont  ils  ne 
perçoivent  plus  les  cris,  fatigués  par  la  raideur  du  chemin,  sourds  aux  encourage- 
ments de  leur  guide,  ils  redescendent  dans  une  course  qu'ils  voudraient  moins 
rapide  au  milieu  des  ajoncs,  des  ronces  et  des  bruyères  géantes.  Tout  à  coup  un 
brnit  de  grelots  arrive  jusqu'à  eux.  Les  chevaux  apparaissent  à  un  détour  de  la 
route,  ils  accélèrent  leur  marche  et  rejoignent  bientôt  la  colonne  plus  paisible 
montée  avec  les  voitures.  Voici  le  col  dWspin  à  une  hauteur  de  1.500  mètres, 
dominant  la  vallée  d'Aure,  encadrée  au  loin  par  des  montagnes  élevées.  Le  pano- 
rama est  justement  réputé. 

La  Neste  serpente  comme  un  long  fil  d'argent  entre  les  deux  versants  de  la 
vallée,  qui  disparaît  sous  son  manteau  de  verdure.  Dans  le  ciel  plane  une  couple 
d'aigles  cherchant  une  proie  à  ravir.  Dans  le  lointain,  plusieurs  monts  étages  que 
deux  paysannes  nous  nomment  successivement,  dressent  leurs  pics  altiers.  Mal- 
heureusement les  nuages  empêchent  d'embrasser  le  spectacle  d'un  seul  coup  d'œil 
et  il  faut  que  le  voile  se  soulève  à  un  endroit  pour  qu'on  puisse  voir  le  coin  qu'il 
dérobait.  Bientôt  un  brouillard  épais  envahit  notre  route,  la  vue  s'obscurcit  com- 
plètement, il  n'y  a  plus  qu'à  descendre  vers  Arreau,  où  nous  attend  un  savoureux 
déjeuner.  Au  bas  de  la  côte  nous  retrouvons  une  partie  des  marcheurs  qui, 
descendus  par  les  chemins  de  traverse,  avaient  pris  une  avance  considérable. 

Arreau  est  un  tout  petit  bourg  sans  intérêt  et  qui  tire  son  peu  d'importance  de 
sa  situation  au  pied  du  col.  L'aimable  hôtesse  nous  reçoit  avec  empressement  et 
nous  sert  un  menu  réconfortant,  composé  d'une  multitude  de  plats,  parmi  lesquels 
figure  une  belle  tranche  d'isard  qui  fit  les  délices  des  convives. 

Tourmentés  par  les  cochers  qui  nous  pressent  de  repartir  si  nous  voulons 
atteindre  Luchon  avant  la  nuit,  nous  nous  remettons  bientôt  en  marche.  32  kilo- 
mètres, c'est  encore  une  belle  étape  dans  un  pays  montagneux. 

La  route  traverse  presque  sans  interruption  une  série  de  villages  monotones  : 
Bordères,  Avajan,  Gamors,  Estarvielle,  Loudervielle.  On  se  retrouve  avec  plaisir 
dans  des  gorges  étroites  au  port  de  Peyresonde,  à  L545  m.  d'altitude.  Dans  la 
vallée  de  l'Arboust,  le  défilé  des  villages  continue  :  Garin,  Gazaux,  Saint-Aventin, 
Chapelle-Saint-Aventin,  tous  recouverts  d'ardoises  bien  grises.  L'obscurité  se  fait 
profonde.  Enfermés  dans  nos  landaus  nous  briîlons  d'arriver  à  Luchon.  Nos  sou- 
haits sont  bientôt  satisfaits. 

Luchon.  —  Ce  n'est  pas  s'avancer  que  de  la  déclarer  de  toutes  les  stations  des 
Pyrénées  la  plus  agréable  pour  le  touriste.   Rendez-vous  des  baigneurs  de  la  haute 


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société,  la  vie  y  est  gaie,  pleine  d"entrain  et  le  traitement  thermal  est  loin  d'être 
un  obstacle  à  cette  expansion  joyeuse.  Comme  on  l'a  dit  avec  esprit,  c'est  une  ville 
d'eau  pour  les  vacances  à  grandes  guides.  Quel  pays  connut  jamais  davantage 
l'emploi  du  mot  «  guides  ». 

A  travers  les  allées  de  la  ville  et  sur  le  boulevard,  c'est  un  va-et-vient  d'attelages 
à  quatre  chevaux  que,  du  haut  de  son  siège,  un  cocher  conduit  à  longues  «  guides  ». 
Un  cavalier  passe,  la  tète  couverte  d'un  béret  basque  tortillé  de  velours  noir  avec 
un  gilet  rouge  éclatant,  il  s'honore'  d'appartenir  à  la  corporation  des  «  guides  ».  Un 
piéton  chaussé  de  grandes  guêtres,  sac  au  dos,  le  bâton  ferré  à  la  main,  accom- 
pagne d'intrépides  marcheurs  ;  en  le  voyant  passer  on  dira  c'est  un  «  guide  ».  Enfin 
le  mot  «  guides  »  sert  à  désigner  la  vie  large,  luxueuse  et  prodigue,  on  l'aura 
employé  dans  toutes  ses  acceptions  grammaticales. 

L'animation  réside  principalement  dans  la  ville  neuve,  du  côté  de  l'établissement 
thermal,  le  long  des  allées  d'Etigny.  Ces  belles  allées,  plantées  d'une  quadruple 
rangée  de  vieux  tilleuls,  relient  l'ancienne  ville  à  la  nouvelle.  Tandis  que  la  pre. 
mière,  près  de  la  gare,  n'est  guère  qu'une  agglomération  de  maisons  chéfives,  aux 
voies  étroites  et  tortueuses ,  l'autre,  plus  bas,  entre  l'One  et  la  Pique,  présente  de 
belles  constructions,  de  grands  hôtels  modernes,  des  villas  fleuries,  des  rues  bien 
tracées  et  de  magnifiques  promenades.  Les  deux  monuments  principaux  du  quartier 
sont  l'établissement  thermal  et  le  Casino. 

Luchon  a  été  de  toute  antiquité  une  station  thermale.  Les  Romains  connaissaient 
refficacité  de  ses  eaux  et  les  fouilles  ont  fait  découvrir  une  foule  de  vestiges  de 
l'établissement  qu'ils  y  avaient  fondé.  Pendant  plusieurs  siècles  Luchon  fut 
délaissée,  mais,  grâce  au  maréchal  duc  de  Richelieu,  la  ville  a  reconquis  sa  pre- 
mière célébrité.  L'établissement  thermal  actuel  s'élève  à  rextrcmité  des  allées 
d'Etigny,  au  pied  de  la  haute  montagne  de  Superbagnères.  11  se  compose  de 
5  pavillons  précédés  d'un  péristyle  de  28  colonnes  de  marbre  des  Pyrénées. 

Le  pavillon  du  milieu  construit  en  marbre  forme  vestibule  et  donne  accès  à  une 
grande  galerie  ornée  de  fresques  représentant  des  allégories  assez  bizarres.  Entre 
les  fenêtres  l'artiste  a  figuré  8  nymphes  représentant  les  8  principales  sources  ; 
c'est  le  côté  le  moins  critiquable  de  l'œuvre.  De  la  grande  galerie  l'escalier  conduit 
au  promenoir  et  aux  buvettes.  Deux  galeries  transversales  la  coupent  à  angle  droit 
et  mènent  aux  salles  de  douches  établies  avec  luxe.  Une  annexe  est  consacrée  aux 
bains  de  vapeur  et  à  des  humagcs  d'un  système  spécial.  48  sources,  la  plupart 
sulfureuses,  fournissent  un  débit  journalier  de  45.000  litres,  et  cette  masse  d'eau 
considérable  ne  l'est  pas  trop  pour  la  consommation.  L'établissement  est  ouvert 
toute  Tannée,  mais  très  délaissé  en  hiver.  Au  pied  du  versant  de  la  montagne  qui 
l'abrite,  un  certain  nombre  de  portes  ferment  des  excavations  où  aboutissent  les 
canalisations  et  les  sources  dont  on  réglemente  ainsi  le  débit. 

Le  jardin  voisin  est  admirablement  entretenu.  A  son  entrée  so  dresse  la  statue 
de  Megret  d'Etigny,  intendant  de  la  généralité  d'Auch  ,  à  qui  Luchon  doit  sa 
renaissance  et  ses  embellissements.  Dans  le  haut  du  jardin,  la  promenade  du 
Bosquet  conduit  vers  Superbagnères.  On  peut  profiter,  pour  y  monter,  (l'un  chemin 
de  fer  à  crémaillère  qui  s'arrête  au  plateau  de  la  Chaumière.  A  l'extrémité  de  la 
vallée,  les  pics  de  la  Mine,  Sauvegarde  et  Sacrons  servent  de  fond  d'encadrement 
au  jardin. 

Le  Casino,  dans  un  grand  parc  bien  planté,  est  un  bel  édifice  moderne,  vaste  et 
richement  décoré,  capable  de  soutenir  la  comparaison  avec  les  plus  réputés.  Il 
renferme  des  salles  de  concert  et  de  danse,  un  théâtre,  un  salon  de  lecture,  une 
salle  de  billards,  un  cercle,  un  salon  de  jeux,  une  salle  d'escrime,  un  tennis,  un 
grand  café-terrasse,  le  tout  luxueusement  aménagé.   Dans  une  salle  du  premier 


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étage  se  voient  des  plans  en  relief,  fort  curieux,  de  toute  la  chaîne  des  Pyrénées, 
ainsi  qu'une  collection  çêologique  et  botanique,  une  exposition  de  peinture,  etc.. 
Un  kiosque  se  lève  devant  le  Casino,  où  se  donnent  deux  fois  par  jour  de  beaux 
concerts.  De  grands  jardins  savamment  tracés  et  bien  entretenus  ajoutent  encore  à 
ragrément  du  lieu. 

Mais  ce  qui  contribue  le  plus  puissamment  à  la  réputation  de  Luchon,  c'est  le 
nombre  considérable  et  la  beauté  des  excursions  dont  elle  est  le  centre. 

Dans  ses  environs  immédiats,  les  cascades  de  Juzet  et  de  Montauban,  et  Gastel- 
vieil,  plus  loin  le  lac  d'Oo,  le  portillon  d'Oo,  les  pics  de  Céciré  et  de  Monségu,  le 
Monné,  le  pic  d'Anténac,  Superbagnères,  la  vallée  du  Lys,  le  val  d'Aran,  le  port 
de  Venasque,  etc.. .  Pendant  notre  court  séjour  à  Luchon,  nous  fîmes  excursion 
au  lac  d'Oo  et  à  la  vallée  d^u  Lys. 

La  route  du  lac  d'Oo  suit  jusque  Cazaux  celle  de  Bagnères  de  Bigorre  que  nous 
avions  faite  la  veille,  dans  l'obscurité.  Elle  monte  rapidement  sans  offrir  d'intérêt 
jusqu'à  son  entrée  dans  la  vallée  de  l'Oueil.  En  passant  devant  l'église  de  Saint- 
Aventin  nous  voyons  une  sorte  de  màt  élevé,  ancien  arbre  dont  les  nervures  ont 
été  déchirées  et  les  veines  fendues  d'un  bout  à  l'autre  et  séparées  par  de  gros 
coins  bien  enfoncés  dans  les  interstices.  C'est,  nous  dit-on,  le  brandon  qui  doit 
servir  à  la  St-Jean  prochaine.  Sitôt  qu'il  sera  brijlé,  on  en  travaillera  un  autre 
qu'on  plantera  au  même  endroit  pour  le  faire  sécher  jusqu'à  l'année  suivante.  A 
Cazaux  nous  quittons  la  route  d'Arreau  pour  pénétrer  dans  la  vallée  d'Oo.  Le 
chemin  carrossable  devient  plus  difficile  à  parcourir  et  est  encombré  de  rocs.  A 
droite  on  longe  l'énorme  moraine  d'un  ancien  glacier  qui  occupait  autrefois  toute 
la  vallée.  Aux  granges  d'Astau  nous  descendons  lestement  de  voitures  pour  retenir 
les  chevaux,  car  les  montures  seront  en  nombre  insuffisant  pour  notre  caravane. 
Les  plus  habiles  enfourchent  leurs  bètes,  tandis  que  les  autres  s'installent  paisi- 
blement à  l'entrée  de  la  vallée  ou  font  la  route  à  pied.  C'est  une  succession 
de  lacets  à  travers  des  blocs  énormes.  Les  chevaux,  habitués  à  ces  rampes  escar- 
pées, les  gravissent  aisément,  et  tandis  que  les  cavaliers  montent  sans  fatigue,  les 
piétons  derrière  eux  trouvent  la  montée  pénible.  Bientôt  l'un  d'eux  imagine  de 
s'accrocher  à  la  queue  d'un  cheval  et  la  pauvre  bête  traîne  désormais  à  sa  remorque 
tout  un  convoi  de  grimpeurs.  Le  brouillard  est  monté  avec  nous,  et  arrivés  au 
terme,  nous  ne  faisons  qu'apercevoir,  à  travers  le  voile  épais  de  brume,  un  simu- 
lacre de  blanches  cascades  lointaines. 

Impossible  de  distinguer  un  des  sommets  neigeux  qui  encadrent  le  lac.  C'est 
une  partie  manquée.  Bientôt  une  pluie  fine,  pénétrante,  nous  force  à  battre  en 
retraite.  La  descente  est  dure  et  sous  le  roc  qui  devient  humide,  les  chevaux 
glissent  des  quatre  pieds.  L'un  d'eux  va  même  jusqu'à  poser  maladroitement  son 
pied  dans  le  vide  :  déjà  son  amazone  se  croit  perdue  à  jamais.  Un  coup  de  reins 
vigoureux,  et  l'animal  reprend  sa  marche  normale  sur  le  sol.  Nous  rejoignons  nos 
camarades  dans  le  bas  et  rentrons  à  Luchon. 

L'excursion  que  nous  fîmes  à  la  vallée  du  Lys  et  à  la  rue  d'Enfer  fut  favorisée 
par  un  temps  splendide.  C'est  une  excursion  pour  ainsi  dire  classique  et  très 
recommandée  :  sa  réputation  n'est  pas  surfaite. 

Que  la  vallée  doit  être  belle  quand,  à  la  fonte  des  neiges,  sous  les  premières 
caresses  d'un  pâle  soleil,  les  lys  éclosent  de  toutes  parts.  Que  la  cascade  doit  être 
imposante  dans  la  chute  de  ses  eaux  gonflées. 

La  route  s'étend  dans  la  direction  de  l'Espagne  et  passe  devant  la  tour  de  Cas- 
telvieil,  qu'on  apercevait  de  Luchon  même.  C'est  un  vieux  monument  du 
XIV*^  siècle,  à  peu  près  ruiné,  situé  sur  une  hauteur  isolée  et  qui  commandait 
autrefois  la  vallée.  A  côté  coule  la  Pique,   qua  la  route  traverse  et  retraverse  sur 


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des  ponts  de  pierre.  Au  pont  de  Ravi  nous  entrons  dans  la  vallée  proprement  dite, 
étroite  d'abord,  bordée  de  hauteurs  boisées  d'un  aspect  sauvage  ;  dans  le  bas  mugit 
un  torrent  qui,  à  chaque  obstacle  opposé  à  sa  course,  bondit  en  brillantes  cascades. 
La  plus  importante  est  celle  de  l'Estranguillé  ou  Trou  de  Bounéou,  qu'on  contemple 
d'un  pont  rustique  en  toute  sécurité.  Les  plus  curieux  descendent  par  une  sorte 
d'escalier  de  pierres  jusqu'à  une  sorte  de  pont  de  pierres  qui  surplombe  la  cascade. 
On  la  voit  se  précipiter  à  travers  d'énormes  rochers,  qu'on  doit  se  garder  d'esca- 
lader, car  un  monument  funéraire  tout  proche  dit  qu'un  jeune  homme,  en  s'y 
aventurant,  a  roulé  dans  l'abîme  et  y  a  trouvé  la  mort.  Le  spectacle  est  suffisam- 
ment beau  pour  engager  les  paysannes  de  la  chaumière  toute  proche  à  réclamer 
un  droit  de  péage  exorbitant.  En  raison  de  leur  pauvreté,  elles  reçoivent  une  pièce 
à  titre  simplement  gracieux,  car  rien  n'indique  la  légalité  de  la  taxe.  La  mendicité 
existe  d'ailleurs  à  l'état  de  métier  sur  les  grandes  routes,  principalement  sur 
celle-ci.  Les  enfants  d'ordinaire,  par  leurs  sourires,  leurs  bouquets  et  leurs  cris, 
essaient  d'émouvoir  le  voyageur.  Ici,  c'est  principalement  par  leur  diff'ormité  et 
leurs  infirmités  qu'ils  tâchent  d'apitoyer. 

Que  de  monstruosités  entrevues  !  Pauvre  race  qui  se  prépare  I  La  vallée  s'est 
élargie  et  à  nos  yeux  se  présente  le  cirque  du  Lys  entouré  d'imposantes  montagnes 
que  couronnent  de  brillants  glaciers.  C'est  dans  les  lacets  de  ces  montagnes  que 
nous  allons  grimper.  A  peine  arrivés  à  l'auberge,  sans  même  regarder  aux  chevaux, 
nous  nous  élançons  à  pied. 

La  montée  est  peut-être  aussi  longue  que  celle  du  lac  d'Oo,  mais  elle  est  beau- 
coup moins  pénible.  En  quelques  minutes  on  est  à  la  Cascade  d'Enfer,  masse 
d'eau  considérable  qui  se  précipite  à  travers  les  rochers  dans  un  étroit  canal  que 
le  torrent  s'est  creusé  jusqu'au  fond  de  la  vallée.  Plus  haut,  sur  une  sorte  de  ter- 
rasse de  pierre,  on  contemple  le  gouffre  et  le  sommet  de  la  cascade.  Qu'il  fait  bon 
de  se  reposer  là  avec  ce  spectacle  sous  les  yeux.  Quelques  mètres  plus  loin  un 
pont  relié  aux  deux  parois  de  la  montagne  domine  la  cascade  qui,  de  la  hauteur 
d'oii  elle  se  précipite,  vient  bruyamment  glisser  sous  son  arche. 

Beaucoup  de  visiteurs  arrêtent  là  leur  ascension.  Quel  tort  !  Et  comme  ils  chan- 
geraient d'idée  s'ils  soupçonnaient  l'aspect  curieux  de  la  rue  d'Enfer.  Après  une 
dernière  montée  dans  d'interminables  lacets,  on  arrive  à  une  sorte  de  petit  amphi- 
théâtre aux  murs  reculés  et  dont  le  sol  est  pavé  de  cailloux  et  de  roches  aiguëes. 
C'est  là  que  s'épand  le  torrent  avant  de  s'élancer  en  cascade.  En  franchissant  les 
blocs,  on  peut  arriver  jusqu'à  l'entrée  de  la  rue  d'Enfer.  C'est  une  entaille  dans  la 
montagne,  qu'on  croirait  faite  par  des  cyclopes  scieurs  de  marbre.  D'énormes  blocs 
éboulés  çà  et  là  semblent  les  pavés  de  la  voie  jetés  sans  ordre  et  attendant  leur 
place.  C'est  à  la  fois  très  curieux  et  très  imposant.  La  pénétration  dans  la  rue  est 
peu  aisée,  aussi  force  nous  est  de  rester  à  l'entrée.  La  descente  se  fit  rapidement, 
si  vite  même  qu'en  arrivant  en  bas  nous  disposions  encore  de  quelques  instants 
avant  l'heure  fixée  pour  le  rendez-vous.  Quelques-uns  en  profitèrent  pour  aller  voir 
la  Cascade  du  Cœur,  qui  ne  saurait  en  rien  être  comparée  à  la  précédente.  Elle  est 
assez  originale  par  la  configurution  qu'affecte  la  nappe  des  eaux  dans  le  lit  qu'elle 
s'est  creusé  à  son  pied.  Des  rochers  éboulés  plus  ou  moins  fortuitement,  des  arbres, 
des  barrages  jetés  dans  leurs  intervalles  et  qui  paraissent  rien  moins  que  naturels, 
ont  donné  à  l'ensemble  une  figure  curieuse. 

De  retour  à  Luchon  il  nous  fut  loisible  de  visiter  la  ville  l'après-midi.  Nous 
passâmes  la  soirée  au  Casino  et  le  lendemain,  après  trois  heures  de  trajet,  nous 
arrivions  à  Toulouse  gare  Matabiaut.  » 

Toulouse.  —  Dès  la  sortie  de  la  gare,  la  statue  de  Riquet  sur  un  pont  au-dessus 


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du  canal  du  Midi  et  devant  Técole  vétérinaire,  rappelle  aux  mémoires  les  moins 
historiques,  la  grande  figure  de  l'auteur  du  canal  des  Deux-Mers  et  les  embellisse- 
ments dont  la  ville  lui  est  redevable. 

Par  les  allées  La  Fayette  nous  gagnons  Fhôtel  ;  c'est  l'heure  de  l'apéritif,  et  sur 
les  terrasses  bondées  de  consommateurs,  l'arrivée  de  nos  omnibus  fut  loin  de 
passer  inaperçue.  Après  nous  être  installés  et  restaurés,  nous  nous  mettons  en 
route  pour  visiter  Toulouse.  Jamais  parcours  ne  fut  plus  originalement  tracé  par 
un  cocher  pour  la  visite  de  la  ville,  en  dépit  des  instructions  données  aux  conduc- 
teurs :  un  insulaire  lui-même  s'y  serait  trouvé  dérouté.  Pour  conserver  l'ordre  des 
souvenirs  suivons  le  même  chemin. 

Les  Toulousains  sont  fiers  de  leur  Garonne  et  des  quais  entre  lesquels  elle  coule  : 
pour  les  contempler  nous  allons  filer  à  l'autre  bout  de  la  ville  ;  nous  suivons  la 
ligne  des  boulevards  de  Strasbourg,  d'Arcole,  Lescrosses,  longeons  les  casernes 
d'artillerie  et  arrivons  aux  Ponts  Jumeaux  et  au  bassin  dit  de  l'Embouchure.  Trois 
canaux  viennent  se  réunir  dans  ce  bassin  :  le  canal  du  j\Iidi,  de  Cette  à  Toulouse  ; 
le  canal  latéral  à  la  Garonne,  d'Agen  à  Toulouse,  et  le  canal  de  Brienne,  simple 
dérivation  du  fleuve  qui  alimente  le  canal  latéral.  Le  point  de  jonction  porte  le  ijom 
de  Ponts  Jumeaux  ;  entre  leurs  arcades  de  beaux  bas-reliefs  mutilés  représentaient 
la  famille  de  Riquet. 

Les  eaux  sont  basses  et  la  circulation  batelière  est  interrompue  ;  mais  le  niveau 
est  rarement  si  faible.  La  France  se  rappelle  entre  autres  catastrophes  la  terrible 
inondation  de  Juin  1875  et  ses  suites  désastreuses.  Toulouse  fut  la  ville  la  plus 
éprouvée  par  le  fléau.  Deux  grands  quartiers,  les  faubourgs  de  St-Pierre  et  de 
St-Michel,  presque  de  niveau  avec  la  Garonne,  furent  submergés,  mais  la  partie 
qui  eut  le  plus  à  souffrir  fut  encore  le  faubourg  St-Cyprien,  sur  la  rive  gauche.  Sur 
les  2.000  maisons  qui  le  composaient,  plus  de  1.100  furent  détruites  et  300  mena- 
çaient ruine  quand  les  eaux  se  retirèrent.  C'est  un  des  plus  grands  désastres  dont 
il  soit  fait  mention  dans  nos  annales  historiques.  Le  quartier  St-Cyprien  dut  être 
presque  entièrement  rebâti  :  de  fait  il  est  peu  intéressant,  c'est  un  faubourg  popu- 
leux et  ouvrier,  sans  grands  monuments,  sauf  deux  hôpitaux,  un  ancien  château 
d'eau  et  des  abattoirs.  Il  est  relié  à  la  ville  proprement  dite  par  les  ponts  St-Pierre, 
St-Michel  et  le  Pont-Neuf  qui  prolongent  la  ligne  des  boulevards.  Sur  la  rive 
droite  s'étendent  de  vastes  quais  et  les  monuments  sont  plus  nombreux  et  plus 
intéressants.  La  Daurade  est  une  église  Renaissance  remarquable  par  sa  nouvelle 
façade  sur  le  quai.  Elle  renferme  une  statue  de  Notre  Dame-la-Noire,  qu'on  invo- 
quait et  qu'on  promenait  en  procession  dans  les  temps  de  calamité  ;  le  tombeau  de 
Clémence  Isaure,  restauratrice  des  Jeux  floraux  et  bienfaitrice  de  la  ville,  et  le 
monument  du  poète  Godolin. 

Le  Lycée  est  installé  dans  un  ancien  couvent  de  Jacobins.  Sa  cour  d'entrée,  sa 
façade  armoriée  et  la  tour  de  l'Horloge  lui  donnent  un  cachet  artistique  remar- 
quable. La  vaste  église  du  XIV"  siècle  qui  sert  de  chapelle  a  la  proportion  d'une 
basilique;  elle  est  divisée  en  deux  nefs  par  une  rangée  de  hautes  colonnes  qui 
masquent  la  vue  du  milieu  du  chœur.  Rien  n'est  plus  froid  que  le  triste  mobilier, 
—  bancs  pour  les  élèves,  chaises  pour  les  pions,  —  qui  paraît  perdu  dans  la 
cathédrale  vide  de  tout  ornement.  Sur  la  place  carrée  du  Capitole,  assez  remar- 
quable par  son  encadrement  d'arcades,  s'élève  le  Capitole,  grand  édifice  d'une 
valeur  architecturale  bien  inférieure  à  sa  réputation.  L'exergue  de  la  façade  indique 
sa  destination  :  «  Hic  Themis  datjura  civibus ,  Apollo  flores  camo?nis ,  Minerva 
palmas  artibus  ». 

Ce  qui  a  trait  aux  arts  et  à  la  poésie  a  perdu  son  exactitude  le  jour  oii  l'Aca- 
démie des  Jeux  floraux  a  déserté  la  salle  de  Clémence  Isaure  pour  tenir  ses  réunions 


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à  l'hôtel  d'Assezat.  A  rintérieur  on  remarque  dans  la  première  cour,  où  Montmo- 
rency eut  la  tète  tranchée,  une  belle  porte  de  la  Renaissance  avec  statue  de 
Henri  IV.  La  plus  belle  salle  du  monument,  dite  salle  des  Illustres,  quoique  à 
peine  achevée,  a  été  inaugurée  quelques  jours  avant  notre  arrivée. 

Pour  sa  décoration,  Toulouse  a  fait  appel  à  ceux  déjà  réputés  parmi  ses  enfants. 
Toutes  les  peintures  se  rapportent  à  la  France  militaire,  aux  Muses,  à  Clémence 
Isaure.  Les  principales  sont  l'œuvre  de  J.-P.  Laurens,  B.  Constant,  M.  Martin, 
Gervais,  etc. . .  Au-dessus  des  fenêtres  sont  placés  les  bustes  des  plus  illustres 
Languedociens.  Autour  du  Capitule  et  contrastant  avec  lui  par  leur  cachet  artis- 
tique, se  groupent  le  Théâtre  municipal  et  le  Donjon,  tour  carrée  assez  ancienne, 
récemment  restaurée  et  assez  jolie  de  couleurs  avec  ses  briques  rouges  et  ses 
ardoises  grises,  ses  tourelles  et  sa  tour  centrale. 

Non  loin  du  Gapitole,  s'élève  l'église  du  Taur,  du  XV^  siècle,  qui  fut,  dit-on, 
bâtie  à  l'endroit  oii  s'arrêta  le  taureau  sauvage  qui  traînait  saint  Saturnin,  apôtre 
de  Toulouse,  qui  avait  refusé  de  sacrifier  à  .Jupiter. 

A  l'extérieur,  statues  grandeur  naturelle  de  saint  François  et  de  saint  Dominique. 
A  l'intérieur,  peintures  modernes  de  Bénézet,  artiste  toulousain,  représentant  la 
légende  du  taureau  de  saint  Saturnin. 

Les  proportions  et  le  plan  du  Musée  indiquent  qu'il  occupe  les  restes  d'un 
ancien  couvent.  Un  petit  cloître  ou  galerie  Renaissance  s'étend  le  long  de  la  façade 
du  jardin.  Le  jardin  est  décoré  en  son  milieu  par  une  gracieuse  fontaine  en  fer 
forgé.  Une  porte  élégante  conduit  du  petit  cloître  dans  le  grand ,  dont  les  galeries 
entourent  les  trois  autres  côtés  du  jardin. 

Un  clocher  domine  le  cloître  oii  sont  réunies  de  nombreuses  antiquités,  collec- 
tion la  plus  riche  de  France  d'objets  trouvés  dans  les  cavernes  des  âges  primitifs. 
Un  escalier  hardi  conduit  au  musée  de  peinture,  ancienne  chapelle  des  Augustins  ; 
ce  musée  comprend  près  de  600  toiles  appartenant  aux  différentes  Ecoles  et  un 
grand  nombre  de  peintures  modernes.  Plusieurs  portent  de  glorieuses  signatures, 
le  Pérugin,  Raphaël,  Murillo,  Van  Dyck,  Jordaens,  Rubens,  Delacroix,  Le  Sueur, 
Poussin,  Corot,  Laurens,  Lebrun,  Rigaud,  etc. . .  Une  salle  de  sculpture  moderne 
fait  suite  à  la  précédente  avec  une  très  ancienne  collection  cosmographique  et  une 
salle  dite  des  plâtres,  qui  contient  des  richesses  du  Moyen-Age.  Plus  loin  ,  nous 
nous  trouvons  en  face  de  VHôtel  d'Assezat,  classé  parmi  les  monuments  histo- 
riques, si  nombreux  à  Toulouse.  C'est  une  belle  construction  du  XVI"  siècle 
récemment  réparée.  La  partie  la  plus  ancienne  est  la  cour  de  l'Ordonnance,  qui 
rappelle  celle  de  la  partie  du  vieux  Louvre  qui  est  de  Lescot.  A  la  jonction  des 
deux  corps  de  bâtiments,  s'élève  la  tour  de  l'escalier  terminée  par  une  flèche  et  un 
clocheton.  La  porte  est  ornée  de  colonnes  torses  qui  servent  d'appui  à  un  cartouche 
sur  lequel  on  lit  le  millésime  de  1555.  L'hôtel  a  été  récemment  donné  à  la  ville 
pour  y  loger  l'Académie  des  Jeux  floraux  et  les  Sociétés  savantes. 

L'église  de  la  Dalbade,  ainsi  nommée  des  saules  ou  aubiers  qui  ombrageaient 
autrefois  la  ville  en  cet  endroit,  est  une  église  à  une  seule  nef  extrêmement  hardie 
et  de  vastes  proportions.  Son  portail  compte  parmi  les  plus  belles  œuvres  de  la 
Renaissance;  il  porte  à  son  tympan  moderne  une  jolie  terre  cuite  émaillée  :  «  le 
Couronnement  de  la  Vierge  »,  avec  ces  paroles  :  Chrestien,  si  mon  amour  en  ton 
cœur  est  gravé,  ne  diffère  en  passant  de  me  dire  un  Ave  ». 

Un  peu  plus  bas  le  Palais  de  Justice^  d'apparence  médiocre.  L'mtôrieur  vaut 
mieux,  dit-on.  En  face  se  dresse  la  statue  de  Cujas,  enfant  de  Toulouse,  et  dont 
tous  ceux  qui  sont  passés  par  l'escalier  de  la  Sorbonne  connaissent  la  statue. 

Toulouse  possède  de  beaux  boulevards  et  des  jardins  réputés  :  nous  pénétrons 
d'abord  dans  le  Jardin  des  Plantes,  jardin  bien  entretenu,  aux  frais  ombrages,  oii 


-  123  - 

Ton  trouve  des  arbres  de  belle  venue  et  des  bosquets,  des  plantes  riches  de  végé- 
tation inconnues  chez  nous.  Les  animaux  sauvages  ont  été  réunis  en  assez  grand 
nombre  dans  des  cages  disséminées  dans  le  jardin.  Une  laiterie,  une  rivière  avec 
pont  rustique,  une  belle  fontaine  avec  fresque  représentant  une  femme  qui  vient 
puiser  à  la  source  que  la  déesse  des  eaux  fait  jaillir  du  sein  d'un  rocher,  complètent 
l'intérêt  du  jardin,  auquel  est  annexé  un  Muséum.  Par  unpont  suspendu  au-dessus 
de  la  rue,  on  arrive  au  Jardin  royal,  puis  au  Boulingrin  ou  Grand  Rond,  jardin 
circulaire  décoré  comme  tous  ceux  de  Toulouse,  de  statues  à  profusion. 

C'est  dans  ce  quartier  riant  que  se  sont  élevées  les  Facultés  de  Médecine  et  de 
Sciences,  un  établissement  de  sourds-muets.  La  Gendarmerie  est  en  face;  de  l'autre 
côté  du  Jardin  royal,  le  grand  quartier  général  de  l'Etat-Major  du  17"  corps  d'ar- 
mée, hôtel  magnifique  précédé  d'une  cour  fleurie.  De  la  Préfecture  qui  lui  fait  suite 
on  va  à  la  place  St-Etienne,  oii  s'élève  la  Cathédrale.  La  légende  fait  remonter  sa 
construction  au  III"  siècle,  Quoi  qu'il  en  soit,  elle  s'est  développée  successivement, 
et  dans  des  temps  plus  proches.  Elle  comprend  plusieurs  parties  non  seulement 
distinctes  par  leur  architecture,  mais  sans  aucune  relation  entre  elles.  Les  parties 
les  plus  remarquables  sont  la  galerie  percée  de  jours  et  la  grande  rosace,  qui  sur- 
montent le  portail  et  le  chœur,  autour  duquel  rayonnent  17  chapelles.  L'église 
renferme  plusieurs  monuments,  entre  autres  le  tombeau  de  sainte  Colombe  et 
celui  du  cardinal  Desprez,  bien  connu  dans  le  diocèce  de  Cambrai. 

Par  le  boulevard  Carnot  et  le  boulevard  de  Strasbourg,  nous  nous  dirigeons  vers 
Saint-Sernin,  la  célèbre  église  de  Toulouse.  Bien  qu'elle  paraisse  construite  d'un 
seul  jet,  plusieurs  époques  ont  contribué  à  son  érection.  Elle  a  la  forme  d'une  croix 
avec  5  nefs.  L'abside  est  flanquée  de  5  chapelles  semi-circulaires  et  les  bras  du 
transept  ont  chacun  2  chapelles  du  même  genre.  L'abside  forme  un  soubassement 
sur  lequel  s'élève  le  chevet  de  l'édifice  percé  de  grandes  fenêtres.  Toutes  ces 
constructions  semblent  s'appuyer  mutuellement  pour  servir  de  base  à  une  tour 
octogone  ;  de  l'ensemble  résulte  une  disposition  pyramidale  des  plus  heureuses 
qui  frappe  de  loin  le  spectateur.  A  l'intérieur,  on  doit  regretter  la  nécessité  oii  l'on 
fut  au  XIV''  siècle  de  renfoncer  les  piliers  du  milieu  pour  soutenir  le  clocher. 

Sous  le  choeur  s'étend  une  belle  crypte  qui  renferme  les  plus  célèbres  reliques 
et  classe  ainsi  Saint-Sernin  de  Toulouse  au  deuxième  rang  parmi  les  églises  du 
monde  pour  ses  souvenirs  religieux  :  la  tète  de  saint  Thomas  d'Aquin,  une  robe 
de  la  Vierge  rapportée  au  XP  siècle  par  les  Croisés,  les  gants  de  saint  Rémi,  la 
mître  de  saint  Exupère  et  surtout  les  corps  de  six  apôtres. 

L'église  renferme  aussi  un  trésor  considérable,  un  Christ  de  1213  porté  à  la 
bataille  de  Muret,  un  Christ  byzantin  du  XIP  siècle  rapporté  de  Sainte-Sophie  de 
Constantinople,  un  tableau  de  la  Sainte-Famille  attribué  au  Gorrège. 

Cette  église  fut  le  dernier  monument  que  nous  visitâmes,  et  nous  ne  saurions 
nous  repentir  d'avoir  terminé  par  un  monument  aussi  célèbre  et  aussi  intéressant. 

Le  repas  du  soir  qui  suivit  cette  agréable  journée  fut  celui  des  adieux.  Le  menu 
fut  un  peu  plus  somptueux  que  de  coutume,  et  jamais  plus  franche  gaîté  ne  régna. 
On  ne  voulait  pas  songer  à  la  proche  séparation.  Au  dessert,  notre  fidèle  poète, 
avec  une  grâce  parfaite,  célébra  dans  son  rythme  sonore  les  touristes  et  leurs 
qualités,  leur  endurance  et  leur  entrain. 

Après  lui  un  des  aînés  leva  son  verre  en  l'honneur  de  notre  aimé  Directeur, 
dont  l'énergie  et  le  zèle  avaient  mené  à  bien  une  entreprise  aussi  ardue.  11  serait 
superflu  de  rappeler  ici  les  éloges  qui  lui  furent  justement  adressés,  à  lui  d'abord, 
et  à  ses  collaborateurs.  Qu'il  me  soit  permis  cependant  de  les  lui  renouveler  au 
nom  de  tous  ceux  qui  gardent  un  souvenir  impérissable  des  journées  passées  dans 


—  124  — 

l'intimité  de  la  belle  nature  et  d'agréables  compagnons.   Des  chants  et  des  décla- 
mations clôturèrent  dignement  le  repas,  puis  l'on  se  sépara. 

Le  lendemain  nous  partions  pour  Paris.  Malgré  sa  longueur  le  trajet  parut  rela- 
tivement court,  grâce  à  l'entrain  général  et  à  la  variété  des  jeux  qui  servirent  à 
tromper  le  temps.  Tunnels,  ponts,  viaducs  se  succèdent  sans  qu'on  ait  le  loisir  d'y 
prendre  garde.  A  quelques  kilomètres  de  Toulouse  nous  dîmes  adieu  aux  mon- 
tagnes et  nous  entrâmes  dans  les  vallées  du  Tarn,  près  de  TAveyron.  A  Gapdenac 
nous  reçûmes  un  panier  rempli  de  victuailles  diverses  pour  calmer  notre  appétit 
jusqu'au  repas  plus  complet  du  soir.  Nous  saluâmes  en  passant  Roc-Amadour  et 
son  pèlerinage,  puis  la  course  se  poursuivit  à  travers  collines  et  vallées,  ravins  et 
causses,  villages  et  villes,  Brive,  St-Yrieix,  Nexon,  Limoges  et  Chàteauroux. 

Le  dîner  en  wagon-restaurant  vint  alors  faire  diversion  à  la  monotonie  du  trajet, 
et  quand  nous  regagnâmes  nos  wagons,  l'obscurité  de  la  nuit  tombante  invitant  le 
voyageur  au  sommeil,  plusieurs  s'endormirent  pour  se  réveiller  à  Paris. 

Le  soir  même  ce  furent  les  premiers  adieux  ,  suivis  du  départ  d'un  certain 
nombre.  Le  lendemain,  à  une  heure,  le  gros  de  la  troupe  toujours  uni,  prenait 
l'express  pour.  Lille  et  nous  débarquions  à  l'heure  exacte  dans  notre  vieille  cité 
lilloise  ,  heureux  de  nous  retrouver  au  milieu  des  nôtres ,  et  satisfaits  d'avoir 
accompli  jusqu'au  bout  ce  splendide  voyage  ,  dont  tous  garderont  un  excellent 
souvenir. 

M.  S. 


BRUGES  ,    SA   PROCESSION 
ET   LES    TRAVAUX   DU    PORT    DE    HEYST. 


8,  9  et  10  Mai  1898. 


Organisateurs  :  }tl]\l.  Van  Troostenberghe  et  G.\loxne. 


Le  8  Mai  1898 ,  plusieurs  membres  de  la  Société  de  Géographie  prenaient ,  à  la 
gare  de  Lille,  le  train  de  o  h.  38'  du  soir  (style  belge  17  h.  38)  à  destination  de 
Bruges. 

Ils  allaient,  sous  la  direction  de  MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné,  visiter  ce 
joyau  de  la  Belgique  et  voir,  par  la  même  occasion,  les  travaux  importants  du  port 
de  Heyst-sur-Mer,  du  canal  maritime  et  du  port  de  Bruges. 

Partis  de  notre  bonne  ville  de  Lille  à  l'heure  exacte,  le  trajet  commence  sans 
incident.  En  cours  de  route,  nous  constatons  la  transformation  des  banlieues  de 
Fives  et  Saint-Maurice,  admirons  à  Groix  la  majestueuse  et  belle  cheminée  des 
établissements  llolden,  remarquons  l'extension  industrielle  toujours  croissante  de 
Roubaix,  Tourcoing,  Roncq  et  Halluin. 

Nous  traversons  la  Lys  sur  le  pont  métallique  de  Menin,  et  nous  voici  sur  le 
territoire  belge. 

Sur  les  rives  de  celui-ci  les  installations  pour  le  rouissage  du  lin  existent  tou- 
jours, tandis  que  du  côté  de  la  France  elles  ont  disparu. 


-  125  - 

L'odeur  caractéristique  de  cette  opération  qui  se  sent  ici  se  retrouve  à  Heyst,  à 
rextrômité  du  canal  de  la  dérivation  de  la  Lys. 

A  ]Menin,  nous  passons  la  visite  de  la  douane  belge  ;  comme  nous  n'avons  rien  à 
déclarer,  cette  formalité,  en  ce  qui  nous  concerne,  est  rapidement  remplie. 

Toutefois  l'attente  est  encore  assez  longue  ,  en  raison  du  grand  nombre  de 
voyageurs. 

Le  cadran  de  l'horloge  à  double  numérotation  qui  se  présente  à  notre  vue,  donne 
lieu  aux  remarques  ci-après  : 

De  même  que  l'Kalie,  la  Belgique  a  adopté  le  cadran  do  2i  heures.  De  cette 
nouvelle  disposition,  il  résulte  que  les  indications  m  (matin),  s  (soir),  qui  figuraient 
aux  horaires  des  trains  ont  été  supprimées. 

Entre  minuit  et  une  heure  du  matin,  les  instants,  tels  que  12  h.  5',  12  h.  30', 
12  h.  55',  sont  indiqués  comme  suit  :  0  h.  5',  0  h.  30',  0  h.  55'. 

Midi  est  toujours  indiqué  par  12. 

Minuit,  suivant  les  cas,  est  indiqué  par  0  ou  par  24. 

Un  train  partant  à  minuit  est  indiqué  par  0,  tandis  qu'un  train  arrivant  à  la 
même  heure  est  indiqué  par  24. 

Nous  ne  nous  attardons  pas  davantage  caries  douaniers  ont  terminé  leur  besogne. 
Nous  prenons  place  dans  les  voitures  spacieuses  de  la  Compagnie  de  la  Flandre 
Occidentale  (West-Vlanderen)  afin  de  continuer  notre  chemin. 

L'aspect  du  pays  change,  le  silence  règne  partout.  L'agriculture,  dans  la  région 
que  nous  traversons,  remplace  l'industrie. 

La  culture  de  la  pomme  de  terre  est  surtout  développée  et  les  surfaces  couvertes 
par  ce  tubercule  sont  importantes. 

Nous  apercevons  la  tour  gothique  de  l'église  Si-Michel  de  Roulers  (Rooselaere) 
et  nous  faisons,  à  la  station,  une  pose  de  peu  de  durée. 

Notre  train  se  remet  en  marche  et  à  la  suite  d'un  dernier  et  court  arrêt  à  Thou- 
rout,  nous  arrivons,  après  un  parcours  do  74  liilomètres,  à  Bruges,  terme  de  notre 
voyage,  à  7  h.  42',  sans  retard. 

.   Nous  nous  dirigeons  pédestrement  vers  le  Grand-Hôtel  du  Commerce,  rue  Saint. 
Jacques,  par  les  rues  Sud  du  Sablon,  des  Pierres,  Grand'PlaccetMarché-aux-Œufs. 

L'animation  est  grande  dans  les  voies  que  nous  empruntons  et  notamment  sur  la 
Grand'Place,  qui  est  couverte  de  luxueuses  loges  de  saltimbanques,  chevaux  méca- 
niques, montagnes  russes,  etc. 

La  circulation  y  est  difficile  et  présente  un  curieux  contraste  avec  le  calme  et  la 
solitude  ordinaire  de  la  ville. 

Le  monument  Breidel  et  de  Goninck  (les  héros  communaux  de  1302,  ennemis  de 
la  domination  française),  ainsi  que  le  kiosque  chinois  qui  lui  forme  un  fâcheux 
pendant,  sont  cachés  par  les  constructions  foraines  qui  les  entourent  de  tous  côtés. 

Nous  voici  au  gîte,  nous  nous  restaurons  et  avant  de  nous  jeter  dans  les  bras 
de  Morphée,  nous  allons  profiter  des  distractions  que  nous  offre  la  foire. 

Le  lundi  9  Mai  a  été  consacré  à  la  procession  du  Saint-Sang  et  à  la  visite  de  la 
ville. 

Le  lendemain,  mardi  10,  nous  sommes  allés  à  Zee-Brugge  (Bruges,  port  de  mer) 
et  avons  achevé  la  visite  de  la  ville  commencée  la  veille. 

Nous  divisons  la  présente  relation,  afin  de  la  rendre  plus  claire,  en  trois  parties, 
savoir  : 

1»  Ville  de  Bruges  ; 

2°  Procession  du  Saint-Sang  ; 

/     Port  de  Heyst. 
3°  Travaux. . .       Canal  maritime  de  Bruges. 
(     Port  de  Bruges. 


—  126  — 


I.  —  VHJÛE  DE  BRUQES. 

Bruges,  en  flamand  Brugge,  capitale  de  la  province  de  la  Flandre  Occidentale, 
est  une  grande  et  belle  ville  ;  sa  population  s'élève  à  50.000  habitants.  Elle  est 
située  par  50"12'33"  de  latitude  Nord  et  0''53'24'''  de  longitude  à  l'Orient  de  Paris. 
Ces  coordonnées  géographiques  sont  celles  de  la  Tour  des  Halles. 

Le  seuil  de  l'église  St-Sauveur  est  à  l'altitude  de  8  m.  et  celle  des  quartiers 
moins  élevés  atteint  à  peu  près  5  m. 

La  diflférence  entre  le  niveau  de  la  haute  et  de  la  basse  mer  est  d'environ  4"',50 
pour  le  littoral  belge,  et  Bruges,  pendant  les  tempêtes  et  les  gros  temps,  ainsi 
d'ailleurs  que  presque  toute  la  plaine  maritime,  devrait  être  inondée. 

S'il  n'en  est  pas  ainsi,  c'est  que  d'une  part  la  nature  a  placé  le  long  des  côtes 
une  chaîne  de  dunes  d'une  grande  hauteur  et  que  d'autre  part  le  génie  humain  a 
construit  d'importants  travaux  de  protection  contre  les  débordements  de  la  mer. 

Le  berceau  de  Bruges  est  le  Vieux-Bourg  (place  du  Bourg). 

Des  lignes  de  tramway  à  tradtion  animale  (tram-car),  sans  rails,  desservent  la 
ville. 

Les  voitures  partent  toutes  de  la  place  de  la  Station.  Elles  aboutissent  au  Bassin, 
près  de  la  porte  de  Damme,  à  la  porte  Sainte-Croix,  en  passant  par  le  Bourg  et  à 
la  porte  Sainte-Catherine. 

Toutes  mènent  à  la  Grand'Place. 

Deux  lignes  à  voie  étroite,  du  chemin  de  fer  vicinal,  la  traversent. 

L'une  part  de  la  Station,  vers  Wcstcappelle,  Heyst  et  l'Écluse,  par  la  place  du 
Théâtre,  Rempart  du  Bassin  et  la  porte  de  Damme,  l'autre  a  son  point  de  départ 
à  la  place  du  Théâtre,  traverse  la  Grand'Place,  sort  de  la  ville  par  la  porte  Sainte- 
Catherine  pour  se  diriger  vers  Swevezeele. 

Gare.  —  La  gare  de  Bruges  est  de  construction  récente  (1879-80).  Elle  est 
l'œuvre  de  J.  Schadde,  l'auteur  des  plans  de  la  Bourse  d'Anvers.  Le  hall  présente 
d'ailleurs  une  ressemblance  indéniable  avec  celle-ci. 

Quelques  travaux  de  consolidation  ont  été  exécutés  par  Beyaert,  architecte  à 
Bruxelles. 

L'ensemble  des  bâtiments  présente  un  aspect  assez  gracieux,  se  rapprochant 
plutôt  d'un  établissement  religieux  que  d'une  gare.  Comme  style,  on  a  cherché  à 
imiter  l'ancien  style  brugeois.  On  y  remarque  extérieurement  la  Tour  de  l'Horloge, 
qui  doit  rappeler,  dit-on,  le  couronnement  disparu  de  la  partie  supérieure  du  beffroi. 

Les  salles  d'attente  sont  spacieuses  et  bien  décorées.  A  u  point  de  vue  des  voya- 
geurs, elle  est  commode. 

Cathédr.xle  de  Saint-Sauveur.  —  Saint  Éloi  fonda  ici  une  chapelle  dédiée  à  la 
Sainte  Vierge  vers  l'an  640. 

Avant  901,  elle  avait  été  érigée  en  église  paroissiale  ,  sous  le  vocable  de  Saint- 
Sauveur.  Des  incendies  l'endommagèrent  et  la  ruinèrent  en  il  10,  1183,  1358  et  1839. 

Collégiale  en  1,501,  et  après  avoir  été  église  départementale  sous  Napoléon  I", 
elle  est  devenue  en  1834,  cathédrale,  en  remplacement  de  Saint-Donatien,  démolie 
en  1799. 

Extérieur.  —  Construit  presque  entièrement  en  briques  rouges,  comme  beaucoup 
de  constructions  de  la  Flandre  maritime,  l'édifice  extérieurement  présente  un  aspect 
sévère  ;  il  a  100'",60  de  longueur  sur  53°',  12  de  largeur  au  transept,  et  37"" ,96  à  la 
nef,  hors  œuvre. 


—  •127  — 

La  partie  inférieure  de  la  tour,  en  pierres  de  roche  (veld-stcen)  date  de  961,  et 
les  deux  autres  étages  de  1110,  1127  et  1358.  La  partie  supérieure  ayant  été  détruite 
en  1839,  par  un  incendie,  on  la  remplaça  par  un  couronnement  en  style  pseudo- 
romain, qui  n'est  pas  du  meilleur  effet,  en  1844-46,  suivant  les  plans  de  P.  Buyck 
qui  les  fit  d'après  un  croquis  de  Robert  Ghantrell.  Ce  couronnement  est  soutenu, 
non  par  la  tour  mais  par  une  série  de  voûtes  superposées,  construites  à  l'intérieur. 
En  1871,  la  flèche  centrale,  couverte  en  plaques  de  cuivre,  fut  ajoutée  par  E.  Gar- 
pentier,  sur  les  conseils  de  la  Commission  roj'ale  des  Monuments. 

Les  tourelles  septentrionales  du  transept  furent  rebâties  en  1510,  par  Godefroy 
Cauwe  ;  le  chevet  du  chœur  avec  son  ambulatoire  et  les  cinq  chapelles  absidiales, 
de  1482  à  1527,  par  Jean  Van  de  Poêle  et  Ambroise  Rœlands. 

Le  square  autour  de  l'église  n'a  été  établi  qu'en  1878. 

Intérieur.  —  L'église  est  à  trois  nefs.  Les  bas  côtés  sont  séparés  de  la  nef  cen- 
trale par  des  piliers  accolés  de  colonnes  très  longues  et  très  minces,  dont  les  cha- 
piteaux supportent  les  retombées  d'arcades  en  ogive ,  composées  chacune  de 
plusieurs  rangs  de  claveaux  en  retraite  les  uns  sur  les  autres.  Au-dessus  de  ces 
arcades  règne  un  triforium  dont  les  fenêtres  ont  été  bouchées  en  1739  et  qui  est 
surmonté  d'une  claire-voie. 

Le  chœur  est  séparé  de  la  nef  par  un  jubé  en  style  Renaissance  exécuté  de  1679 
à  1682  par  Corneille  Verhoeve.  Sur  la  partie  supérieure,  on  a  placé  une  statue  de 
marbre  représentant  Dieu  le  Père,  par  Arthur  Quellyn  le  Jeune  (1082). 

Ces  deux  œuvres  sont  appréciées  diflëremment.  Il  nous  semble  qu'elles  n'ont 
que  le  défaut  de  ne  pas  être  à  leur  place  dans  une  église  gothique. 

Sur  le  pourtour  du  chœur,  s'ouvrent  sept  chapelles  absidiales,  dont  plusieurs 
ont  appartenu  à  des  corporations  :  charrons,  charpentiers,  etc. 

Deux  chapelles  communiquent  avec  les  transepts.  Celle  du  côté  Sud  a  pour 
vocable  sainte  Barbe  et  l'autre  du  côté  Nord,  dite  des  Cordonniers,  a  été  dédiée 
aux  saints  Crépin  et  Crépinien. 

Le  baptistère  est  l'ancienne  chapelle  de  la  corporation  des  Tondeurs,  édifiée 
en  1454. 

Les  stalles  du  chœur,  du  XV'^  siècle,  sont  très  belles,  surtout  dans  les  parties 
anciennes. 

Ces  stalles  supportent  les  armoiries  d'un  certain  nombre  de  chevaliers  de  la 
Toison  d'Or.  Le  treizième  chapitre  de  l'Ordre  fut  tenu  dans  le  chœur,  le  30  avril  1478. 

On  remarque  dans  le  rétable  du  maître-autel  deux  belles  tètes  de  saint  Pierre  et 
de  saint  Jean,  par  Van  Oost  le  Vieux  (1037-42). 

De  chaque  côté  de  l'autel,  les  mausolées  de  Henri-Joseph  van  Susteren,  quator- 
zième évêque  de  Bruges  (1742),  et  de  Jean-Baptiste  de  Castillon,  quinzième  évêque 
du  même  lieu,  de  Henri  Pulincx. 

II  y  a  beaucoup  de  t£d)Ieaux  appendus  aux  murs,  parmi  lesquels  des  œuvres  de 
grande  valeur  d'anciens  peintres  flamands,  notamment  : 

U Annonciation  et  la  Descente  du  Saint-Esprit,  Jacques  Van  Oost  le  Vieux 
(1058)  ;  Martyre  de  sainte  Barbe,  par  C.  Cels  (1809)  ;  La  Cène,  triptyque  de  P. 
Pourbus  (1559).  De  grands  tableaux  de  Jean  van  Orley  (1725),  qui  ont  servi  de 
modèles  pour  la  confection  de  tapisseries  qu'on  tend  dans  le  chœur  aux  grands 
jours  (1731).  Le  Miracle  de  saint  Antoine  d'après  Van  Dyck,  par  Jacques  Van  Oost 
le  Vieux  ;  Adoration  des  Bergers,  Antoine  Claeissens  (1013),  etc. 

Quelques  plaques  tumulaires  attirent  l'attention,  ce  sont  celles  de  :  Jean  de 
Likerke  (1518),  et  Jeanne  de  la  Doure  (1510)  ;  Georges  de  Munter  et  Jacqueline  Van 
den  Brugghe  (1439  et  1433),  etc.  II  y  a  des  vitraux  de  H.  Dobbelaere  et  la  poly- 
chromie actuelle  de  l'église  a  été  exécutée  en  1874-75. 


—  128  — 

Place  Simon  Stévin.  —  Simon  Stévin,  né  à  Bruges  en  1548 ,  est  décédé  en 
Hollande  en  1020.  Il  fut  un  savant  mathématicien  ;  certains  disent  qu'il  trouva  le 
calcul  décimal  et  la  notation  des  puissances  par  leurs  exposants. 

L'inauguration  de  la  statue,  en  bronze,  a  été  célébrée  par  des  fêtes,  du  26  Juillet 
au  2  Août  1846.  Cette  statue,  entourée  sur  trois  côtés  de  plantations  d'arbres  est 
bien  traitée  ;  toutefois  elle  paraît  un  peu  délaissée. 

Rue  des  Pierres.  —  Cette  rue  que  nous  traversons  pour  nous  rendre  sur  la 
Grand'Place,  est  la  plus  belle  de  la  ville,  en  même  temps  que  la  plus  ancienne. 

L'ancienne  maison  de  la  corporation  des  Cordonniers  (n°  40),  le  cercle  catho- 
lique attenant  (n"  38)  et  la  vieille  maison  de  la  corporation  des  Maçons  (n»  19),  se 
signalent  à  l'attention. 

Grand'Place.  —  Cette  place  a  une  superficie  d'un  hectare  environ.  Par  un  effet 
d'optique  peu  explicable,  elle  paraît  rectangulaire,  bien  qu'elle  soit  trapézoïdale. 

Le  côté  Est  oii  se  trouvait  précédemment  la  Waterhalle  (Halle  aux  Draps,  1285), 
démolie  en  1787,  est  occupée  par  VHôtel  du  Gouvernement  provincial^  construc- 
tion récente  en  pierres  blanches,  en  stj'le  de  la  fin  du  XIV"  siècle. 

La  grande  salle  des  réunions  du  Conseil  provincial  est  fort  belle  ;  la  tribune 
publique  est  grande  et  d'un  accès  facile.  Les  salles  de  travail  des  divers  bureaux 
sont  commodément  installées  et  d'un  bon  style. 

Le  bâtiment  contigu,  à  droite,  en  briques  rouges,  également  récent,  est  affecté 
au  Service  des  Postes.  11  est  bien  aménagé,  il  est  du  stj-le  brugeois. 

Ces  deux  bâtiments  ont  été  construits  d'après  les  plans  des  architectes  René 
Buyck  et  L.  de  la  Genserie. 

A  l'Ouest,  se  trouve  l'ancienne  maison  Bouchoute  du  XV''  siècle,  au  coin  de  la 
rue  St-Amand. 

A  l'angle  Nord  de  cette  maison,  on  remarque  une  boule  en  cuivre  qui  servit  en 
1839  pour  le  tracé  de  la  méridienne  marquée  en  pierres  blanches  dans  le  pavage 
de  la  Grand'Place. 

Une  maison  nouvellement  restaurée  à  l'enseigne  d'Oude  Munte  est  admirable. 

Le  cercle  civil  et  militaire  est  situé  de  ce  côté  ;  sa  façade  présente  une  inscrip- 
tion qui  frappe  les  Français  :  «  Vive  le  roi  »  ;  inscription  qui  s'illumine  les  jours 
de  fête. 

Le  côté  Nord  se  compose,  entre  les  rues  de  la  Crevette  et  St-Jacques,  d'habita- 
tions ordinaires  sans  attrait,  tandis  que  celles  d'au  delà  vers  la  ru<>  Flamande,  sont 
charmantes. 

Tournons  vers  le  Sud,  nous  voici  en  face  des  halles  et  du  majestueux  betJroi  de 
Bruges. 

Les  Halles  en  plan  présentent  la  forme  d'un  quadrilatère'  de  84  m.  de  longueur 
sur  43  m.  de  largeur. 

La  façade  principale  est  antérieure  à  1248  ;  elle  a  été  remaniée  dans  le  courant 
du  XVP  siècle.  Les  ailes  latérales  et  la  façade  postérieure  datent  de  1561-06. 

Au  rez-de-chaussée,  à  droite,  un  marché  important  à  la  boucherie  ;  à  gauche,  les 
collections  de  la  Société  archéologique  sont  exposées  provisoirement  (ancienne 
Halle  aux  épices). 

A  l'étage,  le  lieu  de  réunion  de  la  Société  d'escrime  de  St-Michel  et  de  vastes 
salles  qui  servent  pour  des  fêtes  ou  des  réceptions. 

Le  Beffroi  a  été  construit  en  grande  partie  vers  la  fin  du  XIIP  siècle  par  un 
architecte  dont  le  nom  n'est  pas  connu.   La  tour  des  haUes,  qui  mesure  80  mètres 


—  129  ~ 

de  hauteur  est  battue  constamment  par  des  vents  de  mer  ;  sous  leur  poussée,  elle 
a  cédé  et  elle  penche  vers  le  Sud-Est  de  43  centimètres. 

Elle  se  compose  de  trois  tours  superposées.  Celle  du  bas  est  carrée  et  à  son 
sommet  une  galerie  admirable,  en  briques,  relie  les  quatre  tourelles  d'angle.  Celle 
qu'elle  supporte  a  la  même  forme  géométrique.  Elle  se  termine  aux  angles  par 
4  clochetons  sur  lesquels  viennent  s'appuyer  les  arcs-boutants  qui  consolident  la 
troisième  tour.  Celle-ci,  de  forme  octogonale,  est  recouverte  d'une  plate-forme 
entourée  d'une  balustrade  ajourée  formant  couronnement. 

La  troisième  partie  date  de  1482  et  sa  balustrade  de  1822. 

Du  haut  de  la  tour,  si  l'ascension  des  402  marches,  pas  en  excellent  état,  n'effraie 
pas,  on  aperçoit  Gand,  Courtrai,  Thourout,  Damme,  l'Ecluse,  la  tour  de  Lisse- 
weghe,  Ostende,  Blankenberghe,  Heyst,  et  même  Flessingue  par  un  temps  clair  ; 
au  Nord,  au  delà  des  dunes,  la  mer  qui  se  confond  avec  l'horizon. 

Le  bourdon,  du  nom  de  Marie,  suspendu  à  peu  près  à  la  hauteur  des  grandes 
fenêtres  de  la  tour  du  milieu,  pèse  12.205  livres.  Il  fut  fondu  par  Melchior  de 
Haze  en  1680-  11  provient  de  l'église  Notre-Dame  et  ne  fut  placé  oii  nous  le  voyons 
qu'en  1802. 

Le  carillon  actuel  date  de  1743  ;  il  joue  tous  les  quarts  d'heure  et  ses  marteaux 
frappent  49  cloches  du  poids  de  5G.6.50  livres.  Le  grand  cylindre  en  cuivre,  qui 
l'actionne,  fut  fondu  en  1748. 

Une  partie  de  la  Grand'Place,  à  peu  près  le  milieu,  est  occupée  par  le  monument 
élevé  à  Breidel  et  de  Coninc,  inauguré  en  1887,  et  par  un  kiosque  affecté  aux 
exécutions  musicales,  d'un  style  peu  en  harmonie  avec  ce  qui  l'entoure. 

Place  du  Bourg.  —  En  prenant  la  rue  Breidel,  nous  arrivons  rapidement  au 
berceau  de  Bruges,  «  le  Bourg  ». 

La  Prévôté.  —  L'ancienne  Prévôté  de  St-Donatien  est  un  bâtiment  lourd  en 
pierre  bleue  construit  en  1662  ;  la  façade,  ornée  dés  statues  de  la  Justice,  de 
l'Amour  et  de  l'Envie,  a  été  faite  sur  les  dessins  de  Frédéric  Van  Hillewerve, 
chanoine  de  St-Donatien  ;  elle  a  été  restaurée  en  1862. 

Saint-Sang.  —  Chapelle  inférieure.  —  Thierry  d'Alsace,  à  son  retour  de  Jéru- 
salem en  1150,  ne  trouvant  pas  assez  belle,  pour  y  déposer  la  fiole  contenant  les 
gouttes  du  Sang  de  Jésus,  la  chapelle  construite  par  Baudouin-Bras-de-Fer,  la  fit 
démolir.  Il  fit  construire  celle  que  nous  voyons,  de  style  romain  primitif,  et  lui 
donna  pour  patron  saint  Basile. 

Quatre  piliers  séparent  la  nef  principale  des  collatéraux.  Ceux-ci  sont  d'une 
largeur  deux  fois  moindre.  Les  voiites  d'arête  sont  en  plein-ceintre.  Le  chœur, 
rectangulaire,  continue  la  nef  médiane.  Il  a  servi  d'oratoire  à  la  corporation  des 
Maçons.  Sur  les  carreaux  du  pavement,  des  truelles  et  d'autres  outils  sont 
représentés. 

A  côté  du  chœur,  front  à  la  place  du  Bourg,  fut  bâtie  au  XV*  siècle,  une  chapelle 
ogivale  dédiée  à  saint  Laurent.  Elle  a  appartenu  à  la  confrérie  des  Clercs  asser- 
mentés du  tribunal  de  Bruges.  Les  armes  de  la  confrérie  :  deux  plumes  en  sau- 
toir, sont  peintes  sur  les  murs. 

Tout  ceci  a  été  restauré  en  1890-97  par  l'architecte  de  la  Censerie,  sous  la  direc- 
tion de  M.  le  baron  Béthune  de  Villers. 

Chapelle  supérieure.  —  Qette  chapelle  a  été  construite  au-dessus  de  la  chapelle 
de  St-Basile.  Le  portail  de  l'escalier,  ainsi  que  le  bâtiment  attenant,  d'une  délica- 
tesse qui  attire  l'attention,  furent  élevés  en  1529-33  et  restaurés  en  1893.  Les  deux 
tourelles  sont  de  la  moitié  du  XV"  siècle. 

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-  130  - 

Elle  a  été  reconstruite  au  XV«  siècle  et  en  1672.  La  polychromie  a  été  exécutée 
sous  la  direction  de  Thomas  Harper  et  de  William  B^aug^vJ'n,  de  1856  à  1868. 

Les  vitraux  sont  des  reproductions  de  ceux  qui  avaient  été  posés  en  1542  et 
vendus  en  1795  par  le  bourgmestre  de  la  ville,  à  raison  de  14  fr.  pièce.  Actuelle- 
ment, ils  sont  en  Angleterre. 

Quelques  tableaux  de  peintres  flamands  couvrent  les  murs. 

La  chaire,  en  forme  de  sphère  terrestre,  a  été  sculptée  dans  un  seul  bloc  de  bois, 
dit-on,  par  Henri  Pulincks,  en  1728. 

Le  maître-autel,  avec  retable  en  style  du  X\'^  siècle,  est  de  Michel  Abbeloos 
(1&58). 

Dans  la  chapelle  Ste-Groix,  l'autel  en  marbre  blanc  et  sa  garniture  en  argent, 
appartiennent  au  XV1II«  siècle. 

Le  reposoir,  servant  à  l'exposition  de  la  relique,  a  été  construit  en  1866,  d'après 
les  croquis  de  "\V.-G.  BraugA^Tn. 

Auparavant,  tous  les  vendredis,  vers  6  heures  du  matin,  le  Saint  Sang  se  liqué- 
fiait et  bouillonnait.  Depuis  1325  ce  miracle  cessa.  Il  se  renouvela  en  1388,  lors- 
qu'on mit  la  fiole  dans  un  nouveau  cylindre  garni  aux  extrémités  de  couronnes  d'or. 

La  chapelle  possède  deux  châsses  : 

Une  en  argent  donnée  par  Albert  et  Isabelle  et  dans  laquelle  est  déposée  ordi- 
nairement la  relique.  Cette  châsse  est  enfermée  dans  un  coflFre-fort  nécessitant  pour 
l'ouvrir  trois  clefs  données  à  des  personnes  différentes. 

L'autre,  en  argent  doré,  de  forme  hexagonale,  se  trouve  au  Musée,  elle  a  été 
exécutée  par  Jean  Grabbe  en  1617. 

G'est  un  objet  de  grande  valeur  et  d'un  beau  travail.  Six  colonnes  corinthiennes 
soutiennent  un  dais  surmonté  de  trois  édicules  abritant  les  statuettes  en  or  massif 
du  Christ,  de  la  Sainte  Vierge  et  de  Saint  Donatien.  Un  pélican  se  trouve  à  la 
partie  supérieure.  Le  tout  est  orné  de  pierres  précieuses  et  de  camées.  Les  écus- 
sons  et  les  noms  des  donateurs  sont  placés  autour  de  la  base.  Au-dessus  du  coffret, 
dans  lequel  on  dépose  la  relique,  pend  une  couronne  fleurdelysée  qui  a  été,  dit-on, 
léguée  à  la  confrérie  du  Saint-Sang  par  Marguerite  de  Bourgogne. 

Dans  le  Musée  se  trouvent  en  outre  d'autres  objets  d'art  :  tableaux  (Jacques 
Van  Oost  le  Vieux,  Gérard  David,  Pierre  Fourbus  et  autres),  dentelles,  chasubles, 
tapis,  encensoir,  etc. 

HÔTEL  DE  Vu,LE.  —  C'est  sur  l'emplacement  de  l'ancien  Ghiselhuus  (maison  des 
Otages)  que  cet  édifice  élégant  est  construit  (1376).  Six  tourelles  octogonales 
partent  en  encorbellement  des  angles  et  du  centre  des  façades  ;  elles  ont  comme 
couronnement  des  flèches  qui  contribuent  par  leur  élancement  à  la  légèreté  et  à 
l'élégance  de  l'ensemble. 

Le  bâtiment  a  une  longueur  de  26", 30  et  une  hauteur  de  19"", 15,  toit  non  compris. 
Des  statuettes  d'ange  en  cuivre  doré  agrémentent  les  lucarnes.  La  façade  possède 
49  niches  dont  les  statues  furent  brûlées  (1792)  et  remplacées  (1854),  par  celles  que 
nous  voyons,  qui  ne  valent  pas,  paraît-il,  les  premières.  A  l'une  des  fenêtres  du 
rez-de-chaussée,  on  voit  un  joli  balcon  en  laiton,  «  la  Bretèque  ». 

Le  vestibule  nouvellement  restauré,  est  imposant.  A  gaucbe,  un  escalier,  avec 
rampe  de  fer  forgé,  conduit  à  l'ancienne  grande  salle  des  Echevins.  Elle  est  en 
restauration. 

M.  Albert  de  Vrient  y  exécute  de  grandes  peintures  historiques.  Nous  admirons 
la  voûte  en  bois  (1402),  les  corbeaux  de  pierre  représentant  les  12  mois  sculptés 
par  Pierre  Van  Oost  en  i3dl-'Jd.  L'ensemble  de  cette  salle,  après  l'achèvement  do 
sa  restauration,  sera  magnifique. 


-^  131  — 

'  Ancien  Greffe.  —  Bâtiment   pittoresque ,    dans   le    style    de   la   Renaissance, 

construit  en  1534-37  par  Chrétien  Sixdeniers  et  restauré  en  1881  par  l'architecte  de 

la  Genserie.  La  façade  est  polychromée  et  couronnée  de  10  statues  en  bronze  doré. 

L'intérieur  sert  de  Justice  de  Paix.  A  remarquer  deux  portes  anciennes  donnant 

sur  le  prétoire  (1544),  de  Lancelot  Blondeel. 

Palais  de  Justice.  —  Construction  sans  intérêt ,  élevée  sur  remplacement  de 
l'ancien  palais  du  Franc  et  de  la  maison  de  l'Écoutète.  La  partie  la  plus  ancienne 
qui  subsiste  se  trouve  sur  le  canal  des  Marbriers. 

Cheminée  du  Franc.  —  Nous  traversons  ce  palais  qui  n'en  a  que  le  nom,  pour 
nous  rendre  à  la  Salle  échevinale  où  se  trouve  la  fameuse  cheminée  du  Franc. 

Cette  merveille  de  l'art  de  la  Renaissance  est  l'œuvre  de  Lancelot  Blondeel  qui 
en  fit  le  plan,  en  dessina  les  détails  et  en  dirigea  l'exécution  (1529-31). 

La  cheminée  est  en  marbre  noir  de  Binant.  Des  colonnes  supportent  une  frise 
d'albâtre  formée  de  4  bas-reliefs  représentant  l'histoire  de  la  chaste  Suzanne.  La 
partie  supérieure  est  entièrement  en  bois  de  chêne  sculpté.  Une  statue  de  Charles- 
Quint  se  trouve  au  milieu,  derrière  elle  un  trône  sur  lequel  sont  sculptés  des 
médaillons  de  Philippe-le-Bon,  de  Jeanne-la-FoUe,  de  Marguerite  d'Autriche  et  de 
Charles  de  Lannoy.  A  droite  et  à  gauche  de  ce  trône,  les  colonnes  d'Hercule  sup 
portant  8  écussons  ;  au-dessus  les  armoiries  de  l'Empire  entourées  du  collier  de  la 
Toison  d'Or.  La  hotte  est  garnie  de  16  écussons  portant  les  armes  des  ancêtres 
paternels  et  maternels  de  l'Empereur.  Contre  les  pilastres  d'extrémité  d'avant- 
corps,  des  Génies  tiennent  deux  médaillons  avec  les  figures  de  François  I"  et 
d'Éléonore  d'Autriche.  A  droite  de  nous,  deux  grandes  statues  représentant  Fernand 
d'Aragon  et  Isabelle  de  Gastille,  aïeuls  maternels  ;  celles  qui  sont  à  gauche  repré- 
sentent les  traits  de  Maximilien  et  Marie  de  Bourgogne,  aïeuls  paternels  ;  ces 
statues  sont  entourées  d'écussons  et  de  banderolles. 

L'exécution,  dans  tous  ces  détails,  est  parfaite  et  prouve  la  valeur  des  sculpteurs 
flamands  de  cette  époque.  Une  restauration  a  été  effectuée  en  1850  par  Ch.  Geerts, 
de  Louvain, 

La  salle  est  ornée  de  tapisseries  fabriquées  à  Ingelmunster  en  1859,  d'un  tableau 
représentant  une  séance  du  Tribunal  du  Franc  par  Gilles  Thillbrugghe  (1659)  ; 
deux  encriers  en  cuivre  (1566  et  1034)  sont  déposés  sur  la  table. 

Sur  la  place  du  Bourg,  à  l'endroit  planté  d'arbres  oii  se  voit  une  statue  en  plâtre 
de  Jean  Van  Eyck,  s'élevait,  jusqu'en  1799,  l'ancienne  collégiale  de  St-Donatien 
communiquant  avec  le  Palais  du  Franc  par  un  couloir. 

Rue  de  l'Ane  aveugle.  —  Prenons  le  passage  qui  se  trouve  entre  l'ancien 
Greffe  et  l'Hôtel  de  Ville,  nous  nous  trouverons  dans  la  rue  de  l'Ane  aveugle.  Cette 
rue  ne  contient  que  des  bâtisses  administratives  ;  le  boulevard  Louis  XIV,  à  Lille, 
lui  présente,  sous  ce  rapport,  une  ressemblance  frappante.  Nous  traversons  le 
pont  (le  garde-corps  semblable  à  celui  du  quai  de  la  Basse-Dcûle),  près  duquel  se 
trouve  une  belle  maison  de  1.570  restaurée  en  1872  ;  elle  est  occupée  par  un  mar- 
chand de  poisson. 

Marché  au  Poisson.  —  11  rappelle  un  peu  l'ancien  marché  de  Lille.  Il  a  été 
établi  en  1821.  De  cet  endroit  l'on  a  une  très  belle  vue  des  façades  postérieures  de 
l'Hôtel  de  Ville  et  du  Franc  de  Bruges. 


—  132  — 

Quai  du  Rosaire.  —  Nous  nous  engageons  sur  le  quai  du  Rosaire,  d'oii  l'oft 
jouit  de  la  vue  la  plus  renommée  de  la  ville. 

HÔTEL  Gruuthuse  ET  MusÉE  DE  DENTELLES.  —  Ancien  hôtel  seigneurial  des 
sires  de  Gruuthuse  (1465-1470).  Cet  hôtel  communique  avec  l'église  Notre-Dame  oii 
Louis  de  Bruges  et  Marguerite  d'Aa,  son  épouse,  pouvaient  se  rendre  à  une  tribune 
qu'ils  tirent  établir  en  1472. 

Tous  les  bâtiments  ont  été  acquis  par  la  ville  en  1873,  qui  y  installera  le  Musée 
commercial.  Ils  sont  l'objet  de  reconstructions  intelligentes.  Nous  avons  pu  les 
visiter  et  constater  avec  quel  respect  de  la  vérité  l'état  ancien  était  reconstitué. 
Partout  la  devise  des  Gruuthuse  se  lit  :  «  Plus  est  en  vous  ».  Le  tout  sera  mer- 
veilleux. 

Dès  que  Sa  Majesté  Léopold  II  aura  approuvé  les  délibérations  communales  qui 
lui  sont  soumises,  les  bâtiments  qui  se  trouvent  face  à  la  rue  seront  démolis  de 
manière  à  rendre  l'hôtel  visible. 

Dans  Tune  des  salles,  on  a  établi  un  Musée  de  dentelles  provenant  d'une  dona- 
tion faite  par  la  baronne  Augusta  Liedts. 

Cette  collection  se  compose  de  400  pièces,  elle  est  très  intéressante  et  est  une 
des  plus  importantes  de  l'Europe. 

Comme  pièces  principales,  citons  :  un  voile  de  tabernacle  portant  les  armes  de 
Charles-Quint.  —  Un  agneau  pascal  en  dentelles  de  Malines.  —  Des  dentelles  de 
Hollande,  de  Zélande,  de  Bruxelles.  —  Un  parasol  en  point  de  Malines.  —  Un  col 
et  une  manchette  de  Charles-Quint.  —  Une  guipure  anversoise  du  XV*'  siècle.  — 
Des  pièces  en  fils  tirés  du  XllP  siècle.  —  Une  nappe  du  XIV'  siècle,  etc. 

Notre-Dame.  —  Cette  église  a  72'",60  de  longueur  sur  r)0"',2.5  de  largeur,  dans 
œuvre. 

La  date  exacte  de  sa  construction  est  inconnue,  toutefois  aucune  des  parties  ne 
doit  remonter  au  delà  de  1225. 

L'église  avait  auparavant  quatre  entrées,  dont  la  principale  était  celle  de  la  Net, 
la  seule  qui  existe  encore.  Le  troisième  portail  dit  «  het  Paradys  »,  donnant  sur  la 
rue  de  Gruuthuse,  est  un  petit  chef-d'œuvre  ;  il  a  été  tranformé  en  baptistère. 

La  tour,  commencée  en  1230,  a  75  m.  de  hauteur.  Une  flèche  de  45'",80,  achevée 
vers  1230  la  surmonte.  La  partie  supérieure  menaçant  ruine,  fut  démolie  en  1818  et 
rétablie  en  1853.  De  1872  à  1875 ,  les  quatre  tourelles  d'angle  et  la  balustrade 
furent  construites.  Cette  dernière  partie  ne  fait  pas  bon  etiet. 

Notre-Dame  a  cinq  nefs  et  la  première  chose  qui  frappe  le  visiteur,  c'est  l'irrégu- 
larité de  la  construction.  Les  arcs  de  la  nef  et  du  chœur  sont  en  tiers-point.  Parmi 
les  chapiteaux,  il  y  en  a  qui  sont  fort  beaux.  Les  voûtes  ont  été  reconstruites  en 
1768.  Aux  piliers  de  la  nef  sont  adossées  les  statues  du  Christ  et  des  douze 
Apôtres  (1618). 

La  chaire  de  vérité  est  gracieuse.  Elle  a  été  exécutée  d'après  les  dessins  de  Jean- 
Antoine  Gaeremyn  en  1743.  Le  jubé,  qui  date  de  1722,  est  surmonté  d'un  Crucifix 
de  grandes  dimensions  (1594).  De  chaque  côté  se  trouvent  des  statuettes  de  l'ange 
Gabriel  et  de  la  Sainte  Vierge  (1(505). 

Au-dessus  des  stalles  sont  posées  les  armoiries  des  chevaliers  de  la  Toison  d'Or, 
dont  le  onzième  chapitre  fut  tenu  ici  par  Charles-le-Téméraire  les  7,  8  et  9  Mai 
1468.  Le  maître-autel  en  marbre  est  du  XVlll*  siècle,  il  provient  de  l'abbaye  de 
St-André  ;  les  anges  adorateurs  furent  sculptés  en  1799  par  Pierre  Pepers. 

Cette  église  est  surtout  intéressante  pour  les  objets  d'art  qu'elle  renferme. 

La  chapelle  de  la  Sainte-Trinité  a  été  fondée  par  la  famille  Breydel  ;  Jean  Breydel, 


—  133  — 

le  fameux  patriote,  dont  la  statue  est  sur  la  GrandTlace,  est  enterré  ici  ainsi  que  sa 
famille. 

La  chapelle  du  Saint-Sacrement  est  ornée  d'une  statue  de  marbre  blanc  attribuée 
à  Michel-Ange  :  la  Vierge  et  TEnfant-Jésus.  Elle  a  été  donnée  à  l'église  en  1514, 
par  Jean'Mouscron.  La  composition  est  bien  étudiée  et  l'exécution  très  délicate. 

Depuis  1816,  grâce  à  la  générosité  de  Napoléon  P"",  qui  accorda  10.000  fr.  pour 
leur  restauration,  la  chapelle  de  Lanchals  contient  les  tombeaux,  autrefois  dans  le 
chœur,  de  Gharles-le-Téméraire  ,  duc  de  Bourgogne ,  tué  le  5  Janvier  1477,  à  la 
bataille  de  Nancy,  et  de  sa  fille  Marie,  épouse  de  Maximilien,  morte  le  27  Mars 
1482,  âgée  de  25  ans. 

Le  monument  de  Marie  de  Bourgogne,  le  plus  remarquable  des  deux,  est  en 
marbre  noir  ;  sur  la  partie  horizontale  est  couchée  la  statue  de  la  défunte  ,  en 
cuivre  doré,  les  mains  jointes  et  les  pieds  appuyés  sur  deux  chiens.  Sur  la  partie 
moulurée  du  dessus  sont  posées  les  armes  dos  18  duchés,  comtés,  marquisats  et 
seigneuries  de  la  duchesse. 

Les  deux  côtés  représentent  les  arbres  généalogiques  paternel  et  maternel,  rangés 
par  quartiers.  Sur  la  face  antérieure  du  tombeau  est  appliqué  le  grand  écu  de  la 
duchesse,  supporté  par  deux  anges  et  sur  la  face  postérieure,  entre  deux  anges 
tenant  des  palmes  fleuries,  se  lit  son  épitaphe.  11  est  l'œuvre  de  Pierre  de  Beckère, 
orfèvre  bruxellois  (1495-1502). 

Le  cénotaphe  de  Gharles-le-Téméraire,  placé  près  de  celui  de  sa  fille,  a  été 
exécuté  de  15.59  à  1569,  par  Jacques  Songheling,  fondeur  à  Anvers,  Josse  Aerts  et 
Jean  de  Smet,  sur  les  dessins  de  Gornille  Floris,  d'Anvers. 

Le  duc  est  représenté,  comme  la  duchesse,  étendu  sur  le  monument.  Un  lion  est 
couché  à  ses  pieds.  Son  casque,  son  épée  et  ses  gantelets  sont  à  côté  de  lui.  Sa 
devise  :  «  Je  l'ai  empris,  bien  en  aviengne  »  est  gravée  sur  la  pierre. 

A  côté  de  la  porte  d'entrée  de  la  chambre  des  Marguilliers,  on  remarque  la 
tribune  (un  véritable  bijou),  construite  en  1474  par  Louis  de  Bruges,  seigneur  de 
Gruuthuse.  Gette  admirable  tribune  en  pierre  de  taille  et  bois  de  chêne  est  à  deux 
étages;  elle  communiquait  autrefois  avec  l'hôtel  Gruuthuse. 

A  l'extérieur  on  y  voit  les  armes  de  la  famille  avec  la  devise  :  «  Plus  est  en 
vous  »  et  les  lettres  L.  M. 

L'église  Notre-Dame  possède  de  nombreux  tableaux  peints  par  Gaspard  de 
Graeyer  :  «  l'Adoration  »  ;  Quellin,  «  Mariage  mystique  de  sainte  Catherine  de 
Sienne  ».  Un  magnifique  triptyque  de  Pierre  Fourbus  (1574).  Panneau  central 
«  l'Adoration  »  des  bergers  et  sur  les  volets,  les  portraits  des  donateurs  Josse  de 
Damhoudère  et  Louise  de  Ghantraines,  accompagnés  de  leurs  enfants. 

Derrière  le  maître-autel,  il  y  a  une  magnifique  grille  en  fer  battu,  de  Jean 
Ryckom  d'Ostende  (1699).  La  grille  sous  le  jubé  est  également  belle. 

Il  y  a  quelques  vitraux  présentant  de  l'intérêt. 

Cette  église  fut  badigeonnée  pour  la  piremière  fois  en  1589. 

HÔPITAL  St-Jean.  —  Vis-à-vis  de  l'église  Notre-Dame  se  remarque  l'hôpital 
St-Jean,  qui  est  un  des  plus  anciens  monuments  de  la  ville.  L'infirmerie  et  la 
partie  Sud  furent  construites  dans  la  dernière  moitié  du  XIIP  siècle.  En  1856 ,  la 
chapelle  du  cimetière  fut  détruite  et  remplacée  par  des  constructions  sans  valeur. 

Les  hauts-reliefs  qui  se  trouvent  dans  le  tympan  de  l'ancienne  entrée  sont  remar- 
quables (1270), 

La  chapelle  est  à  gauche  en  entrant  ;  l'attention  est  attirée  principalement  par  un 
tableau  de  Jacques  Van  Oost  le  Vieux  (1637),  par  un  tabernacle  sculpté  du  XV" 
siècle  et  par  quatre  statues  placées  dans  le  chœur,  ainsi  que  par  des  stalles  en  bois 


—  134  — 

sculpté.  Dans  la  chapelle  de  Ste-Gorneille,   une   armoire   sculptée   en  pierre  du 
XV«  siècle  et  une  tombe  plate  en  cuivre. 

Les  malades  sont  soignés  par  des  sœurs  qui,  depuis  1397,  suivent  la  règle  de 
saint  Augustin. 

Musée.  —  Dans  Tancienne  salle  du  chapitre  se  trouve  le  Musée,  où  se  con- 
servent cinq  œuvres  authentiques  de  Hans  Memlinc  :  1°  Grand  rétable  à  volets  du 
maître-autel  de  l'église  de  l'Hôpital  (1479)  ;  2°  un  triptyque,  TAdoration  de  l'En- 
fant-Jésus  ;  3"  portrait  en  buste  de  Marie,  deuxième  fille  de  Guillaume  Moreel  de 
Barbe  de  Vlaenderberch,  dite  Van  Herftvelde,  représentée  comme  sybille  (1480)  ; 
4"  un  diptyque  :  la  Vierge  à  la  Pomme  et  le  portrait  du  Donateur  (1487)  ;  5"  la 
célèbre  châsse  en  bois  dite  de  sainte  Ursule  (hauteur  0,87  ;  longueur  0,91  ;  largeur 
0,33.  Chêne,  1489).  Les  six  panneaux  qui  se  trouvent  sur  les  côtés  représentent  les 
épisodes  de  la  légende  des  Onze  mille  Vierges.  Sur  les  panneaux  aux  extrémités  : 
la  Madone,  aux  pieds  de  laquelle  deux  religieuses  sont  agenouillées,  et  sainte 
Ursule  protégeant  dix  de  ses  compagnes.  Le  toit,  sur  chaque  versant,  est  décoré 
d'un  grand  médaillon  placé  entre  deux  de  dimensions  moindres.  L'exécution  de  ces 
médaillons  n'est  pas  aussi  soignée  que  celle  des  autres  parties. 

Église  de  Jérusalem.  —  Nous  prenons  par  la  rue  Gruuthuse,  le  Dyver,  le  quai 
du  Rosaire,  les  rues  des  Ronces  et  des  Dominicains,  nous  traversons  le  pont  du 
même  nom,  nous  empruntons  la  rue  Pré  aux  Moulins  et  nous  arrivons  à  l'église 
originale  de  Jérusalem.  Rue  des  Ronces,  nous  admirons  la  maison  au  coin  de  la 
rue  de  l'Hydromel,  «  la  Couronne  impériale  »  (1629).  Rue  des  Dominicains,  une 
autre  maison,  de  1692,  frappe  nos  regards.  Près  du  pont  du  Moulin,  une  vue  pitto- 
resque du  quai  Vert  se  présente  à  nos  yeux. 

L'église  du  St-Sépulcre,  appelée  Jérusalem,  fut  fondée  vers  1427  par  deux  frères 
Pierre  et  Jacques  Adornes  et  leurs  épouses,  Elisabeth  Bradericx  et  Anne  Masins  ; 
elle  fut  consacrée  le  dimanche  des  Rameaux  1428.  La  tour  fut  élevée  en  1428.  Le 
sépulcre  et  la  Maison-Dieu,  pour  12  pauvres  femmes,  furent  construits  en  1435. 

A  l'extérieur,  la  tour  avec  ses  quatre  tourelles  d'angle  et  sa  coupole  surmontée 
d'une  grosse  sphère  de  cuivre  présente  un  aspect  assez  gracieux. 

Intérieurement,  l'église  présente  une  nef  et  un  chœur  en  surélévation.  De  chaque 
côté  un  escalier  conduit  à  ce  dernier.  La  voûte  en  bois  de  la  coupole,  nouvelle- 
ment restaurée,  est  jolie  ;  les  corbeaux  sont  ornés  des  écussons  des  fondateurs  ;  la 
tribune,  à  droite,  des  Adornes,  mérite  qu'on  s'y  arrête.  Au  milieu  de  la  nef,  le 
tombeau  en  pierre  du  fils  d'un  des  fondateurs  :  Anselme  Adornes,  décédé  en  1483 
en  Ecosse,  et  de  sa  femme,  Marguerite  Van  der  Banck,  passée  de  vie  à  trépas  en 
1403.  Aux  fenêtres,  des  vitraux  peu  intéressants. 

Dans  la  crypte,  sous  le  chœur,  on  remarque  une  porte  en  fer  battu  de  Pierre 
Ryckain  (1713)  et  un  reliquaire,  en  vermeil,  contenant  une  parcelle  de  la  Croix  du 
Sauveur  (XV«  siècle).  Sur  le  côté,  une  imitation  du  tombeau  du  Christ. 

L'ancien  hôtel  Adornes  sert  de  couvent  à  des  sœurs  Apostolines  venues  de  Malines 
à  Bruges  en  1717  ;  elles  dirigent  une  école  dentellière  fréquentée  par  environ 
150  élèves. 

Dans  la  rue  de  Jérusalem,  quelques  façades  sont  belles  (lo3.j)  ;  elles  ont  été 
restaurées  en  1864. 

Église  Sainte-Anne.  —  Cette  église,  dédiée  à  la  Sainte-Croix  et  à  Sainte  Anne, 
fut  fondée  en  1490  et  consacrée  le  9  Septembre  1497  par  l'évèque  de  Tournai.  Les 
Gueux  la  détruisirent  en  1579  et  elle  fut  rebâtie  de  1607  à  1612. 


.—  135  — 

Son  aspect  extérieurement  est  simple  ,  quelques  rares  ornements  rompent  à 
peine  l'harmonie  de  la  construction  entièrement  en  briques.  C'est  un  spécimen  de 
Tart  flamand  au  XVIP  siècle. 

L'intérieur  mérite  une  visite,  notamment  les  confessionnaux  et  les  lambris 
sculptés  par  Jean  de  Sangher  et  Jacques  Berger  en  1099  ;  la  chaire  soutenue  par 
les  anges  et  ornée  d'une  figure  de  la  Foi,  par  Martin  Moenaert  en  1675  ;  les  stalles 
du  chœur  (1640). 

Le  jubé  en  marbre  date  de  1642.  Devant  les  autels,  sous  le  jubé,  se  trouvent 
deux  bancs  de  communion  sculptés,  d'un  très  beau  travail  de  la  première  moitié  du 
XVIP  siècle.  Le  maître-autel,  en  marbre,  date  de  1667.  Quelques  tableaux,  de 
Jacques  Van  Oost  le  Vieux,  de  Louis  de  Deyster  (1692),  etc. 

La  grande  toile  qui  couvre  le  fond  de  l'église,  «  le  Jugement  dernier  »,  a  été 
peinte  par  Henri  Herregouts  en  1685.  Elle  est  d'un  goût  dépravé. 

Place  Jean  Van  Eyck.  —  Par  le  quai  des  Teinturiers,  la  rue  du  Cornet  et  des 
Rois  et  le  quai  Spinola,  nous  nous  dirigeons  vers  la  place  Van  Eyck. 

Nous  apercevons  l'église  Ste-Walburge,  bâtie  par  les  Jésuites  et  dont  la  façade 
présente  un  air  de  famille  frappant  avec  celles  de  St-André  et  de  St-Étienne,  à 
Lille. 

La  statue  de  Jean  Van  Eyck,  qui  orne  la  place  du  même  nom,  est  l'œuvre  du 
statuaire  Henri  Pickery,;  elle  a  été  inaugurée  en  1878.  Le  peintre  qu'elle  représente 
est  né  à  Maeseyck  vers  1390,  il  vint  s'établir  à  Bruges  en  1425.  11  découvrit  le 
procédé  de  l'huile  qui  remplaça  celui  à  la  détrempe. 

De  cet  endroit,  la  vue  sur  le  quai  du  Miroir  est  belle. 

Au  Nord,  ce  grand  bâtiment  en  pierres  blanches  avec  pignon  est  la  Bibliothèque 
publique.  Auparavant  il  servait  de  lieu  de  perception  des  droits  que  devaient 
acquitter  les  marchandises  importées  et  était  appelé  Tonlieu.  Il  fut  construit  ea 
1477  et  restauré  en  1878. 

La  jolie  petite  loge  qui  se  trouve  à  gauche  est  celle  des  Portefaix.  Elle  date  de 
1470  et  a  été  restaurée  en  même  temps  que  le  Tonlieu. 

La  loge  des  Bourgeois,  du  X1V«  siècle,  est  située  au  Sud.  Elle  est  l'objet  de  tra- 
vaux importants  de  restauration. 

Elle  devint  au  commencement  du  XV»  siècle,  le  siège  de  la  Société  de  l'Ours 
blanc.  C'est  en  souvenir  de  cette  destination  qu'un  ours  blanc  «  le  plus  ancien 
bourgeois  de  Bruges  »  est  placé  debout  dans  une  niche  qui  se  trouve  à  l'angle  du 
bâtiment  vers  la  rue  de  l'Académie.  L'école  publique  des  Beaux-Arts  y  était  ins- 
tallée depuis  1720  et  le  Musée  communal  lui  succéda. 

Place  Memling.  —  Cette  place  dite  aussi  Marché  du  Mercredi,  porte  en  son 
milieu  la  statue  de  Memling  en  marbre  blanc,  par  Henri  Pickery,  en  1871.  Ce 
grand  peintre,  le  plus  fameux  de  Bruges,  paraît  être  Gueldrois.  11  était  établi  à 
Bruges  dès  1478;  il  y  possédait  3  maisons  situées  rue  du  Pont  Flamand.  11  figure 
sur  la  liste  des  247  bourgeois  qui  prêtèrent  de  l'argent  à  la  commune,  lorsque 
Maximilien  fit  la  guerre  à  la  France.  11  mourut,  croit-on,  en  1495.  Ces  renseigne- 
ments bien  incomplets  sont  les  seuls  que  l'on  possède.  Les  plus  belles  œuvres  de 
Memling  appartiennent  à  l'hôpital  St-Jean. 

A  droite  de  la  place  ,  l'ancien  hôtel  des  Négociants  de  Smyrne  qui  a  conservé 
une  tourelle  du  XV''  siècle. 

Au  fond,  le  couvent  des  Sœurs  Noires,  dites  de  Béthel,  bâti  en  1561  et  restauré 
en  1871. 

A  gauche,  une  construction  fantaisiste  de  1885. 


—  136  - 

Dans  la  direction  du  Nord,  nous  rencontrons  la  place  des  Orientaux,  oii  est 
située  l'ancienne  Maison  consulaire  des  Orientaux,  construite  par,  Jean  Van  de 
Poêle  en  1478. 

L'église  St-Gilles  se  trouve  un  peu  plus  loin  ;  elle  fut  fondée  en  1240  et  devint 
paroisse  en  1311.  Le  temps  ne  nous  permet  pas  de  nous  y  rendre. 

Nous  reprenons  la  rue  Gour-de-Gand,  où  nous  regardons  une  façade  primitive  en 
bois  ;  rue  Courte-de-rÉquerre  nous  en  avons  vu  une  semblable. 

Par  la  rue  de  l'Académie  et  la  rue  Flamande  ,  nous  revenons  sur  la  Grand'Place. 

Rue  de  l'Académie,  nous  remarquons  les  façades  des  maisons  portant  les  n"'  13, 
14  et  16. 

A  l'angle  des  rues  Flamande  et  des  Pelletiers  est  situé  l'ancien  Hôtel  des  Négo- 
ciants de  Gènes,  bâti  en  1399  ;  à  côté,  habitation  du  Consul  des  négociants  de  la 
même  ville. 

Le  Théâtre,  rue  Flamande,  est  une  construction  moderne  (1868)  en  briques  et 
pierres.  Dans  cette  dernière  rue,  presque  toutes  les  façades  attirent  l'attention. 

Dans  la  rue  St-Jacques,  les  maisons  de  M.  le  Docteur  Van  der  Ghinste  (1639)  et 

de  M.  Glaeys  (1671),  nouvellement  restaurées,  ont  des  façades  présentant  un  bel 

aspect. 

(A  suivre). 


ÉPHÉMÉRIDES  DE  L'ANNEE  1898 


FEVRIER. 

'    i".  —  Réception,  à  la  Société  de  Géographie  de  Paris,  du  D''  Svcn  Hedin,  qui  a 
traversé  la  Chine  du  Pamir  à  Pékin. 

1".  —  Italie.  —  Graves  désordres  dans  plusieurs  villes  d'Italie. 

4.  —  France.  —  Banquet  offert  à  Paris  au  prince  Henri  d'Orléans  et  au  comte 
Léontieflf,  avant  leur  départ  pour  l'Abyssinie. 

9.  —  Transvaal.  —  Réélection  de  ]\I.  Kruger,  Président  do  la  République  du 
Transvaal. 

iO.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.    Conférence  de  M.  E.  Guimet  sur  La 
Chine  ancienne  et  moderne. 

i2.  —  Soudan  français.  —  Un  bureau  télégraphique  est  ouvert  à  Ouaghadougou. 

io.  —  Havane.  —  Explosion  du  cuirassé  américain  Maine  dans  la  baie  de  la 
Havane.  —  Les  relations  deviennent  très  tendues  entre  l'Espagne  et  les  Etats-Unis. 

20.  —  Madagascar.  —  Soumission  de  Rabozaka,  le  dernier  chef  hova  révolté. 

24.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.  Conférence  d(ï  M.  Emile  Lonchampt 
sur  Nos  Colonies  jjerdues  (les  Indes,  le  Canada). 

■    27.  —  Soudan.  —  Kong,  assiégé  par  les  Sofa'=i  de  Samory,  est  dégagé  par  le 
cortimandant  Caudrelier. 

27.  —  Havane.  —  Bombardement  des  forts  de  Mantanzas  par  l'escadre  améri- 
caine. —  Déclaration  de  neutralité  de  la  France. 

28.  —  GniiCE.  —  Attentat  contre  le  roi  de  Grèce  à  Athènes. 

28.  —  France.  —  On  retrouve  le  transatlanlique  la  Champaf/ne,  qui  allait  à  la 
dérive  depuis  le  17  février. 


d37  — 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


Géographie  conmierciale.  —  Faits  économiqu^es 
et  statistiques. 


ASIE. 

IjC  coniincpce  fraueai»»  à  Baiig-k.ok.  —  Il  y  a  très  peu  de  Français 
établis  à  Bangkok,  et  il  n'y  existe  aucune  maison  de  commerce  française.  Cepen- 
dant nos  articles  sont  très  appréciés  au  Siam,  et  il  serait  à  souhaiter  que  nos 
compatriotes  y  envoyassent  directement  leurs  produits. 

Les  marchandises  françaises  importées  à  Bangkok  le  sont  par  des  maisons  étran- 
gères, et  elles  sont  très  restreintes. 

Entre  autres  articles  français  qui  sont  demandés  dans  la  capitale  du  Siam  ,  nous 
citerons  les  farines,  les  biscuits,  le  sucre,  les  conserves,  les  vins,  les  liqueurs  et 
les  cognacs. 

Leur  supériorité  sur  les  produits  similaires  étrangers  est  reconnue  par  les  habi- 
tants du  Siam,  qui  en  consommeraient  beaucoup  plus  si  la  quantité  importée  était 
plus  considérable. 

Nous  ne  parlons  pas  ici  des  produits  manufacturés  qui,  comme  les  produits 
alimentaires  cités  plus  haut,  trouveraient  de  sérieux  débouchés  dans  le  royaume. 

Nos  commerçants  auraient  donc  intérêt  à  envoyer  au  Siam  des  voyageurs  qui 
pourraient  les  renseigner  sur  les  besoins  du  pays  en  même  temps  qu'ils  y  feraient 
connaître  nos  produits. 

lia  récolte  dos  Cocons  et  l'iudiistrie  de  la  l§ole  au  Cau- 
case. —  La  production  du  Turkestan,  de  la  Perse  (Recht)  et  du  Caucase  a  atteint 
en  18U8  le  chiffre -élevé  de  6,120,000  kilogrammes  de  cocons  frais.  Le  rendement, 
bien  supérieur  à  celui  de  l'année  1897,  est  de  2,300,000  kilogr.,  en  cocons  secs, 
pour  l'ensemble,  et  de  595,000  kilogr.  pour  le  Caucase  seul. 

L'industrie  locale  absorbe  la  majeure  partie  des  cocons,  dans  le  Caucase  :  Noukka 
(gouvernement  d'Elisabethpol)  a  employé  320,000  kil.  ;  le  Daghestan,  94,000  kil.  ; 
le  gouvernement  d"Erivan,  30,000  kil.  ;  la  Mingrélie  (gouvernement  de  Koutaïs), 
20,000  kil.  L'exportation  ne  s'est  élevée  qu'à  125,000  kil.  de  cocons  secs. 

L'importation  de  la  graine  de  vers  à  soie,  par  Batoum,  a  atteint  en  1897-1898,  le 
chiffre  de  288,000  boîtes  de  25  grammes.  Des  deux  pays  importateurs  , ,  la  Turquie 
tient  le  premier  rang  avec  182,000  boîtes  de  race  blanche  de  Bagdad  ;  la  France  a 
importé  106,000  boîtes  de  race  jaune. 

L'industrie  de  la  soie  (filature  et  moulinage)  est  concentrée  en  grande  partie  dans 
la  ville  de  Noukha  (gouvernement  d'Elisabethpol)  et  dans  les  environs,  oii  la  séri- 
ciculture forme  la  branche  principale  de  l'industrie  rurale.  Les  53  filatures  de  la 
région  ont  un  moteur  à  vapeur  ou  hydraulique.  Elles  emploient  1,140  métiers  à 
trois  dévidoirs  et  3,833  fuseaux  pour  le  moulinage  de  la  soie. 

Dans  le  gouvernement  de  Bakou,  on  compte  93  filatures  à  bras  et  372  dévidoirs. 


—  138  — 

L'outillage  des  deux  filatures  du  gouvernement  d'Erivan  est  plus  perfectionné  : 
elles  possèdent  des  moteurs  à  vapeur  avec  89  dévidoirs  et  2,100  fuseaux  pour 
moulinages. 

Dans  les  villages  du  gouvernement  de  Koutaïs  ,  la  plupart  des  familles  ont  un 
métier  d'un  système  très  primitif,  leur  permettant  de  filer  la  petite  quantité  de 
cocons  qu'elles  n'ont  pu  vendre  dans  le  courant  de  l'année. 


Importât ion<«  et  exportation»  <le  la  Chine  en  1897.  —  Voici 
quelles  ont  été  les  importations  et  exportations  de  la  Chine  depuis  1885  en  millions 
de  taëls  (le  taël  =  .7  fr.  566  au  pair)  :  • 


Importations. 


"Exportations. 


18&^) 88.200.000  or,. 000. 000 

1880 87. .500. 000  77.200.000 

d887 102.2.50.000  a5. 800.000 

1888 12/1.800.000  92..'i00.000 

1889 111.000.000  97.000.000 

1890 127.000.000  87.000.000 

1891 l.'Vi.OOO.OOO  101.000.000 

1892 l.T).000.000  102.000.000 

189.3 151 .000.000  1 10.000.000 

189'i 102.000.000  128.000.000 

1895 171.700.000  143. 300. 000 

1890 202.000.000  131.000.000 

1897 202.800.000  103. .500. 000 

Les  importations  ont  augmenté  de  200,000  taëls,  les  exportations  de  32  millions 
de  taëls. 

Aux  importations,  il  y  a  eu  augmentation  de  287  piculs  (1  picul,  60  1/2  kil.)  dans 
l'entrée  de  l'opium  ;  toutefois,  la  valeur  de  l'entrée  de  ce  produit  ne  représente 
plus  que  14  "/o  de  la  valeur  totale  des  importations,  au  lieu  de  27  Vo  il  y  ^  dix  ans. 

Il  y  a  eu  diminution  dans  l'entrée  des  cotonnades,  sauf  pour  les  produits  améri- 
cains, à  cause  du  hon  marché  de  ces  produits  et  du  taux  moins  élevé  du  fret.  On 
n'importe  plus  de  qualités  tout  à  fait  inférieures  ;  les  filatures  de  Chine  les  pro- 
duisent en  quantités  suffisantes.  L'importation  du  fil  de  coton  japonais  est  doublée, 
tandis  que  colle  du  fil  anglais  et  indou  a  diminué. 

Une  certaine  diminution  a  eu  lieu  dans  l'entrée  des  étoffes  de  laine  ,  une  forte 
réduction  dans  celle  des  métaux  en  fer,  acier  doux,  plomb,  étain. 

Il  a  été  importé  32  millions  do  gallons  de  plus  d'huile  de  kérosène  qu'en  1896. 
La  Chine  reçoit  ses  huiles  des  États-Unis,  do  la  Russie  et  de  Sumatra.  En  1894,  les 
provenances  étaient  ainsi  réparties  :  huiles  américaines,  52  millions  de  gallons  ; 
russes,  17  1/2  millions;  de  Sumatra,  1/2  million.  En  1897,  les  chiffres  sont  devenus  : 
huiles  américaines,  48  millions;  russes,  37;  de  Sumatra,  14. 

L'importation  d'allumettes  japonaises,  de  sucre,  de  boutons  de  cuivre,  de  verres 
à  vitre,  etc.,  en  Chine,  a  été  considérable. 

L'augmentation  des  exportations  est  due  à  la  baisse  du  change,  malgré  les 
entraves  provenant  de  la  rareté  et  de  la  cherté  de  la  monnaie  de  cuivre. 

Cette  augmentation  se  répartit  sur  tous  les  articles,  soies,  fèves,  éventails, 
plumes,  chapeaux  de  jonc,  cuir,  paillassons,  noix  de  galles,  huiles,  peaux,  casson- 
nade,  graisses  végétales,  feuilles  de  tabac,  sauf  le  thé  en  forte  diminution. 


—  139  — 

Au  point  de  vue  de  la  provenance  des  importalions  et  de  la  destination  des  expor- 
tations, voici  les  chiffres  principaux  : 

Importations      Exportations 
de  pour 

(En  taëls  de  Hong-Kong). 

Hong-Kong 90  millions.  (iO  millions. 

Angleterre 40        —  13        — 

Japon 22  1/2—  101/2  — 

Indes 20        —  1        — 

États-Unis 121/2—  18        — 

Continent  européen  (Russie  exceptée).  81/2 —  2(3        — 

Russie  (par  Odessa) 31/4  —  4        — 

Russie  (par  Kiaktha) »  9  1/2  — 

Les  réexportations  d'importations  étrangères  (thé  de  Formose,  métaux,  charbon, 
sucre  raffiné),  pour  la  Corée,  le  Japon,  la  Mandchouric  russe,  les  États-Unis,  etc., 
se  sont  élevées  à  9  1/2  millions. 

H.  P. 

Chine.  —  K.iao-Tctfiéoii.  —  Progrès  allemands.  —  Les  Allemands  n'ont 
pas  tardé  à  s'installer  solidement  à  Kiao-Tchéou,  dont  ils  ont  obtenu  la  cession 
par  la  Chine  cette  année.  Ils  ont  d'abord  occupé  ce  point ,  puis  l'ont  aussitôt  mis 
en  état  de  défense  en  établissant,  sur  les  collines  voisines,  des  ouvrages  bien 
armés.  Le  bourg  de  Tsing-Tou  (3,000  habitants),  s'est  déjà  transformé.  Les  rues 
sont  en  bon  état,  des  lanternes  les  éclairent,  des  plantations  d'arbres  sont  entre- 
prises, partout  les  coolies  travaillent  sous  la  surveillance  des  soldats.  On  élève  des 
bâtiments  destinés  aux  autorités  ou  devant  servir  de  magasins  militaires.  On  sait 
que  les  Allemands  ont  l'intention  de  créer  à  Kiao-Tchéou  un  port  de  premier  ordre, 
muni  de  tous  les  engins  modernes.  Des  mines  de  charbon  importantes  reliées  au 
port  par  rails  existent  à  moins  de  150  kil.,  et  vont  être  exploitées  par  des  capitaux 
allemands. 

lia  situation  économique  au  Japon.  —  Dès  les  premiers  mois  de 
1898,  la  situation  économique  s'est  tendue  au  Japon.  ATokio,  à  Osaka,  les  suspen- 
sions de  paiements  de  banques,  de  maisons  de  commerce,  de  manufactures,  se  sont 
multipliées. 

C'est  le  résultat  de  l'accès  de  fièvre  industrielle  qui  s'est  emparée  du  Japon  après 
la  guerre  de  Chine.  Les  entreprises  nouvelles  jaillirent  de  partout.  La  spéculation 
y  eut  beaucoup  trop  de  part.  Les  capitaux  firent  défaut,  les  classes  riches  s'en 
étant  démunies  pour  les  placements  dans  les  emprunts  de  l'Etat. 

Les  salaires  subirent  une  hausse  considérable,  ainsi  que  les  prix  de  toutes  choses, 
bois,  charbon,  etc.  L'indemnité  de  guerre  passa  toute  aux  budgets  de  la  guerre,  de 
la  marine  et  des  travaux  publics. 

Le  comte  Matsoukata  remplaça  l'étalon  d'argent  par  l'étalon  d'or,  dans  l'espé- 
rance d'attirer  les  capitaux  européens.  On  les  attend  encore,  et  pendant  ce  temps, 
le  régime  de  l'étalon  d'or  a  favorisé  les  importations  au  détriment  des  exportations, 
tournant  contre  le  Japon  la  balancfi  commerciale  et  l'obligeant  à  des  paiements  de 
plus  en  plus  forts  à  l'étranger. 


—  140  — 

Pour  les  hommes  d'État  japonais  et  les  financiers  du  pays,  le  meilleur  remède  à 
appliquer  à  la  crise  actuelle  est  de  la  laisser  suivre  son  cours,  se  guérir  toute  seule 
par  la  sélection  naturelle  des  entreprises  saines  et  durables  et  la  mort  des  autres 
par  inanition  et  faillite  ;  c'est  de  favoriser  un  déblayage  indispensable,  d'aider  à  la 
disparition  de  tout  ce  qu'ont  enfanté  de  boursouflé  et  de  parasite  les  excès  de  la 
spéculation. 

L'imprudence  consisterait  à  élever  de  85  millions  à  100  millions  de  yens  la  limite 
légale  de  l'émission,  par  la  Banque  du  Japon,  des  billets  non  soumis  à  l'impôt  de 
5  7„,  et  d'appeler  les  capitaux  étrangers  par  un  emprunt  national.  Des  mesures  de 
ce  genre  ne  feraient  que  prolonger  la  crise  et  ne  la  guériraient  pas. 

Un  grand  journal  japonais  reconnaît  que  son  pays  a  été  trop  vite  ; 

«  Nous  n'avons  pas  encore  acquis  une  expérience  suffisante.  On  ne  peut  pas 
attendre  d'une  nation  de  guerriers  et  de  fermiers,  telle  qu'était  la  nôtre  il  n'y  a  que 
trente  ans,  qu'elle  atteigne  d'un  seul  bond  au  plus  haut  degré  du  développement 
commercial.  Prenons  le  temps  de  respirer,  de  reconnaître  le  terrain  parcouru.... 
Le  remède  à  la  situation  actuelle  ?  Laissez-la  passer.  La  non-intervention  de  l'Etat 
et  des  capitaux  étrangers  amènera  une  diminution  de  l'argent  et  la  baisse  des  prix, 
et  notre  marché  retrouvera  une  activité  plus  saine.  » 

Rien  de  plus  sensé  que  ce  langage  qui  paraît  d'ailleurs  conforme  aux  sentiments 
du  gouvernement  japonais. 

Le  commerce  extérieur  du  Japon  présente  les  chifires  suivants  d'importations  et 
d'exportations  : 

1897  1896 

Francs. 

Importations  de  marchandises 578  millions.        470  millions. 

Exportations  de  marchandises 410        —  31fi        — 

En  ce  qui  concerne  les  métaux  précieux,  le  Japon,  en  1897,  a  importé  168  mil- 
lions de  francs  d'or  et  en  a  exporté  23  millions.  Il  a  importé  45  millions  de  francs 
■d'argent  et  en  a  exporté  20  millions. 

Ces  chitfres  sont  empruntés  à  un  rapport  du  Foreign-Office,  de  M.  A. -H.  Lay, 
sous-secrétaire  à  la  Légation  anglaise  à  Tokio. 

Dans  l'augmentation  des  importations,  le  riz  figure  pour  40  millions  de  francs,  à 
cause  de  l'insuffisance  de  la  récolte  au  Japon. 

Le  reste  se  compose  surtout  de  matières  premières  nécessaires  à  l'industrie, 
coton,  machinerie,  métaux. 

Il  y  a  au  contraire  une  forte  diminution  dans  les  entrées  de  cotonnades  et  de 
lainages. 

A  la  sortie,  les  cotonnades  sont  en  augmentation,  le  Japon  faisant  concurrence 
en  Chine  aux  produits  du  Lancashire  et  de  l'Inde. 

Les  filés  de  coton  ont  été  expédiés  en  Chine  jusqu'à  concurrence  de  40  millions 
de  livres  (poids)  en  1897  contre  J5  millions  en  1896.  Mais  ce  résultat  est  compensé 
fâcheusement  par  une  forte  hausse  des  salaires  et  de  certains  matériaux.  Le  charbon 
a  haussé  de  75  7oi  les  salaires  de  16  à  18  %  en  1897. 

Les  bénéfices  des  usines  ont  donc  été  fort  amoindris,  et  il  reste  des  stocks  impor- 
tants de  marchandises  non  écoulées. 

M.    Lay   attribue  cette  hausse  des  salaires  et  du  combustible  à  l'adoption  de 


—  141  — 

l'étalon  d'or.  On  doit  observer  que  ce  mouvement  a  commencé  plus  tôt,   en  fuit 
aussitôt  que  le  Japon  a  été  saisi  de  la  fièvre  du  développement  industriel. 
Les  importations  du  Japon  en  1897  ont  eu  les  provenances  suivantes  : 

Angleterre Fr.  170  millions. 

Possessions  anglaises 110        — 

Chine 75        — 

États-Unis 70        — 

Allemagne 48        — 

France 3        — 

Les  exportations  ont  eu  les  destinations  suivantes  : 

États-Unis Fr.  133  millions. 

Possessions  anglaises 90        — 

France 68        — 

Chine 55        — 

Angleterre 23        — 

Allemagne 5        — 


AFRIQUE 

liC  coiiimcrcc  et  la  uavigatioii  «le  l'Algérie.  —  On  lit  dans  le 
Petit  Fanal  : 

»  Le  commerce  général  de  rAlgérie,  importations  et  exportations  réunies,  d'après 
les  tables  statistiques  récemment  publiées  par  le  gouvernement  général ,  a  atteint 
en  1895  la  somme  énorme  de  588  millions  —  avance  considérable  sur  l'année  1894, 
d'ailleurs  reperdue  en  1896,  qui  est  à  peine  arrivée  à  550  millions.  C'est  tout  de 
même  un  beau  chiffre,  qui  a  fait  entrer  dans  nos  caisses  publiques,  tant  comme 
droits  de  douane  perçus  à  l'importation  que  comme  droits  de  statistique,  de  navi- 
gation et  produits  accessoires,  près  de  12  millions. 

»  Voilà  des  faits  qui,  mieux  que  tous  les  beaux  discours,  prouvent  la  vitalité 
d'un  pays.  Mais  on  pourrait  faire  mieux  encore,  ainsi  que  nous  allons  le  voir. 

»  Si,  en  1894,  7,083  navires,  entrées  et  sorties  comprises,  jaugeant  ensemble  plus 
de  4  millions  de  tonnes,  ont  fréquenté  nos  divers  ports  ;  si  cette  moyenne  s'est 
maintenue  pendant  les  deux  années  suivantes  et  s'est  même  légèrement  améliorée 
en  1896,  c'est  que,  profitant  d'une  heureuse  communauté  de  tarifs,  l'Algérie  n'a 
pas  hésité  à  prendre  sur  le  marché  français,  la  place  légitime  que  lui  assignait  son 
rôle  de  grande  colonie  agricole. 

»  Mais  le  trafic  déjà  considérable  qu'elle  a  entretenu  pendant  cette  période  avec 
les  ports  de  la  mer  Noire  et  de  la  mer  Baltique,  avec  l'Angleterre  et  ses  comptoirs 
des  Indes,  avec  l'Italie,  la  Grèce,  les  Pays-Bas,  la  Belgique  et  les  États-Unis,  tout 
autant  que  la  nature  des  échanges  qu'elle  fait  avec  ces  divers  pays,  et  qui  ont  créé 
un  mouvement  commercial  d'au  moins  une  quarantaine  de  millions,  est  une  preuve 
indubitable  que  son  avenir  économique  ne  saurait  être  borné  à  ces  étroites  limites. 

»  Je  l'ai  dit  bien  souvent,  et  je  le  répète  avec  le  sentiment  d'être  dans  la  bonne 
voie,  à  côté  de  l'Algérie  agricole  surgira  dans  un  temps  prochain  une  Algérie 
industrielle  d'autant  plus  puissante  qu'à  ses  ressources  nouvelles  s'ouvriront  les 
débouchés  de  ses  besoins  nouveaux.  En  1890,  l'Algérie  a  importé  :  en  objets  d'ali- 
mentation 77  millions,  en  matières  nécessaires  à  l'industrie  43  millions,  et  en  objets 


-  142  - 

fabriqués  183  millions.  Sur  ce  chiffre  de  300  millions,  plus  de  60  sont  demandés  à 
l'étranger.  Et  combien  d'articles  que  nous  demandons  à  la  France  ne  pourrions- 
nous  produire,  établir  et  écouler  ici-même  ! 

»  L'Algérie  importe  par  an  35  millions  de  tissus,  passementerie  et  rubanerie  de 
coton,  près  de  10  millions  du  même  article  en  lin  et  en  chanvre,  10  millions  d'ou- 
•\Tages  en  métaux,  pour  une  égale  somme  de  meubles  et  ouvrages  en  bois,  pour 
7  millions  de  peaux  préparées  et  ouvrées,  pour  G  millions  de  parfums  et  de  savons, 
pour  4  millions  d'huiles,  3  millions  de  bougies,  7  millions  de  bois  commun,  2  mil- 
lions de  pâte  d'Italie.  Ce  sont  là  des  produits  qu'elle  devrait  et  qu'elle  pourrait 
aisément  se  fournir  à  elle-même.  11  suffit  pour  cela  d'un  peu  d'initiative  et 
d'énergie. 

»  J'admets  que  nous  restions  encore  tributaires  de  la  métropole  et  de  l'étranger 
pour  le  café,  les  épices,  la  bimbeloterie,  la  bijouterie,  l'orfèvrerie,  l'horlogerie,  les 
couleurs,  la  soie  et  ses  tissus,  etc.,  toutes  choses  que  nos  conditions  géologiques, 
climatériques  ou  autres  ne  nous  permettent  pas  d'obtenir  chez  nous,  mais  je  nie 
d'une  façon  absolue  que  nous  devions  rester  éternellement  à  la  merci  d'autrui  pour 
les  articles  précédemment  énumérés. 

»  Nous  avons  ici,  en  abondance,  ou  tout  au  moins  il  nous  est  facile  d'avoir  :  le 
coton,  la  laine,  le  chanvre  et  le  lin  brut  et  préparé  —  le  Parlement  vient  précisé- 
ment de  voter  pour  ces  deux  dernières  cultures  une  loi  protectrice  applicable  à 
l'Algérie,  dont  on  peut  attendre  les  plus  heureux  effets,  —  le  fer  qu'on  peut  traiter 
sur  place,  le  bois  —  nos  forêts  ne  demandant  qu'à  être  exploitées  —  les  matières 
premières  du  papier,  du  savon,  de  la  bougie,  des  parfums,  de  la  cordonnerie,  des 
pâtes  et  conserves  alimentaires,  etc.,  etc. 

Est-il  besoin  d'insister  ?  Et  la  conclusion  ne  vient-elle  pas  toute  seule  ?  Non , 
évidemment.  C'est  refaire  là  une  leçon  apprise  depuis  longtemps,  redire  des  vérités 
universellement  acceptées. 

»  11  faut,  dit  la  sagesse  des  nations,  frapper  sur  les  clous  pour  les  enfoncer.  Voilà 
encore  un  coup  de  marteau  !  » 

I/Étliiopic  et  sou  arcuir  coiuuiercial.  —  L'Abyssinie  dans  sa 
contexture  générale  rappelle  assez  le  Mexique,  avec  cette  différence  que  les  bas 
sont  parfaitement  salubres.  De  la  côte,  en  montant  vers  l'intérieur,  le  pays  se  pré- 
sente sous  la  forme  de  plateaux  concentriques  superposés,  atteignant  jusqu'à  plus 
de  4,000  mètres  d'altitude. 

En  général,  le  pays  forme  trois  zones  :  la  première  est  la  zone  désertique, 
caractérisée  par  des  arbustes  épineux  de  l'espèce  des  mimosas,  dont  la  végétation 
et  le  développement  sont  plus  accentués  à  mesure  que  l'on  s'éloigne  de  la  cote. 

La  deuxième  zone  ou  zone  intermédiaire  est  celle  qui  a  la  plus  belle  végétation. 
Elle  est  caractérisée  par  la  présence  de  magnifiques  euphorbes,  immenses  cactus 
en  forme  de  chandeliers. 

La  troisième  zone  est  celle  des  hauts  plateaux  abyssins,  caractérisée  par  la 
présence  de  gigantesques  genévriers,  atteignant  la  hauteur  de  nos  plus  grands 
arbres.  * 

Ces  hauts  plateaux  sont  coupés  par  des  rivières  formant  des  failles  gigantesques 
dont  les  bas  fonds  ont  la  végétation  des  zones  intermédiaires. 

C'est  dans  ces  bas  pays  que  se  trouvent  en  abondance  les  fauves  les  plus  dan- 
gereux du  continent  africain  :  lions,  léopards,  panthères,  etc.,  et  aussi  les  éléphants, 
les  buffles  et  toutes  sortes  de  gros  gibier. 

Comme  partout,  les  fauves  évitent  le  voisinage  de  l'homme  ;  les  chasses  y  sont 
dangereuses. 


—  143  — 

Le  climat  éthiopien  est  généralement  sain  ;  les  fièvres  n'existent  qu'à  proximité 
des  rivières,  en  particulier  dans  la  vallée  de  l'Awach. 

Les  populations  de  l'Ethiopie  se  sont  grandement  modifiées  au  cours  des  siècles. 
Des  populations  nègres  ont  d'abord  occupé  le  bas  pays  ;  puis  sont  venues  des 
populations  d'un  type  supérieur,  que  Ton  a  appelées  Kouschites,  Pré-Semites  ou 
Berbères  ;  et  enfin  une  longue  infiltration  de  populations  sémitiques  a  changé  le 
caractère  général  du  pays  et  lui  a  donné  sa  physionomie  actuelle. 

Les  Abyssins,  qui  sont  la  population  dominante  de  l'empire  d'Ethiopie,  sont  une 
race  remarquablement  intelligente  dont  le  type  se  rapproche  beaucoup  de  celui 
des  Européens.  La  couleur  y  varie  du  noir  au  teint  blanc  foncé  des  Andalous. 

Les  langues  y  sont  assez  variées,  mais  l'abyssin  ou  amharique  a  pris  aujourd'hui 
la  prédominance  et  est  depuis  longtemps  la  langue  officielle  de  tout  l'empire. 

L'Ethiopie  est  un  vieil  empire  dont  la  civilisation  et  l'organisation  politique 
remontent  à  bien  des  siècles.  D'oii  une  certaine  .difficulté  à  y  faire  pénétrer  les 
principes  d'organisation  de  nos  Etats  modernes. 

La  séparation  des  pouvoirs  y  est  à  peu  près  inconnue. 

L'organisation  ressemble  beaucoup  à  celle  de  la  France  à  la  période  mérovin- 
gienne et  carlovingienne. 

Les  ras  sont  les  plus  grands  fcudataires  de  l'empire  ;  au-dessous  d'eux  sont  les 
«  dedjamatche  »,  que  l'on  a  assimilés  à  nos  généraux,  mais  qui  ont  des  pouvoirs 
civils  et  militaires,  puis,  au-dessous,  toute  une  hiérarchie  avec  les  mêmes  pouvoirs, 
relevant  seulement  des  chefs  supérieurs.  Les  revenus  de  l'empereur  sont  consti- 
tués par  les  tributs  que  lui  payent  tous  ces  chefs  et  les  princes  vassaux.  C'est  en 
quelque  sorte  une  délégation  des  pouvoirs  régaliens,  car  l'impôt  existe  et  est  régu- 
lièrement perçu. 

La  justice  est  rendue  en  Abyssinie  par  les  chefs,  assistés  quelquefois  de  magis- 
trats spéciaux.  Les  Abyssins  peuvent  d'ailleurs,  pour  beaucoup  de  cas,  se  faire 
juger  par  qui  bon  leur  semble  ;  ils  se  font  parfois  juger  par  des  enfants. 

La  justice  est  publique.  Le  meurtre  entraîne  forcément  la  peine  de  mort.  Dans 
ce  cas,  le  souverain  lui-même  ne  peut  pas  faire  grâce.  Les  tribunaux  d'appel  sont 
nombreux  et  l'on  peut  en  appeler  au  Gode,  désigné  sous  le  nom  de  «  Fetha 
Nagast  »,  d'une  sentence  de  l'empereur  lui-même. 

L'armée  abyssine  a  fait  ses  preuves  dans  diverses  circonstances  ;  on  peut  évaluer 
son  effectif  à  2.50,000  hommes  au  moins,  parfaitement  armés  à  l'européenne,  et  son 
artillerie  compte  une  centaine  de  pièces. 

Les  Abyssins  sont  chrétiens,  avec  un  rite  national,  bien  qu'ils  relèvent  du 
patriarche  copte  d'Alexandrie.  Celui-ci  envoie  en  Ethiopie  un  évêque  qui  porte 
lui-même  le  titre  de  patriarche.  Sous  le  roi  Jean ,  cinq  évèques  ont  été  constitués. 
Généralement  l'Ethiopie  n'en  compte  qu'un. 

Au-dessous  de  lui  est  l'etcheghié,  grand-maître  de  tous  les  moines  de  l'empire. 
Très  souvent,  ce  personnage  a  été  plus  puissant  que  le  patriarche  lui-même.  Au- 
dessous  d'eux,  le  clergé  est  fortement  hiérarchisé.  Des  prévôts,  appelés  «  alaqà  », 
ont  la  direction  temporelle  des  églises.  L'enseignement  y  est  donné  par  les  églises 
absolument  comme  chez  nous  au  Moyen-Age. 

Le  commerce  en  Ethiopie  est  encore  dans  l'enfance,  par  suite  surtout  du  manque 
absolu  de  moyens  de  transports  ;  aussi  n'a-t-il  pu,  jusqu'à  ce  jour,  donner  de 
résultats  que  pour  les  marchandises  qui  avaient  une  valeur  suffisante  sous  un  petit 
volume. 

Les  principaux  articles  d'exportation  sont  l'or,  l'ivoire,  le  musc,  les  gommes,  la 
cire  et  les  cafés. 


—  144  — 

Le  commerce  du  café  a  pris,  dans  ces  derniers  temps,  une  très  grande  impor- 
tance, justifiée  par  la  qualité  supérieure  des  produits. 

Les  cafés  du  Harar,  entre  autres,  sont  admirablement  cultivés  par  les  indigènes, 
et,  lorsqu'ils  ont  atteint  un  ou  deux  ans  de  conservation  après  la  récolte,  ils 
donnent  une  qualité  supérieure  à  celle  des  autres  cafés. 

Il  est  à  prévoir  que  la  culture  du  café  s'étendra  dès  que  le  pays  possédera  des 
moyens  de  transports  suffisants. 

L'or  est  exporté  à  l'état  d'anneaux  ;  il  est  de  bonne  qualité. 

Les  ivoires  sont  loin  d'être  épuisés,  de  grands  troupeaux  d'éléphants  vivent  dans 
les  bas  pays  et  constituent  une  sérieuse  réserve  de  ce  produit. 

Le  musc  ou  civette  provient  surtout  des  pays  gallas  ;  le  commerce  de  cette 
matière  est  presque  entièrement  dans  les  mains  des  négociants  français. 

Le  commerce  des  gommes  et  des  cires  a  diminué  dans  ces  derniers  temps  ;  celui 
des  indigos  a  presque  complètement  disparu. 

Mais  la  véritable  fortune  de  l'Abyssinie,  qui  devrait  consister  dans  ses  céréales, 
ses  chevaux,  ses  mulets,  sa  viande  de  boucherie,  est  inexploitée  faute  de  moyens 
de  transports. 

Aussi  la  construction  d'un  chemin  de  fer,  entreprise  par  des  capitaux  français, 
grâce  à  la  vaillante  initiative  de  notre  compatriote  Ghefneux,  ouvrira-t-elle  à 
l'Ethiopie  une  ère  de  prospérité  commerciale  dont  notre  port  de  Djibouti  situé  en 
face  d'Aden,  est  surtout  appelé  à  profiter.  Les  travaux  sont  déjà  commencés  et  les 
rails  posés  sur  une  trentaine  de  kilomètres.  On  peut  estimer  que  d'ici  à  trois  ans 
le  chemin  de  fer  atteindra  le  riche  plateau  de  Harar,  l'une  des  plus  riches  pro- 
vinces de  l'Ethiopie. 

On  peut  prévoir  que,  dès  lors,  les  populations  laborieuses  de  cette  région  culti- 
veront en  abondance  les  céréales,  les  fruits  et  les  légumes  qui  fout  absolument 
défaut  à  l'Afrique  orientale,  à  l'Arabie  et  aux  régions  avoisinantes.  Les  bateaux 
qui  font  escale  à  Djibouti  auront  là  un  fret  toujours  renouvelé.  C'est  une  révolution 
économique  qui  se  prépare  pour  l'empire  éthiopien  et,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit 
accomplie,  il  est  prématuré  de  songer  à  une  émigration,  si  pacifique  qu'elle  puisse 
être  de  ce  côté.  Le  chemin  de  fer  seul  peut  compenser  la  perte  du  prestige  qu'a 
fait  subir  aux  Européens  l'aventure  militaire  des  Italiens  ,  si  tristement  terminée 
après  Adoua. 

Le  commerce  d'importation  a  été  très  limité  jusqu'à  ce  jour,  en  dehors  du  com- 
merce des  armes  et  de  munitions  de  guerre. 

Les  ressources  financières  des  Abyssins  sont  encore  trop  exiguës  pour  leur  per- 
mettre la  consommation  d'articles  de  luxe,  mais  il  est  certain  que,  ici  encore,  le 
chemin  de  fer  modifiera  grandement  la  situation  et  que,  en  enrichissant  le  pays,  il 
permettra  aux  Aby.ssins  de  dépenser  à  leur  tour. 

La  France,  grâce  à  son  port  de  Djibouti,  est  appelée  plus  que  tout  autre  pays  à 
profiter  de  ses  relations  avec  l'Abyssinie.  Elle  ne  pourra  le  faire  qu'en  persévérant 
dans  la  politique  humaine,  juste  et  civilisatrice  qu'elle  a  suivie  jusqu'à  ce  jour  vis- 
à-vis  de  l'Abyssinie.  C'est  par  de  bons  conseils  et  de  bons  exemples  que  nous  ren- 
drons à  ce  peuple  son  ancienne  prospérité,  et  que  nous  lui  permettrons  d'être  un 
facteur  important  dans  l'œuvre  de  la  régénération  do  l'Afrique. 

(Bulletin  de  la  Société'  do  Géographie  commerciale  de  Paris). 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  (jèoyraphiques  : 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 
LE    SECRÉTATRE-GÉNÉRAJ.  ADJOINT,  A.   MEHGHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 

Lille liTip  LDaitîl. 


145 


SOGIKTI': 

DE    GÉOGRAPHIE 

DE    LILLE. 


MEMBRES      D'HONNEUR 

avec  Vannée  de  leur  7ioniinalion. 

Années    I^J)]. 

-1892.  BWKT,  0.5^:,  \.\},  Q,  DirL'Cleiir  ilc  rK:i<elgnomoiit  pii:ii;iiio  an  MJni^lèrc  de 
l'Iiislructioti  piiblKjue. 

1883.     lUvoL  (docli'iin.  0.  1^  ,  A.  %},  C.  4*.  (îouveiiiciir  ho  lorairc  des  Colonies. 

18'JO.  UiNCiEu  (l.oirs),  0.  3^,  I.  y,  (le  Ca;). laine),  Coiii;!iaii:laii!  dir'clinir  d"  i"Afn(]!ic 
au  .)liiiislero  lies  Coloiiis's. 

1883.     iiK  l!iu/zv(IV  S\voi»r..N\N),  0   5^.  ►!-' "î--  Coiiimiss.  ^'éiici-al  an  Coogo  fiMiirais. 

l88o.  UKHiDoru,  -fr,  I.  'Q.  li:si»0('lei;r  géiuM'al  de  I  liislnicliiiu  piibliiiiii? ,  Prosidriil 
d'IldiiiiCur  de  la  Snciek'  de  gi-ographie  de  l'ii.-l. 

I8'.i',).  Dh;  hi\T  (0>c;.r),  ^  (M;  «^  ►J^  «^ ,  JIpiiiIjiv  de  la  Mission  du  Coiiiniaiidanl 
.M;.r(ii:,iid,  piTccpt'Hir  à  l'iiiii!  (l'.-;|p-C,). 

1883.     IHi'i  is,  G.  C  ►!-.  Ev|>loi-;ileiir  du  Toiikin,  iiie  Saiiil-IJeorges.  43.  Paris. 

■1882.  Fo.sciN  (Pierre),  ^.  l.y.  lii-pecliMir  général  do  riiisinii-lion  pnh'iîiue,  Fondnleiir 
cl  iiucieii  Presid.iil  de  il.'iinn  (u-tigrapliKine  do  Xiad,  r.  de(ùviielle,  i-i,  Pari.>. 

1883.  GuiLLOT  (K  )  I.  y,  .''rufe.sseur  agrège  d'Iiisioirc  au  lycée  Cliaricningno  c!  a 
ITilcole  si'])-ii>M;r,"  de  Conim^rc%  anciei.  Secrétaire  géinTal  île  la  Sociel,', 
Seer61aire  de  la  Société  de  Géographie  c^inineroiale  de  Paris,  \\ni  Thèuard,  ',). 

1882.  Harmv.no  (docte  ir),  ^,  »f<,  Ministre  plénipotentiaire  an  Japon. 

1889.  LÉGER  (Louis),  ^,  1.  <J:,  ►f-^J-,  Profes>enr  au  Collège  de  France,  Professeur  hono- 

raire à  IKcole  de.s  Langues  orientales,  l'nifesseur  a  l'Ecole  super,  de  Guei  le. 

188G.  Levxsskii»,  0.  î%,  I.  y,  G.  ►!-►}•.  Siomlire  il-  llnslilul,  Professeur  au  Collège  de 
France  cl  au  Cunservatoire  des  Arls  el  Métiers. 

1892.     tdo-NfxiL.  0.  ^,  A.  i),  Lieulenanl-Colonel  d'inranterie  do  marine,  Ex;iloruteur. 

1888.  Gi:itnr.i:s  PKniiDT,  0.  i^,  I  Q,  Membre  de  l'Institut,  Directeur  de  l'École  norm.ile 
supérieure,  rue  dLlm. 

1881 .     StKRUS,  I.  %},  Ccn.seur  au  Lycée  Sl-Louis,  ancien  S.rretairc-général  de  la  Société. 

1890.  TniviER  (Frnesl),  5!^,  CapitiiiDe  au  long  cours,  Explorateur  de  l'Afrique  cenlnle, 

Itochefort. 

1883.  WiENEii.  ().  ;^,  Ministre  plénipof''  de  la  ftépubliipie  Française  à  Port-au-Prince. 


10 


-  140  - 


MEMBRES  CORRESPONDANTS  (1) 
avec  l'année  de  leur  nomination. 


Années    JJJf, 

1887.  HKCornT  rnenri),  ^,  Inspecteur  des  foréfs  au  Quesnoy,  Membre  de  la  Commis- 
sion historique  du  iNord. 

1802.  IJoNVAi.ET  (E.),  Asent  de  la  C^e  française  d3  la  côte  occidentale  d'Afrique,  à 
Balhurst  (Gambie  anglaise). 

1887.  HoNVARLET,  ►}•.  ►f«.  4*,  Président  du  Comité  flamand  de  France,  consul  de  Dane- 

mark, à  bunlvcrque. 

1889.  Carton  (le  D' Louis),  I.<^,»f«,  Médccin-majorau  10'  chasseurs,  33,  r.  Voltaire,  Lille. 
1892.     (-ATAT  (D'),  î^.  Explorateur,  ancien  officier  de  marine. 

1892.  CoRDEino  (I.uciano),  C.  ^,  ^<i>^,  Député,  Secrétaire  général  de  la  Société  de 
Géographie  de  Lisbonne. 

1890.  De  Beit.nv  d'Uvgkrue  (G.),  Iloinmc  de  Lettres,  à  Aire-sur-Ia-Lys  (P.-de-C), 
1804      De  Gterne  (le  Baron  Jules),  ■^.  .K.'Q,  Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie 

de  Pans,  rue  de  Tourmni.  (i,  Paris 
1S«T.    Dei.amxre,  0   'k,  I-  y,  C.  V,  C  ilniiel  en  roiraile.  rue  Sic-Marthe.  13,  Toulouse. 
I.S'.i-J.     DKLESSE'iP    (Eugéncl.    ancii'ii    |»r  Ji'scur.    ancien   Archiviste  de   la    seclion   de 

Riiuhaix,  villa  de  la  Verte-Kive  a  Cidly-Lavaux,  canton  de  Vaud  (Suisse). 

1888.  De  Mmiv,  Ancien  Mini-;lre  r'e  la  Marine,    Viie-Presidcnt  do  la   Chambre  des 

Députés,  avenue  du  Tnicadeni,  2S.  l'aris 

1883.  \)v.<  CiiESNAis  (le  lî.  P.  !{ene  Le  Mknv.nt),  Mi.ssionnaire  apostolique,  2-j.  rue  de 
Varize,  Paiis-Auteiiil. 

1S02.  Du  Fiée,  «f-.  Professeur  limiorairc  à  rAl'iénée  royal,  Secréltiiie  général  de  la 
Soiiélé  myale  belge  de  Ge<tgra;'li  e  de  Bruxelles.  r;ie  de  la  Limite,  116. 

1887.  OviTruor.  0.  ^.  A.  y.  ►!-.  -~-,  -r-»--^-  Secrelaire  ireneral  de  la  S  iiiele  de  géogra- 
phie cnininerciale  île  Paris,  Meuihre  du  Conseil  supérieur  des  Colonies. 

180o.     GnoT-TAUitF.  Mlle  Mar.c^  Auteur  iW<-  Guides  Miiiani,  Sens  (Yonne). 

1898.     Lacan,  I.  y.  ►J-,  Secrétaire  de  la  Cif^du  Cli.  de  fer  du  Nord,  r.  de  Dunktyque,  Paris. 

189Î-.  Lemiue  Charles),  C.  ►J».  ancien  Bésideat  de  France  en  Aniiam,  rue  de  La  Tour- 
Maul)ourg,  Paris. 

189:-.     LofSEvu  (Paulj,  Président  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  du  Uavre. 

1892.  LoiRnELET  (E.),  0.  ^,  .Membre  de  la  Chand)re  de  Commerce.  Président  de  la 

Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris,  boulevard  .Magenta,  09 
1898.     Mevs  (M.),  de  ^  V IUu<tra'.i<m  ».  boulevai-d  Daunou.  (15-,  à  Boulogue-sur-Mer, 
1890.     .MoNNiER  (Marcel),  55?,  Esplontcur,  rue  Martignac,  7. 

1889.  PAU.LARD-LELONr.,  Ancien  Secrétaire  de  la  Section  de  Tourcoing,  à  Buenos-Ayres 

1893.  Pelster.  a.  O.  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Nancy,  Piésident  de  la 

Société  de  Géograjibie  de  FEst. 

1890.  Re.nouaud  (Alfred).  A.y,  Ancien  Sccr.  gén.  de  la  Société,  rue  Mozart,  49,  Paris. 

1890.  Routier  (Gaston),  4*,  l'ublicisle,  avenue  Malakoiï,  37,  Paris. 

1 891 .  Salone  (Emile),  1  y.  Prof,  agrégé  d'histoire  au  lycée  Condorcet,  r.  de  Lille,  37,  Paris. 

1892.  ToRRES  Ca.vpos,  ►J^,  Professeur,  Secr.  gén.  de  la  Société  de  Géographie  de  Madrid. 


(1)  N.  B. —  LesMembrescorresp'iii'lanl.sjouisscnt  gratuitement  desavantages  réservés  aux  Membres 
titulaires.  S'ils  cessent  pendant  plus  de  18  mois  leurs  rapports  avec  la  Société,  leur  silence  est 
considère-  comme  une  démission  tacite  de  leur  part. 


—  147  - 


BUREAU  DE  LA  SOCIÉTÉ. 

MM 
Président Crei'Y Danki.  (F'.iul).  ^i,  \.%}.C  4^4'-  Négnciaiit,  Vice-Consul 

(le  l'oilii;î,il,  Adiriiiiislralciir  (le  la  Mainiiie  ilt*  I  rance. 
Vice-Prcsidcnts MvsruEL  (François) ,  A.  i),  Aiicii'ii  l'iésirtenl  du  Trihunal  de 

Commerci'  île  Tourcoing. 
Nicollk-Vkustrvkte  (E.i,  ^,  Ancien  Lieutenant  de  vaisseau, 

.Manufacti;rier. 
Van  IIkndh:  (Ed.),  I-  y,  Numismate,   YlcePrêsidenl  de  la 

Commission  historique  du  Nord. 
BoLLENGEK  (Ed.),  Nt^^dcianl  a  Koubaix. 

Secrétaire  Général Mekchier  (A.).  I-  %}■.  Professeur  agi'égé  d'histoire  au  Lycée. 

Secr.  général  adj Oi  arre-Hkyboirson,  I.  ij.  Membre  île  la  Commission  histo- 

rique  dii  Nord,  delà  Société  des   Sciences  el  dos  Arts,  etc. 
Secrétaire Tiui  \>t  (Viclor),  !.  i}.  Directeur  honoraire  de  l'École  primaiie 

sU|)ériiMire  ili-  Lille. 

Trésorier , Fko.mont  (Auguste),  A.  tj.  Homme  de  lettres. 

Trésorier  adjoint KEU.NAUx-DEFUANce,  A.  î^.  Négociant. 

Bibliothécaire   IIoliiron  (Georges),  A.  y^.  Licencié  en  droit,  Membre  de  la 

Commission  de  la  Bibliothèque  de  la  Ville. 
Archiviste Cantine  vu  (E.),  A.  %},  M^nd^n^  de  la  Com.  liislnrique  du  Nord. 

COMITÉ  D'ÉTUDES. 

MM.  Ardaillon,  Professeur  de  Géographie  à  la  Faculté  des  Lettres. 
Beaufort  (Henri),  A.  Q.  Négociant. 

Bonté  (Auguste),  .Maire  de  Lamber.<art,  Conseiller  darrondisseraenl. 
QiANOiNE  (Général),  G.  0.  5^,  I.  y,  C.»J<,>^,  aniion  .Minisli-c  de  la  Guerre. 
Craveri  (AnnibaU.  Propriétaire  à  Koubaix. 
Crepy  (Auguste),  ►i"",  Négociant. 
Delauodde  (Victor).  Négociant. 
Delmasure  (Ernest) ,  Manufacturier  à  Ronbaix. 
DESTO.MBES  (Emile),  Courtier-juré,  à  Tourcoing. 
Desto.mbes  (Paul),  »^,  Architecte,  à  ftoubaix 
Dervaux  (Eugène),  rue  Sl-Jacques,  60,  a  Tourcoing. 
DiFLOs  DE  Mallortie,  Hoiume  de  lettres. 
Eeckman  (Alex.),  A.^,  0.  V,  ancien  Secrétaire  Général,  Membre  de  la  Cs'on  hist. 

du  Nord  ;  Corres|)omlant  de  Sociétés  de  Géographie. 
GoDiN  (Oscar),  C.  ►i* ,  Industriel,  Membre  correspondant  des  Sociétés  de  Géographie 

de  Madrid,  de  Lisbonne  et  de  la  Suisse  orientale. 
GossELET.  0.  5^,  L  %},  4^,  Doyen  de  la  Faculté  des  Sciences,  Corresp.  de  l'Institut. 
Haumant  (E.),  L  i).   Agrégé  d'Histoire  et  de  Géographie,    Docteur    ès-Leltres, 

Professeur  de  littérature  et  de  langue  russes  à  la  Faculté  des  Lettres. 
JuNKEB  (Ch.),  A.  i}s  Filatcur  de  soie,  a  Koubaix. 
P.uoT  (Henri),  Notaire  honoraire. 

Pe.nel,  (GéniTal),  ().  t^,  I.  Q,  C.  rf-,  rj*,  (louvernenr  de  la  Fère  (Aisne) 
Petit-Leouc  (Joseph),  Publiciste  à  Tourcoing. 
PiLLET  (le  Chanoine],  D.iyen  de  la  Faculté  de  Théologie. 
Prol  vo.jT  (Amédée  (il.>).  Industriel,  a  Koubaix. 
Robin  (Emile),  ^,  Directeur  de  la  Banque  de  France. 
Théry  (Raymond),  »>,  Ancien  Notaire. 
Vaillant  (Eugène),  0.  rf>,  0  4*'  Vice-Consul  de  Perse. 
Ver.mersch  (Albert),  Docteur  en  Médecine,  Pharmacien  honoraire. 
Warin,  A.  ij,  Membre  de  la  Commission  administrative  des  Hospices. 

Vice-Président  honoraire.  —  M.  Verly  (llippolyte),  ^,  Homme  de  Lettres. 

AGENT-SECRÉTAIRE. 

L'Agent  de  la  Société  s.-^  tient  au  Serétarial,  rue  de  l'Ilôpital-Mililaire.  H6,  chaque 
jour  non  férié,  le  matin,  de  7  h.  3/4  à  8  h.  3/4  ;  le  soir,  de  (i  h.  à  H  heures. 


-   i48 


COxMMISSIONS 


liC  Président  de  la  Société,  le  iSecrélairc-Géuéral  et  le 
Secrétaire  -  Général  -  Adjoiut  font  de  droit  partie  de 
toutes  les  Commissions. 


r"   COMMISSION  :  BULLETIN  ET   NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 


SIM.  Merchier,  I.  Q,  président. 
'  Quarré-Reybourbon,  I.  y,  rap- 
porteur. 
Ardaillon. 
Ca.ntfneai-,  a.  %}. 
Craveri. 


MM   Crepv.  Auguste,  r^. 

EECKM\>(Alex.i,  A.  Q,  0. 

llALMANT  (E.),  A.  y. 
HOUBBON  (G.),  A.  y 

PvJOT  (Henri). 

PhTIT-LEDCC. 


2'  COMMISSION  :   CONCOURS. 


.MM.  Van  Hk.nde,  1.  i),  président. 
Thérv  (R),  >>,  rapporteur. 
Cantine  AU  (E.),  A.  y. 
DKLAnoDDE  (Victor). 
Destombes  (Paul).  ►î* 

EECK.MAN,  A.  y,  0.  <«. 

Fromont  (Ans.).  A.  tj. 
GODIN  (0.),  C.  4^ 
HAmiANT,  (E.),  A.  y. 
HouBRON  (G.),  y.  A. 


iMM.  Masurel  (François),  A  y. 
Nicolle-Verstraete,  ^. 
Petit-Ledi'c 
TiLMVNT  (Victor),  I.  y. 
Vaillvnt. 
Vermersch  (D""). 
LoRÉVL  (Capitaine).  ^.  rj-, 
Tho.mas  (Lieutenant). 


adj. 
id. 


PoNCELET  (Sous-Lieutenant),  id. 


3'  COMMISSION  :  BIBLIOTHÈQUE,  CARTES  ET  COLLECTIONS. 


BIM 


Van  Rende,  I  y,  président. 

MM 

.  Hai:mant(E),  A.y 

Eeckmvn,  A.y,0.>>,  rapporteur. 

llouBRON  (G.),  A.  y. 

Ard\illon. 

Nicollk-Vkhstraete,  ^ 

Cantineau  (E),  A.  y. 

Puot  (Henri). 

Dervaux  (E.). 

Tiiéry  (il).  >>. 

Destombes  (Paul).  ►J-. 

Tilmant.  I.  0 

Fromo.nt,  a.  y. 

Uehee  (G.),  adjoint. 

GODIN,  G.  pfi. 

4" 

COMMISSION 

:  FINANCES. 

MM  WxniN  (L.),  A.  y,  i)rési.lciil. 
Pajot,  rapporteur. 
l>KLMvs-  UK  (Frui'sl) 
Fkhn\IjX-Dkkii\nck,  A.  y. 
Fromont  (AuRus'u).  A.  y 
MAStHEL  n-ranijoiS;.  A.  y. 


MM.  Nk.oi.le-Verstraete,  '^. 

IlOBIN,  5!^. 

liiEnv  (Raymond),  v. 

V\N    IIKNDE,   i.  JjJ 

De  SwAfiTE,  A.  y,-!-,  adjoint. 
I  ouiLLK  I  Emile),  id. 


-  149  - 


5'^  CQWiyiISSION  :  EXCURSIONS    ET   VOTAGES. 


Unî.  Beacfort  (Ilciiii),  A.  i),  présid. 
Fkrnaux-Defrvnce,  a.  Q,  rapp^ 
Gantineau,  a.  Q. 
Crepv  (Aufrusto),  ►f-. 
Delamodde  ;Vicior), 
Deiivaix  (Eugène'). 
Destombes  (Paul),  ►f-. 
GODLN  (0.),  G.  ►}•. 
Nicolle-Versthaete,  ^. 
Thérv  (Raymond),  >>. 
Vaillant  (E),0.  ^,  0.  >>. 
D''  Vermersch 

Galonné  (Albert),  adjoint. 

Decrameu  (Louis),  id. 


MM.  Demée,  adjoint. 

Deraciie  (Ghàrles),  @,  Id. 

DiiALLLiN  (Paul),  id. 

D'  EUSTACHK,  id. 

D'  Gaddier.  id. 

MuLLiER  (Albert),  id. 

Palliez-Colin.  jd. 

Ravet  (l'rosper).  id. 

Renalt  (Charles).  id. 

ROLLIER,  id. 

Savarv,  id. 

Thiéb\ct  (Raymond).  id. 

TinEFKRY  (Maurice),  id. 

VaiNtroostenberghe,  id. 


6"  COmMISSiON  :  FÊTES  ET  RÉCEPTIONS. 


MM.  Reaufort  (Henri),  A.  Q,  présid. 
HouBuoN  (G.),  A.  ij.  rapporteur. 
Vaillant  (E). 
D''  Vermkrscii 
Galonné  (Albert),      adjoint. 
Deiiée  (Gaston),  id. 

Derache,  (Gh.),  (m),      id. 


M3I.  D'  Hociistetter,  adjoint. 

Laurence  (Eugène).  id. 

Ravet  (Prosper).  id. 

Renaut  (Cil  )  Id. 

Thiébalt  (Raymond),  id. 

Tbieffry  (Maurice).  id. 


SECTION  DE  ROUBAIX. 

Chorgée  de  l'organisation  des  Cours  et  Conférences   dans  cette    Ville. 


MM.  BouLENGER  (Ed.),  Président. 
Prouvost  (Amédée),  Yice-Présid. 
Destombes  (P.),  »J«,  secrétaire. 
Craveri  (A.),  secrét-adj.,  archiv. 
Droulers  (Gli.,  fils). 


MM.  Dupont  (A  .-F.). 

Faidherbe  (Alex.),  I. 
JUNKER  (Gh.),  A.  Q. 
Rousseau  (A.). 
Verlais  (H.) 


SECTION  DE  TOURCOING. 

Chargée  de  l'organisation  des  Cours  et  Conférences  dans  cette  Ville, 


MM.  Masurel  (F.;  A.  tj.  Président. 
Petit-Leduc,  secrétaire. 
Delmasure  (E.). 
Dehvaux  (e.). 


MM.  DÉPREZ  (G.). 
duquesnoy  (p.). 
duvillier  (g.). 
Fallût  (R.). 


—  150  - 


MEMBRES    FONDATEURS. 

N»'d;ms- 

cnption.  M  -Il  • 

308. -{-  l?\n\TTK,  Officicrd'Acimiiiislnilion  du  croisonr  Le  Renard. 

o4V.     BÉTiii'NE  (riêmeiin,  Propri-'lnire,  à  Croix-Wasquelial. 
1684.     Blonoevi' (M"e  Louise).  Propriélaire,  rue  Royale,  il8,  Lille. 

158. -J-  HossuT( Henry),  Vice-Président  de  la  SocitMe,  à  Roubaix 
1490.    CoQiELLE  (Félix),  Négociaut,  Juge  suppl.  an  Trib  de  Commerce  de  Dunkerqiie. 

o6.     (  nEPY  (Paul).  !ft,  A.  Q,  G.  ^,'i;  Nég,,  Prcsiilftil  de  la  Société,  à  Lille. 
14;il .     CuEi'V  (Auguste),  ►î*.  Négociant,  rue  des  Jardins,  28,  Lille. 

175.-;-  D\ssonvilie-Ler()ix,  Négociant  en  laines,  a  Tourcoing. 

302.4-  d"Aluifiret  (marquis)  0.  ^,  Trésorier  payeur  général  du  Nord,  à  Lille 
1 177.7  Debruvn,  Notaire  honoraire,  rue  Nationale,  142,  Lil!e. 

971.     Delattre-Pailnot  (M"""),  Propriétaire,  rue  dlnkcrmann,  18,  à  Lille 

613.     Eeckmvn  (Alex.),  A.  i),  0.  ►p,  Ancien  Secr.-Gén..  rue  Alex. -Leieux,  28,  à  Lille 
1478.     FoRSTEB  (J  ),  Doct.  en  médecine,  Bnckingham  Palace  Road.  129,  Londres,  S.  W, 
2862.     GviLOis  (Evgine),  Expîorateiu-,  408,  nie  Sl-Ilonfjré.  Paris. 
2954.     Kl'hlma.nvAgache  (M™'  P.),  Propriétaire,  13,  square  de  Jussieu,  Lille. 

454.     Lorent-Lescornkz,  Filaleur  de  lin,  nie  Inkcrmann,  à  Lille 

184.     .M\niEU  (Augusie)  ^,  Filaleur  de  lin,  ancien  Jlaire  d'Arnienlieies. 
11.53.     Maracci  (M"'),  propriétaire,  1 1,  rue  des  Fleurs,  à  Lille. 
1741 .     PuALEMPi.N  (Charles),  C.  ►î*,  70.  avenue  des  Ternes,  Paris. 
96.     Re.nouaru  (Alfred),  A.  Q,  Ancien  Secrétaire-général  de  la  Société,  à  Paris. 

138.     ScuoTsMv.NS  (Emile).  Négociant  en  grains  et  farines,  boulevard  Yauban,  à  Lille. 

356. -p  Sci;ivF.-DE  Negri  (Jules),  C.^î-,  Manufacturier,  rue  Léon-Gambetta,  à  Lille. 
2395.     Wallaert  (Georges),  .Manuf.,  Juge  au  Tr.  de  Comm.,  r.  de  Bourgogne,  27,  Lille. 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  0). 

N"d-lns- 

cripiion.  JUJl. 

Aîrc-«ur-[a-l-ys  (Pas-de-Calais). 

2775.     Hoi'CKE  (.Vaurice),  hra.sscur. 
2796.     Dkmkiiie  (Lénn),  Indiislrli'l. 

ABeuçou. 

2883.     Chevalier  (Albert),  propriétaire,  boulevard  Lenoir-Dufresne,  3. 

Andelys  (liCs) 

lOWJ.     Dk  Franciosi  (Ch.),  ^,  capitaine  ins!r  u  tevr  à  l'École  préparatoire  d'infanterie. 

Annapcs. 

1731 .     Lemaire  (Alfred),  jjroprir-lairt',  près  la  gare  d'Ascq. 


(1)  Les  Membres  do  la  Société  peuvent  se  procurer  au   Secrétarint  le  Diplôme  de   la 
Soi-iéli'  contre  le  versemenl  'te  :inq  francs. 

Les  noms  des  membres  protecteurs  sont  précédés  d'un  astérisque  (*) 
Ceux  des  membres  fondateurs  sont  rappelés  par  deux  astérisques  (**). 


—  151  - 

NO»  d'Ins-  MM. 

crIpUoD. 

A  rimcutlcrcs . 

284.  Badabt  (M""*)  directrice  du  Collège  de  jeunes  Filles. 

182.  Bailliez  ,  principal  du  collège ,  rue  des  Jésuites,  29. 

2263.  Bloem,  industriel,  boulevard  Faidherbe,  12. 

912.  Cado  (Edmond),  imprimeur-libraire,  Graiid'Place,  2. 

2291 .  Camelot,  (abbi^),  jirofe-seur  à  l'inslilution  St-Jude. 

3147.  Charvet-Locoge,  fabricMiil.  nie  Nationale,  i;V2. 

486.  Chas,  I.  ij,  négociant  en  toiles,  rue  de  la  Gare,  1. 

2061 .  Dancois.ne  (Henri),  propriélaire,  rue  du  Moulin. 

189.  Dansette  (Jules),  député,  nw  Nationale,  -27. 

1184.  Decaudmn  (Victor),  négociant  en  vins,  rue  de  Dunkerque,  85 

525.  Dkrvalx,  médecin-vétérinaire,  rue  Nationale,  38. 

2992.  DuFOUR  (Etienne),  chez  M.  Dufour-Lescornez,  rue  Lamartine. 

960.  Gremer,  fabricant  de  toiles,  rue  de  Lille,  60. 

1998.  RÉNAUX  (Victor),  propriélaire,  rue  Sadi  C;.rnot,  12. 

2370.  Jeanson-Faiciiille,  fabricant,  rue  Denis-Papin,  i. 

1166.  Lâcherez  flls,  fabricant  de  toiles,  rue  des  Jésuites,  18. 

941 .  Lamhert  (Léopold),  fabricant  de  toiles,  rue  de  Lille,  70. 

825.  Lescornkz  (PauH,  brasseur,  rue  de  Flandre,  25. 

184.*'Mahif.u  (Aiig.)  ^,  filateur  de  lin,  rue  «its  Jésuites,  7. 

3o2l  .  3IAMET,  maniifachirifr,  nie  du  Faiibourg-(l('-Lill(%  ]. 

755.  Martin  (Jules),  négociant,  rue  du  Faubourg  de  Lille,  33. 

942  MiELLEZ,  fabricant  de  toiles,  rue  de  Strasbourg,  1. 

2977.  Motte  (Jean),  rue  de  Dunkerque. 

.3220.  RoGEAu  (Henri),  rue  de  Lille,  17. 

2972.  RoGEAUX  (Paul),  maniifacli  l'ier,  rue  Penis-Papin. 

2278.  Salmon  (René),  industriel,  place  de  la  République,  7. 

3013.  Schulz  (Constant),  fabricant  de  toiles,  rue  Nationale,  I. 

2767.  Thilleur,  filateur,  rue  des  Rotours,  17. 

<607.  TuHPiN  (Louis),  fabricant  de  toiles,  rue  Nationale,  '■'>. 

940.  YiLLARD,  ;^,  fabricant  de  toiles,  rue  de  Strasbourg,  2. 

Artrcs  {Nord). 

2435.     Dewas  (Auguste),  négociant. 

A%'csucK-sur-I9cl|>c  (Nord). 
2886.     Gossart  (M'-nes  A.  et  E.). 

Ilaillcul. 

33ol.     Aerts  (Théophile),  liôlel  du  Faucon. 
919.  *  UiE-l)ELE.MKR,  maire,  fabricant  de  toiles. 
2742.    Savove  (Gaétan),  élevé  de  l'École  Supérieure  de  Commerce  de  Lille. 

Ifiaisieum^. 

3489.     Paternoster-Scol  (Arthur),  industriel. 

Balliurst  (Gambie  anglaise). 
1779.    Bonvalet  (E.),  agent  do  la  compagnie  française  de  la  côle  occidentale  d'Afrique. 


-  ir.2  — 

N»»d'ins-  MM. 

criptiûii. 

Ifieseinç'on  [Doubs). 
Tl.j.     Crépin  (H).  Di:'ect<>iir  dépr.rteiD'^iital  dos  Poslîi  et  Télégraphes. 

ISCMVS'T  {Pas-de-Calais). 
■2oSG.     D'Almvnzv,  propriélair?,  ctiàleau  do  Gorre. 

BSSSB.v-^BoBîiîsM.Y. 
3220.    LvvAuus,  dirccleur  de  la  Compa:,MiIe  des  Mines  de  Cournères, 

îBouIosuc-.*»iiP-SBcD'. 

I'jd>.     DcjAUDiN  (M'''=  Cécile),  aïK-iemie  iiisliiulrice,  bouL-vard  Kurviii,  S-i. 

EI«CBiE«g,MC-swa*-J»»t'îi»e. 

870.     Greterin,  ^.  Dir''  d:^s  Postes  et  Télégraphes  eu  ivlraile,  rue  du  Gli  'iiiiii-Neuf.  '.». 

4:G.     Becquart  incari;,  n é^^^oeian!,  hmilevard  Lafiyette,  18. 

10'J.     BitETON  (Ladovic),  iii^'eiiieiir,  direcleurdu  tunnel  sous-inar<i),  direcleur-propiii-- 

lairc  des  Mines  d"ll.u-ilii)glieu,  17,  rue  .M-Micliol. 
2'JtJ3.     GcvoT  (le  Docteur),  rue  des  Quatre-Coins,  ô.j. 

CatiiBirai. 

2032.     M""'  la  Supérieure  du  Pensionnat  St-Beriiard. 

CaiiîaîEcM-2ez-l.îIlc. 

2868.  Crepy  (Fernand),  fiîaieur  de  colon,  rue  Flamenl-Rcboux. 

2314.  Crepy  (Maurice),  fllateur  de  coton,  rue  Flamenl-Reboux. 

739.  De  Cagny  (Edm.),  courtier,  rue  des  Écoles. 

3136.  Liborel  (Paul),  propriétaire,  rue  de  la  Carnoy. 

1878.  Nicolle  (Louis),  manufacturier,  villa  Magdalena,  avenue  Amiral-Courbet. 

4 91 4.  Petro  (Jean),  propriétaire,  avenue  de  Boufflers. 

283Ô.  Roussel  (Paul),  propriétaire,  avenue  de  Boufflers,  1. 

3455.  Wgeux,  propriétaire,  villa  Yan  Dyck,  avenue  de  l'Amiral  Courbet. 

t 

Carvin  (Pas-de-Calais). 

3282.     Bruge  (Louis),  négociant. 
3228.     Dlpont-Daibresse,  brasseur. 
2591.    Robert  (Madame),  propriétaire. 

Cassel. 

1654.    Amat  (Gaston),  propriétaire,  au  château  de  l'Hutseval. 
1807      LooRirs  (Emile),  Hôtel  du  Sauvage,  Grande-Place. 
2677.    MoEMXLAEV,  Conseiller  g 'néral. 


>••  d'ln§-  Jl  y\ 

rription. 

67'i-.    IkUTuoKS,  direclfiir  des  coiilr.lujlii-iiN  dirc^  les. 

C'EerBiios:e-IFeE'i*sîBt«J  [Puy-de-Dôme]. 
2276.     Labouds,  censeur  des  études  au  Peli!  F,ycéc. 

CoiiiinoK. 

Io04.  Dkvos  (Aiiloiue),  fabricant  de  fils  retors. 

3426.*  Duiuez-Lambin,  industriel. 

3058.  Gallant,  inaïuifncturier. 

U-70.  Vandewy.nckei.e  fils,  (Auguste),  manufacturier. 

€oudé-KiBr-E-B:Kcaut. 

I2.'j0.     I'kvi  MONT-CorsiN  (Louis),  cntrepri  ncur  de  travaux  publies. 
1831 .     l'iREi  II  (Pierre),  brasseur. 

CoMrr3rB'«.'«    (Pas-de-Calais). 
2o00.     Ber.wro  (AiidrC),  indu.«triel 

2142.  B\Lc\EN,  fabricant  (le  bi<eiiih,  nie  de  bi  tiare. 

544."  BÉTHijNE  (Clément),  propriétaire. 

30T9.  BoAG  (Thomas),  employé  ch;z  M.  Ilulden. 

2183.  d'Halllin  (Albert),  négociant. 

863.  DcBAR  (Paul),  propriétaire,  château  Facques. 

1881.  Tlorin  (Achille),  adjoint  au  Maire,  Grande  rue,  61. 

3078.  Gemmell  (Edward),  employé  chez  M.  Holden. 

2892.  Germain  (Léon),  comptable,  rue  du  Trocadéro. 

250.  Mathieu,  A.  y,  insliluleur,  iilace  St-Marlin. 

2082.  Mafille  (Auguste),  eniployé  chez  M.  IbiKlen,  boulevard  de  la  Chapelle. 

2785.  Petit-Dlpir,  négociant,  rue  de  Iloubaix. 

3056.  Plateau  (Alfred),  industriel. 

i6\6.  Pluquet  (Louis),  Grande  Rue,  20. 

2496.  Toussaint  (Alphonse),  pharmacien,  place  St-Martin. 

Dcûlvniout  Œord). 

28io.     Ci.ARO  (Lucien),  lissage  mécanique. 

iô51      Flu'o  (Louis),  rentier. 

2<82.    Y'VNdermehscii-Peuceli.k,  propriétaire. 

Douai 

2536.    Baratte  (Paul),  propriétaire,  rue  de  l'Abbaye-des-Prés,  44. 
634.    JoppÉ  (Ed.),  0.  rji,  A.  y,  Conseiller  à  la  Cour  d'Appel,  rue  des  Ferronniers,  02. 

Douzy  {Ardennes). 
284i .     Beurmann  (baron  de),  propriétaire. 


eriptioo  fll'l. 


-  ir-.i  - 


Dtsitker<iuc 


3268.     Bernard  (Carlos),  négociant,  14,  rue  du  Sud. 

H90.**CoQUELLE  (Félix),  n(*tîocianl  i-u  Ixùs,  jug.^  suppl.  au  Trib.  de  Coniinerce. 

1830.     Decomnck  (lîlif),  Officior  dadiniiiisli-alioii  drs  Sub^ist;ul(•l•s  uiililair.'>. 

i6i9.     Sevs  (Edouard),  filaleur  de  julo. 

3332.     Smagchk,  coudueleur  des  Waltei-ingui'S.  lui'  df>  la  (jan;.  2;î. 

2386.*  Tresca-Coquelle  (11)  malk-ur,  rue  rie  Calais,  33. 

9.Cilsl>i(^ii-I<^!>>-QBaiii«ii  [Scine-el-Ohe). 
8i4.     Castel  (Aug.),  C.  ^,  colonel  du  gfnie  ou  rclraile,  rue  du  Temple,  5. 

(472.     Ernout  (Fracçois),  propriclaiie 
964.     Gamelin  (Auguste),  lilatcur  t-i  f,il<ricanl  de  loi!  «. 
-1710.     Lefran'c  (Auguste),  fHliricanl  de  Idiie-*. 

1761.     BuocHET,  priipriêlain',  rue  I)"scil. 

2998.     Carpentier,  directeur  de  l'Éciile  innuiripale. 

3130.     DupiRE  (Edouard),  eutrepren.'ur  de  peiuture. 

Flers-caî-IîserehiiME^  {\ord}. 
2884.     Thiry.  directeur  des  uiiucs  de  l'Escarpelle 

V**uriwn 

404.     GosiBERT,  A.  U,  chef  d'iustilution 

(liaiiii. 

3300.     Dyer  (Joseph),  ingénieur,  34,  rue  de  Flaiidri'. 

Condccoiirt  [Sord\. 

1896.    Zègre-Delebecql'e  (Louis),  négociant. 

Ualluiu. 

3320.*  Defretin  (E),  fal)ricaut  de  toiles. 

i  IH7.*  DuBREUCQ  (Alex.),  directeur  de  l'établissement  J.  Gratry  et  C'*^. 

3422.  llE.NMO.N  (Julesl,  fiiateur. 

3321.*  I.EMArntE-îtEMEE.^^TÈRE  e(  fils,  fabiicaids  de  toiles. 

3314.  LoniuANT-I)L'i>ONT,  fabricant  de  linge  de  table. 

3067.  Meesemaekeu  (Lucien),  pharmacien. 

2295.  Rabier  (René),  percepteur  des  Fiuances. 

3310.  Van  IIeddeghe.m,  fabricant  de  chaises. 

3317.*  Wattei.et,  Directeur  administrateur  de  la  tuilerie  di'  Pottelberg. 

lEaiiliouriliai. 

77.     BoNZEL  (Arthur),  distillateur 
2138.     Butin  (A.),  cou.seillcr  municipal. 


ti^'d-iD»-  SIM 

cripUoii. 

171 V.  CoRDONMKn  (Ccicstiii),  l»:;i-»_('ur. 

2309.  CoL'srvDEvos,  maiio. 

3089.  Ci'velierVeulev  (Albert),  uégociaiit  en  vins. 

2759.  Debxisieix,  |im|)rioliiir(v 

1225.  Pefuetin,  anhik-clt'. 

G8G.  n"llESPKL  fil'  comte  Ivlinond),  4*.  prnprif|;iiiv,  ancien  nalre. 

25o9.  DuvKROv.N  (M""  AdallxTl),  propriétaTe,  39,  nie  de  UiHliniie. 

•2925.  Ficiivux,  matiufacluriiT 

705.  LEFEnvnE,  prafesseiir  à  IV^coIo  primaire  siii):'iieiire. 

470.  LoRiovN  (Vicloi).  A.  O.    dirccti'iir  de   fc^coii' piimairc  supi^ricure. 

726.  Nicole.  anliilecJc,  liililiollu^cairt'  du  Comice  a^iricole  de  Lille 

U67.*  Rose  iMaurice),  brasseur. 

738.  S\>DKB  (Ad.).  Id;in(liis.';eiir  de  fll.s  et  tissu.*.   . 

9(-9.  Verley  (André),  propritMaire. 

BBitvrr  (liC). 

2563.     GuiTTON,  virc-i)rés.  de  la  S'é  «le  fiée-jr.  commerciale,  nie  du  r.li<imp-(l:-i'o:re,  7i-. 

BSnKchroui'k. 

2950  *  CiiVMONiN  (Er;ies|i.  pn);iri>'laiie,  iiie  de  la  (;icf. 
'iitts-.     Heli-ein,  pn)pri:M:.ire. 

iEcHrci:::^!'^  [prc.^  l.iUe). 

3159.  FÉRON,  instituteur. 

2300.  Gnu.EMvrn.  tilal.ur. 

3401  .  I.EFEBVRE-CoiPLET,  brasseiu'. 

2941 .  Leroy  (Edmoml),  insliluteur  piil)lic. 

2S3I.  Stebma.nn  (E.),  direcleur  de  la  filature  Lorcnt-Lescoi-nez. 

90.  TiLMANT  (Victor;,  I.  y:,  direct,  iionorairc  di'  l'École  primair?:suppri  Mire  de  Lille. 

IBoiii. 

2332.  I-EiiORCNE  (François).  fai)rieant  de  tapis. 

120.  .^lUL\Ti)N  Leborcnk  (.Ir  aii\  teinturier  en  tissus 

2J30  MuL.\TON  (Françni.s),  imluslriel. 

2331.  Mn.VTo.N"  (Antoine  liis),  iiulustiiel. 

Iléiiiii-Iii('(ai'<l  ^Pas-de-Calais). 

1193.^    Cvn.LhT  (Edouard),  neROciant,  rue  de  la  l'iace. 
35t.S.     Descloqi  EMK.NT  (Françoi.i),  bra.sseiir. 
23t.     Pe.smvrs  (Aifreii),  ini;enieur-ctiimi.ste. 

llerriii  (Son!). 

3497.     Y.\iLL.\NT,  industriel. 

IloiigtSiu   (Nord). 
2095.     Del\l-ne-Tillot  (iladame  Alfred),  propriétaire 

lloupliucs  (Nord). 

<G06.     Becqlaiit  (Lucien),  fibri-aal  de  toiles. 

1973.     BovER  (Edouard),  rentier. 

2258.     Tlet  (Gustave),  représentant  do  Commerce. 


NM  d'ins 
fri|iiirp. 


-  ir^6 

MM. 


liB  Fèrc  [Aisne). 
1620.     Penel  (Général),  0  ^,  I  ^,  C.  «^►î*,  Gouvemmir  militaire  de  la  Place. 

■j»  Gor;£ue. 

3062.     Del\iia.ye  (Edniourl),  fabricanl  (le  tôles. 
3277.     Marsy  (Paul),  propriétaire. 

I.a  .VSa<lcIcisic-le%-IilIle. 

2187.  Antoine  (Léon),  reprisse  niant  de  commerce,  rue  des  Hautes- Voies,  54. 

2218.  Bvrdel  (Marins),  étudiant,  rue  de  Lille,  i\'6. 

3131.  Beeli,  propriétaire,  17,  rue  du  Pré-Catelan. 

^688  Belin  (Jules),  propriétaire,  rue  Gaml)Clta,  44. 

2621 .  Castelvin  (Léon),  co:iscillcr  municipal,  rue  de  Lille,  27. 

2101.  CiioQUEL  (Gustave),  fabricanl  de  fours,  me  de  Lille,  181. 

811 .  CuEPELLE-FoNTviNE,  ^,  chaudro:inier-constructeur,  rue  de  Lille,  1o2. 

2678.  Delesalle  (Emile  fils),  rue  Pasli-nr,  14. 

12o3.  Fo.NTAiNE  (Georges),  propriétaire,  maire,  rue  de  Lille,  184. 

2764.  Fo.ntaine  (Maurice),  négociant,  rue  de  Lille,  199. 

3-338.  GÉRARD  (François),  voyageur,  rue  Ganib:Hta,  6. 

2508.  HAaNGUiLLVRT  (Me"e),  institutrice,  rue  de  Lille,  128-130. 

2212.  Hespel  (Ernest),  négociant  en  vins. 

1709.  HocusTETTER  (jules),  difeclcur  des  Usine<  de  Produits  chimiques  du  Nord. 

2566.  NiNivE  (Léon),  courtier  en  grains,  rue  de  Lille,  241. 

1036.  Patoir,  docteur  eu  médecine,  4,  rue  Faidherbe. 
2614.  SoNNEviLLE  (Henri),  teinturier,  rue  Pasteur,  44. 
H81 .  Vasseur  (M"""),  recette  des  postes  et  télégraphes. 

I.aiiibcrsart. 

1597.     Delco^rt  (.\.)  fils,  teinturier. 
2109.     Grlmonprez  ;^Léon),  propriétaire. 

1037.  NuYTTEN,  négociant. 

3418.     Vaillant-Desruelle,  industriel. 

I^aiiiioy. 

2802.  Association  des  anciens  Élèves  de  l'École  de  Lannoy. 

506.  BouTEMY  (Jules) ,  fliateuf  de  lin. 

505.  BouTEMY  (Loui.s) ,  fllateur  de  lin. 

1089.  Deffren.nes  (  Jean),  manufacturier. 

437.  VALE.NorcQ,  (Jean),  notaire. 

I,.avcutie. 

3276.    Marsy  (Alexandre),  cultivateur. 

Lciis  [Pas-de'Calait). 

1937.  BorxAERT  (Félix),  ingénieur  des  mines,  agent  commercial  des  mines  de  Lens. 

2169.  Rincheval-Parisse,  brasseur. 

3408.  Sauvage  (Paul),  brasseur. 

236.  Stiévenart  (Arthur),  fabricanl  de  câbles,  48,  rue  de  Douai. 


'  LILLE.  157 

«-  diDS-  MM. 

criptioD. 

LCMfiitiM  (près  Lille). 

i'2''t      De  jAEGiiÈnE  (Edouard),  brasseur. 

Ijic%'iil  fl'as-de-CalaisJ. 
2o7l.  *  De  Smlly  (L.)»  iusénicur  principal  dos  Mines. 

LILLE. 

Sn.  Abrey  (Miss),  professeur  de  langue  anglaise,  ru  ■  d?  riIô^)ilal-Militaire,  33. 

2356.  Abry  (Georges),  négoiiaiit  en  bols,  rue  du  Faubouig  de  Uetliune,  46. 

2472.  Abulféda,  négociant,  place  du  Théâtre,  37. 

1023.  AcuERVY  (Aolillle),  représentant,  ruL'  Saint-Gabriel,  101 

1708.  Aerts-Becqu.vkt  (Henri),  ancien  brasseur,  rue  Malus,  6. 

1826.  Aerts-Debvisieux,  négociant,  rue  à  Fiens,  8. 

2821  .*  Agache  (Edmond),  pntpriélaire,  rue  Uelezenne,  3. 

48 .  Agache  (Edouard),  5^,  i)residenl  de  la  Société  Industrielle,  rue  de  Tenremonde,  1 8. 

637.  Alavoine  (M"«  Bertiie) ,  institutrice,  rue  du  Marctié  ,  58  bis. 

1031 .  Alavoine,  commis  priiici|)al  des  postes  ,  place  de  la  République,  12 

257  Allard  (M'"^),   |)r(ipri('lairi',  rue  Royale  ,  104. 

3074.  Allard  (général),  gouverneur  de  LilL>,  place  au\  Bleuets. 

3247.  Allègre  (M'"*'),  propriiHain',  boulevard  Vauban,  4. 

2189.  Angellier,  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres,  rue  Solférino,  18. 

3336.  Angelo  (Alfred),  négociant,  rue  de  Turenne,  67. 

2538.  Angelo  (Thoma.s),  licencié  en  droit,  rue  Henri  Kolb,  37. 

3166.  Ardaens  (Ch.),  huissier,  rue  Basse,  46. 

2918.  Ardaillon,  professeur  de  géographie  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  de  Lens,  55. 

1693.  Arnould  (colonel)  ^  direct,  de  l'Écoledes  hautes  étudias  induslr.,  r.  Princes8e,59. 

2400.  Arquembourg,  ingénieur,  boulevard  Bigo-Danel,  33. 

2303.  Artau  (Louis),  tailleur,  rue  Grande-Chaussée,  9. 

3270.  Artaud  (Charles),  représentant,  rue  Jacquemars-Giélée,  76. 

3444.  Ausset  (D"),  professeur  agrégi''  à  la  Fac.  de  Méd.,  boulevard  de  la  Liberté,  153. 

2654.  Avon,  C.  ^,  général  commandant  la  T"  brig.  d'iuf.,  rue  l'rinccsse,  21. 

4342.  Bau!>.  relieur,  rue  dn  Palais  de  Justice.  I 

1664.  Bablhr  (Edouard),  professeur,  rue  Brùle-.Maison,  153. 

1614.  Bacquet-Chkvallay,  négociant,  rue  du  Vieux-Marche-aux-Moutons,  10 

2308.  Badts  (M""  Emma),  négociante,  rue  du  Sec  Arembault,  20. 

3237.  Baelde,  docteur  en  médecine,  boulevard  de  la  Liberté,  5-3. 

2451.  Baggio-Duverdy.n  (Madame  J.),  propriétaire,  rue  de  la  Barre,  -29. 

1018.  Bailleur  (Edmond),  liiateur  de  lin,  rue  de  Toul,  1. 

1456.  BviLLiARD-BoiiRGiNE,  négociant,  rue  du  Chevalier-Français,  76. 

3<11 .  BAiLLœuiL-HAUDON  (M""),  propriétaire,  boulevard  Vauban,  7. 

2699.  Bar  AT  (G.),  directeur  de  filature,  rue  Auber,  37. 

1619.*  BARATTE  fils,  négociant,  rue  Léon  Gambetta,  8. 

3217.  Barbaut  (Albert),  étudiant,  rue  Masséna,  60. 

3498.  Barois  (Docteur),  médecin-major,  rue  Nationale,  -iS. 

3280.  Barreau  (.Madame),  rue  de  Thionville,  30. 

2698.  Barrois  (Auguste),  indusiriel,  rue  du  Faul)Ourg-de-Roubaix,  J2V. 

21.  Barrois  iCh.),  51^.  \.  i)-  4*1  Prof,  h  la  Facullé  des  Sciences,  rue  Pascal,  37. 

57.  Barrois  (Ed.  Madami'),  propriétaire,  rue  des  Guinguelles,  18. 

781.  Barrois  (Uenri),  propiiétaire,  rue  du  Faubourg-de-Roubalx,    133. 


158  LILLK 

^»'d■|ns-  ^IM 

chpliuii 

201.  R\nnois  (Matlamc  Lénn),  piopri 'taii-c.  rue  ilu  I.omhird,  I. 

326  Barrois  'Tliéodore!  (h'pnlo,  A.  i).  D%  iiroP  à  la  Vac.  de  Mt^d..  r.  Solferino.  2io. 

507.  BARROisfTIiéodorc).  5^,  filaleiir  de  colon,  rue  de  Lantioy,  63. 

3060.  Barrois-Ciurvet  (.M'"  )i  i)r.i|)iii''lair.'.  boulevard  de  lii  Liberté.  27. 

2(io0.  BvssELVRT  (V.),  proprii'taire,  22o,  rue  du  Fanbonrji-de-Roubaix. 

1286.  lUsrvAi',  rcccvi'ur  de  PRino;:i^lremeiit,  rue  Cawmaitiii.  32. 

1080.  BxTTKiR.  directeur  d'a.ssurancc.'^.  rue  Bourigcnoii,  1. 

1622.  BvTTKiR  {Carlos),  ^.  I.  Q.  archilccle.  rue  Jeaii-snus-IVur.  9. 

23oo.  BvTTEiR  ((îforjres\  pharinaci.'ii.  rue  Royale,  4-). 

1670  RATTKiit-YAM  xr..\i,  enl^epreuenr.  rue  d  Aiiliii.  lit. 

463.  R\iT[)RV.  ddolfur  »'m  me.lneiht' .  rue  .lacqiit'uiar.-^  (îiciee  .  14 

3015.  Baluens  (Emile),  m-piciant.  rue  Ba.^se.  47. 

3448.*  JJavart  (Henri),  sou.'^-dirccleur  gi^iiéral  d'as.-^nrancos,  rue  de  Honi'f;o,i;in',  2S. 

<o6fj.*  Beaikort  (Henri),  A.  %^,  négociani,  rue  de  Lens,  {j3. 

2392.  Beaitout-Rigot,  nei^ocianl.  rue  Sl-Pierre,  27. 

2207.  Bkmt.rand  (Franci.'^l.  receveur,  Chef  de  centre  de  di^pôl  des  léicgrapiies. 

3409.  Becqiet,  employé,  rue  Rrùle-Maisou,  46. 

3510.  Becqiet  (.M"''  Angèle),  négoeiaidf,  rue  Pi'rn'-Lpgr.uid,  lOo. 

<009.  BÉGUIN  (An^'U-^le),  ne;;ocia:it,  rue  Jean  Levas?!cur,  <7. 

2743.  BÉGiii.N  (Théodore),  counnis-uénoeiant.  rue  do  Lons,  G. 

3528.  BÉiiAGiE  (Vicloi'),  ('nip!(iyé  n'Irailé.  f.u-adc  de  TEsplanade,  38. 

1628.  Belval,  commissionnaire  eu  douanes,  rue  des  Buisses,  1 1. 

30V9.  I:ergerat  (Léon),  représentant,  64.  rin"  de  Wazommos. 

4227.*  BÉRiOT  (Camille)   fabricant  de  chicorée,  rue  de  Douai,  6'.». 

1836  Bernard  (Achille),  architecle,  rue  du  Quai,  12. 

3395.*  Bernvrd   Benjamin;,  propriétaire,  riu'  de  Thionville,  31. 

2776.  Bernard  (Élieiuic),  indu-lriel,  rue  de  Courtrai,  22. 

2469.  Bernvri)  (Eugène),  chirurgien-denlisle,  rue  des  Pois^unccatix.  31. 

1072.*  Ber.nvri)  (Jean),  raflineiir,  rue  de  Coiirlrai,  20. 

2980.*  Beu.nari)  (Joseph),  industriel,  rue  de  Courtrai,  20. 

2124.  Bernard  (.Maurice),  membre  de  la  Chambre  tie  Commerce,  rue  de  Courtrai,  1 1 

2228.  Behnaud  (.M™°  Georges),  prop-iélaire,  rue  des  Canonniers,  17. 

1827.  Iîernard-Dlcroco,  faliiicant.  rue  (liiai-Jes-de-Muyssarl,  25. 

1792.  Bernaho-Perus  (Trllz),  agcnl  g'Mit'r.  dassuraiicp,  place  du  C(tncert.  6. 

2774.  Bernard  (.M""^  V^e  Bîujamin),  propriéiaire.  place  au.x  Bleuets,  7. 

60G.  BERNVRD-WvLLVERT(Maurice),  i^,  négociant  en  colon-,  boul.  de  la  Liberté,C6 

2876.  Behnard-Wallaert  (M™^  Maurice),  boulevard  de  la  Liberté,  66. 

224.  Bernardines  (H"""  la  Supérieure  du  Couvent),  rue  d'Esquermes,  93. 

1279.  Bertkloot,  |)i-oprii'laire.  rue  liu  .Marché,  38. 

6:^4.  Bertuerand  (M""' V^f) ,  propriétaire,  rue  Nationale,  128. 

1841 .  Bertherand  (M'>ie  yve),  pn)|)iielairi'.  rnc  des  Jardius  Caulier,  2. 

2M5.  Berthomier  ,  ingénieur,  place  Richv^bé,  2. 

3031 .  Bertin  (B.),  négociant,  rui  de  Paiis,  246. 

3320.  Berïon,  rentier,  rue  du  Cliaulonr,  30. 

248.  Bertrand  (C.-E.).  I.  Q,  prof,  de  Botan.  à  la  Faculté  lies  Science.*,  r.  Malus,  14. 

2724.  Bertrand  (Charles),  lepréscntanl  de  commerce,  rue  Nationale,  69. 

3)69.  Bett-mann,  chirurgien-dentiste,  boulevard  de  la  Liberté,  38. 

2988  Belgnies,  instituteur,  rue  dArlois,  116. 

2732.  Bioart,  lieuleuanl  au  13"  régiment  d'infanterie,  rue  Négrier,  28. 

3216.  BiENVAi  X,  ingénieur  dos  ponts  et  i  hau.s.sées,  ru3  de  Bruxelles,  2. 

2144.  Bienvenu,  percepteur  des  contributions  directe.*,  rui  d'Anjou,  21. 


139 


criplion. 

.2185.  BiEswAL  (Paul),  propriélairo,  boulevard  Vatiban,  13. 

27.  Bioo-D.VNKL  (Emile),  î%,  1.  Q,  "f*.  iiiii'rinn'ur,  ti'HUi'vanl  de  l.i  Liberté,  Mo. 

52(1.  BiGO  (Louis),  représcutaiit  des  Mines  de  Lens,  bunlcvaril  Vanh:iii,  13.3. 

22i6.  Biuo  (Auguste),  propriétaire,  rue  Wallean,  .3, 

2340.  BiGO  (Orner),  imprimeur,  bo  licvard  do  la  Liberli^  95 

1001.  BiooTTK  (François),  m^^'orianl,  rue  (rAuiieiis,  10. 

229S.  BiGOTTE  (Alfi-edl,  né{;ociaiil,  rue  Jeati-Bar(,  18 

3-jiG.  Bii.r.oT  (E.).  iMg'''ni('iir  ;iii  clifuiiii  de  fer  du  Ni  rd,  rnc  .Iciinne-d'Arc,  .'ji. 

3005.  BiNAiD,  brasseur,  rue  dAicole,  Il  bis. 

2924.  Blanciiet  (Gabriel),  élève  do  l'école  de  Commerce,  place  Corraontaigue,  4. 

2588.  Blvnquaht  (Aimable),  propriétaiic,  rue  Bn'Jle-M.ii.son,  101. 

3402.  Blavieii,  iit'Sîociaiit,  rue  du  Clicvalii'r-Franr.iis,  7. 

3541 .  Bleizé  (Paul),  rue  du  Prieuré,  3. 

260.  Blondkvu  (E.),  avocat,  rue  d'Aiijiîet'^rrc,  5. 
<r)84.**BLONDKAU  (M«"«  Louise),  propriétaire,  rue  Royale,  iH 

1220.  Blonoin,  fi;,  juge  honoraire,  place  de  ia  Gari,  1 1 . 

937.  Blum  (Pierre),  gérant,  rue  de  la  Pi  lueiie.  10. 

1907.  Bocquet  (M'""  Edmond),  propriétaire,  rue  Ste-Calherinc,  93  bis. 

2594.  Boel  (Fernand),  rue  du  Marclié-aux-Froniagcs,  23. 

4796.  BoissE-ScnÉPEL  (J.),  fabricant  de  toiles,  rue  Jacipiemars-Gielée,  12G. 

4608.  BoiTEL  (Georges),  négociant,  rue  d'Angleterre,  .53. 

900.  BoiTTiAix,  négociant  en  lins,  rue  du  Molincl,  57 

4433.  BoiviN,  4^,  arcbilecle,  rue  Nationale,  284. 

341.  Bo.NiFACK  (.M'"®  Y^e)  proprii'laliv,  rue  de  Paris.    t'.M. 

2058.  Bo.NNEAU  (Ernest),  propriétaire,  rue  Palou,  44. 

202.  Bonté  i  Auguste),  juge  au  Tribunal  de  commerciï,  ru^  des  Trois  .Moll3ttes,  5. 

2043.  BoTTiN  (M"""  Yve  Gustave),  rentière,  rue  Roland,  70. 

554.  BonELCM'"")  p/opr-élaire,  bouleviird  do  lu  Lii)crté,  121. 

2038.  Bouchez  (M'"*  Y"^"-'),  rentière,  rue  Solférino,  153. 

2453.  BoucuEZ  (Alfred),  f  ibricanl  de  toiles,  rue  de  Paris,  146. 

2983.  BoucQUEY  (M"'c  Y''')'  pro|)ri('l;iir:\  rue  Charles  de  Wuyssart,  30. 

3452.  BoccQrEV  iOmi>r  ,  brasseur,  rue  Charles  de  Miiyssaert,  28. 

1300.  BouuEN  (Siméon),  courtier  en  graines,  rue  Basse,  25. 

3270.  BouDiGNiÉ  (Jules),  proprii'taire,  141,  rue  Solférino. 

3400.  BoL'iLLET-BiGO,  brasseur,  rue  Belle-Yue,  71. 

3369.  Boulanger  ((i),  représentant,  libis,  rue  Nationale. 

3010.  Bouquet  (M«""  Marie),  propriétaire,  rue  Barthélémy-Delcspaul,  11. 

550.  BocRBOTTE  (Henri) ,  négociant ,  rue  de  Yalniy,  7. 

3304.  Bocrgeat  (l'abbé),  15,  rue  Charles  de  Muy.ssaert. 

2987.  Bourguignon  (M^e),  professeur  au  collège  Fénelon,  rue  Ratisbonne,  36. 

2688.  Bourlet-Paquet,  négociant,  boulevard  Papin,  5. 

2970.  Bourse  (Charles),  pruprif'taire,  rue  d'Antin,  36. 

2672.  Boutrv  (Léon),  bijoutier,  rue  des  Manneliers,  10-12. 

2708.  BouTRV  (Madame  Henry),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  17. 

1222.  BouTRY,  docteur  en  médecine,  rue  de  Douai,  79. 

3144.  BouTRY  (Léon),  filateur,  rue  du  Long-Pot,  67. 

2761 .  Boutry-Brame  (J.),  étudiant,  rue  de  Douai,  5. 

233.  Brabanf  (Paul),  fabricant  de  céruse ,  boulevard  Louis  XIV,  4. 

2391 .  Brame  (Auguste),  pharmacien,  rue  Garabelta,  250. 

2374.*  Brassart  (Jules),  négociant  en  fers,  rue  Nicolas-Leblanc,  28. 


'leO  LILLE. 

cription. 

3224.  Brasseur  (M""^  Jeanne),  propriétaire,  rue  Nalionnle,  32'i-. 

2834.  Brossxrd  (Oscar),  cliapeliiT,  rue  FauHierlic,  7 

4842.  IJRULÉ  (E.),  Hôtel  de  la  Paix,  nie  de  Paris,  4ii. 

3251 .  Brilin  (Henri),  Agent  de  Charbonnages,  r.  Jean-s.-Peur,  20. 

440.  Bru>eau,  pharmacien,  rue  .Nationale  ,  71. 

3287.  Brinschwig,  clieniisier,  G6,  rue  Nationale. 

2676.  BuisiNE  (Edouard),  sculpteur,  rue  des  Canonnicrs,  5. 

2145.  Bclteau  (Louis),  avoue,  ru^'  Ro\aie,  2s. 

628.  Bi'REAu  (Ernest),  nOgocianl  en  lils,  ni.'  de  la  lUissoi",  40. 

26<9.  BuTLV,  adjoint  du  génie,  square  Uuaull.  l'orl  Sl-"^auveur,  20. 

1263.  C\EN  (Eugène),  A.  Q,  mauiifaclurier  à  Croix,  boulevard  île  la  Liberté,  137. 

<535.  Cahen  (Julien),  négociant,  rue  Nationale,  17. 

2979.  Caille  ^Jules),  instituteur,  rue  de  l'Uôpilal-Militaire,  79. 

2779.  Caillot  (Georges),  iniblicisle,  roe  l'rinccsse,  27  bis. 

2696.  Calmette  (Docteur),  0.  tfy,  directeur  d,;  l'Institut  Pasteur,  boulevard  Louis  XIV. 

1442.  Callens  (Henri),  iiegociaiil,  rue  Fonlaiiie-il  I-Siulx,  1  bis. 

<8'12.*  Calo.nne  (Albert),  commis  des  postes  et  télégraphias,  3o,  rue  des  Jardins  Caulier. 

3402.  Gambieu-Dufoir  (Georges),  rue  de  Paris,  108. 

2221.  Camus  ^Félix),  avocat,  rue  de  Bourgogn;',  15. 

2726.  Camus  (Camille),  employé  a  la  banque  de  France,  rue  Royale,  73. 

867.  Cannissié (Emile),  baïKjuier,  bouL-vanl  de  la  Liberté,  Hl. 

1624.  Canmssié  (Alex.),  ingénieur,  rue  Patou,  29. 

2272.  Canmssié  (Maurice),  représenlaul  de  Commerce,  rue  ."ilauuel,  81. 

3362.  Canonne  (?;!"*'),  institutrice,  rue  Esquermoiso,  23. 

o43.  Canonne-Pruvost  (.M'"'),  propriétaire,  l)oulevard  de  la  Liberté.  U9 

4071.  Cvnti.neau-Cortvl,  A.  %},  mombr^"  de  la  Cumm.  Iiisidriqiic,  rue  Colbcrt,   176. 

4797.  Carin  (M"«),  négociante.  Grande  Place,  3i>. 

2039.  Caulier  (Édouanl),  négociant  ,  rue  Cauinartin  ,  2Î-. 

2787.  Carlier  (Emile),  comptable,  rue  llabclais,  18. 

4963.  Caulier  (Victor),  docteur  en  meiiccine,  rue  des  Jardins,  16 

781.  Caron,  docteur  en  médecine,  ru<>  Si-Gabriel,  4. 

4173.  CvRON,  négociant,  rue Ja:qiii'Miar.s(iic!ee,  l"i. 

2129.  Caron  (Ernest),  rue  Solfcrino,  227  bis. 

2134.  Caro.n  (M'="«  Coralie),  propriétaire,  rue  IJoucher-de-Pe.ihes,  '^'. 

2474.  Caron  (René),  indnslrifl,  rue  de  la  .Monnaie,  21. 

2544.  CvRPENTiEa  (Julien),  négociant,  rue  de  Puébla,  14 

3441 .  Carcentier  (Louise;,  arlistc-peintre,  rue  Nationale,  '.ij, 

4799.  Carpe.ntier  (Paul),  avocat,  rue  Jaapiem  irs-Gielée,  3.j, 

2319.  CvRRÉ  (Luci;'n),  employé  à  la  Prélecture  du  Nord,  rue  Denferl-Rochcrcau  io. 

2613."  Carré-Deli'ierre,  plâtrier,  rue  de  la  Grande-Allée,  19. 

3072.  Cxrro.vFlament  (Veuve),  négociante,  boulevard  Viotor-llugo,  rO-48. 

4o2o  Carro.n-Villkrs,  négoiiant,  3,  rue  do  Bruxelles. 

4870.  Carton  (René),  courtier,  rue  Natidualf,  o3. 

210.  Cvstelain  (F.),  1   i),  docteur  en  mé.leciiie,  rue  de  rilùpilai-Mililaii-e.  b 

4682.  Castiaux  (Eug.),  i)ro|)rietaire,  me  Desmaziere-,  7. 

3070.  C.atel-Beghln,  filahir,  boulev.ird  de  la  Liberté.  21. 

2020.  Catoire  (Victor),  négociai. l  en  charbons,  rue  de  Bourgogne,  7. 

3ot3.  Cvtteau  (Emile),  proprii't  lire,  ne  d  ■  (Janil,  33. 

351o.  Catteau  (labb;'),  rue  Colberl,  2)  bi;. 

496o.  Caudier  ,  0.  ^  ,  lieulcnaid-colDiicI  en  retraite,  quai  de  1 1  Rasse-Deùle ,  19  bis. 

4077.*  CvcLLiEz  (Henri),  nég.  en  laine.-,  cuiisal  de  la  lîiq).  Argent.,  r.  Desmci/icres,  14 


LIIXI'.  161 

ff-'dlD!!-  MM. 

eripuoo. 

2786.*  C\ULLiEZ  (Alexandre),  nég  iciant  en  laines,  rue  de  Bf'thune,  oG. 

407.  CwRO ,  A.  ij,  (lireclcur  ile  l'Ocole  primaire,  squure  Ruault,  I  i. 

522.  C.\ziEn  ,  conimis-nOgociant ,  rue  Manuel ,  102. 

■1390.  Chvlant  (Armand),  propriétaire,  P.irc  Monceaux. 

3487.  CfUNCEL,  étudiant,  rue  Jeaime-d'Arc,  12. 

782.  CiKRDONNET  (Paul),  professeur,  rue  di*  Bourgogne,  H. 

4980.  CiiARRAS  (Léon),  f(,  0.  'î*,  ►J".  ►î»,  perce|)teur  en  retraite,  rue  des  Fos.sé3,  6. 

3286.  Ch.vrrley  (.Madame  Veuve),  pri»i)ri(''tair>%  rue  André,  4. 

2864.  Ches.nelong,  ^,  avocat,  rue  Royale,  90. 

2731 .  Cheval  (Félix),  négociant,  rue  Jean  sans-Peur,  2. 

3443.  Chevalieii-Lemore,  dir'  d ''[j-r:.  (i"s  Portes  et  Télégraphes,  pi.  de  la  République. 

2966.  CiiEvuoLVT,  négociant,  luc  d  Aulin.  3ii. 

956.  CuivoRET  (Alphonse),  fabiicanl  do  hriiiiies,  rue  du  Pôle  Nord,  35. 

3302.  Ch  )LI.et  l'Abbé),  3,  rue  d  Ish  . 

4098.  Gii  )MB\nT  de  L\uwe  (Pierre),  avocat,  boulevard  Yauban,  17. 

2561.  Cno.MEL,  propriétaire,  rue  Colberl,  80. 

3047.  CiiOQi  EREAux  (Jules),  pro|iriétaIre,  boulevard  de  la  Liberté,  15-1. 

1817.  CnoQUET  (Louis),  négociant,  place  du  Théâtre,  40. 

966.  CiiOTiN  (L.^,  docteur  en  médecine,  boulevard  de  la  Liberté,  0!. 

2893.  Christophe,  né'go-ianl,  rue  de  Paris,  132. 

1813.  Christy  (Frederick),  négociant,  rue  Jeanne  d'Arc,  '60. 

■1567.  Christy  (Robert),  négociant,  ruv- Faidherbe,  2 ! 

3255.  Claeyman,  peintre,  rue  Négrier,  51. 

1960.  Clvini'ANAIN  (Th.),  propriétaire  ,  rue  de  Puébla  ,  9. 

2467.  CLÉ.ME.NnoT,  50,  rue  des  Ponls-de-Comiiies. 

2576.  Clé.mext  (Victor),  ssorétaire  dela(iharubre  de  Comnierc3,   14.  rue  Solférino. 

2533.  CocvRD  (Jules),  fondeur,  rue  de  Valencienncs,  13. 

2704.  Cochez,  A.  Q.  professeur,  rue  St-Gabriel,  7. 

3141.  CocQUEREZ-Di.MiEz,  bonneterie,  rne(  des  Sept-Agnches,  4. 

2376  CoEVOET  (M'"«),  |)ropriélaire,  rue  des  Bouchers,  11. 

140.  CoMKRE  (L.),  fabiicaiit  de  plâtre,  rue  -le  la  Halle.  9. 

1510.  Constant  (Victor),  employé  de  Conunerce,  n.e  de  Loos,  27. 

3451 .  Constant  ((îustave),  représt^ntant,  rue  Ralishonne,  3!)  Iji.^^. 

3319.  Constant  (Eugène),  ingénieur,  rue  de  Turcnne,  45. 

3343.  CoNTAL,  architecle-paysagisie,  0,  rue  St-Fii'niin. 

1785.  CoNVAiN-MiNET,  pro|)riélaire,  boulevard  de  la  Liberté,  3» 

2132.  CoNVMN  (Léon) ,  commerçant,  rue  Neuvo.  2i. 

2554.  CopiMN  (M'""  Charles),  rentière,  m?  des  Pyramides.  8 

288.  CoyiELi.E  (Edmonil;,  A.  %},  négociant,  uie  Jacqueniars  Gielée,  22. 

546.  CoRDONNiKK  (L) ,  rf».  an'hilecle.  rue  .Marais,  8 

1921.  CouMVN  (Emile),  propiièiaire,  16,  bou'evard  Biio-Dan '1. 

2235.  CoiîNÉE  (i'erd.),  rle'f  de  division  de  I'r('f  cinre  (  n  rdi-aiie,  rue  Solféi'ino,  316. 

2511).  CoBNii.i.E.  néirorianl  en  vin^.  rue  de  Oniiai.  SI. 

32.  CiissET-Dinm  i.i.E.  neg.»ci;Mil.  rue  de  Toiil   5. 

3308.  Coi"Pj;z,  Ot'.irii'r  d'adminisiralion,  7,  rue  Ni;o\is-!j'l)laiic. 

79;}.  Coru.MDvr  (Li-om).  m'gdriiinl  m  drnps.  nu-  ^^lferll.(•,  "253. 

2733.  CoLROi  iti.E  (J.)  né..;ociaiit  rue  <e  Journai,  121. 

2383.  *  CoiRTEcnssE-VoiiEi  X  (Dominique),  neg.  en  nieianx,  liiedu  Vieux  Faubourg, 20. 

1994.  CorsiN  (Edmoml),  agetd  île  rha,  bonna;:(;.>  ,  vur.  Soîférino  ,  30. 

3419.  Coi  SiN,  secrélaire  de  la  Société  indrstrielie-,  riii'  de  l'Hôiùtal-.Mili'aire,  1 16. 

2130.  Coltlu:er  (Emile),  reiili.r,  lue  Solférino,  2)S. 

11 


1G2  LlLLK. 

cription. 

IO'kV.  Cox-Cvppelle  (E),  néRocianl,  rue  de  Fleunis.  30. 

30(io  Crkmer  (liiig.)?  représentant,  rue  Nationale,  2  i-i. 

344.  Crémont,  distillateur,  l)oulevard  de  la  Lit)erlé,  219. 

3353.  CuEMONT  (Julien),  négociant,   158,  rue  IJarlliéléniy-DelespauI. 

807.  Crepelle  (Jean),  constructeur,  rue  de  Yalenciennes,  50. 

1301 .  CuÉPiN  (Florimond-Henri),  industriel,  rue  Naliona'e,  2'i7. 

2S0.  Crepy  .(Mme  Yve  Adolphe),  propriétaire,  rue  de  Canteleu,  39. 
1  f'.M  .**  Crepy  (Auguste),  ►f-,  négociant,  rue  des  Jardins,  28. 

263.  Crkpv  (Krnesl^,  fiiateur  de  lin,  rue  delà  IJassée.  3o. 

293.  Crkpy  (Eugène),  fiiateur  de  colon,  boulevard  de  la  Liberté,  19. 

264.  Crepy  (Léon),  fiiateur  de  coton,  boulevard  Vauban,  92. 

56.  **  Crepv  (Paull.  58:,  A.  <J,  C.  ►f»,  ►f«,  vice-con.>ul  de  Portugal,  rue  des  Jardins,  28. 

474.  *  Chepy  (M"*^  Paul),  proprietaiie,  rue  de^  Jardins  ,  28. 

266.  Crespel  (Albeit)^,  fabricant  de  fils  retors,  rue  des  Jardins,  18. 

670.  Crespel  (R.),  m^gociant  en  cires,  rue  Li^on  Gatnbetta,  56. 

3360.  (".;;evalx.  Provision'  du  Lycée  FaidliiM'be. 

1692.  Croin  (Paul),  rentier,  rue  du  Nouveau-Siècle,  13. 

2151 .  Crosmer  ,  propriétaire  du  Grand-Hôtel ,  rue  Faidherbe,  22. 

1453.  Crouan  (Alexandre),  agent  de  ch.mge,  rue  d'Angleterre,  71. 

2433.  CuvELiER  (Lucien),  fiiateur,  rue  de  Bouvines,  12. 

1769.  Dasiide-Lemmre,  propri  ■'l,iirt\  rue  Jean  Roisin,  13. 

12.  DvMfEN,  ^.  1.<J,  ^,  professeur  a  la  Faculté  des  Sciences,  r.  Brûle-Maison,  74. 

493.  Dv.Ncin>  (Fernand).  A.  Q,  avocat,  Meinb.  de  la  C'*'»"  Historique,  r.  des  Fossés,  15. 

26.  DvNEL  (Léonard).  0    ^,  I.  Q.  C.  ►}«.  imprimeur,  rue  Royale,  85. 

495.  Danel  (Léon),  4^,  imprimeur,  rue  Nationale,  192. 

626.  Da^el  (Louisj,  ►f»,  impruueur,  rue  Jean-sans-Peur,  17. 

2.373.  Danel  (Georges),  notaire,  rue  d3  lUopilal-MiLtaire,  62. 

1439.  DvNJOU  (Léon),  negiciant,  rue  de  Bethune,  40. 

3008.  Danna,  négociant,  rue  de  Jemmapes,  50. 

3252.  Dan.na  (Georges),  négociant,  rue  Princesse,  61. 

31-HS.  Kannay  (Paul),  pi'opriétaire,  rue  de  Jemmap(!S,  71. 

2414.  DvNSET  (Jules!,  représentant,  rue  Jules  de  Vlcq,  16. 

1032  Dauciiez  (René),  commis  principal  des  postes,  rue  Inkermann,  19. 

3.J0I .  Daithlile,  sous-liiMiti'iiaul,  rui'  de  Gand,  ok 

2853.  David-Wiart,  fabricant  de  tulle,  boulevard  Moutebello,  14. 

3500.*  Dawson  (Albert),  négociant,  ruf  de  la  Louvière,  32. 

3499."  Dawson  (Gporgc),  négnciant,  rue  de  la  Louvière,  30. 

2089.  De  Bavnast  (marquis  Georges),  rue  Royale,  107. 

320.  Debayser  (Edouard),  courtier,  rue  de  la  Chambre  des  Comptes,  3. 

<982.  De  Belgnv  d'Uagerle  (Amédée),  père,  propriétaire,  rue  Royale,  134. 

704.  Debièvre  (E.),  l.  <uJ,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix.  201. 

1501.  Debievre-Fol'rnier,  négociant,  rue  Foutaine-del-Saulx,  18. 

1502.  Debon  (A).  Q,  proresseur  de  philosophie  au  lycée,  boulevard  de  la  Liberté,  60. 
ûO'6.  De  Boubers  (G.),  négociant  en  huiles,  rue  Négrier,  3. 

1177.**  Debrltn  (M""),  propiii'tain',  rue  Nationale,  142. 

2345.  De  Brlvn,  industriel,  rue  de  l'Espérance,  22. 

2855.  Debuchv  (Maurice),  fabricant  de  tissus,  rue  des  Stations,  12. 

3."i39.  DE  Rick.  [)ro|)ri(''tain',  rue  Pasteur,  17. 

1889.  Decalf  (Gaston),  directeur  de  lissage  raécani-iue,  rue  Lamartine,  4  . 

3oî-0.  l)Ef:AMPs-BAs.sEZ,  industriri,  rue  des  Arts,  42  cl  44. 

1856.  Decarne  (Gustave),  négociant,  rue  des  Bui.sses,  2. 


LILL..  163 

criplion 

3411.     Decarmn  (Liïoii),  re;)r('si'iil;iii!,  nu'  Nalioimlc^  ti9. 

3309.     Decoster  (H.  P.;,  nie  des  Slalioiis.  l.i. 

3259.     Decoster-Hi'et  (Edo'.ui;'(l\  iié;,'ociaiit,  nie  Basse,  22. 

2.372.     Decoster-Nicolle,  m^  c.iinl,  nie  Blanrhe,  IG. 

2907.     Decourchelle  (Gustave),  étudiant,  nie  Nationale,  299. 

2T9V.     Decrvmer  (Louis),  pharmacien,  me  de  .luliers,  iO'6. 

4838.     Decroix  (Charles),  propri('tair(>,  rue  HarlhCiemy-Deiespnul,  138. 

2001.  Decroix  (Jules)   avocat ,  piaci'  de  la  itopubliciue,  28. 

2002.  Decroix  ^llenri),  banqiiier.  rue  Uoyaie,  42. 

207 i.     Decroix  (Georges),  in.liislriel,  rue  de  l'aris,  52. 

2.ÏH .  Decroix  (l'ieire),  lils,  banquier,  rue  Iluyaie,  42. 

2905.     Décrois  (Pierre),  père,  banipiier,  rue  Royale,  42. 

2850.  Decroix-Cuvelieu  (M""^),  propriétaire,  rue  Melil,  i. 

3258.  Decroix,  pharmacien,  rue  d'lîs(iurrnies,  45. 

3504.  Deuoncker  (.Alphonse),  négoiiant,  rue  du  .^lolinel,  ;j2. 

•leSO.  De  F.wreuil  (E.)  géomètre-expert,  rue  du  Jloliiiel,  25. 

1630.  Defives,  négociant,  rue  Solférino,  322. 

3342.  Defives  (Charles,  lils),  n(''g(jcianf.  rue  (iaiilois,  77. 

4671 .     Deflandrk-Bouruais  (G.),  arcliiteele,  rue  Jeanne  d'Arc,  33. 

2153.  Deflvndre  (Désiré),  teinturier,  quai  do  l'Ouest,  46. 

1550.  Defrv>ce  (Armand),  industriel,  boulevard  Bigo-Daiiel,  10. 

2.37.  Defrenne,  propriétaire,  rue  Nationale,  29.'i. 

4788.  De  Germiny  (le  Comte  Auguste),  rue  Si-André,  6. 

4803.  De  (îraeve-Cabv,  dentiste,  23,  rue  des  Fossés. 

2791 .  Degrave  (Henri),  comiuis-négociant,  rue  des  Jardins.  6. 

4754.  Deiiée  (Gaston),  correcteur,  rue  Léon  Gambetta,  6-'5. 

2809.  De  Jaghere  (P.),  rentier,  rue  de  Toul,   14. 

2442.  De  Lafosse  (Victor),  propriétaire,  rue  Koyale,  53. 

2933.  De  la  Gorce  (Pierre),  ancien  magistrat,  rue  Royale,  129. 

3354.  Delahave  (Eugène),  pharmacien,  rue  Nationale,  261. 

3042.  Delahave  (Emile),  re.^résentant,  rue  des  Stations,  7. 

644.  Delaiddde  (Victor),  négociint  en  céréales,  rue  Gauthier-de-Ch.Vu'Jun,  49. 

2o73  Delahousse  (Léon),  négociant,  ru3  des  Chals-Bo.s.*us,  23. 

4740.  Delamvre  (il.),  négociant,  rue  des  Stations,  4. 

2832.  Del\.nnoy  (Clolaire),  propriétaire,  rue  Princesse,  67. 

2452.  De  Lapersonne,  I  Q,  doyen  de  la  Pac.  de  méil.,  r.  Jacquemars-Giélée,  43. 

2935.  Delattre  (Albert),  filateur,  rue  Durnerin,  22. 

4580.  Delattre  (E.),  filateur,  rue  Denferî-Rochereau,  77. 

892  Delattre  (Maurice),  filateur,  avenue  Sl-Maiir,  6. 

971  ."Dei.atfre  Par.not  (M*""],  propriétaire,  rue  Inkermann,  18. 

1136.  Delattre-Durif.z  (Louis),  fll.iteur  de  lin,  rue  Léon  Gambella,  287. 

2694.  Delau.ne  (Marcel),  conseiller  d"arrondi.>-senienl,  rue  de  rilôpital-.Militaire,  120. 

3463.  Delalnoy,  commandant,  chef  d"Élat-.>lajor  du  Gou\  '.  de  Lille,  r.  d'Angleterre, 32. 
4596.  *  Delcroix  (Henri),  négociant,  rue  Jean  sans-Peur,  16  bis. 

2497.*  Deldal  (H.),  propriétaire,  rue  des  Bouchers,  12  ter. 

3465.  Deléarde,  rue  de  Canleleu,  89. 

3007.  Delebarre  (Charles),  négociant,  boulevard  des  Écoles,  18. 

4874.  Delebecque  (Emile),  directeur  des  Socio'tt-s  gazières,  place  de  Sébastopol,  23. 

2274.  Delebecqite  ,  propriétaire,  boulevard  de  lu  Liberté,  lOo. 

3331 .  Delécalt  (Adolphe),  employé,  20,  rue  de  Cantelcn. 


164  LILI.K 

^••d•ln»-  MM. 

rriptiOD. 

4936.  Delécluse  (Henri),  encadreur,  rue  Hourignou,  8. 

3001 .  Delecolrt,  nésoci-uit,  rue  de  Roubaix,  19. 

487.  Deledicque  (Par.!),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté  ,  101. 

1207.  Delefils  (Eugène),  ntient  il'n>-jur;)nrc.s,  nie  Patou,  21. 

2799.  Delefortry  (Faut),  rei)ré.s:iuant  do  coninierje,  rue  Jacquemars-Giélée,  96. 

619.  Delemer  (U.),  nég.)ri ml  en  vins,  rue  iJ;ilisbonne,  10. 

2394.  Delemer  (Eug.),  avocat,  rue  Jean  sans  Peur,  10. 

3124.  DELE.MOTTE  (Charles),  fabricant  de  jalousies,  rue  St-Genois,  14. 

4492.  Deleplv.nque  (Georges),  notaire,  rue  Saiiit-Élienne,  60. 

2051.  Delepollle  (Edouard),  brasseur,  rue  de  la  Fontaine-Delsaulx,  41. 

3341 .  Delepohlle  (Louis),  entrepreneur,  38,  rue  dArras. 

3413.  Delerive  (Gustave),  employé,  rue  Pasti^ur,  13. 

787.  Delerue  (.\rlliu;),  (ilaleur  de  lin,  lui'du  Paul)  lurg-d.' Tourn  li,  2'i2. 

2968.  Delerue  (Charles),  agent  voyer,  41,  rue  des  Stations. 

2463.  Pelesalle  (Maurice),  filaleur,  rue  du  Pout-Neuf,  13. 

515.  Deles\lle  (M""  Alfred),  propriUaire,  rue  de  Thionviile,  9. 

1151 .  Delesvlle-Vwdë  Wkgiie  (Louis),  fiialt'urde  lin,  rue  Pierre  Legrand,  204. 

2412.  Delesm.le  (Henri),  rue  SI  André,  Sii. 

2511.  Delesalle  (M'"''  Veuve  Henri),  ameublements,  rue  Es-iuermoise,  29. 

2446.  Delesalle-Lemaitre  (Maiiamc),  brasseur,  rue  les  Vieux-Murs,  1o. 

3023.  Delesalle  (M""''  Marie),  propriétaire,  rue  du  Metz,  21. 

(056.  Delestué  (Henri),  lils,  Hibricant  di^  toiles,  rue  du  Palais,  4 

1297.  Delestué  (Albert),  fabricant  de  toiles,  rue  du  Palais,  4. 

220.  Delettré  (Henri),  négociant  en  lin  ,  rue  de  Turenne,  7-2. 

2690.  Delevar  (Alfred),  négociant,  rue  Pierre  Legrand,  170. 

344-3.  Delforge  (Gasion),  étudiant,  rue  Colbrant,  20. 

427.  Deliiate  (M"e) ,  institutrice,  boulevard  de  la  Liberté,  97. 

589.  Deligne,  membre  lionuraire  de  la  Société  des  Silences,  rue  de  la  Barre,  38. 

2535.  Delmotte,  docteur  on  médecine,  rue  de  Gand,  38. 

2461 .  Delobel  (Eugène),  facteur  aux  Halles  cenirales,  rue  Ratisbonne,  6o. 

2911.  Delton  (Madame),  rentière,  rue  Parrayon,  16. 

3223.  Deman,  libraire,  rue  Esquermoise,  GO. 

1645.  De  Margerie,C.  rj-.,  doyen  de  la  f  iciilte  libre  des  lettres,  bout,  de  la  Liberté,  122. 

64.  Demeunvnck  (Auguste),  honiinc  de  l 'itres  ,  ru'^  Masséna,  23. 

376.  De  Montigvy  (Alfred),  ►!<.  rlirecleur  d'assurances,  rue  de  Béthune,  o9. 

577.  De  Montigny  (M'"°  Philippe),  propriétaire,  rue  Royale,  87. 

828.  Demotier,  inspecteur  dos  bi  -ns  des  Hospices,  rue  Boileux,  7. 

743.  Deneck  (Gustave),  négociant,  rue  Soiierino,  291 

3471  .  Dems  du  I'éage  (H(Miri),  éludianl,  ru  >  Royale,  94. 

2897.  Deny  (Arthur),  comptable,  rue  du  Marché-aux-bôtes,  17. 

1389.  De  Pvr  voies,  négociant,  rue  Puébla,  14. 
1794.  *  De  Pas,  (le  Comte),  pro|)riélaii-e.  rue  de  Pas.  18. 

4732.  Deperne  (Charles),  arcliilecle.  place  Sébastopol,  27. 

3149.  De  Peuussis,  intiMidant  militaire,  rue  Ink'rmann,  31. 

3143.  Deplanck  (André),  repré.^entant,  avenue  de>  Lilas,  4.3. 

1560.  Deplvnqi'e  (Emile',  nég  tciaiit,  rue  des  Jardins,  t.S. 

2384.  Deprieck  (Arthur),  inspecteur  d'assurinces,  rue  Gauthier  de  Chàtillon,  4. 

+34..  Pervcme  (Ch.).  (m),  courtier,  rue  Molière.  3. 

2174.  Deren  (Narci.s.sc),  propiiétaiie,  place  Sebasloi>ol,  9. 

169o.  Deiueppe  (Maurice),  brasseur,  rie  de  Valniy,  13. 

314"i.  DKRNONCornr  (Jules),  repre-eutant,  rue  |{ait!iélMny-Dclespaul,  40. 


'    LILLE.  165 

N"  dlns-  JJJl. 

orip'tlon. 

267.  Derode-Cor'man  (Edouard),  >^,  piopiiélairc,  rue  du  Long  Pot,  32. 

902.  Deroelx  (Eugène),  pharmacien,  rue  du  Faiibourg-de-Roubaix,  154. 

29TI .  Derolin  (E.),  n-ccveur  des  Pestes  et  T(^l('sraphes,  rue  do  Gand,  4. 

2661»  Derol'b.\ix,  ptiarniaoieii,  rue  de  Puébla,  30. 

3122.  Dervaix  (Veuve),  nt^'gociante.  rue  de  Béthune,  42. 

<8o4.  Derville,  marbiier,  i  r.e  dos  Pyramides,  24. 

293Î-.  Derycker,  prdprii'ta  re,  rue  Grande  Chaussée,  30 

3096.  Desronnets  (Jules),  fabricant  de  toiles,  rue  Lafontaine,  28. 

422.  De.scamps  (.\iiatole),  vicp-présid.  de  la  Cii.  de  ConuniMTt'.  b''  de  la  Liberté,  36. 

I'128.  Descvmps  (É  louani)   (llaleur  de  lin,  hoiiievard  Vauban,  15. 

1677.  Descvmps  (Ernest),  industriel,  rue  J.-J.  Rousseau,  38. 

Î254.  Descamps  (Edmond),  propriétaire,  b''  de  la  Liberté  M. 

Î429.  Descvmps  (Maurice),  négociant  en  lins,  rue  de  Tournai,  22. 

2354.  Descatoires,  propriétaire,  rue  .lean-Jacques  Rousseau,  23. 

2048.  Desciivmps  (l'abbé),  rue  de  Fleurus,  10. 

2338.  Deschee-MACKEr  (Edmond),  négociant,  rue  d?  Paris,  174. 

994.  Deschins  (Léon),  négociant,  10,  hoiilovard  di^s  lîcoles. 

H03.  Desmazières  (E.),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  165. 

<809.  Desmazières  (ilatirice)  ,  négociant,  rue  des  Arts,  34. 

2387.  Desmazières  (Alfred),  avoué,  rue  de  Piiéhla.  5. 

663.  Des.mei)T  (M""  Ang.),  rentière,  rue  .lacqnemars-Gii'lt'i',  124. 

3410.  de  Smet,  employé,  rue  Faidherbe,  17. 

2495.  Desmettre-Strat  (M™''),  négociaiitp,  rue  des  Meuniers,  24. 

2675.  Desmi;lier  (J.)  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  78. 

2568.  Desnoulez  (Gustave),  propriétaire,  rue  Caumartin,  8. 

3334.  Desoubry  (M"«  veuve),  négociante,  18,  Grand'Place. 

3357.  Despatures  CVIUp),  représentant,  69,  rue  Nationale. 

2251 .  Desplats  (Docteur),  professeur  à  la  Faculté  libre  de  médecine,  b^  Vauban ,  56. 

3494.  Desplinore  (Désiré),  fabricant,  passage  N.-D.  ^e  la  Treille,  M. 

3019.  Desprets  (Eugène),  géomètre-expert,  rue  de  l'IIôpital-Militaire,  60. 

1913.  Despretz  (Henri),  négociant,  rue  Inkcrmaun,  24. 

2216.  Desroussealx,  négociant,  rue  de  Roubaix,  34. 
2840.*  Desrousseaux  (Paul),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  143. 

3450.  Desrumaux  (Léopold),  artiste  peintre,  place  de  Tourcoing,  -11. 
2037.  *  Destailleurs-Dlciiange,  propriétaire,  boulevard  Montebello,  2. 

2700.  Destombes  (Delpliin),  courtier,  rue  des  Ponts-df>-Comines,  24. 

972.  De  Swarte  (Victor),  ^,  \  ij,  Trésorier-payeur  général,  rue  d'Anjoa. 

623.  De  Swvrte  (Edouard),  brasseur,  quai  du  Waull,  12. 

2894.  Devalx  (A.),  sous-clief  de  bureau  à  la  Mairie  de  Lille,  rue  Basse,  10. 

1095.  Dëvilder  (Henri),  banquier,  i.dniinislr.  dr^  la  Banque  de  France,  r.  du  Priez,  2. 
1764   *  Devos  (Jules") ,  négociant,  rue  Jacquemars  Giélée,  5. 

1833.  Devos  (Mme  vve  Léonard),  propriéiaire,  rue  des  Stations,  4. 

2382.  Devos-Duroan,  repré'rentant.  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  63. 

2889.  Devos-Moutonnier,  fabricant  de  chaussures,  rue  de  Ban-de-Wedde,  6  et  8. 

2292.  Devroé  (Edouard),  négociant,  rue  Wicar,  12. 

2870.  Dewachter,  tailleur,  rue  Mcolas-Leblanc,  50. 

2494.  Dewaley.ne  (Victor),  rentier,  rue  Barthélemy-Delespaul,  32. 

810.  Dewattines  (Félix),  relieur,  rue  Nationale,  87. 

1186.  Deworst,   (F.),  fabricant  de  lainages,  rue  de  Bourgogne,  23. 

2906.  Dezwarte-Sockeel,  négociant,  rue  des  Suaires,  14. 

2773.  DnA.LNAUT,  négociant,  Square  Jussicu,  16. 


160  LILLE 

N»'  din»-  JlJl 

criptioa. 

4592.  D'iULU  in-Verb!EST  (l'aiil).  .t^'ciiI  «le  cliaiif^e   rue  du  Talais,  7. 

483.  D"ii\Lî.iiN,  eiifrcpiciieur,  rue  SI  Amlri-,  4t. 

1816.  DuALLULvCiiiESQUiER,  fila'our  fift  lin,  l)oulev:ird  de  la  Liberté,  6. 

2818.  D'HouR  ,L.).  rioeleur  en  médecine,  rue  de  Fontei.oy.  18. 

2288.  Dion,  ^.  inspecteur  des  foréls,  ru»;  Jaciiueinars-Giélée,  87. 

2530.  DoÉ  DE  Mvi.NDREviLLE.  0.  ^JS:,  général,  clief  d"ét;:l-major  du  \"  corps  d'armée, 

boulevard  de  la  Liberté,  20'). 

1273.  DoLEZ  (Jules),  avocat,  nie  l'alou,  22. 

■1933.  Do.NY  (A.),  contrôleur  des  contrib.  indirectes.  oO.  rue  Jeaii-IJarf. 

30oî-.  DooGHE,  rue  .lean-Sans-Peur,  30. 

3414.  DoRÉMiEix,  (Paul),  propriétaire,  rue  Colberl,  7G. 

3496.*  DoiMER  [l)').  A.  ^,  professeur  à  la  Faculté  de  .Médecine,  rue  Nicolas-Leblanc,  57. 

2661 .  DouRiEZ  (M""*),  propriétaire,  place  de  Tourcoing,  5. 

2847.  Douv  (G.),  négociant,  rue  Esquermoise,  48-30. 
1493.  *  DovEN  (.M""),  boulevard  de  la  Liberté,  2o. 

3337.  DiUMAix  (Adolphe),  voyageur  de  commerce,  I-'j,  me  Sf-Firmin. 

736.  Drieix  (VictiTj,  lilateur  de  !iu,  rue  de  Foiitenoy,  31. 

2762.  Drieux  (Achille),  filateur,  rue  Jean-.sans-Peur,  22 

3o29.  Drieix-Difoi  a.  fiialeiu'.  rue  .leaiine-d-Are.  19. 

3288.  Druon,  instituteur,  7,  rue  des  Processions. 

392.  Dlbvr   (Gustave),  0.  ^,  direcl"ur  de  l'Echo  du  Nord,  rue  de  Pas  ,  9, 

2878.  Di'BAR  (Léon),  instituteur,  rue  d3s  Tours,  6. 

32G2.  Dubois  (M""^),  propriétaire,  rue  Briiîe-.Maison,  90. 

1130.  Dubois  (Auguste),  p.'opriélaire,  rue  Cnibeil.  97. 

1224.  Dubois,  -J*,  dorttur  ei:  médecine,  rue  Bouijerabois,  15. 

1455.  Dubois  (Etienne),  industriel,  rue  de  Metz,  20. 

3123.  Dubois  (Henri),  négociant,  rue  do  riîôpital-Militaire,  66. 

4847.  Dubois-Lefebvre  (Joseph),  negocian!,  luede  Puebla,  13. 

2419,  Dubois-Bellvrt,  propriétaire,  rue  Solférino,  199. 
2'f3l .  *  Dubois-Lege.ntil  (Victor),  pr  ipriélaire,  rue  Solférino,  237. 

35-72.  DuBiiFACQ  (Hniiie  .  direeleur  de  tiss:ige,  rue  Pierre  Legrand,  202. 

397.  Dubreucq  (Horace) ,  fahricant  d'anidon,  rue  Pierre-Legrand,  2()8. 

1386.  Dubreuil  (Paul),  négociant,  rue  Palon,  12. 

3361.  Dubrulle  (l'abbé),  professeur  an  collège  S!-Joseph. 

1738.  DuBuisso.N  (Alphonse),  L  %},  arthilecle,  rue  des  Stations,  93. 

104.  DuRus,  A.  i},  instituteur,  rue  du  Marché,  49. 

3V0.  Ducvstel  (M'"''  i'aulinc),  inslitulrice,  rue  Nationale,  61 . 

1922.  Di:<:iuTELET,  Ingénieur,  rue  Jeaii-Bart.  16. 

837.  DucoivliEilVREL.  propriétaiie,  rue  i\e>  Foss^'s-N'eufs,  36. 

904.  DucouRouBLE  (.M""  Jules},  pn»|)rié!aire,  rue  liikermann,  22. 

2827.  DucROQUET  (Henri),  négociant  en  toiles,  rue  du  Molinel,  18 

1538.  Du<:rocq  (.Maxime),  notaire,  boiîevanl  de  l:i  Lib  .rli'.  6t. 

24t7.  Ducrocq  (.Meiit;),  professeur  à  l'École  Florian,  rue  Thiers,  36. 

503.  DuFLOs  DE  Mallortie,  homme  de  lettres,  contour  de  IHôtcl  de  Ville,  18. 

3299.*  Di  FOUR  (Hect(jr),  rentier,  35,  rue  Esquermoise. 

2076.  DuFOUR  u'ASTVFouT,  •^,  D  breveté  au  43»  régt  d'infanlerie.  rueColbert,  129. 

3t7o.  DuFouK-HouzÉ  (l'aul),  filateur,  bmlevard  de  la  Libi'rté,  107. 

1512.  DuGRiPON  (François),  négociant,  rue  Inkermanii,  9. 

1887.  DuGRii'ON  (Albert),  courtier,  rue  des  Stations,  16. 

3080.  DuiiM.N  (Lucien),  m'^goeiant,  rue  de  la  Plaine,  17. 

1212.  DuiiEM  (Arthur),  fabricant  de  toiles,  conseiller  municipal,  rue  St-Genois,  18. 


•  LILLE.  167 

N«"  d'ias-  51 M 

criptioD. 

988.  Dlhem-Poisso.nnier  (Anioiiio),  pro|)riélaire,  rue  de  Puebla,  37. 

578.  DuJVRDiN  (Armand),  piopritHaire.  boulevard  Vaiiban,  27. 

662.  Dujaudin  (Victor) ,  notaire  honoraire,  boulevard  de  la  Liberté,  <25. 

U27.  DuJARDiN  (Albert),  niécaiiioieii-i-oii.slructeur,  boulevard  Vauban,  118. 

2425.  DuJARDiN  (Louis),  Propriétaiie,  rue  liikerniann,  34. 

3242.  DuMONT  (Henry!,  élève  à  l'Ecole  supérieure  df!  CommiMTC,  rue  de  Bourgegne,  43. 

2778.  DupiRE.  ^  (Commandant  1  major  au  i-.}"  rue  de  Courlrai,  21. 

3447.  DuPLAv  ((ieorjïes),  manufaclurier,  87  bl.<,  rue  Sl-Audré. 

3542.  Dcpo.NCiiELLE  (AlbeiO,  rue  Culberl,  208. 

3415.  Dupont  (Augusiin),  indusli'iel,  rue  Jae(|nemar.s-(iiélée,  12. 

3233.*  DiPONT  (Louis),  propiiélaire,  nie  de  Turenne,  46. 

2607.  Dupont,  pro^sscur  à  la  Faculté  dos  lettres,  rue  d'Anjou  ,  4 

697.  Dupont  (MI'*").  instilntiiee,  rue  du  Court-Debout,  1 1. 

2459.  Dupont  'Autînsli-),  employé  de  coniiaerce,  rue  de  Voltaire,  G. 

3333.  DupoNT-Giuss,  néjîociant,  rue  de  la  (Chambre  des  Coniplcs,  I. 

213.  Dui'RET  (Arseï  ejA.  ij,  maître  élémentaire,  au  l)cee. 

2522  DuQiESNAV  (Albert)  li's,  négociant  en  viu.s,  rue  Nicolas-Leblanc,  19. 

1428.  DuguESNAY  (Ém  le),  négociant  en  vins,  rue  Nicuia^-Leblanc,  17. 

2822.  DuQUESNE  ((ieorge,s),  rue  Jacquemans-Giélée,  102. 

3102.  DuQUESNE  (l'a'.il),  instituteur,  rue  des  Pro  essioas,  II. 

2501 .  DuR\ND  iFernand),  négociant,  rue  de  Lens,  28. 

2125.  DuRHAN  (CleniMil),  employé  de  commerce,  rue  Tliiers,  14. 

2477.  DuRET  (H  ).  docteur  en  médecine,  boulevard  Vauban,  21. 

423.  Duriez  'iMH').  inslilutrice,  rue  du  Poil,  20. 

2624.  DuROEULX  (Ernesl),  négociant  en  vins  cl  spiritueux,  place  Sébastopol,  24. 

2584.  DuTOiT  (Jules),  comptable,  rue  Meurein.  14 

2689.  DuTRo  (Mlle  Mélanie),  proles.seur,  rue  I  ierro  Legrand,  88. 

808.  Duv\l-Lai.ou\,  peintre,  boulevard  de  la  Ldicrte ,  103. 

2450.*  DrvERUVN  (Eugène),  manufaclurier,  rue  Koyale,  95. 

2790.  DuviviER  (Adolphe),  directeur  de  fabricali  m,  rue  des  Jardins,  6. 

3486.  DuYCK  (Jules),  ins|)ecteiir-v<)yi  r,  rue  Jeaniie-d'Arc,  10. 

1578.  EcROMvuT,  eiitrcpieneur  de  maçonnerie,  rue  de  ti\es,  41. 

613.**  Eeckman  (Alex.),  A.Q,  0.  <<,  neg,.  ancien  Secr.  g  n.,  r.  Alexandre-Lelcux,  28. 

1616.  Eloir  (Achille),  proljBS>eur  à  l'école  primaire  supérieure,  boulevard  Louis  XIV. 

2931.  Ernoult  (Kn.ile),  rei)resi'ntant  de  Commerce,  rue  de.-"  Stations,  149. 

2961.  Eperin,  direileur  mécanicien,  rue  de  Lens,  26. 

1052  Elstaciie  (G.),  docf,  luof"  à  la  Fae.  libre  de  méd..  boulevard  de  la  Libcrl*',  171 . 

3236.  Evrard  (Lucien),  pharmacien,  rue  liarthélémy-De'cspdul,  103. 

2468.  EvcKEN  Utiipl'iiël),  ingénieur,  plarc  Sébastopol,  18. 

2736.  EvDr-DuKFih.ux,  directeur  «l'aSôUraiices,  place  du  Templ;',  1. 

1002.  Evsenbout  (E.),  cliangeur,  rue  Brùic-.Maison,  44. 

2795.  Faciie  (Charles;,  pharmacien,  rue  Pic.re  Legrand,  159. 

228.  F\Ci,.(Paul),  lério^'iaid  en  bronzes,  rue  Esquermoise.  ;i5. 

1927.  Farinaux  (Albert),  négociant,  rue  des  Augustins,  7. 

448.  FAiciitUR  (Edmond),  5%,  près,  de  la  Cluunbre  d' Commerce,  square  Rameau,  13. 

946.  Fai  CHEUR,  (Félix),  lilateur  de  lin,  boulevai'd  Vauban,  16. 

9V7  Faucheur  (Albert),  (ilateur  de  lin,  rue  Nationale,  281. 

2448.  FAucHiua  (René),  (ilateur,  b.nileviud  Vauban,  131. 

1790.*  Faucihlle  (Auguste),  avocat,  rue  Royale,  56. 

1223.  Fauciiille-Stiévi:n\ut  (M'"*),  pro.uiétaire.  rue  Jacquemars  Giélée.  143. 

560.  Faucihlle  (Edouard),  propné;ai:e,  rue  de  Jemmapes,  86. 


168  I.ILI.E. 

NO»  d'tns-  53)1. 

cription 

749.  Faire  (Henri),  fabricani  de  C(^ruse,  rue  des  Postes.  88. 

3o3I .  Faire  de  la  Vallx,  iiroiiritMaire.  nu-  des  .I;ir(!ins,  o. 

2344.  Falvarqie-Picvvet,  prcpritMaire,  rue  de  Five.s,  66. 

2644-  Fauveau  (Arlhurl,  proprielaire,  rue  Jean-Barf,  10. 

2233.  Favrelle,  représentant  de  commerce,  rue  Masséna,  54. 

252.*  Fer.nalx-Defra.nce,  A.  {},  iie.UDCiant,  i-ue  Grande-Chaussée,  44. 

H94.  Ferra.nd,  photographe,  t)Oulevard  delà  Liberté,  62. 

3232.  Ferré,  ^,  colonel  du  19^  chasseur.*,  rue  Nationale,  2o8. 

3220.  Feuchère,  docteur  en  médecine,  parvis  St-Maurice,  21. 

241! .  FiÉvET  f Albert),  propriétaire,  rue  de  Turcnne,  49. 

il  44.  FiÉVET  (Auguste),  négociant  en  fers,  boulevard  des  Écolss,  42. 

2o8T.  FiÉvET  (Edmond),  propriétaire,  me  de  Canteleu,  46. 

2426.  FiEVET  (Louis),  négociant,  rue  André,  29. 

2316.  FiÉVET  (Théodore),  industriel,  rue  Soîférmo,  187. 

3!oG.  Filles  de  la  Sagesse  (M""'  la  Siippri^n-re  (Ip<.),  place  aux  Bleuets,  9. 

2070.  Flnot,  ^,  1.  Q,  archiviste  du  département  du  Nord,  rue  du  Pont-Neuf,  I. 

401.  FLVMA.NT(Mi'''Adelina),profcs.<eurau  Collège  FéneloD,  rue  André,  37. 

1703.  Florln-Deba^ser  (l'aul),  [)ropriétaire,  rue  de  Jemmapes,  92. 

3234.  Fockedev,  négocianl,  square  Rameau,  V6. 

597.  Folet,  ^,  L  Q,  docteur,  doyen  honoiaire  lif  la  F'''  de  méd.  r.  d'Inkermann,  44. 

2'i3.  Fo>talne-Flament,  filateur  de  colon,  rue  de  rUôpital-Militaire,  4t. 

2381  .*  Fontaine  (Louis),  greffier  rn  chef  du  Tribunal  de  Commerce,  boulev.  Vauban,10 

2986.  Fontmne-Goblet,  Hôtel  Moderne,  parvis  Saint- .^laurice,  7. 

2534.  FoLQCES  (Augustin),  direct,  partie,  de  la  C'^  d'assur.  générales,  rue  Patou,  3. 

1588.  FouRNiER  (A.),  négociant  en  foiirrure.s,  rue  Esquermoise,  30. 

2852.  Franchomme-Desc\sips,  industriel,  rue  Nationale,  123. 

2792.  FRANcnoN,  rentier,  rue  d'Artois,  22. 

1234.  François  (Paul),  équipements  militaires,  rue  de  Paris.  264. 
1978.  Fremvux  (Albert),  négociant  en  toiles,  rue  du  Molinel,  65. 

1235.  FREMVtx  (Henri),  propriétaire,  rue  Négrier,  23. 
2788.  Frejiaux  (Frédéric),  propriétaire,  rue  de  Yalmy,  19. 

187.  Fremaux  (Léon),  A  Q,  négociant  en  toiles,  29,  rue  de  rHôpital-Militaire. 

2244.  FRE.MAUX  (Paul),  industriel,  rue  du  Molinel,  65. 

658-  Fbo!-;licii  ,  chargé  de  cours  d'enseignement  spécial  au  Lycée. 

324.  Froment  (M"'),  profes.«eur,  rue  Nationale,  lOii. 

60.*  Fromont  (Aug.),  A.Q,  propriéta  re ,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  77. 

4069.  Gailf.kt  (Paul),  ingénieur  civil,  rue  Solférino,  254. 

2797.  Gallet  (Désiré),  entrepreneur,  rue  des  Uobleds,  18. 

2937.  Gallev-Ultin,  représentant  de  commerce,  rue  de  Fleurus,  38. 

1849.  Gallev  (Paul),  propriétaire,  rue  Inkermann,  17. 

2807.  Gvnd  (31"°=  R.),  propriétaire,  rue  du  Pont-Neuf,  4  t. 

2995.  Gardien,  ^,  sous-intendant  militaire  de  1"  classe,  rue  Gantois,  20. 

3495.  Garnier  (lieutenant),  place  Siinon-Yollant,  21. 

2815.  G\rrigolx.  négociant  en  métaux,  rue  Barthélémy-Delespaul,  134  bis. 

2839.  GvuuiER,  docteur  en  médecine,  rue  Inkermann,  25. 

976.  Gaulard,  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  rue  Nationale,  470. 

1509.  Gavelle-Briere,  ^,  A.  i),  lilateur.  rue  Solférino,  289  b. 

3476.  Gazan  (Victor;,  Officier  d'administration,  quai  du  Vaull,  o. 

4440.  Geiger-Gisclon,  fabricant  de  busetles,  rue  d'Arras,  72. 

1638.  Genêt  (M"'"  Vve)  rentière,  rue  Solférino,  290 

1539.  Gi..^.^EvuIS£  (Floriaii),  ancien  avoué,  rue  Jacquemars-Giélée,  54. 


l.llLE.  169 

N"  «lins-  JIM. 

tripllon. 

691 .  Gennevoise,  ancien  notaire,  lueGanibelta,  35. 

KS".  Genoux-Roux  (Adolphe),  direcleur  du  Crédit  du  Nord,  rue  Jean-Roisiri,  8. 

3506.  Georgée,  inslilutfMir,  ruo  Dupleix,  23. 

3507.  GÉRAB»,  agent  coniini  rcial,  boulevard  Papin,  2. 

2552.  Ghesou'ier  (Désiré),  arcli.,aquarel.,  prof,  à  l'Ecole  des  B. -Arts,  r.  St-Andrc,  lOO/>. 

2609.  Gilles  (V.;,  représentant,  rue  du  l'ont-du-Lion-d'Or,  Fives-Lille.     • 

2877.  Gi.\zbi;rg,  commissionnaire  en  {grains,  rue  de  Turenne,  43. 

3511.  GrRvro  (l'aiil),  M:''fj;ii(iaMl,  l'ue  Sl-.Vndr.',  87. 

8^7.  GoBERT,  pharmacien,  rue  Es(iuernioise,  26. 

3137.  GoDiN  (Henri),  couducteuv  des  Ponts  et  Chaussées,  rue  Brûle-Maison,  68. 
1572.*  Goi)L\(0.)  C.»|<,  industriel,  corresp.  de  Sociétés  de  Géographie,  r.St-Nicolas, -18. 
i023.  GoDRON  (Emile),  avoué,  lioulevard  de  la  Liberté,  103  bis. 

2401.  GoNNET  (M""°  Aimé),  propi'i(''laire,  rue  Royale,  89. 

1563.  GoRKZ,  docteur  en  médecine,  rue  .lean-saiis-Peur,  12. 

2304.  GouGF.s  (G.),  propriétaire  de  TUotel  de  l'Europe,  rue  Basse,  30-32. 

2340.  GossxRT  (Alberl),  ingénieur  des  arts  et  nianufaclures,  rue  StGabriel,  105. 

2297.  GossART  (Edmond),  ingénieur  civil,  rue  Jacquemars-Giélée,  129. 

8.  GossELET,  0.  ^.  I  y^,  ►f',  doyen  de  la  Faculté  des  Sciences,  rue  d'Autin,  18. 

1886.  GossELiM,  propriétaire,  rue  Esquermoise,  41. 

2771 .  GouBET  (Alphonse),  agent  général  (i'assiirances,  rue  Soiférino,  310. 
1789.  GoLDAERT,  pâtissier-conriseur,  rue  des  Chats-Bossus,  8. 

1959.  Grvndel  (Charles),  proi)riétaire,  rue  des  Tours,  17. 

<126.  Gratrv  (Iules),  manufacturier,  rue  de  Pas,  1 1. 

3503.  Grelijeu  (Emile),  ing'iiii'ur,  place  Sébasiopol,  32. 

2176.  Gruux  (M""=  L.),  propriétaire,  rue  Jean-sans-I'eur,  64. 

2056.  Grimonpuez  (Félix),  ingénieur  des  Arts  et  Manufactures,  rue  de  Valmy,  1. 

2932.  Grimonprez  (Paul),  avenue  de  Dunkerque,  42. 

572.  Gromer  (jeane) ,  négociant  en  métaux  ,  rue  de  Cambrai ,  36. 

3330.  Grigeon  (Henri),  employé,  97,  rue  d'Esquermes. 

3119.  Grumeau  (J.-B.),  représent mt,  rue  Gambetta,  63. 

1902.  Gruson,  ^,A.  y,  inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées,  directeur  de 

l'Institut  Industriel  du  Nord,  rue  de  Bruxelles,  4. 

3306.  Guelto',  archilecîc,  2,  boulevard  des  Écoles. 

2224.  GoERLN,  directeur  de  l'Industrie  linière,  rue  des  Stations,  75. 

2380.  GuEitMONPREz  (Jules,  fils),  négociant,  rue  Saint-Etienne,  30. 

3018.  GuERMONPREZ  (Léon),  rue  Brùle-Mai.son,  109. 

651.  GuicHARD  (Alberl),  avocat ,  rue  Patou,  10. 

3464.*  GuiLBAUT  (Georges),  membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  rue  Basse,  45. 

3421 .  GuiLLUv  (Maurice),  commissaire  priseur,  rue  Jean-Bart,  24. 

3245.  GuYOT  (Alfred),  industriel,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  207. 

676.  IIache,  professeur  de  langues,  rue  Jacquemars  Giélée,  40. 

3138.  Hachet  (M"""),  professeur,  rue  André,  20. 

2444.  Hacquln,  A.  Q,  prof  de  langues,  traducteur  juré,  boulev.  de  la  Liberté,  69. 

2772.  HvGELSTEiN  (Iwan),  ingénieur,  roe  des  Sepl-Agaches,  6. 
1584.  Hallez  (Edmond),  bailli  de  St-Étienne,  rue  Esquermoise,  52. 
<701 .  Hallez  (Gaston),  ingénieur,  rue  d'Iéna,  66  bis. 

1920.  Hallez  (Paul),  I.  %},  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences,  rue  Jean-Bart,  52. 

1667.  Hamy  (Léon),  confectionneur,  rue  Meurein,  10. 

2178.  Hanus-Brielm\n,  propriétaire,  rueColson,  6. 

3249.  Harlée,  voyageur  de  Commeice,  rue  d'Artois,  30. 

2107.  H\UMANT,  1.  y,  professeur  de  russe  à  la  Faculté  des  lettres,  rue  Solfériiio,  1 02. 


170  LILLE. 

N"(nns-  MM. 

criptlon. 

2867.  H\UTEcœuR-Bouc!i\RT,  iif^gooiaiil,  nie  Neuve,  8. 

26J0.  Hauwelle  (C),  facteur  assermenté  près  le  Trib.  de  commerce,  rue  Pucbla,  43. 

74'2  Hayeh  (Jules),  représentant,  cour  des  Innocents,  t\. 

3059.  HÉACLME  (Régis),  fabrioaiil  d'urn-ments  d'églisp,  rue  Faidh:>rbe,  33. 

93.  Helluy,  professeur,  rue  Grande-Chaussée,  46 

3275.  Hennart,  docteur  en  médecine,  rue  d'Ang'elerre,  .j6. 

3132.  Henmon  (Gustave),  représentant,  rue  d'Anlin,  43. 
455.  Henry  (Charles),  propriétaire,  rue  Denis-Godefrny,  7. 

28.54.  Herbert,  notaire  iionor.,  administr.  du  Bureau  de  Bienfaisance,  r.  de  Puébla,  35. 

464.  Herland  (M"""  Veuve  Alphonse),  propriétaire,  rue  des  Fossés,  41. 

2473.  Herland  (Alphonse),  capitaine  des  sapeurs-pompiers,  Square  Rameau,  4. 

92.  Herlemont,  professeur  à  lécole  supérieure,  rue  Sl-Firmin,S. 

4418.  Herlin  (Georgesi,  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  22. 

802.  Berlin  (M""  Alphonse),  propri(Maire,  square  de  Jussieu,  17. 

2895.  Herpin  (Mlle  j.),  rue  de  Bourgogne  1G. 

3461.  Herteman  (Paul),  employé,  42,  rue  des  Guinguettes. 

2346.  Hette  (Alexandre),  représentant,  façade  de  l'Ksplanade,  H  bis. 

2616.  Heugas,  ^,  recev.-principal  d:s  l'osles-ol-Télégraphes.  place  de  la  République. 

4529.  HEVMA.NN-LÉVA-  (Alex.),  bijoutier,  Grande-Place,  46. 

3269.  Hevme.n,  dl■Ilti^le,  rue  .leaii-Roisin,  T. 

899.  Heyndryckx  (Paul),  filaleur  de  I!n,  rue  des  Processions,  67. 

364.  Hilst.  négociant  en  toiles,  rue  du  Dragon.  5. 

822.  Hochstetter  (Paul),  (iocteur  en  médecine,  rue  de  Fives.    44 

255.  Hocquet,  pharniacion,  rue  Léon  Gamhelta,  04. 

3133.  Hocquet,  receveur  des  Postes  en  retraite,  rue  Nicolas-L:  blanc,  7. 
898.  HoLBECQ  (Ernest),  pharnuicien,  rue  Saint-Gabriel,  85. 

\  148.*  HoLTRRON  (G.),  A.  Q,  liomm,'  de  lettres,  rue  Brùle-Maison,  34. 

1770.  HouBRON  (Maurice),  négociant  en  vins,  boulevard  de  la  Liberté,  132. 

4737.  Houuov  (Armand),  A.  %},  avocat,  s(piare  Jussieu,  8. 

3404.  HoiRRiEz  (Gaston),  rentier,  rue  du  Marehé,  62. 

380.  HouzÉDE  l'Aulnoit,  A.  Q.  C.  «^,  avocat,  rue  Royale  ,  61 . 

2828.  HoL'zÉ  DE  i.'AuLNorr,  avocat,  rue  de  !a  Barre,  48. 

453.  UoiJzÉ  (Léon) ,  avoué  ,  square  Jussieu  ,  11. 

3398.  HovELACQiE  (Léon),  propriétaire,  rue  Delozenne,  9. 

845.  UUET  (M"""  Charles),  propriétaire,  rue  des  Jardins,  i). 

3482.  Huet  fils,  représentant,  rue  Gambetta,  184. 

2.350.  HiGODOT  (Paul),  stéuograplie.  rue  N  ;!ional',  29  B. 

1481 .  Hugot-Lafack,  ^,  négnciaut  en  toiles,  rue  de  Tournai,  +3. 

3274.  HiMBF.RT  (>r*  Émili),  propriétaire,  bunli'vard  de  la  Lib:^rté,  .j6. 

1697.  Hlmbert-Delobxl,  industriel,  rue  de  Duukerque,  40. 

2oo6.  Hlmblot  (Emile),  représentant  d /.commerce,  rue  d'Amiens,  21. 

3237.  Huvge  (Eugèni'),  fal  ricant,  rue  du  Marclié-aux-Fromages,  Il  bis. 

2803.  Imvndt  (Cari),  négociant,  rue  Patou,  2  5. 

3135.  I.ngelrans  (Léon),  propriétaire,  rue  Sle-Catheriiie,  7. 

2620.  Iweins  CJulcs),  propriétaire,  rue  Jac(|uemars  Giélée,  27 

3436.  JvcnLMiT-I.Ei-EitvuE    M  id  im  î  veavo),  négorianl',  rue  d'  Gaiid,  32. 

1 124.  Jansens  (Victor),  négociant  en  vins,  square  Uuaalt,  10, 

2532.  Jalmari)  (Améde?),  place  de  Bélluine,  17. 

3139.  Jean  (Fcrnand),  employé,  lue  (iraiuli'-Cliaussée,  50. 

340t).  JEANNERon  (général),  C  î^,  commandan!  le  r'Corpsd'arméo,  rue  Négrier,  10  1er. 

3152.  DE  JoLV,  >][c,  i)r,)|)riétaire,  lue  Bnucher-de-Pcrih  'S,  78. 


LILLK.  171 

N^d'Ins-    5151. 
cription. 

2456.  JoMBART-GuiLLEM AN»,  imprimeur,  rue  Solf^rino,  US. 

460.  Jo.NCKÈERE,  lu'gocianlen  produits  ciiimiqiics,  rue  Biipliste-Moiinoyer,  4. 

3.349.  .lONGii-CoRNEi.is,  empIdYi',  rue  Si-André,  .'{.S. 

2748.  JouAY-DuBOis,  entroprcueur,  rue  de  Fives,  OV. 

3226.  JouMAux  (Aicirio),  préparateur  de  chimie,  à  la  Faculté  des  Sciences. 

2237.  JouvENKL  (Fernaiid),  rentier,  rue  des  Stations,  10  bis. 

3428.  JorvENET,  professeur  au  Lycée,  l'ue  (irande-Alli'e,  41. 

342o.*  Kmfema.nn  (C),  cmiilier,  rue  Alexandre-Leleux,  34. 

3260.  Keller  (Viclor),  adji  prineipal  du  séuie,  place  Sl-Audn'',  I. 

3474.  Kestneh,  ingénieur,  rue  Faidlierbe  32. 
2H2.  Ketelair,  escompteur,  rue  Si-André.  21. 
3o3o.  KiPS-MoRiVAL,  mi-canicien,  rue  des  Tours,  I. 

1778.  KoLB  (J.)-  0.  ;i^,  A.  ^,  ►{'«4*1  a'iTi-  ^t'S  Man .  de  i*r.  ch .  du  Nord,  r.  des Caiionniers,  1 0. 
29o4.**Kihlm\.nn-Agacue  (M'»o  V^p),  pmprié'laire,  square  de  Jussieu,  l.'i. 

301 .  LvBiiE  (Henri),  artiste  peintre,  rue  du  Met/.  6. 

3478.  LvBBÉ  (Ernest),  n''gnci:uit,  rue  Bisse,  4<,l-;jl. 

2750.  L\co.\iDE.  iiigénieur-chiuiisle,  rue  de  |{()ur,j;.tgne,  41. 

102.  LvDRiERE  ,  I.  \?,  directeur  de  l'école  du   .«square  Dutilleul ,   24. 

1733.  Lagvche  (René),  fal)ncant  de  toiles,  rue  do  Tenremoiule,  7  bis. 

2427.  Lag VISSE  (Éniery),  propriela.re,  rue  de  Bour;:ogne,  4'5. 

2783.  LAGArssE  (Elisée),  changeur,  me  Nalioiialc.  70. 

425.  LvGRVNGE  (M"""),  institutrice,  87,  rue  d'AusIeilitz. 

2981 .  LvLLKMVNT,  instituteur,  rue  Guiilaumc-Wi  rniers,  7o. 

1934.  Lv.MBOi  (Joseph),  ingénieur,  rue  de  Loos,  41. 

2044.*  Lammens  (.Jules),  négociant,  rue  Faidherbe,  .16. 

3324.  Lamoot,  professeur,  rue  Colson. 

3477.  Lancialx,  employé,  nie  Bernos,  20. 

840.  Lancien,  a.  Q,  juge-de-pai\,  rue  des  Pyramides,  39. 

3475.  Landeau  (Au.'zuste),  élève  à  l'École  de  Commerce,  nie  delà  Bassi-e,  4. 
3364.  Lanuuon  ((lliarles),  proj)riétaire,  rue  Slappaert,  23. 

3219.  LAxNglais  (Emile),  pro;).  des  grands  magasins  du  Bon  Marché,  rue  Nationale,  7. 

3050.  Lawin  (Albert),  représentant,  rue  Jean-Sins-Peur,  52. 

3046.  LvNvi.N  DE  Lannqy,  représentant,  ru3  des  Postes,  6. 

2997.  Laplace  (Eugène),  vérificateur  des  Douanes,  rue  Jean-Sans-Peur,  43. 

266r».  La  Rivière  (G  ),  ^,  ingénieur  eu  chef  de  la  navigation,  rue  de  Puébla,  10. 

208.  LvROciiE   (Jules),   négocianl,  Grande-Place,  13. 

1660.  LvRUE  iPaul),  de  la  Maison  Fichet,  rue  Nalionale,  13. 

2896.  Lvschamp  (Joseph),  capitaine  eu  retraite,  rue  Jacquemars-Giélée,  53  bis. 

1457.  LvuRENGE  (Marcel),  entrepreneur,  rue  Marais,  3. 

1561 .  Lairenge  (Eugène),  entrepreneur,  rue  F'ierie  Martel.  6. 

365.  LvuRENT  (Adoljibe),  négociant  en  lins  ,  Faubourg-de-Uoubaix.  22'j. 

3417.  Laltient  (Aiigiisle),  ein|)!oyé,  nie  des  Jardiiis-Caulier,  25. 

71 1 .  Laure.nt  (Julien] ,  négociant  en  rouenneries,  rue  a  Fiens,  1 . 

1040.  LAVAbx,  négociant,  place  du  Lion-d'Or,  14. 

3030.  Lebas  (Julien),  ingénieur,  rue  de  St-Quenlin,  5. 

2757.  Lebecq  (A  ),  directeur  des  Entrepôts,  rue  Culbert,  201. 

274.  Le  Blan  (Paul),  ^,  lilateurde  lin  ,  rue  Gauthier-de-Chatillon  ,  24. 

2460.  Le  Blan-Delesalle  (M"™^  Julien),  pidprié'taire,  rue  Gauthier  de  Châtillon,  28. 

3283.  Leblanc  (Louis),  receveur  des  douanes  en  reiraile,  rue  d's  Pyramides,  8->. 

2243.  Leblec,  propriétaire,  6,  i^lace  Cormonlaigne. 

3167.  Leblond  (Oscar),  rue  St-Gabriel,  46. 


172  LILLK 

NO'd'ins-  MM 

cription. 

835.  Lecvt  (Léon) ,  roiiducleur  (ii'>  pont'*  et  chaussées,  rue  Patou,  -33. 

498  LEcnAT  (Eugène),  négociant  en  draps,  rue  Desmazières. 

646.  Leclvir-Dlflos,  propriétiiire,  rue  de  Puébla,  17. 

3312.*  Lecleiicq  (Gustave),  filalmir,  43,  rue  Jean-saus-Peur. 

2342.  LÉCLUSELLE,  transports,  rue  du  la  Halle,  9. 

80.  Lecoco  (Gustave),  a^ent-ioiiseil  d'assurances,  rue  du  Nouveau-Siècle  ,  7. 

1243.  Lkcogo  (Alph  inse),  rentier,  rue  Colbert,  2). 

24T0.  Lecocq  (Adolphe),  rentier,  rue  St-Élienne,  39. 

261 1 .  Lecocq  (Eruest),  propriétaire,  quai  Yaub  in,  3 

32-34.  Lecointe  des  Isles  (C),  propriétaire,  rue  d'Artois,  44. 

2205.  Lecomte-Geiinez  (Paul),  négociant,  place  Sébastopol,  26. 

2342.  Leconte  (Adolphe),  fabricant,  rue  Neuve,  10. 

3017.  Lecroix  (E.),  représentant,  rue  Colbsrt,  36. 

1646.  Lediei  (Achille),  ►f»,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Négrier,  19. 

2440.  Lefebvue  (Achille),  (ilateur  de  coton,  rue  Léon  Gambetta,  290. 
1604.  Lefebvre  (Chnrie.s),  changeur,  rue  Nationale,  69  bis. 

869.  Lefebvre  (Désiré) ,  re|)résentant,  rue  du  Faubourg  de  Roubaix,  170. 

2423.  Lefebvre  (Emile),  avocat,  rue  île  Hélhune.  38. 

3473.  Lefebvhe  (Georges),  imprimeur,  rut-  de  Tournai,  88. 

2464.  Lefebvre  (Pierre),    avocat,  rue  de  rilôpital-Mililaire,  33. 

1698.  Lefebvhe  (Paul),  artisle-peiulre,  boulevard  de  la  Liberté,  209. 

3363.  Lefebvre  (Victor),  professeur  à  lÉcole  siipéijeure,  boulevard  Louis  XIV. 

2480.  Lefebvre  (M™*),  [irofe-sscur  de  musique,  rue  Patou,  13. 

1791 .  Lefebvre-Couste.noble  (Th.),  fabricant  de  céruse,  rue  de  Douai,  103. 

2441.  Lefebvre-Faure  (François),  fiialeur  de  cotim,  rue  Nationale.  320. 
2693.  Lefebvre-Paqoet,  rentier,  rue  de  Valiny,  18. 

3112.  Lefebvhe  (Léou),  imprimeur,  rue  de  Tournai,  88. 

2844.  Lefèvre  (Adolphe),  négociant,  rue  Ratisbonne,  1  \bis. 

2908.  Lefèvre  (Edmond),  négociant,  rue  Ratisbonne,  11. 
o93.  Le  Fort  (Hector),  rj-,  médecin,  rue  Colbert,  44. 

2437.  Lefrancq  (Jules),  étudiant  en  droit,  rue  du  Vert-Bois,  22. 

641 .  Le  GAVR1A.N  (Paul),  député,  boulevard  de  la  Liberté,  133. 

2943.  Le  Gavrian  (M"^  V^  Albert),  rentière,  rne  Parrayon,  3. 

1934.  Legay-Masse,  propriétaire,  rue  Nationale,  147. 

2088.  Legay  (Ch.),  docteur  en  médecine,  place  aux  Bleuets,  22-24. 

2922.  Legendre  (Jules),  bijoutier,  rue  Esquermoise,  47. 

390.  LÉGKREAC,  Instituteur,  rue  de  Rivoli,  50. 

2612  Legrain  (Edmond),  clerc  de  notaire,  rue  Dcschodt,  27. 

3118.  Legrand  (E.),  peintre,  rue  de  la  Piqu?rie,  \&bis. 

3293.  Lehembre-Leriste  (Henri),  fabricant,  rue  du  Vieux-Marché-aux-Poulets,  22. 

2392.*  Leleu  (Adolphe),  négociant,  parvis  St-Maurice,  6. 

3329.  Lelei"  (Alphonse),  employi;,  39,  rue  Thiers. 

3344.  Lelec  (Gustave),  libraire,  11,  rue  Neuve. 

2909.  Leliel'r  (Alfred),  boucher,  rue  Nationale,  103. 
2313.  Lelièvre  (M""),  institutrice,  rue  d'Isly. 

2383.  Leloih-Delan.nov  (Henri),  négociant  en  grains,  rue  Esquermoise,  12. 

2327.  Lelosg  (Louis),  propriétaire,  rue  Solférino,  26. 

100.  Lemaire,  a.  Q,  directeur  de  l'ccole  primaire,  rue  du  Long-Pot,  53,  Fives. 

"2034.  Lemvire  (M.),  changeur,  boulevard  Vauban,  133. 

3340.  Lemaitue-Rigo,  fabricant,  rue  du  Molinel,  16. 

2147.  Lemay,  ancien  notaire,  rue  Solférino,  61. 


LILLE  173 

N<>»  d'ins-  JIM. 

criptiOD 

31oo.  Lemesre  (Henri),  propriétaiio,  rue  d'Es  luonnes,  12. 

4853.  Lemoine  (D'),  A.  i),  profcs-ioiii-  à  la  Faculli'  de  Mé  lecine,  rue  Inkcnnann,  28. 

2725.  Lesioi.ne  (Henri),  employé  à  la  Baïupic  de  Fiance,  rue  i5oyale,  73. 

685.  Lemoinier  (Ra\niond),  itropriélairc,  rue  do  la  I.ouvière,  25 

<923.  Lepez  (André),  entrepreneur,  rue  Jacqueinars-Giélce,  131. 

3134.  LÉPiNE  (Edouard),  directeur  de  brasse  ie,  rue  Inkerniann,  41. 

-1910.  Lepoutre  (Auguste',  négociant  eu  tis.'iu-;.  rue  du  Marché,  6o. 

2397.  Lepreux-Hannecart,  industriel,  rue  de  Turenne,  35. 

2622.  Lernould  (Alphonse),  boulevard  d?  la  Liberté,  32. 

2673.  Lernould  (Léonce),  négociant,  rue  Gambelta,  30. 

584.  Le  Koy (Félix), ^.  auc.  député,  anc.  président  du  tribunal  civil,  r.  l{oyale,10o. 

854.  Leroy,  négociant  en  rubans,  rue  Mercier,  2o 

2882.  Leroy  (Célestin),  entrepreneur,  rue  de  la  Plaine,  58. 

17H  .  Leroy  (Louis),  fabricant  de  (oiles,  rue  du  Dragon,  8. 

66V.  Leroy-Delesvi.le  (Paul) ,  négociant  en  lins,  boulevard  de  ia  Liberté,  139 

3505.  Leroy-Monthwe,  rHpri''S('iitant,  boulevard  Victor-Hugn,  153. 

1544.  Lesay  (Auguste),  propriétaire,  rue  d'Isly,  5. 

33.  Lesert,  géomètre,  rue  Brfile-Maison,  53. 

2768.  Lesnes  (Aimé)   directeur  d'école  primaire  supérieure,  boulevard  Louis  XIY. 

4513.  Lesot  (l'abbé),  A.  ^,  aumônier  du  lycée  Faidherbe. 

596.  Lessens  (Eugène),  brasseur,  ru:-  Sainl-Andre  ,  83 

H6.  Leslr,  directeur  de  l'écol'^  priinain*,   rue  des  Stations,  72. 

3148.  Lesir  (Ueniy),  anci:u  magistrat,  rue  St-Jactiues,  19. 

4908.  Lethierry  (M""'  Lucien),  propri'taire,  rue  Blanche,  46. 

1742.  Letombe  (L.),  ing-n'"  des  Arts  et  Manufactuies  (E.  C.  P.),  pi.  Simon-VoUant,  13. 

26t)3.  Levé  (Albert^,  ►}•,  juge  au  tribunal  civil,  rue  des  Pyramides,  6. 

2808.  Levêque  (Clément),  négociant,  rue  Esiiucrmoi^e,  21-  1er. 

1924.  LÉvi  (Otto),  négociant  en  lins,  rue  des  Augustins,  7. 

4211.  Lezies,  négociant  en  tapis,  rue  des  Chats-Bossus,  9. 

2403.  Lhermittk  (César),  receveur  de  rentes,  rue  du  N :)uveau  Siècle,  19. 

887.  LnEiREux   ^,  inspecteur  (!es  Postes  et  telég.,  rue  Barlhélemy-Delespaul,  70. 

4961.  LiAGRE  (Achille),  archilocle,  rue  Jean-Bart,  '^. 

2374.  Llagre  (Paul),  agent  de  change,  lue  du  Palais,  13. 

2936.  LiÉGEART  (Octave),  n'ulicr,  boulevard  Victor  Hugo,  48. 

234-4.  Liégeois  Six,  imprimeur,  rue  Gambelta,  244. 

3453.  LiEKENS  (Georges),  eniployi',  rue  du  Metz,  28. 

1570.  LiEM  (Eugène),  négociant,  rue  Solférino.  308. 

2165,  Liénard-Gruson,  négociant  en  grains,  rue  Bri!ile-Mai.son,42. 

4440.*  Liénaut-Maruge,  piopriélaire,  rue  SolTénno,  189. 

4736.  Loir  (Victor),  tailleur,  rue  Bas.w,  53. 

374.  LoNCKE  (M""*  E.),  propriétaira,  boulevard  de  la  Liberté.  4  3. 

330  Lo.nghaye  (Edouard),  î%,  propriétaiie,  boulevard  de  la  Liberté,  461. 

4210  Longré  (Georges),  entrepreneur  de  iiavage?,  rue  Solférino,  264. 

2830.  LoNNEL  (Victor),  reprt'senlant  de  commerce,  rue  Blanche,  14. 

4020.  LooTEN,  docteur  en  nié(!L'cine,  rue  ilcn  Molfonds,  4. 

2264.  LoRÉAL,  ^,  ►f-,  »fi,  ca|)il.  au  4:)*  rég.  dinfanlerie,  rue  de  la  Grande-Allée,  2  bis. 

454.**  Lorent-Lescounez,  lilaleur  de  lin,  rue  Inkerniann,  30. 

2646.  LouETTE  (Madame),  professeur  de  chant,  rue  des  Fossés,  30. 

3435.  Louis  (Georges),  pharmacien,  rue  Froissart,  11. 

3285.  LoL"VET,  instituteur,  53,  rue  Bernos. 

382.  Lover  (Ernest),  député  (ilatcur  de  coton,  place  de  Tourcoing. 


174  LLLK 

.N-diril-  SIM. 

cnptiuu. 

22-'>').*  I,i;XE\u,  iiégocianf,  nie  Nationale,  10. 

1949.  Lys-T\ncré,  eiilrepreiieur.  nie  dos  Poste ;,  191. 

•2369.  MvBiLLE  DE  l'oNciiEviLLE  (Albert),  notaire,  rac  de  Bourgogne,  9. 

3108  Maciielart.  pharmacien,  nie  (iainl)elta,  142. 

SV3.  Mac  Lvciilan  (Georges),  cominissioniiaire,  rue  fies  Fossés,  34. 

2513.  M\i)En  (Charles),  ingénieur,  rue  Boiirignoii,  l.'î. 

3403.  M\ES.  conti-ôleur  des  labat-s.  nie  du  Puiit-Neuf,  39. 

2948.  MvHiEU  (Julien),  laillcur.  rue  Nationale,  120. 

2T39.  JUleprade,  tlirecteur  de  lEnregistremenl,  rue  (}aulhior-de-Chatillon,  18 

3.Ï36.  MvLHERBE  (Albfrt),  représentant,  rue  Ali'xaiidit'-I.eleux.  23. 

nOi-.  M  MLLE  (Jules),  propriétaire,  rue  Es-iuennoise,  7. 

1090.  Mm.i.kt  (ne.sirt^),  conducteur  de-^  ponts  et  chaussées,  rue  Brûle-Maison,  36. 

1475.  MvNso  (Charles),  A.  Q,  homme  de  lettres,  quai  du  Wault,  I. 

3140.  Mantez,  épicier,  rue  des  Augusiins,  19. 

3002.  Maqlart,  pharmacien,  rue  de  Dunkerque,  221. 

240.  Maqiet  (Krnest),  négociant  en  lins,  place  aux  Bleuets,  1 1. 

.r23.*  Maqcet  (M'"'  Alfred),  propriétaire,  boulevard  Vauban,  3i 

2645.  MvQUET  (Maurice),  négoc.  en  lins,  Sccr/'t.  du  Club  Alpin  français,  r.  Palou,  25. 
M. 53.*'  MvRAcci  (M""'),  propriétaire,  rue  des  Heurs,  1 1. 

3003.  Marchvnd  (I.oiiis),  directenr  d'ccole,  rue  de  TArbrisseau. 
352.  Makciivnt-1)e  Paciitère  (M"'^),  propriétair,'.  rue  Princesse,  kO. 
484.  Marette,  négociant  en  cotons,  rue  du  Vieux-Faubour;,',  29. 

3490.  Marie  (Docteur),  iiie  Mounnaiil.  9. 

2092.  Mxrquette  (César),  indusiri  1,  rue  de  Bétlmne,  50. 

3094.  Marqiis  (H.),  bandagiste,  place  du  Lion-d'Or,  17. 

2964.  .Martel  (A.),  négociant,  rue  de  Thionville,  33. 
2348.  Martel  ((ieorges),  .  négociant,  rue  Caiiniartin,  38. 

2965.  Martel  (Maurice),  négociant,  rue  de  Thionville,  3î. 
4298.  MvRTiN  iKdouard).  notaire,  rue  Jacqueiiiars-lJi.^lée,  H. 

419.  MxiiTiv  (M'""),  A.  ij,  directrice  de  l'École  primaire,  place  Philippe-Ie-Bon,  23. 

1991 .  MxRTiN  (P.),  négociant  eu  soiries,  rue  de  Pas.  7. 

2900.  Martin-Re.nault  (E.),  représentant  de  commerce,  rue  Basse,  5. 

1840.  Marv-Broudeiioux  (Mi"e  V^e),  rentière,  rue  Blanche,  45. 

3493.  Maslngle,  peintre  décorateur,  rue  de  Bétlmne,  53. 

.399.  Masolelier  (Augustci.  ^,  négocianl  en  coIdus,  rue  de  Courlrai,  5. 

3158.  Masqielier  (Georges),  négociant,  boulevard  de  la  Liberlé,  59. 

3157.  Masqielier  (Val.'ry),  direrleur  d'assurances,  façade  de  l'Esplanade,  20. 

1986.  Masse  (Eduiond\  proiiriélaire.  rue  .Nalioiiale.  35. 

.3439.  Mas.sln,  étudiant  à  lÉcole  de  coinuterce,  rue  Négrier,  13. 

2899.  Massu  (général),  C.  ^,  conim.  le  Génie  de  la  i"  région,  place  de  Tourcoing,  24. 

3537.  Masirel  (Albert),  négociant,  rue  Colb 'ri,  124. 

1515.  MvsuREL  (Paul),  négociant,  rue  du  Vieux-.Marché-aux-Poulels,  26. 

1219.  Mathelin,  ^,  ingénieur,  rue  de  Douai,  95. 

3508.  .Mathiei,  représentant,  rue  de  la  Bassée,  5. 

1571 .  Mathon  (Achille),  »ft,  propriétaire,  rue  Jacqucmars-Giélée,  125  bis. 

1625.  Mait.rez  (Jules),  propriétaire,  rue  du  Faiiboiirg-de-Roubaix,  176. 

2351.  Mauroi.s  (Edouard),  représentant,  rue  Kalisbonne,  39  bts. 

2898.  Melchior  (Pierre),  |)iopriélaire  de  1  Annuaire,  rue  Pierre- Legrand,  48. 

962.  Melon  (Éd.),  ingénieur  civil  des  mines,  rue  l'atoii,  35. 

925.  MÉPLO.MU  (M A  ),  propriétaire,  rue  Nationale,  168. 

3103.  .Mervt,  propriétaire,  rue  Mercier,  3. 


N"'  dins-      M.\l. 
cription. 

•243().  iMEnciiEZ-MouciiF.z  (Giislave^  complabV,  rin'  de  l.of.s,  &>. 

1270.  SlKRCiiiF.n,  1.  i},  pnifossetir  Afircirt'  rl'hisloire  a  i  lycoc.  nie  Cliarlcs-Qiiinl,  7. 

3442.  MKiiciEU  (Jules),  coinplal)!!',  bitiilcvai'd  Vict<f.'-IIiip;i),  14:!. 

1099.  Mektivn  de  .Mi  i.lri\,  avocal,  rue  .Massf'iia,  77 

2119.  JIeuveille  (l'aiil),  conslim  Iciir.  mi'  (in  Marche^,  Oi). 

208>.  UlEUMEiî.  (liiccltnr  (U^  rUmoii  {icucrale  fin  Noril.  l)oiilcva  d  de  la  Liberlé,  33, 

134.  SlKi'aissK  (l'aul),  nt^jiO  iaiit  •*"  liois,  iik'  des  Meiiiiiors,  i-. 

2143.  JlEiRiLLON,  archilecli',  ciie  <le  Thiaiiv  Ile.  3.S. 

1473.  Metor  (.\dol[ihc).  rt'pr's 'idaiil,  rue  .leaniie-d'AiT.  i.). 

2208.  Meyeu  (l'aul).  commis  né^'oeianl,  nie  Roland,  221. 

2-i89.  Michel  (.Inles),  lapi-sier.  me  (îranile-ChansséG,  l.'5. 

3093.  MiixvT,  doetour  en  médecine,  nie  Sulforino,  293. 

3110.  MiLi.ET  (M'="''  Marie),  professeur,  l'iic  .lea!)-Sans-I>enr,  2. 

2439.  Mi-NAUT  (Ernest),  proprii'l.iire,  rue  IJrùle-Maison,  72. 

2215.  Minet  (Jules),  lils,  faiilcnr,  rue  Faidherbe.  3 

2674 .  Minet  (Siniéon),  tailleur,  rue  dt'^  :\laniieliers,  6 

3230.  MiQLET-PoTTiEiî,  iié.j;(»cianl,  rue  d;'s  Arts,  33. 

3142.  MoissERON  (Jules),  iuf,'éuiei;r,  rue  de  Jenimapes,  20. 

2756.  MoiTY  (Florentin),  |)ropritHa:re,  rue  îles  Jardins-Caiiiier,  3. 

970.  MoNiER  (Louis),  niilirr,  rue  Jacquemars-Giélée  121. 

2910.  MoNOT  (Adolplie),  employé  de  commerce,  façade  de  FEsplanadc.  (>0. 

1003.  MoNTAiGNE-BÉRioT  (Alphonse),  banquier,  boulevard  de  l.i  Liberté,  193. 

1800 .  Montaigne  (Léon),  receveur  de  renies,  rue  Soiférino,  316  bis. 

1243.  MoRRL  (Alfred),  tapissi' t.  rue  lioyale.  ]<.). 

2099.  Morel  ,  imprimeur,  rue  Ste-CatlieriiK",  13. 

216! .  Morel  (Uector),  représentant  de  commerce,  rue  Nalionalc,  224  bis. 

3028.  Morel  (Joseph),  nigtcianl,  l)la(•^^  du  Tliéàli-e,  31. 

2846  Morelle-Blondeai  X  (l'anl),  négociant,  place  de  l'Arsenal,  8. 

1918.  Morival  (Paul),  fabricant  de  bascules,  place  du  Tiiéàtre,  34 

2474.  Moronval  (Léon),  iiuissier,  rue  Bas>e.  7. 

1293.*  Motte  (Pierre),  uotaire,  rue  de  lHôpilal-M  litaire.  37. 

3307.  Mottez  (Paul),  18,  rue  des  Fleurs. 

1657.  MouLAN  (Charles),  négociant,  rué  Patou,  37. 

3334.  MouQiET  (l'aul),  représentant,  rue  des  Urbanistes,  8. 

99.  MouRCOi;,  architecte,  rue  Manuel,  103. 

2108.  MouRCOU  (M  uirice),  propriétaire,  rue  de  Tliionville,  32. 

3303.  Moureau  (l'abbé),  rue  Ciiarles-de  Muyssaert,  13. 

2849.  MouRjnNT,  négociant,  rue  Gauthier-de-Chàtillon,  22  bis, 

936.  MouRMANT  (Julien),  négociant  en  drogueries,  rue  des  l'rètres,  26. 

2100.  MOL'RMANT  (Narcisse),  négociant,  rue  du  Vieux-Marché  aux-.Moutons,  18. 
3101.  MouTiEZ  (Charles),  négociant,  rue  de  Paris,  24G. 

1952.  MuLiÉ  (Charles),  négociant,  rue  de  Paris.  137. 

204.  MuLLiER  (Albert),  négociant  en  lins,  boulevard  de  la  Libellé,  142. 

1663.  MUYLAERT  (Eugène),  sellier,  rue  des  Chats-Bossus,  1. 

2315.  Navarre,  notaire,  rue  Gambelta,  2{. 

536.  Neut  (M"^  Emile),  |)i"i)riélaire,  ru»?  Desmazières.  5. 

466.  NicoDÈME,  négociant  en  lers,  rue  Jean  Bart,  39. 

330.  Nicolle-Yerstraete,  ^i^,  manufacturier,  square  Rameau.  1 1 

254.  NoQUET,  docteur  en  médecine,  rue  de  Puébla  ,  33. 

1834.  Obin  (Emile),  propriétaire,  rue  Jacquemars-Giélée,  07. 

377.  Obln  (jQles),  teinturier,  rue  des  Stations,  101. 


176  Lii.LK. 

^"  d".ns-         y\  )\ 
crJ|itiOD 

433.  Olivier  ,  5^,  I.l^,  (locleur  en  iiu'.leciiie  ,  nie  S  ilf.'ii;io ,  .{IV. 

492.  Ollikr,  a.  0>  pasteur,  rue  Jeaiiiu'-d  Arc,  l'i  ' 

2402.  Olivier  (Auguslc).  nt^gocianl  en  toiles,  rue  Busse,  42 

3296.  Oiiv.ME-LHosT,  eiiln'preiioiir,  rue  des  Jariiin.s-Caulier,  9. 

3-19.  OviGNELR  (Emile),  0    ^.    I    <i^.  avocat,  rue  Tfiireiuoiule,  2. 

3284.  Paillot  (R.),  afirégé  des  Sriences  pliysiquos,  rue  Masséua,  28. 

2H9.  Paindvvoine  (Gustave),  constructeur,  rue  Arago,  iS. 

1000.  PvjoT  (E.),  agent  irassuiaaces,  lue  Nationale,  121 . 

•1603.  PvJOT  (André),  chan.ieur,  rue  l*att»u.  9. 

J837.  Pajot  (Paul),  négociant,  rue  de  l.i  (iramleCliauss.c,  38. 

2407.  Pajot  (Henri),  notaire  honoraire,  rue  l'alou,  28. 

29oo.  Pajot  (M"*),  propriétaire,  rue  de  Fleu'us.  il. 

2915.  Palliez-Colin  ,  vice-consul  de  Suéde  et  de  Norvi^ge  ,  rue  îles  Fossés-Neufs,  30 

3407.  Palliez  (Ed),  négociant,  rue  de  Ban-de-\Vedde,  20-22. 

1271.  P.ANMER  (Paul),  propriétaire,  rue  de  riir)pil.il-Mili(aire,  l.'j. 

184-6.  Paquet  (M"*"  A.),  propriétaire,  run  S'ilferiuo,  loi.. 

19T9.  Paquet,  propriétaire,  rue  Jeaiuio  d'Arc,  2  i. 

3355.  Paquet  (D'  P.),  rue  Faidlieibe,  19. 

32 13.  Paquet  (François),  professeur,  rue  de  Bourgogne,  43. 

2615.  Pars.nt  (M""*  V^e),  négociuite,  Giaude-PI  ue.  1S. 

3397.  Parée  (Marcel),  étudiant,  rue  de  Tournai,  43. 

3071 .  Parent  (Gaston),  représentant,  rue  de  Paris,  16. 

1419.  Parent  (lleuri),  fabricant  de  hros.-^cs,  rue  Naluuiaie,  ICI 

2990.  Parent-Hoing  (Mme  yvc).  fabricaiite,  rue  des  Tours,  3'>. 

ni9.  Parsy  (Jules),  TiégfKiaiit  en  toiles,  rue  des  Augustins,  7  />/•<, 

2123.  Paste\u,  notaire,  rue  Tcm-'-nioiide,  6. 

2422.  Pathelle  (Augustin),  represeulaut  de  commerce,  rue  Inkermaun,  21. 

2737.  Pattvn,  propriétaire,  rue  Hrùlc-Maisnn,  70. 

29o6.  Pvuris  (Fernand),  négociant,  rue  «le  Pa.s,   Ik 

3092.  Pauwels  (Mauric.-),  droguerie,  rue  du  Bleu-Mouton,  3. 

1075.  Païen  (Frédéric),  ancien  grcflier,  boulevard  Bigo-Daiiel,  21  bis. 

2280.  Pecqueur,  négociant  en  huiles,  rue  de  Laniioy.  14 

2647.  Pecqueur-Cxrré  iL.K  négociant,  iiL^  du  Molinel.  37. 

1940.  Pennequin  (L. I,  anhitccie.  placf  Sel>asl(ipol,  r,i. 

3347.  Pennequin,  rentier,  rue  Cainnarlin,  27. 

3527.  Perrin  (M'"''),  profi^sseur,  nv  BaSIiélémy-Delespaul.  Il  G. 

1226.*  PÉRUS  (Henri),  pîOj)rirlaire.  nu»  de  Bourgogni',  47 

.3328.  Peucelle  (.lulps),  n''go:-iaut,  ni;' de  Paris,  109. 

551 ,  Philippe  (Louis),  avocat ,  lioulfvard  df  la  Liberté  ,  .'iO 

.34t)0.  PiiocAs  (I)'),  I.  Q,  profi'ssinir  agrég-  à  la  Fac.  de  Mi'd.,  b^i  de  la  Liberté,  11-j. 

3006.  PicAVET  (Artb'u-),  propri''laire,  riie  F-tbricy,  28. 

43'.».  PicvvET  (Léon),  filaleur  de  lin.  boulevard  Louis  \'1V,  3. 

769  PicwET  (Loui-i),  filaleur  de  lin.  rue  de  Fi^es,  39 

1.-J4I  *  P.ciiON,  roiistraclcur,  rue  des  Processions,  Fives-Liile,  80 

2816.  Pierre,  ^,  l.tj,  \ns).  d*A.*ad..  direct,  de  l'i^aseig.  p.iin,  du  Nord,  r.  d'Anlin,  35. 

336o.  PioACHE   clif^f  de  bur.  de  ring'  iMi>bi'f  des  P.  el  C,  rue  du  Marcb '-aux-bétes,  21. 

Il 05.  PiLvrE   Auguste),  chef  'l'institution,  rue  de  i'IIô,)ilal-.Mililair3,  39. 

.■)4."j7.  Pil\te  (Victor),  représontant,  rue  du  (jiiai.  12. 

3029.  PiLi.ET,  chanoine,  rue  Colberl,  18.!j. 

3396.  Plaideau  (Erni'sl),  propriétaire,  rue  Tenremnnde,  17. 

2951.  Plaideau  (Fcruaud),  |)roprit''l;.ivi'.  rue  Solfériuo,  19. 


LILLE.  177 

^^'  d'ins-  11  M. 

cripiuu. 

3ol4.  Pl\mo.\t  (Adiilh'),  roDlicr,  rue  de  Jonimapos,  1. 

2741 .  Plv.ncke  (Henri),  né^oeianl  en  toiles,  rue  du  Molinel,  78. 

385.  Pl.vtel  (Albert),  nt^gociant  on  bois  ,  rue  de  la  Préfecture  ,  2. 

2410.  Plvyoust  (Paul),  négociant  en  toiles,  rue  à  Fieus  6. 

2465.  PoiLLON-Six,  propriétaire,  rue  Alexandrc-Lelcux,  36. 

272<.  i'oisTimiEn,  courtier,  rue  Soifériuo,  65. 

3424.  PoissoN.MEK  (Loni.s),  .iii'gociaiil,  rue  Solf(''riiio,  220. 

562.  Pollet  (J.),  ^,  ^,  vétérinaire  départeuieiUal ,  rue  Jeaiine-.Maillotte,  20. 

2649.  Pollet  (Emile),  complabic,  rue  Haptiste  Monnoyer,  8. 

3449.*  Pollet  (Jules)  fils,  fabricaul,  rue  Pierre-legrand,  288. 

3345.  Pollet  (Julien),  repré,seutant,  rue  de  Gand,  62. 

3113.  Po.ncelet,  sous-lieutenant  au  43**  de  ligne,  quai  du  Wault,  10. 

2406.  Po.nseele-Decvmps,  indiislriel,  rue  Mirabeau,  51. 

32^8.  PoREY,  '^,  colonel,  directeur  du  génie,  fort  Saint-Sauveur. 

211 .  PoTiE  iJules) ,  comptable,  rue  iMercier,  2. 

452.  PoriLLE  (Emile),  fondé  de  i)ouvoir.«,  rue  Jean-Sans-Peur,  27. 

2507.  PoiLET  (.Alfred),  propriétaire,  rue  Soifériuo,  260. 

2946.  Pollet  (Léon),  propriélaire,  rue  Soifériuo,  Ml. 

2752.  I'ou.mvere  (Albert),  professeur,  f.içade  de  l'Esplanade,  G4. 

2136.  Pkvte  (Louis),  négociant,  rue  Naliouale,  T+. 

26'J1.  Prévost  (P.riiest),  directeur  de  Illalure,  rue  des  Stations,  1+7. 

698.  Prévost  (François),  coinmis-iiégociaut,  rue  Urùle-Maison,  126. 

2277.  Prevs  (Uippolyle),  courtier  de  commerce,  S,  rue  Desinazières. 

2298.  pRON.\u  (Élie),  instituteur,  21,  avenue  de  Dunkenjue. 

2121.  PROLVOST  (Adolphe),  fabricant,  rue  du  Vieux-Marcbé-anx-Chevaux,  10. 

2083.  Prouvost  (Gustave),  greffier  de  justice  de  paix,  rue  de  l'Iiùpital-Militaire,  74. 

3281  .  ParvosT  (Emmanuel),  éludianf,  15,  rue  Boileux. 

240ii.  pRLvoT  (Acbille),  repré?entant  de  commerce,  rue  Henri  Kolb,  61. 

354.  Qu.viîre-Hevdourbon,  I.  Q,  membre  de  la  Com.  Iiitor.,  clc  ,  b^"  de  la  Liberté,  70. 

735.  yuvBRÉ-pRÉvoST  (L.),  Ubrairc,  Grand'l'lace,  64. 

442.  QuEF.  |)ropriélaire  ,  boulevard  Louis  XIV  ,  2 

^221.  QiÉ.NET  (Edmond),  représentant,  rue  Jean  Koisin,  2  bis. 

1420.  RvBoissoN  (A.)  fabricant  de  corinseries,  boulevard  de  la  Liberté,  i\8bis. 

2728.  Rafln  (Eugène),  employé  à  la  IJampie  de  Fiance,  rue  Koyalc,  73. 

858.  Kajat  iR.),  avocat,  r.  ilas  Pyramides,  18. 

3165.  Rambire  (l'abbé).  Professeur  à  la  Faculté  libre  des  Lettres,  4,  bd  .Monlebollo. 

3016.  Ramollno  DE  Coll"  Alto,  officier  d'ordonnance,  rue  Nationale,  304. 

86.  Raqlkt  (Désiré),  changeur,  rue  .Nationale,  91 

2098.*  R\ttel  (Félix).  hui.-Jsicr.  241,  rue  Solf'riuo. 

881.  Rvnx  (M'"'  Emile),  negociani  en  charbons,  place  de  la  République,  3. 

1869.  l;AVET-Dfc  Mo.NTEViLLE  ((i.).  Courtier,  rue  Naiionaie,  83. 

2851 .  Ravkt  (Prosper),  courlier,  rue  Nationale,  83. 

2057.  Redieu,  docieuren  médecine,  rue  de  l'as,  1. 

2540.  lîEiJE.NT  (Ernest),  iK'gociaiil,  place  Sébasiopol,  23. 

569.  Regnvri),  Inspecleur,  clief  de  gare,  a  Lille 

2991.  Regnart  (Paul),  rue  de  Paris,  28:;. 

678.  Re.\iv(.>1"'''  Emile),  pro,)rié!airi',  rue  desA-ls,  16 

2200.  Re.mv  (Charle.'»),  négo'-iant  en  fers,  rue  des  Jar  lins,  2. 

3261 .  Re.mv  (C),  propriétaire,  rue  Négrier,  18. 

3416.  Renard  (Emile),  cpmptable,  rue  St-Genois,  16. 

1739.  Re.nard  vllenri),  ingénieur  chimiste,  Usine  à  gaz  de  Vauban. 

12 


178  LILLE. 

N»'  d'ins-  MJI. 

criplion. 

2000,  Renaut  (Charles),  négociant,  rue  André,  49. 

684.  Renolard  (Emile),  fllateurel  fabric  nit  deloilcs,  rue  Jeanne-d'Arc,  13. 

3446.  Relbiœz  (Georges),  étudiant,  rue  Colbert,  138. 

292.  Reuflet  (Frédéric],  avocat,  rue  Nationale,  lOi. 

3399.  RÉVEiLHAc  (Léon),  propriétaire,  rue  de  Bourgogne,  24. 

2842.  Ricard,  conseiller  de  Préfeoluic,  rua  Jacquemars-Giélée,  61. 

2575.  Richard  (Louis),  propriétaire,  rue  Solférino,  224. 

2875.  RiciiEBÉ  (Emile),  brasseur,  rue  Pierre-Legiand,  36. 

169.  HicuEZ  ,  directeur  de  l'École  primaire,  rue  Fabricy. 

1093.  KiGHMOND  (Julien),  représentant,  rue  Nationale,  223. 

2389.*  RicuTER  (Frédoric),  fabricant  de  bleus,  boulevard  Vauban,  97. 

88.  lîiGAUT,  ^,  A.  Q.  lilaleur,  rue  de  Valmy,  15. 

Z2^^.  KiGAUT  (Gustave),  directeur  du  Crédit  du  Nord  d'Armentières,  rue  de  l'Arc,  14. 

72.  RiOAUX  (H.)  A  ij,  archéologue,  rue  du  Chaufour,  14. 

2449.  RiGOT-DcBAR,  propriétaire,  rue  de  Thionsille,  40. 

766.  IIigot-Lefebvre,  négociant  en  vins,  p'ace  auxRleucls  'S3. 

2262.  1;igot-Slln,  négociant,  place  aux  Bleuets,  19. 

3233.  lUviÈRE  (Charles),  pharmacien,  rue  Pierre-Legrand,  276. 

2983.  RoBiLLAUT  (Jean),  masseur,  rae  Basse,  8. 

1643.  Robin,  »i%,  directeur  de  la  banque  de  France,  rue  Royale,  73. 

1659 .  Roche  (Eugène),  A.  U^,  ►!«,  avucal,  rue  de  la  Vieille-Comédie,  16  bis. 

2999.  Rogealx,  directeur  de  l'école  de  la  rue  Fombelle. 

3365.  Rogez  (Paul),  député,  rue  du  Curé  St-Étienne,  21. 

1176.  Rogez  (Louis),  fabricant  de  flls  à  coudre,  rue  de  la  Justice,  23 

2120.  Rogez  (Edouard),  négociant  en  engrais,  rue  du  Bas-Jardin,  4-6. 

3466.  Rogez  (Emile),  pharmacien,  rue  d'Isly,  83. 
1795.  RoGiE,  tanneur,  rue  des  Stations,  64. 

1179.  RoGiE  (Docteur),  professeur  à  la  Faculté  catholique,  rue  de  Bourgogne,  60. 

2047.  Rolants  (Edmond),  pharmacien  supérieur,  rue  Brûle-Maison,  67. 

602.  RoLLEZ  (Arthur),  directeur  d'assurances,  boulevard  de  la  Liberté,  48 

1835.  RoLLiER  (Théophile),  rentier,  rue  des  Poi.^ssonceaux,  16. 

3241 .  RoMBAUD  (Gustave),  avoué,  rue  de  la  Barre,  29  bis. 

3467.  RosE.NFELD  (René),  employé,  rue  Caumartin,  93. 
3278.  RouGÉE,  fabricant,  boulevard  de  la  Liberté,  99, 
1047.  RoiRE  (Ernest),  négociant,  rue  Mercier,  7. 

203.  RousELLE  (Théodore),  agent  général  d'assurances,  rue  de  Bourgogne,  56. 

2060.  Rousseau  (M"'),  propriétaire,  place  Cormontaigne,  3. 

43.  RouzÉ  (Henri),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  219  bis. 

239.  RouzÉ  fÉmile)A.(^,  juge  au  Tribunal  de  commerce,  r.  Gauthier-de-Châtillon,  20. 

633.  RouzÉ  (Léon) ,  brasseur  ,  boulevard  de  Montebello,  48. 

2743.  RozAT  DE  Mandres,  0.  ^,  général  comra.  la  l '^  brig.  de  cav.,  r.  de  la  Barre,  59. 

665.  Ryckewaert,  fabricant  de  sacs  en  papier,  rued'Arras,  84. 

3150.  Sabatier,  ingénieur  civil,  rue  Denfert-Rochereau,  33. 

3302.  Sailly,  lieutenant-trésorier,  à  la  Citadelle  de  Lille. 

2<06.  Saint-Léger  (Auguste),  négociant,  rue  Colbrant,  2. 

2211 .  Saint-Léger  (Georges),  fabricant  de  fils  a  coudre,  rue  des  Fossés  Neufs,  2. 

2398.  Sai.nt-Léger.  prof,  à  l'École  super,  de  commerce,  rue  Nicolas  Leblanc,  36. 

3221 .  Salnt-Martin  (de),  caissier  de  la  Banque  de  France,  rue  Royale,  3. 

2920.  Saint-Victor  (Edouard  de),  inspecteur  d'assurances,  rue  Jean-sans-Peur,  62. 

3106.  Salembier  l'abbé),  professeur  aux  Facultés  Catholiques,  b<i  Vauban,  60. 

1932.  Salembier-Dubreucq  (L.),  brasseur,  rue  Gantois,  36. 


LILI.K.  179 

N"d'ins-  MM, 

crlption. 

2709.  SvLLE  (Victor),  m^Kocianl,  rue  de  Paris,  o3. 

3325.  Salomé  (Élio),  boulanger,  rue  Négrier,  36. 

1810.  Salomon  (dit  Chevalier),  carros-îier,  boulevard  Vaubaa,  34. 

iSii .  Salomon  (Raoul),  carrossier,  boulevard  Vauban,  31-. 

1683.  Samin  (Edouard),  représentant,  rue  Marais,  13. 

H39.  Sano  (Eugène),  négociant,  rue  Solférino,  22. 

2255.  Sanders  (F.),  courtier,  rue  Gantois,  47. 

2009.  SANTENViRE-DuFoun  (Emile),  commis-négociant,  rue  Faidherbe,  17. 

1447.  Santenaire  (Paul),  représentant,  rue  Jacquemars-Giélée,  3. 

3483.  Sarazin  (Edouard),  propriétaire,  rue  des  Stations,  13. 

3481.  Sautier  (Léon),  représentant,  rue  Brûle-Maison,  71. 

1727.  Sauvage  (père),  ancien  filateur,  rue  du  Long-i'ot,  56. 

1474,  Savary  (Adolphe),  entrepreneur  de  peinture,  rue  de  Roubaix,  43. 

U16.  Savary  (Gustave),  rentier,  rue  Nationale,  300. 

2323.  Savarv  (J.-B.),  brasseur,  rue  Barthelémy-Delespaul,  11. 

763.  Scalbekt-Beunard, banquier,  juge  au  Tribunal  derommerce,rue  deCourtrai,17 

3025.  Scalbert  (Maurice),  banquier,  rue  de  Thionville,  42. 

961.  ScHEiBi  (Frédéric),  négociant,  rue  des  Canonniers,  10. 

1883.  ScHEPE.N's,  négociant  en  vins  et  spiritueux,  rue  de  Lens,  30. 

2593.  ScuMiTT  (le  D'),  ►J»,  pharmacien,  rue  Nationale,  119. 

2843.*  ScHOTSMANs  (Auguste),  négociant,  boulevard  Vauban,  9. 

i38.**ScHOTSMANs  (Emile),  fabricant  dv'  sucre,  distillateur,  boulevard  Vauban,  9. 

2282.  ScHOTSMANS  (Jules s  négociant.  Boulevard  Vauban,  124. 

489.  ScHOTSMANS  (PauI),  négociant,  rue  de  Douai,  110. 

447.  ScHiiBART,  négociant  en  lins,  rue  Sl-Genois,  1. 

3412.*  ScHULz,  représentant,  boulevard  des  Écoles,  12. 

2558.  ScRiVË  (Emile),  conseiller  général,  place  du  Concert,  6, 

1999.  ScRiVE  (André),  manufacturier,  rue  de  Turenne,  53. 

609.  ScRivE  (Albert),  fabricant  de  cardes,  rue  des  Suisses,  13. 

356.**Scrive-deNégri  (Madame  veuve),  rue  Léon-Gambelta.,  292. 

565.  ScRiVE  (Gustave),  propriétaire,  rue  Royale,  90. 

687 .  Scrive  (Georges) ,  fabricant  de  cardes ,  rue  du  Lombard,  1 . 

2231 .  ScRiVE  (Edouard)  fils,  négociant,  rue  Nicolas-Leblanc,  11  bis. 

2577.  SÉBKRT  (M"'")^  propriétaire,  rue  des  Arts,  3. 

135.  SÉE  (Edmond) ,  ingénieur  ,  rue  NiCDlas-Leblanc,  5 

1517,  SÉE  (Paul),  ingénieur,  rue  Brûle-Maison,  58. 

2820,  Segall  (I.),  négociant,  place  Sébaslopol,  23. 

2457,  Selosse  (Louis),  avocat,  rue  St-Pierre,  .'î. 

680,  Seratzki  ,  professeur  de  dessin  au  lycée,  rue  Lolson,  7. 

1859,  SiOEN  (Henri),  pharmacien,  rue  de  Roubaix,  27. 

3272.  Six  (Henri),  négociant,  rue  Grande-Chaussée,  52. 

1696,  SMrrH  (Alfred),  négociant,  rue  Masséna,  28. 

3459.  Smits  (Albert),  ingénieur,  rue  Colbrant,  23. 

2296,  Snowden  (Robert),  filateur,  boulevard  Bigo-Danel,  26. 

1753.  SoRLiN-MiNiscLoux,  fabricant  de  tissus  métalliques,  boulevard  de.la  Liberté,  229. 

631 .  SouiLLART  (Madame  veuve),  rue  Fontaine-del-Saulx,  20 

3311 .  Soyez  fils,  fabricant,  rue  des  Ponts-de-Comines,  41. 

3073.  Soyez-Blondel  (Louis),  hôtelier,  place  des  Reigneaux,  25. 

1257.  Spriet  (Alphonse),  fabricant  de  toiles,  rue  Léon  Garabetta,  289. 

967.  Stal\rs  (Karl),  teinturier,  rDe.Iac(iucm3rsGiéIée,  ICO. 

2531 .  Sternueim  (Jules),  boucher,  rue  des  Arts,  57. 


180  LFLI.K. 

criplion. 

707,  Steverltnck  (Gustave),  né^roriaal  en  savons,  iul'  d'Esquernies.  10. 

1302.  Stiéven.vro  -Ilciiii),  fabricant  de  Ctiuverturcs,  rue  du  l'onl-à-ISaisnes,  i . 

3107.  Stoffaes  (fAbbé),  prof'"  à  la  facnllé  libre  des  Sciences,  boulv.  Vauban, 

2375.  Slrmo.nt,  (D'),  A  Q,  prt>f  à   la  Facnllé  de  médecine,  rue  du  Dragon,  10. 

.3333.  SiSTA>DAL  (Gustave),  rue  St-Étienue,  42. 

3339.  SuzAN  (Charles),  propriétaire,  3,  rue  Denis-Godefroy. 

2758.  SwvNGHEDVuw  (Constant),  négociant,  rue  à  Fiens.  .-). 

23^ .  Swv.NGHEDALW  A.  ÎJ,  professeur  au  lycée  Faidherbe.  rue  Gombert,  11. 

3061.  SwvNGiiEDAuw  (Léou),  \oyc;geiir,  place  Simon-Vollaut,  13. 

<674.  Tacquet-Decrombecqite,  ()ropriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  87. 

2339.  Taillie  (Th.),  commerçant,  place  de  Lion  d'Or,  10. 

2261 .  Ta.\crez  (Gustave),  négociant,  rue  des  Jardins  Caulicr,  'f2. 

977.  Tangly  (J  -U.),  lilatenr,  rue  de  la  Louviere,  33. 

2374.  Tarbé  de  S\int-11a!idocin  (M""),  rentière,  nie  lloya'.e,  73. 

872.  Terlet,  commis  pruicipa!  des  postes  tH  télé-craphi-s,  rue  Fontaine-dcl-Sauli  14. 

2332.  Tesmoi.ngt  (Albert),  indu-lnel,  rue  l'itscal,  io. 

1829.  Tesse  (Edouard),  négociant  en  huiles,  rue  Soilerino,  318 

3323.  Tesse  (Victor),  négociant,  place  Ricliebé,  9. 

321 .  Testelin  ^Alexandre),  avocat,  rue  Jean-Sans  Peur,  1  i-. 

3227.  Testelin  (J.),  fondeur  en  cuivre,  rue  des  Bouchers,  12  B. 

2692.  TÉTAR  (F.),  représentant,  rue  du  Faubourg-de-Roubai.\,  127. 

283.  Thellier  de  la  Neuville  (Paul),  avocat,    rue  des  Jardins,  26. 

1058.  Théodore  (Alplionse,  fils),  négociant,  rue  Soiférino,  Iit7. 

1251).  Théuy  (Gustave),  >^,  avocat,  S(]uaie  Dutilleul,  33. 

•1403.*  TuÉHV  (Uayn)oiid),  ancien  notaire,  rue  des  .Stations,  3. 

2008.  Théry-B\rol\  (Georges),  négociant,  rue  de>  Arts,  2i-. 

3480.  Thibaut  (DO,  i"iie  Pierre  Legrand,  113. 

2656.  TniÉBAiT  iRaymond),  négociant,  rue  dos  Suaires,  13. 

934.  TniEFFRV  (.Maurice),  fabricant  de  toiles,  boulevard  de  la  Liberté,  207. 

3051 .  Thibaut  (Alfred),  entrepreneur,  rue  de  Paris,  236. 

127.  TiuRiEZ  (Alfred),  ^,  membre  du  Conseil  sup  du  Conmicrce,  rue  Nationale,  308. 

1150.  Thiriez  (Julien),  manufacturier,  rue  du  Faubourg-ile-Bélhune,  30. 

2329  Thirion,  professeur  agrégé  au  Ly.-ée,  rue  Soiférino,  300. 

3332.  Thomas,  lienli'nant  an  IG"  Balaillun  (li>  chasseurs,  rue  Gambetta,  73. 

1926.  Thomvs  (Pierre),  négociant  en  papiers,  rue  àes  .\rts,  47. 

991 .  Tho.ma.s-Le.say,  proiiriélaire,  rue  Nationale.  279. 

2128.  TiGHE-Fox  (.M""  John),  propriétain',  rue  île  la  Louvière,  42. 

34t)9.  TiLLiEii,  i»liarma(ien,  place  de  Strasbourg,  4. 

576.  Tilloy-Oel\une,  boulevard  de  la  Liberté,  5. 

95.  Tilmant  (Lucien),  insliluteur,  boulevard  des  Écoles,  10. 

2658.  TiPBEZ  (Auguste),  syiidic  de  faillites,  rue  de  Illôpitul-Mililairc,  89. 

3301.*  Titres  (Tbéoph.),  Vice-Présid<Mit  du  Bur.  de  bienfaisance,  pi.  Cormontaigne,24. 

409.  Toi  ssi.N  (Georges) ,  lilateur  de  coton  ,  rue  Royale,  53. 

2132.  Tra.nm.n  (Henri),  IQ,  duMe  l"e(OÎe>ni)" dnCom.  de  Lille,  r. Nicolas-Leblanc, 36. 
3273.  Trinquet  (Henri),  cfjuseiller  de  préfecture,  rue  Gantois,  43. 

11  (>2  TniSitouRG  (Ernest),  rue  St-André,  40. 

2113.  Trovvux  (Eruesl),  hui-isicr,  rue  de  la  Barre,  31. 

•/404.  TuRCK  (Georges),  sctil|)le'.ir.  rue  Sol'ermo.  2s3. 

202.  Tvs(Ali)lioiise),  fondé  de  pouvoirs  de  la  mai.son  Aug"Cre|)y,  r.  des  Jar.iins,  24. 

2133.  L'hlig  (llenii).  négociant  en  vin>.  rin*  S.»lfériiio.  22:». 
3318.*  Vaast  (Armand),  fondeur,  rue  Valencieiines,  -23. 


•      LiLI.K.  181 

N^d'ins- 

criplioa.  .MM. 

48'JS.  VviLLVNT  (.M'""),  priipritHaii- ',  nie  Colbraiit,  8. 

3168.  Vaillvnt-Desciiins,  entrcpiriicur,  ru3  Inkerman,  49. 

1082.  Y\ii.i,\NT-llEHL\Nu(Eufï.),  0.  ►}..  Ov,vi<c-consui  de  l'erse,  place  de  Bolhuue,  7. 
387.  Yaii.lh:  (M"p)  ,  iiistitiilrice ,  rue  <(e.>i  Tours  ,  i  i. 

3230.  Valdelièvri;  (Paul  M""'),  pr(»i)ri('l;iir(',  square  Jussieii,  6. 

494.  Vvi  nKLiKvitE  (.Mfrcd) ,  fondeur  en  cuivre,  square  Dulillenl,  7. 

3073.  Valenti.n  (A),  ()liarmacien,  ni';  de  Wazemmes,  79. 

232.  VvLÈRE  (le  frère),  direcleur  du  pensi miial  des  Marisles,  rue  des  Stations,  179. 

3263.  Valin  (G.),  bandiigisic,  nie  Esqtiormoisp,  36. 

3084.  Vallet  (Léon),  boulevanl  de  la  Liberté,  223. 

708.  Vv.N  BuTSELE  (Edmond),  courtier,  rue  Nicolas-Leblanc,  7. 

-1463.  Van  Butsèle  (Louis),  apprèleur,  rue  d'Arras,  66 

n7o.  Vandvlle  (H.),  négocianl,  parvis  St-Michel,  18. 

1088.*  Vandame  (Emile),  bras-ciir,  rue  Boyale,  '102. 

-1089.  V.\>DAME  (fieorjîe.^;,  bras.seur,  conseiller  gi-niTal,  rue  de  la  Vignette,  63. 

20G3.  Vand\me  (Joseph),  bra.s.>eur,  rue  de  Tenrenioiide,  10. 

2137.  Van  oen  Bavièhk  ,  princijjal  clerc  de  notaire.  |)lace  de  Strasbourg,  6. 

'Ifi59.*  Vanuenbekgii,  I.  i},  architecte,  b  )ulevard  de  la  Liberté,  46. 

2336.  Va.n  den  Kulcke.  ar:hiteclc,  rue  de  Valniy.  30. 

2337.  Va.ndknhussciie  (Gaston),  uégocant,  rue  (^anniartin,  19. 
3338.  V.AN  DEN  Urie.ssciie,  représentant,  rue  d'Aitois,  39. 

412.  Van  DEN  Heede  (Adolphe),  0.  §,  hort.,  Vice-Prés,   de  la  Soc.  rég.   d'Hort.   du 

>'ord,  rue  du  Faulionrg-ile-Koubai.x  ,  111 . 

1035.  Vandenhende  (Jnles\  négociant  en  épiceries,  rue  des  Guinguettes,  6i. 

2396.  VANDEnoRVCHT,  représentant  des  Mines  d'Anzin,  rue  Sainte-Catherine,  52. 

2333.  Vandervinck  (M"""  veuve),  propriétaire,  24,  rue  d'Arcole. 

2063.  V.VN  DE  Walle,  propriétain',  rue  Nationale,  270. 

783.  Vandewegue  (Albert),  filateur  de  lin,  rue  l'atou,  1. 

1819.  Vandorpe  G  BILLET,  négociant,  rue  Gorabert,  6. 

2763.  Vaneste  (Auguste),  bijoutier,  rue  Nationale,  90. 

266'i-.  Van  Grevelyncue  (Ernest),  chimiste,  place  de  Tourcoing,  7. 

73.  V.VN  Uende,  I.  tj,  président  du  mu.sée  de  numismatique  ,  rue  31asséna  ,  50. 

2281 .  Vanlaer  (Emile),  notaire,  boulevnrd  de  la  Liberté,  84. 

2033.  Vanlaton  (M™'  L.),  propriétaire,  rue  du  Molinel,  Vk 

2266.  Van  Mansart,  propriétaire,  rue  de  l'IIôpilal  militaire,  108. 

3104.  Vannelle  (Arthur),  rue  de  la  Justice,  56. 

2733.  Van  Ove  (DO,  rue  de  Tout,  2. 

3289.*  Van  Petegiiem,  docteur  en  médecine,  66,  rue  Colbert. 

3291 .  Van  Peteghem,  docleur  en  médecine,  1 16,  bouhivard  Vauban. 

1694.  Van  Remoortère,  ancien  magistrat,  rue  Solférino,  293. 

3146.  Vantourout,  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  148. 

2369.  VvN  TR00.STENBERGnE  (Théophile),  courtier  en  fîls,  rue  Jean  Bart,  26. 

1083.  Vanverts,  pharmacien,  rue  de  Paris,  199. 

2811.  Varaigne  (Louis),  propriétaire,  rue  Brûle-Maison,  Si-^is. 

3127.  Varos-Santenaire,  négociant,  quai  de  la  Basse-Deûle,  46. 

3121 .  V.VTINELLE  (Jule.s),  représentant,  rue  Barhélemy-Delespaul,  160. 

1083.  Venot  ^,  »î-,  vice-consul  d'Espagne,  boulevard  de  la  Liberté,  39. 

1436.  Vennln,  brasseur,  rue  du  Quai,  22. 

2238.  Verbèke  (Léon),  tailleur,  rue  Masurel,  6. 

2130.  Verbiest  (Paul),  agent  de  change  honoraire,  rue  Solférino,  230. 

2620.  Vercoustre  (Léon),  vérificateur  des  douanes,  rue  de  Flandre,  10. 


182  LILLE. 

N"  rTiD»-         MJl. 
eriptioD . 

2493.  Yerdier  (Jean),  négociant  en  charbons,  rue  Solférino,  223. 

2755.  Verhaeghe,  ancien  notaire,  rue  Colbert,  29. 

3154.  Verin"  (Emile),  négociant,  nie  de  Thion^^lle,  H. 

n02.  Verlé,  chef  du  service  extérieur  du  Gaz  de  Wazemmes,  place  Cormontaigne,  3. 

563.  Vebley  (Charles),  C  >i;  ancien  prés,  du  Tril).  de  Cora.,  rue  de  Voltaire,  40. 

2885.  Verley  (îladame  Benjamin),  propriiHairt',  rue  Marais,  13. 

1793.  Verley-Bigo  (l'ierre),  banquier,  rue  Royale,  49. 

H45.  Verley-Bollaeht,  banquier,  boulevard  de  la  Liberté,  9. 

2707.  Verley  (Gaston),  rue  Royale,  M 3. 

2960.  Verley  (Georges),  négociant,  rue  Marais,  24. 

2526.  Verlinde  (Auguste),  constructeur,  boulevard  Papin,  4. 

<5.  Verly,  î(!^,' homme  de  lettres,  vice-président  honoraire,  rue  Solférino,  7. 

737.  Vermescii,  représentant,  rue  Grande-Chaussée,  26. 

2428.  Vermersch  (.\lbert),  docteur  en  médecine,  rue  des  Postes,  93. 

2133.  Vernier  (Achille),  bauqiiipr,  rue  de  Thionville,  28. 

3236.  Verschoore  (Henri),  peintre,  rue  de  Fives,  18. 

136.  Verstaen,  avocat,  rue  de  Tenremonde,  7. 

1992.  ViART  (Henry),  courtier  de  commi  rce,  ruo  de  l'Hôpital-Militaire,  112 

3509.  Vienne  (00,  rue  Nationale,  3-2t). 

2754.  Vieuille  (Félix),  ingénieur,  rue  de  Bourgogne,  52. 

3468.  ViFQUAiN  (Léon),  fabricant,  rue  Pierre-Legrand,  331. 

2408.  Vilain  (Paul),  architecte,  Boulevard  Bigo-Danel,  22. 

2232.  ViLLAiN  (Roméo),  constructeur,  rue  des  l'.ogations. 

358.  ViLLERVAL,  A.  Q,  directein-  de  l'école  primaire,  rue  à  Fiens,  7  B. 

1093.  Villette  (Eugène),  industriel,  boulevard  Bigo-Danel,  2. 

-  854.  Villette  (Paul),  chaudronnier-constructeur,  rue  de  Wazemnaes,  37. 

402.  ViNCE.vr  (Georges) ,  agent  d'assurances ,  rue  Desmazières. 

594.  ViRNOT  (Urbain) ,  négociant  en  produits  chimiques  ,  rue  de  Gand ,  2. 

786.  ViRNOT  (Victor),  négociant,  rue  de  Thionville,  36. 

3116.  ViTTU  (Lucien),  propriétaire,  rue  Princesse,  63  bis. 

3440.  Voitlriez,  industriel,  rue  Jacquemars-Giélée,  135. 

2749.  Wachmar  (Cyrille),"représentant  de  commerce,  rue  Manuel,  77. 

3346.  Wagnier  (Charles),  huissier,  26,  me  Fontaiue-del-Saulx. 

3333.  Walbecq,  négociant,  16,  rue  de  l'Hôpital-St-Roch. 

312.  Wallvert  (Auguste),  ^,  anc.  prés,  du  Trib.  de  Commerce,  b<i  de  la  Liberté,  23. 

969.*  Wallaert-B\rrois  (Maurice),  manufacturier,  boulevard  de  la  Liberté,  44. 
2395."  Wallaert  (Georges),  manufacturier,  rue  de  Bourgogne,  27. 

16.  Wannebroccq  (M'"0,  pntpriétaire,  rue  Jaquemars-Giélée,  25. 

568.  Wannebbolcq  (P.) ,  repré.sentant,  rue  de  Bourgogne,  26. 

1123.  Warein-Prevost,  propriétaire,  rue  Jacqueniars  Glélée,  16. 

1828.  Warei.n  (flis),  constructeur,  boulevard  Montebello,  54. 

278.  Wargny,  fondeur  en  cuivre,  juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  Valmy,  I. 

70.  Warin  (M''e  Emilie),  propriétaire  ,  boulevard  de  la  Liberté ,  197. 

69.  Warin,  A.  Q,  propriétaire,  administr.  des  hospices,  boulev.  de  la  Liberté,  197 

2557.  Wartbaux  (Louis),  coiffeur,  rue  Faidherbe,  45. 

3295.  Waterlot-Lambelin,  (Henri),  propriétaire,  9,  place  de  Tourcoing. 

2740.  Watrelot-Lelo.ng  (M""»),  propriétaire,  rue  du  Palais,  2. 

803.  Watteau  (E.),  négociant  en  charbons,  rue  Jcan-sans-Peur,  46. 

1866.  Wattier  (Edmond),  entrepreneur  de  bùliinents,  rue  Solférino,  154 

2347.  Wattriga.m  (Louis),  industriel,  quai  de  la  Basse-Dcùle,  80. 

1946.  WAUQriER  (Georges),  constructeur,  rue  Brûle-Maison,  99. 


—  i83  — 

«••d'ini-  MM. 

eriptioo. 

575.  WEBER(Mme  veuve),  nntièro,  rue  des  Fossés-Neufs,  59. 

4763.  Weber  (Victor),  condacleur  principal  des  Ponts el  Chaussées,  b.  Bigo-Danel,  36. 

3491.*  Weil  (Simon),  négociant,  rue  Arnould-de-Wuez,  2. 

2404.  Wemaebe  (Constant),  négociant,  me  Solférino,  222. 

827.  Webquin  (Edouard),  avocat,  rue  des  Fossés,  8. 

3128.  WiB.\iLT  (Mlle),  rue  Brûle-Maison,  G5. 

848.  WicvRT-BuTLN,  négociant  en  toiles,  boulevard  Victor-Hugo,  38. 

2958.  WiLLM  (Edmond),  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences,  ru3  Nicolas-LebIanc,.'î2. 

767.  WuiLLAUME  (En».),  négociant,  parvis  Sainl-Miohcl,  9. 

2073.  Zambe.vux  (Louis),  ingénieur,  rue  des  Canonniers,  12. 


1048.     IIenmon  (Jean),  fllatiiur. 
1966.     Lequien,  pharmacien. 


Liinselles. 


Loin  me 


2250.  Grousseau,  rf»,  avocat,  professeur  à  la  Faculté  catholique  de  Lille. 

1251 .  Joli  VET  (G.),  propriétaire. 

2046.  Rossignol-Lefebvre  (Emile)  flis,  distillateur  au  Marais  de  Lomme. 

307.  Ver>traete  (Eugène),  propriétaire. 

lionipi'ct  (Nord). 
2379.*  HouzET  (Désiré),  propriétaire. 

liOndrcs. 

58.    Cambon  (Paul),  G  ^,  I  y;,  G  C  >^,  ambassadeur  de  France. 
1478.**  J.  FoRSTEB,  docteur  *^n  médecine,  Buckingham  Palace  Road,  129,  S.  W. 

Loos  (Nord). 

259.  BiLLON ,  ^  ,  docteur  en  médecine,  ancien  maire. 

2770.  Glillemaud  (Charles),  (îlateur. 

1129.  Guillema CD  (Philippe),  filateur  de  lin. 

862.  LviNÉ,  distillateur. 

337.  Lequenne,  propriétaire,  Grande  Route  de  Béthune,  162. 

497.  ToussiN  (M""^  Gustave),  propriétaire,  château  de  Longcharap, 

1676.  Walare,  instituteur. 

liys-lcz-Lannoy. 

4728.     Delannot  (Louis),  tllateur  de  liu. 

Marchiciines. 

3009.     Bocquet,  instituteur. 


N"  d-lns-  MM. 

cripliou. 


—  184  — 


lltir«*<|-cii~ISai-<i'iiI. 


280G.  Bkiuot  (liiislavf).  ru:-  do  Lille,  20. 

1058.  CATUY-DESPRhTZ,  iiuliisl riel. 

2293.  De  JoNCKEEHE  (Ilouri).  propiiiM^iirL',  rue  .Monlgoiner,  .31. 

2005.  DccROCQ  (Paul),  iioluire. 

3212.  Dlpret  (Emile),  repreî^entant,  lue  du  Lazi.ro,  22  bis. 

loo2.  JouBiN  (J.).  conlrùleur  en  ii-lraile  des  cuutrihnlioiis  judirccle.-. 

331  G.  Leguand  (Foruaii(l),  propriétaire. 

19i5.  Mulliez-Samin,  proprlOiaire. 

2233.  Vanderiiagiien  (M""*  GeorRes),  brasacur. 

.^2î'.r<|uct(e. 

3327.  IIenealx,  adjoint  au  maire. 

1022.  Lagaciie,  instituteur. 

2668.  L^RiviÈRE  (Uené),  directeur  de  la  m.iisdn  J.  Scrive  et  (lis. 

2229.  Verlev-Descvmps,  adniinislraleur-direcl,'  des  Anildonuerie  et  Rizerie  de  France. 

481 .     Brame  (Max) ,  conseiller  géniral,  fabric.int  de  sucre 
3o32.     BoLLANGER  (M""),  proprifUaii'e. 

llariiieillc 

•126.     Roger  (.\ususle),  administrateur  de  la  Soc.  anonyme  des  Charbonnages  de  la 
Cor.se,  allée  des  Capucines,  37. 

llaulieusc- 

2978.     Tesa.nt-Delmarle,  industriel. 

1712.     I.EKEDVRE  (Carîos),  maire. 

M  V  (I  é  a  h  (.1  Igérié) . 
1637.     SocKEEL  (D'  Ar(liur),  ^,  ►J^,  médecin  ou  chef  de  l'hôpital. 

llclliouruc  (Australie). 
1741  ."PnALEMi'iN  (Charles),  C.Ȕ^,  directeur  du  Cnmptoirnalional  d'Escompte  de  Paris. 

Slous-cu  Barœul . 

2148.     Rebli.nguez  (M'"'=),  proiirié-tairc,  roule  de  Roubaix,  7. 
2214.     BoucQUEV  Richard,  roule  de  Roubaix,  41. 


-T   183  — 

N<"  d'ins-    MM. 
cription. 

2874.  Ciî\.NTRY  (Henri),  propricMaire. 

408.  (loyiELLK  ([-on|)()l(l\  fond''  di*  pouvoirs,  riio  Rollin. 

2662.  Dkbwsku  (Camille  ,  nc^gociant. 

1581.  Di;i.ESPAi:f.-CMU)ON.  pi'oitiiélairc,  route  de  RouLaix,  <■■). 

6i-2.  Dksoblmn.  propriélairc  ,  rue  Neuve. 

3004.  G.VBKT  (Neliy  Mlle),  roule  de  Uoubaix. 

539.  Lefèvre-Lelong,  représentant,  route  de  Roubai.x,  59. 

2921 .  I'inson-Penet  (Mme  Vve),  propriétaire',  roule  de  Roubaix,  111. 

786.  ViR.NOT  (.\.),  négoi'iant. 

lloiiclaâii  fNordy. 
2200.     Yari.kt  (l'irrre),  i)ropriola:re, 

Sloufiicroii. 

2765.     De  Gevter,  ingiMiioiir. 
3027 .     Graveline-Dubiez, fabricant. 

lIoiiTCiilix  (i)rès  Uoubaix) 

2195.     Dlriui-E  (l'aiii),  ppipriclaire. 

063.     Masirel-Jonglez  (M>"o  V^"),  propriétaire,  route  de  Lille. 
2027.     Vallois-Rombaud,  employé  de  commerce. 

!\'aiic.r. 

874.    Du<«oiRT,  ^,  receveur  principal  des  l'ostes,  en  retraite,  rue  Saint-Lambert,  6. 
2659.     .Aron  (colonel)  G.  î^,  rue  de  Tout,  26. 

IVcu  vi  1 1  c-en-Fcrrain. 

3064.     Dumortier-Mouraux,  propriétaire. 

I\'ouniéa  {Nouvelle-Calédonie). 
2917.     Telle  (E.),  directeur  des  Services  pénitentiaires. 

Oi;:iiicj«  fP.-de-CJ. 
2582.     BouLA.NGER  (Charlcs). 

Oraii. 

1589.     KiENER  (Th.),  juge  suppléant  au  tribunal  de  première  Instance. 

I*aris. 

2859.  Arnette  (Roger),  docteur  en  droit,  avocat  à  la  Cour  d'appel,  \A  Ilaussmann,  44. 
2045.  Can.mssié-Testelln,  caissier  central  du  Mont  de  Piété,  rue  François  Miron,  82. 
2478.    Cha.nolne  (G.),  (le  général),  0.  :j^,  I.  Q,  C.  ^►J',  avenue  de  l'Opéra,  49. 


—  186  — 

N»«  d'ins-  MM. 

cription. 

701 .    Crrpy  (Alfredi,  propricHaire.  rue  de  la  Faisanderie,  'l . 
<086.     Crepy  (Auguste),  rue  de  Flandre,  123. 
1930.     CuvELiER  (Félix),  propriétaire,  boulevard  Haussmann,  103. 

893.     De  France  (le  géii.),  G  0  ^S^,  anc.  comni.  du  I  "  corps  d'armée,  av.  de  Tourville,  1 . 

H6.    Delebecque,  5!^,  insp.  gén.  du  service  commercial  au  ch.  de  fer  du  Nord,  en 

retraite,  rue  de  Dunkerque,  44. 
2523.    Descamps  (Auguste),  boulevard  Beauséjour,  1,  Passy. 

227.     Descamps  (M"«  J.),  rue  de  l'Aciueduc.  3. 

2603.    Desrociies  (G.)îiii;di  recteur  de  la  Sté  G'^  française  des  Voyages  et  Excursions  rue 
du  Faubourg-Montmartre,  21. 

766.    Du  Bousquet,  ^,  ►f»,  ingénieur  en  chef  de  la  Traction  au  chemin  de  fer  du  Nord. 
2862.**  Gallois  (Eugène),  explorateur,  rue  Saint-Honoré,  408. 

2.    GuiLLOT  (E),  I.  Q,  professeur  au  Lycée  Charlemagne,  rue  Thénard,  9. 

570.    Jacquin  (E.),  insp. -chef  de  service  au  Ch.  de  fer  du  Nord,  rue  de  Chabrol,  12. 
<6o6.    Jamo.m,  C.  ^,  t^.  4*,  4^,  (Jénéral-Inspecteur,  Membre  du  Conseil  supérieur  de 

la  Guerre,  chargé  de  missions  spéciales,  39,  boulevard  .Montmorency. 
3100.     JuNOT,  directeur  de  l'agence  des  Voyages  Pratiques,  rue  de  Rome,  9. 

407.     Lefebvre  (Ernest),  Commissionnaire,  rue  du  Ponl-Neuf,  24. 
2219.     Lefebvre  (Jules),  notaire  honoraire,  boulevard  St-Michel,  87. 
2888.*  Le  Glav  (André),  A.  %},  avenue  Kléber,  59. 
3322.     Naderman  (Veuve  Charles),  rentière,  rue  Cortemberg,  32. 
2826.     OviGNEiR  (Edouard),  rue  de  Chantilly,  10. 
1741.**PnALEMPiN,  C.  >i*,  avenue  des  Ternes,  70. 

96.**  Re.nouard  (Alfred)  A.  Q,  adm'  génai  (jes  Stés  techniques,  rue  Mozart,  49. 
2833.     Sautai  (Charles),  propriétaire,  rue  des  Écuries-d'Artois,  29. 

i .    SuÉRLS  (Raoul),  I.  Q,  censeur  au  Lycée  St-Louis,  44,  boulevard  St-Mlchel. 

Péreucliics. 

2259.    Boucherv  (Henri),  directeur  de  peignage. 
3313.     Walbecq  (Mademoiselle  Marthe). 

l*ont-à-]llarcq. 

4680.    CuvELiER  (Paul),  propriétaire. 

I*uii(-<lc-i\ic|)|>c  (Nord). 

2684.    Chieus-Er-nout,  bra.-seur. 

l*oiit-à-Vcii(liu  (Pas-de-Calais). 
4906.    Legrand  (J.),  directeur  de  sucrerie. 

QucNiioy-sur-Dculc. 

2817.     Dervaux  (Maurice  M""»  Vve),  filatcur. 

1655.     Lepercq-Gruyelle  (Madame  Paul),  fabricant  d'huiles. 

3479.    Leperq  (Alexandre),  fabricant  d'huiles,  Place  des  Moulins. 

Huiévrccliaiu. 

1938.     Portier,  directeur  des  mines  de  Crespin. 


noubAix.  187 


N"  d'ins-  MM. 

ertptiOQ. 


Roncq. 

2030.    Delahousse  (Lucien),  fabricant. 

Kouchiu. 

3423.     BouDALiEZ,  employé,  rue  de  la  Justice. 

483.    Grolez-Lemais  (Henri),  propriétaire,  route  de  Douai,  au  Pctit-Roachin. 
4091.    Grolez  (Jules),   pépiniériste. 

Roabaix. 

2042.  Allahd  (Alphonse),  entrepreneur,  rue  Notre-Dame,  24. 

2706.*  Allart,  ancien  raaire,  Grande-Rue,  144 

2973.  AsT  (Jules),  ingénieur,  rue  du  Collège,  M 7. 

1653.  Ballin-Guermonprez,  (■onii)table,  rue  deValmy,  33. 

2067.*  Bastln  (Alexandre),  nt'gociant,  boulevard  d'Armentières,  108. 

2680.  Bâtard  (Alfred),  propriétaire,  rue  Boucher-de  Perthes,  89. 

775.  B.vYART  (Charles),  fabricant  de  tissus,  rue  de  la  Fosse-aux-Chénes,  33 

891.  Bayart  (Alexandre),  commis-négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  86. 

1216.  Bernard,  docteur  en  médecine,  rue  Pierre-Motte,  55. 

3129.  Bernard,  bois  de  teinture,  rue  des  Longues  Haies,  23. 

3023.  Bert  (Alphonse),  plafunneur,  rue  d'Alsace,  29. 

3020.  Bertrant,  rue  Inkermann,  38. 

3436.  Bipper,  directeur  du  conditionnement,  boulevard  d'Halluin,  33. 

<872.*  Blondet  (Louis),  fabricant,  rue  de  l'Industrie,  53. 

3381.*  Bloi  (E),  négociant,  boulevard  de  Paris,  96. 

429,  BoRAiN  (M"e),  institutrice ,  rue  des  Anges,  71. 

3384.*  BossuT  (Maurice),  boulevard  de  Paris,  129. 

3189.*  BossDT-ScREPEL,  fabricant,  boulevard  de  Paris,  108. 

394.  BossDT  (Emile) ,  négociant,  Grande-Rue  ,  3. 

342.  BossuT-PucHON ,  négociant,  Grande  Rue  ,  3. 

773.*  BoDLENGER  (E.),  négociant  611  tissus,  place  Chevreuil,  14. 

3188.  BouRASSEAU,  représentant,  maison  Michau  et  Cie,  rue  Nain,  53. 

789.  BoYAVAL  (Emile),  pharmacien,  rue  de  Lannoy,  106 

4167.  Brackers-d"Hugo  ,  fabricant,  rue  Dammartin,  17. 

2476.  Broquet-Franchomme,  négociant,  rue  du  Vieil-Abreuvoir,  39. 

1914.  Browaeys  (Jn  ),  propriétaire,  rue  de  Fontenoy,  72. 

155.  Bulteau-Grimonprez  (Ferdinand)  ^,  négociant,  boulev.  Beaurepaire.  108. 

3292.  BuNS,  huissier,  22,  rue  Pellart. 

4392.  BuTRUiLLE  (le  docteur),  roc  du  Château,  13. 
3170.*  Caille  (Victor),  employé,  Grande-Rue,  76. 

3324.  Carbonnelle  (Edouard),  employé,  rue  du  Grand-Clieinin,  123. 

4425.  C.ARissiMO  (Florent),  fabricant,  rue  Nain,  17. 

772.  Carissimo  (Henri),  négociant,  rue  du  Grand-Chemin,  68. 
3201.*  Cateal-Hannart  (Alexandre),  rue  Dammartin,  20. 
4911  .*  Catteau  (Ernest)  fils,  propriétaire,  rue  de  la  Fosse-aux-Chénes,  76. 

4900.  Catteau  (J.),  employé  de  commerce,  rue  Ste-Thérèse,  67 
2036.*  Cateaux-Legr.and,  fabricant,  rue  de  la  Fosse-aux-Chénes,  23. 

2489.  Ch.attely.n  (Féli.x),  avocat,  rue  Mimerel,  13. 


188  ROUB.VIX. 

N»5  d'ins-  JIM. 

cription. 

3178.  Cléty,  avocat,  rue  du  Collège,  178. 

2976.  CociiETEUX  (L.)  négociant,  rue  du  Fonteiioy,  16. 

3o23.  CoDKO.N  (Louis),  employé,  boulevard  de  Strasbourg,  78. 

2485.*  CoEz  (René),  conimi,<<.saire-priseur,  rue  du  Moulin,  53. 

1575.*  Constant,  pharmacien,  boulevard  de  Paris,  1. 

9"i2.  Cordonnier  lEugène).  fabricant  au  Petit-He;iumont,  au  Château,  rue  de  Lannoy 

166.  CoiLBAux  (M"e),  A-  i),  direclrice  de  !  lusliliit  Sévigné,  rue  du  Grand-Chemin 

3176.  Couvreur  (Victor),  hàiics,  rue  des  Fabricants. 

•'SoT.  Craveri  (Annibal),  boulevard  de  Cambrai,  40. 

2872.  Danel,  école  de  commerce,  rae  de  la  Concorde,  31. 

3271 .  Deblock  (Albert),  pharmacien,  rue  de  l'Épeule,  178. 

866.  Dechenvux  (Edouard),  courtier,  rue  de  Lille,  54. 

3131 .  Degraeve  (Emile),  manufacture  de  caoutchouc,  rue  du  Coq  Français. 

2518.  Delattre-Courouble  (Georges),  fabricant,  rue  Pauvrée,  9. 
3186.  Delattre  (Paul),  industriel,  boulevard  Garabetla,  49. 
3175.  Deledalle  (Henri),  fabricant,  rue  Nain. 

2639.  Delesvlle  (Ch.),  agent  d'assurances,  rue  Pammartin,  33. 

3386.*  Deuescluse  (Félix),  indiislriel,  boulevard  de  Belfort,  74. 

3378.*  Delescluse  (Louis),  industriel,  rue  du  Coq  français,  108. 

4259  Delmasure  (Ernest),  négociani,  boulevard  d'Armentières,  100. 

2502.*  Delmasure-Dujardin  (Gustave),  brasseur,  rue  do  Mouveaux. 

2781.*  Delvas,  négociant,  boulevard  d'Armentières,  119. 

2670.  Demillv  (Ailhur),  négociant,  rue  Pauvrée,  19. 

864.  Desbo.nnets  (Alfred,  fils),  négociant,  rue  Mimerel,  4. 

2814.  Descuout  (Georges),  pharmacien,  Grande-Rue,  26. 

3172.*  Despatire  (Victor),  (maison  Thérin  et  Cie),  rue  Fosse-aux-Chênes,  21. 

2499  .*  Despature-Grvmonprez.  membre  de  la  Commis,  adm.  des  Hosp.,  r.  d'Inkermann 

910.*  Df.pprès  (Léon),  pro|)riétaire,  rue  Mimerel,  8. 

748.*  Dt;sR0ussK\ux  (Richard),  négociant  en  tissus,  rue  du  Grand-Chemin,  16. 

2975.  Desto.mbes  (Aut.),  indusirii'l,  rue  du  Grand-Chemiu,  88. 

2035.*  Destombes  (Louis),  entrepreneur,  rue  Neuve,  21. 

2041 .  Destombes  (Paul),  4^,  architecte,  lue  de  Lille,  61 . 

3032.  Destombes  (Pierre),  propriétaire,  boulevard  de  Cambrai,  33. 

3037.  Deveiîgle-Quint,  industriel,  rue  de  Lille,  178. 

627.  De  ViLLARs  (Alphonse),  négociant,  boulevard  de  Paris,  131. 

3240*.  Dewaeghenaere  (O-scar),  marchand  tailleur,  rue  de  la  Gare, 

2519.  D'ILvllcin-Grouset,  négociani,  rue  Pellart,  171. 

882.*  Dhalluin-Lepers,  (Jules),  fabricant,  rue  de  la  Fosse-aux-Chênes,  27. 

3038.  DiiALi.uiN  (Paul),  entrepreneur,  rue  du  Moulin,  50. 
3091.  D'uellemmes,  avocat,  rue  Pellart,  19. 

2679.  DiDRY  (Fidèle),  pharmacien  de  T*  classe,  rue  Notre-Dame,  32. 

751 .  Diligent  (Ém.),  professeur,  rue  d'Inkermann,  57. 

3195.*  DiLLiES  (Paul),  chez  M.  Wattel,  boulevard  do  Paris,  88. 

2804.  DoMANGE  (Charles),  dir.  du  Compl.  national  d'Esc,  de  Paris,  r.  Charles-Quint,  27. 

3081 .  DouTRELULNGUE,  représentant,  rue  de  la  Gare,  49. 

352-2.  Droubaix  (J.-IL),  employé,  rue  Pellart,  58. 

3210.*  Droulers  (Charles  fils),  propri('taire,  Grande-Rue,  102. 

591.  Droulers Prouvost  (Ch.),  distillateur,  Grande-Kue,  108. 

1423.*  Dhuon-Voreux  (A.),  négociant,  boulevard  de  Paris,  41 . 

2141  .*  Duburcq,  pharmacien,  contour  St-Martin,  10. 

3183.  Duchesne  (Jules),  rentier,  rue  Mimerel,  12. 


liOLliAIX  189 

No-d'iDs-  MM. 

criptiOD. 

3239.  Dlcoulombier  (Henri),  boulevard  de  la  République,  Go. 

3544.  DuFOREST  (Hector),  peinlre  décorateur,  Grande-Rue,  iH]. 

3405.*  DujARDiN  (Jean),  repri'sentanf.  rue  d(>  l'Industrie,  il. 

2483.  Duj\RDiN  (Pierre),  pharmacien,  rue  f!u  Vieil-Abreuviii-,  -2',) 
911.  DupiN,  (Eugène),  uégociaul,  rue  Chnrli'>-(Juint.  ;)2. 

1974.  DrpoNT  (Â-F.),  reprêsenlaut,  rue  Racine,  48. 

890.  Durant  (Clément),  nt^gociani  en  tissus,  nie  de  la  (Jare. 

652.  Dl'thoit-Dei.aoutre,  prni)i'ii'laire,  rue  Saiid-Cicorges,  3o. 

4  M6.  Eeckmw  (Henri),  agent  gi'néral  d■a^>u^an^es,  (Ir.mde-îiue,  (iS. 

H2'k*  Eloy-Di  villier,  fahr  catd,  hiulcvaid  de  l'arls,  67 

3405.*  Eloy-Lecomte  (Emile),  fabricant,  boulevard  de  Paris,  135. 

3125.*  Facques  (Henri),  voyageur,  rue  St-Antoine,  'tObls. 

163.  Faiduerue  (Alexandre),  %)  1.,  prof3ss"ur,  rue  Isabeau  de  l'iouhaix,  17. 

164.  Faidherbe  (Aristide),  iiisliluleur,  me  Krèzin.  48. 
3218.  Fauvergue,  pharmacien,  rue  du  Fresnoy,  4S. 

349.  Ferlie  (Cyrille),  négociant,  rue  Neuve,  27. 

3033.  FÈVRE  (V.),  banquier,  rue  du  Pays,  16. 

3198.*  Florin  (Auguste),  fabrieinl,  rue  de  la  Fosse-aux-Chènes,  25. 

1161.*  Fi.ORiN-CuoPART,  propriétaire,  boaievard  «le  Pans 

1648.  Flouquet  (A.),  négociant,  rue  de  Lille,  99. 

1882.  Fontakne,  notaire,  rue  Sl-tjCyrg-s,  25. 

861 .  Fort  fJ)  iiég'>cianl  en  li.ssus,  me  de  Lil  e,  il 

1652.  Gaillet  (Eudle),  rue  Charles-yuiut,  40. 

2486.*  GA.MBART  (Kené),  docteur  en  dr  «it,  rue  ^airi. 

3179.*  Gaydet  (Paul),  teinturier,  rue  du  Grand-Chemin,  kS. 

3187.  GÉiNU  (Edouard),  reiu-ésentant,  rue  Pellart,  35  6««. 

215.  Ger.vez,  A.  i},  directeur  de  l'inslilut  Turgnt  ,  rue  de  Souhl-c,  o5. 

3383.*  Glorieux  (Henry),  fabricant,  me  Charles-t^uiiit,  44. 

3350.  Godard  (Louis),  industriel,  rue  Roucher-de-PerIhes,  87. 

3184.  Grimonprez  (Paul),  ni'gociant,  rue  du  Chemin  do  Fer,  9. 

2487*  Grumbach  (S.),  huis.sier,  rue  des  Fabricants. 

3200.*  Gcggenheim  (Samuel),  m'gociant,  rue  de  l'Industrie,  49. 

3267.  Ua>notte-Dem v.VNE  (.M™'),  propriétaire,  boulevard  de  Cambrai,  5. 

3244.  Hazebrolt.k-Piat  (Madame),  propriétaire,  rue  du  Collège,  167. 

393.  Ueindryckx  ((icorgesi,  négociant,  au  Itaverdy. 

395.  Ueindrvckx  (Albert),  négoiant,  boulevnd  de  Paris,  127. 

2068.*  Hoffmann,  négociant,  rue  Neuve,  31. 

1119.*  IzART  (Jules),  négociant  en  tissus,  rue  d'Islv,  t!). 

3181.*  JouRDiN  (Albert),  ui'gociant,  rue  de  Lille,  125. 

2066.*  JouRDiN  (Aug.),  urgocii.nt,  rue  Vaulian,  t  i-. 

161 .  Junker  (Cti.),  I   Q  ,  lilali'ur  de  soie,  rue  dAve'g'ncm,  58. 

2484.  KoszcL  (Julien),  diiecteur  de  lEiole  natonale  de  musique,  rue  Charle,s-Qiiint 
3372.*  Lagage  (César),  négfxàant,  rue  Pierre  Moite,  53. 

3196.*  Lvgache  (Julien),  président  de  la  Chambre  de  Conuuerce,  rue  Pellart,  27. 

3043.  DE  LANOii  père,  iugéiui>ur,  rue  Vaub:in,  25. 

305-4.  DE  Lanoë  fils,  ingi^nieur,  rue  Vauban,  25. 

2o8l .  LxUBiKR  (Jules),  emjiloyé,  rue  de  Lille,  77. 

640.*  LEBLRQfE  (Oscarj,  A.  i).  négociant  en  tNsus,  rur  de  la  Gare,  91. 

1024.*  Leclerco  (Louis,  fils),  fabricint,  rue  S-ainl-Gcorges. 

3392.*  Leclercq  MiLiEZ,  industriel,  rue  de  Lille. 

3193.*  Lefebvre  (Léon),  inousiriel,  lue  de  Touccoing,  6. 


190  RorBAix. 

N-d'lDS-  5111. 

eription 

46H  .*  Leplat  (César),  directeur  de  la  Maison  Fr.  Boussus,  rue  du  Pays,  27. 

2738.*  Lepoutre,  docteur  en  médecine,  rus  de  Lannoy,  -1. 

3045.  Lepoutre  (L.),  négociant,  rue  Pellart,  35. 

3208.*  Lestienne  (Waldemar),  négociant,  rue  Neuve,  60. 

3525.  Lesur,  représentant,  rue  de  la  Gare,  63. 

3083.  Leveigle,  commerçant,  Grande  Rue,  262. 

2490.*  LÉVY  (Michel),  rue  Mimerel. 

2801 .  Loridan-Destombes  (M""'  Ciiaries),  négociant,  rue  Ciianzy,  59 

3374.*  LoRTHiois  (Josepli),  négociant,  rue  Inkermann,  87. 

2475.  Loucheur-Facques,  négociant,  Grande  Rue,  iO. 

849.  Manchoulas  (Félix),  négociant,  rue  Mimerel,  11. 

3370.*  Marquis,  directeur  du  Comptoir  d'escompte  du  Nord,  24,  rue  St-Georges. 

3485.  Martin-Fuemont,  comptable,  rue  de  Lannoy,  58. 

3069.  Masurel  (Carlos),  filateur,  boulevard  de  Fourmies.' 

3390*.  Masurel  (Emile),  propriétaire,  rue  de  Barbieux. 

2488 .  Masurel  (Eugène),  rue  du  Manège,  3. 

3391.*  3IASUREL  (Georges),  boulevard  de  Cambrai. 

552.  Masurel  (Paul),  propriétaire,  négocianl,  à  Barbieux. 

456.  Masurel-Wattine  (J.),  négociant,  rue  du  Chemin  de  Fer,  48 

2912.  Mathon-Bertrand  (Henri),  négociant,  boulevard  d'Armentières,  112 
3177.*  Mathon  (Eugène),  boulevard  d'Armentières,  114. 

2913.  Mathon  (Pierre),  négociant,  boulevard  d'Armentières,  112. 
1500.*  Mathon  (Georges),  vice-consul  des  Pays-Bas,  rue  d'Alsace,  26. 

860.  Meillassoux,  temlurier,  rue  Saint-Jean,  30. 

3164.*  Meillassoux  (Albert),  indusirlel,  boulevard  de  Strasbourg,  29. 

3053.  Messelin  (H.),  rue  Dammartin,  75. 

3082.  MoNMARCHÉ,  comptable,  rue  Monge,  13. 

3379.  MooRMANN  (Alexandre),  industriel,  rue  de  l'Ermitage,  15. 

370.  Motte-Descamps,  filateur,  rue  du  Château,  17. 

369.  Motte,  (Georges),  filateur,  boulevard  Gambetla,  27. 

327.  Motte-Vernier  (Louis;,  négociant,  rue  Neuve,  56. 

451 .  Motte  (Albert),  manufacturier,  boulevard  Gambetta,  23. 

2491.*  Motte  (Eugène),  industriel,  rue  Saint-Jean. 

3185.  Mousset,  négociant,  rue  Cliarles-Quint,  23. 

1749.  Nedonsel,  expert-comptable,  rue  Neuve,  23. 

3192.*  Noblet  (A.),  fabricant,  rue  de  la  Gare,  29. 

3387.*  Olivier  (Léon),  membre  de  la  Chambre  de  commerce,  rue  Daubenton,  48. 

4536.*  Oudar  (Achille),  négociant,  rue  de  l'Industrie,  59. 

3039.  Parent  (D.),  bonnetier,  rue  du  Chemin  de  Fer,  21. 

3032.  PAttvn-Derville,  fabricant,  Grande  Rue,  39. 

2326.  Paulin  Parent,  négociant,  rue  de  la  Fosse-aux-Chônes  39. 

3036.  Pennel  (Auguste),  entrepreneur,  rue  du  Curoir,  63. 
8182.*   Perez  (Maurice),  fabricant,  rue  du  Pays,  10. 

2357.  Perrelet  (Paul),  pasteur,  rue  des  Arts,  39. 

3377.*  Petit-Loridan  (Paul),  n/gociaut,  rue  Nain,  45. 

3264.  Piat-Agache,  fabricant,  place  de  la  Liberté,  28. 
2722.*  Pillot  (René),  courtier-juré,  boulevard  de  Paris,  46. 

1948.  Planquart-Courrier,  entrepreneur,  rue  du  Curoir,  20. 
1410.*  Pollet  (César),  fabricant,  rue  Nain,  38. 

3303.  Pollet  fils  (César),  fabricant,  rue  du  Curoir,  56. 

1437.  Pollet-Motte  (Joseph),  fabricant,  boulevard  Gambetta,  25. 


nouBAix.  I9i 

NO'd'ins-  MM. 

cription  ■ 

3194.*  PouTRAiN  (Edouard),  a^su^all(■es,  rue  Blanclicniaille,  (31. 

3222.*  Président  de  la  Chambre  ue  Co.mmerce. 

<039.     PnoLVO.ST  (Amédée  fil.sl.  |ifi;;u('ur  «le  laiiifs,  boulevard  de  Paris,  49. 

3389.*    Prouvost  (Alborl),  indusiriel,  boulevard  de  Paris,  oO. 

3382.*    PROUVOST-FAicmij.E  (Edouard),  propriHalro,  boulevard  de  Paris,  121. 

2881 .     l'ROtrvosT-MASi  REL  (Paul),  fabricant,  rue  des  Fabricants,  58. 

2683.     Quint  (Ch.),  brasseur,  rue  du  Moulin,  33  Us. 

2632.     Rasso.n  (Edouard),  industriel,  boulevard  de  Paris,  47. 

<57.     Reboux,  lAlfred)  ►}«,  rédacteur  vu  chef  ilu  Journal  de  Houbaix,  Grande-Rue,  71. 
2723  *  Reiciiënecker  (Emile),  fabricant,  rue  Dammartin,  21. 
3171.*  Requiixart  (Victor),  propriétaire,  rue  du  Grand-Chemin,  G6. 
3374.*    RiBEAicoiHT  (Edouard),  industriel,  rue  du  (iraiid-dieniin,  37. 

333.     RooiER  (Moïse),  entrepreneur,  rue  do  Lorraine,  4u. 

889.    Rousseau  (Achille),  maison  AUart-Rousseau,  Grande-Rue,  142. 
2077.*  Roussel  (Edouard),  fabricant,  rue  des  Arts,  137. 

607.    Roussel  (Emile),  teinturier,  rue  de  l'Épeule,  131. 

746.     Roussel  (François)  fils,  industriel,  boulevard  de  Paris,  .33. 
2635.     SciiMioT,  employé  de  commerce,  34,  rue  Dammartin. 

2482.    ScuLiER  (S.),  fondé  de  pouvoirs  de  la  Banque  de  H.  Devilder  et  C»" ,  rus  du  Curé,  30 
3153.     Segard-Deman.ne,  fabricant  de  harnais,  rue  de  l'Ermitage,  21. 
3085.     Selosse  (H.),  négociant,  rue  du  Château,  13. 
3484.     Selosse  (Praxille),  négociant,  rue  du  Collège,  'lOI. 
3348.    Selosse  (Théophile),  négociant,  rue  de  Cassel,  7. 
2891 .    Seynave-Dubocâge,  industriel,  rue  Fosse-aux-Chênes,  25  Us. 

i72.     Skène  et  Devallée,  constructeurs,  rue  Watt,  60. 

762.    Strat  (Jules),  négociant  en  tissus,  Grande-Rue,  82. 

909.    Stdrmkels  (Waller),  commis-négociant,  rue  de  l'Industrie,  6. 
3209.*  Syndicat  des  Négociants  en  tissus,  rue  de  la  Gare,  91. 
U96.*  Ternynck  (Edmond),  fabricant,  le  Huchon,  rue  Barbieux. 
3126.     Ternvnck  (Félix),  propriétaire,  rue  de  Lille,  49. 

788.*  Ternvnck  (Henri),  filateur  et  fabricant,  rue  de  Lille  26. 
3231.     Thieuleux-Broux  (Emile),  propriétaire,  rue  Blanchemaille,  31. 
1213.*  Thover,  directeur  de  la  succursale  de  la  banque  de  France,  rue  de  Tourcoing, 
3386.*   Toulemonde  (Emile  et  Paul),  fabricants,  rue  du  Pays,  23. 
2492.*  Toulemonde-Parent  (Louis),  juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  dû  Pays,  12. 
3197.*  Troller  (Léon),  négociant,  rue  Inkermann,  30. 
3034.    Vahé  (A.),  notaire,  rue  Neuve,  43. 
4576.*  Valentin  (Auguste),  filateur,  rue  du  Collège,  90. 
3373.     Yandamme  (Emile),  ut'gociant,  boulevard  de  la  Rl^publique,  4  7. 
3373.     Yanoutryve  (Félix),  industriel,  boulevard  de  la  République,  91. 
2880.     Vanoutrvve  (Auguste),  fils,  industriel,  b"^  de  la  République,  89. 
3014.     Verlais  (Henri),  adminislr.  de  l'Ecole  des  Arts  industriels,  rue  de  l'Ermitage,  4 . 
3427.     Yerley  (René),  représentant,  rue  Nain,  69. 

723      Verspieren  (A),  assureur,  rue  Dammartin,  8. 
3543.     ViLLALARD  (Louis),  agpnt  d'affaires,  rue  de  la  Gare,  64, 

951 .    VoREux  (Léon),  négociant-commissionnaire,  boulevard  de  Paris,  64. 
3330.     Waeles  (Albert),  employé,  rue  Charles-Quint,  10. 

745.     Watine  (Paul),  C.  4^,  propriétaire,  rue  Pauvrée,  5. 
3388.*   Wattinne  fils  (Auguste),  rue  de  Lille,  -13. 

630.    Wattine-Hovelacque,  propriétaire,  boulevard  de  Paris,  43. 
3207.*  Wattinne  (Auguste),  tissus,  rue  Neuve,  29. 


—  192  — 

N"(nns-       SIM. 
criptlon. 

3203.*  Wever  (Georges),  rue  Nain,  8. 

806.  Wibvux-Florin,  fllaleur,  ru»^  Fns-ie-aax-Chtines,  47. 

3206.*  WiB\ux  (René),  fllaleur,  Grande  Rue,  106. 

3022.  WicART,  pharniaden,  rue  Rlanchemaille,  13i. 

3202.*  WiLLAERT  (Georges),  directeur  d'assurances,  boulevard  de  Cambrai,  4. 

3117.  WiLLE  (Henri),  marbrier,  rue  de  l'Aima,  37. 

2952.  Yager  (Léon),  employé,  rue  du  Grand-Chemin,  125. 

Na  i  11  s-<l  u-\o  r  (I . 

2887.     HiROUX  (Camille),  propriétaire. 

!§aint'Auiau(l-Ie.s  l'^aiiiL. 

3290.     Raudet  fils,  élève  à  lÉcole  supérieure  de  commerce. 

Saliit-AucIré-lez-IJlIc 

58.  Clinquet,  instituteur. 

3339.  Flvment  (Achille),  employé,  rue  Faidherbe. 

3026.  Freteuu-Parent  (Albert),  rue  de  Ste-Hélèue. 

3021 .  Pauent-Cqoquet,  rue  Sadi  Carnot,  1 1 . 

Secliu. 

2242.  RoiTTiVLX  (.Icrôme),  filateur. 

3336.  Cl\evs  (Arlbur),  voya.seur  de  commerce. 

1014.  CoLVREiR  (Achille),  docteur  m  médecine 

3512.  Delatre-Dewaleyne,  rue  dArras. 

2528  Delvlnay  (Léon),  propriétaire. 

2283.  Demesteh  (Emile  ,  tanneur. 

378.  Deslrmont  (Achille),  lila.eur  de  lin. 

1012.  Deslrmont  (Edouanl',  lilalcur. 

2285.  Gruson  (Théodore),  lu^gociant  en  grains. 

352(5.  (iiESLE  (A.),  liôli'i  des  voya;!;i'urs. 

403.  GuiLLEMVrn  (Claude),  fil.iteur  de  lin. 

2529.  Leclercq  (Auguste),  bra-^^seur. 

2873.  Rogez-Cociietel:x  (Hcu -j),  fabricant  de  vinaigre. 

2648.  SciioT.sMv.NS  (Henri),  industriel. 

1590.  Thuet,  fariuler,  7,  rue  de  Lille. 

TciiipBcuve  (Nord) 

3057.  DoRcniES  (H.),  notaire. 

3048.  DiBRELCQ  (Achille),  brasseur. 

2' 72.  llAZ\RD-riiiEi-KRV,  propriétaire. 

3024.  Jou.MAUX,  instituteur. 

333H.  Lebolcq  (Paul),  adjoint  au  maire. 

3454.  Sagary  (l'abbé),  curé-doyen. 

UG2.  SciiLLZ  (Edgard),  cntn'pri'iii-nr. 


TOURCOING.  193 


N-  dlns-         MM. 
crlplloo. 


Tbumcsnil-lcz-Ijillc. 

2838.  Carrette  (Alphonse),  fabricant  de  chicorée,  rue  du  Faubourg  d'Arras. 

Tourcoing. 

2275.  Barbenson,  directeur  d'École  municipale,  rue  du  Calvaire. 

4329.*  Barrois-Lepers  (Emile) ,  C.  ►f",  négociant,  rue  de  la  Gare,  9. 

2020.'  Becqdart-Herbaux  (M'"«  V°),  propriétaire,  rue  de  Lille,  55. 

4360.*  Bernard-Flipo  (Louis) ,  fllaleur,  rue  de  Lille  ,  80. 

4375.  Berton  (Félix),  représentant,  rue  de  Paris,  174. 

4  347.  Beulque  (Paul),  représentant,  rue  de  la  Malcense,  23. 

4240.  BiGO  (Auguste),  ancien  notaire,  rue  de  Guisnes,  56. 

2454.*  BiNET (Adolphe;,  industriel,  rue  Neuve-de-Roubaix,  428. 

2493.*  BiNET  (Hiiaire),  industriel,  rue  Neuve-de-Roubaix. 

2274.  Bi.NET  (Arthur),  employé  de  commerce,  rue  de  l'Est,  4  4. 

2304 .  BiNET  (Auguste),  directeur  du  service  des  eaux,  rue  de  Paris. 

2028.  BiTTEBŒRE  (Jean),  employé  de  banque,  rue  Desurmont. 

3244.  Bon  (Théodore),  directeur  de  l'Ecole  industrielle,  rue  du  Casino,  68. 

4783.  Bonté  (Louis),  employé  de  commerce,  rue  des  Orphelins,  33 

3243.  BossuvT,  employé,  place  Thiers,  45. 

3461.  BouRGois  (Gustave),  entrepreneur,  rue  de  la  Croix  Rouge,  4  65. 

4324.  Bourgois-Lemaire,  commis-négociant,  rue  Corneille,  45. 

2643.  Bruneau  (Henri),  pharmacien,  rue  de  Lille,  2. 

4306.  Bulté  (Kloi),  receveur  municipal,  rue  d'Havre,  23. 

2637.  Callens  (Désiré),  employé  de  commerce,  rue  du  Moulin,  74. 

2745.  Callens-Boussemart,  commis-négociant,  rue  du  Calvaire,  47. 
2742.  Cappelle-Spf.nder,  marchand  de  nouveautés,  rue  de  Tournai,  15. 
4555.  CvRON-CAfLLEAu  (Victor),  caissier,  rue  Ste-Gcrmaine,  32. 
4285.*  Catrice-Lemahieu  (Henri),  négociant,  rue  Desurmont,  20. 

2746.  Cau-Deschamps,  commis-négociant,  rue  d'Anvers,  21. 
2047.*  Caudrelcer,  docteur  eu  médecine,  rue  du  Calvaire. 

920.  Caulliez-Leurent  (Maurice),  Industriel,  rue  du  Dragon,  43 

4384  .*  Claevs  (Jules),  pharmacien,  rue  Delobel,  29. 

3087.  Cordier-Meurisse,  négociant,  rue  St-Jacques,  49. 

2053.  Cornet-Lesur,  représentant,  rue  de  Tournai. 

2045.  Courtois-Cordonnier,  fabricant  de  bonneterie,  rue  Nationale,  4  28. 

3458.  Couvreur,  employé,  rue  d'Anvers,  23. 

4634.  Dandoy  (Célestin) ,  négociant,  boulevard  Gambelta,  5. 

4380.  Dantoing  (Charles),  commis-négociant,  rue  de  la  Malcense,  47. 
2824.*  Debisschop-Destombes,  industriel,  rue  Desurmont,  53. 

4345.*  Debongnies  (Alphonse),  négociant  rue  de  Guines,  90. 

3432.  Deciierf  (l'abbé),  professeur  à  rinslitutiou  libre  du  Sacré-Cœur. 

4409.  Deconi.nck-Dumortier  (Louis),  représentant,  rue  de  la  Latte,  51. 

2629.*  Deconinck  (Ernest),  industriel,  rue  du  Haze,  75. 

3454.  Deheuripon  (Hippolyle),  employé,  rue  Jacquard,  15. 

■  3519.  Deheule,  employé,  rue  Nationale,  02. 

2499.  Delahousse-Boucuart,  représentant  de  commerce,  rue  de  Gand,  89. 

2603.  Delahousse  (iidouard),  représentant,  rue  de  Guisnes,  4  00. 

13 


-igt  TOLRCOLNG. 

N»»  dlns- 
cripUon. 

2713.     Delahousse  (jou),  tommis-négociant,  rue  Sle-Barbe,  22. 

1295.*  DELEMAScaE-FLAYELLE  (Frauçois),  bonnetier,  rue  de  Tournai,  89. 

1968.*  Delepoclle-Joire,  négociant,  ruo  Leverrier,  19. 

4730.     Delepoulle-Jombard  (Paul) ,  négociant,  rue  des  Ursulines,  30. 

2<79.    Delescluse  (Edouard),  employé  d'Administration,  rue  de  la  Blanche-Porte. 

2689.     Delputte  (Louis),  fabricant,  rue  d'Havre,  15. 

3215.     Delreux  (Auguste),  employé,  rue  de  l'Abattoir,  27. 

1893.    Delrue  (Louis)   représentant  de  commerce,  rue  .Motte,  22. 

4523.     Peltour  (Cyrille),  négociant,  rue  Jacquart,  23. 

3430.     iiEPREZ  (Georges),  industriel,  79,  rue  Nationale. 

3368.     Dervaux  (Charles),  représentant,  rue  Sl-Jacques. 

1632.*  Dervaux  (Eugène),  propriétaire,  rue  Sl-Jacques,  60. 

2634.     Dervaux  (Paul),  industriel,  rue  d'Anvers,  74. 

2081.    Deschemaker  (Camille),  fabricaut,  rue  Neuve-de-Roubaix. 

2719.     Desferret  (Charles)  E^  de  C^e  rue  de  Guisnes,  73. 

1892.     Desnoyettes  (Charles),  représentant  de  commerce,  rue  de  ia  Clocht-,  ti7 

2203.  Despinoy,  pharmacien,  rue  de  Lille,  34. 

1268.*  Destombes  (Emile),  courtier  juré,  rue  Jacquart,  28. 

1379.  Destombes  (Gustave),  représentant,  nie  Jacquart,  28. 

2597.  Destrebecq  (B.),  marbrier,  rue  Nationale. 

3429.*  Desurmont-Bossut  (Paul),  industriel,  rue  Winoc-Chocqueel,  36. 

1401  .*  Desurmont-Jonglez  (Théodore),  filateur,  rue  de  Gand,  4. 

936.  Desirmont  (Félix),  filaleur  de  laines,  rue  de  Lille,  79. 

1289.*  Desurmont-Joire  (Paul),  négociant,  rue  de  Gand,  23. 

934.  Descr-Mo.nt  (J.-B.),  négociant  en  laines,  rue  Jacquart,  67. 

933.*  Desormo.nt  t Jules),  négociant  en  laines  ,  rue  St-Jacques  ,  37. 

2087.  Desurjiont-Motte  (Jules),  rue  des  Ursulines,  19. 

3297.  Desvignes  (Louis),  fabricant,  39,  rue  du  Tilleul. 

1432.  Devillers  (E.),  huissier,  rue  d'Havre,  7. 

2633.  Dewavrin-Deletombe  (Fernand),  24,  rue  Chanzy. 

2204.  Dewez  (Emile),  employé  de  commerce,  Grande-Place,  13. 
1822.*  Didrv-Dubrule  (Paul),  brasseur,  rue  Winoc-Chocqueel,  133. 
3086.  Diéval,  rentier,  rue  Winoc-Chocquel,  70. 

2016.    D'Orgeville-Bourdrel,  négociant,  rue  Verte,  93. 
1338.    Dubois  (Auguste),  pharmacien,  rue  du  Tilleul,  50. 
4281.    Ducoulombier  (Jules),  commis-négociant,  rue  Martine,  13. 
3438.     DuJARDiN  (Auguste),  représentant,  rue  de  Roubaix,  31. 
3099.     DujARDiN-DiDRV,  directeur  d'assurances,  rue  de  Tournai,  111. 
2026 .    DujARDi.N-TouLEMONDE  (Jeau),  employé  de  commerce,  rue  Leverrier, 
2928.    DuMONT,  docteur  en  médecine,  rue  Fidèle-Lehoucq,  34. 
3063.     DuMORTiER-DuALLUiN,  fabricant,  rue  de  Guisnes,  39. 
1051 .    Dupas,  directeur  de  l'école  communale  du  Pont-de-Neuville. 
1378.     Dupo.nt  (Jules),  con)mis-négociant,  rue  de  la  Cloche,  78. 
1318.*  Duprkz-Lei'Ers  (Louis),  rf»,  filateur,  rue  des  Piats,  74. 
1296.*  Duquen.noy-Dewavrin,  négociant,  rue  Chanzy,  6. 
1275.*  Duquesnoy  (Paul),  gérant  de  banque,  rue  des  Ursulines,  18. 
2504.     Duterte  (Adolphe),  représentant  de  commerce,  rue  de  Lille,  150. 
2927.  *  DuviLLiER  (Edouard),  filaleur  de  Inines,  rue  d'Havre,  16. 
296.    DuviLLiER  (Joseph),  filateur  de  laines,  rue  du  Tilleul,  62. 
1308.*  Duvillier-Lvbbe  (Emile),  avocat,  rue  de  l'Industrie,  3. 
1969.*  DuviLUER-MoTTE  (Georges),  filateur  de  colon,  rue  Dervaux. 


TOUBCOLNO.  196 

crlption. 

1383.*  Fallût  (Robert),  flialeiir,  rue  Winoc-Chocqueel,  139. 

3433.     Feuillet  (l'abbé),  professeur  à  lliistitiitioii  libre  du  Sacré-Cœur. 

4367.  FiCHAux,  ►fi,  docteur  en  médecine,  rue  Faldherbe,  23. 
3077.     Flipo  (Romain),  filateur,  rue  de  Guines,  30. 

U96.*  Flipo-Prouvost  (Charles),  filateur,  rue  de  Tournai,  i\:^. 

2467.  Flipo-Valenten  (Amand),  lilateur,  place  Thiers,  45. 

4326.*  Florin-Rasson  (Jules),  négociant,  rue  Neuve-de-Roubaix,  41. 

4288.*  Fouan-Leman  (V*),  peigneur  de  laines,  rue  Neuve-de-Roubaix,  65. 

2812.  FouRMENTiN  (L.),  employé  de  commerce,  rue  de  Wailly,  9. 

4368.  Frere-Glorieux,  A.  y,  imprimeur,  rue  de  Lille,  18. 

4825.     Gadeni\e  (Henri),  employé  de  commerce,  rue  des  Ursulines,  7 

4372.*  Glorieux-Flament  (Alphonse),  fabricant,  rue  des  Orphelins,  48. 

4460.*  Grvu  (Augustin),  négociant  en  laines,  rue  de  Lille,  60. 

2602.*  Grau  (Denis),  bijoutier,  Grande-Place. 

1334.*  Grau-Devémy,  courtier  juré,  rue  Neuve-de-Roubaix,  45. 

2890.    Grimonprez  (Ernest),  commerçant,  rue  du  Uaze,  29, 

2600.*  GuENOT,  (C),  filateur,  rue  de  Bouvines,  4. 

2324.     GuÉRY,  employé  d'administration,  rue  du  Caire,  14. 

2361  .*  GuTKiND  (Gustave),  négociant  en  laines,  rue  des  Ursulines,  39. 

946.*  Hassebroucq  (V.),  ^,  A.  Q,  4*^  maire,  propriétaire,  rue  de  Lille,  83. 
2503.*  Hayaiann,  directeur  de  l'Agence  du  Crédit  lyonnais. 
2744.     Hubert -Barrois,  propriétaire,  rue  de  Lille,  134. 
3298.     Jacquart-Van  Eslande  (Paul),  lilateur,  32,  rue  Winoc-Chocqueel. 

254 .    Jean,  instituteur,  rue  des  Cinq- Voies. 
3042.     JomE  (Alexandre),  filateur,  rue  de  Lille. 
2547.  *  Joire-Desurmont  (Georges),  banquier,  rue  de  Lille,  33. 
2044.*  JomE-WATTiNNE  (Jules),  banquier,  rue  de  Lille. 

927.  Jonglez  (Charles),  propriétaire,  rue  des  Anges,  18. 

928.  Jonglez-Élgi  (P.),  filateur  de  laines,  rue  des  Ursulines,  25. 
4386.*  JouRDALN  (Eugène),  i^,  C.  .^,  4^,  fabricant,  rue  de  la  Gare,  17. 
4336.     JovENiAUX  (F.),  gérant  de  filature,  rue  de  Midi,  49. 

4246.    Lambln-Momer,  rue  du  Château,  22. 
1340.*  Lapersonne  (Ferdinand),  courtier  juré,  rue  du  Dragon,  102. 
4244.    Lahousse-Rigo,  entrepreneur,  rue  des  Carliers.  37. 
930.    Lamourette-Delannoy  (Ph.),  flialeurde  laines,  rue  Blanche-Porte,  58 
2993.    Lanctin  (M"^),  ancienne  institutrice,  rue  Victor  Hugo,  67. 
2904.    Langlet  (A.),  employé  de  commerce,  rue  de  Guisnes,  112. 
3367.     Leburgue,  employé,  rue  Desurmont,  99. 
4766.    Lecat  (Emile),  négociant,  Grande-Place,  3. 
4343.    Leclercq  (Gustave),  entrepreneur,  rue  de  la  Boule  d'Or,  21. 
2902.    Leclercq  (H.),  employé  de  commerce,  rue  Jacquart,  3t. 
2034 .    Leconte  (M"«  E.),  directrice  de  l'école  Sévigné,  rue  des  Orphelins. 
2024.    LEDur  (Le  D'),  rue  des  Ursulines,  276. 

4488.    Lefebvre-Hollevckt  (Léon),  représentant  de  commerce,  rue  de  Guisnes,  75. 
2018.*  Lefebvrë-Rasson  (Ch.),  négociant,  rue  de  Gand. 
2949.*  Léger  (Auguste),  fondeur,  rue  du  Moulin,  17. 
4485.     Legrand,  (René),  avocat,  rue  d'Havre,  22. 
4781.*  Leghand-Joire  (Ludovic),  filateur,  rue  d'Austerlitz,  13. 
4325.*  Lehoucq  (Jules  fils,)  fabricant,  rue  des  Ursulines,  276. 
4824.    Lelong  (Emile),  employé  de  commerce,  rue  de  la  Malcense,  46 
3620.     Lelong-Wallerand,  propriétaire,  rue  du  Calvaire,  15. 


196  TOURCOING. 

orlpllon. 

4394.*  Lemaire-Callliez  (Joseph)  filaleur,  rue  de  la  Cloche,  41. 
4348.     Lemairr  (Henri),  libraire,  Grand'Place,  28. 
4745.*  Lepl\t  (Emile),  filaleur,  rue  de  Guisnes,  ^98. 
2628.*  Leplat-Ducourt,  industriel,  rue  de  Guisnes,  200 
4320.*  Leroux  Denniel,  négociant,  rue  du  Bocquet,  14. 
973.    Leroux-Lamourette  (Ed.),  filaleur,  rue  de  Dunkerque,  203. 

334.  Leroux-Lamourette  (Louis),  filaleur,  rue  de  Dunkerque,  203. 

335.  Leroux-Brame,  (Ch.),  négociant  en  laines,  rue  Delobel,  26. 
4361  .*  Leurent  (Jean),  filaleur,  rue  du  Tilleul,  .^9. 

263t.*  Leurent  (Désiré),  industriel,  rue  de  Roubaix,  45- 
2823.*  Leurent-Nicolle  (Edouard),  industriel,  rue  Leverrier. 
2994.     Levèque  (Arthur),  in.s(ituteur  à  l'Institut  Colbert,  rue  de  Gand. 
4369  *   Liagre  (Louis),  négociant  en  épiceries,  rue  de  Lille,  35 
1323.*  Lombard  (Henri),  négociant,  rue  Neuve-de-Roubaix,  116. 

929.     Lorthiois-Motte  (Floris),  négociant  en  laines,  rue  de  Lille,  43. 
4484.*  Lorthiois-Renard  (Charles),  négociant,  rue  Nationale,  65. 
4824.*  Lorthiois-Delobel  (Jules)  négociant,  rue  de  Lille,  72. 
2627.*  LoRTniois-Six,  Industriel,  place  Leverrier. 
2950.     Lyoen,  instituteur,  rue  Saint-Pierre,  8i>. 
260t.*  Malard  (Georges),  industriel,  rue  de  Guisnes. 
4328.     Marescaux  (Edouard),  gérant  de  banque,  rue  de  Guisnes,  79. 
2654 .    Marescaux  (Floris),  rue  Sle-Barbe,  30. 

768.     Masure  Vvn  Elslande  (Eugène),  fabricant  de  tapis,  rue  de  Gand,  42. 
4284.*  Masure-Six  (François),  A  y^,  propriétaire,  rue  de  Lille. 
4282.*  Masurel  (Edmond),  filaleur,  Grande-Place,  22. 

325.     Masirel,  (François),  A.  Q,  propriétaire,  rue  de  Lille,  83. 

722.     Masurel  (Albert),  A.  Q,  manufacturier,  rue  du  Bois,  140. 
3431 .     MoNiN,  proviseur  du  lycée. 

4343.*  MoNNiER  (Léon),  fabricant,  rue  Winoc-Chocqucel,  23. 
4975.     Montagne  (Louis),  directeur  de  l'Académie  de  musique,  rue  Nationale. 
2636.     Mortagne  (Jean),  employé  de  commerce,  rue  Verie,  57. 

923.     Motte-Jacquart  (A.),  filaleur  de  laines,  rue  du  Pouiliy,  18. 
4395.*  Motte  frères,  filaleurs,  rue  de  la  Gare,  13. 
2200.     Motte  (Paul),  employé  de  commerce,  rue  du  Prince,  31 . 
3163.     MoYSE  (ir«  Y»),  modes,  rue  Desiirmont,  75. 
4673.*  Muller  (Félix),  représentant,  rue  du^Haze,  88  bis. 
4307.     MuLLiEZ  (Jules),  commis-négociiint,  rue  du  Sentier,  34. 
2055.     Odoux  (François),  négociant,  contour  St-Christophe. 
2202.    Omez-Leblanc  (Aug.) ,  employé  de  conunerce,  rue  de  Calais. 
2481 .     Pennequin,  employé  de  commerce,  rue  de  Lille. 
4619.     Petit-Ledlc  (Joseph),  rédacteur  au  Journal  de  Houbaix,  rue  Nationale, 
3088.     Philippe  (Jean),  n^lordenr,  nie  du  Rus,  10. 
1346.*  Pollet-Caulliez,  négociant,  sf|uarf  Hôtel  di;  Ville,  2. 
4894.     Poujët  (Marcel),  conducteur  des  |)onls  et  chaussées,  rue  St-J  icques,  43. 

932.     Rasso.n-Watinne  (E.),  industriel,  rue  Nationale,  67 
2226.     Rasson-Vvlentin  (Joseph) ,  négociant,  nie  Neuve-de-Roubaix,  140 
1894 .     Rosoor-Dklattre  (Jules),  imprimeur,  Grande-Place,  31. 
2549.  *  RoussEAU-LiÉ.NVRT,  industriel,  rue  Verte,  27. 
2198.     RuFFiN  (A.),  chimiste,  rue  Winoc-Chociiueel,  135. 
2642.     Segaro-Six,  négociant,  boiievanl  Gainbelfa. 
2080.     ScRÉPEL-JoiRE. (Louis),  fal)ri(:aiit,  rue;  de  Lille. 


TOURCOLNG .  197 

N»»  d'ins-     51 JI. 
cription. 

4801 .    Sevin-Hennion  (Adolphe),  commis-négociant,  rue  du  Sentier,  23. 

1357.  Sjmoens-Pille  (Léonl,  commis-négociant,  rue  du  Château,  26. 
1339.*  Six-BouLVNGER  (Alphonse),  négociant,  place  Thiors,  52. 

921.  Six  (Auguste),  filateur  de  laines,  rue  du  Château,  62. 

937.  Six  (Edouard),  négociant  en  laines,  place  Thiers. 

2929.  Six  (Georges),  professeur  au  Lycée,  rue  de  l'Amiral-Courbet,  8. 
2595.  Steinbvch  (Jean),  rue  Motte,  o. 

2201 .    Stupuy  (Paul),  fils,  professeur  de  musique,  rue  des  Poutrains. 
1322.*  SciN  (Philippe),  boucher,  rue  St-Jacques,  55. 
3233.     SuiN  (Désiré),  négociant,  rue  Nationale,  1o3. 
913.    Taffin-Binauld,  brasseur,  rue  du  Tilleul,  30. 
3437.     Tiiarin-Callens,  représcnlaMt,  rue  des  Poutrains,  42. 
1970.*  Tiberghien-Desubmont,  fabricant,  rue  de  Lille. 
1971  .*  Tiberghien-Lepoiitre,  fabricant,  rue  du  Dragon. 
3394.*   Tibeughien-Motte,  rue  de  Lille,  87. 
1349.*  Tiberghien-Vanden  Bergiie,  fabricant,  rue  de  l'Aima,  31 

1358.  Tibeauts-Caulliez  (Charles),  représentant,  rue  Verte-Feuille,  19. 
1374.  TiBEAUTS-C\ULLiEz  (Alexandre),  représentant,  rue  Faidherbe,  25. 
2360.*  Trentesaux-Destombes,  négociant  en  laines,  rue  de  Lille,  112. 

2930.  Vandendriesche,  employé  de  commerce,  rue  du  Bois,  110. 
2746.     Vandekerkove-Boussemvrt,  négociant,  rue  de  Lille,  138. 
1376.*  Veuve  Vvndepctte-Mi'llié  (Emile),  négociant,  rue  Dervaux,  28. 
1311 .  *  Van  Elslv  de  (Joseph),  négociant,  rue  du  Haze,  27. 

548.    Vasseur  (Victor),  bibliothécaire,  rue  Nationale,  137. 
1956.    Verdonck  (J.-B.),  employé  de  commerce,  rue  Winoc-Chocqueel,  51 . 
2362.    Vermebsch  (Cyrille),  fllaleur  de  laines,  rue  du  Casino,  49. 
2245.    Vienne-Flipo,  industriel,  rue  Chanzy,  43. 
3160.     Vien.ne,  docteur  en  médecine,  rue  d'Austerlitz,  23. 
1953.    Walter-Bourgois  (M™*),  directrice  d'institution,  rue  du  Tilleul,  43. 
2019.  *  Wattei.-Gimmig  (Auguste),  négociant,  rue  Neuve-de-Roubaix. 
2234.    Wattel  (M"^,  propriétaire,  rue  du  Sacré-Cœur,  17. 
1976.     W.\TTEEDW,  A.  %},  publiciste,  rue  St-Jacques,  39. 
1557.  *  Wattinne-Delespierre,  propriétaire,  rue  des  Ursulines,  81. 
1356.     Werbroucq-Besème  (Victor),  représentant,  rue  de  l'Hôtel-de-Ville,  13. 
2551 .    Wittemberghe-Oger,  représentant  de  commerce,  rue  de  la  Malcense. 


Verdun. 

1665.    DE  Germlny  (Le  Bègue),  général  de  division,  0.  ^,  gouverneur  de  la  Place. 

Versailles. 

1074.    Wannebroucq-Dutilleul  (M°"  V^e) ,  propr.,  avenue  de  VilIeneuve-rÉlang,  5. 


Tltr j-en-Artois . 

1255.    Tacquet  (Georges),  notaire. 


198  VALENCIENNES. 

V  dlns-  MM. 

cription. 

l^'anibrecliles. 

3238.    Vandenbosch  (Jeaii),  filateur. 

Tl'asquebal. 

3420.    LiÉNARD  (Maurice). 

iWavrlu. 

4608.    LEMAT-CHAMOtON,  propriétaire. 

'Wizerncs  [Pas-de-Calais >. 
4705.     Dambbicodrt  (Géry),  fabricant  lie  pnpicr. 


SOCIÉTÉ   DE   VALENCIENNES 


BUREAU  : 
MM 

PrésidenL Doctri\ux,  I.  Q,  ancien  Bâtonnier  de  l'ordre  des  Avocats. 

Viée-Presidents SmoT  (Jules),  A.  Q,  ancien  Député,  Conseiller  général, 

31aire  de  St-Amand. 

Secrétaire-Général Damien,  A.  %},  Directeur  de  l'école  primaire  supérieure. 

Secrétaire Giard  (Pierre),  Libraire. 

Trésorier Desruelles,  Lyqiiidatèur-Syndic. 

Commission  administrative . .  Sautte  vu,  1.  ^,  Avocat.  Maire  de  Valenciennes. 

Bertrand,  Inspecteur  primaire. 

BouTRY,  Avoué. 

Cellieh,  Avocat. 

Delsarte  .  Direcf  d'école  communale,  Valenciennes. 

DoMBRE,  Directeur  de  la  Cie  des  Mines  de  Douchy. 

SiBGUEY,  I.  ^,  Proviseur  da  Lycée, 

St-Quentin,  (Fénelon),  A.  i).  Avocat 

Varlet,  Notaire  à  Bouchain. 


VALENCIENNE8.  199 


MEMBRES  ORDINAIRES. 

M°"  veuve  Acremant,  propriétaire,  Yalenciennes. 
MM.  AM.\ND  (Victor),  suppléant  du  Juge  de  paix,  Condé 

André,  notaire,  Mortagne. 

Andt  (le  docteur),  pharmacien,  Yalenciennes. 

B\RA,  instituteur.  Le  Rosult. 

Barbiei:x  (Louis),  brasseur,  Saiut-Amand. 

Barhieux  (Emile),  propriétaire,  Saint-Amand, 

Baron  fils,  marchand  boucher,  Yalenciennes. 

Batigny,  entrepreneur  de  peintures,  à  Yalenciennes. 

Baudrain,  juge  de  paix,  Yalenciennes, 

Beck,  pharmacien,  Yalenciennes. 

BERTAu(E(1gard),  propriétaire,  Yalenciennes. 

Berteaux,  in.stituleur,  Denain. 

Bertrand,  inspecteur  primaire,  Yalenciennes. 

Billet  (François),  distillateur,   Marly. 

BiNET,  conseiller  municipal,  Yalenciennes. 

Binois  (Albert),  rue  du  Quesnoy,  Yalenciennes. 

Blary,  instituteur,  St-Saulve. 

BocA,  (Charle.s).  avocat,  Yalenciennes. 

BoivLN,  directeur  de  la  Banque  de  France,  Yalenciennes. 

BoNEiLL  (Emile),  directeur  d'assurances,  Yalenciennes. 

BoucHART  (René),  industriel,  Saint-Amand. 

Boucher,  instituteur,  Wignehies. 

BoocHER,  brasseur,  Yalenciennes. 

Boulanger,  propriétaire,  St-SauIve. 

BouTOEY  (  3I°"  v^e  ),  propriétaire,  Yalenciennes. 

BoL'TRY,  avoué,  d" 

Brabant  (Alfred),  Maire,  Onnaing. 

Brabant  (Edmond),  fabricant  de  sucre,  Onnaing. 

Broudehoux,  constructeur,  Anzin. 

Bdgnot,  négociant,  Yalenciennes. 

BuLTOT  (Paul),  ancien  notaire,  Anzin. 

Bultot  (Edouard),  avocat,  Yalenciennes. 

BusiGNiES,  industriel,  Yalenciennes. 

Callipel  fils,  Yalenciennes.  . 

Canonne,  juge-de-paix,  Bouchain. 

Canonne,  notaire,  Bouchain. 

Carpentier,  ancien  commissaire-priseur,  Yalenciennes. 

Cartigny,  notaire,  Yalenciennes. 

Casalis,  inspecteur  des  forêts,  Yalenciennes. 

Castiait,  notaire,  Condé. 

Castiau,  docteur  en  médecine,  Vieux-Condé. 

Caullet,  conseiller  général,  Haspre?. 

Cellier  (Eugène),  avocat,  Yalenciennes. 

Champagne,  directeur  de  l'École  supérieure,  Denaln. 

Chaussez,  huissier,  Yalenciennes. 


200  VALENCIENNES. 

MM.  CiiESNEL,  pharmacien,  Valenciennes. 
Cloart,  instituteur,  Maing. 
CocflETEux,  docteur  en  médecine,  Valenciennes. 
CoET,  instituteur,  Marly. 
CopiN  (Léon),  professeur  de  piano,  Valencionnes. 
CouLON  (Hector),  huissier,  Valenciennes. 
CouRTiN,  industriel,  Raismes. 

Damien,  directeur  de  l'école  supérieure,  Valenciennes 

Davaine  (Emile),  conseiller  général,  St-Amand. 

Debiève,  industriel,  Valenciennes. 

Debuschère,  inspecteur  au  chemin  de  fer  dti  Nord,  Valenciennes. 

De  Forcade,  secrétaire  général  de  la  Ce  des  mines,  Anzin. 

Defresnes  (Charles),  propriétaire,  Valenciennes 

Dehon  el  Seulln,  imprimeurs,  Valenciennes. 

Delame  (René),  négociant,  Valenciennes. 

Delattre,  directeur  de  l'école  municipale,  Valenciennes. 

Defluse  (M""*),  Bruay. 

DÉFOSSEZ,  docteur  en  médecine,  Abscou. 

Delcocrt  (Th.),  notaire,  Valenciennes. 

Delcourt  (Eugène),  avocat,  Valenciennes. 

Delcourt  (Paul),  propriétaire,  Valenciennes. 

Delhaie,  conseiller  municipal,  Valenciennes. 

Delh^ye  (Jules),  propriétaire,  à  Valenciennes. 

Delhave  (Charles),  ancien  avoué,  Valcncicunes. 

Demanest  (M"'"),  Saint-Amand. 

Deprez  (Joseph),  ingénieur,  Anzin. 

De  Preux,  propriétaire,  Saullam. 

De  QuiLLACQ,  ingénieur,  Valenciennes. 

Deromby,  suppléant  du  juge  de  paix,  Valenciennes. 

Dervaux,  conseiller  général,  Conde. 

Deschamps,  instituteur,  Denain. 

Descamps,  docteur  en  médecine,  Raismes. 

DÉsoRBvix  (Victor),  avocat,  Valenciennes. 

Desroches,  directeur  d'agence,  Paris. 

Desruelles,  liquidateur  et  syndic,  Valenciennes. 

Devillers  (Charles),  avoué,  Valenciennes. 

Dëwalle,  propriétaire,  Valenciennes. 

Dirand,  ingénieur,  Vicoigne,  Raismes. 

DoMBRE,  directeur  des  mines  de  Doiichy,  Lourchcs. 

Douât,  avocat,  Valenciennes. 

Doucuv  (Georges),  avocat,  Valenciennes. 

DouTRiAux  (Auguste),  avocat,  Valenciennes. 

DouTRiAux  (André),  avocat,  Valenciennes. 

Drevfls  (Léopold),  négociant,  Valenciennes, 

Dreyfus  (Salomon),  négociant,  Valenciennes. 

Dreyfuss  (Louis),  huissier,  Valenciennes. 

DuBiEz  (Jules),  Juge  de  paix,  Valenciennes. 

DubOis-RisBOORG,  constructeur,  Anzin. 

DucATEZ,  avoué,  Valenciennes. 

Dupas-Brasme,  négociant,    d* 


VALENCIENPŒS.  201 

MM.  Dupas  (Jules),  propriétaire,  Anzin. 

Dupont  (Abel),  conseiller  municipal,  Valenciennes 
Dupont  (Paul)  fils,  banquier,  Valenciennes. 
DusART,  architecte.  Valenciennes. 
Dutouquet  (M"'^),  Valenciennes. 

EwBANK  (Georges),  avocat,  Valenciennes. 

Fally  (Emile),  brasseur,  Condé. 
Fally,  notaire,  Valenciennes. 

Fenodod,  capitaine  de  gendarmerie,  Valenciennes. 

Fiévet,  huissier,  Valenciennes. 

FoNTËLLAYE,  Conseiller  municipal,  Valenciennes. 

FoircART  (Jean-Baptiste),  avocat,  Valenciennes. 

Franchi,  s.-inspecteur  de  l'enregistrement. 

François,  directeur  général  de  la  C'e  des  mines,  Anzin. 

François,  docteur  en  mfklecine,  Valenciennes. 

Frappart,  entrepreneur,  St-Sanlve. 

Fromont  (Jules),  propriétaire,  Valenciennes. 

Garrigoux,  sous-directeur  des  contributions  indirectes,  Valenciennes. 

GiARD  (Georges),  propriétaire,  Valenciennes. 

GiARD  (Léon),  courtier,  Valenciennes. 

GiARo  (Pierre),  libraire,  Valenciennes. 

GiLLET  (Arthur),  directeur  de  banque,  Valenciennes 

Girard  (Paul),  avocat,  Valenciennes. 

Gras,  industriel,  Valenciennes, 

Grimonprez  (Eugène),  propriétaire,  Valenciennes. 

Gronnier,  principal  du  Collège,  Saint-Amand. 

Haillot  (Léon),  négociant,  Valenciennes. 

Harmegnies,  fabricant  de  cordages,  Anzin. 

Hacrourdin,  brasseur,  Vieux-Condé. 

Henry  (Victor),  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce,  Valenciennes. 

Hehbut,  négociant,  Valenciennes. 

Hu.net,  agriculteur.  àEstreux. 

Imbert,  conseiller  municipal,  Valenciennes. 

Jacob  (Adolphe),  négociant,  Val<  nciennes. 
Jeanjean,  agent-voyer  principal,  Valenciennes. 

Lacroix,  fabricant  de  produits  chimiques,  Valenciennes. 

Lambert,  inspecteur  primaire  honoraire,,  Valenciennes. 

Lamotte  (André),  directeur  d'assurances,  Valenciennes. 

Lapciiin,  président  du  conseil  de  iirudhommes,  Valenciennes. 

Larose,  agent  d'assurances,  Anzin. 

Lartisien,  docteur  en  médecine,  Denain. 

Lasson,  directeur  de  l'école  municipale,  Valenciennes. 

Laurent,  1"  commis  d'administration  des  douanes,  Valenciennes. 

Lebacoz  (Charles),  conseiller  municipal,  Valenciennes. 


202  VALENaENNES. 

MM/Lebeau,  professeur  au  lycée,  Valenciennes. 
Lebrun,  négociant,  Valenciennes. 
Lecat  (Julien),  ancien  président  du  Tribunal  de  commerce,  Valenciennes. 

LeCERF  (Mme  V^e),  .  jo 

Ledieu  (Adhémar),  commissionnaire,  d" 

Lefebvre  (Jules),  notaire,  d" 

Lefebvbe  (Emile),  propriétaire,  d 

Lefebvre,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  Valenciennes. 

Lefrancq-Claisse,  négociant,  d* 

Legrand,  substitut  du  Procureur  de  la  République,  Valenciennes. 

Lemaire,  notaire,  Valenciennes. 

Lepez,  maire,  député,  Raismes. 

Leroy  (Edmond),  greffier  du  Tribunal  de  commerce,  Valenciennes 

Leroy  (veuve  Aimée),  Valenciennes. 

Lesens,  juge  de  paix,  Denain. 

Lestoille  (Edmond),  avoué,  Valenciennes. 

Lobert  (Albert),  négociant,  Valenciennes. 

Mabille  (Henri),  banquier,  Valenciennes. 
Mailuet,  constructeur,  Anzin. 
Malissart-Tazza,  constructeur,  Anzin. 
Malotet,  professeur  d'histoire  au  lycée. 
Manouvrier,  docteur  en  méiiecine,  Valenciennes 
Marboti.n,  avoué,  Valenciennes 
Marchand,  huissier,  Condé. 
Margerin,  docteur  en  médecine,  à  Valenciennes. 

M.ARIAGE,  d"  d" 

Mariage,  conseiller  municipal,  d° 

Marlière  (Charles),  négociant,  Valenciennes. 

Martin  ^Ml'e),  directrice  du  Collège  déjeunes  filles,  Valenciennes. 

Mascart,  professeur,  Valenciennes. 

Mascaux,  ancien  notaire,  Mortagne. 

Masingle,  négociant,  Mortagne. 

Masson  (François),  propriétaire,  Marly. 

Matharel  (de),  receveur  de  finances,  Valenciennes. 

Mathieu  (M""»  V^e  Amédée),  propnétaire,  Anzin 

Maurice  (llcnri),  propriétaire,  Valenciennes. 

Membre,  caissier.  Valenciennes. 

Mention  (Alfred),  notaire,  St-Amand. 

Mestreit,  directeur  de  la  Compaj^'nie  des  Tramway.^  a  Anzin. 

Millkteau,  sous-préfet,  Valenciennes. 

Moreaux-Sturbois,  maire,  La  Sentinelle. 

Muel,  entrepreneur  de  camionnage.  Valenciennes. 

MusEUR  (Alfred),  constructeur,  Blanc-Mi.sseron. 

Parent  (Désiré),  ingénieur,  Anzin. 
Patoir-Lionne,  négociant,   Wallers. 
PiÉRARD  (Louis),  consul  de  Belgique,  Valenciennes. 
PiÉRARD  (Georges),  banquier,  » 

PiÉRENS,  directeur  des  douanes,  Valenciennes. 
Piettre,  juge-de-paix,  Valenciennes. 


VALEI<C1ENNKS.  203 

MM.  PiLLiON  (Jules),  conseiller  municipal,  Valenciennes. 
Plichon-Havez,  banquier,  Saint-Amand. 

PoLMEST,  professeur,  sociélé  de  géographie  de  Pinlaude  Helsinfors  (Pinlande). 
PoDGET,  instituteur,  Anzin. 
PouLLE,  Procureur  de  la  République,  Valeneiennes- 

RÉsiMONT,  administrateur-directeur  des  forges  du  Nord  et  de  l'Est,  Valenciennes. 

RicHEz,  architecte,  Valenciennes. 

Roger,  notaire,  Valenciennes. 

RoGUiN,  avocat,  Valenciennes. 

RosHEM,  commandant  du  recrutement,  Valenciennes. 

Richard,  instituteur,  Denaiu. 

RiNGOT,  instituteur,  Mastaing. 

Sabés  (Albert),  commissionnaire,  Valenciennes. 

Saclier,  ingénieur  en  chef  à  la  Compagnie  des  Mines,  Anzin. 

Saint-Quentin  (Fénelon),  avocat,  Valenciennes. 

Sautteau  (Paul),  maire,  Valenciennes. 

ScHRvvER  (De),  directeur  de  la  Sociélé  franco-belge  Raismes. 

SiRGUEY,  proviseur  du  Lycée,  Valenciennes. 

Sirot-Mallez  (veuve),  Thiant. 

SiRbT  (Jules),  conseiller  général,  St-Araand. 

SizAiRE,  instituteur,  Trith-St-Léger. 

La  Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts,  Valenciennes. 

Stiévenard  (François),  marchand  épicier,  d" 

Tassin  (Victorien),  ancien  maire,  Crespin. 
Tauchon,  docteur  en  médecine,  Valenciennes. 
Tenière,  hôtelier,  Valenciennes. 
Thellier  de  Ponche ville,  avocat,  Valenciennes. 
Thellier  de  Poncueville,  propriétaire,  Valenciennes. 
Tison,  instituteur,  Anzin. 
Tbampont,  géomètre,  Valenciennes. 
Trinquet  (Maurice),  étudiant,  Valenciennes. 
Turbot,  industriel,  Anzin. 

Van-de-Velde,  avoué,  Valenciennes. 

Vapxet,  notaire,  Bouchain. 

Varlet,  percepteur,  Valenciennes. 

Vasseur  (Hippolyte)  directeur  d'assurances,  Valenciennes. 

Venot,  industriel,  Onnaing. 

Wagret  (Adolphe),  maire,  Escaupont. 

Wallerand,  (M'ie),  directrice  d'école  municipale,  Valenciennes. 

Weil  (Emile),  maire,  député,  Marly. 

Weil  (Hector),  négociant,  Marly. 

Vins  (Léon),  directeur  de  la  sucrerie ,  Escaudain. 


—  204  — 


PROGRAMME  DES  CONCOURS  POUR  1899 


1"  Série.  —  GÉOGRAJPHIE  MIUTAJRE. 

(Les  questions  seront  posées  par  des  Officiers,  membres  de  la  Société). 
Étude  détaillée  de  l'Europe  et  de  la  France. 

GÉOGRAPHIE  COMMERCLAX.E. 

S'"  Série ,  réservée  aux  Employés  du  Commerce  et  de  l'Industrie. 

L'Australie,  ses  facultés  productives,  importations,  exportations,  routes  et  trans- 
ports ;  moyens  de  développer  ses  relations  commerciales  avec  la  France.} 

Nota.  —  ï*rix  d'A-udififret.  —  Un  prix  spécial  sera  attribué  à  l'auteur  du 
meilleur  travail  sur  le  pays  d'Europe  ,  qui  lui  paraîtra  offrir  le  plus  de  facilités  et 
le  plus  d'avantages  pour  la  création  ou  le  développement  de  rapports  commer- 
ciaux et  industriels  avec  le  Nord  de  la  France. 

Ce  travail ,  fait  librement  et  à  domicile  ,  devra  être  remis  contre  reçu,  au  Siège 
de  la  Société,  avant  le  1"  Décembre  de  l'année  1899. 

3''  Série,  réservée  aux  Elèves  de  VEcole  supérieure  de  Commerce. 

Géographie  économique  des  cinq  parties  du  Monde. 

Le  Prix  IDesrocîies  consistant  en  un  voyage  de  dix  jours  dans  la  région 
des  Gausses,  sera  attribué  au  1""  lauréat  de  ce  concours. 

Nota.  —  I.  —  Les  frais  de  nourriture  et  de  logement  restent  à  la  charge  du 
lauréat,  sauf  dans  les  établissements  qui  dépendent  directement  de  la  Société  la 
France  pittoresque. 

II.  —  Les  questions  des  Concours  des  2"  et  3^  séries  seront  posées  par  des  négo- 
ciants, membres  du  Comité  d'Études.  Ces  Concours  doivent  être  envisagés  spécia* 
lement  au  point  de  vue  commercial ,  la  géographie  physique  ne  devant  être  traitée 
que  subsidiairement. 


—  205  — 

Nul  ne  peut  se  faire  inscrire  en  cette  section  s'il  ne  justifie  de  la  qualité  d'élève 
d'un  établissement  d'enseignement  secondaire  public  ou  privé.  —  Exception  faite 
pour  les  éducations  particulières. 

GARÇONS. 

1"  Série.  (Limite  d'âge,  17  ans  au  1"  octobre  de  l'année  du  Concours)  (1899). 
L'Europe  moins  la  France. 

S*  Série.  (Limite  d'âge,  16  ans  au  1"  octobre  de  l'année  du  Concours)  (1899). 
L'Asie,  l'Afrique,  l'Océanie. 

FILLES. 
1"  Série.  (Limite  d'âge,  15  ans  au  1"  octobre  de  l'année  du  Concours)  (1899). 
L'Europe,  moins  la  France,  l'Asie. 

S'  Série.  (Limite  d'âge,  14  ans  au  1"  octobre  de  l'année  du  Concours)  (1899). 
L'Afrique,  l'Océanie  et  les  deux  Amériques. 


PROGRAMiME  COMMUN  AUX  GARÇONS  ET  AUX  FILLES. 

Les  éducations  particulières  peuvent  se  faire  inscrire  dans  cet  ordre  d'enseigne- 
ment d'où  sont  exclus  les  élèves  de  l'enseignement  secondaire.  Les  chefs  d'établis- 
sements doivent  faire  inscrire  leurs  élèves  dans  la  catégorie  dont  ils  suivent  les 
cours  :  Enseignement  supérieur  ou  élémentaire. 

ENSEIGISTEMENT  PRIMAZRE  SUPÉRIEUR. 

Nul  ne  peut  se  faire  inscrire  dans  cette  section  s'il  a  moins  de  13  ans  au 
1"  octobre  de  l'année  du  Concours,  ou  plus  de  18  ans  au  i*'''  octobre  de  la  même 
année. 

On  ne  peut  se  faire  inscrire  dans  deux  séries  d  la  fois. 

1"  Série. 

Géographie  physique  et  économique  de  l'Asie  et  de  l'Archipel  Malais. 
Géographie  physique,  politique  et  économique  de  l'Europe,  moins  la  France. 


TOT 


2'  Série. 


Géographie  de  rOcêanie  (moins  l'Archipel  Malais),  de  l'Amérique  et  de  l'Afrique. 
—  Explorations.  —  Notions  de  géographie  économique. 

ENSEIGINTEMENT  FRIMAIRE  ÉLÉMENTAIRE. 

1''"=  Série.  (Limite  d'âge,  14  ans  au  1"  octobre  de  Tannée  du  Concours)  (1899). 
Géographie  physique  et  politique  de  l'Europe,  moins  la  France. 

2*  Série.  (Limite  d'âge,  12  ans  au  1"  octobre  de  l'année  du  Concours)  (1899). 

La  France. 

Le  département  du  Nord. 


CORRECTION. 

La  correction  des  copies  dans  la  section  supérieure  sera  faite  pour  le  Concours  de 
géographie  militaire  par  le  comité  d'officiers  —  pour  la  section  commerciale  par  le 
conaité  de  négociants. 

Pour  l'enseignement  secondaire  ,  la  correction  sera  faite  par  des  Professeurs  de 
Faculté,  membres  de  la  Société. 

Quant  aux  concours  d'enseignement  primaire  supérieur  et  élémentaire,  la  correc- 
tion des  copies  est  confiée  aux  soins  de  M.  Merchier,  Secrétaire-Général,  qui 
pourra  prendre  des  collaborateurs  parmi  les  Instituteurs  faisant  partie  de  la  Société. 

Le  Président  de  la  Société,  celui  de  la  Commission  des  Concours  et  les  Secré- 
taires-Généraux font,  de  droit,  partie  de  toutes  les  Commissions  de  correction. 


Demandes  d'admission  an  Concours: 

Le  même  établissement  ne  peut  présenter  plus  de  dix  candidats  par  série- 
Les  Élèves  devront  se  faire  inscrire,  avant  le  7  Juillet  :       » 

A  Lille,  au  Siège  de  la  Société,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116; 

A  Roubaix,  chez  M.  Destombes,  61,  rue  de  Lille  ; 

A  Tourcoing,  chez  M.  François  Masurel  Père ,  Vice-Président ,  ou  chez  M.  J. 
Petit-Leduc,  Secrétaire,  rue  Nationale,  78. 

La  demande  d'inscription  devra  contenir  : 

1"  L'extrait  de  naissance  sur  papier  libre  ; 

2»  L'indication  de  l'établissement  dont  l'élève  suit  les  cours,  et,  pour  ceux  rece- 
vant l'instruction  dans  leur  famille,  l'adresse  de  leurs  Parents  ; 

3»  La  série  dans  laquelle  l'élève  désire  concourir. 

Toute  demande  d'inscription  qui  ne  renfermerait  pas  ces  renseignements ,  sera 
considérée  comme  nulle  et  non  avenue. 


—  207  - 


Les  impétrants  qui ,  par  suite  de  déclarations  fausses  ou  incomplètes  ,  seraient 
éliminés  du  Concours ,  recevront  avis  de  la  décision  prise  à  leur  égard  par  le 
Comité  d'Études. 

On  peut  se  faire  inscrire  par  demande  affranchie. 


PRIX  ET  RECOMPENSES. 


Les  Prix  et  Récompenses  consisteront  en  Volumes,  Atlas,   Cartes,  Médailles, 
Bourses  de  voyage,  Diplômes,  etc. 

1°  Prix  offerts  par  M.  Paul  Grepy 300  fr. 

2"    —          —         M.  François  Masurel  Père 800 

3»    —         —         M.  Nicolle-Verstraete tOO 

4»  Médailles  offertes  par  M"""  Parnot,  aux  Jeunes  Filles lOO 

5°  Prix  offerts  par  M.  Léonard  Danel ,  à  plusieurs  Jeunes  Gens  Lau- 
réats, consistant  en  un  voyage  dans  une  des 

villes  ou  l'un  des  ports  de  la  région  du  Nord. .  ZOO 

Le   Secrétaire-Général ,  Le  Président  de  la  Société, 

A.  MERCHIER.  Paul  GREPY. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN  1898. 


BRUGES,    SA  PROCESSION 
ET   LES    TRAVAUX   DU    PORT    DE    HEYST. 


8,  9  et  10  Mai  1898. 


Organisateurs  :  MM.  Van  Troostenberghe  et  Calonne. 


(Suite   et  fin)    (1). 


Église  St-Jacques.  —  Une  des  plus  remarquables  églises  de  la  Venise  du  Nord. 
Elle  existait  à  la  fin  du  XII"-  siècle.  Du  siècle  suivant  sont  :  le  bas  de  la  tour, -les 
transepts  et  la  chapelle  septentrionale. 
L'église  fut  remaniée  et  agrandie  de  1457  à  1518  par  Georges  Weylaert,  maitro 


(1)  Voir  tome  XXXI,  1899,  page  124. 


—  208  — 

maçon  et  Corneille  Tielman,  tailleur  de  pierres.  Les  frais  furent  couverts  par  les 
négociants  florentins  et  les  familles  Portunari,  de  Moor  et  de  Gros.  En  1693 ,  on 
mit,  pour  l&mbris,  du  marbre  noir  provenant  de  tombeaux  démolis  et  du  bois  peint 
simulant  le  marbre. 

Une  tomie  plate  en  cuivre  de  Jacques  Bave  (1432)  et  de  sa  moitié  Catherine 
Poltus  (1454)  se  trouve  sous  le  portail  du  côté  droit.  Le  jubé,  en  marbre  noir  et 
blanc,  fut  exécuté  par  Jacques  de  Cockq  (1629)  ;  les  stalles  finement  sculptées  par 
Martin  Moenaert  furent  terminées  en  1674.  Le  maître-autel,  par  Corneille  GaiUiard 
(1666-70),  est  orné  d'un  tableau  représentant  l'Adoration  des  Mages,  par  Jean  Van 
Bockhorst  (1658). 

Les  tableaux  sont  nombreux  et  quelques-uns  ont  de  la  valeur,  principalement  un 
triptyque  de  P.  Pourbus  (1556). 

Le  tombeau,  à  deux  étages,  de  Ferry  de  Gros  et  de  ses  deux  femmes,  Françoise 
d'Ailly  et  Phelippe  Wieland,  dans  la  chapelle  Sud,  est  une  œuvre  d'art  du 
XVP  siècle. 

Sur  la  dalle  supérieure,  Ferry  de  Gros  étendu,  est  représenté  couvert  de  son 
armure  ;  son  épée  et  ses  gantelets  à  côté  de  lui.  11  est  tète  nue  et  ses  pieds 
reposent  sur  un  lion.  Phelippe  'Wieland,  au  même  plan  et  couchée  près  de  son 
mari,  est  habillée  en  blanc,  la  tète  reposant  sur  un  coussin  rouge.  A  ses  pieds,  un 
chien. 

Au-dessous,  repose  Françoise  d'Ailly.  Elle  est  vêtue  d'une  robe  de  velours 
cramoisi  et  d'un  mantelet  bleu  avec  intérieur  blanc  ;  la  tète  est  posée  sur  un  coussin 
vert. 

Le  monument  est  en  pierre  de  Boulogne  et  les  deux  dalles  en  pierre  de  Tournai. 

Les  piliers  latéraux  sont  couverts  d'armoiries.  Au-dessus  du  compartiment  supé- 
rieur est  représenté  l'écu  de  Ferry  de  Gros. 

SuF  des  banderoUes  se  trouve  sa  devise  :  «  Tout  pour  être  toujours  léalle.  » 

D'autres  tombes  méritent  aussi  qu'on  s'y  arrête. 

Dans  une  prochaine  excursion,  oii  nous  pourrons  disposer  d'un  peu  plus  de 
temps,  nous  décrirons  sommairement,  ainsi  qu'il  vient  d'être  fait  :  le  Béguinage, 
le  Minne  Watter,  les  Remparts,  la  porte  Ste-Croix,  la  Société  de  St-Sébastien,  le 
Séminaire,  la  Potterie,  l'École  Normale,  etc. 


U.  —  PROCESSION  DU  ST-SANG. 

Une  description  de  cette  cérémonie  religieuse  a  déjà  été  faite  dans  le  Bulletin  de 
Septembre  1897  de  notre  Société  (p.  170  et  suiv.);  nous  prions  le  lecteur  de  vouloir 
Lien  s'y  reporter. 

Moins  favorisés  que  les  visiteurs  de  l'an  dernier,  qui  avaient  élu  domicile  sur  le 
balcon  de  la  devanture  de  la  baraque  des  singes,  nous  avons  assisté  au  passage  de 
la  procession  sur  un  trottoir  de  la  rue  Nord  du  Sablon,  à  l'angle  de  la  rue  Traver- 
sière,  vis-à-vis  le  collège  St-Louis. 

En  dehors  de  la  richesse  des  divers  éléments  qui  la  forment ,  nous  avons  remar- 
qué le  respect  et  le  recueillement  des  spectateurs  fort  nombreux,  ainsi  que  les 
pèlerinages  composés  d'habitants  des  villages  environnants  traversant  la  ville,  tête 
découverte  et  récitant  le  chapelet  sans  se  laisser  distraire  par  quoi  que  ce  soit. 

Nous  devons  une  mention  spéciale  au  tambour-major  de  la  musique  de  la  garde 
civique.  Un  géant,  en  tenue  militaire,  le  chef  coiffé  d'un  bonnet  à  poils  de  haute 
dimension.  U  est  digne  et  c'est  avec  fierté  qu'il  remplit  depuis  de  longues  années 


—  209  — 

déjà,  le  rôle  qui  lui  est  confié.  Il  est  âgé,  me  dit  raimablo  M.  Van  Troostenbero-he, 
et  cependant  il  a  la  désinvolture  d'un  homme  encore  jeune. 
Nous  donnons  ci-après  un  relevé  des  divers  groupes  que  nous  avons  vu  passer  : 

Corps  de  Musique  des  Lanciers.  —  Peloton  de  Lanciers. 

I.  —  Farcisse  de  Ste-Marie-Madeleine. 

Croix  et  acolytes.  —  Bannière. 
Groupe  de  la  Sainte-Elnfance. 
Groupe  de  saint  Joseph, 
Groupe  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Enfants  portant  des  oriflammes  et  des  fleurs.  —  Statue. 
Groupe  de  sainte  Marie-Madeleine. 
Marie-Madeleine  (avant  sa  conversion). 
Marie-Madeleine  (après  sa  conversion). 

Elle  est  suivie  de  deux  femmes  portant  le  nard  précieux ,  et  de  deux  autres  por- 
tant le  Saint-Suaire. 
Marie-Madeleine  exerçant  la  Pénitence  en  Provence.   Elle  est  entourés  d'anges. 
Groupe  de  la  Confrérie  de  N.-D.  de  la  Rançon. 
Le  Clergé  paroissial. 

n.  —  Paroisse  de  Ste-Anne. 

Croix  et  acolytes. 

Bannière  de  sainte  Barbe. 

Groupe  de  saint  Benoît  Labre. 

Bannière.  —  Oriflammes.  —  Statue. 

Groupe  de  la  Sainte-Enfance. 

Chinois  portant  des  cartels.  —  Statue  de  l'Enfant-Jésus. 

Groupe  de  saint  Aloys  de  Gonzague,  patron  de  la  jeunesse. 

Groupe  de  sainte  Anne. 

Jeunes  filles.  —  Statue. 

Anges  entourés  de  Vierges  et  portant  les  emblèmes  des  trois  vertus  théologales  : 
la  croix,  l'ancre  et  le  cœur. 

Groupe  de  N.-D.  aux  patrons  de  la  peste. 

Vierge.  —  Bannière  de  N.-D. 

Groupe  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Bannière  du  Saint-Sacrement.  —  Bannière  du  Sacré-Cœur. 

Vierges  portant  les  instruments  de  la  Passion. 

Statue  du  Sacré-Cœur. 

Groupe  de  sainte  Marguerite,  martyre. 

Bannière,  bouquets  et  cartels.  —  Anges  portant  des  branches  de  lys  et  de  pal- 
miers, ainsi  que  des  glaives,  symboles  du  martyre. 

Sainte  Marguerite  richement  costumée. 

Groupe  du  Saint-Sépulcre. 

Chevaliers  du  Saint-Sépulcre. 

Le  Tombeau  de  Notre-Seigneur.  —  Groupe  de  Croisés. 

Les  trois  Saintes-Femmes. 

Le  Clergé  paroissial. 

14 


—  210  — 


TTT.  —  Faroisse  de  Ste-'Walburge. 

Croix  et  acolytes. 

Groupe  de  sainte  Walburge,  patronne  de  l'église. 

Walburge,  fille  du  roi  d'Angleterre,  entourée  de  ses  nobles  compagnes  et  de 
Vierges  portant  des  symboles  relatifs  à  l'histoire  de  sa  vie. 

"Walburge,  abbesse  d'Eichstadt  et  ses  religieuses. 

Châsse  de  sainte  Walburge. 

Groupe  de  saint  Joachim,  père  de  la  Sainte- Vierge  Marie. 

Groupe  de  saint  Joseph.  —  Bannière. 

Enfaïus  portant  des  inscriptions  en  l'honneur  de  saint  Joseph. 

Statue. 

Groupe  de  la  Confrérie  de  N.-D.  du  Saint-Rosaire. 

Vierges,  en  costumes  variés,  portant  des  bannières  représentant  les  15  Martyres. 

Le  Rosaire  représenté  par  une  Vierge  vêtue  d'une  robe  d'argent  et  portant  un 
chapelet.  Elle  est  entourée  de  15  jeunes  filles  reliées  au  chapelet  par  15  guirlandes 
de  10  roses,  symboles  des  «  Ave  ». 

La  statue  miraculeuse  de  N.-D.  du  Saint-Rosaire. 

Groupe  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Les  Promesses  que  Notre-Seign^  ■  "     faites  à  la  bienheureuse  Marie  Alacoque. 

Le  Clergé  paroissial. 

Corps  de   Musu-        de   la   Garde   civique. 

IV.  —  Paroisse  de  St-Gilles. 

Croix  et  acolytes.  —  Bannière. 

Groupe  en  l'honneur  de  saint  Gilles.  —  Saint  Gilles  dans  sa  jeunesse.  —  Ses 
compagnons.  —  Trois  guérisons  obtenues  par  son  intercession.  —  Saint  Gilles, 
ermite,  vivant  dans  une  caverne  avec  Vérédème.  —  Sa  découverte  par  "Wamba, 
roi  d'Espagne.  —  Wamba  fait  ériger  un  couvent,  oii  saint  Gilles  introduit  la  règle 
de  saint  Benoît. 

Saint  Gilles,  abbé  des  Bénédictins,  chassé  parles  Sarrazins.  Il  obtient  de  Charles- 
Martel,  roi  des  Francs,  la  reconstruction  de  son  abbaye. 

L'église  de  St-Gilles,  à  Bruges,  obtient  en  1466,  la  précieuse  relique  de  son 
patron  par  l'intermédiaire  de  Messire  Guillaume  de  Grachaut. 

Groupe  de  N.-D.  de  la  Merci. 

Vierges  portant  les  unes  des  bannières  et  les  autres  des  bouquets.  —  Statue. 

Groupe  de  bergères. 

Les  trois  vertus  théologales  :  la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité. 

Groupe  de  la  Sainte-Famille.  —  Anges. 

Groupe  de  la  Passion. 

Les  emblèmes  et  les  instruments  de  la  Passion  portés  par  des  jeunes  filles  vêtues 
de  pourpre. 

Groupe  de  N.-D.  du  Sacré-Cœur.  —  Vierges.  —  Statue. 

Le  Clergé  paroissial. 

V.  —  Paroisse  de  St- Jacques. 

Groupe  de  la  Confrérie  de  Sainte-Barbe. 

Bannière.  —  Pureté  de  sainte  Barbe.  —  Trois  fillettes  portant  :  Croix,  livre  dos 


—  21 1  — 

Evangiles  et  Couronne  de  Vierges.  —  Sainte  Barbe  portant  sa  tour,  accompagnée 
de  nobles  dames  d'honneur  ayant  des  lys  à  la  main. 

Mailyre  de  sainte  Barbe.  —  Des  jeunes  filles  en  costumes  rouges  et  verts  et  qui 
portent  des  instruments  du  martyre  :  Sainte  Barbe  ,  à  cause  de  sa  foi ,  fut  coupée 
au  moyen  de  ciseaux,  déchirée  avec  des  crochets  pointus,  brûlée  au  moyen  de 
torches,  frappée  de  marteaux  et  finalement  décapitée  par  son  propre  père. 

Glorification  de  sainte  Barbe. 

La  Relique  (bras  gauche  et  avant-bras)  de  la  Sainte,  entourée  d'anges  et  d'en- 
censeurs. 

Groupe  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 
.  Garçons  vêtus  de  blanc  et  de  rouge,  portant  oriflammes  et  emblèmes. 

Groupe  de  la  Sainte-Famille. 

Vierges  portant  des  fleurs  et  des  invocations  en  son  honneur. 

Groupe  de  saint  Jacques,  patron  de  la  paroisse. 

Vocation  de  saint  Jacques  :  12  pêcheurs  précédés  de  3  jeunes  garçons  portant 
l'inscription  évan^^ique  :  «  Suivez-moi,  je  vous  ferai  pêcheurs  d'hommes.  » 

La  mission  apos.  'ique  de  saint  Jacques  :  les  12  apôtres  et  au  milieu  d'eux  le 
divin  Maître  qui  les  envoie  à  toutes  les  natio  s,  prêcher  l'Evangile. 

Œu\Tes  apostoliques  de  saint  Jacques  :  Sa  '  '"  icques  et  12  pèlerins  en  costume 
traditionnel,   figurant   ses   voyages   apostoliq  en    Palestine    et    en    Espagne 

(Compostelle). 

Le  Clergé  paroissial.  'P- 


VI.  —  Farcisse  de  I>fotre-I3anie. 

Deux  bannières  au  chiffre  de  Marie. 

Croix  et  acolytes. 

Groupe  de  saint  Jean  Berchmans. 

Ecusson  porté  par  deux  enfants  vêtus  de  blanc. 

Garçons  en  costume  bleu,  portant  les  uns  des  oriflammes,  les  autres  de  splen- 
dides  branches  de  lys. 

Anges  aux  encensoirs  à  parfums. 

Ange  portant  une  relique  du  Saint.  —  Statue. 

Groupe  des  orphelines  de  la  maison  «  Maria-School  ». 

Les  enfants  représentant  le  culte  de  Marie. 

Groupe  de  saint  Boniface. 

9  enfants  en  costume  rouge  et  bleu  portant  des  cartels. 

4  jeunes  gens  portent  sur  coussins  en  satin  les  4  emblèmes  que  l'on  attribue 
ordinairement,  dans  l'art  chrétien,  à  saint  Boniface,  notamment  :  1»  le  livre  des 
Évangiles  perforé  d'un  glaive  ;  3"  le  Pallium  ;  3"  la  Mitre  ;  4"  la  Crosse  de  l'évêque. 

Groupe  de  la  Confrérie  de  N.-D.  de  la  Bonne-Mort. 

Bannière. 

18  Vierges  richement  costumées,  portant  des  palmes  et  des  fleurs.  —  Statue. 

Groupe  de  la  Sainte-Croix. 

Jeunes  gens  portant  des  cartels  avec  guirlandes. 

L'insigne  Relique  entourée  de  lumières  est  portée  sur  un  magnifique  brancard  et 
sous  baldaquin  en  satin  rouge. 

Le  Clergé  paroissial. 


—  212  — 

Corps  de   Musique   de   la  «  Burgersgilde  ». 

Cathédrale  de  St-Sauveur. 

Croix  et  acolytes. 

Le  Drapeau  de  la  ville.  (Le  porte-étendard  revêtu  du  costume  du  XIV«  siècle, 
les  nouvelles  armoiries  de  la  ville  datant  de  1304. 

Blasons  des  XXII  Evèques  de  Bruges. 

Groupe  du  Saint  Nom  de  Jésus. 

Le  Saint  Nom  glorifié  sur  la  terre. 

Bannière  de  la  Confrérie. 

4  Lévites  portant  une  gerbe  de  fleurs  que  surmonte  le  globe  terrestre  et  dans 
laquelle  on  a  piqué  2  banderolles  aux  inscriptions  :  «  Que  toutes  les  nations  louent 
le  Seigneur,  qu'elles  louent  son  Saint  Nom.  »  (Ps.  cxvii  et  cxvni). 

33  jeunes  garçons  avec  les  drapeaux  de  diverses  nations,  en  costume  propre  à 
chaque  pays  dont  ils  portent  les  couleurs  nationales. 

Idem  jeunes  filles  en  costume  national  du  pays,  dont  elles  portent  les  armoiries. 
.  Le  Saint  Nom  glorifié  dans  le  ciel. 

Anges  portant  sur  une  hampe  en  trophée  la  doxologie  :  «  Que  le  Saint  Nom  de 
pieu  soit  béni.  » 

Le  divin  Sauveur  que  vénèrent  les  9  chœurs  des  anges  avec  encensoirs  de 
parfums. 

Groupe  du  Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Bannière. 

Enfants  portant  des  bouquets  et  des  oriflammes. 

Groupe  de  Vierges  portant  des  banderolles  sur  lesquelles  sont  inscrites  les  Pro- 
messes faites  par  Notre-Seigneur  à  la  bienheureuse  Marguerite-Marie  Alacoque. 
Ces  banderolles  sont  ajustées  à  des  hampes  autour  desquelles  serpentent  des  guir- 
landes couronnées  de  bouquets  de  fleurs.  —  Statue. 

Groupe  de  Notre-Dame  des  VII  Douleurs. 

Bannière. 

7  anges  vêtus  de  blanc  et  de  pourpre,  portant  des  oriflammes  avec  inscriptions 
des  sept  douleurs.  —  Statue. 

Les  Ordres  religieux. 

Les  Élèves  du  Grand-Séminaire. 

Le  Clergé. 

Le  Chapitre  de  la  cathédrale  de  St-Sauveur. 

La  précieuse  Relique  du  Saint-Sang. 

Garde  d'honneur. 

S.  G.  Monseigneur  G.-J.  Waff'elaert,  évêque  de  Bruges. 

Autorités  civiles. 

Peloton  de  Lanciers. 


m.  —  TRAVAUX. 

Port  d'escale  de  Heyst.  —  Canal  maritime  de  Bruges.  —  Port  de  Bruges. 

Comme  nous  l'avons  dit  dans  la  1'''=  partie,  la  cause  principale  de  la  décadence 
de  Bruges  fut  l'ensablement  du  «  Zwin  ». 
Malgré  les  nombreux  efforts  tentés  pour  enrayer  cet  ensablement,  il  fallut,   vers 


—  213  — 

1545,  abandonner  toute  espérance  et  condamner  cet  antique  bras  de  mer  comme 
voie  navigable. 

A  cette  époque,  un  peintre  et  ingénieur,  du  nom  de  Lancelot  Blondeel,  afin 
d'empêcher  le  dépérissement  qu'il  prévoyait,  dressa  un  projet  de  port  nouveau  à  la 
hauteur  de  Heyst,  avec  un  canal  d'embranchement  à  grande  section  vers  Bruges. 
Ce  projet  ne  fut  jamais  mis  à  exécution. 

Depuis  lors,  trois  siècles  et  demi  se  sont  écoulés,  l'idée  a  été  reconnue  bonne  et 
les  travaux  en  cours  la  réalisent. 

Les  études  ont  été  longues  et  raisonnées  ;  il  est  vrai  que  la  vérité  marche  len- 
tement. 

Bruges  n'a  plus  d'autre  accès  à  la  mer  que  le  canal  d'Ostende,  n'offrant  que 
4'",50  de  mouillage  et  dont  les  ouvrages  n'ont  que  12  m.  de  largeur.  La  Belgique 
n'a  pas  de  port  d'escale  à  la  côte  ;  le  port  de  Heyst  comblera  cette  lacune,  car  les 
profondeurs  sont  peu  distantes  de  la  côte. 

Nous  annexons  au  présent  compte  rendu  une  carte  sur  laquelle  le  projet  adopté 
est  tracé,  nous  avons  en  outre  indiqué  dans  le  plan  de  Bruges  qu'il  contient, 
l'emplacement  des  divers  monuments. 

Voici  le  programme,  approuvé  par  le  Ministre  de  l'Agriculture,  de  l'Industrie  et 
des  Travaux  publics  le  28  Août  1891,  des  clauses  et  conditions  d'un  concours 
public,  en  vue  de  la  concession,  par  voie  de  péages  et  pour  une  durée  de  soixante- 
quinze  ans,  des  travaux  que  comporte  l'établissement  d'un  port  de  mer  à  Bruges 
par  Heyst. 

PROGRAMME. 

I.  «  Un  port  à  Bruges,  situé  à  proximité  du  bassin  actuel  et  immédiatement  au 

>  delà  du  canal  de  Bruges  à  Ostende.   Ce  port  sera  susceptible,  dès  le  principe, 

>  d'une  capacité  minima  de  trafic  maritime  total  de  un  million  de  tonnes  de  poids 
»  par  année.  11  comportera  les  longueurs  de  quais,  les  surfaces  de  terre-plein,  de 
»  hangars,  d'entrepôts,  les  voies  ferrées,  les  voies  charretières,  les  appareils  de 
»  chargement  et  de  déchargement,  en  un  mot,  l'outillage  complet,  cales  sèches 
»  comprises,  pour  desservir  un  pareil  trafic.  » 

»  Les  installations  doivent  être  susceptibles  d'extensions  à  mesure  des  besoins. 
3>  Les  plans  à  fournir  devront  indiquer  ces  extensions  et  les  terrains  qu'elles  exige- 
»  ront  devront  être  acquis  dès  le  début  de  l'entreprise.  » 

II.  X(  Un  canal  maritime  de  8  mètres  de  mouillage  au  minimum,  aussi  direct  que 

>  possible,  alimenté  par  l'eau  de  mer,  reliant  Bruges  à  l'avant-port  de  Heyst  et 
»  satisfaisant  à  toutes  les  conditions  requises  pour  la  grande  et  rapide  navigation. 
»  La  flottaison  sera  établie  à  la  cote  (-|-  3°',50)  du  zéro  d'Ostende.  » 

III.  «  L'établissement  d'un  avant-port  à  Heyst,  permettant,  en  tout  état  de  marée, 
»  la  flottaison  des  navires  calant  8  mètres.  Cet  avant-port  comportera,  dès  le  prin- 
»  cipe,  un  accostage  direct,  un  développement  de  quais  de  1.000  m.,  avec  les 
»  surfaces  et  l'outillage  nécessaires  pour  desservii*  le  trafic  des  steamers  et  des 
»  escales.  » 

Parmi  les  projets,  la  Commission,  après  de  laborieuses  et  intéressantes  discus- 
sions, choisit  le  dispositif  présenté  par  MM.  Coiseau  et  Cousin,  et  le  Gouvernement 
demanda  à  la  province,  à  la  ville  et  aux  concessionnaires  d'assumer,  dans  la 
dépense  qui  est  estimée  à  38  millions  et  demi  de  francs,  la  charge  du  canal  mari- 
time et  des  installations  de  Bruges,  qui  atteint  une  somme  de  près  de  12  millions 


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•—  215  — 

et  demi,  le  Gouvernement  prenant  à  la  charge  de  l'État,  l'établissement  du  port 
d'escale  évalué  à  26  millions  de  francs. 
Nous  allons  donner  un  résumé  de  ce  projet  : 

Port  d'escale  de  Heyst.  —  Le  port  d'escale  se  composera  d'une  grande  jetée 
courbe  se  détachant  de  la  côte,  entre  Blankenberghe  et  Heyst,  à  2.000  mètres  des 
écluses  d'évacuation  des  canaux  de  Selzaete  et  de  Schipdonck  ;  son  extrémité 
ramenée  parallèlement  à  la  côte  est  distante  de  850  mètres  de  la  laisse  de  basse 
mer.  Cette  jetée  comprend  trois  parties  :  la  partie  pleine,  sur  l'estran,  qui  abritera 
le  port  contre  les  vols  de  sable  de  l'Ouest  ;  elle  a  232  m.  de  développement  ;  une 
partie  à  claire- voie  de  306  m.,  en  pallées  métalliques  entretoisées  et  contreventées, 
distantes  de  5  m.  et  portant  un  tablier  de  pont  destiné  à  la  circulation  des  trains. 
La  partie  pleine  du  môle  aura  une  longueur  totale  de  1.519  m.,  sa  base  sera  formée 
de  monolithes  de  2.500  à  3.000  tonnes.  Ces  blocs  reposeront  sur  un  arasement  du 
fond,  fait  à  l'aide  de  petits  moellons  ;  extérieurement ,  le  quai  sera  protégé  contre 
l'affouillement  par  des  enrochements  (v.  le  profil). 

Ces  monolithes  mesurant  25  m.  de  longueur  sur  7"" ,.50  de  largeur  et  de  hauteur 
variable,  selon  le  niveau  de  fond,  s'élèveront  jusque  vers  1  m.  au-dessus  de  la 
basse  mer. 

Ils  porteront  un  corps  de  jetée  formé  de  blocs  de  50  tonnes.  Au-dessus  de  la 
côte  -j-  7  m.%  un  parapet  en  béton,  moulé  sur  place,  de  3  m.  d'épaisseur  et  dont  le 
sommet  sera  de  -|-  13  m.,  complétera  le  môle. 

Sur  une  longueur  de  1.194  m.,  le  môle  appuiera  un  terre-plein  limité  vers  l'inté- 
rieur par  des  murs  de  quai  et  portant  les  hangars  et  voies  ferrées. 

Au  delà  du  terre-plein,  le  môle  aura  9  m.  à  la  base,  6"" ,50  pour  la  partie  médiane 
et  4'",50  à  hauteur  du  mur  d'abri. 

Le  musoir  terminal  aura  16  m.  de  diamètre  et  portera  un  feu. 

Cette  jetée  embrassera  une  rade  qui,  sur  300  m.  à  partir  du  môle,  présentera  une 
profondeur  de  8  m.  sous  les  marées  basses  de  vives  eaux. 

L'étendue  protégée  contre  les  vents  dominants  du  Sud  au  Nord-Ouest  et  les  vents 
de  tempête  du  Sud-Ouest  au  Nord-Ouest  atteindra  110  hectares. 

La  jetée  couvrira,  jusque  dans  la  direction  Nord-Est  et  Nord,  l'entrée  du  chenal. 
Le  port  sera  ouvert  vers  l'Est,  les  vents  et  la  mer  ayant  peu  de  violence  de  ce  côté. 

Les  quais  d'accostage  du  port  d'escale  seront  fondés  à  des  cotes  variant  de  9  m. 
à  9°',50.  Ils  seront  garnis  de  hangars  et  de  grues  électriques. 

Le  chenal  s'ouvre  dans  la  rade  abritée  ;  il  a  50  m.  de  largeur  au  plafond  établi  à 
la  cote  de  6  m.  et  106  m.  à  la  flottaison  des  marées  hautes  moyennes. 

Les  talus  sont  protégés  par  un  perré  maçonné. 

L'entrée  du  chenal  présente  une  ouverture  de  200  m.,  limitée  par  des  jetées 
basses  en  maçonnerie. 

L'extrémité  de  ces  jetées  sera  signalée  par  des  feux  de  port. 

La  longueur  du  chenal  est  de  750  m.  ;  il  donne  accès  à  l'écluse  maritime  de  20  m. 
de  largeur  et  d'une  longueur  totale  de  282  m.,  constituée  de  deux  têtes  indépen- 
dantes et  d'un  sas  d'une  longueur  de  158  m. 

Les  têtes  d'écluses  sont  à  portes  roulantes  s'effaçant  dans  les  chambres  ménagées 
latéralement  dans  les  bajoyers.  Ces  portes  sont  en  acier  ;  leur  manœuvre  se  fera 
à  l'aide  de  la  force  électrique. 

A  l'amont  de  cette  écluse  se  présente  un  bassin  de  660  m.  de  long  formé  par  uu 
élargissement  du  canal  maritime  de  Bruges.  Il  a  50  m.  de  plafond  et  est  bordé  de 
talus  perreyés. 

La  rive  Ouest  longe  un  terre-plein  de  100  m.  de  largeur  desservi  par  voies 
ferrées  et  cinq  estacades  d'accostage. 


—  217  — 

Canal  maritime  de  Bruges.  —  Le  canal  maritime  de  Bruges  débouche  dans 
rarrière-port,  son  axe  coïncide  avec  celui  de  l'écluse  et  du  chenal.  Il  a  22  m.  au 
plafond  ;  70  m.  à  la  flottaison.  Sa  profondeur  est  de  8  m.  et  peut  être  portée 
à  8"',50. 

Les  talus  sont  revêtus  d'un  perré  de  0'",30  d'épaisseur  en  moellons  posés  sur  un 
corroie  d'argile. 

Entre  Bruges  et  la  mer,  le  canal  est  coupé  par  un  pont  tournant  pour  route  ;  il  a 
22  m.  de  passe  libre,  51  m.  de  longueur  et  4'",80  de  largeur. 

Un  bac  de  passage  d'eau  sera  établi  entre  ce  pont  et  l'arrière-port. 

Port  de  Bruges.  —  Le  port  de  Bruges  comprendra  deux  bassins  reliés  par  une 
écluse  au  canal  d'Ostende  et  bordés  de  terres-pleins  munis  de  grues,  de  hangars, 
de  voies  ferrées  et  constructions  nécessaires  au  port.  Les  deux  bassins  seront 
parallèles  et  de  longueur  difî'érente.  Ils  seront  séparés  par  un  môle  de  120  m.  de 
largeur.  Le  bassin  Ouest  aura  540  m.  de  longueur  avec  mouillage  de  6'",50  ;  il  sera 
bordé  de  talus  perrés  avec  appontements. 

Le  bassin  de  l'Est  sera  bordé  de  quais  ;  son  mouillage  sera  de  8  m.  ;  le  dévelop- 
pement des  quais  sera  de  800  m. 

Ces  deux  bassins  seront  reliés  par  un  bassin  d'évolution  dans  lequel  s'ouvrira  le 
canal  maritime. 

Au  fond  du  bassin  d'Ouest  sera  placée  l'écluse  maritime  qui  reliera  les  bassins 
de  Bruges  avec  le  canal  d'Ostende  et  avec  le  réseau  navigable  du  pays. 

Cette  écluse  aura  12  m.  de  largeur  et  une  longueur  totale  de  172  m.,  dont  97"", 40 
pour  le  sas. 

Deux  ponts  tournants,  l'un  pour  route,  l'autre  pour  chemin  de  fer,  seront  établis 
sur  cette  écluse. 

L'ensemble  de  ces  travaux,  décrétés  par  la  loi  du  11  Septembre  1895,  forme  une 
entreprise  à  forfait,  confiée  à  MM.  Goiseau  et  J.  Cousin  pour  la  somme  de 
38.969.075  francs. 

Le  délai  d'achèvement  est  le  11  Septembre  1902. 

L'exploitation  des  ports  et  du  canal  maritime  a  été  concédée  à  la  Compagnie  des 
Installations  maritimes  de  Bruges,  au  capital  de  9  millions  de  francs. 

Pour  terminer,  nous  extrayons  d'un  ouvrage  intitulé  :  «  Le  Port  de  vitesse  de 
Heyst  »,  de  MM.  J.  Nissens,  Hart  et  J.  Zone,  ingénieurs,  les  passages  ci-après, 
pour  bien  montrer  combien  nos  voisins  comptent  obtenir  d'excellents  résultats  de 
leur  entreprise  : 

«  A  la  suite  de  l'approbation  du  projet  par  la  Commission  belge  ,  le  Gouverne- 
»  ment,  justement  soucieux  de  créer  un  port  qui  offrit  à  la  grande  navigation  le 
>  service  qu'on  en  attendait,  et  poussé  dans  cette  voie  par  le  Parlement  et  par  la 
»  presse,  a  consulté  d'éminents  spécialistes  étrangers.  Ce  sont  :  MM.  Coode,  Son 
»  et  Matthews,  ingénieurs  conseils  techniques  du  gouvernement  des  colonies 
»  anglaises,  Chapman ,  superintendant  de  la  Royal  Mail  Cy  à  Southampton,  C. 
»  Husson,  chef  du  service  maritime  des  Chargeurs-Réunis  du  Havre. 

»  La  note  qui  expose  leur  opinion  a  été  livrée  à  la  pubUcité  :  après  avoir  déclaré 
»  que  le  môle  breakveater  est  absolument  indispensable  dans  la  situation  de  l'atter- 
»  rage  de  Heyst  pour  mettre  à  l'abri  les  navires  devant  faire  escale  et  l'entrée  du 
»  chenal,  et  que  le  dispositif  réunit  à  leur  avis  toutes  les  dispositions  désirables, 
*  ces  spécialistes  déclarent  que  le  port  répondra  à  toutes  les  conditions  d'acces- 
»  sibilité  et  de  sécurité  des  grands  navires,  et  leur  conclusion  très  formelle  mérite 
»  d'être  citée  : 

«  Dans  tous  les  cas,  pour  nous  résumer,  nous  affirmons  que  le  port  projeté  sera 


—  218  — 

»  certainement  le  meilleur  port  que  nous  connaissions  sur  la  côte  française,  belge 
»  et  hollandaise,  depuis  Cherbourg.  » 

»  Pareille  conclusion,  allant  de  pair  avec  celles  de  la  Commission  belge,  tranche 
»  sans  hésitation  la  question  technique,  et  il  est  avéré  que  nous  pouvons  posséder 
»  sur  notre  côte  un  port  d'escale  supérieur  à  tous  les  ports  actuellement  existants 
»  sur  la  côte  occidentale  du  contient. 

» 

» 

» 

»  Le  port  tel  qu'il  est  conçu  et  dont  une  maquette  au  1/1.000''  est  l'un  des  plus 
»  attrayants  modèles  du  compartiment  du  génie  civil  à  l'Exposition  d'Anvers, 
»  offrira  sur  un  développement  de  1.000  m.  un  accostage  aux  grands  navires  de  la 
»  flotte  du  Nord,  avec  un  mouillage  de  8  m.  aux  marées  basses  de  vives  eaux  : 
»  c'est  la  profondeur  du  port  de  Guxhaven.  Ces  quais  auront  deux  fois  et  demi  le 
»  développement  de  ceux  que  Le  Havre  voudrait  construire  pour  ses  transatlan- 
»  tiques  rapides. 

»  Sitôt  accosté,  le  navire  pourra  débarquer  ses  voyageurs,  qui  trouveront  sur  le 
»  même  môle,  à  l'abri  d'une  jetée  qui  s'élève  à  8"" ,50  au-dessus  de  haute  mer,  les 
»  trains  rapides  qui  doivent  les  mener  à  destination.  Le  transbordement  des  mar- 
»  chandises  se  fera  à  l'aide  de  grues  mues  à  l'électricité,  et  des  hangars  importants 
»  recevront  en  dépôt  celles  qui  auraient  été  expédiées  trop  tôt  et  qui  devraient 
»  attendre  le  passage  de  la  ligne  régulière  à  laquelle  ils  sont  destinés. 

»  Tout  est  donc  conçu  de  ce  côté  pour  assurer  des  opérations  accélérées,  et 
»  quelques  heures  suffiront  pour  opérer  une  escale  à  notre  côte.  » 

Quoi  qu'il  en  soit ,  les  travaux  dont  il  s'agit  donnent  lieu  à  de  nombreux  inci- 
dents qu'ont  relatés  les  journaux  belges  :  «  La  Métropole  »,  «  La  Patrie  »,  La 
Chronique  »,  «  Le  Journal  de  Bruxelles  »,  etc. 

Le  Gouvernement,  paraît-il,  envisage  la  question  des  installations  maritimes  de 
Bruges  sous  deux  points  de  vue 

Le  côté  économique  et  le  côté  qui  touche  le  caractère  artistique  de  la  ville. 

L'intérêt  de  celle-ci  est  lié  à  l'un  comme  à  l'autre,  et  le  Gouvernement  désire 
ardemment  que  le  port  ne  nuise  en  rien  à  l'aspect  si  intéressant  et  si  captivant  de 
la  vieille  cité  historique  flamande  (c'est  sans  doute  pour  ce  motif  que  l'on  a  attendu 
trois  cent  cinquante  ans  pour  essayer  de  lui  rendre  un  peu  de  vitalité).  Agir  autre- 
ment, dit-il,  serait  porter  un  coup  mortel  à  l'avenir  de  Bruges. 

De  cette  situation,  il  résulte  que  les  délibérations  communales  relatives  aux 
expropriations  et  aux  alignements  nécessaires  pour  l'exécution  des  travaux,  même 
celle  relative  au  dégagement  de  l'hôtel  Gruithuse,  soumises  à  l'approbation  royale, 
restent  en  suspens. 

Notre  programme  est  achevé  et  vers  nos  pénates  il  nous  faut  revenir. 

Toutefois,  avant  notre  départ,  à  la  fin  d'un  excellent  dîner  au  Grand  Hôtel  du 
Commerce  à  Bruges,  M.  Croin,  au  nom  de  tous,  remercie  dans  un  toast  chaleu- 
reux, MM.  Van  Troostenberghe  et  Calonne  de  nous  avoir  si  bien  dirigés  et  fait 
passer  d'une  manière  aussi  agréable  qu'utile  le  peu  de  temps  dont  nous  disposions. 
Nous  avons  également  sablé  le  Champagne  en  l'honneur  des  charmantes  dames  qui 
avaient  eu  l'amabilité  de  nous  accompagner. 

Nous  quittons  Bruges  à  4  h.  50  et  à  7  h.  40  nous  arrivons  en  gare  de  Lille , 
enchantés  de  notre  excursion,  et  après  une  cordiale  poignée  de  mains,  chacun  s'en 
retourne  chez  soi. 

V.  PIGACHE. 


^  219 


ÉPHEMERIDES  DE  L^ANNÉE  1898 


MARS. 

3.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Mévil  :  La  Guinée 
française  et  la  Côte  d'Ivoire. 

3.  —  Ouganda.  —  La  Chambre  des  Communes  vote  l'indemnité  réclamée 
depuis  six  ans  par  les  P.  Blancs  français,  lors  des  massacres  de  1892. 

4.  —  Grèce.  —  La  Chambre  vote  le  projet  de  contrôle  financier. 

6.  —  Chine.  —  Convention  signée  à  Pékin  cédant  à  bail  à  l'Allemagne  pour 
99  ans  la  baie  de  Kiao-Tchéou,  déjà  occupée  par  les  Allemands. 

6.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  R.  Paillot  :  Au 
Pays  des  Croisés,  Rhodes,  Chypre,  Palestine. 

7.  —  Autriche.  —  A  la  suite  de  la  démission  du  cabinet  Gautsh,  le  comte  Thun 
forme  un  nouveau  ministère. 

i4.  —  Autriche.  —  Le  gouvernement  autrichien  fait  saisir  le  sabre  d'honneur 
offert  au  colonel  Picquart  par  les  habitants  de  Buda-Pesth. 

i5.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  LagriUière-Beau- 
clerc  :  Be  Lille  au  Sénégal  et  au  Soudan  avec  M.  André  Lehon. 

iô.  —  Crète.  —  L'Allemagne  retire  ses  troupes. 

iô.  —  Congo.  —  Achèvement  du  chemin  de  fer  de  Matadé  à  Dolo  (388  kil.) 
commencé  en  1890.  —  La  première  locomotive  arrive  au  Stanley-Pool. 

19.  —  OcÉANiE.  —  Loi  déclarant  les  îles  Sous-le-Vent  de  Tahiti  partie  intégrante 
du  domaine  colonial  de  la  France. 

23.  —  États-Unis.  —  Manifestations  anti-espagnoles  aux  États-Unis. 

24.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  l'abbé  Rouiet  : 
La  Colonisation  française.,  chances  de  succès. 

26.  —  Allemagne.  —  Le  Reichstag  vote  pour  7  ans  les  crédits  de  la  marine. 

26.  —  Espagne.  —  Mémorandum  du  gouvernement  espagnol  aux  six  grandes 
puissances  pour  protester  contre  l'agression  des  États-Unis. 

27.  —  Espagne.  —  Élections  législatives,  majorité  libérale. 

27.  —  Chine.  —  La  Chine  cède  à  bail  pour  25  ans  Port-Arthur  et  Tallen-Wan 
à  la  Russie. 
.     31.  —  Chine.  —  Cession  à  bail  à  la  France  de  la  baie  de  Kouang-Tchéou. 

31.  —  Algérie.  —  Manifestation  des  femmes  antisémites  à  Alger. 

31.  —  Corée.  —  La  Russie  rappelle  son  conseiller  financier  et  ses  instructeurs 
militaires. 


-  220  - 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


AFRIQUE. 

liC  coton  du  i^ndaii.  —  Pairmi  les  produits  du  Soudan,  le  coton  est  l'un 
de  ceux  sur  lesquels  on  compte  le  plus.  Cette  colonie  pourra  peut-être  devenir  un 
jour  une  productrice  importante  de  cette  matière  première.  Préoccupé  de  savoir  si 
le  coton  récolté  dans  sa  colonie  pourrait  lutter  avantageusement  avec  ceux,  qui 
proviennent  actuellement  des  grands  pays  cotonniers  du  monde:  les  Etats-Unis, 
l'Inde,  rÉgypte,  le  général  de  Trentinian  a  soumis  à  la  Société  industrielle  de 
Rouen  des  échantillons.  L'examen  auquel  il  fut  procédé  n'a  pu  conduire  à  une  esti- 
mation sûre,  les  échantillons  étant  trop  petits  ;  mais  les  constatations  faites  sont 
plutôt  encourageantes. 

Voici,  par  exemple,  ce  que  dit  M.  Mabire,  le  rapporteur  de  la  commission 
chargée  par  le  comité  de  mécanique  d'apprécier  les  échantillons  au  sujet  de  l'up 
d'eux  :  Kati,  coton  indigène  cultivé  non  égrené.  «  11  est  Liane,  fin,  assez  régulier, 
et  présente  beaucoup  d'analogie  avec  le  coton  des  États-Unis  d'Amérique  ;  il 
devrait  convenir  aux  mêmes  usages.  A  signaler  une  certaine  quantité  de  graines 
entourées  de  coton  tout  à  fait  jaune,  lequel  est  absolument  sans  qualité,  etpourrait 
rendre  le  coton  blanc  inemployable  par  la  filature  s'il  s'y  trouvait  mélangé  dans  la 
même  proportion  que  le  petit  échantillon.  » 

Cette  appréciation  s'applique  à  un  coton  indigène  ;  en  voici  une  autre  qui  con- 
cerne un  coton  obtenu  par  semis  de  graines  de  coton  Géorgie,  longue  soie  qui  est 
plus  satisfaisante.  —  «  Nioro.  Non  égrené,  coton  très  blanc,  très  fort,  très  fin  et 
soyeux,  mais  très  irrégulier  dans  la  longueur  des  fibres,  ce  qui  pourrait  l'empêcher 
de  lutter  avantageusement  avec  les  plus  beaux  cotons  longue  soie  connus,  auxquels 
seuls  il  peut  être  comparé.  Sa  graine  petite  et  noire  se  détache  facilement  des 
fibres  j>.  Etc. 

liCS  cotonnades  frauçftises  à.  Madagascar.  —  La  République 
française  a  publié  ces  jours  derniers  une  intéressante  étude  sur  Madagascar,  étude 
qui  se  termine  par  ces  lignes  qui  seront  un  précieux  encouragement  pour  nos 
industriels  fabricants  de  tissus  de  îoton  : 

«  Il  convient,  en  terminant,  de  donner  un  bon  point  aux  fabricants  de  cotonnades 
françaises  qui  ont  bien  compris  le  goût  de  leur  clientèle  malgache  et  la  servent 
suivant  ses  désirs  ;  les  pièces  fournies  ont  le  grain  et  les  dimensions  voulues  ;  le 
prix  se  maintient  dans  les  bornes  raisonnables  et  avantageuses  pour  tous. 

»  Aussi  nos  tissus  auront-ils,  avant  peu,  pris  sur  le  marché  la  place  occupée 
jusqu'à  présent  par  les  tissus  américains,  réputés  cependant  pour  leur  qualité  ;  la 
qualité  des  tissus  français  présentés  aux  indigènes  est  au  moins  égale,  sinon  supé- 
rieure. Quant  aux  tissus  anglais,  inférieurs  en  qualité  aux  tissus  américains,  ils 


—  221  — 

supportent  difficilement  la  concurrence.  Les  statistiques  de  la  douane  établiront  à 
brève  échéance  le  triomphe  de  nos  cotonnades;  il  suffit  aujourd'hui  de  le  constater 
et  de  se  réjouir  du  résultat  obtenu.  » 

AMÉRIQUE. 

Commcree  extérieur  des  États-Unis  (1807-1898).  —  Le  ser- 
vice de  la  statistique  du  Trésor  vient  de  publier  les  relevés  généraux  préliminaires 
du  commerce  extérieur  des  États-Unis  pour  l'exercice  fiscal  qui  s'est  clos  le  30  juin 
dernier.  J'ai  parcouru  ces  tableaux  avec  un  vif  intérêt,  désireux  de  me  rendre 
compte  des  effets  que  le  tarif  Dingley,  appliqué  il  y  a  un  an,  pouvait  avoir  exercés 
sur  les  relations  d'affaires  de  l'Union  avec  les  pays  étrangers,  le  nôtre  particuliè- 
rement. Sans  aucun  doute,  différentes  autres  causes  ont  eu  leur  influence  sur  cet 
exercice  :  les  approvisionnements  anticipés,  qui  précèdent  toujours  l'application 
d'un  tarif  plus  élevé,  ont  évidemment  ralenti,  cette  année,  les  arrivages  ;  d'autre 
part,  la  guerre  est  survenue  et  le  trouble  qu'elle  devait  produire  sur  le  cours  ordi- 
naire des  transactions  a  pu  limiter  les  importations.  Les  exportations ,  de  leur 
côté,  se  sont  trouvées  activées  par  une  mauvaise  récolte  au  dehors. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  causes  anormales,  les  chiffres  qui  résument  les  comptes 
commerciaux  de  l'année  n'en  sont  pas  moins  dignes  de  retenir  l'attention. 

Tonnage.  —  Le  tonnage  des  bâtiments  employés  au  transport  de  marchandises 
importées  ou  exportées  indique  tout  d'abord  plus  d'activité  en  1898  :  il  est  de  10  % 
supérieur  au  tonnage  de  1897  et  atteint  le  chifire  considérable  de  25,334,834  ton- 
neaux à  l'arrivée,  avec  un  supplément  de  2.50,000  tx  à  la  sortie.  Pour  les  4/5,  ce 
tonnage  est  sous  vapeur,  la  voile  disparaissant  de  plus  en  plus. 

Importation  générale.  —  Les'  marchandises  amenées  dans  les  ports  américains 
n'ont  malheureusement  pas  profité  de  cette  activité.  La  dernière  année  du  tarif 
Wilson  avait  été  marquée  par  une  importation  de  764,730,000  dollars.  Les  arrivages 
tombent  à  616,005,000  dollars  durant  la  première  année  du  nouveau  tarif.  C'est  une 
diminution  de  148,725,000  dollars,  ou,  en  France,  de  744  millions  d'affaires. 

Le  tarif  Dingley  avait  pour  objet  de  relever  les  recettes  douanières,  trop  réduites, 
assurait-on,  par  les  taxes  libérales  de  la  législation  précédente.  De  882  millions  de 
francs,  le  revenu  douanier  descend  à  749  millions.  L'une  dans  l'autre  ,  les  mar- 
chandises paient  24  %  de  droits  ;  et,  comme  nombre  d'entre  elles  entrent  en  fran- 
chise, certaines  matières  premières  par  exemple,  le  taux  ressort  en  moyenne  à  46 
et  47  "/o  pour  les  produits  taxés. 

Comme  dans  nos  statistiques  françaises,  les  produits  se  trouvent,  dans  les  relevés 
américains,  groupés  en  diverses  classes  d'après  leur  usage  final.  Voici  comment  la 
diminution  d'affaires  se  répartit  entre  ces  divers  éléments,  en  millions  de  dollars  : 

IMPORTATION  AMÉRICAINE. 

1897  1890  Perte. 

Objets  d'alimentation 245. 1 

Objets  fabriqués  à  consommer 137.3 

Objets  fabriqués  à  retravailler 87. 1 

Matières  premières 214.9 

Articles  superflus  (de  luxe) 83.0 

764.7 


181.4 

63.7 

82.5 

51.8 

07.9 

17.2    . 

204.5 

10.4 

77.4 

5.5 

616.» 

148.7 

222  — 


Les  états  de  développement  permettront  d'analyser  ces  chiffres.  Le  déclin  des 
objets  d'alimentation  doit  sans  doute  s'entendre  du  café,  du  thé,  et  surtout  du 
sucre,  sur  lequel  les  nouveaux  droits  ont  beaucoup  pesé.  Que  les  objets  manufac- 
turés aient  été  atteints,  on  s'y  attendait,  car  c'étaient  eux  qui  étaient  visés.  Les 
matières  premières  en  souffrance  doivent  comprendre  les  laines  et  les  peaux  qui 
ont  perdu,  depuis  un  an,  la  franchise  douanière.  Les  articles  de  luxe  paraissent 
sortir  assez  bien  de  l'épreuve,  soit  que  les  Américains  riches  ne  se  laissent  arrêter 
par  aucune  considération  de  taxe  ou  de  prix,  quand  ils  veulent  des  soieries,  des 
\'ins,  des  bijoux,  soit  encore  que,  les  années  dernières  ayant  été  des  années  de 
crise  financière,  les  achats  de  ces  articles  fussent  réduits  déjà  à  un  minimum  peu 
susceptible  de  réductions  nouvelles. 

Les  nations  qui  ont  échappé  aux  coups  du  tarif  Dingley  ne  sont  pas  nombreuses. 
Toutes,  il  est  vrai,  ne  sont  pas  également  frappées.  L'Eueope,  par  exemple,  a  le 
plus  à  se  plaindre,  puisqu'elle  perd  124  millions  de  dollars  sur  les  148  de  diminu- 
tions que  produit  la  nouvelle  loi  douanière,  soit  30  %  de  son  trafic  qui  était  de 
430  millions  et  descend  à  308.  Les  Républiques  transpanaméennes,  pour  lesquelles 
les  Etats-Unis  professent  une  inclination  marquée  ,  voient  leurs  affaires  faiblir  de 
d5  %  i  de  même,  les  pays  cispanaméens  de  rAmôrique  du  Nord  perdent  14  %• 
Seules,  l'Asie  et  l'Océanie  ont  pu  réaliser  de  meilleures  ventes  dans  des  limites,  du 
reste,  assez  étroites. 

Etant  données  les  ventes  de  chaque  pays  aux  Etats-Unis  et  les  pertes  qu'elles 
subissent,  je  pourrais  classer  les  pays  trafiquants  d'après  la  valeur  absolue  de 
cette  perte.  Je  crois  plus  logique  de  grouper  ci-après  l'importance  relative  que 
représente  pour  leur  négoce  la  diminution  d'affaires  qui  les  atteint. 


IMPORTATION. 

1897 


1898 


Perte. 


Perte. 


(En  millions  de  dollars). 


Autriche 8.1 

Danemark ».3.5 

Belgique 14.0 

Allemagne 111.2 

Angleterre 187.3 

France 67.5 

Suisse 13.8 

Pays-Bas 12.8 

Italie 19.» 

Suisse 2.5 

Russie 3.2 


4.7 

3.4 

42 

».21 

».14 

40 

8.6 

5.3 

38 

89.7 

41.5 

37 

109.1 

58.3 

35 

52.7 

14.8 

22 

11.3 

2.4 

19 

12.5 

)>.3 
Gain. 

2 

Gain 

20.3 

1.2 

6 

2.6 

»  1 

7 

4.5 

1.4 

40 

Le  tarif  Mac-Kinley  avait  été  des  plus  cruels  pour  l'Autriche.  Aujourd'hui 
encore,  l'Autriche  paraît  gravement  touchée.  La  Belgique  ne  semble  pas  beaucoup 
plus  épargnée,  ni  l'Allemagne,  ni  mémo  l'Angleterre  qui  perdent  plus  d'un  tiers  de 
leurs  affaires.  Pour  être  moins  durement  traitées,  les  ventes  françaises  sont  encore 


—  223  — 

inférieures  d'un  cinquième  à  celles  de  1897,  ce  qui  représente  un  déclin  de  71  mil- 
lions de  francs.  L'Italie  et  la  Suède  ont  pu  vendre  davantage.  La  Russie,  dont  le 
tarif  douanier  n'est  guère  favorable  aux  produits  américains  a  pu  accroître  ici,  de 
40  °/o  ^of-  chiffre  d'affaires,  d'ailleurs  modeste. 

Dans  l'Amérique  du  Sud,  les  États  les  plus  atteints  sont  :  l'Argentine,  dont  les 
ventes  tombent  de  45  7oi  'le  10,772,00;)  h  5,975,000  dollars,  le  Venezuela  où  la 
moins-value  est  de  20  "/„  avec  7,711,000  dollars  d'apports,  le  Brésil,  oii  elle  est  de 
10  7o  avec  61,750,000  dollars.  Les  droits  sur  les  laines,  les  peaux,  les  sucres,  ont 
probablement  produit  ces  diminutions. 

Nombre  de  dispositions  du  tarif  Dingley  devaient  toucher  les  produits  canadiens. 
L'effet  n'a  pas  été  aussi  considérable  qu'on  le  redoutait  ;  alors  que  l'Angleterre 
perd  plus  d'un  tiers  de  son  trafic,  le  Canada  n'en  perd  qu'un  cinquième  et  a  pu 
réaliser  encore  pour  32  millions  de  ventes,  au  lieu  de  40  millions  3/4.  Les  Répu- 
bliques de  l'Amérique  centrale,  de  même  que  les  Antilles,  souffrent  des  diminu- 
tions. Le  Mexique  a  conservé  son  même  chiffre  de  19  millions  de  dollars,  il  l'a 
même  légèrement  accru. 

Par  un  phénomène  remarquable  et  une  bonne  fortune  dont  les  États-Unis  doivent 
se  féliciter  beaucoup,  alors  qu'ils  devaient  redouter  des  mesures  de  représailles 
conduisant  à  une  réduction  de  leurs  propres  affaires,  c'est  l'inverse  qui  s'est  cons- 
taté. A  aucune  époque  de  leur  histoire  économique,  les  États-Unis  n'ont  été  acha- 
landés par  une  clientèle  étrangère  plus  nombreuse  ou  plus  avide  de  se  pourvoir 
de  leurs  produits.  Déjà,  en  1897,  on  avait,  ici,  fait  grand  état  d'une  exportation  qui 
dépassait  le  milliard.  Cette  fois,  l'exportation  s'élève  à  1,210  millions  ou  même  à 
1,231  millions  de  dollars,  si  on  comprend  les  marchandises  en  transit  ou  réex- 
portées. Pour  la  première  fois  aussi,  les  exportations  représentent  le  double  des 
importations,  créent  en  faveur  de  l'Union  une  balance  commerciale  de  nature  à 
mettre  fin  aux  paniques  des  récents  exercices. 

L'exportation  de  1897  ayant  atteint  1,052  millions,  l'augmentation,  cette  année-ci, 
est  donc  de  178  millions.  D'oii  provient-elle  ?  Les  marchandises  exportées  sont 
classées  ici  comme  suit  : 

EXPORTATIONS  AMÉRICAINES. 

1897  1898  Gain. 


Millions  de  dollars. 


Produits  agricoles  .... 

—  manufacturés 

—  miniers 

—  des  pêches. . . 

—  divers  


La  plus-value  des  importations  tient  donc  surtout  à  une  visible  cause  :  la  disette 
européenne.  C'est  le  manque  de  blé  dans  plusieurs  États  de  l'ancien  monde  qui  a 
déterminé  un  supplément  d'envoi  de  grains,  supplément  qui  représente,  à  quelques 
millions  près,  l'intégralité  de  l'augmentation  des  ventes  américaines. 

Chose  curieuse,  l'Europe  avait,  plus  que  toute  autre  partie  du  monde,  à  se  sou- 
venir du  tarif  Dingley  ;  c"est  néanmoins  elle  qui  vient  ici  augmenter  dans  la  plus 


683.4 

854.6 

171.2 

277.2 

288.8 

11.6 

20.8 

19.8 

1.» 

6.4 

5.5 

1.» 

3.4 

3.5 

0.1 

1.032.» 

1.210.2 

178.9 

1898 

Gain. 

Gain, 

95.4 

37.8 

66 

47.6 

14.5 

44 

5.7 

1.6 

41 

64.2 

13.2 

25 

12.7 

2.5 

25 

155 

29.8 

23 

6.3 

8 

15 

—  22  i  - 

grande  proportion  ses  acquisitions.  Au  lieu  de  813  millions,  385,000  dollars  comme 
en  1897,  ses  ordres  atteignent,  cette  fois,  973,699,000  dollars,  160  millions  ou  20  "'^ 
de  plus  que  l'çxercice  précédent.  C'est  dire  que  l'immense  extension  prise  par 
leurs  exportations,  les  Américains  la  doivent  presque  entièrement  à  l'Europe.  Les 
Etats  cispanaméens  contribuent  à  cette  plus-value  pour  14  millions  1/2  et  l'Asie 
pour  5  millions  1/2. 

Gomme  plus  haut,  pour  les  importations,  je  classe  ci-après  les  nations  d'Europ 
d'après  l'importance  relative  des  sacrifices  qu'elles  se  sont  imposés  pour  contri- 
buer ainsi  à  la  prospérité  de  l'Union. 

EXPORTATIONS  AMÉRICAINES. 

Millions  de  dollars. 

1897 

France 57.5 

Belgique  33 

Autriche 4 

Pays-Bas 51 

Danemark 10.2 

Allemagne 125.2 

Suède 5.4 

Angleterre 4a3.2           540.8           57.6           12 

Toutes  proportions  gardées  ,  c'est  la  France  qui  a  le  plus  accru  ses  achats  aux 
Etats-Unis  durant  l'exercice  qui  vient  de  se  terminer.  La  Belgique  et  l'Autriche 
ont  suivi  cet  exemple,  si  éprouvées  qu'elles  aient  été  par  le  tarif  Dingley.  De  même 
le  Canada,  les  Antilles,  augmentent  leurs  ordres  de  30  et  de  18  %  avec  84,911,000 
26,439,000  d'achats  cette  année.  Le  Mexique  qui  avait  vendu  davantage  à  l'Union 
diminue  par  contre  ses  commandes  de  10  %  6*  les  réduit  à  21,205,000  dollars  : 
également  les  Républiques  de  l'Amérique  Centrale,  la  Colombie,  le  Venezuela, 
restreignent  leurs  demandes.  Le  Brésil  prend  des  marchandises  de  l'Union  pour 
13,317,000  dollars,  l'Argentine  pour  6,429,000  doU.,  le  Chili  pour  2,.351,000  doU., 
soit  7  1/2  et  8  %  de  plus  seulement  que  l'année  précédente. 

Le  marché  du  Japon  s'est  considérablement  élargi,  l'an  dernier,  aux  produits 
américains,  —  locomotives,  rails,  navires,  sans  doute.  —  11  a  reçu  pour  20  millions 
1/2  de  ces  produits,  soit  une  augmentation  de  55  %•  La  Chine  s'est,  au  contraire, 
restreinte  de  18  %  et  n'a  reçu  que  pour  9,993,000  doU.  au  lieu  de  11,924,000  doll. 
d'articles  américains,  pétroles  et  grosses  cotonnades.  Aux  îles  Hawaï,  le  vendeur 
américain  a  pu  placer  pour  5,900,000  dollars,  au  Mozambique  pour  2,898,000  doU., 
réalisant  des  progrès  de  24  et  de  55  %• 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, 
LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MERGHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 


Lille  Imp.LDaneL 


225  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L'ENSEIGNEMENT  COMMERCIAL 

EN    ALLEMAGNE 


Conférence  faite  à  la  Société  de  Géographie  de  Lille, 

Par  M.  DUPONT, 
Membre  du  Comité  d'Études  de  Roubaix. 


Monsieur  le  Président  , 
Mesdames  ,  Messieurs  , 

C'est  sur  la  demande  de  notre  sympathique  Président  et  de 
M.  Merchier,  dont  j'écoute  les  conseils  depuis  nombre  d'années,  [que 
j'ose  venir  ce  soir  vous  entretenir  de  l'Enseignement  commercial  en 
Allemagne. 

Mais  avant  de  traiter  ce  sujet  je  vous  demanderai  votre  indulgence, 
toute  votre  indulgence,  car  je  n'ai  ni  l'habitude  de  la  parole,  ni  celle 
d'écrire.  De  plus,  le  sujet,  en  soi,  n'a  rien  d'attrayant,  car  je  devrai 
vous  faire  passer  du  bureau  du  marchand  au  pupitre  de  la  salle  de 
cours,  où  le  jeune  employé  complète  le  soir  ses  connaissances  commer- 
ciales. L'ennui  qui  pourrait  en  résulter  pour  les  dames  que  j'aperçois 
dans  l'auditoire  étant  inhérent  au  sujet,  j'espère  qu'elles  ne  m'en  tien- 
dront pas  rigueur. 

Dans  l'enseignement  commercial,  comme  dans  toute  science,  il  y  a 
deux  choses  à  considérer,  la  pratique  et  la  théorie,  qu'on  s'assimile 
par  deux  méthodes  différentes  :  ou  bien  on  étudie  la  théorie  pour 
l'appliquer  à  la  pratique,  ou  bien  on  apprend  la  pratique  et  la  théorie 
ensemble,  l'une  complétant  l'autre. 

En  Allemagne,  après  bien  des  essais  et  des  tâtonnements  —  car  il  y 
existait  déjà  une  école  commerciale,  il  y  a  plus  d'un  siècle,  en  1764  — 
on  est  persuadé  aujourd'hui  que  pour  faire  un  bon  commerçant  il  faut 
suivre  la  seconde  méthode.   L'expérience  a   démontré,   en  effet,  que 

15 


—  220  — 

l'école  commerciale  où  le  jeune  homme  apprend  en  théorie  seulement 
ce  qui  doit  lui  faire  gagner  sa  vie  plus  lard,  ne  sert  qu'à  produire  des 
jeunes  gens,  qui,  lancés  trop  tard  dans  la  réalité  de  la  vie,  en  trouvent 
les  petits  côtés  au-dessous  d'eux  et  deviennent  des  dilettanti  du  com- 
merce, mais  non  des  commerçants. 

A  part  la  Faculté  commerciale  de  Leipzig,  de  création  récente  et  qui 
a  un  autre  but,  ce  qui  existe  et  ce  que  l'on  encourage  en  Allemagne, 
c'est  le  cours  de  pcy^fectionnement  commercial.  Le  jeune  employé 
fréquente  ces  institutions,  sa  besogne  finie,  afin  de  compléter  ses 
connaissances  spéciales,  d'étudier  tout  ce  qui  peut  lui  servir  dans  le 
commerce  pour  aider  son  pavs  à  conquérir  la  suprématie  économique 
sur  le  marché  du  monde  —  car  tel  est  le  rêve  et  le  but  que  proclame 
bien  haut  et  que  poursuit  la  jeune  génération. 

Ces  cours  de  perfectionnement  commercial  existent  partout,  dans 
chaque  ville.  Sous  la  pression  de  l'opinion  et  des  Sociétés  commerciales, 
qui  comprennent  l'importance  de  la  question,  les  employés  dans  cer- 
tains duchés,  sont  même  obligés,  p«/' /a /o/,  de  suivre  les  cours  jusqu'à 
un  certain  âge.  Ces  cours  font  du  reste  partie  intégrante  d'une  vaste 
organisation  due  à  l'esprit  d'iniliative  et  d'union  du  commerçant 
allemand. 

Je  me  vois  donc  amené  non  plus  à  parler  de  l'enseignement  com- 
mercial au  point  de  vue  pédagogique  seulement,  mais  plutcM  à  examiner 
comment  le  jeune  homme  qui  se  destine  au  commerce  peut  devenir  un 
bon  marchand. 

Je  prends  ce  mot  à  dessein,  car  il  désigne  d'une  manière  générale 
tout  homme  s'occupant  d'échanges  et  de  commerce,  soit  qu'il  troque 
au  Soudan  de  la  verroterie  contre  des  arachides  ou  qu'il  négocie  des 
actions  de  charbonnage  à  la  Bourse  de  Lille. 

Il  est  d'une  importance  capitale  de  remarquer  que  ces  cours  com- 
merciaux sont  pour  la  plupart  dus  à  l'inialive  privée,  que  toutes  les 
Sociétés  commerciales  sont  absolument  indépendantes  et  ne  reçoivent 
aucune  subvention  de  l'Etat,  de  la  province  ou  de  la  commune.  On 
constate  ainsi  que,  dans  un  pays  comme  l'Allemagne,  où  le  socialisme 
d'État  est  le  ver  rongeur  qui  devra  saper  les  bases  du  nouvel  empire, 
c'est  grâce  à  l'esprit  particulariste  et  anli-socialisle  des  commerçants 
que  se  sont  constituées  ces  Sociétés  d'employés  de  commerce,  dont 
quelques-unes  ont  plus  de  50.000  membres,  et  qui,  en  ne  comptant  que 
sur  elles-mêmes,  sans  aucune  tut<'lle  gouvernementale,  ont  été  l'une 
des  causes  les  plus  importantes  de  l'essor  commercial  de  ce  pays. 


—  227  — 

Considérons  le  cas  du  jeune  homme  qui  désire  entrer  dans  le  gros 
ou  le  commerce  d'exportation  : 

En  sortant  du  collège  ou  de  l'école  primaire,  notre  jeune  homme,  à 
la  recherche  d'une  place,  se  fait  d'abord  admettre  dans  la  Société  des 
employés  de  commerce  de  sa  ville.  Cette  Société  est  soit  autonome, 
soit  affiliée  à  une  grande  Société  comme  celle  de  Leipzig  ou  à  une 
Fédération  comme  la  Fédération  des  Sociétés  commerciales  du  Wur- 
temberg ou  de  la  Westphalie.  La  Société  n'accepte  que  le  postulant 
ayant  de  bonnes  références,  puis  elle  s'occupe  de  le  placer  gratis. 

Le  voici  placé  ;  voyons  dans  quelles  conditions.  Pendant  trois  ans  il 
sera  ce  qu'on  appelle  là-bas  un  apprenti,  il  ne  gagnera  rien  ;  à  la  Noël 
.une  gratification  si  l'on  est  content  de  lui,  et  c'est  tout.  C'est  la  période 
la  plus  pénible  de  sa  vie  commerciale ,  son  avenir  en  dépend  en  partie, 
car  les  habitudes  et  principes  qu'il  prendra  à  cette  époque,  il  les  gar- 
dera toute  sa  vie.  On  donne  en  Allemagne  une  importance  telle  à  cet 
apprentissage  que  la  loi  consacrant  la  tradition  en  fixe  la  durée,  les 
conditions,  et  définit  les  droits  et  devoirs  respectifs  du  patron  et  de 
l'apprenti. 

On  peut  d'ailleurs  déduire  ceux-ci  des  termes  par  lesquels  le  code 
commercial  désigne  le  patron  Lehrer,  c'est-à-dire  celui  qui  enseigne 
et  l'apprenti  Lehrling,  celui  qui  apprend. 

L'apprenti  donne,  trois  ans  durant,  tout  son  temps  et  son  travail  à 
son  patron,  mais  celui-ci  s'engage  à  lui  apprendre  la  pratique  des 
aff"aires,  à  faire  son  éducation  commerciale  et  à  lui  laisser  le  temps 
nécessaire  pour  suivre  les  cours  de  perfectionnement  commercial. 

On  est  persuadé  en  Allemagne  que  le  succès  ira,  dans  l'avenir,  au 
commerçant  dont  les  connaissances  spéciales  de  sa  profession  seront 
les  plus  étendues,  c'est  pourquoi  la  loi  donne  une  telle  importance  au 
temps  d'apprentissage. 

A  sa  première  entrée  au  bureau  ou  au  magasin,  on  rappelle  à  notre 
jeune  homme  que  tout  ce  qu'il  voit  et  entend,  le  secret  professionnel 
lui  défend  d'en  parler,  la  loi  est  là,  du  reste,  pour  punir  les  indiscrets. 
On  est  méticuleux  dans  les  bureaux,  vous  voyez  souvent  des  pancartes 
ainsi  conçues  : 

«  Le  temps  n'est  pas  de  l'argent,  c'est  de  l'or.  » 

«  Chaque  chose  a  sa  place  et  une  place  pour  chaque  chose.  » 

Il  faudra  que  l'apprenti  mette  son  porte-plume  à  telle  place  et  non  à 
telle  autre.  L'ordre  et  l'exactitude  sont  souvent  poussés  si  loin  qu'une 


—  228  — 

suscription  de  lettre  où  la  firme  n'est  pas  scrupuleusement  écrite  telle 
qu'elle  a  été  enregistrée  à  la  Chambre  de  Commerce,  est  souvent 
refusée  par  le  destinataire  qui  considère  cette  faute  comme  un  manque 
d'égards  vis-à-vis  de  sa  maison.  Dans  aucun  pays  il  n'y  a  autant  d'ar- 
ticles brevetés  pour  les  fournitures  de  bureau. 

Coûte  que  coûte  l'apprenti  doit  se  plier  à  cette  méthode  de  travail 
exact  et  ponctuel.  L'après-midi,  s'il  a  une  heure  libre  ou  le  soir,  après 
8  heures,  il  ira  au  cours  de  perfectionnement  commercial,  Foribil- 
dangschulen,  et  là,  il  apprendra  la  théorie  de  ce  qu'il  voit  chaque 
jour. 

Son  apprentissage  fini ,  l'apprenti  désirera  le  plus  souvent  voir 
d'autres  méthodes  de  travail,  aller  en  France,  en  Angleterre  ou  même 
outre  mer.  Les  connaissances  que  par  un  travail  supplémentaire  — 
chaque  soir  —  il  s'est  acquises,  l'aideront  à  trouver  une  nouvelle 
situation  à  laquelle  l'employé  ordinaire  ne  pourra  prétendre.  11  paye 
une  cotisation  à  sa  Société  .  mais  elle  l'a  placé  ,  a  organisé  les  cours 
qu'il  a  suivis,  les  conférences  qu'il  a  entendues.  11  a  aussi  lu  les  jour- 
naux commerciaux,  et  comme  aller  à  l'étranger  est  considéré  par  lui 
comme  un  grand  bonheur,  selon  leur  proverbe  :  «  Quand  Dieu  veut 
montrer  sa  sollicitude  à  l'une  de  ses  créatures,  il  l'envoie  loin,  bien 
loin  à  travers  le  monde  »,  il  part  pour  l'étranger. 

Sa  Société  le  place  d'autant  plus  facilement  qu'elle  est  organisée 
pour  cela.  Ainsi  en  1897,  la  Société  de  Hambourg  a  placé  5.516  de  ses 
membres  dans  921  villes  d'Allemagne,  90  vilh^s  d'Europe,  et  57  villes 
hors  d'Europe. 

Une  telle  organisation  fait  partie  de  l'enseignement  commercial  d'un 
peuple,  je  vais  donc  vous  parler  : 

1°  De  ces  cours  où  le  jeune  employé  complète  ses  connaissances 
pratiques  ; 

2"  Des  Sociétés  d'employés  de  commerce  qui  dirigent  ou  inspirent 
ces  cours  ; 

3°  De  la  Faculté  commerciale  de  Leipzig  où  les  professeurs  vont 
puiser  les  principes  généraux  de  leur  enseignement. 

Mais  je  ne  saurai  trop  le  redire:  l'employé  voulant  améliorer  sa 
position,  le  commerçant  et  l'industriel  sentant  le  besoin  d'avoir  un 
personnel  bien  instruit  n'cnil  i)as  demandé  à  l'État  ni  à  ses  fonction- 
naires de  venir  à  leur  aide,  ils  ont  compté  sur  eux-mêmes  et  sur  eux 
seuls,  ils  ont  créé  ce  qui  leur  manquait,  et  quand  on  examine  les 


—  229  — 

tâtonnements,  les  essais  heureux  et  malheureux,  en  un  mot  le  chemin 
parcouru  depuis  soixante  ans,  on  peut  comparer  cette  organisation 
due  uniquement  à  l'initiative  privée,  à  ces  Trades-Unions  anglaises  qui 
l'ont  l'admiration  du  monde  entier. 

Ecoles  commerciales. 

Dans  chaque  ville  un  peu  importante  il  existe  des  cours  de  perfec- 
tionnement colonial  {Foribildungs-Schulen).  Il  serait  fastidieux  à  mon 
sens  de  les  étudier  toutes,  car,  grâce  à  la  Fédération  des  Sociétés 
d'employés  de  commerce  et  au  Congrès  annuel  des  Chambres  de 
Commerce  de  l'Empire,  ces  cours  ont  une  tendance  et  une  direction 
parallèles.  C'est  à  Leipzig,  Hambourg,  Francfort  et  Berlin  que  l'orga- 
nisation est  la  plus  complète  ;  voyons  donc  comment  fonctionnent  les 
cours  de  perfectionnement  commercial  de  Hambourg  :  ils  dépendent 
de  la  Société  d'employés  de  commerce  de  celte  ville,  dont  il  faut  être 
membre  pour  pouvoir  suivre  les  cours. 

Les  droits  et  devoirs  du  patron  et  de  l'apprenti  exposés  plus  haut 
montrent  que  le  patron  est  considéré  comme  l'éducateur  de  son 
employé  :  il  doit  donner  son  consentement  pour  l'inscription  au  cours  ; 
lorsque  l'élève  n'est  pas  assidu,  il  en  est  prévenu  ;  après  quelques 
absences,  l'élève  est  expulsé  impitoyablement.  On  ne  veut  pas  d'audi- 
teurs-amateurs. Cette  question  des  Cours  commerciaux  préoccupe 
beaucoup  le  monde  commercial  d'outre-Rhin.  On  est  persuadé  que  le 
succès  futur  viendra  au  commerçant  aux  connaissances  spéciales  bien 
approfondies  ;  l'opinion,  les  Sociétés  et  les  Congrès  commerciaux  dis- 
cutent les  moyens  de  rendre  ces  Cours  obligatoires  pour  tout  employé 
au-dessous  d'un  certain  âge.  C'est  le  travail  préparatoire  de  la  ques- 
tion, d'ici  deux  ans  le  Reichstag  en  sera  saisi. 

Mais  revenons  aux  Cours  proprement  dits,  ils  sont  payants  en 
général,  et  les  personnes  compétentes  que  j'ai  cousultées  à  ce  sujet, 
ni'onl  répondu  qu'on  évitait  ainsi  les  amateurs  qui  empêchent  les  tra- 
vailleurs de  progresser  ;  de  plus,  la  pratique  aurait  prouvé  que  l'on 
tient  toujours  plus  à  ce  que  l'on  a  obtenu  difficilement. 

A  Hambourg,  il  y  a  deux  séries  de  cours  ,  l'un  de  2  à  4  heures  de 
Faprès-midi,  l'autre  de  8  à  10  heures  du  soir.  On  se  fait  inscrire  pour 
autant  de  cours  que  l'on  veut,  et  les  deux  séries  permettent  de  disposer 
ses  études  suivant  les  heures  que  le  travail  du  bureau  laisse  libre.  Le 
programme  est  réparti  en  une,  deux  et  même  trois  années,  suivant  les 
matièrçs  enseignées,  dont  voici  la  liste  : 


5° 

» 

6" 

» 

T 

» 

8° 

» 

9" 

» 

—  230  — 

1°  Économie  commerciale  et  géographie  ; 

2"  Arithmétique  et    comptabilité    commerciale    (comprenant    les 
monnaies,  les  changes,  arbitrages,  etc.,  etc.)  ; 

3**  Langue  allemande  (correspondance  commerciale  et  grammaire)  ; 
4"        »       danoise  ; 
anglaise  ; 
française  ; 
italienne  ; 
espagnole  ; 
portugaise  ; 
10'  Calligraphie; 

11°  Comptabilité  en  partie  double  et  américaine  ; 
12"  »  »      simple  ; 

13"  Sténographie,  d'après  la  méthode  Stolze  ou  Gabelsberger. 

Cette  école  existe  depuis  trente  ans,  dirigée  et  administrée  par  la 
Société  des  employés  de  commerce,  et  (ceci  est  pour  ceux  qui  croient 
que  rien  ne  peut  prospérer  sans  l'ingérence  de  l'Etat)  elle  ne  reçoit 
aucune  subvention  d'un  corps  officiel  quelconque.  En  1897,  elle  comp- 
tait 728  élèves,  ce  qui  est  déjà  un  joli  chiffre  pour  une  ville  comme 
Hambourg,  qui  compte  720  maisons  d'exportation. 

Les  langues  y  sont  enseignées  d'une  façon  commerciale  et  pratique. 
Les  langues  sont  beaucoup  étudiées  à  Hambourg,  dans  les  écoles  pri- 
maires :  l'anglais  est  enseigné  suivant  plusieurs  méthodes  ;  celle  qui  a 
donné  les  plus  beaux  résultats  est  celle  enseignée  par  M.  Gustave 
Hoeft  ;  j'ai  entendu  un  enfant  de  13  ans  après  8  mois  de  cours  soutenir 
une  conversation  en  anglais.  Je  n'étonnerai  personne  en  disant  que 
cette  méthode  se  base  sur  les  principes  de  Gouin,  un  professeur  français 
de  l'Université  de  Caen,  dont  l'œuvre  est  hautement  appréciée  en  Alle- 
magne, alors  qu'en  France  il  est  à  peu  près  inconnu  ! 

Il  est  essentiel  d'insister  sur  ce  point  que  celte  école  n'est  pas  une 
école  préparatoire  de  commerce,  non,  elle  ne  reçoit  que  des  élèves 
qui  sont  déjà  dans  les  affaires,  ce  sont  des  cours  de  perfectionnement 
où  le  commerçant  vient  augmenter  son  capital  intellectuel,  et  sur  cette 
question  des  écoles  préparatoires  et  des  cours,  je  ne  crois  pas  inutile 
de  vous  rapporter  l'opinion  de  la  Chambre  de  Commerce  de  cette  ville, 
à  qui  l'Allemagne  doit  en  grande  partie  l'essor  prodigieux  de  son 
exportation.  Eh  bien,  il  y  a  quelques  jours  à  peine,  celte  Compagnie 
disait  bien  haut  que  les  jeunes  employés  et  commerçants  ne  seraient  à 


^  231  - 

la  hauteur  de  la  tâche  que  la  lutte  économique  de  l'avenir  leur  ferait 
soutenir,  que  s'ils  complétaient  leurs  dispositions  naturelles  en  suivant 
assidûment  les  Cours  commerciaux.  Dans  le  même  document ,  la 
Chambre  prenait  résolument  position  contre  le?  écoles  préparatoires 
de  commerce  qui  font  débuter  les  jeunes  gens  trop  tard  dans  les 
affaires. 

Tel  est  l'enseignement  technique ,  nous  allons  voir  maintenant 
comment  les  Sociétés  d'employés  de  commerce  cherchent  à  résoudre 
le  problème  de  l'éducation  morale. 

Les  Sociétés  d'employés  de  commerce. 

Berlin  en  compte  plusieurs  avec  20.000  membres  environ,  Mann- 
heim  a  une  Société  qui  compte  3.000  membres,  Francfort  14.000, 
Munich  2.500,  Leipzig  50.000  et  Hambourg  56.000  membres.  J'entends 
ici  les  Sociétés  ayant  pour  but  le  placement  gratuit  de  ses  membres, 
car  dans  un  rapport  récent  très  documenté,  notre  Consul  à  Leipzig, 
M.  d'Héricourt,  comptait  à  Leipzig  seul  365  Sociétés  différentes  ayant 
un  but  industriel,  commercial  ou  professionnel. 

Les  associations  dont  je  parle  ne  sont  pas  des  Sociétés  de  secours 
mutuels  dont  le  but  unique  est  d'assurer  une  maigre  rente  aux  Socié- 
taires quand  ils  seront  vieux.  Avant  d'assurer  l'avenir,  il  faut  être 
certain  du  présent,  il  faut  èciter  le  chômage,  telle  est  l'idée  qui  a  fait 
naître  ces  Sociétés  aujourd'hui  si  puissantes.  On  en  fait  partie  moyen- 
nant une  cotisation  minime  (5  à  7  fr.)  par  an,  mais  la  Société  prend 
des  renseignements  sur  votre  honorabilité,  avant  de  vous  admettre. 

Le  Sociétaire  sans  place  ou  voulant  changer  de  situation  s'adresse  à 
sa  Société  qui  est  un  véritable  bureau  de  placement  mutuel  et  gra- 
tuit. La  demande  est  envoyée  au  bureau  de  la  Société  avec  un  imprimé 
sur  lequel  tous  les  renseignements  sur  vos  connaissances  vous  sont 
demandés.  De  leur  côté,  les  maisons  de  commerce  ont  vite  compris 
l'immense  avantage  qu'elles  avaient  à  s'adresser  à  ces  Sociétés  don- 
nant des  garanties  de  sérieux  incontestables  ,  pour  avoir  de  bons 
employés.  Celle-ci  met  donc  en  rapport  le  patron  et  l'employé.  En 
1898,  des  maisons  de  commerce  du  monde  entier  ont  adressé  13.856 
demandes  d'emplovés  à  la  Société  de  Hambourg,  elle  réussit  à  placer 
5.516  de  ses  membres,  c'est-à-dire  qu'elle  répondit  à  environ  40  "  „  des 
demandes.  Cette  Société  des  employés  de  commerce  de  Hambourg  est 
du  reste  la  plus  puissante  ;  depuis  1858,  époque  de  sa  fondation,  elle  a 
fourni  plus  de  68.000  places.  Mais  pour  bien  se  rendre  compte  jusqu'où 


—  232  — 

s'étend  cette  organisatioD,  il  faut  savoir  que  sur  5.516  placés.  1.690 
seulement  le  furent  à  Hambourg,  tandis  que  les  3.576  autres  furent 
envoyés  dans  916  villes  du  monde  entier,  parmi  lesquelles  je  relève 
dans  le  rapport  annuel  :  Lvon,  Londres,  Mexico,  Port-Saïd,  Saïgon, 
A'alparaiso,  Rio  et  Yladivostock. 

Le  but  unique  de  toutes  ces  Sociétés  analogues  à  celle  de  Hambourg, 
fait  qu'elles  se  sont  facilement  fédérées  et  qu'elles  placent  mutuelle- 
ment leurs  membres.  Sans  vouloir  trop  m'étendre  sur  la  Société  de 
Hambourg,  il  me  semble  indispensable  de  faire  remarquer  encore  que 
sur  les  56.000  Sociétaires,  plus  de  7.000  sont  des  patrons,  précieux 
exemple  prouvant  que  c'est  dans  l'union  que  réside  le  succès.  La 
Commission  comjjte  les  meilleurs  commerçants  de  Hambourg.  L'union 
et  l'initiative  privée  ont  fait  prospérer  à  ce  point  cette  Société  qui,  en 
1887,  ne  comptait  que  20.000  adhérents,  qu'aujourd'hui  ses  56.000 
Sociétaires  sont  dispersés  aux  quatre  coins  du  monde,  avec  279  sous- 
comités  dont  24  en  Europe  et  37  hors  d'Europe.  En  1897,  les  bureaux 
de  la  Société,  à  Hambourg,  reçurent  230.000  lettres  et  en  expédièrent 
448.000. 

J'ai  déjà  dit  que  cette  Société  a  institué  des  Cours  commerciaux,  il 
y  a  en  outre  un  local  avec  bibliothèque,  des  conférences  sont  faites. 
De  plus  des  sous-Sociétés  sont  organisées  pour  les  caisses  de  retraite , 
l'assurance  contre  la  maladie  et  les  accidents,  et  l'on  en  fait  partie  en 
payant  des  cotisations  à  part.  L'assurance  pour  la  vieillesse  est  obliga- 
toire en  Allemagne,  mais  la  Société,  montrant  encore  ici  son  esprit 
particulariste  et  sa  ferme  volonté  d'être  maîtresse  chez  elle,  a  sa  caisse 
spéciale  où  l'ingérence  de  l'État  est  réduite  à  son  minimum. 

Il  existe  en  Allemagne  une  association  pour  l'avancement  des 
sciences  commerciales  et  une  Fédération  des  Sociétés  commerciales, 
et  celles-ci  sont  nombreuses  !  Car,  outre  ces  Sociétés  de  placement 
dont  je  viens  de  parler,  il  y  en  a  des  milliers  d'autres  fondées  pour 
étudier  ou  faire  aboutir  telle  ou  telle  question  économique. 

L'employé  fait  toujours  partie  d'une  au  moins  de  ces  Sociétés,  il 
assiste  à  des  conférences,  va  dans  des  réunions  où  les  questions  éco- 
nomiques les  plus  ardues  sont  discutées.  L'Allemand,  par  tempéra- 
ment, peut  lire  des  articles  de  journaux  arides  beaucoup  plus  facile- 
ment que  nous,  il  connaît  donc  mieux,  en  général,  les  questions 
d'économie  politique ,  de  politique  commerciale ,  etc.  Donc ,  aux 
conférences,  aux  réunions  de  Sociétés,  le  commerçant  se  trouve  avec 
des  gens  de  la  même  profession,  ayant  les  mêmes  idées.  Toute  cette 


—  233  — 

organisation  a  formé  un  esprit  de  corps,  et  il  faut  reconnaître  que  le 
but  des  promoteurs  de  ces  Sociétés  a  toujours  été  d'élever  le  niveau 
moral  du  monde  commercial  :  le  commerçant  devint  conscient  de  sa 
situation  vis-à-vis  des  autres  professions  dans  la  Société  et  conscient 
de  sa  force  vis-à-vis  de  l'étranger.  Aussi,  aujourd'hui,  nous  voyons  la 
jeune  génération  prétendre  qu'elle  arrachera  la  suprématie  écono- 
mique du  monde  à  l'Angleterre  ;  à  tel  point  que,  il  y  a  quelques 
semaines,  les  journaux  commerciaux,  destinés  à  l'exportation,  atta- 
quaient l'Angleterre  si  violemment,  que  le  Ministre  de  l'Intérieur  dût 
sévir. 

C'est  donc  par  les  Sociétés  commerciales ,  par  les  publications 
spéciales,  par  le  contact  avec  d'autres  commerçants,  que  l'éducation 
morale  est  faite. 

La  Faculté  d'enseignement  commercial  de  Leipzig. 

Toutes  les  Sociétés  dont  je  vous  ai  entretenus  s'occupent  des  inté- 
rêts de  la  corporation,  elles  se  réunissent  chaque  année  en  Congrès 
provinciaux  ou  nationaux,  toutes  les  questions  intéressant  le  commerce 
sont  étudiées,  des  résolutions  sont  prises  et,  ou  bien  —  comme  pour 
la  question  du  repos  du  dimanche  —  le  Gouvernement  envoie  des 
questionnaires,  ou  bien  les  Sociétés  font  des  pétitions  auprès  du  Par- 
lement. Les  Congrès  où  les  Sociétés  se  réunissent  prennent  une 
grande  importance  à  cause  de  leur  caractère  général,  leurs  résolutions 
sont  prises  en  considération  et  c'est  ainsi  qu'en  Juin  dernier,  le  Sénat 
de  la  ville  libre  et  hanséatique  de  Hambourg,  se  trouvait  fort  honoré 
de  souhaiter  la  bienvenue  au  Congrès  des  Sociétés  d'employés  de 
commerce  venant  siéger  en  cette  ville.  L'année  précédente ,  le 
Congrès  avait  décidé  la  création  d'une  Faculté  d'enseignement  com- 
mercial :  celle-ci  fut  inaugurée  en  Mars  dernier. 

Dès  1768,  il  existait  à  Hambourg  une  Ecole  commerciale,  mais  c'est 
surtout  depuis  quarante  ans  que  le  nombre  de  ces  écoles  s'est  multi- 
plié, car  l'essor  industriel  et  commercial  faisait  rechercher  de  plus  en 
plus  les  jeunes  gens  dont  la  pratique  des  affaires  était  complétée  par 
une  instruction  professionnelle  plus  solide. 

Aujourd'hui ,  l'Allemagne  entre  en  concurrence  avec  les  autres 
nations  sur  tous  les  marchés  du  monde,  les  intérêts  économiques  que 
les  Consuls,  etc.,  ont  à  discuter,  deviennent  de  plus  en  plus  impor- 
tants. Aussi,  depuis  quelques  années,  la  nécessité  d'avoir  une  Ecole 
supérieure  de  commerce,  traitant  toutes  les  questions  de  plus  haut  et 


—  234  — 

d'un  point  de  vue  plus  général  que  toutes  les  écoles  dont  je  viens  de 
vous  entretenir,  se  faisait  cruellement  sentir.  En  effet,  l'on  manque, 
en  Allemagne,  de  professeurs  commerciaux  ayant  fait  des  études  péda- 
gogiques à  ce  point  de  vue  spécial,  et  il  manquait  à  leur  enseignement 
ce  je  ne  sais  quoi,  qu'imprime  à  resi)rit  une  méthode  philosophique 
dans  l'étude  des  grands  problèmes  d'économie  politique. 

De  plus,  une  vue  d'ensemble  du  commerce,  des  débouchés  et  des 
courants  commerciaux  est  indispensable  aux  hommes,  bien  peu  nom- 
breux, il  est  vrai,  mais  dont  la  valeur  doit  compenser  le  nombre,  qui 
sont  destinés  à  diriger  les  grandes  Sociétés  industrielles  et  commer- 
ciales qui  se  sont  créées  depuis  une  vingtaine  d'années. 

Les  fonctionnaires  publics  (Secrétaires  de  Chambre  de  Commerce, 
Consuls,  Gouverneurs  coloniaux),  qui  ont  pour  devoir  de  défendre  et 
de  développer  l'activité  économique  du  pays  doivent  également  avoir 
du  commerce,  des  idées  générales  que  les  écoles  ordinaires  n'ont  pas 
la  mission  directe  de  leur  inculquer. 

C'est  pour  ces  raisons  que  la  Fédération  des  Sociétés  allemandes 
d'employés  de  commerce  avait,  au  Congrès  de  1897,  préconisé  en 
principe  la  création  d'une  école  supérieure.  Leipzig  fut  la  ville  choisie, 
parce  qu'elle  possède  une  Université  et  que,  d'après  la  théorie  qui 
prévaut  en  Allemagne,  toute  étude  approfondie  d'une  science  a  pour 
corollaire  l'étude  de  la  philosophie,  destinée  à  relier  cette  science 
spéciale  à  l'ensemble  des  connaissances  humaines. 

La  Faculté  ouverte  en  Avril  dernier  est  des  plus  prospères  :  Alle- 
mands et  étrangers  y  sont  reçus  également,  et  les  cours  pédagogiques 
destinés  à  réunir  les  professeurs  une  ou  deux  fois  par  an  pour  les  tenir 
au  courant  du  progrès,  ont  eu  un  tel  succès,  qu'on  vient  de  créer  des 
cours  de  vacances  analogues  à  Berlin. 

Telle  est  l'organisation  que  l'Allemagne  a  mis  plus  de  cinquante  ans 
à  constituer  et  à  parfaire  :  le  jeune  Allemand  pendant  trois  ans  d'ap- 
prentissage fait  son  éducation  pratique  dans  le  bureau  ou  le  magasin  ; 
les  conseils  de  son  patron  et  les  cours  qu'il  suit  lui  donnent  l'instruc- 
tion théorique. 

Dans  les  réunions  de  sa  Société,  il  prend  conscience  de  l'importance 
chaque  jour  croissante  de  ceux  sur  qui,  comme  industriels  ou  commer- 
çants, repose  de  nos  jours  la  prospérité  d'un  pays  ;  par  le  contact,  les 
conférences,  les  lectures,  son  éducation  morale  se  fait. 

A  la  Faculté  commerciale  de  Leipzig,  le  commerce  lui  est  expose 
d'un  point  de  vue  plus  général. 


-  235  - 

Telles  sont  les  institutions  destinées  à  former  cette  armée  dont  le 
but  avoué  est  d'arracher  à  l'Angleterre  le  sceptre  commercial  que  cette 
puissance  tient  depuis  si  longtemps. 

Et  il  me  sera  permis  de  terminer  celte  étude  en  souhaitant  que 
l'expérience  que  nos  voisins  ont  acquise  dans  ces  questions  puisse  être 
mise  à  profit  par  nous,  en  France,  pour  prendre,  dans  la  lutte  écono- 
mique des  peuples,  la  large  part  qui  doit  revenir  à  notre  travail,  notre 
goût  artistique  et  notre  intelligence. 


AU  PAYS 
DE  REMBRMDT  ET  DE  FRANS  HALS 

Coups  de  crayon  sur  un  Carnet  de  vcyage  (1) 

Pi\T    Victor    DE    SWARTE, 

Trésorier  général  des  Finances, 

Correspondant  du  Ministère  de  rTnstruction  Publique 

(Section  des  Beaux-Arts  —  Section  d'Histoire  et  de  Philologie), 

Membre  de  la  Commission  historique  du  Nord, 

Membre  adjoint  du  Comité  de  la   Société   de    géographie  de   Lille. 


PREFACE 

Nous  avouons  tout  naïvement  au  lecteur,  au  risque  de  compromettre 
les  sentiments  d'indulgence  qu'il  aurait  peut-être  pour  nous,  que  ce 
n'est  pas  un  seul  voyage  en  Hollande  que  nous  lui  retraçons  aujourd'hui, 
mais  bien  six  voyages  effectués  dans  les  circonstances  les  plus 
différentes. 


(1)  Notre  but  n'est  pas  de  tenter  en  audacieux  une  étude  ex  professa,  de  la  peinture 
hollandaise.  Cette  matière  a  été  magistralement  traitée  dans  les  Maîtres  d'autrefois 
par  notre  regretté  ami,  Eugène  Fromentin.  Nous  avons  voulu  seulement  reproduire 
en  dilettante  nos  impressions  personnelles  à  la  vue  des  chefs-d'œuvre  renfermés 
dans  les  musées  des  Pays-Bas  et  noter  dans  notre  carnet  quelques  réflexions  sur 
l'enseignement  artistique  d'aujourd'hui,  les  tendances,  les  procédés  de  l'art  à 
notre  époque. 


-  236  — 

Nous  ne  sommes,  en  aucune  façon,  le  Monsieur  au  sonnet  et  nous  ne 
disons  pas  pour  gagner  les  faveurs  : 

...  je  n'ai  demeuré  qu'un  quart  d'heure  à  le  faire, 

Non  pas.,.,  les  impressions  premières  se  racontent  dans  l'intimité,  à 
table,  dans  les  ateliers  de  nos  amis  les  artistes,  en  suscitant  du  reste, 
des  discussions  qu'il  faut  toujours  supporter  avec  grâce,  sauf  à 
s'obstiner  quand  l'adversaire  ne  vous  a  pas  persuadé,  ce  qui  advient 
souvent.  On  trouve  alors  que  la  véritable  orthodoxie,  c'est  sa  doxie  à 
soi,  et  il  est  quelquefois  bon  de  se  tromper  lorsqu'on  est  soi-même  très 
convaincu  :  nous  ne  nous  proposons  pas  de  rendre  compte  des 
sentiments  des  autres,  mais  bien  de  ceux  que  nous  éprouvons. 

A  contempler  souvent  les  mêmes  œuvres,  nous  nous  sommes  fait 
une  opinion,  et  c'est  cette  opinion  que  nous  prétendons  exprimer. 

Est-il  d'ailleurs,  pour  les  amateurs  de  tableaux  une  jouissance  plus 
complète  que  de  visiter  les  musées  déjà  parcourus  ?  revoir  les  tableaux 
qui  plusieurs  ibis  ont  attiré  nos  regards,  et  sentir  s'aviver  notre 
admiration  devant  des  compositions  ingénieuses  et  habiles,  de  brillants 
effets  de  lumière  et  de  coloris  ou  de  savants  arrangements  de 
draperies  ? 

Celui  qui  se  borne  à  parcourir  un  musée,  le  catalogue  à  la  main, 
pressé,  inquiet,  ne  recueille  souvent  qu'une  courbature  ;  dans  sa 
précipitation  il  a  grisé  son  œil,  la  course  aux  chefs-d'œuvre  lui  a 
donné  la  migraine. 

Il  me  souvient  qu'avec  nos  amis  de  la  villa  Médicis,  alors  que  nous 
passions  une  journée  exquise  à  la  Chapelle  Sixtine,  nous  vîmes  défiler 
un  troupeau  humain  à  qai  le  cicérone  d'une  agence  accordait 
dix  minutes  pour  admirer  les  fresques  peintes  au  plafond  par  Michel- 
Ange  :  la  création  vigoureuse  de  l'homme,  la  naissance  suave  de  la 
femme  évoquée  comme  une  fleur  par  le  Père  éternel  ;  les  sybilles,  les 
prophètes  des  écoinçons  et  le  grand  panneau  du  Jugement  dernier.  Le 
peintre  Pinta  qui  était  des  nôtres  conseilla  à  l'une  des  victimes  d'aller 
plutôt  fumer  un  bon  cigare  français  sur  le  pont  St-Ange,  lui  certifiant 
que  le  souvenir  de  Michel-Ange  serait  tout  aussi  précis,  dans  son 
cerveau,  le  lendemain. 

La  crainte  de  cette  lassitude  faisait  dire,  à  un  Anglais,  charrié  en 
breack  avec  une  cohorte  de  touristes,  du  Louvre  au  Luxembourg: 


—  237  — 

«  Encore  des  tableaux  !  je  viens  d'en  voir  »  ;  et  il  refusait  obstinément 
de  descendre,  préférant  fumer  sa  petite  pipe.  C'était  un  sage. 

Pour  éprouver  une  satisfaction  réelle,  il  faut  visiter  un  musée,  une 
première  fois,  sans  catalogue,  en  se  laissant  inviter  par  les  tableaux 
qui  vous  sollicitent,  prendre  quelques  notes  très  sommaires,  revoir 
ensuite  avec  son  livret,  se  promener  de  salle  en  salle,  puis  revenir  et 
revenir  encore.  Qui  n'a  connu  ce  plaisir  n'éprouve  que  l'impression 
superficielle  et  fugitive  du  voyageur  en  train  express  devant  lequel 
défilent  des  panoramas  incohérents.  C'est  en  relisant  un  livre  qu'on  le 
juge  sainement,  la  première  lecture  est,  en  quelque  sorte,  une  besogne 
matérielle,  un  opéra  entendu  une  première  fois  ne  saurait  être  apprécié 
avec  justesse,  tout  vous  trouble,  la  salle,  l'affabulation  parfois  confuse, 
les  costumes,  les  décors,  on  ne  peut  goûter  les  impressions  vives  de 
l'orchestration  et  la  variété  des  timbres...  il  v  faut  revenir  pour  juger  : 
«  A  mon  âge,  disait  un  de  nos  grands  philosophes,  je  ne  lis  plus,  je 
relis  ». 

Il  en  va  de  même  pour  les  œuvres  de  peinture  et  de  sculpture.  Une 
première  impression  fait  papilloter  le  cerveau;  il  ne  reste  que  la 
sensation  rompue  et  bizarre  que  vous  donne  un  kaléïdoscope.  J'irai 
plus  loin,  les  compagnons  de  voyage  qui  vous  entourent  et  qui  tous 
veulent  exprimer  une  opinion,  sont  aussi  le  plus  souvent  un  motif  de 
trouble,  les  bruits  de  la  foule  inconsciente  et  impulsive  vous  assour- 
dissent, l'oreille  se  fatigue  au  détriment  de  la  vision.  Tous  ceux  qui 
aiment  savourer  la  vue  des  objets  d'art  me  comprendront.  Pour  moi, 
j'ai  eu  cette  bonne  fortune  d'avoir  toujours  en  Hollande,  des 
compagnons  choisis  dont  le  discernement  et  le  goût  ne  faisaient 
qu'accentuer,  sans  déviation,  mes  propres  impressions  et  tout  d'abord, 
à  deux  reprises,  ma  compagne  à  la  vision  très  sûre,  très  juste,  qui  a 
partagé  aussi  mes  émotions  de  l'Italie,  de  la  Russie,  de  l'Allemagne, 
de  l'Autriche  et  de  l'Angleterre,  —  ce  dernier  avec  noire  Lise  adorée,  — 
et  un  charmant  lettré,  mon  collègue  aujourd'hui,  à  qui  j'envoie  de  loin 
ce  salut  fraternel,  qui  après  avoir  apprécié  les  maîtres  flamands  et 
hollandais  m'a  demandé  de  l'accompagner  en  Andalousie  et  a  décrit  en 
maître  les  beautés  de  l'Alhambra. 

J'ai  eu  aussi  la  bonne  chance  de  parcourir  toute  la  Hollande  avec 
un  jeune  ménage  qui  se  retrouvera  souvent  dans  mes  notes  rapides 
sur  l'excursion  d'août  1897.  Le  capitaine,  fils  et  petit  fils  de  général 
était  très  documenté  sur  l'histoire  militaire  et  goûtait  beaucoup  les 
Pays-Bas  tout  pleins  de  souvenirs  guerriers.  Il  n'en  était  pas  moins  fort 


—  238  — 

amoureux  des  pacifiques  tableaux  de  genre  et  des  portraits  de  Frans  Hais 
qu'il  plaçait  au  dessus  de  tous  les  peintres.  Sa  blonde  moitié  ne  perdait 
pas  une  occasion  de  voir  et  d'admirer,  jamais  lasse,  toujours  allante, 
un  crayon  à  la  main ,  elle  garnissait  un  mignon  calepin  de  notules 
savoureuses  sur  les  maîtres  hollandais  ;  elle  en  conterait  long 
aujourd'hui  sur  Rembrandt  et  sur  Steen. 

Pour  finir,  je  dirai  que  mon  dernier  voyage  en  mai  1898,  s'est 
effectué  en  la  société  tout  éprise  d'art  et  de  belles  choses  de 
compagnons  et  compagnes  de  route,  compatriotes  de  ce  cher  pays 
du  Nord,  où  si  nombreux  sont  les  artistes,  plus  nombreux  encore 
les  dilettantes.  Le  souvenir  de  cette  excursion  trop  rapide,  où  les 
conversations  et  les  discussions  artistiques  naissaient  spontanément 
et  vivement  au  contact  des  chefs-d'œuvre  est  encore  tellement  vivant 
en  nous  que  nous  ne  pouvons  nous  rencontrer  ou  nous  écrire,  sans 
parler  de  recommencer  ce  voyage  ou  d'en  exécuter  un  autre  dans  le 
même  enthousiasme  avec  cette  fleur  de  toutes  les  impressions  colorées 
que  l'on  ne  rencontre  qu'en  la  société  de  femmes  distinguées  d'esprit 
et  d'hommes  qui  connaissent  le  prix  de  la  vie  et  placent  au-dessus 
de  tout,  la  grande  fraternité  des  pensées  élevées  et  de  l'art  éternel. 

Nous  raconterons  quelque  jour  les  impressions  d'art  que  nous  avons 
ressenties  en  Belgique,  surtout  à  Bruges  dont  le  coloris  flotte  en  nos 
imaginations,  avec  ses  Memling  expressifs,  ses  églises  où  dorment  les 
souvenirs  dos  ducs  de  Bourgogne,  ses  tours  hautaines,  ses  pignons 
crénelés.  Nous  aurons  plaisir  aussi  à  crayonner  quelques  pages  sur  le 
Musée  de  la  Tour,  à  Sl-Quentin. 


Je  ne  voudrais  pas  clore  cette  préface  sans  donner  un  remerciement 
chaleureux  au  très  aimable  Consul  des  Pays-Bas,  M.  Ledieu,  qui 
m'avait  garni  le  portefeuille  d'accréditations  toutes  puissantes,  de 
véritables  «  Sésanie  ouD-e-toi  ». 


I. 

DORDRECHT 


Le  bras  de  mer  est  passé,  nous  approchons  de  Dordrecht De  tous 

côtés,  tournent  les  moulins,  les  jolis  moulins,  la  joie  de  nos  aquarellistes, 


—  239  — 

avec  leurs  tours  de  pierre  coupées  par  un  balcon  en  encorbellement 
au-dessus  duquel  s'agitent  des  ailes  rouges  au  milieu  des  prés  fleuris 
de  trèfles  et  de  renoncules.  La  lumière  blonde  argenté  les  saules  et 
fait  vibrer  les  taches  noires  des  génisses.  Au  bout  de  l'horizon,  des 
silhouettes  d'arbres  ouatées,  coupées  ça  ot  là,  de  petits  clochers 
pointus  et  de  grêles  peupliers  qui  s'élancent  en  fuseaux 


Nous  entrons  à  Dordreclit  sous  une  voûte  d'arbres,  aux  larges 
ramures  et  à  l'épaisse  frondaison  ;  de  chaque  côté,  des  villas  exquises 
de  fraîcheur  émergent  des  jardins  mouillés  par  un  gracieux  cours 
d'eau.  Les  portes  de  ces  riantes  demeures  sont  dissimulées  sous  le 
lierre  d'où  serpentent  en  rinceaux  des  branches  de  clématites. 

Voici  la  Groote  Kerk  avec  sa  belle  grille  de  cuivre  qui  sépare  le 
chœur  de  la  nef.  Les  sculptures  des  stalles  représentent  l'entrée  de 
Charles-Quint  et  une  procession  dont  les  personnages  contrairement 
aux  traditions  des  «  imagiers  »  des  Pays-Bas  et  de  l'Allemagne  sont 
traités  à  l'antique  avec  des  flottements  et  des  enroulements  de  fines 
draperies  d'un  goût  athénien.  Les  tètes  minces  et  gracieuses  surmontent 
des  corps  plus  allongés  que  les  proportions  humaines,  c'est  un  petit 
stratagème  dont  Michel-Ange  et  Jean  Goujon  étaient  accoutumés. 
Le  XYIIP  siècle  reprit  plus  tard  ce  canon  au  grand  profit  de  l'élégance 
et  de  la  finesse  des  figures.  Une  jeune  huguenote  blonde,  aux  yeux  de 
myosotis  nous  montre  toutes  ces  œuvres  d'art  avec  un  fin  sourire 
plein  d'énigmes,  on  dirait  la  petite  Rosa  de  La  Haye,  la  fille  du  geôlier 
Gryphus  dans  la  Tulipe  noire  de  Dumas. 

Dans  toute  la  ville  qui  se  prépare  à  recevoir  dimanche,  la  petite 
reine  Wilhelmine,  se  dressent  des  arcs  de  triomphe  et  des  escaliers 
d'apparat  de  grande  allure  architecturale.  Les  rues  sont  encombrées, 
et  les  petites  voitures  des  laitiers,  traînées  par  de  bons  toutous,  brillent 
de  l'éclat  doré  des  buires  gigantesques.  Les  jolies  paysannes  portent 
sur  la  tète  un  casque  d'or  recouvert  d'un  bonnet  de  dentelle,  aux 
larges  ba volets,  et,  à  la  hauteur  des  oreilles,  des  tire-bouchons  ou  des 
œillières  agrémentées  d'épingles  émaillées.  Celte  note  pittoresque 
charme  les  yeux  sous  le  soleil  qui  illumine  benoîtement  les  choux-fleurs, 
les  betteraves  rouges  et  les  cornichons  solennels.  Sur  tout  le  marché, 
des  cris  de  vendeurs  jettent  la  joie,  cependant  que  carillonnent  les 
cloches  qui  ont  tinté  souvent  pour  appeler  les  Hollandais  aux  grandes 
luttes  de  jadis. 


—  240  — 

Çà  et  là,  des  canaux  coupent  les  rues  et  donnent  aux  maisons  qui  se 
mirent  dans  l'eau,  une  perspective  variée  de  pignons  étranges  aux 
silhouettes  fantaisistes.  Aux  fenêtres,  fermées  par  de  minuscules 
vitrages,  se  balancent  des  plantes  grimpantes  qui  ondulent  sur  le  mur 
verdoyant  de  mousse.  Dans  les  rues,  des  portes  sculptées  du  XVIIP 
siècle,  des  rampes  en  fer  forgé  et  des  balcons  chantournés  dessinent 
de  capricieux  profils.  L'ami  Robida  pourrait  passer  ici  de  bonnes 
heures,  et  dessiner  de  puissantes  eaux-fortes  loin  des  cubes  de  pierres, 
triomphe  géométrique  de  nos  villes  modernes. 

Au  musée,  nous  admirons  un  beau  portrait  du  peintre  anglais 
/?e^>?o/ds  par  Ary  Schefîer  qui  est  né,  comme  on  sait,  à  Dordrecht. 
Les  héritiers  français  de  ce  grand  maître  qui  sont  gens  de  bien  et  de 
goût  et  s'entendent  aux  choses  de  la  peinture  devraient  bien  intriguer 
pour  retirer  de  cette  galerie,  la  Résurrection  de  Lazare,  peinture 
anémique  d'un  classique  maniéré.  De  Baen  laisse  voir  de  lui,  les 
portraits  de  Jean  et  Cornelis  de  Witt  et  ceux  du  père  et  de  la  mère 
du  grand  pensionnaire  et  du  Contrôleur  des  digues,  victimes  des 
fureurs  des  habitants  de  La  Haye.  Nous  admirons  aussi  quelques  beaux 
paysages  modernes  de  Bernard  Kaldewen,  puis  nous  retournons  sous 
les  arbres  ombreux,  l'eau  se  ride  doucement ,  les  clématites  fris- 
sonnent, les  fleurs  rouges  éclatent  en  joyeuses  fanfares  sur  la  verdure 
des  pelouses.  Nous  regardons  la  Meuse  sillonnée  de  nacelles  aux  voiles 
écartâtes,  puis  nous  cheminons  entre  mille  moulins  ;  c'est  ici  que  le 
bon  poète  du  Chat  noir,  Paul  Delmet,  pourrait  chanter  : 

Tourne,  tourne  mon  moulin  (1). 

H. 

ROTTERDAM 

Adieu,  la  vie  paisible  de  Dordrecht,  ici  tourne  un  autre  moulin.  Dans 
le  port,  des  steamers  d'importance  soufflent  et  halètent,  cependant  que 


(1)  Il  nous  a  été  donné  de  voir  en  diverses  saisons  les  environs  de  Dordrecht. 
L'aspect  du  printemps  nous  a  séduits  tout  autant  que  celui  de  Tété.  Les  gammes  de 
vert  allant  de  l'avoine  arjrentée  jusqu'au  vert  sombre  des  blés,  le  chant  joyeux  des 
genêts  d'or  sur  les  sapins  rabougris  ou  sur  les  haies  d'aubépines  fleuries,  les  jeunes 
pousses  rouges  des  arbres  dans  les  petits  bois  qui  coupent  les  pâturages  ont  laissé 
dans  nos  yeux  le  mirage  d'une  exquise  aquarelle  (mai  18'J8). 


-  241  — 

des  coquilles  de  noix  apportent  de  tous  les  canaux  des  marchandises 
bouclées  et  emballées  qui  vont  prendre  la  haute  mer.  Ici,  c'est  la 
turbulence  de  la  vie  en  opposition  avec  les  mœurs  pastorales. 

Le  musée  Boijmans  est  installé  avec  beaucoup  de  méthode  et 
d'élégance.  Nous  approchons  le  nez,  comme  doit  faire  tout  bon  myope 
d'une  délicieuse  série  de  petits  croquis  à  la  plume  de  Rembrandt.  C'est 
là  qu'on  peut  voir  avec  quel  brio,  dans  quel  bouillonnement  impétueux, 
l'idée  première  d'un  tableau  lui  montait  au  cerveau  et  comment  il  la 
traduisait  en  quelques  traits  essentiels  et  rudimentaires.  Il  est  inté- 
ressant aussi  de  voir  le  portrait  de  son  père  Hny^men  Gerritz  van 
Ryn,  coiffé  d'une  toque  noire  et  vêtu  à  l'orientahî  dans  le  fracas  des 
couleurs  rouges  et  vertes,  violettes  et  jaunes. 

Il  nous  sera  permis  de  tenir  cette  œuvre  pour  médiocre  et  de  ne  pas 
lui  décerner  les  éloges  que  nous  donnerons  à  la  plupart  des  toiles  du 
maître  que  nous  plaçons  si  haut  dans  la  hiérarchie  des  peintres.  Il 
n'est  que  les  snobs  pour  chanter  la  louange  universelle  et  rendre  le 
compliment  suspect  et  fade  à  force  de  prodigalité.  Ce  n'est  pas  nous, 
admirateur  passionné  de  Rembrandt  qui  voudrions  nous  extasier 
devant  la  grisaille  qu'il  a  peinte  en  mémoire  des  traités  de  Westphalie: 
trop  de  flèches  allégoriques  qui  sont  des  rébus  dont  il  faut  chercher  la 
clef  dans  les  guide-ànes  ;  assez  du  lion  couché  et  la  peste  soit  des 
chaînes  symboliques  qui  l'attachent.  L'arbre  de  la  liberté  qui  a  perdu 
ses  feuilles  peut  charmer  des  mélancolies  qui  ne  sont  pas  les  nôtres, 
mais  Rembrandt  avait  mieux  à  faire  que  de  s'épuiser  dans  la  préciosité 
ridicule  de  ce  fatras  d'allégories.  Les  procédés  pompeux  de  la  peinture 
officielle  auraient  émasculé  ce  monstre  de  génie.  11  est  heureusement 
resté  lui-même  avec  ses  dons  prodigieux  :  sous  son  pinceau  la  lumière 
éclate  en  notes  fulgurantes  sur  les  clairs  obscurs  ;  ses  figures  aux 
puissants  reliefs,  et  ses  draperies  savantes  éblouissent  nos  yeux.  Nous 
laisserons  donc  la  grisaille  de  Rotterdam  comme  une  page  de  second 
ordre,  les  bons  chevaliers  bardés  de  fer,  les  cavaliers  armés  de  piques 
ne  rivaliseront  jamais  avec  le  portrait  de  la  jolie  Frisonne,  Saskia,  sa 
fiancée,  exposée,  l'an  dernier,  à  l'école  des  Beaux- Arts,  à  Paris,  déli- 
cieuse en  ses  draperies  vertes  et  son  portrait  joyeux,  et  un  tantinet 
égrillard  avec  sa  femme  sur  ses  genoux,  à  Dresde,  ainsi  que  les 
grandes  toiles  de  l'Ermitage  de  St-Pétersbourg. 


Saluons  en  passant  les  portraits  si  chaleureusement  peints  de  Van 

16 


—  242  — 

der  Helst  :  un  Ministre  Prolestant,  Portrait  d'Homme,  Portimit  de 
Femme,  celui  du  drapier  Ahraliam  del  Court  avec  sa  Femme,  celui 
du  Directeur  de  la  Compagnie  des  Indes,  Daniel  Bernard.  Quand 
on  voit  ces  personnages  de  face  on  sent  qu'ils  ont  un  dos.  Celte 
image  sera  bien  comprise,  elle  rend  exactement  notre  pensée.  Voyez 
donc  par  comparaison  le  portrait  du  malheureux  grand  pensionnaire  de 
Rotterdam,  Johan  A^an  Olden-Barneveld,  copié  d'après  Mierevelt  et 
vous  verrez  comment  un  peintre  peut  plaquer  une  image  sur  une  toile 
sans  souci  du  relief. 


Avant  d'admirer  à  Harlem  les  beaux  tableaux  représentant  les 
corporations  de  Frans  Hais,  nous  saluons  à  Rotterdam  le  Portrait  d'un 
Vieux  Seigneur  brossé  par  ce  maître  illustre.  Les  peintures  de 
corporations  ne  manquent  pas  non  plus  au  musée  Boijmans  :  Cornelis 
Willems  Eversdijk  y  a  représenté  deux  réunions  des  officiers  et 
membres  de  la  confrérie  «  V Arbalète  noble  »  de  Yan  der  Goes  et  la 
Confrérie  des  Arquebusiers;  son  flls  Willem  a  peint  aussi  les 
arquebusiers  de  Goes. 

DeuxMariiies  de  Backhuysen  et  le  Port  du  Texel  de  Yan  de  Yelde 
nous  donnent  aussi  un  avant-goût  des  œuvres  que  nous  verrons  dans 
les  galeries  plus  importantes.  Le  musée  de  Rotterdam  est,  en  effet, 
tombé  au  second  plan  depuis  qu'il  a  perdu,  en  1864,  dans  un  incendie, 
près  de  300  tableaux. 

Hobbema  nous  montre  deux  paysages.  Toute  la  dynastie  des  Ruisdael 
est  représentée  ici  ;  Jacob  Salomon  par  un  Paysage  boisé,  Jacob  Isaac, 
son  fils,  par  un  Champ  de  blé,  un  Chemin  sablonneux  et  Y  Ancien 
marché  aux  poissons  et  Salomon  par  la  Meuse  devant  Dordrecht. 
Ces  deux  derniers,  on  le  sait,  étaient  les  fils  de  Jacob  Salomon. 

Jean  Wouwerman  est  rei)résenté  ici  par  les  Dunes,  et  son  frère 
Philipj)e,  celui  quia  rendu  le  nom  illustre,  nous  laisse  voir,  les  Soldais 
pillant  un  village. 

Que  de  beaux  portraits  seraient  à  signaler,  mais  nous  sortirions 
du  cadre  où  nous  voulons  placer  nos  impressions.  Il  serait  pénible 
pourtant  de  ne  pas  donner  un  souvenir  aux  deux  Portraits  d'hommes, 
de  Simon  de  Vos,  à  ceux  de  Gaspar  Xeischer  et  à  celui  de  son  fils 
Constantin,  à  la  Jeune  femme  de  Pnulus  Moreelse,  à  la  Femme  de 
Pieri'e  Puurbus  et  au  Prêtre  de  Gabriel  Metsu. 


—  243  — 

La  gaîté  flamande  no  perd  jamais  ses  droits.  Adrien  Yan  Ostade 
nous  apparaît  avec  le  Pai/san  qui  rit  et  un  Jurisconsulte  dans  son 
cabinet  ;  Jean  Sfeen  nuus  donne  la  Fête  de  St-Nicolas  et  l'Opérateur. 
Le  Marchand  de  poissons  do  Frans  Mieris  est  d'une  grande  vérité 
d'observation.  Voici  les  Oiseaux  de  Gilbert  d'Hondecoeter,  ceux  de 
Melchior,  son  fils,  et  le  Cygne  mort  de  Jean  Weenix  avec  les  natures 
mortes,  si  nombreuses  au  musée  de  l'Ermitage,  de  Cornelis  et  de  Jean 
de  Heem.  Un  autre  peintre  de  natures  mortes  et  d'animaux,  grand 
maître  du  genre,  Frans  Snyders,  est  représenté  à  Rotterdam  par  un 
Sanglier  se  défendant  contre  les  chiens. 

Voyons  pour  finir,  le  Village  de  Noordioich  par  Jean  van  der  Meer, 
et  aussi  une  rareté  bibliographique,  le  merveilleux  ouvrage  sorti, 
en  1665,  des  presses  de  Jacob  Scliepper,  à  Amsterdam,  avec  les  dessins 
si  fins  de  Jac  Cats  dont  l'œuvre  complet  est  publié  en  ce  livre. 

m. 

LA    HAYE.  —  SCHEVENINGUE 

Avant  d'étudier  les  œuvres  d'art  de  la  Haye,  nous  nous  rendons 
à  Scheveningue,  délicieuse  plage  à  laquelle  on  accède  par  un  bois 
de  haute  futaie,  placé  à  souhait,  près  de  cette  capitale  aristocratique, 
d'un  aspect  très  élégant,  d'une  propreté  surtout,  qui  est  proverbiale. 
Les  soins  les  plus  minutieux  sont  donnés  aux  façades  des  demeures  ; 
les  vitrages,  les  cuivres  des  portes  étincellent  et  les  trottoirs  sont 
invitants  pour  les  promeneurs. 

On  arrive  aux  dunes  de  Scheveningue  par  une  route  bordée  de 
fraîches  résidences  d'été,  plantées  dans  des  bouquets  de  riches  feuillages 
ornementaux  et  entourées  de  parcs  fleuris.  C'est  ici,  mieux  qu'en  nos 
grenouillières  banales^  attristées  d'hôtels  et  de  hoardlng  houses,  que 
s'écoule  doucement  la  vie,  dans  la  tiédeur  de  l'atmosphère  rafraîchie 
sans  cesse  par  le  zéphyr  de  la  mer. 

La  plage  de  Scheveningue  est  une  résidence  délicieuse  et  nous  com- 
prenons le  juste  orgueil  des  Hollandais  pour  cet  asile  poétique.  Nous 
parlerons  plus  loin  d'une  autre  plage,  Zandvoortqui  donne  aux  grands 
bourgeois  d'Amsterdam  et  à  ceux  de  Harlem,  les  heures  de  doux 
farniente  que  Scheveningue  ménage  aux  patriciens  de  La  Haye. 


MAURITSHUIS. 

C'est  la  Leçon  d'anatomie  «de  Rembrandt  que,  pour  la  sixième  fois, 
nous  avons  été  admirer  à  La  Hâve.  La  figure  du  maître  Nicolas  Tulp 
est  dans  nos  yeux  depuis  longtemps  et  nous  aurons  l'occasion  de  la 
reconnaître,  en  maints  portraits,  particulièrement  à  la  Galerie  Six  à 
Amsterdam.  Cette  œuvre  de  haute  facture  a  été  exécutée,  on  le  sait, 
pour  la  ghilde  des  chirurgiens  d'Amsterdam.  Nous  suivons  avec 
attention  la  leçon  comme  le  font  trois  des  élèves  et  nous  pardonnons 
aux  quatre  autres  de  regarder  un  peu  trop  peut-être  le  spectateur, 
parce  qu'ils  nous  montrent  sur  leurs  collerettes  blanches  de  belles  et 
intelligentes  figures.  Nous  ne  voudrions  pas  lui  donner  la  même 
importance  qu'à  la  Ronde  de  Xuit  qui  nous  semble  l'œuvre  dominante 
de  Rembrandt.  11  n'en  est  pas  moins  que  la  Leçon  d'Anatoniie  offre  une 
composition  intéressante  à  laquelle  manquent  encore  les  moyens 
prestigieux  de  la  peinture  du  maître,  qui  n'éclate  pas  ici,  en  feu 
d'artifice,  comme  dans  la  toile  magistrale  d'Amsterdam.  Toutefois, 
les  effets  de  clair  obscur  existent  déjà  et  ce  brillant  début  donnait 
l'espérance  des  succès  futurs. 

A  ceux  qui  n'admettent  pas  que  la  peinture  demande  de  nous  un 
certain  dédoublement,  et  qui  soutiennent  qu'il  n'est  de  beaux  tableaux 
que  ceux  que  la  foule  admire,  à  ceux-là,  nous  dirons  que  la  leçon 
d'anatomie  ne  saurait  trouver  grâce  devant  eux,  car  le  sujet  n'a  rien 
d'enjoué  et  la  peinture  n'est  pas  brossée  pour  amuser  les  petites  filles. 

Mais  à  quoi  bon  chercher  le  goût  de  la  foule,  son  appréciation  n'est- 
elle  pas  toujours  un  peu  suspecte  ?  Quand  le  peintre  s'est  bien  agenouillé 
devant  ses  prédilections  et  lui  a  servi  la  marchandise  qu'elle  désirait, 
n'a-t-elle  pas  des  réveils  qui  lui  font  briser  l'idole  de  la  veille  et  rendre 
une  justice  tardive  aux  œuvres  méconnues  ?  Que  peut  donc  faire  à 
l'amateur,  au  dilettante  sincère,  l'opinion  de  cette  masse  impulsive  qui 
prétend  que  la  beauté  d'une  œuvre  d'art  doit  nous  saisir  comme  la 
beauté  d'une  jolie  fille  qui  passe,  que,  dans  un  opéra,  il  ne  faut  jamais 
laisser  travailler  son  esprit,  mais  s'attacher  seulement  aux  mélodies 
banales  que  les  petits  mitrons  et  les  peintres  en  bâtiments  peuvent 
chanter  le  lendemain  ? 

Pour  nous,  notre  point  de  vue  est  autre,  et  nous  cherchons  dans  un 
tableau  de  Rembrandt,  par  exemple,  à  plonger  dans  les  regards  des 


—  245  - 

personnages,  à  cherelier  leur  âme,  leurs  pensées  intimes,  à  interpréter 
ces  physionomies  qui  ne  sont  point  l'effet  du  hasard,  d'une  expression 
fugitive  comme  dans  la  photographie  d'un  instantané.  C'est  ainsi  qu'il 
nous  arrive  —  nous  le  croyons  du  moins,  —  de  ressentir  en  diminutif  le 
choc  qu'a  dû  éprouver  l'artiste  lui-même. 

Elle  mérite  bien,  de  notre  part,  une  étude  passionnée  cette  école 
hollandaise,  ce  ne  sont  pas  les  idées  mystiques  si  délicieusement 
exprimées  par  nus  maîtres  de  Bruges  et  de  Gand  qui  l'unt  inspirée  ; 
elle  n'a  pas  non  plus  suivi  le  thème  du  grand  vénitien  d'Anvers,  l'im- 
mortel Rubens,  qui  est  avant  tout,  dans  l'expression  élevée  du  mot,  un 
décorateur  à  la  riche  palette.  Les  maîtres  hollandais  et,  par-dessus 
tous,  Rembrandt  et  Frans  Hais,  qui  ne  se  sont  point  efforcés  d'embellir 
des  princes  plus  ou  moins  gracieux  et  élégants,  arrivent  au  maximum 
de  la  représentation  de  la  physionomie  et  des  allures  de  leurs  grands 
bourgeois. 

A  ce  titre,  plusieurs  portraits  de  Rembrandt  exposés  à  La  Haye 
présentent  un  vif  intérêt,  le  sien  d'al^ord  en  Officier,  avec  un  bel  effet 
d'ombre  sur  la  figure  et  une  lumière  étincelante  sur  le  col  ;  celui  de 
sa  Mère,  le  portrait  de  son  Frère  Adrien,  qui  nous  apparaît  bien 
comme  l'ex-savetier.  Un  portrait  du  peintre  à  l'âge  de  23  ans  et  celui 
de  sa  femme  Saskia. 

Les  qualités  maîtresses  de  l'artiste  se  dévoilent  dans  la  Présentation 
au  Temple  que  nous  préférons  à  la  Suzanne  au  bain,  où  l'arrangement 
des  draperies  est  d'un  art  bien  supérieur  à  la  construction  du  modèle  ; 
on  a  voulu  v  retrouver  Saskia. 


Paul  Potter  nous  donne  une  peinture  très  exacte  et  d'un  aspect  de 
grande  vérité  dans  le  Jeune  Tam^eau.  Le  bouvier  et  les  animaux  sont 
d'une  exécution  très  finie,  et  ceci  sans  puérilité,  bien  que  les  badauds 
admirent  sur  le  dos  du  taureau  les  poils  qu'on  pourrait  compter  et  les 
mouches  qui  paraissent  vivantes.  Le  plaisir  de  voir  au  microscope  un 
tableau  de  cette  envergure  n'est  pas  celui  que  nous  cherchons.  Le 
peintre  qui  n'avait  alors  que  23  ans,  a  fait  grand  et  non  minutieux 
dans  son  ciel  très  orageux,  d'une  justesse  parfaite.  La  lumière  projetée 
sur  le  pré  du  second  plan  est  d'un  charme  inexprimable.  Disons,  sans 
vouloir  diminuer,  en  quoi  que  ce  soit  la  beauté  de  l'ensemble,  que  toute 
la  partie  de  droite  et  le  centre  occupé  par  le  taureau,  méritent  surtout 
l'attention. 


—  246  — 


Trois  des  belles  œuvres  du  Mauritshuis  sont  les  tableaux  de  Breughel 
le  vieux,  dit  «  de  Velours  »  :  le  Paradis  ter^resire,  le  Repos  en  Egypte 
et  le  Christ  délivrant  les  âmes  du  PiÀrgaioi7'e. 


Il  faudrait  écrire  un  volume  pour  peindre  nos  impressions  à  la  vue 
des  neuf  peintures  de  Wouwerman.  Le  Départ  de  V hôtellerie  est  la 
plus  remarquable,  à  notre  sens.  L'artiste  n'y  a  pas  oublié  son  beau 
cheval  blanc  qui  est  devenu,  en  quelque  sorte,  sa  marque  de  fabrique. 
Notons  aussi  de  Rogier  Van  der  Weyden,  le  maître  de  Memling,  un. 
Christ  descendu  de  la  croix. 


Nous  nous  sommes  retrouvés  au  salon  carré  du  Louvre,  au  Prado  et 
à  Se  ville  avec  la  Vierge  et  V  Enfant  Jésus  de  Murillo. 

Pour  grouper  ensemble  les  peintres  étrangers,  citons  ^Marcello 
Fagolino  avec  sa  Vierge  et  l'Enfant  Jésus  entourés  de  saints  etMatea 
Cereso  qui  a  peint  une  exquisse  Madeleine  pénitente  à  la  figure 
empreinte  d'une  tendre  expression  et  aux  draperies  du  plus  bel 
arrangement.  Deux  portraits  encore  de  Picro  di  Cosimo  représentant 
l'un  le  Musicien  Francesco  Giamberti  au  profil  très  énergique,  sous 
le  bonnet  écarlate,  est  vêtu  d'un  pourpoint  brun  orné  d'un  large  col 
noir;  l'autre,  celui  de  l'architecte  florentin  Giuliano  da  San  Gallo. 

Et  enfin ,  le  portrait  du  fils  de  Philippe  IV,  l'infant  Charles 
Balthazar  dont  un  double  figure  à  Londres,  dans  la  collection  de  la 
Reine  Victoria,  à  Buckingham  Palace. 

Admirons  de  Palma-le-Vieux  le  Portrait  de  Jeune  Femme  aux 
cheveux  blonds,  à  la  gorge  découverte.  Ce  tableau  est  rutilant  de 
coloris  comme  ceux  du  même  maître  à  l'Académie  de  Venise. 

Le  maître  Jordacms  nous  fait  passer  la  Mer  rouge,  et  l'élève  de 
Rembrandt,  Salomon  Koninck  nous  représente  dans  V Adoration  des 
Mages  une  concentration  étinclante  de  lumière  sur  la  figure  delà 
Vierge  et  de  Jésus  avec  de  brillants  effets  de  costumes  d'Orient  dont 
sont  parés  les  princes  guidés  par  l'étoile. 

Rubens  est  re])résenté  brillamment  en  cette  belle  galerie  :  Eve 
offrant  à  Adam  le  fruit  défendu  et  les  Naïades  remplissant  la  corne 


— . 247  — 

d" abondance  sont  peintes  avec  une  virtuosité  sans  égale.  On  y  respire 
un  air  fluide  et  transparent.  La  naïade  vue  do  dos  est  peut-être  plus 
charnue  qu'élégante  :  le  maître  flamand  aimait  les  belles  chairs  et  s'en 
donnait  à  cœurjoie,  sans  craindre  les  débordements. 

Les  portraits  de  ses  deux  femmes,  Isabelle  Brandi  et  Hélène 
Fourmcnt  attirent  tous  les  regards.  Cette  dernière  est  peinte  avec  des 
torsades  de  cheveux  blonds  rehaussées  de  perles,  la  toque  noire  est 
agrémentée  d'une  plume  d'autruche  blanche  qui  donne  au  port  de  la  tête 
une  superbe  élégance.  La  robe  est  de  satin  bleu  avec  des  crevés  blancs, 
les  mains  sont  des  plus  gracieuses.  De  Rubens  encore,  le  portrait  du 
provincial  des  Dominicains  Ophovius.  Toute  la  puissance  du  grand 
Anversois  se  montre  dans  cette  œuvre.  Ce  serait  le  cas  de  faire  une 
comparaison    entre   les    caractères   des  portraits  de  Rubens  et  les 

personnages  de  Van  Dj'ck,  par  exemple  ceux  de  Sir Sheffield  et 

]Vr  Sheffield. 

Van  Dyck  qui,  mieux  encore  que  son  maître  Rubens,  s'entendait 
à  donner  de  la  majesté  à  un  portrait,  témoin  le  portrait  de  Charles  P*", 
roi  d'Angleterre,   au  Louvre  et  Lord  Warthon,  à  l'Ermitage,  se  fait 

admirer   ici  par  la  figure  de  S/r Sheffield,  iris  axpressiye  snr  la. 

collerette  blanche.  Les  mains  sont  d'une  belle  facture  et  le  reflet  de  la 
lumière  sur  la  manche  gauche  est  du  plus  heureux  eff"et.  Le  portrait 

CCAn7ia  Wake,  épouse  de  Sir Sheffield,  est  sans  contredit  un  des 

plus  beaux  du  maître  :  les  gammes  des  blancs  du  col,  celles  des  crevés 
et  des  broderies  sont  une  merveille  ;  l'auteur  y  a  ménagé  tous  ses  eff"els 
de  blanc  pour  donner  aux  perles  un  bel  orient.  Le  portrait  du  peintre 
d'histoire,  Qitenlin.  Simon  est  à  noter  parmi  les  plus  élégants  du 
maître.  Bol,  l'élève  le  plus  illustre  de  Rembrandt,  a  peint  l'amiral 
Ruyter'  tout  ])rillant  de  jeunesse.  Le  portrait  de  Guillaume  le 
Taciturne  est  d'Adrien  Ke}^  Thomas  de  Keyser  nous  montre  un 
Portrait  de  savant  coifl"é  du  large  chapeau  des  Pays-Bas.  Il  est  assis  et 
feuillette  un  livre  placé  sur  un  pupitre. 

Le  portrait  de  Jacoh  Pieterz  Olycan  par  Frans  Hais  est  d'une  allure 
martiale,  la  figure  est  énergique  et  le  coloris  du  costume  noir  rehaussé 
de  fleurs  est  d'une  grande  richesse.  La  lumière  brille  sur  les  manches 
rayées  de  noir  et  de  brun  et  les  valeurs  de  tons  ont  été  si  bien  sauve- 
gardées que  les  blancs  du  col  et  des  manchettes  à  dentelles  sont  du 
plus  pur  argent.  On  ne  peut  malheureusement  se  placer  au  point  optique 
pour  bien  contempler  ce  tableau,  en  raison  des  cloisons  mobiles  dis- 
posées en  face,   qui  coupent  la  salle.  Du   môme,    nous  admirons  le 


—  248  — 

portrait  d'Aletta  Hmiemans,  et,  de  Philippe  de  Champaigne,  le 
savoureux  portrait  de  Jacohus  Govaerts. 

La  figure  énergique,  aux  lèvres  voluptueuses  du  blond  Paul  Potier 
est  bien  rendue  par  Van  der  Helst.  Le  Portrait  d'une  jeune  femme  de 
la  collection  de  Charles  P^  où  le  catalogue  l'avait  attribué  à  Léonard  de 
Vinci  est  exposé  à  La  Haye  sous  la  rubrique,  d'apr-ès  Holbein.  Cette 
œuvre  est  peut-être  d'Holbein  lui-même  :  elle  est,  en  tous  points,  digne 
de  l'auteur  de  l'Erasme,  mais  le  savant  conservateur  du  musée  de  La 
Haye,  l'éminent  Docteur  Brcdius,  qui  est,  en  ces  matières,  un  des 
hommes  les  plus  entendus,  n'a  pas  voulu  hasarder  une  attribution,  et 
nous  comprenons  la  réserve  que  doit  garder  un  expert  aussi  versé  dans 
la  connaissance  des  œuvres  d'art  :  ses  affirmations  ont  trop  de  crédit 
pour  qu'il  s'aventure,  sans  une  preuve  irréfragable,  à  déclarer  que 
l'œuvre  a  été  peinte  par  l'ami  d'Henri  VHI. 

Quelle  douce  quiétude  s'exhale  de  cette  figure  !  Un  hennin  de 
teinte  jaune  liseré  d'un  fin  galon  noir  retombe  à  droite,  en  un  long 
bandeau  qui  entoure  le  bras.  La  robe  noire  est  garnie  de  fourrures  : 
elle  s'ouvre  largement  sur  une  chemisette  brodée  et  plissée,  et  se 
referme  à  la  taille  par  les  entrelacs  d'un  cordon  rouge  ;  une  ceinture  de 
cuir  blanc,  agrafée  d'argent  enserre  la  taille. 

Les  mains  sont  peintes  par  un  maître  :  elles  rappellent  les  doigts 
fuselés  d'Elisabeth  d'Autriche  dans  le  tableau  de  François  Clouet,  au 
Salon  Carré  du  Louvre. 


Toutes  ces  figures  qui  vous  regardent  et  appellent  votre  attention, 
ces  Capitaines  bardés  de  fer  de  Jean  van  Ravesteyn,  l'aristocratique 
Orfèvre  d'Antonio  Moro  et  le  Portrait  d'homme  aux  grands  yeux 
expressifs  d'Hans  Memling,  l'un  des  volets  d'un  diptyque,  sans  doute, 
vous  suivent  longtemps  après  que  vous  êtes  sorti  du  Mauritshuis.  Ils 
évoquent  en  vous  le  souvenir  de  ces  têtes  à  grand  caractère  des  vieux 
maîtres  des  Pays-Bas. 


Pour  bien  comprendre  Jacob  Ruisdaël,  je  crois  qu'il  n'est  pas 
inutile  d'avoir  beaucoup  parcouru  la  Hollande.  On  n'est  plus  exposé 
comme  le  font  les  bons  critiques  en  cliambre,  à  traiter  les  procédés 
du  maître   de  formules  et  de  canons,  lorsqu'on  a  vu  Harlem  des 


— '  249  — 

dunes  d'Overveen  ou  certain  Vivier  de  La  Haye.  Sa  Cascade  est 
une  œuvre,  en  quelque  sorte  populaire,  qui  a  été  reproduite  à  l'infini. 
C'est  aussi  dans  les  Dunes  que  son  élève  Jean  Wynanls  a  cherché  le 
thème  de  ses  tableaux. 

Un  peintre  qui  procède,  lui,  suivant  les  rites  et  les  dogmes  du 
paysage  classique,  c'est  Jean  Both  dans  son  Paysage  Italien.  Ses 
procédés  servirent  au  début  de  ce  siècle  au  maître  Valenciennes  pour 
formuler  tous  les  préceptes  d(;stinés  à  apprendre  aux  élèves  à  peindre 
la  nature  sans  la  regarder.  C'est  ce  qu'on  a  appelé  le  paysage 
noble ,  thème  que  devaient  traduire  les  jeunes  logistes  de  Rome 
jusqu'en  1848.  Par  bonheur,  Corot,  Rousseau,  Millet  et  Troyon,  ont 
rendu  le  bon  sens  aux  professeurs  de  l'école,  et  leur  ont  fait  entendre, 
au  milieu  des  clameurs  de  la  foule  et  des  critiques  des  rétrogrades,  la 
voix  mélodieuse  qui  chante  dans  nos  forêts  de  la  France  :  ils  leur  ont 
montré  les  nymphes  du  crépuscule  d'or  et  les  fantômes  blancs  qui 
flottent  à  l'aurore  dans  l'humide  rosée. 


Le  vent  souffle  bien  dans  les  marines  de  Backhuysen  (Débarquement 
de  Guillaume  III,  7'oi  d'Angleterre,  dans  VOranie  polder  et  dans  le 
Chatiiier  de  la  Compagnie  des  Indes  Orientales  à  Amsterdam)  ; 
son  ciel  est  bien  aérien,  bien  transparent.  Van  Goyen  nous  conduit  à 
DordrecKt.  Van  de  Velde,  moins  mouvementé  que  Backhuysen,  nous 
montre  une  mer  peuplée  de  navires  à  flot  dans  les  eaux  calmes. 


«  Comme  les  vieux  chantent,  les  petits  piaulent  »  dit  un  tableau  de 
Jean  Steen  (l'artiste  se  représente  lui-même  dans  VEstaminet).  La 
Fête  du  village,  le  Dentiste,  la  Jeune  femme  malade,  la  Visite  du 
mèdeciyi  sont  d'un  arrangement  très  spirituel.  Nous  admirons  aussi  la 
Jeune  mère  de  Gérard  Don,  en  sa  très  gracieuse  disposition  des 
personnages,  sous  une  lumière  étrange  venant  d'une  fenêtre  latérale  ; 
la  Dépêche  de  Gérard  ter  Borg,  ainsi  que  les  Amateurs  de  musique  de 
Gabriel  Metsu.  Que  d'éloges  à  donner  au  Ménétrier  de  Van 
Ostade,  à  la  Bon7ie  cuisine  de  Teniers  le  jeune  et  au  repas  qui  repré- 
sente douze  portraits  dans  une  salle  tapissée  de  cuir  de  Cordoue  de 
Gillis  van  Tilborg. 

Allez  donc  voir  cela,  messieurs  les  peintres  de  genre,  et  vous  consta- 


—  2:)0  — 

tcrez  combien  il  y  a  loin  entre  ceux,  qui  seront  toujours  vos  maîtres  et 
TOUS.  Ils  ne  se  seraient  pas  contentés  des  sucreries  et  des  fadeurs  qui, 
chaque  année,  régnent  au  salon,  sur  la  cimaise.  Ils  savaient  concevoir 
un  sujet,  oh  !  très  simple,  ma  foi,  donner  à  chaque  figure  son  expression 
juste  et  disposer  les  accessoires  dans  une  belle  harmonie  de  couleur, 
en  un  mot  tracer,  dans  un  milieu  bien  approprié,  une  scène  de  mœurs. 
La  décadence  du  genre  se  produit  avec  Gornelis  Troost  qui  vivait 
quelque  cinquante  ans  plus  tard  que  Steen.  La  Découverte  de  la 
Super^cherie  de  Jean  Claerz  est  pourtant  encore  une  belle  page 
qui  aurait  tenté  l'habileté  d'un  de  nos  délicieux  graveurs  du  XYIIF  ; 
elle  ferait  une  belle  illustration  dans  un  livre  de  contes  grassouillets 
avec  les  Amoureux  trouvés,  le  Vieax  mari  mis  en  fuite  et  le  Mari 
Ijafoué.  —  Une  série  de  cinq  autres  pastels  relevés  do  gouache  du 
même  auteur,  h  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  Nelri,  en  prenant  les 
initiales  de  chacun  des  titres  représentant  des  scènes  de  beuverie  avec 
ces  inscriptions  latines  : 

Nem.0  loquebatur. 

Erat  sermo  inter  fratres. 

Loquehantur  omnes. 

Rumor  erat  in  casa. 

Ibant  qui  poterant,  C[ui  non  potuere  cadehant. 


Et  pour  finir  les  Natures  mortes  du  maître  Jean  David  de  Hem  dont 
la  descendante,  notre  jeune  amie  Louise  de  Hem  (d'Ypres)  nous  peint 
aujourd'hui  avec  brio  et  une  touche  toute  hollandaise,  des  fruits,  des 
dessertes,  sans  négliger  d'ailleurs  des  sujets  de  genre  toujours 
vigoureux  et  chaleureusement  brossés. 

Admirons  aussi  les  Oiseaux  des  deux  Hondecoeter  et  le  Gibier  du 
grand  Snyders  où  Van  Dvck  a  peint  un  chasseur. 


Les  tableaux  du  iinisée  de  La  Haye  avaient  été  transportés  au  musée 
du  Louvre,  après  nos  victoires.  Au  lendemain  de  Waterloo,  les  Alle- 
mands, rentrant  à  Paris,  décrochèrent  les  toiles  qui  leur  avaient 
appartenues,  et  deux  mois  après,  en  dépit  de  la  résistance  du  prince  de 
Talleyrand  et  de  Denon,  le  directeur  du  Louvre,  et  grâce  au  concours 
de  Wellington,  les  soldats  hollandais  reprirent  bon  nombre  de  leurs 


-  251  — 

chefs-d'œuvre.  Le  baron  Von  Gagera  les  excitait  en  qualifiant  ces 
tableaux  de  «  Souvenirs  de  l'injustice  et  de  la  rapine  ».  11  n'en  est  pas 
moins  resté  en  France  68  toiles  dont  le  Louvre  i)Ossèdc  les  suivantes  : 

Breughel  de  Velours.  —  Paysage  de  forme  ronde. 

Van  Dj'ck.  —  Les  esquisses  des  portraits  de  Charles  II,  de  la  princesse 
d'Orange  et  du  roi  Jacques,  ainsi  qu'une  copie  de  Renaud  et  Armide. 

Miéris.  —  Une  marchande  de  volailles. 

C.  de  Moor.  —  Portrait  d'un  marchand,  de  sa  femme  et  de  ses  trois 
enfants. 

De  Ncefs.  —  Intérieur  d'Eglise. 

Ommeganck.  —  Paysage  avec  figures  et  bétail. 

C.  Poelenburg.  —  Les  anges  annonçant  aux  bergers  la  naissance  (hi 
Messie. 

Pot.  —  Le  portrait  de  Charles  ^^ 

Rubans.  —  Un  paysage. 

Schweickhardt.  —  Un  paysage  d'hiver  et  une  bataille  de  Wouver- 
man. 

Notre  musée  do  Lille  conserve  lui  aussi  des  richesses  que  le  chevalier 
Wicar  n'a  jamais  voulu  restituer.  Les  Pérugin  de  Lyon  nous  sont 
restés,  grâce  à  un  général  Français  qui  a  —  par  mégarde,  dit-on,  oh  ! 
les  mauvaises  langues  !  —  retourné  aux  alliés  deux  autres  tableaux 
religieux  estimant  que  ceux  qu'on  attribuait  à  Pérugin  n'étaient  que 
de  vulgaires  croûtes. 


Au  château  du  bois,  à  La  Haye,  on  voit,  à  la  salle  d'Orange,  une 
décoration  qui  prend  toute  la  salle  depuis  la  cimaise  jusqu'aux 
voussures  des  frises.  Cette  salle  fut  décorée  en  1648,  sur  l'ordre  de  la 
princesse  Amélie  de  Salm,  en  mémoire  de  son  mari,  le  prince  Frédéric- 
Henri.  C'est  une  représentation  allégorique  de  toute  la  vie  du  prince, 
exécutée  par  Jordaens  et  par  les  élèves  de  Rubens,  Van  Tulden, 
César  d'Everdingen,  Brisée,  Zoutman,  de  Bray,  Honthorst,  Lievente 
et  de  Grebber.  —  Nous  admirons  Vénus  assistée  par  les  nymphes,  qui 
suspend  les  insignes  du  triomphe  ;  puis  les  savoureuses  nudités  du 
tableau  qui  représente  le  Butin  du  Brésil  dans  la  Guerre  de  Trente 
ans  contre  les  Espagnols,  ainsi  que  la  grande  fresque  intitulée  : 
Triomphe  après  la  paix  de  Bois-le-Duc. 


—  252  — 

IV. 

HARLEM 

Nous  voici  arrivés  en  pleine  kermesse.  Sur  la  place  se  dresse  la 
cathédrale  et,  devant,  la  statue  de  de  Coster  qui  aurait,  dit-on,  le 
premier,  imprimé  avec  des  caractères  mobiles.  Ce  ne  sont  partout  que 
boutiques  foraines  et  baraques  de  spectacles  ;  toutes  les  rues  sont 
remplies  de  petits  éventaires  où  s'étalent  des  anguilles  fumées  qu'un 
ami  très  irrévérencieux  qualifie  de  serpents  confits.  C'est  un  mets 
qu'un  estomac  flamand  accueille  avec  plaisir  et  digère  avec  facilité. 
Mes  compagnons  de  voyage  ont,  dans  une  douloureuse  épreuve , 
constaté  qu'il  fallait  être  de  ce  cher  pays  ou  des  provinces  voisines, 
pour  pouvoir  absorber,  sans  mécompte,  ces  produits  des  Pays-Bas. 

Nous  entrons  par  mégarde  dans  une  grande  salle  ou  l'on  fêtait  un 
mariage.  Au  lieu  de  nous  repousser  comme  des  intrus,  on  nous 
accueille  et  nous  voyons  la  plus  jolie  collection  de  bonnets  rustiques 
qui  se  puisse  imaginer.  Des  jeunes  gens  chantent  sur  un  théâtre 
minuscule  et  chacun  savoure  la  blonde  bière  dans  des  hanaps  de  forte 
taille. 

En  aucun  pays  on  ne  rencontre  une  bonhomie  plus  souriante,  une 
serviabilité  plus  empressée.  C'est  à  qui,  par  les  rues  où  vous  errez,  à 
la  recherche  des  quelques  mots  flamands  qui  pourraient  vous  servir 
de  «  sésame  ouvre»-toi  »  vous  viendra  en  aide  et  vous  désignera  le 
monument  que  vous  cherchez,  sans  que  le  plus  pauvre  de  ces  guides 
de  rencontre  vous  montre  la  préoccupation  du  pourboire.  Nous 
sommes  loin  de  ces  mendiants  del'Alhambra,  drapés  dans  leurs  capas 
comme  des  grands  d'Espagne,  qui  vous  tendent  une  main  grêle, 
blanche  comme  la  main  d'une  marquise  et  non  déformée  parle  travail. 
Nous  n'entendons  point  non  plus  de  ces  supplications  larmoyantes 
et  édulcorées  comme  celles  des  Italiens  qui  vous  caressent  les  oreilles 
des  diminutifs  exquis  de  signorlno,  pitchounetta,  pitchounettina.  Ici, 
on  ne  mendie  pas,  on  travaille. 

Une  douce  fierté  est  empreinte  sur  les  figures,  et  une  politesse  toute 
naturelle,  caractérise  ce  peuple,  depuis  le  plus  humble  citoyen, 
jusqu'aux  plus  grands  bourgeois  d'Amsterdam,  de  Rotterdam  et  de 
Harlem,  en  passant  par  les  bons  paysans  des  polders.  Disons  toutefois 
pour  être  exacts  que  cet  instinct  d'affabilité  se  combine  avec  des  élans 


—  253  - 

d'une  curiosité  toujours  en  éveil,  mais  peu  bruyante,  dont  on  l'ail 
l'expérience  en  s'arrêtant  dans  une  rue,  un  livre  à  la  main.  En  un 
instant,  un  groupe  se  forme  autour  de  vous  et  étudie  tous  vos 
mouvements. 


Sur  la  porte  du  musée  nous  lisons  ces  mots  :  «  Muséum  is  gesloten. 
—  Le  musée  est  fermé  ».  —  Vous  pouvez  comprendre  quel  fut,  au 
premier  saut,  notre  désappointement.  Nous  exécutâmes  d'abord,  agités 
comme  des  fauves  qui  tournent  dans  leur  cage,  le  tour  de  l'édifice  et 
nous  eûmes  la  bonne  fortune  de  rencontrer  un  ami  de  la  maison,  qui 
nous  introduisit  dans  le  sanctuaire  en  passant  par  la  demeure  du 
savant  conservateur  préposé  à  la  garde  de  ces  chefs-d'œuvre.  Il  avait 
compté  profiter  du  dimanche  de  la  kermesse,  pour  effectuer  quelques 
légers  remaniements. 


Dès  l'entrée  dans  cette  salle  toute  simple,  sans  éclat  de  décorations 
criardes,  comme  on  a  la  manie  d'en  plaquer  les  angles  et  les 
voussures  de  certains  musées,  l'œil  est  saisi  par  les  brillantes  compo- 
sitions de  Frans  Hais,  et  il  semble  que  la  conversation  va  s'engager 
avec  tous  ces  personnages  placés  sur  la  cimaise  et  qui  sont  pris  dans 
toute  l'activité  de  la  vie  et  du  mouvement.  Leurs  physionomies  sont 
vraies  ;  on  sent  qu'elles  doivent  être  ressemblantes  :  tous  ceux  qui  ont 
fait  un  tantinet  de  peinture  comprendront  ce  que  nous  voulons  dire  ; 
il  y  a  des  tètes  qu'on  n'invente  pas,  et  ce  qui  est  fait  de  chic  ou  de  rémi- 
niscence et  de  liantise  d'école  se  reconnaît  facilement.  Examinons  ces 
grandes  toiles  dans  l'ordre  de  leurs  dates  d'exécution. 

Le  Repas  des  Officiers  du  Corps  des  Archers  de  St- Georges  est  de 
1616.  L'artiste,  à  peine  âgé  de  32  ans,  a  peint  ces  personnages  avec  un 
relief  saisissant,  sous  le  coloris  le  plus  vigoureux.  La  tonalité  est 
puissante.  On  pourrait  presque  compter  les  coups  de  pinceaux  dont  les 
touches  se  juxtaposent  et  vibrent  avec  d'autant  plus  de  chaleur  qu'on 
s'écarte  pour  se  placer  au  point  optique.  Elles  se  fondent  alors  sous 
l'effet  de  la  lumière  ambiante  (1). 


(1)  Cette  manière  d'exécuter  les  portraits  fut  plus  tard  celle  du  pastelliste  La 
Tour,  comme  nous  avons  pu  nous  en  assurer  dans  nos  nombreuses  études  au 
musée  Lécuyer  à  St-Quentin.  Si  Ton  examine  de  près  les  portraits  du  maître,  surtout 


-  234  — 

Ces  tableaux  sont  le  dernier  mot  de  ce  que  la  matière  picluralc  peut 
représenter  de  vie.  Dans  cette  causerie  des  officiers  des  archers,  aucun 
mouvement  n'est  maniéré,  ni  figé  ;  les  allures  sont  mouvantes  ;  les 
gestes  arrondis  n'ont  pas  d'emphase,  ils  sont  justes.  Chaque  figure  a 
une  carnation  différente  ;  le  premier  personnage  à  gauche  est  un  peu 
congestionné  par  le  bon  vin,  le  second,  plus  massif,  semble  un  friand 
de  la  table  ;  son  voisin  de  gauche  lui  fait  une  démonstration  animée  et 
persuasive.  Le  porte-drapeau,  les  personnages  du  milieu,  le  président 
surtout  qui  s'apprête  à  découper  sont  saisis  sur  le  vif.  Le  fond  du 
paysage  qui  apparaît  par  l'ouverture  de  la  baie  donne  de  l'air  et  une 
fluidité  pittoresque  à  ce  tableau.  Les  luisants  des  soies,  le  chatojement 
des  écharpes  sont  d'un  rendu  très  saisissant  (2). 

Le  Repas  des  Officiers  du  Co7''ps  des  Archers  de  St-Georges  de  1627 
offre  de  caressants  effets  de  couleurs  complémentaires,  orangée  et 
bleue,  dans  le  rendu  des  écharpes.  Le  porte-étendard  Boudewyn 
van  Offenburg,  me  reste  encore  dans  la  pensée.  Ce  tableau,  qui  nous 
montre  toute  la  verve  de  Frans  Hais,  est  exécuté  avec  une  grande  force 
et  une  sûreté  de  vue  incomparable.  Le  Repas  des  Officiers  du  Corps 
des  Archers  de  Si- Adrien,  à  l'occasion  de  leur  départ  de  Harlem, 
pour  les  sièges  de  Hasselt  et  de  Mans,  le  18  octobre  1622  sous  la 
conduite  du  colonel  et  bourgmestre  Willem  Vooght,  (1627),  est  une 


ceux  de  l"abbé  Hubert,  du  peintre  Sylvestre  le  jeune,  de  la  Reynière,  de  Verne- 
zobre,  son  marchand  de  couleurs,  de  Jean  II  Restout,  du  maréchal  de  Saxe,  du 
père  Emmanuel,  et  plus  encore  le  portrait  du  peintre  par  lui-même,  on  remarque 
qu'il  ne  fondait  pas  les  tons  mais  les  juxtaposait  à  la  manière  de  Frans  Hais. 
En  ceci,  La  Tour,  Tiniliateur  en  France  du  pastel  n'imitait  pas  Rosalba  Garriera,  la 
vénitienne  dont  les  teintes  n'étaient  pas  rompues  mais  fondues.  Dans  ses  portraits 
de  femme,  le  maître  St-Quentiuois  apjjliquait  aussi  cette  méthode,  mais  avec  plus 
d'atténuation,  en  raison  des  fards  que  portaient  ses  jolis  modèles,  dont  le  sourire 
intérieur  s'évade  par  les  yeux  et  flotte  sur  les  lèvres  sans  nous  donner  la  sensation 
figée  du  rictus  forcé  des  ballerines. 

Besnard,  de  nos  jours  a  forcé  la  note,  ses  tons  sont  juxtaposés  et  se  heurtent 
avec  violence  dans  une  hardiesse  que  Frans  Hais  et  La  Tour  auraient  sans  doute 
trouvée  exagérée. 

(2)  Lors  d'un  nouveau  voyage  à  Harlem,  nous  sommes  arrivés  sous  le  hall  des 
Frans  Hais  par  un  étroit  couloir  à  l'extrémité  duquel  apparaissaient  comme  des 
êtres  vivants,  remuants  et  d'une  physionomie  très  active,  les  personnages  de  ce 
premier  tableau  et  aussi  les  officiers  des  archers  de  1027.  Nous  osons  le  dire 
sans  crainte  de  blasphémer,  jamais,  en  aucune  galerie,  nous  n'avons  mieux 
éprouvé  ce  qu'un  artiste  prestigieux  et  observateur  peut  tirer  de  la  vue  d'un 
spectacle  pour  le  jeter  sur  la  toile  dans  l'éblouissement  do  la  vérité  (mai  1898). 


—  255  — 

composition  vigoiirouse  qui  offre ,  en  tous  ses  points ,  de  belles 
harmonies  ;  au  centre,  debout,  on  voit  le  porte-drapeau  Gillis  de  Witt 
dont  la  tête  ressort  avec  beaucoup  d'énergie,  dans  les  plis  soyeux  de 
l'étendard.  Sa  figure,  au  fin  sourire,  est  aussi  de  celles  que  Ton  ne 
saurait  oublier. 

La  Réunion  des  Officiers  du  Corps  des  Archers  de  St-Adrien 
(1633)  est  incontestablement  la  plus  belle  de  toutes  les  œuvres  du 
maître.  Les  personnages  de  grandeur  naturelle  qui  entourent  le 
colonel  Claaszon  Los,  sont  :  trois  capitaines,  trois  lieutenants,  deux 
enseignes  et  cinq  sergents.  La  lumière  chante  en  cette  toil§,  dans 
le  coloris  savant  des  étoffes,  sur  le  fond  noir.  Le  procédé  plein  de 
crânerie  du  maître  s'étale  avec  la  plus  grande  puissance  ;  la  facture 
est  très  large,  la  pâte  est  chaleureuse.  Les  personnages  sont  peints 
dans  des  attitudes  pleines  d'abandon.  La  composition  est  des  mieux 
conçues.  Les  dentelles  sont  exécutées  avec  une  gracieuse  légèreté. 

Les  Officiers  et  Sous-Of/lciers  du  Corps  des  Archers  de  Si-Georges 
en  1639. —  Cette  toile  témoigne  d'une  grande  virtuosité  et  d'une  vision 
parfaite  dans  l'interprétation  du  caractère  et  de  la  physionomie  morale 
des  personnages.  La  facture,  en  apparence  très  simple,  est  très  savante 
et  les  expressions  des  figures  très  spirituelles.  Le  portrait  de  Frans  Hais, 
figure  en  ce  tableau. 

Si  j'étais  directeur  des  Beaux-Aris,  je  voudrais  multiplier  les  boui'ses 
de  voyage,  afin  d'envoyer  à  Harlem  les  Jeunes  peintres  qui  ont  du 
tempérament.  En  trois  mois,  ils  en  apprendraient  plus  qu'à  copier  des 
pompiers  avec  leurs  casques  et  des  nez  apoUoniens,  et  à  cliercher  des 
effets  de  coloris,  où  ils  rendent  souvent  les  empâtements  et  tous  les 
effets  à  contre-sens..  Ils  verraient  ce  qu'un  homme  de  génie  s'entend  à 
tirer  de  la  figure  humaine,  en  quel  point  il  place  ses  accents,  comment 
il  ordonne  la  construction  des  personnages  et  de  quelle  façon  il 
distribue  la  lumière. 

Les  Régents  de  l" Hôpital  de  Ste-ÉlisabetJi,  (1G41).  —  Les  chairs  sont 
d'une  belle  tonalité  un  peu  grise.  Les  figures  offrent  de  puissants  reliefs, 
l'une  d'elles  placée  au  centre,  est  tout  à  fait  remarquable. 

Frans  Hais  avait  80  ans  quand  il  peignit  en  1664 ,  les  Régents 
et  les  Régentes  de  l'Hospice  des  Vieillards.  —  L'œuvre  porte 
bien  la  trace  de  l'âge  de  l'artiste.  En  aurait-il  pu  être  autrement  et 
pourtant  que  de  qualités  encore  !  C'est  peut-être  même,  nous  osons 
l'avouer,  en  ces  dernières  œuvres,  qu'on  jugera  le  mieux  le  procédé  du 
maître  dans  la  facture  des  chairs  et  des  étoffes. 


—  256  - 

Nous  admirons  en  sortant  un  beau  portrait  de  Frans  Hais  par  lui- 
même  ainsi  que  les  portraits  ({'Albert  VanNierop,  membre  de  la  cour 
de  justice  de  Hollande  et  celui  de  sa  femme  Cornelia  van  der  Meer, 
belles  œuvres  du  maître  de  Harlem. 

Les  grandes  figures  de  Jean  de  Bray,  Régents  de  V Hospice  des 
Enfants  pauvres  (4663),  et  les  régents  en  1664,  les  Régents  et  Régentes 
de  l'Hospice  des  Lépreux  en  1667  sont  aussi  des  œuvres  de  haute 
facture  où  les  figures  sont  empreintes  de  vérité. 

ZANDVOORT 

Par  une  route  agrémentée  de  villas  fleuries  on  se  rend  à  Zandvoorl, 
le  Scheveningue  d'Amsterdam.  Ici ,  viennent  «  s'esbattre  »  avec  leurs 
nombreuses  nichées,  les  vrais  amis  de  la  mer,  ceux  qui  ne  cherchent 
point  à  faire  éclat,  mais  désirent  seulement  se  détendre  les  nerfs  et  se 
sentir  vivre,  dans  la  douce  quiétude  d'un  pays  demi-sauvage,  assoupi 
sous  le  rj'thme  berceur  des  vagues  plaintives.  Pas  de  port  pour  les 
barques  des  pêcheurs  que  le  flot  lèche  et  caresse,  en  attendant  qu'il  les 
environne,  les  embrasse  et  les  enlève  A^ers  la  haute  mer. 

Des  chevaux  servent  aux  exercices  des  cavaliers  d'emprunt  qui 
dirigent  maladroitement  les  mouvements  de  leurs  coursiers,  peu 
fougueux  pourtant;  de  petits  ânes  malins  font  la  joie  des  grands 
enfants  et  les  tout  petits  grimpent  dans  l'attelage  de  chèvres. 

Encore  quelques  années,  une  belle  digue  fera  boulevard  devant  les 
villas,  Zandvoort  tout  à  fait  organisé  deviendra  un  Blankenberghe  :  — 
j'ai  connu  il  y  a  quelque  quarante  ans  un  Blankerberghe  moins  bien 
agencé  que  le  Zandvoorl  d'aujourd'hui.  —  Alors,  accourront  les  snobs 
et  les  rastas.  Les  baigneurs  à  l'humeur  paisible  chercheront  une 
nouvelle  dune  :  la  civilisation  —  est-ce  bien  la  civilisation? —  aura 
mis  en  fuite  la  clientèle  si  aimable  et  si  familiale  qui  prend  son  bain 
pour  se  baigner,  et  respire  le  bon  air  pour  remplir  ses  poumons  et  non 
pour  figurer  dans  les  journaux  du  boulevard  à  côté  des  gens  bien  tarés 
et  bien  titrés,  sous  la  rubrique  : 

Déplacements  et  villégiatures. 

{A  suivre). 


-  257 


LE  CONGRÈS  ARCHÉOLOGIQUE  DE  BOURGES 


Par    L.    QUARRE-RE  Y  BOURBON, 

Officier  de  Tlnstruction  publique , 

Secrétaire  -  Général   adjoint   de   la   Société   de    Géographie   de    Lille, 

Membre  de  la  Société  française  d'Archéologie,  etc. 


^lembre  depuis  plusieurs  années  de  la  Société  française  d'Archéologie,  j'avads 
été  invité  d'une  manière  particulière  par  M.  le  comte  de  Marsy,  son  président  à 
assister  au  Oôf  Congrès  de  la  Société  qui  devait  se  tenir  à  Bourges  en  1898  et  la 
Société  de  Géographie  de  Lille  m'ayant  fait  l'honneur  de  me  nommer  son  délégué, 
je  m'y  rendis. 

Parti  de  Lille  le  5  juillet  1808,  j'arrivai  le  soir  à  Bourges,  vers  9  heures  1/2, 
après  dix  heures  de  chemin  de  fer  ;  une  bonne  chambre  m'attendait  à  l'hôtel  de  la 
Boule  d'Or. 

Le  G  dans  la  matinée,  après  avoir  fraternisé  avec  les  membres  du  Congrès  descen- 
dus au  même  hôtel,  nous  allâmes  reconnaître  la  ville  sans  omettre  d'aller  retirer 
à  l'hôtel  Lallemand,  diverses  instructions,  les  cartes  d'excursions  et  un  guide 
archéologique  publié  pour  le  Congrès  par  M.  le  marquis  des  Méloizes,  l'un  des 
secrétaires  généraux.  Je  profiterai  largement  de  ce  guide  excellent  pour  écrire  ces 
quelques  pages,  dans  lesquelles  je  suivrai  l'ordre  des  réunions  tracé  jour  par  jour, 
par  la  Commission  organisatrice  du  Congrès.  Avant  tout,  un  mot  général  sur 
Bourges  me  paraît  nécessaire   pour   suivre  utilement  les  excursions  dans  la  ville. 

Bourges,  l'antique  Avaricum,  capitale  des  Bituriges-Cubi,  une  des  premières  cités 
de  la  Gaule,  dit  Tite-Live  en  quelques  mots  que  la  ville  inscrit  en  devise  autour  de 
ses  armes  {Summa  imperii  pênes  Bituriges)  n'a  conservé  aucun  vestige  de  l'oppi- 
dum gaulois  décrit,  assiégé  et  pris  par  Jules  César.  La  ville  gauloise  occupait 
vraisemblablement  l'emplacement  de  la  ville  haute  actuelle  et  n'était  accessible  au 
milieu  des  marais  qui  l'entouraient  que  par  l'isthme  toujours  sensible  à  l'est. 

Au  siège  d'Avaricum  doit  se  rattacher  un  grand  fossé  de  circonvallation  découvert 
en  1881  dans  le  tracé  du  boulevard  Auyer  dont  la  tranchée  montre  encore  sur  ses 
deux  parois  la  coupe  très  nette,  de  280  mètres  environ  du  rond-point  de  la  Fonderie. 
Le  même  fossé,  de  section  triangulaire,  mesurant  4"',  ôO  de  profondeur  et  9  mètres 
d'ouverture  a  été  également  constaté,  dans  une  direction  perpendiculaire  à  la 
première,  au  sud  de  la  fonderie  de  canons,  dans  la  rue  de  la  Salle  d'Armes. 

Ce  peut' être  un  ouvrage  gaulois  de  défense  avancée,  mais  c'est  beaucoup  plus 
probablement  le  fossé  du  camp  de  César  devant  la  place  assiégée.  En  somme,  on 
n'a  rencontré  jusqu'ici,  à  Bourges,  en  fait  de  restes  certains  de  l'époque  gauloise, 
que  des  sépultures  assez  nombreuses  dont  les  gisements  s'étendent  particulièrement 
à  l'est  de  la  ville. 

Epoque  romaine.  —  Elle  a  laissé  des  traces  extrêmement  nombreuses,  puisqu'on 
ne  peut  remuer  le  sol  sans  en  extraire   des  fragments   de   sculpture,  des  stèles  ou 

17 


—  258  — 

des  vases  funéraires.  Mais  la  particulière  splendeur  qu'eut  YAvaricum  romain 
depuis  le  ["'  siècle  jusqu'aux  invasions  barbares  n'est  attestée  que  par  des  débris 
de  grandioses  monuments  dont  aucun  n'est  resté  debout  et  qui,  détruits  pour  des 
causes  insuffisamment  connues  ont  formé  les  premières  assises  de  l'enceinte  cons- 
truite vers  la  fin  de  l'Empire  autour  du  périmètre  restreint  de  la  cité. 

Vers  les  premiers  temps  de  l'occupation  une  forte  enceinte  en  terre  couvrit  à 
l'est  le  côté  de  la  ville  accessible  à  l'attaque.  C'est  le  castrum  qui  a  donné  son 
nom  à  la  place  du  Château.  On  reconnaît  son  angle  nord-ouest  à  l'intersection  des 
rues  Chevrière  et  des  Crosses. 

Les  seules  ruines  romaines  qui  puissent  être  étudiées  sont  à  l'état  de  substruc- 
lions  sous  les  caves  du  palais  du  duc  Jean  (entrée  rue  Fernault,  n"  5).  Elles 
consistent  en  une  série  d'arcades  ornées  de  pilastres  cannelés  d'ordre  dorique  qui 
s'étendent  à  peu  près  parallèlement  à  la  rue  Fernault  et  qui  ont  été  reconnues  sur 
une  longueur  d'environ  85  mètres.  Ces  arcades  étaient  réunies  à  la  façade  de 
rédifice  situé  à  3  mètres  en  arrière,  et  sur  la  destination  duquel  des  opinions 
diverses  sont  émises,  par  une  voûte  en  berceau  dont  on  ne  voit  plus  que  des 
amorces.  Le  mur  de  façade,  épais  de  plus  d'un  mètre  est  longé  entièrement  par  un 
très  étroit  couloir,  haut  de  5  à  6  mètres,  plafonné  de  dalles  épaisses  qui  débouche 
dans  un  vestibule  donnant  accès  à  un  escalier  d'aspect  grandiose  dont  les  murs 
sont  revêtus  d'un  stuc  où  de  larges  rainures  figurent  les  blocs  d'un  immense 
appareil.  Ce  vestibule  communiquait  avec  la  galerie  extérieure  en  arcades  par  une 
grande  porte.  Cet  ensemble  peut  remonter  au  l"  ou  au  II*"  siècle. 

La  porte  fut  obstruée  au  III"  ou  IV"  siècle  par  la  construction  de  niches  alterna- 
tivement demi-cylindriques,  voûtées  en  quart  de  sphère,  et  rectangulaires  avec 
voûtes  en  berceau,  dont  les  arcades  formèrent  les  ouvertures  et  qui  prirent  la 
place  de  la  galerie.  —  Plus  tard  encore,  vers  le  V'  siècle,  le  mur  d'enceinte,  avec 
ses  fondations  faites  de  débris  de  monuments  ruinés,  traversa  et  surmonta  la 
façade  de  l'édifice.  On  peut  constater  sur  place  grâce  aux  fouilles  faites  vers  1857 
par  M.  Bourdaloue  l'enchevêtrement  de  ces  trois  constructions  différentes. 

A  peu  de  distance  de  là,  dans  la  propriété  voisine,  au  sud,  toujours  sous  les  caves 
du  palais,  se  voient  des  restes  de  bassins  et  de  conduits  divers  que  la  découverte  de 
l'aqueduc  qui  y  amenait  les  eaux  a  fait  prendre  pour  les  ruines  d'une  fontaine  mo- 
numentale. La  muraille  d'enceinte  qui  passe  aussi  à  travers  ces  constructions  en 
rend  l'aspect  confus  et  la  disposition  primitive  difficile  à  préciser. 

Cette  muraille,  qui  détruisit  ainsi  des  monuments,  en  laissa  d'autres,  et  non  des 
moins  considérables,  fort  en  dehors  de  son  périmètre  ;  par  exemple  les  arènes,  dont 
il  ne  reste  rien,  mais  dont  on  connaît  l'emplacement  (place  de  la  Nation),  puis- 
qu'elles ne  furent  détruites  qu'en  1629,  après  avoir  servi  en  1536,  pendant  l'espace 
de  quarante  jours,  à  la  représentation  du  mystère  des  Actes  des  Apôtres,  des  frères 
Griban. 

Le  mur  d'enceinte,  quelle  qu'en  soit  la  date  précise,  subsiste  encore,  à  part 
quelques  rares  lacunes,  dans  les  bases  de  tout  son  pourtour.  Il  est  mieux  visible 
que  partout  ailleurs  sur  la  place  Derry,  au  dessin  du  palais  de  .Jacques  Cœur,  dont 
il  forme  le  soubassement.  Ses  fondations  sont  partout  constituées  par  cinq,  six  ou 
sept  assises  de  blocs  juxtiiposés  sans  ciment,  dont  beaucoup  sont  ornés  de  sculptures 
quelquefois  mutilées,  mais  très  souvenî  intactes,  ou  revêtus  d'inscriptions.  Tous 
ceux  de  cette  dernière  catégorie  qui  ont  été  constatés  ont  pu  être  extraits  et  sont 
déposés  dans  les  musées. 

Ces  bases  ont  été  à  toutes  les  époques  exploitées  comme  carrières  et  les  vides 
procurés  par  l'enlèvement  partiel  de  ces  blocs  ont  produit  des  couloirs  souterrains, 
comme  à  la  maison   de  Jacques  Cœur  {entrée piar  la  place  Berry)  ou  des  caves 


—  259  - 

comme  au  presbytère  de  la  cathédrale  (rue  Porte-Saint-Jean ,  n"  9).  Ailleurs  elles 
ont  été  détruites  par  des  travaux  d'édilité,  par  exemple  au  débouché  de  la  rue 
Moyenne,  sur  l'esplanade  Marceau,  oii  la  destruction  de  deux  tours  a  procuré  la 
plupart  des  magnifiques  débris  qui  forment  le  fond  du  musée  lapidaire  de  la  Société 
des  Antiquaires  du  Centre,  au.  Jardin  de  l'Archevêché. 

Des  cinquante  tours  qui  flanquaient  Tenceinte,  beaucoup  existent  encore,  qui 
furent,  comme  les  murs  eux-mêmes,  préservées  par  les  constructions  qu'une  ordon- 
nance de  1181  permit  de  leur  superposer  sans  les  détruire.  Une  de  ces  tours,  appar- 
tenant à  la  maison  n"  3  de  la  rue  de  l'Equerre,  fut  visitée  en  1849  par  le  Congrès 
archéologique  de  France,  à  cause  des  nombreux  et  beaux  restes  d'architecture 
qu'elle  conserve  incrustés  dans  ses  parois  intérieures.  On  n'y  peut  plus  pénétrer 
aujourd'hui. 

Le  mur  gallo-romain  servit  de  défense  jusqu'au  XII"  siècle.  A  cette  époque  doit 
être  rapportée  la  construction  d'une  enceinte  plus  étendue  qui  s'en  détacha  vis- 
à-vis  de  l'archevêché,  se  dirigeant  vers  l'est,  suivant  l'emplacement  de  la  rue  de 
Strasbourg,  puis  tournant  au  nord  dans  la  direction  du  cours  Chanzy  jusqu'à 
l'Yevrette,  petit  cours  d'eau  artificiel  créé  du  temps  de  Charlemagne,  qu'elle  utilisa 
comme  fossé.  Une  tour,  appelée  tour  Clément,  du  nom,  dit-on,  d'un  abbé  de  Saint- 
Ambroix,  qui  l'aurait  fait  construire,  existe  encore  sur  le  houlevard  Gojnbetta,  près 
de  la  rue  Saint- Sulpice.  De  là,  la  muraille  revient  au  sud,  vers  le  cours  de  l'Auron, 
puis  remonte  vers  l'est  pour  rejoindre  la  fortification  romaine  au-dessous  du  palais 
royal.  Les  restes  de  quelques  tours  en  jalonnent  le  tracé  sur  le  boulevard  St-Paul. 
A  l'angle  oriental  du  rempart,  au  lieu  oii  est  aujourd'hui  la  manutention  militaire, 
à  l'extrémité  de  la  rue  Moyenne,  Philippe -Auguste  fit  élever  une  puissante  forte- 
resse appelée  la  Grosse  Tour,  dont  il  ne  reste  plus  aucune  trace  ;  elle  a  été  rasée 
en  1653. 

Je  n'ai  jusqu'ici  parlé  que  de  ruines,  mais  il  n'était  peut-être  pas  inutile  d'insister 
sur  les  détails  de  ces  vestiges  épars ,  qu'une  visite  rapide  ne  laisse  pas  toujours 
apercevoir. 

Mercredi  6  Juillet.  —  2  heures.  Séance  d'ouverture,  4  heures.  Visite  de  l'ancien  hôtel  de  ville 
et  de  l'hôtel  Lallemant.  8  heures  ï\2 .  Séance. 

A  deux  heures,  dans  la  salle  des  fêtes  du  Lycée,  s'ouvre  le  65*  congrès  de  la 
Société  française  d'archéologie.  L'assistance  est  nombreuse  et  particulièrement 
brillante  ;  on  remarque  beaucoup  de  dames  en  élégantes  toilettes.  Dans  l'assistance 
se  trouve  Mgr  Servonnet,  archevêque  de  Bourges. 

Le  bureau  est  présidé  par  M.  le  comte  de  Marsy,  directeur  de  la  Société  française 
d'Archéologie  ayant  à  ses  côtés  M.  de  Villefosse,  délégué  du  Ministre  des  Beaux- 
Arts,  M.  le  docteur  Mirpied,  maire  de  Bourges,  M.  de  Laugardière,  président  de  la 
Société  des  antiquaires,  M.  le  marquis  des  Méloizes,  etc.,  etc. 

M.  le  Maire  de  Bourges,  prenant  la  parole  le  premier,  fait  remarquer  que  pour 
la  seconde  fois  depuis  sa  fondation,  à  un  demi-siècle  d'intervalle  la  Société  française 
d'Archéologie  pour  la  conservation  des  monuments  historiques  a  choisi  la  vieille 
cité  berrichonne  comme  siège  de  son  congrès.  Au  nom  de  la  ville  de  Bourges,  dit- 
il,  je  la  remercie  de  cet  honneur  ! 

Puis,  M.  de  Laugardière,  président  de  la  Commission  organisatrice  du  Congrès, 
M.  le  comte  de  Marsy,  président  du  Congrès,  M.  de  Villefosse,  délégué  du 
Ministère,  prennent  la  parole  ;  ce  dernier  termine  son  discours  par  l'éloge  de 
M.  de  Caumont,  fondateur  et  premier  président  de  la  Société  française  d'Archéo- 
logie. 


—  260  — 

^I.  le  comte  de  Marsy  remercie  M.  de  Mllefosse  et,  s'adressant  à  une  délégation 
des  élèves  de  l'Ecole  normale,  il  les  prie  de  s'intéresser  aux  vieux  monuments  et  à 
en  inspirer  le  respect  dans  les  communes  oii  ils  enseigneront  un  jour. 

Le  Congrès  est  ouvert,  les  congressistes  visitent  les  fouilles  etfectuées  à  leur 
intention  par  la  Municipalité  et  consistant  en  quelques  bases  de  colonnes 
romaines. 

Puis  ils  se  dirigent  vers  l'ancien  hôtel  de  ville  (rue  du  Paradis,  13),  bâti  en  1489 
par  un  architecte  nommé  Jacques  de  Pigny.  Il  consiste  en  un  grand  corps  de  logis 
avec  une  tour  d'escalier  octogone  richement  ornée.  Deux  bustes  de  guetteurs  sont 
sculptés  aux  fenêtres.  Au  rez-de-chaussée  est  uije  vaste  salle  à  grande  cheminée 
portant  sur  son  manteau  les  armes  de  la  ville  et  un  semis  de  fleurs  de  lys.  Au- 
dessus  d'une  petite  porte  est  figurée  en  bas-relief,  la  patronne  du  Berry,  sainte 
Solange  gardant  ses  moutons. 

C'est  ensuite  le  tour  de  l'hôtel  Lallemant. 

Cet  hôtel  qui  a  donné  son  nom  à  la  rue  dans  laquelle  est  sa  principale  entrée,  a 
été  construit,  ou  du  moins  complété,  au  commencement  du  XVP  siècle,  par 
Jean  Lallemant,  riche  marchand  de  Bourges  ;  le  bâtiment  principal  est  édifié  sur 
le  mur  de  l'enceinte  romaine,  un  autre  donne  sur  la  rue.  Entre  eux  est  une  cour  à 
laquelle  les  deux  corps  de  logis  font  un  cadre  architectural  aux  fines  ciselures  de 
la  plus  exquise  élégance.  Un  passage  incliné  conduit  dans  une  cour  inférieure  qui 
donne  accès  sur  la  rue  Bourhonnoux. 

Les  sommets  du  bâtiment  prinfcipal  ont  été  refaits  au  XVIP  siècle  par  la  famille 
Dorsanne  qui  y  a  placé  ses  armes  dans  un  fronton  demi-circulaire. 

On  remarque  à  l'intérieur  une  belle  cheminée  et  un  petit  oratoire  dont  le 
plafond,  formé  de  trois  dalles,  porte  trente  caissons  ciselés,  comme  toutes  les 
sculptures  de  cette  habitation,  avec  la  délicatesse  d'un  morceau  d'orfèvrerie. 

L'hôtel  Lallemant  est  occupé  par  les  diverses  Sociétés  savantes  de  la  ville  de 
Bourges.  La  salle  des  Antiquaires  du  Centre  est  précédée  d'un  péristyle  sous 
lequel  cette  Société  a  réuni  ses  collections  épigraphiques,  notamment  deux  stèles 
gauloises,  un  piédestal  avec  bas-reliefs  et  inscription  votive  à  Mars  et  de 
nombreuses  stèles  romaines  provenant  pour  la  plupart  du  cimetière  gallo-romain 
découvert  en  1881  dans  la  construction  du  boulevard  de  V Arsenal.  Le  complément 
de  cette  collection  se  trouve  dans  le  jardin  de  l'Archevêché  sous  un  abri  construit 
en  1872  par  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre  pour  préserver  de  la  destruction 
les  beaux  fragments  d'architecture  retirés  des  bases  du  mur  de  l'enceinte  romaine. 
Ce  musée  lapidaire  renferme  aussi  de  nombreux  débris  de  sculpture  du  moyen 
âge,  entre  autres  un  tympan  de  l'église  Saint-Pierre-le-Puellier.  Les  regards  sont 
arrêtés  particulièrement  par  un  sarcophage  en  marbre  blanc  venant  de  Charenton- 
du-Cher,  sur  lequel  est  gravé  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions,  pièce  du  Vil"  siècle 
et  d'une  haute  valeur.  Sous  le  même  abri  sont  provisoirement  déposés  trois 
bateaux  monoxyles  retirés  des  sables  du  Cher. 

Le  soir  à  8  h.  1/2  réunion  dans  la  salle  du  Conseil  municipal  à  Fliôtel  de  ville. 
M.  le  comte  Marsy  indique  les  questions  qui  doivent  être  traitées  et  les  noms  des 
membres  qui  présenteront  des  rapports. 

M.  Gauthier,  instituteur  à  Champvert  (Nièvre)  donne  des  renseignements  fort 
intéressants  sur  une  importante  découverte  gallo-romaine  faite  à  Champvert. 

La  découverte  remonte  à  18!W).  11  s'agit  d'une  villa.  Dans  deux  salles  du  premier 
groupe  de  constructions  on  a  drcouvcrt  de  fort  belles  mosaïques. 

M.  Gauthier  |)réscnte  des  dessins  et  plans  parfaitement  exécutés. 

MM.de  Saint-Vincent,  inspecteur  des  forêts  de  la  Nièvre,  et  M.  de  Villefosse, 
engagent  une  savante  discussion  sur  ce  sujet. 


—  2G1  - 

M.  Carron,  président  de  la  Société  de  numismatique  française  donne  communi- 
cation de  divers  documents  concernant  deux  pièces  Tune  de  Louis  V  et  l'autre  de 
Philippe  P'',  qu'il  indique  comme  frappées  à  Dun.  M.  Mator,  avocat,  président  de 
la  Commission  du  Musée  de  Bourges,  combat  d'une  manière  courtoise  les  assertions 
de  M.  Carron.  Cette  discussion  aussi  instructive  qu'intéressante  fait  durer  la 
séance  jusqu'à  onze  heures. 


Jeudi  "7  Juu.let.  —  Excursion  à  Dun,  Meillant  et  la  Celle-Bruère.  —  8  heures.  Départ  de 
la  gare  du  Prado  en  chemin  de  fer  pour  Dun.  Visite  de  la  ville  et  déjeuner.  —  Midi. 
Départ  en  voiture  pour  Meillant  et  la  Celle-Bruère.  —  Retour  à  Dun  à  8  heures  par  le 
chemin  de  fer,  pour  dîner  à  Bourges. 

Au  nomhre  do  plus  de  cent  vingt,  les  congressistes  se  trouvent  réunis  à  la  gare 
du  Prado  oii  un  train  spécial  est  préparé  pour  les  conduire  à  Dun. 

A  huit  heures  un  quart,  le  signal  du  départ  est  donné,  et  la  vapeur  emporte  les 
joyeux  voyageurs  à  travers  la  vallée  de  l'Auron. 

En  passant,  on  donne  de  loin  un  coup  d'ceil  au  clocher  de  l'église  de  Lissay- 
Lochy,  que  l'on  dit  être  de  style  roman  ;  j'enregistre  la  déclaration  sans  commen- 
taires, car,  à  travers  un  épais  rideau  d'arbres,  il  est  impossible  d'apercevoir  le 
vaisseau. 

Je  relève  également  à  la  hâte,  car  le  train  file  à  toute  vapeur,  les  traces  à  droite 
et  à  gauche  de  la  voie,  du  fameux  aqueduc  de  Dan. 

Enfin  une  importante  ruine  est  en  vue,  dominant  de  toute  la  majesté  de  ses  trois 
pignons  les  plus  hautes  futaies  d'alentour  ;  c'est  ce  qui  reste  de  l'un  des  plus  beaux 
châteaux  du  Cher,  connu  sous  le  nom  de  Boisiramé,  altération  de  trois  mots  pleins 
de  charme  et  de  poésie  «  Bois  Sire  Aimé  ». 

Boisiramé  est  comme  enfoui,  au  milieu  d'un  admirable  nid  de  verdure.  Agnès 
Sorel.  dont  le  roi  Charles  VII  fut  aimé,  habita  ce  château. 

Le  train  s'arrête  à  Dun.  De  la  gare  la  vue  d'ensemble  sur  la  ville  est  assez  belle. 

Dun-le-Roi.  —  Aujourd'hui  Dun-sur-Auron,  —  portait  encore  au  XI^  siècle  le 
nom  de  Dunum,  indice  de  son  origine  gauloise.  Les  plaines  sont  semées  de 
tumulus  qui  ont  fourni  des  armes  et  des  débris  des  différentes  époques  gauloises, 
en  particulier  une  épée  en  fer  à  lame  ondulée  de  soie  plate  du  type  de  Halstatt.  A 
Dun  même,  il  a  été  découvert  une  sépulture  de  l'époque  voisine  de  la  conquête 
romaine,  caractérisée  par  des  épées  en  fer  à  longue  lame  et  soie  carrée.  Une  villa 
romaine  considérable  a  été  fouillée  à  la  Touratte,  à  peu  de  distance  de  la  ville. 

A  la  fin  du  XP  siècle,  Dun  fut  vendu  par  Eudes  Arpin,  en  même  temps  que  la 
vicomte  de  Bourges,  au  roi  Philippe  l"'  et  resta  dès  lors  propriété  directe  de  la 
couronne.  Louis  VII  en  1170,  accorda  aux  habitants  des  droits  et  privilèges  dont  la 
charte  originale  est  conservée  dans  les  archives  municipales.  Cette  ville  a  eu  trois 
enceintes  successivement  juxtaposées.  Il  ne  reste  rien  de  la  plus  récente,  élevée 
sous  Charles  V  et  Charles  VI,  pour  accroître  le  périmètre  fortifié  vers  le  Nord-Est. 
La  précédente,  dénommée  en  1590  le  Ghastel-vieil,  a  encore  sa  porte  principale  qui 
est  la  Tour  de  Vhorloge^  massive  tour  en  pierre,  haute  de  16  *",  80,  surmontée 
d'un  betfroi  en  bois  et  d'une  très  haute  toiture  dont  le  sommet  est  à  40  mètres  au- 
dessus  du  sol.  L'enceinte  primitive,  le  châtelet,  enfin,  dominant  la  vallée  de  l'Auron, 
restaurée  par  Philippe-Auguste,  renfermant  autrefois  le  château,  une  grosse  tour 
et  une  église  dédiée  à  Notre-Dame  et  à  saint  Vincent,  ne  montre  plus  que  deux 
tours  assez  bien  conservées. 


—  202  — 

Eglise  collégiale  de  Si-Etienne.  —  Cette  église  dont  la  partie  orientale  est  des 
dernières  années  du  XI*  siècle,  n'a  point  de  transept.  Son  plan  est  celui  simplifié 
que  devait  avoir  à  la  môme  époque  la  cathédrale  de  Saint-Etienne  de  Bourges, 
autérieure  à  la  cathédrale  actuelle.  C'est  une  nef  terminée  par  un  hémicycle  con- 
tourné par  un  déambulatoire,  dont  les  arcades  sont  voûtées  de  berceaux  plein 
cintre  très  élevés  qui  pénètrent  le  berceau  circulaire  du  bas-côté,  surhaussé  au 
point  de  toucher  à  l'ogive.  La  voûte  en  quart  de  sphère  de  l'hémicycle  est  de  la 
construction  primitive.  Les  autres  voûtes  de  la  nef  sont  du  XIIP  ou  du  XIV*  siècle. 

Il  y  a  trois  chapelles  absidales  dont  deux  sont  restées  du  plan  primitif  et  dont 
l'autre,  celle  de  l'axe,  a  été  rebâtie  au  XV"  siècle. 

A  l'extérieur  cette  partie  très  soignée  est  intéressante  dans  tous  ses  détails. 

Six  chapelles  ont  été  construites  au  XV*  et  au  XVP  siècles  entre  les  contreforts 
latéraux.  Dans  la  première  et  dans  la  seconde  à  droite,  des  rétables  du  XVI*  siècle 
fort  beaux,  quoique  mutilés,  sont  incrustés  dans  les  murs.  On  voit  aussi  un  bas- 
relief  de  la  Santa  casa  que  soutiennent  deux  anges  peints  sur  la  muraille. 

Dans  la  ville,  çà  et  là  rue  Saint -Martin.,  rue  Saint-Cosnie,  rue  du  Bât  d'argent., 
plusieurs  maisons  conservent  des  fenêtres  intéressantes  du  XIII*  et  du  XIV*  siècle. 
On  y  voit  encore  de  nombreuses  maisons  en  bois  du  X^'*  siècle.  Enfin,  rue  Saint- 
Vincent,^e  remarque  un  beau  logis  du  XVI*  siècle  qu'on  appelle  le  Vieux  Château. 
Une  porte  sur  la  cour  a  des  montants  sculptés  et  un  large  tympan  orné  d'une 
grande  coquille  avec  la  devise  :  Sic  erat  in  fatis. 

Sur  une  maison  voisine  de  la  porte  de  Vhorlogo  est  gravée  dans  un  cartouche 
l'inscription  :  Icy  se  donne  le  gris,  dont  la  signification  exerce  depuis  longtemps  la 
sagacité  des  chercheurs,  sans  qu'aucune  des  nombreuses  explications  paraisse 
jusqu'ici  très  satisfaisante.  On  a  pu  voir  à  Bourges,  près  de  la  cathédrale,  une 
inscription  semblable.  A  Dun  elle  est  de  plus  accompagnée  d'un  nom:  Jean  Marcillat 
et  d'une  date  1616.  .l'en  demande  l'explication  à  un  habitant  de  Dun  ;  il  me  répond 
sans  hésiter  :  «  Le  gris,  c'est  un  petit  vin  du  pays  »  ! 

Après  ce  rapide  aperçu  historique  sur  Dun,  suivons  les  congressistes  sur  la  plate- 
forme d'une  grosse  tour  qui  fut  rasée,  comme  la  plupart  des  forteresses  menaçantes 
pour  le  pouvoir  royal.' 

De  cette  plate-forme  on  a  une  vue  magnifique  de  la  vallée  de  l'Auron. 

La  maison  rue  Saint-Vincent  dont  il  a  été  parlé  plus  haut  et  que  l'on  appelle 
également  dans  le  pays  la  Maison  du  Gouverneur.,  a  eu  pour  hôte  sainte  Jeanne 
de  Chantai. 

On  remarque  dans  l'église  Saint-Etienne,  le  tombeau  du  Christ  représenté  par 
des  statues  de  grandeur  naturelle  en  pierre  et  polychromées  du  XVI*  siècle.  Dans 
la  même  chapelle  dans  le  mur  se  trouve  un  confessionnal  du  XV*  siècle. 

Dun  sert  d'asile  à  un  certain  nombre  de  fous  et  de  folles  non  dangereux,  mis  en 
pension  dans  des  maisons  particulières,  comme  à  Gheel  en  Belgique. 

Plusieurs  congressistes  prennent  des  instantanés.  On  déjeune  rapidement  et  très 
agréablement  à  l'hôtel  Margot  (1). 

Puis  treize  voitures,  de  modèles  très  variés,  véhiculent  les  cent  vingt  excursion- 
■  nistes  vers  Meillant,  à  douze  kilomètres. 

Le  château  de  Meillant  est  un  des  plus  beaux  du  département  du  Cher.  Suivant 
la  tradition,  il  fut  bâti  par  ordre  du  <ardinal  Georges  d'Amboise,  premier  ministre 


(1)  On  nous  offrit  en  vente  :  VHUtoire  de  Dun-le-Roi,  par  Puul  Moreau,  ancien  secrétaire  de  la  Mairie 
de  Dun,  2  volumes  in-8  ;  prix,  12  francs. 


,     —  203  — 

de  Louis  XII,  pour  son  neveu  Charles  II  d'Amboise,  seigneur  de  Ghaumont  et  de 
Charenton,  qui  fut  maréchal  de  France,  gouverneur  de  Milan,  et  mourut  en  15H  ; 
mais  cela  doit  s'entendre  particulièrement  de  la  Tour  du  Pion  et  des  parties  qui 
l'avoisinent,  car  on  peut  attribuer  à. la  fin  du  XV"  siècle  et  à  Charles  I'''  d'Amboise, 
chambellan  de  Louis  XI,  la  construction  de  la  majeure  partie  des  ijàtiments,  de 
toute  la  façade  extérieure  du  château,  de  la  salle  dite  des  Cerfs,  du  grand  salon 
avec  sa  cheminée  remarquable  et  de  la  tour  de  Louis  XII.  L'étude  des  infinis  détails 
de  cette  superbe  demeure  dont  la  richesse  des  sculptures  défie  toute  description 
est  du  plus  grand  intérêt. 

Dans  la  cour  est  une  élégante  chapelle  avec  des  vitraux  du  XVP  siècle,  et  un 
puits  remarquable. 

Nous  arrivons  à  la  grille  du  château,  la  maison  du  concierge  n'est  pas  mal  ;  mais 
nous  nous  gardons  bien  de  nous  contenter  de  cette  vue  comme  certains  Anglais.  Il 
arrive  fréquemment,  assure-t-on,  que  certains  de  ces  trop  positifs  insulaires,  venant 
pour  visiter  le  château  de  Meillant,  examinent  la  maison  du  concierge,  qui  a  bien 
son  cachet,  il  est  vrai,  et  s'écrient  fiegmatiquement  :  «  Aoh  !  c'est  tout  !  cela  ne 
valait  pas  la  peine  de  se  déranger  ». 

Les  congressistes,  sous  la  direction  de  guides  aussi  sûrs  qu'érudits,  s'engagent 
dans  les  allées  ombrageuses  du  parc  et,  tout  à  coup,  comme  par  hasard,  à  un 
détour  du  chemin,  le  château  surgit  inondé  de  soleil. 

Que  l'on  se  figure  le  palais  de  Jacques  Cœur,  mais  avec  des  proportions  plus 
vastes  encore  et  certains  détails  architecturaux,  sinon  plus  soignés,  du  moins  tirés 
de  la  pierre  avec  plus  de  profusion,  avec  en  plus,  une  chapelle  qui  est  une  merveille 
ot  un  puits  monumental  qui  est  un  véritable  bijou. 

Les  congressistes  sont  reçus  avec  une  suprême  distinction  par  M.  le  marquis  et 
M™"  la  marquise  de  Mortemart,  par  ]M.  le  vicomte  et  ]M""=  la  vicomtesse  Guy  de  la 
Rochefoucault,  en  villégiature,  depuis  quinze  jours,  chez  leurs  parents,  les 
propriétaires  de  la  résidence  quasi  royale  de  Meillant. 

Après  l'ascension  de  la  tour,  on  visite  la  bibliothèque,  la  grande  salle  de  réception, 
la  salle  à  manger,  oii  un  lunch  est  servi  pour  les  dames. 

Il  faudrait  tout  un  volume  pour  énumérer  une  faible  partie  seulement  des  richesses 
artistiques  aujourd'hui  réunies  à  ■Meillant,  et  qui  en  font  un  véritable  musée.  A 
côté  de  portraits  de  famille  remarquables  d'exécution  on  voit  des  souvenirs  dont 
un  de  Mortemart  même,  peut  se  montrer  légitimement  fier.  Citons  aussi  le  fusil  de 
chasse  de  Louis  XVI,  donné  au  général  par  Louis  XVIIl. 

Dans  la  salle  des  gardes,  se  voit  une  collection,  peut-être  unique,  d'armes 
anciennes,  et  le  tombeau  d'un  Rochechouart  avec  une  inscription  assez  longue,  un 
Jijuatrain  et  un  jeu  de  mots.  Voici  le  quatrain  : 

Cy-git  un  chevalier  courtois, 
De  son  souverain  sujet  fidèle 
Et  qui  toujours  sut  à  la  fois 
Servir  sa  patrie  et  sa  belle. 


Voici  le  jeu  de  mots  : 


Sub  tomba,  tubam  expecto. 


C'est  à  regret  que  l'on  quitte  cette  hospitalière  habitation,  après  une  dernière 
visite  à  la  chapelle,  oti  se  voit   un  splendide  rétable  relatant  les  phases  de  la 


—  264  — 

passion,  et,  dans  le  pavement,  une  plaque  de  marbre  contenant  cette  inscription  : 

Ci-git  Amand  Joseph  de  Béthune 

dernier  de  son  nom,  né  le  1*''  Juillet 

l'728,  mort  le  27  Octobre  1800.  —  Soldat 

ou  citoyen,  il  fit  bénir  son  nom, 

admirer  son  courage.  Magistrat 

Grand  Seigneur. 

Les  congressistes  remontent  dans  leurs  équipages  variés,  pour  se  rendre  à  La 
Celle  à  5  kilomètres. 

Quand  la  singulière  caravane  passe  devant  la  grille  du  château,  les  châtelains  et 
châtelaines  les  saluent  amicalement. 

L'église  de  La  Celle,  est  sur  un  plan  crucial  avec  ses  trois  absides  orientées. 
L'abside  principale  ronde  est  précédée  d'une  partie  rectangulaire,  qui  est  le  chœur, 
s'ouvrant  sur  les  bas-côtés  par  trois  arcades  portées  sur  des  piliers  cylindriques 
à  superbes  chapiteaux.  Sur  les  extrémités  des  bras  du  transept  s'ouvrent  des  absi- 
dioles  orientées.  La  nef  et  les  bas-côtés,  voijtés  en  berceau  sont  compris  sous  le 
même  toit.  Peur  donner  l'éclairage  au  sommet  de  l'édifice,  les  deux  travées  orien- 
tales ont  de  grands  oculus,  aujourd'hui  fermés,  pratiqués  dans  les  reins  de  la  voûte, 
au  point  oii  devait  la  toucher  le  toit  primilivement  plat  et  sans  charpente. 

Des  arcs-boutants  ont  été  établis  en  1735  pour  maintenir  les  murs  déjetés  en 
dehors  de  la  voûte  déformée  et  surbaissée  de  la  nef. 

On  remarque  une  petite  stèle  romaine,  avec  le  nom  Antonila  incrustée  à  l'exté- 
rieur du  mur  de  l'absidiole  nord,  une  autre  stèle  anépigraphique  à  personnage, 
encastrée  à  l'extérieur  du  mur  sud,  dans  le  même  mur  un  fragment  de  stèle  méro- 
vingienne, avec  croix  à  six  branches  dans  une  couronne  ;  au  pignon  occidental 
plusieurs  fragments  de  sculpture  fort  grossière,  probablement  de  l'époque  caro- 
lingienne, pouvant  être  des  débris  d'une  église  antérieure. 

Nous  aurions  bien  voulu  voir  une  curieuse  borne  militaire  qui  se  trouve  à  quelque 
distance,  mais  le  temps  manquait  pour  pousser  plus  loin  l'excursion.  D'ailleurs 
les  chevaux  qui  en  fait  d'archéologie,  ne  connaissent  que  celle  assez  rudimentaire 
de  leur  râtelier,  ne  voulaient,  paraît-il,  plus  rien  savoir  ;  ils  avaient  fait  dix-sept 
kilomètres  pour  venir,  ils  en  avaient  autant  à  courir  au  retour.. 

A  six  heures  trente,  les  excursionnistes  étaient  de  retour  à  Dun  ;  ils  arrivaient 
à  Bourges  à  sept  heures  quarante,  enchantés  de  leur  journée. 

Vendredi  8  Juillet.  • —  8  h.  1/2.  Visite  au  Palais  de  Justice  (hôtel  Jacques  Coçur)  et  de 
l'église  St-Pierre-le-Guillard.  —  1  h.  1/2.  Visite  de  la  Cathédrale  et  du  Musée  lapi- 
daire au  jardin  de  l'archevêché.  Porte  St-Ursin.  —  8  h.  1/2.  Séance  de  communications. 

A  l'heure  militaire  les  congressistes  attendaient  leurs  guides  pour  visiter  l'hôtel 
de  Jacques  Cœur  des  caves  au  grenier.  Ces  caves  sont  admirables. 

L'hôtel  de  Jacques  Cœur,  bâti  de  144.3  à  1451  sur  le  mur  de  l'enceinte  romaine 
et  sur  deux  de  ses  tours,  présente,  du  côté  de  l'occident,  l'aspect  d'une  forteresse  ; 
du  côté  de  l'est,  il  est  d'une  richesse  et  d'une  élégance  suprêmes.  I^  cour  intérieure 
est  entourée  de  bâtiments  divers  et  de  plusieurs  tourelles,  décorées  de  sculptures 
en  rapport  avec  la  destination  des  pièces  auxquelles  ces  tourelles  et  leurs  escaliers 
donnent  accès  :  celle  qui  conduit  à  la  salle  à  manger  montre  des  arbres  à  fruits  ; 
une  autre  par  où  l'on  va  aux  cuisines,  a  le  tympan  de  la  porte  orné  d'une  scène 
oii  divers  personnages  préparent  des  aliments  ;  l'entrée  de  l'escalier  qui  mène  à  la 


-  265  - 

chapelle  est  surmontée  de  bas-reliefs  représentant  un  prêtre  avec  ses  acolytes,  et 
le  public  qui  se  rend  à  l'office  ;  une  Annonciation  est  sculptée  au-dessus  de  la  porte 
de  la  chapelle. 

Celle-ci  a  sa  voûte  décorée  de  magnifiques  peintures. 

La  galerie  voûtée  en  bois,  en  forme  de  carène  renversée,  qui  précède  la  chapelle, 
contient  de  curieuses  cheminées. 

Dans  la  chambre  dite  du  Trésor,  au  troisième  étage  de  la  grosse  tour,  une  scène 
du  roman  de  Tristan  est  sculptée  sur  une  des  consoles  qui  soutiennent  les  nervures 
de  la  voûte. 

Les  beaux  vantaux  de  la  grande  porte  sur  la  rue  Jacques  Co'ur  sont  une  repro- 
duction des  boiseries  primitives  dont  les  restes  sont  conservés  au  Musée.  Le 
curieux  heurtoir  en  fer  ciselé  de  cette  même  porte  est  une  copie  fidèle  de  l'ancien 
chef-d'œuvre  de  serrurerie  qui  occupait  la  même  place  (1). 

On  remet  avec  soin  dans  leur  état  primitif,  les  salles  de  l'hôtel,  qui  ont  été 
modernisées  à  l'époque  de  la  Restauration,  quand  cet  édifice  a  été  affecté  à  l'usago 
de  Palais  de  Justice. 

En  quittant  l'hôtel  Jacques  Cœur  les  congressistes  se  dirigent  vers  VÉglise 
St-Pierre-le-GuiUard .  Cette  église  construite  au  commencement  du  XIII"  siècle 
avec  une  grande  nef  et  deux  petites  formant  déambulatoire  fut  incendiée  au 
XV"  siècle  ;  mais  les  voûtes  de  la  grande  nef  et  du  bas-côté  méridional  sont  de  la 
construction  primitive.  Les  baies  qui  donnent  des  bas-côtés  dans  l'ancien  narthex 
(aujourd'hui  première  travée  à  l'ouest)  sont  en  plein  cintre,  quoique  tous  les 
détails  de  l'architecture  soient  du  XlIP  siècle.  La  dernière  chapelle  du  chevet  au 
midi  est  remarquable  par  le  pilier  isolé  sur  lequel  viennent  converger  toutes  les 
nervures  de  sa  voûte  et  celles  de  la  voûte  du  bas-côté.  La  chapelle  symétrique  au 
nord  vient  d'être  refaite  sur  le  même  modèle.  Cette  église  renferme  quelques  toiles 
intéressantes  :  Une  Résurrection  dont  le  donateur  INIartin  Fradet,  s'est  fait  peindre 
dans  un  angle  du  tableau  ;  une  Cène  au  dessin  énergique ,  une  représentation  du 
miracle  qui,  suivant  la  légende,  a  été  l'occasion  de  la  construction  de  l'église  par 
le  juif  Zacharie  Guillard,  dont  la  mule  s'agenouilla  devant  le  Saint-Sacrement 
porté  par  saint  Antoine  de  Padoue.  La  scène  de  ce  dernier  tableau  est  reproduite 
également  par  un  vitrail. 

Après  le  déjeuner,  à  une  heure  et  demie,  les  congressistes  et  un  certain  nombre 
de  dames  de  Bourges,  se  rendent  à  la  cathédrale  (Saint-Etienne).  L'église  actuelle 
est  la  quatrième,  sinon  la  cinquième  élevée  sur  le  même  emplacement,  quelques 
restes  des  basiliq'Ties  antérieures  e.xistent  sous  le  chœur,  dans  des  caveaux  qui  servent 
à  la  sépulture  des  archevêques  et  ne  sont  pas  accessibles.  On  en  voit  aussi  dans 
plusieurs  .statues  et  autres  détails  utilisés  dans  les  deux  portes  latérales.  A  l'église 
souterraine,  un  petit  vitrail  du  XIP  siècle,  s'il  n'est  pas  c'e  la  fin  du  XP  représentant 
l'Annonciation  et  l'Adoration  des  Mages,  est  un  souvenir  d'une  cathédrale  précédente. 

Le  monument  actuel,  commencé  dans  les  dernières  années  du  XII"  siècle  par 
l'église  inférieure  et  le  chœur  se  continua  pendant  tout  le  XIIP  siècle  et  fut  achevé 
au  commencement  du  XIV".  La  dédicace  eut  lieu  en  1324. 

La  tour  du  midi,  bâtie  au  XllP  siècle,  menaçait  ruine  à  la  fin  du  XIV'^  et  son 
ébranlement  nécessita,  a^ant  1440,  la  construction  de  la  disgracieuse  mais  utile 
annexe  qui  sous  le  nom  de  pilier  butant  a,  depuis  tantôt  cinq  siècles,  empêché 
son  écroulement.  Ce  pilier  n'est  au  rez-de-chaussée  qu'un  énorme  ma.ssif  de  niaçon- 


(1)  Il  existe  un  curieux  ouvrage  sur  Thûtel  de  Jacques  Cœur  intitulé  :  l'ilotel  de  Jacques  Cœur,  fiar 
Hozéo,  in-4",  Bourges,  1834,  avec  de  nombreuses  planches  et  plans. 


—  266  — 

nerie.  Il  contient  au  premier  étage  les  prisons  du  chapitre.  La  tour  du  midi  a  été 
reconstruite  de  1508  à  1525,  à  la  place  de  celle  qui,  élevée  au  XV*  siècle,  s'effondra 
à  peine  achevée,  le  31  décembre  1506,  entraînant  dans  sa  chute  deux  portails  de  la 
façade  et  les  premières  voûtes  de  la  nef. 

Toutes  les  petites  figures  des  portiques  de  la  façade,  affreusement  mutilées 
pendant  les  guerres  de  religion  ont  été  réparées  au  mastic  en  1846.  Les  grandes 
statues  décapitées  par  les  protestants  en  1562,  et  jetées  dans  les  remparts  dont  elles 
bouchèrent  les  brèches,  ont  presque  toutes  disparu. 

J'ai  noté  au  milieu  des  bas-reliefs  du  premier  portique,  à  droite,  la  signature  d'un 
artiste  :  Aguillon  de  Droves. 

La  cathédrale  de  Bourges  n'a  pas  de  transept  et  tout  porte  à  croire  que  l'église 
du  XII*  siècle  qui  l'a  précédée  n'en  n'eut  pas  davantage.  C'est  là,  avec  l'excessive 
élévation  du  premier  bas-côté,  le  trait  caractéristique  de  l'édifice. 

La  longueur  totale  dans  l'œuvre  est  de  113'",30;  la  largeur  de  40  mètres.  La 
grande  nef  a  37  mètres  de  hauteur  sous  voûtes  et  13'",60  de  largeur.  Le  bas-côté 
intérieur  n'a  pas  moins  de  21  mètres  d'élévation.  Le  bas-côté  extérieur  mesure 
9'",50  de  hauteur. 

Les  vitraux  des  hautes  fenêtres  sont  du  milieu  du  XIIP  siècle  :  ceux  de  l'abside 
des  dernières  années  du  XIP  ou  des  premières  années  du  XlIP,  ceux  des  chapelles 
semblent  moins  anciens.  Au  grand  pignon,  les  verreries  de  la  rose  sont  de  l'époque 
de  la  construction,  due  aux  libéralités  du  duc  Jean  de  Berry,  vers  1390  ;  celles  des 
lancettes  inférieures  appartiennent  au  milieu  du  XV®  siècle. 

Les  chapelles  qui  s'ouvrent  tout  autour  de  l'église  entre  les  contreforts  ont  été 
bâties  successivement  depuis  1405  jusqu'à  1619  et  les  fenêtres  qui  les  éclairent 
montrent  des  types  variés  et  extrêmement  intéressants  de  l'art  du  peintre  verrier 
pendant  ces  deux  siècles. 

La  sacristie  du  chapitre,  construite  par  Jacques  Cœur,  a  une  magnifique  porte 
d'entrée. 

Dans  quelques-unes  des  chapelles  sont  de  belles  statues  de  marbre  blanc,  restes 
de  monuments  funèbres  détruits  pendant  la  Révolution.  Les  plus  remarquables 
sont  celles  de  Guillaume  de  Laubespine,  de  Marie  de  la  Châtre,  sa  femme,  et  de 
leur  fils  le  marquis  de  Ghateauneuf,  par  Philippe  de  Buyster. 

Dans  la  chapelle  de  la  Vierge  sont  les  statues  du  duc  Jean  de  Berry  et  de  Jeanne 
de  Boulogne,  sa  seconde  femme,  dont  le  principal  intérêt  est  d'avoir  été  dessinées 
par  Holbein,  alors  qu'elles  étaient  dans  la  sainte  chapelle  du  duc.  Les  têtes  mutilées 
à  la  Révolution  ont  été  refaites  et  les  deux  beaux  dessins  d'Holbein  conservés  au 
musée  de  Bàle,  où  ils  ont  été  jusqu'à  ces  derniers  temps  catalogués  comme  portraits 
de  donateurs  inconnus  sont  d'autant  plus  précieux.  C'est  en  1717,  lors  de  la 
destruction  de  la  Sainte  Chapelle  que  ces  deux  statues  sont  entrées  à  la  cathédrale 
en  même  temps  que  la  figure  en  marbre  du  tombeau  du  duc  Jean,  aujourd'hui  dans 
l'église  souterraine,  et  les  vitraux  qu'on  a  tant  bien  que  mal  placés  dans  cinq 
fenêtres.  , 

La  cathédrale  possède  deux  bons  tableaux  de  Boucher,  de  Bourges,  qui  fut  le 
maîtredc  Mignard;  dans  la  deuxième  chapelle  à  droite,  une  Adoration  des  bergers, 
d'une  bonne  composition  et  d'un  fin  coloris,  et,  dans  la  chapelle  qui  précède 
la  sacristie  du  chapitre,  un  saint  Jean-Baptiste,  qui  fut  le  panneau  central  d'un 
tryptique  dont  les  deux  volets  montrant  les  portraits  du  peintre  et  de  sa  mère  sont 
au  musée  de  Bourges. 

Dans  la  chapelle  d'Estampes  ou  du  Sacré-Cœur  sont  deux  superbes  panneaux  de 
tapisserie  des  Gobelins  d'après  deux  cartons  bien  connus  de  Raphaël.  Enfin  dans  la 


-  267  — 

chapelle  de  sainte  Solange  à  di-oite  du  chœur  est  une  belle  })einture  murale  du 
XV*  siècle,  bien  restjiurée,  en  18<r),  par  M.  Hirsch. 

Le  chœur  fut  pourvu  à  la  fin  du  XI II'*  siècle  d'un  jubé  et  d'un  chancel  détruits  en 
1757.  Il  nous  paraît  à  propos  de  signaler  ici  les  magnifiques  débris  déposés  actuel- 
lement au  musée  de  Bourges 

Les  congressistes  écoutent  avec  intérêt  et  profit  les  doctes  explications  que  leur 
donnent  M.  le  Chanoine  Augonnet,  sur  l'ensemble  de  l'édifice  etîNLM.  des  Méloize 
et  le  Chanoine  Clément  sur  les  vitraux  (1). 

J'allais  oublier  de  mentionner  un  Christ  de  Van  Dyck,  dans  la  chapelle  de  saint 
Jean-Baptiste. 

En  sortant  de  la  cathédrale  nous  nous  dirigeons  vers  le  musée  lapidaire  dans  le 
jardin  de  l'archevêché. 

Le  palais  archiépiscopal,  près  de  la  cathédrale,  au  milieu  de  bâtiments  de  diverses 
époques  sans  caractère,  n'a  qu'une  aile  réalisée  de  la  construction  considérable 
projetée  en  1080  par  l'archevêque  Philippeau  de  la  Vrillière.  Cette  partie  contient 
un  bel  escalier  en  pierre,  malheureusement  très  dénaturé  par  l'incendie  qui  détruisic 
en  1871,  toutes  les  parties  intérieures  du  palais. 

Près  de  là,  se  trouve  la  caserne  Condé,  ancien  séminaire,  construction  lourde, 
mais  non  sans  majesté,  édifiée  par  le  même  prélat. 

Notre  dernière  visite  était  réservée  à  la  porte  de  Saint-Ursin.  —  L'ancienne 
collégiale  de  Saint-Ursin  reconstruite  au  XV**  siècle  était  sur  la  place  de  ce  nom. 
11  en  reste,  transportée  avenue  Séraucourt,  près  VEsplanade  Marceau,  une  porte 
au  tympan  de  laquelle  sont  sculptées  :  tout  en  haut  plusieurs  petites  compositions 
imprimées  par  les  fabliaux  et  les  contes  populaires  du  moyen  âge,  plus  bas  une 
châsse  et  en  dessous  diverses  scènes  qui  caractérisent  les  mois  de  l'année  : 
GiRAVLDUS  FECiT  iSTAS  PORTAS  se  lit  dans  un  petit  cartouche. 

A  quelques  i)as  de  cette  porte,on  voit  l'entrée  de  l'ancien  couvent  des  Annonciades, 
dont  la  chapelle  construite  en  1.505  par  Jeanne  de  Valois  sert  aujourd'hui  de  magasin 
militaire. 

Le  soir,  la  seconde  séance  des  communications  s'ouvre  à  8  heures  1/2  dans  la 
salle  du  Conseil  municipal,  sous  la  présidence  de  M.  le  comte  de  Marsy;  la  réunion 
aborde  son  ordre  du  jour  :  i'^  Question  :  Etudes  archéologiques  dans  le  département 
du  Cher,  rapporteur  M.  le  vicomte  de  Laugardière.  3"  Question  :  Restes  des  âges 
de  pierre,  rapporteur  M.  de  Saint- Vincent.  5*  Question  :  Age  de  bronze  et  les  âges 
de  fer,  rapporteur  M.  de  Goy.  ^*  Question  :  Renseignements  sur  les  Butiriques, 
fournis  par  M.  Pierre,  d'après  un  livre  trouvé  par  hasard  en  Belgique. 

Ces  ditîérentes  questions  amènent  la  lecture  de  mémoires  très  intéressants  et 
d'observations  aussi  savantes  qu'instructives. 

M.  le  comte  de  Marsy  a  un  mot  aimable  pour  remercier  les  lecteurs  et  les 
membres  qui  prennent  part  aux  discussions. 

Samedi  9  Juillet.  —  7  h.  1;'2.  Exc-ursion  en  voiture  à  Plaimpied.  Retour  pour  déjeuner.  — 
2  h.  1/2.  Visite  au  musée  (hôtel  Cujas),  Eglises  Notre-Dame  et  Saint-Bonnot.  Anciennes 
maisons.  —  8  h.  1/2.  Séance  de  communications. 

A  huit  heures  du  matin,  cinq  omnibus,  contenant  une  centaine  de  congressistes, 


(1)    Description  de  la  cathédrale,  des  vitraux  de  Bourges  et  autres  monuments  de  la  ville,  par  l'ahbé 
Barreau.  Châteauroux,  1885,  135  p.  8°,  flg. 


—  268  — 

quelques  voitures  particulières  et  des  cyclistes  quittaient  la  place    de   l'Ecole    des 
Beaux-Arts  pour  se  rendre  à  Plaimpied. 

L'abbaye  de  Saint-Martin  de  Plaimpied  fut  fondé  vers  1080,  par  Richard  II, 
archevêque  de  Bourges.  Ce  prélat  fut  inhumé  dans  le  chœur  de  l'église  en  1092, 
ce  qui  donne  une  date  certaine  à  la  construction  de  cette  partie  de  l'édifice  qui  sert 
atuellement  d'église  paroissiale. 

Le  plan  est  celui  de  l'universalité  des  églises  de  cette  époque  en  Berrv.  son  archi- 
tecture semble  être  la  ])reiiiière  manifestation  de  l'ogive  en  Berry. 

La  nef,  à  trois  galeries  parallèles,  est  de  construction  beaucoup  plus  pauvre,  ce 
qui  s'explique  par  la  mort  du  puissant  fondateur  de  l'église. 

Une  crypte  s'étend  sous  le  santtuaire  dont  elle  reproduit  le  plan  général.  Elle  se 
compose  d'une  salle  principale  à  chevet  rond,  partagée  en  trois  galeries  par  quatre 
courtes  colonnes  isolées,  monolithes,  façonnées  autour,  et  à  chapitaux  simplement 
épanchés. 

L'église  de  Plaimpied  possède  toute  une  série  d'inscriptions  funéraires  gravées  à 
l'extérieur  du  mur  de  la  nef  et  du  mur  occidental  du  transept,  au  sud.  Ces  murs 
devaient  former  les  côtés  du  cloître  sous  lequel  étaient  inhumés  les  chanoines 
auxquels  les  épitaphes  se  rapportent. 

Ces  inscriptions  étaient  attribuées  par  Mérimée  au  XIV*  siècle.  M.  de  Kersers, 
les  rapprochant  des  caractères  de  certains  manuscrits  du  XIP  siècle,  dont  elles 
rappellent  la  calligraphie  élégante  et,  en  particulier,  de  deux  documents  originaux 
des  archives  de  l'abbaye  de  Plaimpied  :  une  charte  de  1137  et  une  autre  du  temps 
de  l'archevêque  Vulgrin  (1120-1136),  oii  on  lit  sur  la  liste  des  témoins  plusieurs 
des  noms  que  fournissent  les  épitaphes,  à  conclure  avec  beaucoup  d'apparence  de 
probalité  que  celles-ci  sont  dues  à  un  chanoine  écrivain  de  cette  abbaye  vers  le 
milieu  du  XII'  siècle. 

Elles   sont  toutes  conçues  sous  une  formule  à  peu  près  uniforme.  Voici  l'une 

d'elles,    la   plus    apparente,  inscrite  sur  un  phylactère,  au-dessous  de  la  figure 

d'Abraham  sculptée  au  mur  occidental  du  transept:  III  Xonas  jidii  obiit  si'.lpicius 

sacerrlos  et  canon  [u-i^s]  Sci  M  [_artini]. 

•Le  village  de  Plaimpied  possède  une   auberge  qui  a  pour  enseigne  humoristique 

0 

Bon 
XX 

X 

XX 
100 

0 

Nous  revenons  enchantés  de  notre  visite,  car  nous  avons  fait  une  riche  moisson 
d'importants  documents. 

Dans  l'aprè.s-midi,  nous  visitons  le  musée  organisé  dans  Vhôtel  de  Cirjas.  Cet 
hôtel  a  été  construit  vers  1515  par  Guillaume  Pelvoysin,  l'architecte  de  la  tour  neuve 
de  la  cathédrale,  pour  Durand  Sahy,  marchand  italien  établi  à  Bourges.  Guillaume 
Bochetel  l'acheta  de  celui-ci  et  y  fit  ajouter,  sur  la  rue  des  Arènes^  un  corps  de 
logis  dont  il  ne  reste  que  le  bas  du  mur  de  façade,  d'ailleurs  modifié  au 
XVIIP  siècle,  et  l'encadrement  d'une  porte  qui  est  un  délicieux  spécimen  de  l'art 
de  la  Renaissance. 

C'est  dans  cet  hôtel  restauré  avec  goût  par  M.  P.  Bœswihvald,  et  dans  quelques 
annexes  modernes  trop  restreintes  que  depuis  1889,  est  installé  le  musée  municipal 


^^ 


O 

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-  209  — 

comprenant  un  musée  de  peinture  et  de  sculpture  et  surtout  les  collections  très 
intéressantes  au  point  de  vue  archéologique. 

Des  tapisseries  provenant  du  grand  séminaire  ont  été  trouvées  fort  belles.  La 
section  du  musée  lapidaire  a  retenu  longtemps  un  groupe  d'archéologues,  grands 
amoureux  de  la  pierre  si  puissamment  fouillée  par  les  artistes  du  XII"  siècle. 
Quelques  émaux  ont  été  jugés  d'un  prix  inestimable. 

Du  musée,  nous  nous  rendons  à  l'égiise  Notre-Dame.  Cette  église  autrefois 
dédiée  à  Saint-Pierre  et  St-Paul  s'appela  jusqu'à  1803,  Eglise  de  Saint- Pierre  le 
marché.  Bâtie  en  1157,  elle  fut  presque  entièrement  brûlée  en  1487  et  relevée  en 
1520.  Le  clocher  est  de  1525.  Elle  a  trois  nefs  sans  déambulatoire.  Dans  la  galerie 
de  gauche,  un  beau  vitrail  représentant  la  vie  de  St-Jean-Baptiste,  est  de  l'époque 
de  transition  entre  le  XV^  et  le  XVP  siècle.  Au  fond  de  cette  même  galerie,  au- 
dessus  de  l'autel,  un  tableau  en  mauvais  état,  mais  d'une  réelle  valeur  représentant 
le  Repas  (VEinniaïis. 

A  l'extrémité  de  la  galerie  de  droite  sous  l'autel  est  une  statue  couchée  de 
sainte  Jeanne  de  Valois  apportée  du  monastère  de  l'Annonciade.  L'autel  est 
surmonté  d'une  belle  statue  de  la  même  sainte  par  Chaput.  Au  côté  droit  du  chœur 
une  très  belle  toile  attribuée  à  Valentin,  une  Descente  de  Croix. 

En  face  de  l'entrée  méridionale  se  trouve  un  beau  bénitier  en  marbre  blanc  tout 
parsemé  de  fleurs  de  lys,  porté  sur  un  pied  en  balustre,  avec  une  devise  sculptée  sur 
sur  le  bord  de  la  vasque  : 

Tout  se  passe  rien  ne  dure, 
La  ferme  chose  tant  soit  dure, 

la  date  de  1507  et  les  armoiries  d'une  famille  locale,  les  Castello. 

Uér/lise  Saint-Bonnet  que  nous  visitons  ensuite  fut  fondée  en  1250,  détruite 
comme  la  précédente  par  l'incendie  de  1487  et  reconstruite  en  1510.  Elle  n'a  qu'un 
médiocre  intérêt,  mais  elle  possède  de  beaux  vitraux  dont  trois  sont  de  Jean  Lescuyer, 
très  remarquable  peintre  verrier  de  Bourges  au  XVP  siècle,  et  un  autre  de  beaucoup 
moindre  valeur,  peut  être  attribué  à  un  de  ses  élèves,  tille  renferme  aussi  de  bons 
tableaux  de  Jean  Boucher  :  UÉcIucation  de  la  Vierge  et  les  Adieux  de  Saint  Pierre 
et  de  Saint  Paul. 

Nous  terminons  nos  excursions  locales  par  la'  visite  de  quelques  maisons 
anciennes. 

La  maispn  de  Guillaume  de  Vari/e,  à  l'angle  des  rues  Coursalon  et  Porte-Jaune^ 
avec  son  ancienne  porte  d'entrée  et  l'encadrement  de  la  boutique  de  ce  négociant 
au  XV®  siècle  qui  fut  un  des  principaux  facteurs  de  Jacques  Cœur.  L'élargissement 
nécessaire  de  la  rue  va  malheureusement  faire  disparaître  cette  maison  ; 

La  maison  de  Bien  Aimé  Georr/es,  rue  Bourbonnoux.,  n"  50.,  qui  a  sur  la  cour 
un  élégant  morceau  de  façade  portant  la  date  de  1494  ; 

La  maison,  rue  des  Toiles,  n"  16,  construite,  dit-on,  par  Guillaume  Pelvoysin, 
vers  1510,  présentant  ce  caractère  original  que  les  sculptures  sont  de  biais  et  ne 
prennent  leur  caractère  normal  que  vues  sous  un  angle  de  45°  ; 

Rue  Porte-Jaune,  n"  4,  un  logis  du  commencement  du  XVI*  siècle,  à  belle  façade 
sur  la  cour,  grandes  fenêtres  à  croisillons  et  jolie  tourelle  d'escalier  avec  écusson 
au-dessus  de  rentrée  ; 

La  maison  de  Baraton,  rue  Joyeuse,  n"  22,  d'une  jolie  architecture,  montre 
d'intéressants  détails  de  la  fin  du  XVP  siècle. 

Les  maisons  de  bois  du  XV^  et  du  XVP  siècle  soni  extrêmement  nombreuses 
à  Bourges  et  donnent  à  certaines  rues  un  aspect  très  archaïque.  En  dehors  des 
rues  Mirabeau  et  des  toiles  oii  la  majorité  des  maisons  sont  à  étage  et  à  pignons 


—  270  — 

aigus,  citons  :  rue  Saint- Sulpice^  n"  iT^  la  maison  dite  de  la  Reine  Blanche^  à 
belles  moulures  et  sculptures  intéressantes  ;  rue  cVAuron,  n"  /,  la  maison  natale 
de  Jacques  Cœur,  suivant  une  tradition  que  rappelle  une  plaque  commémorative, 
bien  que  les  détails  indiquent  la  tin  plutôt  que  le  commencement  du  XV*  siècle. 

Au  N"  11  de  \a  place  Gordaine,  la  poutre  solière  du  l"""  étage  est  couverte  de 
belles  guirlandes  et  des  corbeaux  sont  ornés  de  feuilles  bien  modelées. 

Rue  Bourbonnoux,  n"  13,  en  guise  d'enseigne,  trois  flûtes  énormes  sont  sculptées 
dans  un  poteau  d'angle.  Autres  vieilles  enseignes  ;  le  Barbeau  couronné.,  rue  Par- 
nientier,  N"  i  ;  le  Cygne,  place  des  Marronniers. 

Comme  Lillois,  je  n'aurais  garde  d'oublier  une  maison  formant  le  coin  des  rues 
du  Cour  Sablon  et  du  Charrier,  et  portant  pour  enseigne  Épicerie  lilloise. 

Il  faut  bien  aussi  que  je  signale  uue  maison  d'une  certaine  importance,  située 
rue  Moyenne,  appartenant  à  ]M.  Brisson,  président  du  Conseil  des  Ministres, 
frappée  d'alignement  pour  donner  passage  au  tramway  électrique  et  dont  le 
propriétaire  ne  veut  pas  accepter  le  prix  très  élevé  que  lui  a  alloué  le  jury 
d'expropriation  (l). 

Ce  refus  obstiné  a  donné  lieu  à  une  chanson  humoristique  oii  le  propriétaire 
est  traité  avec  rigueur.  On  pense  bien  que  je  n'ai  pas  omis  de  me  procurer  cette 
chanson  composée  de  plusieurs  couplets. 

Le  soir  à  8  h.  1/2  dans  la  salle  du  Conseil  municipal  nouvelle  séance  présidée 
par  M.  le  comte  de  Marsy. 

]\I.  Griolet  de  Gier,  sourd-muet  et  âgé  de  près  de  80  ans  communique  à  la 
compagnie  des  autographes,  de  l'authenticité  desquels  on  ne  saurait  douter  et  qui 
sont  signés  de  Rabelais,  de  Charles  VII,  de  Marie  d'Anjou,  d'Agnès  Sorel,  de 
.lacques  Cœur,  de  Louis  XII,  du  cardinal  d'Amboise  l'un  des  constructeurs  du 
château  de  Meillant. 

M.  de  Laugardière  met  sous  les  yeux  des  congressistes  une  bonne  photographie 
de  l'abbaye  de  Fougombault,  dont  la  restauration  est  l'œuvre  d'un  enfant  de 
Bourges,  M.  le  chanoine  Lenoir. 

M.  Cauchery  de  Vierzon,  donne  des  détails  sur  le  Palais  du  duc  Jean  et  répond 
à  la  question  posée  :  Influence  du  duc  de  Berry  sur  le  développement  des  arts  et 
en  particulier  de  l'architecture  de  la  province. 

M.  de  Laugardière  traduit  avec  une  grande  compétence,  l'inscription  d'une  stèle 
trouvée  à  Genouilly  qui,  d'après  lui,  serait  du  dernier  demi-siècle  avant 
Jésus-Christ. 

M.  Quarré-Reybourbon,  de  Lille,  dépose  sur  le  bureau  deux  brochures  sur  des 
voyageurs  Lillois  du  XVII''  siècle  après  en  avoir  donné  un  court  aperçu  et  s'offre  à 
procurer  copie  des  relations  qtii  intéresseraient  les  membres  du  Congrès.  Plusieurs 
demandes  lui  ont  été  adressées. 

M.  le  comte  Charles  Lair  a  découvert  un  martyrologe  dressé  par  des  religieuses 
du  monastère  des  Bénédictines  de  St-Laurent  de  Bourges. 

!M.  Adrien  Blanches  a  retrouvé  au  Musée  du  Louvre,  les  émaux  de  la  croix  dite 
de  Bourges,  brisée  sous  la  Révolution.  Il  en  fait  la  description. 

M.  de  Boismarmin,  parle  de  la  résidence  de  Jeanne  d'Arc  à  Mchun. 

La  séance  se  termine  par  une  magistrale  communication  de  M.  Tocilesco, 
sénateur  do  Roumanie,  sur  des  ruines  considérables  découvertes  par  lui  dans  son 
pays. 


(1)  Les  journaux  (l'octobre  1898  ont  annnonct- (jue  M.  Brisson  0  eiiflii  ucceplé  lu  soninic  de  120.000  fr. 
payement  comptont,  pour  son  immeuble. 


—  271  — 

Dimanche  10  Juillet.  —  11  h.  31.   Excursion  en    chemin    de    fer   à    Mehun-sur-Yè\re.  — 
2  h.  48.  Départ  de  Mehun,  arrivée  à  Bourges  à  3  h.  10.  —  T  heures.  Banquet. 

9 

Plus  de  cent  congressistes  se  trouvaient  à  la  gare  à  l'heure  indiquée  et  partaient 
pour  Mehun. 

Deux  monuments  sont  à  visiter  :  Vêglise  et  les  ruines  du  château.  On  peut  voir 
aussi  wne  porte  de  ville.,  dite  de  Vhorlor/e,  reste  de  l'enceinte  du  XIII*  siècle. 

Ve'glise  Notre-Dame,  bien  qu'ayant  subi  de  graves  mutilations,  est  intéressante. 
Le  chœur  voûté  en  quart  de  sphère  est  de  plan  irrégulier,  sensiblement  dévié  vers 
le  sud.  Il  est  en  portion  de  cercle  ou  en  fer  à  cheval,  entouré  d'un  bas-côté  ,  avec 
lequel  il  communique  par  sept  arcades  en  plein  cintre  portées  sur  pieds  droits  rec- 
tangulaires sans  chapiteau.  Sur  ce  déambulatoire,  voiité  en  berceau  circulaire, 
sont  ouvertes  trois  chapelles  rondes  voûtées  en  demi-sphères,  dont  l'une  plus 
grande  ;  celle  du  nord,  a  pour  annexe  une  absidiole  orientée  elle-même. 

On  voit  dans  les  Ijases  de  ces  absides,  à  l'extérieure,  les  petites  fenêtres  d'une 
crypte  qui  s'étendait  sous  le  chœur  et  ses  annexes  et  qui,  supprimée  en  1828,  a  fait 
baisser  d'un  mètre  le  dallage  de  l'église. 

On  peut  attribuer  cette  construction  à  la  première  moitié  du  XI"  siècle. 

La  nef  rectangulaire  de  32  mètres  sur  10,  qui  s'étend  au-devant  du  chœur,  a  une 
déviation  marquée  vers  le  sud.  Elle  est  couverte  d'un  berceau  en  bois  à  entraits  et 
pointiers  apparents  ornés  de  rinceaux,  moulures  et  écussons.  Jusqu'au  XVP  siècle, 
une  rue  transversale  mettant  en  communication  le  château  avec  la  ville,  passait 
sous  le  dallage  alors  plus  haut  aujourd'hui.  Les  issues  de  ce  passage  sont  marquées 
dans  les  parois  latérales  de  la  nef. 

La  façade  est  précédée  d'une  tour  du  XII"  siècle  formant  narthex.  Gomme  elle 
est  établie  sur  la  muraille  des  fortifications  de  la  ville,  la  baie  de  face  du  narihex 
forme  tribune  et  l'accès  a  lieu  latéralement  par  des  degrés.  Au-dessus  de  la  baie 
d'entrée,  au  nord,  est  sculpté  un  agneau  pascal  au  milieu  d'une  croix  grecque 
ornée  d'entrelacs. 

Une  grande  et  belle  chapelle  a  été  bâtie  au  sud  du  chœur,  en  1466,  parRegnaud- 
Thierry,  sieur  de  Courpey,  doyen  du  chapitre  de  Mehun. 

On  voit  dans  cette  église  un  grand  tableau  représentant  le  Christ  en  croix,  signé 
de  Jean  Boucher,  de  Bourges,  et  daté  de  1610. 

Cliâteau-Mehnn  avait  eu  dès  la  plus  haute  féodalité  ses  seigneurs  particuliers,  de 
la  maison  de  Vierzon.  Au  commencement  du  XIIP  siècle,  la  seigneurie  fut  portée 
en  dot  par  Mathilde  de  Mehun  à  Robert  de  Gourtenay,  qui  donna  à  la  ville,  en  1209, 
une  première  charte  d'affranchissement.  Elle  passa  ensuite  par  Amicie  de  Gourtenay 
à  Robert  d'Artois  au  petit- fils  duquel  Philippe  de  Valois  la  confisqua  pour  la 
réunir  à  la  couronne.  Après  le  traité  de  Brétigny,  Jean  de  Berry  la  reçut  en  fief. 
C'est  lui  qui  y  fit  bâtir,  par  Guy  et  Douet  de  Dammartin,  ses  architectes,  une 
fastueuse  demeure  qui,  après  sa  mort,  revint  encore  à  la  couronne.  Charles  VII 
l'habita  longtemps  alors  qu'il  n'était  que  roi  de  Bourges  et  plus  tard,  et  c'est  là 
qu'il  mourut.  Délaissé  après  la  mort  du  roi,  le  château  de  Mehun  fut  incendié  par 
la  foudre  en  1550  et  ne  fut  jamais  réparé  sérieusement.  Il  était  déjà  à  l'état  de 
ruines  losrqu'il  fut  aliéné,  lors  de  la  Révolution,  pour  la  somme  de  486  francs,  puis 
entièrement  démoli  à  l'exception  des  deux  tours,  elles-mêmes  profondément  enta- 
mées. En  1817,1a  municipalité  acquit  ce  qui  subsistait  encore.  Une  restauration  des 
dispositions  principales  de  la  Tour  du  Nord  a  été  faite  il  y  a  peu  d'années  par 
M.  Darcy,  pour  l'administration  des  monuments  historiques. 


Le  château  de  Mehun  était  construit  au  confluent  de  TYèvre  et  de  TAnuain,  sur 
un  plateau  rocheux  isolé  du  coteau  par  de  larges  fossés  oii  se  réunissaient  les  deux 
cours  d'eau.  11  avait  la  forme  d'un  quadrilatère  irrégulier  avec  tours  aux  angles  et 
bâtiments  d'habitation  appuyés  à  l'intérieur  des  courtines.  La  tour  du  nord  ou  des 
Fiefs^  qui  est  encore  debout,  constituait  le  donjon.  La  salle  du  rez-de-chaussée 
remonte  à  Robert  d'Artois.  Elle  contient  un  puits  et  un  four.  Les  salles  supérieures 
ont  été  élevées  par  le  duc  Jean.  La  tour  de  l'ouest,  à  quatre  étages  comme  l'autre, 
existe  encore,  mais  éventrée  dans  toute  sa  hauteur. 

Une  miniature  de  l'un  des  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Chantilly  montre 
quel  était  l'aspect  extérieur,  aussi  imposant  dans  son  ensemble  que  prodigieu- 
sement riche  dans  ses  détails,  de  ce  château  du  duc  de  Berry,  quelques  années 
avant  sa  mort. 

A  la  sortie  du  château,  les  excursionnistes  vont  donner  un  coup  d'œil  au  beffroi, 
ainsi  qu'à  l'hôtel  Charles  Vil,  résidence  de  Jeanne  d'Arc. 

A  trois  heures  dix,  les  membres  du  Congrès  étaient  de  retour  à  Bourges.  A  sept 
heures,  ils  se  rendaient  au  banquet. 

C'est  dans  la  grande  salle  de  la  halle  qu'eut  lieu  ce  banquet  ;  dans  cette  salle 
1.200  personnes  peuvent  dîner  à  l'aise. 

Le  coup  d'œil  de  la  table,  dressée  avec  un  goût  exquis,  arrache  un  cri  d'admi- 
ration, au  fur  et  à  mesure  de  leur  arrivée,  à  tous  les  convives. 

MM.  le  comte  de  Marsy,  de  Laugardière,  des  Méloizes,  de  Goy,  secondés  par  le 
dévoué  ]M.  Chevalier  reçoivent  les  congressistes  et  leur  font  les  honneurs  de  cette 
réunion. 

L'aspect  de  la  table  entourée  de  personnages  à  la  poitrine  constellée  de  décora- 
tions et  de  dames  aux  riches  toilettes,  est  vraiment  ravissant  ;  le  menu  est  exquis, 
les  vins  convenables  ;  tout  est  digne,  en  un  mot,  de  la  réputation  de  la  maison 
Marguerita  chargée  de  cette  fête. 

Au  dessert  plusieurs  toasts  furent  portés  et  chaleureusement  applaudis. 

En  somme,  charmante  réunion  empreinte  de  la  plus  parfaite  cordialité,  et  dont 
chacun  gardera  un  très  agréable  souvenir. 


Lundi  11  Jiillkt.  —  Excursion  à  Ainay-le- Vieil,  Drévant,  Xoirlat-  et  St-Amand-Mont- 
Rond.  —  10  h.  9.  Départ  en  chemin  de  fer.  —  Midi  1.  Arrivée  à  Ainay,  visite  du 
château.  —  2  heures,  départ  en  voiture  pour  Drévant,  Xoirlac  et  Saint-Amand.  — 
6  h.  1/2  dîner.  —  8  h.  7  départ  en  chemin  de  fer.  —  '.i  h.  30  retour  à  Bourges. 

A  notre  arrivée  à  Ainay-lc- Vieil,  nous  visitons  l'église,  édifice  du  XllI'^'  siècle,  a 
une  porte  à  narihex  assez  intéressante.  Dans  l'intérieur  se  trouve  un  fragment  de 
vitrail  du  XVI"  siècle,  provenant,  dit-on,  de  l'oratoire  du  château.  La  chapelle 
seigneuriale  du  Bigny  montre  aussi  quelques  débris  de  vitraux.  Elle  ne  mérite 
l'attention  que  par  l'élégante  décoration,  de  la  fin  du  XV"  siècle,  de  sa  porte  d'entrée. 

Le  château  est  l'un  de  ceux  qui,  dans  le  département  du  Cher,  a  le  mieux  conservé 
son  aspect  féodal,  son  enceinte  polygonale,  flanquée  de  neuf  tours  aux  angles,  a  de 
hautes  courtines  crénelées  avec  chcmiu  de  ronde.  Elle  est  du  XIV"  siècle. 

Au  dedans  des  murailles  vers  l'est,  un  riche  corps  de  logis  s'appuya  à  la  fin  du 
XV"  siècle  et  toutes  les  ressources  artistiques  de  l'époque  furent  appliquées  à  sa 
décoration.  La  tour  d'escalier,  les  belles  fenêtres,  l'oratoire  avec  son  ornementation 
de  la  Renaissance,  la  cheminée  monumentale  du  grand  salon  sont  d'une  élégance 
accomplie. 

Cette  résidence  est  actuellement  la  propriété  de   "SI.   le  comte  de   Villefranche- 


MEHUN.  —  ANCIEN  CHATEAU  DE  CHARLES  VH. 


—  2-3  — 

Bigny,  absent,  mais  qui  a  voulu  qu'on  ouvrit  largement,  hospitalièrement  les  portes 
du  château,  assez  difficile  à  visiter  ordinairement,  aux  membres  du  Congrès  de  la 
Société  française  d'Archéologie. 

En  oeuvres  d'art,  bijoux,  meubles  anciens,  le  château  d'Ainay-le-Vieil  est  moins 
riche  que  Meillant.  On  peut  citer  toutefois,  le  missel  du  salon  que,  malheureusement 
on  a  cadenassé  depuis  qu'un  archéologue  —  ils  ont  tous  les  poches  profondes,  a 
dit,  à  la  dernière  séance,  M.  le  comte  de  Marsy  —  a  détaché  de  ce  livre  de  prix  un 
des  feuillets  ;  dans  la  salle  de  billard,  quelques  panoplies  offrent  un  certain  intérêt 
et  dans  la  bibliothèque,  les  panneaux  de  quelques  bahuts  sont  d'un  joli  travail. 

Dans  la  même  pièce,  bien  en  vue,  sur  l'entablement  d'un  bahut,  est  exposé  un 
souvenir  de  famille.  C'est  une  frégate  en  ivoire,  d'un  travail  délicat,  offert  par  les 
canotiers  de  la  ville  de  Dieppe  à  S.  A.  R.  Madame  la  duchesse  d'Angoulême,  et 
donnée  par  elle  à  la  marquise  de  Villefranche,  sa  dame  d'honneur,  qui  l'accom- 
pagnait dans  un  voyage. 

Au  premier  étage  les  visiteurs  peuvent  entrer  dans  une  chambre  à  coucher,  qui 
ouvre  sur  un  balcon  de  pierre  surmonté  d'un  berceau  dont  les  détails  sont  artis- 
tement  fouillés  et  dont  le  ciel,  peint  en  bleu,  est  parsemé  de  fleurs  de  lys. 

Dans  un  cabinet  de  travail,  j'ai  été  heureux  de  rencontrer  un  souvenir  lillois  :  un 
petit  volume  intitulé:  Sentiments  chrétiens^  in-24,  1815,  LtZte,  YanacAère,  relié  en 
maroquin  rouge  à  dentelles  à  froid  {reliure  de  lUocquel-Castiaux). 

La  chapelle  est,  dans  son  genre,  une  petite  merveille. 

Sous  la  Révolution,  le  château  d'Ainay  n'eut  pas  trop  à  souffrir  de  la  tourmente. 

La  chapelle  notamment  fut  entièrement  respectée  ;  elle  dut  sa  préservation  à  une 
circonstance  assez  singulière.  On  l'avait  convertie  en  bûcher  et,  derrière  les  pièces 
de  bois  entassés,  les  farouches  révolutionnaires  ne  soupçonnèrent  pas  l'existence 
d'emblèmes  séditieux  et  de  peintures  religieuses. 

La  porte  d'entrée  de  l'habitation  porte  l'inscription  suivante  :  Nobilitati  virtus 
exaltât  que  viros.  (Le  courage  élève  les  hommes  de  cœur  à  la  noblesse). 

Les  excursionnistes  quittent  Ainay  pour  Drévant.  Quinze  voitures  les  emportent. 

L'entrée  dans  Drévant  de  ces  quinze  voitures,  qu'avaient  précédées  une  avant- 
garde  d'éclaireurs  cyclistes  fait  sensation. 

A  Drévant  ont  été  découvertes  en  1834  des  ruines  romaines  très  importantes, 
temple,  thermes  et  arènes  ou  théâtre,  dont  il  ne  reste  debout  que  l'extrémité  de 
trois  galeries  voûtées  ayant  porté  les  gradins  et  le  commencement  des  galeries 
circulaires  qui  soutenaient  l'hémicycle  destiné  aux  spectateurs.  Le  reste  du  monu- 
ment ne  se  manifeste  que  par  des  ondulations  de  terrain  qui  indiquent  sa  forme 
générale  ;  il  avait  78  mètres  de  diamètre. 

La  voie  d'Avaricum  à  Néris  passait  au  nord  de  ces  ruines. 

Deux  inscriptions  romaines  sont  conservées  dans  des  murs  de  maison. 

En  face  de  Drévant,  sur  la  rive  gauche  du  Cher,  une  vaste  enceinte  en  terre, 
irrégulièrement  triangulaire,  occupe  le  plateau  d'un  promontoire  escarpé  qui 
s'avance  vers  le  nord.  Il  semble  qu'on  y  voit  l'oppidum  gaulois  occupé  avant  la 
fondation  de  la  ville  romaine  qui  s'éleva  à  ses  pieds. 

L'église  paroissiale  de  Drévant  a  peu  d'intérêt.  Dans  son  pignon  est  incrusté  un 
chapiteau  antique.  Près  d'elle,  s'élève  la  chapelle  d'un  ancien  prieuré  aujourd'hui 
habitation  particulière,  dont  le  pignon  ne  manque  pas  de  caractère  et  montre 
quelques  sculptures  d'un  fin  triivail. 

De  Drévant,  nous  nous  rendons  à  Noirlac,  traversant  Saint-Amand  à  une  allure 
des  plus  rapides. 

U Abbaye  cistercienne  de  Noirlac  a  été  fondée  en  1150  par  Ebbes'V  seigneur  de 
Charenton.  Robert,  neveu  de  saint  Bernard,  passe  pour  en  avoir  été  le  premier 

18 


—  274  — 

abbé.  L'église,  en  forme  de  croix  latine,  a  un  chevet  carré.  Le  sanctuaire  est  voûté 
d'un  berceau  légèrement  brisé  au  sommet.  Sur  les  bras  du  transept  s'ouvrent  de 
chaque  côté  deux  chapelles  carrées  orientées.  La  nef  est  à  trois  galeries,  les  bas- 
côtés  sont  voûtés  de  pénétration  et  la  nef  centrale,  de  huit  mètres  de  largeur,  a 
huit  travées,  de  six  mètres  de  longueur,  voûtées  sur  nervures,  comme  les  trois 
rectangles  du  transept.  Les  chapitaux  des  piliers  occidentaux  accusent  le  XIIP  siècle 
et,  par  conséquent,  une  construction  postérieure  à  celle  de  la  partie  orientale. 

A  l'extrémité  du  bras  sud  du  transept,  un  escalier  conduit  aux  dortoirs  construits 
dans  son  prolongement.  Au-dessous  de  ces  dortoirs  est  une  belle  salle  capilulaire 
voûtée  sur  arcs-ogives  en  six  parties  carrées,  avec  deux  piliers  au  milieu  portant  les 
retombées  des  nervures.  Un  de  ces  piliers  a  son  fût  entouré  de  seize  cannelures. 

Au  delà  de  cette  salle  étaient  les  cuisines  qui  occupaient,  en  outre,  un  bâtiment 
en  retour  au  sud. 

L'intérieur  a  été  dénaturé  au  XYIIl®  siècle.  On  voit  extérieurement  les  tuj'aux 
des  cheminées  dont  l'un,  bien  complet,  est  terminé  en  une  sorte  de  lanternon  à  toit 
conique. 

Entre  ces  constructions  est  placé  le  cloître  à  riches  galeries  voûtées  dont  les 
parties  les  plus  anciennes  du  commencement  du  XIIP  siècle  sont  celles  des  côtés 
nord  et  ouest  de  la  cour.  Le  côté  est,  devant  la  salle  capitulaire,  plus  riche,  est  du 
XIIP  siècle  avancé  et  enfin  le  côté  sud,  qui  a  perdu  ses  voûtes,  a  été  construit  à  la 
fin  du  XIV^  siècle.  Ce  dernier  côté  est  fermé  par  le  bâtiment  qui  autrefois  contenait 
le  réfectoire,  vaste  pièce  très  élevée  à  voûtes  ogivales  portées  sur  trois  forts  piliers 
isolés.  Ce  bâtiment  divisé  au  XVIII''  siècle  en  deux  étages  et  en  nombreuses  pièces, 
a  perdu  tout  son  aspect. 

Une  construction  du  XIV*  siècle  qui  s'étend  à  l'ouest  des  cloîtres,  a  son  étage 
inférieur  voûté  en  deux  galeries  sur  les  piliers  octogones.  Là  étaient  les  celliers  de 
l'abbaye. 

J'ai  beaucoup  admiré  la  vaste  église  de  Noirlac  datant  du  XII"  siècle  ainsi  que 
ses  cloîtres  d'une  grande  beauté  sépulcrale  très  vastes  et  bien  conservés.  Mais  tous 
nous  étions  unanimes  à  déplorer  que  l'Etat  ne  se  préoccupe  point  de  sauver  de  la 
ruine  de  tels  trésors  légués  par  les  siècles. 

Des  centaines  de  photographies  partielles  ont  été  prises  ainsi  qu'un  groupe  des 
Congressistes.  Ces  cloîtres  il  y  a  quelques  jours  encore,  étaient  habités  par  quelques 
religieuses  visionnaires  et  excommuniées  de  Loigny.  Les  cellules,  où  sont  les  lits 
très  confortables  de  ces  nonnes  dissidentes  n'ont  rien  d'ascétique.  Faute  de 
ressources  suffisantes  pour  y  subsister,  ces  religieuses  dites  du  Sacré-Cœur  de 
Jésus  Pénitent  ont  dû  quitter  Noirlac  à  la  suite  de  la  mort  d'un  bienfaiteur  insigne. 

De  là  nous  nous  dirigeons  vers  Saint-Amand-Montrond. 

La  ville  de  Saint-Amand-Montrond  a  été  formée  par  la  réunion  de  trois  centres 
distincts  fondés  à  des  époques  différentes. 

1"  Le  Vieux  Château^  centre  paroissial  et  féodal  primitif,  autour  duquel  s'agglo- 
méra une  population  importante  qu'Ebbos  VII,  seigneur  de  Charenton  et  de 
Saint-Amand,  favorisa  d'une  charte  d'affranchissement  à  la  fin  du  XIL'  siècle. 

2"  La  Ville  neuve  de  Saint-Amanri,  qui  s'éleva  à  l'ouest  de  la  vieille  ville  à  partir 
du  XIV"  siècle,  s'entoura  de  murailles  et  eut  sa  destinée  féodale  particulière. 

.3"  Montronrl,  forteresse  dès  le  commencement  du  XIII"  siècle,  successivement 
augmentée  jusqu'à  devenir  un  immense  château  qu'Henri  de  Condé,  en  1021,  acquit 
du  grand  Sully.  Ce  château  entouré  de  puissantes  défenses  devint  sous  la  Fronde 
une  des  plus  fortes  places  du  parti  de  Condé,  subit  onze  mois  de  siège,  succomba 
le  i""^  septembre  lf»52  et  fut  immédiatement  démantelé.  La  forteresse  céda  la  place 
à  des  jardins   luxueux   et   à  une  sonqitueusc  habitation  que  M^""*-*  de  Charolais, 


Louise  de  Bourbon-Gondé,  trouvant  son  entretien  trop  coûteux,  livra  elle-même, 
en  1736,  au  pillage  et  à  la  destruction.  Les  ruines,  encore  grandioses  au  commen- 
cement du  XIX*^  siècle,  ont  peu  à  peu  disparu.  A  peine  reste-t-il  aujourd'hui  un 
débris  de  tour  qui  n'a  guère  d'intérêt  que  par  les  souvenirs  qu'elle  rappelle. 

Les  enceintes  des  deux  villes,  vieille  et  neuve,  détruites  dans  le  cours  du 
XVIII"  siècle,  ne  sont  que  difficilement  reconnaissables  (1). 

L'église  paroissiale  de  Saint-Amand  est  de  plan  crucial  avec  absidioles  sur  le 
transept  et  galeries  latérales  de  la  nef.  Elle  a  été  élevée  du  XP  au  XVIIP  siècle. 
Le  chœur  est  voûté  en  berceau,  de  construction  soignée  et  intéressante,  l'extérieur 
de  l'abside  également,  avec  Tarcature  figurée  en  plein  cintre  qui  la  décore.  Des 
chapelles,  construites  au  XV'=  et  XVP  siècle,  communiquent  avec  l'église  par  des 
baies  ouvertes  dans  les  lîiurs  latéraux.  Une  annexe  appelée  Chapelle  de  Sainte- 
Anne  a  sa  porte  spéciale  des  dernières  années  du  XV*  siècle,  à  gauche  de  la  façade. 

Après  la  visite  de  son  église,  M.  l'archiprètre  de  Saint-Amand,  présenta  une 
croix  du  XIIP  siècle,  don,  dit  la  légende,  de  saint  Louis.  Cette  croix  a  été  sauvée 
pendant  la  Révolution  par  une  personne  pieuse. 

Les  Carmes  s'établirent  dans  la  ville  neuve  au  XV*  siècle.  Dans  leur  couvent 
sont  installés  la  Mairie  et  le  Palais  de  justice.  Les  bâtiments  sont  sans  intérêt; 
mais  l'église  montre  encore  une  belle  façade  avec  une  jolie  porte  de  la  Renaissance 
et  une  tourelle  à  lanternon  surmontant  la  pointe  du  pignon. 

Quelques  maisons  particulières  méritent  l'attention  :  rue  du  Portail,  une 
boutique  entourée  d'une  riche  décoration  sculptée  à  la  Renaissance  datée  de  1580  ; 
rue  Porte-Matin  un  hôtel,  d'une  belle  architecture  du  commencement  du 
XVir  siècle,  avec  entrée  surmontée  d'une  fenêtre  et  d'une  lucarne  dont  l'ordon- 
nance est  remarquable. 

La  journée  est  finie,  elle  a  été  bien  remplie.  Après  un  dîner  très  gai,  servi  à 
l'hôtel  de  la  Poste.  Les  congressistes  enchantés  rentraient  à  Bourges,  vers 
dix:  heures  du  soir. 


Mardi  12  Juillet.  —  8  h.  1/2.  Visite  des'ruines  du  Palais  du  duc  Jean.  —  9  heures. 
Séance  supplémentaire,  dans  la  salle  de  l'hôtel  de  ville.  —  2  heures.  Séance  de 
clôture. 

Une  partie  des  congressistes  visitent  les  ruines  du  duc  Jean,  rue  Fernault,  dont 
j'ai  dit  un  mot  au  commencement  de  ce  rapport,  dans  le  coup  d'œil  général  sur 
Bourges,  et  reviennent  rejoindre  leurs  collègues  à  la  séance  de  l'hôtel  de  ville, 
présidée  par  M.  le  comte  de  Marsy. 

M.  Masseau  dépose  plusieurs  mémoires,  dont  il  donne  un  court  aperçu. 

MM.  Travers,  Mater,  de  Saint- Venant,  des  Méloizes,  etc.,  font  des  communi- 
cations intéressantes.  —  M.  Henry  Ponroy  donne  lecture  d'un  intéressant  mémoire 
relatif  à  des  en  bois  ou  moules  à  pâtisserie,  que  l'on  rencontre  plus  particulièrement 
en  Berry.  11  est  possesseur  de  onze  rondeaux  de  pain  bénit. 

M.  le  comte  de  Marsy  remercie  les  orateurs  et  la  séance  prend  fin. 

Après  le  déjeuner,  plusieurs  congressistes,  sans  attendre  la  séance  de  clôture, 
quittent  Bourges  pour  retourner  vers  Paris.  Je  me  disposais  de  faire  de  même  pour 


(])  Histoire  des  deux  villes  de  Sainl-Amnnd  et  de  Monlrond, -par 'Viclor  Maillard.  —  St-Amand,  Desteny, 
in-S»,  flg.  12  fr. 


—  276  — 

me  diriger  sur  Vichy  ;  mais  un  train  de  nuit  me  fit  renoncer  à  ce  projet.  Bien  m'en 
a  pris,  car  une  agréable  surprise  m'attendait. 

A  deux  heures  la  séance  de  clôture  s'ouvrait.  Avant  de  déclarer  close  la  session, 
]\I.  de  Fayolle  a  proclamé  l'admission  de  plusieurs  membres  dans  la  Société 
d'Archéologie  ;  parmi  leurs  noms,  nous  relevons  celui  de  M.  le  comte  Maxime  de 
Germiny,  archiviste  paléographe,  fils  de  M.  le  comte  de  Germiny,  membre  de  la 
Société  de  Géographie  de  Lille. 

Vient  ensuite  la  lecture  de  la  liste  des  récompenses  attribuées  pour  les  travaux. 

J'eus  l'honneur  de  m'entendre  proclamer  titulaire  d'une  médaille  en  vermeil 
pour  l'ensemble  de  mes  travaux  et  mes  soins  à  recueillir  les  souvenirs  lillois. 

]M.  le  comte  de  ]\Iarsy  eut  un  mot  charmant  pour  chaque  lauréat  ;  puis  après  la 
proclamation  des  récompenses,  il  s'exprima  à  peu  près  en  ces  termes  : 

Avant  de  lever  la  séance,  je  remercie  tous  ceux  qui  ont  pris  part  au  Congrès  : 
les  membres  de  la  Société  des  Antiquaires  du  Centre,  de  la  Société  historique  de 
Bourges  ;  les  Commissaires  organisateurs  si  dévoués  ;  les  autorités,  le  clergé,  les 
propriétaires  des  châteaux  qui  ont  ouvert  si  libéralement  leurs  portes,  la  Presse, 
qui  a  été  l'interprète  du  Congrès  et  lui  a  accordé  une  place  exceptionnelle  dans 
ses  colonnes. 

M.  de  Marsy  remercie  tous  ceux  qui  sont  venus  de  loin.  Il  remercie  les  dames 
nombreuses  qui  ont  voulu  montrer  qu'elles  n'étaient  pas  étrangères  aux  Congrès 
des  Sociétés  savantes.  Il  leur  donne  rendez-vous  pour  l'année  prochaine. 

Ses  paroles  sont  accueillies  par  des  applaudissements  et  le  65^  Congrès  est 
déclaré  clos. 


Le  J3  juillet,  trente  congressistes  environ  ont  fait,  à  Nevers,  une  excursion 
supplémentaire.  Partis  de  Bourges  à  9  heures  et  demie,  ils  ont  visité  la  cathédrale, 
les  autres  églises,  le  palais  ducal,  le  musée  lapidaire,  les  collections  de  faïences  et 
la  célèbre  porte  Ducrou. 

i 


BIBLIOGRAPHIE 


En  vue  de  l'accord  commercial  franco-italien  dont  la  mise  en  vigueur  ne  tardera 
pas  à  devenir  un  fait  accompli,  il  est  de  nécessité  absolue,  pour  toutes  les  maisons 
qui  traitent  déjà  des  affaires  en  Italie,  ainsi  que  pour  celles  qui  veulent  y  établir 
des  relations,  de  posséder  une  bonne  traduction  des  tarifs  de  douane,  général  et 
conventionnel. 

A  quatre  reprises  depuis  1885  et  chaque  fois  avec  le  concours  de  M.  Lucien 
Salomon,  il  a  été  publié  par  la  Chambre  de  Commerce  française  de  Milan  une 
traduction  du  tarif;  toutes  sont  épuisées,  la  dernière  date  de  1894  et  ne  pourrait 
servir  du  reste  aujourd'hui. 

M.  Lucien  Salomon  se  propose  donc,  dès  que  la  Direction  générale  des  Gabelles 
d'Italie  aura  officiellement  apporté  aux  tarifs  actuels  les  modifications  résultant  du 
récent  accord,  de  publier  une  nouvelle  et  dernière  édition  française  de  ces  tarifs 
qui,  mise  complètement  à  jour,  comprendra  aussi  toutes  les  indications  relatives 


^  277  — 

aux  Taxes,  aux  Tares  intérieures  de  fabrication  et  aux  Surtaxes  applicables  aux 
produits  provenant  de  l'étranger,  etc.,  etc. 

Cet  ouvrage  se  publiant  par  souscription,  ceux  qui  voudraient  s'en  rendre  acqué- 
reurs peuvent  faire  parvenir  leurs  demandes  à  la  Chambre  de  Commerce  française 
de  Milan,  5,  via  Brera. 


ÉPHÉMÉRIDES  DE  UANNEE  1898 


AVRIL. 

7.  —  États-Unis.   —    Démarches    des    représentants    des    grandes   puissances 
auprès  de  M.  Mac-Kinley. 

8.  —  Soudan.  —  Première  défaite  des  Derviches  par  les  troupes  anglo-égyp- 
tiennes du  Sirdar  Kitchener. 

9.  —  Espagne.  —  A  la  demande  des  États-Unis,  l'Espagne  accorde  un  armistice 
aux  insurgés  cubains.  —  Les  insurgés  refusent. 

il.  —  États-Unis.  —  Message  du  Président  Mac-Kinley  au  Congrès  américain 
au  sujet  de  Cuba. 
i3.  —  France.  —  Entrevue  de  la  Reine  Victoria  et  de  M.  Félix  Faure  à  Nice. 

14.  —  Lille.  —  Conférence   à   la  Société   de  Géographie.   M.   Jules  Ronjat  : 
Alpinistne  et  bicyclette  de  Paris  en  Daicphine'  par  l'Allemagne  et  la  Suisse, 

15.  —  Paris.  —  Voyage  des  Reines  de  Hollande  à  Paris. 

16.  —  Espagne.  —  Résolution   belliqueuse   du    Sénat   américain  :    la   guerre 
paraît  inévitable  entre  l'Espagne  et  les  États-Unis. 

17.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  le  Docteur  Carton  : 
Le  Bédouin.  Scène  de  la  Vie  nomade. 

19.  —  États-Unis.  —  La  Chambre  et  le  Sénat  invitent  le  Président  Mac-Kinley 
à  exiger  que  l'Espagne  retire  ses  troupes  de  Cuba. 

20.  —  Espagne.  —  Ouverture  des  Cortès. 

21.  —  Espagne.  —  L'ambassadeur  d'Espagne  quitte  le  territoire  américain. 

21.  —  États-Unis.  —  Le  ministre  des  États-Unis  à  Madrid  quitte  l'Espagne. 

22.  —  Antilles.  —  Blocus  de  la  Havane  par  la  flotte  américaine. 

22.  —  Chine.  —  Prise  de  possession  par  la  France  de  Kouang-Tchéou. 

22.  —  Espagne.  —  Les  premières  hostilités  entre  l'Espagne  et  les  États-Unis  : 
capture  du  navire  marchand  Bonaventura  par  un  croiseur  américain. 

23.  —  Cuba.  —  Uu  croiseur  espagnol  coulé.  —  Cuba  en  état  de  guerre. 

24.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Ardaillon  :  La  Mer. 

25.  —  Corée.  —  Convention  signée  à  Tokio  par  laquelle  la  Russie  et  le  Japon 
s'engagent  à  ne  pas  intervenir  dans  les  affaires  intérieures  de  la  Corée. 

26.  —  Espagne.  —  Mémorandum  du  gouvernement  espagnol  aux  six  puissances 
pour  protester  contre  l'agression  des  États-Unis. 


27.  —  Cuba.  —  Bombardement  des  forts  de  Mantanzas  par  l'escadre  américaine. 
—  Déclaration  de  neutralité  de  la  France. 

28.  —  LiLi-E.    —    Conférence    à    la    Société    de    Géographie.    M""'    Jeanne    de 
Mayolle  :  Voyage  chez  les  Indiens  du  Nouveau  Mexique. 

29.  —  Cuba.  —  Saisie  d'un  paquebot  espagnol  porteur  de  deux  millions. 

30.  —  Sahara.  —  La  mission  militaire  Laperrine-Germain  pénètre  jusque  dans 
Insalah. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  — Explorations  et  découvertes 


ASIE, 


Ru!>»«»e!i»  au  I*aiiilr.  —  On  annonce  que  des  forces  considérables  sont 
arrivées  au  fort  Mourghabi,  dans  la  vallée  de  Sares-Pamir,  avec  mission  d'occuper 
les  Monts  Sarikol,  entre  Pamir  et  Kachgar. 

Or,  les  moindres  changements  politico-militaires  qui  s'accomplissent  sur  le 
«  Toit  du  ]\Ionde  »  portent,  dit  la  Gazette  de  Yoss,  sur  les  nerfs  des  Anglais,  ce 
qu'explique  parfaitement,  d'ailleurs,  l'extraordinaire  importance  stratégique  de 
cette  région.  On  est  fondé  à  prévoir  que  la  Russie  juge  le  moment  venu  d'exercer 
le  droit,  qui  lui  a  été  reconnu  par  la  commission  anglo-russe  de  1895  relative  au 
Pamir,  d'étendre  sa  domination  vers  le  sud  jusqu'aux  Monts  Sarikol.  Une  fois 
établis  sur  ce  point,  les  avant-postes  russes  ne  seront  plus  qu'à  une  journée  de 
marche  de  la  frontière  du  Tchitral  et  au  point  le  plus  septentrional  de  la  sphère 
d'influence  britannique,  et  l'on  conçoit  que  cette  situation  cause  à  l'Angleterre 
quelques  appréhensions. 

AFRIQUE 

l']ta(  du  Coiis;o.  —  liCM  ]t«>^l;;«'M  et  la  ciuestloii  «le  Italir-el- 
fiiliaxal.  —  L'accord  franco-anglais  du  21  mars  189U  remet  en  question  la 
convention  anglo-congolaise  de  1894,  qui  donnait  aux  Belges  le  Bahr-el-Ghazal  et 
à  laquelle  la  France  fit  alors  opposition.  Aux  termes  de  cette  convention,  l'Angle- 
terre donnait  à  bail  au  souverain  du  Congo  le  territoire  qui  constitue  ce  que  l'on 
appelle  l'enclave  de  Lado,  à  l'occupation  de  laquelle  la  France  a  fini  par  consentir, 
et  le  pays  compris  entre  la  rive  gauche  du  Nil,  le  10'=  parallèle  N.,  le  23»  E.  de 
Greenwich  et  la  ligne  de  partage  des  bassins  du  Nil  et  du  Congo. 

Le  premier  bail  était  fait  au  roi  Léopold,  sa  vie  durant;  le  deuxième,  comprenant 
le  B.ihr-ol-Ghazal  jusqu'à  Fachoda,  s'appliquait  à  ses  successeurs.  La  convention 
concédait  encore  à  l'Ktat  du  Congo  une  bande  de  territoire  de  10  kilomètres  abou- 
tissant à  Mahagi,  sur  le  lac  Albcrt-.Nyanza.  Des  postes  congolais  sont  établis  depuis 


peu  à  Mahagi  et  â  Ouadalaï,  et  les  troupes  de  l'État  occupent  Redjaf  et  plusieurs 
points  de  l'enclave. 

Le  roi  Léopold  n'ayant  renoncé  à  la  convention  que  vis-à-vis  de  la  France,  et 
celle-ci  n'ayant  plus  aucun  intérêt  aujourd'hui  à  maintenir  son  opposition,  on  se 
demande  ce  que  va  faire  l'Etat  du  Congo.  La  convention  de  1894,  en  effet,  n'a  pas 
été  dénoncée  par  l'Angleterre,  et  lord  Salisbury  a  déclaré,  dans  l'un  des  derniers 
Livres  bleus,  que  cette  convention  subsistait  tout  entière.  C'est  une  opinion  à 
laquelle  on  ne  manquera  sans  doute  pas  de  se  ranger  en  France,  d'autant  plus 
■qu'il  ne  nous  serait  nullement  désagréable  d'avoir  les  Belges  pour  voisins  au 
Bahr-el-Ghazal. 


REGIONS    POLAIRES. 


Une  expédition  au  Pôle  ^ud.  —  Les  nations  européennes  n'en  sont 
pas  encore  arrivées  à  se  partager  les  régions  circumpolaires  comme  elles  ont 
partagé  le  centre  de  l'Afrique  :  les  glaces  se  défendent  mieux  que  les  sables  contre 
les  progrès  de  la  civilisation. 

Quoique  les  expéditions  au  pôle  Nord  et  au  pôle  Sud,  plus  inconnu  et  plus 
délaissé,  n'aient  encore  qu'un  caractère  scientifique,  nous  nous  reprocherions  de 
ne  point  dire  quelques  mots  de  l'expédition  belge  partie  depuis  la  fin  de  l'année 
1897  au  pôle  Sud  sous  la  conduite  de  M.  de  Gerlache. 

Le  navire,  parti  d'Anvers  au  milieu  de  l'enthousiasme  du  peuple  et  des  souhaits 
du  roi  et  des  autorités,  s'appelait  la  Belgica.  Depuis  plus  d'un  an,  on  n'avait  pas 
reçu  de  nouvelles  et  l'on  commençait  même  à  éprouver  de  sérieuses  inquiétudes 
sur  le  sort  des  vaillants  marins  qui  le  montaient. 

C'est  de  Montevideo  que  des  télégrammes,  parvenus  à  la  fois  aux  agences,  au 
gouvernement,  à  la  famille  du  commandant  de  Gerlache  et  à  la  Société  belge  de 
Géographie,  ont  appris  que  l'expédition  existe  toujours  et  qu'elle  a  réalisé  une 
partie  de  son  programme. 

A  sa  famille,  M.  de  Gerlache  s'est  borné  à  envoyer,  par  voie  télégraphique,  ces 
deux  simples  mots,  suffisants  pour  attester  son  existence  :  «  Belgica,  Adrien  ». 

11  a  été  plus  explicite  dans  son  câblogramme  à  la  Société  royale  belge  de  Géo- 
graphie. 

Mardi  soir,  vers  onze  heures  et  demie,  le  secrétaire  de  cette  Société,  M.  du  Fief, 
a  reçu  le  câblogramme  suivant,  en  signes  empruntés  au  code  télégraphique  inter- 
national : 

«  J'ai  le  regret  de  vous  annoncer  ,que  Wincke  est  décédé  le  22  janvier  1898  et 
que  Danco  est  décédé  le  5  juin  1898  ;  sinon,  tout  est  bien  à  bord,  sans  avarie.  — 
Résultats  très  satisfaisants,  bonnes  collections.  —  Visité  la  baie  Hughes  et  la  Terre 
Palmer  ;  fait  une  reconnaissance  hydrographique  dans  ces  parages  ;  recueilli  nom- 
breux échantillons  de  roches  ;  vingt  débarquements.  —  Puis  fait  route  vers  la 
Terre  d'Alexandre  I",  pénétré  dans  le  pack  dans  l'ouest  de  la  Terre  d'Alexandre  I". 
Latitude  extrême  71"  36',  longitude  92°  ouest.  —  Obligé  d'hiverner  ;  beaucoup  de 
mauvais  temps,  mais  pas  de  froid  intense  pendant  l'hivernage,  sauf  pendant  le 
mois  de  septembre,  minimum  43°  centigrades  au-dessous  de  zéro,  le  8  septembre 
1898.  —  Beaucoup  dérivé  au  gré  des  vents  :  sorti  du  pack  le  -14  mars  1899.  —  Fait 
route  vers  Punta-Arenas,  y  arrivé  le  28  mars  1899.  —  Envoyez  les  lettres  à  Punta- 
Arenas.' 

»  DE  Gerlache.  » 


—  280  — 

Le  cablogrammc  vient  de  Montevideo.  Ce  n'est  pas  que  l'expédition  soit  arrivée 
à  Montevideo.  Elle  est,  au  contraire,  toujours  à  Punta-Arenas  et  compe  y  rester 
assez  longtemps  encore,  puisque  c'est  là  qu'elle  demande  de  lui  envoyer  les  lettres; 
celles-ci  mettent  environ  un  mois  pour  atteindre  ce  point.  11  aura  fallu  envoyer  de 
là  le  télégramme  à  Montevideo  pour  le  faire  câbler. 

Punta-Arenas  est  une  station  d'observation  sise  à  la  Terre  de  Feu. 

C'est  de  la  Terre  de  Feu  que  la  Belgica  était  partie  le  13  janvier  1898. 

M.  de  Gerlache  se  proposait  de  se  rendre  vers  la  Terre  de  Graham  et  de  là  à  la 
Terre  Victoria,  située  beaucoup  plus  à  l'ouest. 

Il  n'a  pu  accomplir,  on  l'a  vu,  que  la  première  partie  de  ce  trajet. 

Le  13  janvier  était  une  date  déjà  un  peu  tardive  pour  le  départ.  On  ne  sait  trop 
pour  quelle  cause  ce  départ  fut  retardé. 

L'expédition  s'arrêta,  on  le  voit  par  la  dépêche,  à  la  baie  Hughes  et  à  la  Terre 
Palmer,  qui  sont  aux  environs  de  la  Terre  de  Graham. 

Elle  fit  route  ensuite  vers  l'ouest,  s'engageant  bientôt  dans  le  pack.  On  appelle 
ainsi  l'étendue  des  glaçons  brisés,  qu'un  bâtiment  peut  encore  traverser.  Mais  au 
bout  d'un  certain  temps,  on  constata  que  par  suite  de  l'accentuation  de  la  rigueur 
hivernale,  le  pack  allait  se  changer  en  banquises  dans  lesquelles  le  navire  serait 
pris.  L'on  retourna  alors  du  côté  de  la  Terre  de  Graham  pour  hiverner  à  la  Terre 
Alexandre  I". 

On  a  vu  que  l'extrême  point  atteint  par  M.  de  Gerlache  a  été  le  71°  36'  de  latitude 
et  le  92"  ouest  de  longitude. 

Il  n'y  a  pas  de  doute  que,  tout  incomplet  qu'ait  été  le  voyage  de  la  Belgica  ,  il 
n'apporte  une  contribution  sérieuse  à  la  science.  La  dépêche  déclare  que  l'expé- 
dition a  fait  de  nombreuses  observations  scientifiques. 

Ajoutons  que,  d'après  les  derniers  renseignements,  il  paraît  peu  probable  que  la 
Belgica  retourne  l'hiver  prochain  dans  les  mers  polaires  du  sud,  comme  M.  de 
Gerlache  l'avait  projeté  tout  d'abord.  —  L. 

Dépêche,  8  Avril. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE. 

lie»  nri*iTa;sc!i»  de  laineN  de  la  Képultllque  Argentine  par 
Diinkerque.  —  Le  trafic  des  laines  de  la  République  Argentine  par  le  port  de 
Dunkenjuc  est  non  seulement  toujours  en  progrès,  mais  il  a  acquis  depuis  quelque 
temps  une  importance  extraordinaire  ;  M.  A.  Mine,  le  Consul  si  actif  de  la  Répu- 
blique Argentine  à  Dunkcrque  veut  bien,  avec  son  obligeance  habituelle,  nous 
tenir  au  courant  de  la  situation  et  nous  envoie  les  quelques  chiffres  suivants,  bien 
persuasifs. 

Les  importations  par  Dunkerque  des  laines  de  toutes  provenances  ont  été  en 
1897  de  13/1.871.817  kil.,  et  en  1898  de  134.918.986  kil.  ;  l'augmentation  de  /i7.169k. 


—  281  — 

peut  paraître  insignifiante,  mais  examinons  le  détail  des  importations  en  1898  selon 
les  provenances  : 


République  Argentine .  85.771.085k. 

Uruguay 5.102.510 

Algérie 2.362.658 

Tunisie 7.734 

Maroc 1.320.296 

Russie  (Baltique) d6.457 

Chili 100.000 


Indes  anglaises 37.650k. 

Belgique 89.187 

Australie 30.2.56.307 

Espagne 2.337.861 

Allemagne 181 

Angleterre 7.512.261 

Egypte 4.200 


Total 134.918.986k. 

Nous  remarquons  Fimportance  des  arrivages  d'Australie  et  surtout  de  ceux  de  la 
République  Argentine  que  nous  pouvons  comparer  aux  importations  de  1897, 
comme  suit  : 

Importations  de  laines  argentines  en  1897 79.468. 183k. 

»  »  en  1898 85.771.085 


Augmentation 6.302.902k. 

Il  ressort  de  ces  tableaux  que  ce  sont  les  6.302.902  kil.  de  laines  argentines  en 
excédent  cette  année,  qui  ont  soutenu  l'importation  globale  des  laines  en  1898,  en 
légère  avance  sur  celle  de  1897. 

A  la  même  époque,  nous  remarquons  que  l'importation  par  Anvers  est  constam- 
ment en  décroissance  sensible  ;  elle  était  de  106.318  balles  en  1896-97,  et  elle  tombe 
à  97.697  balles  en  1897-98. 

Nous  constatons  une  fois  de  plus  que  les  efforts  intelligents  et  persévérants  du 
Consul  M.  A.  Mine,  sont  très  favorables  au  commerce  des  laines  argentines,  mais 
sont  surtout  profitables  au  port  de  Dunkerque  et  à  l'industrie  française  en  général. 
Du  reste,  la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris,  partageant  l'opinion  de 
tous,  vient  de  décerner  à  M.  Mine  une  grande  médaille  de  vermeil  (médaille 
Meurand),  qui  lui  a  été  remise  en  Séance  solennelle  par  le  Ministre  des  Colonies 
en  récompense  de  ses  efforts  pour  développer  le  commerce  franco-argentin. 

Nous  félicitons  vivement  et  bien  sincèrement  notre  correspondant  et  ami ,  car 
cette  médaille  honorifique  vaut  bien  la  médaille  d'or  qu'il  a  rapportée  de  Bruxelles 
en  1897  ;  nous  le  prions  de  vouloir  bien  continuer  à  nous  donner  la  primeur  des 
renseignements  commerciaux  qui  émanent  de  son  consulat. 

Aujourd'hui,  M.  Mine  nous  signale  l'activité  tout  à  fait  prodigieuse  des  récents 
arrivages  de  laines  argentines;  en  moins  de  six  mois,  du  1"  octobre  1898  au 
15  mars  1899,  il  est  entré  à  Dunkerque  153.954  balles,  contre  90.277  balles  pendant 
la  période  correspondante  de  1897-98  ;  c'est  une  augmentation  de  63.677  balles,  soit 
70  7o  ou  environ  30.000.000  de  kilos. 

Le  nombre  des  balles  importées  eu  1897  est  de  197.748. 

et  en  1898  de  216.802. 

Dans  le  tableau  général  des  importations  argentines  en  1898,  on  peut  remarquer 
aussi  :  712.407  sacs  de  blé,  834.884  sacs  de  maïs,  505.032  sacs  de  graine  de  lin, 
373.^4  kil.  d'os,  275.000  cornes  et  57.498  moutons  vivants.  Ces  produits,  avec 
beaucoup  d'autres  moins  importants,  sont  entrés  à  Dunkerque  sur  126  navires, 
dont  6  voiliers,  jaugeant  ensemble  224.908  tonneaux. 

La  situation  politique  et  financière  actuelle  de  la  République  Argentine  permet 
d'espérer  un  fructueux  développement  d'affaires  avec  ce  pays. 

E.    C.\NTINEAU. 


—  282  — 

AFRIQUE. 

IjC  coiiinierce  «  Xanzibar.  —  Gomme  il  est  facile  de  le  prévoir,  en 
raison  de  la  situation  exceptionnellement  favorable  aux  échanges  entre  l'Afrique 
orientale  et  les  grands  pays  manufacturiers,  le  port  de  Zanzibar  voit  ses  exporta- 
tions et  ses  importations  augmenter  en  importance  d'année  en  année,  en  attendant 
le  moment  oii  cette  station  insulaire  deviendra  le  Hong-Kong  du  continent  noir, 
avec  cet  avantage  sur  le  grand  entrepôt  de  la  côte  méridionale  de  la  Chine,  qu'elle 
se  relie,  au  Nord  comme  au  Sud,  aux  grandes  voies  de  communication  maritime 
dans  cette  partie  du  monde,  tout  en  ayant,  au  Sud-Est,  la  grande  île  de  Mada- 
gascar, un  pays  d'avenir  avec  lequel  elle  paraît  destinée  à  entretenir  des  relations 
suivies,  toujours  au  point  de  vue  des  communications  maritimes  pour  lesquelles  le 
Zanzibar  est  spécialement  adopté. 

Pendant  le  dernier  exercice,  le  commerce  extérieur  de  Zanzibar  a  dépassé  en 
importance  celui  de  n'importe  quel  exercice  antérieur,  excepté  celui  de  18t©,  à  la 
fois  pour  l'importation  et  l'exportation. 

Le  premier  rang  à  l'entrée  revient  aux  tissus  en  pièces,  cotonnades  principale- 
meot,  dont  la  valeur  a  atteint  8,661,275  fr.  en  1897.  La  France  ne  figure  que  pour 
un  chiffre  insignifiant  dans  cette  somme. 

Il  convient  de  rappeler  que  Zanzibar,  qui  est  le  grand  marché  de  l'Afrique  orien- 
tale, est  un  port  libre  à  l'entrée,  sauf  pour  les  liqueurs,  les  arômes,  les  munitions, 
le  tabac  et  le  riz. 

AMÉRIQUE. 

IJsagcs  coiiiiiierciaiiiL  à  la  Vcra-Crux.  —  Les  marchandises  étran- 
gères se  vendent  soit  au  comptant,  soit  à  3  ou  6  mois  de  terme  avec  3  et  6  7o 
d'escompte.  Le  montant  des  marchandises  vendues  à  terme  est  d'habitude  recouvré 
aux  importateurs,  au  moyen  de  traites  émises  par  le  vendeur,  à  l'ordre  d'une 
banque  du  pays,  qui  les  présente  à  leur  acceptation  dès  qu'ils  se  trouvent  en 
possession  des  marchandises,  et  on  opère  le  recouvrement  à  l'échéance. 

Les  grandes  maisons  d'importation  ont  à  l'étranger  un  correspondant  qui  traite 
leurs  affaires. 

Pour  tout  litige,  on  a  recours  au  tribunal  de  première  instance  de  la  localité  ;  en 
cas  de  procès,  les  absents  doivent  se  faire  représenter  par  un  mandataire  muni 
•d'un  pouvoir  en  due  forme. 

Il  n'y  a  pas  de  tribunal  de  commerce  au  Mexique. 

lia  production  dc«i  laiiiCN  dans  la  République  Arg;cutluc. 

—  La  production  lainière  de  la  République  Argentine,  déjà  si  remarquée  à  l'Expo- 
•sition  universelle  de  1889,  s'accroît  chaque  année  ;  elle  a  acquis  à  l'heure  actuelle 
une  importance  considérable  dont  l'industrie  textile  française  profite  très  certaine- 
ment, mais  semble-t-il,  pas  d'une  manière  aussi  complète  qu'il  serait  à  désirer. 
M.  Gourgas,  titulaire  d'une  bourse  commerciale  de  séjour  à  l'étranger,  a  adressé, 
à  ce  sujet,  à  M.  le  ministre  de  l'Agriculture,  un  intéressant  rapport  très  étudié  que 
vient  do  publier  le  Bulletin  de  l'Agriculture  (n"  2  de  l'année  1898). 

Au  premier  abord,  M.  Gourgas  a  été  frappé  de  cette  circonstance  que  le  mouton 
Rambouillet,  fort  prisé  avant  1889  et  qui  avait  donné  lieu  à  d'importantes  affaires 
avec  la  France,  se  trouve  actuellement  primé  dans  la  République  Argentine  par  le 
mouton  Lincoln  tel  que  les  Anglais  l'ont  perfectionné.  11  paraît  que  grâce  à  des 
•soins    multiples,    les    croisés    Lincoln  donnent  GO  °,'o  Ji-'  hdnc  alors  que  les  Ram- 


—  283  - 

boiiillet  ne  rendent  que  de  34  à  45  7o  quand  il  s'agit  de  laines  fines  et  à  suint  très 
clair.  Un  autre  élément  contribue  encore  au  succès  du  Lincoln,  c'est  la  qualité  de 
sa  chair  tendre,  abondante  et,  dès  lors,  très  recherchée  parles  acheteurs  d'animaux 
vivants  pour  l'approvisionnement  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne,  de  la  France  et 
du  Brésil. 

A  côté  des  Rambouillet  purs  et  des  croisés  Lincoln,  on  trouve  encore  deux  races 
très  estimées  à  des  titres  divers,  savoir  :  le  Rambouillet  précoce  et  le  Vermont.  La 
première  de  ces  deux  races  est  due  à  l'industrie  allemande,  et  l'élevage  fournit  des 
animaux  plus  grands  que  les  nôtres  et  dont  la  chair  est  déclarée  de  meilleure 
qualité.  Quant  aux  béliers  et  aux  brebis  de  la  race  Vermont,  proclamés  dans  l'Amé- 
rique du  Sud  la  perfection  même  de  la  race  ovine,  ils  réunissent  les  avantages  du 
Rambouillet  et  des  Négretti  par  la  finesse  de  la  laine,  la  hauteur  de  mèche,  la 
quantité  et  la  qualité  de  la  viande.  Cette  race  d'animaux  paraît  admirablement 
convenir  au  pays  ;  croisée  avec  le  Rambouillet ,  elle  produit  des  animaux  d'une 
forte  constitution,  qui  deviennent  énormes  et  constituent  un  élément  supérieur 
pour  l'importation  de  la  laine  et  de  la  viande.  D'autre  part,  on  doit  reconnaître  que 
le  croisement  du  Rambouillet  du  pays  et  de  la  brebis  d'Australie  a  donné  aussi 
de  brillants  résultats  comme  finesse,  nature,  hauteur  même  de  la  mèche  et  quantité 
de  laine. 

En  résumé,  la  République  Argentine  a  fait  de  tels  et  de  si  heureux  efforts  pour 
améliorer  ses  animaux  de  la  race  ovine  que,  d'après  des  calculs  récents,  leur 
nombre  atteint  actuellement  100  millions  de  tètes.  Le  commerce  des  laines  a  suivi 
naturellement  une  extension  en  rapport  avec  l'augmentation  du  nombre  des 
animaux  et  avec  l'accroissement  de  leur  rendement.  Aussi,  pour  répondre  au  besoin 
du  trafic  un  nouveau  marché,  le  Mercado  central  de  Frutos  a-t-il  an  être  créé 
dans  ce  but  à  Barracas  al  Sud,  province  de  Buenos-Ayres  sur  les  bords  du  Ria- 
chuelo,  bras  du  Rio  de  la  Plata  qui  sépare  la  ville  du  faubourg  de  Barracas. 

Voici,  d'après  M.  Gourgas,  quelques  renseignements  sur  les  conditions  d'exis- 
tence et  de  fonctionnement  de  ce  marché. 

Une  Société,  composée  des  principaux  consignataires,  a  élevé  une  construction 
très  bien  outillée  qui  contient  des  machines  hydrauliques  et  à  vapeur  ;  le  tout  a 
coijté  16  millions  de  piastres. 

L'édifice  a  quatre  étages  et  occupe  une  superficie  de  152,000  mètres  carrés.  Il  est 
divisé  en  neuf  compartiments  auxq:;els  on  donne  le  nom  de  galpons  ;  chacun  de 
ces  compartiments  a  un  surveillant  gardien  des  clefs,  qui  est  responsable  des  pro- 
duits à  lui  confiés. 

A  l'intérieur  sont  des  voies  ferrées  et  des  chemins  donnant  passage  aux  char- 
rettes. A  l'extérieur  sont  d'autres  voies  ferrées,  mais  en  plus  grand  nombre.  Avec 
ces  moyens,  on  peut  décharger  400  wagons,  soit  1,200  tonnes  par  jour. 

Les  laines  arrivent  soit  par  les  voies  ferrées,  soit  par  les  voies  fluviales.  11  en 
vient  même  de  la  République  de  l'Uruguay. 

Avant  d'entrer  en  dépôt,  les  laines  sont  pesées  par  l'établissement  qui  est  respon- 
sable du  poids  ainsi  vérifié.  Les  produits  ainsi  déposés  ont  l'avantage  d'être  à  la 
vue  de  l'acheteur  sans  payer  d'autres  droits  que  ceux  de  magasinage.  A  tout  dépôt 
on  accorde  six  jours  ;  passé  ce  temps,  on  a  à  payer,  par  mois  : 

Pour  les  laines  (les  10  kilogrammes) p.  0.30 

Pour  les  peaux  de  mouton  (les  10  kilog.) 0.03 

Pour  les  peaux  de  bœuf  (les  i(X)  peaux) 2    » 

Pour  les  peaux  de  chevaux  (les  100  peaux) 1 .25 

Pour  les  céréales  (les  100  kilogrammes) 0.04 


—  284  — 

Les  laines,  les  peaux  et  les  céréales  sont  déchargées  séparément  ;  on  facilite 
ainsi  le  travail  aux  consignatairos  et  on  évite  le  mélange  des  produits. 

Le  nouveau  marché  offre  de  grands  avantages  au  fermier,  à  l'agriculteur  et  au 
commerçant,  car  le  gouvernement  lui  a  concédé  le  droit  de  récépissé  et  de  warrant, 
ce  qui  en  fait  un  véritable  magasin  général.  Ces  récépissés  et  ces  warrants  sont 
escomptés  par  les  banques  établies  dans  la  capitale.  De  cette  manière,  le  déposant 
ou  le  consignataire  peut  se  procurer  de  l'argent  sans  avoir  à  vendre  ses  produits 
dans  les  moments  de  grande  baisse. 

Les  principaux  ports  qui  s'occupent  de  l'exportation  des  laines  sont  :  Buenos- 
Ayres,  Rosario,  Bahia-Blanca  et  San-Nicolas.  Ces  trois  derniers  ports,  qui  sont 
très  importants,  ne  sont  malheureusement  pas  visités  par  les  vapeurs  français.  Les 
Anglais  et  les  Allemands  y  sont  bien  représentés.  Cela  tient  un  peu  à  ceci  :  les 
vapeurs  français  ont  tous  leurs  départs  fixes,  tandis  que  les  Compagnies  anglaises 
ou  allemandes  ne  les  font  partir  que  fortement  chargés.  Leurs  bateaux  sont  plus 
nombreux,  restent  plus  longtemps  dans  le  port,  mais  ont  l'avantage  d'emporter  un 
fret  considérable.  La  France  est  le  premier  importateur  des  laines  argentines,  mais 
il  est  regrettable  que  le  transport  soit  fait  en  majeure  partie  par  les  Anglais  et  les 
Allemands. 

La  Compagnie  des  Chargeurs  Réunis  est  la  Compagnie  française  qui  en  trans- 
porte le  plus,  mais  elle  est  dépassée  par  la  ligne  anglaise  AUan  et  par  les  Alle- 
mands. Toutes  ces  Compagnies  touchent  à  Dunkerque,  qui  a  un  sérieux  rival  dans 
Anvers.  Avec  quelques  sacrifices,  nos  Compagnies  de  navigation  pourraient  enlever 
une  grande  partie  de  ce  trafic  aux  Anglais  et  aux  Allemands. 

On  calcule  que  la  récolte  actuelle  sera  de  250  millions  de  kilogrammes  environ. 

L'importation  par  le  port  de  Dunkerque  a  suivi  depuis  1888  une  période  ascen- 
dante. Cette  année-là,  Anvers  recevait  86,000  balles  et  Dunkerque  93,000.  Il  y  avait 
alors  peu  de  différence,  mais,  depuis  lors,  notre  port  a  doublé,  arrivant  ainsi  à 
190.000  balles.  Ce  développement  se  doit  en  grande  partie  à  la  facilité  qu'ont  les 
maisons  françaises  de  Roubaix  et  Tourcoing,  ayant  leurs  succursales  dans  le  pays, 
de  trouver  des  vapeurs  toujours  prêts  à  charger. 

L'importation  directe  pour  l'Allemagne  prend  de  jour  en  jour  de  l'extension.  En 
efi'et,  les  maisons  d'exportation  allemandes  ont  acquis  et  acquièrent  plus  de 
100,000  balles  annuellement.  Les  capitaux  allemands  en  circulation  dans  la  Répu- 
blique suivent  une  progression  ascendante  et  représentent  des  sommes  très  impor- 
tantes dans  toutes  les  manifestations  du  travail.  La  banque  allemande  transatlan- 
tique rend  de  grands  services  à  ses  nationaux.  Son  importance  ne  fait  que  grandir, 
la  preuve  en  est  qu'elle  se  propose  de  porter  son  capital  de  .30  millions  à  50  millions 
de  marks. 

Les  affaires  se  font  rapidement  et  simplement.  Les  laines  sont  exposées  en  tas  à 
la  vue  de  l'acheteur  ;  celui-ci  fait  son  offre  au  consignataire.  Si  elle  est  agréée , 
chaque  partie  note  sur  un  carnet  le  poids  et  le  prix  et  l'affaire  est  terminée  sans 
contrat.  On  paie  généralement  le  samedi.  11  en  est  toujours  ainsi  et  il  n'y  a  jamais 
eu  de  procès,  ce  qui  est  un  grand  avantage. 

Par  suite  de  ces  effets  combinés  de  l'accroissement  de  la  production  et  de  l'éta- 
blissement du  marché  Mercado  central  de  Frutos  le  commerce  des  laines  est  en 
voie  de  transformation  dans  la  République  Argentine.  Ce  marché  dépendait  autre- 
fois presque  entièrement  de  la  spéculation  ;  Anvers,  le  Havre  et  Londres  étaient 
les  marches  sur  lesquels  les  fabricants  se  pourvoyaient.  Aujourd'hui,  la  tendance 
est  à  la  suppression  des  intermédiaires.  Les  principaux  fabricants  du  nord  de  la 
France,  de  Tourcoing,  Roubaix,  Reims,  Elbeuf,  acliètcnt  maintenant,  suivant  leurs 
besoins,  directement  à  Buenos-Ayres  et  dirigent  leurs  manhandises  sur  le  port  de 


—  285  — 

Dunkerqiie  pour  le  Nord,  sur  le  Havre  pour  Elbeuf  et  pour  le  conmicrce  des  peaux 
de  mouton  sur  Bordeaux  et  Marseille. 

En  commençant  l'analyse  de  ce  rapport ,  nous  exprimions  la  pensée  en  nous 
conformant  aux  vues  de  l'auteur  que  l'industrie  française  ne  profitait  pas  autant 
que  cela  serait  désirable  des  grandes  f;\cilités  offertes  par  le  développement  de  la 
production  de  la  laine  dans  la  République  Argentine,  Mais  cette  situation  semble 
devoir  se  modifier  en  notre  faveur  par  suite  d'une  modification  dans  les  goûts  de  la 
consommation. 

Pour  faire  donner  la  préférence  aux  moutons  croisés  Lincoln,  les  Anglais  ont 
mis  à  la  mode,  il  y  a  quelques  années,  les  étoffes  de  cheviotte  cà  longs  poils,  qui 
exigent  pour  leur  fabrication  de  la  laine  longue  ;  or,  cet  état  de  choses  tend  à  se 
transformer,  car  la  faveur  du  public  se  reforme  manifestement  sur  les  draps  fins 
qui  nécessitent  l'emploi  de  laines  Rambouillet.  Déjà  à  la  fin  de  décembre  1897,  le 
stock  du  Mercado  central  était  de  15  millions  de  kilogrammes  de  laines,  la  majeure 
partie  croisée  Lincoln  dont  on  ne  voulait  plus.  La  demande  de  laine  Rambouillet 
était  au  contraire  très  active,  ce  qui  entraînait  une  hausse  sensible  des  prix  alors 
que  le  cours  des  laines  croisés  Lincoln  baissait  de  20  7o-  H  y  a  là  un  indice  certai- 
nement très  favorable  pour  l'industrie  textile  française  comme  pour  notre  élevage 
de  moutons. 

{^Bulletin  des  laines  de  Rouhaix-Tour coing). 

liCS  relations  coiuiiiercialcs  avec  la  Colombie.  —  Conseils 
AUX  EXPORTATEURS.  —  Les  renseignements  suivants,  de  nature  à  intéresser  nos 
exportateurs  sont  extraits  de  la  République  de  Colombie  publiée  par  MM.  Picardo 
Nunez  et  Henri  Jachay,  agents  consulaires  de  la  République  de  Colombie. 
Bruxelles,  Désiré  Stevelinck,  1898. 

«  Usages  de  commerce.  —  Le  système  des  longs  crédits  est  entré  complètement 
dans  les  mœurs  du  pays  et  doit  être  presque  généralement  adopté  dans  les  tran- 
sactions avec  la  Colombie.  Les  négociants  français,  anglais  et  allemands  donnent 
de  six  à  neuf  mois  de  crédit  portant  intérêt  de  4  à  8  "/o,  de  la  date  de  facture,  et  il 
se  trouve  même  des  maisons  accordant  six,  douze  et  dix-huit  mois.  Les  Américains 
du  Nord  n'accordent  que  deux  ou  trois  mois  de  crédit.  Dans  l'isthme  de  Panama, 
les  livraisons  d'Europe  sont  payables  de  un  à  six  mois  et  celles  des  États-Unis  de 
un  à  trois  mois.  L'intérêt  est  calculé  à  0  %•  Pour  éviter  toute  perte,  les  factures 
doivent  être  faites  payables  en  francs,  en  livres  ou  en  marks,  à  Paris,  à  Londres 
ou  à  Hambourg. 

Un  travail  officiel,  de  source  américaine,  dit  que  les  faillites  sont  rares  en 
Colombie  et  qu'on  n'en  a  constaté  qu'une  à  Medellin  en  quarante-cinq  ans  ;  encore 
le  failli  a-t-il  payé  50  %•  Les  voyageurs  de  commerce  n'ont  besoin  d'aucune  auto- 
risation pour  voyager  dans  le  pays.  La  plupart  des  négociants  colombiens  sont  à 
la  fois  importateurs  et  exportateurs  ;  ceux  de  la  côte  envoient  du  café,  des  cuirs, 
de  la  tagua  (ivoire  végétal),  du  coton  ;  ceux  du  Santander,  du  tabac  et  de  l'anis  ; 
ceux  d'Antioquia,  de  l'or  et  de  l'argent,  du  cacao,  etc. 

La  loi  qui  suit  sur  l'inscription  des  maisons  de  commerce  étrangères,  a  été  pro- 
mulguée par  le  président  Nunez,  le  25  mai  1888  : 

Art.  l*^  —  Toutes  les  maisons  ou  Sociétés  étrangères  fondées  à  l'étranger  et 
qui  font,  d'une  façon  permanente,  commerce  avec  la  Colombie,  devront  faire  enre- 
gistrer leur  acte  d'association  ou  de  fondation  dans  l'étude  du  notaire  du  district 
oii  elles  se  proposent  de  faire  des  affaires. 


-  286  — 

Art.  2.  —  Toutes  compagnies  ou  firmes  qui  ne  se  seront  pas  conformées  à  la 
prescription  susdite,  n'auront  aucune  reconnaissance  légale  et  ne  pourront  béné- 
ficier de  la  protection  des  lois.  Seront  donc  considérées  comme  dissoutes,  à  partir 
de  ce  jour,  les  maisons  ou  sociétés  de  commerce  qui  n'auront  pas  procédé  à  ladite 
inscription  et  n'auront  pas  obtenu  leur  reconnaissance  légale. 

Art.  3.  —  Toute  maison  ou  société  devra  avoir  un  représentant  reconnu  et 
ayant  un  domicile  fixe. 

Art.  4.  —  Dans  le  cas  oii  la  société  n'aurait  pas  nommé  de  représentant,  le  gou- 
vernement en  nommerait  un  d'office,  qui  jouirait  des  droits  et  avantages  accordés 
par  les  lois. 

Art.  5.  —  Exception  à  la  présente  loi  est  faite  en  faveur  de  la  Compagnie  du 
canal  de  Panama,  qui  continuera  à  jouir  des  traités  et  contrats  existants. 

Il  y  a  en  Colombie  de  nombreuses  maisons  s'occupant  d'importation,  à  la  com- 
mission, et  qui  traitent  ordinairement  comme  suit  :  les  ordres  pris  par  les  maisons 
de  commission  sont  expédiés  directement  aux  clients,  et  il  est  fait  traites  sur  eux 
à  l'ordre  des  commissionnaires,  à  six  ou  neuf  mois  de  date  des  expéditions  ; 
atissitôt  les  traites  payées,  les  commissionnaires  font  des  remises  aux  fabricants, 
sur  l'une  ou  Tautre  place  d'Europe,  déduction  faite  de  5  "'„  de  commission  ;  ces 
intermédiaires  ne  sont  pas,  à  ces  conditions,  responsables  des  pertes  du  chef  de 
non-paiement,  ou  de  mode  défectueux  d'expédition  des  marchandises.  Comme  nous 
venons  de  le  dire,  les  marchandises  sont  expédiées  à  chacun  des  destinataires  (ou 
plutôt  à  un  commissionnaire,  qui  les  dédouane  et  fait  le  nécessaire  pour  la  réexpé- 
dition à  l'intérieur)  qui  sera  obligé  d'en  payer  les  droits  d'entrée  et  les  frais  de 
transport,  mais  elles  resteront  la  propriété  du  fabricant,  jusqu'à  ce  que  le  paiement 
soit  effectué,  c'est-à-dire,  qu'en  cas  de  non-paiement  d'une  facture,  le  fabricant 
aura  toujours  le  droit  de  reprendre  sa  marchandise.  Ceci  se  pratique  par  certaines 
maisons  d'Europe,  mais  c'est  plutôt  en  vue  de  défendre  les  intérêts  des  importa- 
teurs, et  pour  leur  faciliter  les  réclamations,  en  cas  de  révolution.  La  marchandise, 
restant  la  propriété  de  l'expéditeur  jusqu'à  paiement,  est  considérée  comme 
propriété  étrangère  et  jouit  de  toutes  les  garanties  possibles. 

Les  affaires  à  la  côte  (Cartagena  et  Baranquilla)  se  font  à  toutes  les  époques, 
excepté  en  avril  et  en  septembre,  époque  oii  les  commerçants  sont  à  la  foire  de 
Magangué,  sur  le  Magdalena. 

A  Medellin,  les  mois  de  grande  activité  sont  ceux  de  septembre,  octobre, 
novembre,  février,  mars  ;  pendant  les  autres  mois,  les  affaires  sont  plus  calmes. 

A  Bogota,  c'est  le  contraire  qui  a  lieu  :  les  mois  de  stagnation  à  INIedellin  sont 
ceux  de  grande  activité  dans  la  capitale. 

Medellin,  assez  routinier,  reste  fidèle  aux  vieilles  références,  aux  anciens 
modèles,  comme  marchandises.  A  Bogota,  dans  le  Santander  et  à  la  côte,  les 
commerçants  accueillent  les  nouveautés  de  tous  genres  avec  grande  faveur. 

Quelques  indications,  de  source  autorisée,  sur  les  moyens  d'établir  des  relations 
avec  la  Colombie,  nous  semblent  venir  ici  naturellement  à  leur  place. 

Pour  étendre  les  rapports  commerciaux  avec  la  Colombie,  il  existe  deux  moyens 
pratiques  :  la  publicité  et  surtout  l'envoi  de  voyageurs.  La  publicité  est  un  excel- 
lent moyen  pour  préparer  le  terrain  et  attirer  l'attention  des  négociants  à  l'étranger. 
Les  fabricants  et  commissionnaires  qui  désireraient  se  créer  des  relations  en 
Colombie  auraient  tout  intérêt  à  envoyer  aux  principales  maisons  de  commerce  de 
ce  pays  des  prospectus,  revues  de  marchés,  bulletins  iniliistrielles,  etc.,  i[ui  feraient 
connaître  les  principaux  articles  d'expcjrtation. 

Mais  le  moyen  le  plus  efficace,  pour  entamer  des  relations,  celui  qui  présente 
toutes  les  garanties  de  succès,  c'est  d'y  envoyer  des  représentants,   des  voyageurs 


—  287  — 

de  commerce  ;  ils  devraient  être  porteurs  de  cartes  d'échantillons,  d'albums,  de 
spécimens,  en  un  mot,  de  tout  ce  qui  peut  convfiincre  l'acheteur,  le  persuader  do 
la  supériorité  des  articles  qui  lui  sont  offerts,  et  une  première  affaire  suffit  souvent 
pour  fixer  l'acheteur  et  en  faire  un  client  pour  l'avenir.  Il  n'est  pas  absolument 
nécessaire  que  cet  agent  ne  représente  qu'une  seule  industrie  ;  les  frais  de  voyage 
absorberaient,  dans  ce  cas,  tous  les  bénéfices  ;  il  peut,  au  contraire,  représenter 
plusieurs  fabriques,  afin  de  diminuer  le  chiffre  des  dépenses,  et,  dans  ces  condi- 
tions, il  sera  presque  toujours  certain  d'arriver  à  des  résultats  favorables  pour  les 
maisons  qu'il  représente. 

La  création,  par  un  syndicat  d'industriels,  de  comptoirs  d'échantillons  de  leurs 
produits  à  Bogota  et  Medellin  donnerait  aussi,  croyons-nous,  d'excellents  résultats. 
Dirigés  par  des  personnes  de  confiance,  à  même  de  donner  tous  renseignements 
sur  les  produits  exposés  et  d'eu  chercher  la  vente  dans  le  pays,  ces  comptoirs 
faciliteraient  et  développeraient  singulièrement  les  transactions  commerciales. 

Conditions  d'expédition.  —  Les  dimensions  maxima  des  colis  sont  :  longueur 
80  cent.,  largeur  57  cent.,  hauteur  55.  Le  poids  des  colis,  emballage  compris,  ne 
doit  être,  autant  que  possible,  inférieur  à  70  kilog.  ni  supérieur  à  75  kilog.  Chaque 
colis  doit  porter  une  marque,  un  numéro  d'ordre  et  le  nom  du  port  de  destination. 
L'emballage  diffère  évidemment,  suivant  qu'il  consiste  en  ballot,  en  caisse  ou 
en  fût. 

La  marchandise  expédiée  en  ballot  doit  être  entourée  : 

1"  D'un  papier  fort  mince  ; 

2°  De  deux  couvertures  de  laine  ordinaires,  de  qualité  et  taille,  suivant  l'ordre 
remis  ; 

3"  De  deux  toiles  mesurant  chacune  2  m.  40  sur  1  m.  40  environ  ; 

4"  De  deux  toiles  goudronnées  de  mêmes  dimensions  ; 

5°  D'une  forte  toile  d'emballage,  bien  serrée,  cousue  et  cerclée  de  deux  ou  trois 
cercles  de  fer  (feuillard). 

S'il  s'agit  de  caisses,  elles  seront,  pour  les  objets  pouvant  supporter  rhumidité, 
solides  et  bien  conditionnées.  Celles  pour  les  marchandises  craignant  l'humidité 
.seront  doublées  intérieurement  d'une  caisse  en  zinc  parfaitement  soudée.  Tous  ces 
emballages  font,  en  Colombie,  l'objet  d'un  trafic  régulier. 

Les  fûts  doivent  être,  autant  que  possible,  à  fond  elliptique,  et  être  doublés 
extérieurement  d'une  feuille  de  zinc  parfaitement  soudée  et  les  recouvrant  entière- 
ment. Quand  le  li(juide  le  permettra,  les  fûts  seront  faits,  de  préférence,  en  tôle 
galvanisée. 

Les  articles  en  fer  doivent  être  emballés  dans  des  caisses  solides  ;  les  pièces 
lourdes,  les  grosses  pièces  détachées  de  machines  et  les  fils  de  fer  barbelés  ne 
doivent  pas  être  emballés  ;  les  clous,  les  crampons,  les  boulons  et  les  rivets 
arrivent  en  barils.  La  grosse  quincaillerie  doit  être  emballée  dans  de  fortes  caisses. 

L'assurance  maritime  et  terrestre  des  colis  est  nécessaire.  L'assurance  d'un  port 
d'Europe  à  Baranquilla  est  de  1  %  ;  celle  de  Baranquilla  à  une  ville  de  l'intérieur, 
de  1  à  1  1/2  °,'o  sur  le  principal  augmenté  des  premiers  frais  jusqu'à  la  côte.  » 


OGEANIE. 

Ij'iudustrle  lainière  eu  Australie.  —  Nos  lecteurs  n'ignorent  pas 
que  sur  l'immense  territoire  qui  constitue  le  continent  australien,  existent  un  cer- 
tain nombre  de  centres  formant  autant  de  colonies  distinctes,   mais  appartenant  à 


—  288  — 

la  Grande-Bretagne.  Parmi  elles,  il  en  est  une  qui,  en  quelque  sorte,  centralise  le 
commerce  des  laines  ;  c'est  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  A  elle  seule,  elle  fournit  la 
moitié  des  marchandises  exposées  ;  on  peut  affirmer  de  plus  qu'elle  produit  les 
deux  tiers  de  la  laine.  Ses  vastes  plaines  nourrissent  la  majeure  partie  des  trou- 
peaux producteurs.  Cette  incontestable  supériorité  tient,  en  grande  partie,  au 
climat  exceptionnel  dont  jouit  cette  colonie  ;  ce  climat  égal  et  tempéré  ne  se  ren- 
contre guère  que  dans  la  région  méridionale  de  l'Australie. 

La  colonie  de  Queensland,  située  dans  la  partie  Nord-Est,  doit  être  considérée 
comme  une  contrée  essentiellement  tropicale.  La  température  élevée  qui  y  règne 
s'oppose  à  un  bon  élevage  de  la  race  ovine.  L'Australie  australe  voit  progresser 
chez  elle  la  culture  et  la  production  du  blé  Victoria,  dans  le  Sud-Est,  pourrait 
peut-être  lutter  avec  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  pour  la  belle  venue  des  troupeaux, 
mais  la  superficie  de  son  territoire  atteint  à  peine  le  quart  de  celle  de  la  précédente. 
Quant  à  l'Australie  occidentale,  la  diversité  des  climats  et  leurs  variations  constantes 
font  qu"on  ne  peut  considérer  cette  colonie  comme  un  centre  producteur  sérieux, 
en  dépit  de  son  million  de  kilomètres  carrés  d'étendue. 

Sydney,  capitale  de  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  centralise  le  commerce  des 
laines.  Son  port,  qui  est  le  plus  considérable  de  tous  ceux  du  littoral  australien, 
voit  de  novembre  à  fin  février  ses  warfs  et  ses  quais  encombrés  par  une  innom- 
brable flotte  cosmopolite,  navires  à  vapeur  et  bâtiments  à  voiles,  qui  chargent 
sans  relâche  et  empilent  dans  leurs  cales  les  énormes  et  pesantes  balles  de  laine 
que  des  cercles  de  fer  étreignent  et  compriment.  Si,  dans  le  nombre,  les  navires 
anglais  prédominent,  les  vaisseaux  français,  allemands  et  italiens  abondent  égale- 
ment. Sous  forme  de  minerai  de  cuivre,  d'étain  et  de  plomb,  les  mines  qui  pullulent 
dans  le  voisinage  de  Sydney  leur  livrent  le  lest  nécessaire,  lest  de  grande  valeur 
comme  bien  on  pense. 

Les  grands  paquebots  à  voyageurs  ne  négligent  pas  non  plus  d'emporter  avec 
eux,  en  cinglant  vers  l'Europe,  les  précieuses  toisons  contenues  dans  d'immenses 
magasins,  s'étendant  à  perte  de  vue  le  long  des  magnifiques  quais  de  Port-Jackson, 
qui,  à  proprement  dire,  est  le  port  de  Sydney.  En  dehors  des  époques  durant 
lesquelles  se  produisent  les  exportations  de  laine,  les  navires  marchands  du 
monde  entier  le  fréquentent  sans  cesse.  Us  apportent  les  denrées  et  les  produits 
de  leurs  pays  d'origine  et  retournent  ohez  eux  avec  des  chargements  complets  de 
laine. 

La  Nouvelle-Galles  du  Sud  possède  un  second  port  d'une  importance  à  peu  près 
égale  à  celle  de  Port-Jackson  ;  c'est  celui  de  Newcastle,  à  160  kilomètres  au  nord 
de  Sydney  et  situé  à  l'embouchure  de  la  rivière  Hunter.  Les  bâtiments  étrangers 
affluent  aussi  dans  ce  port,  et  le  commerce  de  la  laine  atteint  des  proportions 
énormes  ;  il  demeure  cependant  un  peu  inférieur  à  celui  qui  s'opère  à  Melbourne 
et  Portr-Adélaïde.  Newcastle  est  en  outre  un  point  de  ravitaillement  des  navires  à 
vapeur  qui  viennent  s'approvisionner  du  charbon  que  fournissent  les  mines  indi- 
gènes ;  on  estime  à  plus  de  3  millions  de  tonnes  le  poids  total  de  houille  livrée 
annuellement  par  ce  port  de  mer  qui  compte  déjà  plus  de  75,000  habitants. 

(Extrait  du  Bulletin  des  laines  de  Roubaix-Tourcuing). 
Pou7'  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 
LE  SECRÉTAIRE-GÉNÉEAL  ADJOINT  ,  A.   MEKGHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 

tille  tmp.L.Oainl. 


-  289 


A  Monsieur  le  Président, 

A  Messieurs  les  Membres  du  Comité  d'Etudes 
de  la  Société  de  Géographie  de  Lille, 

TÉMOIGNAGE  DE  RECONNAISSANCE  ET  DE  SYMPATHIE. 

0.  DE  PRAT. 

DE   LOANGO  A   FAGHODA 

Par  0.  DE  PRAT, 

Membre  d'honneur  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 


Le  l®""  décembre  1895  jo  rentrais  en  France  venant  du  Congo  Fran- 
çais et  de  l'Oubangui,  où  j'avais  fait  partie  de  la  Mission  Monteil  sous 
le  commandement  en  second  de  M.  le  commandant  Decazes.  A  mon 
arrivée  à  Paris,  j'appris  officieusement  qu'une  nouvelle  mission  était 
en  formation  pour  l'Afrique  Centrale  par  la  voie  du  Congo  Français 
avec  un  but  précis  et  déterminé. 

Le  chef  de  cette  mission  était  le  capitaine  Marchand,  que  je  n'avais 
pas  l'honneur  de  connaître  à  ce  moment.  Le  secret  le  plus  rigoureux 
était  gardé  sur  les  démarches  et  projets  du  chef  de  Mission,  car  une 
indiscrétion  même  légère  pouvait  en  compromettre  le  succès. 

Quelques  mois  après,  en  avril  1896,  alors  que  je  crevais  que  les 
démarches  du  capitaine  Marchand  n'avaient  pas  abouti,  je  fus  surpris 
un  jour  d'une  offre  qui  m'était  faite  de  sa  part.  J'appris  en  même  temps 
que  la  mission  était  presque  entièrement  formée  ,  à  l'exception  de 
deux  ou  trois  membres. 

Il  me  restait  trois  années  pour  terminer  mon  service  militaire, 
j'acceptai  avec  enthousiasme  la  proposition  qui  m'était  faite  ;  au  lieu  de 
la  vie  calme  et  paisible  de  la  caserne  qui  m'attendait,  je  préférais 
courir  encore  une  fois  les  aventures.  En  prenant  cette  détermination 
j'entrevoyais  surtout  une  (in  de  carrière  honorable. 

La  plupart  des  collaborateurs  de  la  Mission  ne  se  connaissaient  pas 
et  les  départs  pour  Loango  furent  fractionnés  en  plusieurs  groupes, 
C'est  ainsi  qu'un  premier  départ  eut  lieu  le  25  avril  à  Marseille,  un 
second  le  10  mai  à  Bordeaux,  un  troisième  le  25  mai  à  Marseille,  un 
quatrième  le  25  juin  et  enfin  le  dernier  en  août. 

19 


—  290  — 

Je  partis  de  Marseille  le  25  mai  sur  le  «  Stamboul  »  avec  le  capitaine 
Germain  et  le  peintre  Caslellani,  envojé  par  V  Illustration^  à  l'effet  de 
recueillir  quelques  notes  et  croquis  sur  les  pays  traversés. 

Je  ne  vous  raconterai  pas  par  le  menu  les  détails  de  la  traversée,  qui 
n'a  d'ailleurs  présenté  aucun  incident  digne  d'être  signalé. 

Le  31  mai  à  trois  heures  du  malin  nous  arrivons  à  Las  Palmas,  la  plus 
grande  d('s  îles  Canaries.  Tout  le  monde  connaît  au  moins  par  ouï-dire 
la  magnifique  végétation  et  l'aspect  pittoresque  de  ces  îles.  Après  avoir 
fait  une  petite  excursion  à  terre,  nous  regagnons  le  bord  et  à  cinq 
heures  le  «  Stamboul  »  fait  route  pour  Dakar,  port  principal  du 
Sénégal,  où  nous  arrivons  dans  la  soirée  du  3  juin. 

Le  lendemain  matin  on  procède  à  l'embarquement  de  la  compagnie 
d'escorte  de  la  Mission,  qui  se  compose  de  150  tirailleurs  auxiliaires 
appartenant  pour  la  plupart  à  la  race  Soudahaise.  Cette  compagnie 
avait  été  recrutée  tout  spécialement  par  le  lieutenant  Mangin  de 
l'Infanterie  de  Marine,  membre  de  la  Mission,  qui  avait  déjà  fait 
plusieurs  séjours  au  Soudan,  où  il  était  adoré  des  indigènes.  Son  choix 
répondit  à  son  attente,  car  jamais  on  n'eut  à  réprimer  des  actes  collectifs 
d'indiscipline,  et  toujours  on  put  compter  sur  le  dévouement  le  plus 
absolu  et  l'endurance  de  tous  ces  braves  gens.  Je  ne  saurais  assez 
faire  l'éloge  de  ces  soldats  improvisés,  dont  la  valeur  et  l'énergie 
méritent  toute  notre  admiration  ;  jamais  on  ne  put  remarquer  chez  eux 
ni  un  moment  de  défaillance,  ni  un  mouvement  de  colère  contre  leurs 
chefs,  au  milieu  des  plus  grandes  fatigues  et  des  privations  les  plus  dures 
qu'ils  ont  subies  ;  avec  la  compagnie  de  tirailleurs  prenaient  également 
passage  à  bord  MM.  le  lieutenant  Mangin,  commandant  la  (Com- 
pagnie d'escorte  et  le  docteur  Emily,  médecin  de  la  Mission. 

Le  6  juin  nous  touchons  à  Konakry,  capitale  de  la  Guinée  Française. 
L'aspect  de  ce  port  est  très  séduisant.  Une  végétation  luxuriante  lui 
donne  un  charme  particulier.  Malheureusement  la  chaleur  y  est  acca- 
blante. 

Le  10  nous  arrivons  à  Grand  Lahou,  poste  de  la  Côte  d'Ivoire.  Il  est 
à  remarquer  que  dans  tous  les  ports  de  la  Côte  Occidentale  depuis 
Grand  Bassam  jusqu'au  Congo  Portugais,  on  atterrit  très  difficilement, 
quelquefois  même  il  est  dangereux  de  débarquer. 

Les  navires  sont  mouillés  en  rade  à  3  ou  4  kilomètres,  et  les  com- 
munications se  font  avec  la  terre  au  moyen  de  canots,  qui  chavirent 
avec  la  plus  grande  facilité,  si  peu  mauvaise  que  soit  la  barre.  En 


—  291  — 

pareil  cas  passagers  et  colis  sont  jetés  à  l'eau,  et  parfois  des  accidents 
de  ce  genre  ont  fait  bien  des  victimes. 

Le  17  juin  nous  stoppons  en  rade  de  Kotonou,  port  Dahoméen  ;  pour 
éviter  les  dangers  occasionnés  par  la  barre,  on  a  construit  dans  ce  port 
un  wharf,  sorte  d'appontement  métallique  qui  permet  d'embarquer  et  de 
débarquer  sans  danger.  Les  requins  sont  très  nombreux  sur  toute  cette 
côte  et  plus  particulièrement  encore  à  Kotonou.  C'est  au  point  qu'un 
homme  tombant  à  la  mer,  est  presque  aussitôt  happé  par  l'un  de  ces 
monstres. 

Le  22,  nous  abordons  Libreville,  capitale  du  Gabon  et  du  Congo 
Français,  résidence  du  Commissaire  Général.  A  la  suite  d'une  visite 
faite  à  ce  dernier  par  le  capitaine  Germain,  on  apprend  qu'il  est  impos- 
sible de  suivre  la  route  des  caravanes  de  Loango  à  Brazzaville,  par 
suite  d'une  révolte  des  indigènes  contre  l'autorité  française  ;  la  région 
insurgée  est  située  à  l'est  de  Gomba,  c'est-à-dire  à  460  kilomètres  de 
Loango  et  80  à  90  kilomètres  de  Brazzaville.  Cette  nouvelle  nous  cause 
une  triste  et  cruelle  déception,  car  cette  route  de  caravanes  est  notre 
seule  voie,  j'en  connaissais  les  difficultés  au  point  de  vue  du  portage 
et  je  ne  m'illusionnais  pas  sur  ce  fait  que  nous  aurions  à  subir  un  très 
fort  retard  pour  faire  passer  nos  vivres  et  notre  matériel.  Je  donnais  à 
ce  sujet  tous  les  renseignements  que  je  possédais  à  mon  chef  afin  de 
l'éclairer.  Sur  la  proposition  et  les  conseils  du  Commissaire  général  du 
Congo  Français,  le  capitaine  Germain  qui  commande  en  second  la 
mission  (le  capitaine  Marchand  ne  quittant  la  France  que  le  25  juin 
suivant),  fait  débarquer  la  compagnie  d'escorte  avec  MM.  Mangin  et 
Emily  afin  que  la  présence  des  troupes  sur  la  route  ne  surexcite  pas 
les  indigènes,  et  surtout  afin  de  ne  pas  eJETrayer  les  Loangos  porteurs 
qui  redoutent  beaucoup  nos  sénégalais  et  nos  soudanais.  Le  capitaine 
Germain  et  moi  continuons  sur  Loango  pour  organiser  le  transport 
de  nos  3.000  colis  sur  Brazzaville. 

Nous  arrivons  le  25  à  Loango  point  terminus  de  notre  traversée. 

Loango  à  proprement  parler  est  très  petit,  son  importance  serait 
considérable  s'il  y  avait  une  voie  de  communication  avec  l'intérieur  et 
des  moyens  de  transport  faciles.  La  route  qui  conduit  à  Brazzaville  et 
que  l'on  nomme  pompeusement  «  route  française  de  ca)^avanes  »  est 
un  mauvais  sentier  de  60  à  70  centimètres  de  largeur,  bordé  de  chaque 
côté  par  une  brousse  épaisse  et  haute,  surtout  à  la  fin  de  la  saison  des 
pluies. 

Au  Congo    Français   comme  dans  toute  l'Afrique  équatoriale   et 


—  292  — 

centi-ale,  l'année  est  divisée  en  deux  saisons  bien  distinctes,  la  saison 
sèche  et  la  saison  des  j)luies.  qui  durent  la  ])renii(''re  généralement  sept 
mois  et  Taulre  cinq  mois. 

Pendant  la  saison  sèche  il  ne  tombe  pas  une  goutte  d'eau,  presque 
tous  les  cours  d'eau  se  dessèchent  et  la  température  tout  en  étant  aussi 
chaude  est  néanmoins  beaucoup  plus  saine. 

Pendant  la  saison  des  pluies  c'est  l'humidité  constante,  avec  une 
chaleur  accablante  et  lourde. 

Presque  chaque  jour  éclate  une  ou  deux  tornades,  sorte  d'orage 
précédé  d'un  vent  très  violent  qui  souffle  en  tempête  puis  une  pluie 
diluvienne  tombe  pendant  une.  deux  ou  trois  heures.  Aussitôt  après  un 
très  fort  soleil  sèche  tout  en  très  peu  de  temps.  Les  cours  d'eau  gros- 
sissent rapidement  et  finissent  par  déborder.  Dans  les  pays  plats  c'est 
une  inondation  sur  plusieurs  kilomètres  d'étendue. 

En  arrivant  à  Loango,  je  rencontre  M.  le  capitaine  Baratier, 
MM.  les  lieutenants  Simon  et  Largeau,  les  sergents  Dat,  Bernard  et 
Venait  qui  étaient  arr-ivés  par  les  paquebots  précédents. 

La  situation  est  mauvaise  au  point  de  vue  })ortage  pour  les  raisons 
que  j'ai  indiquées  tout  à  l'heure.  Les  membres  de  la  Mission  que  je 
viens  de  nommer  sont  arrivés  depuis  un  mois  ;  300  colis  ont  pu  être 
expédiés  sur  Brazzaville ,  mais  aucun  n'est  arrivé  à  destination , 
beaucoup  ont  été  abandonnés  sur  la  route  par  les  porteurs  loangos, 
qui  ont  été  effrayés  par  les  bruits  de  «  guerre  »  exagérés  outre  mesure 
par  certaines  caravanes  revenant  des  confins  de  la  région  révoltée. 
Les  autres  colis  ont  été  recueillis  par  les  postes  administratifs  du 
Congo  échelonnés  sur  le  parcours.  Une  véritable  panique  en  est  résultée 
et  il  est  impossible  de  mettre  en  route  une  seule  caravane  sans  que 
celle-ci  abandonne  ses  charges  à  quelques  kilomètres  de  Loango. 
Cette  situation  est  désastreuse,  car  elle  peut,  si  elle  se  prolonge,  amener 
l'échec  total  de  la  mission  à  son  début,  surtout  en  l'absence  de  notre 
chef,  retenu  en  France  par  des  raisons  -majeures.  Il  est  vrai  qu'il  était 
impossible  de  pn''V(nr  cette  insurrection,  cai"  les  renseignements 
fournis  peu  de  temps  aujjaravanl  par  l'administration  du  Congo  étaient 
excellents.  C'est  pendant  une  tournée  d'inspection  faite  .par  M.  le 
Lieutenant-Gouverneur  du  Congo  Français  que  la  révolte  a  subitement 
éclaté.  Voici  (kms  quelles  circonstances:  Depuis  quehiues  mois,  le 
service  télégraphique,  envcné  ;iu  Congo  pour  l'établissement  d'une 
ligne  entre  Lojingo  et  Brazzaville,  avait  installé  les  poteaux  et  les 
isolateurs  sur  lunl   le  ptircotii's  de  la  ligne;  les  indigènes  de  la  région 


-  293  — 

Comba-Brazzavillo  crurent  voir  dans  cette  installation  un  AMiclie  des 
blancs  pour  empèch<'r  la  pluie  de  tomb(?r  ;  ils  brisèrent  et  enlevèrent  la 
plupart  des  isolateurs  croyant  ainsi  conjurer  le  mauvais  esprit. 

M.  Dolisie,  le  Gouverneur,  en  passant  dans  le  village  d'un  des  princi- 
paux chefs,  voulut  punir  celui-ci  en  lui  enlevant  la  batterie  de  son  fusil 
à  piston,  promettant  de  la  lui  rendre  lorsqu'il  aurait  restitué  les  isola- 
teurs volés.  Aussit()t  le  départ  du  Lieutenant-Gouverneur,  le  chef 
Mabiala  de  Makabendihu  fU  prévenir  le  chef  du  poste  de  Comba  que  si 
la  batterie  du  fusil  ne  lui  était  pas  rendue  aussitôt,  il  arrêterait  toutes 
les  caravanes  et  les  courriers.  Sans  même  attendre  la  réponse,  ce  chef, 
qui  possédait  une  grande  influence  sur  les  indigènes  de  la  région, 
mit  aussitôt  sa  menace  à  exécution,  il  arrêta  le  premier  courrier  qui 
passa  et  ne  le  rendit  qu'en  échange  de  la  batterie  qui  lui  avait  été 
enlevée  ;  en  outre  il  demanda  plusieurs  ballots  de  tissus  comme 
compensation  des  dommages  causés. 

C'était,  en  un  mol,  un  acte  de  rébellion  ouverte  qu'il  commettait. 

N'ayant  pas  reçu  de  réponse  à  ses  demandes  extravagantes,  il 
massacra  les  deux  premières  caravanes  loangos  qui  passèrent  et 
s'appropria  les  marchandises  qu'elles  transportaient. 

C'était,  comme  on  le  voit,  de  la  piraterie  et  du  brigandage  à  main 
armée.  Il  est  vrai  que  celte  route  n'avait  jamais  été  sûre,  et  que  ce  chef 
n'avait  jamais  reçu  le  châtiment  qu'il  méritait  pour  ses  exploits 
antérieurs. 

Il  était  donc  bien  établi  qu'aucun  Loango  ne  voulait  se  mettre  en  route 
pour  Brazzaville,  et  les  charges  de  la  mission  s'accumulaient  dans  les 
magasins  de  Loango  au  fur  et  à  mesure  de  leur  arrivée. 

Le  capitaine  Germain,  en  présence  d'une  situation  qui  menaçait  de  se 
prolonger,  prit  le  parti  d'essayer  de  faire  passer  un  convoi  par  le  Kiliou- 
Nyari,  et  de  se  servir  d'une  Société  formée  pour  l'exploitation  des 
transports  des  marchandises  de  Loango  à  Kimbiedi,  poste  situé  à 
proximité  de  Comba. 

Cette  Société  en  était  encore  à  ses  débuts,  aussi  son  installation 
était-elle  incomplète  ;  de  plus  ne  pouvait-elle  utiliser  le  fleuve  qu'à  la 
saison  des  hautes  eaux.  Malheureusement  la  crue  commençait  à  peine 
à  se  faire  sentir,  et  pourtant  il  fallait  agir  sans  perdre  de  temps. 

C'est  dans  ces  conditions  que,  dans  les  premiers  jours  de  juillet, 
un  premier  convoi  de  quatre  cents  colis  fut  mis  en  route  sous  les 
ordres  du  capitaine  Baratier.  Il  était  secondé,  dans  cette  tâche 
ardue  et  périlleuse,   par  M.  Fondére,    administrateur  colonial  hors 


—  295  — 

cadres,  directeur  de  la  Société,  dont  je  viens  de  parler,  lequel  s'était  mis 
très  gracieusement  à  la  disposition  de  la  commission. 

C'est  à  cette  époque  que,  délégué  par  le  capitaine  Germain,  je  me 
mets  en  rapport  avec  les  maisons  de  commerce  de  Loango  qui  recru- 
taient les  porteurs  pour  l'administration,  afin  de  constituer  une  forte 
caravane  d'une  centaine  de  porteurs  (les  caravanes  ordinaires 
comprennent  de  15  à  30  porteurs),  de  façon  à  ouvrir  la  route  et  donner 
ainsi  confiance  aux  Loangos.  Dans  ce  but  une  section  de  tirailleurs  de 
la  Compagnie  d'escorte  est  mandée  à  Libreville  et  arrive  le  12  juillet  à 
Loango.  Cette  section  est  destinée  à  protéger  et  à  assurer  la  surveil- 
lance du  convoi,  elle  se  compose  de  41  tirailleurs.  Je  suis  chargé  de  la 
conduite  et  de  la  direction  de  ce  premier  convoi. 

Avant  d'aller  plus  loin  il  est  utile  de  vous  faire  connaître  ce  que  sont 
les  Loangos. 

La  tribu  loango  habite  sur  le  littoral  compris  entre  le  cap  Lopez  et 
le  territoire  du  Congo  Portugais.  Le  Loango  est  essentiellement  porteur, 
le  portage  est  son  gagne-pain,  depuis  que  son  pays  a  été  conquis  parles 
Européens,  il  n'a  été  utilisé  qu'à  cet  emploi,  pour  lequel  il  possède  de 
grandes  aptitudes.  Un  homme  porte  une  charge  de  25  à  30  kilos  de 
Loango  à  Brazzaville  ;  le  négociant  recruteur  perçoit  pour  chaque 
porteur  quarante-cinq  francs  ;  l'indigène  reçoit  de  son  recruteur  avant 
de  partir  une  avance  de  40  cortades  en  étoffes  (la  cortade  est  de  l'",80  et 
d'une  valeur  de  0,50  centimes)  et  au  retour  il  touche  le  complément 
de  son  paiement,  soit  30  cortades  c'est-à-dire  que  sur  45  francs  que 
l'administration  donne  au  recruteur  il  a  réellement  35  à  38  francs, 
la  différence  appartient  au  négociant. 

Si  le  Loango  a  comme  qualité  d'être  bon  porteur,  il  possède  par 
contre  de  nombreux  défauts,  entre  autres  la  paresse  et  l'ivrognerie  ; 
dès  qu'il  peut  se  procurer  un  peu  d'argent,  il  court  dans  une  factorerie 
acheter  de  l'alcool  de  traite  à  0.40  centimes  le  litre  et  se  livre  ensuite  à 
l'orgie  en  compagnie  de  sa  femme  et  de  ses  amis. 

Ces  funestes  habitudes  d'intempérance  et  cette  malheureuse  passion 
de  l'alcool  ont  été  introduites  dans  ces  régions  par  les  premiers 
européens  qui  y  ont  pénétré.  La  vente  de  liqueurs  alcooliques,  trop 
souvent  frelatées,  a  causé  d'énormes  ravages  au  sein  des  populations 
fétichistes  de  l'Afrique;  de  grosses  fortunes  se  sont  faites  très  rapidement 
dans  ce  commerce,  et  les  importateurs  sans  scrupule  n'ont  jamais  eu 
d'autre  but. 

11  convient  de  dire  pour  l'honneur  de  notre  pays  que  les  Français 


—  290  — 

compreiiiK^iit  aulrcraent  la  civilisation,  et  que  de  pareils  faits  ne  leur 
sont  pas  imputables. 

Je  pars  le  17  juilh't  de  Loango  avec  85  porteurs  dont  17  jirisonniers, 
le  convoi  se  compose  principalement  de  munitions,  il  est  escorté  par  la 
section  de  tirailleurs  de  la  Compagnie  d'escorte  arrivée  récemment  de 
Libreville. 

J'organise  mon  convoi  de  telle  façon  que  chaque  tirailleur  puisse 
surveiller  deux  porteurs,  car  mon  expérience,  en  ce  qui  concerne  la 
marche  des  caravanes,  me  fait  craindre  l'évasion  d'un  certain  nombre 
de  porteurs  pendant  le  trajet. 

Le  premier  jour  tout  va  bien,  mais  le  lendemain  matin  en  traversant 
un  marigot  vaseux  trois  porteurs  s'évadent  en  abandonnant  leurs 
charges  sur  le  sentier  ;  je  me  trouve  dans  l'obligation  de  répartir  ces 
charges  entre  tous  les  autres.  Dans  la  soirée  deux  tirailleurs  sont  pris 
de  fortes  fièvres,  je  les  renvoie  le  lendemain  à  Loango  pour  se  rétablir. 
Je  juge  inutile  en  effet  de  conserver  ces  tirailleurs  qui  ne  peuvent  que 
m'embarrasser,  d'autant  plus  que  j'ai  à  craindre  d'avoir  beaucoup  de 
malades  parmi  mes  porteurs. 

Le  19 juillet,  j'arrive  à  la  lisière  de  la  forêt  du  Mayumbe.  Cette 
forêt  est  excessivement  épaisse  ;  pendant  les  quatre  où  cinq  jours  qu'on 
met  à  la  traverser  on  ne  voit  pas  le  ciel,  il  y  fait  une  demi-obscurité,  elle 
s'étend  du  Nord  au  Sud  sur  une  très  grande  distance  et  a  80  kilomètres 
de  largeur. 

Les  Ma}aimbès,  qui  habitent  cette  région,  logent  dans  des  huttes, 
s'adonnent  un  peu  à  la  culture,  juste  ce  qu'il  faut  pour  vivre  et  servent 
d'intermédiaires  dans  les  trafics  entre  les  Loangos  elles  Bacougnis,  tribu 
qui  habite  les  plaines  au  delà  de  la  forêt. 

Les  Mayumbès  sont  peu  int('rcssants,  toujours  en  contact  avec  les 
Loangos,  ils  en  ont  pris  les  défauts. 

Le  lendemain,  avant  de  me  mettre  en  roule,  je  m'aperçois  que  deux 
autres  porteurs  se  sont  évadés  pendant  la  nuit  en  rampant  dans  les 
herbes,  les  quatre  factionnaires  que  j'avais  placés  n'ont  rien  vu,  ni 
entendu.  Je  me  fais  donner  aj)rès  de  longs  pourparlers  deux  hommes 
dans  un  village,  qui  est  établi  à  proximité  de  notre  campement. 
Nous  traversons  le  Foungou,  le  Kaba  et  le  I)amba  trois  montagnes 
boisées  qui  se  trouvent  au  milieu  de  la  forêt,  la  plus  élevée  d'entre 
elles  a  environ  600  mètres  d'altitude.  Une  question  qui  me  préoccupe 
beaucoup,  ce  sont  les  vivres  pour  mes  porteurs  ;  comme  je  ne  leur  laisse 
pas  la  faculté  de  s'arrêter,  comme  bon  leur  semble,  pour  en  chercher 


~  2y7  — 

dans  des  villages  situés  à  un  ou  deux  kilomètres  à  droite  ou  à  gauche 
du  sentier,  afin  d'éviter  les  évasions  et  toute  perte  de  temps,  je  lais 
acheter  chaque  soir,  après  l'arrivée  au  campement,  par  quelques 
Loangos  escortés  de  tirailleurs,  tous  les  vivres  que  je  puis  trouver. 
C'est  surtout  le  manioc  qui  est  la  base  de  la  nourriture  des  indigènes. 
Le  manioc  est  un  tubercule  qui  pèse  quelquefois  plusieurs  kilos , 
après  doux  années  de  culture.  Quand  il  est  acheté  cru  en  route , 
l'indigène  le  fait  cuire  sous  la  cendre  ;  quand  il  est  vendu  après  avoir 
séjourné  plusieurs  jours  dans  l'eau,  préparation  indispensable  pour 
détruire  tout  germe  de  poison,  car  le  manioc  de  ce  pays  est  très 
vénéneux,  il  est  alors  bouilli  et  mangé  avec  une  sauce  faite,  soit  avec 
des  herbes,  soit  avec  du  poisson  ou  de  la  viande  quand  on  peut  s'en 
procurer. 

Dans  tous  les  cas,  c'est  une  nourriture  très  désagréable  pour  l'euro- 
péen quand  il  est  obligé  d'y  recourir  :  on  croirait  manger  de  la  colle  do 
pâte  avec  un  goût  d'amertume  très  prononcé. 

A  la  sortie  de  la  forêt  j'avais  perdu  un  porteur,  mort  de  fatigue,  et 
laissé  dans  un  petit  village,  six  autres  porteurs  malades  dans 
l'impossibilité  absolue  de  continuer  la  route.  Après  avoir  à  grand'peine 
pu  obtenir  quatre  hommes  dans  les  derniers  villages  du  Mayumbe,  je 
fais  porter  les  colis  restants  par  mes  tirailleurs  qui  obéissent  sans 
murmurer,  ils  savent  à  la  suite  des  théories  qui  leur  ont  été  faites,  que 
la  compagnie  d'escorte  de  la  mission  Marchand,  doit  être  une  compa- 
gnie d'élite  prête  à  tous  les  sacrifices,  devant  passer  partout,  et  n'être 
arrêtée  par  aucun  obstacle. 

C'est  en  faisant  appel  à  leur  amour-propre  que  presque  toujours  on 
a  obtenu  de  ces  braves  gens  des  efforts  considérables.  Les  Sénégalais 
et  Soudanais  sont  très  fiers  et  très  orgueilleux  ;  ils  considèrent  les 
porteurs  comme  des  êtres  inférieurs;  il  était  donc  terriblement  difficile 
de  leur  faire  porter  sur  la  tête  une  charge  de  trente  kilogrammes  en 
cette  circonstance.  Le  sacrifice  de  leur  fierté  était  d'autant  plus  grand 
que  les  Loangos  qui  connaissaient  le  caractère  de  nos  tirailleurs  ne  se 
gênaient  pas  pour  les  railler  en  leur  disant  :  «  Tu  vois  tu  es  un  sauvage 
comme  nous  maintenant  ».  Si  j'insiste  sur  ce  détail  c'est  pour  démontrer 
qu'à  de  tels  hommes,  on  peut  tout  demander. 

En  quittant  le  Majumbe,  on  arrive  dans  la  plaine  ;  tout  le  pays,  à  plus 
de  150  kilomètres,  est  plat.  11  n'y  a  plus  de  villages  sur  la  route,  ils 
sont  tous  établis  dans  l'intérieur,  afin  que  les  caravanes  de  passage  ne 
pillent  plus  leurs  plantations  comme  cela  avait  lieu  fréquemment. 


—  298  — 

J'avais  emporté  de  Loango,  en  prévision  des  achats  de  vivres, 
plusieurs  charges  de  pacotilles,  étoffe  commune,  couteaux  de  traite  et 
autres  objets  de  peu  de  valeur,  destinés  aux  échanges.  Voici  sur 
quelles  bases  ces  échanges  se  font  :  1  poulet  pour  deux  brasses  d'étoffe 
(la  brasse  est  de  l'°,80  et  vaut  0,50  centimes)  ;  3  et  4  œufs  pour  un 
couteau  de  0,15  centimes,  ou  6  œufs  pour  une  demi-brasse  ;  3  ou  4  gros 
poissons  fumés  pour  3  brasses  d'étoffe  ;  une  chèvre  moyennant  10  à  12 
brasses.  Ces  prix  sont  très  élevés,  mais  cela  tient  au  voisinage  du 
littoral  où  la  présence  des  Européens  a  amené  une  hausse  sur  tous  les 
produits. 

Les  Bacougnis  qui  habitent  la  région  sont  des  gens  solides  bien 
constitués,  ils  sont  cultivateurs,  porteurs,  chasseurs  et  surtout 
commerçants.  Leur  grand  trafic  est  d'importer  chez  eux  le  sel,  la 
poudre  et  le  fusil  à  piston.  L'alcool  n'a  heureusement  pas  encore 
pénétré  chez  eux.  Ils  ne  sont  vêtus  que  d'une  ceinture  de  toile  ou 
d'écorce  de  rafia,  qu'ils  passent  entre  les  jambes  ;  c'est  d'ailleurs  le 
costume  à  peu  près  généralement  adopté  par  tous  les  nègres  de  cette 
partie  de  l'Afrique. 

Le  28  juillet  j'arrive  à  Loudima,  poste  du  Congo  Français  établi  sur 
la  rive  gauche  du  Njari  et  à  l'embouchure  de  la  Loudima,  affluent  de 
gauche  du  Nyari.  Pendant  la  route  deux  tirailleurs  étaient  tombés 
malades,  deux  porteurs  étaient  morts,  une  douzaine  d'autres  avaient 
été  atteints  par  diverses  maladies  et  il  y  avait  eu  cinq  évasions,  mais  mon 
convoi  était  arrivé  au  complet.  Loudima  se  trouve  à  245  kilomètres  de 
Loango,  j'avais  mis  douze  jours  pour  franchir  cette  distance.  A  ce 
poste  je  rencontre  le  lieutenant  Largeau,  membre  de  la  Mission  qui 
avait  été  envoyé  pour  recruter  des  Bacougnis,  afin  d'accélérer  le 
portage. 

Cet  officier  a  reçu  l'ordre  de  se  rendre  à  Brazzaville,  il  est  convenu 
que  nous  partirons  ensemble  le  surlendemain  30  juillet. 

Sur  ces  entrefaites,  le  25  juillet,  le  capitaine  Marchand  arrive  à 
Loango,  avec  le  litre  de  Commissaire-Adjoint  du  Gouvernement  de 
rOubangui,  il  est  accompagné  de  M.  de  Brazza,  Commissaire  général 
du  Congo  Français  et  du  reste  de  la  Compagnie  d'escorte,  venant  de 
Libreville.  La  situation  que  trouve  notre  chef  à  son  arrivée  n'est  pas  rassu- 
rante ;  la  route  de  Brazzaville  n'est  plus  libre  par  suite  de  l'insurrection  des 
populations  indigènes,  et  tout  le  matériel,  qui  devrait  depuis  longtemps 
être  expédié,  est  encore  à  Loango.  Dans  ces  conditions  un  retard  de 
plusieurs  mois  est  à  prévoir;  il  faut  en  effet  rouvrir  la  route  des 


—  209  — 

caravanes,  pacifier  les  régions  soulevées  et  faire  transporter  non 
seulement  les  3.000  colis  de  la  Mission,  mais  encore  G. 000  autres  colis 
destinés  à  la  colonie  du  Haut-Oubangui,  qui  pourrissent  depuis  plus 
d'un  an  dans  les  magasins  de  Loango.  Ce  dernier  envoi  est  extrêmement 
urgent,  car  celle  colonie  est  à  bout  de  ressources  et  elle  doit  nous 
seconder  lors  de  noire  passage  sur  son  territoire. 

En  présence  de  cet  état  de  choses,  le  capitaine  Marchand,  demanda 
et  oblinl  du  Commissaire  général  du  Congo  Français,  la  direction 
pleine  et  entière  avec  tous  pouvoirs  pour  ramener  le  calme  dans  le 
pays  et  organiser  le  service  des  transports  par  caravanes.  Je  ne 
m'étendrai  pas  sur  tous  les  détails  qui  ont  suivi  cetlo  prise  de 
commandement,  je  dirai  qu'à  partir  de  ce  moment,  il  régna  de 
Loango  à  Brazzaville  une  activité  fiévreuse  qui  y  était  inconnue 
jusqu'à  ce  jour.  Des  troupes  de  milice  furent  mandées  à  Libreville 
comme  renforts ,  et  la  compagnie  d'escorte  fut  immédiatement 
envoyée  sur  le  lieu  de  l'insurrection.  C'est  à  ce  moment  que  partis  de 
Loudima,  le  30  juillet,  avec  le  lieutenant  Largeau,  nous  arrivons  à 
Comba,  autre  poste  du  Congo  Français  situé  à  150  kilomètres  environ 
de  Loudima.  Puis  repartant  de  ce  point  sur  Brazzaville,  après  un  jour 
de  repos,  nous  traversons  le  pays  insurgé  sans  livrer  aucun  combat. 
Cette  région  est  très  accidentée  ;  les  rebelles,  non  encore  organisés,  se 
sont  réfugiés  dans  les  montagnes,  en  abandonnant,  leurs  villages 
établis  à  proximité  de  la  route,  nous  les  brûlons  en  passant. 

Nous  arrivons  à  Brazzaville,  le  16  août  dans  la  matinée,  non  sans 
avoir  rencontré  dans  la  région  soulevée  plusieurs  cadavres  de 
Loangos  ayant  fait  partie  des  caravanes  précédentes  ;  ces  malheureux 
avaient  été  assassinés  par  les  insurgés. 

Brazzaville  est  le  point  le  plus  important  du  Congo  Français  en 
raison  de  sa  situation  géographique  ;  situé  sur  la  rive  droite  du  lac 
Congolais  «  Stanley  Pool  »  il  relie  la  colonie  du  Congo  à  celle  de  la 
Sangha,  de  l'Oubangui  et  maintenant  du  Bahr  el  Ghazal.  C'est  le  siège 
actuel  du  Lieutenant-Gouverneur.  En  dehors  des  habitations  de 
fonctionnaires  il  y  a  deux  factoreries,  l'une  française  et  l'autre 
hollandaise,  beaucoup  plus  importante.  C'est  également  le  siège  du 
vicariat  apostolique  des  missions  catholiques  de  l'Oubangui.  La  popu- 
lation y  est  très  dense,  elle  appartient  en  majeure  partie  à  la  tribu 
Batéké  ;  elle  est  essentiellement  commerçante  et  fait  le  trafic  de  l'ivoire 
provenant  de  la  Sangha  et  un  peu  de  l'Oubangui. 


-^  301  — 

La  colonie  du  Congo  Français  a  possédé  autrefois  une  petite  flottille 
de  quatre  ou  cinq  vapeurs,  aujourd'hui  elle  n'en  possède  plus. 

Le  service  des  transports  et  des  courriers  sur  le  Congo,  le  Haut- 
Oubangui  et  la  Haute-Sangha  se  fait  par  l'intermédiaire  des  steamers  de 
la  Société  hollandaise.  En  face  de  Brazzaville  sur  la  rive  gauche, 
territoire  de  l'Etat  indépendant  du  Congo,  se  trouve  Léopoldville, 
centre  très  important  surtout  depuis  que  la  ligne  de  chemin  de  fer  de 
Matadi  y  est  venue  aboutir.  C'est  également  à  Léopoldville,  résidence 
du  Gouverneur,  que  se  trouvent  les  chantiers  et  ateliers  de  répara- 
tions du  matériel  fluvial  ;  la  flottille  congolaise  compte  plus  de 
trente  magnifiques  vapeurs.  Un  peu  plus  eu  amont  à  Kinchassa  se 
trouve  un  vaste  camp  d'instruction  servant  de  dépôt  et  de  centre  d'ali- 
mentation pour  les  postes  du  Haut-Congo  et  du  Hassaï. 

Par  suite  d'une  confusion  d'ordres,  le  lieutenant  Largeau  et  moi, 
escortés  par  notre  détachement,  quittons  Brazzaville  pour  nous  rendre 
à  Bangui,  point  terminus  de  la  navigation  à  vapeur.  Mais  en  arrivant 
à  Liranga,  où  nous  devions  séjourner  près  d'un  mois  en  attendant  notre 
vapeur,  qui  était  parti  dans  la  Sangha  pour  approvisionner  les  postes, 
nous  recevons  l'ordre  de  retourner  à  Brazzaville  ;  de  graves  événe- 
ments s'étaient  passés  depuis  notre  départ  à  la  suite  de  mouvements 
insurrectionnels  qui  avaient  pris  chez  les  Bat  ékés  de  grandes  proportions. 
Dès  notre  arrivée  à  Brazzaville  je  reçois  l'ordre  d'aller  renforcer  avec 
ma  section  M'Bamou,  nouveau  poste,  créé  par  la  Mission  en  plein 
centre  insurrectionnel,  et  situé  à  60  kilomètres  à  l'ouest  de  Brazzaville. 
C'est  là  que,  du  mois  d'octobre  à  janvier,  je  suis  chargé  d'approvisionner 
tous  les  postes  volants  et  les  petites  colonnes  qui  rayonnent  dans  la 
région.  Je  fais  en  outre  le  recrutement  de  porteurs  d'abord  chez  les 
populations  Bakongos,  peu  compromises  dans  l'insurrection,  puis  parmi 
les  révoltés  qui  viennent  se  soumettre.  En  moins  de  trois  mois  le  poste 
de  M'Bamou  à  lui  seul,  recrute  plus  de  2.000  porteurs,  dans  un  pays 
qui  s'était  jusque  là  toujours  refusé  à  faire  du  portage  et  qui  très  souvent 
n'avait  pas  voulu  reconnaître  l'autorité  de  l'Administrateur  de 
Brazzaville. 

Je  ne  relaterai  pas  ici  tous  les  détails  de  la  campagne  de  répression 
qui  a  été  faite  pendant  les  derniers  mois  de  1896,  mais  je  tiens  cepen- 
dant à  vous  faire  connaître  deux  faits  auxquels  j'ai  été  directement  mêlé. 

Au  retour  de  l'Oubangui  vers  la  côte  en  1894,  nous  arrivons  un  jour 
avec  notre  caravane  de  porteurs  Loangos,  mais  sans  aucune  escorte, 
dans  un  village  de  la  tribu  des  Bassundis,  dont  le  chef  Missitou  était 


—  302  — 

une  des  tètes  du  mouvement  insurrectionnel.  Avant  Fintention  de  faire 
dans  ce  village  une  halte-repos,  nous  achetons  à  un  des  habitants  deux 
ignames  pour  une  pincée  de  petites  perles  blanches  ;  à  peine  le  paiement 
ésl-il  effectué,  que  l'indigène  veut  reprendre  une  igname,  mais  nous 
l'en  empêchons  :  il  se  met  alors  à  nous  injurier.  A  bout  de  patience, 
M.  Ponel,  administrateur  du  Congo,  qui  m'accompagnait,  prend  le 
bâton  que  j'avais  entre  les  mains,  et  lui  en  donne  un  léger  coup  sur  le 
dos.  afin  qu'il  s'en  aille.  Cet  individu  se  met  aussitôt  à  pousser  des  cris 
et  se  sauve  dans  la  direction  d'un  petit  bois  qui  borde  le  village.  Sans 
plus  nous  préoccuper  de  lui,  nous  nous  mettons  à  table  ;  mais  à  peine 
notre  repas  est-il  commencé  que  nous  voyons  sortir  du  bois  une 
cinquantaine  d'indigènes  armés  de  fusils  à  pistoin  qui  bientôt  nous 
entourent  en  poussant  des  hurlements  féroces.  Il  est  évident  que  nous 
sommes  tombés  dans  un  guet-apens.  Ces  brigands  nous  mettent  en 
joue  à  quelques  centimètres  du  visage  ;  toute  défense  est  inutile,  nous 
n'avons  comme  armes  que  nos  bâtons  de  route  et  nous  sommes  seuls, 
sans  escorte.  Mais  sans  perdre  notre  sang-froid,  nous  gardons  ime 
attitude  impassible,  et  c'est  ce  qui  nous  sauve.  Cette  scène  venait  de 
prendre  tin  lorsque  l'indigène  frappé  par  M.  Ponel  reconnaît  entre  mes 
mains  le  bâton  avec  lequel  il  a  fait  connaissance  un  peu  auparavant,  il  se 
jette  alors  sur  moi,  m'attrape  par  la  barbe  et,  armé  d'un  énorme 
coutelas,  il  veut  me  le  passer  à  travers  la  gorge  ;  je  n'ai  que  le  temps  de 
le  repousser  violemment.  Même  menace  est  faite  à  M.  Ponel, 
elle  reste  également  sans  eflet.  C'est  à  ce  moment  que  Missitou,  le 
chef  de  ces  bandits,  intervient,  et  nous  enlève  tout  ce  que  nous  portons 
sur  nous  ;  après  quoi  il  nous  laisse  libres  de  continuer  notre  route. 
Inutile  de  vous  dire  que  je  conservais  le  souvenir  de  cette  aventure  pour 
en  faire  mon  profit,  le  cas  échéant,  d'autant  plus  que  ce  guet-apens  ne 
fut  jamais  puni  par  l'administration  ainsi  que  bien  des  crimes 
d'ailleurs. 

Deux  ans  après,  les  indigènes  de  la  tribu  des  Bassundis  se  mettent 
de  nouveau  en  rébellion,  et  j'ai  la  très  vive  satisfaction  de  me  retrouver 
en  face  de  Missitou.  Voici  dans  quelles  conditions  ;  en  novembre  18ÎX),  à 
la  suite  d'un  coup  de  main,  nous  avions  pris  comme  otages  dans  les 
villages  rebelles  une  trentaine  de  femmes  et  d'enfants,  afin  de  nous 
faire  livrer  les  principaux  chefs  qui  étaient  à  la  tète  de  l'insurrection. 
Ces  otages  me  furent  confi('s  à  M'Bamou  et  je  ne  devais  les  rendre  que 
contre  Missitou  et  Mayoki,  les  deux  chefs  les  plus  compromis.  Les 
populations  Bassundis  qui  s'étaient  mises  en  rébellion,  ne  s'attendaient 


—  303  — 

pas  à  la  répression  sévère  que  nous  allions  leur  infliger,  car  elles 
n'avaient  jamais  été  inquiétées  jusqu'alors.  Mais  lors([u'elles  se  virent 
traquées  de  toutes  paris,  lorsque  leurs  villages  furent  incendiés,  et 
leurs  plantations  détruites,  elles  ne  tardèrent  pas  à  se  soumettre,  et 
les  deux  chefs  furent  livrés  à  quelques  jours  d'intervalle. 

Quelle  fut  ma  joie  de  retrouver  en  l'un  d'eux  l'ancien  auteur  du  guet- 
apens  de  1891,  qui  avait  cru  bien  faire  de  changer  de  nom,  mais  que  je 
reconnus  positivement.  Lorsque,  dans  mon  interrogatoire,  je  lui  rappelai 
dans  quelles  conditions  j'avais,  une  première  fois,  fait  sa  connaissance, 
il  se  mit  à  trembler  et  essaya  de  nier  ;  il  se  vit  perdu.  Je  le  passai  par  les 
armes  le  lendemain  matin  en  présence  de  tous  les  chefs  de  la  région 
qui  paraissaient  consternés.  Le  second,  le  chef  Mayoki,  me  fut  amené 
trois  jours  après,  je  lui  fis  subir  la  même  opération  et  je  relâchai  les 
otages.  Cette  double  exécution  précédée  d'une  autre  aux  environs  de 
Comba  mit  fin  à  l'insurrection. 

Dans  les  combats  que  les  insurgés  nous  livrèrent  nous  eûmes  une 
quinzaine  de  blessés  parmi  nos  tirailleurs.  Le  12  janvier  1897,  le 
capitaine  Marchand  remettait  entre  les  mains  de  l'autorité  civile  les 
postes  que  nous  avions  établis  et  la  mission  arrivait  à  Brazzaville  pour 
continuer  sa  route. 

Les  résultats*  obtenus  pendant  ces  quelques  mois  étaient  immenses. 
Douze  mille  charges  avaient  été  transportées  de  Loango  à  Brazzaville, 
ainsi  que  le  vapeur  «  Jacques  d'Uzès  »  et  trois  chalands  en  aluminium 
qui  étaient  abandonnés  en  divers  endroits  sur  la  route  ;  on  en  avait 
même  retrouvé  des  pièces  jusqu'au  sommet  du  mont  Bambra  dans  la 
forêt  de  Mayumbe. 

Pendant  mon  séjour  à  Brazzaville  j'eus  l'occasion  de  manger  plusieurs 
fois  de  l'hippopotame  et  de  l'éléphant.  La  chair  de  l'hippopotame  n'est 
pas  désagréable,  le  filet  en  est  assez  tendre;  quant  à  la  chair  de 
l'éléphant,  elle  est  au  contraire  dure  et  coriace  ;  la  trompe  et  le  pied 
sont  les  seuls  morceaux  de  choix,  mais 'on  est  obligé  de  leur  donner  une 
cuisson  de  quarante-huit  heures  sous  un  feu  couvert.  Les  noirs  n'ont  pas 
de  préférence,  tout  leur  est  bon,  ils  préfèrent  la  quantité  à  la  qualité. 

Le  poisson  se  trouve  en  abondance  à  Brazzaville,  il  y  en  a  de  toute 
espèce,  grands,  moyens  et  petits,  les  plus  grands  atteignent  le  poids  de 
20  à  25  kilos. 

Les  achats  se  font  principalement  avec  du  coton  écru  de  la  Guinée, 
et  des  petites  barrettes  en  laiton. 

Les  Batékés  connaissent  la  pièce  de  cinq  francs  et  l'acceptent  en 


—  :m  — 

paiement.  Les  denrées  à  Brazzaville  sont  très  chères,  car  les  popula- 
tions Batékés  ne  produisent  rien  ;  il  faut  aller  chercher  les  vivres 
dans  les  villages  Bakongos  situés  à  20  et  25  kilomètres  à  l'est  de 
Brazzaville. 

Le  26  janvier  1897,  à  la  suite  d'un  arrangement  intervenu  entre  le 
capitaine  Marchand  et  l'Etat  Indépendant  du  Congo,  ce  dernier  se 
charge  de  transporter  la  Mission,  personnel  et  matériel. 

La  Mission  embarque  à  bord  du  vapeur  «  Ville  de  Bruges  »  à 
l'exception  des  capitaines  Marchand  et  Baratier,  qui  veulent  d'abord 
régler  la  question  des  dépenses  de  transport. 

Nous  quittons  Brazzaville  le  26.  La  «  Ville  de  Bruges  »  est  un  joli 
vapeur  fluvial,  il  transporte,  outre  son  équipage,  huit  officiers  et  sous- 
officiers,  150  tirailleurs  et  1.200  colis  pour  la  Mission  et  pour  les  postes 
de  rOubangui  ;  les  autres  colis  seront  transportés  par  les  vapeurs  de  la 
Société  Hollandaise  et  par  la  «  Ville  de  Bruges  »  qui  doit  faire  un 
second  voyage. 

Le  V  février  nous  arrivons  à  Bonga,  situé  à  quelques  kilomètres  en 
amont  dans  la  Sangha.  Deux  factoreries  y  sont  établies,  l'une  belge, 
l'autre  hollandaise,  toutes  deux  font  le  trafic  de  l'ivoire,  de  la  gomme 
et  du  caoutchouc.  Nous  faisons  là  une  grande  provision  de  tabac  en 
rouleaux  pour  notre  consommation  et  celle  de  nos  hoAimes.  Ce  tabac 
est  le  seul  de  l'Afrique  équaloriale  qui  ne  soit  pas  désagréable  à 
fumer. 

De  Bonga  nous  entrons  dans  le  canal  naturel  de  Likenzie  qui  relie  la 
Sangha  au  Congo. 

Voici  quelques  détails  au  sujet  de  la  navigation  sur  le  Congo.  Les 
vapeurs  chauffent  au  bois,  ils  ne  marchent  pas  la  nuit  ;  le  soir  on 
s'arrête  près  d'un  endroit  boisé  et  l'équipage  coupe  le  bois  nécessaire 
pour  le  lendemain  ;  celte  opéraliun  est  généralement  lerminée  vers  une 
ou  deux  heures  du  malin  et  l'un  repart  vers  six  heures. 

Le  Congo  est  très  pittoresque  avec  ses  rives  boisées  et  ses  nombreuses 
îles,  sa  largeur  atteint  quelqueiois  plusieurs  kilomètres.  Sur  les  bancs 
de  sable  on  aperçoit  souvent  des  crocodiles  qui  tlormeni,  mais  dès  que 
le  bruit  du  vapeur  en  marche  leur  parvient,  ils  gagnent  le  fleuve  sans 
se  presser  ;  on  a  souvent  l'occasion  d'en  tirer,  mais  bien  rarement  le 
plaisir  d'en  tuer.  La  viande  du  crocodih;  est  désagréable  pour 
l'Eui-opéen,  elle  est  blanche  et  dui-e,  en  outre  elle  a  une  forte  odeur 
de  musc. 

Le'  31  janvier,  à  (|u;ilre  hiMires  du  suir,  le  va])eur('lait  ;u-ivté  à  la  lisière 


—  305  — 

d'un  petit  bois,  lorsque  dans  la  plaine  voisine  apparaît  tout  à  coup  un 
magnifique  bœuf  sauvage.  Immédiatement  trois  ou  quatre  coups  de 
feu  sont  tirés,  l'animal  est  blessé;  dans  sa  fureur  il  se  rue  sur  le 
vapeur,  puis  fait  brusquement  volte-face  et  s'enfonce  dans  les  herbes. 
Avec  la  carabine  du  peintre  Gastellani  et  une  cartouche  qu'on  me 
passe  à  la  hâte,  je  descends  à  terre  et  me  mets  à  sa  recherche  ;  à  peine 
ai-je  fait  une  centaine  de  mètres  que  je  vois  à  quatre  mètres  de  moi 
l'animal  à  genoux  derrière  une  énorme  touffe  d'herbe.  Il  ne  m'avait  pas 
aperçu,  je  le  mets  immédiatement  en  joue,  sans  bruit,  le  visant  à  la  tête  ; 
je  tire,  mais  le  coup  rate.  J'essaie  alors  bien  doucement  de  recharger 
de  nouveau  mon  arme,  mais  au  bruit  que  fait  la  culasse  il  lève  la  tête, 
je  saisis  son  regard  et  instinctivement  je  me  jette  à  terre  ;  au  même 
moment  l'animal  furieux  fait  un  bond,  me  passe  au-dessus  du  corps, 
et  se  lance  dans  une  course  folle.  Je  me  relève  aussitôt  ef  j'ai  la  satis- 
faction de  voir  l'animal  s'abattre  sous  les  coups  de  mes  compagnons 
qui  s'étaient  hâtés  de  mettre  pied  à  terre. 

Nous  passons,  le  2  février,  Liranga,  poste  français  établi  sur  la  rive 
droite  de  l'Oubangui  et  presque  à  son  embouchure. 

L'Oubangui  est  le  plus  gros  affluent  du  Congo,  il  a  dans  sa  largeur 
moyenne  4  à  500  mètres,  il  est  navigable  pour  les  vapeurs  jusqu'à 
Bangui,  point  où  commencent  les  rapides.  Cependant  aux  basses  eaux 
les  vapeurs  ne  remontent  que  jusqu'à  Zinga,  petit  poste  spécial  de 
communication  situé  à  80  kilomètres  en  aval  de  Bangui. 

Le  6  février  un  sénégalais,  appartenant  à  un  détachement  de 
l'Oubangui,  disparaît  du  campement  sans  que  l'on  ait  pu  retrouver  sa 
trace.  A-t-il  été  victime  des  indigènes  cannibales  ?  C'est  possible,  car 
depuis  hier  nous  sommes  en  pays  anthropophage.  Les  naturels  d'ailleurs 
n'ont  pas  encore  été  aperçus,  leurs  villages  sont  établis  à  plusieurs 
kilomètres  dans  l'intérieur  et  le  manque  de  temps  nous  oblige  à 
continuer  notre  route,  sans  pouvoir  faire  d'autres  recherches,  du  reste 
très  difficiles,  dans  ce  pays  très  boisé. 

Le  lendemain  nous  apercevons  les  villages  de  la  tribu  des  Ipimbès. 
Les  indigènes  armés  de  lances  se  tiennent  sur  la  rive  et  nous  regardent 
avec  curiosité.  Après  avoir  stoppé  je  suis  chargé  de  descendra  à  terre 
pour  faire  un  approvisionnement  de  vivres  ;  les  femmes  et  les  enfants 
se  sauvent,  les  hommes  se  rassemblent  dans  la  crainte  d'une  attaque 
de  ma  part.  Je  parviens  cependant  à  les  rassurer  en  leur  donnant  force 
poignées  de  mains  ;  la  vue  des  étoffes  et  des  quelques  objets  de  paco- 
tille que  j'avais  emportés,  achève  de  me  gagner  les  bonnes  grâces  des 

20 


ITI  N  ERAIRi: 

oeLIRANGA  a  bangui 

ar  voie  Fluviale . 


—  307  — 

hommes  ;  quant  aux  femmes,  attirées  petit  à  petit  par  la  curiosité,  elles 
finissent  par  être  moins  farouches.  Dans  le  premier  village  que  je  visite, 
j'aperçois  sur  les  toitures  des  cases,  ainsi  que  sur  le  sol,  de  nombreux 
crânes  et  ossements  humains  qui  dénotent  que  les  gaillards  ont  dû 
faire  de  riches  festins  au  préjudice  des  tribus  ennemies.  Je  leur  montre 
ces  débris,  et  je  les  vois  alors  grimacer  un  sourire  où  se  reflète  la 
satisfaction  des  orgies  passées. 

Après  avoir  acheté  un  gros  approvisionnement  de  bananes  et  de 
poissons  je  regagne  le  bord,  non  sans  avoir  fait  cadeau  au  chef  d'une 
boîte  d'allumettes,  qui  l'avait  intrigué  ;  à  peine  en  connaît-il  l'usage 
qu'il  se  met  à  rire  aux  éclats,  ses  sujets  font  chorus  avec  lui,  sans  trop 
savoir  ce  dont  il  s'agit. 

Le  13  février,  la  «  Ville  de  Bruges  »  arrive  à  Zinga,  terme  de  son 
voyage  et  nous  dépose  sur  la  rive,  au  petit  poste  établi  par  le  sergent 
Yinail,  faisant  partie  de  la  Mission,  et  qui  nous  avait  précédé.  Zinga 
est  situé  au  milieu  des  populations  Bondjos. 

Les  Bondjos  sont  les  plus  féroces  cannibales  que  j'ai  connus  ;  ils  fout 
la  chasse  à  l'homme  pour  le  seul  plaisir  de  le  manger  ;  on  est  oblige 
dans  cette  région  de  se  garder  sévèrement  ;  leur  audace  va  jusqu'à 
attaquer  les  postes  et  les  vapeurs  dans  l'espoir  d'attraper  du  gibier 
Immain,  Voici  un  exemple  de  leur  goût  très  prononcé  pour  la  chair 
Immaine.  Etant  au  poste  avec  Vinail,  deux  chefs  Bondjos  viennent  à 
nous  avec  un  petit  troupeau  de  sept  à  huit  chèvres  et  nous  proposent 
d'échanger  un  ou  deux  hommes  contre  leur  troupeau.  Nous  leur 
demandons  ce  qu'ils  en  veulent  faire  ;  ils  paraissent  étonnés  de  la 
question,  et  nous  répondent  qu'ils  ont  l'intention  de  les  manger.  Inutile 
de  vous  dire  que  leur  demande  reçoit  la  solution  qu'elle  comporte. 

Un  autre  exemple  :  En  1894,  le  capitaine  Dumont ,  de  l'infanterie  de 
marine,  venant  de  Bangui,  d'où  il  était  rapatrié  pour  maladie  grave, 
se  trouvait  sur  le  vapeur  «  Antoinette  »  dans  un  état  désespéré.  Un 
soir  un  chef  Bondjo  vient  trouver  au  mouillage  le  commandant  du 
bateau,  et  lui  offre  des  chèvres  en  échange  du  malheureux  capitaine, 
qui  fort  heureusement  ne  pouvait  se  rendre  compte  du  marché  proposé. 
Ce  chef  trouvait  sa  demande  très  naturelle,  car  le  blanc  qu'il  voyait, 
allait  mourir  ;  il  était  donc  de  l'intérêt  du  commandant  du  vapeur 
d'accepter  une  proposition  aussi  avantageuse. 

Je  pourrais  encore  citer  de  nombreux  faits  de  ce  genre  si  je  n'étais 
limité  dans  mon  résumé.  Cependant  je  crois  vous  intéresser  en  vous 
apprenant  qu'en  1894,  rentrant  de  l'Oubangui,  j'assistais  en  simple 


—  303  — 

spectateur  à  un  repas  de  cannibales,  je  demandais  au  chef  quelle  saveur 
avait  la  chair  humaine,  il  me  répondit  qu'elle  avait  un  goût  très  fin  de 
porc  et  que  la  viande  du  blanc  beaucoup  plus  délicate  avait  la  saveur 
du  porc  salé. 

Le  19  février  un  convoi  de  pirogues  vient  nous  chercher  pour  nous 
conduire  à  Bangui. 

Dans  l'Afrique  centrale  la  navigation  en  pirogue  est  très  répandue  : 
ce  mode  de  transport  est  employé  dans  toutes  les  occasions,  où  il  est 
reconnu  possible,  car  il  est  bien  plus  pratique  que  le  portage  à  dos 
d'homme,  mais  il  présente  beaucoup  plus  de  danger. 

La  pirogue  est  une  embarcation  en  bois,  d'une  seule  pièce  creusée 
dans  un  arbre  spécial,  elle  a  en  moyenne  10  mètres  de  longueur  sur  80  à 
90  centimètres  de  largeur  et  60  à  80  centimètres  de  profondeur.  Cette 
embarcation  peut  transporter  trente  charges  de  30  kilos,  six  passagers  et 
l'équipage,  qui  se  compose  d'une  quinzaine  d'hommes,  dont  quatre  sont 
à  l'avant  avec  de  longues  perches  appelées  «  Tombo  »,  et  le  reste  à 
l'arrière  avec  de  petites  pagaies.  Le  chef  piroguier  est  à  l'extrême 
arrière  pour  donner  la  direction  avec  sa  pagaie.  Les  riverains  de 
rOubangui  ont  la  réputation  méritée  d'ailleurs  d'être  d'excellents 
pagayeurs.  On  navigue  rarement  en  pirogue  la  nuit,  la  journée 
commence  à  l'aube  jusqu'au  coucher  du  soleil,  avec  une  heure  d'arrêt 
au  milieu  du  jour. 

En  remontant  le  courant  on  peut  parcourir  ainsi  eu  une  journée  30  à 
35  kilomètres.  Cette  navigation  est  dangereuse,  principalement  au 
passage  des  rapides;  on  éprouve  alors  parfois  d'assez  vives  émotions, 
cependant  il  est  assez  rare  qu'on  chavire. 

Les  indigènes  ont  l'habitude  de  la  navigation,  et  ils  connaissent 
admirablement  la  rivièn?  ;  comme  l'eau  embarque  à  chaque  instant,  un 
des  hommes  de  l'équipage  est  spécialement  chargé  de  l'enlever  au  fur 
et  à  mesure.  Chaque  pagayeur  reçoit  pour  salaire  deux  petites  cuillers 
de  perles  blanches  ou  rouges  qui  représentent  une  valeur  de  0  fi .  20 
cent .  A  la  fin  du  voyage  le  chef  de  la  pirogue  touche  une  gratification 
de  25  à  30  cuillers.  Tous  se  déclarent  satisfaits  de  ces  rémunérations. 

A  partir  de  l'Oubangui  les  étoffes  ne  servent  presque  plus  aux  achats, 
elles  se  donnent  en  cadeaux  ;  la  petite  perle  blanche,  bleue  ou  rouge 
est  à  peu  près  la  seule  monnaie  courante.  La  cuiller  à  café  est  la  mesure 
adoptée.  Pour  une  cuiller  de  jierles  on  a  un  ou  deux  œufs,  pour  deux 
cuillers  un   poisson  ou  un  poulet,  pour  trois  cuillers  un  régime  de 


—  309  — 

bananes.  Enfin  il  faut  de  dix  à  vingt  cuillers  pour  avoir  une  chèvre, 
tout  dépend  de  sa  grandeur. 

Dans  rOubangui,  il  n'y  a  ni  bœufs  ni  moutons;  les  indigènes  n'élèvent 
que  la  chèvre  et  le  poulet. 

Nous  arrivons  à  Bangui  le  22  février  à  trois  heures  du  matin.  Bangui, 
poste  français  situé  au  pied  des  rapides,  est  établi  sur  le  flanc  d'une 
colline  rocheuse,  le  site  est  très  pittoresque.  Je  retrouve  le  sergent  Dat, 
il  est  chargé  de  recevoir  les  colis  à  destination  de  Mobaï,  et  de  les 
expédier  sur  ce  poste  français  situé  à  ilix-neuf  jours  de  pirogue  sur  la 
rive  droite  de  l'Oubangui.  La  rive  gauche  de  la  rivière  forme  en  cet 
endroit  la  frontière  de  l'Etat  Indépendant  du  Congo.  Je  passe  quelques 
jours  à  Bangui  dans  l'attente  d'un  convoi  de  pirogues  que  M.  l'Adminis- 
trateur Bobichon  était  allé  recruter  chez  les  populations  Banziris, 
dont  les  villages  sont  établis  sur  la  rive  française  en  aval  du  poste  de 
Mobaï.  Pondant  mon  sty'our  à  lîangui,  je  complète  l'instruction  des 
tirailleurs,  les  renseignant  sur  les  tribus  de  l'Oubangui,  et  Içur  appre- 
nant ce  qu'ils  auront  à  faire  pendant  cette  partie  du  voyage,  qui  doit  se 
faire  en  pirogue.  Plusieurs  d'entre  eux,  qui  ne  savent  pas  nager,  ne 
goîîtent  guère  un  voyage  de  ce  genre. 

Le  26  février,  le  convoi  de  pirogues  est  annoncé,  celles-ci  arrivent 
les  unes  après  les  autres,  j'en  compte  soixante-deux  ;  la  grande  place  en 
face  du  poste  est  bientôt  remplie  d'indigènes  formant  les  équipages, 
c'est  un  va-et-vient  et  un  brouhaha  extraordinaires. 

Tous  ces  gens  appartiennent  à  la  tribu  Banziri,  sauf  trois  ou  quatre 
équipes  Sangos  qui  habitent  Mobaï  et  les  environs. 

Les  Banziris,  comme  les  Sangos,  ont  un  air  bon  enfant,  ils  sont  bien 
cannibales  par  habitude,  mais  ils  ne  montrent  pas  la  même  ardeur  et 
férocité  pour  la  chair  humaine  que  leurs  voisins  les  Bondjos,  avec 
lesquels  du  reste  ils  ne  font  pas  commerce  d'amitié.  A  première  vue 
on  est  frappé  de  la  douceur  de  leur  physionomie,  et  de  la  régularité  de 
leurs  traits  ;  ils  sont  très  coquets,  au  point  d'arranger  dans  leur  cheve- 
lure les  perles  qu'ils  gagnent.  Ils  se  font  même  ainsi  des  coiifures  très 
originales,  qui  ne  manquent  pas  d'un  certain  cachet. 

Dans  la  soirée  on  charge  le  matériel  sur  les  embarcations  et  on 
convient  que  le  départ  aura  lieu  le  lendemain  dans  la  matinée. 
A  la  première  heure,  tout  est  prêt,  la  plus  grande  partie  de  la  com- 
pagnie d'escorte  prend  passage  à  bord  des  pirogues,  ainsi  que  six 
officiers  et  sous-officiers,  M.  Bobichon  est  chargé  de  la  direction  de 
cet'énorme  convoi. 


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Quand  un  européen  voyage,  sa  pirogue  ne  contient  ordinairement 
que  ses  bagages  personnels,  un  petit  abri  pour  se  garantir  du  soleil  est 
installé  au  milieu  de  l'embarcation,  et  quand  celle-ci  est  suffisamment 
grande  et  large,  on  navigue  dans  d'assez  bonnes  conditions.  Mais  il 
faut  pourtant  tenir  compte  de  la  grande  difficulté  qu'on  éprouve  à  tenir 
constamment  une  immobilité  presque  absolue,  de  crainte  de  chavirer. 

Cette  immobilité,  à  laquelle  on  s'habitue  difficilement,  devient  éner- 
vante au  bout  de  plusieurs  jours,  aussi,  est-ce  avec  une  vive  satisfaction 
qu'on  s'arrête  chaque  soir  au  campement  pour  se  dégourdir  les  jambes. 

Le  départ  s'effectue  dans  de  bonnes  conditions  quoique  les  pagayeurs 
cherchent  à  se  dépasser,  afin  de  tenir  les  premiers  rangs.  Dans  ces 
régates  d'un  nouveau  genre  les  pirogues  s'entrechoquent,  et  plusieurs 
courent  le  risque  de  couler,  car  l'eau  vivement  soulevée  par  cette 
course  folle  pénètre  à  grands  flots  dans  les  embarcations.  On  entend 
alors  les  cris  et  les  menaces  des  tirailleurs  ;  comme  ils  ont  la  respon- 
sabilité de  la  marche  de  leur  pirogue,  ils  mènent  énergiquement  leurs 
pagayeurs,  auxquels  ils  distribuent  même  quelques  coups  de  corde. 
Bientôt  après  tout  se  calme,  on  n'entend  plus  que  les  pagaies  battant 
l'eau  d'une  façon  régulière  et  cadencée  et  les  chants  des  pagayeurs. 

Le  soir  nous  campons  sur  un  banc  de  sable  à  proximité  des  derniers 
villages  Bondjos.  Le  lendemain  nous  arrivons  au  rapide  dit  de 
«  l'Eléphant  »  ;  on  débarque  et  on  décharge  tout  le  matériel  afin  de  faire 
passer  les  pirogues  à  vide.  11  serait  téméraire  d'agir  autrement,  car  on 
serait  à  peu  près  certain  de  perdre  les  marchandises,  sans  compter  les 
victimes  qu'on  aurait  à  déplorer.  L'eau  atteint  une  profondeur  de 
plusieurs  mètres  dans  ces  parages  et  le  courant  est  d'une  extrême 
violence  ;  les  imprudents  qui  tenteraient  de  franchir  le  rapide  seraient 
jetés  sur  les  roches  et  ils  seraient  étourdis  sinon  tués  par  le  choc.  Les 
habitants  de  ces  rives  comptent  bien  sur  des  accidents  de  ce  genre, 
c'est  pourquoi  ils  ont  installé  sur  les  bords  de  la  rivière  des  petits 
postes  d'observation,  où  ils  attendent  patiemment  l'occasion  de  repêcher 
les  cadavres,  pour  en  faire  ensuite  un  excellent  festin.  On  a  donc  la 
certitude  qu'en  cas  de  chavirement,  on  sera  cueilli  et  misa  la  marmite. 
Dans  la  soirée  nous  campons  dans  les  villages  Ouaddas  où  se  trouve 
une  factorerie  hollandaise.  11  y  avait  autrefois  en  cet  endroit  un  poste 
français,  mais  il  a  été  supprimé,  comme  ne  présentant  pas  assez 
d'importance. 

Nous  entrons  ensuite  chez  nos  amis  les  Banziris  ;je  dis  nos  amis,  car 
c'est  la  seule  tribu  cannibale  avec  laquelle  nous  n'avons  jamais  eu 


—  :i[2  — 

maille  à  partir.  Doux  et  irioffensifs,  les  Banziris  se  livrent  à  la  pèche, 
lorsqu'ils  ne  sont  pas  réquisitionnés  pour  les  transports.  Leurs  villages 
ne  sont  pas  propres,  ils  négligent  d'arracher  les  herbes  qui  poussent 
autour  des  cases,  et  laissent  s'accumuler  de  tous  côtés  des  tasd'innnon- 
dices. 

Les  femmes  s'adonnent  aux  travaux,  agricoles,  comme  dans  la 
plupart  des  tribus  de  l'Afrique  centrale,  elles  ont  une  réputation  de 
légèreté  de  mœurs  qu'elles  pai'Iagent  avec  les  femmes  Sangos,  Yakonias 
et  Sakaras  des  rives  de  l'Oubangui  et  de  M'Bomou.  Leurs  traits  sont 
plus  agréables  que  ceux  des  femmes  du  Congo.  Leur  costume  est  des 
plus  primitifs  :  elles  se  voilent  aux  yeux  indiscrets  par  une  feuille  de 
bananier. 

Chez  les  Banziris  on  trouve  beaucoup  d'œufs,  de  poulets,  de  jjoissons 
et  de  chèvres,  la  vie  y  est  facile.  Le  pays  est  plat  et  non  boisé,  le  gibier 
abonde,  on  y  rencontre  des  antilopes  de  toute  espèce,  des  sangliers, 
des  éléphants,  des  bœufs  sauvages  ;  comme  fauves  on  y  trouve  la 
panthère  et  le  léopard.  Le  gibier  d'eau  y  est  également  très  abondant, 
canards  sauvages,  sarcelles,  oies  sauvages  et  diverses  espèces  d'oiseaux 
de  marais  et  de  rivière.  L'hippopotame  est  très  rare  dans  cette  partie  de 
la  rivière. 

Nous  arrivons  ensuite  au  Quango, petit  poste  où  le  vapeur  «Faidherbe» 
relâche,  grâce  à  son  faible  tirant  d'eau,  il  peut,  aux  hautes  eaux, 
traverser  les  rapides  et  naviguer  dans  ce  bief.  C'est  le  «  Faidherbe  », 
qui,  après  avoir  été  démonté,  sera  appelé  prochainement  à  traverser 
tantôt  par  voie  d'eau,  tantôt  par  voie  de  terre  l'Oubangui  et  le  Bahr- 
el-Gliazal  et  finira  par  atteindre  les  rives  du  Nil,  sur  lequel  il  fera  fière- 
ment flotter  le  pavillon  tricolore. 

Nous  repartons  le  lendemain  pour  Mobaï  où  nous  arrivons  le  9  mars. 
Le  poste  français  est  situé  sur  une  hauteur  rocheuse  à  un  endroit  de  la 
rivière  qui  forme  une  pointe.  Aux  pieds  du  poste  se  trouve  toute  une 
série  de  rapides.  En  face  sur  la  rive  de  l'Etat  Indépendant  l'on  aperçoit 
Banzyville,  poste  belge.  Les  indigènes  qui  habitent  sur  l'une  et  l'autre 
rive  appartiennent  à  la  tribu  Sango.  Ils  se  déplacent  avec  une  extrême 
facilité,  et  passent  d'une  rive  à  l'autre  dès  qu'ils  ont  commis  un  délit 
quelconque  ;  on  voit  même  des  villages  entièrement  abandonnés  par 
leurs  habitants,  qui  ne  se  sentant  plus  en  sécurité  vont  s'établir  sur 
l'autre  l'ive  jusqu'à  ce  que  les  méfaits  qu'ils  ont  pu  commettre  soient 
oubliés  ou  pardonnes.  Ces  migrations  sont  assez  fréquentes 

Les  Yakoraas  qui  habitent  une  région  située  plus  en   aval  du  cours 


-  ;m3  - 

(le  rOuban<4ui  onl,  sous  ce  rapport,  les  mêmes  habitudes  que  les  Sangos. 

Je  rencontre  au  ])Oste  de  Mobaï.  M.  l'Administrateur  Bruel  qui  com- 
mande la  région. 

Prévenu  de  notre  arrivée,  il  a  fait  recruter  des  pirogues  pour  nous 
conduire  jusqu'à  Ouango-M'Iiomou,  car  les  Ban/.iris  ne  dépassent  pas 
Mobaï.  11  y  a  là  un  relai  de  j)irogues. 

Pendant  les  cinq  jours  que  nous  passons  à  Mobaï  je  lais  reconsolider 
les  colis  qui  se  sont  abîmés  pendant  le  voyage.  Les  colis  s'abîment 
beaucoup  plus  dans  les  convois  par  voie  fluviale,  que  dans  les  convois 
par  voie  de  terre,  à  cause  de  l'eau  qui  embarque  cuntinuellement. 
(Test  ainsi  que  nous  constatons  de  graves  détériorations  parmi  nos  mar- 
cîian(lis(\s  ;  plus  de  trente  caisses  de  riz,  plusieurs  caisses  de  sucre  et 
de  calé  sont  complètement  gâtées,  il  en  est  de  même  pour  un  grand 
nombre  de  boîtes  de  conserves  de  bœuf.  Ce  n'est  que  le  commencement, 
car,  les  emballages  étant  pour  la  j)lupart  défectueux,  nous  aurons  fré- 
quemment, en  cours  de  route,  de  pareilles  constatations  à  faire  sans 
pouvoir  trop  y  remédier. 

Je  quitte  Mobaï  le  14  mars  avec  le  lieutenant  Mangiu.  00  tirailleurs 
et  un  gros  convoi.  Un  peu  avant  le  départ  nous  constatons  une  nouvello 
perte  de  douze  barres  de  sel  comprimé,  qui  sont  entièrement  fondues. 
La  pirogue  était  en  mauvais  état  et  pendant  la  nuit  l'eau  est  entrée  en 
grande  quantité  faisant  fondre  le  sel  qui  s'y  trouvait.  Le  factionnaire, 
comme  presque  toujours,  ne  s'est  aperçu  de  rien. 

Heureusement  qu'il  nous  reste  encore  une  abondante  provision  de  sel. 
Le  soir  nous  arrivons  au  poste  Guélorget  situé  en  pays  Yakomas  ;  il 
était  commandé  par  M.  Le  Mareschal. 

Guélorget  est  un  de  mes  anciens  compagnons  de  Mission  en  1893-94 
qui  fut  assassiné  et  mangé,  en  cet  endroit,  par  les  Yakomas;  sa  mort  fut 
vengée  sérieusement  peu  de  temps  après. 

Les  Yakomas  sont  de  féroces  cannibales  dans  le  genre  des  Bondjos  ; 
ils  ont  tous  les  défauts,  mais  ils  ont  le  mérite  d'être  bons  pagayeurs. 
On  doit  se  méfier  beaucoup  en  traversant  leurs  villages,  car  tout  est  à 
craindre  de  leur  part.  Leur  piraterie  est  connue  et  quoiqu'elle  soit  très 
sévèrement  réprimée,  ils  continuent  leurs  exploits  quand  ils  en  trouvent 
l'occasion.  A'oici  un  exemple  : 

Chargés  de  transporter  des  marchandises,  desarmesou  desmunitions, 
ils  profitent,  en  cours  de  route,  d'un  moment  où  les  tirailleurs  se  relâ- 
chent de  leur  surveillance  pour  jeter  à  l'eau  sans  bruit  et  en  un  point 
bien  repéré,  un  ou  plusieurs  colis,  qu'ils  viennent  chercher  au  retour. 


—  314  — 

C'est  surtout  sur  les  armes  et  les  munitions,  qu'ils  jettent  leur  dévolu. 

Après  avoir  passé  la  soirée  au  poste  de  Guélorget  nous  le  quittons  le 
lendemain,  et  continuons  notre  route.  La  plupart  de  nos  équipes  de 
pagayeurs  [appartenant  à  la  tribu  Yakoma,  il  a  été  recommandé  tout 
spécialement  à  nos  tirailleurs  de  veiller  très  consciencieusement  au 
matériel  de  leur  pirogue. 

Le  16  au  matin,  après  avoir  passé  l'ancien  poste  des  Abiras  et  l'em- 
bouchure de  rOuellé, affluent  de  droite,  nous  entrons  dans  le  M'Bomou, 
affluent  de  gauche  ;  le  M'Bomou  forme  à  proprement  parler  la  conti- 
nuation de  rOubangui,  qui,  à  partir  de  ce  point,  change  de  nom. 

La  rivière  ^M'Bomou  a  300  à  400  mètres  de  largeur,  elle  est  d'une  navi- 
gabilité assez  difficile  ;  de  nombreux  rapides,  dont  plusieurs  très 
dangereux,  et  de  fréquentes  chutes  obstruent  la  rivière,  il  faut  les 
contourner  sur  un  parcours  de  plusieurs  kilomètres  en  suivant  la  voie 
de  terre. 

Dans  la  soirée  nous  arrivons  sans  accident  à  Ouango-^rBomou,  poste 
français,  établi  sur  la  rive  droite  à  quelques  centaines  de  mètres  d'une 
série  de  gros  rapides  et  de  la  chute  Nansen  qu'il  est  impossible  de 
franchir,  et  qu'on  contourne  jusqu'à  Gozobangui,  distant  de  douze 
kilomètres.  Ouango-M'Bomou,  situé  sur  le  flanc  d'une  colline  rocheuse, 
est  un  point  de  transit  pour  le  ravitaillement  des  postes  avancés  du 
Haut-Oubangui  ;  ce  poste  est  commandé  par  un  officier  du  cadre  des 
tirailleurs  sénégalais  et  a  une  garnison  d'une  quarantaine  d'hommes. 

Les  populations  de  cette  région  appartiennent  à  la  tribu  des  Dundis, 
race  de  pillards  et  de  voleurs,  qui,  dans  le  dessein  de  dérober  des 
armes,  n'hésitent  pas  à  s'introduire  pendant  la  nuit  dans  le  poste, 
quoiqu'il  soit  défendu  par  une  forte  enceinte  de  palanques. 

Plusieurs  vols  ont  été  commis  dans  ces  conditions  ;  les  Dundis  sont 
de  la  même  famille  que  les  Yakomas,  ils  ont  le  même  idiome  ;  leurs 
mœurs  et  leurs  coutumes  sont  tout  à  fait  semblables.  Ce  sont  des  canni- 
bales endurcis  ;  il  n'est  pas  rare,  lorsqu'on  pénètre  dans  leurs  cases, 
d'y  voir  soit  un  bras,  soit  unejambe  fumés  mis  en  réserve.  Ils  poussent 
le  désir  de  manger  de  la  chair  humaine  jusqu'à  déterrer  des  cadavres 
enfouis  dei)uis  quinze  jours  parfois,  et  déjà  en  état  de  putréfaction. 

L'atrocité  de  ces  scènes  de  cannibalisme  dépasse  tout  ce  qu'on  peut 
imaginer,  et  on  ne  comprend  pas  comment  de  pareilles  orgies  n'engen- 
drent pas  des  maladies. 

Il  convient  de  dire,  pour  l'honneur  de  notre  pavillon,  que  ces  scènes 
se  passent  dans  le  plus  grand  secret,  car  les  Dundis  savent  bien  que,  si. 


—  315  — 

elles  étaient  connues  de  l'autorité  française,  elles  seraient  réprimées 
très  sévèrement. 

Je  séjourne  plusieurs  jours  à  Ouango-M'Bomou,  mon  temps  se  passe 
à  mettre  les  colis  en  bon  état  et  à  éliminer  les  vivres  et  marchandises 
avariés  ;  c'est  ainsi  qu'un  certain  nombre  de  caisses  de  riz,  de  sucre  et  de 
café  ainsi  que  plus  de  deux  cents  kilogr.  de  conserves  de  bœuf  en  boîtes 
sont  condamnés  et  jetés. 

A  ce  sujet  je  dois  signaler  un  fait  suggestif  qui  s'est  passé  le  jour 
même  où  nous  avons  dû  faire  le  sacrifice  de  ces  denrées  avariées. 
Dans  la  matinée  le  lieutenant  Mabieu,  des  tirailleurs  sénégalais,  de 
passage  au  poste,  avait  tué  à  la  chasse  trois  grandes  antilopes  qu'il  avait 
fait  distribuer  aux  tirailleurs  de  la  compagnie  d'escorte  et  à  ceux  du 
poste,  une  centaine  d'hommes  en  tout.  Quelle  fut  notre  stupéfaction  en 
voyant  que  les  deux  cents  kilos  de  conserves  de  bœuf,  précédemment 
jetés,  comme  entièrement  gâtés, avaient  été  ramassés  et  mis  à  la  cuisson. 
Les  odeurs  pestilentielles,  qui  s'échappaient  des  marmites  et  qui  emplis- 
saient le  poste,  nous  apprenaient  suffisamment  ce  qui  s'était  passé.  Le 
lendemain  soir,  c'est-à-dire  en  moins  de  trente-six  heures,  il  ne  restait 
plus  rien. 

Le  fait  par  nos  tirailleurs  de  manger  de  la  viande  pourrie,  soit  de 
bœuf,  soit  de  tout  autre  animal,  et  même  de  manger  du  poisson  pourri 
s'est  manifesté  assez  souvent  pendant  le  cours  de  la  Mission.  Je  suis 
tenté  de  croire  que  le  noir  a  des  organes  digestifs  qui  ne  ressemblent 
pas  aux  nôtres. 

A  Ouango-M'Bomou  on  commence  à  entrer  en  relations  avec  la 
nation  N'Sakara,  dont  le  grand  chef  est  le  «  Sultan  »  Bangassou. 
Quelques  villages  sont  établis  dans  cette  zone,  et  j'ai  pu  assister  à  la 
visite  de  plusieurs  chefs  qui  venaient  présenter  leurs  hommages  au 
commandant  du  poste. 

Le  pays  N'Sakara  s'étend  sur  une  longueur  de  plus  de  deux  cents 
kilomètres,  il  a  un  commencement  d'organisation  ;  les  villages  ont 
chacun  un  chef,  soumis  lui-même  à  l'autorité  d'un  autre  chef  plus 
important  qui  commande  dix  ou  quinze  villages,  c'est  presque  toujours 
un  membre  de  la  famille  de  Bangassou. 

Le  Sultan  réunit  tout  le  peuple  N'Sakara  sous  son  autorité;  il  va  sans 
dire  qu'il  est  souverain  absolu  avec  droit  de  vie  et  de  mort  sur  tous 
ses  sujets  sans  distinction.  Les  hommes  et  les  femmes  sont  tous  sa 
propriété  absolue  et  il  en  dispose  comme  bon  lui  semble. 

Le  N'Sakara  quoique  cannibale  est  d'un  naturel  doux,  c'est  un  des 


—  316  — 

plus  beaux  types  de  noirs  que  j'ai  rencontrés  ;  très  soumis,  il  s'adonne 
principalement  à  la  chasse  au  gros  gibier.  Comme  toutes  les  autres 
peuplades  il  est  armé  de  la  sagaie,  de  l'arc  et  de  la  flèche,  et  aussi  du 
couteau. 

Le  Sultan  possède  une  garde  parliculière  de  plusieurs  centaines 
d'hommes  armés  de  fusils  à  piston,  Gras,  Albini  et  Remington.  Chaque 
chef  a  aussi  quelques  fusils.  En  cas  de  guerre  contre  une  peuplade 
voisine  (ce  qui  a  lieu  au  moins  une  fois  par  an),  le  Sultan  lève  dans 
chaque  village  un  certain  nombre  de  guerriers,  et  lorsqu'il  ne  prend 
pas  le  commandement  lui-même,  il  désigne  un  de  ses  fils  pour  le  rem- 
placer. 

Ces  luttes  entre  peuplades  sont  faites  sous  des  prétextes  futiles,  mais 
la  raison  véritable  est  le  ravitaillement  en  bétail  humain  ;  c'est  par 
centaines  que  les  malheureux  vaincus  se  voient  réduits  en  esclavage. 
La  campagne  se  termine  par  une  orgie  monstre,  et  on  égorge  une 
certaine  quantité  de  prisonniers  pour  servir  au  repas  des  vainqueurs. 

La  peuplade  Boubou  qui  habile  sur  la  rive  droite  de  la  Kotto, 
affluent  de  droite  de  l'Oubangui,  est  presque  chaque  année  l'adversaire 
choisi  par  les  N'Sakaras.  Ces  derniers  sont  presque  toujours  vainqueurs. 
Mais  il  arrive  aussi  que  la  victoire  reste  indécise,  car  les  Boubous  sont 
très  braves,  et  font  parfois  subir  de  grosses  pertes  à  leurs  ennemis. 
La  rivière  Kotto  forme  une  frontière  naturelle  et  salutaire  entre  les 
deux  peuplades. 

Les  femmes  N'Sakaras  présentent  un  des  plus  beaux  types  de 
l'Afrique  centrale,  elles  portent  le  même  vêtement  que  les  femmes 
Bauziris. 

Les  mœurs  de  ces  peuplades  sont  très  relâchées.  Bangassou  possède 
plusieurs  centaines  de  femmes  et  de  nombreux  enfants,  mais  ses  filles 
ne  peuvent  pas  se  marier,  aucun  chef  N'Sakara  n'étant  digne  de  cet 
honneur.  Elles  jouissent  néanmoins  d'une  très  grande  liberté,  et  accom- 
pagnées d'une  suivante  et  d'un  ou  plusieurs  esclaves  elles  vont  où  bon 
leur  semble. 

Chaque  chef  N'Sakara  a  sa  musique,  le  nombre  des  instrumentistes 
est  réglé  suivant  l'importance  de  la  situation  qu'il  occupe;  cette  musique 
se  compose  de  trompes  en  ivoire,  au  son  grave ,  de  petites  flûtes 
en  bois,  de  tamtams  et  de  sonnettes,  l'ensemble  en  est  assez  harmo- 
nieux. 

Depuis  l'occupation  française,  le  sultan  Bangassou  et  les  membres  de 
sa  famille  ne  mangent  plus  de  chair  humaine,  c'est  déjà  un  grand  pas 


—  317  — 

de  fait,  pelit  à  petit  on  arrivera  à  détruire  coinplèleinerit  ces  mœurs 
barbares  qui  sont  encore  profondément  enracinées  chez  ces  peuples. 
D'ailleurs  pour  cela  il  faudrait  occuper  plus  efficacement  la  colonie, 
car  les  trois  compagnies  de  tirailleurs  sénégalais  qui  s'y  trouvent 
actuellement  ne  suffisent  pas  à  couvrir  un  territoire  de  plus  de 
900  kilomètres  de  long  sur  200  kilomètres  de  large.  Bangassou  rend 
lui-même  la  justice  tous  les  matins  de  7  heures  à  midi.  Ses  sentences 
sont  toujours  religieusement  exécutées. 

Un  dernier  détail  sur  les  mœurs  X'Sakaras  :  toute  jeune  et  jolie  fille 
est  offerte  au  sultan ,  qui  l'accepte  soit  pour  lui-même,  soit  pour  en 
faire  cadeau  à  un  chef  à  titre  de  récompense.  En  général  cette  offrande 
n'est  pas  faite  de  bon  cœur,  mais  elle  est  obligatoire  ;  si  on  la  lui  refusait, 
le  sultan  userait  de  son  autorité  pour  faire  valoir  ses  droits.  J'ai 
remarqué  que  tout  le  monde  était  heureux  de  son  sort  chez  Bangassou  ; 
on  se  plaisait  à  reconnaître  qu'il  n'était  pas  méchant  homme.  S'il  fait 
de  temps  en  temps  couper  quelques  têtes,  c'est  qu'il  juge  ces  exécu- 
tions nécessaires  pour  maintenir  la  bonne  harmonie. 

Je  quitte  Ouango  ^l'Bomou  le  28  mars,  j'arrive  à  Gozobangiii  quelques 
heures  après,  puis  je  repars  le  lendemain  pour  Bozégui  par  voie 
fluviale  ;  la  rivière  entre  ces  deux  points  est  sillonnée  de  rapides  qui 
peuvent  être  franchis  en  pirogue.  Il  faut  encore  faire  quatre  kilomètres 
à  pied  pour  se  rendre  au  poste,  car  le  poste  de  Bozégui  a  été  créé  pour 
assurer  les  communications  par  voie  de  terre,  la  navigabilité  du  fleuve 
étant  interrompue  par  des  chutes  et  des  rapides  dangereux. 

Je  reçois  l'ordre  de  continuer  ma  roule  sur  Bangassou  situé  à 
35  kilomètres  au  Nord-Est.  De  Bozégui,  la  navigation  fluviale  recom- 
mence, mais  en  raison  des  nombreux  transports  de  malériel  de  mission 
et  du  peu  d'embarcations  disponibles  je  pars  par  voie  de  terre.  Après 
avoir  passé  la  nuit  au  village  de  Zaguro,  j'arrive  le  lendemain  matin  à 
Bangassou,  résidence  du  sultan,  où  est  établi  un  pusie  commandé  par 
un  lieutenant  des  tirailleurs  sénégalais  ;  la  garnisun  se  compose  d'un 
peloton  (70  hommes). 

Je  retrouvai  à  Bangassou  les  lieutenants  Mangin,  Largeauel  Simon, 
le  docteur  Emily  et  la  plus  forte  partie  de  la  compagnie  d'escorte. 

Le  lieutenant  Largeau  s'occupait  de  la  réfection  des  colis  endom- 
magés par  le  transport  fluvial:  Beaucoup  de  nos  ballots  d'étoffes  étaient 
avariés  par  suite  du  mauvais  emballage.  On  perdit  aussi  une  certaine 
partie  de  marchandises  d'échange  et  divers  objets  de  pacotille.  Nos 
liquides  (vin  et  tafia",   qui   voyageaient   en  bouteilles  depuis  Loango 


—  '310  — 

avaient  subi  très  peu  de  pertes,  chaque  bouteille  avait  été  au  préalable 
entourée  de  paille  pour  éviter  les  chocs,  et  notre  surveillance  se  portait 
principalement  sur  les  porteurs,  car  le  tafia  avait  pour  eux  un  certain 
attrait.  Je  puis  assurer  que  sur  la  totalité  des  liquides  transportés  sous 
la  surveillance  des  membres  de  la  Mission  la  perte  a  été  insignifiante 

(2p.7o). 

Les  lieutenants  Mangin  et  Simon,  le  docteur  Emily  et  moi  attendons 

la  première  occasion  pour  nous  diriger  sur  Raphaï  (150  kilomètres  à 

l'est  de  Bangassou). 

Je  manquerais  à  la  vérité  si  je  ne  signalais  les  bonnes  relations  que 
nous  avons  tous  eues  avec  le  sultan.  Bangassou  a  montré  la 
meilleure  volonté  et  le  plus  grand  zèle  à  nous  procurer  les  centaines 
de  porteurs  qui  nous  étaient  indispensables  pour  le  transport  de  notre 
matériel.  On  aurait  pu  utiliser  la  voie  du  fleuve,  mais  les  embarcations 
manquaient,  car  plus  on  remonte  le  M'Bomou,  plus  les  pirogues 
deviennent  rares. 

Le  lieutenant  Simon  quitte  Bangassou  le  8  avril  et  le  9  je  le  quitte  à 
mon  tour.  J'ai  un  convoi  de  300  porteurs,  avec  lesquels  je  n'ai  pas  eu 
trop  de  difficultés,  c'est  surtout  le  passage  des  marécages  qui  nous 
occasionne  les  plus  grandes  fatigues. 

Le  14  je  couche  sur  la  rive  gauche  du  Schinko,  affluent  de  droite  du 
M'Bomou,  et  le  lendemain  matin  j'arrive  chez  Raphaï,  premier  sultan 
Zandé  ou  Nyam-Njam.  Je  ne  sais,  s'il  est  vrai,  que  les  Zandés  aient 
jadis  été  les  plus  grands  cannibales  du  Centre  africain,  mais  pour  ma 
part  je  puis  assurer  que  jamais  je  ne  leur  ai  vu  manger  une  seule  fois 
de  la  chair  humaine. 

Les  marchandises  s'entassaient  déjà  par  centaines  dans  les  magasins 
du  poste  et  plusieurs  convois  étaient  même  partis  pour  Zémio,  résidence 
d'un  autre  sultan  Zandé,  distante  de  Raphaï  de  140  kilomètres  à  l'Est. 

Le  lieutenant  Simon  tombe  gravement  malade  et  son  état  nous 
donne  de  vives  inquiétudes  pendant  quelques  jours.  Moi-même  j'ai  de 
très  forts  accès  de  fièvre,  qui  m'obligent  à  m'aliter.  L'arrivée  du 
docteur  Emily  nous  cause  un  certain  plaisir.  11  demande  d'urgence 
le  rapatriement  du  lieutenant  Simon  et  le  mien  que  je  décline. 

Le  lieutenant  Mangin  arrive  également  avec  un  gros  convoi  et  un 
fort  détachement  de  nos  Soudanais,  il  ne  reste  en  arrière  que  les 
capitaines  Marchand  et  Baratier,  l'enseigne  Dyé  et  les  sergents  Dat  et 
Vénail,  qui  à  cette  date  (25  avril  1897)  devaient  quitter  Bangui. 

Le  2  mai  un  courrier  urgent  de  notre  chef  de  mission  donne  l'ordre 


—  320  — 

au  capitaine  Germain,  qui  se  trouvait  déjà  à  Zemio,  de  retourner  à 
Ouango  M'Bomou  pour  prendre  la  direction  tlu  démontage  du 
«  Faidherbe  »  et  de  son  transport  tant  par  voie  fluviale  que  par  voie 
de  terre  jusqu'au  Soué,  affluent  du  Balir-el-Ghazal,  c'est-à-dire  sur  une 
distance  de  plus  de  70)  kilomètres.  Le  mécanicien  Souyri  de  la  flottille 
du  Haut-Oubangui  était  attaché  à  la  Mission  et  mis  à  la  disposition 
du  capitaine  Germain  ;  il  en  était  de  même  de  M.  Bobichon,  adminis- 
trateur colonial  chargé  des  transports  par  voie  fluviale  sur  l'Oubangui. 
L'ordre  rappelant  le  capitaine  Germain  me  concernait  également  ; 
j'étais  mis  aussi  à  la  disposition  du  capitaine  pour  ces  travaux  qui 
devaient  nous  faire  rester  en  arrière  de  la  Mission  pendant  près  de 
huit  mois. 

Je  quitte  Raphaï  le  8  mai  pour  gagner  Dramani,  situé  à  25  kilo- 
mètres en  aval  sur  la  rive  droite  du  M'Bomou  ;  comme  j'avais  reçu  du 
lieutenant  Mangin  l'ordre  de  relever  le  cours  du  M'Bomou  entre  Raphaï 
et  Bangassou  je  prends  la  voie  fluviale.  Ma  pirogue  qui  était  fort  ])elite 
était  montée  par  trois  pagayeurs  que  j'avais  eu  beaucoup  de  peine  à 
trouver,  car  les  Zandés,  môme  riverains  de  fleuves  et  rivières,  ont  une 
peur  eff"royable  de  l'eau  et  n'utilisent  pas  les  cours  d'eaux  ;  de  sorte 
que  de  Raphaï  aux  sources  du  M'Bomou  (5  à  600  kilomètres)  il  existe 
à  peine  quatre  ou  cinq  pirogues  dont  on  se  sert  rarement. 

Le  lendemain  de  mon  départ  de  Dramani,  voulant  forcer  la  chute  de 
N'Goulburou,  je  chavire  et  j'y  perds  mes  pagayeurs  ;  j'ai  la  chance  de 
m'en  tirer,  je  me  réfugie  dans  un  village  X'Sakara  près  de  là  où  je 
ti'ouve  d'autres  pagayeurs  pour  continuer  ma  route. 

Le  li  mai  j'arrive  exténué  à  Bangassou,  je  manquais  de  vivres  depuis 
deux  jours. 

Le  16  je  reprends  la  route  de  Bozégui  puis  celle  de  Gozobangui  et 
enfin  celle  de  Ouango.  Je  trouve  à  quelques  kilomètres  avant  d'arriver 
au  poste,  les  capitaines  Marchand  et  Baratier,  les  sergents  Dat  et  Venail, 
campés  sur  la  route  où  ils  sont  en  train  de  préparer  la  voie  pour  le 
passage  du  «Faidherbe».  De  nombreux  travailh-ui-s  Sakaras  travaillent 
sur  la  route.  Je  trouve  également  une  quarantaine  de  Yakomas  que  le 
capitaine,  chef  do  Mission,  avait  fait  j)risonni(M'S  à  la  suite  d'un  vol 
d'arnuîs  pendant  h;  trajet  en  jiirogue  de  Mo])aï  à  Ouango.  Les  indi- 
gènes n'ayant  j)as  voulu  restituer  les  fusils  (8).  plusieurs  équipes  de 
l)agay(.'urs  Yakomas,  a])pàrtenant  à  la  tribu  soui)ço!niée  d'avoir  commis 
le  vol,  furent  gardées  à  vue  et  emmenées  à  la  suite  de  la  Mission.  Ces 


—  321  — 

pagayeurs  devaient  plus  lard,  sur  le  Bahr-el-Ghazal,  nous  rendre  les 
plus  grands  services. 

Je  couche  au  campement,  heureux  de  me  retrouver  au  milieu  de  mes 
compagnons,  et  le  lendemain  nous  nous  quittons,  je  ne  devais  plus  les 
revoir  qu'en  décembre. 

Le  18  mai  j'arrive  au  poste  d'Ouango,  où  je  m'installe  pour  quelque 
temps. 

Les  gros  et  durs  travaux  allaient  commencer,  nous  étions  remplis  de 
courage  et  d'espoir  ;  le  transport  d'un  petit  vapeur  sur  les  sentiers  du 
centre  de  l'Afrique  n'était  pas  un  travail  vulgaire,  mais  nous  avions 
tous  la  volonté  de  réussir,  et,  comme  on  le  verra,  nos  efforts  furent 
couronnés  de  succès. 

Le  11  juin  deux  hoats  acier  et  le  «  Faidherbe  »  arrivent  à  Ouango  ; 
la  machine  du  polit  vapeur  est  démontée  ,  on  aura  déjà  assez  de 
difficultés  à  vaincre  pour  transporter  les  chaudières  qui  pèsent  chacune 
sept  cents  kilogrammes,  et  de  plus  les  deux  boats  qui  ont  l'un  dix  et 
l'autre  douze  mètres  de  longueur. 

MM.  Bobichon  et  Souyri  sont  chargés  du  transport  de  notre  matériel 
fluvial  ;  ils  ont  sous  leurs  ordres  plus  de  cent  pagayeurs  Banziris  et 
Sangos,  que  M.  Bobichon,  grâce  à  sa  grande  connaissance  de 
rOubangui,  a  pu  recruter.  Ces  indigènes  doivent  accompagner  le 
«  Faidherbe  »  jusqu'à  ce  qu'on  ne  puisse  plus  naviguer.  Il  va  sans 
dire  que  M.  Bobichon  à  qui  revient  tout  le  mérite  d'avoir  su  recruter 
ce  personnel  Banziri  et  Sango,  a  éprouvé  à  ce  sujet  les  plus  grandes 
difficultés,  car  c'est  la  première  fois  que  ces  populations  essentiellement 
stables  quittent  leurs  villages  pour  aller  aA^ec  des  blancs  vers  l'inconnu. 

Après  de  très  sérieuses  réliexions,  le  capitaine  Germain  décide  qu'il 
est  plus  pratique  de  démonter  le  «  Faidherbe  »  en  plusieurs  tranches. 
Le  transport  en  sera  ainsi  plus  facile  et  le  remontage  n'ofi"rira  pas  de 
difficultés. 

On  se  met  à  l'œuvre  et  le  «  Faidherbe  »  quelques  jours  après 
est  démonté  en  cinq  tranches  dans  le  sens  de  la  largeur.  Sur  ces  entre- 
faites je  reçois  l'ordre  de  préparer  le  passage  de  tout  le  matériel  entre 
Irikana  et  Bozégui.  J'avais  à  vaincre  une  grosse  difficulté  ,  celle  de 
rendre  praticable  une  colline  rocheuse  à  pente  très  raide,  située  un 
peu  avant  d'arriver  au  poste  de  Bozégui.  y  y  parvins  avec  l'aide  de  mes 
travailleurs  Sakaras  qui  montrèrent  beaucoup  de  bonne  volonté.  Après 
avoir  fait  rouler  les  énormes  blocs  de  roc,  je  fais  nettoyer  la  roule 
tracée  et  ensuite  installer  une  glissière  taillée  dans  de  gros  arbres.  Le 

21 


—  322  — 

21  juiu  lûiil  est  prêt,  M.  Bobichoii  est  arrivé  la  veille  avec  les  boats  en 
acier  et  les  pièces  de  machine.  De  bonne  heure,  nous  nous  mettons 
à  l'œuvre,  le  22  le  soir  même  le  vapeur,  ses  chaudières,  les  deux  boats 
en  acier  avaient  franchi  les  quatre  kilomètres  et  étaient  prêts  à  être 
eml  arqués  sur  de  grandes  pirogues  accouplées,  pour  être  dirigés  sur 
B.ingassou.  Ces  travaux  ont  été  exécutés  avec  beaucoup  de  peine  mais 
heureus  -ment  sans  accident. 

Le  l'^''  juillet,  j'arrive  à  Bangassou  avec  les  dernières  pièces  du 
«  Faidli^rbe  ». 

A  p;iriir  de  ce  point  notre  petit  groupe  se  disloque,  le  capitaine 
Germain  et  M.  Bobichon  vont  suivre  eu  pirogue  la  voie  du  M'Bomou 
avec  toutes  les  embarcations.  M.  Souyri  et  moi  prenons  la  route  de 
terre  avec  une  centaine  de  colis  de  machines. 

Le  1(3  juillet,  j'arrive  seul  à  Baphaï,  M.  Souyri,  pris  d'un  accès  de 
fièvre  ])ilieuse  hématurique,  le  jour  de  notre  départ  de  Bangassou,  est 
retourné  dans  ce  poste  pour  se  refaire. 

Le  convoi  fluvial  a  dépassé  Dramani,  il  se  trouve  à  quelques  kilo- 
mètres en  amont  de  ce  village  à  Baguécé.  A  ce  point  l'on  est  dans 
l'obligation  de  décharger  et  de  transporter  par  terre  tout  le  matériel, 
y  compris  les  embarcations  sur  un  parcours  de  près  de  deux  kilomètres 
à  cause  d'un  barrage  de  la  rivière.  Ce  sont  des  travailleurs  fournis 
par  Raphaï.  qui  sont  employés  à  traîner  sur  terre  ce  matériel.  11  faut 
avoir  été  en  contact  avec  les  noirs  exécutant  de  gros  travaux  pour  se 
faire  une  idée  de  la  patience  et  de  l'énergie  nécessaires  pour  arriver, 
en  pareil  cas,  à  obtenir  un  résultat  satisfaisant. 

Après  quelques  jours  de  repos  à  Raphaï,  je  prends  la  route  de  Sémio 
avec  mon  convoi,  je  ne  raconterai  pas  de  nouveau  les  déboires  que  j'ai 
eus  avec  mes  porteurs,  ni  je  ne  m'étendrai  pas  sur  les  renseignements 
géographiques  de  ces  régions,  j'ai  raconté  tout  cela  dans  mes  relations 
écrites  à  la  Société  de  géographie  de  Lille,  en  cours  de  mission,  je  me 
bornerai  simplement  à  indiquer  sommairement  et  rapidement  la 
situation  de  la  Mission  au  point  de  vue  travaux  pendant  les  derniers 
mois  de  l'année  1897. 

Le  2  août  j'arrive  à  Sémio  avec  mon  convoi  au  complet  sans  avoir 
perdu  aucune  pièce  de  toute  la  machinerie  du  «  Faidherbe  »  (1). 


(1)  ORDRE  N'  16.  —  Le  Capitaine  Couimissaire  du  Gouvernement  en  mission 
spéciale,  adjoint  à  l'Oubanj^^ui,  Chef  de  la  Mission  du  Nil,  Officier  de  la  légion 
d'honneur,  est  heureux   de  signaler  à  tout  le  personnel  placé  sous  ses  ordres, 


•  —  323  - 

Le  surlendemain  le  convoi  fluvial  arrive  au  poste,  tout  va  bien  ;  en 
raison  du  nombre  inusité  de  ce  supplément  de  personnel  on  avait 
préparé  à  grand'peine  des  vivres  pour  quelques  jours. 

M.  Bobichon  continue  sa  route  sur  le  M'Bomou  avec  son  convoi,  le 
capitaine  Germain  reste  à  Sémio  poui*  diriger  le  recrutement  des 
porteurs.  Cette  tâche  n'est  pas  facile,  d'autant  plus  que  le  sultan  Sémio 
se  fait  tirer  l'oreille  pour  en  fournir  ;  on  est  même  obligé  de  le  menacer 
quelquefois,  mais  sans  aucun  succès,  car  ce  chef,  le  plus  puissant  des 
sultans  Zandès,  ne  craint  que  M.  le  Gouverneur  Liotard  qui  a  su 
prendre  un  certain  empire  sur  lui. 

De  nombreux  colis  appartenant  à  la  Mission  sont  encore  en  souffrance 
dans  les  magasins,  et  il  a  fallu  ruser  longtemps  avec  Sémio  pour 
obtenir  le  complet  transport  sur  M'Bima  de  tout  ce  matériel.  Je  n'ai 
reçu  les  dernières  charges  à  M'Bima  qu'en  novembre. 

Le  13  août  je  merends  à  Signaraba  pour  organiser  le  recrutement 
des  porteurs  dans  cette  région,  et  surtout  le  ravitaillement  des  gros 


rheureu.se  arrivée  à  Zémio  du  deuxième  groupe  de  la  mission  commandé  par  le 
capitaine  Germain,  avec  le  vapeur  «  Faidherde  ». 

Il  adresse  au  capitaine  Germain  ses  plus  vives  félicitations  pour  ce  résultat 
remarquable,  œuvre  d'énergie  et  de  célérité  méthodique,  qui  n'a  pu  être  acquis 
qu'au  prix  de  grandes  fatigues  et  d'un  dévouement  enthousiaste. 

Grâce  à  l'activité  du  personnel  du  deuxième  groupe,  grâce  à  la  volonté  du  chef, 
grâce  au  zèle  intelligent  de  tous,  le  premier  vapeur  Français  a  remonté  jusqu'aux 
limites  extrêmes  du  bassin  du  Congo  et  va  bientôt  porter  les  couleurs  nationales 
sur  le  Nil  —  la  première  page  du  Livre  d'Or  que  la  patrie  va  demander  à  ses  fils 
d'écrire  dans  ces  régions  célèbres,  jusqu'à  présent  fermées  avec  un  soin  jaloux  à 
nos  investigations,  sera  tracée  par  le  «  Faidherbe  ».  —  Il  y  a  là  un  événement  que 
le  chef  de  la  mission  du  Nil,  ne  pouvait  passer  sous  silence  —  il  en  laisse  tout 
l'honneur  au  personnel  du  deuxième  groupe  et  prie  son  chef  de  transmettre 
l'expression  de  sa  plus  vive  .satisfaction  à  ses  vaillants  collaborateurs  :  M.  l'Admi- 
nistrateur Bobichon,  le  Second-Maître  Mécanicien  Souyri,  l'Adjudant  De  Prat  —  à 
chacun  desquels  une  copie  du  présent  ordre  sera  remise. 

Il  remercie  également  les  officiers  des  troupes  du  Haut-Oubangui  qui  ont  favorisé 
et  appuyé  ce  grand  effort. 

Le  capitaine  Baratier  qui  ouvre  la  route  au  deuxième  groupe  en  faisant  en  avant 
l'exploration  du  M'Bomou  et  l'hydrographie  du  fleuve,  est  heureusement  entré 
dans  la  rivière  M'Bomou  qu'il  a  trouvée  navigable  et  se  porte  sur  M'Bima  pour 
passer  dans  la  vallée  de  la  Nomotifla,    affluents  du  Soué  ,  sous-tributaire  du  Nil. 

Les  officiers  et  troupes  du  premier  groupe  avec  le  grand  convoi  de  la  mission 
attendent  à  leur  camp  de  Koggalé,  sur  le  Soué,  leurs  camarades  du  deuxième. 

Fort-Hossinger,  le  30  juillet  1897. 
MARCHAND. 


—  324  — 

convois  parlant  de  Sémio  sur  M'Bima.  J'ai  déjà  dit,  dans  mes  comptes 
rendus  à  la  Société  de  géographie,  combien  étaient  pauvres,  et  presque 
sans  ressources  tous  ces  villages  établis  entre  Sémio  et  Tamboura 
(fort  Hossinger).  On  comprendra  facilement  la  difficulté  qu'il  y  avait  à 
ravitailler  :  j'ai  vu  plusieurs  porteurs  mourir  d'inanition.  Beaucoup 
mangeaient  des  racines  et  des  branchages  ;  ces  malheureux  présentant 
l'aspect  de  squelettes  et  portant  une  charge  de  30  kilos  sur  la  tête  ne 
pouvaient  parcourir  cinquante  mètres  sans  tomber. 

Après  un  séjour  de  deux  mois  à  Signamba,  séjour,  que  je  me  rappel- 
lerai toujours,  je  me  dirige  sur  M'Bima  avec  le  capitaine  Germain, 
qui  m'avait  pris  au  passage  et  qui  me  quitta  à  M'Bima  pour  continuer 
sur  Tamboura. 

Au  momeîit  où  j'arrive  à  M'Bima,  25  octobre  1897,  la  Mission 
occupait  les  points  suivants  ;  le  lieutenant  Maugin  était  parti  sur  le 
Soué  installer  le  poste  des  Rapides  et  un  peu  plus  tard  celui  de  Fort- 
Desaix. 

Le  capitaine  Germain  se  dirigeait  sur  Kodzioli  ou  poste  arsenal  où 
M.  Souyri  commençait  le  montage  du  «  Faidherbe  ». 

Les  capitaines  Marchand  et  Baratier,  les  lieutenants  Largeau  et 
Goulj  (des  tirailleurs  sénégalais),  le  doctcurEmily  et  le  sergent  Bernard 
étaient  à  Tamboura,  où  les  uns  se  tenaient  en  permanence  pour  assurer 
les  transports,  et  les  autres  sillonnaient  les  environs  relevant  le  terrain. 
En  passant,  je  tiens  à  dire  que  les  travaux  de  topographie  exécutés  par 
la  Mission  sont  considérables. 

Le  capitaine  Baratier  et  le  lieutenant  Largeau  sont  avec  le  capitaine 
Marchand  les  membres  de  la  Mission  qui  ont  le  plus  participé  à  cette 
œuvre. 

A  M'Bima  je  remplace  le  sergent  Dat  appelé  à  Tamboura.  C'est  en 
cet  endroit  que  les  porteurs  de  Sémio  déposent  leurs  charges  qui  sont 
ensuite  reprises  par  les  porteurs  du  sultan  Tamboura.  Ces  derniers 
doivent  à  leur  tour  les  transporter  au  poste  des  Rapides  en  passant 
par  Kodzioli,  poste  arsenal  du  Soué,  car  la  baisse  des  eaux  survenue 
en  décembre  ne  permettait  plus  de  se  servir  de  la  rivière  pour  effectuer 
les  transports. 

M.  l'enseigne  de  vaisseau  Dyé,  qui  était  retourné  à  Bangui  pour 
chercher  les  pièces  de  rechange  destinées  au  «Faidherbe»,  arrive  à 
M'Bima  dans  les  premiers  jours  do  novembre  ;  il  amène  en  outre  le 
chaland  en  aluminium  «  Etienne  »  qui  avait  élé  Iranspurlé  tUms 
rOubangui  en  1894  (Mission  Decazes)  d  (jui  no  servait  plus  jjeaucuup. 


.  -  ■^2o  — 


ITINERAIRE  DE  LA  PROVINCE 

DUBAHR  ELGHAZAL 


VJ  de  Semio  à  la  Meschra 
pan     F'    Des  a  IX 

2^  de  Semio  à  Fort  Dupleix 


—  32(1  — 

Ce  chaland  transporté  sur  le  Soué  rendit  par  la  suite  de  grands 
services. 

Il  est  vrai  que  lors  de  son  premier  voyage  du  poste  arsenal  à  celui 
des  Rapides  il  coula  deux  fois  de  suite  avec  tout  sou  matériel  ;  on  ne 
perdit  relativement  que  peu  de  colis  et  on  fut  assez  heureux  pour 
pouvoir  le  remettre  à  flot  et  le  conduire  des  Rapides  à  Fort-Desaix. 

Le  3  décembre,  après  avoir  tiré  des  villages  du  chef  M'Bima  tout  ce 
qu'on  pouvait  en  tirer  en  vivres  et  en  porteurs,  je  me  dirige  sur 
Fort-Hossinger,  que  j'atteins  le  6.  Tout  le  matériel  de  la  Mission, 
vivres,  marchandises  et  flottille,  a  été  évacué  des  postes  de  TOubangui 
et  est  parvenu  sans  trop  de  pertes  au  poste  «  Fort  Hossinger  »  situé  sur 
les  territoires  du  sultan  Zandé  Tamboura,  à  l'extrême  limite  du  bassin 
du  Nil  et  séparé  de  celui  du  Congo  par  de  légers  plis  de  terrain  à 
20  kilomètres  en  deçà  de  Fort-Hossinger.  Les  tribus  soumises  à  l'auto- 
rité du  sultan  Zandé  dans  ces  régions,  appartiennent  à  diverses  races  ; 
les  principales,  après  les  Banziris  et  les  Zandès,  sont  les  Pembias,  les 
Barès  et  les  Bangos.  Leurs  mœurs  sont  identiques  à  celles  des  peuplades 
de  l'Afrique  Centrale.  Tous  ces  indigènes,  comme  du  reste  ceux  des 
contrées  déjà  parcourues  par  nous,  ont  été  mobilisés  pour  le  transport 
de  nos  nombreuses  charges. 

«  Fort  Hossinger  »  est  un  joli  poste  établi  sur  le  bord  du  Yobo,  petit 
affluent  du  Soué.  Ce  poste  a  été  construit  en  1895  par  le  capitaine 
H(jssinger,  dont  il  prit  le  nom  à  la  mort  de  cet  officier  assassiné  par  un 
tirailleur  sénégalais  en  juillet  1890. 

A  l'arrivée  de  la  mission,  il  était  commandé  par  le  lieutenant  Gouby, 
du  Régiment  de  tirailleurs  sénégalais.  Cet  officier,  plein  d'énergie  et 
d'entrain,  rendit  à  la  Mission  les  plus  signalés  services  et  mourut  des 
suites  de  fièvres  bilieuses  hématuriques  à  Bia  pendant  le  cours  d'une 
reconnaissance  qu'il  faisait  vers  Rumbeck. 

Les  magasins  du  poste  étaient  bondés  de  colis  divers  et  notre  grande 
préoccupation  était  d'amasser  des  vivres  pour  le  ravitaillement  de 
notre  personnel  noir,  car  nous  marchions  ensuite  dans  l'inconnu,  et 
les  populations  Dinkas  ou  Dj ingués,  au  milieu  desquelles  nous  allions 
pénétrer,  devaient  nous  être  hostiles  au  dire  du  sultan  Tamboura. 

11  avait  fallu  de  longs  et  patients  efforts  pour  amener  sur  le  Soué, 
dans  le  Bahr-el-Ghazal,  un  matériel  aussi  considérable  que  le  nôtre, 
mais  il  restait  encore  beaucoup  à  faire;  nous  avions  en  perspective 
l'occupation  du  pays  Dinka  en  deçà  du  marais,  puis  la  traversée  des 
immenses  marais  du  Bahr-el-Ghazal  qui  nous  étaient  inconnus,  et  enfin 


—  327  — 

l'occupation  de  Fachoda.  On  conçoit  combien  en  ce  moment  nos  craintes 
étaient  vives,  car  les  Anglais  pouvaient  arriver  avant  nous,  aussi 
pendant  6'«a7  mois  entiers  avons-nous  vécu  dans  de  terribles  inquiétudes. 

L'activité  la  plus  grande  régnait,  chacun  se  dépensait  sachant  que  la 
dernière  partie  se  jouai  t. 

Le  24  novembre  1897,  le  capitaine  Mangin  nouvellement  promu, 
fondait  «  Forl-Desaix  »  à  l'embouchure  de  la  Waou,  affluent  de  gauche 
du  Soué.  Ce  poste  était  établi  à  l'entrée  du  territoire  Binka,  et  devait 
relier  notre  grande  ligne  de  postes  de  l'Oubangui  avec  le  Nil.  Son 
importance  était  donc  très  grande. 

Pendant  ce  temps  la  coque  du  «  Faidherbe  »  était  montée  et  comme 
les  eaux  descendaient  avec  rapidité,  on  la  conduisit  avec  les  plus  grandes 
précautions  du  poste  arsenal  Kodzioli  au  poste  des  Rapides  où  devait 
se  terminer  le  montage  des  chaudières  et  de  la  machinerie. 

Toutefois  en  présence  de  la  baisse  subite  des  eaux  du  Soué  ou  prévit 
quele«Faidherbe»nepourraitnaviguerqu'àlacruesuivante,  c'est-à-dire 
en  juin  ou  juillet  1898.  En  prévision  de  ce  retard  considérable,  le 
capitaine  Mangin  prit  l'initiative  de  construire  des  pirogues  et  un 
chaland  en  bois,  car  il  était  indispensable  d'avoir  à  sa  disposition  le 
plus  grand  nombre  d'embarcations. 

Au  début  de  l'occupation  de  Fort-Desaix  (ancienne  Zéribah 
égyptienne  de  Koutchouk-Ali)  les  Dinkas  se  tenaient  sur  la  plus  grande 
réserve.  Tous  méfiants  de  leur  naturel,  ils  ne  venaient  pas  au  poste, 
puis  petit  à  petit  les  relations  s'établirent  et  devinrent  en  peu  de  temps 
très  cordiales,  les  vivres  affluèrent  en  telle  quantité  qu'on  dût  en  refuser. 
11  y  avait  en  magasin  plus  de  20.000  rations  pour  nos  noirs  :  farine  de 
mil,  haricots,  miel,  huile,  arachides,  etc....  de  plus  l'on  apporta  des 
centaines  de  moutons  €t  une  cinquantaine  de  bœufs,  qui  furent  bien 
reçus,  car  nous  n'en  avions  pas  vu  depuis  notre  arrivée  sur  la  terre 
d'Afrique  ;  de  sorte  que  nous  avons  vécu  copieusement  pendant  les 
quelques  mois  qui  ont  précédé  notre  traversée  des  marais. 

Le  28  décembre  1897  les  capitaines  Marchand  et  Baratier  elle  sergent 
Bernard  quittent  «  Fort  Hossinger  »  pour  se  rendre  à  Fort-Desaix, 
tandis  que  je  prends  la  route  opposée:  je  retourne  en  arrière  pour 
chercher  des  baleinières  en  acier  démontées,  qui  nous  sont  arrivées  de 
France  et  qui  viennent  juste  à  point  pour  renforcer  notre  petite  flottille. 
Avec  ces  baleinières,  nous  devions  également  recevoir  deux  petits  canons 
à  tir  rapide,  mais  M.  Gaillard,  administrateur  de  Brazzaville,  usant 
d'un  prétexte  futile,  ne  voulut  point  les  expédier  sur  les  vapeurs 


—  328  — 

hollandais,  qui  faisaient  habituellement  tous  nos  transports  de  nialériel 
d'armes  et  de  munitions  de  Brazzaville  à  Bangui.  Celte  négligence. 
qui  aurait  pu  amener  un  désastre,  nous  empêcha,  lors  du  combat  contre 
les  Derviches  à  Fachoda,  de  couler  entièrement  les  canonnières  et 
chalands  mahdistes,  destinés  à  tomber  plus  tard  entre  les  mains  des 
Anglo-Egyptiens. 

Je  séjourne  trois  semaines  à  M'Bima,  les  indigènes  sont  fatigués  des 
nombreux  transports  qu'ils  ont  opérés,  ils  ne  veulent  plus  en  faire  ; 
ils  abandonnent  leurs  villages  et  cherchent  un  abri  dans  la  brousse, 
afin  de  ne  pas  être  obligés  de  se  rendre  à  mon  appel.  D'un  autre  côté, 
le  chef  M'Bima  est  arrêté  parle  sultan  Sémio  dont  il  est  le  vassal,  sous 
l'inculpation  d'avoir  fait  assassiner  un  tirailleur  sénégalais  qui  se 
rendait  de  M'Bima  à  Fort  Hossinger.  De  sorte  que  n'ayant  plus  de  ch(;f, 
les  indigènes  ne  veulent  pas  obéir  à  mes  injonctions  ;  je  dois  donc  me 
livrer  à  la  chasse  à  l'homme  dans  la  brousse  pour  recruter  les  cent 
vingt  porteurs  qui  me  sont  nécessaires.  Le  21  je  quitte  de  nouveau  et 
définitivement  M'Bima  et  après  être  resté  quelques  jours  à  Fort  Hos- 
singer je  me  dirige  sur  le  poste  arsenal  du  Soué,  Kodzioli,  dont 
je  prends  le  commandement  pendant  deux  mois. 

LeSouéesl  une  jolie  rivière  assez  encaissée,  sa  largeur  est  en  moyenne 
de  100  à  120  mètres,  le  courant  y  est  très  fort,  elle  est  peuplée  do 
crocodiles,  aussi  la  baignade  nous  est-elle  formellement  interdite. 
Pendant  mon  séjour  au  poste  j'ai  tué  l'un  de  ces  monstres  :  il  mesurait 
4'"  50  et  il  a  fallu  plus  de  trente  hommes  pour  le  hisser  sur  la  berge. 
Les  hippopotames  pullulent  également,  c'est  par  bandes  de  cinquante 
à  soixante  qu'on  les  rencontre.  Plus  sauvages  que  ceux  du  Congo  et  de 
rOubangui  ils  attaquaient  quelquefois  nos  embarcations.  Nos  beats  en 
acier  eurent  à  plusieurs  reprises  à  subir  les  assauts  furieux  de  ces 
pachydermes,  qui.  d'un  coup  de  dent,  faisaient  un  trou  généralement 
dans  le  fond  de  l'embarcation;  on  n'avait  alors  que  juste  le  temps  de 
boucher  le  trou  avec  un  morceau  de  bois  et  de  toile,  quittée  procéder 
à  une  réparation  plus  sérieuse  en  arrivant  dans  un  poste. 

Nous  avons  fait  dans  le  Soué  un  véritable  massacre  d'hippopotames 
et  ce,  à  la  grande  joie  des  habitants  qui  y  trouvaient  leur  profit. 

A  mon  arrivée  au  Soué,  en  février  1898,  le  «  Faidherbe  »  et  les  autres 
embarcations  étaient  déjà  au  poste  des  «Rapides»  depuis  quelque 
temps  ;  la  rivière  était  à  son  niveau  le  plus  bas  ;  on  avait  de  l'eau 
jusqu'à  la  ceinture,  en  la   traversant  à  gué,  aux  endroits  où  son  lit 


._  32!»  — 

alteigaait  la  plus  grande  profond(3ur  ;  tandis  que  pendant  la  période  de 
crue,  l'eau  s'élève  à  quatre  et  cinq  mètres  de  hauteur. 

La  végétation  de  la  rivière  est  très  grande,  comme  d'ailleurs  celle  de 
presque  tous  les  cours  d'eaux  africains  ;  ses  rives  sont  inondées  pendant 
plusieurs  mois  de  l'année. 

Le  lion  sans  crinière,  le  léopard,  la  panthère,  l'hyène,  l'éléphant, 
la  gazelle,  la  girafe,  le  bœuf  sauvage,  et  de  nombreuses  variétés 
d'antilopes  se  rencontrent  dans  ces  régions.  La  pintade,  le  canard 
sauvage,  la  sarcelle,  la  perdrix  y  abondent.  Jamaisje  n'ai  mangé  autant 
de  viande  que  pendant  mon  séjour  dans  le  Bahr-el-Ghazal. 

Le  Soué  est  une  rivière  extrêmement  poissonneuse,  nos  tirailleurs 
prenaient  plaisir  à  pêcher  et  jamais  ils  ne  revenaient  bredouille. 

Les  Bangos  occupent  les  rives  du  Soué  en  amonl  de  cette  rivière,  les 
Diours  ou  Djours  et  les  Dj ingués  ou  Dinkas  se  sont  établis  sur  les  rives 
en  aval. 

Du  poste  arsenal  jusque  un  peu  en  deçà  de  Fort  Desaix,  c'est-à-dire 
sur  une  distance  de  plus  de  200  kilomètres,  les  rives  sont  inhabitées  ; 
ce  n'est  qu'un  peu  avant  l'embouchure  de  la  Waou  que  l'on  commence 
à  rencontrer  les  villages  Djours,  très  peu  nombreux  d'ailleurs,  puis 
ensuite  les  villages,  Djingués  tribu  très  importante  dont  j'aurai  l'occasion 
de  parler  plus  loin. 

En  arrivant  à  Fort  Desaix,  le  capitaine  Marchand  fit  transporter  le 
poste  à  6  ou  7  kilomètres  plus  en  aval  sur  la  même  rive  tout  à  proximité 
des  villages  Djingués.  On  construisit  sur  le  nouvel  emplacement  un 
joli  poste  avec  de  belles  cases,  de  beaux  jardins  et  un  petit  fortin,  et  sa 
direction  fut  confiée  au  capitaine  d'artillerie  Germain. 

Pendant  ce  temps  les  relations  furent  établies  entre  Dem  Zibber  ou 
Fort  Dupleix  et  Fort  Desaix,  situés  sur  le  même  parallèle,  distant  l'un 
de  l'autre  de  200  kilomètres  environ. 

Le  lieutenant  Largeau  explorait  la  Waou  et  relevait  le  pays  sur  la 
rive  gauche  du  Soué  à  l'ouest  de  Fort  Desaix. 

Le  capitaine  Mangin  et  le  sergent  Dat  partaient  à  Djour  Ghattas 
établir  un  poste  près  de  l'ancienne  Zéribah  Egyptienne  (Fort  Desaix). 
D'abord  accueillis  avec  méfiance,  presque  avec  hostilité,  par  les  popula- 
tions Djingués,  ils  eurent  peu  de  temps  après  de  cordiales  relations, 
aussitôt  que  les  indigènes  eurent  appris  à  nous  connaître.  Il  ne  faut  pas 
oublier  que  les  habitants  de  ces  régions  avaient  eu  beaucoup  à  souffrir 
de  la  domination  égyptienne  quinze  ans  auparavant,  et  lorsqu'ils  nous 


—  :m  — 

virent  arriver  dans  le  pays,  ils  nous  prirent  pour  des  «  Turcs  »,  c'est 
ainsi  qu'ils  appelaient  leurs  anciens  maîtres. 

Le  capitaine  Baralier  et  l'interprète  militaire  Landeroin  partaient  le 
12  janvier  1898  pour  faire  celte  très  remarquable  et  très  pénible  explo- 
ration des  Marais  dans  laquelle  pendant  soixante-seize  jours  ils  durent 
lutter  avec  leurs  trente  à  trente-cinq  noirs  contre  la  faim  et  les  fatigues 
de  toutes  sortes.  Cette  campagne  se  termina  par  leur  rencontre  émou- 
vante dans  les  marais  avec  le  lieutenant  Largeau ,  envoyé  à  leur 
recherche  avec  un  petit  ravitaillement.  D'ailleurs,  le  capitaine  Baratier 
s'est  montré  toujours  l'auxiliaire  le  plus  dévoué  et  le  plus  entreprenant 
du  capitaine  Marchand  et  il  a  contribué  pour  une  large  part  au  succès 
final  de  la  mission. 

Le  capitaine  Marchand  pendant  ce  temps  était  parti  à  l'est  du  Soué. 
vers  Rumbeck  pour  compléter  l'exploration  de  cette  région,  si 
malheureusement  interrompue  par  la  mort  du  très  regretté  lieutenant 
Gouly. 

Le  capitaine  Marchand  et  le  sergent  Venait  dans  celte  reconnaissance 
firent  des  marches  de  40  à  50  kilomètres  à  travers  la  brousse,  sans 
chemin,  manquant  souvent  d'eau,  heureux  quelquefois  de  pouvoir  se 
désaltérer  à  des  mares  pestilentielles  et  escomptant  la  pluie  pour 
s'approvisionner.  La  réputation  de  marcheur  infatigable  dont  jouit 
notre  chef  de  mission,  se  trouve  de  nouveau  bien  justifiée. 

C'est  au  poste  des  Rapides,  où  j'arrive  fin  avril,  que  je  retrouve 
l'enseigne  de  vaisseau  Dyé  dirigeant  les  ateliers  de  la  flottille  et 
M'Souyri  qui  venait  de  terminer  le  «  Faidherbe  »  et  qu'une  très  grave 
maladie  obligeait  à  rentrer  en  France. 

Nous  n'attendons  plus  que  la  crue  pour  lancer  le  «Faidherbe  »  dans 
le  Soué. 

Les  balemières,  que  je  suis  allé  chercher  à  M'Bima,  sont  arrivées  aux 
Rapides,  et  sont  aussitôt  mises  en  chantier.  A  ce  moment  je  tombe  pour 
la  quatrième  fois  gravement  malade,  de  nouveau  atteint  par  les  fièvres 
bilieuses  hématuriques  ;  j'ai  coup  sur  coup  deux  rechutes,  qui  auraient 
pu  amener  une  issue  fatale.  Mon  état  de  santé  m'empêche  de  prêter 
mon  concours  à  M.  Dyé  et  au  sergent  Bourrlin  des  tirailleurs  sénégalais, 
pour  monter  les  baleinières. 

La  crue  se  fait  toujours  attendre,  néanmoins  pendant  le  courant  de 
mai,  on  organise  à  Fort  Desaix  le  départ  d'un  premier  gi-oupe  ponr 
Fachoda,  Le  capitaine  Mangin,  le  lieutenant  Largeau  et  le  sergent  Dut 
gagnent  la  Meschra-er-Reck,  port  du  Bahr  el  Ghazal  pour  y  installer 


— "S'îl  — 

un  poste.  La  Meschra-er-Rek  est  un  îlot  insalubre,  mais  aussi  un  point 
stratégique  qui  relie  le  Nil  à  la  province  du  Bahr-el-Ghazal  [voir  la 
carte).  Du  temps  des  Egyptiens  ce  point  était  occupé  par  une  petite 
garnison  qui  était  souvent  relevée  en  raison  de  l'insalubrité  du  climat. 

Le  4  juin  le  premier  groupe  de  la  Mission  composé  du  capitaine  Mar- 
chand, du  capitaine  Baratier,  du  docteur  Emily,  de  l'interprète  militaire 
Landeroin,  du  sergent  Venait,  accompagnés  de  98  tirailleurs  et 
de  35  Yakomas  pagayeurs  quittent  Fort  Desaix  et  se  mettent  en  route 
pour  Fachoda.  Ils  amènent  avec  eux  toute  une  flottille  composée  de: 
deux  boats  acier,  du  chaland  «  Etienne  »,  d'une  baleinière  acier,  d'une 
grande  pirogue  en  aluminium  et  de  plusieurs  petites  pirogues  en  bois. 
En  outre  ils  emportent  tout  un  chargement  de  marchandises  d'échange, 
des  vivres  et  des  munitions.  Le  capitaine  Mangin,  le  lieutenant  Largeau 
et  le  sergent  Dat  qui  se  trouvent  à  la  Meschra  doivent  rejoindre  ce 
groupe,  en  cours  de  route,  à  la  sortie  du  Marais.  11  va  sans  dire  que  ce 
premier  départ  n'a  pas  lieu  sans  émotion.  Le  premier  groupe  arrivera-t-il 
avant  les  Anglais  ?  Telle  est  la  grande  préoccupation  de  chacun. 

Vers  le  milieu  de  juin  le  lieutenant  Fouque,  qui  était  parti  de  France 
en  novembre  1897,  avec  mission  de  nous  apporter  un  ravitaillement, 
nous  rejoint  à  Fort  Desaix  ;  il  remplace  le  regretté  lieutenant  Simon, 
rapatrié  l'année  précédente,  mais  qui  venait  de  succomber  en  Algérie 
à  la  suite  des  fatigues  et  des  maladies  qu'il  avait  conctractées  à  la 
Mission. 

Après  le  départ  du  premier  groupe,  le  capitaine  Germain  organise  le 
départ  du  deuxième  groupe  et  attend  une  crue  suffisante  pour  que  le 
«  Faidherbe  »  puisse  naviguer. 

Fin  juin  le  poste  des  Rapides  est  évacué  par  la  Mission,  les  troupes  . 
du  Haut-Oubangui  prennent  possession  des  postés  que  nous  évacuons. 

En  arrivant  à  Fort  Desaix,  j'apprends  à  connaître  les  Djours  et  les 
Djingués.  Les  premiers  appartiennent  à  une  ancienne  race  qui  tend 
aujourd'hui  à  disparaître;  le  territoire  qu'ils  occupaient  ayant  été  envahi 
parles  Djingués-Dinkas.  ils  sont"  tombés  sous  la  domination  de  leurs 
vainqueurs. 

Ce  sont  des  populations  essentiellement  agricoles,  leurs  mœurs 
diffèrent  peu  de  celles  des  Djingués  qu'ils  finiront  par  adopter  complè- 
tement. 

Quant  aux  Djingués-Dinkas  ils  sont  d'une  race  nouvelle  pour  moi, 
car  je  n'en  avais  pas  encore  rencontré  de  semblable.  Très  grands,  très 
maigres,  ils  ont  les  jambes  très  longues,  mais  un  buste  très  court,  d'où 


-  :332  — 

résulte  un  manque  de  proportion.  Ils  ont  l'habitude,  lorsqu'ils  sont  au 
repos,  do  se  tenir  sur  une  jambe,  l'autre  est  repliée  et  vient  s'appuye*" 
sur  celle  qui  touche  au  sol.  En  les  voyant  à  distance  on  les  prendrait 
pour  des  échassiers  très  communs  dans  ces  pa3S.  On  attribue  cette 
habitude  toute  particulière  cl  leur  conformation  spéciale  aux  régions 
marécageuses  qu'ils  habitent.  Les  cases  de  leurs  villages  sont  rappro- 
chées les  unes  des  autres,  elles  sont  de  forme  ronde  avec  le  toit 
conique.  Les  Dinkas  sont  en  général  pasteurs  ;  ils  élèvent  de  nombreux 
bestiaux,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  un  Dinka,  propriétaire  de  trente  à 
quarante  bœufs  et  de  plusieurs  centaines  de  moutons.  Ils  ont  surtout 
le  culte  dcleurs  bœufs,  ilsn'en  mangent  jamais,  à  moins  qu'ils  ne  crèvent. 
Ils  ne  sont  point  cannibales,  d'ailleurs  le  cannibalisme  a  cessé  depuis 
Tamboura,  je  parle  non  des  Zandés,  que  je  n'ai  jamais  surpris 
mangeant  de  la  chair  humaine,  mais  des  Pembias  et  Barés,  peuplades 
soumises  au  Sultan. 

Les  Dinkas  ont  de  singuliers  usages.  Je  viens  de  dire  qu'ils  ont  le 
culte  de  leurs  bœufs,  ils  poussent  cette  adoration  jusqu'à  recueillir 
précieusement  l'urine  de  ces  animaux,  ils  en  mettent  dans  le  lait  avant 
de  le  boire,  et  ils  s'en  enduisent  le  corps  entièrement.  La  bouse  du 
bœuf  est  également  ramassée,  ils  la  fontsécher  puis  briàler  ;  lorsqu'elle 
est  réduite  en  cendre  ils  s'en  enduisent  également  le  corps,  de  sorte 
que  l'on  peut  se  faire  une  idée  de  l'odeur  que  répand  un  Dinka,  on  le 
sent  venir  de  loin. 

Les  Dinkas  forment  une  nation  nombreuse,  toujours  très  unie  lorsque 
le  péril  menace  et  que  les  biens  sont  en  danger.  C'est  ainsi  que,  lors  de 
l'invasion  ég}'ptienne,  ils  ont  battu  plusieurs  fois  à  plate  couture  les 
troupes  envahissantes.  Un  général  égyptien,  dont  le  nom  m'échappe, 
périt  dans  un  de  ces  combats,  livré  dans  les  environs  de  Djour  Ghattas. 
Leurs  armes  se  composent  de  la  traditionnelle  sagaie  et  de  la  massue, 
dont  ils  ne  se  séparent  jamais. 

Les  femmes  Dinkas  sont  astreintes,  comme  chez  toutes  les  autres 
peuplades  de  l'Afrique,  aux  gros  travaux  des  champs,  car  elles  sont 
partout  considérées  comme  esclaves.  En  général,  elles  ne  sont  point 
jolies  ni  coquettes,  leur  vêtement  consiste  en  un©  ceinture  en  peau 
tannée  et  en  une  peau  de  mouton  ou  de  chèvre  ;  quelques  colliers  de 
perles  communes  et  des  bracelets  en  cuivre  ou  en  fer,  constituent 
toute  leur  parure  ;  elles  ont  la  tête  complètement  rasée. 

Le  costume  des  Dinkas  est  encore  plus  simple,  ils  sont  complè- 
tement nus. 


—.333  — 

Nous  attendons  toujours  avec  impatience  la  crue  du  Soué,  pour 
pouvoir  partir. 

Au  commencement  de  juillet,  d'abondantes p^t^eVs  nous  font  espérer 
que  la  rivière  va  bientôt  grossir,  mais  le  niveau  des  eaux  ne  s'élève 
pas.  Malgré  cela  le  capitaine  Germain  fixe  le  départ  définitif  au  19. 

Le  «  Faidherbe  »  descend  du  posle  des  «  Rapides  »  à  Fort  Desaix  à 
la  perche,  le  courant  aidant  il  met  trois  jours  à  parcourir  les  120  kilo- 
mètres qui  séparent  les  deux  postes. 

Dès  les  premiers  jours  de  juillet,  le  capitaine  Germain  avait  rends 
entre  les  mains  du  gouvernement  de  TOubaugui  le  commandement  de  la 
région  Fort  Desaix,  et  le  19  du  même  mois  le  deuxième  et  dernier  groupe 
de  la  Mission  quitte  Fort  Desaix  pour  aller  rejoindre  le  premier  groupe 
dont  on  n'a  pas  de  nouvelles  depuis  son  départ. 

Ici  je  transcris  textuellement  mon  journal  de  marche,  je  ne  pourrais 
en  effet  mieux  décrire  le  voyage  de  Fort  Desaix  à  Fachoda  et  la 
traversée  des  marais  ilu  Soué  et  du  Bahr  el  Ghazal,  ni  en  donner  une 
impression  plus  exacte  et  plus  complète. 

19  juillet  1898.  —  Les  derniers  préparatifs  de  départ  sont  achevés, 
A  midi  et  demi  nous  faisons  nos  adieux  aux  officiers  et  sous-officiers 
du  Régiment  des  Tirailleurs  Sénégalais  qui  sont  venus  nous  remplacer 
à  Fort  Desaix.  Al  h.  15  nous  quittons  Fort  Desaix,  le  deuxième  groupe 
comprend  :  le  capitaine  Germain,  le  lieutenant  Fouqae,  l'enseigne  de 
vaisseau  Djé,  le  sergent  Bernard  et  moi  ;  48  tirailleurs  soudanais 
11  Yakomas  pagayeurs,  4  domestiques  et  5  hommes  d'équipage  du 
«  Faidherbe  ».  Le  vapeur  est  sous  pression,  toutes  les  embarcations 
sont  prises  en  remorque,  il  y  a  le  chaland  en  bois  «  Pierre  Simon  » 
deux  baleinières  en  acier  et  deux  pirogues.  Le  chargement  comprend 
600  charges  se  décomposant  en  vivres,  marchandises  et  munitions. 
Les  embarcations  sont  chargées  à  quelques  centimètres  de  la  ligne  de 
flottaison. 

L'étiage  du  fleuve  est  à  1"' 40,  le«  Faidherbe  »  a  un  tirant  d'eau  de 
80  centimètres  à  vide  et  1""  30  chargé. 

On  se  met  en  route  et  à  peine  l'hélice  a-t  elle  fait  quelques  tours  que 
le  «  Faidherbe  »  s'échoue  sur  le  sable.  Malgré  deux  heures  d'efforts, 
on  est  obligé  de  faire  éteindre  les  feux  et  de  naviguer  à  la  perche,  de 
plus  une  violente  tornade  éclate  et  une  pluie  torrentielle  nous  inonde 
bientôt.  Ce  triste  départ  constituait  un  mauvais  l'ébut,  et  semblait  de 
nature  à  nous  faire  mal  augurer  du  voyage.  Cependant  la  joie  et  la 


—  sa  — 

confiance  ne  nous  abandonnent  pas.  Nous  nous  arrêtons  près  d'un  banc 
de  sable  à  3  kilomètres  du  poste  et  nous  installons  le  campement 

20  juillel  {ih[ncf  \m({)\iriif  :  26  kilomètres). —  Le  lendem -un  20  juillet,  à 
5  heures  du  matin,  les  tentes  sont  ployées  et  peu  après  tout  le  monde 
s'embarque.  Il  est  5  h.  30  au  départ.  La  pluie  est  tombée  une  partie  de 
la  nuit,  j'ai  constaté  que  le  Soué  avait  monté  de  10  centimètres  depuis 
hier  soir.  Nous  naviguons  à  la  perche  comme  la  veille,  nous  marchons 
lentement,  car  le  «  Faidherbe  »  s'échoue  de  temps  en  temps.  A 
3  heures  du  soir  nous  passons  la  rivière  Kolyte,  affluent  de  gauche,  sa 
largeur  à  l'embouchure  n'a  guère  plus  de  20  mètres.  L'aspect  du  pays 
est  toujours  le  même,  plaines  immenses,  toujours  marécageuses  aux 
hautes  eaux.  On  aperçoit  de  temps  à  autre  quelques  arbres  isolés  dont 
plusieurs  palmiers  rôniers. 

Un  commencement  d'incendie  s'est  déclaré  à  bord,  un  morceau  de 
charbon  enflammé  est  tombé  dans  la  cale  sur  des  ballots  de  tissus, 
lorsqu'on  s'en  est  aperçu  plusieurs  de  ces  colis  commençaient  à  brûler, 
en  quelques  minutes  le  feu  fut  éteint.  Arrêt  et  campement  à  5  h.  30  sur 
la  rive  droite. 

21  Juillet  (dislance  parcourue  :  iii  kilomèlres).  —  Départ  à  G  heures  du  matin, 
le  Soué  a  monté  cette  nuit  de  12  centimètres,  c'est  décidément  la  crue 
qui  se  produit.  Pour  accélérer  notre  marche,  l'on  a  installé  une  voile 
à  l'avant  du  «  Faidherbe  »,  la  brise  est  légère,  le  temps  est  beau;  vers 

8  heures  une  forte  brise  se  lève  au  sud,  notre  allure  s'en  accentue.  A 

9  heures    nous  dépassons  la   rivière   duetti,  affluent  de  gauche  ;  à 

10  heures  nous  laissons  à  notre  gauche  un  affluent  du  nom  de  Madioque  ; 
celte  rivière  ne  doit  être  vi'aisomblablemenl  qu'un  bras  de  la  Guetti. 
Le  Soué  a  ici  une  largeur  de  200  mètres  environ.  A  5  h.  30  :  arrêt 
et  campement  sur  la  rive  droite. 

22  juillet  (distance  parcourue  :  35  kilomètres).  —  Départ  à  5  h.  45.  Le  temps 
est  beau  mais  pas  de  brise.  En  passant  près  de  la  rive  droite  le  capitaine 
Germain  lire  un  singe  de  grande  taille  et  le  blesse,  je  fais  descendre 
à  terre  un  tirailleur  pour  l'achever  et  le  chercher,  mais  ce  maladroit 
s'approche  de  trop  près  et  se  laisse  enlever  son  fusil  par  l'aninuil  blessé, 
qui  d'un  coup  de  dent  lui  enlève  un  bon  morceau  de  la  monture  de  son 
arme,  j'envoie  un  deuxième  tirailleur  qui  l'achève  d'un  coup  de  feu. 
Ce  singe  mesure  l'"20,  il  est  très  musclé  et  devait  être  d'une  très  belle 
force. 


—  3:35  — 

A  7  h.  30  une  forte  brise  se  lève  au  Nord-Ouest,  elle  nous  est  en 
partie  défavorable  ;  en  certains  endroits  le  courant  est  très  fort. 
Rencontré  plusieurs  villages  Dj ingués. 

Arrêt  et  campement  sur  la  rive  droite  à  5  h.  30.  Quelques  minutes 
après  je  tire  un  hippopotame. 

23  juillet  (dislance  parcourue  :  VI  kilonièlres  500  mèlres).  —  Une  légère  pluie 
est  tombée  presque  toute  la  nuit,  elle  cesse  à  6  heures  du  matin.  Départ 
à  6  heures  :  le  temps  est  couvert,  brise  légère  du  Sud-Ouest  ;  à  7  heures 
nous  rencontrons  l'hippopotame  que  j'ai  tiré  hier  soir,  surnageant  à 
la  surface  et  allant  à  la  dérive  entraîné  par  le  courant.  Une  embar- 
cation stoppe  quelques  instants  pour  en  débiter  quelques  morceaux 
pour  nos  hommes  . 

A  8  heures  le  temps  s'est  éclairci.  9  heures,  rencontré  un  troupeau 
d'une  vingtaine  d'éléphants  qui  fuient  au  petit  trot  à  notre  approche. 
Depuis  hier  l'on  rencontre  sur  la  rive  gauche  de  nombreux  rôniers. 

Arrêt  et  campement  sur  la  rive  droite  à  5  h.  30. 

24  juillet  (distance  parcourue  :  iO  Jiilomèlres).  —  Départ  à  6  heures,  le  temps 
est  couvert,  légère  brise  du  Sud-Ouest.  7  heures,  arrivée  au  village  du 
chef  Djinghé  Tang  Marol  ;  le  chef  nous  attend  à  la  rive,  c'est  un 
vieillard,  il  demande  à  prendre  passage  abord  pour  se  rendre  dans  l'un 
de  ses  villages  un  peu  plus  loin,  ce  qui  lui  est  accordé  ;  nous  profitons 
de  cet  arrêt  pour  faire  quelques  achats  de  vivres.  A  9  h.  15  un  troupeau 
de  girafes  est  aperçu  à  200  mètres  de  la  rive,  il  fuit  à  notre  approche. 
Toujours  même  aspect  de  pays.  La  pluie  commence  à  tomber  vers 
11  heures.  Le  nombre  d'hippopotames  que  l'on  rencontre  est  incroyable, 
ils  paraissent  inoffensifs  et  nous  laissent  passer  ;  en  général,  l'hippopo- 
tame ne  charge  que  lorsqu'il  est  blessé  ou  lorsqu'une  mère  et  son  petit 
sont  sur  notre  passage.  La  pluie  tombe  toute  la  soirée.  Il  est 
7  h.  et  demie  lorsque  le  «  Faidherbe  »  marchant  dans  une  obscurité 
complète  au  fil  du  courant  arrive  au  village  de  Yoll  Hayar  où  le 
campement  est  établi.  Je  fais  la  remarque  que  les  Dj  ingués  ne  sont  pas 
hospitaliers,  c'est  à  grand'peine  que  nous  pouvons  obtenir  un  peu  de 
bois  pour  la  cuisine  de  nos  tirailleurs  et  quelques  cases  pour  abriter 
nos  hommes. 

25  juillet  (distance  parcourue  :  25  kilomètres).  —  La  pluie  a  persisté  toute  la 
nuit,  la  température  est  très  fraîche,  on  supporte  aisément  les  vêtements 


—  :m  — 

de  drap.  Départ  à  6  h.  30,  ma  baleinière  étant  en  avance  sur  les  autres 
embarcations  je  m'arrête  près  d'un  groupe  de  villages,  quelques  indi- 
gènes viennent  me  vendre  des  vivres,  un  chef  m'adresse  l'étonnante 
question  suivante  :  «  Est-ce  vrai  que  ce  sont  les  Français  qui  ont  arrêté 
les  pluies  ?  »  On  le  dit  partout,  ajoute  t-il.  Cette  question  avait  déjà  été 
posée  plusieurs  fois  au  capitaine  Marchand  à  Fort  Desaix  et  cela  parce 
que  la  saison  des  pluies  était  en  retard  sur  les  autres  années,  de  sorte 
que  les  indigènes  croj'aient  que  ce  retard  était  dû  à  l'arrivée  des 
Français  dans  le  pays.  11  a  été  très  difficile  de  leur  faire  comprendre 
que  nous  n'y  étions  pour  rien. 

Depuis  hier  la  rivière  est  beaucoup  moins  large,  à  certains  endroits 
elle  n'a  guère  que  00  mètres. 

La  profondeur  du  Soué  ayant  sensiblement  augmenté,  le  «Faidherbe» 
marche  à  la  vapeur  ;  si  l'essai  est  satisfaisant,  il  remorquera  demain 
toutes  les  embarcations. 

Arrêt  et  campement  à  4  h.  15  sur  la  rive  droite.  Tué  un  hippopo- 
tame. 

26  juillet  (dislance  parcoorue  :  65  kilooiètrcs).  —  Départ  à  6  h.  30  à  la 
vapeur,  toutes  les  embarcations  sont  remorquées  ;  8  h.  05,  passé  un 
petit  affluent  de  gauche.  Le  «  Faidherbe  »  en  marche  effraie  les 
animaux  qui  s'enfuient  affolés  à  son  approche,  deux  hippopotames  et 
un  crocodile  sont  culbutés.  Midi  40.  Passé  un  bras  (de  droite)  du  Soué. 
La  rivière  étant  devenue  trop  étroite  et  formant  des  tournants  très 
brusques  ou  est  obligé  de  détacher  les  embarcations  qui  reprennent  la 
marche  à  la  pagaie.  1  h.  15.  Passé  le  bras  du  Soué  signalé  à  midi  40. 
Beau  temps.  Vent  d'Est.  Arrêt  à  1  h.  40  près  d'un  petit  bois  ;  on  y  fait 
le  campement  afin  de  pouvoir  réparer  les  avaries  survenues  aux  embar- 
cations par  suite  des  chocs  violents  qu'elles  ont  reçus  dans  les 
tournants  contre  les  rives  pendant  la  marche  à  la  vapeur  de  la  matinée  ; 
on  fait  également  une  bonne  jirovision  de  bois  pour  la  cuisson  des 
aliments  pendant  la  traversée  des  marais.  Moustiques  en  très  grande 
quantité. 

27  juillet  (distance  parcourue:  30  kiloiiièlr.'s).  —  Départ  à  6  h.  30.  Marche  à 
la  vapeur,  embarcations  remorquées,  la  rivière  a  de  40  à  50  mètres  de 
large.  7  li.  20.  Abordage  à  la  rive  gauche,  une  pirogue  chavire  avec  ses 
passagers,  pas  d'accident  de  personnes  fort  heureusement. 

9  11.  25.  Le   peu  de  largeur  du  chenal  dans  lequel  nous  naviguons 


'—  337  - 

nous  oblige  à  reprendre  la  marche  à  la  pagaie,  une  pirogue  a  de 
nouveau  chaviré,  pas  d'accident  à  déplorer.  Les  rives  de  terre  argileuse 
ont  disparu  pour  faire  place  aux  herbes,  nous  sommes  à  proximité  de 
l'entrée  des  marais.  A  chaque  instant  nous  sommes  incommodés  par  de 
grosses  mouches  qui  nous  piquent  jusqu'au  sang,  c'est  énervant. 

On  n'aperçoit  plus  que  quelques  rares  arbres,  on  a  devant  soi  une 
immense  plaine  inondée.  A  4  heures  nous  entrons  dans  le  marais,  il 
n'y  a  plus  de  berges,  de  grands  roseaux  entravent  le  chenal,  on 
n'avance  que  très  lentement  en  se  frayant  un  passage.  Arrêt  à  5  heures. 
Le  campement  se  fait  sur  les  embarcations,  entassées  les  unes  à  côté 
des  autres. 

28  Juillet  (dislaDce  parcourue  :  1  kiloraèlrc  200).  —  Départ  à  6  heures  du 
matin,  les  herbes  nous  empêchent  d'avancer;  le  «  Faidherbe  »est  halé 
avec  les  plus  grandes  difficultés,  on  coupe  les  herbes  avec  des 
matchettes  pour  élargir  le  chenal  ;  cette  première  journée  a  été  très 
fatigante  pour  tout  le  monde.  Arrêt  à  5  h.  30  et  campement  sur  les 
embarcations  qui,  chargées  comme  elles  le  sont,  pourraient  couler 
pendant  la  nuit  si  quelques  hommes  se  déplaçaient  trop  brusquement. 

29  juillet  (distance  parcourue  :  200  mètres)  —  Départ  à  6  heures  du  matin, 
les  nuits  sont  terribles  à  cause  des  moustiques  innombrables,  on  repose 
peu.  Les  baleinières  et  le  chaland  prennent  les  devants,  afin  d'atteindre 
un  petit  lac  signalé  à  plusieurs  kilomètres  devant  nous  ;  là  un  îlot 
permettra  de  les  décharger,  puis  ces  embarcations  retourneront 
déchargées  vers  le  «  Faidherbe  »  qui,  enfoncé  dans  la  vase,  avance  péni- 
blement. 7  h.  30.  Le  petit  chenal  que  nous  suivions  cesse  brusquement, 
il  n'y  a  plus  assez  d'eau  pour  que  les  baleinières  puissent  avancer,  on 
les  traîne  dans  la  vase,  les  gaz  qui  s'échappent  du  marais  répandent 
une  odeur  pestilentielle.  A  2  heures  il  est  impossible  d'avancer  plus 
loin,  je  fais  retour  en  arrière  vers  la  vapeur  pour  rendre  compte  de  la 
situation.  Le  capitaine  Germain  fait  alors  ouvrir  un  chenal  par  les 
tirailleurs  qui  descendent  dans  le  marais  pour  couper  les  herbes  et  les 
roseaux,  ils  sont  embourbés  jusqu'aux  aisselles  et  se  meuvent  diffici- 
lement. Ce  travail  est  excessivement  long.  (4  heures).  Une  violente 
tornade  éclate  avec  pluie  torrentielle  pendant  une  demi-heure.  Le 
travail  cesse  et  le  campement  est  fait  à  bord  de  nos  embarcations.  La 
cuisine  se  fait  très  difficilement,  l'emplacement  manque,  nous  sommes 
trop  serrés. 

♦J2 


-  338  — 

30  juillet  (dislance  parcourue  :  200  mèlres  en  arrière).  —  Le  travail  reprend  à 
5 h.  30  du  matin.  A  midi,  à  la  suite  d'une  reconnaissance  en  avant  au 
moyen  d'une  pirogue  délestée,  l'on  apprend  qu'il  est  impossible  de  conti- 
nuer j)ar  suite  de  manque  de  profondeur,  ordre  est  donné  de  revenir 
en  arrière  pour  rechercher  une  autre  voie.  Nous  installons  notre  campe- 
ment au  même  endroit  qu'hier.  A  4  h.  30.  Violente  tornade  avec  forte 
pluie  pendant  une  heure.  Le  bois  qui  est  mouillé  ajoute  une  difficulté 
en  ])lus  pour  faire  la  cuisine. 

3 1  j uillet  {m  m\xt%  en  arrière).  —  A  5  heures  du  matin,  nous  continuons 
la  maivlie  en  arrière  avec  plus  de  difficultés  encore  que  nous  en  avions 
eues  pour  aller,  car  le  courant  est  contraire  et  les  herbes  et  roseaux 
que  nous  avons  foulés  nous  gênent  beaucoup  plus.  Nous  envoyons  de 
nouveau  une  pirogue  en  reconnaissance.  Cette  pirogue  rentre  à  3  heures 
du  soir.  Un  chenal  existe,  paraît-il,  au  Sud-Est,  mais  est-il  bon  ?  nous 
n'y  arriverons  que  demain  dans  la  matinée.  3  h.  30  tornade,  le  vent 
d'une  violence  extrême  enlève  nos  toiles  de  tente  que  nous  avions  mises 
sur  les  embarcations  pour  nous  abriter,  la  pluie  tombe  à  torrents 
pendant  trois  quarts  d'heure  ;  nous  reprenons  le  travail  ensuite  jusqu'à 
5  h.  30.  On  fait  le  campement  sur  un  petit  îlot  de  10  mètres  carrés,  nos 
hommes  ont  de  la  vase  jusqu'à  la  cheville,  mais  ils  préfèrent  encore 
mieux  cela  que  de  coucher  sur  les  embarcations.  Les  européens 
campent  sur  le  «  Faidherbe  ». 

1"  août  (distance  parcourne  :  iOO  mèlres).  A  6  heures  du  malin,  reprise  du 
travail  et  continuation  de  la  marche  en  arrière.  A  3  h.  30  nous  arrivons 
à  l'entrée  du  nouveau  chenal,  c'est  heureux  car  nos  hommes  sont 
excessivement  fatigués  par  ces  travaux  faits  en  pure  perte.  La  marche 
en  avant  dans  le  nouveau  chenal  commence  à  4  h.  30.  Arrêta  5  h.  30 
et  campement  à  bord  des  embarcations. 

2  «om/ (dislance  parcourue  :  800  mèlres),  — Dans  la  nuit  la  pluie  est  tombée  et 
ne  s'est  arrêtée  qu'à  10  heures  du  matin.  La  matinée  est  employée  à 
transborder  les  charges  des  baleinières  sur  le  «  Faidherbe  »,  afin  qu'elles 
puissent  aller  rechercher  le  chargement  du  «  vapeur  »  qui  a  été 
déposé  sur  l'îlot  où  a  été  fait  le  campement  du  31  juillet  et  afin  de 
permettre  au  «  Faidherbe  »  d'avancer  plus  facilement.  Pendant  ce 
temps  nous  reprenons  la  marche  en  avant,  le  chenal  que  nous  suivons 
est  relaliveraent  assez  bon,  avec  un   fort  courant;   la  marche  serait 


-  339  — 

bonne  si  de  nombreux  tournants  à  angle  droit  ne  nous  obligeaient  de 
perdre  notre  temps  à  faire  tourner  le  vapeur.  Le  chenal  a  2  ""  50  de 
largeur  avec  une  protondeur  de  3  mètres.  Arrêt  à  5  h.  30  et  campement 
sur  les  embarcations. 

3  août  (distaoce  parconrue  :  1.500  mètres),  —  Une  pluie  fine  est  tombée  pendant 
une  partie  de  la  nuit.  Départ  à  6  heures  du  matin,  la  marche  est  lente 
et  pénible  à  cause  des  brusques  tournants.  Les  baleinières  sont  de 
retour  à  10  heures,  elles  ont  mis  une  journée  pour  faire  le  trajet  que 
le  «  Faidherbe  »  a  fait  en  quatre  jours. 

L'horizon  est  toujours  borné  par  les  herbes.  L'arrêt  a  lieu  à 
5  heures  et  le  campement  se  fait  sur  les  embarcations. 

-^«OM^Cdislance  parcourue:  i  kilomètres).  — Une  violente  tornade  a  éclaté  cette 
nuit  et  la  pluie  torrentielle  qui  s'en  est  suivie  a  fait  monter  à  bord  du 
«  Faidherbe  »  une  partie  de  nos  hommes  venus  pour  s'abriter,  mais 
aveuglés  par  la  pluie  ils  se  sont  mis  presque  tous  sur  même  bord,  de 
sorte  que  noire  petit  vapeur  a  failli  couler,  l'eau  entrant  de  tous 
côtés  à  la  fois.  Mais  ce  qu'il  3^  a  de  plus  fort  c'est  qu'ils  ne  voulaient 
pas  passer  à  l'autre  bord  pour  assurer  la  stabilité  du  bateau,  tant  ils 
étaient  abrutis  par  suite  de  cette  succession  de  nuits  sans  repos  et  des 
fatigues  énormes  auxquelles  ils  avaient  été  astreints.  Nous  dûmes 
employer  la  force  pour  éviter  une  catastrophe. 

La  pluie  ne  cessa  qu'à  6  h.  30  et  le  départ  eut  lieu  à  6  h.  45.  Peu 
après  le  chenal  s'élargit  de  plusieurs  mètres  et  le  courant  étant  très 
fort,  nous  avancions  h  une  allure  que  nous  ne  connaissions  plus 
depuis  quelques  jours.  Cependant  cette  marche  eût  été  trop  belle  si 
nous  n'avions  été  arrêtés  de  temps  en  temps  par  le  Sedd(amas  d'herbes 
mortes  formant  barrière,  obstruant  le  chenal  et  très  difficile  non 
seulem.ent  h  écarter  mais  encore  à  enfoncer  sous  les  embarcations). 
9  h.  30.  Nous  arrivons  à  un  petit  lac  presque  rond  de  250  mètres 
environ.  9  h.  50.  Autre  lac  plus  grand  de  400  mètres  puis  à  la  sortie  le 
chenal  étroit  et  embarrassé  d'herbes  reprend  ;  peu  après  nous  passons 
des  mares  toujours  suivies  de  petits  chenaux  obstrués,  qu'il  faut  forcer. 
Arrêt  à  6  heures.  Le  campement  est  fait  à  bord  des  embarcations. 

5  août  (distance  parcourue  :  3  kilomètres).  — Départ  à  6  h.  15  du  matin.  Nous 
traversons  un  très  bon  chenal  de  10  mètres  de  largeur  sur  2  kilomètres 
de  longueur.  Nous  apercevons  pour  la  première  fois  depuis  notre 


—  340  — 

entrée  dans  le  Marais  la  présence  d'êtres  humains.  Ce  sont  des  Djingués 
qui  habitent  des  îlots  du  Marais,  ils  sont  embarqués  dans  de  très 
petites  pirogues  de  3  à  4  mètres  de  longueur  sur  30  à  40  centimètres 
de  largeur.  Avec  ces  frêles  embarcations  d'une  légèreté  extrême  ils 
peuvent  naviguer  en  tous  sens  dans  le  Marais  avec  une  certaine 
rapidité.  Ils  glissent  au  milieu  des  herbes  avec  la  plus  grande  facililé 
mais  il  leur  faut  une  grande  habitude,  car  ces  embarcations  ne  peuvent 
contenir  que  deux  ou  trois  hommes  au  plus  et  l'équilibre  le  plus 
complet  leur  est  obligatoire,  le  moindre  mouvement  irréfléchi  les 
ferait  chavirer.  Ces  habitants  du  Marais  sont  naturellement  peu 
sociables,  c'est  à  peine  s'ils  ont  consenti  à  s'approcher  à  300  mètres  de 
nous  et  encore  c'est  grâce  à  un  interprète  arabe  de  race  Djingué  que 
nous  avions  avec  nous,  qu'ils  sont  entrés  eu  relations.  Ils  veulent  bien 
nous  guider  à  travers  le  Marais  à  la  condition  que  leur  paiement  se 
fera  chaque  matin;  ce  paiement  consistera  en  deux  ou  trois  mètres  de 
calicot,  quelques  perles,  une  glace  et  deux  sonnettes.  Mais  comme  ils 
ne  veulent  pas  s'approcher  de  nous  on  sera  dans  l'obligation  d'attacher 
ces  objets  à  une  touffe  d'herbes  et  ils  viendront  les  chercher  après 
notre  passage.  Ce  genre  de  communication  est  assez  original.  Vers 
4  heures  du  soir  nos  nouveaux  guides  disparaissent  au  milieu  des 
herbes  pour  s'en  retourner  chez  eux,  ils  doivent  revenir  dem'ain. 
Arrêt  à  4  heures.  Campement  sur  les  embarcations. 

6  août  (distance  parconrue  :  3  kilomètres).  —  Dans  la  nuit  une  violente  tornade 
avec  pluie  torrentielle  nous  tient  en  éveil  pendant  plusieurs  heures, 
nos  fournitures  de  lit(;rie  sont  inondées.  6 h.  15.  Départ.  Nous  n'avons 
plus  de  chenal,  on  en  fait  uu  à  travers  les  roseaux,  nous  passons  de 
temps  en  temps  des  mares  d'une  cinquantaine  de  mètres.  Cette 
traversée  du  Marais  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  pénible,  et  ce  n'est  que 
grâce  à  nos  braves  Soudanais  dont  le  courage  et  l'endurance  sont 
admirables  que  nous  pouvons  accomplir  ce  tour  de  force,  de  faire 
passer  pour  la  première  fois  au  monde  un  vapeur  dans  cette  région. 
On  se  rappelle  qu'il  y  a  seize  ans  Gessi-Pacha  a  perdu  dans  ces  marais 
plus  de  .300  de  st-s  hommes,  qui  pendant  six  mois  se  sont  débattus  contre 
les  fatigues  et  la  faim  au  milieu  de  ce  labyrinthe  de  marécages. 

Le  travail  que  tout  nos  tirailleurs  est  incroyable;  depuis  le  28  juillet, 
c'est-à-dire  depuis  notre  entrée  dans  le  Marais,  ils  sont  toute  la  journée 
dans  l'eau  et  la  vase  coupant  les  herbes,  halant  les  embarcations  les 
unes  après  les  autres,  mangés  et  mordus  par  les  sangsues  cl  les  uuilti- 


—  341  — 

tudes  d'insectes.  La  nuit  ils  sont  répartis  dans  les  baleinières  et  le  petit 
vapeur  où  ils  sont  entassés  au  point  de  ne  pouvoir  s'allonger,  en  outre 
ils  sont  incessamment  harcelés  par  les  moustiques.  Malgré  tout  cela  pas 
une  plainte,  la  discipline  est  toujours  excellente.  La  conduite  de  ces 
braves  gens  est  plus  qu'admirable  ;  aussi  combien  est-on  fier  de 
commander  à  de  pareils  soldats.  Ce  recrutement  d'auxiliaires  Soudanais 
faille  plus  grand  honneur  au  capitaine  Mangin  qui,  depuis  Kayes 
jusqu'à  Tombouctou,  est  allé  les  choisir  lui-même  en  profond  connaisseur 
d'hommes  de  ce  Soudan  où  il  a  habité  de  longues  années. 

Arrêt  à  6  heures.  Le  campement  se  fait  à  bord  des  embarcations. 

7  août  (distaoce  parcourne:  i  kilomètre  .iOO).  —  Départ  à  6 h.  15.  Il  fait  un 
brouillard  assez  fort,  la  marche  est  plus  lente  à  cause  des  nombreux 
tournants,  Ton  est  quelquefois  obligé  de  soulever  le  «  Faidherbe  » 
pour  le  faire  tourner.  Les  herbes  sont  moins  hautes,  on  aperçoit  sur 
notre  droite  une  ligne  d'arbustes.  Arrêt  à  5  h.  45'.  Campement  à  bord 
des  embarcations. 

8  août  (distance  parcourue  :  3  kilomètre.*).  —  Tornade  pendant  la  nuit  avec 
pluie  légère.  Départ  à  6  h.  20.  La  matinée  a  été  extrêmement  pénible 
à  cause  du  peu  de  profondeur  et  du  peu  de  largeur  du  chenal,  l'on 
était  obligé  parfois  de  creuser  de  chaque  côté  pour  faciliter  l'évolution 
du  vapeur.  A  1  heure  du  soir  nous  n'avions  pas  fait  500  mètres.  Par 
contre  l'après-midi  a  été  bonne,  on  a  trouvé  un  chenal  plus  large 
qu'on  a  pu  parcourir  sans  trop  de  difficultés,  2  kilomètres  et  demi.  A 
4  h.  30  nous  passons  près  d'un  groupe  de  petits  arbustes  et  nous  aper- 
cevons plusieurs  petites  cases  de  Djingués  construites  sur  un  îlot.  Pour 
la  première  fois,  ceux-ci  consentent  à  nous  aborder  pour  nous  vendre 
du  poisson.  Nous  leur  faisons  part  de  notre  étonnement,  ils  nous 
répondent  que  les  blancs  qui  sont  passés  quelque  temps  auparavant 
leur  ont  acheté  beaucoup  de  poisson  et  qu'ils  l'ont  bien  payé. 

Les  cases  de  ces  indigènes  sont  curieuses,  de  forme  ronde  à  toit 
conique,  elles  sont  petites,  très  basses  et  entièrement  recouvertes  de 
terre  avec  une  couche  de  bouse  de  vache.  Ce  procédé,  d'ailleurs  en 
usage  dans  tous  les  villages  Djingués,  a  pour  but  de  tenir  éloignés  les 
moustiques  qui,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  pullulent  dans  ces  régions 
marécageuses.  Nous  constatons  avec  satisfaction  que  l'eau  est  devenue 
limpide,  c'est  d'un  bon  augure.  Arrêt  à  5  h.  30.  Nous  continuons  à 
camper  sur  les  embarcations. 


—  342  ^ 

9  août  (dislance  parcourne  :  1  kilomèlre  500).  —  Départ  à  6  heures  et  demie. 
Dans  les  mares  que  nous  traversons,  nous  rencontrons  beaucoup  de 
nénuphars,  de  papyrus  et  autres  plantes  aquatiques.  A  partir  de 
8  heures  nons  entrons  dans  un  chenal  très  mauvais,  étroit,  rempli 
d'herbes  et  des  tournants  brusques  qui  offrent  à  la  marche  de  notre 
flottille  les  difficultés  les  plus  grandes,  c'est  à  peine  si  l'on  fait 
50  mètres  à  l'heure.  Les  premières  embarcations  font  arrêt  à  2  heures 
au  bord  d'un  îlot  dans  lequel  se  trouve  une  petite  case  ;  plusieurs 
arbres  de  faible  dimension  donnent  à  cet  îlot  l'aspect  d'une  oasis,  au 
milieu  d'un  désert.  Le  «  Faidherbe  »  n'y  arrive  qu'à  5h.30.  Pour  la 
première  fois  depuis  bien  longtemps  on  fait  le  campement  à  terre  dans 
l'îlot.  Quelques  Djingués  viennent  vendre  du  poisson  et  quelques 
moutons. 

10  août  (dislance  parcourue:  i  kilomètre  iiOO).  —  Départ  à  6  h.  30  du  matin. 
Une  violente  tornade  vient  interrompre  notre  marche  à  7  h.  30,  la  pluie 
tombe  abondamment  pendant  près  d'une  heure.  Le  chenal  est  devenu 
meilleur,  il  y  a  moins  d'herbes,  mais  les  nombreux  coudes  nous  font 
perdre  toujours  beaucoup  de  temps.  Nous  arrêtons  à  5  heures.  On 
campe  sur  les  embarcations. 

1 1  août.  —  Les  baleinières  partent  à  7  heures  du  matin  à  la  recherche 
d'un  îlot  afin  d'y  déposer  leur  chargement  pour  venir  prendre  ensuite 
celui  du  «  Faidherbe  »  qui  ne  peut  plus  avancer  par  suite  de  manque 
de  fond.  Elles  reviennent  à  vide  à  5  heures  du  soir  et  sont  rechargées 
aussitôt.  Même  campement  qu'hier.  Quelques  Djingués  viennent 
vendre  des  vivres.  Une  monnaie  que  ces  indigènes  préfèrent  ce  sont 
les  «  dabas  »  sorte  de  houe  grossière  qui  représente  la  valeur  de 
4  cuillers  de  perles.  Un  mouton  dans  le  marais  se  paie  2  dabas,  c'est-à- 
dire  8  cuillers  de  perles  ou  une  valeur  de  1  fr.  50  à  2  francs  (marchan- 
dise rendue  ici). 

12  août  (distance  parcourue  :  i  kilonii-lrc  500).  —  Départ  à  6  h.  15'  du  matin, 
forte  pluie  à  7  heures  et  demie  pendant  une  heure,  notre  vapeur, 
quoique  délesté  de  son  chargement,  éprouve  encore  de  très  grandes 
difficultés  à  avancer  ;  quand  les  coudes  sont  trop  brusques  on  est 
obligé  de  le  soulever  pour  le  faire  évoluer.  Arrêt  à  6  heures  du  soir. 
Campement  sur  les  embarcations. 


—  343  - 

13  août  (distance  parcourue  :  3  kilomètres  200).  —  Départ  à  6  heures  du 
matin.  La  marche  est  très  lente  à  cause  du  «  Sedd  »  qui  encombre  le 
chenal.  A  une  heure  nous  entrons  dans  un  chenal  plus  large,  ce  qui 
nous  permet  d'accélérer  la  marche,  nos  hommes  épuisés  peuvent  se 
reposer.  Le  «  Faidherbe  »  reprend  son  chargement.  Même  aspect  du 
marais.  A  6  heures  du  soir,  arrêt  et  campement  sur  les  embarcations. 

14  août  (dislance  parcourue  :  8  kilomètres).  —  Forte  tornade  pendant  la 
nuit  avec  pluie  d'une  heure.  Départ  à  6  heures  du  matin  :  le  chenal  a 
10  mètres  de  largeur,  la  marche  est  très  bonne.  7  heures,  le  chenal 
s'élargit,  il  a  environ  40  mètres  de  largeur.  Peu  après  nous  entrons 
dans  un  grand  lac  de  2  kilomètres,  le  courant  y  est  faible,  l'eau  est 
limpide.  A  10  heures  nous  sortons  du  lac  pour  entrer  dans  un  grand 
clienal  de  70  mètres  de  large.  Nous  rencontrons  pour  la  première  fois 
un  groupe  d'hippopotames  dans  le  marais.  A  1  heure  nous  rentrons 
dans  un  petit  chenal,  la  vase  y  est  épaisse  et  profonde,  on  fait  à  peu 
près  50  mètres  à  l'heure  avec  de  grandes  fatigues  ;  les  gaz  pestilentiels 
qui  s'échappent  de  la  vase  sont  suffoquants,  je  comprends  très  aisément 
que  la  traversée  de  ces  immenses  marais  n'ait  jamais  tenté  aucun 
explorateur.  A  4  heures  forte  tornade  avec  pluie  abondante  pendant 
une  demi-heure.  Arrêt  à  6  heures.  Campement  à  bord  des  embarcations. 
A  8  heures  du  soir  nouvelle  tornade  avec  pluie  pendant  une  partie  de 
la  nuit. 

15  août  (distance  parcourue  :  800  mètres).  —  Départ  à  6  heures  du  matin. 
Le  chenal  est  complètement  obstrué,  nos  hommes  baient  les  embar- 
cations sur  les  herbes  et  dans  la  vase.  3  heures.  Un  Djingué  arrive  en 
pirogue  et  remet  au  capitaine  Germain  un  courrier  du  capitaine 
Marchand  dont  on  était  sans  nouvelles  depuis  plus  de  deux  mois.  Nous 
apprenons  par  ce  courrier  que  le  premier  groupe  de  la  Mission  a  éprouvé 
beaucoup  de  difficultés  dans  la  traversée  du  marais,  mais  des  difficultés 
d'un  autre  genre:  en  juin  la  crue  ne  s'était  pas  encore  produite,  les  eaux 
étaient  très  basses,  de  sorte  que  le  capitaine  Marchand,  s'était  trouvé 
dans  l'obligation  d'établir  des  écluses  en  fermant  le  chenal,  afin  de  faire 
venir  l'eau  nécessaire  pour  naviguer.  Ce  courrier  nous  apprend  en 
outre  que  le  capitaine  Mangin,  le  lieutenant  Largeau,  le  sergent  Dat 
et  les  tirailleurs,  qui  étaient  à  la  Meschra  er  Reck,  ont  pu  s'embarquer 
à  ce  point,  sur  des  pirogues,  et  ont  pu  rallier  le  premier  groupe  en 
passant  par  le  canal  de  Kilte.  En  somme  malgré  tous  les  obstacles 


—  344  — 

ronconlrés  et  les  faligues  sans  nombre,  tout  marche  bien  et.  nous  con- 
servons bon  espoir. 

A  5  heures  et  demie,  arrêt  et  campement  sur  les  embarcations. 

J6  août  (dislance  parcoDrue  :  1  kilomèlres  iiOO).  —  Départ  à  6  heures  du  matin. 
Le  chenal  est  toujours  aussi  mauvais  et  la  marche  est  lente  et  pénible. 
A  4  heures  du  soir  entrée  dans  un  lac  de  1  kilom.  tOO  de  longueur  sur 
800  mètres  de  largeur.  Tué  un  hippopotame.  Arrêt  à  4  heures  et  demie. 
Campement  sur  les  embarcations. 

17  août  (dislance  parcourue  :  i  kilomèlre).  —  Nos  Soudanais  et  Yakomasont 
passé  une  partie  de  la  nuit  à  lestoyer  avec  la  viande  de  l'hippopotame 
tué  hier.  Départ  à  6  heures  du  matin,"  nous  entrons  dans  un  petit  chenal 
de  2  mètres  de  largeur  où  les  herbes  recommencent  à  barrer  le  passage. 
La  marche  est  lente,  nous  aspirons  à  sortir  de  ces  infects  marais. 
Arrêt  à  5  lieures.  Campement  à  bord  des  embarcations. 

18  août  (ihlun  parcourue  :  3  kilomètres  500).  —  Départ  à  6  heures  du  matin, 
le  chenal  devient  meilleur.  Depuis  hier  la  chaleur  est  accablante. 
A  3  heures  nous  entrons  dans  un  canal  de  800  mètres  de  largeur.  Est- 
ce  la  fin  du  marais  ?  Nous  arrêtons  à  4  heures  et  l'on  campe  sur  les 
embarcations. 

19  août  (dislance  parcourue  :  8  kilomètres).  —  Vive  la  France!  c'est  fini  les 
marais,  quelle  joie  se  reflète  sur  tous  les  visages,  il  nous  semble  à  tous 
que  nous  entrons  dans  un  autre  monde.  Nos  misères  et  fatigues  sont 
pour  ainsi  dire  finies,  celles  que  nous  aurons  par  la  suite  ne  seront 
certainement  rien  en  comparaison  de  celles  subies  dans  les  marais. 
Nous  partons  à  6  heures  du  matin,  le  canal  se  resserre  de  temps  à 
autre,  mais  dans  sa  plus  petite  largeur,  il  a  encore  au  moins  30  mètres. 
Le  manque  de  bois  nous  empêche  de  naviguer  à  la  vapeur,  on  se  servira 
de  la  voile  jusqu'à  ce  que  l'on  ait  trouvé  du  combustible.  La  traversée 
des  marais  du  Soué  et  du  Bahr  el  Gliazal  qui  vient  de  prendre  tin  met 
un  terme  à  nos  inquiétudes,  car  cliaque  jour  nos  hommes  épuisés  par 
les  fatigues  et  les  insomnies  devenaient  plus  faibles,  et  le  nombre  des 
malades  augmentait,  la  navigation  en  eau  libre  leur  permettra  de 
reprendre  des  forces.  L'aspect  du  pays  n'a  pas  varié,  c'est  toujours  à 
perte  de  vue  une  immense  plaine  submergée.  Le  canal  dans  lequel 
nous  sommes  a  10  pieds  d'eau;  le  courant  se  fait  peu  sentir.  Leshippo- 


potames  et  les  crocodiles  sont  nombreux.  A  10  heures,  un  accident, 
dont  les  conséquences  auraient  pu  être  désastreuses,  est  arrivé  au 
«  Faidherbe  ».  Un  jeune  liippopotame  s'était  approché  du  vapeur, 
lorsque  la  mère,  pensant  qu'il  courait  quelque  danger,  se  jeta  sur  le 
bateau  et  d'un  coup  do  dent  fit  une  déchirure  de  plus  15  centimètres 
dans  la  coque,  fort  heureusement  un  peu  au-dessus  de  la  ligne  de 
flottaison,  cette  avarie  put  être  réparée  sur  le  champ.  A  partir  de  ce 
moment  nous  faisons  beaucoup  attention  à  ces  monstres  et  si  l'on 
s'aperçoit  de  leurs  mauvaises  intentions  l'on  n'hésite  pas  à  les  tirer  à 
bout  portant.  2  heures,  le  vent  devient  contraire  et  ralentit  sensiblement 
nôtre  marche,  le  courant  paraît  plus  rapide.  Arrêt  à  5  heui^es  et  demie. 
On  continue  à  camper  sur  les  embarcations  faute  de  terre. 

20  août  (distance  parcourue  :  12  kilonièlrcs).  —  Le  vend  du  Sud  a  soufflé  en 
tempête  toute  la  nuit.  Départ  à  6  heures  du  matin.  Le  canal  a  50  mètres 
de  largeur  et  12  à  15  pieds  de  profondeur.  A  9  heures  le  canal  s'élargit 
et  peut  avoir  5  à  600  mètres.  De  nombreuses  pirogues  Djingués  accostent 
le  bateau  poui;  nous  vendre  du  bois  avec  lequel  nous  pourrons  marcher 
à  la  vapeur.  2  heures  du  soir  le  «  Faidlierbe  »  qui  a  allumé  ses  feux  se 
met  en  marche.  Mais  nous  n'avons  pas  de  chances  caria  profondeur  se 
trouve  bientôt  réduite  au  minimum  ;  de  2  heures  à  6  heures  du  soir 
nous  faisons  à  peine  de  8  à  10  kilomètres.  On  stoppe  à  6  heures  et 
comme  de  coutume  on  campe  à  bord. 

5i  aOM^  (distance  parcourue  :  lo  kilomètres).  —  Le  peu  de  bois,  que  nous 
avons  pu  acheter  hier,  est  épuisé,  on  est  obligé  de  reprendre  la  marche 
à  la  voile.  Départ  à  6  heures  du  matin,  nous  avons  un  très  bon  vent  de 
Sud-Ouest,  nous  marchons  à  une  très  bonne  allure.  Vers  2  heures  du 
soir  une  pirogue  est  chavirée  par  un  hippopotame,  elle  coule 
presque  aussitôt  sans  qu'il  nous  soit  possible  de  la  remettre  à  flot  ;  fort 
heureusement  il  n'y  a  pas  d'accident  de  personne.  Avec  ma  baleinière 
je  me  porte  au  secours  de  quelques-uns  des  naufragés,  lorsque  tout 
à  coup,  l'embarcation  reçoit  un  choc  terrible  qui  la  soulève  hors  de 
l'eau,  c'est  une  nouvelle  attaque  d'un  hippopotame.  Ma  baleinière  est 
trouée  au  fond  et  l'eau  entre  rapidement,  je  n'ai  que  le  temps  de  la 
faire  entrer  dans  les  herbes  où  on  peut  immédiatement  boucher  le  trou. 
En  présence  de  ces  charges  réitérées  par  les  hippopotames,  le  capi- 
taine Germain  ordonne  de  faire  feu  sur  tout  hippopotame  en  vue  à 


—  340  — 

200  mètres  au  plus.  La  marche  reprend  et  nous  arrêtons  à  5  heures  et 
demie.  Campement  sur  les  embarcations. 

22  août  (dislance  parcourue  :  5  kilonièlres).  —  Départ  à  6  heures.  Marche  très 
lente  par  suite  du  vent  contraire.  A  9  heures  nous  entrons  dans  le 
canal  de  gauche  de  l'île  Ghyerdiga,  quelques  minutes  après  nous 
arrêtons  au  pied  d'un  îlot,  où  l'on  aperçoit  deux  petites  cases,  notre 
interprète  Djingué  dit  que  nous  sommes  dans  la  région  habitée  par 
les  Nouers,  tribu  du  Bahr  el  Ghazal.  On  met  pied  à  terre,  il  n'y  a 
personne  dans  l'île,  j'envoie  mes  hommes  couper  du  bois  pour  le 
«  Faidherbe  ».  Le  vapeur  n'arrive  qu'à  3  heures  du  soir,  le  vent 
contraire  l'empêchait  d'avancer.  Campement  à  terre  dans  l'île. 

23  août  (dislance  parcourue  :  28  kilomètres).  —  Nous  avons  passé  une  nuit 
terrible  à  cause  des  moustiques,  nous  ne  les  avons  jamais  sentis  aussi 
nombreux.  Bernard  et  moi  partons  à  6  heures  avec  deiix  baleinières, 
le  chaland  et  la  pirogue.  Le  peu  de  bois  que  nous  avons  trouvé  ne 
permet  au  «  Faidherbe  »  qu'une  marche  de  quelques  heures:  comme  le 
vent  est  favorable  nous  pourrons  faire  du  chemin  avec  nos  embar- 
cations sans  que  l'on  ait  à  s'occuper  du  vapeur.  Le  Bahr  el  Ghazal 
dans  lequel  nous  sommes  enfin  entrés  a  150  mètres  de  largeur  et 
plusieurs  mètres  de  profondeur.  A  9  heures,  le  vent  augmente,  de 
sorte  que  nous  filons  à  une  bonne  vitesse.  A  1 1  heures,  le  «  Faidherbe  » 
nous  rejoint  et  continue  sa  marche,  nous  le  perdons  bientôt  de  vue. 
Je  fais  arrêt  et  le  campement  est  établi  sur  la  rive  droite  à  4  heures 
du  soir. 

24  août  (dislance  parcourue  :  30  kilomètres).  —  Départ  à  6  heures,  le  manque 
de  vent  nous  oblige  à  marcher  à  la  pagaie.  A  8  heures  le  «  Faidherbe  » 
vient  à  notre  rencontre  pour  nous  prendre  en  remorque  ;  une  heure 
plus  tard  nous  arrivons  à  l'embouchure  du  Bahr  el  Arab  qui  est 
complètement  obstrué  par  le  Sedd  à  un  kilomètre  en  amont  de  son 
embouchure.  Nous  arrêtons  sur  la  rive  gauche  au  campement  occupé 
par  le  «  Faidherbe  »  la  nuit  précédente.  On  embarque  le  bois  coupé 
par  les  tirailleurs,  ce  travail  est  à  peine  terminé  qu'une  très  violente 
tornade  éclate,  le  vent  souffle  en  tempête,  le  fleuve  est  tellement 
agité  que  les  vagues  menacent  de  faire  couler  les  embarcations  ;  on 
est  obligé  de  les  amarrer  fortement  à  la  rive  pour  les  protéger.  La 
pluie  tombe  ensuite  à  torrents  pendant  plusieurs  heures.  Ce  n'est  qu'à 


-^  317  — 

une  heure  du  soir  qu'on  peut  se  mettre  en  marche.  Le  «  Faidherbe  » 
remorque  toutes  les  embarcations,  le  Ghazal  se  rétrécit  sensiblement, 
il  n'a  plus  que  50  mètres.  Arrêt  à  5  heures  du  soir.  Campement  à 
terre  sur  la  rive  gauche. 

Les  rives  sont  maintenant  bien  dessinées,  on  aperçoit  quelques 
bosquets  de  temps  à  autre. 

25  août  (distance  parconrue  :  60  kilomètres),  —  Départ  à  6  heures  et  demie,  le 
temps  est  couvert  et  la  pluie  tombe  légèrement,  léger  brouillard.  Vers 
9  heures  le  Ghazal  se  rétrécit  de  plus  en  plus,  c'est  à  peine  s'il  a 
15  mètres,  le  courant  est  très  fort,  sa  profondeur  est  de  5  à  6  mètres, 
les  rives  disparaissent  sous  les  hautes  herbes  et  les  papyrus  très 
nombreux  dans  ces  parages.  Le  bruit  du  vapeur  affole  les  hippopo- 
tames et  les  crocodiles  qui  pullulent.  On  aperçoit  quelques  termitières. 
Arrêt  sur  la  rive  droite.  Le  campement  est  établi  à  terre. 

26  août  (distance  parcourue  :  70  kilomètres).  —  Un  brouillard  très  épais  nous 
oblige  à  ne  partir  qu'à  7  heures  et  demie.  On  rencontre  des  vols 
considérables  d'aigrettes.  Le  Ghazal  s'élargit  à  100  mètres.  A  2  h.  30 
nous  doublons  l'embouchure  du  Bahr  el  Ghazal  et  nous  entrons  dans 
le  lac  Xô  de  2  kilomètres  de  longueur  sur  1.500  mètres  de  largeur, 
puis  nous  entrons  dans  le  Bahr  el  Djebel  ou  Nil  Blanc.  Nos  trois 
couleurs  flottent  enfin  sur  ce  Nil,  nous  oublions  toutes  nos  peines  et 
nos  privations  en  présence  de  ce  résultat  tant  désiré.  Les  eaux  sont 
noirâtres.  Nous  arrêtons  à  2  heures  et  demie  près  d'un  bois  pour 
refaire  notre  approvisionnement  de  combustible.  Le  lieutenant  Dyé 
et  moi  descendons  les  premiers  ;  à  peine  sommes-nous  engagés  dans  le 
bois  que  nous  sommes  entourés  d'abeilles,  qui  nous  piquent  et  nous 
affolent  de  douleur  en  quelques  secondes,  nous  nous  jetons  dans  le 
fleuve  espérant  échapper  à  ces  terribles  bêtes  mais  elles  nous 
poursuivent,  nos  cris  sont  entendus  du  bord,  on  nous  envoie  une 
embarcation  pour  nous  rechercher.  Arrivés  au  vapeur  nous  espérons 
être  à  l'abri,  mais  il  n'en  est  rien,  les  abeilles  reviennent  à  la  charge; 
heureusement  que  les  feux  ne  sont  pas  éteints  et  que  nous  pouvons 
partir  de  suite  et  gagner  un  autre  mouillage  où  cette  fois  nous  sommes 
tranquilles.  Le  campement  est  fait  à  terre. 

27  août  (distance  parcourue  :  60  kilomètres).  —  Départ  à  8  heures  du  matin.  A 
raidi  nous  passons  devant  les  premiers  villages  Chillouks  de  la  rive 


-  :Vi8  — 


itineraire 

delaMESCHRAER  rek 

A  FACHODA 


mission  Marchand 


XlescR: 


—  349  — 

gauche;  chaque  village  paraît  avoir  de  cinquante  à  soixante  cases 
groupées  et  de  même  forme  que  celles  des  Diukas-Djingués.  A  2  heures 
nous  apercevons  une  montagne  à  l'est  à  plusieurs  kilomètres.  A  2  h.  15 
nous  doublons  l'embouchure  du  Bahr  el  Zéraf.  L'aspect  du  pays  est 
peu  changé,  ce  sont  toujours  des  plaines  immenses  avec  quelques 
arbres  par  ci  par  là,  cependant  l'on  aperçoit  quelques  bois  sur  la  rive 
droite.  Les  papyrus  sont  encore  ici  très  nombreux,  l'on  rencontre  de 
nombreuses  îles  ainsi  que  des  îlots  d'herbes  flottantes,  c'est  incroyable 
ce  que  le  Nil  charrie  d'herbes.  Nous  ai'rêtons  à  4  heures  du  soir  sur  la 
rive  droite.  A  5  heures  nous  essuyons  une  violente  tornade  avec  une 
forte  pluie  qui  dure  toute  la  soirée. 

28  août  (Dislance  parcourue  :  80  kilomètres).  —  Départ  à.  6  heures  et  demie. 
A  7  heures  45  nous  passons  devant  le  premier  village  situé  sur  la  rive 
droite.  A  10  heures  et  demie  nous  doublons  l'embouchure  du  Sobat, 
affluent  de  droite,  le  courant  de  cette  importante  rivière  est  très 
rapide  et  la  couleur  de  l'eau  qui  est  très  blanche  tranche  d'une  façon 
singulière  sur  les  eaux  noirâtres  du  Nil.  A  ce  point  le  Nil  Blanc 
mérite  son  nom  car  ses  eaux  prennent  la  couleur  de  celles  du  Sobat 
dont  le  débit  est  très  important.  Le  Sobat  a  200  mètres  de  largeur  à 
son  embouchure,  il  est  très  encaissé.  Le  Nil  a  ici  une  largeur  de  8  à 
900  mètres.  Nous  rencontrons  maintenant  de  nombreux  villages  sur 
l'une  et  l'autre  rive  du  Nil.  Les  indigènes  nous  regardent  passer  avec 
étonnement,  mais  sans  inquiétude  ;  nous  interrogeons  quelques-uns 
d'entre  eux  au  passage,  ils  nous  disent  que  nos  frères  (le  premier 
groupe)  sont  installés  à  Fachoda.  Quelle  joie  !  le  but  est  enfin  atteint, 
victoire  !  Nous  sommes  arrivés  avant  les  Anglais. 

Nous  faisons  arrêt  à  5  h.  30  et  nous  établissons  le  campement  pour 
la  dernière  fois  car  demain  nous  arriverons  à  Fachoda  où  la  Mission 
tout  entière  sera  réunie  pour /«  pt^emiére  fois  depuis  notre  départ 
de  France. 

S9  aoit^  (distance  [larcouruc  :  28  kilomètres).  — 42®  et  dernier  jour  de  navi- 
gation depuis  notre  départ  de  Fort  Desaix.  Nous  nous  mettons  en  route 
à  8  heures.  Les  tirailleurs  prennent  leur  plus  belle  tenue,  tout  le 
monde  rayonne  de  bonheur.  A  10  heures,  l'iiomme  de  vigie  signale  le 
drapeau  français,  de  suite  nos  lorgnettes  sont  lu-aquées  et  «n  effet  nous 
apercevons  un  immense  drapeau  tricolore  flottant  sur  un  bastion  (rive 
gauche)  ;  une  émotion  intense  nous  prend  tous,  blancs  et  noirs,  la  joie 


—  350  — 

est  grande  et  les  cris,  les  chants  de  nos  braves  tirailleurs  se  font 
entendre.  Quant  h  nous,  nous  sommes  vivement  émus  et  les  larmes 
nous  viennent  aux  yeux. 

Le  «  Faidlierbe  »  fait  entendre  à  différentes  reprises  son  sifflet,  c'est 
le  salut  que  nous  envoyons  à  nos  camarades.  Nous  approchons  et  très 
distinctement  nous  apercevons  les  costumes  des  européens  et  les 
silhouettes  des  tirailleurs  tlu  premier  groupe  debout  sur  les  murs 
d'enceinte  de  l'ancienne  INIondirieh  égyptienne,  devenue  la  citadelle 
française  de  Fachoda.  Les  bras,  les  mouchoirs,  les  chapeaux  s'agitent 
({uand  le  «  Faidherbe  »,  marchant  à  toute  vapeur,  passe  devant  le  Fort 
pour  aller  prendre  à  1.800  mètres  en  aval  la  passe  qui  doit  nous  faire 
accoster  au  pied  de  la  citadelle. 

Comme  au  départ  de  Fort  Desaix  la  pluie  tombe  à  torrents,  le 
capitaine  Mangin  vient  à  notre  rencontre  dans  une  embarcation,  il  est 
bientôt  à  bord.  Après  les  vigoureuses  poignées  de  main,  les 
interrogations  nombreuses  s'entrecroisent  de  part  et  d'autre.  Nous 
apprenons  alors  que  tout  le  monde  est  en  bonne  santé,  que  les 
Derviches  sont  venus  attaquer  le  Fort  le  25  août  avec  1.500  hommes, 
deux  canonnières,  sept  grands  chalands  en  acier  et  un  canon,  et  qu'ils 
(mt  été  repoussés  avec  de  très  grandes  pertes  après  toute  une  journée 
de  combat.  Les  Chillouks  dont  nous  avions  gagné  la  confiance  et  la 
sympathie,  avaient  averti  que  les  Mahdistes  devaient  revenir  en 
nombre  la  nuit  du  28  au  29  c'est-à-dire  la  nuit  dernière,  mais  ils  ne  se 
sont  pas  présentés.  On  juge  de  la  joie  de  nos  compagnons  de  nous  voir 
arriver  si  à  propos  avec  un  stock  de  munitions  et  un  renfort  de 
cinquante  fusils. 

Nous  stoppons  à  11  heures  et  demie  et  le  débarquement  s'opère, 
nous  revoyons  nos  camarades  en  bonne  santé  et,  après  les  premiers 
moments  d'effusion,  nous  allons  nous  réconforter  avec  un  excellent 
punch,  car  nous  sommes  trempés  jusqu'aux  os. 

Les  tirailleurs  et  Yakomas  sont  dans  l'allégresse  la  plus  grande,  ils 
se  serrent  les  mains,  s'embrassent,  en  un  mot  c'est  un  jour  de  fête 
pour  tout  le  monde. 

•l'arrête  ici  mon  journal  de  marche,  je  ne  pouvais  mieux  faire 
connaître  les  marais  du  Soué  et  du  Bahr  el  Ghazal  qu'en  donnant  jour 
par  jour  la  relation  sincère  de  notre  traversée,  j'ai  dû  bien  souvent 
répéter  les  mêmes  choses  mais  ces  redites  étaient  nécessaires  et  mes 
notes  personnelles  de  cette  navigation  peu  ordinaire  ont  été  écrites 
chaque  jour  sons  l'impression  du  moment. 


-.351  — 

De  l'ancienne  Mondirieh  de  Faehoda  il  ne  restait  que  des  ruines,  les 
Mahdistes  lors  de  leur  invasion  du  Soudan  égyptien  n'avaient  pas  cru 
devoir  occuper  la  citadelle  et  avaient  complètement  ruiné  tout  ce  qui 
existait.  Ils  avaient  construit  un  fortin  à  Reng  à  75  kilomètres  en  aval 
de  Faehoda,  poste  qu'ils  occupèrent  jusqu'à  l'arrivée  de  l'expédition 
Anglo-Egyptienne  en  septembre  1898. 

Des  anciennes  fortifications  de  Faehoda  il  restait  des  débris  de 
bastions,  les  fossés  à  moitié  comblés  et  une  poudrière  qui  menaçait 
ruines  ;  fort  heureusement  les  briques  des  anciennes  habitations 
existaient  encore  de  sorte  que  le  premier  groupe  put,  dès  son  arrivée,  et 
sous  la  direction  du  capitaine  Mangin,  commencer  l'enceinte  de  la 
nouvelle  citadelle.  Les  fossés  furent  déblayés  et  quatre  bastions,  un  à 
chaque  angle  furent  immédiatement  construits  ;  il  fallait  avant  tout 
s'occuper  de  fortifications,  plutôt  que  de  construire  des  habitations 
dont  le  besoin  se  faisait  moins  sentir.  Jusqu'à  l'arrivée  du  deuxième 
groupe,  les  travaux  urgents  furent  poussés  avec  activité  parle  premier 
groupe.  Les  Chillouks  qui,  dès  les  premiers  jours  de  notre  arrivée,  ne 
se  faisaient  aucune  illusion  sur  le  sort  que  les  Derviches  nous 
réservaient,  en  voyant  une  aussi  petite  troupe,  n'avaient  aucune 
confiance  dans  la  durée  de  notre  séjour  dans  leur  pays  ;  ils  n'avaient 
pas  consenti  à  nous  prêter  leur  concours  pour  les  travaux  du  poste.  Ce 
n'est  qu'à  la  suite  du  combat  du  25  août  que  leur  opinion  se  modifia. 
Le  «  Mek  »  (sultan)  des  Chillouks  qui  était  auparavant  l'âme  damnée 
des  Derviches  vint  nous  faire  des  salamalecs  et  nous  demanda  que  la 
France  prit  sous  sa  protection  le  pays  chillunk  tout  entier  dont  la 
population  atteint  le  chiff're  respectable  de  1.800.000  habitants.  Un 
traité  fut  signé  dans  ce  sens  le  3  septembre  entre  le  capitaine  Marchand, 
le  Mek  et  les  principaux  notables  de  la  tribu. 

Quelques  huttes  furent  construites  dans  le  poste  pour  abriter  les 
européens  et  les  tirailleurs  qui  jusqu'à  ce  jour  se  servaient  des  tentes 
en  très  mauvais  état  par  suite  du  long  usage. 

Pendant  ce  temps  tous  les  hommes  valides  travaillaient  à  la  cons- 
truction d'un  réduit  dans  l'intérieur  de  la  citadelle.  Le  travail  commen- 
çait à  cinq  heures  du  matin  jusqu'à  midi,  puis  reprenait  à  deux  heures 
jusqu'à  six  heures.  Il  y  avait  à  ce  moment  urgence  de  l'entreprendre, 
car  on  pouvait  craindre  de  la  part  des  Derviches  une  nouvelle  attaque, 
qui  cette  fois  eut  été  plus  sérieuse  encore  que  la  première,  car  ils  avaient 
pu  se  rendre  mieux  compte  de  notre  position  et  de  l'état  de  nos 
forces. 


—  .T.?  — 


La  rive  gauche  du  Xil.  du  lac  Xô  jusqu'au  duuzièuie  parallèle,  est 
habitée  par  les  Chilluuks  ;  la  rive  droite  l'est  par  les  Dinkas  jusqu'au 
Subat.  Les  Chillouks  et  les  Dinkas  sont  de  la  même  race,  ils  ont 
mêmes  mœurs,  mêmes  coutumes,  mêmes  usages  que  ceux  que  j'ai 
déc-rils  pour  les  Dinkas-Djingués  du  Soué.  Les  Dinkas  de  la  rive 
droite  étaient  régulièrement  pillés  par  les  Derviches  plusieurs  fois  l'an. 
Les  Chilluuks  (rive  gauche)  par  suite  de  leur  soumission  au  Khalife 
payaient  un  impôt  et  pouvaient  vivre  dans  une  certaine  sécurité.  Les 
vivres  ne  manquaient  pas  au  poste,  l'on  apportait  chaque  jour  des 
milliers  de  rations;  les  œufs,  le  lait,  etc.,  y  étaient  également 
abondants.  On  achetait  toutes  ces  denrées  avec  les  marchandises  que 
nous  avions  apportées  de  Fort  Desaix.  De  ce  C()tô  nous  étions 
absolument  tranquilles  pour  l'avenir. 

Les  travaux  du  réduit  étaient  très  avancés  lorsque  le  19  septembre 
arriva  à  Fachoda  la  flottille  anglo- égyptienne,  avec  le  sirdar 
Kitchener.  Leur  arrivée  fut  naturellement  très  commentée  jiar  les 
indigènes  qui,  avec  leur  finesse  ordinaire,  voyaient  surgir  de  nouvelles 
dirh'cullés  et  de  nouveaux  conflits. 

L'établissement  autorisé  d'un  camp  égyptien  à  500  mètres  au  sud  de 
la  citadelle  mit  les  Chillouks  dans  un  cruel  embarras  ;  ils  se 
demandaient  quels  étaient  ceux  qui  deviendraient  les  maîtres  définitifs 
du  pays.  Alors  le  Mek  sous  la  pression  des  Anglais  déclara  ne  pas  avoir 
fait  de  traité  avec  les  Français  et  en  dessous  il  nous  faisait  dire  qu'il 
était  toujours  de  cœur  avec  nous.  Cette  attitude  de  la  part  d'un  noir 
dénote  une  certaine  finesse  diplomatique  et  franchement  on  ne  j)ouvait 
gujre  en  vouloir  à  ce  monarque,  pris  entre  le  marteau  et  l'enclume, 
d'avoir  une  préférence  marquée.  Du  reste  il  observa  cette  altitude 
jusqu'au  jour  de  l'évacuation;  chaque  fois  qu'il  faisait  un  cadeau  de 
plusieurs  bœufs  au  camp  égyptien,  il  ne  manquait  pas  de  nous  faire  le 
même  présent.  Dans  chacun  des  deux  postes  il  avait  son  représentant 
el  dans  celte  situation  singulière,  voire  même  critique,  il  sut  garder  do 
boMues  relations  aA^ec  les  Français  et  les  Anglais  ;  il  dénigrait  la  partie 
a(;verse  selon  qu'il  était  avec  l'un  ou  avec  l'autre.  Ce  Mek  des 
Chillouks,  qui  avait  su  plaire  d'aburd  aux  ^lahdistes,  puis(ju'il  avait  été 
inirùnisé  par  eux  au  délrinicut  de  son  prédécesseur,  qui  dut  prendre 
la  fuite  pour  ne  pas  être  décapité,  s'appelait  Ahmed  el  Fadil.  nom  qui 
hii  avait  été  donné  après  sa  conversion  à  la  religion  du  Khalife,  car 
naturellement,  intelligent,  C(jni!iic  il  l'était,  il  avait  comi)ris  que  son 
sîiliil  él;iit  diiiis  bi   ])i-otcclioii   (InKhiililV  a\"ci-  b'ijiicl   il  ciilrclcnait  de 


-  -.m  - 

bonnes  relations.  A  l'arrivée  des  Français  il  fil  volte-face  pour 
conserver  son  sceptre  et  joua  ensuite  la  politique  que  j'ai  indiquée 
plus  haut  avec  les  Anglais  pour  se  maintenir  au  pouvoir.  • 

Les  relations  entre  les  deux  camps  furent  cordiales  au  début,  puis  le 
sirdar  ayant  regagné  Kliartoum  et  le  commandant  Marchand  étant 
parti  au  Caire  se  mettre  en  relations  avec  le  Gouvernement  français, 
les  commandants  de  chacun  des  postes  :  Jakson  Bey,  pour  le  camp 
anglo-égyptien,  et  capitaine  Germain  pour  le  nôtre,  eurent  quelques 
froissements.  11  faut  en  rechercher  l'origine  dans  la  question  de  la 
navigation  du  «  Faidherbe  »  sur  le  Nil  et  dans  le  Bahr  el  Ghazal, 
navigation  qui  devait  être  soumise  aux  règlements  édictés  par  le  sirdar. 
Puis  les  relations  se  tendirent  davantage,  le  commandant  anglais 
devenait  de  plus  en  plus  exigeant  et  grâce  à  l'attitude  prise  par  le 
capitaine  Germain,  qui  ne  voulut  point  le  suivre  sur  ce  terrain,  aucun 
conflit  n'éclata. 

Le  «  Faidherbe  »  qui  le  16  septembre  conduisit  le  lieutenant  Largeau 
à  Fort  Desaix  pour  y  chercher  les  canons  à  tir  rapide  et  les  munitions, 
fit  plusieurs  fois  cette  route,  il  assura  jusqu'au  dernier  moment  les 
communications  avec  le  Bahr  el  Ghazal  et  l'Oubangui.  Le  lieutenant 
Largeau  à  son  retour  de  Fort  Desaix  prit  jusqu'au  moment  de 
l'évacuation  le  commandement  du  poste  de  la  Meschra  er  Rek  par 
suite  de  l'insuffisance  dans  le  personnel  des  troupes  du  Haut- 
Oubangui. 

Le  capitaine  Baralier.  après  avoir  fait  l'expluralion  du  Sobat  et  du 
Yal,  affluents  de  droite  du  Nil.  était  parti  en  mission  en  France  par  la 
voie  du  Nil  et  de  l'Egypte. 

Aussitôt  après  le  départ  du  commandant  Marchand  pour  le  Caire,  la 
tension  des  rapports  entre  les  Gouvernements  français  el  anglais 
augmenta,  et  le  poste  français  de  Fachoda  resta  sans  communications 
par  la  voie  égyptienne.  Les  canonnières  ne  nous  apportaient  plus 
aucun  courrier,  de  sorte  que  l'inquiétude  commençait  à  nous  prendre. 
Le  capitaine  Germain  envoya  le  capitaine  Mangin  en  reconnaissance 
vers  les  régions  abyssines.  Lorsque  le  commandant  Marchand  revint 
le  4  décembre  à  Fachoda  avec  l'ordre  d'évacuer,  on  était  sans  nouvelles 
du  capitaine  Mangin.  Le  lieutenant  Fouque  avec  quelques  tirailleurs 
partit  à  sa  suite  pour  lui  donner  communication  des  nouveaux  ordres 
et  lui  désigner  un  point  de  jonction  sur  les  confina  abyssins  avec  la 
Mission  qui  prenait  cette  voie  de  retour. 

^3 


-  3-v'i  - 

Lt'  sergent  lîernard  et  moi  fureiil  gravemenis  alteinis  iieiulanl  près 
de  lieux  mois  à  Fachoda  d'une  diarrhée  infectieuse  qui  avait  pris  son 
germe  dans  les  marais.  Encore  faibles  au  moment  du  tlêparl  de 
Fachoda,  le  docteur  Emily  de  la  Mission  décida  de  nous  faire  retourner 
en  France  par  la  voie  du  Nil  juiisque  les  autorités  anglo-égyptiennes 
mettaient  gracieusement  une  canonnière  à  la  disposition  du  comman- 
dant Marchand  pour  les  malades. 

Le  11  décembre  la  Mission  française  quitte  Faclioda  avec  toutes  ses 
embarcations  et  ses  approvisionnements,  moins  20.000  rations  de 
farine  indigène  qu'elle  laisse  aux  troupes  égyptiennes  ainsi  ([u'un  petit 
troupeau  de  bœufs. 

J'ai  déjà  fait  le  compte  rendu  de  lajournée  d'évacuation  de  Faclioda, 
je  ne  le  referai  pas  ces  souvenirs  sont  trop  navrants  [)our  qu'ils  soient 
rappelés. 

Le  lendemain  12  décembre,  je  quitte  à  mon  tour  Fachoda,  avec  le 
sergent  Bernard,  un  petit  détachement  de  tirailleurs  malades,  et  un 
convoi  de  munitions  que  le  Commandant  avait  jugé  inutile  d'emporter 
avec  lui.  Nous  nous  embarquons  sur  la  canonnière  «  Nasser  »,  le 
19  nous  arrivons  à  Omdurman,  ancienne  capitale  mahdiste  ;  nous  en 
repartons  le  23,  et  le  25  nous  sommes  à  l'Atbara;  partis  le  même  jour 
(m  cliemin  de  fer,  nous  traversons  le  désert  de  Nubie  et  le  27  nous 
arrivons  très  fatigués  à  Ouadi-Halfa.  Repartis  le  même  jour  pour 
Chellal  par  la  voie  fluviale  nous  y  arrivons  le  lendemain,  et  le  29  nous 
prenons  de  nouveau  le  chemin  de  fer  jusqu'à  Louqsor.  Un  télégramme 
du  Ministre  de  France  au  Caire  nous  invite  à  nous  re[)Oser  quelques 
jours  dans  cette  charmante  localité  dans  l'hospitalière  nuiison  de 
M.  Pagnon.  propriétaire  de  l'hotcl  de  Louqsor.  Nous  recevons  là 
pendant  jjrès  de  cinij  jours  un  familial  et  très  symi)atlii([ue  accueil  de 
notre  cher  compatriote.  Nous  repartons  de  Louqsor  le  2  janvier  1899 
et  le  3  nous  arrivons  au  Caire  oîi  nous  li-ouvons  également  chez  nos 
•  •ompatriotes  la  plus  large  hospitalité.  Le  0,  départ  pour  Alexandrie  où 
nous  arrivons  le  même  jour  et  le  lendemain  7  le  vapeur  «  Orénoque  », 
des  Messageries  Maritimes  nous  emporte  vers  noire  chère  France  où 
nous  débarquons  le  12  janvier  1899. 

.l'ai  terminé  mon  récit,  j'ai  essayé  d'esquisser  à  grands  traits  les 
travaux  et  la  marche  de  la  Mission  dans  sa  traversée  de  l'Afrique,  je 
n'ai  pas  à  juger  les  résultats  obtc-nus,  de  même  qu'il  ne  m'appartient 
j)as  de  donner  mon  apj)réciatioii  sur  d(;s  faits  (|ui  se  sont  pass("'s  itendant 


-  355  - 

le  cours  de  notre  voyage,  dans  une  mission  où  je  n'étais  qu'un  modeste 
collaborateur. 

J'ai  écrit  mes  impressions  personnelles  sans  aucune  prétention, 
sincèrement  et  consciencieusement  avec  la  seule  idée  de  donner  à  ceux 
qui  les  liront  un  aperçu  de  nos  trois  années  passées  en  Afrique  et  en 
reconnaissance  de  la  sympathie  que  m'a  témoignée  la  Société  de 
Géographie  de  Lille. 

0.  DE  Prat. 


Lille  Imp.LDanel 


Cat^te  Itinéraire 


DE  LA  MISSION   MARCHAND 

avec  la  région  orientale  du  Tchad  et  l'Abyssinie 

D  APRÈS  LES  MISSIONS  GENTIL  &  DE  BONCHAMP 


M.  O.  DE  PRAT, 

Membre  de  la  Mission  Congo -Nil. 


Cante  Itinépaine 

DE  LA  MISSION   MARCHAND 

avec  la  région  orientale  du  Tchad  et  r%8siaie 

D'APRÈS  LES  MISSIONS  GENTIL  i  DE  BONCHAMP 


M.  O.  DE  PRAT, 

Membre  de  la  MIbsiod  Coogo-Nil. 


-  :357 


MISSION  VOU  LET  -  CHANOINE 


Nos  lecteurs  ont  sans  doute  lu  dans  les  journaux  reutrcfilet  suivant  : 

«  Paris,  6  mai.  —  La  dépèche  par  laquelle  le  Ministre  des  Colonies 
a  reçu  des  nouvelles  de  la  mission  Voulet  est  datée  de  Boro-Biré. 

«  Boro-Biré  n'est  porté  ni  sur  la  carte  allemande  de  Habeniclit,  ni 
sur  la  carte  française  de  Regnault  de  Lannoy  de  Bissy,  mais  il  est 
probable  qu'il  se  trouve  sur  la  route  des  caravanes,  en  dehors  du 
territoire  anglais,  à  mi-distance  de  la  ligne  qui  joint  Say  à  Sokoto. 

«  On  sait  que  l'importante  mission  commandée  par  le  capitaine 
Youlet,  assisté  du  capitaine  (Chanoine,  se  dirige  en  ce  moment  du 
Niger  vers  l'oasis  de  Taghelée,  dans  le  Damergon,  où  elle  donnera  la 
main  à  la  mission  Foureau-Lamy. 

«  La  mission  est  partie  des  environs  de  Say  au  commencement  du 
mois  de  mars,  et,  après  une  reconnaissance  infructueuse  dans  le  Nord, 
elle  a  du  prendre  la  route  du  Nord-Est  qui  contourne  la  nouvelle  fron- 
tière franco-anglaise.  Elle  est,  comme  l'indique  la  dépêche  reçue  par 
le  Ministre  des  Colonies,  arrivée  le  15  avril  à  Boro-Biré.  » 

Comme  complément  de  cette  note,  nous  avons  la  bonne  fortune  de 
publier  dans  notre  Bulletin,  le  travail  ci-joint  dont  nous  devons  com- 
munication au  général  Chanoine ,  resté  membre  de  notre  Comité 
d'Etudes.  —  On  y  trouvera  d'intéressants  détails  sur  le  régime  du 
Niger,  sur  les  peuplades  riveraines ,  sur  les  Touareg.  —  Nous 
adressons  au  général  tous  nos  remerciements  pour  cette  communication . 

A.  M. 


Sansannè-Haousaa  {ri ce  gauche  du  Niger,  100  kilor/ièires 
en  amont  de  Say),  le  îj  janvier  1800. 

Mon  cher  Père  , 

J'ai  quitté  Dienné  le  18  octobre  1898  avec  360  tirailleurs  pour  me 
rendre  à  Say  par  la  voie  de  terre,  tandis  que  Voulet  partait  pour 
Tombouctou  et  Say  par  le  Niger  avec  les  chalands  chargés  de  matériel. 

24 


—  338  - 

A\i  mois  d'octobre,  toute  la  plaine  de  Dienué  est  inondée  et  couverte 
de  2  mètres  d'eau.  Le  Niger  et  le  Bani  sont  réunis  et  de  loin  en  loin 
on  voit  émerger  des  monticules  hérissés  d'un  bouquet  de  rôniers  ;  ce 
sont  les  villages  devenus  des  îk'S.  Dienné  même  avec  ses  grandes 
maisons  à  deux  étages,  ses  mosquées,  ses  terrasses  et  son  enceinte 
baignée  par  le  canal  de  Koakourou  qui  l'entoure  de  toutes  parts,  a 
l'air  d'une  forteresse. 

J'ai  débarqué  sur  la  rive  droite  du  Bani  à  Kombaka  (20  kil.  N.-E. 
de  Dienné;  et  pris  la  route  de  Yarro-Sô.  On  rencontre  la  montagne  à 
19  kil.  du  fleuve  ;  c'est  la  montagne  du  Dakol,  de  Bandiagara,  de 
Donentza,  du  Hombori  ;  c'est  la  montagne  des  turbulents  Habès.  La 
route  de  Dienné  à  Ouahigouya  la  traverse. directement  à  Diam,  mais 
elle  est  encombrée  de  rocliers  et  très  mauvaise  pour  les  chevaux  ;  c'est 
pourquoi  je  fis  un  crochet  vers  le  Nord  pour  passer  par  une  sorte  de 
col  qui  s'étend  de  Yarro  à  Sô.  Sô  est  le  village  qui  domine  la  plaine, 
le  Séno  au  Sud-Est. 

De  Yarro  à  Sô  30  kil.  ;  c'est  la  largeur  de  l'arête  montagneuse.  La 
montagne  de  Bandiagara  est  un  des  importants  accidents  de  terrain  de 
l'Afrique,  on  la  traverse  près  de  Biou,  entre  San  et  Sono  et  encore 
entre  Sikasso  et  Bobo-Dioulaso  ;  elle  se  prolongerait,  dit-on.  davantage 
vers  le  Sud.  Au  Nord  elle  continue  au  delà  du  Hombori  qui  est  simple- 
ment la  dénomination  d'une  de  ses  parties;  elle  va  sans  doute  jusqu'au 
Niger,  à  Fosaye  et  s'étend  peut-être  au  delà.  Elle  a  une  longueur 
connue  de  plus  de  1.000  kil.  et  sépare  très  nettement  les  bassins  du 
Niger  supérieur  (Bani  et  ses  affluents)  et  du  Niger  moyen,  du  bassin 
des  Yolta.  Elle  en  fournit  une  bonne  partie  des  eaux  qui,  traversant 
les  sables  du  Séno,  viennent  sourdre  150  kil.  plus  au  Sud. 

La  montagne  est  habitée  par  une  population  très  dense,  que  nous 
appelons  impi-oprement  les  «  Habé  ».  Le  mot  «  Kado  »,  au  pluriel 
«  Habé  »  est  en  eff"et  le  nom  général  que  donnent  les  Foulbé  à  toutes 
les  populations  noires,  par  antithèse  avec  eux-mêmes  qui  se  consi- 
dèrent comme  des  étrangers.  Le  mot  «Kado»  signifie  l'autochtone, 
le  noir. 

Les  habitants  de  la  montagne,  se  disent  «  Toma  »  et  d'origine 
«mandé».  Il-^ont  des  inuiis  païens  liV-s  difftM-ents  de  ceux  dfs  Malinkès 
et  des  Bamliaras  ([iii  sont  aussi  des  mandés.  Il  est  probable  qu'ils  ont 
conservé  sans  altération  leurs  noms,  tandis  que  dans  tout  le  reste  du 
Soudan,  ceux-ci  sont  altérés  ou  changés,  par  imitation  des  noms  musul- 
mans on  de  l;i  Bible. 


-  359  - 

La  moutagne  est  appelée  dans  le  Soudan  le  «  Tomakouluu  ».  (La 
montagne  des  Toma  en  langue  banibara). 

Les  Habé  ne  sont  pas  tatoués  ;  ils  sont  robustes  et  plus  musclés  que 
les  gens  de  la  plaine  ;  ils  ont  les  dents  incisives  limées  en  pointe  ;  leurs 
traits  sont  avenants.  Ils  ont  une  langue  particulière,  mais  parlent 
^ussi  la  langue  des  habitants  dn  la  plaine,  soit  la  Poullo,  soit  le 
Bambara,  soit  le  Songhay,  suivant  qu'ils  sont  en  contact  avec  ces 
peuples  ;  le  Bambara  du  côté  de  Dienné  ;  le  Poullo  de  Bandiagara  à 
Douentza,  le  Songhay  près  de  Hombori. 

De  leur  langue  propre,  il  y  a  même  plusieurs  dialectes  et  l'on  ne  se 
comprend  pas  toujours  entre  habitants  de  villages  éloignés. 

Les  Habé  construisent  des  villages  en  pierres  sèches  et  en  terre  qui, 
perchés  au  sommet  de  rochers  presque  inaccessibles  défient  toute 
attaque  et  semblent  de  loin  des  chàteaux-forts  inexpugnables.  Dans 
certains  villages,  on  n'accède  qu'au  moyen  de  troncs  d'arbres  et 
d'échelles.  Les  Habé  sont  sédentaires  et  ne  s'arrachent  qu'à  regret  à 
leurs  rochers.  Ils  sont  très  bons  cultivateurs,  travaillent  avec  soin 
leurs  champs  qu'ils  savent  fumer  ;  ils  récoltent  beaucoup  de  miel,  sont 
plus  prévoyants  que  les  autres  Soudanais  et  emmagasinent  de  grands 
approvisionnements.  Ils  ont  peu  de  bœufs,  n'ayant  pas  de  pâturages, 
mais  un  grand  nombre  de  moutons  et  de  chèvres.  Ils  fabriquent  beau- 
coup de  dolo  (Il  et  le  soir  dans  la  montagne,  c'est  une  grande  orgie  ; 
on  bat  le  tamtam,  on  fait  un  vacarme  infernal,  on  boit,  on  danse,  on 
se  grise,  on  tire  des  coups  de  fusil.  Les  Habé  sont  industrieux,  ils 
tissent  de  la  toile,  qu'ils  teignent  en  noir  ou  en  brun  foncé,  de  sorte 
qu'on  les  distingue  à  peine,  au  milieu  de  leurs  pierres  ;  ils  sont  presque 
tous  armés  de  fusils  qu'ils  entretiennent  avec  le  plus  grand  soin  ;  ils 
fabriquent  leur  poudre  eux-mêmes  et  comme  projectiles  se  servent  de 
cailloux  ferrugineux. 

Ils  sont  batailleurs,  ils  ont  toujours  défendu  énergiquement  l'accès 
de  leur  montagne,  mais  ils  ne  sont  pas  conquérants  et  ne  s'aventurent 
guère  pour  combattre  hors  des  derniers  éboulis  de  la  falaise.  Les 
Foulbé,  les  Bambara,  les  Foutanké  les  ont  soumis  en  les  prenant  par 
le  ventre,  en  les  empêchant  de  venir  cultiver  leurs  champs  qu'ils  ont 
dans  la  plaine  au  pied  de  la  falaise.  Au  milieu  de  leurs  roches,  bons 
tireurs,  agiles,  connaissant  leur  terrain,  les  Habé  sont  très  redoutables. 


(1)  Liqueur  fcrmentée. 


—  3G0  — 

Les  villages  Habé  sont  tous  indépendants  les  uns  des  autres;  ce 
sont  dans  chacun  les  vieillards  qui  dirigent  les  affaires,  de  concert 
avec  un  fétichiste  nommé  «  l'Ogom  » ,  lequel  ne  doit  sous  aucun 
prétexte,  quitter  la  case  où  il  opère  ses  maléfices  et  ses  conjuralions, 
L'Ogom  a  la  plus  grande  influence  ,  personne  n'ayant  jamais  pu 
convertir  les  Habé  à  Tlslamisme  ;  les  Foulbé  fanatiques  de  Hamdal- 
lahé  qui,  cependant,  firent  peser  sur  eux  une  dure  domination,  y 
renoncèrent. 

Actuellement  les  Habé  du  Sud  de  Bandiagara,  obéissent  assez  bien  ; 
quant  à  ceux  du  Dakol  et  de  Bamba,  il  existe  entre  eux  et  le  résident 
de  Bandiagara  une  sorte  de  compromis  ;  ils  vivent  dans  une  presque 
complète  indépendance ,  nous  considèrent  avec  indifférence  et  se 
contentent  comme  concession,  de  ne  pas  molester  en  ce  moment  les 
agents  politiques  et  les  gouverneurs  Foutankès  d'Agnibou,  qui  parfois 
pour  la  forme,  vont  se  promener  chez  eux.. 

La  route  que  j'ai  suivie  descend  de  la  montagne  à  Sô,  puis  la  longe 
jusqu'à  Diam  et  là  se  dirige  vers  l'E.-S.-E.  pour  aller  à  Courganda^ 
Ntori,  Goécé,  Louta,  Gomboro,  Boussénou  et  Ouauigouya. 

Au  pied  de  la  montagne,  s'étend  une  vaste  plaine  sablonneuse,  c'est 
le  Séno.  La  largeur  du  Séno  varie  de  80  à  ITO  kil.  ;  puis  au  delà 
reparaît  le  sol  ferrugineux.  Dans  le  Séno  l'eau  est  rare,  dans  la  saison 
sèche  on  n'en  trouve  que  dans  des  puits  très  profonds,  et  cependant  le 
Séno  est  couvert  d'arbres  qui ,  du  haut  de  la  montagne ,  le  font 
ressembler  à  un  immense  verger.  Après  l'hivernage,  il  est  couvert 
d'une  herbe  excellente  pour  les  troupeaux.  Le  Séno  est  très  peu 
peuplé,  on  y  rencontre  quelques  Habé  et  surtout  des  Foulbé  faisant 
paître  leurs  troupeaux  et  devenus  en  quelques  endroits  sédentaires.  Le 
Séno  est  composé  de  trois  dunes  de  sable,  dont  la  plus  haute  court 
parallèlement  à  la  montagne  à  1  kil.  environ  ;  la  deuxième  se  trouve 
à  3  kil.,  la  troisième  à  environ  10  kil.,  puis  le  Séno  s'abaisse  insensi- 
blement. , 

On  comprend  donc  que  les  eaux  des  pluies  d'hivernage  qui  courent 
sur  les  surfaces  rocheuses  de  la  montagne  et  viennent  tomber  en 
cascades  sur  la  plaine,  disparaissent  dans  le  sable,  traversent  les  trois 
dunes  et  reparaissent  1(30  kil.  au  Sud  pour  former  les  suites  de  mares 
qui  sont  les  sources  septentrionales  des  deux  Volta.  Au  Sud  de  cette 
partie  du  Séno,  se  trouve  le  pays  des  Samos.  La  route  de  Dienné  à 
Ouahigouya  en  traverse  le  Nord.  Le  pays  des  Samos  est  plat,  son 
sous-sol  est  ferrugineux  et  la  couche  d'eau  souterraine  est  à  une  assez 


—.301  — 

grande  profondeur.  Les  eaux  qui  viennent  de  la  montagne  après  avoir 
traversé  les  sables  du  Séno,  forment  une  suite  de  mares  qu'on  appelle 
le  Sourou,  dont  la  pente  est  si  faible  qu'au  moment  de  la  crue  de  la 
Yolla  dans  laquelle  se  jette  le  Sourou,  crue  qui  précède  celle  de  ce 
cours  d'eau,  les  eaux  de  la  Volta  refluent  dans  le  Sourou  à  plus  de 
100  kil.  de  son  confluent. 

La  population  du  pays  des  Samos  est  très  dense.  Les  Samos  sont 
groupés  par  gros  villages  de  3.000,  4.000  et  même  6.000  habitants 
distants  de  10  ou  15  kil.  les  uns  des  autres.  Leurs  villages  sont  des 
agglomérations  de  cases  en  terre  pressées  les  unes  contre  les  autres, 
que  leurs  sauvages  habitants  défendent  avec  une  rare  ténacité. 

Au  Soudan,  plus  on  va  vers  le  Sud  et  plus  les  peuples  que  l'on 
rencontre  sont  barbares  et  sauvages.  C'est  à  quelques  kilomètres  des 
côtes  que  se  trouvent  les  plus  arriérés  et  les  antropophages.  Ce  phé- 
nomène s'explique  par  le  fait  que  les  populations  plus  civilisées  et 
conquérantes  sont  toujours  venues  du  N.-E.,  et  constamment  ont 
devant  elles  refoulé  les  autochtones  jusqu'à  la  forêt  vierge  qui  s'étend 
à  partir  du  6^  degré  de  latitude  Nord. 

Les  Samos  commencent  la  série  des  peuples  sauvages  ;  plus  au  Sud 
viennent  successivement  les  Bobos  de  la  boucle  de  la  Volta,  puis  les 
Dagaré,  les  habitants  du  Lobi  et  enfin  les  indigènes  du  Nord  de  la 
Côte  d'Ivoire  et  de  la  Côte  d'Or. 

Les  Samos,  bien  que  fétichistes,  ont  un  grand  respect  pour  les 
marabouts  markos  originaires  de  Dienné  qui  se  sont  installés  chez  eux 
et,  leur  vendant  des  amulettes,  exploitent  leur  .crédulité  et  font 
quelques  prosélytes.  Les  Samos  ne  sont  pas  soumis,  bien  que  depuis 
deux  ans  chaque  bulletin  politique  des  Commandants  de  la  région 
annonce  la  fin  de  leurs  rébellions.  On  n'a  pas  eu  la  main  assez  dure 
avec  eux  au  début;  on  a  châtié  il  y  a  trois  ans  les  villages  faibles,  en 
laissant  impunis  les  grands  et  les  forts.  On  a  laissé,  séduits  par  leur 
trompeuse  parole  ,  les  marabouts  markos  exercer  leur  détestable 
propagande.  Il  y  a  deux  ans,  quand  la  rébellion  fut  devenue  générale, 
on  se  décida  à  mettre  les  Samos  à  la  raison.  On  agit  alors  sans  énergie, 
par  des  demi-mesures  que  les  rebelles  ont  interprétées  pour  ce  qu'elles 
étaient  réellement,  de  la  faiblesse  de  la  part  des  chefs  de  la  région. 
Les  Samos  comme  les  Habé  ont  pris  conscience  de  leur  force  ;  ils  ont 
pris  l'habitude  de  maltraiter  ou  de  tuer  les  agents  politiques  et  les 
percepteurs  d'impôts,  sachant  très  souvent  qu'ils  sont  sûrs  de  l'impu- 
nité, tous  ceux  qui  se  disent  les  maîtres  du  pays  craignent  les  respon- 


—  362  — 

sabilitês  et  de  prendre  d'énergiques  décisions.  Enfin,  les  Foulbé  et  les 
Foutanké  d'Aguibou,  agitent  le  paj's  pour  pêcher  en  eau  trouble.  Le 
pays  des  Samos  a  été  divisé  en  quatre  parties  :  la  partie  septentrionale 
appartient  à  Aguibou  ;  la  partie  occidentale  dépend  de  Ouidi  ;  le  Sud 
a  formé  le  cercle  de  Sono  ;  l'Est  est  rattaché  au  Yatenga  et  dépend  de 
Ouahigouya.  C'est  Ousman-Oumarou,  le  gendre  d'Aguibou,  qui  est 
gouverneur  de  la  partie  septentrionale.  Les  États  d'Aguibou  qui  sont 
fort  étendus  sont  divisés  en  provinces,  à  la  tète  de  chacune  desquelles 
est  placé  un  gouverneur  toucouleur.  Aguibou  a  peu  d'autorité,  ses 
gouverneurs  lui  obéissent  mal ,  se  détestent ,  se  jalousent  tous  et 
cherchent  à  se  susciter  mutuellement  des  embarras,  en  encourageant, 
en  protégeant  même  les  désobéissances  dans  les  territoires  de  leurs 
voisins. 

Aguibou  et  les  siens,  toujours  menacés  d'être  dépossédés  sont  main- 
tenant impassibles  devant  les  blâmes  les  plus  violents,  mais  restés 
pillards  comme  tous  ceux  de  leur  race,  ils  prennent  leurs  précautions 
et  font  soigneusement  leur  fortune  qu'ils  mettent  en  lieu  sûr.  Leur 
fortune,  ils  la  font  au  détriment  de  leurs  sujets  et  de  nos  intérêts.  Le 
Toucouleur  est  du  reste  mauvais  administrateur,  car  il  a  des  goûts 
luxueux  et  grandioses.  Son  pire  défaut  est  l'orgueil,  défaut  qui  coûte 
cher  quand  on  a  une  troupe  de  griots  et  de  chanteurs  de  louanges 
gagés.  Le  Toucouleur  aime  à  être  environné  d'honneurs,  l'encens  lui 
est  agréable.  Le  plus  grand  luxe,  en  même  temps  que  le  plus  grand 
plaisir  des  chefs  musulmans,  est  de  posséder  un  grand  nombre  de 
femmes,  de  les  parer,  de  les  habiller  des  étoffes  les  plus  coûteuses; 
leur  vanité  est  flattée  qu'on  le  sache.  Or,  ce  que  les  marchands  indi- 
gènes aiment  avant  tout  prendre  en  échange  de  leurs  marchandises 
les  plus  riches,  c'est  le  captif.  On  comprend  facilement  que  les 
Toucouleurs  ne  tiennent  pas  à  ce  que  le  pays  qu'ils  commandent 
soit  en  paix  ;  ils  créeraient  au  besoin  des  troubles  pour  pouvoir  les 
réprimer. 

C'est  Ousman-Oumarou  qui  réside  à  Louta.  Le  gendre  d'Aguibou 
est  une  sorte  de  grand  seigneur  noir  dont  l'hospitalité  et  la  générosité 
sont  proverbiales.  Il  est  très  brave  aussi,  mais  il  a  tous  les  instincts 
pillards  de  sa  race.  C'est  un  lettré  cependant,  un  esprit  distingué  qui 
se  tient  au  courant  de  toutes  choses  et  a  beaucoup  appris.  Je  le 
connais  depuis  longtemps  et  toujours  il  m'a  été  agréable  de  converser 
avec  lui. 

A  50  kiL  de  Louta,  on  pénètre  chez  les  Nilgabé,  Samos  dépendant 


—  30:3  — 

de  Ouahigouya.  Le  1"  novembre,  j'étais  dans  la  capitale  du  Yatunga. 

Le  vieux  Bakarey,  le  naba  du  Yatunga  que  nous  avons  en  189G 
débarrassé  de  ses  ennemis  et  remis  sur  son  trône,  est  arrivé  à  Tétat 
de  décrépitude  complète  que  faisaient  prévoir  ses  habitudes  d'intem- 
pérance. 

J'avais  fait  venir  à  Ouahigouya  Mamagou  Aguibou,  fils  de  Fidiani 
Idrissa,  fils  de  Ouidi  et  Balé,  nos  anciens  auxiliaires  en  1896  et  1897, 
auxquels  le  Gouvernement  a  accordé  des  décorations.  J'ai  donné  do 
l'éclat  à  la  remise  de  ces  distinctions.  J'ai  passé  une  revue  ;  on  a  tiré 
le  canon.  Le  soir  tam-tam  et  salves  d'honneur.  Cette  fête  avait  surtout 
pour  but  d'exciter  l'enthousiasme  de  nos  jeunes  tirailleurs.  Le  12 
novembre  j'étais  à  Ouagadougou,  j'y  prenais  livraison  de  740  porteurs 
et  de  30  chevaux.  De  concert  avec  le  Résident,  je  remis  au  Moro-Naba 
la  décoration  du  Cambodge,  au  milieu  d'une  grande  assistance  venue 
de  tous  les  points  du  Mossé.  Je  suis  heureux  que  le  Gouvernement  ait 
accordé  au  Moro-Naba  cette  décoration.  C'est  le  premier  des  frères  de 
Bokary  Koulou,  le  Naba  dépossédé  en  1897,  qui  vint  nous  faire  sa 
soumission,  et  si  on  peut  lui  reprocher  avec  juste  raison  son  indolence, 
on  ne  peut  guère  jusqu'à  présent,  suspecter  sa  sincérité. 

J'ai  quitté  Ouagadougou  le  16  novembre  et  je  suis  arrivé  le  22  à 
Koupéla,  non  loin  de  la  frontière  du  Gourma,  c'est-à-dire  du  haut 
Dahomey.  J'ai  pris  à  Koupéla  le  complément  des  porteurs.  Dans  tout 
le  Mossi  que  j'ai  traversé  pendant  360  kil.,  j'ai  reçu  le  plus  parfait 
accueil  des  chefs  et  de  la  population.  Je  venais  de  traverser  tout  le 
Soudan  depuis  Kayes  par  Nioro,  Ségou  et  Dienné  ;  le  Mossi  me  fit 
relativement  à  ces  contrées,  la  même  impression  de  richesse  et  de 
prospérité  qu'en  1896.  L'air  est  sain,  le  sol  excellent.  Les  chevaux,  les 
ânes,  les  bœufs,  les  moutons  abondent.  11  est  regrettable  que  l'habitant 
du  Mossi  soit  inerte  et  comme  plongé  dans  une  sorte  de  torpeur  ;  il 
cultive  à  peine  ce  sol  si  riche  et  ne  cherche  à  faire  produire  que  la 
quantité  de  grains  qui  lui  est  strictement  nécessaire;  aussi  soufifre-t-il 
cruellement  de  la  famine  dans  les  années  de  récoltes  mauvaises  sem- 
blables à  l'année  dernière.  Quel  remède  faudrait-il  apporter  à  cette 
incroyable  paresse  ?  Peut-être  l'appât  du  luxe  arracherait-il  le  Mossi  à 
sa  somnolence,  si  les  commerçants  venaie^it  le  tenter. 

Je  crois  encore  qu'une  énergique  impulsion  de  la  part  du  Résident 
amènerait  des  résultats. 

Elargir  les  chemins,  en  faire  des  routes,  le  long  de  ces  routes, 
creuser  des  puits  ;  aider  aux  transactions  commerciales  entre  Tom- 


—  364  — 

bouctou  et  la  Côte  d'Ivoire  par  le  Mossi  et  la  A'olta  ;  créer  des  marchés 
constitueraient  des  mesures  propres  à  amener  un  changement  matériel 
et  moral  dans  le  pays.  Mais  pour  atteindre  ce  but,  il  ne  faut  pas  hésiter 
à  imposer  des  corvées  aux  habitants  ;  à  les  forcer  enfin  à  travailler 
pour  leur  bien-être.  Les  Romains  ne  firent  pas  autrement  pour  civiliser 
leurs  conquêtes.  Agir  ainsi  c'est  gouverner,  ce  qu'ignorent  la  plupart 
des  Français  qui  prétendent  à  celte  fonction. 

J'ai  traversé  le  Gourma  de  Koupéla  à  Kakatami,  en  passant  par 
Tibga,  Gaiéri,  Panou,  Barlibogou.  J'ai  rejoint  à  Tokatanu  la  route  de 
Dori  à  Say.  Le  Nord  du  Gourma  est  un  désert  où  les  villages,  misé- 
rables agglomérations  d'une  centaine  de  cases,  sont  distants  de  35  ou 
/i()  kilomètres.  Les  habitants  sont  sauvages  et  craintifs,  toujours  en 
butte  aux  exactions  de  leur  souverain.  L'eau  est  rare,  même  à  cette 
époque.  Cependant ,  belle  est  la  végétation ,  car  la  couche  d'eau 
souterraine  est  à  une  profondeur  médiocre.  La  route  de  Dori  à  Say 
n'est  guère  peuplée  et  les  Foulbé  de  Torodi  l'ont  abandonnée  en  plus 
d'un  point. 

Le  14  décembre,  j'arrivai  à  Say.  Youlet  n'était  pas  encore  arrivé.  Je 
reçus  un  courrier  de  lui,  me  disant  qu'il  ne  serait  à  Busongo  que  le 
20  décembre  et  de  me  porter  à  sa  rencontre.  Nous  restâmes  quelques 
jours  à  Say;  nous  avions  parcouru  900  kil.  depuis  Dienné.  Tout  le 
monde  avait  besoin  de  repos. 

Le  Niger  à  Say  n'est  plus  le  majestueux  Niger  de  Ségou  ou  de  San- 
sanding.  La  moitié  de  ses  eaux  a  grossi  les  marigots  et  les  lacs  des 
environs  de  Goundam  et  de  Tombouctou.  Il  n'a  guère  que  500  mètres 
de  largeur.  La  crue  commence  à  arriver.  Les  crues  du  Niger  donnent 
lieu  à  des  observations  très  intéressantes.  Ce  sont  des  phénomènes 
créés  par  la  forme  même  des  coudes  du  fleuve.  Les  affluents  du  Niger 
supérieur  prennent  leur  source  vers  le  8"  degré  de  latitude  N.,  et  sous 
cette  latitude  les  pluies  commencent  en  avril,  tandis  que  sous  le 
12^  degré  elles  ne  commencent  qu'en  juin,  sous  le  1-'/  qu'en  juillet.  A 
Tombouctou  il  pleut  très  peu.  Le  Niger  n'a  pas  d'affluents  dans  tout  le 
secteur  de  sa  boucle  compris  entre  Mopti  et  Zinder.  Les  pluies  ne 
sont  pas  suffisantes  dans  cette  région.  La  crue  du  fleuve  dans  ces 
parages  n'est  donc  déterminée  que  par  l'arrivée  des  eaux  du  Niger 
supérieur.  La  crue  arrive  en  juillet  à  Bammako,  en  août  à  Ségou  ;  au 
commencement  de  septembre  à  Dienné  et  Mopti.  A  partir  de  cet 
endroit,  la  crue  remplit  le  lac  Débo  et  les  nombreux  lacs,  mares,  lits 
secondaires  qui  constituent  le  système    lacustre    de  Goundam ,  de 


—  sa')  — 

Saraféré,  de  Tombouctoii.  La  pente  est  très  peu  sensible  ;  aussi  les 
eaux  ne  sont-elles  hautes  à  Toinbouclou  qu'en  janvier  et  restent  sta- 
tionnaires  pendant  tout  ce  mois.  Le  niveau  du  fleuve  reste  maintenu 
par  l'apport  des  eaux  de  tous  les  lacs  qui  se  déversent  lentement  après 
la  crue. 

A  parlir  de  Tombouctou,  le  lit  du  fleuve  est  mieux  défini,  resserré 
entre  des  dunes  et  des  collines,  sa  vallée  finit  par  n'avo-ir  guère  que 
2  ou  3  kil.  à  Sansanné-Haoussa.  La  pente  est  plus  rapide.  La  crue 
arrive  à  Say  à  la  fin  de  janvier  et  les  eaux  sont  hautes  en  ce  point 
alors  qu'elles  n'ont  pas  encore  baissé  à  Tombouctou.  C'est  ainsi  que 
s'explique  ce  fait  étrange  en  apparence,  que  le  maximum  de  la  crue 
puisse  avoir  lieu  à  Tombouctou  et  à  Say,  à  la  même  époque.  A  Say, 
les  pluies  d'hivernage  tombées  dans  la  région  ne  sont  pas  suffisantes 
pour  amener  une  crue  au  mois  de  juillet  ou  d'août.  Après  les  grandes 
tornades,  le  fleuve  monte  de  20  ou  30  centimètres  pour  baisser 
•ensuite. 

Il  n'y  a  à  Say  que  la  crue  venue  du  bassin  supérieur  et  arrivant  en 
janvier. 

Mais  en  aval  de  Say  le  régime  change  ;  on  arrive  dans  la  région  des 
pluies  abondantes  commençant  de  bonne  heure ,  le  Niger  reçoit  des 
affluents.  En  aval  de  son  confluent  avec  la  Bénoué,  il  y  a  deux  crues 
bien  distinctes,  la  seconde  n'arrivant  qu'en  mars,  et  précédant  de 
deux  mois  seulement,  le  commencement  de  la  première.  Il  résulte  de 
la  disposition  des  crues  du  Niger  et  des  pluies  d'hivernage,  que  depuis 
Tombouctou,  il  est  possible  de  faire  deux  récoltes.  On  sème  avant  les 
premières  pluies  ;  la  récolte  est  faite  après  l'hivernage  en  novembre. 
On  sème  de  nouveau  dans  les  terrains  que  l'inondation  vient  fertiliser 
en  janvier.  Et  si  les  habitants  de  ces  contrées  savaient  se  servir  d'ap- 
pareils élévatoires  comme  les  Égyptiens,  ils  pourraient,  le  pays  étant 
peu  élevé,  conduire  au  loin  les  eaux  du  fleuve.  Tout  le  pays  deviendrait 
d'une  incroyable  prospérité. 

Dès  notre  arrivée  à  Say,  nous  avons  traversé  le  fleuve  au  moyen  de 
pirogues.  Le  courant  est  violent,  les  pirogues  sont  petites  ;  le  passage 
a  duré  deux  jours.  Les  chevaux  sont  obligés  de  nager  30  minutes;  il 
n'y  a  pas  eu  d'accidents. 

Le  22  décembre  ,  nous  nous  remîmes  en  roule  à  la  rencontre  de 
Youlet,  en  suivant  la  rive  gauche  du  fleuve.  La  rive  droite  se  nomme 
«  Gourma  »,  la  rive  gauche  «  Haoussa  »,  noms  qui  signifient  en 
deçà  ou  au  delà  du  fleuve  dans  la  langue  Songhay. 


-  366  — 

La  rive  «  Haoussa  »  est  habitée  par  les  Djerma ,  population  qui 
s'étend,  de  quatre  jours  en  aval  de  Saj,  à  Karma,  100  kil.  en  amont» 
Les  Djerma  sont  très  nombreux  ;  leurs  villages  riches  et  prospères, 
leur  sol  admirablement  cultivé.  Ils  possèdent  beaucoup  de  troupeaux, 
beaucoup  de  chevaux.  Les  Djerma  se  disent  d'origine  Mandé  ;  ils 
seraient  venus  de  Tombouctou  en  longeant  le  fleuve  au  moment  où 
les  Bambara  conquirent  la  grande  cité.  Ils  se  sont  croisés  avec  les 
Foulbé  et  les  Songha}'.  Ils  parlent  le  Songhaj.  Ils  ont  de  fréquents 
rapports  avec  les  Touareg  qui  vivent  en  bonne  intelligence  avec  eux,, 
car  les  Djerma  sont  braves  et  nombreux.  Ils  sont  bons  cavaliers  et 
combattent  à  la  façon  des  Touareg. 

Les  villages  Djerma  sont  tous  indépendants  les  uns  des  autres  ;  ilnV 
a  ni  roi,  ni  capitale.  Personne  n'ose  venir  les  attaquer. 

Les  Djerma  sont  pillards  et  aventureux  ;  ils  traversent  sans  cesse  le 
fleuve  et  poussent  leurs  expéditions  à  des  centaines  de  kilomètres.  Ils 
se  vantent  de  leurs  rapines  et  les  considèrent  comme  le  noble  et  hono- 
rable usage  de  leur  intelligence  et  de  leur  force.  Ils  sont  musulmans ,^ 
mais  paraissent  peu  fanatiques. 

Ahmadou  Cheikou  s'était  réfugié  chez  eux  à  Dounga  et  prenait  part 
à  leurs  déprédations.  11  se  produisit  entre  les  Foutanké  et  les  Djerma 
quelques  dissentiments  ;  il  y  a  un  an  environ,  les  cavaliers  de  Dounga 
revenaient  d'une  expédition  ;  excités  par  le  combat,  en  rentrant  chez^ 
eux,  ils  attaquèrent  les  Toucouleurs  et  leur  tuèrent  200  hommes. 
Ahmadou  Cheikou  s'enfuit  chez  les  Touareg  de  l'Est. 

C'est  du  Djerma  que  sont  partis  il  y  a  quelque  trente  ans  les  aven- 
turiers Gadiari,  Baba-To,  Isaka,  pour  envahir  et  ruiner  le  Gourounsi. 

Sur  ces  rives  du  Niger,  se  rencontrent  une  foule  de  populations  et 
de  races  diff'érentes  :  les  Djerma,  les  Foulbé,  les  Touareg,  les  Songhay 
et  une  population  noire  très  ancienne  qui  est  asservie  aux  Songhay  ; 
enfin,  un  grand  nombre  de  marchands  haoussas  et  arabes  ;  j'ai  rencontré 
à  Say  et  à  Sansanné-Haoussa  des  commerçants  de  Ghadamès  qui 
viennent  acheter  des  plumes  d'autruches. 

Enfin,  dans  les  îles  du  Niger,  habitent  les  Kourtéi,  race  venue 
depuis  fort  longtemps  dans  le  pays  et  qu'on  dit  Soninké.  Les  Kourtéi 
vivent  en  bons  termes  avec  tout  le  monde,  car  Touareg,  Foulbé, 
Songhay,  Djerma,  ont  besoin  de  leurs  pirogues.  Les  Foulbé  ont  de 
grands  villages  sur  la  rive  droite  ;  les  Touareg  habitent  à  deux  jours  à 
l'intérieur  ;  ils  ont  des  villages  de  Bella  (captifs)  au  bord  du  fleuve  et 
viennent  fréquemment  exercer  des  réquisitions  sur  les  Songhay  qu'ils- 


—  367  — 

ont  terrorisés  et  qui  obéissent  passivement  à  la  première  injonction  des 
durs  nomades. 

On  a  beaucoup  écrit  sur  les  Touareg  et  bien  des  choses  inexactes. 
Quand  on  parle  d'eux  en  France,  on  les  nomme  les  Chevaliers  du 
désert  et  on  ne  tarit  pas  d'éloges  sur  leurs  vertus,  leur  honnêteté,  leur 
courage,  leur  loyauté,  leur  hospitalité. 

Seule  leur  bravoure  est  incontestable  ;  il  y  a  quelques  jours  nous  en 
avons  eu  une  preuve  nouvelle.  Une  bande  de  300  cavaliers  Touareg  a 
chargé  en  plein  jour  la  colonne  Grave  qui  cherchait  à  rejeter  les  tribus 
qui  obéissent  à  Bokary  Ouandéidiou,  sur  la  rive  gauche  du  Niger.  Les 
Touareg  ont  enfoncé  une  face  du  carré  et  traversé  toute  la  colonne  ; 
ils  ont  été  repoussés.  Trois  kilomètres  plus  loin,  ils  ont  renouvelé  leur 
attaque  qui  cette  fois  n'a  pas  réussi.  Les  Touareg  ont  éprouvé  do 
grosses  pertes,  mais  ils  avaient  à  lutter  contre  250  fusils  à  tir  rapide 
et  du  canon.  Le  Targui  n'a  de  considération  que  pour  la  guerre  et  le 
pillage  ;  il  a  le  travail  en  haine.  11  lui  faut  exploiter  les  populations 
noires,  sur  les  frontières  desquelles,  il  va  errant  et  semant  la  terreur  ; 
il  lui  faut  des  esclaves  qu'il  vend  au  Maroc,  ou  à  Tripoli,  pour  acheter 
les  marchandises  qui  le  tentent.  Toutes  ces  causes  ensemble,  en  font 
un  irréductible  ennemi  de  la  civilisation. 

On  a  dit  des  Touareg  qu'ils  étaient  les  rouliers  du  Sahara. 

On  les  confond  avec  les  tribus  maures,  ou  les  tribus  arabes  qui 
exploitent  les  salines  et  font  tout  le  commerce  entre  le  Sud  du  Maroc, 
de  l'Algérie,  de  la  Tunisie,  de  Tripoli  et  le  pays  des  noirs.  Le  vrai 
Berbère  se  contente  d'errer  à  travers  les  plaines  de  sable,  de  se 
trouver  sur  le  chemin  des  caravanes  et  de  percevoir  sur  elles  un 
impôt  exorbitant,  lorsqu'il  ne  s'empare  pas  de  tout  ce  qui  est  à  sa 
convenance. 

Jadis  sur  les  rives  du  Niger  s'édifièrent  de  puissants  empires  qui 
refoulèrent  les  nomades  dans  le  désert ,  leur  interdiront  l'accès  du 
grand  fleuve,  s'emparèrent  de  leurs  troupeaux,  les  réduisirent  à  la 
misère.  Ces  empires,  Gharmata,  Mali,  Songhay,  sombrèrent  au  milieu 
de  guerres  et  de  révolutions  qui  nous  sont  peu  connues  ;  leurs  débris 
se  désagrégèrent  ;  les  Touareg  reparurent  et  devinrent  les  maîtres. 
Pour  réduire  les  Touareg,  chassons-les  dans  le  désert.  Ils  chercheront 
toujours  à  fondre  sur  les  noirs  sédentaires,  nos  protégés.  Créons  des 
corps  légers,  quelques  escadrons,  quelques  compagnies  de  Méhari  qui 
donneront  la  chasse  aux  pillards  jusqu'au  fond  de  leur  désert,  qui 
prouveront  aux  nomades  que  l'ère  des  méfaits  impunis  est  passée ,  qui 


—  3f38  — 

accompagneront  même  et  protégeront  les  caravanes  de  commerçants 
paisibles.  Occupons  les  frontières  méridionales  et  septentrionales  du 
Sahara,  les  ports  du  désert  ;  la  puissance  des  Touareg  disparaîtra  et 
ceux-ci,  chiens  faméliques,  repoussés  de  partout,  à  chacune  de  leurs 
agressions  poursuivis  et  frappés,  demanderont  grâce  pour  ne  pas 
mourir  de  faim.  Peut-être  alors  pourra-t-on  les  parquer  dans  quelques 
oasis  et  changeront-ils  de  mœurs  avec  le  temps. 

A  quelques  kilomètres  de  Karma,  finit  le  pays  Djerma  ;  on  arrive 
chez  les  Songhay.  Les  Songhay  jadis  si  puissants,  sont  aujourd'lmi 
d'une  incroyable  faiblesse.  Ils  sont  nombreux  cependant  et  pourraient 
résister  aux  Touareg  qui  les  oppriment.  Ils  n'en  ont  pas  même  l'idée. 
Le  Targui  vient  chez  eux,  commande  et  réquisitionne  tout  ce  qui  lui 
plaît. 

J"ai  trouvé  cliez  les  Songhay,  un  mélange  de  crainte  et  d'hostilité 
déguisée.  Ils  nous  craignent  mais  ils  sont  terrifiés  à  la  pensée  des 
représailles  que  pourraient  exercer  sur  eux  les  Touareg ,  s'ils  nous 
faisaient  franchement  un  bon  accueil.  On  sent  dans  chacun  de  ses 
actes,  derrière  le  Songhay,  le  Targui  imposant  sa  volonté.  Et  cepen- 
dant, en  ce  moment,  les  Touareg  se  sont  retirés  à  plusieurs  journées 
dans  le  Nord-Est. 

Les  populations  noires  ne  diviendront  nôtres,  que  le  jour  où  elles 
seront  sûres  d'être  délivrées  pour  toujours  de  leurs  sauvages  oppres- 
seurs. Cette  délivrance  ne  peut  venir  que  par  la  puissance  de  nos 
armes. 

L'esprit  de  lutte  n'est  plus  dans  leur  âme,  qui  s'est  façonnée  et 
accepte  toutes  les  tyrannies.  Jamais,  d'eux-mêmes,  les  Songhay  ne 
sortiront  de  la  soumission  la  plus  servile  pour  combattre  leurs  maîtres. 

.Je  suis  arrivé  le  1"  janvier  à  Sansanné-Haoussa.  Le  2  janvier  Voulet 
arrivait  dans  cette  ville  avec  les  clialands  chargés  de  matériel.  11  avait 
victorieusement  franchi  les  rapides  du  Niger  et  triomphé  des  diffi- 
cultés de  la  navigation.  Nos  troupes  sont  réunies.  Personne  ne  manque 
parmi  les  officiers  et  les  sous-officiers  européens.  L'état  moral  et  sani- 
taire des  hommes  est  excellent  ;  ces  quatre  mois  de  marche  sont  une 
bonne  préparation.  Nos  jeunes  tirailleurs  sont  devenus  des  soldats 
disciplinés  et  robustes.  La  plupart  viennent  de  marcher  2.000  (deux 
mille)  kilomètres.  Ils  sont  rompus  à  la  fatigue  et  peuvent  affronter  les 
étapes  les  plus  pénibles.  Ils  ont  appris  à  tirer,  à  manœuvrer.  Us  ont 
confiance  dans  leurs  chefs. 

Sir;7ié:  Cai.itaine  CHANOINE. 


—  3<;9 


PROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES. 


Assemblée     géuéralc     du     96     Avril     189». 


Présidence  de  M.  Paul  CREPY,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  et  demie. 

MM.  Nicolle,  Van  Hende,  Boulenger,  ]\Ierchier,  Quarré-Reybourbon,  Fernaux- 
Defrance,  Gantineau,  Delahodde,  Pajot,  Chanoine  Pillet,  Théry,  Vaillant  et  le 
D''  Vermersch  prennent  place  au  Bureau. 

M.  Graveri  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la  séance. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée  générale  a  été  publié  dans  le 
Bulletin  du  mois  de  Décembre. 

Adhésions  nouvelles.  —  Depuis  le  27  Décembre,  87  membres  nouveaux  ont  été 
admis  par  le  Gomité.  La  liste  en  est  publiée  à  la  suite  de  ce  procès-verbal. 

Bureau.  —  Les  Membres  sortants  du  Bureau  ont  été  réélus,  à  l'unanimité, 
pour  1899  : 

MM.  Paul  Grepy,  Président. 

Van  Hende,  \ 

Nicolle,  /         .      .,  ,  .,     ^ 

Masurel,  '  \ice-Presidents. 


Boulenger. 

Merchier,  Secrétaire-Général. 

Quarré-Reybourbon,  Secrétaire-Général-adjoint. 

TiLMANT,  Secrétaire. 

Fromont,  Trésorier. 

Fernaux-Defrance,  Trésorier-adjoint. 

HouBRON,  Bibliothécaire. 

G.\ntineau,  Archiviste. 

Conférences.  —  Le  Président  est  heureux  de  rappeler  les  nombreuses  Gonfé 
rences  qui  ont  eu  lieu  durant  les  mois  précédents  : 

22  Janvier.  —  Séance  solennelle.  M.  Haumant:  UnYoyai/e  en  Moscovie.  Aspects 

et  mœurs  d'autrefois. 
30        »        —  I\L  Wiener  :  La  République  argentine  en  1898. 
2  Février.  —  R.  P.  Bonaventure  :   Terre-Neuve.  —  Œuvres  de  mer. 
16        »        —  ISL  Lalo  :  .1  travers  la  Sibérie. 
27        »        —  M""''  Jeanne  de  Mayolle  :  Mœurs  de  la  Sardaigne. 


—  370  — 

2  Mars.      —  M.  P.  Mille  :  Les  intérêts  français  en  Palestine  et  en  Syrie. 

0        »        —  j\I.  le  baron  Dard  :  Le  Canada  français. 
12        »        —  M.  Waeles  :  Voyage  au  Sé-Tchouen   et   sur  les  frontières   du 

Thibet. 
16        »        —  M.  Giiimet  :  Récentes  découvertes  archéologiques  en  Egypte. 
25        »        —  M.  Gagnât  :  Les  fouilles  récentes  faites  à  Pompéï,  Bosco-Reale. 

0  Avril.      —  M.  Corsin  :  Les  Alpes  du  Dauphiné. 
10        »        —  M.  Bonhoure  :  La  Tunisie.  —  Sa  colonisation,  ses  mœurs,  ses 

richesses,  son  avenir. 
10        »        —  M.  Paillot  :   Voyage  en  Roumanie. 
23        »        —  M.  l9  chanoine  Pillet  :  Le  Vatican. 

Congrès.  —  Le  Z~^  Congrès  des  Sociétés  savantes  a  eu  lien,  à  Toulouse,  du  4  au 
6  Avril.  Notre  collègue,  M.  Lecocq,  y  a  représenté  la  Société. 

M.  0.  Godin,  Membre  du  Comité  d'Études,  a  bien  voulu  accepter  d'être  le  délégué 
de  la  Société  au  ^XX*"  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  qui 
s'est  tenu  à  Alger  du  20  mars  au  2  avril. 

Notre  Président  s'est  rendu  de  Tamaris  à  Marseille  pour  accompagner  M.  Godin 
à  bord  de  «  VEugène  Péreire  »  et  lui  souhaiter  un  heureux  voyage,  ainsi  qu'à  nos 
collègues  qui,  après  le  Congrès,  devaient  visiter  l'Algérie  et  la  Tunisie. 

M.  Godin  a  envoyé  les  vœux  émis  par  le  Congrès.  —  Ils  sont  imprimés  à  la  suite 
de  ce  procès-verbal. 

Roubaix.  —  M.  0.  Leburque  ayant  donné  sa  démission  de  Président  de  notre 
section  de  Roubaix,  M.  Boulenger,  Vice-Président,  a  été  élu  pour  le  remplacer. 

Au  nom  du  Comité,  notre  Président  a  écrit  à  ^l.  Leburque  que  ses  collègues 
n'oublieront  pas  les  services  nombreux  et  utiles  qu'il  a  rendus  à  la  Société. 

M.  Amédée  Prouvost  a  été  nommé  Vice-Président  de  la  section  de  Roubaix  en 
remplacement  de  M.  Boulenger. 

Concours.  —  Un  léger  changement  est  fait  pour  la  limite  d'âge  des  jeunes  filles 
de  l'enseignement  secondaire. 

A  l'avenir,  cette  limite  sera  de  15  ans  pour  la  i'"  série  et  14  ans  pour  la  2"  série. 

Finances.  —  Le  Comité,  à  l'unanimité,  a  approuvé  le  rapport  sur  le  mouvement 
financier,  durant  l'exercice  1898,  présenté  par  la  Commission  des  Finances. 
Ce  rapport  est  publié  à  la  suite  de  ce  procès-verbal. 

Topographie.  —  Le  général  commandant  le  i"  corps  d'armée,  sur  la  demande 
formulée  au  colonel  du  43**  régiment  d'infanterie,  autorise  M.  le  lieutenant  Lemayeur 
à  continuer,  cette  année,  le  cours  de  topographie  qui  a  obtenu  un  grand  succès  l'an 
dernier. 

Nécrologie.  —  Notre  Comité  a  eu  la  douleur  de  perdre  l'un  de  ses  membres  les 
plus  sympathiques,  M.  Alphonse  Herland.  Sur  sa  tombe,  un  de  nos  collègues  a  dit. . . 

«  Auditeur  assidu  des  conférences  de  la  Société  de  Géographie,  il  entra 

«  bientôt  dans  le  Comité  d'Études  dont  il  partagea  les  travaux  avec  activité  ;  il  fut 
«  toujours  un  de  ses  membres  les  plus  zélés  et  le  plus  écouté.  » 

Un  de  nos  aimables  conférenciers,  M.  A.  Boutroue,  est  décédé  récemment  à  Paris. 

Poitiers.  —  Le  colonel  Blanchot  annonce  la  fondation,  à  Poitiers,  d'une  Société 
de  Géographie  dont  il  esi  le  Président. 


-  371  - 

Bibliothèque.  —  La  liste  des  dons  et  achats  est  à  la  fin  du  procès-verbal. 

Distinctions.  —  Sont  promus  : 

Officier  de  l'Instruction  publique. 
JM.  le  D''  Phocas,  professeur  agrégé  à  la  Faculté  de  Médecine  de  Lille. 

Officiers  du  Mérite  agricole. 

MM.  le  D""  Calmette,  directeur  do  l'Institut  Pasteur  de  Lille. 
Gosselet,  doyen  de  la  Faculté  des  Sciences. 

♦ 
Sont  nommés  :  Officiers  d'Académie. 

MM.  Louis  Cordonnier,  architecte. 

Clément,  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce. 
Beaufort,  président  de  la  Commission  des  Excursions, 

Chevalier  de  l'ordre  de  Léopold  de  Belgique. 
M.  le  D''  Calmette,  directeur  de  l'Institut  Pasteur  de  Lille. 

La  distinction  accordée  à  notre  sympathique  collègue,  M.  Henri  Beaufort,  le 
dévoué  président  de  la  Commission  des  Excursions,  nous  a  été  surtout  agréable. 

La  Société  de  Géographie  de  Paris  a  décerné  des  récompenses  à  plusieurs  Explo- 
rateurs que  nous  avons  eu  le  plaisir  d'entendre  à  diverses  reprises  : 

Médailles  d'or  :  MM.  Marcel  Monnier. 

les  capitaines  Voulet  et  Chanoine. 
Médaille  d'argent  :  M'""  Isabelle  Massieu. 

Excursions.  —  Le  programme  des  Excursions  a  été  publié  dans  le  Bulletin  et 
adressé  à  tous  les  sociétaires. 

Le  Président  rappelle  celles  qui  ont  été  faites  jusqu'à  ce  jour  : 

8  Mars.  —  Visite  de  l'Institut  industriel.  Organisateurs  :  MM.  Godin  et 
Cantineau. 

26  Mars  au  21  Avril.  —  Algérie  et  Tunisie.  Organisateurs  :  MM.  Godin  et 
Decramer. 

15  au  18  Avril.  —  Liâncourt.  Paris.  Versailles.  Organisateurs  :  MM.  Palliez- 
Colin  et  Calonne. 

22  Avril.  —  Visite  de  l'Institut  Pasteur  (l"  groupe).  Organisateurs  :  MM.  Canti- 
neau et  Godin. 

Communication.  —  M.  Delahodde  donne  lecture  d'un  très  intéressant  travail  sur 
rOisans  en  Dauphiné. 

De  chaleureux  applaudissements  prouvent  à  notre  sympathique  collègue  qu'il  a 
su  plaire  et  instruire  tout  à  la  fois. 

Élection.  —  Il  est  procédé  à  l'élection  d'un  membre  du  Comité,  en  remplacement 
de  notre  regretté  collègue,  M.  Alphonse  Herland. 

A  l'unanimité,  M.  le  général  Avon  est  élu.  Son  mandat  expirera  le  31  Décembre 
prochain. 


—  372  - 

Un  membre  de  TAssemblée  demande  s"il  ne  serait  pas  possible  de  fixer  quelques 
Conférences  le  Mercredi. 

Le  Président  répond  qu'il  sera  tenu  compte  de  cette  demande  autant  que  faire 
se  pourra. 

La  Séance  est  levée  à  neuf  heures  quarante. 


MEMBRES  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  DU  17  DÉCEMBRE  1898  : 

N»*  d'ins-  MM. 

cription. 

3470.  DuKOUR-RoizÉ  (Paul),  filateur,  boulevard  de  la  Liberté,  107. 

Présenté  par  MM.  Henri  Beaufort  et  Emile  Rouzé. 

3471.  Denis  du  Péage  (Henri),  étudiant,  rue  Royale,  94. 

P.  Renouard  et  Marcel  Parée. 

3472.  DuBREUCQ  (Emile),  directeur  de  tissage,  rue  Pierre-Legrand,  202, 

Desbonnet  et  (Mlles. 

3473.  LEFEB^'RE  (Georges),  imprimeur,  rue  de  Tournai,  88. 

Fernaux-Defrance  et  Léon  Lefebvre. 

3474.  Kestner,  ingénieur,  boulevard  Vauban,  40. 

Auguste  Crepy  et  Paul  Crepy. 

3475.  Landeau  (Auguste),  étudiant,  rue  de  la  Bassée,  4. 

Trannin  et  Merchier. 

3476.  Gazan  (Victor),  officier  d'administration,  quai  du  Wault,  5 

Merchier  et  Jouvenet. 

3477.  Lanciaux  (G.),  employé,  rue  Bernos,  20. 

Van  Troostenbcrghe  et  Delerive. 

3478.  Labbé  (Ernest),  négociant,  rue  Basse,  49-r)L 

Dehée  et  D'  Vermersch. 

3479.  Lepercq  (Alexandre),  fabric.  d'huiles,  pi.  des  Moulins,  Quesnoy-sur-Deùle. 

Ch.  Derache  et  (THalluin. 

3480.  Thibaut  (DO,  rue  Pierre-Legrand,  113. 

Fâche  et  Decramer. 

3481.  Sautier  (Léon),  représentant,  rue  Brùle-Maison,  71. 

Decramer  et  Machelart. 

3482.  HuET  fils,  représentant,  rue  Gambetta,  184. 

Decramer  et  Machelart. 

3483.  Sarazin  (Edouard),  propriétaire,  rue  des  Stations,  13. 

D'  Vermersch  et  Deroubaix. 

3484.  Selosse  (Praxille),  négociant,  rue  du  GoUège,  101,  Roubaix. 

Destombes  et  Cléty. 

3485.  Maktin-Fremont,  comptable,  rue  de  Laniioy,  r)8,  Roubaix, 

Destombes  et  Leburque. 
3i8G.     Dlyck  (Jules),  inspecteur-voyer,  rue  Jeanne-d'Arc,  10. 

Laschamp  et  Legrand. 
3487.     Gfiancei,,  étudiant,  rue  .Jeanne-d'Arc,  12. 

j/eiie  Bouryoujnon  et  Delcriie. 


-^  373  — 


N"  d'il)»-         MM. 

criptiOL. 


3488.  Dannay  (Paul),  rue  de  Jcminapes,  71. 

Genoux-Roux  et  P.  Decroix-Bernard. 

3489.  F*ATERNOSïER-Scoh  (Arthur),  industriel,  Baisieux. 

Quarré-Reybourbon  et  Th.  Beyhin. 

3490.  Marie  (DO,  rue  Mourmant,  9. 

Merchier  et  Pierre. 

3491 .  Weil  (Simon),  négociant,  rue  Arnould-de-\'uez,  2. 

Chevrolat  et  iJe/ice. 

3492.  Blavier,  négociant,  rue  du  Chevalier-Français,  7. 

Ninive  et  Henri  Beau  fort. 

3493.  Masingôe,  peintre-décorateur,  rue  de  Béthune,  53.  • 

Delepoulle  et  Willerval. 

3494.  Despundre  (Désiré),  fabricant,  passage  de  N.-D.  de  la  Treille,  11. 

Quarré-Reybourbon  et  Paternoster. 

3495.  Garnier,  lieutenant  au  16'=  chasseurs,  place  Simon- Voilant,  21. 

Lieutenant  Thomas  et  Merchier. 

3496.  DouMER  (DO,  professeur  à  la  Faculté  de  ^Médecine,  rue  Nicolas- Leblanc,  57. 

Vati  Troostenberyhe  et  Pollet  fils. 

3497.  Vaillant,  industriel,  Herrin  (Nord). 

Van  Troostenberghe  et  Becquet. 

3498.  Barois  (D'),  médecin-major,  rue  Nationale,  28. 

D'  Carton  et  Henri  Beaufort. 

3499.  Dawson  (George),  négociant,  rue  de  la  Louvière,  30. 

E.  Nicolle  et  L.  Nicolle. 
35(K).     Dawson  (Albert),  négociant,  rue  de  la  Louvière,  32. 

E.  Nicolle  et  L.  Nicolle. 

3501.  Dauthuile,  sous-lieutenant  au  43"  de  ligne,  rue  de  Gand,  54. 

Merchier  et  sous-lieutenant  Poncelet. 

3502.  Sailly,  lieutenant-trésorier  du  !«'"  bat.  d'artillerie  à  pied,  à  la  Citadelle. 

Quarré-Rei/bourbon  et  Hallez. 

3503.  Grellier  (Emile),  ingénieur,  place  Sébastopol,  32. 

Emile  Belebecque  et  Delahodde. 
3.504.     Dedoncker  (Alphonse),  négociant,  rue  du  Molinel,  52. 

Ch.  Belebarre  et  Ed.  Descheemaeker. 

3505.  Leroy-Monthaye,  représentant,  boulevard  Victor-Hugo,  1.53. 

Henri  Beaufort  et  E.  Ernotilt. 

3506.  Georgée,  instituteur,  rue  Dupleix,  23. 

Eloir  et  Beugnies. 

3507.  GÉRARD,  agent  commercial,  boulevard  Papin,  2. 

.1.  Smits  et  Hagelstein. 
.3508.     Mathieu,  représentant,  rue  de  la  Bassée,  5. 

Auguste  Lesay  et  Eug.  Thomas. 

3509.  Vienne  (DO,  rue  Nationale,  326. 

J.-B.  Grumeau  et  Henri  Beaufort. 

3510.  Becquet  (Meiie  Angèle),  rue  Pierre-Legrand,  105. 

Becquet  et  Adolphe  Leleu. 

3511.  GiRAUD  (Paul),  négociant,  rue  St-André,  87. 

^4.  Deny  et  Carrotir-YiUers. 
.3512.     Delatre-Dewaleyne,  rue  d'Arras,  Seciin. 

Victor  Deicaleyne  et  Ch.  Mader. 

25 


^'>»  dins-        ]\i;m. 

cripliOD. 

3513.  Catteau  (Emile),  propriétaire,  riio  de  Gand,  33. 

D'  Vermersch  et  Decramer. 

3514.  Plamont  (Achille),  rentier,  rue  de  .Jemmapes,  1. 

D'  Vermersch  et  Decramer. 
'^515.     Gatteau  (Fabbé),  rue  Colbert,  25  bis. 

Laroche-Belattre  et  le  cJianoine  Pillet. 
3516.     Billot  (E.),  ingénieur,  rue  Jeanne-d'Arc,  54. 

Ai(g.  Crepy  et  Aug.  Schotsmans. 
3518.     Descloque.ment  (François),  brasseur,  Hénin-Liétard. 

Merchier  et  E.  Guillcmaud. 
351^).     Deheule,  employé,  rue  Nationale,  62,  Tourcoing. 

Eug.  Dervaux  et  Petit-Leduc. 

3.520.  Lelong-Wallerand,  propriétaire,  rue  du  Calvaire,  15,  Tourcoing. 

Eug.  Dervaux  et  Petit-Leduc. 

3.521.  Majiet,  manufacturier,  rue  du  Faubourg-de-Lille,  1,  Armentières. 
'  •  A.  Eechman  et  de  Cagny. 

3522.     Droubaix  (J.-B.),  employé,  rue  Pellart,  58,  Roubaix. 

Boulenger  et  Destombes. 
â523.     CoDKON  (Louis),  employé,  boulevard  de  Strasbourg,  78,  Roubaix. 

Boulenger  et  Destombes. 
3.524.     Carbonnelle  (Edouard),  employé,  rue  du  Grand-Chemin,  125,  Roubaix. 

Boulenger  et  Destombes. 
3525.     Lesur,  représentant,  rue  de  la  Gare,  63,  Roubaix. 

Boulenger  et  Dupont. 

3.526.  GuESLE  (A.),  Hôtel  des  Voyageurs,  Seclin. 

Trannirt  et  Merchier. 

3.527.  Ferrin  (M"""),  professeur,  rue  Barthélemy-Delespaul,  116. 

.1/elles  Bourguignon  et  Ducrocq. 
3528.     BÉHAGUE  (Victor),  employé  retraité,  façade  de  lEsplanade,  38. 

Louis  Paquet  et  D""  Billon. 
3.529.     Driecx-Dcfour,  filateur,  rue  .Teanne-d'Arc,  19. 

Aerts  et  Fernaux- De  fronce. 
3530.     Waeles  (Albert),  employé,  rue  Charles-Quint,  10,  Roubaix. 

Boulenger  et  P.  Destombes. 
.3531.     Faure  de  la  \'aulx,  propriétaire,  rue  des  Jardins,  5. 

Paul  Crepy  et  Auguste  Crepy. 
3.532.     Boulanger  (M""),  propriétaire,  Marquillies. 

•     3/ine  Hachet  et  David  ^yiart. 
35;33.     SusTANDAL   Gustave),  rue  St-l-ltienne,  42. 

P.  Ravet  et  H.  Deleschcse. 

3534.  MouQCET  (Paul),  représentant,  rue  des  Urbanistes,  8. 

Ch.  Derache  et  G.  Vandendriessche. 

3535.  Kip.s-^I'jRivAL,  mécanicien,  rue  des  Tours,  1. 

Moisseron  et  Fernaux^Defrance. 
35.36.     Malherbe  (Albert),  représentant,  rue  Alexandre-Leleux,  23. 

Godin  et  Cantineau. 

3.537.  Masurel  (.J.-B.),  négociant,  rue  Colbert,  124. 

V.  Hoffmann  et  Godin. 

3.538.  Gérard  (Fran.;oi.s),  voyageur,  rue  Gambetta,  6,  La  Madeleine. 

Henri  Beau  fort  et  Léon  Ninice, 


—  375  — 

K"»  d'ms-  ]VIM. 

criptioD. 

3539.  DE  BucK,  propriétaire,  rue  Pasteur,  17. 

Lelorui  et  Delohel. 

3540.  Decamps-Bassez,  industriel,  rue  des  Arts,  -42  et  44. 

Patcrnoster-Scol  et  Quarré-Reybourbon. 
5.541 .     Bleuzé  (Paul),  rue  du  Prieuré,  3. 

Salles  et  Fernaux-Befrance. 
35'i2.     DupOiNCHELLE  (Albert),  rue  Colbert,  208. 

Le  chanoine  Pillet  et  Henri  Beaufort. 
3.543.     ViLL-\LARD  (Louis),  agent  d'affaires,  rue  de  la  Gare,  Oi,  Roubaix. 

Doulenr/er  et  P.  Destonibe$. 

3.545.  Crouigneau,  directeur  de  la  Société  générale,  rue  Nationale,  43. 

j)/eiie  Blondeau  et  Ernest  Nicolle. 

3.546.  Lefebvre  (Jules),  représentant,  rue  des  Tanneurs,  22. 

Bernard-Ducrocq  et  Henri  Beaufort. 

3547.  Marescaux  (Florimond),  horticulteur,  Lompret. 

Cado  et  Fernaux-Defrunce . 

3548.  Delotte  (H.),  rentier,  rue  des  Pyramides,  12. 

/.  Peucelle  et  A.  Meyer: 

3549.  Sebert  (Emile),  administraf"  du  Bureau  de  Bienfaisance,  rue  Faidherbe,  34. 

D'  Yermersch  et  Cosset. 

3550.  BouRELLE  (Marcel),  clerc  de  notaire,  rue  des  Fossés-Neufs,  19. 

Pajot  et  Paul  Crepy. 

3551.  Legrand  (Albert),  avocat,  rue  de  l'Arc,  10. 

Fromont  et  Fernaux-Defrance. 

3552.  Trigallez,  rentier,  rue  St-.Iacques,  54,  Tourcoing. 

Philippe  Suin  et  Henri  Beaufort. 
35.53.     Delerue  (Eugène),  greffier,  rue  de  Roubaix,  96,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Eug.  Dervaux. 
3.554.     RiTAiNE  (Jules),  vice-consul  du  Brésil,  rueWinoc-Ghoqueel,  23,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Eug.  Dervaux. 
3555.     Grégoire  (le  frère),  directeur  de  l'école  St-Gabriel,  rue  d'Alger,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Eug.  Dervaux. 
SxïG.     Montagne  (Gustave)  propriétaire,  rue  de  Tournai,  107,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Eug.  Dervaux. 

3557.  d'Aubentox  Garafa  DE  CoLOBRANO ,  receveur  principal  des  Contributions 

indirectes,  rue  Gauthier-de-Chatillon,  5. 

Fernaux-Defrance  et  E.  Pouille. 

3558.  Lamare,  magasins  St-Jacques,  rue  des  Suaires,  19-23. 

Van  Hende  et  Yaneste. 


LIVRES.  CARTES  ET  PHOTOGRAPHIES 
REÇUS  OU  ACHETES  POUR  LA  BIBLIOTHÈQUE  DEPUIS  DÉCEMBRE   1898: 

l"  DONS. 

2156.  Carte  de  l'Etat  indépendant  du  Congo,  par  J.  du  Fief,  Secrétaire-Général  de 
la  Société  royale  belge  de  Géographie.  —  Don  de  l'auteur. 


—  376  — 

2157.  DaA'os.  —  Don  de  radministration  franco-belge  de  Davos. 

2158.  L'État  indépendant  du  Congo,  par  A.-J.  Wautcrs.  Bruxelles,  1899.  —  Don 

de  M.  Adhémar  Devis. 

2160.  La  République  Argentine  (missions  commerciales),  par  Ch.  "Wiener.   Paris, 

1899.  —  Don  de  Fauteur. 

2161.  Mapa  de  Misiones  dressée  par  Carlos  Gallardo,  membre  de  l'Institut  géogra- 

phique argentin.  Buenos-Aires,  1898.  —  Don  de  l'auteur. 

2162.  Almanach  de  la  Flandre,  par  F.  Didry,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2163.  Carte  de  la  vallée  du  Nil,  du  lac  Tchad  et  du  bassin   du  Congo,   dressée  par 

M.  Prompt.  Paris,  Henry  Barrère,  1808.  —  Don  de  l'éditeur. 

2164.  Note  sur  les  lacs  de  la  Roche  de  Rame  (Hautes- Alpes),  du  Lazaret  (Basses- 

Alpes),  de  la  Roquebrussanne  et  de  Tourves  (Var),  par  M.  André  Dele- 
becque.  —  Don  de  l'auteur. 

2165.  Sur  quelques  lacs  des  Pyrénées-Orientales,    des  Hautes-Pyrénées  et  des 

Basses-Pyrénées,  par  MM.  André  Delebecque  et  Etienne  Ritter.  —  Don 
des  auteurs. 

2166.  Concession  coloniale.  —  Droits  et  obligations  en  résultant.   Etude  sur  la 

concession  de  la  rive  gauche  de  la  Casamance,  par  M.  Albert  Cousin, 
membre  du  Conseil  supérieur  des  Colonies.  Paris,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2167.  Expansion  commerciale  et  coloniale,  mise  en  valeur  des  colonies.  Rapports 

et  notes  par  M.  Jules  Scrive.   lille,  Danel,  1898.   —  Don  de  M.   Nicolle- 
Verstraete. 
2167  bis.  Un  lot  de  88  Bulletins  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  —  Don  de 
M.  E.  Lagaisse,  changeur  à  Lille. 

2176.  Notice   biographique   sur   Christian    Garnier    (1872-1898),    géographe,    par 

Ludovic  Drapeyron.  Paris,  Delagrave,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2177.  Études  d'anthropologie  sur  les  Kourganes  sibériens,  par  M.  Zaborowski.  — 

Don  de  l'auteur. 

2178.  L'activité  de  l'homme,  par  M.   Tcnicheff,  traduit  du  russe  par  l'auteur.  — 

Paris,  Cornely,  1898.  —  Don  de  l'auteur. 

2179.  De  Penza  à  Minoussinsk,  par  le  baron  de  Baye.  Paris,  Nilsson,  1898.  —  Don 

de  l'auteur. 

2185.  Rapport  dressé  piar  la  direction  de  l'agriculture  sur  les  cultures  fruitières 

principalement  et  la  culture  de  l'olivier  dans  le  centre  de  la  Tunisie.  Tunis, 
1893.  —  Don  de  la  Direction  de  l'agriculture  en  Tunisie. 

2186.  Notice  sur  le  musée  commercial  et  colonial  de  Lille.   Lille,  Danel,   1898.  — 

Don  de  l'Administration  du  Musée. 

2187.  Il  n'y  a  plus  de  Pyrénées,  par  Lydéi'ic  (M.  F.  Didry).  Roubaix,  1898.  —  Don 

de  Fauteur. 

2191.  Carte  générale  de  l'Afrique  et  de  ses  voies  de  communication,  par  le  lieute- 

nant  Olivier.  Echelle  de .  —  Don  du  Service  géographique  des 

Colonies. 

2192.  Carte  de  la  Chine  méridionale  et  du  Tonkin,  par  le  capitaine  Friquegnon, 

Échelle  de .  —  Id. 

2.000.000 


2193.  Carte  de  la  boucle  du  Niger,  par  le  lieutenant  Spicq.  —  Echelle  de 

—  Don  du  Service  géographique  des  Colonies. 
2196.  Notes  de  Folk-lore  par  le  baron  de  Baye  (extrait  de  la  Revue  des  traditions 

jjopulaires).  Paris,  Le  Chevallier,  1898.  —  Don  de  Fauteur. 


— *  377  — 

2197.  Note  sur  les  bijoux  barbares  en  forme  de  mouches,  par  le  baron  de  Baj'e. 

Paris,  Nilsson,  18t»5.  —  Don  de  l'auteur. 

2198.  En  Géorgie,  par  le  baron  de  Baye.  Nilsson,  1898.  —  Id. 

2199.  De  Moscou  à  Krasnoïarsk ,  par  le  baron  de  Raye.  Delagravc,  1897.  —  Id. 

2200.  Heidelberg  und  Umgcbung  von  Koch  von  Berncek.  Zuricli,  1889.  —  Don  de 

M.  Paillot. 

2201 .  Carte  des  établissements  frani^'ais  de  Diégo-Suarez,  Nossi-Bé  et  dépendances, 

par  A.  Durand.  18'.M).  —  Don  du  Service  géographique  des  Colonies. 

2202.  Carte    du    Transnigérien,    du    Bandama  et  du  Bagoé  (mission  ^Marchand), 

dressée  de  1892  à  189Ô,  par  le  capitaine  Marchand  ;  en  2  feuilles.  —  Id. 

2203.  Carte  de  la  Boucle  du  Niger,  dressée  par  le  lieutenant  Spick  ;  en  2  f.  —  Id. 

2204.  Cartes  diverses  des  lacs  français,  par  M.  A.  Delebecque.  —  Don  de  M.  De- 

lebecque. 

2205.  Série  de  cartes  dressées  en  1870  et  permettant  de  suivre  les  opérations  de  la 

guerre  franco-allemande.  —  Don  de  M.  Eeckman. 
220G.  Cartes  diverses  de  la  Côte  d'Ivoire.  —  Don  du  Ministère  des  Colonies. 
2207.  Cartes  générales  des  lignes  télégraphiques  internationales,  par  MINI.  Mabyre 

et  Jaccottey.  Paris,  Delagrave,  1898.  —  Id. 

2"  A.CÎIA.TS. 

2159.  L'année  cartographique  de  Schrader.  8"  supplément.  Paris,  1898. 

2168.  La  Grèce  et  l'Orient  en  Provence,  par  Ch.  Lenthéric.  Pion,  1878. 

2169.  En  Corse,  par  Paul  Bourde.  Caïman  Lévy,  1887. 

2170.  Le   littoral    de    la    P>ance    de  Diinkerque  au  Mont  St-Michel,  par  Wattier 

d'Ambroyse.  1890. 

2171.  Voyage  historique  et  pittoresque  dans  les  ci-devant  Pays-Bas  et  départements 

voisins,  par  Paquet-Syphorien.  Firmin  Didot,  1813. 

2172.  L'Hermite  en  province.  Observations  sur  le  Nord  de  la  France  au  commen- 

cement du  XIX'  siècle,  par  E.  Jouy.  Paris,  1820. 

2173.  Tableau  pittoresque  (on  vers)  de  la  ville  d'Arraentières  et  de  ses  environs, 

par  E.  Duchateau.  Lille,  1822. 

2174.  Voyage  on  Espagne,  par  Th.  (iautior.  Charpentier,  1881. 

2175.  Bosnie  et  Herzégovine,  par  Charles  Yriarte.  Pion,  1870. 

2180.  'L'évolution   politique    et    sociale   de    l'Espagne ,    par   Yves   Guyot.     Char- 

pentier, 1899. 

2181.  Baedekor.  Le  Nord-Est  de  la  Franco.  OUendorf,  1899. 

2182.  Baedekor.  Londres.  OUendorf,  1899. 

2183.  L'Océan  des  anciens  et  les  peuples  préhistoriques,  par  Moreau  de  .Jonnès. 

Paris,  Didier,  1873.  ' 

2184.  La  Terre  avant  le  Déluge,  de  Figuier.  Hachette,  1864. 

2188.  Heures  d'Afrique,  par  Jean  Lorrain.  Charpentier,  1899. 

2189.  En  Sibérie,  par  .Iules  Logras.  Armand  Colin,  1899. 

2190.  La  Géographie  militaire  ot  les   nouvelles   méthodes  géographiques,  par  O. 

Barré.  Librairie  militaire,  1899. 

2194.  Voyage  en  Franco,  par  .Vrdouin-Dumazot.   18"  série.   Flandre  et  littoral  du 

Nord.  Berger-Levrault,  1899. 

2195.  Voyage  en  France,  par  Ardouin-Dumazot.   19'  série.    Artois,    Gambrésis, 

Hainaut.  Berger-Levrault,  189îi. 


—  378  — 


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—  379 


CONGRES  NATIONAL 

Des  SOCIÉTÉS  FRANÇAISES  de  GÉOGRAPHIE 

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Xr«  Session,  ALGFB.  26  Mars-2  Avril  1899. 


VŒUX  VOTÉS  PAR  LE  CONGRÈS  &  RETENUS  PAR  LE  COMITÉ. 


I.  —  Le  Congrès  vote  de  chaleureuses  félicitations  à  MM.  Gouzy  et 
Delaune  pour  leur  patriotique  projet  de  loi,  et,  confîrinant  le  vœu  émis 
par  le  Congrès  de  Lorient,  sur  la  proposition  de  M.  Bouquet  de  la 
Grye,  émet  le  vœu  :  que  le  Gouvernement  prenne  telles  mesures  qu"il 
jugera  convenables  pour  instituer  le  méridien  maritime  et  achever  le 
système  français  des  mesures  décimales  dans  le  plus  bref  délai 
possible. 

II.  —  Le  Congrès,  s'inspirant  des  traditions  de  justice  et  de  tolé- 
rance qui  ont  toujours  favorisé  la  force  d'expansion  et  l'influence 
morale  de  la  France  dans  le  monde,  émet  le  vœu  : 

1°  Que  les  traditions  de  Llslam  etTélude  des  textes  soient  continuées 
et  soutenues  ; 

2"  Que  conformément  au  projet  élaboré  depuis  1849  et  renouvelé 
fréquemment  depuis,  une  mosquée  qui  serait  naturellement  un  centre 
religieux  de  l'Islam,  soit  construite  à  Paris,  et  groupe  autour  d'elle 
les  800  nuisulmans  qui  y  résident. 

III.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  1"  Qu'il  soit  créé  un  train  rapide 
par  semaine  entre  Alger  et  Tunis,  dans  l'une  et  l'autre  direction, 
effectuant,  par  exemple,  les  897  kil.  de  parcours  en  24  heures  et  le 
même  jour  ; 

2°  Que  les  trains  entre  Alger  et  le  Kroubs,  entre  le  Kroubs  et  Tunis, 
soient  pourvus  d'un  wagon-restaurant. 

De  plus,  relativement  à  l'élevage,  le  Congrès  émet  le  vœu  ;  que  le 
parcours  des  449  kil.  entre  le  Kroubs  et  Tunis,  s'effectue,  pour  les 
wagons  de  bestiaux,  en  24  heures  et  le  même  jour. 

IV.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Qu'un  courrier  quotidien  rapide 
mette  en  communication  Marseille  et  Alger  et  qu'il  soit  complété  par 
des  trains  de  nuit  dans  la  direction  d'Oran  et  de  Constantine. 

V.  —  Le  Congrès,  considérant  à  la  fois  les  intérêts  généraux  de  la 


—  380  — 

Tunisie  et  l'importance  de  la  position  stratégique  et  navale  de  Bizerte, 
remercie  M.  le  Ministre  des  Affaires  étrangères  de  la  réponse  qu'il  a 
bien  voulu  faire  au  XIX*  Congrès  et  émet  à  nouveau  le  vœu  qu'une 
voie  ferrée  soit  construite  le  plus  tôt  possible  pour  rapproclier  Bizerte 
des  richesses  de  l'intérieur,  et  mettre  aussi  à  sa  portée  les  ressources 
militaires  de  l'Algérie. 

VI.  —  Le  Congrès,  confirmant  la  décision  du  Congrès  de  Marseille 
tenu  en  Septembre  1898,  émet  le  vœu  :  1°  Que  les  pouvoirs  publics  et 
les  Chambres  de  Commerce  prennent  l'initiative  de  la  création  de 
ports  francs  à  Dunkerque,  le  Havre,  Saint-Xazaire,  Bordeaux,  Mar- 
seille et  Alger  ; 

2°  Que  les  mêmes  pouvoirs  en  étudient  la  réalisation  immédiate  à 
Alger. 

Vil.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Qu'il  suit  procédé  à  une  enquête 
en  vue  de  déterminer  : 

1"  L'effectif  de  la  main-d'œuvre  indigène  en  Algérie  avec  indication 
du  contingent  kabyle  el  du  contingent  arabe  ; 

2"  Les  centres  qui  fournissent  cette  main-d'œuvre  ; 

3°  Les  travaux  auxquels  elle  est  occupée  ; 

4"  Le  taux  et  la  nature  des  salaires,  ainsi  que  les  conditions  du 
travail  des  ouvriers  indigènes. 

YIIl.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Que  M.  le  Ministre  des  Colonies, 
d'accord  avec  son  collègue  de  l'Instruction  publique,  fasse  le  néces- 
saire pour  que  la  Chaire  des  maladies  des  pays  chauds  d'Alger  soit 
outillée  aussi  largement  que  possible,  pour  l'étude  non  seulement 
théorique,  mais  aussi  clinique  et  expérimentale  des  maladies  tropicales. 

IX.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Que  toutes  les  colonies  Françaises 
d'Afrique ,  soient  réunies  entre  elles  par  des  câbles  sous  -  marins 
français. 

X.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  1"  Qu'il  soit  procédé  dans  le  plus 
bref  délai  possible  à  l'occupation  de  l'arrière-pays  Algérien  et  princi- 
palement des  Oasis  du  Touat  ; 

2"  Qu'il  soit  i)rocédé  d'urgence  au  prolongement  des  lignes  de 
pénétration  saharienne,  et  notamment  de  celle  d'Aïn-Sefra  au  Touat 
par  Duveyrier,  sans  préjudice  du  complet  achèvement  du  réseau  Algé- 
rien et  Tunisien,  soit  vers  Laghouat,  soit  vers  la  frontière  marocaine  ; 

3"  Que  des  missions  scientifiques  soient  rapidement  organisées  en 
vue  d'établir  la  carte  et  le  nivellement  des  terrains  compris  entre  l'Atlas 
et  le  Niger  au  Nord  de  Tombouctou  ; 


-.381  — 

4°  Que  des  éludes  de  •  niêine  nature  soient  faites  au  Nord  du  lac 
Tchad. 

XL  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Que  les  pouvoirs  publics  veuillent 
bien  examiner  la  possibilité  d'encourager  par  tous  les  moyens  à  leur 
disposition  les  travaux  du  genre  de  ceux  que  MM.  Bernard,  Lacroix 
et  Mouliéras  poursuivent  sur  le  Maroc. 

Xll.  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Que  les  documents  libyco-ber- 
bères  recueillis  par  M.  Flamand,  sur  les  rochers  et  pierres  écrites  du 
Sahara,  si  curieux  pour  l'histoire  de  l'art  et  si  intéressants  pour  l'étude 
de  l'ethnologie  et  de  la  zoologie  préhistoriques  de  l'Afrique  du  Nord, 
soient  modelés  pour  figurer  à  l'Exposition  Universelle  de  1900. 

XIIL  —  Le  Congrès  émet  le  vœu  :  Que  le  nom  du  vaillant  explo- 
rateur Mizon,  mort  au  service  de  la  France,  soit  donné  à  une  des 
localités  de  l'Algérie. 

XIV.  —  Le  Congrès,  reconnaissant  de  l'accueil  qui  "a  été  réservé 
aux  Membres  du  Congrès,  exprime  ses  sincères  remerciements  à  M.  le 
Gouverneur  général  de  l'Algérie,  à  toutes  les  autorités  civiles  et  mili- 
taires, et  renouvelle  à  la  Chambre  de  Commerce  d'Alger  l'assurance 
de  sa  gratitude  pour  l'hospitahté  qu'elle  lui  a  si  généreusement  offerte. 

AU  PAYS 
DE  REMBRANDT  ET  DE  FRANS  HALS 

Coups  de  crayon  sur  un  Carnet  de  voyage 

Par    Victor    DE    SWARTE, 

Trésorier  général  des  Finance?, 

Correspondant  du  Ministère  de  l'Instruction  Publique 

(Section  des  Beaux-Arts  —  Section  d'Histoire  et  de  Philologie), 

Membre  de  la  Commission  historique  du  Nord, 

Membre   adjoint  du   Comité  de  la   Société   de    géographie   de   Lille. 


(Suite   et  ftn)    (i). 


VI. 

AMSTERDAM 
Plein  de  cette  pensée  dont  nous  avions  déjà,  en  nos  précédents 
voyages,  reconnu  l'exactitude  qu'en  aucun  pays,  les  peintres  n'ont  plus 

(1)  Voir  tome  XXXI,  1899,  page  23.:). 


—  382  — 

cherché  à  rendre  dans  leurs  tableaux,  la  sensation  de  hi  vie  de  chaque 
jour,  en  son  expression  de  réalité  pittoresque,  nous  avons  voulu,  avant 
de  visiter  le  Musée  Royal,  parcourir  les  divers  quartiers  de  cette 
Yenise  du  Nord.  Nous  nous  sommes  efforcés  de  rechercher  le  carac- 
tère de  la  vie  extérieure  et  de  voir  des  intérieurs,  qui  n'ont  guère  changé 
depuis  Steen  et  Van  Tilborg. 


A  notre  arrivée  à  Amsterdam,  une  pluie  battante  nous  fouette:  de- 
l'eau  sur  la  tête,  à  nos  pieds  et  partout  de  l'eau  !  Et  dire  que  c'est  la 
première  fois  que  je  vois  de  la  pluie  en  Hollande  !  A  mes  voyages 
précédents,  dont  l'un  pourtant  avait  été  effectué  au  cœur  de  l'hiver, 
j'ai  toujours  vu  la  Hollande,  sous  la  blonde  lumière  du  soleil  néer- 
landais. J'avouerai  même,  que,  malgré  les  assertions  de  Reclus,  j'avais 
un  peu  fait  comme  le  toyageur  qui  arrive  à  Grenade  et  rencontrant 
une  femme  rousse  note  sur  son  calepin  :  «  En  Andalousie  toutes  les 
femmes  ont  des  chevelures  d'or  »  ;  je  déclarais  naïvement  que  la  répu- 
tation pluvieuse  de  la  Hollande  était  une  de  ces  nombreuses  calomnies 
que  la  foule  répète,  après  les  savants  mal  informés. 

11  en  était  tout  autrement  pour  moi  du  golfe  de  Xaples  et  de  Pompeï 
que  j'avais  vus  une  première  fois  sous  une  effroyable  tempête.  En  sorte 
que  j'avais  dans  les  yeux  deux  aquarelles  à  contre-sens.  Je  me  déclare 
vaincu  :  il  pleut  même  en  Hollande,  et  j'ai  maintenant,  depuis  quelques 
mois,  des  raisons  de  croire  que  l'onaperçoit  parfois  le  Vésuve  etSorrente 
sous  un  ciel  bleu. 

Le  lendemain,  le  ciel  était  clément  et  nous  nous  sommes  mis  à 
parcourir  la  ville  coupée  partout  de  canaux,  où  roulent  les  bélandres  ; 
sur  les  quais,  des  arbres  entretiennent  une  délicieuse  fraîcheur  et 
forment  des  trois  cents  ponts  de  la  ville  un  nombre  infini  de  perspectives 
qui  ont  tenté  de  nombreux  aquafortistes. 

Les  pignons  étranges  et  variés  des  maisons  dessinent  des  arabesques, 
tarabiscotées  et  crouslillaiates.  Dans  les  petites  rues  latérales,  les 
demeures  grêles  dentelées  en  échelons  se  sakient  en  dépit  des  lois  de 
l'équilibre.  Nous  voyons  sur  le  quai  Klovcniers  Burgval.  l'ancien 
Trippenhuis  où  j'ai  connu,  en  1881,  le  Musée  Royal,  alors  que  la  galerie 
Van  der  Hopp  en  était  séparée.  —  Nous  nous  mêlons  à  la  foule  qui 
grouille  sur  le  marché,  lequel  se  tient  aux  abords  de  la  vieille  porte  de 
Si-Antoine,  à  tourelles  et  poivrières  du  XV®  siècle.  C'est  en  cet  endroit 


-^  383  — 

que  les  disciples  de  Snyders  pourraient  venir  assister  au  mink. 
L'aboyeur,  aux  lèvres  écumantes,  fait  rage  et  pousse  d'horribles  cris, 
tout  en  étalant  les  soles,  les  barbues,  les  blancs  cabillauds  et  les  rougets 
qui  sont  vendiis  en  un  tournemain.  Un  instant  après,  cet  officier  public 
entre  dans  un  estaminet  voisin,  et,  après  avoir  bu  un  large  verro  de 
genièvre  qui  griserait,  pour  toute  la  journée,  uni;  conscience  moins 
robuste,  il  tire  de  son  pantalon  tapissé  des  écailles  de  la  marchan- 
dise vendue  au  mink,  des  ({iianlités  innombrables  de  doubles  florins 
d'argent. 

Nous  laissons  à  notre  droite  la  Ridder  Strat,  la  Jonker  Strat  et  la 
Binnen  Bautam  Merstraat,  rues  longues  et  fluettes,  où  le  vent  souffle 
dans  les  vêlements  pendus  en  bannières  aux  fenêtres,  commeà  Naples, 
Partout,  dans  les  caves,  règne  une  grande  activité:  ici  le  cordonnier 
tapotte  sur  des  semelles, là, d'innond^rables  verres  de  curaçao  sont  avalés 
dans  des  Tappery  en  Slytery.  Dans  un  Visch  Handel  (commerce  de 
poissons)  on  voit  découper  et  nettoyer  des  soles  géantes  sur  les  tables 
de  marbre  d'une  blancheur  éclatante.  La  cave  est  ornée  de  cadres  naïfs, 
et  propre  comme  une  élégante  demeure. 

Sur  les  canaux  s'agitent  les  bélandriers  qui  viennent  chercher  les 
marchandises  dans  ces  caves,  oîi  toutes  les  petites  industries  sont 
installées  :  fabriques  de  cages,  marchands  de  bouchons,  menuisiers, 
marchands  de  légumes  et  de  harengs  marines. 

Nous  voici  arrivés  à  la  gare  centrale,  une  des  plus  belles  constructions- 
dans  ce  genre,  en  briques  entremêlées  de  massives  pierres  bleues 
rehaussées  de  multiples  sculptures. 

Au  Binnen  Kanl  ,  les  maisons  sont  peintes  en  couleur  noire  sur 
laquelle  ressort  en  vigueur  le  blanc  des  chambranles  de  fenêtres,  et 
sous'les  arbres  secoués  par  le  vent,  s'agite  la  foule  des  débardeurs  et 
des  matelots. 

Le  quai  du  prince  Henri  a  vue  sur  un  grand  bassin  où  des  bâtiments 
de  haute  mer  sont  à  flot,  pavoises  de  toute  la  défroque  des  mariniers. 
Nous  rebroussons  et  nous  arrivons  au  Singel  puis  à  laRaadhuys  Straat 
qui  est  très  large  et  au  Heeren  Gracht. 


Une  promenade  à  la  Kalverstraat,  par  un  beau  soir  de  fêle,  après 
un  succulent  dîner  au  café  Riche,  nous  a  montré  la  turbulente  popu- 
lation d'Amsterdam  tout  entière  à  la  joie  la  plus  échevelée,  la  plus 


—  384  — 

])ruyanle.  Nos  amis  de  Toulouse  qui  considèrent  les  Hollandais  comme 
un  peuple  maussade  et  plutôt  taciturne  maudiraient  les  géographes  en 
chambre  qui  leur  ont  fait  accroire  pareille  énormité. 

Nous  étions  donc  là  nos  compagnons  de  voyage  tous  Flamands,  sauf 
deux  aimables  Lyonnais,  le  père  et  le  fils  qui  étaient  venus  nous 
rejoindre  sur  les  rives  del'Amstel.  —  Quand  ces  deux  charmants  Latins 
nous  demanderont  de  se  faire  inscrire  à  nos  gliildes  et  corporations, 
le  digni  estis  intrare  sera  prononcé  avec  conviction  et  nous  viderons 
fraternellement  ensemble  le  grand  hanap  du  chfef  de  la  garde  bourgeoise 
de  Van  der  Helst. 

D'ailleurs,  c'était  bien  une  promenade  de  corporation  que  nous 
faisions,  ce  soir,  autour  du  Dam,  nous  égarant  sans  cesse  en  tournant 
dans  les  petites  rues  symétriques,  autour  de  la  grande  brasserie  de  Kras- 
napolsky;  il  n'y  manquait  que  l'étendard  remplacé  pour  la  circonstance, 
par  un  faisceau  d'anguilles  fumées  que  je  venais  d'acheter,  et  qui  semblait 
dans  l'enroulement  d'un  élégant  papier,  un  bâton  de  maréchal.  La  malice 
du  Destin  avait  mis  à  mon  bras  la  moins  haute  en  stature  de  nos  char- 
mantes compagnes  de  voyage,  iul'aligable,  rieuse  et  très  admiratrice, 
comme  moi,  du  coloris  local  :  aussi  quelle  bonne  causerie  sur  les 
arbalétriers  et  sur  les  confréries  du  passé.  Ce  contraste  faisait  joie 
dans  la  troupe  animée  et  délicieusement  en  train  qui  chevauchait  avec 
nous.  Nous  entendions  le  rire  scintillant  et  perlé  de  celle  qui  joint  le 
charme  d'une  diction  finement  nuancée  au  goût  le  plus  attique  pour 
les  belles  choses,  tapisseries  du  XYI*,  tableaux  de  maîtres,  cheminées 
de  grand  style,  dont  elle  orne  son  artistique  demeure.  Son  aimable  mari 
toujours  en  mouvement,  ayant  l'air  de  courir  dans  les  musées,  et 
finalement  ayant  tout  vu,  tout  remarqué  et  dissertant  sur  les  moindres 
tableautins,  avec  un  jugement  sûr  faisait  chorus  à  la  gaîté  ambiante. 
Plus  loin,  se  profilant  dans  les  silhouettes  éclairées,  de  façon  inter- 
mittente, par  les  éclats  de  lumière  .électrique,  un  doux  géant,  patricien 
de  la  Flandre  à  qui  siérait  à  merveille  le  costume  de  Franz  Banning 
(^ock,  toujours  des  premiers  à  proposer  une  excursion ,  le  plus  alerte  pour 
l'exécuter,  très  disert  pour  en  remémorer  aussi  les  bonnes  heures,  et, 
brochant  sur  le  tout,  connue  une  délicieuse  marquise  de  Quentin  de  la 
Tour,  poudrée  à  fi'inuis,  la  mère  de  Franz  Banning,  émaillant  de 
réflexions  fines  et  spirituelles  une  conversation  chaude  et  fleurie  sur  la 
peinture  qu'elle  a  pratiquée  avec  talent.  C'est  elle,  très  entendue  en 
les  choses  de  l'art  et  les  souvenirs  du  passé,  qui  baptisa  du  nom  de 
Ronde  de  nuit,  cette  excursion  pittoresque  et  animée. 


—  3S3  — 


Le  lendemain  nous  nous  rendions  à  la  belle  galerie  du  bourgmestre 
Six  van  Hillegom,  ami  et  protecteur  de  Rembrandt.  Cette  collection, 
qui  est  encore  merveilleuse,  a  perdu  une  bonne  partie  de  ses  richesses, 
en  raison  d'un  lot  important  échu  à  la  famille  de  Loon.  Les  tableaux 
provenant  de  ce  lot  ont  été  vendus,  à  Paris,  au  prix  de  un  million  1/2 
de  florins,  soit  3  millions  300.000  francs. 

Copions  les  notes  de  notre  calepin  :  le  portrait  de  Jean  Six  par 
Rembrandt  nous  montre  une  tête  très  expressive,  solidement  peinte, 
les  manchettes  sont  d'un  blanc  brillant,  et,  sur  le  manteau  rouge  très 
décoratif,  les  brides  d'or  sont  indiquées  largement  :  toute  l'attention  est 
bien  concentrée  sur  la  figure.  11  faut  se  reporter  à  l'image  de  Innocent  X, 
Pamphili,  de  la  galerie  Doria  par  Vélasquez  pour  trouver  un  portrait 
aussi  saisissant.  C'est  de  la  chair,  des  muscles,  du  sang,  de  la  vie,  et 
par  conséquent  de  la  pensée.  C'est  un  être  moral  avec  lequel  on  parle 
et  qui  vous  répond.  Oh  !  combien  j'admire  notre  grand  et  vénéré  maître 
M.  Guillaume,  qui  me  disait  en  me  parlant,  à  la  Villa  Médicis,  du  bourg- 
mestre Six,  que  Rembrandt  avait  tout  le  temps  regardé  son  modèle 
dans  les  yeux,  et  qu'il  s'était  arrêté  aux  mains  laissées  inachevées,  ne 
voulant  point  finir,  soucieux  de  laisser  à  cette  œuvre  son  grand 
caractère  de  pln-sionomie  :  et  Six,  son  élève,  son  Mécène  aussi  ne  lui 
avait  pas  demandé  de  terminer  le  détail  au  détriment  de  l'œuvre. 

Celui  (ÏAnna  Weymer,  son  épouse  coiffée  du  petit  bonnet  blanc, 
nous  donne  une  tête  qui  ressort  vigoureusement  sur  la  collerette,  ici  les 
mains  qui  sortent  des  manchettes  sont  très  gracieusement  traitées  et 
d'un  beau  fini  d'exécution.  La  teinte  de  la  robe  de  velours  joue  sous 
la  palatine  de  fourrures  et  forme  un  harmonieux  ensemble  avec  le 
coloris  des  mains. 

De  Rembrandt  aussi,  le  petit  EphraïTYi  Bueno,  où  sont  à  noter  les 
oppositions  vigoureuses  des  bl?.ncs  bien  ménagés  du  col  et  des 
manchettes  sur  le  ton  noir  du  costume. 

Le  portrait  de  Nicolas  Tulp  de  Frans  Hais  est  enlevé  en  quelques 
coups  de  pinceau  qu'on  pourrait  presque  suivre  et  compter:  la  pose 
et  l'allure  générale  sont  d'une  haute  distinction. 

Par  Jacob  de  Bray,  Jean  de  la  Chambre  i)eint  avec  une  grande 
vérité  et  une  étonnante  simplicité  dans  l'arrangement  des  mains  dont 
l'une  tient  un  papier  et  l'autre  des  gants  gris. 

Le  petit  Wilhem  Six  par  Nicolas  Maes  est  un  délicieux  poupon, 


—  386  — 

coiffé  comme  les  infants  de  Yélasquez,  et  vêtu  d'une  robe  rouge 
carmin,  finement  exécutée. 

A  noter,  les  deux  tableaux  de  Godfroy  Schalckeu  :  la  Femme  au 
Citron  et  la  Mardiancle  de  harengs ,  la  Mer  d'Adriaen  vau  de 
Yelde  et  le  Paysage  avec  figures  de  Ruysdael  collaborant  avec 
"Wouwerman. 

Les  portraits  de  Wilhelmine  Brand  par  Adriaen  vau  der  Werf  et 
Johanne  Vercolse  brillent  au  milieu  des  plats,  panneaux,  assiettes, 
carreaux  et  potiches  de  Delft.  Dans  un  vestibule  un  Nicolas  Tulp,  un 
peu  vieilli  de  Jurian  Oveus  et  le  buste  du  même  grand  docteur  par 
Arthur  Quellien. 

Un  beau  Clair  de  lune  de  Van  der  Neer,  avec  les  silhouettes  fanto- 
matiques des  moulins,  des  bjiteaux  et  des  pêcheurs  dans  une  campagne 
pleine  de  rêveries. 


La  salle  à  manger  décorée  d'un  gracieux  mobilier  néo-grec  renferme 
la  Madeleine  s'approchant  dit  Christ  vêtu  en  jardinier,  de  Rubens, 
Jésus  lui  dit  en  s'écartant  :  Noli  me  tangere.  Le  Prado  possède  ce 
même  sujet  interprété  par  le  Gorrège. 


Il  faudrait  tout  citer  et  le  paysage  classique  par  Jacob  Esselems  et 
le  i)etit  portrait  très  vivant  de  Nicolas  Tulp  par  Nicolas  Elias  Pickenoy, 
la  Lettre  par  Gérard  ter  Borgh  et  aussi  deux  3farme.5  de  Backhuysen, 
dont  l'une  souffle  bien  en  tempête,  dans  un  ciel  très  mouvementé. 
Dans  la  Bénédiction  de  Jacoh  par  Gavart  Flink,  la  figure  de  la  femme 
€st  bien  inspirée  de  Rembrandt  qui  avait,  du  reste,  lui-même  traité 
celte  page  biblique. 

Sous  le  pourpoint  rouge,  nous  voyons,  dans  cette  même  salle,  une 
exquise  miniature  de  Jean  Six  par  Gérard  ter  Borgh. 

Dans  fe  cabinet  encore  un  Nicolas  Tulp  de  Cornelis  van  der  Woort, 
une  grisaille  de  Rembrandt  :  Jacoh  racontant  ses  songes  ;  des  portraits 
en  grisaille  aussi  par  Van  Dyck  qui  représentent  Gaspar  Gevaerls  et 
Rubens,  et  une  esquisse  de  Madeleine. 


Au  premier  étage  se  trouve  installée  la  galerie.  Un  intérieur  de 
Pieler  de  Hooch  avec,   comme  toujours  chez  ce  maître  dont  nous 


-  387  — 

n'avons  que  deux  exemplaires  au  Louvre,  la  lumière  pénétrant  par  le 
fond  du  tableau,  la  Sérénade  de  Judith  Leister  qui  doit  être,  ou  nous 
nous  trompons  fort,  une  élève  de  Frans  fiais.  D'une  grande  finesse, 
le  Dentiste  de  Gérard  Dou,  où  les  deux  figures  sont  seules  éclairées 
par  la  bougie. 

Très  poétique  le  Clair  de  Lune  d'Albert  Cuyp,  dans  son  allure  trop 
classique  peut-être.  L'astre  y  est  représenté  dans  foute  son  emphatique 
rondeur  ;  j'aime  mieux  n'en  voir  que  la  lumière  étrange  ;  le  cercle  de 
la  lune,  outre  sa  géométrie  trop  régulière,  forme  toujours  dans  les 
tableaux,  un  trou  où  un  Bernois  serait  tenté  de  placer  une  montre. 
La  facture  de  Gérard  Dou  et  celle  de  Salomon  Konink  sortent  bien 
de  Fatelier  de  Rembrandt.  Dans  le  philosophe,  Konink,  éclaire 
seulement  la  tète  pour  captiver  notre  attention  sur  la  figure  de  son 
modèle.  —  Geerbrandt  van  Eeckhout,  s'est  aussi  inspiré  du  maître 
dans  la  Femme  Adultère,  où  la  robe  du  pharisien  aux  éclats  métalliques 
et  souff'rés.  est  d'une  riche  exécution. 


Au  soir  d'une  journée  qui  finira  par  un  orage,  le  long  d'un  cours 
d'eau  clapotant  sous  des  chênes  de  haute  futaie ,  un  troupeau  de 
moutons  traverse  lentement  un  pont  de  bois.  L'autre  rive  est  historiée 
par  la  charpente  massive  d'un  couvent  au  campanile  pointu.  L'impres- 
sion est  vive  et  saisissante  et  c'est  ainsi  que  parle  la  nature.  Comment 
faisait  donc  Ruisdael  pour  finir  à  ce  point  les  nervures  des  arbres  et 
même  le  feuillage,  et  rendre,  tout  à  la  fois,  l'impression  vraie,  la 
sensation  mouillée  que  nous  ne  pouvons  plus  o])tenir  que  par  des  flous 
et  des  silhouettes  comme  notre  maître  Corot  et  mon  bon  ami  Pelouse, 
nous  en  peignaient  pour  évoquer  en  nous  la  nature  ;  nous  l'avons 
indiqué  plus  haut,  il  faut  constater  là  un  phénomène  d'évolution  :  après 
Ruisdael,  le  classique  avait  tout  perverti  en  voulant  trop  codifier  ;  la 
formule  du  maître  hollandais  avait  disparu  ;  tout  était  devenu  solen- 
nellement artificiel.  11  a  donc  fallu  trouver  autre  chose,  et  se  dégager 
des  procédés  factices.  L'œil  de  Corot  a  découvert  alors  dans  la  nature 
des  aspects  moins  solides,  moins  construits,  sous  un  ciel  plus  aérien  et 
le  nouveau  paysage  est  sorti  triomphant  dans  ses  brumes  poétiques  et 
dans  le  flottement  incertain  des  masses  d'arbres  et  des  contours  tels 
que  nous  les  voyons,  baignés  d'atmosphère. 


388  — 


Pour  finir  sur  la  note  gaie,  la  galerie  Six  nous  montre  encore  quatre 
tableautins  flamands  d'un  bon  réalisme  :  les  Patineurs  de  Van  Ostade, 
V Intérieur  de  Jacob  Oclilerveld,  le  Posti/loti  et  le  Buveur  de  Willem 
van  Mieris  ;  admirons  aussi  la  Cuisinière  de  Van  der  Meer  (de  Delft) 
qui  prépare  de  savoureuses  morilles  à  la  crème. 


MUSEE  DE  L'ETAT. 

11  V  a  quelque  quinze  ans,  j'étais  allé  saluer  à  Amsterdam,  Rembrandt 
dans  l'humble  musée  du  «  Trippenhuis  ».  Eu  la  même  salle  étroite  et 
mesquine,  la  Ronde  de  nuit  (sortie  du  capitaine  Franz  Banning  Cock) 
et  le  Banquet  de  la  Garde  Civique  de  Van  der  Helst  étaient  placés  en 
face,  au  ras  du  sol,  occupant  chacun  toute  la  muraille. 

Depuis  dix  ans,  un  musée  nouveau  construit  sur  une  excellente 
donnée  architecturale,  abrite  ces  deux  œuvres  magistrales. 

La  salle  principale  a  la  forme  de  la  grande  nef  d'une  église,  de  droite 
et  de  gauche  de  petites  chapelles  étalent  des  œuvres  savamment 
groupées.  Les  administrateurs  du  Musée,  qui  s'entendent  à  créer  des 
harmonies  de  bon  voisinage,  ont  disposé  les  tableaux  en  évitant  ces 
contrastes  maladroits  qui  tout  chavirer  l'œil  dans  l'écroulement  de  toiles 
en  tous  points  dissemblables,  échafaudées  les  unes  sur  les  autres. 

Le  mur  de  la  nef  est  percé  d'une  large  baie  dont  le  chambranle  est 
entouré  d'une  draperie  flottante,  et  tout  au  fond  du  sanctuaire  brille  la 
Bonde  de  nuit  dont  les  montants  du  cadre  disparaissent. 

Dès  l'entrée  de  la  galerie  les  personnages  surgissent  comme  dans 
une  apparition  avec,  en  plus,  toute  l'intensité  de  la  vie.  En  se  dirigeant 
vers  eux,  on  distingue  d'abord  la  figure  fine  éclairée  en  plein  de  Willem 
van  Ruitenberg  ;  sur  le  hausse-col  de  fer  damasquiné,  son  chapeau 
jaune  à  panache  blanc,  l'écharpe  blanche  en  ceinture,  les  bottes  fauves 
à  larges  revers,  donnent  une  élégante  tournure  au  lieutenant,  puis,  sous 
une  chaude  lumière,  la  robe  de  satin  jaune  paille  de  la  fillette  et  sa 
chevelure  blonde  ornée  de  perles  fines  rivalisent  d'éclat  avec  l'écharpe 
rouge  du  capitaine  Banning,  dont  la  tête  si  expressive  se  dégage  sur  la 
collerette  de  dentelles  blanches. 

En  s'apjirochant  de  plus  en  plus,  on  admire  l'ensemble  de  la  compo- 
sition, le  porte-drapeau  tout  empanaché,  à  l'allure  un  peu  déclamatoire, 


'  —  389  — 

qui  descend  avec  des  gardes  communaux,  les  marches  d'un  escalier  ;  à 
droite  les  sergents  et  le  tambour;  à  gauche,  un  arquebusier  tout  vêtu 
■de  rouge  et  des  hallebardiers,  assis  dans  le  fond. 

Les  personnages  du  premier  plan  et  plusieurs  du  second  plan  sont 
inondés  de  lumière  et  tout  brillants  d'un  riche  coloris  qui  les  fait  jaillir 
en  avant,  sans  rompre  toutefois  l'harmonie  générale. 

Quel  contraste,  comme  allure  générale,  entre  ce  tableau  que  le  peintre 
exécuta  à  l'âge  de  35  ans,  et  cet  autre  chef-d'œuvre  le  Syndicat  des 
Di^apiers  qu'il  peignit  vingt-neuf  ans  plus  tard  et  qui  est  d'une  poétique 
toute  différente. 

Dans  le  S>/)idicr/t  des  D/'opicrs  la  composition  est  d'une  grande 
simplicité  et  d'une  bonne  entente  ;  les  effets  de  coloris  sont  ménagés 
avec  une  sûreté  que  l'on  ne  rencontre  chez  aucun  maître,  les  empâ- 
tements donnent  une  grande  vigueur  à  la  scène  d'une  expression 
précise  et  forte  qui  vous  retient  devant  ces  figures  attachantes  :  les 
bourgeois  vêtus  de  noir,  aux  perruques  débordant  du  chapeau,  à  larges 
bords,  sur  la  collerette  plate,  vous  font  participer  à  leur  vie. 

Un  autre  tableau  qui  a  été  peint  à  peu  près  à  la  même  période  de  la 
Tie  de  Rembrandt,  la  Fiancée  Juive  éclate  dans  le  coloris  chatoyant 
des  étoffes  qui  fait  distinguer,  d'un  bout  à  l'autre  d'une  salle,  l'œuvre  du 
maître.  Combien  nombreux  sont  les  élèves  qui  ont  cherché  à  imiter  les 
procédés  de  Rembrandt  sans  jamais  trouver  l'éblouissant  coloris  dont  il 
avait  le  secret. 

Le  portrait  d'Elisabeth  Jacob  Bas  nous  rappelle  les  portraits  de  la 
galerie  Six. 


Les  peintures  de  corporations  et  de  régents  occupent  une  large  place 
dans  le  musée  d'Amsterdam.  Au  premier  rang,  parmi  eux,  à  côté 
Ronde  de  nuit,  s'élève  le  Banquet  de  la  Garde  Civique  en  1(J48  de  Van 
der  Helst.  A  droite  vêtu  de  velours  noir  et  brillamment  cuirassé,  la 
tête  couverte  du  chapeau  à  plumes  blanches,  le  capitaine  Wits  qui  porte 
de  la  main  gauche  une  corne  à  boire  en  argent,  donne  un  sliake  Iiand 
au  lieutenant  Van  Waveren  vêtu  de  drap  gris  rehaussé  de  galons  d'or 
et  coiffé  d'un  chapeau  à  plumes  ;  les  bottes  jaunes  k  larges  revers,  les 
dentelles  blanches  forment  un  contraste  heureux  avec  la  tenue  de 
Wits.  Tous  les  autres  personnages  sont  groupés  avec  habileté.  On  ne 
saurait  trop  admirer    la    belle    construction   picturale   des    figures, 

20 


—  390  — 

l'élégance   des  poses,  le  brillant  arrangement  des   draperies  et  la 
lumière    distribuée    avec    un    art  consommé. 

A  un  degré  moindre,  peut-être,  (car  ce  tableau  est  le  plus  beau  du 
maître),  il  faut  admirer  les  Chefs  de  la  Confrérie  de  St-Sèbastien,  à 
Amsterdam,  où  les  blancs  sont  heureusement  ménagés  pour  donner 
du  brillant  aux  argenteries  et  aux  diverses  pièces  d'orfèvrerie  et  aussi 
les  Gardes  Civiques  du  Capitaine  Rœlof  Bicker  et  du  Lieutenant 
Jean  Michel  Blan  devant  la  Brasseyne  de  Haan,  ainsi  que  le  portrait 
à'Andries  Bicker,  bourgmestre  d'Amsterdam  dont  la  tête  est  d'une 
belle  expression  et  les  mains  très  savamment  exécutées. 


D'autres  tableaux  de  corporations  attirent  aussi  l'attention.  De  Karel 
du  Jardin,  les  Régents  de  la  Maison  de  Correction,  représentés  sur  un 
fond  gris.  La  comparaison  qui  s'impose  avecle  Si/ndicat  des  Drapiers 
de  Rembrandt,  révèle  bien  la  différence  qui  peut  exister  dans  l'interpré- 
tation du  même  thème  entre  un  homme  de  génie  et  un  peintre  correct, 
qui  connaît  la  syntaxe  de  son  métier,  sait  varier  les  attitudes  de  ses 
personnages  et  exécuter  avec  distinction  les  mains,  cet  écueil  de  tous 
les  portraitistes,  mais  qui  n'a  pas  reçu  le  souffle  d'en  haut,  le  je  ne 
sais  quoi  poétique. 

Govert  Flinck,  un  disciple  de  Rembrandt,  représente  Va  Fête  de  la 
Garde  Civique,  en  réjouissance  de  la  paix  de  Munster  ;  l'œil  est 
charmé  par  les  riches  arrangements  de  vêtements  ,  d'armures  et 
d'écharpes  de  tous  ces  personnages,  qui  sont  peints  avec  une  grande 
vérité  d'allure.  Nous  admirons  aussi  beaucoup  le  tableau  intitulé  :  le 
Capitaine  Joan  Huydecoper  van  Maarseveen  complimenté  par 
ses  arqupjjusiers,  ainsi  que  la  Compagnie  du  Capitaine  Albert  Bas 
et  du  lieutenant  Lucas  Cossyn  et  les  quatre  régents  du  Doelen  des 
couleuvriniers. 

Nicolas  Elias  qui  passe  pour  le  maître  do  Van  der  Helst  a  laissé  de 
lui,  en  sa  ville  natale,  le  Banquet  des  Gardes  Civiques  du  Capitaine 
Jacob  Backer  et  la  Compagnie  du  Capitaine  Jacob  Rogh  ainsi  que  les 
Quatre  Régents  de  la  Maison  de  Correction  (le  Spinhuis).  Les  Régentes 
de  cet  élablissement  dues  au  pinceau  de  Dirck  Santvoortsont  exécutées 
en  des  poses  très  justes,  mallieurcusement  le  même  peintre  a  laissé  de 
lui  divers  portraits,  oîi  il  a  eu  la  malencontreuse  idée  de  faire  figurer 
des  chiens  et  divers  animaux  qui  sont  en  bois  et  semblent  sortir  d'une 
arche  de  Noë  de  Nuremberg. 


—  391  — 

Mentionnons  aussi  les  Portraits  de  dix-sepl  Gardes  Civiques  de 
Jean  van  Scorel. 

Fabricius  a  laissé  un  merveilleux  PoHr^ait  de  Wûlem  van 
der  Hehn,  architecte  de  la  ville  de  Leyde,  avec  sa  femme  et  son  enfant. 
Ces  personnages  sont  animés  d'une  vie  intense  dans  un  coloris  puissant. 

Pour  finir  cette  riche  galerie  de  corporations  et  de  portraits,  nous 
revoyons  du  maître  d'Harlem,  un  bon  tableau  qui  a  été  terminé  par 
Pieter  Godde,  son  élève,  ce  sont  les  Gardes  Civiques  sous  le  comman- 
dement du  Capitaine  Reynier  Reael  et  du  Lieutenant  Cornelis 
Michiels  Blau.  Le  tableau  représentant  cette  compagnie  qu'on  appelait 
la  compagnie  maigre  était  placé,  avant  l'installation  actuelle  du  musée, 
dans  la  salle  du  Conseil  de  guerre  de  l'ancien  hôtel  de  ville. 

De    Frans    Hais    nous   admirons    une    bonne    copie   (sans    doute 

exécutée  par  un  de  ses  fils)  du  Bouffon  dont  l'original  apparlient  au 

baron  Gustave    de  Rothschild.  Mais  le  chef-d'œuvre  du  maître  est 

incontestablement  son  Portrait  avec  Lysheth  Reiniers ,  sa  seconde 

Femine.  Cette  peinture  nous  semble  le  dernier  mot  de   la  nature 

parlante  dans  l'abandon  de  la  pose  la  plus  familière.  Frans  Hais  au 

costume  noir  que  rehausse,  dans  une  chaude  opposition,  une  collerette 

et  des  manchettes  de  dentelles  est  assis  dans  un  jardin  sur  un  talus,  à 

côté  de  sa  femme  vêtue  d'un  manteau  violet,  la  tête  souriante  dans  un 

petit  bonnet    blanc  au   ruban  rose.   La  large    fraise    tuyautée,  les 

manchettes  de  dentelles  sont  d'un  très  heureux  effet. 

* 
*    * 

Notre  but  n'est  pas  de  décrire,  même  en  un  résumé  écourté,  les 
nombreux  tableaux  qui  font  du  musée  d'Amsterdam  une  des  somp- 
tueuses galeries  de  l'Europe,  disposée  et  entretenue  avec  un  soin 
jaloux  par  des  conservateurs  de  premier  ordre.  S'il  fallait  reproduire 
toutes  les  notes  jetées  sur  notre  carnet ,  les  dimensions  de  cette 
esquisse  s'élargiraient  singulièrement.  Nous  nous  bornerons  donc  à 
mentionner  les  œuvres  qui  ont  plus  particulièrement  attiré  notre 
attention. 

De  Van  Dyck,  la  Madeleine  repentante  si  souvent  reproduite,  et  les 
portraits  si  vrais,  d'une  si  pure  élégance  de  Guillaume  IT,  prince 
d'Orange  et  de  sa  fiancée  Marie  Stuart,  fille  de  Charles  I",  roi 
d'Angleterre  (1).  François  Vervilt  a  peint  avec  une  grande  maestria 

(1)  Nos  compagnons  de  voyage  en  ont  commandé  une  copie  au  jeune  peintre 
flamand  Bernast  qui  exécute  ceUe  œuvre  avec  un  sentiment  très  juste. 


—  392  — 

le  Fils  (Vun  Amiral,  sous  le  costume  de  Ruyter,  ei  l'on  ferait  à  ce 
tableau  un  gracieux  pendant  en  y  accolant  la  petite  princesse  dePaulus 
Morelse,  d'une  grande  clrgance  d'arrangement  qui  met  en  valeur  une 

figure  exquise. 

* 

Que  dire  des  Pieler  de  Hooch,  que  l'on  allait  jadis  admirer  au  musée 
Van  der  Hopp  et  qui  ont  été  installés  dans  le  musée  de  l'Etat.  La 
bonne  exécution  des  personnages,  la  peinture  fine,  une  touche  toute 
particulière  donnent  à  ce  maître  une  personnalité  très  originale.  Le 
Cellier,  la  Maison  de  Campagne,  trois  tableaux  intitulés  Intérieur 
nous  fout  apprécier  mieux  encore  ce  maître  que  personne  aujourd'hui 
ne  saurait  égaler. 

Gérard  Dou  est  aussi  très  bien  représenté  TpRrV Ermite,  la  Curieuse, 
\'à  Femme  du  Pêcheur,  deux  Portraits ,  et  surtout  par  V Ecole  du  soir. 
On  ne  reprochera  pas  à  ce  disciple  de  Rembrandt  d'avoir  laissé  dans 
l'ombre  une  partie  importante  du  tableau  au  profit  de  quelques 
personnages  sur  lesquels  il  voulait  concentrer  l'attention  :  à  la  flamme 
d'une  chandelle  et  d'une  lanterne,  tous  les  personnages  apparaissent 
en  bonne  lumière.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  appréciations  que 
nous  avons  données  plus  haut  au  sujet  du  grand  maître  Ruysdael  et  que 
corroborent  la  vue  du  Torrent,  de  VHiver,  de  la  Forêt,  et  de  la  Vue 
pynse  de  Hoj^lem. 

Dans  le  Paysage  avec  Troupeau  du  vieux  maître  Wijuants,  la  facture 
dénote  une  méthode  large,  les  silhouettes  d'arbres  au  second  plan  sont 
exécutées  avec  une  grande  justesse  de  vision,  sans  la  recherche  d'un 
détail  qu'on  n'aperçoit  pas  à  distance  dans  la  réalité  ;  les  jeux  de 
lumière  sont  vifs  et  saisissants,  et  les  teintes  mordorées  de  l'arbre  du 
premier  plan  sont  très  harmonieuses. 


Quel  peintre  osei'ait  aujourd'hui  tenter  de  renfermer  le  paysage 
en  un  si  petit  espace,  et  donner  au  ciel  une  importance  aussi  grande 
que  le  fait  Jean  van  Goyen  dans  la  ^hle  de  la  Meuse  et  la  Ville  de 
Dordrecht^  Combien  exact,  estl'ojttique  (h'  ce  maître  que  l'on  retrouve 
à  tout  instant,  en  observant  soi-même  le  paysage  et  les  côtes  delà 
Hollande  1  II  a  rendu  au  mieux'ce  qu'il  a  vu  et  son  interprétation  est 
bien  personnelle. 

Ce  sont  ces  mêmes  qualités  de  haute  sinc('rit<'  artistique  et  de  vision 


-  393  — 

précise  qui  distinguent  Albert  Cuvp  dans  sa  peinture  de  la  Ville  de 
Dordrccht.  La  fluidité  bien  aérienne  du  ciel,  la  richesse  du  coloris, 
le  jeu  magique  de  la  lumière  donnent  à  cette  œuvre  un  charme  que  l'on 
retrouve  dans  tous  les  tableaux  de  cet  observateur  atlenfif  ((uc  la 
nature  impn^ssionne. 


Le  peintre  du  Taureau  de  La  Haye,  Paul  Potter,  tapisse  de  jolies 
toiles  le  musée  d'Amsterdam  :  les  Bergers  et  leurs  Troupeaux^ 
la  Cabane  du  Berger,  le  Paysage  avec  du  Bétail,  les  Chevaux  et  les 
Vaches  dans  la  Prairie  et  la  Chasse  aux  Ours,  où  l'on  pourrait  trouver 
pourtant  que  la  tète  de  l'ours  est  peut-être  trop  effilée. 

Nous  avons  aussi  noté  sur  notre  calepin  les  Parjsages  avec  Bétail 
de  Bergen  et  son  Combat  de  Bœufs  ;  les  Fleurs  et  Fruits  de  Jean 
David  de  Hem  et  la  Nature  morte  de  \Mlleni  Kalf. 


Quand  un  amateur  peu  scrupuleux  veut  donner  une  attribution  à  un 
tableau  qu'il  n'ose  pas  signer  Rembrandt,  il  dit  gravement  c'est  un  Bol  ; 
que  de  fois  les  dessins  à  l'allure  raphaëlique  sont  indiqués  sous  le  nom 
de  Jules  Romain  ?  Supercherie  à  part,  il  est  incontestable  que  Bol  s'est 
rendu  compte  à  merveille  des  procédés  du  nmître  et  qu'il  les  a  appliqués, 
non  pas  brutalement,  à  tort  et  à  travers,  comme  le  font  aujourd'hui  tant 
d'élèves  qui  reproduisent  la  facture  et  les  effets  du  maître  ;  il  y  a  apporté, 
le  plus  souvent,  un  discernement  élégant.  On  en  peut  juger  dans  le 
portrait  dupeint7^e,  cews.  d'Artus  Quellinus,  de  Rugter,  de  Roelot 
Meulenaer  et  Maria  Ray,  son  épouse.  Si  pourtant  l'on  veut  constater 
la  différence  qui  existe  entre  l'élève  et  le  maître,  il  suffit  de  regarder 
les  Sept  régents  de  l'hospice  dit  Huiszittend,  et  de  remarquer  les  allures 
raides  des  Trois  dames  y^égentes  de  lliospice  des  lépreux,  et  surtout 
les  Quatre  régents  de  la  tnaison  des  lépreux,  où  une  s(Mile  tête  est 
expressive,  celle  du  vieillard  ;  les  trois  autres  personnages  n'écoutent 
pas.  Ce  n'est  pas,  non  plus,  Rembrandt  qui  aurait  donné  à  Salomé 
dansant  devant  Hérode  une  attitude  aussi  peu  gracieuse. 

Cornelis  Drost  n'oublie  pas  son  maître  dans  Hérodiade  recevant 
la  tète  de  St-Jean-Baptiste,  non  plus  que  Gerbrand  VanEeckhouten 
représentant  la  Femme  Adultère  et  les  Chasseurs  se  t^eposant. 


~  394  — 

Copions  les  noies  que  nous  avons  prises  sur  le  Joyeux  musicien 
de  Gérard  van  Honthorst  :  l'exécution  est  large,  le  coloris  est  très  varié 
et  l'allure  du  personnage  très  vivante.  Dans  un  flou  plein  de  saveur, 
Nicolas  Maes  a  peint  la  Fileuse  et  il  a  donné  à  son  Benedicite  une  belle 
expression,  un  coloris  élégant  :  les  deux  petites  natures  mortes  sur  la 
table,  et  dans  un  renfonceuient  du  mur,  sont  d'une  belle  exécution. 

Adrien  Brauwer  a  peint  avec  chaleur  Y  Orgie  de  village  et  le  Combat 
de  Paysans.  L'exécution  est  d'un  grand  fini  de  détail  :  ce  peintre  d'une 
originalité  pleine  de  saveur  et  d'une  rare  vigueur,  nous  fait  voir,  avec 
un  esprit  endiablé,  des  figures  caricaturales  de  paysans  et  de  buveurs. 

Les  Gabriel  Metsu,  le  Déjeuner,  le  Vieux  Buteur,  la  Vieille  en 
Méditation,  et  surtout  le  Cadeau  du  Chasseur  nous  transportent  dans 
rintimité  de  cette  vie  hollandaise  pleine  de  repos  et  de  quiétude,  qui 
paraît  ne  s'être  pas  souciée  des  grandes  luttes  qui  déchiraient  alors  les 
Pays-Bas.  11  semble  que  les  artistes  de  cette  époque  se  soient  retirés 
dans  leur  tour  d'ivoire,  confinés  en  la  douceur  de  leurs  pensées,  loin 
du  bruit  des  batailles  et  des  inquiétudes  passionnées  des  conspirations 
et  des  convoitises  belliqueuses.  On  devait  tirer  le  canon  sur  plusieurs 
points  de  la  Hollande  et  guerroyer  avec  fureur,  quand  Jean  Steen 
peignait  son  spirituel  Charlatan,  la  Fête  de  St-Xicolas,  la  Cage  du 
Perroquet,  la  Noce  du  Village,  le  Joyeux  Retour,  le  Libertin, 
YÉcu/fieuse^  la  Leçon  de  Danse  et  la  Joyeuse  Famille,  où,  dans  un 
intérieur,  tous,  grands  et  petits  sont  groupés  avec  un  art  consommé, 
causant,  chantant,  fumant,  jouant  de  la  flûte  et  de  la  cornemuse.  On 
sait  que  i*ct  étudiant  ès-Lettres  de  l'Université  de  Leyde  avait  fini  par 
transformer  sa  propre  maison  en  un  cabaret  dont  il  était  le  tavernier. 
Piodolphe  Salis  n'était  donc  pas  un  précurseur. 


Adrien  Van  Ostade,  nous  fait  revivre  la  vie  du  peuple  hollandais 
au  XVir  siècle,  dans  son  Charlatan,  le  Boulanger,  le  Paysan  en 
(ioguette  ,  la  Société  de  Camjwgnards ,  la  Halte  de  Voyageurs , 
Y  Atelier  de  Peintre  et  Y  Entretien  Intimée. 

Nous  le  répétons,  c'est  là  que  nous  voudrions  voir  les  peintres  de 
genre  rechercher  des  formules  perdues  et  demander  à  ces  maîtres 
comme  aussi  à  Gérard  Ter-Borg  et  à  David  Teniers,  le  secret  de  leur 
simplicité,  de  cette  réalité  de  vie,  au  lieu  de  s'enfariner  et  de  s'afl'adir 
dans  des  sujets  maniérés  et  précieux. 


—  39:)  — 

VII. 
MONNICKENDAM.    —  ILE  DE  MARKEN 

Après  avoir  consacré  plusieurs  journées  à  la  visite  des  musées 
et  des  galeries  des  grandes  villes  des  Pays-Bas,  nous  avons  eu  la  pensée 
de  nous  rendre  à  Monnickendani  et  à  l'île  de  Marken. 


Un  steamer  d'excursions  nous  mène  à  travers  les  prés  fleuris  des 
polders,  jusqu'à  la  petite  ville  de  Monnickendam  dont  le  minuscule 
clocher  émerge  depuis  longtemps  dans  la  brume. 

La  petite  ville,  aujourd'hui  peuplée  seulement  de  1.800  habitants, 
n'offre  d'autres  curiosités  que  sa  belle  église  du  XV^  siècle  et  quelques 
maisons  qui  dénotent  le  bien-être  d'autrefois.  Nous  croyons  que  des 
philosophes  quelque  peu  misanthropes  pourraient  encore  trouver  du 
charme  dans  cette  résidence  fraîche  et  ombragée.  Mais  l'activité  de  la 
vie  qui  nous  dévore  et  à  laquelle  nous  demandons  un  renouvellement 
incessant  de  sensations  ne  trouverait  peut-être  pas  son  compte  dans 
un  séjour  prolongé,  en  ce  lieu  très  poétique  pourtant,  mais  tombeau 
silence  et  à  l'abandon.  Si  j'étais  médecin,  je  conseillerais  volontiers 
une  cure  d'air  à  Monnikeudam  à  mes  malades  surmenés,  et  je  ne  doute 
pas  que  les  nerfs  les  plus  distendus  ne  rencontrent  ici  une  accalmie 
qui  leur  rendrait  l'équilibre. 


Notre  steamer  siffle  et  nous  appelle,  nous  regagnons  la  salle  à  manger 
(soyons  bon  prince  et  maintenons  ce  nom  trop  décoratif  à  la  cabine  où 
l'on  nous  avait  installés).  C'est  là  que  nous  trouvons  à  dévorer  une 
omelette  et  du  jambon  qui  nous  permettront  d'attendre  le  bon  dîner 
du  café  Riche  à  Amsterdam.  Provisoirement  réconfortés,  nous 
remontons  sur  le  pont,  et  nous  ne  tardons  pas  à  apercevoir  l'île  de 
Marken. 

Dès  l'arrivée,  nous  voyons  dans  un  village  propret  et  qui  semble 
tout  luisant  et  mis  à  neuf,  pour  le  plaisir  des  touristes,  des  matelots 
habillés  de  vestes  en  gros  drap  et  de  braies  à  la  bretonne,  qui 
paradent,  une  bonne  pipe  à  la  bouche,  le  chef  surmonté  d'un  chapeau 
haut  de  forme.  Ils  sont  accompagnés  de  femmes  aux  douces  figures 


-  396  — 

encadrées  au  front  de  cheveux  blonds  qui  retombent  en  deux  boucles 
sur  les  côtés  et  en  nattes  onduleuses  sur  le  dos,  elles  ont,  connue  les 
finlandaises,  des  yeux  do  mvosotis,  deux  saphirs  sous  un  hennin  blanc 
du  plus  gracieux  effet  ;  le  corsage  est  agrémenté  de  broderies  et  de 
cretonnes  coloriées  ;  la  jupe  courte  laisse  voir  de  vigoureux  mollets 
d'une  structure  un  peu  massive  ;  l'ensemble  des  couleurs  est  un  mélange 
de  rouge  et  de  blanc.  Les  enfants,  dont  le  costume  est  très  pittoresque 
aussi,  font  clapoter  leurs  petits  sabots  verts  et  nous  montrent  de 
gentilles  frimousses  casquées  d'un  étrange  petit  bonnet  ;  fillettes  et 
garçons  sont  vêtus  de  même,  mais  les  futurs  mousses  se  distinguent  à 
un  petit  rond  brodé  au  sommet  du  bonneret. 

Nos  charmantes  compagnes  qui  sont  très  expertes  en  l'art  de 
saisir  au  vol  des  photographies  instantanées,  sont  obligées  d'user  de 
tous  les  subterfuges  pour  braquer  la  lorgnette  sur  ces  petits  groupes 
fantaisistes.  Dès  que  les  naturels  remarquent  leurs  attitudes  de  photo- 
graphes, ils  exécutent  des  minauderies  extravagantes  et  tournent 
le  dos  de  la  façon  la  plus  discourtoise  ;  est-ce  que  par  hasard 
les  superstilions  de  l'envoûtement  auraient  créance  encore  en  cette 
île  un  peu  sauvage? 

Nous  entrons  dans  plusieurs  maisons  de  l'île,  qui  sont  construites  en 
bois  goudronné,  et  nous  y  admirons  des  placards,  des  bahuts,  des 
faïences  de  Dclft  et  du  Japon. 

Des  étagères  contiennent  les  cuillères,  et  à  côté  du  lit  placé  dans 
l'enfoncement  du  mur,  s'agite  le  balancier  d'une  vieille  horloge. 

L'église,  la  maison  d'école,  celle  de  l'instituteur,  celle  du  i)asteur 
{doiuinc)  celle  du  bourgmestre  et  aussi  le  bureau  de  poste,  où  Ton  se 
précipite  pour  écrire  des  cartes  postales  à  ses  amis,  sont  peints  en 
gris-brun  ou  en  vert. 

Les  hommes  paraissent  robustes  et  leurs  traits  énergiques  sont  bien 
ceux  de  vieux  loups  de  mer,  qui  passent  leur  vie  entre  le  ciel  et  l'eau  ; 
les  femmes  semblent  plutôt  chétives  et  leur  alimentation  purement 
composée  de  poissons  doit  en  être  la  cause. 

Notre  rctfjur  à  Amsterdam  s'effectue  de  la  façon  la  i)lns  paisible: 
après  une  douce  traversée  de  deux  heures,  nous  rejoignons  le  port 
tout  rempli  de  grands  steamers  qui  vont  aux  Indes  néerlandaises 
chercher  la  richesse  et  la  semer  en  pluie  d'or,  sur  la  bonne  ville  active, 
grouillante,  très  agitée  de  négoce. 


-  397  — 

YIII. 
ENKHUYSEN.  —  LE  ZUIDERZÉE.  —  STAVOREN 

Voici  que  recommencent  à  l'infini  les  polders  avec  leurs  prés 
émaillés  de  trèfle  blanc  et  les  nombreux  canaux  que  le  soleil  teinte 
en  bleu.  Çàetlà,  quelques  ponticules  en  bois,  des  vannes,  des  batar- 
deaux  coupent  les  ruisseaux  bordés  de  roseaux  géants  et  de  joncs. 
Les  moulins  couverts  de  chaume  tournent  leurs  ailes  colorées  de  vert 
et  de  rouge,  et  c'est  par  centaines  qu'on  voit  leurs  bras  s'agiter  et 
fendre  le  ciel.  Don  Quichotte  aurait  eu  fort  à  faire  en  ce  turbulent  pays. 

Les  moulins  sont  le  grand  outillage  de  la  stabilité  des  eaux,  en 
Hollande,  et  de  leur  bonne  distribution  ;  la  plupart  actionnent,  en  effet, 
des  roues  hydrauliques  qui  déversent  les  eaux  dans  des  canaux  de 
dérivation,  les  autres  moulent  le  grain,  scient  du  bois,  produisent  de 
l'huile,  râpent  le  tabac,  battent  le  lin. 

Les  fermes  peintes  en  vert  sont  recouvertes  de  longs  toits  qui 
descendent  presque  jusqu'au  sol,  à  travers  les  rangées  d'arbres  qui 
les  encadrent  et  l'eau  qui  les  contourne. 

Nous  traversons  Zaandam,  où  le  tzar  Pierre  le  Grand  est  venu 
apprendre  à  construire  des  bateaux  et  Hoorn  qui  donna  naissance 
au  navigateur  Guillaume  Schouten,  qui  le  premier  doubla  le  cap  de 
l'Amérique  et  donna  à  la  pointe  le  nom  de  cap  Hoorn.  Je  connais  des 
gens  modestes  qui  se  seraient  contentés  de  l'appeler  cap  Schouten. 

Nous  approchons  da  Zuiderzée  :  les  flamants,  les  canards  et  les 
mouettes  volètent  autour  de  nous,  et  nous  embarquons  à  Enkhuysen 
sur  le  paquebot  «  la  Hollande  »  laissant  à  notre  gauche  la  forteresse 
du  Helder  et  l'île  de  Texel,  où  la  cavalerie  de  Pichegru  a  surpris,  en 
1795,  la  flotte  hollandaise,  arrêtée  par  les  glaces  ;  à  droite  une  longue 
digue  grisâtre,  et  plus  loin,  Stavoren,  la  ville  du  dieu  Stavo,  qui  était 
le  Thor  des  Frisons.  C'était  en  or  pur,  que  les  anciens  de  ce  pays 
forgeaient  les  verrous  de  porte  et  les  garnitures  que  nous  exécutons 
en  fer.  —  Nous  débarquons  et  nous  prenons  le  chemin  de  fer  de 
Stavoren  à  Leeuwarden. 

Après  avoir  dépassé  Stavoren,  ancienne  capitale  de  la  Frise,  tout  le 
paysage  se  teinte  d'or  avant  le  coucher  du  soleil,  les  nuages  d'un  jaune 
rougeâlre,  forment  un  décor  flou  sur  lequel  se  détachent  en  douceur 
les  silhouettes  des  fermes  et  des  moulins  du  second  })lan  ;  les  arbres 


—  3«J8  - 

s'estompent  de  brume,  pendant  que,  sur  le  ciel,  se  pourchassent  de 
minuscules  nuages  blancs  frangés  d'or.  Les  derniers  plans  s'effacent 
de  plus  en  plus  et  s'évanouissent  ;  les  grands  bras  des  moulins  coupent 
l'horizon  rétréci,  des  voiles  rouges  et  blanches  sont  mollement  secouées 
sur  les  canaux  qui  bordent  la  route,  et  dans  ce  poudroiement  d'or 
et  d'argent,  on  n'aperçoit  plus  que  les  profils  des  arbres  qui  entourent 
les  habitations  voisines  et  les  haies  de  saules  à  travers  lesquelles  se 
tamise  la  lumière  crépusculaire. 

Les  moulins  disparaissent,  et  tout  près  de  nous,  au  ras  du  sol,  la 
buée  se  lève  et  noie  tout  le  pâturage  dans  le  brouillard,  cependant 
qu'à  l'opposé  sur  la  longue  traînée  d'un  nuage  bleu  foncé,  la  lune 
émerge  blanche  sur  les  brumes  argentées  qui  donnent  à  la  campagne 
l'aspect  d'un  bras  de  mer  où  flottent,  comme  des  fantômes,  les 
silhouettes  du  bétail.  L'illusion  disparaît  à  notre  arrivée  à  Leeuwarden, 
la  nuit  est  venue  et  la  lune  ne  moire  pas  cette  surface  de  prés  endormis 
dans  un  linceul  qui  reste  compact  dans  sa  blanche  matité. 


IX. 


LEEUWARDEN.  —  GRONINGUE.    —    ARNHEM-  — 

NIMÈGUE 

Leeuwarden  ne  se  distingue  pas  des  autres  villes  de  la  Hollande.  Le 
canal  y  est  bordé  de  rangées  de  tilleuls,  et  les  constructions  donnent 
les  mêmes  perspectives.  Toutefois  un  je  ne  sais  quoi  de  plus  reposé 
encore,  un  air  délicieusement  respirable,  une  belle  et  fine  lumière 
nous  font  goûter  plus  encore  ici  le  prix  de  la  vie  et  l'amour  de  la  liberté, 
que  rend  bien  le  brocard  du  vieux  code  frison  :  «  Les  Frisons  seront 
libres  tant  que  le  vent  soufflera  des  nuages  et  que  le  monde  existera». 

Nous  donnons  un  coup  d'œil  à  la  Kanselarij  (chancellerie),  palais  de 
justice  construit  au  temps  de  Cliarh^s-Quint,  transformé  depuis  en 
j)nson,  et  la  nouvelle  salle  des  Etats,  où  des  peintures  décoratives 
rappellent  l'histoire  de  la  Frise,  puis  le  Musée,  tout  rempli  de  bijoux 
filigranes,  de  coupes  ciselées  eu  cristal  de  roche,  de  bourses  aux 
fermoirs  élégants,  d'ex-voto  en  argent,  de  reliures  minuscules,  de 
belles  étoffes  en  soierie,  d'armes,  de  casques,  de  colliers,  de  l)oîtes 
;i  tabac  en  cuivre  repoussé,  d'aiguières  et  de  ])uires  en  argent,  de 
lianaps  en  iv<jire  sculpté,   d'oliplianls  en  corn(.',  de  IxMilxmnières,  de 


—  399  — 

miniatures.  On  y  admire  un  beau  vase  en  verre  sur  lequel  sont  peints 
de  naïfs  animaux,  daté  de  1580  ;  puis  des  étains,  des  sceaux,  des 
statuettes  de  bronze-et  un  intérieur  hollandais  tapissé  de  petits  carreaux 
de  Delft. 

Une  désagréable  surprise  nous  attendait  dans  la  galerie  de  peinture: 
les  grands  maîtres  du  XVIP  siècle  n'ont  guère  laissé  à  leurs  neveux 
l'amour  des  œuvres  grandement  conçues  et  exécutées  avec  un  riche 
coloris.  On  n'y  voit,  en  effet,  que  de  la  peinture  sucrée  et  fade,  dans 
une  fausse  interprétation  des  mignardises  du  XVIIP,  la  Balançoire 
par  Cortazzo,  deux  Allégories  maniérées  de  Schaeffer,  des  Roses  de 
Schummer,  genre  chromo,  alors  que  notre  œil  est  tout  rempli  encore 
des  chaudes  visions  d'Amsterdam  et  de  Harlem.  Pareille  émotion  m'a 
déjà  attristé  en  rencontrant  au  premier  étage  de  la  galerie  de  Dresde, 
de  déplorables  morceaux  de  toiles  sans  couleur,  sans  dessin,  des 
modernités  sans  saveur,  alors  que  j'étais  tout  à  l'impression  vivante  de 
la  Vierge  de  Saint  Sixte,  des  éclats  picturaux  de  Rembrandt  et  des 
œuvres  étourdissantes  de  décoration  et  de  coloris  de  Rubens. 

Si  l'on  fait  exception  en  faveur  d'un  Paysage  de  Backhuysen,  une 
MaïHne  deMesdag,  et  de  trois  tableautins  de  Metzmalver,  on  n'y  trouve 
que  des  sujets  attristants  de  trivialité  prétentieuse  :  une  Italiemie  de 
Skool,  napolitaine  pommadée,  qui  fait  pendant  à  une  femme  peinte  en 
stéarine  et  qui  tient,  en  ses  mains,  des  pigeons.  Ici,  l'auteur,  par  une 
discrétion  qui  l'honore,  n'a  pas  signé,  et  le  catalogue  porte  la  mention 
maître  inconnu  {Onbckcnd  ineester).  Cette  mention  mise  au  bas  de 
certains  tableaux  avait  semblé  si  étrange,  lors  d'un  précédent  voyage 
dans  les  Pays-Bas  à  un  mien  ami,  très  peu  versé  dans  la  matière, 
qu'il  ne  manquait  pas  de  se  vanter  de  connaître  les  œuvres,  autant 
diverses  que  variées  du  célèbre  maître  Onbekend. 

Nous  passons  encore  devant  des  paysages  d'une  tonalité  criarde, 
avec  des  arbres  peints  d'une  manière  enfantine.  Nous  poussons  un 
soupir  et  nous  sortons  étonnés  de  ne  pas  rencontrer  les  ombres 
majestueuses  de  Frans  Hais  et  de  Rembrandt,  s'apprêtant  à  briser 
tous  ces  faux  ornements  en  écrasant  sous  la  voi!ite  les  Philistins  qui  les 
admirent. 

Heureusement  nous  nous  consolons  du  spectacle  écœurant  de 
cet  art  sans  pensée,  sans  souftle,  sans  moyens,  en  détaillant  une  des 
plus  remarquables  collections  de  faïences  qui  se  puisse  voir  :  des  Delft 
de  toutes  formes  avec  les  moulins  peints  en  celte  teinte  bleue  si 
décorative.  Tout  un  pavillon  étale,  en  de  gigantesques  vitrines,  à  côté 


—  400  — 


de  belles  œuvres  hollandaises,  les  porcelaines  de  Chine,  du  Japon,  do 
délicieux  Saxes  et  des  vases  de  l'Inde,  aux  formes  bizarres,  au  grain 
fruste,  décorés  d'une  alternance  d'ornements  carmins  et  de  couronnes 
feuillues  de  rose,  le  tout  exécuté  très  largement. 


Nous  quittons  Leeuwarden  et  nous  voilà  en  route  pour  Groningue» 
Au  risque  d'être  accusé  de  chercher  des  leitmotii:  et  des  harmonies 
particulières,  nous  devons  dire  que  la  lune  d'hier  nous  attendait  à  la 
gare  et  éclairait  un  moulin  pittoresque  planté  tout  contre  le  hall  :  les 
ailes  tournaient  follement  comme  un  derviche. 

A  Groningue,  sur  la  place  principale  se  dresse  le  beffroi  et  l'église 
St-Martin  avec  son  carillon  un  peu  mélancolique.  La  ville  est  tracée 
de  façon  très  régulière,  mais  le  Conseil  échevinal  n'a  pas  forcé,  comme 
en  certaines  villes  françaises  de  notre  connaissance,  tous  les  habitants 
à  se  tailler  dans  un  cube  uniforme  de  pierres,  des  logis  mathématique- 
ment pareils. 

La  nature  des  matériaux  est  variée,  la  brique  s'allie  tantôt  à  une 
pierre  bleue  très  ornementale,  tantcM  à  des  pierres  blanches;  les 
habitations  ont  des  hauteurs  différentes,  les  fenêtres,  les  baies,  les 
balcons,  les  pignons  dansent  une  sarabande  très  amusante  pour  l'œil. 
Sur  le  devant  des  trottoirs,  des  bancs  de  pierre  forment  des  antici- 
pations, et  le  soir  la  famille  vient  prendre  le  frais  sans  que  les 
promeneurs  songent  à  se  plaindre. 

Après  avoir  admiré  le  délicieux  bois  de  Groningue  et  fait  le  tour  des 
anciennes  fortifications  qui  avaient  été  construites  par  le  général 
Coehorn,  un  émule  de  Vauban,  nous  partons  à  Arnhem  par  Zwolle. 


A  Arnhem  les  polders  ont  disparu,  nous  voici  sur  les  bords  du  Rhin, 
dans  un  frais  paysage  surmonté  de  collines  boisées.  Nous  sommes  en 
Gueldre  «  Haute  en  courage,  petite  en  biens,  une  épée  à  la  main,  c'est 
là  le  blason  de  hi  Gueldre  ».  Toutes  les  maisons  bâties  sur  la  route  de 
Rozendaaël  sont  enguirlandées  de  vignes  vierges  et  entourées  de  beaux 
arbres  au  milieu  de  jardins  colorés  des  fleurs  les  jtlus  variées;  les 
jaunes  et  les  violets,  les  rouges  sur  les  verdures  forment  les  i)lus 
chauds  contrastes.  . 

Nous  nous  rendons  à  Bronbeck,  pour  visiter  la  maison  de  retraite 


—  401  — 

des  Invalides  de  la  Marine  et  le  musée  colonial  installés  au  milieu  d'un 
parc  enchanteur.  Nous  y  admirons  d'intéressantes  collections  de  vieux 
canons  pris  à  l'ennemi,  des  armes  à  poignées  d'or  et  d'argent  d'un 
élégant  travail  oriental,  des  colliers  et  des  médaillons  filigranes  et 
ornés  d'émaux  que  portent  les  Atchinois,  sans  oublier  d'ailleurs  des 
collections  de  flèches  empoisonnées. 

Dans  la  chapelle,  cliaquc  dimanche,  la  messe  catholique  est  dite 
après  l'office  protestant.  La  bibliothèque  avec  de  nombreux  portraits, 
une  salle  de  billards  où  les  bons  vieux  revenus  des  colonies  lisent  des 
journaux  hollandais,  français  et  allemands ,  le  réfectoire  rempli  de 
naïfs  tableaux  de  batailles,  sont  organisés  à  souhait  pour  agrémenter 
les  derniers  jours  de  ces  loups  de  mer,  qui  ont  plaisir  à  raconter  leurs 
campagnes. 

Nous  voici  arrivés  à  notre  dernière  étape  en  la  ville  de  Nimègue. 
Nous  saluons  le  Stadhuis  où  a  été  signé  le  traité  qui  a  arraché  notre 
Flandre  française  au  joug  si  douloureux,  si  oppressifdes  Espagnols  et 
nous  allons  par  la  campagne  luxuriante,  admirer  à  Berg-en-Daal,  le 
beau  panorama  de  la  vallée  du  Rhin,  Au  fond,  le  fleuve  s'étale  comme 
un  lac  argenté  vers  lequel  dégringolent  les  divers  plans  du  tableau  aux 
masses  d'arbres  touffues. 

Le  lendemain,  nous  repassons  par  Bréda  en  songeant  au  magistral 
tableau  du  Prado  (Las  Lanzas)  de  Vélasquez  et  nous  donnons  un 
amoureux  salut,  à  Tilbourg,  au  dernier  moulin  de  la  Hollande. 


LA  SITUATION  MILITAIRE 

DES  PUISSANCES  EUROPÉENNES  EN  EXTRÊME-ORIENT  EN   1838 

Par  L.  T. 


AVANT-PROPOS. 

Assurément  le  continent  asiatique  n'est  pas,  au  même  titre  que  le 
continent  africain,  un  champ  d'action  pour  notre  activité  nationale; 
nous  ne  pouvons  prétendre  y  jouer  un  rôle  aussi  important  au  point  de 
vue  de  l'extension  de  l'influence  et  du  commerce  ;  néanmoins 
nous    y    avons    des    intérêts    en  jeu   et    nous    ne    pouvons    rester 


—  402  — 

spectateurs  indifférents  de  la  grande  lutte  t[ui  s'y  livre  en  ce  moment 
entre  la  Russie  et  l'Angleterre  ;  lutte  qui  s'est  bornée  jusqu'à  ce  jour 
à  une  lutte  d'influence,  mais  dont  nous  ne  pourrions  nous  désintéresser 
si  elle  venait  à  changer  de  caractère. 

Quand  au  XYIIF  siècle  Française!  Anglais  et,  avant  eux,  Hollandais 
et  Portugais  se  disputaient  la  possession  des  Indes,  ils  ne  cherchaient 
que  les  riches  bénéfîees  que  devait  donner  l'exploitation  du  paradis 
terrestre  décrit  par  Marco-Polo;  aujourd'hui,  cela  ne  suffit  plus  à  la 
vieille  Europe  qui,  menacée  de  pléthore,  cherche  dans  la  Chine  un 
débouché  à  sa  surproduction. 

Quand  à  la  suite  des  événements  de  Koudja  (1878)  et  du  Tonkin 
(1885),  l'Europe  surprise  vit  la  Chine  se  préparer  à  la  guerre  et  vouloir 
imiter  l'Europe  dans  ses  armements  à  outrance,  il  ne  fut  plus  question 
que  du  «  péril  jaune  »  et  ce  n'est  pas  sans  inquiétude  qu'on  se 
demandait  quelle  résistance  pourrait  offrir  l'Europe  quand,  son 
outillage  terminé,  le  Céleste  Empire  se  dresserait  devant  l'Occident 
avec  une  armée  de  40  millions  d'hommes. 

Pure  fantasmagorie  !  Non  seulement  le  «  Fils  du  Ciel  »  n'a  jamais 
médité  de  si  sombres  projets  pour  l'avenir  de  l'Europe,  mais  c'est 
plutôt  à  un  mouvement  inverse  :  l'invasion  du  continent  jaune  par 
l'Europe  en  vue  du  partage  des  richesses  d'un  nouvel  «  homme 
malade  »  auquel  nous  assistons. 

A  la  production  accrue  de  l'Europe  il  a  fallu  de  nouveaux  débouchés  : 
d'abord  on  dépeça  l'Afrique,  on  se  la  partagea,  puis  on  s'est  tourné 
vers  ce  marché  chinois  qui,  avec  ses  formidables  agglomérations  de 
population,  ses  productions  variées  passe,  à  tort  ou  à  raison,  pour  une 
panacée  universelle  devant  sauver  les  industries  et  le  commerce 
européens  des  crises  qui  les  étouffent. 

Toutes  les  convoitises  sont  allumées  et  sur  toutes  les  frontières  de 
l'Empire  :  Russes,  Français,  Anglais,  Allemands,  Japonais  se  disputent 
la  suprématie  du  «  marché  jaune  ». 

La  Russie,  au  Nord,  par  Maïmatchin,  au  travers  des  déserts  de 
Mongolie,  à  l'Ouest  par  le  Pamir  et  le  Turkestan  tente  de  drainer  à  son 
jirufit  ce  commerce  chinois  et  de  monopoliser  les  échanges  par  voie  de 
terre.  Mais  la  présence  du  Moscovite  sur  l'Oxus  a  apeuré  l'Anglais 
pour  qui  «  Salus  Indiœ,  suprema  lex  »  et  c'est  pour  protéger  la 
presqu'île  sacrée  qu'il  a  étendu  son  influence  vers  le  Nord  en  Afgha- 
nistan, en  Caciiemire  ;  augmenté  son  armée,  créé  des  chemins  de  fer, 
organisé  des  forteresses.  La  Russie  n'est  pas  restée  en  arrière  et  c'est 


-r    403    — 

avec  des  forces  non  moins  considérables  qu'elle  marche  au-devant 
de  sa  rivale. 

Fidèle  aux  principes  de  Cromvell,  l'Angleterre  a  confié  sa  fortune 
aux  flots  et  c'est  par  les  ports  qu'elle  a  tenté,  en  grande  partie,  la 
pénétration  de  l'Empire  du  Milieujusqu'au  jouroù,  cantonnée  à  l'étroit 
dans  l'Inde,  l'activité  de  ses  négociants  s'est  mise  à  chercher  par  les 
vallées  de  l'Iarouaddj,  du  Salouen...  une  roule  qui  conduisit  au 
Setchouen,  mais  là  elle  a  rencontré  la  concurrence  des  Français 
établis  sur  les  bords  de  Mékong. 

Qu'on  y  songe  bien,  sur  les  confins  de  la  Perse,  le  Cosaque  et  le 
soldat  de  l'Indian  Army  montent  la  garde  en  face  l'un  de  l'autre,  vers 
l'Est  sur  le  Mékong  Anglais  et  Français  sont  aux  prises  et  toutes  les 
flottes  européennes  croisent  dans  le  golfe  du  Petchili.  C'est  là  une 
situation  grave  ;  les  événements  récents  qui  se  sont  déroulés  en 
Afrique  ne  nous  ont  peut-être  pas  permis  de  la  suivre  avec  assez 
d'attention,  mais  il  importe  de  la  connaître. 

Qu'une  étincelle  mette  le  feu  aux  poudres  et  non  seulement  l'Europe 
sera  en  proie  à  l'incendie  mais  la  guerre  se  répercutera  jusqu'au  cœur 
de  l'Asie 

Enfin  un  peuple  jeune,  de  la  même  race,  a  osé  disputer  à  l'Europe  le 
marché  chinois  :  c'est  le  Japon  qui  a  écrasé  militairement  la  Chine  afin 
de  pouvoir  lui  imposer  un  servage  économique  sur  lequel  il  aurait  pu 
fonder  son  hégémonie  dans  l'Asie  orientale.  Cette  combinaison  n'a 
échoué  que  grâce  à  l'attitude  ferme  et  décidée  de  la  diplomatie  russe. 

Considérant  successivement  chacun  des  théâtres  où  les  compétitions 
européennes  se  sont  trouvées  aux  prises,  nous  allons  essayer  de  retracer 
les  phases  de  l'établissement  et  d'étudier  la  composition  des  forces,  afin 
d'en  dégager  l'emploi  que  Russes,  Anglais,  Français,  Allemands  ou 
Japonais  peuvent  être  appelés  à  en  faire,  soit  pour  obliger  la  Chine  à 
s'ouvrir  à  leurs  nationaux,  soit  pour  disputer  aux  ambitieux  appétits  de 
leurs  voisins  le  monopole  de  ce  marché  si  convoité. 

Le  premier  chapitre  sera  consacré  à  l'étude  du  Céleste  Einpire,  but 
de  toutes  les  convoitises. 

Dans  le  deuxième,  nous  étudierons  l'extension  de  la  puissance  russe 
en  Sibérie  et  dans  la  partie  Nord  de  l'Asie  orientale. 

Dans  le  troisième,  les  conséquences  des  eff'orts  persistants  des  Russes 
pour  s'ouvrir,  sur  le  théâtre  de  l'Asie  centrale,  la  route  du  Pamir  et  les 
mesures  prises  par  les  Anglais  pour  sauver  du  péril  moscovite  le  plus 
beau  fleuron  de  la  couronne  d'Angleterre. 


—  404  - 

Dans  le  quatrième,  les  luttes  et  les  uégociations  des  Français  et  des 
Anglais  en  Indo-Chine  pour  s'ouvrir  les  voies  les  plus  directes  de 
pénétration  vers  le  marché  méridional  de  la  Chine. 

Dans  le  cinquième,  les  conditions  dans  lesquelles  pourra  se  produire 
le  choc  des  armées  entretenues  par  l'Europe  sur  le  continent  jaune. 

CHAPITRE  I. 

LE  CÉLESTE  EMPIRE. 

C'est 'vers  la  Chine  que  toutes  les  compétitions  européennes  se 
portent  actuellement. 

Cet  empire  affecte,  en  y  comprenant  les  pays  tributaires,  la  forme 
d'un  immense  triangle,  ayant  ses  sommets  au  Pamir,  à  l'embouchure 
du  Si-Kiang  et  à  celle  de  l'Amour.  Sa  superficie  totale  est  d'environ 
13  millions  de  kilomètres  carrés,  celle  de  l'Europe  étant  inférieure  à 
10  millions,  et  il  est  habité  par  une  population  de  400  à  450  millions 
d'habitants,  celle  de  l'Europe  entière  ne  dépassant  pas  330  millions. 

La  Chine  est  un  pays  presque  exclusivement  agricole.  La  partie 
orientale  et  méridionale  dont  le  sol  jaune  a  été  formé  par  les 
alluvions  des  grands  fleuves,  jouit  d'un  climat  analogue  à  celui  du 
bassin  méditerranéen.  Le  riz,  dont  la  culture  occupe  un  huitième  des 
terrains  cultivés,  le  thé,  la  canne  à  sucre,  la  soie,  les  céréales,  la 
vigne,  le  mûrier,  l'indigo,  sont  les  principaux  éléments  des  récoltes. 

Les  forêts  ne  s'étendent  plus  guère  que  dans  les  régions  monta- 
gneuses du  nord  et  du  nord-ouest  et  les  difficultés  de  transport  en 
limitent  beaucoup  l'exploitation.  La  culture  du  coton,  autrefois  assez 
largement  pratiquée,  diminue  chaque  jour  en  présence  de  la  concur- 
rence des  Indes  et  des  tissus  importés  d'Angleterre. 

Il  est  presque  impossible  d'évaluer  l'importance  des  différentes 
récoltes  ;  on  estime  cependant  que  le  riz  doit  donner  environ 
300  millions  d'hectolitres,  et  le  thé  100  millions  de  kilogrammes  ;  la 
production  de  la  canne  à  sucre  dépasse  les  besoins  de  la  consommation. 

Le  Tse-Kiang  et  le  Kouang-Si  où  semble  plus  spécialement  localisée 
la  production  de  la  soie,  en  exportent  pour  environ  200  millions  de 
francs,  principalement  par  le  port  de  Schanghaï. 

En  dehors  des  produits  (K'  l'agriculture,  la  Chine  pourrait  tirer  de 
son  sol  des  éléments  très  importants  de  richesses  qui  sont  jusqu'à 
présent  assez  négligés. 


—  405  — 

On  sait  que  la  Chine  renferme  un  immense  bassin  houiller,  dont  les 
principaux  affleurements  se  trouvent  dans  le  Pelchili,  à  quelques  kilo- 
mètres au  nord  de  Pékin  et  dans  le  Chantoung.  Ce  bassin  a  une 
étendue  de  plus  de  un  million  de  kilomètres  carrés,  couvrant 
deux  fois  la  superficie  de  la  France,  et  l'on  estime  qu'il  pourrait 
satisfaire  j  tendant  plusieurs  milliers  d'années  aux  besoins  du  monde 
entier.  L'exploitation  est  commencée  sur  quelques  points  avec  les 
procédés  les  plus  primitifs.  D'après  les  recherches  du  savant  géologue 
Allemand  Richtofen,  la  province  du  Setchouen  possède  des  terrains 
carbonifères  dont  retendue  est  d'au  moins  60.000  kilomètres  carrés.  A 
côté  du  charbon,  on  trouve  dans  le  Chantoung  et  dans  le  Chemsi,  du 
minerai  de  fer  et  quelques  gisements  de  cuivre  et  de  plomb.  Au 
Yunnam,  l'industrie  métallurgique  s'est  pratiquée  depuis  un  temps 
extrêmement  reculé.  On  connaît  en  Chine  plusieurs  gisements  de 
métaux  précieux,  or  et  argent,  qui  ont,  paraît-il,  une  très  grande 
importance,  mais  dont  l'exploitation  serait  entravée  par  des  règlements 
spéciaux  qui  limitent  la  production  dont  le  total  ne  semble  pas 
dépasser  une  valeur  d'environ  30  millions,  alors  qu'on  pourrait 
atteindre  un  chiffre  beaucoup  plus  élevé.  Ces  gisements  sont  répandus 
dans  les  provinces  du  sud  et  de  l'ouest. 

On  sait  qu'il  existe  également  des  puits  fournissant  du  pétrole  ana- 
logue à  celui  qui  est  recueilli  en  Pensylvanie. 

Le  sel  gemme  donne  lieu,  dans  le  Petchili  et  dans  le  Setchouen 
à  une  exploitation  très  active,  concurremment  avec  les  salines  du 
littoral  de  la  mer. 

Le  Kaolin,  qui  doit  son  nom  à  une  ville  chinoise,  est  extrait  principa- 
lement du  lac  Poyang  et  fait  l'objet  d'un  commerce  très  important. 

On  voit  donc  que  cet  immense  pays  renferme  de  très  grandes 
richesses  naturelles.  L'agriculture  fournit  certains  produits  qui, 
comme  le  thé  et  la  soie,  alimentent  un  commerce  d'exportation  très 
important  ;  l'exploitation  des  richesses  du  sous-sol  :  charbon,  argent, 
or,  cuivre,  antimoine,  ne  sera  possible  qu'autant  que  des  voies  de 
communication  auront  été  créées,  et  il  se  passera  encore  de  nombreuses 
années  avant  qu'arrivée  à  un  point  suffisant  de  civilisation,  la  Chine 
puisse  tirer  profit  de  ces  richesses  latentes.  Le  commerce  extérieur, 
dans  lequel  l'exportation  l'emporte  de  beaucoup  sur  l'importation, 
dépasse  le  milliard  ;  en  particulier,  celui  de  Schanghaï  s'élève  à 
400  millions  et  celui  de  Hong-Kong  atteint  150  millions.  La 
Russie,  l'Amérique,  l'Angleterre   sont  tributaires  de  la  Chine  pour 

27 


-  406  — 

le  llié  ;  la  Franco,  l'Allemagne,  le  Japon  pour  la  soie.  Depuis 
une  quarantaine  d"années,  l'Europe  a  payé,  argent  complant, 
à  la  Chine  ses  produits,  mais  elle  n'a  encore,  à  l'exception  du  matériel 
de  guerre  et  de  quelque  outillage  industriel,  que  peu  importé  de 
produits  manufacturés,  il  s'en  suit  qu'une  notable  quantité  de  numé- 
raire ,  argent  d'Europe  .  demeure  inutile  aux  mains  des  sujets  du 
Céleste  Empire. 

Toutefois,  depuis  une  dizaine  d'années,  la  pénétration  européenne  a 
fait  de  grands  progrès  et  il  importe  de  noter  une  très  sensible  augmen- 
tation dans  les  importations. 

L'Angleterre,  depuis  1860,  a  rêvé  de  se  résen^er  le  monopole 
exclusif  du  commerce  avec  l'immense  empire  asiatique.  Sa  conduite 
comme  à  l'habitude  fut  prodigieusement  habile  en  même  temps  que 
parfaitement  égoïste.  Elle  consista  à  embrasser  la  défense  des  intérêts 
delà  Chine  avec  plus  d'ardeur  que  le  gouvernement  lui-même,  non 
pas  ouvertement,  mais  en  se  fiant  à  l'habileté  de  quelques  sujets 
anglais  entrés  au  service  de  la  Chine  et  dirigeant  tous  leurs  efforts 
contre  les  autres  nations  européennes  et  en  particulier  contre  la  Russie 
et  la  France. 

Elle  trouva  l'agent  idéal  de  cette  politique  pratique  chez  un  homme 
d'un  réel  talent,  sir  Robert  Hart.  qui  parvint  à  gagner  la  confiance  du 
gouvernement  chinois,  au  point  de  se  faire  confier  la  direction  de 
toutes  les  douanes  do  l'Empire.  Une  multitude  d'agents  anglais 
envahit  cette  administration,  qui,  en  contact  journalier  avec  le  Tsung- 
li-Yamen  lui  inspira  sa  politique  hautaine  et  tenace,  lors  des  démêlés 
de  la  Chine  avec  la  France  en  1884-85. 

Fort  heureusement,  l'action  sans  cesse  croissante  du  service  de 
M.  Hart  sur  le  gouvernement  finit  par  effrayer  l'entourage  de 
l'Empereur  et  l'influence  politique  de  l'agent  anglais  baissa  beaucoup, 
durant  ces  dernières  années,  alors  que  celles  de  ses  adversaires,  Russes, 
Français,  Allemands  allaient  grandissantes. 

Si  aujourd'hui  l'Angleterre  a  toutes  les  facilités  pour  faire  prévaloir 
ses  produits  dans  les  ports  qu'elle  occupe,  la  Russie  a  toute  liberté 
d'action  dans  la  partie  septentrionale,  la  France  dans  le  Sud,  et 
l'Allemagne,  favorisée  par  Li-Hung-Ghang,  dans  le  Petchili  et  le 
(^hantoung. 

Chacun  avait  sa  part  et  l'Empire  chinois  paraissait  assez  vaste  pour 
que  des  intérêts  contraires  puissent  ne  pas  se  trouver  eu  présence  ;  los 
derniers  incidents  ont  ])rouvé  le  contraire. 


—  407  — 

Ecartant  presque  du  débat  la  Chine  que  l'on  peut  à  peine  considérer 
comme  une  nation,  nous  allons  étudier  la  situation  faite  à  chacun  des 
rivaux. 

Et  tout  d'abord,  comment  la  Chine  pourrait-elle  s'opposer  aux 
ambitions  de  l'Europe,  possède-l-elle  seulement  une  armée  ? 


Cet  Empire  de  400  millions  d'habitants,  moins  étendu  que  la  Russie, 
mais  plus  peuplé,  avec  un  sol  et  un  sous-sol  riches,  une  population 
laborieuse  sendîlerait  devoir  tenir  la  première  place.  Le  mépris  que 
ses  habitants  ont  toujours  eu  des  choses  de  la  guerre,  le  met  aujourd'hui 
à  la  merci  de  ses  adversaires,  qui  déjà  rêvent  le  partage  de  ses 
dépouilles,  tant  sa  dislocation  semblera,  à  un  moment  donné,  naturelle 
(N.  Horman). 

Depuis  plus  de  cinq  cents  ans,  ce  pays  n'a  pas  varié  et  ses  institutions 
n'ont  pas  changé;  ce  peuple,  hostile  à  tout  progrès,  est  immuable, 
aussi  ses  armées,  bandes  de  gens  de  sac  et  de  corde,  ne  peuvent-elles 
être  comparées  qu'à  ces  bandes  de  routiers  qui,  au  Moyen-Age, 
parcouraient  l'Europe  en  dévastant  tout  sur  leur  passage.  C'est  à  peine 
si,  à  la  suite  des  échecs  subis  au  Tonlvin  en  1885  et,  plus  récemment 
en  Corée  en  1895,  il  a  tenté  d'y  apporter  quelques  perfectionnements, 
très  localisés  d'ailleurs. 

En  Chine,  le  service  militaire  n'est  évidemment  pas  obligatoire  ; 
tous  les  soldats  sont  des  volontaires. 

L'armée  se  compose  de  deux  parties  bien  distinctes  : 

F  L'armée  des  Mandchoux  ou  des  Huit  Etendards  ; 

2°  L'armée  chinoise  proprement  dite  ou  de  l'Etendard  Vert. 

L'armée  mandchoue  se  divise  en  huit  groupes,  que  l'on  distingue 
par  la  couleur  de  leurs  étendards  ;  de  là  vient  le  nom  d'armée  des 
drapeaux  ou  des  Huit  Etendards.  La  plus  grande  partie  de  cette  armée 
réside  à  Pékin  ou  dans  les  environs  el  forme  une  sorte  de  garde 
impériale,  dont  l'effectif  est  de  60.000  hommes.  Mais  la  plupart  d'entre 
eux  remplissent  des  fonctions  étrangères  à  l'armée  et,  en  réalité,  on 
ne  peut  compter  que  13.000  hommes,  organisés  en  troupes  de  campagne 
et  ayant  quelque  valeur  militaire.  L'autre  fraction  de  l'armée  des  Huit 
Etendards,  ayant  un  effectif  de  cO.OOO  hommes  est  cantonnée  dans  les 
principales  villes  de  la  Chine,  dans  les  trois  provinces  de  la  Mandchourie 
et  dans  la  partie  occidentale  de  la  Mongolie.  Mais  cette  armée  a  perdu 
les  vieilles  traditions  guerrières,  qui  ont  fait  sous  Gengis-Khan  et  sous 


—  /i08  — 

Tamerlan  sa  réputation  ;  elle  est  mal  organisée,  mal  outillée  et  mal 
commandée. 

L'armée  de  l'Etendard  Vert  n'est  composée  que  de  Chinois  ;  c'est 
l'armée  vraiment  nationale.  Elle  est  organisée  par  province.  La  Chine 
se  divise  en  dix-huit  provinces.  A  la  tète  de  chacune  d'elles  se  trouve 
un  gouverneur  ou  vice-roi  qui  a  des  pouvoirs  civils  et  militaires.  Ces 
fonctionnaires  dépendent  du  gouvernement  central,  mais,  en  réalité,  ce 
sont  de  véritables  satrapes  ({ui  agissent  à  peu  près  comme  bon  leur 
semble,  dans  l'étendue  de  leur  gouvernement.  Suivant  les  goûts  et  les 
aptitudes  do  ces  gouverneurs,  les  troupes  de  la  province  sont  plus  ou 
moins  bien  organisées  :  elles  le  sont  généralement  très  mal  ;  les  soldats 
peu  payés  étant  obligés,  pour  subvenir  à  leurs  besoins,  de  se  livrer  à 
d'autres  occupations.  Cette  armée,  dont  l'effectif  sur  le  papier  est  de 
600.000  hommes,  n'a  aucune  espèce  de  valeur. 

Lorsqu'une  guerre  éclate,  on  fait  appel  aux.  Braves  :  ce  sont  des 
volontaires  recrutés  pour  la  durée  des  hostilités  ;  ils  sont  bien  payés  et 
constituent  la  partie  la  plus  solide  de  l'armée  chinoise.  C'est  vers  l'année 
1850.  au  début  de  la  grande  insurrection  des  Taïpings  qui  désola  les 
provinces  méridionales  de  la  Chine,  et  particulièrement  le  Yunnam, 
que  le  gouvernement  chinois  eut  recours,  pour  la  première  fois,  aux 
volontaires.  Ces  hommes,  recrutés  surtout  dans  la  vallée  de  Yan-tse- 
Kiang,  dans  les  provinces  de  Houpé  et  du  Ho-nam,  se  battirent  très 
bien  et  méritèrent  le  nom  de  Braves  qu'ils  s'étaient  donné. 

Lorsque  l'insurreclioii  fut  terminée,  ces  Braves  rentrèrent  dans  leurs 
foyers  et  les  rlébris  des  Taïpings  continuèrent  à  errer,  en  grandes 
bandes,  sur  les  contins  de  la  (^liine  et  de  l'Annam  ;  nous  les  avons 
retrouvés,  au  Tonkin,  sous  le  nom  de  Pavillons-Noirs.  En  1884,  lors  de 
la  guerre  du  Tonkin,  le  gouvernement  chinois  fut  encore  obligé  de 
faire  appel  aux  Braves.  Il  put  en  réunir  une  cinquantaine  de  mille 
provenant  principalement  des  provinces  méridionales  de  Yunnam,  du 
Quang-Si  et  du  Quang-Toun. 

Les  Braves  sont  au  nombre  d'environ  cent  raille  répartis  d'une  façon 
assez  inégale  dans  les  dix-huit  provinces  de  la  Chine.  Ils  ne  forment 
d'ailleurs  pas  un  corps  pcTmanent.  Les  gouverneurs  ne  disp(jsent  donc, 
en  réalité,  dauciiiie  force  militaire  sérieuse.  (Cependant,  dans  ces 
dernières  années,  à  la  suite  de  la  gui'rre  du  Tonkin,  ([uelques  gouver- 
neurs i)lus  claii'voyants  ont  essayé  (h*  réagir  contre  la  t()r[)(Mir  de  leurs 
comi)atriotes,   de   tirrr  p;nli  des  immenses  ressources  ({ue  présente 


l'armée  de  l'Etendard  Vert  et  d'organiser  des  troupes  à  l'image  des 
nôtres. 

Déjà,  en  1860,  le  gouvernement  impérial  avait  accepté  le  concours 
des  contingents  français  et  anglais  débarqués  dans  le  golfe  de  Potchili, 
pour  organiser  des  troupes  destinées  à  combattre  la  révolte  des 
Taïpings.  Le  colonel  anglais,  sir  Gordon  en  prit  le  commandement. 
La  paix  rétablie,  ces  soldats  furent  licenciés  et  l'armée  chinoise  retomba 
dans  le  néant. 

Toutefois,  eu  1878,  lors  des  événements  de^  Kachgarie,  le 
maréchal  Tso  sut  organiser  une  colonne  de  troupes  bien  outillées,  fortes 
de  25  à  30.000  hommes  (*t  munies  d'une  artillerie  moderne,  lesquelles, 
par  leur  présence  sur  la  frontière  russe,  appuyèrent  puissamment  les 
réclamations  de  la  Chine  relatives  au  territoire  de  Koudja  ;  de  même, 
en  1885,  au  Tonkin,  nos  troupes  trouvèrent  devant  elles  des  adversaires 
bien  pourvus  de  l'armement  et  des  engins  les  jilus  perfectionnés  des 
armées  modernes. 

Et  bientôt,  l'imagination  aidant,  on  ne  parla  plus  en  Europe  que  de 
l'évolution  militaire  de  la  Chine  et  de  ses  formidables  préparatifs. 
Tien-Sin,  relié  par  un  ch(;min  de  fer  à  Pékin,  devenait  le  véritable 
centre  industriel  militaire,  tandis  qu'à  Port-Arthur  se  créait  une  flotte 
redoutable  ;  qu'à  l'arsenal  de  Takou,  des  milliers  d'ouvriers  dirigés 
par  un  artificier  de  Berlin,  fabriquaient  des  quantités  de  projectiles  ; 
qu'à  Hang-Yang  se  forgeaient  des  armes  ;  qu'à  Nankin  s'élevait  un 
formidable  arsenal  d'où  devaient  sortir  les  canons  et  les  munitions 
destinés  à  l'armée  et  à  la  marine  ;  qu'à  Fou-Tcheou  s'achevait  un 
dock  assez  vaste  pour  recevoir  les  cuirassés  les  plus  puissants  ;  que 
toutes  les  côtes  et  toutes  les  frontières  de  l'Empire  se  hérissaient  de 
redoutables  fortifications  ;  que  les  vice-rois  du  Fo-Kien,  de  Nankin, 
du  Houpé  et  surtout  celui  du  Petchili,  le  fameux  Li-Hung-Chang, 
avec  les  meilleurs  éléments  de  leurs  provinces  ,  formaient  des  corps 
spéciaux ,  dont  l'instruction  était  confiée  à  des  officiers  européens, 
achetaient  des  navires  en  Europe  et  organisaient  des  escadres. 

La  foudroyante  campagne  des  Japonais,  en  1894,  a  fait  justice  de 
tous  ces  racontars  :  l'armée  chinoise  n'est  qu'un  mythe.  L'Empire  du 
Milieu  est  incapable  de  se  défendre,  c'est  une  proie  facile,  les  événements 
de  Kiao-tcheou  l'ont  bien  prouvé. 

En  résumé,  la  Chine  dispose  : 


ilO 


r  Des  Braves 100.000  huiumes. 

2"  Contigents  de  rannée  de  l'Etendard  Vert 
(Iroupes  organisées  à  reuropéenne  du  Petchili, 
Houpé,  du  Nankin) 150.000         » 

3"  Armée  des  Huit-Etendards  (armée  de  Pékin, 
Troupes  de  la  Mandchourie,  en  partie  organisées).       60.(XX)         » 

Total 310.000  hommes. 

En  réalité,  elle  ne  saurait  même  pas  arriver  à  ce  total  (1).  Il  n'y  a 
pas  en  effet  de  solidarité  entre  les  diverses  parties  de  l'Empire  et  il  ne 
saurait  être  question  ici  de  mobilisation  générale  de  toutes  les  forces 
du  pays.  Chaque  gouverneur  est  chargé  de  défendre,  avec  ses  propres 
forces,  la  partie  de  la  frontière  qui  touche  à  sa  province. 

Sur  mer,  elle  peut  équiper  : 


1 

^^^^ 

BATIMENTS 

BATIMENTS   APTES   AU 

COMBAT. 

INAPTES 

AU   COMBAT. 

-/.  /- 

Nombre 

g  é. 

-r. 

y. 

■  ï;  3 

de  canons 

y. 

-y 
y. 

y. 

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Flotte  du  Petchili 

■> 
1 

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2 
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5 

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» 

2 
1 

17 
11 

»      de  Fou-Tchêou 

»      de  Schangaïl 

» 

1 

1 

■i 

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» 

»      de  Canton 

» 

>> 

3 

» 

» 

» 

» 

() 

ir, 

1 

{A  suivre). 


(1)  Dans  la  guerre  de  18i»'(,  alors  que  le  principe  même  de  son  existence  était 
enjeu,  la  Chine  n'a  pu  envoyer  sur  la  frontière  menacée  que  : 

Contingents  organisés  du  Petchili  et  Braves r)0.00()  hommes. 

Armée  mandchoue "0. ()()()         » 

Total 100.000  hommes. 

et  les  l'i  bâtiments  île  l'e.scadre  du  Nord. 


-  411  - 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPfflE  DE  LILLE 

EN    1898. 


A  TRAVERS  LES  VOSGES  ET  LE  JURA 


Excursion  du  IG  rn.r  23  Juillet  1898. 


Orya7%isatenrs    :    MM    Fernaux    et    Galonné. 


Fursuii  et  /lœi;  olim  meminisse  juvaOil. 
Enéide. 

Notre  cœur  est  plein  d'amour  pour  la  P'ranco  notre  patrie,  visitons-la  beaucoup 
et  nous  serons  convaincus  qu'elle  mérite  Taffection  et  le  dévouement  que  nous  lui 
témoignons.  Notre  Société  de  Géographie  sait  que  la  mode  des  voyages  à  l'étranger 
a  prévalu  trop  longtemps  ;  le  cosmopolitisme  qui  se  répand  dans  toute  l'Europe 
par  l'expansion  des  voies  ferrées,  procure  des  déceptions  à  bien  des  touristes  qui 
croient  encore  trouver,  rien  qu'en  traversant  la  frontière,  des  gens  et  des  choses 
extraordinaires.  Les  voyages  à  travers  le  monde  civilisé  doivent  maintenant  n'avoir 
bien  souvent  d'autre  but  que  l'étude  ou  les  affaires  ;  les  curiosités  sont  peu  nom- 
breuses à  l'étranger  qui  n'ont  pas  d'équivalent  dans  notre  belle  France,  on  ne  doit 
les  rechercher  que  lorsqu'on  sait  les  comparer  aux  nôtres. 

Les  premiers  voyages  de  plaisir  doivent  principalement  se  faire  chez  nous,  pour 
ne  pas  prodiguer  chez  les  autres  les  premières  admirations,  toujours  les  plus  per- 
sistantes. Quand  on  a  vu  la  Savoie  et  le  Dauphiné,  les  Gévennes  et  les  Pyrénées, 
le  Jura  et  les  Vosges  ;  quand  on  a  visité  la  merveilleuse  Côte  d'Azur  ou  les  rivages 
pittoresques  de  la  Bretagne  et  de  la  Normandie,  quand  on  a  poussé  même  jusqu'en 
Algérie  et  en  Tunisie,  on  peut  aller  voir  s'il  y  a  mieux  ailleurs  et  l'on  n'aura  pas 
chez  l'étranger  des  enthousiasmes  de  novice  qui  sont  exploités  sans  qu'on  puisse 
même  réfuter  les  exagérations.  11  y  a  beaucoup  de  patriotisme  dans  cette  méthode, 
il  y  a  aussi  de  l'habileté  utilement  employée. 

Nous  prêchons  par  l'exemple  à  la  Société  de  Géographie  et  nous  usons  des 
voyages  à  l'étranger  dans  une  juste  mesure  de  comparaison  et  d'étude.  M.  Fernaux, 
l'infatigable  doyen  de  notre  Commission  des  excursions,  toujours  sur  la  brèche, 
vient  de  nous  conduire  avec  l'aide  d'un  collaborateur  également  bien  sympathique 
dans  une  région  qui  est  l'idéal  du  pittoresque  aimable  et  poétique.  Notre  prome- 
nade à  travers  les  Vosges  et  le  Jura  a  été  non  seulement  un  enchantement ,  mais 
encore  une  splendide  leçon  de  choses  au  point  de  vue  géographique  ;  nous  allons 
essayer  d'en  donner  la  preuve. 


—  112  — 

Vers  Nancy.  —  Le  samedi  16  Juillet,  nous  prenons  à  5  h.  du  matin,  le  train 
qui  doit  nous  transporter  à  Nancy  ;  on  le  nomme  express,  c'est  déguiser  un  peu  la 
vérité,  car  nous  ne  serons  à  Nancy  que  dans  12  heures.  A  Valenciennes,  au  pays 
noir,  un  arrêt  de  30  à  40  minutes  permet  de  voir  le  vaste  square  de  la  gare  et  de 
pousser  en  ville  jusqu'à  la  délicieuse  statue  de  Watteau.  A  7  h.,  nous  repartons  à 
travers  la  forêt  de  Mormal  et  les  coquets  villages  qui  en  sont  voisins.  Vers  9  h. 
nous  arrivons  à  Avesnes,  quittant  l'immense  plaine  qui,  depuis  Dunkerque,  ne 
cesse  de  s'élever  pendant  180  kilom.  pour  atteindre  ici  l'altitude  de  150  m.,  et 
20  kilom.  plus  loin  à  sa  limite  extrême,  celle  de  235  m.,  la  plus  élevée  de  tout  le 
département.  Nous  entrons  déjà  dans  la  contrée  accidentée  que  signalent  les 
rampes  menant  aux  premières  ramifications  des  Ardennes  :  Fourmies  et  ses  coteaux 
accentués,  Anor  avec  son  joli  lac  et  ceux  qui  s'étalent  sous  les  bois  ombreux  vers 
Solre.  A  10  h.  nous  sommes  à  Hirson,  limite  du  réseau  du  Nord  et  aussi  de  l'oc- 
cupation prussienne  il  y  a  27  ans.  Nous  circulons  à  une  altitude  voisine  de  200  m.; 
nous  entamons  la  région  des  terrains  primaires  où  l'on  trouve  les  ardoises,  les 
quartzites,  etc. 

A  H  h.  30  nous  arrivons  à  Charleville-Mézières  sur  la  Meuse,  altitude  149'",20, 
Lille  à  151  kilom.  Après  un  court  arrêt,  nous  embarquons  des  déjeuners  en  hauts 
paniers  ronds  qui  vont  nous  procurer  une  douce  satisfaction,  et  l'encombrement 
qu'ils  produisent  excite  notre  gaîté  et  notre  verve  ;  le  moment  est  propice  ,  car 
nous  suivons  la  vallée  de  la  Meuse,  ici  marécageuse  et  insignifiante  jusqu'à  Sedan. 
Bientôt,  cependant,  un  souvenir  pénible  nous  rend  graves  et  nous  attriste  quand 
nous  traversons  la  contrée  oii  naguère  surgissaient  nombreux  dans  les  champs,  il 
me  semble  les  voir  encore,  des  monticules  allongés,  les  tombeaux  de  nos  soldats, 
épars  autour  des  villes  et  des  villages  en  ruines.  Vous  ,  vaillants  défenseurs  de  la 
Patrie  tombés  à  Bazeilles  et  autour  de  Sedan,  vous  avez  mérité  notre  admiration, 
que  la  terre  vous  soit  légère,  elle  est  restée  française. 

Par  Montraédy,  nous  sortons  bientôt  du  département  des  Ardennes ,  pour 
côtoyer  quelque  peu  celui  de  la  Meuse  et,  longeant  la  vallée  de  la  Chiers,  quitter  la 
Champagne  pour  pénétrer  en  Lorraine,  en  entrant  déjà  dans  Meurthe-et-Moselle 
par  Longuyon. 

Ensuite,  après  Conflans  et  les  collines  de  l'Argonne,  nous  nous  trouvons  tout  à 
fait  dans  le  bassin  de  la  Moselle  ;  c'est-à-dire  qu'après  le  terrain  crétacé,  première 
assise  du  secondaire,  nous  abordons  le  terrain  jurassique  qui,  jusqu'à  Nancy, 
donne  l'oolithe  à  bâtir,  ou  bien  les  calcaires  argileux,  à  chaux  hydrauliques  du 
lias  que  caractérisent  les  gryphées  virgules  ;  étage  voisin  du  triasique  dont  nous 
rejoindrons  les  marnes  au  delà  de  Nancy. 

Nous  sommes  ici  bien  proches  de  Metz  et  nous  suivons  la  frontière  ;  des  champs 
trop  arrosés  de  sang  français  s'étendent  encore  autour  de  nous  ;  à  quelques  mètres 
sur  notre  droite,  nous  voyons  la  pyramide  de  Mars-la-Tour. 

Il  est  3  h.,  les  coteaux  défilent  plantés  de  vignes  et  souvent  aussi  d'un  houblon 
maigre  ;  les  paysannes  cachent  leurs  traits  sous  les  bavolets  d'une  coiffe  de  forme 
cylindrique  horizontale,  les  habitations  ont  déjà  les  grands  toits  aplatis  des  pays 
montagneux  ;  la  campagne  a  son  cachet  particulier.  Voilà  Pagny-sur-Moselle,  au 
dangereux  incident  ;  Pont-à-Mousson  et  sa  nombreuse  garnison,  puis  Frouard,  au 
confluent  de  la  Mcurthe  et  de  la  Moselle  qui  vient  de  Toul  ;  nous  verrons  leurs 
sources  à  l'extrémité  des  Vosges  ;  la  chaleur  est  étouffante,  nous  constatons,  pen- 
dant plusieurs  heures,  32"  danj  notre  wagon  tout  ouvert. 

Nancy  et  la  Lorraine.  —  Enfin  à  -i  h.  30  nous  débarquons  à  Nancy,  ancienne 
capitale  de  la  Lorraine,  jadis  chef-lieu  de  la  Meurthe  et  aujourd'hui  de  Meurthe-et- 


^  413  — 

Moselle;  ville  de  30.000  habitants  après  1815,  elle  en  possède  maintenant  plus  de 
SJO.OOO  ;  altitude  212  m.  ;  longitude  E.  3"  51',  latitude  48°  41'.  La  Meurthe  passe  à 
proximité  de  la  ville,  mais  le  canal  de  la  Marne  au  Rhin  passe  entre  elles,  allant 
d'Épernay  à  Strasbourg  par  le  col  de  Saverne. 

Les  statues  de  Thiers,  de  Mathieu  de  Dombasle,  la  Banque,  le  Lycée,  la  Biblio- 
thèque défilent  sous  nos  yeux  dans  un  parcours  de  400  m.,  de  la  gare  à  l'hôtel,  oii 
dans  des  chambres  confortables,  Tair  frais  et  Teau  limpide  remettent  notre  vigueur 
à  son  point,  et  aussi  curieux  que  [dispos  nous  sortons  pour  explorer  Nancy-la- 
Belle. 

En  1893,  l'excursion  qui  précéda  la  nôtre  avait  eu  pour  guide  un  cicérone  érudit  ; 
aujourd'hui  atteint  de  la  maladie  qui  doit  bientôt  l'emporter,  il  nous  manque  de 
deux  façons,  par  sa  cordiale  sympathie  et  par  son  savoir  ;  je  ne  puis  que  rendre 
ici  hommage  de  sincères  regrets  à  la  mémoire  de  M.  J.-V.  Barbier,  le  distingué 
Secrétaire-Général  de  la  Société  de  Géographie  de  l'Est,  maintenant  décédé. 

Un  tramway  électrique  à  arc  nous  mène  au  faubourg  St-Pierre  ;  après  la  porte 
St-Nicolas,  nous  descendons  à  la  Chapelle  commémorative  de  Bon-Secours,  fondée 
en  1484,  après  la  bataille  de  Nancy  (Janvier  1477)  par  le  duc  René  II,  à  l'endroit 
où  étaient  ensevelis  les  soldats  qui  avaient  péri  dans  le  combat  ;  Charles-le-Témé- 
raire  fut  une  des  victimes  de  cette  bataille,  la  trahison  de  Gampo  Basso,  l'un  de 
ses  capitaines,  et  les  agissements  insidieux  de  Louis  XI  ne  furent  pas,  dit-on, 
étrangers  à  sa  mort.  Là,  oii  le  corps  du  dernier  duc  de  Bourgogne  fut  retrouvé, 
dépouillé  et  couvert  de  boue,  dans  les  marécages  où  est  le  faubourg  St-Jean,  on  a 
élevé  une  croix  de  Lorraine  en  pierre,  du  genre  de  celles  qu'on  rencontre  souvent 
dans  les  villages  des  Vosges,  où  avec  leurs  inscriptions  elles  ressemblent  à  des 
monuments  funéraires  entretenant  le  souvenir  des  morts  estimés  parmi  leurs 
descendants. 

Dans  cette  chapelle,  réédifiée  en  1738,  on  voit  d'un  côté  du  chœur  le  superbe 
mausolée  d'un  autre  dernier  duc,  celui  de  Lorraine,  Stanislas  Leczinski,  mort  en 
1766  ;  tout  auprès,  un  toml)eau  de  marbre  renferme  le  cœur  de  sa  fille,  Marie 
Leczinska,  reine  de  France,  et  en  face  se  trouve  le  magnifique  monument  de  sa 
femme  Catherine.  Une  afïreuse  draperie  rouge  peinte  sur  tôle  accrochée  à  la  voûte 
du  chœur,  détonne  au  milieu  des  décors  élégants  de  l'église. 

Nous  terminons  la  journée  par  un  coup  d'œil  sur  l'aspect  général  de  la  ville, 
dont  le  quartier  central  est  comme  un  vaste  et  merveilleux  Musée  d'architecture  et 
d'ornementation  du  style  si  riche  et  si  gracieux  de  l'époque  Louis  XV  ;  c'est  lui 
qui  a  valu  à  Nancy  son  charmant  surnom. 

Nous  avons  consacré  toute  la  matinée  du  lendemain  17  Juillet,  à  une  visite 
détaillée  de  toutes  les  beautés  de  la  ville,  pour  laquelle  nous  conserverons  un 
souvenir  d'admiration  ;  nous  l'avons  terminée  par  un  coup  d'œil  sur  l'immense 
brasserie  de  Maxéville,  où  nous  avons  été  reçus  avec  une  extrême  obligeance  ; 
nous  avons  du  fuir  les  caves  de  rafraîchissement  qui,  à  —  2°  étaient  à  33"  de  diffé- 
rence avec  la  température  extérieure,  mais  nous  avons  dégusté  avec  plaisir  les 
meilleurs  produits  de  la  brasserie,  qu'on  nous  a  offerts  avec  la  pjlus  grande 
courtoisie. 

Pour  la  description  de  ces  splendides  monuments  et  de  la  superbe  disposition 
des  places  et  des  jardins  qui  se  succèdent  d'une  façon  si  magnifique  dans  Nancy, 
je  prie  mes  collègues  de  se  reporter  à  la  savante  notice  de  M.  Pfister,  professeur  à 
la  Faculté  des  Lettres,  intercalée  dans  l'intéressante  relation  que  M.  Paul 
Destombes  a  faite  de  l'excursion  de  1893  (Bulletin  de  Novembre  1893..  Voir  égale- 
ment la  photo typie  N"  1,  ci-jointe,  due  comme  toutes  les  autres,  à  l'un  des  plus 
gais  et  des  plus  obligeants  de  nos  compagnons  de  route,  M.  Edm.  Cado,  qui  nous 


-  41'.  — 

a  permis  de  conserver  le  souvenir  des  nombreuses  curiosités  de  notre  voyage,  en 
nous  confi.mt  tous  ses  clichés,  dont  ceux-ci  sont  extraits. 

Nous  venons  de  voir  la  perle  de  cette  belle  et  ancienne  Lorraine  qui  fut  cons- 
tituée au  IX''  siècle,  lorsqu'on  817,  Louis  le  Débonnaire  partagea  entre  ses  trois  fils 
l'empire  qu'il  avait  reçu  de  Gharlemagne  son  père  ;  le  pays  réservé  à  Lothaire  était 
vaste,  mais  la  guerre  avec  ses  frères,  qui  amena  le  traité  de  Verdun  en  843,  en  dimi- 
nua l'importance  pendant  que  la  France  se  constituait  sous  Charles-le-Chauve, 
son  demi-frère.  Ensuite  Lothaire  II  vit  se  réduire  encore  la  part  de  son  père  et 
s'établir  la  véritable  Lotharingie,  qui  comprit  les  comtés  entre  l'Escaut,  la  Meuse 
et  la  Moselle,  jusqu'au  Rhin.  En  959,  elle  fut  réunie  à  la  couronne  d'Allemagne  et 
divisée  en  haute  et  basse  Lorraine,  deux  duchés  bénéficiaires.  En  1048,  l'empereur 
Conrad  donna  la  haute  Lorraine,  qu'il  érigea  en  duché  héréditaire,  à  Gérard  I", 
marquis  d'Alsace,  qui  épousa  Edwige,  fille  d'Albert,  comte  de  Namur,  et  d'Ermen- 
garde  de  Lorraine,  petite-fille  de  Louis  IV,  roi  de  France  ;  c'est  par  cette  origine 
illustre  que  les  Guise  se  disaient  descendants  de  Glovis  et  de  Gharlemagne.  Les 
descendants  de  Gérard  l"  régnèrent  près  de  quatre  siècles,  jusqu'en  1430,  à  l'avè- 
nement de  la  Maison  d'Anjou,  par  l'alliance  de  René  d'Anjou  et  de  Sicile,  avec 
Isabeau,  héritière  en  ligne  directe  du  duché.  Mais  bientôt,  en  1473,  lolande,  leur 
fille,  épousa  Ferri,  comte  de  Vaudémont,  de  la  branche  cadette  née  du  duc 
Jean  I",  branche  qui  devint  si  chère  aux  Lorrains. 

En  1602,  le  duc  Gharles  IV,  par  le  traité  de  Montmartre,  reconnut  Louis  XIV 
pour  son  futur  successeur,  à  condition  que  les  princes  de  Lorraine  seraient 
reconnus  princes  du  sang  et  aptes  à  la  Couronne  après  la  Maison  de  Bourbon  ; 
c'était  leur  constante  préoccupation. 

En  1729,  François  III,  fils  de  Léopold,  lui  succéda  et  fut  le  dernier  duc  de  cette 
famille  de  Lorraine  ;  en  1732,  il  fut  nommé  vice-roi  de  Hongrie  par  l'empereur 
Charles  VI  (1711-1740),  père  de  Marie-Thérèse  qu'il  épousait.  Il  laissa  la  gestion 
de  son  duché  à  sa  mère  Charlotte  d'Orléans-Longueville  (souche  de  cette  branche, 
,Iean,  comte  de  Dunois  et  de  Longueville,  le  vaillant  capitaine  de  Charles  VII, 
compagnon  de  Jeanne  d'Arc  et  bâtard  de  Louis  de  France,  duc  d'Orléans,  frère  do 
Gharles  VI),  qui  déplut  au  peuple.  Il  devint  ensuite  empereur  d'Allemagne  sous  le 
nom  de  François  I"  ;  de  Marie-Thérèse,  il  eut  Marie-Antoinette,  la  malheureuse 
épouse  de  Louis  XVI. 

Pendant  ce  temps,  Stanislas  Leczinski,  beau-père  de  Louis  XV  depuis  1725,  réélu 
roi  de  Pologne  à  la  mort  d'Auguste  II  de  Saxe,  en  1733,  n'avait  pas  été  suffisam- 
ment aidé  par  la  France  contre  Auguste  111,  prétendant  au  trône,  et  s'était  réfugié 
chez  nous;  alors  François  III  céda,  en  échange  de  la  Toscane,  ses  duchés  de  Bar 
et  de  Lorraine  qui,  par  le  troisième  traité  de  Vienne,  en  1738,  furent  donnés  à 
Stanislas,  à  condition  qu'à  sa  mort  ils  seraient  rerais  à  la  France  et  ils  le  furent 
en  1766.  On  ignore  généralement  que  ce  traité,  vainement  tenté  par  le  timide 
cardinal  Fleury,  a  été  conclu  par  le  Secrétaire  d'Etat  Chauvelin,  que  le  cardinal 
dépité,  récompensa  par  un  ordre  d'exil  pour  le  faire  oublier.  En  1790,  la  Lorraine 
forma  quatre  départements  ;  la  Prusse  nous  en  a  pris  presque  deux  en  1870. 

Si  cette  province  avait  une  superbe  capitale,  elle  contenait  aussi  des  régions 
d'un  pittoresque  remarquable,  qui,  sans  être  devenues  plus  charmantes,  sont  main- 
tenant plus  praticables.  Je  veux  parler  des  magnifiques  vallées  boisées  ou  fleuries 
du  versant  occidental  des  Hautes-Vosges  dans  lesquelles  nous  allons  nous 
engager  j^our  quelques  jours  par  un  coin  des  plus  poétiques  où  se  trouvent 
Gérardmer,  la  vallée  de  la  \'ologne  et  les  superbes  montagnes,  dont  nous  gravi- 
rons les  plus  élevées.  Le  versant  oriental,  plus  abrupt,  a  ses  pentes  plus  raides, 
plus  sauvages  et  ses  vallées  plus  sévères. 


^5^fe~^iK£^ 


(l)  Nancy    (Meurthe-et-Moselle). 

Place  de  la  Carrière. 


(2)  GÉRARLiMER    (VoSges). 

Promenade  des  Excursionnistes  sur  le  Lac. 


,—  Uô  — 

GÉRARDMER.  —  Dans  ce  but,  à  1  h.  42,  nous  prenons  le  train  qui  va  nous  mener 
à  Gérardnier  à  travers  les  fjlus  agréables  paysages.  Nous  allons  entrer  dans  la 
zone  du  triasique,  assise  inférieure  des  terrains  secondaires,  que  caractérisent  : 
l'argile  marneuse  rougeâtre  avec  dépôts  de  sel  gemme  ;  le  calcaire  à  coquilles 
fossiles  puis  les  grès  bigarrés  qui  vont  nous  accompagner  jusqu'aux  terrains  pri- 
maires et  granitiques  de  la  chaîne  des  Vosges,  les  recouvrant  souvent  entièrement 
dans  les  chaînons  d'accès. 

Nous  côtoyons  longtemps  la  Meurthe  et  le  canal  qui  l'accompagne  au  milieu  de 
champs  et  de  prairies  fertiles,  puis,  par  un  brusque  écart  à  droite,  nous  allons 
retrouver  la  Moselle  et  bientôt  à  Charmes  nous  entrons  dans  le  département  des 
Vosges.  Nous  remontons  la  rivière,  en  suivant  des  pentes  toujours  verdoyantes, 
jusqu'à  Épinal  (326  m.),  pittoresquement  étalée  sur  la  rive  droite  de  la  Moselle  ; 
sur  les  collines  environnantes  sont  construits  les  8  forts  qui  défendent  cette  ville 
bien  rapprochée  de  la  nouvelle  frontière.  L'aspect  est  particulier,  les  murs  bien 
blancs,  les  toifs  très  rouges,  épars  au  milieu  de  la  verdure  des  jardins  forment  un 
ensemble  aux  tons  criards  qui  rappellent  la  vieille  et  importante  imagerie  du  pays. 
De  la  gare  (341  m.)  qui  domine  la  ville  bien  vaste  pour  23.000  habitants  l'agglo- 
mération paraît  peu  dense,  l'industrie  y  tient  cependant  bien  sa  place. 

Peu  après,  voici  Arches  et  ses  grandes  papeteries  encore  à  la  forme  ;  nous  bifur- 
quons au  confluent  de  la  Vologne  pour  la  côtoyer  ;  les  villages  qu'elle  baigne, 
Jarménil,  Docelles,  etc.,  ont  des  papeteries,  des  féculeries,  des  filatures  et  des 
lissages  de  coton  et  de  chanvre  ;  Laval  a  d'importantes  papeteries  ;  bientôt  la 
pente  s'accentue,  autour  de  nous  les  sommets  des  monts  se  relèvent  et  se  cou- 
ronnent de  bois,  nous  ne  traversons  plus  guère  que  des  prairies  oii  faucheurs  et 
faneurs  travaillent  méthodiquement  ;  les  ruisseaux  prennent  des  allures  de  tor- 
rents ;  l'air  fraîchit  et  nous  apporte  d'agréables  senteurs  balsamiques;  le  voyage  si 
fatigant  hier,  nous  charme  aujourd'hui,  et  c'est  sans  impatience  que  nous  roulons 
lentement  dans  ce  poétique  paysage.  Nous  passons  Granges  avec  sa  filature  de 
13.000  broches,  ses  tissages  de  chanvre  et  de  lin,  puis  nous  entrons  dans  la  vallée 
de  la  Jamagne,  où  le  torrent  anime  scieries  et  tissages  de  toile.  Ici,  à  Kichompré, 
le  travail  a  chassé  la  poésie,  les  longues  pièces  d'étotî'e  blanchissent  sur  l'herbe 
comme  sur  les  prairies  de  la  Lys,  mais  au  même  objet  quel  cadre  différent  ! 

Nous  arrivons  exactement  à  4  h.  11  à  la  station  terminus  de  Gérardmer,  oli 
lacs,  vallons,  rochers,  c'est-à-dire  les  Vosges,  ont  dit  à  la  voie  de  fer,  tu  n'iras  pas 

plus  loin maintenant  ;  et  des  nombreuses  amorces  vers  l'Alsace  une  seule  a 

franchi  les  \'osges  au  col  de  Saverne. 

Nous  n'avons  que  la  place  de  la  gare  à  traverser  pour  gagner  notre  confortable 
hôtel  et  peu  après  les  bords  du  lac  ;  là,  dès  5  heures,  nous  voguons  en  barque  par 
une  brise  légère  et  bienfaisante  sur  l'immense  nappe  liquide,  qui  a  2  kilom.  1/2  de 
long  pour  1  kilom.  de  large  environ  (phototypie  N"  2)  ;  elle  est  située  à  660  m. 
d'altitude  et  cache  des  gouffres  de  35  m.  de  profondeur;  ce  lac,  comme  tous  ceux 
des  hautes  Vosges,  a  été  formé  par  une  moraine  frontale  qui  barre  la  vallée.  On 
ne  saurait  imaginer  un  paysage  plus  ravissant  que  celui  qui  nous  entoure  ;  d'un 
côté,  vers  le  Sud,  l'œil  se  repose  avec  charme  sur  les  flancs  des  montagnes  cou- 
verts de  pâturages  verts  et  fleuris,  parsemés  çà  et  là  de  bouquets  d'arbres  ou  de 
blanches  maisonnettes  oii  résonne  le  bruit  régulier  de  l'outil  du  tisseur,  ou  bien 
mitonne  dans  l'immense  marmite  du  Marquard^  l'élément  du  Géromé  encore  sans 
parfum.  Sur  le  versant  Nord,  par  un  contraste  qui  plaît,  les  rochers  arides  pré- 
sentent des  surfaces  à  pic  où  s'accroche  le  sapin  d'un  vert  sombre  ou  bien,  sur  des 
éboulis  de  granit,  des  hêtres  à  la  fraîche  verdure  disputent  la  place  anx  blocs 
menaçants  ;  tandis  qu'en  bas  sur  la  rive,  la  belle  route  d'Epinal  suit  les  contours 


—  410  — 

(lu  lac,  toute  bordée  de  sorbiers,  de  tilleuls  et  d"élrgants  bouleaux.  Parfois,  une 
échancrure,  estuaire  d'un  ruisseau,  ouverture  d'une  vallée,  produit  un  écho  qui 

affirme  que  le  frais  de  la  nuit nuit  ;  et  indolents,  dans  nos  barques,  nous  restons 

sous  le  charme  qui  nous  captive,  mollement  bercés  par  le  mouvement  cadencé 
des  rames,  tandis  que  le  soleil  couchant  donne  à  chaque  instant  un  reflet  nouveau 
à  ce  merveilleux  paysage.  L'aspect  de  la  ville,  formée  aux  environs  d'une  tour 
construite  par  (térard  d'Alsace,  premier  duc  de  Lorraine,  est  bien  banal,  il  est 
celui  d'une  station  de  villégiature  ;  aussi,  après  un  coup  d'œil  superficiel,  nous 
partons,  le  18,  dès  le  matin,  en  promenade  au  Pont  des  Singes,  au  Saut  de  la 
Bourrique  et  à  l'Écho  de  Ramberchamp,  terminant  la  visite  de  ces  sites  sauvages^ 
gracieux  ou  pittoresques,  par  le  tour  du  lac  en  voiture  (7  kilom.). 

Une  pareille  matinée  ne  laisse  que  des  souvenirs  ravissants,  mais  indescriptibles 
pour  une  plume  inhabile  comme  la  mienne.  Ponts  rustiques,  sentiers  à  pic,  arbres 
gigantesques,  moissons  de  fleurs  ou  de  hrimbeUes  (myrtilles),  bosquets  mystérieux 
ou  roches  granitiques  écroulées  en  chaos,  tout  ici  inspire,  frappe,  émeut  ou 
enchante,  et  cependant  de  ce  splendide  pays,  on  ne  connut  longtemps  que  le  fro- 
mage de  Géromé.  11  n'en  est  plus  ainsi  aujourd'hui  et  les  voyageurs  abondent  à 
Gérardmer  ;  les  nécessités  de  la  défense  nationale  font  même  de  nos  soldats  aussi 

quelque  peu  des  touristes sur  la  frontière  ;  si  vis  pacem  para  hélium  \  nous 

rencontrons  ici  une  partie  du  21*  bataillon  de  chasseurs  en  garnison  à  Montbéliard, 
manœuvrant  et  s'instruisant  dans  la  montagne.  Nous  connaissons  tous  la  magni- 
fique et  vigoureuse  allure  de  ces  soldats  d'élite  et  le  geste  d'élégante  fierté  des 
clairons  levant  leurs  instruments  à  chaque  reprise  de  leurs  alertes  sonneries  ;  nous 
les  aimons  à  Lille,  mais  ici  leur  démarche  audacieuse  nous  émeut  profondément 
lorsqu'ils  lancent  aux  échos  des  montagnes  leurs  éclatantes  fanfares  qui  montent 
et  résonnent  jusqu'à  la  frontière.  Ce  matin  aussi,  dans  la  vallée  de  Ramberchamp, 
des  fantassins  du  152',  travailleurs  du  champ  de  tir  à  longue  portée,  se  reposaient 
à  l'ombre  en  cassant  une  croûte  sèche  non  loin  de  la  buvette  oii  nous  étions  entrés, 
nous  eiimes  tous  la  fraternelle  pensée  de  leur  offrir  quelques  bouteilles  de  bière  ; 
l'une  de  nos  aimables  compagnes  de  voyage,  la  plus  jeune,  représentant  la  Société 
de  Géographie,  et  comme  elle  dans  le  charme  de  sa  vingtième  année  toute  pro- 
chaine, se  charge  volontiers  de  notre  mission  et  bien  gracieusement  leur  transmet 
notre  offre  ;  ils  étaient  de  la  Nièvre  et  ils  nous  remercient  avec  esprit  en  buvant 
à  la  santé  des  gens  du  Nord.  A  la  santé  de  l'Armée  !  Vive  la  France.  Telle  fut 
notre  réponse. 

La  Vologne,  la  Schlucht  et  le  Hohneck.  —  Nous  ;dlons  maintenant  aborder 
la  haute  montagne  et  gravir  la  ligne  de  faîte  qui  sépare  le  bassin  de  la  Moselle  de 
celui  de  l'Ill  et  de  la  vallée  du  Rhin  ;  nous  contemplerons  du  sommet  des  Vosges 
notre  chère  Alsace  perdue,  nous  ferons  même  quelques  incursions  sur  son  terri- 
toire oii  triomphe  le  Teuton. 

Après  le  déjeuner,  notre  voiture  prend  la  route  de  Kichompré  qui  domine  la 
voie  ferrée  et  le  cours  de  la  Jamagne  ;  nous  suivons  ce  déversoir  du  lac  qui  grossit 
la  Vologne  et  la  Moselle.  Nous  revoyons  les  usines  qui  la  bordent  et  lui  doivent 
la  vie  ;  ce  sont  les  importants  tissages  Garnier,  auxquels  Lille  fournit  bien  du  fil. 
Nous  tournons  bientôt  à  droite  pour  rejoindre  la  Vologne  et  en  suivre  la  splendide 
vallée  ;  séduits  par  des  aspects  absolument  enchanteurs,  nous  mettons  pied  à  terre 
au  Pont  des  Fées  et  nous  côtoyons  ce  véritable  séjour  des  divinités  sylvestres,  le 
plus  merveilleux  que  l'on  puisse  concevoir.  La  rivière  cascadant  sous  bois,  gronde 
ou  murmure  au  milieu  des  pierres  ou  des  blocs  de  granit  apportés  quand  elle  fut 
torrent  ou  glacier  ;  voici  l'un  d'eux,  la  pierre  de  Gharlemagne,  souvenir  de  l'empe- 


_-  417  - 

reur  qui  chassa  souvent  dans  les  forêts  de  Gérardmer,  qu'il  affectionnait  autant 
que  ses  prédécesseurs  les  rois  d'Austrasie  résidant  à  Metz  ;  l'ours  et  le  loup  étaient 
alors  les  touristes  de  ces  belles  montagnes.  Plus  loin,  à  la  cascade  du  Saut  des 
Cuves,  la  rivière  s'élance  d'une  roche  élevée  de  30  m.  et  tombe  par  étages  dans 
des  vasques  qu'elle  a  creusées  entre  des  parois  escarpées  au  milieu  des  bois 
touffus.  La  grande  route  passe  à  deux  pas  sur  le  pont  de  la  Vologne,  arche  hardie 
reposant  sur  des  rochers  de  granit  qui  lui  servent  de  culées.  A  peu  de  distance,  on 
a  créé  pour  la  saison,  un  théâtre  rustique  en  sapins  raccordés  avec  goût  ;  devant 
cette  scène  des  gradins  taillés  dans  la  roche  sont  disposés  en  hémicycle,  notre 
collègue  nous  y  photographie. 

Mais  il  est  4  h,  nous  avons  largement  et  gaiement  mis  à  profit  ces  quelques 
heures  et  nous  devons  remonter  eu  voiture,  la  plus  grande  partie  des  15  kilom.  de 
route  reste  à  faire. 

Nous  voilà  de  nouveau  presque  enfouis  dans  des  bois  sombres  et  toufl'us  de 
sapins  gigantesques,  à  droite  coule  la  Vologne,  à  gauche  s'élèvent  à  plusieurs  cen- 
taines de  mètres  les  flancs  escarpés  et  boisés  de  la  montagne,  tandis  que  des 
buissons  verts  garnissent  les  bords  de  la  route  à  côté  des  touffes  multicolores  de 
scabieuses  ou  de  campanules  que  dominent  des  gerbes  resplendissantes  de  digi- 
tales ;  on  ne  peut  rien  rêver  de  plus  agréable.  Nous  voici  à  800  m.  ;  par  une 
éclaircie  nous  apercevons  bien  bas,  à  736  m.,  le  grand  lac  de  Longemer,  de  75  hec- 
tares de  superficie  et  parfois  profond  de  50  m. 

11  est  5  h.  quand  nous  atteignons  la  Roche  du  Diable,  passage  creusé  dans  un 
rocher  de  granit  à  patine  rouge,  comme  ombré  à  la  sanguine,  qui  s'avance  en  un 
promontoire  surplombant  la  vallée  ;  là,  d'une  petite  terrasse  ménagée  en  balcon  à 
160  m.,  nous  avons  à  200  m.  sous  nos  pieds  le  lac  de  Retournemer  miroitant  au 
milieu  du  cirque  verdoyant  qui  termine  la  vallée  de  la  Vologne,  c'est  là  que 
viennent  mourir  les  pentes  du  Hohneck.  Au  delà  du  tunnel,  les  sapins  sont  rem- 
placés par  de  belles  hètraies  du  plus  beau  vert  ;  à  3  kilom.  plus  loin,  12  k.  5  de 
Oérardmer,  par  1.110  m.  d'altitude,  une  belle  vue  ménagée  par  le  G.  A.  F.,  nous 
montre  dans  son  axe  toute  la  vallée  de  la  Vologne  et  ses  deux  lacs  que  le  soleil 
<iore  de  ses  derniers  rayons.  Bientôt  nous  apercevons  la  vraie  source  de  la  Meurthe 
et  nous  arrivons  au  col  de  la  Schlucht  ;  voici  sur  un  mamelon  qui  l)orde  la  route, 
une  chaume  ou  haut-pré  avec  une  maisonnette  oii  les  Alsaciennes  viennent  le 
dimanche  pour  fraterniser  et  danser  avec  des  Français.  A  droite  et  à  gauche,  sont 
les  sommets  du  Hohneck  et  du  Tanneck  et  au  milieu  du  col,  l'hôtel  français  qui 
date  de  douze  ans,  bâti  sur  l'extrême  frontière,  en  face  du  poteau  allemand  dont 
l'aigle  tranche  en  noir  sur  le  fond  blanc  de  l'écusson  ;  les  bornes-frontières  sont 
plantées  jusqu'au  bord  de  la  cour  de  l'hôtel  et  l'un  de  nous,  s'asseyant  sur  l'une 
marquée  D  (Deutschland),  a  l'air  de  l'écraser  de  son  dédain. 

Il  est  6  h.,  nous  avons  une  heure  pour  faire  un  raid  dans  la  vallée  de  Munster 
qui  se  termine  ici  par  un  goufire  profond  et  noir,  oii  s'enracine  le  pied  oriental  du 
Hohneck,  dont  le  flanc  est  de  ce  côté  presque  à  pic.  Cet  abîme  tout  couvert  de 
millions  de  sapins  entassés  côte  à  côte  semble,  avec  son  aspect  ténébreux  au  jour 
déjà  baissant,  être  le  domaine  de  quelque  terrible  génie.  Après  avoir  parcouru 
environ  4  kilom.  sur  cette  route  faite  d'une  encoche  taillée  dans  le  flanc  escarpé  de 
la  montagne,  à  un  coude  ijrusque  on  se  trouve  dans  la  vallée  de  la  Fecht,  au  bout 
de  laquelle  apparaît  Munster,  dont  les  clochers  se  voilent  dans  la  brume  du  cré- 
puscule. Sur  la  route,  en  cet  endroit,  s'élève  depuis  peu  l'hôtel  à'Altenberg,  bâti 
tout  en  granit  avec  des  terrasses  à  balustrades  relitint  en  courtines  des  donjons  à 
meurtrières  qui  commandent  la  route  et  la  vallée  et  donnent  au  monument  un  faux 
air  de  forteresse  en  harmonie  avec  le  site. 


-  'il8  — 

Sur  ces  bailleurs  maintenant  désertes  et  silencieuses,  minuscules  atomes  accro- 
chés entre  ces  gouffres  noirs  et  ces  sommets  gigantesques,  nous  restons  un  moment 
en  extase  devant  la  majesté  du  spectacle  ;  puis,  contemplant  la  silhouette  de 
Munster  qui  s'évanouit  dans  la  brume,  nous  pensons  aux  cœurs  qui  tressaillent 
là-bas  au  nom  vénéré  d'une  patrie  perdue,  tandis  qu'autour  de  nous  les  blocs  de 
granit  noir  et  blanc  que  ne  voile  point  encore  la  patine  grise,  montrent  le  sol 
lui-même  de  notre  Alsace  comme  en  deuil  aussi  de  la  France  absente.  Cependant , 
la  nuit  s'avance  et  au  retour,  la  folle  du  logis  évoque  dans  ces  bois  sauvages 
le  souvenir  des  descendants  de  Clovis  chassant  l'ours  et  l'auroch,  ou  bien  des 
princes  et  barons  du  Moyen-Age,  rivaux  sanguinaires  retranchés  dans  leurs  donjons, 
parfois  vrais  repaires  de  brigands.  Aujourd'hui  une  cycliste  un  peu  énergique 
traverse  seule,  en  touriste  et  sans  encombre,  les  forêts  de  l'Ardenne  et  des  Vosges. 

Bientôt  nous  rentrons  avec  plaisir  à  l'hôtel  Defranous  ,  la  journée  a  été  bien 
remplie. 

Le  Mardi  19,  à  7  h.  1/2,  nous  gravissons,  tout  le  long  de  la  frontière  ,  le  sentier 
qui  conduit  au  Hohneck  (1.366  m.)  par  la  Roche  de  la  Source  (1.200  m.).  Je  n'ai 
pas  à  redire  ici  ce  qu'a  si  bien  décrit  M.  P.  Destombes  en  1893.  Le  sommet  dénudé 
et  couvert  de  pâturages,  permet  d'apercevoir  toutes  les  Vosges  françaises  et  une 
table  d'orientation  donne  les  directions. 

Au  retour,  nous  montons  en  voiture  pour  aller  coucher  à  Bussang  par  la  Bresse. 

De  la  Schlucht  a  Bussang.  —  11  est  environ  10  h.  1.'),  nous  partons  par  la 
route  de  Gérardmer  et  après  la  source  de  la  Meurthe,  au  Collet,  nous  tournons  à 
gauche  ;  la  route  descend  rapidement  en  traversant  la  Vologne  contre  sa  source. 
Bientôt  nous  courons  sur  les  flancs  boisés  qui  sont  en  face  de  la  Roche  du  Diable, 
et  par  des  éclaircies  nous  voyons  le  lac  de  Retournemer  au  pied  des  escarpements; 
la  route  est  parfois  difficile,  des  sapins  abattus  envoyés  en  flèche,  glissant  sur  les 
blocs  de  granit  qui  forment  un  imposant  chaos  sur  les  flancs  de  la  montagne,  viennent 
souvent  barrer  le  chemin  ou  s'}'  enfoncer  ;  il  faut  parfois  attendre  qu'ils  soient  rangés 
ou  dépecés.  Cette  méthode  primitive  est  plus  expéditive  que  la  Schlitte  \  nous  voyons 
quelques  chemins  de  xchlitta(ic,  mais  à  notre  regret  pas  de  schlitteurs.  Passant 
auprès  de  la  Source  de  la  Moselotte.  nous  rejoignons  la  petite  Vologne  dont  nous 
allons  descendre  la  vallée  ;  nous  sommes  près  du  lac  de  Blanchemcr,  1.0iX)m.  ; 
de  chaque  côté  de  la  vallée,  des  montagnes  aux  aspects  variés  sont  tantôt  boisées, 
tantôt  garnies  de  pâturages  et  de  maisonnettes  où  demeurent  des  Marquards  ou  les 
Sar/ars  des  scieries  que  la  rivière  anime.  De  temps  en  temps  nous  traversons  une 
agglomération  de  quelques  usines  que  la  rivière  actionne  par  une  saignée  qui  cir- 
cule dans  un  petit  canal  latéral  allant  de  l'une  à  l'autre  en  suivant  la  pente  ;  c'est 
la  force  motrice  gratuite  captée  et  rendue  uniforme.  Quelques  champs  de  seigle,  de 
pois,  de  haricots,  de  pommes  de  terre,  composent  toute  la  culture  que  nous  aper- 
cevons pour  nourrir  ces  travailleurs  simples  et  polis.  Les  pâturages  ont  un  aspect 
singulier,  divisés  çà  et  là  en  lopins  de  formes  bizarres  par  des  petiis  murs  de  mor- 
ceaux de  granit  sufjerposés,  on  dirait  qu'on  s'est  approprié  seulement  les  espaces 
les  plus  fertiles  ;  peut-être  ces  murs  ont-ils  leur  utilité  à  l'époque  des  neiges.  Nous 
ne  sommes  pas  loin  du  lac  des  Corbeaux,  900  m.  d'altitude,  formé  comme  les 
autres  par  une  moraine  frontale  ;  il  est  H  h.  30,  nous  descendons  dans  la  vallée  du 
Chajoux,  où  nous  retrouvons  la  Moselotte;  nous  approchons  du  village  de  la  Bresse. 
Usines,  châteaux,  douane,  etc.,  se  succèdent  sur  notre  route  ;  c'est  une  localité 
importante  de  4.800  habitants,  espacée  sur  une  distance  de  2  kil.  500,  par  G^jQ  m. 
d'altitude. 

Les  croix  de  pierre  élevées  en  mémoire  des  morts  sont  ici   bien  plus  belles  et 


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mieux  sculptées,  le  pays  est  plus  riche  ;  il  y  a  40  à  50.000  broches  de  filatures  et 
de  nombreux  tissages.  Nous  déjeunons  à  12  h.  30  à  l'hôtel  de  Belle-Vue,  qui  est 
très  confortable.  Sur  le  versant  opposé,  un  sentier  en  lacets  sillonne  la  montagne 
aride,  grimpant  bien  haut  à  un  calvaire  qui  est  un  pèlerinage  ;  dans  les  lacets, 
14  arrêts  sont  les  stations  d'un  chemin  de  croix  que,  d'un  coup  d'ceil,  on  embrasse 
Tout  entier. 

^■ers  2  h.  15,  nous  continuons  notre  route  toujours  très  pittoresque  le  long  de  la 
Moselotte,  qui  s'en  va  rejoindre  la  Moselle  à  Remiremont  à  travers  les  prés  dont  les 
foins  coupés  nous  embaument.  Nous  la  quittons  à  Cornimont,  station  terminus 
d'un  embranchement  de  la  ligne  d'Épinal,  et  nous  courons  droit  sur  le  Thillot 
par  Travexin  et  le  Ménil.  Pendant  la  route,  un  intéressant  spectacle  s'offre  à  nos 
regards  ;  devant  nous,  un  violent  orage  éclate  entre  les  ballons  de  Servance,  d'Al- 
sace et  de  Gresson  et  les  noires  nuées,  que  d'immenses  éclairs  sillonnent,  oscillent 
ballottées  entre  ces  hauts  sommets  de  12  à  1.300  m.  Nous  contemplons  avec  curio- 
sité ce  terrifiant  spectacle  et  nous  récoltons  entre  temps  une  assez  bonne  averse 
que  nous  envoie  un  petit  nuage  égaré  dans  notre  direction.  Une  buvette  du  Ménil 
avec  d'excellente  bière,  comme  nous  en  trouvons  partout  dans  les  Vosges  ,  nous 
permet  de  faire  une  étude  de  mœurs,  en  supportant  avec  patience  cette  diversion 
au  temps  superbe  qui  nous  favorise  depuis  notre  départ. 

Au  Thillot,  nous  rejoignons  l'embranchement  d'Epinal  à  Bussang  et  nous 
retrouvons  la  Moselle';  en  la  suivant,  nous  dépassons  St-Maurice,  et  à  6  h.  30, 
nous  sommes  sur  la  place  de  Bussang.  Le  charme  du  paysage  nous  a  fait  oublier 
que  nous  étions  depuis  6  heures  en  voiture  pour  accomplir  un  trajet  de  28  à30kil. 

Bussang.  —  Un  coup  d'œil  sur  Bussang,  un  dîner  réconfortant  avec  la  truite 
délicate  ou  l'excellent  brochet  de  rigueur  dans  les  ^'osges,  puis  une  soirée  musicale 
au  salon  de  l'hôtel  et  nous  jugeons  la  journée  suffisamment  remplie  pour  gagner 
nos  chambres. 

Le  20  Juillet,  nous  partons  vers  8  heures  en  promenade  vers  la  frontière;  nous 
traversons  bientôt  la  Moselle  qui  coule  modeste  en  cascatelles  sur  des  galets  de 
granit,  puis  à  1  kilora.  plus  loin,  sur  la  gauche,  nous  entrons  dans  l'établissement 
des  eaux  minérales  de  Bussang,  grand  hôtel  confortable,  bâti  en  1880,  au  milieu 
d'un  parc  ;  nous  dégustons  l'eau  à  la  source,  elle  a  une  saveur  piquante  aigrelette 
comme  toutes  les  eaux  très  gazeuses,  elle  est  en  mêine  temps  ferrugineuse,  arse- 
nicale, donc  tonique  et  digestive,  elle  est  très  consommée  dans  les  Vosges.  Les 
eaux  de  Bussang  furent  déjà  bien  connues  au  XVll"  siècle,  mais  c'est  en  1752  que 
le  duc  Stanislas  concéda  les  sources  à  un  particulier  avec  conditions  et  charges. 

A  1  kilom.  de  là,  nous  arrivons  à  l'une  des  sources  de  la  Moselle  (725  m.  ait.), 
presque  à  la  ligne  de  faîte  qui  la  sépare  de  la  Thur  ;  notre  collègue  photographie 
notre  groupe  sur  les  bords  de  la  vasque  oi^i  elle  se  trouve  baptisée  ;  nous  savons 
qu'elle  va  se  jeter  dans  le  Rhin  à  Goblentz,  grossie  de  la  Moselotte,  delaVologne, 
de  la  Meurthe  que  nous  avous  vu  naître  aussi  et  de  bien  d'autres  affluents  ;  elle  a 
un  cours  de  515  kilom.,  dont  206  en  France. 

Au  loin  sur  la  route  on  aperçoit  le  tunnel  du  col  de  Bussang,  il  est  à  734  m. 
d'alt.,  sa  longueur  est  de  245  m.,  dont  133  m.  du  côté  français,  car  la  borne  fron- 
tière est  presque  en  son  milieu.  Nous  y  montons  et  nous  nous  retrouvons  une 
seconde  fois  sur  la  terre  d'Alsace  ;  nous  y  faisons  quelques  kilom.  sur  la  route  de 
Mulhouse  (à  40  kilom.)  dans  une  vallée  sauvage  qui  est  un  rameau  de  celle  de  la 
Thur,  affluent  de  l'Ill.  A  notre  gauche,  les  escarpements  de  rochers  effrités  cotent 
1.200  m.,  et  à  droite,  les  pentes  couvertes  de  sapins,   J. 015  m.  ;  ils  encaissent  la 


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route  d'une  façon  grandiose  mais  sévère,  et  cette  fois  encore  le  spectacle  est  d'ac 
cord  avec  notre  pensée. 

40  minutes  plus  tard,  nous  déjeunons  à  l'Hôtel  Central,  puis,  à  midi  nous  disons 
adieu  à  Bussang,  oii  nous  avons  vu  que  l'on  fait  de  la  quincaillerie  et  des  objets 
on  merisier,  pipes,  tabatières,  etc.,  à  côté  de  filatures  de  coton  et  de  bourre  de 
soie  ;  la  population  est  de  2.500  habitants  ;  l'altitude  624  m. 

Le  Ballon  d'Alsace.  —  Le  temps  est  lourd  et  les  nuages  bas,  quand  nous  par- 
tons pour  le  Ballon  d'Alsace  et  Giromagny  (30  kilom.)  ;  nous  arrivons  à  peine  à 
St-Maurice,  à  5  kilom.  (555  m.  ait.)  déjà  traversé  hier,  qu'un  orage  épouvantable 
nous  assaille  et  qu'une  véritable  trom))e  d'eau  nous  inonde,  plusieurs  pompes  à 
vapeur  ne  feraient  pas  mieux  contre  notre  voiture,  qu'on  doit  et  qu'on  peut  heu- 
reusement remiser  sous  un  hangar  pendant  que  les  éclats  violents  du  tonnerre 
font  trembler  sur  sa  base  la  montagne  elle-même  ;  nous  avions  admiré  hier  un  bel 
orage  des  Vosges,  aujourd'hui  nous  le  subissons.  Nous  pourrons  désormais  en 
parler  savamment. 

Au  début  de  l'ascension,  nous  évitons  les  premiers  lacets  en  montant  par  un 
raccourci  pierreux  dont  Feau  se  sert  aussi  pour  descendre  rapidement  en  casca telles 
et  nous  rejoignons  la  voiture  contenant  les  dames  ;  bientôt  une  vue  pittoresque  du 
val  des  Charbonniers  nous  apparaît  vers  Bussang,  puis  à  3  kilom,,  c'est  vers  le 
Thillot  que  nous  admirons  la  vallée  de  la  Moselle.  Plus  loin,  nous  atteignons  des 
pentes  boisées  où  je  mesure  de  gros  sapins  qui  ont  2  m.  de  circonférence  et  30  à 
.'35  m.  de  hauteur  ;  de  nombreuses  coupes  en  rondins  encombrent  la  route. 

A  1  h.  25,  nous  avons  gravi  5  kilom.,  nous  sommes  à  la  maison  forestière  oii  un 
petit  canon  éveille  un  inrinense  écho  qui  descend  jusqu'à  St-Maurice  ;  à  2  kilom. 
plus  loin,  les  hauts  pâturages  commencent,  et  à  940  m.  d'alt.  la  forêt  disparaît.  A 
8  k.  500  se  trouve  la  Marcairerie  ou  fromagerie  avec  la  buvette  de  la  Jumenterie 
(1.064  m.);  il  y  a  de  vastes  étables  adossées  à  une  maison  basse  habitée  toute 
l'année  par  les  Marquards.  On  ne  rencontre  plus  alors  que  des  bouquets  de  hêtres 
rabougris  disséminés  sur  Fherbe  courte  des  chaumes,  oii  gisent  aussi  des  blocs  de 
granit.  A  10  kilom.  nous  arrivons  au  point  culminant  de  la  route,  au  col  du 
Ballon  ;  nous  sommes  sur  la  crête  qui,  se  prolongeant  par  les  monts  Faucilles, 
sépare  les  bassins  de  la  Méditerranée  et  de  la  mer  du  Nord  ;  il  y  a  ici  une  auberge- 
l)uvette,  mais  à  20  minutes  se  trouve  un  excellent  hôtel. 

Nous  allons  abandonner  le  massif  granitique  et  primaire  des  hautes  Vosges  pour 
gagner  le  système  des  plateaux  et  des  vallées  du  .Jura,  parallèles  et  allongés  et 
essentiellement  calcaires.  Nous  allons  quitter  le  département  des  Vosges  et  la 
Lorraine  avec  le  fromage  de  Géromé,  les  chaumes  et  les  faignes  pour  gagner  le 
département  du  Doubs  et  la  Franche-Comté  avec  son  gruyère,  les  combes  et  les 
cluses  du  Jura,  en  passant  par  le  petit  territoire  de  Belfort  qui  garde  la  trouée, 
reste  bien  mesquin  de  notre  Haut-Rhin  ;  c'est  un  changement  complet  d'aspect. 

Malheureusement,  le  temps  resté  brumeux  après  l'orage,  ne  nous  permet  pas  de 
voir  d'ici  (1.178  m.),  les  beaux  panoramas  au  N.  et  au  S.  et  nous  jugeons  inutile 
de  monter  sur  la  terrasse  du  sommet  oii  se  trouve  une  table  d'orientation  et  un 
pilier  carré  surmonté  d'une  vierge  de  l)ronze  (1.2.56  m.);  la  frontière  allemande 
vient  au.ssi  partager  cette  cîme  d'où  la  vue  est  immense  sur  les  Vosges,  le  Jura  et 
même  les  Alpes.  On  saisit  bien  de  ce  poste  d'observation  la  différence  qui  existe 
tmtre  la  ligne  uniforme  qui  limite  le  sommet  du-  massif  jurassien  et  le  profil  très 
irrégulier  des  chaînes  alpestres.  De  là  aussi,  avant  de  descendre  en  Franche-Comté, 
on  peut  jeter  un  regard  sur  les  pentes  verdoyantes  des  Vosges  et  la  plaine  fertile 
de  la  Lorraine  que  nous  venons  d'étudier.  Nous  avons  ébauché  l'histoire  de  cette 


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province,  nous  avons  vu  comme  elle  est  productive,  et  elle  Ta  toujours  été,  comme 
Taffirme  ce  vers  d'un  vieil  auteur  latin  : 

Htec  ubi  fertilibus  floret  Lolharingia  campis. 

Ses  plaines  sont  couvertes  de  céréales,  ses  coteaux  de  vignobles,  ses  montagnes 
de  bois  giboyeux  et  de  riches  pâturages,  et  ses  rivières  poissonneuses  sont  la  force 
de  l'industrie,  sans  compter  les  mines  de  fer,  de  plomb,  de  sel,  etc.,  ni  ses  sources 
nombreuses  d'eaux  minérales  et  gazeuses,  chaudes  ou  froides,  qui  sont  aussi 
devenues  une  richesse. 

Le  massif  des  montagnes  des  Vosges  françaises,  _du  Ballon  d'Alsace  au  Donon, 
est  formé  presque  complètement  de  roches  siliceuses  primaires  et  secondaires  ;  il 
constitue  une  chaîne  de  100  kilom.  de  longueur  environ,  dont  les  nombreux  som- 
mets granitiques  arrondis,  semblent  des  boursouflures  de  la  croûte  terrestre  qui 
auraient  pu  s'accentuer,  mais  dont  la  force  expansive  s'est  éteinte  ;  le  plus  grand 
eff'et  de  ce  plissement  s'est  produit  dans  les  hautes  Vosges  oii  nous  sommes,  pour 
aller  en  s'atténuant  vers  le  N.  jusqu'au  Hardt,  où  les  couches  gréseuses,  sédimen- 
taires  d'origine,  ont  subi  un  métamorphisme  sans  céder  à  la  poussée  granitique. 
L'expansion  lal!%rale  des  plissements  a  constitué  les  contreforts  et  chaînons  de  grès 
ou  de  calcaire  coquillier  qui  rayonnent  en  mamelons  de  la  chaîne  centrale  ;  A  partie 
allemande  qui  depuis  le  Mont  Donon  va  mourir  au  delà  du  Mont  Tonnerre  vers 
Mayence,  sur  une  longueur  de  180  kilom.  environ,  a  aussi  ses  sommets  moins  sou- 
levés couverts  des  couches  de  grès  qui  ont  résisté  au  granit. 

La  formation  du  Jura  est  essentiellement  différente  ;  la  partie  franco-suisse  est 
absolument  constituée  de  roches  sédimentaires  presque  toujours  calcaires,  de 
l'époque  secondaire  ;  son  orientation  du  N.  E.  au  S.  0.  se  dessine  en  une  longue 
courbe  dont  la  concavité  est  tournée  vers  les  Alpes,  qui  paraissent  avoir  déterminé 
par  leur  masse  la  forme  et  la  direction  du  plissement  jurassique  lequel,  tout  entier, 
s'étend  depuis  le  Dauphiné  en  causant  les  dérivations  du  Rhône  et  du  Rhin, 
jusqu'au  Jura  franconien,  y  compris  le  tronçon  appelé  les  Alpes  de  Souabe. 

Comme  le  massif  des  Vosges,  le  Jura  a  un  aspect  tout  spécial,  il  n'a  point  de 
sommets  à  pic  ni  même  arrondis.  Vu  d'une  altitude  de  12  à  1.500  m.,  le  système 
paraît  un  long  plateau  courbe,  large  de  40  à  60  kilom.  environ,  strié  de  profondes 
crevasses  à  peu  près  parallèles  dans  le  sens  de  la .  longueur,  ce  sont  des  vallées 
qui  communiquent  entre  elles  irrégulièrement  par  des  cassures  transversales  ou 
cluses  permettant  aux  cours  d'eau  de  traverser  ces  parallèles  par  des  zig-zags 
répétés.  Ici  point  de  chaînons  qui  rayonnent  perpendiculairement  ,au  grand  axe  , 
tout  démontre  une  influence  latérale  lors  du  plissement.  11  arrive  que  des  affaisse- 
ments en  cuvette  se  sont  formés  sans  issue  pour  les  eaux,  ce  sont  des  combes  au 
fond  desquelles  une  rivière  ou  un  étang  marécageux  recueille  les  eaux  de  pluie  qui, 
dans  ces  roches  crétacées,  finissent  par  trouver  une  faille  ou  une  crevasse  souter- 
raine pour  s'écouler  par  ces  conduits  qu'on  nomme  emposieux  jufiqn'k  la  rencontre 
d'une  tranchée  d'oii  l'eau  émerge  abondamment.  C'est  ainsi  qu'on  voit  les  sources 
être  presque  des  rivières  à  leur  naissance  et  qu'on  ne  rencontre  point  la  multitude 
d«  ruisselets  qu'on  voit  cascader  et  confltier  sur  les  flancs  imperméables  des 
Vosges  ;  ici,  comme  dans  les  Cévennes,  les  grottes  et  les  cavernes  sont  nombreuses 
et  beaucoup  de  rivières,  même  importantes,  le  Doubs  par  exemple,  disparaissent 
tout  à  coup  dans  un  gouffre  pour  surgir  de  nouveau,  parfois  à  une  grande 
distance. 

Le  plissement  date  de  la  fin  de  l'époque  secondaire,  il  s'est  continué  pendant  la 
période  tertiaire.  Dans  la  partie  occidentale  qui  nous  occupe,  on  trouve  surtout  du 

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calcaire  oolithique  jaunâtre  et  du  lias  marneux,  et  dans  la  partie  orientale,  de 
l'oolithe  plus  dure,  du  terrain  crétacé  et  jusqu'à  du  tertiaire  miocène  ;  mais  on  ne 
trouve  point  ici  la  dolomie  du  terrain  jurassique  des  Cévennes  ;  on  ne  trouve  point 
non  plus  de  roches  siliceuses  ou  éruptives,  aussi  point  Je  sources  thermales  comme 
dans  les  Vosges.  Si  l'on  ne  retrouve  point  dans  le  Jura  les  vallées  féeriques  des 
Vosges,  ni  les  impressions  que  donnent  les  hautes  altitudes  et  les  grandes  forêts 
solitaires,  on  peut  y  admirer  des  paysages  tout  remplis  d'une  douce  poésie  et 
parfois  aussi  des  sites  sauvages  dans  des  crevasses  profondes,  silencieuses  et 
imposantes,  il  y  en  a  dans  la  région  de  Pontarlier  déjà  traversée  dans  d'autres 
voyages,  et  vers  le  Saut  du  Doubs  que  nous  verrons  bientôt.  Tels  sont  les  contrastes 
qui  frappent  les  visiteurs  de  ces  deux  régions  si  voisines  et  si  difié rentes,  mais 
bien  agréables  toutes  deux.  Je  ^e  puis  m'étendre  ici  sur  des  causes  naturelles  bien 
intéressantes. 

Il  est  3  h.,  nous  remontons  vite  en  voiture  sans  gagner  la  cime  qui  est  à  10  min. 
ni  celle  du  ballon  de  Servance,  tout  voisin  aussi,  que  couronne  l'un  des  nombreux 
forts  qui  gardent  la  trouée.  Nous  commençons  une  descente  de  7  à  800  m.  qui 
dcA'ient  vertigineuse  à  une  série  de  lacets  et  exige  la  plus  grande  attention  du 
cocher  mon  voisin,  aussi  je  m'abstiens  de  le  questionner.  Nous  avons  en  tout 
10  kilom.  à  faire,  nous  allons  les  dévorer  en  1  h.  40.  « 

Bientôt  nous  rentrons  sous  bois.  La  Savoureuse  qui  passe  à  Belfort  naît  sur  ce 
versant  du  ballon,  nous  la  voyons  en  une  très  belle  cascade  ;  par  une  éclaircie 
nous  observons  que  ce  cirque  boisé  et  la  plaine  qui  le  suit  forment  l'extrémité  N. 
de  la  trouée  ;  plus  loin,  près  d'un  calvaire,  nous  dépassons  un  groupe  de  cascades 
dont  la  dernière,  la  plus  belle,  est  le  Saut  de  la  Truite.  La  Savoureuse  coule  au 
fond  de  la  vallée  que  nous  côtoyons  comme  dans  un  précipice  ;  de  tous  côtés 
les  cascades  des  ruisseaux  grondent  ou  murmurent  dans  la  solitude  du  bois  sombre 
et  nous  nous  souvenons  de  la  superbe  vallée  de  la  Vologni;. 

Nous  rejoignons  la  rivière  près  d'une  pittoresque  scierie  au  hameau  du  Chant 
f/'oiseau,  joli  nom,  site  charmant,  et  tandis  que  derrière  nous  se  dresse  bien  haut 
le  dôme  du  ballon,  en  avant  se  détache  sur  l'horizon  encore  vaste,  la  silhouette 
d'une  église  plantée  sur  un  mamelon  ;  c'est  le  Puix,  2.000  habitants,  village  du 
Haut-Rhin,  nous  entrons  dans  ce  qui  nous  reste  de  l'Alsace.  Partout  l'eau  jaillit  des 
nombreuses  fontaines  ;  de  grands  bacs  allongés  oii  l'eau  coule  à  pleins  bords 
servent  de  lavoirs  publics,  tout  autour  des  femmes  battent,  frottent  et  bavardent  à 
l'envie,  la  lessive  doit  être  parfaite  !  Filatures  et  tissages  bordent  les  rives  de  la 
Savoureuse  qui  leur  donne  une  vie  bruyante  et  jjroductive  ;  nous  retrouvons  une 
zone  d'activité  commerciale ,  nous  savons  ce  que  c'est,  mais  nous  quittons  avec 
regrets  les  splendeurs  de  la  montagne. 

A  4  h.  4.5,  nous  arrivons  à  Giromagny,  463  m.,  chef-lieu  de  canton,  4.000  habi- 
tants, centre  d'industrie  cotonnière  avec  50.000  broches  et  2.000  métiers  que  la 
rivière  actionne  ;  jadis  il  y  existait  des  mines  de  plomb,  de  cuivre,  d'argent,  main- 
tenant abandonnées.  A  5  h.  7  nous  partons  pour  Besançon. 

De  Belkort  a  La  Ghaux-de-Fonds.  —  A  5  h.  45  du  soir  nous  arrivons  à  Belfort, 
nous  jetons  un  rapide  coup  d'œil  sur  la  ville,  et  à  6  h,  17  nous  reprenons  le  train, 
notre  logis  est  à  90  kilom.  Dans  peu  d'instants  nous  allons  nous  trouver  dans  le 
Doubs  et  dans  l'ancienne  Franche-Comté  ;  ce  territoire  fut  dans  les  temps -anciens 
celui  des  Séquaniens,  mais  envahi  par  des  hordes  d'Helvètes,  les  habitants  appe- 
lèrent à  leur  secours  les  Germains  et  Arioviste,  qui  se  trouvèrent  bien  dans  le  pays 
et  voulurent  y  rester.  César  consentit  à  les  chasser  et  sut  demeurer  l'ami  des  Séqua- 
niens,  mais  il  devint  leur  maître.   Plus  tard,   au  V''  siècle,  ce  pays  fit  partie  du 


--  423  — 

royaume  des  Burgondes  qui,  appelés  contre  les  Vandales,  s'implantèrent  parmi  les 
•Gallo-Romains.  Au  VIII"  siècle,  ce  furent  les  Sarrasins  qui  arrivèrent  en  conqué- 
rants ;  les  Francs  carlovingiens  prirent  leur  place  après  les  déroutes  infligées  par 
Charles-Martel  et  à  la  mort  de  Charlemagne,  la  contrée  fut  comprise  dans  la  part 
de  l'empereur  Lothaire,  d'où  plus  tard,  les  prétentions  de  l'Empire.  Au  IX"  siècle 
fut  créé  le  royaume  de  Bourgogne  qui,  au  XI"  siècle,  fut  transformé  et  divisé 
partie  en  duché  et  partie  en  comté  devenu  plus  tard  la  Franche-Comté,  dont  le 
nom  parut  pour  la  première  fois  dans  le  traité  du  27  Juin  1366  entre  la  comtesse 
Marguerite  de  Flandre,  qui  en  était  la  souveraine  et  le  comte  Henri  de  Montbé- 
liard.  Enfin,  après  des  péripéties  sans  nombre  et  des  guerres  atroces  qui  dépeu- 
plèrent toute  la  province,  telle  la  campagne  de  163.5-36,  Louis  XIV  conquit 
définitivement  en  1674  toute  la  Franche-Comté,  dont  le  traité  de  Nimègue  (1678) 
lui  confirma  la  possession.  L'arc  de  triomphe  de  la  Porte-St-Martin  à  Paris,  fut 
élevé  en  mémoire  de  cette  rapide  conquête.  La  province  perdit  ainsi  ses  franchises 
et  l'indépendance  acquise  par  la  fière  attitude  de  ses  Comtes  vis-à-vis  des  Empereurs 
■d'Allemagne,  d'oii  est  sorti  le  nom  de  Franche-Comté,  confirmé  quelques  siècles 
plus  tard.  Cependant,  le  Parlement  de  Dôle,  l'ancienne  capitale  au  Moyen-Age,  fut 
•conservé  avec  4  bailliages.  En  17t»0,  il  y  eut  division  en  3  départements  :  Haute- 
Saône,  Doubs  et  Jura. 

A  peine  partis  de  Belfort ,  nous  apercevons  la  hauteur  d'Héricourt,  de  pénible 
mémoire  pour  les  Belfortains  (10  k.)  ;  peu  après,  à  18  k.,  nous  passons  à  Montbé- 
liard  sur  la  Savoureuse  et  contre  le  canal  du  Rhône  au  Rhin,  ville  forte  et  très 
ancienne  oii  naquit  Georges  Cuvier  ;  le  chàteau-fort  que  l'on  voit  derrière  la  gare 
est  remarquable.  Bientôt  nous  traversons  le  Doubs  qui,  souvent,  se  confond  avec 
le  canal  et  nous  allons  les  suivre  tous  deux  jusqu'à  Besançon.  Nous  avions  fait 
environ  40  kilom.  quand,  stupéfaits  de  surprise,  nous  entendons  crier  aux  por- 
tières :  L'Isle  !  Nous  frémissons  au  souvenir  de  notre  clière  cité  ;  nous  regardons  , 
mais  la  différence  est  grande,  le  ciel  est  pur,  point  de  fumeux  obélisques  et  le 
Doubs  coule  des  flots  de  cristal  que  nous  serions  heureux  de  voir  dans  la  Deûle. 
A  64  k.  Baume-les-Dames  (270  m.  ait.)  qui  posséda  la  célèbre  abbaye  de  Bénédic- 
tins fondée  au  Vlll"  siècle.  Le  pays  est  très  accidenté  et  fort  pittoresque,  la  voie 
pas.se  sous  de  longs  et  nombreux  tunnels  traversant  les  plissements  jurassiques 
<{ui  ont  pu  prendre  de  l'extension  vers  le  plateau  de  Langres,  moins  proche  que 
les  Vosges.  Nous  suivons  le  cours  du  Doubs  ayant  de  chaque  côté  des  collines 
cultivées  ou  rocheuses,  couronnées  de  châteaux  et  de  bois,  séparées  parfois  par 
•de  grandes  plaines  ;  le  soleil  couchant  dorant  tous  les  contours,  embellit  à  souhait 
le  paysage. 

A  9  h,  nous  descendons  à  Besançon  dans  la  gare  de  la  Viotte,  éloignée  du  centre 
■de  la  ville  qui  est  déjà  presque  endormie,  les  magasins  sont  fermés  quand  l'onmibus 
nous  dépose  à  l'hôtel. 

La  Chaux-de-Fonds.  —  Le  jeudi  21,  à  5  h.  du  matin,  nous  faisons  une  prome- 
nade agréable  en  nous  rendant  à  la  gare  de  la  Mouillère  et  à  5  h.  10  nous  roulons 
vers  la  Chaux-de-Fonds,  à  S-j  kilom.  La  voie  est  accrochée  le  long  du  rocher  qui 
porte  la  citadelle  et  parfois  traverse  en  tunnel  les  éperons  qui  s'en  détachent  vers 
le  Doubs,  que  l'on  domine  d'une  cinquantaine  de  mètres,  tandis  qu'à  distance  on 
aperçoit  les  monts  couronnés  par  les  forts  qui  protègent  la  ville.  Après  le  qua- 
trième tunnel  on  a  traversé  la  vallée  du  Doubs  vers  l'Est  et  on  entre  dans  le  massif 
jurassique,  c'est  une  série  de  plateaux  cultivés,  boisés  ou  marécageux  oii  l'on  est 
étonné  de  voir  des  tourbières  importantes  par  7  à  800  m.  d'altitude,  avec  des  col- 
lines peu  élevées  bornant  çà  et  là  le  paysage.   Plusieurs  stations  portent  des  noms 


—  42i  — 

macabres  :  La  Morre,  l'Hôpital,  etc.  ;  bientôt  nous  îirrivons  à  Morteau  (67  kilom.), 
oii  nous  retrouvons  le  Doubs  avant  sa  grande  boucle  vers  le  N.  Arrivés  à  8  h.  01 
nous  repartons  un  quart  d'heure  après  à  9  h.  20,  heure  du  fuseau  de  l'Europe  cen- 
trale, nous  voilà  donc  plus  vieux  d'une  heure  que  nous  n'avons  pas  vécu,  c'est  une 
grave  indélicatesse  dont  nous  exigerons  réparation.  Au  col  des  Roches,  station 
admirable,  nous  franchissons  la  frontière  suisse  et  après  le  Locle,  nous  débarquons 
à  la  Chaux-de-Fonds  à  10  h.  (9  h.)  par  995  m.  d'alt.  à  la  gare. 

Ce  village  de  2Ô.000  habitants  s'enorgueillit  d'être  le  plus  important  de  l'Europe, 
il  est  un  centre  de  la  fabrication  d'horlogerie  née  au  Locle  il  y  a  deux  ou  trois 
siècles  ;  tous  les  monuments  sont  récents  et  sans  intérêt  (photot^•pie  n"  3)  ;  les 
constructions  nouvelles,  les  boulevards,  les  places  ont  l'aspect  général  de  tous  les 
quartiers  neufs  de  nos  grandes  villes,  mais  dans  les  vieilles  maisons,  on  constate 
que  jadis  on  s'inquiétait  peu  de  l'hygiène  et  du  confortable. 

Dès  notre  arrivée,  nous  partons  en  voiture,  par  une  route  accidentée  et  très 
pittoresque,  pour  le  col  des  Loges  ou  la  Belle- Vue  des  Alpes,  à6  k.  5,  par  1.286  m.  ; 
par  un  temps  clair  la  vue  y  est  splendide  sur  les  lacs  de  Neuchàtel  et  de  Morat 
au-dessus  du  lac  de  Ruz,  par  tme  cluse  que  franchit  la  voie- ferrée  de  la  Ghaux-de- 
Fonds  vers  le  lac.  Dans  le  fond  les  sommets  des  Alpes  bornent  l'horizon  de  Berne 
jusqu'à  Lausanne,  que  couvre  le  Jorat. 

Le  Saut  du  Doubs.  —  Vers  3  h.  (2  h.)  nous  partons  de  l'hôtel  en  voiture  pour 
le  Saut  du  Doubs  par  une  route  droite,  à  travers  les  prairies,  oii  les  paysans 
fauchent,  fanent  et  voiturent  leurs  foins  dont  les  senteurs  nous  embaument;  mais, 
détail  curieux,  les  travailleurs  en  manches  de  chemise  sont  grossièrement  vêtus, 
tandis  que  les  femmes  qui  les  aident  sont  toutes  coquettement  habillées  de  corsages 
ajustés  aux  couleurs  claires,  de  jupes  élégantes  et  de  chapeaux  ronds  garnis  de 
fleurs  ;  dans  ce  costume  elles  manient  avec  grâce  le  râteau  et  font  songer  aux  poé- 
tiques paysages  de  Ruysdaël  et  surtout  de  Claude  Lorrain.  Les  maisons  ,  vastes 
mais  peu  élevées,  aux  toits  peu  inclinés  en  angle  dièdre  très  obtus,  présentent 
leurs  pignons  vers  la  route  (phototypie  n"  4)  ;  c'est  le  type  des  régions  exposées 
aux  bourrasques.  A  8  kilom.  nous  atteignons  Le  Locle,  11.000  habitants,  949  m. ,^ 
sur  le  versant  d'une  colline,  fondé  au  XIV*  siècle,  mais  développé  à  la  fin  du 
XV!!*",  quand  le  forgeron  Jean  Richard  y  établit  la  fabrication  des  montres  de 
Nuremberg.  On  lui  a  élevé,  il  y  a  dix  ans,  une  statue  en  bronze,  de  2",70,  qui  le 
représente  étudiant  le  mécanisme  d'un  œuf  de  Nurentherr/.  Curieuse  église  romane 
de  1758,  dont  la  tour  est  de  1521. 

A  4  kilom.  plus  loin  nous  passons  au  Col  des  Roches,  site  excessivement  remar- 
quable cil  passe  la  frontière  ;  c'est  une  échancrure  en  V,  comme  un  coup  de  hache 
gigantesque,  ouvrant  une  haute  muraille  rocheuse  (phototypie  n"  5)  ;  la  route  y 
passe  et,  tournant  à  droite,  pénètre  dans  un  tunnel  dans  la  paroi  duquel  une  large 
baie  en  balcon  s'ouvre  devant  une  vallée  profonde  et  boisée.  La  route  descend 
jusqu'au  village  des  Brcnets  oii  de  raides  sentiers  mènent  au  bord  du  lac,  qui  est 
le  Doubs,  coulant  dans  une  large  et  profonde  crevasse  d'érosion  dans  le  plateau 
calcaire.  Nous  avions  recueilli  dans  notre  voiture,  près  du  col,  la  batelière  complai- 
sante dont  nous  avons  admiré  la  courageuse  énergie  quand  nous  l'avons  priée  de  se 
hâter  pour  notre  retour.  Louise  Guillemin,  c'est  son  nom,  nous  a  conduits  avec 
une  adresse  et  une  vigueur  remarquables  dans  tous  les  endroits  curieux  du  lac;  à 
l'écho  qui,  comme  un  microphone  exagère  le  son,  la  chaîne  de  la  barque  projetée 
sur  le  plancher  produit  le  bruit  d'une  forte  fusillade  qui  se  répercute  sur  les  murs 
rocheux  qui  nous  environnent  ;  de  l'autre  côté,  la  grotte  de  la  Toffière  s'ouvre  à 
fleur  d'eau  ;  dans  le  haut  des  murailles  de  50  à  70  m.  qui  nous  isolent  du  monde 


(3)  La  Ghaux-de-Fonds  (Suisse). 

Fontaine  du  boulevard  Léopold  Robert. 


-v.    U^-i^ 


=aeti^ 


(4)  Le  Locle  (Suisse). 

Habitations  sur  la  grande  route  du  Locle  à  Morteau. 


sur  notre  bien  frêle  esquif,  la  roche  se  découpe  en  créneaux  ou  en  figures  quel- 
conques, le  Sphynx,  la  \'ierge,  etc.  Ge  gigantesque  couloir  se  décompose  en  cinq 
bassins  par  ses  sinuosités  ;  le  ciel  et  l'eau  entre  deux  rochers  immenses  et  inabor- 
■dables,  le  silence  le  plus  complet,  celui  des  hautes  montagnes,  tel  est  l'aspect 
sévère,  grandiose  et  émouvant  qui  captive  le  touriste. 

Le  soleil  dore  les  crêtes  et  produitVlcs  jeux  d'ombres  ou  de  lumière  crépusculaire 
ou  même  donne  les  tons  indescriptibles  des  jours  d'éclipsé  importante  ;  cette 
muette  solitude  impressionne  l'habitant  des  grandes  villes  et  le  chagrine  presque, 
Aussi  quelques-uns  d'entre  nous  entonnent  un  chant  avec  refrain  en  chœur,  dont 
l'effet  est  saisissant  devant  le  merveilleux  tableau  de  la  grandiose  nature  oii  nous 
tenons  si  peu  de  place. 

Au  bout  du  lac  nous  nous  empressons  vers  la  cascade  à  quelques  centaines  de 
mètres  ;  la  chute  de  27  m.  se  p)roduit  dans  un  goutfre  aride  ou  l'on  peut  descendre 
pour  contempler  le  Niagara  du  Jura  ;  mais  il  y  a  peu  d'eau  maintenant  et  l'attrait 
est  relatif,  aussi  n'allons-nous  pas  tous  jusqu'à  la  chute,  nous  sommes  du  reste 
pressés  par  l'heure.  Grâce  à  la  bonne  volonté  de  notre  batelière  et  à  la  vigueur  de 
ses  bras,  la  traversée  de  retour  s'effectue  en  40  minutes  ;  cependant,  attardés  par  la 
raideur  de  la  montée  aux  Brenet??,  nous  ne  pouvons  prendre  que  le  dernier  train 
iiu  Locle  qui  s'arrête  à  Morteau.  Là,  un  excellent  souper  à  l'hôtel  de  la  Guimbarde 
nous  dispose  à  un  repos  bien  gagné.  Le  séjour  est  imprévu  au  programme  dans 
cette  jolie  petite  ville  de  2.r>00  habitants ,  éclairée  à  rélectricité  pendant  toute  la 
nuit,  comme  dans  toutes  ces  localités  privilégiées  oti  l'eau  fournit  une  force 
motrice  gratuite  et  abondante.  Etagée  à  754  m.  sur  la  base  herbeuse  du  Mont 
Tantillon,  elle  y  fut  fondée  au  XIP  siècle  autour  d'un  prieuré  de  Bénédictins  ;  le 
vendredi  dès  6  h.  nous  visitons  les  curiosités  :  l'Hôtel  de  Ville  est  l'ancien 
Prieuré  de  1590  ;  l'église  souvent  restaurée,  réunit  tous  les  styles  curieusement 
assemblés,  depuis  les  vestiges  du  XIII''  siècle  jusqu'aux  restaurations  du  XVIP  ; 
les  chaises  tout  en  bois  prouvent  qu'il  n'y  a  point  ici  de  sybarites.  La  couleur  locale 
ne  manque  pas,  mais  la  place  me  manque  ici  pour  la  décrire  (phototypie  n"  6). 

A  8  h.  11  nous  partons  pour  Besançon,  nous  y  arrivons  à  10  h.  15,  satisfaits  du 
voyage  et  aussi  d'avoir  récupéré  l'heure  que  l'on  nous  avait  prise  hier  à  la  frontière, 

Besancon.  —  Après  le  déjeuner  hâtif  nous  visitons  cette  curieuse  ville,  ancienne 
capitale  de  la  Bourgogne,  à  407  kilom.  de  Paris  par  fer,  environ  60.000  habitants, 
altitude  250  m.  et  citadelle  368,  latitude  47"  14',  long.  E.  3"  42'.  Archevêché,  corps 
d'armée,  école  d'artillerie,  cour  d'appel,  etc.,  etc.  La  ville  ancienne  est  une  pres- 
qu'île formée  par  une  boucle  du  Doubs,  isolée  par  l'énorme  rocher  de  100  m.  que 
surmonte  la  citadelle  et  par  le  tunnel  de  380  m.  percé  dans  cette  roche  pour  le 
passage  du  canal  du  Rhône  au  Rhin.  Cette  place  excessivement  forte  est  encore 
couverte  par  un  système  de  17  forts  détachés  qui  couronnent  les  montagnes  envi- 
ronnantes et  défendent  les  approches  à  grande  distance.  Les  Allemands,  qui 
occupaient  la  Haute-Saône  en  1870-71,  n'osèrent,  pas  plus  que  les  Alliés  en  1815, 
s'attaquer  à  Besançon,  et  l'armée  de  l'Est  vaincue  à  Héricourt  le  17  Janvier  put, 
grâce  à  cette  forteresse  remarqualile,  se  retirer  vers  Pontarlier  oii  les  forts  de  Salins 
et  dt  Joux  permirent  à  85.000  soldats  inexpérimentés ,  mais  surtout  épuisés  par  de 
longs  efforts  et  un  froid  excessif,  de  se  réfugier  en  Suisse  oii  du  moins  ils  furent 
traités  avec  humanité  et  même  cordialité. 

César  dit  que  la  situation  stratégique  de  Besançon,  alors  capitale  des  Séquaniens, 
est  rare,  aussi  cette  ville  fut-elle  souvent  le  but  disputé  dans  les  guerres  et  les 
invasions.  Sous  Marc-Aurèle,  Vesontio  devint  colonie  romaine. 

Plus  tard,  cette  fjrteresie  appariint  à  l'empre  germanique  et  forma  un  principat 


—  420  — 

attribué  aux  archevêques,  tout  en  restant  ville  libre  et  impériale  pendant  tout  le 
Moyen-Age  ;  cette  situation  fut  longtemps  cause  de  troubles.  Enfin,  elle  fut 
conquise  par  Louis  XIV  sur  les  Espagnols  en  1674,  le  traité  de  Nimègue  nous  la 
donna  définitivement  en  1678  ;  eUe  perdit  ainsi  son  libre  gouvernement,  mais 
devint  capitale  de  la  Franche-Comté  avec  transfert  du  Parlement  (1676)  et  de  l'Uni- 
versité (1681)  de  Dôle. 

Besançon  a  un  aspect  pittoresque  et  tout  particulier  de  ville  ancienne  de  premier 
ordre  dont  on  garde  le  souvenir  ;  ses  curiosités  sont  nombreuses,  il  y  a  de  l'origi- 
nalité, mais  le  pays  est  trop  éloigné  de  notre  région  du  Nord  pour  que  j'entre  dans 
des  détails  pouvant  être  ici  d'un  intérêt  général. 

Voici  ce  que  nous  avons  surtout  constaté  dans  notre  promenade  :  d'abord  les 
ruines  romaines  de  la  place  St-Jean,  oii  sont  de  belles  colonnes  corinthiennes  avec 
entablement,  des  statues  allégoriques,  des  vestiges  d'un  théâtre  de  l'époque  de 
Marc-Aurèle,  etc.,  réunis  dans  un  square  qui  est  le  lieu  des  fouilles  ;  tout  auprès 
la  porte  de  Mars  est  une  arcade  romaine  encadrée  par  8  colonnes  en  2  étages  et 
couverte  de  sculptures  militaires.  A  deux  pas  est  la  cathédrale  qui  a  une  abside  à 
chaque  extrémité,  elle  possède  une  horloge  astronomique  imitée  de  celle  de  Stras- 
bourg. Par  la  porte  Rivotte  (1546)  appuyée  à  2  tours  solides,  nous  arrivons  à  la 
porte  Taillée,  percée  par  les  Romains  dans  le  rocher  pour  le  passage  d'un  aqueduc; 
dans  la  Grande-Rue,  au  n"  140,  naquit  Victor  Hugo  le  20  février*  1802  ;  la  Préfecture 
et  la  Banque  sont  bien  modestes,  comme  l'Académie,  le  Théâtre,  le  Lycée,  etc.  ; 
bien  des  maisons  ont  leurs  fenêtres  garnies  de  fortes  grilles  de  fer  dont  les  cour- 
bures ressortent  pour  permettre  de  jeter  tin  regard  scrutateur  dans  toute  la  rue. 
Mais  le  palais  édifié  en  1540  par  Nicolas  Porrenot  de  Granvelle,  garde  des  sceaux- 
de  Charles-Quint,  style  de  Renaissance  flamande,  attire  notre  attention  avec  sa 
façade  surmontée  d'un  attique,  sa  cour  entourée  d'un  portique  à  colonnes  mono- 
lithes et  son  escalier  à  larges  marches  pavées  de  petits  grès.  La  ville  a  acheté  ce 
Palais  en  1712  pour  le  gouverneur  de  la  province  ;  depuis  1864  elle  Ta  affecté  aux 
Sociétés  savantes,  plus  heureuses  que  celles  de  Lille.  La  Biblothèque  comporte 
130.000  volumes  et  un  grand  nombre  de  manuscrits,  plus  une  collection  de  10.000 
médailles.  L'Hôtel  de  Ville  de  1565  a  une  intéressante  façade  ornée  jadis  de 
l'apothéose  de  Charles-Quint  en  bronze;  en  traversant  la  cour  on  gagne  le  Palais 
de  Justice,  dont  la  jolie  façade  du  XVP  siècle  à  campanile  et  obélisque,  donne  sur 
une  superbe  cour  Henri  II,  oii  on  lit  cette  inscription  suggestive  absolument 
dédaignée  aujourd'hui  :  Obedicntia  felici'.atis  mater.  Nous  passons  le  superbe 
jardin  de  Chamars,  si  fréquenté,  nons  longeons  le  Doubs  du  pont  Carnot  au  pont 
de  Battant  oii  s'élève,  en  face  de  l'église  Ste-Madeleine  ,  la  statue  du  marquis  de 
Jouffroy  d'Abbans  qui,  le  premier,  appliqua  en  1776  la  vapeur  à  la  navigation  et 
expérimenta  sur  le  Doubs.  C'est  le  grand  faubourg  de  Battant,  l'un  de  ceux  qui 
s'étendent  autour  de  la  ville  trop  pejj.te  ;  nous  continuons  jusqu'au  pont  Saint- 
Pierre,  voyant  une  curieuse  synagogue  de  style  mauresque  (1868)  et  nous  rentrons 
en  ville. 

Bei.fort.  —  A  4  h.  11  nous  somme-^  à  la  gare  centrale  partant  pour  Belfort  par 
l'intéressante  vallée  du  Doubs,  que  nous  remontons.  Un  peu  avant  Montbéliard. 
nous  disons  adieu  à  cette  rivière  dont  nous  venons  d'étudier  le  cours  capricieux  ; 
née  à  3  ou  4  kilom.  de  Mouthe,  à  25  kilom.  au  S.  de  Pontirlier,  au  pied  du  Noir- 
mont,  elle  effectue  un  parcours  de  430  kilom.,  soit  KTjde  plus  que  la  Saône  qu'elle 
rejoint  à  Verdun,  près  de  Châlons,  à  i^  kilom.  seulement  de  sa  source  ;  ce  sont 
les  inclinaisons  variables  des  différentes  vallées  parallèles  du  Jura  qui  rendent  soji 
cours  comme  indécis  entre  le  N.  et  le  S.  et  le  conduisent  jusqu'en  Suisse  ven* 


-*%k*asher»,.-,4^^. 


(5) 


Frontière    Franco  -  Suisse. 
Le  Col  des  Roches. 


(6) 


M  0  ETE  AU      (  Doubs  ). 

Type  d'attelage. 


Porrentniy  ponr  regagner  ensuite  le  grand  versant  méditerranéen,  après  avoir  tra- 
versé le  Loniont  ;  sa  vallée  et  celle  de  la  Dordogne  sont  les  plus  pittoresques  do 
France  ;  il  est  accompagné  pendant  150  kilom.  environ  par  le  canal  du  Rhône  au 
Rhin  creusé  de  1783  à  1834,  qui  se  confond  souvent  avec  lui.  Ce  canal  part  de  la 
Saône  à  St-Symphorien,  non  loin  de  Dôle  oii  il  rejoint  le  Doubs,  qu'il  quitte  à  sa 
boucle  près  de  Montbéliard  ;  de  là,  il  sort  de  France  par  le  col  de  Valdieu  et  va 
rejoindre  FUI  dont  il  se  sépare  près  de  Mulhouse  pour  aller  par  Neuf-Brisach 
la  retrouver,  près  de  Strasbourg  oii  elle  conflue  avec  le  Rhin  en  aval  du  Kehl.  Ce 
canal  a  322  kilom.  de  longueur,  dont  nous  ne  possédons  plus  que  192  kilom.  avec 
une  pente  vers  le  Rhône  de  173  m.  rachetée  par  70  écluses  ;  vers  le  Rhin,  il  y  a 
206  m.  de  pente  et  85  écluses  ;  la  charge  ordinaire  des  bateaux  est  de  100  t.,  le 
maximum  est  de  140  t. 

A  7  h.  nous  arrivons  à  Belfort,  443  kilom.  de  Paris,  lat.  47"  38',  long.  E.  4»  32', 
ait.  328  m.  et  419  à  la  citadelle,  25.000  hab.  ;  la  Savoureuse  coule  entre  la  y'ûU 
forte  et  ses  faubourgs  devenus  plus  grands  qu'elle.  La  gare  est  au  faubourg  de 
France  ;  une  grande  rue  commerçante  nous  conduit  sur  le  quai  à  l'hôtel  et  nocs 
commençons  sans  tarder  notre  visite  :  sur  la  place  d'Armes ,  le  groupe  de  Mercié  , 
Quand  même  !  symbolise  avec  art  la  défense  glorieuse  de  Belfort;  sur  le  piédestal, 
sont  les  profils  en  bronze  de  Thiers  et  du  colonel  Denfert;  et  sur  un  côté  de  la  Place 
l'église  St-Ghristophe  en  grès  à  patine  rougeâtre,  semble  saigner  encore  sous  les 
coups  des  obus  dont  elle  porte  les  traces.  Tous  les  monuments  sont  récents  et  ne 
méritent  aucune  mention  spéciale  ;  Belfort  est  avant  tout  une  forteresse  dans  une 
position  stratégique  peu  commune,  elle  commande  en  première  ligne,  appuyée  par 
une  vingtaine  de  forts,  la  célèbre  trouée  ou  col  de  30  kilom.  de  large  qui  existe  là 
entre  les  Vosges  et  le  Jura.  Dès  l'antiquité,  des  invasions  de  Germains  y  passèrent 
pour  faire  irruption  dans  la  Gaule  et  par  là.  César  chassa  Arioviste,  comme  il 
avait  rejeté  les  Helvètes  dans  leur  pays  par  le  Pas  de  l'Ecluse,  plus  au  Sud;  on  ne 
sait  rien  cependant  de  l'histoire  primitive  de  Belfort  au  delà  du  XIIP  siècle.  Elle 
appartenait  au  comté  de  Montbéliard,  mais  en  1319,  fcette  seigneurie  passa  par 
alliance  à  la  Maison  d'Autriche  qui  la  garda  jusqu'au  XVIP  siècle,  oia  le  traité  de 
Westphalie  la  donnna  à  la  France.  En  1659,  dix  ans  après,  Louis  XIV  en  fit  un 
duché  pour  le  cardinal  Mazarin  ;  ses  héritiers  le  conservèrent  jusqu'en  1791. 
Vauban  établit  les  fortifications  en  1687  ;  Belfort  se  défendit  honorablement  en 
1814  et  en  1815,  mais  le  siège  de  1870-71  est  une  page  glorieuse  que  la  France  ne 
peut  oublier.  La  ville  investie  le  3  novembre  1870  par  le  général  de  Treskow, 
détaché  de  l'armée  du  général  de  Werder,  se  défendit  héroïquement;  l'énergie  et 
le  talent  du  lieutenant-colonel  du  génie  Denfert-Rochereau ,  d'ailleurs  bien 
secondé,  déroutèrent  tous  les  efforts  des  Allemands.  Le  15  janvier -1871,  en  enten- 
dant le  canon  de  Bourbaki,  vainqueur  à  Villersexel,  tonner  sur  les  hauteurs  d'Hé- 
ricourt,  Belfort  se  croyait  sauvée,  mais  après  trois  jours  de  lutte,  nos  soldats, 
courageux,  mais  inexpérimentés  et  exténués  durent  reculer  vers  Besançon.  Le 
28  janvier,  après  l'armistice,  la  place  tenait  toujours,  il  fallut  un  ordre  formel  du 
gouvernement  pour  obliger  ses  défenseurs  à  la  remettre  à  l'ennemi  et  ils  en 
sortirent  avec  les  honneurs  de  la  guerre.  Pas  un  Français  visitant  Belfort  ne 
manque  d'aller  au  cimetière  rendre  hommage  à  la  valeur  des  combattants  tombés 
pour  la  défense.  Une  belle  pyramide  rappelle  la  mort  glorieuse  de  1.600  mobiles 
dormant  côte  à  côte  du  dernier  sommeil.  Nous  déposons  un  souvenir  de  la  Société 
parmi  les  couronnes,  les  palmes  et  les  bouquets  amoncelés,  tandis  que  de  notre 
àme  s'élève  un  pieux  élan  d'admiration  pour  ceux  qui  ont  si  vaillammenî  accompli 
leur  devoir  envers  la  Patrie.  Pensant  à  1792,  nous  nous  disions  fièrement  :  Belfort 
est  notre  sœur,  héroïque  comme  Lille,  elle  a  bien  mérité  de  la  Patrie  !  Toute  la 


—  428  — 

France  a  applaudi  au  décret  qui,  en  1896,  Ta  autorisée  à  ajouter  la  croix  de  la 
Légion  d'Honneur  à  ses  armes. 

Personne  n'entre  au  Château ,  mais  nous  ne  manquons  pas  d'accomplir  un 
autre  pèlerinage,  celui  du  Lion  de  Belfort.  Ce  bas-relief  gigantesque  (16  m.  sur  24) 
sculpté  en  grès  rose  de  la  ^leurthe  par  l'Alsacien  Bartholdi,  est  appliqué  sur  une 
paroi  du  rocher  que  couronne  la  citadelle  ;  c'est  une  allégorie  de  la  force  et  du 
courage  des  Belfortains  qui  fait  battre  le  cœur^des  patriotes. 

De  loin  nous  avons  aperçu  sur  une  colline  la  tour  de  la  ^liotte  ;  presque  démolie 
par  l'artillerie  ennemie,  elle  avait  été  bien  étayée,  mais  lorsque  les  Allemands 
évacuèrentle  territoire,  cruels  jusqu'au  bout,  sachant  que  les  Belfortains  attachaient 
un  grand  prix  à  cette  espèce  de  palladium  datant  de  1473,  ils  enlevèrent  les  étais 
et  la  tour  s'écroula  dans  la  nuit  du  8  au  9  juillet  1873.   L'Etat  l'a  fait  reconstruire. 

Virtuellement,  notre  splendide  voyage  était  fini  et  au  dernier  repas,  les  excur- 
sionnistes témoignèrent  aux  organisateurs  leur  sincère  et  cordiale  reconnaissance 
du  plaisir  et  de  l'intérêt  avec  lesquels  ils  avaient  parcouru  les  régions  monta- 
gneuses de  l'Est. 

Un  peu  plus  tard,  à  minuit  20,  nous  prîmes  place  dans  le  Calais-Bàle  ;  dévorant 
l'espace  avec  une  rapidité  vertigineuse,  il  nous  fit  passer  à  Vesoul,  que  nous 
donna  le  traité  de  Nimègue  (1678).  à  Chaumont,  à  St-Dizier,  puis  à  Vitrj',  à  Cha- 
lons,  Reims,  Laon  et  St-Quentin,  et  nous  déposa  sur  les  quais  de  Lille  à  10  h.  SU 
du  matin.  Là,  nous  nous  séparâmes  avec  des  poignées  de  mains  sympathiques  en 
nous  disant  au  revoir  ! 

Parcourir  ainsi  notre  belle  France,  n'est-ce  point  trouver  plaisir,  santé  et 
instruction  ?  Du  reste  :  Connaître  son  pays  est  un  sérieux  devoir. 

Lille,  ce  Novembre  1898. 

E.  Gantineau, 
Archiviste  de  la  Société. 


ÉPHÉMERIDES  DE  L'ANNEE  1898 


MAI. 

i".  —  SouD.\N.  —  Prise  de  Sikasso  par  la  colonne  française  du  lieutenant- 
colonel  Audeoud. 

1".  —  Philippines.  —  L'amiral  Dewey  détruit  à  Cavité  l'escadre  espagnole  de 
l'amiral  Montojo  et  bloque  Manille. 

5.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  E.  Gallois  :  Au  pays 
des  pagodes  et  une  visite  à  Java. 

6.  —  Cuba.  —  La  fièvre  jaune  éclate  à  Cuba. 

6.  —  Soudan.  —  La  mission  du  capitaine  Cazemajôu,  allant  du  Niger  au  Tchad, 
ost  massacrée  à  Zinder. 

7.  —  État.s-Unis.  —  Les  Américains  capturent  un  transatlantique  français  qui 
veut  entrer  dans  le  port  de  la  Havane  ;  le  navire  est  bientôt  relâché. 

a.  —  Antilles.  —  Bombardement  de  San  Juan  de  Puerto-Rico  par  la  flotte  de 
l'amiral  Sampson. 


—  42U  — 

H.  —  Japon.  —  Terrible  tempête  au  Japon  :  1,5()0  marins  noyés. 
12.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Meys  :  Dans  les 
Montagnes  de  VAraijon. 
12.  —  Philippines.  —  Les  indigènes  se  révoltent. 

12.  —  Italie.  —  Les  émeutes  augmentent  de  gravité  ;  à  Milan  on  compte 
750  morts,  2,000  blessés. 

13.  CiBA. Une  tentative  de  débarquement   des   Américains   à  Cuba  est 

repoussée. 

15.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  D'"  Eduardo  d'Avellar  :  (!) 
D.  Yasco  da  Gaina  et  les  Navicfateurs  portugais  au  XV''  siècle. 

15.  —  Chine.  —  Visite  du  prince  Henri  de  Prusse  à  l'empereur  de  Chine,  au 
Palais  d'Eté. 

16.  —  LiBÉRL\.  —  Les  explorateurs  Bailly  et  Pauly  sont  massacrés  à  Zolou. 

16.  —  Japon.  —  Par  suite  du  paiement  de  l'indemnité  de  guerre  chinoise,  les 
Japonais  évacuent  Weï-Haï-Weï. 

17.  —  Chine.  —  La  Chine  cède  à  bail  à  l'Angleterre  pour  25  ans  Weï-Haï-Weï, 
dont  les  Anglais  prennent  possession  le  17  mai. 

18.  —  États-Unis.  —  Les  Américains  détruisent  les  correspondances  à  l'adresse 
de  l'Espagne. 

19.  —  Cuba.  —  L'escadre  espagnole  Cervera,  partie  des  îles  du  Cap  Vert 
(29  avril),  arrive  à  Santiago  de  Cuba. 

19.  —  Angleterre.  —  Mort  de  Gladstone,  ancien  \"  ministre  libéral. 

20.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.  Communication  de  M.  Quarré-Rey- 
bourbon  :  A  travers  les  Monuments  et  Musées  de  Londres  au  XVII'  siècle. 

26.  —  Cuba.  —  L'escadre  de  l'amiral  Sampson  commence  le  grand  blocus  de 
Santiago  de  Cuba. 

31.  —  Cuba.  —  Combat  naval  dans  la  baie  de  Santiago  de  Cuba. 

31.  —  Tunisie.  —  Nouveau  régime  douanier. 

31.  —  Autriche.  —  Séances  tumultueuses  au  Reichsrath  occasionnées  par  le 
parti  allemand. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  découvertes. 


AFRIQUE. 

!§»Qudau  ég^ypf  ieii.  —  Dervlelies.  —  La  prise  d'Omdurman  n'avait  pas 
eu  pour  conséquence  d'amener  la  soumission   complète  des  Derviches.   Un  groupe 


(1)  Depuis  le  mois  de  Décembre  1898,  le  D''  d'Avellar  est  Directeur  de  l'InsUtut  Pasteur  à  Lisbonne. 


—  430  — 

important,  qui  tenait  le  Nil  Bleu,  sous  le  commandement  dWhmed-Fédil,  a  été 
attaqué  près  de  Roseiras,  à  600  kil.  sud-est  de  Khartoum  par  le  colonel  Levis,  avec 
le  10"  régiment  soudanais  et  des  contingents  irréguliers.  Après  un  sanglant  combat, 
Ahmed-Fédil  s'est  enfui,  perdant  500  tués  et  1,500  prisonniers  (20  décembre  181*8). 
Les  Anglo-Egyptiens  ont  eu.  27  hommes  tués  et  124  blessés,  dont  6  officiers 
ègv'ptiens.  Malgré  la  poursuite  dont  il  a  été  l'objet,  Ahmed-Fédil  a  pu  s'échapper 
vers  le  Sud,  mais  le  gros  de  sa  troupe,  environ  2,000  hommes,  a  fait  sa  soumission. 

A  l'Ouest  de  Khartoum,  le  colonel  Kitchener,  frère  du  Sirdar,  qui  avait  été 
envoyé  dans  la  direction  d'El-Obéid  à  la  poursuite  du  Khalife,  est  revenu  à 
Khartoum  sans  avoir  atteint  son  but.  Après  avoir  pris  contact  avec  les  débris  de 
l'armée  madhiste  près  de  Cherkeila,  dans  le  Kordofan,  il  ne  se  jugea  pas  assez, 
fort  pour  les  attaquer  avec  les  2,000  soldats  dont  il  disposait  et  rétrograda  vers 
le  Nil. 

Cette  retraite  fut  considérée  comme  un  échec  par  les  indigènes  et  contribua  à 
ramener  des  partisans  au  Khalife.  Celui-ci,  qui  avait  environ  6,000  hommes,  aurait 
vu  rapidement  ses  forces  plus  que  doublées.  On  lui  prête  l'intention  de  reprendre 
l'offensive  et  de  marcher  vers  l'île  d'Abba,  en  amont  d'Omdurman,  Une  certaine 
inquiétude  régnerait  au  Caire,  d'où  des  renforts  ont  été  envoyés  au  Soudan. 

Oii^saiicla.  —  Rspédif  ioiiM  llae<loiialcl  et  Harf.yr.  —  A  la  séance 
de  la  Chambre  des  Communes  du  20  mars,  lord  Salisbury  a  déclaré  que  le  prin- 
cipal objet  de  l'expédition  du  major  Macdonald  était  de  définir  la  frontière  anglo- 
italienne  qui  a  été  déterminée  par  les  sources  du  Juba.  Mais  ce  n'était  pas  son. 
seul  but.  Des  bruits  répandus  sur  les  desseins  d'autres  puissances  sur  le  Haut-Nil 
avaient  amené  le  gouvernement  à  projeter  l'établissement  de  postes  militaires. 
Mais  la  rébellion  des  soldats  soudanais  a  dû  faire  ajourner  ce  projet.  La  répressioa 
de  la  révolte  a  pris  plusieurs  mois  et  les  forces  du  major  Macdonald  en  ont  été 
tellement  diminuées,  qu'on  a  pensé  qu'il  ne  serait  pas  sage  de  poursuivre  l'entre- 
prise primitive  jusqu'au  bout.  Le  major  a  repris  la  route  de  Mombassa,  et  sa 
mission  peut  être  considérée  comme  terminée. 

Une  autre  expédition  sous  les  ordres  du  major  Martyr  a  repris  le  projet  de 
descendre  le  Nil.  Son  objectif  était  d'abord  de  rencontrer  les  Derviches  à  Bor,  sur 
la  rive  droite  du  Nil.  En  arrivant  vers  cet  endroit,  le  major  Martyr  trouva  la  rive 
gauche  du  fleuve  occupée  par  des  troupes  congolaises,  et  il  apprit  d'elles  que  les 
Derviches,  à  la  nouvelle  de  son  approche,  avaient  disparu.  Le  major  continua  sa 
marche  en  avant,  et  il  était  à  Beddin,  aux  dernières  nouvelles  de  lui.  La  contrée 
au  delà  de  ce  point  étant  impraticable,  il  lui  est  ..impossible  d'aller  plus  loin.  Un 
chenal  permanent  pourrait  être  établi  mais,  comme  jusque-là  il  n'est  pas  probable 
que  le  major  Martyr  puisse  avancer  davantage,  on  s'attend  à  ce  qu'il  retourne  par 
l'Ouganda. 

Une  lettre  venant  du  Congo  complète  ces  renseignements.  La  colonne  Martyr, . 
partiint  de  l'Ouganda  et  composée  de  5  à  600  soldats,  a  descendu  la  rive  droite  du 
Nil  jusqu'à  Bedden,  oii  sa  marche  a  été  arrêtée  par  les  marécages.  Son  chef  a  donc 
demandé  aux  autorités  de  l'Etat  du-  Congo  l'autorisation  de  passer  sur  la  rive 
gauche  du  Nil,  ce  que  le  commissaire  général  Hanolet  lui  a  aussitôt  accordé.  Ceci 
se  passait  en  octobre  1898.  Le  major  Martyr  disposait  d'un  canot  à  vapeur  pour 
naviguer  sur  le  Nil.  Bor,  occupé  encore  par  les  Mahdistes,  est  à  trois  jours  de 
marche  des  postes  avancés  de  l'enclave  congolaise.  D'après  des  déserteurs,  les 
Derviches  y  souffrent  de  la  famine  et  manquent  de  munitions. 

On  est  quelque  peu  étonné  en  Angleterre  du  peu  de  résultats  donné  par  les 
expéditions  de  l'Ouganda,  qui,  disposant  de  moyens  d'action  bien  supérieurs  en 


—  431  - 

hommes  et  en  matériel  à  ceux  du  commandant  Marchand,  ont  échoué  là  où  ce 
dernier  a  brillamment  réussi. 

Afrique  orieutale  alleniaucle.  —   steamer  an  Taiijsanika. 

—  Los  Allemands  vont  avoir  un  vapeur  sur  le  lac  Tanganika.  Un  premier  Lateau, 
le  Capitaine  Wissmann,  envoyé  dans  ce  but,  par  la  voie  du  Zambèze  et  du  Chiri, 
ne  put  être  transporté  au  delà  du  lac  Nyassa  et  est  resté  sur  ce  lac,  où  il  fait 
actuellement  le  service.  Depuis,  une  souscription  publique  a  permis  d'envoyer  un 
deuxième  bateau  qui  est  conduit  actuellement  par  le  lieutenant  Schœffer.  11  a 
2,500  charges  à  transporter  du  lac  Nyassa  au  Tanganika,  par  la  route  Stevenson. 
Le  gros  du  transport  a  quitté  le  port  de  Karonga,  à  l'extrémité  S.-E.  du  Tanganika 
en  juin  1898.  11  n'y  a  jusqu'ici  qu'un  steamer  sur  le  Tanganika  ;  c'est  le  Good  New, 
appartenant  à  VAfrican  Lakes  Company  :  son  port  d'attache  est  Kituta,  au  Sud 
du  lac. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


EUROPE 

I^a  C'onventiou  Frauco-Ilalieiinc  devant  la  C'oniniiwf«lon 
«les  Donanes.  —  Dans  l'une  de  ses  dernières  séances,  la  Commission  des 
Douanes  a  approuvé  la  Convention  Franco-Italienne. 

11  est  intéressant  d'étudier  la  genèse  de  cette  Convention  qui  met  enfin  un  terme 
à  une  guerre  de  tarifs  qui  avait  encore  avivé  les  malentendus  très  nombreux  entre 
les  deux  nations,  à  la  suite  de  la  politique  d'agacement  et  de  provocation  du  minis- 
tère Crispi. 

Nous  étions  brouillés,  commercialement  et  moralement  parlant,  avec  l'Italie 
depuis  1888.  Les  Italiens  avaient  rompu  d'eux-mêmes.  Ils  nous  ont  offert  les  pre- 
miers la  réconciliation.  Nous  eussions  été  mal  venus  à  montrer  de  la  mauvaise 
humeur  et  à  ne  pas  entrer  en  conversation. 

Dès  le  début,  les  négociateurs  français  voulaient  que  deux  des  principaux  articles 
d'importation  italienne  seraient  exceptés  de  l'accord  et  tenus  en  dehors  de  toute 
négociation  :  les  vins  dont  la  Chambre  se  réservait  de  majorer  sensiblement  les 
droits,  et  les  soies  et  soieries  qu'on  entend  tenir  dorénavant  en  dehors  de  toute 
convention  nouvelle. 

Les  négociateurs  italiens  consentirent  à  cette  base  d'études  et  l'on  parlementa. 

La  Chambre  de  Commerce  française  de  Milan  intervint  très  utilement  :  elle 
ouvrit  avec  discrétion  toute  une  enquête  auprès  des  Chambres  de  Commerce  de  la 
Métropole.  L'on  se  mit  avec  entrain  au  travail. 

Les  intérêts  des  deux  pays  étaient  d'ailleurs  identiques.  Si  l'Italie  a  perdu  57  % 
de  son  chiffre  d'affaires  avec  la  France,  nous  avions  perdu,  nous,  50  %  de  notre 
chiffre  avec  l'Italie,  et  comme  cette  diminution  se  portait  sur  une  valeur  plus  forte, 
l'équilibre  des  intérêts  était  évident. 

A  première  vue,  l'on  doit  constater  qu'alors  que  l'Italie  nous  concède  son  tarif 
conventionnel,  tarif  immuable  jusque  1903,  nous  ne  pouvions,  en  raison  de  la 
jurisprudence  douanière  des  Chambres  depuis  1892,  offrir  que  des  tarifs  sujets  à 
variations,  puisque  nous  restons  toujours  maîtres,  nous  Français,  de  modifier  notre 
tarif. 


—  432  — 

Il  a  semblé  à  certains  commissairos,  que  nous  n'avions  pas  obtenu  de  l'Italie  des 
concessions  assez  considérables.  Si  Ton  examine  la  convention  de  près,  Ton 
constate  que  les  droits  qui  nous  sont  appliqués  à  l'entrée  en  Italie  correspondent 
«lans  beaucoup  d'articles  industriels  aux  droits  mêmes  que  nous  appliquons  en 
France  aux  mêmes  articles  et  que  dans  les  articles  agricoles  nous  avons  dans  notre 
tarif  des  droits  supérieurs  à  ceux  cpii  frapperont  les  mêmes  articles  français  à 
l'entrée  en  Italie. 

Il  est  d'ailleurs  intéressant  de  constater  que  l'Italie  nous  a  fait  des  concessions 
sur  183  numéros  de  son  tarif  conventionnel  et  que  ces  183  numéros  englobent 
environ  300  articles.  Certes,  si  nous  étions  entrés  en  pourparlers  avec  l'Italie,  il  y 
a  quelques  années,  nous  pourrions  nous  flatter  d'avoir  obtenu  des  concessions  sur 
un  nombre  beaucoup  plus  considérable  d'articles,  mais  comme  l'Italie  a  déjà 
consenti  à  cette  baisse  dans  des  traités  précédents  passés  avec  la  Suisse,  l'Alle- 
magne et  l'Autriche,  et  qu'il  est  formellement  stipulé,  dans  la  Convention  Franco- 
Italienne,  que  nous  jouissons  du  traitement  de  la  nation  la  plus  favorisée,  il  y  a  un 
bénéfice  latent  dont  nous  devons  faire  état,  et,  si  le  bloc  des  tarifs  italiens  n'a  pu 
être  plus  fortement  comprimé,  c'est  que  l'opération  avait  déjà  été  faite  dans 
d'autres  négociations.  Ce  qui  est  intéressant,  c'est  que  nous  en  profitions  et  au 
plus  tôt. 

En  ce  qui  concerne  Roubaix,  Tourcoing  et  son  industrie,  nous  sommes  heureux 
de  constater  que  nous  profiterons  dorénavant  du  tarif  conventionnel  et  de  l'influence 
morale  qui  plaidera  en  notre  faveur  à  la  suite  de  la  bonne  entente  entre  les  deux 
nations,  mais  nous  aurons  dorénavant  pour  les  tissus  ras  non  foulés  de  laine  pure 
des  avantages  appréciables. 

Le  tarif  conventionnel  appliqué  à  ces  articles  était  par  100  kilogrammes  : 

250  fr.  jusqu'à  200  grammes  ; 

220  fr.  do'  200  grammes  à  500  grammes. 

Il  sera  désormais  de  220  francs  jusqu'à  200  grammes  et  de  200  francs  pour  les 
poids  plus  lourds. 

Les  tissus  d'ameublement  payaient  de  140  à  190  francs  ;  ils  ne  payeront  plus  que 
100  francs. 

L'es  tissus  de' laines  imprimés  payaient  une  surtaxe  de  50  francs  par  100  kilo- 
grammes ;  la  surtaxe  est  baissée  à  30  francs. 

Les  tissus  de  jute,  les  tissus  de  velours,  les  couvertures  de  coton  et  de  laine,  les 
tulles,  la  passementerie,  sont  des  articles  qui  intéressent  notre  région  et  ([ui  ont 
obtenu  aussi  un  traitement  de  faveur. 

Nous  devons  remercier  M.  Grandgeorge,  qui  a  été  auprès  des  négociateurs  du 
traité  franco-italien  un  excellent  conseil  pour  tout  ce  qui  concernait  l'industrie 
lainière.  M.  Grandgeorge  marchait  de  concert  avec  M.  Louis  Cordonnier  et  nous- 
même,  membres  de  l'Association  générale  de  l'industrie  lainière. 

Aussi,  au  sein  de  la  Commission  des  Douanes,  avons-nous  insisté  très  vivement 
pour  l'adoption  pure  et  simple  du  projet  du  gouvernement. 

11  est  temps  que  nous  puissions  sur  le  marché  italien  renouer  nos  anciennes 
relations.  En  peignés,  en  fils  et  en  tissus,  nous  y  avions  autrefois  la  première 
place. 

Les  V'ervictois,  les  Allemands,  les  Suisses  nous  ont  ravi  une  grosse  portion  de 
notre  chiffre  ;  mais,  à  armes  égales,  nous  pouvons  espérer  le  reconquérir  tout 
entier. 

Eugène  Motte, 

Député  de  Roubaix. 


^  idS  — 

»ével«|»|»c'in«'nt  d«'  Félcetrielté  en  NuInk<*.  —  Voici  ce  qu'écrit 
à  ce  sujet  un  ingénieur  suisse  : 

«  L'utilisation  des  forces  naturelles  dont  notre  pays  est  si  riche  et  leur  transfor- 
mation en  énergie  électrique  est  sans  contredit  le  fticteur  le  plus  important  pour 
l'avenir  et  le  développement  de  nos  industries.  Nos  localités  du  Jura  ont  compris 
tout  le  parti  qu'elles  peuvent  tirer  des  cours  d'eau  dont  elles  disposent.  L'énergie 
électrique  pénètre  partout,  mais  surtout  dans  les  centres  horlogers  :  le  Locle,  la 
Chaux-de-Fonds,  le  vallon  de  Saint-Imier,  le  Val-de-Travers,  le  vallon  de  la  Suze, 
la  vallée  de  la  Birze,  la  ville  do  Neufchàtel,  la  ville  d'Yverdon,  Sainte-Croix  et  les 
villages  environnants  ont  leurs  installations  électriques  marchant  à  l'entière  satis- 
faction des  industriels  et  du  public. 

«  Quoique  dans  certaines  localités  le  prix  du  cheval-électricité  soit  supérieur  à 
celui  des  moteurs  à  vapeur,  à  pétrole,  à  gaz,  à  benzine  ou  autres,  le  fabricant 
préfère  encore  abandonner  ceux-ci  pour  prendre  le  moteur  électrique,  qui  offre  de 
sérieux  avantages,  aussi  bien  au  point  de  vue  de  la  surveillance  et  de  l'hygiène  des 
ateliers  qu'à  celui  de  la  sécurité  des  ouvriers.  Avec  le  moteur  électrique ,  point  de 
provision  de  combustible,  point  de  chautfeur,  aucun  danger  d'explosion,  mise  en 
marche  instantanée  et  interrompue  à  volonté  ;  avantages  réels  et  toujours  plus 
appréciés. 

«  Les  cours  d'eau  du  Jura  ayant  donné  à  peu  près  tout  ce  qu'on  pouvait  leur 
demander,  on  s'est  attaqué  aux  fleuves  puissants  de  nos  Alpes.  La  ville  de  Bienne 
attend  avec  impatience  l'achèvement  des  travaux  de  Hageneck  ;  l'entreprise  fournira 
à  cette  cité  industrielle  la  force  électrique  et  l'éclairage. 

«  Une  autre  source  d'énergie  considérable  fournie  par  le  Rhône  est  l'usine 
genevoise  de  Chèvres.  Cinq  unités  de  1200  HP  sont  en  fonction  et  actuellement 
l'installation  première,  qui  a  été  prévue  par  18  unités,  est  en  train  de  se  compléter. 
A  Genève,  comme  ailleurs,  l'industrie  fonde  de  grandes  espérances  sur  la  force 
électrique  à  un  prix  abordable.  » 


ASIE. 

Toiikin.  —  lia  ligue  «lu  Tuuuau.  —  La  Banque  de  l'Indo-Chine  a 
formé,  avec  le  concours  des  principaux  établissements  de  Paris,  un  syndicat 
d'études  en  vue  d'examiner  sur  place  les  conditions  de  réalisation  de  la  ligne  du 
Yunnan,  pour  laquelle  les  chambres  ont  voté  une  garantie  d'intérêts  annuelle  de 
trois  millions  de  francs.  D'accord  avec  M.  Doumer,  une  mission  d'ingénieurs  a  été 
formée  par  le  syndicat  don't  nous  venons  de  parler,  avec  le  concours  de  la  Société 
de  construction  des  Batignolles  (Gouin)  et  de  la  régie  générale  de  chemins  de  fer 
(Vitali)  en  vue  de  l'étude  en  question,  et  la  mission  s'est  embarquée  à  Marseille  le 
12  mars  pour  le  Tonkin.  La  mission  se  rendra  de  Haïphong  à  Laokaï,  terminus  de 
la  ligne  du  Tonkin  et  reconnaîtra  le  tracé  de  la  ligne  chinoise  projetée  de  Laokaï  à 
Yunnan-Sen  par  Montzé. 

Le  personnel  de  la  mission  rentrera  à  la  fin  de  l'année  courante  et  c'est  seule- 
ment alors  que  le  syndicat  sera  en  mesure  de  faire  au  gouverneur-général  de 
rindo-Ghine  des  propositions  fermes  en  vue  de  la  réalisation  de  l'affaire  projetée. 
Nous  souhaitons  vivement  que  l'initiative  prise  par  les  financiers  parisiens  soit 
couronnée  de  succès  ;  car,  grâce  aux  concours  industriels  dont  ils  disposent,  ils 
seraient  en  mesure  de  mener  à  bien  et  rapidement  une  entreprise  qui  présente  un 
réel  intérêt  au  point  de  vue  de  l'avenir  de  notre  belle  colonie  du  Tonkin. 


—  434  — 

Chinoiserie  postale.  —  On  se  plaint  souvent  que  nos  compatriotes  dédaignent 
nos  colonies.  Les  entraves  administratives  de  toutes  sortes  y  sont  pour  beaucoup. 
Une  chinoiserie  dans  le  genre  de  la  suivante,  que  rapporte  la  Quinzaine  coloniale, 
n'est  guère  encourageante  : 

«  Un  colon  du  Tonkin  avait  à  envoyer  100  francs  en  France  pour  un  paiement 
urgent.  Mais  comme  il  habitait  la  brousse  et  que  les  bureaux  de  poste  n'ont  pas  le 
droit  de  délivrer  des  mandats  pour  la  France,  il  lui  a  fallu  se  rendre  à  Hanoï,  oii 
le  bureau  du  Trésor  a  seul  le  privilège  des  mandats  pour  la  métropole.  Or,  le  lieu 
de  la  résidence  de  ce  colon  n'est  relié  à  Hanoï  que  par  un  service  hebdomadaire 
de  chaloupes  ;  il  lui  a  fallu  dépenser  150  francs  de  voyage  et  perdre  10  jours  pour 
envoyer  ses  100  francs  en  France.  C'est  à  se  demander  si  l'administration  coloniale 
ne  pourrait  pas  faire  quelque  chose  de  plus  pour  ruiner  et  décourager  les  colons 
français  !  » 

ludo-C'liine  fraueai»e.  —  Allciiiaiiflfii  et  Chluoisii.  —  La  concur- 
rence que  nous  font  en  Extrême-Orient,  sur  notre  propre  sol,  les  Chinois  et  les 
Allemands,  est  considérable. 

C'est  ainsi  qu'il  y  a  7  moulins  à  riz,  à  Gholon,  et  1  à  Saïgon  ;  or,  tous  ces  éta- 
blissements sont  à  des  étrangers,  .5  à  des  Chinois  et  2,  les  plus  importants,  à  des 
Allemands.  Une  Société  allemande  a  créé,  il  y  a  10  ans,  le  moulin  «  Union  »,  au 
capital  de  187,000  dollars  ;  elle  a  donné  un  dividende  de  34  7oi  6t  le  fonds  de 
réserve  dépasse  le  capital.  La  même  Société  a  ensuite  créé  le  grand  moulin 
«  Orient  »,  au  capital  de  58.5,000  dollars  ;  il  livre  en  24  heures  15,000  piculs  de  riz 
cargo,  contenant  10,000  piculs  de  riz  blanc. 

Près  de  Pnom-Penh  (Cambodge),  un  moulin  à  égrener,  fondé  par  un  Français, 
est  tombé  aux  mains  des  Chinois. 

Une  fabrique  d'allumettes  fondée  en  1891,  à  Hanoï,  a  passé  à  des  Chinois  ;  une 
autre  fabrique  chinoise  existe  à  Haïphong.  A  Saïgon,  la  fabrique  de  verres  de 
lampe  est  chinoise. 

La  navigation  entre  Hanoï  et  Haïphong  est  assurée  par  l'entreprise  Marty  et 
Abbadie  ;  mais  la  maison  allemande  .Jebsin  et  C"  de  Hong-Kong  fait  circuler  régu- 
lièrement sur  le  fleuve  3  ou  4  vapeurs. 

Si  l'on  ajoute  à  cela  qu'un  grand  nombre  d'articles  consommés  en  Indo-Chine 
viennent  exclusivement  d'Allemagne,  on  voit  combien  il  serait  utile  d'encourager, 
par  tous  les  moyens,  les  entreprises  françaises,  si  l'on  veut  éviter  que  nos  colonies 
ne  continuent  à  faire  la  fortune  des  étrangers. 

liide  anglaise.  —  C'Ikeininw  fie  fer.  —  Lord  Elgin,  qui  a  été  récem- 
ment remplacé  comme  vice-roi  dus  Indes  par  lord  Curzon,  avait  vivement  epcouragé 
l'extension  du  réseau  ferré  de  l'Inde.  Pendant  son  administration,  l'Asie  anglaise 
s'est  augmentée  de  3,500  milles  de  lignes  nouvelles,  et  3,000  milles  nouveaux  ont 
été  approuvés. 

Le  gouvernement  a  accordé  à  des  Compagnies  des  concessions  territoriales  et  a 
participé,  dans  une  certaine  proportion,  aux  risques  comme  aux  bénéfices  des 
entreprises  de  chemins  de  fer. 

Précédemment,  ainsi  que  le  fait  remarquer  la  Quinzaine  coloniale,  les  chemins 
<le  fer  de  l'Inde  avaient  été  construits  par  le  gouvernement,  par  les  Etats  indigènes 
ou  par  les  Compagnies  particulières,  moyennant  subvention  ou  garantie  d'intérêt. 
Lord  Elgin,  en  faisant  coopérer  le  gouvernement  aux  entreprises  de  voies  ferrées, 
stimula  beaucoup  l'initiative  privée. 


435  - 


AFRIQUE 

Rôle  «le  la  Frauce  «lauw  le  coninieree  ftéuéral  «le  TÛ^ypte. 

—  Importation  de  Frange  en  Egypte.  —  Dans  un  rapport  sur  le  commerce  de 
l'Egypte  le  consul  de  France  établit  que  la  France  se  place  en  1897,  au  troisième 
rang  par  le  chiffre  de  ses  importations  en  Egypte,  qui  a  été  de  1,206,188  livres 
■égj'ptiennes  ou  31,264,393  fr.,  contre  1,292,119  livres  égyptiennes  ou  33,791,724  fr, 
en  1896  ;  soit  une  diminution  de  2,527,331  fr.  pour  le  dernier  exercice.  Nous 
venons  après  l'Angleterre  et  la  Turquie,  et  nous  sommes  suivis  par  l'Autriche- 
Hongrie  d'abord,  puis  par  la  Belgique»  les  Possessions  anglaises  de  l'Extrême- 
Orient,  l'Italie,  la  Russie,  l'Allemagne,  etc.,  etc. 

La  baisse  de  nos  importations  s'est  manifestée  dans  les  catégories  suivantes  :  les 
produits  et  dépouilles  d'animaux  ;  les  céréales,  légumes,  farines  ;  les  spiritueux, 
boissons  et  huiles  ;  les  bois  et  charbons,  les  pierres,  terres,  vaisselles,  verres  et 
•cristaux;  les  matières  tinctoriales  et  couleurs;  les  métaux  et  ouvrages  en  métal. 

La  France  a  tenu,  en  1897,  la  tète  des  importations  pour  :  les  poissons  salés, 
fumés  ou  conservés  ;  les  peaux  tannées  autres  que  celles  de  bœufs,  de  vaches,  de 
moutons  et  de  chèvres,  les  bougies,  les  lentilles,  les  petits  pois,  les  farines  de  blé 
et  de  maïs,  les  autres  farines  ou  fécules  de  farine,  les  denrées  coloniales  autres 
que  le  thé,  le  café  et  les  épices,  les  vins  en  bouteille,  les  liqueurs,  les  papiers 
peints  pour  tapisserie,  les  imprimés  divers  et  travaux  en  carton  ou  en  papier,  les 
ustensiles  en  bois,  les  travaux  en  paille,  cannes,  jonc,  osier,  les  briques,  tuiles  et 
tubes  en  terre  cuite,  la  chaux,  le  ciment,  les  travaux  divers  en  t^rre,  plâtre  ou 
ciment,  la  cochenille,  les  médicinaux  purs,  médicaments  composés  et  spécialités 
pharmaceutiques,  les  caractères  d'imprimerie,  la  parfumerie,  les  tissus  de  soie,  les 
tulles,  dentelles,  rubans  et  broderies  en  soie,  le  lin,  le  chanvre,  le  jute  et  autres 
matières  végétales  à  filer,  la  passementerie  et  clichés  d'impression,  le  plomb  en 
feuille  ou  travaillé,  les  travaux  en  autres  métaux  ou  alliages  métalliques,  les 
montres  et  mécanismes  pour  montres,  les  articles  de  bureau,  la  quincaillerie  et  la 
mercerie,  les  parasols,  parapluies,  en-cas,  les  chapeaux  pour  hommes  et  pour 
femmes  et  les  garnitures  pour  chapeaux,  les  instruments  de  mathématiques,  de 
précision,  d'optique,  les  appareils  électriques. 

Nous  arrivons  au  second  rang  pour  :  les  peaux  tannées  de  bœufs,  de  vaches,  de 
moutons  et  de  chèvres,  la  sellerie,  les  plumes  pour  ornements,  la  graisse  d'ani- 
maux, les  produits  et  dépouilles  d'animaux,  les  pommes  de  terre,  les  pâtes  de 
froment,  les  fruits  secs,  les  conserves  alimentaires  végétales,  le  café,  les  confitures, 
les  biscuits,  les  eaux  minérales  et  gazeuses,  les  huiles  minérales  autres  que  le 
pétrole,  le  papier  à  lettre  et  à  imprimerie,  le  papier  à  cigarettes,  les  meubles  en 
bois,  les  charrettes,. voitures  et  embarcations,  le  plâtre,  les  glaces  et  miroirs,  les 
minéraux  non  métalliques,  les  vernis,  les  gommes  résineuses,  les  produits 
chimiques,  les  fils  de  coton,  les  dentelles,  broderies,  rideaux  en  coton,  les  tapis  de 
laine,  les  toiles  cirées  ou  goudronnées,  la  lingerie  confectionnée,  la  bonneterie,  le 
fer  blanc  naturel  et  ouvré,  les  outils  en  fer,  en  acier  ou  en  fer  aciéré,  les  ouvrages 
en  cuivre,  bronze,  zinc,  le  plomb  allié  d'antimoine  et  l'étain  allié  de  plomb,  les 
chaudières  et  parties  de  machines  à  vapeur,  les  autres  machines  et  parties  de 
machines,  l'horlogerie,  les  lampes,  les  habillements  de  confection. 

Pour  donner  une  impression  aussi  complète  que  possible  de  notre  rôle  dans 
l'importation  égj-ptienne  en  1897,  j'ajouterai,  dit  le  Consul,  qu'il  est  un  certain 
nombre  d'articles  avec  lesquels,  sans  nous  trouver  en  tête  des  pays  importateurs, 
nous  arrivons  encore  à  un  chifl're  respectable  d'afiaires.  Tels  sont  :  les  fromages. 


—  430  — 

les  vins  en  fûts,  les  huiles  de  graines  autres  que  les  graines  de  coton,  les  faïences 
et  porcelaines,  la  verrerie  et  la  cristallerie,  les  tissus  de  laine,  la  soie  et  les  fils  de 
soie,  les  tissus  mélangés. 

Exportation  d'Egypte  en  France.  —  Comme  on  l'a  vu  déjà,  la  France  se 
place  au  troisième  rang  des  pays  qui  ont  profité  de  l'exportation  égyptienne  en 
1897,  soit  après  l'Angleterre  et  la  Russie. 

L'ensemble  des  marchandises  dirigées  sur  la  France  au  cours  du  dernier  exercice 
a  atteint  le  chiffre  de  1,116,707  liv.  ég.  ou  28,945,34.".  fr.  contre  1,208,798  liv.  ég.  ou 
31,326,044  fr.  en  1896,  soit  une  diminution  de  2,380,699  fr. 

L'exportation  égyptienne,  en  ce  qui  coocerne  la  France,  est  plus  ou  moins  en 
baisse  sur  les  .catégories  :  denrées  coloniales  et  drogues,  spiritueux,  boissons  et 
huiles,  bois  et  charbons,  produits  chimiques,  médicinaux  et  parfumerie,  produits 
de  l'industrie  textile,  métaux  et  ouvrages  en  métal,  articles  divers  (mercerie,  quin- 
caillerie, etc.). 

Les  produits  égyptiens  que  nous  avons  reçus  en  plus  grande  quantité,  pendant 
la  dernière  année,  sont  :  les  cailles  (1,884,900)  représentant  22,068  liv.  ég.  ou 
572,003  fr.,  sur  une  exportation  totale  de  2,071,900  bêtes,  d'une  valeur  de  24.179  liv. 
ég.  ou  626,720  fr. 

Les  œufs  :  nous  en  avons  reçu  6,046  sur  13,(370,  et  pour  5,(j.52  liv.  ég.  ou 
146,5(X)  fr.,  sur  un  chiffre  total  d'exportation  de  12,373  livres  êgj^ptiennes  ou 
320,708  francs. 

Les  peaux  de  moutons  ou  de  chèvres,  qui  nous  ont  été  envoyées,  au  nombre  de 
127,775,  d'une  valeur  de  5,163  liv.  ég.  (133,82.5  fr.)  sur  un  ensemble  de  251,790, 
d'une  valeur  totale  de  9,837  liv.  ég.  (,254,975  fr.). 

Les  plumes  d'autruches,  dont  nous  avons  reçu  pour  6,5(X)  liv.  ég.  ou  160.480  fr., 
sur  une  exportation  totale  de  12,420  liv.  ég.  (321,926  fr.). 

Les  cornes  et  ossements  d'animaux  à  l'état  brut  :  l'exportation  de  cet  article 
pour  la  France  a  été  de  2,417  liv.  ég.  ou  62,649  fr.,  sur  un  chiffre  de  5,258  liv.  ég. 
ou  136,287  fr. 

Le  blé  (34,826  hect.),  d'une  valeur  de  15,442  liv.  ég.  ou  400,257  fr.,  sur  un 
ensemble  de  77,205  hectol.,  évalués  33,803  liv.  ég.,  soit  876,174  fr. 

Les  fèves  (594,824  hectol.),  valant  181,226  liv.  ég.  ou  4,677,378  fr.,  sur  1,236,378 
hectolitres,  estimés  383,327  liv.  ég.  (9,935,836  fr.) 

Conclusion.  —  En  résumé,  si  cette  étude  révèle  une  diminution  de  plus  de 
4  millions  de  francs  dans  le  chiffre  de  nos  transactions  avec  l'Egj'pte  par  rapport  à 
ce  qu'elles  ont  été  en  1896,  nous  conservons,  comme  on  a  vu  plus  haut,  notre 
situation  vis-à-vis  des  pays  concurrents  dans  le  mouvement  général  du  commerce 
extérieur  égj'ptien,  et  l'on  peut  même  dire  que  cette  situation,  qui  nous  place  après 
l'Angleterre  et  la  Turquie  pour  les  importations,  après  l'Angleterre  et  la  Russie 
pour  les  exportations,  ne  paraît  pas  menacée  d'une  façon  imminente. 

Ce  ralentissement  relativement  peu  sensible  d'ailleurs  de  nos  échanges  avec 
l'Egj'pte  est  facile  à  constater;  mais  les  causes  en  sont,  pour  ainsi  dire,  impos- 
sibles à  déterminer. 

Pour  tes  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL , 
LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MERCHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 


-  437  - 


TABLE     DES     MATIÈRES 

DU  PREMIER  SEMESTRE  DE  1899. 


PASBS. 

L'Adjudant  de  Prat  à  Lille  (avec  Portrait) 5 

Programme  des  Excursions  projetées  en  1899 6 

Liste  des  Membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille 14"),  372 

Programme  des  Concours  pour  1899 204 

Bibliographie 276 

Mouvement  financier  en  1898 378 


Grandes  Conféreoces. 


E.  Gallois.  —  Excursion  à  la  capitale  de  Tamerlan 9,  80 

Dupont.  —  L'enseignement  commercial  en  Allemagne 225 


E<eetiiFes  aux.  A$«seniblécs  {générales 
et  Communications. 


P.  FoNCiN.  —  Pour  la  France 104 

V.  DE  SwARTE.  Au  pays  de  Rembrandt  et  de  Frans  Hais 235,  381 

0.  DE  Prat.  —  De  Loango  à  Fachoda 289 

Capitaine  Chanoine.  —  Mission  Voulet-Chanoine 357 

L.  T.  —  La  situation  militaire  des  puissances  européennes  en  Extrême-Orient 

en  1898 401 


Comptes  rendus  d'Excursions* 


E.  Gantineau.  —  L'Ascenseur  des  Fontinettes,  Arques  et  St-Omer 26 

—  —  A  travers  les  Vosges  et  le  Jura. 411 

29 


-  438  - 

PAOKS. 

Hector  Dufour.  —  Bruxelles,  Liège.  Spa,  Rochefort,  Grottes  de  Han,  Dinant.      30 

M.  S.  —  Une  Excursion  aux  Pyrénées 37,  107 

V.  PiGACHE.  —  Bruges,  sa  Procession  et  les  Travaux  du  port  de  Heyst  124,  207 


Procès-verbaux. 

* 

Séance  solennelle  du  22  Janvier  1899 65 

Assemblée  générale  du  26  Avril  1899 369 


Congrès. 

Congrès  archéologique  de  Bourges  (M.  Quakré-Reybourbon) 257 

XX'  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  (Alger) 379 


Bibliothèque. 

Livres,  cartes  et  photographies  reçus  ou  achetés  pour  la  Bibliothèque 375 

Éphémérides  de  l'année  1898. 

Janvier ....  52 

Février 136 

Mars 219 

Avril 277 

Mai 428 

Faits  et  Nouvelles  ji^éog;raphlques. 

GÉOGRAPHIE     SCIENTIFIQUE.     —     EXPLORATIONS     ET     DÉCOUVERTES. 

Asie. 
Russes  au  Pamir 278 

Afrique. 

État  du  Congo.  —  Les  Belges  et  la  question  du  Bahr-el-Ghazal 278 

Soudan  égyptien.  —  Derviches 429 

Ouganda.  —  Expédition  Macdonald  et  Martyr 430 

Afrique  orientale  allemande.  —  Steamer  au  Tanganika 431 


—  439  — 


GÉOGRAPHIE   COMMERCIALE.    —    FaITS   ÉCONOMIQUES   ET   STATISTIQUES. 


France. 

PAGES. 

Le  commerce  de  la  France  en  1897 52 

Les  arrivages  de  laines  de  la  République  Argentine  par  Dunkerque 280 


Europe. 

Situation  commerciale  et  industrielle  de  la  Suède 55 

L'industrie  du  coton  et  sa  production  dans  l'empire  russe 57 

La  convention  franco-italienne  devant  la  Commission  des  Douanes 431 

Développement  de  Télectricité  en  Suisse 433 


Asie. 


Indo-Chine.  —  Chemins  de  fer 60 

Situation  économique  de  Tlndo-Ghine  au  mois  de  Janvier  1898 61 

Le  commerce  de  la  Sibérie 63 

Le  commerce  français  à  Bangkok 137 

La  récolte  des  cocons  et  l'industrie  de  la  soie  au  Caucase  137 

Importations  et  exportations  de  la  Chine  en  1897 138 

Chine.  —  Kiao-Tchéou 139 

La  situation  économique  au  Japon 139 

Tonkin.  —  La  ligne  du  Yunnam 433 

Indo-Chine  française.  —  Allemands  et  Chinois 434 

Inde  anglaise.  —  Chemins  de  fer 434 


Afrique, 

Le  commerce  et  la  navigation  de  l'Algérie 141 

L'Ethiopie  et  son  avenir  commercial 142 

Le  coton  du  Soudan 220 

Les  cotonnades  françaises  à  Madagascar. .  .^ 220 

Le  commerce  à  Zanzibar 282 

Rôle  de  la  France  dans  le  commerce  général  de^  TÉgypte 4.35 


Amérique. 

Commerce  extérieur  des  États-Unis  (1897-1898) 221 

Usages  commerciaux  à  la  Vora-Cruz 282 


-  440  - 

PAOBS. 

La  production  des  laines  dans  la  République  Argentine 282 

Les  relations  commerciales  avec  la  Colombie 285 


Océanie. 
L'industrie  lainière  en  Australie 287 

Régions  polaires. 
Une  expédition  au  Pôle  Sud 279 

GÉNKRAUTÉS. 

Le  premier  port  du  monde 64 


lil!s!mp.LDaneI, 


BULLETIN 


DELA 


/  / 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE    LILLE 

(LILLE,    ROUBAIX,    TOURCOUSTG). 


BULLETIN 


DE    LA 


r  r 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


DE    LILLE 

(LILLE,   ROUBAIX,   TOURCOING). 

Reconnue  d'utilité  publique  par  décret  du   21  Décembre  1895. 


2"^  SEMESTRE  DE  1899 


Vin^tiènie  Année.  —  Tome  Trente-Deuxième. 


SIEGE  DE  LA  SOCIETE  : 

116,  rue  de  l'Hôpital-MUitaire,  116 

LILLE. 


—  5 


LA  SITUATION  MILITAIRE.     ' 

DES  PUISSANCES  EUROPÉENNES  EN  EXTRÊME-ORIENT  EN   1898 


Par  L.  T. 


(Suite)    (1 


L'Angleterre  qui  la  première  des  nations  européennes,  a  fait  ouvrir 
à  ses  navires  marchands,  les  ports  du  Céleste  Empire,  a  acquis  sur  le 
marché  jaune,  une  importante  supériorité.  En  1895,  sur  un  trafic 
s'élevant,  d'après  les  relevés  de  l'administration  des  douanes  à  1  milliard 
216  millions  de  francs,  la  part  de  l'Angleterre  était  représentée  par 
857  millions,  soit  70  7o  du  mouvement  commercial  chinois.  L'importance 
des  intérêts  engagés  explique  suffisamment  le  rôle  prépondérant  de  sa 
politique  en  Extrême-Orient,  la  vigilance  de  sa  diplomatie,  l'importance 
de  la  flotte  qu'elle  y  entretient. 

Jusqu'à  présent,  elle  monopolise  par  mer,  —  ou  peu  s'en  faut  —  les 
transactions  de  la  vieille  Europe  avec  la  Chine  ;  mais  elle  ne  possède 
encore  —  malgré  ses  efforts  —  aucune  voie  sérieuse  de  pénétration  par 
terre. 

C'est  par  riulermédiaire  de  la  Russie  que  se  fait  tout  le  transit  par 
terre  entre  le  monde  européen  et  le  monde  asiatique.  Faible  jusqu'au- 
jourd'hui, —  80  millions  de  francs,  soit  8  7o  —  ce  trafic  est  destiné  à 
prendre,  de  jour  en  jour,  une  importance  de  plus  en  plus  considérable, 
et  il  faut  prévoir  l'époque  où  des  voies  rapides  de  communication  ayant 
été  organisées  au  travers  de  la  Sibérie,  la  majeure  partie  du  commerce 
chinois  désertera  la  route  longue  et  fraycuse  de  la  mer  pour  ceHe  du 
chemin  de  fer,  rapide  et  bon  marché  et  où  la  suprématie  commerciale 
de  TExtrême-Orient  passera  de  l'Angleterre  à  la  Russie. 

Aujourd'hui,  la  querelle  entre  l'Ours  et  la  Baleine  se  borne  à  une 


(i)  Voir  tome  XXXI,  1899,  page  401. 


—  6  — 

lutte  d'influence  ;  demain,  la  profonde  révolution  économique  qui  se- 
prépare  peut  donner  à  la  lutte  un  tout  autre  caractère. 

Les  Etats-Unis  qui  entrent  pour  une  centaine  de  millions  dans  le 
total  du  commerce  chinois,  ne  semblent  borner  leur  ambition  qu'à 
entretenir  avec  ce  pays  de  cordiales  relations  commerciales. 

11  n'en  est  pas  de  même  du  Japon  et  de  l'Allemagne. 

Le  jeune  Japon  atteint  du  même  mal  que  la  vieille  Europe  :  pléthore 
de  population  et  de  production ,  rêve  de  faire  de  la  Chine  une 
colonie  pour  le  surplus  de  ses  habitants  et  un  marché  pour  sa  surpro- 
duction industrielle,  et  cela  malgré  l'Europe. 

Le  récent  empire  allemand,  le  dernier  venu  en  Chine,  dans  sa  soif 
de  conquête  et  d'expansion  coloniale,  réclame  une  place  sur  son  marché 
et  veut  se  créer  lui  aussi,  des  droits  à  l'héritage  entrevu  du  «  Fils  du 
Ciel  ».  C'est  dans  ce  but  que  le  15  novembre  1897,  les  navires  de 
Guillaume  II  occupaient  la  baie  do  Kiao-tcheou.  Cette  prise  de  posses- 
sion d'un  coin  de  la  terre  chinoise  par  l'escadre  allemande  a  fait  couler 
des  flots  d'encre  et  a  jeté  le  trouble  dans  toutes  les  chancelleries  ;. 
déjà  on  parlait  d'un  partage  de  l'Asie,  sous  l'égide  de  Guillaume  II, 
comme  on  fit  autrefois,  en  1793,  pour  la  Pologne  et,  plus  récemment^ 
en  1890,  pour  l'Afrique. 

C'était  aller  trop  vite  en  besogne,  l'heure  du  partage  n'est  pas  encore^ 
venue  ;  elle  ne  viendra  que  lors  que  l'une  des  puissances  se  sentira  assez 
forte  pour  la  faire  à  son  profil,  quand  le  conflit  anglo-russe  aura  reçu 
une  solution,  quand  la  grande  lutle  aura  son  épilogue. 

On  l'a  dit  à  la  Chambre  française  (1)  :  «  Ce  n'est  ni  l'établissement, 
des  Allemands  à  Kiao-tcheou,  ni  la  présence  des  vaisseaux  russes  à 
Port-Arthur,  qui  peuvent  être  considérés  comme  le  signal  du  démem- 
brement de  l'immense  empire  du  Milieu.  La  question  n'est  pas  là. — 
Mais  les  convoitises  sont  allumées  et  ce  n'est  pas  sans  inquiétude  qu'on 
voit  subitement  transportée  dans  rExtrêmc-Orient,  cette  lutte  de- 
rivalité  et  d'influence  qui  rond  bien  difficile,  sinon  impossible, 
l'exiî^ence  d'un  pacifique  concert  européen.  d"a niant  plus  qu'on  voit  y 
apparaître,  pour  la  preaiière  t'ois,  une  puissance  jeune,  audacieuse  cl 
entreprenante  ». 

Que  fera  le  Jap(jn,  poussé  par  le  juste  orgueil  de  ses  récentes  victoircs- 


(1)  Dinrours  do  M.  Dccrain.  —  Séance  du  7  février  18î)8. 


et,  peut-être  aussi,  par  le  dépit  de  n'avoir  pas  pu  en  retirer  tous  les 
fruits .  Quelle  sera  son  attitude  ? 

Que  fera  l'Angleterre  en  face  des  progrès  constants  des  Russes  et  de 
la  complicité  des  Allemands,  pour  défendre  son  commerce  et  son 
influence  ? 

Que  fera  la  France  pour  maintenir  ses  droits  ?  Que  fera  Guillaume  II  ? 
Que  feront  les  Etats-Unis  ? 

Certes,  il  serait  prétentieux  de  vouloir  donner  la  solution  de  cette 
irritante  question  do  l'Extrême-Orient,  et  tel  n'est  pas  notre  but  ;  mais 
nous  allons  chercher  à  établir  la  situation  de  chacune  des  puissances, 
rappeler  les  conditions  de  leur  établissement,  leurs  luttes  ;  étudier 
l'importance  et  la  composition  de  leurs  forces  militaires,  de  manière  à 
être  prêt  à  pouvoir  suivre  avec  intérêt  les  événements  qui  ne  peuvent 
manquer  de  se  dérouler,  dans  un  avenir  rapproché,  sur  le  continent 
jaune. 

CHAPITRE  II. 

l'hégémonie  RUSSE   DANS  LA   CHINE   SEPTENTRIONALE. 

C'est  vers  l'année  1580,  qu'un  aventurier  cosaque  Yermack  conquit, 
avec  5.000  cavaliers,  la  Sibérie  et  la  donna  au  tzar.  Mais  déjà,  depuis 
fort  longtemps,  les  négociants  moscovites  faisaient  des  échanges  avec 
les  populations  nomades  de  ces  régions  et  la  splendeur  de  Kazan,  qui 
était  le  grand  entrepôt  du  commerce  avec  la  Chine  et  les  Indes,  remonte 
au  XP  siècle. 

Très  peji  habitées  par  des  populations  nomades  peu  attachées  à  la 
terre,  les  vastes  plaines  sibériennes  furent  successivement  occupées 
par  les  Russes,  sans  aucune  résistance  de  la  part  de  ses  habitants.  On 
faisait,  d'ailleurs,  peu  de  cas  à  Saint-Pétersbourg  de  ces  vastes  terri- 
toires de  chasse  et  l'attention  des  tzars  était  trop  occupée  vers  l'Ouest, 
à  faire  de  la  Russie  une  puissance  européenne,  pour  que  l'on  songeât  à 
s'occuper  de  ces  plaines  iacultes. 

C'est  à  peine  si  au  XVIIP  siècle  une  entente  eut  lieu  avec  l'Empire 
chinois  pour  réglementer  les  échanges  entre  marchands  moscovites  et 
mongols  et  favoriser  le  transport  des  épiées  à  destination  de  l'Europe. 
De  cette  époque  date  rétablissement  d'une  mission  permanente  dans  la 
capitale  du  Céleste-Empire  et  la  fondation  de  Kiakta  et  de  Maimatchin , 
deux  villes,  la  première  chinoise,  la  seconde  russe,  situées  à  200  mètres 


l'une  de  l'autre,  pour  servir  d'entrepôts  aux  négociants  des  deux 
nations.  C'est  de  Kiakta  que,  chaque  année,  partait  la  fameuse  cara- 
vane qui  approvisionnait  l'Europe  d'épices  et  de  thé  ;  elle  passait  par 
Irljoust,  Krasnoïarsk,  Tomsk,  Omsk,  Kazan  et,  après  dix-huit  mois  de 
voyage,  s'arrêtait  à  Xijni-Novgorod.  Aux  foires  de  Nijni-Novgorod  le 
monde  occidental  se  rencontrait  avec  le  monde  oriental. 

Après  les  grandes  guerres  du  commencement  du  siècle,  le  calme 
rétabli,  le  gouvernement  impérial  tourna  son  attention  vers  l'Est  et, 
devenue  véritable  puissance  asiatique  par  l'occupation  effective  et 
l'organisation  régulière  des  plaines  sibériennes,  la  Russie  entretint  avec 
la  Chine  des  relations  fort  cordiales  qui  ne  se  démentirent  pas  en  1840, 
lors  de  la  guerre  de  l'opium,  et  aboutirent,  en  1852,  à  l'ouverture,  au 
travers  du  désert  de  Gobi,  d'une  nouvelle  route  commerciale  :  celle  de 
rirtisch. 

Tchougoutchah,  sur  cette  nouvelle  voie,  fut  appelé  marché  occi- 
dental par  opposition  au  marché  oriental  de  Kiakta. 

Mais  l'Empire  russe  a  toujours  manqué  de  débouchés  sur  la  mer  : 
posséder  un  port  a  toujours  été  le  but  de  la  politique  et  des  guerres  des 
tzars.  C'est  pour  obtenir  la  cession  du  port  d'Azow  que  Pierre-le- 
Grand  déclara  la  guerre  à  la  Turquie  en  1690  et  c'est  pour  en  conserver 
la  possession  qu'il  rentra  en  campagne  en  1711.  C'est  pour  dominer 
sur  cette  mer  Noire,  où  elle  s'est  créée  une  flotte,  que  la  Russie  fait  les 
guerres  de  1735  et  de  1788  et  si  son  attention  est  un  moment  détournée 
par  les  guerres  de  Napoléon  P'",  dès  que  la  paix  est  signée,  elle  se 
retourne  vers  cet  objectif  depuis  si  longtemps  convoité  :  1828, 1833, 1840, 
1858,  1878,  marquent  les  phases  de  la  conquête  d'une  mer  russe  en 
Occident;  1853,  1858,  1860,  1896  marquent  celles  de  la  conquête  d'un 
océan  en  Extrême-Orient. 

En  1853,  Mouravieff  étabht  des  stations  de  cosaques:  tout  le  long  du 
fleuve  Amour  et  fonda  Nicolaïew  à  son  embouchure.  Au  h'ndemain  de 
la  paix  de  Paris,  la  frontière  sibérienne  fut  brusquement  reportée 
jusqu'au  cours  de  ce  fleuve.  Cette  annexion  refroidit  les  rapports  des 
deux  voisins  et  la  cour  de  Pékin  somma  même  la  Russie  d'évacuer 
les  territoires  nouvellement  occupés.  La  querelle  s'envenima  à  tel  point, 
qu'en  1857,  la  guerre  devint  imminente;  mais  comme  à  ce  moment 
l'Anghîterre  et  la  France  bombardaient  les  forts  de  l'entrée  de  la  rivière 
de  Pékin,  la  Chine  se  vit  obligée  de  ménager  la  Russie  et  de  reconnaître 
le  fait  accompli.  Le  traité  d'Aïgoun,  signé  le  16  mai  1858.  parle  général 
Mouravieff,  donna  à  la  Russie  toute  la  rive  gauche  de  l'Amour  jusqu'à 


.    —  9  — 

la  mer  et  laissa  on  commun  le  territoire  de  la  rive  droite,  compris 
entre  FOssouri  et  la  mer.  La  même  année,  lors  de  la  signature  des 
traités  de  commerce  entre  la  France,  l'Angleterre  et  la  Chine,  l'am- 
bassadeur du  tzar  à  Pékin  obtenait,  pour  les  navires  de  sa  nation,  les 
mêmes  avantages  que  ceux  consentis  aux  autres  puissances  euro- 
péennes; enfin  au  traité  définitif  de  Pékin  en  1860,  le  général  Ignatieff 
obtint  la  cession  complète  du  pays  compris  entre  l'Ossouri  et  la  mer 
et  le  droit,  pour  les  marchands  russes,  de  commercer  librement  jusqu'à 
la  Grande-Muraille  où  la  porte  do  Kalgan  était  ouverte. 

Mais  la  bonne  entente  qui  s'était  rétablie  depuis  la  signature  du  traité 
de  Pékin,  en  1860,  faillit  encore  être  rompue  en  1878  et  la  guerre  entre 
les  deux  Empires  fut  sur  le  point  d'éclater  à  la  suite  des  événements  de 
Kachgarie  et  de  Kouldja.  Toutefois,  sur  les  sages  conseils  du  colonel 
anglais  sir  Gordon,  le  cabinet  de  Pékin  ne  voulut  pas  courir  les 
chances  d'une  lutte  et  le  marquis  de  Tseng,  envoyé  à  Saint-Pétersbourg, 
négocia  la  paix.  Kouldja  faisait  retour  à  la  Chine  ;  mais  celle-ci  devait 
payer  une  indemnité  de  36  millions  et  accorder  en  outre  de  nouveaux 
et  nombreux  avantages  commerciaux  aux  sujets  russes  ;  une  nouvelle 
porte,  celle  de  San-tcheou  était  ouverte  dans  la  Grande-Muraille. 

Des  relations  commerciales  par  voie  de  terre  s'établiront  entre  les 
deux  Empires  et  acquirent  bientôt  une  grande  importance.  En  1895  les 
transactions,  malgré  les  immenses  difficultés  que  présente  le  transport 
des  marchandises  au  travers  dos  déserts  de  Gobi  et  des  steppes  de  la 
Sibérie,  s'élevaient  à  80  millions  do  francs.  Ce  qui  manquait  —  et  ce 
qui  manque  encore  —  pour  que  les  produits  de  la  Chine  prennent  de 
préférence  la  route  de  terre,  c'était  des  voies  rapides  de  communication: 
par  la  construction  du  chemin  de  fer  transsibérien,  les  Russes  en 
assurant  aux  multiples  produits  de  la  Sibérie  un  débouché  et  en 
permettant  aux  denrées  asiatiques  de  parvenir  on  Europe,  sans  rompre 
charge,  préparent  !  une  révolution  économique  dont  l'importance 
n'échappe  à  personne. 


Le  chemin  de  for  transsibérien  traverse  de  part  en  part  la  Sibérie  et 
relie  l'Europe  au  Céleste-Empire. 

On  est  trop  porté  à  considérer  les  possessions  russes  de  l'Asie 
comme  de  vastes  régions  désolées  et  glacées,  sans  habitants,  sans 
culture,  sans  ressources.  La  partie  méridionale  est  fort  riclie  et  le 


-  10  - 

voyageur  qui  suit  la  grand'route  qui  relie  la  Russie  d'Europe  à  la 
Chine  (de  Perm  à  Kiachia)  est  étonné  de  trouvera  intervalles  réguliers 
des  villages  aux  maisons  confortables  dont  quelques-uns,  mieux  placés, 
sont  devenus  des  villes  ;  grâce  au  transsibérien,  mines,  cultures, 
industries  vont  prendre  un  grand  essor  et  il  n'est  pas  insensé  de  prévoir 
le  moment  où  la  Sibérie  deviendra  un  des  plus  grands  centres  de 
fabrication  du  monde.  On  comprend,  dès  lors,  l'importance  que  prend 
la  Chine  aux  yeux  des  Russes  qui  y  voient  le  marché  oii  s'écouleront 
tous  ces  produits. 

Commencée  en  1891,  cette  voie  ferrée  de  8.000  kilomètres  doit  être 
terminée  pour  1900. 

Un  coup  d'œil  jeté  sur  une  carte  permet  de  constater  que,  si  le  tracé 
primitif  du  transsibérien  est,  jusqu'au  lac  Baïkal,  aussi  direct  que 
possible,  à  partir  de  ce  point  au  lieu  de  continuer  à  courir  en  droite 
ligne  au  travers  des  plaines  mandchoues,  il  s'écarte  singulièrement  de 
sa  direction  primitive,  remonte  vers  le  Xord  et  fait  un  immense  détour 
pour  redescendre  au  Sud  sur  Yladivostock.  Cela  tient  à  ce  que  la  rive 
droite  du  fleuve  Amour  jusqu'à  Kabarowska  n'appartient  pas  à  la 
Russie  mais  à  la  Chine.  On  avait  bien  tenté,  en  1891,  d'obtenir  son 
consentement  pour  faire  traverser  à  la  voie  la  Mandchourie  chinoise, 
mais  inutilement,  car  l'on  sait  quelles  difficultés  le  Céleste-Empire 
oppose  à  toute  tentative  de  pénétration  de  chemins  de  fer  européens. 

Aussi  dans  l'espoir  que  quelque  événement  imprévu  amènerait  un 
jour  l'Empire  du  Milieu  à  composition,  la  construction  de  la  section 
Strietensk-Kabarowska  avait-elle  été  réservée .  Cet  événement 
imprévu  a  été  l'intervention  de  la  Russie  en  faveur  de  la  Chine  lors  du 
traité  de  Simonosaki  en  1895;  en  récompense  de  ses  bons  cd'fices  la 
Russie  a  enfin  reçu  l'autorisation  inutileuient  demandée  jusqu'alors. 
La  banque  russo-chinoise  a  été  chargée  parle  gouvernement  de  Pékin 
de  la  construction  et  de  l'exploitation  du  chemin  do  ter  de  la  Mand- 
chourie se  reliant  au  tracé  du  transsibérien. 

La  nouvelle  voie  s'amorce  à  la  station  d'Ouou.  danslaTransbaïkalie, 
elle  franchit  la  frontière  près  de  la  ville  chinoise  de  Vieux-Tsourou- 
haitou  et  se  dirige  sur  Khaïlar  où  se  tient  annuellement,  au  mois 
d'août,  la  grande  fuiro  de  Cniadjour,  le  marché  le  plus  achalandé  des 
pays  mongols  et  mandchoux.  Après  avoir  traversé  lesMonts-Kliingans, 
le  tracé  passera  par  la  ville  importaide  de  Tsilsikar  et  se  reliera  avec 
la  ligne  del'Ossouri  m(''ridioiial  près  de  la  station  de  Nicolsivoïé,  non 
loin  de  Vladivostock. 


-  11  - 

«  La  voie,  dit  Tarticle  5  de  la  convention,  sera  protégée  par  les 
«  fonctionnaires  locaux  civils  et  militaires  du  pays  qui,  en  outre,  doivent 
«  donner  loutes  les  facilités  nécessaires  et  prêter  tout  leur  concours 
«  aux  fonctionnaires  artisans  ou  ouvriers  russes'qui  y  seront  employés; 
«  toutefois  comme  une  grande  partie  du  tracé  traverse  des  territoires 
«  peu  habités,  la  Russie  est  autorisée  à  étahlir  des  corps  spéciaux  de 
«  cavalerie  et  d'infanterie,  dans  les  stations  importantes  en  vue  de 
«  mieux  assurer  la  protection  du  chemin  de  fer  ».  En  outre  l'article  8 
stipule  que  «à  l'avenir  toute  organisation  de  troupes  dans  les  provinces 
«  septentrionales  sera  confiée  à  des  officiers  russes  »  et  l'article  9 
reconnaissant  «  que  la  Russio  n'a  jamais  possédé  en  Asie  un  port  de 
«  mer  qui  soit  libre  de  glace  et  ouvert  toute  l'année  l'autorise  à  faire 
«  passer  l'hiver  à  son  escadre  dans  les  ports  de  Leao-toung,  Port 
«  Arthur  et  Talen-van  ». 

On  estime  à  850  millions  de  francs  les  frais  de  construction  de  la 
voie  et  l'on  a  calculé  qu'en  appliquant  au  voyage  de  Tchebalinsk  à 
Vladivostock  le  tarif  des  lignes  russes,  le  transport  d'un  voyageur  de 
Paris  à  l'extrémité  orientale  de  l'Asie  coûterait  513  fr.,  331  fr.,  215  fr. 
suivant  la  classe  (1).  11  suffira  alors  de  quinze  jours  pour  se  rendre  de 
Paris  au  Japon,  y  compris  la  traversée  de  Vladivostock  à  Nagasaki. 

Quelle  terrible  concurrence  pour  la  marine  anglaise .  Quelle 
profonde  modification  à  l'équilibre  du  monde  quand,  en  1900,  le 
chemin  de  fer  transibérien  terminé,  on  ira  de  Schanghaï  en  Europe  en 
20  jours  au  lieu  de  35  qu'exige  la  route  du  Canada,  des  -45  qu'on 
emploie  par  Suez,  et  que  les  produits  de  l'Orient  pourront  en  moins  de 
un  mois,  sans  frais  excessifs,  se  déverser  sur  l'Europe. 

Ne  serait-ce  pas  là  le  clou  tant  cherché  pour  le  nouveau  siècle  ? 


Si  l'on  jette  les  yeux  sur  un  croquis  de  l'Asie,  à  première  vue^ 
l'immensité  des  possessions  russes  frappe  d'une  façon  toute  particulière, 
et  l'esprit  se  reporte  aux  vastes  empires  d'Alexandre,  de  Gengis-Khan 
ou  de  Tamerlan.  An  Nord,  toute  la  Sibérie  jusqu'à  la  grande  arête 
montagneuse  qui  traverse  le  continent  jaune  du  Sud-Ouest  au  Nord- 
Est,  relève  des  tzars;  à  l'occident,  le  Caucase,  les  territoires  trans- 


(1)  D'après  V Economiste  français. 


—  12  - 

caspiens.  le  Turkestan,  les  Khaiiats  de  Khiva  et  de  Rouckhara  ont  été 
successivement  occupés  et  la  domination  russe  assurée  par  des  voies 
ferrées  qui  les  parcourent  en  tous  sens  ;  à  l'orient,  le  bassin  de 
l'Amour  est  devenu  nisse,  la  Corée  est  menacée  du  même  sort  et  le 
chemin  de  fer  de  la  Mandchourie  précède  la  conquête,  ou  plutôt  en 
tient  lieu. 

L'Angleterre  se  sent  gênée  par  les  progrès  de  cet  empire  colossal 
dont,  chaque  jour,  la  marine  s'augmente,  dont  l'influence  croît, 
menaçant  ainsi  de  lui  enlever  à  la  fois  la  suprématie  politique  et  la 
suprématie  commerciale.  Aussi,  tous  les  efforts  de  la  nation  anglaise, 
toute  la  finesse  et  l'habileté  du  Foreign-Offlce,  sont-ils  employés  à 
retarder  l'essor  moscovite.  Lord  Salisbury  assure  que  le  péril  russe  a 
remplacé  le  péril  jaune  et  cherche  à  intéresser  l'Europe  à  sa  cause.  La 
triple  alliance  pressentie  n'a  pas  voulu  s'engager;  l'Allemagne  a 
maintenant  des  intérêts  particuliers  en  Asie  ;  l'Autriche  et  l'Italie  se 
soucient  peu  d'aussi  vastes  entreprises,  que  la  situation  précaire  de 
leurs  flottes  et  de  leurs  finances  ne  leur  permet  pas. 

En  France,  toutes  les  sympathies  sont  pour  la  Russie  ;  il  ne  reste 
que  le  Japon,  avec  l'appui  duquel  l'Angleterre  espère,  sinon  arrêter, 
du  moins  retarder  longtemps  encore,  la  prise  de  possession  delà  Chine 
par  la  Russie. 

L'histoire  des  relations  de  la  Russie  avec  le  Japon  et  l'Angleterre 
résume  la  situation  dans  l'Asie  orientale.  Nous  allons  essayer  d'en 
retracer  les  principaux  événements,  de  montrer  l'opposition  des 
intérêts  de  ces  puissances,  leur  situation  présente  et  cherclier  ce  que 
l'avenir  semble  réserver  à  chacune  d'elles. 

Commençons  par  le  Japon. 


C'est  Marco-Polo  qui,  par  ses  récils  de  voyage,  révéla  à  l'Europe  le 
Japon.  C'était  l'époque  des  grandes  entreprises  maritimes  :  Hollandais, 
Espagnols,  Portugais  se  mirent  à  la  recherche  des  îles  Hypangu  ou  de 
Nippon.  Les  Portugais,  sous  la  conduite  d'Alhuquerque,  y  débarquèrent 
au  commencement  duXVr  siècle.  Les  établissements  qu'ils 3^ fondèrent 
devinrent  rapidement  florissants  et  Saint  François-Xavier  qui  y  prêcha 
la  foi  chrétienne  fit  beaucoup  de  prosélytes.  Mais  des  luttes  ayant 
éclaté  entre  boudhistes  et  catholiques,  le  roi  fit  massacrer  tous  les 
étrangers,  incendier  leurs  résidences  et  interdit,  sous  peine  de  mort, 
l'entrée  de  ses  Etats  aux  Européens.  Seuls,  les  Hollandais,  relégués  à 


—  13  - 

l'îlot  Desima,  qui  étaient  demeurés  cumplètement  étrangers  aux 
querelles  religieuses,  continuèrent  à  commercer  avec  le  Japon. 

Cet  isolement  dura  jusqu'en  1852,  époque  à  laquelle  les  Etats-Unis 
signèrent  avec  cet  impénétrable  royaume  un  traité  de  commerce  qui 
leur  ouvrit  les  ports  de  Halvodate  et  de  Shromoda,  traité  qui  fut 
bientôt  suivi  d'un  autre  avec  l'Angleterre,  qui  obtint,  en  outre,  le 
droit  d'entrée  dans  le  port  de  Nagasaki. 

Dès  lors  les  progrès  de  l'influence  européenne  furent  rapides,  trop 
rapides  môme  aux  yeux  de  la  vieille  noblesse  du  pays.  Les  daimios, 
hostiles  à  cette  intrusion  d'étrangers,  conduits  par  le  souverain  légi- 
time, «  le  mikado  »  essayèrent,  en  1863,  par  une  révolution  de  palais, 
de  renverser  le  «  schoqoun  »  (premier  ministre)  qui,  favorable;  aux 
idées  européennes,  avait  ouvert  le  Japon  aux  étrangers;  les  bâtiments 
européens  ancrés  dans  le  port  de  Simonosaki  furent  insultés. 

Cet  attentat  demandait  un  châtiment. 

Une  expédition  fut  décidée  et  le  5  septembre  1864,  une  escadre 
internationale  détruisait  les  ouvrages  du  détroit  de  Simonosaki. 

Le  mikado  effrayé  se  soumit  ;  les  ports  du  Japon  demeurèrent 
ouveris  au  commerce  européen  et,  à  sa  mort,  son  fils  Motsu-lto,  gagné 
aux  idées  civilisatrices,  ouvrit  plus  largement  encore  son  pays  à 
l'influence  européenne. 

En  1868,  Motsu-lto  sollicitait  du  gouvernement  français  l'envoi  d'une 
mission  pour  organiser  l'armée  japonaise. 

C'en  était  trop,  les  daïmios  relevèi-eut  l'étendard  de  la  révolte,  la 
guerre  civile  se  ralluma  ;  elle  se  termina  en  1871  par  le  triomphe  du 
mikado,  l'abolition  complète  du  schoqoun  et  des  daïmios.  Depuis^ 
rompant  avec  son  passé  de  barbarie,  le  Japon  est  entré  dans  la  voie  du 
progrès  et  de  la  civilisation  la  plus  raffinée. 

11  est  intéressant  de  rechercher  les  causes  de  ce  revirement.  Est-ce 
le  côté  élevé  de  notre  civilisation,  sa  philosophie,  sa  haute  morale,  qui 
a  séduit  le  jeune  empereur  et  son  peuple  ?  Non  pas.  De  notre  civili- 
sation ils  n'ont  vu  que  nos  armes  ;  ils  ne  lui  ont  demandé  qu'une 
chose  :  la  force,  pour  nous  résister,  pour  nous  obliger  à  sortir  de  chez, 
eux  et  s'assurer  ainsi  les  mêmes  avantages  que  ceux  que  la  force  nous 
a  assurés  contre  eux. 

Au  Japon,  le  critérium  de  la  civilisation  européenne,  c'est  d'avoir 
une  forte  armée  et  une  imposante  marine. 


-  14  - 

Les  troupes  de  l'ancieu  Japon  se  bornaient  à  une  sorte  de  milice 
héréditaire  rappelant  les  janissaires  ou  les  mamelucks  égyptiens. 
C'est  de  1867,  époque  à  laquelle  Motsu-Ilo  devint  mikado,  que  date 
l'organisation  à  l'européenne  de  cette  armée.  Elle  fut  confiée  à  une 
mission  militaire  française  commandée  par  le  capitaine  d'état-raajor 
Chanoine  ;  mais  la  révolution  ayant  éclaté,  cette  mission  dut  rentrer 
en  France  laissant  son  œuvre  à  peine  ébauchée.  Elle  fut  reprise  en  1872, 
par  une  nouvelle  mission  commandée  par  le  colonel  Munier,  qui  fit  de 
cette  armée  un  fac-similé  de  la  nôtre  ;  mais  malheureusement,  peu  à 
peu,  nous  avons  perdu  notre  influence,  les  Allemands  se  sont  introduits 
dans  l'entourage  du  mikado  et  ont  réussi  à  substituer  leurs  idées  et 
leurs  officiers  aux  nôtres. 

Tout  .Japonais  doit  le  service  personnel  et  obligatoire  pendant 
23  ans,  de  17  à  40  ans  (Art.  1*'  de  la  loi  de  1875  modifiée  en  1879,  1883 
et  1889).  Mais  à  cette  règle  générale,  il  y  a  de  fort  nombreuses  excep- 
tions et  le  nombre  des  dispensés  est  considérable.  C'est  ainsi  qu'en 
1885,  sur  un  contingent  évalué  en  chifi"res  ronds  à  * 

341.000  jeunes  gens  ayant  atteint  20  ans  : 
52.000  furent  exemptés, 
121.000  furent  ajournés. 

168.000  reconnus  aptes  au  service  militaire  dont,  après  tirage  au 
sort,  70.000  furent  incorporés  dans  les  corps  de  troupes. 

Normalement,  la  durée  du  service  est  répartie  en  : 

3  années  de  service  actif  (de  20  à  23  ans)  ; 

4  années  dans  la  V^  réserve  (de  23  à  27  ans)  ; 

5  années  dans  la  2^  réserve  (de  27  à  32  ans)  ; 

11  années  dans  l'armée  territoriale  (de  17  à  20  et  de  32  à  40  ans). 

La  caractéristique  de  cette  loi  de  recrutement  est  qu'elle  laisse  en 
dehors  de  toute  instruction  militaire  sérieuse,  la  plus  grande  partie  du 
contingent  ;  il  en  résulte  que  le  Japon  est  loin  de  pouvoir  disposer 
d'une  armée  aussi  considérable  que  le  chifire  de  sa  population  semblerait 
l'indiquer. 

Le  rom mandement  suprême  de  l'armée  appartient  à  l'empereur,  qui 
l'exerce  par  l'intermédiaire  d'un  ministre  de  la  guerre. 

Le  territoire  de  l'Empire  est  i)artagé  en  6  divisions  territoriales 
(Tokio.  Sendaï,  Nagoya,  Ozaka,  Hiroshima,  Roumamoto).  A  chacune 
d'elles  correspond  une    division  d'infanterie  numérotée  de  1  à  6; 


—  15  — 

il  y  a  en  plus,  une  division  de  la  garde.  L'île  d'Ego  constitue  une 
T  division  territoriale  spéciale. 

Chaque  division  présente  un  effectif  de  17.000  hommes,  soit  environ 
15.000  combattants  avec  36  bouches  à  feu  (1). 

Le  Japonais  n'a  pas  l'esprit  militaire,  mais  il  est  extrêmement  dur  à 
la  fatigue,  patient,  sobre  et  courageux  ;  sous  une  bonne  direction,  il 
vaudrait,  les  meilleures  Iroupes  européennes.  L'influence  allemande  l'a 
affublé  d'uniformes  de  coupe  européenne,  ne  convenant  ni  à  sa  stature 
ni  à  son  tempérament,  aussi  l'extérieur  du  soldat  japonais  n'a-t-il  rien 
de  satisfaisant,  mais  il  vaut  mieux  que  l'apparence. 

Durant  la  guerre  de  1894-95,  où  l'on  retrouve  l'influence  des  idées 
allemandes  dans  les  procédés  d'enlacement,  si  souvent  employés  par 
le  grand  Etat-Major  prussien  dans  la  guerre  de  1866  et  dans  la 
campagne  de  France  en  1870,  cette  armée  a  fait  ses  preuves,  mais  elle 
amis  à  nu  sa  faiblesse  organique  et  l'insuffisance  du  commandement, 
qui  n'a  dû  le  succès  de  ses  combinaisons  qu'à  l'incurie  de  son  adver- 
saire. 

En  résumé,  l'Empire  du  Soleil-Levant  peut  mobiliser  une  armée  de 
campagne  de  150.000  hommes,  laquelle,  par  l'appel  des  deux  réserves 
et  de  l'armée  territoriale  dont  l'organisation  se  poursuit,  pourrait 
s'élever  à  500.000  hommes  de  troupes  exercées. 

Quoique  les  Japonais  aient  toujours  été  un  peuple  éminemment 
maritime,  l'organisation  d'une  marine  militaire  est  récente.  L'empereur 
est  encore  ici  le  chef  suprême  et  exerce  son  commandement  par 
l'intermédiaire  d'un  ministre  de  la  marine. 

En  1891,  le  matériel  naval  comprenait: 

5  cuirassés  (le  plus  ancien  remontant  à  1864,  le  plus  récent  à  1877). 
10  croiseurs  —  d°  —  à  1862  d°  à  1886). 
2  avisos                 —          d°      —         à  1875  d"            à  1877). 

6  canonnières       —          d"      —         à  1850  d"             à  1878). 

26  torpilleurs  et  transports  complétant  ces  importantes  forces 
navales,  plus  respectables  par  le  nombre  que  par  leur  valeur  tactique. 
En  effet,  un  grand  nombre  de  ces  bâtiments  étaient  vieux,  en  bois  ou 
de  modèles  absolument  démodés. 


(1)  Voir  annexes.  —  Tableau  I.   Tableau  donnant  la  composition  et  l'effectif  d'une 
division  de  ligne  japonaise. 


-  16  - 

En  1892,  l'outillage'  de  l'arsenal  de  Yokoska  était  suffisamment 
perfectionne  pour  permettre  la  construction,  de  toutes  pièces,  d'un 
cuirassé,  en  même  temps  que  d'importants  achats  faits  en  France  et  en 
Angleterre  mettaient  la  flotte  japonaise  dans  une  excellente  situation. 

Au  moment  de  la  déclaration  de  guerre  à  la  Chine,  en  1894,  le 
Japon  mit  à  l'eau  une  escadre  de  12  bâtiments  armés  do  204  pièces, 
répondant  à  toutes  les  exigences  d'une  guerre  maritime  moderne  et, 
quoique  n'ayant  pas  de  grands  cuirassés,  chassa  des  eaux  de  Petchili 
les  deux  grands  cuirassés  du  dernier  modèle  que  comptait  la  flotte 
chinoise.  Depuis  on  a  encore  beaucoup  fait  pour  la  flotte  et  quand, 
dans  douze  ou  quinze  mois,  les  derniers  bâtiments  en  construction 
auront  été  lancés,  la  marine  japonaise  sera,  quant  au  matériel  s'entend, 
la  plus  formidable  de  l'Extrême-Orient. 

Depuis  1895,  d'après  l'estimation  de  certaines  feuilles  russes,  esti- 
mation probablement  exagérée,  le  Japon  aurait  augmenté  sa  flotte  de  : 

5  grands  cuirassés  commandés  en  Angleterre,  dont  «  Le  Fugi  »  et 
«  La  Vashima  »  d'un  déplacement  de  12.400  tonnes  et  d'une  vitesse  de 
19  nœuds  et  trois  mastodontes  de  14.800  tonnes,  d'une  vitesse  théorique 
quelque  peu  supérieure  à  celle  des  vaisseaux  «  Le  Majestic  »  et  «  Le 
Magnificient  »,  ces  deux  colosses  de  la  marine  anglaise. 

.3  grands  croiseurs  protégés  de  5.00(3  et  de  4.300  tonnes  exécutés  éga- 
lement en  Angleterre  ; 

8  contre-torpilleurs  devant  fournir  30  nœuds'commandés  en  Angle- 
terre ; 

2  petits  croiseurs  protégés  commandés  à  San-Francisco  ; 

1  grand  croiseur  et  8  torpilleurs  de  90  tonnes  en  Allemagne  ; 

I  grand  croiseur  et  4  torpilleurs  de  90  tonnes  en  France  : 

Enfin,  l'arsenal  de  Yokoska  a  construit  3  petits  croiseurs  de  3.000 
tonnes  3  torpilleurs  et  1  canonnière. 

Outre  cela,  le  gouvernement  japonais  vient  d'acheter  2  croiseurs 
construits  chez  Armstrong  pour  le  compte  du  Chih,  mais  non  payés, 
soit  un  total  de  40  bâtiments. 

Tout  en  acceptant  avec  une  grande  réserve  des  chiffres  si  élevés,  il 
est  incontestable  que  la  flotte  japonaise  jouit,  dès  à  présent,  d'une 
importante  supériorité  numérique  vis-à-v^s  des  escadres  européennes 
dans  les  mers  de  Chine. 

II  no  faut  pas  toutefois  se  hâter  d'en  tirer  des  conclusions.  Quelque 
brillantfs  qu'aient  été  l'armée  et  Ja  marine  japonaises  durant  la  guerre 
de  Corée,  elles  n'ont  eu  devant  elles  ([ue  des  Chinois.  Bien  des  fautes 


—  17  — 

ont  été  commises  par  les  vainqueurs  dont  un  ennemi  habile  aurait  su 
profiter  pour  changer  peut-être  la  face  des  choses.  Certes,  les  instru- 
ments sont  bons,  pas  une  armée  ne  possède  un  meilleur  armement, 
une  flotte  de  meilleurs  navires,  mais  les  ouvriers  ne  sont  que  fort 
médiocres.  C'est  un  élément  d'appréciation  qu'il  ne  faut  pas  oublier 
dans  les  circonstances  présentes. 


Quoi  qu'il  en  soit,  nous  voyons  que  la  civilisation  a  donné  au  Japon 
l'instrument  de  la  force  :  une  armée  et  une  marine. 

Aussi  la  guerre  qui  a  éclaté  au  mois  de  septembre  d894  n'a-t-ell 
étonné  personne.  Il  semblait  naturel  et  c'était  les  seules  raisons  qu'on 
donnait  de  cette  guerre,  qu'un  peuple  jeune  fut  animé  d'un  pareil 
besoin  de  mouvement,  d'une  telle  soif  de  gloire  et  de  conquêtes,  dans 
le  seul  dessein  de  donner  le  baptême  du  feu  à  sa  jeune  armée,  d'affirmer 
son  existence  et  de  prendre  ainsi  place  parmi  les  nations  civilisées. 

L'Europe  n'a  pas  été  longue  à  reconnaître  l'insuffisance  de  ces 
raisons  et  à  trouver  les  véritables  causes  de  la  lutte. 

Persuadé  par  les  exemples  qu'il  en  avait  eus,  que  la  puissance  d'une 
nation  réside  dans  son  pouvoir  commercial  et  que  le  pouvoir  commer- 
cial ne  peut  actuellement  s'acquérir  que  par  la  force,  le  gouvernement 
du  mikado  commençait  !a  réalisation  d'un  plan  fort  simple  :  imposer 
sa  suprématie  militaire  pour,  un  jour  ensuite,  imposer  sa  suprématie 
industrielle  et  commerciale  —  un  Sedan  militaire  suivi  d'un  Sedan 
économique  ! 

En  faisant  la  guerre  à  la  Chine,  en  1894,  le  Japon  cherchait  à  se 
créer  manu  'militari  des  clients. 

Le  Japon,  comme  la  Grande-Bretagne,  est  un  archipel,  archipel 
colossal  qui  comprend  411  îles.  Les  plus  grandes  sont  :  Nippon,  Yeso, 
Sikokou,  Kiou-Siou  et  Formose  ;  elles  sont  peuplées  d'une  façon  très 
variable  ;  les  plus  habitées  sont  Nippon  et  Kiou-Siou  ;  mais  la  popu- 
lation est  répartie  d'une  façon  tout  à  fait  inégale,  la  constitution  géolo- 
gique du  sol  en  est  l'unique  cause. 

Sur  31  millions  d'hectares  en  chiff"res  ronds,  on  compte  : 

7  millions  d'hectares  de  forêts  ; 

Et  7  autres  millions  d'hectares  de  montagnes  inhabitables  ; 

Sur  les  17  millions  restant  se  pressent  38  millions  d'habitants,  ce 
qui  donne,  par  endroit,  une  densité   supérieure  à  400  au  kilomètre 


-  18  — 

carré.  Ajoutons  à  cela,  que  les  Japonais  sont  très  prolifiques  et  que  la 
population  de  l'empire  double  en  17  ans  ;  il  devient  dès  lors  facile  de 
comprendre  pourquoi  le  Japon,  comme  l'Angleterre,  à  l'étroit  dans 
son  île,  se  voit  obligé,  pour  ne  pas  perdre  chaque  année  par  l'émi- 
gration ou  par  la  faim,  un  contingent  évalué  à  15  ou  16.000  individus, 
de  chercher  à  créer,  comme  sa  sosie  de  la  vieille  Europe,  des  patries 
plus  petites,  essaimées  sur  toutes  les  mers  du  globe. 

Dès  1874,  une  expédition  est  entreprise  contre  Formose,  malgré  les 
protestations  aussi  timides  que  tardives  des  Chinois,  qui  offrent  à  leurs 
voisins  de  l'Est  le  remboursement  des  dépenses  faites  par  eux  et  des 
garanties  pour  l'avenir,  sous  la  condition  qu'ils  évacueront  complè- 
tement l'île.  Les  Japonais  acceptent  (octobre  1874),  mais  ils  annexent 
à  leur  empire  les  îles  Liou-Kicou  jusqu'alors  sous  leur  protectorat. 
Vers  cette  même  époque,  le  trop  plein  de  la  population  s'était  répandu 
dans  rîle  Saghalien,  dont  la  partie  nord  était  occupée  par  la  Russie  ;  il 
en  résulta  des  difficultés  avec  cette  puissance,  difficultés  qui  ne  furent 
réglées  qu'en  1875  par  l'abandon  de  toute  l'île  aux  Russes  en  échange 
de  la  longue  rangée  à  peu  près  déserte  et  improductive  des  Kouriles. 

L'activité  japonaise  tourna  alors  tous  ses  eff"orts  vers  la  Corée. 

A  la  suite  d'une  petite  expédition,  l'intervention  russe  fit  conclure, 
en  1878,  un  traité  de  paix  et  de  commerce  en  vertu  duquel  la  Corée 
serait  désormais  traitée  sur  le  pied  d'un  Etat  indépendant.  L'accord 
ne  fut  pas  de  longue  durée.  En  1882,  à  la  suite  d'une  révolution  de 
palais,  la  légation  japonaise  de  Séoul  ayant  été  attaquée,  le  Japon 
mobilisa  une  partie  de  son  armée.  Grâce  à  une  nouvelle  intervention 
des  Russes,  l'incident  n'eut  pas  de  suite,  mais  les  Japonais  sentirent 
grandir  leur  haine  contre  le  tiers  qui  les  empêchait  de  réaliser  leurs 
ambitieux  projets. 

En  1894,  la  Chine  ayant  voulu  faire  revivre  d'antiques  prétentions  à 
la  suzeraineté  sur  la  Corée,  le  Japon  en  prit  prétexte  pour  susciter  des 
troubles  à  Séoul,  envoyer  des  troupes,  bientôt  mobiliser  l'armée  entière 
et  entrer  en  campagne.  La  victoire  fut  facile. 

Mais  aux  préliminaires  de  la  paix,  le  Japon  laissa  passer  le  bout  de 
l'oreille  ;  il  réclama,  non  seulement  une  indemnité  de  guerre,  mais 
aussi  des  clauses  territoriales,  industrielles  et  commerciales  qui  ne 
tendaient  à  rien  moins  qu'à  rendre  complètement  tributaire  de  son 
industrie  et  de  son  commerce,  cet  empire  chinois  que  l'Europe  et  parti- 
culièrement la  Russie  se  plaisaient  à  considérer  comme  le  débouché  à 
venir  de  leur  surproduction.  SurTinitiativi;  russe,  la  Russie,  la  France 


—  19  - 

ot  rAllemagne  demandèrent  au  Japon  des  explications  et  menacèrent 
d'intervenir  pour  l'obliger  à  ne  pas  garder  un  pouce  de  la  terre 
chinoise  et  à  ne  pas  faire  une  condition  sine  qua  non  de  la  paix,  de  la 
signature  d'un  traité  de  commerce. 

Ce  nouvel  obstacle  mis  par  la  Russie  aux  ambitions  japonaises  sur 
le  point  de  se  réaliser,  rendit  la  situation  très  tendue  entre  les  deux 
rivaux.  Obligé  de  céder  devant  la  coalition,  le  Japon  a  gardé  rancune 
de  cette  triple  alliance  et  fiévreusement  il  s'est  mis  à  préparer  sa 
revanche. 

D'ailleurs,  en  dépit  des  traités,  les  Japonais  sont  restés  en  Corée  et, 
h  ce  qu'il  paraît,  ne  pensent  pas  à  s'en  aller.  Ils  se  sont  installés  en 
maîtres  dans  les  ports  de  la  Corée  et  y  ont  construit  des  casernes  et 
autres  établissements  militaires  qui  ressemblent  à  des  forteresses.  De 
leur  côté  les  Russes  ont  des  détachements  de  soldats  et  de  navires  à 
Séoul,  soi-disant  pour  protéger  l'empereur  coréen,  lequel  vient  de 
prendre  (septembre  1897)  un  colonel  russe  comme  ministre  de  la 
guerre,  mais  en  réalité  avec  l'intention  de  faire,  un  jour  ou  l'autre, 
repasser  le  détroit  aux  Iroupesjaponaises. 

Là  encore  il  y  a  élément  à  conflit.  Japon  et  Russie  préparent  une 
lutte  qui  paraît  imminente. 


Dès  le  XVr  etleXVIP  siècle,  des  compagnies  de  commerce  anglai- 
ses se  trouvaient  en  relation  avec  la  Chine  ;  elles  établirent  en  différents 
points  des  entepôts,  par  exemple  à  Canton,  à  Macao,  à  Hai-nam  et 
aux  îles  Chusan,  mais  tous  leurs  efforts  pour  s'ouvrir  les  routes  de 
l'intérieur  échouèrent.  Les  tentatives  de  la  diplomatie  britannique 
au  XVIir  siècle  pour  faire  accréditer  un  de  ses  représentants  à  Pékin 
n'eurent  pas  plus  de  succès.  La  Russie,  avons-nous  vu,  était  alors  la 
seule  puissance  représentée  près  du  Fils  du  Ciel  et  la  seule  qui  com- 
merçât, par  voie  de  terre,  avec  les  habitants  de  l'Empire  du  Milieu. 

N'ayant  pu  réussir  par  la  diplomatie,  l'Angleterre  ouvrit  à  coups  de 
canon,  avec  l'aide  de  la  France,  le  Céleste-Empire  à  son  commerce  : 
elle  s'imposa,  et  depuis  1860,  par  sa  souplesse  et  aussi  par  l'habileté  de 
sir  R.  Hart,  elle  a  su  conquérir  à  Pékin  une  place  prépondérante.  Mais 
entre  Russes  et  Anglais  il  3^  a  conflit  de  races  et  conflit  d'intérêts  : 
les  deux  plus  vastes  empires  du  monde  mis  en  présence  devaient 
devenir  des  rivaux. 


—  20  — 

Dès  18G4,  le  Foreign-Office  prévoyant  les  dangers  que  pourraient 
faire  courir  à  ses  ])ossessions  hindoues,  —  celte  perle  de  la  couronne 
d'Albion  —  les  progrès  des  Russes  en  Sibérie,  au  Turkeslan,  au 
(Caucase  et  sur  le  marché  chinois,  tenta  de  les  arrêter  :  le  Gouver- 
nement d'Angleterre  fit  des  représentations  à  la  cour  de  Saint-Péters- 
bourg. Elles  ne  furent  pas  accueillies  ;  la  Russie  ne  voulait  pas 
s'arrêter  dans  la  voie  des  conquêtes.  Pour  éviter  une  lutte,  le  seul 
espoir  restant  à  l'Angleterre  était  d'empêcher,  aussi  longtemps  que 
possible,  un  contact  direct  entre  les  possessions  des  deux  empires. 
Obéissant  à  cette  nécessité,  l'influence  anglaise  s'étendit  jusqu'en  Perse, 
jusqu'en  Afghanistan  et  jusqu'au  cœur  du  Pamir,  et,  de  fait,  la  zone  de 
territoires  neutres  dont  elle  a  fait  un  dernier  rempart  à  l'Inde  a  suffi  à 
empêcher,  jusqu'à  ce  jour,  un  contact  qui  aurait  pu  lui  être  fatal. 

Depuis,  la  Russie  a  précisé  ses  prétentions  :  elle  aspire  à  la  suprématie 
politique  et  commerciale  du  monde  ! 

L'Empire  russe  veut  des  C()tes  sur  toutes  les  mers,  en  Asie  particu- 
lièrement ;  il  veut  voir  flotter  son  pavillon  sur  l'Océan  Pacifique, 
comme  dans  le  golfe  Persique  et  l'Océan  Indien  ;  couvrant  la  moitié 
de  l'Europe  et  la  moitié  de  l'Asie,  il  veut  servir  de  Irait  d'union  entre 
les  deux  continents,  être  l'internu^diaire  de  leurs  échanges  et  le 
fournisseur  de  leurs  besoins  ;  en  un  mot  il  veut  jouer  le  rôle  que 
l'Angleterre  a  si  brillamment  tenu  depuis  bientôt  quatre  siècles. 

La  fière  Albion,  qui  est  demeurée  quatorze  années  en  armes  pour 
disputer  à  la  France  la  ])remière  place  en  Europe,  a  accepté  la  lutte  : 
son  activité  est  infatigable  ;  ses  succès  sont  indéniables. 

Tous  les  projets  des  tzars  ont  été  arrêtés:  en  Europe,  les  traités  de 
1856,  de  1878,  de  188.5,  de  1897  ont  empêché  la  Russie  de  planter  la 
croix  à  Constantinoplc.  En  Asie,  en  1880,  elle  a  brouillé  le  tzar  et 
l'Empii'C  duMilitiu  en  iutervcmanten  Kachgarie;  en  1885,  en  prenant 
en  main  les  intérêts  du  Khan  d'Afghanistan  et  en  occu])ant  Port- 
Hamilton  d'où  elle  maîtrisait  la  flotte  russe,  elle  a  mis  obstacle  à 
l'occupation  d'un  pori  libre  de  glaces  et  arrêté  l'essor  de  l'aigle  russe 
en  Extrême-Ori(;nt. 

Mais  (m  1895,  en  n'intervenant  pas  au  moment  de  la  signature  de  la 
l)aix  sino-japonaisc,  l'n  laissant  à  la  Russie  l'avanlage  d'interposer  sa 
médialiijn  amn'^e,  elle  a  permis  k  cette  dernière  de  ressaisir  la  coufianee 
du  gouvernement  de  P('kin  et  de  se  faire  payer  son  intervention  pai- 
d'importantes  et  d'utiles  cessions.  Les  derniers  traités,  on  l'a  vu, 
livrent  la  Maiidelnjurie  à  la  Russieet  lui  abandonncmt  la  Corée. 


'—  21  — 

Mise  en  échec,  à  son  tour  ,  en  Extrêrae-Orienl,  la  cliplouiatie  anglaise 
a  pris  sa  revanche  dans  la  région  des  confins,  autre  théâtre  où  les 
influences  russes  et  anglaises  se  trouvent  encore  aux  prises.  Ce  sera 
l'objet  d'un  chapitre  spécial. 

En  '18v)7,  la  situation  est  donc  la  suivante  : 

D'un  côté,  la  Russie  et  ses  alliés  de  1895,  la  France  et  l'Allemagne 
jouissent  auprès  du  «  Fils  du  Ciel  »  d'une  grande  faveur  ;  par  suite,  la 
Russie  a  étendu  son  influence  sur  la  Mandchourie  où  se  construit  le 
tronçon  du  Transibérien,  et  la  Corée,  séparée  du  reste  de  l'empire, 
tombe  de  plus  en  plus  sous  sa  domination. 

De  l'autre,  l'Angleterre,  mécontente  d'avoir  perdu  la  place  qu'elle 
avait  su  acquérir  à  Pékin  et  jalouse  des  progrès  des  Russes,  ne 
cherche  que  l'occasion  d'infirmer  les  traités. 

Le  Japon,  couvant  sa  haine  (;t  son  dépit  de  n'avoir  pu  tirer  de  ses 
éclatantes  victoires  tous  l(>s  fruits  qu'il  en  espérait,  n'attend  qu'une 
occasion  pour  recommencer. 

Situation  pleine  de  })érils  qui  fait  ressembler  l'Extrême-Orient  à  une 
mine  chargée  et  à  laquelle  la  prise  de  possession  d'un  coin  de  la  terre 
chinoise,  a  failli  mettre  le  feu. 


A  la  suite  du  massacre  de  deux  missionnaires  allemands  à  You- 
tcheou-Fou,  on  apprenait  en  Europe,  le  16  novembre  1897,  que 
l'escadre  de  croiseurs  de  l'amiral  von  Diederichs  (1)  avait  occupé  la 
baie  de  Kiao-Tcheou  et  débarqué  des  troupes. 


(1)  Au  moment  de  la  guerre  sino-japonaise,  l'empire  allemand  envoya    dans  le 
eaux  chinoises  une  escadre  de  croiseurs,  composée  de  0  bâtiments  sous  les  ordres 
du  contre-amiral  von  Diederichs  pour  y  protéger  ses  intérêts  commerciaux. 

A  la  suite  de  l'occupation  de  Kiao-Tchcou,  le   contre-amiral  von  Diederichs   fut 
nommé  vice-amiral  et  l'escadre  renforcée  de  deux  bâtiments  ;  elle  comprend  : 

(   Empereur Cuirassé . 

,,c   j-   •  •        ir    t„-     I         r.-    )     •  I        '  Prince-Guillaume 1 

V    division.  Y. -Amiral    v.  Diederichs.        ,  / 

I  Arcona \  Croiseurs. 

f   Cormoran \ 

i  Allemagne Cuirassé. 

;,,  T   •  •        Ti  •         TT     ]     T>  I  Impératrice  Aususta ] 

2« division.  Prince  H.  de  Prusse.         <       1,  I 

Genon l  Croiseurs. 

Irène \ 


En  réalité,  ce  massacre  n'était  pour  l'empire  allemand  qu'un  prétexte 
pour  mettre  à  exécution  son  projet  de  prendre  position  —  lui  aussi  — 
sur  le  marclié  jaune  et  de  se  créer  des  droits  au  partage  éventuel  de 
l'Empire  du  Milieu.  La  France  et  la  Russie  qui,  avec  l'Allemagne, 
étaient  venues  en  aide  à  la  Chine  en  1895,  s'étaient  fait  paver  leurs 
services  ;  l'Allemagne,  à  son  tour,  voulait  les  imiter  et  ce  n'était  un 
secret  pour  personne,  qu'à  Berlin  on  désirait  prendre  pied  sur  la  côte 
chinoise  pour  y  fonder  une  station  navale  qui  servirait  à  la  fois  de 
refuge  à  son  escadre  de  l'Extrême-Orient  et  de  porte  de  pénétration 
pour  son  commerce.  Précédemment,  diverses  tentatives  avaient  été 
faites  à  Pélvin  pour  obtenir  pacifiquement  la  station  convoitée  ;  mais 
le  Tsung-li-Yamen  avait  fait  la  sourde  oreille  et  le  représentant  alle- 
mand avait  dépensé  en  vain  toute  son  éloquence.  L'Allemagne  appela 
alors  à  son  aide  la  force. 

En  fait,  Guillaume  II  et  son  ministre  des  affaires  étrangères,  M.  de 
PjuIow  n'ont  donné  autant  d'importance  à  l'incident  des  missionnaires 
que  pour  s'emparer  de  Kiao-Tchéou.  On  en  a  eu  la  preuve  pendant  les 
négociations.  La  Chine  avait  beau  promettre  toutes  les  réparations 
pécuniaires  pour  le  meurtre  des  missionnaires  et  s'engager  à  faire  déca- 
piter tous  les  assassins  qu'on  voudrait,  le  gouvernement  allemand  ne 
répondait  que  par  la  demande  de  la  cession  de  Kiao-Tchéou. 

Satisfaction  lui  a  été  accordée  par  le  «  Fils  du  Ciel  »  le  Sjanvier  1898. 
La  baie  de  Kiao-Tchéou  a  été  cédée  à  bail  à  l'Allemagne  pour  une  durée 
(le  99  ans. 

Quelle  est  en  réalité  l'importance  de  la  nouvelle  station  allemande  ? 
Les  avis  sont  à  ce  sujet  assez  partagés.  Comme  porte  de  pénétration  en 
Chine  pour  le  commerce  allemand,  Kiao-Tchéou  })araît  assez  mal 
choisi  (1).  Ce  point  n'a  à  sa  disposition  ni  voies  fluviales  ni  routes  et 
même  le  terrain  très  montagneux  de  la  presqu'île  ne  permet  pas  —  sans 
de  très  grands  travaux  — l'établissement  de  voies  de  communication  et 
de  chemins  de  fer.  Il  n'est  guère  probable  que  Kiao-Tchéou  devienne 
un  sérieux  concurrent  pour  Shanghaï  et  Hong-Kong,  ces  florissants 
entrepôts  anglais  qui  iléticnncut  maintenanl  le  monopole  du  commerce 
chinois. 

Au  point  de  vue  stratégique  les  avantages  paraissent  plus  sérieux  : 
le  gouvernement  chinois  les  avait  reconnus  et  se  disposait  à  les  utiliser 


(1)  Voir  :  HuUctin  de  la  Société  de  Géo^^raphic  de  Lille,  Décembre  18!)7. 


.      —  23  — 

en  transformant  cette  baie  eu  un  port  militaire  de  premier  ordre  ;  il  est 
certain,  en  effet,  qu'elle  commande  les  lignes  de  navigation  dans  les 
m.ers  chinoises  ;  mais  pour  lui  donner  toute  sa  valeur,  il  est  nécessaire 
de  construire  non  seulement  des  fortifications  coûteuses  mais  encore 
de  faire  des  travaux  d'appropriation  extrêmement  importants  qui  ne 
s'improvisent  pas  en  quelques  j  ours. 

Aussi  l'occupation  de  Kiao-Tchéou  parles  Allemands  ne  semble  pas, 
pour  le  moment  du  moins,  devoir  modifier  la  situation  commerciale  de 
l'Extrême-Orient,  ni  porter  ombrage  à  la  puissance  militaire  de  la 
Russie,  ou  de  la  France  ou  même  de  l'Angleterre. 

Le  15  décembre  1897,  la  Russie,  avec  l'approbation  do  la  Chine,  qui 
y  avait  consenti  au  moment  de  la  signature  de  la  convention  de  1896, 
faisait  entrer  son  escadre  du  Pacifique  dans  la  baie  du  Port-Arthur, 
pour  y  séjourner  pendant  la  saison  hivernale. 

La  simultanéité  de  l'occupation  de  Kiao-Tchéou  par  l'Allemagne  et 
de  celle  de  Port-Arthur  par  la  Russie  ;  certaines  paroles  (1)  prêtées  à 
l'empereur  Guillaume  11  dans  son  voyage  en  Poméranie,  firent  croire 
à  l'Europe  à  une  action  concertée  à  l'avance. 

Depuis,  il  semble,  qu'il  n'y  eut  là  qu'une  simple  coïncidence  :  l'action 
de  l'Allemagne  et  celle  de  la  Russie  ont  été  parallèles,  mais  non 
concertées. 

11  a  paru  opportun  à  la  Russie  de  profiter  du  trouble  qu'avait  jeté 
dans  les  chancelleries  d'Europe  Toccupation  allemande,  pour  mettre 
à  exécution  le  projet,  depuis  longtemps  entrevu,  de  posséder  enfin  un 
port  libre  de  glaces  sur  le  Pacifique  et  de  mettre  définitivement  la  main 
sur  la  Corée. 

Port-Arthur,  situé  sur  la  côte  nord  du  golfe  de  Petchili  n'est  jamais 
pris  par  les  glaces,  pas  même  dans  les  hivers  les  plus  rigoureux.  Un 
syndicat  français  y  a  construit,  entre  1886  et  1890,  des  bassins  magni- 
fiques, profonds  de  11  mètres.  Les  seuls  inconvénients  de  ce  port  sont  : 
son  entrée  un  peu  étroite  et  le  manque  d'une  bonne  eau  potable. 
Durant  la  guerre  de  1894-95,  les  Japonais  s'en  sont  emparé  et  ont 
détruit  les  fortifications.  Un  projet  de  voie  russe  doit  le  relier  au 
Transibérien  par  Moukden  et  Kirin. 


(1)  Uempercar  Guillaume  II  aurait  dit  au  gouverneur  de  la  forteresse  de 
Grandentz  qui  lui  assurait  qu'il  donnerait  tous  ses  soins  pour  la  rendre  imprenable: 
«  D'ailleurs,  j'espère  que  l'on  n'en  viendra  jamais  là,  car  notre  voisin  de  l'Est, 
»  mon  cher  et  fidèle  ami,  a  les  mêmes  vues  en  politique  que  moi.»  {Norddeutsch) 


Quelques  jours  après  l'occupation  de  Port-Arthur,  les  journaux 
anglais  annonçaient  la  marche,  au  travers  de  la  Mandchourie,  do 
troupes  russes  se  dirigeant  sur  la  presqu'île  Coréenne. 

Ce  fut  le  signal,  en  Angleterre  et  au  .lapon,  de  nombreuses  protes- 
tations. 

L'opinion  publique  anglaise  qui,  au  mumeut  de  Toccupationde  Kiau- 
Tchéou,  s'était  déjà  montrée  d'une  extrême  violence  et  n'avait  pas  hésité 
h  qualifier  de  piraterie  l'acte  de  Guillaume  II,  se  trouva  montée  à  son 
paroxysme  h  la  nouvelle  de  ce  nouveau  })as  en  avant  fait  par  l'influence 
russe  en  Extrême-Orient.  Le  peuple  anglais  réclama  de  son  gouver- 
nement une  action  énergique  et  se  déclara  prêt  à  faire  son  devoir  pour 
faire  respecter  les  droits  et  la  liberté  de  son  commerce. 

Au  Japon,  à  qui  le  non-paiement  de  l'indemnité  de  guerre  imposée  à 
Simonosaki  donnait  des  droits  sur  Port-Artliur  et  Weï-Haï-Weï,  ce  fut 
la  cause  d'une  crise  ministérielle  et  l'installation  d'un  nouveau  conseil 
des  ministres  disposé  à  maintenir  énergiquement  les  revendications  de 
l'Empire  sur  la  Corée  et  à  la  mise  sur  le  pied  de  guerre  de  la  flotte. 

La  similitude  des  intérêts  devait  jeter  le  Japon  dans  les  bras  do 
l'Angleterre  :  des  ouvertures  furent  faites  dans  ce  sens.  Et  alors, 
pendant  une  huitaine  de  jours,  les  racontars  les  plus  invraisembla- 
bles ne  cessèrent  de  circuler  sur  les  mouvements  de  la  flotte  anglaise 
qui,  tantôt  forçait  l'entrée  de  Porl-Arthur,  tantôt  allait  occuper  Weï- 
Haï-Weï,  tantôt  se  joignait  à  la  flotte  japonaise  qui,  disait-on,  avait 
quitté  Nagasaki  pour  une  destination  inconnue,  tantôt  se  présentait 
(levant  Chemulpo,  le  port  de  Séoul,  pour  appuyer  les  protestations  de 
M.  Jordan,  Consul  général  delà  Grande-Bretagne  contre  la  remise  de 
l'administration  du  pays  entre  les  mains  du  ministre  de  Russie, 
M.  Speyer,  et  la  révocation  d'un  agent  anglais,  M.  Mac  Leavy- 
Brown,  qui  avait  été  dépossédé  d'une  place  qu'il  occupait  dans  l'admi- 
nistration des  douanes  au  profit  d'un  Russe. 

Il  n'y  avait,  à  toutes  ces  violences,  d'autre  terme  pratique  qu'un 
conflit  avec  la  Russie  ;  mais  comme  le  Foreign-Office  ne  se  sentait 
pas  en  Europe  un  appui,  ne  le  recherchait  pas,  les  passions  se 
calmèrent  et  le  gouvernement  déclara  que,  tout  bien  considéré,  les 
intérêts  et  les  droits  commerciaux  de  l'Angleterre  n'avaient  pas  été 
lésés. 

Lord  Salisbury  ledit  au  Conseil  de  la  Reine  ;  MM.  Chamberlain  et 
Ba  four  à  leurs  électeurs  : 

«  L'Angleterre  n'a  en  Chine,  dit  ce  diTnier.  que  des  intérêts  com- 


«  merciaux  et  non  des  intérêts  territoriaux  ;  nous  no  désirons  aucun 

«  territoire  en  Chine,  à  l'exception  des  points  stratégiques  nécessaires  ; 

«  nous  ne  désirons  pas  le  fardeau  d'une  nouvelle  colonie  des  Indes. 

«  Nos  responsabilités  en  Asie  sont  déjà  assez  grandes,  nous  ne  devons 

«  pas  désirer  obtenir  plus  que  le  droit  d'être  traités  à  égal  dans  les 

«  affaires  commerciales ,   droit   qui    nous   est    déjà  assuré   par    les 

«  traités.  » 

Et  de  fait,  toute  crainte   de  lutte  à  main  armée  semble   momenta- 
nément écartée  et   la  question  reportée  sur  le  terrain  commercial. 


A  la  suite  de  chacune  des  interventions  qui  se  sont  multipliées 
durant  la  fin  du  XIX''  siècle,  l'Europe  a,  d'un  côté,  arraché  au  «Fils  du 
Ciel  »  des  avantages  commerciaux  et  des  indemnités  ;  d'un  autre,  elle 
lui  a  offert  le  concours  de  son  industrie  et  de  son  argent  pour  l'exé- 
cution de  grandes  entreprises. 

L'Angleterre,  avons-nous  vu,  est,  sans  contredit,  la  puissance  qui  a 
le  mieux  réussi  à  faire  agréer  ses  services  au  Tsung-li-Yamen  :  elle  a 
donné  ses  ingénieurs,  son  industrie  a  donné  les  matériaux  et  ses 
banques  surtout  ont  prêté  largement  leur  argent  ;  mais,  à  chaque 
nouveau  prêt,  elle  a  pris  une  hypothèque  sur  l'Empire  en  réclamant 
comme  garantie,  de  nouvelles  concessions.  C'est  pour  assurer  à  ses 
nationaux  l'intérêt  de  leur  prêt,  qu'elle  a  organisé,  avec  l'assentiment 
de  l'empereur,  le  service  des  douanes  dirigé  par  sir  Robert  Hart  et 
auquel  elle  vient  de  joindre  le  service  des  postes  impériales  (1896), 
dont  les  bénéfices  constituent  le  plus  clair  des  revenus  de  l'Empire 
chinois. 

Le  soin  jaloux  avec  lequel  l'Europe  défend  ses  intérêts  en  Extrême- 
Orient  avait  fait  intervenir  la  Russie,  la  France  et  l'Allemagne  eu 
1895,  au  moment  de  la  signature  du  traité  sino-japonais,  pour  empêcher 
le  Japon  de  confisquer  la  Chine  à  son  profit.  L'occupation  de  Kiao- 
Tcheou  et  de  Port-Arthur  devait  motiver  une  nouvelle  intervention  de 
l'Angleterre.  En  effet,  les  hommes  d'Etat  anglais  estiment  que  ce  n'est 
pas  trop  de  tout  le  Céleste-Empire  pour  répondre  de  la  solvabilité  de 
leur  débiteur  et  ils  ne  veulent  pas  permettre  à  une  autre  puissance 
d'en  distraire  la  moinch^e  parcelle  ou  d'acquérir  des  droits  qui 
pourraient,  au  moment  de  recueillir  la  succession,  leur  créer  des 
compétitions  gênantes. 


—  20  — 

Or,  la  Chine  a  encore  à  payer  l'indemnité  de  guerre  due  au  Japon. 
Comme  son  minislère  des  finances  ne  dispose  d'aucune  ressource  et  que 
le  crédit  y  est  nul,  force  lui  est  bien  de  recourir  à  l'Europe.  Les  avan- 
tages concédés  à  l'Allemagne  et  à  la  Russie  à  la  fin  de  1897,  n'allaient- 
ils  pas  décider  l'Empereur  à  emprunter  la  forte  somme  à  ces  puissances 
moyennant  l'aliénation  de  quelques  nouvelles  branches  de  l'adminis- 
tration ?  Voilà  ce  qu'il  importait  pour  l'Angleterre  d'éviter  ;  l'emprunt 
devait  être  souscrit  chez  elle,  afin  que  cette  nouvelle  hypothèque 
appartint  à  la  Grande-Bretagne. 

Toutes  les  puissances  firent  leurs  offres  :  en  échange,  l'Allemagne 
réclamait  la  concession  de  voies  ferrées  ;  la  Russie,  la  concession  des 
ports  de  Porf-Arthur  et  de  Talien-Wan  ;  l'Angleterre,  le  droit  de 
prolonger  la  voie  de  Bhâmo  jusqu'au  cœur  de  Yunnam  ;  la  France,  la 
possession  des  territoires  au  nord  du  Tonkin.  Après  de  longues  et 
laborieuses  négociations,  la  diplomatie  anglaise  obtint  pour  son  pays 
l'avantage  de  souscrire  l'emprunt  et  les  concessions  suivantes  : 

1°  Ouverture  des  cours  d'eau  navigables  de  la  Chine,  dans  le  courant 
de  juin  1898,  aus  vapeurs  britanniques  et  autres. 

2^  Engagement  formel  de  la  Chine  de  ne  donner  à  bail,  ni  d'hypo- 
théquer, ni  de  vendre  à  quelque  puissance  que  ce  soit  les  territoires  de 
la  vallée  de  la  région  du  Yan-Kiang. 

3°  Engagement  de  confier  toujours  à  un  Anglais  les  fonctions 
d'inspecteur  général  des  douanes,  tant  que  le  commerce  anglais  avec 
les  ports  de  la  Chine  continuera  à  dépasser  celui  d'une  autre  puissance 
quelconque. 

4"  Ouverture  d'un  nouveau  port  avant  deux  ans,  dans  la  province  de 
Hou-Xam. 

Cette  fois-ci  encore  leForeign-Office  triomphait.  L'Allemagne,  bien 
qu'elle  eut  obtenu  une  part  dans  l'emprunt,  et  la  Russie  ne 
retiraient  pas  de  leur  médiation  armée  de  1895  les  avantages  qu'elles 
avaient  pu  en  espérer.  L'influence  anglaise  à  Pékin  grandissait,  c'en 
était  assez  pour  faire  reprendre  à  ces  négociations  une  tournure 
alarmante  pour  le  repos  de  l'Europe. 

Distancée  par  l'Angleterre,  la  Russie  réclama  comme  compensation 
aux  avantages  concédés  à  sa  rivale,  la  cession  à  bail  de  Port-Arthur 
et,  abandonnant  par  un  accord  intervenu  avec  le  Japon  la  Corée  à  son 
influence,    concentra    toute    son    attention  sur  son  différend    avec 


l'Angleterre.  La  Chine  ayant  cédé,  par  représailles,  l'Angleterre 
demanda  à  occuper  Weï-haï-Weï  que  les  Japonais  venaient  d'évacuer 
après  le  payement  de  l'imclemnité  de  guerre. 

Que  va-t-il  résulter  de  cette  situation  visiblement  tendue  ? 

A  plusieurs  reprises,  l'opinion  publique  anglaise  qui  s'était  déjà 
montrée  si  nettement  hostile  à  la  Russie,  au  moment  de  l'entrée  de 
l'escadre  du  Pacifique  à  Porl-Arlhur,  a  manifesté  son  mécontentement 
de  la  solution,  et  le  gouvernement  n'en  a  pas  caché  son  dépit. 

Mais  en  personne  avisée,  l'Angleterre  ne  risquera  pas  dans  les 
circonstances  présentes  l'aléa  d'une  guerre.  Isolé  en  Europe,  ne  pouvant 
même  plus  compter  sur  le  Japon  que  l'abandon  de  la  Corée  a  rallié 
momentanément  au  parti  russe,  le  Foreign-Office  ne  peut  que  se 
recueillir,  l'occasion  n'étant  décidément  pas  favorable. 

Profitant  de  l'accalmie,  chacun  se  prépare,  pour  la  lutte  à  venir. 

L'Angleterre  renforce  sa  station  navale,  (11  navires  de  combat) 
augmente  ses  moyens  d'action  par  l'occupation  de  Weï-haï-Weï, 
améliore  les  défenses  de  Hong-Kong. 

Le  Japon  perfectionne  son  armée  et  sa  flotte. 

La  Russie  qui  a  enfin  donné  une  base  sérieuse  (1)  à  son  escadre  du 
Pacifique  (8  navires  de  combat),  organise  de  nouvelles  troupes  dans  la 
province  de  l'Amour,  et  l'achèvement  prochain  du  transibérien  en 
facilitant  le  transport  rapide  des  troupes  d'un  bout  à  l'autre  de  l'Empire 
et  leur  réapprovisionnement,  permettra  l'exécution  d'opérations  de 
terre  presque  impossibles  jusqu'à  ce  jour. 

Actuellement,  outre  son  escadre  du  Pacifique,  la  Russie  dispose  en 
Sibérie  d'une  trentaine  de  mille  hommes  répartis  : 

35  bataillons  1/2  d'infanterie. 
37  stonias. 

13  batteries  donnant  un  total  d'environ    70    pièces  (2), 
stationnés  : 


(1)  Depuis  l'occupation  de  Port-Arthur  en  décembre  1897,  les  Russes  y  ont  remisé 
11.000  tonnes  de  charbon,  construit  deux  vastes  enclos  en  planches  près  des  bassins, 
établi  des  buts  de  tir,  armé  des  forts. 

(Dépêche  adressée  de  Pékin  kV Agence  Reuter,  22  mars  1898). 

(2)  Voir  Annexes.  Tableau  II  donnant  la  composition  des  forces  de  terre  entre- 
tenues par  la  Russie  dans  ses  possessions  sibériennes. 


-  28  — 

5.000  avec  16  pièces  dans  le  gouvernement  général  d'Omsk. 
1.900  avec  10  pièces  »  »         d'Irkoust. 

25.000  avec  54  pièces  »  »         de  l'Amour. 

CHAPITRE  III 

Rn- ALITÉ  RUSSE  ET  ANGLAISE  DANS  l'aSIE  CENTRALE 

Ce  furent  les  Portugais  qui  les  premiers  s'établirent  sur  les  côtes  du 
Malabar  et  y  fondèrent  des  établissements  commerciaux.  Bombay,  qui 
avait  été  aussi  occupé  par  eux,  fut  cédé  aux  Anglais  en  1670,  lors  du 
mariage  du  roi  d'Angleterre  Charles  II  avec  l'infante  de  Portugal. 
Le  monopole  du  commerce  et  des  échanges  avec  l'Inde  fut  affermé  par 
le  Roi  à  une  réunion  de  négociants  et  de  marchands,  l'embryon  de  la 
fameuse  «  Compagnie  des  Indes  ».  Quelques  années  plus  tard  Colbert 
créait,  h  l'imitation  de  l'Angleterre  et  de  la  Hollande  une  «  Compagnie 
des  Indes  Orientales  ». 

Les  affaires  des  Compagnies  françaises  ou  anglaises  furent  peu 
brillantes  à  l'origine,  puis  grâce  au  génie  de  Dupleix,  la  France  occupa 
dans  le  courant  du  XVIP  siècle  une  situation  prépondérante  que  les 
traités  de  1748, 1754, 1763  lui  firent  perdre  au  profil  de  l'Angleterre, 
qui  dès  1818  restait  maîtresse  du  Dekkau,  et  par  une  série  de  campagnes 
heureuses,  étendait  son  influence  jusqu'aux  sommets  de  l'Himalaya. 

En  1857  une  terrible  insurrection  mit  en  péril  la  puissance  de  la 
Compagnie  des  Indes  ;  comprenant  la  nécessité  d'un  changement 
radical, le  gouvernement  anglais. par  la  proclamation  du  1"  janvier  1859, 
rattacha  l'Inde  au  gouvernement  central  et  de  ce  jour  la  reine  Victoria 
joignit  à  ses  titres  celui  d'Impératrice  des  Indes. 

Cet  empire  qui,  depuis  1857,  s'est  encore  accru  de  vastes  territoires 
à  l'Est  et  au  Nord-Ouest,  mesure  plus  de  3.000  kilomètres  de  Peschawer 
au  cap  Comorin  et  des  bouches  de  l'Indus  aux  frontières  orientales  de 
la  Birmanie  ;  sa  superficie  (3.600.000  kil.  carrés)  est  égale  à  celle  de 
la  Russie,  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche  réunies;  sa  population 
(253  millions)  égale  celle  de  l'Europe  moins  la  Russie. 

Véritable  mosaïque  de  peuples,  l'Inde  n'est  pas  soumise  aux  mômes 
lois.  Certaines  provinces  (bassin  du  Gange,  Pundjab)  sont  administrées 
directement  par  les  fonctionnaires  anglais  ;  dans  d'autres  les  princes 
indigènes  ont  été  laissés  à  la  tète  du  gouvernement,  mais  en  leur 
adjoignant  des  résidents  chargés  de  les  surveiller  (Rajah   de   NMjam, 


,    —  29  - 

Rapputana )  ;  en  outre  un  certain  nombre  d'Etats  sont  demeurés 

indépendants  (Bouthan,  Nepaul)  et  ne  sont  liés  à  la  Grande-Bretagne 
que  par  des  traités. 


Ce  magnifique  empire  colonial,  la  plus  belle  perle  de  la  couronne 
d'Albion,  est  dans  les  conditions  économiques  actuelles,  indispensable 
à  l'Angleterre,  à  l'industrie  de  laquelle  il  offre  un  marché  de  plus  de 
200  millions  de  consommateurs.  Ces  immenses  territoires  de  l'Hindous- 
tan,  exploités  par  moins  de  cent  mille  négociants  ou  fonctionnaires, 
gardés  par  73.000  soldats  anglais  sont  la  grande  terre  de  produit  d'où 
l'Angleterre  tire  des  richesses  incalculables  et  où  les  manufactures 
anglaises  versent  des  millions  et  des  millions  de  marchandises. 

En  1888,  les  importations  et  les  exportations  réunies  de  l'Inde 
atteignaient  169  millions  de  livres^sterlingdont  : 

92  millions  avec  l'Angleterre. 
18        »        avec  la  Chine. 
8        »        avec  la  France,  etc. 

Les  principales  exploi talions  étaient  : 


Le  coton 

pour 

20        millions. 

L'opium 

» 

10         millions, 

Le  riz 

» 

9  1/4  millions, 

Le  thé 

» 

5        millions, 

L'indigo 

» 

4        millions, 

Le  jute 

» 

7  3/4  millions. 

Les  graines  » 

10        millions. 

Le  café 

» 

1  1/2  million. 

La  laine 

» 

1         million. 

Qu'un  cataclysme  quelconque  fasse  perdre  à  la  Grande-Bretagne  cet 
important  débouché  et  c'en  est  fait  de  sa  puissance  commerciale. 

Jusqu'à  ces  dernières  années,  l'Angleterre  était  demeurée  maîtresse 
du  marché  jaune,  mais  depuis  quelque  temps  la  puissance  moscovite 
sans  cesse  grandissante,  cherche  à  lui  disputer  ce  monopole,  en  même 
temps  qu'à  lui  ravir  la  suprématie  du  monde. 

Les  deux  compétiteurs  avant  de  recourir  à  une  lutte  inévitable,  se 


—  30  - 

préparent,  renforcent  leurs  moyens  d'action  et  perfectionnent  leurs 
armements. 

Mais  dès  à  présent,  ils  ont  entamé  la  lutte  sur  le  terrain  économique. 

Le  principal  élément  de  la  puissance  anglaise  est  son  commerce  ;  c'est 
là  que  la  Russie  cherche  à  l'atteindre.  C'est  dans  ce  but  qu'elle  a  créé 
des  voies  de  communication  terrestres  pour  détourner  les  marchandises 
des  voies  maritimes  anglaises  ;  qu'elle  cherche  à  étendre  son  influence 
sur  les  territoires  convoités  par  l'Angleterre,  pour  l'obliger  à  restreindre 
sa  production  afin  de  forcer  son  industrie  à  une  inaction  qui  amènerait 
sa  ruine  ;  qu'elle  gagne  du  terrain  dans  la  direction  de  l'Inde,  pour 
pouvoir  la  frapper  au  cœur  en  lui  supprimant  le  marché  hindou  au  jour 
du  conflit  armé. 

On  a  beaucoup  discuté  la  question  de  savoir  si  la  Russie  avait  ou 
n'avait  pas  avantage  à  faire  la  conquête  do  l'Inde.  Un  certain  nombre 
d'écrivains  qui  ont  étudié  cette  question  et,  parmi  eux.  quelques  auteurs 
anglais  qui  voudraient  voir  dans  leurs  désirs  des  réalités,  ont  affirmé 
que  la  Russie  n'avait  nullement  l'intention  de  s'emparer  de  l'Inde,  que 
l'industrie  russe  avait  dans  l'Asie  centrale  un  champ  suffisamment  vaste 
à  exploiter,  que  la  possession  de  l'Inde  ne  lui  serait  d'aucune  utilité. 

Cela  est  peut-être  vrai. 

Nous  admettrons,  avec  M.  le  Commandant  Leblond  (1),  que  la  Russie 
ne  tient  pas  à  la  possession  de  l'Inde,  mais  nous  constaterons  que  si 
chaque  jour  elle  s'avance  vers  la  passe  de  Ivhyber,  renforce  son  armée 
du  Turkestan,  organise  des  chemins  de  fer  c'est  que  probablement  elle 
veut,  au  moment  de  la  grande  lutte,  laquelle,  avec  l'envergure  qu'a  fait 
prendre  aux  querelles  européennes  le  besoin  d'expansion  extérieure 
qui  marqu(;  cette  fin  de  siècle,  portera  la  guerre  jusqu'au  cœur  de  l'Asie, 
jtouvoir  frapper  un  grand  coup,  chasser  l'Anglais  de  l'Inde,  priver  son 
industrie  do  son  meilleur  débouclié  et  obliger  la  Grande-Bretagne  à 
mourir  de  pléthore  dans  son  ile. 

La  France  avait  nourri  les  mêmes  plans  aviîc  Napoléon  I"  en  1806. 

L'objectif  principal  de  la  Russie  sera  l'Inde  ;  car  sa  conquête  par  les 
Russes  ou  son  émancipation  sera  la  ruine  de  l'Angleterre. 

Nous  avons  étudié  dans  le  Chai)itre  II,  les  rapports  de  la  Russie  et  do 
l'Angleterre  en  Chine,  essayé  de  retracer  les  efforts  faits  par  la 
première  d(;  ces  puissances,  conformément  à  un  prograramii  adopté. 


(1)  Cours  (]e  Géographie.  Ecole  supérieure  de  guerre,  1893-94. 


-^  31  — 

pour  se  substituer  à  sa  rivale  sur  le  marché  jaune,  et  de  montrer  que 
le  choc  des  deux  colosses  ne  pouvait  pas  avoir  pour  théâtre  principal 
l'Extrême-Orient,  mais  bien  les  confins  de  l'Inde  ;  c'est  à  l'étude  de  ce 
terrain  sur  lequel  se  videra  la  querelle  des  deux  empires,  à  l'état  des 
mesures  prises  par  l'attaque  et  des  dispositions  adoptées  par  la  défense 
qu'est  consacré  ce  troisième  chapitre. 


Entre  la  Sibérie  et  les  régions  riches  du  Syr-Daria  et  de  l'Amou- 
Daria,  où  les  trois  Khanats  de  Khiva,  de  Boukhara  et  de  Kokhan  s'étaient 
partagés  l'ancien  royaume  de  Tamerlan,  se  trouvait  une  steppe  habitée 
par  les  Kirghiz,  dont  le  nom  signifie  nomades;  au  sud  de  l'Oxus  se 
ti'ouvait  une  bande  de  terrain  occupé  par  un  million  et  demi  de 
Turkmènes.  Des  nécessités  de  protection  amenèrent  les  Russes  de 
Sibérie  à  intervenir  chez  les  Kirghiz  dont  la  conquête  ne  fut  ni 
sanglante,  ni  difficile.  Ceux  de  l'Est  se  donnèrent  même  volontairement 
à  la  Russie  pour  échapper  à  la  Chine.  Cela  forma  la  province  de  Serair- 
et-chinsk  ou  pays  des  sept  rivières.  La  guerre  avec  les  Khanats 
devenait  dès  lors  imminente. 

Le  premier  contact  eut  lieu  à  l'Ouest,  de  1839  à  1841 ,  par  Khiva.  Pour 
mettre  fin  aux  incursions  des  gens  du  Khanat  sur  le  territoire  russe, 
le  tzar  décida  l'expédition  Pérowski  qui  échoua  misérablement.  Cela 
se  termina  par  le  traité  de  1842  ménagé  par  les  Anglais  que  le  tzar 
Nicolas  dut  remercier,  A  partir  d'alors  la  Russie  parut  renoncera  toute 
tentative  de  ce  côté.  Elle  se  tourna  vers  le  cours  supérieur  du  Syr- 
Daria  et  le  Khanat  de  Kokan.  En  1853,  le  même  Pérowski  prit 
Ak-Melched  qui  devint  la  ville  russe  de  Pérowski,  puissurvintla  guerre 
de  Crimée  qui  interrompit  momentanément  la  conquête  ;  mais  en  1865, 
en  présence  de  nouveaux  empiétements  des  Russes,  le  Khan  de 
Kokhan  leur  déclara  la  guerre  et  marcha  contre  eux  ave»;-  40.000hommes. 
Il  fut  battu  à  Tchemkent  par  Tchernaïef  qui  ne  disposait  que  de 
900  hommes  et  de  12  canons.  Ce  dernier,  par  une  marche  hardie  de 
150  kilomètres  vers  le  Sud  et  malgré  les  ordres  de  Saint-Pétersbourg, 
se  porta  vers  Taschkend  qu'il  emporta  en  une  journée  avec  des  pertes 
insignifiantes  (1865). 

Aussitôt  après,  le  chancelier  Gortchakoff",  pour  calmer  les  appréhen- 
sions de  l'Angleterre,  publia  un  manifeste  pour  justifier  roccupation 
de  Taschkend,  ajoutant  que  la  Russie  possédait  désormais  un  territoire 
compact  lui  permettant  de  fixer  avec  une  précision  toute  géométrique 


-  32  - 

la  limite  où  elle  devait  s'arrêter.  En  mèine  temps,  Tchernaieff  était 
rappelé  et  remplacé  par  le  gouverneur  général  Kaufmanu  qui  resta  au 
Turkestan  vingt  ans,  jusqu'à  sa  mort.  C'est  à  lui  qu'est  due  la  principale 
œuvre  de  conquête. 

Le  premier  acte  fut  celui  de  la  conquête  de  Samarcande  en  1868. 
Cette  fois  c'est  la  guerre  contre  les  Boukares,  à  la  suite  d'une  décla- 
ration de  guerre  faite  par  l'émir  do  Boukara.  Le  général  Kaufmanu  partit 
de  Taschkend  avec  8.000  hommes  et  s'empara  de  Samarcande  après  un 
siège  do  trois  jours.  Il  y  laissa  ses  malades  et  ses  blessés  et  se  mit 
à  la  poursuite  de  l'armée  Boukhare  qu'il  atteignit  et  battit  à  Saripoul. 
Mais  pendant  ce  temps  les  habitants  de  Samarcande  s'étaient  soulevés 
et  assiégeaient  la  citadelle  où  la  petite  garnison  fît  une  résistance 
désespérée.  Kaufmanu  revenant  à  marches  forcées  dégagea  la  citadelle 
et  pour  punir  les  habitants,  permit  à  ses  soldats  un  pillage  de  trois  jours. 
A  la  suite  de  ces  événements,  l'émir  de  Boukara  signa  avec  les  Russes 
une  paix  qui  n'a  pas  été  troublée  jusqu'à  présent.  Moyennant  une 
indemnité  de  deux  millions  de  roubles,  il  garda  une  indépendance  nomi- 
nale avec  le  titre  d'allié  de  la  Russie.  Près  de  lui  se  trouve  un  résident 
qui  relève  du  gouverneur  général  du  Turkestan.  Toutefois  les  Russes 
gardèrent  les  deux  provinces  de  Samarcande  et  de  Kassi-Koulgane,les 
plus  riches  et  les  plus  importantes  du  royaume.  En  échange  ils 
donnèrent  à  l'émir  deux  provinces  le  Hissar  et  le  Darwas  que  lui 
disputait  le  Khanat  de  Kokhan. 

Désormais  les  Russes  se  trouvaient  en  contact  avec  le  Khanat  de 
Khiva.  L'oasis  de  Khiva,  peuplée  d'un  million  d'habitants,  d'une  surface 
fertile  de  4  millions  d'hectares,  était  le  dernier  refuge  de  la  résistance  à 
toute  influence  européenne;  couverte  au  Nord  par  la  mer  d'Aral, 
protégée  ailleurs  par  sa  ceinture  de  déserts,  cette  région  semblait 
défier  toutes  les  attaques.  Pérowsld  en  avait  fait  la  dure  expérience. 
La  campagne  fut  pourtant  reprise  en  1873. 

Trois  colonnes  partirent  d'Orenbourg,  de  Taschkend,  deKrasnovodsk, 
la  première  sous  Yierefkine.  la  deuxième  sous  Kaufmanu,  la  troisième 
sous  Markosoff.  Cette  dernière  rencontra  d'insurmontables  obstacles 
par  suite  du  manque  d'eau  et  ne  put  franchir  la  ceinture  du  désert. 
Celle  de  Vierefkine  fut  également  fortement  éprouvée  par  le  froid, 
mais  parvint  cependant  devant  Khiva  dont  elle  commença  le  siège. 
Elle  n'eut  pas  à  l'achever,  grâce  au  succès  de  la  colonne  Kaufmann. 
Lui  aussi  avait  eu  à  surmonter  les  terribles  difficultés  que  lui  opposait 
le  désert  ;  sur  10.000  chameaux  il  en  avait  perdu  8.800.  il  avait  eu  à 


•—  33  — 

combattre  rarinée  khivienne  et  l'avait  dispersée  malgré  l'impétuosité 
de  son  attaque.  Le  14  juin  le  Khan  de  Khiva  avait  fait  sa  soumission. 
Le  pays  fut  soumis  à  un  étroit  protectorat  ;  en  1875  le  Khan  offrit  môme 
de  vendre  son  rovaume  à  la  Russie  qui  refusa. 

Restait  maintenant  la  partie  indépendante  du  Khanat  de  Kokhan. 
Des  discordes  intestines  avaient  plongé  le  pays- dans  Fanarchie  et  de 
fréquentes  incursions  de  tribus  pillardes  avaient  lieu  sur  le  territoire 
russe.  Kaufraann  résolut  d'en  finir.  A  la  fin  de  1875  il  envahit  le  pays, 
aidé  de  Skobeleff,  il  battit  aisément  les  hordes  barbares  et  détrôna  le 
Khan  qui  fui  interné  en  Russie.  La  totalité  du  Khanat  fut  ainsi 
constituée  en  province  russe  sous  le  nom  de  Ferganah  et  fut  placée  sous 
les  ordres  du  général  qui  réside  au  Nouveau  Margellan,  ville  construite 
par  les  Russes,  à  15  kilomètres  au  sud  de  celle  du  même  nom. 

Les  Russes  venaient  maintenant  se  heurter  à  la  longue  bande  méri- 
dionale occupée  par  les  Turkmènes  ou  Tekès,  vaguement  vassaux  de 
Khiva . 

Cette  conquête  présenta  de  grandes  difficultés.  En  1876  le  général 
Lomakine  dirigea  deux  expéditions  contre  les  Tekès.  Elles  échouèrent 
piteusement  devant  Géok-Tepé.  C'était,  dans  toute  la  steppe,  la  mise  en 
discussion  de  l'invulnérabilité  russe,  Il  fallait  frapper  un  coup  décisif: 
le  tzar  envoya  Skobeleff.  Ce  dernier  constata  que  la  première  diffi- 
culté venait  du  manque  de  communications.  Il  prit  pour  auxiliaire  le 
général  Annenkoff  qui  commença  la  construction  du  Transcaspien  et 
poussa  la  ligne  jusqu'à  Kizil-Arvat  de  façon  à  établir  un  dépôt  de  vivres 
et  de  munitions  entre  Géok-Tepé  et  la  Caspienne  :  c'est  alors  que 
Skobeleff  entreprit  le  siège  où  il  fut  puissamment  aidé  par  le  général 
Kouropatkine  (1881).  «  Le  général  Kouropatkine  était  un  auxiliaire 
indispensable  pour  un  chef  dont  la  bouillante  audace  réclamait  parfois 
le  correctif  du  calme  et  de  la  circonspection.  Doués  l'un  et  l'autre  des 
plus  hautes  qualités,  ils  pouvaient  par  la  différence  de  leurs  tempé- 
raments respectifs  équilibrer  les  défauts  de  ces  mêmes  qualités  et 
accomplir  ensemble  les  plus  grandes  choses.  Le  général  Kouropatkine 
dirigeait  les  travaux  techniques  du  siège,  attentif  à  tout  et  ne  pardon- 
nant aucune  faute.  Le  général  Skobeleff  inspirait  au  soldat  une  furie 
endiablée.  Assis  à  l'entrée  de  la  mine,  il  prenait  les  sapeurs  par  la 
parole  et  par  le  geste,  les  embrassant  avec  effusion  et  leur  versant  de 
l'eau-de-vie  s'ils  achevaient  leur  besogne  avant  l'heure  commandée, 
les  insultant  brutalement  devant  toute  l'armée  quand  ils  étaient  en 
retard  ». 


—  34  - 

30.000  Tarkmènes  étaient  dans  la  place,  on  fil  sauter  un  pan  de 
rempart.  Les  Russes  entrèrent  par  la  brèche  et  accomplirent  un 
horrible  massacre  qui  désorganisa  toute  résistance  pour  l'avenir.  Mais 
Skobeleff  n'avait  plus  que  2.000  hommes  fatigués  et  sans  munitions. 
Avant  de  se  retirer  vers  la  Caspienne,  il  poussa  jusqu'à  Askabad  dont 
il  s'empara.  Les  Russes  formèrent  sous  le  nom  de  Transcaspienne  une 
province  rattachée  au  gouvernement  général  tfu  Caucase  et  dont  la 
capitale  fut  Askabad. 

Rien  entendu  les  Anglais  s'étaient  beaucoup  inquiétés  de  ces  progrès. 
Ils  furent  pris  de  cette  maladie  que  le  duc  d'Argyle  appelait  la 
«  mervosité».  Devant  cet  état  d'esprit  le  tzar  Alexandre  s'engagea  à  ne 
pas  occuper  Merw.  Mais  en  1884  profitant  des  embarras  de  l'Angleterre 
en  Egypte,  les  Russes  reprirent  leur  marche  en  avant,  habilement 
travaillée,  Merw  se  rendait  entre  leurs  mains,  et  ils  devenaient  maîtres 
de  Saracks.  à  portée  de  la  frontière  d'Afghanistan. 

{A  suivre). 


COMMUNICATIONS  AUX  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES 


LE  ZUYDERZÉE 


PROJETS     DE     DESSECHEMENT 

Par   M.   le   Docteur   Albert  VERMERSGH, 
Membre  du  Comité  d'Etudes. 


Ce  qui  nous  a  particulièrement  intéressé,  lors  de  notre  dernière 
excursion  en  Hollande,  c'est  sans  contredit  la  promenade  sur  le  Zuy- 
derzée,  dont  l'objectif  était  la  visite  de  l'île  de  Marken. 

Tandis  que  notre  remorqueur  battait  de  ses  flancs  agiles  les  eaux  de 
cette  mer  du  Sud,  nos  regards  se  pei'daiciil  dans  rininieiisité.  Plongé 


.-  ^  — 

dans  nos  réflexions,  nous  songions  au  gigantesque  projet  de  dessèche- 
ment qui  a  tant  passionné  les  esprits  hollandais. 

Aussi ,  dans  le  cours  de  notre  voyage ,  avons-nous  essayé  de 
recueillir,  à  ce  sujet,  quelques  renseignements  d'actualité  ! 

Les  détails  que  nous  avons  l'honneur  de  communiquer  à  la  Société 
de  Géographie  vont  peut-être  paraître  arides.  Nous  serons  récompensé 
néanmoins  s'ils  ont  le  mérite  d'attirer  votre  attention. 

Avant  de  parler  des  projets  de  dessèchement,  nous  nous  voyons 
forcé  de  faire  appel  aux  connaissances  géographiques  et  de  donner 
une  description  très  rapide  du  Zuyderzée. 

Le  Zuyderzée,  la  plus  jeune  des  mers  européennes,  est  une  véritable 
mer  intérieure,  bornée  au  N.  par  un  chapelet  d'îles  :  Tcxel,  Vlieland, 
TerschelUng,  Ameland,  etc.,  etc.,  qui  s'égrène  de  la  pointe  du  Helder 
a.  la  baie  de  Dollart,  baie  formée  par  une  invasion  soudaine  des  eaux 
marines,  et  au  S.  par  une  partie  de  la  province  de  la  Hollande  septen- 
trionale et  par  les  provinces  d'Utrecht  et  de  Gueldre.  Cette  série  non 
discontinue  d'îles,  qui  semble  une  ligne  de  démarcation  de  l'ancien 
rivage  du  pays,  est  reliée  à  la  côte  actuelle  par  des  bancs  de  sable 
découverts  quelquefois  à  marée  descendante. 

Sa  longueur  est  de  150  kilomètres  sur  80  kilomètres  de  largeur. 
Cependant,  entre  la  province  de  la  Hollande  septentrionale  à  En- 
khuysen  et  la  province  de  Frise  à  Stavoren,  la  largeur  est  seulement 
d'une  quinzaine  de  kilomètres ,  à  cause  d'un  étranglement  assez 
marqué. 

Sa  profondeur  n'est  que  de  3  à  6  mètres  en  la  plupart  des  endroits  ; 
elle  est  plus  considérable  au  chenal  qui  conduit  de  la  mer  au  golfe  de 
VY,  sur  lequel  est  bâtie  la  ville  (ï Amsterdam.  La  marée  se  fait  à 
peine  sentir  dans  cette  mer  du  Sud. 

Le  Zuyderzée  est  parsemé  d'îles,  piquant  l'horizon  de  points  noirs, 
bien  connus  des  touristes. 

Nous  ne  mentionnerons  que  celles  situées  dans  le  circuit. 

D'abord  au  N.  l'île  de  Wieringen,  dont  la  population  (3.000  habi- 
tants) se  livre  à  la  pèche  et  à  l'élevage  des  bestiaux  ;  plus  bas  l'îlot 
à'Urk  (2.000  habitants)  a  2  kilomètres  à  peine  de  longueur  ;  et,  à  côté, 
une  île  très  allongée,  l'île  de  Schokland,  s'élevant  à  fleur  d'eau,  très 
marécageuse.  Le  fameux  ouragan  de  1825  en  a  détruit  la  digue,  et  a 
fait  de  nombreuses  victimes.  Les  insulaires  ont  émigré  dans  les  pro- 
vinces de  Drenthe  et  d'Oyer  YsseL  Cette  île  est  maintenant  à  peu  près 
inhabitée.  Enfin  l'île  de  Maî^ken,  dont  nous  avons  foulé  au  mois  de 


—  36  — 


Carte 

du  ZuYDERZÈE  ACTUEL 


—  37  — 

Juillet  dernier  le  sol  argileux  et hospitalier,  a  une  population  de 

1.300  habitants  vivant  exclusivement  de  la  pêche,  et  très  curieux  au 
point  de  vue  du  respect  des  traditions. 

Nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  une  barre  située  à  l'endroit  où 
l'Y  se  joint  au  Zuyderzée,  le  Pampus,  banc  de  sable  qui  rendait  diffi- 
cile autrefois  l'accès  du  port  d'Amsterdam  par  la  voie  du  Zuyderzée. 

L'Y  communique  avec  le  Zuyderzée  par  une  triple  écluse  dont  les 
gardiens  n'entr'ouvent  les  portes  formidables  que  pour  un  nombre 
respectable  de  bateaux,  ce  qui  fait  que  quelques-uns  restent  longtemps 
en  panne.  Lors  de  notre  passage ,  nous  avons  pu  compter  une  dizaine 
de  grands  bateaux,  sans  les  yachts  et  les  canots  de  promenade. 

Citons  eniîn  pour  mémoire  les  principales  villes  du  Zuyderzée  : 
Brock ,  Monnikendam,  très  originales  et  très  visitées  ;  Edam  et 
Hoorn,  les  métropoles  du  fromage  ;  Enkhuysen  et  Stavoî^en,  villes 
mortes  ou  endormies  sur  le  bord  du  grand  golfe;  Hindelopen  et 
Workum,  villes  excessivement  pittoresques  de  la  Frise. 

Il  était  nécessaire  de  faire  cette  petite  réminiscence  géographique 
avant  d'aborder  l'histoire  du  Zuyderzée  et  la  question  du  dessè- 
chement. 

Nous  savons  tous  que  le  golfe  du  Zuyderzée  est  de  formation  récente, 
due  probablement  à  rirruptiou  de  l'Océan,  qui,  en  1287,  brisa  les 
digues  et  submergea  toutes  les  parties  basses  du  territoire.  C'est  de 
cette  inondation  que  datent  la  forme  et  l'étendue  actuelle  du  Zuy- 
derzée. Avant  ce  cataclysme,  une  terre  ferme  reliait  la  Frise  à  la 
Hollande  septentrionale.  Une  carte  dressée,  du  reste,  en  1584,  par 
Abraham  Ortelius  en  fait  foi. 

En  1205,  l'île  de  Wieringen  faisait  encore  partie  du  continent, 
d'après  des  documents  manuscrits  émanant  des  habitants  des  provinces 
voisines;  mais  la  mer  continua  sou  action  dévastatrice.  A  la  suite 
d'inondations  successives,  les  digues,  atteignant  jusqu'à  10  mètres  de 
hauteur  et  solidifiées  par  les  plantations  de  genêts  et  de  bruyères, 
vinrent  à  se  rompre  sous  la  force  de  l'élément  destructeur,  et  cette  île 
fut  complètement  séparée  de  la  terre  vers  1251. 

Les  autres  îles  ont  la  même  histoire. 

Ce  golfe  occupe  donc  la  place  d'une  contrée  jadis  populeuse  et 
florissante,  entrecoupée  de  lacs,  dont  le  principal  est  le  Vlieland  (le 
Flevo,  d'après  Tacite). 

L'idée  de  reprendre  à  la  mer  ces  terrains  usurpés  et  ravagés  devait 
éclore  un  jour  dans  le  cerveau  des  Hollandais. 


-  38  - 

Habitués  à  lutter  contre  TOcéan  depuis  dix  siècles  et  d'une  façon 
incessante,  «  non  pour  l'art  et  le  plaisir,  mais  pour  la  vie,  »  ils  veulent 
faire  pour  le  Zuyderzée  ce  qu'ils  ont  fait  pour  la  mer  de  Haarlem. 
Hardis  et  travailleurs,  ils  ne  reculent  devant  aucun  sacrifice. 

Les  18.000  hectares  conquis  sur  la  mer  de  Haarlem,  aujourd'hui  en 
culture  et  dont  le  dessèchement  (1845-1855)  a  coûté  20  millions,  sont 
une  preuve  de  leur  opiniâtreté.  Les  Hollandais  d'aujourd'hui  calquent 
leur  énergie  sur  ceux  de  1840  ;  à  force  de  patience  et  de  travail,  cette 
race  laborieuse,  imitant  nos  pionniers  africains  en  train  de  conquérir 
quelques  hectares  dans  le  désert,  dispute  pied  à  pied  son  sol  à  l'Océan 
envahisseur. 

Les  Hollandais  savent  bien  que  la  richesse  de  leur  pays  n'est  pas 
dans  l'agriculture  ;  malgré  cela  leurs  efforts  sont  couronnés  de  succès 
inattendus,  mais  bien  légitimes,  car  depuis  un  demi-siècle  ils  sont 
parvenus  à  fertiliser  380.000  hectares  de  terrain,  lesquels,  vendus  à 
raison  de  1,200  francs  l'hectare,  ont  rapporté  440  millions  de  francs. 

L'entreprise  du  dessèchement,  si  elle  se  réalise  jamais,  atteindra  des 
proportions  colossales  ;  on  devra  couper  par  une  énorme  digue  le 
Zuyderzée  et  ajouter  ainsi  au  royaume  une  douzième  province. 

On  évalue  à  200.000  hectares  la  surface  du  terrain  à  conquérir  et  à 
5  milliards  de  mètres  cubes  le  volume  d'eau  à  expulser  à  l'aide  de 
machines.  D'après  les  calculs  établis,  9.400  chevaux-vapeur,  retirant 
approximativement  4.500  mètres  cubes  d'eau  par  minute,  dessécheront 
le  Zuyderzée  en  trois  ans. 

Plusieurs  plans  de.  dessèchement  partiel  ou  total  ont  été  projetés. 
Ils  sont  au  nombre  de  six  ;  nous  ne  parlerons  que  des  trois  principaux. 

Le  premier,  de  l'ingénieur  Van  Diggelen,  en  1849,  a  été  inspiré  par 
le  rapprochement  même  des  deux  villes  Enkhwjsen  et  Stavoren^  for- 
mant une  saiUie  et  s'avançant  pour  ainsi  dire  l'une  devant  l'autre. 

La  distance  entre  les  deux  rives  étant  seulement  de  15  kilomètres, 
il  semblait  tout  naturel  de  fermer  le  golfe  à  cet  endroit.  On  dut  y 
renoncer.  La  côte  du  Zuyderzée  est  percée  d'embouchures  par  lesquelles 
des  cours  d'eau,  et  le  plus  important  de  tous  YYssel,  se  déversent 
dans  le  golfe.  Que  faire  de  ce  volume  d'eau  ?  L'évacuer  par  un  canal  ? 
C'est  compliquer  le  travail  et  grossir  sensiblement  la  dépense;  les 
Hollandais,  en  gens  pratiques,  ne  désirent  pas  entasser  Pélion  sur 
Ossa.  L'énormité  des  travaux  pro{)Osés  et  la  violence  de  la  mer  ren- 
daient ce  projet  impraticable  ;  il  fut  donc  enterré  pendant  seize  ans. 

Le  second  projet,  qui  n'est  en  somme  que  le  i)remier  modifié,  est 


—  3U  — 

celui  de  M.  Rochussen,  gouverneur  général  des  Indes  néerlandaises. 
Nous  empruntons  ici  quelques  détails  à  une  étude  laite  par  M.  Herelle  : 

^I.  Rocliussen  se  décida  à  tracer  la  digue  depuis  Enkliui/sen  au 
Nord,  jusqu'à  Kampen  au  Sud,  en  laissant  VYf<^cl  au  dehors.  Cette 
digue  aurait  40  kilomètres  de  longueur  avec  50  mètres  de  largeur  à  la 
base.  Le  travail  se  trouverait  facilité  par  un  banc  de  sable  s'étendant 
sans  interruption  d'Enkhuysen  à  Kampen  ;  ce  banc  de  sable  four- 
nirait une  assise  solide  pour  la  grande  digue  qui  est  évidemment  la 
plus  importante  et  la  plus  difficile  des  constructions  à  exécuter  (celle 
du  Helder  n'a  que  10  kilomètres  de  longueur).  Les  ingénieurs  s'esti- 
maient donc  heureux  de  cette  trouvaille  ;  aussitôt  des  sondages  furent 
entrepris,  les  terres  du  golfe  analysées.  Tous  ces  essais  furent  satis- 
faisants. Sur  trois  points,  à  Enkhuysen,  h  Vile  d'Uj'k  et  k  Kampe?i, 
des  doubles  écluses  serviraient  de  communication  avec  la  mer  libre. 
En  un  mot ,  toutes  les  dispositions  furent  prises  pour  procéder  au 
dessèchement,  avec  le  système  des  grands  canaux  maritimes  et  des 
canaux  secondaires  de  décharge  et  de  communication.  Ces  derniers, 
beaucoup  moins  profonds,  tout  en  servant  pour  le  dessèchement, 
seraient  des  voies  de  transport.  C'est,  du  reste,  ce  qui  se  passe  dans 
notre  Flandre;  et  les  membres  de  la  Société  de  Géographie,  dans 
l'excui-sion  du  12  Juin  aux  Dessèchements  des  Marais  du  Nord,  ont  pu 
apprécier  la  valeur  des  voies  de  dessèchement  au  pays  des  Waete- 
ringues  et  des  Moëres  et  remarquer  le  canal  des  Glaises,  le  canal  des 
Moëres,  le  canal  des  Chats  et  le  Zeegracht. 

Tous  ces  travaux  exécutés,  il  serait  de  toute  nécessité  d'assurer 
suffisamment  l'écoulement  des  eaux,  parce  que  la  différence  entre  les 
marées  hautes  et  les  marées  basses  n'est  pas  fort  considérable.  11  fau- 
drait forcément  recourir  aux  machines  pour  maintenir  le  niveau 
inférieur. 

Les  moulins,  dont  on  voit  encore  déployer  les  ailes  le  long  de. 
quelques  canaux,  sont  des  moteurs  fort  économiques  assurément, 
mais  absolument  insuffisants  et  surannés.  En  Hollande,  comme  aux 
Moëres,  ils  sont  encore  utilisés  ;  on  les  laisse  là  comme  des  vestiges 
des  souvenirs  d'autan.  Depuis  le  dessèchement  du  lac  de  Haarlem,  on 
ne  se  sert  plus  que  de  machines  à  vapeur. 

Deux  chemins  de  fer  desserviraient  les  nouveaux  polders  :  le  premier 
suivrait  la  digue  de  Kampen  à  Enkhuysen  ;  le  second  traverserait  les 
polders  perpendiculairement  au  premier. 

Telles  sont  rapidement  esquissées  les  grandes  lignes  de  ce  projet. 


—  40  — 

D'après  les  calculs,  l'œuvre  exigerait  20  ans  de  travail  et  240  mil- 
lions de  francs  ainsi  répartis  :  70  millions  pour  la  grande  digue  ; 
36  millions  pour  accessoires  ;  124  millions  pour  travaux  d'épuisement  ; 
et  10  millions  pour  dépenses  imprévues  et  frais  d'administration.  La 
somme  n'est  pas  exorbitante  ;  la  vente  des  terrains  reconquis  la  cou- 
vrirait eu  partie.  Ainsi  on  a  estimé  que  l'hectare  de  terrain  reviendrait 
en  moyenne  à  1.500  fr.  ou  1.900  fr. 

«  A  ne  regarder,  dit  M.  Hérelle,  que  le  seul  impôt  foncier,  cette 
annexion  pacifique  rapporterait  au  gouvernement  un  revenu  annuel 
de  1.900.000  fr.  Tel  est  le  chiffre  qu'on  obtient  en  prenant  pour  base 
du  calcul  la  moyenne  de  l'imposition  actuelle  qui  est  de  12  francs  par 
hectare.  *■ 

Tout  est  donc  nettement  prévu.  Seulement,  le  Hollandais  est  toujours 
dans  l'expectative  et  il  ne  voit  rien  venir.  Il  aperçoit  bien  le  soleil  qui 
poudroie,  mais  nullement  l'herbe  des  futurs  polders  qui  verdoie,  car 
cette  grande  question  a  été  maintes  fois  agitée  et  étudiée  ;  et,  jusqu'à 
présent,  c'est  le  cas  de  le  dire,  elle  est  souvent  tombée  à  l'eau. 

C'est  ainsi  qu'en  1873,  cet  événement  commençant  à  émouvoir  l'opi- 
nion publique ,  l'énervement  s'empara  des  esprits.  Des  flots  de 
brochures  :  «  Où  en  sommes-nous  avec  le  Zuyderzée  »  inondèrent  les 
rues  de  La  Haye.  Ce  fut  alors  aussi  l'ère  des  controverses  et  des 
critiques  ;  aux  partisans  du  projet,  on  objecta  qu'il  serait  nuisible  au 
pays  de  supprimer  une  mer  intérieure,  que  les  villes  côtières  du  Zuy- 
derzée souffriraient  par  la  disparition  de  leur  port,  etc.,  etc.  Il  ne  fut 
pas  difficile  de  réfuter  ces  arguments.  Ces  villes  pour  lesquelles  le  glas 
funèbre  a  sonné  depuis  longtemps  et  qu'un  auteur  a  surnommées 
«  Villes  mortes  du  Zuyderzée  »  prendront  au  contraire  un  nouvel 
essor.  Elles  renaîtront  à  la  vie  industrielle  par  un  accroissement  pro- 
portionnel de  la  production  et  du  commerce  intérieur.  Ensuite  il  ne 
faut  pas  oublier  que  les  grands  navires  ont  définitivement  déserté  le 
Zuyderzée.  Le  peu  de  profondeur  de  ses  eaux,  les  bas-fonds,  les  bancs 
de  sable  rendent  la  navigation  difficile  et  pleine  de  périls. 

Il  est  bon  également  de  signaler,  à  l'entrée  du  golfe  de  l'Y,  la  barre 
dangereuse  du  Pampus.  Lorsqu'un  gros  bâtiment  veut  passer  par  là, 
il  doit  se  faire  alléger  d'une  partie  de  sa  cargaison,  et  se  faire  remor- 
quer au  moyen  de  bateaux  auxiliaires  appelés  chameaux.  C'est  pour 
obvier  à  ces  inconvénients,  qu'on  a  créé  de  1819  à  1825,  sous  la  direc- 
tion de  l'ingénieur  Blanken ,   le  fameux   canal  du  Nord-Hollande, 


—  41  — 

immense  route  navale  de  85  kilomètres  et  qui  a  coulé  S  millions  de 
florins. 

Le  désir,  mes  chers  collègues,  d'agrandir  la  sphère  de  vos  connais- 
sances géographiques,  vous  convie  naturellement  à  poser  la  même 
question  :  «  Où  en  est-on  avec  le  dessèchement  du  Zuyderzée  ?  » 

Nous  allons  tâcher  d'y  répondre  très  hrièvement,  après  renseigne- 
ments glanés  pendant  notre  voyage. 

L'exécution  matérielle  de  cette  cyclopéenne  entreprise  est  bien 
arrêtée,  les  grandes  lignes  tracées  et  parfaitement  comprises.  De  ce 
côté,  nul  obstacle  sérieux  ne  s'oppose  à  la  réalisation  du  projet  qui 
dort  toujours  d'un  sommeil  léthargique  dans  les  cartons  du  Ministère. 
La  principale  cause  de  ce  temps  d'arrêt  est  la  question  des  crédits 
nécessaires  à  inscrire  au  budget,  et  de  ce  fait  l'exécution  reste  toujours 
remise  aux  calendes  grecques. 

Cependant,  il  est  permis  d'espérer  que,  dans  un  avenir  prochain,  les 
États-Généraux  seront  saisis  du  projet,  grâce  à  l'influence  de  M.  Lely, 
placé  à  la  tête  du  département  des  Travaux  publics  (waterstaat). 

Le  Ministre  des  Travaux  publics  est,  en  eff'et,  un  ingénieur  très 
distingué  qui,  remaniant  les  études  de  ses  prédécesseurs,  a  élaboré 
également  un  projet  de  dessèchement  qui  date  de  1892  et  pour  l'examen 
duquel  une  Commission  a  été  nommée. 

Ce  projet  prévoit  la  construction,  dans  l'espace  de  8  ans,  d'une 
digue  de  barrage  de  30  kilomètres  de  longueur  s'étendant  de  l'écluse 
d'Ewyk  dans  la  Hollande  septentrionale  jusqu'à  Piaam  dans  la  Frise, 
en  passant  par  l'île  de  Wieringen,  où  l'on  installera  une  écluse  puis- 
sante, large  de  300  mètres  et  profonde  de  4  mètres,  qui  permettra 
l'écoulement  libre  des  eaux  versées  par  les  tributaires  du  Zuyderzée 
méridional. 

L'espace  de  352.000  hectares  ainsi  enfermé  sera  desséché  graduel- 
lement, mais  on  laissera  toujours  dans  sa  partie  N.  une  sorte  de  lac 
qu'on  appellera  VYssel-Meer,  vaste  de  120.000  hectares;  celui-ci 
servira  de  régulateur  au  trop-plein  des  apports  charriés  par  les  eaux 
du  golfe,  et  le  déversera  dans  la  mer  par  un  canal  creusé  à  travers 
l'île  de  Wieringen  et  muni  de  cinq  groupes  de  six  écluses  chacun. 
Ouvertes  à  marée  basse,  ces  écluses  permettront  l'écoulement  des 
eaux  intérieures  ;  fermées  à  marée  haute,  elles  arrêteront  l'invasion 
de  la  mer.  Ce  lac  se  transformera  bientôt  en  un  réservoir  d'eau  douce, 
au  besoin  potable  (le  degré  salin  du  Zuyderzée  actuel  est  trois  fois 
moindre  que  celui  de  la  mer  du  Nord). 


—  42  — 


AMSTERDAM 


Projet  Lely 


•-  43  — 

Les  232.000  hectares  qui  restent  seront  desséchés  en  32  ans  et 
transformés  en  4  polders  :  le  premier  de  21.70(3  hectares  ;  le  deuxième 
de  103  000  hectares  ;  le  troisième  de  75.000  hectares  et  le  quatrième 
de  50.300  hectares. 

Le  mouvement  commercial  est  très  actif  à  Amsterdam  ;  son  port  est 
annuellement  visité  par  46.000  voiliers,  jaugeant  plus  de  1.000.000  de 
tonnes  et  par  S. 000  steamers  de  320.000  tonnes  environ.  Pour  ne  pas 
nuire  au  commerce  du  Zuyderzée,  quand  la  grande  digue  sera  achevée, 
de  larges  bras  canalisés  réuniront  le  futur  Yssel-Meer  à  Amsterdam  , 
au  Zwollsche-Diep  et  à  l'Yssel,  et  des  canaux  secondaires  mèneront 
aux  autres  ports  principaux.  Enfin  l'Yssel  sera  réuni  à  la  mer  du  Nord 
par  2  canaux  ;  l'un  commencera  à  Harlingen  et  courra  le  long  de  la 
côte  Frisonne  pour  aboutir  à  la  partie  E.  de  la  grande  digue  ;  l'autre 
traversera  l'île  de  Wieringen. 

Le  coût  de  l'entreprise  est  évalué  à  462  millions  de  francs,  dont 
54  millions  600.000  fr.  pour  la  construction  de  la  digue.  On  calcule 
que  si  le  prix  de  vente  de  1  hectare  est  seulement  de  2,165  francs,  soit 
deux  fois  moins  que  le  prix  de  1  hectare  du  polder  de  l'Y,  tous  ces 
frais  seront  récupérés  à  la  fin  des  travaux. 

Tout  porte  à  croire,  qu'en  qualité  de  Ministre,  M.  Lely  tiendra  à 
obtenir  du  Parlement  l'accomplissement  de  ce  gigantesque  travail.  Sa 
compétence  et  sa  prépondérance  sont  deux  facteurs  puissants,  qui,  si 
le  projet  s'effectue,  feront  honneur  à  l'homme  et  au  pays. 

Cette  question  d'actualité  hollandaise  vous  paraît  étrange  et  à  coup 
sûr  irréalisable.  Lorsqu'on  jette  les  yeux  sur  la  carte  du  Zuyderzée, 
quand  on  parcourt,  comme  les  Géographes  lillois  l'ont  fait  dernière- 
ment, cet  immense  golfe,  on  se  demande  en  effet  comment  on  pourra 
vider  ce  large  bassin  et  endiguer  les  rives  lointaines. 

Le  Hollandais  n'est  pas  embarrassé  pour  si  peu.  Dans  le  genre  de 
constructions  hydrauliques,  il  n'a  pas  son  maître.  Il  sait  dompter  les 
éléments  par  la  hardiesse  de  ses  conceptions  et  l'habileté  de  ses 
moyens. 

Si  vous  avez,  comme  nous,  traversé  le  Hollcnulsh-Diep,  cette  vaste 
nappe  d'eau  de  2.500  mètres  de  largeur  sur  ce  fameux  pont  du  Moer- 
dijk,  n'avez-vous  pas  été  frappés  d'étonnement  devant  ce  travail  gran- 
diose où  l'ingénieur  Van  Bergh  s'en  est  tiré  à  sa  gloire  ? 

Ce  qui  prouve  que  le  génie  du  Hollandais  est  à  la  hauteur  de  sa 
persévérante  activité  et  le  dessèchement  du  Zuyderzée  sera  pour  ce 
peuple  ingénieux  et  travailleur  une  nouvelle  et  admirable  conquête. 


Elles  sont  donc  appelées  à  disparaître  ces  îles  si  originales  du  Zuy- 
derzée.  Si  vous  aimez,  mes  cliers  collègues,  le  culte  des  vieilles  tradi- 
tions, hâtez-vous  de  visiter  cette  île  de  Marken,  aux  mœurs  étranges, 
aux  coutumes  bizarres ,  dont  les  habitants  ne  quittent  jamais  leur 
foyer  et  qui  ne  connaissent  rien  au  monde  que  leur  île.  Ce  serait 
peut-être  les  plus  à  plaindre,  ces  pauvres  insulaires,  quand  les  coups 
de  pioche  de  la  civilisation  moderne  viendront  ébranler  leur  thébaïde 
et  leur  ouvrir  un  monde  nouveau. 

En  attendant  les  ordres  du  Ministre  et  le  dernier  mot  de  leur  des- 
tinée ,  ils  font  le  charme  des  voyageurs  qui  n'oublient  jamais  le 
Zuyderzée  à  cause  d'eux. 


DESCRIPTION 
TOPOGRAPHIQUE,    HISTORIQUE   &   ÉCONOMIQUE 

DE    L'OISANS 


Le  pays  de  l'Oisans  est  remarquable  par  sa  magnificence  sauvage , 
par  ses  montagnes  élevées ,  ses  gorges  profondes.  11  est  limité  en 
largeur  par  les  crêtes  de  deux  chaînes  des  Alpes  qui  forment  sa  vallée 
principale  arrosée  par  la  Romanche. 

En  longueur,  le  territoire  d'Oisans  commence  à  La  Grave,  dans  les 
Hautes- Alpes  et  se  termine  près  de  Vizille,  où  la  vallée  commence  à 
s'élargir.  Il  est  borné  au  Nord  par  les  cantons  de  Domône  et  d'Alle- 
vard  ;  à  l'Est  par  les  montagnes  de  la  Savoie  et  le  canton  de  La  Grave 
(Hautes- Alpes;,  et  à  l'Ouest  par  les  cantons  de  Valbonnais  et  de  Yizille. 

«  Y\i  dans  son  ensemble,  dit  M.  Roussillon  {Guide  du  Voyageur 
«  dans  rOisans) ,  le  pays  d'Oisans  se  présente  comme  une  surface 
«  onduleuse  de  monts  et  de  collines  superposés  en  étages,  divisés  par 
«  des  évascments  ou  des  intersections  profondes  qui  aboutissent  à  un 
«  évasemeut  central  plus  considérable  et  surmonté  presque  de  tous 


«  côtés  par  le  colossal  rempart  de  ses  chaînes.  Les  sommités  se 
«  terminent  en  pics  aériens,  en  pyramides  superbes,  en  crêtes  gigan- 
«  tesques,  formées  de  rocs  arides  ou  recouvertes  do  glaces.  A  cette 
«  zone  stérile  et  glacée  succède  la  végétation  naturelle  ,  d'abord  faible 
«  et  éphémère,  puis  brillante  et  vigoureuse,  étalant  au  loin  de  la  ver- 
«  dure  et  des  forêts  entrecoupées  par  des  roches  décharnées  qui  en 
«  font  ressortir  l'éclat.  Sur  un  degré  inférieur,  des  terrains  cultivés 
«  annoncent  l'homme  et  son  activité  ;  des  hameaux ,  des  villages 
«  indiquent  sa  demeure,  tantôt  élevée  comme  lès  cultures  et  bravant 
«  comme  elles  la  rigueur  du  climat,  tantôt  abritée  ou  descendant  avec 
«  elles  vers  une  température  plus  douce.  Puis  au  pied  des  monts,  on 
«  voit  des  gorges,  des  vallons  serpenter  en  s'inclinant  vers  une  vallée 
«  principale,  apportant  chacun  son  torrent  à  la  Romanche.  » 

Sur  la  rive  droite  de  cette  rivière,  vers  les  confins  de  la  Savoie  et 
des  Hautes-Alpes,  se  trouve  un  groupe  de  montagnes  au  milieu  duquel 
sont  situées  les  communes  escarpées  de  Besse  et  de  Mizoen,  puis  celles 
de  Clavans,  d'Huez  et  de  Vaujany  ;  et,  dans  un  plan  inférieur,  du 
Fréney,  d'Auris,  de  la  Garde  et  du  Villard-Reculas. 

Sur  la  rive  gauche,  au  Sud-Est,  sont  les  trois  communes  du  Mont- 
de-Lans,  de  Venosc  et  de  St-Christophe,  dont  les  montagnes  sont 
couvertes  de  glaciers  d'une  superficie  de  plus  de  quinze  raille  hectares. 
Les  pics  principaux  en  sont  la  Meije  (3.987  m.)  et  la  Barre  des  Ecrins 
(4.105).  Parmi  leurs  glaciers,  on  remarque  ceux  du  Mont-de-Lans,  des 
Élançons,  de  la  Pilatte,  du  Chardon  et  de  la  Muzelle.  A  l'Ouest  du 
Vénéon  commence,  ou  plutôt  se  continue  la  ramification  des  Alpes  qui 
sépare  l'Oisans  du  Valbonnais  et  qui  présente  des  sommets  très  élevés, 
notamment  le  pic  d'Olan,  la  roche  de  la  Muzelle  et  la  montagne  du 
Taillefer. 

Le  massif  du  Pelvoux  que  domine  la  Barre  des  Ecrins  est  granitique 
et  se  présente  sous  une  forme  circulaire,  avec  un  diamètre  approxi- 
matif de  deux  myriamètres.  C'est  au  centre  de  ce  cirque  immense  que 
se  trouve  à  1.757  m.  le  hameau  déjà  célèbre  de  la  Bérarde.  Une  fort 
belle  chapelle,  un  chalet-hôtel  et  une  douzaine  de  chaumières  forment 
tout  ce  hameau,  centre  d'importantes  excursions,  au  Nord  par  la 
combe  des  Elançons  vers  la  Grave ,  au  Sud  vers  la  Yallouise  et  le 
Valgodemar  par  la  combe  de  la  Pilatte.  L'affluence  des  touristes  a  fait 
trouver  un  peu  partout  sur  ces  hauteurs  des  paysages  suspendus  aux 
roches  et  aux  glaces,  oîi  la  force  et  l'adresse  des  guides  montagnards 
ont  su  protéger  jusqu'à  présent  la  vie  du  voyageur. 


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La  montagne  des  Grandes-Rousses,  quoique  moins  fréquentée  que 
le  Pelvoux,  ne  manque  pas  d'intérêt.  Située  à  l'Est  du  Bourg  d'Oisans, 
au-dessus  de  la  commune  d'Huez,  elle  se  présente  avec  un  aspect 
imposant  de  cimes  aiguës  couvertes  de  neiges  et  de  glaces  ;  son  point 
le  plus  élevé  est  de  3.-473  m.  au-dessus  de  la  mer. 

Les  deux  chaînes  des  Grandes  et  des  Petites-Rousses  sont  coupées 
par  un  grand  nombre  de  filous  de  baryte  sulfatée  et  de  quartz  qui  ont 
été  exploités  à  des  époques  fort  anciennes,  pour  le  plonib  sulfuré  et  le 
cuivre  gris  argentifère  qu'ils  contiennent. 

L'Oisans  possède  des  mines  d'or  à  la  Cochelte,  sur  la  commune  de 
Vaujany,  puis  au-dessus  d'Auris  (ce  nom  rappelle  le  précieux  métal) 
et  enfin  dans  la  montagne  de  la  Gardette,  sur  la  commune  de  Yillard- 
Notre-Dame.  Cette  dernière  est  la  i)lus  abondante  ;  elle  a  été  exploitée 
^  plusieurs  reprises  et  l'est  encore  aujourd'liui,  mais  les  recettes  n'ont 
jamais  été  en  rapport  avec  les  difficultés  de  l'exploitation.  Les  mines 
d'argent  des  Chalanches,  situées  sur  la  commune  d'Allemont,  exploi- 
tées à  diverses  reprises  sont  les  seules  de  l'Oisans  qui  aient  donné  des 
produits  excédant  les  dépenses. 

Cours  de  i.a  Romanche  et  de  ses  .affluents. 

La  Romanche  prend  sa  source  derrière  la  Meije  dans  les  Hautes- 
Alpes  ;  elle  entre  dans  l'Oisans  par  la  gorge  de  Malaval  en  allant  de 
l'Est  à  l'Ouest.  Ses  premiers  affluents  sont  le  Rif-Tord  et  le  Ferrand 
qui  descendent  des  parties  élevées  do  Mizoen,  Besse  et  Clavaus.  Dans 
cette  partie  de  son  cours,  mais  sur  la  rive  gauche,  la  Romanche  reçoit 
le  ruisseau  du  Mont-de-Lans  et  plusbasle  Yénéon,  le  plus  considérable 
de  ses  affluents.  Ce  torrent  est  formé  de  sept  branches  venant  de  la 
combe  des  Étauçons  et  de  la  Bonne-Pierre  à  l'Est  de  la  Bérarde,  de 
celle  de  la  Pilatte,  de  la  montagne  de  Clot-Chatel,  des  glaciers  de  la 
Lavey  au  Sud  et  de  ceux  de  la  Selle  au  Nord  de  St-Christophe.  Le 
Vénéon ,  après  avoir  traversé  cette  dernière  commune  et  celle  de 
Venosc,  se  jette  dans  la  Romanche  un  peu  au-dessus  de  Bourg- 
d'Oisans. 

A  ce  point  de  son  cours,  la  Romanche  se  dirige  vers  le  Nord  à 
travers  la  plaine  du  Bourg-d'Oisaus  ;  vers  le  milieu  de  celle  plaine 
elle  reçoit,  toujours  sur  la  rivt)  gauclie,  le  ruisseau  de  la  Lignare  qui 
prend  naissance  dans  les  montagnes  du  col  d'Ornon.  Sur  sa  rive 
droite,  en  face  du  Bourg-d'Oisans,  la  Romanche  reçoit  le  ruisseau  de 


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la  Sarcue  qui  descend  des  Grandes-Rousses.  Enfin  le  ruisseau  de  l'Eau- 
d'Ollc,  qui  prend  sa  source  dans  la  Savoie,  se  dirige  du  côté  du 
Rivier-d'Allemont,  et  vient  se  jeter  dans  la  Romanche  à  l'extréniité  au 
Nord  de  la  plaine  du  Bourg-d'Oisans.  A  cet  endroit,  la  Romanche 
prend  sa  direction  vers  l'Ouest  dans  les  gorges  de  Livet  et ,  sortant 
par  là  de  l'Oisans,  elle  se  jette  dans  le  Drac  au-dessous  de  Vizille. 

L'OlSANS   AU   POINT   DE   VUE    HISTORIQUE. 

L'invasion  romaine  en  marche  vers  la  Gaule  rencontra  une  vive 
résistance  de  la  part  des  Ucœni,  habitants  de  l'Oisans  (César,  1.  1, 
cap.  10).  Une  dernière  bataille  leur  fut  livrée  sur  le  plateau  du  Mont- 
de-Lans,  et  là,  malgré  de  valeureux  efforts,  ils  furent  vaincus  et  soumis. 
On  voit  encore  en  ce  lieu  l'arc  triomphal  taillé  dans  le  roc  par  les 
Romains  et  qui  signifiait  de  la  part  des  vainqueurs  l'importance  du 
pays  conquis  et  le  prix  qu'avait  dû  leur  coûter  la  victoire. 

Les  nombreuses  populations  de  ces  montagnes  eurent  cependant 
peu  à  souffrir  de  cette  invasion  ;  les  Romains  se  bornant  à  l'exploitation 
des  richesses  minérales  du  pays.  Il  n'en  fut  pas  ainsi  de  l'invasion  sar- 
rasine  :  «  Après  leur  défaite  par  Charles-Martel,  dit  M.  Jeanne  dans 
«  son  itinéraire  du  Dauphiné,  ces  peuples  se  jetèrent  dans  le  Dauphiné 
■«  et  dans  l'Oisans,  où  ils  s'établirent  en  maîtres.  On  leur  attribue  la 
■«  fondation  de  plusieurs  villages.  Si  l'on  devait  en  croire  les  traditions 
«  légendaires,  leur  calife  Abdul-Zélo  aurait  été  défait  par  le  paladin 
«  Roland.  »  A  la  suite  de  cette  expédition,  affranchi  de  l'oppression 
sarrasine,  l'Oisans  vit  renaître  la  sécurité  au  sein  de  ses  montagnes. 
Par  suite  de  la  chute  du  royaume  de  Bourgogne,  il  avait  passé  avec  la 
province  au  pouvoir  des  Dauphins,  et,  sous  ces  nouveaux  maîtres,  il 
compta  plus  de  jours  heureux  que  sous  leurs  prédécesseurs. 

Bientôt  après ,  l'histoire  locale  mentionne  qu'en  l'année  1181 ,  la 
plaine  du  Bourg-d'Oisans  fut  transformée  en  un  lac  par  les  éboule- 
ments  simultanés  de  la  Voudène  et  de  l'infernet  dans  le  lit  de  la 
Romanche.  Cette  affreuse  situation  dura  près  d'un  demi-siècle,  mais 
la  rupture  occasionnelle  de  cette  digue  en  1219  rendit  au  pays  la  plus 
grande  partie  des  terres  inondées.  Le  Bourg-d'Oisans  ne  dut  son  salut 
qu'à  la  position  élevée  qu'il  occupait  alors  sur  le  coteau  qui  domine  la 
plaine.  11  avait  changé  son  nom  en  celui  de  St-Laurent-du-Lac,  qu'il 
conserva  pendant  plus  de  deux  siècles,  et  ne  reprit  son  nom  primitif 
que  vers  le  XY"  siècle. 


Au  mois  de  juillet  1227,  le  Dauphin  vint  visiter  le  pays,  et  par  un 
acte  public,  il  déclara  tous  les  habitants  présents  et  futurs  de  St-Lau- 
rent-du-Lac  libres  et  affranchis  de  la  taille.  Cet  acte  fut  la  récompense 
de  la  bonne  foi  avec  laquelle  ils  avaient  reconnu  toutes  leurs  rede- 
vances delphinales,  dont  les  titres  avaient  été  détruits  par  les  eaux  ; 
tandis  que  d'autres  feudataires  les  avaient  niées.  Cette  bonne  foi  avait 
valu  la  qualité  de  preux  aux  habitants  de  l'Oisans. 

Les  richesses  minéralogiques  des  montagnes  fixèrent  surtout  l'atten- 
tion des  Dauphins  ;  ils  entreprirent  d'abord,  sur  les  traces  des  exploi- 
tations romaines,  des  travaux  considérables  qu'ils  étendirent  ensuite 
sur  toute  la  contrée....  Les  mines  nombreuses,  objet  de  ces  exploita- 
tions, ainsi  que  d'autres  appartenances  delphinales  de  l'Oisans,  turent 
plus  d'une  fois  l'objet  de  transactions,  d'investitures,  de  donations,  qui 
les  firent  passer  en  des  mains  diverses  ;  l'acte  de  transport  du  Dauphiné 
à  la  couronne  de  France  par  le  Dauphin  Humbert  II  en  1349,  fit  défi- 
nitivement passer  les  unes  et  les  autres  au  domaine  de  l'État.  Malgré 
la  cession  de  ses  Etats,  Humbert  II  n'avait  point  aliéné  son  patrimoine 
particulier  de  l'Oisans;  mais  deux  ans  après  cet  acte,  il  le  légua  à 
Amédée  de  Viennois,  son  fils  naturel.  De  lui  est  issue  l'illustre  famille 
de  Viennois  ,  qui  ne  s'est  éteinte  qu'après  1830 ,  en  la  personne  de 
M™^  la  comtesse  d'Albon,  fille  de  M.  le  marquis  de  Viennois,  dernier 
seigneur  de  ce  nom  dans  l'Oisans. 

«  Sous  la  domination  des  Dauphins  et  après  eux,  aux  XIV®  et 
«  XV®  siècles,  lorsque  la  féodalité  était  dans  toute  sa  vigueur,  l'Oisans 
«  comptait  parmi  ses  habitants  un  certain  nombre  de  petits  seigneurs 
«  possédant,  sauf  l'hommage  au  souverain,  les  plus  grandes  propriétés 
«  territoriales  du  pays. 

»  Toutes  ces  petites  seigneuries  qui,  après  Humbert  H,  relevaient 
«  directement  de  la  Couronne,  eurent  à  reconnaître  pour  leur  suzerain 
«  en  1466  le  comte  de  Longueville,  fils  du  comte  de  Dunois.  Celui-ci 
«  s'étant  marié  avec  Agnès  de  Savoie,  sœur  de  la  reine,  la  future 
«  apporta  en  dot  une  somme  de  40.000  écus  garantie  par  la  remise 
«  que  lui  fit  Louis  XI  des  terres  et  seigneuries  de  la  Mure,  Oisans,  etc., 
«  dont  les  revenus  appartiendraient  au  comte  de  Longueville.  A  la 
«  mort  du  comte,  Charles  VIH,  successeur  de  Louis  XI  et  neveu 
«  d'Agnès  de  Savoie,  voulut  que  sa  tante  jouît  des  fruits  et  revenus 
«  desdites  terres.  Après  cette  princesse,  Charlotte  d'Orléans,  duchesse 
«  de  Nemours,  succéda  à  tous  les  droits  d'Agnès  de  Savoie  sur 
«  l'Oisans,  lesquels  furent  ensuite  acquis  à  la  famille  des  comtes  de 


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«  Vaudemont.  Un  arrêt  rendu  sous  François  P'  en  1549,  réunit  ces 
«  terres  au  domaine  de  la  Couronne.  Elles  en  furent  de  nouveau  déta- 
«  cliées  en  1593  par  une  vente  passée  à  François  de  Bonne,  seigneur 
«  de  Lesdiguières  et  après  lui  eurent  à  reconnaître  pour  seigneur  Louis 
«  de  Neuville,  duc  de  Villeroy. 

«  Pendant  les  guerres  de  religion,  dit  M.  Jeanne,  le  Bourg  d'Oisans 
«  eut  cruellement  à  souffrir.  En  1552,  les  protestants  essayèrent 
«  vainement  de  le  prendre  de  force.  Mais  en  1556,  Lesdiguières  s'en 
«  rendit  maître  et,  pour  en  assurer  la  possession  au  parti  protestant, 
«  il  le  fortifia.  Il  ne  le  garda  toutefois  que  deux  ans.  En  1558 ,  le 
«  capitaine  catholique  de  Maugiron  força  le  Bourg  d'Oisans  à  capi- 
«  tuler.  11  ne  resta  aucune  trace  des  fortifications  élevées  par  les 
«  protestants.  Ceux-ci  d'ailleurs  ont  également  disparu  de  l'Oisans.  » 

Pendant  la  période  révolutionnaire,  plusieurs  saints  prêtres  y  trou- 
vèrent un  asile  et  leurs  vertus  jointes  à  leurs  pieuses  prédications, 
donnèrent  aux  populations  de  ces  montagnes  des  coutumes  religieuses 
qu'elles  ont  assez  bien  conservées  jusqu'à  nos  jours. 

Au  point  de  vue  économique,  l'Oisans  se  trouve  dans  des  conditions 
peu  favorables.  Ses  montagnes  admirées  par  l'étranger  qui  les  par- 
court dans  la  belle  saison  ,  sont  moins  intéressantes  pour  ceux  qui 
les  habitent.  Elles  créent  à  l'homme  une  existence  particulièrement 
laborieuse.  Des  routes  nouvelles  vont,  il  est  vrai,  au  village  principal 
de  presque  toutes  les  communes;  mais,  par  suite  de  la  pente  des 
terrains,  elles  demeurent  à  peu  près  sans  utilité  pour  l'exploitation 
agricole.  Presque  partout  les  céréales  et  les  foins  ne  peuvent  être 
portés  qu'à  dos  de  mulet  et  même,  en  plusieurs  endroits,  l'homme  doit 
apporter  lui-même  de  très  loin  le  brin  d'herbe  qu'il  est  allé  disputer 
aux  rochers  au  péril  de  sa  vie.  —  Toujours  par  suite  des  terrains  en 
pente,  l'agriculture  en  est  réduite  à  des  instruments  primitifs  et  gros- 
siers pour  préparer  des  récoltes  qui  compensent  rarement  les  labeurs 
occasionnés.  Le  seigle,  l'orge,  l'avoine,  quelques  légumes,  sont  à  peu 
près  les  seules  ressources  alimentaires  des  pauvres  liabitants  de  ces 
montagnes.  Cette  pénurie  de  vivres  se  joint  à  la  rigoureuse  tempéra- 
ture hivernale  pour  forcer  à  une  émigration  de  cinq  à  six  mois  par 
année  les  hommes,  les  enfants  même,  dont  les  forces  ne  trouveraient 
pas  à  s'exercer  sur  un  sol  couvert  de  plusieurs  pieds  de  neige.  Des 
plantes  arrachées  à  peu  près  au  hasard  dans  la  montagne,  quelques 
graines  et  arbustes  pris  chez  les  pépiniéristes,  offrent  aux  plus  indus- 


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Irieux  des  moyens  de  commerce  qu'ils  vont  exercer  au  loin  :  Rome  , 
Naples,  Vienne,  Buda-Pesth,  Bucharest,  Odessa,  Moscou,  Stockholm, 
Bruxelles,  Séville,  Madrid,  Smyrne,  Alexandrie  et  même  plusieurs 
villes  d'Amérique  ne  leur  sont  pas  étrangères.  D'autres,  moins  auda- 
cieux, sont  de  vaillants  porte-balles  à  travers  la  France  entière.  Le 
reste  se  condamne  aux  travaux  les  plus  pénibles,  de  quelque  nature 
qu'ils  soient  et  partout  où  ils  se  présentent.  Tous  reviennent  à  la  belle 
saison  payer  le  tribut  de  leurs  affections  à  leurs  familles  et  de  leurs 
bras  à  leur  pays.  Le  peu  d'argent  que  leur  ont  procuré  une  sévère 
économie  et  de  pénibles  privations  est  consacré  à  l'acquisition  de 
quelques  coins  de  champs  chèrement  payés.  Rarement,  ils  embellissent 
leur  demeure  qui,  d'ordinaire,  se  compose  d'une  chambre,  vrai  lieu 
de  débarras  et  de  deux  pièces  au-dessous,  dont  l'une  au  moins  com- 
munique avec  rétable,  amenant  par  là  une  humidité  funeste.  Au  reste, 
de  jolis  coins  de  terre,  une  vaste  grange,  un  certain  nombre  de  bêtes 
à  cornes,  voilà  ce  qu'ils  recherchent  le  plus. 

Au  mois  de  juin,  alors  que  les  travaux  printaniers  cessent  près  des 
villages,  une  partie  de  la  population  s'établit  avec  ses  troupeaux  sur 
les  hautes  montagnes.  Des  chalets,  espèces  de  huttes  dont  les  toits 
appuyés  sur  des  murs  en  pierres  sèches  s'abaissent  presque  jusqu'au 
niveau  du  sol,  abritent  à  la  fois  le  bétail  et  les  gardiens.  Un  foyer  établi 
dans  un  angle  remplit  l'habitation  d'une  fumée  qui  ne  s'échappe  qu'à 
travers  les  joints  de  la  muraille  et  du  toit  ;  un  poteau  de  bois  supporte 
la  chaudière  destinée  à  faire  subir  au  lait  les  différentes  préparations 
qu'il  doit  recevoir. 

Quand  on  se  dirige  vers  les  chalets  les  plus  élevés  où  le  bois  fait 
totalement  défaut,  principalement  ceux  qui  avoisinent  la  Savoie  et  les 
Hautes-Alpes,  on  est  désagréablement  surpris  par  l'odeur  pénétrante 
qui  vous  arrive.  Bientôt  après ,  l'étonnemeut  augmente  de  voir  les 
habitations  tatouées  extérieurement  de  points  noirs  et  multipliés  qui, 
s'agrandissant  à  mesure  qu'on  approche,  peuvent  être  pris  pour  de 
petites  ouvertures  rondes  pratiquées  dans  les  murs.  Plus  près  on 
reconnaît  que  ce  n'est  autre  chose  qu'un  revêtement  noirâtre  et  l'on  se 
demande  l'objet  de  cette  décoration  bizarre.  C'est  tout  siuiplemcnt  de 
la  fiente  de  vache  qui  sèche  pour  entretenir  le  triste  foyer  du  monta- 
gnard ;  et  encore  faut-il  l'eniployor  avec  parcimonie. 

Le  même  dé^faut  de  bois  influe  sur  la  nourriture  des  habitants  de  ces 
contrées.  Ils  cuisent  par  motif  d'économie  leur  provision  de  pain  pour 
tout  l'hiver  et  même  pour  plus  longtemps.  Ces  pains,  dont  le  seigle  est 


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rélément  principal,  ressemblent  assez  pour  la  forme  à  ceux  que  l'on 
distribue  aux  soldats.  On  les  fait  sécher  pour  les  conserver  et  ils 
acquièrent  une  dureté  égale  à  celle  des  biscuits  de  la  marine. 

Les  usages  ne  sont  pas,  bien  entendu,  les  mêmes  dans  tout  l'Oisans  ; 
ils  varient  suivant  les  lieux  où  se  sont  formées  les  diverses  aggloméra- 
tions. Dans  les  parties  moins  élevées  des  montagnes,  il  y  a  des  bois  et 
une  espèce  d'anthracite  qui  sert  de  combustible.  A  partir  de  là ,  et 
surtout  au  bourg  lui-même,  les  mœurs  n'ont  rien  de  bien  excentrique. 

Un  récent  tramway  y  amène  de  nombreux  étrangers,  ce  qui  ne  peut 
être  un  mal  pour  le  commerce  et  le  bien-être  matériel  de  la  contrée. 
Peut-être  aussi  excitera-t-il  quelques  industriels  à  venir  employer  les 
magnifiques  chutes  d'eau  qui,  jusqu'à  présent,  ne  sont  utilisées  que 
pour  une  papeterie,  une  fabrique  de  soie  et  quelques  petits  moulins  de 
campagne. 

Par  l'Abbé  FAURE, 

Curé  de  Venosc. 


EPHEMERIDES  DE  L'ANNÉE  1898 


JUIN. 

i".  —  Indes  françaises.  —  Suppression  des  cipahis. 

3.  —  Santiago.  —  Les  Américains  coulent  le  Merrimac  à  l'entrée  du  chenal  de 
Santiago. 

3.  —  Philippines.  —  L'insurrection  des  Philippines  est  générale  :  Succès  du 
chef  Aguinaldo. 

4.  —  Etat  du  Congo.  —  Les  Derviches  attaquent  Redjaf  et  sont  repoussés. 
6.  —  Grèce.  —  Fin  de  Tévacution  de  la  Thessalie  par  les  Turcs. 

6.  —  Santiago.  —  Premier  débarquement  de  soldats  américains  dans  les 
environs  de  Santiago. 

7.  —  Cuba.  —  Bombardement  de  Gaïmanera  :  Retraite  des  Espagnols. 

9.  —  Ghine.  —  Gonvention  signée  à  Pékin,  L'Impératrice  douairière  reprend  le 
pouvoir  des  mains  de  l'Empereur. 

iO.  —  GuBA.  —  Nouveau  bombardement  de  Santiago  par  la  flotte  de  l'amiral 
Sampson.  —  Les  Américains  occupent  Guanlamano. 
13.  —  Ganada.  —  Mort  à  Montréal  d'Adolphe  Ghapteau,  homme  d'État. 

13.  —  États-Unis.  —  L'armée  américaine  d'invasion  à  Guba  quitte  Key-West. 

14.  —  Soudan  français.  —  Gonvention  entre  la  France  et  l'Angleterre,  signée 
à  Paris,  délimitant  les  possessions  des  deux  pays  dans  la  boucle  et  le  bassin  du 
Niger  jusqu'au  Tchad  et  réglant  le  régime  commercial  de  ces  régions. 


—  52  - 

14.  —  CÔTE  d'Or.  Niger.  —  Convention  franco-anglaise  de  délimitation. 
17.  —  Autriche.  —  Graves  désordres  en  Gallicie. 

22.  —  Antilles.  —  Le   corps    d'armée    du    général    Shafter,    parti    de   Tarapa 
(14  juin),  débarque  à  Baiquiri. 
22.  —  Philippines.  —  Los  Américains  occupent  les  îles  Ladrones  (Mariannes). 

25.  —  Cuba.  —  Sanglant  combat  de  Juragua,  près  de  Santiago. 

26.  —  France.  —  L'explorateur  de  Bonchamps  rentre  à  Paris. 

28.  —  France.  —  M.  Delcassé  est  nommé  Ministre  des  Affaires  étrangères  en 
remplacement  de  M.  Hanotaux. 


•JUILLET. 

1".  —  Cuba.  —  Le  général  Shafter  enlève  les  positions  avancées  de  Santiago 
(1"  juillet)  ;  mais  est  arrêté  par  la  résistance  du  corps  de  la  place  et  se  replie 
(2  juillet). 

1".  —  Congo  belge.  —  On  annonce  une  défaite  des  rebelles. 

3.  —  Côte  d'Ivoire.  —  Le  poste  français  d'Assikasso  est  délivré  après  03  jours 
de  siège. 

3.  —  Italie.  —  Formation  du  cabinet  Pelloux  à  la  suite  de  la  démission  du 
cabinet  de  Rudini. 

5.  —  Santiago.  —  Destruction  de  la  flotte  espagnole  :  l'amiral  Cervera,  pri- 
sonnier. 

4,  —  France.  —  Naufrage  du  transatlantique  La  Bourgogne  :  ÔOO  victimes. 

"5.  —  État  du  Congo.  —  Inauguration  officielle  du  chemin  de  fer  de  Matadi  à 
Dolo. 

6.  —  États-Unis.  —  Le  Sénat  des  États-Unis  vote  l'annexion  des  îles  Hawaï. 

9.  —  Espagne.  —  L'escadre  espagnole  de  Gamara  envoyée  aux  Philippines,  est 
rappelée  et  repasse  le  canal  de  Suez. 

10.  —  OuBANGHi-NiL.  —  La  mission  Marchand,  après  une  pénible  traversée  des 
marais  de  Bahr-el-Ghazal,  arrive  devant  Fachoda  et  s'en  empare  sur  les  Derviches. 

10.  —  Santiago.  —  Les  Espagnols  prennent  l'offensive  à  Santiago. 

14.  —  Cuba.  —  Capitulation  de  Santiago. 

15.  —  Espagne.  —  La  Gaccta  publie  un  décret  suspendant  les  garanties  consti- 
tutionnelles. 

i7,  —  Santiago.  —  Reddition  de  Santiago  aux  Américains.  La  capitulation 
comprend  celle  des  places  à  l'Est  de  Santiago. 

22.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.  Communication  de  M.  Dupont,  de 
Roubaix  :  L'enseignement  commercial  au  XVII^  siècle  en  Allemagne. 

24.  —  Cuba.  —  Les  insurgés  se  révoltent. 

26.  —  Antilles.  —  Le  général  Miles  dél)arquc  dans  le  Sud  de  Puerto-Rico  et 
occupe  Ponce  sans  résistance. 

26.  —  Philippines.  —  L'Espagne  demande  la  paix  par  l'intermédiaire  de  l'am- 
bassadeur de  France  à  Washington. 


.  -  53  — 

27 .  —  Algérie.  —  M.  Laferrière  est  nommé  gouverneur  général  en  remplace- 
ment de  M.  Lépine. 

29.  —  Etats-Unis.  —  Le   cabinet   américain   arrête  les  conditions  de  la  paix 
hispano-américaine. 

30.  —  Allemagne.  —  Mort  de  M.  de  Bismarck. 

30.  — -  Tunisie.  —  Rachat  du  chemin  de  fer  italien  de  la  Goulette. 

30.  —  Philippines.  —  Les  Tagals  se  constituent  en   République   indépendante. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIOUES 


Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


EUROPE. 

Puisse.  —  li'ex.|»oi*tation  coiugsarée  <Icm  articlci^  naauiirac- 
tiirés  depiiiw  18S5.  —  D'après  un  journal  de  Zurich  l'ensemble  des  expor- 
tations suisses  en  1897,  s'élève  en  chiffres  ronds  à  693,170,000  fr.  Celles  des  articles 
manufacturés  est  de  76,3  %  dt^i  total,  soit  de  529,10  millions.  Le  surplus  se  répartit 
presque  également  en  produits  bruts  et  objets  d'alimentation.  La  plus  grande 
partie  des  produits  d'alimentation  exportés  consiste  en  laitages,  en  lait  frais  pour 
une  petite  quantité,  et  pour  le  surplus,  en  fromages,  en  lait  condensé,  etc.  Tous 
ces  produits  sont  encore,  à  vrai  dire,  des  articles  manufacturés,  des  produits  indus- 
triels. Il  faut  en  dire  autant  du  chocolat,  des  pâtes  alimentaires,  des  extraits  de 
viande,  des  conserves  pour  soupes,  etc.,  qui  ne  figurent  pas  cependant  sous  ce 
titre  dans  la  statistique  des  douanes,  mais  comme  objets  d'alimentation.  En  faisant 
de  ce  chef  la  correction  voulue,  la  proportion  des  objets  manufacturés  sur  l'ensemble 
de  l'exportation  suisse  s'élève  en  chiffres  ronds  à  86  %?  résultat  que  n'obtient 
aucun  pays  industriel.  Depuis  1885,  cette  proportion  ne  s'est  guère  modifiée. 

Dans  cet  espace  de  temps,  l'exportation  des  produits  manufacturés  suisses  s'est 
sensiblement  élevée.  Voici  les  chiffres  en  millions  de  francs  : 

18&5 470.51 

1886 484.78 

1887 496.97 

1888 495.97 

1889 527.69 

•  1890 538.07 

1891 511.52 

lb92 492.(38 

1893 48r).72 

1894 464.69 

1895 503.30 

1896 525.78 

1897 529.10 

4* 


liCfi  iiiétlioclest  eoiiiiuerciale»»  alleiuaudes.  —  Eu  parlant  Je  la 

lutte  acharnée  à  laquelle  se  livrent  les  grandes  puissances  sur  le  terrain  écono- 
mique, un  homme  d'Etat  anglais  a  dit  qu'il  s'agissait  moins  de  conquérir  des 
territoires,  que  de  s'emparer  du  commerce.  C'est  en  suivant  ce  principe  que  le 
commerce  et  l'industrie  allemande,  grâce  à  un  plan  de  campagne  et  à  une  méthode 
commerciale  qui  sont  devenus  une  véritable  science,  ont  si  considérablement  étendu 
dans  ces  derniers  temps  leur  champ  d'opérations,  et  qu'ils  portent  actuellement 
leurs  efforts  en  Extrême-Orient.  Cette  méthode  et  ce  plan  de  campagne  viennent 
de  faire  l'objet  d'une  publication  de  l'Anglais  M.  Neader,  parue  dans  la  Biblio- 
thèque universelle,  et  à  laquelle  la  Gazette  de  Cologne  consacre  un  article  de  fond. 

Parmi  les  armes  les  plus  efficaces,  est-il  dit  dans  cette  étude,  dont  dispose  le 
commerce  allemand,  il  faut  citer  les  Sociétés  d'exportation  qui  sont  très  répandues 
dans  le  pays,  et  entre  toutes,  celle  de  Saxe  dont  les  méthodes  de  travail  peuvent 
être  considérées  comme  un  modèle.  Elle  a  été  fondée  en  mai  1885  et,  en  novembre, 
elle  comptait  déjà  200  membres.  Ceux-ci  payent  une  contribution  annuelle  de 
20  marks,  moyennant  quoi  ils  reçoivent  tous  les  documents  publiés  par  la  Société 
et  une  place  d'un  mètre  carré  dans  les  expositions  que  la  Société  organise  chaque 
année  à  Dresde.  Toutefois,  l'effort  principal  de  l'exportation  ne  porte  pas  sur  les 
expositions  ;  il  vise  surtout  l'envoi  sur  les  marchés  étrangers  d'agents  qui  ont  pour 
mission  d'y  faire  pénétrer  les  produits  des  membres  de  l'Union.  Actuellement, 
celle-ci  a  des  représentants  fixes  et  des  voyageurs  en  Afrique,  en  Bulgarie,  au 
Caucase,  au  Canada,  dans  l'Amérique  du  Sud,  en  Algérie,  etc.,  et  on  peut  dire 
qu'il  n'est  pas  un  coin  du  monde  oii  on  ne  puisse  les  rencontrer.  Il  ne  faudrait 
cependant  pas  croire  qu'on  leur  a  assigné  des  destinations  prises  au  hasard  dans 
une  carte  géographique.  Tout  d'abord  la  Société  fait  étudier  les  territoires  oii  il 
s'agit  de  renouer  des  relations  commerciales  :  dans  ce  but,  elle  a  dépensé  de  1886 
à  1895,  380,000  marks.  Le  premier  de  ces  voyages  d'exploration  a  eu  pour  objet 
l'étude  commerciale  approfondie  -  du  Venezuela,  de  l'Equateur,  du  Pérou,  delà 
Bolivie,  du  Chili  ;  le  second,  l'Europe  orientale  ;  le  troisième,  le  Mexique,  le 
Canada,  l'Inde  occidentale,  Cuba  ;  le  quatrième,  le  Japon  ;  le  cinquième,  l'Afrique. 

A  Berlin  fonctionne  toute  une  série  de  Sociétés  pour  le  développement  du 
commerce  d'exportation  ;  entre  autres,  la  Société  centrale  pour  la  géographie 
commerciale  et  le  développement  des  intérêts  allemands  à  l'étranger  (Centralverein 
fur  Handels-Géographie  und  Forderung  deutscher  Interessen  im  Auslande).  Insti- 
tution mi-politique,  mi-scientifique,  ce  cercle  est  en  relation  avec  deux  organes 
importants  :  VExportbank  et  VExportblatt  :  banque  et  journal  d'exportation).  Plus 
importante  encore  est  l'association  coloniale  allemande  (der  deutsche  Colomal- 
verein)  qui  compte  2.50  agents,  la  plupart  occupés  à  Anvers,  Bruxelles,  Londres  et 
Tokio,  et  à  l'initiative  desquels  on  doit  une  masse  de  collections  de  produits  colo- 
niaux destinés  aux  musées  et  aux  dépôts  de  marchandises.  L'association  des 
négociants  et  industriels  de  Berlin  (Verein  Berliner  Kauflente  und  industrieller) 
joue  également  un  rôle  très  important,  grâce  à  son  bureau  de  renseignements  et  à 
ses  succursales  dans  un  grand  nombre  de  villes  étrangères.  Un  autre  organe  consi- 
dérable est  le  Verein  fur  ini ernationale  Markte  (Société  pour  les  marchés  inter- 
nationaux) qui,  deux  fois  par  an,  au  printemps  et  en  automne,  tient  de  grandes 
foires  à  Berlin,  auxquelles  sont  annexées  des  expositions  d'échantillons,  qui  attirent 
surtout  de  nombreux  visiteurs  russes. 

Comme  on  le  voit,  c'est  le  principe  de  l'association,  de  la  solidarité,  de  la  com- 
munauté d'intérêts  qui  est  le  grand  levier  de  la  puissance  commerciale  allemande. 
Il  ne  sert  de  rien,  comme  le  dit  très  bien  l'article  que  j'analyse,  que  le  fabricant 
agisse  isolément  pour  son  propre  compte  et  que,  en  lui  supposant  même  les  plus 


.-  55  - 

grandes  capacités,  il  lance  ses  produits  dans  le  monde,  au  petit  bonheur.  La  latte 
est  si  âpre  aujourd'hui  que  ce  ne  sont  pas  des  tirailleurs  isolés  qui  remporteront  la 
victoire  ;  le  champ  de  bataille  est,  d'autre  part,  si  étendu,  que  les  regards  d'un 
homme  seul  ne  peuvent  l'embrasser.  Conséquence  :  bataille  en  rangs  serrés  ;  troupe 
de  reconnaissance  à  l'avant  et  direction  générale  de  la  marche  du  combat,  telle  est 
la  seule  tactique  possible.  Mais,  poursuit  l'auteur,  ni  le  zèle,  Fintelligence  et  la 
capacité  déployés  pour  s'ouvrir  de  nouveaux  débouchés  et  se  plier  au  goût  des 
clients  à  conquérir  ;  ni  les  réclames,  ni  les  Sociétés  d'exportations,  n'auraient  porté 
l'Allemagne  au  but  qu'elle  a  atteint,  si  elle  n'avait  possédé  dans  son  port  de 
Hambourg  un  point  de  départ  de  premier  ordre  pour  son  commerce  d'exportation. 
La  vieille  ville  hanséatique,  avec  son  commerce  mondial  cimenté  par  des  siècles, 
avec  ses  colonies  marchandes  dans  tous  les  pays,  avec  ses  voies  de  communication 
intérieures  et  extérieures,  est  devenue  le  point  de  concentration  naturel  des 
produits  du  dehors,  la  base  essentielle  des  opérations  ultérieures  du  commerce 
d'exportation. 

Avant  que  l'Allemagne  possédât  de  bonnes  routes  commerciales  à  l'intérieur, 
Hambourg  rayonnait  déjà  sur  tout  le  globe  par  ses  lignes  de  navigation.  Et  lorsque 
l'industrie  se  fut  développée  au  point  de  dépasser  les  besoins  du  marché  intérieur, 
c'est  par  Hambourg  qu'elle  est  allée  chercher  des  clients  étrangers. 

Hambourg  doit  sa  grande  importance  de  place  d'exportation  au  fait  qu'elle  est  le 
siège  du  commerce  intermédiaire.  Les  fabricants,  en  Europe,  ont  coutume  de 
facturer  le  prix  de  leur  marchandise  à  trois  mois,  mais  s'il  s'agit  d'envois  à  desti- 
nation de  l'Amérique  du  Sud,  de  l'Australie,  ou  d'autres  contrées  éloignées,  le 
payement  ne  peut  s'etfectuer  aussi  rapidement,  de  même  que  le  producteur  ne  peut 
se  tenir  en  tout  temps  au  courant  de  la  solvabilité  de  l'acheteur.  C'est  alors  qu'in- 
tervient le  commerce  intermédiaire  représenté  à  Hambourg  par  des  maisons  très 
riches  et  appartenant  à  l'aristocratie  commerciale.  La  plupart  de  leurs  chefs  ont 
passé  leur  jeunesse  dans  les  pays  étrangers  oia,  grâce  à  eux,  plus  tard,  s'est 
implanté  le  commerce  allemand.  Ils  sont  exactement  renseignés  sur  tout  ce  qui 
se  passe  dans  ces  contrées,  et  peuvent  plus  facilement  courir  les  risques  d'une 
entreprise.  Et  ainsi  le  commerce  d'exportation  s'est  trouvé  organisé  de  telle  façon 
que  le  producteur  vend  au  commerçant  intermédiaire,  lequel,  à  son  tour,  place  la 
marchandise  parmi  ses  acheteurs  d'outre-mer. 

Un  autre  rouage  import;\nt  du  commerce  d'exportation  allemand,  est  l'agent 
exportateur  qui  a  également  son  centre  d'opérations  à  Hambourg.  Ces  agents  ont 
des  dépôts  entiers  pleins  d'échantillons  et  de  modèles.  Un  négociant  étranger 
débarque-t-il  à  Hambourg  ?  Il  s'adresse  d'abord  à  son  intermédiaire,  lequel  le 
conduit  chez  son  agent  exportateur  où  l'étranger  peut  choisir  la  marchandise  qui 
lui  plaît.  Il  va  de  soi  que  ces  agents  parlent  5  ou  6  langues.  Ils  jouent  vis-à-vis  de 
leur  maison,  le  même  r^e  que  les  délégués  des  Sociétés  d'exportation  jouent  vis- 
à-vis  de  leurs  membres  et  ils  leur  donnent  des  conseils  et  des  indications  de  toute 
nature.  Le  livre  d'adresses  de  l'exportation  (das  Export-Adressebuch)  ne  donne  pas 
seulement  l'indication  des  maisons  de  commerce  et  des  renseignements  confiden- 
tiels sur  la  solidité  des  maisons  d'outre-mer,  il  contient  aussi  des  informations  sur 
le  caractère  de  la  marchandise  et  le  goût  du  client  :  (par  exemple  sur  la  couleur 
que  doivent  porter  les  marchandises  expédiées  en  Chine  oii  le  noir  et  le  vert  doivent 
être  évités,  ces  nuances  portant  malheur,  aux  yeux  des  habitants  du  Céleste- 
Empire).  Ces  agents  renseignent  aussi  leurs  maisons  sur  les  habitudes  des  négo- 
ciants étrangers,  sur  la  manière  de  correspondre  avec  eux  (par  lettres  écrites  à  la 
machine,  comme  en  Amérique),  sur  les  réclames  à  faire  à  grand  renfort  d'épithètes 
superlatives  (en  Amérique  aussi),  et  sur  les  emballages. 


-  56  - 

Cette  dernière  question  est  importante.  Autrefois  les  Allemands  négligeaient  le 
côté  extérieur  de  leurs  colis  et  de  leurs  produits  et  ils  ont  été  battus  pour  cela  ; 
aujourd'hui,  il  n"en  est  plus  de  même  ;  le  soin  qu'ils  apportent  à  leur  donner  une 
apparence  séduisante  est  une  des  causes  de  leurs  succès.  Enfin,  ces  mêmes  agents 
se  tiennent  aussi  au  courant  par  voie  télégraphique  de  tous  les  événements  qui  se 
produisent  dans  les  villes  où  leurs  maisons  ont  des  intérêts,  que  ces  événements 
touchent  à  la  vie  politique  ou  sociale  ou  qu'ils  aient  un  caractère  artistique  ou 
mondain,  et  ils  se  font  envoyer  les  photographies  des  personnages  et  des  localités 
qu'un  fait  quelconque  met  en  évidence.  C'est  ainsi  qu'on  voit  la  porcelaine,  la 
verrerie,  les  ouvrages  en  cuir,  les  tablettes  en  métal,  les  cendriers,  de  production 
allemande,  porter  les  portraits  du  lion  du  jour  au  Venezuela  ou  d'une  chanteuse 
récemment  fêtée  à  Montevideo. 

Sociétés  d'exportation  d'une  part,  grandes  maisons  de  commerce  intermédiaires 
et  ao-ents  d'exportation,  de  l'autre,  se  prêtent  ainsi  un  concours  réciproque  dans  la 
o-rande  bafciille  commerciale,  et. le  résultat  de  ces  eiforts  communs  se  traduit  par 
un  écoulement  de  plus  en  plus  grand  de  marchandises  sur  tous  les  territoires,  et 
finalement  par  la  conquête  des  marchés,  les  uns  après  les  autres. 

A  ces  causes  de  succès,  à  l'énergie,  à  la  savante  organisation  du  commerce,  à  sa 
capacité  de  se  plier  aux  goûts  des  clients,  à  la  bonne  volonté  avec  laquelle  il  va 
au  devant  de  leurs  désirs,  il  faut  ajouter  les  progrès  considérables  réalisés  par 
l'enseignement  technique,  qui  permettent  à  l'Allemagne  de  soutenir  la  lutte  avec 
les  peuples  où  l'industrie  est  la  plus  ancienne,  notamment  celle  des  produits 
chimiques.  Ici,  la  science  ne  s'isole  pas  dans  les  sphères  d'une  culture  idéale;  elle 
marche  la  main  dans  la  main  avec  l'industrie  et  transforme  à  son  usage  les  décou- 
vertes qu'elle  a  réalisées. 

Sans  doute  l'exposé  qui  précède  n'apprendra  rien  de  nouveau  à  nos  négociants  et 
à  nos  industriels,  les  méthodes  commerciales  allemandes  ont  été  maintes  fois  mises 
sous  leurs  yeux.  Cependant,  il  n'est  pas  inutile  de  leur  rappeler  que  le  moment 
est  venu  de  se  les  approprier.  Déjà  d'autres  peuples  entrent  dans  la  même  voie,  la 
Belgique  notamment,  où  il  vient  de  se  créer  une  fédération  pour  le  développement 
des  entreprises  industrielles  à  l'étranger.  11  est  incontestable  que  les  exportations 
allemandes  s'accroissent  en  partie  à  nos  dépens.  Il  est  incontestable  aussi  que, 
dans  le  relèvement  économique  d'un  peuple,  le  rôle  de  l'État,  si  important  qu'il 
soit,  n'est  que  secondaire.  Le  gouvernement  allemand  fait  moins  de  sacrifices  que 
le  nôtre  pour  son  commerce  et  son  industrie  ;  mais  ici  les  intérêts  particuliers 
savent  se  grouper,  se  défondre,  s'armer  pour  la  lutte.  C'est  l'esprit  d'entreprise  et 
d'association  qui  est  le  plus  important  facteur  du  mouvement  d'expansion  d'un 
peuple. 

E.   PlNSAUD, 

Consul  de  France. 

■jC  coiuiiicrcc  allrniaiitl  ci»  Turquie.  —  11  n'est  pas  aisé  de  déter- 
miner exactement  l'importance  des  envois  de  l'Allemagne  en  Turquie,  le  seul  point 
de  repère  se  trouve  dans  la  statistique  allemande,  mais  celle-ci  n'indique  pas  toutes 
les  marchandises  allemandes  pénétrant  en  Turquie,  attendu  qu'elles  y  parviennent 
dans  bien  des  cas  par  voie  indirecte.  Toutefois  et  sous  cette  réserve,  il  est  possible 
de  constater  que  pendant  les  cinq  dernières  années ,  les  exportations  allemandes  à 
destination  de  la  Turquie  ont  atteint  les  valeurs  suivantes  : 

1893 40.9iil  .000  marks. 

1894 34.384.000    — 


-  57  - 

1895 39.028.000  marks. 

189G 28.021.000    - 

1897 30.921.000    - 

Dans  ces  valeurs  sont  comprises  les  fournitures  allemandes  au  gouvernement 
ottoman,  ainsi  que  les  fournitures  en  matériel  pour  la  construction  des  voies 
ferrées.  Si  l'on  déduit  ces  envois  qui  n'ont  qu'un  caractère  exceptionnel,  du 
mouvement  commercial  proprement  dit,  on  obtient  pour  les  exportations  régulières 
les  données  ci-après  : 

1893 27.811 .000  marks. 

1894 23.483.000    — 

18^ 21.027.000    — 

1896 • 20.486.000    — 

1897 27.339.000    — 

La  reprise  en  1897  est  donc  très  sensible  et  les  négociants  allemands  s'attendent 
à  voir  les  affaires  avec  la  Turquie  se  développer  de  plus  en  plus.  Ils  prétendent 
que  le  commerce  autrichien  et  le  commerce  français  diminuent  dans  l'empire 
ottoman,  que  le  commerce  anglais  y  est  stationnairc.  A  côté  des  progrès  lents  mais 
continus  du  commerce  russe,  ils  estiment  que  seules  l'Italie  et  l'Allemagne  montrent 
aujourd'hui  un  développement  marqué  en  Turquie. 

D'après  le  ffaniburr/ische)-  Correspondent,  c'est  l'industrie  textile  allemande  qui 
remporte  le  plus  de  succès  :  désormais  l'Autriche  serait  distancée  pour  les  coton- 
nades ;  la  France,  pour  les  doublures,  les  velours  de  coton,  les  étoffes  demi-soie 
et  les  soieries  en  déchets  de  soie,  les  peluches,  les  flanelles  lisses,  blanches  et  de 
couleur,  les  étoffes  pour  meubles  imprimées,  les  étoffes  de  robe  à  dessins  en  laine 
pure  ;  la  Belgique  et  l'Angleterre  pour  les  confections  (hommes).  Aussi  ce  journal 
envisage-t-il  sous  les  plus  riantes  couleurs  l'avenir  commercial  de  l'Allemagne  en 
Turquie.  «  Les  chemins  de  fer,  écrit-il,  commencent  à  pénétrer  dans  des  parties 
«  de  l'empire  ottoman  jusqu'ici  presque  inaccessibles  au  commerce  européen;  le 
«  voyage  de  l'empereur,  qui  a  rendu  les  Allemands  si  populaires  en  Turquie,  ne 
«  manquera  pas  de  produire  ses  fruits  et  d'assurer  à  l'Allemagne  une  large  part 
«  dans  le  trafic  futur.  » 

AFRIQUE. 

Algérie.  —  Viuj*.  —  La  récolte  des  vins  en  Algérie,  en  1898,  a  été  excel- 
lente et  supérieure,  comme  qualité  et  quantité,  à  la  moyenne  des  dernières  années. 
Le  département  d'Oran  a  donné  1,. 300, 000  hectolitres  pour  55,000  hectares  de 
vignobles  ;  celui  d'Alger  2,300,000  hectolitres  pour  46,000  hectares,  et  celui  de 
Gonstantine  1,000,000  d'hectolitres  sur  24,000  hectares.  Les  vins  d'Algérie  bien 
fermentes  sont  remarquablement  fruités.  Les  vins  blancs  sont  de  plus  en  plus 
abondants. 

Si  l'on  remonte  à  quelques  années  en  arrière,  on  peut  juger  combien  ont  été 
grands  les  progrès  de  l'Algérie  au  point  de  vue  vinicole.  En  1879,  la  récolte  n'était 
encore  que  de  340,000  hectolitres  et  la  superficie  plantée  de  17,737  hectares.  En 
1886,  la  récolte  s'élève  à  1,667,000  hectolitres,  dépassant  1  million  pour  la  pre- 
mière fois,  et  la  superficie  plantée  s'élève  à  70,049  hectares.  En  1888,  la  récolte 
atteint  2,761,000  hectolitres  pour  103,408  [hectares.  Depuis  cette  époque,  la  pro- 
gression du  vignoble   a  été  beaucoup  plus  lente,  en  raison    de  l'apparition  du 


-  58  - 

phylloxéra,   mais   celui-ci   ayant   pu   être   localisé,   les   ressources   vinicoles   de 
l'Algérie  vont  pouvoir  sa  développer  progressivement. 


!%otre  commoree  avec  le  Maroc.  —  Le  Maroc  est  un  pays  essen- 
tiellement fertile  ;  mais  il  n'est  ni  cultivé  ni  exploité  comme  il  devrait  l'être. 

Pour  le  blé,  par  exemple,  il  pourrait  devenir  un  des  greniers  du  monde  comme 
il  fut  autrefois  celui  de  Rome.  On  calcule  qu'il  serait  capable  de  produire  plus  de 
100  millions  d'hectolitres  et  de  nourrir  40  millions  d'habitants.  Or,  il  n'en  nourrit 
que  8  millions  et  .son  exportation  en  blé,  autorisée  il  y  a  quelques  années  seule- 
ment par  le  sul*an,  est  loin  d'être  considérable.  D'ailleurs ,  le  paysan  marocain 
sème  juste  pour  ses  besoins  et  pour  le  paiement  des  impôts  ;  il  se  sert  encore  des 
charrues  et  des  instruments  aratoires  qu'on  employait  il  y  a  des  siècles. 

C'est  ainsi  qu'à  côté  du  blé,  il  pourrait  récolter,  bien  plus  encore  qu'aujourd'hui, 
de  ces  grains,  comme  le  maïs,  les  fèves,  les  pois,  les  lentilles,  dont  le  Maroc 
exporte  cependant  des  quantités  notables.  11  néglige  la  pomme  de  terre  et  les 
autres  légumes,  la  vigne  elle-même,  qui  ne  demanderait  qu'à  prospérer.  Et  il 
dépeuple  peu  à  peu,  malgré  la  défense  de  l'autorité,  pour  transformer  les  arbres 
en  charbon  de  bois,  les  forêts  jadis  magnifiques,  qui  renferment  encore  nombre 
d'essences  excellentes,  telles  que  le  chêne,  l'acajou,  le  tamarin,  le  santal,  l'or- 
ganier,  dont  les  fruits  ont  un  noyau  qui  fournit  une  huile  précieuse  pour  l'éclairage 
et  les  usages  culinaires.  Il  ne  daigne  même  pas  creuser  les  tourbières  et  les  mines 
de  houille  qui,  sur  beaucoup  de  points,  sont  connues.  A  quoi  bon  d'ailleurs,  puis- 
qu'il ne  pourrait  pas  en  consommer  les  produits  dans  ses  fourneaux  primitifs,  et 
que  les  voies  de  communication  manqueraient  pour  les  transporter  ailleurs  ? 

Ajoutons  que  le  Marocain  ne  prend  aucun  soin  pour  améliorer  ses  races  d'ani- 
maux domestiques,  dont  l'exportation  a  été  longtemps  défendue.  Ces  chevaux  pur 
sang  si  renommés,  dont  l'empereur  fait  parfois  présent  à  un  ambassadeur  ou  à  un 
souverain,  deviennent  de  plus  en  plus  rares.  Quant  à  la  mise  en  valeur  des 
richesses  minérales  de  toutes  sortes  que  renferme  le  sol ,  il  n'en  faut  point 
parler  :  on  crèverait  les  yeux  à  qui  voudrait  s'en  occuper.  La  terre  recèle  même 
des  sources  de  pétrole  dont  on  ne  s'en  inquiète  pas  davantage. 

Et  quelles  pêches  miraculeuses  sur  les  côtes  !  L'alose,  le  rouget,  l'anchois,  la 
sole,  le  maquereau,  le  turbot,  la  sardine,  les  crevettes,  la  langouste,  le  homard, 
le  thon,  outre  les  coquillages  et  les  poissons  spéciaux  à  ces  parages,  s'y  rencontrent 
en  abondance. 

Les  pêcheurs  portugais  connaissent  bien  ces  bons  endroits  :  ils  y  viennent  jeter 
leurs  filets  et  s'en  retournent  vendre  leur  butin,  après  l'avoir  salé,  au  Portugal  et 
en  Espagne.  Les  Italiens  s'efforcent  d'y  aller  aussi.  Pourquoi  ne  les  imiterions- 
nous  pas  ? 

Etudions  maintenant  le  commerce  de  la  France  avec  le  Maroc. 

La  France  importe  du  Maroc,  pour  la  consommation  particulière  de  son  industrie, 
pour  un  peu  plus  de  8  millions  de  francs  (8,.331,r)04  fr.  en  1897).  Les  statistiques  du 
Ministère  du  Commerce  nous  apprennent  que  ces  importations  consistent  en  pro- 
duits naturels  :  peaux  brutes  pour  plus  de  5  millions,  laines  en  masses  pour  près 
de  2  millions,  plantes  médicinales,  caoutchouc  et  gutta-percha,  cire,  résine  et 
cornes  de  bétail. 

Mais  ce  qui  doit  nous  occuper  le  plus,  c'est  le  chapitre  correspondant,  c'est-à- 
dire  celui  de  nos  exportations  au  Maroc.  Or,  le  total  ne  s'en  élève  qu'à  un  peu  plus 
de  5  1/2  millions  (5,536,896  fr.  en  1897).  Sur  ce  chiffre,  les  sucres  raffinés  figurent 


^59- 

à  eux  seuls  pour  plus  do  3  1/2  millions  ;  les  soies  grèges  pour  un  demi-million  ;  les 
tissus  de  soie  pour  316,0r)3  francs  :  les  tissus  de  laine  pour  29(),737  fr.  Ajoutez  pour 
85,000  fr.  de  papier,  carton,  etc.,  pour  80,000  fr.  de  poterie  et  verrerie,  pour 
167,000  fr.  de  produits  médicinaux,  pour  37,000  fr.  d'ouvrages  en  métaux,  avec 
470,000  fr.  de  colis  postaux  et  innombrables  petits  objets  non  dénommés,  c'est  à 
peu  près  tout.  C'est  peu. 

C'est  peu,  car  le  Maroc  reçoit  des  diverses  nations,  Angleterre,  Allemagne,  Bel- 
gique, Suisse,  Espagne,  États-Unis,  bien  d'autres  marchandises  que  nous  lui 
fournissons  :  des  bougies,  des  allumettes,  des  mobiliers,  des  conserves,  dos  armes 
et  do  la  poudre,  de  la  quincaillerie,  do  l'alcool,  de  la  bijouterie,  des  fers,  de  l'acier, 
des  ciments,  de  la  bière,  etc.  Pourquoi  ne  nous  efforçons-nous  pas  davantage,  pour 
ces  articles,  d'étendre  notre  place  sur  le  marché  marocain  ?  Les  Allemands,  eux; 
s'y  livrent  à  une  campagne  commerciale  très  active  ;  ils  veulent  réussir  à  tout  prix 
et  ne  reculent  devant  aucun  sacrifice  ;  ils  vont  dans  l'intérieur  du  pays,  en  rap- 
portent chez  eux  des  modèles  d'instruments  et  d'outils  usuels  dont  ils  font  et 
vendent  avec  avantage  les  reproductions.  Ils  ne  dédaignent  pas  de  fabriquer  en 
Allemagne,  pour  les  expédier  là-bas,  les  objets  les  plus  grossiers,- les  moins  chers, 
qu'ils  obtiennent  du  reste  à  meilleur  compte  que  les  Marocains  chez  eux.  En  outre, 
les  Allemands,  n'hésitent  pas  à  accorder  à  leur  clientèle  marocaine  à  peu  près 
sûre,  des  délais  de  quatre  ou  cinq  mois  pour  le  paiement  de  leurs  factures.  Aussi 
leur  trafic  dans  ces  contrées  a-t-il  beaucoup  progressé  depuis  quelques  années. 

AMÉRIQUE 

États-Unis.  —  CJouséffueuces  commerciales  de  la  guerre 
avec  l'Espag^ue.  —  Cuba  et  Porto-Rico  étaient ,  avec  Hawaï ,  les  seules 
sources  d'approvisionnement  de  sucre  avant  la  guerre  hispano-américaine.  La 
situation  critique  de  Cuba  et  ses  primes  à  l'exportation,  accordées  en  Elurope,  ont 
contribué  à  enlever  aux  Antilles  leur  ancienne  prépondérance,  en  même  temps  que 
les  progrès  de  l'industrie  du  sucre  de  betterave  aux  Etats-Unis  et  le  développe- 
ment de  la  fabrication  du  sucre  de  canne  dans  l'Amérique  du  Sud  ont  joué  un  rôle 
important.  Les  Etats-Unis  qui  vont  englober,  commercialement  du  moins,  Cuba  et 
Porto-Rico,  pourront  donc  désormais  se  passer  totalement  des  autres  pays  pour  le 
sucre.  Il  en  sera  de  même  bientôt  pour  le  café. 

Les  États-Unis  sont  le  pays  qui  consomme  le  plus  do  café  du  monde,  soit  la 
moitié  de  la  production  universelle,  qui  est  de  1,600  millions  de  livres  par  an.  Les 
importations,  depuis  1890,  se  sont  élevées  à  une  moyenne  de  90  millions  de  dollars, 
dont  les  deux  tiers  proviennent  du  Brésil.  Mais  Porto-Rico  et  Hawaï  sont  très 
favorables  à  la  culture  du  caféier  ;  les  Américains  vont  le  développer,  de  façon  à 
s'assurer  la  production  du  café  sur  leur  propre  sol. 

Le  moment  est  donc  proche  oii  les  États-Unis  pourront  se  passer  du  reste  du 
monde,  et  leurs  tarifs  prohibitifs  empêcheront  la  concurrence  sur  les  marchés. 

diadeloupe.  — Commerce  en  1897.  —  Le  commerce  extérieur  de 
la  Guadeloupe  en  1897  a  été  de  18,44.5,000  fr.  aux  importations,  et  de  16,.308,000  fr. 
aux  exportations.  Le  total  du  commerce  est  en  diminution  de  5,5.55,000  fr.  sur  1896. 
Près  de  la  moitié  des  importations  sont  de  provenance  française  (9,054,000  fr.). 

Navigation.  —  En  1897,  il  est  entré  dans  les  divers  ports  de  la  Guadeloupe 
595  navires,  jaugeant  235,000  tonneaux,  dont  327  navires  français.  A  la  sortie,  on  a 
compté  613  navires  jaugeant  255,500  tonnes. 


-  60  - 

Population.  —  Le  31  décembre  1897,  la  population  de  la  Guadeloupe  était  de 
14r),908  habitants;  celle  de  Maric-Galantc,  de  14,917;  celle  de  Dcsirade,  de  1,473; 
celle  des  Saintes,  de  1,557;  celle  de  Saint-Martin  (partie  française),  de  3,594;  enfin 
celle  de  St-Barthélemy,  de  2,686  habitants.  On  a  constaté,  dans  ces  diverses  îles, 
une  augmentation  de  646  habitants  en  1897. 

l.e  eoiiimercc  français  à  Cuba.  —  Avis  a  nos  Commerçants  et  a 
NOS  Industriels.  —  Il  faut  bien  convenir  que  si  l'insurrection  de  Cuba  a  été 
soigneusement  entretenue  à  ses  débuts  par  les  Américains,  les  Espagnols  ont  à 
peu  près  fait  tout  ce  qu'ils  ont  pu  pour  la  faire  naître. 

•  Ainsi  que  le  fait  remarquer,  avec  juste  raison,  un  de  nos  confrères,  M.  Charles 
Laroche,  dans  un  très  intéressant  article  consacré  à  la  question  cubaine,  un  gou- 
vernement qui  voudrait  ruiner  un  pays  ennemi  ne  procéderait  pas  autrement  que 
ne  l'a  fait  l'Espagne  vis-à-vis  de  Cuba  en  faisant  voter  par  les  Cortès  les  deux  lois 
de  1881  et  1882,  plus  connues  sous  le  nom  de  lois  de  cabotage. 

Par  ces  lois,  l'Espagne  mettait,  pour  ainsi  dire,  sa  colonie  en  quarantaine  en  lui 
interdisant  de  recevoir  de  Tétranger  certains  articles  indispensables  à  la  marche  de 
son  industrie  et  à  l'extension  de  son  commerce. 

Les  marchandises  tombaient,  en  effet,  sous  l'applicalion  d'un  tarif  douanier  qui 
dépasse  l'imagination.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  100  kilos  de  calicot  venant 
d'Espagne  paient  13  fr.  50  ;  de  l'étranger,  236  fr.  50  ;  100  kilos  de  bonneterie 
importés  de  la  péninsule,  54  fr.  75  ;  de  l'étranger,  975  fr.  ;  100  kilos  de  lainages 
d'Espagne,  77  fr.  35  ;  de  l'étranger,  1,500  fr.  et  ainsi  de  suite. 

Les  produits  français  les  plus  estimés  et  les  plus  recherchés  sur  le  marché  de  la 
Havane  avaient  complètement  disparu.  Une  barrique  de  vin  de  225  litres  valant  en 
France  150  fr.  payait  un  droit  de  300  fr.,  et,  bien  que  le  tarif  général  fit  une  diffé- 
rence entre  les  vins  ordinaires  et  les  vins  fins,  l'administration  de  la  douane,  avec 
sa  loyauté  habituelle,  leur  appliquait  les  droits  les  plus  élevés  sans  distinction  de 
qualité.  Il  en  était  de  même  pour  les  machines  françaises  destinées  aux  sucreries, 
et  qui  sont  sans  rivales. 

En  fait,  l'éttlblissement  de  ce  tarif  douanier  était  surtout  dirigé  contre  les  pro- 
duits français  qui  jouissaient  sur  le  marché  cubain  d'une  prépondérance  marquée. 
Le  but  poursuivi  par  le  gouvernement  espagnol  fut  atteint,  car,  dans  ces  dernières 
années,  notre  commerce  d'exportation  à  Cuba  avait,  pour  ainsi  dire,  complètement 
disparu.  La  situation  se  trouvant  aujourd'hui  modifiée,  il  va  être  possible  à  nos 
négociants  et  industriels  de  remettre  la  main  sur  un  marché  qui  leur  avait  été 
systématiquement  fermé. 

Les  États-Unis  se  sont  préoccupés  de  porter  remède  à  cet  état  de  choses  et 
d'établir  un  nouveau  tarif  douanier  qui  pût  permettre  à  l'île  de  développer  son 
commerce  et  son  industrie.  11  faut  rendre  justice  au  cabinet  de  Washington  pour 
la  manière  désintéressée  dont  il  a  réglé  cette  question  des  douanes.  Aucun  avan- 
tage particulier  n'a  été  réservé  pour  les  produits  américains. 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   secrétaire-général  , 

LE  .secretaire-oénéral  adjoint  ,  A.  MERCHIER. 

QUARRÉ - REYKOURBON. 


Lille  lnip.LDaneL 


-  61  — 


PROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES. 


Assemblée     générale     du     «5     Juillet     1899. 


Présidence  de  M.  Paul  GREPY,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  et  demie. 

MM.  NicoUe-Verstraete  ,  Merchier,  Quarré-Reybourbon  ,  Fernaux-Defrance , 
Houbron,  Cantineau,  Beaufort,  Haumant,  Pajot,  Raymond  Théry,  Vaillant,  D'Ver- 
mersch  prennent  place  au  Bureau. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée  générale  a  été  publié  dans  le 
Bulletin  du  mois  de  Juin. 

Adhésions.  —  Depuis  le  26  Avril,  48  membres  nouveaux  ont  été  admis  par  le 
Comité.  La  liste  en  est  publiée  à  la  suite  de  ce  procès-verbal. 

Conférences.  —  Les  dernières  Conférences  de  la  saison  ont  été  données  : 

Le  1"  Mai,  par  M.  le  Baron  de  Baye  :  la  Transcaucasie. 

Le  9  Mai,  par  M.  Ardouin-Dumazet  :  Hivernage  dans  un  poste  alpin. 

_  Concours.  —  Les  Concours  de  Géographie  militaire  et  de  Géographie  commer- 
ciale ont  eu  lieu  le  jeudi  6  juillet,  de  8  heures  à  midi. 

Le  même  jour  et  simultanément  à  Lille,  à  Roubaix  et  à  Tourcoing,  les  Concours 
pour  les  élèves  de  l'Enseignement  secondaire,  de  l'Enseignement  primaire  supé- 
rieur et  de  l'Enseignement  primaire  élémentaire  ont  réuni  224  concurrents. 

Garçons.  Filles.  Total. 

Lille 81  47  128 

Roubaix 26  16  42 

Tourcoing 3()  24  54 

Totaux 137  87  224 

Le  Concours  réservé  aux  employés  du  Commerce  et  de  l'Industrie  a  eu  lieu  le 
dimanche  9  Juillet,  de  9  heures  à  midi. 

Des  remercîments  sont  adressés  au  Lieutenant  Poncelet,  à  MM.  Merchier,  Fro- 
mont,  Houbron,  Raymond  Théry,  Eeckman,  Godin,  Vaillant,  Pouille,  Calonne, 
Dehée,  Thieffry  qui  ont  surveillé  les  épreuves  de  ces  Concours. 

5 


—  62  — 

Bon.  —  M.  Boulenger,  Président  de  la  section  de  Roubaix  a  bien  voulu  remettre 
à  notre  TrtJsorier  200  francs  qui  seront  ajoutés  aux  sommes  déjà  consacrées  à 
Tachât  des  prix  et  récompenses. 

Congrès.  —  M.  Quarré-Reybourbon  a  représenté  notre  Société  à  la  66^  session 
du  Congrès  archéologique  de  France,  à  Mâcon,  du  14  au  22  Juin. 

11  la  représentera  au  Congrès  de  la  Fédération  archéologique  et  historique 
belge,  à  Arlon,  du  30  Juillet  au  2  Août;  et  M.  Delahodde,  au  Congrès  de  l'Asso- 
ciation française  pour  l'Avancement  des  Sciences,  à  Boulogne-sur-I\Ier,  du  14  au 
24  Septembre. 

Le  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  tiendra  ses  séances  à 
la  Société  de  Géographie  de  Paris,  'du  20  au  24  Août  1900. 

>«'otre  Société  a  souscrit  au  Congrès  géologique  international*  qui  aura  lieu 
Paris  pendant  l'Exposition  de  1900. 

Excursions.  —  2  Mai.  —  Visite  de  l'Institut  Pasteur  (2'=  groupe).  Organisateurs  : 
MM.  Cantineau  et  Godin. 

Du  7  au  8  Mai.  —  Bruges  (Procession  du  St-Sang).  Organisateurs  :  MM.  Van 
Troostenberghe  et  Calonne. 

K)  Mai  —  Armentières.  Visite  de  la  Filature  Dansette  frères,  de  l'Ecole  profes- 
sionnelle  et   de  l'Asile   d'aliénés.    Organisateurs  :  MM.  Van  Troostenberghe 
Dehée. 

20,  21  et  22  Mai.  —  Le  Boulonnais.  Organisateurs  :  JNIM.  Paul  Destombes  et 
Derache. 

26  Mai  au  3  Juin.  —  Folkestone,  Brighton,  île  de  Wight,  Portsmouth,  Londres 
(Derby  d'Epsom),  Oxford.  Organisateurs  :  MM.  Thiébaut  et  Ravet. 

4  Juin.  —  Mont  de  Kemmel.  Organisateurs  :  MM.  \'an  Troostenberghe  et 
Calonne. 

8  Juin.  —  Visite  aux  Mines  de  Bruay.  Organisateurs  :  MM.  le  D'  Vermersch  et 
Dehée. 

1 1  Juin.  —  Cambrai.  Ruines  de  l'abbaye  de  Vaucelles.  Les  sources  de  l'Escaut^ 
Le  canal  souterrain  de  St-Quentin.  Organisateurs  :  MM.  Fernaux  et  Beaufort. 

20  Juin.  —  Lannoy.  Visite  d'Établissements  industriels  (MM.  Boutemy;  Jean 
DeflFrennes  Canet  et  C'e ,  Bretremieux  Quint  fils).  Organisateurs  :  MM.  Derache 
et  ThiefTry. 

9  Juillet.  —  Arras.  Sources  de  la  Souchez  et  de  la  Scarpe.  Ruines  de  l'abbaye 
du  Mont  St-Eloi.  Organisateurs  :  MM.  Fernaux  et  Léon  Lefebvre. 

Prix  Danel.  —  Le  jeudi  18  Mai  1899,  MM.  Cantineau  et  Derache  ont  bien  voulu 
faire  visiter  Bergues  et  Dunkerque  aux  dix  lauréats  du  Prix  Danel. 

Bibliothèque.  —  M""  Wannebroucq-Dutilleul  vient  d'offrir  à  la  Bibliothèque  la 
collection  complète  de  nos  Bulletins.  Notre  Archiviste  en  est  d'autant  plus  heureux 
que  les  premiers  numéros  de  notre  Bulletin  deviennent  excessivement  rares.  Puisse 
l'exemple  de  M""=  Wannebroucq-Dutilleul  être  souvent  imité 

La  liste  des  volumes  et  cartes  récemment  reçus  est  donnée  à  la  suite  de  ce 
procès-verbal. 

Le  Président  annonce  que,  grâce  au  dévouement  de  M.  Houbron,  Bibliothécaire, 
tous  les  Sociétaires  recevront  prochainement  le  Catalogue  complètement  remanié 
de  notre  Bibliothèque. 

L'Assemblée  adresse  de  chaleureuses  félicitations  à  M.  Houbron. 


.—  tJ3  — 

Expansion  française  coloniale.  —  Le  Directeur  de  l'Expansion  française  colo- 
niale veut  bien  nous  faire  le  service  gratuit  de  ses  Bulletins.  Des  remercîments  lui 
ont  été  adressés. 

Distinctions.  —  M.  Baudry,  Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine,  et  M.  Hau- 
mant,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres,  ont  été  promus  Officiers  de  l'Instruction 
publique. 

La  Société  de  Géographie  de  Londres  a  décerné  une  médaille  d'or  à  M.  Binger, 
membre  d'honneur  de  notre  Société. 

Office  colonial.  —  Notre  Collègue,  M.  Roger  Arnette,  docteur  en  droit,  avocat 
à  la  Cour  d'appel  de  Paris,  très  ardent  pour  les  questions  coloniales,  vient  d'être 
nommé  Bibliothécaire-Conservateur  de  l'Office  colonial,  à  Paris  (1). 

Nécrologie.  —  M.  Durier,  Président  du  Club  alpin  français.  Nous  avons  encore 
présente  à  la  mémoire  sa  belle  conférence  sur  le  Jura. 

M.  Aimé  Houzé  de  l'Aulnoit,  plusieurs  fois  bâtonnier  de  l'ordre  des  avocats. 
M.  Edmond  Descamps,  un  des  plus  anciens  membres  de  notre  Société. 
M.  Robert  Bettig,  ingénieur,  décédé  accidentellement  à  l'âge  de  30  ans. 
M.  Paul  Schotsmans,  victime  d'un  crime  horrible  commis  le  24  Juillet  sur  la 
ligne  du  Nord  entre  Douai  et  Lille. 

Secrétariat.  —  Depuis  le  15  Juin,  M.  Gamby  est  adjoint  à  M.  Hachet.  En  consé- 
quence, le  Secrétariat  est  maintenant  ouvert  de  4  heures  à  8  heures. 

Démission,  —  M.  le  Président  donne  lecture  d'une  lettre  par  laquelle  AI.  Robin, 
ancien  directeur  de  la  Banque  de  France,  membre  de  notre  Comité  d'Études, 
annonce  qu'il  quitte  Lille  et  donne  sa  démission. 

Le  Président  est  certain  d'être  l'interprète  de  l'Assemblée  en  exprimant  les 
regrets   que    cause   le  départ  d'un  collègue  aussi  sympathique. 

Election.  —  Il  est  procédé  par  scrutin  secret  à  l'élection  d'un  membre  du  Comité 
en  remplacement  de  M.  Robin. 

M.  le  Docteur  Eustache,  ancien  doyen  de  la  Faculté  libre  de  Médecine,  membre 
de  la  Commission  des  Excursions,  est  nommé  à  la  presque  unanimité  des  votants. 

Communication.  —  Sur  ce  sujet  :  le  Voyage  d'un  poète  :  Pouchkine  en 
Crimée,  M.  Haumant,  professeur  de  langue  et  de  littérature  russes  à  la  Faculté 


(1)  La  Bibliothèque  coloniale,  annexée  à  l'Office  colonial  galerie  d'Orléans,  Palais-Royal)  ,  sera 
ouverte  au  public  le  1*"  Août  prochain,  tous  les  jours,  dimanches  et  fêtes  exceptés,  de  onze  heures  à 
cinq  heures. 

Cette  Bibliothèque  met,  dès  à  présent,  à  la  disposition  des  lecteurs,  outre  un  grand  nombre  de  livres 
de  fond,  de  revues,  de  journaux  et  autres  périodiques,  une  belle  collection  de  cartes  et  de  photo- 
graphies offrant  des  vues  et  des  types  des  principales  de  nos  possessions  d'outre-mer. 

Elle  recevra  avec  reconnaissance  pour  les  faire  connaître  au  public,  les  dons  ou  legs  de  toute 
nature,  émanant  de  Sociétés  ou  de  particuliers  (éditeurs,  auteurs,  etc.)  et  se  fera  un  plaisir  de 
faire  des  échanges  avec  d'autres  Bibliothèques,  des  livres,  brochures,  publications,  etc.,  qu'elle  possède 
en  plusieurs  exemplaires. 


—  64  - 

des  Lettres,  membre  de  notre  Comité  d'Études,  fait  une  charmante  causerie  pleine 
d'humour  et  de  détails  fort  intéressants. 

L'Assemblée  ne  lui  ménage  pas  ses  applaudissements  et  le  Président  lui  adresse, 
en  quelques  mots,  les  remercîments  de  tous. 

La  Séance  est  levée  à  neuf  heures  quarante. 


MEMBRES  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  DU  26  AVRIL  1899  : 

N<"  d'ins-  MM. 

cription. 

3559.     Daubresse,  négociant,  rue  Ratisbonne,  29  bis. 

Présenté  par  MM.  Prosper  liavet  et  Ninive. 

3.560.     Denniel  (M™*  Veuve),  boulevard  Victor-Hugo,  36. 

Aerts  et  Victor  Drieux. 

3561.  GouBE  (René),  voyageur,  rue  Rarthélémy-Delespal,  112. 

Yan  Troostenberghe  et  H.  Vandalle. 

3562.  DuTiLLY,  employé,  rue  de  Lille,  143,  Canteleu-Lomme. 

Van  Troostenberghe  et  P.  Santenaira 
^563.     GuvELiER,  directeur  d'assurances,  boulevard  Faidherbe,  4,  Armentières. 

Van  Troostenberghe  et  Bloem. 
3564.     J.-F.  Leduc,  industriel,  Nieppe. 

Van  Troostenberghe  et  P.  Santenaire. 
XJ66.     Meyer  (Nicolas),  capitaine  command.  au  19'  chasseurs,  rue  du  Magasin,  17. 

Colonel  Ferré  et  D'  Carton. 
3567.     Prouvost  (M"""  Veuve  Amédée),  rue  Pellart,  36,  Roubaix. 

Boulenger  et  Charles  Droulers. 
3.568.     Walle  (Emile),  négociant,  Wambrechies. 

0.  Godin  et  Ch.  Deperne. 
3569.     Dubar-Pennel  (Firmin),  rue  de  Lille,  20,  Roubaix. 

P.  Destombes  et  A.  Pennel. 
3.570.     Debosse,  représentant,  rue  Notre-Dame,  Valenciennes. 

Van  Troostenberghe  et  /.  Pollet  fils. 
3571.     LoNGEvii.LE  (L.),  fabricant,  rue  de  Lille,  66,  Armentières. 

Van  Troostenberghe  et  P.  Santenaire. 

3.572.  Bettig  (R.),  ingénieur,  rne  Faidherbe,  17. 

Auguste  Crepy  et  .4.  Duquesnoy  ftls. 

3.573.  LouBET,  voyageur,  rue  Ste-Gerraaine,  35,  Toulouse. 

P.  liavet  et  R.  Thiébaut. 
35>li.     Dewulf  (Louis),  négociant,  rue  des  Arbres,  11,  Dunkerque. 

Henri  Beaufort  et  F.  Verbiest. 

3575.  Fera  (Oscar),  propriétaire,  rue  Princesse,  29. 

j)r  Vermersch  et  Becramer. 

3576.  Deschildre  (Jean),  négociant,  rue  Princesse,  35. 

D""  Vermersch  et  Decranier. 
3.577.     Salomez  (Victor),  représentant,  rue  Mercier,  18. 

P.  Ravet  et  Daubresse. 


-  65  - 

N^dlDi-  MM. 

criptlOD. 

3578.  Ster  (L.),  négociant,  rue  de  Wattignies,  1. 

P.  Ravet  et  Daubresse. 

3579.  P01.LET  (Charles),  comptable,  Halluin. 

Van  Troostenberghe  et  De  fretin. 

3580.  Leplandt-Bonenfant,  insp'  d'assur.,  rue  de  Lille,  15,  Marcq-en-Barœul. 

Choquel  et  Henri  Beaufort. 

3581.  Sailly  (Paul),  représentant,  rue  Meurein,  14. 

Choquel  et  Henri  Beaufort. 

3582.  RiNGO,  représentant,  rue  Ste-Catherine,  32. 

Choquel  et  Henri  Beaufort. 

3583.  DuTOiT  (V.),  cafetier,  place  Rihour,  11. 

P.  Ravet  et  G.  Ravet. 

3584.  Vandenbeusch  (Ferdinand),  ébéniste,  rue  St-Étienne,  64. 

P.  Ravet  et  Fromont. 

3585.  DuPKEY  (André),  employé,  rue  Ingres,  12,  Roubaix. 

Didry  et  Bayart. 

3586.  LoBENNE,  négociant,  rue  du  Vieux-Marché-aux-Moutons,  45. 

Delfortry  et  Rif/aux. 
3.587.     Lenoir  (C),  libraire,  place  du  Lion-d'Or,  7. 

Quarré-Reyhourbon  et  L.  Quarré. 

3588.  Gagedois  (A.),  industriel.  Don. 

Van  Troostenberghe  et  Ad.  Sander. 

3589.  Vandenbussche  (René),  notaire,  Quesnoy-sur-Deûle. 

Ch.  Derache  et  Dorchies. 

3590.  Arias  (Paul),  brasseur,  rue  Edouard-Devaux,  9,  St-Omer. 

D'  Vermersch  et  Decramer. 

3591.  Landriau,  inspecteur  de  la  New-York,  rue  de  la  Louvière,  .55. 

Eeckman  et  Fromont. 

3592.  Deblock  (M""-  Veuve),  rentière,  rue  Jacqucmars-Giélée,  116. 

Calonne  et  P.  Ravet. 

3593.  Gles  (P.),  représentant,  rue  du  Château,  15. 

P.  Ravet  et  Calonne. 
3.594.     Mullier-Playoust,  négociant,  rue  Faidherbe,  62,  La  Madeleine, 

Van  Troostenberghe  et  Playoust-De fontaine. 
3595.,     Devos  (Louis),  représentant,  rue  Henri-Kolb,  45. 

Van  Troostenberghe  et  /.  Richmond. 
3596.     FouAN  (Albert),  huissier,  rue  Nationale,  117. 

Rattel  et  Louis  Buns. 
3.597.     Chombart  (Constant),  négociant,  rue  de  l'Épeule,  68,  Roubaix. 

Didry  et  Alfred  Bayart. 

3598.  BooNE  (Lucien),  étudiant,  rue  Solférino,  298. 

H.  Glorieux  et  Prouvost-Fauchille. 

3599.  Storme  (Georges),  à  Gondecourt. 

H.  Beaufort  et  Thieffry. 

3600.  Tiers  (Louis),  représentant,  rue  Vinocq-Chocqueel,  8,  Tourcoing. 

E.  Griinonprez  et  Ch.  Dervaux. 
3(301.     Defrance-Payen  (Jules),  industriel,  rue  Blanche,  41. 

Fernaux-Defrance  et  A.  Defrance. 
3602.     Descamps  (Louis),  chimiste,  rue  de  Boulogne,  29,  Tourcoing. 

François  Masurel  et  Edmond  Masurel. 


—  (56  — 

N»»  d'ins-  MM. 

criptioD. 

3603.  Beuque  (Louis],  constructeur,  rue  du  Brun-Pain,  25,  Tourcoing. 

François  Masurel  et  Edmond  Masurel. 

3604.  Reynaert-Herbaux,  brasseur,  rue  du  Tilleul,  28,  Tourcoing. 

François  Masurel  et  Edmond  Masurel. 
360Ô.     Decaestèke  (Pierre),  négociant,  rue  de  Lille,  44,  Tourcoing. 

François  Masurel  et  Petit-Leduc. 
3Ô06.     Piton  (Alfred),  ingénieur  civil,  rue  de  la  Barre,  38. 

Aug.  Fromont  et  Fernaux. 
3607.     Delattre,  prof,  à  LÉcole  prira.  sup.,  rue  Barthélémy-Delespaul,  102  his. 

V.  Tilmant  et  Fernaux. 


LIVRES,  CARTES  ET  PHOTOGRAPHIES 
REÇUS  OU  ACHETÉS  POUR  LA  BIBLIOTHÈQUE  DEPUIS  AVRIL  1899 


|.      —      ]^  IVRES. 

1»  DONS. 

2208.  De  Penza  à  Minoussinsk.  Souvenirs  d'une  mission,  par  le  baron  de  Baye. 

Paris,  Nillson,  1890.  —  Don  de  l'auteur. 

2209.  La  nécropole  d'Ananino,   gouvernement  de  Viatka,  Russie,  par  le  baron  de 

Baye.  —  Idem. 

2210.  Compte-rendu   des   travaux   du   U""  Congrès   russe  d'archéologie    en   1893. 

—  Idem. 

2211.  De  l'influence  de  l'art  des  Goths  en  Occident.  Nillson,  1891.  —  Idem. 

2212.  L'isthme  de  Corinthe  et  son  percement,  par  Gerster,   ingénieur.   Budapesth, 

1896.  —  Don  de  la  Société  de  Géographie  de  Budapesth. 

2213.  Resultate  der  Wissenschaflichen  Erforschung  des  Platteusees,  von  E.  von 

Cholnoky.  Vienne,  1897.  —  Don  de  la  Société  de  Géographie  de  Vienne. 

2214.  Au  Sud  de  la  chaîne  du  Caucase,  souvenir  d'une  mission,   par  le  baron  de 

Baye.  Paris,  Nillson,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 
221.'3.  L'expédition  antarctique  belge.   Tiré  à  part  de  la   Société  royale  belge  de 
Géographie.  —  Don  de  ladite  Société. 

2217.  Voyage  entre  Tocantins  Xingu,  par  H.  Coudreau.    Paris,   Lahure,   1899.   — 

Don  de  l'auteur. 

2218.  Actes  du  XP  Congrès  international  des  Orientalistes,  2'"  section.  Langues  et 

archéologie    de   l'Extrême-Orient.   —    Don  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique. 

2219.  Actes  du  XP  Congrès  international  des  Orientalistes,  4*^^  section.  Langues  de 

l'Asie  Mineure.  —  Don  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
2221.   Les  arbres  à  gutta-pcrcha,  leur  culture  aux  Antilles  et  à  la  Guyane,  par  H. 

Lecomte.  Paris,  Carré,  1899.  —  Don  de  l'éditeur. 
2224.   Le  gisement  paléolithique  d'Aphontova-Gora,  près  de  Krasnoïarsk  (Sibérie), 

par  J.  de  Baye  et  Th.  Volkov.  Paris,  Niastor,  1899.  —  Don  de  M.  de  Baye. 


.   —  67  — 

-2230.  Voyage  en  France,  18''  série,   Flandre   et   littoral   du   Nord,   par   Ardouin- 
Dumazet.  —  Don  de  l'auteur. 

2231.  Idem,  19''  série,  Artois,  Cambrésis,  Hainaut.  —  Don  de  l'auteur. 

2232.  Dictionnaire  encyclopédi(|ue  d'histoire,  de  géographie,  de    mythologie  et  de 

biographie,  de  Grégoire.  —  Don  de  M'""  Herland. 

2233.  Conférence  sur  l'Oranie  (province  d'Oran).  Oran,  1898.  —  Don  du  syndicat 

d'initiative  de  l'Oranie. 
■2234.  Petit  atlas  judiciaire  suisse  établissant  les  régimes  adoptés  par  chaque  canton 

dans  les  questions  de  paternité,  successions,  capacité  civile,  etc.  Neuchâtel. 

—  Don  anonyme. 
2235.  La  grotte  de  St-Marcel  d'Ardèche,  par  E.   Martel.    Extrait  de  la  revue  de 

Géographie.  Delagravc,  1872.  —  Don  de  l'éditeur. 
•2236.  Het  Tandeel  der  Nederlanders  in   de  ontdehking.  Van  Australie,  1606-1765. 

Leiden,  1899.  —  Don  de  la  Société  royale  de  Géographie  d'Amsterdam. 
■2238.  Notice  biographique  du  géographe    Christian   Garnicr,    par   L.    Drapeyron. 

Extrait  de  la  Revue  de  Géographie.  Delagrave,  1899.   —  Don  de  l'auteur. 
2239.  L'Auvergne  et  le  Velay.   Guide-réclame.   Clermont-Ferrand,   1899.  —    Don 

du  syndicat  d'initiative  d'Auvergne. 
•2240.  Estado  do  Rio-Grande  do  Sul,  par  Luiz   Flores,   Consul  de  Portugal  à  Rio- 

Grande  do  Sul  (Brésil).  Rio-Grande,  1897.  —  Don  do  l'auteur. 
•2241 .  A  Nacionalidade  dos  Filhos  de  Portuguez  naseidos  no  Brazil,  par  Luiz  Flores, 

Consul  de  Portugal  à  Rio-Grande  do  Sul  (Brésil).  Rio-Grande,  1895.—  Idem. 
.2243.  Le  Tour  d'Asie  (Cochinchine,  Aunam,  Tonkin),   par  Marcel  Monnier.  Paris, 

Pion,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 
Lot  de  Bulletins  oflcrt  par  M'"'-  Herland. 

»  »  »  M.  Delebecque. 

»  »  »  M.  Deplanque. 

»  »  »  M""'  Wannehoucq-Dutillcul. 

»  »  »  M"""  Décrois. 


9^  ACHATS. 

2223.  Guide  de  l'immigrant  à  Madagascar,  publié  par  la  colonie,  3  volumes  di  teste 

et  un  atlas.  Paris,  Colin.  1899.  —  Achat. 
2225.  Voyage  en  Russie  de  Théophile  Gautier  .Charpentier,   1S67,  2  volumes.  — 

Achat  d'occasion. 
•2?26.  Les   vacances   du   lundi,    tableaus  de   montagnes  par  Théophile  Gautier 

Charpentier,  1881,  1  vol.  —  Idem. 
H.  Taine.  Notes  sur  l'Angleterre.  Hachette,  1880.  —  Idem. 
•2227.  H.  Taine.  Philosophie  de  Fart  en  Flandre  et  en  Hollande.   Germer  B  lilliire, 

1869.  —  Idem. 

2228.  La  Gaule  avant  les  Gaulois,  par  Alexandre  Bertrand.  Lerous^  1834.  —  Idem. 

2229.  Le   bassin    houiller   du    Pas-de-Calais ,    par   E.    Vuillemin.    Danel ,    1880 , 

3  volumes.  —  Idem. 
2242.  L'Ardenne,  guide  par  .Jean  d'Ardenne,  2  vol.  Br.ixelle^,  Rozor,  1899. 


—  68  — 


JJ.    —    Cartes. 


1    DONS. 

2237.  Carte   de   Tarrondissenient    de    Lille   en   1830   (en    un   carton).  —  Don  de 

M.  Thieffry. 
2244.  Carte  du  bassin  houiller  du  Pas-de-Calais,  par  Valentin  Cossange,  1895.  — - 

Don  de  M.  le  D'  Verraersch. 

Q^  ACHATS. 

2216.  Cartes    des  chemins  de  fer,  routes  et  voies  navigables  de  la  Belgique,  au 

^/320.000^  Bruxelles,  Institut  géographique  militaire. 
2220.  Carte  touriste  et  vélocipédique  du  Nord  de  la  France.   Paris,  Barrère,  1899. 


J  J  y.    —    Photographies. 
Photographie  du  monument  du  général  Faidherbe.  —  Don  de  M""'  Herland* 

LA  SITUATION  MILITAIRE 
DES  PUISSANCES  EUROPÉENNES  EN  EXTRÊME-ORIENT  EN   1898 

Par  L.  T. 


(Suite)    (1). 


Depuis  la  découverlc  de  la  route  luaritimc  des  Indes  et  Torganisatioa 
des  Compagnies  à  charte  jusqu'à  ces  dernières  années,  presque  toutes 
les  relations  entre  le  centre  asiatique  et  l'Europe  étaient  faites  unique- 
ment par  voie'de  mer,  principalement  par  l'intermédiaire  de  la  marine 
anglaise.  L'installation  des  Russes  au  Tiirkeslan,  qui  par  le  plateau  de. 


(1)  Voir  tome  XXXI,  1899,  page  101  ;  tome  XXXII,  1899,  page  5. 


-  69  — 

Pamir,  par  la  dépression  de  Tlli  entre  Kouldja  ol  Tachkend,  parla  passe 
de  Tereck-Davan  entre  Kachgar  et  Tachkend  cherchent  à  attirer  à  eux 
le  commerce  du  Turkestan  chinois  ;  par  la  mise  en  exploitation  des 
riches  oasis  de  la  Bactriane,  a  créé  de  ce  côté  un  courant  d'affaires  que 
l'organisation  de  voies  rapides  de  communication  les  reliant  directement 
à  l'Europe  ne  fera  que  développer,  au  grand  détriment  de  l'Angleterre. 
Actuellement  trois  voies  de  terre  relient  l'Europe  au  centre  asiatique  ; 
ce  sont  : 

1"  La  route  de  Tauris  par  Constantinople,  Trébizonde,  Erzeroum. 
2"  Celle  du  Transcaucasien,  la  Caspienne,  la  Perse. 
3°  Celle  d'Astrakan,  la  Caspienne  et  le  Transcaspien. 

La  première  est  sans  contredit  la  plus  courte.  Elle  a  été  ouverte  par 
l'Empire  ottoman  à  la  demande  de  l'Angleterre  pour  contrebalancer 
l'influence  russe  ;  elle  est  fort  incommode,  peu  sûre  et,  par  suite,  peu 
fréquentée. 

La  route  de  Bakou  est  double  : 

Venant  de  Saint-Pétershuurg  on  peut  se  rendre  par  chemin  de  fer  à 
Sébastopol,  des  lignes  régulières  de  bateaux  a.  vapeur  unissent  ce  port 
à  Batoum,  lête  de  ligne  du  Transcaucasien  ;  de  Bakou  par  bateau  on 
gagne  Recht  et  au  travers  du  plateau  de  l'Iran,  par  caravanes,  Hérat  et 
Caboul  ;  ou  bien  utilisant  le  chemin  de  fer  jusqu'à  Vladicaucase  on  peut 
traverser  le  col  de  Dariel  et  rejoindre  la  ligne  transcaucasienne  à 
Tiflis. 

La  rout(5  d'Astrakan  est  la  meilleure  et  la  plus  rapide.  Le  chemin  de 
fer  conduit  à  Tzaritzine  d'où  en  vingt-quatre  heures  des  bateauxà  vapeur 
mènent  à  Astrakan.  La  traversée  d<'  la  mer  Caspienne  est  assurée  par 
des  services  réguliers  aboutissant  aux  ports  de  l'Empire  Perse  ou  à 
Krasnovodsk  ,  tète  de  ligne  du  Transcaspien.  Le  seul  inconvénient  de 
cette  voie,  au  point  de  vue  commercial,  c'est  l'embâcle  du  Volga  qui  no 
permet  de  relations  suivies  que  durant  les  quelques  mois  de  l'été. 

Le  prochain  achèvement  du  chemin  de  fer  transcaspien,  eu  mettant 
en  relations  directes  le  Turkestan  et  l'Europe,  sera  le  signal  d'une 
révolution  économique  plus  profonde  encore  dans  l'Asie  occidentale. 

Commencé  en  1880,  en  vue  de  nécessités  militaires,  le  Transcaspien 
atteignait  en  1888  Samarcande  à  1 425  kilomètres  de  son  point  de  départ. 
Il  partait  à  l'origine  de  Michaïlowsk,  petit  port  situéaufond  d'une  lagune. 
Les  bateaux  qui  font  la  traversée  d<3  la  Caspienne  abordaient  à 
Krasnovodsk  ;  là,  on  transbordait  le  chargement  sur  des  bateaux  plus 


-  70  - 

petits  à  destination  de  Michaïlowsk.  Afin  d'éviter  la  perte  inutile  de 
temps  et  de  travail,  on  a  reporté  en  1886  la  tète  de  ligne  à  Ouzoun- 
Adda,  petit  port  situé  à  27  kilomètres  au  sud  de  Michaïlowsk  où  les 
plus  forts  bateaux  de  ces  parages  peuvent  pénétrer. 

En  1881,  après  la  défaite  des  tribus  Tekès,  la  ligue  fut  poursuivie 
jusqu'à  Kizil-Azat;  en  juillet  1885,  elle  atteignait  Askabad  ;  en  juillet 
1886,  Merw  et ,  en  1888 ,  Saraarcande.  Elle  atteint  maintenant 
Kokhand  et  Margellan. 

Actuellement,  par  la  route  d'Astrakan,  il  ne  faut  que  dix  jours,  pour 
se  rendre  de  Saint-Pétersbourg  à  Saraarcande. 

Le  gouvernement  russe  a  l'intention  de  raccorder  ce  réseau  transcas- 
pien  au  réseau  européen,  soit  en  prolongeant  l'embranchement  de 
Taschkend  au  travers  de  la  province  de  l'ili  vers  Semipalatinsk  , 
Barnaoul  et  Kolyvan,  où  il  rejoindrait  le  Transibérien,  soit  en  faisant 
descendre  à  la  voie  ferrée  le  cours  du  Syr-Daria  pour  venir  se  souder 
au  réseau  russe  à  Orembourg. 

Les  produits  de  l'Inde  pouvant  se  répandre  sans  rompre  charge  dans 
toute  l'Europe,  sans  passer  par  l'intermédiaire  des  sujets  de  sa  Très 
gracieuse  Majesté,  ce  serait  la  ruine  commerciale  de  l'Angleterre, 
ranéautissement  complet  de  sa  marine.  Menacée  dans  sa  fortune,  elle 
a  tout  mis  en  œuvre  pour  empêcher  la  réalisation  de  ce  plan  gigan- 
tesque et,  jusqu'à  ce  jour,  par  son  habileté,  par  son  influence,  elle  a  su 
défendre  l'accès  de  l'Iran,  ce  dernier  rempart  de  l'Inde  et  le  protéger 
d'un  contact  qui  pourrait  être  fatal,  avec  les  possessions  russes  du 
Turkestan. 

Ce  plateau  de  l'Iran,  route  obligée  entre  l'Inde  et  l'Europe,  vers 
lequel  s'avancent,  en  sens  inverse,  les  Russes  et  les  Anglais,  est  donc 
destiné  à  jouer  un  grand  rôle  et  à  devenir,  dans  un  temps  plus  ou 
moins  éloigné,  le  cliamp  clos  des  querelles  entre  les  deux  empires. 


Actuellement  la  souveraineté  du  plateau  de  l'Iran  est  parlagée  entre 
le  royaume  de  Perse,  les  Khanats  d'Afghanistan  et  du  Belouchistan. 
C'est  un  pays  pauvre  que  la  main  de  l'homme  toutefois,  venant  en 
aide  à  l'insuffisance  des  pluies,  pourrait  partiellement  transformer  en 
riches  oasis  ;  sans  industrie,  presque  sans  commerce ,  il  ne  tire  son 
importance  actuelle  que  de  sa  situation  géographique. 

Tous  les  cours  d'eau  de  ce  plateau  vont  à  l'Araou-Daria,  à  l'Hilmund 
et  à  rindus. 


Le  bassin  de  l'Amou-Daria  reçoit  les  eaux  du  versant  Nord  de 
l'Indou-Koucli,  ce  sont  :  le  Mourgab  qui  creuse  les  passes  de  Peudjeh 
et  se  perd  dans  les  sables  après  avoir  arrosé  Merw  ;  rHériroud  qui  ouvre 
la  passe  de  Zulficar.  Hérat  se  trouve  sur  l'Hériroud. 

L'Hilmund  qui  prend  sa  source  dans  une  des  ramifications  de  FHindou- 
Kouch  coule  vers  le  Sud-Ouest  et  se  jette  dans  le  lac  Hamoun.  (rest  le 
seul  fleuve  navigable  du  pays  ;  sa  largeur  atteint  en  certains  endroits 
A  kilomètres.  Au  moment  de  la  fonte  des  neiges,  aux  mois  de  mai  et 
de  juin,  il  atteint  des  proportions  considérables  et  devient  infranchis- 
sable. 

L'Indus  où  se  jettent  les  petits  cours  d'eau  qui  descendent  du 
Soliman-Koiich  et  lt!S  rivières  plus  considérables  venant  de  l'Hindou- 
Kouch  ou  de  ses  ramifications,  telles  que  le  Kuram,  le  Gumal  et  la 
rivière  de  Caboul  qui  longe  la  chaîne  du  Sefid-Koh.  Ce  sont  ces 
rivières  qui  ouvrent  les  passes  qui.  du  plateau  de  l'Iran,  donnent  accès 
dans  l'Inde. 

Ces  passes,sont  les  suivantes  : 

1"  La  passe  de  Klivber,  au  Nord,  qui  relie  Caboul  à  Peschawer.  Elle 
est  défendue  par  le  fort  célèbre  d'Ali-Musjid  à  8  kilomètres  de  Jamrood, 
par  le  camp  retranché  de  Peschawer  et  la  position  d'Attock.  La  route 
traverse  la  passe  de  Caboul  puis  rejoignant  le  cours  de  la  rivière  la 
suit  jusqu'à  Atlock  (266  kilom.). 

Quatre  autres  roules,  mais  moins  praticables,  font  aussi  communiquer 
Caboul  et  Peschawer. 

2"  A  120  kilomètres  plus  au  sud  se  trouve  la  passe  du  Kuram, 
séparée  de  celle  de  Khyber  par  le  Sefid-Koh.  La  route  suit  la  rivière, 
elle  conduit  de  Caboul  à  Thaï,  un  embranchement  vient  de  Ghazni. 

3"  La  passe  de  Gumal,  à  150  kilomètres  au  sud  de  la  précédente, 
conduisant  de  Ghazni  à  Dera  Ismaïl  Khan  sur  l'Indus  (520  kilom.). 
La  route  traverse  des  pays  déserts  où  l'eau  et  les  fourrages  manquent 
et  en  outre  présente  des  passages  très  étroits. 

A"  La  passe  de  Bolan  traversant  le  Bélouchistan  en  faisant  commu- 
niquer Candahar  avec  le  Bas-Indus. 

La  route  de  Candahar  à  Caboul  par  Ghazni  est  la  plus  praticable  de 
l'Afghanistan.  De  Caboul  à  Hérat  la  meilleure  route  est  celle  qui  passe 
par  Candahar,  le  chemin  qui  relie  directement  ces  deux  villes,  par  la 
passe  de  Bamlan,  n'étant,  en  bien  des  endroits,  qu'un  mauvais  sentier. 


Au  nord,  on  accède  au  plateau  de  l'Iran  par  la  passe  de  Pendjeli  que 
creuse  le  Mourgab  et  par  celle  de  Zulficar  qu'ouvre  l'Hériroud.  La  roule 
de  Kizil-Arvat,  Zulficar,  que  longe  le  chemin  de  fer  transcaspien  est  le 
chemin  le  plus  direct  de  l'occident  aux  Indes.  Aussi  Hérat.  dépendance 
de  l'émir  d'Afghanistan,  situé  à  mi-distance  de  l'Indus  et  de  la 
Caspienne  et  commandant  l'accès  du  plateau  doit-il  être  considéré 
comme  une  position  stratégique  de  premier  ordre. 


Prendre  pied  sur  le  plateau  de  l'Iran  pour  se  rendre  maître  des* 
routes  conduisant  à  l'Inde,  s'y  installer  pour  empêcher  les  Russes  de 
s'emparer  des  défilés  qui  aboutissent  à  l'Indus  ;  telle  est  la  politique 
des  Russes  et  des  Anglais  en  Afghanistan  depuis  une  trentaine  d'années. 

Les  relations  anglaises  avec  l'Afghanistan  remontent  à  l'époque  où 
Napoléon  I"  toujours  fidèle  à  son  idée  de  saper  la  puissance  anglaise 
dans  l'Inde,  envoya  le  Général  Gardanne  en  Perse  pour  négocier  une 
alliance  avec  le  souverain  de  ce  pays.  Cette  démarche  provoqua  l'envoi 
à  Caboul  d'une  mission  anglaise. 

En  1832  Moharaed-Mirza,  roi  de  Perse,  rêvait  de  reconstituer  l'unité 
de  l'Iran.  II  prit  prétexte  d'un  secours  donné  par  l'émir  d'Hérat  à  une 
insurrection  du  Khorossan  pour  envahir  le  royaume  d'Hérat,  il  fut 
encouragé  dans  celte  entreprise  par  les  Russes  qui  vinrent  faire  le 
service  de  ses  canons  devant  la  place.  Les  Anglais  furieux  envoyèrent 
un  ultimatum  qui  fut  repoussé,  c'est  alors  qu'ils  occupèrent  Aden  pour 
se  donner  un  point  de  ravitaillement,  puis  l'île  Scharb  dans  le  golfe 
Persique  vers  l'embouchure  du  Chat-el-Arab  et  fomentèrent  une 
insurrection  en  Perse  qui  obligea  Mohamed-Mirza  à  lever  le  siège  et  à 
rentrer  chez  lui  (1832).  La  Perse  se  jette  alors  franchement  dans  les 
bras  de  la  Russie.  Xassar-Eddin,  devenu  Shah  en  1848,  garda  une 
neutralité  bienveillante  pendant  la  guerre  de  Crimée  et.  vu  n'alité, 
rendit  des  services  en  fournissant  des  provisions  aux  armées  russes 
d'Asie.  En  1856  il  reprit  la  guerre  contre  Hérat  avec  le  concours 
d'officiers  russes  et  celte  fois  il  prit  la  ville.  Mais  l'Angleterre  lui 
déclara  la  guerre,  envoya  une  escadre  dans  le  golfe  Persique,  débarqua 
des  troupes  à  Render-Bouchir  et  dessina  un  mouvement  sur  Schouster. 
La  paix  fut  signée  en  1857  à  Paris  sur  la  médiation  de  Napoléon  III. 
Hérat  fut  évacué  par  les  Perses  et  les  Anglais  évacuèrent  la  Perse  ; 
mais  ils  avaient  profité  rie  l'occasion  pour  occuper  Perini.  En   1878 


^  73  — 

Nassar-Eddin  fit  un  voyage  en  Europe  en  passant  par  St-Pétersbourg, 
il  y  signa  un  traité  secret.  C'est  lui  qui.  en  1884.  céda  Seralvs  à  la 
Russie. 

Au  XVllP  siècle  l'Afghanistan  n'était  qu'une  province  de  la  Perse  ; 
le  pays  fut  affranchi  de  la  tutelle  perse  par  les  familles  des  Dourani  et 
des  Baraxi.  Les  premiers  rejouaient  à  Héral  ;  les  seconds  à  Caboul  et  à 
Candahar. 

A  Caboul  Dost-Mohamed  rêvait  l'unité  de  l'Iran  juste  au  même 
moment  que  Moliamed-Mirza.  Lui  aussi  voulait  l'annexion  du  royaume 
d'Hérat;  il  se  heurta  à  l'opposition  anglaise,  tout  comme  le  souverain 
persan  et  lui  aussi  se  tourna  vers  l'alliance  russe.  C'est  alors  que  les 
Anglais  lui  suscitèrent  un  compétiteur,  l'émir  Soundja  qu'il  avait 
détrôné.  En  1839,  après  avoir  préalablement  traité  avec  le  roi  de  Lahore 
encore  indépendant,  ils  organisèrent  une  expédition  en  deux  colonnes  : 
l'armée  del'Indus  forte  de 28.000 liommes  passa  par  lapasse  de  Bolan, 
la  seconde  par  celle  de  Khyber.  Le  rendez-vous  était  à  Caboul.  La 
première  armée  après  bien  des  souffrances  et  après  avoir  surmonté  la 
résistance  acharnée  des  montagnards  arriva  à  Kandahar  où  Soundja 
prit  possession  du  royaume;  quarante  afgans  du  peuple  seuls  assistèrent 
à  son  couronnement.  Dost-Mohamed  s'enfuit  de  Caboul  mais  tomba 
entre  les  mains  de  la  deuxième  armée.  11  fut  interné  à  Calcutta  et 
Soundja  proclamé  à  Caboul. 

Le  gouvernement  anglais  croyait  le  pays  pacifié  lorsque,  en  1841, 
éclata  une  terrible  insurrection  provoquée  parle  fils  de  Dost-Mohamed: 
Sir  Burners  représentant  de  l'Angleterre  fut  assassiné  à  Caboul.  Les 
troupes  anglaises  se  replièrent  dans  la  citadelle  et,  pour  ne  pas  mourir 
de  faim,  signèrent  avec  Uhkbar  une  convention  aux  termes  de  laquelle 
ils  pouvaient  se  retirer  librement.  Le  6  janvier  1842  commença  la 
retraite.  11  y  avait  4.500  soldats  plus  1.200  valets  et  une  masse  énorme 
de  femmes  et  d'enfants.  Le  Général  Elphinston  qui  commandait  cette 
cohue  était  affaibli  par  l'âge  :  attiré  dans  une  conférence  il  fut  égorgé. 
Alors  l'armée  abandonna  armes  et  canons  et  se  débanda,  un  seul 
homme  échappa,  le  D""  Brydon  qui  vint  porter  la  nouvelle  du  désastre. 

8.000  anglais  partis  de  Candaliar  rejoignirent  sous  Caboul  une  armée 
de  16.000  hommes  qui  avait  franchi  la  passe  de  Khyber.  La  ville  fut 
pillée,  le  pays  ravagé.  Leur  prestige  ainsi  rétabli,  les  Anglais  jugèrent 
qu'il  n'y  avait  rien  de  mieux  à  faire  que  de  restaurer  Dost-Mohamed  et 
de  s'en  faire  un  ami.  Ils  inaugurèrent  dès  lors  une  politique  de  non 
intervention  que  le  parlement  qualifia  de  passivité  magistrale.  En  1855, 


—  74  — 

Dost-Mohained  resserra  son  alliance  avec  les  Anglais  par  un  traité. 
Dès  lors  les  Anglais  lui  laissèrent  les  mains  libres  et  même,  en  1863, 
l'aidèrent  à  réaliser  le  rêve  de  sa  vie  à  prendre  Hérat.  Mais  il  mourut 
trois  jours  après  ! 

Son  successeur  Shere  Ali,  n'aimait  pas  les  Anglais.  Toutefois  ce  ne 
fut  qu'après  la  prise  de  Khiva  c'est-à-dire  en  1873,  que  les  Anglais 
s'inquiétant  des  progrès  de^  Russes  songèrent  à  resserrer  leur  alliance 
avec  l'Afghanistan.  En  1876,  le  vice-roi  des  Indes,  lord  Lvtton.  fit  à 
l'émir  des  avances  qui  furent  repoussées.  En  1878  un  général  russe  fut 
reçu  à  Caboul  :  l'Angleterre  à  son  tour  voulut  envoyer  un  ambassadeur 
il  ne  fut  pas  reçu.  C'était  la  guerre. 

Les  Anglais  marchèrent  sur  Caboul  en  trois  colonnes  par  la  passe  de 
Khyber,  celle  du  Kuram  et  celle  de  Bolan.  La  résistance  ne  fut  pas 
sérieuse.  Les  Anglais  agréablement  surpris  détrônèrent  Schere-Ali  et 
le  remplacèrent  par  Yakoub-Khan  qui  signa  avec  eux  le  traité  de 
Gaudamak  et  accepta  la  présence  d'un  résident  à  Caboul  (1879).  A  peine 
la  paix  conclue,  un  soulèvement  populaire  éclata  à  Caboul,  le  major 
Cavagnari,  résident  anglais  fut  assassiné.  Les  Anglais  revinrent  à 
Caboul  et  emprisonnèrent  l'émir,  mais  la  révolte  gagna  tout  l'Afgha- 
nistan. Cette  fois,  ce  fut  dans  les  défilés  en  avant  de  Candahar  que 
l'armée  anglaise  essuya  un  désastre.  Les  survivants  furent  bloqués  dans 
Candahar,  oîi  le  Général  Roberts,  vainqueur  à  Caboul,  arriva  à  temps 
pour  les  délivrer.  Dégoûté  du  pouvoir,  Yakoub-Khan  abdiqua  en  faveur 
de  son  frère  Abdur  Rhaman  qui  reçut  de  l'Angleterre  une  pension  de 
trois  millions  movennant  quoi  il  devint  un  véritable  préfet  anglais. 
L'Angleterre  retira  ses  soldats. 

150  ans  auparavant  les  Russes  étaient  à  Astrakan,  les  Anglais  à 
Calcutta,  soit  à  4.000  kilomètres  de  distance,  maintenant  l'espace  qui 
les  sépare  est  réduit  à  800  kilomètres  et  encore  ne  faut-il  voir  là  qu'une 
distance  apparente.  La  séparation  effective  était  le  Turkestan  afghan, 
c'est-à-dire  la  rive  gauche  du  Haut-Oxus  et  les  bassins  de  ces  affluents  : 
Hérat  d'une  part,  Ralk  de  l'autre. 

En  1884,  le  général  Komarof  marcha  sur  Balk  et  remporta  sur  les 
Mglians  la  victoire  de  Kouchka  ;  mais  il  avait  négligé  de  couper  le 
télégraphe  comme  avait  fait  Tchernaïef  avant  la  prise  de  Taschkend  et 
des  ordres  supérieurs  venus  de  Pétersbourg  l'arrêtèrent  avant  qu'il  eut 
achevé  son  opt!'rati<jn.  L'Angleterre  était  intervenue.  Une  commission 
de  délimitation  se  réunit  (1884-85)  et  fixa  la  frontière  :  Balk  resta  à 
l'Afghanistan. 


A  cette  époque,  l'avantage  appartenait  à  la  Russie  qui,  en  vingt  ans 
avait  reculé  la  limitedeson  empire  depuis  la  steppe  Kirgliize  jusqu'en  vue 
de  la  grande  chaîne  de  l'Hindou-Kouch.  On  pouvait  même  prévoir  que 
la  Russie  dépasserait  cette  frontière,  tant  son  avance  était  grande  sur 
l'Angleterre,  séparée  de  cette  même  chaîne  par  une  zone  de  paj^s 
indépendants. 

Mais  de  1884  à  1890  les  Russes  demeurèrent  immobiles,  confiants  en 
leur  avance.  Les  Anglais,  bien  qu'inactifs  en  apparence,  firent  preuve 
de  la  plus  grande  habileté  ! 

Poussant  devant  eux  l'Afghanistan,  Etat  nominalement  indépendant, 
mais  en  réalité  soumis  à  leur  influence,  les  Anglais  lui  firent  absorber 
tous  les  territoires  mal  connus  et  sans  maîtres  bien  déterminés 
qu'il  a  pu  envahir  dans  la  région  des  sources  de  l'Oxus.  Cela  fait,  les 
Anglais  intervinrent  directement  dans  les  pays  voisins  du  Pamir 
non  encore  soumis  à  leur  autorité,  c'est-à-dire  dans  le  Kafiristan 
et  dans  le  Dardistan.  Pour  ce  dernier  pays,  elle  fit  agir  le 
Kachmir,  soumis  à  son  influence  comme,  elle  avait  poussé  en  avant 
l'Afghanistan  pour  le  haut  Oxus.  Dans  le  Kafiristan  l'Angleterre  agit 
elle-même.  Avant  1891.  il  3^  avait  dans  ce  pays  une  manière  de  souverain 
brigand,  qui,  au  prix  d'assassinats  compliqués  et  nombreux  avait  fini 
par  étendre  son  autorité  sur  le  Kafiristan  tout  entier.  A  sa  mort,  ses 
fils  se  disputèrent  son  héritage.  L'un  d'eux  Nizam,  soutenu  par  les 
Anglais,  s'installa  à  Tchitral  mais  fut  tué  dans  une  émeute,  il  avait 
accepté  la  présence  d'un  résident,  le  D'"  Robertson  qui  avec  300  hommes 
se  trouva  assiégé  dans  la  citadelle.  Aussitôt  14.000  hommes  réunis  à 
Peschawer  sous  la  conduite  de  sir  R.  Low  s'engagèrent  dans  la  vallée 
du  Levât,  puis  dans  celle  de  la  Pendzkorah,  où  l'un  des  chefs  indigènes, 
le  Khan  de  Shir  se  déclara  pour  eux  et  débloqua  le  D''  Robertson.  En 
même  temps,  une  seconde  colonne  partie  de  Gilgit  sous  le  colonel  Killy 
arriva  à  Tchitral  par  le  Nord  après  un  trajet  extraordinairement 
difficile.  Toute  cette  région,  couverte  de  montagnes  presque  infranchis- 
sables livrée  jusqu'à  présent  à  l'anarchie  va  constituer,  sous  l'autorité 
de  l'Angleterre  et  avec  le  secours  des  fortifications  que  sait  établir  l'art 
européen,  une  zone  de  défense  de  premier  ordre  pour  l'empire  Indien 
(189.5). 

Naturellement  les  Russes  s'inquiétèrent  des  progrès  de  l'Angleterre 
dans  cette  région  du  Pamir  ;  de  part  et  d'autre  on  entra  en  négocia- 
tions. Cette  fois  encore  la  diplomatie  anglaise  parvint  à  arrêter  l'essor 
russe  au  Pamir.  Le  lac  Victoria,  au  centre  du  plateau  du  Pamir,  et  le 


—  76  - 

cours  de  l'Ak-Su  l'un  des  l)ras  du  Pandj,  grand  affluent  de  l'Oxus 
furent  choisis  comme  bases  du  partage. 

Le  bassin  de  l'Indus  fut  attribué  à  l'Angleterre,  qui  demeure  ainsi 
maîtresse  de  tous  les  débouchés  de  l'Hindou-Kouch. 

Le  bassin  de  l'Oxus  était  réservé  à  la  Russie. 

Les  districts  de  Rochau  et  de  Ghigan  demeuraient  occupés  par  les 
Russes,  mais  le  Badakchan  était  rendu  aux  Afghans.  Le  territoire 
compris  dans  la  zone  d'influence  anglaise  entre  l'Hindou-Kouch  et  la 
ligne  partant  de  l'extrémité  orientale  du  lac  Victoria  et  rejoignant 
la  frontière  chinoise  faisait  partie  des  Etats  de  l'émir  d'Afglianistan. 
La  Grande-Bretagne  s'engageait  à  ne  pas  annexer  ce  territoire  et  à  n'y 
établir  ni  postes  militaires,  ni  ouvrages  fortifiés  (1895). 


Eu  s'inslallant  à  Gilgit  en  1889,  eu  plaçant  sous  sa  domination  directe 
le  Daziristan  en  1893,  en  occupant  simultanément  la  vallée  deTchitral 
en  1895.  l'Angleterre  n'avait  d'autre  but  que  de  surveiller  la  marche, 
et  s'assurer  l'avantage  de  la  position  pour  arrêter  les  progrès  de  sa 
rivale  vers  le  Nord  (1).  Le  Foreign-Office  avait  bien  promis  aux  belli- 
queuses tribus  de  montagnards  musulmans,  qui  habitent  les  hautes 
vallées  du  Tchitral,  d'évacuer  leur  contrée  sans  y  occuper  aucun  fort, 
sans  y  laisser  la  moindre  garnison,  sans  y  lever  d'impôts  ne  demandant 
que  le  droit  d'y  construire  des  routes  ;  mais  cette  convention  ne  fut 
pas  exécutée,  les  routes  furent  bien  construites,  mais  le  pays  ne  fut 
pas  évacué.  «  Abandonner  la  vallée  du  Tchitral  »  déclara  M.  Curzon 
auquel  on  reprochait  de  ne  pas  tenir  ses  engagements  «  ce  serait  une 
folie,  ce  serait  confesser jiotre  faiblesse  et  engager  les  Russes  à  s'avan- 
cer de  ce  côté.  Nous  ne  le  pouvons  pas,  »  Cette  raison  n'a  pas  suffi  à 
ses  habitants  et  vers  le  milieu  d'août  1897,  on  apprenait  que  les  tribus 
Afridis,  Orakzaïs  et  Namuuds  qui  peuplent  les  pentes  du  Sefid-Koh  et 
le  massif  du  Yagkistan  venaient  de  se  révolter. 


(1)  L'acquisition  de  la  vallée  du  Sirat  et  du  Tchitral  est  de  la  plus  haute  impor- 
tance pour  la  Grande-Bretagne,  car  elle  ouvre  la  route  la  plus  directe  entre  ITnde 
et  le  Pamir.  La  distance  de  Peschawer  à  Tchitral  par  la  vallée  du  Sirat  est  d'envi- 
ron .320  kilomètres  tandis  que  la  route  par  le  Kachmyr  et  Gilgit,  la  seule  dont 
pouvaient  disposer  les  troupes  anglaises  avant  l'annexion  de  189i3,  a  plus  de  VK30  ki- 
lomètres. 


De  toutes  parts  des  bandes  d'insurgés  descendant  des  montagnes 
touibèrenl  à  l'improviste  sur  les  postes  anglais,  dont  un  grand  nombre 
furent  enlevés  et  la  garnison  massacrée  ;  les  forts  dWli-Musjid  et  de 
Sundi-Kotal  aux  environs  immédiats  de  Peschawer  furent  pris 
(26  août  1897). 

L'opinion  publique  anglaise  crut  à  une  nouvelle  défection  de  l'émir 
Abd-er-Rhaman,  à  une  nouvelle  victoire  de  la  diplomatie  russe  :  il 
n'en  était  rien.  L'émir  de  Caboul  se  déclara  étranger  au  soulèvement, 
refusa  ses  secours  aux  rebelles  et  parla  même  de  coopérer  à  la 
répression. 

De  petites  colonnes  expéditionnaires  tirées  des  garnisons  voisines 
furent  envoyées  contre  les  tribus  révoltées.  L'une  de  ces  colonnes 
opérant  dans  le  Sirat,  commandée  par  le  Général  Jeffrey,  cernée  par 
les  insurgés  fut  obligée  de  se  retirer  avec  de  grandes  pertes  ;  celle  du 
Général  Bood,  opérant  vers  la  passe  de  Khyber  attaquée  de  nuit  fut 
dispersée. 

Parfaitement  armés  et  pourvus  de  munitions,  les  rebelles,  enhardis 
par  leurs  succès,  devenant  chaque  jour  plus  entreprenants  et  la  rébellion 
menaçant  de  gagner  les  tribus  voisines,  le  gouvernement  de  l'Inde 
dut  décider  la  formation  d'un  corps  expéditionnaire. 

Le  1"  Corps  (Punjab-Corps)  se  concentra  vers  Peschawer.  Son  chef, 
le  Général  Sir  William  Lockkart,  alors  en  congé  en  Allemagne,  fut 
rappelé  et  reçut  le  commandement  de  l'expédition.  L'effectif  des 
troupes,  grâce  à  quelques  renforts  expédiés  d'Angleterre,  s'élevait  à 
près  de  50.000  hommes. 

Après  quelques  tentatives  de  réconciliation,  l'armée  expéditionnaire 
se  met  en  marche  vers  la  passe  de  Khyber  où  semblait  s'être  concen- 
tré le  gros  des  tribus  révoltées.  Vers  le  1*''  décembre,  elle  n'était 
encore  qu'à  une  trentaine  de  kilomètres  de  Peschawer,  ayant  chaque 
jour  à  lutter  et  à  repousser  de  vigoureuses  attaques,  quand,  tout  à  coup 
le  15,  le  commandant  en  chef  décida  la  brusque  retraite  de  l'armée 
sous  les  murs  de  Peschawer, 

«  Je  me  retire  des  hauteurs  —  disait-il  dans  une  proclamation  adressée 
»  à  l'ennemi  —  à  cause  de  la  neige  pour  ne  pas  exposer  mes  troupes 
»  aux  rigueurs  d'un  tel  climat,  mais  je  ne  quitte  pas  votre  pays,  j'y 
»  demeurerai  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  fait  votre  complète  soumission 
»  au  gouvernement. 

»  Quoique  puissent  vous  dire  vos  perfides  conseillers,  votre  lutte 


-  78  - 

»  contre  l'Angleterre  est  pareille  à  une  attaque  de  mouches  contre  des 
»  lions. 

»  Je  suis,  pour  beaucoup  d'entre  vous,  un  vieil  ami.  Je  vous  conseille 
»  donc  de  vous  soumettre  et  de  rappeler  dans  vos  villages  vos  femmes 
»  et  vos  familles.  » 

En  somme  tout  reste  à  faire  pour  le  printemps  prochain.  L'acharne- 
ment des  Afridis  dans  la  phase  finale  de  la  retraite  montre  qu'ils  ne 
sont  ni  vaincus,  ni  découragés.  Néanmoins  la  campagne  du  général 
Locklvart  n'a  pas  complètement  échoué.  En  effet,  le  mot  d'ordre  a  été, 
tout  le  temps,  de  dévaster  le  pays  ennemi  et  de  détruire  tous  les 
villages.  Les  Afridis  ne  souffrent  pas  encore  des  effets  de  cette  destruc- 
tion générale,  effets  qui,  d'après  les  autorités  anglaises,  ne  se  feront 
sentir  que  dans  quelques  mois,  lorsque  les  provisions  qui  restent  encore 
seront  épuisées. 

D'ailleurs,  quelque  répétés  qu'aient  été  les  échecs  anglais  dans 
cette  première  campagne,  cette  révolte  n'est  pas  dénature  à  renverser 
la  domination  des  Anglais  dans  l'Inde,  où  à  y  changer  leur  situation. 
Les  ressources  dont  l'Angleterre  dispose  lui  permet  une  action  enve- 
loppante sous  laquelle  les  montagnards  révoltés,  malgré  leur  indiscu- 
table bravoure,  seront  définitivement  écrasés.  C'est  une  question  de 
renforts  jusqu'à  concurrence  d'un  nombre  de  soldats  qui  ne  dépasse 
pas  les  ressources  de  l'armée  anglo-indienne  et  une  affaire  de  millions 
qui  ne  feront  pas  défaut  non  plus. 

Toutefois  ces  revers  font  pressentir  l'irrémédiable  faiblesse  des 
Anglais  dans  l'Inde.  Haïs,  exécrés  par  les  populations  qui'ils  exploitent 
et  oppriment,  que  les  hasards  de  la  guerre  amènent  une  troupe  russe, 
quelque  minime  qu'elle  soit,  à  la  passe  de  Khyber  et  ce  simple  contact 
pourrait  devenir  le  signal  d'une  insurrection  générale  des  peuplades 
de  l'Inde  lesquelles  s'allieraient  à  l'envahisseur  pourchasser  l'Anglais. 


Pour  maîtriser  les  révoltes  intérieures  toujours  à  craindre  dans  un 
aussi  vaste  empire  que  celui  des  Indes,  faire  respecter  l'ordre,  assurer 
l'exécution  des  lois,  repousser  les  attaques  extérieures,  la  Grande- 
Bretagne  entretient  dans  ses  possessions  de  l'Hinduustan,  une  armée 
spéciale,  composée  de  soldats  anglais  et  de  soldats  indigènes.  Cette 
armée  anglo-indienne  a  paru  sur  tous  les  champs  de  bataille  du  siècle  ; 
on  la  trouve  à  l'expédition  d'Egypte  de  1801   comme  à  celle  de  1882, 


—  79  — 

dans  les  guerres  de  l'Afghanistan  comme  dans  celles  de  Chine, 
d'Abyssinie  ou  de  la  Cafrerie.  Elle  constitue  la  partie  la  plus  vigou- 
reuse, la  plus  apte  à  faire  campagne  de  rarmée  britannique. 

Avant  1859,  l'administration  des  possessions  indiennes  était  affermée, 
par  le  gouvernement  britannique,  à  une  vaste  compagnie  dite  Hono- 
rable East  India  Company,  qui  avait,  entre  autres  charges,  celle  de 
recruter  et  d'entretenir  la  plus  grande  partie  de  l'armée  européenne 
des  Indes. 

En  1856  elle  avait  à  sa  solde  : 

9  bataillons  d'infanterie, 

1  régiment  du  génie, 

Toute  l'artillerie  (39  batteries). 

Le  restant  des  troupes  blanches,  c'est-à-dire  : 

4  régiments  de  cavalerie, 
22  bataillons  d'infanterie, 

appartenaient  à  l'armée  anglaise  et  étaient  appelées  aux  Indes  : 
Troupes  de  la  Reine. 

L'effectif  de  ces  troupes  formant  33  bataillons,  20  escadrons  et 
39  batteries  ne  dépassait  pas  41.000  hemmes. 

La  Compagnie  entretenait  en  outre  : 

155^  bataillons  d'infanterie  indigène, 
21  régiments  de  cavalerie  indigène, 

représentant  un  effectif  de  220.000  hommes,  ce  qui  faisait,  pour  l'armée 
des  Indes,  un  total  de  : 

188  bataillons  d'infanterie,    ' 
104  escadrons  de  cavalerie, 
39  batteries  d'artillerie, 
et  261.000  combattants. 

Le  commandement  était  aux  mains  d'un  commandant  en  chef  dans 
chacune  des  trois  présidences  de  Bengale,  Madras  et  Bombay.  Le 
généralissime  résidait  dans  la  présidence  de  Bengale  ;  il  n'avait  aucune 
action  sur  les  troupes  de  la  Compagnie. 

A  la  suite  de  l'émeute  de  1857  et  de  la  proclamation  du  1^""  janvier 
1859,  aux  termes  de  laquelle  l'administration  directe  de  l'Inde  passait 
aux  mains  de  la  Couronne,  cette  organisation  militaire  fut  réformée, 


-  80  - 

l'armée  européenne  locale  supprimée  et  toutes  les  troupes  rattachées 
à  la  métropole. 

L'efiectif  des   troupes  de  rurmée  anglaise  détachées  aux.  Indes  fut 
porté  à  73.000  hommes  répartis  en  : 

53  bataillons  d'infanterie, 
36  escadrons  de  cavalerie, 
88  batteries  ; 

et  l'armée  indigène,  réorganisée  fut  divisée  en  : 

133  régiments  {1  bataillon)  d'infanterie, 
40  régiments  de  cavalerie. 
12  batteries  de  montagne, 
21  compagnies  du  génie 

et  un  certain  nombre  de  corps  locaux  à  la  disposition  du  gouverne- 
ment de  l'Inde,  qui  portent  l'effectif  des  troupes  indigènes  à  : 

141  bataillons  d'infanterie, 
160  escadrons  de  cavalerie, 
12  batteries  d'artillerie 
et  144.000  combattants. 

Cette  armée,  anglo-indienne,  comptait  en  1897  : 

194  bataillons  d'infanterie, 
196  escadrons  de  cavalerie, 
100  batteries  d'artillerie 
et  217.000  combattants. 

Répartie  en  quatre  corps  d'armée,  savoir  : 

P""  Corps  d'armée  du  Punjab.    Lieutenant-général  S.  W.  Lockkart. 
IP  —  du  Bengale,  Lieutenant-général  Elles. 

III*  —  de  Madras,    Lieutenant-général  Mansfeld  Clarke. 

IV*  —  de  Bombay,  Lieutenant-général  Nairne. 

dont  le  commandement  en  clief  appartient  au  lieutenant-général  Sir 
G.  White  (1"  avril  1895). 

Elle  est  répartie  de  la  manière  suivante  dans  les  trois  présidences  : 

Présidence  du  Bengale  (V  et  IP  corps) 118.000  hommes. 

—  de  Madras  (IIP  corps) 56.000        — 

—  de  liombay  (IV  corps) 43.000        — 


—  81 


Obsédée  par  l'idée  de  la  liille  qu'elle  entrevoit  plus  ou  moins 
prochaine  avec  la  Russie,  l'Angleterre  a  recherché  partout  le  moyen 
d'augmenter  sa  jmissance  militaire.  A  l'imitation  de  la  métropole,  on  a 
organisé  des  corps  de  volontaires.  Aux  termes  d'une  loi  votée  en  1896, 
le  gouverneur  général  a  le  droit,  en  cas  de  circonstances  critiques, 
d'appeler  les  volunteers  au  service  militaire  effectif.  C'est,  en  cas  de 
guerre,  un  apport  de  27.000  Européens  ou  Eurasiens  (métis)  aux 
73.(X)0  soldats  anglais  prévus  normalement  au  budget. 

Ces  corps  de  volontaires  se  répartissent  en  : 

37  bataillons  (dont  un  de  tirailleurs  montés,  le  Mounted-Rifles), 
23  escadrons  de  cavalerie, 
7  batteries  d'artillerie. 

Ce  n'est  pas  tout.  Depuis  le  jubilé  de  1887,  les  grands  Etats  feuda- 
taires,  voulant  contribuer  à  la  défense  de  l'empire,  ont  offert  à  la  reine 
Victoria,  des  contingents  d'infanterie,  de  cavalerie,  s'élevant  à 
19.000  hommes,  dont  ils  ont  l'entretien,  mais  dont  l'instruction  est 
confiée  aux  officiers  anglais. 

Enfin,  la  police  militaire  de  P^irmanie,  d'Assam  et  de  Chittagong 
comprend  19.000  hommes. 

En  résumé,  VlndianA^^niy  comprend  : 


(     Troupes  anglaises. 
Indian  Arniv  • .       rr,  •    j-    • 

(    Iroupes  indigènes 

Impérial  service  Troops 

Volunteers 

Police  nriilitaire  de  Birmanie,  etc 


ai 

CD 

"ce 

53 

3ti 

65 

ir,i 

1(50 

12 

14 

181/2 

2 

37 

23 

7 

» 

» 

» 

245 

237  1/2 

80 

73. 000 
144.000 
19.000 
27.000 
19.000 


282.000 


Soit,  un  total  de  280.000  combattants  dont  220.000  hommes  de 
troupes  régulières,  les  autres  étant  susceptibles  de  servir  comme 
troupes  d'étape  ou  de  garnison. 

Les  bataillons  européens  stationnés  aux  Indes  sont  détachés  des 


régiments  de  la  métropole.  Chacun  de  ces  régiments  compi'end  en 
principe  : 

1°  Un  dépôt,  toujours  stationné  dans  le  district  régimentaire  de 
recrutement,  en  Angleterre  ; 

2°  Un  bataillon  dans  la  métropole  {home  hataUlon  ),  en  Angleterre 
ou  dans  les  îles  du  Canal  ; 

3"  Un  bataillon  à  l'extérieur  [foreign  tataillon]  qui  se  trouve  soit 
aux  Indes,  soit  dans  les  colonies,  soit  dans  la  Méditerranée. 

Les  effectifs  des  foreign-bataillons  sont  tenus  au  complet  de 
1.012  hommes.  Au  bout  de  huit  ans,  les  ofliciers  et  les  soldats  de  ces 
bataillons  ont  la  faculté  de  rejoindre  le  home-bataillon  et  sont  remplacés 
par  des  unités  tirées  de  ce  dernier  bataillon. 

Pour  les  troupes  de  cavalerie,  on  n'opère  pas  de  la  même  manière  : 
les  différents  régiments  y  sont  envoyés  à  tour  de  rôle. 

Quand  un  régiment  de  cavalerie  stationné  en  Angleterre  reçoit  Tordre 
de  partir  pour  les  Indes,  il  laisse  dans  la  métropole  un  dépôt  qui  reçoit 
les  recrues,  les  instruit  et  les  expédie  pour  combler  les  vides  du 
régiment  de  guerre.  Chaque  régiment  compte  4escadronset525chevaux. 

Toute  l'artillerie  anglaise  ne  forme  qu'un  seul  régiment  de  185  batte- 
ries qui  en  détache  88  dans  l'Inde.  La  relève  en  est  assurée  comme  pour 
la  cavalerie. 

Les  régiments  indigènes  sont  formés  au  moyen  de  volontaires 
principalement  et  presque  exclusivement  "tirés  du  Punjab,  les  races  du 
nord  de  l'Inde  fournissant  les  meilleurs  éléments  de  combat  ;  l'engage- 
ment est  valable  pour  trois  ans  et  peut  être  prolongé  jusqu'à  vingt  et 
un  ans,  après  lesquels  le.  cipaye  a  droit  à  une  retraite. 

Depuis  1887,  on  a  créé  un  système  de  réserve  pour  porter,  en  cas  de 
mobilisation,  les  bataillons  au  complet  de  guerre.  Tous  les  anciens 
cipayes  y  sont  astreints  ;  il  y  a  deux  classes  : 

F  La  réserve  de  l'armée  active  ; 
2"  La  réserve  de  garnison. 

Toutes  les  troupes  sont  commandées  par  des  officiers  anglais  de 
rindian  Stafl  Corps  qui  comprend  deux  catégories  : 

1"  Les  officiers  emphnés  dans  les  corps  indigènes  ou  dans  les  services 
accessoires  ; 

2"  Les  officiers  pourvus  d'emplois  civils,  tels  :  les  agents  diploma- 
tiques, les  résidents,  etc. 


—  83  — 

Toute  l'infanterie  anglaise  est  pourvue  du  fusil  à  magasin  Lée-Met- 
ford,  dont  le  projectile,  de  petit  calibre,  n'a  pas,  aux  petites  distances, 
un  effet  immédiat  suffisant  (1).  L'artillerie  est  dotée  d'un  canon  de  12  se 
chargeant  par  la  culasse. 

L'infanterie  et  la  cavalerie  indigènes  ont  reçu  des  fusils  et  des  cara- 
bines Martini-Henry,  en  remplacement  des  Snieders  qui  arment  main- 
tenant les  troupes  de  la  police  militaire  de  Birmanie.  Quant  à  l'artillerie 
indigène,  qui  ne  compte  que  des  batteries  de  montagne,  son  matériel 
consiste  en  pièces  démontables  du  calibre  de  2  pouces  1/2  (0"'0685)  ; 
les  deux  parties,  la  volée  et  la  culasse  se  joignant  bouta  bout  au  moyen 
d'un  lourillon-écrou. 

Depuis  une  dizaine  d'années  on  a  créé  des  poudreries,  des  cartou- 
cheries et  toutes  sortes  d'établissements  militaires  (2),  qui  permettent 
à  l'armée  des  Indes  de  se  pourvoir  sur  place. 

A  première  vue,  cette  armée  de  280  mille  hommes  constitue  donc 
pour  l'Angleterre  une  force  importante  qui  doit  mettre,  pour  longtemps 
encore,  l'Inde  à  l'abri  des  invasions  étrangères.  Cependant  si  on 
considère  le  dernier  soulèvement  des  tribus  Afridis,  on  est  bien  obligé 
de  convenir  que,  dans  cette  armée  des  Indes,  tenue  constamment  sur 
le  pied  de  guerre,  soumise  à  un  entraînement  de  tous  les  instants, 
.  pourvue  d'arsenaux,  d'ateliers  et  de  magasins,  formée  des  meilleures 
troupes  britanniques,  rien  n'est  prêt  pour  une  grande  guerre. 

A  grand'peineon  a  réuni  50.000  hommes  aux  environs  de  Peschawer 
et  les  2  ou  4.000  hommes  de  renfort  qui  y  ont  été  envoyés  depuis,  ont 
dû  venir  d'Angleterre,  tandis  qu'à  l'arsenal  de  Wolwich  on  travaillait 
jour  et  nuit  pour  pourvoir  les  colonnes  d'opérations  des  choses  les  plus 
indispensables. 

Comment  se  fait-il  que  sur  220,0(JO  combattants,  l'empire  des  Indes 


(1)  C'est  dans  la  campagne  do  Tchitral  \  189.5)  que  les  Anglais  se  servirent  pour 
la  première  fois  du  Lée-.Metford.  Le  résultat  des  observations  faites  au  point  de  vue 
chirurgical  a  été  le  suivant  :  aux  petites  distances  de  2  à  30J  mètres,  le  projectile 
produit  un  oifct  explosif  et  fait  une  grande  blessure  irrégulière,  non  seulement 
brisant  l'os  au  passage,  mais  le  pulvérisant  complètement.  Aux  distances  moyennes, 
la  blessure  est  petite  et  franche,  si  le  projectile  rencontre  un  os,  il  y  fait  un  petit 
trou  net  sans  le  briser.  Aux  grandes  distances,  le  projectile  fait  de  nouveau  une 
vilaine  blessure,  le  trou  de  sortie  étant  beaucoup  plus  grand  que  le  trou    d'entrée. 

(2)  11  existe  aux  Indes:  2  poudreries:  Kerkée,  Ichaporc  ;  2  carloucJieries  : 
KQrkkc^Xiwrfi-DvLXii  ;  3  ateliers  (Je  construction  de  voitures  :  lalchyahr,  Bombay, 
Madras  ;  1  atelier  de  sellerie  :  Cawnp  )re  :  1  fonderie  :  Gossipore, 


—  84  — 

n'ait  pu  mobiliser,  dans  une  circonstance  aussi  grave,  que  50.000 
hommes,  manquant  littéralement  de  tout,  à  quelques  hilomètres  d'une 
tête  de  ligne  de  chemin  de  fer  et  d'un  camp  retranché  ? 

Et  tout  d'abord,  l'Angleterre  peut-elle  compter  sur  l'inaltérable 
fidélité  des  troupes  indigènes  ? 

Dans  un  discours  prononcé  l'année  dernière  (1)  le  feld-maréchal 
Wolseley  faisait  le  procès  de  la  cavalerie  indigène  qu'il  accusait  d'être 
incapable  de  soutenir  le  choc  d'aucune  troupe  européenne.  Le  reproche 
peut  s'étendre  à  bon  nombre  de  régiments  d'infanterie ,  dont 
quelques-uns  sont  si  mal  notés,  qu'il  y  aurait  péril  à  les  employer  au 
feu. 

X'a-t-on  pas  vu.  dans  le  début  de  la  campagne  contre  les  Afridis 
(août  1897),  trois  compagnies  d'infanterie  indigène  passer  à  l'ennemi 
avec  armes  et  bagages  ? 

Même  les  bataillons,  tels  ceux  de  Goorkhas,  qui  se  sont  signalés  par 
leur  courage  et  leur  fidélité  et  qui  passent  pour  les  meilleures  troupes 
indigènes,  manquent  d'élan  ;  ils  ne  vont  de  l'avant  que  fortement 
entraînés  et,  on  peut  dire,  que  si  dans  une  action,  les  huit  officiers 
anglais  d'un  bataillon  indigène  sont  tués  ou  mis  hors  de  combat,  le 
bataillon  s'arrêtera  ou  battra  en  retraite. 

Voilà  pourquoi  le  gouvernement  des  Indes  ne  peut  employer  utile- 
ment qu'un  nombre  restreint  de  troupes  indigènes,  prises  parmi  celles 
qui  ont  donné  des  preuves  sérieuses  de  fidélité,  et  pourquoi  il  ne  peut 
dégarnir  complètement  certaines  régions  de  soldats  anglais,  la  présence 
de  ceux-ci  étant  nécessaire  pour  maintenir  les  cipayes  dans  l'obéissance. 

D'ailleurs,  habituées  à  trop  de  luxe  et  de  bien-être,  les  troupes 
anglaises  comme  les  contingents  indigènes,  paraissent  peu  capables 
de  prendre  une  part  active  à  une  campagne  moderne  où  le  mouvement 
est  une  condition  indispensable  du  succès.  Les  impedimenta  que 
traînent  ces  troupes  à  leur  suite  sont  énormes  :  les  hommes  de  troupe 
natifs  ne  pansent  pas  leurs  chevaux  ;  il  faut  pour  eux  des  palefreniers, 
des  coupeurs  d'herbes,  des  cuisiniers.,  des  porteurs  d'eau,  un  brancard 
et  6  porteurs  pour  10  hommes  :  chaque  officier  monté  a  deux  domes- 
tiques en  plus  de  son  ordonnance.  Et  tout  cela,  dans  un  pays  où  une 
armée  en  campagne  doit  tout  emporter  avec  elle  :  vivres,  fourrages. 


(1)  Déclaration  de  Glt'.sgcw,  Juin  1837. 


T-       ».)      — 


munitions  et  où  souvent  les  transports  ne  peuvent  se  faire  qu'à  dos  de 
mulets  ou  de  chameau  (1). 

Dans  de  pareilles  conditions,  une  armée  de  cent  mille  hommes  devient 
impossible  à  faire  mouvoir  :  elle  ne  peut  que  se  tenir  sur  la  défensive, 
autrement  dit  elle  est  à  la  merci  d'une  armée  plus  mobile. 


Les  troupes  russes  qui  ont  pris  part  à  la  conquête  et  qui  ont  été 
laissées  dans  l'Asie  centrale,  pour  en  assurer  la  pacification,  forment 
un  corps  spécial  «  l'Armée  du  Turkestan  ».  Les  troupes  cantonnées 
dans  la  province  de  Transcaspienne  jouissent  également  de  leur 
autonomie. 

Ces  troupes,  qui  ne  sont  pas  embrigadées,  comprennent  : 

I.  —  Armée  du  Turkestan: 

32  bataillons  d'infanterie, 
16  stonias, 
8  batteries  d'artillerie, 

présentant  un  effectif  de  27.000  hommes. 

n.  —  Troupes  de  la  province  transcaspienne  : 

11  bataillons  d'infanterie, 

12  stoniâs, 

4  batteries  d'artillerie. 

Soit  un  effectif  de  12.000  hommes. 

Ces  différents  corps  sont  formés  au  moyen  de  recrues  tirées  de  la 
Russie  d'Europe  qui  y  servent  sept  années  et  d'engagés  volontaires 
tirés  des  populations  soumises. 


(Il  Qu'on  songe  bien  que  flans  la  campagne  du  Tchitral  en  18rri,'pour  une  division 
de  15.000  hommes,  il  n"a  pas  fallu  moins  de  ;35.0(K1  animaux  de  transport  (éléphants, 
bœufs,  chameaux,  ânes  et  muletsl,  sans  compter  les  deux  Impérial-Trains  de 
Givalior  et  de  Icypoore  (1450  poneys  avec  593  voitures). 

.  «  Dans  notre  prochaine  grande  guerre  dans  l'Inde,  la  question  de  temps  sera  un 
»  facteur  très  important  et  l'armée  qui  pourra  se  mettre  rapidement  en  mouvement 
»  aura  beaucoup  d'atouts  dans  son  jeu.  Notre  armée,  dans  l'Inde,  est-elle  prête 
»  à  ce  point  de  vue  dans  le  sens  strict  du  mot  ?  Nous  en  doutons  ». 

[Army  and  Nacy  Gazette  du  28  décembre  1895). 


—  86  — 

Jusqu'à  présent,  on  n"a  imposé  aux  habitants  des  provinces  du 
Turkestan  aucune  obligation  militaire  et  la  loi  du  recrutement  du 
1"  janvier  1874  ne  s'étend  pas  aux  territmres  asiatiques. 

A  la  mobilisation,  ces  forces  sont  augmentées  par  la  transformation 
des  bataillons-cadres  en  régiments  de  réserve  (1),  soit  de  : 

7  régiments  de  réserve  à  5  bataillons  pour  le  Turkestan  ; 
2  régiments  de  réserve,  l'un  à  5  et  l'autre  à  2  bataillons  pour  la 
Transcaspienne. 

Ce  qui  porte  l'effectif  de  guerre  des  troupes  de  l'Asie  Centrale  à  : 

70  bataillons  d'infanterie, 

28  stonias, 

12  batteries  d'artillerie. 

avec  57.000  combattants]  réguliers,  auxquels  il  convient  d'ajouter  les 
formations  non  prévues  des  contingents  Kirggis  et  Turcomans,  qui 
s'élèveraient  facilement  à  une  vingtaine  de  mille  hommes. 

La  Russie  peut  espérer  tirer  de  ces  contingents  indigènes,  recrutés 
parmi  les  populations  qui  opposèrent  à  ses  armes  une  si  vigoureuse 
résistance  à  Géok-Tépé,  un  meilleur  usage  que  l'Angleterre  de  certains 
de  ses  régiments  nalifs. 

C'est  qu'alors  que  l'Angleterre  s'est  abattue  sur  l'Inde  comme  un 
vampire,  la  Russie  est  apparue  aux  populations  du  Turkestan  comme 
un  sauveur.  En  assurant  le  rétablissement  et  l'entretien  des  canaux 
d'irrigation,  elle  a  fait  renaître  l'agriculture  presque  complètement 
disparue  ;  elle  a  ravivé  le  connnerce  par  une  énergique  répression  du 
brigandage;  elle  a  rendu  aux  populations  une  prospérité  et  un  degré 


(1)  L'organisation  des  troupes-cadres  est  une  des  particularités  de  Tarmée  russe; 
son  but  est  de  rendre  l'instruction  et  la  mobilisation  de  l'armée  active  indépen- 
dante de  celles  des  troupes  de  réserve. 

Le  principe  adopté  est  que  la  mobilisation  ne  change  rien  à  l'organisation  des 
corps  actifs.  Cette  méthode  a  été  trouvée  tellement  ingénieuse  par  les  Allemands 
que  ceux-ci  l'ont  adoptée  dès  1804  et  ont  créé  173  quatrième  demi-bataillons,  qui  ne 
sont  autre  chose  que  des  trou])es-cadrcs,  qu'ils  viennent  de  transformer  en  20  régi- 
ments-cadres (1897). 

En  France,  au  contraire,  on  semble  s'en  tenir  à  l'encadrement  des  réserves  par 
les  éléments  de  l'armée  permanente. 

L'avenir  prononcera  sur  la  valeur  relative  des  deux  principes  en  présence. 


—  ^87  - 

de  bien-être  qu'elles  ne  connaissaient  plus  depuis  longtemps,  tout  en 
respectant  leur  liberté  et  leur  foi. 

Le  monde  doit  appartenir  un  jour  à  la  Russie, 

répètent  comme  une  prophétie.  Afghans  et  Turcomans  et  toutes  les 
peuplades  appellent  cet  heureux  jour.  C'est  en  vain  que  l'Angleterre 
cherchera  à  attacher  à  sa  fortune,  par  des  traités  et  de  l'or,  les  émirs 
de  Caboul,  qu'un  seul  escadron  turcoman  paraisse  à  la  passe  de 
Khyber,  l'Inde  musulmane  se  soulèvera  et  l'Empire  anglo-indien 
traversera  une  crise  plus,  redoutable  encore  que  la  rébellion  des 
Cipayes  {Cucheval-Clavigny) . 

Malgré  ses  immenses  ressources,  la  Russie  ne  pouvait,  jusqu'à  ces 
dernières  années,  rien  tenter  de  sérieux  contre  les  Indes  ;  en  effet,  ses 
possessions  du  Turkestan  oriental  ne  communiquaient  avec  l'Europe 
que  par  la  route  établie  à  travers  la  steppe  sibérienne  et  que  les  troupes 
les  plus  alertes  ne  pouvaient  parcourir  en  moins  de  vingt-deux  jours  ; 
il  fallait  ensuite  traverser  ou  contourner  la  mer  d'Aral  pour  arrivera 
rOxus  ;  ce  fleuve,  qui  n'est  pas  toujours  navigable,  conduisait  au  pied 
des  contreforts  les  plus  abrupts  duParopomisus  où  sont  établis,  d'étage 
en  étage,  comme  autant  de  forteresses,  les  petits  Etats  vassaux  de 
l'Afghanistan  ;  il  eut  fallu,  avant  d'arriver  à  Caboul,  réduire  l'une  après 
l'autre,  ces  tribus  belliqueuses  :  œuvre  difficile  ({ui  eut  toujours  été  à 
recommencer,  et  faire  ensuite  la  conquête  de  l'Afghanistan  lui-même. 

Si,  pour  éviter  ces  difficultés  presque  insurmontables,  on  quittait 
rOxus  au  point  où  il  cesse  d'être  navigable,  pour  se  diriger  de  là  sur 
la  vallée  du  Mourgab  ou  celle  de  l'Heri-Roud,  on  avait  à  traverser  un 
désert  de  sable  absolument  aride,  où  il  aurait  fallu  porter  jusqu'à  l'eau 
pour  faire  boire  les  hommes  et  les  chevaux  et  qu'il  était  impossible  de 
franchir  en  moins  de  douze  jours. 

Cette  deuxième  route  était  donc  aussi  impraticable  que  la  première. 
Il  fallait  en  chercher  une  autre. 

Ce  fut  le  chemin  de  fer  de  Krasnovodsk  à  Samarcande  qui  l'ouvrit, 
et  dès  lors  la  Russie  possédait  le  moyen  déconcentrer  rapidement  vers 
Hérat  une  armée  d'invasion. 

Aux  forces  de  l'armée  du  Turkestan,  il  convient  d'ajouter  celles  du 
corps  du  Caucase  qui,  grâce  à  la  ligne  Poti-Bakou  et  le  Transcaspien, 
peuvent  venir,  en  vingt  jours,  renforcer  les  contingents  russes  réunis 
sous  Hérat  ;  elles  comptent  : 


—  88  — 

110  bataillons  d'infanterie, 
80  stonias, 

•  8  lourdes  à  8  pièces, 

32  batteries  d'artillerie     101'''gères  à  8  pièces,; 

j  8  de  montagne  a  8  pièces, 
[  6  à  cheval  de  6  pièces. 


présentant,  sur  le  pied  de  paix,  un  effectif,  de  100.000  hommes,  qui 
serait  porté  sur  le  pied  de  guerre,  à  275.000  hommes,  auxquels  venant 
s'ajouter  les  75.000  hommes  de  l'armée  du  Turkestan,  formeraient  une 
masse  de  327.000  hommes,  savoir  : 

224  bataillons  d'infanterie, 
108  stonias, 

[  10  lourdes, 

44  batteries  ]  17  légères, 

{330  pièces).  )  9  de  montagne, 

(  8  à  cheval. 

Si  nous  comparons  ces  chiffres  avec  les  efiectifs  de  l'armée  anglo 
indienne  qui  peut  mettre  en  ligne  : 

245  bataillons  d'infanterie, 
237  1/2  escadrons  de  cavalei-ie, 

[    4  lourdes  (éléphants), 

86  batteries  (516  pièces)  |  ^  légères, 

)  22  de  montagne, 

'  11  à  cheval, 

et  280.000 combattants; 


nous  voyons  que  l'avantage  du  nombre  demeure  à  la  Russie,  mais 
qu'elle  reste  très  inférieure  au  point  de  vue  de  l'artillerie,  car  elle  ne 
peut  opposer  que  340  pièces  aux  516  pièces  de  l'armée  anglo-indienne. 

Le  service  des  transports,  qui  prennent  dans  ces  régions,  où  l'on  no 
peut  compter  que  sur  soi-même,  une  importance  capitale,  et  le  matériel 
des  convois  laissent  encore  fortement  à  désirer. 

Enfin,  ce  qui  paraît  manquer  le  plus  à  cette  armée  russo-asiatique, 
c'est  l'organisation  du  commandement  supérieur  (li. 


(1)  Un  ukase  du  13  inars  1899  Torganisc  dans  le  (Caucase. 


—  '89  - 


L'armée  russe  se  concentraol  sur  la  ligne  Merw-Samarcande-Mar- 
gelan,  peut  se  porter  sur  rAlghanistau  et  les  passes  qui  donnent  accès 
aux  Indes  : 

1"  Par  la  route  de  Mesched,  Hérat,  Candahar  ; 

2°  Par  la  route  de  Merw,  Pendjeb,  Hérat,  Candahar  ; 

3"  Par  le  faisceau  de  routes  partant  de  l'Oxus,  se  dirigeant  vers 
Mazar-Chérif,  Taschbourgan  et  convergeant  sur  Caboul,  en  empruntant 
la  passe  de  Bamian  ; 

4°  Par  les  routes  qui  mènent  du  Ferganah  dans  le  Tchitral  et  le  Swat 
par  le  Pamir,  les  hautes  vallées  de  l'Oxus  et  la  passe  de  Baroghil. 
Mais  les  routes  du  Pamir  sont  très  difficiles  et  souvent  rendues  impra- 
ticables par  les  neiges,  la  passe  de  Baroghil,  notamment,  n'est  acces- 
sible que  de  juin  à  septembre  ;  une  armée  nombreuse  ne  saurait 
les  utiliser. 

L'envahissement  de  l'Inde  ne  peut  donc  avoir  lieu  que  par  l'Ouest  ; 
il  s'ensuit  que  la  route  de  Merw,  Pendjeb,  Hérat,  Candahar,  la  plus 
courte  et  la  plus  accessible,  semble  devoir  être  l'axe  du  mouvement  en 
avant  des  armées  russes  ;  en  outre,  Candahar  est  le  point  stratégique 
le  plus  important  de  l'Alghanistan,  puisqu'il  commande  toutes  les 
routes  qui  de  Hérat  se  dirigent  vers  l'Inde. 

En  admettant  que  l'armée  russe  soit  parvenue  à  s'emparer  de 
Candahar  et  maîtresse,  par  conséquent,  de  choisir  sa  route  pour 
envahir  l'Inde,  elle  devra  éviter  de  suivre  la  route  du  col  de  Bolan 
qui  s'ouvre  droit  devant  elle,  mais  qui  conduit  soit  à  la  mer,  soit  vers 
la  partie  la  plus  pauvre  de  la  vallée  de  l'Indus  ;  elle  aura  tout  avan- 
tage, au  contraire,  à  se  diriger  sur  Ghazni  et  Caboul,  pour  prendre  la 
route  de  la  passe  de  Khyber  qui  aboutit  au  Punjab  et  dams  la  vallée  du 
Gange,  c'est-à-dire  dans  les  parties  les  plus  peuplées  et  les  plus  riches: 
c'est,  du  reste,  la  route  qui  a  été  suivie  par  tous  les  conquérants  de 
l'Inde.  Dans  ce  cas,  l'attaque  de  l'armée  principale  d'invasion  sur  la 
passe  de  Khyber  serait  utilement  secondée  par  une  démonstration  au 
travers  du  Pamir,  par  la  vallée  du  Swat  et  celle  du  Tchitral,  menaçant 
les  derrières  de  l'armée  occupant  Peschawer. 

En  présence  de  l'acheminement  lent  et  continu  des  Russes,  les 
Anglais  ne  sont  pas  restés  inactifs.  Prévoyant  qu'une  invasion  russp  — 


-  90  — 

si  elle  se  produisait  —  ne  pourrait  s'effectuer  que  par  l'ouest  de 
l'Afghanistan,  ils  ont  pris  leurs  dispositions  pour  prendre  position,  dès 
le  début  des  opérations  russes,  sur  la  ligne  Caboul,  Ghazni,  Gandahar, 
afin  d'occuper  les  débouchés  extérieurs  des  passes  d'où  ils  pourraient, 
avec  plus  de  sécurité,  observer  les  mouvements  et  l'approche  de 
l'ennemi,  laissant,  à  leurs  alliés  afghans,  le  soin  de  défendre  seuls  leur 
pays. 

Pour  assurer  d'une  façon  plus  complète  la  défense  de  cette  partie  des 
frontières,  les  Anglais  ont  fortement  organisé  la  ligne  Rawal-Pundi, 
Attock,  Dera-Ismaël-Khan  et  fait  d'Attock,  devant  servir  de  pivot  de 
manœuvre,  un  important  camp  retranché  où  aboutit  la  voie  ferrée  ;  ils 
ont  soumis  et  annexé  les  tribus  de  la  vallée  du  Tchitral  jusqu'au  col  de 
Baroghil,  dont  ils  tiennent  tous  les  débouchés  par  les  forts  qu'ils 
viennent  d'y  élever  ;  ils  ont  construit  de  bonnes  routes  permettant  à 
leurs  troupes  des  déplacements  faciles  et  ont  augmenté  leur  réseau  de 
chemin  de  fer  sur  la  ligne  de  l'Indus.  Pour  pouvoir  surveiller  la 
ilirection  du  Pamir,  ils  ont  établi  un  résident  avec  une  petite  garnison 
àGilgit  et  à  Gupis,  fait  construire  une  route  de  Srinagar  à  Gilgit  et  à 
Ghalt  et  élevé  un  fort  à  50  kilomètres  plus  au  Nord,  sur  l'Hunza,  pour 
garder  le  chemin,  relativement  facile,  qui  longe  la  rivière  de  Gilgit  et 
celle  de  THunza. 

On  travaille  actuellement  à  la  construction  d'une  route  reliant 
directement  Peschawer  au  Tchitral;  deux  petites  places  fortes, Mastuj 
et  Gaoumontet,  près  de  Jassin  surveilleront  cette  voie.  Le  fort  de 
SchabidouUah  au  nord  du  Karakorum  commandera  la  route  de 
Yarkand  à  Leh  dans  l'Etat  de  Ladack. 

La  ligne  ferrée  du  Punjab  a  été  prolongée  de  Lahore  à  Djelam  et  à 
Rawal-Pindi;  déjà,  en  1883,  elle  avait  été  poursuivie  jusqu'à  Peschawer 
et  un  tronçon  avait  été  amorcé  sur  Kouchalgar,  afin  de  permettre  la 
concentration  des  forces  du  Bengale  et  leur  ravitaillement.  Pour 
multiplier  les  centres  de  réapprovisionnement  sur  Fendus,  on  avait 
construit  les  lignes  Lalla-Moussa,  Koundian  et  Lahore-Moultan,  et 
postérieurement,  on  créait  une  nouvelle  voie  le  long  de  l'Indus  pour 
mettre  Kurrache,  le  port  le  plus  à  proximité  de  l'Europe,  en  commu- 
nication directe  avec  Attock,  par  Haiderabad,  Moultan,  Koundian  et 
Kouchalgar;  en  outre,  la  ligne  de  Quetta  atteignait  Tchaman  à 
120  kilomètres  de  Gandahar. 

Enfin,  une  voie  ferrée  mettant  en  communication  directe  le  Punjab 
avec  Pishin  et  Gandahar   est  projetée,  la  direction  Gandahar-Hérat 


^  91  — 

étant  la  ligne  à  suivre  par  une  armée  anglaise  qui  aurait  pour  objoctil' 
de  couper  Farmèe  d'invasion  de  sa  base  d'opérations  et  du  chemin  de 
fer  transcaspien. 

CHAPITRE  IV 

LES   FRANÇAIS    ET   LES   ANGLAIS   EN   INDO-CHINE 

De  bonne  heure  l'aventureux  esprit  français  avait  poussé  nos  marins 
vers  l'Extrême-Orient.  Dès  le  XVIP  siècle,  le  nom  et  la  puissance 
française  étaient  connus  au  Siam,  dont  .le  roi,  conseillé  par  un  grec 
nommé  Phalkon,  demanda,  vers  l'année  1680,  l'appui  du  roi  de  France 
pour  résister  à  la; politique  envahissante  des  Hollandais  établis  dans  la 
presqu'île  de  Malacca.  C'esl  à  cette  occasion  que  deux  ambassades 
siamoises  furent  envoyées  en  France  en  1682  et  1684  et  reçues  solen- 
nellement à  Versailles.  Une  escadre,  commandée  par  le  chevalier  de 
Chaumont  fut  envoyée  à  Bangkok  et,  en  échange,  de  grands  avantages 
furent  consentis  à  notre  commerce  Malheureusement  les  projets  de 
traité  n'eurent  aucune  suite:  ni  Louis  XIV,  ni  ses  successeurs  ne 
surent  tirer  parti  de  la  situation  prédominante  que  le  hasard  nous 
donnait  en  Indo-Chine  ;  ils  négligèrent  ces  lointains  intérêts  et  la 
Révolution  en  effaça  même  le  souvenir. 

En  1749,  un  représentant  de  la  Compagnie  des  Indes,  envoyé  par 
Dupleix,  se  rendit  à  Hué  et  obtint,  grâce  à  un  missionnaire  français, 
Mgr  Pigneau  de  Behaine,  l'autorisation  de  fonder  un  établissement  à 
Tourane .  Nous  ne  réussîmes  pas  davantage  à  nous  y  tîxer  d'une  façon 
sérieuse,  bien  que  le  souverain  dépossédé  Ghia-Loung  eut  envoyé,  en 
1787,  un  de  ses  fils  à  Louis  XVI  pour  lui  demander  aide  et  protection 
et  qu'à  la  suite  de  cette  démarche  un  traité  d'alliance  fut  conclu  en 
échange  de  la  cession  de  Tourane  et  de  l'île  de  Poulo-Condor  ;  mais 
l'expédition  projetée  n'eut  pas  lieu,  le  gouverneur  de  Pondichéry  ayant 
trouvé  l'entreprise  trop  périlleuse.  Toutefois  Mfe'''de  Behaine  ayant 
embauché  quelques  officiers  français,  notamment  le  colonel  Olivier, 
qui  réorganisèrent  l'armée  siamoise,  le  roi  Ghia-Loung  parvint  à 
reconquérir  ses  Etats  :  mais  il  se  garda  bien  d'exécuter  le  traité  dont 
la  Révolution  ne  songea  pas  à  exiger  l'accomplissement. 

Ainsi,  au  XVII*  et  au  XVIIP  siècle,  la  France  pouvait,  sans  contes- 
tation possible,  s'établir  au  Siam  et  en  Annam  et  refaire  là  ce  que 
Dupleix  avait  fait  aux  Indes.  Le  gouvernement  de  Louis  XVI  y  aurait 


—  92  — 

trouvé  l'occasion  unique  de  réhabiliter  aux  yeux  de  la  postérité  la 
monarchie,  dont  la  déplorable  politique  coloniale  avait,  au  règne 
précédent,  mis  la  France  à  deux  doigts  de  sa  ruine.  Il  ne  le  fit  pas. 
Trop  occupés  à  lutter  contre  l'Europe  coalisée,  la  Révolution,  puis 
l'Empire,  n'eurent  pas  le  temps  .d'y  songer  et  cet  empire  Indo-Chinois 
fut  perdu  pour  nous. 


Après  nous  avoir  arraché  l'empire  des  Indes  (traité  de  Paris,  1763), 
les  Anglais  en  entreprirent  la  pacification  ;  puis  ils  songèrent  à  étendre 
leur  influence  sur  les  territoires  avoisinants.  Dès  1820,  leurs  çégociants 
débordaient  en  Birmanie,  où  ils  furent  autorisés  à  entreprendre 
l'exploitation  des  forêts  de  teck.  Des  difficultés  ayant  surgi,  elles 
furent  réglées  par  le  traité  d'Yandabo  par  lequel  la  Compagnie  des 
Indes  annexait  à  son  territoire  les  provinces  d'Assam  et  d'Arakan.  En 
1852,  après  une  nouvelle  expédition,  elle  s'emparait  du  Pegou  et  du 
Tenasserim. 

Devant  ces  procédés  de  brutale  annexion,  les  souverains  de  la 
presqu'île  indo-chinoise,  qui  s'étaient  tous  inféodés  à  la  politique 
anglaise,  furent  pris  de  peur,  et  le  roi  de  Siam,  se  rappelant  ses 
anciennes  relations  avec  la  France,  s'adressa  à  elle.  Celle-ci  ne 
sembla  tout  d'abord  que  peu  disposée  à  répondre  à  ses  avances  ;  ce 
n'est  qu'en  1856  que  l'arrivée  à  la  cour  de  Bangkok  de  M.  de  Montigny, 
consul  de  France  en  Chine,  amena  la  conclusion  d'un  traité  de 
commerce  des  plus  avantageux. 

Hélas  !  nous  ne  sûmes  pas  profiter  de  l'occasion. 

Le  roi  de  Siam  avait  offert  des  animaux  comme  cadeau  à  la  France  : 
on  commit  la  faute  de  les  laisser  à  Bangkok  jusqu'en  1861,  ce  qui  fut 
considéré  par  le  roi  comme  une  grave  injure.  De  plus,  au  lieu  d'envoyer 
solennellement  au  roi  de  Siam  la  ratification  du  traité  de  1856,  le 
gouvernement  français  ne  le  fit  signifier  que  par  l'intermédiaire  du 
consul  du  Portugal  à  Bangkok.  La  diplomatie  anglaise,  par  quelques 
avances  et  quelques  concessions  faites  à  propos,  profita  de  ces 
fautes  pour  reprendre  son  influence  à  la  cour  de  Bangkok. 

En  France,  on  n'attacha  aucune  importance  à  cet  événement,  mais 
en  Angleterre  on  le  considéra  comme  un  nouveau  traité  de  Paris. 


Quel  mobile  poussait  donc  les  Anglais,  déjà  maîtres  de  l'Inde,  à 


—  93  — 

encore  s'étendre  sur  la  presqu'île  indo-chinoise  ?  L'évolution  indus- 
trielle du  milieu  de  ce  siècle  qui  a  décuplé  la  produclion  et  menace  la 
vieille  Europe  de  pléthore.  A  sa  production  accrue,  l'Angleterre 
•comprenait  qu'il  fallait  des  déhuuchés  nouveaux,  comme  à  une  natalité 
-accrue,  il  lui  avait  fallu,  au  siècle  précédent,  des  terres  nouvelles  ;  en 
cherchant  à  étendre  son  influence  jusqu'en  Extrême-Orient,  elle  ne 
-cherchait  qu'à  se  créer  de  nouveaux  clients. 

En  1840,  la  Compagnie  des  Indes  muno])olisait  le  commerce  de 
l'opium  avec  le  Céleste-Empire  et  quand  le  «  Fils  du  Ciel  »  effrayé  des 
ravages  causés  par  le  poison  voulut  en  interdire  l'importation,  l'Angle- 
terre partit  en  guerre  pour  lui  imposer  la  consommation  d'un  produit 
<jui  fait  l'une  des  richesses  de  l'Inde.  La  flotte  anglaise  bombarda 
Canton,  s'empara  d'Amoï,  de  Ning-Po  et  de  Shanghaï.  Contraint  de 
céder,  le  gouvernement  chinois,  par  la  convention  de  Nankin 
(29  août  1842),  ouvrit  cinq  ports  au  commerce  étranger,  reconnut  la 
liberté  du  commerce  de  l'opium,  paya  une  indemnité  de  cent  millions 
ei  donna  Hong-Kong. 

En  1856,  l'Angleterre  ayant  eu  à  se  plaindre  de  quelques  procédés, 
bombarda  une  seconde  fois  Canton  avec  l'appui  de  la  flotte  française, 
désireuse  d'affirmer  la  cordiale  entente  des  alliés  de  Crimée.  Par  suite, 
la  France  se  trouva  engagée,  en  1860,  dans  une  folle  expédition,  où 
nos  troupes  se  couvrirent  en  vérité  de  gloire  (combat  de  Palikao), 
mais  dont  les  Anglais  devaient  seuls  retirer  quelques  avantages. Le  traité 
de  Pékin  (1860)  ouvrit  de  nouveaux  ports  au  commerce  étranger,  donna 
le  droit  de  résidence  permanente  pour  les  ministres  européens  et 
reconnut  la  liberté  du  culte  chrétien. 

Depuis,  nous  l'avons  vu,  les  Anglais  ont  su  acquérir  une  suprématie 
absolue  dans  les  ports  du  Céleste-Empire  (1). 


Mais  dans  ce  vaste  empire  du  Milieu,  les  chemins  sont  rares,  les 
communications  difficiles,  et  bien  que  le  traité  de  Simonosaki  (1895)  ait 
•ouvert  le  Yan-lse-Kiang  à  la  navigation  à  vapeur,  les  routes  les  plus 
directes  pour  parvenir  aux  riches  provinces  centrales  du  Setchouen 
sont,  les  voies  de  pénétration  du  Sud,  par  les  vallées  parallèles  de 


(1)  Tandis  que  l'Angleterre  a  327  maisons  commerciales  représentées  en  Chine, 
la  France  n'en  a  que^S,  la  Russie  12.  l'Allemagne  80,  et  l'Amérique  32. 


-  94  - 

riaraoudtly,  du  Saloiien,  du  Mei-Nam  et  du  Mékong,  orientées  Nord- 
Sud  et  qui  semblent  être  autant  de  voies  de  communication  naturelles- 
entre  l'Inde  et  la  Chine. 

Maîtres  des  Indes,  les  Anglais  devaient  tout  naturellement  être  les- 
premiers  à  chercher  à  entrer  en  relations,  par  voie  de  terre,  avec  la 
Chine  centrale. 

En  1868,  le  major  Saden  chercha  à  gagner  les  provinces  méridionales 
chinoises  en  partant  de  Bhàmo,  mais  il  fut  arrêté  par  l'insurrection 
du  Yunnam. 

En  1874,  M.  Margary,  parti  de  Shanghaï,  remonta  le  Yan-tse-Kian^ 
et  réussit  à  atteindre  Bhâmo  ;  il  en  repartit  en  1875  pour  refaire  la 
même  route  en  sens  inverse,  mais  sa  mission  fut  massacrée.  Le  ministre 
d'Angleterre  à  Pékin,  M.  "Wade,  réclama  pour  ce  meurtre  des  répa- 
rations qui  aboutirent  à  de  nouveaux  avantages  commerciaux  qui 
furent  concédés  aux  sujets  de  S.  M.  britannique.  Par  la  convention  de 
Tche-fou  (19  avril  1876),  la  Chine  s'engageait  à  faciliter  l'ouverture 
d'une  voie  commerciale  avec  la  Birmanie,  ouvrait  quatre  nouveaux 
ports  et  autorisait  l'établissement  d'un  consul  anglais  à  Tali  (1). 

En  1883,  M.  Colqhoun  parcourut  le  pays,  de  Canton  à  Rangoon  et 
chercha  les  voies  de  communication  entre  la  Chine  et  la  Birmanie. 
Parti  de  Canton,  il  remonta  le  Si-Kiang  jusqu'à  Pesé,  traversa  le 
Yunnam  et  entra  en  Birmanie  par  Tali  et  Bhâmo.  M.  Hallet  refit 
ce  même  voyage  en  sens  inverse,  complétant  ainsi  le  premier 
itinéraire. 

Pendant  ce  temps,  le  gouvernement  anglais  prenant  prétexte  du 
massacre  d'un  de  ses  nationaux  sur  le  territoire  birman,  accusa  le  roi 
de  complicité  dans  le  guet-apens,  envahit  ses  Etats,  s'empara  de  sa 
capitale  et  la  confisqua  (1885).  Ce  fut  le  premier  pas.  Depuis  sir 
Mackensie  a  étendu  l'influence  anglaise  jusque  sur  les  territoires 
laotiens  du  Haut-Mékong.  Baptisant  ces  vastes  contrées  du  nom  d'Etats 
Shans,  il  prétendit  qu'ils  rentraient  dans  la  zone  d'influence  de  la 
Birmanie  et  les  annexa  ;  il  alla  même  jusqu'à  imposer  le  protectorat 
anglais  à  des  territoires  que  la  France  avait  réservés  à  son  influence 
(1892). 


(1)  L'Angleterre  est  représentée  eu  Chine  par  21  postes  consulaires,  savoir  : 
1  Consulat  général  à  Schanghaï,  19  consulats,  1  vice  consulat  ;  la  France  n'en  a  que 
14  ;  1  Consulat  général  à  Schanghaï.  8  consulats,  5  vice-consulats.  6  do  ces  poste» 
sont  de  date  récente  :  février  1897. 


-;-   95   — 

Après  avoir  longtemps  borné  son  action  en  Asie  à  la  protection  des 
missionnaires  —  bombardement  de  Thuan-An  (1856)  ;  débarquement  de 
Tourane  (1858)  ;  prise  de  Saigon  (1859)  —  la  France  poussée,  elle 
aussi,  par  la  nécessité  de  créer  de  nouveaux  débouchés  à  son  indust^i(^ 
s'était  subitement  intéressée  aux  affaires  d'Orient.  Déjà,  en  1859,  elle 
avait  occupé  la  Cochinchine  ;  en  1873,  elle  envoya  le  lieutenant 
Francis  Garnier  soutenir,  sur  le  fleuve  Rouge,  les  revendications  de 
M.  J.  Dupuis.  Par  un  hardi  coup  demain,  Francis  Garnier  s'empara  de 
Hanoï,  mais  il  fut  tué  dans  une  sortie  et  le  traité  de  Philastre  vint 
détruire  tout  ce  qui  avait  été  acquis  (1874).  Ce  malheureux  traité  ne  fut 
pas  lui-même  observé,  ce  qui  amena  en  1883,  une  nouvelle  expédition, 
celle  du  commandant  Rivière,  qui  renouvela  les  exploits  de  Francis 
Garnier  et  périt  d'une  manière  analogue.  Pour  venger  sa  mort,  l'amiral 
Courbet  prit  d'assaut  Sontay,  mais  devant  l'intervention  de  la  Chine, 
on  dut  organiser  un  important  corps  expéditionnaire.  Le  général  Millot 
prit  Bac-Ninh  et  tout  parut  fini  par  le  traité  de  Tien-Sin  (1884)  ;  mais 
un  guet-apens  fut  tendu  à  nos  soldats  près  de  Bac-Lé  et  la  guerre 
recommença.  Pour  arrêter  l'invasion  le  général  Brière  de  l'isle  lança 
sur  Lang-Son  le  général  de  Négrier  (18S5)  ;  c'est  alors  que  se  produisit 
l'étrange  panique  qui  fut  si  douloureusement  ressentie  en  France.  A  ce 
moment  l'amiral  Courbet  bloquait  les  côtes  de  la  Chine,  faisait  sauter 
l'arsenal  de  Fou-tcheou,  prenait  pied  à  Formoso  et  s'installait  aux 
Pescadores.  La  Chine  proposa  la  paix  :  le  deuxième  traité  de  Tien-Sin 
mit  fin  à  la  guerre  et  nous  assura  la  possession  du  Tonkin  (1885). 

Dès  1843,  le  Cambodge  s'était  placé  sous  notre  protectorat  et,  en 
1883,  on  avait  imposé  au  roi  d'Annam  notre  suzeraineté. 

Ainsi,  en  1885  seulement,  la  France  réalisait  de  haute  lutte,  la 
création  de  cet  empire  Indo-Chinois  entrevu  au  XVIP  siècle,  mais 
que  l'incurie  de  Louis  XVI,  l'insouciance  de  la  Révolution  en  matières 
coloniales,  puis  nus  luttes  avec  l'Europe,  nous  avaient  empêché  de 
fonder. 

Une  grande  impulsion  fut  alors  donnée  aux  missions  d'exploration, 
pour  étudier  les  besoins  des  populations  de  l'Hinterland  de  notre 
nouvel  empire  et  amener  un  courant  commercial  vers  nos  possessions. 

Le  premier  explorateur  qui  ait  ouvert  la  route  du  Laos  fut 
H.  Mouhot  (1858  à  1861).  En  1868,  les  explorations  du  Commandant 
Doudart  de  Lagrée  dans  la  vallée  du  Mékong  et  de  M.  Dupuis,  en 
1872,  sur  le  Song-Koï  firent  connaître  en  partie  le  bassin  de  ces  deux 
fleuves.  Parmi  ceux  qui,   en  1873,  associèrent  leurs  efforts  à  M.  J. 


—  Ç«)  - 

Dupuis  pour  la  conquête  du  Tonkin,  se  trouvait  un  jeune  médecin  de 
la  marine,  le  docteur  Harmand  qui,  le  premier,  réussit  à  traverseras 
plateaux  séparant  la  vallée  du  Mékong  de  la  côte  de  la  mer  de  Chine, 
devançant  ainsi  les  explorations  si  fructueuses  de  la  future  mission 
Pavie  (1877).  A'enu,  quelques  années  plus  tard,  le  docteur  Neiss 
pénétra  jusqu'au  cœur  de  Laos  (1882-84).  M.  de  Lanessan,  chargé 
d'une  importante  mission  dans  nos  possessions  indo-chinoises,  lui 
succéda  en  1880  ;  puis  après  vint  M.  C.  Gautier  (1887-89).  Mais  la  plus 
importante  des  missions  qui  nous  ait  révélé  le  Laos  est,  sans  contredit, 
la  mission  dirigée  par  M.  Pavie  qui,  de  1886  à  1889,  explora  le  moyen 
Mékong  et,  en  1890,  toute  la  région  comprise  entre  le  «  Capitaine  des 
fleuves  »  et  la  mer,  comme  autrefois  le  docteur  Harmand.  Les  explo- 
rations du  prince  d'Orléans,  en  1892  et  en  1895,  complétèrent  ces 
renseignements. 

Aussi,  grâce  à  ces  nombreuses  explorations,  notre  influence 
s'étendit  bientôt  sur  les  principautés  laotiennes  établies  sur  les  bords 
du  Mékong.  En  1892,  un  Consul  français,  M.  Pavie,  était  installé  à 
Luang-Prabang,  sur  le  haut  Mékong. 

Mais  les  Anglais  n'avaient  pas  vu  sans  une  avide  jalousie,  le  Tonkin 
et  l'Annam  passer  entre  nos  mains  et  nos  missions  ouvrir  à  notre 
commerce  des  territoires  qu'ils  avaient  pu,  dans  un  temps,  se  croire 
réservés  ;  aussi,  profitant  de  l'influence  qu'ils  possédaient  à  la  Cour  de 
Bangkok  depuis  1861,  poussèrent-ils  les  Siamois  à  empiéter  sur  les 
territoires  de  l'Annam.  Ceux-ci  installèrent  des  postes  sur  la  rive 
gauche  du  Mékong  et,  jjénétrant  peu  à  peu  dans  les  montagnes  de 
Mois,  menacèrent  de  ne  laisser  au  roi  d'Annam  qu'une  étroite  bande 
côtière. 

Il  fallut  réagir  et  c'est  de  cette  situation  devenue  intolérable  que 
sortit  le  conflit  de  1893. 


C'est  le  4  février  189o  que  M.  Delcassé  {sous-secrètaire  d'Èiat  aux 
Colonies)  affirma  à  la  Chambre  la  nécessité  pour  la  France  de  soutenir 
les  anciens  droits  de  TAnnam  et  du  Cambodge.  Des  ordres  précis 
furent  envoyés  au  gouverneur  général  de  nos  possessions,  M.  de 
Lanessan,  et  le  refoulement  des  Siamois  commença.  Durant  l'éva- 
cuation, il  se  produisit  à  l'ouest  de  Vinh,  un  incident  ((ui  mit  le  feu 
aux  poudres  : 


—  07  - 

En  évacuant  Kham-Muong,  le  mandarin  siamois  remit  une  protes- 
tation à  notre  résident  et  demanda  une  escorte  pour  protéger  sa 
retraite  ;  on  lui  donna  une  vingtaine  d'hommes  avec  l'inspecteur 
Grosgurin.  Traitreusement  la  petite  troupe  fut  attirée  dans  une  embus- 
cade et  massacrée.  Le  gouvernement  français  exigea  une  réparation. 
Abandonné  par  l'Angleterre  qui  cependant  l'avait  secrètement  poussé 
à  ces  empiétements  et  réduit  à  ses  propres  forces,  le  Siam  essaya 
néanmoins  de  résister.  Par  une  action  vigoureuse,  la  France  le  con- 
traignit à  céder. 

Tandis  que  la  division  navale  française  de  l'Extrême-Orient, 
commandée  par  le  contre-amiral  Humann  se  concentrait  à  Saigon, 
l'aviso  V Inconstant  et  la  canonnière  La  Comète  précédés  du  J.-B.  Say 
des  Messageries  fluviales  de  la  Cochinchine,  francliissaient  le  13  juillet 
1893,  la  barre  du  Meï-Nan  malgré  les  forts  siamois  de  Pak-Nam  qui 
ouvrirent  le  feu  contre  nos  navires  et  allaient  mouiller  devant  le  palais 
du  roi  qu'ils  tenaient  sous  leurs  canons. 

L'agression  du  13  juillet  constituait  de  la  part  des  Siamois  une  vio- 
lation flagrante  du  traité  de  1856  (1).  Le  gouvernement  français  fit 
signifier  au  gouvernement  siamois  l'ultimatum  suivant  : 

1°  Reconnaissance  par  le  Siam  des  droits  de  l'Annam  et  du  Cam- 
bodge sur  la  rive  gauche  du  Mékong  avec  les  îles  du  fleuve  ; 

2"  Evacuation,  dans  le  délai  d'un  mois,  de  [tous  les  postes  siamois 
situés  sur  la  rive  gauche  du  Mékong  ; 

3°  Satisfaction  à  donner  pour  l'attentat  de  Khan-Muong  et  celui  de 
Pak-Nam.  Paiement  d'une  indemnité  de  deux  millions. 

Un  délai  dequarante  huit  heures  était  donné  pour  accepter  cet  ulti- 
matum. 

La  réponse  du  Siam,  adressée  à  M.  Pavie,  ne  lui  fut  remise  que 
deux  heures  avant  l'expiration  de  ce  délai.  Invoquant  le  caractère 
vague  des  droits  de  l'Annam  et  du  Cambodge,  le  gouvernement  siamois 
exprimait  ses  regrets  au  sujet  des  derniers  incidents,  promettait  les 
satisfactions  compatibles  avec  la  justice  ordinaire,  mais  ne  cédait  la 
rive  gauche  du  Mékong  que  jusqu'au  18°  de  latitude  nord. 


(1) pourront  pénétrer  dans  le  fleuve  et  jeter  l'ancre  à  Pak-Nam  les  navires 

de  guerre  français,  mais  pour  remonter  jusqu'à  Bangkoli,  ils  devront  avertir  l'auto- 
rité siamoise  et  s'entendre  avec  elle  sur  le  lieu  du  mouillage. 


Ainsi  la  principale  demande  de  la  France  était  repoussée  et  l'in- 
fluence de  l'Angleterre  tendait  à  nous  enlever  cette  principauté  de 
Luang-Prabang,  sur  le  haut  Mékong,  qui  avait  jadis  et  si  longtemps  payé 
tribut  àl'Annam,  dont  elle  était  vassale. 

Cette  réponse  du  gouvernement  siamois  était  le  signal  de  la  guerre. 
La  flotte  de  ramiral  Humann  vint  bloquer  le  Mei-Nam  et  la  déclaration 
de  guerre  fut  notifiée  aux  puissances.  Mais  les  préparatifs  faits,  tant  en 
Gochincliine  qu'en  France  pour  une  expédition,  déterminèrent  le  gou- 
vernement siamois,  après  de  salutaires  réflexions  et  malgré  le  pression 
de  l'Angleterre,  à  accepter  dans  son  intégrité  Fultimatum  du  20  juillet. 

M.  Le  Mjre  de  Villers,  désigné  par  le  Parlement,  fut  chargé  de 
négocier  avec  le  Siam  le  traité  de  paix  qui  fut  signé  le  l*""  octobre  1893. 

Les  événements  semblaient  tourner  contre  l'Angleterre  :  l'opinion 
publique    s'en  émut  de  l'autre  côté  de  la  Manche  et  le   dépit  britan- 


^ong-Po 


Muong-Sin 


FRONTIERE   NORD-OUEST   DU  TONKIN. 

{Accord  du  20  Juin  1895.  Convention  du  i5  Janvier  1896). 


nique  se  manifesta  sous  forme  d'interpellations  violentes  à  la  Cliambre 
des  Communes  (Discours  de  ]M.  Curzon),  de  protestations  de  la  presse 


•  —  99  — 

{The  peuples  and  politics  of  the  Far  East-Novnimi  H.  — ),  et  des 
«hambres  de  commerce. 

Malheureusement,  le  Foreign-OfRce  réussit  à  nous  faire  admettre  le 
principe  d'un  Etat  tampon  dans  le  Haut-Mékong,  en  vertu  des  droits 
imaginaires  dont  il  arguait  sur  les  Etats  Shans. 

Cet  état  eut  été  pour  nous  une  source  de  conflits  et  d'ennuis  de  tous 
genres,  si  l'attitude  que  nous  observâmes  vis-à-vis  de  la  Chine  lors  de 
la  guerre  sino-japonaise  (1894-95)  n'avait  amené  cette  puissance  à  nous 
faire  d'importantes  concessions  par  l'accord  du  20  juin  1895,  qui  régla 
la  question  des  frontières  du  Tonl^in  et  de  la  Chine. 

Partant  de  Long-Po,  la  frontière  atteint  la  rivière  Noire  à  son 
■confluent  avec  le  Nam-La  ;  de  la  rivière  Noire  au  Mékong,  la  rivière 
suit  une  direction  Sud-Ouest,  laissant  à  la  France  la  vallée  du  Nam- 
Hou  et  celle  du  Nam-La  à  la  Chine,  pour  couper  le  Mékong  en  amont 
<le  Muong-Sing.  Mais  les  agents  anglais  des  Etats  Shans,  lord  Laming- 
ton,  MM.  Archer  et  Scott  refusèrent  de  reconnaître  la  validité  de  ce 
traité  et  ils  firent  occuper  Muong-Sing  par  leurs  troupes.  Des  négo- 
■ciations  s'engagèrent  et  aboutirent  à  la  déclaration  du  15  janvier  1896, 
qui  neutralisait  la  vallée  du  Meï-Nam.  Anglais  et  Français  s'inter- 
disaient mutuellement  d'y  pénétrer  et  donnaient  comme  limite  aux 
Etats  Shans,  le  thalweg  du  Mékong  de  Nam-Huock  |à  la  frontière  de 
Chine. 

A  la  suite  de  cette  convention,  Muong-Sing  qui  avait  été  occupé  par 

les  troupes  anglaises,  nous  fut  restitué. 

{A  suivre). 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN  1899. 

L'INSTITUT  INDUSTRIEL  DU  NORD  DE  LA  FRANCE 


Visite  faite  le  8  Mars  1899. 


Organisateurs  :   MM.    0.    Godin   et   E.    Cantineau. 


Labor  omnia  vincit  iinprobus. 
Virg.  Géorcj. 

Lille  a  toujours  été  une  cité  importante ,  maintenant  encore  elle  est  comme  un 
«capitale  secondaire,  celle  de  la  région  du  Nord  de  la  France  ;  elle  est  non  seule- 


—  100  — 

ment  le  centre  des  intérêts  matériels  de  cette  contrée  au  point  de  vue  du  commerce 
et  de  l'industrie,  mais  elle  est  aussi  la  plus  importante  ville  de  province  par  ses- 
Universités  ;  par  la  multiplicité  de  ses  Écoles  artistiques,  commerciales  et  indus- 
trielles ;  par  ses  Sociétés  savantes  d'étude  et  de  diffusion  ;  par  ses  Associations- 
amicales  d'enseignement  théorique  et  pratique,  etc.  Aussi,  peut-on  dire  qu'elle  est 
également  un  centre  intellectuel  qui  ne  le  cède  qu'à  Paris,  la  ville  unique  au  point 
de  vue  du  goût,  de  l'art  et  de  la  science.  Chauvinisme  !  diront  peut-être  quelque» 
intéressés  ;  non,  mais  patriotisme.  La  vanité,  mère  des  rivalités,  le  cède  ici  à  1» 
vérité  qui  est  à  l'ordre  du  jour  et  ne  doit  engendrer  que  l'émulation. 

La  Société  de  Géographie  de  Lille,  dont  le  mandat  est  la  difïusion  des  connais- 
sances géographiques,  élargit  son  programme  quand  il  s'agit  de  la  région  oh  elle 
siège  ;  elle  se  fait  la  protectrice,  dans  la  mesure  de  ses  moyens,  de  tous  les  ensei- 
gnements qui  peuvent  rendre  la  jeunesse  lilloise,  la  nouvelle  génération,  plus 
instruite  et  plus  sagement  expérimentée,  par  cela  même  plus  confiante  dans  sa 
valeur,  c'est-à-dire  plus  vaillante  et  plus  entreprenante.  Aussi  a-t-elle  été  heureuse 
d'obtenir,  à  la  demande  de  quelques-uns  de  ses  membres,  l'autorisation  de  visiter 
l'Institut  Industriel  du  Nord  de  la  France  qui,  après  bien  des  vicissitudes,  est 
devenu  un  établissement  de  haute  valeur,  grâce  à  des  conditions  que  nous  verrons- 
habilement  mises  à  profit  par  ses  directeurs. 

Le  8  Mars  dernier,  un  groupe  important  de  Sociétaires  se  présentait  donc  rue 
Jeanne-d'Arc,  à  l'Institut,  et  était  reçu  par  M.  Bienvaux,  le  savant  et  actif  sous- 
directeur,  qui  leur  souhaitait  la  bienvenue  en  termes  aimables,  satisfait,  disait-il,, 
de  pouvoir  montrer  combien  on  s'efforce  d'appliquer  à  l'industrie  les  résultats- 
scientifiques  nouveaux  obtenus  par  les  professeurs  de  l'Université,  toujours  occupés- 
à  de  nouvelles  recherches.  L'Institut  Industriel  est  ainsi  comme  une  école  d'appli- 
cation se  rattachant  idéalement  à  la  Faculté  des  Sciences  ;  et  malgré  son  indépen- 
dance absolue,  il  est  comme  un  rameau  fructifère  de  l'Université,  fécondé  par  les 
effluves  de  la  pensée  et  le  rayonnement  des  études  progrossistes. 

L'Institut  Industriel  du  Nord  est  un  établissement  public  départemental  d'ensei- 
gnement technique  supérieur  fondé  à  frais  communs  par  la  ville  de  Lille  et  le 
département  du  Nord,  qui  reste  seul  chargé  de  la  direction.  Il  s'élève  sur  le  vaste 
quadrilatère  de  terrain  de  7.(310  '"-  situé  entre  les  rues  Malus,  Jean-Bart,  de 
Bruxelles  et  Jeannc-d'Arc  ;  sur  cette  dernière  s'ouvre  l'entrée  principale,  tandis 
qu'en  bordure  de  la  rue  de  Bruxelles,  c'est-à-dire  du  côté  opposé,  sont  les  loge- 
ments avec  jardins  du  directeur  et  du  sous-directeur. 

L'ensemble  des  bâtiments  de  l'Ecole  forme  un  rectangle  d'environ  G5  et  75  m.  de 
côté  ayant  au  centre  une  vaste  cour  de  récréation  ;  les  façades  sont  réunies  par 
■4  pavillons  d'angle  qui  ressortent  un  peu,  elles  sont  percées  de  larges  fenêtres 
garnies  de  grilles  ;  toutes  les  constructions  sont  en  briques  ;  l'aspect  architectural 
est  agréable,  mais  sévère  dans  une  juste  mesure;  l'entrée  principale  est  seule 
ornée  d'un  fronton  en  plein  cintre  dont  le  tympan  porte  le  millésime  de  1872^ 
environné  d'attributs  sculptés  dans  la  pierre.  Du  reste,  la  phototypie  ci-annexée 
montre  cette  façade  et  celle  de  la  rue  Malus  (cliché  dû  au  talent  et  à  l'obligeance 
de  M.  0.  Godin). 

Un  large  vestibule  donne  accès,  même  aux  voitures,  directement  sur  la  cour 
centrale,  au  bout  de  laquelle  la  grande  horloge,  insensible  aux  velléités  suggestives' 
des  élèves,  leur  indique,  inexorable,  les  heures  craintes  ou  désirées;  nous  péné- 
trons à  gauche  dans  le  parloir  orné  de  travaux  d'élèves.  A  côté  se  trouvent  :  le 
Secrétariat,  le  bureau  de  l'Inspecteur-Econome,  celui  du  Directeur  et  la  salle  des 
professeurs. 

Nous  commençons  aussitôt  notre  visite,  mais  bientôt  arrive  l'cminent  Directeur, 


INSTITUT   INDUSTRIEL   DU   NORD   DE    LA   FRANGE. 


-^  101  —      . 

M.  Gruson,  inspecteur-général  des  Ponts  et  Chaussées  qui,  avec  sa  cordiale  obli- 
geance, veut  nous  faire  lui-même  les  honneurs  de  son  important  domaine.  Il  va, 
sans  nous  faire  suivre  les  étages,  nous  montrer  successivement  chacune  des  trois 
sections,  de  mécanique,  de  chimie  et  d'électricité  qui  constituent  la  division  de 
génie  civil  restant  seule  de  Torganisation  primitive. 

Nous  voyons  d'abord  un  amphithéâtre  de  cours  oii  nous  remarquons  l'excellente 
disposition  des  banquettes,  présentant  une  courbure  qui  rapproche  du  maître  les 
élèves  des  extrémités  et  facilite  l'audition  par  une  position  de  face  moins  incom- 
plète ;  derrière  les  bancs,  se  trouve  dans  la  même  salle,  fort  grande  du  reste,  un 
gymnase  peu  compliqué  qui  sert  de  distraction  hygiénique.  Passant  près  du  réfec- 
toire situé  au  sous-sol,  nous  y  descendons,  et  tout  en  remarquant  la  simplicité 
austère  de  l'installation  des  salles  où  mangent  160  élèves,  nous  admirons  l'extrême 
propreté  et  l'ordre  qui  régnent  dans  l'immense  cuisine  dont  les  nombreux  et 
vastes  ustensiles  nous  font  supposer  que  les  cuisinières  ont  de  robustes  appétits 
à  satisfaire.  Un  tambour  que  nous  venons  d'apercevoir,  nous  indique  que  les 
commandements  en  exécution  du  règlement  journalier  se  font  au  son  de  cet 
instrument. 

En  remontant,  nous  entrons  dans  l'aile  gauche  où  est  installée  la  section  de 
mécanique.  Dans  chacune  des  .3  sections  l'enseignement  se  divise  en  3  années  ;  la 
première  est  toujours  la  plus  nombreuse,  car  les  difficultés  croissantes  des  études 
amènent  des  éliminations  volontaires  et  une  sélection  par  les  examens  de  fin 
d'année,  dans  lesquels  il  faut  obtenir  un  minimum  de  12  points  pour  passer  dans 
le  cours  de  l'année  suivante  ;  cependant  on  peut  être  autorisé  à  doubler  les  années 
de  cours.  11  y  a  quelques  cours  et  exercices  pratiques  qui  sont  communs  à  plu- 
sieurs sections.  Un  cours  préparatoire  est  organisé  à  l'intention  de  certains  élèves 
qui  désirent  fortifier  leur  instruction  pour  être  mieux  disposés  à  l'étude  du  pro- 
gramme des  3  années. 

Nous  visitons  au  premier  étage  une  salle  d'étude  où  travaillent  les  élèves  de 
troisième  année  qui  vont  obtenir  leur  diplôme,  puis  une  salle  de  conférences  où 
sont  les  élèves  de  seconde  année  de  génie  civil  ;  nous  y  remarquons  un  boursier 
nègre  du  Ministère  des  Colonies,  venu  de  l'École  des  Arts  et  Métiers  de  la  Mar- 
tinique. 

Nous  voici  maintenant  dans  la  salle  d'étude  des  élèves  de  première  année  qui 
sont  bien  nombreux,  mais  sur  une  cinquantaine  environ,  la  moitié  à  peu  près 
arrivera  au  diplôme  d'ingénieur  civil  ;  beaucoup  d'autres  n'auront  qu'un  certificat 
de  capacité. 

Nous  remarquons  dans  toutes  les  salles  l'éclairage  électrique  qui  a  été  installé 
par  les  élèves  de  la  section  d'électricité. 

Nous  descendons  alors  au  rez-de-chaussée  où  se  font  les  cours  pratiques  ;  voici 
un  atelier  de  menuiserie,  où  des  élèves  font  des  travaux  imposés  et  parfois  d'autres 
dus  à  leur  initiative  ;  c'est  la  modèlerie  contenant  une  raboteuse  mécanique, 
5  tours  à  bois  et  16  établis  do  menuisier.  Puis  voilà  Vatelier  d'ajustage,  avec  rabo- 
teur, fraiseuse,  perceuse,  mortaiseuse,  étaux-limeurs,  tours  à  chariot  et  de  préci- 
sion, cisaille,  meule,  etc.,  que  la  vapeur  met  en  mouvement  et  de  plus  40  établis 
avec  étaux  à  pied.  Plus  loin,  est  une  salle  d'essais  avec  2  machines,  une  de  5  tonnes 
verticale  et  une  de  10  tonnes  horizontale  pour  les  essais  des  métaux  par  traction, 
compression  et  torsion  ;  on  y  essaie  aussi  tous  les  matériaux  :  bois,  pierre,  briques, 
etc.  On  y  a  essayé  une  série  de  fers  destinés  à  la  confection  des  tabliers  de  ponts 
pour  le  Métropolitain  et  d'autres  devant  servir  pour  le  pont  Alexandre  111  entrepris 
par  la  Compagnie  de  Fives-Lille.  Nous  assistons  à  l'essai  d'un  barreau  ou  éprou- 
vette  de  200  "/m  à  peu  près  de  longueur  ;  elle  résiste  bien  à  6.000  k"'  de  traction. 


—  102  — 

ne  gagnant  que  0  "/m  ;  à  7.200  k»'  elle  gagne  15  ""/m,  puis  elle  s'allonge  avec  une 
progression  bien  plus  rapide,  de  30  ""/ai  sous  un  effort  de  7.620  k»%  enfin  de  42  "/m 
par  une  traction  de  7.680  k»%  se  brisant  alors  avec  un  bruit  sec.  M.  Codron,  le 
Directeur  si  expérimenté  des  travaux  pratiques  nous  explique  obligeamment  ces 
opérations  dans  tous  leurs  détails  et  nous  guide  dans  tous  les  autres  ateliers.  Il 
nous  montre  une  machine  de  son  invention  pour  essayer  les  métaux,  elle  figurera 
à  l'Exposition  de  1900,  et  un  nouveau  moteur  à  pétrole  construit  par  un  élève. 

Nous  entrons  dans  une  salle  où  les  nombreux  élèves  du  cours  préparatoire  font 
des  croquis  de  pièces  mécaniques.  Nous  passons  par  la  salle  oif  4  dynamos  tra- 
vaillent maintenant  à  charger  la  batterie  d'accumulateurs  de  92  éléments  «  Tudor  » 
qui  fournit  l'éclairage  de  la  soirée  et  au  besoin  une  force  motrice  à  divers  labora- 
toires. Il  V  a  dans  cette  saUe  tous  les  appareils  concernant  la  production  de  l'élec- 
tricité, la  mesure  de  tension,  etc.,  qui  servent  aux  démonstration.  Un  moteur  à  gaz 
de  35  chevaux  actionne  directement  une  dynamo  à  4  pôles  de  180  ampères  à 
110  volts  :  il  y  a  aussi  un  alternateur  Siemens. 

Voici  maintenant  la  machine  à  vapeur  motrice,  près  de  laquelle  des  élèves  sont 
occupés  à  vérifier  la  stabilité  de  la  marche  avec  un  appareil  automatique  qui  trace 
des  diagrammes  indicateurs  que  l'on  calcule  avec  le  planimètre  d'Amsler.  A  côté, 
se  trouve  la  salle  du  générateur  semi-tubulaire  Meunier  de  50  ""^  de  surface  de 
chauffe  avec  réchauffeurs  et  épurateur  d'eau  d'alimentation  ;  les  élèves  chauffent 
par  les  nouveaux  foyers  Meldrum  dont  le  tirage  artificiel  est  opéré  par  des  injec- 
teurs  spéciaux  d'air  et  de  vapeur  sur  des  grilles  à  barreaux  peu  espacés,  ce  qui 
permet  de  brûler  activement  et  avec  profit  des  fins  charbons.  Nous  sommes  ici  dans 
l'annexe  que  suit  une  cour  oii  est  une  forge  à  8  foyers  avec  soufflerie  mécanique 
qui  sert  aux  élèves  pour  confectionner  ou  remettre  en  état  leurs  outils,  car  on  les 
initie  à  tous  les  travaux,  même  les  plus  modestes,  qu'il  peut  être  utile  de  ne  pas 
ignorer  dans  leur  profession. 

Nous  visitons  ensuite  l'étage  où  est  l'atelier  de  filature  et  de  tissage  nouvellement 
réinstallé  ;  nous  voyons  là  un  grand  nombre  de  machines  à  travailler  le  coton,  le 
lin,  la  laine  et  la  soie  qui  ont  été  offertes  ou  prêtées  par  la  Société  alsacienne  de 
constructions  mécaniques  ;  voici  une  peigneuse  qui  vient  des  ateliers  de  Belfort, 
une  autre  des  ateliers  de  Mulhouse,  il  y  en  a  pour  environ  30.000  fr.  Voici  une 
salle  où  sont  les  machines  pour  peigner  le  lin,  d'autres  pour  le  filer  au  sec  et  au 
mouiUé  ;  outre  ces  machines  à  teiller,  peigner,  carder,  filer,  etc.,  il  y  a  10  métiers 
à  tisser  mécaniquement,  10  à  tisser  à  la  main  et  des  appareils  pour  les  essais  des 
fils. 

Nous  passons  alors  dans  la  section  de  chimie,  logée  dans  l'aile  opposée  à  l'en- 
trée, là  où  nous  avons  vu  l'horloge  et  où  il  n'y  a  pas  d'étage.  Voici  un  laboratoire 
où  M.  Duvillier  dirige  les  travaux  pratiques  des  nombreux  élèves  de  première 
année  ;  on  y  étudie  les  propriétés  du  bicarbonate  d'ammoniaque  ;  la  salle  est  vaste, 
mais  le  parfum  qu'on  y  triture  est  pénétrant,  il  n'a  rien  de  précisément  agréable, 
surtout  pour  les  dames  qui  ont  désiré  nous  accompagner,  soucieuses,  peut-être,  de 
l'avenir  de  leurs  fils.  Dans  la  salle  de  seconde  année,  les  élèves  sont  appliqués  à 
établir  le  dosage  du  fer  et  du  manganèse  dans  du  minerai,  dont  chacun  a  reçu  un" 
morceau.  Dans  un  troisième  laboratoire,  les  anciens  cuisinent  également  des 
substances  peu  appétissantes  ;  partout  des  balances,  des  appareils  à  distiller,  des 
fours  à  moufles,  des  étuves,  des  fourneaux  à  hottes  et  appels  de  tirage  et  de  ven- 
tilation perfectionnés  servent  aux  expériences  avec  une  multitude  de  ballons,  de 
cornues,  de  verres  à  réactions,  d'éprouvettes,  etc.,  etc.  Le  laboratoire  du  chef  des 
travaux,  M.  Guenez,  l'éminent  chimiste  du  laboratoire  des  Douanes,  est  un  sanc- 


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tuaire  où  ne  pénètrent  pas  les  élèves,  il  termine  la  série  des  installations  dans  cette 
aile  construite  il  y  a  deux  ou  trois  ans. 

Nous  voyons  en  passant  une  grande  salle  de  récréation  ;  vide,  elle  nous  intéresse 
moins  que  ceux  qui  en  usent  et  nous  gagnons  dans  l'aile  droite  la  section  d'élec- 
tricité dont  l'électricien  bien  connu,  M.  Henneton,  est  chef  de  laboratoire.  En  ce 
moment,  nous  voyons  une  équipe  de  deuxième  année  occupée,  sous  la  direction  du 
professeur,  à  souder  des  câbles  ;  chacun  fait  son  travail  à  son  banc,  avec  ses  outils, 
son  étau,  son  fer  à  gazolinc,  ses  pinces  et  ses  bouts  de  câbles.  On  nous  montre 
une  grande  dynamo-réceptrice  Gramme  do  40  ampères,  puis  une  petite  et  d'autres 
appareils,  tous  construits  et  montés  par  les  élèves.  Nous  voici  dans  la  salle  de 
photométrie,  où  l'on  étudie  les  appareils  d'éclairage,  puis  dans  le  laboratoire,  où 
les  élèves  de  troisième  année  se  livrent  à  l'opération  délicate  du  réglage  des  lampes, 
chaque  élève  a  la  sienne  sur  laquelle  il  travaille  ;  nous  saluons  parmi  eux  le 
major-général  de  l'école,  qui  espère  mériter  et  recevoir  la  grande  médaille  d'or 
qu'offre  chaque  année  la  Société  Industrielle.  Une  subdivision  fi^it  la  critique  de 
l'éclairage  installé  à  l'école  par  des  prédécesseurs  et  indique  les  corrections  à  faire. 

Nous  passons  dans  l'amphithéâtre  de  physique  et  à  travers  la  salle  des  appareils 
qui  servent  aux  démonstrations  et  aux  travaux,  puis  nous  pénétrons  dans  le  labo- 
ratoire de  microbiologie  industrielle  installé  par  M.  Rolants,  pharmacien  supérieur, 
chef  du  laboratoire  des  fermentations  industrielles  à  l'Institut  Pasteur  ;  il  enseigne 
aux  chimistes  de  troisième  année  le  mystère  des  fermentations  qu'ils  étudient  : 
les  fabrications  de  l'alcool,  de  la  bière,  du  pain,  etc.  ;  là  encore  des  microscopes, 
des  étuves  spéciales  et  de  la  verrerie  à  profusion  servent  aux  travaux. 

Enfin  pour  tout  connaître,  nous  devons  une  visite  aux  dortoirs  de  l'internat 
situés  à  l'étage  de  l'aile  droite  où  nous  sommes.  Nous  les  traversons  ;  ils  sont 
supérieurement  installés  ;  ce  sont  de  vastes  salles  bien  aérées  divisées  par  des 
cloisons  en  bois  hautes  de  2  mètres  en  petites  chambrettes  ouvertes  par  le  haut, 
ayant  chacune  leur  porte  sur  un  corridor  central  ;  l'ameublement  est  restreint  mais 
bien  suffisant  :  un  lit,  une  haute  armoire  pour  vêtements,  une  armoire  au  linge, 
plus  basse  et  servant  de  lavabo,  une  table,  un  escabeau  et  il  reste  place  pour  une 
malle.  Quant  au  décor,  les  élèves  sont  autorisés  à  épingler  sur  la  boiserie,  des 
portraits  ou  des  gravures  convenables  ;  nous  y  remarquons  de  nombreux  chromos 
représentant  ]M.  Félix  Faure,  le  Tzar  ou  des  événements  coloniaux,  ou  bien  encore 
des  fleurs  et  parfois  aussi  des  machines  ou  des  constructions  métalliques  renom- 
mées, sans  doute  dans  les  chambres  des  plus  ardents  et  infatigables  piocheurs. 

Il  y  a  plusieurs  escaliers  d'accès  à  ces  dortoirs  en  prévision  d'incendie. 

Nous  terminons  notre  visite  par  la  bibliothèque  (3.600  volumes)  où  les  élèves  de 
troisième  année  trouvent  des  ouvrages  précieux  à  consulter  pour  leurs  travaux  et 
les  professeurs  des  renseignements  complémentaires  pour  leurs  cours. 

li'Institut  Industriel,  après  de  nombreuses  péripéties  et  des  modifications  néces- 
sitées par  des  réformes  dans  l'enseignement,  n'a  pas  cessé  depuis  sa  reconstitution 
de  prospérer  d'une  manière  assez  régulière,  grâce  au  dévouement  et  à  la  haute 
compétence  de  ses  directeurs,  habilement  choisis  parmi  les  ingénieurs  de  l'État. 
Ces  directeurs  sont,  depuis  la  création  définitive  de  l'Institut  :  M.  Masquelez,  le 
réorganisateur  en  1872  ;  puis  M.  Obry,  ingénieur  des  Mines,  en  1883  ;  M.  Etienne, 
ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  en  1885  ;  M.  Soubeyran,  ingénieur  des  Mines, 
en  1886,  et  en  dernier  lieu,  en  1892,  M.  Gruson,  ingénieur  en  chef  du  Département, 
maintenant  inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées.  Ces  ingénieurs  obtiennent 
plus  facilement  que  d'autres  personnes  le  concours  des  professeurs  des  Facultés  et 
des  ingénieurs  leurs  collègues,  pour  l'organisation  supérieure  des  enseignements 
théoriques  et  pratiques. 


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Causes  et  origines  de  l'Institut  Industriel  du  Nord.  —  Derode  nous  dit 
quelque  part,  qu'en  1751,  la  Chambre  de  Commerce  de  Lille  demanda  l'établisse- 
ment d'un  cours  public  de  mathématiques  et  Victor  Delrue  constate,  qu'en  1790,  il 
existait  des  classes  de  dessin,  d'architecture  et  de  mathématiques  créées  par  les 
membres  du  Magistrat.  Plus  tard,  en  17^,  le  département  du  Nord  obtint  3  des 
écoles  centrales  créées  par  la  Convention  à  raison  de  une  par  300.000  habitants  et 
celle  de  Lille  s'ouvrit  en  1797.  Elle  prospérait  avec  170  élèves,  quand,  le  11  floréal 
an  X  (1"  mai  1802),  un  décret  remplaça  ces  écoles  par  des  écoles  préparatoires 
aux  Lycées.  Enfin,  les  lois  des  10  mai  1806  et  17  mars  1808  établirent  l'édifice 
universitaire,  avec  un  Lycée  à  Douai  et  un  Collège  à  Lillj,  qui  devint  rapidement 
égal,  sinon  supérieur,  au  premier  ;  cependant  il  ne  fut  reconnu  collège  royal  qu'en 
1846  pour  être  bientôt,  par  l'effet  de  1848,  créé  Lycée  républicain  le  29  août  1850 
et  impérial  en  1852,  puis  récemment  appelé  Lycée  Faidherbe  pour  perpétuer  le 
souvenir  d'un  de  ses  plus  glorieux  élèves.  Mais  l'enseignement  secondaire  n'a 
jamais  pu  répondre  aux  besoins  du  commerce  et  de  l'industrie,  même  celui  dit 
«  spécial  »  créé  dans  ce  but  et  dont  le  programme  ne  contenait  cependant  rien  de 
technique,  rien  qu'un  peu  de  développement  des  mathématiques  appliquées;  grande 
était  l'erreur,  complet  fut  l'échec. 

Depuis  longtemps,  des  hommes  éclairés  s'intéressant  à  l'avenir  commercial  de 
notre  cité,  songeaient  à  la  nécessité  d'établir  des  cours  répandant  des  connais- 
sances scientifiques  propres  à  développer  le  progrès  de  l'industrie.  Aussi,  en  1817, 
on  vit  à  Lille  s'ouvrir  le  cours  communal  gratuit  de  physique  professé  par  Dele- 
zenne,  et  en  1823,  celui  de  chimie  industrielle  professé  par  Kuhlman,  élève  de 
Vauquelin  ;  puis,  en  1829,  on  créa  des  cours  de  dessin  linéaire,  de  géométrie  et  de 
mécanique  appliqués  aux  arts,  et  on  parla  déjà  d'une  École  d'Arts  et  Métiers,  sem- 
blable à  celle  de  Châlons  ;  l'idée  a  mis  un  demi-siècle  à  se  réaliser. 

Lors  de  la  création  de  la  Faculté  des  Sciences,  le  22  août  1854,  les  professeurs 
Pasteur,  Lamy,  Mahistre  et  Lacaze-Duthicrs,  ce  derniersurvivant  seul  aujourd'hui, 
répandirent  à  flots  la  science  par  des  cours  publics  qui  eurent  la  plus  grande  vogue, 
comme  je  l'ai  dit  jadis  à  propos  de  l'Université  de  Lille  en  1896.  Ce  fut  surtout 
à  partir  de  la  création  de  cet  enseignement  supérieur  que  de  nombreux  jeunes 
gens,  industriels  par  destination,  ayant  puisé  à  volonté  des  connaissances  théo- 
riques approfondies  avec  un  peu  de  pratique,  se  livrèrent  selon  leur  imagination,  à 
l'étude  des  perfectionnements  nécessaires  à  l'industrie  et  le  progrès  marcha  à 
grands  pas.  Rapidement  aussi  on  sentit  la  nécessité  de  coordonner  les  nombreuses 
méthodes  et  découvertes,  de  les  corriger  et  de  les  perfectionner  l'une  par  l'autre  ; 
c'était  le  besoin  d'un  enseignement  nouveau  qui  surgissait  impérieux,  il  fallait 
spécialiser  et  rendre  plus  techniques  les  cours  scientifiques  destinés  aux  futurs 
industriels  et  à  leurs  collaborateurs. 

Dès  le  l*'  octobre  1854,  s'ouvrit  une  Ecole  professionnelle  subventionnée  par  la 
ville  et  le  ministère  de  l'Instruction  publique,  mais  son  enseignement  fut  trouvé 
trop  théorique,  elle  n'eut  point  de  succès  et  elle  laissa  en  deux  années  un  passif 
important  (42.000  fr.),  elle  n'avait  que  12  pensionnaires.  Le  Préfet  décida  le  Ministre 
à  tenter  un  nouvel  effort,  la  ville  loua  les  bâtiments  historiques  de  la  rue  du 
Lombard,  appartenant  aux  Hospices  et  rattacha  la  nouvelle  École  professionnelle 
à  l'École  primaire  supérieure  qui  existait  depuis  1837,  organisée  un  peu  après  la 
loi  de  juin  1833  (ministère  Guizot).  D'après  le  programme,  les  élèves  suivaient, 
pendant  les  deux  premières  années,  les  cours  de  cette  École  supérieure,  complétés 
par  des  leçons  pratiques  ;  mais  pendant  la  troisième  année,  l'enseignement  profes- 
sionnel était  seul  donné  aux  élèves  suffisamment  préparés  pour  le  recevoir  et  en 
profiter.  Cependant,  les  encouragements  espérés  de  la  part  du  Conseil  municipal 


-7    lOÔ    — 

fu-rent  absolument  négatifs,  et  malgré  la  considération  g-énéralc,  méritée  du  reste, 
dont  jouissait  le  nouveau  Directeur,  M.  Bernot,  inspecteur  primaire,  les  résultats 
furent  très  médiocres,  le  nombre  d'élèves  resta  insuffisant,  et  en  1860,  rp^cole  fut 
sur  le  point  d'être  fermée. 

C'est  alors  que  fut  créé,  sous  le  patronage  de  la  Société  des  Sciences,  le  cours 
public  pour  les  chauffeurs,  lequel  a  reçu  depuis  une  grande  extension. 

Le  Directeur  de  l'Ecole  professionnelle,  toujours  plein  de  courage  et  de  ténacité, 
réorganisa  de  nouveau  le  programme  des  études  et  donna  à  son  œuvre  le  nom 
d'Ecole  impériale  des  Mines  et  des  Arts  industriels.  On  augmenta  le  prix  de  la 
pension,  ayant  maintenant  en  vue  l'instruction  préparatoire  des  fils  d'industriels 
pour  :  1°  la  construction  des  machines  ;  2"  la  filature  et  le  tissage  ;  3"  la  chimie 
industrielle  et  agricole.  L'enseignement  fut  de  deux  années  se  complétant  par  une 
troisième  affectée  à  Tétudc  des  mines  et  de  leur  exploitation  ;  l'examen  d'entrée 
portait  sur  les  matières  du  Ijaccalauréat  ès-sciences.  Lille  récompensa  tant  de  per- 
sévérance en  accordant  la  restauration  du  local  et  1.000  fr.  de  gros  mobilier  ;  le 
département,  de  son  côté,  vota  7.000  fr.  de  bourses.  Le  nombre  des  élèves  arriva 
vite  à  60,  mais  ne  put  dépasser  90.  La  funeste  guerre  de  1870  amena  une  nouvelle 
décadence  et  les  Ecoles  techniques  de  Mulhouse  nous  furent  enlevées  en  même 
temps  ;  notre  région  industrielle  s'inquiéta  de  cette  situation  et  on  se  tourna  vers 
l'Etat  pour  qu'il  créât  une  École  professionnelle,  mais  toute  insistance  fut  vaine. 
Alors,  la  ville  et  le  département,  dans  un  élan  de  ce  patriotisme  général  dont  les 
effluves  semblaient  alors  saturer  l'air,  s'occupèrent  avec  dévouement  de  la  question 
et  chargèrent  M.  Masquelez,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées,  directeur 
des  travaux  municipaux,  d'aller  étudier  en  Alsace  et  en  Belgique,  les  Ecoles 
industrielles. 

Dès  1872,  cet  éminent  ingénieur  déposa  non  seulement  un  rapport,  mais  un 
projet  et  bientôt,  par  un  accord  heureux  et  profitable  des  initiatives,  daté  du 
5  octobre  1872,  l'Institut  Industriel  et  Commercial  du  Nord  fut  créé  et  il  fut  décidé 
qu'un  essai  de  3  années  se  ferait  dans  l'ancien  local  de  la  rue  du  Lombard  pendant 
la  construction  et  l'installation  de  nouveaux  bâtiments  ;  l'inauguration  de  l'Institut 
actuel  eut  lieu  en  effet  en  octobre  1875.  M.  Masquelez,  nommé  Directeur,  réussit 
par  un  dévouement  égal  à  son  habileté,  à  réunir  un  personnel  de  haute  valeur  et  à 
établir  dès  le  début  jusqu'à  19  sections  d'enseignement.  On  constata  bientôt  que 
l'on  était  cette  fois  sur  la  bonne  voie  et  que  le  local  allait  être  insuffisant  ;  heureu- 
sement, on  avait  eu  une  cor  fiance  prévoyante,  le  2  septembre  1873  la  ville  avait 
adopté  une  convention  avec  le  département,  par  laquelle  elle  donnait  7. 016  ""^  de 
terrain  évalué  380.000  fr.  à  50  fr.  le  mètre,  pendant  que  celui-ci  votait  700.000  fr. 
pour  la  construction  et  le  matériel  de  l'Institut  actuel.  Tandis  que,  dans  la  rue  du 
Lombard,  la  surface  de  toutes  les  salles  consacrées  à  l'enseignement  était  de 
1.349  "^,  elle  était  de  4.413  m  '"-,  c'est-à-dire  presque  quadruple  dans  l'Institut 
nouveau. 

A  l'instigation  de  M.  Masquelez,  la  Société  Industrielle  de  Lille  accorda  5.000  fr. 
pour  compléter  le  premier  outillage  ;  cette  largesse  donna  lieu  à  des  espérances 
qui  furent  déyues  ;  mais  le  Ministre  du  Commerce  alloua  des  subventions  s'élevant 
jusqu'à  10.000  fr.,  et  le  succès  s'affirmant  fit  naître  l'enthousiasme  :  Calais,  Valen- 
ciennes,  Tourcoing,  Denain,  la  Chambre  de  Commerce  de  Dunkerque  firent  comme 
Lille  et  créèrent  de  nombreuses  bourses,  puis  le  Pas-de-Calais,  la  Somme  et  l'Aisne 
imitèrent  le  Nord  en  votant  des  subventions. 

L'Institut  courut  cependant  encore  une  fois  un  danger;  en  1874,  l'Etat  voulant 
établir  à  Lille  une  Ecole  d'Arts  et  Métiers,  on  proposa  au  Conseil  général  la  sup- 
pression   de    l'Institut  ;    heureusement,    les    nombreux   industriels   de    la   région 


—  lOti  - 

s'émurent  et  prouvèrent  qu'il  n'y  avait  point  de  double  emploi  et  que  les  2  écoles 
ne  pouvaient  que  se  compléter  pour  former  un  système  plus  perfectionné  d'ensei- 
gnement industriel  théorique  et  pratique,  on  s'en  est  convaincu  depuis  lors.  Du 
reste,  l'École  Impériale  Technique  de  Moscou  qui  reçut  un  grand  diplôme  d'hon- 
neur à  Paris  à  l'Exposition  de  1878,  est  depuis  longtemps  la  preuve  de  cette  asser- 
tion, mise  en  pratique  également  à  Liège,  à  Zurich,  à  Philadelphie,  à  Boston,  etc. 

La  protection  efficace  et  l'appui  donnés  à  l'Institut  Industriel  provoquèrent  son 
développement.  Ouvert  avec  15  élèves  en  1872,  il  en  eut  102  en  1878  et  172  en 
1891  ;  il  en  a  aujourd'hui  275,  y  compris  136  pensionnaires,  car  après  la  construc- 
tion des  laboratoires  de  chimie  au  moyen  des  27.684  fr.  votés  par  le  Conseil  général 
en  mai  1878,  on  reconnut  la  nécessité  d'un  internat  pour  lequel  le  Conseil  général 
vota  76.500  fr.  en  1883  ;  il  contient  121  places  et  coûta  85.000  fr. 

A  l'origine,  l'Institut  comprenait  trois  enseignements,  concernant  l'Industrie, 
l'Agronomie  et  le  Commerce  ;  en  octobre  1881  on  supprima  l'enseignement  com- 
mercial, on  le  rencontre  maintenant  très  développé  ailleurs.  En  octobre  1884,  on 
comprit  la  section  d'agronomie  dans  le  génie  civil  comme  se  rapportant  à  la  chimie 
appliquée,  puis  en  1886  on  la  supprima  tout  à  fait,  de  sorte  qu'il  ne  resta  qu'une 
école  seulement  industrielle,  la  section  des  mines  ayant  cessé  aussi  d'être  spécia- 
lisée en  1884. 

En  1887,  un  incendie  détruisit  en  partie  les  ateliers,  on  en  profita  pour  effectuer 
des  agrandissements  reconnus  nécessaires;  tissage,  filature,  ajustage,  forge, 
modèlerie,  furent  réinstallés  avec  tous  les  perfectionnements  nouveaux  et  agrandis. 

En  1885,  l'Institut  avait  obtenu  à  l'Exposition  d'Anvers  un  diplôme  d'honneur 
et  trois  professeurs  chacun  une  médaille  d'or  de  collaborateur  ;  et  en  1889,  l'Ins- 
titut, placé  en  concurrence  avec  l'Ecole  centrale,   mérita  une  grande  médaille  d'or. 

Enfin  en  1895,  on  jugea  nécessaire  de  faire  subir  une  dernière  modification  à 
l'organisation  des  études,  la  division  de  technologie  fut  supprimée  en  partie,  on 
laissa  subsister  la  première  année  comme  préparatoire  au  génie  civil,  et  dans  cette 
dernière  division,  l'enseignement  des  arts  textiles  fut  très  réduit,  on  ne  conserva 
guère  que  l'atelier  de  filature  et  de  tissage  pour  les  exercices  pratiques  destinés  à 
donner  aux  élèves  des  notions  générales  sur  ces  deux  industries  que  tout  ingénieur 
dans  le  Nord  doit  connaître.  L'administration  de  l'Institut  avait  constaté  que  les 
filateurs  préféraient  à  nos  jeunes  ingénieurs,  de  vieux  praticiens,  les  plus  habiles 
contremaîtres,  pour  en  faire  des  directeurs. 

Par  contre,  en  1892,  voyant  l'importance  considérable  que  prenaient  les  applica- 
tions de  l'électricité,  on  décidait  de  créer  une  section  pour  leur  étude,  st  le  26  août, 
le  Conseil  général  votait  20.000  fr.  pour  cette  nouvelle  installation,  que  nous  avons 
vu  très  complète. 

Tel  est  resté  l'enseignement  essentiellement  industriel  destiné  à  former  des 
ingénieurs  civils  et  des  directeurs  d'usines  pour  les  industries  de  la  région.  Aux 
leçons  orales  sont  joints  des  cours  de  dessin,  des  manipulations  de  chimie  indus- 
trielle, de  teinture,  etc.,  et  des  exercices  pratiques  pour  tout  ce  qui  concerne  la 
mécanique  et  les  installations  électriques;  de  plus,  des  visites  dans  les  établis- 
sements industriels,  aussi  répétées  que  possible,  complètent  admirablement  le 
programme. 

Les  cours  sont  faits  par  des  professeurs  distingués  des  Facultés  et  des  ingénieurs 
des  Mines  et  des  Ponts  et  Chaussées,  tandis  que  des  ingénieurs  praticiens  habiles, 
dirigent  les  travaux  des  ateliers  et  des  laboratoires. 

Il  ne  subsiste  donc  que  la  division  dite  de  génie  civil  (type  ICcole  centrale), 
divisée  en  3  sections  :  mécanique,  chimie  et  électricité,  ayant  chacune  3  années 
d'études,  dont  la  première  est  commune.  Les  jeunes  gens  qui  désirent  se  bien  pré- 


—  1U7  — 

parer  à  l'examen  cradmission  peuvent  commencer  par  entrer  dans  la  section  pré- 
paratoire qui  forme  ainsi  une  quatrième  année.  Il  faut  satisfaire  à  chaque  examen 
de  fin  d'année  avec  la  note  12  au  moins,  pour  être  admis  dans  la  classe  supérieure, 
on  peut  être  autorisé  oependant  à  doubler  une  fois  les  cours.  A  l'examen  de  sortie, 
on  reçoit  le  diplôme  d'ingénieur  civil  moyennant  la  note  15  au  minimum,  ou  bien 
un  certificat  de  capacité  de  génie  civil  pour  les  notes  s'abaissant  de  15  à  13.  Tous 
les  élèves,  externes,  demi-pensionnaires  ou  internes  sont  soumis  à  une  même  dis- 
cipline inflexible,  mais  qui  n'est  ni  dure  ni  compliquée,  celle  qui  est  nécessaire 
pour  permettre  des  études  fructueuses  et  former  en  même  temps  de  bons  citoyens. 
L'internat  coûte  1.000  fr.,  la  demi-pension  700  et  les  frais  d'études  des  externes  sont 
de  400  fr. 

Pour  aider  au  développement  de  l'Institut,  surtout  depuis  que  l'on  a  reconnu  les 
mérites  de  son  organisation  et  du  plan  des  études,  le  département  du  Nord,  outre 
sa  subvention  annuelle  de  20.000  fr.,  a  fondé  21  bourses  ;  celui  de  l'Aisne,  H  ; 
celui  du  Pas-de-Calais,  9  ;  la  Somme,  l'Oise,  la  Sarthe  et  même  Alger  en  ont  créé 
quelques-unes.  Lille  en  a  fondé  32  ;  Valenciennes,  2  ;  Toulouse,  St-Dié,  le  Lycée 
de  Laval,  les  Mines  de  Lens,  le  Chemin  de  fer  du  Nord  et  la  Chambre  de  Commerce 
de  Dunkerque  chacun  la  leur,  et  l'Association  des  anciens  Élèves  en  a  fondé  3 , 
l'État  lui-même  est  venu  ajouter  13  bourses,  11  par  le  Ministère  du  Commerce  et  2 
par  celui  des  Colonies. 

Le  budget  annuel  des  recettes  est  d'environ  250.000  fr.,  qui  équilibre  celui  des 
dépenses,  dont  les  principales  ont  pour  objet  la  nourriture  des  élèves,  les  fourni- 
tures des  ateliers  et  laboratoires,  puis  le  personnel  enseignant. 

Les  sacrifices  encourageants  que  nous  venons  de  citer,  en  assurant  la  prospérité 
de  l'Institut,  ont  été  utiles  à  une  foule  de  jeunes  gens  intelligents  mais  sans  for- 
tune, leur  permettant  de  conquérir  par  leur  travail  une  situation  aussi  profitable 
au  pays  qu'à  eux-mêmes. 

Mais  ce  qui  est  regrettable  c'est  que  l'État,  d'après  la  loi  du  15  juillet  1889,  n'ait 
pas  encore  cru  devoir  accorder  aux  élèves  de  l'Institut  Industriel,  comme  à  ceux 
de  l'École  des  Arts  et  Métiers  et  de  l'École  de  Commerce,  la  dispense  de  deux 
années  de  service  militaire  ;  [cependant,  depuis  {la  création  des  certificats  d'études 
supérieures  que  confère  la  Faculté  des  Sciences,  les  , élèves  de  l'Institut  peuvent 
songer  à  acquérir  trois  d'entre  eux  qui  correspondent  à  des  cours  faits  et  obtenir 
ainsi  le  diplôme  de  licencié  ès-sciences  qui  donne  droit  à  la  dispense  susdite  ;  il  faut 
néanmoins  perdre  du  temps  et  aller  à  l'Université. 

Les  élèves  diplômés  trouvent  facilement  dès  leur  sortie  de  TÉcole  une  situation 
rémunératrice,  parfois  même  brillante  dès  le  début,  grâce  à  la  Direction  et  aussi  à 
l'Association  amicale  des  anciens  Élèves,  constituée  en  1879  (elle  compte  800 
membres  environ  et  a  son  siège  rue  Faidherbe,  17;  les  élèves  présents  ont  leur 
cercle  boulevard  de  la  Liberté,  58).  Il  est  parfois  préférable  cependant  pour  les 
sortants  de  choisir  d'abord  un  emploi  modeste  dans  un  important  établissement 
sous  une  direction  habile,  oii  ils  ont  beaucoup  à  gagner  en  expérience,  surtout  s'ils 
se  destinent  à  retourner  ensuite  dans  un  pays  éloigné,  car  si  les  élèves  sont  en 
général  du  Nord,  il  y  en  a  de  tous  les  points  de  la  France  comme  aussi  do 
l'étranger,  surtout  de  la  Belgique,  de  la  Russie  et  de  l'Amérique.  Nombreux  aussi 
sont  les  fils  de  familles  notables  et  distinguées,  on  y  a  vu  le  neveu  du  Président 
de  la  République  d'Haïti,  un  Roumain  fils  de  député  et  encore  aujourd'hui  s'y 
trouve  le  fils  du  Ministre  de  la  guerre  de  Roumanie,  sans  parler  par  discrétion  des 
jeunes  gens  de  notre  pays.  11  sort  chaque  année  de  35  à  45  élèves  diplômés,  dont 
les  9/10  se  consacrent  à  l'industrie. 

Comme  je  l'ai  raconté,  des  péripéties  bien  décourageantes  et  de  sérieux  obstacles 


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ont  signalé  la  création  désirée  à  Lille  d'une  Ecole  Industrielle  ;  il  a  fallu  toute 
l'énergie  et  toufe  la  ténacité  de  l'inspecteur  primaire  M.  Bernot,  toute  l'habileté  et 
la  persévérance  des  premiers  directeurs,  pour  fonder  et  modifier  selon  les  néces- 
sités du  commerce  et  de  l'industrie,  l'Institut  devenu  aujourd'hui  si  prospère  que 
notre  distingué  concitoyen,  M.  Gruson,  inspecteur-général  des  Ponts  et  Chaussées, 
auquel  on  doit  le  merveilleux  ascenseur  des  Fontinettes,  dirige  maintenant  depuis 
1802  avec  le  talent  qu'on  lui  connaît,  doublé  d'une  paternelle  aménité  qui  tempère 
une  juste  et  nécessaire  sévérité. 

L'Institut  Industriel  renferme  aujourd'hui  275  élevés,  dont  136  pensionnaires,  et 
il  n'y  a  que  160  places  ;  si  la  prospérité  continue  à  s'accentuer  il  faudra  augmenter 
les  constructions. 

Enfin,  en  terminant  notre  intéressante  visite  qui  a  duré  plus  de  deux  heures, 
nous  remercions  M.  Gruson  de  son  bienveillant  accueil  et  de  l'amicale  considération 
qu'il  a  eue  pour  notre  groupe  en  voulant  bien  nous  guider  lui-même.  Nous  adres- 
sons de  même  nos  remerciements  à  ses  collaborateurs  éclairés,  MM.  Bienvaux, 
l'ingénieur  sous-directeur,  M.  Rouquette,  l'inspecteur  principal  et  M.  Godron,  ingé- 
nieur-directeur des  travaux  pratiques,  qui  nous  ont  accompagnés  et  renseignés  ; 
puis  nous  quittons  l'établissement  que  la  plupart  d'entre  nous  ont  visité  avec  un 
grand  intérêt,  entre  autres  M.  Koriki  Nahiro,  professeur  à  Tokio  (Japon),  présenté 
par  notre  collègue  M.  Théodore  Bon,  directeur  de  l'Ecole  Industrielle  de  Tourcoing. 

Gomme  on  le  voit,  l'Institut  Industriel  de  Lille  est  devenu  une  école  modèle 
dont  le  succès  n'a  point  encore  d'égal  en  France  ;  à  Lyon,  l'Institut  similaire 
réunit  à  peine  60  élèves,  tandis  que  le  nôtre  peut  être  considéré  comme  un  émule 
de  l'Ecole  Gentrale. 

Il  est  vrai  qu'on  ne  saurait  se  préoccuper  plus  activement  qu'on  ne  le  fait  à  Lille 
de  favoriser  le  développement  des  aptitudes  diverses  des  jeunes  gens  intelligents 
et  travailleurs  ;  on  ne  leur  laisse  pas  oublier  quun  travail  opiniâtre  vient  à  bout 
de  tout,  et  on  s'efforce  de  mettre  à  leur  disposition  tous  les  moyens  nécessaires 
pour  lutter  avec  avantage  sur  le  champ  de  bataille  du  commerce  et  de  l'industrie, 
le  seul  digne  des  nations  civilisées  ;  là,  vainqueurs  et  vaincus  profitent  de  l'effort 
qu'ils  ont  su  produire  et  le  lutteur  qui  prospère  fait  la  richesse  de  sa  patrie  en 
même  temps  que  la  sienne,  car  lui  c'est  elle. 

Puisse  ce  modeste  rapport  rencontrer  beaucoup  de  lecteurs  patriotes  qui  répéte- 
ront volontiers  aux  quatre  vents  que  si  Lille  a  obtenu  une  Université  qui  brille 
d'un  vif  éclat,  si  elle  a  un  Institut  Pasteur  oii  la  science  sait  vaincre  l'inexorable 
Parque,  elle  possède  aussi,  outre  les  nombreux  établissements  libres  qui  sont  une 
cause  d'émulation,  de  grandes  Ecoles  de  Gommerce  et  d'Arts-et-Métiers  et  un 
Institut  Industriel  oii  des  professeurs  de  la  plus  haute  compétence  forment  des 
chefs  habiles  pour  conduire  à  la  victoire  nationale  la  grande  armée  des  travailleurs 
et  lui  donner  le  bien-être  pour  la  gloire  du  pays.  La  France,  avec  la  noblesse  de 
sentiments  qui  la  caractérise,  sait  mener  de  front  tous  les  devoirs  et  protéger 
également  chez  ses  enfants  la  culture  de  l'esprit,  les  qualités  du  cœur  et  les  intérêts 
matériels  ;  cuique  suuni. 

Lille,  Avril  d899. 

E.  Gantineau, 

Archiviste  de  la  Société. 


—  109  — 


LIANGOURT,   CHANTILLY,  SEVRES 
VERSAILLES. 


Excursion  du  15  au  18  Avril  1899. 


Directeurs  :    MM.    P  a  li.  i  e  z-G  o  lin    et    Galonné. 


Gette  excursion  réunissait  un  joyeux  groupe  d'une  trentaine  de  personnes. 
Départ  de  Lille  à  7  h.  55  du  matin. 

Le  démantèlement  de  Douai  et  d'Arras  a  bien  changé  Faspect  de  ces  villes 
qui,  maintenant,  se  dessinent  coquettes  aux  yeux  des  voyageurs.  La  nouvelle  gare 
d'Arras  jette  aussi  un  air  de  gaîté  sur  ce  trajet  monotone. 

A  Longueau,  après  une  légère  collation  au  buffet,  nous  prenons  le  train  qui  doit 
nous  conduire  à  Liancourt  ;  pendant  deux  heures ,  défilent  devant  nous  une 
quantité  de  stations  qui  augmentent  de  jour  en  jour  :  Boves  avec  son  château  eu 
ruine  sur  une  hauteur  ;  Dommartin,  Ailly-sur-Noye,  La  Faloise,  Breteuil,  Gannes  ; 
St-Just-en-Ghaussée  ;  Glermont,  sur  un  coteau  riant  dominé  par  un  château  trans- 
formé en  prison  de  femmes. 

Il  est  midi  lorsque  nous  arrivons  à  Liancourt  ;  un  bon  déjeuner  nous  attend  à 
THôtel  du  Gheval-Blanc.  Au  dessert,  M.  Palliez-Golin  porte  un  toast  à  M.  Paul 
Grepy,  l'honorable  Président  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

Nous  nous  rendons  à  la  Manufacture  de  chaussures  de  Liancourt,  située  à 
quelque  cent  mètres  de  l'Hôtel. 

MM.  les  Administrateurs,  ayant  à  leur  tête  notre  collègue  M.  Ed.  Desurmont, 
de  Seclin,  Président  du  Conseil  d'administration,  nous  reçoivent  à  l'entrée  de 
l'établissement,  et  pour  nous  rendre  compte  du  degré  de  perfection  de  leur 
industrie ,  font  mettre  en  fabrication ,  devant  nous,  une  paire  de  «  Richelieu 
jaune,  »  dont  nous  avons  pu  suivre  toutes  les  transformations  jusqu'à  son  complet 
achèvement,  et  ce  pendant  un  laps  de  temps  inférieur  à  30  minutes. 

D'un  côté  les  semelles  sont  découpées  à  l'emporte-pièce,  les  bords  en  sont  relevés 
en  partie  pour  le  logement  de  la  couture  ;  une  langue  de  cuir  est  détachée  au  talon 
pour  la  reporter  à  la  semelle  proprement  dite.  De  l'autre,  les  empeignes  sont  décou- 
pées sur  modèle  dans  les  peaux  ainsi  que  les  languettes  et  épaisseurs  nécessaires  à 
la  partie  lacée.  —  Ici  les  empeignes  sont  doublées  ,  puis  des  machines  à  coudre  y 
placent  un  ruban  en  bordure,  là  d'autres  machines  découpent  les  boutonnières  et 
les  bordent. 

La  pose  de  l'empeigne  sur  la  semelle  se  fait  par  une  machine  qui  imite  parfai- 
tement le  travail  du  cordonnier  étirant  l'empeigne  sur  la  forme  et  la  clouant  sur  la 
semelle.  C'est  un  enchevêtrement  de  leviers,  carnes,  pinces,  travaillant  en  tous 
gens  et  qui  en  fait  une  machine  vraiment  remarquable  sous  un  petit  volume. 

Puis  viennent  la  couture,  le  lissage  de  la  semelle,  son  fraisage  et  toutes  les 
autres  opérations  qui  donnent  au  .soulier  le  dernier  lustre  nécessaire  et  enfin 
l'empaquetage. 


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Plus  de  3CK)  machines  de  tous  genres  travaillent  dans  un  bâtiment  de  4.000  mètres 
offrant  un  coup  d'œil  magnifique.    Dans  la  salle  des  machines  sont  installées  deux 
mcichines   à  vapeur  Corliss   de  la  force  de  MO  chevaux,  actionnant  500  mètres- . 
de  transmissions  disposées  en  5  lignes  parallèles. 

MM.  les  Administrateurs  ont  voulu  que  nous  conservions  de  notre  visite  à  leuf 
bel  établissement  un  agréable  souvenir  :  après  avoir  otîert  aux  dames  une  paire 
de  chaussures  à  leur  choix,  ils  font  servir  le  Champagne.  Dans  un  speech  plein 
d"à-propos,  M.  Palliez-Colin  félicite  la  Direction  et  l'Administration  de  Finstallation 
de  leur  usine  et  leur  adresse  les  remerciements  de  tous  pour  leur  cordiale  et  si 
aimable  réception  ;  après  avoir  bu  à  la  prospérité  des  Manufactures  de  Liancourt^ 
nous  regagnons  nos  voitures  qui  enlèvent  la  caravane  dans  la  direction  da 
Chantilly. 

Nous  passons  devant  la  statue  du  duc  de  La  Rochefoucauld-Liancourt,  membre 
de  la  Constituante  en  1789,  économiste  et  agronome  distingué,  illustre  également 
par  sa  philanthropie. 

Nous  traversons  Magneville,  Monchy-St-p]loi,  Nogent-les- Vierges,  pour  arriver 
à  Creil  ;  du  pont  du  chemin  de  fer  nous  découvrons  le  panorama  de  la  gare,  une 
des  plus  importantes  du  réseau.  C'est  là  que  déjeunes  époux,  fètan,t  leur  première 
journée  de  bonheur,  ont  été  étonnés  de  recevoir  les  vœux  un  peu  bruyants  des 
habitants  du  Nord. 

Creil  (8.000  habitants),  est  très  mal  bâtie  et  coupée  en  deux  parties  par  l'Oise 
que  nous  traversons  sur  un  beau  pont  en  treillis. 

A  la  sortie  de  Creil,  nos  chevaux  montent  mélancoliquement  la  longue  côte  qui 
conduit  de  l'Oise  au  plateau  de  la  Haute-Pommeraie  ;  nous  suivons  une  route 
droite  et  silencieuse  oti  les  faisans  se  promènent  sans  crainte  du  chasseur. 

Dans  le  lointain,  à  gauche,  se  dresse  l'immense  château  que  les  Rothschild  se 
sont  fait  construire  à  St-Maximin,  sur  un  coteau  dominant  l'Oise. 

Bientôt  nous  obliquons  dans  la  forêt  espérant  jeter  un  coup  d'œil  sur  le 
magnifique  château  de  Chantilly  ;  mais  une  pluie  battante  vient  refroidir  notre 
enthousiasme.  D'ailleurs,  le  temps  nous  presse  et  nos  pauvres  coursiers  épuisés, 
excités  par  les  voyageurs  consultant  leur  montre  avec  inquiétude,  n'ont  aucun 
répit,  et  c'est  à  peine  si,  à  travers  l'ondée  diluvienne,  nous  apercevons  les  écuries 
des  Condé  et  la  pelouse.  Pour  terminer  cette  promenade  de  20  kilomètres,  nous 
devons  brûler  Chantilly  afin  de  trouver  en  gare  l'express  arrivant  à  Paris  à  6  h.  45 
du  soir. 

Après  l'installation  à  l'hôtel  et  le  dîner,  chacun  reprend  sa  liberté  et  peut  choisir 
parmi  les  nombreux  plaisirs  qui  sont  otierts  aux  voyageurs  dans  notre  belle 
capitale. 

Le  lendemain,  à  9  h.  1/2,  le  bateau  du  Louvre  à  Suresnes  nous  transporte  à 
Sèvres.  En  face  de  notre  point  de  départ  les  quais  sont  bouleversés  par  les  travaux 
du  prolongement  de  la  ligne  d'Orléans  à  la  gare  du  quai  d'Orsay,  et  un  peu  plus 
loin  par  les  chantiers  de  cette  nouvelle  gare. 

Le  pont  Alexandre  III  nous  laisse  voir  la  membrure  de  sa  magnifique  arche 
surbaissée.  —  A  droite,  nous  apercevons  les  travaux  des  palais  des  Champs 
Elysées,  ainsi  que  les  originales  constructions  assez  avancées  de  la  reconstitution 
du  vieux  Paris  en  1400  ;  à  gauche,  la  tour  Eiffel,  toute  bariolée  par  des  essais  de 
peinture,  domine  les  travaux  en  cours  pour  la  prochaine  Exposition  ;  dans  le 
lointain,  la  Grande  Roue  de  Paris,  dessine  sa  silhouette  dans  l'horizon.  Voici  le 
Point  du  Jour  et  l'imposant  viaduc  d'Auteuil. 

Bientôt  devant  nos  regards  s'étale  un  des  plus  beaux  panoramas  des  environs 
de  Paris  :  Meudon  avec  ses  villas  étagées  sur  des  coteaux,   Le  Val  et  un  horizon 


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de  forêts  ;  nous  débarquons  à  Sèvres,  et  gagnons  de  suite  la  Manufacture  nationale 
de  porcelaine  qui  est  peu  éloignée.  Par  un  privilège  tout  particulier,  l'heure  d'ou- 
verture avait  été  avancée  de  raidi  à  10  heures. 

On  nous  introduit  dans  la  salle  d'exposition  des  produits  de  la  Manufacture. 

Que  .dire  des  œuvres  artistiques  si  variées  qui  sortent  de  l'étîiblissement  ;  c'est 
à  juste  titre  qu'elles  jouissent  d'une  faveur  marquée  dans  le  monde  entier. 

Sont  là,  à  côté  de  vases  d'une  valeur  de  l.(X)Û  à  15.000  fr.,  des  objets  de  fantaisie 
de  toutes  formes  portant  le  double  cachet  de  distinction  et  d'élégance  qui  carac- 
térise le  génie  français. 

Quelques  tableaux  sur  porcelaine  d'un  fini  et  d'un  coloris  sans  pareils,  chefs- 
d'œuvre  d'un  genre  qui  ne  se  fabrique  plus,  et  qui  d'ailleurs  ne  sont  pas  mis  en 
vente.  Quelques-uns  ont  coûté  50.000  fr.  pour  leur  fabrication. 

Comme  notre  visite  se  faisait  le  dimanche,  nous  avions  cru  impossible  de  voir 
les  ateliers,  mais  le  Directeur  de  la  Manufacture,  prévenu,  nous  réservait  une 
surprise  bien  agréable.  Il  nous  dirigea  lui-même,  à  travers  les  ateliers  de  moulage, 
de  séchage  et  de  cuisson  de  la  porcelaine  et  fit  exécuter  devant  nous  le  tournage 
d'un  vase  et  le  coulage  d'une  tasse  à  café. 

Nous  montons  au  musée  céramique  qui  occupe  tout  le  premier  étage  du 
bâtiment  principal  :  Poteries  antiques  du  Moyen-Age  et  modernes,  mates  et  lustrées 
de  tous  pays,  poteries  vernissées,  grès  cérames  et  faïences  émaillées  depuis  l'in- 
vention jusqu'à  nos  jours,  également  de  tous  pays,  porcelaines  tendres  naturelles 
et  artificielles,  porcelaines  dures  de  Chine,  de  l'Inde  et  du  Japon  ;  porcelaines  de 
Sèvres,  de  Limoges,  de  Saxe  ;  tableaux  d'uçe  finesse  incroyable. 

Un  déjeuner  nous  est  servi  au  café  de  la  Terrasse. 

.Te  ne  puis  passer  sous  silence  une  poésie  pleine  de  charme  et  d'esprit  dans 
laquelle  l'auteur,  M.  Fidèle  Didry,  narre  les  différents  points  de  notre  excursion 
et  exprime  à  nos  Directeurs  les  remercîments  de  tous  leurs  collègues.  Nous 
regrettons  que  M.  Didry,  toujours  trop  modeste,  n'ait  pas  cru  devoir  nous  confier 
son  pe.tit  chef-d'œuvçe,  malgré  les  instances  de  tous  les  excursionnistes. 

Après  ce  moment  de  repos,  une  «  tapissière  »  nous  amène  vers  2  heures  au 
château  de  Versailles  par  la  large  avenue  de  Paris. 

Je  n'entreprendrai  pas  la  description  du  château  et  des  collections  historiques 
qu'il  renferme,  ceci  fait  le  sujet  de  livres  spéciaux. 

Il  ne  fallait  pas,  pendant  les  trois  heures  dont  nous  disposions,  perdre  un 
instant  pour  jeter  un  coup  d'œil  sur  l'ensemble  des  curiosités  de  Versailles. 
Nous  traversons  le  jardin  pour  atteindre  le  Grand-Trianon,  que  Louis  XIV  fit 
construire  pour  M""  de  Maintenon  «t  dont  nous  parcourons  rapidement  les  salles 
sous  la  conduite  d'un  gardien  peu  aimable.  Nous  traversons  le  Musée  des  Voitures, 
dont  la  plus  remarquable  servit  au  sacre  de  Charles  X.  De  retour  au  château 
nous  visitons  le  Musée,  collection  historique  sans  égale  dans  le  monde  entier, 
ainsi  que  les  somptueux  appartements  des  rois.  Notre  visite  s'est  terminée  par  la 
salle  du  Congrès. 

Le  chemin  de  fer  de  la  rive  droite  nous  ramène  à  Paris  en  passant  par  Viroflay, 
Sèvres,  St-Cloud,  Suresnes,  Puteaux,  Courbevoie  et  Asnières.  Cette  ligne  offre 
de  vastes  panoramas  de  Paris,  du  Bois  de  Boulogne  et  du  cours  de  la  Seine  ; 
elle  passe  à  l'extrémité  de  l'avenue  qui  fait  suite  en  ligne  droite  à  celles  de 
Neuilly,  de  la  Grande-Armée  et  des  Champs-Elysées  commandées  par  l'Arc  de 
Triomphe  de  l'Étoile. 

A  0  h.  1/2  nous  sommes  à  la  gare  St-Lazare  oii  nous  nous  faisons  nos  adieux. 

Paul  Malard, 


112  — 


AU  DELA  D'ARMENTIERES  (1). 
LE  PÈLERINAGE  DE  «   GAPELLE-ROMPUE.  » 


Excursion  du  4  Juin  1899. 


Directeurs  :  ]MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné. 


La  première  impression  qui  frappe,  quand  on  traverse  les  paysages  de  la 
Flandre  agricole,  cette  «  Lombardie  prosaïque  »,  c'est  l'impression  de  vie  plantu- 
reuse, de  sensualité  lourde,  de  fécondité  presque  grossière.  Le  ciel  y  est  trop 
chargé  de  moiteurs,  et  la  terre  d'humus  ;  —  trop  d'engrais,  dirait  un  plaisant.  Les 
feuillages  y  sont  trop  verts,  et  les  tuiles  des  toits  trop  rouges,  —  trop  de  couleur, 
et  trop  de  santé,  pourrait-on  dire  encore.  Pareilles  à  ces  mères  opulentes  et  rubi- 
condes, à  la  taille  un  peu  épaisse,  mais  fraîches  néanmoins,  heureuses  d'allaiter 
sur  leur  sein  quelque  robuste  enfant  roux,  la  joie  de  la  terre  y  éclate  avec  une 
force  merveilleuse,  une  belle  impudeur  quasi-païenne,  à  la  Rubens.  Le  travail  de 
la  sève  n'y  a  rien  de  mystérieux  ;  on  sent  que  la  nature  vit,  qu'elle  bout,  qu'elle 
tressaille.  Et  pourtant,  cette  exubérance  n'exclut  pas  la  grâce,  —  une  grâce  un  peu 
molle  quelquefois.  A  certaines  heures  de  la  journée,  quand  une  atmosphère 
lumineuse  et  vaporeuse  y  enveloppe  les  contours,  regardez  ce  paysage  :  tout  y 
prend  des  formes  douces  et  arrondies,  les  collines  à  l'horizon  s'y  fondent  en 
courbes  moelleuses,  aux  inclinaisons  faciles  (ne  sont-ce'  pas  là  encore,  du  reste, 
ces  «  coteaux  modérés  »  si  chers  au  Boulonnais  Sainte-Beuve  ?)  ;  les  rideaux 
d'arbres,  d'une  seule  venue,  qui  voilent  les  fermes  et  les  pâturages,  s'y  estompent 
de  teintes  violacées  par  l'éloignement,  qui  en  font,  de  toutes  parts,  des  ensembles 
doux  et  séduisants  à  l'œil  ;  ces  moissons  blondes,  blondes  d'avoir  bu  avidement 
la  lumière  du  soleil,  s'y  inclinent  au  vent  avec  de  longues  ondulations  soyeuses, 
évoquant  des  idées  de  grâce  autant  que  de  splendeur.  Et  ces  houblonnières, 
ces  vergers  fleuris,  ces  herbages  touffus  oii  paissent  de  grands  bœufs  somnolents, 
ces  chemins  qui  montent  ou  qui  descendent,  rayés  d'ombre  et  de  lumière,  en  zigzag, 
entre  des  moissons,  entre  des  haies,  ces  mamelons  paisibles  que  surmonte  un 
clocher,  un  moulin,  tout  cela  n'est-il  pas  varié,  aimable,  capable  de  ravir  un  peintre 
ou  un  poète  ?  En  sorte  que  la  vision  un  peu  brutale,  un  peu  haute  en  couleur,  du 
début,  s'y  apprivoise  et  s'y  achève  presque  en  rêverie. 

M"""  d'Agoult,  l'aristocratique  amie  de  George  Sand,  s'était  éprise  insensible- 
ment, elle  aussi,  de  cette  nature  placide,  oii  «  tout  est  calme  et  lenteur  ».  Elle  y 
trouvait  «  quelque  chose  d'indécis  et  de  monotone,  une  sorte  de  silence  pour  l'œil, 
qui  lui  donne  la  sensation  du  repos.  »  Et  peut-être  même  pourrait-on,  à  la  rigueur. 


(1)  Le  but  véritable  de  l'excursion  élcTil  le  Mont  de  Kerainel.  J'ose  à  peine  écrire  ici  ce  titre,  craignant 
éo  passer  avec  juste  raison,  après  tant  d'autres,  pour  un  ennuyeux  rabâcheur. 


T-  113  — 

appliquer  à  nos  paysages  de  Flandre  ce  qu'une  poétesse  anglaise  disait  dç  la  nature 
du  Nord  en  général  :  qu'elle  laisse  indifférent  au  début,  mais  «  qu'un  charme  gra- 
duel est  en  elle,  qui  s'insinue  auprès  de  vous  comme  le  ferait  un  chien  ou  un 
enfant  pour  toucher  votre  main  ou  tirer  votre  robe.  » 

Ces  réflexions,  un  peu  tardives,  j'avoue  que  nul  d'entre  nous  ne  se  les  était 
faites,  pendant  cette  belle  et  chaude  après-midi  de  Juin,  oii  nous  revenions  en  break 
de  la  classique  promenade  à  Kemmel.  L'automédon  silencieux,  l'œil  sur  ses  che- 
vaux endormis,  rappelait  vaguement  par  son  attitude  celle  du  morne  Hippolyte 
dans  le  récit  de  Théramène.  Sur  l'impériale,  nous  causions  de  «  l'Affaire  »  avec 
animation  ;  et,  à  l'étage  en-dessous,  côté  des  dames,  la  gaîté  ne  semblait  pas  moins 
bruyante.  Nous  n'étions  ni  des  artistes,  ni  des  poètes  contemplatifs,  ni  même  des 
touristes  véritables.  Ce  que  nous  étions  venus  cherchera  Kemmel,  —  sous  prétexte 
de  géographie  — ,  c'était  une  journée  de  fugue,  de  flânerie  en  pleine  nature,  loin 
du  bruit,  de  la  chaleur  lourde  et  de  l'atmosphère  viciée  des  grandes  villes  indus- 
trielles. Et  nous  revenions  de  «  la  montagne  »,  les  poumons  imbibés  d'air  pur,  les 

mains  pleines   de  fleurs et  les  poches  de  hannetons,  attestant  quelle  avait 

été  pendant  cette  journée  l'innocence  de  nos  occupations. 

Déjà  le  soleil  commençait  à  s'abaisser,  rendant  la  chaleur  moins  lourde.  C'était 
le  jour  de  la  Fête-Dieu.  Pourtant,"  dans  les  localités  que  nous  traversions,  une 
morne  torpeur  semblait  régner  encore.  Et  c'était  toujours  en  apparence  le  même 
village,  ou  plutôt  la  même  grande  bourgade,  propre  et  riante,  aux  larges  rues  où 
l'herbe  pousse  entre  les  pavés,  toujours  aussi  la  même  place  vaste,  presque 
immense,  avec  son  kiosque,  son  humble  maison  de  ville,  faisant  parfois  l'office 
d'auberge,  et,  tout  près  de  là,  l'église  monumentale  (La  Commune,  c'est  moi),  avec 
son  lourd  beffroi  quadrangulaire  rehaussé  d'un  tout  petit  campanule. 

A  Neuve-Eglise,  le  dernier  village  traversé,  un  cimetière  entourait  l'église,  sur- 
plombait la  place,  la  débordait,  y  projetait  l'ombre  de  ses  tombes  blanches  et  de 
ses  frêles  verdures  :  voisinage  plutôt  mélancolique  que  funèbre,  et  accepté  sans 
aucun  doute  par  les  vivants  qui  y  trouvaient,  en  plein  jour,  un  peu  d'ombrage  et 
de  fraîcheur.  En  face,  cette  enseigne  de  cabaret  :  A  la  Tranquillité.  Et  cette  autre 
plus  loin,  expliquant  la  première  :  Aux  Bons  Enfants  1  Dans  chaque  rue,  le  milieu 
de  la  chaussée  était  jonché  de  pétales  multicolores  et  de  longues  tiges  de  glaïeuls, 
piétines  par  la  procession  du  matin.  Beaucoup  de  maisons  étaient  pavoisées.  Et, 
par  les  portes  ouvertes,  on  apercevait  de  petites  chapelles  ornées  de  cierges,  témoi- 
gnages de  piété  naïve,  humble,  enfantine,  qui  faisait  sourire.  Et  cela  se  prolongeait 
sans  fin,  partout,  jusque  dans  les  champs  oii  trônaient  de  jolis  reposoirs  tout 
pomponnés  de  fleurs,  près  de  ces  calvaires  dont  les  croix  bénisseuses. 

Tendent  leurs  bras  de  fer  par  dessus  les  blés  d'or. 

Mais  il  n'y  avait  personne  dans  les  champs,  ni  dans  les  villages,  personne,  sem- 
blait-il, derrière  les  portes  ouvertes,  ni  sur  les  seuils,  pas  même  ce  pauvre  chien 
dont  parle  Henri  Heine,  qui,  dans  les  petites  villes  du  Nord,  implore  le  passant 
d'un  œil  mélancolique,  comme  pour  lui  dire  :  «  Homme  bon,  donne-moi,  je  te  prie, 
un  coup  de  pied,  afin  de  distraire  un  peu  mon  ennui » 

Or,  nous  venions  de  quitter  la  douane  belge,  et  nous  approchions  d'Armentières, 
quand  le  mot  de  l'énigme  nous  fut  révélé.  A  un  croisement  de  la  route  nous  aper- 
çûmes la  campagne  en  contre-bas,  et,  dans  cette  campagne,  véritable  fourmilière 
humaine,  des  chemins  noirs  de  monde,  qui  semblaient  converger  à  gauche,  vers 
un  point  mystérieux  de  l'horizon.  Il  y  avait  là  de  tout,  des  hommes,  des  femmes, 
des  enfants,  des  vieillards,  des  paysans,  des  ouvriers  endimanchés,  des  jeunes  filles 


—  114  — 

surtout,  endimanchées  elles  aussi  (avec  quelles  robes  et  quels  chapeaux,  hélas  '.) 
et  des  mendiants,  des  vagabonds,  des  éclopés,  des  aveugles  tournant  leur  orgue  de 
barbarie  au  bord  des  fossés,  et  des  gens  assis  en  cercle  qui  faisaient  la  dinette  au 
milieu  des  champs. 

—  Cocher,  qu'est-ce  que  c'est  que  çà  ? 

—  Messieurs,  c'est  le  pèlerinage  de  «  Gapelle-Rompue.  » 

—  Eh  bien,  menez-nou^  voir  votre  pèlerinage. 

Et  nous  voici  changeant  notre  itinéraire,  et  obliquant  à  gauche  pour  rentrer  en 
Belgique,  au  milieu  d'une  foule  de  plus  en  plus  grouillante.  Des  baraques  foraines 
occupaient  maintenant  les  deux  côtés  de  la  route,  faisant  comme  une  rue  étroite 
au  milieu  de  laquelle  ce  torrent  humain  avait  peine  à  se  frayer  passage.  Notre 
voiture  y  avançait  plus  péniblement  encore,  malgré  les  jurons  et  les  coups  de  fouet 
du  conducteur.  La  foule  ne  se  rangeait  qu'en  murmurant,  avec  des  poings  tendu.s 
et  des  protestations  violentes. 

Enfin  nous  atteignîmes  la  chapelle.  C'était  un  édifice  en  brique,  de  la  dimension 
d'une  petite  église,  avec  un  parvis  tellement  encombré  de  monde  qu'on  aurait  cru 
voir  une  mer,  une  forêt  onduleuse  de  têtes,  de  bras  et  d'épaules.  Et,  dominant  la 
foule,  un  prêtre  était  là,  en  plein  air,  monté  sur  un  banc  ou  une  chaise,  prêchant , 
gesticulant,  un  crucifix  à  la  main,  comme  les  moines  dans  les  villages  espagnols  ; 
et,  derrière  lui,  il  y  avait  d'autres  surplis  blancs,  et,  dans  l'enceinte  intérieure, 
d'autres  remuements  de  têtes  et  d'épaules,  par  dessus  lesquels  pâlissait,  dans  une 
pénombre,  l'étoilement  des  cierges  devant  l'autel. 

Chercher  à  pénétrer  dans  le  temple  était  inutile.  Nous  nous  contentâmes,  sans 
quitter  la  voiture,  d'interroger  un  vieil  homme  à  gibus  râpé,  qui  voulut  bien  nous 
donner  quelques  détails  plus  ou  moins  historiques.  Ces  détails,  les  voici  : 

Un  saint  anachorète  habitait  autrefois  la  contrée.  Sur  les  débris  de  son  ermitage 
fut  construite,  au  XIP  ou  XlIP  siècle,  une  chapelle,  qui,  restaurée  plusieurs  fois, 
finit  par  tomber  en  ruines  (d'où  «  capelle  rompue  »).  Un  jour,  un  laboureur  trouva, 
en  remuant  son  champ,  une  vierge  de  bois,  de  provenance  merveilleuse,  croyait-on, 
dont  il  fit  don  à  la  chapelle.  Des  miracles  se  produisirent  alors,  attribués,  tantôt  à 
la  vierge,  tantôt  au  saint,  et  dont  le  bruit  se  répandit  dans  la  contrée.  Une  dame 
pieuse  légua,  en  conséquence  d'un  vœu,  une  partie  de  sa  fortune  oour  la  recons- 
truction de  la  chapelle,  telle  qu'on  peut  la  voir  aujourd'hui.  Et  les  miracles  conti- 
nuant à  se  produire,  chaque  année,  à  partir  de  la  Fête-Dieu,  une  foule  de  plus  en 
plus  nombreuse  accourt  faire  tme  neuvaine  au  lieu  saint  :   malades  ou  affligés  qui 

sollicitent  la  grâce,  époux  sans  enfants,  jeunes  filles  en  quête  d'un  mari et 

beaucoup  d'et  cœtera.  Bien  avant  le  lever  de  l'aube,  les  fidèles  se  pressent  au 
rendez-vous,  et  le  temple  ne  désemplit  jamais. 

L'heure  avançait,  nous  obligeant  au  départ.  Mais  toujours ,  pendant  que  nous 
nous  éloignions,  le  souvenir  nous  revenait  de  ce  prêtre  véhément,  et  de  cette  foule 
bariolée  et  pittoresque,  haranguée  par  lui.  Ce  déploiement  de  couleur  locale,  ces 
pratiques  de  culte  violent,  ce  prêche  en  plein  air,  cette  mêlée  encombrant  le 
temple,  au  point  d'en  chasser  le  prêtre  lui-môme,  tout  cela,  n'était-ce  pas  encore 
l'esprit  du  Moyen-Age,  légué  à  notre  vieille  Flandre  par  l'Espagne  autrefois  domi- 
natrice, et  dont  on  pourrait  retrouver  aujourd'hui  bien  d'autres  exemples  ? 

Cependant,  y  avait-il  parmi  tous  ces  pèlerins  une  foi,  une  émotion  sincère  ? 
Quelques-uns  peut-être  étaient  des  gens  simples,  des  croyants  venus  des  cam- 
pagnes ;  les  autres,  et  ils  formaient  la  grande  majorité,  ne  semblaient  venus  là  que 
par  occasion,  comme  nous-mêmes,  pour  se  distraire,  pour  s'amuser. 

Et  comme  toujours,  dans  ce  pèlerinage,  la  kermesse,  fête  ecclésiastique  par 
excellence    (kcrk-mess),   la   ducasse    (dicatio,  offrande  faite  à  un  saint) ,  battait 


—  115  — 

son  plein  le  long  des  routes.  Les  boutiques,  les  tirs,  les  baraques  à  phénomènes, 
les  manèges  de  chevaux  de  bois,  les  loteries  en  plein  vent,  se  succédaient.  Et, 
devant  les  auberges  pavoisées,  le  long  des  tables  abritées  d'un  auvent,  chargées 
de  bière  et  de  jambon,  hommes  et  femmes  riaient,  chantaient,  se  bousculaient, 
buvaient  et  festoyaient  à  l'envie,  tandis  que  des  odeurs  épaisses  de  friture  s'exha- 
laient dans  l'air,  et  que  des  papiers  graisseux  traînaient  de  toutes  parts,  sur  l'herbe 
des  fossés. 

Gomme  nous  étions  loin  des  scènes  paisibles  et  gracieuses  du  matin,  de  ces 
blanches  processions  déroulant  leur  ruban  à  travers  la  campagne  argentée  de 
lumière,  évoquant  pour  nous,  à  l'heure  où  nous  les  regardions,  certaines  toiles  du 
maître  paysagiste  Breton  !  Et  néanmoins,  en  ce  singulier  pèlerinage,  prétexte  à 
ripailles  tapageuses,  à  beuveries  gigantesques  et  pantagruéliques,  ne  retrouvions- 
nous  pas  encore  l'âme  des  aïeux  ?  Que  l'on  se  reporte  aux  tableaux  anciens  des 
Téniers  ou  autres  ;  que  l'on  regarde  surtout,  au  Louvre,  cette  admirable  toile  de 
Rubens  qui  a  pour  titre  Fête  pa,nnndc ,  on  verra  que  rien  n'a  changé  dans  notre 
pays  depuis  trois  siècles. 

Après  tout,  quel  qu'en  soit  le  lieu,  il  faut  rire  avec  ceux  qui  rient.  L'indignation 
du  censeur  trop  sévère,  désarmée,  doit  toujours  finir  parla,  en  face  de  cette  grosse 
bonne  humeur  inépuisable  qui  est,  au  fond,  l'âme  du  peuple. 

«  11  faut  que  les  masses  s'amusent  »,  dit  Renan,  qui  fait  suivre  cet  aphorisme 
.de  considérations  peu  orthodoxes,  —  étrangères  d'ailleurs  à  la  géographie. 

Et  le  bon  Renan  a  mille  fois  raison  ! 

G.    HOUBRON. 


ÉPHÉMÉRIDES  DE  L'ANNEE  1898 


AOUT. 

i",  —  Philippines.  —  Les  Espagnols  attaquent  le  camp  américain  devant 
Manille. 

7.  —  Espagne.  —  Acceptation  des  conditions  de  paix  par  l'Espagne. 

S.  —  Indo-Chine.  —  Décret  supprimant  la  Cour  d'appel  d'Hanoï  et  modifiant 
l'organisation  supérieure. 

iO.  —  Inde.  —  M.  Curzon  est  nommé  vice-roi. 

iO.  —  Espagne.  —  Rédaction  d'un  protocole  contenant  les  termes  de  la  paix 
ihispano-américaine. 

ii_  _  Espagne.  —  Approbation  du  protocole  par  le  conseil  des  ministres  amé- 
ricains. 

i2.  —  Philippines.  —  Signature  à  Washington  des  préliminaires  de  paix.  L'Es- 
pagne abandonne  Cuba,  Puerto-Rico,  l'île  de  Guam.  La  question  des  Philippines 
£St  réservée. 

i3.  —  Philippines.  —  Le  général  Meritt  attaque  Manille  qui  capitule. 

20.  —  États-Unis.  —  Réception  de  l'escadre  de  l'amiral  Sampson  à  New- York. 

2i.  —  France.  -—  Mort  à  Plombières  du  lieutenant  de  vaisseau  Victor  Giraud, 
explorateur  aux  grands  lacs  africains. 


—  110  — 

23.  —  France.  —  Anniversaire  de  la  visite  de  M.  Félix  Faure  à  St-Pétersbourg« 
25.  —  OuBANGUi-NiL.  —  L'attaque  des  Derviches  contre  Fachoda  est  repoussée, 
28.  —  Russie.  —    Publication    de    la    circulaire  Mouravief  relative    au    désar- 
mement. 

31.  —  Hollande.  —  Démission  de  la  reine  régnante  des  Pays-Bas. 
31.  —  France.  —  Mort  à  Paris  d'Alfred  Marche,  explorateur  au  Gabon. 
Si.  —  Etats-Unis.  —  La  Chambre  des  Représentants  et  le  Sénat  approuvent 
l'annexion  d'Hawaï. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  — Explorations  et  découvertes 


FRANCE. 


i\'oti*e  Kmpirc  afVieaÊii.  —  Sous  ce  litre,  un  ancien  Ministre  des  Affaire:^ 
étrangères,  M.  Gabriel  Hanotaux,  a  écrit  un  article  remarquable  dans  le  journal 
le  Figaro.  Nous  en  donnons  quelques  passages  qui  montrent  avec  talent  et  autorilc 
que  notre  œuvre  africaine  n'est  point  si  médiocre  que  quelques-uns  veulent  bien  le 
dire,  et  que  même  malgré  Fachoda,  notre  part  est  encore  assez  belle  : 

«  Repassons  en  l'esprit  les  étapes  de  ce  grand  travail  qui  a  arraché  un  cri  d'admira^ 
tion,  même  à  nos  plus  tenaces  adversaires.  L'Algérie  qui,  en  1808,  n'était  qu'une 
terre  ingrate,  «  un  camp,  un  champ  d'exercices  pour  notre  armée  »,  est  devenue 
une  colonie  brillante,  où  la  race  frani,^aise,  par  une  sorte  de  miracle  qui  n'étonue 
que  ceux  qui  s'étonnent  de  tout,  devient  prolifique,  et  dont  le  beau  vignoble  a 
sauvé,  dans  les  temps  de  crise,  l'avenir  du  vignoble  français  ;  la  Tunisie  a  été 
conquise,  et  sa  mise  en  valeur  n'a  rien  qui  ne  puisse  être  comparé  à  ce  qui  s'est 
fait  dans  les  plus  belles  colonies  étrangères  ;  le  Sénégal  s'est  étenrlu,  en  remontant 
le  cours  de  son  fleuve  et  est  devenu  la  pépinière  de  notre  armée  d'expansion  vers 
l'intérieur.  Nous  avions  affaire  à  des  rivaux  solidement  implantés  sur  la  côte  occi- 
dentale de  l'Afrique  :  partout,  nous  les  avons  tournés,  circonscrits,  enfermés.  En 
1889,  une  première  convention  nous  a  assuré  le  cours  supérieur  du  Niger  et  a 
développé  nos  établissements  de  la  Casamance  et  du  Fouta-Djallon.  La  colonie 
portugaise  de  la  Guinée,  la  colonie  anglaise  de  Sainte-Marie-de-Bathurst,  la  colonie 
anglaise  de  Sierra-Leone,  la  petite  république  de  Libéria,  dangereuse  par  sou 
obscure  position  internationale,  ont  été  cernées,  délimitées,  enclavées.  A  la  côte 
d'Ivoire,  des  arrangements  non  moins  féconds  nous  ont  assuré  le  cours  des  fleuves 
qui  pénètrent  vers  l'intérieur,  le  Cavally,  le  Lahou,  la  Gomoé,  la  Volta.  La  belle 
campagne  du  Dahomey  a  porté  notre  hinterland  vers  les  plateaux  sains  et  peuplés 
du  Mossi  et  du  Gando  ;  la  colonie  allemande  du  To  jo  a  été  cernée  à  son  tour.  Puis, 
ç"a  été  le  tour  du  Cameroun  allemand.  Enfin,  nos  comptoirs  isolés  et  improductifs 
du  Gabon  se  sont  portés  vers  l'intérieur.  Brazza.  héroïque  et  dépenaillé,  rencon- 
trait,   sur  les    rives    du    Congo,  la  belle  expédition  de  Slanley  mystérieusement 


—  117  — 

amenée  de  rintèrieur  sur  les  bonis  du  grand  fleuve  africain,  ei  du  même  coup, 
portait  à  des  centaines  de  kilomètres  sur  le  haut  fleuve  les  assises  nouvelles  de 
notre  futur  établissement.  Celui-ci,  par  bonds  successifs,  pénétrait  dans  le  conti- 
nent noir.  Il  occupait  rAlirna,  la  Sangha,  TOubanghi  et  ses  affluents  du  Nord,  le 
Banghi,  le  Kotto,  le  M'bomou,  le  Shinko.  La  convention  de  1894  nous  assurait  le 
contact  définitif  avec  le  bassin  du  Nil. 

Cependant,  la  Tunisie  restait  encore  soumise  aux  engagements  pris  lors  de  sa 
conquête  ;  notre  protectorat  y  était  précaire.  Les  arrangements  conclus  successive- 
ment avec  toutes  les  puissances,  en  1896  et  1897,  la  libéraient  complètement.  Nous 
étions,  désormais,  du  Maroc  à  la  Tripolitaine,  en  terre  française.  , 

Ces  points  d'attache  nombreux  établis  sur  les  côtes  de  la  Méditerranée  et  de 
l'Océan,  ces  jalons  posés  hardiment  sur  le.  cours  des  grands  fleuves  n'étaient  pas 
unis  encore  ;  ils  ne  suffisaient  pas  pour  faire  de  nos  possessions  africaines  un  tout 
continu.  Ce  fut  l'objet  de  cette  dificile  négociation  du  Niger,  dix  fois  reprise,  et  qui, 
on  peut  le  dire,  fut  la  préoccupation  constante  de  notre  diplomatie,  depuis  que  les 
bases  en  furent  posées,  en  1894,  dans  des  conférences  où  M.  Philipps  représentait 
l'Angletorre,  jusqu'à  l'heure  présente.  Enfin,  en  juin  1898,  on  put  conclure  :  tout 
le  cours  du  Niger  nous  était  acquis,  de  sa  source  à  llo,  bien  au  sud  de  Say,  tous 
nos  établissements  du  Sénégal  et  de  la  côte  étaient  reliés  ;  le  Mossi  nous  apparte» 
nait,  notre  colonie  du  Dahomey  s'ouvrait  en  éventail  de  la  Volta  au  Niger;  sur 
l'autre  rive,  la  colonie  anglaise  de  la  Bénoué  trouvait  sa  limite,  au  sud  du  Sahara 
algérien.  Enfin,  le  lac  Tchad  était  contourné  par  les  possessions  françaises.  Sa  rive 
septentrionale  et  sa  rive  orientale  nous  étaient  reconnues.  D'Alger  à  Brazzaville,  les 
possessions  françaises  faisaient  un  territoire  ininterrompu.  Quand  Gentil,  dans  sa 
belle  exploration  du  Chari,  nous  apporta  un  traité  de  protectorat  sur  le  Baghirmi, 
ce  traité  ne  fut  contesté  par  personne. 

Ces  données  générales,  incluses  dans  la  convention  du  Niger,  viennent  d'être, 
d'ailleurs,  confirmées  et  précisées  par  l'arrangement  franco-anglais  signé  il  y  a 
quelques  jours,  et  déposé  récemment  sur  le  bureau  des  Chambres.  Les  limites 
sont  maintenant  fixées,  du  côté  du  bassin  du  Nil.  L'Angleterre  se  réserve  le 
Darfour  et  le  Kordofan  ;  elle  admet  et  prévoit  notre  libre  développement  dans  le 
Ouadaï,  le  Kamen  et  le  Borkou. 

Le  Français  aime  la  précision  ;  il  aime  les  solutions  claires;  il  désire  savoir  oii 
il  est  pour  décider  ce  qu'il  lui  convient  de  faire.  11  le  sait  maintenant.  Nulle  part, 
son  droit  n'est  contesté  ;  partout  son  domaine  est  reconnu  par  ses  rivaux  de  la 
veille.  » 


EUROPE. 

lia  question  iIck  iIcm  f'uritlSiti'K.  —  lia  eouvcutioii  fSim'- 
niaiio-cfiipa^cuole.  —  Le  gouvernement  allemand  et  le  gouvernement  espa- 
gnol se  sont  entendus  concernant  les  points  suivants  : 

1"  L'Espagne  cédera  à  l'Allemagne  les  îles  Carolines  avec  les  îles  Palaos  et  les 
îles  Mariannes,  à  l'exception  de  Guam,  moyennant  une  indemnité  de  25  millions 
de  pesetas  ; 

2"  L'Allemagne  accordera  aux  entreprises  commerciales  et  agricoles  des  Espa- 
gnols aux  îles  Carolines,  aux  îles  Palaos  et  aux  îles  Mariannes,  le  même  traite- 
ment et  les  mêmes  facilités  qu'aux  entreprises  commerciales  allemandes,  et  assurera 
sa  protection  dans  ces  îles  aux  ordres  religieux  espagnols  ; 


—  118  — 

3"  L'Espagne  établira  un  dépôt  de  charbon  pour  sa  marine  de  guerre  et  de 
commerce  dans  l'archipel  des  Garolines,  un  autre  dans  Les  Palaos,  et  un  troisième 
dans  l'archipel  des  Mariannes,  dépôts  qu'elle  pourra  conserver  même  en  temps  de 
guerre  ; 

4"  Ce  traité  devra  être  aussitôt  que  possible  soumis  à  l'approbation  des  lois 
constitutionnelles  des  deux  pays  et  sera  ratifié  dès  que  cette  approbation  aura  été 
obtenue. 

Après  cette  lecture,  M.  de  Bûlow  a  prié  le  Reichstag  d'attendre  pour  discuter  ce 
traité  qu'il  ait  été  adopté  par  le  Parlement  espagnol. 

Malgré  cette  invitation,  MM.  Bebel  et  Richter  ont,  dans  la  suite  de  la  séance, 
attaqué  cette  convention  en  taisant  ressortir  le  prix  exorbitant  de  la  cession. 


ASIE. 


Cliine.  —  liSk  baie  «le  kouaug;>Tcliéou.  —  L'Écho  de  Paris  donne 
des  renseignements  précis  sur  les  baies  de  Kouang-Tchéou  et  d'Along,  nos  deux 
points  d'appui  dans  les  mers  de  Chine. 

Cette  baie,  qui  reçoit  les  eaux  de  la  rivière  Mat-Sé  au  bord  de  laquelle  se  trouve 
le  fort  d'Hoi-Téou,  a  une  longueur  de  5  milles  et  une  largeur  de  6  milles.  Elle 
n'est  navigable  que  dans  un  chenal  étroit  dont  la  profondeur  minima  est  de 
10  mètres. 

L'entrée  de  la  baie  est  fermée  par  un  goulet  fort  étroit,  très  facile  à  défendre.  Au 
large  s'étend,  parallèlement  à  la  côte,  une  longue  ligne  de  brisants  coupée  par  une 
passe  étroite  de  T^iôO  de  profondeur  avec  une  barre.  Les  cuirassés  de  croisière 
Bayard  et  Yauban  n'ont  pu  entrer  dans  le  nouveau  port  ;  mais  le  Bruix  et  le 
Pascal  ont  pu  mouiller  devant  le  fort  d'Hoi-Téou. 

La  baie  de  Kouang-Tchéou  est,  au  point  de  vue  stratégique,  bien  supérieure  à  la 
baie  d'Along.  Cette  seconde  a  5  milles  de  long.  Elle  est  barrée  par  une  ceinture 
d'ilôts  basaltiques  très  élevés,  escarpés  à  pic  et  ne  laissant  entre  eux  que  des  passes 
étroites.  Avec  quelques  torpilles  fixes  et  quelques  torpilleurs,  il  sera  très  facile  de 
boucher  complètement  l'entrée. 

Au  fond  de  la  baie  se  trouve  le  fort  Courbet  que  l'on  arme  en  ce  moment  avec 
les  canons  d'un  des  glorieux  débris  de  notre  ancienne  flotte,  le  Bayard,  sur  lequel 
a  flotté  le  pavillon  de  l'amiral  Courbet.  Comme  dépôt  de  charbon,  la  baie  d'Along 
est  bien  supérieure  à  celle  de  Kouang-Tchéou.  En  effet,  à  huit  ou  dix  kilomètres 
de  là,  se  trouvent  des  mines  fort  riches  où  nos  navires  peuvent,  en  temps  de 
guerre,  venir  s'approvisionner  à  l'abri  des  coups  de  l'ennemi. 


l'ei'NO.  —  l/iiii|»«>i*(aii<«e  |»oliti«|ue  «lu  Câolf'e  l'er^ique.  —  Le 

«  Times  de  l'Inde  »  apprend  de  source  sûre  (jue  la  Russie  a  obtenu  des  intérêts 
dans  un  port  du  Golfe  Persique  et  que  ces  intérêts  sont  suffisants  pour  lui  donner 
le  droit  de  prendre  possession  du  port  en  question  quand  elle  croira  le  moment 
venu  pour  exercer  ce  droit. 

Le  journal  ajoute  que  cette  information  lui  vient  de  Téhéran  et  qu'il  s'agit, 
croit-on,  de  Bunder-Abbas,  à  l'entrée  du  Golfe  Persique. 

Le  «  Times  de  l'Inde  »  dit  qu'il  n'est  pas  probable  que  la  Russie  agisse  actuelle- 
ment, mais  il  insiste  pour  que  les  Anglais  comprennent  que  le  Golfe  Persique  est 


—  119  — 


le  centre  véritable  des  dangers  politiques  en  Asie.  Il  demande  que  le  Gouvernement 
anglais  augmente  le  nombre  de  ses  agents  politiques  dans  le  Golfe  Persique  et 
qu'il  relie  à  l'Inde  par  un  câlile  télégraphique,  Mascate,  Bunder-Abbas  et  Lingu. 


AFRIQUE 


Kii  Afpl«|He.  —  Au  lendemain  des  complications  politiques  extérieures  qui 
ont  failli  mettre  les  flottes  anglaise  et  française  en  présence,  il  vaudrait  mieux  ne 
plus  prononcer  le  nom  de  Fachoda,  mais  nous  avons  cru  qu'il  serait  intéressant 
pour  nos  lecteurs  de  faire  allusion  au  rapport  que  M.  le  marquis  de  Bonchamps 
exposait  l'autre  jour  de  sa  mission  en  Abyssinie  devant  la  Commission  centrale  de 
la  Société  de  Géographie. 

Bien  qu'on  ait  démenti  le  bruit  d'après  lequel  cette  mission,  conduite  par  M.  Bon- 
valot  jusqu'à  Addis-Abeba,  n'aurait  un  caractère  officiel,  il  est  avéré  aujourd'hui 
qu'elle  devait  bien  tendre  tous  ses  efforts  pour  aller  donner  la  main  au  valeureux 
Marchand  et  à  ses  intrépides  compagnons.  Si  elle  a  échoué,  c'est  que  le  marquis 
de  Bonchamps,  livré  à  ses  propres  ressources,  insuffisamment  équipé,  n'ayant 
même  pas  la  moindre  embarcation  pour  profiter  des  voies  fluviales  et  franchir  les 
cours  d'eau  qui  finirent  par  lui  barrer  la  route,  vit  le  vide  se  faire  autour  de  lui  et 
de  sa  vaillante  petite  troupe,  qui,  affamée  et  dans  un  dénùment  complet,  dut  péni- 
blement revenir  en  arrière  après  s'être  approchée  à  quelques  jours  de  marche  de 
Fachoda.  C'est  ainsi  que  la  mission  Bonchamps  échoua  au  port.  Elle  eût  réussi, 
que  cela  n'eiàt  pas  changé  la  face  des  événements,  et  en  tout  cas  elle  aura  toujours 
préparé  la  voie  de  retour  de  Marchand. 

Mais  nous  ne  restons  pas  inactifs  dans  le  Nord  de  l'Afrique,  là  oii  nous  savons 
que  nous  n'avons  pas  à  craindre  d'être  grondés  par  les  Anglais.  La  mission  Fou- 
reau-Lamy,  avec  sa  troupe  bien  armée  de  250  hommes  et  son  convoi  bien  équipé, 
a  quitté  Temassinin  et  pousse  en  avant  vers. le  Sud  ;  c'est  la  route  suivie  par  l'in- 
fortuné Flatters...  Espérons  que,  plus  heureux,  ses  successeurs  verront  leurs 
efforts  couronnés  de  succès. 

Récemment  le  capitaine  Germain  faisait,  avec  40  hommes  résolus,  un  raid 
superbe,  atteignant  In  Salah,  oii  nous  aurons  un  avant-poste  quelque  jour. 

Nos  progrès  no  semblent  donc  pas  s'arrêter  encore  de  ce  côté,  et  notre  expansion 
en  Afrique  n"a  pas  dit  son  dernier  mot,  malgré  messieurs  les  Anglais.. 

Eugène  Gallois. 


ExpaiiKlou  eoloïkiale  alleiiiaiide  eu  Afrique.  —  Les  diverses 
colonies  de  l'Allemagne  en  Afrique  ont  une  superficie  d'environ  2.1.33.000  kil. 
carrés  et  renfermaient,  au  1'-'' janvier  1897,  3.913  résidents  européens,  dont  2.182 
Allemands. 

La  colonie  de  Togo  est  la  seule  qui  se  suffise  à  elle-même. 

Les  forces  militaires  allemandes  en  Afrique  comprennent  962  officiers  et  soldats 
allemands  et  2.050  soldats  coloniaux,  sans  compter  les  forces  de  police.  Les 
dépenses  de  la  métropole  pour  1898  et  1899  sont  évaluées  à  11  millions  1/2  de 
francs,  en  augmentation  de  1.475.000  francs  sur  l'exercice  précédent. 

Le  commerce  total  a  été  l'an  dernier,  de  41  millions  de  francs,  dont  28  millions 
d'importations.  L'Allemagne  n'entre  que  pour  42  %   dans  ce  total.   Presque  toutes 


—   120  — 


les  exportations  du  Sud-Ouest  africain  vont  en  Angleterre  et  un  quart  des  importa- 
tions vient  de  territoires  anglais.  Près  de  la  moitié  des  importations  de  l'Afrique 
orientale  allemande  provient  des  Indes  et  la  plus  grande  partie  des  exportations  va 
à  Zanzibar  pour  y  être  transbordée. 


OCEAN  lE. 

Annexion  fle««  île»»  Ton;;;a  par  rAnsleferre.  —  D'après  un  télé- 
gramme envoyé  par  une  agence  de  San-Francisco  à  Londres,  l'Angleterre  aurait 
établi  sa  souveraineté  aux  îles  Tonga.  Le  capitaine  du  croiseur  britannique  Tau- 
ranga  aurait  acheté  ce  groupe  d'îles  pour  son  gouvernement  et  aurait  hissé  le 
pavillon  de  l'Union  Jack  après  avoir  accompli  les  formalités  légales. 

Le  capitaine  du  Tauranga  a  remis  au  roi  une  somme  de  125.000  livres  qui  avait 
été  réclamée  au  gouvernement  tonga,  il  y  a  quatre  mois,  par  Herr  Grune,  vice- 
consul  allemand  à  Samoa,  pour  le  compte  de  divers  commerçants  allemands.  Le 
consul,  n'ayant  pu  obtenir  le  paiement  de  la  somme  qu'il  exigeait,  avait  menacé  de 
revenir  avec  un  navire  de  guerre  allemand  et  de  saisir  le  fort  de  Vouvou. 

Lorsqu'il  se  présentera,  les  125.000  livres  lui  seront  remises  au  nom  de  l'Angle- 
terre qui  reconnaît  les  dettes  du  gouvernement  indigène. 

Les  îles  Tonga,  dont  le  roi  actuel  est  Jioagi  Tubou  11.  forment  dans  le  Pacifique, 
à  390  milles  des  îles  Fidji,  à  Fest-sud-est.  trois  groupes  d'îles  appelées  Tongatabu 
(où  se  trouve  le  siège  du  gouvernement).  Haapai  et  Vavan. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


EUROPE 


Itel;s;'i(|iir.  —  Bmxclle<i>  port  de  mer.  —  Le  eaual  de  Char- 
leroi  à  Kmxelle*.  —  Les  prochaines  installations  maritimes  de  Bruxelles 
vont  donner  une  grande  importance  au  canal  de  Charleroi  à  Bruxelles  et  feront 
activer  davantage  les  travaux  d'élargissement  de  cette  voie  navigable. 

On  sait  que  oe  canal  s'étend  depuis  la  Sambre  à  Marchienne-au-Pont  jusqu'à 
l'origine  du  canal  de  Bruxelles  au  Rupel.  En  y  comprenant  les  embranchements 
dits  «  embranchements  du  Centre,  »  qui  vont  de  l'écluse  N"  13  vers  Bellecourt, 
La  Croyère,  La  Louvière  et  Houdeng-Gœgiiies,  cette  voie  navigable  a  actuellement 
une  longueur  de  90.338  mètres. 

De  1881  à  1893,  on  a  effectué  la  mise  à  grande  section  du  canal  depuis  la  Sambre 
à  Marchienne-au-Pont  jusqu'à  l'écluse  N"  13  exclusivement,  et  des  embranchements 
du  Centre.  Les  principaux  ouvrages  exécutés  à  cette  fin  sont,  indépendamment  des 
travaux  de  terras.«ements  pour  l'élargissement  de  la  cunette  du  canal  : 

L'allongement  et  l'exhaussement  des  écluses  N"' 9,  10,  il  et  12;  le  percement 


—  121  — 

d'ua  souterrain  à  grande  section  de  1.050  mètres  de  longueur  à  travers  la  crête  de 
partage  du  bassin  de  la  Sambre  et  de  la  Senne;  rétablissement  de  onze  ponts-levis 
et  de  seize  ponts  fixes  à  grande  section. 

En  outre,  l'écluse  N"  54  à  Molenbeek-Saint-Jean  et  la  partie  du  canal  située  aux 
abords  de  cette  écluse  ont  été  mises  à  grande  section. 

Pendant  l'année  1896,  on  a  mis  en  adjudication  les  travaux  à  faire  pour  réaliser 
une  partie  du  projet  destiné  à  augmenter  les  ressources  en  eau  pour  l'alimentation 
du  canal  ;  ces  travaux  sont  actuellement  terminés. 

Enfin,  on  a  exécuté  tout  récemment  les  importants  travaux  de  mise  à  grande 
section  de  l'écluse  N"  5.5  et  du  pont  de  la  porte  de  Flandre  à  Bruxelles. 

Il  reste  donc  à  «xécuter  les  travaux  de  mise  à  grande  section  du  canal  entre 
Seneffe  et  Molenbeek-St-.Iean. 

C'est  la  partie  la  plus  importante,  car  elle  comprend  quarante  et  une  écluses  avec 
une  pente  totale  de  100  mètres  environ. 

La  partie  comprise  entre  les  communes  de  Senetfe  et  d'Arquennes,  soit  une  lon- 
gueur de  6.4.36  m.  20,  a  été  mise  en  adjudication  le  vendredi  23  avril. 

Il  s'agit  d'une  importante  entreprise  de  3  millions  de  francs  (exactement  francs 
2.997.796  1 1),  qui  devra  être  terminée  pour  le  1'"''  octobre  1902,  sous  peine  d'une 
retenue  de  200  francs  par  jour  de  retard. 

Restera 'ensuite  la  partie  située  dans  la  province  de  Brabant  et  qui  traverse  les 
communes  d'Ittre,  Virginal,  Oisquercq,  Clabecq,  Lembeeq,  Hal,  Leeuw-Saint- 
Pierre,  Droogenbosch,  Anderlecht  et  Molenbeek-Saint-Jean.  L'administration  des 
ponts  et  chaussées  a  fait  procéder  aux  opérations  graphiques  sur  les  terrains  situés 
le  long  de  cette  section  du  canal  et  à  la  reconnaissance  du  sous-sol  de  ces  terrains 
au  moyen  de  sondages  et  de  tranchées  d'exploration. 

En  somme,  on  peut  dire  que  l'élargissement  du  canal  de  Charleroi  à  Bruxelles 
coiitera  une  quarantaine  de  millions  à  l'Etat. 

Le  gouvernement  est  décidé  à  poursuivre  activement  l'exécution  de  ces  travaux 
et  tout  porte  à  croire  que  le  canal  de  Charleroi  sera  mis  à  grande  section  sur  toute 
son  étendue  avant  l'époque  oii  les  installations  maritimes  de  Bruxelles  seront 
terminées. 

Bruxelles  port  de  mer  sera  ainsi  complété  de  la  meilleure  façon  et  des  bateaux  à 
grand  tonnage  pourront  continuer  leur  route  à  l'intérieur  du  pays. 

Russie.  —  Tarifa  par  xoiie.  —  La  Russie  a  42.800  kilomètres  de  voies 
ferrées  exploitées  actuellement;  de  plus,  11.672  kil.  sont  en  construction  et  seront 
achevés  en  1901.  L'adoption  des  tarifs  de  zone  très  modiques  a  augmenté  énor- 
mément la  circulation  des  voyageurs.  En  1886,  avant  la  réduction  des  tarifs,  les 
chemins  de  fer  russes  transportaient  37.885.000  voyageurs  ;  ils  en  ont  transporté 
65.500.000  en  1896.  Le  trafic  des  marchandises  a  aussi  presque  doublé  en  dix  ans. 
Le  système  de  tarifs  par  zone,  qui  existe  depuis  plusieurs  années  en  Autriche  et  en 
Hongrie,  y  a  donné  d'avantageux  résultats. 

De  1  à  160  verstes,  le  prix  du  transport  par  chaque  verste  (1.070  mètres),  est  de 
0  fr.  037  ;  de  161  à  300  verstes,  le  prix  n'est  plus  que  de  0  fr.  023  par  verste.  A 
partir  de  la  300*^  verste,  on  compte  par  zone.  Le  transport  sur  la  première  zone,  de 
25  verstes,  qui  suit,  coûte  0  fr.  62  et,  sur  chaque  zone  suivante,  0  fr.  48.  De  plus, 
l'étendue  des  8  premières  zones  qui  suivent  la  300"  verste  est  de  25  verstes  ; 
l'étendue  des  7  zones  suivantes  est  de  35  verstes  et  celle  des  suivantes  est  de 
40  verstes  jusqu'à  ce  qu'on  ait  atteint  une  distance  de  1.510  verstes.  A  partir  de 
cette  distance,  chaque  zone  a  une  étendue  de  50  verstes  et  le  prix  du  transport 
reste  toujours  à  0  fr.  48. 


—  122  — 

En  2*  classe,  le  prix  est  une  demi-fois  plus  élevé  qu'en  3^  ;  en  l'«  classe,  le  prix 
est  le  double  qu'en  3^  Avec  ce  système,  on  peut  aller  de  St-Pétersbourg  à  Odessa 
(1.926  kil.)  pour  32  fr.  50  en  3«  classe  et  50  fr.  en  2^  Pour  se  rendre  de  St-Péters- 
bourg à  Omsk,  en  Sibérie  (3.420  kil.),  il  faut  dépenser  seulement  75  fr.  en  2*=  classe. 


ASIE. 

Inde.  —  Houille.  —  On  ne  sait  générafement  pas  que  Flnde  produit  une 
quantité  de  houille  considérable.  En  1887,  elle  donnait  1.388.(X)()  tonnes  de  houille; 
en  1896,  elle  en  a  fourni  3.537.820.  C'est  le  Bengale  qui  est  le  centre  de  cette 
extraction  ;  on  y  compte  154  mines  sur  un  total  de  172,  qui  ont  produit  79  "/o  du 
total  ;  les  autres  mines  sont  dans  le  Nizam  (Singarein,  etc.),  dans  l'Assam  et  dans 
les  provinces  centrales. 

Mais  le  charbon  de  Bengale  est  loin  de  valoir  la  houille  anglaise  ;  il  est  à  très 
bon  marché  et  on  se  contente  de  le  consommer  sur  place,  surtout  à  Calcutta.  Les 
districts  houillers  sont  d'une  grande  puissance  ;  les  houillères  de  Ranigung- 
Baraker,  à  210  kil.  de  Calcutta,  sont  estimées  pouvoir  produire  14  milliards  de 
tonnes  de  charbon  ;  celles  de  Karampara  8.800  millions.  Si  l'on  perfectionne  l'ex- 
ploitation, qui  se  fait  encore  d'une  façon  primitive,  l'Inde  deviendra  un'des  grands 
producteurs  de  houille. 

Cliine.  —  liCS  cliemiuw  de  fer  concédés.  —  D'après  le  Hony- 
Kony  Teleyraph,  les  chemins  de  fer  concédés  jusqu'à  ce  jour  par  la  Chine,  sont 
les  suivants  : 

Aux  Anglais  :  1"  Kowloon  à  Canton  ;  2»  Shanghaï  à  Woosang  ;  3°  Shanghaï  à 
Chin-Kiang,  Nankin,  Kangchen  et  Wenchow  ;  4°  Kunlon  et  Talifou,  Yunnan, 
Suifon  et  Chungking  ;  5"  Moulmein  à  Yunnan  ;  6"  Shanhai-Kwan  à  Newchwang  ; 
7»  Canton  à  Chengtou.  Cette  dernière  ligne  aurait  été  concédée  à  un  syndicat 
anglo-chinois.  Elle  traversera  le  fleuve  Yangtzé,  probablement  à  Suifon  et  remon- 
tera la  vallée  du  Min  jusqu'à  Chengton,  une  ville  très  importante  de  la  riche  pro- 
vince de  Sé-chouen.  A  Suifon,  un  embranchement  partira  pour  rejoindre  le  chemin 
de  fer  du  Yunnan,  prolongement  du  chemin  de  fer  birman.  La  ligne  de  Canton- 
Cheng-tou  est  donc  l'une  des  plu#  importantes  de  la  Chine  ,  en  rapport  à  la 
richesse  des  régions  qu'elle  traverse. 

Au  syndicat  anylo-allemand  :  Tientsin  à  Chin-Kiang. 

Au  syndicat  anylo-italien  :  Tai-Yuen  à  Si-ngan  et  Siang-Yung. 

Aux  Allemands  :  1"  Kiao-Chau  à  Tsinan  ;  2°  Kiao-Chau  à  I-chow. 

Aux  Français  :  1*  Langson  à  Yunnan  ;  2"  Langson  à  Canton  ;  3»  Namiang  à 
Pakhoi,  Lao-Kay  à  Yunnan. 

Aux  Belges  :  Chinh-ling  à  Hanhow. 

Aux  Russes  :  1»  Port-Arthur  à  Novo-Tsurakaitial  ;  2<' Vladivostok  à  Nuguta  et 
ligne  principale  de  la  Mandchourie  ;  3"  Kirin  à  la  ligne  principale  de  la  Mand- 
chourie  ;  4»  Pac-ting  à  Tai-Yuen. 

Aux  Américains  :  Wu-Chang  à  Canton. 

La  Chine,  on  le  voit,  va  bientôt  être  sillonnée  de  voies  ferrées  pour  la  plus 
grande  commodité  des  Célestes  eux-mêmes,  et  des  Européens  qui  trouveront  là  le 
moyen  d'utiliser  leurs  capitaux  d'une  manière  fructueuse. 


123  - 


AFRIQUE. 

ISoiiflau.  —  In  pont  aniéricaiu  pour   le  l^ou«lau  ég;ypticn. 

—  La  rapidité  dans  rexêcution  des  commandes  est  devenue  la  caractéristique  des 
grandes  usines  américaines.  C'est  à  cette  qualité  que  les  Pencoyd  Iron  Works  de 
Philadelphie  doivent  d'avoir  obtenu  la  récente  fourniture  d'un  pont  pour  le  Soudan, 
commandé  par  l'office  de  la  guerre  de  la  Grande-Bretagne.  Il  s'agissait  d'un  tablier 
métallique  de  300  mètres  de  longueur  totale,  en  7  travées,  à  livrer,  —  prêt  à  être 
embarqué,  —  dans  un  délai  de  sept  semaines,  et  destiné  à  être  lancé  sur  la  rivière 
Atbara,  près  de  Kartoum,  pour  faciliter  les  opérations  du  général  Kitchener  contre 
le  Madhi. 

La  préférence  fut  donnée  à  l'usine  américaine  qui  s'est  engagée  à  faire  la  livraison 
dans  le  délai  voulu,  alors  que  les  constructeurs  anglais  demandaient  sept  mois 
pour  mener  à  bien  cet  ouvrage. 


Cougo  frauçai».  —  Coucessionst.  —  Le  régime  domanial  au  Congo  a 
été  réglé  par  un  décret  du  28  mars  1899.  Ce  régime  est  assez  compliqué. 

Les  terres  domaniales  peuvent  être  aliénées:  1»  par  adjudication  publique; 
2»  de  gré  à  gré,  par  lots  de  moins  de  1.000  hectares,  à  titre  gratuit  ou  à  titre 
onéreux,  suivant  des  règlements  approuvés  par  le  Ministre  des  Colonies  ;  3"  à  titre 
gratuit  au  profit  de  l'exploitation  d'une  concession  de  jouissance  temporaire,  en  ce 
qui  concerne  les  parcelles  qu'il  aura  mises  en  valeur  dans  les  conditions  spécifiées 
par  l'acte  de  concession. 

La  concession  de  jouissance  temporaire  est  donnée  :  1"  lorsque  la  superficie  de 
la  concession  ne  dépasse  pas  10.000  hectares,  parle  commissaire  général,  en  conseil 
d'administration,  suivant  un  règlement  approuvé  parle  Ministre  des  Colonies,  après 
avis  de  la  commission  des  conc^jssions  coloniales  ;  2"  lorsque  la  superficie  dépasse 
10.000  hectares,  par  un  décret,  avec  cahier  des  charges,  rendu  sur  le  rapport  du 
Ministre  des  Colonies,  sur  l'avis  de  la  même  commission.  Le  représentant  de 
chaque  Société  concessionnaire  devra  être  agréé  par  le  Ministre,  qui  aura  le  droit 
d'exiger  son  remplacement  pour  cause  d'intérêt  public. 

Les  conditions  fiscales  sont  nombreuses  :  cautionnement  ;  redevance  annuelle  ; 
part  de  bénéfice  à  l'Etat  ;  frais  d'installation  et  d'entretien  de  la  force  armée  placée 
par  le  gouvernement  ;  mise  à  flot  et  entretien  sur  les  cours  d'eau  de  la  concession, 
d'un  ou  plusieurs  bateaux  que  l'administration  pourra  employer. 

Ces  conditions  complexes  ne  paraissent  pas  devoir  attirer  les  capitaux  français. 


AMERIQUE. 

Canada.  —  C'oniiuerce  réel  avec  la  France.  —  Le  commerce  du 
Canada  avec  la  France,  d'après  les  statistiques  des  douanes  françaises,  serait  de 
6  millions  de  francs  environ  (en  1896  :  2.221.500  fr.  d'exportations  et  3.819.000  fr. 
d'importations).  Mais  les  statistiques  des  douanes  canadiennes  évaluent  les 
échanges  franco-canadiens  à  plus  de  17  millions  1/2  de  francs  (en  1896,  ll.o75.(X)0fr. 
d'importations  françaises  et  6.010.000  fr.  d'exportations  sur  la  France).  Enfin,  la 
Chambre  de  Commerce  française  de  Montréal  fixe  à  3.u  ou  40  millions  de  francs  le 


—  124  — 

trafic  franco-canadien,  soit  sept  fois  plus  que  les  statistiques  françaises.  Celles-ci 
sont  insuffisantes  en  raison  de  Tabsence  de  toute  ligne  directe  de  navires  entre  le 
Canada  et  la  France.  Comme  par  suite,  les  produits  français  prennent,  avant 
d'aUer  au  Canada,  la  voie  d'Anvers,  de  Hambourg,  Londres  ou  New-York,  une 
grande  partie  de  nos  produits  est  comptée  à  l'actif  de  la  Belgique,  de  l'Allemagne, 
de  l'Angleterre  et  des  États-Unis.  Il  était  bon  de  rétablir  la  réalité  qui  montre  que 
le  commerce  franco-canadien  est  l)ien  plus  important  qu'on  ne  suppose. 


OGEANl  E. 

MoiiTellc-Zélaucle.  —  Di<!»pai*itioii  Avh  llaori».  —  Les  Maoris, 
autrefois  seuls  habitants  de  la  Nouvelle-Zélande,  soumis  définitivement  aux  Anglais 
depuis  1872,  disparaissent  peu  à  peu  devant  les  blancs.  Les  Maoris  actuels,  d'ail- 
leurs, ne  sont  plus  les  sauvages  d'anfan  ;  ils  ont  le  costume  européen,  nos  maisons 
et  nos  meubles.  Leurs  anciennes  armes  ou  ustensiles  se  voient  en  panoplies 
accrochés  à  leurs  murs.  On  ne  voit  plus  de  tatouages  que  sur  la  figure  des  hommes 
âgés.  La  langue  et  les  coutumes  religieuses  se  modifient  également,  mais  ils  ne 
s'unissent  que  rarement  à  la  race  blanche  et  leur  nombre  va  sans  cesse  en  dimi- 
nuant. En  deux  endroits  seulement  dans  l'île  du  Nord,  les  Maoris  sont  agglomérés 
et  on  peut  recueillir  des  vestiges  de  leur  ancienne  civilisation  ;  mais  le  chemin  de 
fer  va  bientôt  atteindre  ces  points. 


Célèbes.  —  Mlues  cl*oi*.  —  Depuis  longtemps,  la  présence  de  For  avait 
été  signalée  dans  l'ile  de  Célèbes,  et  les  indigènes  payaient  autrefois  les  tributs  et 
impôts  en  matière  d'or.  Depuis  deux  ans  environ,  une  fièvre  d'exploitation  aurifère 
s'est  emparée  de  la  population  coloniale.  Il  y  a  eu  de  nombreuses  demandes  de 
concessions  et  des  découvertes  de  gisements.  Des  centaines  de  Sociétés  se  sont 
formées  à  cet  effet.  A  Batavia,  on  ne  parle  que  d'actions  minières  qui  doivent 
rapporter  des  bénéfices  invraisemblables.  Le  1"  juin  1898,  la  place  de  Batavia 
avait  à  payer  pour  1.200.000  florins  de  valeurs  minières.  La  spéculation  se  livre 
déjà  à  toutes  ses  fantaisies. 

Les  gisements  des  Célèbes  seraient,  assure-t-on,  supérieurs  à  ceux  du  Transvaal 
comme  rendement.  Mais  aucune  Société  n'ayant  encore  exploité  la  région  aurifère, 
on  n'a  aucune  donnée  précise.  Seule,  une  Société  hollandaise  possède  le  matériel 
nécessaire,  mais  elle  ne  pense  pas  pouvoir  distribuer  de  dividende  avant  un  an  1/2 
ou  deux  ans. 

Pour  tes  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 
LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MERCHIER. 

QUARRÉ- REYBOURBON. 


Lille  Imp.LDaneL 


— '  125  — 


LA  SITUATION  MILITAIRE 

DES  PUISSANCES  EUROPÉENNES  EN  EXTRÊME-ORIENT  EN   1898 

Par  L.  T. 


f Suite   et  fin)    (1). 


En  résumé,  ciuq  routes  donnent  accès  au  marché  méridional  de  la 
Chine.  Deux,  celle  du  Yan-tse-Kiang  et  celle  de  Si-Kaug,  qui  sont 
actuellement  suivies  par  les  marchandises,  sont  aux  mains  du  com- 
merce chinois  ;  elles  aboutissent  aux  ports  de  Shanghaï  et  de  Canton, 
sur  la  mer  Jaune,  où  se  font  les  échanges  avec  les  négociants  anglais, 
dont  la  situation,  avons-nous  vu,  est  prédominante. 

Deux  autres  sont  complètement  aux  mains  de  TAngleterre.  Par 
l'annexion  de  la  Birmanie  en  1885  et  d'une  partie  des  Etats  Shans  en 
1892,  elle  s'est,  en  effet,  rendue  maîtresse  de  la  route  dite  des  Ambas- 
sadeurs (2),  de  Mandalay  par  Bhàmo  sur  Tali-fou  et,  dès  à  présent, 
elle  possède  un  chemin  de  fer  qui  de  Rangoon,  à  l'embouchure  de 
riraouaddy  remonte  sur  Mandalay  et  Bhàmo  et  se  relie  aux  lignes 
du  Haut-Bramapoutre,  drainant  les  richesses  des  fertiles  vallées  de 
riraouaddy  et  du  Salouen.  De  même,  par  son  protectorat  déguisé 
sur  le  Siam,  elle  possède  la  vallée  du  Meï-Nam,  où  elle  rêve  d'établir 
une  voie  ferrée  conduisant  au  cœur  de  Yumiam. 

La  cinquième  appartient  à  la  France.  C'est  celle  du  Song-Goï  et  du 
Haut-Mékong  qui  traverse  notre  empire  indo-chinois. 


Commencé  en  1859  parTamiral  Rigault  de  Genouilly,  qui  s'empara 
de  Saigon,  notre  empire  indo-chinois  comprend  actuellement  : 


(1)  Voir  tome  XXXI,  1899,  page  401  ;  tome  XXXII,  1899,  pages  5  et  68. 

(2)  Ainsi    appelée    parce  que    c'est  la    route    suivie  autrefois  par  les    envoyés 
birmans  qui  allaient  porter  leur  tribut  à  la  Chine. 


—  126  - 

l"  Une  colonie  :  la  Gochinchine,  capitale  Saigon 

'   le  Cambodge,  capitale  Pom-peuli  ; 
2°  Trois  protectorats.     l'Anuam.  capitale  Hué  ; 

(   le  Tonkin,  capitale  Hanoï. 

Sa  superficie  est  égale  à  celles  de  la  France  et  de  l'Espagne  réunies 
et  sa  population  s'élève  à  17  millions  d'habitants,  dont  12  millions  pour 
le  Tonkin,  concentrés  principalement  dans  le  Delta  ;  2  millions  pour  la 
Gochinchine  ;  2  millions  pour  l'Annam  ;   1  million  pour  le  Cambodge. 

Ces  quatre  provinces  sont  réunies  sous  un  même  gouvernement 
(Union  Indo-Chinoise)  exercé  par  le  gouverneur  général  de  l'Indo- 
Chine,  en  résidence  à  Saigon.  Le  gouverneur  est  assisté  dans  chaque 
province  (Cambodge,  Annam,  Tonkin)  par  un  résident  supérieur,  établi 
au  chef-lieu  et  par  un  lieutenant-gouverneur  en  Cochinchine  (Décret 
du  17  octobre  1887). 

Saigon,  où  sont  centralisés  tous  les  services,  est  la  capitale  officielle 
de  nos  possessions  d'Extrême-Orient. 

Le  Tonkin  est  fort  riche  ;  le  Delta  principalement  fournit  en  abon- 
dance le  riz  ;  il  renferme  des  mines  de  métaux  encore  mal  connues  et 
des  mines  de  charbon  déjà  en  exploitation.  Dans  les  terres  hautes,  on 
cultive  la  canne  à  sucre,  le  mûrier  et  on  élève  le  ver  à  soie  (i).  On  a 
tenté  depuis  peu,  avec  assez  de  succès,  la  culture  du  café,  du  coton  (2), 
de  la  vanille  et  du  cacao. 

L'Annam  est  beaucoup  plus  riche  qu'on  ne  le  croyait  au  début.  Il  y 
a  des  mines  de  charbon  et  des  carrières  de  marbre,  de  riches  forêts  et 
un  sol  fertile  très  propre  à  la  culture. 

La  Cochinchine  est  l'un  des  greniers  à  riz  de  la  Chine. 

Le  commerce  général  de  Tlndo-Chine  s'est  élevé,  pour  Tannée  1892, 
à  164  millions  de  francs. 

Pour  l'avenir,  nos  possessions  d'Extrême-Orient  nous  off'rent  les 
meilleures  voies  de  pénétration  pour  accéder  aux  riches  provinces  de 
Setchouen  et  dans  la   région  des  Quatre- Vallées,  où  les  villages  sont 


(1)  170.000  kilogr.  de  soie  doat  un  douzième  seulement  est  exporté  en  France. 
La  plus  grande  partie  de  cette  soie  est  envoyée  à  Hong-Kong  pour  y  prendre 
l'étiqufïtte  de  la  soie  chinoise  et  ensuite  expédiée  en  Europe  (Compte  rendu  des 
douanes  françaises  de  l'Indo-Gliine). 

(2)  .SOO.OfK)  kilogr.  en  18'.t2. 


—  127  — 

-des  villes  et  où  les  habitants  grouillent  à  plus  de   400  au  kilomètre 
«carré. 

vCes  routes  sont  au  nombre  de  trois  : 

1"  La  route  fluviale  du  Mékong  ; 
2"  La  route  fluviale  de  Song-Coi  ; 
3"  Le  chemin  de  fer  de  Lang-Son  ; 

Le  Mékong  ouvre  la  voie  de  pénétration  dans  le  Laos  et  le  Yunnam 
et  draine,  par  ses  affluents,  l'Annam  et  le  Siam. 

A  la  suite  de  son  exploration,  le  commandant  Doudart  de  Lagrée 
^(1866)  avait  déclaré  que  le  cours  du  Mékong,  obstrué  par  des  rapides, 
■était  impropre  à  la  navigation  et,  jusqu'en  1885,  on  ne  fit  rien  pour  y 
remédier.  A  cette  époque,  le  heutenant  de  Faucigny  parvint,  après 
quelques  destructions  de  rochers,  à  remonter,  avec  la  canonnière 
La  Sagaie,  les  rapides  de  Prea-Patang  et,  depuis,  les  chaloupes  de  la 
Compagnie  des  Messageries  fluviales  de  la  Cochinchine  desservent  le 
fleuve  jusqu'aux  rapides  de  Khône.  Toutes  les  tentatives  faites  pour 
franchir  cesrapides  ont  échoué(1891). Depuis  on  a  pris  le  parti  d'installer, 
dans  l'île  de  Khône,  un  chemin  de  fer  qui  a  permis  de  transporter  sur 
le  bief  supérieur,  deux  canonnières  démontables,  La  Massie  et 
La  Grandière;  maintenant  les  chalands  de  la  Compagnie  fluviale 
portent  les  produits  français  jusqu'à  Luang-Prabang  (1893). 

Quant  au  fleuve  Rouge  ou  Song-Coï,  c'est  la  route  la  plus  directe  et 
la  plus  naturelle  pour  pénétrer  dans  le  Yunnam.  Déjà  M.  J.  Dupuis 
y  avait  organisé,  lors  de  la  rétolte  desTaïpings,  un  service  dejoncques 
pour  ravitailler  les  troupes  de  sir  Gordon  qui  opéraient  dans  les 
provinces  méridionales.  A  la  suite  d'un  voyage  d'exploration  accompli 
par  la  canonnière  Le  Moulim,  on  a  amélioré  la  navigation  en  faisant 
sauter  quelques  roches  et  en  exécutant  quelques  travaux  de  balisage 
(1892).  Depuis  1893,  le  service  commercial  avec  Laokaï,  en  vertu  de  la 
convention  passée  avec  la  Compagnie  des  Messageries,  fonctionne 
régulièrement. 

Enfin,  par  la  dépression  creusée  par  la  rivière  de  Bac-Lé,  affluent 
■du  Song-Coï  et  par  la  rivière  de  Lang-Son,  affluent  du  Yut-Chang 
qui  se  jette  lui-même  dans  le  Si-Kiang,  la  France  possède  la  voie  de 
pénétration  la  plus  directe  vers  la  riche  province  du  Kuang-Si,  où 
semble  s'être  localisée  l'industrie  de  la  soie.  La  construction  d'une  voie 
ferrée   de  Hanoi  à  Lang-Son,  devant  ultérieurement  être  prolimgée 


—  128  — 

t 
jusqu'à  Nan-Ning-Fou  et  Pesé,  a  été  décidée  et  l'exécution  confiée  à 
la  Compagnie  Fives-Lille  ;  malheureusement  la  trop  sage  lenteur  qui 
préside  aux   travaux  ne  permet   pas   de  prévoir    l'époque  de   son< 
achèvement. 

Actuellement  l'occupation  de  toute  la  rive  gauche  du  Mékong,  que- 
nous  accorde  la  convention  du  15  janvier  1893,  s'impose,  non  seule- 
ment en  raison  des  anciens  droits  du  Cambodge  sur  les  provinces  de- 
Battambang  et  d'Angkor  qui  lui  avaient  été  enlevées  par  le  Siain  ea 
1864,  mais  aussi  pour  empêcher  l'Angleterre,  qui  a  une  situation 
prédominante  à  Bangkok,  de  détourner  à  son  profit  tout  le  commerce- 
de  cette  vallée  du  Mékong,  que  nous  avons  eu  tant  de  mal  à  conquérir^ 

Depuis  environ  deux  ans,  le  roi  de  Siam,  poussé  par  l'Angleterre,  a- 
concédé  à  tort  et  à  travers  la  construction  de  voies  ferrées,  dont  le^ 
tracé  n'est  inspiré  que  par  le  désir  de  rendre  nul  l'effet  de  la  convention- 
de  1896  et  de  nous  supplanter. 

Où  a  projeté  une  ligne  de  Bangkok  à  Battam-bang  et  une  autre  de- 
Bangkok  à  Koraf.  Ce  sont  deux  lignes  qu'il  importe  de  ne  pas  laisser 
construire  ;  en  effet,  les  produits  agricoles  des  provinces  cambodgiennes- 
d'Angkor  et  de  Battam-bang  et  les  poissons  du  Grand-Lac  ont  été, 
jusqu'à  présent,  directement  envoyés  sur  Pom-peuh  et  Saigon,  ils^ 
seraient  infailliblement  dirigés  sur  Bangkok  une  fois  ces  chemins  de- 
fer  construits. 

Après  la  main-mise  de  l'Allemagne  sur  Kiao-tcheou,  la  prise  de- 
possession  par  les  Russes  de  Port-Arthur  et  la  confiscation  de  la 
Mandchourie,  la  nouvelle  extension  de  l'influence  anglaise  dans  les- 
régions  soumises  à  son  commerce,  il  importait  à  la  France  de  défendre 
ses  importants  intérêts  dans  la  partie  méridionale  de  l'Empire  du 
Milieu.  Déjà  au  commencement  de  janvier  1898  le  bruit  avait  coura 
que  l'escadre  de  l'Extrême-Orient  avait  planté  le  drapeau  français  sur 
l'ile  d'Haï-nam,  position  stratégique  importante,  mais  pays  d'uner 
richesse  fort  problématique.  Il  n'en  était  rien.  La  France  attendait  le- 
moment  propice  pour  réclamer  à  son  tour  des  compensations,  sans 
exciter  la  jalousie  de  l'Europe  et  particulièrement  celle  de  l'Angleterre- 
avec  laquelle  de  fort  importantes  négociations  étaient  ouviMles  pour  le 
règlement  de  la  question  africaine.  Après  s'être  borné,  durant  les" 
négociations  de  l'Allemagne,  dr  la  Russie  et  de  l'Angleterre  avec  la 
Chine,  à  protéger  contre  tout  empiétement  les  droits  français,  notre- 
ministre  des  affaires  étrangères  arguant  des  concessions  faitesaux  autres 
nations  réclauia  pour  la  France  la  cession  de  la  baie  de  Kuang-tcheoit 


—  129  — 

pour  y  établir  un  dépôt  de  cliarbon,  et  du  port  de  Haï-Tac  qui  on  protège 
l'entrée,  le  droit  do  construire  une  voie  ferrée  de  Laokay  à  Yunnam 
«t  l'engagement  de  ne  céder  à  aucune  autre  puissance  européenne  les 
trois  provinces  chinoises  limitrophes  du  Tonkin  :  Yunnam,  Kouang- 
•Si,  Kouang-Toung. 

Le  Tsung-Li-Yamen  accorda  tout.  A  peine  les  négociations  relatives 
-à  cette  cession  étaient-elles  terminées,  que  le  massacre  d'un  mission- 
naire français,  le  R.  P.  Bertholet,  amena  la  France,  protectrice  officielle 
«des  chrétiens  d'Extrème-Orieut,  à  exiger  de  la  Chine  de  nouvelles 
<X)mpensations.  Grâce  aux  énergiques  réclamations  de  la  diplomatie 
française,  le  gouvernement  chinois  s'est  vu  dans  l'obligation  de  payer 
une  forte  indemnité  et  d'autoriser  la  construction  d'un  chemin  de  fer 
-de  Pakhoï  à  Nan-Niog-Fou.  Arrangement  qui  complète  d'une  façon 
fort  heureuse  la  convention  franco-chinoise  du  mois  d'avril  et  assure 
un  brillant  avenir  à  notre  colonie  indo-chinoise. 

Ainsi  le  dépeçage  de  l'Empire  chinois  ouvert  par  l'occupation 
^allemande  de  Kiao-lcheou  était  virtuellement  accompli. 

La  Chine  se  trouvait  divisée  en  quatre  secteurs  et  abandonnée  à 
l'influence  de  la  Russie  au  Nord,  de  l'Allemagne  au  centre,  del'Angle- 
■lerre  et  de  la  France  à  l'Ouest  et  au  Sud. 


Dans  ce  vaste  Empire  indo-chinois  la  France  entretient  une  armée 
<le  terre  de  30.000  hommes,  recrutée  partie  dans  la  métropole,  partie 
parmi  les  indigènes,  et  une  escadre  de  7  bâtiments  de  combat. 

Le  commandement  suprême  de  notre  armée  d'occupation  appartient 
il  un  général  de  division,  commandant  en  chef  des  troupes  de  l'Indo- 
■Ghine  en  résidence  à  Hanoï  (1). 

Elle  a  pour  mission  : 

1"  De  tenir  dans  l'obéissance  les  populations  de  l'Empire; 

2°  De  protéger  nos  entreprises  commerciales  en  Extrême-Orient  ; 

3"  D'assurer  la  défense  de  la  colonie  en  cas  de  guerre. 

L'œuvre  de  la  France  en  Indo-Chine  n'est  qu'à  son  début  puisque  la 

<i)  Voir  aonexes.  Tableau  VI.  Composition  de  l'armée  iiido-chiiioisf. 


—  130  - 

période  d'action  militaire,  notamment  au  Tonkin  et  sur  le  Mékong  n'esf 
pas  encore  terminée  ;  mais  on  peut  croire  qu'aucune  révolte  de  la  part 
des  indigènes,  généralement  s^^mpathiques  à  la  France,  ne  viendra 
l'entraver.  Les  rois  d'Annam  et  du  Cambodge  ont  loyalement  accepté 
notre  protectorat  ;  mandarins  et  sujets  qui  ont  retrouvé  avec  notre 
occupation,  la  richesse  et  le  bien-être,  sont  trop  heureux  de  cette  pais: 
pour  vouloir  la  troubler. 

La  plus  grande  ennemie  de  notre  œuvre  colonisatrice  et  commerciale,^ 
c'est  la  piraterie  qui  se  recrute  principalement  dans  les  provinces 
méridionales  de  la  Chine.  Pour  la  réprimer,  on  s'efforce  de  fermer  la 
frontière  et  l'on  construit  sur  la  ligne  Cao-Bang,  Langson,  Monkay 
une  série  de  postes  et  de  blockhaus  qui  serontreliés  par  de  bonnes  routes. 

Le  Delta  rendu  inexpugnable  par  la  construction  de  quelques  forts^ 
sert  de  réduit  à  l'élément  européen. 

Notre  escadre  qui  a  son  point  d'attache  à  Saigon  sur\^eille  nos  voisins» 
protège  nos  navires  de  commerce  et  nos  nationaux  dans  les  ports  de  la 
Chine. 

Sur  terre  rindo-Chine  confine  au  Nord  à  la  Chine,  à  l'Ouest  au  Sianri 
et  aux  possessions  anglaises. 

Une  agression  de  la  part  de  la  (^hine  semble  impossible  ;  les  événe- 
ments de  ces  dernières  années  (guerre  Sino-japonaise  1894-95.  — 
Convention  russo-chinoise  1896.  —  Conventions  anglo-franco-russo- 
chinoise  de  1898)  marquent  son  irrémédiable  faiblesse  militaire  et  le 
peu  de  désir  que  ce  peuple  de  mandarins  lettrés  a  tle  faire  respecter 
ses  droits  ou  de  défendre  sa  liberté. 

Le  Siam  est  une  quantité  négligeable  (bombardement  des  forts  de 
Pak-Nam  13  juillet  1893),  quanta  l'Angleterre  elle  dispose  en  Birmanie 
de  forces  qui  pourraient  constituer  un  danger  pour  le  Tonkin  s'il 
existait  des  voies  de  communication  entre  le  Bramaj)Outre  et  le 
Mékong. 

CHAPITBE  A' 

LES   CONDITIONS   d'uNE  LUTTE 

Au  cas  d'une  guerre  entre  la  France  et  la  Grande-Bretagne  nos 
possessions  indo-chinoises  ne  sauraient  —  la  distance  et  les  difficultés 
sont  tro])  grandes  —  être  atteintes  par  terre  :  c'est  sur  mer  que  se 


-  131  — 

trancherait  le  différend  et  c'est  contre  des  corps  de  débarqueinenf 
seulement  que  nos  troupes  auraient  à  opérer. 

La  Grande-Bretagne  entretenait,  dans  le  courant  de  Tannée  dernière. 
dans  les  eaux  d'Extrême-Orient,  une  flotte  de  24  bâtiments  (1)  dont 
il  répondant  h  toutes  les  exigences  du  combat  moderne  avec  72  pièces 
de  gros  calibre  ;  depuis  les  événements  du  commencement  de  l'année, 
la  station  des  mers  de  Chine  a  été  renforcée  de  5  croiseurs. 

La  France,  avons-nous  vu,  malgré  l'important  renforcement  du 
début  de  l'année  ne  dispose  que  de  7  bâtiments  de  combat  avec 
60  canons. 

A  l'avantage  du  nombre  l'Angleterre  joint  l'avantage  delà  position: 
Singapour  commande  les  routes  d'Europe,  Hong-Kong  celles  d'Amé- 
rique et  des  mers  de  Chine. 

Grâce  à  l'effectif  de  sa  flotte,  dont  une  partie  peut  suffire  pour  tenir 
bloquée  dans  un  port  la  flotte  française,  elle  demeure,  avec  ses  croiseurs, 
maîtresse  de  la  mer,  et  peut  dès  le  premier  jour  ravager  nos  côtes, 
brûler  les  villes  du  littoral  et  tenter  de  jeter  à  terre  une  troupe  de 
débarquement,  sans  que  notre  flotte  puisse  rien  empêcher. 

Saigon  situé  à  50  kilomètres  à  l'intérieur  des  terres  est  comparable 
au  port  de  Rochefort  :  la  ville  et  le  port  sont  à  l'abri  d'un  bombarde- 
ment. En  face  de  la  ville,  le  fleuve  est  large  de  500  mètres  et  profond  de 
10  à  12  mètres  ;  le  mouillage  est  sûr.  L'entrée  du  port  est  défendue  par 
un  banc  de  corail  «  les  quatre  Bras  »  présentant  un  chenal  qui  ne  peut 
être  franchi  qu'à  marée  haute  seulement  et  pour  le  passage  duquel 
le  concours  d'un  pilote  est  absolument  nécessaire.  Quelques  torpilles 
rendraient  le  passage  impraticable  ;  de  plus  les  nombreux  arroyos  qui 
s'embranchent  de  tous  côtés  sur  le  fleuve  permettent  un  emploi 
facile  des  torpilleurs  contre  les  bâtiments  ennemis  obligés  de  suivre 
lentement  les  sinuosités  du  fleuve. 

Un  débarquement  dans  la  baie  du  cap  Saint-Jacques  est  facile  à 
prévenir  et,  quand  même,  un  corps  débarqué  aurait  les  plus  grandes 
peines  à  marcher  sur  Saigon  à  travers  le  Delta.  La  remontée  du 
Mékong  jusqu'à  Mytho  est  possible  pour  des  bâtiments  légers,  mais 
les  troupes  débarquées  auraient  une  contrée  non  moins  difficile  que 
la  précédente  à  traverser,  pour  arriver  à  Saigon. 


(1^  Voii"  Annexes.   Tableau  VIII.  Les  escadres  européennes   dans    les  mers  de 
Chine  1897. 


—  132  — 

La  défense  de  Saigon  contre  l'attaque  d'une  puissance  européenne 
paraît  assurée,  mais  c'est  là  un  avantage  négatif  si  notre  escadre 
bloqué»',  dès  la  déclaration  de  guerre,  dans  la  rivière  de  Saigon,  ne 
peut  sortir  et  se  voit  obligée  de  demeurer  inutile  comme  autrefois  celle 
de  l'amiral  Graviua  à  (ladix  ou  même  celle  de  l'amiral  Cervera  à 
Santiago-de-Cuba. 

Tourane,  Tliuan-An,  Hué  sont  presque  sans  défense  ;  Hanoï,  ville  de 
IW.OOO  habitants,  à  185  kilomètres  de  la  mer,  ne  doit  sa  sécurité, 
malgré  sa  citadelle,  qu'au  peu  de  profondeur  du  bras  du  Song-Coi, 
Haïphong,  le  port  du  Tonkin,  la  baie  d'Allong  d'une  importance  capitale 
pour  notre  marine  qui  ne  pourra  tirer  que  des  houillères  de  Kebao  le 
charbon  nécessaire  à  ses  navires,  sont  à  la  merci  d'un  débarquement. 

L'Angleterre  a  mieux  assuré  la  défense  de  ses  colonies  asiatiques  et, 
en  supposant  que  nos  croiseurs  puissent  tenir  victorieusement  la  mer, 
ils  ne  pourraient  faire  que  bien  peu  de  tort  à  notre  adversaire. 

Hong-Kong  et  Singapour,  qui  sont  les  centres  commerciaux  anglais 
de  l'Extrême-Orient,  sont  très  fortement  défendus  par  des  ouvrages 
modernes,  armés  de  puissants  canons.  Un  cuirassé  garde-côtes, 
un  aviso  et  deux  torpilleurs  sont  chargés  de  la  défense  mobile  de  Hong- 
Kong.  Singapour  ne  tardera  pas  à  recevoir  ce  supplément  de  défense. 
La  colonie  d'Australie  s'est  pourvue  elle-même,  pour  la  protection  de 
son  commerce  et  la  défense  de  ses  ports  d'une  escadre  de  5  croiseurs 
et  2  torpilleurs  et  le  gouvernement  des  Indes  entretient  une  flotte  de 
9  bâtiments  pour  la  défense  des  côtes  du  Coromandel. 


Au  cas  d'une  alliance  franco-russe,  l'Angleterre  ne  demeurerait  pas 
moins  maîtresse  de  la  situation. 

En  effet  l'escadre  russe  de  l'Océan  Pacifique  compte  20  bâtiments 
d(jnt  8  aptes  au  combat  avec  36  canons  de  gros  calibres.  Jointe  à  la 
flotte  française  elle  en  porterait  l'effectif  à  15  bâtiments  avec  9ô  canons. 

De  plus  à  Hong-Kong  l'escadre  anglaise  occupe  une  ligne  intérieure, 
elle  peut,  en  masquant  soit  Saigon,  soit  Vladiwostock  ou  Port-Arthur 
se  porter  à  la  rencontre  de  l'une  de  ces  flottes  et  la  battre  avant  que 
l'autre  ait  eu  le  temps  de  la  rejoindre. 

Et  quand  bien  même,  les  flottes  françaises  et  russes  auraient  pu  faire 
leur  jonction,  en  appelant  à  elles  les  escadres  du  Pacifique  et  de  l'Aus- 


-  i;«  — 

tralie,  la  tlotti'  anglaise  conserverait  dans  ces  parages  une  importante 
supériorité  numérique. 

1  croiseur  moderne. 
3  vieux  croiseurs. 
3  vieilles  canonnières  (non  aptes 
au  combat). 


L'escadre  d'Australie  comprend  : 


L'escadre  du  Pacifique  comprend  : 


1  cuirassé  moderne. 

2  vieux  croiseurs. 

3  vieilles  canonnières  (non  aptes 

au  combat). 


Ce  qui,  en  ne  tenant   pas  compte  des  canonnières,  donnerait  un 
appoint  de  : 

1  cuirassé       i        .   ^        . 

soit  /  navires  qui  porteraient 
6  croiseurs     ) 

l'effectif  de  la  flotte  de  combat  anglaise  à  23  bâtiments,  laissant  encore 
disponible,  pour  surveiller  la  route  d'Europe  l'escadre  de  l'Océan 
indien  qui  compte  : 

1  croiseur  moderne. 

3  petits  croiseurs  assez  modernes. 

3  vieilles  canonnières. 

En  utilisant  toutes  ses  ressources,   la  flotte  française  ne  pourrait 
s'augmenter  que  de  9  unités  savoir  : 


Station  navale  de  l'Océan  pacifique 


2  vieux  croiseurs, 

1  canonnière, 

Station  navale  de  l'Océan  indien  et  (    2  croiseurs  démodés, 

de  Madagascar.  (    4  vieilles  canonnières  et  avisos. 


dont  4  seulement,  sans  grande  valeur  militaire  d'ailleurs,  sont  en  état 
de  prendre  rang  dans  une  escadre  (Revue  Maritime),  G.  W.  Steewens). 
En  l'état  actuel  des  choses  la  France  et  la  Russie  combinées  auraient 
à  faire  à  forte  partie  dans  les  mers  d'Orient  en  cas  d'un  conflit  avec 
l'Angleterre.  L'issue  d'un  combat  naval,  dans  ces  conditions,  devient 
douteux  et  d'ailleurs,  en  admettant  que  la  fortune  favorise  nos  armes, 
le  manque  de  points  de  relâche  et  de  dépôts  de  charbon,  ne  nous 
permettrait  pas  une  fois  maître  de  la  mer,  de  tirer  de  notre  victoire 


134  — 


tous  les  fruits  possibles  en  ravageant  les  cotes  ennemies,  en  capturant. 
ses  navires  de  commerce,  en  interceptant  toutes  communications  entre 
la  métropole  et  les  colonies. 


C'est  que  depuis  que  la  vapeur  a  détrôné  la  voile,  les  conditions  de 
la  guerre  maritime  ont  été  totalement  changées.  L'emploi  du  charbon 
absolument  indispensable  pour  les  nouveaux  bâtiments  de  guerre,  a 
obligé  les  puissances  maritimes  à  avoir,  à  portée  du  théâtre  d'opéra- 
tions, des  ports  de  refuge  et  de  ravitaillement  abondamment  pourvus. 
La  suprématie  de  la  mer  appartiendra  à  la  nation  qui  aura  su  prévoir 
les  besoins  de  ses  escadres,  lesquelles  faute  de  combustible  devien- 
draient d'inoffeusives  épaves,  incapables  de  se  mouvoir  et  de  manœu- 
vrer. 

Le  tableau  VIII  des  annexes  donne  rénumération  des  ports  de  refuge 
et  l'importance  des  dépôts  permanents  de  charbon  que  possèdent  la 
France,  la  Russie  et  l'Angleterre  sur  le  théâtre  de  guerre  de  l'Extrême- 
Orient. 


L'Angleterre  qui  dispose  de  : 


1°  Dans  rOcécin  Indien 

'2p  Dans  la  presqu'île  Indo-Chi- 
noise et  la  Malaisie 

3"  Dans    les   mers   d'Extrême  - 
Orient 

4"  En  Australie 


DEPOTS 
DE   CHARBON 


18 


39 


12 


56 


0 

14 

nO 


2 
23 


91 


-  j;i5  - 

jjossèdo  seule  un  nombre  suffisant  de  dépôts  de  charbon  et  de  points 
de  relâche  pour  assurer  l'approvisionneuient  de  ses  escadres  et  le 
ravitaillement  de  ses  croiseurs. 

La  France  qui  n'a  que  quinze  points  de  relâche  sur  le  théâtre  de 
rExtrêmè-Orient  et  de  l'Océan  Indien,  manque  en  outre  d'une  base 
sérieuse  d'opérations.  Au  cas  d'une  conflagration,  le  manque  de  dépôts 
de  charbon  serait  d'autant  plus  désastreux,  qu'elle  ne  peut  songer  à 
l'aire  la  guerre  d'escadre,  mais  uni({uement  la  guerre  de  croiseurs 
laquelle  pour  être  féconde,  nécessite  une  très  grande  indépendance 
pour  les  bâtiments  qui  doivent  être  sûrs  de  trouver,  un  peu  partout, 
le  combustible  qui  leur  est  nécessaire. 

Il  y  aurait  pour  notre  division  navale  de  l'Extrême-Orient,  bien 
réduite  ces  dernières  années,  mais  que  les  événements  du  Nord  viennent 
de  faire  porter  à  un  effectif  plus  digne  de  la  puissance  française,  un  gros 
intérêt  à  régulariser  l'exploitation  des  mines  de  houille  du  Tonkin  et  à 
créer,  dans  la  baie  d'Allong,  une  véritable  base  d'opérations  et  de 
ravitaillement. 

Un  État  neutre  ne  pouvant ,  sous  peine  de  violer  sa  neutralité  fournir 
ni  armes,  ni  matériel  de  guerre  à  l'un  ou  à  l'autre  des  belligérants,  il 
faudrait  cependant  en  cas  d'hostilités,  que  nous  possédions  en  Extrême- 
Orient  des  arsenaux  suffisamment  outillés  pour  exécuter  les  réparations 
indispensables  et  des  dépôts  de  charbon  bien  approvisionnés,  afin  que 
nos  navires  puissent  se  ravitailler. 

En  effet,  l'Angleterre  se  basant  sur  la  règle  de  Washington  du 
8  mai  1871  qui  interdit  aux  Etats  neutres  de  permettre  dans  leurs  ports, 
le  renouvellement  des  munitions  ou  des  provisions  de  guerre,  s'obstine 
à  considérer  la  houille  comme  contrebande  de  guerre.  Au  cas  d'hosti- 
lités avec  une  tierce  puissance,  comme  cela  a  eu  lieu  en  1884  au  moment 
de  notre  guerre  contre  la  Chine,  nos  navires  ne  pourraient  pas  compter 
sur  le  charbon  anglais. 

La  Russie  et  l'Allemagne  possèdent  des  escadres  en  Extrême- 
Orient,  mais  ces  escadres  ne  pourraient  y  jouer  qu'un  rôle  très  secon- 
daire et  n'avoir  qu'une  action  fort  réduite  étant  obligées  de  ne  pas  trop 
s'éloigner  de  A^ladiwostock  ou  de  Kiao-tcheou  ;  cependant  depuis  la 
cession  de  Port-Arthur  à  la  Russie,  celle-ci  va  se  trouver  dans  de  bonnes 
conditions  pour  donner  à  sa  marine  une  organisation  aussi  complète 
que  le  commande  sa  situation  dans  l'Extrême-Orient. 

La  marine  japonaise,  grâce  à  la  forme  allongée  de  l'Empire,  a  établi 


—  136  — 

une,  série  de  dépôts  et  de  points  de  relâche  qui  lui  donne  de  grandes 
facilités  pour  des  opérations  sur  les  côtes  de  l'Empire  du  Milieu. 

Mais  quelque  importantes  que  soient  les  escadres  européennes  dans 
les  mers  de  Chine,  quelque  nombreux  et  bien  outillés  que  soient  les 
points  de  relâche,  aucune  puissance  n'est  suffisamment  forte  pour 
pouvoir  y  mener  une  guerre  sans  l'appui  de  la  métropole. 

Aussi,  dans  toutes  les  hypothèses  de  guerre,  la  route  d'Europe  joue- 
t-elle  un  rôle  prépondérant  et  l'étude  de  la  route  des  Indes  s'impose- 
t-elle  comme  complément  à  l'étude  des  forces  européennes  en  Asie. 


Deux  routes  maritimes  conduisent  l'Europe  en  Extrême-Orient  : 

1°  La  route  du  Canal  de  Suez  ; 

2°  La  route  du  Cap  de  Bonne-Espérance. 

Au  cas  d'une  guerre  avec  la  France  seule,  quelle  route  l'Angleterre 
aura-t-elle  intérêt  à  suivre? 

Sir  G.  Dilke  dans  une  récente  étude  :  Problems  of  Greater  Britain 
s'est  prononcé  pour  la  route  du  Cap  de  Bonne-Espérance  en  mettant 
hors  d'usage  le  canal  de  Suez,  car  alors  l'Angleterre  resterait  seule 
maîtresse  de  la  navigation  dans  les  mers  de  l'Orient  puisque,  tandis 
qu'elle  pourrait  toujours  faire  passer  ses  navires  par  le  Cap,  avec  une 
traversée  de  40  à  50  jours  jusqu'aux  Indes,  un  grand  nombre  de 
vaisseaux  français,  dépourvus  de  charbon,  seraient  obligés  de  marcher 
à  la  voile  et  toute  relation  rapide  serait  ainsi  suspendue  entre  la  France 
d'une  part,  ses  colonies  et  ses  escadres  de  l'Extrême-Orient  d'autre  part. 

C'est  que  dans  nos  constructions  navales  on  paraît  avoir  trop  sacrifié 
la  question  du  rayon  d'action.  Nos  navires  ne  portent  qu'un  approvision- 
nement insuffisant  de  charbon  et  comme  nos  points  de  relâche  sont  fort 
espacés,  ils  risquent  fort,  dans  une  guerre  hors  des  eaux  françaises, 
de  manquer  de  combustible.  C'est  ainsi  que  nous  ne  possédons  que 
3  cuirassés  susceptibles  de  franchir  5.000  milles  (9.260  kilomètres)  sans 
faire  de  charbon,  alors  que  l'Angleterre  en  possède  34  ;  mais  ce  qui  est 
encore  plus  grave,  c'est  alors  que  nous  possédons  31  croiseurs  filant 
18,  19,  20  et  21  nœuds,  nous  n'en  avons  que  4  qui  seraient  susceptibles 
de  faire  10.000  milles  (18.500  kil.)  soit  le  trajet  de  Brest  aux  Indes  par 
le  Cap  sans  se  réapprovisionner.  La  flotte  anglaise  possédait  à  la  fin  de 
1897  dix-sept  croiseurs  d'un  rayon  d'action  de  10.000  milles  (G.  W. 
Steewens.  Revue  ma?niime). 


—  137  — 

Sur  la  route  de  ses  navires  l'Angleterre  possède  comme  relâches 
éventuelles  :  Bathurst  à  l'embouchure  de  la  Gambie  à  douze  jours  environ 
de  navigation  de  Plymouth  et,  à  deux  jours  plus  au  Sud,  Sierra-Leone 
qui  possède  un  important  dépôt  de  charbon  (li. 

L'Ascension  et  Ste-Hélène  n'offrent  que  peu  de  ressources,  toutefois 
des  travaux  de  défense  importants  ont  été  entrepris  pour  la  protection 
du  dépôt  de  charbon  de  Ste-Hélène.  Mais  le  point  le  plus  important  est 
le  Cap  avec  ses  deux  ports  de  la  baie  de  la  Table  et  de  Simon's  bay. 

Dans  le  cas  où  le  canal  de  Suez  serait  inutilisable,  c'est  un  point  en 
vue  duquel  il  faut  forcément  passer.  Aussi,  sir  C.  Dilke  estiuie-t-il 
qu'il  n'est  pas  un  point  du  globe  plus  important.  La  baie  de  la  Table  est 
pourvue  d'excellentes  défenses  et  l'on  travaille  activement  à  Simon's 
ba.y.  La  colonie,  qui  entretient  uu  effectif  de  miliciens  suffisant  pour 
assurer  la  défense  de  ces  ouvrages,  a  pris  à  sa  charge  les  travaux  et 
l'on  se  rappelle  qu'elle  a  même  offert  d'entretenir  uu  cuirassé  (2)  pour 
la  défense  propre  de  la  colonie. 

Au  delà  du  Cap,  la  plus  importante  station  est  Tilc  Maurice  qui 
possède  un  port  admirable  et  qui  a  reçu  de  fort  importantes  fortifi- 
cations. La  rade  de  St-Louis  sera  pour  les  flottes  anglaises  comme 
autrefois  pour  celles  de  La  Bourdonnais,  le  pivot  de  toutes  les  opérations 
dans  l'Océan  Indien. 

Sur  cette  route  la  i)remière  station  française  est  Dakar  qui  est  à 
neuf  jours  de  Bordeaux  ;  des  travaux  de  défense  et  des  améliorations 
sont  en  voie  d'exécution  ;  p  uis  viennent  les  comptoirs  de  la  Guinée, 
Assinie,  Grand  Bassam,  Kotonou  puis  Libreville  et  Loango  ;  mais 
ensuite  il  faut  aller  d'une  traite  jusqu'à  l'île  de  la  Réunion  et  il  y  a 
environ  8.000  kilomètres,  distance  que  la  plupart  de  nos  bâtiments 
pourraient  difficilement  franchir  sans  se  réapprovisionner. 

Cette  infériorité  démontre  l'opportunité  de  constituer  en  Indo-Chine 
de  grands  approvisionnements  de  charbon  et  d'y  installer  un  outillage 
de  réparations  suffisant  afin  de  permettre  à  notre  escadre  de  mener,  s'il 
en  est  besoin,  une  guerre  indépendante  dans  les  mers  de  Chine. 

Cette  situation  toute  à  l'avantage  de  l'Angleterre  serait-elle  encore 
aussi  bonne  au  cas  d'une  alliance  entre  la  France  et  la  Russie  ? 


(1]  Eu  temps  de  paix  la  route  suivie  passe  par  Madère  (Portugal)  Ténerirte  dans 
les  Canaries  (Espagne;,  les  îles  du  Gap  Vert  (Portugal),  ou  Dakar  (France). 

(2)  Voyage  du  Gouverneur  de  la  colonie  du  Cap  à  l'occasion  du  Jubilé  de  la  Reine 
(juin  1897). 


—  138  — 

Tandis  qu'une  lutte  entre  la  France  et  l'Angleterre  n'entraînerait,  en 
Extrême-Orient,  que  des  opérations  maritnnes,  un  conflit  avec  la 
Russie  amènerait  des  opérations  sur  terre  dans  la  région  des  Confins. 

Sur  ce  théâtre  de  guerre,  l'Angleterre,  avons-nous  vu,  dispose  de 
263.000  hommes  (1)  sur  lesquels  73.000  soldats  anglais  seulement.  La 
Russie  de  son  côté  peut  mettre  en  ligne  327.000  de  troupes  russes  ou 
cosaques. 

Il  faudra  pour  atténuer  son  infériorité  numérique,  encadrer  soli- 
dement ses  régiments  indigènes  dont  la  fidélité  apparaît  de  plus  en  plus 
problématique,  que  la  Grande-Bretagne  expédie  d'importants  renforts 
aux  Indes  et  il  faudra  qu'elle  les  expédie  sans  délai,  pour  ne  pas  laisser 
l'armée  afghane  seule  aux  prises  avec  les  troupes  russes  et  permettre, 
sans  défense  l'invasion  des  plaines  de  l'indus. 

Mettant  à  quinze  jours  le  temps  nécessaire  aux  troupes  duTurkestan 
et  du  Caucase  pour  se  mobiliser  et  se  rapprocher  des  stations  d'embar- 
quement, il  faudra  au  corps  le  plus  éloigné,  vingt-cinq  jours  pour 
parvenir  à  Hérat  savoir  : 

1  jour  de  Batoum  à  Bakou  (chemin  de  fer)  ; 

1  jour  de  Bakou  à  Ouzoun-Adda  (bateau)  ; 

2  jours  d'Ouzoun-Adda  àMerw  (chemin  de  fer)  ; 
20  jours  de  Merw  à  Hérat  (par  étapes  390  kil.). 

C'est-à-dire  que  40  jours  après  la  rupture  des  relations  diplomatiques, 
la  Russie  disposera  à  Hérat,  à  500  kilomètres  de  l'Inde  d'une  armée 
d'invasion  de  300.000  hommes  qui  ne  trouvera  devant  elle  que  les 
mauvais  soldats  de  l'émir  de  Caboul. 

L'Angleterre  ne  peut  pas  défendre  l'Afghanistan  car,  à  ce  moment, 
elle  n'aura  encore  rien  pu  taire  pour  renforcer  sa  défense.  La  mobili- 
sation des  troupes  britanniques  est  loin  d'être  rapide  :  «  Tout  est  à 
faire  »  (2)  disait  l'an  dernier  le  général  Wolseley.  Dans  l'état  de  déla- 
brement où  elle  se  trouve  actuellement,  on  peut  même  se  demander  si 
l'armée  anglaise  pourrait  se  mobiliser.  «  Notre  armée  est  une  armée 
»  à  laquelle  la  paix  est  nécessaire.  Une  armée  qui  n'a  ni  pied  de  paix 
»  ni  pied    de   guerre,   telle    ([u'une   campagne    contre    une   grande 


(1)  Voir  Annexes.  Tableau  \'.  Gorn[)araisoii  'les  ai-niées  russes  et  anglaises  dans 
l'Asie  Centrale. 

(2)  Déclaration  de  Glascow,  Juin  1897. 


—  139  — 

»  puissance  européenne  débuterait  pour  elle  fatalement  par  une 
»  période  de  confusion  qui  pourrait  à  peine  être  plus  grave  si  elle  était 
»  surprise  au  moment  d'une  réorganisation  complète.  »  (Sir  D.  Dilke). 
Aussi  le  chiffre  de  huit  jours  que  nous  admettrons  pour  le  passage 
au  pied  de  guerre  est-il  bien  au-dessous  de  la  vérit»''.  11  faudra  : 

25  jours  pour  se  rendre  de  Portsmouth  à  Kurrar-he  ou  à  Bombay  par 
le  canal  du  Suez  ; 

4  jours  pour  se  rendre  de  Kurrache  à  Quetta  (chemin  de  fer); 

15  jours  pour  se  rendre  de  Quetta  à  Candahar(par  étapes  240  kil.), 
soit  au  total  52  jours. 

Pour  pouvoir  concentrer  et  organiser  sa  défense  l'Angleterre  est 
obligée  de  reporter  sa  résistance  sur  la  ligne  Caboul-Ghazni-Kandahar, 
abandonnant  l'Afghanistan  à  la  marche  victorieuse  des  armées  russes. 

Si  les  navires  anglais  ne  peuvent  utiliser  le  canal  de  Suez,  il  faut 
alors  compter  45  jours  de  traversée  pour  parvenir  aux  Indes,  les 
renforts  arriveront  trop  tard  :  l'attaque  des  portes  de  l'Inde  serait 
faite  ;  si  les  73.000  hommes  de  garnison  permanente  n'ont  pas  suffi  à  la 
repousser,  les  chevaux  des  Cosaques  mangeront  l'iierbe  qui  croit  sur 
les  bords  de  l'indus. 

Voilà  pourquoi  il  importe  à  l'Angleterre  de  rester  maîtresse  de  la 
route  de  Suez  et  pourquoi  elle  l'a  si  soigneusement  jalonnée  par  ses 
postes. 

Bien  que  les  progrès  de  l'artillerie  moderne  aient  atténué  sa  valeur 
militaire,  Gibraltar  à  l'entrée  delà  Méditerranée,  est  d'une  importance 
capitale.  Sir  C.  Dilke  en  expliqne  la  raison  :  «  C'est  un  point  indispen- 
»  sable  pour  nous,' car  son  occupation  par  un  de  nos  ennemis,  serait 
»  si  gênante  pour  l'Angleterre  que  nous  sommes  forcés  de  le  conserver 
»  ou  de  le  remplacei-  par  un  port  d'égale  importance  situé  dans  le 
»  voisinage  ». 

Malte,  au  centre  de  la  Méditerranée,  à  quatre  jours  de  Gibraltar,  à 
cinq  de  Port-Saïd  est  une  position  de  premier  ordre  ;  sa  valeur  est 
considérable,  non  seulement  comme  station  de  la  route  des  Indes,  mais 
surtout  comme.pivot  d'opérations  dans  tout  le  bassin  de  la  Méditerranée. 
Ses  ports  sont  magnifiques  et  ses  défenses  considérables. 

Chypre  est  une  sentinelle  sitnée  en  face  du  canal  de  Suez  mais  elle 
n'est  pas  fortifiée  et  aucun  travail  n'a  été  encore  entrepris  pour  rendre 
accessible  le  port  de  Famagouste. 

Une  convention  signée  en  1882  neutralise  le  canal  de  Suez,  en  cas 


—  140  — 

d'hostilités,  même  au  cas  où  l'Empire  ottoman,  sur  le  territoire  duquel 

se  trouve  entièrement  le  canal,  serait  engagé  dans  la  guerre ,  mais 

on  sait  ce  que  valent  ces  conventions. 

Aden,  pourvu  de  formidables  fortifications  et  l'îlot  de  Perim 
commandent  l'entrée  de  la  mer  Rouge. 

Sur  cette  route,  que  les  flottes  françaises  et  russes  auraient  tant 
d'intérêt  à  interdire  à  l'Angleterre,  la  France  possède  les  points  de 
relâche  de  Bizerte,  situé  en  face  de  Malte  pouvant  servir  d'appui  à 
notre  puissante  escadre  de  la  Méditerranée  et  du  Levant  ;  Obock  dans 
la  mer  Rouge,  et  Pondicliéry  dans  l'Océan  Indien. 

D'ailleurs,  si  nos  escadres  ne  peuvent  rester  maîtresses  des  débouchés 
du  canal,  il  sera  toujours  facile  de  l'obstruer  momentanément  en  y 
coulant  un  navire,  au  besoin  en  déterminant  au  moyen  d'explosifs  un 
éboulement  dans  les  berges. 

Cette  situation  n'a  pas  été  sans  inquiéter  l'amirauté  anglaise  qui 
s'est  préoccupée  d'organiser,  au  travers  du  continent  américain  une 
nouvelle  voie  lui  permettant  de  faire  parvenir  aux  Indes  des  renforts 
dans  les  délais  suivants  : 

8  jours  de  Liverpool  à  Québec  (par  mer); 

6  jours  de  Québec  à  Vancouver  (en  chemin  de  fer)  ; 

19  jours  de  Vancouver  à  Yokohama  (par  mer)  ; 

20  jours  de  Yokohama  à  Calcutta  (par  mer), 
soit  .53  jours. 

Quoique  longue  cette  route  pourrait  rendre  d'importants  services, 
les  forces  maritimes  de  la  Russie  et  de  la  France*  étant  insuffisantes 
pour  maîtriser  à  la  fois  les  trois  routes  de  Suez,  du  Cap  et  du  Canada. 

D'ailleurs,  l'organisation  d'une  nouvelle  compagnie  de  navigation 
subventionnée  par  l'amirauté.  l'Hudson's  bay  and  Pacific  Railway 
Company  qui  se  propose  de  diminuer  notablement  la  distance  qui 
sépai'e  la  métropole  d<;  ses  possessions  nord-américaines,  tend  à  amé- 
liorer cette  roule. 

De  Liverpool  les  transports  à  grande  vitesse  de  cette  compagnie 
vit'udront  aboutir  au  fond  de  la  baie  d'Hudson  à  port  Churchill,  d'où  un 
embranchement  irait  rejoindre  la  ligne  Montréal- Vancouver. 

Le  gain  sur  la  distance  Liverpool- Vancouver  serait  de  trois  jours. 


—  141  — 


ANNEXES. 


TABLEAU    I. 

Donnant  la  composition  et  l'effectif  de  la  diinsion  de  ligne  japonaise. 


4  régiments  d'infanterie  (chaciue  régiment  de 
ligne  est  à  3  bataillons  de  4  compagnies 
et  son  effectif  est  de  2.875  hommes) 

1  division  de  cavalerie  (chaque  division  com- 
prend 3  escadrons)  

1  régiment  d'artillerie  de  campagne  de  3  di- 
visions de  2  batteries  :  1 

2  d'artillerie  de  campagne I 

1  d'artillerie  de  montagne 

1  bataillon  du  génie 

1  bataillon  du  train  et  services 


12 


12 


a 
o 

■a 

o 

é 

K 

S  e 

o    = 

ë  2 

c 

» 

» 

ii.r)00 

3 

» 

ÔOO 

» 

6 

1.000 

» 

» 

800 

» 

» 

3.200 

3 

6 

17.000 

OBSERVATIONS. 


Dans  la  division  de  la  garde, 
le  régiment  d'infanterie  n'a  que 
2  bataillons  ;  la  division  de  ca- 
valerie :  2  escadrons  ;  le  régi- 
ment d'artillerie  :   2  divisions. 


TABLEAU     M. 

nnant  la  compjosition  des  forces  de  terre  entretenues  par  la  Russie  dans  ses  ptossessions  sibériennes. 


1"  Infanterie.  Bat*  dits  de  ligne  indépendants: 

i"  de  la  Sibérie  orientale  .  . . 

2"  de  la  Sibérie  occidentale . 

2  brigades  de  chasseurs  de  la 
Sibérie  orientale  à  5  bataill. 

Détachements  de  Cosa  ues  . . . 
2''_Gavalerie.  3  régim.  de  Sibérie  (Cosaques). 

2       »       du  Transbaïkal 

1       »      de  Semerietchié 

1        »      de  l'Amour 

3°  Artillerie.    1  brigade  de  la  Sibérie  orientale. 

1  groupe  de  la  Sibérie  occident. 

Batteries  de  Cosaques  du  Trans- 
baïkal   

Troupes  des  chemins  de  fer,  sapeurs,   com- 
pagnie d'artillerie  de  forteresse 


ï 

.H 

•^    C 

c: 

5 

S   o 

es 

K 

K 

'^ 

« 

» 

» 

'" 

10 

7 

» 

» 

10 

» 

» 

81/2 

» 

» 

» 

18 

» 

» 

12 

» 

j:^ 

» 

4 

» 

O 

» 

.i 

» 

-^} 

» 

» 

1 

» 

» 

4 

» 

» 

2 

(0) 

» 

» 

351/2 

37 

13 

OBSERVATION.^ 


Ces    troupes   t^ont    n'parties, 
savoir  : 

Gouv.  gén.  d'Omsk 5.000 

>•>  d'Irkoust...     1.1(00 

»         de  l'Amour.  25.000 


Soit 31.900 

Dans  le  courant  de  l'année 
1898,  de  nouvelles  unités  sont 
en  formation  dans  la  province 
de  l'Amour. 


10 


—  142  — 


TABLEAU     II  I. 

Détail  de  la  composition  de  l'Indian  Army  (1897  . 


1"  Indian  Army. 


03  bataillons    d'infanterie    déta- 

s  de  régiments  stationnés 

ffle  terre 


ce  X  V     chés  d 
c^§    )     en  An 


S'tc  i  ^  régiments  de  cavalerie 

^  cï  '88  batteries  ou  compagnies  dé- 
tachées du  Roval-Artillerv  . . . 


133  régiments  d'infanterie 

40  régiments  de  cavalerie 

12  batteries  de  montagne 

21  Compagnies  du  génie 

Corps  locaux  sous  les  oi'dres  du 


C   iC 


jouvernement  de  rinde. 

2"  Impérial  service  troops. 

Etat  de  Kachrayr , 

Patiala 


Punjab. 


Autres  tribus  (  Kaputhala  , 
Bakawalpur,  Juid,  Nabha, 
Favidkof» 


Uhvar .  . . 

Radj-    iJoahpur. 

put^md.  jJeypoore. 

Bikanir. . 


Inde  centrale  et  occidentale. 
Inde  Tnéridionale 


3"  VOLUNTEERS. 

Corps  des  volontaires  formanf. 
'i"  Corps  de  Police. 


Pulice  militaire  de  Birmanie,  d'Assam 
et  Chiliagong 


1.38 


240 


.36 


160 


41/2 


23 


237  1/5 


Battories 
do  6  pièces 


46 


."■).3 


11 


86 


12 


r)6.000 
4.000  (   -. 


13.000 

100.000 

25.000 

2.000 

3.000 

14.000 


4.330 

1.750 

»       3.200 


3.000 


144.000 


19.200 


i.OOO 


4.500 
1.400  / 


27.000 


19.000 


282.000 


OBSERVATIONS. 


Plus  23  batteries 
de  forteresse. 


La  seule  artille- 
rie levée  par  un 
État  indigène. 


1  transport-train 
de  400  voitures. 

Le  Bikanir  Ka-; 
mel  Corps  est  un 
régirn.  d'infanterie 
montée  équipé  de 
façon  à  être  utilisé 
comme  troupe  de 
transport ,  chaque 
chameau  portant 
en  outre  un  com- 
battant. 


Soit  ■.^82.(M)0  combattants,  dont  220.000  hommes  de  troupes  régulières,  les  autres  étant  suscep- 
til)les  (le  servir  do  troupes  d'étapes  ou  de  garnison  avec  516  pièces  de  campagne. 


143 


TABLEAU     IV. 

Détail  de  la  composition  des  forces  russes  de  l'Asie  centrale  (i89T). 


1»  Armée  du  Turkestan. 

1  brigade  de  tirailleurs  du  Turkestan.  . . 

ë)  bataillons  dits  de  ligne  indépendants  . 

1  bataillon  de  sapeurs  du  Turkestan. . . . 

1  brigade  de  7  batteries  de  8  pièces  . . . . 
1  bataillon  d'artillerie  de  forteresse  (A)  . 

3  régiments  de  Cosaques  d'Orenibourg. . 
1  régiment  de  Cosaques  de  l'Oural 

7  bataillons-cadres 


Total  pour  l'armée  du  Turkestan. 


4 

20 

1 

» 
(1) 


32 


12 


16 


BATTERIES 


de  8  pièces 


3.500 
15.000 
5001 

2.000 


27.000 


iL. 


»  \ 


3.0001 


3.000 


OBSERVATIONS. 


(A)  Les  unités 
de  forteresse  n'en- 
trent pas  dans  le 
décompte  des  for- 
ces disponibles , 
elles  ne  sont  indi- 
quées que  pour 
mémoire. 


2"  Troupes  de  la  Province  Tr.\nscaspienne. 


2  brigades  de  tirailleurs  transcaspiens  . 

1  bat.  de  sapeurs  de  la  Transcaspienne 

2  bataillons  des  chemins  de  fer 

3  batteries  dites  de  la  Transcaspienne  . 
1  bataillon  d'artillerie  de  forteresse  (A) 

1  brigade  de  Cosaques  de  Kouban 

2  bataillons-cadres 

Total  pour  les  troupes  de  la  Trans- 
caspienne   


8 

» 

» 

» 

» 

» 

1 

» 

» 

» 

» 

» 

(2) 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

3 

» 

» 

(I) 

» 

» 

» 

» 

» 

» 

12 

» 

» 

» 

1 

2 

» 

» 

» 

» 

» 

11 

12 

» 

3 

» 

1 

7.000 

500 
1.500 

-00>12.000 

»     l 

1.500 
1.000 


3"  Armée  du  Caucase. 
a).  Corps   d'armée  ^dii   t'aucaitie   Q.   C>.   h_  Tiniïi. 


Division  de  grenadiers  du  Caucase  . 

ÎO'  division  d'infanterie 

Î9*  division  d'infanterie 

l®  Division  de  Cosaques  du  Caucase 
î^  Division  de  Cosaques  du  Caucase 

A  reporter 

i 


16 

» 

2 

4 

2 

» 

16 

» 

2 

2 

2 

» 

16 

» 

2 

2 

2 

» 

1 

2'i 

» 

» 

» 

2 

1 

18 

» 

» 

» 

2 

50 

42 

6 

8 

6 

4 

17.000 
14.000 
14.0G0>53.000 

4.500 

3.500 


A  chaque  divi- 
sion de|  cavalerie 
est  affecté  1  batail- 
lon de  plastounes. 


-  144  - 

( 

BATTERIES 

J. 

de  S  pièces 

de 

5 

c 

G  p. 

• 

s 

cl 

5 

EFFECTIF. 

OBSERVATIONS. 

Report 

:>() 

42 

f") 

8 

6 

4 

b).  Ti'oiipcN  indépendant*^». 

Brigade  de  tirailleurs  du  Caucase 

4 

» 

» 

» 

» 

» 

3.000  \ 

Brigade  de  tirailleurs  indigènes  du  Caucase 

4 

» 

» 

» 

» 

» 

3.000 

21*  division  d'infanterie 

16 

(6) 

» 

» 

2 

» 

2 
» 

2 
» 

14.000/ 
8  000[ 

Plus  une  dizain» 
de  mille  hommes 

6  bataillons  d'artillerie  de  forteresse 

Division  de  dragons  du  Caucase 

» 

24 

8 

» 
» 

» 
» 

» 
» 

2 
» 

4.000^51.500 
1.500[ 

Régiment  de  Cosaques  du  Tereck 

Stonias  de  Cosaques  non  enrégimentées. . 

» 

0 

» 

» 

» 

» 

i.OOOl 

dans  les  services 

8  régiments  cadres  à  2  bataillons 

10 

» 

» 

» 

» 

» 

10.000] 

accessoires. 

10  bataillons  cadres  à  5  compagnies 

10 

» 

» 

» 

» 

» 

7.000; 

100 

80 

8 

10 

8 

6 

4»  Augmentations  résultant  d 

J   PASSAGE  DU  PIED  DE   PAIX  AU   PIED  DE   GUERRE 

ET     DE     LA     TRANSFORMATION     DES     BATAILLONS     CADRES     EN     RÉGIMENT     DE     RESERVE.                 1 

[     Les    7    bataillons     cadres 
Au         !  forment  7  régiments  de  ré- 

1 

1 

Turkestan.  ) serve    à   5  bataillons,    d'oii 

\  une  augmentation  de 

28 

» 

» 

» 

» 

» 

13.000 

Dans       [     Les    2     bataillons    cadres 

la  province  \  forment  2  régiments  de  ré- 

trans-      )  serve,    Tun  à    5   bataillons, 

Caspienne.  \  l'autre  à2,  d'oii augmentation. 

5 

» 

» 

» 

» 

» 

5.000 

^      Les    8    régiments    cadres 

j  à  2  bataillons  et  les  10  batail- 

l  Ions  cadres  forment  en  temps 

y  de  paix  4  brigades  de  réserve 
let  2  bataillons  indépendants, 

.              ils  doivent  donner  à  la  mobi- 
fancase    ^isation  : 
uaucase.         ^^  régiments  à  4  bataillons 

Iln'estpasprévu 

j  formant  4  divisions  de  réserve. 

de  formations  d'ar- 

/    2  régiments  à  5  bataillons. 
f      D'oii  augmentation  de  ... . 

48 

» 

» 

» 

» 

» 

(  /7-    r\f\£\ 

tillerie  pour  ces  4 

1      Appel  des  réserves  des  rc- 
giments  actifs 

1U.J.  uuu 

divisions     de    ré- 

» 

81 

» 

» 

» 

» 
» 

» 

»  i 

serve. 

Total  des  augmentations 

» 

» 

183.000 

En  résumé,  après  le  passage  du  pied 

de  paix  au  pied  de  \i\ 

lerre,  l'armée  russe  de  l'Asie      j 

Centrale  comprend  :                                                                 Il 

10     17 

9     8 

1 

22i 

lOS 

44 

! 

Soit  327.000  combattants  avec  336  \ 

)ièces  de  campagne. 

—  145  — 


îZÎ 

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—  140  — 

TABLEAU    VI. 

Troupes  françaises   d'occupation    en   Indo-Chine   (1897 ). 

1.    ARMÉr    »E    TERRE. 


\ 


Armée 
de  mer. 


Année 
de  terre. 


'   9"  régiment  d'infanterie  de  marine  3  bataillons 
\  10"  régiment  d'infanterie  de  marine  3  bataillons, 


5  batteries  d'artillerie  de  marine  4  de  mont.,  1  à  pied 
1  compagnie  d'ouvriers.  1  compagnie  de  conducteurs 

!'''■  régiment  étranger  2  bataillons    l 

T  régiment  étranger  2  bataillons; 

Gendarmerie 


l""^  régiment  de  tirailleurs  tonkinois  4  bataillons) 

2"  régiment  de  tirailleurs  tonkinois  4  bataillonsi 

3'"  régiment  de  tirailleurs  tonkinois  4  bataillons  

l'infanterie  de  /  ^^  ''^Sim-  de  tirailleurs  tonkinois  4  bat.  .  Decr.  du  15  déc.1897. 
^      marine.      1  Gardes  indigènes 


(Troupes  indi- 
f  gènes  encadr. 
par  des  offi- 
ciers et  des 
-officiers  de 


■.5< 


Armée 
de  mer. 


Armée 
de  terre. 

Troupes 
indigènes. 


(  11''  régiment  d'infanterie  de  marine  2  bataillons 

2  batteries  d'artillerie 

1  détachement  d'ouvriers 


1  bataillon  du  régiment  étranger  2  compagnies  . . 
1  régiment  de  tirailleurs  annamites  .3  bataillons, . 


Total  de  l'armée  d'occupation 8-730    22.400 


Euro- 
péens 


1.500 

1.500 

930 

400 

1.200 

1.200 

200 


.200 
250 
50 

300 


Indi- 
gènes. 


Efl'eclif. 


4.330  , 


2.600 


6. 930 


/  2(i  \m 


200  , 
200/ 
200  > 
400  i 
000 


20.000  V  20.000 


1.500 i 


1.800 


»    ;    300 

2400'    2.400      2 


400 


4  200 


31  130 


■  I.    .«RHÉE    DE    MER    (  1"    Janvier    f  SOli  ). 


Le  Bayard,  cuirasse  de  croisière  v.mod.  ,  vit.  14 nœuds. 

Le  Descartes,  croiseur  protège,  vitesse,  21  nœuds 

L'Éclaireur,  croiseur  non  protège,  vitesse,  15  nœuds  . . . 

La  Comète,  la  Surprise,  le  Lion,  canonnières  de  haute 
mer,  vitesse,  12, 13, 12  nœuds 

œ        La  Triomphante  garde-côtes; 

|~§\  Le  Styx  garde-côtes    

"  ~  '     L'Aspic  et  la  Vipère 

Flottille  de  torpilleurs 

Les  événements  qui  se  sont  passes  dans  le  Nord  ont  fait  renforcer  notre  division  navale  du  : 


11-^:/ 


Navires           1 

N.\  VIRES 

.^PTKS   .\L' 

COMB.\T. 

NON     APTES       1 

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195 

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» 

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12 

Jean-Bart,  croiseur  protégé,  vitesse,  19  nœuds 

Pascal,  croiseur  protège,  vitesse,  21  nœuds 

Bruix  enroule  

Vauban.  cuirasse  de  croisière,  syant  à  son  bord  le  vice- 
amira!  Bonniniere  de  Beaumout,  qui  va  prendre  le 
commandement  de  notre  escadre 

Le  Duguay  Trouin, 


L'Entrecasteaux, 


doivent  suivre 


Total . 


10  332 
4  3S6 
10 


8     52 


60 


1,  1  bataillon  vient  d'iUre  rappelé  en  Algérie  [Mars  1898). 


147 


TABLEAU     VII. 

La  escadres  européennes  dans  les  mers  de  Chine  (1897). 
^ (Steewkns)  . 


I.  -  ANGLETERRE. 

Station  anglaise  des  mers  de  Chine.. . 
Renforcement  du  mois  de  janvier  1898 

Total 

II.  -  FRANCE. 
Escadre  française  de  l'Extrême-Orient 

Renforcement  du  mois  de  janvier 


III.  -  RUSSIE. 
Escadre  russe  du  Pacifique. 


IV.  -  ALLEMAGNE. 
Division  allemande  de  croiseurs 

Y.  -  EMPIRE  CHINOIS. 

Flotte  (lu  Petchili  escadre  du  Nord; 

»     de  Foutcheou 

»     de  Schanghai 

»     de  Canton 

VI.  -  JAPON. 

Nouvelle  flotte; 

Ancienne  flotte 


NAVinES   APTES   AU    COMBAT. 


Noinbri 

de 
canons. 


38 


122 


16  navires  de  combat  avec  122  pièces  de  gros  calibre. 


Navires 
non  aptes 
au  combat. 


OnSERVATIONS. 


1 

1 

1 

3 

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lu  '/lolte 

4 

20 

» 

2 

» 

2 

12 

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1 

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32 

1) 
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2 

» 

3, 
5 

12 

( 

0 

7  navires  de  combat  avec  60  pièces  de  gros  calibre. 


20     16 


» 

» 

» 

7 

12 

36 
8  navires  de  combat  avec  36  pièces  de  gros  calibre. 


2 

6 

» 

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» 

» 

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» 

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» 

2 

7 

2 

3 

1 

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1 

3 

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1 

1 

4 

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» 

3 

» 

3 

8 

7 

10 

8  navires  de  combat. 


2 

8 

9 

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1 

7 

4 

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2 

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» 

» 

6 

» 

16 

" 

» 

11 

15 

29 

La  valeur  du 
cuirassé  le 
Deutschaudest 
très  probléma- 
tique. 


La  seule  vrai- 
ment moderne 
organisée  par 
Li-Hung-Phang. 


navires  de  combat. 


5 

7 

5 

9 

15 

• 

» 
5 

2 

9 

5 

9 

» 
15 

» 

» 

» 

» 
» 



» 

28  navires  de  combat. 


148  — 


TABLEAU     Vill. 

Tableaux  faisant  connaître  les  points  de  relâche  et  l" importance  des  dépôts  de  charbon  appartenant 

aux  puissances  européennes  ou  indigènes. 

S  1.    —    Dans   les   mers    de   l'Océan   Indien. 


A).    —   GRANDES    PUISSANCES   MARITIMES. 


FRANCE. 


RUSSIE. 


ANGLETERRE. 


P()INT.S 


DE   BEL.\CHE. 


Obock 

IleMayotte 

Nossi-Re 

Diego-Suarez  F . . 

Ste-Marie 

Tamatave 

Majunga 

Reunion  ile  de  la 
Pondichéry 


CALKS 


POINTS 

DE   REL.^CHE. 


9  dépôts  dont 


\  8  de  plus  de  COO  T... 
'   1  de  moins  de  500  T. 


C.VLES 


9  dépôts  de  charbon  avec  1  cale  de  radoub. 
B  ).    _    A  U  T  R  E  S  P  U  I  S  S  A  N  G  E  S. 


PORTUGAL. 


Cfinducia     Mozam- 
bique   


TURQUIE. 


Mascatte 
Rassorab 
Rouchir. 


POIXT.S 


DE   RELACHE. 


AdenF 

Kuratchi  F 

Rombay  F 

Colombo  F 

Port  de  Galles  F. 
Truccomali  F  . .  • 

Negapatam 

Madras 

Calcutta 

Zanzibar 

Port  Natal  F 

Port  Elisabeth... 

Mahe 

Maurice 

Ile  Chagos 


CALES 


2  \. 


14  dépôts  de  charbon  avec  33  cales 
de  réparation. 


i 


NOTA.  —  Les  points  de  relâche  soulignes  sont  ceux  où  des  navires  calant  8  mètres  peuvent  accoster  un  quai. 

La  lettre  F  indique  que  !e  dépôt  est  fortifie. 

La  lettre  D.  indique  que  le  dépôt  de  charbon  est,  en  tout  temps,  supérieur  à  500  T. 

La  lettre  d  que  le  dépôt  est  inférieur  à  500  T. 

La  cale  de  radoub  est  une  sorte  d'écluse  dans  laquelle  pénètre  le  navire  à  reparer.  Les  portes  fermées,  des  pompes 
soutirent  l'eau  laissant  le  navire  reposer  sur  sa  quille. 

La  cale  de  halape  est  un  espace  au  bord  de  la  mer  disposé  en  pente  douce  sur  lequel  on  amène  par  traction  le  navire  à 
reparer.  Seuls  les  bâtiments  d'assez  faible  tonnage  peuvent  être  mis  en  réparation  en  cale  de  halage. 

Le  dock  ou  ca!e  flottante  est  une  espèce  de  ponton  que  l'on  sub;nerge  en  le  chargeant  de  pierres  ou  en  y  faisant  ensuite 
pénétrer  de  l'eau  et  sur  lequel  on  assujettit  le  navire  que  l'on  veut  reparer  :  on  supprime  ensuite  le  poids  dont  on  a  chargé 
le  ponton  ,  celui-ci  émerge  et  le  navire  se  trouve  alors  monte  sur  une  cale  qui  flotte  et  entoure  d'une  grande  plate-forme 
superficielle.  Ce  ne  sont  généralement  que  de  petits  bâtiments  qui  peuvent  être  repares  en  cale  flottante  ;  cependant 
quelques  docks  atteignent  les  dimensions  des  plus  grands  navires. 

1   L'une  des  deux  cales  de  radoub  d'Aden  appartient  à  la  Compagnie  française  des  Messageries  Miritimjs  ;   comme   elle 
serait  impraticable  à  nos  navires  en  temps  Ai  guerre,  on  l'a  comptée  parmi  les  ressources  anglaises. 
;2,  Cette  cale  appartisnt  à  la  Compagnie  des  Messageries  Miritimes  ;  même  observation  que  ci-dessus. 


—  149  — 


2.  —  Dans  la  presqu'île  Indo-CMnoise  et  la  Malaisie. 


FRANCE. 


POINTS 

DE   RELACHK. 


S.iigon  F 

Tmirane.. 

Kiïphong 

'liti — 

iiméa  . 


CALES 


5  dépôts  de  plus  de  500  T. 


RUSSIE. 


POINTS 


DE   REL.^CHE. 


CALES 


5  dépôts  de  charbon  d3  plus  de  500  T.  avec  4  cales  de  réparation. 


ANGLETERRE. 


POINTS 

DE   RRf.ACHE. 


Cliittagong 

Akyab  Birmanie;. . 

Bassein 

Rangoun  

Mauimein  

Iles  Andaman 

Ile  de  Penang 

Singapour 

Tavao  Bornéo 

Sandakan-  Harbour 

Bornéo  

Hudat  

Ile  Labouan 

Sadang  

Savawak  

Samaray  N.-Guin.K 
lleTreasury  archi- 
pel Salomon 

Ile  Fildji 


CALES 


5 

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17  dépôts  de  charbon  avec  8  cales 
de  réparation,  i  Indépendamment  de 
ces  importantes  ressources,  l'Angle- 
terre dispose  encore  d'une  forte  base 
d'opérations  dans  la  possession  de 
l'Australie.  Le  8  3  donne  le  détail  de 
ces  ressources). 


ESPAGNE. 


Manille   i  

Panay  

Cebu 

Basilan 

Yap  (Caroiines; 


I 


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2 

1 

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SIAM. 


ALLEMAGNE. 


HOLLANDE. 


Matapi        archipel 
Bismark 

Baie  Blanche    Nou- 
velle-Irlande — 

Ile  Marschall 

Samoa 


Pontianak  Bornéo 

Baiyermasiin 

Telok-Betong      Su 

matra  

Patembang 

lambi 

Inotragiri 

He'i 

Poste  d'Atchim 

Tapamili 

Padang  

IlsKalmia 

Ile  langka 

Ile  LiHgga 

Ile  Khi)  

Baujuwangi  Java  . 

Sourabaya 

Semaraug 

Batavia 

Tylatiap 

Kema  Celèbes 

Kivauding 

Toutalie  

Makassar 

Le  de  Butan 

Gsroutalo 

Ile  Tesnate 

Ile  d'Ambonie 

l'e  Giss.;r 

Ile  Baba 

IleDobbi 

Ile  TuniorKœpang 

Ile  Srembavi 

Dorei  N.-Gainéa  ... 


(1    Maintenant  iiosscssion  américaine. 


—  ir)0  — 

3.  —  Ressources  dont  peut  encore  disposer  l'A-ngleterre  en  Australie. 


POINTS  DK  RELACHE. 


SITUATION  GÉOGRAPHIQUE. 


Ile  Thursday 

Port  Barwin 

Cooktown 

TownsTille 

Brisbane 

Newcastle 

Sydney 

Port  Kemblo 

Melbourne 

Adélaïde 

King-George's-Sound 

Freemantle 

Launeston' 

Hobart-Town 

Bay  of  Islands 

Waughari 

Auckland 

Wellington 

Nelson 

Ly-Helton:(Port  de  Chrlstchurch). 

Oamaru  (Port  de  Dunedin) 

Otago-Harbour 

Bluff..  

Greymouth  

West-Port 


Détroit  de  Torrès 

Côte  Nord  de  l'Australie 

Côte  Nord-Est 

D» 

Cote  Est 

D"     

D"     

D"      

Côte  Sud '. .• 

D"     

Côte  Sud  (Albany) 

Côte  Ouest 

Tasmanie ,. 

D°        

Nouv.-Ze'ande  (ile'du  N.  côte  N.  E.). 


D" 
D» 
D" 
D" 
D" 
D" 
D" 
D" 
D" 
D( 


d" 

d» 
(ile  du  N.  côte  S.), 
(île  du  S.  côte  N.). 
(ile  du  S.  côte  E.). 

d" 

d" 
(i!e  du  S.  côte  S.), 
(ile  du  S.  côte  0.). 

d' 


CALES 


—         c         y. 


OSBERVATIONS. 


Mines  de  Clarence-Kiver. 


Soit  23  depôls  de  charbon  ciontlSIde  plus  de  £CÛT.  et  5  de  moir  s  de  500  T.  avec  37cal(sdc  radoub  ou  de  halage 

et  5  docks  flottants. 


l 


—  ir.i  — 

§  -4.  —  Dans  les  mers  de  l'Extrême-Orient. 


FRANCE. 


POINTS 

DK  RELACHK. 


Baie     de     Kuang 
Tchéou  


e — 


CALES 


1  seul  dépôt  de  création  récente  non 
encore  organise. 


RUSSIE. 


POINTS 


DE    I<KL,\CHE. 


Vladivostock  F.. 
Petropaulosk  ... 
Dui  (ils  Sakalien) 
Karsakowsk  . . , 
Port-Arthur  F. . . 


3  £- 


CALKS 


5  dépôts  dont  2  de  plus  de  500  T. 


5  dépôts  avec  2  cales  de  radoub. 


ANGLETERRE. 


POINTS 


DE   RELACHE 


Hong-Hong  F . 


Wei-Hai-Wei    (non 
organisé 


(D) 


CALES 


(1) 


c 


1  dépôt  de  plus  de  500  T  avec  8  cales 
de  radoub. 


ALLEMAGNE. 


Kiaou-tcheou    (  non 
organise) 


CHINE. 


Swatow  F 

Amoy  F 

Fou-tcheou  F. 
Ning-Po  F. . . . 
Shanghaï  F . . 
Chiugkiang  F 

Wuhu  F 

Kiukiang  F... 
Han-Keou  F . . 

Ichang  F 

Tche-fou  F . . . . 

TakouF 

Tient-sin  N  — 


JAPON. 


Baie  d'Akiski  (Yeso) 

Endermot 

Hokodate 

Otterranaï 

Yokohama  (Nippon) 

Yokoska 

Tokio 

Osaka 

Kobe  F 

Nagasaki     (  Kiou  - 
Siou) 

Kelung  (Formose). . 

Tamsuy 


—  iry2 


TABLEAU     IX. 
Garnisons  des  points  d'appui  de  la  flotte  anglaise. 


POINTS  D  APPUI. 


Gibraltar. 


Malte. 


Chypre 


Gevlan 


Honçr-Kons' 


Singapour 


Maurice  (île). 


Le  Cap 


.Sainte-Hélène 


Troupes    d"occiip;i- 
lion  d'Ejrj'pte  .  .  . 


.7.1 


a') 


;« 


l'ii 


TROUPES   METROPOLITAINES 


6  12 


12 


1/2 


Cic 


=  I  3 

=     ï 


=  12 


1  12 


1  1  2 


r^.soo 


X.OOO 


500 


300 


.400 


..300 


G^O 


3. 500 


200 


.200 


CORPS  COLONIAUX  ET  INDIGENES 


4  batteries. 


400 


1  section  de  cavalerie.  ] 

2  batteries  d'artillerie.  )    a")0 
1  section  du  génie..  . .  - 

8  comp<'«  d'infanterie.. 

4  batteries  d'artillerie.  ^1-'"»00 

1  section  du  génie. .  . . 


batterie. 


/ 

1  section  du  génie..  . .  \ 

2  batteries 

1  sction  du  erénie. . . , 


200 


2-0 


.800 


9.000 


500 


1.G50 


3.000 


.:m 


1)00 


3.7)00 


200 


Indépendamment  do  ce.s  forces  permanentes ,  des  milices  sont  instituées  dans  chaque  colonie 
pour  sa  défense  propre. 


153  — 


GÉOGRAPHIE  HISTORIODE  &  ETHNOGRAPHIQUE 


VILLAGES  ARABES  EN  FRANCE 

Par  M.  Auguste  DESGAMPS  , 
jNIembre  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 


(1) 


I.  Colonies  arabes  formées  des  débris  de  la  bataille  de 
Poitiers.  —  II.  Colonies  de  Maures  réfugiés  sous  Henri  IV. 


1.  —  Colonies  M'abes  formées  des  débris  de  la  bataille  de  Poitiers  :  i"  Les 
Sarrasins  de  la  Bresse  et  du  Bugey  ;  2°  Les  Bédouins  du  Véron. 

Sarrazins  de  la  Bresse  et  du  Bugey.  —  Un  fait  bien  curieux 
pour  le  visionnaire  de  mœurs,  c'est  l'existence  jusqu'en  cette  fin  de 
siècle  centralisateur  et  niveleur.  dans  la  Bresse  et  le  Bugey,  d'un 
groupe  ethnique  distinct  de  tous  ceux  qui  l'entourent  et  d'origine 
incontestablement  orientale  :  je  veux  parler  des  communes  de  Ser- 
moyer,  d'Arbigny,  de  Boz,  d'Ozan,  d'Asnières,  de  St-Bénigne,  de 
Feillens,  d'Uchiz}'-,  de  Mézeriat,  de  Polliat,  de  Lhuis,  de  Pont  du  Saut, 
de  Senozan. 

Ce  sont  les  débris  des  hordes  barbares  d'Abdérame  taillées  en  pièces 
par  Charles-Martel  à  la  bataille  de  Poitiers  et  qui  se  réfugièrent  dans 
ce  pays  boisé,  marécageux  et  d'accès  difficile.  Comme  toutes  les 
troupes  arabes  étaient  montées,  on  peut  comprendre  que  quelques-unes 
s'aventurèrent  assez  loin  du  champ  de  bataille. 

La  localité  où  le  type   arabe  s'est  le  mieux  conservé,  me  disait 


(1)  Pour  faire  suite  à  :  Un  Village  écossais  en  France  ;  une  Colonie  lilloise  en 
Angleterre  :  un  Village  français  en  Allemagne  ;  un  Village  belge  en  Allemagne  ; 
un  Village  grec  en  France. 


—  154  — 

M.  Lacroix,  le  distingué  Secrétaire  de  la  Société  d'Émulation  du 
département  de  Saône-et-Loire,  c'est  incontestablement  Feillens.  Les 
liabitants  se  marient  entre  eux  et  ils  possèdent  une  race  de  chevaux 
pouvant  rappeler  les  chevaux  arabes.  On  sait  que  les  Sarrazins  trans- 
portaient leurs  femmes  et  leurs  enfants  dans  des  chars  qu'ils  em- 
ployaient à  la  défense  en  cas  d'attaque.  Cet  archéologue  avait  vu  des 
trous  recouverts  de  branches  d"arbres  et  de  terre  sous  lesquels  se 
cachaient  les  fugitifs.  Il  ajoutait  que  d'après  les  anciennes  chroniques 
le  nombre  des  Maures  se  montait  à  400,000,  et  que  ceux  qui  ne  retour-' 
nèrent  pas  ave&  Abdérame  en  Espagne,  ne  furent  pas  tous  passés  au 
âl  de  répée  parce  que,  quand  on  les  rejoignit  plus  tard  dans  leurs 
retraites  presque  inexpugnables,  beaucoup  d'entre  eux  acceptèrent  le 
baptême.  Il  me  raconta  aussi  qu'Ozan  et  d'autres  villages  arabes  por- 
taient des  croissants  dans  leurs  armes. 

J'avoue  que  le  temps  m'a  manqué  pour  visiter  en  détail  toutes  ces 
curieuses  peuplades  qui  n'ofifrent  de  couleur  locale  que  le  dimanche,  à 
cause  de  l'assemblée  sur  la  place  publique. 

Je  puis  seulement  vous  dire  qu'à  Renonce,  Seillonas  et  Ordonnas 
existent  des  noms  de  famille  d'un  aspect  franchement  sarrasin,  tels 
que  Alamercv,  Cafond  ou  KafFon,  Cisa,  Buiroz,  Babolah,  Salladin, 
Roum,  Tabardet,  Mochi,  Galafron. 

Beaucoup  de  familles  font  la  joie  des  anthropologistespar  leur  figure 
maigre  et  basanée,  leur  nez  aquilin,  leurs  cheveux  crépus,  leurs  yeux 
noirs,  hardis  et  pénétrants,  tout  en  portant  un  nom  français.  Je  citerai 
par  exemple  les  Froquet  à  Beuonce. 

«  Nous  possédons  à  Benonce,  des  souvenirs  sarrasins,  me  disait  le 
curé  de  la  localité,  M.  l'abbé  Berger  :  le  Pont  (VAladin,  la  Maison 
des  Sarrasins,  le  Jardin  des  Sarrasins,  la  Grotte  des  Sarrasins  et  la 
Grotte  de  Roland,  le  héros  de  Roncevaux,  qui  fit  sentir  la  puissance 
de  son  bras  aux  Musulmans  dans  la  Bresse  et  le  Bugey.  Dans  la  grotte 
de  Roland,  on  a  découvert  le  cor  de  Roland  qui  est  d'une  grande 
richesse  artistique  et  qui  a  été  transporté  après  la  Révolution  du  musée 
de  Bourg  au  musée  de  Gluny. 

Autre  tradition  :  Les  Sarrasins  ont  enfoui  aux  pieds  des  rochers, 
vers  les  grottes  où  ils  se  retiraient  dans  la  saison  rigoureuse,  des 
trésors  considérables.  On  parle  souvent  de  faire  des  fouilles  ;  mais  les 
spéculateurs  les  remettent  d'année  en  année,  à  cause  des  déboursés 
considérables  qu'elles  exigent.  » 

Non  pas  seulemeut  à  Benonce,  mais  partout  dans  le  Bugey  et  la 


Bresse,  les  vestiges  du  passage  des  Sarrasins  sont  précis  et  nombreux. 
Tout  au  bord  de  la  Saône,  à  Montnierle.  une  colline  porte  le  nom  de 
Côte  des  SaD-asins ;  à  Crottet,  une  chaussée  celui  d'Élourne  des 
Sarrasins.  Près  d'Ambrona}^  sont  des  restes  d'ouvrages  militaires 
nommés  Foi'ts  sarrasins;  près  de  Lent,  une  éminence  du  même  genre 
s'appelle  le  Sarrasinet.  Dans  la  combe  de  l'Albarine,  existent  près  de 
Tenaj,  aux  flancs  des  rochers,  deux  bizarres  constructions  nommées 
Forts  sarrasins.  Une  construction  semblable  existe  à  Serrières  de 
Briord,  ainsi  qu'une  grotte  appelée  Chambre  des  Sarrasins.  Citons 
encore  la  Porte  des  Sarrasins  à  Gcx. 

Les  deux  colonies  arabes  le  plus  connues  sont  Boz  et  Uchizy.  Ou 
appelle  les  liabitants  de  Boz,  Burhins  et  ceux  d'Uchizy,  Chizerots. 
Certains  savants  de  province  ont  vu  dans  l'appellation  de  Burhins  le 
nom  de  Bouryn  ou  Berryn,  les  continentaux,  les  liabitants  de  la  terre 
ferme  ;  dans  celle  de  Chizerots, .  le  radical  Dchirat,  l'île.  Les  Burhins 
ou  continentaux  seraient  des  Marocains  venus  par  l'Espagne.  Les 
Chizerots  ou  insulaires  seraient  des  pirates  débarqués  en  Provence  qui 
auraient  rejoint  en  France  leurs  congénères  d'Espagne.  Bappelons 
pour  la  clarté  du  récit  que  les  Arabes  avaient  fondé  en  Provence  des 
établissements  formidables  qu'on  appeUe  encore  de  leur  nom,  Massif 
des  Maures. 

M.  le  curé  de  Boz  ne  me  celait  pas  que  le  Boz  d'aujourd'hui  n'est 
plus  le  Boz  d'autrefois,  en  raison  d'une  immigration  et  d'une  émigration 
constantes. 

«  La  population,  quoique  rappelant  le  faciès  arabe,  offre  parfois  les 
caractères  de  la  race  burgonde.  Les  types  ne  sont  pas  fixes.  Ce  ne 
sont  que  des  phénomènes  d'atavisme.  On  voit  des  hommes  d'origine 
arabe  d'un  blond  très  clair  et  des  femmes  d'origine  française  qui  offrent 
l'apparence  des  Mauresques.  Parfois  même  il  n'y  a  que  quelques 
caractères  de  race  qui  persistent,  tels  que  la  coloration  cuivrée  de  la 
peau  et  la  forme  sémitique  du  nez.  11  n'y  a  plus  de  groupe  distinct.  La 
fusion  s'est  faite.  » 

Dans  un  court  séjour  que  je  fis  à  Uchizy,  je  descendis  à  la  meilleure 
auberge.  L'aubergiste  et  ses  enfants  étaient  possesseurs  d'une  toison 
sauvage  du  noir  le  plus  sombre.  Leurs  yeux  me  rappelaient  les  char- 
bons étincelants  qui  se  meuvent  au  milieu  du  masque  pétrifié  du  visage 
algérien.  C'était  la  même  teinte  cuivrée  uniforme  du  visage,  la  même 
correction  extraordinaire  des  lignes  faisant  ressortir  le  caractère  d'au- 
dace et  de  sauvagerie  natives,  la  même  bouche  d'un  rouge  de  sang. 


—  156  — 

Pur  atavisme  physique,  c'étaient  de  très  bonnes  gens,  mais  je  voyais  tout 
cela  par  les  yeux  d'un  peintre  de  Paris  à  qui  ils  servaient  de  modèles, 
en  raison  de  leur  type  sémitique,  pour  des  études  bibliques.  Yoilà  pour 
le  phj'Sique  ;  quant  au  moral,  ces  personnes  rappelaient  l'Arabe  dans 
la  sévérité  et  le  sérieux  du  maintien. 

Je  fus  à  Ucliizy  le  dimanche,  et  l'auberge  se  trouvait  pleine  de 
convives  attablés.  Quoique  la  patronne  m'assurât  qu'il  y  avait  à  Uchizy 
quatre  familles  anciennes  dominantes,  les  habitués  ne  laissaient  pas 
de  former  une  foule  bigarrée.  J'avoue  que  j'ai,  à  mon  grand  regret, 
oublié  le  nom  de  ces  quatre  familles  dominantes,  dont  les  noms  de 
provenance  arabe  étaient  probablement  francisés.  Je  ne  fus  pas  sans 
remarquer  quelques  physionomies  franchement  sarrasines,  très  vives 
et  très  alertes ,  mais  au  milieu  d'échantillons  bressans  à  la  lenteur 
proverbiale,  aux  cheveux  blonds,  aux  yeux  calmes  des  plus  caracté- 
ristiques. Je  notai  aussi  l'altération  du  type  dans  des  personnes 
blondes  aux  yeux  très  vifs  et  très  noirs,  indice  de  la  fusion  de  deux 
races  autrefois  irréconciliables.  Et  pourtant  j'avais  lu  dans  un  mémoire 
de  M.  Riboud,  présenté  sous  la  Restauration  à  la  Société  royale  des 
Antiquaires,  que  les  Chizerots  —  c'est  ainsi  qu'on  appelle  les  habitants 
d'Uchizy  —  se  mariaient  toujours  entre  eux  ;  mais  autres  temps,  autres 
mœurs,  le  chemin  de  l'explorateur  est  souvent  pavé  de  déceptions. 

Je  pris  un  verre  avec  le  Nestor  de  la  localité  ;  mais  je  n'en  pris  pas 
deux,  quoique  nous  fussions  à  la  lisièreVle  la  Bourgogne.  Il  me  déclara 
que  ses  congénères  avaient,  comme  les  Arabes,  l'horreur  des  boissons 
plus  ou  moins  alcoolisées.  Quoiqu'il  fiit  absolument  illettré,  il  connais- 
sait, comme  tous  les  Chizerots,  la  tradition  de  Charles-Martel,  qui  est 
constante  et  générale  à  Uchizy.  De  la  brochure  de  Charles  Riboud,  il 
se  rappelait  seulement  l'exclamation  Allah,  le  massage  pour  toute 
thérapeutique.  11  avait  dansé  dans  sa  jeunesse  la  Farandole  et  la  Pyr- 
i-hique;  il  avait  mangé  du  pïYc  de  millet  analogue  au  pilau  arabe.  11 
avait  connu  une  époque  où  le  mais,  le  millet  et  le  blé  sarrazin  étaient 
toute  la  culture  du  pays  et  où  tout  le  inonde  était  pasteur  ou  bouvier. 

C'était  tout.  Je  remarquai  toutefois  que  les  toits  étaient  presque 
plats  comme  en  Afrique  et,  avec  l'œil  du  poète  ou  de  l'archéologue, 
j'aurais  pu  trouver  quelques  minarets.  Ce  bon  vieillard  fut  fort  étonné 
des  termes  arabes  que  je  lui  signalais  —  toujours  d'après  le  mémoire 
de  Riboud  —  comme  formant  le  dictionnaire  et  le  vocabulaire  chize- 
rots sous  le  règne  de  Napoléon  V\  et  qui  tirent  la  joie  d'un  mamelouk 


-  157  - 

(le  passage  chez  ses  frères  séparés  et  retrouvés.  Quoiqu'ils  soient 
tombés  en  désuétude  et  que  l'actualité  soit  le  fil  conducteur  du  publi- 
ciste,  permettez-moi  de  vous  en  citer  quelques  échantillons,  pour 
soutenir  ma  thèse  qu'Uchizy  est  un  village  d'origine  arabe  :  on 
employait  autrefois  par  exemple  le  mot  masquet  pour  enfant  faible, 
de  l'arabe  maschet;  malais,  seigneur,  de  l'arabe  mulri/,  prince  (Muley 
Hassan,  par  exemple)  ;  de  f'atinie,  laide  :  le  contraire  de  Fatime,  fille 
de  Mahomet,  dont  la  beauté  était  célèbre  chez  les  croyants  ;  Gazetta, 
jeune  fille.  Le  terme  gazelle  est  essentiellement  arabe,  il  se  rapproche 
singulièrement  de  Gft^^'^to,  et  l'on  n'ignore  pas  que  les  poètes  orien- 
taux abusent  de  la  comparaison  de  la  jeune  fille  avec  la  gazelle. 

Mais  il  no  s'agit  point  ici  de  lexique  et  de  grammaire  ;  ce  qui  importe, 
c'est  que  l'invasion  arabe  ait  laissé  dans  nos  plaines  de  la  Bresse  et 
dans  les  gorges  du  Bugey  des  traces  profondes,  que  dix  siècles  de 
centralisation  et  de  nivellement  n'ont  pu  efi'acer. 

Permettez-moi  maintenant  un  rapprochement.  Je  lisais  l'autre  jour 
un  livre  très  intéressant  et  très  substantiel  sur  l'Algérie.  L'auteur, 
M.  Paul  Bourde,  y  décrit  ainsi  les  Kabyles  : 

«  Moi  qui  connais  bien  les  robustes  paysans  de  l'Ain,  je  suis  vive- 
ment frappé  de  voir  combien  ces  gens  leur  ressemblent.  11  me  semble 
retrouver  sur  leur  visage  la  marque  des  mêmes  habitudes  d'esprit,  des 
mêmes  passions,  des  mêmes  qualités.  » 

Lamartine,  au  retour  de  son  voyage  en  Orient,  a  fait  en  d'autres 
termes  la  même  remarque  : 

«  Si,  comme  moi,  écrit-il,  vous  avez  chevauché  dans  les  déserts  et 
dans  les  vallées  des  deux  Arabies,  vous  reconnaîtrez  bien  vite  que  les 
Arabes  ont  colonisé  la  Bresse  et  ont  imposé  au  plus  beau  fleuve  du 
pays  ce  nom  arabe  et  générique  d'Ain  (l'eau  par  excellence),  dont,  en 
perdant  l'accent  Ain,  nos  pères,  moins  euphoniques  que  les  Arabes, 
ont  fait  Ain. 


BÉDOUINS  DU  VÈRON.  —  Si,  d'après  Lamartine,  certaines  tribus 
poursuivies  par  l'épée  de  Charles  Martel  ont  salué  les  flots  de  l'Ain 
d'un  cri  de  joie  en  y  voyant  une  barrière  infranchissable  pour  leurs 
ennemis,  la  tradition  veut  qu'en  ïouraine,  après  la  bataille  de  Poitiers, 
un  certain  nombre  de  fuyards  sarrasins  aient  suivi  la  Vienne  jusqu'à 

11 


—  158  — 

l'endroit  où  ce  fleuve  se  jette  dans  la  Loire,  et  qu'ils  se  soient  arrêtés 
au  confluent  des  deux  fleuves. 

Leurs  descendants  forment  à  Avoine,  à  Beaumont,  à  Savigny  surtout, 
dans  la  presqu'île  du  A'éron,  une  population  à  part  qui  vit  en  élal 
d'hostilité  avec  les  habitants  des  comuiunes  environnantes  et  qu'on 
surnomme  je  ne  sais  pourquoi  «  les  Mayoulais  ».  Ils  se  désignent  eux- 
mêmes  sous  le  nom  de  Bédouins  du  Vèroii  ou  de  Bédouins  de 
Saviyu;/. 

Ces  rjrfiïids,  dinljlcs,  comme  on  les  appelle  encore,  sont  vifs,  intelli- 
gents, soupçonneux,  maigres,  doués  d'une  grande  force  musculaire  et 
parlent  avec  précipitation.  Leurs  yeux  noirs  et  profonds  flambent  sous 
un  front  carré.  Leur  teint  est  basané  et  le  nez  arqué.  Les  dents  sont 
blanches  et  les  lèvres  minces. 

Un  rien  excite  ces  tempéraments  qui  n'endurent  qu'une  chose,  la 
fatigue.  Leur  penchant  vers  la  rapacité  confine  à  la  filouterie. 

Les  pratiques  de  la  sorcellerie  sont  mêlées  chez  eux  à  une  fui  aveugle 
qu'ils  portent  aisément  jusqu'au  fanatisme. 

Je  dois  tous  ces  détails  anthropologiques  et  ethniques  sur  les 
Bédouins  de  Savigny,  à  la  courtoisie  si  gracieuse  de  M.  Auguste  Ghau- 
vigné.  le  Secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Tours.  Je  ne  saurai 
mieux  faire  que  de  vous  renvoyer  à  l'étude  attachante  et  définitive  que 
ce  savant  géographe  a  publiée  sur  le  Pays  de  Véron  (à  Paris,  chez 
Leroux,  1891). 


//.  —  ('olonin^  ib:  Morisqi'.es  ch-asseos  jiùr  Pliilippe  III  d' Espar/ne  et  recueillies 
Cil  France  par  Henri  IV:  Sauce,   Vendays,  Motitnlauri/,  Herment. 

Le  seul  journal  qui  [)arut  en  France  eu  1610,  le  Mercure  Fj-unçois, 
rapporte  que  les  Maures  d'Espagne  émigrèrent  cette  année-là  en  grand 
nombre  dahs  le  Midi  de  la  France.  Ils  étaient  tous  parqués  au  Nord  de 
l'Espagne,  dans  le  royaume  de  Valence.  Le  roi  d'Espagne  Philippe  III 
ne  voulait  plus  les  y  tolérer,  trouvant  que  leurs  relations  avec 
l'Empire  ottoman,  alors  formidable,  pouvaient  mettre  ses  Etats  en 
danger  de  disparaître.  Les  Musulmans  d'Espagne  furent  en  consé- 
quence obligés  de  renoncer  à  une  patrie  où  leurs  pères  étaient  fixés 
depuis  sept  siècles.  Ils  franchirent  les  Pyrénées  au  nombre  d'un 
million  et  entrèrent  en  France.  Le  gouvernement  d'Henri  IV  permit 
scnleiiiriit  de  traverser  le  royaume  et  de  se  rendre  eu  Afrique  par  mer 


—  ir)9  — 

à  ceux  qui  ne  voulurent  pas  recevoir  le  baptême.  Ceux  qui  consen- 
tirent à  embrasser  le  christianisme  se  fondirent  dans  la  masse  delà 
population  française,  ou  constituèrent  quelques  îlots  ethniques  arabes 
que  la  mer  de  France  n'a  pas  absolument  submergés  encore  aujour- 
d'hui. 

Ainsi  par  exemple,  les  habitants  de  Sauve  (Gard),  petite  ville  située 
au  pied  des  Basses-Pj'rénées,  forment,  d'après  les  savants  locaux,  une 
peuplade  distincte,  remarquable  par  sa  courte  stature,  son  visage 
rétréci  et  aplati  latéralement,  ses  yeux  petits,  ses  cheveux  très  noirs, 
son  air  sévère  et  mélancolique.  Leur  accent  les  fait  distinguer  des 
villages  voisins.  Le  journal  Y  Intermédiaire  des  Chercheurs  et  Curieux 
du  20  Octobre  1895  faisait  remarquer  dans  un  entrefilet  signé  Osiris 
que  Florian,  né  à  Sauve,  y  avait  probablement  puisé  son  goût  pour 
l'Espagne  qui  est  corroboré  d'un  mérite  réel  dans  Gonsalce  de  Cor- 
doue  et  dans  le  Précis  historique  sur  les  Maures. 

Si  l'on  en  croit  aussi  les  traditions  locales,  la  région  des  Landes  du 
Médoc  qui  avoisine  les  étangs  aurait  également  servi  de  refuge  aux 
Maures  chassés  d'Espagne. 

Le  village  de  Vendays,  situé  au  milieu  des  marais,  non  loin  de 
l'extrémité  septentrionale  du  Médoc,  aurait  été  fondé  par  les  fugitifs. 
De  nos  jours  encore,  les  habitants  de  Yendays  se  distinguent,  selon 
beaucoup  d'anthropologistes,  des  autres  Landais,  par  des  traits  plus 
accusés  rappelant  une  origine  orientale,  et  la  beauté  de  leurs  femmes 
est  passée  en  proverbe. 

Les  chevaux  de  Vendays  et  des  villages  voisins  sont  considérés, 
d'après  Elisée  Reclus,  sur  le  témoignage  duquel  j'appuie  les  observa- 
tions anthropologiques  qui  précèdent ,  comme  les  descendants  de 
chevaux  arabes  amenés  dans  le  pays  par  les  Maures.  Vaincue  sous 
l'influence  du  climat,  de  la  nourriture  et  des  croisements,  la  race  s'est 
peu  à  peu  modifiée  ;  mais  elle  garde  encore  quelque  chose  du  type 
originel. 

Mais  je  reviens  à  la  plus  belle  conquête  que  le  cheval  ait  faite,  je 
veux  dire  l'homme. 

Le  sang  africain  est  aussi  largement  infusé  dans  le  département  de 
la  Charente-Inférieure,  au  Sud-Ouest  de  Barbézieux,  dans  le  canton 
de  Baignes.  Selon  ]M.  Francisque  Michel  [Races  maudites,  tome  II, 
p.  318),  il  se  trouvait  encore  vers  1850  une  foule  d'individus  présen- 
tant tous  les  caractères  extérieurs  des  Morisques  ou  des  Berbères , 
frayant  peu  avec  leurs  voisins  et  exerçant  les  fonctions  de  potiers.  Ils 


—  100  — 

avaient  une  grande  réputation  de  sorcellerie,  et  raîné  dans  chaque 
famille  recevait  les  dépôts  des  secrets  magiques.  Mais  le  Président  de 
la  Société  savante  de  la  Cliarente  ne  me  celait  pas  que  ces  traces 
ethniques  des  Maures  disparaissaient  de  jour  en  jour  avec  l'influence 
des  chemins  de  fer  et  du  service  militaire  et  je  crois  que  les  Orienta- 
listes ne  trouveront  plus  au  XX®  siècle  d'ample  moisson  sarrasine  que 
dans  la  presqu'île  d'Arvert  (Charente).  Je  donnerai  des  détails  sur  ce 
pays  dans  mon  ouvrage  prochain  sur  les  Races  curieuses  de  la  France, 
parce  que  je  n'ai  pu  le  parcourir  cette  fois-ci. 

Dans  plusieurs  villages  de  la  Creuse  on  trouve  un  grand  nombre 
d'individus  qui  paraissent  appartenir  à  la  race  mauresque.  Ils  pré- 
sentent en  effet  la  plupart  des  caractères  propres  aux  hommes  de  cette 
race  :  taille  élancée,  formes  grêles,  peau  cuivrée  des  habitants  du  Nord 
de  l'Afrique ,  tempérament  nerveux  et  susceptible ,  croyance  à  la 
sorcellerie. 

Los  noms  de  famille  ne  laissent  pas  d'être  significatifs  ;  ce  sont  : 
Lenoir,  Noiraud,  Brun,  Lebrun,  Moreau,  Turquet,  etc.  Enfin,  les 
localités  qu'ils  habitent  sont  situées  autour  du  village  de  Montmaury, 
qui  signifie  montagne  des  Maures. 

Montmaury  fait  partie  du  canton  dePontarion  et  de  Tarrondissement 
de  Bourganeuf. 

Les  anthropologistes  ont  aussi  signalé  comme  devant  être  rapportés 
aux  races  berbère  et  arabe  certains  habitants  du  canton  d'Herment 
(Puy-de-Dôme)  aux  cheveux  noirs,  aux  yeux  bruns,  au  nez  mince  et 
aquilin,  ainsi  qu'au  teint  chaud. 

Le  système  pileux  est  entièrement  développé  chez  certaines  femmes. 
Elles  se  rasent  plusieurs  fois  par  semaine  favoris  et  moustaches.  Les 
moustaches  se  montrent  vers  12  ou  14  ans.  Les  Auvergnats  les  aiment 
et  estiment  ainsi,  c'est  ce  qui  explique  comment  les  Hermentoises  ont 
pu  se  reproduire  en  exagérant  de  génération  en  génération  ce 
caractère  (1). 

Examinons  maintenant,  pour  terminer  notre  essai,  les  traces  géné- 
rales laissées  en  France  par  les  incursions  des  Sarrasins  d'Espagne  et 
par  l'expulsion  des  Maures  de  cette  péninsule. 


(1)  Joseph  BoYER.  Elude  sur  le  canton  d'Herment. 


.—  161  — 

Leur  passage  enrichit  le  dictionnaire  de  îa  langue  française  et  la 
voix  populaire  leur  attribue  divers  bienfaits. 

Les  mots  algèbre  al  djhara,  réduire,  chiffre  cifr,  zénith,  nadir, 
alcali,  alcool,  almanach  ont  un  pedigree  arabe  que  partagent  égale- 
ment quelques  termes  usités,  soit  dans  la  marine,  comme  amiral,  émir 
al  buhr,  commandant  de  la  mer,  felouque,  faluka,  navire  ;  soit  dans 
la  langue  usuelle,  comme  magasin,  iiiakhazin,  dépôt  de  marchandises 
en  arabe,  carafe,  al  gara  fa,  sorbet,  cherbet,  alezan,  al  hazan,  le 
beau  ou  plutôt  al  athan,  la  firmée,  algarade,  al  garaza,  cri  de  guerre 
des  Maures,  caffard,  lioujjia;  infidèle,  hypocrite,  etc.,  etc.  Ampère, 
dans  V Histoire  de  la  formation  de  la  langue  française ,  et  Littré, 
<Ians  son  Dictiomiaire  de  la  langue  française,  ont  cité  une  foule 
d'autres  termes  d'origine  africaine. 

Les  bienfaits  que  la  voix  populaire  attribue  aux  immigrants  arabes 
sont  l'importation  de  procédés  d'irrigation,  du  blé  sarrasin  et  de  l'esti- 
vation  des  troupeaux  du  Midi.  On  leur  devrait  plusieurs  races  de 
chevaux,  ceux  du  Limousin,  de  la  Camargue,  d'Hvères,  des  Dombes 
et  l'art  d'élever  les  mulets  du  Poitou. 

Nos  paysans  leur  devraient  l'emploi  de  la  fiente  desséchée  comme 
combustible.  Les  Arabes  fondèrent  l'industrie  des  tapis  d'Aubusson. 
Le  massage  constitue  encore  toute  la  thérapeutique  de  quelques  bour- 
gades reculées.  L'école  de  Médecine  de  Montpellier,  jadis  la  plus 
célèbre  et  en  tout  cas  la  plus  ancienne  de  l'Europe,  doit  sa  fondation 
à  des  médecins  arabes,  chassés  d'Espagne  et  accueillis  par  les  comtes 
de  Montpellier.  On  se  rappelle  l'influence  qu'exercèrent  sur  la  culture 
intellectuelle  de  l'Europe  les  Universités  arabes  :  Abeilard  et  le  savant 
pape  Gerbert  se  pressèrent  sur  les  bancs  de  Cordoue  avec  une  foule 
d'Occidentaux  pour  étudier  non  seulement  la  médecine,  mais  aussi  la 
philosophie  d'Aristote,  les  mathématiques  et  surtout  l'astronomie.  J'ai 
cru  inutile  de  rappeler  l'invention  des  chiffres  arabes. 

Pour  les  raisons  exposées  dans  ce  tableau,  quelques  historiens 
regrettent  le  carnage  effroyable  que  fît  l'Allemand  Karl  Martel  des 
Sarrasins  à  Poitiers  pour  sauver  les  peuples  chrétiens  de  l'invasion 
ottomane,  et  y  voient  le  triomphe  de  la  barbariiî  tudesque  sur  une 
civilisation  particulière  mais  très  avancée  dont  les  ponts,  les  aqueducs 
et  les  canaux  de  l'Espagne  offrent  des  échantillons  remarquables.  Mais 
ce  Bulletin  n'étant  pas  une  revue  critique,  je  me  contenterai  de  dire 
comme  les  Andalous  à  figure  mauresque  :  Quien  sabe  ? 


—  162  — 


LES  VILLES  ANGLAISES  DE  L'HIMALAYA 

Par  M.  Eugène  GALLOIS, 
Membre   des   Sociétés   de   Géographie   de   Paris   et   de   Lille. 


(SEJOUR  HIVER  ^1896-97). 


Quelques  mots  sur  les  Stations  sanitaires  de  montagne. 
Installations  anglaises  aux  Indes. 


Les  Indes,  cet  immense  Empire,  qu'il  nous  a  été  donné  de  parcourir  en  tous 
sens  pendant  plusieurs  mois,  offrent  les  plus  grands  contrastes  au  point  de  vue 
climatologique,  suivant  la  latitude,  Taltitude  et  des  conditions  diverses.  Si  dans  le 
Sud  de  la  péninsule  règne  toujours  la  température  tropicale,  qui  varie  relativement 
peu  d'une  saison  à  l'autre,  par  contre,  sur  les  plateaux  on  trouve,  à  certaines 
époques,  une  température  plus  modérée,  et  dans  les  régions  du  Nord  existe  un 
véritable  hiver. 

Dans  les  montagnes,  la  température  s'abaisse  au  fur  et  à  mesure  que  l'on  monte, 
mais  dans  des  proportions  autres  que  sous  nos  climats.  C'est  ainsi  que  les  Anglais 
comprenant  les  avantages  qu'ils  pouvaient  tirer  pratiquement  de  ces  conditions 
spéciales,  ont  créé  des  stations  sanitaires,  des  sanatoria.  Ils  ont  mis  à  profit  les 
chaînes  ou  massifs  montagneux  que  la  nature  avait  semés  sur  leur  vaste  domain© 
colonial.  Dans  l'île  de  Geylan,  par  exemple,  ils  ont  utilisé  la  situation  de  la  vieille 
ville  de  Kandy  et  créé  des  postes,   sortes  de  villes  d'eaux,   comme  Nuara-Elyia, 

Bandaravella,  Haputale ,  où  fonctionnaires,  militaires  et  civils,  peuvent  aller 

se  reposer  des  chaleurs  humides  du  littoral  et  goûter  une  bienfaisante  fraîcheur  à 
des  altitudes  dépassant  même  2.000  mètres. 

Il  en  est  de  même  pour  le  Sud  de  la  presqu'île  de  l'Hindoustan,  oii  s'élève  le 
massif  montagneux  des  Nilgherries,  d'une  altitude  moyenne  d'environ  2.000  mètres, 
et  qui  renferme  des  sanatoria  comme  MetapoUium,  Coonoor  et  Ootacamund.  Ces 
centres  avec  leurs  hôtels  et  leurs  chalets  disséminés  dans  la  campagne  évoquent  le 
souvenir  de  l'Europe  lointaine.  La  verdure  qui  n'a  plus  rien  d'exotique  ajoute  à 
l'illusion.  Les  sites  sont  généralement  jolis  et  agrémentés  par  le  voisinage  de  lacs 
gracieux  ;  enfin  les  environs  présentent  d'agréables  promenades  et  excursions. 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  ces  stations  sanitaires,  nous  ne  saurions  passer  sous 
silence  celles  de  Lonauli,  Khandala,  et  leurs  voisines,  situées  sur  la  chaîne  des 
Chattes,  et  qui  reçoivent  la  visite  annuelle  dos  hal)itants  de  Bombay.  Le  Mont- 
Abou,  plus  au  Nord,  est  également  très  fréquenté;  c'est  une  montagne  isolée, 
placée  en  avant  de  la  chaîne  de  l'Aravalli.  Cette  station  fort  pittoresque,  célèbre 
également  par  de  merveilleux  temples,  véritables  bijoux  sculptés  en  marbre  blanc. 


-  163  -. 

présente  une  particularité  :  son  paysage  est  africain  ;  et  ce  n"est  pas  sans  une  vivo 
surprise  que  nous  avons  retrouvé  ces  palmiers  aux  troncs  noueux,  ces  figuiers  de 
Barbarie  et  autres  plantes  qui  nous  rappelaient  la  belle  Algérie.  Le  climat  des 
Indes,  du  Sud  surfout,  est  trop  chaud  ou  plutôt  trop  humide  pour  ces  ornements 
du  désert.  Enfin,  dans  l'Himalaya,  les  Anglais  ne  pouvaient  manquer  de  trouver 
des  endroits  ou  s'installer  et  c'est  ainsi  qu'ils  ont  édifié  de  véritables  villes,  comme 
Landour,  Mussooree  ou  Mussourie,  et  surtout  Simla,  la  capitale  estivale  de  l'Em- 
pire indien,  situées  au  Nord  de  la  grande  chaîne,  proches  du  Cachemire,  tandis 
qu'au  Sud,  entre  les  États  indépendants  du  Bhoutan  et  du  Népaul,  sur  le  petit 
territoire  du  Sikkim ,  ils  ont  créé  Darjeeling,  aux  portes  mêmes  du  mystérieux 
Thibet,  mais  plus  à  proximité  de  Calcutta. 

Nous  ne  parlerons  pas  du  côté  pratique  de  ces  installations,  réputées  pour  leur 
salubrité  oii  les  débilités,  les  anémiés,  viennent  se  refaire,  prendre  dçs  forces  nou- 
A'elles  pour  affronter  les  chaleurs  et  les  fièvres,  mais  nous  devons  constater  les 
bons  effets  de  cette  institution  pratique  qui  permet  aux  Européens,  résidant  dans 
ces  contrées,  de  garder,  après  de  longues  années  de  séjour  dans  l'Inde,  leur  vi"-ueur 
musculaire,  leur  énergie  physique  et  jusqu'aux  couleurs  de  la  santj.  C'est  o-ràce  à 
cette  organisation  que  le  gouvernement  des  Indes  anglaises  n'exige  pas  comme 
notre  Cochinchine,  un  double  jeu  de  fonctionnaires  (la  moitié  se  trouvant  "-énéra- 
lement  en  congé),  et  que  le  pays  profite  dans  toute  la  mesure  possible  de  l'expé- 
rience acquise  par  ses  agents,  de  même  que  par  les  commerçants,  les  banquiers 
et  les  hommes  d'affaire.  Ces  établissements  sanitaires  sont  encore  une  cause  très 
efficace  de  moralisation,  en  permettant  à  tous  les  Européens  de  la  colonie  d'y  mener 
une  vie  de  famille  comme  en  Europe  et  de  s'entourer  de  leur  femme  et  de  leurs 
enfants,  qu'on  hésite,  et  à  juste  raison,  à  exposer  aux  dangers  du  climat,  commo 
dans  nos  possessions  d'Indo-Chine.  On  a  déjà  beaucoup  écrit  à  ce  sujet  et  nous 
l'avons  fait  nous-mème  ;  la  question  est  en  effet  fort  intéressante  pour  notre  grande 
colonie  asiatique,  qui  semble  pleine  de  belles  promesses  dans  un  avenir  prochain. 
Mais  ces  stations  sanitaires  n'existent  malheureusement  pas  et  c'est  jusqu'au  Japon 
ou  à  l'île  hollandaise  de  .Java  que  l'on  envoie  les  malades.  11  faudrait  songer  à 
créer  des  établissements  dans  les  montagnes  de  l'Annam,  par  exemple,  ou  sur 
certains  points  des  montagnes  du  Tonkin.  Ce  dernier  pays  en  eflet  présente  dans 
quelques  régions  des  différences  de  température  dont  l'effet  est  efficace  sur  les  tem- 
péraments européens. 

Nous  n'insisterons  pas,  mais  souhaitons  que  la  question  soit  étudiée  avec  soin  et 
réglée  au  mieux  des  intérêts  français. 

Ce  qui  nous  occupe  en  ce  moment  ce  sont  ces  postes,  ces  stations  sanitaires, 
créés  par  les  Anglais  dans  l'Himalaya  et  devenus  de  véritables  villes  dans  certains 
cas.  Mais  auparavant,  nous  nous  permettrons  deux  mots  sur  l'Himalaya,  cette 
chaîne  de  jnontagnes  gigantesques  dont  aucune  de  celles  de  l'Europe  ne  saurait 
approcher.  Quelques  chiffres  en  diront  du  reste  assez  :  elle  s'étend  sur  une  lon- 
gueur de  plus  de  3.000  kilomètres  et  sur  une  largeur  de  plus  de  800  kilomètres, 
autrement  dit  la  colossale  chaîne  asiatique  avec  ses  ramifications  couvre  une 
surface  de  plus  de  2.500.000  kil.  carrés,  c'est-à-dire  un  territoire  représentant 
l'Angleterre,  l'Allemagne,  l'Autriche,  la  France,  l'Espagne  et  la  Turquie  réunies. 
Les  montagnes  d'Europe  n'ont  jamais  constitué  des  obstacles  infranchissables 
comme  l'Himalaya,  oii  les  cols  sont  à  des  altitudes  dépassant  les  plus  hauts 
sommets  européens. 

A  diverses  reprises  des  audacieux  se  sont  risqués  dans  ces  immensités  de  nei-^e 
et  de  glace,  comme  les  célèbres  frères  Schlagintweith  et  des  ascensionnistes  émé- 
rites  de  «  l'Alpin  Club  »  de  Londres,   certains    ont   même    atteint   des   altitudes 


—  164  — 

proches  de  7.000  mètres,  mais  il  n'est  pas  besoin  de  dire  au  prix  de  quels  pénibles 
efforts,  sans  parler  des  sommes  relativement  considérables  qui  ont  dû  être  dépensées 
pour  ces  périlleuses  excursions  (on  pourrait  même  dire  expéditions),  oii  il  faut  tout 
organiser  pour  de  longues  semaines  et  même  des  mois  entiers  ;  c'est  que  nous  ne 
sommes  plus  en  Suisse  oii  l'on  trouve  des  hôtels  confortables  à  proximité  des  plus 
grandes  et  difficiles  ascensions  et  des  guides  sûrs  et  éprouvés.  Là,  au  contraire, 
tout  est  imprévu,  surprise  ;  il  faut  tout  prévoir  et  la  lutte  contre  la  nature  et  les 
éléments  ne  saurait  être  plus  âpre  nulle  part  au  monde. 

Avec  son  gigantesque  développement  l'Himalaya,  qui  en  langue  hindoue  signifie  : 
séjour  des  neiges,  et  qui  était  déjà  connu  des  anciens,  puisque  des  auteurs  comme 
Imaûs  et  Emodus  en  parlent,  renferme  les  sommets  les  plus  élevés  du  globe, 
comme  le  Gaurisankar  ou  Mont  Everest,  deux  fois  haut  comme  le  Mont  Blanc  avec 
ses  8.836  mètres,  son  grand  frère  le  Kinchinjinga,  de  peu  inférieur,  puisqu'il 
mesure  8.540  mètres,  le  Dhawalagiri  (8.187  mètres),  et  le  Jawahir  (7.824  mètres), 
sans  parler  de  tous  ceux  dont  les  sommets  atteignent  et  même  dépassent  sept 
milliers  de  mètres. 

De  ces  sommets  descendent  des  glaciers  immenses,  des  névés,  véritables  déserts 
de  neige,  qui  s'écoulent  en  torrents  grandioses  fornicint  des  fleuves,  des  plus  impor- 
tants du  globe;  les  uns  se  dirigent  vers  l'Est,  ce  sont  les  grandes  rivières  chinoises, 
les  autres  vers  l'Cuest  et  le  Sud,  comme  l'indus,  le  fleuve  sacré  entre  tous  du 
Gange,  le  Brahmapoutre,  et  leurs  énormes  et  nombreux  tributaires. 

Le  climat  de  ces  régions  est  forcément  très  inhospitalier  et  des  froids  intenses  y 
sévissent,  sauf  dans  les  vallées  oii  l'on  trouve  même  un  climat  très  tempéré  l'été 
et  presque  chaud  parfois,  comme  dans  le  célèbre  et  merveilleux  Cachemire,  cette 
Suisse  himalayenne,  et  sur  les  bas  contreforts  de  la  chaîne,  c'est-à-dire  intérieure- 
ment à  une  altitude  moyenne  de  4.000  mètres.  La  ligne  des  neiges  est  en  effet  très 
élevée,  à  une  altitude  au  moins  double  de  celle  que  l'on  observe  dans  les  Alpes. 

Mais  ce  n'est  pas  une  étude  spéciale  de  l'Himalaya  que  nous  voulons  faire  ici  et 
d'autres  considérations  nous  feraient  sortir  du  sujet  ;  revenons  donc  aux  stations 
sanitaires,  véritables  ville^  himalayennes  créées  par  les  Anglais. 

SIMLA. 

A  tout  seigneur,  tout  honneur;  nous  commencerons  donc  par  la  capitale  estivale 
des  Indes,  résidence  du  vice-roi  pendant  plusieurs  mois  de  l'année  et  oii  se  trans- 
porte l'administration  de  Calcutta  à  l'époque  des  chaleurs.  Certaines  branches  des 
«  Public  Offices  »  y  sont  même,  paraît-il,  à  demeure  ;  aussi  avec  ses  services  admi- 
nistratifs, ses  employés,  la  ville  semble-t-elle  devoir  être  une  ville  de  fonction- 
naires ;  il  n'en  est  rien,  pas  plus  à  l'aspect  extérieur  qu'à  la  physionomic^qu'y  revêt 
l'existence.  En  effet,  par  sa  situation  elle  est  riante,  cette  ville  aérienne  de  Simla, 
aussi  bien  qu'elle  est  agréable  à  habiter,  grâce  à  la  nombreuse  société  qui  s'y 
réunit  chaque  année.  Alors  tous  ceux  auxquels  les  affaires  et  leur  situation  le 
permettent  fuient  la  ydaine  brûlante  pour  venir  demander  quelque  fraîcheur  repo- 
sante au  voisinage  des  grands  sommets  aux  fronts  toujours  couronnés  de  neige  et 
de  glace.  Ils  accourent  en  grand  nombre,  les  uns  s'installant  dans  de  confortables 
villas,  leur  propriété,  d'autres  dans  des  cottages  en  location,  d'autres  enfin  simple- 
ment à  l'hôtel  (et  ils  sont  nombreux  ces  asiles  temporaires),  tout  comme  dans  nos 
villes  d'eaux  européennes. 

Disons  deux  mots  de  la  route  conduisant  à  ce  site  enchanteur  qui  évoque  le 
souvenir  de  la  patrie  lointaine. 


-  165  - 

Pour  atteindre  Simla  la  route  est  longue,  bien  longue  même,  car  c'est  au  Nord 
des  Indes,  dans  la  partie  himalayenne  qui  avoisine  le  C-achemire  que  se  trouve 
située  la  ville  d'été,  la  capitale  estivale  du  vaste  Empire,  régi  par  un  Vice-Roi  !  Il 
faut  de  longues  journées  de  chemin  de  fer  pour  gagner  la  région  du  Punjab  et  le 
pied  de  la  montagne,  de  quelque  point  du  territoire  indien  que  l'on  vienne.  A  la 
bifurcation  d'Umballa,  on  quitte  la  suite  des  voies  ferrées,  desservies  par  diverses 
Compagnies,  qui,  suivant  la  vallée  du  Gange,  remonte  parallèlement  à  l'Himalaya 
pour  se  poui*suivre  jusqu'à  Lahore  et  Peshawar,  terminus  actuel  Nord  des  chemins 
de  fer  indiens,  à  la  porte  même  de  Caboul.  De  cette  station  d'Umballa ,  où  nous 
avons  été  fort  surpris  de  nous  entendre  apostrophé  en  français  par  le  buffetier,  un 
compatriote  échoué  sous  ces  latitudes,  un  petit  embranchement  se  dirige  sur  Kalka, 
terminus  jusqu'à  l'époque  oii  les  Anglais  auront  remplacé  la  route  par  un  chemin 
de  fer  à  crémaillère,  comme  ils  l'ont  fait  pour  Darjeeling.  Après  avoir  traversé  bien 
au  delà  de  Delhi,  la  Rome  indienne,  les  plaines  mémorables  oii  se  décida  le  sort 
de  l'Inde  à  diverses  époques,  pour  atteindre  Umballa,  la  voie  s'élève  et  la  montée 
s'accentue  en  arrivant  sur  Kalka,  oii  la  cote  dépasse  2.400  pieds  anglais,  c'est-à- 
dire  730  et  quelques  mètres.  De  là  une  route  postière  de  58  nulles  anglais,  soit 
l'3  kilomètres,  dessert  Simla  que  l'on  atteint  en  8  bonnes  heures  en  moyenne. 

Le  service  est  bien  organisé  et  chaque  jour  le  «  mail  »  de  la  poste  correspond  à 
l'arrivée  du  train.  Le  mail  est  une  voiture  robuste,  sorte  de  charrette  anglaise  à 
toiture,  basse  sur  roue,  oii  l'on  est  plus  ou  moins  moelleusement  ;  attelée  de  deux 
chevaux,  elle  est  adroitement  et  vigoureusement  conduite  par  un  cocher  indigène 
qu'accompagne  un  sais  ou  valet  de  pied,  dont  l'office  est  de  descendre  par  instant 
pour  veiller  à  ce  que  rien  ne  cloche  dans  l'attelage  et  qui  court  au  besoin  à  côté 
des  chevaux.  Le  postillon  sonne  de  la  trompe  de  temps  à  autre  pour  signaler  son 
passage  et  rendre  la  route  libre,  tout  en  informant  de  son  arrivée  les  relais.  11  n'y 
en  a  pas  moins  de  13,  oii  l'on  ne  prend  que  juste  le  temps  de  dételer  et  de  ratteler, 
excepte  à  mi-route,  au  bungalow  de  Solon,  oii  l'on  vous  laisse  le  temps  de 
déjeuner.  Les  Anglais  sont  décidément  des  gens  pratiques,  nous  nous  en  sommes 
aperçus  plus  d'une  fois  en  voyage 

Cette  route  de  montagne  n'otïre  aucun  caractère  particulier,  pas  plus  du  reste 
que  le  village  de  Kalka,  oli  l'on  évite  de  séjourner  ;  elle  se  poursuit  parmi  des 
sommets  pelés  et  sa  description  serait  oiseuse  ;  comme  toute  route  de  montagne 
elle  est  plus  ou  moins  en  corniche  et  passe  successivement  d'un  versant  à  l'autre, 
franchissant  parfois  des  cols  ou  des  arêtes,  avec  des  points  de  vue  variés  ;  nous 
nous  réservons  pour  celle  que  nous  consacrerons  au  chemin  de  Darjeeling,  bien 
autrement  pittoresque. 

L'aspect  du  paysage  n'a  qu'un  médiocre  intérêt,  la  distraction  est  sur  la  route 
même  ;  il  y  règne  une  grande  circulation,  ce  sont  à  chaque  instant  de  longues  files 
de  voitures  et  des  suites  de  bêtes  de  somme,  chevaux,  mulets  ou  même  chameaux, 
munis  de  jarretières  et  portant  des  amulettes  ou  des  colliers  au  cou,  autant  de 
convois  montants  ou  descendants.  Enfin,  après  avoir  été  suffisamment  secoué,  à  un 
dernier  tournant  de  route  on  aperçoit  les  montagnes  boisées  dont  la  verdure  abrite 
les  maisons  s'étageant   en  une  sorte  d'amphithéâtre.    Tel  apparaît  ce  séjour  plus 

qu'alpestre himalayien,  à  une  altitude  moyenne  de  6  à  7.000  pieds,  autrement 

dit  dans  les  2.000  mètres. 

La  découverte  de  cette  position  sanitaire  remonte  au  commencement  du  siècle  et 
sa  création  même  à  1819,  lorsque  pour  la  première  fois  un  Anglais,  le  lieutenant 
Ross,  séduit  par  le  charme  du  paysage,  s'y  installa.  D'autres  vinrent  après  lui 
appréciant  la  douceur  du  climat  et  les  agréments  du  site,  et  dix  années  s'étaient  à 
peine  écoulées  que  la  réputation  de  Simla  était  chose  faite.  La  modeste  station  se 


—  166  — 

développa  et  prit  bientôt  les  iiUures  d'une  ville  et  d'une  cite  des  plus  pitto- 
resques, vu  sa  situation  sur  une  arête  et  à  flanc  de  coteau.  Ce  fut  sous  sir  John 
Lawrence  qu'elle  devint  réellerae;it,  en  1864,  la  capitale  estivale  des  Indes. 

Cette  ville  de  montagne  s'est  développée  successivement  à  droite  et  à  gauche  à 
travers  la  forêt  qui  l'encadrait,  trouvant  au  Nord  et  à  TEst,  des  pentes  trop  rapides 
pour  permettre  des  constructions  bien  établies.  De  la  sorte  elle  se  divise  en  plu- 
sieurs parties  fort  distinctes.  Au  centre  :  la  ville  à  proprement  parler  avec  ses  rues 
en  pente,  parfois  même  en  escaliers,  ses  modestes  habitations,  ses  boutiques,  ses 
édifices  publics  et  municipaux,  comme  la  Poste,  THôtel  de  Ville  et  FÉglise  (ces 
derniers  sur  Tarète  même),  tandis  que  les  faubourgs  s'allongent  pendant  plusieurs 
kilomètres.  A  gauche,  c'est  le  quartier  dit  «  Boileau'Ganj  »  et  le  point  de  vue  de 
«  Prospect  Hill  »  avec  le  château  du  Vice-Roi,  PéterhoflT,  dont  les  tours  et  les  cré- 
neaux émergent  de  la  verdure. 

A  droite,  le  «  Jutogh  »  ou  quartier  militaire  avec  ses  cantonnements,  son  hôpital, 

ses  villas  d'officiers,  etc domine  la  ville.  A  ses  pieds,  le  «  Chota  Simla  »  est 

une  réunion  d'hôtels  et  de  cottages.  Derrière,  se  dresse  la  colline  de  «  l'Elysium  » 
dont  la  verdure  est  semée  de  châteaux  ou  plus  modestes  villas  dans  l'encadrement 
de  parcs  et  de  jardins,  en  face  du  plus  grandiose  panorama  qui  se  puisse  rêver. 
C'est  une  vue  qui  s'étend  à  l'infini  sur  plusieurs  plans  de  blancs  sommets,  dont  la 
dentelure  se  perd  dans  les  horizons  lointains  aussi  bien  au  Nord  qu'au  Sud.  ]\Iais 
le  spectacle  est  encore  plus  grandiose  du  «  Jako  Hill  »  dont  le  sommet  isolé  dépasse 
8.000  pieds,  c'est-à-dire  près  de  2.500  mètres.  De  cet  observatoire  le  regard 
embrasse  tout  le  tour  de  l'horizon,  et  le  tableau  est  vraiment  inoubliable  ;  mais  les 
ascensionnistes  connaissent  ces  jouissances  et  tous  ont  plus  ou  moins  contemplé 
ces  merveilleux  décors  de  la  montagne,  qu'elle  soit  européenne  ou  asiatique. 
Aussi  nous  laisserons  chacun  évoquer  les  belles  visions  qu'il  lui  a  été  donné 
d'admirer,  en  lui  faisant  observer  la  différence  d'échelle  qui  existe  entre  les  Alpes 
et  l'Himalaya. 

Cette  promenade,  car  nous  ne  saurions  taxer  d'ascension  une  montée  faite  sous 
le  couvert  des  sapins  qui  tapissent  les  pentes  des  montagnes  de  Simla,  nous  réser- 
vait  une   curieuse   surprise ,    la   rencontre   de   singes  sauvages,  mais  peu 

farouches,  qui  semblaient  fort  mal  à  l'aise  dans  la  neige  recouvrant  le  sol,  lors  de 
notre  visite,  car  nous  étions  là-haut  en  plein  hiver  et  le  thermomètre  descendait  la 
nuit  au-dessous  de  zéro.  Nous  croyions  que  les  singes  vivaient  difficilement  sous 
nos  latitudes,  et  pourtant  comment  ceux-ci  étaient-ils  venus  élire  domicile  dans  un 
pays  relativement  froid  l'hiver  ?  S'ils  écrivaient  leur  histoire,  peut-être  les  écri- 
vains siniiesques  nous  apprendraient-ils  qu'ils  ont  dû  fuir  devant  une  invasion 

quelconque En  tous  cas  nous  laissons  le  problème  à  résoudre  à  des  chercheurs 

ou  des  savants  quelconques. 

Si  l'hiver  est,  on  le  voit,  plus  ou  moins  rigoureux,  par  contre  l'été  ménage  quel- 
quefois de  grosses  chaleurs,  mais  en  principe  le  climat  est  tempéré  et  rappelle  celui 
de  nos  latitudes  moyennes  d'Europe,  et  en  particulier  de  notre  belle  France,  qui 
est,  on  peut  dire,  le  Paradis  terrestre  moderne.  L'affiuence  des  étrangers  de  tous 
pays,  venus  des  quatre  coins  du  globe,  le  prouve  suffisamment. 

Inutile  d'ajouter  que  les  environs  de  Simla  procurent  les  excursions  les  plus 
variées,  sans  parler  des  distractions  comme  celles  des  jeux  et  de  la  chasse  qui  font 
de  ce  lieu  un  site  enchanteur  bien  fait  pour  attirer  tous  les  anglo-indiens  astreints 
au  séjour  dans  la  péninsule. 


—  167  — 


MUSSOOREE  OU  MUSSOURIE. 

Un  peu  au  Sud  de  Sinila,  la  reine  des  stations  hinialayeunes,  se  trouve  iSIus- 
sourie,  sanatorium  très  fréquenté,  qu'une  route,  dite  route  de  Rajpoure  relie  à  une 
station  du  chemin  de  fer  de  «  TOudii  et  du  Rohilcand  »,  Saharanpoure,  distante 
d'environ  52  milles  anglais  et  pour  le  trajet  de  laquelle  on  compte  environ  une 
journée.  On  passe  par  divers  villages  et  la  petite  ville  de  Dehra  Denn,  chef-lieu  de 
district,  mais  cela  n'ajoute  rien  au  pittoresque  fort  relatif  du  chemin.  Bien  que  Ton  ' 
fasse  le  trajet  en  voiture,  il  n'en  est  pas  plus  confortable  pour  cela  et  il  paraît 
plutôt  monotone.  On  remonte  une  étroite  et  sinueuse  vallée  le  long  d'un  torrent 
presque  à  sec  généralement,  pour  atteindre  le  col  ou  passage  menant  à  la  vallée  de 
la  Dehra.  Au  delà  s'élève  une  chaîne  abrupte  de  montagnes,  premier  contrefort  de 
l'Himalaya  de  ce  côté,  sur  laquelle  les  maisons  de  Mussourie  apparaissent  encore 
lointaines,  formant  de  petites  taches  blanches  dans  la  verdure.  Au  fur  et  à  mesure 
que  l'on  monte,  là  aussi  le  paysage  fait  songer  à  l'Europe.  Pareille  similitude 
d'essences  forestières,  la  vue  d'arbres  fruitiers  frères  de  ceux  de  nos  jardins,  tout 
rappelle  au  voyageur  ou  à  l'implanté  civil  ou  militaire,  la  patrie  lointaine. 

La  ville  qui  ne  fait  qu'un  même  centre  sanitaire  avec  Landour,  s'étend  sur  une 
longue  arête  de  plusieurs  kilomètres.  Les  maisons  sont  assises  en  quelque  sorte 
les  unes  au-dessus  des  autres,  elles  semblent  s'être  nichées  dans  les  plis  du  sol. 
Par  suite  des  accidents  de  terrain,  l'altitude  est  variable,  elle  vascille  entre  5.000  et 
8.500  pieds,  c'est-à-dire  entre  1.500  à  2.500  mètres  et  même  plus.  Malgré  cette  hau- 
teur, la  vue  n'est  pas  cependant  ce  que  l'on  pourrait  croire,  les  montagnes  se 
succèdent  bien  sur  le  fond  de  l'horizon,  mais  on  est  trop  éloigné  des  cimes  princi- 
pales de  la  grande  chaîne,  pour  qu'elles  frappent  vivement  ;  elles  sont  séparées  en 
effet  de  l'observateur  par  une  succession  de  plans  étages  qui  empêchent  d'en  saisir 
les  réelles  proportions  ;  enfin  la  vue,  dans  la  direction  du  Nord,  est  presque  acca- 
parée par  des  manielonnements  d'aspect  aride,  de  couleur  fauve. 

Le  centre  du  pays  est  occupé  par  un  vaste  bazar  autour  duquel  sont  venues  se 
grouper  des  maisons  de  banque,  des  succursales  de  Compagnies  d'assurances,  des 
magasins  de  toutes  sortes,  des  hôtels,  sans  parler  des  édifices  publics  et  des  églises 
appartenant  aux  différentes  religions. 

Les  excursions  ne  manquent  pas  non  plus  à  l'entour. 

Enfin  le  climat  rappelle  celui  de  Simla,  c'est-à-dire  qu'il  est  fort  tempéré  ;  la 
moyenne  de  l'été  est  d'environ  plus  de  20  degrés  centigrades. 


DARJEELINQ. 

La  troisième  ville  bâtie  sur  les  contreforts  de  l'Himalaya  mérite  une  mention 
toute  particulière  à  cause  de  sa  proximité  relative  des  plus  grands  sommets  du 
globe  que  l'on  peut  contempler  des  hauteurs  avoisinantes.  Elle  est  également  très 
fréquentée  pendant  la  saison  chaude  et  sert  de  résidence  au  lieutenant-gouverneur 
du  Bengale.  De  nombreux  habitants  de  Calcutta  suivent  également  le  même  chemin 
quand  les  chaleurs  commencent  à  se  faire  sentir.  Quoique  plus  accessible  que  ses 
sœurs,  cette  station  sanitaire  est  encore  à  plus  de  .390  milles  de  la  capitale  de 
l'Empire  indien,  soit  environ  030  kilomètres. 

Darjeeling  (qui  signifie  le  lieu  saint),  n'était  il  n'y  a  guère  plus  d'un  demi-siècle 
qu'un  monastère  bouddhiste  perdu  dans  les  forêts  du  Sikkim.   Le  territoire  anglais 


—  108  — 

s'arrêtait  en  effet  alors  sur  la  rive  gaucho  du  torrent  de  la  Mahanuddy.  Sa  décou- 
verte est  due  à  un  officier  du  service  topographique,  le  capitaine  Lheyd,  qui,  explo- 
rant la  frontière  dans  ces  parages  alors  peu  accessibles,  en  1828,  fut  vivement 
frappé  de  la  beauté  du  site,  ainsi  que  de  ses  avantages  au  point  de  vue  sanitaire  ; 
aussi  de  retour  suggéra-t-il  aux  autorités  l'idée  d'en  faire  l'acquisition.  Ce  fut  ainsi 
qu'en  1835  le  rajah  du  Sikkim  consentit  à  céder  à  l'Angleterre  pour  une  modeste 
rente  de  3.000  roupies,  les  quelques  lieues  de  vallées  et  de  forêts  qui  encadrent  le 
site  oii  s'élève  la  ville.  Ce  ne  fut  toutefois  qu'à  partir  de  1839  que  cette  petite 
colonie  commença  à  prendre  quelque  extension  par  l'ouverture  de  routes,  la  fonda- 
tion de  monuments  publics  et  l'établissement  d'un  bazar  oii  s'échangent  tous  les 
produits  de  l'Inde  et  du  Thibet,  comme  le  sel,  le  musc,  les  étoffes,  etc..  . .  Dix  ans 
plus  tard  la  population  dépassait  quelques  milliers  d'habitants.  Elle  a  été  érigée  en 
chef-lieu  d'un  district  qui  compte  plus  de  150.000  individus,  dont  une  vingtaine  de 
mille  sont  employés  dans  les  nombreuses  plantations  de  thé  qui  garnissent  tous 
les  contreforts  des  montagnes  sur  la  route  de  Darjeeling.  Mais  avant  d'atteindre 
ce  centre  relativement  important,  disons  deux  mots  du  chemin  pittoresque  qui  y 
conduit. 

La  route  n'a  rien  de  pénible  et  est  même  confortable,  puisqu'elle  se  fait  en 
chemin  de  fer,  et,  de  plus,  elle  est  intéressante,  mais  elle  nécessite  deux  transbor- 
dements pour  la  traversée  de  larges  et  variables  bras  du  Gange  sur  lesquels  les 
Anglais  n'ont  pas  voulu  entreprendre  de  jeter  des  ponts  difficiles  à  établir  et  d'un 
revient  fort  coûteux.  Ils  se  sont  économiquement  contentés  d'établir  des  bacs  à 
vapeur,  oii  l'on  trouve  un  buffet  installé  sur  le  pont.  Enfin  à  Silligury  on  quitte  la 
ligne  ferrée  pour  prendre  un  petit  chemin  de  fer  (genre  Decauville,  véritable 
joujou),  avec  des  wagons  fermés  et  découverts,  oii  l'on  est  deux  ou  trois  de  front. 
On  compte  environ  8  heures  pour  franchir  les  80  kilomètres  qui  séparent  Silligury 
de  Darjeeling. 

La  réputation  de  beauté  de  cette  route  exceptionnelle  n'est  plus  à  faire;  elle  joint 
un  charme  particulier  au  grandiose  du  paysage,  soit  que  la  voie  en  corniche  semble 
suspendue  au-dessus  de  précipices,  soit  qu'elle  s'engage  sous  l'épaisse  voûte  de  la 
forêt  aux  sombres  halliers  où  les  lianes  courent  de  troncs  en  troncs  et  de  branches 
en  branches,  tendant  leurs  inextricables  réseaux.  C'est  un  fouillis  indescriptible 
de  plantes  et  d'arbres  :  véritable  chaos  de  végétation,  retraite  de  grands  fauves 
qu'a  éloignés  le  sifflet  de  la  locomotive,  quoique  cependant,  parait-il,  on  ait  vu  un 
jour  le  train  obligé  de  stopper  devant  un  troupeau  d'éléphants.  On  comprend  en 
voyant  combien  difficile  a  été  l'étude  du  plan  de  ce  tracé  et  quels  travaux  d'art  il  a 
fallu  exécuter,  que  les  Anglais  aient  quelque  fierté  à  avoir  établi  cette  voie  ferrée 
originale  oii  toutes  les  difficultés  ont  été  vaincues  ou  habilement  tournées.  La 
petite  machine  souffle  et  tire  dur  en  remorquant  son  train  minuscule  ;  s'arrètant 
jjarfois  comme  pour  reprendre  haleine.  Tantôt  le  convoi  gravit  des  pentes  rapides, 
grimpant  le  long  de  parois  rocheuses,  tantôt  il  se  replie  sur  lui-même,  comme  un 
jouet  d'enfant,  faisant  des  courbes  d'un  rayon  invraisemblable  et  même  des  circuits 
concentriques,  comme  sur  la  merveilleuse  route  du  St-Gothard,  qui  l'emporte  en 
grandiose  exécution. 

On  pourrait  écrire  des  pages  sur  les  charmes  variés  de  cette  jolie  route,  sur 
l'exubérance  de  la  végétation  exotique  où  les  plantes  les  plus  variées  poussent  à 
Tenvi,  jusqu'aux  merveilleuses  orchidées  aux  formes  capricieuses  et  aux  délicates 
couleurs,  mais  «  il  ne  faut  pas  abuser  même  des  meilleures  choses  »,  dit  le  pro- 
verbe français. 

l'ar  un  ingénieux  procéilé,  les  ingénieurs  ont  trouvé  un  moyen  simple  d'élever 
rapidement  la  voie  au  moyen  de  pentes  en  lacets  ;  c'est  le  système  du  refoulement. 


-^  1G9  — 

Le  train  est  successivement  tiré  et  poussé  à  chaque  palier  successif.  Inutile  d'ajouter 
qu'il  suffit  d'un  simple  aiguillage  à  chaque  opération.  Nous  i.e  pouvons  nous 
empêcher  de  faire  une  courte  description  de  cette  route  qui  nous  a  laissé  de  si 
pittoresques  souvenirs. 

Peu  après  le  départ  de  Silligury  on  s'engage  dans  la  foret  et  l'on  suit  la  rout'i 
que  l'on  a  utilisée  même  sur  une  partie  du  parcours.  On  croise  de  longs  convois 
de  charrettes  attelées  de  bœufs,  des  porteurs,  types  nouveaux  pour  nous  de  Thibé- 
tains,  de  Népalais  armés  de  coutelas  ou  poignards  d'une  forme  [Kirlieulière,  ou  de 
quelques  autres  représentants  de  races  montagnardes  montant  à  Darjeelingou  des- 
cendant vers  la  plaine.  Au  fur  et  à  mesure  que  l'on  monte  la  vue  s'étend  sur  dos 
horizons  lointains,  les  plans  de  montagnes  se  superposent  dans  la  direction  du 
Nord  et  les  contreforts  de  l'Himalaya  semblent  grimper  à  l'assaut.  De  temps  à 
autre  ce  sont  des  échappées  pratiquées  dans  la  forêt  dense.  La  route  passe  de  mon- 
tagne en  montagne,  franchissant  des  cols  ou  suivant  des  crêtes  flanquées  de 
précipices  au  fond  desquels  le  regard  se  noie  dans  la  verdure. 

Des  stations  sont  naturellement  échelonnées  le  long  du  parcours,  souvent 
modestes  cabanes,  certaines  plus  importantes,  comme  celle  de  Tindharia,  oii  la 
Compagnie  a  installé  des  ateliers.  Merveilleusement  située,  elle  ofTre  un  point  de 
vue  superbe  sur  le  chemin  parcouru  ;  la  plaine  apparaît  au  loin  plus  ou  moins 
claire  au-dessus  d'un  beau  premier  plan  de  montagne.  On  a  atteint  bientôt  un 
millier  de  mètres  et  le  paysage  va  se  modifier  un  peu  en  ce  sens  que  les  représen- 
tants des  essences  exotiques  se  font  plus  rares,  néanmoins  nous  avons  encore 
aperçu  des  bananiers  à  1.200  mètres.  Des  torrents,  redoutables  à  certaines  époques, 
franchissent  la  voie  en  courant  au  fond  des  gorges  dans  les  rochers.  A  un  autre 
passage,  deux  gigantesques  rochers  auxquels  on  a  donné  le  surnom  de  Gladstone 
et  de  l'Artilleur  surplombent  le  chemin  établi  en  une  audacieuse  corniche. 

Un  peu  plus  haut  à  Kurseong,  un  village  situé  sur  une  arête  rocheuse,  a  lieu  le 
croise.ment  des  trains  montant  et  descendant.  Toujours  avec  leur  esprit  du  confort, 
les  Anglais  ont  installé  là  un  butiêt  oii  l'on  peut  déjeuner  à  prix  fixe  ou  à  la  carte, 
tout  comme  en  Europe,  pendant  que  les  boys  ou  domestiques,  dont  on  ne  saurait 
pour  ainsi  dire  se  passer  en  Orient,  comme  chacun  sait,  surveillent  les  bagages  en 
grignotant  quelques  poignées  de  riz  ou  quelque  galette.  Bien  qu'on  ait  dépassé 
1.500  mètres,  les  plantations  de  thé  garnissent  encore  les  pentes  des  montagnes, 
c'est  là  en  effet  une  des  principales  richesses  de  cette  contrée  et  nous  avons  vu 
dans  les  environs  de  Darjeeling  de  fort  beaux  domaines  avec  de  confortables  habi- 
tations pour  les  colons,  parmi  lesquels  certains  réalisent  de  véritables  fortunes  dans 
la  culture  du  précieux  arbrisseau,  dont  la  feuille  séchée  sert,  infusée,  de  boisson  à 
des  milliers  d'individus.  Les  Jésuites  qui  dirigent  d'importants  collèges  aux  Indes 
ont  installé  sur  ces  hauteurs  un  établissement  estival  bien  aménagé  oii  Pères  et 
élèves  vont  refaire  leur  santé  éprouvée  par  le  climat. 

Enfin  la  route  s'élève  toujours,  dépasse  2.000  mètres,  grimpe  encore  et  atteint 
près  de  2.500  mètres  pour  redescendre  quelque  peu  sur  Darjeeling.  Les  brouillards 
ne  sont  pas  rares  à  cette  altitude  et  nous  nous  rappelons  encore  le  froid  humide 
qui  nous  saisit  lors  de  notre  passage,  nous  qui  venions  de  séjourner  plusieurs  mois 
dans  des  régions  équatoriales.  Mais  voici  Darjeeling  qui  apparaît. . . . 

La  ville  indienne  la  plus  voisine  de  la  mystérieuse  contrée  du  Tliibet  a  plus  d'une 
analogie  avec  Simla.  Comme  cette  dernière,  Darjeeling  est  en  effet  située  sur  la 
crête  et  le  versant  Sud  d'un  contrefort  qui  se  dresse  entre  deux  profondes  vallées. 
Même  aspect  de  maisons  blanches  se  superposant  plus  ou  moins  régulièrement. 
avec  un  bazar  très  pittoresque,  des  édifices  publics,  des  hôtels  et  des  villas.  L'en- 
semble, dont  l'altitude  varie  entre  2.200  et  2.600  mètres,  c'est-à-dire  entre  la  pointe 


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de  Birch-Hill,  aménagée  en  parc  pittoresque  duquel  on  jouit  de  beaux  points  de 
vue  jusqu'à  la  colline  de  Jelapahar,  oii  se  trouvent  les  cantonnements  militaires, 
agréablement  situés  dans  la  verdure.  En  ville,  les  monuments  comme  la  Mairie,  le 
Palais  du  Gouverneur  avec  son  parc,  pas  plus  que  le  Secrétariat  ou  l'Église  St- 
André,  n'ont  de  cachet  particulier.  Un  bel  établissement  public  se  remarque  cepen- 
dant :  c'est  l'Eden  sanatorium  ;  il  est  bien  situé  et  bien  aménagé,  dominant  le  Jardin 
public.  Mais  c'est  dans  la  rue  et  surtout  au  marché  que  le  spectacle  est  intéressant 
et  pittoresque  pour  le  voyageur  ;  on  peut  s'y  livrer  à  de  curieuses  études  de  mœurs 
grâce  à  la  situation  exceptionnelle  de  la  ville  qui  attire  tous  les  indigènes  de  la 
région  :  familles  montagnardes  encore  à  demi  sauvages,  comme  les  Leptchas,  les 
Bhutiens,  les  Népalais,  les  Thibétains,  les  gens  du  Bhoutan  et  jusqu'à  des  Cache- 
miriens.  Us  sont  atfublés  de  costumes  variés,  de  couleur  généralement  sombre, 
certains  ont  des  manteaux  de  peaux,  les  uns  sont  coifiës  de  sortes  de  chapeaux, 
d'autres  de  toques,  etc.,  et  ils  sont  chaussés  de  grossières  sandales  ou  de  bottes  en 
feutre  comme  les  habitants  du  Turkestan.  Presque  tous  portent  pendu  à  la  ceinture 
un  poignard  qui  leur  sert  à  tous  usages.  Si  les  hommes  en  général  ne  sont  pas 
beaux  avec  leur  face  plate  aux  yeux  bridés  et  au  nez  épaté,  les  femmes  nous  ont 
paru  rappeler  de  fort  loin  les  belles  proportions  de  la  statuaire  antique  et  justifient 

peu  le  litre  de  la  plus  belle  espèce  du  genre  humain Tout  comme  les 

sauvages  de  l'Afrique  ou  de  l'Océanie,  elles  se  passent  des  anneaux  dans  le  nez  et 
se  parent  de  bijoux,  souvent  en  argent,  bracelets,  colliers  garnis  de  verroteries  de 
couleurs,  sans  parler  des  bagues  et  des  boucles  d'oreilles  plus  ou  moins  volumi- 
neuses. Quelques-unes  se  confectionnent  des  colliers  avec  des  pièces  d'argent  tout 
comme  les  Ouled-Naïls  d'Algérie  se  couvrent  de  chapelets  de  pièces  d'or.  Il  n'est 
pas  rare  de  voir  aussi  des  hommes  porter  des  bijoux  ;  et  n'est-ce  pas  un  reste  de 
sauvagerie  chez  nous-mêmes  qui  nous  taxons  de  gens  très  civilisés  que  la  recherche 
pour  les  hommes  mêmes  de  bijoux  de  plus  ou  moins  bon  goût.  Certains,  enfin,  sont 
tatoués ,  ce  qui  se  voit  encore  aussi  parfois  chez  nous  I 

Dans  les  échoppes  comme  chez  les  marchands  en  plein  vent  on  trouvera  à 
acheter  de  curieux  bibelots  qui  font  la  joie  des  collectionneurs  ;  ce  sont  :  des 
«  moulins  à  prière  »,  objet  creux  en  cuivre,  oii  l'on  peut  glisser  des  prières  impri- 
mées, muni  d'une. tige  sur  laquelle  il  pivote  en  tournant  à  la  moindre  impulsion, 
des  petites  statuettes  de  Bouddha  ou  de  quelque  divinité,  plus  ou  moins  enrichies 
de  pierres  de  couleur,  des  porte-reliques,  des  foudres,  des  plats  à  riz,  de  petites 
aiguières,  etc.  (de  fabrication  thibétaine),  ou  encore  des  tibias  transformés  en 
trompettes  et  des  crânes  humains  servant  de  tambourins.  Certains  sont  accouplés 
deux  par  deux  par  le  sommet,  ce  seraient  les  boîtes  crâniennes  de  couples  adul- 
tères   En    dehors  des    marchands  nous  avons    trouvé  à  acheter  certains 

bijoux,  par  exemple,  sur  les  femmes  elles-mêmes,  qui  finissaient  par  troquer  leur 
parure  pour  quelque  menue  monnaie  d'argent.  Nous  n'insisterons  pas  davantage 
sur  ce  spectacle  de  la  rue  tout  particulier,  et  nous  croyons  en  avoir  assez  dit  pour 
faire  entrevoir  l'intérêt  d'une  visite  à  Darjeeling,  sans  parler  du  spectacle  merveil- 
leux du  panorama  qui  vous  entoure. 

Le  panorama  grandiose  dont  on  jouit  du  point  culminant  de  Darjeeling  même, 
c'est-à-dire  de  la  verte  colline  de  l'observatoire,  au  sommet  de  laquelle  se  dresse 
une  petite  pagode  blanche  entourée  d'oriflammes  de  couleurs  qui  flottent  au  vent 
et  de  porte-prières  du  plus  original  effet,  défie,  en  effet,  toute  descri])tion.  La  vue 
embrasse  toute  une  série  de  sommets  dont  les  arrière-plans  dépassent  plusieurs 
milliers  de  mètres,  et,  dominant  l'ensemble,  le  Kinchinjinka  haut  de  28.150  pieds, 
autrement  dit  8.540  mètres,  se  dresse  majestueux  et  vraiment  grandiose  avec  ses 
gigantesques  névés  et  ses  formidables  glaciers  vierges,  et  probablement  pour  long- 


temps  encore.  Rien  ne  saurait  rendre  le  caractère  vraiment  imposant  ilc  cette  vue 
inoubliable  qui  dopasse  tout  ce  qu'on  pourrait  imaginer;  le  second  géant  du 
monde,  deux  fois  haut  comme  notre  Mont  Blanc,  vous  domiue  de  plus  de  20.000 
pieds.  Il  ne  perd  rien  de  sa  taille  colossale  étant  vu  à  environ  une  cinquantaine  de 
kilomètres  de  distance  et  rien  n'arrêtant  la  vision  de  l'observateur  ;  bien  plus, 
grâce  à  une  suite  de  premiers  plans  inférieurs  séparés  par  de  profondes  vallées,  le 
regard  plonge  plus  bas  et  c'est  une  élévation  d'un  seul  jet  de  plus  de  27.000  pieds 
qui  se  dresse  superbe  et  unique  au  monde  !  C'est  aux  poètes  qu'il  appartient  de 
célébrer  et  chanter  les  louanges  du  gigantesque  ]Moat,  éblouissant  dans  l'azur  du 
ciel  sous  un  soleil  de  feu  et  passant  par  toutes  les  teintes  suivant  l'heure  du  jour  ; 
pour  nous  qui  l'avons  contemplé  face  à  face,  nous  ne  saurions  oublier  les  trop 
courts  instants  oii  il  nous  est  apparu  dans  toute  sa  splendeur  ! 

La  vue  panoramique  est  encore  plus  grandiose,  si  c'est  possible,  du  haut  d'une 
montagne  voisine  de  Darjeeling,  dite  le  Tiger-Hill  (montagne  du  tigre),  en  sou- 
venir de  quelque  rencontre  fâcheuse  probablement  faite  par  un  ascensionniste.  De 
ce  sommet  découvert  que  l'on  met  environ  deux  heures  à  atteindre  et  qui  domine 
le  Jelapahar  de  plusieurs  centaines  de  mètres,  la  vue  plus  étendue  encore  permet  de 
découvrir  par  dessus  le  ^lont  Phallut,  la  dent  blanche  du  Géant  du  monde,  le 
Gaurisankar  ou  Mont  Everest  dont  la  hauteur,  on  se  le  rappelle,  mesure  8.848  m., 
c'est-à-dire  près  de  9  kilomètres.  Il  est  vrai  que  l'éloigneraent  oii  il  se  trouve 
(environ  une  centaine  de  kilomètres)  ne  permet  guère  d'en  saisir  des  détails,  et 
il  faut  s'estimer  heureux  lorsque  les  vapeurs ,  brouillards  ou  nuages  ne  le 
masquent  pas. 

Nous  n'entreprendrons  pas  ici  l'historique  des  ascensions  célèbres  et  peu  nom- 
breuses exécutées  dans  la  grande  chaîne  himalayenne. 

Plusieurs  vaillants  pionniers  ont  eu  l'audace  de  s'attaquer  à  ces  redoutables 
montagnes,  certains  membres  de  nos  collègues  du  Club  Alpin  anglais  ont  fait  des 
tentatives  couronnées  de  plus  ou  rn,oins  de  succès  et  des  Allemands  se  sont  même 
élevés  jusqu'à  2.'î. 000  pieds,  c'est-à-dire  près  de  7.000  mètres,  hauteur  déjà  fort 
respectable  et  qui  laisse  loin  derrière  elle  celles  usitées  par  la  moyenne  des  alpi- 
nistes. Mais  il  convient  d'ajouter  que  pour  faire  la  moindre  tentative  au  milieu  de 
ce  monde  désolé  de  neiges  et  de  glaces,  il  faut  monter  une  véritable  expédition,  ce 
qui  représente  de  grosses  dépenses  et  posséder  personnellement  une  force  de  résis- 
tance absolument  exceptionnelle.  Enfin  on  ne  peut  opérer  que  sur  le  territoire  du 
Sikkim,  les  Européens  ne  pouvant  songer  à  s'aventurer  dans  les  montagnes  encore 
fermées  du  Népaul  ou  du  Bhoutan,  ni  se  hasarder  sans  courir  les  plus  grands 
dangers  sur  le  plaleau  thibétain. 

En  dehors  des  promenades  multiples  que  l'on  peut  faire  pédestrement  aux  alen- 
tours de  Darjeeling,  il  en  est  une  un  peu  plus  importante  qui  ménage  de  jolis  et 
pittoresques  points  de  vue,  c'est  celle  dite  de  «  Cane  bridge  »  ou  de  la  Teesta, 
véritable  excursion  de  montagne  que  l'on  peut  prolonger  jusqu'au  j'oint  oii  la 
Teesta  mélange  ses  eaux  à  un  autre  torrent,  le  Runghit.  Le  chemin  y  conduisant 
passe  tout  d'abord  par  le  curieux  petit  village  de  Bhutia-Bustee  ou  (village  d'or) 
littéralement  accroché  aux  flancs  de  la  montagne.  Un  petit  sanctuaire  bouddhique, 
en  forme  classique  de  dagoba,  le  domine.  Tout  proche  également  est  un  modeste 
temple  ou  pagode  dont  les  pirètres  et  gardiens,  alléchés  par  une  offrande,  vous  font 
les  hoimeurs  ;  ils  vous  montrent  sous  le  porche  d'entrée  un  énorme  moulin  à 
prière  établi  sur  un  pivot  central  et  que  l'on  fait  mouvoir  avec  le  pied.  A  l'intérieur 
des  objets  sans  valeur  destinés  à  la  décoration  du  Lieu  Saint  et  des  livres  de 
prières  ne  sauraient  retenir  le  voyageur  qui  n'y  ajoutera  qu'un  intérêt  relatif. 

La  descente  s'effectue  rapide  par  un  chemin  pierreux.   On  passe  tantôt  à  travers 


—  172  — 

des  forêts  oii  les  lianes  inextricables  tendent  entre  les  arbres  leurs  gigantesques 
toiles  d'araignée  ;  un  bruit  insolite  en  trouble  de  temps  à  autre  le  mystérieux 
silence  :  c'est  quelque  animal  qui  se  glisse  sous  les  halliers  en  quête  d'une  proie  ou 

à  la  poursuite  d'un  autre  être  plus  faible  que  lui ,    tantôt  «on  traverse  de  ces 

belles  plantations  de  thé  où  le  précieux  arbrisseau  taillé  avec  soin  tapisse  les  pentes 
des  contreforts  himalayens.  Après  une  descente  de  plusieurs  milliers  de  pieds  on 
atteint  les  bords  du  torrent  que  franchit  un  de  ces  curieux  ponts  de  bambou,  souple 
passerelle,  qu'un  pont  suspendu  plus  confortable  remplacera  bientôt  pour  la  plus 
grande  commodité  des  voyageurs,  mais  dont  la  légèreté  ne  saurait  rivaliser  avec  le 
charme  exotique  du  pont  primitif. 

Un  des  charmes  de  cette  promenade,  c'est  sans  conteste  la  vue  superbe  dont  on 
jouit  pendant  une  bonne  partie  sur  le  Kinc;hinjinga,  qui  fait  le  plus  merveilleux 
fond  de  décor  que  l'on  puisse  rêver. 

Puisque  nous  avons  parlé  des  plantations  de  thé,  nous  terminerons  en  disant 
deux  mots  de  cette  industrie  agricole.  Elle  est  comme  on  sait  fort  développée  aux 
Indes  qui  luttent  avantageusement  aujourd'hui  avec  la  Chine  comme  production, 
mais  les  points  principaux  oii  elle  est  exploitée  sont  surtout  l'île  de  Geylan,  la 
province  de  l'Assam  et  les  environs  de  Darjeeling.  Sur  ce  dernier  point  on  ne 
compte  pas  moins  en  effet  de  150  exploitations,  conquises  pour  la  plupart  sur  la 
forêt  sommairement  défrichée.  La  culture  du  thé  a  été  encouragée  par  le  gouver- 
nement qui  accordait  des  concessions  allant  jusqu'à  500  acres,  c'est-à-dire  environ 
200  hectares.  Les  frais  de  première  installation  étant  relativement  peu  onéreux,  les 
colons  rentraient  vite  dans  leurs  déboursés  et  voyaient  généralement  leur  exploi- 
tation prospérer  rapidement.  C'est  ce  qui  explique  l'accroissement  de  certaines 
propriétés  comportant  parfois  plusieurs  centaines  d'hectares.  11  va  san^  dire  que 
cette  culture  est  des  plus  productives  et  que  des  colons  y  ont  fait  de  réelles  for- 
tunes, si  l'on  songe  au  prix  infime  de  revient,  la  main-d'œuvre  étant  bien  minime. 
Malheureusement  pour  les  producteurs,  ce  sont  encore  les  intermédiaires  qui,  bien 
souvent,  prélèvent  les  plus  gros  bénéfices  ;  néanmoins,  le  «  métier  »  comme  l'on 
dit  est  encore  bon.  Ajoutons  que  les  habitations  des  colons  nous  ont  paru  des  plus 
confortables  en  général  ;  certaines,  vastes  et  bien  aménagées,  renferment  des  mobi- 
liers modernes  et  jusqu'à  des  pianos  transportés  là  à  grands  frais.  Le  climat  étant 
sain  et  tempéré,  les  cultivateurs  de  thé  ne  sont  donc  relativement  pas  à  plaindre, 
dans  ce  pays  du  moins.  Cette  plante  du  thé  dont  la  feuille  séchée  à  la  vapeur  est 
roulée  et  concassée  avant  de  nous  arriver  est,  comme  on  le  sait,  l'objet  d'une 
colossale  consommation  à  la  surface  du  globe  ;  mais  nous  ne  saurions  insister  sur 
ce  sujet  qui  sort  de  notre  cadre  et  nous  renverrons  aux  livres  spéciaux,  nos  lecteurs 
avides  do  plus  amples  renseignements. 

Cet  État  du  Sikkim  semble  la  porte  ouverte  sur  le  mystérieux  Thibet,  oii  quelques 
rares  voyageurs  se  sont  encore  à  peine  aventurés;  mais  c'est,  on  pourrait  dire,  une 
porte  murée,  attendu  que  ce  n'est  pas  la  voie  de  pénétration  suivie  par  les  explo- 
rateurs. Ceux  qui  ont  osé  se  hasarder  sur  le  vaste  plateau  thibétain  sont  plutôt 
entrés  par  le  Nord,  du  côté  des  provinces  peu  hospitalières  sous  l'influence 
chinoise  qui  avoisinent  les  territoires  extrêmes  oii  se  sont  installés  les  Russes.  Le 
fait  est  que  jusqu'à  nouvel  ordre  il  ne  faut  pas  songer  à  pjrendre  la  route  du 
Thibet  par  cette  direction,  qui  paraît  pourtant  la  plus  rationnelle.  Mais  parler  du 
singulier  pays  qui  veut  conserver  son  autonomie  à  tout  prix,  qui,  sous  l'influence 
des  chefs  religieux,  les  célèbres  Lamas,  veut  se  défendre  de  toute  intrusion  euro- 
péenne, serait  sortir  de  notre  sujet,  aussi,  nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage 
sur  un  pays  qui  offre  encore  un  vaste  champ  d'exploration  et  d'étude 


173  - 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN    1899. 


LE  BOULONNAIS 


Excursion  des  20,  21  et  22  Mai  1899. 


Directeurs  :    .MM.    Paul    D  E  s  t  o  m  b  e  s    ot   Ch.    Derach 


Nous  n'avons  pas  la  prétention  de  faire  un  récit  du  Boulonnais,  cela  a  été  fait 
déjà  dans  un  Bulletin  de  la  Société  en  1891  et  chacun  se  souvient  aussi  d'avoir  lu 
dans  le  journal  «  la  Dépêche  »,  un  travail  documenté  sur  cette  contrée,  dû  à  la 
plume  féconde  de  M.  Duthil.  C'est  plutôt  pour  obéir  à  nos  excursionnistes  et  pour 
fixer  dans  nos  mémoires  ce  que  nous  avons  remarqué  au  point  de  vue  industriel , 
que  nous  écrivons  ces  quelques  lignes. 

Donc  le  20  Mai,  nous  arrivons  à  Calais  à  9  h.  du  matin  et  sans  perdre  une  minute, 
nous  nous  dirigeons  vers  l'importante  usine  de  MM.  E.  Davinière  et  C^e ,  Vous 
raconter  tout  ce  qui  se  fait  là,  serait  chose  impossible  pour  nous,  il  faudrait  être 
du  métier  pour  le  faire  bien.  Nous  nous  contenterons  de  relater  que  cette  usine 
toute  moderne  jouit  des  derniers  perfectionnements  :  elle  est  actionnée  par  l'élec- 
tricité, aussi  pas  de  transmissions  ni  courroies  et  de  là,  pas  ou  très  peu  de  bruit. 
Elle  occupe  500  personnes  et  on  se  sent  là  dans  un  milieu  ouvrier  oii  l'intelligence 
est  toujours  en  éveil  ;  le  nombre  des  métiers  à  dentelles  est  de  70,  ceux  à  broder 
de  25  ;  ces  chiffres  peuvent  être  doublés,  des  salles  sont  préparées  pour  cela.  Le 
chiffre  d'affaires  annuel  est  de  10.000.000  de  fr.  ;  des  dépôts  de  ses  magnifiques 
produits  sont  établis  à  Paris,  Londres,  Berlin  et  New-York.  Tout  ce  qui  se  fait  de 
beau,  de  riche  en  broderies  et  dentelles,  nous  avons  pu  l'admirer  tout  à  notre  aise, 
les  dames  en  étaient  extasiées  et  nous  avons  eu  de  la  peine  à  leur  donner  le  signal 
du  départ  ;  nous  nous  retirons  ravis  du  tact  exquis  avec  lequel  nous  avons  été 
pilotés  dans  ce  vaste  établissement. 

De  .Calais  à  Le  Haut-Banc,  il  n'y  a  qu'un  pas,  en  chemin  de  fer;  aussi  à  2  heures, 
MM.  Henaux  frères,  propriétaires  de  carrières  de  pierres  et  marbres  àHydrequent- 
Rinxent,  nous  recevaient  à  cette  halte  et  nous  faisaient  passer  de  surprise  en 
surprise  dans  cette  vallée  qui  porte  bien  son  nom  «  heureuse  ». 

Les  carrières  sont  sillonnées  en  tous  sens  par  12  kilomètres  de  voies  ferrées 
reliées  à  la  gare  de  Marquise.  La  production  actuelle  est  de  50  à  60  wagons  par 
jour  et  peut  aller  jusqu'à  100  wagons. 

12 


—  17'i  — 

Les  matériaux  extraits  sont  :  la  pierre  cassée  pour  route  et  pour  béton,  les  moel- 
lons bruts  et  d'appareil,  les  pierres  de  taille  pour  monuments  ;  on  peut  voir  en  ce 
moment,  en  exécution,  une  partie  de  façade  pour  l'Hôtel  de  la  New-York  à  Paris, 
composée  de  colonnes,  pilastres,  frontons,  corniches,  le  tout  on  marbre  poli, 
mouluré  et  sculpté  du  plus  bel  effet.  La  carrière  produit  les  marbres  Napoléon, 
Notre-Dame,  Lunel  fleuri  et  Lunel  rosé.  Les  pierres  sont  adoptées  par  l'adminis- 
tration des  ponts  et  chaussées  pour  tous  les  travaux  des  ports  de  Dunkerque, 
Calais,  Boulogne,  Le  Havre.  La  Compagnie  du  chemin  do  fer  du  Nord  les  admet 
également  pour  tous  ses  travaux  en  concurrence  avec  la  pierre  belge. 

L'extraction  se  fait  à  la  pondre  pour  les  travaux  bruts  et  au  fil  hélicoïdal  pour 
les  blocs  et  pierres  de  taille;  ce  dernier  procédé  permet  l'extraction  de  masses  consi- 
dérables qui  sont  renversées,  pour  le  débitage,  par  un  treuil  d'une  puissance  de 
300.000  kilog.  Le  sciage  au  fil  et  la  manœuvre  au  treuil  sont  les  outils  les  plus 
perfectionnés  pour  les  carrières;  nous  avons  vu  des  bancs  superposés  sciés  sur  une 
longueur  d'environ  50  mètres  et  10  à  12  mètres-  de  hauteur,  ce  qui  permet  de  bien 
juger  la  nature  et  la  valeur  des  matériaux. 

La  carrière  possède  également  des  bancs  de  pierres  spéciaux  pour  les  sucreries, 
qui  donnent  à  l'analyse  50  7o  de  chaux  et  44  "'o  d'acide  carbonique  calculé  d'après 
la  chaux.  Ces  qualités  exceptionnelles  ont  fait  adopter  ce  produit  par  un  grand 
nombre  de  sucreries. 

Outre  le  sciage  au  fil  héliçoidal,  une  scierie  de  quatre  grandes  armures  exécute 
le  sciage  des  blocs  qui  sont  amenés  diroctement  du  lieu  de  l'extraction  sur  les 
voies  ferrées  par  des  wagonnets. 

MM.  Hénaux  frères  sont  aussi  propriétaires  d'un  certain  nombre  de  carrières 
et  de  scieries  tant  hydrauliques  qu'à  vapeur  dans  les  environs  et  dans  un  rayon  de 
2  kilom.  ;  dans  l'une  d'elles,  existe  un  atelier  de  fabrication  de  cheminées  avec 
polissoir  mécanique.  ]\Iais  il  est  5  h.  1/2  et  il  est  grand  temps  de  rejoindre  la  gare 
de  Marquise.  Ces  Messieurs,  poussant  la  courtoisie  jusqu'au  bout,  ont  fait  chauffer 
une  machine  qui,  en  10  minutes,  nous  conduira  à  destination  ;  puis,  pour  nous 
remettre  de  nos  fatigues,  une  collation  est  servie.  Le  Champagne  de  la  vallée  heu- 
reuse est  dégusté  ;  M.  Paul  Destombes  les  remercie  au  nom  de  tous  de  leur  large 
hospitalité,  et  nous  quittons  nos  hôtes  enchantés  de  quelques  heures  passées  en 
leur  aimable  compagnie  ;  30  minutes  plus  tard,  nous  étions  à  Boulogne. 

La  deuxième  journée  a  été  consacrée  le  malin,  à  la  visite  de  la  Haute- Ville,  des 
vieux  remparts,  du  château  oii  fut  enfermé  Louis  Napoléon  après  l'échauffourée  de 
la  Pointe-aux-Oies,  du  donjon  de  l'Hôtel  de  V^ille  datant  de  1231,  de  la  Cathédrale 
avec  son  dôme  majestueux  et  son  maître-autel  en  mosaïque,  exécuté  à  Rome  ot 
dont  la  valeur  est,  dit-on,  de  600.000  fr.  ;  mais  les  amateurs  du  beau  connaissent 
ces  choses  et  nous  n'en  dirons  pas  plus,  pour  ne  pas  allonger  ce  récit.  L'après- 
midi,  la  promenade  du  Portel,  Equihen,  le  bois  do  sapins  de  Condettes,  mont 
St-l">tienne,  etc.,  a  été  favorisée  par  un  beau  temps.  Les  breaks,  emportés  par  de 
vigoureux  boulonnais,  ont  franchi  vallées  et  monts  avec  une  vitesse  d'automobiles; 
aussi  à  7  heures,,  étions-nous  tous  réunis  à  la  môme  table,  devisant  gaîment  de  tout 
ce  que  nous  avions  admiré  et  nous  félicitant  de  cette  excursion  vraiment  trop 
courte. 

Le  22,  excursion  on  mer  et  promenades  à  volonté  ;  la  mer  était  agitée,  17  per- 
sonnes cependant  se  sont  embarquées  sur  le  Conquérant  ;  les  dames,  ici  comme 
ailleurs,  ont  montré  la  plus  grande  vaillance,  mais  toutes  ne  sont  pas  revenues 
sans  avoir  payé  le  tril>ut  à  la  grande  bleue  ;  quoi  qu'il  en  soit,  le  déjeuner  qui  a 
suivi  a  été  plus  gai  encore  que  les  antres  jours.  Arrivés  à  Lille  à  7  h.  ;W,  il  n'y 
avait  que  des  personnes  heureuses  d'avoir  passé  quelques  jours  ensemble. 


-  175  - 

M.  Dorchies,  notaire  à  Templcuve,  dans  un  toast  aux  orf^anisatcurs,  a  dit  que 
cette  excursion  laissera  un  bon  souvenir  à  tous,  parce  que,  en  quelques  jours,  on 
avait  pu  apprécier  le  travail  dans  ce  qu'il  a  de  beau  à  Calais,  de  gigantesque  à  la 
Vallée  heureuse,  la  belle  nature  dans  ce  qu'elle  a  de  pittoresque  sous  ce  site 
encliantcur  et  riant  du  Boulonnais,  et  d'avoir  ainsi  contribué  à  nos  connaissances 
géographiques  «  de  visu  ». 

Gh.  D. 
Lille,  16  Juin  1809. 


Excursion  aux  Pierres  d'Acq, 

aux  Carrières  de  Villers-au-Bois,  aux  Sources 

de  la  Souchez  et  de  la  Scarpe 

et  aux   Ruines   de  l'Alobaye  du  Mont- Saint -Eloy. 


Dimanche  23  Juin  1890. 


Organisateurs  :  MM.  F'ernaux-Dekrance  et  Léon  Lefebvre. 


Un  groupe  de  Memltres  de  notre  Société  a  refait,  par  un  autre  itinéraire, 
l'excursion  qui  avait  déjà  été  organisée  en  1888,  et  dont  le  compte-rendu  a  paru 
dans  le  Bulletin  (2"  semestre  1888,  p.  34).  Aussi  nous  ne  i)arlerons  que  de  ce  que 
nous  n'avons  pas  vu  il  y  a  onze  ans. 

De  la  halte  de  Mont-St-Eloy.  trois  voitures  nous  mènent,  à  travers  la  campagne 
verdoyante  et  sous  un  soleil  tropical,  vers  les  pierres  d'Acq.  Ces  pierres,  distantes 
l'une  de  l'autre  de  2.^  m.  environ,  se  trouvent  en  plein  champ  de  blé;  elles  ont 
environ  4  m.  de  hauteur  et  sont  un  des  rares  monuments  mégalithiques  du  Nord 
de  la  France.  Ces  monuments  étaient  autrefois,  improprenient  appelés  «  celtiques  » 
ou  encore  «  druidiques  »;  en  effet  on  les  retrouve  en  Danemark,  en  Espagne  et 
jusqu'en  Algérie.  D'après  M.  G.  de  Martillet,  ils  sont  antérieurs  aux  Celles. 
Les  pierres  d'Acq  sont  des  Menhirs;  leur  surface  est  criblée  de  nombreux  trous  que 
M.  de  Martillet  attribue  à  des  pratiques  supertitieuses  des  anciens  Gaulois. 

Entre  ces  deux  pierres  on  a  retrouvé  une  tombe  à  auge  en  grès  brut  renfermant 
des  débris  d'armures  et  des  poteries  qui  devaient  appartenir  à  un  chef  mérovingien. 
Ces  pierres  jumelles  que  la  légende  attribuait  au  roi  des  enfers  étaient  appelées 
par  les  habitants  «  pierres  du  Diable  »,  et  la  piété  de  nos  pères  se  hâtait  générale- 
ment de  construire  un  temi)le  sur  leur  emplacement.  Toujours  suivant  M.  de 
Martillet,  dont  la  science  fait  autorité,  les  cathédrales  d'Arras  et  de  Chartres 
auraient  été  édifiées  sur  d'anciens  monuments  mégalithiques. 

Après  avoir  entendu  les  savantes  explications  du  D''  Gernez  qui  avait  biisn  voulu 
nous  servir  de  cicérone  dans  ce  petit  voyage  au  travers  du  |)ays  qu'il  habile,  nous 


—  176  — 

rejoignons  une  des  nombreuses  chaussées  Brunehaut  de  la  rôgion  pour  atteindre 
Villers-au-Bois. 

Nous  traversons  Etrayelle,  hameau  composé  d'une  ferme  et  de  13  maisons, 
situé  au  bas  du  bois  de  St-Eloy.  Ce  bois,  le  siècle  dernier,  servait  de  refuge  à  une 
peuplade  de  brigands  appelés  «  les  Mordreux  »,  qui  mettaient  au  pillage  le  hameau 
et  les  villages  voisins,  chaque  fois  qu'ils  en  éprouvaient  le  besoin. 

Plus  loin  nous  apercevons  Gamblain-l'Abbé,  avec  sa  vieille  église  de  1404, 
construite  par  les  Anglais  que  Jean  de  Bourgogne  avait  appelés  ;  et  nous  arrivons 
à  Villers-au-Bois ,  dont  le  nom  indique  une  origine  romaine  ;  on  y  a,  du  reste, 
découvert  des  coupes  gallo-romaines,  des  pièces  de  monnaie,  des  fondations  et  des 
tombeaux  de  cette  époque. 

Nous  visitons  à  Villers^  une  importante  carrière  de  grès.  Ces  exploitations  se 
retrouvent  à  chaque  pas  dans  le  pays,  dont  le  sol  a  été  et  est  encore  remué  de 
fond  en  comble.  On  nous  cite  des  maisons  démolies  par  leur  propriétaire  afin 
d'exploiter  le  sous-sol. 

En  quelques  minutes  nous  arrivons  à  Carency  et  nous  y  visitons  les  sources  de 
In  Souciiez,  tout  en  remarquant  les  restes  de  l'ancien  manoir  des  familles  de 
Béthune,  Chàtillon,  Condé,  Bourbon,  et  la  vieille  tour  presque  accolée  à  l'église  et 
qui  doit  être  du  XIP  siècle.  Cette  tour  rappelle  la  seule  que  Lille  possède  encore, 
la  Noble-Tour  (1). 

De  Carency  nous  remontons  la  côte  qui  nous  mène  à  Mont-St-Eloy  et  nous  nous 
dirigeons  vers  les  deux  belles  tours  que  nous  apercevons  depuis  ce  matin.  Nous 
pénétrons  dans  le  village  de  1.200  habitants,  qu'une  voie  romaine  d'Arras  à  Thé- 
rouanne  traversait  et  qui  s'est  appelé  Mons-Albanus,  jusqu'en  635,  puis  Mont-St- 
Eloy  en  raison  de  l'installation  de  St-Eloy  à  cette  époque  et  que  la  Révolution 
baptisa  un  moment  de  Mont  de  la  Liberté.  Notre  aimable  guide  nous  fait  visiter  ce 
qui  reste  de  Vabbaije,  c'est-à-dire  le  quartier  de  l'administration,  construit  en  1726, 
les  celliers  voiàtés  du  XIV"  siècle,  les  restes  des  murs  de  l'enceinte  de  1413,  les 
belles  tours  de  1734  et  un  puits  de  plus  de  100  m.  de  profondeur,  maçonné 
entièrement  (2). 

Après  une  visite  à  la  villa  du  Docteur  oii  nous  fûmes  gracieusement  accueillis 
par  M""*  Gernez,  entourée  de  ses  gentils  enfants,  et  oii  nous  pûmes  jeter  un  coup- 
d'œil,  trop  précipité  malheureusement,  sur  la  collection  d'empreintes  de  coquillages, 
de  fougères,  de  palmiers  dans  le  grès,  de  dents  d'éléphants  et  de  pierres  taillées  de 
notre  guide,  nous  le  quittâmes  en  le  remerciant  bien  vivement. 

Les  voitures  nous  emportent  vers  la  gare.  Nous  apercevons  sur  la  route  une  des 
principales  sources  de  la  Scarpe  en  traversant  Ecoivres  et  nous  arrivons  juste  à 
temps  pour  monter  dans  le  train  qui  nous  ramènera  à  Lille. 

Depuis  trois  semaines  nous  avons  vu  les  sources  de  l'Escaut,  de  la  Scarpe  et  de 
la  Souchez  (notre  Deûle),  il  ne  nous  manque  plus  que  de  visiter  celles  de  la  Lys. 
Nous  pensons  faire  connaissance  avec  elles  l'année  prochaine. 

Fernaux-Defrance. 


(1)  Voir  Bulletin,  a*  semestre  de  1888,  page  X). 

(2)  Id.  id.  page  :fG. 


—   177  — 


EPHEMERIDES  DE   L'ANNEE  1898 


SEPTEMBRE. 


5.  —  Hollande.  —  Entrée  do  la  reine  Wilhelmine  à  Amsterdam. 

6".  —  Turquie.  —  Emeute  musulmane  à  Candie.  Des  soldats  anglais  sont  tués 
et  des  chrétiens  massacrés. 

6.  —  HoLL.\NDE.  —  Couronnement  de  la  reine  Wilhelmine. 

8.  —  Turquie.  —  Nouveau  massacre  de  chrétiens  en  Crète. 

9.  —  Soudan  français.  —  Une  colonne  de  sofas  de  Samory  est  détruite  à 
Tiaféso  par  le  lieutenant  Wœlfel. 

10.  —  Autriche.  —  Assassinat  à  Genève  de  ITmpératrice  Elisabeth  par  l'anar- 
chiste Lucheni. 

13.  —  France.  —  Grève  des  terrassiers  au  champ  de  mars  à  Paris. 
16.  —  Soudan.  —  Confirmation  de  l'occupation  de  Fachoda. 

18.  —  Tunisie.  —  Inauguration  du  chemin  de  fer  de  Sfax  à  Gafsa  (200  kil.). 
Construit  en  15  mois. 

19.  —  Turquie.  —  Désarmement  des  Musulmans  à  Candie. 

21.  —  OuBANGui-NiL.  —  Le  Sirdar  anglo  -  égyptien  Kitchener  arrive  devant 
Fachoda  et  établit  un  poste  à  côté  du  capitaine  Marchand.  Le  lendemain  22  sep- 
tembre il  se  trouve  à  l'embouchure  du  Sobat. 

26.  —  Soudan.  —  Grand  succès  des  Français  sur  les  sofas  de  Samory. 

27.  —  Soudan.  —  Le  capitaine  Gouraud  s'empare  de  Samory  et  de  son  camp  à 
Guélemou. 

30.  —  Chine.  —  Révolution  au  Palais  à  Pékin.  L'Impératrice  douairière  reprend 
le  pouvoir  des  mains  de  l'Empereur. 


FAITS  Er  iNOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


ï.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  découvertes. 


AFRIQUE. 

Lia  vrai*'  wouree  du  Mil.  —  On  mande  de  Berlin  que  le  D'  R.  Kandt, 
explorateur  de  l'Afrique  centrale,  a  adressé  à  M.  Fédor  de  Ranch,  une  relation  de 
son  expédition  aux  sources  du  Nil. 

12* 


—  178  — 

Arrivé  au  confluent  des  cours  d"eau  Ronvouron  ei  Kauguéra,  M.  Kandt  remonta 
ce  dernier  dont  le  volume  était  plus  important  jusqu'au  point  où  il  est  formé  par 
le  Nyavarongo  et  TAlranyaron.  De  nouveau,  il  eut  recours  à  la  mesure  du  débit 
d'eau  pour  reconnaître  le  fleuve  de  son  affluent,  et  ayant  vu  que  c'était  le  Nyava- 
rongo qui  étiiit  le  cours  d'eau  principal,  il  le  suit  au  milieu  de  difficultés 
effroyables  jusqu'au  point  cil  le  cours  d'eau  est  formé  par  le  Roukarara,  venant 
de  rOuest  et  le  Mhogo  venant  de  l'Est. 

Lexplorateur  remonta  ensuite  le  plus  important  des  deux  cours,  c'ost-à-dire  le 
Roukarara,  et  il  alla  jusqu'à  sa  source  dans  la  montagne.  Le  13  août  1898,  après 
trois  jours  de  marche  à  l'Est  de  la  partie  méridionale  du  lac  Kiou,  le  docteur 
Kandt  atteignit  une  caverne  basse  sur  le  versant  du  mont  Tetcliouho,  d'oii  il  vit 
sourdre,  goutte  par  goutte,  la  véritable  source  du  Nil. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE. 


fmtuatloii  coiuiiicrciale  et  iuclustrielle  de  la  cii'cousei'ip- 
tiou  marseillaise  en  1897.  —  Le  compte  rendu  adressé  au  Ministre  par 
la  Chambre  de  Commerce  de  Marseille,  donne  d'intéressants  renseignements  sur  la 
situation  commerciale  et  industrielle  de  la  circonscription  marseillaise  en  1897. 

Le  mouvement  général  de  la  navigation  s'y  est  chiffré  par  15,731  navires,  tant  à 
vapeur  qu'à  voiles,  dont  le  tonnage  a  atteint  un  total  de  10,712,201  tonneaux  ;  c'est 
avec  559  navires  de  moins,  163,940  tonneaux  de  plus  qu'en  1896. 

Les  navires  se  sont  subdivisés  en  11,000  à  vapeur,  jaugeant  ensemble  9,984,244 
tonneaux,  et  4,725  à  voiles  avec  727,957  tonneaux  de  jauge.  Les  entrées  ont 
compris  2,353  navires  à  voiles  et  5,942  navires  à  vapeur  ;  les  sorties  5,514  navires  à 
vapeur  et  3,433  navires  à  voiles.  Il  y  a  eu  sur  le  nombre  1 1,295  navires  français, 
avec  une  jauge  totale  de  6,248,(^5  t.,  sur  quoi  :  7,962  à  vapeur  avec  6,248,055  t.  de 
jauge  ;  sur  les  4,446  na\dres  étrangers,  3,144  étaient  à  vapeur  et  jaugeaient  ensemble 
4,117,985  tonneaux. 

Le  nombre  des  navires  attachés  au  port  de  Marseille  a  été,  l'année  dernière,  de 
815,  ayant  211,594  tonneaux  de  jauge  totale,  soit  6  navires  et  1,926  t.  de  moins  que 
l'année  précédente  ;  sur  les  815  navires  en  service,  313  étaient  à  vapeur  et  jau- 
geaient à  eux  seuls  243,000  tonneaux. 

Marseille,  en  somme,  a  vu  l'année  dernière  s'accroître  quelque  peu  (164,000  t. 
environ)  le  tonnage  général  des  navires  qui  ont  fréquenté  son  port  ;  mais  elle  est, 
sous  ce  rapport,  distancée  par  nombre  d'autres  villes  maritimes  :  à  Rotterdam, 
l'accroissement  a  été  de  31,000  t.  ;  il  a  été  de  646,000  à  Anvers;  Gênes  enfin,  la 
rivale  de  Marseille,  a  gagné  516,0(X)  t.  dans  le  même  temps.  Gènes  qui,  jusque 
vers  1882,  avait  un  mouvement  de  port  toujours  inférieur  de  moitié  à  celui  de  Mar- 
seille, progresse  depuis  lors  d'un  train  très  rapide,  et  serre  de  près  désormais 
notre  métropole  commerciale,  qui  no  l'emportait  plus  que  de  1,985,000  touncnix 


-  179  - 

Tannée  dernière.  Lci  Chambre  ilc  Comniorco  de  Marseille  a  raison   de  jeter  li'  cri 
d'alarme. 

Le  mouvement  général  des  marchandises  du  port  s'est  chitfré.  importations  et 
exportations  réunies,  par  48,2 16,.")33  quintaux  métriques  au  commerce  général  et 
par  30, '»itG,(i71  quintaux  métriques  au  commerce  spécial;  dans  ces  totaux,  les 
importations  sont  entrées,  savoir  :  pour  28,834,453  quintaux  au  commerce  général, 
pour  20,114,648  quintaux  au  commerce  spécial,  et  les  exportations,  pour  19,382.080 
quintaux  au  commerce  général,  pour  10,382,023  quintaux  au  commerce  si)écial  ;  le 
transit,  on  le  voit,  tient  une  grande  place  dans  le  commerce  de  Marseille. 

En  1896,  le  mouvement  général  des  marchandises,  importations  et  exportations 
réunies,  avait  été  de  46,224,0;i")  quintaux  métriques  au  commerce  général  et  de 
29,090,(377  quintaux  au  commerce  spécial ,  les  importations  se  chiffrant  au  commerce 
général  par  27,833,430  quintaux,  au  commerce  spécial  par  18,798,000  quintaux. 
11  y  a  donc  eu,  en  1897,  par  rapport  à  1896,  dans  le  mouvement  général  des  mar- 
chandises, un  accroissement  qui  s'est  chiffré  par  environ  1  million  de  quintaux 
métriques  au  commerce  général,  et  par  environ  1  million  1/2  de  quintaux  au  com- 
merce spécial. 

On  a  évalué  à  2  milliards  ."300,000  fr.  la  valeur  totale  des  marchandises  importées 
et  exportées  en  1897  :  ce  chiffre  est  supérieur  de  près  de  250  millions  au  chiffre 
correspondant  de  1896,  et  c'est  aussi  le  plus  gros  chiffre  atteint  depuis  1891  ;  il 
n'avait  été  que  de  1,948  millions  en  1893  et  de  1,849  millions  en  1895. 

Les  perceptions  de  la  douane  de  Marseille  se  sont  élevées,  l'année  dernière,  à 
63,400,000  fr.  à  peu  près  ;  elles  n'avaient  été  que  de  57,222,000  fr.  en  1896  ;  il.  est 
vrai  qu"en  1894  elles  avaient  atteint  82  1/2  millions,  76  1/2  en  1893  et  73  1/2  en 
1892.  Mais  le  chiffre  des  perceptions  de  la  douane  dépend  surtout  de  la  nature  des 
marchandises  importées  et  de  la  proportion  des  marchandises  non  réexportées, 
par  conséquent  frappées  par  la  douane. 

11  n'est  pas  inutile  de  mentionner  le  mouvement  des  arrivées  et  des  départs  de 
passagers  :  les  arrivées  se  sont  chiffrées  par  149,000  environ,  les  départs  ont 
atteint  123,8(J0,  ce  qui  fait  un  va-et-vient  de  271,828  passagers,  sur  lesquels  environ 
46,000  militaires,  tant  arrivé?;  que  partis. 

Dans  l'ensemble  des  marchandises  importées  à  Marseille  l'année  dernière,  les 
céréales  sont  entrées  pour  plus  de  7  1/2  millions  de  quintaux,  dont  près  de  6  mil- 
lions de  quintaux  de  blé  ou  froment,  c'est  un  peu  plus  du  tiers  de  ce  qui  a  été 
importé  pour  toute  la  France  ;  quoique  cette  importation  ait  été,  l'année  dernière, 
pour  toute  la  France,  supérieure  d'un  quart  environ  à  ce  qu'elle  avait  été  en  1896, 
elle  est  restée  la  même  à  Marseille. 

Marseille  importe  peu  de  farines,  mais  elle  en  exporte  une  quantité  fort  notable  : 
elle  en  a  exporté  2  millions  de  quintfiux  a  peu  près  en  1897,  soit  un  demi-million 
de  quintaux,  à  peu  près,  de  plus  qu'en  189(5. 

L'importation  des  sucres  bruts  de  toute  provenance  a  été  l'année  dernière,  à 
Marseille,  d'environ  106  millions  de  kilogrammes,  contre  un  peu  moins  de  104  en 
1896;  les  sucres  des  colonies  françaises  entraient  dans  ce  total  pour  (58  1/2  millions 
de  kilogrammes,  les  sucres  indigènes  pour  36  millions  de  kilogrammes,  les  sucres 
étrangers  pour  1  million  seulement  de  kilogrammes.  Marseille  raffine  les  sucres 
bruts  qu'elle  importe,  et  une  fois  ralfinés,  les  livre  à  la  consommation  intérieure 
ou  les  exporte  :  en  1897,  elle  en  a  livré  près  de  50  millions  de  kilogrammes  à  la 
consommation  française  et  exporté  plus  de  3^  millions  de  kilogrammes. 


-  180  - 

Marseille  a  importé  rannéo  dernière  24,300  tonnes  de  café,  2  1/2  de  plus.([u'en 
189(3 :  370,300  kilos  de  cacao,  à  peu  près  200,000  de  moins  qu'en  1896  :  2.589,300 
quintaux  de  graines  oléagineuses,  contre  3,430,000  quintaux  en  1896. 

En  ce  qui  concerne  les  graines  oléagineuses,  le  déficit  des  arrivages,  sur  Tannée 
précédente,  est  de  840,450  quintaux,  il  avait  déjà  été  de  242,000  quintaux  en  1896 
j)ar  rapport  à  1895  :  «  Marseille,  dit  la  Chambre  de  Commerce,  tend  à  ne  plus  être 
le  marché  directeur  de  cette  marchandise  »,  et  son  industrie  huilière  est  en 
décadence. 

Marseille  a  reçu  en  1897  près  de  5  millions  de  kilogrammes  de  bourres  de  soie, 
(),0;^,0()0  kilog.,  de  soies  écrues  grèges,  1,129,000  kilog.  de  cocons  ;  elle  a  exporté 
222,000  kilog.  de  tissus  unis  de  soie  et  182,800  kilog.  de  tissus  de  soie  mélangée. 

Le  marché  des  laines,  actif  déjà  en  1896,  Ta  été  plus  encore  en  1897  :  il  est  arrivé 
15(3,045  balles,  dont  76,072  pour  la  place  et  le  reste  de  passage  ;  il  a  été  vendu 
84.025  balles,  et  le  stock  au  31  décembre  était  de  17,(387  balles. 

Il  se  fait  à  Marseille,  spécialement,  un  grand  transit  de  bétail  :  il  y  est  arrivé 
par  mer,  l'année  dernière,  1,078,000  tètes,  moutons  pour  la  plus  grande  partie, 
bœufs  pour  le  reste  ;  et  par  les  voies  de  terre,  Marseille  a  expédié  1,044,0(X)  têtes, 
dont  975,300  moutons  et  38,000  bœufs  ou  vaches.  Tout  ce  bétail  vient  à  peu  près 
exclusivement  d'Algérie  et  de  Tunisie. 

Quoique  la  Provence  produise  en  grande  quantité  l'huile  d'olive,  Marseille  en  a 
importé  en  ISiH'  environ  12  millions  de  kilogrammes,  dont  4,7  millions  provenant 
de  Tunisie. 

En  huiles  de  graines  fabriquées,  l'importation  a  été  l'année  dernière  de  63  mil- 
lions de  kilogrammes  ;  les  huileries  marseillaises  ont  trituré  2,590,0(X)  quintaux  de 
graines,  qui  ont  donné  80  millions  de  kilogrammes  d'huile.  La  Chambre  de  Com- 
merce fait  la  remarque  que  les  usines  de  Marseille  pourraient  et  devraient  produire 
davantage,  ce  qui  ferait  diminuer  l'importation  des  huiles  de  graines  fabriquées  :  il 
serait,  en  effet,  désirable  que  la  consommation  nationale  pût  être  à  peu  près  fournie 
par  la  production  de  nos  huileries. 

Nous  devons  négliger  nombre  de  commerces  et  nombre  d'industries  de  la  région  ; 
mais  nous  parlerons  tout  naturellement  ici,  de  l'industrie  et  du  commerce  de  la 
savonnerie. 

La  production  de  cette  industrie  toute  marseillaise  a  été,  en  1898,  de  119,581,922 
kilogrammes,  ayant  une  valeur  de  50  millions  7.55,(K)0  fr.  environ.  Là-dessus,  Mar- 
.seille  même  a  consommé  5  millions  de  kilogrammes  ;  les  Bouches-du-Rhône, 
Vaucluse,  les  Basses-Alpes,  le  Var,  3  millions  ;  65  millions  ont  été  expédiés  par 
voies  ferrées  sur  divers  autres  points  de  la  France,  31  millions  de  kilogrammes 
encore  ont  été  transportés  par  cabotage  dans  nos  divers  ports  de  la  Méditerranée 
et  de  rOcéan,  et  1.5,262,-522  kilog.  ont  été  exportés  par  mer  hors  de  France. 

Notons  encore  la  fabrication  et  le  commerce  des  semoules  et  pâtes  alimentaires. 
L'exportation  des  semoules  a  été  de  6'i,f)()0,(XK)  kilog..  celle  des  autres  pâtes 
d'environ  5  millions  de  kilogrammes,  en  augmentation  assez  notable  sur  l'année 
précédente. 

EUROPE 

Ii4*  «•OUI m «'■*(•(>  vt  Ih  iiavi;iMf ion  «l«>  lu  B4>'l;;if|iie  en  IH9N.— 
Le  mouvement  des  importations  en  Belgique  a  atteint,  pendant  l'année  dernière, 
un  total  de  1,927,592,000  fr.,  soit  une  augmentation  de  113,0r)0,(MH)  fr.  sur  1897 
(l,794,54'2,(X)0fr.). 


.   -  181  — 

En  ce  qui  concerne  les  exportations  belges,  elles  se  sont  chiffrées,  en  1898,  par 
1,652,61 1, (MX)  fr.,  soit  une  plus-value  de  104,584,000  fr.  sur  Tcxercice  précédent 
(1,548,027,000  fr.). 

Les  quatre  pays  avec  lesquels  les  transactions  de  la  Belgique  ont  été  le  plus 
importantes  ont  été,  comme  d'habitude,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  la  France  et  les 
Pays-Bas. 

Le  commerce  spécial  avec  ces  pays,  pour  tout  ce  qui  touche  les  principales  mar- 
chandises, s'est  chiffré  comme  suit  : 

IMPORTATIONS. 
Pays.  1898  1897  Augmentations.  Diminutions. 

France 272 .  340 .  000  263 .  585 .  000  8 .  755 .  000  » 

Angleterre 207.132.000  204.041.000  3.091.(H)0  » 

Allemagne 190.861.009  183.856.000  7-005.000  » 

Pays-Bas 152.270.000  146.629.000  5.041.000  » 

EXPORTATIONS. 
Pays.  1898  1897  Augmentations.  Diminutions. 

Allemagne ;388.307.000  313.346.000  74.961.000               » 

Angleterre 29(3.208.000  300.022.000  »  3.814.000 

France 314.307.000  294.450.000  19.a57.000               » 

Pays-Bas 191.445.000  177.210.0(K)  14.210.000               » 

On  remarquera  que  les  importations  et  les  exportations  de  ces  quatre  pays  sont 
en  hausse,  sauf  pour  l'Angleterre,  qui  accuse  une  légère  moins-value  sur  Texer- 
cice  1897. 

Si  l'on  compare  maintenant  les  importations  aux  exportations,  on  a  les  différences 
suivantes  en  faveur  de  ces  dernières. 

Allemagne  :  197,4'i6,000  fr.,  tandis  qu'en  1897  la  différence  était  de  129,49(t,000  fr. 

Angleterre  :  89,076,000  fr.,   tandis  qu'en  1897  la  différence  était  de  95,98 1,(K)0  fr. 

France  :  41,967,000  fr.,  tandis  qu'en  1897  la  différence  était  de  30,865,000  fr. 

Pays-Bas  :  39,175,000  fr.,  tandis  qu'en  1897  la  différence  était  de  30,581,000  fr. 

Les  droits  de  douane  perçus  se  sont  élevés  en  1898  à  45,459,863  fr.  contre 
45,897,199  fr.,  soit  une  diminution  de  437,336  fr. 

En  ce  qui  concerne  le  mouvement  de  la  navigation  maritime  des  ports  de  la  Bel- 
gique en  1898,  il  y  a  eu  à  l'entrée  une  augmentation,  par  rapport  à  1897,  de 
95  bateaux  et  de  363,791  tonneaux  et,  à  la  sortie,  un  accroissement  de  161  bateaux 
et  de  248,714  tonneaux. 


ASIE. 

Toukin.  —  CoIoniNation  françaliiie.  —  La  direction  de  l'agriculture 
et  du  commerce  de  l'Indo-Ghine.  qui  est  de  création  récente,  vient  de  donner  un 
étiit  des  concessions  accordées  depuis  dix  ans  au  Tonkin.  En  1888,  il  ne  fut  accordé 
que  2  concessions  et  4  seulement  en  1889;  en  1890  et  1891,  ce  nombre  augmente 
considérablement  ;  ou  n'en  compte  pas  moins  de  35  en  1890  et  de  30  en  1891  ;  mais 


—  182  — 

il  retomba  à  14  et  6  dans  les  années  suivantes:  Il  fut  de  17  en  189'i,  de  G  en  189r>, 
de  20  en  1890,  de  m  en  1897  et  de  24  en  1898.  Le  chiflPre  de  1897,  qui  est  le  plus 
élevé,  dift'ère  très  peu  de  celui  de  189()  quant  au  nombre  de  concessions  accordées  ; 
mais  il  ditlere  beaucoup  si  on  considère  la  supei-ficie  de  ces  concessions  :  celle-ci 
atteignit,  en  eflet,  38,78.'ï  hectares,  tandis  qu'en  1890  elle  n'était  que  de  4,340. 
L'année  1898  donnera  certainement  des  résultats  encore  supérieurs  à  ceux  de  1897, 
car,  en  février,  24  concessions,  comportant  une  superficie  de  20,415  hectares  , 
avaient  déjà  été  accordées,  et  il  y  avait  à  cette  époque  encore  48  demandes  en 
instance. 

.  Au  total,  de  1888  à  février  1898,  194  concessions,  comprenant  114'841  hectares, 
avaient  été  accordées  au  Tonkin.  Le  nombre  des  provinces  dans  lesquelles  ces 
concessions  ont  été  données  est  de  19.  L'étendue  des  terrains  concédés  est  beau- 
coup plus  considérable  dans  la  uîoyenne  et  haute  région  du  Tonkin  que  dans  le 
delta.  La  superficie  totale  des  concessions  dans  le  d^lta  ne  comprend  que  22,182 
hectares,  et  celle  de  Bac-Ninh  entre-t-elle  dans  ce  chiffre  pour  11,2ÎM)  hectares,  et 
celle  de  Ninh-Binh  pour  0,480  ;  or,  ces  deux  provinces  appartiennent  pour  partie 
au  delta,  pour  partie  à  la  région  moyenne.  Le  petit  nombre  de  concessions  relevé 
dans  le  delta  s'explique  du  reste  par  le  fait  que  cette  région  est  extrêmement 
peuplée  et  exploitée  presque  complètement  par  les  indigènes  qui  y  cultivent  à  peu 
près  exclusivement  le  riz.  La  moyenne  et  la  haute  région  offrent  beaucoup  plus  de 
ressources  à  la  colonisation  agricole  française,  aussi  est-ce  là  qu'elle  se  développe 
le  plus. 

Les  chiflres  que  nous  avons  cités  montrent  qu'elle  a  progressé  rapidement  depuis 
quinze  mois  ;  le  nombre  d'hectares  concédés  a  doublé  depuis  le  commencement  de 
1897.  Beaucoup  de  temps  a  donc  été  perdu.  Il  est  vrai  que  l'administration  de  cette 
colonie  s'est  toujours  peu  souciée  d'attirer  le  colon  —  pour  ne  pas  dire  plus  —  et 
n'a  eu  recours  à  aucun  des  moyens  de  propagande  que  plusieurs  autres  colonies 
françaises  emploient  largement,  par  exemple,  la  Nouvelle-Calédonie  et  Madagascar. 

AMÉRIQUE 

lia  coneui'i'cuce  ainérieaiue  clan»»  la  Répiilili<|iie  Ai*$s;eu- 
tiiie.  —  Une  lettre  adressée  de  Buenos-Ayres  au  British  Trafic  Jàimui/,  signale 
l'attitude  énergique  et  entreprenante  d'un  groupe  de  maisons  américaines  qui 
arrivent  à  un  gros  chiffre  d'affaires  par  l'exposition  préalable  des  produits  qu'elles 
mettent  en  vente  dans  la  capitale  argentine.  Les  négociants  yankees  résidant  dans 
la  République  Sud  américaine  se  mettent  dans  ce  but  en  relation  avec  une  maison 
de  premier  ordre  de  New-York  qui,  par  sa  situation,  peut  obtenir  des  marchandises 
à  crédit  et  leur  envoie,  pour  être  exposés  à  Buenos-Ayres,  à  titre  d'échantillons, 
des  coffres-forts,  des  machines  agricoles,  des  bicyclettes  et  quantité  d'autres  pro- 
duits. C'est  sur  le  vu  de  ces  échantillons  que  se  font  les  transactions  et  que  sont 
données  les  commandes.  Ce  système  a  l'avantage  de  faire  connaître  aux  commer- 
çants argentins  des  articles  qui  n'auraient  jauiais  été  vendus  par  les  autres  voies 
ordinaires,  mais  il  a  aussi  l'inconvénient  d'augmenter  les  prix  à  cause  du  nombre 
de  commissions  qu'il  faut  payer  avant  que  la  marchandise  n'arrive  au  consom- 
mateur. 

Il  faut  noter  que  les  Anglais,  les  Français  et  les  Allemands  ont  avec  la  liépu- 
l)liquc  Argentine  des  communications  par  navires  à  vapeur  plus  faciles  que  celles 
des  négociants  des  Etats-Unis,  qui,  pour  écrire  chez  eux,  empruntent  presque 
toujours  la  voie  anglaise. 


—  183  — 

La  main-d'œuvre  est,  d'un  autre  côté,  plus  chère  aux  Etats-Unis  que  dans  les 
autres  pays.  Il  serait  donc  relativement  facile,  en  imitant  l'exemple  très  pratique 
donné  par  les  Américains,  de  combattre  leur  concurrence. 


C'oniiiiiiiii«*atioiiK  télés'i*a|)liiqiii'»«  outre  l'I'^iii'ope  et  l'Ainé- 
rif|iie.  —  Entre  le  continent  européen  et  l'Amérique  du  Nord,  il  existe  à  présont 
douze  communications  télégraphiques.  Quatre  câbles  appartiennent  à  «  l'Angio 
American  Telegraph  Company  »  de  (Valentia  en  Irlande  à  Hearts  Content  à  Terre- . 
Neuve)  société  anglaise,  —  trois  câbles  à  la  «  Commercial  Câble  Company  »  de 
(Waterville  en  Irlande  à  Canso  dans  la  Nouvelle-Ecosse),  société  américaine,  — 
deux  câbles  à  la  Compagnie  française  des  Câbles  télégraphiques  à  Paris  (l'un  de 
Brest  à  Saint-Pierre  se  prolongeant  jusqu'au  cap  Cod  près  Boston,  l'autre  direct 
de  Brest  au  cap  Cod  —  et  un  câble  de  la  «  Direct  United  States  Câble  Com- 
pany »  (de  la  Ballinskelligsbay  à  Halifax  dans  la  Nouvelle-Ecosse).  Enfin  deux 
câbles  sont  posés  entre  Sennen-Cove  sur  la  côte  occidentale  de  l'Angleterre  et 
Canso  dans  la  Nouvelle-Ecosse.  Ils  sont  exploités  par  la  «  Western  Union  Tele- 
graph Company  »,  Société  américaine. 

La  station  Hearts  Content  de  la  Compagnie  anglo-américaine  est  reliée  avec 
Sydney  par  un  câble  maritime  qui  touche  à  l'île  du  cap  Breton  d'oii  elle  commu- 
nique par  les  lignes  du  continent  américain  avec  les  Etats-Unis.  Des  câbles  mari- 
times partent  de  Canso  pour  New-York  et  pour  Rockport  près  Boston.  Aux 
Etats-Unis,  les  lignes  télégraphiques  ne  sont  pas  une  régie  de  l'Etat  comme  en 
Europe  :  elles  sont  entre  les  mains  de  deux  grandes  Sociétés  télégraphiques,  la 
«  Western  Union  Company  ».  Cette  dernière  marche  d'accord  avec  la  «  Commercial 
Câble  Company  »  qui  est  en  concurrence  avec  les  autres  Sociétés  alliées  à  la 
«  Western  Union  Company  ». 

Un  nouveau  câble  doit  mettre  directement  en  communication  l'Allemagne  avec 
les  Etats-Unis.  Il  ira  de  Borkum  ou  Emdeni  à  New-York  en  touchant  aux  îles 
Açores. 


OGEANIE. 


Tabiti.  —  lloriiions  et  t'oiiiiiicrce.  —  Depuis  quelques  années,  des 
ministres  mormons,  venus  dos  Etats-Unis,  se  sont  introduits,  sous  le  prétexte  de 
propagande  religieuse,  dans  les  îles  de  l'Océanie  et  notamment  à  Tuamotu,  se- 
livrant  à  une  réclame  acharnée  en  faveur  des  produits  américains,  et  ont  accaparé 
peu  à  peu  le  commerce.  Pour  mieux  réussir,  les  ministres  mormons  confèrent  aiix 
indigènes  qui  sont  dévoués  aux  intérêts  commerciaux  américains  ou  allemands, 
des  grades  élevés  dans  le  mormonisme  ;  mais,  ce  qui  est  plus  grave,  ils  interdisent 
tout  trafic  avec  les  Français. 

Ces  procédés  ne  peuvent  être  tolérés  plus  longtemps  dans  des  possessions  fran- 
çaises, d'autant  plus  que  les  Mormons  n'ont  jamais  été  autorisés  à  faire  de  la 
propagande  à  Tahiti  ni  dans  aucune  autre  de  nos  îles  et  que  cette  autorisation  est 
nécessaire  à  toute  congrégation  ou  communauté  religieuse  qui  veut  s'établir  dans 
les  colonies  françaises.  Il  n'y  a  donc  qu'à  expulser  tout  simplement  ces  intrus. 


-  184  — 
m.  —  Généralités. 


Colouie!«  fi'aueaises».  —  Colous.  —  M.  Franck  Chauveau,  dans  son 
rapport  sur  le  budget  colonial  de  1898,  au  Sénat,  a  constaté  que  le  total  des  colons 
établis  dans  nos  colonies  était  de  plus  de  4.300  (en  18U7),  dont  1.444,  soit  environ 
le  tiers,  en  Nouvelle-Calédonie:  1.032  à  Madagascar  et  dépendances;  447  au 
Tonkin  et  en  Annam  ;  ;367  au  Sénégal  ;  323  à  Tahiti  ;  472  en  Cochinchine  et  au 
Cambodge  ;  138  au  Dahomey  ;  90  au  Congo  ;  80  en  Guinée  ;  52  à  la  Côte-d'Ivoire  ; 
40  au  Soudan  ;  21  à  la  Côte  des  Somalis  (Obock')  ;  19  dans  Tlnde  française.  On  n'a 
pas  les  chiffres  des  colons  établis  à  la  Réunion,  la  Martinique,  la  Guadeloupe,  la 
Guyane,  Saint-Pierre  et  Miquelon. 

Sur  les  4.300  colons,  il  y  a  environ  380  industriels,  950  agriculteurs  ;  les  com- 
merçants forment  le  reste,  c'est-à-dire  environ  3.000. 

Les  agriculteurs  se  répartissent  ainsi  :  763  en  Nouvelle-Calédonie  ;  105  à  Mada- 
gascar ;  59  en  Cochinchine  et  au  Cambodge  ;  23  en  Annam  et  au  Tonkin  ;  1  à 
Tahiti.  Il  n'y  en  a  aucun  dans  nos  autres  possessions,  sauf  nos  colonies  séculaires 
qui  sont  de  véritables  départements  français. 

Il  y  a  210  industriels  au  Tonkin  et  en  Annam  ;  49  en  Nouvelle-Calédonie  ;  36  en 
Cochinchine  et  au  Cambodge  ;  32  à  Madagascar  ;  27  au  Sénégal  ;  19  à  Tahiti,  etc. 

Les  commerçants  sont  au  nombre  de  632  en- Nouvelle-Calédonie  ;  340  au 
Sénégal  ;  303  à  Tahiti  ;  214  au  Tonkin  et  en  Annam  ;  177  en  Cochinchine  et  au 
Cambodge  ;  1.38  au  Dahomey. 

Il  résulte  de  ces  chiffres  que  la  Nouvelle-Calédonie  a  seule  jusqu'ici  attiré  un 
nombre  notable  de  colons  et  que  Madagascar  est  en  bonne  voie  à  ce  point  de  vue  ; 
on  est  surpris  aussi  de  voir  le  rang  supérieur  qu'occupe  dans  cette  statistique  notre 
petite  colonie  de  Tahiti,  mais  on  est  attristé  par  les  chiffres  dérisoires  des  colons 
établis  au  Soudan,  par  exemple.  11  est  vrai  que  les  communications  y  sont  si 
faciles. 

IjC  toup  du  inonde  en  33  jours.  —  D'après  les  calculs  établis  par 
le  Ministre  des  voies  et  communications  de  Russie,  on  pourra,  une  fois  le  Transsi- 
bérien achevé,  faire  le  tour  du  monde  en  33  jours.  Voici  l'itinéraire  établi  par  ce 
Ministre:  de  Brème  à  St-Pétersbourg,  par  voie  ferrée,  1  jour  1/2;  de  St-Péters- 
bourg  à  Vladivostock,  par  voie  ferrée,  et  à  raison  de  48  kilomètres  à  l'heure, 
10  jours  ;  de  Vladivostock  à  San-Franci.sco,  à  travers  l'Océan  Pacifique,  10  jours  ; 
de  San-Francisco  à  New-York,  4  jours  1/2  ;  de  New- York  à  Brème,  7  jours.  Au 
total,  .33  jours. 

Jusqu'à  présent  l'itinéraire  le  plus  court  était  :  de  New-York  à  Southampton, 
6 jours;  de  Southampton  à  Brindisi,  i-ia  Paris,  3  jours  1/2;  de  Brindisi  à  Yoko- 
hama, par  le  canal  de  .Suez,  42  jours  ;  de  Yokohama  à  San-Francisco,  10  jours;  de 
San-Francisco  à  New-York,  4  jours  1/2.  Au  total,  66  jours,  exactement  le  double. 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 
LE   SECRETAIKE-OÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MFRCHIER. 

QUARRK - REYBOURBON. 


lleinip.lOaneL 


—  185  - 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


ASCENSIONS  DANS  LE  VALAIS 


Conférence  faite  à  Lille  le  10  Novembre  1898, 

Par  M.  Maurice  MAQUET, 

^Membre  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille  et  du  Club  Alpin  suisse 
Secrétaire  de  la  section  du  Nord  du  Club  Alpin  français. 


Mesdames,  Messieurs, 

L'année  dernière,  à  propos  d'un  voyage  dans  V Engadine,  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  expliquer  comment  nous  sommes  devenus  alpinistes, 
et  comment,  après  quelques  années  d'un  entraînement  progressif,  nous 
avions  réussi  l'ascension  du  majestueux  Pahi  et  de  la  Bemiua  redoutée. 

Nous  avions  cette  année  une  ambition  plus  haute  :  gravir  le  Cervin  ; 
mais,  pour  le  faire  avec  succès  et  sans  danger,  il  fallait  d'abord  nous 
entraîner  progressivement  sur  des  montagnes  de  rochers  plus  faciles 
ou  moins  élevées. 

C'est  en  somme  à  cette  préparation  que  nous  avons  consacré  les 
cinq  premières  semaines  de  notre  voyage  en  Suisse  cet  été. 

Après  quelques  jours  passés  au  bord  du  lac  de  Genève  en  attendant 
patiemment  le  beau  temps,  nous  allâmes  à  Salvan,  charmant  petit 
village  admirablement  situé  à  500  mètres  au-dessus  des  gorges  du 
Trient,  et  à  1  kil.  1/2  de  la  station  de  Vernayaz,  à  l'entrée  du  Valais. 

La  route  quitte  la  vallée  du  Rhône  par  de  nombreux  lacets,  et 
continue  par  Finbauts  jusqu'à  Ghamonix.  C^ette  route,  peu  connue,  est 
plus  courte  et  plus  belle  que  celle  de  Martignyet  de  la  Tête-Noire. 

Salvan  n'est  pas  un  endroit  à  la  mode  :  c'est  un  village  simphï  et 

13 


—  186  — 

tranquille  et  la  vie  y  est  bon  marché  ;  les  montagnes  qui  l'entourent 
ne  sont  pas  d'vine  très  grande  hauteur,  3,000  mètres  environ  ;  aussi  les 
glaciers  ont-il  presque  complètement  disparu,  laissant  à  nu  les  parois 
à  pic  et  les  arêtes  hérissées.  Ce  n'est  pas  le  pays  des  grands  déserts  de 
glace,  mais  celui  des  rochers  sauvages  dominant  des  alpes  riantes. 

Aussitôt  arrivés  à  Salvan,  nous  engagions  pour  la  saison  Joseph 
Fournier,  le  premier  guide  de  la  vallée,  et  l'un  des  plus  célèbres 
de  la  Suisse  ;  il  a  fait  toutes  les  grandes  ascensions  du  Valais ,  de 
rOberland  et  du  massif  du  Mont  Blanc. 

Comme  première  ascension,  nous  voulions  gravir  le  Luisin,  mon- 
tagne facile,  d'où  l'on  a,  comme  de  toutes  les  sommités  voisines  de 
Salvan  d'ailleurs,  une  vue  surprenante  sur  le  Mont  Blanc  et  sa  chaîne. 
Fournier  nous  conseilla  le  Clocher  de  Luisin,  sommet  secondaire  de 
la  montagne,  mais  que  sa  forme  en  pain  de  sucre  rend  véritablement 
intéressant  comme  grimpée. 

•  Nous  partîmes  avec  lui,  ma  femme  et  moi,  et  fîmes  une  varappe  de 
rochers  palpitante  d'intérêt,  mais  qui  nous  mena  sur  une  pointe  de 
l'arête  du  Luisin,  située  entre  le  Clocher  et  le  principal  sommet,  et 
haule  de  2,500  m.  environ.  Là,  Fournier  nous  expliqua  que  pour  juger 
de  nos  capacités,  il  nous  avait  fait  faire  une  ascension  absolument 
inédite  :  cela  commençait  bien.  —  Mis  en  goût  par  cette  première 
Course,  nous  redescendons  de  l'autre  côté  de  la  montagne,  à  Salanfe, 
immense  pâturage  entouré  de  toutes  parts  de  hautes  montagnes,  le 
Luisin,  la  Tour  Sallières,  la  Dent  du  Midi. 

Il  n"v  a  là  que  de  pauvres  chalets  de  bergers  dont  l'un  a  été  trans- 
formé en  une  modeste  auberge  de  touristes.  Le  lendemain  nous  faisions 
l'ascension  de  la  Haute  Cime  de  la  Dent  du  Midi,  3,260  mètres. 

hdi  Dent  du  Midi  est  la  reine  de  cette  région  :  c'est  elle  que  l'on 
aperçoit  encadrée  au  fond  du  lac  de  Genève  et  dominant  toute  la 
vallée  du  Rhône.  Elle  se  dresse,  fîère ,  pareille  à  une  sentinelle 
avancée,  la  dernière  des  hautes  montagnes;  ses  sept  cimes,  de  hauteur 
presque  égale,  la  font  ressembler  de  loin  aux  ruines  d'une  gigantesque 
forteresse,  et  de  son  faîte  on  jouit,  grâce  à  sa  position  isolée,  d'une  vue 
incomparable,  sur  les  trois  quarts  de  la  Suisse  et  sur  la  Savoie. 

Les  différentes  cimes  de  la  Dent  du  Midi  sont  plus  ou  moins  difficiles. 
Celle  oîi  nous  sommes  montés,  la  plus  haute,  est  la  plus  facile;  il  y 
avait  encore  tant  de  neige  à  ce  moment  qu'il  eût  été  dangereux  de 
tenter  l'ascension  des  autres. 

La  Haute  Cime  est  assez  pénible  à  gravir  à  cause  des  pierriers  ou 


T-  187  - 

pentes  d'éboulis  sur  lesquels  on  doit  monter  pendant  la  plus  grande 
partie  de  l'ascension  (5  h.). 

De  Salanfe  on  peut  redescendre  à  Salvan  par  un  sentier  qui  suit 
<l'abord  la  Salanfe  aux  innombrables  cascades  ;  c'est  ce  torrent  que 
l'on  voit  tomber  près  de  Vernayaz  sous  le  nom  de  cascade  de  Pisse- 
vache.  Puis  le  sentier  quitte  le  ruisseau,  et  passant  à  une  grande 
hauteur  sur  le  flanc  de  la  montagne,  offre  une  vue  remarquable  sur  la 
vallée  du  Rhône. 

L'excursion  de  Salvan  aux  pâturages  de  Salanfe  est  une  de  celles 
que  l'on  peut  le  plus  vivement  recommander,  même  aux  personnes  qui 
ne  veulent  pas  en  faire  un  centre  d'ascensions. 

Nous  avions  l'intention  démonter  aussi  à  la  Tour-Sallières,  mais  le 
mauvais  temps  nous  en  empêcha.  Cependant,  notre  nuit  passée  dans 
la  cabane  Barherine,  au  pied  de  la  montagne,  mérite  d'être  racontée. 

C'est  une  cabane  du  Club  Alpin  suisse  construite  en  pierres  sèches, 
^t  qui  n'était  pas  encore  complètement  terminée  :  deux  ouvriers  menui- 
siers étaient  occupés  à  y  placer  le  revêtement  intérieur  en  bois.  Gomme 
lit,  ces  deux  hommes  avaient  un  peu  de  paille  qu'ils  partagèrent  avec 
nous  et  nos  deux  guides  ;  le  plus  beau,  c'était  une  jambe  de  bœuf  que 
les  menuisiers  avaient  là  comme  provision  ;  elle  pendait  juste  au-dessus 
■de  nous  lorsque  nous  étions  couchés,  et  nous  nous  y  sommes  cognés  la 
tête  plus  d'une  fois.  —  Toute  la  nuit  le  vent  souffla  en  ouragan,  et 
entre  chaque  pierre  se  faufilait  un  air  froid,  souvent  accompagné  de 
neige,  qui,  ailleurs  que  dans  les  Alpes,  nous  eût  sûrement  occasionné 
une  fluxion  de  poitrinç. 

Nous  ne  fûmes  guère  mieux  nourris  que  logés,  le  matériel  culinaire 
«t  le  service  de  table  étant  plutôt  restreints  :  une  marmite  sale,  une 
•écuelle  en  bois,  une  cuiller  et  c'est  tout.  Aussi,  ce  ne  fut  pas  très 
•compliqué  :  le  matin,  pour  faire  le  thé,  on  le  mit  dans  une  écuelle  en 
bois  ;  on  versa  l'eau  chaude  dessus  et  on  y  ajouta  sucre  et  lait,  puis 
avec  la  cuiller  chacun  put  y  puiser  à  son  tour,  en  évitant  le  mieux 
possible  de  prendre  les  feuilles  de  thé  avec  le  breuvage. 

Cela  faisait  du  moins  diversion  aux  tables  d'hôte  oii  l'on  vous  change 
de  couvert  après  chaque  plat. 

II. 

De  Salvan  nous  redescendîmes  dans  la  vallée  du  Rhône,  et  prîmes 
le  chemin  de  fer  pour  Bex,  station  thermale  très  fréquentée.   De  là 


—  188  — 

nous  nous  paj'àmes  une  voiture,  la  seule  ou  à  peu  près  de  tout  notre 
voyage,  i^our  monter  aux  Plans-de-Frenièr es,  ou  plus  simplement  aux 
Plans.  C'est  encore  une  charmante  petite  localité,  connue  seulement 
des  vrais  touristes,  où  l'on  peut  vivre  à  bon  marché  et  simplement,  et 
se  reposer  pour  de  bon. 

Le  massif  de  la  Dent  du  Midi  termine  pour  ainsi  dire  la  grande^ 
chaine  de  montagnes  bordant  au  Sud  la  vallée  du  Rhône  ;  de  l'autre 
côté  de  la  vallée,  le  puissant  massif  des  Diablerets  lui  fait  pendant,  à 
l'extrémité  de  la  chaine  des  Alpes  Bernoises.  Là  se  trouvent  aussi  des^ 
montagnes  de  rochers  qui,  sans  être  bien  hautes,  sont  parfois  très  diffi- 
ciles ;  nous  fîmes  l'ascension  de  plusieurs  d'entre  elles,  notamment  du 
Grand-Muteran  et  de  la  Dent  de  Mordes,  deux  points  de  vue  de 
toute  beauté.  Ces  courses  ne  donnèrent  lieu  à  aucun  incident,  sauf  la 
montée  à  la  Cabane  Rambert,  où  nous  passâmes  la  nuit  avant  de  gravir 
le  Grand-Muveran. 

Partis  tard  des  Plans  à  cause  de  la  chaleur,  nous  fûmes  pris  soudai- 
nement par  un  violent  orage  qui  nous  força  à  rester  pendant  plus  d'une 
heure  abrités  dans  une  anfractuosité  de  rochers.  Ce  retard  nous 
empêclia  d'atteindre  la  cabane  avant  la  nuit  qui  nous  surprit  sur  des 
pentes  raides.  Impossible  d'utiliser  les  lanternes  tellement  le  vent 
soufflait;  nous  avions  heureusement  avec  nous  un  guide  du  pays,. 
Pierre  Marlétaz,  qui  sut  admirablement  nous  diriger  dans  l'obscurité,. 
et  à  10  heures  du  soir  nous  pûmes  atteindre  la  cabane. 

Une  autre  ascension  que  l'on  peut  faire  des  Plans,  c'est  celle  de  la 
Pierre  Cahotz,  cime  de  rochers  secondaire  comme  hauteur  (2,741  m,), 
mais  très  difficile  à  gravir  et  qui  demeura  longtemps  inaccessible. 
C'est  un  de  mes  amis,  Henri  Pascal,  de  Lausanne,  qui  le  premier 
réussit  à  l'escalader  il  y  a  peu  d'années.  —  Il  eût  été  très  malhonnête 
de  ne  pas  faire  la  montagne  de  notre  ami  ;  de  plus,  c'était  une  excel- 
lente préparation  pour  le  Cervin.  —  La  grande  difficulté  de  celte  mon- 
tagne, c'est  que  les  stratifications,  une  sorte  de  pierre  bleue  lisse,  au 
lieu  d'être  horizontales  ou  inclinées,  sont  à  peu  près  verticales,  d'où 
absence  presque  complète  de  gradins  ou  de  saillies.  A  l'endroit  le  plus 
escarpé,  on  n'a  pu  trouver  de  passage  qu'en  plantant  dans  la  paroi 
cinq  chevilles  qui  servent  à  se  liisser  et  à  se  tenir  avec  phisde  sécurité. 

Nous  ne  pouvions  terminer  mieux  notre  scjour  aux  Plans  qu'en 
montant  à  la  plus  haute  cime  f/cs  DM/^^creAs  (3,246  m,),  ou  du  moins 
à  ce  qui  en  reste,  car  au  commencement  de  ce  siècle,  deux  énormes 


-  189  — 

tours  de  rochers  qui  tbriuaient  le  i'aîte  de  la  montagne,  se  sont  écrou- 
lées, remplissant  la  vallée  de  débris  que  l'on  voit  encore.  C'est  de  ce 
•côté  que  nous  allâmes  coucher  dans  une  cabane  qui  est  à  la  fois  auberge 
et  chalet  de  bergers.  Ici  la  montagne  offre  sa  paroi  la  plus  abrupte  ; 
non  loin  du  sommet  se  trouve  un  certain  passage,  le  Pas  du  Lustre, 
ainsi  nommé  parce  que  les  rochers  sont  absolument  verticaux  et  que 
l'on  est  pour  ainsi  dire  suspendu  comme  un  lustre.  Mais  le  passage  est 
^ourt,  les  rochers  sont  excellents,  et  l'on  a  planté  de  bonnes  chevilles 
enfer;  aussi  c'est  juste  assez  difficile  pour  être  amusant;  par  contre, 
un  peu  plus  haut,  nous  trouvâmes  du  verglas  sur  les  rochers,  et  bien 
que  la  pente  fût  moins  raide,  nous  eûmes  beaucoup  plus  de  difficultés. 

Partis  à  3  h.  du  matin  du  chalet,  nous  étions  au  sommet  à  8  h.  ;  de 
là,  nous  som.mes  redescendus  de  l'autre  côté  par  un  long  glacier  en 
j)ente  douce,  le  glacier  de  Zaufleuron,  jusqu'au  col  de  Sanetsch,  où 
nous  arrivâmes  à  3  heures  de  l'après-midi,  non  sans  avoir  escaladé  en 
passant  la  Tour  Si-Martin  ou  Quille  du  Diable,  sommet  secondaire 
de  la  chaine  des  Diablerets. 

Du  col  de  Sanetsch  (2,234  m.),  où  se  trouve  un  bon  petit  hôtel,  nous 
redescendions  dans  toute  sa  longueur  la  superbe  vallée  de  la  Morges, 
et  à  9  h.  1/2  du  soir  nous  arrivions  à  Sion,  dans  la  vallée  du  Rhône. 

Ce  jour-là,  en  16  heures  de  marche  effective,  nous  avions  à  peine 
fait  30  kilomètres,  mais' avec  1,400  m.  de  montée  el  2,800  m.  de 
descente. 


IIl. 


Sion,  la  capitale  du  Valais,  sauf  deux  vieux  châteaux  ruinés,  n'offre 
pas  grand  chose  de  remarquable. 

En  été,  il  fait  très  chaud  dans  toute  la  vallée  du  Rhône,  et  on  y  est 
la  proie  des  moustiques  et  de  toutes  sortes  d'insectes  petits  et  gros  ;  je 
-dois  à  la  vérité  de  dire  cependant,  que  logés  à  l'Hôtel  de  la  Poste, 
nous  eûmes  l'épiderrae  respecté,  contre  toute  attente.  Après  une  nuit 
■de  repos  véritable  passée  dans  cet  hôtel  exceptionnel,  nous  prenions 
le  train  pour  Viège. 

De  toutes  les  vallées  secondaires  qui  aboutissent  dans  la  vallée  du 
Rhône,  la  vallée  de  St-Nicolas  qui  s'ouvre  en  face  de  Viège,  est  la  plus 
importante.  C'est  là  que  se  trouvent  les  plus  hautes  montagnes  du 


—  IftO  — 

Valais,  ei  parmi  les  sommets  t[ui  forment  autour  de  Zermatt  un  vaste- 
cercle  de  4  à  5  lieues  de  large,  25  ont  plus  de  4,000  m.  de  hauteur. 

De  Yiège,  un  chemin  de  fer  à  crémaillère  remonte  la  vallée  en 
deux  heures  et  demie  jusqu'à  Zermatt. 

A  Stalden,  la  première  station  de  cette  ligne,  nous  quittons  1& 
chemin  de  fer  ;  à  notre  gauche  s'ouvre  la  belle  vallée  de  Saas  que  nous- 
ne  connaissons  pas  encore,  et  en  quatre  heures  et  demie  de  marche- 
nous  la  remontons  jusqu'au  village  de  Saas-Fee,  centre  d'excursions 
très  fréquenté,  surtout.par  les  Anglais.  La  situation  de  Saas-Fee,  une- 
des  plus  belles  de  Suisse,  est  incomparablement  supérieure  à  celle  de 
Zermatt  ;  de  magnifiques  glaciers  descendent  jusqu'au  bas  de  la  vallée,, 
et  l'œil  embrasse  tout  un  cirque  de  hautes  cimes  neigeuses. 

De  Zermatt,  au  contraire,  on  ne  voit  qu'un  malheureux  morceau  de 
glacier,  et  quant  aux  sommets  des  montagnes,  à  part  le  Cervin  qui  a 
l'air  d'avoir  été  mis  en  pénitence  dans  un  coin ,  on  ne  les  aperçoit 
même  pas. 

Cependant,  Saas-Fee  avait  pour  nous  un  grave  inconvénient  :  le- 
manque  presque  total  de  refuges  de  montagne.  11  faut  alors  partir  en 
course  de  l'hôtel  même,  ce  qui  est  beaucoup  plus  fatigant,  ou  encore 
aller  coucher  à  la  belle  étoile,  à  3,000  ou  3,500  mètres  ;  je  l'avoue^ 
ces  conditions  nous  forcèrent  à  renoncer  à  l'ascension  de  plusieurs 
autres  cimes  des  environs  ;  d'ailleurs,  celles  que  nous  fîmes  rempla- 
cèrent souvent  en  difficulté  ce  qui  leur  manquait  en  hauteur. 

L'une  d'elles,  le  Portiengrat  (3,657  m.),  que  nous  avons  traversé, 
est  assurément  ce  que  nous  avons  encore  fait  de  plus  difficile  dans  les 
Alpes.  —  11  y  avait  notamment  une  certaine  dalle,  haute  d'une  ving- 
taine de  mètres,  et  terriblement  inclinée,  qui  n'offrait  que  de  très  rares 
saillies  et  nous  coûta  beaucoup  de  peine  et  d'efforts  à  gravir.  Arrivés 
au  faîte  de  cet  immense  toit,  il  se  trouvait  être  si  tranchant  qu'on  ne 
pouvait  se  maintenir  dessus,  et  il  fallait  avancer  en  se  tenant  suspendu 
par  les  mains,  sans  prises  pour  les  pieds  ;  heureusement  le  rocher  était 
un  bon  granit  à  gros  grains  auquel  les  genoux  et  les  vêtements  adhé- 
raient solidement. 

Plus  loin  nous  dûmes  traverser  deux  fois  l'arête  par  des  Irons  où 
l'on  ne  pouvait  passer  qu'en  rampant.  C'était  très  drôle  ;  malheureu- 
sement, la  gravité  des  circonstances  m'empêcha  d'en  prendre  des 
vues  qui  eussent  été  sûrement  très  curieuses. 

L'ascension  du  Portiengrat  n'est  pas  encore  très  connue;  elle  a 
cependant  déjà  sa  célébrité  parmi  les  clubistes  anglais,  et  l'on  peut  la 


191 


recommander  chaudement  aux  amateurs  de  haute  varappe;  pour  nous, 
elle  eut  le  grand  avantage  de  nous  entraîner  supérieurement  pour  le 
Cervin. 


IV. 


Pour  nous  rendre  de  Saas-Fee  à  Zermatt,  notre  intention  était  de 
franchir  l'un  des  nombreux  cols  de  la  chaîne  qui  sépare  les  deux 
vallées,  course  de  10  à  12  heures  sans  grande  difficulté.  Malheureuse- 
ment, la  veille  de  notre  départ,  le  temps  se  gâtait,  la  neige  tombait 
abondamment  sur  les  montagnes,  et  après  trois  jours  d'attente,  le 
danger  de  traverser  un  col  couvert  de  neige  fraîche,  nous  força  à 
prendre  ce  qu'on  appelle  plaisamment  le  col  de  Slalden. 

Cela  consiste  à  redescendre  la  vallée  de  Saas  jusqu'à  Stalden  par  le 
chemin  de  mulets,  et  de  là  à  reprendre  le  train  pour  Zermatt. 

C'est  assez  prosaïque,  mais  dans  la  circonstance  c'était  plus  prudent. 

On  trouve  tout  à  Zermatt  :  hôtels  luxueux,  foule  grouillante,  bazars 
de  toute  sorte,  omnibus  bruyants,  concerts,  feux  d'artifice,  bref  tout  ce 
qu'il  faut  pour  enlever  aux  Alpes  leur  grandeur  et  leur  poésie.  — 
Aussi  descendîmes-nous  au  plus  petit  hôtel,  et  la  plupart  du  temps 
nous  allâmes  loger  dans  un  de  ces  hôtels  de  montagnes  si  nombreux 
autour  de  Zermatt.  Il  y  a  d'abord  les  hôtels  du  Lac  Noir,  de  Riffelalp 
et  de  Riffelbcrg,  assez  chers  comme  tout  ce  qui  dépend  de  la  famille 
Seiler  ;  puis  des  auberges  comme  celle  du  Trift,  du  col  de  Thèodule, 
et  enfin  les  refuges  du  Club  Alpin,  la  Cabane  Bètemps,  la  Cabane  du 
Cervin,  etc. 

Tous  ces  endroits  sont  en  eux-mêmes  des  buts  d'excursion  des  plus 
intéressants,  pour  les  touristes  résidant  à  Zermatt,  mais  c'est  là  qu'il 
faut  passer  la  nuit  ou  même  séjourner,  si  l'on  veut  monter  plus  haut 
ou  simplement  jouir  du  calme  bienfaisant  et  des  aspects  grandioses  de 
la  montagne. 

Encore  faut-il  avoir  une  âme  accessible  à  toutes  ces  beautés  : 
j'étais  assis  un  jour  devant  l'Hôtel  du  Lac  Noir,  suivant  au  télescope 
les  péripéties  d'une  ascension  au  Cervin,  quand  arriva,  menant  grand 
tapage,  tine  bande  de  touristes,  des  Français  malheureusement.  Une 
dame,  affublée  pour  la  circonstance  d'une  vaste  culotte  de  cycliste,  me 
demanda  oîi  était  le  Lac  Noir.  Je  lui  dis  qu'elle  trouverait  une  petite 
mare  dans  un  creux  à  une  centaine  de  pas,  mais  que  cela  ne  valait 


—  192  — 

guère  une  visite  spéciale.  Aussitôt  tous  se  mettent  à  pousser  les 
hauts  cris  :  «  Oh,  alors,  c'était  bien  la  peine  de  faire  cette  longue 
route  et  cette  montée  fatigante  !  Quelle  farce  !  » 

J'aurais  pu  leur  faire  remarquer,  juste  devant  eux,  l'écrasante  pj^ra- 
mide  du  Cervin  ;  à  leur  gauche  les  éblouissantes  pentes  de  neige  du 
Mont  Rose,  àuLyskamm  et  du  Breithorn,  dominant  les  vastes  glaciers 
de  Gorner  et  de  Thcodule  ;  puis  à  droite,  la  Dent  Blanche,  étincelante 
de  lumière,  le  sombre  Gahelhorn,  le  Moming,  en  forme  de  scie  et  la 
masse  imposante  du  Weisshorn  ;  enfin,  derrière  eui,  les  lignes  si 
pures  de  la  Cliuine  des  MischabeL  —  Il  n'y  avait  là  qu'à  se  taire  et 
admirer;  mais  à  quoi  bon  !  Ces  gens  avaient  des  yeux  et  ils  ne 
voj^aient  point  ;  ils  étaient  venus  à  Zermatt  pour  faire  comme  tout  le 
monde,  et  entreprenaient  des  excursions  pour  tuer  le  temps  et  surtout 
pour  le  plaisir  de  s'habiller  en  touristes  d'opérette. 

En  arrivant  à  Zermatt,  voulant  nous  habituer  aux  grandes  altitudes, 
nous  fîmes  l'ascension  du  Breithorn,  4,171  m.,  course  sans  difficulté 
et  que  l'on  ne  saurait  trop  çecommander. 

On  monte  d'abord  au  col  de  Théodule  (3,322  m.),  passage  très  fré- 
quenté vers  l'Italie.  Il  y  a  là  une  cabane  assez  primitive,  mais  suffisante 
où  l'on  passe  la  nuit  avant  de  faire  l'ascension.  De  Zermatt  an  col  du 
Théodule  il  faut  environ  six  heures  de  marche  ;  c'est  la  partie  la  plus 
fatigante  de  l'ascension,  et  l'on  pourrait  la  couper  en  deux  en  couchant 
à  l'Hôtel  du  Lac  Noir. 

De  la  Cabane  du  Théodule,  on  peut  aisément  atteindre  en  deux 
heures  et  demie  ou  trois  heures,  le  sommet  du  Breithorn,  par  de 
longues  pentes  de  neige  assez  monotones  ;  mais  la  splendeur  d'un 
lever  de  soleil  à  ces  hauteurs,  et  la  magnificence,  l'étendue  du  panorama, 
récompensent  largement  l'ascensionniste  de  ses  peines. 


V. 


Arrivons  maintenant  à  l'ascension  du  Cer^vin,  4.505  m.  —  Sa  forme 
audacieuse  et  élancée,  sa  position  isolée,  les  difficultés  que  l'on  a 
éprouvées  à  le  gravir  la  première  fois  et  la  catastrophe  qui  marqua 
la  première  ascension  en  font  une  montagne  célèbre. 

Après  avoir  passé  longtemps  pour  inaccessible,  la  réaction  contraire 
s'est  produite.  Des  gens  sérieux  vous  diront  :  «  Le  Cervin  n'est  qu'une 


Le  Cervin  et  i^  Dent  blanche,   du  sommet  dv  Hreithorn. 


Dent  u'Hérens.  Grand  Combin  et  Mont  blanc,  du  sommet  dit  (Cervin. 


r-  i'j;5  - 

plaisanterie  :  on  peut  s'y  promener  les  mains  dans  les  poches  ;  il  y  a 
des  cordes  à  tous  les  endroits  difficiles.  » 

Il  est  vrai  que,  dans  le  rayon  même  de  Zermatt,  il  se  trouve  des 
montagnes  plus  difficiles  ou  plus  dangereuses  que  le  Gervin,  telles  la 
Dent  Blanche,  la  Weisshorn,  le  Lyskamm,  le  Rothhorn  de  Zinal  ou 
Moming.  Mais  si  le  Gervin  n'offre  pas  de  difficultés  insurmontables  aux 
alpinistes  aguerris,  si  le  formidable  escarpement  des  Rochers  Rouges  a, 
grâce  aux  cordes  qu'on  y  a  placées,  cessé  d'être  périlleux,  son  ascen- 
sion n'en  reste  pas  moins  une  sérieuse  entreprise. 

La  première  et  une  des  grandes  difficultés  du  Gervin,  c'est  qu'il  est 
haut,  bien  haut  ;  sans  cesse  on  y  fait  ses  évolutions  au-dessus  ou  tout 
près  du  vide  ;  pendant  toute  la  durée  de  la  montée  et  de  la  descente, 
il  ne  se  trouve  pas  un  pas  véritablement  facile,  et  sauf  pendant  les 
haltes,  on  doit  à  chaque  instant  faire  attention  où  l'on  pose  les  mains 
et  les  pieds,  et  veiller  à  ne  pas  faire  tomber  de  pierres. 

Le  Gervin  n'est  donc  que  pour  ceux  qui  sont  tout  à  fait  sûrs  de 
leurs  forces  et  de  leur  tète,  et  les  accidents  relativement  nombreux 
dont  cette  montagne  a  été  le  théâtre,  ont  eu  souvent  pour  cause  le 
mépris  que  l'on  avait  de  ses  difficultés. 

Les  premières  attaques  contre  le  Gervin ,  en  allemand  «  Matter- 
horn  »  commencèrent  en  1858  ;  jusqu'en  1865,  l'ascension  fut  tentée 
une  quinzaine  de  fois  mais  sans  succès  ;  M.  Wliymper  à  lui  seul  fit 
sept  tentatives,  toutes  par  le  côté  italien  qui  semblait  moins  à  pic. 

Enfin,  le  14  juillet  1865,  Whymper  atteignait  le  sommet  par  le  côté 
suisse  avec  trois  guides  de  Ghamonix,  Michel  Groz,  le  père  et  le  fils 
Taugwalder,  et  trois  autres  touristes  anglais,  le  Révérend  Hudson,  un 
alpiniste  de  première  force  et  deux  jeunes  gens,  lord  Douglas  et  Hadow. 
Ge  dernier  était  insuffisamment  préparé  à  une  ascension  telle  que  le 
Gervin  :  il  est  vrai  qu'il  était  monté  au  Mont  Blanc  en  moins  de  temps 
que  personne  ne  l'avait  fait  jusque-là,  mais  cela  ne  prouve  rien,  le 
Mont  Blanc  n'étant  qu'une  montagne  de  neige  sans  escalade  de  rochers. 

Il  ne  suffit  pas,  pour  grimper  au  Gervin,  d'être  marcheur  rapide,  ou 
même  fort  gymuasiarque,  mais  il  faut  une  sérieuse  pratique  de  ce 
sport  spécial  qu'on  nomme  la  «  varappe  »  et  qui  demande  une  égale 
somme  de  force  et  de  souplesse,  d'adresse  et  de  sûreté. 

Le  sommet  fut  atteint  sans  incidents,  plus  facilement  même  qu'on 
ne  s'y  attendait.  Après  avoir  planté  sur  la  cime  un  drapeau,  la  caravane 
redescendit  dans  l'ordre  suivant  :  Michel  Groz,  le  meilleur  guide,  en 


—  194  — 

tête  ;  derrière  lui  Hadow,  puis  Hudson,  Douglas,  le  vieux  Taugwalder, 
enfin  Whyinper  et  le  fils  Taugwalder,  tous  les  sept  en  une  seule 
cordée. 

Quelques  instants  plus  tard,  un  gamin  arrivait  en  courant  à  l'Hôtel 
de  Zermatt,  disant  qu'il  avait  vu  une  avalanche  tomber  du  sommet  du 
Cervin  ;  on  lui  dit  de  ne  pas  raconter  de  bêtises  ;  il  avait  raison  cepen- 
dant, et  voici  ce  qui  était  arrivé. 

Les  ascensionnistes  se  trouvaient  encore  dans  la  dernière  pente,  entre 
le  sommet  et  les  rochers  rouges,  passage  relativement  facile.  Michel 
Croz  venait  d'aider  Hadow,  et,  se  retournant,  il  se  remettait  en  route, 
quand  Hadow  glissa  et  tombant  brusquement  sur  Croz  le  fit  trébucher. 
Par  malheur,  la  corde  n'était  pas  tendue  et  la  secousse  entraîna  Hudson 
et  Douglas  ;  quant  aux  trois  derniers,  la  corde  étant  bien  tendue,  ils 
reçurent  le  choc  comme  un  seul  homme  ;  de  plus  ils  avaient  de  bonnes 
prises  aux  rochers  et  ils  tinrent  bon. 

Malheureusement,  la  corde  cassa  entre  Taugwalder  et  Douglas,  et 
les  quatre  premiers  excursionnistes  lurent  précipités  d'une  hauteur  de 
4,000  pieds  sur  le  glacier  du  Cervin. 

Whymper  et  les  deux  Taugwalder,  frappés  d'épouvante,  restèrent 
cloués  sur  place  pendant  une  demi-heure,  puis  rassemblant  toute  leur 
énergie,  ils  se  mirent  à  continuer  la  descente  et  rentrèrent  non  sans 
peine  à  Zermatt. 

Le  lendemain  ,  on  retrouvait  sur  le  glacier  les  cadavres  de  Croz  , 
d'Hudson  et  d'Hadow.  De  lord  Douglas  on  ne  put  découvrir  qu'une 
manche,  une  ceinture  et  une  bottine. 

On  a  raconté  depuis,   que  Taugwalder  avait  coupé  la  corde  au 
moment  de  la  catastrophe.  M.  Whymper  affirme  le  contraire,  mais  il» 
explique  que  Taugwalder,  soit  négligence,  soit  pour  se  sauver  en  cas 
d'accident,  avait  attaché  Douglas  avec  une  corde  fortement  usée,  alors 
qu'on  disposait  encore  de  corde  neuve  en  quantité  suffisante. 

Toujours  est-il  que  plusieurs  imprudences  graves  furent  commises, 
comme  dans  la  plupart  des  accidents  de  montagnes.  Il  était  dangereux 
de  mettre  en  tête  à  la  descente,  le  guide  le  plus  sûr,  celui  qui,  placé  à 
l'arrière,  pouvait  le  mieux  enrayer  une  chute;  il  était  dangereux  de 
marcher  à  sept  en  une  seule  cordée  sur  une  montagne  aussi  difficile, 
de  s'attacher  avec  une  corde  de  mauvaise  qualité,  et  surtout  de  laisser 
un  touriste  mal  exercé  prendre  part  à  l'expédition.  —  Depuis  lors, 
d'autres  accidents ,  moins  considérables  cependant ,  sont  arrivés  au 
Cervin. 


'—  m  — 

En  1879,  deux  touristes  allemands  abandonnaient  dans  une  cabane, 
à  la  descente,  un  de  leurs  guides  malade  ;  en  arrivant  à  Zermatt,  ils 
envoyèrent  à  son  secours  une  caravane  qui  le  trouva  mort. 

La  même  année,  un  Américain  qui  n'avait  pas  voulu  être  attaché,  et 
venait  même  de  refuser  l'aide  de  ses  guides  dans  un  passage  difficile, 
glissa  et  tomba  dans  le  précipice. 

En  188G,  deux  Anglais  avec  deux  guides  furent  pris  à  la  descente 
par  le  mauvais  temps  ;  l'un  des  Anglais,  fatigué  et  ne  pouvant  plus 
avancer,  fut  abandonné  par  ses  compagnons  ;  quand  on  vint  à  son 
secours  le  lendemain,  on  le  trouva  mort.  11  a  été  prouvé  que  les  deux 
guides  avaient  été  tout  à  fait  inférieurs  à  leur  tâche. 

Enfin,  en  1893,  un  des  plus  jeunes  fils  de  M.  Seiler,  l'hôtelier  de 
Zermatt,  faisait  l'ascension  du  côté  italien  avec  un  ami  et  trois  guides  ; 
trouvant  qu'on  n'allait  pas  assez  vite,  le  jeune  Seiler  partit  en  avant 
avec  un  des  guides  également  très  jeune.  Tout  à  coup  les  trois  autres, 
qui  étaient  au-dessous  d'eux,  crurent  entendre  une  avalanche  de  pierres  : 
c'étaient  leurs  deux  compagnons  qui  avaient  déroché,  et  il  les  virent 
passer  dans  le  ciel  bleu,  presque  à  leur  portée,  sans  pouvoir  rien  faire 
pour  les  secourir. 

On  suppose  que,  voulant  trop  se  hâter,  ils  avançaient  tous  les  deux 
en  même  temps  et  non  un  seul  à  la  fois,  ainsi  qu'on  doit  le  faire  ;  l'un 
des  deux  aura  glissé,  et  l'autre,  ne  se  trouvant  pas  dans  une  position 
ferme  et  solide,  aura  été  entraîné. 

Cette  année  l'ascension  du  Cervin  a  pu  se  faire  assez  souvent,  grâce 
aux  longues  périodes  de  beau  temps  que  nous  avons  eues.  A  certains 
jours,  quatre  ou  cinq  caravanes  la  tentaient  en  même  temps.  Le  jour 
où  nous  y  sommes  montés,  nous  étions  seuls  avec  nos  guides.  Il  est 
toujours  préférable  d'être  seuls,  car  lorsque  plusieurs  caravanes  de 
touristes  se  trouvent  en  même  temps  sur  le  flanc  de  la  montagne,  ceux 
qui  sont  en  bas  sont  exposés  aux  chutes  de  pierres,  et  les  plus  hauts 
perdent  beaucoup  de  temps  à  cause  des  précautions  à  prendre. 

La  veille  de  l'ascension  nous  allâmes  coucher  à  la  cabane  du  Cervin, 
située  sur  un  éperon  rocheux  qu'on  nomme  le  Hôrnli  et  presque  adossée 
à  la  paroi  à  pic  de  la  montagne,  à  3,300  m.  de  hauteur,  1,200  m.  plus 
bas  que  le  sommet.  On  y  monte  en  deux  heures  et  demie  du  Lac  Noir 
par  un  sentier  assez  facile. 

La  cabane  est  sale  et  mal  entretenue  ;  derrière  elle  se  trouve  un 
champ  de  neige,  et  l'eau  s'infiltrant  à  travers  la  muraille,  forme  sur  le 


—  190  — 

sol  boueux  une  couche  de  glace,  très  désagréable  surtout  quand  elle 
sert  de  descente  de  lit. 

Comme  consolation,  nous  eûmes  un  coucher  de  soleil  grandiose, 
fantastique,  avec  l'ombre  du  Cervin  qui  s'allongeait  démesurément  sur 
le  glacier  de  Théodule  au-dessous  de  nous. 

A  2  heures  du  matin,  les  guides  nous  éveillaient,  et  aussitôt  on 
allait  voir  le  temps,  d'où  devait  dépendre  le  succès  de  l'expédition. 

Le  vent  un  peu  tiède,  à  l'Est  des  nuages  sur  les  cimes  des  Mischabel  ; 
en  somme  rien  de  bien  engageant.  Mais  les  guides  ont  confiance  et 
décident  de  partir;  Fournier  nous  jure  de  rebrousser  chemin  si  le 
temps  menace  de  se  gâter. 

A  3  heures,  encordés  soigneusement  et  la  lanterne  à  la  main,  nous 
nous  mettons  en  route.  Nous  faisons  quelques  pas  sur  la  neige  plane, 
puis  un  mur  se  dresse  devant  nous  ;  l'escalade  commence. 

Au  fur  et  à  mesure  que  nous  montons,  le  froid  augmente,  les  nuages 
que  nous  avions  craints  tendent  à  se  dissiper,  et  au  lever  du  jour  ils 
passent  graduellement  du  gris  au  violet,  puis  au  rouge  le  plus  éclatant. 
Tout  à  coup  le  soleil  apparaît  et  colore  du  feu  des  Alpes  la  gigantesque 
pyramide,  et  pendant  quelques  instants  les  rochers  auxquels  nous 
sommes  collés  sont  comme  teintés  d'aurore.  C'était  la  première  fois 
que  nous  pouvions  ainsi  toucher  du  doigt  le  phénomène.  Le  beau  temps 
était  assuré. 

Il  était  5  h.  1/2  et  nous  arrivions  à  ce  qu'on  appelle  la  vieille  cabane. 
C'est  un  petit  refuge  en  pierres  que  l'on  utilisait  autrefois,  mais  on  a 
été  forcé  de  l'abandonner  tant  il  était  envahi  par  la  glace. 

Après  une  halte  d'une  demi-heure  pour  déjeuner,  nous  continuons 
jusqu'à  l'Épaule  (4,245  m.).  A  cet  endroit  la  pente,  un  peu  moins 
raide,  permet  à  la  neige  de  rester  collée  au  rocher,  aussi  le  passage 
exige-t-il  de  grandes  précautions. 

Puis  viennent  les  Rochers  Rouges,  superbe  falaise  de  granit  haute 
de  200  m.,  où  il  faut  se  hisser  aux  cordes  fixes  à  la  force  des  bras, 
exercice  qui,  à  une  telle  altitude,  demande  un  sérieux  entraînement 
de  l'organisme,  des  poumons  en  particulier.  On  s'arrête  d'ailleurs  de 
temps  en  temps  pour  souffler,  et  nous  en  profitons  pour  chanter  des 
airs  de  circonstance,  tels  que  :  «  Il  y  a  la  goutte  à  boire  là-haut  »,  ou 
bien  «  Célina  montez  »,  avec  les  différentes  versions.  La  gaîté  française 
ne  perd  jamais  ses  droits,  et  je  crois  bien  que  le  Cervin  ne  s'était 
jamais  trouvé  à  pareille  fête  ! 


.-  197  — 

Enfin  une  dernière  pente  d'inclinaison  assez  modérée,  puis  tout  à 
coup  l'autre  moitié  de  l'horizon  nous  apparaît  :  le  Gervin  est  à  nous. 

11  est  9  h.  du  matin  ;  quoiqu'on  plein  mois  d'août  nous  sommes 
vêtus  comme  pour  une  expédition  polaire,  et  bien  nous  en  a  pris,  car 
le  vent  souffle  du  Nord  et  le  vent  est  excessivement  vif. 

De  la  cabane  au  sommet  nous  avions  mis  six  heures,  moins  que  les 
guides  n'avaient  escompté  ;  aussi  nous  passâmes  là,  malgré  le  froid, 
une  demi-heure,  bien  qu'on  n'y  reste  généralement  que  quelques 
minutes,  et  ces  instants  nous  parurent  bien  courts. 

Déjà  il  fallait  songer  à  la  descente  :  la  prudence  exige  encore  plus 
de  lenteur  et  de  précaution  qu'à  la  montée,  et  pour  redescendre  les 
1,200  mètres  du  sommet  à  la  cabane,  il  nous  fallut  sept  heures,  soit 
une  heure  de  plus.  Ces  heures-là  paraissent  terriblement  longues 
quand  on  n'a  plus  le  stimulant  du  but  à  atteindre  et  des  nouveaux 
points  de  vue  à  découvrir.  On  voit  cependant  du  nouveau,  ce  sont  les 
passages  que  l'on  a  traversés  le  malin  dans  l'obscurité,  et  l'on  se 
demande  comment  on  a  pu  passer  sur  de  pareilles  pentes  à  la  lueur 
d'une  lanterne. 

Arrivés  à  la  cabane  nous  fîmes  du  thé  bien  chaud  pour  nous  res- 
taurer, puis  dégringolant  rapidement  jusqu'au  Lac  Noir,  nous  arrivâmes 
à  l'Hôtel  à  la  tombée  de  la  nuit.  Le  temps  de  mettre  nos  pantoufles 
et  nous  faisions  un  plantureux  dîner  avec  nos  hommes  dans  la  salle 
des  guides. 

Je  ne  vous  ai  rien  dit  encore  de  la  vue  du  sommet  ;  mais  comment 
dépeindre  un  tel  panorama  ?  Comment  décrire  les  sentiments  qui  vous 
agitent  ?  Est-ce  l'admiration  qui  remplit  le  plus  l'âme  dans  les  instants 
qu'on  passe  sur  cette  crête  perdue  dans  l'espace  ?  C'est  toujours,  je 
crois,  le  sentiment  de  la  victoire.  On  ne  monte  pas  au  Cervin  pour 
voir  seulement,  non  plus  par  amour  du  danger.  On  y  monte  surtout 
pour  le  vaincre,  car  où  trouver  une  cime  qui  tente  et  passionne 
davantage  ? 

Et  tout  vrai  grimpeur  doit  sentir  en  lui  qu'il  y  monterait,  fût-il  seul 
dans  l'univers  et  n'eût-il  que  les  cieux  et  les  monts  pour  témoins  de  sa 
victoire. 


-  198  — 


LA    ROUMANIE 


NOTES   DE  VOYAGE 


Conférence  faite  à  Lille  le   16  Avril   1899, 


Par  M.  René  PAILLOT,  0.  A.  i) , 

Agrégé  des  Sciences  physiques, 

Président   de   «  l'Union   française   de   la   Jeunesse  » , 

Membre  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 


Mesdames,  Messieurs, 

J'avais  le  dessein,  depuis  longtemps,  de  visiter  la  péninsule  des 
Balkans  où  se  déroulent  périodiquement  les  émouvantes  péripéties  de 
ce  drame  séculaire  qu'on  nomme  «  la  Question  d'Orient  ».  Je  me  pro- 
pose de  vous  entretenir  aujourd'hui  d'une  partie  de  ce  voyage  car, 
pour  ne  pas  dépasser  les  limites  habituelles  des  causeries  de  la  Société 
de  Géographie,  je  me  bornerai  à  vous  parler  de  mes  pérégrinations  en 
Roumanie.  Voici  d'ailleurs  les  raisons  qui  m'ont  engagé  à  choisir  ce 
sujet  : 

D'abord,  j'avais  fait  la  connaissance,  pendant  mon  voyage  en  Syrie 
et  Palestine,  de  M.  Bunescu,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées 
de  Bucarest,  qui  m'avait  vivement  engagé  à  aller  admirer  les  merveilles 
de  son  pays  et  qui  m'avait  promis  de  m'y  servir  de  cicérone.  En  outre, 
j'étais  assuré  d"y  rencontrer  plusieurs  de  mes  élèves  de  l'Institut  Indus- 
triel et  de  trouver  en  eux  des  guides  aussi  aimables  que  complaisants. 
Et  de  fait  j'ai  pu,  grâce  à  leur  extrême  obligeance,  visiter,  jusque  dans 
ses  moindres  détails,  ce  pays  si  pittoresque  et  si  digne  d'intérêt  et 
recueillir  sur  place  tous  les  éléments  nécessaires  à  une  pareille 
causerie. 


—  199  - 

J'ajouterai  que  j'avais  comme  compagnons  de  voyage  deux  Lillois  : 
Un  des  plus  éminents  professeurs  de  notre  Faculté  de  Médecine, 
oculiste  renommé ,  dont  la  science  profonde  s'allie  à  une  gaîté  des 
plus  communicatives  —  vous  avez  reconnu  M.  le  Docteur  Raudry,  et  un 
jeune  et  brillant  avocat  de  la  Cour  d'appel  de  Paris,  M.  Léon  Wanne- 
broucq.  Je  ne  puis  oublier,  pour  ma  part,  les  instants  charmants  que 
j'ai  passés  en  leur  intelligente  société. 

GÉOGRAPHIE.  —  La  Roumanie  est  formée  de  deux  anciennes  prin- 
cipautés danubiennes,  la  Moldavie  au  Nord,  la  Valachie  au  Sud,  réunies 
en  1866  en  principauté  indépendante,  érigée  elle-même  en  royaume 
en  1881. 

Limites.  —  Baignée  à  l'Est  par  la  Mer  Noire,  elle  est  bornée  au 
Nord-Est  par  la  Russie,  au  Nord,  au  Nord-Ouest  et  à  l'Ouest  par  la 
Hongrie,  au  Sud-Ouest  par  la  Serbie,  au  Sud  par  la  principauté  de 
Bulgarie. 

Configuration  physique.  —  Le  relief  du  sol  y  est  déterminé  par 
deux  chaînes  de  montagnes  :  les  Carpathes  de  Moldavie,  dirigées  du 
Nord-Ouest  au  Sud-Est  et  les  Alpes  de  Transylvanie ,  dirigées  de 
l'Ouest  à  l'Est,  qui  se  joignent  à  angle  aigu  et  pénètrent  comme  un 
coin  entre  les  deux  provinces  qui  constituent  la  Roumanie  actnelle. 
Les  crêtes  des  montagnes  sont  extérieures  au  territoire  roumain  et 
surplombent  presque  d'aplomb  les  vallées  de  la  Transylvanie  ;  au  con- 
traire leurs  versants  extérieurs  se  développent  et  se  prolongent  au 
loin  dans  l'étendue  des  deux  provinces  ;  d'immenses  terrasses  de  dépôts 
quaternaires,  ravinées  par  l'écoulement  des  eaux,  continuent  la  pente 
générale  et  s'abaissent  progressivenent  jusqu'au  niveau  des  rives  des 
deux  grands  cours  d'eau  qui  limitent  la  Roumanie,  le  Danube  au  Sud, 
le  Pruth  à  l'Est.  On  y  distingue  dès  lors  trois  régions  :  la  région  des 
montagnes  ^tresque  entièrement  occupée  })ar  de  magnifiques  forêts  de 
hêtres  et  de  bouleaux  et  des  pâturages  qui  nourrissent  des  milliers  de 
brebis  ;  la  région  des  collines,  couverte  de  vignes  et  d'arbres  fruitiers, 
riches  en  dépôts  de  sel  gemme  et  en  sources  de  pétrole  ;  la  région  des 
plaines  où  Ton  cultive  les  céréales. 

Les  Carpathes  roumaines  dépassent  rarement  2.500  métrés  d'altitude  : 
point  de  neiges  éternelles  à  proprement  parler,  seulement  quelques 
plaques  persistantes  dans  les  crevasses  où  le  soleil  ne  pénètre  pas. 


-  20(1  — 

Cours  d'eau.  —  Le  système  hydrographique  de  la  Roumanie  obéit 
tout  entier  à  une  influence  dominante,  celle  da  grand  cours  d'eau  qui 
longe  la  plus  grande  partie  du  territoire  roumain  et  qui  appelle  à  lui 
toutes  les  eaux  de  drainage  et  d'irrigation  du  pays  :  c'est  le  Danube. 

Des  Portes-de-Fer  où  ce  fleuve  atteint  pour  la  première  l'ois  la  rive 
roumaine,  jusqu'à  son  embouchure  dans  la  Mer  Noire,  le  Danube 
baigne  sur  une  longueur  de  480  kilomètres  la  terre  roumaine.  La  rive, 
de  ce  côté,  est  presque  partout  plate,  basse,  souvent  recouverte  par 
les  débordements  du  fleuve. 

Les  affluents  les  plus  importants  du  Danube  sont,  en  Valachie,  en 
allant  de  l'Ouest  à  l'Est  : 

Le  Jiul,  qui  prend  naissance  en  Transylvanie  et  traverse  la  chaîne 
du  Yulkan  dans  toute  son  épaisseur  par  une  gorge  étroite,  encombrée 
d'obstacles  ; 

VOltii,  le  plus  grand  cours  d'eau  de  la  Roumanie,  qui  prend  égale- 
ment naissance  en  Transylvanie  et  pénètre  en  Roumanie  par  une 
profonde  coupure  ouverte  au  travers  des  Alpes  de  Transylvanie,  la 
gorge  du  Turnu-Rosu  ; 

L'A /'[/('SU  ou  Anljech,  qui  naît  sur  le  territoire  roumain  et  reçoit, 
dans  la  partie  inférieure  de  son  cours,  la  Dimhovitza,  qui  arrose 
Bucarest  ; 

La  Jalo/niiza,  qui  se  jette  dans  le  Danube  un  peu  en  aval  de  Hirsova 
et  dont  le  principal  affluent  est  la  Pj^ahova. 

En  Moldavie,  on  rencontre  le  Sereth  et  le  Pruth. 

Le  Sereth  a  sa  source  dans  les  Carpathes  de  la  Bukovine  et  longe 
le  pied  des  Carpathes  de  Moldavie,  recueillant  en  chemin  toutes  les 
eaux  de  cette  région  qui  lui  arrivent  par  les  vallées  latérales.  Ses 
principaux  affluents  sont  la  Moldova,  la  Bistritza  et  la  Buzau. 

Le  Pratli  prend  aussi  sa  source  dans  les  Car])athes  de  la  Bukovine 
et  descend  parallèlement  aux  Carpathes  de  Moldavie,  mais  à  l'exté- 
rieur de  la  région  des  collines.  Il  atteint  le  Danube  immédiatement  en 
aval  df  Galatz. 

Superficie.  Population.  —  La  Roumanie  a  une  superficie  de 
l^J.UOO  kilomètres  carrés  en  chifi'res  ronds.  Elle  est  donc  à  peu  près 
aussi  vaste  que  LAngleterre  proprement  dite,  mais,  connue  population, 
avec  ses  cinq  millions  et  demi  d'iiabitants,  si  elle  dépasse  la  Hollande, 
elle  n't'gale  pas  tout  à  fait  la  Belgique. 


-  201  — 

La  nation  roumaine  résulte  du  mélange  de  nationalités  diverses , 
parmi  lesquelles  domine  l'élément  latin  venu  d'Italie  avec  les  conqué- 
rants romains.  Trajan,  dans  ses  deux  expéditions,  effectua  en  effet  la 
conquête  du  pays  habité  par  les  Gête>i  ou  Daces  et,  pour  en  opérer 
plus  promptemenl  Tassimilation,  il  y  fonda  de  nombreuses  colonies 
militaires  romaines.  De  l'union  des  soldats  romains  avec  les  femmes 
indigènes  naquirent  les  ancêtres  des  Roumains  actuels. 

Celte  origine  est  nettement  confirmée  par  la  langue  même  que 
parlent  aujourd'hui  les  Roumains  et  qui  est  presque  entièrement 
composée  de  racines  latines. 

Organisation  politique  de  la  Roumanie.  —  Le  19  août  1858,  la 
Convention  de  Paris  décida  que  la  Moldavie  et  la  A'alachie  seraient 
gouvernées,  chacune  séparément,  par  un  lioxpodar  élu  à  vie  par  une 
Assemblée  nationale. 

Avant  la  réunion  de  cette  Assemblée,  deux  partis  contraires  se 
formèrent  dans  les  deux  principautés  :  le  parti  Libéral  Unioniste  et  le 
parti  opi)Osé  ou  Anti-Unioniste. 

La  lutte  des  partis  était  surtout  très  violente  en  Valachie  et  les 
Unionistes  de  cette  principauté  tirent  tous  leurs  efforts  pour  retarder 
l'élection  de  Fhospodar. 

Pendant  ce  temps ,  les  représentants  de  la  Moldavie  réunis  le 
5  janvier  1859,  proclamèrent  comme  hospodar,  sous  le  nom  d'Alexandre 
Jean  P"",  un  colonel  roumain  :  Alexandre-J.  Couza. 

Les  Unionistes  de  Valachie  envoyèrent  immédiatement  leurs  féli- 
citations au  nouvel  élu  moldave,  et  décidèrent  de  le  nommer  égale- 
ment hospodar  de  Valachie.  Mais  ils  avaient  à  lutter  contre  les  Anti- 
Unionistes  beaucoup  plus  nombreux  et  dont  le  candidat  Bibescoii 
jouissait  déjà  d'une  certaine  popularité.  Ce  fut  grâce  à  la  pression 
énergique  du  peuple  roumain  et  aux  paroles  enthousiastes  d'hommes 
remarquables,  tels  que  Basile  Bserescou,  Demetre  Ghica,  Jean  Bra- 
tiano ,  que  les  Unionistes  parvinrent  à  vaincre  leurs  adversaires  : 
«  Pourquoi  faut-il  faire  une  différence  entre  vous  et  nous ,  disait 
»  Bcerescou  ;  ne  sommes-nous  pas  tous  Roumains  ?  X'avons-uous  pas 
»  la  même  patrir  ?  Ne  sommes-nous  pas  les  fils  d'une  même  mère  ? 
»  Pourquoi  ces  divisions  ?  Soyons  frères  et  ('disons  le  même  prince 
»  que  la  Moldavie.  » 

L'impression  de  ces  discours  enflammés,  respirant  le  patriotisme  le 

14 


—  202  - 

plus  pur  et  le  plus  ardent  tut  telle  que  le  scrutin  du  24  janvier  1859 
donna  à  Alexandre  Couza  l'unanimité  des  voix. 

Le  résultat  de  cette  double  élection  fut  porté  à  la  counaisrance  des 
grandes  puissances  européennes.  La  Turquie  seule  se  refusa  tout 
d'abord  à  approuver  cette  élection,  mais  devant  la  ferme  résistance  des 
Roumains,  elle  finit  par  céder. 

L'acte  que  les  Roumains  venaient  d'accomplir  était  contraire  aux 
stipulations  de  la  Convention  de  Paris  et  venait  par  conséquent  à  ren- 
contre des  volontés  de  l'Europe.  L'Autriche,  furieuse  de  ce  qu'elle 
appelait  l'audace  des  Roumains,  voulait  intervenir  par  les  armes.  Mais 
la  France,  fidèle  à  ses  nobles  traditions  chevaleresques,  prit  en  main  la 
cause  des  Roumains,  dont  les  Michelet  et  les  Quinet  se  firent  les 
avocats  convaincus,  et  au  moment  où  l'Autriche  se  préparait  à  entrer 
en  campagne,  elle  lui  déclara  la  guerre.  La  nation  roumaine  nous  a 
gardé  une  profonde  reconnaissance  de  cette  heureuse  intervention  qui 
sauvegardait  ses  libertés. 

Jusqu'en  1862,  chaque  principauté  eut  son  ministère  propre.  Ce  ne 
fut  qu'à  partir  de  cette  époque  qu'un  ministère  commun  régit  les 
affaires  du  pays  sous  la  présidence  de  Barbou  Catargi. 

Cependant,  la  personnalité  d'un  prince  indigène  était  un  obstacle  à 
la  complète  réalisation  du  programme  national.  Seule,  une  dynastie 
d'origine  étrangère,  excluant  les  compétitions  entre  les  familles  rivales, 
était  capable  d'assurer  la  stabilité  du  pouvoir. 

En  1866,  le  prince  Couza  fut  forcé  d'abdiquer  et  le  20  avril  1866  les 
Roumains  proclamèrent  le  prince  Charles  de  Hohenzollern,  domnitor 
des  principautés  roumaines  unies  avec  hérédité  du  trône.  La  guerre  de 
l'Indépendance  de  1877  en  fit  le  roi  Charles  P''  de  Roumanie. 

Dès  1862,  deux  grands  partis  politiques  commencèrent  à  se  dessiner 
en  Roumanie  : 

Le  parti  national  libéral  et  le  parti  conservateur,  tous^eux  monar- 
chistes. 

Le  premier  s'appuie  sur  les  programmes  politiques  de  1848,  1856  et 
1866.  Il  s'inspire  des  idées  de  la  Révolution  française.  Son  programme 
comprend  :  la  liberté  des  élections,  la  suprématie  absolue  des  lois, 
la  décentralisation  administrative  et  le  développement  intellectuel  et 
matériel  du  paysan.  Son  idéal,  en  matière  électorale,  est  le  suffrage 
universel  avec  une  représentation  proportionnelle. 


—  203  - 

Le  second  prit  naissance  pour  atténuer  l'élan  trop  progressiste  du 
parti  libéral. 

Le  parti  national  libéral  est  sans  contredit  le  plus  populaire.  Il 
<iompta  dans  son  sein  les  grands  patriotes  qui  prirent  une  part  active  à 
la  renaissance  du  pays  :  les  frères  Golescou,  Rosseli,  le  poète  Basile 
Alexandri ,  Michel  Gogaluiceanu ,  Jean  Ghica  et  les  frères  Jean  et 
Deraetre  Bratiano. 

Son  chef  actuel  est  M.  Demetre  Stoudza. 

Jean  Bratiano  devint  Président  du  Conseil  le  24  juillet  1870,  il  fit  la 
-guerre  contre  la  Turquie  et  resta  au  pouvoir  pendant  12  ans.  Par  son 
intelligence  des  affaires,  son  tact  et  ses  talents  multiples,  il  força  l'ad- 
-iniration  de  tous,  de  ses  amis  comme  de  ses  ennemis. 

Le  parti  conservateur  eut  pour  principaux  représentants  :  Barbou 
•Catargi,  Constantin  Braïloiu,  N.  Gretzoulescu,  Em.  Florescu  et  A. 
Lahovary.  Son  chef  actuel  est  M.  Lascar  Catargi.  Une  fois  au  pouvoir, 
le  parti  conservateur  s'unit  aux  Janiitiistes  (ainsi  nommés  d'une 
société  littéraire  Junimea),  représentés  par  MM.  Carp,  Maiorescu  et 
autres.  Il  gouverna  le  pays  jusqu'en  1895,  époque  à  laquelle  il  dut 
-céder  la  place  au  parti  libéral  présidé  par  M.  D.  Stoudza,  ancien  colla- 
borateur du  grand  Bratiano. 

Le  ministère  libéral  actuel  se  compose  de  ; 

MM.  Stoudza,  Président  du  Conseil,  Ministre  des  Affaires  étrangères. 
Général  Bérindéi,  Ministre  de  la  Guerre. 
Ferekyde,  Ministre  de  l'Intérieur. 
Haret,  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Cultes. 
J.-C.  Bratiano,  Ministre  des  Travaux  publics. 
Stoicesco,  Ministre  de  la  Justice. 
Palade,  Ministre  des  Finances. 

Stolojan,  Ministre  des  Domaines,  de  l'Agriculture  et  du  Com- 
merce (1). 

Ce  ministère  a  posé  les  bases  d'un  service  maritime  commercial 
reliant  d'une  façon  régulière  Constanta  à  Amsterdam,  à  Constanti- 
nople,  au  Pyrée  et  à  Salonique.  Un  service  rapide  entre  Constanta  et 
Alexandrie  ne  tardera  pas  à  être  organisé  ;  un  câble  sous-marin  reliera 


(1)  Depuis  que  ces  notes  ont  été  livrées  à  l'impression,  le  ministère  libéral  a  été 
remplacé  (mai  1899)  par  un  Ministère  conservateur  présidé  par  M.  Cantacuzène. 


—  204  — 

Constanta  à  Constantinople  et  les  nouvelles  conventions  avec  l'Alle- 
magne et  la  Hollande  donneront  au  pays  un  développement  écono- 
mique considérable. 

Ajoutons  qu'un  deuxième  grand  pont  sur  le  Danube  mettra  bientôt 
en  communication  la  Roumanie  et  la  Serbie  et  que  la  loi  sur  les  raines^ 
dernièrement  votée  par  les  Chambres,  est  destinée  à  étendre  encore 
les  relations  commerciales  de  la  Roumanie. 

Le  gouvernement  actuel  est  une  monarchie  constitutionnelle  et 
héréditaire. 

Le  pouvoir  exécutif  est  confié  au  roi  qui  Texcrce  par  riiiterinédiaire 
de  ministres  responsables. 

Tous  les  pouvoirs  de  l'État. émanant  delà  nation,  le  pouvoir  législatif 
est  exercé  par  la  représentation  nationale  divisée  en  deux  assemblées  : 
le  Sénat,  dont  les  membres  sont  élus  pour  8  ans  et  se  renouvellent 
par  moitié,  tous  les  4  ans,  par  voie  de  tirage  au  sort,  et  l'Assemblée 
des  Députés,  dont  les  membres  sont  élus  pour  i  ans. 

La  Constitution  garantit  la  liberté  individuelle,  l'inviolabilité  du 
domicile,  la  propriété,  la  liberté  de  conscience  et  d'exercice  des  cultes,, 
la  liberté  de  la  presse,  la  liberté  de  réunion,  la  liberté  de  l'enseigne- 
ment qui  est  gratuit  dans  les  écoles  de  l'État  et  obligatoire  partout  où 
se  trouvent  des  écoles  primaires. 

Il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  signaler  que  la  banque  nationale, 
instituée  avec  des  capitaux  essentiellement  roumains,  est  la  plus  riche 
des  banques  similaires  européennes.  Les  actions  ont  triplé  en  12  ans. 

Nous  suivrons ,  pour  visiter  la  Roumanie ,  un  itinéraire  qui  n'est 
peut-être  pas  l'itinéraire  naturel,  mais  qui  nous  est  imposé  par  les 
circonstances,  car  notre  point  de  départ  se  trouve  à  Constantinople. 

Nous  nous  embarquons  dans  cette  dernière  ville  sur  un  magnifique 
bateau  roumain  la  «  Princesse  Marie  »,  qui  fait  deux  fois  par  semaine 
le  trajet  entre  les  rives  du  Bosphore  et  la  Roumanie.  Après  une 
traversée  de  15  heures,  favorisée  par  un  temps  splendide,  sur  cette  mer 
délicieusement  bleue  qu'on  a  baptisée  la  Mer  Noire,  nous  arrivons  à 
5  heures  du  matin  en  vue  de  Constanta.  Constanta  (Kustendjé),  c'est 
l'antique  Toinis,  la  métropole  du  Pont,  comme  elle  est  désignée  sur 
les  médailles  impériales  (M-r)Tpô:ToX.  ITovtou  Tôasw,-).  Les  souvenirs  histo- 
riques y  abondent  et,  accoudé  aux  bastingages,  à  la  lueur  indécise  du 
demi-jour  naissant,  notre  pensée  se  reporte  inévitablement  vers  ces 
temps  fabuleux  dont  les  récits  émerveillèrent  jadis  notre  jeune  imagi- 
nation. C'est  là  en  effet  qu'eut  lieu  le  dépècement  {-o<j.-t^'j)  d'Absyrte, 


—  205  — 

frère  de  Médée,  dont  le  corps  fut  coupé  en  morceaux  par  sa  sœur  el 
«nseveli  par  son  père. 

Inde  Tomis  dictus  locus  hic  :  quia  fertur  in  illo 
Membra  soror  fratris  consecuisse  sui  (1). 

C'est  là  qu'Ovide  fut  exilé  à  la  suite  d'une  disgrâce  dont  les  causes 
sont  restées  mystérieuses,  c'est  là  qu'il  composa  ses  Tristes  et  ses 
Pontiques  et  où,  malgré  les  nombreux  amis  qui  lui  restèrent  fidèles  à 
Rome,  quelques  défections  cruelles  lui  arrachèrent  ces  paroles  de 
désenchantement  : 

Donec  cris  felix,  multos  numerabis  amicos 
Tempora  si  fuerint  nubila,  solus  eris. 

C'est  là  enfin  qu'il  mourut  terrassé  par  l'incurable  ennui  de  ces 
■solitudes  si  froides  auprès  des  chauds  rayons  du  soleil  d'Italie,  entouré 
du  respect  et  de  la  vénération  de  ce  peuple  barbare  dont  il  avait  réussi 
à  se  faire  aimer. 

Constanta  est  une  ville  de  6.000  habitants  située  sur  un  promontoire 
■de  la  Mer  Noire  que  bordent  des  rochers  à  pics,  hauts  de  30  mètres. 
Le  gouvernement  roumain  y  fait  exécuter  actuellement  de  gigan- 
tesques travaux  destinés  à  améliorer  le  port  et  à  assurer  la  sécurité 
•des  navires  qui  y  viennent  mouiller.  Ces  travaux  sont  confiés  à  des 
ingénieurs  français.  Les  ouvrages  se  composent  d'une  digue  du  large, 
de  1.400  mètres  environ,  d'une  digue  d'entrée  et  d'une  digue  dite  du 
Sud,  formant  traverse  par  rapport  à  la  précédente  et  laissant  entre 
leurs  musoirs  une  passe  de  160  mètres.  Le  périmètre  des  quais,  y 
■compris  celui  des  môles,  atteindra  3.370  mètres  et  la  surface  totale  des 
bassins  couvrira  90  hectares.  Tout  le  port  doit  être  creusé  jusqu'à  une 
profondeur  de  8  mètres  au-dessous  du  niveau  des  eaux  moyennes,  de 
manière  à  pouvoir  recevoir  en  tous  temps  les  plus  grands  navires. 
L'ensemble  des  dragages ,  y  compris  les  dérochemenls  ,  s'élève  à 
1.131.000  mètres  cubes.  Les  digues  sont  formées  de  blocs  artificiels  en 
l)éton,  comportant  135.000  mètres  cubes,  avec  une  prévision  de  222.000 
mètres  cubes  d'enrochements. 

Le  port  que  vous  dessinent  les  projections,  très  pittoresque  sans 
doute  avec  la  ^aste  basilique  bysantine  qui  le  domine,  ne  peut  vous 


(1)  Ovide.  Trist.  lib.  111,  el.  IX. 


—  206  — 

donner  aucune  idée  du  port  de  l'avenir.  Ce  n'est  pas  avant  quelques^ 
années  que  Constanta  sera  la  tête  de  ligne  d'une  nombreuse  flotte- 
commerciale  et  deviendra  la  rivale  d'Odessa. 

Constanta  est  depuis  quelques  années  très  fréquenté  par  les  riches 
Roumains  qui  viennent  y  prendre  des  bains  de  mer. 

Cette  ville,  qui  ne  présente  en  réalité  que  l'apparence  d'une  grosse- 
bourgade,  est  cependant  bien  curieuse  à  parcourir.  Les  rues  sont  rem- 
plies de  fragments  d'inscriptions,  de  colonnes,  de  sculptures.  Toutes- 
les  anciennes  maisons  turques,  en  ruines  aujourd'liui,  ont  été  cons- 
truites avec  les  débris  épars  d'édifices  antiques.  Ici  une  frise  grecque- 
sert  d'assise  à  un  mur  romain,  là  des  briques  romaines  forment  l'es- 
calier d'une  maison  turque,  plus  loin  un  tombeau  sert  d'abreuvoir  aux. 
buffles  et  aux  chevaux,  et  le  piédestal  d'une  statue,  qui  est  peut-être- 
celle  d'un  empereur,  se  cache,  sur  la  place  publique,  au  milieu  des- 
plantes sauvages  et  des  débris  de  foin. 

Nous  passons,  à  la  douane,  une  visite  peu  sévère  ;  une  simple  forma- 
lité qui  dure  le  temps  de  viser  notre  passeport. 

Et  nous  ne  tardons  pas  à  nous  installer  dans  le  train  qui  doit  nous- 
conduire  à  Bucarest.  Le  trajet  se  fait  en  six  heures  à  travers  les- 
steppes  de  la  Dobroudja,  attribuée  à  la  Roumanie  par  le  traité  de  Berlin 
en  compensation  de  la  Bessarabie  rétrocédée  à  la  Russie.  Ce  sont 
d'immenses  plaines  où,  dans  certaines  parties,  des  champs  de  blé  et  de- 
mais  se  déroulent  à  perle  de  vue.  De  temps  à  autre  on  aperçoit  quelque- 
village  formé  de  huttes  construites  en  clayonnage  recouvert  de  bouse- 
de  vache  durcie  au  soleil  avec  des  toitures  en  roseaux  ou  en  terre^ 
L'été,  la  chaleur  y  est  accablante,  le  j^ysage  uniformément  gris.  ' 

A  la  hauteur  d'Ala-Kapou  nous  coupons  les  retranchements  dits  de 
Trajan.  Ce  sont  trois  fossés  qui  traversent  la  Dobroudja  dans  sa  partie 
la  plus  étroite.  Ils  se  croisent  à  4  kilomètres  de  Constanta  pour  se 
séparer  ensuite  et  se  diriger  à  peu  près  parallèlement  vers  le  Danube- 
sans  s'écarter  entre  eux  de  plus  de  10  kilomètres.  Le  profil  de  l'ou- 
vrage est  encore  très  bien  conservé  et  l'on  reconnaît  aisément,  sous- 
les  herbes  qui  les  recouvrent,  les  vestiges  d'une  série  de  camps- 
retranchés  accolés  au  grand  fossé. 

Nous  ne  nous  arrêtons  que  quelques  minutes  à  Medjidié ,  sur  l'em- 
placement de  l'ancienne  ville  de  Karasou,  détruite  par  un  incendie  a« 
commencement  de  ce  siècle.  C'est  une  ville  toute  moderne  qui  doit  sa 
résurrection  à  la  guerre  d'Orient.  Les  Tatars  de  Crimée  qui  avaient 
pris  parti  i)0ur  les  Turcs  pendant  la  campagne,  ne  se  croyant  pas  en 


—  207  — 

sûreté  chez  eux  après  le  départ  de  l'armée  alliée,  vinrent  fonder  cette 
ville  nouvelle  qui  fut  nommée  Medjidié  en  l'honneur  du  sultan.  C/cst 
actuellement  une  ville  de  15  à  20.000  âmes,  sous-préfecture  du  district 
de  Constanta  et  la  principale  station  de  la  ligne  de  chemin  de  fer  de 
Gonstanta  à  Bucarest. 

A  Gernavoda,  nous  traversons  le  Danube  sur  lejjpont  Gharles  I", 
qui  a  été  inauguré  dans  le  courant  de  l'été  1895.  Ce  travail  gigan- 
tesque, qui  a  été  exécuté  par  la  Gompagnie  de  Fives-Lille  et  qui  fait 
le  plus  grand  honneur  à  notre  industrie  national(\  se  compose  d'abord 
d'un  pont  métallique  de  750  mètres  jeté  sur  le  Danube.  Ce  pont  est 
divisé  en  cinq  travées,  dont  une  centrale  de  190  mètres  d'ouverture. 
Le  poids  du  tablier  métallique  est  de  4.000  tonnes.  Il  est  supporté  par 
deux  culées,  une  sur  chaque  rive  et  quatre  piles  en  rivière.  Les 
fondations  de  ces  dernières  ont  été  descendues  au  moyen  de  l'air 
comprimé  jusqu'à  27  mètres  au-dessous  de  l'étiage.  Le  tablier  est 
suspendu  à  30  mètres  au-dessus  du  niveau  des  plus  hautes  eaux,  de 
manière  à  permettre  aux  navires  de  passer  librement,  en  tout  temps. 

A  la  suite  de  ce  pont  s'ouvre  un  viaduc  long  de  900  mètres  divisé 
en  15  travées  de  60  mètres  d'ouverture  chacune.  Ce  viaduc  aboutit  à 
l'île  de  Balta,  dont  la  traversée  s'effectue  sur  un  remblai  ;  il  est  suivi 
d"un  deuxième  viaduc  long  de  650  mètres  et  divisé  en  30  travées. 
Enfin,  après  ce  viaduc,  s'étend  un  pont  de  fer  long  de  420  mètres, 
divisé  en  3  travées  et  permettant  la  traversée  de  la  rivière  Borcea. 
En  exceptant  le  remblai  de  l'île  de  Balta,  la  longueur  totale  de  ce  pont 
est  donc  de  2.720  mètres,  près  de  3  kilomètres.  Il  a  coûté  exactement 
7.655.981  fr. 

A  l'extrémité  du  pont  Gharles  P'  se  trouve  la  gare  de  Fetesci.  A 
partir  de  là  et  jusqu'aux  environs  immédiats  de  Bucarest,  on  ne  ren- 
contre que  des  plaines  complètement  dénudées,  des  steppes  immenses 
et  stériles  avec,  de  temps  en  temps,  un  village  dans  une  sorte  d'oasis 
minuscule  et,  le  long  de  la  voie  ferrée,  des  mares  boueuses  où  se  vautrent 
des  troupeaux  de  buffles.  En  approchant  de  Bucarest,  on  aperçoit  dans 
la  campagne  quelques  puits  d'une  construction  très  primitive  qui 
donnent  au  paysan  une  eau  fraîche  et  claire  comme  du  cristal.  Ces 
puits  sont  de  véritables  sanctuaires.  Malheur  à  qui  s'aviserait  de  les 
souiller. 

Vers  2  heures  de  l'après-midi,  nous  faisions  notre  entrée  à  Bucarest. 
A  la  gare  nous  attendaient  M.  Bunescu,  ingénieur  en  chef  des  Ponts 
et  Ghaussées,  M.  Marasco,  ingénieur  des  Ghemins  de  fer,  avec  son  fils 


—  2()8  — 

el  Coustaulin  Bérindéi.  fils  du  général  Bériiidéi,  Ministre  de  la  Guerre 
de  Roumanie.  Des  voitures  nous  conduisent  à  riiôtel  Frascati,  où  des 
chambres  nous  sont  retenues  et  nous  commençons  immédiatement  la 
visite  de  la  ville.  Ce  jour-là.  tous  les  édifices  sont  pavoises,  le  drapeau 
national  aux  trois  couleurs  bleu,  jaune  et  rouge,  flotte  à  toutes  les 
fenêtres.  Les  Roumains  fêtent  en  effet  l'anniversaire  de  la  prise  de  la 
redoute  de  Grivitza,  où  leur  armée  se  couvrit  de  gloire  pendant  la 
guerre  contre  les  Turcs. 

On  projette  en  ce  moment  une  vue  de  la  rue  de  la  Victoire  avec 
l'Hôtel  Frascati  à  droite,  l'hôtel  du  journal  V Indépendance  rownaine 
dans  le  fond.  A'ous  y  remarquerez  notamment  les  fiacres  à  deux 
chevaux  avec  leurs  cochers,  les  scopitzi,  assez  semblables  aux  cochers 
russes  et  surtout  le  grand  nombre  d'enseignes  en  français.  Car  Buca- 
rest est,  après  Bruxelles,  la  capitale  d'Europe  où  l'on  parle  le  plus  le 
français.  Voici  dans  le  prolongement  de  la  même  rue,  la  place  Sarindar 
(fig.  1)  où  se  dresse  la  statue  de  la  Paix,  due  au  ciseau  d'un  artiste 
italien  avec,  au  premier  plan,  quelques  portefaix,  marchands  de  jaourt, 
de  fruits  ou  de  légumes, 

La  rue  de  la  Victoire  débouche  à  l'origine  de  deux  boulevards  situés 
dans  le  prolongement  l'un  de  l'autre  :  le  boulevard  Elisabeth,  éclairé 
à  la  lumière  électrique  et  où  circulent  de  nombreux  tramways  élec- 
triques qui,  comme  vous  pouvez  vous  en  rendre  compte,  ne  gâtent 
nullement  la  perspective,  et  le  boulevard  de  l'Université.  Sur  la 
photographie  de  ce  dernier  (fig.  2),  vous  apercevez  le  Ministère  de 
la  Guerre.  Cette  vue  a. été  prise  à  la  hauteur  d'un  square  où  se  trouve 
la  statue  équestre  de  Michel-le-Brave,  œuvre  du  sculpteur  français 
Carrier-Belleuse  (1875).  Le  glorieux  champion  de  la  reconstitution 
de  la  nation  est  représenté  en  costume  de  guerre,  brandissant  la 
hache  d'armes.  Le  piédestal  est  flanqué  de  deux  canons  sur  afi"ùt, 
enlevés  aux  Turcs  à  la  bataille  de  Plevna.  A  côté  de  cette  statue 
on  a  placé  celle  du  poète  Héliade  Radulescu  et  celle  de  George 
Lazare  le  fondateur  des  écoles  roumaines. 

Faisant  face  au  square  se  trouve  le  palais  de  l'Université,  vaste 
édifice  moderne  bâti  sur  l'emplacement  de  l'ancienne  école  de  Saiut- 
Savas.  C'est  le  siège  de  V  Université  de  Bucarest  qui  comprend  :  une 
faculté  de  médecine,  une  de  droit,  une  de  théologie,  une  faculté  des 
lettres,  une  faculté  des  sciences  et  une  école  de  pharmacie.  C'est  dans 
le  même  édifice  que  sont  installés  le  Muséum  d'histoi?^e  naturelle,  le 
Musée  de  peinture  et  le  Musée  d'archéologie.  Ce  derniei-  renferme 


1.  Bucarest.  —  Place  Sarindar. 


2.  Bucarest.  —  Boulevard  de  l'Université. 


3.  Bucarest.  —  Manufacture  des  Tabacs. 


4.  Bucarest.  —  Eglise  Domna  Balasa. 


^m^gm^^m' 


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5.  Bucarest.  —  Église  Domna  Balasa. 


6.  Slanic.  —  Vue  générale. 


-'209  — 

nombre  de  pirces  ancifimes,  parmi  lesquelles  il  faut  citer  les  sculp- 
tures (l'Adam-Kilissé,  une  riche  collection  de  manuscrits  slaves,  grecs 
et  roumains,  les  fresques  originales  de  Curtea  de  Arges  et  surtout,  le 
fameux  Trésor  de  Pèirossa  qui  fut  découvert  dans  les  circonstances 
étranges  que  voici  : 

Au  mois  de  mars  de  l'année  1837,  deux  paysans  roumains  qui  tra- 
vaillaient à  extraire  de  la  pierre  d'une  montagne  de  la  A'alachie  située 
dans  la  commune  de  Pétrossa  découvrirent,  sous  un  gros  bloc  de 
calcaire,  à  peu  de  profondeur  du  sol  et  enveloppée  dans  une  terre 
noire  et  friable,  une  riche  collection  de  vases  et  d'ornements  en  or. 

Soit  qu'ils  ne  se  doutassent  pas  de  l'importance  de  leur  découverte, 
soit  qu'ils  aient  obéi  à  un  sentiment  d'avarice  ou  de  crainte  supers- 
titieuse, ces  deux  paysans  cachèrent  d'abord  leur  trouvaille.  Aidés  de 
deux  de  leurs  parents,  ils  placèrent  les  objets  précieux  dans  un 
grenier,  où  ils  restèrent  jusqu'à  ce  qu'ayant  fait  la  connaissance  d'un 
maçon  albanais,  nommé  Vérussi.  ils  s'ouvrirent  à  lui  et  finirent  par  lui 
céder  pour  une  somme  de  4.000  piastres  (l.oOO  fr.  environ),  leur  trésor 
entier,  moins  un  anneau  d'or  qui  resta  dans  le  grenier.  L'Albanais, 
qui  s'était  assuré  de  la  qualité  du  métal  des  objets  qu'il  venait  d'ac- 
quérir à  si  bon  compte,  prit  ses  précautions  pour  échapper  à  la  loi 
valaque,  dont  une  clause  oblige  le  partage  de  tout  trésor  entre  le  pro- 
priétaire du  fonds  où  il  a  été  trouvé,  l'Etat  et  l'auteur  de  la  découverte  ; 
il  recommanda  aux  paysans  le  secret  sur  sa  transaction,  et  brisa  ou 
aplatit  à  coups  de  hache  presque  toutes  les  pièces  du  trésor,  afin  de  les 
dénaturer. 

Grâce  à  ces  précautions,  le  maçon  serait  peut-être  parvenu  à  cacher 
à  tout  jamais  cette  précieuse  et  curieuse  découverte,  si  quelques-uns 
des  objets  dont  se  composait  son  acquisition  n'avaient  été  ornés  de 
pierres  de  diverses  couleurs.  Jugeant  quelques-unes  de  ces  pierres  de 
peu  de  valeur,  il  les  détacha  des  bijoux  et  les  laissa  aux  paysans  qui, 
eux-mêmes,  en  prirent  peu  de  soin.  Devenues  le  jouet  de  quelques 
enfants,  elles  furent  le  point  de  départ  de  propos  et  de  commentaires, 
puis  de  recherches  qui  révélèrent  la  découverte  faite  par  les  paysans 
de  Pétrossa.  Le  fermier  de  cette  terre  fut  le  premier  à  s'enquérir,  et 
n'ayant  pu  obtenir  de  l'Albanais  une  part  suffisamment  belle  du  trésor, 
il  le  dénonça  à  l'autorité,  qui  était  en  n;ême  temps  prévenue  par  l'éco- 
nome de  l'évêché  de  Buzéo,dont  dépendait  la  terre  de  Pétrossa,  et  par 
le  préfet  du  district. 

Ainsi  renseigné,  le  gouvernement  ordonna  une  enquête.  Elle  com- 


—  210  — 

inença  en  juillet  1838,  plus  d'un  an  après  la  découverte  du  trésor. 
Cette  enquête  fut  malheureusement  dirigée  avec  plus  de  sévérité  que 
d'intelligence.  On  négligea  les  renseignements  qui  pouvaient  être  utiles 
à  la  science  archéologique,  pour  s'occuper  principalement  de  la  valeur 
matérielle  du  métal  et  des  sommes  versées  par  les  possesseurs  succes- 
sifs du  trésor.  On  eut  recours  aux  mesures  les  plus  rigoureuses  pour 
savoir  ce  qui  s'était  passé  et  pour  retrouver  les  objets  antiques  dont 
s'était  composé  le  trésor  disparu.  Les  paysans  qui  les  avaient  décou- 
verts, l'Albanais  qui  les  avait  achetés,  le  fermier  qui  avait  voulu  s'en 
faire  donner  une  partie,  et  plusieurs  autres  personnes  impliquées  dans 
cette  affaire,  lurent  arrêtés  et  retenus  longtemps  en  prison. 

Enfin,  après  des  fouilles  nombreuses,  des  interrogatoires  persistants, 
on  finit  par  reconnaître  d'une  manière  à  peu  près  certaine  que  le  trésor 
découvert  à  Pétrossa  se  composait  de  22  pièces  en  or  pur,  de  forme  et 
de  grandeur  différentes,  dont  un  grand  nombre  étaient  ornées  de  pier- 
reries et  de  cristaux  différemment  colorés. 

12  seulement  de  ces  objets  furent  retrouvés  :  9  dans  une  cachette 
sur  la  berge  de  la  rivière  du  Calnau,  où  l'Albanais  les  avait  enfouis  ; 
1  qui  était  resté  dans  le  grenier  du  paysan  et  2  autres  que  l'Albanais 
avait  fait  remettre  au  fermier  de  Pétrossa  pour  acheter  son  silence. 

Les  perquisitions  postérieures  furent  en  général  peu  fructueuses  ;  le 
principal  résultat  auquel  elles  aboutirent  fut  le  recouvrement  de  deux 
fragments  importants  et  de  plusieurs  débris  servant  à  compléter  les 
pièces  principales  qui  avaient  été  vendues  et  qui  étaient  presque  toutes 
brisées  et  déformées.  Quant  aux  objets  que  l'on  ne  put  découvrir,  il 
est  plus  que  probable  qu'ils  passèrent  au  creuset  ou  furent  vendus  à 
des  marchands  étrangers.  Vérussi  soutint  obstinément  qu'ils  avaient 
été  emportés  par  un  débordement  du  Calnau,  sur  la  rive  duquel  il  les 
avait  enfouis,  enveloppés  dans  une  serviette. 

Le  prince  Michel  Ghica,  alors  Ministre  de  l'Intérieur,  fit  déposer  les 
précieuses  reliques  au  Musée  national  de  Bucarest  et  l'on  chercha  à 
leur  rendre,  autant  que  possible,  leurs  formes  primitives,  sans  toute- 
fois y  ajouter  rien  qui  n'en  eût  fait  partie. 

C'est  encore  dans  le  Palais  de  l'Université  que  se  trouve  la  Biblio- 
thèque nationale,  qui  possède  aujourd'hui  plus  de  100.000  volumes. 

Nous  visitons  ensuite  VAthéàiéc,  vaste  édifice  surmonté  d'un  dôme 
et  luxueusement  aménagé  pour  les  concerts  et  les  réunions  des  Sociétés 
savantes. 

Le  soir,  nous  avons  l'honneur  d'être  reçus  à  la  table  du  Ministre  de 


"-  211  - 

la  Guerre,  en  compagnie  du  contre-amiral  général  Murgescu ,  du 
général  Tatarascu,  du  colonel  Goanda,  aide-de-camp  du  roi  et  de  sa 
charmante  femme,  une  parisienne  restée  française  de  cœur. 

M""*  Bérindéi  faisait  les  honneurs  de  sa  maison  avec  une  amabilité  et 
une  bonne  grâce  parfaites.  Par  une  délicate  attention,  elle  avait  tenu  a 
ce  que  le  dîner  se  composât  presque  exclusivement  de  plats  roumains, 
à  seule  fin,  disait-elle,  de  nous  faire  faire  une  connaissance  approfondie 
des  mets  du  pays.  J'avoue  d'ailleurs  que  nous  avons  beaucoup  goûté 
la  tuïca,  cette  eau-de-vie  de  prunes  que  l'on  sert  en  guise  d'apéritif 
avec  une  olive  noire  et  une  bouchée  de  pain  salé,  le  potroace,  potage 
aigrelet  qui  n'est  pas  sans  quelque  ressemblance  avec  notre  soupe  au 
lait  battu,  la  mousaka,  aubergines  au  gratin  garnies  de  viande  hachée, 
et  le  jaourt,  entremets  au  lait  caillé  et  légèrement  sucré,  sans  oublier 
le  café  turc  et  la  confiture  de  roses  préparés  par  M""^  Bérindéi  avec  un 
art  exquis. 

Voici  la  photographie  du  général  Bérindéi.  Je  suis  heureux  de  saluer 
en  lui  un  des  chefs  les  plus  énergiques,  en  même  temps  que  des  plus 
sympathiques,  de  l'armée  roumaine.  Le  général  Bérindéi  aime  à  rap- 
peler qu'il  vint  chercher  l'instruction  supérieure  à  l'école  militaire 
française  de  Metz.  Deux  de  ses  fils  font  actuellement  leurs  éludes  en 
France.  L'un  fait  son  droit  à  Paris,  l'autre  est  un  des  plus  brillants 
élèves  de  l'Institut  Industriel  de  Lille. 

C'est  un  ami  de  la  France  et  un  ami  sincère,  qui  applaudit  à  toutes 
nos  joies  et  partage  toutes  nos  douleurs. 

L'armée  roumaine  dont  il  a  le  haut  commandement,  comprend 
4  corps  d'armée  de  15.000  hommes,  armée  supérieurement  disciplinée 
et  qui  fit  ses  preuves  dans  la  guerre  de  1877  contre  les  Turcs. 

Les  diff'érentes  vues  qui  défilent  actuellement  sous  vos  yeux  repré- 
sentent les  chasseurs  à  pied  roumains  en  exercice  près  de  Sinaïa,  une 
revue  passée  par  le  prince  de  Bulgarie  et  le  roi  de  Roumanie,  l'état- 
major  du  roi  de  Roumanie  et  la  cavalerie  roumaine  aux  grandes 
manœuvres  de  l'année  dernière.  Voici  enfin  des  artilleurs  dans  le  fort 
de  Kitila  aux  environs  de  Bucarest. 

Le  camp  retranché  de  Bucarest,  qui  a  été  organisé  par  le  général 
Brialmont,  est  un  modèle  du  genre.  Les  Roumains  n'ont  rien  négligé 
pour  en  faire  une  place  inexpugnable.  Et  il  me  revient  à  ce  sujet  une 
anecdote  assez  curieuse  qui  me  fut  contée  là-bas  :  Comme  il  fallait 
munir  les  forts  de  coupoles  tournantes  en  acier,  le  gouvernement 
décida  de  s'adresser  aux  maisons  françaises  et  allemandes.  Mais  il 


—  212  — 

voulait  des  preuves  certaines  de  leur  solidité  et  il  exigea  que  chaque 
fournisseur  installât  une  tourelle  sur  laquelle  Tartillerie  roumaine  se 
livrerait,  pendant  plusieurs  jours,  à  un  siège  en  règle.  Les  résultats  ne 
furent  pas,  au  début,  suffisamment  probants,  et  pour  trancher  la  ques- 
tion, les  fournisseurs  proposèrent  de  se  renfermer  dans  leur  tourelle 
respective  et  de  tirer  les  uns  sur  les  autres.  On  accepta  leur  proposi- 
tion et  pendant  plusieurs  jours  toute  la  population  de  Bucarest 
s'intéressa  prodigieusement  aux  résultats  de  cette  guerre  d'un 
nouveau  genre.  Un  jour  les  Allemands  avaient  reçu  une  avarie  grave, 
le  lendemain  les  Français  avaient  le  dessous.  Finalement  il  n'y  eut 
ni  vainqueurs  ni  vaincus  et  les  Roumains  prirent  un  moyen  terme  en 
installant  un  système  mixte  possédant  toutes  les  qualités  reconnues  aux 
coupoles  des  deux  puissances. 

Nous  visitons  les  jours  suivants  l'Institut  antliiopométrique  dirigé 
par  un  médecin  de  grand  talent,  M.  le  D'  Minovitchi,  l'École  des  Ponts 
et  Chaussées  et  la  Manufacture  des  Tabacs,  dont  le  sous-directeur 
nous  fait  les  honneurs  avec  une  grande  amabilité.  La  préparation  du 
tabac  est  un  monopole  de  l'Etat  qui  lui  rapporte  d'ailleurs  annuelle- 
ment de  nombreux  millions.  Cette  photographie  vous  représente 
(fig.  3)  la  sortie  des  ouvrières  qui  sont  soigneusement  fouillées  avant 
de  franchir  les  grilles. 

Voici  (fîg.  4)  une  vue  générale  de  l'église  Domna  Balasa ,  dans  le 
style  byzantin,  l'édifice  le  plus  remarquable  de  Bucarest  et  une  vue 
plus  détaillée  du  portail  latéral  (flg.  5).  Cette  église  se  dresse  au  miheu 
de  l'élégant  jardin  des  établissements  hospitaliers  de  la  fondation 
Brancovan,  un  vrai  parterre  de  verdure  et  de  fleurs.  Devant  l'église, 
au  milieu  du  jardin,  on  a  érigé  en  1882  une  très  belle  statue  en 
marbre  blanc  de  la  princesse  Balasa. 

A  peu  de  distance  de  là  se  trouve  l'église  Stavropolios,  vieille  église 
malheureusement  un  peu  délaissée,  mais  certainement  une  des  plus 
originales  el  des  plus  artistiques  de  Bucarest,  et  la  Cathédrale  catho- 
lique qui  n'offre  d'ailleurs  aucun  intérêt  pour  les  voyageurs  en  quête 
de  curiosités  ou  d'œuvres  d'art  remarquables.  Elle  est  desservie  par 
des  prêtres  appartenant  à  l'ordre  des  Franciscains  de  la  réforme  de 
St-Jean  Capistran. 

Une  après-midi  est  consacrée  à  la  chaussée  Kisselef,  ainsi  nommée 
en  souvenir  du  général  russe  qui,  pendant  l'occupation  de  1848,  fut 
chargé  de  l'administration  de  la  ville  et  en  commença  la  transforma- 
tion.  C'est  le  lieu  de  promenade  favori  de  la  société  élégante  de 


—  213  — 

Bucarest,  le  Bois  de  Boulogne  de  la  capitale  de  la  Roumauie.  Les 
dames  roumaines  y  étalent  en  été  un  grand  luxe  de  toilettes  et  d'équi- 
pages. Le  dimanche  et  les  fêtes,  c'est  la  ville  entière  qui  vient  à  la 
chaussée  et  la  circulation  y  est  presque  impossible. 

D'élégants  restaurants,  très  fréquentés,  sont  situés  sur  la  chaussi'e 
et  dans  les  environs.  J'ai  conservé  le  souvenir  de  certain  souper  que 
nous  fîmes  un  soir  dans  l'un  de  ces  restaurants,  et  où  des  tziganes, 
spécialement  retenus  à  notre  intention,  jouèrent  sans  interruption  les 
plus  ravissantes  mélodies  de  leur  répertoire. 

Ces  artistes  insouciants,  incapables  de  garder  le  lendemain  ce  qu'ils 
ont  gagné  la  veille,  jouent  d'inspiration,  avec  une  verve  et  un  brio  ini- 
mitables, sans  connaître  même  les  notes,  sans  rien  savoir  des  procédés 
et  des  expédients  qui  s'apprennent  des  maîtres. 

«  L'art  —  a  dit  Liszt  qui  les  a  étudiés  de  près  —  l'art  est  pour  eux 
un  langage  sublime,  un  chant  mystique  mais  clair  aux  initiés,  ils  s'en 
servent  selon  les  exigences  de  ce  qu'ils  ont  à  dire  et  ne  se  laissent 
influencer  par  aucune  raison  intrinsèque.  Ils  ont  inventé  leur  musique 
et  l'ont  inventée  pour  leur  propre  usage,  pour  se  parler,  pour  se 
chanter  eux-mêmes  à  eux-mêmes,  pour  se  tenir  les  plus  intimes,  les 
plus  touchants  monologues.  » 

Leur  musique  est  aussi  libre  que  l'est  leur  vie.  Pas  de  modulations 
intermédiaires,  pas  d'accords,  pas  de  transitions.  Ils  vont,  sans  prépa- 
ration, d'une  tonalité  à  une  autre;  des  hauteurs  éthérées  du  ciel  ils  vous 
précipitent  d'un  coup  dans  les  gouffres  hurlants  de  l'enfer  ;  de  la 
plainte  qui  soupire  ils  passent  brusquement  à  la  clianson  guerrière  qui 
éclate  ;  fougueuses  et  tendres,  à  la  fois  ardentes  et  calmes,  leurs  mélo- 
dies vous  plongent  dans  une  rêverie  mélancolique  ou  vous  emportent 
dans  un  tourbillon  vertigineux.  De  tous  les  instruments,  celui  qu'ils 
préfèrent  est  le  violon  :  le  roi  des  instruments.  Jamais  aucun  d'eux  n'a 
voulu  apprendre  le  piano,  cet  instrument  lourd,  laid,  qu'on  ne  peut  ni 
mouvoir,  ni  presser  avec  passion  dans  ses  mains  et  contre  son  cœur. 

Nous  y  fîmes  connaissance  également  avec  la  ho^^a,  la  danse  nalio- 
nale  roumaine,  et  si  mes  souvenirs  sont  exacts,  je  crois  bien  que  l'uu 
de  nous  fit  résonner  les  échos  de  ce  jardin  des  accents  de  la  Mar- 
seillaise. 

Munis  d'une  autorisation  spéciale  et  sous  la  conduite  du  colonel 
Coanda,  nous  visitons  également  le  Palais  Royal  situé  vers  le  milieu 
de  la  rue  de  la  Victoire.  C'est  une  grande  bâtisse  sans  plan  régulier  ni 
style  architectural,  mais  remarquable  par  le  goût  qui  a  présidé  à  l'amé- 


—  214  — 

nagement  intérieur.  Nous  remarquons  surtout  la  salle  du  Trône,  la 
salle  à  manger,  le  grand  escalier  et  la  bibliothèque.  Les  boiseries  des 
appartements  royaux  sont  également  fort  belles. 

C'est  là  qu'habitent,  pendant  la  saison  d'hiver,  le  roi  et  la  reine  de 
Roumanie,  deux  des  figures  les  plus  sympathiques  parmi  les  souverains 
d'Europe.  La  reine  Elisabeth,  plus  connue  en  France  sous  le  pseudo- 
nyme de  Carmen  Sylva,  lauréat  de  l'Académie  française,  est  une 
femme  d'une  intelligence  supérieure,  au  cœur  chaud,  qui  a  su  forcer 
tous  les  respects  et  toutes  les  affections  par  la  noblesse  de  son  carac- 
tère et  par  la  dignité  simple  de  sa  vie,  ouverte  à  tous  comme  une 
maison  de  verre.  Elle  porte  avec  une  rare  aisance  le  triple  diadème  de 
la  grâce,  du  talent  et  de  la  royauté. 

Le  roi  Charles  l"  est  Allemand,  c'est  vrai,  mais  son  aïeule  paternelle 
était  une  Murât  et  son  aïeule  maternelle  une  Beauharnais.  11  n'a  pas 
trouvé  sa  couronne  royale  dans  son  berceau,  à  Sigmaringen,  ou  même 
dans  son  berceau  politique,  à  Bucarest.  Il  l'a  forgée,  au  propre  et  au 
figuré,  dans  le  métal  de  la  victoire,  sous  les  nmrs  de  Plevna.  Il 
apporta  aux  Roumains  ce  que  ces  derniers  attendaient  de  lui  «  un 
cœur  loyal,  des  pensées  droites,  une  volonté  ferme  de  faire  le  bien, 
un  dévouement  sans  bornes  à  sa  nouvelle  patrie  et  un  invincible 
respect  de  la  loi.  » 

Le  roi  et  la  reine  de  Roumanie  ont  perdu  leur  unique  enfant ,  deuil 
éternel  qui  eut  un  si  grand  écho  dans  le  cœur  de  tous  les  Français. 
L'héritier  de  la  Couronne  est  le  neveu  de  Charles  ^^  le  prince  Ferdi- 
nand, qui  épousa  la  princesse  Marie  de  Grande-Bretagne,  nièce,  par 
sa  mère,  du  tsar  Alexandre  II. 

Cathédrale  de  Curtea  de  Argès.  —  Notre  première  excursion 
aux  environs  de  Bucarest  aura  pour  objectif  la  cathédrale  du  monastère 
de  Curtea  de  Argès,  où  l'on  se  rend  en  partant  de  Romnicu-Valcea  par 
une  route  carrossable  dans  un  site  ravissant.  N'y  eùt-il  pas  autre  chose 
à  voir  en  Roumanie,  qu'il  vaudrait  encore  la  peine  de  faire  le  voyage 
pour  contempler  ce  magnifique  édifice,  la  perle  de  la  Roumanie,  le 
joyau  de  l'art  byzantin,  un  monument  incomparable  parce  qu'il  est 
unique  au  monde. 

(^ette  église,  fondée  en  1520,  n'est  pourtant  pas  un  prodigieux 
entassement  de  Pélion  sur  Ossa,  comme  Sl-Pierre  de  Rome  ;  des 
géants  n'ont  point  soulevé  des  quartiers  de  montagne  dans  les  nuages, 
comme  à  Cologne  ;  la  sueur  de  100.000  hommes  n'a  pas  cimenté  ses 


—  215  — 

murailles,  comme  à  Strasbourg  ;  ce  n'est  pas  non  plus  le  livre  d'his- 
toire d'une  race  de  rois,  comme  Notre-Dame  de  Paris,  ou  une  nécropole 
auguste  comme  l'abbaye  de  Westminster.  Rien  de  tout  cela  ;  mais  cette 
basilique  de  marbre  et  d'or,  proportionnée  à  la  taille  de  la  Roumanie, 
aussi  finement  brodée  que  les  voiles  de  ses  femmes,  résume  quatre 
siècles  d'histoire  et  quand  souffle  le  vent  sonore  des  Garpathes,  son 
chœur  de  colombes  —  que  l'on  distingue  perchées,  une  clochette  au 
bec,  sur  toutes  les  rosaces  supérieures,  —  chante  le  zèle  pieux  des 
anciens  voïvodes  qui  l'ont  édifiée,  le  vandalisme  des  hordes  barbares 
qui  l'ont  ravagée,  et  la  gloire  du  roi  qui  l'a  régénérée  au  lendemain 
de  la  liberté  reconquise  —  car  le  travail  de  restauration,  entrepris  par 
Charles  P^  n'a  pas  été  interrompu  par  la  grande  guerre  de  l'Indépen- 
dance de  1877. 

La  restauration  du  monument  a  été  confiée  à  un  architecte  français, 
M.  Leconte  du  Noiiy,  désigné  au  choix  du  gouvernement  roumain  par 
son  maître  Yiollet-le-Duc.  Cet  artiste  érudit  et  patient,  grâce  à  une 
science  et  à  un  talent  absolument  remarquables,  a  réussi  à  rendre  au 
vieux  monument  tout  l'éclat  de  sa  première  splendeur.' 

Construite  au  milieu  de  prairies  boisées,  sur  les  bords  de  l'Argès, 
l'église  ne  se  décèle  d'abord  au  travers  des  arbres,  que  par  le  chatoie- 
ment des  trois  couleurs  :  le  blanc  du  marbre,  le  bleu  des  émaux  et  le 
jaune  des  dorures,  qui  forment  l'harmonie  fondamentale  de  sa  déco- 
ration extérieure.  Elle  apparaît  bientôt,  au  milieu  d'une  vaste  espla- 
nade, coupée  de  pelouses,  et  entourée  d'un  mur  bas  à  colonnes,  en 
pierres  blanches,  supportant  une  grille  élégante.  Une  seconde  enceinte 
intérieure  faite  d'une  bordure  de  pierres  d'une  blancheur  marmoréenne, 
découpée  en  fleurs  de  lis,  entoure  l'église  et  le  parvis.  Sur  le  parvis  se 
dresse  une  merveilleuse  construction  :  le  Baptistère,  recouverte  d'une 
coupole  en  plomb  décorée  d'ornements  en  relief  et  suruiontée  d'une 
croix  grecque  à  trois  branches,  dorée  et  maintenue  par  des  chaînettes 
également  dorées. 

L'édifice  principal  se  compose  de  deux  carrés  égaux  accolés  par  une 
de  leurs  faces.  Pour  augmenter  la  surface  intérieure  du  monument,  on 
a  joint  aux  trois  faces  libres  du  carré  antérieur,  trois  rectangles 
allongés  et  aux  trois  faces  libres  du  carré  postérieur,  trois  hémicycles. 
Au-dessus  de  chacun  des  deux  carrés  fondamentaux  s'élève  une  cou- 
pole supportée  d'abord  par  un  tambour  plein,  carré,  et  ensuite  par 
une  tourelle  octogonale  ajourée  sur  chaque  face  d'une  fenêtre  haute 
et  étroite.  Enfin,  à  chaque  extrémité  du  rectangle  de  façade,  s'élève 


-  216  — 

également  une  tourelle  cylindrique  divisée  en  huit  compartiments  par 
des  nervures  en  spirales.  Chacune  de  ces  tourelles  supporte  une  cou- 
pole surmontée,  comme  les  coupoles  principales,  de  croix  grecques 
dorées.  Le  monument  repose  sur  un  soubassement  élevé  en  pierre 
blanche.  A  mi-hauteur  de  l'édifice  court,  tout  autour,  un  large  bandeau 
en  relief  sculpté  en  forme  de  torsade  et  figurant  une  immense  ceinture 
d'or.  La  construction  se  trouve  ainsi  divisée,  dans  le  sens  de  la  hauteur, 
en  deux  étages.  A  l'étage  inférieur,  chaque  face  est  partagée,  par  des 
moulures  formant  cadres,  en  compartiments  quadrangulaires  dans 
chacun  desquels  se  trouvent  ménagées  les  fenêtres,  hautes  et  étroites, 
accouplées  dans  un  encadrement  commun  dans  la  partie  antérieure  du 
monument,  tandis  qu'elles  sont  isolées  dans  la  portion  postérieure. 
Partout  leur  encadrement  est  formé  d'arabesques,  de  guirlandes  de 
fleurs  ou  d'entrelacements  de  rubans,  se  détachant  en  reliefs  d"or  sur 
un  fond  d'azur. 

Les  hémicycles  de  la  portion  postérieure  de  l'édifice  sont  couverts 
de  demi-coupoles  adossées  au  tambour  de  la  grande  tourelle.  Toutes 
les  surfaces  planes  des  tambours  ou  des  encadrements  sont  couvertes 
d'ornements  sculptés  en  relief.  Enfin  la  porte,  dans  le  style  des  portes 
de  mosquées  arabes,  apparaît  foute  encadrée  d'ornements  se  détachant 
en  or  sur  fond  bleu  et  s'ouvrant  sous  un  arceau  de  pierre  blanche 
découpée.  Dans  le  tympan  de  cet  arceau,  au-dessus  de  la  porte,  se 
trouve  une  magnifique  mosaïque  sur  fond  or  représentant  la  Vierge 
Marie  et  l'Enfant-Jésus. 

Rien  ne  peut  donner  une  idée  de  l'éblouissement  prodigieux  qui 
s'empare  du  regard  devant  une  pareille  magnificence.  On  reste  saisi, 
sous  le  charme,  sans  pouvoir  analyser  l'impression  harmonieuse  qui 
ressort  de  cet  accord  des  trois  couleurs  du  ciel  :  l'azur  du  firmament, 
le  blanc  des  nuages,  l'or  du  soleil.  Et  si  le  regard,  pour  se  reposer  un 
peu  de  cet  éhlouissement,  s'écarte  pou;'  un  inslant  de  cette  féerique 
vision,  il  ne  l'encontre  plus,  dans  quelque  direction  qu'il  se  dirige,  que 
le  grand  ajiaisemenl  de  l'espace  immense,  la  verdure  des  prairies  et 
des  ai-bres,  la  perspective  fuyante  des  montagnes  qui  cerclent  l'horizon 
de  toute  part;  et  l'on  se  demande  si  ce  n'est  pas  le  jeu  d'une  illusion, 
la  fantaisie  d'un  rêve  qui  vous  a  fait  voir  une  des  plus  glorieuses  mani- 
festations de  l'art  humain  perdue  dans  la  solitude  d'un  petit  vallon  des 
Carpathes. 

L'intérieur  de  ri'-glise  off"re  avec  l'extérieur  un  contraste  saisissant 
par  ro])Scuritt'  relative  qui  y  règne  ;  le  jour  n'y  pénétrant  que  par  de 


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longues  et  étroites  fenêtres,  se  tamise  au  travers  de  ces  profondes 
embrasures,  étroites  comme  des  meurtrières.  El  ce  contraste  iuème  sert 
l'impression  de  recueillement  et  de  mystère  qui  doit  s'imposer  à  ceux 
qui  pénètrent  dans  l'intérieur  du  temple.  La  porte  d'entrée  franchie, 
on  se  trouve  dans  VExo-Nart/icr  ou  vestibule,  dont  la  voûte  s'en- 
tr'ouvre  aux  deux  extrémités  pour  laisser  apercevoir  les  deux  coupoles 
formées  par  les  deux  petites  tourelles  de  la  façade.  Le  carré  fonda- 
mental antérieur  qui  forme  la  nef  ou  narthex,  apparaît  indiqué  par 
douze  colonnes  qui  supportent  la  tourelle  et  la  coupole  centrales.  Le 
second  carré  forme  le  chœur.  Uabs/de  ou  sanctuaire,  séparée  du  reste 
de  l'église  par  V iconostase,  est  formée  par  l'hémicjcle  du  fond.  Les 
colonnes  de  70  centimètres  de  diamètre  et  de  7  m.  20  de  hauteur  sont 
décorées  d'ornements  en  relief,  se  détachant  toujours  eîi  or  sur  fond 
bleu.  Les  chapiteaux  et  les  bases  sont  de  style  persan.  La  richesse  de 
l'ornementation  est  telle  que  jamais  le  même  motif  ne  se  trouve  répété 
deux  fois,  ni  à  l'intérieur,  ni  à  l'extérieur.  Les  murs  sont  peints  à 
fresques.  La  porte  de  marbre,  par  laquelle  on  passe  du  narthex  dans 
le  chœur,  présente  de  curieux  motifs  d'ornementation  empruntés  à  l'art 
syrien  ou  égyptien.  A  droite,  se  trouvent  le  trône  du  roi  et  la  chait^e 
épiscopale,  en  bronze  doré  ornés  d'émaux  et  de  cabochons  colorés.  A 
gauche,  sont  situés  le  trône  de  la  reine  et  le  siège  d'un  des  grands 
dignitaires  de  l'Etat.  Enfin,  dans  chacun  des  deux  hémicycles,  sont 
rangés  sept  sièges  de  bronze. 

Uiconostase,  ou  cloison  séparatrice  du  sanctuaire  et  du  chœur, 
s'élève  sur  un  socle  de  marbre  blanc,  orné  de  colonnes  en  onyx  et  se 
trouve  enrichi  d'ornements  en  cuivre  ciselé  et  doré,  d'émaux  et  de 
peintures;  le  couronnement  est  formé  par  une  élégante  corniche 
découpée  en  forme  de  fleurs  d'une  légèreté  admirable.  Dans  le  sanc- 
tuaire, où  l'on  pénètre  par  trois  portes  pratiquées  dans  l'iconostase,  se 
trouvent  Vautel  et  les  objets  du  culte.  La  surface  intérieure  des  tou- 
relles et  des  coupoles  est  peinte  à  fresques,  comme  les  murs  de  la  nef, 
et  l'on  y  voit  représentées  les  figures  du  Christ  et  de  la  Vierge,  des 
figures  de  saints  et  des  scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament. 

Un  tel  édifice,  «  beau  comme  un  fragment  de  soleil  »,  selon  l'expres- 
sion des  contes,  ne  va  pas  sans  avoir  une  ]iistoin%  voire  même  'des 
légendes. 

Toutes  les  fois  qu'un  homme,  d'un  savoir  et  d'une  intelligence  supé- 
rieurs à  la  moyenne  de  son  temps,  accomplit  quelque  acte  qui  dépas^^e 
la  compréhension  vulgaire,  le  peuple  est  convaincu  qu'il  n'a  pu  réussir 


—  218  — 

qu'à  l'aide  d'artifices  surnaturels.  De  là  naissent  les  légendes  si.  pitto- 
resques, naïves  ou  dramatiques,  toujours  empreintes  de  poésie,  qui 
forment  l'origine  du  trésor  littéraire  des  nations.  Et  comme  ces  tradi- 
tions enfantines  ne  peuvent  supporter  le  grand  jour  de  l'histoire,  c'est 
toujours  aux  époques  incertaines  où  les  héros,  fondateurs  des  races, 
ont  vécu,  qu'on  les  place. 

La  légende  de  l'église  d'Argès  se  développe  sous  le  patronage  du 
fondateur  de  la  Yalachie,  Radu  Negru.  Le  souvenir  de  cette  légende 
s'est  perpétué  dans  une  ballade,  la  ballade  de  maître  Manol,  cet 
architecte  fabuleux,  à  qui  les  Roumains  attribuent  la  fondation  de  la 
plupart  de  leurs  anciens  monuments. 

Donc,  le  voïvode  cherche,  avec  maître  Manol,  un  emplacement  pour 
y  bâtir  un  saint  monastère.  Un  berger  les  conduit  au  pied  d'un  mur 
ruiné,  au  bord  de  l'Argès.  Là  sera  construite  l'église  qui  rappellera 
aux  siècles  futurs  le  nom  de  Négru-Voda. 

Maître  Manol  se  met  à  l'œuvre;  mais  chaque  nuit  s'écroule  le  travail 
de  la  journée.  Pendant  trois  ans,  rien  n'y  fait,  un  maléfice  entrave  la 
construction.  Enfin  Manol  a  un  songe  :  il  faut  murer  dans  les  fonda- 
lions,  pour  eu  assurer  la  stabilité,  la  première  femme  qui  viendra,  le 
jeudi  suivant,  apporter  des  mets  à  son  époux,  sur  le  chantier.  A  l'aube 
du  jeudi,  une  femme  paraît...  Et  c'est  Mindra,  la  jeune  épouse  de 
maître  Manol.  Éperdu,  il  tombe  à  genoux  et  joignant  les  mains  : 

0  Seigneur  mon  Dieu, 
\'erse  sur  la  terre, 
Une  pluie  écumante 
Qui  trace  des  ruisseaux 
Et  creuse  des  torrents  ! 
Que  les  eaux  se  gonflent 
Pour  inonder  la  plaine, 
Et  forcent  ma  femme 
De  rebrousser  chemin. 

vSa  prière  est  exaucée.  Une  pluie  diluvienne  tombe  de  la  nue,  des 
torrents  barrent  le  chemin,  mais  tout  cela  ne  peut  arrêter  la  jeune 
femme  qui  toujours  marclie  et  toujours  s'approche. 

0  Seigneur  mon  Dieu, 
Déchaîne  un  grand  vent 
Au  loin  sur  la  terre, 
Qui  torde  les  platanes, 
Dépouille  les  sapins. 


.—  219  — 

Renverse  les  montagnes, 
Et  force  ma  femme, 
De  s'en  retourner 
Loin  de  la  vallée. 

L'orage  éclate  dans  toute  sa  furie,  mais  Mindra  continue  d'avancer, 
'elle  arrive,  elle  est  arrivée. 

Lors,  la  mort  dans  Tâme 
La  prend  dans  ses  bras, 
Grimpe  sur  le  mur, 
L'y  dépose,  hélas  ! 
Et  lui  parle  ainsi  : 
«  Reste,  ma  fière  amie, 
Reste  ainsi  sans  crainte 
Car  nous  voulons  rire. 
Pour  rire  te  murer.  » 
Et  Mindra  le  croit, 
Riant  de  bon  cœur 
Tandis  que  Manol 
Fidèle  à  son  rêve 
Soupire  et  commence 
A  bâtir  le  mur. 
La  muraille  monle 
Et  couvre  l'épouse 
Jusqu'à  ses  chevilles, 
Jusqu'à  ses  genoux. 
Mais  lors  la  pauvrette 
A  cessé  de  rire. 
Et,  pleine  d'effroi, 
Tout  haut  se  lamente  : 
«  Manol,  Manol, 
0  maître  Manol  ! 
Assez  de  ce  jeu. 
Car  il  est  fatal. 
Manol,  Manol, 
0  maître  Manol  ! 
Le  mur  se  resserre 
Et  brise  mon  corps.  » 
Manol  se  tait 
Et  bâtit  toujours. 
Le  mur  monte  encore 
Et  couvre  l'épouse 
Jusqu'à  ses  chevilles. 
Jusqu'à  ses  genoux. 
Jusqu'à  sa  ceinture 
Et  jusqu'à  son  sein. 
«  Manol,  Manol, 
0  maître  Manol  ! 
Assez  de  ce  jeu. 


—  220  — 

Car  je  vais  être  mère  ; 
Le  mur  se  resserre 
Et  tue  mon  enfant  : 
Mon  sein  souffre  et  pleure 
Des  larmes  de  lait.  » 
Mais  Manol  se  tait 
Et  bâtit  toujours. 
Le  mur  monte  encore, 
Et  couvre  l'épouse 
Jusqu'à  ses  chevilles, 
Jusqu'à  ses  genoux, 
Jusqu'à  sa  ceinture 
Et  jusqu'à  son  sein 
Et  jusqu'à  ses  yeux, 
Et  jusqu'à  sa  tête  ; 
Si  bien  qu'à  la  vue 
Elle  disparait, 
Et  qu'à  peine  encore 
On  entend  sa  voix 
Gémir  dans  le  mur  : 
«  Manol,  Manol, 
0  maître  Manol  ! 
Le  mur  se  resserre 
Et  ma  vie  s'éteint.  »  (1) 
• 

La  construction  s'achève  désormais  sans  entrave  ;  le  charme  a  été 
rompu  par  le  sacrifice  de  Mindra. 

Les  travaux  touchent  à  leur  fin  et  le  voïvode  vient  admirer  l'œuvre 
de  Manol.  «  Dis-moi,  lui  dit-il,  que  cette  église  sera  à  jamais  unique 
sur  la  terre,  que  tout  ton  art  ne  pourrait  la  refaire  !  »  L'orgueil  perd 
Manol;  il  répond,  du  haut  du  toit,  qu'il  pourrait  construire  un  édifice 
cent  fois  plus  beau,  maintenant  que  l'expérience  lui  a  servi  de  leçon. 
Jaloux,  le  prince  ordonne  d'arracher  les  échafaudages,  abandonnant 
là-haut  Farchitecle  et  ses  compagnons.  Au  bout  de  neuf  jours,  les 
maçons  affamés  demandent  au  maître  un  moyen  de  salut.  Manol  leur 
construit  des  ailes  en  bois  ;  ils  prennent  leur  vol,  mais  à  ce  moment, 
entendant  la  voix  de  l'épouse  de  Manol  qui  les  maudit,  ils  viennent  se 
briser  sur  le  sol  et  sont  changés  en  rochers.  ^lanol  veut  descendre,  lui 
aussi,  avec  ses  ailes  de  bois  ;  mais  comme  il  va  s'élancer,  il  entend  la 
martyre  qui  se  plaint  sourdement.  Saisi  de  vertige,  il  ne  peut  plus 


(1)  B.  Alexandri.  —  Ballades  et  chants  populaires  de  la  Roumanie.  —  Carmen 
Sylva  a  fait  jouer  en  1891,  à  Vienne,  un  opéra  dont  le  titre  et  le  sujet  sont 
empruntés  à  la  légende  de  Maître  Manol. 


*—  221  — 

voler,  tombe  et  est  mélaraorpliosé  en  une  croix  de  granit,  au  pied  de 
laquelle  jaillit  une  eau  amère,  dont  chaque  goutte  est  une  larme  versée 
par  sa  femme. 

Je  me  suis  étendu  sur  cette  légende.  N'est-elle  pas  en  effet  le  sym- 
bole des  destinées  de  la  Roumanie  ?  Pressée  jadis,  comme  l'épouse  de 
Manol,  dans  un  mur  étouffant,  elle  avait  disparu  du  monde,  on  ne  la 
voyait  plus;  sa  plainte  était  la  seule  révélation  de  sa  vie.  Mais  un 
matin,  elle  brise  la  muraille  de  douleur  qui  enserre  son  corps  et  elle 
se  lève  plus  forte  et  plus  belle,  baisée  au  front  par  la  victoire,  tendant 
à  ses  fils  altérés  un  sein  gonflé  du  lait  i)ur  de  la  liberté. 

Slanic.  —  Notre  deuxième  excursion  dans  les  environs  de  Buca- 
rest fut  dirigée  vers  les  mines  de  sel  de  Slanic.  Le  chemin  de  fer  nous 
conduit  à  Buda  où  nous  quittons  la  ligne  principale  pour  suivre  un 
embranchement  qui  rejoint  la  vallée  de  la  Telejanu.  Dans  cette  région 
nous  apercevons  de  nombreux  puits  de  pétrole,  dont  l'odeur  d'ailleurs 
ne  nous  quitte  pas  jusqu'à  Slanic.  Les  ingénieurs  de  la  mine  se  mettent 
à  notre  disposition  et  après  un  déjeuner  original,  dont  la  salade  de 
caviar  fait  le  plus  bel  ornement  et  aussi,  dirai-je,  la  bonne  humeur  des 
convives  ,  nous  nous  dirigeons  vers  les  puits  d'extraction.  Voici  une 
vue  générale  de  Slanic  (fig.  6)  et  une  photographie  (fig.  7)  de  notre 
caravane. 

On  nous  emi)ile  dans  une  cage  rectangulaire  et  nous  descen- 
dons doucement  jusqu'à  une  profondeur  d'une  centaine  de  mètres. 
Le  spectacle  dont  nous  sommes  témoins  est  grandiose.  D'immenses 
galeries ,  de  150  mètres  de  longueur  et  de  60  mètres  de  hauteur, 
aux  parois  inclinées  comme  les  voûtes  d'une  gigantesque  cathédrale, 
reflètent  par  mille  facettes  la  lumière  des  nombreuses  lampes  élec- 
triques qui  éclairent  les  mineurs.  Ces  rochers  de  sel  gemme  ont 
d'étranges  transparences  et  s'irisent  harmonieusement  au  reflet  de  l'arc 
voltaïque. 

Un  silence  pesant,  à  peine  rompu  par  le  roulement  sourd  de  quelque 
wagonnet,  règne  dans  ces  galeries  où  se  meuvent  lentement  et  avec 
des  gestes  d'automates  des  centaines  d'ouvriers  qui  semblent  se  livrer 
aux  mystères  de  quelque  culte  inconnu  et  silencieux. 

Mais  on  nous  remonte  à  mi-route  et,  à  la  lueur  de  quelques  bougies, 
nous  nous  promenons  sur  le  plafond  en  bois  de  la  voûte.  Par  les 
interstices,  nous  apercevons  les  mineurs  attelés  à  leur  tâche  comme  les 
iravailleurs  d'une  immense  fourmilière.  Nous  nous  trouvons  bientôt  à 


—  222  - 

l'orifice  d'une  ancienne  galerie  abandonnée,  présentant  l'aspect  d'une- 
bouteille  énorme  dans  laquelle  la  lueur  de  nos  bougies  projette  de& 
ombres  fantastiques  Tout  à  coup  une  flamme  colossale,  un  brasier 
gigantesque,  franchit  l'espace.  C'est  de  Tétoupe  imbibée  de  pétrole- 
enflammé  qu'un  ouvrier  a  lancée  de  la  partie  supérieure  de  la  galerie- 
et  qui,  éclairant  subitement  toute  la  cavité  aux  parois  grisâtres,  nous- 
arrache  des  cris  d'admiration. 

De  retour  à  la  lumière  du  jour,  nous  visitons  la  salle  des  machines^ 
les  dynamos  et  l'entrepôt. 

Et  je  puis  prendre  quelques  pholograpliies  des  indigènes  du  pays  ef 
de  leurs  habitations  : 

Yoici  (fig.  8)  un  paysan  roumain  dans  son  costume  de  travail  et  une- 
maison  de  Slanic  (fig.  9).  Si  le  grand  seigneur  roumain  a  toujours  eu; 
chez  nous  une  réputation  méritée  de  grâce  et  de  bravoure,  le  paysan^ 
possède  des  qualités  primordiales  qui  eu  font  un  type  bien  à  part. 

«  On  est  étonné  de  la  conversation  intéressante  que  l'on  peut  avoir 
pendant  des  heures  entières  avec  un  paysan  sans  instruction,  dit  Obé- 
dénare  ».  C'est  que  le  colon  roumain  du  Danube,  grâce  à  la  traditioD 
orale,  possède  les  connaissances  les  plus  variées  sur  les  fleurs ,  les- 
animaux,  les  étoiles,  les  événements  des  temps  passés...  Il  a  des  gestes 
nobles,  des  expressions  choisies  et  son  langage  n'est  nullement  déplacé 
dans  un  Parlement. 

C'est  ce  paysan  qui,  par  son  indomptable  énergie,  a  sauvé  la  natio- 
nalité roumaine ,  c'est  lui  seul  qui  résista  à  la  domination  turque^ 
C'est  lui  qui,  au  jour  les  plus  sombres  de  son  histoire,  ne  cessa  jamais 
de  chanter.  Le  peuple  qui,  à  la  foi  dans  ses  destinées,  joint  le  courage 
de  chanter  même  dans  ses  malheurs,  celui-là  est  un  grand  peuple  et  sa 
place  reste  marquée  au  banquet  de  la  civilisation  et  de  l'avenir. 

Le  paysan  des  Carpathes,  même  le  plus  pauvre  et  le  plus  illettré- 
professe  un  véritable  culte  pour  cette  idée  qu'il  est  impossible  que  le& 
héritiers  du  grand  nom  de  l'empire  des  Césars  ne  soient  pas  appelés- 
un  jour  à  de  hautes  et  brillantes  destinées. 

On  demandait  un  jour  au  prince  Georges  Bibesco  un  portrait  de  ses- 
compatriotes.  «  En  quelques  lignes,  répondit-il,  voici  : 

«  Intelligent,  doux,  parfois  frondeur,  patient,  superstitieux  et  fata- 
liste. Il  a  la  conception  facile,  l'imagination  vive,  l'entraînement 
prompt.  Ses  aptitudes  pour  la  poésie  et  la  musique  sont  remarquables.. 
Sobre,  discipliné  et  brave,  il  fait  un  excellent  soldat.  Il  est  surtout 
cultivateur  ou  pâtre.   Il  a  dans  le  caractère  un  fond  particulier  de 


^ 


i.     s  LA  N  I  C. 


8.  Paysan  de  Slanic. 


U.  Maison  roumaine  a  Si-anic. 


10.    PÉNITENCIER    DE    Sl.ANIC. 


11.  SiNAÏA.  —  Le  Monastère. 


12.  Environs  de  Sin.ua. 


—  223  — 

noblesse.  Les  feiuines  sont  justement  renommées  pour  leurs  beaux 
yeux  ;  leur  cœur  et  leur  dévouement  les  font  aimer.  La  femme  roumaine 
est  généralement  femme  de  tète.  » 

Il  faut  lire  avec  quel  amour  les  chants  populaires ,  les  doïuas . 
célèbrent  sans  cesse  la  beauté  de  la  femme  roumaine  et  son  charme. 

Leurs  enthousiasmes  sont  justifiés.  Tous,  même  les  plus  graves  et  les 
plus  arides  auteurs,  lorsqu'ils  parlent  de  la  Roumaine,  trouvent  une 
phrase  chaude  et  jeune  pour  vanter  la  Roumaine.  Un  médecin  s'ex- 
prime de  la  sorte  entre  deux  observations  de  pathologie  :  «  Les  Rou- 
maines sont  jolies  ;  leur  figure  est  douce  et  agréable,  leur  peau  est 
blanche,  leur  taille  d'une  grande  souplesse.  L'été,  les  paysannes  n'ont 
pas  de  chaussures  et  il  est  facile  alors  d'admirer  la  petitesse  de  leurs 
pieds  (1).  » 

Roques,  un  poète  roumain  qui  traduisit  et  paraphrasa  dans  noti-e 
langue  les  chants  d'Alexandri ,  voulant  nous  montrer  deux  beaux 
amoureux  de  son  pays,  dit  : 

II  fut  Jadis  un  prince  jeune  et  beau 

Comme  un  beau  jour  au  temps  du  renouveau, 

Un  fils  de  roi,  loyal,  tendre,  sensible 

Et  dont  la  taille  élégante  et  flexible 

Aurait  vraiment  passé  par  un  anneau. 

Tels  et  plus  doux  que  les  cheveux  du  saule 
Qui  font  au  lac  un  voile  si  charmant, 
De  son  cou  brun  jusque  sur  son  épaule 
Les  cheveux  noirs  retombaient  mollement. 
De  ses  grands  yeux,  pur  miroir  de  son  âme. 
Se  répandait  si  merveilleuse  flamme 
Qu'il  ne  pouvait  les  ouvrir  sans  charnier, 
Et  qu'il  fallait,  en  le  voyant,  l'aimer. 

Se  promenant  souvent  dans  la  campagne 
Et  ne  prenant  conseil  que  de  son  cœur, 
Il  y  choisit  pour  être  sa  compagne 
Une  Roumaine  au  minois  enchanteur. 
Du  vert  bocage  un  rossignol  chanteur, 
Une  Roumaine  adorée  à  la  ronde, 
Maritrica,  sur  la  colline  blonde 
Comme  une  fleur  au  parfum  sans  pareil 
Epanouie  aux  rayons  du  soleil. 


(1)  Docteur  Caillât,  Union  Médicale,  185^i. 


Une  Heur  au  parfum  sans  pareil...,  ce  vers  a,  depuis  quelque  temps, 
bien  des  fois  chanté  dans  ma  mémoire  ! 

Grâce,  éclat  et  parfum  de  la  fleur  ne  doivent  cependant  point  faire 
oublier  les  qualités  sérieuses  de  cœur  et  de  tête  de  la  femme  roumaine. 

Sans  doute  elle  est  la  fille  au  corps  souple,  aux  mains  fines,  sans 
doute  elle  est  la  grâce  même  et  la  séduction.  Mais  regardez  cet  œil  aux 
troublantes  profondeurs,  comprenez  la  dignité  mélancolique  de  ces 
éclats  et  vous  v  verrez  parfois  tout  le  passé  tragique  et  la  longue 
histoire  des  deuils  de  la  Roumanie.  Vous  y  veri-ez  luire  quelque  chose 
de  la  fièvre  et  des  douleurs  des  batailles  ;  vous  y  verrez  percer,  derrière 
les  angoisses  du  passé,  les  espoirs  de  l'avenir. 

En  quittant  la  mine,  nos  cicérone  nous  conduisent  au  pénitencier 
(fig.  10),  vaste  construction  d'aspect  riant  où  les  forçats  ont  l'air  d'être 
très  à  l'aise.  Quelques-uns  d'entre  eux  nous  vendent  des  objets  de  leur 
fabrication  où  se  révèle  un  sens  artistique  assez  développé. 

DÉFILÉS  DE  LA  DiMBOViciORA.  —  Avant  de  nous  rendre  à  Sinaïa 
pour,  de  là,  rentrer  en  Hongrie,  nous  irons  visiter  les  défilés  et  les 
grottes  de  la  Dimhoviciora. 

La  gorge  de  la  Dimboviciora  est  une  fissure  profonde  et  étroite  qui 
s'ouvre  dans  une  paroi  verticale  de  rochers  entre  deux  hautes  mon- 
tagnes. Le  fond  de  ce  couloir  est  presque  entièrement  occupé  par  le 
lit  de  la  Dimbovitza.  C'est  donc  dans  le  lit  même  de  la  rivière,  encombré 
de  roches  et  de  troncs  d'arbre,  qu'il  faut  chercher  son  chemin.  Le 
mieux  est  d'ailleurs  de  s'en  remettre  à  l'instinct  de  sa  monture  qui 
trouve  les  endroits  favorables  pour  poser  le  pied.  De  chaque  côté 
s'élèvent  de  hautes  murailles  de  roc  aux  saillies  desquelles  s'accrochent 
des  sapins.  Le  paysage  est  d'une  beauté  sauvage  et  romantique. 

Au  bout  d'une  demi-heure  d'un  pareil  voyage,  on  débouche  dans 
une  sorte  de  cuve  ou  de  cirque  en  entonnoir  qui  aboutit  à  une  grotte 
des  plus  curieuses,  dont  l'exploration,  assez  difficile  du  reste,  présente 
de  nombreux  attraits. 

Sina'la..  —  Nous  voici  maintenant  en  route  pour  Sinaïa  après  avoir 
quitté,  non  sans  regrets,  Bucarest,  où  nous  laissons  de  si  bons  amis. 
«  0  Dimbovitza  !  Celui  qui  a  bu  de  ton  eau  ne  peut  plus  te  quitter  », 
dit-on,  là-bas,  eu  parlant  de  la  rivière  aux  sites  enchanteurs  et  aux 
rives  fleuries  qui  arrose  la  capitale.  Nous  n'avons  jamais  mieux  compris 
toute  la  vérité  de  cette  maxime. 


Siuaïa  est  une  célèbre  station  estivale  fréquentée  par  la  Cour  et 
raristocratie  roumaine.  Admirablement  située  sur  les  pentes  gazon- 
neuses  qui  s'étalent  en  terrasses  au-dessous  de  la  grande  masse  des 
monts  Bucegi ,  la  ville  de  Sinaïa  avec  ses  villas  luxueuses,  son  monas- 
tère et  surtout  le  cbàleau  de  plaisance  du  roi,  le  Castel  Pelés,  offre 
aux  amateurs  des  plaisirs  de  la  campagne  de  nombreux  motifs  de 
distraction.  Les  montagnes  des  environs  permettent  d'entreprendre 
d'agréables  et  faciles  excursions. 

Le  castel  Pelés  est  devenu  le  véritable  joyau  du  pays,  grâce  à  l'art  et 
au  goût  innés  de  la  reine  Elisabeth.  C'est  une  construction  composite, 
de  style  incertain,  moitié  chalet,  moitié  castel  de  la  Renaissance,  où 
les  toits  pointus  et  les  pignons  tronqués  se  mêlent  aux  tourelles,  les 
galeries  à  colonnes  des  constructions  byzantines  aux  fenêtres  en 
ogives,  à  croisillons  et  à  vitraux,  réminiscence  de  l'art  gothique 
allemand.  Encadré  dans  une  admirable  forêt  de  sapins,  au  travers  de 
laquelle  on  a  tracé  un  parc  agréable,  le  castel  Pelés  a  cependant  fort 
grand  air.  Mais  c'est  la  décoration  intérieure  qui  en  fait  un  monument 
merveilleux.  On  y  a  mis  en  œuvre  toutes  les  ressources  de  la  sculpture 
sur  bois  ;  les  rampes  des  escaliers ,  les  boiseries,  les  meubles  sont 
autant  d'œuvres  d'art.  Les  vitraux  admirables  dont  sont  garnies  les 
fenêtres,  reproduisent  les  scènes  principales  des  poésies  de  Carmen 
Sylva  ;  des  armes  anciennes,  des  tapis,  des  objets  d'art  choisis  avec 
discernement,  répartis  avec  un  goût  exquis,  font  de  ce  séjour  une 
demeure  rare.  Nous  visitons  le  palais  sous  la  conduite  de  M.  Leconte 
du  Noûy,  l'architecte  dont  j'ai  déjà  parlé.  Ce  qui  nous  a  le  plus 
frappés,  c'est  le  goût  qui  a  présidé  à  l'installation  des  appartements 
de  la  reine  et  particulièrement  du  cabinet  de  travail  de  Carmen  Sylva, 
et  aussi  un  manuscrit  de  la  reine  que  ne  réprouveraient  pas  les 
miniaturistes  du  XIII*  siècle,  avec  une  reliure  en  argent  massif  de  toute 
beauté. 

Le  monastère  de  Sinaïa  a  été  fondé  en  1695  par  Michel  Cantacuzène. 
Il  se  compose  de  deux  cours  intérieures  entourées  de  bâtiments  bas 
où  se  trouvent  distribuées  les  habitations  des  moines  et  les  dépendances 
du  couvent.  Au  milieu  de  chaque  cour,  s'élève  une  petite  église  de 
style  byzantin.  L'une  d'elles  (âg.  11)  renferme  les  tombeaux  du 
fondateur  et  de  sa  famille. 

Michel  Cantacuzène  a  été  marié  deux  fois  :  de  sa  première  femme  il 
eut  neuf  filles  ;  de  la  seconde  il  eut  neuf  garçons  ;  leurs  portraits 


—  226  - 

décorent  les  murs  de  Téglise  :  d'un  côté  la  premièi-e  fcuune  avec  ses 
neuf  filles  ;  de  l'autre,  la  seconde  avec  ses  neuf  garçons. 

Les  moines  conservent  une  bibliothèque  assez  bien  pourvue  et  les 
joyaux  de  la  famille  Cantacuzène.  C'est  dans  ce  monastère  que  le  roi 
et  la  reine  venaient  passer  l'été  avant  la  construction  de  leur  château. 

Les  monastères  sont  très  nombreux  en  Roumanie.  On  en  compte 
168  disséminés  sur  toute  l'étendue  du  territoire.  Mais  beaucoup  ne 
sont  plus  habités  et  ont  été  réduits,  après  la  sécularisation  des  biens 
conventuels,  à  l'état  de  simples  églises  ou  affectés  à  divers  services 
publics,  notamment  au  service  des  prisons. 

Ces  monastères  diffèrent  entièrement,  par  leur  aspect,  des  édifices 
du  même  genre  que  renferme  l'Europe  occidentale. 

Voici  le  monastère  de  Julomitza.  Au  centre  des  monts  Bucegi  se 
trouve,  dans  un  parvis  de  rochers,  une  grotte  naturelle  célèbre  par  sa 
beauté  sauvage  et  impressionnante.  Devant  l'entrée  de  la  grotte,  dont 
l'ouverture  mesure  14  mètres  de  hauteur,  se  trouve  le  couvent  de  Jalo- 
mitza  habité  par  6  à  8  moines  mendiants.  Ces  moines  y  vivent  en  ermites, 
bloqués  6  mois  de  l'année  par  la  neige  et  la  glace  qui  interrompent 
toute  communication.  Ils  se  nourrissent,  pendant  ce  temps,  de  mamaliga 
(bouillie  de  maïs)  et  d'oignons. 

Les  bons  ermites  donnent  volontiers  asile  au  touriste,  mais  ce  der- 
nier doit  avoir  soin  de  se  munir  de  vivres...  et  de  poudre  insecticide. 

De  Sinaïa,  nous  nous  rendons  en  voiture  à  Prédéal,  sur  la  frontière 
hongroise,  par  une  route  merveilleuse  (fig.  12)  qui  augmente  encore  nos 
regrets  de  quitter  ce  pays  hospitalier.  Des  coteaux  verts  et  des  ravins  aux 
flancs  déchirés,  des  pentes  adoucies,  des  collines  roides,  des  cultures 
variées,  des  sombres  draperies  de  forêts,  des  amphithéâtres  de  mon- 
tagnes aux  souples  et  délicates  dentelures  se  déroulent  successivement 
aux  regards  charmés.  De  loin  en  loin,  par  une  échappée  lumineuse,  on 
découvre,  à  l'issue  d'une  gorge,  les  toits  de  quelques  hameaux  bariolant 
de  taches  rouges  le  tapis  vert  des  pâturages.  Et  dominant  le  tout,  des 
parois  de  rochers  grisâtres  simulant  des  créneaux  rompus,  des  pans 
de  murailles  efïondrées,  des  arcs  brisés  de  fenêtres  gothiques,  puis  des 
pics  aigus,  taillés  en  aiguilles,  déchirant  d'un  jet  hardi  de  javelot  les 
voiles  bleus  et  ondoyants  du  ciel. 

Nous  nous  arrêtons  aux  fabriques  de  clous  et  aux  scieries  de  M.  Cos- 
tinescu,  nous  visitons  la  fabrique  de  draps  d'Azuga  et  Ton  nous  fait  faire 
la  connaissance  d'un  marchand  de  vins  du  pays,  M.  Rhein,  dont  l'ori- 


ginalité  nous  séduit.  Munis  chacun  d'une  chandelle  fumeuse,  nous 
faisons  le  tour  des  celliers  sous  la  conduite  du  propriétaire,  qui  nous 
vante  les  propriétés  des  différents  crus.  Malgré  nos  interprètes,  nous 
sommes  peu  sensibles  à  son  éloquence,  jusqu'au  moment  où  nous  nous 
attablons  devant  les  nombreux  spécimens  de  ses  produits. 

Nous  étions  là,  assis  sur  des  caisses  ou  des  blocs  de  bois  avec,  comme 
table ,  un  immense  tonneau ,  sur  lequel  s'étalaient  les  verres  et  les 
bouteilles.  Et  nous  dûmes  déguster  pendant  plus  d'une  heure  tous  ces 
vins  plus  généreux  les  uns  que  les  autres,  devisant  joyeusement  avec 
notre  marchand,  dont  le  seul  objectif  était  de  remplir  les  verres  que 
nous  vidions  d'ailleurs  consciencieusement.  Comme  il  restait  debout, 
l'un  de  nous  lui  fit  observer  qu'en  France  lorsque  l'hôte  se  levait,  cela 
signifiait  qu'il  était  temps,  pour  les  invités,  de  se  retirer.  «  Puis  qu'il 
en  est  ainsi,  répondit-il,  je  m'assieds  et  je  déclare  que  je  ne  me  lèverai 
plus  de  la  journée.  » 

Mais  nous  n'étions  pas  de  taille  à  lutter  avec  de  pareils  arguments 
et  nous  dûmes  nous  lever  les  premiers  pour  prendre  congé  de  lui. 

Ce  fut  notre  dernière  aventure  en  pays  roumain,  et  le  soir  même  la 
locomotive  nous  emportait  vers  Buda-Pest  où  nos  compagnons  de 
voyage  et  moi  nous  devions  nous  séparer. 

Je  voudrais  que  ces  notes,  si  brèves  soient-elles,  contribuassent  à 
faire  mieux  connaître,  partant  à  faire  aimer,  ce  vaillant  peuple  qui  doit 
nous  être  sympathique  entre  tous,  car  s'il  ne  s'interdit  pas  à  jamais  les 
longs  espoirs  et  les  grandes  pensées,  il  constitue  néanmoins  un  élément 
d'ordre  et  de  paix  en  Orient.  Cela  prime  tout  à  mon  avis  et  l'exemple 
des  Grecs  n'est  point  de  nature  à  inciter  les  Roumains  à  renoncer  à 
une  politique  un  peu  terne,  un  peu  terre  à  terre  si  l'on  veut,  mais  qui 
leur  donne  chez  eux  la  sécurité,  au  dehors  l'estime  et  la  confiance. 


BIBLIOGRAPHIE 


A.  TRAVERS  LES  INDES,  par  Eugène  GALLOIS,  1  voL  grand  in-8, 
avec  cartes,  plans,  croquis,  dessins  et  photographies  de  l'aute.ur.  Paris,  Société 
d'Éditions,  1899. 

Un  livre  de  M.  E.  Gallois  est  toujours  une  bonne  fortune  pour  nos  lecteurs.  On 
sait  avec  quelle  faveur  ils  ont  accueilli  déjà  l'ouvrage  sur  la  Birmanie,  dont  notre 


-  228  — 

aimable  collègue  a  bien  voulu  nous  faire  don  comme  suite  à  son  intéressante 
conférence  sur  le  même  sujet.  Son  nouveau  livre  «  A  travers  les  Indes  »,  n'est  pas 
destiné  à  un  moindre  succès.  C'est  le  récit  très  détaillé,  très  instructif,  très 
documenté,  d'un  voyage  de  trois  mois  à  travers  ce  que  l'auteur  appelle  lui-même 
«  le  plus  beau  pays  du  monde.  » 

Trois  mois  !  On  se  demande  comment,  en  un  si  court  laps  de  temps,  M.  Gallois 
a  pu  recueillir  sur  ce  pays,  et  notamment  sur  les  villes  qu'il  a  parcourues,  une  si 
riche  moisson  d'informations  de  toute  nature.  Et  cependant  nous  pouvons  le 
croire  quand  il  affirme,  très  légitimement,  que  peu  de  touristes  ont  visité  les  Indes 
comme  il  l'a  fait,  et  qu'il  a  même  «  vu  des  endroits  et  monuments  échappés  jus- 
qu'ici à  la  curiosité  des  voyageurs  ordinaires.  » 

Le  livre  suppose  en  eifet  un  persistant,  un  consciencieux  effort  personnel.  Il 
fallait  pour  y  réussir  non  seulement  un  esprit  très  éclairé,  préparé  par  de  nom- 
breuses lectures  antérieures,  —  car  l'Inde  possède  déjà  un  véritable  trésor  biblio- 
graphique, —  mais  aussi  très  avisé  par  lui-même,  doué  d'une  curiosité  constamment 
en  éveil  et  d'un  sens  d'observation  pratique  assez  rare  malheureusement  chez  un 
Français.  Ne  cherchez  point  d'ailleurs  dans  cet  ouvrage  de  prétention  à  l'impres- 
sionnisme, ni  même  au  style  (je  prends  le  mot  dans  le  sens  un  peu  étroit  qu'on  lui 
donne  volontiers  chez  nous).  L'auteur  a  beaucoup  observé,  noté,  dessiné,  photo- 
graphié, simplement,  dans  un  but  d'utilité  pratique,  et  sans  la  moindre  vanité 
littéraire.  .J"imagine  qu'un  Anglais  (de  classe  supérieure)  visitant  l'Inde,  n'aurait 
pas  rendu  différemment  ce  qu'il  appellerait  ses  impressions. 

Seulement,  l'Anglais  aurait  peut-être  insisté  sur  le  point  de  vue  commercial,  et 
c'est  ce  qui  manque  ici,  sans  que  je  veuille  me  permettre  d'en  faire  un  grief  à 
l'auteur,  qui  est  bien  libre  de  choisir  son  sujet  comme  il  l'entend.  Ses  chapitres 
sur  la  géographie  et  l'histoire,  et  plus  encore  sur  l'art,  l'ethnographie  et  les  reli- 
gions de  l'Inde,  sont  clairs,  intéressants,  et  pourront  être  consultés  avec  fruit.  Chaque 
ville  est  décrite  séparément,  d'une  façon  judicieuse  et  méthodique.  Je  crois  qu'on 
peut  surtout  recommander  ce  livre,  comme  un  guide  précieux,  à  suivre  jour 
par  jour,  aux  «  travellers  »  français  qui  voudraient  tenter  eux  aussi  un  voyage 
de  curiosité  à  travers  cet  admirable  pays. 

G.  H. 


EN    EXTREME-ORIENT 


M.  Eugène  Gallois,  membre  fondateur  de  notre  Société,  l'un  de  nos  plus 
sympathiques  conférenciers,  l'auteur  du  beau  volume  «  A  travers  les  Indes  », 
publié  tout  récemment,  vient  d'être  chargé,  par  le  Gouvernement,  d'une  Mission 
avec  passeport  diplomatique.  De  plus,  M.  Doumer,  Gouverneur-Général  de  Tlndo- 
Chine,  lui  a  confié  une  Mission  économique. 

Il  doit  s'embarquer  à  Marseille  le  8  Octobre.  Voici  l'itinéraire  qu'il  compte  suivre 
avec  M.  Berchon,  son  compagnon  de  voyage  : 

Saigon. 

Visite  à  Pnom-Penh  et  aux  ruines  d'Anckor. 


229  

Remontée  du  Mékong  jusqu'à  Luang-Prabang  probablement. 

Trajet  à  travers  le  Haut-Siam. 

Vallée  du  Meïnam.  —  Descente  du  fleuve. 

Retour  à  Saigon. 

Tourane  à  Hué,  et  peut-être  à  Vinh. 

Le  Tonkin.  —  Fleuve  Rouge  (Rivière  claire). 

Langson,  etc 

Hong-Kong.  —  Canton.  —  Shangaï. 

Le  Japon. 

Le  golfe  du  Petchili.  —  Pékin. 

La  Corée  par  Séoul  (si  possible). 

Vlàdivostock.  —  Le  fleuve  Amour.  —  Le  Baïkal  et  retour  par  la  Sibérie. 

Le  récit  de  ce  voyage  paraîtra  au  fur  et  à  mesure,  sous  forme  feuilleton,  dans 
le  journal  quotidien  «  La  Vérité y>,  15,  rue  de  Valois,  à  Paris,  à  partir  de  Novembre 
ou  Décembre.  * 


EPHEMERIDES  DE  L'ANNEE   1898 


OCTOBRE. 

i".  —  France.  —  Mort  de  M'"''  Sadi  Garnot. 

OuBANGhi.  —  Retour  en  France  de  M.  Léotard,   coniniissaire    général    de 

rOubanghi. 

4.  —  France.  —  Décret  fixant  les  points  d'appui  de  la  flotte  aux  colonies. 

5.  —  Sibérie.  —  Le  premier  train  de  voyageurs  arrive  à  Irkoutsk. 

12.  —  Angleterre.  —  Lord  Rosebery  prononce  un  discours  menaçant  à  propos 
de  la  question  de  Fachoda. 

.ALLEMAGNE.  —  Départ  dcs  souverains  allemands  pour  la  Terre  Sainte. 

14.  —  Le  Cap.  —  A  la  suite  de  la  dissolution  de  la  Chambre,  les  élections 
amènent  une  majorité  hostile  à  M.  Rhodes.  Le  cabinet  Sprigg  est  alors  remplacé 
par  le  cabinet  Schrainer. 

18.  —  Turquie.  —  Arrivée  des  souverains  allemands  à  Constantinople. 

19.  —  France.  —  Les  préparatifs  de  marine  sont  organisés  en  France. 
22.  —  Angleterre.  —  Des  préparatifs  belliqueux  sont  faits  en  Angleterre. 
24.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Levât:  La  Guyane 

contestée. 

27.  —  Lille.  —  Société  de  Géographie.  Communication  de  M.  G.  Houbron  : 
La  vallée  de  la  Semoy. 

28.  —  Allemagne.  —  Arrivée  de  l'Empereur  Guillaume  11  à  Jérusalem. 

30.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  A.  Merchier  :  Le 
Congrès  de  Marseille. 

Madagascar.  —  Soulèvement  de  Sakalaves  au  Nord-Ouest. 


-  2:w  — 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  — Explorations  et  découvertes. 


FRANCE. 


Une  Chaire  de  chinois.  —  Nous  n'avons  actuellement,  en  dehors  de 
Paris,  aucune  chaire  de  langues  orientales.  A  Paris  même,  ces  études  sont  loin 
d'être  en  progrès. 

Plusieurs  pays  voisins  nous  sont  supérieurs  à  cet  égard.  Au  Collège  de  France, 
dit  M.  Bréal,  dans  la  Revue  de  l'enseignement,  il  a  fallu  récemment  supprimer 
deux  enseignements  :  celui  du  persan  et  celui  du  turc,  faute  de  candidat  en  état  de 
prendre  la  succession  du  professeur  décédé. 

Il  est  question  de  créer  à  l'Université  de  Lyon  une  chaire  de  chinois.  Le  Minis- 
tère de  l'Instruction  publique,  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon,  le  Gouvernement 
de  rindo-Chine  sont  favorables  à  ce  projet  pour  des  raisons  politiques  et  écono- 
miques faciles  à  comprendre.  Le  choix  de  Lyon  est  du  reste  tout  indiqué.  On  sait 
les  efforts  déjà  tentés  par  la  Chambre  de  Commerce  de  Lyon  pour  nouer  ou  déve- 
lopper nos  relations  commerciales  avec  le  marché  chinois.  Le  cours  de  langue 
chinoise  trouverait  là  un  public,  surtout  si  cet  enseignement,  quoique  donné  à 
l'Université,  ne  dédaignait  pas  de  rester  pratique. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANCE. 


lia  production  minérale  de  la  France.  —  Grâce  à  la  statistique 
de  l'industrie  minérale  que  publie  tous  les  ans  le  Ministère  des  Travaux  publics, 
on  peut  se  rendre  compte  du  mouvement  do  la  production  des  mines  en  France  et 
en  Algérie  et  du  degré  d'activité  des  nombreuses  industries  qui  se  rattachent  à 
cette  production. 

La  récente  publication  du  bureau  des  mines  est  en  retard  sur  les  documents 
officieux  recueillis  par  les  intéressés,  mais  ses  chiffres  sont  contrôlés  et  permettent 
d'étal)lir  des  comparaisons  d'après  des  documents  autorisés. 


-  231  — 

Les  chiffres  concernant  Tannée  1897  accusent  un  développement  notable  de 
notre  production  minérale  et  métallurgique,  ils  accentuent  les  progrès  des  années 
précédentes. 

La  production  des  houillères  s'est  élevée  en  1897  à  30,337,000  tonnes,  y  compris 
1,628,000  tonnes  d'anthracite  ;  les  mines  de  lignite  ont  produit,  en  outre,  401,000 
tonnes  de  combustible,  ce  qui  porte  la  production  totale  à  30,798,000  tonnes,  dont 
la  valeur  sur  place  est  évaluée  à  334  millions  de  francs. 

Comparativement  à  l'année  1896,  il  y  a  une  augmentation  de  1,608,000  tonnes, 
soit  de  5,50  "  „  ;  la  valeur  de  la  production  totale  ayant  varié  exactement  dans  la 
même  proportion,  on  voit  que  le  prix  moyen  n'a  pas  changé  d'une  année  à  l'autre. 
^  On  compte  287  concessions  de  mines  de  combustibles  minéraux  réparties  dans 
39  départements,  et  dont  les  redevances  payées  à  l'Etat  se  sont  élevées  à  plus  de 
2  millions  de  francs. 

Les  concessions  de  mines  forment  des  groupes  ayant  comme  lien  commun  les 
formations  géologiques  et  qui  constituent  des  bassins  principaux. 

Presque  tous  les  bassins  houillers  ont  contribué  à  l'accroissement  de  la  produc- 
tion, mais  dans  des  proportions  inégales. 

La  plus  forte  partie  de  l'augmentation  obtenue  est  due  au  bassin  du  Nord  et  du 
Pas-de-Calais  dont  la  production,  s'élevant  à  18,830,000  tonnes,  s'est  accrue  de 
1,258,000  tonnes  ;  les  documents  privés  recueillis  sur  la  production  de  1898  font 
ressortir  une  nouvelle  augmentation  d'un  million  de  tonnes  de  1897  à  1898,  ce  qui 
atteste  la  continuité  des  progrès  de  ce  bassin. 

L'augmentation  de  1897  sur  1896  représente  7,4  %  ;  le  bassin  de  la  Loire,  le 
plus  important  après  celui  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  n'a  accru  sa  production 
que  de  4,8  "o  ;  l'augmentation  pour  le  bassin  de  la  Loire  est  de  172,000  tonnes, 
avec  une  production  totale  de  3,750,000  tonnes. 

Les  autres  bassins  houillers  ont  été  également  très  actifs,  notamment  ceux  du 
Tarn,  de  l'Aveyron,  de  l'Auvergne,  de  la  Bourgogne  et  du  Nivernais. 

Malgré  cet  effort,  les  houillères  françaises  ne  parviennent  pas  à  suffire  à  la 
consommation  intérieure  qui  s'est  élevée  à  41,841,000  tonnes  de  charbons.  Ce  sont 
les  importations  anglaises,  belges  et  allemandes  qui  fournissent  la  différence,  soit 
environ  le  quart  de  la  consommation. 

Il  ne  nous  paraît  pas  vraisemblable  que  les  progrès  continus  et  accentués  des 
houillères  françaises,  dont  la  statistique  montre  l'importance,  comblent  de  si  tôt  la 
différence  entre  la  production  et  la  consommation. 

Cela  s'explique  par  la  comparaison  des  chiffres  de  la  consommation  ;  celle-ci  a 
augmenté  en  1897  de  1,846,000  tonnes,  c'est-à-dire  de  238,000  t.  de  plus  que  la 
production. 

On  ne  peut  que  se  féliciter  de  l'accroissement  de  la  consonunaiion  de  combus- 
tibles qui  correspond  à  une  activité  croissante  des  industriels  qui  utilisent  les 
appareils  à  vapeur  ou  les  foyers  industriels.  11  faut  seulement  regretter  que  les 
houillères  françaises  ne  suffisent  pas  à  alimenter,  soit  parce  que  leurs  installations 
ne  sont  pas  encore  assez  développées,  soit  par  ce  fait  que,  dans  certaines  régions 
de  la  France,  il  est  plus  facile  de  s'approvisionner  de  combustibles  étrangers  que 
de  charbons  français. 

Un  certain  nombre  de  mines,  comme  celles  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  celles 
de  la  Loire,  ne  sont  pas  gênées  dans  leur  expansion  par  la  concurrence  étrangère, 
elles  ont,  jusqu'à  ce  moment,  des  débouchés  suffisants  pour  leur  production  même 
grandissante  ;  il  n'en  va  pas  de  même,  pour  les  mines  du  Gard,  de  1  Hérault,  de 
l'Aveyron  et  du  Tarn  que  la  concurrence  anglaise  paralyse,  en  coupant  leurs 
débouchés  sur  la  Méditerranée  ou  sur  les  ports  de  l'Océan. 


—  232  — 

Pendant  que  la  production  houillère  de  la  France  augmentait  en  1897,  on  pou- 
vait relever  le  même  mouvement  à  l'étranger  :  la  production  houillère  de  l'Angle- 
terre a  passé  de  198  millions  de  tonnes  en  1896  à  205  millions  en  1897  ;  celle  des 
Etats-Unis,  de  169  millions  à  181  millions  ;  celle  de  TAllemagne,  de  112  à  120  mil- 
lions de  tonnes;  celle  de  la  Belgique,  de  21,252,000  à  21,492,000  tonnes. 

Après  les  mines  de  houille,  les  mines  de  fer  sont  celles  qui  constituent  la  prin- 
cipale richesse  minérale  de  la  France.  On  a  extrait,  tant  des  minières  que  des 
mines,  4,582,000  tonnes  de  minerais  de  fer  valant  15  millions  de  francs.  L'augmen- 
tation a  été  de  520,000  tonnes  et  fait  suite  à  celle  de  382,000  tonnes  obtenue  l'année 
précédente. 

Les  minerais  de  fer  sont  très  répandus  dans  toute  la  France,  mais  ils  ne  donnent  . 
lieu  à  de  grandes  exploitations  que  dans  la  [Meurthe-et-Moselle  oii  les  minerais  de 
fer  hydroxyde  oolilhique  se  rencontrent  avec  abondance.  Ce  département  a  produit 
3,804,000  tonnes  de  minerais  de  fer  en  1897. 

En  dehors  du  fer,  il  existe  en  France  un  certain  nombre  de  mines  métalliques 
fournissant  du  zinc,  du  plomb  argentifère,  du  cuivre,  du  manganèse,  de  l'antimoine. 
Ces  mines  ont  donné  lieu  à  une  extraction  de  147,000  tonnes  d'une  valeur  globale 
de  10,689,000  fr. 

Ce  chiffre  n'est  pas  négligealîle,  mais  il  est  bien  loin  de  répondre  à  la  production 
possible  des  mines  métalliques  en  France  qui  reconnues,  concédées  même  sur  un 
grand  nombre  de  points,  ne  donnent  lieu  qu'à  des  exploitations  trop  restreintes. 
Il  y  a  lieu  de  noter  toutefois  un  revirement  très  sensible  en  faveur  de  ces  exploi- 
tations dont  quelques-unes,  reprises  dans  ces  derniers  temps,  ont  donné  d'excellents 
résultats. 

L'exploitation  des  mines  de  sel  gemme  et  dos  sources  salées  en  Meurthe-et- 
Moselle,  continue  ses  progrès.  En  y  comprenant  les  quantités  de  sel  tenues  en 
dissolution  dans  les  eaux  saturées  extraites  des  puits  pour  servir  à  la  fabrication 
de  la  soude,  la  ]jroduction  de  1897  s'élève  à  607,000  t.  au  lieu  de  552,000  en  1896. 

Les  marais  salants  ont  été  moins  favorisés  que  les  mines  de  sel  ;  les  conditions 
défavorables  de  la  saison  d'été  ont  contribué  à  abaisser  la  production  de  485,000  t. 
à  340,000  tonnes. 

La  valeur  de  l'ensemble  des  substances  extraites  des  mines  en  France  et  en 
Algérie,  en  1897,  s'est  élevée  à  3&3  millions  164,000  fr.  au  lieu  de  362,413,000  fr.  en 
189f)  ;  cet  excédent  de  20  millions  donne  la  mesure  des  progrès  réalisés  par  l'in- 
dustrie minérale. 

Aux  produits  des  mines  on  peut  ajouter  ceux  des  carrières  qui,  au  nombre  de 
30,000  ayant  employé  130,(XX)  ouvriers,  ont  extrait,  en  1897,  42  millions  de  tonnes 
de  produits  divers  d'une  valeur  globale  sur  place  de  216  millions  de  francs,  qui 
portent,  ajoutés  à  la  valeur  de  la  production  îles  mines,  à  près  de  600  millions 
de  francs  la  vtileur  sur  place  des  produits  extraits  des  mines  et  carrières  en   1897. 

X.    HiNSTIN. 


t,v  ti*alic  de»  vliciiiiiiM  <!«'  ÉVr.  —  S'il  est  vrai  que  le  trafic  des  che- 
mins de  fer  puisse  être  en  quelque  sorte  considéré  comme  le  baromètre  de  l'activité 
d'un  pays,  il  faut  convenir  que  les  transactions  commerciales  en  France  vont  en 
progressant  d'une  manière  très  satisfaisante.  Gomme,  d'autre  part,  l'Etat  garantit 
l'intérêt  aux  actionnaires  de  nos  grandes  Compagnies,  il  s'ensuit  que  l'augmenta- 
tion des  recettes  constituerait  actuellement  un  allégement  très  sensible  pour  les 


-,  233  - 

contribuables  si  nos  représentants  ne  gaspillaient  d'une  autre  façon  les  économies 
réalisées  dans  cette  garantie  d'intérêt. 

Dans  la  discussion  du  budget  des  travaux  publics  au  Sénat,  M.  Raynal  a  pu,  en 
effet,  constater  que  la  situation  est  devenue  normale  par  suite  de  la  décroissance 
successive  des  garanties,  qui  étaient  de  97  millions  en  1893  et  ne  sont  plus  que  de 
14  millions  en  TsOS. 

D'ici  un  an,  dit-il,  la  Compagnie  du  Nord  pourra  partager  ses  bénétices  avec 
i'Ktat.  La  Compagnie  de  Lyon,  en  avance  sur  le  Nord,  est  déjà  en  partage  avec 
l'Etat.  L'Orléans,  dans  un  très  court  délai,  sera  en  mesure,  par  une  opération  sem- 
blable à  celle  du  Lyon,  d'opérer  le  remboursement  de  sa  dette.  Dès  cette  année, 
elle  a  remboursé  4  millions. 

Restent  le  .Midi,  l'Est  et  l'Ouest.  Le  Midi,  on  peut  l'espérer,  arrivera  à  un  rem- 
boursement avant  longtemps. 

L'Etat,  qui  avait  autrefois  besoin  de  lô  à  KJ  millions,  n'en  réclame  plus  que  3,  et 
sa  situation  tend  à  s'améliorer. 

L'Ouest  est  la  Compagnie  la  moins  prospère.  Elle  demande  encore  9  millions , 
mais  c'est  la  moitié  de  ce  qu'on  lui  donnait  il  y  a  quelques  années,  et  son  conseil 
fait  espérer  qu'en  1905  elle  n'aura  plus  recours  à  la  garantie  d'intérêt. 

Gomme  garantie  de  sa  créance,  l'Etat  a  le  matériel  roulant,  qui  vaut  500  millions, 
et  les  disponibilités  qui  seront  considérables  à  la  fin  de  la  concession.  Il  louche 
d'ailleurs  4  °,'o  d'intérêt. 

La  situation  générale,  à  ce  point  de  vue,  est  donc  bonne  ;  pour  qu'elle  se  main- 
tienne, il  faut  surtout  veiller  aux  dépenses,  tout  en  faisant  le  nécessaire. 


EUROPE. 


La  jonction  du  Transsibérien  et  du  réseau  suédois.  —  On 

prête  au  gouvernement  suédois  le  projet  d'établissement  d'une  ligne  de  chemin  de 
fer  de  Stockholm  à  Kappelskar ,  le  point  le  plus  oriental  de  la  Suède  sur  la  côte 
finlandaise.  De  là  de  puissants  bacs  à  vapeur  assureraient  la  communication  avec 
Hango  et  ainsi  se  trouverait  réalisée  la  création  d'une  voie  directe  donnant  aux 
marchandises  amenées  par  le  Transsibérien  un  nouveau  débouché  vers  l'Angleterre 
et  l'Amérique  par  un  chemin  plus  court  que  la  traversée  de  l'Allemagne.  Les 
brise-glaces  du  type  Ermack,  construits  par  les  Russes,  et  que  nous  avons  décrits, 
permettraient  de  maintenir  un  service  régulier  par  cette  voie  même  en  hiver. 


Le  canal  du  Rliiu  au  1¥eser  et  à  l'Elbe.  —  Une  des  questions 
qui  absorbent  l'attention  du  public  en  Prusse  et  en  Allemagne  est  le  projet  de 
canal  du  Rhin  au  Weser  et  à  l'Elbe,  que  la  Chambre  des  Députés  prussienne, 
après  un  examen  en  première  lecture,  auquel  elle  a  consacré  plusieurs  séances,  a 
renvoyé  à  une  commission  de  28  membres. 

Voici  l'analyse  du  projet  en  question,  d'après  une  correspondance  adressée  de 
Berlin  à  Y  Indépendance  belge  : 

«  Le  canal  central  qu'il  s'agit  de  construire  doit  partir  du  Rhin  au  nord  de  Dus- 
seldorf,  pour  traverser  toute  la  plaine  de  Westphalie,  le  Hanovre  et  aboutir  à  Mag- 
debourg   oii   il  rejoindra   l'Elbe.    De   là,   par  des  tronçons  à  relier  et  des  voies  à 

16 


—  234  - 

améliorer,  les  chalands    et   barquos    pourront   gagner    les    régions    orientales    du 
royaume,  la  Pologne  et  la  Silésie. 

Du  Rhin  à  la  ville  de  Dortmund,  il  y  a  quelques  dizaines  de  kilomètres.  De 
Dortraund  à  Bewergen,  le  projet  utilisi'  le  canal  déjà  existant  appelé  canal  de 
rKms.  Cette  partie  existante  se  dirige  vers  le  Nord,  et  le  nouveau  canal  ol)lique 
brusquement  vers  l'Est,  coupant  la  région  industrielle  et  charbonnière  pour  arriver 
à  Mûnden,  oii  il  traversera  le  Wescr  sur  un  viaduc.  Mais  la  ville  et  le  Heuve 
seront  reliés  au  canal  par  un  système  d'écluses.  De  Miinden,  la  voie  d'eau  atteint 
Hanovre,  puis,  sur  le  point  d'arriver  à  Magdebourg,  se  divise  en  deux  embranche- 
ments, dont  l'un  dessert  directement  cette  dernière  ville,  tandis  que  l'autre,  plus 
au  Nord,  débouche  également  dans  l'Elbe,  mais  en  face  de  l'amorce  du  canal  de 
rihle,  qui  se  continue  vers  l'Est. 

La  longueur  totale  du  chemin  d'eau  projetée  est  de  325  kilomètres  ;  en  y  ajou- 
tant des  embranchements  et  culs-de-sacs  pour  servir  les  villes  de  Stadhagen, 
Osnabruk,  Linden,  Hildesheim,  Lerhte  et  Brunswick,  on  atteint  le  chitfre  de 
■436  kilomètres  à  creuser.  On  évalue  les  travaux  à  162  millions  de  marks,  dont 
34  millions  pour  les  embranchements.  Ces  frais,  pour  ce  qui  concerne  la  répartition 
des  provinces  et  villes,  sont  presque  couverts.  Les  provinces  paieront  6  millions. 
La  province  de  Saxe  prussienne  a  refusé  son  concours,  mais  son  chef-lieu,  Magde- 
bourg, a  aussitôt  assumé  la  part  de  frais  qui  incombait  à  la  province.  Les  villes  de 
Berlin  et  de  Brème  ont  aussi  donné  leur  garantie,  Berlin  parce  que  la  voie  d'eau 
favorisera  ses  relations  avec  la  région  industrielle  ;  Brème,  pour  faire  concurrence 
à  Hambourg  dans  l'intérieur,  puisque,  jusqu'à  présent,  le  Weser,  à  l'embouchure 
ducjuel  Brème  se  trouve,  restait  pour  ainsi  dire  isolé  des  autres  fleuves  du  pays. 

La  section  du  canal  conviendra  aux  bateaux  de  600  tonnes.  La  largeur  à  la 
surface  sera  de  33  mètres,  au  fond  18  mètres  ;  profondeur  2  m.  50.  Les  écluses 
auront  67  mètres  de  long  sur  8  de  large. 

Le  terrain  est  extrêmement  favoral)le,  il  y  aura  peu  de  difficultés  à  vaincre. 
Ainsi,  en  quittant  le  canal  de  l'Ems,  la  nouvelle  voie  d'eau  parcourra  173  kilom. 
de  plaine,  sur  le  même  niveau.  A  Misbourg,  les  écluses  élèveront  la  voie  de  7  m., 
puis  une  autre  section  plane  de  92  kilomètres  se  présentera  ;  ensuite  viendra  une 
section  de  48  kilomètres  avec  trois  écluses  seulement,  qui  rabaisseront  le  profil  de 
16  mètres.  Puis,  du  Weser  à  l'Elbe,  il  ne  se  présentera  plus  que  deux  écluses. 

Si  le  plan  réussit  à  souhait,  le  gouvernement  prussien  tient  de  nouveaux  projets 
en  réserve,  entre  autres  le  canal  de  Berlin-Stettin,  qui  est  décidé  en  principe  et 
dont  l'empereur  s'occupe  activement  en  personne.  Viendraient  ensuite  le  canal  de 
la  Preo-el,  dans  la  Prusse  orientale,  reliant  les  lacs  de  la  région  à  la  ville  de 
Kœnio-sberg,  puis  un  canal  de  Schwerin  (Mecklembourg)  à  la  Baltique,  un  canal 
de  l'Elbe  (en  amont  de  Hambourg)  vers  Kiel  sur  la  Baltique  et  aussi  des  eml)ran- 
chements  du  Rhin,  de  Cologne  ou  Dusseldorf  vers  le  réseau  des  canaux  belges. 

La  principale  raison  que  le  gouvernement  fait  valoir  en  faveur  du  projet  de 
canal  central  est  l'énorme  augmentation  du  trafic,  qui  est  tel  dans  certaines  régions 
que  les  lignes  existantes  n'y  suffisent  plus.  11  y  a  encombrement,  et  cet  encombre- 
ment résulte  de  l'absence  d'une  voie  de  communication  pour  le  trafic  en  grand  des 
marchandises  ou  produits  qui  ne  doivent  pas  être  expédiés  en  vitesse.  Et  c'est  pré- 
cisément pour  ce  genre  d'expéditions  que  la  voie  d'eau  convient  le  mieux  ;  et  loin 
de  nuire  au  trafic  des  chemins  de  fer,  le  nouveau  canal  le  favorisera  donc  plutôt 
eu  dégageant  les  lignes  trop  encombrées  ». 


—  235- 

li'induMtrlc  textile  en  Bavière.  —  Les  résultats  de  la  production  de 
l'industrie  textile  qui  est  concentrée  en  Bavière,  dans  la  Haute-Frauconie,  ont  été, 
en  général,  satisfaisants,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  filatures  de  coton.  Les 
tissages,  au  contraire,  ont  eu  à  lutter  contre  la  baisse  des  prix  et  ont  été  obligés 
de  vendre  à  perte,  à  cause  précisément  du  développement  que  cette  industrie  avait 
pris  tout  répemment  en  Allemagne. 

La  grande  récolte  du  coton  en  Amérique,  qui  était  environ  de  U  millions  de 
balles,  avait  produit  une  baisse  considérable  des  prix  de  la  matière  première. 

L'annonce  de  la  dénonciation  du  traité  de  commerce  avec  l'Angleterre  a  eu  éga- 
lement une  influence  néfaste  sur  cette  industrie.  On  s'est  plaint  aussi  des  dom- 
mages que  lui  a  causés  la  surproduction  anglaise,  ainsi  que  de  la  baisse  du  cours 
de  l'argent  aux  Indes,  du  développement  de  l'industrie  textile  aux  Indes  et  au 
Japon  et  enfin  des  droits  d'entrée  protectionnistes  de  l'Amérique  et  des  colonies 
anglaises. 

Par  suite  du  grand  développement  des  fabriques,  les  ouvriers  se  sont  faits  rares, 
malgré  l'augmentation  des  salaires. 

Néanmoins,  les  résultats  obtenus  sont  encore  très  satisfaisants.  L'une  des  fila- 
tures de  Bayreuth,  qui  porte  le  nom  de  «  Neue  Baumwollens  piunerei  »,  a  eu 
comme  bénéfice  net  une  somme  de  201,043  marks  et  a  pu  distribuer  à  ses  action- 
naires des  dividendes  de  8  %•  Elle  possède  32,000  navettes. 

Une  autre,  de  la  même  localité,  celle  de  .MM.  F.  G.  Baverlein,  occupe  332  ou- 
vriers et  a  filé,  en  1897,  r),000  balles  de  coton. 

La  filature  de  Bamberg  s'est  également  agrandie  et  a  eu  comme  bénéfice  net 
101,156  marks.  Elle  a  distribué  à  ses  actionnaires  des  dividendes  de  10  %• 

Celle  de  Kulmbach  occupe  242  ouvriers  et  possède  27,056  navettes.  Elle  a  filé 
22,700  quintaux  de  coton  qui  ont  produit  20,500  quintaux  de  fil. 

Enfin,  la  seule  filature  de  la  région  de  Nuremberg,  située  à  Erlangen,  compte  eu 
ce  moment  50,000  navettes  et  a  produit,  en  1897,  2,360,000  quintaux  de  fil.  Elle 
occupe  380  ouvriers. 

Il  faut  ajouter  que  deux  nouveaux  tissages  de  peluche  viennent  de  s'établir,  l'un 
à  Stambach  (  E.  SchœfF),  avec  25  métiers,  et  l'autre,  à  peu  près  de  la  même  impor- 
tance, à  Kulmbach. 

Plusieurs  tissages  de  la  Haute-Franconie  s'occupent  également  depuis  peu,  de  la 
fabrication  des  draps  et  étoffes  d'habillement.  Ils  auraient,  paraît-il,  réalisé  déjà 
des  bénéfices  assez  considérables. 

Il  faut  mentionner  aussi  la  création  récente  d'une  fabrique  de  tapis  de  Smyrne  à 
Ansbach  (Franconie  moyenne).  Cette  industrie,  nouvelle  dans  le  pays,  aurait  obtenu 
également  des  résultats  très  satisfaisants. 

Une  fabrique  de  cellulose  établie  à  Hof  (Haute-Franconie),  occupe  167  ouvriers. 
Elle  a  fabriqué  2,9'i4  tonnes  de  cellulose.  Ses  matières  premières  lui  sont,  en 
grande  partie,  fournies  dans  la  contrée  même.  Elle  se  plaint  de  l'augmentation  des 
prix  du  bois  dont  elle  fait  usage. 


Dceadeuee   de   la   Olatiire   du  eliauvre  eu  Autriclie.  —  De 

renseignements  qui  sont  communiqués  au  Ministère  du  ConunerceparM.  Levalois, 
consul  de  France  à  Prague,  il  résulte  que  le  filage  du  chanvre  en  Autriche,  qui 
occupait  il  y  a  trente  ans  70  filatures  travaillant  avec  ^20,19'i  broches,  n'est  plus 
pratiqué  actuellement  que  par  3^3  établissements  disposant  de  21*7,988  broches. 

La  Carinthie,  le  Vorarlberg  et  la  Galicie,  qui  comptaient  jadis  5  filatures,  avec 
7,tKJ4  broches,  nen  possèdent  plus  une  seule. 


—  236  — 

La  haute  Autriche  est  restée  stationnaire  avec  son  unique  filature  de  10,000 
broches. 

En  Silésie,  oii  l'on  comptait  15  filatures  et  66,728  broches,  cette  industrie  a  été 
particulièrement  éprouvée  :  elle  n'est  plus  représentée  que  par  6  établissements 
pourvus  de  29,394  broches. 

En  Moravie,  sur  10  filatures  et  58,096  broches  existant  précédemment,  il  ne  reste 
que  ô  établissements  actionnant  43,044  broches. 

La  Bohème  est  la  région  oii  cette  industrie  s'est  relativement  le  mieux  main- 
tenue, car  si  l'on  n'y  trouve  plus  que  21  filatures,  au  lieu  des  39  qui  y  fonction- 
naient autrefois,  le  nombre  des  broches  n'est  tombé  que  de  278.96(i  à  220.r>r)(),  d'oii 
il  est  permis  de  conclure  que  les  entreprises  disparues  étaient  de  minime  impor- 
tance et  que  les  établissements  restés  en  activité  sont  ceux  qui  disposent  d'un 
grand  nombre  de  broches. 

Sauf  celle  de  Ghotzen,  les  filatures  de  Bohème  sont  toutes  situées  aux  environs 
de  Reichenberg. 


liC  iM»iniiiercc  f'raiicai«  de  tlM^uw  en  Koiiinanle.  —  Les  prin- 
cipaux tissus  importés  par  la  France  sont  les  tissus  de  laine  légers.  Ces  tissus  sont 
expédiés  en  général  de  Roubaix.  Cette  importation  est  faite  par  des  maisons  de 
commission  et  d'exportation  qui  pourraient  faire  de  plus  grandes  affaires  si  elles 
ne  se  laissaient  pas  décourager  à  la  première  faillite.  Les  faillites  d'ailleurs 
deviennent  dans  le  pays  de  moins  en  moins  fréquentes  à  la  suite  de  la  loi  sur  les 
faillites  qui  a  été  promulguée,  il  y  a  deux  ans  environ,  et  qui  stipule  que  le  failli 
ne  pourra  obtenir  de  concordat  que  s'il  donne  au  moins  40  "  „  du  montant  de  la 
faillite.  D'autre  part,  les  moyens  d'informations  au  point  de  vue  du  commerce, 
sont  beaucoup  plus  faciles  aujourd'hui  qu'il  y  a  quelques  années,  grâce  à  une 
maison  de  renseignements  «  Mercure  »,  qui  fonctionne  depuis  plus  d'un  an.  Cette 
maison  est  sous  le  contrôle  effectif  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Jassy  qui,  à 
des  époques  fiçes,  délègue  un  de  ses  membres  pour  vérifier  l'exactitude  des  ren- 
seignements donnés. 

La  France  importe  aussi  des  tissus  de  soie  et  de  soie  mélangée.  Les  fabricants 
de  soierie  en  général  ne  recherchent  pas  le  marché  roumain  et  c'est  l'exception  qui 
envoie  des  voyageurs  en  Roumanie.  Pourtant,  en  ayant  des  représentants  sérieux 
sur  place,  Lis  pourraient  faire  d'excellentes  affaires  sans  grands  risques,  car  .Jassy 
est  un  grand  centre  pour  les  tissus  de  toute  nature  ;  annuellement  l'importation 
s'élève  à  22  millions  de  francs. 

Voici  la  moyenne  des  importations  pour  chaque  catégorie  de  tissus  : 

Industrie  textile  du  coton 10. 000. (KM)  francs. 

—  de  la  laine 10.(XKI.(KM»        » 

—  de  la  soie 800.000        » 

—  du  lin  et  chanvre 600.0(JO        » 

—  d'autres  textiles 600.000        » 

22.000.000  francs. 

Les  commerçants  en  gros  en  tissus  de  Jassy  fournissent  presque  tous  les  com- 
merçants en  détail  de  Moldavie;  c'est  ce'qui  explique  cette  forte  importation.  Il  y 
a  plusieurs  maisons  très  sérieuses  avec  lesquelles  on  peut  faire  de  grandes  allaires 
sans  courir  aucun  risque,    et  j'engage  tout  particulièrement  les  industriels  français 


—  237  — 

à  avoir  plus  de  confiance  dans  leurs  placements  en  Roumanie.  Il  est  évident  que 
pour  les  tissus  de  coton  la  concurrence  anglaise  est  très  grande,  mais  malgré  cela, 
pour  les  cotons  imprimés,  nous  pourrions  en  nous  donnant  de  la  peine,  nous 
créer  un  débouché  avantageux,  car  la  fantaisie  et  le  goût  priment  tout  dans  ce 
genre  de  marchandises.  Quant  aux  tissus  de  lin  et  de  chanvre,  ce  ne  sont  que  les 
qualités  supérieures  qui  viennent  de  France  ou  les  articles  confectionnés.  Pour  ces 
articles,  indépendamment  du  goiàt,  il  faut  que  nos  fabricants  s'ingénient  à  employer 
le  moins  de  tissu  possible  dans  leurs  articles.  C'est  ainsi  que  dans  les  articles  de 
lingerie,  le  tissu  se  trouve  être  en  quantité  très  limitée.  Je  ne  citerai  que  les  che- 
mises d'hommes  qui,  comparées  à  celles  fabriquées  en  France,  se  composent  d'un 
tiers  en  moins  de  tissu.  11  en  est  de  même  pour  tous  les  articles  de  lingerie.  Le 
tout  est  de  mettre  juste  ce  qu'il  faut. 

En  ce  qui  concerne  les  fichus  de  laine  qui  en  Roumanie  constituent  la  coitlure 
nationale  des  paysannes,  l'importation  en  est  faitt;  de  Paris.  C'est  pour  ainsi  dire 
un  monopole  de  notre  industrie,  car  aucune  autre  puissance  ne  les  fournit  dans  les 
conditions  de  notre  commerce. 

EjCS  tiwwuft»  Importé»  hii  IN»i*tii;i'al.  —  Voici  ce  ([ue  nous  lisons  dans 
un  rapport  du  Consul  de  France  : 

«  Pour  ce  qui  concerne  les  droits  de  douane  du  Portugal,  certains  articles  appar- 
tenant presque  à  l'industrie  française,  Varticle  confectionné  par  exemple,  est 
frappé  d'un  droit  d'entrée  trois  fois  supérieur  à  la  taxe  imposée  au  tissu  dont  il  est 
fait.  Ainsi,  le  tissu  de  soie  payant  7,500  reis,  une  confection  acquittera  22,500  reis, 
■  et  si  elle  est  garnie  d'un  agrément  quelconque,  broderie,  jais,  etc.,  le  droit  est  aug- 
menté de  2.'i  7o  et  s'élève  à  28, 12.^  reis  par  kilog.  Une  confection  d'hiver,  quelque 
simple  qu'elle  soit,  pesant  1  kilog.  300,  acquittera  donc  un  droit  de  .3(j,rir)0  reis  ; 
et  le  tarif  est,  d'ailleurs,  le  même  que  la  valeur  de  la  confection,  soit  de  ÔO  ou  de 
500  fr. 

La  crise  financière  que  traverse  le  pays,  depuis  plusieurs  années,  qu'aggravent 
encore  les  fréquentes  fluctuations  du  change,  tombé,  au  cours  de  l'année  dernière, 
au  taux  jusqu'alors  inconnu  de  1,015  reis  pour  3fr.,  a  eu  nécessairement  pour  effet 
de  restreindre  les  achats  d'articles  de  prix  élevés.  Aussi,  recherchert-on  surtout 
l'article  bon  marché  qui  se  fabrique  peu  en  France. 

Nos  concurrents  étrangers  ont  su  s'adapter  aux  exigences  du  marché  portugais 
oii  ils  éliminent  de  plus  en  plus  nos  marchandises  par  suite  du  bon  marché  de 
leurs  produits.  Us  semblent,  en  outre,  comprendre  la  nécessité  de  se  plier  aux 
exigences  de  l'acheteur  chez  lequel  ils  envoient  leurs  voyageurs,  qui  ont  fait,  au 
préalable,  un  sérieux  apprentissage  du  commerce  et  acquis  une  connaissance  suffi- 
sante de  la  langue  du  pays.  Ils  acceptent  son  mode  de  paiement  :  s'il  a  l'habitude 
de  payer  à  six  mois,  ils  accorderont  six  mois  et  plus  encore  s'il  l'exige.  Le  voya- 
geur allemand,  belge  ou  suisse  n'est  pas  paralysé  dans  ses  démarches  par  des 
instructions  restrictives  et  gênantes  de  sa  maison,  qui,  au  contraire,  lui  laisse  une 
grande  liberté  d'action  et  d'initiative. 

ASIE. 

C'hine.  —  UéboucliéM  offerte»  par  la  proviuce  du  Szé- 
Tcbouau.  —  Les  articles  français  commencent  à  être  goûtés  dans  la  province 
du  Szé-Tchouan. 

16* 


-  238  — 

L'article  de  Paris,  quelques  oltjets  de  fantaisie,  des  laïuages  ont  trouvé  à  se 
placer;  les  produits  pharmaceutiques  de  provenance  française  semblent  être  appré- 
ciés dans  le  pays. 

Les  objets  d'alimentation  de  toute  nature  (liquides  compris)  trouvent  avec  facilité 
leur  écoulement. 

La  grande  difficulté  des  transactions  réside  dans  les  prix  de  vente,  qui  sont  tou- 
jours, quoique  Ton  fasse,  trop  élevés  étant  données  les  ressources  pécuniaires  for 
restreintes  de  la  grosse  masse  des  habitants. 

D'autre  part,  la  concurrence  des  étrangers  (Américains,  Japonais,  Anglais,  Alle- 
mands) n'est  pas  sans  nous  créer  quelques  difficultés  quant  aux  débouchés. 

L'importation  des  produits  indigènes  n'offre  que  peu  de  résultats.  Les  causes  en 
sont  dues  à  la  mauvaise  organisation  des  transports  fluviaux  sur  le  Yang  tzé  Kiang, 
aucune  assurance  ne  vient  garantir  les  marchandises  et  les  aléas  sont  tels  que  l'on 
préfère  se  borner  à  courir  les  risques  à  l'aller  seulement  et  procéder  à  la  vente 
pure  et  simple  des  marchandises  sans  rachats  pour  l'importation. 

Il  y  a  là  une  lacune  à  combler  et  cette  difficulté  supprimée,  le  tleuve,  sauf  pen- 
dant la  saison  des  basses  eaux,  sera  une  route  commerciale  des  plus  pratiques  et 
des  moins  onéreuses. 

(Communication  de  M.  Kinsbourg, 
Coriseilier  du  commerce  extérieur  de  la  France). 


L'évolution  industrielle  nu  Japon.  —  Une  correspondance 
expédiée  de  Tokio  au  Temps,  signale  une  conférence  faite  dans  cette  ville,  par 
M.  Nazaboumi  Ariga,  ancien  directeur  au  Ministère  japonais  de  l'agriculture  et  du 
commerce.  Il  s'agissait  des  progrès  industriels  du  Japon.  L'orateur  a  notamment 
exposé  qu'en  1888,  les  objets  manufacturés  représentaient  &\  "o  des  exportations 
totales.  Ce  chiâre  s'est,  depuis  lors,  augmenté  dans  les  proportions  suivantes  : 

En   1889 64  "„  En    1894 75  "  „ 

1890 67—  1895 77  — 

1891 55-  1896 74- 

1892 67  —  1897 78  - 

189.3 71—  1898 80- 

L'importation  des  objets  manufacturés  a  suivi  une  progression  contraire  à  mesure 
que  les  ressources  industrielles  du  Japon  augmentaient.  Les  articles  qui,  en  1888, 
formaient  92  %  des  importations,  se  réduisent  peu  à  peu  : 

En   1889 87  °„  En    1894 76 '',„ 

1890 87—  1895 67- 

1891 73—  1896 71- 

1892 73—  1897 71- 

1893 72—  1898 60  — 

Si  nous  passons  maintenant  aux  chiffres  des  capitaux  engagés  dans  des  entre- 
prises industrielles,  nous  les  voyons  croître  d'une  façon  énorme,  surtout  depuis  la 
guerre  avec  la  Chine  : 


-  239  — 

Capital  nominal.  Capital  versé. 

189:> r)B.O0O.0()()  yen  (yen  :  2  fr.  5.5).  .36.000.000 

1896 62.000.000—  —  41.00(t.OO0 

1897 74.000.000—  —  48.000.000 

1898 loi  .000.000  —  —  74 .0(V».(K)0 

Il  existe,  aujourd"hni,  au  Japon,  2,t)68  usines  employant  5,375  machines  à  vapeur 
représentant  une  force  de  58,172  chevaux-vapeur  et  employant  une  population  de 
273,793  ouvriers.  Les  manufactures  qui  ne  se  servent  pas  de  moteurs  à  vapeur 
sont  au  nombre  de  4,398  et  emploient  140,243  ouvriers.  La  consommation  du 
charbon  a  été  de  750,000  tonnes  en  1895,  1,092,000  t.  en  1896,  1,888,000  t.  en  1897 
et  1,553,000  t.  en  1898.  Le  seul  point  noir  serait,  suivant  le  conférencier,  la  rareté 
du  capital  qui  entraîne  la  cherté  de  Fargent  et,  par  suite,  pour  beaucoup  d'indus- 
triels japonais,  des  paiements  d'intérêts  dépassant  leurs  forces. 

G.  F. 


Li'  cuiiiinerce  do  la  l'erwe  peudaut  Icm  dcrulèrcK  auuée»». 

—  Importations.  —  11  est  impossible  de  connaître  exactement  le  chiifre  de  l'im- 
portation annuelle  de  chaque  article  européen  en  Perse.  Le  Gouvernement  n'établit 
pas  de  statistiques  ;  cette  lacune  lui  coûte  chaque  année  un  certain  nombre  de 
millions,  car  il  n'est  pas  en  mesure  de  contrôler  les  recettes  que  perçoivent  les 
fermiers  des  douanes  et  leurs  employés.  Ignorant  leurs  gains  réels,  il  est  obligé  de 
leur  donner  la  ferme  à  des  prix  beaucoup  trop  bas. 

Les  chiffres  cités  dans  les  rapports  des  consuls  anglais  et  russes  sur  le  commerce 
des  ports  du  golfe  Persique  et  de  la  Caspienne,  ainsi  que  sur  le  trafic  des  princi- 
pales villes  du  pays,  sont  des  sources  d'informations  qu'il  ne  faut  pas  négliger. 
Mais  les  évaluations  de  ces  agents  diUërent  considérablement  des  statistiques 
publiées  par  le  Board  of  Trade  ;  elles  n'auraient,  d'ailleurs,  un  caractère  authen- 
tique que  si  elles  étaient  confirmées  par  celles  de  la  douane  persane,  ce  dont 
malheureusement  il  ne  peut  être  question  jusqu'ici. 

Je  dirai  plus  loin  par  quel  procédé  de  calcul  on  est  arrivé  à  fixer  approximative- 
ment le  mouvement  du  commerce  général,  importations  et  exportations  réunies. 

Les  chitires  que  j'ai  donnés  pour  quelques-uns  des  principaux  articles  d'exporta- 
tion sont  ceux  qu'a  publiés  le  Statesman's  Year  book  de  1898  dans  la  notice  consa- 
crée à  la  Perse.  Ces  quelques  pages  sont  l'œuvre  du  général  Schindler,  un  des 
Européens  qui  connaissent  le  mieux  ce  pays,  oti  il  réside  depuis  trente  ans.  Mal- 
heureusement les  brèves  statistiques  qu'il  joint  à  ses  renseignements  sont  muettes 
sur  la  valeur  de  chaque  espèce  de  marchandise  importée. 

Les  Anglais  et  les  Russes  se  disputent  le  marché  persan.  Dans  TAzerbeidjan,  le 
Kurdistan,  le  littoral  de  la  Caspienne,  la  région  de  Téhéran  et  même  celle  du 
centre,  les  produits  russes  dominent.  Dans  le  Khorassan  la  lutte  est  vive  ,  mais 
grâce  au  chemin  de  fer  transcaspien  elle  se  dessine  en  faveur  de  la  Russie.  Tout  le 
Sud  appartient  au  commerce  anglais.  En  1896,  le  total  de  ses  importations  n'était 
que  de  273,786  liv.  st.,  d'après  le  Board  of  Trade,  et  celui  des  exportations  per- 
sanes en  Angleterre  de  147,129  liv.  st.  seulement,  tandis  que  les  consuls  britan- 
niques accusent  pour  ces  dernières  années  un  mouvement  commercial  beaucoup 
plus  développé  :  des  marchandises  d'une  valeur  de  3,055,000  liv.  st.,  en  majorité 
anglaises  et  indiennes,  auraient  été  introduites  par  les  ports  du  golfe  Persique,   et 


—  240  — 

le   montant   des  exportations  par  la  même  voie  se  serait  élevé  à  2,102,(K)0  liv.  st. 
Comment  concilier  des  chiffres  aussi  dittërents  ^ 

De  son  côté,  la  Russie,  d'après  M.  Schindler,  a  importé  pendant  la  dernière 
année  en  Perse  des  marchandises  d'une  valeur  de  878,000  liv.  st.,  ;  celles  qu'elle  a 
reçues  de  ce  pays  montaient  à  1.480,000  liv.  st.  Son  commerce  est  en  progression 
continue,  et  dépasse,  vraisemblablement  de  beaucoup  ces  données  très  difficiles  à 
contrôler. 


AFRIQUE 


llHcla^&'HMcar.  —  ('oloui^atiou  militaire.  —  Le  général  Gallieni, 
poursuivant  l'idée  très  juste  qu'il  avait  de  peupler  Madagascar  avec  des  soldats 
libérés  a,  par  arrêté  du  21  avril  dernier,  organisé  la  colonisation  militaire  dans 
l'île.  Afin  de  faciliter  leur  établissement,  les  militaires  pourront  obtenir,  dans 
l'année  qui  précédera  leur  libération,  des  concessions  gratuites  dans  l'Imérina  et 
le  Belsiléo. 

Chaque  année  un  crédit  sera  réservé  pour  pourvoir  aux  frais  d'installation  des 
colons  militaires.  Mais  ces  derniers  devront  justifier  avant  tout  de  ressources 
personnelles  suffisantes  pour  subvenir  à  leur  entretien  jusqu'à  la  mise  en  valeur 
du  sol.  Les  subventions  ne  pourront  être  accordées  pendant  plus  de  deux  ans,  ni 
supérieures  à  3,000  fr.  la  première  année  et  1,500  fr.  la  seconde.  Les  concession- 
naires ne  pourront,  pendant  les  six  premières  années,  aliéner  les  biens  mis  à  leur 
disposition  qu'à  la  condition  de  i-embourser  ces  allocations  au  Trésor.  Passé  ces 
six  années,  la  concession  sera  leur  propriété  absolue,  pourvu  qu'ils  l'aient  mise  en 
valeur  au  bout  de  trois  ans,  sans  quoi  la  déchéance  sera  prononcée. 


■jC  coni luerc*'  du  ^ioudau  f'rauçaiM.  —  Le  commerce  extérieur  du 
Soudan  se  trouve  complètement  entre  les  mains  des  colonies  arabes  qui  se  sont 
établies  depuis  des  siècles  aux  points  les  plus  importants  desservis  par  les 
caravanes.  " 

Celles-ci  viennent  du  Maroc,  de  Tunis,  de  Tripoli,  de  l'Egypte,  de  l'Algérie  et 
de  Tunis,  et  aboutissent  à  Tombouctou,  à  Kano  ou  à"W"adaï.  Les  caravanes  venant 
de  l'Algérie  suivent  les  voies  Laghouat-Touat-Tombouctou,  à  Kano  ou  à  Wadaï. 
Les  caravanes  venant  de  Tunis  prennent  la  route  de  Gabès-Ghadamès-Ghât-Kano. 
Elles  sont  sous  l'influence  française. 

Quant  au  commerce  du  Soudan  français  proprement  dit,  c'est-à-dire  de  la  zone 
s'étendant  de  la  Sénégambie  à  Tombouctou  et  de  Tombouctou  à  Konakry,  il  préfère 
la  route  du  Sénégal. 

Par  cette  voie,  les  importations,  l'année  dernière,  ont  consisté  en  des  coton- 
nades, pour  la  somme  de  9.547.500  fr.,  répartis  comme  il  suit,  d'après  l'origine  du 
produit  : 

Cotonnades  anglaises. 1.015.000  fr. 

—  indiennes 945.090 

—  françaises 2.^)0.000 

—  belges  et  hollandaises 512.500 

Importations  pour  le  gouvernement 6.825.000 


.   -  241 


Los  exportations  par  la  voie  du  Sénégal  ont  consisté  en  gomme  (pour  1.370.000  fr.), 
caoutchouc  (pour  277.7)00  fr.),  et  défenses  d'éléphants  (pour  40.0()()  fr.). 
Les  exportations  pour  le  Sud  (Guinée  française)  sont  insignifiantes. 
Les  chiffres  font  défaut  par  les  voies  du  Nord  à  travers  le  Sahara. 


AMERIQUE. 


KtatS'l'ulN.  —  Lic  inouTCiiieut  dvm  paHaascva  cutrc  IWeiv- 
Vork  et  l'Europe.  —  Pendant  l'année  18U8,  les  (]onipagnies  de  navigation 
ont  débarqué  à  New-York,  venant  de  l'Europe,  80.586  passagers  de  cabine  et 
219.957  émigrants.     , 

Dans  les  six  dernières  années,  le  nombre  des  émigrants  n'a  présenté  que  des 
oscillations  peu  caractéristiques  ;  mais  celui  des  passagers  de  cabine  a  été,  l'année 
dernière,  notablement  inférieur  à  la  moyenne,  comnie  on  peut  le  voir  d'après  le 
tableau  suivant  : 

Passagers  de  cabine.     Émigrants. 

1893 131 .820  364.700 

1894 92..^61  188.164 

1895 96.558  2.58.560 

1896 99.223  252. a50 

1897 90.932  192.004 

1898 86.386  219.657 

Le  nombre  des  vapeurs  arrivés  à  New-York  a  été  également  l'un  des  plus  faibles 
de  ceux  enregistrés  depuis  dix  ans.  Il  a  été  de  812,  tandis  qu'il  était  de  901  en  1897, 
de  852  en  1896,  de  879  en  1894  et  de  975  en  1893. 

En  1895,  ce  nombre  était  tombé  à  792. 


l.e  commerce  d'Amérique.  —  Les  exportations  de  l'année  fiscale  qui 
vient  de  s'écouler  s'élèvent  à  1,2^30  millions  de  dollars,  et  accusent  une  diminution 
de  30  millions  de  dollars  ;  les  importations  se  chiffrent  par  700  millions  contre 
616  millions:  l'excédent  des  exportations  sur  les  importations  se  trouve  donc 
réduit  de  110  à  120  millions  de  dollars  comparativement  à  l'année  précédente.  La 
production  d'or  a  été  de  64,46:3,(KM>  dollars  or  contre  57,;3f)3.000  dollars  l'année  pré- 
cédente et  la  production  d'argent  a  été  de  .74, '138,000  onces  (à  59  c.)  contre 
53,860,000  (a  60  c.)  ;  pour  les  deux  métaux,  le  Colorado  se  trouve  en  tète  de  ligne. 


fanal  de  l'hica$;o  à  la  mer.  —  M.  Méron,  consul  de  France  à 
Chicago,  dans  une  étude  sur  «  les  Grands  Lacs  »  et  dans  d'autres  rapports  plus 
récents,  a  appelé  plus  d'une  fois  l'attention  sur  la  question  de  créer  une  voie  inin- 
terrompue et  suffisamment  profonde  pour  assurer  au  port  de  Chicago  —  qui  déjà 
actuellement,  quant  au  tonnage  du  mouvement  de  sa  navigation,  est  supérieur  à 
celui  de  Liverpool  —  les  avantages  de  rapports  maritimes  directs  avec  les  pays 
d'outre-mer.  Les  travaux  d'élargissement  et  d'approfondissement  permettront  aux 


-  242  — 

navires  de  li  pieds  de  tirant  d'eau  de  passer  des  Grands  Lacs  au  Saint-Laurent  et 
à  rOcoan. 

Suivant  une  communication  parue  dans  la  presse  de  Chicaj^o,  il  semblerait  que 
le  gouvernement  du  Canada  a  décidé  de  prendre  très  sérieusement  en  main  cette 
question. 

Il  s'agirait  de  raccourcir  de  450  milles,  soit  environ  700  kilomètres,  la  distance 
qui  sépare  Chicago  du  Saint-Laurent,  en  créant  un  canal  dit  «  Ottawa  canal  »  sur 
le  territoire  canadien,  qui  permît  d'éviter  le  passage  par  le  lac  Érié.  On  ne  se 
contenterait  pas  des  l'j  pieds  acquis  pour  les  canaux  du  Saint-Laurent  à  la  date  du 
1"  mai. 

De  tout  ceci  il  appert  clairement  que  Chicago  est  destiné  d'ici  à  quelques  années 
à  devenir  un  port  de  mer  qui  fera  une  concurrence  sérieuse  à  New-York. 

Les  intérêts  du  Canada  sont  en  cela  conformes  à  ceux  du  Nord-Ouest  américain, 
dont  Chicago  est  le  plus  grand  centre.  Le  jour  où  ces  visées  auront  été  accomplies, 
l'Angleterre  se  trouvera  d'aiUeurs  en  présence  d'une  concurrence  maritime  énorme 
de  la  part  de  la  marine  marchande  américaine,  et  on  peut  se  demander  si  elle  aura 
lieu  de  se  féliciter  de  l'initiative  de  sa  colonie  de  la  Dominion. 


li'incliiwf rie  cof«»iiiiièrc  au  Brésiil.  —  Parmi  les  industries  du 
Brésil,  aucune  n'a  fait  autant  de  progrès,  dans  ces  dernières  années,  que  la  fabri- 
cation des  tissus  de  coton. 

Elle  a  fait  ses  débuts,  il  est  vrai,  dès  1870,  la  plupart  cependant  des  tissages  ne 
datent  que  des  dix  ou  vingt  dernières  années,  l'augmentation  de  l'immigration  à 
cette  époque  ayant  facilité  le  recrutement  des  ouvriers.  Mais  ce  n'est  que  dans  les 
cinq  dernières  années  que  cette  industrie  a  pris  réellement  un   essor  considérable. 

En  même  temps,  à  Rio-de-Janeiro,  autant  que  l'on  peut  en  juger  d'après  les 
statistiques,  l'importation  des  tissus  de  coton  de  1895  à  1897  tombait  de  5.5,116 
à  2t),283  balles,  et  cette  diminution  profitait  presque  entièrement  à  l'industrie 
indigène. 

En  ce  qui  concerne  le  nombre  des  fabriques,  il  y  en  a  environ  .50  dans  le  pays  et 
d;ins  la  ville  de  Rio-de-.Janeiro,  parmi  lesquelles  environ  18  ont  une  réelle  impor- 
tance et  occupent  1 1,000  métiers  et  machines  à  filer  et  plus  de  10,000  ouvriers. 

La  plupart  de  ces  fabriques  appartiennent  à  des  Sociétés  par  actions,  avec  un 
capital  total  d'exploitation  d'au  moins  100,(M)0  contos  de  reis.  Ce  chiffre  comprend 
une  proportion  assez  notable  de  capitaux  allemands.  Les  transactions  annuelles  à 
Kio-de-.Janeiro  et  dans  les  environs  sont  estimées  h  environ  .30,000  à  ''i5,000  contos 
de  reis. 

Les  produits  sont  des  plus  variés  :  marchandises  Jiiics,  moyennes,  grossières, 
grises,  teintes,  shirtings  blancs,  fils,  dentelles,  étotie  pour  pantalons,  literie, 
chemises,  tricots,  chaussettes,  couvertures  de  lit. 

La  teinturerie  prospère  aussi,  bien  que  les  droits  élevés  de  douane  sur  les  pro- 
duits chimiques  soient  un  obstacle  important. 

On  a  commence  l'impression  des  ctoflfcs.  La  plus  ihiportante  manufacture  se 
trouve  à  Bango,  près  de  Kio-de-.Ianciro,  une  autre  près  de  Sorocaba,  dans  l'Etat  de 
St-Paul. 

Les  produits  fabriqués  sont  destinés  en  première  ligne  à  la  parlie  pauvre  de  la 
population  ;  ils  sont  relativement  bon  marché  et  solides.  La  plupart  de  ces  pro- 
duite, s'ils  étaient  achetés  à  l'élranger,  seraient  soumis  à  un  droit  de  douane  de 
2  iiiilreis  par  kiloj;rammc. 

La  matière  première  travaillée  par  ces  fal)riques  vient  on  grande  parlie  de  lEtat 


.  -  243  - 

de  Pernambouc,  qui  produit  d'excellents  cotons,  notamment  à  Maceio,  Parahyba 
et  Affu.  La  consommation  mensuelle  des  fabriques  situées  dans  l'État  et  dans  la 
ville  de  Rio-de-Janeiro  a  été  estimée,  en  mai  1898,  par  les  journaux  techniques, 
à  environ  14,000  balles  (saccos)  et  on  prévoyait,  jusqu'à  la  prochaine  récolte,  ayant 
lieu  en  octobre,  une  consommation  d';iu  moins  144,000  balles,  car  les  commandes 
élaient  déjà  si  fortes  que  les  filatures  étaient  à  peine  en  état  de  les  livrer.  Ces 
chirt'res  démontrent  bien  aussi  les  progrès  de  l'industrie  nationale  ;  car,  en  iSlIf), 
lorsque  cette  industrie  trouvait  à  peine  l'écoulement  de  ses  produits  et  ne  pouvait 
ni  travailler  en  pleine  force,  ni  payer  les  prix  élevés  de  la  matière  première, 
l'importation  totale  de  coton  de  Pernambouc  à  Rio-de-Janeiro  n'était  que  de 
131,000  balles. 

Les  planteurs  ont  été  dédommagés  du  déficit  causé  par  l'abaissement  du  prix  du 
coton  en  Europe  par  l'ouverture  d'un  nouveau  territoire  pour  l'écoulement  de  leurs 
produits  dans  le  pays  même. 

En  juillet  189>^,  10  kilogrammes  de  coton  étaient  payés,  à  Rio-de-.laneiro,  environ 
12,8  milreis. 

Les  machines  à  filer  et  à  tisser  employées  dans  les  fabriques  sont  en  grande 
partie  de  provenance  anglaise.  La  force  motrice  est  la  vai^eur  pour  les  deux  tiers 
des  installations,  tandis  que  les  autres  emploient  l'eau,  qui,  en  raison  de  la  confi- 
guration montagneuse  du  pays  et  de  l'abondance  des  chutes  dans  les  districis 
élevés,  peut  être  utilisée  toute  l'année. 

Les  situations  im.portantes  dans  les  fabriques  sont,  pour  la  plupart,  occupées 
par  des  Anglais,  des  Allemands  ou  des  Suisses,  les  ouvriers  sont  de  nationalités 
très  différentes. 

Jusqu'à  présent,  on  n'a  pas  exporté  de  tissus  à  destination  de  l'étranger,  ces  pro- 
duits trouvent  leur  écoulement  dans  tous  les  Etats  du  Brésil  qui  sont  représentés 
par  des  agents  à  Rio-de-Janeiro. 


OGKAN  I  E. 


■les  Carollnt'x.  —  IjR  valeur  réelle  de«  C'arollnes.  —  Il  con- 
vient d'examiner,  dit  la  Gazette  de  Francfort,  quelle  est  la  valeur  réelle  des  îles 
Carolines.  Au  point  de  vue  économique,  cette  valeur  est  nulle,  car  les  exportations 
des  Carolines  pour  Hambourg  sont  tombées  de  1894  à  1897  de  105,000  marks  à 
2,500  marks.  Quant  aux  importations,  elles  étaient  insignifiantes  et  elles  sont 
actuellement  à  peu  près  nulles. 

Les  seuls  produits  de  ces  îles  sont  du  coprah,  au  moyen  de  la  noix  de  coco,  que 
l'on  a  fait  sécher,  et  des  récifs  de  corail. 

Certains  sont  heureux  de  cette  acquisition,  parce  qu'elle  représente  un  agran- 
dissement de  notre  territoire.  Il  y  a  vraiment  des  gens  qui  annexeraient  des  bancs 
de  sable. 

A  en  juger  par  l'indifférence  méprisante  de  l'Angleterre  et  des  Etats-Unis,  nous 
n'aurions  pas  fait  là  une  acquisition  bien  remarquable.  Les  ports  qu'offrent  ces  îles 
ont-ils  quelque  valeur  ?  Peut-être  ,  mais  on  l'a  dit  autrefois  des  îles  Marchall  et 
l'on  a  reconnu  ensuite  qu'ils  étaient  insuffisants. 

D'autre  part,  il  va  falloir  toute  une  administration  et  un  supplément  de  dépenses. 
La  somme  de  10  millions  de  marks  nous  parait,  dès  à  présent,  très  exagérée  pour 
l'acquisitiou  de  ces  îles. 


*-  244  — 

Le  conanierce  des  îles  Fidji.  —  Les  données  ci-après  concernant  le 
commerce  des  îles  Fidji  en  1898,  eut  été  transmises  au  Musée  Commercial  de 
Bruxelles  par  le  Vice-Consul  de  Belgique  à  Melbourne. 

Le  commerce  des  îles  Fidji,  qui  était  de  ()80,G()8  liv.  st.  en  1897,  s'est  élevé,  en 
1898,  à  768,9:1:)  liv.  st.,  dont  53'i,10:)  liv.  st.  pour  les  exportations,  et  234,850  liv. 
st.  pour  les  importations.  Plus  de  94  "'^  des  transactions  ont  été  effectuées  avec  la 
Nouvelle-Zélande,  la  Nouvelle-Galles  du  Sud  et  le  Victoria,  ces  colonies  étant 
intervenues  respectivement  pour  51,8,  35,5  et  0,9  "  „•  H  est  certain  que  ces  propor- 
tions ne  donnent  pas  une  idée  exacte  de  la  situation  réelle,  attendu  que  les  statis- 
tistiques  n'indiquent  pas  toujours  la  provenance  des  marchandises  importées  ni  la 
destination  finale  des  produits  exportés. 

Les  principaux  articles  d'importation  sont  la  draperie  (45, 134  liv.  st.),  les  biscuits 
et  denrées  alimentaires  (22,360  liv.  st.),  la  quincaillerie  (14,776  liv.  st.),  le  charbon 
(11,954  liv.  st.),  les  viandes  (9,302  liv.  st.),  le  riz  (8,730  liv.  st.),  les  .sacs  et  nattes 
pour  l'emballage  du  sucre  (7,145  liv.  st.).  Viennent  ensuite  les  huiles,  le  bétail,  les 
bois  de  construction,  les  engrais,  les  machines,  les  légumes  et  fruits  verts,  le  fer 
et  les  articles  galvanisés,  le  beurre,  les  articles  de  papeterie,  les  chaussures,   etc. 

Le  montant  des  droits  de  douane  prélevés  pendant  l'exercice  1898  est  de 
45,299  liv.  .st.,  soit  une  augmentation  de  12,321  liv.  st.  comparativement  au  nouveau 
tarif,  qui  a  été  décrété  le  i"  mars  1898. 

Le  sucre,  les  fruits  verts  et  le  coprah  sont  les  articles  d'exportation  les  plus 
importants.  11  est  sorti,  en  1898,  pour  409.884  liv.  st.  de  sucre,  contre  323,830  liv. 
st.  en  1897  et  208,889  liv.  st.  en  1895.  Une  extension  notable  dans  la  culture  des 
cannes  est  la  seule  cause  de  cet  accroissement.  Il  en  a  été  de  même  pour  le  com- 
merce des  fruits  verts,  dont  il  a  été  expédié  pour  2.5,478  liv.  st.  l'année  dernière, 
contre  16,515  liv.  st.  en  1897,  20,987  liv.  st.  en  189:)  et  49,115  liv.  st.  en  1894.  Les 
envois  de  coprah  n'ont  été,  en  1898,  que  de  0,985  tonnes  d'une  valeur  de  68,252 
liv.  st.,  contre  8,257  t.  évaluées  à  74,413  liv.  st.  en  1897.  Cette  diminution  est  due 
principalement  à  la  sécheresse  ;  mais  les  indigènes  ayant  planté  de  nombreux 
cocotiers  dans  ces  derniers  temps,  et  plus  d'attention  étant  apportée  à  l'entretien 
des  jeunes  arbres,  il  y  a  lieu  de  s'attendre  à  ce  que  la  production  augmente  nota- 
blement dans  un  avenir  prochain. 

Lii  fabrication  des  spiritueux  a  progressé  en  même  temps  que  l'industrie  sucrière. 
Recommencée  en  18iX),  elle  a  laissé,  l'année  dernière,  111,088  gallons  disponibles 
pour  l'exportation.  Le  produit  des  îles  Fidji  est  une  espèce  de  rhum,  d'une  valeur 
moyenne  de  2  sh.  Od.  par  gallon.  Les  autres  articles  d'exportation,  parmi  lesquels 
il  y  a  lieu  de  mentionner  les  pois,  le  maïs,  les  écailles  à  perles,  la  pèche  de  mer, 
les  noix  do  coco,  les  écailles  de  tortue,  etc.,  n'ont  que  peu  d'importance  ;  il  n'en  a 
été  expédié,  en  1898,  que  pour  10,530  liv.  st. 

Suva  et  Levuka  sont  les  deux  ports  des  îles  Fidji.  Ils  ont  contribué,  en  18i)8, 
pour  044,887  liv.  st.  et  124,067  liv.  st.  respectivement  dans  la  valeur  totale  du 
commerce  de  la  colonie  et  ont  reçu  99  et  28  navires  jaugeant  116,031  et  17,121 
tonnes.  De  ces  127  bateaux,  115  battaient  le  pavillon  britannique,  7  le  drapeau 
norvégien,  2  étaient  américains,  1  allemand,  1  russe  et  le  dernier  appartenait  aux 
ilcs  Tonga. 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 
LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MERGHIER. 

QI;aRRÉ-  REYBOURBON. 

Lille  la^LOinel 


—  245  — 


PROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES. 


/assemblée     jcénérale     du     Stt     Octobre     1899. 


Présidence  de  M.  Paul  GREPY,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  et  demie. 

MM.  NicoUe-Verstraete  ,  Quarré-Reybourbon  ,  Fernaux-Defrance  ,  Beaufort , 
Graveri ,  Delahodde  ,  Eeckraan  ,  D''  Eustaohe  ,  Vaillant ,  D''  Vermersch  ,  Théry, 
prennent  place  au  Bureau. 

MM.  Pajot  et  Auguste  Grepy,  empêchés,  se  font  excuser. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée  générale  a  été  publié  dans  le 
Bulletin  du  mois  d'Août. 

Adhésions.  —  Depuis  le  25  Juillet,  29  nouveaux  Sociétaires  ont  été  admis. 

Conférence.  —  Devant  une  salle  comble,  M.  Merchier,  notre  très  sympathique 
Secrétaire-Général,  a  brillamment  inauguré,  le  dimanche  22  Octobre,  la  série  des 
Conférences  1899-1900.  Il  avait  pris  pour  sujet  :  Un  coin  de  Lorraine.  —  Le 
Barrois.  —  Nancy. 

Concours.  —  Au  nom  de  la  Gommission  des  Prix  et  Récompenses,  M.  Raymond 
Théry  a  présenté  au  Gomité  un  rapport  fort  intéressant,  très  détaillé  sur  les  résul- 
tats des  divers  Concours.  Les  conclusions  de  ce  rapport  ont  été  adoptées  à 
l'unanimité,  y  compris  cette  décision  :  les  compositions  des  jeunes  garçons  de  l'en- 
seignement primaire  supérieur  (P"^  et  2"  séries)  ont  été  trouvées  trop  faibles  pour 
mériter  le  prix  Léonard  Dauel.  Gette  récompense  sera  donnée  aux  huit  lauréats  de 
l'enseignement  primaire  élémentaire  (P'^  série)  et  aux  deux  jeunes  gens  classés  les 
premiers  dans  renseignement  primaire  élémentaire  (2*^^  série). 

Roubaix.  —  Le  Gomité  a  décidé  qu'une  médaille  d'argent  serait  décernée  par  la 
section  de  Roubaix  à  l'élève  qui  a  suivi  avec  le  plus  d'assiduité  le  cours  de  géo- 
graphie commerciale  organisé  dans  cette  ville. 

Excursions.  —  Du  9  au  26  Août,  M.  Beaufort  a  fait  visiter  à  24  de  nos  collègues  : 
La  Grande  Ghartreuse,  Grenoble,  N.-D.  de  la  Salette,  Bourg  d'Oisans,  Gol  du  Lau- 
taret,  Aix-les-Bains,  Annecy,  etc. 

Du  2  au  6  Septembre,  Excursion  à  Mézières,  Sedan,  BazeiUes,  Luxembourg, 
Bruxelles,  dirigée  par  MM.  Galonné  et  Didry. 

17 


—  246  — 

Bibliothèque.  —  Sur  Tobservation  du  Bibliothécaire  que  des  volumes,  des  col- 
lections eatières  ne  rentraient  plus  à  la  Bibliothèque,  malgré  de  fréquents  rappels, 
le  Comité  a  décidé  que  si  les  ouvrages  ne  sont  pas  rendus  après  un  nouvel  et 
dernier  avertissement,  l'Appariteur  ira  les  réclamer  à  domicile. 

Photof/rajihies.  —  M.  Godin.  ofire  à  notre  Société  80  magnifiques  photographies 
prises  au  cours  de  Texcursion  qu'il  a  dirigée  en  Algérie  et  en  Tunisie. 
L'Assemblée  adresse  ses  romercîments  à  M.  Godin. 

Clichés.  —  La  Société  a  été  heureuse  de  prêter  à  la  Revue  générale  des 
Sciences  nos  clichés  concernant  le  Caucase  et  la  Grimée.  Ils  ont  servi  aux  projec- 
tions dont  notre  distingué  collègue,  M.  Hauraant,  devait  accompagner  ses  Confé- 
rences à  bord  du  Sénégal,  au  cours  de  son  voyage  d'études. 

Congrès.  —  Un  Congrès  de  Géographie  coloniale  internationale  se  réunira  à 
Paris  du  .'^0  Juillet  au  5  Aoîit  1900.  —  Le  Président  de  notre  Société  est  membre  de 
la  Commission  d'organisation. 

Du  6  au  10  Aoiit  aura  lieu  le  Congrès  de  Sociologie  coloniale. 

Au  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  (20-24  .\oût), 
ÎSI.  Merchier  veut  bien  représenter  notre  Société,  ainsi  qu'au  Congrès  de  Géogra- 
phie commerciale  (27-31  Août). 

Exposition.  —  M.  Ernest  Nicolle  s'occupe  activement  de  notre  Exposition; 
M.  Quarré-Reybourbon  a  soumis  au  Comité  le  croquis  de  l'installation.  M.  Alfred 
Renouard,  notre  ancien  Secrétaire-Général,  s'est  mis  gracieusement  à  la  disposition 
de  notre  Société  pour  tout  ce  qui  regarde  cette  Exposition. 

Distinctions  honorifiques.  —  M.  Léonard  Danel  a  été  promu  à  la  dignité  de 
Commandeur  de  la  Légion  d'honneur. 

Le  Comité  a  adressé  une  lettre  de  chaleureuses  félicitations  à  M.  Danel,  l'un  de 
ses  membres  fondateurs.  Le  prix  qu'il  offre,  chaque  année,  aux  lauréats  de  nos 
Concours,  indique  bien  tout  l'intérêt  qu'il  porte  à  notre  Société. 

M.  Désiré  Mallet,  conducteur  principal  des  Ponts  et  Chaussées,  a  été  nommé 
Clievalier  de  la  Légion  d'honneur. 

M.  Rouzé,  Juge  au  Tribunal  de  Commerce,  a  été  promu  Officier  de  l'Instruction 
jjublique. 

Nécrologie.  —  Longue  et  cruelle  est  aujourd'hui  cette  liste  : 

M.  Warin,  membre  du  Comité  d'Etudes  depuis  la  fondation  de  la  Société,  Prési- 
dent de  la  Commission  des  Finances. 

A  ses  funérailles,  M.  Quarré-Reybourbon  tenait  un  des  coins  du  poêle  ,  et  sur 
la  tombe  une  voix  amie  a  dit  :  «  Esprit  éclairé ,  s'intéressant  aux  questions 
«  d'art  et  d'enseignement,  amateur  de  livres,  très  au  courant  des  choses  de  la  litté- 
«  rature,  M.  Louis  Warin  fut  un  des  premiers  adhérents  à  la  Société  de  Géographie 
«  de  Lille. 

«  Collègue  aimable,  bienveillant,  toujours  prêt  à  rendre  service,  d'une  urbanité 
«  parfaite,  partout  oii  il  passa,  il  donna  des  preuves  de  sa  grande  autorité  et  laissa 
<{  les  meilleurs  souvenirs.  » 


—  247  — 

M.  V.  Hassebroucq,  maire  de  Tourcoing,  décédé  à  Vàge  de  85  ans. 

M.  Théodore  Barrois,  filateur  de  coton,  ancien  adjoint  au  maire  de  Lille. 

M.  Bourelle,  étudiant  en  droit,  mort  à  20  ans  ! 

M.  Victor  St-Léger,  grand  industriel  à  Lille. 

M.  Victor  Gilles,  un  de  nos  plus  anciens  Sociétaires. 

M.  Alexandre  Bonvarlet,  Consul  de  Danemark  à  Dunkerque,  Président  du 
Comité  flamand  de  France,  membre  correspondant  de  notre  Société  (73  ans). 

M.  Gaston  Tissandier,  qui  fut  un  de  nos  premiers  Conférenciers  (février  1881).  Il 
^vait  pris  pour  sujet  :  «  l'Atmosphère  et  les  ascensions  célèbres.  » 

On  n"a  pas  oublié  celle  du  Zénith  :  en  1875,  Gaston  Tissandier  s'élevait  jusqu'à 
8.000  mètres  en  compagnie  de  Crocé-Spinelli  et  de  Sivel  qui  perdirent  la  vie  dans 
-cette  ascension  périlleuse. 

Mgr  Dehaisnes.  —  Pour  perpétuer  le  souvenir  de  son  ancien  Président,  la 
Commission  historique  du  Nord  inaugurait,  le  26  Octobre,  en  l'église  St-Maurice, 
un  magnifique  médaillon  en  bronze  argenté,  œuvre  de  notre  concitoyen  M.  Edgard 
Boutry. 

La  cérémonie  était  présidée  par  l'honorable  M.  Ed.  Van  Rende,  Président  actuel 
•de  cette  Commission.  Le  Président  et  presque  tous  les  membres  du  Comité 
•d'Etudes  de  notre  Société  y  assistaient.  Mgr  Dehaisnes  en  fut  longtemps  un  des 
membres  les  plus  écoutés. 

Communication.  —  Notre  collègue  M.  le  D'  Carton  fait  une  très  intéressante 
•causerie  sur  «  Une  excursion  mouvementée  au  Vésuve.  » 

Par  ses  applaudissements,  l'Assemblée  fait  ressortir  avec  quel  plaisir  elle  a 
•écouté  l'aimable  causeur  à  qui  le  Président  adresse  les  remercîments  de  tous. 

Election.  —  11  est  procédé,  par  scrutin  secret,  a  l'élection  d'un  membre  du 
Comité  en  remplacement  du  regretté  M.  Warin. 

M.  le  D'  Carton  est  élu  à  la  presque  unanimité  des  voix. 

La  Séance  est  levée  à  neuf  heures  Irente-emq, 


MEMBRES  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  DU  25  JUILLET  1899  : 

N»'  d'ins-  MM. 

onption. 

3608.  Dei.attre  frères,  manufacture  de  cuirs,  Halluin, 

Présentés  par  MM.  P.  Lemattre-Demeester  et  Van  Troostenberghe, 

3609.  LouBRY,  directeur  de  la  Banque  de  France,  rue  Royale,  83. 

Paul  Crepy  et  Edouard  Lonyhaye, 

3610.  Lamand  (Antoine),  rentier,  rue  Ste-Barbe,  25,  Tourcoing. 

Henri  Deaufort  et  Philippe  Suin. 

3611.  Spinnewyn,  carrossier,  rue  de  Lille,  158-174,  Tourcoing. 

Henri  Beaufort  et  Philippe  Suin. 

3612.  Herbaux  (Edouard),  entrepreneur,  rue  du  Calvaire,  19,  Tourcoing. 

Henri  Beaufort  et  Philippe  Suin. 


—  248  — 

N"  dln».  MM. 

cripliOQ. 

3613.  Dervaux  (Victor)  fils,  filateur,  Quesnoy-sur-Deûle. 

Ch.  Derache  et  A.  Lepercq. 

3614.  GoRNiLLE  (Charles),  propriétaire,  Quesnoy-sur-Deùle. 

Ch.  Derache  et  A.  Lepercq. 

3615.  Bataille  (Georges),  industriel,  boulevard  de  la  Liberté,  177. 

Paul  Crepy  et  Fernauc. 

3616.  Baudet  (Veuve),  place  du  Concert,  10. 

Houbron  et  Fernaux. 

3617.  Lecomte  (Joseph),  employé,  rue  Faidherbe,  17. 

Ed.  Desmet  et  Yan  Troostenberghe. 

3618.  Herbeau-Lemaire  (Veuve),  rue  Caumartin,  2. 

Fernaux-Defrance  et  il/eiie  Carin. 

3619.  Mollet  (Fabbé  E.),  supérieur  de  Técole  Jeanne-d'Arc,    rue  Golbert,  25  bis, 

Jules  Laroche  et  ^L  Delattre. 

3620.  Segard  (Henri),  employé,  rue  de  Valmy,  77,  Roubaix. 

iJroulers  et  P.  Destornbes. 

3621.  Courmont  (René),  notaire,  rue  Royale,  41. 

Albert  Lelestré  et  Delahodde. 

3622.  Perdrix  (l'abbé),  professeur  au  collège  Jeanne-d'Arc,  rue  Colbert,  25  bis. 

Laroche- Delaitre  et  Delahodde. 

3623.  Decléty  (Louis),  ingénieur  constructeur,  St-Quentin. 

Godin  et  D^  Vermersch. 

3624.  Durât,  officier  d'administration,  gestionnaire  de  l'Hôpital  Militaire. 

Palliez-Colin  et  Vaillant. 

3625.  Mairesse,  négociant,  rue  des  Ponts-de-Comines,  6. 

Houbron  et  Godin. 

3626.  Leroy  (Hippolyte),  comptalale,  rue  Winoc-Ghocqueel,  153,  Tourcoing. 

Fallot  et  Petit-Leduc. 

3627.  Beulque  (Gabriel),  courtier  juré,  boulevard  Gambelta,  6,  Tourcoing. 

E.  Dervaux  et  J.  Ritaine. 

3628.  Desvennain  (Jules),  négociant,  rue  du  Tilleul,  Tourcoing. 

E.  Dervaux  et  J.  Ritaine. 

3629.  Delegrangk  (DO,  rue  de  Gand,  26,  Tourcoing. 

E.  Dervaux  et  /.  Petit-Leduc. 

3630.  Dh.vi.luin  (Emile),  fabricant  de  chicorée,  rue  de  Tournai,  105,  Tourcoing. 

E.  Dervaux  et  Petit-Leduc. 
3632.     Beyls,  employé,  rue  Haute,  18,  Tourcoing. 

7''.  Masurel  et  /.  Petit-Leduc. 
36.33.     AVatteau  (Henri),  fabricant,  rue  Nationale,  51,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  /.  Ritaine. 

3634.  Brunet  (DO,  rue  Nationale,  4,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Petit-Leduc. 

3635.  Manaux  (Léon),  commis-négociant,  rue  de  Lille,  Mouveaux. 

F.  Masurel  et  Petit-Leduc 

3636.  Béguin  (Louis),  entrepreneur,  rue  du  Bois,  92,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Petit-Leduc. 

3637.  Masurel-Tiberghien  (Félix),  fabri("ant,  rue  de  Lille,  153,  Tourcoing. 

F.  Masurel  et  Petit-Leduc. 


249 


LIVRES.  CARTES  ET  PHOTOGRAPHIES 
BEÇUS  OU  ACHETÉS  POUR  LA  BIBLIOTHÈQUE  DEPUIS  JUILLET   1899 


}.      —     J^  IVRES. 


1»  DONS. 

■224().  La  mission  Marchand  (Fachoda).  —  Don  de  M.  Fernaiix-Defrance. 

^247.  La  mission  Marcliand  (Congo-Nil).  —  Idem. 

^248.  Études  sur  la  navigation  intérieure  en  Allemagne   (enciuète  de  la  Société  la 

Loire  navigable).  Nantes,  1899.  —  Don  de  la  Société. 
2249.  Notes  de  Folklore  Mordvine  et  Métchériak,   par  le  baron  de  Baye.   Paris, 

Nilsson,  189!».  —  Don  de  Fauteur. 
^252.   L'État  indépendant  du  Congo  à  l'Exposition  de  Bruxelles,  par  le  lieutenant 

Masuy-Nonnon.  Bruxelles,  1897.  —  Don  de  M.  E.  Rolants. 
•22.")3.  Géographie  moderne,  par  l'abbé  de  la  Croix,   publiée  à  Paris  en  1769  en 

2  volumes.  —  Don  de  M.  E.  Rolants. 
"2254.  A  travers  les  Indes,  par  Eugène  Gallois.  Paris,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2255.  Applications  de  mathématiques,  par  G.  Detrez,  ingénieur.  Lille,  1896.  —  Don 

de  l'auteur. 

2256.  Vie  physique  de  notre  planète,  par  Klossovsky.  Odessa,  1899.  —  Don  de 

l'Observatoire   magnétique    et   météorologique   de  l'Université  impériale 
d'Odessa. 
■2257.  Le  café  ;  culture,   manipulation,  production,  par  H.   Lecomte.  Paris,   1899, 
Carre  et  Nanot.  —  Don  des  éditeurs. 

2263.  Les  cinq  pays  de  l'Indo-Chine  française,  par  A.  Lemire.  Ghallamel,  1899.  — 

Don  de  l'auteur. 

2264.  La  guerre  dans  l'imagination  et  la  réalité,  par  le  colonel  Arnould.  Arras, 

Sueur,  181^.  —  Don  de  l'auteur. 

2266.  Excursion    dans  la  Péninsule  Ibérique,  par  Eugène  Gallois.  Paris,  Société 

d'éditions  scientifiqoes,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2267.  Les  Boers,  par  Jules  Leclercq.  Paris,  1898.  —  Don  de  M.  Houbron. 

2271.  Les  mines  de  diamant  du  Cap,  par  Edouard  Foa.  Paris,  1898.  —  Don  de 

M.  Houbron. 
227,3.  Leçons  de  géograpliie  physique,  par  A.  de  Lapparent.  Masson,  1898.  —  Don 

anonyme. 

2274.  La  Suisse  pittoresque,  par  J.  Gourdault.  Hacheite,  189'i.  —  Don  anonyme. 

2275.  Au  pays  du  Bleu.  Biskra  et  les  oasis  environnantes,  par  l'abbé  Jean  Hura- 

bielle.  Paris,  Ghallamel,  189f).  —  Don  de  l'auteur. 
2277.  Actes  du  XP  Congrès  international  des  Orientalistes.  3  vol.  Paris,  Imprimerie 

Nationale,  1899.  —  Don  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
2279.  Le  toit  du  monde,  par  G.  Gapus.  Hachette,  1890.  —  Don  anonyme. 

Bulletin  de  l'Union  géographique  du  Nord  de  la  France  (années  1880  à  1884). 

—  Don  de  M.  Jaumard. 


—  250  — 

Bulletin  de  la  Scciètè  de  Géographie  de  Lille  (;innées  1880  à  1891).   —   Don 

de  M.  Balin. 
Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de   Lille  (années  1882  à  1898).  —  Don 

de  M.  Edmond  Faucheur. 

2    ACHATS. 

2258.  Un  mois  en  Italie,  par  F.  Chon.  Lille,  Danel,  1876. 

2259.  La  Péninsule  Balkanique,  par  Léon  L-amouche.  Ollendorf,  1899. 

2265.  Voyage  en  France,  par  Ardouin-Dumazet,  20"^  série  (Haute-Picardie,  Cham- 
pagne Rémoise,  Ardennes). 

2267.  Rhodésie  et  Transvaal  ,  inii)ressions  de  voyage,  par  Albert  Bordeaux. 
Pion,  1898. 

2269.  Autour  des  mines  d'or  du  Transvaal,  par  Kdgar  Roels.  1898. 

2270.  Types  et  sites  de  France,  par  Félix  Regamey.  En  Bretagne.  Paris,  1898. 
2276.  Études  géographiques  et  historiques  sur  la   Flandre   maritime  ,  par  .Iules 

d"Anville.  Dunkerque,  1897. 


JJ.    —    Cartes. 

DONS. 

2251 .   Carte  des  lignes  télégraphiques  de  la  Sénégambie  française  dressée  par  Fins- 

pecteur  Bourrel.  Échelle  au  1 '800.000.   1894.  —  Don  de  M.  Paul  Crepy. 
2272.  AÙas  de  Finlande,  publié  par  la  Société  de  Géographie  de  Finlande.  Hel- 

singfors,   1891'.  Avec  un   Bulletin  spécial   formant   texte.  —  Don   de   la 

Société. 
2278.  Carte  du  Ras-Congo  à  l'échelle  du  500.000'',  dressée  par  H.   Droogmans. 

Bruxelles,  1899.  —  Don  de  l'auteur. 

2280.  Nouvelle  carte  physique  et  minière  du  Transvaal  et  de  l'Etat  libre  d'Orange^ 

par  F.  Bianconi,  1899.  —  Don  de  M.  Fernaux. 

2281.  The  «  Daily  Mail  »  spécial  map  of  the  Boer  Republics.  London,  1899.  (Carte 

anglaise  du  Transvaal  et  d'Orange).  —  Don  de  M.  Paul  Crepy. 


JJJ.    —    Photographies. 

Vues  du  Catelet,  du  canal  de  St-Quentin  et  de  l'abbaye  de  Vaucelles.  — 

Don  de  M.  Léon  Lefebvre. 
80  photographies  du  voyage  d'Algérie  et  de  Tunisie.  —  Don  de  M.  Godin. 


—  251  — 


QUELQUES  OBSERVATIONS 


SUR    LA 


POLITIQUE  DE  L'ANGLEÏElîKE  A  L'ÉGARD  DE  LA  FRANGE 

ET  PLUS  PARTICULIÈREMENT  SUR  SA  POLITIQUE  COLONIALE 


Pai-  M.  E.  GUILLOT , 

Professeur  agrégé  d'Histoire  et  de  Géographie  au  Lycée   Charlemagne, 

Secrétaire  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris  , 

Ancien  Secrétaire-Général  et  Membre  d'Honneur  de  la  Société  de  Géographie  de  Lilif, 

Orticier  de  l'Instruction  publique. 


Dans  une  l'oule  de  conférences  que  nous  avons  eu  jadis  l'honneur 
de  faire  devant  les  membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  prin- 
cipalement sur  des  sujets  de  politique  coloniale,  nous  n'avons  cessé  de 
répéter  quelle  défiance  rigoureuse  et  quelle  réserve  prudente  devaient 
dans  toutes  les  circonstances  présider  à  la  politique  du  Gouvernement 
français  vis-à-vis  de  l'Angleterre.  Les  exemples  puisés  dans  l'histoire 
le  prouvent  surabondamment  et  la  question  récente  de  Fachoda  n'a 
fait  que  confirmer  cette  conviction,  qui  devrait  être  partagée  par  tout 
bon  Français,  que  notre  plus  dangereux  et  notre  plus  implacable 
ennemi  a  toujours  été,  est  encore  et  sera  toujours  l'Angleterre. 

La  haine  de  l'Allemagne,  que  les  défaites  de  1806  et  plus  tard  les 
douloureux  événements  de  1870-71  ont  si  naturellement  excitée  et 
entretenue,  a  eu  malheureusement  pour  résultat  de  faire  négliger  cette 
grande  vérité,  et  tel  patriote  qui,  fasciné  par  l'idée  de  revanche,  ne 
songe  qu'à  la  reprise  de  l'Alsace  et  de  la  Lorraine,  oublie  trop  souvent 
les  dangers  que  l'Angleterre  nous  a  suscités  depuis  plus  de  deux  siècles,  ■ 
les  provocations  qu'elle  multiplie  sans  cesse  dans  toutes  les  questions 
où  ses  intérêts  sont  en  lutte  avec  les  nôtres  et  que  nous  ne  pouvons 
relever  sans  nous  exposer  au  plus  terrible  des  conflits. 


—  252  — 

Frédéric  II  au  XVIIP  siècle,  Napoléon  F*"  à  léna  et  à  Auerstaedt  ont 
engagé  cette  rivalité  de  la  Prusse  et  de  la  France  qui  a  eu  de  nos  jours 
de  si  désastreux  résultats  pour  nos  intérêts,  mais  dont  l'origine  est  en 
somme  récente.  L'hostilité  de  la  France  et  de  l'Angleterre  a  été  au 
contraire  perpétuelle  ;  elle  a  été  séculaire  ;  elle  est  de  tous  les  moments. 
C'est  l'Angleterre  qui,  du  jour  où  elle  a  commencé  à  exister  comme 
nation,  a  cherché  à  ameuter  tous  les  Etats  de  l'Europe  contre  la 
France  ;  c'est  elle  qui  a  fondé  son  empire  colonial  en  enlevant  à  la 
France  et  à  ses  alliés  leurs  meilleures  colonies.  Aussi  est-ce  une  utopie 
irréalisable,  quoique  malheureusement  conçue  par  un  trop  grand 
nombre  d'esprits  chimériques,  que  de  se  figurer  qu'il  est  possible  de 
s'entendre  avec  elle  :  on  ne  saurait  le  faire  qu'en  s'humiliant  devant 
elle,  en  abdiquant  sa  propre  dignité  et  en  sacrifiant  ses  intérêts  les 
plus  chers.  L'hostilité  de  l'Allemagne  est  nette,  connue,  évidente  ;  la 
politique  de  l'Angleterre  est  d'autant  plus  dangereuse  qu'elle  est  sour- 
noise, hypocrite,  habilement  dissimulée  et  que  sous  des  protestations 
de  bienveillance  et  d'amitié,  auxquelles  il  ne  faut  jamais  se  laisser 
prendre,  se  cachent  une  jalousie  perfide  et  un  égoïsme  tenace.  Toute 
l'h'stoire  des  rapports  de  la  France  et  de  l'Angleterre  sur  le  continent 
et  aux  colonies,  autrefois  et  aujourd'hui,  présente  ces  caractères  ;  c'est 
ce  que  nous  voudrions  essayer  de  montrer. 


I. 


Cette  histoire  est,  dans  les  temps  modernes  et  contemporains,  telle- 
ment surchargée  d'événements  qu'il  est  inutile  de  remonter  bien  haut. 
Chacun  connaît  d'ailleurs  quelle  hostilité  a  régné  aux  XIP  et  XIII* 
siècles  entre  la  France  et  l'Angleterre,  de  Louis  VI  à  Philippe-le-Bel, 
et  les  noms  des  brillantes  victoires  remportées  par  nos  rois  sur  les 
Anglais  ou  leurs  alliés  :  Bouvines,  Taillebourg  et  Saintes,  Mons-en- 
Puelle  sont  présents  à  toutes  les  mémoires. 

La  paix  est  à  peine  rétablie  entre  les  deux  nations  que  les  rois 
d'Angleterre,  au  mépris  de  la  loi  salique  trois  fois  appliquée  j)ar  les 
États-Généraux,  réclament  le  trône  de  France  et  méditent  de  faire  de 
notre  pays  une  province  anglaise.  La  guerre  de  Cent  Ans  commence  : 
on  sait  quels  efforts  prodigieux,  après  les  désastres  de  Crécy  et  de 
Poitiers,  durent  faire  Charles  V  et  Duguesclin  pour  chasser  les  Anglais 
de  France.  Bientôt,  par  riniUgnc  trahison  d'Isabeau  de  Bavière,  les 


-  253  — 

Anglais  entrèrent  à  Paris,  occupèrent  nos  provinces  et  leurs  projets 
d'absorption  de  la  France  faillirent  réussir.  Mais  Charles  VII  et  Jeanne 
d'Arc  on  empêchèrent  l'exécution  et  les  victoires  de  Formigny  et  de 
Castillon  assurèrent  l'indépendance  définitive  de  notre  territoire. 

Les  rois  d'Angleterre  ne  renoncèrent  point  cependant  à  leur  and3i- 
tion  d'occuper  une  portion  de  la  France  et  surtout  de  posséder  un 
port  de  débarquement  qui  leur  permît  de  renouveler  leurs  invasions. 
Edouard  III  avait  pris  Calais  ;  Henri  VIII  convoita  Boulogne  et  se 
mêla  activement  à  la  rivalité  de  François  P""  et  de  Charles-Quint. 

La  lutte  entre  la  Franco  et  TAng-leterre  va  prendre  un  autre  carac- 
tère à  partir  de  la  fin  du  XVF  siècle.  Elisabeth  a  imprimé  un  puissant 
essor  à  la  marine  anglaise,  des  navigateurs  anglais  ou  étrangers  au 
service  de  l'Angleterre  ont  entrepris  d'aventureuses  expéditions;  la 
politique  d'expansion  au  dehors  commence,  et  plus  tard  la  lutte  sur  le 
continent  va  se  compliquer  do  la  rivalité  aux  colonies. 

Dès  1600  Elisabeth  avait  constitué  la  Compagnie  des  Indes  qui  fonda 
successivement  des  comptoirs  à  Bantam  dans  l'île  de  Java,  dans  l'Inde 
à  Surate  et  a  ^ladras  ;  les  persécutions  religieuses  des  Stuaris  ame- 
nèrent une  émigration  intense  qui  aboutit  à  la  fondation  de  plusieurs 
colonies  anglaises  sur  les  côtes  orientales  de  l'Amérique  du  Nord. 
L'acte  de  navigation  de  Cromwell  en  obligeant  les  vaisseaux  anglais  à 
aller  chercher  les  produits  des  colonies  et  mémo  les  produits  fabriqués 
par  les  nations  de  l'Europe  porta  un  coup  terrible  à  la  Hollande,  qui 
avait  eu  jusque  là  le  monopolo  do  ce  commerce  et  qui  essaya  vainement 
de  le  conserver.  L'Angleterre  triompha  de  la  Hollande;  elle  gagna  à 
cette  lutte  de  devenir  une  grande  puissance  marchande;  mais  afin 
d'affirmer  et  de  conserver  cette  supériorité,  il  lui  fallait  anéantir  les 
grands  efforts  tentés  par  Culbert  pour  développer  la  marine  et  le 
commerce  do  la  France  ol  pour  constituer  à  notre  pays  un  vaste  empire 
colonial. 

Henri  IV  avait  donné  l'exemple  que  Richelieu  suivit  autant  que  le 
lui  permirent  ses  luttes  contre  les  protestants,  les  seigneurs  et  contre 
la  maison  d'Autriche.  Grâce  à  leurs  efforts,  Champlain  commença  à 
organiser  le  Canada  Français  et  fonda  Québec  sa  capitale  ;  l'Acadie  fut 
reprise  aux  Anglais  ;  les  établissements  français  aux  Antilles  furent 
développés  et  les  premiers  comptoirs  fondés  à  Madagascar  et  en 
Guyane. 

Colbert  entreprit  de  former  de  ces  établissements  dispersés  un  véri- 


—  254  — 

table  empire  colonial.  Torre-Neuve  duinina  reiilrée  du  Sainl-Laurenl  ; 
Cavelier  de  la  Salie  explora  la  vallée  du  Mississipi  et  prit  possession 
de  la  Louisiane  au  nom  de  la  France.  In  très  grand  nombre  d'îles 
lurent  acquises  dans  les  Petites- .\ntilles  ;  de  nouveaux  colons  furent 
envoyés  à  Cayeune  et  au  Canada.  En  Afrique,  Colberf  fit  occuper 
Gorée  et  affermit  la  domination  française  à  Madagascar.  En  Asie,  la 
Compagnie  des  Indes  créa  des  comptoirs  à  Surate,  à  Chandernagor, 
et  François  Martin  fonda  Pondichéry. 

Les  colonies  de  l'Angleterre  et  delà  France  ainsi  fondées  se  trou- 
vaient fréquemment  voisines  ;  une  lutte  devait  donc  éclater  tôt  ou  tard 
entre  les  deux  nations. 

Elle  se  produisit  d'abord  en  Europe  où  Louis  XIV,  privé  deTalliance 
des  Stuarts,  eut  pour  terrible  adversaire  Guillaume  d'Orange.  Sous 
son  impulsion,  les  puissances  européennes  formèrent  trois  coalitions 
contre  la  France  qui,  d'abord  victorieuse,  fut  ensuite  vaincue  et  humi- 
liée et  dut  au  traité  d'Utrecht  (1713)  consentir  au  partage  de  la  succes- 
sion d'Espagne,  reconnaître  Georges  V  roi  d'Angleterre,  et  surtout 
céder  plusieurs  de  ses  colonies.  L'Angleterre  lui  prenait  l'Acadie,  le 
territoire  de  la  baie  d'Hudson  et  l'île  de  Terre-Neuve  ;  des  clauses 
particulières  laissaient  à  la  France  le  droit  de  pèche  sur  le  banc  de 
Terre-Neuve  et  lui  permettaient  de  créer  des  établissements  tempo- 
raires sur  la  côte  occidentale  de  l'île  ;  c'est  l'exercice  de  ces  droits  qui 
depuis  de  longues  années  entraîne  des  difficultés  incessantes  et  que  l'on 
n'est  jamais  parvenu  à  régler. 

Ainsi  commençait  à  se  révéler  la  politique  que  depuis  cette  époque 
l'Angleterre  a  constamment  suivie  :  susciter  à  la  France  des  guerres 
sur  le  continent  et  profiter  habilement  de  ces  embarras  pour  ruiner  sa 
marine  et  conquérir  ses  colonies. 

Une  courte  période  d'alliance,  alliance  payée  du  reste  bien  chère- 
ment par  Dubois,  succède  à  cette  longue  rivalité  ;  mais  pour  plaire  à 
l'Angleterre  il  faut  promettre  de  combler  le  port  de  Dunkerque,  chasser 
le  prétendant  Stuart  et  surtout  laisser  dépérir  la  marine  française.  Ce 
n'est  d'ailleurs  ((u'une  courte  trêve.  Avec  la  chute  de  Walpole  (1742) 
commence  une  nouvelle  époque  d'hostilité  violente  qui  durera  presque 
sans  interruption  jusqu'en  1789  et  se  poursuivra  avec  acharnement 
sous  la  Révolution  et  l'Empire. 

La  grande  et  impardonnable  faute  de  Louis  XV  et  de  la  plupart  de 
ses  ministres  a  été  de  n'avoir  pas  su  ni  prévoir  ni  comprendre  la  poli- 


—   V.)o  — 


ti(|iic  do  l'Anglelerre.  et  do  s'cHre  laissé  Ironipcr  })ar  elle.  De  1740  à 
177 i,  riiicohérence  la  plus  coupable  préside  aux  alliances;  le  roi, 
tout  en  paraissant  approuver  les  négociations  engagées  par  ses 
ministres,  entrave  leur  succès  car  il  a  sa  politique  secrète.  Quant  à 
l'Angleterre,  elle  soutient  et  subventionne  une  puissance  ennemie  de 
la  France  sur  le  continent  ;  c'est  d'abord  l'Autriche  dont  elle  empêche 
le  démembrement,  el  plus  tard  la  Prusse  qu'elle  aide  à  résister  à  la 
France,  à  l'Autriche  et  à  la  Russie  coaUsées. 

Mais  tandis  que  Louis  XV,  faisant  comme  à  plaisir  le  jeu  des  Anglais, 
prodigue  sans  aucun  profit  ses  ressources  dans  la  guerre  continentale, 
l'Angleterre  poursuit  sans  grande  difficulté  l'anéantissement  de  la 
marine  française  et  la  conquête  de  nos  colonies.  Deux  nùnistres , 
presque  seuls  au  XMII®  siècle,  Machault  d'Arnon ville  et  Choiseul 
avaient  compris  les  dangers  que  la  politique  anglaise  suscitera  à  la 
France  et  avaient  essayé  de  les  conjurer.  Leurs  efforts  furent  vains  et 
l'on  ne  peut  que  constater  avec  indignation  les  résultais  funestes  de 
l'apathie  et  de  l'indifférence  de  Louis  XV. 

Pendant  la  guerre  de  Sept  Ans ,  la  marine  française  qui  s'était 
d'abord  illustrée  à  la  prise  de  Minorque,  sauvait  dans  plusieurs  combats 
contre  les  flottes  anglaises,  l'honneur  de  notre  pavillon,  mais  s'affai- 
blissait de  plus  en  plus.  Les  Anglais  bloquaient  nos  ports,  et  il  n'en 
sortait  pas  un  bâtiment  qui  ne  tombât  entre  leurs  mains  ;  des  descentes 
opérées  par  eux  sur  les  cotes  de  Normandie  et  de  Bretagne,  montraient 
que  notre  territoire  pouvait  être  impunément  violé  depuis  que  notre 
flotte  n'en  protégeait  plus  les  rivages. 

Aux  colonies  la  situation  était  devenue  désespérée.  Dans  l'espoir 
d'éviter  la  guerre  avec  l'Angleterre,  Louis  XV  n'avait  d'abord  relevé 
aucune  des  provocations  multipliées  par  elle  :  les  Anglais  enlevaient 
impunément  le  pavillon  français  sur  les  côtes  du  Sénégal,  assassinaient 
Jumonville  à  propos  des  discussions  relatives  aux  territoires  contestés 
dans  la  vallée  de  l'Ohio  ;  bien  mieux  :  ils  exigeaient  et  obtenaient  le 
rappel  de  Dupleix,  dont  les  grandes  conceptions  pour  créer  un  empire 
colonial  Français  dans  l'Inde  gênaient  leurs  prujets. 

Celte  abdication  de  la  France  en  Asie  devait  être  suivie  d'une  abdi- 
cation non  moins  funeste  en  Amérique. 

Les  Antilles  Françaises  étaient  conquises  sans  résistance.  Au  Canada, 
malgré  l'héroïque  résistance  de  Montcalm,  les  Anglais  occupaient  tout 
le  pays  après  la  terrible  bataille  de  Québec.  En  Afrique,  ils  s'empa- 
raient des  établissements  Français  du  Sénégal. 


—  2.7;  — 

Le  traité  de  Paris  (1763)  consacra  la  déchéance  de  la  France  au 
point  de  vue  colonial  :  l'Angleterre  restait  maîtresse  des  territoires 
qu'elle  avait  conquis  dans  l'Inde,  tandis  que  la  France  ne  pouvait 
fortifier  les  cinq  comptoirs  qui  lui  étaient  laissés  ;  en  Afrique,  elle  gar- 
dait Saint-Louis  du  Sénégal  ;  la  France  perdait  en  Amérique  le  Canada 
et  la  plus  grande  partie  des  petites  Antilles.  Elle  subissait  de  plus 
riiumiliation  d'accepter  à  Dunkerque  la  présence  permanente  d'un 
commissaire  anglais  pour  assurer  la  démolition  des  fortifications  du 
port.  De  plus,  comme  l'Espagne,  notre  alliée  depuis  le  Pacte  de 
Famille,  avait  perdu  la  Floride  occupée  par  les  Anglais ,  Louis  XV 
crut  devoir  quelque  temps  après  la  dédommager  en  lui  cédant  la 
Louisiane. 

C'en  était  fait  de  l'empire  colonial  si  laborieusement  édifié  par 
Henri  IV,  Richelieu  et  Colbert  en  Amérique  :  la  France  ne  conservait 
plus  que  Saint-Pierre,  Miquelon,  quelques  petites  Antilles  et  la  Guyane. 
L'Angleterre  possédait  l'Acadie ,  Terre-Neuve .  le  Canada  et  ses 
annexes  avec  la  vallée  de  l'Ohio.  treize  colonies  le  long  de  la  côte 
orientale  jusqu'aux  monts  Alleghanys  et  un  grand  nombre  d'Antilles  ; 
non  seulement  elle  avait  conservé  ses  anciennes  colonies,  mais  elle 
s'était  royalement  enrichie  de  nos  dépouilles. 

Il  semble  qu'après  de  telles  acquisitions,  l'Angleterre  n'ayant  plus 
rien  à  redouter  de  la  marine  française  qu'elle  avait  réduite  à  rien, 
dût  s'estimer  satisfaite  et  pût  songer  à  développer  en  paix  le  magni- 
fique Empire  colonial  qu'elle  avait  su  si  habilement  constituer. 

Mais  l'Angleterre  est  insatiable  ;  plus  elle  a  acquis  plus  elle  veut 
acquérir  encore  ;  de  tout  temps  elle  s'est  habituée  à  considérer  comme 
Anglais  tout  territoire  dont  les  Européens  n'ont  pas  accompli  une 
Ofcupation  efi'ective,  et  bien  souvent  de  nos  jours,  au  moment  d'une 
occupation  de  ce  genre  nous  l'avons  vue  prolester  avec  une  ardeur  et 
une  violence  qui  auraient  pu  faire  supposer  qu'elle  avait  sur  les  terri- 
toires en  question  des  droits  séculaires  plutôt  que  des  prétentions 
illusoires. 

La  guerre  d'Amérique  avait  renouvelé  la  vieille  rivalité  avec  la 
France  où,  l'opinion  publique  avait  forcé  Louis  XVI  à  agir  pour 
assurer  l'indépendance  des  treize  colonies  anglaises  soulevées.  Irritée 
<lc  l'intervention  de  la  France  en  faveur  des  Américains,  des  concessions 
auxquelles  elle  avait  dû  consentir  au  traité  de  Versailles  (1783),  et  ilu 
relèvement  de  la  marine  française  qui  avait  réussi  dans  plusieurs 


—  Z'Û  — 

combats  à  tenir  la  fortune  indécise,  l'Angleterre  n'attendait  que  le 
moment  favorable  pour  recommencer  la  lutte.  La  Révolution  lui 
fournit  l'occasion  convoitée,  et  l'on  vit  dès  1793  l'Angleterre  libérale, 
dotée  depuis  1688  du  régime  constitutionnel  qui  s'était  développé  et 
fortifié  au  XYIII*  siècle  sous  la  dj^nastie  de  Hanovre,  réunir  dans  une 
vaste  coalition  toutes  les  puissances  de  l'Empire  pour  rendre  à 
Louis  XVI  son  pouvoir  absolu.  Cette  question  de  l'absolutisme  était  en 
réalité  une  des  moindres  préoccupations  de  Pitt  ;  mais  les  boinmes 
d'État  anglais  estimaient  que  le  moment  était  venu  d'en  finir  avec  la 
France,  de  continuer  à  détruire  ses  flottes,  à  confisquer  ses  colonies  et 
à  la  réduire  sur  le  continent  au  rôle  de  puissance  de  second  ordre. 

On  sait  avec  quelle  sauvage  énergie  se  poursuivit  pendant  vingt-deux 
ans  le  duel  formidable  dans  lequel  l'Angleterre  toujours  vaincue, 
jamais  découragée,  finit  par  atteindre  le  but  qu'elle  se  proposait,  mais 
à  quel  prix  !  Elle  dut,  en  soutenant  de  ses  subsides  les  États  dont  elle 
attisait  habilement  la  haine  contre  la  France,  accroître  sa  dette  d'une 
façon  formidable,  et  payer  même  de  ses  soldats  à  plusieurs  reprises. 

L'ambition  excessive  de  Napoléon,  ses  annexions  démesurées  et  la 
désastreuse  guerre  d'Espagne  la  sauvèrent.  Elle  put  en  1814  dicter 
ses  conditions  avec  la  Russie  ,  la  Prusse  et  l'Autriche,  ce  qui  ne 
l'empêcha  pas  d'être  quelques  mois  plus  tard  trop  heureuse  d'obtenir 
au  Congrès  de  Vienne  l'appui  de  la  France  pour  résister  aux  convoitises 
extravagantes  de  la  Prusse  et  la  Russie. 

L'histoire  de  l'Angleterre  de  1793  à  1815  n'est  en  eff"et  qu'une  lutte 
perpétuelle  avec  la  France,  dont  les  interventions  successives  des 
autres  nations  européennes  sont  les  épisodes.  L'Angleterre  forme  en 
1793  la  première  coalition  ;  désespérée  par  les  glorieuses  victoires  des 
armées  Françaises,  abandonnée  aux  traités  de  Bàle  par  la  Hollande,  la 
Prusse,  l'Espagne,  à  Campo-Formio  (1797)  par  l'Autriche,  elle  frémit  en 
voyant  Bonaparte  occuper  l'Egypte  et,  redoublant  ses  intrigues,  elle 
parvient  à  former  avec  la  Turquie  et  la  Russie  une  deuxième  coalition 
(1799).  Elle  n'hésite  pas  cette  fois  à  intervenir  directement. 

Des  Anglais  se  joignent  aux  Hollandais  et  aux  Russes  que  le  général 
Brune  écrase  à  Bergen  et  fait  capituler  à  Alkmaer.  Mais  la  sur- 
prise la  plus  terrible  fut  le  débarquement  des  Français  on  Egypte  ; 
aussi  l'Angleterre  chercha-t-elle  à  faire  cesser  à  tout  prix  cette  occupa- 
tion. Nelson  détruit  la  flotte  française  à  Aboukir;  une  flotte  anglaise 
seconde  la  résistance  des  Turcs  à  Saint-Jean  d'Acre  ;  un  corps  anglais 
finit  par  débarquer  en  Egypte  et  par  on  obtenir  l'évacuation.  Le  but  de 


-  258  — 

rAnglelerre  csl  altciul  el  rocrupalion  de  Malte,  qu'elle  possède  encore, 
esl  la  récompense  de  ces  efforls  répélés.  LorsquerAutricheasignélapaix 
à  Lunéville(1801),  l'Angleterre,  demeurée  seule,  menacée  un  moment 
par  la  ligue  des  neutres  et  par  les  préparatifs  du  camp  de  Boulogne  et 
satisfaite  d'avoir  pu  forcer  les  Français  à  évacuer  l'Egypte,  signe  à  son 
tuur  le  traité  d'Amiens  (1802),  qui  n'est  qu'une  courte  trêve.  Pour  la 
première  fois  depuis  1793  la  paix  générale  règne  en  Europe. 

Elle  est  d'ailleurs  de  courte  durée  :  dès  1803  l'inexécution,  aussi 
bien  par  la  France  que  par  l'Angleterre,  des  conditions  du  traité 
d'Amiens  amène  la  reprise  des  hostilités.  Napoléon  prépare  une 
descente  en  Angleterre  que  la  lenteur  de  l'amiral  Villeneuve  fait 
échouer;  du  moins  si  à  Trafalgar  la  flotte  française  est  durement 
éprouvée,  les  .Anglais  perdent  dans  cette  même  bataille  leur  grand 
amiral  Nelson. 

Mais  déjà  l'Angleterre  a  poussé  l'Autriche  qui  est  vaincue  à  Ulni  et  à 
Austerlitz  ^1805),  et  la  Prusse  qui,  écrasée  à  léna  et  Auerstaedt  (1806), 
subit  un  terrible  démembrement ,  cause  des  projets  de  vengeance 
exécutés  en  1815  et  en  1871. 

Durant  toutes  ces  campagnes,  Napoléon  se  préoccupe  toujours  de 
vaincre  et  d'atteindre  l'Angleterre,  et  c'est  à  Berlin  qu'il  rend  le  décret 
de  blocus  continental  par  lequel  il  veut  isoler  l'Angleterre  dans  son 
île  et  tuer  son  commer>*e  en  lui  fermant  le  continent.  On  sait  quelles 
difficultés  inouïes  engendra  dans  son  application  celte  grandiose  utopie. 
Puur  forcer  les  Etals  à  respecter  le  blocus  il  fut  obligé  de  leur  faire  la 
guerre  et  d'occuper  souvent  une  portion  plus  ou  moins  étendue  de  leur 
territoire.  L'Angleterre  cependant  fut  atteinte  dans  son  industrie  et 
son  commerce  ;  mais  la  guerre  d'Espagne,  cette  faute  impardonnable 
(Ui  Napoléon  la  sauva.  Elle  reprit  la  lutte  avec  toute  la  vigueur  que  pou- 
vait lui  inspirer  l'espoir  du  succès. 

En  même  temps  (jue  sa  flotte  occupe  Flessinguect  tente  de  s'emparer 
d'Anvers  (1809),  ses  ai-mécs  débarquent  en  Portugal,  chassent  les 
Français  d'Espagne  et ,  franchissant  les  Pyrénées  et  la  Bidassoa , 
arrivent  jusqu'à  Bordeaux  et  Toulouse  pendant  que  d'autres  Anglais 
marclienl  avec  la  grande  armée  coalisée  du  Nord  ,  qui  en\  aliit  la 
France  par  la  vallée  de  l'Oise  (1814).  A  Paris  s'accomplit  la  dernière 
phase  de  cette  lutte  iuexjiiable  :  l<,'s  Anglais  occupent  avec  les  Prus- 
siens, les  Russes  et  les  Autrichiens  la  capitale  de  la  Fi'ance.  rétai)lissent 
Louis  XVIII  sur  le  trône  et  envoient  Napoléon  à  l'île  d'Elbe.  Kn  vain 


—  25!  I  — 

Napoléon  cherche  à  ressaisir  le  pouvoir  peii(hint  les  Cent  Jours  ;  dans 
la  campagne  de  Belgique  il  combat  les  Prussiens  et  les  Anglais  qui 
l'écrasent  à  Waterloo  (1815), 

Déjà  les  souverains  coalisés  réunis  au  Congres  de  A'ienne  avaient 
réglé  la  situation  nouvelle  de  la  France  et  de  l'Europe.  Tandis  que  la 
Prusse  et  l'Autriche  sont  reconstituées,  que  la  Russie  garde  toutes  ses 
conquêtes,  l'Angleterre,  malgré  l'énormité  de  sa  dette,  devient  après 
vingt-deux  ans  de  lutte  la  première  puissance  maritime  et  coloniale. 
Elle  garde  Malte,  affermit  sa  domination  dans  l'Inde,  conserve  le  Gap 
et  enlève  à  la  France  l'île  de  France  et  plusieurs  Antilles.  Le  but  pour- 
suivi depuis  1793  est  atteint  et  l'Angleterre  n'aura  plus  désormais 
qu'une  préoccupation,  celle  de  conserver  sa  suprématie  maritime  et  de 
développer  son  empire  colonial  en  jalonnant  de  ses  possessions  la 
route  des  Indes. 

Ainsi,  jusqu'en  1815,  la  France  et  l'Angleterre  ont  été  engagées  dans 
une  rivalité  incessante,  que  suffit  à  expliquer  la  plupart  du  temps  la 
diversité  et  même  l'opposition  de  leurs  intérêts.  En  Europe,  l'Angle- 
terre, après  avoir  jadis  cherché  à  plusieurs  reprises  à  faire  de  la 
France  une  province  anglaise,  s'est  bornée  à  poursuivre  son  affaiblis- 
sement ;  hors  d'Europe,  elle  a  réussi  à  constituer  un  empire  colonial 
déjà  vaste  et  qu'elle  s'est  encore  efforcée  d'accroître  de  nos  jours  au 
moment  des  partages  de  l'Asie  et  de  l'Afrique  par  les  Etals  européens. 
C'est  surtout  dans  cette  période  contemporaine  que  l'antagonisme  entre 
les  deux  nations  n'a  cessé  de  s'affirmer  et  de  grandir  :  partout  oîi  la 
France  a  cherché  à  se  fixer  elle  a  rencontré  l'opposition  britannique, 
dont  la  violence  abusive  a  imprimé  une  tension  souvent  bien  dange- 
reuse aux  rapports  entre  les  deux  puissances.  La  France,  il  faut  bien 
le  reconnaître,  s'est  trop  souvent  dérobée  ou  laissée  jouer,  et,  dans  les 
traités  déjà  si  nombreux  fixant  les  bornes  des  deux  influences  rivales 
en  Afrique  ou  en  Asie,  les  Anglais  n'ont  guère  fait  d'autres  concessions 
à  la  France  que  celles  qui  coûtaient  peu  à  leur  orgueil  on  à  leurs 
intérêts.  C'est  ce  qu'à  notre  avis  l'on  n'a  pas  toujours  assez  clairement 
compris  en  France. 

E.    GUILLOT. 

(  A  suivre  ). 


—  260  — 


LE  COMJliÉS  AliCHÉOLOGIQUE  DE  ilACllN 


14  au  22  Juin  1899. 


Par    L.    QUARRE-REYROURBON, 

Officier  de  l'Instruction  pujjlique , 

Secrétaire  -  Général   adjoint   de   la    Société    de   Géographie    de    LiUe , 

Membre  et  lauréat  de  la  Société  française  d'Archéologie,  etc. 


En  me  rendant  au  06''.  Congrès  de  la  Société  d'Archéologie,  à  Mâcon,  je  faisais 
«  d'une  pierre  deux. ...  et  même  plusieurs  coups  ».  Je  remplissais  d'abord  le  très 
honorable  mandat  que  m'avaient  confié  trois  de  nos  Sociétés  lilloises  (1),  en  me  choi- 
sissant pour  leur  représentant  à  ce  Congrès.  Et  puis  j'avais  lu  désir  de  présenter 
l'expression  de  ma  vive  gratitude  à  la  Société  d'Archéologie  qui,  l'année  dernière, 
au  Congrès  de  Bourges,  m'avait  décerné  une  médaille  de  vermeil. 

Je  quittai  Lille  l'avant-veille  du  Congrès  et  je  pus  ainsi  visiter  les  deux  salons 
de  Paris  et  même  assister  au  Grand-Prix.  A  Mâcon,  une  chambre  m'attendait  à 
l'Hôtel  de  France  et  des  Étrangers,  tenu  par  M.  Dupanloup,  petit-neveu  du  célèbre 
évèque  d'Orléans. 

Comme  hôtels  et  comme  distractions,  Mâcon  est  loin  d'offrir  les  mêmes 
ressources  que  Bourges,  cependant  nous  n'avons  pas  eu  à  nous  plaindre  de  notre 
réception  qui  fut  vraiment  cordiale. 

Mâcon  avait  été  choisi  comme  siège  du  Congrès,  tant  à  cause  de  ses  ressources 
et  des  dittërentes  lignes  de  chemin  de  fer  qui  facilitent  les  excursions,  que  du 
concours  précieux  promis  par  l'Académie  de  Mâcon,  une  des  Sociétés  provinciales 
les  plus  sérieuses,  et  nous  pourrions  ajouter  des  mieux  logées,  car  elle  vient 
d'acquérir  l'hôtel  de  Senecé,  une  des  belles  demeures  aristocratiques  de  la  ville. 

Les  membres  du  Congrès  furent  reçus  de  la  manière  la  plus  gracieuse  par  le 
Bureau,  composé  de  MM.  Arcelin,  Pellorce,  Duréault.  Fr.  Lacroix.  Reyssié,  Lcx, 
archiviste  de  Saônc-et-Loire,  ami  de  M.  Finot,  le  sympathique  archiviste  du 
Nord,  etc.,  etc. 

L'administration  municipale  avait  bien  voulu  mettre  à  la  disposition  des 
Congressistes,  pour  les  séances  et  le  banquet,  les  grands  salons  de  l'Hôtel  de  Ville, 
très  bel  édifice  du  X\'III"  siècle  qui  fut  la  propriété  de  la  famille  de  l;i  Beaume  de 
Montn-val. 


(1)  .Société  de  Géogrophie  ;   Société   des   Sciences  et  la  Commission   Historique  du  département  du 
Nord. 


-.  261  - 

Après  avoir  fraternisé  avec  les  Congressistes,  logés  dans  les  divers  liôtels  de  la 
ville,  nous  allons  retirer  nos  cartes  et  instructions  au  siège  du  Congrès,  hôtel 
Senecé,  et  nous  nous  munissons  du  Guide  archéologique,  rédigé  par  M.  Lex.  Est-il 
besoin  de  dire  que  je  me  permettrai  de  profiter  largement  de  ce  guide  si  expert 
pour  écrire  les  pages  qui  suivent.  L'ordre  chronologique  s'impose,  mais  aupara- 
vant je  voudrais  donner  un  court  aperçu  sur  le  département  de  Saône-et-Loirc  et 
la  ville  de  Màcon. 

Le  département  de  Saô.ne-et-Loire  ,  doit  son  nom  à  deux  grands  cours 
■d'eau  qui  arrosent  son  territoire,  et  vont  se  déverser,  en  deux  directions  opposées, 
dans  deux  mers  différentes  :  le  premier,  la  Saône,  court  vers  le  Sud  pour  gagner 
le  Rhône  et,  par  le  Rhône,  la  mer  Méditerranée  ;  l'autre,  la  Loire,  s'en  va,  vers  le 
Tsord-Ouest,  se  perdre  dans  l'Océan  Atlantique. 

Ce  département  a  été  formé,  en  1790,  de  cinq  territoires  qui  appartenaient  à  la 
province  de  Bourgogne  et  s'appelaient  VAutotiois  ;  le  Brionnais ;  le  Charolais ;  le 
Maçonnais. 

L'Autonois  occupait,  autour  d'Autun,  le  Nord-Ouest  du  département  ;  le  Brion- 
nais, le  Sud-Ouest,  autour  de  Ghâlon,  le  Nord-Est  ;  le  Charolais,  autour  de 
Gharoles  et  le  Maçonnais,  autour  de  Màcon,  comprenaient  le  Sud-Rst  et  une  partie 
■du  Centre  (1). 

Magon,  malgré  son  antiquité  qu'attestent  en  plusieurs  endroits  les  restes  romains 
et  ses  remparts,  n'offre  plus  aujourd'hui  qu'un  petit  nombre  de  monuments  au 
visiteur. 

L'aspect  de  Màcon,  bâti  sur  le  flanc  d'une  colline  qui  s'étend  de  la  voie  ferrée  à 
la  Saône,  est  des  plus  pittoresques,  et  le  soir,  le  long  de  la  rivière  autrefois  si 
animée  par  le  mouvement  de  la  navigation,  on  voit  la  population  se  répandre  sous 
d'élégantes  tonnelles,  placées  on  face  des  cafés,  depuis  le  square  où  s'élève  la 
statue  de  Lamartine,  jusqu'au  pont  qui  conduit  à  Saint- Laurent  d'Ain. 


Mercredi  14  Juin.  —  2  heures.  Séance  d'ouverture  dans  la  salle  des  fêtes 

de  l'Hôtel  de  Ville  de  Mâcon.  —  4  heures.   Visite  des  monuments 

de  Màcon.  —  8  heures  il2.  Séance  à  l  Hôtel  de  Ville. 

A  2  heures,  dans  la  salle  des  fêtes  de  l'Hôtel  de  Ville,  s'ouvre  le  60"  Congrès  de 
ia  Société  française  d'Archéologie. 

L'assistance  est  nombreuse  et  particulièrement  brillante.  Un  grand  nombre  de 
personnalités  du  monde  savant,  et  aussi  beaucoup  de  dames,  assistent  à  la  séance. 

Le  bureau  est  présidé  par  M.  le  comte  de  Marsy,  directeur  de  la  Société  fran- 
■çaise  d'Archéologie,  ayant  à  ses  côtés  MM.  Buchalct,  maire  de  Màcon  ;  de  Ville- 
fosse,  délégué  du  Ministère  de  l'Instruction  publique  ;  le  comte  de  Ghellinch,  de 
l'Académie  royale  de  Belgique  ;  Vingtrier,  bibliothécaire  de  la  ville  de  Lyon, 
octogénaire  ;  Arcelin,  président  de  l'Académie  de  Mâcon,  etc.,  etc. 

M.  le  comte  de  Marsy  ouvre  la  séance  par  des  remerciements  à  l'Académie  et  à 
la  Municipalité  de  Màcon.  M.  Buchalet,  maire  de  Màcon,  souhaite  la  bienvenue 
aux  membres  du  Congrès,  au  délégué  du  Ministère  des  Beaux-Arts,  à  l'Académie 


(1    Adolphe  Jovnnk.  Gé.>graphic  de  .Saùne-et-I.oire,  in-12.  Paris,  Hachette,  1899,  page  3. 

18 


—  262  — 

de  Màcon  et  espère  que  tous  emporteront  un  bon  souvenir  de  sa  vieille  et  hospita- 
lière cité.  M.  Arcelin,  Président  de  l'Académie  de  Mâcon,  fait  l'historiqne  des 
travaux  de  cette  Académie.  M.  de  Villefosse  affirme  l'intérêt  que  porte  le  Ministre 
de  l'Instruction  publique  aux  Sociétés  savantes  et  loue  l'œuvre  de  M.  Bulliot, 
d'Autun. 

Puis  M.  Duréault,  Secrétaire  perpétuel,  convie  les  personnes  présentes  à  prendre 
un  vin  d'honneur  dans  les  salons  de  l'Académie. 

L'assemblée  se  rend  à  l'hôtel  Senecé  oii  les  vins  blancs  généreux  de  Pouilly 
coulent  dorés  et  capiteux  à  côté  des  produits  de  la  Champagne. 

Dans  une  délicate  improvisation,  M.  Duréault  offre  le  vin  de  bienvenue  qur 
peut-être,  dit-il,  conserve  en  soi  le  goût  de  cette  pierre  de  feu,  de  ce  silex  qui  fut 
sa  nourriture. 

L'hôtel  Senecé,  ancien  hôtel  de  Marnay,  siège  de  l'Académie,  est  un  édifice  du- 
commencement  du  XVIIl'  siècle,  acheté  grâce  à  un  don  d'argent  fait  à  cette  Société 
par  un  de  ses  membres. 

L'immeuble  a  conservé  une  partie  de  son  mobilier  décuralif  consistant  en  magni- 
fiques garnitures  de  cheminée  Louis  XV  et  fauteuils  de  la  même  époque.  Pour  son 
usage,  l'Académie  a  complété  ce  mobilier  par  l'adjonction  de  chaises  bien 
modestes,  il  est  vrai,  mais  qui  proviennent  du  château  de  Saint-Point,  domaine  de- 
M.  de  Lamartine. 

Sous  la  direction  de  M.  Lex  et  de  quelques  autres  membres  de  l'Académie,  les 
Congressistes  commencent  gaîment  la  visite  des  monuments  de  la  ville,  parle  plus- 
ancien  et  le  plus  important. 

Le  viELX  Saint-Vincent.  —  On  a  commencé  à  démolir  l'ancienne  église-cathé- 
drale de  Saint-Vincent  en  1799.  et  il  n'en  est  resté  que  le  porche,  les  deux  tours 
avec  la  travée  qui  les  réunit,  et  l'amorce  des  murs  de  la  nef.  La  porte  d'entrée  et 
l'arcade  qui  donnait  accès  dans  la  nef  ont  été  murées  en  1853,  en  même  temps- 
qu'on  restaurait  le  portail  et  qu'on  réédifiait  l'arcature  romane  sous  laquelle  il  faut 
passer  pour  pénétrer  actuellement  dans  l'église. 

La  nef  et  l'abside,  qui  ont  disparu,  dataient  des  Xlll''  et  XIV*^  siècles. 

Les  tours,  carrées  à  la  base,  puis  octogonales  (Xl%  Xll"  et  XIIP-XIV"^  siècles)^ 
ont  perdu,  l'une  son  dôme,  l'autre  la  pointe  de  sa  flèche.  Au  milieu  du  XIP  siècle^ 
on  a  appliqué  devant  elles  un  porche  ouvert  dont  la  porte,  évidemment  rorûancr 
a  été  refaite  au  XV«  siècle. 

La  baie  qui  fait  communiquer  le  porche  avec  la  travée  comprise  entre  les  deux 
tours,  est  surmontée  d'un  tympan  sculpté,  oii  l'on  voit  encore,  malgré  les  mutila- 
tions :  dans  une  première  zone,  le  paradis  à  droite  et  l'enfer  à  gauche  ;  dans  une 
deuxième  zone,  la  Résurrection  ;  dans  une  troisième  zone,  les  prophètes  grands  et 
petits;  dans  une  quatrième  zone,  le  Christ  de  gloire,  entouré  de  la  Vierge,  des 
apôtres  et  d'anges;  dans  une  cinquième  et  dernière  zone,  des  séraphins  et  des 
chérubins. 

Les  chapiteaux,  sur  lesquels  repose  le  tympan,  sont  décorés  do  sujets  pour 
lesquels  on  a  proposé  l'explication  suivante  :  à  droite,  le  démon,  du  côté  du  porche,, 
c'est-à-dire  hors  de  l'église,  essaie  d'y  pénétrer,  et  l'ange,  armé  du  bouclier  et  de- 
l'épée,  du  côté  do^l'entrée,  lui  barre  le  passage  ;  à  gauche,  la  scène  de  la  Tentation 
sur  la  montagne,  en  tous  cas  Satan  d'une  part  et  Jésus  de  l'autre. 

Dans  la  travée  qui  règne  entre  les  tours,  il  y  a  des  peintures  murales  qui 
remontent  à  l'époque  môme  de  la  construction  des  bases  de  ces  tours,  c'est-à-dire 
à  la  fin  du  XI"  siècle  ou  au  commencement  du  XII%  et  qui  représentent  deux 
scènes  de  la  Résurrection  :  d'une  part  ceux  qui  ressuscitent  à  la  béatitude  et  qui 


LE    VIEUX   SAINT-VIXCENT  A    MACOX. 


^  2&3  - 

entrent  dans  le  jai-din  de  délices;  :  d'autre  part,  ceux  qui  ressuscitent  à  la  dam- 
nation et  qui  sont  précipités  dans  les  flammes  de  l'enfer. 

Les  autres  églises  sont  : 

Nouveau  Saint-Vincent.  —  Kglise  style  grec,  construite  de  1810  à  1810,  sur 
l'ordre  de  Napoléon  1"  pour  remplacer  la  cathédrale  démolie.  C'est  un  édifice  très 
bien  tenu. 

Saint-Pierre.  —  Belle  construction  de  style  roniau,  éditiée  de  1859  à  1864,  en 
souvenir  de  la  plus  ancienne  église  qui  fut  consacrée  au  culte  chrétien  à  Mâcon, 
sous  le  vocable  de  Saint-Pierre  et  Saint-Paul,  après  le  passage  de  saint  Bénigntf, 
apôtre  de  la  Bourgogne,  et  de  ses  deux  disciples,  Andoche  et  Thyrse,  vers  Tan  172. 

Nous  empruntons  aux  Notes  archéologiques  de  M.  le  chanoine  Jouve,  membre 
de  l'Institut  des  provinces,  la  description  suivante  :  «  Elle  appartient  au  style 
roman  de  la  troisième  et  dernière  période.  C'est  une  vaste  basilique  à  trois  nefs, 
avec  transept  et  galeries  qui  doit  avoir  près  île  300  pieds  de  longueur.  Le  portail 
remarquable  par  son  ampleur  et  son  caractère  hiératique  bien  prononcé,  rappelle 

celui    de   Notre-Dame  la  Grande    de    Poitiers Ce  monument  hors  ligne,  au 

moins  en  France,  parmi  les  analogues  de  construction  récente,  fait  le  plus  grand 
honneur  à  la  cité  qui  en  a  pris  la  glorieuse  initiative,  et  à  l'architecte,  M.  Berthier, 
qui  en  a  tracé  le  plan  correct  et  harmonieux  »  (1). 

Dans  cette  église  se  trouve  le  tombeau  des  Bauderon  de  Senecé  (1649),  qui  était 
autrefois  dans  l'église  des  Célestins. 

Saint-Clément.  —  Paroisse  rurale  (XV«  et  XVl''  siècles). 

Les  autres  monuments  de  Màcon  sont  : 

HoTEL  DE  \'iLLE.  —  Ancien  hôtel  de  Montreval ,  importante  construction  du 
XVIll'"  siècle,  contenant  de  beaux  salons  Louis  XV  et  Louis  XVl,  parfaitement 
entretenus. 

La  Préfecture.  —  Ancien  évêché,  bâtiments  de  diverses  époques  avec  jardin 
accidenté. 

Hospice  civil.  —  Edifice  important  construit  eu  1770,  possédant  une  chapelle 
en  forme  de  dôme  au  centre  des  salles  des  malades,  afin  qu'ils  puissent  assister  à 
la  messe  sans  quitter  leurs  lits.  Depuis  la  laïcisation  de  l'hôpital,  on  a  fait  une 
petite  chapelle  dans  une  salle.  L'autel  du  dôme  est  resté  sans  emploi.  La  phar- 
macie est  très  curieuse,  les  boiseries  style  Louis  XVI  sont  bien  sculptées.  Les  pots 
et  plats  servant  à  contenir  les  remèdes,  sont  d'intéressants  spécimens  de  faïences  : 
de  Rouen,  de  Nevers,  de  Marseille  et  surtout  de  Roanne. 

Hospice  de  la  Charité.  —  Bâti  sur  les  plans  de  l'architecte  Soufflet,  possède 
une  chapelle  ovale,  trois  étages  très  intéressants  à  cause  de  ses  voijtes  de  formes 
variées. 

Statue  de  Lamartine.  —  Sur  le  quai  des  bords  de  la  Saône,  au  milieu  d'une 
promenade  bien  ombragée,  se  trouve  une  belle  statue  en  bronze  du  poète  do 
Lamartine,   œuvre   de  Falquière,    inaugurée  en   1890.    Le  port  jeté  sur  la  rivière 


(1)  Notice  historique  sur  la  paroisse  et  l'église  de   Saint-Piorre   de   MàcdD,   par  M.  Tabbo  B.  Uamcau. 
Mâcon,  1892,  48  p.  in-18,  fig. 


—  264  — 

mène  au  département  dv  l'Ain.  D'après  la  légende,  le  jpont  actuel  aurait  remplacé 
un  pont  romain  (1). 

La.  Maison  de  Bois.  —  Cette  maison,  qui  date  de  la  fin  du  XV*^  siècle  ou  du 
commencement  du  XVI'',  n"a  pas  d'histoire.  11  faut  se  contenter  d'admirer  le  pre- 
mier étage  décoré  de  colonnettes,  dont  les  fûts,  reliés  par  des  bandeaux  sur 
lesquels  courent  de  vigoureux  enroulements  de  branches  et  de  feuillages,  sont  en 
outre  décorés  avec  une  merveilleuse  richesse  d'imagination  et  une  habileté  de 
main  accomplie.  Les  chapiteaux  de  ces  colonnettes  supportent  une  chaine  de  per- 
sonnages, d'animaux  et  de  monstres  plus  ou  moins  spirituels  et  plus  ou  moins 
indécents.  A  l'intérieur,  les  maîtresses  poutres  du  plafond  du  premier  étage  portent 
des  corbeaux  à  personnages  (2). 

Nous  avons  remarqué  aussi  un  débris  de  maison  romane  (1,  rue  du  Pavillon), 
deux  façades  gothiques  (11,  rue  Rochette,  et  26,  rue  des  Ursulines),  plusieurs 
maisons  du  XV**  siècle,  fenêtre  Renaissance  appliquée  sur  un  mur  (rue  St-Nizier), 
porte  de  la  fin  du  XVP  ou  commencement  du  XVIP  siècle  (rue  Senecé),  un  évêque, 
statue  gothique,  dans  une  niche  (6,  rue  Dombez),  les  ruines  des  murs  de  la  ville 
(rue  de  l'Arbalète),  les  ruines  d'une  tour  et  murs  de  la  ville  (cour  de  l'Évèque 
Morcour). 

A  8  heures  1/2  du  soir,  réunion  dans  la  salle  des  fêtes  de  l'Hôtel  de  Ville,  M.  le 
comte  de  Marsy,  indique  les  questions  qui  doivent  être  traitées  pendant  les 
diverses  séances  du  Congrès,  il  est  décidé  que  samedi  à  Solutré,  M.  Arcelin 
donnera  quelques  détails  sur  la  question  préhistorique  de  cette  localité  qu'il  connaît 
si  bien  et  que  M.  Ferdinand  Rey  présentera  vendredi  une  étude  sur  l'âge  de  bronze 
dans  le  département  de  Saône-et- Loire  et  des  départements  limitrophes. 


Jeudi  15  Juin.  —  7  heures  25  du  matin.  Départ  en  chemin  de  fer  pour  Cluny, 
arrivée  à  8  heures  40.  Visite  de  la  ville.  —  Midi.  Déjeuner.  —  2  h.  31. 
Départ  en  chemin  de  fer  pour  Paray-le-Monial.  Visite  de  la  basilique,  etc., 
etc.  —  6  }ieures  l.'i.  Départ  pour  Màcon,  arrivée  à  9  heures  21. 

La  journée  est  bien  chargée,  elle  comprend  la  visite  des  deux  villes  les  plus 
intéressantes  de  la  contrée,  Cluny  et  Paray-le-Monial. 

A  leur  arrivée  à  Cluny,  les  Congressistes  ayant  à  leur  tète  MM.  Lex  et  Ricard, 
directeur  de  l'école  établie  dans  l'ancienne  abbaye,  visitent  l'Hopiial. 

Cet  HÔPITAL  renferme  dans  sa  chapelle  divers  fragments  d'un  mausolée  que  le 
cardinal  de  Bouillon,  abbé  de  Cluny  (3)  avait  projeté  d'élever  en  l'église  abbatiale 
à  la  mémoire  de  Frédérice-^Iaurice  de  la  Tour  d'Auvergne,  duc  de  Bouillon,  et 
d'Eléonore  de  Bergh,  ses  père  et  mère.  Ces  fragments  sont  :  la  statue  du  duc  et 
celle  de  la  duchesse  dans  une  attitude  qui  rappelle  la  conversion  au  catholicisme 
obtenue  du  mari  par  sa  femme,  un  ange  et  un  bas-relief  représentant  le  combat  de 
La  Marfée,  en  marbre  blanc  ;  le  sarcophage  (autel),  en  marbres  blancs  veinés  de 
gris  et  de  jaune.  Les  statues  et  le  bas-relief,  qui  sont  des  œuvres  d'art  tout  à  fait 


(l;  J.-.\I.  Glerbier.  Notes  historiques  sur  le  vieux  Mêcoii.  Màcon,  18iH3,  83  p.  iii-S",  Ûg. 
'2)  L.  Lex.  La  Maison  de  bois,  Paris,  1893,  8  pages  in-S",  flg. 

.'))  Keyssié  (Félix  .  Le  cardinal  do  Bouillon   1(>13-1"1.");.  Paris.  Hachette,  189'.t,'248  p.  in-S"  (Extrait  des 
Annales  de  l'Acudémie  de  Màcoii/.  Ouvrage  couronné  par  l'Académie  française. 


-^  265  — 

remarquables,  ont  été  attribués  à  Puget,  à  Couslou  et  à  Coysovox,  mais  on  sait 
depuis  peu  qu'un  artiste  français,  fixé  à  Rome,  Pierre  II  Legros  en  a  reçu  la 
commande  en  1698,  Tachèvement  de  ce  mausolée  a  été  interdit  par  arrêt  du  Parle- 
ment en  1711.  —  Dans  la  même  chapelle,  on  conserve  le  bâton  d'une  crosse  dite 
«  de  saint  Hugues  »,  abbé  de  Gluny  (1049-1109),  et  un  tableau  de  l'Ecole  flamande 
(sainte  Véronique). 

Abbaye  de  Gluny.  —  Fondée  au  commencement  du  X*^  siècle,  cette  abbaye 
occupe  en  quelque  sorte  la  ville  tout  entière  et  bien  qu'en  partie  dévastée,  elle 
off're  encore  aujourd'hui  un  intérêt  tout  particulier. 

Des  bâtiments  de  l'ancienne  Abbaye  on  a  conservé  :  la  porte  d'entrée,  composée 
de  deux  baies  en  plein  cintre  (XI"  siècle)  ;  le  palais  abbatial,  ou  plutôt  les  deux 
palais  abbatiaux,  édifiés,  l'un  (Musée)  par  Jean  de  Bourbon  (1456-1485),  l'autre 
(Hôtel  de  Ville)  par  Jacques  d'Amboise  (1485-1510),  l'architecture  de  ce  palais  rap- 
pelle celles  de  l'hôtel  de  Gluny  à  Paris  et  du  château  de  Meillant  près  Bourges, 
bâtis  par  le  même  ;  la  construction  entièrement  remaniée  (Halle  et  Théâtre)  dite 
«  des  écuries  de  saint  Hugues  »  (XI1<=  siècle)  ;  la  belle  «  façade  du  pape  Gelatta  », 
qui  est  gothique  (XIIP  et  XIV"  siècles),  complètement  restaurée  en  1873  par  les 
soins  de  M.  VioIIet-le-Duc  ;  le  cellier  et  le  farinier  (XlIP  siècle);  deux  tours 
carrées,  celle  «  du  Moulin  »  et  celle  des  «  Fromages  »  ;  et  deux  tours  rondes,  celle 
dite  «  de  l'Observatoire  »  et  celle  dite  de  «  Fabri  »  élevée  par  l'abbé  de  ce  nom 
(1347-1351).  Mais  de  l'église  immense  (172  mètres  de  longueur  totale,  donc  le  plus 
grand  édifice  religieux  de  la  chrétienté  avant  la  construction  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  qui  compte  183  mètres),  magnifique  (cinq  nefs,  deux  transepts,  cinq  clo- 
chers), il  ne  reste  que  le  bras  méridional  du  grand  transept  (33  mètres  de  hauteur 
sous  voûte)  ;  le  clocher  de  l'Eau  bénite,  celui  de  l'Horloge,  la  chapelle  St-Étienne 
(XP  et  XIP  siècles)  &t  la  chapelle  de  Bourbon,  bâtie  par  l'abbé  de  ce  nom  (1456- 
1465),  qui,  de  la  petite  salle  voisine,  assistait  aux  offices  célébrés  pour  lui  spécia- 
lement. Les  supports  des  niches  de  cette  chapelle  rappellent  les  personnages  du 
Puits  de  Moïse,  à  Dijon.  Les  voûtes  aux  armes  de  France  sont  bien  conservées. 

Les  bâtiments  de  l'Abbaye  reconstruits  en  majeure  partie  en  1750,  sont  remar- 
quables parleur  immense  étendue  et  parleur  architecture  simple  et  noble.  Devenus 
propriétés  de  l'État,  ils  renferment  aujourd'hui  VÉcole  pratique  d'ouvriers  et  de 
contremaîtres. 

Dans  une  des  galeries  de  ce  vaste  édifice  se  trouve  le  plan  en  relief  de  l'Abbaye. 

Une  autre  partie  de  l'Abbaye  est  occupée  par  le  dépôt  d'étalons. 

L'Église  Notre-Dame  est  un  édifice  à  trois  nefs  reconstruit  dans  la  seconde 
moitié  du  XIII"  siècle.  Le  porche  qui  précédait  la  façade  a  été  démoli  en  1786. 
Vis-à-vis  de  cette  église  se  trouve  une  pyramide-fontaine  du  XVIIP  siècle. 

L'Église  Saint-Marcel  n'est  remarquable  que  par  son  clocher  et  son  abside 
(1159),  et  par  son  grand  bénitier,  qui  est  un  ancien  baptistère  (XIIP  siècle)  venant 
de  l'Abbaye. 

L'Église  Saint-Mayeul  a  été  démolie  en  179S.  De  la  nef  du  X^'  siècle  et  d"une 
des  chapelles  du  XV%  il  est  resté  des  débris  que  les  Bénédictins  de  l'ordre  de 
Gluny  viennent  de  réparer  et  d'entourer  d'un  cloître. 

Les  Maisons  romanes  (XII"  et  XIII"  siècles)  de  la  place  Notre-Dame,  de  la  rue 
de  la  République,  de  la  rue  d'Avril,  de  la  rue  Neuve,  de  la  rue  du  Merle  et  de  la 
rue  Dauphine,  sont  une  des  curiosités  archéologiques  de  Gluny  les  plus  connues. 


—  266  - 

Le.<  Portes  de  rcnccinte  qui  sont  encore  debout,  sont  colles  de  St-Mayeul  et  de 
Ste-Odile. 

Sur  une  maison  rue  St-Marcel  se  trouve  riiiscription  :  «  4  avril  17.>^.  Proudhon, 
peintre,  est  né  ». 

La  Bibliothèque  compte  r).000  volumes  ;  elle  a  perdu  prescjue  tout  son  iniérèt 
depuis  qu'elle  a  cédé  ses  précieux  manuscrits  à  la  Bibliothèque  nationale  (1881). 

Le  Musée  Ochier,  dans  le  palais  de  Jean  de  Bourbon,  mérite  d'être  visité.  Au 
rez-de-chaussée,  on  conserve  :  des  débris  de  l'église  abbatiale  ;  la  tombe  de  l'abbé 
Aimard  (X*"  siècle)  ;  celle  de  saint  Hugues,  richement  décorée  (XII*"  siècle)  ;  onze 
orands  chapiteaux  à  feuillages,  à  fleurs  et  à  personnages,  d'une  valeur  considérable 
fXI''  et  Xll"  siècles)  ;  des  fragments  du  mausolée  du  duc  de  Bouillon  (tour,  chapi- 
teaux, etc.)  ;  des  restes  de  maisons  romanes,  aujourd'hui  démolies,  etc.  —  Au 
premier  étage,  il  y  a  une  belle  cheminée  ancienne,  divers  objets  de  l'époque 
Gallo-Roniaine  et  du  Moyen-Age,  un  embrs'on  de  niédaillier,  quelques  tableaux  et 
dessins  de  Prudhon,  qui  est  né  à  Cluny,  les  gravures  de  son  œuvre,  etc.  (1). 

Après  un  déjeuner  bien  gagné,  servi  avec  soin  à  l'Hôtel  de  Bourgogne  et  auquel 
veulent  bien  prendre  part  M.  Ricard,  directeur  de  l'école  des  ouvriers  et  M.  de 
Quinemont,  directeur  des  haras,  les  Congressistes  regagnent  la  gare  et  montent 
dans  les  wagons,  hélas  surchauffés,  qui  vont  les  conduire  en  près  de  deux  heures 
à  Paray-le-?^Ionial,  en  traversant  de  petites  vallées  couvertes  de  vignes  et  de  prai- 
ries où  les  beaux  bœufs  blancs  du  Gharolais  paissent  nonchalamment. 

Après  de  nombreux  arrêts,  nous  arrivons  à  l'un  des  grands  sanctuaires  de 
France.  ]Mais  il  faut  bien  l'avouer,  ce  n'est  pas  la  petite  chapelle  de  la  Visitation 
oii  se  conserve  le  souvenir  de  Marie  Alacoque  qui  est  le  but  principal  do  notre 
course,  malgré  les  pieux  souvenirs  qui  s'y  rattachent  et  qui  attirent  une  foule  telle 
qu'il  est  souvent  presque  impossible  d'y  pénétrer  ;  nous  venons  chercher  à  Paray- 
le-Monial,  comme  à  Toumus,  l'église  qui  fait  défaut  à  Cluny.  Elle  n'a  pas  les 
mêmes  proportions  grandioses,  mais  son  style  est  analogue,  et  du  reste  Paray  fut 
long-temps  un  prieuré  de  Cluny. 

Il  m'a  été  donné  de  faire  deux  fois,  avant  cette  visite,  le  pèlerinage  de  Paray- 
le-Monial. 

Les  Congressistes  arrivent  à  4  h.  45  et  devaient  repartir  à  G  h.  13.  Le  temps  était 
bien  court  pour  visiter  les  monuments  et  musées  de  cette  curieuse  cité. 

Paray -le -M  on  i  al  est  une  ville  bien  coquette,  peuplée  de  4.08(S  liabitants  (2). 

La  ville  était  en  fête  et  encombrée  de  pèlerins,  on  venait  d'y  faire  une  procession 
en  l'honneur  du  Sacré-Cœur.  Des  centaines  de  jeunes  filles  vêtues  de  blanc, 
venues  de  tous  les  environs  et  même  de  Màcon,  circulaient  dans  les  rues.  Nous 
eûmes  l'honneur  de  saluer  le  cardinal  Perraud,  évoque  d'Autun,  (pii  avait  présidé 
la  cérémonie. 

Lv  B.\siLiQUE  DU  Sacré-Cœur  est  l'ancienne  église  du  prieuré  de  l'ordre  de 
Cluny,  placée  autrefois  sous  le  vocable  de  Notre-Dame.    Ses  différentes  parties 


!1    A.  l'KNjoN.  Cluny,  la  ville  et  l'abbaye,  avec  28  des.sins   à   la  plume  de  P.  Lcgraiid.  Cluny.  1SS4, 
no  pages  I11-8,  plan,  flg. 

—  Cluny,  Notice   sur  la   ville  et   l'abbaye,  avec   15  dessins   à  la  plume  par  P.  Legrand.  Cluny,  1884 
20  p.  in-»»,  fig. 

—  Cluny,  ville,  abbaye  et  environs.  24  vues  avec  e.xplication.  Cluny,  oblong. 

(2,  ADoLfHB  JoA.NNE.  Géographie  do  SaûLC-et-Loire.  Paris,  Hachette,  1890,  in-12,  page  01. 


-datent  dibcommenccmenl  du  XP  siècle  (narthex,  façade  et  clocher  du  Sud),  de  la 
fin  du  XI''  siècle  (clocher  du  Nord)  et  du  milieu  du  XII*  (nef,  bas  côtés,  transept, 
chœur  et  abside)  ;  rélégante  chapelle  des  Damas  de  Digoine,  dans  le  bras  méri- 
dional du  transept,  a  éié  construite  vers  liTO.  Cet  édifice,  un  des  plus  curieux  de 
la  région,  a  été  l'objet  de  très  importantes  réparations,  de  1857  à  1862,  sous  la 
•direction  de  M.  VioUet-le-Duc  ;  le  clocher  central,  notamment,  qui  s'élève  au-dessus 
de  la  croisée  du  transept,  a  été  entièrement  reconstruit  en  1860.  Dans  le  bras  sep- 
tentrional du  transept,  on  A^oit  un  bénitier  aux  armes  de  Jacques  d'Amboise,  abbé 
de  Glunv  (l'i8ô-1510),  qui  est  l'ancienne  vasque  du  jet  d'eau  du  cloître;  dans  l'une 
•des  chapelles  de  l'abside,  il  y  a  un  autel  en  pierre  de  l'époque  romane  (Xll" 
siècle)  (1). 

Les  bâtiments  du  Prieuré  ,  servant  actuellement  de  maison  des  Chapelains, 
presbytère  et  école,  remontent  partie  au  XV''  et  partie  au  XVIIP  siècle. 

La  Chapelle  publique  de  la  Visitation.  —  Cette  chapelle  est  moderne  ;  comme 
beaucoup  d'autres  édifices  atiectés  à  des  pèlerinages,  elle  est  ornée  avec  profusion 
d'ex-voto,  de  tous  genres  et  de  toutes  provenances.  Ce  qui  est  surtout  remarquable 
c'est  l'ef.^igie  renfermant  les  reliques  de  la  bienheureuse  Marguerite-Marie  Alacoque, 
statue  en  cire  représentant  la  bienheureuse,  couchée  en  costume  de  religieuse, 
couronnée,  portant  une  brandie  de  lis  en  la  main  gauche  et  un  cœur  enflammé  en 
la  main  droite.  Ce  sanctuaire,  admirablement  tenu  par  les  dames  de  la  Visitation, 
invite  véritablement  à  la  prière  et  au  recueillement.  Au  moment  de  notre  visite, 
M.  Gillot,  premier  chapelain  de  la  basilique,  faisait  le  panégyrique  de  la  Bienheu- 
reuse devant  un  nombreux  auditoire  (2). 

Le  couvent  de  la  Visitation  se  trouve  près  de  la  chapelle.  De  I'Eglise  St-Nicolas 
servant  à  la  justice  de  paix,  il  ne  reste  guère  autre  chose  qu'un  clocher  carré, 
surmonté  d'un  dôme  (milieu  du  XVP  siècle). 

L'HoTEL  DE  Ville  est  installé  dans  une  maison  bâtie,  de  152r)  à  1028,  par  un 
riche  fabricant  de  serge,  Pierre  Jayet  ;  sa  façade  est  décorée  de  fins  médaillons  et 
•d'élégantes  sculptures. 

Cet  édifice  renferme  un  Musée  local  de  création  récente. 

Paray-le-Monial  possède  un  Hôpital  important,  monument  moderne  d'une  belle 
■et  sévère  architecture.  —  Plusieurs  maisons  particulières  possèdent  des  tourelles. 

Musée  eucharistique  ,  connu  sous  la  désignation  grecque  de  «  Hiéron  »,  ren- 
ferme une  collection  unique  au  monde  d'objets  liturgiques  anciens  et  intéressants 
se  rapportant  à  l'Eucharistie.  Fondé  par  le  R.  P.  Victor  Proven,  de  la  Compagnie 
Je  Jésus,  Cl'  musée  a   été  cnnsidéî'ablement  augmenté  par  M.   le   baron   de   Sara- 


(l)  F.  CUGHKLAT.  Monographie  de   la   basilique  du   Sacré-Cœur  à   Paray-le-Xlonial.    Paray-le-XIoiiial, 
ilS79,  56  p.  in -8". 

{•2)  CucHERAT,  chanoine  honontire,  inimonier  rie  l'/iopUnl.  Premièros  origines  de  Paray-Io-Moniiil.    Paray- 
î&-Monial,  hS"!?,  -9  p.  in-8» 

—  Visitation  de  Paray-le-MoniaL  Description   et  histoire  de   la  chapelle  publique.    Paray-le-Monial, 
188-2,  15  p.  in-S". 

—  Le  guide  historique  et  archOologique  du  Poleria  à  Paray-le-Moiiial.  Paray-le-Monial,  188,">,  KJS  pages 
S»etil  in-18. 

Lb  Père  Henri  de  Rochemurr.  I.e  vénérable  Père  Claude  de  la   Colombière  de   la   Compagnie  do 
-Jésus,  apôlre  du  Sacré-Cœvir.  Paris.  1889,  72  pages  in-18. 


—  208  — 

chaga,  qui  veut  bien  nous  faire  les  honneurs  de  ce  bel  édifice,  presque  laonumcnt. 
bàti  exprès  pour  cet  usage  (I). 

L'heure  du  dép;irt  est  arrivée,  les  Congressistes  reprennent  le  chemin  de  fer  pour 
Màcon. 


Vendredi  16  Juin.  —  8  heures  1lj2  du  matin.  Séance  à  l'Hôtel  de  Ville.  —  A 
2  heures.  Visite  du  Musée  archéologique  et  de  peinture  ,  des  Archives  et  de 
la  Bibliothèque.  —  A  8  heures  ij2  du  soir.  Séance  à  l'Hôtel  de  Ville. 

A  8  lieures  1/2,  à  la  Séance  donnée  à  l'Hôtel  de  Ville,  M.  Loiseau,  conservateur" 
du  Musée  de  Bourg  (Ain),  a  fait  une  très  intéressante  communication  sur  un 
triptyque  que  possède  le  Musée  et  qui  sera  présenté  aux  Congressistes,  lors  de  la 
visite  de  lundi  19  courant  à  Bourg  ;  M.  Naël,  chef  du  bureau  des  monuments  his- 
toriques à  Courseaux-sous-Vevcy  (Suisse),  donne  lecture  d'une  étude  sur  les- 
richesses  archéologiques  de  la  Suisse  que  les  membres  du  Congrès,  dit-il,  en 
terminant,  voudront  bien  visiter  un  jour  ou  l'autre.  Plusieurs  autres  travaux 
instructifs  occupent  le  reste  de  la  séance. 

L'après-midi  fut  consacrée  à  la  visite  des  Musées,  des  Archives  dcpartemeqtales 
et  de  la  Bibliothèque  de  Màcon. 

Lr  Musée  archéologique  possède  une  collection  préhistorique  comprenant^ 
avec  les  doubles  en  réserve,  plus  de  10.000  pièces,  formée  des  collections  Arcelin 
(934  pièces)  et  Goussy  (222  pièces),  et  du  produit  de  fouilles  faites  à  Solutré  de 
1874  à  1891.  —  Collection  d'antiquités  :  armes  et  vases  en  bronze,  four  à  potier 
gallo-romain,  etc.  —  Collection  lapidaire  :  inscriptions  romaines  provenant  de 
Mâcon  et  des  environs,  mosaïques,  stèles,  autels,  sarcophages,  suite  de  sculptures 
de  l'époque  franque,  tombes  juives,  gisant  en  marbre  blanc  (XIV'' siècle),  débris  du 
vieux  Saint-Vincent,  etc.  —  3.000  monnaies,  jetons  et  médailles.  —  Galerie  locale  : 
vues  de  villes  et  de  monuments,  portraits  de  célébrités  de  la  région,  etc.  —  Col- 
lection Ronot  :  300  pièces  de  faïence  et  de  porcelaine. 

Les  Congressistes  charmés  ont  exprimé  hautement  leur  satisfaction  et  loué  la 
ville  de  Màcon  au  sujet  de  ses  richesses  archéologiques  et  artistiques. 

Les  Archives  départementales  contiennent  18  documents  originaux  antérieurs 
à  Tan  1000  (81U-939),  et  des  suites  importantes  de  chartes  des  XP,  XIP  et  XIII* 
siècles,  de  cartulaires  et  de  manuscrits,  de  sceaux  intéressants,  parmi  lesquels  un 
des  plus  beaux  qu'on  ait  de  Charles-le-Chauve  (847),  un  autre  de  Boson,  roi  de 
Provence  (,879),  etc. 

La  Bibliothèque  municipale  contient  20.CKX)  volumes ,  dont  IfX)  manuscrits , 
parmi  lesquels  une  magnifique  Cité  de  Dieu  à  miniatures  (commencement  du 
XV'  siècle)  et  une  Légende  dorée  à  grisailles  (milieu  du  XV*^  siècle). 


(1)  Les  Collections  d'Histoirb  ei  d'Art  du  Musée  eucharistique  du  Sacré-Cœur  de  Paray-le- 
MoMAL.  Guide  du  visiteur  et  Catalogue  des  tableaux.  Lyon,  1884,  18  pages  in-8».  (//  y  a  de  nouvelles 
éililions  de  ce  Catatuyue). 

PuriLiCATioNS  :  Le  Règne  sociol  de  Jésus-Christ  hostie,  Bulletin  de  la  fédéralion  du  Sacre-Cœur  pour 
la  reconstitution  chrétienne  de  la  Société.  Périodique,  grand  in-8". 

—  Le  Règne  de  Jésus-Christ.  Revue  illustrée  du  Musée  de  la  Bibliothèque  eocharistique  de  Parny-le- 
Monial.  Grand  in-l"  avec  gravures  et  chromo.  Périodique. 


-  2m  — 

J'eus  le  plaisir  de  rencontrer  dans  ce  dépôt  un  manuscrit  se  rapportant  à  Lille , 
intitulé  :   Voyage  de  Lille  à  Rome  par  l'Allemagne  (1). 

A  4  heures,  après  la  visite  des  Musées,  etc.,  iM.  Buchalet,  maire,  a  offert  aux 
membres  du  Congrès,  réunis  au  nombre  de  130,  dans  le  splendide  salon  des 
Mariages,  un  vin  d'honneur,  au  nom  de  la  Municipalité  et  du  Conseil  de  la  ville  de 
Mâcon.  Dos  toasts  parfaits  et  fort  appréciés  ont  été  prononcés  de  part  et   d'autre. 

A  8  heures  1/2  du  soir.  Nouvelle  séance  à  l'Hôtel  de  Ville.  Au  début  de  la 
séance,  M.  le  comte  de  Marsy  adresse  des  remerciements  à  M.  Arnaud,  propriétaire 
du  château  des  Moines  et  à  M"""  la  comtesse  de  Milly,  propriétaire  du  château  de 
Berzé,  pour  l'autorisation  qu'ils  ont  bien  voulu  donner  de  visiter  leurs  propriétés. 
Puis  viennent  plusieurs  communications  aussi  instructives  qu'intéressantes. 


M.  Lex,  ayant  eu  l'obligeance  de  nous  montrer  la  Bibliothèque  et  les  Archives, 
et  nous  ayant  également  promis  de  nous  montrer  les  Musées,  dimanche  matin, 
nous  permet  aussi  de  disposer  de  quelques  heures  pour  aller  en  compagnie  de 
M.  le  docteur  Chevalier,  de  Compiègne,  voir  le  domaine  de  Saint-Point,  demeure 
de  Lamartine,  situé  à  20  kil.  de  Mâcon. 

La  route  de  Mâcon  au  château  est  très  belle.  Le  château  de  Saint-Point  est  situé 
dans  une  vallée,  construit  sur  un  mamelon  ;  avec  ses  tours  rondes,  il  forme  une 
masse  assez  implosante,  bien  qu'elle  ait  été  remaniée  à  diverses  époques  et  décou- 
ronnée en  1789.  Le  parc  est  beau  et  bien  entretenu  ;  nous  avons  vu  les  chênes 
sous  lesquels  l'auteur  des  Méditations  a  écrit  Jocelyn. 

On  conserve  la  chambre  à  coucher  de  M.  de  Lamartine,  ainsi  que  son  cabinet  de 
travail,  dans  l'état  oii  ils  se  trouvaient  lors  de  sa  mort.  C'est  loin  d'être  élégant. 
On  nous  a  montré  son  dernier  chapeau  haut  de  forme  et  divers  objets  à  son  usage, 
le  lit  sur  lequel  il  est  mort  à  Paris.  Ce  meuble,  ainsi  qu'un  secrétaire  ont  été 
décorés  de  peintures  par  M""^  de  Lamartine.  Une  rame  de  papier  entamée  sur  une 
table  se  trouve  dans  son  cabinet  de  travail.  Nous  avons  vu  également  l'acte  de 
baptême  de  M.  de  Lamartine,  né  le  22  Octobre  1790,  et  les  minutes  de  quelques 
discours,  l'écriture  du  grand  poète  est  bonne  et  lisible. 

La  tombe  de  M.  de  Lamartine  et  de  sa  famille  située  dans  le  cimetière  de  la 
paroisse,  près  de  l'église,  est  un  monument  bien  modeste  et  peu  entretenu. 

Le  château  appartient  actuellement  à  M.  de  Montereau,  petit-neveu  de  M.  de 
Lamartine. 


(1)  Manuscrit,  1659,  papier  ~1  feuillets  300  sur  200  mill.).  Cu  manuscrit  de  bonne  écriture,  contient 
outre  le  Frontispice,  lettrines,  28  petites  gravures  collées  et  18  dessins  dans  le  texte.  Volume  in-folio, 
reliure  veau  à  nefs. 

N"  6  du  Catalogue  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Maçon.  —  Tome  VI  du  Catalogue  des  manus- 
crits des  Bibliothèques  publiques  de  France,  p.  348. 

L'autour  de  cet  ouvrage  est  un  Lillois  qui  pjrt  de  sa  ville  le  10  aoilt  1G59  et  arrive  à  Rome  le  27 
octobre  suivant,  après  avoir  traversé  une  partie  de  VxVllemagne,  des  États  de  Venise  et  voyageant 
presque  toujours  à  pied.  11  décrit  avec  exactitude  les  divers  sites  qu'il  rencontre,  quelquefois  il  rend 
compte  de  quelques  anecdotes  particulières;  son  goût  naturel  est  de  copier  les  inscriptions  et  décrire  les 
principaux  monuments.  On  peut  lui  reprocher  d'être  un  peu  crédule  quand  il  rend  compte  des  mœurs 
des  peuples  qu'il  visite  ;  malgré  la  pesanteur  de  son  style,  le  lecteur  a  une  sorte  de  regret  de  voir  finir 
sa  relation,  lors  de  son  arrivée  à  Rome. 

Ce  qui  fait  le  mérite  de  ce  manuscrit,  ce  sont  les  dessins  exécutés  d'après  nature  par  l'auteur. 


-  270  — 

En  passant  nous  avons  vu  deux  autres  propriétés  ayant  appartenu  à  l'auteur 
des  Méditations  (les  domaines  de  Monceau  et  do  Milly)  vendues  à  sa  mort,  ainsi 
qu'une  partie  de  rancien  mobilier  du  château  de  Saint-Poinl  (I). 

Nous  sommes  heureux  d'avoir  fait  ce  voyage,  je  dirais  presque  ce  pèlerinage. 


Samedi  17.  —  0  heures  112  du  matin.  Excursion  en  voiture  à  Solutré^  le  Clidteau 
des  Moines,  Berzé-le-Chàtel ,  etc.  —  Déjeuner  à  lu  Croix-Blanche.  — 
Retour  à  Mdcon  'pour  dîner. 

Pour  le  récit  de  l'excursion  de  Solulré,  je  ne  vois  rien  de  mieux  que  de  repro- 
duire l'article  signé  :  Herbert  l'Ecrivain,  qui  nous  a  été  gracieusement  envoyé  (2)  : 

«  En  voiture  les  voyageurs  pour  Solutré,  tel  est  le  cri  qui  dès  l'aube  retentit 
dans  les  hôtels  et  chacun  va  prendre  sa  place  dans  les  voitures  qui  stationnent 
rue  Sigorgne,  devant  l'hôtel  Senecé  ;  le  temps  est  menaçant  et  les  marchands  de 
parapluies,  qui  ouvrent  leurs  boutiques,  réalisent  de  beaux  bénéfices  en  vendant 
leurs  produits  aux  voyageurs  retardataires  ou  négligents  ;  c'est  jour  de  marché  à 
Màcon  et  les  villageois  qui  viennent  au  marché  contemplent  notre  longue  caravane. 
Vers  8  heures  nous  arrivons  à  Solutré  et  nous  nous  dirigeons  sous  la  conduite  de 
M.  Arcelin,  vers  la  station  préhistorique  découverte  par  lui,  il  y  a  plus  de  trente 
ans,  avec  M.  de  Ferry. 

«  La  station  de  Solutré,  lisons-nous  dans  le  guide  de  M.  Lex,  occupe  un  petit 
plateau,  situé  entre  les  habitations  du  village  et  l'escarpement  de  la  Montagne  ;  on 
y  trouve  tant  d'ossements  que  le  lieu  est  dit  le  Crot  du  Charnier.  L'industrie  de 
Solutré  correspond  à  plusieurs  époques.  L'une  d'elles  est,  on  le  sait,  caractérisée 
par  la  pointe  en  feuille  de  laurier,  taillée  avec  beaucoup  de  soin,  fine  et  mince,  en 
silex,  quelquefois  en  cristal  de  roche.  On  a  trouvé  à  Solutré  beaucoup  de  sépul- 
tures préhistoriques  ,  gallo-romaines  et  burgondes.  Les  ossements  de  cheval  y 
sont  extraordinairement  abondants  ;  ils  forment,  à  eux  seuls,  une  couche  de  près 
de  3.800  mètres  carrés  et  qui  atteint  en  plusieurs  endroits  plus  de  deux  mètres 
d'épaisseur.  Aussi  a-t-on  pu  estimer  qu'on  s'y  trouve  en  présence  des  débris  de 
plus  de  '6Q  à  40.00(»  de  ces  animaux  (.3). 

«  Sur  le  champ  de  ses  découvertes,  M.  Arcelin  nous  donne  ces  détails  et,  dans 
une  tranchée  ouverte  pour  nous,  nous  met  à  même  d'en  constater  l'existence.  Aussi 
pendant  que  quelques  intrépides  font  l'ascension  de  la  Roche  de  Solutré,  couronnée 
à  l'époque  romaine  par  un  castrum  et  au  Moyen-Age  par  un  château  féodal,  qui  a 
été  rasé  en  1435  et  dont  il  reste  peu  de  traces  :  d'autres,  s'aidant  de  leur  couteau 
ou  de  leur  parapluie,  s'improvisent  fouill(!urs  et  ce  sont  des  cris  de  joie  quand  ils 
rencontrent  quelque  ossement  ou  quebjue  silex  affectant  la  forme  de  la  feuille  de 
laurier. 

«  Pendant  ce  temps,  les  photographes  dressent  leurs  appareils,  le  docteur  Birot, 
de  Lyon,  groupe  les  uns  et  les  autres  et  il  faut  le  cor  de  Chevallier  pour  nous 
ramener  en  face  de  nos  voitures;  mais  là,  une  surprise  nous  attend  :  les  gaufres 


(1)  L.  I.EX.  Histoire  ■!•?  Suiiil-Pi^int.  Mùcon,  18it8,  iVi  p.  iii-8",  S»!  gravures. 

(2)  I.'Ordrb  1)B  l'Oise.  Juiirnal  de  Compiègne,  8  Juillet  189ii. 

(3;  Aiir.ELiN  (Adrien.  Les  fouilles  de  Solutré.  —  Henseigneinents  généraux  publies  par  IWcadcmle  de 
Mâcon  à  l'occasion  de  l'excursion  à  Solutré  de  l'Associaliori  française  pour  l'Avancoment  des  Sciences, 
le  2:t  Août  1873.  Mâcon,  1873,  '  p.  10-4",  flg. 


—  271  - 

màconnaises,  une  merveille  de  légèreté,  qui,  malheureusement  comme  le  poisson, 
ne  se  conserve  pas  et  qu'arrose  le  Pouilly-Froissé,  dont' le  territoire  touche  celui 
de  Solutré  ». 

L'église  de  Solutré  est  du  Xll"^  siècle,  le  clocher  est  en  réparation,  il  porte  les 
armes  de  l'abbaye  de  Gluny,  ce  qui  indique  que  cette  église  a  été  bâtie  par  les 
moines  de  cette  résidence.  Près  d'une  petite  porte  de  l'église  se  trouve  un  bénitier 
en  grès  enfoncé  dans  le  mur,  portant  l'inscription  (lequel)  le  fis  J.  Morel  a  fait 
maître  isi.  Sur  le  bord  13:31  (?)  L  G  T  D  P. 

Les  Congressistes  remontent  en  voiture  par  une  pluie  fine  qui  mouille  sans 
pénétrer  et  en  contemplant  le  splendide  panorama  qui,  d'un  côté  nous  montre 
comme  la  proue  d'un  navire,  la  roche  de  Solutré  et  de  l'autre  le  vieux  château  de 
Pierreclos. 

PiERRECLO.s.  —  Le  château  qui,  avec  la  seigneurie,  a  successivement  appartenu 
aux  Pierreclos  (XIP-XIV"  siècle),  aux  Chevrier  (XIV''  s.),  aux  ducs  de  Savoie 
(XIV'-XV^'  s.),  aux  Bletterans  (XV''  s.),  aux  Rougemont  (XV''-XVII''  s.),  et  aux 
Michon  (XVI1''-XVIIP  s.),  a  été  assiégé  par  les  Armagnacs  en  1422  et  en  1434, 
brûlé  par  les  Français  en  1471,  et  pris  par  les  Protestants  en  17)02  ;  il  en  reste  des 
parties  anciennes,  mais  le  gros  des  logis  a  été  rebâti  en  1065.  Il  est  la  propriété  de 
Melle  Chaland. 

A  côté  du  château,  se  trouve  une  ancienne  église,  dont  il  reste  le  clocher  et  le 
chœur  (XI i''  siècle). 

On  arrive  à  Berzé-la-Ville  oii  les  voyageurs  abandonnent  les  voitures  pour 
monter  à  la  chapelle  du  château  des  Moines  de  Cluny. 

La  chapelle,  aujourd'hui  propriété  particulière,  paraît  dater  du  commencement 
du  XIP  siècle.  La  nef,  le  chœur  et  l'abside,  sont  décorés  de  peintures  murales  de 
l'époque  romane,  qui  n'ont  été  découvertes  sous  le  badigeon  qu'en  1887.  Celles  de 
l'abside  sont  d'une  conservation  parfaite.  Elles  représentent  :  dans  une  première 
zone,  les  bustes  des  saints  Abdon,  Sennen,  Dorothée,  Gorgon,  Sébastien,  Serge, 
autre  Sébastien,  Denis  et  Quintinien  ;  dans  une  deuxième  zone,  les  figures  de 
deux  saints  Bénédictins,  puis  d'une  part  la  légende  et  la  mort  de  saint  Biaise,  et 
d'autre  part  le  martyre  de  saint  Laurent  ;  dans  une  troisième  zone,  les  bustes  de 
six  saintes  parmi  lesquelles  Agathe,  Laurence  et  Consorce  ;  dans  une  quatrième 
zone,  sous  la  main  bénissante  de  Dieu  le  Père,  le  Christ  de  gloire,  entouré  de  deux 
saints  évèqucs,  de  deux  diacres  (saint  Vincent  et  saint  Laurent)  et  des  douze  apôtres. 
Enfin  dans  le  chœur,  sous  l'oculus  qui  est  percé  au-dessus,  de  l'abside,  on  voit 
encore  Dieu  le  Fils,  sous  la  forme  d'un  agneau  auréolé,  portant  la  croix  nimbée  et 
accostée  d'auges.  Dans  le  dessin  et  le  coloris  de  toutes  ces  figures  on  retrouve 
l'influence  byzantine  et  on  peut  sans  témérité,  rapprocher  ces  compositions  de  celles 
de  Ravenne  et  de  Byzance  (1). 

Ces  peintures  ont  été  mises  au  jour  par  M.  Jolivet,  curé  de  Berzé,  avec  autant 
d'art  que  de  patience,  et  la  Société  Française  a  rendu  un  juste  hommage  au  talent 
de  cet  ecclésiastique  en  lui  décernant  une  de  ses  médailles. 

Un  excellent  déjeuner  nous  attendait  au  restaurant  de  la  Croix-Blanche,  dans 
equel  on  nous  a  fait  goûter  un  magnifique  saumon  à  la  chair  rouge  et  qui  ne  se 
pêche,  dit-on,  qu'entre  Villefranehe  et  Lyon. 


(1    L.  Lex  et  P.  Martin.  Peintures  murales  de  la  chapeUe  du  château  des  Moines  de  Gluny   à   Berzé- 
la-Ville  (Saùne-et-Loirej.  Paris,  1895,  8  p.  grand  in-S",  5  fig. 


—  272  - 

Les  Congressistes  se  dirigent  ensuite  vers  le  château  féodal  de  Berzé-le-Chatel. 
Ce  château  était,  avec  celui  de  Solutré,  un  des  plus  forts  du  Maçonnais.  Il  a 
successivement  appartenu,  ainsi  que  sa  seigneurie,  aux  Berzé  (XII<"-XIV*  siècles), 
aux  Frolois  (XIV^  s.),  aux  sires  de  Beaujeu  (XIV"  s.),  aux  ducs  de  Savoie  (XV«s.), 
aux  Rochebaron  (XV'-XVII»  s.),  aux  d'Aumont  (XYIP-XYIIP  s.)  et  aux  Michon 
(XYIII'  s.)  ;  le  poète  Hugues  de  Berzé  (XIII"  siècle)  y  est  né.  Il  a  été  assiégé  et 
pris  par  Guy  de  Saint-Trivier  en  1346,  par  les  Armagnacs  en  1421  et  par  les 
Ligueurs  en  1591.  Ses  différentes  enceintes,  la  tour  d'entrée,  les  tours  et  une  grande 
parties  des  constructions  du  Moyen-Age  sont  restées  debout  et  ont  été,  depuis 
moins  de  cinquante  ans,  l'objet  d'importants  remaniements.  Parmi  les  tours,  on 
nous  signale  celle  du  Bœuf,  dont  on  rappelle  la  curieuse  légende  :  Un  seigneur 
de  Berzé,  ayant  conçu  des  doutes  sur  la  vertu  de  sa  femme,  fit  enfermer  dans  une 
tour  celui  qu'il  croyait  avoir  porté  atteinte  à  son  honneur;  dans  une  autre  on  plaça 
un  bœuf,  et  le  seigneur,  voulant  savoir  lequel  des  deux  aurait  le  plus  de  résistance, 
les  laissa  mourir  de  faim.  Le  bœuf  succomba  le  premier,  mais  la  légende  ne  dit 
pas  ce  qu'il  advint  du  survivant.  Ce  château  est  actuellement  la  propriété  de 
M°"  la  comtesse  de  Milly. 

C'est  la  propriétaire  qui  fait  très  aimablement  les  honneurs  de  sa  demeure.  Elle 
commence  par  nous  montrer  les  dépendances,  c'est-à-dire  les  chais,  les  pressoirs, 
tout  ce  qui  a  trait  aux  vendanges,  la  tour  aux  fromages  ;  ces  bâtiments  sont  ornés 
de  belles  voiîtes.  Puis  vient  le  château  oii  sont  conservées  de  belles  tapisseries 
flamandes  (Audenaerde),  des  bahuts  et  autres  meubles  en  vieux  chêne.  Dans  le 
salon  se  trouve  un  magnifique  portrait  de  la  propriétaire  peint  par  A.  Salles- 
Wagner,  d'autres  tableaux  modernes  et  une  collection  de  dessins  des  grands  maîtres 
italiens,  etc.,  etc.  Avant  le  départ,  M""*  la  comtesse  de  Milly  offre  gracieusement  à 
ses  visiteurs  un  verre  de  vin  de  sa  récolte. 

En  quittant  ce  château  hospitalier,  les  Congressistes  saluent  Milly,  habitation  de 
Lamartine  et  que  le  poète  se  plaisait  à  nommer  sa  maison  natale,  bien  qu'il  eût  vu 
le  jour  à  Mâcon.  Chemin  faisant,  M.  Reyssié,  à  qui  l'on  doit  un  livre  justement 
estimé  :  La  jeunesse  de  Lamartine,  nous  en  expose  en  un  langage  imagé  les 
points  les  plus  saillants. 

Le  chemin  de  fer  ramène  les  Congressistes  pour  dîner  à  Màcon. 


Dimanche  18.  —  Ai  heure  lj2.  Séance  dans  les  salons  de  l'Hôtel  de  Ville.  — 
A  7  heures  du  soir.  Banquet  dans  la  salle  des  Fêtes  à  la  Mairie. 

Le  matin  de  la  journée  du  dimanche  était  un  moment  de  repos.  Une  solennelle 
réception  patriotique  devait  avoir  lieu  à  quelques  lieues  de  Màcon.  La  petite  ville 
de  Thoissey  attendait  le  commandant  Marchand.  Une  foule  considérable  acclama 
le  courageux  explorateur,  reçu  à  son  arrivée  par  le  maire  M.  Duchcr.  Après  un 
discours  de  ce  dernier  et  la  réponse  du  commandant,  M.  Marchand  père  sort  de  la 
foule  ;  le  brave  bomme  est  ému  plus  qu'on  pourrait  le  dire,  ses  paupières  battent 
et  des  larmes  coulent  le  long  de  ses  joues.  Le  commandant  Marchand  lui  aussi, 
très  attendri,  s'élance  vers  son  père,  se  jette  en  ses  bras  et  l'embrasse  avec  effusion. 

Les  manifestations  enthousiastes  se  multiplient  jusqu'au  banquet.  Le  comman- 
dant est  littéralement  porté  en  triomplic  et  les  ovations  ne  cessent  un  instant  qu'au 
début  du  repas.  Il  y  a  là  1.400  couverts.  Au  dessert  les  toasts  sont  nombreux  et 
énergiques.  La  sortie  du  banquet  s'effectue  an  milieu  de  l'animation  et  de  la  gaîté 
générales;  des  acclamations  accompagnent  Marchand  et  ses  amis  jusqu'au  domicile 


—  273  — 

de  M.  Ducher,  oii  il  s'arrête  ;  on  le  réclame  et  bientôt  il  paraît  au  balcon,  salué 
par  les  cris  de  :  Vive  Marchand  !  tandis  que  la  foule  chante  la  Marseillaise.  Des 
concerts  ont  lieu  sur  les  places  publiques,  un  feu  d'artifice  est  tiré  le  soir. 

De  cette  patriotique  et  réconfortante  journée  le  souvenir  restera  gravé  chez  tous 
ceux  qui  y  ont  assisté. 

Revenons  au  Congrès,  l'ordre  du  jour  annonce  une  séance  à  l'Hôtel  de  Ville 
à  1  heure  1/2.  A  cause  de  la  fête  de  Thoissey,  les  auditeurs  furent  relativement 
peu  nombreux,  malgré  les  communications  intéressantes  qui  devaient  y  être  lues. 

A  7  heures  du  soir  a  lieu  le  banquet  dans  le  grand  salon  de  l'Hôtel  Je  Ville, 
réunissant  un  grand  nombre  de  Congressistes  et  d'invités.  Le  dîner  a  été  admira- 
blement servi  par  le  grand  Hôtel  de  l'Europe  de  Mâcon,  le  menu  donnant  la  vue  et 
les  armes  de  la  ville  était  artistement  imprimé  par  MM.  Protat  frères,  également 
de  Màcon. 

La  table  brillamment  éclairée  était  d'un  aspect  ravissant.  Les  dames  en  riches 
toilettes  donnaient  à  cette  réunion  une  note  toute  spéciale. 

Au  dessert  plusieurs  toasts  furent  portés  et  chaleureusement  applaudis. 


Lundi  19.  —  8  heures  4'^.  Départ  en  chemin  de  fer  pour  Bourg-en-Bresse, 
arrivée  à  9  heures  11,  —  Visite  de  la  ville  et  de  l'église  de  Brou.  —  Déjeuner. 
—  2  heures  35.  Départ  pour  Màcon.  —  8  heures  du  soir.  Séance  de  clôture. 

La  ville  de  Bourg-en-Bresse,  chef-lieu  du  département  de  l'Ain,  compte  environ 
lU.OOO  habitants.  Après  une  aimable  réception  des  deux  Sociétés  savantes  de  la 
ville  (1),  les  excursionnistes  visitent  I'Église  Notre-Dame  de  Bourg,  construite 
de  1505  à  1545,  dans  le  style  de  transition  de  l'art  gothique  au  goût  de  la  Renais- 
sance. Le  clocher  a  été  démoli  en  1793  et  relevé  depuis.  Les  boiseries  et  les  stalles 
du  chœur  (XVl"  siècle)  sont  du  menuisier  bressan  Pierre  Terrasson.  Une  chapelle 
latérale,  celle  de  saint  Grépin,  a  conservé  une  partie  de  ses  anciens  vitraux.  Chaire 
en  bois  (XVIIP  siècle).  Les  voûtes  possèdent  des  clefs  en  pendentifs.  Le  jubé  en 
pierre  qui  supporte  les  orgues  est  intéressant.  Dans  la  sacristie  se  trouve  un  beau 
Christ  en  ivoire  sur  fond  noir  avec  cadre  doré  représentant  les  jnstruments  de  la 
Passion  ;  un  tableau  byzantin  peint  sur  bois  représentant  la  Sainte  Vierge,  ainsi 
que  deux  volets  à  deux  faces,  peinture  flamande. 

Musée.  —  11  ne  date  que  de  1854  (fondation  de  M""*  Lorin),  et  à  part  le  triptyque 
de  saint  Jérôme,  école  flamande,  attribué  à  Wohlgemuth  (XVP  siècle)  et  un  Breu- 
ghel  de  velours,  quelques  meubles  et  un  petit  médaillier,  il  contient  peu  d'objets 
intéressants  au  point  de  vue  arcJiéologique.  Nous  pouvons  encore  signaler  un 
tableau  de  Millet  (2). 

Le  but  du  voyage  à  Bourg  était  la  visite  de  l'église  dé  Brou.  Déjà  en  1890  nous 
avions  vu  cette  église  d'une  manière  toute  particulière  en  compagnie  de  Mgr  De- 
haines  :  «  Mon  compagnon  de  voyage  a  analysé  avec  soin,  dans  l'Inventaire  des 
Archives  départementales  du  Nord,  un  grand  nombre  de  documents  qui  prouvent 
que  c'est,  non  pas  comme  on  l'avait  prétendu,  Jean  Parréal  et  Micliel  Colombe  qui 
sont  l'architecte  et  le  statuaire  de  l'édifice  et  de  ses  tombeaux,  mais  l'architecte 


(1;  Notice  sur  la  Société  d'Emiilulion  et  d'Agriculture  de  l'Ain  1 1750-1 8'.)9,.  Bourg,  18S9,  15  p.  iii-8". 
(2)  Ville  de  Bourg.  Musée  Lorin.  Bourg,  IS'TS,  64  p.  in-16. 


flamand  Louis  Van  Boghem  et  le  sculpteur  Conrad  Mevt,  qui  travaillait  sous  la 
direction  de  ce  dernier.  M.  Houdoy  avait  soutenu  la  même  thèse  et  publié  des 
documents  les  plus  importants  qui  concernent  ce  monument  dans  la  Gazette  des 
Beaux-Arts  ;  et  plus  tard  notre  collègue  M.  Finot,  a  communiqui/  aux  réunions 
des  Sociétés  savantes  de  la  Sorbonne  un  intéressant  mémoire  sur  la  même  question. 
L'édifice  et  les  objets  d'art  qu'il  renferme  méritent  et  justifient  les  recherches  de 
ces  érudits. 

«  Nous  étions  arrivés  un  peu  tard,  et  une  pluie  torrentielle  qui  tombait  en  ce 
moment  assombrissait  encore  davantage  le  ciel.  Le  sacristain,  qui  nous  conduisait, 
eut  l'excellente  idée  de  nous  faire  voir  les  tombeaux  et  les  autels,  à  l'aide  de 
bougies  habilement  disposées  au  bout  de  longues  tiges  de  roseaux  servant  à 
allumer  les  cierges.  Il  nous  fut  possible  de  voir  les  sculptures  mieux  qu'en  plein 
jour;  nous  nous  rappelons  une  petite  pleureuse  en  marbre  blanc,  dont  la  tète  cou- 
verte d'un  voile  et  visible  seulement  à  l'aide  d'une  lumière  placée  au-dessous,  est 
cependant  sculptée  avec  la  plus  grande  délicatesse  et  laisse  voir  des  yeux  oii 
s'échappent  des  larmes  »  (I). 

M.  le  supérieur  du  grand  Séminaire  qui  se  trouve  près  de  l'église  (qui  du  reste 
lui  sert  de  chapelle),  nous  attendait  pour  nous  servir  de  cicérone. 

Cette  église  de  style  gothique,  unique  en  France  par  ses  sculptures,  a  été  bâtie 
sous  le  vocable  de  Saint-Nicolas  de  Tolentin,  par  Marguerite  d'Autriche,  fille  de 
l'empereur  Maximilien  et  de  Marie  de  Bourgogne,  et  veuve  de  Philibert-le-Beau, 
duc  de  Savoie.  Ses  architectes  furent  le  Lyonnais  Jean  Perreal  dit  Jehan  de  Paris 
(1506-1512)  et  le  Flamand  Van  Boghem  (1513-1530)  ;  les  partrayeurs,  Aimé  Picard  , 
Jean  Rolin,  Jean  de  St-Amour  et  Benoit  de  Montagna  ;  les  imagiers,  Michel 
Colombe,  les  frères  Conrad  et  Thomas  Meyt,  Vambelli,  Campitoglio,  Benoît  de 
Serin,  et  Guilbert  et  Thibaut  de  Salins  ;  les  feuiUagiers,  Jean  de  Louhans  et  Aimé 
Carré  ;  le  menuisier,  Pierre  Terrasson  de  Bourg. 

La  façade  est  décorée  de  statues  et  de  statuettes,  parmi  lesquelles  il  faut  signaler 
celles  de  saint  André  et  saint  Nicolas  de  Tolentin.  Devant  le  porùiil  est  tracé  un 
cadran  solaire  où  l'on  marque  soi-même  l'heure  en  se  plaçant  sur  la  lettre  corres- 
pondant au  mois  du  calendrier. 

A  l'intérieur  on  admire  le  jubé,  les  stalles,  les  mausolées,  la  cliapelle  de  la 
Vierge  et  les  vitraux. 

Le  jubé  est  orné  de  nombreuses  statuettes  ;  celles  qui  couronnent  la  galerie  sont 
un  Ecce  Homo  avec,  à  sa  droite,  saint  Nicolas  de  Tolentin,  sainte  Monique  et  saint 
Antoine  ;  à  sa  gauche,  un  autre  Eccc  Homo,  saint  Augustin  et  saint  Pierre.  Sous 
le  juljé,  tableaux  anciens. 

Derrière  l'autel,  qui  est  moderne,  on  remarque  à  l'abside  la  devise  que  .Margue- 
rite d'Autriche  s'était  composée  après  ses  malheurs  :  Fortune,  Infortune,  Fort 
une,  qu'on  a  cru  interpréter  ainsi  :  Fortuna  infortunat  fortiter  unam.  Cette 
devise  se  trouve  d'ailleurs  un  peu  partoui  dans  l'édifice,  ainsi  que  1rs  initiales  P 
('Philibert)  et  M  (Marguerite). 

Les  stalles  hautes,  à  raison  de  24  de  chaque  côté  du  chœur,  et  précédées  d'un 
rang  de  22  stalles  basses,  abritent  sous  leurs  corniches  dos  statuettes  représentant. 


(1)  L.  QLAHBÉ-KBYBOUHnoN.  Gainet  de  Voyage.  —  Est  et  Midi   de  lu    T'iunne,    Italie   et  Sicile.  Lille, 
in-M".  I8i»7.  p.  7. 
—  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie.  Tome  20,  pages  21  à  23. 


à  droite  24  personnages  de  l'Ancien  Testament,  et  à  gauche  24  personnages  du 
Nouveau  Testament.  Les  miséricordes  et  les  appuis  sont  curieux. 

Les  mausolées,  dans  le  chœur,  sont  au  nombre  de  trois. 

Celui  de  Marguerite  de  Bourbon,  mère  de  Philibert-le-Beau,  à  droite,  est  en 
marbre  noir  et  blanc  et  en  albâtre.  On  y  remarque,  outre  la  statue  de  la  princesse, 
des  sibylles,  des  pleureuses,  des  génies,  puis  à  la  tète,  les  statuettes  de  saint 
André,  de  sainte  Catherine,  et.  aux  pieds,  celles  de  sainte  Agnès  et  de  sainte  Mar- 
guerite. 

Celui  de  Philibert-le-Beau,  au  centre,  est  également  en  marbre  blanc  et  noir.  Le 
duc  y  est  représenté  vivant,  revêtu  de  son  armure,  et  mort,  à  l'état  de  cadavre.  Il 
est  entouré,  d'une  part,  de  génies  et  d'autre  part,  de  sibylles. 

Celui  de  Marguerite  d'Autriche  est  à  gauche.  La  duchesse  s'y  voit  aussi  vivante 
et  morte.  Des  statuettes  de  saints  et  de  saintes  et  de  sibylles  en  décorent  les  piliers. 

La  chapelle  de  la  Vierge  est  ornée  d'un  rétable  merveilleux,  formé  d'un  seul  bloc 
d'albâtre  de  plus  de  5  mètres  sur  4,  où  sont  sculptées  les  sept  joies  de  ]Marie  : 
Annonciation,  Visitation,  Nativité,  Adoration  des  Mages,  Apparition  de  .Jésus  à  sa 
Mère,  Descente  du  Saint-Esprit  sur  la  Vierge,  Assomption.  A  la  partie  supérieure 
du  rétable,  statue  de  la  Sainte  Vierge,  entourée  de  sainte  Marguerite  et  sainte 
Madeleine.  Aux  angles  de  la  chapelle,  statues  de  saint  André  et  saint  Philippe. 

Les  vitraux  les  plus  remarquables  sont  :  ceux  de  la  chapelle  de  la  Vierge,  qui 
représentent  rAssomption  ;  celui  de  la  chapelle  des  comtes  de  Vaux,  à  côté  de 
l'oratoire  de  la  duchesse,  où  est  peinte  l'Apparition  de  Jésus-Christ  à  saint 
Thomas  ;  ceux  du  chœur,  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  des  Sept-Douleurs  et  du 
transept  (I). 

Depuis  mon  entrée  dans  l'église  de  Brou,  j'avais  remarqué  un  sacristain  vendant 
des  brochures  et  des  photographies  dans  un  des  angles  du  chœur.  M'étant  approché 
de  lui,  je  reconnus  celui  qui  nous  avait  si  bien  éclairé  et  guidé  en  18U0.  Ce  fut  un 
agréable  souvenir. 

Après  un  excellent  déjeuner  an  grand  Hôtel  de  France,  les  Congressistes 
reprennent  la  route  de  Màcon. 

A  8  heures  du  soir  a  eu  lieu  la  séance  de  clôture.  La  lecture  de  la  liste  des 
récompenses  a  été  vivement  applaudie,  des  médailles  en  vermeil  ont  été  décernées 
à  M.  Arcelin,  Président  de  l'Académie  de  Mâcon,  ainsi  qu'à  M.  Lex,  Archiviste  du 
département,  à  M.  l'abbé  Jolivet,  Curé  de  Berzé,  etc.,  etc. 

Comme  l'année  dernière  à  Bourges,  M.  le  comte  de  Marsy  a  un  mot  aimable 
pour  chaque  lauréat.  Il  remercie  les  membres  du  Congrès  et  déclare  clos  le 
6<j^  Congrès  de  la  Société  française  d'Archéologie. 

Mais  si  la  clôture  est  prononcée,  le  Congrès  n'est  pas  fini,  et  on  se  donne  ren- 
dez-vous le  lendemain  au  chemin  de  fer  pour  aller  à  Tournus. 

On  abandonne  Mâcon  et  on  prévient  les  Congressistes  de  se  munir  de  leurs 
bagages  pour  aller  le  lendemain  coucher  à  Chalon-sur-Saône. 


I)  Kglise  de  Broc.  —  Giiiile  e>:piess  contenant  une  description  de  l'église  et  du  cadran  scolaire  avec 
plusieurs  vi:es  et  dessins  par  l.ibbé  H.-P.  Bourg,  1897,  1-JO  patios  in-18,  fig. 

-Mbum  de  photographies  de  l'église  de  Brou.    Bonnes  épreuves). 

Chabvet  E.  L.  g.).  Les  édifices  de  Brcu,  à  Bourg-cn-Bressc,  depuis  le  seizième  siècle  jusqu'il  nos 
jours.  Paris,  Réunion  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  r'éparlements,  année  1897,  pr^ges  252  à  389. 


—  276  - 

Mardi  20.  —  8  heures  48.  En  chemin  de  fer  pour  Tournus.  —  Arrivée  à  9  h.  21. 
—  visite  de  la  ville.  —  Déjeuner.  —  2  heures  28.  Départ  pour  Chalon-sur- 
Saône.  —  Visite  de  la  ville.  —  Dîner  et  coucher  à  Chalon-sur-Saône. 


A  l'heure  militaire,  les  Congressistes  se  trouvaient  réunis  sur  le  quai  de  la  gare. 
Une  bonne  mesure  avait  été  prise  par  la  Commission  du  Congrès,  après  des 
démarches  faites  au  chemin  de  fer,  les  bagages  des  Congressistes  furent  groupés 
et  expédiés  directement  à  Chalon-sur-Saône. 

Tournus  est  encore  une  vieille  ville,  bien  intéressante,  de  4.866  habitants  (1), 
dont  une  célèbre  abbaye  a  formé  le  noyau. 

Saint-Philibert.  —  Le  monument  le  plus  remarquable  de  Tournus  et  l'un  des 
édifices  romans  les  plus  curieux  de  toute  la  France  est  sans  contredit  Vancienne 
éylise  abbatiale  de  Saint- Philibert.  Le  narthex  fermé  et  dont  l'étage  supérieur 
constitue  une  église  à  part,  placée  autrefois  sous  le  vocable  de  saint  Michel,  la  nef, 
les  bas  côtés,  le  choeur,  l'abside  et  la  crypte  qui  règne  sous  ce  chœur  et  qui 
constitue  elle  aussi  une  église,  dédiée  à  saint  Valérien,  datent  du  commencement 
du  W^  siècle  ;  le  transept  et  les  deux  clochers  carrés,  celui  qui  est  au  Nord  de  la 
façade  et  celui  qui  surmonte  la  croisée,  ont  été  construits  ou  remaniés  au  milieu 
du  XII^  siècle  ;  plusieurs  chapelles  ont  été  ajoutées  aux  bas  côtés  au  XIV' siècle  et 
au  XV*.  Cette  église  a  été,  de  1845  à  1850,  l'objet  de  très  importantes  réparations  ; 
la  façade  notamment  (porte,  mâchicoulis,  etc.),  a  été  refaite  à  cette  époque.  Il  y  a 
lieu  de  signaler  :  à  l'extérieur,  les  statues  de  saints  accolées  aux  menaux  et  aux 
angles  du  clocher  de  la  façade  ;  à  l'intérieur,  les  piliers  énormes,  les  peintures 
murales  (XIP,  XllP  et  XV*  siècles)  et  les  pierres  tombales,  quelques-unes  circu- 
laires ou  ovalaires,  du  narthex  les  peintures  murales  (XV"  siècle)  et  la  Vierge 
romane  qu  bois  (XII-  siècle),  malheureusement  dorée,  de  la  chapelle  de  Notre- 
Dame-la-Brune,  dans  le  collatéral  droit,  la  peinture  murale  représentant  le  Juge- 
ment dernier  {WW'^  siècle)  de  la  chapelle  Saint-Georges,  dans  le  collatéral  gauche  ; 
dans  le  transept,  l'inscription  RENCOME  FECIT,  qui  révèle  sans  doute  le  nom 
de  l'architecte  de  cette  partie  de  l'édifice  (XIP  siècle)  ;  dans  l'église  supérieure 
(Saint-Michel)  l'inscription  inexpliquée  :  GERLANNUS  ABATE  ISTO  MONETE- 
RIUM  CILE  (XI*'  siècle;  ;  dans  l'église  souterraine  (Saint- Valérien),  le  sarcophage 
de  la  chapelle  du  milieu  et  les  peintures  murales  (XIP  siècle)  de  la  chapelle  Saint- 
Pierre,  à  droite. 

Ce  monument  contient  quatre  églises  différentes. 

L'Église  de  la  Madeleine,  construite  au  XIP  siècle,  remaniée  au  XIV*^  et  au 
XV«  siècle,  a  un  portail  élégamment  décoré,  mais  le  tj'mpan  est  resté  uni.  Clocher 
carré  sous  la  croisée  du  transept.  A  l'intérieur,  deux  tableaux  de  Greuze  (saint 
Roch  et  saint  François  d'Assise). 

L'Église  Saint-Valérien  (portail  du  XP  siècle)  est  désaffectée. 

Ahbaye.  —  Des  constructions  de  l'ancienne  Abbuj'',  il  reste  les  deux  tours 
rondes  qui  flanquaient  la  porte  d'entrée  (XIV''  siècle)  ;  le  cloître  et  le  parloir 
ouverts  sur  l'église  au  Sud  (XP  siècle);  la  salle  du  chapitre  (XIIP  siècle),  et  le 
palais  abbatial  (XV''  siècle).  Ces  deux  derniers   bâtiments  sont  bien  conservés  et 


[\,  Adolphe  JoAN^K.  Géographie  de  Siiûne-el-Loire.  Pari»,  Hachelle,  181(9,  paye  67 


^  277  — 

méritent  d'être  visites.  Nous  avons  remarqué  une  belle  salle  voiàtéc  avec  théâtre  et 
servant  aux  réunions  d'un  cercle  catholique. 

Plusieurs  Maisons  anciennes  (XIII",  XV*  et  XVl'^'  siècles)  se  voient  encore  à 
Tournus.  Signalons  aussi  une  belle  frise  de  l'époque  romane  encastrée  dans  une 
façade  moderne. 

Hôtel-Dieu.  —  La  pharmacie  est  curieuse,  le  plafond  est  peint  sur  bois.  Les 
pots  et  vases  pour  médicaments  sont  de  Rouen,  Nevers,  etc.  Les  religieuses  qui 
desservent  cet  établissement  sont  du  même  ordre  que  celles  de  l'hospice  de 
Beaune. 

La  Bibliothèque,  installée  dans  l'Hôtel  de  Ville,  construit  de  1774  à  1778, 
compte  15.500  volumes,  dont  90  manuscrits,  parmi  lesquels  une  «  Vie  de  saint 
Philibert  »  du  X*  siècle. 

Le  Musée,  créé  en  1867,  comprend  des  antiquités  préhistoriques,  une  belle  série 
d'objets  burgondes,  des  monuments  détruits,  un  niédaillier  (monnaies  inédites  de 
Tournus),  quelques  tableaux  et  dessins  de  Greuze,  les  gravures  de  son  œuvre,  etc. 

Statue  de  Greuze.  —  Avant  l'érection  de  la  statue  de  ce  peintre,  en  1868,  une 
colonne  romaine,  haute  de  6  mètres,  ornait  la  place  de  l'Hôtel  de  Ville.  Depuis 
trente  ans  cette  colonne  est  déposée  dans  la  cour  de  la  Grenette  ;  on  doit  la  relever 
prochainement. 

A  l'hôtel  et  buffet  de  la  gare,  un  excellent  déjeuner  attendait  les  Congressistes. 
Puis  on  se  met  en  route  pour  Chalon-sur-Saône. 

Chalon-sur-Saône,  ville  de  26.288  habitants  (1),  oii  de  belles  constructions 
s'élèvent,  voit  sa  population  s'accroître,  tandis  que  celle  de  Mâcon  diminue.  ^ 

L'arrivée  des  Congressistes  à  Chalon  est  accompagnée  par  un  violent  orage 
qui  met  la  caravane  en  débandade  et  occasionne  quelque  désordre  dans  le  pro- 
gramme. Chacun  fait  de  son  mieux  et  s'efforce  d'utiliser  le  court  séjour  en  cette 
ville. 

La  Cathédrale  Saint- Vincent  est  loin  d'être  un  édifice  homogène  ;  la  partie 
inférieure  de  la  nef,  les  bas-côtés  et  le  transept  sont  du  Xll"  siècle,  le  chœur  et 
l'abside  du  XII !<'  siècle.  L'étage  du  triforium  et  des  fenêtres  supérieures  du  XI V«  s., 
plusieurs  chapelles  du  XV"  siècle  ;  enfin  la  façade  et  ses  deux  clochers  à  plates- 
formes  ont  été  entièrement  refaits  de  1825  à  1850.  A  l'intérieur,  il  y  a  de  nombreuses 
pierres  tombales  du  Moyen-Age,  une  tapisserie  flamande  de  la  Renaissance,  une 
crosse  en  ivoire  attribuée  à  Saint-Loup,  évèque  de  Chalon  au  VU"  siècle,  etc. 

L'Eglise  Saint-Pierre  a  été  bâtie  de  1710  à  1713,  elle  n'offre  rien  de  particulier 
que  ses  deux  clochers  à  dômes  et,  dans  son  trésor,  une  belle  croix  processionnelle 
du  XIIP  ou  XIV"  siècle. 

L'HÔPITAL,  fondé  en  1528,  avait,  avant  la  reconstruction  monumentale  du  XIX«^  s., 
une  salle  des  malades  dont  les  vitraux  sont  aujourd'hui  dans  la  chapelle,  oii  l'on 
voit  aussi  une  chaire  et  une  porte  en  bois  remarquablement  sculptée  (XVIP  siècle). 
Il  s'y  trouve  également  un  buste  de  Pie  VII,  avec  inscription  rappelant  la  visite  du 
Pape  le  Vendredi-Saint  an  XII  (avril  1805). 

Le  Palais  épiscopal  (XV*  siècle)  est  dominé  par  une  tour  plus  ancienne  que  lui 


;1,  Adolphe  Joanne.  Géogruphie  de  Saônc-et-Loire.  Paris,  Hachette,  189ii,  pngeôO. 

19 


—  278  — 

(XIIP  siècle).  —  Les  autres  tours  qu'on  rencontre  en  ville  sont  celle  de  Saudon^ 
dont  la  base  passe  pour  romaine  et  le  corps  pour  mérovingien,  et  celle  du  Doyenné^ 
qui  remonte  au  XV^  siècle. 

Dans  le  voisinage  de  I'Obélisque  commémoratif  du  percement  du  canal  du 
Centre  (1790),  belle  Fontaine  de  Neptune  (1742),  due  au  ciseau  des  sculpteurs 
Spingola  (bassin  et  piédestal)  et  Sordoillet  (statue). 

Le  Pont  sur  la  Saône,  commencé  en  1418,  achevé  en  1508,  a  été  élargi  et 
flanqué  d'obélisques.  —  De  beaux  quais  où  se  trouve  la  Statue  de  Niepce,  né  à 
Châlon  le  7  mars  1765,  un  des  promoteurs  de  la  photographie  et  dont  les  appareils- 
se  trouvent  au  Musée.  Cette  statue  a  été  exécutée  par  Guillaume. 

La  Bibliothèque  compte  27.000  volumes  et  143  manuscrits,  dont  le  plus  ancien 
est  du  Xlll^  siècle. 

Le  Musée  comprend  une  importante  collection  épigraphiqueet  lapidaire  (époque 
Romaine,  Moyen-Age,  Renaissance),  des  vitrines  d'antiquités  préhistoriques  (lance& 
de  la  trouvaille  de  Volgu,  flèches  du  camp  de  Chassay  et  autres  (séries  d'armes^ 
de  vases  et  de  statuettes  en  bronze,  etc.),  un  médaillier  (monnaies  de  Chàlon),  un 
beau  rétable  peint  représentant  le  martyre  de  saint  Biaise  (XV'"  siècle),  une  collec- 
tion de  céramiques,  etc. 


Mercredi  21.  —  7  heures  7  du  matin.  Départ  en  clicntin  de  fer  pour  Autun^ 
Arrivée  à  9  heures  56.  —  Visite  des  Monuments  romains.  —  Déjeuner  à 
midi.  —  5  heures  24.  Départ  d'Autun.  —  Arrivée  à  Chalon  à  7  heures  26 
pour  dîner. 

Malgré  le  mauvais  temps,  les  Congressistes  étaient  à  la  gare  pour  le  départ. 
Autun  était  le  clou  du  Congrès  ;  cette  ville  méritait,  à  coup  sur,  plus  d'une  journée^ 
mais  les  exigences  matérielles,  la  difficulté  d'y  loger  un  effectif  aussi  considérable 
que  celui  du  Congrès  ont  décidé  les  organisateurs  à  tout  montrer  en  sept  heures. 
La  route  se  tait  en  chemin  de  fer  par  Chagny,  Nolay,  la  pairie  des  Carnot,  Epinac 
et  Sully,  dont  nous  voyons  dans  les  arl)res  le  château  appartenant  au  marquis  de 
Mac-Mahon. 

Arrivés  à  Autun,  ville  de  15.543  habitants  (1),  les  Congressistes  sont  reçus  par  le 
vénérable  Président  de  la  Société  éduenne,  M.  BuUiot,  accompagné  de  plusieurs- 
de  ses  confrères  et  des  membres  de  la  Société  des  Sciences. 

Nous  montons  dans  des  voitures  et  visitons  la  partie  romaine  d'Autun  qui  se 
compose  de  la  Porte  d'Arroux,  la  Porte  Saint-André,  le  Temple  dit  «  de  Janus  », 
le  Théâtre  et  la  Pierre  de  Couhard. 

La  Porte  d'Arroux,  porta  senonica,  est  la  plus  belle  des  deux  portes  romaines- 
d'Autun.  Elle  mesure  16  m.  70  de  hauteur,  18  m.  50  de  largeur  et  4  m.  25  d'épais- 
seur, et  se  compose  de  quatre  baies,  dont  deux  grandes  au  centre  pour  les  voitures- 
et  deux  petites  aux  extrémités  pour  les  piétons,  avec  au-dessus,  un  étage  d'arcades 
à  jour.  Elle  a  été  réparée  en  1841  et  en  187.5. 

La  Porte  Saint-André  ,  porta  Lingonensis ,   tire  son   nom  de  «  Saint-André  » 


{1,  Aijoli'Hk  Joanne.  Géographie  de  Saône-eULoire.  Paris,  Hachette.  1890,  puge  -15. 


.-  279  - 

d'une  église  établie  au  Moyen-Age  dans  Tune  des  doux  tours  qui  en  flanquaient  la 
face  extérieure.  Sa  hauteur  est  de  14  mètres  00,  sa  largeur  de  iU  m.  08  et  son 
épaisseur  de  3  m.  30  au  centre  et  de  4  m.  7)0  aux  extrémités.  Elle  a  le  même  aspect 
(quatre  baies  surmontées  d'une  arcature)  que  la  porte  d'Arroux.  Elle  a  été  réparée 
en  1847. 

Le  Temple  dit  «  de  Jaxus  »,  qu'on  appelait  au  Moyen-Age  «  Tour  de  la 
Genetori  »  est  situé  hors  de  la  ville.  C'était  un  édifice  carré  dont  il  ne  reste  que 
deux  pans  de  mur,  hauts  de  24  mètres,  larges  d'environ  16,  épais  de  plus  de  deux, 
percés  d'ouvertures  et  de  niches  en  plein  cintre.  Au  XVII''  siècle,  il  avait  encore 
trois  faces,  il  était  pavé  de  mosaïque  et  entouré  de  ruines  importantes.  Cet  ancien 
temple  a  été  consolidé  en  1S74. 

Le  Théâtre,  dont  l'emplacement,  situé  à  l'exirémité  de  la  promenade  dite  «  des 
Marbres  »  est  désigné  sous  le  nom  de  «  Caves  joyaux  »,  n'existe  pour  ainsi  dire 
plus  que  dans  les  lignes  générales  et  dans  ses  contours.  On  a  pu  calculer  que  plus 
de  30.000  spectateurs  y  trouvaient  place  à  la  fois.  L'amphithéâtre  est  détruit,  lui 
aussi  depuis  longtemps;  il  avait  154  mètres  de  long  dans  son  grand  axe  et  130  dans 
son  petit. 

La  Pierre  de  Couhard,  située  à  quelques  centaines  de  mètres  au  Sud-Est  de  la 
ville,  est  une  masse  pyramidale  pleine  de  ruine,  de  forme  quadrangulaire,  haute  de 
33  m.  15,  large  de  22  m.  (35.  Construite  en  moellons  du  pays,  elle  se  trouvait  sur 
la  voie  antique  d'Autun  à  Lyon.  Les  opinions  les  plus  diverses  ont  été  émises  sur 
sa  destination.  Le  voisinage  d'un  cimetière  gallo-romain  donne  à  penser  que  c'est 
une  tombe,  mais  les  fouilles  qui  y  ont  été  pratiquées  en  1640,  1840  et  1877,  n'ont 
rien  révélé  à  ce  sujet. 

Le  Musée  lapidaire,  installé  en  1861  dans  l'ancienne  chapelle  de  Thôpital  Saint- 
Nicolas  (XIP  siècle),  est  fort  intéressant  :  Colonnes,  chapiteaux,  statues,  stèles, 
sarcophages,  mosaïques,  «  tombeau  de  Brunehaut  »,  dalles  funéraires  avec  por- 
traits d'ouvriers  et  attributs  professionnels,  etc.,  etc. 

Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  l'école  préparatoire  de  cavalerie,  établie  dans 
l'ancien  petit  Séminaire,  vaste  et  somptueux  édifice  élevé  en  1669  par  les  libéralités 
de  Louis  Xl\'  (jardins  dessinés  par  Le  Nôtre),  les  équipages  déposent  les  excur- 
sionnistes à  l'Hôtel  de  la  Poste.  On  attend  GO  convives,  ils  sont  plus  de  80,  mais 
il  ne  faut  pas  s'inquiéter,  en  dehors  des  turbots  et  des  langoustes  qui  arrivent  de 
Paris,  il  y  a  des  vivres  de  supplément,  car  c'est  une  des  grandes  foires,  de  ces 
foires  oii  les  bêtes  à  cornes  se  comptent  par  centaines,  presque  par  milliers,  et  à 
notre  entrée  en  ville,  nous  avons  rencontré  l)ien  des  paysannes  élégantes,  poussant 
devant  elles  une  paire  de  petits  cochons. 

Au  dessert,  M.  de  Marsy  prend  la  parole  pour  rappeler  les  belles  découvertes 
faites  depuis  trente  ans  par  ,^I.  BuUiot,  sur  le  Mont  Beuvray,  l'ancien  Bibracte,  la 
capitale  gauloise  que  nous  ne  pouvons  visiter.  Aux  applaudissements  de  tous, 
notre  Président  apprend  à  M.  Bulliot  que  la  .Société  lui  a  attribué  l'une  de  ses 
premières  récompenses. 

Les  Congressistes  se  remettent  en  route  pour  visiter  les  monuments  religieux  et 
autres  de  la  ville. 

Le  principal  est  la  Cathédrale,  sous  le  vocable  de  saint  Lazare,  fondée  en  1120, 
consacrée  en  1132  et  remaniée  vers  1470  par  le  cardinal  Rolin,  qui  entre  autres 
choses,  fit  construire  le  chœur,  la  tour  centrale  et  la  flèche. 

A  la   façade  a  été  accolé  en   1178  un   porche  couvert,  surmonté  de  deux  tours 


—  280  — 

refaites  et  exhaussées  en  1873.  La  porte  principale  en  plein  cintre  est  ornée  d'un 
tympan  posé  sur  deux  cliapiteaux  (à  droite  Balaana  sur  son  ànesse  ;  à  gauche,  un 
personnage  sur  une  bète  fantastique)  et  oii  se  voit  un  curieux  Jugement  dernier, 
œuvre  du  sculpteur  Gislebertus.  Le  trumeau  (saint  Lazare  et  ses  deux  sœurs), 
détruit  en  1766,  a  été  reconstitué  en  1863.  Les  chapiteaux  sur  lesquels  s'appuient  les 
archivoltes  (dont  la  première  est  décorée  de  médaillons  oii  sont  figurés  les  signes 
du  zodiaque  et  les  travaux  de  chaque  mois  de  Tannée)  représentent  à  droite  saint 
•lérôme  et  son  lion,  la  Conversion  de  saint  Eustache,  la  Présentation  au  temple  ;  à 
gauche,  l'Apologue  du  Loup  et  de  la  Grue,  Agar  et  Ismaël  chassés  par  Abraham, 
et  les  Vieillards  de  l'Apocalypse  louant  le  Seigneur.  Ceux  des  portes  secondaires 
représentent,  d'une  part,  David  allant  au  combat  et  David  tuant  Goliath  ;  d'autre 
part  un  homme  faisant  danser  un  ours,  et  une  tète  monstrueuse.  D'autres,  qui 
couronnent  les  colonnes  engagées  des  travées  collatérales  de  ce  porche,  sont  des 
chapiteaux  antiques  empruntés  à  une  des  portes  romaines  aujourd'hui  détruites. 

A  l'intérieur,  on  remarque,  entre  la  nef  et  les  collatéraux  de  beaux  chapiteaux 
représentant,  entre  autres,  à  droite,  le  corps  de  saint  Vincent,  Simon  le  Magicien, 
le  Lavement  des  pieds,  le  Martyre  de  saint  Etienne,  l'Arche  sur  le  Mont  Ararat, 
.Judas,  et  à  gauche,  la  Naissance  de  la  Vierge,  le  Sacrifice  d'Isaac,  saint  Joachim, 
les  Hébreux  dans  la  fournaise,  Daniel  dans  la  fosse  aux  lions,  .Jésus  sur  le  toit  du 
Temple,  la  Résurrection,  la  Visite  des  Mages  à  Hérode,  la  Fuite  en  Egypte,  etc. 
La  tribune  des  orgues  date  de  la  fin  du  XV"  siècle,  ainsi  que  la  plupart  des  cha- 
pelles qui  sont,  en  commençant  par  la  droite,  celles  de  Saint-Jean-Baptiste  (dépôt 
de  chaises),  de  Saint-Claude  et  Saint-Germain,  de  Saint-Antoine  ou  du  Grand- 
Crucifix,  de  Saint- Vincent  ou  de  Saint-François  d'Assise,  de  Saint-Pierre  et  Saint- 
Paul  ou  du  Sacré-Cœur,  du  Scapulaire,  des  Glugny  ou  Giiapelle  dorée,  puis  en 
continuant  à  gauche,  celles  de  Sainte-Geneviève  ou  de  Parpas  (dépôt  de  meubles), 
de  Sainte-Croix  ou  de  Saint-Martin,  des  Boutons  ou  de  Saint-Symphorien,  de  Saint- 
Marcel  et  Saint-Eufroy  ou  des  Evèques  (vitrail  représentant  l'arbre  de  Jessô  et  le 
tableau  du  Guerchin),  de  Saint-Boil,  Saint-Privat  et  Saint-Yves  ou  de  Saint-Antoine, 
des  Millot  ou  de  Sainte-Anne  (tableau  flamand),  et  des  Charvet  (rétable  du 
XV1'=  siècle  représentant  le  Christ  et  la  Madeleine),  (fonts  baptismaux).  Dans  le 
transept,  tableaux  du  Procaccini  ^Christ  mourant)  et  d'Ingres  (Martyre  de  saint 
Symphorien_).  Dans  le  collatéral  du  chœur,  statues  agenouillées  du  président 
Jeannin  et  de  sa  femme,  Anne  Guémot,  œuvre  de  Nicolas  Guillain,  de  Cambrai,  et 
au-dessus,  buste  de  l'abbé  Jeannin,  frère  du  président.  Sur  le  maître-autel,  croix  et 
chandeliers  remarquables  (1777). 

Dans  la  sacristie  (XVI"  siècle),  trésor  contenant,  entre  autres  choses,  un  suaire 
en  soie  de  provenance  orientale,  connu  sous  le  nom  de  palli  on  sericeum  (fin  du 
X*  ou  commencement  du  XI'  siècle). 

Les  autres  églises  d'Autun  sont  Notre-Dame  (1757-1764),  ancienne  chapelle  du 
collège  dont  Lazare  Carnot  et  Napoléon  Bonaparte  furent  élèves,  et  Saint-Jean-le- 
Grand  (18'.7- 18.50). 

Edifices  CIVILS.  —  Le  Palais  épiscopal  ,  comprend  des  parties  anciennes, 
ancien  palais  des  ducs  de  Bourgogne,  belle  construction  du  XV'=  siècle,  plusieurs 
fois  modifié  et  restauré.  On  remarque  la  table  de  l'officialité.  On  y  conserve  aussi 
un  tryptiquc  daté  de  1515,  représentant  la  Cène  et  un  portrait  du  cardinal  Rolin 
par  un  maître  flamand,  qui  a  été  reproduit  dans  un  vitrail  de  la  chapelle  St-Vincent, 
il  In  cathédrale. 


r-    281    - 

L'ancien  Réfectoire  des  Chanoines  esf  devenu  en  1873  cliapelle  sous  le  vocable 
fie  Notre-Dame  des  Bonnes-Œuvres  (XII""  siècle). 

I/HÔTEL  RoLiN  est  le  siège  de  la  Société  éducnne  depuis  1878  (XV''  siècle).  — 
Le  Musée  Rolin,  organisé  dans  cet  hôtel  par  la  Société  éduenne  est  excessivement 
curieux  :  Stèles,  inscriptions,  bas-reliefs,  statues,  tombes,  objets  provenant  des 
fouilles  de  M.  Bulliot  au  Mont  Beuvmy  (Bibracte),  fragment  de  rétable  en  marbre 
blanc  (V«  siècle),  portrait  à  fresque  du  cardinal  Rolin  (XV'  siècle),  monnaies  et 
médailles,  etc. 

L'HÔTEL  DE  Ville  ,  construction  moderne,  péristyle  de  six  colonnes  d'ordre 
dorique  ;  le  rez  de  chaussée  sert  de  marché  couvert  ;  l'étage  supérieur  est  occupé 
par  la  Mairie,  le  Tribunal  de  commerce,  les  Archives,  la  Bibliothèque,  composée 
de  15.000  volumes  et  le  Musée,  qui  renferme  une  belle  série  de  poteries  antiques, 
des  bronzes,  parmi  lesquels  le  groupe  dit  «  des  Crupcllaises  »,  la  célèbre  inscrip- 
tion grecque  chrétienne  découverte  en  1839,  et  un  médaillicr  riche  en  monnaies 
gauloises,  romaines  et  mérovingiennes. 

Le  Grand  Séminaire  occupe  de  magnifiques  bâtiments  (XVII*  siècle),  sur  l'em- 
placement de  l'hôpital  Saint-Antoine,  élevé  par  le  président  Jeannin.  11  contient 
une  précieuse  Bibliothèque,  célèbre  par  ses  manuscrits,  au  nombre  de  plus  de 
150  provenant  du  chapitre  de  l'église  cathédrale.  Signalons  notamment  un  évan- 
géliaire  du  XIll"  siècle,  un  sacraraentaire  du  IX  s.,  un  pontifical  du  XV«  s.  orné 
de  très  belles  miniatures,  etc.  Le  Petit  Séminaire  possède  une  riche  collection 
d'histoire  naturelle. 

La  Fontaine  Saint-Lazare,  près  la  cathédrale,  est  un  élégant  petit  monument 
de  la  Renaissance  (1.543)  qui  comprend  deux  lanternes  superposées.  Celle  de  dessus, 
qui  menaçait  ruine,  a  été  supprimée  en  1863  et  reconstruite  en  1891. 

Autun  a  encore  quelques  Tours,  la  tour  de  Marchaux.  —  Tour  de  François  l" 
ou  des  Ursulines,  reste  d'un  édifice  de  la  Renaissance  bâti  sur  des  débris  romains. 
Notons  également  des  Maisons  anciennes  du  XV«  et  du  XVI«  siècle  (I). 

Telles  sont  les  étapes  faites  dans  la  vieille  cité  éduenne,  étapes  parcourues  sous 
la  pluie  jusqu'à  notre  départ. 

La  ville  d'Autiin  se  préparait  à  célébrer  les  27  et  28  juin  le  XXV''  anniversaire 
de  la  consécration  ôpiscopale  de  S.  E.  le  cardinal  Perraud,  aimé  et  estimé  dans  son 
diocèse  et  particulièrement  à  Autun,  sa  ville  épiscopale. 

Emerveillés,  mais  tout  mouillés,  les  Congressistes  reprirent  le  chemin  de  fer 
pour  Chalon. 

Le  programme  était  rempli,  mais  il  y  avait  encore  une  excursion  facultative  bien 
attrayante,  à  Beaune. 

Mon  grand  désir  était  de  revoir  Reaune  oii  j'étais  allé  en  1890  avec  Mgr  De- 

haisnes,  oii  nous  avions  été  reçus  d'une  manière  exceptionnelle  à  l'hospice 

«  Mon  compagnon  de  voyage  venait  de  rendre  service  aux  religieuses  de  l'Hôtel- 
Dieu  de  Beaune,  en  ce  qui  concerne  les  origines  premières  de  leur  maison,  fondée 
vers  1452  par  une  colonie  de  religieuses  sortie  d'un  hôpital  de  Valenciennes.  Nous 
étions  attendus.  Nous  fûmes  comblés  d'attentions  et  de  prévenances.   L'assistante, 


(1)  Anatole  de  Charvassb.  Autun  et  ses  monuments,  par  niiiold  de  Fontenay,  avec  un  précis  histo- 
rique. Autun,  1889,  541  p.  petit  in-8",  fig.  et  plan. 
Souvenir  d'Autun  [album  de  photorjraphiesj. 


—  282  — 

qui  nous  reçut,  a  étudié  dans  les  documents,  riiistoire  de  l'Hôtel-Dieu  dont  elle 
connaît  jusqu'aux  moindres  détails  et  elle  nous  fit  les  honneurs  de  la  maison  avec 
une  science  et  un  charme  qui  nous  ravissaient.  Elle  nous  présenta  d'abord  à  la 
maîtresse  ou  supérieure,  vénérable  religieuse,  dont  nous  admirâmes  la  prestance 
et  l'affable  dignité. . .  Au  moment  oii  nous  nous  disposions  à  nous  rendre  au  buffet 
de  la  gare  pour  déjeuner,  la  religieuse  assistante  qui  nous  avait  fait  les  honneurs 
de  la  maison,  nous  pria  d'entrer  dans  une  petite  salle  à  manger,  et  nous  recon- 
nûmes que,  sous  aucun  rapport,  la  Bourgogne  ne  le  cède  à  la  Flandre  »  (1). 


Jeudi  22.  —  Au  départ  de  Mâcon  ,  j'avais  expédié  mon  bagage  à  Vichy  où  je 
devais  passer  quelques  jours,  je  n'avais  réservé  qu'un  seul  vêtement.  Les  pluies 
survenues  à  Châlon  et  à  Autun  m'avaient  été  fort  désagréables  ;  un  rhume  en  avait 
été  la  suite.  A  notre  arrivée  à  la  gare  de  Chalon,  bien  avant  le  départ  pour  Beaune, 
un  train  était  en  partance  pour  Moulins  (Vichy).  L'hygiène  triompha  de  l'archéo- 
logie et  je  pris  la  route  de  la  fameuse  station  thermale. 

J'emprunte  à  M.  Herbert  l'Ecrivain  (2)  le  récit  de  cette  intéressante  excursion 
dont  je  crus  devoir  m'abstenir  : 

«  Excursion  facultative  à  Beaune  »  ;  plus  de  quarante  Congressistes  étaient 
encore  là  le  jeudi  matin,  lorsque  nous  descendions  du  train  à  la  gare  de  Beaune 
oii  nous  attendaient  les  membres  du  bureau  de  la  Société  d'Archéologie  et  d'Histoire 
de  Beaune,  MM.  de  Montille,  Aubertin  et  Gloria.  Tout  d'abord  nous  nous  rendons 
à  l'église  Notre-Dame,  dont  M.  l'archiprètre  Héron  nous  fait  les  honneurs  et  oit  il 
a  bien  voulu,  comme  aux  jours  de  fêtes,  faire  orner  le  chœur  de  la  splendide 
tapisserie  de  la  vie  de  la  Vierge  exécutée  en  1500  aux  frais  du  chanoine  Le  Cocq, 
par  des  artistes  flamands  ;  après  une  courte  visite  à  l'ancien  beffroi  devenu  aujour- 
d'hui le  Musée  de  la  Société  d'Archéologie,  nous  déjeunons  à  l'Hôtel  de  la  Poste, 
et  ne  tardons  pas  à  prendre  sous  nos  parapluies  le  chemin  de  l'Hôpital  de  Beaune, 
cette  merveille  célèbre  dans  le  monde  entier  et  qui  attire  chaque  année  de  nom- 
breux visiteurs.  C'est  en  l'i43  que  Nicolas  Rolin,  chancelier  du  duc  de  Bourgogne, 
dont  nous  avons  vu  à  Autun  l'hôtel  transformé  en  Musée  ,  fonda  avec  sa  femme 
Guigogne  de  Salins  l'Hôpital  de  Beaune  qui,  aujourd'hui  encore,  après  quatre 
siècles,  a  conservé  tout  son  caractère  et  depuis  le  guichet  de  la  porte  d'entrée, 
jusqu'à  la  crémaillère  de  la  cuisine,  dans  les  salles  dos  malades,  comme  dans  la 
cour  au  centre  de  laquelle  est  le  vieux  puits  en  fer  forgé,  nous  reporte  au  temps 
du  Téméraire,  avec  les  malades  dans  leurs  lits  aux  rouges  courtines,  sous  les 
hautes  nefs  voûtées  de  bois,  non  loin  de  la  chapelle,  dans  le  chœur  de  laquelle  on 
voit  les  hospitalières  en  leurs  amples  vêtements  blancs  l'été  et  bleus  l'hiver, 
coiffées  du  hennin,  circuler,  ici  allant  panser  un  blessé,  là  consoler  un  malade.  Et 
ce  ne  sont  pas  les  premières  venues  que  ces  religieuses  de  _Sainte-Marthc,  quali- 
fiées de  servantes  des  pauvres  et  qui,  à  ce  titre,  reçoivent  trois  francs  par  an  pour 
leurs  salaires.  Elles  doivent  suffire  à  leurs  besoins  et  appartiennent  aux  meilleures 
familles  de  la  ville.  Dans  un  parloir  réservé,  nous  apercevons  deux  jeunes  postu- 
lantes dont  le  costume,  comme  celui  des  religieuses  n'a  pas  varié  depuis  la  fonda- 


(1)  L.  Quarhé-Reybourbon.  Carnet  de  voyage.—  Est  et  Midi  de  la  France,  Italie  et  Sicile.  Lille.  in-S" 
1H94,  payes  3  et  4. 
—  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie.  Tome  20.  1895,  page  20. 
L'Ordre  de  l'Oise,  journal  de  Compiegne,  8  juillet  1800. 


—  283  ~ 

tion.  On  a,  dans  un  Musée,  réuni  les  objets  les  plus  précieux  conservés  dans 
l'Hôpital  et  notamment  le  célèbre  tableau  du  Jugement  dernier,  attribué  à  Roger 
Van  der  Weyden  et  dont  on  a  refusé  plus  d'un  million,  de  vieux  ornements  reli- 
gieux et  des  tapisseries  anciennes,  qui  sont  en  nombre  suffisant  pour  décorer  les 
cours  de  l'Hôpital,  le  jour  de  la  procession  de  la  Fête-Dieu. 

Les  revenus  de  l'Hôpital  de  Beaune  consistent  en  partie  en  vins,  des  crus  de 
Meursault  et  de  Corton,  dont  la  vente  aux  enchères,  au  commencement  de 
novembre,  sert  généralement  à  fixer  les  cours  des  grands  crus  de  Bourgogne. 

C'est  dans  la  grande  salle  des  adjudications  décorée  de  tapisseries  de  l'époque 
de  Louis  XIV  et  meublée  dans  ce  style,  que  s'est  terminée  notre  visite.  M.  Montoy, 
Vice-Président  des  Hospices,  asisté  de  M.  Grandpré,  Secrétaire  bien  connu  de  tous 
ceux  qui  s'occupent  de  gymnastique  et  d'autres  membres  de  la  Commission,  nous 
■ont  fait  goûter,  avant  de  nous  séparer,  quelques-uns  de  ces  vins  généreux  et, 
comme  aux  adjudications,  la  brioche  au  fromage  les  accompagne,  afin  de  nous 
permettre  d'en  distinguer  le  bouquet. 

Nous  resterions  volontiers,  mais  la  pluie  redouble,  l'heure  du  train  approche  ; 
voilà  pour  un  an  la  séparation  définitive  ;  mais  beaucoup  d'entre  nous  expriment 
l'espoir  de  se  retrouver  encore  au  Congrès  belge  d'Arlon,  à  l'Association  pour 
l'Avancement  des  Sciences  à  Boulogne  et  dans  d'autres  réunions  oii  nous  parlerons 
avec  plaisir  de  ce  que  nous  avons  vu  et de  ce  que  nous  comptons  bien  voir.  » 


LES   GRISONS 


Un  de  nos  plus  aimables  collègues,  M.  G.  Houbron,  a  rapporté  de 
son  récent  séjour  en  Suisse  une  série  d'interviews  sur  le  pays  des 
Grisons.  Nous  sommes  heureux  de  mettre  quelques-unes  de  ces 
•causeries  sous  les  yeux  do  nos  lecteurs. 


INTERVIEW  DU  VICAIRE-GÉNÉRAL  DE  L'ÉVÊQUE  DE  COIRE. 


Je  trouvai  Monsieur  le  vicaire-général  dans  son  cabinet  de  travail 
-du  premier  étage,  dont  les  fenêtres  donnaient  sur  une  petite  cour  ou 
ruelle  de  style  italien.  Une  vaste  bibliothèque  chargée  de  livres 
•occupait  tout  un  côté  de  cette  salle,  faisant  face  à  un  bureau,  un  orgue, 
un  pupitre  à  violon  ;  des  instruments  de  musique  pendaient  au  mur, 


—  284  — 

à  côté  de  pliotographies  el  de  gravures  d'arts  ;  une  pile  de  Journaux 
traînait  sur  la  table.  Bref,  un  véritable  home  d'artiste,  de  savant  et 
de  lettré.  Quant  à  lui,  je  le  revois  encore  :  grand,  vigoureux,  les  épaules 
larges,  le  teint  brun  et  un  peu  coloré,  l'œil  vif,  les  traits  fortement 
accusés,  exprimant  un  air  de  volonté  intelligente  et  consciente  d'elle- 
même. 

Mon  hôte  me  reçut  fort  amicalement  comme  d'habitude,  puis,  la 
conversation  étant  tombée  par  hasard  sur  ces  journaux,  dont  les  titres 
inconnus  et  étranges  piquaient  ma  curiosité  : 

Presque  toutes  ces  revues,  me  dit-il,  sont  écrites,  effort  bien  écrites, 
en  romanche.  Elles  vous  intéi"esserai*ent,  j'en  suis  sur,  si  vous  pouviez 
les  comprendre.  Voici  la  Fogl  d'Engiadina ,  publiée  à  Samaden , 
rUtschella,  la  Nova  gazetta  romontscha,  la  Ligia  grischa,  11  Xovelist, 
le  Calendrier  de  Dissentis,  etc. 

—  Et  toutes  ces  revues  ont  leur  clientèle  assurée  de  lecteurs  ? 

—  Hélas,  je  u'ose  vous  l'affirmer.  Savez-vous  combien  d'hommes 
comprennent  et  parlent  aujourd'hui  notre  vieille  langue  grisonne  ? 
30.000  à  peine.  Elle  finira  par  périr  étouffée  entre  l'allemand  et  l'italien 
qui,  de  plus  en  plus,  lui  disputent  sa  place.  11  en  est  des  langues 
comme  des  peuples.  Humboldt  rencontra  jadis,  sur  les  bords  de  l'Oré- 
noque,  un  vieillard,  dernier  descendant  d'une  tribu  nombreuse,  lequel 
apprenait  sa  langue  à  des  perroquets,  afin  que,  lui  mort,  cette  langue 
ne  disparût  pas  tout  entière.  In  jour  viendra  où  il  en  sera  de  même  du 
romanche.  Après  nous,  les  grammairiens  bavards  seront  encore  là 
pour  la  répéter,  mais  elle  n'en  sera  pas  moins  morte.  Nous  ne  pour- 
rons, nous,  que  chercher  à  retarder  sa  dernière  heure... 

—  Comment  cela,  s'il  vous  plaît  ? 

—  Comment  ?  En  suscitant  un  mouvement  d'opinion  en  sa  faveur, 
<'n  défendant  sa  cause  et  en  y  intéressant  le  peuple.  Oh,  la  tâche  n'a 
rien  de  difficile.  Grâce  à  Dieu,  le  Grisou  connaît  son  histoire,  il  est  fier 
de  lui-même  comme  de  ses  ancêtres  ;  il  se  pique  non  seulement  d'agir, 
mais  de  parler  comme  eux.  Pour  cela,  il  n'a  pas  seulement  ses  jour- 
naux, ses  livres,  ses  associations,  mais  encore  ses  «  Lieder  »,  comme 
diraient  les  Allemands,  ses  recueils  de  chansons  nationales,  qui  entre- 
tiennent chez  lui  le  feu  sacré  du  patriotisme,  le  culte  de  toutes  les 
grandes,  de  toutes  les  nobles  traditions  d'autrefois. 

Sa  figure  s'animait.  En  voyant  mes  regards  attachés  sur  lui,  il  sourit 
et  ajouta  :  A'euillez  me  pardonner,  mais  cette  cause  me  lient  au  cœur. 
J'aime,  oui,  j'aime  mon  vieux  pays  grisou,  car,  comme  chante  juste- 


-  2&')  - 

nient  un  de  nos  airs  populaires  :  La  Surselva  ha  niei  vin  tlorniir  eu 
tgina,  le  haut  pa\"s  m'a  vu  dormir  au  berceau.  C'est  poui'quoi  j'ai  t'ait 
moi  aussi  ce  que  j'ai  pu.  Et  tenez,  je  vous  parlais  des  associations  pour 
le  chant... 

Il  se  leva,  prit  en  main  une  image  encadrée  qui  pendait  au  nuir. 

...  Le  groupe  que  vous  repi'ésente  cette  phologra}»hie,  n'est  autre 
que  le  choral  Savognino,  dont  je  suis  moi-même  le  président.  C'est 
une  société  de  chanteurs,  comme  toutes  les  autres,  mais  (jui  s'est 
donné  pour  mission  de  faire  revivre  dans  leur  langue  nos  vieux  airs 
nationaux.  Ce  ne  sont  pas  seulement  des  «  morceaux  »  que  nous  chan- 
tons, mais  des  hj'mnes.  Il  me  suffira  pour  vous  instruire  de  vous  en 
citer  les  titres  :  La  Ligia  di  Porclas,  la  Patria  d'il  Grischun  ,  Benedetg 
Fontaua ,  al  Paunpelus  (1) ,  et  tant  d'autres  semblables ,  qui  tous 
évoquent  chez  nous  des  souvenirs  propres  à  la  race  grisonne.  Et  il  faut 
entendre  comme  s'y  mettent  nos  montagnards  !  Quelle  ardeur,  quel 
entrain  !  Et  quelles  voix  !  Des  voix  fortes,  véhémentes,  tonitruantes, 
terribles,  des  voix  pareilles  au  grondement  des  torrents  dans  la  mon- 
tagne, ou  à  celui  du  vent  d'(jrage  quand  il  passe  à  travers  la  forêt.  Ce 
qui  ne  les  empêche  pas  de  s'infléchir,  de  s'adoucir  au  besoin  jusqu'au 
murmure  et  à  la  prière.  Notre  belle  langue  est  toute  faite  pour  de 
pareilles  voix  :  sonore  comme  l'espagnol  auquel  elle  ressemble , 
caressante  et  moelleuse  parfois  comme  l'italien,  mais  avec  un  accent 
plus  chuintant. 

Le  choral  Savognino  ne  m'est  pas  inconnu,  lui  dis-je.  Je  sais  d'ail- 
leurs combien  à  toute  époque,  les  sociétés  de  chant  furent  en  honneur 
dans  la  Suisse  grisonne. 

Certes,  ajouta-t-il.  Et  pourtant  que  sommes-nous  à  côté  de  nos 
pères  ?  Où  est  le  temps,  où  chaque  canton,  chaque  commune  possédait 
ses  chœurs,  ses  Compagnies  de  la  Jeunesse  chantant  aux  jours  de  fêtes 
et  de  solennités  sous  la  direction  de  leur  capitaine,  les  hymnes  d'Anton 
Huonder  :  «  Nous  qui  sommes  enfants  des  rochers,  nous  que  les  som- 
mets ont  vus  naître,  voudrions-nous  être  vassaux  ?  »  Qu'est  devenu  le 


(1)  Le  Paunpelus,  mets  national  grison,  n'est  autre  chose  qu'une  soupe  au  pain 
et  au  fromage.  Les  Suisses,  en  grande  partie  (Irisons,  qui  formaient  autrefois  la 
garde  des  rois  de  France,  avaient  coutume  de  se  réunir  à  certains  jour-^  hors  de 
Paris,  dans  des  restaurants  de  barrière  oii  on  leur  servait  le  plat  exotique.  De  là 
leur  vint  le  sobriquet  do  Pampelouses,  que  les  gens  du  peuple  leur  appliquaient 
en  France  au  dernier  siècle. 


—  280  - 

temps  où,  le  diuianche  après  la  messe,  les  hommes  assis  en  roud  autour 
de  l'église  entonnaient  des  cantiques  vibrants  et  joyeux,  où  des  airs 
analogues  terminaient  les  séances  de  la  Landesgemeinde  ;  où,  pendant 
les  guerres  sanglantes,  dont  parle  le  Schwabenlied,  nos  gars  se  prépa- 
raient au  combat,  et  à  la  victoire,  en  «  mugissant  »  quelque  hvmne 
mi-religieuse,  mi-patriotique,  ce  qui  les  taisait  traiter  peu  courtoise- 
ment de  «  vaches  »  par  nos  ennemis  Tyroliens  ?  Et  ces  drames  mêlés 
de  chants  qui  se  jouaient,  il  y  a  vingt  ans  à  peine,  les  jours  des  fêtes 
populaires  !  Vous  le  voyez,  tout  décline,  même  dans  notre  bon  pays 
grison.... 

Pas  tant  que  cela.  Monsieur  le  vicaire-général.  Heureux  les  peuples 
qui  ont  encore  des  chefs  spirituels  pour  les  guider,  leurdouner  courage 
et  les  enflammer  au  bon  combat  ])ar  l'exemple  des  ancêtres. 


INTERVIEW  D'UN  GUIDE  A  LA  FLUELA. 


Nous  approchions  du  col  de  la  Flûela,  si  dangereux  par  ses  ava- 
lanches. Les  claquements  du  fouet,  les  «  Hariaruhariia  »  prolongés  du 
conducteur,  les  hennissements  des  chevaux  eux-mêmes  ,  cessèrent 
brusquement.  Toute  trace  de  végétation  avait  disparu.  Un  vent  froid, 
un  grand  silence  triste  et  impressionnant  planaient  autour  de  nous. 
On  n'entendait  plus  que  de  loin  en  loin,  le  râle  du  choucas,  ou  le  siffle- 
ment aigu  de  la  marmotte.  Nos  pensées  avaient  pris,  d'elles-mêmes, 
un  tour  haut  et  grave. 

«  Messieurs,  dit  le  journaliste  P.,  nous  voici  à  plus  de  2.000  mètres, 
nou  loin  de  la  frontière  du  Tyrol.  Toute  celte  région  pourrait  s'appeler 
à  bon  droit  le  «  Toit  (h'  l'Europe  »,  uon  pas  seulement  à  cause  de  son 
altitude,  souune  toute  relative,  uiais  parce  que  ces  solitudes,  désertes 
en  apparence,  sont  néanmoins  habitées  :  l'hospice  de  la  Fliïela,  ren- 
contré tout  à  l'heure,  en  est  la  preuve.  Si  mortels  que  soient  les 
éléments,  si  cruel  que  soit  l'exil  sur  ces  sommets,  l'homme  veille  sur 
l'homme.  La  route  que  nous  suivons  est,  on  peut  le  dire,  creusée  à 
même,  dix  fois,  cent  fois,  dans  les  avalanches. 

Pjirtout  ailleurs,  vous  avez  \m  le  voir,  et  aux  Ziïge,  et  au  Scliyn,  et 
au  Spliigen,  on  a  multiplié  dans  nu  ])ul  de  protection,  les  refuges,  les 


-^  287  - 

tunnels,  les  galeries  aériennes  suspendues  à  mille  pieds  de  l'abîme. 
Michelet,  qui  les  vit  aussi,  les  a])pelait  ingénieusement  «  les  cloîtres 
des  esprits  »,  oubliant  seulement  de  rendre  justice  à  l'audace  et  à  la 
prévoyance  de  l'homme,  qui  créa  ces  asiles.  Et  pourtant,  malgré  tout, 
il  ne  se  passe  presque  pas  d'années  où  ne  se  renouvellent  les  méfaits 
de  l'Alpe  homicide.  Ces  parages  surtout,  plus  mal  protégés,  en  ont  été 
trop  souvent  le  théâtre...,  » 

En  cet  endroit,  la  route  faisait  un  coude  ;  le  col  s'élargissait  entre 
des  pentes  moins  abruptes  ;  notre  ami  pria  le  conducteur  de  s'arrêter. 

«  Et  tenez,  Messieurs,  voici  ({ui  confirme  mes  paroles.  En  cet  endroit 
même,  c'était  en  février  1897.  une  caravane  presque  entière  périt  sous 
une  avalanche  que  rien  ne  faisait  i)révoir.  Il  y  avait  quatre  traîneaux, 
trois  d'entre  eux  furent  ensevelis  sous  la  neige  avec  les  chevaux  et  les 
conducteurs.  Seul  le  voiturier  de  tète  qui  avait  dépassé  en  courant  la 
zone  dangereuse,  demeura  sain  et  sauf.  Quand  il  revint  sur  ses  pas, 
la  neige  et  le  silence  régnaient  partout  ;  de  ses  malheureux  camarades, 
il  ne  restait  plus  de  trace  ;  ils  avaient  quinze  mètres  de  neige  par 
dessus  la  tète  et  leurs  cadavres  ne  furent  retrouvés  que  beaucoup 
plus  tard,  en  mai  ou  juin.  Quant  au  survivant  de  cette  affreuse  catas- 
trophe, il  re})rt'nait  quelques  jours  ajirès  avec  un  nouveau  convoi,  la 
roule  qui  avait  failli  lui  être  mortelle.  Je  supi)Ose  qu'il  a  dû  plus 
d'une  fois  frissonner  en  la  regardant.  » 

Notre  cocher  était  resté  tourné  vers  nous,  suivant  le  récit  d'un  air 
distrait  et  fixant  droit  devant  lui  sa  prunelle  de  rêve,  d'un  gris  bleuâtre, 
pâle  comme  ce  ciel  d'hiver.  11  hocha  la  tète  et  dit  simplement  : 

C'était  mon  frère. 

Nous  eûmes  tous  un  léger  sursaut. 

—  Vraiment,  l'ami,  c'était  votre  frère  ?  Et  depuis  il  a  [)u  continuer 
sans  accident  son  dangereux  métie'r  ? 

—  Bail  !  Messieurs,  nous  autres  gens  de  la  montagne  nous  sommes 
habitués  à  risquer  notre  vie.  Et  puis,  voyez-vous,  mon  frère  ne  croit 
plus  au  danger.  Ptien  à  craindre  avec  lui,  les  avalanches  le  connaissent. 

—  Vraiment  ? 

—  S'il  avait  dû  en  mourir,  il  y  a  longtemps  que  ce  serait  fait.  Un 
jour,  elle  est  tombée  sur  lui,  juste  comme  il  passait,  là  maudite  :  le 
vent  de  l'avalanche  qui  est  encore  bien  plus  terrible  que  la  neige,  l'a 
soulevé  du  sol  et  transporté  de  l'autre  côté  de  la  rivière  à  plus  de 
soixante  mètres,  sans  aucun  mal.  Depuis  lors,  c'est  fini,  il  sait  qu'il 


—  -288  - 

n'a  plus  rien  à  craindre  de  Tavalanche,  (;'est  comme  s"il  avait  «  signé  » 
avec  elle.  '^Authentiqué). 

—  Eh,  eh,  l'ami,  m'est  avis  que  votre  frère  doit  posséder  quelque 
talisman  secret  contre  le  mauvais  sort.  Cela  s'est  vu. 

—  Je  n'en  sais  rien.  Chacun  s'arrange  comme  il  peut. 

—  Et  vous,  lui  dis-je,  ce  métier  ne  vous  a  jamais  tenté  ? 

—  Mais  non.  Chacun  son  goût.  Je  faisais,  il  y  a  deux  ans,  le  métier 
de  contrebandier.  J'ai  été  blessé  d'un  coup  de  feu  à  la  jambe,  dans 
cette  fameuse  affaire  de  St-Anthônien,  où  nous  avons  tiré,  bien  malgré 
nous,  sur  les  douaniers  impériaux.  Alors,  comme  ça  me  gênait  pour 
continuer  les  escalades,  j'ai  dû  demajider  du  service  chez  les  gens 
d'en  bas. 

—  Et  vous  êtes  content  ? 

—  Oh  non,  il  y  a  des  jours  où  je  m'ennuie  bien  de  mon  ancienne 
existence.  Je  ne  sais  parfois  ce  qui  me  retient  malgré  ma  blessure,  de 
retourner  vivre  là-liaut,  en  compagnie  des  contrebandiers  et  des  chas- 
seurs de  chamois. 

«  Là-haut  »  et  son  geste  le  disait  assez  clairement,  c'était  la  cime 
dans  le  nuage  et  l'avalanche  toujours  menaçante ,  c'était  l'effroi,  le 
vent,  la  neige.  Quelle  vie  mystérieuse  et  surhumaine  pouvait-il  y  avoir, 
derrière  ces  sommets  ?.... 

Nous  échangeâmes  tous,  sans  mot  dire,  un  coup  d'œil  significatif, 
nous  nous  serrâmes  plus  étroitement  dans  nos  fourrures,  et  les  chevaux, 
sous  les  coups  de  fouet  du  conducteur,  reprirent  leur  pas  tranquille  en 
avant. 


INTERVIEW  D'UN  SAVANT  ARCHÉOLOGUE. 


Monsieur,  me  dit  ironiquement  le  savant  archéologue,  j'ai  lu  avec 
plaisir,  dans  votre  dernier  article  au  «  Courrier  de  Davos  »,  ce  que 
votre  ami  le  pâtissier  (1)  vous  a  dit  de  la  persistance  chez  nous  des 
vieux  cultes  Gaulois.... 


(1)  L'interview  qui  précédait  portait  en  effet  sur  la  pâtisserie,  un  art  très  en  hon- 
neur en  pays  grison  et  en  Engadine. 


—  289  — 

Et,  i>lus  encore  que  sa  l«)vre  malicieuse,  ses  petits  yeux  à  demi 
plissés  souriaient  derrière  ses  lunettes  d'or. 

Yous  n'imaginez  pas,  continua-t-il,  combien  nombreuses  turent  les 
traces  laissées  chez  vous  par  les  Celtes.  Cette  terre  sent  le  Gaulois, 
comme  on  dit  ailleurs  qu'elle  sent  le  Romain.  Notre  langue  romanche 
en  est  toute  imprégnée.  Un  grand  nombre  de  «  lieux-dits  »  trahissent 
une  origine  celtique.  Les  fouilles  faites  près  des  lacs  ont  mis  au  jour 
d'intéressants  objets  de  même  provenance.  Enfin,  si  nous  passons  aux 
vieilles  mœurs,  aux  superstitions  populaires,  une  constatation  analogue 
peut  se  faire  à  chaque  instant....  Je  n'irai  pas  jusqu'à  prétendre, 
comme  mon  vénérable  ami  M.  Charles  Benoîst  dans  un  article  déjà 
ancien  de  la  Revue  des  Deux -Mondes ,  qu'en  «grattant»  les  saints 
actuels  on  retrouverait  les  vieilles  divinités  rhétiques.  et  par  exemple, 
sous  la  sainte  Marguerite  chrétienne,  une  déesse  païenne  de  la  fécondité, 
une  nymphe  celtique  des  eaux  et  des  bois.  Non  ;  mais  je  ne  puis  m'em- 
pêcher  de  voir,  dans  toutes  les  créations  imaginaires  qn'a  forgées  la 
superstition  du  peuple,  les  descendants  de  ces  esprits  de  tout  genre, 
associés  aux  forces  naturelles,  auxquels  semblaient  croire  les  Gaulois. 
Et  ici  je  suis  en  pleine  communauté  d'opinion  avec  le  savant  écrivain  : 
«  L'antique  Rhétie  survit  dans  les  Grisons,  et  les  mêmes  légendes 
embaumées  dans  la  même  langue.  Ni  les  vallées,  ni  la  race,  ni  la 
langue,  ni  les  traditions,  ni  le  roc,  ni  le  peuple  ne  changent.  » 

....  Et  pourtant,  dit-il,  en  y  réfléchissant  quelque  peu,  ceci  encore 
manque  d'exactitude.  C'était  vrai  il  y  a  une  trentaine  d'années,  mais 
qui  pourrait  encore  l'affirmer  aujourd'hui  ?  Les  superstitions  dispa- 
raissent, et,  à  certains  points  de  vue,  la  chose  est  peut-être  regrettable, 
bien  qu'il  n'y  ait  rien  à  faire  contre  la  marche  de  la  civilisation.  Il  y  a 
trente  ans,  lors  d'un  voyage  que  je  fis  en  Eugadine,  la  «  contn'e 
inconnue  »,  comme  l'appelait  Papon,  je  fus  surpris  de  l'effroi  mysté- 
rieux que  projetait  sur  l'esprit  des  habitants  l'ombre  de  ces  glaciers, 
aujourd'hui  si  connus  et  si  pratiqués.  Là,  vers  ces  hautes  régions, 
semblent  s'être  retirés  les  débris  des  croyances  antiques,  comme  ces 
brouillards  qui  couvrent  encore  les  dernières  cimes,  quand  le  soleil  les 
a  dissipés  sur  les  pentes.  Le  Julier  surtout  fut,  de  tous  temps,  la  mon- 
tagne propice  aux  enchanlements.  Son  nom  ne  vient  pas,  comme  on  le 
suppose,  de  Jules  César,  mais  d'une  ancienne  divinité  celtique,  à 
laquelle  on  y  avait  dressé  deux  menhirs,  juste  au  point  le  plus  élevé. 
C'est  là  que,  le  premier  dimanche  de  Janvier,  les  fées  dansaient 
naguère  dans  leur  robe  éblouissante,  sur  les  pics  voisins  du  ciel.  On 


-.290  - 

dit  tnéme  qu'elles  éprouvaient  souvent  une  inclination  pour  les  enfanls 
des  hommes,  qu'elles  aclielaient  à  leurs  mères,  et  auxquels  elles 
offniient  des  bagues  magiques,  comme  gages  de  fiançailles...  Vous 
pourrez  lire  ceci,  plus  détaillé,  lians  un  article  que  j'ai  publié  il  y  a 
deux  ans  aux  Davoser  Bldtter,  suus  le  tilre  de  ;  Alpenfeen  und 
Sdineefrauen. 

—  Et,  dis-je,  existe-t-il,  en  pays  grisou,  d'autres  traces  de  supers- 
titions analogues  ? 

—  N'en  doutez  pas.  11  y  a  d'abord  tout,  le  cortège  des  sirènes  et 
nixes  enchanteresses,  poissons  couronnés  et  serpents  qui  prédisent 
l'avenir,  puis  les  sonneries  mystérieuses  au  fond  des  lacs,  les  reflets 
magiques  à  la  surface.  Chaque  étang,  si  petit  qu'il  soit,  a  ses  légendes, 
son  peuple  de  nixes,  facilement  assimilables  à  ces  nymplies  celtiques 
des  eaux  et  des  bois,  dont  je  vous  parlais  tout  à  l'heure. 

Autre  part,  c'est  la  Chasse  infernale,  passant  dans  les  cluses  désertes, 
dans  les  tours  en  ruines,  etc.  Dans  le  Rlieinthal,  les  Skalarageister  se 
n'unissent  la  nuit  de  St-Crépin  et  descendent  faire  boire  au  Rhin  leurs 
coursiers  de  vapeurs  aux  baleinées  de  flammes.  11  était  dangereux, 
disait-on,  d'imiter  le  cri  des  chasseurs.  Des  enfants  nombreux  dispa- 
rurent ainsi,  victimes  de  leur  imprudence.  Un  Concile  eut  lieu  eu  1578 
dans  le  but  de  défendre  «  ces  mœurs  païennes  ».  Et  ce  n'était  pas  la 
pi'emière  fois  que  le  clergé  intervenait  de  la  sorte.  J'ajouterai  que  la 
chasse  ét;nt  conduite  le  plus  souvent,  ou  par  le  dieu  Tliûrst,  parent  de 
Thor,  ou  par  le  dieu  Wotan,  ou  par  le  roi  Artus.  Or  le  Wotan  Scandi- 
nave n'est  autre,  il  n'y  a  plus  à  en  douter  aujourd'hui,  que  l'Odin  des 
anciens  Celles,  et  le  roi  Artus  se  retrouve,  vous  le  savez,  dans  la 
plupart  des  légendes  de  l'Armorique  bretonne... 

—  El  les  gnomes,  dont  vous  ne  me  parlez  pas  ? 

—  Les  gnomes  ?  Oh,  les  pauvres  Fànggen,  les  malheureux  petits 
Waldmannchen  !  Ils  ont  subi  le  sort  de  vos  Korrigans  et  de  vos  Poul- 
pikans  bretons,  le  sort  de  leurs  frères  les  Kobolds  d'Allemagne  ;  il  n'y 
en  a  plus,  hi  civilisation  a  soufflé  dessus.  Ce  n'était  pas  qu'ils  fussent 
bien  terribles,  les  infortunés:  S'il  leur  airivait  quehjuefois  de  se 
monli-er  méchants,  de  metti-e  le  feu  à  la  grange,  ou  d'obliger  les  habi- 
tants eux-mêmes  à  incendier  ou  exorciser  leur  maison,  c  est  qu'on  les 
avait  tracassés,  et  qu'ils  en  tiraient  vengeance.  En  général,  ils  étaient 
serviables,  gardaient  la  vache  sur  les  hauteurs,  accomplissaient  des 
besognes  utiles.  Ils  ne  coûtaient  pas  cher  à  nourrir:  un  peu  de  vin 
quelquefois  sufiisait  pour  les  enivi-er;  —  ni  à  vêtir  :  l'élé.  ils  couraient 


.—  291  — 

presque  nus,  rhiver  ils  n'avaient  pour  manteau  que  des  écorces  de 
sapin  ou  une  simple  peau  de  bête.... 

Je  me  souviens  encore,  ajouta-t-il,  quand,  dans  ma  jeunesse,  la 
grosse  cloche  fut  pendue  dans  l'église  de  Fuma,  et  qu'après  les  béné- 
dictions sacramentelles  on  se  mit  à  battre  le  branle  pour  épouvanter 
les  esprits.  Les  Fânggen  émigrèrent  en  bandes.  On  envoyait,  disait-on, 
de  toutes  parts,  se  profiler  au  bord  des  talus,  au  soleil  couchant,  paral- 
lèlement aux  nuages,  pleurant  et  portant  sur  leur  dos  leur  petit  sac 
de  voyage  au  bout  d'un  bâton....  Et  désormais  tous  nos  contes  de 
mères-grands  peuvent  se  terminer  par  la  phrase  sacramentelle  usitée 
chez  vous,  «  depuis  lors  onques  ne  les  revit-on  plus  en  la  contrée.  » 

Georges  Houbron. 


C  O  N  A  K  R  Y 


Un  de  nos  concitoyens,  M.  Maurice  Newnham ,  employé  dans  une  factorerie 
de  Gonakry  (Guinée  française),  a  écrit  à  ses  parents  une  série  de  lettres,  dont 
nous  reproduisons  (piclques  extraits,  en  respectant  autant  que  possible  leur  forme 
originale  et  familière. 


C-onakry  est  une  ville  située  derrière  les  îles  de  Los  et  au  fond  d'un  golfe  parfai- 
tement abrité.  Le  port  n'est  pas  praticable  à  marée  basse  à  cause  des  rochers  qui 
l'encombrent,  mais  à  marée  haute  les  navires  peuvent  entrer  et  viennent  même 
jusqu'en  face  de  chez  nous.  Deux  «  wharfs  »  (quais)  existent,  celui  du  gouverne- 
ment, qui  ne  sert  pas  à  grand'chose,  et  celui  de  la  Compagnie;  ce  dernier  est  le 
seul  oii  il  y  ait  une  grue,  et  par  conséquent  le  seul  utilisé.  11  ne  faut  pas  croire 
que  ces  wharfs  vont  jusqu'à  la  pleine  mer;  les  navires  mouillent  à  8  ou  900  mètres, 
et  l'on  débarque  les  marchandises  dans  des  chalands  que  l'on  vient  ensuite 
débarquer  chez  nous.  Nous  avons  ici  -4  ou  5  navires  par  semaine,  soit  Anglais,  soit 
Français. 

Le  port  de  Conakry  est  appelé  à  prendre  une  grande  extension.  On  a  même 
parlé  d'y  faire  un  port  de  charbon,  comme  à  Las-Palmas.  Le  climat  y  est  très  sain. 

Vue  de  la  pleine  mer,  à  l'arrivée,  Gonakry  semble  une  ville  très  jolie,  et  l'im- 
pression persiste  quand  on  est  à  terre,  car  on  s'y  trouve  au  milieu  d'une  végétation 
superbe  :  des  palmiers,  des  manguiers,  des  bananiers,  et  une  foule  d'autres  arbres 
dont  je  ne  connais  pas  le  nom.  Cependant  j'oublie  lé  plus  beau,  le  baobab,  qu'il 
n'est  pas  rare  de  voir  avec  20  ou  30  mètres  de  circonférence  ;  ce  sont  des  arbres 
gigantesques  auprès  desquels  les  plus  beaux  marronniers  ou  peupliers  de  chez 
nous  ne  sont  que  des  enfants,  de  tous  petits  enfants  même  ;  le  gros  chêne  de 
Phalempin  commence  à  en  approcher,  mais  ce  n'est  pas  encore  cela  comme  hauteur 
et  envergure  de  branches. 


—  292  — 

l.a  ville  est  faite  à  peu  prés  dans  le  genre  américain  ;  toutes  les  rues  sont  à 
angles  droits  et  très  larges,  seulement  comme  cela  a  été  frayé  dans  la  brousse,  on 
t'ait  à  présent  des  plantations  de  nouveaux  arbres  le  long  de  ces  avenues,  ce  qui 
fait  que  dans  huit  ou  dix  aus  on  pourra  s'y  croire  dans  une  vraie  capitale.  Dans 
toutes  les  rues  il  y  a  un  petit  Decauville,  à  bras  naturellement,  pour  desservir 
toutes  les  factoreries  à  l'arrivée  des  marchandises,  le  transport  par  voiture  n'étant 
pas  en  usage  ici.  Conakry  se  compose  presque  exclusivement  de  fiictoreries.  Le 
palais  du  gouvernement,  l'église  catholique,  le  temple  protestant  et  l'hôpital  y 
composent  tous  les  monuments. 

Conakry  à  marée  basse  est  une  presqu'île,  et  à  marée  haute  une  île,  séparée  de 
la  terre  ferme  par  une  excavation  de  3  ou  4  mètres  de  profondeur  et  de  200  mètres 
de  large.  Un  pont  est  construit  à  cet  endroit  pour  y  passer  à  marée  haute. 

Notre  factorerie.  —  La  Compagnie  française  a  la  plus  importante  maison  de 
Conakrv'.  Voici  la  distribution  par  services  différents  : 

Comme  dans  toute  maison  qui  se  respecte  nous  avons  un  comptable  et  un  cais- 
sier ;  les  factures  sont  faites  par  un  employé  noir.  Voilà  pour  la  comptabilité. 
Ensuite  nous  avons  les  boutiques  ou  «  shops  »,  qui  se  divisent  comme  suit  :  la 
boutique  proprement  dite,  qui  vend  au  détail,  et  qui  a  comme  patron  un  blanc  et 
3  ou  4  noirs  servant  d'interprètes  et  placés  naturellement  sous  les  ordres  du  blanc. 
Ensuite  la  trade-shop,  celle  qui  traite  avec  les  caravanes  et  qui  fait  surtout  les 
échanges  de  caoutchouc  contre  des  marchandises.  Enfin  le  troisième  service  est 
celui  des  marchandises  générales,  oii  nous  sommes  trois  blancs,  chargés  de  faire 
la  correspondance  avec  l'Europe,  de  surveiller  le  stock  et  de  le  renouveler.  Nous 
n'y  vendons  qu'à  la  douzaine,  chiffre  minimum,  tandis  qu'à  la  boutique  on  fait  le 
détail:  une  livre  de  sucre,  un  kil.  de  café,  une  casserole,  etc.  Ajoutez  à  cela  un  agent 
qui  a  la  direction  de  tout  et  vous  avez  le  contingent  de  notre  établissement.  Comme 
vous  pouvez  en  juger,  ce  n'est  pas  une  boutiquette  ;  on  y  fait  de  fort  belles 
recettes,  même  eu  ce  moment,  quoique  ce  soit  la  saison  des  pluies. 

Comme  affaires  nous  vendons  une  foule  d'articles  :  des  étoffes,  des  fusils,  de 
l'épicerie,  du  pétrole,  de  la  poudre,  des  chaudrons,  en  un  mot,  de  tout.  Nous  ache- 
tons de  l'or,  du  caoutchouc,  des  arachides,  de  la  gomme,  des  peaux  de  bœufs,  etc. 
Comnne  vous  voyez,  le  champ  est  vaste,  et  l'on  a  de  quoi  se  distraire  tout  en 
turbinant. 

Voici  quelle  est  notre  vie  intérieure  : 

A  5  heures  3/4  la  cloche  nous  réveille  et  à  6  heures  on  ouvre  les  magasins.  A 
6  h.  1/2  le  boy  (garçon)  nous  apporte  soit  le  café,  soit  un  verre  de  vin  à  l'eau  avec 
un  morceau  de  pain.  .Jusqu'à  11  heures  le  travail  continue  et  il  ne  manque  pas  de 
charmes  pour  moi,  étant  donné  que  je  suis  constamment  avec  les  dames  et  demoi- 
selles négresses  du  pays.  Néanmoins  j'ai  bien  autre  chose  à  faire  que  de  m'occuper 
d'elles.  D'ailleurs  il  faut  exercer  dans  les  magasins  une  surveillance  continuelle, 
à  l'égard  des  employés  indigènes  aussi  bien  qu'à  l'égard  des  clients.  Tous  les  noirs 
sont  voleurs,  et  si  on  les  laissait  faire  ils  nous  auraient  bientôt  dépouillés  complè- 
tement. Aussi,  chaque  fois  qu'on  en  pince  un,  il  paie  pour  les  autres.  Il  n'y  a  pas 
longtemps,  j'ai  été  dans  la  nécessité  de  faire  mettre  un  homme  en  prison  pour 
cinq  ans. 

La  fermeture  des  magasins  a  lieu  à  5  heures.  Quand  il  y  a  un  navire  en  rade,  les 
employés  des  marchandises  générales  s'en  vont  sur  le  wharf  surveiller  et  activer 
le  déchargement  des  marchandises  ;  il  arrive  quelquefois  que  cela  dure  assez  tard 
(10  ou  11  heures  du  soir),  et  pas  d'exemption  pour  le  réveil  du  lendemain  ;  enfin  ! 
c'est  une  question  d'habitude  et  quand  on  se  porte  bien,  cela  forme  un  exercice  qui 
ne  peut  faire  de  mal.   Du   reste,  en  temps  ordinaire,  les  employés  .sont  libres  à 


—  293  — 

à  partir  de  5  heures.  A  7  heures  le  dîner  jusqu'à  8  heures,  à  la  suite  duquel  la 
liberté  complète  nous  est  rendue.  Mais,  je  vous  le  dis  franchement,  de  la  liberté 
que  Ton  a,  on  ne  songe  même  pas  à  profiter,  faute  d'occasion  probablement,  et 
aussitôt  le  dîner  on  fume  une  cigarette  sur  le  balcon  et  l'on  rentre  chacun  chez  soi 
où  Ton  se  couche,  ou  si  le  cœur  vous  en  dit,  on  se  met  au  pupitre.  Une  chose  très 
bizarre,  c'est  que,  quoique  très  bons  amis,  on  ne  se  fréquente  pour  ainsi  dire  pas 
entre  employés,  on  se  trouve  ensemble  tout  au  plus  une  heure  par  jour  ;  ce  qui 
produit  cela  c'est  le  climat  qui  vous  rend  grincheux  et  maniaque  à  de  certains 
moments.  Ce  que  je  vous  dis  là  est  exact,  et  tous  ceux  qui  habitent  la  Côte  en 
sont  là. 

Notre  nourriture  est. excellente  et  abondante,  et  je  vous  garantis  que  je  fais  bon 
accueil  à  tous  les  plats.  Nous  avons  de  la  viande  fraîche  tous  les  jours,  ensuite 
nous  mangeons  des  conserves  et  du  riz  en  grande  quantité.  Je  trouve  cela  déli- 
cieux, et  si  je  ne  reviens  pas  dans  trois  ans  gras  comme  un  chantre,  c'est  que  ma 
peau  sera  trop  petite  pour  grossir. 

Vous  pourrez  juger  par  tout  cela  qu'on  n'est  pas  malheureux  dans  la  C.  F. 
(Compagnie  française). 


UN   14  JUILLET  A  CONAKRY 


Comme  dans  toute  ville  qui  se  respecte ,  la  fête  nationale  commence  ici  la  veille 
par  une  retraite  aux  flambeaux  organisée  par  la  troupe,  mais  une  pluie  torrentielle 
étant  survenue  dans  l'après-midi  du  13  juillet  et  n'ayant  pas  cessé  de  nous  arroser 
jusque  dans  la  nuit,  ce  divertissement  a  été  absolument  raté.  —  Le  14,  à  6  heures 
du  matin,  nous  sommes  réveillés  en  musique  (je  vous  assure  que  je  m'en  serais 
bien  passé),  par  21  coups  de  canon.  L'artillerie  de  Conakry  a  en  effet  à  sa  dispo- 
sition 6  canons  qui  sont  destinés,  paraît-il,  à  la  défense  de  la  ville,  mais  qui  ne 
sont  en  réalité  que  de  belles  seringues;  enfin  cette  cérémonie  épate  toujours  les 
noirs,  c'est  déjà  quelque  chose.  —  A  8  heures  1/2,  revue  des  troupes,  passée  par  le 
chef  des  tirailleurs.  Donc,  à  8  heures  1/2  j'étais  à  la  tribune,  et  en  assiste  alors  à 
une  revue  qui  rappelle  de  loin,  de  très  loin,  celle  de  Longchamps.  Figurez-vous 
un  bataillon  de  tirailleurs  sénégalais,  portant  le  vêtement  des  zouaves,  mais  bleu 
foncé,  avec  comme  chaussures  une  semelle  de  cuir  rattachée  par  des  courroies,  et 
sur  la  tète  la  calotte  de  zou-zou,  mais  moins  haute;  toute  cette  petite  troupe  alignée, 
et  manœuvrant,  ma  foi,  pas  mal  ;  car  les  tirailleurs  sénégalais  sont,  on  le  sait,  des 
soldats  bien  disciplmés  et  en  campagne  on  peut  compter  sur  eux.  Beaucoup  d'ail- 
leurs sont  médaillés,  on  en  voit  même  portant  la  médaille  militaire.  Enfin,  à  9  h. 
le  capitaine  de  la  place  arrive  et  passe  la  revue  après  laquelle  a  lieu  le  défilé  avec 
clairons  en  tête.  Assurément,  on  verrait  pareille  cérémonie  en  France,  cela  paraî- 
trait drolatique  ;  mais  loin  de  chez  soi  je  vous  garantis  que  l'on  est  heureux  de  s'y 
croire  encore  dans  son  pays,  et  l'on  éprouve  une  certaine  émotion  en  voyant 
défiler  cette  poignée  d'hommes  à  l'allure  martiale  et  aguerrie  ayant  à  leur  tète  le 
pavillon  Français,  et  tout  cela  au  son  des  sonneries  françaises.  A  la  suite  de  la 
revue,  tir  à  l'arme  de  guerre  par  les  blancs  de  la  localité  ;  ce  tir  est  naturellement 
présidé  par  un  officier  et  je  me  suis  fait  un  devoir  d'y  assister.  —  Dans  la  matinée, 
des  jeux  pour  les  noirs  sont  organisés,  tels  que  :  mâts  de  cocagne,  jeu  du  seau, 
courses    en    sacs;    mais    ce   qui   m'a   fait   le   plus   rigoler,  c'est  le  jeu  du  banl  de 

20 


—  294  — 

farine,  dans  lequel  on  a  jeté  des  sous  ;  les  concurrents  ont  les  mains  attachées 
derrière  le  dos  ;  la  règle  est  d'aller  chercher  lesdites  pièces  de  monnaie  avec  les 
dents.  Eh  bien  !  vous  savez,  c'est  absolument  tordant  de  voir  Facharnement  qu'ils 
y  mettent,  et  ces  tètes  toutes  noires  sortir  de  la  caisse  pleines  de  farine  dans  le 
nez,  dans  la  bouche,  en  un  mot  entièrement  empâtées. 

Vers  4  heures  de  l'après-midi,  après  le  fort  soleil,  il  y  a  des  régates  entre  balei- 
nières montées  naturellement  par  des  noirs.  Quelques  disputes  entre  équipes  nous 
ont  bien  amusés,  deux  d'entre  elles  en  sont  même  venues  aux  mains,  ou  plutôt 
pour  être  exact,  aux  coups  d'avirons,  si  bien  que  ces  deux  équipes  ont  fini  par 
sauter  à  l'eau  et  alors  c'était  une  bataille  en  règle,  où  certainement  quelques-uns 
se  seraient  noyés  sans  l'arrivée  de  la  milice  qui  a  tout  remis  en  bon  ordre.  La 
milice  est  ici  la  police,  et  les  noirs  ont  beau  être  noirs  ,  ils  en  ont  une  frayeur 
bleue. 

Vers  6  heures,  il  y  a  une  cérémonie  qui  est  à  mon  avis  la  plus  intéressante  de 
toute  la  fête,  c'est  la  visite  de  tous  les  rois  nègres  au  gouverneur.  11  y  en  a  à  peu 
près  une  vingtaine  qui  s'amènent  à  la  queue  leu-leu,  entourés  chacun  de  leurs 
ministres  et  de  leurs  partisans.  Cette  marche  s'opère  au  son  d'instruments  les  plus 
baroques.  Les  uns  ont  un  vieux  chaudron  sur  lequel  ils  frappent,  d'autres  des 
bouts  de  cuivre  ou  de  tôle  suspendus  à  une  ficelle  ;  il  y  a  aussi  le  violon  du  pays 
qui  n'est  autre  chose  que  trois  ficelles  tendues  sur  un  morceau  de  bois  et  qu'on 
frotte  avec  un  bâton,  ce  qui  rend  un  son  fort  peu  mélodieux,  tout  cela  accompagné 
de  chants  du  pays.  C'est  absolument  épatant. 

Ils  arrivent  de  ce  pas  à  la  place  du  gouvernement,  se  forment  en  cercle  chacun 
autour  de  son  roi  et  commencent  alors  le  tam-tam.  Les  femmes  dansent,  ou  plutôt 
exécutent  une  série  de  contorsions  plutôt  grotesques,  mais  toutes  différentes  sui- 
vant les  sectes  auxquelles  elles  appartiennent.  Ce  petit  concert  dure  environ  deux 
heures,  et  je  vous  promets  que  le  gouverneur  ne  doit  pas  être  à  la  noce,  car  ils 
sont  là  à  sa  porte  6  ou  7.000  à  hurler,  brailler,  et  à  faire  un  vacarme  indescrip- 
tible. —  Arrive  l'heure  de  dîner  et  de  mettre  ses  plus  beaux  habits  pour  assister  à 
la  réception  de  M.  le  Gouverneur. 

A  8  heures  1/2  nous  sommes  reçus  au  Gouvernement  par  un  officier  de  la  place 
qui  nous  introduit  dans  les  salons.  On  nous  passe  des  rafraîchissements  qui  sont 
les  bienvenus,  étant  donnée  la  douce  température  des  locaux.  A  9  heures,  nous 
étions  à  peu  près  lôO  Messieurs  et  9  Dames,  dont  Ti  mulâtresses,  les  seules  admises 
chez  le  Gourvemeur,  parce  qu'elles  occupent  dans  le  pays  une  certaine  situation. 
Enfin,  une  fois  la  glace  rompue,  la  danse  commence,  et,  vu  le  nombre  des  dan- 
seuses, vous  voyez  d'ici  leur  succès.  La  plupart  des  invités  dansaient  entre  hommes, 
au  son  d'un  piano  peut-être  âgé,  mais  que  voulez-vous  I  On  ne  peut  pas  tout  avoir. 
A  minuit,  on  nous  servait  un  repas  copieusement  arrosé  de  Champagne,  ainsi  que 
toute  la  soirée,  une  réception  officielle  ne  pouvant  être  complète  sans  cette  douce 
liqueur.  Et  alors,  sous  le  coup  de  l'élan  que  procure  toujours  un  bon  repas,  nous 
nous  sommes  remis  à  danser  sans  nous  apercevoir  de  l'heure,  si  bien  que  nous 
quittions  les  lieux  à  5  heures  1/2  du  matin,  juste  le  temps  de  rentrer,  se  débar- 
bouiller, et  hue  !  cocotte,  au  travail,  car  le  bonhomme  qui  sonne  la  cloche  ne 
s'occupe  guère  si  la  veille  c'était  le  14  juillet,  et  n'ayant  pas  lui-même  été  invité  à 
la  fête,  cela  ne  pouvait  évidemment  rien  lui  faire. 

Enfin  tout  est  bien  qui  finit  bien,  et  comme  vous  voyez,  rien  ne  m'étonnerait  que 
l'an  prochain  des  trains  de  plaisir  au  départ  de  Lille  à  destination  de  Conakry 
soient  mis  en  route  à  l'occasion  du  14  juillet. 


295 


ÉPHEMERIDES  DE  L'ANNÉE  1898 


NOVEMBRE. 


/".  —  France.  —  M.  Guillain  est  nommé  Ministre  des  Colonies  (cabinet  Dupuy) 
en  remplacement  de  M.  Trouillot. 

3.  —  Egypte.  —  Arrivée  du  commandant  Marchand  au  Caire. 

Prusse.  —  Elections  au  Landtag. 

Turquie.  —  A  la  suite  d'un  ultimatum  remis  à  la  Porte,  les  troupes 

turques  achèvent  l'évacuation  de  la  Crète  (3  Novembre).  Les  amiraux  prennent  en 
mains  le  gouvernement  (4  Novembre). 

5.  —  Soudan,  —  Une  note  officieuse  annonce  que  le  gouvernement  a  résolu  de 
ne  pas  maintenir  à  Fashoda  la  mission  Marchand. 

8.  —  Autriche.  —  Le  Reichsrath  rejette,  par  187  voix  contre  116,  la  demande 
de  mise  en  accusation  du  cabinet  Thun. 

iO.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Maquet  :  Excurm 
sion  dans  le  Valais. 

ii.  —  Grège.  —  Le  cabinet  Zaïmis  est  reconstitué  sur  de  nouvelles  bases. 
i5.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  E.  Gallois  :  Voyage 
en  Transcaspie  jusqu'à  Saynarkand. 

M.  —  État  du  Congo.  —  Les  Batélélas  révoltés  s'emparent  de  Kabambaré. 
i7.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  Henri  Bousquet  :  Le 
Transvaal. 

Erythrée.  —  Le  débarquement  d'un  détachement  français  sur  la  côte  de 

l'Erythrée  crée  un  incident  avec  l'Italie. 

20.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Meys  :  Ascension 
au  Vignemale.  l'*  partie. 

2i.  —  Italie.  —  Convention  renouant  les  rapports  commerciaux  avec  la  France. 
24.  —  Madagascar.  —  Décret. portant  réorganisation  de  la  justice  indigène. 

Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M""^  Isabelle  Massieu  : 

Dans  le  Haut-Laos  et  jusqu'à  Hué. 

26.  —  Grèce.  —  Les  puissances  annoncent  au  roi  le  choix  du  prince   Georges 
comme  haut  commissaire  en  Crète. 

29.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  ]\L  le  marquis  de  Chas- 
seloup-Loubat  :  Historique  général  de  la  navigation. 

30.  —  Sahara.  —  La  mission  militaire  Laperrine-Germain  pénètre  jusque  dans 
Insalah. 

Madagascar.  —  Apparition  de  la  peste  à  Tamatave. 

Sahara.  —  Création  d'un  poste  fortifié  à  Temassinin. 

Japon.  —  Formation  du  ministère  Yamagata. 

Hongrie.  —  Séances  tumultueuses  à  la  Chambre  des  Députés.  Conflit 

entre  le  cabinet  Bantîy  et  l'opposition  (Novembre  et  Décembre). 


—  2U6 


FAITS  ET  NOUVELLES  Gi:OGRAPHIQUES 


I,  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  découvertes. 


AFRIQUE. 

Côte  d'Ivoire.  —  Projet  de  clieniiu  «le  1er.  —  La  mission  Hou-^ 
daille,  qui  avait  été  chargée  d'étudier  un  projet  de  chemin  de  fer  do  pénétration  à 
rintérieur  de  la  Côte  d'Ivoire,  a  pu  réussir  dans  ses  travaux,  malgré  les  difficultés 
rencontrées  pour  assurer  son  ravitaillement.  Le  capitaine  Houdaille  a  cherché  à 
élaborer  un  tr.acé  qui  desservirait  les  quatre  vallées  du  Bandama,  de  l'Agneby,  de 
la  Aie  et  du  Comoé.  Prenant  pour  point  de  départ  de  ses  travaux  Alepé,  terniinu» 
de  la  navigation  à  vapeur  sur  le  Comoé,  il  a  établi  le  tracé  de  la  voie  à  construire 
jusqu'à  Mopé,  à  environ  100  kilomètres  vers  le  Nord.  Ce  train  traverse  les  villages- 
de  Memmi  et  Kodioso.  En  outre,  le  prolongement  de  la  voie  ferrée  a  été  étudié 
vers  Attakrou  et  Kong  en  passant  par  Akoupay  et  Arrah. 

Le  tracé  ne  présente  pas  de  difficultés  sérieuses.  L'ouvrage  d'art  le  plus  impor- 
tant à  construire  est  un  pont  de  40  mètres  au  village  d'Apiagni,  oia  se  fera  la  tra- 
versée de  la  rivière  Mé.  La  rampe  maxima  est  de  20  millimètres.  Le  prix  de  revient 
kilométrique  est  évalué  à  05,000  francs.  La  ligne  projetée  attirera  vers  la  Côte 
d'Ivoire  le  trafic  des  régions  situées  au  Nord  de  la  foret  équatoriale  qui  rend  très- 
difficiles  les  transports  vers  le  littoral. 

Port  de  Petit-Bassam.  —  Prolongée  jusqu'à  la  côte,  la  voie  ferrée  pourrait 
aboutir  à  Petit-Bassam,  où  il  serait  facile  de  créer  un  bon  port.  Il  suffirait  pour 
cela  de  percer  la  langue  de  sable  de  800  mètres  de  largeur  qui  sépare  la  lagune  de 
la  mer.  Les  navires  pourraient  ainsi  déboucher  dans  une  mer  intérieure  ayant  les- 
fonds  de  16  mètres,  oii  ils  trouveraient  un  abri  sûr,  tandis  qu'à  Grand-Bassam,  oii 
un  raz  de  marée  vient  d'emporter  une  partie  du  wharf  en  construction,  ils  sont 
exposés  à  tous  les  vents.  A  peu  de  distance,  dans  la  baie  d'Abidjoam,  le  chof-lieu 
de  la  colonie  que  Ton  a  transféré  depuis  l'épidémie  du  Grand-Bassam,  pourrait  être 
établi  sur  une  colline  de  35  à  40  m.  d'altitude. 


l'état  «lu  <'«»UjK'4».  —  TéU'jSi-ruplie.  —  La  ligne  télégraphique  s'avance 
chaque  jour  davantage  dans  le  centre  de  l'Afrique  congolaise.  L'étude  primitive  de 
la  ligne  fut  décidée  en  1891  et  confiée  à  M.  Seulen  le  27  novembre  1893;  un  décret 
royal  décidait  l'établissement  d'une  ligne  télégraphique  de  Boma  au  lac  Tanganika 
par  Matadi,  Léopoldville,  les  Stiinley-Falls  et  le  Manyéma.  Les  travaux  furent 
commencés  en  mars  1894,  et  le  fil  était  posé  jusqu'à  Bosango,  en  face  de  Matadi 
(48  kil.)  en  mai  1894.  Après  bien  des  difficultés  on  parvint  à  faire  franchir  le  fil  des 
800  métrés  formant  la  largeur  du  Congo,  dont  les  rives  sont  élevées  près  de  Maladif 


-r-  297   - 

•et  on  atteignit  ce  point  en  juillet  1895.  On  suivit  ensuite  la  voie  ferrée  en  construc- 
tion et  Tumba,  terminus  d'alors  du  chemin  de  fer,  fut  atteint  en  juillet  1896 
(kil.  240).  En  août  1897,  la  ligne  fut  installée  jusqu'à  Kongolo,  près  de  l'Inkissi, 
puis  en  juillet  1898  jusqii'tà  Léopoldvillc  (kil.  450).  Les  principaux  postes  télégra- 
phiques et  téléphoniques  étaient  Bonia,  Matadi,  Tumba  et  Léopoldville. 

En  novembre  1897,  on  avait  décidé  de  pousser  la  ligne  jusqu'à  l'Equateur,  sur 
750  kil.  Le  garde  du  génie  ^lahieu  fut  chargé  de  la  direction  des  travaux  avec 
M.  Van  Beers.  La  section  Léopoldville-Kwamouth  était  reconnue  en  mars  1898  et 
la  ligne  poussée  en  ce  point  en  septembre  (150  kil.).  La  traversée  du  Kassal 
(700  mètres),  dont  les  rives  sont  assez  basses,  sera  une  grosse  difficulté  à  surmonter, 
mais  elle  le  sera  comme  l'a  été  la  traversée  du  Congo  à  Matadi,  et  l'année  1899 
verra  le  télégraphe  unir  Boma  à  l'Equateur  (1,200  kil.).  Et,  dit  la  Belr/ique  colo- 
niale, les  nouvelles  mettront  quelques  minutes  à  franchir  un  territoire  qu'elles 
traversaient  il  y  a  deux  ans  encore  en  45  jours  ! 

En  même  temps  que  commençait  le  prolongement  au  delà  de  Léopoldville,  l'in- 
génieur ]\Iohun  était  einoyé  (août  1898)  à  la  côte  orientale  d'Afrique,  pour  poser  le 
télégraphe  du  lac  Tanganika  aux  Stanley-Falls.  La  ligne  partant  de  Toa  (Albert- 
A'ille),  suivra  la  vallée  de  la  Lukuga,  longera  le  Lualaba  et  se  reliera  à  Stanley- 
ville,  au  télégraphe  qui,  de  ce  point,  ira  à  Léopoldvillc.  Un  embranchement  sera 
•établi  ensuite  vers  Radjaf,  sur  le  Nil,  reliant  ainsi  les  postes  les  plus  éloignés  de 
l'État  du  Congo. 

Si  en  Europe,  les  lignes  télégraphiques  demandent  une  surveillance  fréquente, 
-en  Afrique  cette  surveillance  est  encore  plus  nécessaire,  car  il  faut  protéger  les  fils 
il  la  fois  contre  les  indigènes,  les  animaux  et  les  éléments.  C'est  ainsi  que  les 
éléphants,  en  prenant  leurs  ébats,  démolissent  le  télégraphe  tout  comme  ils 
■défoncent  les  routes  nouvelles.  Tout  dernièrement,  dans  la  région  de  Kwamouth, 
ces  animaux  ont  plié  à  angle  droit  des  barres  en  acier  servant  de  poteaux  télégra- 
phiques et  mis  hors  de  service  le  matériel  d'une  partie  de  la  ligne.  Aussi  lie 
faut-il  pas  s'étonner  de  voir  souvent  les  communications  interrompues. 


Egypte.  —  Clieniiii  fie    fer   «lia    Cap    an   Caire.   —   II  y   a   une 

•distance  d'environ  10,700  kilomètres  entre  le  Cap  et  le  Caire.  Sur  ce  chiffre, 
^,500  kil.  sont,  —  ])lus  ou  moins  —  sous  l'influence  de  l'Angleterre.  Cette  dernière 
qui  cherche  à  réunir,  par  chemin  de  fer,  ces  deux  points  extrêmes  de  l'Afrique, 
exploite  déjà  des  amorces  importantes  qu'elle  voudrait  réunir  avant  tout  par  le 
télégraphe. 

Au  Nord,  le  réseau  égyptien,  partant  d'Alexandrie,  va  jusqu'à  Assouan.  De  là  à 
Korosko,  la  ligne  est  en  projet  et  on  se  contente  jusqu'ici  de  remonter  le  Nil.  De 
Korosko  le  chemin  de  fer  reprend  jusqu'à  Berger  et  Shendy  et  sera  poussé  bientôt 
jusqu'à  Khartoum,  à  3,200  kil.  d'Alexandrie.  Au  Sud,  du  Cap  à  Boulouvirayo, 
2,200  kil.  de  voie  ferrée  sont  en  pleine  exploitation.  11  reste  donc  5,300  kilomètres 
A  construire  entre  Boulouwayo  et  Khartoum. 

Il  sera  impossible,  d'ailleurs,  que  la  ligne  du  Cap  au  Caire  soit  en  territoire 
•exclusivement  britannique  ;  dans  la  partie  centrale,  la  voie  devra  emprunter,  soit 
le  territoire  de  l'Afrique  orientale  allemande,  soit  celui  de  VEtid  du  Congo,  sur  une 
longueur  d'environ  1,000  kil. 

Cette  voie  ferrée,  par  ses  embranchements  déjà  faits  ou  à  faire,  mettra  la  Médi- 
terranée en  communication  avec  l'Océan  Indien  et  l'Océan  Atlantique. 

Il  y  aura  d'abord  sans  doute  des  embranchements  du  Nil  vers  Souakim  ou  Mas- 
saouah,  sur  la  mer  Rouge  ;  plus  tard  aussi  le  chemin  de  Djibouti  à  Addis-Abeba  se 


—  298  — 

reliera  certainement  au  Transcontinental  africain,  de  même  que  les  lignes  en 
construction  de  Mombassa  au  lac  Victoria  (Afrique  orientale  anglaise)  et  du  lac 
Tanganika  à  la  côte  de  l'Afrique  orientale  allemande. 

La  ligne  portugaise  de  Beira  atteint  déjà,  depuis  le  17  mai  1899,  Fort-Salisbury, 
future  station  du  Transcontinental. 

Pour  aller  de  Paris  à  Madagascar,  par  Alexandrie,  Salisbury  et  Beira,  il  ne  faudra 
plus  guère  que  10  jours. 

Enfin  rÉtat  du  Congo  établira  certainement  plus  tard  une  ligne  de  ce  Transcon- 
tinental à  l'embouchure  du  Congo. 


Ijibje.  —  Iiac!«  saléM  aux  eaux.  roug;eJ9  dau!«  le  détroit  de 
Ijibye.  —  Certains  lacs  du  désert  de  Libye  ont  une  coloration  rouge  dont  on 
connaissait  mal  la  cause.  Les  indigènes  l'attribuaient  bien  à  un  crustacé,  l'Artemia 
salina,  qui  communiquerait  sa  coloration  rouge  aux  eaux;  mais  ce  crustacé 
disparaît  à  certaines  époques  de  l'année  ,  sans  que  les  eaux  cessent  d'être  rouges. 

Un  naturaliste  anglais,  M.  Dewitz,  a  fait  récemment  des  recherches  sur  ce  sujet, 
et  il  a  pu  extraire  des  eaux  colorées  une  grande  quantité  de  matière  organique 
rouge  qu'il  considère  comme  étant  d'origine  microbienne. 

Les  eaux  des  lacs  rouges  sont  en  eflfet  très  riches  en  bactéries  ;  et  il  serait  inté- 
ressant de  vérifier  si  ces  mêmes  bactéries  se  trouvent  dans  les  eaux  des  marais 
salants,  également  colorées  en  rouge,  qui  existent  près  de  Suez,  entre  les  collines 
des  Bédouins  et  le  canal.  La  coloration  de  ces  eaux  avait  été  attribuée  jusqu'ici  à 
une  petite  écrevisse,  qui  y  pullule  à  certaines  époques. 


II.  —  Géographie  cominerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


EUROPE. 

Anjsleterre.  —  lia  valeur  de  la  marine  de  guerre  anglaise. 

—  Dans  une  revue  anglaise  de  juillet  dernier,  M.  Hurd,  après  avoir  décrit  les 
principaux  cuirassés,  croiseurs  et  autres  navires  de  guerre  anglais,  conclut  que  ces 
navires  représentent  un  capital  de  2,700  millions  de  francs. 

61  cuirassés 2.300  millions. 

15  garde-côte 78       — 

22  croiseurs  cuirassés 283        — 

119  croiseurs  protégés 726        — 

16  croiseurs  non  protégés 56        — 

.35  torpilleurs 56        — 

120  contre-torpilleurs 150        — 

98  torpilleurs  de  2«  classe 50        — 

489  2.700        — 


,—  299  - 

Ce  relevé  Lusse  de  côté  les  ntivires  en  construction  ou  prévus.  F]n  ajoutant  le 
total  de  ces  navires,  au  nombre  de  27,  on  arrive  au  chitfre  global  de  3.i2ô  millions 
de  francs. 


.%nsleteiTe.  —  li'émijsration  aii|Klai<i>e,  en  1898,  comparée  à  l'émi- 
gration de  Tannée  1897,  a  subi  un  notable  ralentissemeni;  140,030  Anglais,  Ecossais 
et  Irlandais  ont  quitté  leur  pays  natal,  en  1898,  à  destination  de  l'Amérique,  de 
l'Australie  et  du  Canada.  En  1897,  on  avait  compté  146,460  émigrants.  Le  Canada 
en  a  reçu  27,5.^3,  soit  4,884  de  plus  qu'en  1897. 

Mais  cette  avance  vers  le  Dominion  est  loin  d'atteindre  les  prévisions  des 
agences  de  transport,  qui  escomptaient  un  grand  mouvement  d'éraigrants  vers  les 
champs  d'or  du  KIondyke. 


RililiKie.  —  IjCS  marelles  de  la  Sibérie.  —  La  Sibérie  est  en  train 
de  subir  une  véritable  transformation,  tant  par  suite  de  la  construction  du  chemin 
de  fer  transsibérien,  que  par  l'ouverture  de  plus  en  plus  grande  du  marché  chinois. 
Les  Russes  ne  sont  pas  seuls  à  se  préoccuper  des  avantages  à  tirer  de  ces  modifi- 
cations économiques. 

D'autres  peuples,  les  Allemands  en  tête,  se  préparent  activement  à  en  profiter, 
surtout  dans  la  Sibérie  orientale,  favorisée  par  la  construction  du  chemin  de  fer  de 
rOussouri  et  par  l'emploi  des  brise-glaces,  qui  rendent  accessible  en  hiver,  aux 
bateaux  du  plus  fort  tonnage,  le  port  de  Vladivostok.  Une  Compagnie  s'est  déjà 
formée  à  Hambourg,  dans  le  but  de  développer  les  relations  entre  l'Allemagne  et 
le  district  de  l'Amour. 

A  Khabarovka,  terminus  du  chemin  de  fer  de  l'Oussouri  (qui  part  de  Vladi- 
vostok), si  bien  située  au  confluent  de  l'Amour  et  de  l'Oussouri,  la  Compagnie 
allemande  a  établi  son  centre  d'opérations  ;  des  agences  allemandes  sont  installées 
dans  le  district  de  l'Amour  ;  elles  sont  pourvues  d'échantillons  et  de  collections  de 
marchandises  en  vue  d'échanges  contre  les  produits  locaux. 

Le  port  de  Vladivostok,  à  la  fois  commercial  et  militaire,  est  un  port  franc,  sauf 
pour  les  liqueurs  alcooliques,  le  tabac,  les  allumettes,  le  pétrole,  les  vernis,  le 
sucre,  la  confiserie  et  les  fruits  de  conserve.  Vladivostok  compte  16,000  Russes  et 
Européens,  22,000  Chinois,  Coréens  et  Japonais  et  30,000  soldats  ;  la  plupart  des 
Asiatiques  quittent  la  ville  pour  leur  pays  au  commencement  de  la  mauvaise  saison 
et  ne  reviennent  qu'au  printemps.  Plusieurs  navires  américains  ont  transporté  dans 
ce  port  du  blé  du  Pacifique. 

Vladivostok,  terminus  du  Transsibérien  et  base  navale  de  la  Russie  sur  le  Paci- 
fique et  en  Extrême-Orient  en  attendant  le  développement  complet  de  Port-Arthur, 
sur  le  golfe  de  Petchili,  a  vu  entrer  dans  son  port,  en  1897,  244  vaisseaux,  jaugeant 
287,268  tonnes.  En  1898,  le  nouveau  brise-glaces  a  réussi  à  maintenir  libre,  en 
janvier  et  février,  l'accès  de  la  rade.  Sur  le  total  de  1897,  84  bateaux  étaient  alle- 
mands avec  un  tonnage  de  69,515  t.,  dépassé  seulement  par  le  pavillon  russe 
(56  vapeurs  et  97,125  t.),  et  grâce  aux  bateaux  subventionnés  par  le  gouvernement 
russe.  Le  Japon  est  représenté  dans  ce  port  par  45  vaisseaux  (48,800  t.),  l'Angle- 
terre par  22  bateaux  (34,444  t.),  la  Norvège  par  29  bateaux  (28,132  t.),  etc.  Sur  le 
total  des  navires  entrés  à  Vladivostok,  144  steamers  (131,791  t.)  venaient  de  Chine 
et  du  Japon. 

Le  port  de  Nicolaievsk,  près  de  l'embouchure  de  l'Amour,  en  face  l'île  Sakhaline, 
a  reçu,  en  1897,  67  navires  de  49,701  tonnes. 


—  300  — 

L'extension  du  commerce  allemand  en  Sibérie  a  été  telle  depuis  quelques  années 
quL'  30  "  0  déjà  du  commerce  de  la  Sibérie  reviennent  à  rAllemagne.  La  Russie 
elle-même  n'en  a  fourni  que  25  "  „  et  l'Angleterre,  ainsi  que  le  Japon,  13 "p  chaque; 
la  Chine  a  une  part  de  12  "  „  dans  le  commerce  sibérien,  dans  lequel  les  Fltats-Unis 
n'entrent  que  pour  !î  "  <,. 

Le  port  chinois  de  Newchang,  sur  le  golfe  de  Liao-Toung,  acquerra  une  grande 
importance  par  suite  de  la  voie  ferrée  qui  doit  y  aboutir  comme  embranchement  du 
Transmandchourien.  L'avancement  des  travaux  de  cette  dernière  ligne  est  rapide; 
un  syndicat  belge  a  déjà  obtenu  des  Russes  le  monopole  des  restaurants  et  hôtels 
à  établir  sur  le  parcours  du  futur  chemin  de  fer.  Une  seule  maison  américaine  a 
établi  une  succursale  à  Newchang. 

La  Sibérie  orientale  abonde  en  gisements  d'or  ;  de  nombreuses  concessions  ont 
été  accordées  à  des  syndicats  allemands,  belges,  français,  etc.  Des  44,061  kil.  d'or 
extraits  de  Sibérie,  i^"),000  au  moins  viennent  de  la  Sibérie  orientale.  Les  filons  les 
plus  riches  sont  ceux  du  district  de  Blagoweschtschensk.  Il  y  a  environ  450  mines 
exploitées  en  Sibérie,  mais  les  procédés  sont  encore  très  primitifs. 

L'argent,  le  plomb,  le  cuivre,  le  fer,  le  charbon,  ont  été  constatés  en  grandes 
quantités  le  long  du  Transsibérien.  Les  gisements  houillers  de  Kuznezk,  dans  le 
gouvernement  de  Tonsk,  ont  27,000  milles  carrés  et  renferment  les  mines  très 
riches  de  Koltschouginsk  ;  on  y  trouve  aussi  beaucoup  d'anthracite.  Les  autres 
bassins  houillers  les  plus  notables  sont  ceux  de  Karagandinsk  et  de  Kautcheku. 

Le  gouvernement  russe  a  exempté  de  tout  droit,  jusqu'en  1909,  les  machines  et 
pièces  de  machines  destinées  à  l'exploitation  des  mines.  Cette  mesure  va  provoquer 
l'établissement  de  nombreuses  machines  dans  les  provinces  de  Jenessei,  Irkoutsk, 
Jakoutsk  et  dans  la  Transbaï-Kalic  et  l'Amour. 

Les  machines  agricoles  sont  susceptibles  aussi  de  se  répandre  beaucoup  en 
Sibérie,  oii  la  zone  agricole  embrasse  825,000  kilomètres  carrés.  L'émigration  s'ac- 
croit  sans  cesse  et,  en  1897,  plus  de  100,000  colons  russes  sont  arrivés  en  Sibérie  ; 
ce  mouvement,  grandement  encouragé  par  le  gouvernement,  a  pris  une  extension 
encore  plus  grande  en  1898,  à  tel  point  qu'il  a  fallu  l'endiguer  et  le  modérer. 

Il  existe  en  Sibérie  28  villes  seulement  ayant  plus  de  5,000  habitants.  Les  plus 
importantes  sont  Irkoutsk,  sur  le  lac  Baïkal  (56,000  hab.)  oii  aboutit  le  Transsi- 
bérien. Tomsk  (60,000  hab.)  et  Omsk  (62,000  hab.).  Les  autres  villes  à  signaler 
sont  :  Tobolsk  (2.5,000  hab.j,  Semipalatinsk  (30,000  hab.),  Tcheliabinsk  (14,000  h.), 
Krasnoiarsk  (30,000  h.),  etc. 

Toutes  ces  villes  et  bien  d'autres  verront  rapidement  s'accroître  leur  trafic  et 
leur  population,  par  suite  des  nouveaux  facteurs  qui  vont,  à  la  suiia  du  Transsi- 
bérien, concourir  à  leur  prospérité. 


ASIE. 

Cliiuc.  —  Coniniercc  en  1S9S.  —  D'après  le  rapport  des  Douanes 
chinoises,  le  commerce  extérieur  de  la  Chine,  qui  était  de  87,472,000  taëls  aux 
importations  et  de  77,000  t.  aux  exportations  en  1886,  a  été  de  209,500  t.  aux  impor- 
tations et  de  159,000  taëls  Haïkouan  H)  aux  exportations  en    iS98.    Par  rapporta 


(1)  Le  taèl  Haikouun  valait  3  fr.  041  on  moyenne  en  181)8. 


-^  :m  - 

1897,  cette  dernière  année  accuse  une  augmentation  de  7  millions  de  taëls  aux 
importations,  et  une  diminution  de  3  millions  1/2  de  t.  aux  exportations.  L'augmen- 
tation des  importations  porte  surtout  sur  l'opium,  la  houille,  le  coton  brut,  l'huile 
de  pétrole,  la  farine  et  le  sucre.  La  baisse  des  exportations  porte  surtout  sur  la 
soie  et  le  thé.  Les  recettes  douanières,  qui  n'étaient  que  de  15,006  taëls  en  1886, 
ont  été  de  22,500  t.  en  1898. 

Le  mouvement  de  la  navigation  de  ou  pour  les  pays  d'outremer  et  les  côtes  se 
chiffre  par  52,r)()l  navires  jaugeant  34,23;3,000  tonnes  en  1898  contre  21,755,000  t.  en 
1886.  Le  pavillon  britannique  à  lui  seul,  figure  pour  3,440  navires  à  l'entrée  et 
20,266,000  tonnes  en  tout,  soit  62  1/2  %  du  total  ;  le  pavillon  chinois  représente 
23,92  "„  du  total  ;  le  pavillon  allemand  4,92  ;  le  pavillon  japonais  4,58  ;  le  pavillon 
suédois-norvégien  1,29;  le  pavillon  français  1,23  %  (420,000  tonnes),  etc. 

Au  point  de  vue  des  importations,  le  premier  rang  appartient  à  l'Angleterre  qui, 
avec  ses  diverses  colonies,  introduit  pour  156,125,000  taëls  en  Chine  (dont 
34,962,000  t.  d'Angleterre  seule  et  97.214,000  t.  de  Hong-Kong).  Ce  chiffre  repré- 
sente les  .3/4  du  mouvement  total,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  ces  produits,  s'ils 
sont  importés  sous  pavillon  anglais,  ne  sont  pas  tous,  il  s'en  faut,  de  provenance 
britannique.  Le  Japon  vient  ensuite  avec  27,376,000  t.  Puis  viennent  les  Etats-Unis 
(17,163,000  t.),  Macao  (3,347,000  t.),  la  Russie  (1,754,000  t.),  Java  et  Sumatra 
(l,445,0t)0  t.).  L'Europe  entière  (sauf  la  Russie)  a  fourni  9,397,200  t.  etTlndo-Chine 
française  023,000  t.  Quant  à  la  part  de  la  France  proprement  dite,  elle  n'est  pas 
indiquée  et  figure  sans  doute  sous  la  rubrique  :  continent  européen. 

Les  exportations  chinoises  ont  été  dirigées  surtout,  en  1898,  sur  les  pays  britan- 
niques (77,540,000  taëls,  dont  10,715.000  à  destination  de  l'Angleterre,  et  62,083,000 1. 
de  Hong-Kong).  Ici  la  part  de  l'Angleterre  ne  représente  plus  que  la  moitié  au  lieu 
des  3/4  figurant  aux  importations.  Viennent  ensuite  :  la  Russie  (17,796,000  t.),  le 
Japon  (•1(),092,000  t.),  les  PÎtats-Unis  (11,986,000  t  ),  Macao  (5,381,000  t.),  l'Indo- 
Chine  française  (781,000  t.),  Java  et  Sumatra  (.347,000  t.). 

L'Europe  (sauf  la  Russie)  a  reçu  pour  25,920,000  t.  de  produits  chinois. 

Pas  plus  qu'aux  importations,  la  part  de  la  France  n'est  indiquée  ici  nomina- 
tivement. 

Indo-Cliiue.  —  Riiiue»i  «le  Dt»tfainl»aiig'.  —  La  ville  de  Battam- 
bang,  en  1886,  paraissait  avoir  le  plus  bel  avenir.  Grâce  à  sa  situation  près  du  lac 
Tonlé  Sap.  cette  ville  était  l'entrepôt  du  grand  commerce  du  riz  et  du  poisson  sec 
que  cette  région  cambodgienne  du  Siam  faisait  avec  le  Cambodge  et  la  Cochinchine. 
Des  files  de  jonques  transportaient  là  les  produits  siamois  que  les  vapeurs  de 
Saigon  emportaient.  De  véritables  montagnes  de  Paddy,  dit  M.  E.  Jammes  dans  le 
courrier  de  Saigon,  attendaient  leur  tour  d'embarquement,  tant  il  y  avait  d'encom- 
brement. C'était  une  ère  de  prospérité  inouïe.  Malheureusement,  les  tarifs  et  les 
arrêtés  ont  tué  ce  trafic.  «  Les  marchands  de  Battambang,  dégoiJtés  de  trafiquer 
avec  les  ports  français,  harcelés  par  une  infinité  de  formalités  douanières  ont  pré- 
féré tourner  leurs  regards  vers  Bangkok.  » 

Se  voyant  fermer  la  voie  fluviale,  les  Chinois  et  les  Cambodgiens  ont  organisé  le 
trafic  par  la  voie  terrestre  et  tous  les  mois,  200  ou  300  voitures  à  bœufs  et  des 
caravanes  d'éléphants  partent  de  Battambang  vers  Bangkok,  oii  il  n'y  a  aucune 
formalité  à  craindre. 

A  Pnompenh,  au  contraire,  il  fallait  s'arrêter  à  la  douane  qui  prenait  parfois 
3  jours  pour  délivrer  les  papiers  ;  puis,  c'était  l'émigration  qui  réclamait  ses  forma- 
lités, enfin  la  police  et  le  service  du  port,  etc.  ;  tout  cela  découragea  les  Cambod- 
giens et  Battambang  est  devenue  ville  morte.  Cet  exemple  scrvira-t-il  ? 


-  :m  — 

Cliiuc.  —  ClicmiiiK  de  fer.  —  Un  accord  a  été  signé  entre  la  France  et 
la  Chine  fjour  la  construction  de  la  ligne  de  Lang-Tchéou  à  Nanning-Fou.  Le  gou- 
vernement chinois  contribuera  à  la  dépense  pour  une  somme  de  3,100,000  taëls. 
Les  travaux  devront  être  terminés  en  3  années  et  seuls  des  ingénieurs  français  et 
un  matériel  français  devront  être  employés.  Cette  ligne  est  le  prolongement  à 
l'intérieur  du  Kouang-Si  de  la  ligne  de  Langson.  Son  hut  est  de  contrehalancer  les 
effets  que  produira  l'ouverture  du  Sikiang  à  la  navigation  et  d'attirersur  le  Tonkin 
une  partie  du  courant  commercial  de  la  province. 

D'autre  part  on  signale  la  constitution  à  Laokaï  d'une  commission  nommée  pour 
régler,  avec  les  autorités  chinoises  du  Yunnan,  les  questions  soulevées  par  la 
construction  de  la  voie  ferrée  de  Laokaï  à  Yunnan-Sen. 

Cette  mesure  est  une  des  conséquences  du  voyage  que  M.  Douraer,  gouverneur- 
général  de  l'Indo-Ghine  a  effectué  à  Yunnan-Sen  au  mois  de  juin  dernier.  Elle  a 
pour  but  de  faciliter  la  tâche  de  la  mission  d'ingénieurs  envoyée  par  un  groupe 
d'établissements  français  pour  la  construction  du  chemin  de  fer  du  Yunnan.  Cette 
constitution  n'était  point  superflue  pour  résoudre  les  difficultés  que  les  Chinois 
savent  si  habilement  faire  naître,  et  venait  à  point  après  des  troubles  comme  ceux 
qui  ont  amené  la  destruction  du  consulat  français  à  Mongtsé. 


Tonkiu.  —  ]%atalité  et  mortalité  à  Hanoï.  —  Le  relevé  des 
actes  d'état  civil  de  Hanoï  depuis  1883  jusqu'au  30  juin  1899,  vient  d'être  établi 
pour  la  population  européenne  ;  il  est  fort  instructif.  En  1883  et  1884,  il  n'y  eut  ni 
mariage  ni  naissance,  mais  29  et  276  décès.  C'étaient  les  débuts  de  la  conquête.  En 
1886,  la  paix  est  faite  avec  la  Chine  et  le  mouvement  de  la  population  devient  plus 
normal  ;  on  compte  2  naissances,  5  mariages  et  14  décès.  En  1890,  on  relève 
14  naissances,  2  mariages  et  94  décès  ;  en  1895,  25  naissances,  5  mariages  et  72 
décès.  Voici  enfin,  les  chiffres  des  trois  dernières  années  qui  semblent  indiquer  un 
état  à  peu  près  régulier  : 

1896 

1897 

1898 

Pour  le  l'""  semestre  de  1899  on  compte  33  naissances,  5  mariages  et  26  décès. 
On  voit  par  ce  tableau  la  progression  de  la  population  européenne  de  la  capitale 
du  Tonkin  et  la  diminution  progressive  de  la  mortalité.  Pour  cette  dernière,  de 
nombreux  cas  sont  applicables  à  des  militaires  évacués  des  ambulances  du  haut 
Tonkin  sur  Hanoï. 


Ija  |>i*o|ia$faii(le  commerciale  au  Japon.  —  Le  IMinistrc  de 
France  à  Tokio  signale  l'existence  de  journaux  spéciaux  allemands  et  américains 
destinés  h  propager  an  Japon  les  produits  de  l'industrie  de  ces  deux  pays.  Ces 
journaux  très  habilement  rédigés  publient  des  articles  de  toute  nature  relatifs  au 
•lapon  et  des  annonces-réclames  traduites  en  japonais  et  illustrées  de  nombreuses 
reproductions  de  machines  ou  de  travaux  exécutés  par  des  maisons  allemandes  et 
américaines.  Notre  reprércntant,  en  faisant  ressortir  l'activité  et  le  sens  pratique 
avec  lequel  les  Allemands  et  les  Américains  travaillent  à  conquérir  les  marchés 
d'Extrême-Orient,  signale  l'intérêt  qu'il  y  aurait  pour  nos  exportations  à  imiter 


22  naissances. 

—  7  mariages. 

—  107  décès. 

48         id. 

—  8        id. 

-    77     id. 

61          id. 

—  5        id. 

—    57     id. 

.  -  303  - 

les  procédés  de   publicité  commerciale  qu'emploient    leurs    concurrents  avec  un 
succès  marqué. 

Il  rappelle  que  la  Légation  de  France  à  Tokio  est  toute  disposée  à  prêter  son 
bon  concours  pour  la  rédaction  et  la  préparation  typographique  des  annonces  en 
caractères  japonais.  De  son  côté,  l'Office  national  du  commerce  extérieur  centra- 
lisera volontiers  les  adhésions  et,  si  le  nombre  en  est  suffisant,  mettra  en  rapport 
les  intéressés  pour  faciliter  la  tâche  dont  il  s'agit. 


Birmanie.  —  Coiiimerce  en  1 89'3'-»8.  —  Le  commerce  de  la  Bir- 
manie avec  les  pays  limitrophes,  c'est-à-dire  celui  qui  se  fait  par  voie  de  terre,  a 
été  en  1897-98,  de  28,877,000  roupies,  contre  26,824,000  r.  en  1896-97.  Les  impor- 
tations figurent  dans  cet  ensemble  pour  15,660,800  roupies  et  les  exportations  pour 
13,216,200  r.  Le  commerce  avec  la  Chine  occidentale  a  baissé,  tandis  que  celui  des 
États  Shans  et  le  Siam  a  progressé. 

Le  commerce  de  la  Birmanie  avec  la  Chine  occidentale  s'effectue  surtout  par  la 
«  route  d'Or  »  ou  voie  de  Bhamo,  un  trafic  se  fait  aussi  avec  la  Chine  par  les 
États  Shans,  mais  on  ne  peut  l'évaluer,  car  il  n'y  a  aucun  bureau  d'enregistrement. 
En  1897-1898,  la  Birmanie  a  importé  en  Chine,  par  Bhamo,  pour  1,478,500  roupies 
et  la  Chine  a  exporté  en  Birmanie  pour  2,090,800  r.  Il  y  a,  sur  l'année  précédente, 
une  diminution  de  près  de  10  "V 

Le  commerce  de  la  Birmanie  avec  les  États  Shans  du  Nord,  qui  a  été  de 
3,657,200  r.  aux  importations  et  de  2,772,700  r.  aux  exportations,  a  augmenté  de 
22  °  0-  Avec  les  États  Shans  du  Sud,  le  mouvement  a  été  de  4,936,000  r.  aux  impor- 
tations et  do  4,623,500  r.  aux  exportations. 

Le  Siam  fournit  beaucoup  de  bétail  à  la  Birmanie,  qui  lui  envoie  surtout  des 
tissus  de  coton.  Pour  1897-98,  les  importations  du  Siam  en  Birmanie  ont  été  de 
1,318,000  roupies  et  les  exportations  de  1,127,500  r. 

Le  Chieng-Maï  envoie  presque  tout  son  bois  de  teck  en  Birmanie  ;  les  impor- 
tations de  cette  région  dans  ce  dernier  pays  ont  été  de  2,888,000  roupies  et  les 
exportations  de  1,603,000  r.  en  1897-98. 

La  Karonnie  envoie  en  Birmanie  du  bois  de  teck  ou  cachou,  et  divers  autres  pro- 
duits pour  1,582,700  roupies  et  reçoit  pour  1,099,200  r.  de  tissus,  du  riz,  etc. 

Comme  on  voit,  le  commerce  par  terre  de  la  Birmanie  n'est  pas  très  développé. 
La  raison  en  est  aux  barrières  de  hautes  montagnes  qui  rendent  des  plus  pénibles 
l'accès  de  la  Chine  méridionale  et  à  l'absence  de  voies  de  communications  du  côté 
du  Siam.  Vis-à-vis  de  ce  dernier  pays,  l'obstacle  pourra  être  plus  facilement  sup- 
primé, car  la  nature  n'y  est  pas  tourmentée  comme  du  côté  du  Yunnan. 


A  inU  0  U  E 

Tunl!«ie.  —  C'Incniius  de  l*cr.  —  La  Chambre  mixte  du  Sud  a  émis  le 
vœu  de  voir  le  chemin  de  fer  de  Gafsa  se  prolonger  vers  les  chotts.  La  ligne  à 
construire,  entre  Metlaoui  (près  Gafsa)  et  Tozeur,  n'aurait  que  55  kil.  Elle  offre 
tous  les  avantages  d'une  ligne  de  pénétration  et  peut  être  considérée  comme 
l'amorce  d'une  future  ligne  de  Nefta  au  Souf.  VÀ\q  drainerait  la  production  de  la 
région  du  Djerid  et  y  introduirait  en  échange  les  marchandises  tunisiennes,  ce  qui 
amènerait  au  Djerid,  au  Nefzaoua  et  au  Souf  de  nombreuses  caravanes  de 
l'extrême  Sud. 


-  :m  - 

DÉFENSE  DES  CÔTES.  —  M.  de  Montureux  a  publié  dans  la  Quinzaine  coloniale 
une  étude  sur  celte  question  que  nous  résumons  ici. 

Les  côtes  algériennes,  grâce  à  leurs  escarpements,  sont  difficilement  accessibles 
à  l'ennemi.  Les  côtes  tunisiennes,  au  contraire,  avec  leurs  plages  sablonneuses, 
ont  besoin  d'èfre  protégées.  De  Tabarka  à  Bizerte,  la  côte  est  rocheuse  el  inabor- 
dable ;  de  Bizerte  à  Tunis  et  de  là  au  cap  Bon.  elle  s'abaisse,  mais  reste  protégée 
par  Bizerte  et  par  plusieurs  batteries.  A  partir  du  cap  Bon,  la  côte  est  absolument 
découverte  et  pourtant  les  points  de  mouillage  se  multiplient.  A  Hammamet, 
notamment,  s'ouvre  une  large  baie  abritée  des  vents  N.-O.  par  les  hauteurs  du  cap 
Bon.  Un  débarquement  à  Hammamet  ou  au  cap  Bon  rendrait  l'ennemi  maître  de  la 
seule  voie  ferrée  qui  relie  le  Nord  et  le  Sud  de  la  Tunisie. 

Pour  interdire  l'accès  de  la  Tunisie,  du  côté  de  l'Est,  il  faudrait  mettre  en  état 
de  défense  un  point  de  massif  qui  domine  Fondouk.-Djedid  et  y  établir  une  troupe 
capable  do  protéger  la  cote  avoisinante.  Un  ennemi  venant  d'Hammamet  ou  du 
cap  Bon  est  forcé,  pour  marcher  vers  Tunis,  de  passer  par  Fondouk-Djedid  ou  par 
le  défilé  du  Khanguet  situé  à  4  kil.  en  arrière.  Le  massif  montagneux  qui  sépare 
Fondouk-Djedid  du  défilé  du  Khanguet  est  très  élroit  et  réunit  toutes  les  conditions 
d'une  excellente  position  stratégique.  Les  Romains  y  avaient  construit  des  forte- 
resses dont  on  retrouve  les  ruines.  Il  faudrait  donc  créer  là,  comme  on  a  fait  à 
l'Authion,  près  de  Nice,  des  plates-formes  poup  l'artillerie,  des  chemins  d'accès  et 
le  casernement  pour  un  bataillon  d'infanterie  et  une  batterie  d'artillerie, 

La  dépense  ne  serait  pas  très  élevée,  la  pierre  et  la  chaux  se  trouvant  sur  place. 
Si  l'on  prolongeait,  jusqu'à  Kelibia,  la  ligne  du  cap  Bon  qui  va  déjà  de  Fondouk- 
Djedid  à  Menzel,  la  Tunisie  n'aurait  plus  à  craindre  un  coup  de  main,  le  point  de 
Fondouk-Djedid  paraît  donc  bien  préférable  à  celui  do  Bir-Bou-Rekba,  où  l'on  a 
proposé  d'établir  un  poste  défensif. 

Mais  pour  pouvoir  défendre  efficacement  la  Régence  contre  toute  attaque  du 
dehors,  il  faudrait  lui  envoyer  des  troupes  et  non  en  retirer. 


Quinée  l'raiiçHÎ^e.  —  C'Iieniin  de  fer.  —  Les  études  du  chemin  de 
fer  de  Konakry  au  Niger  sont  aujourd'hui  complètement  terminées  et  la  colonie 
s'est  mise  en  mesure  de  commencer  les  travaux. 

A  la  suite  des  deux  missions  du  capitaine  du  génie  Salesses,  les  grandes  lignes 
du  tracé  étaient  nettement  déterminées.  Il  restait  cependant  quelques  points  secon- 
daires à  examiner,  c'est  ce  qui  vient  d'être  fait  dans  la  dernière  campagne.  En 
outre,  deux  variantes  du  tracé  primitif  ont  été  étudiées  :  l'une  par  le  haut 
Konkouré,  entre  Friguiabé  et  les  sources  du  fleuve  ;  l'autre,  entre  le  Tinkisso  et 
Kouroussa,  par  le  gros  centre  commercial  de  Banko.  On  a  étudié  de  plus  le 
raccord  éventuel  de  Timbo  et  du  Nord  du  Fouta-Djallon  avec  la  ligne  principale. 

Ces  études  complémentaires  ont  été  faites  par  M.  Xaudé,  adjoint  du  génie,  qui 
faisait  partie  de  la  dernière  mission  Salesse.  Secondé  par  l'adjudant  Nicolas  et  les 
sergents  Dubusse  et  Vandamme,  il  a  mené  à  bien  la  tâche  qui  lui  avait  été  confiée 
par  M.  Ballay,  gouverneur  de  la  Guinée  française.  Le  Bulletin  du  Comité  de 
l'Afrique  française  nous  apprend  que  le  relevé  rapporté  par  M.  Naudé  comporte 
450  kilomètres  au  1/0,000,  se  décomposant  ainsi  :  60  kil.  de  petites  améliorations  ; 
200  pour  la  variante  de  Konkouré  ;  30  pour  l'embranchement  de  Timbo  ;  170  pour 
la  variante  de  Kouroussa.  Ajoutons  que  la  variante  du  Konkouré  a  déjà  été  adoptée 
définitivement. 

Le  tracé  adopté,  il  fallait  songer  aux  moyens  d'exécution.  A  la  suite  des 
démarches  faites  par  M.  Ballay,  qui  est  en  quelque  sorte  le  créateur  de  la  Guinée 


.  —  303  — 

française,  la  caisse  nationale  des  retraites  a  consenti  à  cette  colonie  un  emprunt 
de  8  millions  de  francs,  dont  ramortissement  est  assuré  et  les  intérêts  payés  à  Taide 
des  revenus  ordinaires  de  la  Guinée.  Cet  emprunt,  destiné  à  l'ouverture  des  tra- 
vaux a  été  approuvé,  après  avis  conforme  du  Conseil  d'Etat,  par  décret  du  14  août 
1899.  En  présence  des  progrès  accomplis  par  le  chemin  de  fer  de  Sierra-Leone,  il 
est  à  désirer  que  l'avance  acquise  par  les  Anglais  soit  promptement  regagnée. 


Tripolitaiue.  —  l'uni incrcc  avec  le  Soudan.  —  Nous  avons 
déjà  signalé  que  le  commerce  caravanier  entre  Tripoli  et  le  Soudan,  à  travers  le 
Sahara,  était  en  baisse  considérable.  Ce  trafic  a  encore  continué  de  s'abaisser,  tant 
par  suite  de  l'état  troublé  de  certains  pays  soudanais,  qu'à  cause  de  l'ouverture  de 
nouvelles  voies  de  pénétration  concurrentes. 

En  1889,  les  échanges  de  "Tripoli  avec  le  centre  africain  étaient  estimés  à 
8,500,000  fr.  ;  ils  sont  tombés  à  7  millions  en  1895,  à  5,700,000  fr.  en  1896  et  à 
3,590,000  fr.  en  1897.  Pour  cette  dernière  année,  les  importations  au  Soudan  ne 
sont  plus  que  de  l,k!yO,000  fr.,  dont  650,000  fr.  de  cotonnades  anglaises,  160,000  fr. 
de  bourrettes  de  France  et  d'Italie,  110,000  fr.  de  sucres  et  75,000  fr.  d'iillumcltes 
de  Bohème.  Les  exportations  ne  sont  que  de  2,300,000  fr.,  dont  1,250,000  fr.  de 
plumes  d'autruches,  850,000  fr.  de  peaux  de  chèvres  tannées  et  200,000  fr.  d'ivoire. 

Par  suite  de  cette  décadence  commerciale,  le  port  de  Tripoli  n'a  reçu  en  1897 
que  .58  vapeurs  anglais  (jaugeant  50,000  tonnes)  contre  86  navires  anglais  (jaugeant 
59,130  tonnes  en  1896).  En  1897,  Tripoli  a  reçu  au  total  .5!)9  navires  jaugeant 
210,500  tonnes,  dont  94,417  t.  italiennes  et  41,230  t.  françaises. 

11  semble  difficile  que  le  commerce  de  Tripoli  avec  le  Soudan  puisse  se  relever 
de  longtemps  de  la  décadence  dans  laquelle  il  est  tombé.  En  effet,  les  trois  puis- 
sances dont  les  sphères  d'intiuence  touchent  au  Tchad  feront  tous  leurs  efforts 
pour  retenir  le  trafic  sur  leur  territoire  et  les  Anglais  attireront  vers  le  Nil  le 
commerce  de  Darfour,  Kordofan,  etc  Seuls,  les  sultans  indépendants,  comme 
Rabah,  ont  encore  avantage  à  préférer  la  voie  de  Tripoli  à  cause  du  trafic  des 
esclaves  et  des  armes  à  feu. 


A  M  K  U  I  nUK. 


Étati^'-L'iiiji».  —  to  m  mer  ce  eu  18î>8.  —  Les  exportations  américaines 
ont  atteint,  en  18î'8,  le  total  de  6,275  millions  de  francs  contre  5,500  millions  en 
1897.  Les  principaux  produits  exportés  sont  le  pétrole  (19!)  millions),  le  cuivre 
(174),  les  cotonnades  (98),  les  voitures  et  wagons  (52),  etc.  Les  pays  qui  ont  le  plus 
acheté  aux  États-Unis  sont  l'Angleterre  (2,693  millions)  ,  l'Allemagne  (819)  ,  le 
Canada  (452),  la  France  (400),  la  Hollande  (.364),  la  Belgique  (2.33),  l'Italie  (12.3),  le 
Mexique  (11.5),  le  Japon  (99  millions),  etc. 

Les  importations  en  Amérique  n'ont  été,  par  contre,  que  de  3,175  millions  de 
francs  en  1898,  soit  presque  la  moitié  seulement  des  exportations.  Cette  balance 
commerciale  est  donc  à  l'avantage  considérable  des  Américains.  Les  pays  qui  ont 
le  plus  vendu  aux  États-Unis  sont  l'Angleterre  (556  millions;,  l'Allemagne  (388),  la 
France  (279),  le  Canada  (152),  le  Japon  (116),  l'Italie  (110),  le  Mexique  (112),  etc. 
■On  remarquera  que  tous  les  pays  ci-dessus  ont  acheté  beaucoup  plus  aux  Etats- 


-  306  - 

Unis  qu'ils  ne  leur  ont  vendu  de  marchandises;  exception  doit  cependant  être  faite 
pour  un  seul  :  le  Japon. 

KtatK-UniN.  —  Chicag;o  port  de  mer.  —  Le  projet  de  création  d'un 
grand  canal  maritime  entre  les  Grands  Lacs  et  TOcéan  Atlantique  commence  à 
prendre  corps  sérieusement,  et  nous  ne  serions  pas  étonnés,  vu  le  prodigieux 
esprit  d'initiative  des  Américains  pour  les  œuvres  utiles,  qu'on  passât  bientôt  à  la 
réalisation. 

Un  grand  pas  vient  d'être  fait  à  cet  égard,  M.  H.  Mérou,  Consul  de  France  à 
Chicago,  nous  apprend  en  etï'et,  que  la  commission  officielle  d'études  nommée  en 
1895,  par  le  gouvernement  fédéral,  vient  de  terminer  ses  travaux,  dont  la  dépense 
s'élève  à  465,000  dollars.  Les  trois  ingénieurs  composant  cette  commission  sont 
unanimes  à  déclarer  le  grand  canal  «  une  entreprise  pratique  et  réalisable  ».  On 
pense  que  la  dépense  atteindra  un  milliard  de  francs  ;  mais  ce  chiffre  n'est  pas  fait 
pour  effrayer  les  Yankees.  Les  résultats  économiques  seraient  d'ailleurs  bien  autre- 
ment importants,  si  l'on  considère  que  le  canal  profiterait  à  toutes  les  villes  du 
littoral  des  Grands  Lacs  et  surtout  que  Chicago  deviendrait,  par  ce  fait,  le  plus 
grand  port  de  mer  des  États-Unis.  Les  hommes  d'affaires  de  New-York  sont  eux- 
mêmes  favorables  au  projet  ;  ils  verraient  dans  sa  réalisation  le  moyen  de  main- 
tenir la  suprématie  actuelle  de  leur  cité  comme  port  d'exportation.  New-York  est 
en  effet  fortement  battu  en  brèche  par  les  ports  du  Sud  de  l'Union  sur  l'Atlantique 
et  le  golfe  du  Mexique  :  cette  situation  changerait  à  son  avantage  le  jour  où  il 
deviendrait  le  point  de  départ  et  d'arrivée  du  canal  maritime  des  Grands  Lacs. 

Canada.  —  Train  rapide.  —  La  Compagnie  du  Pacifique  inaugure  un 
service  rapide  permettant  de  traverser  le  continent  en  100  heures  et  gagnant  près 
d'un  jour  sur  le  trajet  New-Yorh-San-Francisco.  h'Imperial  Limited  Mail,  —  c'est 
le  nom  donné  an  nouveau  train,  —  part  de  Montréal  tous  les  jours,  même  le 
dimanche,  à  9  h.  30  du  matin,  pour  arriver  à  Vancouver  dans  la  soirée  du  qua- 
trième jour  suivant,  vers  6  heures.  Le  train  de  retour  est  tracé  à  une  marche  encore 
plus  rapide  et  franchit  en  98  heures  seulement  les  4,850  kilomètres  qui  séparent 
l'Océan  Pacifique  de  l'Océan  Atlantique.  Son  allnre  se  maintient  par  conséquent 
à  50  kil.  à  l'heure  sur  cet  immense  parcours,  et  la  vitesse  moyenne  de  marche 
atteint  70  kilomètres. 

C'est  un  peu  exagérer,  fait  remarquer  La  Presse,  de  Montréal,  de  dire  que  le 
«  train  Empire  »  du  Pacifique  traverse  le  continent  en  100  heures.  C'est  de  Van- 
couver à  Montréal  que  se  fait  cette  course  de  100  heures.  Or,  de  Montréal  pour 
aller  à  l'Atlantique,  c'est-à-dire  à  Halifax,  il  y  a  encore  750  milles.  11  y  a  de  Mon- 
tréal à  Winnipeg,  1,414  milles  et  de  Winnipeg  à  Vancouver  2,906  milles,  soit  en 
tout  4,430  milles. 

C-est  donc  une  moyenne  de  45  milles  (72  kil.)  à  l'heure  que  le  train  Empire  va 
parcourir,  en  faisant  la  course  de  Montréal  à  Vancouver,  en  100  heures.  Et  cela  en 
prenant  en  considération  qu'il  y  a  4  heures  de  différence  entre  l'heure  de  Montréal 
et  l'heure  de  Vancouver. 


Cruyane  liollaiidaiwe.  —  Population.  —  La  Guyane  hollandaise  a 
une  surface  de  16  millions  d'hectares,  dont  25  "'„  appartiennent  à  des  Sociétés 
agricoles,  à  des  particuliers  ou  h  des  églises.  Le  reste  est  peu  connu  on  affermé  à 
des  industries  minières. 


—  307  — 

Le  recensement  de  mai  1898  a  ronstaté  la  présence  dans  la  colonie  de  64,400 
habitants,  dont  7,000  nègres,  Bush  et  Indiens  et  700  Européens  blancs.  Paramaribo 
com;'rend  30,560  habitants.  Les  districts  sont  peuplés  surtout  de  Javanais.  La 
garnison  de  la  colonie  comprend  400  soldats  et  100  marins  ;  il  y  a  200  prisonniers  ; 
ces  chiffres  ne  sont  pas  compris  dans  ceux  du  recensement. 


Ma;a;ellan.  —  Une   ville   nouvelle   au   bout  du  monde.  —  Il 

s'agit  de  Punta-Arenas,  dans  le  territoire  de  Magellan,  à  l'extrême  Sud  américain. 
11  y  a  quelques  années,  Punta-Arenas  n'était  qu'un  petit  village  avec  quelques 
pauvres  maisons  ;  à  présent  il  est  en  train  de  devenir  une  grande  ville  avec  des 
édifices  splendides,  de  larges  rues  éclairées  à  Télectricité  et  d'un  aspect  florissant. 
En  outre  des  constructions  spacieuses  où  sont  installées  les  administrations 
publiques  et  les  clubs  des  diverses  nationalités,  on  y  a  bâti  récemment  un  grand  et 
élégant  théâtre  dans  le  genre  de  ceux  de  Santiago  et  de  Valparaiso.  Cette  ville  fait 
un  grand  commerce  de  laines  et  peaux  et  de  viandes  salées.  On  estime  que  dans 
le  district  environnant  on  élève  de  60  à  100,000  têtes  de  bétail,  de  la  valeur  de 
30  schillings  à  2  livres  par  tête.  Déjà  plusieurs  lignes  européennes  de  steamers 
font  escale  à  Punta-Arenas  et  le  gouvernement  chilien  va  établir  un  service  régu- 
lier entre  ce  port  et  Valparaison.  Ce  point  éloigné  mérite  d'attirer  l'attention  des 
négociants  européens.  .Jusqu'à  présent,  ce  sont  les  Allemands  qui  occupent  la 
première  place  dans  le  commerce.  Le  Seli's  Commercial  Intelligence  nous 
apprend  que  même  les  fonctions  de  vice-consul  anglais  sont  remplies  à  Punta- 
Arenas  par  un  Allemand. 


OGEANIE. 


Mouvellew-Hébrldes.  —  Situation.  —  Depuis  trois  ans ,  un  centre 
français  s'est  créé  dans  l'île  d'Api,  oii  il  n'y  avait  jusqu'alors  qu'un  seul  colon. 
Aujourd'hui  2.5  personnes,  réparties  entre  10  exploitations  agricoles,  sont  parvenues 
à  se  grouper  autour  de  l'agence  créée  par  la  Société  française  des  Nouvelles- 
Hébrides.  Ces  colons  ont  donné  à  ce  nouveau  centre  le  nom  de  Mereetville. 

Un  dénombrement  récent  a  prouvé  que  l'élémeut  français  déjà  supérieur,  il  y  a 
cinq  ans,  à  l'élément  anglais,  s'était  encore  accru  en  nombre  et  en  intérêts.  Aussi 
les  Anglais  suscitent-ils  aux  colons  français  des  obstacles  de  toute  nature  eh  exci- 
tant contre  eux  l'animosité  des  indigènes.  C'est  ainsi,  dit  la  Quinzaine  coloniale, 
que  les  Canaques  d'Api,  poussés  par  le  missionnaire  anglais  Frazer,  ont  tenté 
d'empêcher  un  colon  de  prendre  possession  d'un  terrain  qui  lui  avait  été  concédé. 
Antérieurement,  les  indigènes  avaient  tenté  d'empoisonner,  à  Port-Sandwich,  un 
employé  de  la  Société  française.  Une  autre  fois,  un  missionnaire  français  a  failli 
être  victime  d'une  semblable  tentative.  L'école  de  teachers  de  Spiritu-Santo  envoie 
chaque  année  dans  l'archipel  des  prédicants  canaques  dont  le  but  est  surtout  de 
faire  du  tort  aux  colons  français.  A  Port-Sandwich,  le  missionnaire  anglais  Leggat 
débauche  continuellement  les  indigènes  travaillant  sur  les  exploitations  françaises. 
On  voit  par  là  quelle  est  l'œuvre  de  paix  qu'accomplissent  les  missionnaires  bri- 
tanniques chaque  fois  qu'ils  se  trouvent  en  présence  d'une  entreprise  française. 

C'est  en  vain  que  les  colons  s'adressent  au  commandant  de  la  station  locale 
française  pour  être  protégés.  Celui-ci  se  déclare  impuissant  ;   il  a  les  mains  liées, 


-  308  - 

le  règlement  de  la  Commission  mixte  franco-anglaise  qui  régit  les  Nouvelles- 
Héhrides,  interdisant  aux  navires  de  guerre  toute  intervention  à  terre.  Qu'en  est-il 
résulté  ?  C'est  que  les  colons  ont  résolu  de  se  défendre  eux-mêmes.  A  Api,  ils  ont 
brûlé  les  cases  des  indigènes  qui  s'étaient  installés  sur  le  terrain  concédé  à  un 
Français  à  l'instigation  du  missionnaire  anglais  Frazer.  Cette  exécution  était  néces- 
saire et  se  renouvellera  chaque  fois  qu'il  le  faudra. 


m.  —  Généralités. 


KiuiKti'CM  iiiaritiiiieK  en  189?^.  —  La  statistique  des  naufrages  de 
1898  vient  d'être  publiée  par  le  Lloyd's  Regis'cr. 

Dans  le  cours  de  cette  année,  .332  vapeurs,  d'un  tonnage  total  de  463,241  tonneaux 
et  819  voiliers,  d'un  tonnage  de  357,484  tonneaux,  se  sont  perdus. 

Voici  d'ailleurs  les  chiffres  concernant  quelques  pavillons  : 

Vapeurs.  \oiliers. 

Anglais 159  78 

Américains 14  172 

Français 24  38 

Allemand 25  41 

Norvégien 16  180 

Russe 3  39 

Suédois 9  76 

Espagnol 12  6 

Italien 0  50 

Les  pertes  les  plus  sérieuses,  relativement  au  tonnage  de  la  flotte,  ont  été 
subies  :  pour  les  vapeurs,  par  l'Espagne,  qui  a  perdu  plus  des  cinq  centièmes  de  sa 
flotte  :•  et  pour  les  voiliers,  par  la  Suède  ,  qui  a  perdu  presque  le  dixième  de  sa 
flotte. 

Four  la  France,  le  pourcentage  a  été  de  4,07  (vapeurs)  et  de  6,48  (voiliers) 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  yéotjraphiques  : 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, 
LE   SECRET.^IRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  A.    MERGHIER. 

QUARRÉ - REYBOURBON. 


Lille  imp.LDanel. 


-  309  — 


La  Société  de  Géographie  de  Lille  vient  d'être  frappée 
cruellement  :  la  mort  lui  a  ravi  son  Président  si  aimé  et  si 
vénéré,  M.  Paul  Crepy, 

Paul  Crepy  était  plus  qu'un  Président  ordinaire,  il  était  le 
fondateur  de  notre  Société,  il  l'avait  faite  sienne,  il  en  était 
l'àme. 

Dans  les  débuts  toujours  difficiles  d'une  jeune  Société,  il 
paya  largement  de  sa  personne,  de  son  influence,  de  sa  bourse. 
Il  était  partout,  il  entraînait  les  bonnes  volontés  hésitantes,  et 
quand  venait  l'heure  du  règlement  des  comptes,  si  l'on  avait 
marché  un  peu  trop  vile,  on  apprenait  qu'un  généreux  anonyme 
aplanissait  toute  difficulté,  et  on  n'était  pas  autrement  surpris. 

Aussi  la  Société  de  Géographie  de  Lille  ne  tarda  pas  à 
prendre  un  développement  inouï.  En  1892,  devançant  les  inou- 
bliables fêtes  du  8  Octobre,  elle  convia  les  représentants  de 
toutes  les  Sociétés  de  Géographie  françaises  en  un  Congrès 
où  Paul  Crepy  montra  toutes  ses  qualités  de  bienveillance  et 
de  générosité,  comme  aussi  toute  son  affection  pour  SA  Société. 

Ce  fut  comme  une  apothéose.  —  Un  moment  notre  cher 
Président  songea  à  la  retraite,  nos  instances  le  firent  revenir 
sur  cette  détermination. 

Et  nous  le  vîmes  de  nouveau  se  consacrer  corps  et  âme  à  la 
Société  de  Géographie  de  Lille  ;  acquérir  une  légitime  autorité 
dans  le  monde  des  géographes  et  des  explorateurs,  nous  amener 
par  son  influence  personnelle  une  légion  de  conférenciers 
remarquables.  Avec  quel  tact  et  quel  à-propos  il  présidait  nos 
séances,  il  est  inutile  de  le  rappeler. 

Nous  espérions  le  voir  mener  à  bonne  fin  l'œuvre  de  notre 
exposition  en  1900.  Cette  espérance  est  brutalement  déçue. 


21 


-  310  - 


L'auteur  de  ces  lignes  garde  précieusement  un  billet  écrit 
de  la  main  du  Président,  quelques  heures  à  peine  avant  l'évé- 
nement fatal  :  comme  un  soldat,  Paul  Crepy  est  tombé  sur  la 
brèche. 

Il  ne  faut  pas  que  son  œuvre  périsse. 

Sur  sa  tombe  entrouverte  nous  avons  entendu  notre  Vice- 
Président,  M.  Nicolle,  rappeler  d'une  voix  émue  «  l'affection 
et  le  respect  »  que  la  Société  de  Géographie  «  lui  a  voués 
pendant  sa  vie  et  qu'elle  gardera  fidèlement  dans  l'avenir, 
comme  à  son  initiateur  dans  la  voie  qu'elle  continuera  de 
suivre.  » 

C'est  un  engagement  que  nous  tiendrons  à  honneur  de 
remplir. 

A.  M. 


<  ■     'I-    ■  > 


•^  311  - 


LE  CONGRÈS  INTERNATIONAL  DE  GÉOGRAPHIE  DE  BERLIN 


Le    Programme. 

Le  programme  du  7"  Congrès  international  de  Géographie,  réuni  à 
Berlin  du  jeudi  28  Septembre  au  mercredi  4  Octobre  1899,  a  été 
distribué  à  un  assez  grand  nombre  de  membres  de  la  Société  de  Géo- 
graphie de  Lille  ;  ils  ont  pu  y  voir  sous  quels  hauts  patronages  s'étaient 
placées  ces  assises  géographiques,  succédant  à  celles  de  Londres  en 
1895  ;  elles  avaient  pour  Protecteur,  son  Altesse  Royale  le  prince 
Albrecht  de  Prusse,  Régent  du  duché  de  Brunswiciv,  et  pour  Prési- 
dents, Vice-Présidents  et  Membres  d'honneur  les  sommités  royales, 
princières,  diplomatiques,  géographiques  et  savantes  de  l'Europe  et  de 
l'Amérique. 

Dès  le  19  Septembre,  des  voyages  d'étude  sur  les  bords  du  Rhin  et 
de  la  Moselle,  dans  les  Vosges,  en  Thuringe,  en  Prusse,  étaient 
organisés  en  six  groupes,  chacun  sous  la  conduite  de  savants  Pro- 
fesseurs. 

Après  le  Congrès,  les  5  et  6  Octobre,  le  Sénat  et  la  Société  de  Géo- 
graphie de  Hambourg  invitaient  une  partie  des  membres  du  Congrès, 
parmi  lesquels  presque  tous  les  étrangers,  h  une  visite  de  cette  ville. 

Et  du  7  au  11  Octobre,  un  voyage  d'étude  encore  était  projeté  dans 
les  plaines  de  formation  glaciaire  de  l'Allemagne  du  Nord ,  sur 
lesquelles  un  savant  rapport  devait  préalablement  être  fait  au  Congrès 
par  M.  le  Professeur  D""  Wahnschaffe  de  Berlin,  le  principal  dii-ecteur 
de  cette  excursion. 

RÉCEPTION  A  Cologne. 

Enfin  la  Société  de  Géographie  de  Cologne,  voulant  accueillir  dès 
leur  entrée  sur  le  sol  germanique  les  étrangers  qui  se  rendraient  à 
Berlin,  leur  avait  adressé  une  gracieuse  invitation  pour  la  soirée  du 
mardi  26  Septembre.  Quinze  membres  du  Congrès,  trois  Français, 
huit  Anglais,  un  Autrichien,  un  Suisse,  un  Belge  et  un  Italien  s'y 


-  312  — 

étaient  rendus.  M.  le  Président ,  M.  le  Secrétaire ,  le  Professeur 
D""  Blind,  et  de  nombreux  membres  de  la  Société  de  Géographie  de 
Cologne  se  trouvaient  réunis  pour  les  recevoir  dans  une  des  salles  du 
Casino  civil  de  Cologne.  M.  le  Président,  au  début  de  cette  réunion, 
dans  un  aimable  discours,  nous  souhaitait  la  bienvenue,  nous  faisait 
l'histoire  de  la  Société  de  Cologne  par  un  exposé  nourri  de  faits  et 
exprimait  cette  pensée,  qui  depuis  nous  a  semblé  l'esprit  même  du 
Congrès  de  Berlin,  que  la  science  géographique  explorant  la  terre 
était  faite  pour  en  rapprocher  les  habitants. 

La  parole  passait  ensuite  à  M.  Enrico  Frassi  de  Milan  pour  nous 
décrire  son  ingénieux  système  de  fuseaux  horaires,  dont  le  but  est  : 
1"  D'indiquer  sur  un  tableau  synoptique  par  des  dessins  et  des  signes 
imprimés  en  couleurs  les  écarts  d'heure  des  différentes  nations  du 
globe  avec  le  premier  fuseau  ;  2°  De  construire  des  horloges  dont  une 
partie  centrale  se  mouvant  avec  l'aiguille  des  heures  indiquerait  à 
chaque  instant  l'heure  de  chacune  de  ces  nations.  Cette  communication 
devait  être  reproduite  plus  tard  à  Berlin. 

La  soirée  s'acheva  dans  un  banquet  oîi  nos  hôtes,  encadrant  les 
étrangers,  nous  firent  fête  et  nous  entretinrent  très  agréablement 
jusqu'à  une  heure  assez  avancée.  Au  moment  des  toasts,  M.  le  Prési- 
dent, puis  M.  Georg  Kiippers-Loosen,  explorateur,  nous  exprimèrent 
on  ne  peut  mieux  leurs  sentiments  hospitaliers;  à  leurs  compliments 
répondirent  d'abord  sir  John  Murray  au  nom  des  Anglais,  puis  M.  le 
Professeur  Forel  de  Morges  (Suisse)  parlant  pour  les  nations  de  langue 
romane  et  nous  comprenant  ainsi  dans  la  cordialité  de  remercîments 
bien  dus  aux  attentions  dont  on  nous  entourait.  Nous  nous  retirâmes 
fort  satisfaits  de  ce  début  dans  nos  relations  géographiques. 

Composition  du  Congrès. 

En  comprenant  les  derniers  venus,  pendant  la  session  même,  les 
souscripteurs  comme  membres  titulaires  étaient,  nous  a-t-on  dit,  plus 
de  1.200,  et  les  dames  admises  comme  membres  supplémentaires  plus 
de  400,  au  total  1.600  à  1.700  inscriptions.  En  réalité,  il  devait  y  avoir 
1.200  à  1.30(J  personnes  présentes. 

Il  est  peut-être  intéressant  de  donner  ici  la  liste  des  membres  fran- 
çais du  Congrès,  le  signe  -f  indiquant  la  présence  à  Berlin  : 

f  S.  A.  S.  le  Prince  Albert  I  de  Monaco. 


—  313  — 

f  M.  René  Allain,  de  la  Société  de  Géographie  de  Paris. 

7  M.  P.  Camena  d'Almeida,  Professeur  de  géographie  à  l'Université 
de  Bordeaux. 

M.  B.  Auerbach,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Nancy,  délé- 
gué de  la  Société  de  Géographie  de  l'Est. 

M.  Charles  Barrois,  Professeur  à  l'Université  de  Lille,  membre  de  la 
Société  de  Géographie  de  Lille. 

f  M.  Charles  Bénard,  officier  de  marine,  délégué  du  Ministère  des 
Colonies  et  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Bordeaux. 

t  IVr^  Ch.  Bénard. 

f  M.  Augustin  Bernard,  Docteur  ès-lettres  et  Professeur  à  l'École 
supérieure  des  Lettres  d'Alger,  délégué  de  la  Société  bretonne  de 
Géographie  de  Lorient  et  de  la  Société  de  Géographie  et  d'Archéologie 
d'Oran. 

f  M""*  A.  Bernard. 

M.  Marcel  Bertrand,  membre  de  l'Institut. 

M.  Edouard  Blanc,  Explorateur. 

f  M.  Georges  Blondel,  Professeur  à  l'École  des  Hautes-Études 
commerciales  de  Paris. 

S.  A.  le  Prince  Roland  Bonaparte. 

f  M.  le  D'  L.  M.  Boucher,  délégué  de  la  Société  normande  de 
Géographie. 

f  M™'  L.  M.  Boucher. 

M.  le  Comte  Pierre  Savorgnan  de  Brazza,  Commissaire-Général 
honoraire  du  Gouvernement  au  Congo  français. 

M""®  la  Comtesse  de  Brazza. 

f  M.  Chambeyron,  de  h  Société  de  Géographie  de  Lyon. 

M.  Henri  Cordier,  Professeur  à  l'École  des  Langues  Orientales  de 
Paris. 

M.  André  Delebecque,  de  Thonon. 

f  M.  Ludovic  Drapeyron,  Directeur  de  la  Revue  de  Géographie. 

M.  Albert  Fabre,  délégué  de  la  Société  languedocienne  de  Géogra- 
phie, de  Montpellier. 

M.  Henri  Froidevaux,  Docteur  ès-lettres ,  Secrétaire  de  l'Office 
colonial  près  la  Faculté  des  Lettres  de  l'Université  de  Paris. 

f  M.  Lucien  Gallois,  Maître  de  Conférences  de  Géographie  à  l'École 
normale  supérieure  de  Paris. 

f  M.  Charles  Gauthiot,  membre  du  Conseil  supérieur  des  Colonies 
et  de  Statistique,  délégué  de  la  Société  de  Géographie  commerciale. 


—  314  — 

M.  le  Général  A.  J.  Gervais,  de  Paris. 

M.  Jules  Girard,  Secrétaire-Adjoint  de  la  Société  de  Géographie  de 
Paris. 

f  I\I.  Alfred  Grandidier,  membre  de  l'Institut. 

f  M.  Guillaume  Grandidier,  Explorateur  à  Madagascar,  Paris. 

M.  le  Baron  Jules  de  Guerne,  Secrétaire-Général  de  la  Société 
d'Acclimatation  de  France. 

•f  M.  Charles  Lallemand,  membre  du  Bureau  des  Longitudes,  Direc- 
teur du  Nivellement  général  de  la  France,  Chef  du  Service  technique 
du  Cadastre. 

t  M""'  Lallemand. 

-j-  M.  Albert  de  Lapparent,  membre  de  l'Institut. 

M.  Georges  Lespagnol  de  l'Université  de  Lyon. 

•j-  M.  de  Leymarie.  Vice-Président  de  la  Société  de  Géographie  de 
Paris. 

f  M'°^  de  Leymarie. 

jSI.  Levasseur,  membre  de  l'Institut,  Prof  au  Collège  de  France. 

M.  Gabriel  Marcel,  Conservateur- Adjoint  à  la  Bibliothèque  Nationale 
(section  de  Géographie). 

f  M.  André  ]^Iareuse,  de  Paris. 

f  M.  Edgar  Mareuse,  de  Paris. 

-J-  M.  Emm.  de  Margeric,  Président  de  la  Société  Géologique  de 
France. 

7  M.  Georges  Monfiier,  Avocat,  délégué  de  la  Société  normande  de 
Géographie. 

7  M.  Ernest  NicoUe,  Vice-Président  de  la  Société  de  Géographie 
de  Lille. 

7  M.  J.  R.  Olivier,  Fabricant  d'horlogerie,  de  Paris. 

f  M^"<^  M.  Olivier,  de  Paris. 

7  M.  Fernaud  Paillère,  de  Paris. 

M.  G.  Ramond,  Assistant  de  Géologie  au  Musée  d'Histoire  naturelle 
à  Paris. 

M.  Louis  Raveneau,  Professeur  et  Directeur  de  la  Bibliographie  des 
Annales  de  Géographie,  Paris. 

M.  Elisée  Reclus. 

M,  J.  de  Rey-Pailhade ,  délégué  de  la  Société  de  Géographie  de 
T<julouse. 

7  M.  le  D'  Jules  Richard,  Conservateur  des  Collections  de  S.  A.  S. 
le  Prince  Albert  I  de  Monaco. 


—  315  — 

T  M.  Gaston  Routier,  délégué  de  la  Société  normande  de  Géographie. 

y  M.  Franz  Scliradcr,  Géographe,  Paris. 

-j-  M.  Louis  Taisne,  Architecte,  Paris. 

f  M.  Armand  Templier,  de  Paris. 

-j-  M.  Pierre  Templier,  de  Paris. 

M.  F.  Thoulet,  de  l'Université  de  Nancy. 

y  M.  P.  Vidal  do  la  Blachc,  de  l'Université  de  Paris. 

Un  coup  d'œil  jeté  sur  cette  liste  montre  que  la  France  était  digne- 
ment représentée,  même  en  tenant  compte  de  l'absence,  unanimement 
regrettée  par  nos  compatriotes,  d'une  si  grande  proportion  des  inscrits, 
particulièrement  de  ceux  qui  avaient  des  communications  au  pro- 
gramme. 

Le  groupe  français,  grâce  peut-être  aux  qualités  personnelles  de  la 
plupart  de  ses  membres,  a  été  en  toute  circonstance  et  de  la  part  de 
tous,  l'objet  d'une  courtoisie,  d'une  bienveillance  et  d'une  attention, 
<lont  certainement  la  sympathie  et  l'estime  faisaient  le  fond,  nous  nous 
plaisons  à  le  constater  et  à  en  exprimer  notre  gratitude. 

Ouverture  du  Congrès. 

Le  mercredi  27  Septembre,  nous  étions  tous  conviés  à  une  réunion 
dont  le  but  était  de  se  rencontrer  et  de  faire  connaissance,  non  seule- 
ment avec  les  personnes,  mais  encore  avec  le  local  où  nous  devions 
nous  rassembler  tous  les  jours. 

Ce  siège  du  Congrès  était  le  Palais  de  la  Chambre  des  Députés  du 
n)yaume  de  Prusse,  «  Haus  der  Abgeordneten  »,  édifice  nouveau, 
monumental,  vaste  et  offrant  toutes  les  facilités  désirables  d'installa- 
tion, avec  une  ampleur,  un  confort  et  môme  un  luxe  que  nous  devions 
iidmirer, 

La  salle  des  séances  de  la  Chambre  était  consacrée  à  nos  séances 
générales.  C'est  un  rectangle  dont  un  des  grands  côtés  est  occupé  par 
le  fauteuil  du  Président  et  ceux  du  bureau,  la  tribune  et  les  places 
réservées  aux  hautes  autorités  et  aux  sténographes  ;  le  tout  surélevé, 
au-dessus  de  la  partie  centrale  où  s'étagent  en  demi-cercle  allongé  les 
sièges  et  les  pupitres  des  députés  qui  font  face  à  la  tribune.  Sur  les 
trois  autres  côtés  régnent  des  galeries  élevées  qui  s'arrondissent  aux 
deux  angles,  formant  ainsi  un  immense  balcon  d'où  le  public  domine 
l'assemblée.  Cette  salle,  éclairée  par  un  plafond  de  verre,  simple  dans 


—  316  — 

sa  haute  décoration  en  bois  de  chêne,  mais  d'une  riche  simplicité,  est 
admirablement  disposée  :  haute,  large,  ouverte,  elle  est  bien  aérée  et 
l'on  y  respire  à  Taise  même  quand  une  assistance  de  quinze  ou  seize 
cents  personnes  y  fait  monter  la  température.  On  accède  au  parquet 
par  des  portes  de  trois  côtés  sous  les  galeries,  et  aux  galeries  par  des 
escaliers  extérieurs. 

Un  grand  salon,  parfaitement  décoré  et  meublé  règne  près  de  la 
salle  des  séances,  sur  toute  la  longueur  du  côté  opposé  à  la  tribune  et 
sert  de  pièce  de  repos  et  de  conversation.  C'est  le  centre  du  monu- 
ment, c'est  aussi  celui  de  cette  première  assemblée. 

Tout  autour  sont  répartis  les  services  auxiliaires,  dans  les  mêmes 
conditions  d'aisance  et  de  grandeur,  larges  vestibules,  deux  grandes 
salles  de  conférences  pouvant  contenir  environ  300  personnes,  pour- 
vues d'annexés  de  dégagement  ;  autres  salles  pour  les  réunions  de 
commissions  ;  bureaux  de  toute  sorte,  salles  de  lecture  et  de  corres- 
pondance au  nombre  de  6  ou  7,  l'une  d'elles,  très  vaste,  munie  d'une 
multitude  de  casiers  où  sont  mis,  chacun  à  sa  place,  et  distribués  par 
deux  employés  spéciaux,  actifs  et  très  amis  de  l'ordre,  un  millier  ou 
plus  de  journaux  représentant  la  presse  marquante  du  monde  civilisé. 
Puis  restaurant  où  peuvent  s'accommoder  plusieurs  centaines  de  per- 
sonnes. Tout  cela  se  trouve  aux  étages  où  l'on  accède  par  des  escaliers 
monumentaux. 

Au  rez-de-chaussée  sont  établis  :  dès  l'entrée,  bureau  de  poste  et  de 
télégraphe,  bureau  de  voyage,  bureaux  du  Congrès  pour  toute  sorte 
de  renseignements,  communications,  inscriptions  pour  les  réunions  et 
distractions  offertes  aux  Congressistes;  plus  loin,  vaste  vestiaire,  puis 
dépôt  pour  les  objets  d'étude  et  communications  entre  Congressistes 
avec  un  casier  pour  chacun.  Et  pour  tout  cela  un  personnel  nombreux, 
exact,  prompt  et  prévenant. 

C'est  en  somme  une  belle  et  considérable  installation,  où  tout  a  été 
prévu,  dont  tous  les  rouages  ont  fonctionné  avec  précision  dès  la  pre- 
mière heure,  et  dont  la  préparation  fait  le  plus  grand  honneur  à 
MM.  le  Président  Baron  de  Richtofen,  le  Secrétaire-Général  Georg 
Kollm,  le  Trésorier  Bùtow  et  à  la  légion  de  collaborateurs  dévoués 
qui  se  pressaient  autour  de  ces  principaux  organisateurs. 

Dans  cette  première  soirée,  des  distributions  de  documents  et  les 
présentations  occupaient  l'assemblée  fort  nombreuse  et  lui  donnaient 
une  grande  animation. 

Le  groupe  français,  se  concentrant  pour  la  première  fois,  s'entendit 


—  317  — 

pour  nommer  le  lendemain  matin  son  Président ,  M.  Grandidier, 
membre  de  l'Institut,  auteur  de  remarquables  études  sur  Madagascar. 

On  pense  bien  qu'on  se  montrait  avec  intérêt  les  illustrations  géo- 
graphiques qui  s'étaient  donné  rendez-vous  à  Berlin  ;  beaucoup  d'entre 
elles  trouveront  naturellement  leur  place  dans  notre  compte  rendu, 
nécessairement  trop  limité,  cependant,  pour  y  faire  entrer  tous  ceux 
qu'on  se  plairait  à  signaler. 

C'était  une  préparation  heureuse  à  la  séance  solennelle  d'ouverture 
du  lendemain  jeudi  28  Septembre,  qui  avait  lieu  à  10  h.  1/2,  dans  la 
grande  salle  des  Députés,  dont  les  sièges  étaient  réservés  aux  princi- 
paux Congressistes  Allemands  et  aux  délégués  étrangers.  Le  fauteuil 
du  Président  était  occupé  par  M.  le  Baron  de  Richtofen,  Président  de 
la  Société  de  Géographie  de  Berlin,  ayant  à  ses  côtés  le  bureau  du 
Congrès.  Aux  places  d'honneur  des  deux  côtés  du  bureau  figuraient  : 
à  droite  et  en  avant  son  Altesse  Royale  le  Prince  Albrecht,  Protecteur 
du  Congrès  et  représentant  de  l'Empereur  Guillaume  II;  puis  le  Prince 
de  Hohenlohe,  Chancelier  de  l'Empire,  et  nombre  de  hautes  personna- 
lités, parmi  lesquelles  se  détachaient  quelques  brillants  uniformes. 

Dès  l'ouverture  de  la  séance,  une  allocution  du  Prince  Albrecht 
apportait  au  Congrès  l'assurance  de  l'intérêt  du  Gouvernement  alle- 
mand pour  son  succès,  assurance  encore  accentuée  par  le  Chancelier 
Prince  de  Hohenlohe,  auquel  succédèrent  à  la  tribune  le  Ministre  des 
Cultes  et  le  Bourgmestre  de  Berlin. 

Ce  fut  ensuite  :  Sir  Cléments  Markham,  Président  de  la  Société  royale 
de  Géographie  de  Londres  et  du  bureau  permanent  constitué  depuis 
le  Congrès  de  Londres  en  1895,  suivi  par  Son  Excellence  M.  de 
Ssemenow,  Vice-Président  de  la  Société  impériale  russe  de  Géogra- 
phie, tous  deux  parlant  au  nom  des  étrangers  ;  enfin  Sir  Cléments 
Markham  remettant  ses  pouvoirs  à  M.  de  Richtofen,  et  ce  dernier  sou- 
haitant la  bienvenue  au  nouveau  Congrès  et  parlant  de  ses  membres 
et  de  leurs  travaux  en  termes  qu'on  a  beaucoup  loués. 

La  cérémonie  se  termina  par  le  vote  par  acclamation  de  la  liste  des 
Vice-Présidents ,  choisis  parmi  les  nations  présentes  en  nombre 
variable  suivant  l'importance  de  leurs  institutions  géographiques. 
MM.  Grandidier,  de  Lapparent  et  Vidal  de  la  Blache,  nos  savants 
compatriotes,  eurent  les  honneurs  de  cette  fonction  ;  aucun  pays  ne 
pouvait  avoir  plus  de  trois  Vice-Présidents. 

Après  une  suspension  d'une  demi-heure,  la  séance  fut  reprise  vers 
midi  et  demi  pour  le  début  des  études  du  Congrès. 


-  318  - 


Travaux  du  Congrès. 

Nous  ne  pouvons  songer  à  donner  un  compte  rendu  même  sommaire 
de  toutes  les  communications  apportées  au  Congrès  dont  l'activité  a  été 
extrême.  La  matinée,  de  10  h.  à  1  h.  environ,  était  consacrée  à  des 
séances  générales  dans  lesquelles  se  produisaient  les  rapports  jugés 
les  plus  dignes  d'intérêt. 

L'après-midi,  on  se  divisait  en  trois  groupes  qui  se  réunissaient  à 
2  heures,  ou  quelquefois  à  3  heures  quand  la  matinée  avait  été  parti- 
culièrement remplie.  Il  était  rare,  malgré  les  absences  de  quelques-uns 
des  rapporteurs,  qu'on  se  séparât  avant  6  heures.  Un  grand  nombre  de 
membres  déjeunaient  dans  l'intervalle  au  restaurant  du  Palais,  n'aj-ant 
pas  le  loisir  de  s'en  écarter. 

Nous  nous  bornerons  à  un  rapide  exposé  des  questions  saillantes  ; 
un  compte  rendu  complet  nous  sera  envoyé  plus  tard,  dans  lequel  les 
membres  de  notre  Société  pourront  étudier  en  détail  les  sujets  qui  les 
intéressent. 

La  science  géographique  se  développe  constamment ,  elle  ne  se 
contente  plus  de  la  surface  de  notre  planète,  elle  pénètre  dans  ses 
flancs,  et  particulièrement  dans  ses  océans  ;  elle  ne  borne  même  pas  là 
ses  ambitions  et  s'adresse  aussi  à  ce  qui  vit  dans  ce  monde,  aussi  il  ne 
faut  pas  s'étonner  devoir  dominer  ici  les  questions  de  Géomorphologie, 
d'Océanologie,  de  Biogéographie,  de  Géophysique,  qu'on  n'était  pas 
accoutumé  de  trouver  jadis  dans  les  traités  de  Géographie.  Il  n'y  a  rien 
là  qui  puisse  nous  causer  de  l'effroi,  et  sans  prendre  parti  entre  deux 
écoles,  dont  l'une  veut  que  rien  de  ce  qui  touche  à  la  Terre  soit 
étranger  à  la  Géographie,  et  l'autre  prétend  limiter  son  champ  d'inves- 
tigations à  des  objets  très  définis,  nous  pouvons  estimer  qu'à  moins  de 
l'étouffer  il  faut  laisser  à  celte  science  grandissante  beaucoup  de  liberté 
dans  ses  mouvements.  Concevrions-nous  un  physicien  qui  ne  saurait 
rien  de  la  Chimie  ?  Concevrions-nous  davantage  un  grand  Géographe 
se  désintéressant  de  la  Géologie,  des  transformations  des  terres  et  des 
mers  et  de  la  vie  qui  les  aiame  ?  Pour  fréquenter  ses  sœurs  et  s'en 
inspirer  elle  ne  leur  enlève  rien  et  dans  ses  échanges  avec  elles  elle 
se  trouve  elle-même  enrichie.  La  Géographie  allemande  en  particulier 
s'étend  largement,  et  nous  trouvons  à  la  tête  du  Congrès  même  et  de 
la  Société  de  Géographie  de  Berlin  M.  le  Baron  de  Riclitofen,  qui  a 


—  319  — 

montré  par  ses  multiples  travaux  combien  le  champ  géographique 
peut  s'élargir  sous  l'impulsion  d'un  esprit  pénétrant  et  investigateur. 

Nous  prendrons  tour  à  tour,  à  peu  près  mais  non  complètement  dans 
l'ordre  où  elles  se  sont  présentées,  les  divisions  principales  des  travaux 
pour  les  analyser  très  brièvement,  trop  brièvement,  de  manière  à  en 
donner  seulement  une  idée  générale  et  succincte,  omettant  à  regret 
un  grand  nombre  de  communications  intéressantes  et  par  leur  subs- 
tance et  par  le  nom  de  leur  auteur. 

Océanologie.  —  Les  importantes  questions  classées  sous  ce  titre 
ont  fait  l'objet  de  l'attention  dès  la  première  séance.  C'est  d'abord,  à 
la  rentrée  en  séance,  après  l'ouverture  solennelle,  M.  le  Professeur 
Chun,  de  Leipzig,  qui  expose,  avec  sa  belle  figure,  sa  voix  douce  et 
son  regard  attirant  et  sympathique,  les  résultats  de  son  expédition  de 
la  «  Valdivia  »  dans  l'hémisphère  Sud  et  montre  d'un  air  modeste  la 
large  contribution  par  elle  apportée  à  la  connaissance  des  régions 
subocéaniques.  La  «  Valdivia  »,  partie  de  Hambourg  le  l"""  Août  1898, 
s'éleva  d'abord  par  la  mer  du  Nord  au-dessus  de  l'Ecosse  jusqu'aux 
îles  Féroë,  d'où  elle  redescendit,  longeant  l'Europe  et  la  côte  occiden- 
tale d'Afrique  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance,  puis  jusqu'au  groupe 
de  l'île  Bouvet  (54"26'4"  S.  et  3''24'2"  E.  Gr.,  milieu  de  l'île  Bouvet), 
enfin  au  Sud  et  à  l'Est  jusqu'à  la  limite  des  glaces,  par  64°14'3"  S.  et 
54"31'4"  E.  Gr.,  à  proximité  de  la  terre  d'Enderby,  au  milieu  du  mois 
de  Décembre.  De  là,  elle  prit  sa  route  de  retour  en  remontant  vers  le 
N.-E.,  en  reconnaissant  les  îles  Kerguelen,  St-Paul  et  Nouvelle-Ams- 
terdam, jusqu'à  Sumatra,  pour  aller  de  là  à  Zanzibar  et  revenir  par  la 
mer  Rouge,  Suez,  Messine,  la  côte  d'Espagne  et  la  Manche  à  Ham- 
bourg, où  elle  était  le  l®""  Mai  1899.  Partout  sur  cet  immense  parcours 
s'étaient  assidûment  poursuivis  les  sondages  et  les  observations  de  la 
mer,  de  l'atmosphère  et  des  terres.  Ces  travaux  fout,  en  particulier, 
connaître  le  groupe  de  l'île  Bouvet  et  les  ressources  qu'il  peut  offrir 
aux  expéditions  antarctiques;  ils  nous  révèlent  aussi  entre  ce  groupe 
et  les  terres  australes  d'Enderby  et  de  Kemp  un  bassin  où  les  profon- 
deurs dépassent  5.500  mètres  (3.000  brasses  anglaises). 

Vient  ensuite  Son  Altesse  le  Prince  de  Monaco,  un  marin  franc  et 
énergique  doublé  d'un  savant,  commandant  la  manœuvre,  maniant  un 
harpon  et  un  appareil  de  sondage  aussi  bien  qu'il  analyse  au  profit  de 
la  science  les  éléments  fournis  par  l'Océan,  qui,  depuis  quinze  ans, 
consacre  sa  personne  et  sa  fortune  à  l'exploration  sous-marine.  Il  nous 


—  320  — 

signale  l'aide  apportée  à  ses  recherches  par  les  grands  cétacés  ;  après 
s'en  être  emparé,  il  va  chercher  dans  leur  estomac  des  spécimens, 
quelquefois  presque  intacts,  des  habitants  des  grands  fonds  qu'il  ne 
saurait  pêcher  autrement.  Ce  ne  sont  pas  ses  seuls  collaborateurs, 
comme  il  les  appelle  plaisamment,  il  sait  intéresser  à  son  œuvre  des 
hommes  capables  d'en  accroître  l'ampleur.  Le  Docteur  Théodore 
Barrois,  notre  concitoyen  et  notre  collègue,  a  travaillé  jadis  avec  lui. 
Et  tout  récemment,  un  autre  Lillois,  un  jeune  lieutenant  de  vaisseau, 
M.  Guissez,  qui  s'est  déjà  fait  une  place  dans  l'histoire  géographique 
par  son  commandement  de  «  l'Argus  »  sur  le  Mékong,  qui  est  mainte- 
nant à  Cherbourg  chargé  de  suivre  l'achèvement  et  les  essais  du 
sous-marin  le  «  Narval  »,  était  à  son  bord  dans  sa  dernière  expédition 
au  Spitzberg. 

Le  Prince  de  Monaco  ne  représentait  pas  seul  l'élément  français 
pour  les  contributions  apportées  au  Congrès  sur  ces  importantes  ques- 
tions sur  lesquelles  on  est  revenu  dans  des  séances  ultérieures.  M.  G. 
Thoulet  et  M.  Auerbach,  tous  deux  de  l'Université  de  Nancy,  avaient 
annoncé  leur  «  Analyse  et  classification  des  fonds  sous-marins  et  pré- 
«  sentation  d'un  Atlas  lithologique  des  côtes  françaises  en  22  feuilles  ». 
Cette  œuvre  est  extrêmement  curieuse  et  intéressante.  M.  Thoulet,  qui 
en  est  l'initiateur  en  France,  nous  en  avait  déjà  entretenu  au  Congrès 
de  Marseille  en  1898  ;  elle  consiste  à  tracer  des  cartes  fort  détaillées 
des  fonds  voisins  des  côtes ,  au  moj-en  de  sondages  multipliés,  de 
manière  à  en  avoir  une  connaissance  minutieuse  ;  ces  cartes  permet- 
traient aux  marins,  même  par  les  temps  complètement  obscurs  et 
brumeux,  de  déterminer  leur  position  exacte  après  quelques  tâtonne- 
ments et  par  conséquent,  soit  de  continuer  leur  route,  soit  de  s'écarter 
des  dangers  de  la  côte,  en  connaissance  de  cause.  Nous  nous  promet- 
tions beaucoup  de  plaisir  de  voir  M.  Thoulet,  de  le  féliciter,  de  jouir 
de  sa  notoriété  dans  ce  milieu  international,  mais  il  avait  préféré 
employer  ses  vacances  aux  sondages  ;  pour  le  progrès  de  son  œuvre, 
c'était  sans  doute  plus  utile  ;  pour  la  satisfaction  de  notre  goût  et  de 
notre  amour-propre  national,  cette  absence  était  fâcheuse,  et  nous 
aurions  aimé  du  moins,  que  quelqu'un  fiît  chargé  à  la  place  de  leurs 
auteurs,  de  communiquer  ces  beaux  travaux. 

Nous  pouvons  aussi  placer  ici  la  communication  de  Sir  John  Murray, 
le  naturaliste  de  l'expédition  du  «  Challenger  »,  dont  les  résultats 
ont  rempli  plus  de  -40  gros  volumes  in-4°,  toute  une  bibliothèque  océa- 
nographique ;  il  parle  de  la  distribution  des  dépôts  sur  les  fonds  des 


.  -  321  — 

mers.  La  Société  de  Géographie  de  Lille  a  été  mise  au  courant  de 
Ci'tte  question  naguère  par  une  savante  conférence  d'un  nieml)re  dis- 
tingué de  son  Comité  d'Etudes,  M.  Ardaillon. 

Les  bassins  océaniques  déterminés  par  les  profondeurs  de  la  mer 
ont  fait  le  sujet  de  plusieurs  rapports  par  des  savants  de  premier 
ordre  :  MM.  le  Professeur  D""  Wagner  de  Gœttinguo,  le  D""  Krummel 
de  Kiel,  le  D""  A.  R.  Mill  de  Londres,  le  Professeur  Woeikof  de  St- 
Pétersbourg ,  et  d'autres  encore.  Tous  s'accordaient  à  reconnaître 
l'utilité  d'une  nomenclature  internationale  de  ces  bassins.  Ce  courant 
d'idées  et  une  discussion  approfondie  ont  déterminé  le  vœu  suivant  : 
«  Le  Congrès  est  sollicité  d'instituer  une  Commission  internationale 
«  pour  la  nomenclature  subocéanique,  avec  la  mission  d'exécuter  et 
«  de  publier,  au  plus  tard  pour  la  réunion  du  prochain  Congrès,  une 
«  carte  ainsi  rectifiée  des  profondeurs  de  l'ensemble  des  mers  ». 

Les  parages  de  l'Océanie,  les  lois  des  courants  et  des  tourbillons  de 
la  mer,  les  recherches  de  toute  sorte  sur  les  Océans,  entre  autres  celles 
de  l'expédition  de  la  «  Pola  »,  ont  été  des  sujets  d'étude  que  nous 
devons  nous  borner  à  signaler  d'un  mot. 

Exploration  polaire.  —  Dans  ce  chapitre,  Fridtjof  Nausen  se 
place  naturellement  en  tête,  avec  les  résultats  océanographiques  de 
son  expédition  du  «  Fram  »,  qu'il  a  communiqués  dans  une  conférence 
accompagnée  de  projections  descriptives  de  ses  observations  scienti- 
fiques. Les  résultats  météorologiques  de  la  même  expédition  ont  été 
relatés  par  M.  le  D""  Mohn  de  Christiania. 

C'est  aussi  Sir  Cléments  Markham,  l'éminent  Président  de  la  Société 
royale  de  Géographie  de  Londres,  qui  nous  entretient  des  expéditions 
antarctiques  avec  toute  son  autorité.  Ce  sujet  sera  repris  par  un 
mémoire  de  M.  Henryk  Arctowsky  de  Londres,  Géologue  de  l'expé- 
dition ,  sur  les  résultats  océanographiques  et  météorologiques  de 
l'expédition  de  M.  de  Gerlache,  lieutenant  de  marine  belge,  à  bord  de 
la  «  Belgica  » 

La  «  Belgica  »,  partie  d'Anvers  le  16  Août  1897,  quatre  mois  après 
quittant  Punta-Arenas,  la  pointe  extrême  de  l'Amérique  méridionale, 
s'enfonçait  dans  l'inconnu  austral  et  y  disparaissait  sans  donner  signe 
d'existence  jusqu'au  4  Avril  1899,  jour  où  un  télégramme  envoyé  de 
Punta-Arenas  annonçait  le  retour  de  l'expédition,  qui  avait  perdu  deux 
de  ses  membres,  le  matelot  norvégien  Carie  Wiencke,  enlevé  par  une 
lame,  et  le  lieutenant  d'artillerie  belge  Danco,  qui  s'était  éteint  dans 


—  322  — 

les  jours  sans  soleil  de  ce  long  hivernage,  le  premier  qu'aucune  expé- 
dition ait  passé  dans  les  glaces  australes,  plus  mystérieuses  encore  que 
celles  du  pôle  Nord. 

Bloqué  définitivement  le  10  Mars  1898  aux  abords  de  la  grande  ban- 
quise, ce  n'est  que  le  14  Mars  1899,  après  des  efforts  commencés  dans 
les  premiers  jours  de  Janvier  pour  se  dégager  en  sciant  un  canal  dans 
la  glace  et  après  avoir  échappé  à  des  dangers  multipliés,  que  le  navire 
se  trouva  libre  et  remonta  vers  le  Nord.  Le  fruit  de  ce  séjour  dans  les 
glaces  consiste  en  observations  astronomiques,  météorologiques  et 
magnétiques,  et  en  collections  minérales,  animales  et  végétales,  nou- 
veaux documents  de  nature  à  ajouter  à  la  connaissance  des  régions 
antarctiques. 

D'autres  communications  encore  s'occupent  des  régions  polaires 
australes,  et  à  la  suite  de  celle  de  M.  le  Professeur  D""  Erich  von 
Drygalsky  de  Berlin,  de  retour  à  peine  du  Groenland  et  prêt  à  se  lancer 
bientôt  vers  le  pôle  Sud,  qui  formule  un  plan  et  des  propositions  pour 
la  grande  expédition  anglo-allemande  projetée  pour  une  des  années 
prochaines,  le  Congrès  adopte  le  vœu  suivant  :  «  Après  avoir  pris 
«  connaissance  du  mode  de  division  du  travail  proposé  dans  les  rap- 
«  ports  relatifs  à  l'exploration  des  régions  antarctiques,  le  Congrès 
«  exprime  l'espérance  que  ces  propositions  fourniront  une  excellente 
«  base  pour  la  coopération  internationale  en  matière  de  recherches 
«  physico-géographiques,  géologiques,  géodésiques  et  biologiques.  En 
«  ce  qui  concerne  les  travaux  météorologiques  et  magnétiques,  le 
«  Congrès  croit  qu'il  est  désirable  d'arriver  à  une  entente  plus  précise, 
«  et  il  nomme  à  cet  effet  une  Commission  internationale,  dont  la  tâche 
«  consistera  : 

«  1"  A  déterminer  le  cadre  et  les  moyens  de  recherches  qui  con- 
«  viennent  aux  travaux  magnétiques  et  météorologiques  dont  les  expé- 
«  ditions  auront  à  s'occuper. 

«  2"  A  provoquer  l'organisation  d'observations  simultanées  et  mises 
«  en  corresjiondance,  sur  des  points  convenablement  choisis  à  l'exté- 
«  rieur  de  la  région  antarctique.  » 

A  la  suite  d'une  communication  de  M.  le  Capitaine  de  frégate  Garde, 
de  Copenhague,  le  vœu  suivant  a  été  adopté  : 

«  Reconnaissant  le  grand  intérêt  scientifique  et  pratique  que  pré- 
«  sente  la  connaissance  annuelle  de  l'extension,  de  la  forme  et  de  la 


—  323  — 

«  quantité  des  glaces  flottantes ,  le  Congrès  s'adresse  aux  instituts 
«  hydrographiques  et  météorologiques  des  pays  dont  la  marine  fré- 
«  quente  les  parages  visités  par  les  glaces,  et  il  les  prie  instamment  de 
«  provoquer,  par  une  coopération  internationale,  la  récolte  de  données 
«  aussi  définitives  que  possible  sur  le  phénomène  et  d'assurer  l'unité 
«  dans  la  discussion  de  ces  données  par  un  bureau  central.  Se  fondant 
«  sur  les  travaux  déjà  etfectués  dans  cet  ordre  d'idées,  le  Congrès 
«  déclare  que  l'Institut  météorologique  danois  de  Copenhague  est 
«  l'établissement  central  le  mieux  approprié  à  la  récolte  et  à  l'élabo- 
«  ration  des  matériaux  relatifs  aux  glaces  flottantes  des  mers  septen- 
«  trionales.  En  conséquence,  il  s'adresse  aux  autres  instituts  analogues 
«  pour  les  prier  : 

«  1°  De  solliciter  des  commandants  et  de  tous  ceux  qui  conduisent 
«  des  navires  la  communication  des  observations  qu'ils  auront  pu  faire 
«  sur  les  glaces  flottantes  ; 

«  2"  De  fournir  aux  navires  les  formulaires  déjà  dressés  par  l'Institut 
«  météorologique  danois  ; 

«  3"  D'inviter  les  commandants  des  navires  à  remplir  ces  formulaires 
«  et  à  les  envoyer  aussitôt  qu'ils  touchent  un  port  pourvu  de  commu- 
«  nications  postales.  L'envoi  au  bureau  central  pourra  (Mre  fait,  soit 
«  directement,  soit  par  l'intermédiaire  des  Instituts  correspondants.  » 

D'autres  rapports  remplissent  le  cadre  de  ce  chapitre,  sur  les  régions 
arctiques  et  les  moyens  de  les  explorer.  Parmi  ces  moyens,  citons  un 
bateau-briseur  de  glaces,  «  l'Ermack  »,  irrésistible  suivant  son  inven- 
teur, l'amiral  russe  Makarofi";  il  va  servir  tout  d'abord  à  tenir  libre 
l'entrée  de  St-Pétersbourg  cet  hiver. 

Exploration  des  glaciers.  —  Eu  égard  aux  températures,  pla- 
çons ce  chapitre  immédiatement  après  le  précédent.  Plusieurs  orateurs 
d'Allemagne,  de  Norvège,  de  Suisse  et  d'Amérique  nous  entretiennent 
des  formations  glaciaires  anciennes  et  modernes,  proches  et  lointaines, 
des  terres  de  Magellan  au  Spitzberg,  en  passant  par  l'Afrique  (ancien 
cratère  du  Kihmandjaro,  exploré  par  le  D""  Hans  Meyer,  de  Leipzig), 
la  Suisse  et  l'Allemagne. 

Climatologie.  —  Ijimnologie.  —  Antliropogéographie.  — 
BiogéograpMe.  —  Ces  matières  ont  été  abondamment  exposées. 
Nous  ne  pouvons  citer  qu'un  bien  petit  nombre  des  études  auxquelles 
elles  ont  donné  lieu. 


—  324  - 

M.  André  Delebecque,  de  Thonon.  Résultat  de  recherches  sur  les 
lacs  français,  sujet  que  M.  Delebecque  a  traité  dans  une  belle  confé- 
rence devant  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

M,  le  D""  Forci,  de  Morges  (Suisse),  nous  explique  avec  la  sûreté 
d'un  savant  muni  de  nombre  d'observations  ingénieuses,  les  mouve- 
ments des  eaux  des  lacs  connus  sous  le  nom  de  <^  seiches  »,  el  parti- 
culièrement ceux  du  lac  de  Genève.  Ce  sont  des  oscillations  régulières 
de  grandes  masses  d'eau,  dues  aux  variations  barométriques;  bien 
observées  elles  conduisent  à  des  conclusions  presque  certaines  sur  la 
forme  du  fond  d'un  lac. 

M.  Jules  Leclercq,  de  Bruxelles,  sur  les  monuments  cyclopéens  de 
Ceylan. 

M.  de  Claparède,  de  Genève,  sur  le  grand  barrage  du  Nil  projeté 
au-dessus  d'Assouan.  Etude  intéressante  qui  montre  quelle  mise  en 
valeur  agricole  amènera  la  répartition  méthodique  des  eaux  permise 
par  le  barrage,  un  travail  qui  coûtera  100  millions  et  en  rapportera  500. 

M.  Vidal  de  la  Blache,  notre  distingué  compatriote,  Vice-Président 
du  Congrès,  présente  avec  beaucoup  de  talent  et  d'érudition,  des 
considérations  sur  le  mode  d'habitation  sur  les  plateaux  limoneux  du 
Nord  de  la  France  et  nous  fait  voir  comment  l'étude  des  conditions  de 
l'existence  vulgaire  de  nos  pays  peut  conduire  à  des  conclusions  ethno- 
logiques imprévues  et  importantes. 

Nous  avons  à  regretter  l'absence  de  M.  V.  Turquan ,  que  nous 
connaissons  bien  à  Lille,  où  il  nous  a  initiés  à  plusieurs  reprises  aux 
mystères  de  l'Anthropogéographie,  révélés  par  ses  amples  et  patientes 
statistiques  ;  il  avait  annoncé  des  communications  sur  :  1"  La  densité 
de  la  population  en  France,  Belgique  et  Pays-Bas  par  courbes  de 
niveau  ;  et  2°  La  topographie  appliquée  à  la  représentation  des  phéno- 
mènes sociaux  et  à  la  statistique;  nous  nous  en  promettions  fierté 
patriotique  et  profit  pour  notre  instruction,  en  quoi  nous  avons  été 
déçus  et  le  groupe  français  amoindri  dans  son  éclat. 

Nous  ne  pouvons  malheureusement  détailler,  même  les  titres  des 
rapports  sur  l'Anthropogéographie,  bien  intéressants  cependant  en 
signalant  de  nombreuses  relations  entre  la  Géographie  et  la  manière 
d'être  des  hommes  ;  ils  avaient  pour  auteurs,  MM.  le  Professeur 
I)""  Matzen,  de  Berlin,  le  Professeur  Francesco  Viezzoli,  de  Parme,  le 
Professeur  D""  Hettner,  de  Heidelberg,  le  Professeur  D''  Von  Halle,  de 
Berlin,  Eug.  Payart,  de  Londrx's. 

M.  J.  Scott  Keltie,  de  Londres,  montre  qu'il  est  désirable  de  prendre 


—  325  — 

des  mesures  pour  mieux:  connaître  la  population  des  contrées,  spécia- 
lement en  Asie  et  en  Afrique ,  où  les  recensements  ne  sont  pas 
organisés.  Ses  remarques  provoquent  le  vœu  suivant  : 

«  Le  Congrès  reconnaît  qu'il  est  désirable  d'obtenir  les  données  pour 
«  une  estimation  plus  exacte  qu'il  n'en  existe  actuellement  de  la  popu- 
«  lation  des  pays  où  il  n'y  a  pas  de  moyen  d'obtenir  un  recensement 
«  régulier  et  charge  le  bureau  permanent  de  porter  ce  désir  à  la 
«  connaissance  des  gouvernements  qui  ont  des  territoires  à  l'étranger, 
«  soit  directement,  soit  par  l'entremise  des  Sociétés  de  Géographie.  En 
«  ce  faisant,  on  devrait  attirer  l'attention  sur  le  projet  du  D''  Kiaer, 
«  du  Bureau  statistique  norvégien.  Le  bureau  permanent  pourrait 
«  aussi  se  mettre  en  communication  avec  le  comité  nommé  pour  cet 
«  objet  par  le  Congrès  international  de  statistique  de  Christiania.  » 

MM.  le  D""  Drude,  de  Dresde  et  le  D'  0.  Warburg,  de  Berlin,  études 
sur  la  répartition  géographique  des  plantes  et  sur  la  cartographie  qui 
sy  rattache  ,  ces  études  mènent  au  vœu  suivant  : 

«  Le  Congrès  émet  le  vœu  qu'il  soit  choisi  parmi  les  Biogéographes 
«  domiciliés  à  Berlin  et  aux  environs  une  commission  avec  mission  de 
«  préparer  un  projet  de  système  aussi  simple  que  possible  d'unification 
«  d'une  nomenclature  de  la  formation  des  plantes.  Ce  projet  serait 
«  soumis  à  l'examen  d'hommes  compétents  indigènes  et  étrangers,  et 
«  après  avoir  tenu  compte  des  observations  présentées,  un  projet 
«  définitif  serait  préparé  pour  être  soumis  au  prochain  Congrès  inter- 
«  national  de  Géographie  afin  de  statuer.  » 

Voyages  d'exploration.  —  Malgré  l'ampleur  de  ce  litre ,  nous 
devons  convenir  que  les  matières  qu'il  comprend  ont  tenu  une  place 
relativement  restreinte  au  Congrès,  où  l'on  s'attachait  principalement 
aux  côtés  scientifiques  do  la  Géographie.  Ici  encore  nous  avions  à 
regretter  l'absence  d'un  compatriote,  de  M.  Saint- Yves,  de  Marseille, 
dont  le  sujet  était  «  l'Utilité  d'observations  scientifiques  internationales 
dans  la  haute  Asie.  » 

M.  de  Claparède,  de  Genève,  nous  a  entretenus  de  particularités  des 
première  et  deuxième  cataractes  du  Nil. 

Dans  une  séance  où  ces  questions  d'exploration  se  traitaient,  le  vœu 
suivant  a  été  proposé  au  Congrès  qui  l'a  ensuite  adopté  : 

«  D'après  les  communications  reçues  ces  jours  derniers  de  la  part 

22 


—  326  - 

«  du  Consul  général  impérial  de  Sydney  (N.  S.  W.  ,  M.  Kerapernian^ 
«  membre  du  Conseil  privé,  on  est  porté  dans  les  colonies  d'Australie 
«  à  ne  pas  donner  suite  à  l'expédition  devant  avoir  pour  but  de 
«  rechercher  les  restes  de  l'expédition  complètement  perdue  du 
«  D""  Leichhardt.  Quoique  52  années  se  soient  déjà  écoulées  depuis  le 
«  départ  de  l'expédition,  l'espoir  d'en  retrouver  au  moins  des  traces 
-«  pour  éclaircir  son  sort  ne  devrait  pas  être  abandonné.  Réuni  tout 
«  près  du  lieu  de  naissance  de  l'infortuné  savant,  le  VIP  Congrès 
«  international  de  Géographie  saisit  volontiers  l'occasion  d'exprimer 
«  ses  sympathies  pour  l'expédition  de  recherches  projetée  et  de  sou- 
«  haiter  qu'elle  ait  lieu  avec  un  résultat  complet.  » 

Navigation  aérienne.  —  La  surface  terrestre  et  les  Océans,  et 
même  la  météorologie  pratiquée  du  sol  ne  suffisent  plus  à  la  Géogra- 
phie, elle  aspire  à  s'élancer  vers  les  cieux. 

Durant  notre  séjour,  nous  avons  été  conviés  au  départ  de  deux 
ballons  qui  devaient  s'élever  à  Berlin  en  même  temps  que  des  ascen- 
sions semblables  avaient  lieu  à  Londres  et  à  Paris,  dans  le  but  de  faire 
des  constatations  atmosphériques  simultanées. 

MM.  Teisserenc  de  Bort,  dont  le  nom  est  bien  connu  chez  nous, 
A.-L.  Rotch,  de  Boston,  le  Professeur  D""  Hergesell,  de  Strasbourg,  et 
le  Professeur  D""  Assman,  de  Berlin,  nous  ont  entretenus  des  résultats 
des  ascensions  scientifiques ,  internationales  et  autres ,  et  de  leur 
influence  sur  l'avancement  de  la  navigation  aérienne. 

Configuration  du  Globe.  —  Géographie  physique.  —  Géo- 
morphologie. —  Géodésie.  —  Cartographie.  —  Géographie 
historique.  —  Notre  pays  était  brillamment  représenté  sur  ces 
terrains  d'étude.  M.  de  Lapparent,  membre  do  l'Institut,  un  des  trois 
savants  français  que  le  Congrès  avait  honoré  de  la  Vice-Présidence, 
nous  donne  en  séance  générale  un  rapport  sur  «  La  question  des  péné- 
plaines envisagée  à  la  lumière  des  faits  géologiques  »,  et  montre  que 
l'on  ne  saurait  attribuer  à  un  seul  genre  d'action  géologique  la  forma- 
tion des  pénéplaines,  c'est-à-dire  des  sortes  de  plateaux  qui  sont 
presque  des  plaines,  avec  des  émihences  do  formes  plus  ou  moins 
variées,  faisant  saillie  çà  et  là  à  leur  surface,  mais  qu'il  faut  distinguer 
pour  chacune  d'elles  les  causes  marines  ou  atmosphériques  qui  seules 
ou  successivement  ont  pu  amener  la  disposition  présente  des  terrains. 
M»  de  Lapparent  a  la  coquetterie  de  parler  en  allemand,  cette  langue 


—  ;s-i7  — 

étant  celle  du  plus  grand  nombre  de  ses  auditeurs.  Gela  nous  prive  , 
nous  profanes,  mais  nos  hôtes  sont  si  satisfaits  de  cet  «  acte  de  haute 
courtoisie  »,  selon  l'expression  du  Président  de  Richtofen,  que  nous 
nous  résignons  volontiers  au  sacrifice  de  nos  préférences  pour  notre 
bon  renom  national. 

Notre  concitoyen  et  collègue  M.  Charles  Barrois  avait  promis  une 
communication  sur  la  formation  du  Morbilian,  et  aurait  ajouté  à  l'éclat 
de  la  représentation  française,  le  connaissant  nous  en  sommes  certains; 
mais  en  son  absence  son  travail  a  été  passé  sous  silence. 

M.  Gh,  Lallemand,  membre  du  Bureau  des  Longitudes,  directeur  du 
Nivellement  général  de  la  France ,  chef  du  Service  du  Cadastre , 
désigné  aussi  comme  Vice-Président,  nous  entretient  de  la  réfection 
du  cadastre  en  France  dans  ses  rapports  avec  la  Cartographie,  avec 
une  élégance  et  une  clarté  qui  ne  peuvent  appartenir  qu'à  ceux  qui 
ont  creusé  leur  sujet  profondément  et  savamment  ;  puis  du  progrès  du 
nivellement  général  en  France  depuis  le  dernier  Congrès,  et  l'on  ne 
saurait  au  seul  énoncé  de  ces  questions  se  douter  ni  de  leur  intérêt,  ni 
de  l'immensité  et  de  la  délicatesse  du  travail  qu'elles  comportent  ;  on 
en  est  vivement  frappé  quand  on  les  entend  développer  avec  le  talent 
et  la  compétence  de  M.  Lallemand. 

M.  Franz  Schrader,  de  Paris,  nous  décrit  lumineusement  son  très 
ingénieux  tachéographe,  instrument  précieux,  récemment  perfectionné 
qui  permet  de  tracer  un  levé  avec  certitude  et  de  placer  les  courbes  de 
niveau,  au  moyen  de  visées,  sans  calculs.  Un  peu  modifié,  il  pourrait 
même  donner  les  angles  horaires. 

M.  Ludovic  Drapeyron,  directeur  de  la  Revue  de  Géographie,  étudie 
avec  une  abondance  de  détails  savants  les  travaux  de  Gassini  de  Thury 
pour  arriver  à  tracer  sa  grande  carte  topographique  de  France.  Cette 
étude  jette  une  curieuse  lumière  sur  les  origines  de  notre  Carlo- 
graphie. 

Ici  encore  nous  avons  à  regretter  l'absence  de  M.  Saint- Yves,  de 
Marseille,  qui  avait  annoncé  ;  «  Le  Sahara  et  le  Soudan  à  l'époque  de 
Léon  l'Africain  »  et  qui  nous  a  laissés  dans  les  ténèbres  sur  ce  point 
de  Géographie  historique,  et  nous  a  privés  de  même  de  «  l'Ethnique 
de  l'Abyssinie,  passé  et  avenir.  »  —  Et  aussi  celle  de  M.  L.  d'Abar- 
tiague  d'Ossès  i Basses-Pyrénées),  qui  s'était  proposé  de  nous  éclairer 
sur  l'Atlantide. 

Bornons-nous,  dans  les  autres  conférences,  à  celles  qui  ont  provoqué 
des  vœux  du  Congrès.  D'abord  pour  la  Géophysique,  MM.  le  Professeur 


—  328  — 

D.  Gerland,  de  Strasbourg,  et  le  D""  Hecker,  de  Potsdani,  par  leurs 
études  sur  les  tremblements  de  terre,  amènent  à  voter  que  :  «  1°  Le 
«  Congrès  se  déclare  favorable  à  la  fondation  d'une  Société  interua- 
«  tionale  sismologiquc  ;  2"  Le  Congrès  décide  que  les  signataires  des 
«  Propositions  »  se  constituent  en  commission  permanente  pour  l'étude 
«  internationale  des  tremblements  de  terre  avec  le  droit  de  s'adjoindre, 
«  au  besoin,  des  collaborateurs.  » 

Pour  la  Cartographie,  M.  le  Professeur  Penck,  de  Vienne,  un  savant 
de  premier  ordre  dont  le  charme  égale  la  science,  a  proposé  il  y  a  des 
années  déjà,  l'exécution  d'une  mappemonde  au  millionième.  Ce  projet 
a  fait  l'objet  d'une  étude  du  bureau  permanent  depuis  1895.  M.  Penck 
nous  en  parle  lui-même  et  fait  adopter  le  vœu  suivant  : 

«  Le  Congrès  déclare  utile  et  souhaitable  la  préparation  d'une  carte 

«  terrestre  unifiée  à  l'échelle  de -—— ,    dont   les   feuilles  seraient 

1.000.0(10 

«  limitées  par  méridiens  et  parallèles.  Le  bureau  permanent  est  invité 
«  à  faire  les  démarches  nécessaires  pour  arriver  à  ce  but  et  à  jeter 
«  pour  cela  les  bases  pour  l'exécution  de  la  carte.  » 

M.  le  Général  A.  de  Tillo  (de  St-Pétersbourg)  obtient  la  déclaration 
suivante  :  «  Le  Congrès  déclare  logique  l'existence  d'une  «  Associa- 
«  tion  cartographique  internationale  »  et  il  charge  une  commission  de 
«  présenter  un  projet  pour  arriver  à  la  formation  de  cette  association.  » 

Enseignement,  —  Introduction  de  mesures  et  de  métliodes 
géographiques  uniformes  et  internationales.  —  En  tête  de  cet 
important  chapitre,  nous  placerons  M.  Gauthiot,  notre  distingué  couipa- 
triote,  Secrétaire-Général  de  la  Société  de  Géographie  counaerciale  de 
Paris,  qu'il  représente  avec  une  ardeur  infatigable  et  un  talent  toujours 
égal.  M.  Gauthiot  avait  choisi  un  sujet  qui  lui  est  cher,  «La  Géographie 
économique  »  ;  mais  il  était  venu  directement  de  Londres  à  Berlin,  et 
ses  notes,  laissées  à  Paris,  ne  lui  étaient  pas  parvenues,  de  sorte  que 
c'est  d'une  communication  improvisée  qu'il  gratifia  le  Congrès  et  nous 
devons  croire  que  sa  verve  sut  parfaitement  se  passer  de  documents 
autres  que  ceux  accumulés  dans  sa  mémoire,  car  il  fut  l'un  des  ora- 
teurs les  plus  appréciés. 

M.  Albert  Fabre,  de  Montpellier,  avait  annoncé  une  étude  sur  l'en- 
seignement dans  les  écoles  primaires,  nous  en  avons  été  privés,  encore 
un  compatriote  qui  nous  manquait. 


-  329  — 

M.  de  Claparède,  de  Genève,  expose  le  système  de  construction  de 
reliefs  de  C.  Perron  ;  les  reliefs  sont  d'une  grande  utilité  dans  l'ensei- 
gnement de  la  Géographie  et  dans  cette  branche  toute  amélioration 
est  bonne  à  accueillir  ;  celle-ci  paraît  particulièrement  favorable  au 
dire  des  connaisseurs. 

Il  faudrait  tout  citer  ;  mais  nous  devons  nous  borner,  ici  encore  nous 
nous  arrêterons  aux  seuls  vœux  formulés. 

Sur  les  propositions  de  MM.  Supan,  de  Gotha  et  Wagner,  de  Goet- 
tingue  :  «  Le  Congrès  exprime  le  vœu  formel  que  sur  toutes  les 
«  cartes,  même  celles  des  pays  qui  se  servent  des  mesures  anglaises 
«  ou  russes,  on  fasse  figurer,  concurremment  avec  l'échelle  graphique, 
«  la  mention  du  rapport  de  réduction  sous  la  forme  usuelle  de  la  frac- 
«  lion  i  :  x;  il  souhaite  que  cette  mention  soit  ajoutée  à  tous  les 
«  catalogues  de  cartes  terrestres  ou  marines,  et  charge  l'administration 
«  du  Congrès  géographique  international  de  porter  ce  vœu  à  la 
«  connaissance  des  gouvernements.  » 

M.  Jules  de  Schokalskv,  de  St-PtHersbourg,  fait  adopter  :  «  Il  serait 
«  désirable  : 

«  a.  Que  la  publication  de  nouveaux  matériaux  géographiques, 
«  comme  suite  aux  relations  de  voyage,  soit  accompagnée  de  détails 
«  sur  la  méthode  des  levés,  les  instruments  employés,  leur  vérifica- 
«  tion,  le  calcul  des  positions  astronomiques  avec  leurs  erreurs  pro- 
«  bables  et  le  mode  d'utilisation  de  ces  données  pour  la  construction 
«  de  la  carte  ;  » 

«  b.  Que  les  cartes  publiées  par  des  savants  ou  par  des  institutions 
«  géographiques  gouvernementales  ou  privées  soient  accompagnées 
«  de  notices  donnant  au  moins  l'énumération  des  données  principales 
«  employées  pour  la  construction  des  cartes  et  indiquant  les  parties 
«  des  cartes  plus  ou  moins  documentées.  » 

M.  Hugh  R.  Mill,  de  Londres,  un  des  membres  les  plus  actifs  du 
Congrès,  plaide  la  cause  du  système  métrique  pour  les  travaux  géo- 
graphiques. M.  le  Professeur  D'  R.  Lehmann,  de  Miinster,  préconise  à 
son  tour  l'emploi  de  la  graduation  thermométrique  de  Celsius  (centi- 
grade), ce  qui  conduit  à  voler  ; 

«  Le  Congrès  exprime  le  vœu  de  voir  un  système  uniforme  de 
«  mesures  employé  dans  toutes  les  recherches  et  les  discussions  géo- 
«  graphiques;  et  il  recommande  à  cet  effet  l'usage  du  système  métrique 


-  330  - 

«  des  poids  et  mesures,  ainsi  que  l'emploi  de  l'échelle  thermométrique 
«  centigrade.  » 

Puis  : 

«  Le  Congrès  exprime  le  vœu  qu'on  adopte  autant  que  possible 
«  dans  les  publications  scientifiques  la  graduation  thermométrique  de 
«  Celsius  ;  tout  au  moins  est-il  désirable  qu'on  ajoute  aux  indications 
«  des  thermomètres  de  Fahrenheit  et  deRéaumur,  leur  transformation 
«  conformément  à  l'échelle  de  Celsius.  » 

C'est  encore  sur  la  demande  de  M.  Hugh  R.  Mill,  de  Londres,  que 
«  Le  Congrès  déclare  qu'il  est  désirable  que  la  «  Bibliotheca  geogra- 
«  phica  »  soit  acceptée  comme  réalisant  d'une  manière  efficace  une 
■«  Bibliographie  internationale  de  Géographie.  » 

Nous  signalerons  à  ce  propos ,  qu'en  France ,  les  «  Annales  de 
Géographie  »  éditées  par  la  maison  Armand  Colin,  auxquelles  colla- 
borent nombre  de  savants  dont  plusieurs  participaient  au  Congrès,  font 
paraître  la  «  Bibliographie  géographique  annuelle  »,  dont  M.  Louis 
Raveneau  dirige  la  publication  avec  une  conscience,  une  érudition  et 
des  concours  qui  lui  assurent  une  place  parmi  les  meilleures  œuvres  de 
ce  genre. 

La  question  de  l'orthographe  des  noms  géographiques  a  été  traitée 
par  un  rapport  du  bureau  permanent  et  par  un  rapport  de  M.  Franz 
Schrader,  de  Paris.,  remarquable  par  sa  précision  et  sa  netteté,  le 
Congrès  à  ce  sujet  a  adopté  les  principes  suivants  : 

«  l''  Les  noms  indigènes  doivent  être  conservés,  non  seulement  là 
«  où  cette  conservation  s'impose  d'elle-même,  mais  aussi  dans  les 
«  mers  du  Sud,  où  les  noms  doivent  être  précisés  avec  le  plus  grand 
«  soin  ; 

«  2"  Là  où  les  noms  indigènes  font  défaut  ou  ne  peuvent  être  déter- 
«  minés  avec  certitude,  il  convient  jusqu'à  nouvel  ordre  d'accepter 
«  les  noms  donnés  par  les  premiers  voyageurs  qui  ont  découvert 
«  les  îles  ; 

«  3°  Le  changement  arbitraire  de  noms  historiques,  depuis  longtemps 
«  en  usage,  universellement  connus  et  acceptés  dans  la  science,  doit 
«  être  regardé  à  la  fois  comme  une  sorte  d'impiété  et  comme  un  acte 
«  préjudiciable  à  la  science  et  au  commerce  ;  et  cette  pratique  doit 
«  être  combattue  par  tous  les  moyens  ; 

«  4"  Les  dénominations  nouvelles  non  justifiées  et  arbitrairement 


—  331  — 

«  formées,  doivent  d'autant  mieux  être  remplacées  par  les  noms  indi- 
«  gènes  ou  par  ceux  dont  l'emploi  peut  être  légitimé.  » 

Enfin  le  Congrès  avait  à  discuter  l'application  rationnelle  du  sys- 
tème décimal  aux  mesures  du  temps  et  des  angles,  à  laquelle  la  Société 
de  Géographie  de  Lille  ne  peut  resterindifférente,  son  Comité  d'Etudes 
ayant  pris  position  à  cet  égard  sur  l'initiative  de  notre  sympathique, 
honoré  et  savant  Secrétaire  M.  Tilmant,  et  ayant  admis,  suivant  le  sys- 
tème de  INI.  de  Sarrauton,  la  conservation  de  l'heure  comme  unité  de 
temps,  sa  division  en  fractions  décimales,  et  la  division  du  cercle  en 
240  degrés  pour  faire  correspondre  décimalement  les  mesures  d'angles 
avec  les  mesures  du  temps. 

M.  de  Rey-Pailhade,  de  Toulouse,  présentait  un  mémoire,  lu  en  son 
absence,  pour  proposer  son  propre  système,  qui  consiste  à  diviser  le 
jour  en  centième,  le  centième,  appelé  ce,  valant  par  conséquent 
1 4""  24",  à  peu  près  notre  quart-d'heure  actuel  ;  le  centième  de  cercle, 
qui  y  correspond,  prend  le  nom  de  cir  et  vaut  3"  36',  ou  4  grades.  Ces 
unités  pratiques,  ce  et  cir,  se  subdivisent  décimalement  en  décicés, 
centicés,  millicés  et  dimicés  pour  les  temps,  et  en  décicirs,  centicirs, 
millicirs  pour  les  angles. 

Le  bureau  permanent  et  M.  le  Professeur  Wagner,  de  Goettingue 
insistaient  pour  le  maintien  des  divisions  actuelles,  heures,  minutes  et 
secondes  pour  le  temps,  360"  pour  le  cercle. 

Le  système  Sarrauton,  adopté  par  la  Société  de  Géographie  de  Lille, 
fut  également  mis  en  avant  dans  la  discussion,  à  la  suite  de  laquelle 
fut  nommée  une  commission  présidée  par  M.  le  Professeur  Wagner, 
où,  malgré  les  efforts  d'un  membre  français  en  faveur  du  système 
Sarrauton,  fut  adopté  le  vœu  suivant,  sanctionné  ensuite  par  un  vote 
général  : 

«  Le  Congrès  exprime  le  désir  de  voir  conserver  la  division  du 
«  temps  telle  qu'elle  existe,  ainsi  que  celle  de  la  circonférence  en  360", 
«  en  admettant  cependant  qu'on  puisse  étudier  ultérieurement  un 
«  nouveau  système  de  division  de  l'angle. 

«  11  ne  présente  pas  d'objection  à  l'emploi  de  la  division  décimale 
«  du  degré  en  cas  d'utilité.  » 

Disons,  en  guise  de  consolation  do  l'échec  du  système  Sarrauton, 
lequel  n'est  d'ailleurs  pas  définitivement  repoussé  puisqu'un  Congrès 
international  s'occupera  en  1900  à  Paris  de  ces  questions,  disons  que 
la  décimalisation  des  mesures  du  temps  et  des  angles  est  une  œuvre 


—  332  — 

éminemment  altruiste ,  car  ceux  qui  s'en  sont  occupés  et  ceux  qui  la 
feront  triompher  y  auront  consacré  sûrement  cent  fois  plus  de  temps 
qu'ils  n'en  économiseront  jamais  par  les  nouvelles  méthodes.  Ils  tra- 
vaillent pour  leurs  petits-neveux. 

Clôture  du  Congrès. 

Dans  la  dernière  séance  générale  du  Congrès,  le  mercredi  4  Octobre, 
les  vœux  ci-dessus  transcrits  sont  définitivement  adoptés. 

Un  bureau  permanent  est  nommé. 

On  discute  la  fixation  du  prochain  Congrès  international  sans  aboutir. 
On  se  trouve,  à  la  vérité,  en  présence  d'une  seule  proposition  ferme, 
en  faveur  de  l'Alaska,  on  estime  que  c'est  un  peu  loin,  et  qu'il  y  aurait 
probablement  trop  de  contraste  avec  l'installation  de  Berlin.  Budapest, 
St-Pétersbourg  et  Washington  restent  en  balance.  Passerons-nous 
l'Atlantique?  Le  bureau  permanent  en  décidera  en  temps  utile. 

Vient  ensuite  le  moment  des  adieux  et  des  remercîments.  M.  Gau- 
thiot  s'en  est  chargé  pour  le  groupe  français  d'une  manière  à  la  fois 
sincère,  chaleureuse  et  délicate  dont  nous  lui  avons  été  reconnaissants. 

Ernest  NICOLLE. 


GRANDES    CONFÉRENCES 


LE  TOUR  D'ASIE 

La    Chine    d'aujourd'hui    et   la    Chine    de    demain, 

La    Corée    inconnue , 

Des    Plateaux    Mong-ols    au    Golfe    Persique , 

Par  M.  Marcel  MONMER, 
Explorateur,  Membre  correspondant  de  notre  Société. 


Conférence  faite  devant  les  Sociétés  de  Lille,  Rouhaix,  Tourcoing. 


Après  avoir  exprimé  les  regrets  de  M.  Paul  Crepy,  empêché  de  venir 
présider  cette  séance,  M.  Nicolle  présente  le  Conférencier,  qui  n'est 


,  -  333  — 

pas  un  inconnu  à  Lille,  mais  qui  est  au  contraire  de  nos  vieux  amis 
et  dos  plus  appréciés.  —  Et  M.  Marcel  Monnier  de  répondre  en  ces 
termes  : 

«  C'est  pour  le  voyageur  qui  rentre  en  France  une  heure  agréable 
que  celle  où  il  se  retrouve  en  communication  avec  un  auditoire  connu, 
et  pourtant,  en  l'heure  actuelle,  il  n'est  pas  sans  appréhension  en 
considérant  combien  vaste  est  son  sujet  ;  aussi  fera-t-il  des  coupures  ; 
il  se  bornera  aux  grands  traits,  remplaçant  la  parole  par  des  dessins. 
Ce  sera  une  relation  de  voyage  avec  images.  » 

Aujourd'hui  l'Extrême-Orient  s'impose  à  l'attention  du  public  euro- 
péen :  la  situation  de  la  France  dans  les  mers  orientales  l'explique. 
C'est  pourquoi  en  1894  le  journal  le  Temps  envoya  M.  Marcel  Monnier 
faire  le  Tour  de  l'Asie  :  on  lui  laissait  la  plus  grande  liberté,  il  devait 
regarder  et  traduire.  Le  voyage  dura  45  mois,  dont  30  consacrés  à  la 
Chine.  L'année  189.5  est  consacrée  à  l'Indo-Chine,  l'Annam,  le  Tonkin, 
puis  au  Nord  de  la  Chine  et  au  Japon.  Au  1"'' janvier  1896,  départ  de 
Pékin  pour  l'Ouest  de  la  Chine,  le  bassin  du  Yang-tsé-Kiang,  le 
Setchouen,  retour  au  Tonkin  par  le  Yunam.  Le  retour  en  Europe  s'est 
fait  en  prenant  la  Corée  pour  point  de  départ  et  l'Asie-Mineure  pour 
point  terminus  avec  Bagdad  comme  station  intermédiaire,  c'est-à-dire 
la  route  historique  des  grandes  invasions  Mongoles. 

M.  Marcel  Monnier  se  propose  de  faire  trois  grands  arrêts  dans  cette 
course;  il  examinera  successivement  :  1"  la  Chine  actuelle  ;  2°  la  Corée, 
région  encore  peu  connue  ;  3"  les  scènes  de  la  vie  mongole  et  la  vie 
sur  les  hauts  plateaux. 

La  Chine  actuelle. 

La  question  chinoise  emprunte  aux  intérêts  et  aux  rivalités  en  pré- 
sence une  importance  réelle.  11  n'est  pas  inutile  de  voir  ce  que  sera  la 
Chine  de  demain.  C'est  en  vain  que  les  Chinois  à  l'abri  de  leurs 
anciennes  coutumes  ,  voudraient  garder  leur  séculaire  isolement. 
Faut-il  s'en  réjouir  ou  s'en  alarmer  ?  Y  a-t-il  un  péril  jaune  ?  Sommes- 
nous  menacés  de  l'invasion  pacifique  d'une  race  pullulante  faisant 
tomber  aux  dernières  limites  du  bon  marché  le  prix  de  la  main- 
d'œuvre  ?  N'y  a-t-il  pas  à  entrevoir  le  choc  de  deux  civilisations,  alors 


—  334  — 

que  les  historiens  nous  montrent  une  vieille  Chine  civilisée  quand 
l'Europe  était  encore  barbare. 

A  vrai  dire,  ce  n'est  pas  dans  les  livres  que  nous  verrons  le  Chinois 
réel  :  ce  n'est  pas  le  lettré  mais  l'élément  populaire  qu'il  faut  envi- 
sager :  c'est  ce  que  fait  ce  dernier  élément,  c'est  ce  qu'il  vaut  qu'il 
nous  importe  de  connaître.  Or  nous  y  voyons  une  race  industrieuse, 
prête  à  toutes  les  besognes,  s'accli matant  partout,  sobre,  d'une  remar- 
quable égalité  d'humeur. 

Considérée  dans  son  ensemble,  la  Chine  donne  l'impression  d'un 
peuple  heureux.  Le  Céleste  prend  toujours  le  bon  côté  des  choses. 
Son  rêve  est  d'être  le  moins  malheureux  possible.  Ce  n'est  pas  de  la 
philosophie,  c'est  un  don  de  nature,  une  absence  de  nerfs  et  de  nervo- 
sité. Le  Chinois  ignore  les  bienfaits  du  chemin  de  fer,  de  l'électricité... 
et  de  la  presse  ;  mais  en  revanche  il  n'a  pas  la  neurasthénie.  11  est  peu 
difficile  pour  son  gîte.  En  voyage  il  se  contente  d'une  méchante 
auberge,  où  il  trouve  une  chambre  avec  des  cloisons  de  papier.  A  la 
rigueur  il  se  contente  de  loger  dans  son  chariot.  Le  Chinois  de  la 
basse  classe  en  demande  moins  encore,  il  soupe  d'une  écuelle  de  riz, 
fume  une  petite  pipe  et  s'endort  à  la  belle  étoile  avec  une  pierre  pour 
oreiller.  —  Le  Chinois  a  une  dextérité  de  main  admirable  ;  c'est  un 
auxiliaire  précieux  pour  les  industries  à  outillage  perfectionné  :  on 
l'emploie  avantageusement  comme  chauffeur  à  bord  de  nos  paquebots 
et  même  sur  nos  locomotives  ;  il  a  des  facultés  intellectuelles  égales 
aux  nôtres,  une  mémoire  surprenante  ;  il  est  peu  Imaginatif  mais,  aussi, 
peu  distrait.  Il  est  susceptible  d'acquérir  des  connaissances  profondes. 
M.  Marcel  Monnier  a  ramené  de  là-bas  un  domestique  qui,  outre  tous 
les  idiomes  de  la  Chine  connaît  l'anglais,  le  russe,  et  qui  pour  le  fran- 
çais est  maintenant  de  la  force  d'un  élève  de  huitième  !  —  Et  ce  n'est 
qu'un  pauvre  diable  !  —  Joignez  à  cela  la  puissance  de  la  masse.  De 
quoi  ne  sera  pas  capable  cette  race  formée  par  l'Européen  ? 

Eh  bien,  malgré  tout,  le  péril  jaune  n'existe  pas.  Même  sur  le  terrain 
économique,  le  Chinois  est  incapable  de  prendre  l'offensive.  11  n'a 
aucun  esprit  d'initiative,  il  est  tout  de  routine,  il  s'inspire  des  procédés 
des  générations  passées  :  il  se  forme  une  sorte  de  gaine  des  supersti- 
tions ancestrales,  il  y  en  ajoute  de  nouvelles,  de  telle  sorte  que  loin  de 
s'émanciper  avec  le  temps,  le  Chinois  devient  de  plus  en  plus  réfrac- 
taire  à  nos  idées.  C'est  une  chrysalide  dont  le  cocon  s'épaissit  sans 
cesse.  Il  a  les  pieds  dans  le  présent,  mais  la  tête  est  dans  le  passé.  Il 
reste  en  sous-ordre,  il  doit  être  dirigé  par  un  maître.  —  De  là  à  une 
Chine  envahissante,  il  v  a  loin.  —  C'est  un  rêve. 


-335  - 

Mais,  dira-t-on,  si  séduit  par  le  bon  marché  de  la  main-d'œuvre, 
l'Européen  allait  là-bas  fonder  des  fabriques  ?  —  La  réponse  est  facile  : 
celte  décision  provoquerait  les  exigences  des  jaunes.  Le  Chinois  est 
passé  maître  en  matière  de  grèves.  Le  seul  résultat  obtenu  serait  une 
prodigieuse  augmentation  du  prix  de  la  main-d'œuvre. 

Mais  quoi  !  La  Chine  ne  peut-elle  imiter  le  Japon  ?  Ici  encore,  non. 

—  Les  deux  pays  diffèrent  trop.  Quelque  extraordinaire  que  cela  puisse 
paraître,  la  Chine  est  une  vaste  démocratie,  la  plus  libre  qu'on  puisse 
voir,  confinant  presque  à  l'anarchie  :  elle  fourmille  de  fonctionnaires, 
mais  tous  parfaitement  corrompus  et  qu'on  méprise ,  auxquels  le  gou- 
vernement ne  donne  qu'un  mot  d'ordre:  pas  craffab-es!  Aussi  fonc- 
tionnaires et  gouvernement  sont  les  dociles  serviteurs  de  l'opinion 
publique  qui  règne  en  souveraine  maîtresse.  Le  Japon  au  contraire  est 
une  féodalité  avec  une  hiérarchie  bien  réglée,  respectée ,  c'est  une 
machine  fort  capable  de  recevoir  l'impulsion  qui,  au  contraire,  ne 
peut  se  transmettre  en  Chine. 

Et  si  quelque  conquérant  venait  transformer  la  Chine  ?  Ici  encore 
la  chose  paraît  impossible  ;  la  Chine  a  toujours  été  envahie,  jamais 
envahissante,  mais  par  contre  elle  a  toujours  absorbé  ses  vainqueurs. 
Supposez  l'empire  divisé  ,  la  Chine  subsistera.  C'est  qu'en  effet  le 
Chinois  est  sédentaire  par  excellence.  Nombreux  sont  ceux  qui  n'ont 
jamais  fait  même  le  voyage  à  la  ville  voisine.  Né  sur  une  terre,  le 
Chinois  y  mourra.  Il  ne  demande  qu'à  cultiver  en  paix  son  petit 
jardin.  11  n'offre  aucune  prise  à  l'autorité. 

Mais  ce  sont  là  considérations  générales.  Allons  au  Selchouen.  La 
route  c'est  le  fleuve  Bleu,  le  Yang-tsé,  vaste  fleuve,  aux  eaux  pro- 
fondes, aux  berges  écartées,  se  prêtant  à  l'établissement  de  vastes 
entrepôts  comme  à  Han-Kéou  ;  mais  au-dessus  d'Itchang  il  devient  un 
énorme  torrent,  long  de  six  à  sept  cents  kilomètres,  tout  encombré  de 
rapides,  inaccessible  aux  vapeurs  ,  sillonné  pourtant  de  grosses  jonques 
de  150  tonneaux.  C'est  un  curieux  spectacle  que  de  les  voir,  à  la 
montée,  remorquées  par  des  équipes  de  mariniers  attelées  à  un  câble, 

—  Et  comment  lutter  contre  la  concurrence  de  ce  transport  primitif, 
quand  on  songe  que  la  paie  du  marinier  est  de  3  taëls,  soit  environ 
10  francs  à  la  montée,  pour  un  trajet  qui  dure  cinq  semaines,  et  qu'à 
la  descente  il  n'a  droit  qu'à  la  nourriture  sans  salaire  ! 

Sur  la  roule  qui  borde  le  fleuve,  on  voyage  en  cliaise  à  porteurs. 
C'est  le  seul  mode  de  locomotion,  du  moins  pour  l'Européen.  Le 
Chinois  a  beaucoup  de  mépris  pour  l'Européen  ;  il  croit  que  c'est  un 


—  33(1  — 

être  parfaitement  misérable  et  dénué  de  ressources  pour  aller  volon- 
tairement si  loin  de  son  pays  :  il  est  confirmé  dans  cette  opinion  par 
nos  liabits  courts  ;  il  faut  en  effet  être  bien  pauvre  pour  ne  pouvoir 
acheter  l'étoffe  nécessaire  à  la  confection  d'une  robe  longue  qui  cache 
les  jambes.  Or  du  mépris  à  l'insulte  il  n'y  a  qu'un  pas.  Mais  quand 
l'Européen  est  en  chaise  à  porteurs,  c'est  donc  qu'il  est  un  personna|j;e 
considérable,  offrant  de  la  surface,  et  on  le  respecte.  Seulement  le  voilà 
contramt  à  ne  point  cheminer  à  pied,  à  moins  cependant  de  se  faire 
escorter  de  près  par  sa  chaise  à  porteurs,  qui  lui  sert  ainsi  de  porte- 
respect  ! 

Les  monuments  au  Setchouen  consistent  en  fréquentes  portes,  assez 
délabrées,  ornées  de  caractères  dorés.  Elles  ont  été  élevées  aux  frais 
de  l'État  à  la  mémoire  de  quelque  personnage,  ou  même  d'un  simple 
ménage  ayant  donné  l'exemple  des  vertus  domestiques.  Les  rivières 
sont  franchies  par  des  ponts  de  pierre  ayant  parfois  une  grande  har- 
diesse, ou  bien  par  des  ponts  suspendus  qui  ne  sont  pas  sans  élégance. 

Le  Setchouen  est  un  pays  d'une  merveilleuse  fertilité.  11  produit  des 
quantités  énormes  de  soie,  on  y  trouve  du  colza,  du  mais,  du  sorgho, 
du  thé,  de  l'opium  et  bien  d'autres  choses  encore  ;  et  pourtant,  il  y  a 
de  la  misère,  c'est  que  la  terre  manque  aux  habitants  ;  pour  une 
surface  équivalente  à  celle  de  la  France,  on  trouve  en  effet  70  millions 
d'âmes  ! 

Thoung-tcheng-foii  (Tchung-King  de  nos  cartes),  est  la  capitale  du 
Setchouen  ;  c'est  une  grande  ville,  le  centre  du  commerce,  remarquable 
surtout  par  sa  banlieue  vraiment  pittoresque. 

En  résumé,  le  Setchouen  au  point  de  vue  de  l'avenir  économique,  a 
une  très  grande  importance.  Jusqu'à  présent,  aucune  nation  européenne 
n'y  a  pris  pied.  En  revanche,  nos  missionnaires  français  y  sont  très 
nombreux  :  ils  ont  autour  d'eux  un  groupe  nombreux  de  chrétiens 
convertis  depuis  plusieurs  générations,  et,  chose  importante,  ces  chré- 
tiens appartiennent  aux  classes  riches.  Nos  missionnaires  appellent  de 
leurs  vœux  le  commerce  français.  Ils  s'engagent  à  lui  fournir  des 
agents  et  des  commissionnaires  sérieux.  Ce  vœu  sera-t-il  exaucé  ? 

Un  des  traits  caractéristiques  de  la  population,  c'est  le  respect  du 
diplôme.  M.  Marcel  Monnier  raconte  à  ce  propos  une  anecdote  amu- 
sante. Il  cheminait  sur  une  étroite  chaussée,  entre  deux  rizières,  quand 
il  vit  venir  en  sens  inverse  une  chaise  à  porteurs  où  se  pavanait  un 
jeune  homme  porteur  de  lunettes  et  de  la  grande  plume.  C'était  un 
licencié  frais  émoulu  ({ui  se  mit  à  apostropher  avec  véhémence  les 


-^  337  — 

porteurs  de  noire  compatriote  pour  avoir  comuiis  la  faute  de  ne  pas  se 
ranger  et  laisser  la  place  libre  à  un  personnage  de  son  importance.  — 
Le  chef  des  porteurs  de  M.  Marcel  Monnier  s'avança  alors,  tira  de  sa 
ceinture  crasseuse  un  parcliemin  plus  crasseux  encore  et  le  présenta 
au  jeune  homme  qui  le  prit  non  sans  un  certain  dégofit,  mais  qui,  après 
y  avoir  jeté  les  yeux,  le  rendit  avec  les  marques  d'un  grand  respect. 
C'est  que  le  chef  des  porteurs,  homme  d'environ  45  ans  et  d'apparence 
vulgaire,  était  lui  aussi  licencié,  et  plus  ancien  que  le  collègue.  Force 
fut  donc  à  ce  dernier  de  se  ranger,  sa  chaise  dans  le  fossé  et.  de 
laisser  passer  devant  lui  son  ancien  ! 

Du  Setchouen  nous  entrons  dans  le  Yun-nan.  Ici  la  route  est  mar- 
quée par  un  autre  fleuve,  affluent  du  Si-Kiang  ou  rivière  de  ( Janton  ; 
c'est  le  Hong-Kiang  encaissé  au  milieu  de  hautes  montagnes.  C'est  un 
pays  très  convulsé  au  sujet  duquel  s'est  formée  une  légende,  aussi 
bien  que  pour  la  région  voisine  du  Kouangsi.  On  y  représente  le  sol 
fertile,  susceptible  de  riches  cultures,  en  réalité  c'est  un  pays  fort  triste 
et  dénudé,  ne  produisant  ni  le  riz  ni  le  thé,  mais  seulement  quelques 
fèves.  Les  populations  y  sont  misérables.  On  assure  que  le  sous-sol 
est  riclie,  qu'il  y  a  des  métaux,  du  charbon;  mais  pour  exploiter  tout 
cela  il  faudrait  de  gros  capitaux,  et  on  ne  voit  pas  trop  le  moyen  de 
les  amener  sur  ce  point.  En  réalité,  le  seul  avantage  de  ces  deux  pro- 
vinces, c'est  qu'elles  constituent  la  route  naturelle  de  la  Birmanie  vers 
la  Chine.  La  capitale  Yun-Nan-Tsen  est  une  ville  délabrée  qui  compte 
environ  80.000  habitants.  La  France  a  obtenu  concession  d'un  chemin 
de  fer  de  Laokaï  à  Yun-Nan-Sen  ;  c'est  quelque  chose  ;  mais  ce  n'est 
qu'une  amorce.  Le  vrai  chemin  de  fer  est  celui  qui  ira  de  Yun-Nan- 
Sen  au  beau  fleuve  Bleu  i  Yang-tse).  Sera-t-il  français  ou  anglais  ? 

Pour  se  résumer  et  pour  répondre  à  cette  question,  que  pensez-vous 
de  la  Chine  ?  M.  Marcel  Monnier  déclare  que  ce  qui  frappe  là -bas, 
c'est  non  seulement  la  masse,  mais  encore  la  durée.  La  Chine  échappe 
à  l'évolution.  Telle  elle  était  jadis,  telle  elle  reste  encore  aujourd'hui, 
telle  elle  sera  demain.  Et  pourquoi  ?  C'est  que  c'est  un  pays  sans 
cohésion  ;  la  patrie  c'est  le  village,  et  même,  moins  que  cela  encore, 
la  famille  ;  mais  cela  forme  comme  une  multitude  de  cloisons  étanches 
qui  soutiennent  le  navire  désemparé  et  l'empêchent  de  sombrer. 

La    Corée. 

Située  en  dehors  des  grands  parcours,  délaissée  du  voyageur,  la 
Corée  n'en  constitue  pas  moins  un  pays  singulier,  différent  de  la  Chine 


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et  du  Japon,  et  pourtant  formant  un  trait  d'union  entre  les  deux.  :  c'est 
un  contraste  perpétuel. 

Au  point  de  vue  physique,  elle  présente  de  grandes  plaines,  mais 
aussi,  dans  la  partie  médiane,  de  grandes  cliaînes  de  montagnes  qui 
vont  se  rattacher  au  relief  de  la  Mandchourie.  Séoul,  la  capitale,  a 
une  enceinte  de  35  kilomètres  de  tour  et  une  superficie  équivalente  à 
celle  de  Paris,  mais  la  ville  même  n'est  qu'un  point  dans  cette  immen- 
sité. Le  peuple  coréen  est  farouche  mais  en  même  temps  hospitalier. 
Le  Coréen  pris  individuellement  est  brave,  mais  il  est  incapable  de 
tenir  sur  un  champ  de  bataille.  Les  femmes  travaillent  et  accomplissent 
les  rudes  corvées  des  champs.  Les  hommes  fument  de  longues  pipes, 

et  s'ils  se  promènent  sur  le  port,  ils  encouragent  les  travailleurs 

japonais  de  la  voix  et  du  geste. 

La  population  est  partagée  en  trois  classes  ou  plutôt  trois  castes,  la 
haute,  la  moyenne  et  la  basse.  On  garde  soigneusement  ses  distances, 
Aristote,  s'il  eût  été  là-bas,  eût  trouvé  un  heureux  complément  à  son 
chapitre  des  chapeaux.  Il  y  en  a  de  toutes  formes  et  de  toutes  dimen- 
sions. Le  chapeau  de  deuil,  véritablement  monumental,  constitue  une 
sorte  de  cloche.  Il  cache  entièrement  la  lète  et  surmonte  un  vêtement 
ample  taillé  dans  une  toile  d'emballage  ! 

Tout  est  minutieusement  réglé.  L'agriculture,  l'industrie,  le  com- 
merce sont  l'objet  de  véritables  monopoles  au  profit  de  certaines 
corporations,  qui  rançonnent  le  producteur  et  sont  elles-mêmes  ran- 
çonnées par  le  gouvernement.  Voilà  pourquoi  dans  ce  pays  riche  le 
peuple  est  pauvre. 

Les  côtes  sont  poissonneuses,  la  pêche  y  est  active,  mais  le  produit 
en  est  trop  souvent  sacrifié  et  perdu.  —  C'est  ainsi  qu'une  projection 
nous  montre  des  monceaux  de  sardines  empilées  destinées  à  être 
séchées,  puis  pulvérisées  pour  servir  d'engrais. 

Mongolie. 

C'est  à  l'oasis  d'Ourga  que  viennent  aboutir  toutes  les  routes  qui 
sillonnent  cet  immense  plateau.  C'est  la  ville  Sainte  du  désert  de 
Gobi,  en  réalité  la  porte  de  la  grande  Mongolie,  un  point  fixe  là  où 
tout  est  nomade.  C'est  une  ville  de  bonzes,  la  ville  Sainte  par  excel- 
lence. Là  séjourne  ce  prêtre,  incarnation  de  Bouddlia  qui  vient  immé- 
diatement après  le  Dalaïlama.  Là  se  font  les  grands  pèlerinages  qui, 
tous  les  trois   ans,  réunissent  en  un  corps  de  nation  les  Mongols 


:-  339  - 

accourus  de  tous  les  points  de  l'Empire,  même  de  la  Russie  et  des 
bords  de  la  \"olga.  On  croirait  alors  voir  les  hordes  de  Gengis-Klian 
se  préparer  à  l'invasion  du  monde  occidental,  mais  ce  n'est  là  qu'une 
illusion.  Bientôt  les  petits  chevaux  de  race  mongole  entraînent  tout  ce 
monde  dans  les  profondeurs  de  la  steppe.  Karakoroum,  la  capitale  du 
terrible  Khan  n'est  plus  elle-même  qu'un  souvenir.  Les  lieues  succèdent 
aux  lieues  sur  le  plateau  monotone.  Point  de  verdure,  point  d'herbes. 
De  loin  en  loin  un  monceau  de  pierres,  monument  d'un  art  tout  pri- 
mitif, destiné  à  rappeler  quelque  accident  ou  quelque  meurtre  :  aussi 
est-on  heureux  d'arriver  aux  frontières  de  la  Sibérie,  où  l'on  retrouve 
enfin  des  arbres,  une  nature  moins  désolée,  et  un  mandarin  de  la 
frontière,  pauvre  exilé  au  milieu  de  ses  administrés  dont  il  ne  comprend 
point  l'idiome  et  qui  est  tout  heureux  de  reprendre  langue  avec  des 
gens  venant  de  Pékin. 

Ce  n'est  là  qu'un  pâle  résumé  d'une  Conférence  pleine  d'humour, 
de  saillies  spirituelles  et  de  mots  heureux,  pour  laquelle  M.  NicoUe  a 
chaleureusement  remercié  M.  Marcel  Monnier,  se  faisant  en  cela 
l'interprète  de  toute  la  salle. 

A.  M. 


LE  TRANSVAAL  ET  LES  BOERS 

Pa  M.  Camille  GUY, 
Chef  du  Service  géographique  et  des  Missions  au  Ministère  des  Colonies. 


Conférence  faite  à  Lille. 


C'est  devant  un  auditoire  extrêmement  nombreux  qu'a  eu  lieu  la 
Conférence  de  M.  Camille  Guy,  chef  du  service  géographique  au 
Ministère  des  Colonies,  sur  un  sujet  tout  d'actualité  :  le  Transvaal  et 


—  340  — 

les  Boers.  —  Après  une  courte  allocution  de  M.  Paul  Crepy,  Prési- 
dent, qui  d'une  façon  fort  aimable  présente  l'orateur,  M.  Camille  Guy 
prend  la  parole. 

Il  commence  par  décliner  les  remerciements  du  Président,  c'est  lui- 
même  qui  en  doit  à  la  Société  de  l'avoir  invité,  au  public  d'avoir 
répondu  si  nombreux  à  l'appel  de  la  Société.  N'est-il  pas  agréable 
pour  un  Français  de  retracer  avec  émotion  l'histoire  d'un  petit  peuple 
persécuté  ? 

Puis  entrant  brusquement  dans  son  sujet,  M.  Camille  Guy  nous 
décrit  le  Transvaal.  Quand  on  débarque  et  qu'on  se  dirige  vers  le 
Nord,  on  traverse  une  colonie  anglaise,  puis  la  République  du  fleuve 
Orange,  puis  enfin  celle  du  Transvaal.  C'est  un  parcours  de  1,600  kilo- 
mètres. A  l'Est,  on  laisse  la  colonie  anglaise  de  Natal,  le  Zoulouland, 
la  baie  Delagoa  et  Lourenço-Marquez,  colonie  des  Portugais  qui  ont 
expérimenté  combien  il  en  coûte  d'avoir  de  trop  puissants  voisins.  A 
l'Ouest,  se  trouve  le  désert  de  Kalahari,  ainsi  que  les  territoires  conquis 
par  le  trop  fameux  Cecil  Rhodes  et  désignés  sous  le  nom  de  Rhodesia. 

Le  Transvaal  a  308,000  kilomètres  carrés,  c'est-à-dire  la  superficie 
de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande  réunis  :  c'est  un  plateau  de  1.000 
à  1.200  mètres  d'altitude,  bordé  à  l'Est  par  le  massif  d'Omataka,  au 
S.-O.  par  la  masse  imposante  du  Drakenberg,  au  Nord  par  le  désert 
de  Kalahari.  Ce  plateau  est  lui-même  coupé  en  deux  par  une  ligne  de 
collines  en  forme  de  table  :  là  se  trouve  le  rand  ou  pays  des  mines 
d'or,  cause  de  tous  les  malheurs  des  Boers. 

Ces  monts  coupent  le  pays  en  deux  versants,  celui  du  Limpopo  et 
ceJui  du  Vaal.  Les  rivières  qui  sont  à  sec  pendant  six  mois  de  l'année, 
emportent  vers  les  deux  Océans  toutes  les  eaux  disponibles. 

Le  climat  est  inverse  du  nôtre,  la  saison  d'hiver  pendant  notre  été 
et  inversement.  La  saison  dite  d'été  s'étend  du  mois  de  novembre  au 
mois  de  mars,  c'est  la  saison  sèche  par  excellence.  Le  pays  devient  le 
domaine  du  vent  et  de  la  poussière.  L'hiver  est  la  saison  des  pluies, 
alors  paraît  la  végétation  herbacée  qui  favorise  le  développement  de 
l'élevage. 

Rien  de  plus  monotone  et  de  plus  triste  que  ce  pays  de  plateaux  qui 
constitue  le  Karrou,  où  l'horizon  se  perd  à  l'infini,  où  l'on  ne  voit 
qu'une  terre  brune ,  rouge ,  sans  végétation,  ou  bien  couverte  de 
buissons  épineux.  Elle  fourmille  de  pierres,  parfois  colossales  :  c'est 
à  croire  que  là  s'est  déroulée  la  légende  de  Deucalion  et  de  Pyrrha, 
mais  les  hommes  ne  sont  pas  nés  par  la  transformation  de  la  pierre. 


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comme  sur  le  sol  généreux  de  la  Grèce.  Pendant  de  longs  kilomètres, 
en  diligence  on  en  sleeping-car,  on  ne  voit  que  des  bœufs  ou  des 
moutons  broutant  l'herbe  maigre  du  Karrou. 

11  a  fallu  au  peuple  boer  de  bien  graves  raisons  pour  se  fixer  dans 
ces  lieux  désolés.  Il  faut  remarquer  cependant  que  cette  terre  momen- 
tanément infertile  n'est  pas  inféconde.  Quand  on  s'acharne  à  lutter 
contre  elle,  elle  produit  aussi  bien,  sinon  mieux  que  d'autres.  Conve- 
nablement retournée  et  travaillée,  elle  donne  les  produits  de  nos  pays 
tempérés.  Le  jour  viendra  où  les  mines  seront  épuisées,  et  alors  il  en 
sera  comme  pour  la  Californie  et  l'Australie  :  le  laboureur  viendra  se 
substituer  au  chercheur  d'or,  et  il  vivra  là  avec  sa  famille  et  ses 
serviteurs. 

Si  le  pays  a  pu  recevoir  des  Européens,  c'est  grâce  à  un  labeur 
incessant.  L'hiver  est  dur,  surtout  quand  le  vent  souffle,  entre  temps 
il  y  a  la  pluie,  la  poussière,  la  boue  ;  mais  cela  n'arrête  pas  le  paysan, 
du  moins  sur  le  Karrou,  car  plus  au  Nord  est  le  désert  avec  des  tem- 
pérature de  -\-  45°  ;  mais  sur  le  plateau,  l'altitude  compense  la  latitude. 

Le  grand  malheur  est  que  le  pays  se  trouve  coupé  de  la  mer  ;  il  n'est 
en  rapport  avec  aucun  des  deux  Océans,  il  ne  dépasse  pas  la  demande 
des  besoins  locaux  ;  il  vit  pour  lui-même  ;  il  a  jadis  cherché  à  toucher 
la  mer,  mais  ses  voisins  ne  le  lui  ont  pas  permis. 

Ce  n'est  donc  pas  un  pays  favorisé,  il  produit,  mais  il  faut  peiner  : 
on  a  alors  le  maïs,  le  blé,  les  légumes  d'Europe  autour  des  fermes.  On 
recueille  du  tabac  sur  la  pente  des  montagnes,  mais  la  grande  ressource 
c'est  l'élevage  biblique. 

La  faune  indigène  est  pauvre.  Défense  expresse  est  faite  de  chasser 
les  éléphants;  mais,  à  vrai  dire,  il  n'y  en  a  pas.  Les  eaux  du  Limpopo 
servent  de  retraite  à  des  hippopotames.  11  n'y  a  pas  ce  qu'on  peut 
appeler  un  animal  utile  ;  en  revanche  pullulent  les  serpents  :  le  python, 
la  vipère,  sans  parler  des  insectes  et  des  sauterelles. 

Pourquoi  un  pays  si  peu  séduisant  sert-il  d'asile  à  une  population 
européenne  qui  s'y  est  attachée  ?  C'est  que  les  habitants  actuels 
n'avaient  pas  le  choix  ;  ils  fuyaient  l'ennemi,  c'est-à-dire  l'Anglais  ; 
selon  le  mot  du  président  Kriiger,  les  Israélites  du  Sud  fuyaient  devant 
les  Amalécites. 

L'Afrique  du  Sud  n'est  pas  anglaise.  C'est  en  1652  qu'une  colonie 
hollandaise  vint  s'établir  au  Cap  ;  elle  demeura  assez  peu  prospère 
jusqu'en  1685,  date  de  la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes.  A  ce  moment, 
des  protestants  français  chassés  de  leur  pays  vinrent  chercher  asile 

23 


—  342  — 

près  de  leurs  coreligionnaires  du  Cap  :  avec  les  qualités  de  leur  race 
ils  apportèrent  l'art  de  cultiver  la  vigne,  qui  maintenant  réussit  fort 
bien  au  Cap. 

Au  XYIIF  siècle,  les  Boers  se  multiplièrent  ;  mais  la  ville  du  Cap 
était  un  point  de  relâche  des  plus  importants  à  une  époque  où  le  per- 
cement de  l'isthme  de  Suez  n'était  pas  encore  accompli,  il  n'y  avait 
qu'une  seule  route  des  Indes.  Aussi  n'est-il  pas  surprenant  de  voir  les 
Anglais  profiter  de  ce  que  la  Hollande  a  été  conquise  par  la  France 
pour  s'installer  au  Cap  en  1790,  Ils  ont  évacué  la  place  en  1802,  lors 
de  la  signature  de  la  paix  d'Amiens,  mais  y  sont  rentrés  en  1805  et  dès 
lors  n'en  sont  plus  sortis. 

Or,  les  Anglais  n'ont  rien  fait  au  Cap  en  tant  que  peuplement.  Ils 
n'ont  pas  su  faire  ce  que  nous  avons  fait  en  Algérie  ou  en  Tunisie,  lis 
ont  persécuté  et  ils  sont  arrivés  à  se  priver  de  bras  qui  auraient  pu  leur 
être  fort  utiles.  Dès  1815  eut  lieu  une  insurrection  des  Boers.  Elle  fut 
noyée  dans  le  sang.  En  1825,  les  Anglais  ordonnent  la  suppression  de 
l'esclavage,  qui  pourtant  là  était  fort  doux.  C'était  la  ruine  pour  le 
plus  grand  nombre  des  entreprises  agricoles.  En  1828,  les  Boers 
émigrèrent,  car  ils  étaient  persécutés. 

Ils  s'en  allèrent  avec  leur  famille,  leurs  grands  chariots  ;  ils  s'instal- 
lèrent dans  ce  qui  est  aujourd'hui  l'Etat  d'Orange.  Ils  se  croyaient 
tranquilles  pour  toujours.  Mais  ils  furent  poursuivis  et  les  Anglais  leur 
imposèrent  leur  protectorat,  quelques-uns  se  soumirent,  mais  le  plus 
grand  nombre  émigra  vers  le  Karrou.  Si  les  Boers  n'allèrent  pas  plus 
loin,  c'est  que  le  Kalahari  leur  opposait  une  barrière  infranchissable. 

Ils  se  fixèrent  donc  dans  le  Transvaal  et  en  1844  se  donnèrent  une 
Constitution.  Ils  s'établirent  là  en  agriculteurs  et  pasteurs,  comme  les 
vieux  peuples.  Ils  auraient  vécu  heureux  et  tranquilles  sans  la  décou- 
verte de  l'or  !  Du  moment  où  l'on  crut  qu'il  y  avait  de  l'or  dans  le 
pays,  c'est  que  ce  pays  appartenait  à  l'Angleterre,  c'était  évident  ! 

Nous  avons  alors  un  prologue  de  la  tragédie  ;  c'est  la  lutte  des 
Boers  qui  furent  vaincus  et  durent  accepter  le  protectorat  anglais  jus- 
qu'en 1852  ;  mais  il  arriva  qu'on  ne  trouva  pas  les  mines  d'or  espérées  ; 
les  Anglais  se  retirèrent  et  même  en  1854  ils  reconnurent,  outre  la 
République  du  Transvaal  celle  du  Fleuve  Orange. 

Mais  en  1864,  Karl  Koch  découvrit  le  diamant  à  Kimberley  ;  l'ex- 
ploitation commença  en  1870.  Aussitôt  l'Angleterre  songea  qne  les 
Boers  n'étaient  pas  en  sécurité  et  résolut  d'assurer  l'ordre  dans 
l'État  d'Orange  et  dans  le  Transvaal.  Les  Boers  eurent  le  mauvais 


—  :343  — 

goût  de  repousser  cette  intervention  généreuse.  C'étaient  de  merveil- 
leux tireurs,  ils  avaient  des  chefs  comme  Joubert  et  Prétorius,  ils 
avaient  Krûger,  ce  tut  le  Triumvirat  de  la  défense  nationale  !  Ils 
étaient  30.000  hommes  en  état  de  porter  les  armes,  ils  n'hésitèrent 
pas  à  engager  la  lutte  et  battirent  les  Anglais  à  Laing's-Neck  et  à 
Spitzkop. 

C'est  à  la  suite  de  cette  bataille  où  furent  battues  les  troupes  des 
Indes  que  Gladstone  lança  cette  dépêche  où  il  disait  :  «  Nous  avons 
commis  une  faute,  réparons-la  ».  La  réparation  fut  le  traité  de  Pre- 
toria de  1^81,  qui  reconnut  Tindépendance  du  Transvaal  et  même  de 
l'État  d'Orange.  Sans  doute  il  paie  une  sorte  de  tribut,  sans  doute 
pour  les  relations  extérieures  il  passe  par  l'intermédiaire  de  l'Angle- 
terre, mais  pour  tout  le  reste  il  est  indépendant. 

Malheureusement,  voilà  qu'en  1886  on  découvre  les  fameuses  raines 
d'or  et  elles  se  trouvent  être  d'une  richesse  incomparable.  Les  Anglais 
se  jurèrent  de  les  prendre.  Telle  est  l'origine  du  drame. 

Voyons  maintenant  quels  en  sont  les  acteurs.  Trois  peuples  sont  eu 
présence.  Les  Boers  ;  un  ramassis  d'aventuriers  qui  s'intitule  les 
Uitlanders  ;  une  population  noire,  Cafres  et  Zoulous,  qui  vivent  de 
la  mine  et  dans  la  mine. 

Les  Boers  sont  les  descendants  des  colons  hollandais  renforcés  d'en- 
viron 500  Français,  mais  ces  derniers  ont  oublié  leur  langue  et  n'ont 
jamais  abdiqué  leur  haine,  ils  ne  nous  ont  pas  encore  pardonné  la 
révocation  de  i'Edit  de  Nantes.  Parlant  à  notre  consul,  le  président 
Krùger  disait  :  «  Vous  oubliez  Louis  XIV  !  »  De  ce  mélange  est 
sortie  la  population  boere  qui  a  son  originalité  et  sa  fui.  La  coiffure 
des  femmes  est  restée  la  vieille  coiffure  hollandaise  ;  dans  l'habitation 
du  paysan  on  trouve  la  vieille  bible.  Cette  population  paysanne  est 
attachée  au  sol,  elle  aime  la  terre  pour  elle-même  ;  il  n'y  a  ni  industrie, 
ni  commerce.  Toute  cette  population  est  sobre,  a  le  grand  amour  de 
la  famille,  le  respect  de  la  parole  ;  elle  est  hospitalière,  peu  loquace, 
aime  les  apologues  et  les  symboles  obscurs.  Elle  est  attachée  à  ses 
anciennes  coutumes,  méprise  noire  civilisation  de  toute  la  hauteur  de 
son  patriotisme,  de  son  orgueil  et  do  son  fanatisme  religieux.  Le  pré- 
sident Kriiger  en  incarne  le  type  :  c'est  un  paysan  sans  toilette,  à  la 
barbe  mal  taillée,  coiffé  d'un  chapeau  de  feutre  ;  mais  sous  cette  écorce 
de  paysan  bat  un  cœur  de  soldat  et  de  patriote.  Avec  son  air  bon- 
homme, il  a  mis  en  échec  la  diplomatie  anglaise  et  à  l'occasion  s'est 
montré  un  soldat.  Sa  diplomatie  consiste  à  n'en  point  avoir,  lia  surtout 


—  34 'i  — 

la  ténacité  :  c'est  parla  qu'il  a  iuspiré  de  l'admiration  aux  Européens 
et  a  tenu  tête  à  ses  eDnerais. 

Quelle  différence  avec  le  Uitlander.  Celui-ci  est  tout  en  nerfs  ;  peu 
difficile  en  matière  de  morale,  ce  sont  des  gens  qui  ont  créé  des  mines, 
exploité  des  mines  et  aussi  les  bourses  de  leurs  contemporains  !  Ils  se 
sont  installés  en  maîtres  dans  un  pays  qui  n'était  pas  le  leur,  ils  se 
sont  étonnés  qu'on  ne  leur  ouvrît  pas  toutes  grandes  les  portes  du 
Parlement.  On  y  rencontre  beaucoup  d'Anglais ,  aussi  beaucoup 
d'Allemands,  quoique  un  peu  moins.  150  Français,  quelques  juifs  polo- 
nais tenant  des  débits  de  boissons  ou  d'horribles  auberges,  qui  ont  joué 
à  la  bourse,  et  qui,  naturellement  ont  gagné.  Les  Uitlanders  se  décom- 
posent en  directeurs  d'usine  étranges,  sans  expérience,  sans  instruc- 
tion, comme  par  exemple  un  ancien  gendarme  ;  au-dessous  d'eux 
viennent  des  ingénieurs  habiles  sur  lesquels  repose  l'exploitation,  des 
ouvriers,  des  contremaîtres.  C'est  une  population  qu'il  ne  ferait  pas 
bon  de  rencontrer  au  fond  d'un  bois. 

Les  noirs  fournissent  la  main-d'œuvre.  Ils  sont  de  deux  sortes  : 
1"  les  Zoulous  qui  surent  résister  aux  Anglais  ;  2"  les  Cafres,  popula- 
tion douce  et  résignée.  C'est  eux  qui  fournissent  la  majorité  de  la 
main-d'œuvre  dans  les  mines  :  ils  sont  robustes,  quoique  se  nourrissant 
de  presque  rien,  mais  fortement  déprimés  au  point  de  vue  intellectuel. 
Ils  apprennent  vite  cependant.  Leur  seule  préoccupation  est  de  s'éta- 
blir, c'est-à-dire  d'avoir  une  paire  de  bœufs  et  de  femmes  qui  les 
nourrissent.  Cela  s'élève  à  150  francs  la  paire,  l'un  dans  l'autre.  Aussi, 
une  fois  qu'il  est  à  la  tète  d'un  ca[)ital  de  600  fr.,  le  Cafre  part;  il 
s'installe  chez  lui,  il  éblouit  les  habitants  de  son  kraal  par  son  opu- 
lence. Aussi,  souvent  les  Cafres  manquent.  On  a  recours  alors  à  des 
mesures  vexatoires,  on  fait  des  esclaves.  On  estime  à  45.000  le  nombre 
de  ces  mineurs,  volontaires  ou  non. 

Voilà  donc  les  acteurs.  Voyons  le  drame. 

Les  Roers  ne  songeaient  nullement  à  fermer  leur  territoire  aux 
mineurs,  mais  ils  ne  voulaient  pas  admettre  des  étrangers  dans  leur 
gouvernement.  C'est  cette  situation  que  les  Uitlanders  n'ont  pas  voulu 
accepter.  Dès  1886  et  surtout  dès  1889,  ils  firent  entendre  des  récla- 
mations que  l'Angleterre  s'empressa  de  soutenir;  et  cependant  le 
président  Kriiger  avait  fait  preuve  de  bonne  volonté  en  accordant  la 
naturalisation  après  quatorze;  années  de  séjour  et  moyennant  l'enga- 
gement de  rester  dans  le  pays.  Cela  était  équitable  :  en  Angleterre  et 
aux  Etals-Unis,   pays  libre  par  excellence,   la  naturalisation  exige 


'—345  — 

autrement  de  temps  et  de  formalités  !  Krùger  accordait  même  une 
deuxième  Chambre,  dite  des  Mines,  quelque  chose  comme  une  Chambre 
basse.  Mais  il  refusa  absolument  d'aller  plus  loin. 

Et  il  ne  le  pouvait  pas.  Johanesbourg  qui,  en  1888  comptait  4  habi- 
tants, en  a  aujourd'hui  120.000,  presque  tous  étrangers.  Le  président 
Kriiger  ne  pouvait  consentir  à  donner  le  droit  de  vote  à  50.000 
Anglais  contrebalancés  par  quelques  Boers.  Peut-être  a-t-il  eu  tort  de 
ne  pas  céder  sur  le  monopole  de  la  dynamite  qui  fait  payer  165  fr.  ce 
qui  en  vaut  40  ;  il  aurait  pu  céder  aussi  sur  la  question  des  chemins  de 
fer;  mais  il  ne  pouvait  céder  sur  la  question  électorale  :  c'était 
accepter  la  suprématie  de  l'Angleterre  ,  c'était  le  suicide  pour  le 
Transvaal,  et  le  Transvaal  n'a  pas  voulu  se  suicider. 

De  là  naquit  le  conflit. 

Cela  débuta  par  un  complot. 

L'àme  du  complot  fut  Cecil  Rhodes.  11  fut  convenu  que  l'on  procé- 
derait à  l'occupation  de  Johanesbourg.  On  envoya  là-bas  des  fusils  et 
des  canons  :  3.000  fusils  dissimulés  dans  des  tonnes  soi-disant  d'huile. 
L'huile  était  renfermée  dans  un  double  fond  pour  la  vérification  de  la 
douane.  10  canons  furent  simplement  cachés  dans  des  chargements  de 
coke.  Une  révolte  des  Uitlanders  devait  éclater  en  octobre  1894.  Les 
Boers  devaient  intervenir  et  l'Angleterre  aussi.  Mais  le  président 
Kriiger  eut  vent  de  la  chose;  il  alla  trouver  les  ambassadeurs  étrangers 
et  les  prévint  :  nous  avons  là-bas  un  excellent  ambassadeur,  M.  Aubert, 
qui  protesta  avec  énergie  ;  les  Allemands  en  masse  donnèrent  l'assu- 
rance de  leur  fidélité  au  Transvaal.  Le  coup  était  manqué. 

Cecil  Rhodes  ne  voulut  pas  s'entêter,  mais  Jameson  était  un  risque- 
tout.  Le  1"  janvier  1895  il  franchit  la  frontière,  sans  aucune  déclara- 
tion, coupant  le  télégraphe  derrière  lui  pour  ne  pas  être  rappelé,  et 
marchant  avec  800  hommes  sur  Johanesbourg  qu'il  espérait  voir  se 
soulever  ;  mais  il  fut  arrêté  à  Krugersdorf  et  contraint  de  capituler 
avec  tout  son  monde.  C'était  un  second  échec  pour  les  Anglais  ;  et,  de 
plus,  un  grave  échec  moral,  car  Kriiger  remit  ces  forbans  entre  les 
mains  du  pouvoir  central  anglais  qui  se  garda  bien  de  les  châtier 
comme  ils  le  méritaient.  L'Europe  se  souleva.  L'empereur  d'Allemagne 
envoya  sa  fameuse  dépêche  au  président  Kriiger ,  menaçant  d'une 
intervention  de  l'Allemagne  si  l'Angleterre  bougeait. 

Devant  cette  attitude ,  l'Angleterre  s'émut  ;  elle  déclara  que  le 
ministre  des  colonies,  Chamberlain,  était  dans  l'ignorance  de  tout  ce 
qui  devait  se  passer,  et  Kriiger  publia  des  documents  qui  prouvaient 


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qu'au  contraire  l'Angleterre  savait  tout  et  que  le  seul  tort  de  Jameson 
était  de  ne  pas  avoir  réussi.  On  put  croire  que  l'Angleterre  n'allait 
plus  bouger. 

Mais  c'était  une  erreur,  car  les  mines  d'or  se  développaient.  Sans 
dire  avec  le  président  Kriiger  que  le  Transvaal  est  le  pays  d'Ophir  dont 
parle  la  Bible  au  temps  de  Salomon,  on  peut  reconnaître  que  là  se 
trouvait  le  Monomotapa  des  Portugais  au  XV  siècle,  —  le  Rand 
convenablement  exploité  donne  d'énormes  richesses.  Il  faut  admirer 
d'ailleurs  la  volonté  tenace  des  Anglais.  La  Compagnie  des  Robinson 
en  est  là-bas  un  remarquable  exemple.  Elle  avait  un  capital  de  6  mil- 
lions et  les  plus  grands  noms  de  l'Angleterre,  au  bout  de  deux  ans 
tout  l'ut  mangé.  On  reconstitua  un  nouveau  capital ,  cette  fois  de 
20  millions,  nouvelle  chute.  Le  capital  fut  reconstitué  à  40  millions,  et 
maintenant  la  Société  a  remboursé  trois  fois  sou  capital  et  sert  un 
intérêt  de  15  à  20  %  ^'^^c  un  fonds  de  réserve  énorme  ! 

Il  est  vrai  de  dire  que  tout  semble  venir  à  point  nommé.  Pour  l'ex- 
ploitation on  manquait  de  bois,  de  houille,  de  voies  de  communication, 
de  main-d'œuvre.  Voilà  que  tout  à  coup  on  découvre  des  gisements  de 
houille  à  côté  de  l'or  ;  voilà  que  réussissent  au  delà  de  toute  espérance 
des  plantations  d'eucaliptus  qui,  au  bout  de  cinq  ans,  donnent  le  bois 
nécessaire.  On  manquait  d'eau,  on  trouve  des  sources  qui  permettent 
d'établir  d'immenses  réservoirs  dans  la  montagne.  On  manquait  de 
main-d'œuvre  ;  mais  les  Cafres  et  les  Zoulous  traités  en  esclaves  sont 
parqués  dans  les  compouncU.  Enfin  un  heureux  procédé  parle  cyanure 
de  potassium  est  découvert  par  un  ingénieur  et  permet  d'extraire  80  % 
de  l'or  contenu  dans  le  minerai  ! 

Gecil  Rhodes  en  1866  est  arrivé  au  Cap  comme  poitrinaire  !  en  dix 
ans  il  a  gagné  une  fortune  colossale  et  il  ne  la  dépense  pas,  car  il  n'a 
pas  de  besoins.  Ce  qu'il  voit  dans  l'argent,  c'est  le  levier.  Il  a  conçu  le 
projet  de  relier  le  Caire  à  la  colonie  du  Cap  par  un  réseau  de  fils  télé- 
graphiques et  de  voies  ferrées  sur  territoires  appartenant  à  l'Angle- 
terre. Partant  de  là,  par  le  Tchad,  le  Niger  et  la  Gambie,  une  seconde 
voie  formera  la  croix  britannique  sur  le  continent  noir.  Mais  l'exécution 
de  ce  rêve  est  empêchée  par  la  France  qui,  dans  l'Ouest  africain,  a 
conquis  la  boucle  du  Niger  et  s'y  est  installée  de  façon  à  détruire  la 
croix  anglaise.  Le  montai  horizontal  lui-même  n'est  pas  réalisé,  car 
pourquoi  les  Anglais  n'échoueraient-ils  pas  une  troisième  fois  dans 
leur  entreprise  contre  le  Transvaal  ? 

Je  ne  veux  pas  être  prophète,  dit  pour  conclure  M.  Camille  Guy  ; 


.  -  347  — 

sans  doute  les  Boers  ne  peuvent  se  renouveler  éternellement,  et,  pour 
réussir,  l'Angleterre  mobilisera  tout  et  dépensera  tout;  mais  si  les 
deux  Républiques  sœurs  doivent  devenir  anglaises,  selon  le  mot  du 
président  Kriiger,  ce  sera  moyennant  un  prix  qui  étonnera  le  monde. 
—  Il  n'y  a  plus  d'Europe  depuis  1870,  et  cela  par  sa  propre  faute, 
depuis  qu'elle  a  permis  qu'il  soit  porté  atteinte  au  flambeau  de  civili- 
sation et  de  générosité  qu'était  la  France  ;  sans  cela,  le  crime  ne  se 
serait  pas  accompli.  Mais  en  dépit  de  tout,  demain  demeure  encore 
incertain  et  je  ne  serais  pas  étonné  pour  ma  part  de  voir  se  réaliser 
cette  sinistre  prophétie  du  prince  de  Bismark,  qui  disait  en  18G6  : 
«  Les  Etals  de  l'Afrique  du  Sud  seront  le  tombeau  colonial  de  l'An- 
gleterre. » 

Inutile  d'ajouter  que  M.  Guy,  qui  nous  a  donné  là  ses  appréciations 
personnelles  et  qui  nous  a  exposé  ses  propres  vues,  a  été  fréquemment 
et  très  vivement  applaudi. 

A.  M. 


Association  Française  pour  l'Avancement  des  Sciences 

(A.  F.  A.  S.). 
CONGRÈS  DE  BOULOGNE-SUR-MER,   14-21  SEPTEMBRE 


L'Association  Française  pour  l'Avancement  des  Sciences  (A.  F.  A.  S.) 
a  tenu  son  Congrès  annuel  à  Boulogne,  du  14  au  21  septembre,  pen- 
dant que  la  «  Britisli  Association  »  tenait  ses  assises  à  Douvres,  de 
l'autre  côté  du  détroit. 

En  raison  de  la  proximité  du  lieu  de  réunion  et  de  l'importance 
donnée  au  Congres  par  le  voisinage  de  la  Britisli  Association,  la 
Société  de  Géographie  de  Lille  avait  adjoint  un  membre  de  son  Comité 
d'Études  (précisément  originaire  du  Boulonnais)  à  M.  Gustave 
Lecocq  qui  la  représente  d'ordinaire  dans  la  section  de  Géographie. 

Les  communications  n'abondaient  pas  cette  année  à  la  section  en 
question  ;  on  s'était  douté  probablement  que  la  Géographie  pratique 
tiendrait  une  large  place  dans  les  travaux  du  Congrès  :  en  effet,  dès  le 


—  348  — 

premier  jour,  les  membres  se  partageaient  en  plusieurs  groupes  pour 
visiter  les  industries  diverses  et  les  monuments  de  la  ville. 

Le  groupe  archéologique,  dirigé  par  MM.  E.  Hamy  etEnlart  (1],  était 
reçu  d'abord  à  St-Nicolas  par  M.  le  doyen  Joncquel,  qui  faisait  les 
honneurs  de  son  église ,  dont  certaines  parties  (  tour  et  transsept  ) 
remontent  au  XlIP  siècle. 

De  là  nous  gagnons  en  Haute-Ville  la  Porte  Notre-Dame  où  des 
touilles  récentes  mettaient  à  jour  le  vieux  ciment  des  Romains  sous 
les  revêtements  ajoutés  au  Moyen- Age. 

La  visite  du  Château  depuis  les  caves  (où  l'on  voit  sourdre  une  fon- 
taine intarissable)  jusqu'aux  salles  de  fête  de  l'étage  donne  l'occasion 
à  M.  Enlart  de  nous  expliquer  bien  des  détails  de  la  vie  des  anciens 
seigneurs  de  Boulogne. 

Notre-Dame,  son  autel  merveilleux  et  sa  crypte  ont  été  déjà  décrits 
dans  notre  Bulletin  ;  mais  on  vient  d'inaugurer  dans  cette  cathédrale 
le  monument  de  Godefroy  de  Bouillon,  de  grande  allure  et  de  style 
oriental,  exécuté  d'après  les  dessins  de  M.  Enlart. 

Une  ascension  (?)  au  vieux  Beffroi  du  XIIP  siècle  termina  cette  inté- 
ressante promenade. 

Le  lendemain ,  «  l'Empress  »  emportait  à  Douvres  plus  de  300 
Congressistes,  dont  une  bonne  partie  paya  son  tribut  à  Neptune,  car  la 
mer  était  très  dure.  —  Le  débarquement  à  Douvres  fut  même  assez 
pittoresque,  au  moins  pour  les  spectateurs  ;  depuis  que  l'on  a  construit 
le  New  Pier  (quai  affecté  au  commerce),  le  Pier  de  l'Amirauté  est 
devenu  d'un  abord  difficile  par  certains  vents  ;  nous  roulions  tellement 
qu'une  des  passerelles  tomba  dans  le  bassin,  sans  entraîner  personne, 
heureusement. 

Nous  fûmes  reçus  très  cordialement  par  les  membres  du  Congrès 
de  la  British  Association  escortés  d'un  détachement  d'infanterie  sans 
armes. 

Un  buffet  commodément  installé  sur  le  quai  nous  offrait  des  récon- 
fortants (thé,  café,  bouillon  et  sandwiches,  sherry,  etc.),  bien  utiles 
après  notre  pénible  traversée. 

Le  trajet  jusqu'à  l'Hôtel  de  Ville  se  fît  sur  8  ou  10  cars  électriques  à 
trolley  se  suivant  à  quelques  mètres  de  distance.  Réception  très  sym- 


(1) ;    •    •    • 

En  1897,  M.  Enlart  fil  à  notre  Société,   une   très   intéressante  Conférence  sur 
Chypre. 


-  349  — 

palhique  et  souhaits  de  bienvenue  daus  le  Town-Hall ,  dont  nous 
admirons  la  décoration,  en  particulier  les  vitraux.  La  salle  des  confé- 
rences qui  lui  est  contiguë  nous  intéresse  aussi  par  ses  heureuses 
proportions  et  ses  installations  (^buffet,  vestiaire,  etc.). 

Chacun  se  rend  alors  dans  les  sections  qui  l'intéressent  ;  il  n'y  en  a 
que  10  au  lieu  de  \9  chez  nous,  mais  elles  m'ont  paru  beaucoup  plus 
suivies,  surtout  en  Géographie;  le  D*"  G.  Scholt  exposait  justement  dans 
cette  dernière  section  (avec  carte  projetée  à  l'appui),  les  résultats 
océanographiques  et  météorologiques  de  la  campagne  d'exploration 
sous-marine  organisée  par  l'Allemagne  sur  le  vapeur  «  Valdivia  ».  La 
veille  on  avait  entendu  plusieurs  communications  sur  les  explorations 
antarctiques  ;  le  lundi  était  réservé  plus  spécialement  à  la  Géographie 
physique  ;  le  mardi,  aux  voyages  et  explorations. 

A  1  heure  1/2,  un  lunch  pantagruélique  réunissait  sous  une  vaste 
tente  les  membres  des  deux  Associations,  ainsi  que  ceux  de  la  Société 
Géologique  de  Belgique  venus  par  Ostende,  et  les  invités  de  la  Ville, 
en  tout  1,100  à  1,200  convives  répartis  sur  30  à  40  tables  magnifique- 
ment servies. 

Au  dessert,  plusieurs  toasts  sont  prononcés  :  d'abord  par  le  maire  de 
Douvres,  puis  par  M.  Brouardel,  président  de  l'Association  Française. 
Jl  rappelle  que  notre  Société  est  pour  ainsi  dire  la  fille  de  la  British 
Association,  fondée  comme  elle  pour  décentraliser  la  Science,  mais 
plus  jeune  de  41  ans.  —  Le  professeur  Michaël  Foster,  président  de  la 
British  Association  développe  humouristiquement  le  même  thème,  et  le 
D'  Aigre,  maire  de  Boulogne,  lui  donne  la  réplique  dans  un  anglais 
dont  la  pureté  et  l'élégance  séduisent  nos  collègues  d'Outre-Manche. 

Après  le  lunch,  une  photographie  générale  est  tirée  dans  la  pelouse 
de  l'antique  Collège  où  le  banquet  avait  eu  lieu.  Beaucoup  profitent 
des  deux  heures  restées  disponibles  pour  grimper  au  Château,  dont  la 
masse,  vue  de  cette  pelouse,  forme  un  superbe  décor.  L'Église  et  le 
Phare  [ce  dernier  construit  par  les  Romains,  probablement  en  46  avant 
J.-C.)  en  sont  les  parties  les  plus  intéressantes. 

Le  retour  se  fit  dans  do  meilleures  conditions  que  l'aller,  et  la 
cuisine  anglaise  ne  servit  guère  ce  soir-là  à  varier  le  menu  des  hôtes 
du  détroit. 

Le  lendemain  dimanche,  une  vingtaine  de  breaks  et  voitures  nous 
emmenaient,  par  la  jolie  route  de  la  côte,  à  Wimereux,  où  l'on  s'arrê- 
tait pour  visiter  les  appareils  du  télégraphe  sans  fil  et  les  restes  du 
premier  laboratoire  de  Zoologie  maritime    de   M.   Giard  ;    puis    sa 


-  a^o  - 

nouvelle  et  spacieuse  installation  près  la  Pointe  aux  Oies  sur  Amble- 
teuse. 

De  là  nous  avons  gagné  le  phare  du  Gris-Nez,  visité  les  machines 
servant  à  produire  l'éclairage  éleclrique  et  à  comprimer  l'air  pour  la 
sirène.  Dans  la  lanterne  est  installée  depuis  quelques  mois  une  lampe 
électrique  à  deux  foyers  conjugués  d'une  puissance  de  plusieurs  mil- 
lions de  carcels  et  d'une  portée  de  40  à  50  milles. 

Après  un  confortable  déjeuner  de  150  couverts,  difficile  à  organiser 
dans  le  hameau  de  Framezeele,  distant  de  toute  gare  de  plus  de 
10  kilomètres,  nos  breaks  nous  emporlent  sur  la  route  de  Marquise. 
Un  arrêt  à  Ferques  nous  permet  de  voir  fonctionner  les  appareils 
d'épuisement  du  sondage  d'Hydrequent.  et  plus  loin  nous  admirons 
les  installations  mécaniques  des  carrières  du  Haut-Banc ,  récemment 
décrites  au  Bulletin  par  notre  vaillant  collègue  M.  Derache,  Comme 
lui  nous  n'avons  qu'à  nous  louer  de  l'accueil  de  MM.  Haynaut,  qui 
nous  pilotent  eux-mêmes  à  travers  leurs  chantiers  et  nous  ramènent  à 
la  halte  du  Haut-Banc  où  nous  attend  un  train  spécial  à  couloir  mis  à 
notre  disposition  pour  rentrer  à  Boulogne. 

Le  lendemain  matin,  je  prenais  connaissance  de  l'intéressant  rapport 
Iule  vendredi  par  M.  le  colonel  Monteil,  vice-président  de  la  section, 
sur  les  Dalhols  et  la  Mer  Saharienne  ;  puis,  l'ordre  du  jour  étant  épuisé, 
je  prenais  congé  du  sympathique  secrétaire-adjoint,  M.  Eyssérie , 
explorateur  de  la  Côte  d'Ivoire,  enchanté  d'avoir  pu,  comme  mon  ami 
Lecocq,  faire  apprécier  à  nos  collègues  les  curiosités  du  Boulonnais, 
ainsi  que  les  travaux  et  l'utilité  de  notre  chère  Société  de  Géographie. 

Le  mardi,  le  Congrès  visitait  Calais  ;  le  jeudi  avait  lieu  la  réception 
de  l'Association  Britannique  et  l'inauguration  de  la  statue  de  Duchenne 
(créateur  de  l'électrothérapie),  clôturant  dignement  un  Congrès  pour 
lequel  la  ville  de  Boulogne  (comme  celle  de  Douvres,  du  reste),  s'était 
largement  mise  en  frais. 

Une  excursion  de  trois  jours  à  travers  les  curiosités  monumentales 
et  industrielles  de  la  région,  à  Arras,  Douai  (où  l'on  a  fêlé  le  cente- 
naire de  la  Société  d'Agriculture,  des  Sciences  et  des  Arts  du  départe- 
ment du  Nord),  Lens,  Isbergues,  St-Omer,  Arques  et  Dunkerque,  a 
suivi  ces  assises  et  donné,  j'en  suis  sûr,  aux  membres  du  Congrès  une 
haute  idée  des  merveilles  que  peut  accumuler  le  travail  aidé  parla 
science. 

V.  D. 


—  a")i  — 


EXCURSION  DES  LAURÉATS  DU  PRIX  LÉONARD  DANEL 

A  BERGUES  ET  A  DUNKERQUE 

Le  18  ]Vrai  1899. 


Directeurs  :    MM.    E.    Cantineal"    et   Gh.    Derache. 


Indûcti  discant. 
H. 

Les  dix  lauréats  du  Concours  de  1898  désignés  pour  participer  au  voyage  à  la 
mer,  prix  généreusement ^ondé  il  y  a  plus  de  15  ans  par  M.  Léonard  Danel,  avaient 
été  prévenus  que  l'excursion  se  ferait  cette  année  à  Dunkerque,  le  jeudi  18  Mai, 
par  le  train  de  7  h.  du  matin.  Nous  les  trouvâmes,  M.  Derache  mon  estimé 
collègue  et  moi,  tous  exacts  au  rendez-vous,  ravis  d'aller  loin  de  l'école  plus  ou 
moins  étroite  et  sombre  respirer  l'air  pur  et  vivifiant  des  bords  de  la  mer,  avec 
le  gai  soleil  de  printemps  pour  compagnon  ;  ils  étaient  d'autant  plus  heureux  que 

le  droit  d'excursionner  ainsi  avait  été  vaillamment  conquis  à  la  pointe  de la 

plume  ;  voir  et  apprendre  beaucoup  de  choses  intéressantes  n'est  pas  non  plus  une 
quantité  négligeable  pour  des  jeunes  gens  intelligents. 

Nous  voici  donc  en  wagon  ;  à  7  h.  05  le  train  s'ébranle  et  les  conversations 
joyeuses  comme  on  en  a  à  quinze  ans  sont  d'un  heureux  augure  pour  la  gaîté  du 
voyage  ;  elles  n'empêchent  point  cependant  de  pratiquer  Vutile  dulci,  et  de  nom- 
breux renseignements  instructifs  sont  donnés  sur  les  mœurs  de  la  Flandre,  les 
villes,  les  monuments  et  les  points  culminants  qui  défilent  sous  nos  yeux. 

A  8  h.  36,  on  fait  une  halte  à  Bergues  (v.  Bull.  Septembre  1894)  et  un  raid  accé- 
léré permet  de  connaître  grosso  modo  la  ville,  en  voyant  la  caserne  qui  date  de 
l'occupation  espagnole,  le  réservoir  d'eau,  l'église  St-Martin  restaurée,  avec  ses 
chapelles  latérales  et  ses  rétables  à  colonnes  torses  et  à  volutes  qui  datent  de  trois 
siècles.  Sur  la  grande  place,  le  splendide  Beffroi  excite  l'admiration  du  jeune  groupe 
qui  remarque  aussi  le  style  de  l'Hôtel  de  Ville.  En  quelques  minutes  on  gravit  le 
Groenherg,  oii  les  2  tours  qui  restent  du  monastère  de  St-Winoc  marquent  le  lieu 
d'origine  de  Bergues  qui  a  eu  son  époque  de  splendeur.  La  surprise,  que  dis-je,  la 
stupéfaction  des  jeunes  touristes  est  à  son  comble  quand  on  leur  affirme,  en  pas- 
sant sur  les  quais  du  canal,  que  ce  port  a  été  en  lutte  très  vive  avec  celui  de 
Dunkerque  pendant  200  ans  et  que  jusqu'en  1787,  des  navires  de  haute  mer  ont  pu 
y  apporter  sans  rompre  charge  des  marchandises  que  les  canaux  transportaient 
ensuite  dans  toute  la  région,  les  routes  étant  alors  impraticables  pendant  une 
grande  partie  de  l'année  à  cause  de  la  faible  altitude  de  \&j}laine  maritime  aonxeni 
égale  sinon  inférieure  au  niveau  de  la  mer.  Après  avoir  vu  le  Mont-de-Piété  fondé 
par  Goberger,  l'économiste,  architecte  et  ingénieur  qui  imagina  le  dessèchement 
des  Moëres,  et  après  de  nombreuses  explications  faisant  tout  l'intérêt  de  cette 
rapide  visite,  les  45  minutes  d'arrêt  étant  écoulées,  à  9  h.  20  nous  partons  pour 
Dunkerque   oii   nous   arrivons   à  9  h.  33.  Sur  le  quai,  nous  saluons  M.  A.  Mine, 


—  a52  — 

Consul  de  la  République  Argentine,  le  Dunkerquois  si  dévoué  à  la  prospérité  de 
sa  ville  natale  ;  il  a  bien  voulu,  par  ses  relations,  ménager  aux  lauréats  des  visites 
intéressantes  et  il  consent,  avec  l'obligeance  qui  le  caractérise,  à  être  un  guide 
précieux  pour  la  jeunesse  qui  nous  accompagne. 

Tout  d'abord  nous  voyons  la  Sous-Préfecture,  le  Palais  de  Justice  dont  le  fronton 
a  été  sculpté  par  le  Lillois  Huidiez,  la  place  Jean-Bart  et  la  statue  du  hardi  marin 
qui  sera  d'un  plus  bel  aspect  sur  le  piédestal  plus  élevé  que  la  municipalité  a 
décidé  de  construire  (1),  puis  nous  traversons  le  Parc  de  la  Marine  pour  en  sortir 
en  face  de  l'Arrière-Port  oii  sont  amarrés  les  bâtiments  de  la  défense  mobile  :  des 
torpilleurs,  un  aviso-torpilleur  et  une  canonnière,  le  Cocyte,  que  l'on  veut  bien 
nous  laisser  visiter  malgré  la  prochaine  arrivée  d'un  inspecteur  qu'on  attend  dans 
quelques  instants.  Le  canon  de  chasse,  de  270  °""  porte  à  18.800  m.  ;  les  immenses 
obus,  rangés  debout  à  proximité  de  la  pièce,  doivent  avoir  de  terribles  effets.  Les 
petits  canons  de  côté  portent  à  7.000  m.  ;  il  y  a  aussi  des  canons-révolver  à  l'ar- 
rière et  sur  le  côté.  Les  équipages  sont  dans  le  branle-bas  d'inspection  :  tout  est 
paré,  ciré,  graissé,  astiqué,  lavé,  tout  est  brillant,  tout  est  poli,  même  les  matelots. 
Une  visite  non  moins  intéressante  pour  nos  jeunes  gens  est  celle  du  cargo-boat 
Clan  Mac-Kinnon  venant  de  Vizagapatam  (golfe  de  Bengale),  avec  un  équipage 
nègre  sous  les  ordres  d'officiers  anglais,  en  tout  55  Ifommes.  11  est  en  acier  et 
appartient  à  MM.  Cayzer,  Irvine  et  C'e  ,  managers  de  la  Clan-Line  à  Glascow  ;  il 
mesure  3(5  pieds  anglais  (93  m.)  de  long,  39  p.  de  large  (11  m.  90)  et  23  p.  3  p. 
de  creux  (7  m.  10)  ;  sa  jauge  brute  est  de  2.267  tx  ;  sa  jauge  nette  de  1.461  tx.  ;  il  a 
été  lancé  en  Mai  1891. 

Nous  sommes  très  bien  reçus  par  le  second  du  bord  qui  nous  fait  voir  les 
machines,  les  cuisines  des  officiers  et  de  l'équipage,  la  salle  à  manger  et  les 
cabines  des  officiers,  l'aménagement  pour  la  cargaison,  etc.  Il  nous  montre  un 
énorme  boa  constrictor  de  9  pieds  de  long,  un  peu  endormi  ;  nous  pouvons  le 
manier  sans  danger,  mais  son  poids  d'une  douzaine  de  livres  le  rend  néanmoins 
embarrassant,  car  il  faut  toujours  tenir  fermement  la  tète  oii  brillent  deux  yeux 
ardents,  tandis  que  la  langue  bifide  darde  vivement  ses  pointes  hors  de  la  gueule. 
Notre  groupe  permit  en  ce  moment  une  observation  intéressante  ;  lorsque  l'officier 
apporta  parmi  nous  ce  géant  des  ophidiens,  les  uns  reculèrent  avec  effroi,  d'autres 
regardèrent  avec  anxiété,  hésitant  entre  la  crainte  et  l'amour-propre,  mais  les  plus 
vaillants  s'approchèrent,  nous  questionnant,  avides  de  connaître;  et  jugeant  promp- 
tement  qu'il  n'y  avait  pas  plus  de  danger  pour  eux  que  pour  leurs  guides,  ils 
voulurent  se  rendre  compte  de  la  forme,  de  la  température  et  du  poids  de  l'im- 
mense reptile  ;  l'occasion  d'une  telle  observation  ne  se  représentera  peut-être  plus 
pour  eux  de  longtemps. 

L'équipage  est  également  une  curieuse  attraction,  le  nègre  de  l'Inde  est  de  petite 
taille  et  très  sobre,  il  ne  mange  guère  que  du  riz  avec  quelques  bribes  de  mouton 
tué  selon  le  rite  religieux,  condition  sine  qud  non  de  l'usatre,  ce  qui  n'empêche  pas 
les  officiers  de  savourer  les  gigots  et  les  côtelettes.  Le  costume  de  ces  matelots  est 
très  élémentaire  :  un  court  caleçon  et  une  veste  en  cotonnade  de  couleur  leur 
suffisent  largement.  Des  animaux  exotiques,  singes,  perruches,  etc.,  qui  sont  des 
distractions  de  voyage  courent  et  crient  sur  le  pont. 

Nous  sommes  à  l'entrée  du  bassin  Freycinet  dont  nous  allons  visiter  les  darses, 
les  môles  et  les  écluses  ;  nous  remarquons  les  magnifiques  grues  roulantes  à  tou- 
relle ou  à  arcade  qui  circulent  le  long  des  darses  ;  ici  on  décharge  des  laines,  là 


(1)  Voir  les  Bulletins  de  Septembre  1894,  d'Août  18%  et  de  Juillet  1897. 


-  353  — 

du  maïs,  voici  du  riche  minerai  de  fer  de  Bilbao,  etc.  Nous  reniarijuons  le  nouvel 
Entrepôt  des  sucres  d'aspect  monumental,  déjà  trop  petit,  nous  dit-on  ;  trop  d'ar- 
chitecture et  trop  peu  d'ampleur  ;  nous  voyons  sur  ses  faces  inscrit  en  grandes 
lettres  :  «  Chambre  de  Commerce  »,  cette  mention  revendicatrice,  que  portent  de 
nombreuses  constructions,  rend  perplexe  le  touriste  qui  se  demande  oii  est  la 
Chambre  réelle  ;  il  est  vrai  que  les  Anglais  ne  sont  pas  loin  et  qu'avec  leur  talent 
actuel  de  se  substituer,  on  peut  croire  prudent  d'étiqueter  son  bien  très  visi- 
blement. 

Nous  arrivons  maintenant  au  grand  hangar  N"3du  môle  2,  con.struit  pour  mettre 
à  l'abri  les  animaux  débarqués  vivants  ;  il  est  formé  de  8  travées  en  tout  ;  dans  les 
2  premières  sont  installées  6  rangées  d'animaux  tète  vis  à  vis  de  tète,  avec  passage 
entre  deux  pour  que  le  service  de  nourriture  et  d'observation  des  bœufs  ou  des 
chevaux  puisse  se  faire  sans  danger.  Chaque  rangée  comporte  27  anneaux  pour 
attacher  3  ou  4  animaux  à  chacun  d'eux,  il  y  a  donc  place  pour  5  à  600  tètes  de 
bétail.  Les  6  travées  suivantes  sont  aménagées  pour  les  moutons  ;  on  peut  y  en 
entasser  9.000,  mais  pour  y  demeurer,  c'est-à-dire  y  manger  et  se  coucher,  on  n'en 
met  que  5  à  6.000.  Le  débarquement  se  fait  du  navire  à  la  travée  directement  par 
des  passerelles  bordées  de  planches  ou  de  claies.  Tout  est  désinfecté  après  chaque 
passage  d'animaux. 

Voici  le  nouvel  Entrepôt  des  laines  encore  en  construction  ;  il  paraît  devoir  être 
aussi  très  coûteux.  On  y  logera  17.500  balles  à  6,  7  et  800  kil.,  c'est-à-dire  en 
moyenne  12  à  13  millions  de  kilos.  Dunkerque  devient  véritablement  le  port  des 
laines  ;  ses  progrès  sont  rapides,  ainsi  pour  les  8  premiers  mois  de  la  campagne 
181)8-99,  Mai  compris,  on  a  reçu  ici  218.801  balles,  ce  qui  fait  42.898  b.  ou  24,4  % 
de  plus  (jue  pour  la  période  correspondante  de  1897-98  ;  les  4  mois  prochains  vont 
donc  encore  majorer  sensiblement  cette  avance.  Anvers,  au  contraire,  est  en  dimi- 
nution de  4.267  balles,  n'ayant  reçu  pendant  les  8  derniers  mois  que  78..329  balles. 
En  1897,  la  laine  a  constitué  les  2/5"'  de  la  valeur  des  importations  totales  de  Dun- 
kerque, c'est-à-dire  194.031.600  fr.  sur  500.530.300  fr.  Ces  documents  contrôlés 
nous  sont  fournis  par  AI.  Albert  Mine,  le  plus  actif  promoteur  de  ce  mouvement 
en  faveur  du  port  de  Dunkerque,  qu'on  a  réussi  à  produire  par  des  combinaisons 
avantageuses  pour  les  industriels  en  favorisant  les  arrivages  par  l'amélioration  des 
conditions  du  port,  des  manipulations,  etc. 

Nous  avons  une  lettre  de  recommandation  pour  visiter  le  «  Kurdistan  »  de  Sun- 
derland,  qui  est  arrivé  de  Buenos-Ayres  avec  moutons  vivants,  mais  le  temps 
presse  et  sans  monter  à  bord  nous  décrivons  l'installAtion  aux  touristes  que  nous 
conduisons,  puis  nous  nous  rendons  aux  cales  sèches  ou  formes  de  radoub.  Nous 
voyons  heureusement  la  plus  grande,  de  190  m.  de  long  sur  21  m.  de  large, 
occupée  par  un  grand  voilier  en  réparation  ;  la  plus  petite,  de  85  m.,  est  aussi 
occupée.  Que  les  hommes  sont  petits  parmi  ces  immenses  engins  et  que  ces  engins 
sont  minuscules  au  milieu  de  l'Océan,  disent  nos  jeunes  gens  en  contemplation 
méditative  !  Dans  le  voisinage,  nous  indiquons  le  bâtiment  de  la  machinerie  qui 
vide  en  3  heures  les  40.000  "'■^  d'eau  de  la  grande  cale  pour  mettre  à  sec  le  navire 
qui  y  est  entré. 

Nous  continuons  à  longer  l'Avant-Port,  long  de  1.3(K)  m.  et  nous  traversons  la 
grande  Ecluse  Trystram,  dont  le  radier  côte  10  m.  90  de  hauteur  d'eau  en  marée  ; 
elle  fut  inaugurée  solennellement  en  1897,  par  le  ministre  Turrel.  Nous  remar- 
quons dans  la  darse  N"  4  le  barrage  pétrolier,  bonne  précaution,  mais  insuffisante 
dans  un  accident  grave  ;  par  explosion  ou  autrement,  le  pétrole  pourrait  se 
répandre  quand  même  et  on  reconnaîtrait  alors  le  défaut  des  4  darses  communi- 
quant entre  elles  ;  ce  qui  serait  préférable,  et  existe  du  reste  dans  bien  des  ports. 


—  354  — 

ce  serait  un  bassin  spécial  et  isolé  pour  les  pélroliers,  ceci  soit  dit,  non  pour 
blesser  la  susceptibilité  de  nos  compatriotes  de  Dunkerque  dont  nous  admirons  et 
louons  l'esprit  d'initiative,  mais  pour  les  encourager  à  perfectionner  l'agencement 
et  les  dispositions  de  leur  port  dont  ils  sont  si  constamment  préoccupés. 

Bientôt  nous  traversons  la  défense  du  front  de  mer  dont  l'Etat  reconnaît  la 
grande  insuffisance,  mais  les  Ministres  passent  rapidement,  les  projets  se  suc- 
cèdent, les  difficultés  ne  sont  pas  résolues  et  un  statu  quo  dangereux  persiste. 
Nous  voilà  au  pied  du  grand  phare  et  nous  gravissons  courageusement  tout  d'une 
traite  les  290  marches  du  bel  escalier  de  pierre,  sauf  les  45  dernières  qui  sont  en 
fer  et  traversent  la  partie  construite  sur  la  plate-forme  pour  gagner  la  loge  vitrée 
oii  se  trouvent  les  appareils  lumineux.  Ce  phare  a  été  construit  de  1838  à  1842  ; 
éclairé  d'abord  à  l'huile,  il  le  fut  au  pétrole  en  1874,  puis  à  l'électricité  en  1885;  le 
foyer  est  à  5U  m.  au-dessus  de  la  haute  mer,  la  portée  lumineuse  est  de  .38  milles 
(ou  70  kil.  environ)  et  la  portée  géographique  de  1!»  milles  (ou  3C)  k.  5).  A  quelques 
mètres  vers  le  N.-O.  du  phare  se  trouve  une  pierre  déforme  pyramidale  qui  indique 
le  méridien  de  Paris;  en  etiet,  la  situation  du  phare  est  0''01'4i"  long.  E.  et  51<'."3' 
lat.  N.  Le  gardien  nous  montre  le  fonctionnement  des  lampes  électriques  ;  il  en 
possède  4,  plus  une  lampe  de  secours  à  pétrole,  leur  place  est  au  centre  d'une 
série  de  lentilles  concaves  et  convexes  qui  centralisent  et  avivent  les  faisceaux 
lumineux  ;  c'est  l'appareil  dioptrique  ou  à  réfraction,  il  produit  en  fonctionnant  une 
éclipse  de  2  en  2  éclats  obtenus  par  des  lames  intercalées  de  2  en  2  barres  passant 
devant  le  foyer.  Le  gardien  en  titre  qui  manipule  ces  appareils  nous  donne  avec 
toute  compétence  de  nombreux  renseignements  sur  l'éclairage  de  la  rade  et  celui 
de  la  haute  mer.  Une  observation  attentive  du  panorama  qui  se  déroule  au  loin  , 
avec  les  monts  de  Cassel  comme  fond  de  tableau  vers  la  terre  et  avec  les  falaises 
anglaises  n  l'horizon  vers  la  mer,  est  le  complément  agréable  de  notre  instructive 
ascension. 

Nous  descendons  au  galop  l'escalier  en  spirale  si  péniblement  gsavi  il  y  a  un 
instant  et  nous  longeons  le  chenal  que  l'on  a  considérablement  élargi  afin  de 
faciliter  la  circulation  et  surtout  les  dragages  nécessaires  pour  en  permettre 
constamment  l'accès  aux  grands  navires  ;  on  l'a  fait  passer  de  70  m.  à  130  m.  et 
même  à  210  m.  en  face  du  phare,  pour  dégager  largement  l'accès  de  la  grande 
écluse. 

Nous  nous  arrêtons  ensuite  au  Bâtiment  central ,  ainsi  nommé  parce  que  tous 
les  services  du  port  :  maritimes,  commerciaux  et  douaniers  y  sont  centralisés  ;  il 
est  le  siège  réel  de  la  Chambre  rie  Commerce  qui  a  fait  élever  cette  construction 
vraiment  monumentale.  Nous  y  pénétrons,  curieux  d'en  voir  l'intérieur  ;  l'escalier 
et  son  abord  sont  d'un  très  bel  et  imposant  aspect  ;  un  palier  est  admirablement 
orné  par  le  plan-perspective  de  la  ville  et  du  port.  A  l'étage,  nous  jetons  un  coup 
d'œil  sur  le  Musée  commercial  qui,  ici  comme  à  Lille,  laisse  beaucoup  à  désirer, 
mais  pour  des  motifs  très  différents  ;  ces  musées,  dont  on  rencontre  à  l'étranger 
des  installations  remarquables,  deviennent  d'une  importance  excessive  pour  le 
commerce  d'exportation  et  doivent  être  organisés  comme  des  bililiothèques.  Nous 
voyons  dans  une  grande  salle  le  plan  de  Dunkerque  en  relief  que  nous  avons 
admiré  à  l'Exposition  d'Anvers  en  18!li. 

Depuis  1880,  que  fut  organisée  la  première  darse  du  l)assin  Freycinet,  la  Chambre 
de  Commerce  unie  à  la  Municipalité  dans  un  esprit  de  progrès  et  de  développement 
commercial,  ont  réussi  tellement  bien  dans  leurs  efforts,  que  le  trafic  du  port  a 
décuplé  grâce  à  leur  adresse  si  laborieuse,  à  leur  persévérance  dans  l'étude  des 
perfectionnements  et  à  leur  ténacité  auprès  des  pouvoirs  publics  ;  le  succès  ne 
saurait  être  mieux  mérité.  Nous  avons  visité  les  constructions  en  cours  sur  les 


—  ;^ô  — 

môles;  bientôt  des  chantiers  de  constructions  navales  verront  le  jour  sur  la  rive 
Est  de  l'Avant-Port,  ainsi  qu'uu  nouveau  bassin.  Mais  un  point  noir  surgit  à  Tho- 
rizon,  il  est  surtout  devenu  visible  depuis  que  l'Angleterre  accentue  sa  politique 
de  prétentions  vis-à-vis  de  nous  ;  c'est  la  question  de  la  défense  du  port  de  Dun- 
kerque  et  de  la  côte  du  Détroit,  question  inquiétante  pour  les  Dunkerquois  lancés 
dans  la  voie  du  progrès  à  une  allure  qui  les  briserait  si  l'appui  du  gouvernement 
venait  à  leur  manquer.  On  penserait,  dit-on,  non  seulement  à  fortifier  à  point  le 
front  de  mer,  mais  à  attacher  au  port  une  sérieuse  escadre  ;  voilà  la  cause  de.  la 
terreur  générale.  Déjà  on  subit  les  privilèges  de  circulation  des  bâtiments  de  la 
défense  mobile  comme  un  mal  nécessaire  ;  que  deviendrait  le  trafic  avec  les  obli- 
gations d'un  service  d'escadre  dans  le  chenal  et  les  bassins  si  souvent  encombrés  ? 
Les  pouvoirs  militaires  exhalent,  on  le  sait,  des  effluves  mortels  pour  le  commerce 
et  l'industrie  et  désirer  un  petit  Toulon  là  oii  est  né  et  grandit  un  brillant  Mar- 
seille, serait  vouloir  faire  lentement  et  sûrement  mourir  Dunkerque  pour  l'empê- 
cher d'être  peut-être  tué.  Voilà  une  grave  erreur  de  pensée  que  l'on  reconnaîtra 
certainement  avant  de  l'exécuter  ;  ce  port,  qui  deviendra  l'un  des  soutiens  de  la 
fortune  de  la  France,  ne  saurait  être  sacrifié  ;  mieux  vaudrait  plutôt  lui  rendre  la 
franchise  qu'il  a  toujours  possédée  jusqu'en  1789,  ou  bien  lui  donner  moyennant 
une  redevance,  la  liberté  d'administration  selon  les  nécessités  de  la  concurrence 
étrangère,  tout  en  établissant  dans  le  voisinage,  un  nouveau  port  pour  la  défense 
militaire  ou  en  appropriant  l'un  de  ceux  qui  existent  déjà,  lui  apportant  plutôt 
profit  que  préjudice.  Le  Gouvernement  qui  a  tant  favorisé  Dunkerque,  ne  voudra 
pas,  nous  l'espérons,  lui  nuire  ainsi  aujourd'hui  ;  le  groupe  industriel  de  Lille,  un 
peu  solidaire  de  la  fortune  de  Dunkerque,  désire  aussi  par  patriotisme,  que 
l'anxiété  actuelle  se  change  bientôt  en  espérance,  puis  en  satisfaction. 

Il  est  plus  de  midi  lorsque  nous  quittons  la  Chambre  de  Commerce  ;  nous  nous 
hâtons  de  regagner  la  ville  par  le  bassin  du  Commerce  et  la  rue  de  l'Eglise  ;  nous 
nous  arrêtons  devant  le  nouvel  Hôtel  de  Ville  en  construction  sous  la  direction  de 
M.  L.  Cordonnier,  notre  concitoyen,  mais  dans  l'état  actuel  du  monument,  il  serait 
peut-être  téméraire  de  vouloir  apprécier  d'une  façon  juste  et  définitive  sa  valeur 
architecturale  ;  nous  espérons  qu'il  sera  digne  de  loger  les  édiles  d'une  ville 
sérieuse  qu'il  ne  faut  pas  comparer  à  M.do  ;  nous  soifimes  persuadés,  du  reste,  que 
M.  Cordonnier  traitera  avec  le  talent  qu'on  lui  connaît  son  projet  qui  a  réuni  les 
suffrages  de  la  Municipalité.  Un  peu  plus  loin,  nous  passons  devant  la  vieille 
église  St-Eloi,  de  style  gothicjue  fleuri.  De  l'autre  côté  de  la  rue  se  trouve  la  tour 
et  son  carillon,  l'un  des  plus  anciens  des  Flandres  ;  elle  fit  partie  de  l'église  jusqu'en 
1783,  époque  oii  l'on  perça  la  rue  qui  l'en  sépara.  Nous  traversons  la  place  Jean- 
Bart,  puis  nous  retrouvons  la  rue  Alexandre  III  et  l'hôtel  où  nous  avons  pris  une 
collaiion  en  arrivant  ce  matin.  Les  jeunes  estomacs  fonctionnent  toujours  bien  et 
c'est  avec  plaisir  que  nos  touristes  trouvent  une  table  bien  servie.  Ils  n'oublient 
cependant  pas,  au  dessert,  de  boire  à  la  prospérité  de  la  Société  de  Géographie 
et  à  la  santé  de  M.  Léonard  Danel  ;  ils  adressent  même,  en  sortant  de  table,  à  ce 
Mécène  de  la  science,  un  télégraumie  contenant  l'expression  de  leur  reconnaissance 
et  leurs  meilleurs  vœux. 

Comme  ce  rapport  l'indique,  on  s'est  beaucoup  instruit  ce  matin,  mais  il  faut 
aussi  s'amuser  et  c'est  dans  ce  but  ([ue  le  car  électrique  nous  emporte  vers  la 
plage  de  Malo-les-Bains.  Nous  passons  devant  la  chapelle  de  N.-D.-des-Dunes, 
vierge  retrouvée  en  i'M)  et  honorée  comme  patronne  de  Dunkerque,  en  souvenir 
de  l'église  bâtie  par  saint  Eloi,  vers  625,  Dicyn  Kerk,  autour  de  laquelle  s'est 
formée  la  ville.  Près  de  là  nous  voyons  le  monument  de  la  Victoire,  commémoratif 
de  la  levée  du  siège  de  Dunkerque  par  les  Alliés  après  la  bataille  d'Hondschoote 


—  350  - 

en  Septembre  1793.  Bientôt  nous  :ipercevons  le  Kursaal,  le  Casino  et  les  chalets 
et  en  un  instant  nous  sommes  sur  le  sable  de  la  plage,  la  jeunesse  aussilôt  s'élance, 
gambade,  court  et  rit,  plaisantant  avec  toute  la  franche  et  sincère  gaîté  dont  elle 
a  le  privilège.  Quelques-uns  de  nos  jeunes  gens  voyaient  pour  la  première  fois 
la  mer  et  tout  en  admirant  les  lointains  horizons  parsemés  de  coquilles  de  noix,  ils 
éprouvent  une  naïve  satisfaction  à  se  mouiller  les  pieds  dans  la  vague  mouvante 
de  l'Océan  tout  à  fait  de  bonne  humeur  aujourd'hui. 

Cependant  une  promenade  à  àne  dans  les  Dunes  où  saint  Martin  perdit  le  sien 
au  IV*  siècle,  selon  la  légende  fêtée  tous  les  ans  le  il  Novembre,  compléterait, 
nous  dit-on,  admirablement  la  journée  de  plaisir.  Nous  constatons  à  la  caisse  que 
fa  générosité  de  M.  Danel  permet  cette  folie  et  nous  l'autorisons  avec  satisfaction, 
tant  elle  nous  paraît  ardemment  désirée.  Ce  fut  vraiment  alors  le  comble  du 
plaisir  ;  quolibets  incessants,  apostrophes  impossibles,  réparties  vigoureuses,  situa- 
tions inénarrables,  plaisanteries  allant  jusqu'à  l'extravagance,  rien  ne  manqua  pour 
faire  de  cette  heure  de  joie  exubérante  une  clôture  briUante  des  divertissements. 

Le  voyage  ainsi  terminé,  virtuellement  du  moins,  le  tramway  nous  ramena  vers 
l'hôtel,  nous  prîmes  quelques  provisions  et  un  rafraîchissement  bien  mérité,  puis, 
arrivés  à  la  gare,  nous  témoignâmes  à  M.  A.  Mine,  notre  profonde  reconnaissance 
de  son  précieux  concours  et  le  train  nous  emporte  bientôt  à  toute  vapeur. 

A  7  h.  30,  nos  touristes  étaient  rendus  aux  soins  des  professeurs  qui  nous  les 
avaient  confiés,  mais  je  crois  bien  que  la  partie  de  plaisir  dura  encore  pour  quel- 
ques-uns, égayant  leur  sommeil,  malgré  la  puissance  de  Morphée.  Outre  le  songe, 
tous  conserveront,  je  l'espère,  le  souvenir  de  ce  qu'ils  ont  appris  et  vu  aujourd'hui 
grâce  à  l'étude  sérieuse  de  la  géographie  ;  je  souhaite  même  que  plus  tard,  les 
plus  zélés,  devenus  membres  de  notre  Société,  soient  pour  nous,  comme  bien 
d'autres,  d'actifs  et  précieux  auxiliaires. 

E.  Cantineau, 

Archiviste  de  la  Société. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN  1899. 


SOURCES    DE   L'ESCAUT.    —   CANAL   SOUTERRAIN 
DE  ST-QUENTIN.  —  RUINES  DE  VAUCELLES. 


Excursion  du  11  Juin  1899. 


Directeurs  :  MM.  Henri  Beaufort  et  Ferxaux-Dekrance. 


Nous   pensons   être   agréable   aux   membres   de  la  Société  de  Géographie  en 
joignant  à  la  narration  de  notre  journée  la  description  des  principaux  sites  et 


"7-  357  — 

monuments  que  nous  avons  rencontrés  et  le  résultat  de  quelques  recherches  biblio- 
graphiques faites  par  nous  dans  cette  intention. 

Aucun  manuel  de  voyage,  à  notre  connaissance,  ne  les  signale  et  ne  donne  sur 
eux  de  détails  suffisants  ;  ils  sont  cependant  bien  remarquables,  au  point  de  vue 
géographique  et  historique,  et  c'est  à  ce  double  titre  que  nous  avons  cru  intéressant 
de  les  rappeler  à  ceux  qui  les  connaîtraient  déjà  ou  de  servir  de  guide  à  ceux  que 
tenterait  à  l'avenir  cette  excursion  vraiment  curieuse. 


Lille,  8  h.  55,  c'est  l'heure  solennelle  du  départ.  Le  temps  est  gris,  grises  sont 
les  mines  ;  les  généraux  en  chef  Henri  Beaufort  et  Fcrnaux-Defrance,  sur  le  quai, 
passent  la  revue  de  leurs  troupes,  personne  ne  manque  à  l'appel.  Dans  les  wagons, 
la  conversation  languit,  le  même  thème  revient,  banal,  monotone  ;  il  va  pleuvoir, 
c'est  sûr,  c'est  évident. . .  puisque  ce  sont  les  fêtes  de  Lille  ;  de  mémoire  d'homme 
cela  ne  s'est  jamais  passé  autrement  ;  dans  le  fond  des  wagons,  s'estompent  de 
vagues  silhouettes  de  parapluies,  aux  porteurs  prudents.  Les  photographiomanes, 
nombreux,  comme  toujours,  sont  consternés,  ce  n'est  plus  seulement  la  plaque  qui 
sera  voilée,  mais  la  nature  entière.  Désolation  !  Enfin  le  train  s'ébranle,  quelques 
minutes  de  rapidité  vertigineuse,  puis  arrêt  subit. 

Douai.  Gomment  déjà  —  c'est  merveilleux,  c'est  beau  la  vapeur,  etc.,  etc.,  c'est 
beau  la  vapeur  ?  Attendez  un  moment.  Entre  temps,  comme  nous  sommes  hors 
des  limites  du  climat  lillois,  le  soleil  n'a  plus  aucune  raison  pour  ne  pas  se 
montrer,  et  risquer  une  éclaircie  joyeuse  entre  les  nuages.  Transformation  subite 
des  visages.  De  Douai  au  Gâteau,  du  Gâteau  à  Gaudry,  on  ne  peut  pas  dire  que 
nous  filons  comme  des  zèbres,  non,  mais  on  avance  tout  de  même,  quoique  avec 
une  sage  lenteur. 

Là  où  la  situation  se  corse,  devient  inénarrable,  c'est  de  Gaudry  au  Gatelet.  Une 
vieille  locomotive  asthmatique,  poussive,  n'en  pouvant  plus,  même  au  repos  — 
en  nous  voyant  venir,  nous  jette  do  l'œil  rond  de  sa  lanterne,  un  regard  stupéfait. 
—  Quoi,  il  faudra  traîner  tout  ça  (trente  personnes)  et  un  dimanche  encore  !  Enfin, 
quoique  à  regret,  elle  part,  puis  revient  sur  ses  pas.  puis  repart  encore  avec  des 
grincements  et  des  bruits  de  vieille  ferraille;  ah!  sûrement  nous  ne  déraillerons 
pas.  On  croit  parfois  qu'elle  va  s'arrêter,  manquant  d'eau  et  de  forces,  puis  elle 
reprend  en  geignant  sa  course.  Une  voiture  suit  une  route  parallèle  à  la  nôtre, 
pendant  quelque  temps  nous  cheminons  de  concert  avec  le  trot  paisible  des  che- 
vaux, puis  le  cocher  perd  patience,  donne  un  coup  de  fouet  et  dépasse  notre  train. 
C'en  était  trop  et  il  ne  nous  restait  plus  qu'à  descendre.  Nous  avions  d'ailleurs  à 
peine  3/4  d'heure  de  retard  pour  un  parcours  d'une  heure.  Gare  du  Gàtelet, 
11  h.  45. 

M.  Toussaint,  inspecteur  en  retraite  et  membre  correspondant  de  la  Société  de 
Géographie  à  Gouy  nous  attendait,  il  devait  être  notre  très  aimable  cicérone  à 
Gouy  et  au  Gàtelet. 


L'ABBAYE  DU  MONT  ST-MARTIN. 

Par  une  route  poudreuse  et  ensoleillée,  nous  traversons  un  joli  village,  aux  fermes 
monumentales,  construites  en  pierre  de  taille,  production  du  pays  ;  il  se  nomme 
Gouy  et  nous  reviendrons  plus  loin  sur  son  histoire. 

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Les  revêtements  d'ardoises  et  l'absence  presque  complète  de  pannes  donnent  à  1 
perspective  aérienne  une  rare  douceur  ;  l'harmonie  des  tons  n'étant  plus  rompue 
comme  chez  nous  par  les  affreux  toits  rouges  de  nos  constructions.  Au  bout  de- 
quelques  minutes  nous  atteignons  le  Mont-Saint-Martin,  au  pied  duquel  l'Escaut 
prend  sa  source.  Pas  bien  élevé,  ce  mont  ;  mais  enfin  comme  il  est  presque  le  seul 
de  la  région,  il  a  encore  bon  air.  Il  est  surtout  remarquable  en  ce  qu'il  porte  à  son 
sommet  l'ancienne  abbaye  du  Mont-St-Martin, 

Cette  abbaye,  dont  l'histoire  est  intimement  liée  à  celle  du  Càtelet,  est  fort 
ancienne,  puisqu'elle  fut  fondée  en  1106;  le  monument  que  nous  avons  sous  les 
yeux  ne  remonte  pas  à  cette  époque,  mais  bien  au  XVIII'"  siècle. 

Selon  une  tradition  du  pays,  vers  l'an  358,  saint  Martin,  qui  servait  alors  dans 
l'armée  de  Julien  l'Apostat,  détruisit  une  idole  qui  se  trouvait  sur  le  «  Mont  des 
Bœufs  »,  de  là  vint  le  nom  de  Mont-St-Martin  donné  à  l'endroit  oia  fut  plus  tard 
construite  l'abbaye.  Des  recherches,  faites  au  siècle  dernier,  y  ont  fait  découvrir 
les  restes  d'une  construction  gauloise  antérieure,  indiquant  peut-être  une  résidence 
des  Druides  ;  la  région  étant  extrêmement  boisée,  l'hypothèse  paraît  admissible. 

En  tout  cas,  on  s'accorde  à  reconnaître  Garemberg  comme  le  fondateur  de 
l'abbaye  du  Mont-St-Martin.  Après  avoir  construit  d'abord  à  Bony,  village  voisin 
que  nous  montre  M.  Toussaint,  un  petit  ermitage  sur  perches  qu'il  recouvrit 
d'écorces  d'arbres ,  il  s'adjoignit  quelques  compagnons.  L'ermitage  grandit 
promptement,  sous  la  juridiction  de  l'évèque  de  Cambrai,  lequel  en  1135,  donna  à 
Garemberg  le  titre  d'abbé.  Mais  Bony  ne  fournissant  pas  les  eaux  dont  Garemberg 
avait  besoin,  il  acheta  le  terrain  appelé  le  Mont-St-Martin,  terrain  placé  dans  les 
bois  et  bordé  par  les  eaux  du  fleuve  l'Escaut,  qui  prenant  alors  sa  source  dans  le 
cimetière  de  Beaurevoir  (!!!),  autre  village  voisin,  venait  couler  le  long  du  jardin 
des  religieux  (Ognier).  Garemberg  écrivit  à  l'abbé  de  St-Martin,  de  L;ion,  de  lui 
envoyer  quelques  religieux  Prémontrés  pour  former  le  nouveau  monastère  ;  en 
peu  de  temps,  ce  dernier  prit  une  telle  extension  qu'en  11.37  il  y  avait  déjà  plus  de 
500  pères. 

Une  tradition  locale  rapporte  qu'en  1146,  saint  Bernard  lui-même,  arrivant  de 
Cambrai,  vint  passer  la  nuit  à  Vaucelles  (voir  plus  loin),  d'oii  il  repartit  pour 
Gouy,  selon  les  renseignements  laissés  par  Geoffroy,  son  secrétaire. 

Cette  abbaye  très  riche  et  très  puissante  produisit  plusieurs  hommes  célèbres  ; 
un  des  plus  fameux  est  Godescale  en  1148;  saint  Bernard  en  parle  dans  une  de  ses 
lettres  au  Pape,  c'est  lui  qui  fut  appelé  par  le  Pape  suivant  à  examiner  la  doctrine 
de  Gilbert  de  la  Porrée  (Porretanus),  évèque  de  Poitiers,  lequel  fut  condamné  après 
la  lecture  du  travail  de  Godescale,  ce  qui  donna  à  ce  dernier  une  très  grande 
réputation  et  la  chaire  épiscopale  d'Arras. 

Les  nombreuses  guerres  qui  pendant  plusieurs  siècles  ravagèrent  le  pays  avaient 
également  dévasté  l'abbaye,  aussi  en  1760  jeta-t-on  les  fondations  de  l'abbaye 
actuelle,  qui  malgré  ses  vastes  dimensions  ne  donne  plus  qu'une  faible  idée  de  ce 
qu'elle  était  autrefois.  Les  deux  communes  de  Gouy  et  du  Càtelet  étaient  alors 
soumises  à  la  juridiction  seigneuriale  de  l'abbé  de  St-Martin  et  du  seigneur  du 
Càtelet. 

Actuellement  il  n'en  reste  plus  qu'une  construction  de  style  moderne ,  sans 
grand  caractère  ;  la  façade  en  pierre  de  taille  est  uniforme,  sans  ornements,  sa 
longueur  est  d'une  cinquantaine  de  mètres.  Elle  est  précédée  d'une  grande  cour 
fermée  par  une  grille  de  fer  bordant  le  chemin.  Non  loin  de  là  se  trouve  une  ferme 
très  ancienne,  et  un  terrain  dénommé  «  la  Grand'Cour  »,  emplacement  de  la  vieille 
abbaye  primitive  ;  à  l'Est  de  cette  pièce  se  voit  la  source  de  l'Escaut.  Deux  ailes 
de  l'abbaye  furent  vendues  en  1830,  la  démolition  dura  quatre  ans  et  les  matériaux 


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servirent  à  ériger  une  filature  à  Masnières.  Nous  rencontrons  ici,  comme  toujours, 
comme  à  la  vieille  abbaye  de  St-Bertin,  à  St-Omer,  précisément  à  la  même  époque, 
oii  Ton  démolit  les  superbes  pierres  sculptées  pour  en  faire  un  abattoir,  les 
ravages  du  temps et  des  hommes,  surtout. 

11  est  curieux  de  signaler  les  quelques  personnages  qui  séjournèrent  dans  cette 
abbaye.  C'est  d'abord  en  1377  l'empereur  Charles  IV  d'Allemagne,  accompagné 
de  son  fils,  il  y  descendit  en  allant  à  Reims  voir  son  neveu  Charles  V,  roi  de  France. 
Puis,  le  duc  de  Wellington,  généralissime  de  l'armée  anglaise  dont  le  quartier- 
général  était  à  Cambrai,  vint  après  la  bataille  de  Waterloo,  pendant  l'occupation 
de  la  France  par  les  troupes  alliées  louer  l'ancienne  abbaye  de  St-Martin.  Il  y 
passa  environ  trois  ans.  Accompagné  d'une  suite  nombreuse,  menant  un  train  de 
vie  fastueux,  il  fut  pendant  son  séjour  une  source  de  profits  pour  les  habitants  de 
Gouy  et  du  Càtelet.  Il  faisait  venir  des  chevreuils,  des  cerfs,  qu'on  lâchait  ensuite 
dans  les  bois  d'alentour  et  organisait  des  chasses  à  courre  vraiment  princières, 
dont  le  souvenir  persiste  encore  dans  le  pays. 

Enfin,  le  général  Dumouriez  séjourna  au  Mont-St-Martin  en  allant  prendre  le 
commandement  de  son  armée  ,  la  Convention  prévenue  envoya  aussitôt  deux 
délégués  s'emparer  du  général,   mais  déjà  il  avait  poursuivi  secrètement  sa  route. 

LES  SOURCES  DE  L'ESCAUT. 

L'Escaut  s'écrivait  autrefois  Escaud,  rappelant  ainsi  son  origine  latine,  Scaldis, 
en  flamand  Sclield.  Comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  il  prenait  alors  sa  source 
sur  le  territoire  de  Beaurevoir,  en  un  lieu  dit  le  Somescaut  {Summtis  Scaldis). 

Actuellement  il  prend  sa  source  sur  le  territoire  de  Gouy  (et  non  du  Càtelet, 
comme  on  le  dit  improprement),  derrière  l'ancienne  abbaye  du  Mont-St-Martin. 

Nous  descendons  donc  la  petite  côte  qui  ,  du  Mont  St-Martin  conduit  aux 
sources,  sous  un  soleil  de  plomb,  à  la  recherche  du  lit  du  fleuve.  Mais,  ô  amère 
déception,  nous  apercevons  bien  le  lit,  mais  de  fleuve  point. 

L'alerte  fut  vite  dissipée,  car  un  peu  plus  loin,  sous  de  délicieux  ombrages, 
serpentait  un  petit  cours  d'eau.  Il  sortait  d'une  masse  calcaire  recouverte  d'une 
muraille  de  deux  ou  trois  mètres.  Au  fond  de  cette  cavité  à  laquelle  on  parvient 
par  un  petit  escalier,  se  trouve  une  voiite  minuscule  d'oii  l'eau  s'échappe  eu  bouil- 
lonnant :  c'est  l'Escaut.  Alors  tout  s'expliqua,  ce  que  nous  avions  vu  d'abord, 
c'était  le  premier  lit,  l'ancien  lit,  celui  vemint  du  cimetière  de  Beaurevoir  proba- 
blement, le  lit  exposé  au  soleil,  à  tous  les  vents,  que  l'Escaut  avait  quitté  pour 
l'autre,  bien  abrité  sous  des  ombrages  séculaires  ;  qui  aurait  pu  l'en  blâmer  ? 

Sur  une  des  pierres  encadrant  la  source  se  trouve  l'inscription  suivante  dont 
l'origine  remonte  aux  moines  de  l'abbaye.  Ce  n'est  pas  de  l'Horace  !  Non.  Et  on  y 
retrouverait  plutôt  une  vague  ressemblance  avec  les  vers  (  ?  )  que  l'on  faisait  jadif* 
au  collège,  à  grands  coups  de  «  Thésaurus  »  et  dans  lesquels  le  plus  lettré  des 
Latins  aurait  fini  par  y  perdre  le  sien. 

Les  voici  : 

Félix  sorte  tua  Scaldis 
FoDs  limpidissime 
Qui  a  sacro  scaturiens  agro 
Allais  et  ditas  nobile  Beîgium 
Tôt  que  claras  urbes  lambens 
Gravius  thebidem  intras. 


—  360  - 

Ce  que  l'on  peut  littéralement  traduire  ainsi  : 

«  Bienheureux  Escaut  !  Source  cristalline,  toi  qui,  jaillissant  d"un  bois  sacré, 
arroses  et  enrichis  la  noble  Belgique  puis,  baignant  force  villes  célèbres,  majes- 
tueusement te  jettes  dans  les  flots.  » 

Plus  profonde  que  nous  ne  le  supposons  était  peut-être  la  pensée  de  l'auteur.  Et 
dans  cette  phrase,  longue  et  solennelle,  qui  se  déroule  sans  reprendre  haleine, 
dans  l'espace  de  six  vers,  pour  aller  finalement  se  perdre  chez  Thétis,  l'auteur  a 
peut-être  voulu  nous  représenter  l'image  du  cours  de  l'Escaut,  long  et  solennel 
aussi.  Et  alors,  toutes  ces  épithètes  (une  par  vers),  tous  ces  bouche-trous  classiques 
accumulés,  obstacles  au  libre  cours  de  la  phrase  représenteraient  tout  bonnement 
les  obstacles  au  cours  du  fleuve.  Qui  sait  ? 


G  0  U  Y. 

Nous  reprenons  alors  le  chemin  de  Gouy. 

Gouy  est  situé  dans  un  joli  vallon  entouré  de  petites  collines  presque  toutes 
boisées,  près  de  l'ancienne  chaussée  de  Vermand  à  Bavay  et  de  l'embranchement 
de  celle  de  Cologne  à  Cambrai. 

Chose  curieuse,  le  Càtelet  est  entouré  de  tous  côtés  par  Gou}%  dans  lequel  il  est 
enclavé,  nous  en  verrons  plus  loin  la  cause. 

Son  origine  est  fort  ancienne,  elle  conserve  des  vestiges  de  la  période  gauloise, 
de  l'occupation  romaine  et  surtout  du  Moyen-Age,  ou  du  moins  elle  les  possédait 
encore  il  y  a  quelques  années. 

Selon  Ognier  (de  Gouy),  à  mille  ou  douze  cents  mètres  de  la  butte  du  Mont- 
St-Mariin,  il  existe  une  enceinte  fortifiée  en  terre  et  en  gazon  dont  l'origine  remonte 
à  l'époque  romaine  et  qui  semble  avoir  été  un  lieu  de  refuge  ou  castrum.  «  Elle 
occupe,  dit-il,  dans  la  partie  supérieure  de  l'ancien  bois  de  Bar,  toute  la  surface 
d'une  petite  colline  qui  regarde  le  Levant  et  s'étend  jusque  dans  la  vallée  de 
l'Escaut.  Une  triple  ligne  de  retranchements  défendait  la  colline  au  sommet  de 
laquelle  se  trouvait  le  fort  ou  point  principal,  dont  les  fortifications  étaient  encore 
dessinées  avant  le  défrichement  du  bois.  Ce  dernier  retranchement,  d'une  forme 
ronde  et  d'une  largeur  d'environ  50  mètres,  était  jadis  couronné  d'un  grand  nombre 
de  bornes  ou  de  monolithes  en  grès  bruts,  d'une  hauteur  considérable,  qui  présen- 
taient dans  leur  ensemble  une  enceinte  circulaire  ;  à  la  fin  du  siècle  dernier  on  voyait 
encore  quelques-unes  de  ces  bornes  entièrement  disparues  aujourd'hui.  Aucun 
souvenir,  aucune  tradition  ne  se  rattache  à  cet  étrange  monument.  On  n'y  trouve 
aucun  vestige  de  construction,  et  il  n'est  connu  des  habitants  du  pays  que  sous  la 
dénomination  de  château  des  longues  bornes  ».  De  nombreuses  traces  de  l'occupa- 
tion romaine  ont  été  d'ailleurs  rencontrées  sur  le  territoire  de  Gouy,  surtout  sur 
un  vaste  coteau  compris  entre  le  côté  gauche  de  la  route  de  Cambrai  et  la  rive 
droite  de  l'Escaut  ;  ce  serait  l'emplacement  d'une  vieille  cité,  la  ville  de  Hénois  ou 
Hannoy,  selon  la  tradition.  Des  masses  de  débris  considérables  y  ont  été  décou- 
verts :  tuiles,  tessons  de  poteries,  puits  et  caves  encore  inexplorés,  médailles  de 
bronze  et  d'argent  à  l'effigie  des  Empereurs,  etc.,  etc. 

On  ne  connaît  pas  d'une  façon  certaine  les  premiers  seigneurs  de  Gouy  ;  le  pre- 
mier dont  il  soit  fait  mention  fut  en  880,  Paul  I,  châtelain  de  Cambrai  et  du  château 
de  Goy-en-Cambrésis. 

Une  croyance  enracinée  dans  le  pays,  bien  que  des  doutes  aient  été  émis  à  cet 
égard,  c'est  que  .Jeanne  d'Arc,  prise  par  les  Anglais  à  Compiègne,  en  mai  1430,  fut 


-^  361  — 

conduite  en  juin  au  château  de  Beaurevoir,  qui  appartenait  alors  à  la  famille  de 
Luxembourg.  On  raconte  même  que  pendant  sa  captivité ,  Théroïne  voulut 
s'échapper  en  sautant  hors  du  donjon,  mais  que  grièvement  blessée  elle  put 
s'éloigner  seulement  de  quelques  kilomètres,  jusque  près  d'une  ferme  dont  on 
nous  montre  de  loin  l'emplacement,  à  deux  kilomètres  de  Beaurevoir,  oii  elle  fut 
reprise  par  ses  ennemis.  Cette  ferme  fut  depuis  appelée  «  la  Folle  Entreprise  » 
(aujourd'hui  Follemprise),  probablement  par  allusion  à  ce  fait.  En  tout  cas,  nous 
avons  été  assez  heureux  pour  retrouver  dans  le  compte  rendu  officiel  du  procès  de 
Jeanne  d'Arc  que,  «  le  sire  de  Luxembourg  envoya  la  Pucelle  dans  son  château 
de  Beaurevoir,  en  Picardie,  oii,  bien  qu'elle  fût  gardée  sévèrement,  les  dames 
de  Luxembourg  lui  firent  un  accueil  doux  et  consolant  »,  ce  qui  confirme  la  pre- 
mière opinion. 

Un  château-fort  fut  construit  à  Gouy,  par  les  seigneurs  de  Gouy,  il  était  situé 
près  de  l'Escaut  et  c'était  une  forteresse  considérable,  défendant  l'entrée  du  Gam- 
brésis.  Dès  le  XVP  siècle  il  avait  disparu  et  on  en  ignore  même  l'emplacement. 

LE  CATELET. 

De  Gouy  nous  nous  dirigeons  vers  le  Gatelet,  enclavé  comme  nous  l'avons  dit, 
dans  Gouy  même  :  cet  enclavement  résulte  de  son  origine  que  nous  allons 
retracer. 

Au  moment  de  sa  rivalité  avec  Charles-Quint,  François  I"  voulant  défendre 
l'entrée  du  Cambrésis,  fit  bâtir  le  Catelet  (en  latin  Castelletum  de  Castellum,  camp 
retranché).  Les  fondations  du  fort  furent  faites  en  lô20,  mais  il  ne  fut  achevé  que 
beaucoup  plus  tard.  On  l'appelait  communément  Catelet-lez-Gouy  pour  le  distinguer 
du  Cateau-Cambrésis  et  du  Catelet,  près  de  Péronne.  L'origine  de  la  fondation  est 
extrêmement  curieuse  et  le  procédé,  peu  recommandable ,  indique  des  mœurs 
encore  primitives. 

Le  seigneur,  chargé  par  le  roi  de  construire  ce  fort,  dont  il  fut  d'ailleurs  le  pre- 
mier gouverneur,  s'appelait  Jean  d'Estrées.  Quand  il  eut  terminé  son  ouvrage,  il 
s'empara  de  tout  le  territoire  adjacent  à  son  fort  (territoire  sur  lequel  on  avait 
élevé  les  ateliers  et  disposé  les  matériaux)  pour  s'en  faire  tout  simplement  son 
patrimoine.  François  I"  laissa  faire  ;  les  abbés  du  Mont-St-Martin,  propriétaires  du 
terrain,  étaient  dispersés  par  suite  des  guerres  qui  ravagèrent  le  pays;  ils  ne 
purent  protester,  le  tour  était  joué.  Puis  par  un  euphémisme  habile  «  il  droitura 
sa  mouvance,  dit  Colliette,  et  présenta  au  roi  en  1524  un  dénombrement  dans 
lequel  il  avait  enferme  un  petit  territoire,  qu'il  appela  le  Gatelet.  II  y  prit  la 
même  autorité  de  justice  qu'il  avait  dans  son  fort  et  voilà  le  Gatelet  devenu  nou- 
veau terroir,  avec  un  manoir,  des  héritages,  des  censives  et  une  juridiction  sei- 
gneuriale. Voilà  un  bourg  tout  neuf,  car  il  se  plaça  assez  promptement  d'autres 
habitations  à  côté  des  premières  ». 

En  1557,  après  l'abdication  de  Charles-Quint,  Philippe  II  d'Espagne  conclut  avec 
Henri  II,  le  traité  de  Vaucelles,  localité  que  nous  visiterons  tantôt,  accordant  aux 
parties  une  trêve  de  5  ans  ;  mais  peu  après,  néanmoins,  les  hostilités  recommen- 
cèrent et  nos  troupes  furent  vaincues  près  de  St-Quentin;  les  Espagnols  ne  voulurent 
pas  laisser  derrière  eux  la  citadelle  du  Catelet  et  telle  était  alors  l'importance  de  ce 
fort  qu'ils  durent,  pour  cela,  échelonner  1.2(K)  hommes  le  long  des  marais  de 
l'Escaut,  qui  s'étendaient  jusqu'à  l'abbaye  du  Mont-St-Martin  et  distribuer  ensuite 
autour  du  fort,  trois  régiments  allemands.  La  place  mal  défendue  fut  forcée  de  se 
rendre,  mais  par  le  traité  de  Gateau-Cambrésis  (1559)  le  Catelet  revint  à  la  France. 


-  362  — 

Le  Gatelet  avait  alors  environ  200  habitants  et  il  y  existait  un   hôpital,   militaire 
probablement. 

Quelques  années  après,  en  1581,  la  guerre  recommença  dans  les  environs  du 
Gatelet  et  le  duc  d'Alençon  y  passa  en  revue  son  armée,  forte  de  4.000  cavaliers  et 
de  12.000  fantassins,  pour  les  mener  camper  à  Vaucelles,  d'oii  il  entra  à  Cambrai 
et  à  Roubaix  sans  coup  férir. 

Après  des  vicissitudes  diverses,  au  moment  de  la  Ligue,  le  Gatelet  fut  deux  fois 
attaqué  sans  succès  par  Balagny,  gouverneur  de  Gambrai  et  par  le  prince  de 
Ghimay  qui,  après  15  jours  de  blocus,  parvint  à  s'en  rendre  maître. 

Le  Gatelet  était  alors  une  place  à  quatre  bastions  avec  un  fossé  sec.  Une  misère 
épouvantable  régnait  dans  ce  pays.  La  paix  de  Vervins  (1598)  restitua  de  nouveau 
à  la  France  la  forteresse  du  Gatelet  :  tout  était  ravagé.  Les  campagnes  et  les 
chemins  livrés  à  l'abandon,  les  chapelles  et  les  églises  pillées,  les  statues  mutilées, 
les  clochers  sans  cloches,  toutes  ayant  été  brisées  ou  transportées  à  Gambrai. 

En  1636,  le  Gatelet  est  de  nouveau  pris  par  les  Espagnols,  mal  défendu  qu'il  fut 
pjir  son  gouverneur,  St-Léger.  Richelieu,  pour  éviter  le  retour  de  pareils  faits,  fit 
condamner  à  mort  et  exécuter  en  effigie  le  gouverneur  du  Gatelet.  Tantôt  les 
Français,  tantôt  les  Espagnols  étaient  maîtres  de  la  forteresse.  En  1642,  le  combat 
se  prolonge  jusque  Bantouzelle  que  nous  traverserons  en  voiture  dans  l'après-midi, 
il  y  mourut  une  foule  de  soldats,  dont  on  découvrait  encore  en  1864  fréquemment 
les  squelettes.  Puis  successivement  le  Gatelet  est  pris  par  Turenne,  repris  par  le 
prince  de  Gondé,  rendu  enfin  à  la  France  par  la  paix  des  Pyrénées. 

Les  limites  du  royaume  étant  reculées,  le  fort  du  Gatelet  devenait  inutile,  il  fut 
démantelé  sous  Louis  XIV,  en  1674,  à  la  grande  joie  des  habitants  dont  il  avait 
causé  le  malheur  pendant  plusieurs  siècles. 

Cependant,  en  1710,  le  fort  du  Gatelet  fut  réparé  lors  de  la  guerre  avec  l'Alle- 
magne.  Quoique  démantelé,  il  conservait  encore  une  garnison  de  quelques  centaines 
d'hommes,  ou  répara  les  fortifications,  et  de  nouveau  le  pays  fut  dévasté  par  des 
troupes  diverses.  En  1712,  il  y  avait  un  camp  des  équipages  au  moment  de  la 
batîulle  de  Denain,  et  le  Gatelet  possédait  des  troupes  en  nombre  assez  considé- 
rable. Il  n'y  en  eut  plus  depuis.  L'ancienne  caserne  du  Gatelet  sert  actuellement 
de  caserne  de  gendarmerie. 

Le  bourg  lui-même  ne  se  compose  guère  que  d'une  grande  rue,  large  de 
20  mètres  et  qui  est  fort  belle. 

Après  être  passés  par  une  petite  ruelle  bordée  de  superbes  roses  qu'un  de  nous 
s'empresse  d'offrir  aux  dames  qui  nous  accompagnent,  nous  nous  trouvons 
en  face  des  constructions  du  Gatelet.  Les  bâtiments  les  plus  anciens  sont  de 
1679,  comme  l'indique  la  date  inscrite  sur  la  muraille,  ils  se  composent  d'un  corps 
de  construction  carré  au  milieu  duquel  est  une  cour.  Les  fossés  assez  profonds 
étaient  habituellement  à  sec,  on  y  amenait  les  eaux  de  l'Escaut  lorsque  l'ennemi 
s'approchait.  Une  grande  muraille  toute  tapissée  de  lierre  et  de  ronces,  bordant  la 
route  du  Gatelet,  est  encore  très  bien  conservée.  Nous  parcourons  l'intérieur  du 
cBâteau,  le  haut  des  murailles,  d'où  l'on  aperçoit  les  environs  qui  sont  des  plus 
pittoresques,  mais  il  fait  si  chaud,  si  soif,  si  faim  que  nous  nous  empressons  de 
descendre  à  l'hôtel.  Au  dessert,  M.  Fcrnaux-Defrance  porte  la  santé  de  M.  Tous- 
saint, qui  avait  bien  voulu  nous  montrer  les  souvenirs  si  curieux  du  pays  qu'il 
habite,  toast  auquel  M.  Toussaint  répondit  en  nous  rappelant,  avec  une  juste 
fierté,  qu'il  avait  été  un  des  membres  fondateurs  (il  porte  le  N"  9)  de  la  Société  de 
Géographie  de  Lille  et  qu'il  était  heureux  de  voir  la  prospérité  de  l'œuvre  dont  il 
avait  suivi  dés  le  berceau  l'évolution  progressive. 


.  —  3&3  — 

Des  omnibus  venus  de  Cambrai  nous  attendaient,  ils  sont  pris  d'assaut  et  sur  le 
champ  nous  partons  visiter  le  canal  souterrain  de  St-Quentin. 

LE  CANAL  SOUTERRAIN  DE  ST-QUENTlN. 

Ce  canal  a  pour  but  la  jonction  de  la  Somme  à  l'Escaut,  jonction  qui  paraissait 
impossible  à  cause  de  la  différence  de  niveau  des  deux  fleuves.  Pierre-Joseph 
Laurent,  né  précisément  dans  la  région,  à  Auberchicourt  (1713-1773),  eut  l'idée 
vraiment  géniale  de  creuser  un  canal  souterrain,  en  perçant  le  plateau  situé  entre 
Le  Tronquoy  et  Vendhuille,  de  façon  à  ce  que  l'Escaut  pût  rejoindre  la  Somme 
située  à  15  mètres  plus  haut. 

11  s'agissait  de  faire  une  galerie  souterraine  de  13.770  mètres,  atteignant  à  cer- 
tains endroits  la  profondeur  de  70  mètres.  Ce  projet  hardi  fut  accueilli  par  le 
Conseil  d'Etal,  qui  chargea  son  inventeur  d'en  diriger  l'exécution  en  lui  donnant  le 
titre  d'inspecteur  du  canal  de  Picardie. 

Les  travaux  commencèrent  en  1769,  et  étaient  poussés  avec  activité  quand  en 
1773  Joseph  Laurent  mourut.  On  eut  des  doutes  sur  le  succès  de  l'entreprise,  le 
gouvernement  en  ordonna  la  suspension  et  renvoya  l'examen  du  projet  à  l'Académie 
•des  Sciences.  Un  arrêt  des  Consuls  en  1802  seulement  confirma  l'avis  de  l'Institut 
et  les  travaux  reprirent  sous  la  direction  de  Charles-Eusiache  Laurent  de  Lyonnes,. 
neveu  et  élève  du  précédent.  Le  canal  fut  livré  à  la  navigation  à  la  fin  de  1810» 
après  huit  ans  de  travaux  auxquels  prirent  part  des  troupes,  des  prisonniers  de 
guerre  et  des  ouvriers  du  pays. 

11  commence  au  hameau  de  Riqueval,  commune  de  Bellicourt  ;  la  hauteur  de  la 
percée  est  de  8  mètres,  la  largeur  est  également  de  8  mètres.  Le  canal  est  voûté 
sur  une  longueur  de  près  de  3  kilomètres.  Les  extrémités  en  sont  fermées  par  des 
portes  gigantesques  qui  ont  pour  but  de  diminuer  les  courants  d'air  qui  gênaient 
la  circulation  et  détérioraient  les  voûtes,  surtout  pendant  les  gelées.  Nous  montons 
à  la  lueur  des  torches  et  des  lampes  à  l'huile,  so"s  la  conduite  d'un  des  ingénieurs 
du  canal,  un  étroit  escalier  en  colimaçon,  qui  nous  permet  de  nous  rendre  compte 
<\u  mécanisme,  d'ailleurs  des  plus  primitifs,  produisant  la  fermeture  et  l'ouverture 
<lesdites  portes. 

Autrefois  les  bateliers  s'engageaient  dans  le  canal ,  en  portant  avec  eux  des 
lumières  ;  le  halage,  fait  à  bras  d'homme  (7  à  8  par  bateau),  durait  8  à  10  heures  ; 
puis  on  employa  un  loueur  et  une  chaine  continue  permettant,  avec  6  chevaux,  de 
traîner  15  k  20  bateaux.  —  Actuellement,  pensons-nous,  il  existe  de  puissants 
remorqueurs  qui  entraînent  facilement  en  quelques  heures  le  même  nombre  de 
bateaux. 

Des  difficultés  innombrables  furent  à  surmonter  dans  l'exécution  de  ce  canal, 
surtout  à  cause  de  l'abondance  des  eaux  qui,  au  point  le  plus  élevé,  se  trouvent  à 
12  ou  14  mètres  au-dessus  du  niveau  du  canal,  et  de  l'éboulement  de  la  craie  dont 
le  peu  de  consistance  était  un  obstable  perpétuel. 

En  1781,  par  conséquent  alors  que  les  travaux  étaient  en  cours,  l'Empereur 
Joseph  II  visita  le  canal  souterrain  sous  la  conduite  de  Laurent  de  Lyonne  lui- 
même.  Une  pierre  apposée  au-dessus  de  la  porte  d'une  des  descentes  témoigne 
ce  fait  : 

L'an  1781,  le  comte  d'Agay  étant  intendant  de  cette  province  ;  M.  Laurent  de 
Lyonne,  directeur  de  l'ancien  et  nouveau  canal  de  Picardie,  et  M.  de  Champrosé-Lau- 
rent,  inspecteur,  Joseph  II  Empereur,  Roi  des  Romains,  a  parcouru  en  bateau  le  canal 


-  364  - 

souterrain,  depuis  cet  endroit,  jusqu'aux  puits  N"«  20  et  28,  et  a  témoigné  sa  satis- 
faction en  ces  termes  :  «  Je  suis  tier  d'être  homme,  quand  je  vois  qu'un  de  mes 
semblables  a  osé  imaginer  et  exécuter  un  ouvrage  aussi  vaste  et  aussi  hardi.  Cette 
idée  m'élève  l'âme  ». 

Vers  la  fin  des  travaux  en  1810,  le  grand  souterrain  fut  visité  par  la  famille 
impériale  et  la  Cour.  Il  existe  encore,  vers  le  milieu,  une  très  grande  excavation 
en  forme  de  chambre  qu'on  appelle  «  la  Chambre  de  l'Empereur  ». 

Cette  entreprise,  une  des  plus  prodigieuses  de  l'époque,  fut  chantée  et  louée  par 
Voltaire,  Delille  et  La  Condamine. 

Pendant  deux  kilomètres  nous  côtoyons  à  pied  le  bord  du  canal  de  St-Quentin 
jusque  Vendhuille,  ou  nous  retrouvons  les  omnibus  qui  doivent  nous  conduire  aux 
ruines  de  Vaucelles.  Nous  passons  par  Honnecourt,  Banteux  et  Bantouzelle  (au 
sujet  duquel  nous  avons  relaté  plus  haut  quelques  faits  historiques),  et  arrivons 
enfin  à  Vaucelles. 


RUINES  DE  L'ABBAYE  DE  VAUCELLES. 

A  peine  sommes-nous  en  présence  des  restes  de  ce  qui  fut  autrefois  la  célèbre 
abbaye  de  Cisterciens  de  Vaucelles  que  notre  attention  est  immédiatement  attirée 
par  une  particularité  des  plus  remarquables  des  murs  d'enceinte  de  l'abbaye.  C'est 
ce  que  Ton  appelle  une  échauguette  (en  allemand  schauer,  qui  regarde)  ou  guérite 
en  pierre,  destinée  à  recevoir  une  sentinelle  ou  un  guetteur  dans  les  chàteaux-forts 
d'autrefois.  C'est  un  des  rares  spécimens  de  l'architecture  militaire  du  Moyen-Age 
dans  le  Nord  de  la  France  (Dehaisnes).  Ces  échauguettes  étaient  espacées  sur  tout 
le  pourtour  du  mur  d'enceinte  de  la  forteresse,  elles  étaient  établies  aux  angles  et 
aux  portes,  et  on  y  accédait  par  des  échelles  mobiles.  A  Vaucelles  il  y  en  existait 
neuf,  une  seule  est  restée,  celle  que  nous  apercevons  devant  nous  ,  et  qui  présente 
trois  meurtrières  verticales  de  près  d'un  mètre  de  hauteur. 

De  l'abbaye  elle-même  il  ne  reste  plus  malheureusement  que  diverses  parties  du 
chauffoir  et  du  chapitre. 

Le  chauffoir  était  habituellement  une  salle  de  vastes  dimensions  où  les  religieux 
allaient,  dit  Viollet-le-Duc,  «  après  le  chant  des  Laudes,  tout  transis  par  l'office  de 
la  nuit,  se  réchauffer  et  graisser  leurs  sandales  pour  se  rendre  aux  travaux  du 
matin  ».  Une  portion  de  ce  chauffoir  de  style  roman,  date  de  1175  ou  H76  ;  elle 
présente  des  piliers  en  pierre  ,  très  larges  mais  n'ayant  que  très  peu  de  hauteur 
et  couronnés  d'un  chapiteau  cubique. 

La  salle  du  chapitre,  est  encore  aujourd'hui,  dans  sa  presque  totalité  ce  qu'elle 
était  lors  de  sa  fondation  en  117U.  Elle  affecte  la  forme  d'un  carré  parfait  de 
dix-huit  mètres  de  côté  et  divisé  en  trois  nefs  par  des  piliers-colonnes.  Les  voûtes 
sont  ogivales  avec  des  chapiteaux  aux  proportions  colossales.  Ce  qui  nous  a  le 
plus  frappé,  ce  sont  les  vastes  baies  qui,  vers  le  Nord  sont  larges,  élevées,  et 
ayant  subi  des  modifications  au  siècle  dernier,  tandis  que  vers  le  Sud  elles  datent 
encore  de  1 179  et  sont  pleines  de  motifs  élégants  et  décoratifs. 

Bien  que  tout  le  monument  ait  servi  de  dépendance  à  une  usine,  au  commen- 
cement du  siècle  et  qu'actuellement  encore  il  soit  rempli  de  foin,  de  paille  et 
d'animaux  de  basse-cour  qui  eu  masquent  le  caractère  primitif,  il  nous  reste  l'im- 
pression que  cette  abbaye  était  des  plus  remarquables. 

De  l'église  de  l'abbaye,  qui  fut  commencée  en  1190  et  dont  le  chœur  était  dû 
probablement  au  célèbre  architecte  Villard  d'Honnecourt  (village  voisin),  rien  n'est 


—  365  — 

resté,  sauf  les  fondations,  que  Ton  retrouve  encore  sous  les  hautes  herbes  ;  elle 
était  longue  de  130  mètres  et  large  de  60  mètres  au  transept.  Le  quartier  de  l'abbé 
est  beaucoup  plus  moderne,  il  fut  édifié  de  1759  à  1780,  dans  le  style  des  grands 
hôtels  de  l'époque.  L'escalier  d'honneur  présente  une  rampe  en  fer  forgé  qui  est 
un  véritable  chef-d'œuvre.  A  l'extrémité  de  ce  quartier  s'élève  un  vaste  édifice, 
appelé  à  tort  «  le  Cloître  »  ;  il  est  construit  en  pierres  du  pays  et  soutenu  par 
30  contreforts  massifs  ;  tout  cela  d'une  facture  lourde,  sans  aucune  ornementation. 
L'abbaye  de  VauceUes  est  située  sur  le  département  du  Nord,  et  celle  du  Mont- 
St-Martin  dans  l'Aisne. 

Mais  il  faut  partir,  le  temps  inexorable  fuit  toujours  et  force  nous  est  de  regagner 
plus  vite  qu'on  ne  le  désirerait  nos  omnibus  poudreux  pour  arriver  à  Masnières  en 
passant  par  Grévecœur.  5  h.  40,  départ  de  Masnières  pour  Cambrai  ;  pendant  le 
trajet,  le  barde  de  la  Société,  toujours  inspiré,  nous  transporte  dans  les  régions 
de  l'éther. 

Cambrai.  —  Un  repas  plantureux  nous  attendait  à  l'Hôtel  de  France  ;  au  dessert, 
M.  Fiévet  porta  la  santé  des  vaillants  directeurs  de  l'excursion,  MM.  Heiin 
Beaufort  et  Fernaux-Defrance  qui  avaient  réussi  à  combiner  et  à  mener  à  bonne  fin 
tant  de  distractions  diverses  en  un  laps  de  temps  aussi  court.  A  8  h.  13  nous 
quittions  Cambrai  emportant  chacun,  pour  les  amis  et  connaissances,  un  paquet  de 
«bêtises»,  dont  le  fonds  inépuisable  (au  dire  des  auteurs),  faillit  être  ce  jour-là 
cependant  épuisé pour  Cambrai,  tout  au  moins. 

D'  Auguste  DUMONT,  de  Tourcoing. 


ÉPHÉMÉRIDES  DE  L'ANNEE  1898 


DECEMBRE. 


2.  —  Autriche.  —  Cinquantenaire  de  l'avènement  de  François-Joseph. 

4.  —  France.  —  Anniversaire  des  combats  de  1870  à  Ghampigny. 

5.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  E.  Richet  :  Au 
Klondyke. 

8.  —  Lille.—  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Vallot  :  Construction 
de  V Observatoire  du  Mont-Blanc. 

iO.  —  Espagne.  —  Signature  à  Paris  du  traité  de  paix.  Les  États-Unis  obligent 
l'Espagne  à  renoncer  en  plus  aux  Philippines,  moyennant  100  millions  de  francs. 

ii.  —  Oubangli-Nil.  —  Après  la  décision  prise  par  le  gouvernement  français 
d'évacuer  Fachoda  sur  l'invitation  de  l'Angleterre,  la  mission  Marchand  quitte  la 
ville  se  dirigeant  sur  l'Abyssinie. 

15.  —  Lille.  —  Conférence  à  la  Société  de  Géographie.  M.  Sagary,  doyen. 
En  Palestine  avec  l'empereur  Guillaume. 


—  366  — 

i5.  —  Indo-Chine.  —  La  Chambre  (lô  Décembre)  et  le  Sénat  (24  Décembre), 
votent  un  emprunt  de  200  millions  de  francs  pour  la  création  d'un  réseau  de  che- 
mins de  fer. 

i7,  —  Luxe.  —  Société  do  Géographie.  Communication  de  M.  le  D''  Vermersch  : 
Le  Zuyderzée,  projets  de  dessèchement. 

TuRKESTAN.  —  La  locomotive  arrive  à  Kousk  (frontière  afghane). 

SO.  —  Soudan.  —  Évacuation  de  Fachoda  par  la  mission  Marchand. 

21.  —  Crète.  —  Arrivée  à  la  Canée  du  prince  Georges  de  Grèce,  qui  prend 
possession  du  gouvernement  de  l'île. 

22.  —  France.  —  Vote  du  traité  franco-italien  à  la  Chambre. 

26.  —  Crète.  —  Les  amiraux  des  quatre  puissances  quittent  la  Crète. 

3i.  —  Algérie.  —  Ouverture  à  Alger  des  premières  délégations  financières, 
créées  par  décret  du  23  Août. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.   —   Géographie    commerciale.    —    Faits    économiques 

et  statistiques. 


FRANCE. 

lie  commerce  cxtérleiip  de  la  France.  —  Un  Rapport  de 
M.  Alfred  Picard.  —  M.  Alfred  Picard,  Féminent  commissaire  général  de  l'Ex- 
position de  1900,  qui  est  en  même  temps  président  de  la  Commission  permanente 
des  valeurs  de  douane,  vient  d'adresser  au  Ministre  du  Commerce  et  de  l'Industrie 
son  rapport  annuel  sur  le  commerce  de  la  France  : 

«  M.  Picard  constate  qu'en  1898,  le  commerce  extérieur  spécial  de  la  France 
(importation  et  exportation  réunies)  a  porté  sur  une  valeur  totale  de  7,983  millions. 
Il  était,  en  1894,  de  6,929  millions  ;  en  1895,  de  7,094  millions  ;  en  1896,  de 
7,199  millions  ;  en  1897,  de  7,5.")4  millions. 

Le  mouvement  de  nos  échanges,  qui  a  suivi  une  progression  constante  au  cours 
•  de  ces  dernières  années,  s'est  donc  particulièrement  accentué  pendant  l'année  1898. 

Nous  nous  rapprochons  du  chiffre  de  8  milliards  que  nous  avions  atteint  en 
1889,  oia  nous  nous  étions  maintenus  pendant  trois  ans,  mais  que  nous  n'avions 
plus  retrouvé  depuis  1891. 

Il  y  a  eu,  en  1898,  par  rapport  aux  résultats  de  1897,  un  accroissement  de 
517  millions  sur  les  entrées,  mais  au  contraire  un  déficit  Se  87  millions  sur  les 
sorties.  » 


—  367  — 

Les  pays  dont  les  envois  en  France  ont  augmenté  de  1897  à  1898,  sont  les  États- 
Unis,  l'Espagne,  les  Indes  anglaises,  la  Russie,  la  République  Argentine,  la  Bel- 
gique, FAllemagne,  l'Angleterre,  rindo-Chine,  le  Chili,  le  Sénégal,  l'Italie,  l'Aus- 
tralie, la  Suisse,  le  Brésil  et  l'Autriche.  Il  y  a  eu,  au  contraire,  réduction  pour  le 
Japon,  la  Chine,  la  Turquie,  la  Suède. 

Notre  exportation  a  progressé  vers  la  Belgique,  l'Allemagne,  la  Russie,  la  Suisse, 
rindo-Chine,  l'Algérie,  Madagascar,  la  Tunisie.  Par  contre,  elle  est  en  recul  en  ce 
qui  concerne  l'Angleterre,  les  États-Unis,  l'Espagne,  l'Italie,  le  Brésil,  les  Pays-Bas 
et  la  République  Argentine. 

M.  Alfred  Picard  estime  que  l'année  1898,  dans  son  ensemble,  n'a  pas  été  mau- 
vaise pour  notre  commerce  et  notre  industrie. 

«  Sans  doute,  ajoute-t-il,  la  balance  du  commerce  ne  nous  a  pas  été  favorable, 
puisque  nous  achetons  toujours  plus  à  l'étranger  que  nous  ne  lui  vendons.  Mais  il 
ne  faudrait  pas  ajouter  à  ce  fait  une  trop  grande  importance.  D'une  part,  en  effet, 
il  est  certain  que  notre  consommation  intérieure  se  développe  sans  cesse,  sinon  en 
raison  de  l'accroissement  trop  lent  de  notre  population,  du  moins  à  cause  de  l'aug- 
mentation de  ses  besoins  toujours  grandissants. 

D'autre  part,  un  mouvement  remarquable  se  dessine,  qui  porte  les  industriels 
français  à  créer  à  l'étranger  des  établissements  et  des  manufactures  au  lieu  d'y 
envoyer  leurs  produits  qu'arrêteraient  trop  souvent  aux  frontières  les  tarifs  doua- 
niers. En  cela,  ils  ne  font  que  suivre  l'exemple  qui  leur  a  été  donné  depuis  long- 
temps par  les  Allemands,  par  les  Belges  et  surtout  par  les  Anglais.  Il  y  aura  là 
sans  doute,  dans  l'avenir,  une  source  nouvelle  pour  la  richesse  matérielle  de  notre 
pays  et  le  rayonnement  de  son  influence  morale  dans  le  monde. 

Nous  avons  aussi  le  droit  de  fonder  des  espérances  solides  sur  notre  domaine 
colonial,  si  vaillamment  acquis.  Le  mouvement  de  nos  échanges  avec  nos  colonies, 
particulièrement  avec  l'Algérie,  l'Indo-Chine,  le  Sénégal,  devient  de  jour  en  jour 
plus  actif,  et  l'année  dernière  a  vu  un  accroissement  marqué  de  nos  exportations 
vers  Madagascar. 

Bientôt  ce  sera  le  Congo  qui,  à  son  tour,  nous  ouvrira  des  débouchés  précieux, 
en  même  temps  qu'il  nous  livrera  les  richesses  de  son  sol  encore  vierge.  Ces 
immenses  territoires,  dont  l'année  qui  vient  de  s'écoulera  marqué  la  concession, 
vont  être  mis  en  exploitation  ;  des  capitaux  considérables,  dont  beaucoup  appar- 
tiennent au  monde  de  l'industrie  et  du  commerce,  y  ont  été  consacrés  ;  des  entre- 
prises hardies  s'y  organisent  déjà.  » 

Enfin,  dit  en  terminant  l'éminent  rapporteur,  l'heure  ne  doit  pas  être  au  décou- 
ragement, à  la  veille  de  cette  grande  manifestation  économique  à  laquelle  la  France 
a  convié  le  monde  entier  et  qui  sera  l'Exposition  de  1900. 

»  Au  milieu  des  produits'de  tous  les  paj's,  les  nôtres  se  recommanderont  toujours 
par  la  finesse,  le  bon  goût,  l'intelligence  qui  a  présidé  à  leur  fabrication  ;  nous 
n'avons  rien  perdu  de  nos  qualités  nationales  et  nous  montrerons  aux  étrangers 
quelle  est  encore  la  vitalité  de  nos  forces  industrielles.  Nous  avons  eu  des  années 
difficiles,  il  faut  que  le  siècle  qui  va  commencer  inaugure  pour  nous  une  ère  nou- 
velle de  prospérité  ;  notre  labeur  incessant,  notre  persévérance  nous  l'ont  bien 
mérité  ;  nous  avons  la  ferme  confiance  que  ces  efforts  ne  seront  point  sans  récom- 
pense, que  ces  espoirs  légitimes  ne  seront  pas  déçus.  » 

Comme  on  le  voit,  le  rapport  de  M.  Alfred  Picard  n'est  pas  décourageant,  et  les 
faits  répondent  déjà  aux  espérances  de  son  auteur,  puisque   nos   exportations. 


—  368  — 

depuis  le  1^'  janvier  1899,  ont  pris  une  avance  considérable  sur  la  période  corres- 
pondante de  l'année  dernière. 

L'Exposition  qui  se  prépare,   et  dont  M.  Alfred  Picard  a  assuré  l'organisation, 
peut  être  le  début  d'une  nouvelle  période  de  prospérité  économique  pour  notre  pays. 


Les  laines  ar^eutlnes  et  le  port  de  Dunk.erqtie.  —  Le  trafic 
des  laines  de  la  République  Argentine  par  le  port  de  Dunkerque  est  non  seulement 
toujours  en  progrès,  mais  il  a  acquis  depuis  quelque  temps  une  importance 
extraordinaire,  comme  le  démontrent  les  chiffres  suivants  : 

Les  importations  par  Dunkerque  des  laines  de  toutes  provenances  ont  été,  en 
1897,  de  134,871,817  kilog.  et  en  1898,  de  134,918,986  kilog.  ;  l'augmentation  de 
47,169  kil.  peut  paraître  insignifiante,  mais  examinons  le  détail  des  importations 
en  1898  selon  les  provenances  : 

République  Argentine 85.771 .085  kil. 

Uruguay 5.102.510  » 

Algérie 2.362.fô8  » 

Tunisie 7 .  734  » 

Maroc 1.320.196  » 

Russie  (Baltique) 16.457  » 

Chili 100.000  » 

Indes  anglaises 87.650  » 

Belgique 89.187  » 

Australie..'. 30.256.387  » 

Espagne 2.337.861  » 

Allemagne 184  » 

Angleterre 7.512.261  » 

Egypte 4.200  » 

Total 134.918.986  kiL 

Nous  remarquons  l'importance  des  arrivages  d'Australie  et  surtout  de  ceux  de  la 
République  Argentine,  que  nous  pouvons  comparer  aux  importations  de  1897, 
comme  suit  : 

Importations  de  laines  argentines  en  1897 79.468.183  kil. 

—  —  —  1898 &5. 771. 085    » 

Augmentation 6.302.902  kil. 

11  ressort  de  ce  tableau  que  ce  sont  les  6,302,902  kil.  de  laines  argentines  en 
excédent  cette  année,  qui  ont  soutenu  l'importation  globale  des  laines  en  1898,  en 
légère  avance  sur  celle  de  1897. 

A  la  même  époque,  nous  remarquons  que  l'importation  par  Anvers  est  constam- 
ment en  décroissance  sensible  ;  elle  était  de  100,318  balles  en  1896-97,  et  elle  tombe 
à  97,697  balles  en  1897-98. 

11  faut  signaler  en  terminant,  l'activité  tout  à  fait  prodigieuse  des  récents  arri- 
vages de  laines  argentines  ;  en  moins  de  six  mois,  du  1"  Octobre  1898  au  15  Mars 
1899,  il  est  entré  à  Dunkerque  153,954  balles,  contre  90,277  balles  pendant  la 


—  369  — 

période  correspondante  1897-98  ;  c'est  une  angmentation  de  63,677  balles,  soit  70''/o 
ou  environ  30  millions  de  kilos. 

Le  nombre  de  balles  importées  en  1897  est  de  197,748,  et  en  1898  de  216,802. 


lies*  portK  fraiioais  en  1898.  —  La  statistique  des  douanes  donne  les 
renseignements  suivants  sur  le  mouvement  des  principaux  ports  en  1898.  Le  port 
de  Marseille,  toujours  au  premier  rang,  a  été  fréquenté  par  7,807  navires,  jaugeant 
8,073,586  tonnes.  Le  second  rang  reste  au  Havre,  avec  3,879  navires  et  3,8r>6,484  t. 
Viennent  ensuite  les  ports  de  Bordeaux  (1,790,038  t.),  Dunkerque  (1,772,220  t.), 
Boulogne  (l,6.T3,a"'>3  t.),  Calais  (1,229,795t.),  Rouen  (l,047,25;3t.).  Cette  (1,008,992 1.). 
Les  autres  ports  se  classent  dans  Tordre  suivant  :  Cherbourg,  St-Nazaire,  La 
Rochelle,  Dieppe,  St-Malo,  Rayonne,  Nantes,  Caen,  Honfleur  et  Nice,  ce  dernier 
jaugeant  plus  de  132,000  t. 

Le  port  de  Marseille  a  beaucoup  progressé  en  1898,  mais  la  plus-value  porte 
uniquement  sur  le  pavillon  étranger,  tandis  que  notre  pavillon  est  en  décroissance. 
Pour  tous  nos  grands  ports,  le  même  fait  se  constate. 


Le  nioavenieut  de  l'éniigratioii  vers  lesi»  eolouie»»  fran- 
ealsefit.  —  D'après  les  renseignements  fournis  par  l'Office  colonial,  le  crédit  de 
70,000  francs  destiné  à  assurer,  sous  certaines  conditions,  le  transport  des  émi- 
grants  à  destination  de  nos  colonies,  était  épuisé  le  30  septembre  dernier. 

Le  nombre  des  émigrants,  relevé  du  1*''' janvier  à  cette  date,  était  de  163  hommes, 
76  femmes  et  92  enfants,  formant  175  familles.  De  ces  familles,  65  se  sont  rendues 
en  Indo-Chine,  76  en  Nouvelle-Calédonie,  24  à  Madagascar  et  10  dans  nos  autres 
colonies.  Leurs  ressources  formaient  un  capital  total  de  627,250  francs. 


EUROPE. 


lie  commerce  cIcm  machlues  électriques  eu  iSulNKe.  —  L'in- 
dustrie électrique  a  pris  en  Suisse  un  développement  considérable  et  on  est  réelle- 
ment surpris  des  chitfres  fournis,  à  cet  égard,  par  la  statistique  du  bureau  fédéral 
des  Douanes.  En  etfet,  non  seulement  ce  petit  pays  produit,  en  très  grande  partie, 
toutes  les  machines  électriques  dont  il  a  besoin,  mais  il  en  exporte  énormément 
dans  tous  les  pays  du  monde. 

Pour  les  machines  dynamo-électriques  seulement,  la  valeur  de  ces  exportations 
s'est  élevée  en  1897  à  8,275,000  fr.,  en  augmentation  de  2,800,000  fr.  en  1896.  On 
estime  que  ce  chiffre  a  dû  atteindre  près  de  9,000,000  en  1898,  les  relevés  officiels 
n'étant  pas  encore  publiés.  Enfin,  pour  les  trois  premiers  mois  de  l'année  courante, 
on  arrive  déjà  au  total  de  2,3.50,000  fr. 

Par  ordre  d'importance,  les  principaux  pays  qui  ont  acheté  à  la  Suisse  des 
machines  dynamo-électriques  en  1897,  se  classent  de  la  manière  suivante  :  France, 
Allemagne,  Espagne,  Italie,  Russie,  pour  des  valeurs  supérieures  à  1  million  de 
francs  ;  puis  Autriche,  Angleterre,  Afrique  orientale,  Egypte,  Afrique  occidentale, 
Belgique,  pour  des  valeurs  comprises  entre  100,000  fr.  à  1,000,0(X). 


—  370  — 

l^x.paii!«ioii  des  relations  commerciales  entre  le  Dane- 
mark, et  la  I^^rance.  —  Nous  empninions  à  une  circulaire  de  la  Société 
pour  favoriser  l'exporta tion  des  produits  danois  (Dansk  exparttbrening),  l'extrait 
suivant  : 

«  Le  désir  d'augmenter  les  relations  commerciales  entre  le  Danemark  et  la 
France  est  commun  aux  deux  nations  ;  c'est  en  commun  qu'elles  font  des  efforts 
pour  résoudre  ce  problème.  Ces  derniers  temps  surtout  ont  vu  redoubler  l'activité 
à  cet  égard. 

«  Il  y  a  quelque  temps  notre  Société  a  envoyé  un  délégué  en  France  dans  le  but 
de  sonder  les  chances  de  placement  des  articles  danois  et  d*y  établir  des  relations. 
EUle  en  est  arrivée  à  reconnaître  que  le  service  actuel  des  vapeurs  entre  Copen- 
hague et  les  ports  français  ne  suffit  pas,  mais  qu'une  ligne  régulière  de  bateaux 
entre  Esbjerg  et  tel  port  français  présumé  préférable,  par  exemple,  Dunkerque, 
serait  à  désirer  ;  on  réduirait  ainsi  l'éloignement  desdiîs  pays  à  environ  quatre 
cents  milles  marins,  soit  à  trente-six  heures  de  traversée.  Pour  justifier  encoi'e 
davantage  l'établissement  de  cette  nouvelle  ligne,  on  doit  chercher  sérieusement  à 
explorer  le  marché  suisse  en  tâchant  de  le  gagner  pour  le  bétail  et  les  viandes  de 
Danemark.  La  nouvelle  ligne  servirait  ainsi  au  trafic  suisse  par  un  port  français. 

«  Pour  bien  entretenir  les  relations  entre  les  deux  pays  en  question,  il  faudra 
que  l'un  et  l'autre  s'envoient  régulièrement  des  commis-voyageurs. 

«  Quant  à  l'accroissement  de  l'importation  en  Danemark  des  produits  français, 
il  serait  question  surtout  d'une  foule  d'articles  de  modes,  de  bijouterie  et  d'articles 
de  Paris  et  de  luxe,  ainsi  que  de  divers  lainages  et  cotons  que  le  Danemark  n'est 
pas  bien  à  même  de  manufacturer,  et  qui  lui  viennent  presque  exclusivement 
d'Allemag-ne  ;  mais,  pour  réussir,  le  fabricant  français  doit  sonder  à  fond  les  besoins 
et  le  goût  du  pays,  se  mettant  au  courant  de  ce  que  désire  le  public  danois  et  fai- 
sant preuve  de  la  souplesse  requise  eu  face  de  ces  désirs. 

«  Le  fabricant  français  doit  s'aboucher  directement  avec  le  marchand  en  gros 
danois,  comme  le  font  les  fabricants  d'Allemagne,  sans  employer  de  commission- 
naires. Il  en  arrivera  ainsi  à  palper  plus  directement  notre  consommation  et  à 
mieux  connaître  notre  place.  Il  ne  devra  pas  négliger  les  petites  commandes.  Les 
Allemands  les  acceptent  volontiers  et,  la  relation  une  fois  établie,  ils  cherchent  à 
l'entretenir,  s'informant  des  motifs  de  toute  intermittence  des  commandes. 

«  Dans  notre  pays,  le  prix  joue  un  rôle  important  :  ce  sont,  pour  ainsi  dire,  les 
mêmes  articles  que  consomment  toutes  les  classes  de  la  société.  Par  exemple, 
l'ouvrier  danois  ne  se  montre  pas  en  blouse  comme  l'ouvrier  français,  mais  son 
vêtement  ressemble  à  celui  des  classes  aisées.  Il  en  résulte  que  nous  sommes  de 
gros  consommateurs,  mais  il  nous  faut  le  bon  marché,  et  les  Allemands  s'entendent 
à  nous  livrer  les  articles  requis;  c'est  ce  que  les  manufacturiers  français  auront  à 
apprendre  s'ils  veulent  avoir  pied  sur  nos  marchés.  Nous  savons  bien  que  les 
Français  ont  la  haute  main  en  matière  de  goût  et  de  modèles  fins,  et  nous  en 
reconnaissons  la  valeur,  mais  l'article  ne  doit  pas  enchérir.  » 


iM  culture  flu  lin  en  Irlande.  —  Les  plantations  sont  tombées  de 
45,537  acres  en  1897,  à  34,489  acres  en  1898,  soit  une  diminution  de  11,048  acres 
ou  2.")  "  0-  Cette  diminution  est  d'autant  plus  regrettable  que  le  rendement,  la  qualité 
et  les  prix  se  sont  améliorés  et  ont  apporté  un  changement  favorable  aux  causes 
premières  de  la  diminution  de  la  culture  du  lin  en  Irlande,  pour  les  districts  d'East 
Donegal,  de  North  Tyrone  et  de  Ballymena. 


ai. 000 

toQnes. 

•2. 29!». 000 

92.0(K) 

» 

2.91G.0(K( 

88.(KJ0 

» 

2.G9().000 

i»0.000 

» 

2.906.000 

90.700 

» 

2.694.000 

-  371  — 

Les  importations  de  lin  dans  le  Royaume-Uni  ont  été  comme  suit,  pendant  les 
onze  premiers  mois  des  cinq  dernières  années  : 

Années.  Quantité.  Valeur. 

1894 

18^ 

1896 

1897 

1898 

{Recueil  consulaire  belge). 


Russie.  —  Nouvelle  rcg;lcinentatlon  des  |>oi«ls  et  mesures. 

—  Une  nouvelle  réglementation  des  poids  et  mesures  russes  vient  d'être  publiée. 
La  livre  russe  est  fixée  comme  unité  de  poids  et  déclarée  égale  à  409,512  grammes; 
le  seau  ou  védro  contient  30  livres  d'eau  distillée  à  16.2/3  (Celsius),  et  le  yarnietz 
8  livres  d'eau.  L'unité  de  longueur  est  Varchine  qui  égale  71.12  centimètres. 

L'usage  du  système  métrique  est  facultatif.  Il  peut  être  employé  de  pair  avec  le 
système  russe  par  le  commerce  pour  les  contrats,  les  comptes,  etc.,  et  après  accord, 
par  l'État  et  les  autorités  municipales.  Toutefois,  les  particuliers  ne  sont  pas 
obligés  de  se  servir  du  système  métrique  dans  leurs  relations  avec  les  autorités 
précitées. 


Ije  couiineree  et  la  uavigntiou  «lu  port  de  llauiliourg  en 

f  8»8.  —  Nous  empruntons  à  un  rapport  très  documenté  du  Consul  de  France  à 
Hambourg  les  passages  suivants  : 

«  Le  rapport  préliminaire  sur  le  commerce  de  Hambourg  en  1898  faisait  déjà 
connaitre  que  l'année  avait  été  prospère.  La  navigation,  et  avec  elle  le  mouvement 
des  échanges  avaient  augmenté  ;  de  son  côté,  l'activité  industrielle  n'avait  jamais 
été  plus  grande,  Hambourg  étant  devenu  non  seulement  une  des  premières  places 
de  commerce  du  monde,  mais  tendant  aussi,  grâce  surtout  à  ses  chantiers  de 
construction  et  à  ses  entreprises  de  produits  chimiques,  à  se  transformer  en  un 
important  centre  d'industrie.  On  conçoit  donc  la  satisfaction  ressentie  par  le 
commerce  local  en  voyant  ses  efforts  couronnés  d'un  aussi  éclatant  succès. 

Les  chifï'res  que  vient  de  publier  le  Bureau  de  statistique  de  Hambourg,  relati- 
vement au  commerce  de  l'année  dernière,  fournissent  tout  d'abord  les  constatations 
générales  suivantes  : 

Il  est  arrivé  ici  en  1898,  par  mer  (les  chiffres  relatifs  à  1897  sont  placés  entre 
parenthèses),  12,.523  navires  (11,17.'^),  jaugeant  7,3.54,118  tonnes  (6,708,070). 

Il  est  parti  d'ici  par  la  même  voie,  12,.532  navires  (11,293),  jaugeant  7,393,333  t. 
(6,fôl,987). 

Le  poids  des  marchandises  importées  par  mer  se  monte  à  88,951,783  quintaux 
métriques  (80,666,618)  ;  leur  valeur  à  2,014,870,140  marks  (1,790,8.33,360). 

Le  pioids  des  marchandises  exportées  par  mer  est  de  39,625,53^3  quintaux 
métriques  (36,837,637)  ;  leur  valeur  de  1,493,361,-390  marks  (1,435,213,.520). 

Quant  au  mouvement  par  l'Elbe  supérieur,  il  se  résume  comme  suit  : 

Il  est  arrivé  à  Hambourg,  par  l'Elbe  supérieur,  19,775  bateaux  fluviaux  (voiliers, 


-  372  - 

vapeurs,  chalands)  (16,599)  apportant  22,583,196  (22,480,551)  quintaux  métriques  de 
marchandises,  d'une  valeur  de  419,793,350  marks  (411,151,490). 

Il  est  parti  de  Hambourg  pour  l'Elbe  supérieur  19,752  bateaux  fluviaux  (16,676) 
emportant  36,519,581  (34,824.845)  quintaux  métriques  de  marchandises,  d'une 
valeur  de  684,706,900  marks  (572,799,270). 

Enfin,  par  voie  ferrée,  mouvement  des  trois  gares  dites  de  Lûbeck,  de  Berlin  et 
de  Venlov,  cette  dernière  comprenant  les  directions  du  Sud  et  du  Sud-Ouest  de 
l'Allemagne,  les  arrivages  et  les  départs  se  décomposent  ainsi  : 

Arrivages:  21,523,484  quintaux  métriques  (19,436,067),  valant  &59,731,800  marks 
(824,597,030). 

Départs  :  564,346  quintaux  métriques  (10,791,569),  valant  677,313,^50  marks 
(685,432,780). 

Entrées  et  sorties  réunies,  nous  nous  trouvons  donc  en  présence  d'un  chiffre 
total  de  219,77'j,267  quintaux  métriques  et  de  6,296,906,600  marks,  soit  bien  près 
de  8  milliards  de  francs. 

En  présence  de  ce  formidable  chiffre  de  transactions,  ou  ne  sera  pas  surpris 
d'apprendre  que  la  richesse  se  développe  rapidement  ici  et  que  le  nombre  des 
pei-sonnes  déclarant  à  Hambourg  uu  revenu  annuel  supérieur  à  50,000  marks  s'ac- 
croît sans  cesse. 

Pendant  les  années  écoulées  de  1892  à  1895,  où  il  y  avait  eu  un  certain  ralentis- 
sement des  affaires,  le  nombre  des  gros  contribuables  avait  sensiblement  diminué. 
En  1897,  ceux-ci  atteignent  le  chiffre  le  plus  élevé  (les  données  pour  1898  n'ont  pas 
encore  été  publiées).  De  1885  à  1897  le  rendement  de  l'impôt  payé  par  cette  classe 
de  contribuables  passe  de  1,9  millions  à  5,6  millions  et  représente  en  1897  plus  des. 
4/10  de  la  totalité  de  l'impôt  sur  le  revenu. 

I^e  coBiiiiicrce  de  lu  Itouiiiauie  avec  l'étraug;er  eu  1898. 
—  La  direction  générale  des  douanes  a  fait  mettre  sous  presse  le  volume  contenant 
le  commerce  de  la  Roumanie  avec  l'étranger  en  1898.  11  a  paru  seulement  deux 
feuilles  de  cet  ouvrage,  que  M.  Staicovici,  chef  du  bureau  de  la  statistique  au 
Ministère  des  Finances  s'est  empressé  de  communiquer  à  la  presse.  Ce  travail  est 
bien  fait  et  paraît,  cette  année,  de  meilleure  heure  que  les  années  précédentes,  fait 
qui  prouve  que,  cette  année,  on  a  développé  une  plus  grande  activité  au  travail. 

D'après  les  données  communiquées  par  le  chef  de  bureau  de  la  statistique,  les 
importations  se  sont  élevées  en  1898  à  389,908,439  fr.,  et  les  exportations  à 
283,181, .")67fr.,  d'oU  il  résulte  une  différence  de  106,726,872  fr.  en  faveur  des  impor- 
tations. Cette  différence  ne  provient  pas  de  la  stagnation  des  affaires  commerciales 
mais  des  fournitures  de  l'Etat  pour  les  différents  travaux  publics  qui  ont  été  cou- 
vertes par  des  émissions  de  rente,  c'est-à-dire  par  des  crédits  extraordinaires. 

Par  rapport  à  l'année  1897,  l'importation  a  augmenté  en  1898  de  34,12.5,54.5  fr. 
et  l'exportation  de  60,767,28.5  francs. 

Comparativement  aux  autres  années  depuis  1888 ,  le  commerce  général  du  pays 
est  toujours  allé  en  croissant.  Ainsi,  tandis  qu'en  1888  ce  commerce  se  chiffrait  à 
l'importation  et  à  l'exportation  par  .567,166,962  fr.,  il  s'élève  en  1898  à  673,0iW,00()  fr., 
et  il  y  a  eu  des  années  ou  il  a  dépassé  700  millions,  comme  en  1891,  1892,  1893 
et  1894,  années  pendant  lesquelles  les  importations  ont  atteint  le  plus  haut  chiffre, 
de  même  que  les  exportations  ont  atteint  370  millions  en  1893  et  32.5  millions 
en  1895,  sommes  les  plus  élevées  qui  aient  été  atteintes  dans  cette  décade. 


-  373  - 

En  ce  qui  concerne  le  commerce  de  la  Roumanie  avec  la  Belgique ,  il  s'établit 
comme  suit  : 

Importations.  Exportations. 

1898 14.076.938  fr.  93.329.7(50  fr. 

1897 14.466.897  »  75.938.300  » 

C'est  la  Belgique  qui  a  importé  le  plus  de  tous  les  pays  pendant  l'année  dernière. 


ASIE. 


IjC  canal  de  Sucai  en  1898.  —  L'année  dernière,  le  transit  du  canal  de 
Suez  a  été  de  3,r)U3  navires,  jaugeant  9,238,603  tonnes  et  ayant  donné  une  recette 
de  navigation  de  82,657,420  fr.  En  1870,  les  chiffres  correspondants  étaient  : 
486  navires,  463,609  tonnes  et  4,345,758  fr.  de  recette. 

Le  nombre  des  passagers,  de  26,758  en  1870,  a  été  de  219,5.54  en  1898.  Sur  les 
3,503  navires  ayant  transité  l'année  dernière,  2,295  battaient  pavillon  anglais,  356 
pavillon  allemand,  221  pavillon  français,  193  pavillon  néerlandais,  85  pavillon 
austro-hongrois,  74  pavillon  italien,  84  pavillon  ottoman,  49  pavillon  espagnol, 
48  pavillon  russe,  47  pavillon  norvégien,  4(j  pavillon  japonais,  8  pavillon  danois, 
4  pavillon  chinois,  3  pavillon  portugais,  1  pavillon  argentin  et  roumain,  etc. 

Ces  navires  se  divisent  en  3,328  steamers,  70  transports  militaires,  89  cuirassés, 
croiseurs,  canonnières  ou  torpilleurs,  7  yachts  à  vapeur  et  9  remorqueurs  ou 
dragues. 

L'ensemble  des  recettes  de  la  Compagnie  s'est  élevé  en  1898,  à  87,906,255  fr., 
chiffre  qui  n'avait  pas  encore  été  atteint  depuis  l'ouverture  du  canal. 

Les  actions  du  canal,  cotées  à  la  Bourse  en  1871,  valaient  3,748  francs  l'année 
dernière. 

Les  parts  de  fondateurs,  au  nombre  de  100  à  l'origine,  ont  été  divisées  en  dixièmes, 
puis  en  centièmes,  ce  qui  porte  leur  nombre  actuel  à  100,000.  Aujourd'hui,  la  cent 
millième  part  vaut  1,.390  francs. 


Inde<«.  —  L'n  pont  de  1,197  mètres  de  lon^s^ueur.  —A  Bahran- 
Ghat  dans  l'Inde,  on  vient  de  terminer  un  pont  destiné  à  supporter  le  chemin  de 
fer  à  voie  de  1  mètre  qui  doit  traverser  la  rivière  Gogio. 

La  longueur  totale  de  ce  pont  est  de  1,127  mètres  ;  il  se  divise  en  sept  travées  de 
61  mètres  de  portée  chacune  et  son  poids  total  est  de  2.50,000  kilogrammes. 

A  l'endroit  oii  le  pont  devait  traverser  la  rivière,  le  lit  de  celle-ci  est  mal  défini  ; 
il  se  déplace,  en  effet,  quelquefois  de  près  de  200  mètres  dans  le  cours  d'une 
année  ;  une  couche  de  sable  de  30  mètres  de  profondeur  rendait  les  fondations 
difficiles.  Aussi  les  ingénieurs,  au  lieu  de  tenir  compte  du  lit  de  la  rivière  pour 
l'emplacement  du  pont,  ont-ils  construit  celui-ci  sur  la  terre  ferme  et  forcé  ensuite 
la  rivière  à  passer  dessous  au  moyen  d'endiguement. 


Japon.  —  li'induNtrie  de»  allumettes  elilmlque».  —  On  ignore 
généralement   que  le  Japon  est  un  fabricant  d'allumettes.  C'est  lui  qui  approvi- 

25 


-374  - 

sionne  de  cet  article  de  première  nécessité,  la  Chine,  les  Indes  anglaises,  la  Corée 
et  même  l'Australie. 

11  existe  au  Japon  200  fabriques  d'allumettes,  fabriques  dont  la  production 
annuelle  totale  dépasse  22  millions  de  grosses,  destinées  à  l'exportation,  et  qui 
occupent  environ  60,000  ouvriers  et  ouvrières. 


■jC  coiiiniercc  «le  la  torée.  —  Le  chargé  d'afiaires  de  France  à  Séoul 
nous  communique  un  extrait  de  la  relation  d'un  voyage  à  Kounsan  et  à  Mokhpo 
par  j\I.  A.  A.  Pieters  (Traduit  du  Korean  Repository). 

Partis  de  Tchémoulo,  le  18  février  18'J'J,  à  (5  heures  30  du  soir,  nous  atteignîmes 
le  premier  port  Kounsan,  le  lendemain  matin  19,  à  9  heures. 

Depuis  le  déplacement  de  la  magistrature  de  Kounsan,  il  y  a  quelques  années, 
la  ville  a  très  rapidement  décliné  ;  le  nombre  des  maisons  n'est  actuellement  que 
de  la  moitié  de  ce  qu  il  était  auparavant.  Quand  le  port  sera  ouvert,  ce  qui  doit 
avoir  eu  lieu  le  1*''  mai,  il  n'est  pas  douteux  que  la  place  ne  se  ranime.  Kounsan 
est  situé  à  l'embouchure  du  Tjyang-Po.  Le  port  est  grand  et  profond  ;  le  seul 
inconvénient  consiste  dans  le  peu  de  profondeur  à  l'entrée  qui  ne  peut  être  franchie 
jiar  les  grands  vapeurs  qu'à  marée  haute. 

Tout  le  long  de  la  rivière  existent  un  grand  nombre  de  villes  et  de  villages  ;  à 
90  li  (52  kilomètres)  en  amont,  se  trouve  Kang-KJ'eng,  et  à  20  li  (II  kilomètres  1/2) 
plus  à  l'Est,  Nol-Mi,  deux  grands  centres  avec  des  marchés  périodiques  tous  les 
cinq  jours,  comptant  parmi  les  plus  importants  de  la  région. 

A  300  li  (173  kilomètres)  en  amont  de  la  rivière  est  Kong-tjyon,  capitale  du 
Tchyoun-lhyeng  to  Sud,  oii  se  tiennent  deux  foires  semestrielles.  La  rivière  est 
navigable  jusqu'à  cette  dernière  ville.  A  100  li  (.38  kilomètres)  Est  de  Kounsan  on 
rencontre  Tjyen-tjyon,  capitale  du  Tjyen  la  to  Nord.  Les  barques  peuvent  remonter 
jusqu'à  30  li  (17  kilomètres)  de  cette  localité. 

Au  Nord  de  Kounsan,  et  le  long  de  la  rivière,  les  collines  sont  couvertes  de 
forêts  épaisses,  et  récemment  un  gisement  de  charbon  y  a  été  découvert.  Eu  face 
du  port,  s'étend  une  île  visitée  au  printemps  et  en  été  par  des  centaines  de  bateaux 
de  pêche.  A  l'entour,  le  pays  est  fertile  et  bien  peuplé  ;  les  routes  sont  bonnes  ;  la 
température  est  beaucoup  plus  douce  qu'à  Séoul,  l'établissement  d'un  port  pros- 
père rencontre  donc  des  conditions  favorables. 

Nous  quittâmes  Kounsan  le  20  au  matin,  à  G  heures  ut  arrivâmes  à  Mokhpo  le 
soir  du  même  jour.  L'entrée  du  port  de  Mokhpo  n'est  large  que  d'environ  36.3  mètres 
et  la  marée  s'y  précipite  au  Hot  et  au  jusant  avec  un  courant  de  9  nœuds,  de  sorte 
que  souvent  les  petits  vapeurs  sont  mis  dans  l'impossibilité  de  gouverner.  A  l'en- 
trée intérieure  s'ouvre  une  grande  baie  avec  trois  passes  :  l'une  au  Nord  vers  le 
district  de  Mou-an,  l'autre  au  Sud  en  face  des  riches  vallées  de  Hai-nam,  et  la  troi- 
sième à  l'Est,  celle  de  Mokhpo. 

Le  port  est  très  grand,  exceptionnellement  profond,  d'une  moyenne  de  18  mètres, 
qui  se  maintient  encore  à  {(')  mètres  1/2  à  91  mètres  de  terre.  Bien  que  je  sois  allé  à 
Mokhpo  deux  fois  avant  son  ouverture  (l'"  octobre  1897),  je  pouvais  à  reine  recon- 
naître le  port  tant  la  transformation  a  été  surprenante.  11  y  a  deux  ans,  Mokhpo 
consistait  en  quelques  huttes  coréennes  accrochées  à  un  grand  roc  stérile  s'élevant 
brusquement  de  l'eau,  entouré  de  larges  rizières  et  de  plaines  marécageuses.  Main- 
tenant toutes  les  huttes  ont  disparu,  les  marécages  sont  remplacés  par  des  rues 
bien  tracées  et  bordées  de  boutiques  japonaises  nouvellement  construites.  Près  du 
rocher,  la  rive  se  redresse  ;  il  y  a  là  assez  de  place  pour  y  construire  les  magasins 


—  375  — 

de  la  douane  et  y  effectuer  les  opérations  de  chargement  et  de  déchargement  des 
bateaux. 

Mokhpo  est  placé  à  Tenibouchure  du  Kok.  qui,  célèbre  en  Gorôe  par  la  singu- 
larité de  ses  contours,  est  appelée  la  rivière  des  99  cours.  A  300  li  (173  kilomètres) 
en  amont  se  trouvent  cinq  grandes  villes  :  Na-tjyou,  Koang-tjyou,  Neung-tjyou, 
Nam-hpyeng  et  Hoa-syoun,  toutes  séparées  par  une  distance  d'environ  Ifi  kilo- 
mètres. 

De  ces  villes,  Na-tjyou  est  l'ancienne  capitale  et  Koang-tjyou  la  capitale  actuelle 
du  Tjyeu  la  to  Sud.  C'est  la  partie  la  plus  fertile  et  la  plus  peuplée  de  la  Corée. 
A  quelques  milles  les  uns  des  autres,  on  rencontre  des  grands  villages  et  des 
viUes  ;  les  rizières  s'étendent  au  loin  et  donnent  deux  récoltes  par  an.  Les  collines 
où  se  cultivent  l'orge  ou  le  blé  et  le  riz  sont  rares  et  peu  élevées,  les  routes 
bonnes.  Riz,  orge,  fèves,  bambou  et  tous  les  divers  articles  travaillés  avec  ce  bois, 
coton  du  pays,  ramie,  bois  laqué,  tables  à  manger,  pupitres,  papier,  éventails,  sont 
envoyés  de  là  dans  toute  la  péninsule.  Depuis  l'ouverture  du  port,  l'exporta- 
tion et  l'augmentation  augmentent  journellement  et  suivant  l'expression  imagée  de 
M.  Armour,  commissaire  par  intérim  des  douanes  :  «  Une  fois  le  chemin  de  fer 
entre  Séoul  et  Mokhpo  construit,  Mokhpo  sera  bientôt  le  Shanghaï  de  la  Corée.  » 
Le  port  se  développe  en  effet  très  rapidement 

Les  Japonais  ont  à  Mokhpo  un  consulat,  une  succursale  de  la  première  Banque, 
des  agences  de  diverses  Compagnies  d'assurances,  un  bureau  de  poste,  un  moulin 
à  décortiquer  le  riz,  un  cercle  avec  758  membres  ;  il  y  existe  également  un  bureau 
de  poste  et  de  télégraphe  coréen.  Les  vapeurs  de  la  Shosen  Kaisha  touchent  régu- 
lièrement, ainsi  que  ceux  de  la  Nippon  Yusen  Kaisha.  La  colonie  américaine  et 
européenne  ne  se  compose  encore  que  du  commissaire  des  douanes,  d'un  mission- 
naire français  et  de  trois  personnes  attachées  aux  missions  protestantes.  On  y 
compte  d'autre  part  plus  d'un  millier  de  Japonais. 


AFRIQUE 


liC  nioiiveiuent  coinniereini  du  llaroc.  —  Nous  extrayons  ceci 
d'un  rapport  du  Consul  de  France. 

Tanger.  —  Les  importations  et  exportations  réunies  se  sont  élevées  pour  le  port 
de  Tanger,  en  1897,  à  14,416,868  fr.,  soit  4,771,888  fr.  en  plus  de  l'année  précé- 
dente. Ce  résultat  est  dû,  en  partie,  à  ce  qu'une  grande  partie  des  marchandises 
qui  étaient  envoyées  précédemment  à  Larache,  en  transit  et  destinées  à  l'intérieur, 
ont  été  cette  année  expédiées  à  Tanger,  vu  le  mauvais  état  de  la  barre  de  Larache 
qui  parfois  est  inaccessible  pendant  des  semaines  entières. 

En  outre,  l'importation  française  a  augmenté,  en  1897,  de  près  de  800,000  fr.  par 
suite  des  envois  importants  de  sucre  et  farines  qui,  avec  les  soieries,  forment  les 
principaux  articles  de  notre  importation  au  Maroc. 

Pour  ce  qui  regarde  les  divers  autres  articles  d'importation,  leur  importance  est 
à  peu  près  la  même  que  l'année  précédente,  en  général  c'est  la  Grande-Bretagne 
qui  atteint  le  chiffre  le  plus  important  en  raison  de  l'importation  de  certains 
articles,  tels  que  les  cotonnades,  bougies,  thé,  etc.,  et  pour  lesquels  elle  détient 
pour  ainsi  dire  les  marchés  des  villes  du  Maroc. 

Enfin,  en  raison  des  facilités  accordées  par  les  maisons  allemandes  et  des  prix 
excessivement  bas  de  leurs  marchandises,  l'importation   allemande  augmente  de 


—  376  - 

jour  en  jour  ;  elle  s'est  élevée  ainsi  à  980,000  fr.  en  1897,  contre  486,000  en  1896. 

Quant  à  l'augmentation  de  l'importation  espagnole  (112,000  fr.  de  plus  que 
l'année  précédente),  elle  est  due  non  seulement  aux  prix  assez  bas  des  articles  de 
fabrication  espagnole,  mais  parce  que  ces  articles  sont  vendus  en  pesetas  et  non 
en  francs,  d"où  la  différence  du  change  de  30  à  40  %  en  faveur  des  acheteurs. 

En  ce  qoi  concerne  l'exportation  de  Tanger,  elle  dépasse  celle  de  l'année  der- 
nière de  près  de  2  millions  par  suite  de  l'envoi  en  très  fortes  quantités  de  peaux, 
cire,  babouches,  bœufs,  etc. 

Pour  tous  les  pays  où  l'on  exporte  les  produits  marocains,  et  notamment  pour 
l'Allemagne  et  l'Italie,  les  exportations  ont  augmenté  très  sensiblement  ;  il  n'en 
est  pas  de  même  pour  la  France  qui  vient  en  quatrième  lieu  et  dont  le  chiffre  est 
à  peu  près  égal  à  celui  de  1896. 

La  navigation  générale  du  port  de  Tanger  se  rapproche  de  celle  de  l'année  pré- 
cédente ;  on  y  constate  toutefois  une  diminution  de  33  navires  au  détriment  de 
notre  navigation  nationale,  une  Compagnie  de  transports  d'Oran  à  Tanger  ayant 
suspendu  l'envoi  de  ses  navires  sur  nos  eaux  pendant  l'année  dont  il  s'agit. 

TranKvaal.  —  I^a  productlou  dn  diamant.  —  Une  publication 
technique  américaine,  dans  une  intéressante  étude  sur  la  production  des  diamants 
au  Transvaal,  établit  qu'en  1898,  cette  production,  dans  le  seul  district  de  Pretoria, 
a  été  de  11,025  carats,  représentant  une  valeur  de  215,75.")  francs.  Le  plus  gros 
diamant  trouvé  l'année  dernière  était  de  38  carats  et  demi. 

L'étendue  des  terrains  diamantifères,  au  Transvaal,  est  considérable,  mais  leur 
épaisseur  est  médiocre. 

La  quantité  totale  du  diamant  trouvée  au  Transvaal,  en  1898,  a  été  de  22,843 
carats,  représentant  une  valeur  de  1,064,060  fr. 

La  valeur  moyenne  du  diamant  de  Kimberley  est  de  31  fr.  65  le  carat,  elle  atteint 
41  fr.  35  pour  celui  de  Jagersfontein,  dans  l'Etat  libre  d'Orange,  et  n'est  que  de 
19  fr.  45  dans  le  district  de  Pretoria  où,  d'ailleurs,  la  découverte  dss  pierres  pré- 
cieuses ne  date  que  du  mois  d'août  1897. 

AMÉRIQUE. 

RenscIgncuicnfN  commerciaux..  —  Chili.  —  La  Chambre  de 
commerce  française  de  Santiago  du  Chili  écrit  : 

«  Beaucoup  de  publications  françaises,  genre  annuaire  ou  almanach,  portent  la 
valeur  de  la  piastre  chilienne  à  5  fr.  C'est  une  grave  erreur  susceptible  de  causer 
des  déboires  ou  des  surprises  désagréables  aux  personnes  qui  le  croiraient  ainsi. 

«  La  piastre  chilienne  or  équivaut  exactement  à  I  fr.  85  et  c'est  ce  taux  qui  sert 
de  base  pour  les  transactions  commerciales. 

«  Quant  à  la  piastre  papier  remise  récemment  en  circulation  et  qui  constitue  la 
monnaie  actuellement  en  cours  dans  le  pays,  elle  est  sujette  à  de  nombreuses  fluc- 
tuations dues  à  des  causes  diverses.  » 

Pour  les  Faits  et  Nouvelles  géographiques  : 

LB   SECRÉTAIKE-GÉNÉRAL  , 
LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAI,  ADJOINT  ,  A.    MERCHIfilR. 

QUARRÉ- REYBOURBON. 


-  377  - 


TABLE     DES     MATIERES 

DU    DEUXIÈME    SEMESTRE     DE    1899. 


PAOES. 

Décès  de  M.  le  Président  Paul  Grepy 309 

En  Extrême-Orient 228 

Grandes  Conférences. 

Maurice  Maquet.  —  Ascensions  dans  le  Valais 185 

R.  Paillot.  —  La  Roumanie 198 

Marcel  Monnier.  —  Le  tour  d'Asie 332 

Camille  Guy.  —  Le  Transvaal  et  les  Bocrs 339 

IiCcture<«  aux.  Assemblées  jséuérales 
et  Communications. 

L.  T.  —  La  situation  militaire  des  puissances  européennes  en  Extrême-Orient 

en  1898 5,68,125 

D''  A.  Vermersch.  —  Le  Zuyderzée.  Projets  de  dessèchement 34 

Abbé  Faure.    —    Description  topographique,   historique  et  économique  de 

rOisans 44 

E.  Gallois.  —  Les  villes  anglaises  de  l'Himalaya 162 

E.  GuiLLOT.  —  Quelques  observations  sur  la  politique  de  l'Angleterre  à  l'égard 

de  la  France 251 

G.  HouBRON.  —  Les  Grisons 283 

Maurice  Newnham.  —  Gonakry 291 

Comptes  rendus  d'K^KCursIons. 

E.  Gantineau.  —  L'Institut  Industriel  du  Nord  de  la  France 99 

—            —  Excursion  des  lauréats  du  Prix  Léonard  Danel 351 

Paul  Malard.  —  Liancourt,  Chantilly,  Sèvres,  Versailles 109 

G.  HouBRON.—  Au  delà  d'Armentières. —  Le  pèlerinage  de  «  Capelle-Rompue  ».  112 

Gh.  D.  —  Le  Boulonnais 173 

Fernaux-Defrance.  —  Excursion  aux  pierres  d'Acq,  etc 175 

D'  Auguste  DuMONT.  —  Sources  do  l'Escaut 356 

Procès-verhaux. 

Assemblée  générale  du  25  Juillet  1899 (il 

—               du  26  Octobre  1899 245 


—  378  - 
Congrès. 

PAOES. 

L.  Quarré-Reybourbon.  —  Le  Congrès  archéologique  de  Mâcon 200 

Ernest  Nicolle.  —  Le  Congrès  international  de  Géographie  de  Berlin 311 

V.  D.  —  Association  française  pour  rAvancement  des  Sciences 3'i7 

Biblio$crapUie. 

G.  H.  —  A  travers  les  Indes 227 

ÉpliéniéritIcN  de  Tannée  1898. 

Juin 54 

Juillet 55 

Août 1 15 

Septembre 177 

Octobre 229 

Novembre 2U5 

Décembre 305 

Ciéo^srapliie  liiNtorique  et  etliiiojKrapliiqiie. 

Auguste  Descamps.  —  Villages  arabes  en  France 153 

Fait»  et  .\ouvelles  jséog;rapliiqueM. 

I.    —   GÉOORAPHIE  SCIENTIFIQUE.   —   EXPLORATIONS   ET   DÉCOUVERTES. 

France. 

Notre  empire  africain 116 

Une  chaire  de  chinois 230 

Europe. 

La  question  des  îles  Garolines.  —  La  convention  germano-espagnole 117 

Asie. 

Chine.  —  La  baie  de  Kouang-Tchéou U8 

Perse.  —  L'importance  politique  du  golfe  Persique 118 

Afrique. 

En  Afrique 119 

Expansion  coloniale  allemande  en  Afrique 1 19 

La  vraie  sonrce  du  Nil 177 

Côte  d'Ivoire.  —  Projet  de  chemin  de  for 296 

Etat  du  Congo.  —  Télégraphe 290 

Egypte.  —  Chemin  de  fer  du  Cap  au  Caire 297 

Libye.  —  Lacs  salés  aux  eaux  rouges  dans  le  détroit  de  Libye 298 

Océanie. 

Annexion  des  îles  Tonga  par  l'Angleterre 120 


-  379  - 

II.    —   GÉOGRAPHIE  COMMERCIALE.   —   FaITS  ÉCONOMIQUES   ET  STATISTIQUES. 

France. 

PAGBS. 

Situation  commerciale  et  industrielle  de  la  circonscription  marseillaise  en  1897.  178 

La  production  minérale  de  la  France 230 

Le  trafic  des  chemins  de  fer 232 

Le  commerce  extérieur  de  la  France 366 

Les  laines  argentines  et  le  port  de  Dunkerque 3(»8 

Les  ports  français  en  1898 369 

Le  mouvement  de  l'émigration  vers  les  colonies  françaises 369 

Europe. 

Suisse.  —  L'exportation  comparée  des  articles  manufacturés  depuis  188.') 53 

Les  méthodes  commerciales  allemandes 54 

Le  commerce  allemand  en  Turquie 56 

Belgique.  —  Bruxelles  port  de  mer.  —  Le  canal  de  Gharleroi  à  Bruxelles.. . .  120 

Russie.  —  Tarifs  par  zone 121 

Le  commerce  et  la  navigation  de  la  Belgique  en  1898  180 

La  jonction  dn  Transsibérien  et  du  réseau  suédois 233 

Le  canal  du  Rhin  au  Weser  et  à  l'Elbe 233 

L'industrie  textile  en  Bavière 23.5 

Décadence  de  la  filature  du  chanvre  en  Autriche 235 

Le  commerce  français  de  tissus  en  Roumanie 236 

Les  tissus  importés  en  Portugal 2.37 

Angleterre.  —  La  valeur  de  la  marine  de  guerre  anglaise 298 

Angleterre.  —  L'émigration  anglaise 299 

Russie.  —  Les  marchés  de  la  Sibérie 299 

Le  commerce  des  machines  électriques  en  Suisse 369 

Expansion  des  relations  commerciales  entre  le  Danemark  et  la  France 370 

La  culture  du  lin  en  Irlande 370 

Russie.  —  Nouvelle  réglementation  des  poids  et  mesures 371 

Le  commerce  et  la  navigation  du  port  de  Hambourg  en  1898 371 

Le  commerce  de  la  Roumanie  avec  l'étranger  en  1898 372 

Asie. 

Inde.  —  Houille 122 

Chine.  —  Les  chemins  de  fer  concédés 122 

Tonkin.  —  Colonisation  française 181 

Chine.  —  Débouchés  ofierts  par  la  province  du  Szé-Tchouan 2;^7 

L'évolution  industrielle  au  Japon ;   238 

Le  com.!norce  de  la  Perse  pendant  les  dernières  années 239 

Chine.  —  Commerce  en  1898 300 

Indo-Chine.  —  Ruines  de  Battambang 301 

Chine.  —  Chemins  de  fer 302 

Tonkin.  —  Natalité  et  mortalité  à  Hanoï 302 

La  propagande  commerciale  au  Japon 302 

Birmanie.  —  Commerce  en  1897-98 303 

Le  canal  de  Suez  en  1898 373 

Indes.  —  Un  pont  de  1,127  mètres  de  longueur 373 

Japon.  —  L'industrie  des  allumettes  chimiques .373 

Le  commerce  de  la  Corée 374 


-  380  - 

Afrique. 

PAOBS. 

Algérie.  —  \'ins 57 

Notre  commerce  avec  le  Maroc 58 

Soudan.  —  Un  pont  américain  pour  le  Soudan  égyptien 123 

Congo  français.  —  Concessions 123 

Madagascar.  —  Colonisation  militaire 240 

Le  commerce  du  Soudan  français 240 

Tunisie.  —  Chemins  de  fer 303 

Guinée  française.  —  Chemin  de  fer 304 

Tripolitaine.  —  Commerce  avec  le  Soudan 305 

Le  mouvement  commercial  du  Maroc 375 

Transvaal.  —  La  production  du  diamant 376 

Amérique. 

Etats-Unis.  —  Conséquences  commerciales  de  la  guerre  avec  l'Espagne 59 

Guadeloupe.  —  Commerce  en  1897 59 

Le  commerce  français  à  Cuba    60 

Canada.  —  Commerce  réel  avec  la  France 123 

La  concurrence  américaine  dans  la  République  Argentine 182 

Communications  télégraphiques  entre  l'Europe  et  l'Amérique 183 

États-Unis.  —  Le  mouvement  des  passagers  entre  New- York  et  l'Europe 241 

Le  commerce  d'Amérique 241 

Canal  de  Chicago  à  la  mer : 241 

L'industrie  cotonnière  au  Brésil 242 

États-Unis.  —  Commerce  en  1898 305 

États-Unis.  —  Chicago  port  de  mer 306 

Canada.  —  Train  rapide 306 

Guyane  hollandaise.  —  Population 306 

Magellan.  —  Une  ville  nouvelle  au  bout  du  monde 307 

Renseignements  commerciaux.  —  Chili .376 

Oce'anie. 

Nouvelle-Zélande.  —  Disparition  des  Maoris 124 

Célèbes.  —  Mines  d'or 124 

Tahiti.  —  Mormons  et  commerce 183 

Iles  Carolines.  —  La  valeur  réelle  des  Carolines 243 

Le  commerce  des  îles  Fidji 244 

Nouvelles-Hébrides.  —  Situation 307 


GÉNÉRALITÉS. 

Colonies  françaises.  —  Colons 184 

Le  tour  du  monde  en  3^3  jours 184 

Sinistres  maritimes  en  1898 308 


Lille  Imp.LDmL 


F  r 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE  LILLE, 

Roubaix,  Tourcoing  et  Valenciennes 


CATALOGUE 


DE 


LA    BIBLIOTHÈQUE 


Juin    1899 


LILLE 

IMPRIMERIE     L.     DAN  EL 
1899 


CATALOGUE 


DE 


LA    BIBLIOTHEQUE 


GÉOGRAPHIE    GÉNÉRALE. 

Géographie  cI'Elisèe  Reclus.  Paris,  Hachette,  187tj  à  1894, 
19  volumes. 

Nouvelle  Géographie  moderne  des  cinq  parties  du  monde,  par  M.  de 
Varigny.  Payais,  librairie  illustrée,  5  vol.  in-4°.  Sans  date. 

Géograpliie  complète  et  universelle  ou  description  de  toutes  les  parties 
du  monde,  par  V.-A.  Malte-Brun  fils.  16  vol.  gr.  in-8^,  suivis 
d'un  volume  de  gravures  sur  acier.  Paris,  Penaud  frères.  Sans 
date. 

La  Terre,  moins  l'Europe,  géographie  et  statistique,  par  E.  Levasseur. 
Paris,  Delagrave,  1872,  in-12. 

Le  Monde  Terrestre  au  point  actuel  de  la  civilisation,  précis  de  géo- 
graphie descriptive,  politique  et  commerciale,  par  Charles  Vogel. 
Paris,  Reinwald,  1878,  5  vol.  gr.  in-8''. 

L'Afrique,  l'Asie  et  l'Océanie,  par  E.  Levasseur.  In-12,  à  Vusage  de 
l'enseigne'ïnent  secondaire,  Delagrave,  1891. 

Ortelius.  Théâtre  du  monde.  Publié  par  Baptiste  Yrients.  Anvers. 
1602.  Avec  cartes  à  chaque  page  dans  le  texte. 

Notitia  orbis  antiqui  sive  geographia  plcnior,  par  Christophe  Cella 
Rius.  hi-4\  1703. 


Nouveau  dictionnaire  géographique  ou  description  de  toutes  les  parties 
du  monde,  par  Yosgien.  In-S",  Ledentu,  1807. 

Dictionnaire  géographique  portatif.  Paris^  1707. 

Nouveau  dictionnaire  universel  de  la  géographie  moderne,  par  F.  D. 
Aynès.  Paris ^  Saint-Michel,  1810,  in-8'^. 

Dictionnaire  usuel  et  scientifique  de  géographie,   par  G.   Domeni  de 
RiENZi.  Gr.  in-8°,  Langlois  et  Leclercq. 

Dictionnaire  d'histoire  et  de  géographie  de  Bouillet.  Hachette,  1893. 

1"  et  2*"®  fascicule  du  Lexique  géographique  de  Barbier  etLEVASSEUR. 
Berger-Levrault ,  1804. 

Lexique  géographique,  de  Levasseur,  Barbier  et  Anthoine.  Paris  et 
Nancy,  Berger-Levrault,  1897. 

La  Géographie  ancienne,  moderne  et  historique,   par  d'Audiffret. 
3  vol.  in-4°,  Paris,  1091  et  1094. 

Précis  de  géographie  à  l'usage  des  candidats  à  Saint-Cyr,  par  Marcel 
Dubois  et  Camille  Guy.  Masson,  1895,  in-8°. 


GEOGRAPHIE   PHYSIQUE   GENERALE. 

Introduction  à  l'étude  de  la  Géographie  physique,  par  J.  Thoulet. 
Société  d'édition  scientifique,  1893,  in-8°. 

Continents  et  Océans.  Introduction  à  l'étude  de  la  géographie,   par 
J.  Grove.  Germer-Bail  1er e,  in-12. 

La  Nature.  Revue  hebdomadaire  des  sciences.  Paris,  Masson.  Complet 
depuis  d  883 


Contributions  à  l'étude  de  la  Géograpliie  physique. 

Physique  du  (/lobe,  océanographie,  géologie,  météorologie,  histoire  naturelle,  etc.) 

Introduction  à  l'étude  de  la  Géographie  physique,  par  J.   Thoulet. 
'   Paris,  Soc.  d'Editions  scientif.,  1893. 

Le  Monde  avant  la  création  de  l'homme,  histoire  populaire  des  trans- 
formations du  globe,  par  le  D""  Zimmermann.  Paris,  1857. 

Continents  et  Océans,  par  G.  Grove.  Paris,  Germer-Baillère. 


La  Terre,  par  Ei.isèe  Reclus.   Tome  T",  les  Continents.   Tome  II  ; 
l'Océan,  rAtniosphère,  la  Vie.  2  vol.,  Hachette,  Î8G0. 

La  Terre  avant  le  déluge,  par  Figuier.  Hachette,  1864. 

Les  Océans  et  les  Mers,  cours  de  M.  Gosselet.  Lille,  Daael,  1800. 

La  Mer,  par  A.  Dubarry.  Paris,  Joui:et,  1880. 

L'Océan  des  Anciens  et  les  peuples  préhistoriques,  par  A.  C.  Moreau 
DE  JoxsiÈs,  Paris,  1873. 

Les  abîmes  de  la  mer,  par  C.  Wyville-Thompson.  Hachette,  1875. 

Les  explorations  sous-marines,  par  E.  Perrier.  Hac/iefte. 

La  Mer  et  la  Marine,  par  ^Maxime  Petit.  Hachette. 

Les  routes  lumineuses  de  la  mer,  par  M.  Duverdier.  Patns,  1801. 

Guide  d'océanographie  pratique,  par  J.  Thouuet.  Masson,  1805. 

L'étude  expérimentale  des  courants  de  l'Atlantique,  par  J.  de  Guerxe. 
Douai,  Duthilleul. 

Les  courants  océaniques,  leurintiuonce  sur  les  continents  et  sur  l'his- 
toire de  l'humanité,  par  G.  Houbron.  Lille,  Danel,  1807. 

Essais    sur   les    origines  de  la  Méditerranée,  par  le    commandant 
Boulanger.  Paris,  Soc.  d'èd.  scientif.,  1800. 

Notice  historique  sur  les  divers  modes  de  transj)ort  par  mer,   par 
G.  Trogneux.  Pion ,  1880. 

Notes  de  géographie  littorale,  formation  des  côtes  en  général,   par 
Jules  Gérard.  Paris,  lib.  imp.  réunies,  1802. 

La  Géographie  littorale,  par  ,J.  Gérard.  Paris.  Soc.  lV éd.  scientif., 
1805. 

De  l'utilité  de  la  Géologie,  discours  prononcé  par  M.  Gosselet  à  la 
Société  des  sciences.  Lille,  Danel,  1881. 

Cours  élémentaire  de  Géologie,  par  A.  Seigxette.  Hachette,  1887. 

Du  rôle  de  la  Géologie  dans  renseignement  de  la  géographie  et  d(; 
l'agriculture,  par  M.  Gosselet.  Lille,  Liégeois-Six ,  1801. 

Exploraçoes    geogicas    e    minciras     nas    ccdonias    Portugezas,    par 
LouRENço  Malheiro.  Lisbonnc,  188L 

Le  Sol,  Roches  et  minerais,  par  C.  Delon.  Hachette,  1880- 

Les  Volcans,  par  Fuchs.  HacJtette,  1880. 

Le  Pétrole,  son  histoire,  par  Fernand  Hue.  Lccène  et  Oudin,  1885. 


Anthropogeographische  Bcitrage.  Zur  Gebirgskùnde,  aou  F.  Pvatzel» 
Leipzig^  1895. 

Les  Révolutions  polaires,  par  J.  Pèroche.  Lille,  Liégeois,  1886. 
Influence  de  la  composition  de  l'eau  des  lacs  sur  la   formation  des 
ravins  sous-lacustros,  note  par  M.  A.  Delebecque. 

Les  ravins  sous-lacustres  des  fleuves  glaciaires.  Idem. 

Les  froids  polaires  et  leurs  efi'ets  sur  Furganisme,   par  Louis   Catat. 
Paris,  Davy,  1887. 

Notes  sur  les  débordements  des  fleuves  et  des  rivières,  par  A.  Polon- 
CEAU.  Paris  Malhias,  1847. 

La  météorite  de  B^ndego,  par  J.  C.  de  Caryalho.  Rio  de  Janeiro, 

1888. 
La  circulation  des  vents  et  de  la  pluie  dans  l'atmosphère,  par  A.  Dupon- 

CHEL.  Paris,  1881. 

Observations  météorologiques  sur  les  pluies  générales  et  les  tempêtes, 
par  Gaston  Fèral.  Albi,  1897. 

Sur  les  réfractions  observées  au  bord  des  lacs  et  connues  sous  le  nom 
Fata  Morgana,  notice  par  M.  A.  Delebecque.  1897. 

Les  végétations  fossiles,  par  Jules  Pèroche.  Alcan,  1880. 

Elude  sur  le  mode  de  formation  de  la  houille,  par  Ludovic  Breton. 
Paris,  Savij,  1885. 

Causerie   sur    les   orchidées^    leur    répartition    géographique,    par 
L.  Quarrè-Reybourbon.  Lille,  Panel,  1884. 

L'industrie    textile    moderne,  ses  origines,  son  état  actuel,    par  A. 
Renouard.  Paris,  Assoc.  franc,  pour  ràuanceinent  des  sciences 

Culture  de  la  ramie.  Ballatin  de  la  Société  française  de  colonisation , 
Paris,  1888. 

La  culture  du  cocotier.  Idem,  Paris,  1893. 


GEOGRAPHIE  POLITIQUE,  ETHNOGRAPHIQUE, 
ÉCONOMIQUE. 

Litroductiun  à  l'histoire  moderne,  générale  et  politique  de  l'Univers, 
commencée  par  le  baron  de  Puffendorf,  augmentée  par  M.  de  la 
MARTiNii:;RE,  contiiiii  M!  jusqu'en  1750  par  de  Grau.  6'  vol.  in-4^\ 
avec  carte,  Paris,  1755. 


Manuel  pratique  d'Etlmograpliio  ou  Description  des  races  humaines, 
par  J.  d'Omalius  d'HÀlloy.  d^  èdit.,  in-S'^,  Paris,  Eug.  Lacroix^ 
1864. 

Les  races  humaines,  par  Louis  Figuier.  Paris,  Hachette,  1S72.  In-8^. 

Les  principaux  types  des  êtres  vivants  des  cinq  parties  du  monde,  par 
E.  Perrier.  Texte  m-S**  et  atlas  gr.  in-4'^,  Paris,  Jouvet,  1881. 

L'univers  pittoresque.  Histoire  et  description  de  tous  les  peuples,  de 
leurs  religions,  mœurs,  coutumes,  etc.  {Europe,  38  vol.,  Afrique, 
7,  A-ne,  2,  Amérique,  5,  Océanie,  3,  ensemble,  07  vol.),  Paris, 
Firmin-Didot. 

• 

Précis  de  géographie  économique  des  cinq  parties  du  mnnde,  par 
]\Iarcel  Dubois.  Masson,  1890. 

Contributions  à  l'étude  de  la  géographie  politique. 

L'évolution  politique  dans  les  diverses  races  humaines,  par  Ch.  Letour- 
NEAU.  Pains,  Lecrosnier,  1890. 

L'avenir  de  la  race  hlanche,  pur  J.  Novicow.  Alcan,  1897. 

Lt.'S  premières  civilisations,  par  Gustave  Le  Bon.  Marpon,  1889. 

Les  grands  traits  de  Thistoir»;  religieuse  de  l'humanilé,  par  CÈsar 
M.iLAN.  Fichsbacher,  1885. 

Précis  du  droit  des  gens  moderne,  par  G.  de  Martexs.  2  vol.,  Paris, 
Aillaud,  1881. 

Les  c(jurs  et  les  cliancelleries,  par  Léo-uzon  Le  Duc.  Dentu,  1876. 

L'activité  de  l'homme,  par  W.  Tenicheff.  Paris,  Cornèly,  1898. 

L'activité  des  animaux,  par  le  même.  Masson,  1890. 

Chefs  d'Etat,  Ministres  et  Diplomates.  Esquiss(>s  et  jxirlrails.  par 
A.  Neulemans.  Paris,  1893. 

Folk-lore,  traditions  i)opulaires  des  différents  peuples,  par  le  comte 
DE  PuYMAiGRE.  Pcrrin,  1885. 

Comment  voyageaient  nos  pères,  par  G.Houhrox.  E-'-tra/l  d\i  hidh'Çm 
de  la  Société,  1897. 

Lu  suppression  de  la  course,  par  A.  Desjardins.  Firmin-Didot,  1883. 

Les  grands  paquebots,  par  M.  de  Chasseloui'-Laubat,   Chamerot, 

1898. 
La  linguistique,  par  Abel  Hovelacque.  Reimcald,  1877. 


—  G  - 

Ropertoriiim  gcographico-polygloltum,  donnant  l'équivalent  en  latin 
des  principaux  noms  géographiques,  par  H.  deïoni.  Padoue,  1894. 

Les.  phonographies  européennes,  ou  l'art  de  prononcer,  lire  et  écrire 
toutes  les  langues  à  première  vue.  Paris,  1895. 

Question  de  l'orlhographe  géographique  au  point  de  vue  national  et 
international,  par  J.  Y.  Barbier.  Nancy,  1880. 

Monnaies,  poids  et  mesures  des  principaux  pays,  par  Alphonse  Lejeunk. 
Berger- Levrault,  1894. 


VOYAGES   AUTOUR   DU   MONDE. 

Voyage  de  La  Pérouse  autour  chi  Monde,  publié  conformément  an 
décret  de  1891,  par  A.  Millet-Museau.  4  vol.  in-4^,  Paris,  1707. 
Avec  un  Allas  gr.  in-folio. 

Voyage  de  La  Pérouse,  rédigé  d'après  des  manuscrits  originaux,  par 
M.  DE  Lesseps.  In-8^,  Paris,  Bertrand  et  Delaunay,  1831. 

Voyages  et  aventures  de  La  Pérouse,  par  F.  Valentix.  1/1-8°,  Tours, 
Maine  et  fils. 

Voyage  de  d'Entrecasti.'aux  à  la  recherche  de  La  Pérouse,  par  M.  de 
Rossel.  2  vol.  in-4",  Imprimerie  impériale,  1808. 

Voyage  pittoresque  autour  du  monde  de  Dumont-d'Urville.  2  vol.  gr. 
''in-4\  Fumes  et  C'" ,  1839. 

Les  grandes  découvertes  maritimes,  du  XII T  au  XVP  siècle,  par 
Edouard  Cat.  In-8^,  Degorge-Cadot. 

Voyages  autour  du  Monde,  et  Naufrages  célèbres,  par  le  capitaine 
Lafond.  g  vol.gr.  in-8'\  {vol.  3,  4,  5,  6,  7,  8)  manquent  les  roi.  1 
et  2,  Paris,  1851. 

Même  ouvrage  complet,  en  4  volumes.  1844. 

Voyage  autour  du  Monde,  de  M"'"  Ida  Pfeiffer.  Hachette,  1868. 

Lettres  édifiantes  cl  curieuses.  Missions  étrangères.  Toulouse,  1810  et 

1811.  26  vol.  in-12. 
Histoire  des  grands  voyageurs  au  XIX*^  siècle,  par    Jules    Verne. 

Hetzel,  2  vol. 

Collection  des  voyages  modernes,  par  Albert  Moktèmont.  Avec 
atlas.  25  vol.  in-8",  Paris,  Auhrèe. 


Le  Tour  du  Monde,  nouveau  journal  des  voyages,  publié  sous  la  direc- 
tion de  M.  E.  GiiARTON,  avee  de  nombreuses  gravures,  et  1  volume 
de  table.  Hachette,  année  1860  Jusqu'à  nos  jours. 

Souvenirs  de  notre  tour  du  monde,  par  Huguf:s  Isjrxyyt.  Iladielte, 
18S5,  gr.  in-8\ 

Le  Tour  du  Monde  en  120  jours.  Vn  naufrage  aux  îles  du  Cap  A^ert,  par 

E.  Planchuï.  Michel  Lècy,  1873. 
254  jours  autour  du  monde,  par  Cavaglion,  Hachette,  1804.    ' 
Les  pays  lointains,  par  Xavier  Marmier.  Hachette,  1876. 
Voyages  et  littérature,  par  X.  Marmier.  Hachette,  1888. 
Nouveaux  récits  de  voyage,  par  X.  Marmier.  Hachette,  1870. 

Les  exploitations  françaises  de  1870  à  1881,  par  Paul  Gaffarel.  In-8'', 
Paris,  Degorge-Cadot,  1882. 

Voyages  aux  régions  polaires. 

Histoire  des  expéditions  polaires,  par  A"\'ilfrid  de  Foxvielle.  Petite 
bibliothèque  populaire,  Bayle,  1800. 

Dans  les  glaces  arctiques,  relation  de  l'expédition  américaine  à  la  l);ùe 
de  lady  Franklin,  par  A,  Greely.  Hachette,  1880. 

Unbekannte  Polargebiete  (Extrait  des  Petermann's  Mittlieilungen. 
von  Alex.  Supan.  Gotha,  1807 . 

Vers  le  Pôle,  par  Fridtjof  Naxsex.  Traduit  par  Cn.  Rabot.  Flamma- 
rion, 1807. 

Voyage  de  la  Voga  autour  de  l'Asie  et  de  l'Europe,  par  Nordenskiold. 
^Tome  l'\  Paris,  1883,  in-4\ 

L'Expédition  antarctique  Belge.  (Société  Royale  Belge  de  géographie). 


COLONISATION.  —  GÉOGRAPHIE  DES  COLONIES. 

Les  progrès  de  la  race  Européenne  au  XIX*^  siècle  par  la  colonisation, 
par  M.  Leyasseur.  Tn-8",  Paris,  Migtion. 

La  colonisation  et  ses  conditions  aux  temps  actuels,  par  Tii.  Desdeyizes 
DU  Dezert.  Rouen,  1882.  In-8'^. 

La  question  sociale  et  la  colonisation,  conférence  faite  par  M.  Froger. 
Bordeaux,  1886. 


Considérations  historiques  et  juridiques  sur  les  protectorats,  par 
E.  Engelhakdt. 

L'émigration  et  la  politique  coloniale,  par  John  le  Long,  Bordeaux, 
Gounouilhou,  1885.  En  double  exemplaire. 

Les  journées  du  12  au  25  septembre  1886  à  Berlin  et  leur  intérêt  pour 
la  science  coloniale,  par  le  Docteur  Kan  (Extrait  de  la  Rente 
coloniale  internationale). 

La  Conférence  africaine  de  Berlin,  parCn.  Faure.  Genève,  1881. 

Commission  tcclmique  européenne,  formée  en  vertu  d'un  accord  entre 
les  puissances  signataires  du  traité  de  Berlin.  Iiuprimerie  natio- 
nale, 1880. 

L'Angleterre  et  son  régime  colonial,  par  Tu.  Desdevizes  du  Dezert. 
Rouen,  Cagniard,  1882. 

A  travers  l'Empire  britannique  (Angleterre  et  Colonies),  par  le  baron 
HuBNER.  2  vol.,  Hachette,  1880.  In-8\ 

A  qui  la  Méditerranée?  Les  alliés  de  la  France  contre  l'Angleterre. 
In-8\  Paris,  Schiller,  1882. 

0  Oriente  e  a  America,  par  A.  Lopes-Mendes.  Lisbonne,  Imprimerie 
nationale,  1892. 

Notice  sur  la  création  d'une  Société  internationale  pour  l'élude  des 
questions  d'émigration.  Paris,  1S86. 

Histoire  do  la  colonisation  allenntnde,  par  Charles  Demay.  Paris, 
Bayle,  1890. 

Manuel  d'hygiène  coloniale  (publication  de  I'Uniox  colonl^le. 
fraxçalse).  Challarael,'1894. 

La  France  coloniale.  Histoire,  géographie,  commerce,  sous  la  direction 
de  M.  A.  Rambaud,  avec  12  cartes.  In-8'^,  Colin,  1886. 

L'expansion  coloniale  de  la  France,  par  J.-L.  de  Lanessan,  avec 
19  cartes  hors  texte.  /n-S",  Alcan,  1886. 

Nos  petites  colonies,  par  Fernand  Hue  et  G.  Haurigot,  avec  cai-tes  et 
gravures.  /n-S",  Lecène,  1886. 

Les  droits  coloniaux  de  la  France,  par  H.  Mager.  Bayle,  1890,  in-16. 

Géographie  militaire  et  maritime  des  colonies  françaises,  par  Recoixg. 
Paris,  Baudoin,  188.5.  rn-12. 

Expansion  coloniale  et  commerciale ,  mise  en  valeur  des  colonies , 
par  M.  Jules  Scrive.  Panel,  1898. 


Le  mouvement  colonial,   par  Desdkvizes  du  Dezert.  I/i-8'\   Caen, 

1884. 
]Mémoires  sur  rémigraliou,  présenté  au  Congres  de  géog.  de  Toulouse, 

par  John  le  Long.  Toulouse^  1885. 

L'émigralion  françaiscaux  rives  de  La  Plala.  Extrait  de  la  Revue  de 

Géog.  Delagrave,  1884. 
Guide  du  colon  et  du  voyageur  dans  les  colonies  françaises.  Poitiers, 

Lecene,  1803. 
Banque  générale  des  colonies  françaises,  par  J.   Pélissier.  P.tris, 

1890. 
Conseils  à  ceux  qui  veulent, -s'établir  aux  colonies.  Publication   do 

rUxioN  coloniale  française.  Challamel,  1893. 
Ouverture  de  crédits  pour  riiitruducfion  de  travailleurs  aux  colonies 

(Extrait  du  Bulletin  de  la  Hocièlè  française  de  colonisation).  Paris, 

1880. 
Le  conseil  d'études  scientifiques  et  économiques  de  colons  explorateurs^ 

Paris,  Fillion,  1878. 
L'Enregistrement,  et  les  Colonies.  Publication  de  I'Union  coloniale 

FRANÇAISE.  Challamel. 

Rai)port  fait  au  Sénat  sur  la  création  des  compagnies  de  colonisation, 
par  A.  DE  Lavertujon.  Paris,  imprimerie  du  Sénat,  1895. 

Les  compagnies  de  colonisation,  par  E.  Etienne.  Challamel,  1897. 

Les  grandes  compagnies  de  colonisation,  conférence  par  M.  Leroy- 
Beaulieu.  Paris,  Challey,  1895. 

Projet  de  création  d'un  bureau  colonial  auprès  des  Sociétés  do  Géogra- 
phie, par  L.  hiBERT.  Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Bordeaux, 
1893. 

Notices  .coloniales,  publiées  par  le  ministère  des  Colonies.  Imp.  adm., 
1894. 

Comment  rendre  nos  colonies  prospères,  conférence  par  M.  Charles 
Roux.  Chailleij,  1890. 

Le  régime  colonial  des  colonies  françaises,  publication  de  I'Union 
Coloniale  Française.  Challamel,  1894. 

Discours  prononcé  au  Sénat  par  ]M.  Milhet-Fontararie  pour  l'ouver- 
ture de  crédits  aux  travailleurs  des  colonies.  Paris,  1880. 

Bulletin  de  la  Commission  internationale  pour  la  protection  des 
émigrants,  Paris,  1891. 


—  10  — 

Tableaux  de  populaliou,  de  eiillure.  de  commerce  et  de  navigation 
des  colonies  françaises  en  1863.  Ministère  de  la  marine.  Imp.  nat., 
1865. 

Les  Colonies  et  l'enseignement  géographique,  conlerence  par 
M.  Marcel  Dubois.  Chailley,  1896. 

Les  câbles  sous-marins  et  la  défense  de  nos  colonies.  Conférence  par 
M.  J.  Depelley.  Chailley,  1896. 

Les  colonies  françaises  à  Chicago  {Bulletin  de  la  Société  française 
de  colonisation  1886). 


LA    SCIENCE   GEOGRAPHIQUE. 

Eiiseùfiiement  de  la  (jëo[/ rapide.  Musées,  coriyrès,  discours  officiels,  annuaires, 
cataloyues.  Etudes  géodesiques ,  linr/uistiques ,  relations  internationales. 
Biographies  de  géographes  et  expdorateurs. 

Histoire  de  la  géographie,  par  Vivien  de  Saint-Martin.  Hachette, 187 3. 
In-8. 

La  Géographie  ancienne,  moderne  et  historique,  par  d'Audiffret. 
3  vol.  in-4\  Paris,  1691  et  1694. 

Orbis  imago.  La  mappemonde  de  Mercator,  notice  par  le  D""  Van 
Rae.mdonck.  St-Nicolas,  Belgique,  1886. 

Les  progrès  de  l'enseignement  géographique  en  France,  par  Ch.  Faure 
Neufchâtel,  1891. 

L'enseignement  de  la  géograi)hie  en  Suisse,  par  Cii.  Faure.  Berne, 
1891. 

La  géographie  militah'c  et  les  nouvelles  méthodes  géographiques, 
par  0.  Barré.  Librairie  militaire,  1899. 

Exposé  sommaire  des  voyages  et  travaux  géographiques  des  Suisses 
dans  le  cours  du  XIX''  siècle,  par  (]h.  Faure.  Paris,  hihl.  des 
Annales  Kronomiques,  1891.  gr.  in-8". 

Die  Géographie  an  der  Wiener  Universitaet,  von  A.  Penck.  Vienne, 
1891. 

Rôle  de  la  gi'ographie  commerciale  dans  le  développement  de  la  civi- 
lisation. Mémoire  présenté  au  Congres  de  Géogr.  de  Bordeaux,  par 
John  Le  Long.  Bordeaux,  1883. 


—  11  — 

La  Géographie  à  rexposition  universelle ,  jiar  Léon  Malavialle. 
Mo7itpellie}\  1890. 

Projet  d'écolo  de  géographie  et  d'ethnographie.  St-Valèry-en-Caux, 

1878. 
Progrania  de  la  asignalura  de  Geografica  historica,  por  D.  Manuel  del 

Valle.  Mad)'id,  1875. 

Un  musée  pédagogique  en  Russie.  Notice  sur  le  matériel  d'ensei- 
gnement géogr.  à  St-Pétersbourg.  Ministère  de  la  guerre,  1881. 

Ethnologisches  Gewerbemuseum  in  Aarau.  Aarau,  1880. 

Les  musées  commerciaux  à  l'étranger  et  réformes  à  apporter  dans 
l'organisation  des  musées  commerciaux  français,  par  Alfred 
Renouard.  Bordeaux,  1890. 

Les  musées ,  commerciaux  à  l'étrauger,  par  F.  des  Tocrnelles. 
Challamel,  1888. 

Les  musées  commerciaux  et  l'Exposition  universelle  de  1889, 
par  Paul  Vibert.  Paris,  Guérin,  1892. 

L'exposition  géographique  de  Moscou  en  1892,  par  Edouard  Blanc. 
Paris,  Soc.  de  Géog.,  1893. 

Rapport  officiel  sur  la  nécessité  de  la  création  des  chambres  de 
commerce  françaises  à  l'étranger,  Paris,  Dupont,  1883. 

Le  Congrès  international  de  Paris  en  1875.  2  roi.  Paris,  Soc.  de 
Géographie. 

Le  Congrès  international  de  Paris  en  1889.  2  vol.  Paris,  Soc.  de 
Géographie. 

Le  troisième  Congrès  international  des  sciences  géographiques  àVenise, 
par  Auguste  ÎNIeulemans.  Pains,  Moniteur  des  Consulats,  1882. 

Internacional  geographical  congress  of  Bern,  b}^  Robert  Needham. 
Londres,  1891. 

Cinquième  Congrès  international  des  sciences  géographiques  à  Berne. 
Berne,  1892. 

Catalogue  de  l'exposition  au  Congrès  international  de  Berne  1891. 
Berne,  Haller,  1891. 

Conférence  internationale  des  Clubs  alpins  français  tenue  à  Genève, 
1879. 

Congrès  international  colonial  de  Bruxelles  en  1897.  Bruxelles,  imp. 
des  Travaux  publics,  1898. 


—  12  — 

Le  Congrès  national  des  Sociétés  de  Géographie  de  1880  à  Nancy. 
Nancy,  Berger-LevrauU^  1881. 

Le  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  à  L3"on  eu 
188r(4''  congrès).  Lyon,  1882. 

Rapport  sur  le  Congrès  de  Géographie  tenu  à  Lyon  en  1881,  par 
M.  Delessert.  Lille,  Danel,  1882. 

Le  y^  Congrès  de  Géographie,  tenu  à  Bordeaux  en  1882.  Société  de 
gèog.  de  Bordeaux.  En  triple  exemplaire. 

Compte-rendu  du  même  congrès,  par  M.  Clément  Sipière.  Toulouse, 
1882. 

Le  Vr  Congrès  national  de  Géographie,  tenu  à  Douai  en  1883.  Douai, 
1883.  En  double  exemplaire. 

Rapport  sur  les  expositions  géographiques  de  Douai  et  de  Bar-le-Duc, 
par  M.  Y.  Barbier.  Nancy. 

Le  Yir  Congrès  national  de  Géographie,  tenu  à  Toulouse  en  1884. 
Toulouse,  1885. 

Le  IX^  Congrès  national  de  Géographie,  tenu  au  Havre  en  1887.  Le 
Havre,  Soc.  de  Gèog.  commerciale,  1887. 

Le  X^  Congrès,  tenu  à  Bourg  en  1888.  Bourg,  1890. 

Le  XIP  Congrès  national  de  Géographie,  tenu  à  Rochefort  en  1891. 
Rochefort,  1893. 

Le  XIIP  Congrès  national  de  Géographie,  tenu  à  Lille  en  1892.  Lille, 
Danel,  1893.  Gr.  in-8\ 

Le  XIV'  Congrès,  tenu  à  Tours  en  1893.  Tours,  1894. 

Le  XV'  Congrès,  tenu  à  Lyon  en  1894.  Lyon,  1895. 

Le  XVF  Congrès,  tenu  à  Bordeaux  en  1895.  Bordeaux,  1896. 

Travaux  de  l'association  des  Sociétés  suisses  de  géographie  dans  sa 
deuxième  session,  à  Genève,  en  1882.  Genève,  1883. 

Rôle  et  utilité  des  Sociétés  et  des  Congrès  do  géographie,  par  M.  Mala- 
VI ALLE.  Montpellier,  1890. 

Les  Congrès  nationaux  de  géographie,  ce  qu'ils  ont  été,  ce  qu'ils  sont 
et,  ce  qu'ils  peuvent  être,  par  M.  Seyin-Desplaces.  Paris,  imp. 
nat.,  1897. 

Congrès  régional  des  Sociétés  de  géographie  du  Sud-Ouest,  à  Bergerac. 
Bordeaux.  Gounouilhou,  1885. 


—  13  — 

Congrès  ardiéulogiquo  cl  liislorique  de  Bruxelles  en  1891.  Bruxelles, 
1891. 

Compte-rendu  des  travaux  du  9^  Congrès  russe  d'archéologie,  1893, 
par  le  Baron  de  Baye. 

Qualrièmc  centenaire  de  la  découverte  de  TAmérique  en  1894. 
Rapport  sur  les  travaux  du  comité  de  la  Loire-Inféi'ieure,  parle 
jNIarquis  de  Granges  de  Surgères. 

Idem,  sur  les  travaux  du  comité  de  Vaucluse,  par  J.  de  Terris.  Bar- 
le-Duc,  1894. 

Idem,  sur  les  travaux  du  comité  du  Puy-de-l)(Mne,  par  le  r)'  Hospital. 
Clermont-Fer  ranci,  1893. 

Idem,  sur  les  travaux  du  comité  du  Berry.  Bourges,  1894. 

Discours  prononcé  à  la  séance  générale  du  Congrès  des  sociétés  savan- 
tes, le  31  mai  1890,  par  M.  ^SlAUNOiRct  Léon  Bourgeois.  Paris\  imp. 
nat..  1893. 

Idem,  en  1895,  par  M.  Moissan  et  Poincarrè. 

Idem,  en  1897,  par  MM.  Babelon  et  Rambaud. 

Idem,  en  1898,  paF  MM.  Darlu  et  Rambaud. 

Discours  prononcés  au  banquet  offert  au  lieutenanl  Mizon,  le  5  juillet 
1892.  Paris,  librairies-imp.  réunies,  1892. 

Idem,  édition  Quantin. 

Statuts  de  la  Société  internationale  pour  l'étude  des  questions  d'émi- 
gration. Pains,  Schiller,  1892. 

Annuaire  des  Sociétés  de  géographie  en  1890,  par  E.  Outrey. 

Idem,  pour  1892,  par  H.  Mager. 

Annuaire  de  la  presse  coloma\i%\yàr  E.MAGER,Paris,Berger-Lev)-ault, 
1891. 

Annuaire  colonial  de  la  France.  Edité  par  le  ministère  de  la  marine  et 
des  colonies,  1888. 

Annuario  del  istitiilo  cartografico  italiano  fondato  in  1884.  Roma, 
1889. 

Annuario  del  observa iorio  astronomico  de  Tucubaya.  Mexico,  1887. 

Club  Alpin  français.  Liste  des  membres  au  1"  juillet  1880.  Paris, 
Chamerot,  1880. 

Union  des  Touristes  français.  Programme  et  liste  des  membres 
en  1880  et  1884. 


—  14  — 

Comité  des  Iravaiix  historiques  el  scientifiques.  Biographie  des  publi- 
cations savantes  en  1897. 

Catalogue  des  articles  publiés  aux  bulletins  et  rapports  des  Sociétés 
de  géographie  jusqu'en  mai  1891.  I.  Europe.  Ber^ne,  Haller,  1891 

A  little  catalogue  of  Geography.  Americana.  London,  1805. 

Catalogues  divers,  publiés  par  la  librairie  Hiersemanx.  des  livres  sur 
l'Asie,  l'Amérique  et  l'Océanie.  Texte  allemand.  Leipzig^  Hierse- 
mann,  1893  et  1894. 

Relaças  de  diversas  mappas,  cartas,  plantas  e  vistas,  par  E.  de 
Carvalho  e  Yasconcellos.  Lishoa,  1892. 

Catalogue  des  plans  des  villes  et  des  lieux  habités,  reliefs  et  panoramas, 
rédigé  par  le  D'  Graf.  2™'  fascicule.  Berne,  1893. 

L'usage  des  globes  céleste  et  terrestre  et  des  sphères,  suivant  les 
différents  systèmes  du  monde,  précédé  d'un  traité  de  Cosmographie, 
par  le  sieur  N.  Bion,  Paris,  chez  Jacques  Guèrin,  1751.  Gr.  in-8'^. 

Projet  de  construction  d'un  globe  terrestre  à  l'échelle  du  cent-millième, 
par  Elisée  Reclus.  Edition  de  la  Société  nouvelle,  1895. 

Projet  de  carte  do  la  terre  au  1/1.000.000.  Rapport  au  Congrès  de 
Lorient  par  M.  J.  V.  Barbier. 

Etablissement  et  publication  d'une  carte  de  la  terre  au  1  1.000.000. 
Proposition  du  D""  Peuck,  do  Vienne.  Berne,  Haller,  1892. 

Méthode  pour  la  construction  des  cartes,  par  Beautemps-Beaupré. 
Paris,  Imprimerie  nationale,  1811. 

Atlas  uniprojectionnel,  développement  de  la  surface  terrestre  par 
zones  coniques  égales,  par  J.  Barbier,  fils.  Xancy,,  Berger- 
Levrault,  1878. 

De  la  lecture  des  cartes  étrangères,  par  H.  Mager.  Paris,  Aug.  Ghio, 
1883. 

Nouvelle  mappemonde  donnant  pour  tous  les  points  du  globe  les 
heures  du  lever  et  du  coucher  du  soleil,  par  V.  Tilmant.  Panel, 
1890. 

4 

Sur  l'emploi  de  méridiens  équidistants  iioiir  la  fixation  de  l'heure,  par 
Hugo  Gylden.  Extrait  du  journal  Ymer,  Stockolm,  1889. 

A  questao  do  mei'icfiano  universal,  par(?cer  de  seccaô  de  nautica, 
relator  J.-B.  Ferreira  d'Almeida.  Lisboa,  1893. 

Documents  relatifs  à  l'unification  de  l'heure.  Ottaica,  Dawson,  1891. 


-  15  — 

Essai  sur  runification  inlernalionale  de  l'heure,  parJ.  de  Rey-Pailhade. 
Toulouse,  1S03. 

Le  Temps  décimal.  Avantages  et  procédés  pratiques,  par  J.  de  Rey- 
Pailhade.  Paris,  Gauthier-Villœ'S,  1894. 

Le  Système  décimal  appliqué  à  la  mesure  des  angles  et  du  temps, 
d'après  M.  de  Rey-Pailhade,  par  Léon  Vignols.  1896. 

Sur  l'extension  du  système  décimal  au  jour  et  au  cercle  entiers,  par 
J.  de  Rey-Pailhadk.  18V7. 

Notice  sur  ra]iplication  du  sysièine  décimal  a  la  incsuiv  du  temps,  par 
H.  de  Saril4Uton.  Orciit,  189.0. 

Sur  le  système  de  rhetu'o  décimale,  les  divisions  du  jour  et  du  cercle, 
et  la  Table  géographique,  par  H.  de  Sarrauton.  Compte-rendu 
de  r Académie  des  Sciences,  1898. 

L'heure  décimale,  système  de  Sarrauton.  Conférence  par  M.  de  Gallice. 
Paris,  1897. 

Rapport  sur  l'heure  décimale  d'après  M.  de  Sarrauton,  par  M.  Deri- 
vière-Patry.  Rouen,  1897. 

L'heure  nationale  et  la  division  de  la  circonférence,  par  H.  de 
Sarrauton.  Note  de  M.  A.  Carnot,  Paris,  1897. 

Prononciation  et  terminologie  géographiques. RapportparMM.  Labroue 
et  Mengeot.  Bordeaux,  1886. 

Prononciation  et  terminologie  géographiques,  par  E.  Labroue. 
Bordeaux,  1885. 

Question  de  l'orlhograplie  géographique  aux  points  de  A^ie  national 
et  international,  par  M.  J.  V.  Barbier,  de  Nancy.  Extrait  du 
compte-rendu  du  congrès  de  Nancy. 

Le  Transit  international,  mémoire  à  la  Chambre  de  commerce  de  Lyon. 
Lyon,  imprimerie  générale,  1882. 

Les  tarifs  de  chemin  de  fer  en  France  et  à  l'étranger,  par  Cii.  Avèrous. 
Pari'n,  Guillaumin,  1881. 

Les  chemins  de  fer  à  l'exposition  universelle,  par  Albert  Cazeneuve. 
3  vol.,  Paris,  Guillaumin,  1879-1880. 

Rapport  des  experts  sni-  le  percement  du  Simplon.  In-f,  Lausanne, 
1886. 

La  France  et  le  Simplon,  ])ai'  Ch.  de  Sixxer.  Paris.  Extrait  du 
Moniteur  universel,  1888. 


—  16  — 

La  vérité  sur  l'origine  et  la  parlrie  de  Christophe  Colomb,  par  l'abbé 
Martin  Casanova.  Bastia,  1881. 

Homage  to  Dom  Vasco  de  Gama.  Lisbon,  1896. 

Prospectus  d'ouvrages  anciens   et  modernes  sur   Vasco  de   Gama. 
Bei^lin,  1898. 

0  Centenario  do  Gama  no  estrangeiro,  parMAGALHAEsLiMA.  Lisbonne, 
1897. 

Programme  général  des  fêtes  du 4^  centenaire  de  Vasco  de  Gama.  Idem. 

Vasco  da  Gama  e  a  A^digueira,  par  A.  Texeira  de  Aragas.  Idem. 

Dos  feitos  de  Christovam  da  Gama,  par  Miguel  de  Gastanhoso.  Idem. 

Vida  de  Abba  Daniel,  par  Lazarus  Goldschmidt.  Lisdoa,  1897. 

La  Boullaye  le  Gouz.  sa  vie  et  ses  voyages,  par  H.  Castonnet  des 
Fosses.  Angers,  1888. 

Pierre  Poivre,  sa  vie  et  ses  voyages,  par  H.  Castonnet  des  Fosses. 
Lyon,  1889. 

Justus  Perthes  in  Gotha  (1785-1885)  Zùr  hiindertjâhrigen  Jubelfeier 
Drûck  von  Knoor,  Mûnchen. 

Deux  opinions  sur  M.  Savorgnan  de  Brazza,  par  Ultor.  Paris,  1896. 

Notice  biographique  sur  Christian  Garnier,  géographe  (1872-1898),  par 
Drape YRON.  Delagrave,  1899. 

M.  Marcel  Monnier,  explorateur,  ^ar  Edouard  Blanc. 

Notice  sur  Jean-Baptiste  d'Omalius  d'Halloy,  par  M.  J.  Gosselet.  Lille, 
Si^,  1879. 

Michelet,  géographe,  par  Corcellis.  Annecy,  1898. 


—  17  — 


ASI  E 


ASIE   EN   GENERAL. 

L'Asie,  (^lioix  de  lectures  de  géographie,  par  L.  L^iNIkr.  Pcois,  Belin, 
■1889. 

Catalogue  d'ouvrages  parus  sur  l'Asie  (i;n  allemand  et  anglais). 
Leipzig,  Hiersemann,  1894. 

ASIE    MINEURE. 

Chypre,  son  passé,  sou  présent,  son  avenir,  par  R.  Hamilton  Lang, 
traduit  de  l'anglais,  par  Y.  Dave.  Quantin,  1879. 

La  Turquie  d'Asie,  notes  de  voyage  en  Anatolie,  par  Edmond  Dutemplb. 
Clui/'pentier,  1883. 

La  Turquie  d'Asie.  Géographie  administrative,  statistique,  descriptive 
et  raisonnée,  par  Vital  Cuinet.  12  fascicules^  Leroux,  1893- 
1895. 

L'Orient,  par  Théophile  Gautier,  i*  vol.,  Charpentier,  1877. 

Chez  nos  ancêtres,  par  Jean  Revel.  Charpentier,  1888. 

Instructions  aux  voyageurs  eu  Orient.  Les  Croisades,  par  M.  de 
Pastoret.  Paris,  1856. 

Idem.  Les  monuments  de  l'ère  chrétienne,  par  A.  Lenoir.  Paris,  1856. 

Notre  future  route  de  l'Inde,  par  Verney  Lovett  Cameron.  Paris, 
Hachette,  1883. 

Texte  et  carte  commerciale  de  Bianconi  sur  la  Syrie,  le  Liban  et 
Chypre.  Paris,  Chaix,  1891.  In-4\ 

Bericht  liber  eine  Reise  durch  die  Syrische  Wiiste  nach  Mosul.  par  le 
D""  Max  von  Oppenheim.  Berlin,  1894. 

Les  Kurdes,  esquisse  liistorique  et  ethnographique,  par  E.  Chantre. 
Lyon,  1897. 

Les  premières  civilisations  (Egypte  et  Asie-Mineure),  par  Gustave  Le 
Bon.  Marpon,  1889.  In-4". 


-  18  — 

Notes  de  Folk-lore  votiak  (Traiii^t-iacasie),   par  le  baron  dk   Baye. 
Paris,  ISOS. 

Note  sur  les  bijoux  barbares  de  la  Transcaucasie ,  par  le  barou  de 
Baye.  Paris,  I89ô. 

En  Géorgie,  par  le  Baron  de  Bave.   189S. 

Les  villes  retrouvées,  par  G.  Haxotaux.  Hachette,  1885, 

Niniveel  Babylonc,  par  Joaghim  Menant.  Hachette,  1888. 

Guide  en  Palestine  et  en  Syrie,  par  Baedeker.  Leipzig,  Baedeker, 
1893.  Petit  in-P^. 

Guides  Joanne.  Svrie  et  Palestine,  par  le  D""  E.  Isambert.  Hachette, 
1882,  complète  en  1890.  rn-12.  Avec  cartes  et  plans  séparés. 

La  péninsule  sinaïtique,  par  G.  Bênédite  (Extrait  du  guide  Joanne). 
Hachette,  1891. 

Le  Désert,  par  Pierre  Loti.  Calmann-Lèvy,  1896. 

La  Galilée,  par  Pierre  Loti.  Calmann-Léry,  1890. 

Terres  mortes.  Tbébaïde.  Judée,  par  André  Chevru.lon.  Haclielte, 
1897. 

Jérusalem,  par  Pierre  Loti.  Calmann-Lèty,  1890. 

Voyage  en  Palestine,  par  Gabriel  Charmes.  Cal  manu,  18  4. 

La  Palestine  et  la  Syrie  à  vol  d'oiseau,  par  A.   Boltroue.  Paris, 
Leroicr,  1894. 

De  Bordeaux  à  Jérusalem  par  les  voies  romaines,  par  le  frère  Meunier. 
Lille,  Ducoulombier,  1891. 

A  Jérusalem  par  la  pfMiinsule  Balkanique,  l'Asie-Mineure  et  la  Syrie, 
par  le  frère  Meunier.  Soignie.s,  Delattre. 

Jérusalem,  son  histoire,  sa  description,  ses  établissements  i-eligieux, 
avec  carte,  par  A'ictorGuèrin.  Gr.  1)1-8".  Pion  et  Nourrit,  1889. 

Sur  terre  et  sur  mer.  XI V  pèlerinage  de  pénitence  à  Jérusalem,  par 
l'abbé  Sagary,  curé  de  T<'mpleuve.  Paris,  Petithenry,  1897. 

Voyage  au  pays  du  doute,  i)ar  Jean  Sigaux.  Denta,  1892. 

L'Arménie.    Revendications    des    Arméniens,    par    Jean  Broissali. 
Extrait  de  la  Reçue  Française,  1880.  En  double  exemplaire. 

Emilio  Casielar  et  la  (jueslion  aniH'iiienue.  T-^ai-is,  Chair,  1887. 

Voyage  au  mont  Ar.irat,  ])ar  Jules  Lkclercq.  Pion.  I8'.r^.  En  double 
exemplaire. 


10  — 


PERSE. 


Le  Caucase  et  la  Perse,  par  K.  Ors<ili,f,.  Pion,  ISS5. 

La  Perse  et  les  Persans,  par  Ji:an  Chardin  (1()71-1G75),  réduit  et 
annoté  par  Georges  Mantoux.  fn-8°,  Paris,  Drei/fom. 

La  Perse  et  les  Persans.  Nasr-Eddin-Seliali.  Pai-  le  couile  de  Groizier. 
Dent  a,  1813. 

Como  se  perdeu  Oruiuz,  par  Luciano  (>ordeiro.  Lisbonne,  1897. 

Les  relations  d(;  la  France  et  de  la  Perse,  par  H.  GastoNiNet  des  Fosses. 
Extrait  du  Bid/eUn  de  la  Société  de  Géograp/iie  de  Tours.  Angers, 
1889. 

Au  Kurdistan,  en  Mésopotarui(^  et  en  Perse,  par  H.  liiNDEK.  Qiumtin, 
1887.  Gr.  in-8\ 

ASIE    CENTRALE. 

Du  Caucase  aux  Monts  Alaï,  par  Jules  Leglercq.  Pion,  1890. 

Voyage  au  Caucase  et  en  Transcaspienne,  par  Ed.  Cotteau.  Extrait 
du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  commerciale,  1888. 

En  Asie  Centrale.  De  Moscou  en  Bactriane,  par  Gabriel  Bonvalot. 
Pion,  1864.  In-8\ 

En  Asie  Centrale.  Du  Koliistanàla  Caspienne,  par  Gabriel  Bonvalot. 
In-12.  Pion,  1884. 

L'irrigation  en  Asie  centrale,  par  H.  Moser.  Paris,  Société  d' Editions 
scientifiques,  1894. 

A  travers  l'Asie  centrale,  par  H.  Moser.  Pion,  1892. 

En  Transcaspie,  par  A.  Boutroue.  Paris,  Leroux,  1897. 

Note  sur  le  Kendir  (Asie  centrale),  par  Edouard  Blanc.  Extrait  des 
Mémoires  de  la  Société  d' Agriculture  de  France.  En  double 
exemplaire. 

Sur  un  mode  particulier  de  cuisson  des  briques  dans  l'Asie  Centrale, 
par  Edouard  Blanc.  1892. 

La  Culture  de  coton  en  Asie  Centrale  et  en  Algérie,  par  P]douard  Blanc. 
{Société  d'Agriculture  de  France). 

L'hydrograpbie  du  bassin  de  l'ancien  Oxus,  par  Edouard  Blanc. 
Société  de  Géographie  de  Paris. 


-  20  — 

L'Asie  Ci'iitivilt'.  p;ir.I.  L.  Dutreiii,  dk  Riiins.  Paris,  Leroux,  1880. 
In-4\ 

Mission  sri('iitifi({u<' <1;his  la  Haiilc-Asic  (1890-1895).  par  Dutrkuii-  dk 
Rhins.  2  volumes.  Leroiw,  1801 .  In-4^. 

Note  de  voyage  d'un  hussard.  Un  raid  eu  Asie,  |>ar.I.  de  Pontkvès  de 
Sabran.  Calniann-Lèirtj,  180'^. 

Eu  Transeaspie,  par  A.  Bot  troue.  Leroux.  1897. 

Positions  géographiques  délermiuét's  par  deux  missionnaires  dans  le 
Turkeslan  oriental  et  la  Dzoungarie  en  1756,  par  le  père  Brucker. 
.  L>/on,  1880. 

INDE. 

Histoire  philosophique  ei  politique  des  Etablissements  et  du  commerce 
des  Européens  dans  les  deux  Indes,  par  Guillaume  Thomas  Reynai,. 
10  voL  in-8^  relih.  Paris,  Bsrr;/,  X  année  de  Vere  rèpuMicaine. 

L'Inde  Française  avant  Dujjleix,  i)ai  H.  Castonnet  des  Fosses. 
Challemêl ,  1887. 

L'Inde,  par  sir  John  Strachey.  Préface  et  traduction  de  .J.  Harmand. 
Paris,  Société  d'éditions  scientifiques,  1802. 

Duplcix;  SCS  dernières  luttes  dans  l'Inde,  par  Castonnet  des  Fosses. 
ChallemcL  1880. 

La  •chute  de  Dupleix,  ses  causes  et  ses  conséquences.  Même  auteur. 
Angers.  Extrait  du  Btdletin  de  la  Société  de  Géographie  de 
Tours,  1888. 

Promenade  dans  riiiilc  cl  à  Ceylan,  par  E.  Cotteau.  Paris,   Pion, 

1880. 

1)0  Paris  aux  Indes  et  à  (  leylan.  —  Programme  détaillt'  d'un  voyage 
exécuté  en  1897  par  l'Agence  Desroches. 

Mi'moires  sur  les  particularités  de  la  religion  musulmane  dans  l'Inde, 
par  Garcin  de  Tassy.  Paris,  Lahitte,  1800. 

Les  Anglais  jugf's  pnr  un  Indien,  par  U\T)J]  }^\mz\.  Paris.  Ollendorf, 

1888. 

Die  topographischen  (^apilel  des  indischcn  Soespiegels  Mollit,  von  D*" 
Wn.HELM  ToMAscHEK.  Vienne,  1807. 

Le  chol(''ra  il  Calcutta  en  189i  et  la  vacciualiou  an!ichol<''i"i(}iie,  par  le 
D'  IIaan.  Paris,  Asselin,  1807. 


-  21  — 

La  révolte  aux  Indfs,  article  de  .\ï.  E.  G  xLi.oia,  danslc  Monde  illustré, 
nVlu  18  septembre  1897. 

Dans  rinde,  par  A.  Chevuillon.  Paris,  Hachette,  189S. 

Hynmo  do  centenario  da  India,  par  F.  Costa.  Lisbonne,  1807. 

A  Viagem  da  Imlia,  par  F.  Costa.  Lisbonne,  1897. 

Perak  et  les  Orangs  Sackeys.  Yo^'age  dans  l'intérieur  de  la  i)r(^.squ'île 
Malaise  par  Brai:  de  Saint-Pol  Lias,  avec  cartes  et  vues  du  pays 
d'après  des  pliotograpliies  prises  par  l'auteur.  Paris,  Pion,  1888. 

BIRMANIE. 

En  lUrmanie,  par  Euo.  Gallois,  Dclcgrave,  1899. 

INDO-CHINE. 

Autour  du  Tonkin,  par  IIknuj  Pu.  d'ORLÊANS.  Paris,  Calinann-Lccu, 
1894. 

L'Indo-Cliine  Iranç.aise.  —  Elude  poliliciue,  économique  et  adminis- 
trativ^e  sur  la  C-ochincliiae,  le  CaMd)odg(^  l'Annam  et  le  Tonkin,  par 
J.  DE  Lanessan.  avec  5  cartv's  eu  couleur  hors  texte.  Paris,  Alcan, 
1889. 

Kullelin  de  la  Société  académique  Indo-Chinoise  de  France,  2"  série. — 
Tome  1"  et  Tome  2.  Paris,  Challamel,  1882-1883. 

Mémoires  de  la  Société  académique  Indo-Chinoise  de  France.  2*  série. 
Tome  I,  années  1877  et  1878.  Paris,  1879. 

Notice  sur  Ijs  cartes  de  l'Indo-Chine  française.  Hanoï,  imp.  Schneider, 
1890. 

Mémoire  sur  l'exploration  dos  gîtes  de  combustible  dans  l'Indo-Chine, 
par  E.  FucHS.  Paris,  1883. 

La  colonisation  Crançaisc  en  Indo-Chine,  jtar.J.  de  Lanessan.  Paris, 
1893. 

Considérations  sur  ropjtorl unité  pour  l'industrie  française  de  créer  des 
établisseuKmts  mé'tailurgiques  dans  nos  possessions  d'Extrèm  '- 
Orient,  par  Davaine. 

p]xcursion  el  reconnaissance  dans  l'Indo-Chine  fi'ançaise.  Hanoï,  1890. 

Lne  mission  en  In(h>-Chine,  par  Etienne  Avmonier.  l^n  is,  Société  de. 
Géographie,  189'^. 


-  22  — 


CAMBODGE-SIAM. 

Les  mines  Kmers  du   Cambodge  Siamois  par   Fournereau.   Pari^. 
Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie,  1889. 

Les  monuments  de  l'ancien  Cambodge  classés  par  provinces,  par  le 
Marquis  de  Croizier.  Paris,  1878. 

L'affaire  de  Siam  (188(5-1896),  par  Matgioi  (Albert  de  Pouvourville). 
Paris,  Chamuel,  1897. 

Un  aventurier  au  Siam  au  XYIP  siècle,  par  Meulemans.  Paris,  1897 . 

COCHINCHINE. 

La  Cochinchine  française,  par  des  Yarannf.s.  Extrait  de  la  Fvei'ue  des 
deux-Mondes,  1868. 

La  Cochinchine    française    en    186-i,   par  Fr.^cis  Garnier.   Paris, 
Bentu,  1804. 

De  la  colonisation  de  la  Cochinchine,  par  Francis  Garnier.  Paris, 
Challamel,  1865. 

La  Cochinchine  en  1881   (la  carte  manque),  par  G.  Favrez.  Paris. 
Pougeois.  Imprimerie  du  Couryner  de  la  Guadeloupe,  1881. 

La    Cochinchine    contemporaine,    par  Bouinais    et    Paulus.    Paris, 
Challamel,  1884. 

Excursions  et  reconnaissances   en    Cochinchine    française.    Saigon, 
imprimerie  coloniale,  1890. 

Etat  de  la  Cochinchine  française  en  1882  et  sommaire   des    actes 
administratifs  de  1882.  Im,primerie  du  Gouvermment,  1884. 

Etat  de  la  Cochinchine  française  en  1883, 1885,  1887, 1888, 1889, 1890, 
1891,  1892,  1893,  1894.  Saigon,  imprimerie  Rey  Curiol. 

Statistique  médicale  de  la  Cochinchine  française,  1863-1870.  Impri- 
merie coloniale. 

Cochinchiin;  française.  Procès-verbaux  du  Conseil  colonial.  Saigon, 
imprimerie  du  Gouvernement,  1881. 

Le  cohjn  et  l'adminislralion  en  liassc-Ojchiiichinc,   par   M.  Paris, 
planteur.  Challemel,  1890. 

Notes  sur  la  Cochinchine,  par  Louis  I.mbert.  Extrait  du  Bulletin  de 
la  Société  de  Géographie  de  Bordeau.r,  1898. 


23 


ANNAM. 

Francis  Garnior.  Sa  vie,  ses  voyages,  son  œuvre,  ]8.']9-1874,  par 
El).  Pktit.  Paris..  Maurice  Drc>jfous. 

L'empire  d'Aiinam  et  le  peuple  aiiiianiile,  publié  sous  J(»s  auspices  de 
l'Administration  des  (lolonies.  annoté  et  mis  à  jour  par  J.  Silvestre. 
Paris,  Alcan,  iiS80. 

L'Annam  au  Moyen-Age,  par  H.  Casïonnet  des  Fosses.  Extrait  de  la 
Revue  libérale,  îSi^V. 

TONKIN. 

Les  Français  au  T(mkin,  1787-1886,  par  H.  Gautier.  Paris,  Challamel 
amè,  1S87. 

Ernest  Millot  et  Jean  Dupuis.  L'expédition  du  fleuve  rouge,  par 
A.  Thèvenot.  Arcis-sur-Aube,  Fremont,  1892. 

Le  Tonkin  financier,  son  avenir.  Paris,  Boullay,  1891. 

Lettres  du  Tonkin  (novembre  1884  à  mars  1885)  de  René  Normand. 
Paris,  Paul  Ollendorf\  1887. 

Le  Tongkin,  colonie  française,  par  H.  Thureau,  avec  une  carte.  Paris, 
librairie  patriotique ,  1883. 

Le  Tongkin,  importance  d'une  colonie  française  dans  le  royaume  par 
un  diplomate.  Paris,  Demie,  1883. 

The  Inith  abou  Tonkin  being  the  Times  spécial  correspondence. 
London. 

LeS'grands  mammifères  de  l'Iiido-C^hine,  par  le  L)""  Armand. 

Deux  arbres  à  acclimater  au  Tonkin,  par  M.  Romanet  du  Caillaud. 
Comité  d'études  du  Tonkin,  1888. 

Plantation,  ferme  et  jumenlerie  de;  Hung  Hoa  (Tonkin).  Etablissement 
MoRicE,  Bigot  et  Cie.  Patois,  1885. 

Afi'aires  du  Tonkin,  1874-1882.  Documents  diplomatiques.  1883,  impri- 
merie nationale. 

Affaires  '  du  Tonkin.  Octobre  1883.  Paris,  1883,  imprimerie 
nationale. 

Affaires  du  Tonkin.  C^onvention  de  Tien-Tsin,  11  mai  1884.  Paris, 
1884,  imprimerie  tiationale. 


Affaires  du  Tunkin,   18S2-18S.'),  2*  partie.  J)ociiuk'ii1.s  diplomatiques. 
1883. 

I/ouverlure  du  fleuve   rouge  au  coumierce  et  les    événemeuts    du 
Tongki]!,  par  Dupiis.  Paris,  Cha/lrmiel,  1879. 

Le  port  d'Haï  Phong.  accessible  aux  grands  navires.  Paris,  ChnUaniel , 
1894. 

Le  port  du  Tonkin  dans  la  rade  de  Tien- Yen,  par  R.  de  ]NL\thabel. 
Paris,  Challamel,  1894. 

Les  origines  de  La  question  du  Tong-Kin,  par  Jean  Dui^uis.  Paris, 
Challamel,  1896. 

Du  Tonkin  aux  Indes,  par  le  pripce  IL  d'Orléans.  Paris,  Câlmann- 
Lècy,  1898. 

EXTRÊME-ORIENT   EN    GÉNÉRAL. 

La  France  dans  l'Extrênie-Orient,  pai-  ïh.  Desdevizes  du  Dezert. 
Rouen,  Espérance  Cagniart,  1884. 

L'Angleterre  en  Orient  et  dans  l'Extrèmo-Orient.   par-  H.   Allain. 
Ste-Valèry-en-Caux,  imprime?'ie  Da)iga. 

L'amiral  A.  Courbet,  par  A.  Gervais.  Paris,  Charavay  frères. 

L'Extrême-Orient,  par  Paul  Bonnetain.  Paris,  Quant  in,  1887. 

l^es  régions  inconnues  (Extrême-Orient),  par  Octave  Ferë.   Paris, 
Dentu,  1870. 

T'n  touriste  dans  l'Extrême-Orient  (Japon,  Chine,  Indo-Chine,  Tonkin), 
par  E.  CoTTEAU.  Hachette,  1884,  Paris. 

Notes  d'un  globe  trotter.  De  Paris  à  Tokio  et  retour,  par  E.  d'Audiffret. 
Pion,  1880. 

CHINE. 

A  travi'rs  la  Chine,  par  Léon  Rousset.  Paris,  Hachette. 

La  Chine  d'après  les  voyageurs  les  plus  récents,  par  Victor  Tissot. 
Paris,  Jouvel  et  C'\  1885. 

Souvenirs  d(ï  Chine,  par  un  missionnaire.  2*  édition.   Rome,  impr. 
polyglotte  de  la  .S.  C.  de  la  Propagande,  1893. 

Souvenirs  de  Chine,  par  un  missionnaire.  Rome.  Impr.  polyglotte  de 
la  S.  C.  de  la  Propagande,  1893.  3*  édition. 


Soiivonirs  (le  (-liiiie.  p;ir  un  iiiissioiiiiain'.  Mo7)(reuil-sur-Mei\  1S92. 

Ixi  ChiiH?  indiislrielle  ot  coiniiuTciale.  par  H.  Castonnet  dhs  Fosses. 
Bulletin  (U  la  Socièlè  de  Géographie  de  Lyon,  1888. 

Aperçu  liistorique  sur  la  Cliiiu',  par  un  missionnaire  (le  1*.  (Iennevoisk, 
(le  Lille).  Impr.  de  la  Propagation,  1873. 

(lonfucius.  —  Essai  liistorique,  par  un  missionnaire.  Roim;,  1874. 

Charles  Rcnou,  missionnaire  au  Thibet,  par  Castonnet  des  Fosses. 
Angers,  Lachèse  et  TJolbeau,  1888. 

Pékin,  par  Maurice  Jametel.  Pion,  1887. 

La  Cité  chinoise,  par  Eug.  Simon.  Paris,  impr.  de  la  Nouvelle 
revue  1885. 

L'Apologue  à  la  Chine  et  dans  l'Inde,  par  L.  de  Rosn y.  Pâ^m*,  Maison- 
neuve,  1876. 

The  opening  of  China.  Six  letters  reprinted  from  the  Times  hy  A.  H. 
CoLQUHOUN.  London,  Fieland  Tuer,  1884. 

.Journal  d'un  interprète  en  Chine,  par  le  comte  d'HERissoN.  Paris, 
Ollcndorf,  1880. 

Le  théâtre  des  Chinois.  Elude  de  mœurs  comparées,  par  le  général 
Tgheng-Ki-Tong.  Paris,  Calmann,  Lévy,  1886. 

Vox'age  en  Chine.  Cochinchine,  Inde  et  Malaisie  par  A.  Haussmann. 
Paris,  1847. 

Chine  méridionale  de  ('anton  à  Mandalay.  Voyage  d'Archibald 
Colquhoun,  traduit  de  l'anglais  par  Cm.  Simond.  2  vol.  Paris, 
Oudin,  1884. 

Affaires  d(^  Chine.  Documents  diplomatiques.  Pains,  1885. 

Vie  de  Mgr  Danicourt,  évèque  d'Antiphilles,  vicaire  apostolique  du 
Tché  Kiang  et  du  Kiang  Si  (Chine),  par  M.  E.  J.  Danicourt.  Pa^^is, 
Poussielgue,  1889. 

Mémoires  sur  la  Chine,  par  le  Comte  d'Escayrac  de  Lauture.  Paris, 
Librairie  du  Magasin  pittoresque,  1865. 

De  Paris  au  Tibet.  Noies  de  voyage,  par  Francis  Garnier.  Paris, 
Hachette,  1882. 

Sur  le  dialecte  portugais  de  Macao,  par  J.  de  Vasconcellos.  Lisbonne, 
impr.  nal.,  1892. 

Les  Communautés  de  villages  à  Goa,  par  C.  R.  da  Costa.  Lisbonne, 
1892, 


-  2')  — 

No  oriente  de  Napoles  a  China,  par  A.  Loureiro.  Lisbonne,  1897 . 

Les  peuples  et  les  langues  de  la  Chine  méridionale,  par  C.  Madrolle. 
Parifi,  Challamel,  1898. 

CORÉE. 

La  Corée  indépendante,  russe  ou  japonaise,  par  Villetard  de   la 
Guérie.  Hache Ue,  1898. 

JAPON. 

Le  Japon  de  nos  jours  et  les  échelles  derExtrèrne-Orieiit,  par  Georges 
Bousquet.  2  roi.  Paris,  Hachette,  1877. 

Le  Commerce  du  Japon,  par  H.  Castonnet  des  Fosses.  Extrait  du 
Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de  Tours,  1889. 

Note  explicative  des  objets  exposés  par  l'école  agricole  et  forestière 
de  Komaba,  au  Japon.  Paris,  Chaix,  1889. 

De  Paris  au  Japon  en  90  jours,  par  E.  Cotteau.  Extrait  du  Compte 
rendu  de  la  Société  pour  l'avancement  des  Sciences.  Paris,  1882. 

Ambassades  vers  les  empereurs  du  Japon,  avec  ligures  dans  le  texte, 
par  la  C^^  des  Indes  onenialGS.  Amsterdatii,  .Jacob  de  Meurs,  1680. 

Le  Japon  pittoresque,  par  Maurice  Dubard..  Paris,  Pion,  1879. 

La  guerre  sino-japonaise  (1894-1895),  parle  lieutenant  Sauvage.  Paris^ 
librairie  militaire  Baudouin  (avec  atlas). 

Le  développement  économique  du  Japon,  par   J.   Franconie.    Paris. 

Alcan.  1897.  Extrait  des  Annales  de  l'Ecole  libre  des  sciences 

politiques. 
.Journaux  anglo-japonais  contenant  les  débats  du   parlement  japonais 

sur  la  Corée,  l'armée  et  la  marine. 

Dai  Nippon,  par  Winceslan  de  Moraes.  Lisboa,  1897. 

SIBÉRIE   ET   ASIE   POLAIRE. 

Eu  Sibérie,  par  Jules  Legras.  Armand  Colin,  1899. 

Expédition  du  Rodgcr  à  la  recherche  de  la  .Jeannette,  par  W.  Gilder. 
Traduit  (h-  l'anglais  par  J.  West.  J^aris,  IHon,  1885. 


La  culunisation  russe  en  Sibérie,  par  H.  CastonnetdesFossks.  Angeri^^ 
Lachèse,  1888. 

Etudes  d'anthropologie  sur   les  Kourganes  sibériens,  j)ar  M.  Zaho- 
ROWSKI,  1890. 

De  Moscou  à  Krasnoïarsk,  par  le  Baron  de  Baye,  Dc/agrarc,  1897. 

Le  gisement  paléolithique  d'Aphontova-Gora ,  près  de  Krasnoïarsk, 
par  J.  DE  Baye  et  Th.  Volkov-Masson,  1899. 


-  28  - 


AFRIQUE. 


AFRIQUE   EN    GENERAL. 

L'homme    blanc   un  jiays  des  noirs,   par  Jules  Gourdault.  Paris. 
Jouvet,  I8S5.  Bibliothèque  instructive. 

Le  partage  de  l'Afrique  entre  les  puissances  européennes,   par  J.  uu 
Fief.  Bruxelles,  1890. 

Viaggio  di  circumnavigazioue  deU'Africa.  (Prospectus  de  la  Société 
Florio-Rubattinu-Milano). 

Nos  africains,  par  Harry  .Vlis.  Hachette,  1894. 

MAROC. 

Un  empire  qui  croule  (Maroc)  par  Ludovic  de  Campou.  Paris,  E.  Pion, 
Nourrit  et  C"  ,  s.  cl. 

Le  Maroc.  Voyage  d'une  mission  française  à  la  Cour  du  Sultan,  par  le 
D'  A.  Marcet.  2'  édit.  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  C' ,  1885. 

Une  ambassade  au  Maroc,  par  Gabriel  Charmes,  Paris,   Cahnann- 
Lèvy,  1887. 

Les  Espagnols  au  Maroc,  par  Germond  de  La  vigne.  Petite  bibliothèque 
populaire.  Paris,  Bayle,  1889. 

Au  Maroc,  par  Pierre  Loti.  Calinann-Lèvij,  1889. 

ALGÉRIE. 

L'Algérie  qui  s'en  va,  par  le  iV  Bernard  de  Cannes,    avec  dessins. 
Paris,  E.  Pion,  1887. 

A  travers  l'Algérie,  par  le  D' L.  H.  Reuss.  Paris,  librairie  générale 
de  vulgarisation. 

Huit  jours  en  Kabylie.  A  travers  la  Kabylie  el  les  questions  Kabyles, 
par  François  Charvèriat.  Paris,  Pion  et  Nourrit,  1889. 


—  2<,>  — 

Douze  ans  en  Algérie,  par  le  D""  Honnafont.  Paris,  Dentu,  1880. 

Guides  Jeanne.  Algérie  et  Tunisie.  Paris,  Hachette,  1893. 

Par  delà  la  Méditerranée.  KabjUe,  Aurès,  Kroumirie,   par  Ernest 
Fallût.  Paris,  Pion,  1 :  87. 

L'Algérie,  par  le  D""  Quesnoy.  Paris,  Jouvet,  1885. 

Voyage  a  travers  l'Algérie,  par  Georges  Robert.  Lille,  Tallandier. 

Ia^s  deux  missions  du  Colonel  Flatlers,  raeontées  par  un  membrt?  de 
la  première  mission. 

Les  deux  missions  Flatters,   par  le    Capitaine    Brosselard.   Paris. 
Jouvet,  1889. 

Les  voyages  et  les  découverles  de  Paul  Soleillet  dans  le  Sahara  et  L; 
Soudan,  par  J.  Gros,  Paris.  Dreyfous,  1881. 

Exploration  du  Soudan   ceniral   par  Paul   Soleillet.  Avenir  de  la 
France  en  Afrique.  Paris.  Challarnel,  1876. 

L'Algérie  et  la  Tunisie  à  travers  les  âges,   par  A.   Boutroux.  Paris, 
Leroux,  1893. 

Petit  Atlas  de  la  Conquête  de  l'Algérie  (4841-1857),  par  C.  Rousset. 
Paris,  Pion,  1889. 

L'Algérie  devant  le  Sénat,  par  le  D'"  A.  Varnier. 

L'Algérie  ancienne  et  moderne,  par  Léon  Galibert. 

Exploration  de  Sahara  et  du  continent  africain,   par  Jules   Gérard, 
Paris,  Débita,  1860. 

Le  général  Faidherbe  président  de  l'Académie  d'Hippône  (Boue),  Z?w>6', 
1889.  Extrait  des  Comptes  rendus  de  V Académie. 

Lettre  de    Paul    Soleillet    à    Gabriel    Gravier.    Rouen,    Espérance 
Gagniard,  1883» 

Promenade  dans  le  Sahara,  par  (^h.  Lagarde.  Paris,  Pion,  1885.     ' 

L'armée  d'Afrique,  par  le  D'"  F.  Quesnoy.  Paris,  Jouvet,  1888.  B  bliu- 
thèque  instructive. 

Heures  d'Afrique,  par  Jean  Lorraln  ,  Charpentier,  1899. 

Le  Sahara  algérien,  les  déserts  d(;  l'Erg,  par  V.  Largeau.   Paris, 

Hachette,  1881. 
La  côte  barbaresque  et  le  Sahara,  par  le  prince  J.  Lubomirskl  Paris, 

Dentu,  1880. 
L'Algérie  juive,  par  Georges  Meynié.  Paris,  Savine,  1887. 


—  30  — 

La  France  en  Alg^èrio,  par  Louis  Vignon.  Paris,  Hachette,  1893. 

Le  Transsaharien  transatlantique,  par  Paul  Radiot.  Paris,  Leroux, 
1891. 

La  France  en  Afrique  et  le  Transsaharien,  par  MM.  le  général  Phi- 
LEBERT  et  l'ingénieur  Georges  Rolland.  Avec  carte,  Paris,  Aug. 
Challarael,  1890. 

Le  Transsaharien.  In  an  après,  par  Georges  Rolland,  avec  une -carte 
de  l'Afrique  française.  Prtr/.v.  i4  wr/.  C/?^///«we/,  1891.  En  double 
exemplaire. 

Algérie,  Sahara.  Tchad.  Réponse  à  M.  G.  Sabatier,  par  A.  Fock  avec 
une  introduction  de  M.  G.  Rolland,  et  une  carte.  Paris,  Avg. 
Challamel,  1891. 

L<?ttre  à  M.  le  président  et  aux  membres  de  la  Commission  supérieure 
du  Transsaharien,  par  A.  Duponchel.  Montpellier,  1880. 

Le  chemin  de  fer  de  l'Afrique  centrale  ;  élude  géographique,  par 
A.  Duponchel.  Montpellier,  De  Boehm  et  fils,  1875. 

L'Avenir  de  l'Afrique  du  Nord,  par  J.  Saurix.  Extrait  de  la  Revue  de 
Paris,  1890. 

Le  projet  de  création  en  Algérie  et  en  Tunisie  d'une  mer  dite  intérieure, 
par  M.  E.  Cosson.  Paris,  Chaix,  1885. 

Lettre  de  S.  E.  h.'  Cardinal  Lavigerie  à  tous  les  volontaires  qui  se 
sont  proposés  à  l'œuvre  antiesclavagiste  de  France.  Payais  et  Alger, 
1891. 

Un  danger  européen.  Les  Sociétés  secrètes  musulmanes,  par  M.  Ney. 
Pa?-is,  G.  Carré,  1890. 

La  population  européenne  en  Algérie,  par  le  l)""  Ricoux.  Alger,  1873- 
1881. 

Sj'stème  hydrographi(jue  et  orographique  de  la  province  d'Alger, 
d'après  Ptolémêe.  Lmp.  générale  de  Lyon,  1886. 

Manuel  de  l'émigrant  en  Algérie,  par  Jules  Saurin.  Challamel,  1895. 

Des  famines  périodiques  en  Algérie  et  d'un  moyen  d'y  porter  remède, 
par  Alfred  Guy.  Paris,  Challamel,  1893. 

Les  Français  dans  le  désert,  par  le  Colonel  C.  Trumelet.  3*  édit. 
Paris,  Challamel  et  C"  ,  1888.  .  . 

Le  dessèchement  du  Sahara  et  l'avenir  des  uasis,  par  Edouard  Blanc. 
Paris,  Assoc.  pour  l'avanc.  des  sciences,  1889. 


-  31  - 

Recherches  sur  le  lotus  d'Afrique,  par  M.  E.  Blanc.  Idem. 

L'Halfa.  A/ger,  Giralt,  1889. 

Région  du  chène-liège  en  Europe  et  dans  l'Afrique  septenlrionaU>,  i)ar 
Al).  Combe.  Alger,  Giralf,  1880. 

Plantes  médicinales  d'Algérie.  Essences  et  parfums.  Alger,  Giralt, 
1889.  Suns  nom  cVauteur. 

La  cullure  du  coton  en  Asie  centrale  et  en  Algérie,  par  Edouard  Blanc. 
{Mémoires  de  la  Société  cV Agriculture  de  France).  Paris, 
Chainerot,'1894. 

Les  laines  et  rindusl rie  lainière  de  l'Algérie  à  Texposilion  de  1889. 
Alger,  Giralt,  1889. 

L'occupation  de  l'Afrique  par  les  missionnaires  chréliens,  par  Robert 
Needham  Cust.  Genève,  Aiibert,  1891. 

Fastes  chronologiques  de  la  ville  de  Xefta,  i)ar  le  comte  Du  Paty  de 
Cla>[.  Toulouse,  Lagarde,  1891. 

Fastes  chronologiques  de  la  ville  de  Gafsa,  par  Du  Paty.  Tours, 
Boutrez,  1895.  2  exemplaires. 

Un  été  dans  le  Sahara,  de  Fromentin.  Paris,  Pion,  1896. 

TUNISIE. 

La  Tunisie,  par  J.-L.  de  Lanessan,  avec  une  carte  en  couleurs,  nors 
texte.  Paris,  Félix  Alcan,  1887. 

Promenades  d'une  Française  dans  l'intérieur  de  la  Régence  de  Tunis 
avant  l'annexion,  par  Pierre  de  Cœur  (M"'*^  de  Voisins).  Paris, 
Maurice  Dr ey fous,  1884. 

Le  nouv(^an  j)ort  de  Bizerte.  Bulletin  de  la  Cie  du  port  de  Bizerte, 
Paris,  78,  rue  d'Anjou. 

Doux  jours  d'excursion  en  Tunisie  :  Souk-el-Arha,  Bulla-Regia, 
etc.,  par  le  D*"  Carton,  Z/Z/e,  Dmie/,  1891.  (Extrait  du  Bulletin 
de  la  Société  de  géog^^aphie  de  Lille). 

Tunisie.  —  Les  mégalithes  de  Bulla-Regia,  les  alignements  de  la  phùne 
de  la  Medjerdab  et  les  sépultures  du  Djebel  Kerrech,  par  le 
D''  Carton.  Paris,  G.  Masson.  (Extrait  de  la  Société  d' anthropo- 
logie). —  En  double  exemplaire. 

Les  nécropoles  de-  Bulla-Regia,  fouilles  opérées  en  1889  par  le 
D""  Carton.  Paris,  Leroux,  1890. 

3 


—  32  - 

Les  fouilles  de  Bulla-Regia,  par  le  D*"  Carton,  Lille,  Danel,  1800. 
Conférence  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Lille  en  novembre 
1889. 

Découvertes  épigraphiques  et  archéologiques  dans  la  région  de 
Dougga,  par  le  D*"  Carton.  Fascicule  W  des  Mémoires  de  la  Société 
des  sciences.  Danel,  189 ïj. 

Rapports  sur  l'humidité  du  sol  et  l'impaludisme  à  Souk-el-Arba,  par 
le  D'"  Carton.  Paris,  Bihl.  des  annales  économiques,  1890. 

De  l'utilité  des  études  archéologiques  au  point  do  vue  de  la  colonisa- 
tion dans  l'Afrique  du  Nord,  par  le  D""  Carton.  Pa7ns,  Bihliothèciue 
des  annales  économiques,  1890. 

Sur  les  dolmens  de  l'Enfida  (Tunisie  centrale),  par  M.  le  D''  Rouire. 
(Extrait  des  Comptes  rendus  de  r Académie  des  sciences). 

L'Isthme  de  Gabès  et  la  dépression  saharienne,  par  E.  Fuchs  (Société 
de  géographie).  Paris,  Delagrave,  1877. 

Historique  de  la  découverte  du  bassin  hydrographique  de  la  Tunisie 
centrale  et  de  son  identification  à  l'ancien  bassin  du  Triton,  par 
M.  le  D""  Rouire.  Paris,  1889.  (Extrait  du  Compte  rendu  des 
séances  de  la  Société  de  géographie). 

Le  Triton  (ancienne  mer  intérieure  africaine),  dans  l'antiquité  et  à 
l'époque  actuelle,  parA.  duPaty  de  Clam.  Toulouse  Brun-Rey, 

1887. 

Relations  commerciales  de  la  Tunisie  avec  le  Sahara  et  le  Soudan,  par 
le  Commandant  Rebillet. 

Une  page  de  l'histoire  des  guerres  puniques  (en  Tunisie).  —  Bataille 
entre  Xantippe  et  Régulus,  par  ]M.  Rouire.  Paris,  typographie. 
G.  Chamerot,  1888.  (Extrait  de  la  Nouvelle  revue). 

L'épigraphie  chrétienne  en  Gaule  et  dans  l'Afrique  romaine,  par  E.  Le 
Blant.  Paris.,  Leroux,  1890. 

Ports  et  oasis  du  Bassin  des  Chotts  Tunisiens,  projet  de  M.  le  comman- 
dant Landas.  Paris,  1886. 

Etude  géographique  et  économique  sur  la  proviuce  de  FArad  (Tunisie 
méridionale),  par  h^  D''  Bertholon.  Tunis,  1894. 

Causeries  géographiques  sur  la  Tunisie  et  le  Maroc,  par  Ludovic  de 
Campou.  Paris,  petite  bibliothèque  populaire,  Bayle,  1889. 

De  Palermc  à  Tunis,  par  Malte.  Tripoli  et  la  côte.  Paul  Melon.  Paris, 
Pion,  1885. 


-  33  - 

Cagnat  et  Saladin.  Voyage  en  Tunisie.  Hachette^  1894. 

Rapport  sur  les  cultures  fruitières  (oliviers,  etc.),  dans  le  centre  de 
la  Tunisie.  Tunisie,  1803. 

La  Tunisie.  —  Histoire  et  description  (publication  officielle  du  gouver- 
nement tunisien),  Paris^  Ber^ger-Levrault,  1896. 

La  Tunisie.  —  Agriculture,  indusirie,  commerce.  Idem. 

Bou-Grara  port  de  commerce,  par  E.  Vassel.  Tunis^  1896. 

Les  ressources  de  la  Tunisie,  par  E.  Levasse ur  (5 *<//e^m  de  la  Société 
de  géographie  commerciale).  Paris,  1896. 

Notice  sur  la  Tunisie  à  l'usage  des  émigranls,  publiée  par  la  direction 
de  l'agriculture  et  du  commerce  do  la  régence  de  Tunis.  Tunis, 
1897. 

Opérations  du  dénombrement  de  la  population  française  en  Tunisie, 
par  la  Direction  de  l'agriculture  et  du  commerce.  Tunis,  1897. 

Les  phosphates  tunisiens,  par  E.  Vassel.  Paris,  Challamel,  1897. 

Manuel  de  l'émigrant  en  Tunisie,  par  Jules  Saurin.  Challamel,  1894. 

Le  sud  de  la  Tunisie,  manuscrit  par  le  capitaine  Rebillet.  Bah-el- 
Oued,  1885. 

AÇORES   ET   CANARIES. 

L'île  d'Arguin,  par  Armand  Trêve.  Lyon,  Vitte  et  Perrussel,  1889. 

Recherches  sur  la  faune  des  eaux  douces  des  Açores,  par  Th.  Barrois. 
V®  série  des  Mémoires  de  la  Société  des  sciences,  Danel,  1896. 

Une  ascension  au  pic  de  Ténériffe,  par  E.  Cotteau,  Auxerre,  impr. 
Bonsant,  1890. 

Voyage  aux  îles  Fortunées  (pic  de  Ténériffe  et  Canaries),  par 
J.  Leclercq.  Plo?i,  1886. 

SÉNÉGAL   ET    SOUDAN. 

Le  Sénégal.  —  La  France  dans  l'Afrique  occidentale,  par  le  Général 
Faidherbe,  avec  21  gravures  et  5  cartes  ou  plans.  Paris,  Hachette, 
1889. 

Lettre  du  Général  Faidherbe  aux  sénateurs,  sur  le  chemin  de  fer  du 
Sénégal. 


—  34  - 

Le  Sénégal.  —  Conférence  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Berne, 
par  le  commandant  Sever.  Berne,  1884. 

Les  explorations  au  Sénégal,  par  J.  Axcelle,  précédé  d'une  notice 
ethnographique  par  le  Général  Faidherbe.  Paris,  Maisomieuve 
frères,  1887. 

Langues  sénégalaises.  Notions  grammalicales,  vocahulaires  et  phrases-, 
par  le  Général  Faidherbe.  Paris,  E.  Leroux,  1887. 

Deux  ans  au  Sénégal  et  au  Soudan,  par  Ed.  de  Camas.  Lille,  Danel^ 
1890.  (Société  de  Géographie  de  Lille). 

Dans  la  Haute-Gambie.  Voyage  d'exploration  scientifique,  par  le 
D""  A.  Rançon,  en  1891-92.  Paris,  Société  créditions  scientifiques, 
1895.  {Annales  de  V Institut  colonial  de  Marseille). 

Mission  au  Sénégal  et  au  Soudan,  par  M.  Lagrillière-Beauclerc. 
lÀlle,  Tullandier,  1808.  En  double  exemplaire. 

Cinq  ans  de  séjour  au  Soudan  français,  par  Eug.  Bèchet,  avec  carte. 
Paris,  Pion,  Nourrit  et  O' ,  1889. 

Au  Soudan  français.  Souvenirs  de  guerre  et  de  mission  par  le  capitaine 
Etienne  Pêroz,  avec  une  carte  de  l'itinéraire  suivi  par  la  mission 
du  Ouassoulou.  Paris,  Calmann-Uty,  1889. 

Sénégal  et  Niger.  La  France  dans  l'Afrique  Occidentale,  1879-1883. 
Compte  rendu  des  opérations  depuis  les  premiers  voyages  du 
général  Faidherbe  jusqu'à  l'époque  actuelle,  texte  et  atlas.  Paris, 
Challamel,  1884.  —  Publication  du  département  de  la  marine. 

De  l'Atlantique  au  Niger  par  le  Foutah-Djallon,  carnet  de  voyage  du 
vicomte  Olivier  de  Sanderval.  Paris,  1882. 

Le  Soudan  français.  Organisation  et  pénétration  (publ.  de  Y  Union 
coloniale),  1894. 

Soudan  français.  Kahel.  Carnet  de  voyage  par  Olivier  de  Sanderval, 
Paris,  Alcan,  1893. 

Le  Soudan,  par  P.  Trèmaux.  Paris,  Hachette. 

Météorologie  du  Soudan.  La  saison  sèche  au  fort  de  Rita,  parle 
D""  Edouard  Dupuy,  médecin  de  marine.  Paris,  Bet^ger-Levrault 
et  C'' ,  1884. 

La  Casamance,  par  Georges  Wareniiorst,  avec  une  carte,  photo- 
graphies et  dessins.  Pari^,  Jouvet,  1891.  —  2  exemplaires. 

Étude  sur  la  concession  de  hi  rive  gauche  de  la  Casamance  ,  par 
A.  Cousin,  1899. 


.      -  35  - 

Notes  de  voyage  de  la  Casamance  en  Guinée  par  le  Foutah-Djallon, 
par  Cf..  Madrolle.  Paris,  Le  Souctier,  1804. 

Dans  l'Afrique  équaturiale  par  De  Bèhagle.  Extrait  de  la  Nouvelle 
revue.  Paris,  Chainci-ot,  180.1. 

Projet  d'un  voyage  commercial  du  C(jngo  à  la  Méditerranée  par  le 
Tchad  et  ses  affluents,  par  F.  de  Bèhagle,  P^iris,  Chamerot,  1803. 

Mission  Binger.  La  France   noire   (Côte   d'ivoire   et   Soudan),    par 
Marcel  Monnier,  avec  40  gravures.  Paris,  Ployi,  1804. 

Mission  dans  le  Haut-Niger  et  à  Ségou,  par  le  (Commandant  Galliéxi. 
Paris,  1883. 

Reisebilder  aus  Libéria,  von  ,1.  Iîlttikofer.  Leiden  {Hollande). 

Côte  occidentale  d'AiVique,  par  le  Colonel  Frey.  Paris,  Ma7^pon, 
1800. 

Libéria,  apuntes  historicos,  geograficos  y  estadisticos,   par  Monner 
Sans.  Barcelone,  1884. 

Explorations  de  la  Guinée  portugaise.  Lisbonne,  1878.  Traduction. 

Compte  rendu  de  l'ouvrage  «  La  France  dans  l'Afrique  occidentale  », 
par  M.  Paul  Crêpy.  LMle,  Danel,  1885. 

Les  établissements  français  du  golfe  de  Bénin,  par  Alexandre  d'Albica. 
Paris,  1880. 

Vn  explorateur  africain  :  Auguste  Stahl,  par  Emile  Dietz.  Paris,  Paul 
Monnerat,  1884. 

Projet  d'exploration  dans  l'Afrique  Centrale  par  l'Ouellé,  par  Lèon 
Lacroix.  Lille,  Danel,  1881. 

Au  centre  de  l'Afrique.  Autour  du  Tcliad,  par  Brunache  (Z??&//o//<. 
scientif.  intern.).  Paris,  Alcan,  1804. 

De  Paris  à  Tombouctou  en  huit  jours  par  un  chemin  de  fer  cquatorial 
Irançais,  avec  carte.  Havre,  1805. 

A  Tombouctou  par  "S'uillot.  Notice  extraite  àu^Magasin  pittoresque. 

Le  Soudan  central  et  le  bassin  septentrional  du  Congo,  par  M.  Gazeau 
DE  Vautibault.  Angers,  1884. 

Niger  et  Bénué.  Voyage  dans  l'Afrique  centrale,  par  Adolphe  Burdo. 
Paris,  Pion,  1880. 

Une  question  africaine,  par  Louis  Mizon.  Paris,  librairie  africaine  et 
coloniale,  1885. 


—  36  - 

De  Saint-Louis  à  Tripoli  par  le  lac  Tchad,  par  le  lieutenant-colonel 
MoNTEiL.  Paris,  Alcmi,  1895.  Illustrations  de  Riou. 

Aux  pays  du  Soudan,  par  Denis  de  Rivoyre.  Paris,  Pion,  1885. 

Dahomey,  Niger,  Touareg,  par  le  commandant  Toutèe.  Paris,  Colin., 
1897. 

La  carte  du  Transnigérien  au  i/500.000,  notice  et  index  alphabétique» 
Paris,  Barrere  (Service  géographique  des  Colonies). 

Au  Niger  (1891-1892),  par  le  commandant  Pèroz.  Paris,  Calmann- 
Lèvy,  1894. 

Esclavage,  Islamisme  et  Christianisme,  par  le  capitaine  Bixger.  Paris'' 
Soc.  crédit,  scientif.,  1891. 

Production  du  caoutchouc  dans  nos  colonies  de  l'Afrique  occidentale» 
par  J.  Dybowski  (Extrait  d'un  Mémoire  de  la  Soc.  d'agriculture 
de  France). 

Au  Dahomey.  Souvenir  des  campagnes  de  1892-93,  par  le  capitaine 
Foxssagrives.  Paris,  libr.  afric,  1895. 

A  la  conquête  du  Tchad,  par  Harry  Alis,  avec  29  gravures  et  4  cartes. 
Paris,  Hachette,  1891. 


REGION   DU    CONGO   ET   FLEUVES   VOISINS. 

Le  Zaïre  elles  contrats  de  l'Association  internationale,  par  Magalhaes, 
officier  de  la  marine  portugaise.  Lisbonne,  1884. 

La  question  du  Zaïre.  Le  Portugal  et  la  traite  des  noirs.  Lisbonney 
1883. 

La  question  du  Zaïre.  Droits  du  Portugal.  ^Mémorandum.  Lisbonne^ 
Lallentent  frères,  1883. 

La  fondation  de  l'Etat  indépendant  du  Congo  au  point  de  vue  juridique,, 
par  Gustave  Moynier.  Académie  des  Sciences.  Paris,  1887. 

L'Etat  indépendant  du  Congo,  par  A.  J.  Wauters,  Bruxelles,  1890. 

La  question  du  Congo,  par  G.  Moynier.  Genève,  Schuchardt,  1883. 

La  question  du  Congo,  par  J.  Du  Fief,  avec  carte.  Extrait  du  Bull,  de 
lu  Soc.  ro>/.  belge  de  Géographie.  Bruxelles,  1885. 


Le  Congo,  article  du  Courrier  des  Ktats-Unh.  Bruxelles^  Gui/ot, 
1883. 

Trois  années  au  Congo.  Séjour  chez  les  Bangallas  Cannibales  du 
Haut-Fleuve,  par  Th.  Westmark.  Li/le,  Extrait  du  Bull,  de  la 
Soc.  de  Cxêogr.,  1888. 

Trois  voyages  dans  l'Afrique  occidentale:  Sénégal,  Gandjie,  Casamance, 
Gabon.  Ogooué,  par  Alfred  Marche.  Paris,  Hachette,  1882^ 
2®  édit.  contenant  24  gravures  et  une  carte. 

Le  Congo  français.  Du  Gabon  à  Brazzaville,  par  Léon  Guiral  ;  préface 
de  KuNCKEL  d'Herculais. 

Relation  d'un  voyage  entrepris  en  1816  pour  reconnaître  le  Congo, 
par  le  capitaine  Tdcket.  2  vol.  avec  atlai<.  Paris,  Gide  fils,  1818. 

Affaires  du  Congo  et  de  l'Afrique  occidentale.  Documents  diplomatiques. 
Paris,  imprimerie  nationale,  1884. 

Deux  opinions  sur  l'œuvre  de  M.  Savorgnan  de  Brazza.  1896. 

Exposé  présenté  par  M.  Savorgnan  de  Brazza,  lieutenant  de  vaisseau, 
devant  la  Soc.  de  Géogr.  de  Paris  le  21  janvier  1886.  Paris,  Soc. 
de  Géogr.,  1880. 

Guide  hygiénique  et  médical  du  voyageur  dans  l'Afrique  centrale,  par 
les  D''^  Nicolas,  Lacaze  et  Signol.  Paris,  Challamel,  1885. 

Guide  hygiénique  et  médical  des  voyageurs  dans  l'Afrique  intertro- 
picale, rédigé  au  nom  d'une  commission  de  la  Soc.  de  médecine 
pratique  de  Paris,  par  les  I)'*  Nicolas,  Lacaze  et  Signol.  Paris, 
Martinet,  1881. 

D'Europe  en  Afrique.  Souvenirs  d'un  oiseau,  par  A.  Dubois.  Limoges, 
Barbou,  1882. 

Conférences  et  lettres  de  P.  Savorgnan  de  Brazza  sur  les  trois  explo- 
rations dans  l'ouest  africain  de  1875  à  1886,  publiées  et  coordonnées 
par  Napoléon  Ney.  Mauynce  Dreyfous,  1887. 

M,  Savorgnan  de  Brazza  et  l'Afrique  occidentale  et  centrale  à  notre 
époque,  par  de  Doncourt.  Lille,  Lefort,  188.5. 

Documents  officiels  sur  l'Afrique  centrale  réunis  de  1876  à  1879  par  le 
Comité  national  suisse  pour  l'exploration  et  la  civilisation  do 
l'Afrique  centrale.  Genève,  1879. 

L'n  voyage  dans  l'Oubangui  (de  Liranga  à  Modzaka),  par  Ed.  Froment, 
chef  de  station  au  Congo  français  avec  carte.  Extrait  du  Bail,  de  la 
Soc.  de  Géogr.  ds  Lille,  1880. 


—  38  - 

Cinq  années  au  Congo,  par  Stanley  (1879-1884),  ouvrage  illuslré  de 
cent  gravures  sur  bois  et  de  4  cartes.  Bruxelles,  [nstitut  national 
de  Géographie. 

Les  Belges  au  Congo.  Numéro  extraordinaire  du  Mouvement  géogra- 
phique. Bruxelles. 

AFRIQUE   DU    SUD-OUEST. 

Direitos  de  Padroado  de  Portugal  en  Africa.  Memoranda.  Lisbonne, 
imprimerie  nationale,  1883. 

Sons  de  combate  Anglo-Luzo  en  o  Sonho  de  John  Bull  Bully  (Conflit 
anglo-portugais),  par  J.  Yalente,  1890.  Ti/pographie  franco- 
portugaise,  Lisbonne. 

Stanley's  first  opinions(affaires  anglo-portugaises  en  Afrique).  Lisbonne, 
188.3. 

De  Angola  a  Contra  Costa.  2  vol.  avec  gravures,  par  MM.  Capello  et 
IvExs,  officiers  de  l'année  portugaise.  Lisbonne,  imprim.  nat., 
1886. 

Voyage  en  Afrique  de  Trivier.  Rochefort,  Thèze,  1890. 

Sud-Africa  commerciale  ed  industriale  da  Giulio  Cocardo.  Milano, 
1890. 


AFRIQUE  DU  SUD-EST  ET  REGION  DES 
GRANDS  LACS. 

La  Republica  de  Orange,  par  R.  Monxer  Sons.  Barcelone,  Topografia 
Espanola,  1880.  —  En  double  exemplaire. 

Huit  mois  au  Kalahari.  Récit  d'un  voyage  au  lac  N'gami,  par  G.  A. 
Farini,  traduit  de  l'anglais  par  M""'  L.  Trigaut.  34  gravures  et 
2  cartes.  Paris,  Hachette,  1887. 

(iomraent  j'ai  retrouvé  Livingstone,  par  Stanley.  Traduction  Bei,in  de 
Launay.  Paris,  Hachette. 

Moçambique.  Communication  par  J.  Machado.  Lisbonne,  1881. 

Atraversle  Continent  mystérieux,  \yAv'^ïks\.v.Y.Paris,Hac]iette,  1879. 

.lournal  et  corresixjndaiice  du  major  Barttelot,  publiés  par  son  frère. 
Paris,  Pion,  1891. 


—  30  — 

Stanley  au  secours  d'Emin  Pacha,  par  A.  J,  Wauters.  Paris,  Quantin, 
1890. 

La  délivrance  d'Emin  Pacha,  d'après  les  lettres  de  Stanley,  par  J.  Scott 
Kettie.  Paris,  Hachelte,  1800. 

Près  des  grands  lacs,  par  les  missions  de  S.  E.  le  Cardinal  Lavigerie. 
Paris,  12,  rue  du  Regard,  1886. 

Les  stations  catholiques  dans  la  Nigritie  orientale,  Daniel  Comboni, 
par  le  P.  René  des  Chesnais.  Lille,  Danel,  1883. 

A  l'assaut  des  pays  nègres  (Missions  d'Afrique).  188  J. 

Le  lac  Albert,  par  Samuel  Baker,  traduction  et  abrégé.  Paris, 
Hachette,  1879. 

Au  cœur  de  l'Afrique,  1868-1871.  Voyages  et  découvertes,  par  le 
D""  Schweinfurth,  traduit  par  M""^  Loreau  ;  gravures  et  cartes. 
Paris,  Hachette,  1875. 

Album  de  photographies  reproduisant  quelques  types  et  paysages  des 
régions  du  Nord  du  Zaïnbôze,  parcourues  par  M.  Edouard  Fox. 
Paris,  librairne  africaine,  i"  série. 

Dos  primeiros  trabalhos  dos  Portuguezes  no  Monomotapa,  par 
A.  P.  DE  Paira  (Congrès  des  orientalistes).  Lishoa,  1892. 

Emin-Pacha  et  la  Rébellion  à  l'équateur,  par  A. -M.  Jephson.  Paris, 
Hachette. 

Souvenir  de  mon  séjour  chez  Erain-Pacha  el  Soudani.  Relation  écrite 
parle  D''  Zucchlnetti.  Le  Caire,  imprimerie  de  V auteur,  1890. 

Die  Insel  Mafia,  von  D""  Oskar  Baumann  (avec  carte).  Leipzig,  von 
Duncher,  189  G. 

Die  Insel  Zansibar,  von  D""  Oskar  Baumann  (avec  carte),  Leipzig,  von 
Duncker,  1897. 

ABYSSINIE. 

Bibliotheca  Etiopica.  Le  Zone  colonnizabili  dell'Eritrea  e  délie  finitime 
regioni  etiopiche.  iV  1 . 

La  Mer  Rouge  et  l'Abyssinie.  Les  Italiens  à  Massaouah.  Conférence  de 
M.  GuiLLON  à  Lille.  Lille,  Danel,  1890. 

La  Colonie  italienne  de  l'Erythrée  (Bulletin  de  la  Société  française  de 
Colonisation).  Paris,  1895. 


-  40  - 

Les  Russes  en  Abyssinie  (Bulletin  de  la  Société  française  de  Coloni- 
sation). Paris,  189  D. 

L'Avvenire  délia  Colonia  Eritrea,  conferenzia  dal  Barone  L.  Fran- 
CHETTi.  Rome,  1895. 

Une  mission  française  en  Abyssinie,  par  L,  Vigneras.  Paris,  Colin, 
1897. 

Orient.  —  Malte.  Egypte,  Nubie,  Abyssinie.  Guide  Joanne.  PariSy 
Hachette,  1890.  ^ 

Obock,  Mascale,  Bouchire,  Bassorah,  par  Denis  de  RiyovRE.  Paris, 
Pion,  1883. 

EGYPTE,   NUBIE. 

Description  de  l'Egypte.  Antiquités  et  état  moderne.  Recueil  des  obser- 
vations et  des  recherches  qui  ont  été  faites  en  Egj'pte,  pendant 
l'expédition  de  l'armée  française,  2^  édition  publiée  par  Panckoucke^ 
1821  à  1829,  26  tomes  {XXIIL  1,  2  et  3),  inip.  Panckoucke. 

Droit  international.  L'Egypte,  par  L.  A.  Haakman.  Pains,  A.  Durand 
et  Pedone- Laurier,  1877. 

Affaires  d'Egypte,  1881-1882.  Documents  diplomatiques.  Pmp.  natio- 
nale, 1882. 
Idem,  1881. 

Idem,  1882.  Imp.  nationale,  1882. 
Idem,  1882-1883.  Imp.  nationale,  1883. 
Idem,  1882-1883.  Pmp.  nationale,  1884. 
Idem,  1882-1883.  Pmp.  nationale,  1885.  2  exemplaires. 
Affaire  du  Journal  le  Bosphore  Egyptien.  Imp.  nationale,  1885. 
Indemnités  égyptiennes,  1882-1883.  Documents  diplomatiques,  1883. 
Idem.  Lnp.  nationale,  1883. 

Négociations  relatives  au  règlement  pour  le  libre  usage  du  canal  de 
Suez,  1896-1897.  Documents  diploraati([ue  du  Ministère  des  affaires 
étrangères.  Paris,  imp.  nationale,  1887. 

John  Bull  sur  le  Nil,  croquis  de  l'occupation  anglaise,  par  Frkdolin. 
Paris,  Lévy,  188G.  Double  exemplaire. 

Lettres  sur  le  canal  de  Suez,  par  Ferdinand  de  Lesseps.  Paris,  Didier, 
1875  à  1879,  4  volumes. 


—  .41  - 

La  Société  française  des  écoles  coptes  d'Egypte  (programmes  et 
statuts). 

Programme  d'excursions  organisées  en  Egypte  par  l'agence  Cook, 
ayec  caries  et  gravures.  Paris.  Direction  de  l'agence. 

La  question  des  noms  géographiques  en  Egypte  par  le  I)""  F.  Bonola 
Bey.  Le  Caire,  imp.  nationale,  1893. 

Sommaire  des  travaux  géographiques  exécutés  en  Egypte  sous  la 
dynastie  de  Mohamed- Ali,  parle  L)''  Y.  Bonola  Bey.  Le  Caire,  imp. 
nationale,  1890. 

En  felouque  sur  le  Nil,  par  le  B.  P.  des  Chesnais.  Tours,  1897. 

L'Egypte.  Tome  l*""  de  l'histoire  de  l'art  dans  l'antiquité,  par  Charles 
Perrot  et  Maurice  Chipiez.  Paris,  Hachette,  1882. 

L'Egj'pte,  par  Jacques  HERyÈ.  Paris,  Jouvet,  1883. 

Alexandrie  et  la  Basse-Egypte,  par  II.  de  Vaujany.  Paris,  Pion, 
1885. 

Le  Climat  d'Alexandrie  comparé  à  celui  du  Caire,  par  E.  Franceschi. 
Le  Caire,  1896. 

Notices  biographiques  de  S.  E.  Mahmoud  Pacha  el  Falaki,  par  Ismail- 
bey-Moustapha.  Le  Caire,  imp.  nationale,  1880. 

L'Egypte  et  les  traités  internationaux  sur  la  réforme  judiciaire,  par 
J.-A.  Haakman.  Paris,  1877. 

Orient.  ^Nlalte,  Egypte,  Nubie,  Abyssinie,  ^q.t ^ok^^e.  Paris,  Hachettey 

1890. 
Marchand  sur  le  Haut-Nil,  par  R.  Teisseire.  Marseille,  1898. 

Les  premières  civilisations  (Egypte  et  Asie  mineure),  par  Gustave  Le 
Bon.  Marpon,  1889. 

L'Europe  et  l'Egypte,  par  Nicolas  Notoyitch.  Ollendorf,  1898. 

MADAGASCAR   ET   ILES   VOISINES. 

Prince  Roland  Bonaparte.  Le  premier  établissement  des  Néerlandais  à 
l'île  Maurice.  Pa?Hs,  imprimé  par  l'auteur,  1890. 

Relations  d'un  voyage  dans  l'Océan  indien,  par  le  D""  Léon  Lacroix. 
Lille,  Danel,  1884. 

Discours  prononcé  par  M.  de  Mahy  sur  l'île  de  Madagascar,  le 
25  juillet  1885.  Paris,  imp.  du  Journal  officiel. 


Madagascar,  depuis  sa  découverU- jusqu'à  nos  jours,  par  H.  Le  Chartier 
et  G.  Pellerin.  Ouvrage  orné  de  60  gravures  et  d'une  carie.  Paris, 
Jour  et,  1888. 

De  Tarnatave  à  Tananarive,  par  Georges  Foucart.  Lille,  Danel,  1890. 

Sainte-Marie  de  Madagascar,  le  cvclune  du  21  février  1893,  par 
H.  Mager. 

Madagascar,  par  Raoul  Postée.  Préface  de  M.  De  Mahy.  PariSy 
Challemel,  1880. 

Affaires  de  Madagascar.  Documents  diplomatiques,  1884-1886.  Paris, 
impr.  nationale,  1886. 

Essai  sur  la  cartographie  de  Madagascar,  par  M.  de  Bassilan.  Paris, 
Challemcl,  1800. 

Histoire  de  la  géographie  de  Madagascar,  par  A.  Grandidier.  Paris, 
Hachette,  1893. 

Madagascar,  par  A.  Millaud.  Paris,  Alcan. 

Du  sol  et  du  climat  de  l'île  de  Madagascar  au  point  de  vue  de  l'agri- 
culture, par  A.  Grandidier.  1894. 

A  Madagascar.  Nossi-hé  et  le  commerce  de  le  côte  sud-ouest,  par 
G.  de  Raulin.  (Extrait  de  la  Revue  Maritime),  1896. 

Majunga.  Son  importance,  son  avenir,  par  G.  de  Raulin.  (Extrait  de  la 
Revue  Maritime  et  Coloniale).  1895. 

A  Madagascar.  L'Ile  de  Sainte-Marie,  par  G.  de  Raulin.  Idem,  1896. 

Discours  prononcé  par  M.  Grandidier  au  Congrès  des  Sociétés  savantes 
sur  Madagascar.  Paris,  impr.  nationale,  1896. 

Histoire  de  la  Campagne  de  Madagascar,  par  un  soldat.  Paris, 
Baudouin,  1896. 

En  Afrique  australe  et  à  Madagascar,  par  H.  Gindre  (Comité  Dupleix). 
Paris,  Challemel,  1897. 

A  Madagascar,  par  le  prince  Henri  d'Orléans.  Paris,  Calmami-Lèvy, 
1895. 

Un  Parisien  à  Madagascar,  par  E.  Grosclaude.  Paris,  Hachette,  1898. 

Guide  de  l'émigrant  à  Madagascar,  .3  volumes  de  texte  et  un  atlas, 
publié  par  le  gouvernement  général  de  Madagascar.  Armand  Colin; 
18U9. 


-  43  - 


AMÉRIQUE. 


AMERIQUE     GENERALE. 

Géographie  générale  du  Conlinent  américain,  par  E.  Levasseur. 
Classe  de  quatrième.  Paris,  Delagrace,  1891. 

L'Amérique  avant  les  Européens,  par  Th.  Desdeyizes  du  Dèzert. 
Caen,  Le  Blanc-Hardel,  1878. 

La  Scoperta  dell'America  attribuita  ai  Cinesi,  par  Lodovico  Nogentini. 
Une  plaquette  sans  nom  d'éditeur. 

Descriptio  Indiœ  occidentalis,  per  Antonium  de  Herrera,  regium 
indiarium  et  Castell  liistoriugraphum.  1  vol.  relié.  Amsterdarn, 
MDCXXI. 

AMÉRIQUE    POLAIRE. 

Les  grands  Esquimaux,  par  Emile  Petitot,  avec  carte  et  gravures. 
Paris,  E.  Plo7i,  Nourrit  et  Cic,  1887. 

Résumé  des  communications  sur  le  Groenland,  W  partie  et  10*'  partie. 
2  vol.  Copenhague,  1889. 

Dans  les  glaces  arctiques  (Groenland),  par  A.-\^^.  Greely.  Paris, 
Hachette,  1889. 

CANADA. 

La  France  transatlantique.  Le  Canada,  par  Sylva  Clapin,  ouvrage 
enrichi  de  gravures  et  d'une  carte.  Paris,  Pion  et  Nourrit,  1885. 

Fête  nationale  des  Canadiens  français  à  Québec  en  1880,  par  H. 
Chouixard.  Québec,  1881. 

Vie  de  M*^"®  Mance  (Colonie  de  Montréal).  Galerie  nationale  publiée 
sous  la  direction  de  1'  Union  catholique.  Montréal,  1883. 

La  France  et  le  Canada.  Rapport  au  syndical  maritime  et  fluvial  de 
France,  par  E,  Agostini.  1880. 


_  44  — 

Mémoires  lus  deA-ant  la  Société  royale  du  Canada,   1882-1883,  par 
Baillargè.  Québec,  1885. 

The  Canadian  Pacific  railway.  Manitoha,  1886. 

La  question  des  Ecoles  catholiques  du  Manitoba.  Lille,  1897. 

Le  Canada  et  l'émigration  anglaise,  par  Frédéric  Gerbié.  Québec, 
1884. 

Terre-Neuve  et  les  Terre-Neuvicnncs,  par  Henri  de  la  Chaume.  Paris, 
Pion,  1886. 

Notice  sur  Tile  de  Terre-Neuve,  par  B.  de  la  Pilaye.  Sans  lieu  ni  date. 

ÉTATS-UNIS. 

Souvenirs  du  Far- West,  par  le  baron  Arnold  de  Woelmont.  Paris, 
Pion,  1883. 

De  Montréal  à  Washington,  par  l'abbé  L.  Vigneron.  Paris,  Pion,  1887. 

En  visite  chez  l'oncle  Sam,  par  le  baron  de  Mandat-Grancey.  Paris, 
Pion,  1887. 

Etudes  américaines,  par  Henri  Gaullieur.  Paris,  Pion,  1891» 

La  vérité  sur  les  Etats  confédérés  d'Amérique,  par  Edwin  de  Léon. 
Paris,  Deyitu,  1862. 

Voyage  au  pays  du  pétrole,  par  Alexis  Clerc.  Paris,  A.  Dégorge, 
1889. 

Exposition  universelle  de  1893  (Projet),  à  Chicago,  Paris,  1891. 

L'Exposition  de  Chicago.  Rapport  de  M.  Lourdelet,  délégué  de  la 
Chambre  de  commerce  de  Paris.  Paris,  1893. 

Choses  d'Amérique,  conférence  faite  à  Roubaix,  par  M.  E.  AVaxweiler. 
Bruxelles,  Waissembruch,  1894. 

Le  Kansas  en  1889,  par  Emile  Firmin,  commissaire   du   Kansas  à 
l'exposition.  Topeka,  Kansas,  Clifford  C.  Baker,  1889. 

Notice  sur  les  Français  de  Florence  (Kansas).  Publication  complétant 
le  Kansas  en  1889.  Issy-sur-Seine,  Beau  et  Villet. 

Les  sources  du  Mississipi.  Rapport  lu  par  James  Baicer  devant  la 
Société  historique  de   Minnesota.  Saint-Paul,  Minn,  1887. 

La  question  des  sources  du  Mississipi,  par  E.  Levasseur.  (5w//e/.  f/e 
gèogr.  hist.  et  descript.  Paris,  1884). 


-  45  - 

Captain  Glazier's  claim  lo  the  discovery  of  the  source  of  Ihe  Mississipi 
rivers  par  A.-J.  HiLL.From.  Magazine  of  Western  history  march. 
1887. 

Tennessee:  its  agricullural  and  minerai  wealtli,  by  J.-B.  Killekren. 
1877.  Nashville. 

Description  de  la  Nouvelle  Californie,  par  Hipp  Ferry,  avec  carte. 
Paris,  Maiso7i,  éditeur,  1850. 

Notice  sur  les  arbres  géants  de  la  Californie,  par  Ch.  Joly.  {Journal 
de  la  Soc.  nat.  et  centrale  d'horticulture).  Paris,  1883. 

San-Francisco.  Souvenirs  de  voyage,  par  Georges  Duloup.  Paris,  chez 
l'auteur,  1882. 

Les  Geysers,  par  J.  Leclercq.  Bruxelles,  1885. 

Voir  dans  :  l'Océan  Pacifique  de  M.  de  Varigny,  la  seconde  partie  : 
San-Francisco. 

Quatre  mille  lieues  aux  Etats-Unis,  par  F.,  de  Biancour.  Paris, 
Ollendorf,  1888. 

Promenades  et  chasses  dans  l'Amérique  du  Nord,  par  Louis  et  Georges 
Verbrugghe.  Paris,  Calmann-Lèvy,  1879. 

De  Paris  au  Niagara,  par  Charles  Bigot.  Paris,  Dupret,  1887. 

Souvenirs  d'un  diplomate,  lettres  intimes  sur  l'Amérique  (États-Unis). 
Paris,  Calmann,  1882. 

Pullmann-City  et  la  question  ouvrière  aux  Etats-Unis,  par  Ernest 
Hecht.  Paris,  1897. 

Paris  en  Amérique,  par  R.  Lefebvre  (Edouard  Laboulaye).  Paris, 
Chai-pentier,  1868. 

En  act  to  provide  for  the  Licensing  and  Government  of  the  Pilots  and 
regulating  Pilotage  of  the  Postof  Ne\v-Yor4v.  New-York,  Westcott, 
1869. 

Discours  prononcé  à  la  séance  générale  du  Congrès  des  Sociétés 
savantes  en  mars  1894,  par  M.  Levasseur,  sur  les  Etats-Unis.  Pa7ns, 
imp.  nat.,  1894. 

La  question  de  Misiones  ante  los  Estados  Unidos,  par  E.  Aldro. 
New-York,  1894. 


10  — 


MEXIQUE. 

Le  Mexique  illustré,  par  Malte -Brun  et  Gustave  Doré.  Pans,  Azur- 
Dutil,  1862. 

Antiquités  mexicaines,  par  J.  Leclercq.  Bruxelles,  Vanderauwera, 
1885. 

Une  visite  au  volcan  de  Jorullo,  par  Jules  Leclercq,  avocat  à 
Bruxelles.  Pmns,  1886. 

Le  Mexique  à  la  portée  des  industriels,  des  capitalistes,  des  commer- 
çants et  des  travailleurs.  Avec  une  carte  commerciale,  routière, 
minière  et  agricole,  par  F.  Bl4.n'conl  Paris,  imp.  Chaix,  octobre 
1889. 

El  algodonero  (l'agriculture  au  Mexique),  par  Donato  Gutierrez. 
Mexico,  1885. 

De  Barcelonnette  au  Mexique,  par  Emile  Chabrand.  Paris,  Pion, 
1802. 

Le  Mexique,  par  Gaston  Routier.  Paris,  Le  Soudier,  1891.  En  double 
exemplaire. 

La  Administracion  publica  de  Méjico,  par  E.  Busto.  Exposicion 
universal  de  Paris,  1889.  Paris,  Paul  Dupont,  1889. 

Les  anciennes  villes  du  Nouveau-monde,  voyages  d'exploration  au 
Mexique  et  dans  l'Amérique  centrale,  par  D.  Charnoy.  Paris, 
Hachette,  1885. 

Anuario  del  observatorio  astronomico  nacional  de  Tacubaya  para  el 
ano  de  1888.  sous  la  direction  de  l'ingénieur  Angel  Angutano, 
ano  VIII,  Mexico,  1887. 

Voyage  au  Mexique.  De  New-York  àVera-Cruz,  par  Jules  Leclercq. 
Paris,  Hachette,  1885.  Double  exemplaire. 

RÉPUBLIQUES   DE   L'AMÉRIQUE    CENTRALE. 

Descripcion  geografîcay  estadistica  delà  Republica  del  Salvador,  par 
El  doct(jr  Santl\go  J.  Barberina.  San-Salrador,  1892. 

Notice  sur  le  Salvador.  Paris,  J.  Kugehnann,  1889.  Double  exem- 
plaire. 

Brochures  diverses  sur  l'observation  astronomique  de  San-Salvador. 


._  47  — 

Canal  de  Nicaragua.  Exposition  de  Paris,  1889. 

Elude  économique  sur  le  Nicaragua,  par  D.  Pector,  Neufchâtel,  1893. 

Costa-Rica  et  son  avenir,  par  Paul  Biolley.  Paris,  Giarcl,  1889. 

Apuntaciones  sobre  il  clima  y  geografia  de  Costa-Rica,  par  H.  Pittier, 
San  José  de  Costa  Rica,  1890. 

Percement  de  l'isthme  de  Panama,  par  Henri  Rionne.  Pa^ns,  Lacroix, 
1864. 

Panama  et  Darien,  par  Armand  Reclus.  Pains,  Hachette,  1881. 

Deux  ans  à  Panama.  Notes  et  récit  d'un  ingénieur  au  canal,  par 
H.  Cermoise.  Paris,  Marpoyi,  1886. 

ANTILLES. 

La  propriété,  le  travail,  les  travailleurs  à  la  Guadeloupe.  Paris, 
Morris  père  et  fils,  1879. 

La  Guadeloupe  à  l'Esplanade  des  Invalides.  Basse-Terre,  imp.  du 
gouvernement,  1889. 

La  Martinique,  son  présent  et  son  avenir,  par  le  contre-amiral  Aube. 
Paris,  Berger-Levrault,  1882. 

Un  Parisien  dans  les  Antilles,  par  Quatrelles.  Paris,  Pion,  1883. 

Cuba  et  Puerto-Rico,  conférence  faite  à  Roubaix,  par  M.  Castonnet- 
DES  Fosses.  Lille,  Danel,  1889. 

COLOMBIE. 

Les  habitants  du  Darien  méridional  (Colombie),  par  le  D""  Louis  Catat, 
Paris,  Leroux,  1888. 

Conferenza  sulla  Colombia,  par  Carlo  Yedove,  Milan,  1892. 

Les  Etats-Unis  de  Colombie,  précis  d'histoire  et  de  géographie  physique, 
politique  et  commerciale,  par  Ricardo  S.  Pereira.  1  volume.  Paris, 
Marpon  et  Flam7narion,  1883. 

GUYANES. 

Nos  grandes  colonies.  Amérique,  Antilles  et  Guyane,  par  F.  Hue  et 
Georges  Haurigot.  3*  Edition,  Paris,  G.  Lecène  et  Oudin,  1886. 


Voyage  à  travers  les  Guyanes  et  l'Amazone  (2  vol.  et  l'atlas  de  la 
France  équinoxiale),  par  Henri  Coudreau.  Paris,  Challamel  aîné, 
1887.  Double  exemplaire. 

Voyage  d'exploration  dans  le  Maroni,  Guyane  française,  par  Vidal. 
Extrait  de  la  Revue  maritime.  Pains,  Challatuel,  1864. 

Causerie  sur  les  bois  de  la  Guyane,  par  M.  Duprê.  Melun,  imp. 
administrative,  1889. 

Notice  sur  la  transportalion  à  la  Guyane  française.  Paris,  imp. 
nationale,  1883. 

Transportation  à  la  Guyane  française  et  à  la  Nouvelle-Calédonie  (1880- 
1881),  par  le  vice-amiral  Peyron.  1  vol.  relie. 

Idem,  1885,  1  vol.  broché. 

VENEZUELA. 

Notice  politique,  statistique,  commerciale,  sur  les  Etats-Unis  du  Vene- 
zuela contenant  les  renseignements  les  plus  utiles  sur  le  pays,  en 
Français,  Anglais,  Espagnol,  Allemand  et  Italien,  el  accompagnée 
d'une  carte  de  la  République.  Paris,  imp.  Paul  Dupont,  1889. 

La  question  des  limites  entre  le  Venezuela  et  l'Angleterre,  par  M.  Veoz 
GoiTicoA.  Bordeaux,  imp.  Girondine,  1891. 

Notice  biographique  sur  le  D""  Raimundo  Anduezo-Palacio,  président 
du  Venezuela.  Bordeaux,  imp.  Girondine,  1891. 

Un  déporté  à  Cayenne.  Souvenirs  de  la  Guyane,  par  A.  Jusselain. 
Paris,  Calmann-Lévy,  1878. 

Il  territorio  contestato  tra  la  Venezuela  el  la  Guiana  Inglese,  daî 
Professor  GuiDO  Cora.  Torino,  1896. 

PÉROU,    EQUATEUR,    CHILI,    BRÉSIL. 

Petroleum  in  Peru,  by  Federico  Moreno.  Lima,  1891. 

Coup  d'œil  sur  les  forces  productives  de  l'Amérique  du  Sud.  Conférence 
par  M.  Levasseur,  1882.  Bordeaux,  188G. 

Viajes  centifîcos  por  la  Republica  del  Ecuador,  verifîcados  y  publicados 
por  ordem  del  supremo  gobierno  de  la  misraa  Republica,  par  el 
doctor  T.  WoLF.  Guyaquil,  1879. 


•      —  49  — 

Des  Andes  au  Para  (Equateur,  Pérou,  Ainazoue),  par  Marcel  Moxxier. 
Paris,  Pion,  1890. 

Boletin  del  observatorio  astronomico  y  raeteorologico  de  Quito,  par 
A.  Martinez.  Quito,  1896. 

Chili  et  Chiliens,  par  Charles  Wiener,  avec  nombreuses  chromo-lilho- 
graphies  et  cartes.  Paris,  Lèopold  Cerf,  1888. 

Le  Chili  et  l'Espagne.  Paris,  Guérin,  1865. 

Le  Chili,  par  Eug.  de  Rabl^no.  Paris,  Pion,  1882. 

La  Jeune  Amérique  (Chili  et  Bolivie),  par  A.  Iîelessort.  Pans,  Perrin, 
1897. 

Limite  con  Chile,  articulosdelDoctor  Irigoyen.  Buenos- Ayres,  1885. 

El  alegato  (^Ihileno  (question   de  limites),   par  Osvaldo  Magnasgo. 
Buenos- Ayres,  1896. 

L'Empire  du  Brésil  au  point  de  vue  de  l'émigration,  parLiÊvix  Copplv. 
Charleroi,  1882. 

Séance  solennelle  de  la  Soc.  de  Géographie  de  Rio  de  Janeiro  en 
l'honneur  de  l'explorateur  Xlngu  (en  portugais),  1884. 

Voyage  entre  Tocantins  et  Xingu  ,   par  H.   Coudreau.    In-4" ,  avec 
gravures  et  cartes.  Lahm^c,  1899. 

Nelpaese  delli  Amazzoni,  par  Gustave  Gavotti.  Roma,  1897. 

Cuestiones  de  limites  entre  las  Republicas  Argentina,  el  Brasil  y  Chile, 
par  E.  Zeballos.  Baenos-Ayrcs,  1892. 

Chile  y  Misiones.  Même  auteur.  Idem. 

Les  républiques  hispano-américaines,  par  Théodore  Chh.d.  Librairie 
illustrée,  1891. 


REPUBLIQUE   ARGENTINE. 

L'Amérique  inconnue,  d'après  le  journal  dn  Vicomte  de  Brettes,  par 
Mallat  de  Bassh^an.  Paris,  Firinin-Didot,  1892. 

La  République  argentine.  —  Etude  économique,   par  John  Lelong. 
Bordeaux,  Gounouilhou,  1876. 

La  République  Argentine  (Missions  commerciales) ,  par  Ch.  Wiener. 
Paris,  1899. 


—  50  — 

République  argentine:  le  Commerce  et  les  Finances,  par  Emile 
Daireaux.  Paris,  Hachette  et  C'^ ,  1889.  (Extrait  de  l'Ouvrage  : 
La  Vie  et  les  mœurs  à  La  Plata). 

République  argentine  :  Les  lois  et  la  constitution  (id.,  id.). 

République  argentine.  La  Ville  de  Buenos- Ayres  (id.,  id.). 

République  argentine:  L'Industrie  pastorale  (id.,  id.). 

République  argentine:  Les  grandes  cultures  (id.,  id.). 

République  argentine  :  La  vie  sociale  et  la  vie  légale  des  étrangers 
(id..id.). 

Message  du  pouvoir  exécutif  national  lu  par  le  président  de  la  Répu- 
blique, le  18  mai  1885.  Buenos-Ayres,  1886. 

Les  Progrès  de  la  République  argentine.  Emigration  et  colonisation, 
par  John  le  Long.  Sceaux,  iwp.  Charaire  et  fils,  1888. 

L'émigration  française  aux  rives  de  La  Plata.  Delagrave,  1884. 

Les  pampas  de  la  République  argentine,  par  John  le  Long.  Paris, 
Delagrave,  1878. 

Concession  de  terrains  nationaux  dans  la  République  argentine.  Note 
pour  les  émigrants.  Paris,  Butiner. 

Catalogue  de  l'Exposition  argentine  à  Brème.  Brème,  1884. 

Annuaire  statistique  de  la  province  de  Buenos- Ayres, par  M.  A.  Moutier. 
La  Plata,  1880. 

Buenos-Ayres,  par  Emile  Daireaux.  Paris,  Hachette,  1877. 

Statistique  du  mouvement  commercial  et  maritime  du  port  de  Dun- 
kerque  avec  la  République  argentine  (1881-90)  par  M.  Albert  Mine. 

Actas  de  la  Academia  nicional  de  ciencias  de  la  Republica  argentina. 
Buenos-Ayres,  1886. 

Mensaje  del  gobernador  de  la  Provincia  de  Buenos-Ayres.  D.  Julio 
Casta.  La  Plata,  1802. 

Primer  censo  gênerai  de  la  Provincia  de  Santa  Fé  (République  argen- 
tine), par  Gabriel  Carrasco. 

La  Province  de  Santa-Fé,  la  colonisation  agricole,  par  G.  Carrasco. 
Buenos-Ayres,  1804. 

Republica  argentina.  Jurisprudencia  postal  y  telegrafica,  parC.  Carles, 
180d. 


—  51  — 

L'agriculture,  l'élevage,  l'industrie  et  le  commerce  dans  la  province  de 
Buenos-Aj^res  en  1895.  LaPlata^  1897. 

Memoria  del  museo  nacional  ano  1894,  por  il  director  C.  Bery.  Buenos- 
Ayr-es,  1897. 

Idem,  ano  1895. 
Idem,  ano  1896. 

Anales  del  Museo  nacional  de  Buenos-Aires,  idem. 
Los  Querandies,  contribution  à  l'étude  do  l'ethnographie  argentine, 
par  F.  OuTES.  Buenos- Ayres.,  1897. 

PARAGUAY. 

Le  Paraguay,  par  le  D'  E.  de  Bourgade  La  Dardye.  Ouvrage  ren- 
fermant 26  gravures  hors  texte  et  une  grande  carte  du  Paraguay. 
Paris,  Pion,  1889. 

La  République  du  Paraguay,  par  Mathias  Alonso  Criado.  Edition 
1888. 

Catalogue  officiel  de  la  République  du  Paraguay.  Paris,  C.  Lèvy,  1889. 

La  République  du  Paraguay,  avec  carte  du  Paraguay.  Bruxelles,  1897 
(publication  faite  à  l'occasion  de  l'exposition  de  Bruxelles). 

Antécédentes  historicos  sobre  costraïados  con  el  Paraguay,  por 
S.  Alcorta.  Buenos- Ayi^es,  1885. 

URUGUAY. 

De  las  Industrias  y  del  Desarrolo  industrial  en  la  republica  del  Uruguay, 
par  E.  Wonner.  Montevideo,  1889. 

Notice  suivie  du  Catalogue  des  exposants  à  l'exposition  universelle  de 
1889.  République  de  l'Uruguay.  Paris,  1889. 

PATAGONIE. 

Trois  ans  d'esclavage  chez  les  Patagons,  par  A.  Guinnard.  Paris, 
Brunet,  1864. 


OCÉANIE. 

L'Océan  pacifique,  par  C.  de  Yarigny.  Paris,  Hachette,  1888. 

Les  premiers  voyages  des  Néerlandais  dans  l'Insulinde,  par  le  prince 
Roland  Bonaparte.  Versai/les,  Aubert,  1884. 

De  France  à  Sumatra,  par  Beau  de  Saixt-Pol-Lias.  Paris,  Audin, 1884 . 

Rapport  sur  un  voyage  à  Sumatra,   par  Paul  Fauque.  Paris,   inipr. 
nationale,  1886. 

La  côte  du  poivre,  au  pays  des  Salanganes,  par  Brau  de  Salnt-Pol-Ll\s. 
Extrait  de  la  Nouvelle  revue  du  15  Janvier  1889. 

Chez  les  Atchés,  Lohong,  par  Brau  de  Saint-Pol-Lla.s.  Paris,  Pion, 

1884. 

Voyage  humoristique  au  pays  des  Kangouroos.  Paris,  Narpon  et 
Flammarion. 

Les  premières  nouvelles  de  l'éruption  du  Krakatoa  en  1883.  Paris, 
Maréchal,  1884. 

Expédition  dans  l'archipel   indien.  Déli  et  les   colons  explorateurs 
français,  par  Brau  de  Saint-Pol-Ll^s.  Paris,  1877. 

Voyage  aux  volcans  de  Java,  par  Edmond  Cotteau.  Paris,  Chamerot, 

'l886. 

Ruines  et  antiquités  javanaises,  par  M.  E.  Gallois.  Le  n"  de  juillet 
1897  de  la  Revue  internationale  scientifique. 

Même  ouvrage,  tiré  à  part.  Paris,  1897. 

L'Espagne  et  la  question  de  Bornéo  et  do  Jolo,  par  E.  Gibert.  Société 
académique  Indo-Chinoise.  Paris,  1882-. 

Luçon  et  Palaouan,  six  années  de  voyage  aux  Philippines,  par  Alfred 
Marche.  Paris,  Hachette,  1887. 

Aventure  d'un  gentilhomme  breton   aux  îles  Philippines,   par  de  La 
GiRONiÈRE.  Paris,  impriîneurs  réunis,  1855. 

Iles  Philippines  :   la  province  de  Zambales  de  l'île  de  Luçon,  d'après 

la  monographie  de  M.  Francisco  Canamaque,  par  A.  W.  Taylor. 

Paris,  1881. 
Les  Iles  Carolines,   par  Alf.  Renouard   {Bulletin  de  la  Société  de 

géographie  de  Lille).  Lille,  Panel,  1885. 
Carolines.  —  Découverte  et   description  des    Iles    Garbanzas,    par 

MM.  Eugène  Gibert  et  A.  Taylor.  Paris,  1881. 


—  53  — 

Carolines.  —  Découverte  des  Iles  Garbanzas,    par  Fr.    Carrasco. 
Traduit  de  l'espagnol  par  Eugène  Gibert  et  A.  ïaylor.  Parais,  18S6. 

Général  Index  Map  of  Sidnev  and  suburbs.  Gibs,  Shallard  and  C", 
Sid^iey. 

Production  et  Commerce  des  laines  d'Australie,  par  Alf.  Renouard. 
Roubaix,  Al/'red  Reboiu\  1886. 

Les  forces  productives  de  l'Australie  britannique,  par  M.  E.  Levasseur. 
Conférence  à  la  Société  de  géographie  de  Lille,  31  Janvier. 

Maddock's  guide  to  Sidney.  Sidney,  1880. 

L'Australie  nouvelle,  par  E.  Maris  La  Meslêe.  Parais,  Pion,  1883. 

Histoire  d'une  famille  d'émigranls  sur  le  continent  austral,  par  Armand 
Dubarry.  (Paris,  Perrin  et  C'%  1887). 

Conférence  par  M.  le  baron  Miguel  sur  l'Australie  et  les  Nouvelles 
Hébrides  à  la  Société  française  de  colonisation.  Paris,  1887. 

Voyage  dans  le   buisson   australien,   par  Louis   Jacolliot.   Paris, 
Marpon  et  Flainmarion. 

La  Nouvelle-Guinée ,  le  fleuve     Augusta ,    par    le    prince    Roland 
Bonaparte.  Paris,  impynmé  pour  l'auteur.  Mars  1887. 

Les  récents  voyages  des  Néerlandais  à  la  Nouvelle-Guinée,  parle  prince 
Roland  Bonaparte.  Versailles,  imprimé  pour  l'auteur,  1885. 

Les  derniers  voyages  des  Néerlandais.  Idem. 

La  Nouvelle-Guinée,  par  J.  Girard.  Paris,  F.  Léri,  1883. 

La  Nouvelle-Zélande.  Conférence  faite  à  la  Société  de  Géographie  de 
Lille  (octobre  1888),  par  le  P.  Lanuzel.  Lille,  Panel,  1889. 

Une  femme  du  monde  à  la  Nouvelle-Zélande,  par  lady  Barker,  Paris, 
Didot. 

El  reino  de  Hawaï,  par  R.  Monner-Sans.  Barcelone,  1883. 

Archipel  des  Iles  Hawaï  ou  Sandwich,  par  Albert  Mine.  Gounouilhou, 

1885. 

Les  Iles  Hawaï,  par  Marcel  Monnier.  Paris,  Pion,  1885. 

Documents  diplomatiques.  Affaires  des  Nouvelles-Hébrides  et  des  Iles 
Taïti.  Paris,  impr.  nationale,  1887. 

Les    Canaques    de    la    Nouvelle-Calédonie.    Conférence    faite    par 
M.  LÉON  MoNCÊLON.  Paris,  imprime)-ie  des  Ecoles,  1886. 

Guide  de  l'émigrant  en  Océanie.  Paris,  Meyer  et  C'^. 


—  54  — 

Notice  sur  la   déportation  à  la  NouYelle-Calédonie.  Paris,   impr, 
7iationalc,  1886. 

Le  bagne  et  la  colonisation  pénale  à  la  Nouvelle-Calédonie,  par  un 
témoin  oculaire.  Pains,   Ch.  Beyle,  1886. 

La  Nouvelle-Calédonie  à  l'exposition  universelle  de  1889.  Extrait  du 
Journal  le  Colon.  Nouméa,  1889. 

La  Nouvelle-Calédonie  et  les  Nouvelles-Hébrides,  par  H.  Le  Chartier. 
Paris,  Jouvet,  1885. 

L'Archipel  de  la  Nouvelle-Calédonie,  par  Auguste  Bernard.  Hachettey, 
1885. 

Souvenirs  de  la  Nouvelle-Calédonie,  par  Henri  Rivière.  Paris,  Cal- 
rtiann-Lèvy ,  1882. 

La  Nouvelle-Calédonie.  Deux  Notices  à  l'usage  des  émigrants,  publiée 
par  le  Ministère  des  Colonies,  1895. 

La  plantation  du  café  en  Nouvelle-Calédonie.  Idem. 

Débuts  d'un  émigrant  en  Nouvelle-Calédonie,  par  Michel  Yillay. 
Publication  du  Comité  Dupleix.  Paris,  Challamel,  1897. 

Guide    de    l'émigrant    en   Nouvelle-Calédonie,    avec    carte.    Paris, 
Challamel,  1894. 

Tahiti  et  les  colonies  françaises  de  la  Polynésie,  par  H.  le  Chartier- 
Paris,  bibliothèque  instructive.  Jouvet.  1887. 


EUROPE. 


EUROPE     GENERALE. 

Ethnographie  des  peuples  de  l'Europe  avant  J.-C.  ou  Essai  sur  les 
nomades  de  l'Asie,  leurs  migrations,  leur  origine,  par  Ch.  Steur. 
Bruxelles,  Paris  et  Londres,  1872. 

Histoire  de  l'Europe  et  particulièrement  de  la  France  (3  volumes  de 
texte  en  un  vol.  de  croquis),  par  Paul  Charbonnet.  Lille,  Berges, 
1893. 

L'Europe  moins  la  France,  par  Levasseur.  Paris,  Delagrave,  1873. 

La  population  en  Europe.  La  population  dans  les  cinq  parties  du 
monde,  par  E.  Levasseur.  Extrait  des  Comptes  Rendus  de  l'Aca- 
dèinie  des  Sciences,  1892. 

Les  bains  d'Europe,  par  Ad.  Joanxe  et  A.  le  Fileur.  Paris,  Hachette, 

1880. 

L'Europe.  Extrait  de  la  grande  Encyclopédie,  par  Levasseur.  Paris, 
Lamirault,  1892. 

L'Europe.  Choix  de  lectures,  par  L.  Lanier.  Paris,  Belin,  1887. 

L'avenir  de  la  race  blanche,  par  J.  Novicow.  Paris,  Alcan,  1897. 

Etudes  sur  les  écoles  de  Commerce  en  Europe  (moins  la  France),  par 
MM.  Jourdan  et  Dumont.  Paris,  Le  Soudier,  1886. 

Les  Alpes,  par  E.  Levasseur.  Ouvrage  orné  de  44  cartes-esquisses, 
dont  deux  hors  texte.  Gr.  in-8**.  Delagrave,  1889. 

Rapport  sur  les  musées  et  les  écoles  d'art  industriel  dans  les  pays 
d'Europe.  Ministère  de  l'Instructiori  publique  et  des  Beaux-Arts. 
Paris,  Quantin,  1886,  1888,  1889,  1890. 

Voyages  du  Canot  en  papier  «  le  Qui  vive  »  (Europe  occidentale),  par 
Tanneguy  de  Wogan.  Paris,  Hachette,  1887. 

La  Csàrdâs,  notes  et  impressions  d'un  Français  en  Autriche  et  Hongrie, 
en  Roumanie,  en  Suisse,  en  Belgique,  par  Louis  Ulbach.  Paris, 
Cahnann-Lèvy ,  1888. 


—  VJO  — 

Les  phonograpliies  européennes,  ou  Fart  de  prononcer,  lire  et  écrire 
les  langues  à  première  vue,  par  un  groupe  de  professeurs,  1895. 

En  Méditerranée,  par  L.  Trotignon.  Paris,  Dentu. 

ISLANDE   ET  ILES  VOISINES. 

Pauvre  Islande  !  par  Victor  Meignax,  avec  gravures  et  carte.  Paris, 
Ernest  Kolb,  1889. 

L'Islande  et  l'Archipel  des  Feroër,  par  le  D''  Henry  Labonxe.  Ouvrage 
contenant  57  gravures  et  2  cartes.  Paris,  Hachette  et  C'' . 

Note  sur  la  pêche  de  la  morue  en  Islande,  par  Aug.  Vêron  (Extrait  des 
Nouvelles  Annales  de  la  Marine).  Paris,  imp.  administrative 
Paul  Dupont,  1859. 

La  terre  de  glace.  Feroë,  Islande,  par  J.  Leclercq.  Pion,  1883. 

Observations  géologiques  faites  à  l'île  Jean  Mayen,par  Jules  de  Guerne. 
Lille,.  Liégeois-Six,  1882. 

ANGLETERRE. 

L'Irlande,  le  Canada,  Jersey,  par  (î.  de  Molinari.  Pans,  E.  Dentu, 
1881. 

Chez  Paddy,  par  E.  de  Mandat-Grancey.  Paris,  Plo7i,  1887. 

Vn  Tourquenuois  à  Londres.  Impressions  de  voyage  par  M.  J.  Petit- 
Leduc.  Extrait  du  Bulletin  de  la  !Société.  Lille,  Danel,  1891. 

Recherches  sur  les  distances  géographiques,  en  particulier  sur  celle  de 
Calais  à  Douvres,  par  G.  Dètrez.  Lille,  Détrez,  1893. 

Londres  au  commencement  du  XYllT  siècle,  d'après  des  documents 
inédits,  parL.  Quarrè.  Lille,  Danel,  1880. 

En  Angleterre  (Angleterre,  Ecosse,  Irlande),  par  Félix  Narjoux. 
Paris,  Pion,  1886. 

Terre  d'Irlande,  par  George  Moore.  Traduit  de  l'anglais  par  L.  Rabbe. 
Paris,  Charpentier,  1887. 

Le  rêve  de  Paddy  et  le  cauchemar  de  John  Bull,  notes  sur  l'Irlande. 
Paris,  Plon,^  1886. 

Les  Anglais  en  Irlande,  notes  et  impressions,  par  Philippe  D.^ryl. 
Paris,  Hetzel,  1888. 


—  57  - 

Les  ports  de  la  Grande-Bretagne,  par  L.   Simonin.  Paris,   Hachette, 
1881. 

Les  malheurs  de  John  Bull,  par  Camille  Debans.  Paris,  Marpon  et 
Flammarion,  1884. 

Histoire  des  Iles  de  la  Manche,  par  A.  Canu.  Paris,  Bayle,  1892. 

L'Angleterre,  son  gouvernement,  ses  institutions, par  A.  de  Fonblanque. 
Paris,  Genner-Baillière,  1881. 

A  travers  Londres  et  l'Angleterre,  par  A.  D.  de  Fontreal.  Paris ^ 
Lachaud. 

Cook's  Handbook  for  London.  Londres,  1895. 

La  vie  nomade  et  les  routes  d'Angleterre  au  XIV  siècle  par  J.  Jusse- 
rand.  Paris,  Hachette,  1884. 

Jacques  Bonhomme  chez  John  Bull.  Paris,  Lèvy,  1885. 

L'Armée  de  John  Bull,  par  Hector  France.  Paris,  Charpentier, 
1887. 

L'Angleterre  au  seizième  siècle,  par  Philarête  Chasles.  Paris,  Char- 
pentier, 1879. 

Le  Commerce  et  son  organisation  en  France  et  en  Angleterre,  par 
G.  François,  1891. 

Les  arsenaux  maritimes  de  l'Angleterre  et  les  ports  de  refuge.  Extrait 
de  la  Revue  maritime.  Paris,  1861. 

Londres  (Guide  Baedeker).  Leipzig,  Baedeker,  1890. 

Londres  (    id.  id.      ).  1899. 


BELGIQUE. 

Baedeker.  Guide  en  Belgique  et  en  Hollande.  Ollendorf,  1891. 

Idem.  Edition  de  1897. 

Répertoire  du  Commerce  et  de  l'Industrie  de  la  Belgique.  Bruxelles, 
administration  du  journal  l'Economiste,  1890. 

Blankenberghe  et  ses  environs.  Souvenirs  de  Voyage,  parL.  Quarrê- 
Reybourbon.  Lille,  Quarrè,  1886. 

Knocke,  nouvelle  station  balnéaire  sur  la  mer  du  Nord,  par  L.  Quarré- 
Reybourbon.  Souvenirs  de  vovage.  Lille,  Quarrê,  1890. 


—  58  — 

Panorama  du  Mont  de  Kemmel,  en  trois  couleurs.  Bruxelles ,  imp^ 
Gouweloos. 

Dictionnaire  géograpiiique  du  Hainaut,  par  Tu.  Bermer.  Mons^ 
Marècaiix,  1879. 

Excursion  de  la  Société  de  Géographie  aux  bords  de  l'Escaut,  de 
Tamise  à  Anvers.  Compte  rendu  par  G.  Houbron.  Lille,  Danelr 
1800. 

Idem,  aux  bords  de  la  Meuse.  Lille,  Danel,  1891. 

ypres,  par  G.  Houbron.  Lille.  Danel,  1892. 

Compte  rendu  des  travaux  du  dixième  Congrès  tenu  à  Tournai  en 
1895  (et  concernant  Tournai),  par  Eug.  Soil.  Tournai^  1896. 

Album  contenant  la  reproduction  des  groupes  qui  ont  figuré  au 
cortège  historique  de  Bruges  en  1889  à  propos  de  l'érection  de  la 
statue  de  Breidel  et  de  De  Coninck. 

Tableau  récapitulatif  du  mouvement  commercial  des  céréales  en 
Belgique,  de  1833  à  1888,  d'après  des  documents  officiels,  par 
L.  Stracss.  Anvers,  1888. 

Le  pays  de  Liège '(excursion  de  mai  1888)  par  E.  Gantineau.  Extrait 
du  Bulletin  de  la  Société.  Danel.  1888. 

Recherche  sur  les  anciennes  porcelaines  de  Tournai,  par  Eug.  Soil. 
Tournai/,  Vasseur,  1883. 

Sur  l'Escaut,  par  Hector  Vax  Dorslaer.  Bruxelles,  Lacomblei/y 
1894. 

Le  littoral  belge,  guide  publié  par  l'office  Bontens-Berleur.  Bru- 
xelles, 1897. 

Aux  bords  de  la  Semois,  note  d'un  touriste,  par  E.  Lamothe, 
Bruxelles,  Callewaert,  1893. 

En  pays  flamand,  par  Armand  Heins  et  Georges  Meunier.  Gand, 
Hoste,  1892. 

La  Belgique,  par  un  groupe  d'écrivains  belges  (numéro  spécial  de  la 
Revue  encyclopédique.  Paris,  Larousse,  1897. 

En  Ardennes,  par  M.  Heins  et  A.  Hkins.  Gand,  Hoste,  1890. 

L'Ardenne,  par  .Jean  d'Ardenne.  Bruxelles,  Rozez-^  1895. 3  \o\u.mes^ 

Annales  de  la  Société  d'archéologie  de  Bruxelles.  Tome  XI.  Bruxelles^ 
1897. 


-^  w  — 

Belgium,  Aix-la-Chapelle  and  Cologne,  guide  book  hy  W.  James 
Weale.  London,  1859. 

■Guide  Diamant.  Belgique,  par  A.-J.  du  Pays.  Paris,  Hachette,   1879. 

La  Belgique,  par  Camille  Lemonxier.  Grand  in-8°.  Paris,  Hachette, 

1888. 

La  frontière  linguistique  en  Belgique  et  dans  le  nord  de  la  France,  par 
GoDEFROiD  KuRTH.  Bruxelles,  Société  belge  de  librairie,  1896. 
2  volumes. 

Le  tblk-lore  wallon,  par  J.  Monseur.  Bruxelles,  Rozez,  1897. 

Belgique  et  Grand-Duché  de  Luxembourg,  ^f^^r 3 oas^e.  Hachette,  1897. 

Cinquième  note  sur  le  Famemnien.  Les  schistes  des  environs  de 
Philippeville  et  les  bords  de  FOurthe,  par  M.  J.  Gosselet.  Lille, 
1881. 

Fêles  et  marches  historiques  en  Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France, 
par  Mgr  Dehaisnes.  Danel,  1895. 

Ypres.  Guide  illustré  du  touriste.  Liège,  Benard,  1898. 

Le  Voyageur  en  Belgique,  par  un  touriste.  Liège,  Benard,  1898. 

La  Flandre  à  vol  d'oiseau,  par  Henry  Havard.  Bruxelles,  Rozez, 
1883. 

Opuscules  divers  sur  la  géologie  de  la  Belgique,  par  E.  Yandenbroeck. 
Bruxelles,  dates  diverses. 

Plages  belges,  de  Dunkerque  à  Ostende,  par  E.  Auguin.  Paris,  Le 
Soudier,  1898. 

HOLLANDE. 

Lettrçs  sur  la  Hollande,  par  X.  Marmier.  Paris,  Delloye,  1842. 

La  Hollande  pittoresque.  Le  Cœur  du  pays,  par  H.  Hav'^ard.  Paris, 
Pion,  1878. 

La  Hollande,  par  Edmondo  de  Amicis.  Hachette,  1894. 

Les  Pays-Bas,  par  E.  Montégut.  Impressions  de  voyage  et  d'art. 
Hachette,  1884. 

Cinq  jours  en  Hollande,  impressions  d'un  excursionniste.  Roubaix, 
Reboux,  1895. 

Guide  de  Scheveningue  et  de  la  ville  de  La  Haye  et  de  ses  environs. 
La  Haye,  Belinfante,  1892. 


—  GO  — 

Belgique  et  Hollande,  guide  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorf,  1891. 

Rapport  sur  les  musées  et  les  écoles  d'arl  industriel  en  Belgique  et  en 
Hollande,  par  Marius  Vachon.  Paris,  Quantin,  1888. 

Aperçu  géologique  sur  le  terrain  dévonien  du  Grand-Duché  de  Luxera- 
bourg,  par  J.  GossELET.  1885. 

Belgique  et  Grand-Duché  de  Luxembourg,  par  Joanxe.  Hachette, 
1897. 

Musée  royal  de  La  Haye.  Catalogue  raisonné  des  tableaux  et  sculptures. 
La  Hajje,  1895. 

ALLEMAGNE. 

De  l'Allemagne,  par  M'""  de  Staël.  Paris,  Garnier  frères. 

L'Allemagne  politique  de  1866  à  1870,  par  V.  Cherbuliez.  Paris, 
Hachette,  1870. 

Les  droits  de  la  France  sur  l'Alsace  et  la  Lorraine,  par  Alfred  Michiels. 
Bruxelles,  Vanderauwera,  1871. 

La  France,  le  Pape  et  l'Allemagne,  par  Louis  Guillebert.  Paris, 
Périsse  frères,  1873. 

Baedeker.  Guide  dans  l'Allemagne  du  Nord.  Paris,  Ollendorf,  1893. 

Baedeker.  Les  bords  du  Rhin.  Paris,  Ollendorf,  1878. 

Idem,  id.,  1891. 

La  Société  et  les  mœurs  allemandes,  traduit  de  J.  Scherr  par  Tissot. 
Paris,  Denta,  1877 . 

Un  mot  sur  l'Alsace  et  Strasbourg,  par  Edmond  Ott.  Paris,  Berger- 
Lem^ault,  1884. 

Le  Rhin,  de  Victor  Hugo.  PaHs,  Hachette,  1876.  3  volumes. 

L'Alsacien  qui  rit,  boit,  chante  et  danse,  par  Le  Roy  de  Sainte-Croix. 
Paris,  Berger-Levrault,  1880. 

Le  Château  de  Hoh-Kœnigsbourgj  par  Gustave  Dietsch.  Sainte- 
Marie-aux-Mines,  1882. 

Justus  Perthes  in  Gotha  (1785-1885).  Texte  allemand. 

Rapport  adressé  au  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux- 
Arts  sur  l'organisation  des  Musées  en  Allemagne,  par  M.  Saglio. 
Paris,  imp.  des  Journaux  officiels,  1886. 


.  —  01  - 

La  police  secrète  prussienne,  }tar  Y.  Tissox.  Paris,  Denta,  1884. 

L'Allemagne  d'aujourd'hui  (1862-1882).  Études  politiques,  sociales, 
littéraires,  par  Alexandre  Pey.  Paris,  Hachette,  1883.  En 
double. 

France  et  Allemagne.  Les  deux  races,  par  Matyas  Vai.lauy.  Paris, 
Hachette,  1887. 

Au  pays  de  Gretchen,  par  Henri  Amic.  Paris,  Cabnann-Lècy,  1884. 

L'Allemagne  telle  qu'elle  est,  par  Jacques  St-Cère.  Paris,  OUendorf, 
1886. 

L'Allemagne  actuelle,  sans  nom  d'auteur.  Paris,  Pion,  1887. 

Le  Rhin  allemand,  par  Edgar  INIonteil.  Paris,  Charpentier,  1879. 

Souvenirs  de  voyage  et  causeries  d'un  collectionneur,  ou  guide  artis- 
tique pour  l'Allemagne,  par  Aug.  Demmin.  Paris,  F"*  Renouard, 
1864. 

De  France  en  Allemagne,  par  V.  Cambon.  Paris,  Masson,  1887. 

Entretien  entre  Napoléon  et  Gœthe,  par  L.  Sklower.  Paris,  1855. 

Étude  sur  les  populations  rurales  de  l'Allemagne  et  la  crise  agraire, 
par  Georges  Blondel.  Paris,  Larose,  1897. 

Voyage  social  en  Allemagne,  par  Georges  Blondel.  Extrait  do  la 
Réforme  sociale.  Paris,  1897. 

Entre  l'Inn  et  le  lac  de  Constance  (Haute  Bavière  et  Souabe),  par 
Louis  Rivière.  Paris,  Quantin,  1891. 

Dresde  et  la  Suisse  saxonne,  par  Aug.  Marguillier.  Dans  le  Monde 
7noderne,  numéro  de  juin  1897. 

L'Athènes  de  la  Spréc,  par  L.  Gersal.  Savine,  1882. 

HeidelbeVg  und  Umgebung ,  von  Koch  von  Bermeck.  Zurich,  1889. 

PAYS     SCANDINAVES. 

Trois  semaines  en  pays  Scandinaves,  impressions  de  voyage,  par  le 
D'  Henry  Contagne.  Paris,  1890.  Société  d'éditions  scien- 
tifiques. 

Notice  sur  le  Musée  du  Château  de  Rosenborg  en  Danemark,  par 
C.  Cas  ATI.  Lille,  Danel,  1889. 

Les  pays  Scandinaves,  par  Maxime  Petit.  Bibliothèque  de  Vulgari- 
sation. Paris,  Degorge-Cadot. 


—  02  — 

De  l'influeuce  de  l'art  des  Gotlis  en  Occident,  1891,  par  le  Baron 
De  Baye. 

En  Scandinavie,  notes  de  voyage,  par  A.  Boutroue.  (Extrait  delà 
Revue  de  Gèog.).  Paris,  Leroux,  1896. 

Norwège  et  Suède,  par  l'abbé  Neyrat.  Paris,  1889. 

Rapport  sur  les  musées  et  les  écoles  d'art  industriel  en  Danemark, 
Suède  et  Xorwège,  parMARius  Vachon.  Paris,  Quantin,  1889. 

La  Suède,  son  développement  moral,  industriel  et  commercial,  par 
C.-E.  Ljungberg.  Paris,  Duhuisson,  1867. 

Guides  Baedeker.  Suède  et  Norwège.  Paris,  OUendorf,  1892. 

Le  pays  des  sapins.  Voyage  en  Norvège,  par  l'abbé  H.  Hoornaert. 
Paris,  Palmé. 

•Note  on  the  lapps  of  Finmark,  par  le  prince  Roland  Bonaparte. 
Paris,  Chamerot,  1886. 

Le  prince  Roland  Bonaparte  en  L'aponie.  Episodes  et  tableaux,  par 
F.  EscARD.  Paris,  Chamey^ot,  1886. 

Un  touriste  en  Laponie,  par  A.  Kœchlin-Schwartz.  Paris,  Hachette, 
1882. 

La  Laponie.  résumé  d'une  Conférence  du  prince  Roland  Bonaparte 
(plus  quelques  mots  sur  la  Corse).  Extrait  du  Globe.  Genève,  1889. 

Histoire  des  Révolutions  de  Suède,  par  l'abbé  de  Vertot.   Paris, 
Lequien,  1834. 

Mémoires  historiques  sur  la   prétendue  succession    apostolique   en 
Suède,  par  M""^  de  "VVarrimont. 


AUTRICHE-HONGRIE. 

Un  voyage  de  Bruges  à  Vienne  en  1716,  d'après  le  journal  manuscrit 
de  J.-B»  Verslype,  par  M.  l'abbé  D.  Carnel. 

Allemagne  du  Sud,  par  Baedeker.  Paris,  OUendorf,  1893. 

En  Tyrol,  par  Maurice  Grand.tean.  Lille,  Désolée,  1893. 

Le   Tyrol    et  le   pays  des  Dolomites,  par  Jules  Leclercq.  Paris, 
Quantin,  1880. 

L'Autriche  contemporaine,  par  Raoul  Chêlard.  Paris,  1884. 


—  63  - 

La  Hongrie  et  la  Transylvanie.  Le  Danube  et  Budapest.  Les  Tunnels 
circulaires  du  St-Golhard,  par  M.  G.  de  Beugny  d'HAGERUE.  Lille, 
Extrait  du  Bulletin  de  la  Soc.  de  Gèog.,  1889. 

Guides  Joanne.  Etats  du  Danube  et  des  Balkans. 

1"  partie  :  Hongrie  méridionale,  Adriatique.  Dalmatie,  Monténégro, 
Bosnie,    Herzégovine.  Pat'is,  Hachette,  1891. 

Resultale  der  Wissenschaftlichen  Ei'forschung  des  Plattensecs,  von 
E.  TON  Cholnoky.  Vicvne,  1807. 

Guides  Joanne.  Etats  du  Danub^i  el  des  Balkans, 

2*"'' partie  :  Tome  •l*^  Haute  Hont,a-ie,  Suisse  hongroise  et  région  des 
Tatras,  Galicie,  Bukowine,  Roumanie.  Paris,  Ilac/tefte,  1893. 

Rapport  relatif  à  l'enseignement  eu  Autriche  des  arts  appliqués  à 
l'industrie,  parE.  Saglio.  Paris,  inip.  nationale,  1800. 

La  Hongrie,  par  Victor  Tissot.  Paris,  Pion,  1883. 

Trigonometrische  Arbeiten  in  Nieder  und  Ober-Oesterreich  und  in 
den  angrenzenden  Theilen  von  Mahren,  Ungarn  ùnd  Steiermark. 
Publié  par  l'i7istitut  militaire  gèog.  de  Vienne,  1896. 

Priicision  nivellement  in  der  Oesterreichischen-Ungarischen  Monarchie 
(Westlichen-Theil).  Idem. 

Astronomisch-Geodâtischen  Arbeiten.  Idem.  1898. 

Un  printemps  en  Bosnie,  par  F.  Kohn-Abrest.  Paris,  Denta,  1887. 

Bosnia  and  Herzegovina,  a  Laudbook  for  the  tourist,  by  Henri  Moser. 
Londres,  1895. 

Bosnie  et  Herzégovine,  par  Charles  Yriarte.  Pion,  1876. 

Les  Tchèques  et  la  Bohème  contemporaine,  par  Jean  Bourlier.  Paris, 
Alcan,  1897. 

RUSSIE. 

La  Russie  et  les  Russes.  Indiscrétions  de  voyage,  ])ar  Victor  Tissot. 
Pans,  Dentu,  1882. 

Douze  cents  lieues  en  Russie,  par  l'abbé  Reboux.  Lille,  Desclèe  et  de 
Brouwer,  1893. 

La  Russie  contemporaine,  par  Herbert  Barry.  Paris,  Germc)'- 
Baillière,  1893. 

Guides  Baedeker.  La  Russie.  Leipzig,  Baedeker,  1893. 


—  G4  — 

A  travers  la  Russie  boréale,  par  G.  Rabot,  Paris,  Hachette^  1894. 
L'n  Parisien  chez  les  Russes,  par  Ad.  Badin.  Paris,  Calnmnn-Lévy, 
1883. 

Un  touriste  au  Caucase  (Volga,  Caspienne,  Caucase),  par  A.  Kœchlin- 
ScHWARTZ.  Paris,  Hetzel,  1881. 

Le  Caucase   glacé,  par  F.-C.  Grove.   Traduit  de  l'anglais    par  J. 
Leclercq.  Paris,  Quantin,  1881. 

Mission  archéologique  et  ethnographique  en  Russie  et  en  Sibérie,  par 
le  Baron  de  Baye  en  1895.  Paris,  Nilssoti,  1896. 

En  Crimée,  par  Alexandre  Boutroue.  Paris,  E.  Leroux,  1897. 

De  Penza  à  Minoussinsk,  parle  Baron  de  Baye.  Paris,  1898. 

Au  Sud  de  la  chaîne  du  Caucase ,   souvenirs  d'une  mission  ,   par  le 
Baron  de  Baye.  Paris,  1899. 

La  Russie,  impressions,  portraits,  paysages,  par  Armand  Silvestre. 
Paris,  Restard,  1892. 

Mourawief  et  les  archives  du  Tzarisme,  par  Elias  Regnault.  Paris, 

De7itu,  1863. 
Affaires  de  Pologne.  Exposé  de  la  situation,  suivi  de  documents  et  de 

pièces  explicatives.  Paris,  imp.  Massenet,  1863. 

La  Russie  dévoilée  au  moyen  de  la  littérature  populaire,  par  Eug.  Hins. 
Paris,  Baillière,  1883. 

Du  Volga  à  rirtisch,  par  le  Baron  Baye.  Paris,  1892. 

Au  pays  des  roubles,  par  Nitrof.  Paris,  Le  Soudier,  1891. 

Allemagne  et  Russie,  par  St-René  Taillandier.  (Etudes  historiques  et 
littéraires).  Paris,  Michel  Lèvy,  1856. 

La  Russie  et  le  Nihilisme,  par  Pierre  Frèdè.  Paris,  Quaniin,  1880. 

Le  Czar  et  le  Roi,  souvenirs  de  voyage,  par  J.  Cornèly.  Paris,  1884. 

La  Russie  sectaire  (sectes  religieuses),  par  A.  Tsakni.  Paris,  Pion. 

Travaux  géographiques  exécutés  en  Finlande.  Helsingfors,  1895. 

Die  Volker   des   Ural  ùnd   Ihre   Sprachen,    von    Paul    Hunfaloy. 
Budapest,  1888. 

La  Russie  et  les  Russes,  par  V.  Tissot.  Paris,  Plan,  1884. 
La  Russie  industrielle,  étude  sur  l'Exposition  de  Nijni-Novgorod,  par 
Maurice  Verstraete.  Paris,  Hachette,  1897. 

La  nécropole   d'Ananino,   gouvernement   de   Viatka,  i)ar  le   Baron 
DE  Baye,  1890. 


(55  - 


PORTUGAL. 

Le  Portugal  depuis  les  Carthaginois  jusqu'au  règne  de  Don  Carlos  V\ 
par  Edouard  Silversckuys.  Li/le,  iinp.  Liéf/eois-Six,  1802. 

A  travers  le  Portugal,  par  E.  Silvérscruys.  Lille.,  IJèffeois-Sîn-, 
1803. 

Le  Portugal  el  l'Union  ibérique,  par  Cn.  R.  Peiter.  Paris,  Denlu, 

1870. 

Le  mouvement  économique  en  Portugal  et  le  Comte  de  San  Jannario, 
par  Ero.  (3ibert.  Paris,  Société  académique  itido-cliinoi^e,  1881. 

Les  institutions  de  prévoyance  du  Portugal,  par  Costa  Cioodolphi.m. 
Lisbonne,  1883. 

Lisbonne.  Souvenirs  de  vovage,  par  M.  Ch.  dk  Francr)Si.  Lille,  Danel. 
1884. 

Princes  et  princesses  de  la  famille  royale  de  Portugal  ayant  par  leurs 
alliances  régné  sur  la  Flandre,  par  O.  Godin.  Lisbonne,  imp. 
nationale,  1802. 

Sur  les  religions  de  la  Lusitanie,  par  J.  Leite  de  Yasgoncellos. 
Lisbonne,  imp.  nationale,  1802. 

Sur  les  amulettes  portugaises,  mémoire  lu  à  la  10*  session  du  Congrès 
des  Orientalistes,  par  J.  Leite  de  Vasconcellos.  Lisbonne,  imp. 
nationale,  1802. 

Expediçao  scientifîca  a  serra  de  Estrella  en  188L  Relatoriode  S""  Julio 
Henriques.  Lisboa,  imprensa  nacional,  1883, 

Croquis  de  voyage,  par  Armand  Dayot  (Italie,  Espagne,  Portugal). 
Paris,  Magnier,  1887.  Double  exemplaire. 

Passos  dos  Lusiados.  Mémoire  présenté  au  Congrès  des  Orientalistes, 
par  G.  DE  Vasconcellos.  Lisboa,  1802. 

Deux  faits  de  phonologie  historique  portugaise,  mémoire  lu  à  la 
10^  session  du  Congrès  des  Orientalistes,  par  A.  Gonçalves  Vianna. 
Lisbonne,  J802. 

Religioes  de  Lusitania,  par  J.  de  Vasconcellos.  1"  vol.  Lisbonne, 
1807. 

Textos  em  AIjamia  portuguesa,  par  David  Lopes.  Lisbonne,  1807. 

Chronica  dos  Reis  de  Bisnaga,  par  David  Lopes.  Lisbonne,  1807 . 

Dos  Feitos  de  Christovam  da  Gama,  par  Miguel  de  Castaniiosa. 
Lisbonne,  1807. 


m  - 


ESPAGNE. 

La  Connaissance  de  la  péninsule  espagnole  par  les  lioinnifs  du  Nord. 
Mémoire  destiné  à  la  10"  session  du  Oongivs  des  Orientalistes. 
Lisbonne,  imp.  nationale,  18D2. 

Espagne  et  Portugal.  Guides  Joanxe.  Hachette.  IHOS. 

La  Question  dynastique  en  Espagne.  Paris,  Grand. 

•A  travers  Barcelone  et  son  exposition.  Noies  d'un  passant  par  Maurice 
DE  VÈRE.  Barcelone,  imp.  Louis  Tasso-Sera,  188H. 

L'Espagne  elle  Portugal  par  Emmanuel  Raymond.  Paris.  Germer- 
Baillière  et  C''. 

L'Espagne;  splendeurs  et  misères,  par  P.  Lmbert.  P«m,  Pion.  1870. 

Voyage  en  Espagne,  par  Théophile  Gautier.  C/vrpentier,  1880. 

L'Evolution  politique  et  sociale  de  l'Espagne,  par  Yves  Guyot. 
Charpentier,  1899. 

Los  tern-motos  de  Malaga  y  Grana  da,  par  Don  Federigo  de  Botella. 
Madrid,  1885. 

Un  estudi  de  Toponomasiica  catalana  per  Salvador  Sampere  y  Miqlel. 
Bat^celona,  1880. 

Terre  d'Espagne,  par  René  Bazin.  Cahnann-Lccy,  1896. 

L'Espagne,  par  E.  de  Amicis.  Hachette,  1894. 

Quelques  jours  d'Espagne,  parP^DouARD  Cazenave.  Tarbes,  Larrieux, 
1869. 

Lettres  et  dépêches  sur  l'Ambassade  d'Espagne,  papiers  inédits  de 
Saint-Simon.  Introduction  par  E.  Drumont.  Paris,  Qaantin,  1880. 

L'Espagne,  illustrations  de  G.  Doré.  (Tiré  du  Tour  du  monde).  Paris, 
Hachette. 

L'Espagne  moderne,  par  M'"*  Rat-zzi.  Paris,  Dentu,  1879. 

L'Espagne.  Imjiressions  el  souvenirs,  pai-  A.  Esc.henauer.  Paris, 
Ollendorf,  1882. 

Voyage  en  Espagne  et  en  Algérie  en  IS.ôo.  par  Boucher  de  Perthes. 

Rapport  sur  les  gisements  ferrifères  du  Nord  de  l'Espagne,  par  (Charles 
Helson.  Lille,  Danel,  1895. 


.   _  r,7  _ 

Quatricnic  centenaire  de  la  iléeouverte  de  rAniérique.  Souvenirs 
d'Espagne,  par  le  marquis  dk  Croiziks.  Blois,  1893. 

L'Espagne  de  Taneien  régime.  La  Société,  par  G.  Dksdkvises  du  Dëzert. 
Paris,  Le  ce  ne,  IS07. 

Folk-lore  catala,  botanica.  popular,  par  1).  Cels-Gomis.  Barcelona, 
IHOl. 

SUISSE. 

Les  glaciers  de  la  Suisse  rangés  par  régions  et  par  groupes.  Zwm7i, 
1874. 

Les  Alpes  et  les  grandes  ascensions,  par  E.  Levasseur  avecla  collabo- 
ration des  Membres  des  Clubs  Alpins.  Ouvrage  orné  de  44  cartes- 
esquisses  dont  2  hors  ioxle.  Paru,  Lelar/ravey  1889.  En  double 
exemplaire. 

Le  glacier  de  TAletsch  et  le  lac  de  Margelen,  par  le  prince  Roland 
Bonaparte.  P^/r/.v,  i/aprimè  pour  l'auteur,  1889. 

Beitràge  zur  topographie  und  géographie  der  Schweiz,  von  Professor 
J.-H.  Grai-.  Berne,  Haller,  1893. 

Modernes  Naturgefûhl  und  Alpenwanderungen,  von  Prof.  K.-C. 
Amrein.  Berne,  Stàmpfli,  1891. 

Carte  de  la  Suisse,  par  H.  Keller.  1820. 

Landesvermessung und  Karte  der ganzen Schweiz,  parle  D""  J.-H.  Graf. 
Berne,  18Ù1,  imp.K.  Wyss.  Fascicule  1.  2  exemplaires, 

(Chemins  de  fer  Paris-Lyon-Méditerranée.  Horaires  des  services 
directs  entro  Paris,  Berne  et  la  Suisse.  ?^tê  1883. 

Le  Léman,  monographie  limnologique,  par  F.-A.  Forel.  Tome  1, 
Lauxaane,  F.  Rouge,  1892. 

Le  Léman,  monographie  limnulogique,  par  F.-A.  Forel.  Tome  II, 
Lausanne,  F.  Rouge,  1895. 

Impressions  de  voyage.  Suisse,  par  Alexandre  Dumas.  3  vol.  Paris, 
Calmann-Léf'i/,  1885. 

Voyage  en  Suisse  et  en  Savoie  en  juillet  189i),  par  E.  Cantineau. 
Lille,  Danel,  1891.  Extrait  du  Bulletin  de  la  Société. 

Huit  jours  en  Suisse  et  en  Italie,  parle  train  de  Lille  à  Lucerne,  i)ar 
Elisée  Delacourt.  Saint-Quentin.,  imp.  du  «  Glaneur  »,  1881 . 

Guide  through  Berne  and  Neigbourhood,  by  A.  Waeber.  Berne,  1891. 


—  m  — 

Oiiide  en  Suisse,  par  Bakdkker.  Pari^,  Olleti.dorf.  1889. 

(juidu  en  Suisse,  par  Baedeker.  Paris,  OUendoi'f,  1803. 

Guide  en  Suisse,  par  Joaxxe.  Paris.  Hachzlte.  1892.  3  volumes: 
1.  La  Suisse  irançaise.  —  2.  Oberland.  Lac  des  quatre  Cantons. 
Le  St-Golhard.  Les  lacs  italiens,  —  3.  Le  Nord  de  la  Suisse,  Les 
Grisons. 

Le  Chemin  de  fer  du  Sl-Gothard  s.)us  le  rapport  commercial.  Zurich. 
Burkli,  1804. 

Assemblées  démocratiques  en  Suisse,  parle  prince  Pvoland  Bonaparte, 
Paris,  1890. 

La  démocratie  Suisse,  idem. 

Encyclopédie  des  scienc. 'S,  letlros  et  arts  et  revue  panoptique  do  la 
Suisse,  suivie  d'un  guide  artistique,  par  AiG.  Demmin,  Paris, 
RenouarcL  187:?. 

Encyclopédie  des  sciences,  lettres  et  arts  et  revue  panoptique  de  la 
Suisse,  suivie  d'un  guide  .artistique  par  Ara.  Demmin.  Paris, 
Renouard,  187'J. 

Idem. 

Les  AlpL's.  (Extrait  de  la  grand  >  Encyclopédie),  par  M.  Levasseur. 
Paris,  LauiirauH  et  C'"'. 

Li  Suisse  contemporaine,  par  Hepworth  Dixon,  trad.  de  l'anglais, 
Paris,  Gjr'mer-Bai/Jière.  i6t7i*. 

Notice  sur  la  république  de  Genève  en  1613  et  1637.  par  Pierre 
Davity.  avec  introduction  de  Eug.  Ritter. 

Bibliographie  nationale  Suisse.  Plans  de  villes  et  de  lieux  habités. 
Publié  j>ar  le  bui'eau  tupogi-aphique  fédéral.  Berne,  1893. 

La  Moraini*  d'Yvoire,  par  A,  Delebecqle.  (Archives  des  Sciences 
physiques  et  naturelles).  Genève,  1894. 

Lucerne,  le  lac  des  4  Cantons  et  les  environs.  Guide  par  J.  Keer. 
Lucerne,  1895. 

Notice  sur  la  plus  ancienne  carte  connue  du  pays  de  Ncurdiâtel,  par 
k>  [)'  Grak,  de  BiM-ne.  NeafchâteL  1892. 

i)ie  interessantesten  AIpen-und-Bergbahnen,  vornehmlich  der  Schweiz 
von  Prof.  Koi'FE.  Berlin,  1S90. 

Annuaire  de  la  Suisse  pittoresque  et  hygiénique.  Ijausanne,  bureau 
de  la  hiblioihèfiue  universelle,  iS9(). 


-  m  — 

Rapport  sur  les  musées  et  les  écoles  d'art  industriel  en  Suisse  et  eu 
Prusse  rhénane,  par  Marius  Vachon.  Parix,  Quant  in,  1880. 

La  Suisse,  par  Jules  Gourdallt.  Ouvrage  illuslré  de  750  gravures  sur 
bois.  Paris,  Hachette.  1879.  2  vol.  in-folio. 

Ziirich.  Beschreibung  des  Fcstzuges.  (description  avec  gravures  d'un 
cortège  costumé).  Zurich,  1808. 

Davos  et  ses  environs.  Davos.    I8UU. 


ITALIE. 

Histoire  générale  de  l'Italie,  de  1815  à  1850,  par  Diego  Soria.  3  ro'. 
Nîmes,  1801,  chez  l'auteur. 

Corinne  ou  l'Italie,  par  M"'*  de  Staki..  Pn-is,  Gai-nier. 

Sul  novo  rilievo  d'Italia.  par  Car.  Cksare  Pomho.  Toriao,  1888. 

La  question  italienne  en  18.59,  avec  une  préface  par  Mgr  Gerhet. 
Pans,  1850. 

Souvenirs  de  voyages.  Lettres  d'une  voyageuse  malade  on  Italie. 
Paris,  Lf^  Clère,  18.10. 

l'ne  exploration  en  Italie,  par  Léopolo  Orgels.  Garni,  1800. 

L'Italie  armée,  par  G.  Desdevizes  ikj  Dkzert.  Rouen,  irap.  Cayniard, 
.  1888. 

Carnet  de  Voyage.  Est  et  midi  de  la  Fraïu^e,  Italie  et  Sicile,  par 
L.  Quarré-Reybourbon.  Lille.,  Danel,  Î804.  Extrait  du  Bulletin 
de  la  Société. 

La  Toscane  et  la  mer  Tyri-liénieiine  par  L.  SnioNix.  Paris,  C/iallame/, 
1808. 

Tarin,  Florence  ou  Rome  par  Rodolphe  Rev.  Paris,  Dentu,  1804. 

Une  année  à  Florence,  par  .\lexandre  Di  mas.  PariSy  Calinann-Lévf/, 
1883. 

Six  semaines  à  Rome,  par  E.  Levasseur,  Pans,  Ex! rail  de  la  Nour  'lie 
Revue,  1888. 

Rome  Souterraine,  par  Charf-es  Didier,  2"  édition.  ^  roi.  Paris ^ 
Victor  Magen,  1830. 

Promenades  dans  Rome,  L"  série,  par  Sten'dual.  Piris,  Mich'l-Lér;/ 
1853. 


-  70  — 

Naples,   histoire,  monuments,  beaux-arts,  littérature,   par  L.  L  .  F. 
(L.  J.  Lefort).  Lille,  J.  Lefort. 

Le  royaume  des  Deux-Siciles,  par  Charles  Garnier.  Paris,    Victor 
Goupy,  1866. 

Italie  septentrionale,  guide  par  JoANNE.  1891.  Hachette. 

Italie  centrale,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1893. 

Italie  méridionale  et  Sicile,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1891. 

Italie  septentrionale,  guide  Baedeker.  Paris,  Ollendorf,  1892. 

Italie  centrale,  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorf,  1892. 

Idem,  id.,  1891. 

Italie  méridionale,  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorf,  1893. 

Il  porto  di  Vcnezia,  par  Lanzoni  Primo.  Vérone,  1895. 

(îertosa  di  Vedana,  provincia  di  Belluno  i  Veneto).  Album  di  fototipic. 
hnprimé  à  Monireuil  sJ9ner. 

Annuario  statistico  italiano  1892.  Rome,  1893. 

Notizie  sopra  una  nuova  caria  d'italia,  da  Cesare  Pomba.  Toriuo, 

1884. 

En  voiturin,  voyage  en  Italie  et  en  Sicile,  par  Paul  de  Musset.  Paris, 
Cabnann-Lévy,  1885. 

Souvenirs    d'Italie,     1880-1882,     par     Evarlste     Bouchet.     Paris. 
Ollendorf  1883. 

L'Italie  du  Nord,  par  G.  de  Lèris.  Paris,  Quantin. 

Trois  mois  en  Italie,  par  Th.  Verne  d'Arland::s.  Paris,  Calmann- 
Lècij,  1878. 

L'Italie  contemporaine,  par  H.  Mereu.  Paris,  Denta,  1888. 

Païenne.  Souvenirs  de  Voyage,  par   L.  Quarrè-Reybourbon  {Soc. 
de  gèog.  d'.  Lille,  Danel,  1892). 

Une  heure  en  Sicile,   conférence  faite  à  Paris  par  Alex.  Boutroue. 
Paris,  Ernest  Leroux,  1895. 

Journées  de  printemps    au  lac   Majeur,   par    A.    Pubaix,    dans  le 
«  Monde  Moderne  »  Juin  1897.  QuarUln,  1897. 

Sicile,  par  René  1)AZIn.  Paris,  Calmann-Lècy.  1897. 

Doria  et  Barberousse,   par  le  Vice-Ainiral  Julh'A'  de   la   GRAVii-;HE. 
Paris,  Pion,   1886. 


—  71  — 


PAYS     DES     BALKANS. 

Guide  dans  les  étals  du  Danube  et  les  Balkans,  par  Joanne  (3"  vol.). 
Serbie,  Bulgarie  el  Rouniélie  orientale. 

Notice  sur  l'Agriculture  en  Serbie.  Paria,  Chaix,  1889. 

La  Save,  le  Danube  et  le  Balkan,  voyage  chez  les  Slovènes,  les  Croates, 
les  Serbes  et  les  Bulgares,  par  L.  Léger.  Paris,  Pion,  1884. 

Notice  sur  la  Roumanie.  Productions,  industrie.  Paris,  Kugelmann, 

1889. 

Les  Roumains.  Allemagne  el  Italie,  par  Edgar  Quinet.  Paris,  Germer- 
Baillière  et  Cie. 

Lettres  liongro-roumaines,  par  Bratiano.  Paris,  France  parlemen- 
taire. 

Lettres  sur  l'Adriatique  et  le  Monténégro,  })ar  X.  Marmier.  Paris, 
Arthus  Bertrand.  2  vol. 

Affaires  du  Monténégro.  Paris,  imp.  nationale,  1880. 

A  travers  la  Bulgarie,  par  Dick  de  Lonlay.  Paris,  Garnier  frères, 

1880. 
Les  deux  Bulgaries,  par  Alf.  Renouard.  Lille,  L.  Panel,  1880. 
Zig-zagsen  Bulgarie,  par  F.  Kohn-Abrest.  Paris,  Charpentier,  1879. 

TURQUIE    D'EUROPE. 

De  Pontoise  à  Stamboul,  par  Edmond  About.  Paris,  Hachette,  1884. 

La  juridiction  consulaire  en  Turquie  et  en  Egypte,  par  J.-C.-M.  Coan 
(traduit  de  l'Anglais).  l7i-8".  Paris,  Amyot  éditew,  1873. 

De  Paris  à  Constantinople,  guide  Joanne.  Paris,  Hachette. 

La  Macédoine  et  la  politique  de  l'Autriche  en  Orient,  par  H.  Castonnet 
DES  Fosses  (Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géog.  commerciale 
de  St-Nazaire).  Lyon,  1889. 

La  question  d'Orient  au  XYllF  siècle  ;  les  origines  de  la  triple  alliance, 
par  Albert  Sorel.  Paris,  Pion,  1878. 

Commission  technique  européenne  formée  en  vertu  d'un  accord  entre 
les  puissances  signataires  du  traité  de  Berlin  en  1879.  Paris,  impj. 
nat.,  1880. 


—  72  — 

Le  CongK'S  (de  San  Stepliano)  en  niinialure,  par  nn  diploinale.  LcvS 
prêliuiinaires  du  Clongrès.   Pa)-i^,  Ollendorf,  /(S'TcV. 

La  politique  tlu  Sultan,  par  Victor  Bérard.  Paris,  Calmann-Lêcy, 
1897. 

La  TuTijuie  et  l'Hell-'iiisiiie  conteuî[>!)raiii.  jtar  X'ictdr  Hërard.  Paris, 
Alcan.  1807. 

La  question  d"Oricnt  populaii'e,  par  Cn.  Sancerxe.  Paris.  D.'lafjrave., 
1897. 

Du  Rhin  au  Nil  (Turquie.  Grèce,  Jérusalem). par  Fortuné  du  Boisgobey. 
Paris,  Pion,  1880. 

La  Turquie  inconnue  (Kouinélie.  Bulgarie,  Macédoine,  Albanie),  j>ar 
LÉON  HuGONXET.  Piris.  Frinzine,  188G. 

Les  Iles  des  Princes,  les  Blachernes.  la  grande  muraille  de  Byzance, 
souvenirs  d'Orient,  par  G.  Schlumberger.  Ptri'^,  Calaiann-Lcn/, 
188^. 

Grèce,  Turquie,  le  Danube,  par  Charles  Bigot.  Paris,  OUemlorf, 
1880. 

Une  course  à  Constantinople.  par  M.  de  Blowitz.  Paris,  Pion,  1884. 

Un  Parisien  à  Constantinople,  par  le  vicomte  René  Vigier.  Paris, 
Ollendorf,  1886. 

Au  pays  des  Osmanlis,  par  G.  desGodixsde  Souhesmes.  Paris,  Victor 
Havard,  1894. 

L'Orient  qui  s'en  va,  par  L.  Trotignon.  Paris,  Sacine,  1894. 

Voyage  en  Orient,  par  Gérard  de  Nerval.  Paris,  Charpentier, 
1800.  2  vol. 

Turcs  et  Levantins,  par  G.  df^s  Godlns  de  Souhesme.  Paris,  Victor 
Havard,  1890. 

L'avenir  de  la  Turquie,  le  Panislamisme,  par  Gabriel  Charmes,  Paris, 
1882. 

L'Orient,  par  Thèoph.  Gautier.  Paris,  Charpentier. 

Le  Droit  du  Croissant,  par  Hans  Bartii,  traduit  de  l'allemand ,  [>ar 
J.  AvMÉRic,  Paris,  \Vol/\  18!f8. 


73 


GREGE. 


Précis  liisluriqiie  de  la  question  (lréco-Tiin[uc,  par  (t.  \'k\.nis.  Pari^, 
Dent  a,  1881. 

Los  Katavothres  du  Pélopoiiôse,  par  K.  Martel  (Extrait  de  la  Revue 
de  géographie).  Paris,  Institut  géogr.,  Lelagrate,  189'^. 

Guide  en  Grèce,  par  Joanne.  Pai^is,  Hachette. 

I.  —  Athènes  et  ses  environs.  1800. 

II.  —  Grèce  continentale  et  îles.  189 1 . 

Affaires  de  Roumélie  et  de  Grèce.  Documents  diplomatiques,  1885-1886. 
Lnpriiiierie  nationale,  1880. 

Idem,  188fi. 

L'Isthme  de  Cdrinlho  et  son  percement,  par  B.  Gerster.  Budapesth, 
1890. 

Xi'gociations  relatives  à   la  rectification  des  frontières  de  la  Grèce. 
Documents  diplomatiques.  Imprinteric  nationale,  1880. 

La  Grèce  contemporaine,  par  Edm<»ni)  Arott.  Paris,  Hachette^  1883. 

Trois  années  en  Grèce,  par  Henri  Belle.  Paris,  Hachette,  1881. 

La  Dalmatie.  les  îles  Ioniennes,  Athènes  et  le  mont  Athos,  par  Stanislas 
DE  NoLHAc.  Paris,  Pion,  1882. 

L'archéologie   grecque,    par   Maxime    Golli'jnon,    professeur    à    la 
Faculté  des  lettres  de  Bordeaux.  Paris,  Quantin. 

Lettres  athéniennes,  par  Charles  de  Mouy.  Pion,  1887. 

De  Nicopolis  à  Olympie,  par  D.  Bikèlas.  Paris,  Ollendorf,  1885. 

De  Thessalie  en  Crète,  par  Pierre  Mille.  Berge r-Levrault.  1898. 


74 


FRANCE, 


FRANCE     EN     GENERAL. 

Géographie  élémenlaire  de  la  France,  par  L.  M.  de  Lespin,  avec 
4  cartes  représentant  la  France  à  différentes  époques.  Paris, 
librairie  universelle  d'éducation,  1833. 

France,  Algérie  et  colonies,  par  Onésime  Reclus.  Paris,  Hachette  et 
G'%  1833. 

Notre  France,  sa  géographie,  son  histoire,  par  J.  ^Iichelet.  Paris, 
C.  Marpon  et  Flammarion,  1886. 

H.  Mamet.  Géographie  de  la  France  et  de  ses  possessions  coloniales 
Belalain. 

Nouvelle  géogniphie  universelle.  La  France,  par  Elisée  Reclus. 
Paris,  Hachette. 

Description  liisturique  et  géographique  de  la  France  ancienne  et 
moderne.  Paris,  16. 

Le  pays  de  France,  par  P.  Foxcin.  Paris,  Armand  Colin,  1894. 

La  France,  nus  fautes,  nos  périls,  notre  avenir,  prtr  le  comte  Agenor 
DE  Gasparln.  Paris,  Michel  Lév>j,  1881. 

En  France,  XVir  et  XIX®  siècles,  par  A.  Mèziêres.  Paris,  Hachette 
et  O' ,  1886. 

E.  Bureau.  —  Géographie  de  la  région  française.  Paris,  Jouvet,  1882. 

Guide  pittoresque  portatif  et  complet  du  voyageur  en  France  avec  carte 
routière  et  vingt  gravures.  Paris,  Firmin  Didot,  1838. 

Un  voyage  artistique  en  province,  par  M.  Ratiuer.  Paris,  Pion,  1880. 

Les  forêts  de  la  Gaule  et  de  l'ancienne  I-'rance,  par  A.  Maury.  Pains, 
1867. 

La  France  préhistorique,  par  M.  Cartailhac  (Académie  des  Sciences 
et  Belles-lettres  d'Angers).  Angers,  J800. 


—  75  - 

Les  grandes  Légendes  de  France,  par  M.  Edouard  Schi^rk.  Pa,'i.s, 
Perrin,  IS9I. 

La  Société  nationale  du  grand   plan  en   relief  de  la    France.   Paris, 
Dubuisson.  1880. 

Voyages  en  France,  par  Ardoi :in-1)i  mazet.  Paris.  Berger-Levt'auft. 
1893  et  années  suivantes. 

r°  Série.  Du  Morvan  au  Mainf 

2^  Série.  Maine  et  Anjou. 

o"  Série.  D'Arcachon  à  Belle-Isle.  —  Iles  de  l'Atlantique,  I. 

/i*'  Série.  Les  îles  de  l'Atlantique,  II. 

r/  Série.  Les  îles  de  la  Manche  et  Bretagne  pt'innsulaire. 

&  Série.  La  Normandie. 

7®  Série.  La  région  lyonnaise. 

S"  Série.  Le  Rhône,  du  Léman  à  la  mer. 

9"  Série.  Bas-Dauphiné. 
10"  Série.  La  Frontière  italienne. 
IP  Série.  Forez.  Yivarais,  Coratat-Venaissin. 
42®  Série.  Alpes  de  Provence  et  Alpes-Maritimes, 
lo"  Série.  La  Provence  mai-itime. 
14*  Série.  La  Corse. 

15®  Série.  Charcutes  et  Plaine  poitevine. 
16°  Série.  De  Amendée  en  Beauce. 
17®  Série.  Pays  de  Caux,  Vexin  et  Basse-Picardie. 
18®  Série.  Flandre  et  littoral  du  Nord. 
19®  Série.  Artois,  Cambrésis,  Hainaul. 

Les  Français  d'aujourd'hui.  Les  types  sociaux  du  Midi  et  du  Centre, 
par  E.  Demolins.  Fimiin  Didot,  1898. 

Défense    des    froiïtières  de    la  France,    par  Jasta.  Pans,   Berr/er- 
Levrault,  1896. 

La  défense  de  nos  ports  militaires,    par  M.   Desdevizes  du  Dezert. 
LiJle,  Danel,  1890. 

Compte  rendu  gi'néral  du  maléri(d  du  département  de  la  marine  et  des 
colonies  pour  l'annét'  lS8i.  Paris,  imprimerie  nationale,  188.'). 

Considérations  sur  le  personnel  et  le  matériel  de  la  flotte,  par  le  capi- 
taine FouiLLOY.  Lithographie,  Paris.  1860. 

Notes  sur  les  navires  cuirassés,  par  E.  Paris.  Autogr.  1863. 

Considérali(ms  sur  h.'  personnel  de  la  marine,  par  V.  de  Pampei.onne. 
Valence,  1864. 


Los  papiers  de  France,  lecture  laite  à  la  réuuioQ  des  Sociétés  savantes, 
par  M.  Gaston  Paris.  Imprimerie  national?,  1888. 

Un  village  au  Xir  cl  au  XIX"  siècle,  par  Léon  Barracaxd.  Paris, 
Charavai/,  1882. 

Statistique  de  l'enseignement  primaire  en  PYance,  1881-1882.  Minis- 
tère de  rinslruction  publique  et  des  Beaux-Arts.  Paris.  irirp,-imerie 
nationale,  1884. 

Bibliographie  des  Sociétés  savantes  de  la  France,  par  E.  Lefëvre- 
PoNTALis.  Paris,  imprimerie  nationale. 

Album  de  statistique  graphique  de  1888.  Paris,  imprimerie  nationale, 

1889.  Double  exemplaire. 
Idem  de  1889.  Paris,  1890. 
Idem  de  1882.  Paris,  1882. 
Idem  de  1883.  Paris,  1884. 
Idem  de  1884.  Patois,  1885. 

Instructions  du  comité  de  la  Langue,  de  l'Histoire  et  des  Arts  de  la 
France.  Paris,  imprimerie  impériale,  18.5.3. 

Les  Postes  françaises,  par  Alexis  Belloc.  ParH^i,  Didot,  1886. 

Les  postes  et  les  télégraphes  pendant  la  guerre  de  1870,  par  F.  Stee- 
nagkers.  Paris,  Charpentier,  1883. 

T>ibliograpliie  des  travaux  historiques  et  archéologiques  publiés  par 
les  Sociétés  savantes  de  France,  par  Robert  de  Lasteyrie.  Paris, 
imprimerie  nationale.  Tome  III,  1896.  V^  livraison. 

Idem.  Tome  1"'. 

Idem.  Tome  II.  T'^ partie. 

Résultats  statistiques  du  dénombrement  de  1891  eu  France.  Paris, 
impri.nerie  nationale,  1894. 

Dénombrement  des  étrangers  en  France.  Résultats  statistiques  de 
1891.  Paris,  imprimerie  nationale,  1893. 

Annuaire  statistique  de  la  France.  (Années  1892,  1893,  1894).  Paris, 
imprimerie  nationale,  1894. 

Annuaire  statistique  de  la  France  (1895-1896).  Paris,  imprimerie 
nationale.  En  double  exemplaire. 

Statistique  générale  d<}  la  France.  Année  1893.  Paris,  imp)-imerie 

nationale.  1894. 
Idem.  Année  1895. 
Idem.  Années  1890-1891-1892,  ensemble. 


—  77  — 

Bulletin  (lu  Conseil  sapt'runir  de  statistique,  session  de  189i.  Paris, 
imprimerie  nationale,  IHOn. 

Numismatique  de  la  France  par  Anatole  dk  BuvniÉLKMY.    V  partie. 

Époques  gauloise,  gallo-romaine,  mérovingienne.  Paris,  Leroux, 

1891. 
Compte  général  de  l'administration  de  la  justice  criminelle  en  France 

et  en  Algérie  pendant  l'année  1883.  Iinp.  nationale,  ISSô. 

Compte  général  du  matériel  du  département  de  la  marine  vA  des 
colonies  pour  l'année  1882.  Imp.  nationale,  1886. 

Bulletins  annuels  du  ministère  de  l'agricullure.  Paris,  imp.  natio- 
nale. 

Ouvrages  d'histoire  concernant  la  France  générale. 

Les  origines  de  l'ancienne  France,  par  Jacques  Flach. 
Le  régime  seigneuriaL  Paris,  Larose  et  Forcel,  1886. 
Analyse  raisonnée    de    l'histoire    de    France,    par    Chateaubriand. 

Nouvelle  édition.  Paris,  Garnier  frères,  1874. 
Les    derniers    Clariovingiens,    d'après    Richer    et    d'autres   sources 

originales.  Traduit   par    Ernest  Babelon.    Paris,    librairie  de 

la  Société  bibliographique,  1878. 
Madame  do  Sévigné  liistorien.  Le  siècle  et  la   cour  de  Louis  XIV 

d'après  Madame  de  Sévigné,  par  F.  Combes.  Paris,  Emile  Perrin, 

1885. 
Mémoires  sur  Napoléon  et  Marie-Louise,  par  la  générale  Durand. 

Paris,  Calmann-Lévy,  1880. 
EntrcMie  de  Napoléon  1"  et  de  Gœlhe,   par  S.    Klower.    Paris, 

Ledoyer,  1873. 
La  Campagne  de  l'Est,  par  P.  Poulet,  colonel  d'élat-major  à  l'armée 

de  l'Est.  Paris,  librairie  Germer-Baillière,  1879, 
Les  petits  côtés  de  l'histoire  (1870-1884).  Notes  intimes  et  documents 

inédits,  par  Henry  d'Ideville.  Paris,  Caimana-Lèi-y,  1884. 
Vie  de  Saint  Louis,  par  Jean,  sire  de  Joinville.  Texte  et  traduction, 

par  M.  DE  Wailly,  Paris,  F^irmin-Didot,  1874. 
Illustrations  de  la  marine  française,  par  L.  Lesaint.  Marne,  Tours, 

1879. 


Les  arls  au  moyeii-àge  et  à  l'époque  de  la  Renaissance,  par  Jules 
Lacroix  (le  bibliophile  Jacob).  Paris,  Finnin-Didot,  1877. 

Lettres,  sciences  et  arts  en  France  au  XVIIP  siècle,  par  Jules  Lacroix 
(le  bibliophile  Jacob).  Paris,  Firmin-Didot,  1878. 

La  Campagne  de  l'arinée  du  Nord  en  1870-71,  par  le  général  Faidherbe. 
Paris,  Lentu,  187'^. 

(Collection  de  chroniques,  Froissarl,  par  Je.an  Yanoski.  Paris,  Firmin- 
Didot,  1875. 

Vn  héros  de  la  défense  nationale.  Le  Général  Faidherbe,  par  Albert 
Desmeaux.  Paris^  Coubervoie,  1890. 

Régime  de  la  France  depuis  l'an  420  jusqu'au  1"  Juillet  1886,  par  le 
D"^  E.  PiEROTTi  (Tableaux  récapitulatifs  d'histoire). 

Scènes  et  épisodes  de  la  guerre  de  187,0-71,  par  le  commandant  Rousset. 
Paris,  Tallandie)  ■. 

La  Guerre  de  1870,  simple  récit,  par  le  général  Niox. 

Les  origines  historiques  de  l'alliance  franco-russe,  par  A.  Le  Glat 
(1"  série).  Paris,  Champion,  1897. 

Littérature  latine  et  historique  du  moyen-âge,  par  Léopold  Delisle. 
Paris,  Leroux,  1890. 

LE     MIDI     EN     GÉNÉRAL. 

Le  Midi  de  la  France,  guide  Baedeker.  Paris,  Ollendorf. 

Le  Midi  de  la  France,  par  Alexandre  Dumas.  Paris,  Calmann-Lèvy , 
1882. 

SUD-OUEST    DE     LA     FRANCE. 

Le  Sud-Out'st  de  la  France,  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorf',  1897 

France.  Gascogne  et  I^nguedoc.  Guides  Joanne.  Pans,   Hachette, 
1892. 

P'rance.  Pyrénées,  partie  occidentale.  Guide  Joanxe.  Paris,  Hachette, 
1893.^ 

France.  Pyrénées,  partie  orientale.  Guides  Joanne.  Paris,  Hachette, 

1892. "^ 
Les  Pyrénées  françaises.  Le  pays  Basque  et  la  Basse-Navarre,   par 

Paul  Perret.  Paris,  Lcccne  et  Oudin,  1882. 


'-79  — 

Idem.  L'Adour,  la  Garonne  et  le  pays  de  Foix,  par  Paul  Perret, 
Paiis,  Lecène  et  Oiidin,  1882. 

La  période  glaciaire  dans  les  Pyrénées,  par  le  D''  Penck,  de  Vienne. 
Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Leipzig. 

Projet  de  barrage  spécimen  à  construire  en  tête  de  la  vallée  de  la 
Bayse  (Hautes-Pyrénées).  Paris,  Camut,  1891. 

Les  Pyrénées  inconnues.  La  Cerdagne  française,  par  E.  Brousse. 
Perpignan,  1896. 

En  voyage.  Alpes  et  Pyrénées,  par  Victor  Hugo.  Paris,  Hetzel,  1896. 

Voyage  aux  Pyrénées,  de  Taine.  Hachette,  1897. 

Sur  la  montagne.  Les  Pyrénées,  par  Henri  Spont.  Pion,  1898. 

Il  n'y  a  plus  de  Pyrénées,  par  Lydéric  (F.  Didry).  Roubaix,  1898. 

Sur  quelques  lacs  des  Pyrénées-Orienlales,  des  Hautes-Pyrénées  et 
des  Basses-Pyrénées,  par  M.  A.  Delebecque  et  Et.  Ritter.  1898. 

Sur  les  lacs  du  littoral  landais,  par  M.  A.  Delebecque.  (Extrait  des 
Comptes  rendus  de  l'Académie  des  Scie^ices). 

A  travers  le  vieux  Bordeaux,  par  Ernest  Laroche.  Bordeaux,  1892. 

Le  Canal  des  Deux-Mers  devant  le  Congrès  de  géographie  de  Tours, 
en  1893,  par  M.  J.-V.  Barbier.  Nancy,  1894. 

Passes  de  la  Gironde  et  de  la  Garonne  maritime,  par  M.  Pasqueau. 

Les  chapeaux  de  paille  de  Septfonds  et  de  Caussade,  par  J.  Gebelin. 
Bordeaux,  Féret  et  fils,  1895. 

De  la  Loire  à  la  Gironde  ;  Poitou  et  Saintongc,  guide  par  Joanne. 
Paris,  Hachette,  1891. 

La  Rochelle  et  ses  ports,  par  G.  Musset. 

L'Arsenal  de  Rochefort  par  l'amiral  X (Extrait  du  Figaro  du 

22  Mai  1895). 


SUD-EST    DE    LA    FRANGE. 

La  Côte  d'azur,  par  Stephen  Liêgeard.  Paris,  Quantin,  1894. 

La  Provence,  guide,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1892. 

La  Grèce  et  l'Orient  en  Provence,  par  Ch.  Lenthéric.  Pion,  1878. 


-  80  — 

Carnet  de  voyage,  Est  et  ^lidi  de  la  France,  Italie  et  Sicile,  par 
L.  Quarrè-Reybourbox.  Lille,  Danel,  1804  (Extrait  du  Bulletin 
de  la  Société). 

Améliorations  urgentes  dans  la  région  du  Bas-Rhône  au  point  de  vue 
des  irrigations  et  de  la  navigation,  par  A.  Breittmayer.  Lyoti, 
Sterck,  1890. 

Notice  sur  l'étang  de  Berre  et  quelques  étangs  voisins,  par  M.  A. 
Delebecque. 

Géographie  générale  des  départements  de  l'Hérault,  publiée  par  la 
Société  languedocienne  de  géographie.  Tome  ^^  Montpellier^ 
1891. 

Sous  terre  (Dans  les  Causses).  3^  campague.  par  M.  Martel. 

Nouveaux  rochers  des  Causses  et  vallée  de  l'Héraull,  par  Martel. 
Paris,  Chamerot,  1890. 

Les  gorges  du  Tarn  (Montpellier  le  Vieux  et  Causses),  par  L.  de 
Malafosse.  Toulouse,  Durand  et  hagarde,  1889. 

Le  Tindoul  de  la  Vayssièro  (Aveyron),  par  E.  A.  Martel  et  G. 
Gaupillat.  Extrait  de  la  Revue  de  géographie.  Paris,  Delagrave., 
1892. 

Martel.  Les  abîmes.  Paris,  Hachette. 

Hydrologie  souterraine  du  Vercors  (Drôme) ,  notice  par  M.  A. 
Delebecque. 

Sur  la  traversée  de  la  rivière  souterraine  de  Bramabiau,  par  M.  E. 
Martel.  Extrait  du  Compte  rendu,  des  séances  de  l'Académie  des 
sciences,  1888. 

Causses  et  Canons  du  Tarn.  (Itinéraires  illustrés  Miriam). 

En  Corse,  par  Paul  Bourde.  Calmann-Lévy,  1887. 

La  Corse  et  la  Sardaigne,  par  J.  H.  Bennet.  Paris,  Asselin,  1876. 

Une  excursion  en  Corse,  par  le  prince  Roland  Bonaparte.  Paris, 
imprimé  pour  l'auteur,  1891. 

Ajaccio,  station  d'hiver,  par  Ch.  Guèrix.  Zurich,  Orell,  Fûssli. 

La  Laponie  et  la  Corso  (extrait  du  journal  «  le  Globe  »).  Conférence  par 
le  prince  Roland  Bonaparte.  Genèce,  Burkhardt,  1889. 

Itinéraire  général  de  la  France.  La  Corse,  par  Paul  Joanne.  Paris, 
Hachette,  1892. 


*     —  81  — 

La  Corse  (Ajaccio  et  ses  environs).  Conierence  faite  à  la  Suciétë  do 
géographie,  par  M.  P.  Colardeau.  Lille,  Dcmel,  1891.  Extrait  du 
Bulletin. 

La  vérité  sur  la  patrie  et  l'origine  de  Cliristophe  Colomb,  par  l'abbé 
Casanova.  Bastia,  1881. 

Notre  frontière  des  Alpes,  par  le  commandant  de  A^illerbois-Marelil. 
Paris,  J.  Gervais,  1885. 

Mémoire  concernant  les  frontières  de  France,  Savoie  et  Piémont, 
annoté  par  H.  Duhamel,  composé  par  de  la  Blottière,  maréchal 
de  Camp.  Grenoble,  Carré,  1891. 

Le  Rhône  navigable  de  Genève  à  la  Méditerranée,  par  Ardoiin  du 
Mazet.  Lyon,  1878. 

Le  Sud-Est  de  la  France  et  la  Corse,  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorf^ 
1897, 

Les  variations  périodiques  des  glaciers  français,  par  Roland  Bona- 
parte. Extrait  de  YAnnimire  du  club  alpin.  Paris,  Chamerot, 
1891.  2  exemplaires. 

Description  des  vallées  des  grandes  Alpes  (Dauphiné,  Provence,  Italie, 
par  le  marquis  du  Pezay.  Gre^ioble,  librairie  ^militaire  Brevet., 
1894. 

Les  Alpes  françaises,  par  A.  Falsan  (Les  montagnes,  les  eaux,  les 
glaciers),  Paris,  Baillere,  1893. 

Idem.  La  flore  et  la  faune,  le  rôle  de  l'homme  dans  les  Alpes.  Idem. 

L'homme  devant  les  Alpes,  par  Chari.es  Lenthéric.  Paris,  Pion,  1896. 

LesCévennes,  guide,  parJoANNE.  Paris,  Hachette,  1893. 

Alpes  du  Dauphiné.  guide,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1892. 

Grenoble  et  le  Dauphiné.  Livret-guide  pour  1897.  Grenoble,  1897. 

Guide  du  touriste  dans  le  Briançonnais  (Itinéraires  illustrés  Miriam). 
Sens.  1898. 

La  Grande  Chartreuse,  par  A.  du  Boys.  Grenoble,  1845. 
Excursion  en  Dauphiné,  guides  réclame,  avec  gravures.  Edités  par  le 
Syndicat  d'initiation  de  Grenoble,  années  dive^^ses. 

Grenoble  considéré  comme  centre  d'excursions,  par  H.  Duhamel. 
Grenoble,  Allier,  1893. 

Explorations  dans  le  massif  du  Pelvoux,  par  H.  Duhamel.  Pa7'is, 
Chamerot,  1879. 


—  82  — 

Mesure  de  variations  de  longueur  des  glaciers  du  Daupliiné  (Pelvoux), 
par  le  prince  Roland  Bonaparte.  Paris,  Gauthie^^-Villars^  1894. 

Alpes  et  Pyrénées,  par  Victor  Hugo.  Paris,  Hetzel,  1896. 

Les  excursions  romantiques  à  la  Mer  de  glace,  par  Julien  Brègeault. 
Extrait  du  Cluh  alpin  français.  Paris,  Chamerot,  1897 . 

Le  Mont-Blanc,  par  Charles  Durier.  Paris,  Fischbacher,  1897. 

Note  sur  les  entonnoirs  du  glacier  de  Gorner,  par  A.  Delebecque  et 
E.  RiTTER  {Archives  des  Sciences  physiques  et  naturelles). 

Tentatives  d'ascension  au  pic  occidental  de  la  Meijo,  par  H.  Duhamel. 
Paris,  Chamerot,  1876. 

Nouvelles  tentatives  d'ascension  au  pic  occidental  de  la  Meije.  Extrait 
de  VAnnuaii^e  du  Club  aljiin,  1876. 

L'aiguille  du  plan  de  la  Selle,  par  H.  Duhamel.  Paris,  Chamerot,  1882. 

La  Barre  des  Ecrins  (4.103  mètres),  par  H.  Duila.mei,.  Paris,  Chamerot, 
1881. 

Sur  l'âge  des  alluvions  anciennes  du  Bois  de  la  Bâtie,  de  Bougy  et  de 
la  Dranse,  par  A.  Delebecque.  Genève,  1894. 

Lacs  du  Mont-Cenis  et  du  massif  de  Belledonne.  Les  eaux  du  Rhône 
et  de  la  Dranse  du  Chablais,  par  A.  Delebecque.  Genève,  1893. 

Note  sur  les  sondages  du  lac  d'Annecy,  par  Delebecque  et  Legay. 
Paris,  1891. 

Notes  sur  les  sondages  des  Sept-Laux  (Isère),  par  A.  Delebecque  et 
Ritter  {Archives  des  Sciences  physiques  et  naturelles).  4 pages 
in-12,  yiovemhre  1892. 

Sur  l'âge  du  lac  du  Bourget  et  les  alluvions  anciennes  de  la  vallée  de 
l'Isère,  par  M.  A.  Delebecque. 

Etude  sur  les  lacs  Alpins,  par  Schrader. 

Note  sur  les  lacs  de  la  Roche  de  Rame  (Hautes  Alpes) ,  du  Lauzet 
(Basses  Alpes),  de  La  Roquebrussanne  et  de  Tourves  (Var),  par 
André  Delebecque. 

Sur  une  cause  particulière  de  contamination  des  eaux  des  sources  dans 
certains  terrains  calcaires,  par  E.  A.  ^Iartel.  Paris,  Gauthier- 
Yillars,  1892. 

Sur  les  gaz  dissous  au  fond  du  lac  de  Genève,  notice,  par  M.  A. 
Delebecque. 


—  83  — 

Sur  le  carbonate  de  chaux  de  l'eau  des  lacs,    notice,    par  M.  A. 

Delebecque. 
Sur  les  eaux  et  les  vases  des  lacs  d'Aiguebelelte,  etc.  (Savoie),  par 

DuPARc  et  Delebecque,  1890.  Paris,  Gauihier-Villars. 

Aix-le^Bains.  Le  lac  du  Bourget.  Carte  sur  toile. 

De  Vallouise  à  Cliaraounix,  par  Duhamel.  Paris,  Chamerot,  188o- 

Composition  des  eaux  du  lac  du  Bourget  et  autres  lacs  du  Jura  et  du 
Daupliiaé,  par  Delebecque  et  Duparg.  Bibl.  univ.  1892. 

Géographie  de  la  Savoie,  par  A.  Joanne.  Paris,  Hachette,  1879. 

AUuvions   anciennes   de  Chambérv  et  de  la  vallée  de  l'Isère,  par 

M.  Delebecque  (Extrait  du  Bulletin  des  services  de  la  carte  géo- 
logique de  France). 
La  Savoie,  guide  Joanne.  Paris,  Hachette,  1891. 
Sur  la  catastrophe  de  St-Geivais,  par  Vallot,  Delebecque  et  Duparg. 

Geiiève,  Schuchardt,  1892. 
Composition  des  eaux  et  vases  des  différents  lacs  do  la  Savoie  et  du 

Jura,  par  A.  Delebecque  et  L.  Duparg.  {Archives  des  sciences 

pliysiques  et  naturelles). 
Exploration  des  lacs  (hi  Bugcy,  par  Delebecque  et  Ritter.  Genève, 

A ubert  Sch uchardt . 
Topographie  de  quelques  lacs  du  Jura,  du  Bugey  et  de  l'Isère,  par 

A.  Delebecque,  1892. 
Itinéraire  général  de  la  France,  par  Joanne  :  Lyonnais,  Beaujolais  et 

Bresse.  Paris,  Hachette,  1892. 
Le  siège  do  Lyon  en  1893,  par  H.  Castonnet  des  Y o^^^^.  Angers, 

Lachèse,  1892. 
Lyon  et  la  région  lyonnaise.  Publié  par  la  Société  de  Géographie  de 

Ltjon  à  l'occasion  du  A  F'  Congrès,  1894. 


FRANGE     DU     NORD-OUEST. 

Voyage  en  France  (o**  série)  :  les  lies  de  l'Atlantique.  D'Arcachon  à 
Belle-Ile,  par  Ardouin-Dumazet.  Paris,  Berger-Levrault,  1885. 

Voyage  en  France  (4'  série)  :  les  îles  de  l'Allantiquc.  D'Hoôdic   à 
"Ouessant,  par  Ardouin-Dumazet.  Paris,  Berger-Levrault,  1895. 


—  84  — 

Opinion  du  Sud-Ouest  de  la  France  sur  le  port  de  Rocliefort,  par  le 
l)*"  Ch.  Moinet,  PcD-is,  Berger-Levrault,  1801. 

Histoire  et  géographie  de  la  Loire-Inférieure,  par  Eug.  Orieux. 
Nantes,  Griniaud,  1895. 

La  Campagne  sur  le  Loir  et  la  prise  de  Vendôme  en  1870,  traduit  de 
l'allemand.  Vendôme,  1898. 

Itinéraire  général  de  la  France.  La  Bretagne,  par  Paul  Joanxe  (plus 
Jersey  et  Guernesey).  Paris,  Hachette,  1892. 

Tro-Breiz  (tour  de  Bretagne),  par  Clouard  et  Brault.  Paris,  Fisch- 
bacher,  1892. 

Brest,  port  maritime,  par  Eymix  et  Doncaud,  avec  plan  et  gravures. 
Extrait  de  la  Revue  maritime.  Paris,  Challamel. 

Projet  de  création  d'un  port  de  guerre  et  de  commerce  en  eau 
profonde  à  Cabourg  (Calvados)  pour  suppléer  à  l'insuffisance  de 
(Cherbourg  et  du  Havre,  par  Alfred  Plvf.  Paris,  AIcan-Lèvy, 

1887. 

Les  populations  bretonnes,  par  Yves  Kaxo.  Paris,  Pion,  1886. 

Les  Prussiens  dans  l'IUe-et- Vilaine  en  1815,  par  L.  Vignols.  Rennes, 
1895. 

Géographie  pittoresque  du  département  d'IUe-et-Vilaine,  par  Ad. 
Oraix.  Rennes,  1882. 

Les  tremblements  de  terre  en  Bretagne,  par  L.  Yigxols.  Rennes, 
1890. 

La  Bretagne,  par  Jules  Jaxlx.  Bourdin,  1862. 

Ziz-zags  en  Bretagne,  par  H.  et  G.  Dubouchez.  Paris,  Lethielleux, 
1894. 

Itinéraire  général  de  la  France.  La  Normandie,  par  Joanxe.  Paris, 
Hachette,  1893.  2  volumes.  —  I.  Rive  droite  de  la  Seine.  — 
11.  Rive  gauche  de  la  Seine. 

Excursion  sur  les  côtes  de  Normandie  et  de  Bretagne,  par  Alp. 
Herlaxd.  Société  de  géographie  de  Lille.  Lille,  Panel,  1890. 

Le  littoral  de  la  France  de  Dunkerque  au  Mont  Saint-^lichel,  par 
Yattier  d'Amhroyse,  1890. 

A  travers  le  pays  d'Auge,  par  H.  Yuagneux.  Paris,  Dentu,  1889. 

Le  Nord  de  la  France  (jusqu'à  la  Loire),  guide  Baedeker.  Paris, 
Ollendorf. 


-  85  — 


Guide  express  de  Rouen  et  de  ses  environs.  Rouen. 

Géographie  de  la  Seine-Inférieure,  par  A.  Joanne.  Hachette,  1888. 

Géographie  de  l'Eure,  par  A.  Joanne.  Hachette,  1890. 

Bibliographie  historique  du  département  de  l'Eure,  pendant  l'année 
1893,  par  L.  Régnier. 


FRANCE     CENTRALE. 


Baedeker.  La  France  centrale.  Paris,  Ollendorf. 

La   Loire  historique,  pittoresque  et    biographique,    par    Touchard- 
Lafosse.  Paris,  Delahaye,  1858. 

Itinéraire  général  do  la  France.  La  Loire,  par  Joanne,  1891. 
Orléans  et  ses  environs,  parYERGXAUDRoMAGNESi.  Orléatis,  Gatineau. 

Les  départements  français,  par  J.  Rayeur.  Département  de  l'Allier, 
les  deux  premiers  fascicules.  Moulins,  1890. 

En  Bourbonnais  et  en  Forez,  par  E.  Montégut.  Hachette,  1888. 

La  ville  de  Gannat  et  son  évangéliaire  du  X^  siècle,  par  L.  Quarrê- 
Reybourbox.  Quarré,  1880. 

Visite  à  la  ferme  modèle  de  Vichy,  par  L.  Quarrè.  Lille,  Quarrê, 
1891. 

Carrière  de  Volvic  (Puy-de-Dùuie),  par  Quarré-Reybourbon.  Quarrè, 
1891. 

Sur  les  lacs  du  plateau  cenlral  de  la  France,  par  M.  A.  Delebecque  et 
Ritter.  Gauthier- Villars. 

Sur  le  gouffre  du  Creux  de  Soucy  (Puy-de-Dôme)  par  Martel,  Dele- 
becque et  Gaupillat.  1892,  Paris,  Gauthier-Villars. 

Le  noyau  central  et  les  marches  de  la  langue  d'oïl,  par  Tu.  Desdèvizes 
DU  Dezert.  Rouen,  Espérance  Cagniard. 

Auvergne  et  centre  de  la  France,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1892. 

Essai  Sur  la  géographie  do  l'Auvergne,  par  Léon  Gobix.  Hachette, 
1890. 

L'Auvergne,  guides-réclame.  Clermont-Fcrrand,  1898  et  1899. 


—  8G  - 

ILE    DE    FRANGE. 

Itinéraire  général  de  la  France.  Environs  de  Paris,  par  Joaxne.  PmnSy 
Hachette,  1893. 

Itinéraire,  idem,  Paris,  par  Joanne.  Idem. 

Guide  dans  Paris,  par  Baedeker.  Paris,  Ollendorff,  1891. 

Guide  pittoresque  de  l'étranger  dans  Paris  et  les  environs,  par  Ch.-V.- 
D.-S.-J.  Paris,  Renouard,  1845. 

Des  origines  du  musée  d'ethnographie  du  Trocadéro,  par  le  D*^  Hamy. 
Pains,  E.  Leroux,  1890. 

Description  des  fortifications  de  Paris,  par  L.  Vandevelde.  Bruxelles^ 
Guyot,  1870. 

Histoire  de  Paris  et  de  ses  monuments,  parE.  de  la  Gournerie.  TourSy 
Marne,  1852. 

Notice  sur  la  paroisse  de  St-Xicolas-des-Champs  à  Paris,  par  l'abbé 
Pascal.  Paris,  1841.  En  double  exemplaire. 

Histoire  et  description  de  la  Colonne  de  Juillet,  par  H.  Jouin.  Paris, 
Pion,  1878. 

Protestation  de  la  Société  de  géographie  commerciale  du  Havre,  contre 
Paris  port-de-mer.  Havre,  1890. 

Saint-Juirs.  La  Seine  à  travers  Paris.  Paris,  1890. 

Notice  administrative,  historique  et  municipale  sur  le  XYIIP  arrondis- 
sement de  la  ville  de  Faris.  I)elmo7it  et  JDunod,  1800. 

Promenades  et  excursions  dans  les  environs  de  Paris,  par  Alexis 
Martin.  Paris,  Hennuycr,  1892  (Région  de  l'Ouest). 

Idem  (Région  du  Nord),  1894. 

Idem  (Région  du  Nord,  2"^  partie). 

La  vallée  de  Chevreuse,  par  E.  Meigxen.  Paris,  ancienne  maison- 
Quant  in. 

La  Bergerie  de  Rambouillet  et  les  Mérinos,  par  M.  Léon  Bernardin. 

Environs  de  Paris,  réseau  d'Orléans,  guide  ^av  Joa'S'se. Paris, Hachette. 

Autour  de  Paris  (Seine,  Seine-et-Marne,  Seinc-et-Oise,  Oise,  Aisne)^ 
par  Louis  Barron.  Illustrations  de  Fraipont.  Paris,  ancienne 
maison  Quantin,  1891. 

Paris,  exposition,  guide,  par  E.  Bernardin.  Paris,  Hachette,  1867. 


FRANGE    DU     NORD-EST. 

Bourgogne  etMorvan,  guide,  par  Joanxe.  Paris,  Hachette,  1892. 

Voyages  en  France,  par  Ardouin-Dumazet.  2  vol.  1803.  T''  volume  • 
Du  Morvan  au  Maine. 

Sur  la  glacière  naturelle  du  Creux-Pcrcé  (Côte-d'Or),par  E.  A.  Martel. 
Paris,  Gauthier-Villars ,  1892. 

Le  Nord-Est  de  la  I^rance,  par  Baedeker.  Ollendorff',  1899. 

Recherches  historiques  et  anecdotiques  sur   la  ville  de    Sens,    par 
Théodore  Tarbê.  Paris,  Quantin,  1898. 

Guide  du  voyageur  à  Dijon.  Dijon,  1886. 

Souvenirs  de  Bourgogne,  par  E.  Montègut.  Pa^ns,  Hachette,  1886. 

Géographie   militaire  du  déparlement   de  l'Ain,  par  J.    Corcellis. 
Année  f/,  1898. 

Champagne  et  Ardennes.  Guide,  par  Joanne.  Paris,  Hachette,  1889. 

Société  académique  de  Chauny.  En  chemin  de  f(;r  de  Chauny  à  Coucy- 
le-Chàteau.  Cliauny,  1885. 

Dictionnaire  géographique  des  communes  du  département  do  l'Aisne, 
par  GiRAULT  DE  St-Fargeau.  Paris,  1830. 

Hydrographie  des  environs  de  Laon,  par  Gosselet.  Lille,  Liègeoix-SicG, 
1898. 

Description  géologique  du  canton  de  La  Capelle,  par  M.  J.  Gosselet. 
Lille,  Six-Horemans,  1882. 

Les  Vosges,  guide,  par  Joanne.  Paris,  Hachette.  Complété  en  1893. 

Les  lacs  des  Vosges,  par  M.  A.  Delebecque.  Extrait  des  Comptes- 
rendus  de  la  Soc.  de  géog.  de  Paris,  1895. 

Les  grandes  industries  minérales  en  Lorraine,  par  Gh.  Durand.  Nancy, 
1893. 

Les  Vosges  :  le  sol  elles  habitants,  par  G.  Bleigher.  Paris,  Baillière 
1890. 

Les  Vosges,  texte  et  dessins  de  Fraipont.  Laurens,  1896. 

Itinéraire  général  de  la  France  :  Franche-Comté  et  Jura,  par  Joanne. 
Paris,  Hachette,  1888. 

Le  Jura,  texte  et  dessins  de  Fraipont.  L^aurens,  1897 . 


83  — 


NORD     DE    LA    FRANCE. 


FLANDRE,     ARTOIS,     PICARDIE. 

Sur  les  couches  à  nuuimulites  lajvigata  dans  le  XorJ  de  la  France, 
par  M.  GossELET.  Meidan,  1874. 

L'étage  éocène  dans  le  nord  de  la  France  et  en  Belgique,  par  M.  Gos- 
SELET.  Meulan,  1874. 

Campagne  de  rarmée  du  Nord  en  1870-71,  par  le  général  Faidherbe. 
Paris,  Deatu,  1872. 

Les  ancêtres  des  Flamands  de  France,  par  Derode.  Lille.,  sans  date. 

La  vie  dans  le  Nord  de  la  France  au  X  VllP  siècle  ;  études,  sciences  et 
récits,  par  R.  Mixox.  Paris,  Le  Chevalier,  1898. 

Un  voyage  eu  Flandre,  Artois  et  Picardie  en  1714,  publié  d'après  le 
manuscrit  du  sieur  Xomis,  par  A.  Eeckmax.  Lille,  Biicoulombier, 
1896. 

Voyage  historique  et  pittoresque  dans  les  ci-devant  Pays-Bas  et  les 

départements  voisins,  par  Paquet-Syphorien. 

Le  Nord,  guide,  par  A.  Joanne  (Nord,  Artois,  Picardie).  Paris, 
Hachette,  1890.  Mis  au  courant  en  1892. 

Association  pour  favoriser  l'exécution  du  grand  canal  du  Nord.  Note 
sur  l'enquête.  Lille.  Danel,  1884. 

Les  gîtes  de  phosphates  de  chaux  dans  le  Nord  de  la  France,  par 
J.  Gosselet.  Lille,  Liégeois,  1890. 

Histoire  générale  de  Péronne,  par  Jules  Dournel.  Pcronne,  St- 
Quentin,  1879. 

Notice  sur  l'ancienne  seigneurie  et  l'église  de  Caix  eu  Santerre.  Sans 
nom  d'auteur. 

Description  historique  de  l'ancienne  abbaye  de  St-Riquier  en  Ponthieu, 
par  A.  GiBERT.  Amiens,  Caron-Vitet,  1830. 

De  la  religion  du  Nord  de  la  France  avant  le  chrislianisme,  par  L.  de 
Baecker.  Lille,  E.  Vanackh^e,  1854. 


—  89  - 

Mémoires  do  la  Société  d'émulalion  d'Abboville.  Tome  I.  AhhevUle, 
Fo  urd)  in  ic .  189 1. 

Catalogue  dos  manuscrits  de  la   bibliothèque  d'Abbeville.  Abbeville, 
Caudron,  188G. 

Le  baie  de  Somme,  Boulogne  et  Calais  (Les  Etapes  d'un  touriste  en 
France),  par  J.  Pizzetta.  Paris,  Hennuye)-,  1807. 

Introduction  à  l'histoire  des  Comtes  d'Amiens  de  Ducange,  par  Har- 
DOUiN  {Sans  date). 

Histoire  de  l'Industrie  sucrière  dans  la  région  du  Nord,  par  Carlos 
MÉRiAN.  Lille.,  Danel,  1801. 

Géographie  du  Pas-de-Calais,  par  Joanne. 

Les  collines  de  l'Artois,  par  M.  Gosselet.  Lille,  Danel,  1803. 

Note  sur  la  coupe  du  canal  d'Audruicq  et  sur  le  tuf  calcaire  de  St- 
Pierre,  par  MM.  Gosselet  et  Ladrière.  Lille,  Liègeois-Six,  1803. 

Wizernes,  les  Fontinettes,  St-Omer,  par  M.  E.  Cantlxeau.  Soc.  de 
gèog.  Lille,  Danel,  1880. 

Les  peintres  de  la  ville  de  St-Omer  depuis  le  Moycn-àge  jusqu'à  nos 
jours,  par  Paul  Marmottan.  Paris,  E.  Pion,  Nourrit  et  C'' ,  1888. 

Boulogne  s/Mer;  ouvrage  forme  album.  Paris,  Courmont,  1807. 

Notice-réclame  sur  Boulogne  et  le  Porlel,  publiée  par  le  Chemin  de 
fer  du  Nord.  Paris,  1807. 

Le  Portus  Itius.  Elude  d'histoire  et  de  bibliographie,  par  l'abbé 
D.  Haigneré.  Boulogne,  1886. 

L'année  boulonnaise.  Ephémérides  historiques  du  24  mars  au  24  avril. 
Boulogne,  irnp.  Ch.  Aigre,  1885. 

De  Houdain  à  Béthune,  excursion  du  21  juillet  1889,  par  F.  D.  Soc.  de 

gêog.  Lille,  Danel,  1800. 
Histoire  de  la  ville  de  Béthune,  manuscritinédit,  publié  par  L.  Quarré- 

Reybourbon.  Lille,  Quarré,  1885. 

Chronique  d'Arras  et  do  Cambrai,  par  Baldêric,  chantre  de  Térouaue 
au  Xr  siècle,  avec  commentaires,  glossaire  et  index,  par  le  D""  Le 
Glay.  Paris,  1834. 

Origines  historiques  de  la  famille  Du  Chastcldito  do  Blangerval  et  des 
Sires  de  Yillers  en  Artois  ;  l''  partie,  sans  nom  d'auteur.  Boulogne- 
sur-Mer,  1884. 


-  90  — 

Société  des  Mines  de  Lcns  et  de  Douvrin.   Notice  commerciale,  1896, 
Danel. 

Un  voj'age  à  Calais,  Guines,  Ardres  et  St-Omer  en  1682.  Extrait  du 
Journal  de  White  Kennett,  par  G.  Landrin.  Paris,  Picard,  1893. 

L'Hermito  en  Province,  observations  sur  le  Nord  de  la  France  au 
XYlir  siècle,  par  E.  Jouy.  Paris,  1826. 


FLANDRE. 

Géographie  générale  du  dép.  du  Nord,  par  MM.  Brunel,  Mordacq  et 
Lecocq.  Lille,  Danel,  1884. 

Géologie  élémentaire  du  dép.  du  Nord,  par  M.  J.  Gosselet,  avec  cartes 
et  coupes  de  terrain.  Leçons  professées  à  Lille  en  1888.  Lille., 
Société  géologiciue  du,  Nord,  1880.  Double  édition. 

Idem,  édition  de  1890. 

Excursions  d'un  touriste  dans  le  département  du  Nord,  par  Alf. 
Renouard.  Lille,  Danel,  1885. 

Géographie  du  Nord,  par  Joanne. 

Le  Nord  monumental  et  artistique,  par  Mgr  Dehaisnes.  i>27<Je,  Danel., 
1891 .  Planches  du  même  ouvrage. 

Communication  sur  l'organisation  et  les  travaux  de  la  Commission 
météorologique  du  Nord  de  la  France,  par  M.  Terquem.  lAlle., 
Danel,  1882. 

Les  manœuvres  du  1"  corps  d'armée  en  1883,  par  Ardouin-Dumazet, 
Lille,  Echo  du  Nord,  1883. 

Le  Nord  pittoresque,  par  MM.  Coxs  et  Moy.  Société  française  de 
librairie,  1808. 

Chants  historiques  de  la  Flandre,  recueillis  par  Louis  de  Baecker 
Lille,  E.  Vanacker,  1855. 

Mouvement  du  sol  de  la  Flandre  depuis  les  temps  géologiques,  par 
M.  J.  Gosselet.  Lille,  Sioo,  1878. 

Notice  sur  les  Archives  communales  du  Nord,  par  M.  Le  Glay.  Lille^ 
Danel,  1840. 

Notice  sur  le  débit  et  l'emploi  du  bois  de  bateau  dans  le  dép.  du  Nord, 
par  H.  BÉcouRT. 


-^  91  — 

Fêles  cl  marches  historiques  en  Belgique  et  dans  le  Nord  de  la  France, 
par  Mgr  Dehaisnes.  Lille^  Danel,  1895. 

Autre  exemplaire  dans  les  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences. 

Histoire  de  Jeanne  de  Gonstantinople,  comtesse  do  Flandre  et  de 
Hainaut,  par  E.  Le  Glay.  Lille,  Vanackèi^e,  1841. 

Les  institutions  ouvrières  et  sociales  du  dép.  du  Nord,  par  A.  Renouard 
et  L.  :Moy.  Lille,  Danel,  1889. 

•Communication  de  M.  Daraien  sur  les  pluies  tombées  dans  le  dép.  du 
Nord  (3  fascicules  réunis,  années  1883,1884, 1885).  Soc.  des  Sciences 
de  Lille,  Danel. 

La  question  des  sourds-muets  en  France,  en  particulier  dans  le  dépar- 
tement du  Nord,  par  le  frère  Médêric.  Lille,  Danel,  1891. 

Etudes  sur  les  registres  des  chartes  de  l'audience  :  guerres  et  pillages, 
crimes  et  malheurs,  mœurs  et  coutumes  dans  les  Pays-Bas,  par 
Mgr  Dehaisnes.  Lille,  Danel,  1874. 

•Géographie  physique  du  Nord  de  la  France  et  de  la  Belgique,  par 
M.  GossELET.  7  fascicules.  Lille,  Liègeois-Six. 

Documents  pour  servir  à  l'histoire  politique,  administrative  et  finan- 
cière de  la  Flandre  maritime,  recueillis  par  M.  A.  Bonvarlet. 
2  brochures,  1885  et  1887.  Extrait  des  Annales  du  Comité  flamand 
de  Finance. 

Dessèchement  des  Watteringues  et  des  Moëres,   par  M.    Quarrê- 

Reybourbon.  Lille,  Quarré,  1893. 
Documents  pour  servir  à  l'histoire  des  maisons  religieuses  ou  hospita- 
lières et  des  églises  de  la  Flandre  maritime,  par  A.  Bonvarlet. 

Dunkerque,  1886. 
Statistique  mensuelle  du  port  de  commerce  de  Dunkerque.  Septembre 

1897. 
Notice    sur    le    port   de    Dunkerque    (Chambre    de    Commerce    de 

Dunkerque).  Paris,  Maréchal,  1889.  3  exemplaires. 
Notice  sur  le  port  de  Dunkerque,  en  français  et  en  anglais.  (Chambre 

de  Commerce  de  Dunkerque).   Imp.  Paul  Michel,  Dunkerque, 

1892. 
Le  trafic  du   port  de  Dunkerque,  par  Albert   Mine  {Assoc.  jjow 

ravancement  des  sciences).  Paris,  1892. 
Le  trafic  du  port  de  Dunkerque  en  1892.  Même  auteur.  Travail  lu  au 

Congrès  de  Pau  eu  1892.  Paris,  Secrétariat    de  l'association 

française  pour  l'avancement  des  Sciences. 


—  92  — 

A  la  gloire  de  Jean  Bart.  (Reproduclion  des  tableaux,  estampes, 
dessins.  Publié  par  ]M.  G.  Guilbert.  Petite  brochure  oblongice. 

Le  Siège  de  Dunkerque  de  1793.  Préface  par  le  général  YuxG. 
Document  officiel.  Dunkerque,  Paul  Michel,  1893. 

Le  Siège  de  Dunkerque,  par  Verax.  Dunkerque,  1893. 

Statistique  du  mouvement  commercial  du  port  de  Dunkerque  avec  la 
République  argentine. 

Excursion  à  Esquelbecq,  Bergues  et  Dunkerque,  par  E.  Gantineau. 
Lille,  Danel,  1894. 

Recueil  de  procès-verbaux  des  séances  de  la  Chambre  de  Commerce 
de  Dunkerque  en  1891.  Dunkerque,  Michel,  1892. 

Idem  pour  l'année  1894.  Publié  en  1895. 

Cassel,  le  Mont  dos  Récollets  et  Oxelaere,  par  E.  Cantineau  (23  mai 
1889).  Soc.  de  Gèog.  Lille,  Danel,  1890. 

Le  mont  et  la  ville  de  Cassel.  Mont  des  Récollets  et  Oxelaere,  par 
M.  E.  Gantineau.  Lille,  Danel,  1893.  En  double  exemplaire. 

Les  ducs  do  Bar  ou  les  seigneurs  et  dames  de  Cassel,  parle  D''  de 
Smyttère.  Bar-le-Duc,  1884. 

Histoire  du  Château  et  des  Seigneurs  d'Esquelbecq,  par  Bergerot  et 
Diegerick.  Bruges,  Vandecastcele,  1857. 

Hazebrouck,  Thérouanne,  Renescure,  par  Ch.  Taverjne  de  Tersud. 
Hazebrouck,  imp.  Venelle,  1890. 

Notice  sur  la  vie  et  les  travaux  de  M.  E.  de  Coussemaker,  de  Bailleul, 
correspondant  de  l'Institut,  par  l'abbé  Dehaisnes.  IJlle,  Danel, 
1876. 

Flêtre,  le  Monl  des  Cattes  et  Hazebrouck,  par  E.  Gantineau.  Lille , 
Danel,  1893. 

Catalogue  des  tableaux  du  musée  de  Bergues,  par  A.  Verlinde. 
Bergues,  1878. 

Catalogue  des  livres  de  la  bibliothèque  de  Bergues.  Dunkerque, 
1842. 

Délimitation  du  flamand  et  du  français  dans  le  Nord  de  la  France,  par 
E.  de  Coussemaker  (Extrait  des  Annales  du  Comité  flamand). 
Dunkerque,  1857 . 

Cambrai,  Yaucelles,  les  Sources  de  l'Escaut,  excursion  du  19  mai 
1889,  par  F.  I). 


.-  93  — 

Plan  do  la  forêt  do  Morraal,  extrait  des  archives  de  l'inspection  des 
forêts  et  complété  par  H.  Bégourt. 

Histoire  de  la  forêt  de  Mormal,  par  H.   Bêcourt.   1®™  partie.  Lille, 
Danel,  1895. 

Excursion  à  la  forêt  de  Mormal,  par  G.  Houbron.  Lille,  Danel,  1890. 
Extrait  du  Bulletin. 

Excursion  géologique  dans  les  tranchées  du  chemin  de  fer  de  Cambrai 
au  Quesnoy,  par  M.  Gosselet.  Lille,  Six,  1878. 

Une  émeute  à  Avesnes  en  1413,  par  Jules  Finot.  Lille,  Danel,  1895. 

LILLE   ET    SON   ARRONDISSEMENT. 

Tableau   pittoresque,   en  vers,   d'Armentières   et  des   environs,   par 
E.  DucHATEAU.  Lille,  1822. 

Marquette  et  l'abbaye    du  Réclinatoire.    par  G.    S.    SrRiET.  Lille, 
Lefehvre-Ducrocq,  1890. 

Recherches  historiques  sur  la  commune  de  Saules,  par  Th.  Le  Josne 
DE  Lespierre. 

La  bataille  de  Tourcoing,  par  A.  Merchier.  Publié  sous  les  auspices 
de  la  Soc.  de  Géog.  do  Tourcoing.  Rouhaix,  Rehoux,  1894. 

Bondues.   Histoire  do  cette  commune  depuis  l'origine  jusqu'à    nos 
jours,  par  Louis  Dervaux.  Lille,  Lefort,  1854. 

Guide  des  étrangers  dans  Lille  et  ses  environs.  Anonyme  (par  Blocquel, 
imprimeur).  Lille,  Castiaux,  1826. 

Guide  de  la  ville  de  Lille.  Lille,  L.  Quarrè,  1889. 

Guide  de  la  ville  de  Lille,  par  Quarrè-Reybourbon.  Lille,  Quarré, 

1892. 
Histoire  de  Lille  de  620  à  1804,  par  Ed.  Van  Rende.  Lille,  L.  Danel, 

1874. 
Etat  de  la  ville  et  de  la  châtellenie  de  Lille  en  1789,  par  E.  Van  Hende. 

Paris,  Leroux,  1890. 

Même  ouvrage.  Danel,  1890. 

Agenda  avec  nouvelles  éphémérides  lilloises,  recueillies  par  Ed.  Van 

Hexde,  8^  année.  Lille,  Danel,  1878. 
Histoire  de  Lille  au  jour  le  jour,  par  un  collectionneur  lillois  (Quarrê- 

Reybourbon).  Lille,  imprimerie  Qaarrè,  1890. 


—  94  — 

Episodes  de  la  vie  de  garnison  à  Lille  (1743-1750),  par  Qdarrè- 
Reybourbon.  Lille^  Quarré,  1890. 

Deux  épisodes  de  l'histoire  des  Châtelains  de  Lille,  par  Th.  Leuridan. 
Lille,  Danel,  1882. 

Chronique  d'une  maison  lilloise  racontée  par  ses  parchemins,  par 
L.  Quarrê-Reybourbon.  Lille,  Quarré,  1885. 

Aspect  de  quelques  maisons  de  Lille  du  commencement  du  XYIP  siècle, 
avec  plan  colorié  de  l'époque,  par  L.  Quarré.  1889. 

La  Finance  d'un  Bourgeois  de  Lille  au  XYIP  siècle.  Livre  de  raison 
de  Daniel-le-Comte  (1664-1717),  par  Aimé  Houzê  de  l'Aulnoit. 
Lille,  Danel,  1888. 

Essai  bibliographique  et  catalogue  des  plans  et  gravures  concernant  le 
bombardement  de  Lille  en  1792,  par  L.  Quarrè-Reybourbon.  Lille, 
Quarré,  1887. 

Promenades  lilloises,  par  F.  Chon,  avec  table.  IJlle,  Danel,  1888. 

L'horticulture  à  Lille  avant  1792.  Causerie  parL.  Quarrè-Reybourbon. 
Lille,  Lefehvre-Ducrocq,  1883.  t 

Les  Rues  de  Lille  ;  leurs  origines,  transformations  et  dénominations, 
par  A.  Bertrand.  Lille,  Castiaux,  1880. 

L'hôpital  Saint-Sauveur  à  Lille,  par  Aimé  Houzé  de  l'Aulnoit.  Lille, 
Danel,.  1866. 

La  Basilique  de  N.-D.  de  la  Treille,  par  Jules  Duthil.  Imprimerie  du 
Nouvelliste,  1893. 

Les  habitations  ouvrières  de  Lille,  par  Alfred  Renouard.  Paris, 
extrait  de  la  Réforme  sociale,  1887 . 

Notice  sur  un  tableau  de  A^an  Dyck  appartenant  aux  hospices  de  Lille, 
par  ]\I.  Aimé  Houzé  de  l'Aulnoit.  Lille,  Lefehvre-Ducrocq,  1874. 

Notice  sur  le  musée  commercial  et  colonial  de  Lille.  Danel,  1898. 

Histoire  des  Canonniers  lillois,  par  MM.  Fromont  et  De  Meunynck. 
Lille,  Quarré,  1892  et  1893.  2  volumes. 

Inauguration  du  Nouvel  hôtel  des  archives  à  Lille.  Lille,  Van  Ackère 
{1845). 

Mouvement  de  la  population  à  Lille  de  1851  k  1872,  par  le  D'  Chrestien. 
(Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences). 

Le  régime  des  eaux  à  Lille,  étude  sur  l'hygiène  et  l'assainissement  des 
villes,  par  Ange  Descami's.  Lille,  Danel,  1892. 


-  95  - 

Fêtes  célébrées  à  Lille  en  1729,  par  L.  Quarrè-Reybourbon.  Paris, 
Pion,  1894. 

Le  Colisée  de  Lille,  élude  historique  et  descriptive,  par  Quarré- 
Reybourbon.  Quarrè,  1896. 

Note  sur  la  distance  de  Lille  à  Paris,  par  G.  Détrez.  Lille,  Dctt^ez, 
1897. 

De  l'assistance  publique  à  Lille,  statistique  du  paupérisme  et  des 
secours  publics  à  Lille,  par  M.  HouzÈ  de  l'Aulnoit.  Lille,  Danel, 
1876. 

Facultés  de  Lille,  2  juin  1SU5.  Lille,  Danel,  189.~). 

Notice  sur  Guillaume  Le  Blanc,  seitineur  de  Houcliin,  maître  de  la 
Chambre  des  Comptes  de  Lille  et  sur  un  jeton  rrapj)é  à  ses  armes, 
par  Ed.  Van  Hende.  Lille,  Dauel,  1878. 

Notice  sur  Jean-Baptiste  AVaeles,  membre  de  la  Société  des  sciences 
de  Lille,  par  Quarré-Reybourbon.  Lille,  Qaarrè,  1888. 

Notice  sur  Pascal-François  Gosselin,  géographe  lillois,  par  Quarré- 
Reybourbon.  Lille,  Quarrè,  1887 . 

La  vie,  les  voyages  et  aventures  de  Gilbert  de  Lannoy,  chevalier  lillois 
au  XV^  siècle,  par  Quarré-Reybourbon.  Quarrè,  1890. 

Pierre  Le  Monnier,  voj'ageur  lillois  du  XYir  siècle,  par  Quarré- 
Reybourbon  (Extrait  du  Bulletin  de  Gèog.  historique  et  descrip- 
tive). Paris,  iînprimerie  nationale,  1894. 

Notice  sur  Jean  Wouters,  président  de  la  Chambre  des  Comptes  de 
Lille  et  sur  deux  jetons  frappés  à  ses  armes,  par  Ed.  Van  Hende. 
Lille,  Daniel,  1892. 

Mgr  Behaisnes,  esquisse  biographique,  par  l'abbé  Leuridan.  Danel, 
1897. 

P.  Lorlhior  et  son  œuvre,  par  Ed.  Van  Hende.  Danel,  1898. 

Médaille  de  la  Société  de  géog.  de  Lille,  par  Quarré-Reybourbon. 
Bruxelles,  1890. 

Supplément  à  la  numismatique  lilloise.  Plommés  des  Innocents,  par 
Ed.  Van  Hende.  Lille,  Datœl,  1877. 


96  — 


ATLAS,  CARTES,  PLANS,  ALBUMS,  DESSINS,  PHOTOGRAPHIES. 


GEOGRAPHIE   GENERALE. 

Nouvel  atlas  ou  théâtre  du  monde,  comprenant  les  tables  et  descrip- 
tions du  monde  universel,  divisé  en  4  tomes,  avec  cartes  et  gravures 
enluminées.  Amsterdam,  1647 ,  4  vol.  in-f,  couverture  parche- 
'inin  gaufré. 

Atlas  de  cartes  anciennes,  publiées  au  XVI*  siècle,  encadrements 
gravés,  sans  indications.  Un  vol.  in-f. 

Gerardi  Mercatoris  atlas,  sive  cosmografîcœ  meditationes.  Amtersdani, 
1613.  Gr.  in-4'',  avec  frontispice  colorié. 

Allas  du  voyage  de  La  Pérouse,  comprenant  une  carte  et  de  nombreuses 
gravures  du  temps.  Frontispice  gravé.,  sans  date. 

Atlas  élémentaire  de  géographie  et  d'histoire,  parBuYOEMoRNAS,  avec 
frontispice,  dédicace  et  encadrements  gravés.  In-f  oblong.  Paris., 
1761. 

Atlas  du  voyage  de  Bruny-Dentrecasteaux  on  1791,  1792  et  1793, 
publié  par  l'ordre  de  S.  M.  l'Empereur,  par  C.-F.  Beautemps-Beau- 
PRÊ.  Paris,  1807. 

Petit  et  nouveau  atlas  (sic).  A  Pains,  chex  le  sieur  Danet,  1724.  Oblong, 
avec  vignette  et  frontispice. 

Atlas  général  élémentaire,  dirigé  par  le  sieur  Desnos,  ingénieur-géo- 
graphe du  Roy  de  Danemark.  Paris,  1760.  Frontispice  gravé. 

Allas  des  œuvres  complètes  de  Rolli.n.  Paris,  Ledoux,  1818. 

Atlas  de  géographie  générale,  par  le  colonel  Niox.  Delagrave,  1888. 

Notice  du  même  allas. 

Atlas  général  de  Vidal-Lablache,  comprenant  137  cartes  et  un  index 
alpliabétique.  Armand  Colin  et  Cie. 

Andree's  allgemeiner  Handatlas,  mil  Texl.  Leipzig,  imprimerie 
Velhagen,  1881.  In-f\ 

Justus  Perthe's  Taschenallas.  Gotha,  Justus  Perthes,  1885.  In- 12. 


Philipp's  prcparatory  allas.  London,  1881 . 

L'année  cartographique,  supplémenl  annuel,  contenant  les  modifi- 
cations géographiques  et  politiques  de  l'année,  dressé  par  K.  Schra- 
DER.  Années  1895.  1896  et  1897.  Hachette. 

Chart  of  Ihe  world,  cartes  des  grandes  routes  de  navigation,  des 
courants  marins,  etc.,  par  le  D'Berghaus.  Jicstus  Per-thes,  Gotha, 
1807. 

Atlas  colonial,  par  Henri  Mager.  Paris,  Bayle.  Deux  exemplaires. 

Atlas  colonial,  édition  populaire  et  classique,  par  Henri  Mager,  texte 
par  Jacquemart.  Paris,  Bayle,  1887. 

Cartes  commerciales  publiées  par  F.  Bianconi.  avec  texte  complémen- 
taire explicatif. 

1''  série.  Turquie  d'Elurope.   Provinces  d'Albanie  et  d'Epire.  1  vol. 

Turquie  d'Europe.  Province  de    Thrace.  Bulgarie  et  Roumélie 

orientale. 
2*  série.  Syrie,  Liban  et  Chypre. 
3*  série.  Tonkin,  Cochinchine  et  Cambodge. 
4"  série.  Algérie. 
6"  série.  Brésil  (Sud).  République  de  l'Urugay.  Brésil  (bassin    de 

l'Amazone). 

Etals-unis  du  Mexique,  1™  partie.  Etats-Unis  du  Mexique,  2"  partie. 
République  de  Guatemala.  République  de  Honduras  et  San- 
Salvador. 

Atlas  des  principaux  types  des  êtres  vivants  des  cinq  parties  du  monde, 
par  E.  Perrier.  Jouvet,  in-4'',  1887. 

Carte  générale  des  lignes  télégraphiques  internationales,  par  MM. 
Mabyre  et  Jaccottet.  Dclagrai-e,  1808. 


ASIE. 

L'Asie  divisée  en  ses  grandes  régions  et  empires.  Carte  du  XV  HT  siècle, 
sans  date. 

Carte  de  l'Asie  dressée  par  J.-B.  Nolin  en  1759. 

Atlas  de  J.-L.  Dutreuil  de  Rhins.  L'Asie  Centrale  (Thibet  et  régions 
limitrophes).  Leroux,  1889.  Publ.  sous  les  auspices  du  Ministre  de 
rinst.  publique. 


—  <.>8  — 

Carte  de  l'Asie  Centrale,  à  réchelle  del  :  7.r)00,0(X).  Siippk'nuMil  à  la 
Gazette  géographique. 

Carte  de  l'Asie  Orientale  (Chine,  Japon,  Indo-Chine  et  arcliipel  Malais). 
Paris,  Audriveau,  1885.  En  trois  feuilles. 

Carte  de  rAfirhanislan,  éditée  parla  lAhrai  rie  patriotique ,  Rue  Mont- 
■irartre.  Échelle  de  1  :  5.2r)0.0(X). 

India  (L'Inde  anglaise).  Philip  and    Sohn.  Londmi. 

Reiseroiilcn  der  Indischen  Punditen  in  Gross  Tibet  und  Mongolie, 
1879-1882,  von  G.  Atkinson.  Echelle  1 :  3.000.000. 

Prezewalskis  Reise  durcli  die  Gobi  Wiïsto  nach  ribei. 

Karte  eines  Theiles  Sud-Wesllichen  China  (provinces  de  Ssu-Chueu 
et  de  Yun-Nan).  Echelle  1:2.000.0  ;0.  Gotha,. JustusPer thés,  1883. 

Opulentissiniuiu  Sinarnm  Iniperium,  carte  ancienne  publiée  à 
Augsbourg. 

The  Chiuese  Empire,  bj  .Jacob  A\'ells,  London  1882. 

Korea  (Corée),  carie  dressée  en  1875  parle  Japon,  et  reproduite  par 
E.  Satour,  secrétaire  de  la  légation  allemande  à  Tokio.  Justus 
Pcrthes,  1883.  Echelle  1  :  700.000. 

Atlas  de  la  guerre  sino-japonaise  (1894-1895),  par  le  lieutenant 
Sauvage.  Paris,  lib.  militaire  Baudoin,  1897. 

Carte  du  Japon,  en  caractères  japonais. 

Dessins  annamites  et  vues  de  l'Annam,  tirés  de  l'album  de  la  Société  de 
géographie  de  l'Est. 

Carte  du  Nord  de  Forraose,  d'après  les  reconnaissances  des  officiers 
du  corps  expéditionnaire  français  en  1884.  Supplément  à  la  Gazette 
géographique. 

Routes  commerciales  de  Chine.  Indo-Chine,  Birmanie,  Siam  et  Tong- 
Kin.  d'après  les  documents  de  Jean  Di  puis,  1883. 

(^arto  de  la  Chine  méridionjilc  et  du  Tonivin ,  par  le  capitaine 
Friquegnon,  au  ly2.000.000. 

Grande  Carte  de  la  Cochinchine  Française,  dressée  parle  Ciinmandaut 
KocH  en  1889.  Echelle  au  1/400.O00.  Trois  feuilles. 

Charte  polili({iie  de  l'Iiido-Cliine,  par  M.  François  Delonclk,  député. 

1889.  Echelle  1/1.800,000.  Deux  feuilles, 
ilinéraire  de  Hanoï  à  Thal-Klié  par  Lang-Son,  dn^ssé  en  1881.  Echelle 

an  1,31().0<)(.»*. 


.—  ou 


AFRIQUE. 

Carte  d'Afrique,  divisée  on  ses  principaux  élats,  en  1788.  Dressée  par 
l'abbé  (^i.oiKT. 

Afrique  physique,  dressée  et  dessinée  par  J.  \'.  Bakbikr,  à  l'échelb'.  de 
r20.003.000,  anné3  ISSI. 

Afrique  au  1/10.000.000  dressée  par  la  Société  de  Géogr.  de  Paris. 

Afrique  connue  du  monde  civilisé,  d'après  les  plus  récentes  explo- 
rations, dressée  par  A.  Eeckmax.  Lille,  1889. 

Carte  générale  de  l'Afrique  et  de  ses  voies  de  conununiealiou  ,  par  le 
lieutenant  Oliyikr,  au  1/15.000.000. 

Cartes  nautiques  sur  les  côtes  d'Algérie,  levées  en  1831, 1832  et  18." 53. 
par  M.  A.  Bkrard,  lieutenant  de  vaisseau.  13  cartes  et  une  dcscri[)- 
tion  nauli(iue  des  côtes,  le  tout  dans  une  boîte  fortement  cartonnée. 

Atlas  de  la  conquête  de  l'Algérie  (1811-1857),  par  Camu^le  Kousset. 
Paris,  1880. 

Carte  géologique  du  Sahara,  du  ]\laroc  à  la  Tripolitaine,  par  M.  ('>. 
Rolland.  Echelle  1:5.1)00.000. 

Haut-Sénégal  (Cam])agne  1880-81).  Carte  levée  par  une  commission 
militaire  sous  la  direction  du  C^oniniandant  Derrien.  Echelle  au 
1  :  100.000. 

Carte  du  Sahara  sept',  dressée  par  E.  Foureau,  d'après  l'Etat-major, 
en  1888.  Echelle  1/500.000. 

Carte  d'Etat-major  du  Soudan  Français,  campagne  Gallieni  de  188G  à 
1888.  Echelle  1/500.000. 

Territoires  de  la  Basse-Casaniance.  Carie  au  1  :  200.000  dressée  par 
le  Capitaine  Brosselard. 

Carte  du  Haut-Niger  au  golfe  de  Guinée  par  le  pays  de  Kong  et  le 
Mossi.  levée  et  dressée  de  1887  à  1880  par  L.  Binger.  Echelle 
1/1.000.000. 

Carte  de  la  boucle  du  Niger,  par  Je  lieutenant  Simcq.  Echelle 
1/1.500  000. 

Collection  de  cartes  du  grand  Bélédougou,  du  Fadougou  et  du  Mour- 
diari,  d'après  les  documents  du  lieutenant  Quiquaxdon,  attaché  à  la 
mission  Bayol.  Lille,  Dancl. 

Service  géog  raphique  des  colonies.  Carte  du  Haut-Niger  au  golfe  de 
Guinée  par  le  pays  de  Kong  et  le  Mossi,  dressée  par  le  capitaine 
BiNGER  de  1887  h  1889.  En  quatre  feuilles  complémentaires. 


—  1(K)  - 

Carte  ilu  Ti'aiisiiiu^t'rien.  du  Handainn  et  du  Baj^oé  (Mission  Marchand), 
dressée  de  1SP2  à  1^95par  le  capitaine  Marchand. 

Carte  du  Salnira  central  et  méridional,  par  C.  Sabatier. 

Cartes  diverses  de  la  Côte  d'Ivoire.  180S. 

Collection  de  caries  sur  les  rios  de  la  Guinée  portugaise.  Lisbonne, 
1897. 

Guinée  portugaise  et  possessions  françaises  voisines,  d'après  la  carie 
de  la  commission  française  de  délimitation,  au  1  :  1.000. 000^. 

Partie  de  l'Afrique  équatoriale,  pour  suivre  les  travaux  de  la  Confé- 
rence de  Berlin,  par  E.  Desb lissons.  Echelle  de  1  :12.000.00t). 
Supplément  à  la  Gazette  géographique. 

Carte  du  Niari,  par  le  capitaine  Lamy  et  le  l)""  Alvernhe.  1  :  250.000. 

Colonie  du  Gabon  et  du  Congo  français.  Reconnaissances  préliminaires 
entre  la  côte  de  Loango  et  Br.îzzaville,  grande  carte  levée  par 
L.  Jacob,  1887-1888.  Echelle  1  185.200.  Troïs  feuilles. 

Cartes  diverses  sui*  le  cours  du  Xiari.  au  2.000*^  et  au  20.000".  pai* 
M.  Jacor  et  Dai.isie. 

Carîa  do  Curso  th)  lio  Zaïre,  tie  Stanlcy-Pool  ao  Occano,  por  Capello 
e  IvENS,  1883  (grande  échelh'). 

Atlas  des  côtes  du  Congo  français,  en  22  feuilles.  Echelle  1  :  80.000. 
Seri-ice  gcograp/uqiic  des  co/o/u'es. 

Carte  du  Congo  français,  dressée  en  1887  par  Ch.Rouvier  et  Peeicjneur, 
chargés  de  mission.  1  feuille  d'ensemble  et  17  cartes  régionales. 

Caria  de  Angola,  escala  1  :  .'Î.OOO.OOO.  Sans  indications. 

Caria  de  Angola,  jilano  hydrografico  de  Laudana  ao  Massabi  1891. 

Cartes    diverses,    d'échelles  variées,    publiées  par    les  Petermann's 
Mittheilungen,  et  éditées  parla  maison  Justvs  Peri/ies,  de  Leipzig: 

Gasa-Land  in-Siul-Africa.  1  :  .'JOO.OOO. 

Slella-Lan<l  ,Trans\vaal).  1  :  000.000. 

Zululand. 

J-!quat(^rial('ii  Osl-AI'rika,  Zwis.-hcn  Momhas.i  iiiid  Nijansa.  1:2.000.000 

Esboço  do   Curso    do   Zambeze,   escala   de  1  :  200.000.  Ministerio  da 
Marinha.  Lisboa,  18<Sff. 

Album  de  i)hotographies  reproduisant  quelques  types  et  pa^'sages  des 
régions  au    nord  du  Zambèze,  parcourues    par  M.   Edouard  Foa 
Parix.  Ubr'iirie  africaine. 


—  101  — 

Carto  do  Delta  do  Zambeze.  par  A.  dk  Moraes.  Escala  1  :  500.(XM). 
1801. 

(^arte  de  la  province  de  Mozambique  et  carte  de  l'Ile  du  Prince,  publiées 
en  Portugais. 

(losta  oriental  d'Africa.  Provincia  de  Moçainbique.  Barra  do  Limpopo. 
Levantada  cm  1892. 

Idem.  Reconhociniento  hydrografico  da  Baliia  de  Bazaruto,  1894. 
1  :  2..0.000.  —  Idem.  Bahia  de  Mocambo,  au  1 :  40.000.  —  Idem.  Rio 
Cbinde  1890,  au  1  :  20.0(M)*,  Commisi<ion  de  cartographie  portu- 
(jaise. 

Caria  da  llha  do  Fogo,  1891.  Escala  1 :  100.0;)0.  Idem. 

l']t  autres  petites  cartes  j)0i'lujiaises  du  même  genre. 

Carte  de  l'Etat  indépendant  du  Congo,  dressée  par  J.  Wauters  . 
Braxelleii,  1801. 

Même  carte,  par  J.  or  Fief.  Bruxelles,  Suciètè  de  Géographie,  18if0. 

Originalkarte  der  Reise  des  Emin-Bey  in  die  Mudirië  von  Kohi  und 
Makraka,  1882.  1  :  500.000.  Justm  Perthes. 

llinéraire  de  Dar  es  Salam  au.v  lacs  Bangueolo  et  Moéro.  par  Victor 
GiRAUD.  1882-1S8Î.  Echelle  au  1,  8.000.0(X)^ 

Carte  de  la  valléo  du  Nil,  du  lac  Tchad  cl  du  llaul-(^.ongo.  dressée  par 
M.  Prompt.  18ffS. 

Schizzo  del  teatro  dclla  guerra  italo-abissina,  scala  di  1  :  .'vJO.OOO. 
Roma,  1807 .  htitato  curtorjraf'K'O  ilaliano. 

Port  d'Obock  et  possessions  n-ineaises  sur  la  Mer-Rouge,  par  Henri 
Mager.  Echelle  1  :  TOO.OOO.  Sui»pléuient  à  la  Gazette gèoffraphique. 

Ile  Maurice.  Grande  carte  à  la  main. 

Archipel  des  Seychelles,  près  ITle  Maurice.  Sans  indication. 

Madagascar,  par  le  père  I).  Rmri.et.  missionnaire,  en  1886.  Echelle 
1.1.000.000. 

Madagascar,  par  E.  Laillet  cl  L.  Suberbie,  explorateurs.  Echelle  au 
1  :  ;i.O0O.0(J0. 

Madagascar,  d'après  les  travaux  d'Ai.FRED  (iHANbioiER.  Même  échelle. 

Allas  de  Madagascar,  Joint  au  Guide  de  rémigrani  à  Madaga,>-car, 
Armand  (>)LIN,  1899. 


—  102  — 

AMERIQUE     ET     OGÉANIE. 

Atlas  pour  les  Etudes  et  voyages  à  travers  l'Amazoue,  de  Coudreau. 

Allas  de  la  Republica  Argentina ,  redactado  par  el  D'  Arturo 
Seelstrang.  Bue/WS-Ayres,  188G. 

Mapa  de  Misiones,  par  C.  Gallardo.  Bucnos-Aires,  1898. 

Mapa  delà  Republica  Argentina,  au  1:9.000.000.  Editée  à  Leipzig  en 
1884. 

Der  Staat  Sinaloa  in  Mexico.  .Justus  Perthes,  188-1. 1 :1. 500.000. 

Patagonien  und  Grenze.  Justus  Perthes,  1882.  1 :  7.500.000. 

Carte  des  Etats-Unis  du  Mexique,  dressée  pour  la  Société  de  Géo- 
graphie de  Lille,  par  M.  J.  Jusniaux,  1892.  En  double  exemplaire. 

Série  de  cartes  sur  les  Etats-Unis,  dessinées  par  Ed.  Dumas-Yorzet, 
éditées  par  Calmann-Lèvy. 

Picturesque  Atlas  of  Auslralasia,  byANiJi.EAGARRAN.  Sydney.  42^501- 
cules.  in-folio. 

Moore's  road  map  os  New  South  Wales  (Nuuvt'Ues  Galles  du  Sud). 

EUROPE. 

Carte  d'Europe  dressée  pour  l'usage  ihi  Roy,  par  G.  Delisle.  en  1124. 

Carte  générale  île  l'Europe  dressée  après  le  traité   de  Tilsilt,  par 

M.  HÉRISSON,  géographe  à  Paris. 
Carie  d'Europe  divisée  en  ses  Empires   et   Royaumes,  dressée  par 

l'abbé  Clou  ET,  1787 . 
Carte  géo-chronologique  de  l'Europe,  par  M.  Yauthier,  pour  servir 

d'intelligence  à  la  Chronologie  v\  à  THisloire.  Paris,  De/aunr/y, 

1810. 
Le  Cercle  deSouabe  subdivisé  en  ses  Etals.  I^iris,  17 10. 

Carte  de  l'Empire  d'Allemagne  divisée  en  toutes  ses  souverainetés. 

Paris.  1707 . 
Union  des  chemins  de  fer  allemauds.  (iarle  synoptique  des  parcours 

tarifés  pour  billets  circulaires  combinés.  Berlin,  1887. 

Carto  de  l'Empire  allemand,  en  deux  feuilles  séparées,  par  le  colonel 
Niox.  Echelle  au  1  :1. 600. 000.  Extrait  de  VAtlas  général  de  Xio.'-. 

(>arte  générale  d'Allemagne,  comprenant  l'Empire  d'Autriche,  la 
Confédération  du  Rhin,  la  Prusse  el  la  Pologne,  avec  l'indication 
(b'S  jirincipales  routes,  (iravéc  par  Coli.ix.  I^aris,  1812. 


-  103  - 

(iarles  de  Fribourg  en  Brisgau  et  do  ses  environs,  en  1644,  à  l'échelle 
de  1  :  oO-OOir,  pour  servir  d'intelligence;  à  l'Histoire  des  princes  de 
Condé.  Paris.  Robe/ùi.  Carie  do  N«)rdliiigen,  Idem. 

Die  Seeii  (1er  deutschen  Al|)en,  von  Alois  Geistbeck.  8  tables,  avec 
128  figures,  profils  géologiques  et  géographiques.  Soc.  de  Gèog.  de 
Leipziij.  Leipzig,  1885. 

Album  de  photographies  prises  dans  une  excursion  de  la  Société  en 
Suisse  Allemande  et  eu  Tyrol. 

Autre  albuui  de  vues  prises  en  Suisse. 

Carie  itinéraire  de  la  Suisse,  dressée  par  H.  Keller.  Paris,  1820. 

Port-folio  de  gravures  sur  la  région  Ragatz-Glaris-Davos,  1897 . 

(^arte  alpestre  de  la  région  Briegg-Airolo,  1854.  Echelle  1  :  100.000. 

Idem,  pour  la  région  Yevey-Sion. 

Album  du  village  suisse.  Exposition  nali(jnale  suisse.  Genève,  1890. 

Suevia,  Gothia,  Finlandia.  Carlo  sans  date  publiée  à  Augsbourg. 

Theatrum  belli  Russorum,  etc.  (Provinces  Turques  du  Dnieper.  An- 
giisia  Vindelicorum  [Augsbourg).  sans  date. 

luiporiura  Russise  magnaî.  Ancienne  carte  sans  date  publiée  à  Augs- 
bourg. 

Atlas  de  la  guerre  de  Crimée.  Hachette,  1877. 

Mapa  civil  y  mililar  deEspana  y  Portugal,  pordon  A.  Donnet.  Publiée 
à  Paris  en  1823. 

Plusieurs  cartes  de  la  fin  du  XVIT  siècle  sur  le  Piémont,  le  Mont- 
l'orrat,  le  duché  de  Mantoue  et  le  cours  du  Pô. 

L'Espagne  géologique,  carte,  par  Federigo  da  Botella. 

Carte  des  royaumes  d'Espagne  ot  de  Portugal,  dressée  par  Hérisson, 
à  Pai-is,  1798. 

Série  de  cartes  destinées  à  faciliter  l'intelligence  do  l'ouvrage  deTliici-s 
sur  le  (Consulat  et  l'Empire.  Dessinées  par  A.  H.  Dufour. 

Couiitatûs  Flandriic  nova  tabula.  Sans  date  ni  indication. 

Collection  de  plans  de  villes  belges  et  hollandaises  du  XVF  siècle, 
avec  notices  en  latin. 

(larlc  des  chemins  de  fer,  roules  ot  vuios  naviga])les  de  la  Belgique, 
au  1  :  .'J20.000^  publiée  par  VInstitut  carfograpldque  inihtaire. 
1H90. 


-  104  — 

Mom.  ('(Niio)i  de  ISUif. 

Atlas  chronocrrapliique  du  Royauiuo  des  Pays-Bas  comprenant  la 
division  territoriale  en  Provinces,  carte  de  la  lîelgiqne.  Frise  el 
Batavie  du  Temps  des  Romains,  et  des  XVII  provinces  Belges  du 
temps  deClharles-Quint,  avec  tableaux  '?.\i\[\^\x{\ni':à.Bi'u.xelles,l82S. 

Cartes  lopograpliiqnes  de  la  Belgique.  ïhuin,  Gozée,  Morlanwelz. 
Charleroy  et  Fontaine-Lôvèque.  Echelle  de  1: 20.000.  Institut  car- 
tographique militaire,  1883. 


FRANGE. 

Carte  de  France  divisée  en  XXXI  gouvernements  militaires  et  en  ses 
provinces,  dressée  sur  les  meilleures  cartes,  etc.  i?. ./.  .^'/if?n.  ^> 
Paris,  1758. 

Carte  de  France,  par  G.  Delisi.e.  178S. 

Carte  itinéraire  de  l'empire  Français  et  du  royaume  d'Italie.  p;ir 
G.  Cha.mbure.  1800. 

Petit  atlas  national  des  départements  de  Franco  et  de  ses  colonies. 
100  cartes  ornées  de  vues,  dressées  par  V'.  Monin.  Paris,  Blaisot, 
1833.  1  vol.  oblonfj. 

Carte  géométrique  des  routes  de  Postes  de  la  République  français  ' 
pour  l'an  XII.  Echelle  de  120.000  mètres. 

Carte  géométrique  des  distances  en  lieues  de  poste  entre  tous  les 
chefs-lieux  du  Royaume  de  France  et  les  principales  villes  des 
quatre  parties  du  monde,  par  Dericquehem.  Paris,  1810. 

Carte  générale  des  routes  de  France  à  l'usage  des  voyageurs.  Par 
J,  Andriveau.  Paris,  1840. 

France  comparative  des  provinces  et  départements.  .4  Paris,  chez 
Saintin.  Sans  date. 

Collection  des  cartes  de  rEtat-major  français,  vérifiées  et  mises  à  jour 
en  1879,  à  l'échelle  de  1  :  SO.ODO.  Imprimé  sur  zinc  par  Leniercier, 
à  Paris. 

Carte  de  France  au  1  :  l.OOO.OOO'^  en  8  couleurs,  dressée  par  Maxime 
Mabyre.  Paris,  1805. 

Idem  en  petites  cartes  séparées  et  contenues  en  un  carton  formant 
livre. 


—  lOT)  — 

France.  Carte  administrative  el  (les  voies  de  coimnnnicalion.  dressét; 
en  189 i  sons  la  direction  de  Vivien  de  Saint-Martin.  Echelle  de 
1  :  i. 250.1  lOO  (atnchée  dans  le  bureau  du  seci'étariat). 

Allas  statistique  donnant  les  rt'snltats  de  l'évalnation  des  projiriétés 
bâties,  publié  par  le  ministère  des  finances.  P«m,  imp.  nat.  1891. 

Album  de  statistique  graphique  du  service  vicinal  en  1881  (Ministère 
de  l'intérieur). 

bîem  1882. 

Idem  1883. 

Album  des  services  maritimes  postaux,  français  et  étrangers,  avec 
notices  commerciales  sur  les  principaux  ports.  Cartes  I,  II,  III,  VI. 
Paris.,  Ch.  Delagrare. 

Cartes  pour  suivre  les  opérations  do  la   p;uerre    franco-allemande, 
dressées  eu  1870. 

Allas  des  lacs  français,  par  A.  Delebecque. 

Carte  des  arrondissements  atteints  par  le  phylloxéra,  dressée  en  1883. 

G"avures  de  la  géographie  de  Malte-P.rin.  Feuilles  dans  un  carton. 

Album  de  photographies  diverses,  prises  dans    les  excursions  de  la 

Société  de  Géographie  (grand  album). 
Idem.  Vues  prises  lors  d'un  voyage  dans  le  sud-est  de  la  France,  par 

M.  Ji  SNIAUX.  Lyon,  Marseille,  Nîmes,  etc. 

Idem.  Région  des  Causses  et  Auvergne. 

Idem.  .Jura,  Genève,  Suisse,  Mont-Blanc,  Savoie,  Lyon. 

Idem.  Vues  prises  lors  d'une  excursion  sur  les  bords  de  la  Loire,  en 
Bretagne  et  au  mont  St-Michel.  2  albums. 

Photographies  de  la  grotte  de  Dargilan,  prises  par  M'^''*'  Guyot-Tarbé. 

Vues  prises  dans  une  excursion  aux  Pyrénées  en  1898. 

Carte  des  chemins  de  fer  de  la  France  au  1*""  janvier  1883,  publiée  par 
la  Revue  géfièrate  des  chemins  de  fer.  E(;helle  au  1 :  1.500.000  ; 

France.  Carte  des  chemins  de  fer  avec  stations,  distances,  compagnies, 
lignes  maritimes  et  ports  desservis.  Andrireau,  1889.  Même 
échelle. 

Carte  des  principaux  lacs  du  département  des  Vosges,  avec  leurs 
mensurations  en  profondeur,  ])ar  A.  Delebecque  (Minist«3re  don 
Travaux  publics). 

Carte  de  l'Embâcle  de  Saumur  pendant  l'hiver  1879-80.  Echelle  au 
1 :  40.000. 


—  106  — 

Plans  de  quelques  grottes  et  abimes  dans  les  déparleinenls  de  l'Héraull. 
de  l'Aveyron  et  du  Lot. 

Carte  du  massif  du  Pelvoux,  par  A.  DiirAMKL.  1802. 

(-arte  d'ëlat-ninjor  du  dëpartenieni  (]e  la  Seine. 

Carie  du  réseau  du  chemin  de  fer  d'intérêt  local  du  déparlemeni  de  la 

Somme  en  1806,  Echelle  1 :  160.000. 
Carte  de  la  province  du  Cambrésis  à  l'échelle  de  «  deux  lieues  com- 
munes »  dressée  et  gravée  par  P.  Olivier  en  1774,  à  Cainôray. 
Grande  carte  des   environs  de  Béthune,  Douay,  Arras,   Bappaume, 

Yalencienne.  Cambray,  Le  Quenoi,  Avesne  et  autres,  1743.  A  Paris, 

chez  Crepy,  rue  St- Jacques. 
Carte  touriste  et  vélocipédique  du  Nord  de  la  France,  Barrére,  1899. 
Photographies  prises  en  1887  aux  mines  de  Lens. 
Rocroy  et  ses  environs  en  1643.  Carte  pour  servir  à  l'intelligence  de 

l'histoire  des  Princes  de  Condé.  Dessinée  par  Eynaud  de  Fay.  Paris. 
Chemin  de  fer  du  Nord.  (]arte  du  réseau  en  1883.  Echelle  1  :  400.000. 
Carte  du  kilométrage  du  chemin    de    fer  du  Nord,  à  l'échelle  de 

1 :  500.000.  1880. 
Plan  de  la  ville  de  Lille  agrandie,  en  1863.   à  l'échelle   de  1:  3.500. 

Lille,  Leteryne,  1863. 
Divers  plans  partiels  d'agrandissement    datant   de   la  même  époque. 

1860  à  1863. 
Carte  de  Lille  et  des  environs,  dressée  en  1876  par   Fadministration 

départementale,  échelle  1 :  40.000.  Double  exemplaire. 
Carte  du  département  du  Nord,   décrétée   le  1""  février  1790,   par 

l'assemblée  nationale.  Paris,  1700. 
Carte  administrative  du  déparlement  du  Nord   avec  ses  aboutissants. 

Echelle  au  1:  lOO.ODIf.   (Charte  murale  phicée  dans  le  bureau  du 

secrétariat). 
Carte  industrifdle  du  département  du  Nord,  avec  des  tableaux  statis- 
tiques, dressée  par  Marc  J(»i»i»t.  Ciéographe  de  Douai,  déposée  à 

Paris,  1820 
Plan  de  la  ville    et  du  port  de  Dunkcrque  en  1887,  édité  par  Herre- 

hrechl. 
Carte  hydrologique  et  géologique  de  la  partie  française  des  ])assins  de 

l'Yser,  de  la  Sambre  et  de  l'Escaut,  au  1  :  iOO.OMO.   Dressée   par 

M  DoMOL,  Ingénieur  en  clief.  1881. 
Carte  de  l'arrondissement  de  Douai  au  1  :80.000,  dressée  en  1832  par 

le  Ministère  de  la  guerre. 


lo: 


TABLE  mj  GATALOCiUt: 


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GéograpMe  générale 1 

Gkographie  physique  (lÉNÉRALE,  physique  du  globe,  océanographie,  géologie, 

météorologie,  histoire  naturelle  en  général 2 

géographie  politique,  ethnographique,  économique  en  générai 4 

Voyages  autour  du  monde  et  aux  régions  polaires 6 

Colonisation,  oéograph!E  des  colonies  en  générai 7 

La  Science  géographique.  Enseignement  de  la  géographie.  Musées,  congrès, 
discours  officiels,  annuaires,  catalogues.  Géodésie,  cosmographie,  linguis- 
tique, relations  internationales.  Biographies  de  géographes  et  d'explo- 
rateurs    10 

Asie. 

Asie  en  général 17 

Asie  mineure 17 

Perse iU 

Asie  centrale 19 

Inde 20 

Birmanie 21 

Indo-Chine  en  général 21 

Cambodge,  Siam,  Cochinchine 22 

Annam,  Tonkin 23 

I^xtrème-Oi'ient  en  général 2^^ 

Chine 23 

Corée 2(i 

-lapon 2(> 

Sibérie  et  Asie  polaire 20 

Afrique. 

Alriciue  en  général 28 

Maroc 28 

Algérie : 28 

Tunisie 31 

Açores  et  Canaries ."53 

Sénégal  et  Soudan .33 


108  — 


Pages 

Région  du  C-ongo 3G 

Afrique  du  Sud-Ouest 38 

AlViiiue  du  Sud,  du  Sud-Est,  et  Région  des  Grands  Litcs ;j8 

Abyssinie 39 

Egypte,  NuJ)ie iO 

Madagascar  et  iles  voisines 41 

A.mérique. 

Amérique  en  général 43 

Amérique  polai  re 43 

Canada 43 

Etats-Unis 44 

Mexique 4() 

Amérique  centrale 4(') 

Antilles 57 

Colombie 47 

Guyanes. 47 

^■énêzuéla 48 

Pérou,  Equateur 48 

Chili 49 

Brésil 4i) 

République  Argentine 49 

Paraguay,  Uruguay 51 

F'atagonie 51 


Océanie. 


Europe. 

Europe  générale îï) 

Islande  et  îles  voisines .^ 5r> 

Angleterre .V) 

Belgique 57 

Hollande 59 

Allemagne 00 

pays  Scandinaves 61 

Autriche-Hongrie 0- 

Russie ().3 

Portugal 65 

Espagne i^ 

Suisse ce 67 


_  109  - 

Page? 

Italie 00 

Pays  des  Balkans 71 

Turquie 71 

(>rèce 73 

France. 

France  en  général 74 

Le  Midi  en  général 78 

Sud-Ouest  de  la  France 78 

Sud- Est  de  la  France 79 

Le  Nord-Ouest 83 

France  Centrale 87) 

Ile-de-France SC> 

Le  Nord-Est 87 

Le  Nord  de  la  France 88 

Flandre 00 

Lille  et  son  arrondissement 1)3 

Atlas,  cartes,  plans,  albums,  dessins,  pliotograpliies. 

Géographie  générale 'J() 

Asie 97 

Afrique..:   <)9 

Amérique  et  Océanie 102 

Europe 102 

France lOi 


^•-irgferg-- 


Lille  impLCanel 


|||^lii/ll^\a      <.Jk.\i^  ■   •    «/Wk        «  *■     IWWI 


G  Société  de  géographie 

11  de  Lille 

S 56  Bulletin 

t. 31-32 


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