HANDBOUND
AT THE
UNIVCRSITY OF
TORO.VTO PR(;SS
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in 2009 with funding from
University of Ottawa
littp://www.archive.org/details/bulletingeo31sociuoft
BULLETIN
DE LA
/ /
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
DE LILLE
(LILLE, ROUBAIX, TOURCOING).
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BULLETIN
DE LA
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*•*
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
DE LILLE
(LILLE, ROUBAIX, TOURCOING).
Reconnue d'utilité publique par décret du 21 Décembre 1895.
I'" SEMESTRE DE 1899
Vingtième Année. — Tome Trente-Unième.
SIEGE DE LA SOCIÉTÉ :
116, rue de môpital-MUitaire, 116
LILLE.
Q.
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s se
t. Sl-SS.
^621751
Clirlir l'EBRAM), iiliolo;;., I.illo.
OSCAR DK PRAT
Ailjiidanl iTInfanlcrii- ilc Marine,
MEMBRE DE LA MISSION MARCHAND.
L'ADJUDANT DE PRAT A LILLE
Un explorateur lillois revenant à Lille et accueilli par l'enthousiasme
sans restriction de tous ses concitoyens, voilà qui n'est point banal et
qui prouve combien le goût des choses géographiques et coloniales a
fait des progrès dans notre région.
A sa Séance Solennelle, la Société de Géographie a nommé par
acclamation l'Adjudant de Prat Membre d'honneur ; nous relaterons
cette mémorable cérémonie dans notre Bulletin de Février.
Aujourd'hui nous nous bornerons à rappeler qu'au milieu de toutes
les délégations accourues à la gare de Lille pour acclamer l'Adjudant
de Prat, se trouvait le Comité d'Etudes de la Société de Géographie.
M. NicoUe, Vice-Président, lui a parlé en ces termes :
« Mon cher Collègue , (1),
» J'ai l'honneur de vous apporter les compliments du Comité
d'Études de la Société de Géographie. Vos relations si cordiales avec
notre cher et honoré Président M. Paul Crepy, vous feront certaine-
ment regretter de ne pas recevoir nos félicitations de sa bouche, il leur
aurait donné une valeur qui vous aurait touché davantage. De son côté,
notre Président est amèrement privé de ne pas vous recevoir lui-
même ; j'en ai l'assurance par ses paroles avant son départ et par ses
télégrammes depuis trois jours. Songez cependant que tous, nous vous
avons suivi sympathiquement par la pensée, dans toutes les péripéties
de la longue et héroïque mission Marchand. C'est dire que tous nous
sommes pour vous des amis du premier degré. J'ajouterai, pour moi
personnellement, que j'ai appartenu jadis, comme vous appartenez
aujourd'hui, à un des corps de la marine ; cela crée, entre nous deux,
(1) L'Adjudant de Prat est Membre de la Société de Géographie de Lille
depuis 1896.
— 6 —
line confraternité ineffaçable dont je suis fier, et cela m'encourage à
penser que peut-être votre regret de ne pas entendre interpréter nos
sentiments par notre Président en sera diminué dans une certaine
mesure.
» Nous nous unissons tous dans le même mouvement d'admiration
pour votre entrain, votre énergie et votre abnégation qui vous faisaient
poursuivre l'agrandissement du domaine extérieur de la patrie et la
mise en œuvre par la civilisation de vastes contrées, sans intérêt maté-
riel, sans espérance autre que celle de la satisfaction légitime du devoir
accompli et de la difficulté vaincue, au milieu de dangers de tous
genres , y compris ceux qui menacent traîtreusement l'existence ,
comme les infections des climats meurtriers. Nous sommes heureux
que vous y ayez échappé et que vous nous reveniez, que vous reveniez
à votre famille, avec toute la force de votre tempérament.
» Dimanche prochain, vous assisterez, nous y comptons, à notre
Séance Solennelle et vous constaterez que ces sentiments sont ceux de
l'unanimité de nos collègues. »
L'Adjudant de Prat a été très touché de cette réception. « Certes,
me disait-il, nous avons été bien reçus et fort acclamés à Marseille,
mais ma réception à Lille passe tout ce que j'avais pu imaginer. Quand
mes compatriotes s'en mêlent, ils rendent des points comme enthou-
siasme aux Marseillais. »
N'est-ce pas aussi votre avis, ami lecteur ?
A. M.
PROGRAMME DES EXCURSIONS PROJETÉES EN 1899
Du lundi G au. jeudi 1(3 février. — Lyon. — Marseille. — Nice. — Monaco. — Vin-
timille. — Gênes. — Turin. — Organisateurs : MM. Pailliez Colin. P. Dhalluin.
— 25 personnes, se faire inscrire avant le 'Z") janvier.
Mardi 14 février. — Cassel (Carnaval). — Organisateurs : MM. Mcrchier, Cantineau.
Mercredi 8 mars. — Visite de l'Institut industriel. — Organisateurs : MM. 0.
(jodin, Cantineau.
Du mardi 28 mars au mardi 18 avril. — Le Congrès national de Géographie à
Alger, Bougie, Sétif, Constantine, Tunis, Cartage, Kairouan, Sousse, Bizerte. —
Marseille. — Organisateurs : MM. 0. Godin, Decramer.
Du samedi 15 au mardi 18 avril. — Liancourt (visite de l'usine de la Société des
manufactures de chaussures). — Paris. — Sèvres. — Versailles. — Organisa-
teurs : MM. Palliez Colin, Galonné.
Samedi 22 avril. — Visite de l'Institut Pasteur. — Organisateurs : MM. Gantineau,
0. Godin.
Du mardi 9 au mercredi 10 mai. — Bruges (Procession du St-Sang). — Organisa-
teurs : MM. Van Troostenberghe, Galonné.
Mardi 16 mai. — Armentières. — Visites de la filature Dansette frères, de l'École
professionnelle et de l'Asile d'aliénés. — Organisateurs : MM. Van Troosten-
berghe, Déhée.
Jeudi 18 mai. — Marchiennes. — La forêt. — Visites de la faïencerie et de la tréfi-
lerie. — Organisateurs : MM. Vaillant, Dhalluin.
Du samedi 20 au lundi 22 mai (Pentecôte). — Le Boulonnais. — Organisateurs :
MM. P. Destombes, Gh. Derache.
21-28 mai ou 28 mai-4 juin. — Folkestone. — Brighton. — lie de Wight. — Ports-
mouth. — Londres (Derby d'Epsom). — Oxford. — Organisateurs : MM. R.
Thiébaut, P. Ravet. — (Suivant la date du Derby d'Epsom).
Dimanche 4 juin. — Mont de.Kemmel. — Organisateurs : MISI. Van Troostenberghe,
Galonné.
Jeudi 8 juin. — Visite aux mines de Bruay (Pas-de-Galais). — Organisateurs :
MM. le D'' Vermersch, Dehée.
Mardi 20 juin. — Lannoy. — Visite d'établissements industriels. — Organisateurs:
MM. Gh. Derache, Thieffrj-.
Dimanche 25 juin. — Gambrai. — Ruines de l'abbaye de Vaucelles. — Les sources
de l'Escaut. — Le canal souterrain de St-Quentin. — Organisateurs : MM. Fer-
naux, H. Beaufort.
Dimanche 2 juillet. — Bavai. — Le Gaillou qui bique. — Organisateurs: MM. Pal-
liez Golin, Decramer.
Du samedi 8 au mardi 18 juillet. — Le littoral de toute la presqu'île bretonne. —
Organisateurs : MM. Gantineau, Gh. Derache.
Du jeudi 13 au dimanche 16 juillet. — Anvers. — Golonie de Gheel. — Abbaye
des Prémontrés à Tongerloo. — Gand. — Exposition provinciale et visite de
l'exploitation horticole de la Société anonyme Van Houtte et G'e . — Organisa-
teurs : MM. le D'' Vermersch, Van Troostenberghe.
Fin juillet. — St-Amand. — Établissement thermal. — Verrerie de M. Renard à
Fresnes. — Organisateurs : MM. R. Thiébaut, P. Ravet.
Du jeudi 10 au dimanche 27 aoijt. — Lyon. — La Grande Ghartreuse. — Grenoble.
— Pont-en-Royans. — La Mure. — N.-D. de la Salette. — Lacs de Laffrey. —
Vizille. — Bourg d'Oisans. — La Grave. — Gol du Lantaret. — Briançon. — Gol
du Galibier. — St-Michel de Maurienne. — Ghambéry. — Aix-les-Bains. —
— Organisateurs : MM. H. Beaufort, A. Grepy. — 24 personnes.
Du samedi 2 au mercredi 6 septembre. — Mézières. — Sedan. — Bazeilles. —
Luxembourg. — Bruxelles. — Organisateurs : MM. Decramer, Galonné.
— 8 —
RÈGLEMENT.
Dans sa séance du 9 Janvier 1899, la Com^nission des Excursions
a pris et arrêté les dispositions suivantes :
Art. 1. — La Commission se réserve le droit de modifier la Dale et l'Itinéraire
des Excursions projetées, et de limiter le nombre des Excursionnistes.
Art. 2. Le Programme détaillé de chaque Excursion sera communiqué aux
Sociétaires, au Siège de la Société, rue de l'Hôpital-Militaire, 116. Il indiquera
l'itinéraire définitivement adopté et la somme à consigner entre les mains de
M. Hachet, Agent de la Société (chaque jour non férié, de 7 h. 3/4 à 8 h. 3/4
du matin et de 6 à 8 heures du soir).
Art. 3. — Les adhésions ne seront admises qu'au Secrétariat de la Société , un
mois au plus tôt avant les dates fixées au tableau qui précède.
Aucun Sociétaire ne pourra se considérer comme définitive-
ment inscrit s'il n'a versé directement on par mandat la somme
déterminée par les organisateurs.
La liste sera close dès que le nombre des adhésions fixé au programme aura été
atteint, et au plus tard 8 jours avant chaque Excursion, (les Compagnies de chemin
de fer exigeant la remise de la liste des excursionnistes 8 jours avant le départ).
Art. 4. — 11 sera remis à chaque souscripteur une Ca7-te distinctive devant
ser\âr de signe de ralliement, et, le cas échéant, de justification d'identité.
Art. 5. — Les femmes et enfants des Sociétaires peuvent être admis à participer
aux Excursions. Toutefois, si les enfants ne sont pas accompagnés de leur père ou
de leur mère, ils devront avoir au moins 17 ans.
Art. 6. — Les frais généraux d'organisation sont prélevés sur les cotisations
des Excursionnistes à raison de 5 */o. Ce prélèvement ne pourra dépasser cinq francs
par personne. Le reliquat disponible sera versé au Trésorier pour être affecté à
l'achat de guides et cartes.
Art. 7. — Les Excursionnistes qui aJjandonnent le groupe en cours de voyage
perdent tout droit à remboursement et reviennent à leurs frais et risques.
Art. 8. — Les Membres de la Société qui voudraient bien se
clieirger d'organiser et de diriger des Exciirsions nouvelles ,
sont priés de soumettre , par écrit , leurs projets au Président
de la Commission des Excursions.
Art. 9. — Les comptes rendus des Excursions devront être remis dans un délai
d'un mois, au Siège de la Société, pour être soumis à l'approbation du Comité de
révision.
Le Présirlent de la Commission des Excursions,
Henri BEAUFORT.
Vu et approuvé par le Comité d'Etudes ,
Le Président de la Société ,
Paul CREPY.
9 —
GRANDES CONFÉRENCES DE LILLE *
EXCURSION A LA CAPITALE DE TAMERLAN
Conférence faite le 13 Novembre 1898,
Par M. Eugène GALLOIS,
Membre des Sociétés de Géographie de Paris et de Lille.
(Suite) (1).
CHEMIN DE FER TRANSCASPIEN.
On a déjà beaucoup écrit à ce sujet et nous ne saurions mieux faire
pour plus amples détails que de renvoyer le lecteur à quelques ouvrages,
consciencieusement et plus ou moins humoristiquement écrits, comme
ceux dus à la plume de M. Leclercq, le distingué Président de la Société
de Géographie de Belgique, ou à colle de MM. Napoléon Ney, de
Pontevès de Sabran, Boulangier et autres. En une aussi courte étude
que celle que nous avons entreprise nous ferons part, surtout des
impressions que nous avons notées en cours de route et que nous
réunirons succinctement.
La longueur de cette grande voie ferrée dépasse 1.450 kilomètres
jusqu'à Samarcande que l'on met deux bonnes journées à gagner;
actuellement elle se prolonge jusqu'à Taclikent, la capitale administra-
(1) Voir tome XXX, 1898, page 327.
— 10 -
tivc du Turkestan russe (1). Il n'est pas besoin de rappeler qu'elle est
l'œuvre d'un général dont le nom est devenu populaire, Annenkof; on
sait Joute l'énergie qu'il déploya pour mener à bien ce colossal travail
qui demanda environ huit ans. Sans faire l'historique de ce chemin de
fer, pour rétablissement du({uel il fallut surmonter des difficultés
multi])les, parmi lesquelles le manque d'eau et la traversée de dunes
de sable ne furent pas des moindres, il est bon de rappeler que ce fut
Skobeleff qui eut l'idée de construire un «Decauville» pour ravitailler ses
troup<?s en campagne contre les Tekkès. De là à l'établissement d'une
grande voie pour poursuivre leur œuvre les Russes n'eurent qu'un
pas à faire et c'est ainsi que poussé d'abord jusqu'à Kizil-Arvat, puis à
Merv. qu'il atteignait en 1885, le chemin de fer était poursuivi jusqu'au
bord de l'Oxus et deux ans après son terminus était Samarcande la
capitale de Tamerlan. Le procédé de construction au moven des trains
dits : de pose , véritables villages sur rails comprenant chantiers ,
ateliers, magasins, logements, etc., a déjà été assez souvent décrit
pour que nous n'y revenions pas.
Pour donner une idée générale du paysage qu'offre le trajet, paysage
en résumé fort monotone, il suffira de rappeler quelques mots échappés à
M. Leclercq : « A part les bords de l'Amou Daria (l'Oxus) et quelques
• rares oasis, tout le territoire traversé par le chemin de fer est d'une
si effroyable désolation que l'homme ne s'y sent pas à sa place. Une
instinctive inquiétude passe des yeux à l'âme à la vue de cette nature
navrante, répulsive, destituée de tout ce qui peut charmer les sens». Et
cependant malgré cette impression qui se dégage et n'est peut-être pas
si intense chez tous, nous ajouterons que cela ne doit pas rebuter le
touriste désireux de voir et d'apprendre et qui sera bien compensé de
ses peines ne fusse que par la vision des fantastiques ruines 4e
Samarcande.
Le chemin de fer transcaspien est avant tout une ligne stratégique
qui a été ouverte au commerce. Les wagons y sont relativement
confortables, on trouve cependant un exigu wagon-restaurant où il
nous souvient avoir choqué nos verres à diverses reprises avec des
dames et surtout des officiers russes. Les prix de parcours sont peu
élevés et diminueot progressivement au fur et à mesure de l'augmen-
(1) Depuis le chemin de fer a été poussé jusqu'aux limites extrêmes du territoire
russe.
, — 11 —
tation de la distance, néanmoins il ne faudrait pas croire qu'on arriverait
ainsi à être pavé ou à voyager gratis... la progression a une limite.
Quand nous y sommes passés deux trains soit disant directs circulaient
régulièrement par semaine et de plus il y avait chaque jour un train de
nuirchandises prenant des voyageurs de troisième classe seulement ;
du reste il n'y a que deux classes, c'est-à-dire secondes et troisièmes.
Les voitures sont peintes en couleurs claires souvent en blanc. Les
stations, inutile de le dire, sont généralement fort modestes. Le service
est fait par la troupe et les chefs sont des officiers appartenant aux
différents grades suivant l'importance de leur poste.
C'est à Ouzoun-Ada que nous débarquâmes sur les bords de la
Caspienne après nous être échoués sur un des nombreux bancs de sable
qui rendent l'accès de la rade si difficile ; c'était à cette époque le point
de départ de la ligne, établi autrefois à Michaïlowsk, et transporté
depuis à Krasnovodsk, port d'un accès plus facile.
Le débarquement s'opère en plein sable, et l'aspect de cette ville
embryonnaire aux baraques en bois groupées près des ateliers de
construction du chemin de fer et de la gare était peu récréatif. On
aurait vainement cherché une trace quelconque de verdure, partout le
sable et rien que le sable k perte de vue dans la direction du désert.
Aussi on ne saurait séjourner que le moins possible dans ce lieu de
spleen et l'on prend le premier train en partance.
La voie construite sur pilotis ou sur une digue s'avance au milieu
de lagunes plus ou moins desséchées ayant l'aspect de certains chotts
africains; à l'aspect de ces sables mouvants on comprend de suite les
difficultés d'exécution qui ont surgi dès l'origine des travaux. Les
tempêtes ne sont pas rares dans ces dunes où les trombes de sable
tourbillonnant ont vite recouvert les rails et nivelé le sol ; un souffle
brûlant rappelant le siroco ou le simoun soulève une impalpable
poussière qui vous suff'oque. Le train est bloqué comme dans les neiges
et il faut alors raccoler des équipes de travailleurs pour dégager la voie,
cet emprisonnement est relatif naturellement et si nous avons eu la
chance de n'être arrêté qu'une heure ou deux, il n'en a pas toujours été
ainsi. 11 est arrivé parfois que ce n'était plus l'encombrement temporaire
de la ligne qui interrompait le service, mais bien des accidents plus
graves et d'une réparation plus ou moins laborieuse, comme l'interrup-
tion de la voie sur des étendues quelquefois considérables où la tempête,
pluie et vent, avait tout emporté, rails et balast. Ce sont là heureuse-
ment des faits rares qui ne doivent pas influencer le voyageur. Pour
— 12 —
assurer le bon état de la voie autant que possible, on a enfoncé au
sommet des dunes des palissades et planté des tamaris et des arbrisseaux
« saksaouls », espèce herbacée désertique par excellence qui plonge
profondément dans le sable ses longues racines et aide ainsi au raffer-
missement du sol. A cette traversée des sables, il faut ajouter la
question de température et ne pas oublier que le Turkestan est une
région aux climats extrêmes, sec et très chaud en été mais par contre
très froid en hiver puisque le thermomètre y descend, paraît-il, jusqu'à
vingt et vingt-cinq degrés au-dessous de zéro ; la meilleure saison est
le printemps qui nous a favorisé quoique la chaleur ait commencé à se
faire sentir.
Quand on quitte le sable la voie s'avance au milieu des terres plates
qui se colorent légèrement en vert après les pluies mais prend la
majeure partie du temps l'aspect jaune du désert ; néanmoins on y voit
des traces de culture. Kazandjick est le premier centre habité que l'on
rencontre, bien-qu'en plein désert d'alluvion. On a laissé au nord une
chaîne de collines dénommée le grand Balkan par opposition à une
autre de moindres dimensions, dite le « petit Balkan » située sur la
droite. A la suite est le Kuren-Dagh puis la voie ferrée longe lu pied
des montagnes qui s'étendent sur plusieurs centaines de kilomètres
inclinant vers le sud-est et séparent la Transcaspie de la Perse. Elles
portent le nom de Kopel-Dagh et profilent sur le ciel leur silhouette peu
variée dont l'attitude varie entre mille et quinze cents mètres en
moyenne. A gauche c'est le désert plat à perte de vue.
KIZIL-ARVAT.
Mais auparavant on a atteint la première grande station de Kizil-
Arval, gros village situé à 217 verstes de la Caspienne. C'était là
qu'aboutissait jadis une des routes ou plutôt des pistes fréquentées
conduisant à Khiva à travers ce désert, de Karakoum large de
plusieurs centaines de kilomètres.
On entre alors dans l'oasis d'Akhal-Atek, habitée par les fameux
Tekkès répartis dans un grand nombre de villages qui s'échelonnent
- 13 —
sur la ligne, plus ou moins entourés de cultures, grâce aux eaux qui
coulent do la montagne à certaines époques, formant do minces et
temporaires ruisseaux. On estime la population à plusieurs centaines
de milliers d'individus de cette tribu jadis si féroce, groupés dans
environ soixante mille tentes.
Parfois la vie des champs se révèle par quelque charrue tirée par
un ou deux chameaux ou par quelque cultivateur isolé, de même que
de loin en loin on aperçoit des caravanes s'avançant lentement dans
ces solitudes. Aux gares les officiers et les fonctionnaires, coiffés de
leur casquette blanclie qui remplace le casque colonial et paraît
rendre les mêmes services, viennent se distraire en regardant passer le
train. Nous ne saurions énumérer toutes les stations , comme un
vulgaire horaire, nous nous arrêterons à celles qui offrent quelque intérêt
ou évoque quelque souvenir historique ou simplement anecdotique.
Chemin faisant on a déjà remarqué des villages fortifiés aux murs de
terre flanqués de tours plus ou moins écroulées, derniers vestiges des
centres de résistance de la population Tekké ; le plus imposant par ses
vastes ruines est la citadelle de Ghéok Tépé qui tomba aux mains de
Skobeleff le 12 janvier 1881 .
GEOK-TEPE.
C'est là que le vaillant mais téméraire Général, qui avait toutes les
audaces et un héroïsme rare brisa définitivement et sans retour la puis-
sance des Turkmènes, qui avaient, on se le rappelle, infligé plusieurs
échecs aux armes russes. Il avait merveilleusement pris ses dispo-
sitions et tenait tellement à frapper un grand coup et à terroriser
ces populations pour leur montrer la puissance de la Russie, qu'on
a prétendu qu'il avait à dessein laissé entrer dans la citadelle un
grand nombre d'habitants avec leurs femmes et leurs enfants. Le
siège de la forteresse est une émouvante page d'histoire qu'il faut
lire tout au long pour voir les héroïques efforts tentés de part et
d'autre; dans ses « notes de voyage d'un hussard», M. de Pon-
tevés-Sabran en tait un pittoresque et passionnant récit se terminant
par le succès des Russes qui avaient en vain canonné les murs
de terre où s'enfonçaient les boulets impuissants. 11 eut recours à
la mine qui tailla une vaste brèche dans l'enceinte de plus d'une lieue
de tour, dernier rempart de la puissance Tekké. Les indigènes furent
- 14 ^
terrifiés, comme ils ravuuèrent eux-mêmes par cette explosion
inattendue . mais néanmoins ils coururent se faire tuer sur les
remparts, préférant mourir que de battre on retraite. Devant l'assaut
effroyable ceux qui n'avaient pas succombé dans la lutte cherchèrent à
prendre la fuite, mais Skobeleff lança à leur poursuite des cosaques qui
ramenèrent plusieurs milliers de femmes et d'enfants devant servir de
gage pour la paix. La journée avait coûté cher et si l'on comptait de
nombreuses victimes du côté russe, les indigènes auraient perdu, s'il
faut en croire certains auteurs, sept à huit mille hommes. Le général,
qui avait bien payé de sa personne, faisait mettre la citadelle en état
de défense, après avoir accordé quatre jours de pillage à ses vaillants
soldats. Un mois après, les principaux chefs avaient fait leur soumission
et la pacification de l'oasis d'Akhal était un fait accompli.
ASKABAD.
A peine une cinquantaine de kilomètres séparent Géok-Tépé
d'Askabad, le chef-lieu de la Transcaspie. Malgré ce titre cette ville
est loin d'avoir l'envergure d'une capitale. Elle n'était il y a à peine
dix ans, qu'un modeste village, et maintenant elle possède des rues
avec de véritables maisons, des boulevards plantés d'acacias, des
jardins avec des fleurs, des places où l'on trouve des phaétons de louage
en station, peut-être y a-t-on établi un service de tramway ou d'omnibus
depuis notre passage. 11 n'y manque rien, pas même un hôtel, tenu par
une Française qui s'est eff"orcée de nous recevoir de son mieux, une
boulangerie-confiserie, qui avait aussi comme patronne une de nos
compatriotes, des photographes, sans parler d'une église neuve, à
laquelle avait également travaillé un entrepreneur français établi à
Tiflis, des casernes, du Club si accueillant des officiers, etc.
Nous avons i)rononcé le mot de Transcaspie, bien que d'une façon
générale il s'applique aux pays situés au delà de la Caspienne, néan-
moins il personnifie plus spécialement le territoire s'étendant jusqu'à
l'Oxus, et relève administrativemenl du Gouvernement général du
Caucase, tandis que le Turkeslan comprend le reste de l'Asie russe
au-delà du grand fleuve. Sa capitale, nous l'avons dit est Tachkend.
Tous les voyageurs semblent j)lus ou moins s'être plaints de la
poussière, mais dans ces i)ays il n'y faut plus prendre garde ; un incon-
— 15 —
vénient plus grave c'est le clou, sorte de boulon, frère du clou d'Alep
ou de Biskra, qui paraît-il est donné par l'eau, il paraît, disparaît,
reparaît et est au résumé fort désagréable.
De loin la ville est comme enfouie dans la verdure et offre un
agréable contraste avec le désert. Toutes proches sont les ruines
intéressantes d'une cité disparue.
ANAOUR.
Il n'y a guère qu'une douzaine de verstes à franchir pour se trouver
au milieu des tours éventrées, de pans de murs de mosquées informes,
le sol est jonché de débris ; quelle image de tristesse et de désolation
que la vue de ces squelettes de cités mortes ainsi perdues dans
l'immensité de la steppe ; mais ce n'est là qu'un avant-goût de ce que
nous verrons plus loin, car ce sera au milieu de villes dont certaines
ont été considérables jadis que nous errerons tout à l'heure à la
recherche de quelque débris informe de construction sous lequel nous
chercherons à mettre un nom. Ces cités étaient riches et prospères
quand est survenu le farouche envahisseur, qu'il ait été Gengis khan,
Tamerlan ou Nadir. Le conquérant semait la ruine sur son passage et
après d'épouvantables massacres emmenait le restant de la population
en esclavage. Ces immenses nécropoles de l'Asie centrale ont une
physionomie toute particulière que nous ne saurions oublier. Celle qui
nous intéresse présentement n'offre plus à notre curiosité qu'une
mosquée pour partie encore debout, c'est tout ce qui reste à proprement
parler d'Anaour, mais elle charme encore par la richesse et la fraîcheur
de tons de sa décoration céramique, souvenir de Perse ; de chaque côté
de la grande arcade ogivale un dragon déroule ses plis, tenant dans sa
gueule une tulipe jaune, le motif semble inspiré de l'art chinois et il
est regrettable qu'on ne puisse pas le mettre à l'abri des injures du
temps et des déprédations de la nature et des hommes.
Non loin, relativement, d'Askabad est, en Perse, la ville sainte de
Mesched distante d'environ trois cents verstes ; une route carrossable
y conduit et il aurait même été question, paraît-il, d'établir un tramway.
Mesched est une cité des plus curieuses s'il faut en croire certains
auteurs, mais nous renverrons pour sa description aux rares voyageurs
qui l'ont fait connaître.
— 16 —
Ayant déjà franchi la moitié de la distance de Paris à Marseille, plus
de quatre cents kilomètres, nous nous trouvons à plus de moitié ronte
de Merw, la dernière des oasis formant une sorte de chapelet au long
des montagnes que nous allons laisser derrière nous pour nous engager
dans les solitudes du désert.
A mi-route environ est la station de Douchak, d'où part une route
plus directe pour Meschcd à travers la montagne. C'est la jonction
probable de la future voie ferrée qui gagnera Hérat pour se prolonger à
travers l'Afghanistan et chercher à rejoindre les lignes anglaises des
Indes ; mais ce sont là des visées encore lointaines (1). Le chemin de fer
qui suivait une direction plutôt sud-est fait un brusque coude pour
remonter vers le nord-est, abandonnant le pied des montagnes pour
s'engager dans le désert ; les dernières traces de verdure disparaissent
et pendant une vingtaine de lieues on traverse un coin de cette terre
de désolation, le Karakoum, qui signifie « sables noirs » et paraît,
d'après le nombre considérable de mollusques qu'on y trouve, n'être
autre chose que le lit d'une ancienne mer qui occupait tout ce bassin
aralo caspien , et dont le fond argileux s'est desséché sous l'influence
des vents. Du reste l'aspect général est encore celui d'une mer avec
ses vagues de sable fin aux crêtes aiguës, qui semblent déferler quand le
vent fait « fumer » la dune. C'est là un étrange et bien curieux spectacle
auquel il nous a été donné d'assister, assailli comme nous l'avons été
par une tempête à notre passage au travers de ces mortelles solitudes.
Mais la verdure reparaît. . ., c'est l'oasis de Merw.
MERW.
La fertilité du sol de cette oasis est réputée, paraît-il, dans toute
l'Asie centrale ; grâce à la clialeur humide du climat, tout y pousse à
souhait, blé, S(jrgho, riz et jns(iu'au coton. Les essais de cette culture
ont bien réussi et le produit en est d'aussi bonne qualité que celui
(1) Depuis les Russes ont modifié lours projets et ils ont poussé deux pointes en
avant vers l'Afghanistan. Un premier tronçon ferré se détache du Transcaspien à
Merw et s'avanco jusqu'à Kouckh aux portes d'Hcrat, tandis que lo second remonte
la vallée de l'Amou Daria, dans la direction de Balkh.
- 17 —
fourni par rAmériquo. La production augmente et il existe un véritable
marché. Cette culture prendra d'autant plus d'extension qu'en dehors
des encouragements donnés par la Société d'agriculture du Caucase
elle trouvera un débouché assuré dans l'industrie russe qui serait
disposée à accorder à ces cotons la préférence sur leurs frères
d'Amérique. La population de ce territoire, dont la superficie est
d'environ seize cents kilomètres carrés, s'élève à environ deux cent
cinquante mille âmes réparties tant dans la ville et les villages que dans
une cinquantaine de milliers de tentes. Quelques chiffres compléteront
ces données pour rendre compte de son importance; c'est ainsi qu'elle
possédait, d'après un recensement remontant à quelques années, cent
soixante mille moutons, vingt-quatre mille àncs, douze mille chevaux,
environ huit mille chameaux, et quarante à cinquante mille autres tètes
de bétail divers.
Notre court séjour à Merw nous rappelle encore un aimable accueil
qui nous était réservé tant par le colonel Gouverneur que par son bras
droit le colonel résidant à Baïram-Ali, dont la sympathique
réception nous a profondément touché. Ce dernier avec une extrême
obligeance a chargé son officier d'ordonnance, un beau capitaine de
cosaques, parlant couramment le français, de nous faire les honneurs
des ruines, dont nous allons chercher à donner une idée au lecteur;
mais avant de quitter la ville de Merw, établie sur les bords d'une
modeste rivière le Mourgab, qui vient de l'Afghanistan pour se perdre
dans les sables, esquissons à grands traits la figure d'un officier dont
la carrière aventureuse fut loin d'être banale, le colonel Alikanoff qui
brille d'un vif éclat à côté de Skobeleff. D'abord il n'est pas russe à
proprement parler et de plus musulman ; étant capitaine il fut dégradé
à la suite d'une altercation avec un de ses chefs. Redevenu simple
soldat il reconquit sa situation d'officier dans la guerre russo-turque ;
envoyé au Turkestan, il pénétra dans Merw à la faveur d'un déguise-
ment et prit ensuite une large part à l'annexion de l'oasis. Ce type
d'officier, on le voit, n'est pas ordinaire.
Merw, qui du X* au XV^ siècle fut une des principales capitales
de l'Asie, l'antique Mérou, Maour au March (la reine du monde) peut
revendiquer une lointaine origine s'il faut eu croire la tradition ; elle
est mentionnée dans le Zend-Avesta ce livre des légendes plus ou
moins historiques. Une cité aurait été fondée par Zoroastre et aurait
été dénommée : Giaour Kala, une autre, Iskander-Kala aurait été
fondée par Alexandre - le -Grand , du V ou VlIP siècle ; elle
- 18 -
abrita les Nestoriens. Deux siècles plus tard elle fut la capitale de
Khorassan et vers le XI® ou XIP siècle elle atteignit son apogée.
Le conquérant Gengis Khan l'épargna, ce que ne fit pas son fils
qui sut cependant ménager les artisans habiles pour les mettre à
contribution. Elle tomba au pouvoir des Persans qui la détruisirent.
Les habitants quelques années plus tard reconstruisirent leur cité mais
la repoi'tèrent plus à l'ouest ; elle tomba ensuite aux mains des
Ivhivains dont elle resta tributaire jusqu'en 1835. En 1856 les Tekkés
s'y installèrent et enfin après la chute de Géok Tépé elle fît sa soumission
à la Russie entre les mains du Général Komaroff en janvier 1884.
Si la ville, à côté de laquelle les Russes ont élevé un quartier moderne,
ne saurait retenir le voyageur, il n'en est pas de même des ruines qui
couvrent une surface énorme et au travers desquelles nous avons erré
pendant des heures, l'appareil photographique et le crayon à la main.
Elles sont situées à environ vingt-huit kilomètres de Merw, auprès de
la station de Baïram-Ali, qu'avoisinent d'intéressantes plantations.
L'aspect général est saisissant et pendant des kilomètres le chemin de
fer passe au milieu de ces débris plus ou moins informes de cités
disparues. La scène est grandiose vue à distance ; à perte de vue se
profilent sur le ciel mille silhouettes de tours, de dômes, de murs
dentelés de créneaux, des enceintes entières de citadelles encore
debout avec leurs portes pittoresques : toute cette fantastique architec-
ture semble un décor de féerie surgissant du sable, mais le spectacle
est encore plus impressionnant quand on circule au milieu de ces
antiques débris, vestiges des opulentes cités chantées par les poètes
persans, dont les écoles furent des foyers de science au cœur de la
mystérieuse et barbare Asie. Plus de traces de vie ; le silence règne
seul dans cette solitude, où l'on réfléchit au néant des destinées et à la
fragilité des choses d'ici-bas ! Voilà donc tout ce qui reste des villes
disparues, de trois cités (certains auteurs vont jusqu'à six) dont une
passerait pour remonter à l'époque d'Alexandre-le-Grand et dont la
plus moderne aurait été complètement détruite en 1795 par l'émir
Mourad de Bokhara.
Dans l'enceinte la plus proche et la mieux conservée, percée de
j)ortes flanquées de tours, on peut distinguer parmi des amoncellements
de matériaux les restes assez considérables d'un i)alais avec ses cours
intérieures, ses salles, surgissant seulement de quelques mètres
au-dessus du sol, les arcades d'une musquée sont égalemeut restées
debout. Elles n'ont du reste aucun caractère s^)écial ainsi qu'il est
— 19 —
facile de s'en convaincre par la vue ci-contre. Plus loin hors de
LA MOSQUEE AU VIEUX MERW.
(La gravure ci-dessus et les suivantes ont été empruntées au « Moniteur de l'Architecture », organe
de la Société centrale dos Arcliitectes de Paris).
l'enceinte se dressent encore deux tombeaux, de prophètes ou saints,
simples arcades à décors de briques bleues émaillées. Devant de petits
enclos murés percés de portes à jour protègent les tombes que
surmontent des étendards. Mais l'édifice intéressant par excellence et
vraiment imposant par ses dimensions, c'est le turbé ou tombeau du
Sultan Sandjar qui se dresse majestueux dans la plaine toute bosselée
de décombres recouverts
par les sables. Cet édi-
fice carré en partie ruiné
peut mesurer de quinze
à dix-huit mètres de côté
sur vingt-cinq à trente
mètres de haut. Il se
compose d'une vaste salle
coiffée d'un dôme sur-
baissé. Au centre est
une modeste tombe.
Notre présence en ces
lieux déserts était venu
TOMBEAU DU SULTAN SANDJAR. troubler la paisible re-
traite'de quelques rares
oiseaux, seuls hôtes de ce séjour désolé. Nous n'avons pu on pré-
ii>-*rrS^
'-^&-
- 20
sence de cette ruine que regretter de la voir ainsi abandonnée...
A quelque distance enfin est une bizarre enceinte, dont la disposition
TOMBEAUX DE SAINTS A MERW.
ne se rencontre dans aucun autre pays, composée de maçonneries
pleines en terre aflfectant à l'extérieur la forme de tuyaux d'orgue ;
elle est surnommée la « maison de la jeune fille ». Certains pensent que
cette dénomination lui viendrait de sa destination probable : un harem;
mais, c'est le cas de le dire, les historiens ne sont pas d'accord.
D'autres constriictiuiis du même genre apparaissent également isolées
dans la plaine.
Telles sont aujourd'hui les rares vestiges d'une cité qui joua un grand
rôle surtout à l'époque musulmane, et compta, i)rétend-on, jusqu'à un
million d'habitants. C'est là qu'au A'IIP siècle, le chiite Abou-Moslin
proclama la déchéance des Omcyades de Damas, c'est là aussi que le
calife Mamoun, un des successeurs d'Aroun el Raschild, transféra le
siège du gouvernement arraché à Bagdad. Ce fut en 1221 que la Merw
musulmane fut détruite par les Mogols sous la conduite d'un fils de
Gengis Khan.
Chemin faisant il ne faut pas oublier de noter que nous avions vu
des maisons indigènes encore debout avec leurs tours carrées de défense
qui de loin leur donnent l'aspect de petites forteresses ; elles nous ont
paru abandonnées pr)ur la pliip.irt.
Cette excursion nous remet en mémoire une anecdote puisée à notre
— 21 —
carnet de route. Ayant aperçu de loin des indigènes accroupis autour
d'une moite de terre, nous nous approchâmes pour voir ce qu'ils
faisaient ; grande fut notre surprise en les voyant à tour de rôle coller
leurs lèvres à la terre puis se retirer — ils fumaient ! et voici quelle
est cette singulière pipe. Les indigènes font un tas de terre-meuble qu'ils
tassent et retassent avec leurs mains après avoir eu soin de ménager
un canal au moyen d'une cordelette que l'on relire dès que le tas est
fait. On élargit un des orifices qui devient le fourneau que l'on charge
de tabac ; l'allumer par l'autre bout en aspirant est facile, et. le tour est
joué. Néanmoins nous n'avons pas été tenté d'y goûter !
En sortant de Toasis de Mcrw, on se retrouve dans ce désert au sable
impalpable, plus fin que celui du Sahara, c'est une véritable mer figée à
travers laquelle il a fallu établir une chaussée bétonnée pour soutenir
la voie ferrée. Après quelques heures de cette.... navigation, on
pourrait presque dire, on pousse un soupir de soulagement à la vue
du premier brin d'herbe ; il semble que l'on renaît à la vie. Le sable
finit assez brusquement, et bientôt la sensation d'une température plus
agréable réconforte de l'accablement causé par l'atmosphère embrasé
du désert. C'est ainsi que l'on atteint la zone de verdure qui annonce
le voisinage du grand fleuve du Turkestan.
TCHARJOUL
Tchardjoui est le nom de la ville importante peuplée de plus de
30.000 habitants, située non loin du fleuve ; il y règne une grande
animation surtout les jours de marchés et le spectacle des représentants
de races les plus diverses aux costumes bariolés offre un tableau des plus
curieux. Le seul monument de quelque importance, est, si l'on peut
lui donner ce nom, le palais du bey ou beck, qui a beaucoup d'analogie
avec celui de l'émir de Bokhara que nous verrons tout à l'heure. Tout
proche est la station d'une importance capitale, située à près de mille
kilomètres de la mer Caspienne ; c'est là le dépôt d'une grande partie
du matériel de la ligne, non seulement en tant que voitures,
locomotives, etc., mais aussi comme approvisionnement de toutes
sortes. On compte par dizaines de milliers de kilomètres les rails déposés
on cet endroit, et l'on comprend le soin que les Russes mettent à
l'entretien de ce ravitaillement quand on songe à l'éloignement de ce
poste placé à portée du grand fleuve et si loin de la frontière.
Le général Annenkoff avait fait son quartier général do ce point ;
terminus de la ligne il y a dix ans, c'est la résidence ordinaire de
l'Administration et du personnel ; aussi l'animation est-elle considérable
et nous nous rappelons lors de notre passage la foule grouillante qui
s'agitait, allant et venant, tout comme dans une de nos grandes gares
un jour de fête, mais bien autrement curieuse et pittoresque, il n'est
pas besoin d'ajouter !
Avant de franchir l'Oxus, le fameux Amou-Daria, ce fleuve si large
qu'on en distingue à peine la rive opposée et auquel nous avons trouvé
de grandes analogies avec le Nil, sur certaines parties de son parcours,
mais en moins pittoresque et surtout moins artistique, hâtons-nous
d'ajouter, rappelons que cet endroit peut être le point de départ d'une
excursion à Khiva, situé à quelques centaines de kilomètres au nord-
ouest non loin du fleuve, qui, après s'être divisé en plusieurs bras, va, on
s'en souvient, se jeter dans la mer d'Aral. Des bateaux à vapeur russes
desservent l'Amou-Daria, mais ce sont surtout des porteurs à marchan-
dises. L'éloignement, la perte de temps et le manque de confort, sans
parler du peu d'intérêt relatif à côté de la visite de Bokhara que
présente la capitale du khanat de Khiva seront les raisons pour
lesquelles elle sera bien rarement visitée. Un des rares voyageurs, qui
s'y est aventuré avant la création du chemin de fer et la complète
pacification du Turkestan, M. Moser, nous apprend qu'elle est située
au milieu d'une oasis de plus de 30.000 kilomètres carrés, peuplée
d'environ 700.000 habitants. Les Russes, nous l'avons déjà dit, eurent
des difficultés avant de pouvoir s'y installer, car les Khivains étaient de
forte race ; aujourd'hui, grâce au nouvel état de choses, les bienfaits de
la civilisation se sont déjà fait sentir et l'œuvre la plus méritoire a été
l'abolition de l'esclavage. De loin la ville présente une physionomie
assez originale avec ses minarets et quelques dômes, et sa citadelle
dominant l'ensemble, mais la visite est loin d'ofl"rirles charmes étranges
de Bokhara, paraît-il ; les maisons en terre, et quelques mosquées
sont bien les mêmes exemples de cette architecture simple et
primitive. Auprès do la ville , environnée d'un parc étendu
encerclé d'un haut mur, est la résidence du khan , composée de
bâtiments sans intérêt spécial et de kiosques garnis de vérandhas.
Dans l'intérieur on y voit, paraît-il, des meubles modernes déplus ou
moins bon goût ainsi que dans les demeures des hauts personnages, et
jusqu'à des pianos, comme M. Moser dit eu avoir vus ! Cela ne saurait
surprendre ceux qui, comme nous, ont visité des palais de rajahs et
de sultans des pays exotiques, dont les ameublements cocasses nous
ont parfois bien étrangement stupéfait.
— 23 -
Revenons au bord du fleuve, qui jadis se jetait non pas dans la mer
d'Aral, n'iais dans la Caspienne. Son emboucliure était proche de
l'endroit où s'élève aujourd'hui Ouzoun-Ada et son cours devait suivre
approximativement le tracé actuel du chemin de fer d'après les avis
émis par notre distingué confrère M. Edouard Blanc, auteur d'intéres-
sants travaux sur toute cette région qu'il connaît si bien. Pierrc-le-
Grand, dont le génie a eu le pressentiment de tout ce qui pouvait faire
la grandeur de son pays, et dont les successeurs se sont bornés à
réaliser les idées et les hardis projets, le fondateur de la Russie, était
venu sur la côte occidentale de la Caspienne à l'endroit où se trouve le
port de Pétrovsk, et avait fait étudier le régime de l'Amou-Daria, si
bien que lorsqu'il vint à Paris où il fut reçu par l'Académie des Sciences,
il put rectifier des erreurs alors accréditées sur le cours du fleuve.
On a répété sur tous les tous ce qu'était cet audacieux pont de bois
qui avait été jeté sur le fleuve aux eaux limoneuses, dont la profondeur
et le volume est très variable suivant les saisons. Ce chef-d'œuvre de
hardiesse a surpris le monde entier et sa vue nous a arraché un cri
d'admiration, quelque peu mélangé de stupeur. C'est qu'il paraissait
bien frêle et du reste on ne le franchissait que très lentement ; aussi le
besoin se faisait-il sentir de lui ériger un remplaçant en fer, que l'on
songeait à établir lors de notre passage, il y a déjà quelques années. Ce
pont bâti sur pilotis était tout en charpente de bois que l'on sentait
craquer péniblement sous le poids du train ; il n'avait pas moins de
tout près d'une lieue de longueur, reposant par parties à peu près
égales sur le sol plus ou moins ferme d'îles ou bancs de sable changeant,
et franchissant les divers bras du fleuve aux largeurs variables ; une
seule de ces branches avait, à elle seule plus d'un kilomètre. L'entretien
de ce pont était également fort coûteux, cela va sans dire. Des accidents
plus ou moins graves se produisaient fréquemment et il est même
arrivé que le pont a été emporté sur d'importantes longueurs à diverses
reprises, interceptant toutes communications ; mais les voyageurs
désormais n'auront plus do crainte à avoir avec un pont en fer d'une
résistance éprouvée.
Lorsqu'on a franchi l'Amou-Daria, on voit se poursuivre encore
pendant quelque temps la contrée verdoyante dont l'aspect fait un si
agréable contraste avec les affreux déserts delà région transcaspienne.
C'est surtout aux canaux d'irrigation que cette contrée doit sa fertilité.
Le blé, le seigle, et le coton y senties principales cultures ; on y trouve
aussi des magnaneries. Mais bientôt le désert reprend son empire,
succëdaut brusquement aux (.-hamps cultivés; du milieu des vagues de
sable surgissent des ruines qui attestent un état disparu. C'est qu'en
effet, cette contrée, aujourd'hui ensevelie en quelque sorte sur des
sables mouvants, était d'une admirable fertilité avant la prise de
Samarcande. Les traditions rapportent que tout le pays qui s'étend au
nord jusque vers Khiva était jadis si peuplé, qu'un chat pouvait aller
d'une ville à l'autre sans quitter les toits des maisons ; c'est le cas de
s'exclamer : jugez un peu ! Ces pays devaient leur prospérité aux
canaux d'irrigation, comme on l'a vu ; le jour où ils s'ensablèrent par
négligence des habitants, les champs se changèrent en déserts. Le seul
moyen efficace pour ramener la fertilité serait, il n'est pas besoin
d'ajouter, le rétablissement desdits canaux. Dans leur marche envahis-
sante et irrésistible, les dunes semblent se diriger sur Bokhara, dont
elles approchent à grands pas, et le jour viendra peut-être où la grande
cité sera à son tour engloutie par des flots de sable comme le fut jadis
la puissante Merw. Ainsi se réaliserait une ancienne prophétie à laquelle
croient tous les Boukhariens avec l'inévitable conviction que donne le
fatalisme musulman. Ce serait là une perte irréparable et à ce point de
vue des auteurs pessimistes ont, à notre avis, peut-être un peu été de
trop précoces prophètes de malheur !
Il y a sur cette partie du parcours certaines gares perdues, où l'on
ne saurait longtemps laisser des hommes sous peine de les voir devenir •
fous ; on n'a pas idée de l'affreuse condition dans laquelle ils se trouvent
ainsi isolés. Ils sont complètement ravitaillés par les trains, cela va
sans dire, et à ce sujet, un des obstacles, comme on l'a vu, qui a rendu
si pénible l'établissement du chemin do fer, c'est le manque d'eau ; on
y obvie au moyen du transport de l'élément indispensable à la vie dans
des sortes de citernes posées sur des trucs, et il faut voir ainsi des trains
d'eau circulant sur la ligne, comme entre Bakou, Tittis et Baloum
circulent des trains de pétrole.
KARAKOUL.
A la station de Karakoul on trouve la première verdure avec un
nouveau plaisir, on rentre dans l'oasis. C'est là que le Général
Anneiikoff a tenté la culture de la vigne secondé par des Français ; nous
avons bu de ce vin blanc teinté, propre à faire du « Champagne ».
MM. de Monlebello ont, parait-il, fait des essais en ce genre; mais il
paraîtrait que n'ayant pas donné ce que l'on espérait on a renoncé
à poursuivre ces tenlatives. La voie ferrée présente dans ces parages
quelques travaux d'art, modestes tranchéos de quelques nièlres de
])rofondeur.
C'est ainsi que nous atteignons la fameuse capitale des Etats de
l'Emir, vassal de la Russie, dont les journaux ont entretenu le public
à diverses reprises, dernièrement encore à propos des grands événe-
ments de l'alliance franco-russe, car l'Emir qui a figuré aux fêtes n*a
pu passer inaperçu, cela va sans dire, rien que par l'éclat éblouissant
de sa personne toute constellée de diamants. Qui aurait pu croire il y
a un quart de siècle seulement que Boukliara aurait sa station de
chemin de fer, cette fanatique cité où de si rares voyageurs avaient à
peine osé pénétrer sous de trompeurs déguisements. Ainsi va le progrès
dans sa marche en avant, aujourd'hui des employés crient le nom de
la station où l'on trouve un buffet ; mais en réalité elle est à quelque
distance de la ville, une douzaine de kilomètres, le souverain ayant
craint la trop grande proximité du voisinage de la civilisation
européenne. Depuis les indigènes se sont civilisés et ont compris les
commodités de cette innovation, si bien que lors de notre passage le
besoin d'un tramway reliant la ville à la gare se faisait déjà sentir. A
quelque chose malheur est bon, dit le proverbe, et dans l'espèce, cette
situation de la ville à l'abri du contact immédiat de la civilisation et
d'un de ces principaux agents de pénétration, lui permettra, peut-être,
pour la joie des touristes amateurs de pittoresque, de conserver plus
longtemps sa couleur locale si intéressante.
Rappelons en passant que les Etats de l'Emir mesurent une surface
de 248.000 kilomètres carrés, soit environ les deux cinquièmes de la
surface de la France ; mais ils ne comptent guère que trois millions
d'habitants. Proche de la gare s'élève une ville russe embryonnaire aux
rues peuplées seulement, il y a quelques années, de rares et modestes
habitations , demeures de fonctionnaires, postes et établissements
publics, et surtout un hôtel, aussi rudimentaire que ceux que nous
aA'ons trouvés au Turkestan. La seule habitation ayani quelque tournure
était la résidence de M. Lessar, l'agent diplomatique j)lacé par la
Russie auprès de l'Emir. La haute compétence de ce fonctionnaire
l'avait appelé à ce poste important. Nous ne saurions oublier l'accueil
si gracieux qu'il nous fit à mes compagnons et à moi, et nous sommes
heureux de saisir encore l'occasion de le remercier ici, au nom de
l'alliance qu'il avait ainsi mise en pratique, avant sa sanction officielle.
{A suivre).
- 2G —
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE
EN 1898.
L'ASCENSEUR DES FONTINETTES ,
ARQUES ET ST-OMER.
Excursion du Jeudi 5 Mai 1898.
Directeurs : MM. Cantine au et Vaillant.
La Société de Géographie a visité plusieurs fois déjà le remarquable Ascenseur
des Fontinettes ; mais les générations se succèdent, curieuses de voir ce prodigieux
appareil qui jongle si facilement avec les bateaux de 300 tonnes.
M. Gruson, le distingué ingénieur en chef du département, notre concitoyen, qui
est Fauteur de cette œuvre gigantesque, a fait le plus aimable accueil à notre
demande de visite ; avec la cordialité qu'on lui connaît à l'égal de sa haute
science, il a voulu accompagner lui-même notre groupe pour donner toutes les
explications qui nous ont fait clairement comprendre, non seulement le principe,
mais encore le mécanisme de l'Ascenseur.
Partis à 7 h. 05, nous débarquâmes à St-Omer à 8 h. 25 ; à peu de distance de la
gare, à l'écluse de St-Bertin, la grande barque des Ponts et Chaussées, avec loggia
■vitrée, attendait les dames ; un rapide cheval la hâla si bien que les piétons durent
marcher vivement pour la suivre. Nous dépassâmes le curieux ouvrage carré qui
permet de laisser couler à volonté l'eau de l'Aa à travers le canal de Neuffossé
vers les Wateringues, et à 9 h. nous vîmes apparaître la haute tour en briques et
les charpentes en fer de l'ingénieux appareil.
Aussitôt, M. Gruson et M. Dupcrrier, Tingénieur ordinaire venu de Dunkerque,
nous donnent toutes les explications nécessaires pour comprendre le mécanisme
de ce colossal instrument qui doit supporter des charges de 1.500.000 kilos; il a
été inauguré le 8 Juillet 1888 par M. Deluns-Montaud, Ministre des Travaux publics
et visité peu après par le Président Garnot. Nous assistons à la manœuvre de
montée et de descente de plusieurs bateaux et nous sommes émerveillés de la
puissance et de l'utilité de l'Ascenseur, ainsi que de la facilité avec laquelle il
fonctionne. Il seml)le une gigantesque balance avec un fléau inférieur remplacé ici
par une conduite d'eau ; les plateaux sont deux grands bacs oii flottent les grandes
l)élandrcs de 39 m. montant et descendant par le mouvement do bascule, qu'elles
soient chargées ou vides, suivant le principe d'Archimède ; la pression dans les
grandes presses hydrauliques et les conduites d'eau est de 30 atmosphères, le çoids
de chaque plateau chargé étant d'environ 800,000 kilos ; roscillation pour franchir
les 13 m. 15 do hauteur d'un bief à l'autre dure quelques minutes, mais les
manœuvres des bateaux pour entrer ou sortir des sas ont une durée variable, en
moyenne 10 minutes, selon leur grandeur et leur charge.
Ce n'est pas sans de prodigieux efforts de science et d'énergie qu'on est parvenu
à installer ce curieux appareil (1), puis à le réparer lorsqu'on 1893 des mouvements
du terrain très instable par nature (sables boulants, c'est-à-dire fine argile très
sableuse), eurent occasionné des crevasses à la maçonnerie, dès lors insuffisamment
étanche. M. Gruson nous raconte ses déboires quand, s'étant servi de la méthode
de congélation du sol pour réparer ces maçonneries, il fut surpris par la pluie dilu-
vienne tout à fait unique et inoubliable du 31 Octobre 1894, laquelle, nous le savons,
produisit de désastreuses inondations dans toute notre région ; elle apporta là 25 m.
d'eau qui détruisirent la congélation, occasionnant un retard d'un an avec un sup-
plément de 300.000 fr. de réparations. Quel sang-froid il a fallu alors à l'ingénieur
en chef pour empêcher la destruction complète de son oeuvre.
Après avoir compris l'Ascenseur, nous allons jeter un coup d'œil sur les biefs
d'amont et d'aval et nous visitons l'ancienne série d'écluses , immense escalier à
l'usage des bateaux qui mettent deux à trois heures à le franchir. On a conservé ce
système comme secours d'opération en cas d'encombrement, ou en cas de répara-
tions importantes.
Il passe à l'Ascenseur, au plus 75 bateaux par jour, 40 à 50 en moyenne ; il en a
passé 11.159 en 1897 avec 1.887.344 tonnes. Les bateaux n'ont pas de frais de pas-
sage autres que le paiement des hâleurs qui les tirent pour traverser les bacs entre
les biefs.
Il est 10 h. 30, nous nous rendons à la fabrique de bouteilles de MM. Ed. Ver-
meesch et G'e , tout près du pont d'Arqués. Nous sommes reçus avec beaucoup
d'amabilité ; on nous initie à la préparation du verre et à sa fusion, puis à la cueil-
lette en trois fois, au soufflage des bouteilles à la bouche, terminé à la mécanique ;
aux diverses opérations de moulage, de timbrage, de cuisage, etc. ; on nous offre
même des larmes bataviques. On nous montre la fabrication des creusets avec de
la terre spéciale venue de l'Oise et des vieux creusets pulvérisés ; il faut six mois
pour bien fabriquer et sécher un creuset qui ne dure pas le quart de ce temps à
l'usage.
Nous croyons reconnaître à l'aspect des ouvriers, que l'industrie du verre n'est
plus, comme elle l'était encore au siècle dernier, l'apanage des gentilshommes, qui
pouvaient être verriers sans déroger, en vertu de l'ordonnance rendue en 1300 par
Philippe-le-Bel. Au XV" siècle, les gentilshommes-verriers obtinrent des privilèges
importants qui firent naître de nombreuses réclamations contre ces ouvriers
exempts de la taille par les autres ouvriers et contre ces ouvriers nobles par les
nobles non ouvriers ; une ordonnance d'Henri IV en Juillet 1603, fit cesser ces
dissidences.
Nous partons ensuite en voiture pour St-Omer, passant sur le pont de l'Aa où se
trouve une minoterie importante et en face le vieux château dArques daté de
1664, à côté de l'église à la flèche gothique de 1776.
Avant midi, nous atteignons St-Omer; la double enceinte bastionnée vers la porte
d'Arras n'existe plus et depuis le démantèlement de 1893-94, toutes les rues qui
aboutissaient aux remparts débouchent vers la campagne ; on peut aujourd'hui se
(1) Voir : description, plan et coupes dans le Bulletin d'Août 1889.
- 28 -
rendre du dehors, droit à la Cathédrale et au Palais de Justice son voisin, ainsi
que vers le quartier de St-Bcrtin.
M. Gruson, toujours afïable, a bien voulu accepter de présider notre dîner, pen-
dant lequel nous sommes heureux de pouvoir rendre un respectueux et éclatant
hommage à sa science et à sa cordiale obligeance. Après le repas, nous lui expri-
mons tous de nouveau notre vive gratitude et il reprend la route de Lille pendant
que nous nous dirigeons vers le Musée Dupuis, tout voisin de Thôtel. Le conser-
vateur, ]\I. Charles de Pas, veut bien nous y attendre pour nous montrer les superbes
et nombreuses collections qui ont été léguées à la viUe en 1889 avec la maison qui
les contient, située au Marché au Poisson. Tout est resté tel que l'avait installé le
donateur : faïences curieuses, oiseaux du pays empaillés par lui, et surtout splen-
dide collection de coquillages actuels et fossiles avec l'image peinte sur verre, de
l'animiil de chaque espèce circulant en vie, etc., etc.
M. De Pas, Térudit conservateur, veut bien nous guider et nous renseigner, puis
il nous conduit au Musée archéologique installé dans l'ancien hôtel du bailliage du
XVIIP siècle sur la Grande-Place. Nous y voyons une admirable collection de
médailles romaines, dont plusieurs très rares en or ; puis des collections françaises
et flamandes, le sceau de St-Omer du XIIP siècle et beaucoup d'autres ; la curieuse
matrice en ivoire du sceau de St-Bertin du XIV« siècle, pièce unique et sans prix ;
puis chose qui nous intéresse spécialement, la matrice en cuivre du sceau du
couvent de Thôpitid. St-Sauveur de Lille, portant : Coventus hospital S.-Salvator
Isulen (pour Insidensis). Plus loin sont les faïences de l'Evesque au Haut-Pont en
1750 et d'autres de St-Omer, dites de Lille pour leur donner de la valeur. Puis
nous admirons les émaux cloisonnés d'un très beau pied de Croix en bronze du
XIP siècle, provenant de l'abbaye de St-Bertin. Dans la collection d'armes il y a
des épées saxonnes dont les inscriptions n'ont pu être traduites, même pendant
leur séjour à l'Exposition de 1880.
Le Musée des tableaux est tout voisin dans l'Hôtel de Ville (monument signalé
en AoiJt 1889) ; la collection peu importante, est intéressante par les œuvres des
artistes audomarois qui sont nombreux, et dont quelques-uns sont devenus célèbres;
ainsi nous remarquons parmi les œuvres d'Alph. Deneuville, son fameux tableau
du Salon de 186i : V Attaque de Magenta par les Zouaves de la Garde -^ de Léon
Belly : les Sirènes autour du navire d'Ulysse, médaillé à l'Exposition universelle
de 1867, etc., etc. Mais ce que nous sommes surpris de trouver ici, c'est un tableau
de notre concitoyen César Ducornet, le peintre sans bras, né à Lille le 10 Janvier
1806, qui, médaillé en 1822 aux Écoles académiques, reçut de la ville de Lille une
pension pour aller étudier 5 Paris, oii il obtint des médailles en 1810, 1841 et 18i3;
ce tableau de 41 cent, sur 33 représente une Baigneuse. Nous voyons ensuite des
antiquités de l'abljaye de Clairmarais et aussi de celle de St-Bertin, dont nous
remarquons la maquette ; il y a aussi des tapisseries d'Arras, des armes du Moyen-
Age et une collection de faïences de tout le Nord de la France.
Nous remercions vivement M. Ch. de Pas de son aimable complaisance et nous
partons rapidement pour la Bibliothèque nouvellement construite dans la rue Gam-
betta, à côté du Lycée, en face des bureaux du Génie militaire installés dans l'an-
cien refuge des moines de l'abbaye St-Winoc de Bergues, que le Lillois Jean Six,
évêque de StOmer, érigea en Séminaire au XVI' siècle. Elle abrite maintenant,
avec sécurité : les archives, jadis exposées à la destruction, contre la salle de
.spectacle aménagée dans une aile de l'Hôtel de Ville, et aussi la Bibliothèque
municipale, dont les richesses relativement importantes, surtout en manuscrits,
étaient entassées dans les combles du Lycée. Elle possède parmi ses 21.000
volumes, une quarantaine d'incunables, dont, le troisième exemplaire de la Bible
'— 2S) —
Mazarine, les deux autres étaut à Londres et à Paris, et I-caucoup de livres pré-
cieux provenant des abbayes de St-Bertin et de Clairmarais, ainsi que de la Char-
treuse de Longuenesse. Gomme documents de haute valeur, nous voyons aussi les
Archives et le Gartulaire de St-Ber(in ; les Archives des Argentiers de St-Omer, de
1450 à 1786, avec une lacune de 1677 à 1700; les Archives ecclésiastiques depuis
Charles-Quint; les Lettres des Papes depuis Nicolas II (Pape dès 1058), etc., etc.
Nous remercions chaleureusement le bibliothécaire, M. Framezelle, de sa grande
obligeance, ainsi que M. Maillond, professeur d'histoire au Lycée, qui a bien voulu
nous donner d'utiles renseignements. ^
A propos d'archives, je soumets aux psychologues une anecdote restée dans ma
mémoire sans plus de détails. Vers 1785, un Audomarois confiant dans la décou-
verte de Franklin, voulut dompter la foudre-et établir sur sa maison un paraton-
nerre ; ses voisins, craignant de voir le dompteur dévoré et d'être atteints eux-
mêmes, s'opposèrent à la fantaisie de leur scientifique concitoyen. Un jeune avocat
d'Arras, de piètre figure et d'un talent restreint, mais honnête, austère et timide,
vint à St-Omer plaider pour la science ; ce fut sans succès. Or, cet humble et
calme progressiste, ce médiocre poète qui faisait partie des Rosati, cet avocat mal-
heureux du paratonnerre, devint par un miracle des temps troublés, le farouche
Conventionnel Maximilien Robespierre, le Tyran qui aimait tant la guillotine qu'il
en usa lui-même à contre-cœur, sans doute.
Cependant nous nous hâtons vers la Cathédrale, si intéressante sous tous les
rapports (v. Bull. Aoiît 1889) ; portail latéral et chevet avec leurs ogives, leurs
arcs-boutants, leurs piliers et leurs clochetons de différentes époques captivent le
visiteur, tout autant que les tombeaux, les ex-voto en marbre ou en albâtre et les
autres richesses de l'intérieur, jusqu'au grand Dieu de Thérouanne, dont l'appa-
rence ultra-archaïque arrête quand même le touriste, qui y retrouve la simplicité
toute majestueuse des âges primitifs.
La pluie nous surprend pendant cette visite et nous avons la déception de ne
pouvoir jouir du haut de la tour d'une vue panoramique charmante, surtout dans
la direction de la Flandre, oii l'on voit comme de près le Mont Cassel qui est à
18 kilom.. et aussi le Mont de Watten. Il faut cependant songer au retour, on se
lance bravement à travers l'ondée qui tombe un peu trop tôt et nous ne pouvons
que jeter un coup d'œil sur les ruines de l'abbaye de St-Bertin, où fut enfermé et
mourut en 755, Childéric III, le dernier Mérovingien. Cette riche et ancienne abbaye
ne fut, dit-on, qu'indirectement détruite par les révolutionnaires ; ils ne firent qu'en-
lever les couvertures en plomb de la basilique, sauf celle de la tour qui existe
encore, mais la pluie et les intempéries désagrégèrent les voîjtes et crevassèrent
les murailles ; puis quand arriva 1830, on donna de l'ouvrage aux ouvriers inca-
pables de restaurer l'intéressant monastère, en le faisant démolir ; on ne laissa que
la tour avec quelques arcades qui s'y appuient.
Nous saluons ensuite au passage la statue de l'héroïne du siège de 1711, Jacque-
line Robyns, dont l'attitude énergique nous frappe (v. Bull. Octobre 1888), et
quelques minutes après, à 5 h. 40, nous sommes dans le Iraiii qui, à 7 h. 30, doit
nous déposer sur les quais de la gare de Lille.
Le raid dans Hazebrouck ne put être exécuté, des grenouilles elles-mêmes
n'auraient pas voulu le tenter à travers les ondées torrentielles qui ruisselèrent
sur nos wagons pendant la route ; heureusement , elles cessèrent pour notre
arrivée.
E. Cantineau,
.\rchiviste de la Société.
- 30 -
BRUXELLES. — LIEGE. — SPA. —
ROGHEFORT. — GROTTES DE HAN. — DINANT.
Directeurs : MM. Van Troostenberghe et Rollier.
13-18 Juillet 1898.
Le 13 Juillet, 18 excursionnistes répondent à l'appel de MM. Van Troostenberghe
et Rollier. L'itinéraire , tracé à travers l'une des contrées les plus pittoresques de
la Belgique, comportait, défalcation faite du jour de départ, cinq journées ainsi
réparties :
Le 14. Liège, Seraing et les Usines Cockerill.
Le 15. Ghaudfontaine, Spa.
Le 16. Rochefort, Han-sur-Lesse, les Grottes.
Le 17. Dinant.
Le 18. Namur et retour à Lille.
Ce programme peut sembler chargé à première vue. De fait , à qui vou-
drait avoir une connai.ssance un peu approfondie du centre industriel de Liège, par
exemple, il faudrait un temps aussi long. Les promenades qui font le charme de
Spa occuperaient trois journées. Mais le but visé était tout autre, et il fut atteint à
la satisfaction de tous.
En ce temps relativement court, nous pûmes visiter Liège, et près de cette ville,
l'un des ateliers les plus vastes, les mieux outillés de l'industrie métallurgique,
puis parcourir les vallées tour à tour riantes et sauvages de la Vesdre, de TOurthe,
de la Lesse, de la Meuse. Les villes nous retinrent peu , moins certes que les sites
pittoresques dont fourmille toute cette région. A deux reprises , de Rochefort à
Dinant, de Dinant à Namur, nous délaissons le rapide mais prosaïque moteur à
vapeur, et c'est en voiture découverte, dans une vaste tapissière que nous voya-
geons. Rien ainsi , n'est perdu pour nos yeux , de cette petite Suisse que nous tra-
versons. Grâce à l'ingénieuse prévoyance de notre Directeur, c'est tout à notre
aise, posément, que nous nous réjouissons les yeux du spectacle de cette nature,
si changeante en ses beautés, et si différente de notre Flandre : c'est la plaine,
mais onduleuse, tantôt riche de moissons, tantôt pauvre, laissée à la jachère. C'est
le cours d'une rivière aux méandres nombreux comme celui de l'Ourthe, que vous
voyez tour à tour apparaître, puis disparaître, do la façon la plus capricieuse, ou
calme, tranquille, comme celui de la Meuse. C'est l'horizon dentelé des Ardennes
verdoyantes ou rocheuses, bois épais ou pentes abruptes et déchiquetées oii
•s'ouvrent de nombreuses carrières de grès bleu.
Et, dans nos souvenirs à tous, à côte des sauvages grandeurs que nous dôvoi-
-al-
lèrent les grottes de Han , surnagera le charme inoubliable de ces deux longues
chevauchées par monts et par vaux.
DÉPART. — Deux compartiments nous ont été gracieusement réservés dans
l'express de 1 h. 56. — Présentations faites , toute gène disparaît bientôt , et c'est
gaîment que l'on devise, tandis que nous filons vers Bruxelles.
Blandain, visite de douane après laquelle nous remontons en voiture. Dès lors ,
nous n'avons plus à descendre avant l'arrivée à Liège. Quelques-uns toutefois n'ont
pu trouver place avec nous, et à Bruxelles, oii nous touchons quelques minutes
seulement, ont failli prendre une fausse direction. L'alerte fut courte heureu-
sement.
4 h. 50 m. — Nous repartons, mais moins gais. La pluie tombe fine, serrée, et
ne discontinue guère jusque notre arrivée. Le ciel se couvre de nuages de plus en
plus. Lorsque nous approchons de Liège — sept heures n'ont pas sonné — le jour
est tombé, et nous ne faisons qu'entrevoir du haut du viaduc qui les domine, les
faubourgs de Liège, puis Liège elle-même. Nous débarquons à 7 h., gare des
Guillemins , d'oii le car nous emmène jusque l'Hôtel de Suède. — Rapide
toilette, et à 7 h. 1/2 nous nous trouvons pour la première fois réunis au complet.
Un trajet à peu près ininterrompu de cinq heures a ouvert l'appétit et l'on fait
honneur au menu. L'on fait, en même temps, plus intimement connaissance, et la
conversation devient bien vite générale. On se sépare sur cette consolante consta-
tation que le baromètre semble nous donner espoir pour notre première journée.
14 Juillet. — Nos craintes de la veille s'évanouissent en effet à la clarté d'un
gai soleil. Après le déjeuner, c'est-à-dire vers 9 h., nous allons prendre au quai de
l'Université le car qui doit nous porter à Seraing. Le trajet de 8 kilomètres que
nous-mettons 20 minutes à parcourir, suit la route entre la Meuse et les collines
qui bordent sa rive gauche.
Nous traversons un quartier ouvrier et industriel, et remarquons au passage les
Ateliers de construction de la Meuse, les Usines de la Vieille-Montagne situés sur
la rive. Sur les hauteurs sont les puits d'extraction ou d'aérage des mines de
houilles qui s'étendent sous la ville même.
Il est 10 h. quand nous traversons la Meuse, sur un pont suspendu, en face
même de l'Usine Gockerill. Les dames nous ont accompagnés jusque là. Mais le
règlement est formel et leur interdit l'entrée des ateliers. Elles se séparent de
nous, et, par le bateau-mouche, regagnent Liège.
Gockerill. — Un de nos collègues, en 1892, dans un rapport très documenté, a
fourni sur cette Société les renseignements les plus complets et les plus intéres-
sants. Je me borne donc à quelques chiffres qui rappellent la place importante
qu'elle occupe dans l'industrie métallurgique.
Elle occupe environ 10.000 ouvriers. La force motrice employée s'élève à 23.000
chevaux. Sa production augmente progressivement :
Gharbons 26.000 tonnes.
Coke 124.000 »
Minerais 300.000 »
Fontes diverses 220.000 »
Rails, bandages, aciers, canons 1 10.000 »
Tôles, poutrelles, barres, etc 32.000 »
Machines, chaudières, locomotives, canons, cou-
poles, navires, etc. . . . 42.500 »
— 32 —
La superficie de rétablissemeut est de près de 80 hectares.
Dès notre arrivée, un guide est mis à notre disposition et nous conduit dans les
divers chantiers.
Dans la première halle, qui a 120 m. de longueur sur 45 m., et dans ses annexes,
plusieurs centaines de machines-outils percent, tournent, rabotent, taraudent,
façonnent, polissent l'acier, transforment un bloc informe en un bijou de préci-
sion. Dans le même bâtiment est la boulonnerie.
Au montage, s'ajustent les mille pièces des locomotives, volants de toute taille,
machines diverses pour les mines, pour la marine. Il comprend plusieurs halles.
Dans la plus importante, haute de 20 mètres, desservie par des grues de 15 tonnes,
se trouvent les machines-outils de grande puissance , les tours , dont l'un a été
construit pour tourner des plongeurs de presse hydraulique de 2 m. de diamètre.
Au sortir du montage , guidés par les coups sourds qui ébranlent le sol, l'on
entre dans les ateliers de grande forge, oii les masses incandescentes de métal sont
amenées à la presse hydraulique ou au marteau-pilon. La grande presse façonne
les plus fortes pièces d'acier sans effort apparent, sans choc. Elle peut développer
une force de 2.000 chevaux.
A côté sont l'aciérie et les hauts-fourneaux. — II y a G hauts-fourneaux dont 4
produisent 100 et 120 tonnes de fonte Bessemer par 24 heures. Un autre fournit
150 tonnes. Le sixième a 24 mètres de hauteur; sa production par 24 heures atteint
200 tonnes de fonte.
Quant à l'aciérie, le spectacle en est réellement grandiose et inoubliable : c'est
l'ouverture du convertisseur Bessemer avec sa gigantesque fusée de flammes
éblouissantes qu'accompagne un bruit de tonnerre. Puis, c'est la coulée au moule
avec son flot de feu, et son bouquet de gerbes d'acier en fusion. C'est la masse
ardente sortant du moule, puis plongée dans les égalisateurs, passant de là au
laminoir, et sous nos yeux transformée en rails de 15 mètres. Aucun de nous, je
crois, ne perdra le souvenir de ce spectacle impressionnant.
Notre visite, commencée à 10 h., finit vers midi et demi , sans que personne eût
trouvé le temps long.
Le retour se fit par la >rouse et ne fut pas sans charme.
En mnints endroits, les deux rives sont bordées de noires usines empanachées
d'épaisse fumée. Mais tout peu à peu change d'aspect aux' approches de la ville.
L'on a à gauche un vert ridoau de collines boisées, à droite quelques campagnes,
puis de coquets restaurants de banlieue. Plus loin , au monîeut oii la Meuse se
divise et enserre l'île du Parc, le panorama vaut un coup-d'œil. L'île, au centre,
présente au spectacle, un massif de verdure, le jardin d'acclimation qu'enserrent
les deux bras de rivière, ptiis les rives très riantes en cet endroit, tandis que le
fond de la perspective est donné par la ville bâtie en amphithéâtre, et, tout au fond,
un massif montagneux sombre.
Nous passons et, dix minutes plus tard , quittant le quai, nous gagnons l'hôtel
d'un pas que la faim rend plus alerte.
La ViixE. — Le Fort. — Le Palais de Justice. — L'aspect général de la
ville, si l'on excepte les boulevards nouveaux et les-quais, manque de grandeur.
Toutefois, les artères qui avoisincnt le théâtre, le jardin botanique, la place de
l'Université sont très larges, bien tracées, bordées de jolies habitations. Sur l'em-
placement du bassin et de l'île du Gouimcrce un quartier nouveau s'est élevé :
beau parc, boulevards, constructions dont les façades artistiques rivalisent de
richesse et de goût.
A 3 heures, nous montons en voiture. Nous di.sposons de quatre heures, temps
Liège. — Palais du Gouvernement.
Citadelle de Liège. — La relève de la garde.
- 33 -
relativement court, que nous utilisâmes toutefois de la façon la plus heureuse :
visite du fort, de quelques églises : St-Antoine, St-Martin, du palais de justice.
Courtes haltes au palais provincial, au jardin botanique, à l'hôtel de ville.
Le Fort. — On y arrive par une route en pente raide au flanc de la colline de
Ste-Walburge qu'il couronne. Il ne sert plus aujourd'hui que de caserne, et n'offre
rien de curieux aux visiteurs. On est toutefois largement dédommagé par la vue
que du haut de ses remparts l'on a sur l'ensemble de la ville et de toute la vallée.
Un aimable sergent d'infanterie nous servit de cicérone, et nous fit les honneurs
du poste qu'il commandait. Un instantané, pris par M. Savary, des soldats entourant
nos excursionnistes, et fort bien réussi, termina cette visite.
Le Palais de Justice. — Ancien palais des princes-évêques, remonte au commen-
cement du XVP siècle ; mais, à la suite d'un incendie, dut être restauré en partie
Taa 1737. C'est ainsi que la façade sur la place Saint-Lambert fut reconstruite en
style moderne.
Les bâtiments enclosent deux vastes cours : la plus grande, accessible au public,
est entourée de portiques. Ces galeries , à voiite surbaissée d'une grande portée,
présentent une série d'arcades dont l'ogive est écrasée. Les colonnes, massives,
sont unies dans leur moitié inférieure, renflées en balustre dans la moitié supé-
rieure, et terminées par des chapiteaux fantastiques à arabesques variées. — La
seconde cour, transformée en jardin, accède au Musée. Celui-ci est peu important.
Le Palais Provincial a été ajouté au palais de justice, et sa façade, de style
analogue à celle des parties anciennes de ce monument, donne sur la place
Notger. Elle est ornée de nombreuses statues et de bas-reliefs.
15 Juillet. — Branle-bas à 7 h., et à 8 h. 38, départ pour Chaudfontaine et Spa.
Au sortir de Liège , traversée de la Meuse sur le pont du Val Benoît, long de
158 mètres. Puis on longe les ateliers de la Vieille-Montagne , on franchit
rOurthe, et l'on pénètre dans la vallée de la Vesdre à Ghénée, pour la suivre
jusque Pepinster.
Arrivés à 8 h. 52 à Chaudfontaine que nous devons quitter à 10. 13, nous
pûmes, durant cette halte d'une heure et demie environ, faire une charmante
excursion. — Au sortir de la gare, nous traversons la Vesdre , dont le cours tor-
tueux longe le kursaal. Tournant à gauche, nous remontons sa rive gauche, et par
un ombreux sentier gagnons le coteau. A l'endroit oii nous nous arrêtons, la
vallée se resserre entre les collines plus rapprochées , tandis qu'au delà de Chaud
fontaine, le lit de la Vesdre s'infléchit fortement et les collines semblent former
une ceinture ininterrompue. A nos pieds, la rivière et la voie ferrée se côtoyant
pénètrent par une brèche qui n'a pas plus d'un kilomètre environ de largeur. —
Plus boisées sur la rive gauche, les hauteurs, sur la rive droite, sont abruptes et
nues, sauf en quelques endroits.
C'est à ce cadre et à ses eaux thermales que Chaudfontaine doit d'attirer nombre
de Liégeois durant l'été. Les eaux thermales sont inodores, douces, limpides. Leur
température s'élève à 37" environ. Elles s'emploient contre les rhumatismes et les
maladies des reins, du foie.
Le Chaudfontaine à Spa, l'on suit tout d'abord à peu près le cours de la Vesdre.
Les sinuosités de la capricieuse rivière se multiplient ; avant Pepinster (13 kilom.)
l'on franchit 10 tunnels environ , presque autant de ponts. Et à chaque fois l'on
3
— 34 —
découvre un nouveau ei joli vallon dont la ceinture, comme à Ghaudfontaine, est
formée de collines ou boisées ou nues. Les carrières de pierre sont nombreuses. —
A Pepinster, l'on change de voitures, et, repart en suivant La Hoigne, affluent de
la Vesdre. Les sites sont toujours variés et pittoresques. Arrivée à Spa à 11 h. 1/2.
Spa. — Dès l'abord, le voyageur est séduit par son aspect riant, coquet, par sa
propreté, par une certaine simplicité. L'avenue qui le conduit au centre de la ville,
à la place Royale, à l'établissement thermal est bordée de beaux arbres. Ce n'est
point la cité ancienne dont les monumente racontent l'histoire. C'est une ville un
peu cosmopolite où, de Belgique, de France, d'Allemagne, l'on vient, pendant
les plus beaux mois de l'année, chercher l'un la santé, l'autre le repos elle charme
de nombreuses excursions au milieu d'une nature pittoresque.
Après visite de la ville, nous déjeunons à l'Hôtel de Laeken. A 3 heures , des
voitures doivent nous prendre pour faire la promenade des Fontaines. Hélas 1 nous
sommes au 14 .Juillet. Au dessert, nous avons bu à la France. Mais ce jour même
et le lendemain la Belgique est en fête, elle aussi. Spa, résidence favorite de la
Reine Marie-Henriette se prépare à célébrer la fête de la souveraine. Les étrangers
affluent et les voitures manquent. Malgré les engagements pris, l'on ne nous
envoie, après réclamations, qu'une tapissière pour 12 personnes. Que faire ? Le
soleil est si ardent, la chaleur lourde. Les dames, au moins, pourraient profiter de
l'aubaine. Mais elles s'y refusent, et bravement nous faisons à pied la promenade
du Tonnelet et du lac de Waarfaz.
Tout d'abord, visite du Pouhon St-Pierro, oii une plaque de marbre rappelle le
séjour de Pierre-le-Grand. Puis l'on prend la route qui conduit à la Géronstère,
et tournant à gauche par une pente raide, sous un soleil de plomb, à petits pas
nous gagnons la source du Tonnelet. Celle-ci est à 80 mètres environ au-dessus de
Spa. — Au Tonnelet, nous prenons le frais un moment, pour ensuite descendre au
Waarfaz. Un .peu à l'aventure, par des sentiers en lacets, étroits, mais ombragés,
nous allons en file indienne. Après un soleil cuisant, voici qu'entre deux éclats de
rire nous pestons contre un sol boueux, glissant, que les pluies des jours précé-
dents ont détrempé. Le passage difficile est franchi et à travers les derniers buis-
sons nous apercevons le lac. Le fracas d'une chute d'eau se fait entendre. C'est la
décharge des eaux du lac que l'on a endiguées pour ne leur laisser comme issue qu'un
entonnoir hémisphérique étage en gradins , oij les eaux tombent à une quinzaine
de mètres environ. Bordée d'un côté par des collines très élevées que les bois
couvrent d'un manteau vert sombre, la perspective s'étend d'autre part à perte de
vue vers Sart. Après une halte que nous prolongeâmes le plus possible, nous
reprenons la route de Limbourg qui nous ramène à Spa.
A 8 heures, illumination de la place Royale et de l'avenue du Marteau, et
concert. M. Van Troostcnberghe, par une prévenance qui nous a charmés, nous a
retenu la table et le couvert à la Taverne, qui avoisine le kiosque. A 9 ii. 50 nous
repartions, et rentrions à Liège à 10 h. 58.
iG Juillet. — Départ de Liège à 10 h. 03 pour arriver à Rochefort à 12 h. 44.
Le paysage a de grandes analogies avec celui que l'on traverse de Liège à Pepinster»
L'on suit la vallée de l'Ourthe, dont le cours est tout aussi sinueux que celui de la
Vesdre. De Hamoir à Bornai on franchit sis fois la rivière et jusque Laroche on ne
la quitte guère. La nature peu à «jcu cliange de caractère.
Après les riches vallées de Tiff, Esnenx, Hamoir, sur lesquelles tranchent de
temp.s à autre les massifs granitiques dans lesquels s'ouvrent de vastes carrières,
ROCHEFORT.
Dînant. — Rocher Bayaro.
- 35 -
on découvre des vallées étroites, encaissées ; puis, en quittant les bords de
rOurthe, d'immenses plaines en jachère ou des taillis peu vigoureux.
Nous sommes attendus à l'Hôtel Byron, servis immédiatement, et à 2 h. i/2, dans
une vaste tapissière gagnons Han-sur-Lesse, puis les Grottes.
La description en a été faite bien souvent. J'en ai lu plusieurs. Pas une ne m'a
semblé traduire de façon satisfaisante l'impression qu'elles m'ont laissée. Au reste,
c'estlaremarquequenous échangions aprèsleur visite, cetteimpression est réellement
indéfinissable : il y a, dans l'esprit, de l'admiration, de l'étonnement, un peu même
il me semble de curiosité non satisfaite , dans le cœur un peu de crainte vague
sous cette voûte qui supporte un massif montagneux de plusieurs centaines de
mètres d'épaisseur. Et sur près de trois kilomètres, l'on va par un dédale de corri-
dor^, de salles, dont l'aspect varie à chaque instant, guidés par la lumière pâle des
lampes.
Après avoir vu la perte de la Lesse, nous allons à la nouvelle entrée des Grottes,
et y trouvons le guide et les porte-flambeaux. La première impression n'est pas
favorable. La descente est assez rapide , par des marches inégales , humides et
gHssantes. Mais elle disparaît dès la première salle, et s'oublie rapidement : car
les surprises se succèdent, et le charme grandiose de ces sauvages beautés va
grandissant à mesure que s'élèvent, que s'élargissent aux proportions d'une
immense cathédrale les voûtes des salles. L'on passe ainsi de la salle des Scara-
bées à la salle Vigneron, à celle des Précipices, plus vaste déjà, puis à celle de la
Cascade, dont les stalactites imitent à s'y méprendre des eaux débordantes figées
dans leur chute par la gelée. — Puis la galerie de Lannoy nous mène aux Mysté-
rieuses, quatre salles oii les stalactites prennent les formes les plus fantastiques et
résonnent harmonieusement sous le doigt qui les frappe. Viennent ensuite le
Portique des Draperies, où les concrétions descendent de la voûte en lamelles
ondulées, amples et légères, laissant transparaître la lumière comme un blanc
tissu, enfin la Salle du Dôme. Longue de 160 •" sur 140, haute de 130 "> environ,
elle écrase le visiteur par l'abîme de ses profondeurs que l'œil ne peut sonder.
Les foyers électriques dont le guide promène dans tous les recoins l'éclair éblouis-
sant, nous en découvre une à une les apparences fantastiques : Têtes d'animaux ,
draperies immenses, pierres scintillantes comme des perles, amas chaotique d'im-
menses quartiers de rocs éboulés et dont la chute semble toujours imminente. Un
de nos guides, dans l'obscurité, gagne l'un des points les plus élevés de la salle.
Il y allume une torche dont la clarté ressemble à celle d'une étoile perçant à peine
une nuit sombre. Un coup de sifflet et la lumière s'élance vers nous , par bonds
saccadés et brusques. Elle tombe , semble-t-il , jetée par la main du guide , nous
découvrant toute cette partie de la salle : le Chaos. En moins d'une minute, le
guide nous a rejoints, et je crois bien qu'un soupir de soulagement nous a échappé
à tous à la fin de cette descente vertigineuse de près de 100 mètres.
Quittant la Salle du Dôme, l'on redescend vers les parties les plus profondes et
gagne le petit lac. On le traverse en bachots pour sortir des Grottes. Et ici se
place pour moi, le moment inoubliable qui, dans les souvenirs, subsiste après les
autres, pour le visiteur qui a pu en jouir aussi complètement que nous.
Excursionnistes et guides, nous prenons tous place dans la même barque, et une
à une les lumières s'éteignent. Et il y a là dans cette traversée silencieuse , dans
une obscurité qui ne permet pas de voir son voisin, une première impression pro-
fonde. Nous avançons tout doucement poussés par les rames et le courant , quand
la guide attire l'attention sur une pointe lumineuse vers laquelle nous glissons.
Insensiblement elle grandit, s'étend, puie elle se colore. Et peu à peu se forme
une nappe de lumière dont les teintes de l'arc-en-ciel peuvent donner une idée.
- 36 -
mais lointaine : les tons sont à la fois plus brillants et plus doux, plus nuancés et
fondus dans un ensemble féerique. Rien ne peut rendre cette splendeur, ni la
parole, ni la peinture.
A rapproche de la sortie les teintes s'effacent et nous arrivons dans la baie lumi-
neuse par oii nous allons sortir. En ce moment , un petit pierrier est allumé , et le
son se prolongeant sur le canal, s'enfle, se répercute dans les couloirs et les salles,
donnant l'illusion de l'écroulement des voûtes.
La visite a duré trois heures. Le soleil est toujours vif, mais moins cuisant. Nous
regagnons Han à pied, puis, en tapissière, Rochefort.
En attendant le dîner, les plus intrépides battent Rochefort. Comptant à peine
3.000 habitants, elle n'a aucun cachet historique ou archéologique. L'église
moderne, de style roman, est jolie. La ville est bâtie dans un site pittoresque, au
flanc Ouest d'une colline au pied duquel elle s'étend. Dans le Midi, un autre escar-
pement tout proche est couvert de bois et de villas. Au loin, dans le Nord, on suit
les ondulations des Ardennes.
Après le dîner, on pianota et dansa un peu. Mais la journée avait été fatigante,
et on ne prolongea guère la soirée.
17 Juillet. — Départ de Rochefort à 8 heures en voiture. Le trajet est long, et
avec les vigoureux postiers qui nous menaient, nous y employâmes quatre heures.
Mais quel enchantement que cette premenade ! La terre est fertile , le paysage
toujours changeant. Un peu nue au départ, la campagne se boise peu à peu, et,
suivant presque la crête des coteaux, nous voyons défiler sous nos yeux après les
moissons mûres, de profonds taillis. A certaine montée, l'on quitte la voiture et,
nous engageant sous bois, ne la rejoignons qu'au haut de la côte. Aussi, fimes-
nous ce trajet sans aucune fatigue. D'ailleurs, la gaîté était générale et ne cessa
pas durant la route d'éveiller les rires, et même les chansons.
Arrivée à Dinant vers midi, et descente à l'Hôtel de la Poste. Gaie avait été la
route, plus gai fut le dîner. J'en prends à témoin les Chevaliers de Léopold qui
furent les héros de la journée.
Vers 3 heures , ascension au Fort. Citadelle ancienne bâtie au sommet de
gigantesques rochers escarpés, au pied desquels est bâtie l'église Notre-Dame. On y
accède par un escalier de 408 marches. De la terrasse , on a une belle vue sur la
ville que l'on a à ses pieds, étendue au bord de la Meuse, et sur la vallée. Une de
nos aimables excursionnistes nous y ménagea la surprise de la descente d'un
parachute. Son ombrelle en fit les frais. Au reste, retrouvée un peu plus tard, elle
revint aux mains de sa propriétaire.
Nous redescendîmes par un chemin qui, descendant en lacets, traverse une sorte
de Parc et aboutit aux jardins du Casino. Nous terminâmes la promenade par la
Roche à Bayard, dont la gigantesque aiguille se dresse au bord de la Meuse , lais-
sant un étroit passage entre son pied et les maisons adossées à la montagne, dont
elle semble avoir été détachée. — Ce qui charme à Dinant, c'est comme à Spa, le
site. Comme à Spa, les excursions à faire aux environs sont nombreuses : Anse-
remme, Walzin, Ardenne, Maredsons. Par la Meuse, l'on peut redescendre jusque
Namur ; un bateau à vapeur fait la route chaque jour en trois heures et demie.
18 Juillet. — Devant arriver à Namur vers midi , nous devons renoncer à y
arriver par la Meuse, le bateau ne partant qu'à 1 h. 1/2. Aussi ferons-nous à nou-
veau la route en voiture. Le plaisir fut le même , mais la fatigue un peu plus
grande : la chaleur était torride ; les chemins devenus poussiéreux à cause de la
sécheresse, nous envoyaient de temps à autre des nuages aveuglants. Mais, malgré
.— 37 —
cela, nous goûtâmes tout le charme de cette route qui longe presque continuel-
lement la Meuse.
A notre arrivée à Namur (trajet : 30 kilomètres) , nous n'eûmes que le temps de
nous mettre à table. Il était plus de midi, et nous reprenions le train pour Bruxelles
à 1 h. 52. — Dernier dîner de l'excursion. Nous bûmes à ceux qui avaient été les
organisateurs de l'excursion et en avaient assuré le succès. Jamais remercîments
ne furent plus mérités, ni plus sincères.
Partis de Dinant à 1 h. 52, nous touchions à Bruxelles à 3 h. 22. — Promenade
d'une heure en voiture et remontant en wagon à 4 h. 56, nous rentrions à Lille
à 7 h. 37.
Un mot avant de clore ce trop long rapport. Dans les divers hôtels où nous
descendîmes, nous fûmes parfaitement reçus et servis, mais je tiens à signaler
surtout la parfaite complaisance et l'urbanité avec laquelle nous fûmes reçus à
Liège : Hôtel de Suède, et à Dinant : Hôtel de la Poste.
Hector DUFOUR.
UNE EXCURSION AUX PYRENEES.
11-28 Août 1898.
Directeurs : MM. H. Beaufort et Auguste Grepy.
Le quai de la ligne de Paris présentait le jeudi 11 Août 1898, au départ de
l'express de 1 h. 23, une vive animation, et le préposé au contrôle des -billets
s'exclamait moitié plaisant, moitié maussade : « Décidément, tout le monde en est
de la Société ». Beaucoup en étaient en effet de notre chère Société de Géographie
de Lille, et sur le quai, autour des heureux partants, se pressait une foule de
parents et amis venus leur apporter leurs derniers souhaits. Le Président lui-même
avait tenu par sa présence à nous donner un témoignage de sa sympathie, je dirai
plus, de son affection. A l'heure fixée, le train s'ébranle, le voyage est commencé.
Je ne dirai rien de la première étape. Indifférents aux plaines éternellement
plates qui fuient derrière eux, les excursionnistes s'occupent à faire connaissance
ou à renouer d'anciennes relations : et c'est chose aisée , car beaucoup parmi eux
sont des vétérans, habitués, de longue date, à la grande excursion annuelle.
Arrivés à Paris, au lieu de traîner chacun notre valise, parfois pesante, nous les
déposâmes toutes sur un tricycle de la Compagnie et, moyennant une faible rétri-
bution, tous les bagages du groupe furent ainsi transportés jusque sous l'œil
- :^8 -
vigilant du préposé de roctroi. Il ne nous restait plus qu'à traverser la rue pour
arriver à THÔtel.
Le système fut employé avec succès pendant tout le coars du voyage.
Le soir chacun fut libre de son temps et rendez-vous fut pris pour le lendemain.
De bonne heure chacun est sur pied. A 8 heures des omnibus nous emportent
jusqu'à la gare d'Orléans. Là, nous sommes rejoints par quelques collègues venus
d'autres directions, ou qui nous avaient précédés à Paris. Et c'est au nombre impo-
sant de 30 que nous nous embarquons dans le rapide pour Bordeaux. De F*aris à
Bordeaux l'aspect du pays n'est pas bien curieux. C'est une traversée monotone de
coteaux, de prairies desséchées, de villages sans importance, et de villes plus
considérables telles qu'Orléans, Blois, Amboise, Tours, Poitiers, Angoulème, etc..
Le paysage offre quelque agrément dans la vallée de la Loire. Le tieuve aux eaux
basses qu'un soleil implacable épuise depuis tantôt trois mois, les dômes de ver-
dure d'oii émergent les tourelles de châteaux, ramènent maint souvenir sur les
lèvres des excursionnistes qui, l'an dernier, sous un ciel plus clément, ont visité
cette contrée historique et pittoresque. Les fraîches vallées du Cher et de l'Indre
viennent à propos interrompre la monotonie envahissante du spectacle. La tra-
versée successive de la Creuse, de la Vienne, du Clain, de la Charente, le bassin
de la Dordogne, de l'Isle, fournissent aux plus érudits de nombreuses réminis-
cences géographiques. Enfin, dans le lointain, se dessinent tout à coup les vagues
contours de la Garonne. Bientôt Bordeaux apparaît avec son fort.
Nous sommes à la Bastide.
Bordeaux est une des premières villes de France, non seulement par ses dimen-
sions, sa population, son importance administrative et militaire, mais surtout par
son commerce , son site magnifique et son aspect grandiose. « Bordeaux , écrivait
jadis Théophile Gautier, offre beaucoup de ressemblances avec Versailles pour le
goût des bâtiments. On voit qu'on a été préoccupé de cette idée d'égaler Paris en
grandeur. Les rues sont larges et les immeubles vastes. Le théâtre a des dimen-
sions énormes : c'est l'Odéon fondu dans la Bourse. . . ., mais les habitants ont de
la peine à remplir leur ville ». Depuis l'époque oii parurent ces lignes , si la ville
monumentale est restée de même, elle s'est complètement transformée pour le
mouvement et a beaucoup gagné en animation.
Sa population dépasse aujourd'hui 2.57.000 habitants : la plus grande activité
règne principalement sur les quais. Le fleuve forme en cet endroit de son cours un
arc de cercle, qui a fait donner le nom de port de la lune à ce magnifique port
naturel, d'une superficie de 10 hectares et pouvant contenir 1.000 à 1.200 navires.
Bien que Bordeaux soit à 96 kilomètres de l'embouchure de la Garonne, la marée
s'y fait fortement sentir, et les jilus grands navires peuvent à ce moment remonter
jusqu'aux quais et s'y amarrer.
Les constructions navales occupent un rang important dans l'industrie bordelaise.
Pour ce qui regarde le commerce, Bordeaux fait peu d'affaires avec le bassin de la
Méditerranée, mais il est en relations suivies avec le reste du monde.
Le port a des services réguliers avec les mers du Nord, la Manche, la Baltique,
etc , l'Australie la Havane, le Mexique, l'Afrique, l'Inde, etc
Le commerce des vins et spiritueux y tient la tète ; puis viennent les denrées
alimentaires, les sucres raffinés, papiers, cristaux, porcelaines, cuirs, soies, fils,
tissus pour l'exportation.
Les importations consistent surtout en produits coloniaux, fer, étain, cuivre,
plomb, bois de construction et houille d'Angleterre.
En arrière du port et reliant à la ville le faubourg de la Bastide est lancé un
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vaste pont de pierres d'une longueur de 487 mètres, reposant sur 17 arches à large
cintre. C'est un dos plus remarquables qu'on puisse voir. L'ensemble du monu-
ment est d'allure légère ; dans l'intervalle de chaque arche saillit le chiffre royal
sculpté sur un fond de briques. Deux pavillons aux portiques d'ordre dorique
s'élèvent à chacune de ses extrémités. Sous la chaussée ont été pratiquées de vastes
galeries qui allègent la construction, et permettent de veiller à son entretien et de
la réparer sans interrompre la circulation.
En amont de ce pont de pierre, on a jeté sur le fleuve un pont en fonte de
construction élégante et hardie, destiné à relier les chemins de fer du Midi et de
l'Orléans. Ce pont tubulaire, long de 500 mètres, se trouve encore prolongé par un
viaduc courbe de 100 mètres.
De ce pont , en remontant la rive gauche et les quais , on rencontre plusieurs
monuments historiques.
La porte de Bourgogne, dite autrefois des salinières, parce que les bateaux de
sel se déchargeaient dans son voisinage , reçut son nom actuel des ducs de
Bourgogne, fils de Louis XV. En 1807, elle fut démolie en partie et transformée
en arc de triomphe pour le passage des troupes qui se rendaient en Espagne guer-
royer sous les ordres de Soult et Junot. Elle marque , avec le cours Victor-Hu'^'-o ,
les limites de la vieille ville qui s'étendait de là jusqu'aux Quinconces.
Du quai de Bourgogne se détache le cours d'Alsace-Lorraine , belle rue neuve
qui conduit à la cathédrale. Etre transformées en arcs de triomphe semble le sort
commun des portes de Bordeaux, ainsi la por<e rf'.Açwitome servit d'arc de triomphe
aux Bourbons rentrant en France en 1814. La porte de Cailhau, sur la place
Royale, ancienne porte d'entrée du palais de l'Ombrière, résidence des ducs d'Aqui-
taine, servit d'arc de triomphe à Charles VIII après la bataille de Fornoue. C'est
une belle porte gothique flanquée de 2 tours rondes, bâtie en 1495 et récemment
restaurée.
En aval, sur le quai de ce nom, s'élève Vhôtel de la Douane. A son fronton , il
porte une sculpture de belle dimension représentant Mercure protégeant la navi-
gation de la Garonne. La place de la Bourse est décorée d'une belle fontaine en
bronze des 3 Grâces ; elle s'étend entre l'hôtel de la Douane et Vhôtel de la
Bourse., qui fait pendant au précédent. Une sculpture allégorique montre Neptune
favorisant le commerce.
Nous remarquons en passant sur la place de Richelieu le monument de Carnot,
puis tournant par le cours du Chapeau rouge nous longeons les façades de la
Préfecture et du Théâtre et arrivons à l'hôtel Richelieu. Nous sommes au centre
de l'animation. Devant nous s'étend la place de la Comédie bordée de superbes
cafés que fréquentent de nombreux clients. La place est encombrée d'une multi-
tude de promeneurs citadins, paysans voisins, étrangers venus pour un concours
de musique et de cette foule se dégagent un bruit et un mouvement qui auraient
bien étonné l'écrivain cité plus haut.
Cette place doit son nom au théâtre, qui jouit d'une réputation méritée. Sa
façade ofl"re un péristyle formé de 12 colonnes d'ordre corinthien surmontées d'un
entablement formant balustrade et portant 12 statues allégoriques analogues à la
destination du lieu. Il renferme deux belles salles de spectacle et do concert. C'est
là que se sont tenues en 1871 les séances de l'Assemblée nationale.
La place de la Comédie est prolongée en ligne droite par le cours du 30 Juillet
qui conduit à la place des Quinconces, la plus grande et la plus belle de la ville,
et tout Bordelais s'en montre aussi fier que le Marseillais peut l'être de sa Cane-
bière. C'est une vaste esplanade assise au bord de la Garonne et dont la plantation
déjà ancienne donna lieu à de grandes solennités municipales. Elle est décorée des
- 40 -
statues de Montaù/ne et (le Montesquieu et de deux colonnes rostrales surmontées
chacune d'une statue : celles de la Navigation et du Conimerce qui servent aussi
de phares.
A l'une de ses extrémités s'est élevé récemment le Monument des Girondins :
large colonne portant à son sommet une figure allégorique de la Liberté, entourée
sur ses bas côtés d'applications en bronze représentant les principaux Girondins
dont en a voulu commémorer le souvenir, et des statues de Bordeaux, de la
Garonne et de la Dordogne, de l'Eloquence et de l'Histoire. A sa base jaillissent
deux belles fontaines avec les statues de la République et de la Concorde, assises
sur des chars traînés par des chevaux-marins. Cette place fut le centre de l'Expo-
sition de Bordeaux de 1895, dont les constructions s'étendaient par le cours du
30 Juillet jusqu'au Jardin public.
Ce Jardin public est une création du marquis de Tourny, gouverneur de la ville
vers le milieu du XVIIP siècle. En administrateur intelligent , il abattit les rem-
parts, perça les rues et embellit la cité. A la suite de nombreuses transformations,
ce jardin est devenu un superbe jardin anglais avec lacs, cascades, îlots plantés
d'arbres, bosquets formés de plantes précieuses, et serres remplies de végétaux
rares. C'est le rendez-vous des promeneurs, et le dimanche des musiques mili-
taires }• donnent des concerts. Près de ce jardin, à gauche du Muséum, on trouve
dans un square, les ruines des arènes àiiù& palais de Gallien, qui, dit-on, cons-
truisit l'amphithéâtre. Victorieux des siècles et des saisons, il était assez bien
conservé quand, en 1774, il fut affecté à une entreprise de voitures publiques.
En 1792, on en commença la démolition, bientôt arrêtée par l'Administration, à
qui l'on doit la conservation des ruines actuelles. De la place de Tourny on
aperçoit les allées de ce nom : sorte de place oblongue, une des promenades les
plus fréquentées de la ville.
Près de la place, le marché des grands Hommes, construction de forme circu-
laire en fer et en verre, mérite une visite, surtout à l'époque des fruits.
La bibliothèque voisine est riche en volumes et en manuscrits. L'église Notre-
Dame est construite dans le stjie grec, l'intérieur est décoré avec un luxe de goût
médiocre. On ne peut guère citer que quelques peintures artistiques, dont la prin-
cipale est une grande fresque représentant le triomphe de la Sainte Vierge. Sa
voîite est basse , la clarté peu abondante , aussi laisse-t-elle une impression peu
favorable.
Je dois (pour rester fidèle à l'ordre par nous suivi dans notre excursion dans
Bordeaux), m'arrèter uif moment dans la description de la ville et raconter l'inté-
ressante visite que nous fîmes à la fin de la matinée aux chais et enirepôts de la
maison Larcher.
La réception fut cordiale et charmante. A l'entrée de leurs caves, .\LM. Larcher
attendaient les excursionnistes et se mirent à leur disposition pour leur montrer
leur installation. Ce fut, en même temps qu'une excursion, un cours d'un extrême
intérêt. Une bonne cave est indispensable à la conservation des vins, on ne saurait
apporter trop de soins à la disposition de la porte, ainsi qu'au nombre et à l'em-
placement des ouvertures. La température doit demeurer constante ei l'air et la
lumière doivent être sagement distribués : l'air circulant assainit, l'obscurité dété-
riore à la longue. Mais la chaleur et la clarté trop vives aigrissent le vin et le font
évaporer eu desséchant les barriques qui le contiennent.
La disposition des barriques est remarquable : elles sont disposées en une
double rangée à 5 étages : celles du bas sont soutenues par des coins, et malgré
le poids qu'elles supportent ne subissent aucune fatigue. Cette disposition sur
iloublc rangée des barriques qu'on a soin de placer bonde de côté, permet do
^ 41 -
9
soigner facilement le vin. La bonde est formée par un Jjouchon en roseau : l'em-
ploi du liège et la nécessité de le remplacer fréquemment seraient une cause
d'ennuis incessants.
La fermentation et l'évaporation du vin dans les barriques ainsi disposées
amènent un vide : Touillage ou addition de vin a pour but de réduire la surface du
liquide ainsi en contact avec l'air. Le soutirage se fait aisément à l'aide d'un siphon
des tonnes supérieures à celles placées plus bas. Près du tonneau récepteur un
homme surveille le débit et sitôt que le moindre dépôt se manifeste , il arrête la
conduite. Pour le soutirage des barriques du sol, quand le niveau s'est établi, une
simple pression d'air dans le siphon à l'aide d'un soufflet suffit pour refouler le
liquide dans l'autre tonne, sans remuer la lie.
Avant leur emploi les barriques ont été soufrées, aussi à mesure que le vin
monte dans la barrique, voit-on sortir une fumée acide qui vous prend à la gorge.
Cette opération du soutirage doit être conduite avec de grandes précautions pour
développer la formation d'acide acétique s'il y avait fermentation. Même répétée ,
elle est parfois insuffisante pour donner au vin une limpidité parfaite. De là, obli-
gation de recourir au collage , afin d'enlever au vin une partie du tannin qu'il
contient et entraîner le ferment qui peut rester en suspension. Qu'on opère avec
du blanc d'œuf, sang, gélatine (vins rouges), ou avec de la colle de poisson (vins
lilancs), on verse le mélange dans la barrique dont on a agité la masse liquide au
moyen d'une lance de fer garnie de crins. L'opération terminée , on bouche le
tonneau et on le laisse reposer avant de procéder à un soutirage.
Telles sont les principales opérations auxquelles donne lieu le traitement des
vins. Elles se font de préférence en hiver ou au printemps, avant l'apparition des
chaleurs. C'est aussi le moment préféré pour les expéditions. La maison emploie
le transport par chemin de fer, mais elle se sert aussi des cabottiers, terre-
neuviens ou autres qui viennent se décharger à Bordeaux, et de la Compagnie
des bateaux à vapeur du Nord dont le siège social est dans notre département, à
Dunkerque.
Un lunch amical suivit cette agréable visite. MM. Larcher eurent l'amabilité de
nous inviter à venir visiter l'après-midi, leur propriété de Bon-Air et les vignobles
dont était sortie la récolte que nous venions de voir.
Le château Bon-Air est situé à quelques kilomètres de Bordeaux. Le domaine
comprend une maison d'habitation précédée d'une avenue, avec ses dépendances,
un grand parc et une vingtaine d'hectares plantés de vignes. Le vignoble est bien
situé sur un plateau graveleux, il est planté des meilleurs cépages de la Gironde et
produit un excellent vin de la catégorie des Graves rouges.
Nos aimables hôtes voulurent bien reprendre leur leçon du matin et sur le
terrain même ils nous fournirent d'abondantes explications.
Les sols calcaires et silicieux, les terrains primitifs ou de transition conviennent
parfaitement à la vigne, pourvu qu'ils n'occupent pas de bas-fonds oii les brouil-
lards s'abattent et séjournent. L'excès d'humidité dans le sol et dans l'atmosphère
est également nuisible. Le terrain est ici composé de graviers, de sable et d'argile.
Eutre chaque rangée de plants sont creusées de petites rigoles qui facilitent l'écou-
lement des eaux. La vigne une fois plantée exige chaque année des soins inces-
sants, principalement vers la quatrième année.
Des deux sarments laissés sur la souche dans les tailles précédentes, l'un devient
la branche à bois, l'autre que l'on fait courir horizontalement est la branche à
fruits. Vers le milieu de cette branche , on place un petit échalas qui sert de
soutien, et chaque échalas dans la rangée est relié aux autres par un fil de fer qui
assure la solidité du tout et permet aux pampres de la vigne de trouver un appui.
- 42 -
La vigne, vers la septième année, arrive à son état de perfection et de production,
et pendant vingt ans maintient sa vigueur et sa fertilité, si ou lui donne les amen-
dements et les engrais nécessaires, et si les intempéries de l'air et les insectes ne
viennent la ravager.
De tous les accidents, le plus terrible est la grêle. Pour diminuer les consé-
quences malheureuses de son passage, le seul remède encore pratique est une
bonne assurance. Les gelées peu intenses dans la région méridionale, sont une
cause de graves dommages pour la vigne. On y obvie, quand on les prévoit, par
la combustion de foyers résineux imprégnés de goudron et de coaltar qui forment
au-dessus des plants un nuage de fumée impénétrable.
La maladie la plus fréquente dans la vigne est l'oïdium, champignon micros-
copique qui recouvre les raisins d'une poussière blanche et leur fait répandre
une odeur de moisi ; remèdes : 1» sulfate de carbone, le soufre et une bouillie dite
bordelaise ; l'crinéon s'attaque aux feuilles, Tanthracose se développe sur les ceps,
enfin le blakrot et le milden.
Plus nombreux sont les ennemis de la vigne , plus nombreuses sont les précau-
tions qu'elle réclame : quelque nom qu'ils portent, ce sont les mêmes soins. Aussi
la petite viticulture a-t-elle grand peine à se suffire; quelques années de médiocrité,
l'absence d'une récolte et la voilà mortellement atteinte.
A côté des difficultés de la culture, la vinification est chose relativement aisée.
Le raisin est jeté dans de grandes cuves et soumis, soit à la foulée par le pied,
soit au pressoir. Le vin est recueilli dansd'autrcs cuves qu'on ferme hermétique-
ment et soumis à la fermentation pendant une durée de 15 à 21 jours. L'acide
carbonique, résultat de la fermentation, se dégage dans une nappe d'eau. Après la
première foulée, le résidu a été mis au pressoir : cette opération pétrifie en
quelque sorte les grains et les peaux, qui doivent être parfois attaqués à la bêche.
On reconnaît par la dégustation et le degré de fermentation, quand l'opération
approche de sa fin.
Après la visite aux vignobles-, MM. Larcher nous firent les honneurs de leur
château. Une collation intime fut suivie d'une visite dans le parc, au cours de
laquelle un photographe de notre Société prit un groupe des excursionnistes et de
leurs aimables hôtes, afin de perpétuer le souvenir de cette charmante journée.
Après avoir remercié ces Messieurs de leur aimable accueil, nous reprîmes la
route de Bordeaux. A quelques minutes de Bon-Air nous vîmes en passant le
vignoble du pape Clément, dont l'origine est très ancienne et la réputation consi-
dérable, le château du même nom, l'une des plus belles résidences des environs
3e Bordeaux, le vignoble de la Mission et celui de Haut-Brion, dont la renommée
a franchi les mers.
Par une série de boulevards remarquables à la fois par leur étendue, leurs frais
ombrages et l'élégance de leurs immeubles , nous rentrons dans Bordeaux. Nous
voyons en passant V Hospice des Enfants assistés , la Porte d'Aquitaine , dont il a
déjà été parlé, et la place de ce nom, sur laquelle donne une Ecole de Médecine
très réputée ; par le marché neuf nous arrivons à Véylise St-Michel , monument de
style ogival en forme de croix latine avec bas-côtés ; les chapelles ont été ajoutées
après l'achèvement de l'église : celle du Saint-Sépulcre renferme une belle Descente
de Croix, celle de Catherine de Mcdicis a un beau rétable en ivoire. Au-dessus des
nefs à hauteur du chœur, de très anciens vitraux donnés par Charles VIII. Les
trois portails ont des sculptures intéressantes : celle du portail Sud représente
l'Apparition de saint Michel à l'évêque de Siponte ; celle du Nord, le Sacrifice
d'Abraham ; celle de l'Orient, la Naissance de l'Enfant-Jcsus et l'Adoration des
Bergers.
' - 43 —
A 30 mètres environ de Tégliso se dresse une tour isolée sous laquelle est un
caveau oii Ton montre des momies, provenant d'un cimetière voisin, dont le terrain
sablonneux avait la faculté de conserver les corps.
La Porte de l'Hôtel de Ville, beau reste de Tancien hôtel, est un monument à
tourelles avec arcade, lanterne et cadran de la Renaissance.
Le cours Victor-Hugo mène à VUnive?-sité, au Palais des Facultés des Lettres,
des Sciences et de Théologie. Son beau vestibule à doubles rangées de colonnes
contient le tombeau de l'auteur des Essais, dont les restes sont conservés dans le
sous-sol. C'est une œuvre remarquable de la Renaissance avec statue couchée. On
va de là à l'Hôpital St-André et au Palais de Justice, vaste édifice de façade lourde
composé d'un avant-corps décoré d'un péristyle d'ordre dorique et de deux ailes.
Les motifs saillants de cet avant-corps sont décorés de statues colossales de
Malesherbes, d'Aguesseau, Montesquieu et l'Hôpital. La salle des pas-perdus est
considérée par les Bordelais comme un chef-d'œuvre d'architecture. Derrière le
palais sont les prisons.
La Cathédrale St-André est une église gothique d'une beauté incomparable.
Vue extérieurement, du côté du chevet, elle présente un aspect très pittoresque.
On y accède par deux portes latérales. La porte principale du Nord offre d'inté-
ressantes sculptures, figures d'anges, patriarches, apôtres et dans le tympan, la
Gène et l'Ascension. Elle est couronnée par une belle rose et flanquée de deux
tours terminées par des flèches élégantes. La porte du Sud ne présente pas le
même intérêt, ses tours attendent encore leurs flèches.
L'église n'a qu'une nef entourée d'un collatéral, bordé lui-même de neuf cha-
pelles rayonnantes hexagonales. Il y règne une grande variété de style, due aux
diverses époques de construction ; l'église renferme plusieurs tombeaux remar-
quables, entre autres' celui en marbre blanc du cardinal de Cheverus et celui de
Mgr Donnet. Parmi les tableaux, une Résurrection, par Véronèse et un Crucifie-
ment, de Jordaëns. Sous l'orgue, deux beaux bas-reliefs représentent la Descente
de Jésus-Christ dans les limbes et sa Résurrection. L'église renferme encore un
Chemin de Croix en tout petits émaux, et derrière le maître-autel, une statue de la
Vierge en marbre blanc.
Sur la petite place, devant le portail Nord, s'élève une statue de bronze, repro-
duction du Gloria Victis de Mercié. A quelques mètres, dans un square, s'élance
une tour quadrangulaire surmontée d'une flèche octogonale qu'on a couronnée d'une
statue dorée de la Vierge : c'est le clocher Peyberland.
IS Hôtel de Mlle est sur un vaste corps de logis flanqué de deux ailes réunies
par deux péristyles. Il a servi tour à tour d'archevêché, d'hôtel de département, de
palais impérial, de palais royal; sa destination actuelle remonte à 1875.
Saint-Seurin date des premiers siècles du Christianisme. Il a été construit,
continué, restauré à toutes les époques. On y entre par un portail très ancien.
L'intérieur est sombre et bas, les chapelles latérales se confondent dans l'architec-
ture du chœur, dont une grille seule les sépare. Dans une sorte de bas-fond, à
gauche, est une chapelle dédiée à Notre-Dame de la Bonne-Nouvelle, dont le culte
ici est très en honneur.
Nous terminâmes ici notre visite à Bordeaux.
L'heure du dîner approchait. Nous avions vu d'ailleurs les principaux monuments
et noiis avions une idée bien nette du plan et de l'importance de la ville. La jour-
née du lendemain promettait d'être lourde. 11 fallait ménager ses forces.
Le lendemain, à 5 h. 1/2 du matin, à travers un brouillard épais que le soleil
naissant n'avait pas encore la force de percer, nous nous dirigions vers le quai
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Louis XVIII pour prendre le bateau à vai)eur qui fait le service de Bordeaux à
Roy an.
L"excursion de Royan est très suivie en été ; aussi rencombrement était-il déjà
grand à notre arrivée. La durée du voyage est d'environ quatre heures et demie.
La contrée est relativement peu intéressante, à peu près sans relief, et Teau du
fleuve est trouble et jaunâtre. Cependant, la Gironde est intéressante par sa lar-
geur, qui atteint près de 12 kilomètres à certaijis endroits.
En quittant le quai, ou traverse d'abord une partie du port que bordent des
magasins, des usines et des chantiers. A l'extrémité des quais s'ouvrent un bassin
à flot destiné aux plus grands navires et des docks importants. La brume épaisse
fait disparaitre les rives sous un voile impénétrable. Aussi l'on déserte volontiers
le pont pour la salle à manger du bord. A travers le brouillard, on soupçonne plutôt
qu'on ne voit les coteaux de Sarmont-Parempuyres, célèbre par ses vignobles
et son élevage de sangsues, Montferiand, Macau, Ambez et le bec d'Ambez, pointe
de terre basse assez aiguë, qui s'avance au loin au confluent de la Garonne et de
la Dordogne et reçoit les rudes assauts du Mascaret. Puis des îles et des carrières
sur la rive droite assez belle jusqu'à Blaye.
Blaye est bâtie dans une situation très agréable, au pied et sur la croupe d'un
rocher escarpé. La \'ille haute nommée citadelle est une fortification élevée par
Vauban et défendue par le fort Médoc sur un îlot et le fort Pâte sur la rive gauche
du fleuve. A gauche, le soleil qui perce enfin, montre distinctement Pauillac,
célèbre par son cru de Ghàteau-Laffite, le deuxième du Médoc, le lazaret et les
appontements de Trompeloup, oii s'arrêtent les steamers d'un trop fort tonnage.
St-Estèphe succède avec ses vignobles connus. Vers cet endroit, la Gironde atteint
une grande largeur. On se rapproche alors de la rive droite , nettement dessinée
par ses falaises crayeuses. •
La plage de St-Georges Didone et la pointe perdue au loin du phare de Cordouan
annoncent l'approche de Royan. Nous débarquons bientôt sans nous être lai.ssés,
qui que ce soit, éprouver par la navigation.
Royan, ville moderne de premier ordre parmi les villes de badns, est l'œuvre de
la pensée et de la munificence d'Eugène Pelletan. Gomme Biarritz, elle attire toute
une aristocratie de baigneurs, mais elle doit aussi une partie de sa clientèle aux
départements voisins. Le port est très étroit et manque d'eau. Il donne abri à une
simple flottille de pêche ; de grands navires ne sauraient y tenir. Aujourd'hui, jour
de régates, sa rade souvent morne est sillonnée par de jolies embarcations et
navires de plaisance aux longues voiles blanches déployées comme des ailes de
mouette.
La principale plage offre un splcndide coup d'œil. C'est une suite de jolies villas
perdues dans la verdure ; vers le milieu un Casino moderne éblouissant de blan-
cheur, j)lus loin une large terrasse encore dépourvue d'arbres, rendez-vous des
étrangers. En seconde ligne apparaissent de grands hôtels et la ville marchande
avec ses rues étroites et tortueuses bordées de petits magasins, une belle église
gothique, un marché, un établissement de bains et un joli parc dans un bois de
pins, où se sont construites quantité de villas d'hiver.
Outre celte première plage appelée la Grande-Conche , Royan en compte encore
quatre autres, baies plus ou moins profondes en pente douce et recouvertes ,<i'un
sable fin. Ce sont la conche de Foncillon, en face d'un grand Casino moderne
style Renaissance, les petites conches de Chay et du Pigeonnier à mi-chemin de Pon-
taiUac, et la conche de Pontaillac, oit la mer est plus forte. Un tramway relie entre
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elles les diverses plages à travers une succession de plantations verdoyantes , de
jardins et de villas.
A 4 heures nous reprenions le bateau pour Bordeaux. La marée contraire, la
violence du courant et peut-être aussi l'intérêt bien compris de la Compagnie, qui
a tout à gagner, rien à perdre, d'un séjour prolongé à bord, de 000 passagers, nous
amenèrent à quai bien au delà de l'heure fixée. Patients et résignés , nos excur-
sionnistes trompèrent la longueur et l'obscurité du trajet par des jeux d'esprit, des
bons mots et les chants du pays.
A la fin du repas qui clôture tardivement la journée , comme on était à la veille
du 15 Août, un gai poète de nos compagnons, qu'il nous a été donné d'entendre à
diverses reprises et toujours avec un vif" plaisir, célèbre dans ses vers la fête du
lendemain et celles de nos compagnes qui portent le nom souhaité. Un toast de
l'une de ces dames, la réponse du plus autorisé des interprètes , parmi les
hommes, furent suivis d'un joyeux vivat qui attira sous nos fenêtres plus d'un
curieux attardé.
Le lendemain, départ pour Arcachon. La voie traverse d'abord les vignobles Je
Haut-Brion, puis les landes s'annoncent par les plantations de pins qui succèdent
aux vignes. De vastes étendues presque complètement désertes , recouvertes de
bruyères, ajoncs, fougères et genêts. Elles sont souvent ravagées par l'incendie.
Les troncs des pins sont sillonnés d'entailles et garnis de petits godets pour
recueillir la résine qui forme ici un élément de commerce assez important. Dans
les bas-fonds qui précèdent Arcachon, on remarque les huîtrières de Gujan , puis
la ville de la Teste, ancienne résidence des fameux captaux de Buch, — enfin
Arcachon.
Arcachon est une ville de bains à la mode et en même temps une station d'hiver.
Elle est de création encore récente, mais sa réputation est déjà faite, elle a son lot
de fervents et de détracteurs. Les uns l'estiment pour les ressources qu'elle pré-
sente, les autres lui trouvent un aspect triste.
Elle se compose de deux parties : la ville proprement dite , située sur le bassin
du même nom, et la ville d'hiver plantée dans la forêt sur les dunes. Le bassin
d'Arcachon est une baie de 80 kilomètres de circuit, de forme triangulaire, d'en-
viron 15.000 hectares de superficie, dont toutefois les deux tiers se dessèchent à
marée basse. 11 communique avec la mer par une large passe indiquée et éclairée
par un phare de premier ordre.
La barre et les bancs qui bordent la passe sont formés de sables mouvants qui
rendent l'accès de la rade difficile. Malgré tout, sur celte côte perdue, elle offre
aux navires un abri parfaitement sîir. Sur les rives du bassin sont assis de nom-
breux villages, notamment celui de la Teste de Buch. Dans son milieu émerge une
île connue sous le nom d'île des Oiseaux, et le banc de la Hillon et ses célèbres
parcs aux huîtres, d'une étendue de 4.000 hectares, répartis entre quelques cen-
taines de concessionnaires et faisant vivre 20.000 personnes. Les huîtres y sont
singulièrement conformées : on les appelle gravettes, à cause des sillons qu'elles
laissent dans le sable.
La plage est commode et sûre : à marée basse , on y marche sur un sable par-
faitement uni, et la pente est si douce, qu'à marée haute on peut s'y baigner sans
crainte. Une chose lui manque, un quai où l'on puisse se promener en tout temps.
Devant le bassin s'étend la ville, : ses jolies maisons au bord de l'eau se dérobent
capricieusement dans des nids de verdure.
Derrière cette première ligne s'étend un long boulevard qui conduit à la place
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Thiers. De ce boulevard se détache à hauteur du grand hôtel une rue montante
vers le Casino, charmant palais à deux coupoles mauresques entouré de jardins.
A quelques pas se dresse une tour en fer assez légère, décorée du nom d'obser-
vatoir*Ste-Céeile. C'est de ce point qu'on peut le mieux contempler le gracieux
paysage d'Arcachon, du bassin, de la forêt et des dunes voisines. La ville d'hiver,
derrière le Casino, est disséminée dans un bois de 3.fK)0 hectares planté principa-
lement de pins, de chênes, d'arbousiers et d'aubépines. On y rencontre de
magnifiques hôtels entourés de jardins et de villas de tout style, dont quelques-
unes originales. Remarquée entre autres la villa Alexandre Dumas avec, sur sa
façade, les noms d'hommes illustres. Les émanations résineuses des pins, l'air vivi-
fiant de la mer toute proche sont très salutaires aux malades qui viennent ici
respirer. Bien plus, le climat supérieur à celui des contrées environnantes rap-
pelle, sinon par la pureté du ciel, du moins par la régularité de la température, le
climat des stations d'hiver les plus fréquentées de la Provence et de la Ligurie.
C'est presque le doux climat hivernal de Cannes et de Menton, cependant Arcachon
est loin de soutenir la comparaison avec les stations de la Méditerranée.
Comme monuments, on ne peut guère citer que l'église gothique de Notre-Dame,
l'église de .St-Ferdinand et sur une place, la statue de Brémontier, ingénieur-
planteur qui arrêta l'envahissement des dunes par des semis de pins. Dans le
quartier de Mouleau, se trouve un sanatorium pour les enfants pauvres ; Arcachon
possède une institution de Dominicains.
Le déjeuner eut lieu devant un paysage splendide ; de la salle à manger nous
embrassions tout le bassin, dont les eaux bleues rappelaient par leurs nuances eelles
de la Méditerranée. Seul l'azur du ciel n'était pas absolument pur. Sur la baie se
balançaient et glissaient mollement une multitude de barques et de petits yachts
aux grandes voilures blanches réunis pour les régates du jour. Dans l'après-midi,
une promenade sur le lac fut pour quelques-uns le plus agréable des passe-temps.
La route d'Arcachon à Bayonne se fit sur sa plus grande longueur dans l'obscu-
rité. Elle fut heureusement coupée par le dîner, pris dans le wagon-restaurant.
Aussitôt arriA'és, et après un peu de confusion dans la distribution des colis,
causée par les ténèbres, chacun s'empressa de gagner sa chambre.
Le lendemain réservait une surprise en même temps qu'un changement d'itiné-
raire. Après une correspondance ardue et nombre de dépêches contradictoires,
notre Directeur venait de recevoir enfin la nouvelle qu'il y avait ce jour-là course
de taureaux à St-Sébastien. Du consentement général, la visite de Bayonne fut
remise au lemieniain et à 7 heures du matin nous prenions le chemin do fer via
Fontarabie. La route offre assez d'intérêt. Le sol moins privé d'eau porte une
culture plus abondante et plu> prospère. On franchit au départ la rivière de l'Adour
et on contourne la ville ; puis, après une série de tunnels, on traverse la Nive. A
quelques kilomètres se trouve la station do Biarritz, dite de la Négresse, précédant
le Bois de Boulogne de Biarritz avec le lac Mouriscot et la mer. Nous la saluons
en lui promettant une prochaine visite.
A Bidart, la voie se rapproche insensiblement de la mer qui présente bientôt un
très beau coup d'oeil. Saint-.Jean-de-Luz entrevu au passage est une petite ville,
autrefois prospère par son commerce maritime et la pêche , aujourd'hui en pleine
décadence. Un souvenir hi.storique s'y rattache, le mariage du grand Roi avec
l'Infante Marie-Thérèse. Beau spectacle à l'entrée de la vallée de la Bidassoa. A
gauche, sur le territoire espagnol, Ij Haya et ses trois sommets, à droite, un beau
château moilernc, la plago d'Hendaye et le lit sablonneux de la rivière. Enfin, la
pittoresque Fontarabie. Pour y monter, on peut quitter la voie ferrée à Hcndaye
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et traverser la Bidassoa. On peut aussi continuer en wagon jusqu'à Iran. C'est le
parti que nous adoptons.
A la gare, visite de la douane espagnole. Très curieux le costume des douaniers :
casquette blanche, pantalon bleu à bandes rouges, veste de drap bleu, l'ensemble
d'une clarté qui dénote le Midi et son soleil. Très consciencieux ces braves
employés : jusqu'aux appareils de photographie, tout doit être présenté à l'inspec-
teur et subir une violente marque à la craie. Encore bien qu'on ne doive pas
montrer les plaques ! Dans la gare , un policeman dort , effondré sur un banc.
Quel accoutrement : toque rouge avec plaque de cuivre et matricule, pantalon
rouge; comme veste une sorte de mac-ferlane en drap bleu très court.
A la porte de la gare attend le tramway poui- Fontarabie. Avant que les mules
attelées en flèche s'enlèvent sous la caresse de la longue chambrière , donnons-
nous l'illusion d'avoir vécu vingt minutes de moins et prenons l'heure de Madrid.
Le trajet est vile franchi. Çà et là sur la route de lourds chariots à roues de bois
pleines, traînés par des bœufs ; des gendarmes vêtus comme nos gardes-cham-
pètres avec en sus un baudrier jaune et un plat bicorne en toile cirée ; des femmes
portant de larges corbeilles sur la tête ; des soldats qui ne marchent pas du même
pied , sans allure régulière , le fusil posé indistinctement sur l'une ou l'autre
épaule ; des mathurins de l'aviso Urania, et au milieu de tout cela des troupeaux,
des pourceaux sur le seuil d'une chapelle. Sur une élévation on aperçoit de
blanches arènes. Nous sommes à Fontarabie. Aussitôt nous sommes assaillis par
une multitude de gamins qui disent parler français. Comprennent-ils seulement
notre langue ? Leurs réponses permettent fortement d'en douter.
FoNT.\RABiE n'a pas seulement un aspect pittoresque, elle offre de plus au voya-
geur les marques d'un caractère nouveau, le caractère tout à fait espagnol Les
rues sont fort étroites et les toits des maisons, prolongés en saillies, tendent à se
rejoindre par dessus la chaussée. Les maisons sont en général misérablement
construites. Quelques-unes; plus importantes, sont massives et surchargées de
sculpture ; certaines ont des balcons en fer ouvragé et portent sur leur façade
armoiries et écussons. On pénètre en ville par une porte très ancienne en partie
écroulée, dont le sommet est couronné des armes de la cité. La rue principale,
Calle mayor, monte vers l'église et le château. L'éf/iise est de style gothique
altéré par la Renaissance. Décorée avec un luxe extraordinaire , on peut la com-
parer à un petit musée, mais le mobilier manque totalement d'unité. De beaux
autels avec des retables en bois doré, des bas-reliefs, des chapiteaux ciselés, des
statues richement habillées, entre autres une Vierge des Sept-Douleurs et un Christ à
Gethsémanie. La conformation de l'orgue est originale ; à côté des tuyaux droits il
en renferme de parallèles au sol qui s'étendent par dessus la tribune. L'église ne
connaît ni le gaz ni l'électricité, la chandelle est son mode d'éclairage.
Nous assistons à un service funèbre. Le défunt est resté à l'extérieur, dans un
caveau pratiqué sous la paroi de la nef. L'assistance est peu nombreuse ; dissé-
minée dans l'église, elle psalmodie sur un ton lugubre. Les chants mêmes du célé-
brant diffèrent sensiblement des nôtres. Les ornements aussi, la chasuble n'est
qu'une large bande d'étoffe à deux côtés sans image ni croix. L'Elévation a lieu au
milieu d'un formidable carillon. On ne connaît point ici l'u-sage des chaises ni la
vente des cierges par les chaisières ; chacun apporte de sa demeure une sorte de
chandelle, roulée comme une saucisse sur une plaque de tôle et qu'on allume par
les deux bouts, légèrement redressés.
Le Château., dit de Charles-Quint, n'est qu'une ruine sans grand intérêt. Dans un
coin de cour sont réunis des petits canons courts avec d'étranges projectiles et
quelques anciens meubles en bois assez curieux. Par des escaliers très irréguliers
quant aux marches, on monte à une plate-forme qui domine la vallée et d'où l'on a
une vue spleudide. En face, le commencement des Pyrénées avec le triple sommet
de la Haya perdu au loin dans les nuages, le Jaisquivel qui porte à sa crête une
caserne d'infanterie et un sanctuaire de Notre-Dame de la Guadeloupe, et, sur ses
flancs, une multitude de petites maisonnettes qui apparaissent semblables à des
jouets d'enfant.
Derrière, la plage de Fontarabie précédée d'une avenue plantée, ses falaises et
ses villas. A gauche, l'important village d'Hendaye avec ses bains de mer, sa plage
et son Casino. Baignant le pied du château, la Bidassoa qui porte dans son lit la
borne-frontière franco-espagnole. A quelques mètres de la terrasse et à la même
hauteur le clocher de l'église, d'oii s'échappent les sonneries bruyantes des cloches
lancées à toute volée. Elles annoncent le départ de la procession de Saint Roch
dont on célèbre aujourd'hui la fête. En tête le clergé avec la croix , puis la statue
du saint suivie d'un groupe considérable de femmes. Elle serpente à travers les
quelques rues de la cité et rentre bientôt à l'église. Les rues d'alentour sont
tortueuses et sales, bêtes et gens s'y pressent pêle-mêle. Les maisons blanchies à
la chaux sont jonchées à l'intérieur de gerbes de maïs, céréale qui joue ici un rôle
considérable : sa tige sert de litière et son fruit, sous des accommodements peu
variés, forme un des principaux éléments de l'alimentation populaire.
Le travail n'est guère en honneur. La principale industrie du pays est la fabri-
cation de paillassons et d'espadrilles. En quittant Fontarabie nous nous dirigeons
vers Irun.
iRtiN n'a pas au même degré que sa voisine le véritable cachet espagnol. Cepen-
dant on en trouve des traces dans les rues étroites et les maisons coiffées de
pignons débordants. La vieille cité s'est singulièrement modernisée : éclairage et
traction électriques. Casino moderne, vastes immeubles sur un large boulevard,
halles couvertes , postes et télégraphes ; elle a de quoi satisfaire aux exigences
modernes. Le seul monument curieux est l'église Nuestra Senora del Juncal. C'est
une vieille construction du XYI"^ siècle à voûte élevée , mais écrasée dans le bas
par une immense tribune. Elle a pour seul accès un portail sur le côté. A côté
d'antiques rétables et de sculptures anciennes représentant les principales scènes
de l'Évangile, elle étale, sur ses murs, des peintures toutes modernes et s'éclaire
à l'électricité. De retour à la gare d'Irun nous prenons au buffet un confortable
repas en attendant le départ pour Saint-Sébastien. Malheureusement , la cuisine
manquait de tout cachet local et nous fi'mies servis à la française. Puis, devant un
Cambio de Monedas, chacun se livra à un agio qui n'avait rien d'efîréné; grâce à la
notable dépréciation de la monnaie espagnole, il fut loisible à chacun de se pro-
curer contre notre botinc monnaie française, un nombre considérable de pesetas
dont l'emploi serait tôt trouvé à Saint-Sébastien.
Saint-Séb.\stien, bien que d'origine très ancienne, est maintenant une ville tout
à fait moderne, mise à la mode par le choix qu'en ont fait pour résidence d'été la
reine régente et le roi Alphonse Xlll. C'est l'un des premiers « bains de mer » de
l'Espagne. Elle occupe un site très pittoresque sur une presqu'île du golfe de
Biscaye, terminée par le mont UrguU. Nous parcourons en voiture les parties
{irincipales de la ville. La Concha d'abord au bout de l'avenue de la Liberté ,
après le pont sur l'Uruméa. C'est une baie aux eaux bleues communiquant
avec la mer par un étroit goulet entre les hauteurs escarpées des monts UrguU et
Igueldo, lesquels se détachent nettement dans le ciel azuré. Dans la baie, entre les
r- 49 -
montagnes, face au palais Miramar ou palais royal, émerge la petite île de Sainte-
Claire.
C'est à cette belle plage de la Concha formée de sable fin et en pente très douce
que se prennent les bains de mer : elle est entourée de belles constructions per-
dues dans les arbustes et les fleurs. A quelques pas un parc , puis un Casino très
joli précédé du beau boulevard de FAlmeda, on arrive à un petit port assez curieux
qu'éclairent la nuit les feux du phare de l'île Sainte-Claire. Dans son voisinage
l'église Sainte-Marie, dans le style Renaissance, avec deux tourelles et un corps
principal en forme de demi-cercle convexe, remarquable par la richesse exubérante
de sa façade et ses autels de proportions monumentales. Malheureusement elle est
totalement dépourvuQ, à l'intérieur, de clarté.
L'église toute proche de Saint-Vincent est un édifice gothique dans le même
goût que la précédente. Au centre de la ville s'étend la curieuse place de la
Constitution. Elle servait autrefois d'emplacement pour les courses et les solen-
nités. Ses maisons d'un style uniforme sont garnies d'arcades et de balcons à
tous les étages. Chacune des fenêtres a été numérotée pour les fêtes dont la place
a été le théâtre. Sur une de ces faces on voit l'Hôtel de Ville. Un des plus beaux
monuments de Saint-Sébastien est sans contredit son palais de la Députation ou
du Conseil général. C'est à l'extérieur un superbe bâtiment dans le style classique.
L'intérieur est vaste et luxueux. Un bel escalier de marbre blanc dominé par un
grand vitrail, qui représente Alphonse VI prêtant .serment de respecter la liberté
basque, conduit à un hall magnifiquement tapissé. Les appartements sont de toute
beauté, particulièrement la salle des délibérations du Conseil et le bureau du Pré-
sident. Au deuxième étage sont installés la bibliothèque, le secrétariat, les salles
de travail, les bureaux, donnant de plain-pied sur un vestibule oii sont exposées
les copies des principales œuvres des maîtres ; ce vestibule est décoré d'un superbe
panneau représentant la Capitulation de Breda. Les dépendances, vestiaires,
lavabo, etc...., sont établis avec une somptuosité extra-moderne. En face du
palais s'étend un jardin public avec une belle cascade, une rivière oii nagent des
cygnes, un canon minuscule que le soleil fait partir à midi , une originale borne
thermométrique et astronomique fondée sur de grandes pierres qui, par leur ordi-
nateur et les flèches qui y sont dessinées indiquent les points cardinaux.
Nous nous dirigeons vers les arènes. Hors de la ville, près de la gare, ces
arènes récemment rebâties sont une jolie construction moresque pouvant contenir
10.000 personnes. C'est là que se donnent les courses de taureaux , dont le peuple
espagnol est si amateur. La nouveauté du spectacle, la mise en scène, l'enthou-
siasme des spectateurs, les cris, les bravos, les sifflets, l'éclat du soleil, la clarté
des costumes, le mouvement des éventails off'rent dans leur ensemble un spectacle
difficile à décrire et excessivement curieux. Gomment ne pas se laisser empoigner !
L'entrée et les évolutions du quadrige, la remise de la clef du toril, le taureau
bondissant dans l'arène, les excitations des écarteurs, l'attaque des piccadors, les
représailles sanglantes de l'animal furieux, le jeu léger des banderilleros , la mise
à mort par l'espada au milieu des applaudissements et des fanfares, l'enlèvement
du cadavre par un quadrige de mules, voilà bien un spectacle unique, capable de
soulever les foules.
Nous assistâmes ainsi à quatre courses et pûmes nous faire une idée exacte de
ces jeux si réputés et du tempérament et des mœurs des Espagnols.
Le soir nous étions de retour à Bayonne.
Bayonne est une place forte très ancienne assise sur l'Adour et la Nive, dans un
joli site, à quelques kilomètres du golfe de Gascogne. C'est une ville mal bâtie et
4
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sans grand intérêt. Elle se divise en trois quartiers : le grand Bayonne, qui se
développe sur la rive gauche de la Nive, renferme un vieux château du XV" siècle
qui fut témoin de la rançon de François P'' en 1521).
Le petit Bayonne, sur la live droite de la Nive et la gauche de TAdour, contient
le château neuf flanqué de 4 tours , construit par la reine douairière d'Espagne ,
Marie-Anne de Neubourg ; Napoléon y détrôna les Bourbons d'Espagne pour
mettre à leur place son frère Joseph et donna une nouvelle Constitution à l'Espagne.
Saint-Esprit, le troisième quartier, a été détaché du département des Landes et
annexé à Bayonne. En haut de ce quartier se dresse la citadelle, qui commande la
ville et le port. Bayonne offre un aspect légèrement pittoresque par ses construc-
tions dans le style espagnol. On y pénètre par les portes, seules tranchées ouvertes
dans les travaux de défense qui entourent encore la ville.
La cathédrale Notre-Dame est le seul monument du Moyen-Age qui reste encore
debout. C'est un édifice de style ogival dans ses parties principales et qui est à
trois nefs : la nef latérale de gauche est seule bordée de chapelles. Celle de droite
est appuyée sur un cloître. Les transepts ne sont indiqués que par l'espacement
des travées, à la naissance du chœur ils sont éclairés par des roses de la plus
grande élégance. Une galerie percée d'arceaux en ogive et décorée de colonnettes
et de trèfle règne autour de la nef et du chœur à la naissance des arcades. Au-
dessus de cette galerie se déroulent deux lignes de larges vitraux coloriés , dont
quelques-uns très anciens.
Un cloître qui servait autrefois de cimetière aux chanoines de la cathédrale est
placé à sa droite. C'est une construction ancienne remarquable récemment
restaurée.
L'ensemble du monument n'a pas encore reçu son complet développement , mais
grâce à un legs fait par un Bayonnais, il y a une cinquantaine d'années, on travaille
constamment à sa continuation et à sa restauration. Ce sera, à n'en pas douter, un
beau morceau d'architecture le jour oii il sera terminé.
Bayonne est reliée à Biarritz par une ligne de tramway qui part des allées de
Paulmy et aboutit à la place de la Liberté, près de la plage, après avoir traversé
la grand'route de Biarritz, bordée de villas sur une grande longueur. Mais, sur la
proposition de l'hôtelier, au lieu de recourir à ce mode de locomotion trop rapide,
nous prîmes de grands breaks pour descendre jusqu'à l'embouchure de l'Adour et
de là gagner Biarritz. Pendant la première partie du trajet nous suivons le fleuve.
Sur sa rive droite l'industrie a élevé un important établissement de forges où l'on
fait principalement des rails, des sommiers et des fils de fer, puis une fabrique de
ciment qui crache une fumée épaisse dans le ciel limpide. De Bayonne à son
embouchure la rivière est bordée de quais où se déchargent les navires ; mais l'en-
treprise commencée est loin d'être terminée : ici le terrain est réservé pour la
construction des cales sèches, là pour des docks étendus. La digue même ne se
développe pas sur toute sa longueur prévue.
Lorsque nous arrivons au phare, la mer est déjà entrée dans le fleuve : la lutte
du courant contre la mer est déjà terminée. Nous avons manqué le spectacle inté-
ressant de la barre. Mais comment regretter la promenade ? A nos pieds, la mer :
dans le fond, Bayonne avec sa citadelle, son agglomération, ses usines, ses quais
et son port ; à droite, le champ de courses de Biarritz, une petite forêt, le cap
Saint-Martin surmonté d'un phare, Biarritz et ses rochers, et tout au fond la masse
imposante des Pyrénées.
Non loin de la mer, à Anglet, se trouve un établissement de filles repenties
appelé le Refuge, et sur la plage entre Biarritz et Anglet, la grotte dite Cùanibre
' — 51 —
d'amour, où périrent engloutis par les flots, Dieu sait quand, deux jeunes amants
que la tradition nomme Lavrens et Saubade.
Biarritz, sur le golfe de Gasgogne, est peut-être la station balnéaire la plus
réputée de France. Elle est fréquentée par la haute société, par l'aristocratie du
Midi et particulièrement par les Espagnols en été, les Anglais, les Russes et
autres étrangers en hiver. Les souverains eux-mêmes ne dédaignent pas de s'y
arrêter. La ville doit la faveur dont elle jouit à l'originalité de son site, à sa plage
magnifique et surtout à son climat tempéré et régulier, qui en fait une station
d'hiver.
La disposition naturelle des falaises, la force des lames qui déferlent sur les
rochers en y creusant da profondes excavations, ont divisé la vaste plage en plu-
sieurs parties distinctes. La grande plage s'étend du cap Saint-Martin au promon-
toire de l'Atalaye, c'est la plus appréciée des baigneurs. Elle est étranglée vers son
milieu par l'hôtel du pèilais, ancienne villa Eugénie, du temps oii y résidait l'ex-
impératrice Eugénie ; lourde bâtisse de pierres et briques. Tout à côté s'est élevée
dernièrement une élégante chapelle russe. Un établissement de bains récemment
construit sollicite vivement la visite des touristes brûlés par le soleil et accablés
par la chaleur. Impossible de résister et bientôt nous voilà plongeant dans les
belles eaux bleues au sein d'une agréable fraîcheur. Le nouveau Casino avec sa
grande terrasse est le centre de l'animation et de l'élégance. Il rivalise de luxe et
d'éclat avec l'ancien Casino, sorte de château aérien au bord d'une falaise escarpée.
Le visiteur qui se promène à la terrasse de cet ancien Casino entend à ses pieds le
bruit des vagues qui se brisent en grondant et, au-dessus de sa tête, comme des-
cendant du ciel, des flots d'harmonie qui tombent d'une galerie vitrée, élevée à la
hauteur d'un troisième étage. Tout à l'entour de vastes hôtels dressent leur façade
régulière et leurs étages désespérants ; ils rappellent aux touristes les stations
méditerranéennes et la foule incessante qui les encombre pendant la saison.
L'Atalaye qui borne la grande plage est un cap autrefois avancé au loin en mer,
mais qui, sous l'effort des vagues et des tempêtes s'est ruiné, aminci, brisé et
éboulé en chaos pittoresque. Sa tête porte encore les ruines d'un vieux château.
Une de ses principales excavations sert d'abri à une petite flottille de pêche.
Plus loin un tunnel de 75 mètres donne accès à une sorte de terrasse prolongée
par un passage dans un rocher, lequel est surmonté d'une Vierge, jusqu'à une
digue moderne destinée à un port de refuge que la mer a déjà détruite. De cette
extrémité la vue s'étend au loin, le long des côtes, vers le Nord et Bayonne, et
sur la chaîne des Pyrénées qui projette vers le ciel les pics de la Rhune, de la
Haya et du Jaisquivel. On a à ses pieds une sorte de bassin oii la mer plus calme
et l'absence de courant permettent aux intrépides de nager vigoureusement. Plus
loin s'étend la deuxième plage, dite plage des Basques, ainsi appelée, dit-on,
parce que les Basques ont coutume de venir s'y baigner en grand nombre, comme
en partie de plaisir, le deuxième dimanche de Septembre. A cet endroit, la mer est
toujours démontée et les lames se brisent et jaillissent en gerbes d'écume très
violentes. Aussi la plage est-elle peu fréquentée.
Comme tous les bains de mer nés à la fortune, Biarritz possède deux quartiers
de ville, assez difficiles à déterminer exactement. L'un, ancien, qui n'offre rien de
remarquable, l'autre, neuf, du côté de la grande plage, bien bâti, couvert de belles
villas, d'hôtels, de chalets pour clubs, voire même de beaux châteaux. C'est dans
ce quartier que se trouve le bel établissement des thermes salins qu'alimentent les
eaux de Briscous.
La vie commerciale est concentrée aux environs de la gare et de la mairie. Le
magasins oflrent aux yeux des promoneurs de magnifiques étalages, oii la beauté
des objets ne le cède qu'à la cherté des prix. La A'ie est chère en effet à Biarritz,
mais s'il y a quelquefois pour le voyageur français, motif à s'indigner contre les
assauts livrés à sa bourse, qu'il tâche de mettre un frein à son mécontentement en
pensant que les étrangers dépensent ici sans compter et que l'or qu'ils prodiguent,
grâce à une exploitation bien comprise, est une source de richesse et de prospérité
pour l'industrie nationale.
Le soir nous couchions à Bayonne, le lendemain nous arrivions à Pau.
M. S.
(A suivre).
EPHEMERIDES DE L'ANNÉE 1898
JANVIER.
5. — Chine. — Arrangement entre la Chine et l'Allemagne ; cession de Kiao-
Tcheou.
.9. — Lille. — Société de Géographie. ASSEMBLÉE SOLENNELLE. — Confé-
rence de M. Chailley-Bert : La Politique coloniale en 1898.
iO. — Chine. — Première conférence à Pékin, au sujet de l'emprunt britan-
nique de 12 millions de livres sterling.
20. — Algérie. — Commencement des troubles antisémites à Alger.
23. — Algérie. — Les troubles d'Alger prennent une extrême gravité : pillage
et incendie das magasins juifs.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
— Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiqiies.
P^KANCE.
liC coiiiinerce de la France en l$97. — D'après le tal)leau que
vient de publier l'adininistration des douanes, le mouvement du commerce général
de la France avec ses colonies et les puissances étrangères est évalué , pour 1897
(importations et exportations réunies des marcliandises de toute .sorte), à une
. — 53 —
somme totale de 9,941 millions ; c'est une augmentation de 419 millions sur Tannée
précédente et de 558 millions sur la moyenne de la période quinquennale anté-
rieure à 1897.
A l'importation, les valeurs ont atteint le chiffre de 5,138 millions. Elles ont été
supérieures de 209 millions à celles de Tannée précédente et de 192 millions à la
moyenne quinquennale.
A l'exportation, le montant des valeurs a été de 4,803 millions ; il est en excé-
dent de 209 millions sur le chiffre de 1896 et de 366 millions sur la moyenne
quinquennale.
Le commerce général comprend, comme on le sait, à l'importation, la totalité
des marchandises étrangères arrivées de l'étranger, des colonies et de la grande
pèche, par terre ou par mer, et déclarées tant pour la consommation que pour le
transit, l'entrepôt, le transbordement, la réexportation ou Tadmission temporaire.
Le commerce général d'exportation comprend la totalité des marchandises qui
sortent efi'ectivement de France, sans distinction de leur origine nationale ou étran-
gère, c'est-à-dire les marchandises reprises au commerce spécial, plus les marchan-
dises étrangères qui ne font que transiter sur le territoire français ou qui sont
transbordées dans nos ports à destination de l'étranger, celles qui ont été extraites
des entrepôts pour la réexportation et celles qui, après avoir été admises tempo-
rairement en franchise, sont réexportées après main-d'œuvre pour l'apurement des
soumissions.
Le commerce spécial comprend, à l'importation : 1" toutes les marchandises
mises en consommation, c'est-à-dire la totalité des marchandises importées en
exemption définitive des droits, et, s'il s'agit de marchandises taxées, les quantités
qui ont été soumises à l'acquittement des droits, soit à l'arrivée, soit après avoir
été déclarées par le transit, l'entrepôt ou Tadmission temporaire ; 2» les sucres
importés des colonies ou de l'étranger et déclarés sous le régime de Tadmission
temporaire.
Le commerce spécial d'exportation comprend : 1" la totalité des marchandises
nationales exportées et les marchandises d'origine étrangère qui, ayant été admises
en franchise ou nationalisées par le paiement des droits et se trouvant, par suite,
sur le marché libre de l'intérieur, sont renvoyées à l'étranger ; 2" les sucres
exportés après raffinage à la décharge des comptes d'admission temporaire.
Dans les chiffres du commerce spécial de 1897, les importations sont comprises
pour 3,956 millions, les exportations pour 3,598 millions. Il en résulte, relative-
ment à 1896, une augmentation de 157 millions pour les marchandises importées et
de 197 millions pour les marchandises exportées.
Tels sont les résultats globaux du mouvement du commerce de la France
en 1897.
Il faut distinguer entre le commerce par terre et le commerce par mer. En 1897,
la valeur totale des transports par mer a été de 6,968 millions (importations et
exportations réunies). Le pavillon français est compris dans ce chiffre pour
3,2.56 millions dont 832 millions pour la navigation avec les colonies et possessions
françaises et la grande-pèche, et 2,424 millions pour la navigation avec Tétranger.
La part de la marine étrangère a été de 3,712 millions.
Les puissances avec lesquelles nos échanges ont eu le plus d'importance en
1897 sont les suivantes : l'Angleterre, la Belgique, les États-Unis, l'Allemagne, la
Suisse, l'Espagne, l'Algérie, l'Italie, la Russie, la République Argentine, le Brésil,
la Turquie, la Chine, les Indes anglaises et le Japon.
Dans nos importations, qui se chiffrent par 3,956 millions au commerce spécial,
les objets d'alimentation entrent pour 1 milliard 29 millions , les matières néces-
- 54 -
saires à rindustric pour 2 milliards 119 millions et les objets fabriqués pour
608 millions.
Comparés à ceux de 189G, ces chiffres sont supérieurs, pour les objets d'alimen-
tation, de 22 millions, pour les matières nécessaires à l'industrie, de 145 millions.
Ils présentent, pour les objets fabriqués, une diminution de 10 millions.
Les exportations comprennent, toujours au commerce spécial, 721 millions
d'objets d'alimentation, 944 millions de matières nécessaires à l'industrie et 1 mil-
liard 933 millions d'objets fabriqués ; comparativement à l'année précédente , on
constate, au commerce spécial, des augmentations de 69 millions sur les objets
d'alimentation, de 108 millions sur les matières nécessaires à l'industrie, de 20 mil-
lions sur les objets fabriqués.
En ce qui concerne la navigation, on remarque la faible part du pavillon national
dans le mouvement des importations. Cette part qui, en 1896, était de 26,77 % du
poids total des chargements est, pour 1897, de 25 "/o- La diminution, bien que peu
importante, est de nature à appeler l'attention de ceux qui se préoccupent de
l'avenir de notre flotte commerciale. On constate, il est vrai, une diminution à peu
près égale pour les navires des pays de provenance. Ces navires qui absorbaient,
en 1896, 45,31 "'„ du fret d'importation n'y ont participé en 1897 que pour 43,53 %•
Par contre , les navires faisant l'iQtercourse entre la France et les pays dont ils
ne portent pas les couleurs (navires tiers), voient s'accroître leur contingent de
27,lé % 6n 1896, ils passent à 31,47 % ^n 1897. C'est surtout pour le transport des
céréales, des bois, des fruits et graines, du coton et des autres matières textiles
que ces intermédiaires sont utilisés. Ils ont presque seuls profité du regain d'acti-
vité qui s'est manifesté vers les derniers mois de 1897 dans les arrivages des céréales,
à la suite de notre mauvaise récolte.
De même qu'à l'entrée, on relève, dans les affrètements à la sortie, une faible
diminution de la part proportionnelle att'érente aux navires français (49,85 % sn
1897 contre 50,85 7o en 1896). Ici , les augmentations se sont produites en faveur
des pavillons des pays de destination , pour lesquels nous trouvons 38,66 % i alors
qu'en 18ii6 leurs chargements représentaient 36,72 7o- Ui^c diminution affecte les
navires tiers à peu près dans la même proportion que nos bâtiments. Ces navires,
qui comptaient 12,43 % en 1896 n'ont plus que 11,49 % en 1897. Rapprochés des
données de l'importation, ces chiffres présentent un écart considérable. La diff'é-
rence en moins à la sortie s'explique par cS fait , que les navires tiers , après avoir
débarqué en France les marchandises pour le transport desquelles ils avaient été
nolisés dans les pays étrangers , relèvent le plus souvent pour les pays où ils ont
été armés ; leurs cargaisons de retour figurent, dès lors, sous la rulirique réservée
aux navires des pays de destination.
11 est intéressant de voir quel a été le produit des douanes. D'apn-s les docu-
ments publiés par l'administration, les perceptions do toute nature opérées en 1897
par le service des douanes pour le compte de l'Etat se sont élevées à 'i77 millions
.381,024 fr. Elles se décomposent ainsi qu'il suit :
Droits d'importation 432.774.847
Droits de statistique 7.163.473
Droits de navigation 7.757.()51
Droits et produits accessoires 5.6."^f).004
Taxe de consommation appliquée aux sels 24.0i9.0'i9
Sommé égale 477.381 .024
II résuhe de ces chiffres , comparativement au total des recettes de 189') , une
— 55 -
augmentation de 8,064,674 fr. Les droits d'importation présentent à eux seuls une
plus-value de 8,855,872 fr. Les autres branches de recettes sont également en aug-
mentation, à l'exception des droits et produits accessoires et de la taxe de consom-
mation sur les sels, qui sont respectivement en diminution de 226,413 fr. et de
997,717 fr.
En ce qui concerne les droits d'importation, l'excédent le plus important a été
réalisé sur les céréales. Ce résultat est dû aux fortes importations de blé et d'orge
qui ont été effectuées en vue de combler le déficit de notre dernière récolte.
J. Raubert.
EUROPE
Sitiintioii coniiiicrcialc et ludustriellc de la Ntiède. — A
la date du 17 février 1896 , M. Rouvier, ministre de France à Stockholm, écrivait :
« L'Allemagne a, dans ces dernières années particulièrement, développé son
commerce d'importation en Suède. Au lieu de 22,55 % dans la période 1871-75, elle
est aujourd'hui parvenue à fournir 34 % des marchandises étrangères introduites
en Suède, tandis que, dans le même temps, les importations anglaises fléchissaient
de 33,03 "/„ à 28,^4 %• »
Le 29 décembre de la même année, dans le rapport commercial relatif à l'exer-
cice 1895, la Légation de France écrivait :
« Un fait reste certain, évident, c'est l'écrasante supériorité de l'Allemagne, qui
est devenue maîtresse du marché après avoir égalé, puis dépassé l'Angleterre. Ce
résultat est dû spécialement à la présence, dans les grandes villes de Suède, d'un
certain nombre de maisons importantes dirigées par des hommes, Allemands d'ori-
gine, d'éducation et de goût, qui ont pris la nationalité suédoise pour la plus
grande commodité de leurs affaires, mais qui restent tellement fidèles à leur pre-
mière et véritable patrie qu'ils se réunissent encore à la légation d'Allemagne pour
y célébrer les anniversaires fêtés à Berlin et à Frederiksrûhe. Ils forment une
clientèle assurée aux fabriques allemandes et éliminent peu à peu du marché les
modèles des eutres nations.
» Le développement de l'esprit d'entreprise chez les négociants français pourrait
seul modifier une situation évidemment défavorable. Ceux-ci se contentent, pour la
plupart, de faire des offres par correspondance ; ils s'adressent souvent à la Léga-
tion, soit par l'intermédiaire du Ministère du Commerce, soit directement, pour
obtenir l'indication d' « agents honnêtes et actifs », propres à s'occuper du place-
ment de leurs produits. La Légation fournit les adresses des agents, en petit
nombre, dont l'honorabilité lui a été le mieux ciffirmée, elle ne peut faire davan-
tage ; mais il est à craindre que la concurrence des offres faites aux mêmes agents
ait pour résultat de faire hausser le taux de la commission d'un intermédiaire aussi
recherché plutôt que la somme des marchandises vendues par lui. »
Enfin, une communication du 18 janvier 1898, exposait les considérations sui-
vantes :
« Malgré les lacunes que peuvent présenter les indications dés statistiques des
importations suédoises. . . ., il est certain que la part de la France reste minime et
qu'elle pourrait être considérablement développée par l'initiative de nos nationaux,
s'ils empruntaient les procédés qui ont rendu les Allemands maîtres du marché
suédois ; ces procédés peuvent se résumer en ceci : représentation permanente sur
place et communications rapides. .. . Tandis que les services de transport entre
- 56 -
rAllemagne et la Suède déjà nombreux, se multiplient et s'accélèrent d'année en
année, les communications maritimes entre la Suède et la France restent lentes et
coûteuses, irrégulières et très peu nombreuses. Les marchandises de petite vitesse
mettent un mois et, parfois, six semaines à franchir la distance de Paris à Stock-
holm ; le prix du fret est assez élevé pour qu'il soit plus avantageux et plus rapide
de faire transiter les marchandises par chemin de fer à travers l'Allemagne jusqu'à
Hambourg ou Lubeck, où elles sont embarquées à destination de la Suède Si,
comme on le dit, une ligne de navigation doit être établie entre la France et les
ports russes du golfe de Finlande, il serait très désirable que cette ligne fit escale
au moins à Stockholm. Elle devrait être composée non de bateaux luxueux mais
de cargo-boats appropriés à la navigation et au commerce de ces parages. »
Ces considérations ont conservé toute leur valeur ; le récent rapport adressé à
son gouvernement par le consul d'Angleterre en confirme l'exactitude.
Dans leur lutte avec l'élément anglo-saxon pour la suprématie commerciale , les
Allemands tirent un grand avantage d'une éducation commerciale habilement
dirigée et d'une facilité particulière à se déraciner, à adopter, avec la nationalité
légale, les habitudes et les goûts moyens des pays ou ils s'établissent. L'Anglais,
au contraire, cherche à implanter et réussit souvent à faire adopter, là où il réside,
ses mœurs, ses modes, son goût, affectant toujours de les conserver sans transiger,
s'isolant, au besoin, plutôt que de se modifier.
D'une façon générale du reste, le progrès des importations étrangères en Suède
est combattu par le développement des industries locales. Celle du sucre en est
l'exemple le plus frappant ; tandis qu'en 1892 la Suède importait 31 millions de
kilogrammes de sucre brut ou raffiné (non compris les sirops et mélasses), pour
une valeur de 9,448,000 couronnes, en 1896, cette importation était tombée à
4,823,000 kilogrammes, valant 1,247,000 couronnes.
En quelques années, l'industrie de la raffinerie a été introduite en Suède, la
culture de la betterave s'est développée en Seanie et à Gotland, . et le pays a cessé,
à peu près, d'avoir à s'adresser à l'étranger pour cette denrée. La production du
sucre brut de betterave qui, de 4,298 tonnes en 1885, est passée à 26,842 tonnes en
1892, 43,167 tonnes en 1894, 63,473 tonnes en 1896.
Le même phénomène s'est produit dans d'autres industries, quoique d'une
manière moins complète. C'est ainsi que, dans l'industrie du fer, la Suède qui
fabriquait surtout le métal brut, aujourd'hui l'affine, le transforme, pour son
marché intérieur, en outils, machines, instruments aratoires de toutes sortes et
envoie à l'étranger sinon encore beaucoup de pièces achevées, du moins des maté-
riaux parvenus à un degré avancé de préparation qui lui assurent, entre autres
bénéfices, celui de la main-d'œuvre. C'est ainsi, également, que, dans l'industrie
du bois, ce ne sont pas seulement des troncs bruts, des madriers, des planches,
que la Suède expédie au dehors, ce sont des châssis de fenêtres, des portes en
blanc, des parquets prêts à être posés. Les procédés les plus perfectionnés de la
fabrication mécanique américaine ont été introduits en Suède par quelques indus-
triels entreprenants.
Le rapport du consul anglais apporte une preuve frappante du développement
industriel de ce pays, en constatant que, tandis que l'importation des produits
fabriqués anglais diminuait, les envois de charbon ont, au contraire, doublé
depuis 1886.
En présence de ce développement de la production Scandinave , la France doit-
elle abandonner l'espérance de prendre une place importante sur le marché
suédois ? Nullement, il semble, au contraire, qu'à mesure que se développera la
— 57 —
richesse du pays, la France devrait y trouver un marché cliaquc jour élargi pour
ses industries de luxe et ses produits artistiques.
Mais on ne saurait demander au commerce de détail suédois de faire seul tout
l'eftort pour répandre nos modèles. C'est à nos fabricants qu'il appartient d'envoyer
des représentants soit spéciaux, soit collectifs, qui mettent les Suédois en présence
des produits dont ils admettent volontiers, d'avance, la supériorité, mais qu'ils ne
sauraient assumer l'initiative, la peine et les risques d'aller chercher ; il faut qu'on
les leur apporte.
Il est un point qui n'a pas été abordé dans le rapport du consul anglais, non
plus que dans ceux de la Légation et qui, tout en échappant aux statistiques,
touche de très près aux rapports commerciaux de la Suède avec les autres puis-
sances. C'est la part des capitaux étrangers dans les affaires industrielles suédoises;
il serait difficile, à cet égard, d'obtenir des chiffres précis. Il est cependant certain
que dans ce pays oii l'argent est rare, l'intérêt élevé (celui des dépôts à vue dans
les banques est communément de 2 Vo, au lieu de 0,50 chez nous), le développe-
ment récent de l'industrie s'est fait en partie avec le concours de capitalistes
étrangers, surtout anglais et allemands.
On peut signaler, comme une marque de l'intérêt que les affaires industrielles
suédoises éveillent en Angleterre, l'arrivée prochaine d'un groupe important d'in-
génieurs et d'usiniers anglais qui se rendent à Stockholm à titre privé. Le roi,
officieusement prévenu de leur passage, a attaché à leur visite assez d'importance
pour exprimer l'intention de leur accorder une audience et d'entrer en rapport
avec eux.
Il est regrettable, en ce qui concerne la France, que ses relations financières
avec les États Scandinaves se bornent à la conversion de quelques emprunts d'Etat
et que, dans ce pays comme dans beaucoup d'autres, se vérifie cette assertion
qu'elle n'a plus guère d'autre produit à exporter que son argent.
H. Marcel,
Ministre de France à Stockholm.
Ll'ilidiistric du coton et sa production dans l'empire
russe. — Nous empruntons ces détails sur l'industrie russe du coton à un rap-
port de l'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg :
« L'industrie du coton a fait en Russie, durant les cinquante dernières années,
d'énormes progrès. Tandis qu'en 1843 l'empire russe ne possédait que 350,000
fuseaux, dont la production respective ne dépassait pas un poud le fuseau , on
compte actuellement environ 5,000,000 de fuseaux, fournissant 2 pouds 1/2 chaque.
De plus, on constate que durant les vingt dernières années, le but poursuivi par la
Russie a été d'amener l'industrie nationale à n'employer que des matières premières
produites dans l'Empire et à ne se servir que de la main-d'œuvre russe.
Ainsi a-t-on vu à Saint-Pétersbourg, Lodz, Moscou, Swanvo, Wesnezenza se
fonder des usines pour fournir les machines nécessaires aux établissements de
tissages, d'apprêts et aux fabriques d'indiennes.
Il est vrai que jusqu'à présent on continue, comme par le passé, à faire venir de
l'étranger les moteurs ainsi que les métiers à filer, mais on peut prévoir le moment
prochain oiî les usines nationales qui se créent journellement de toute part fourni-
ront au commerce des machines russes pour remplacer les moteurs étrangers. Il
n'en est pas de même pour la fabrication des machines spéciales à la filature , car
l'installation des usines nécessaires demanderait de très importants capitaux et les
commerçants russes ne prévoient pas l'écoulement facile des produits de cette nou-
r)8
velle industrie. On peut donc espérer que l'importation des machines et appareils
étrangers nécessaires à la filature n'aura pas à craindre la concurrence locale. Il
est triste de dire que notre commerce a peu d'intérêt à la question, l'Angleterre
important presque toutes ces machines.
A l'heure actuelle , le coton travaillé en Russie est fourni pour plus d'un quart
par la production nationale du Caucase et des provinces russes de l'Asie centrale.
Il faut cependant constater que le coton de ces régions (Khiva, Boukhara, Samar-
kand, Tachkent et aussi dans le Caucase) est assez grossier, les filaments ne sont
pas longs et comme qualité il approche de beaucoup de celui des Indes orientales.
Cependant, dans la province de Tachkent, des plantations faites avec des graines
américaines ont fourni un coton aussi bien, sinon supérieur, à celui produit par les
États-Unis.
Grâce aux mesures protectrices du gouvernement impérial , les plantations de
coton ont pris en Russie un développement considérable, elles couvraient 61.000
déciatimes de terrain en 1887, elles en sont en 1893 évaluées à 136,000 déciatimes,
soit en six ans un accroissement de 12.5 %•
Mais si l'on consulte les dernières statistiques, on constate que dans le Turkestan
2,200,000 déciatines sont destinées à cette culture , dont plus de la moitié a déjà
obtenu le drainage nécessaire à leur mise en culture. En calculant que le quart de
ces champs seulement peut être annuellement ensemencé, on obtient un résultat
dépassant de vingt-sept fois les chiffres indiqués précédemment. D'autre part, de
nouvelles plantations ont été fahes dans le Transcaucase et dans le gouvernement
d'Érivan, dont les régions cultivées donnent déjà 660,000 pouds de coton par an.
Les fabriques de l'Empire travaillent environ 12 millions 1/2 de pouds de coton
(soit 20i,750 millions de kilogr.) par an, ce qui représente un dixième de la pro-
duction totale de l'Europe et des Etats-Unis. .Jusqu'à présent l'étranger fournissait
la plus grande partie de cette consommation (environ 9,000,000 de pouds), et les
principaux clients de la Russie étaient l'Amérique, l'Egypte, les Indes orientales
et la Perse, fournissant surtout les qualités moyennes middling good, middUnge et
middling fair.
Le tableau suivant donne les chiffres des importations du coton en Russie :
Ajinées.
1883...
1884...
18a5. . .
1886...
1887...
1888...
1889. . .
1890. . .
1891...
1892...
1893. . .
1894. . .
1896. . .
1897...
Quantités
'Valeur
en
en
pouds.
roubles.
8.090.000
93.864.000
0.277.000
76.170.000
0.. 378. 000
(u.9(i7.000
7.2/18.000
71.980.000
i 0.0.-/). 000
90.430.000
6.890.000
68.248.000
8. 020. 000
83.509.000
7.69.->.000
79.121.000
7.J31.000
69.. 397. 000
i).40().(K)0
8r).l.ô4.000
7.444.000
62.407.000
11.200.000
89.400.000
i).2.-)7.000
»
9. uryj. 000
»
- 59 -
Si on jette maintenant un regard sur les statistiques fournies au sujet de l'im-
portation des cotonnades, dont le tableau vient ci-dessous, on constate que l'impor-
tation étrangère faiblit graduellement et en raison de l'essor que prend l'industrie
nationale. A l'heure actuelle , les cotonnades importées ne représentent plus que
1/80 de la production russe.
IMPORTATION DES COTONNADES EN RUSSIE.
Importation Valeur
en en
Années. pouds. roubles.
1883 220 000 10./i38.000
1884 1(36.000 8.r)13.0()0
1885 174.000 7.774.000
1886 169.000 7.690.000
1887 219.000 9.644.000
1888 263.000 10. 02."). 000
1889 271.000 9.837.000
1890 228.000 8.609.000
1891 148.000 4.868.000
1892 114.000 3.887.000
1893 127). 000 4.151.000
1894 139.000 4.069.000
1896 69.646 »
1897 59.944 »
L'importation étrangère fournit en première ligne les fils à coudre et à broder
que l'industrie nationale ne produit jusqu'ici que d'une façon très limitée , mais les
progi'ès rapides des dernières années ne permettent pas de douter que dans un
avenir très proche cette importation ne devienne presque nulle.
L'importation des tissus de coton a faibli également pendant la période de treize
années, 1883 à 1894, sur lesquelles seulement j'ai les données statistiques du
tableau suivant, mais cette tendance n'a fait, que s'accentuer durant les trois der-
nières années.
IMPORTATION DES TISSUS DE COTON.
Importation Valeur
en en
Années. pouds. roubles.
1883 45.400 2.866.000
1884 38.800 2.099.000
1885 a5.000 2. .384. 000
1886 29.600 1.840.000
1887 21 .500 1 .4.35 000
1888 19.400 1.100.000
1889 27.000 1.017.050
1890 25.500 1.491.000
1891 22.400 1.318.000
1892 14.300 930.000
1893 14.000 874.000
1894 16.900 1.081.000
— 60 -
Il faut observer que ces importations comprennent les tissus de qualité supé-
rieure, ainsi que les nouveautés de la mode que fournissent seuls les marchés
étrangers.
Notre commerce français n'a cependant pas à s'inquiéter beaucoup de cette dimi-
nution, car nos tissus fins et de luxe ne pourront de longtemps trouver de concur-
rence dans la fabrication russe.
L'exportation des cotonnades russes joue un rôle beaucoup plus important dans
l'industrie des cotons de l'Empire. La Chine, la Turquie, la Roumanie, la Perse
sont des clients sans cesse plus importants. La Perse spécialement a augmenté
sans discontinuer ses demandes durant les dernières années et on constate à l'heure
présente qu'un tiers des cotonnades vendues sur les marchés persans est fourni
par la Russie. Ce succès du commerce russe est d'autant plus flatteur pour les
produits de l'Empire que la lutte contre le commerce anglais dans les provinces
persanes a été acharnée.
Les Anglais avaient en leur faveur l'avantage de la proximité d'un marché inter-
national de coton tel que Liverpool, auquel ils pouvaient demander au fur et à
mesure de leurs besoins la matière première nécessaire. Les négociants russes au
contraire n'ayant pas près d'eux des marchés de coton importants devaient se
fournir de stocks considérables et consacrer à leurs achats des capitaux nombreux
destinés à rester quelquefois longtemps improductifs.
D'autre part, les Anglais profitaient d'nn fret maritime très bas , tandis que le
fabricant russe était obligé d'expédier ses produits par voie de terre à d'énormes
distances. Enfin le bas prix du combustible , l'usage des machines et appareils
nécessaires à cette industrie et de nature très perfectionnée , l'excellent enseigne-
ment et enfin l'emploi d'un personnel et d'ouvriers très experts , tout concordait à
donner au commerce anglais une situation exceptionnelle, aussi faut-il reconnaître
que la fabrication a dû à sa seule supériorité la place prépondérante qu'elle s'est
faite sur un terrain déjà conquis par le commerce étranger.
Le nombre actuel des broches en activité en Russie est d'environ six millions et
demi de pièces. Il était en 1892 de 4,331,508 et les métiers se trouvaient au nombre
de 100,630. L'Angleterre possédait d'après les statistiques de 1891 , 44 millions de
broches à elle seule, soit environ un demi du total universel, mais il faut observer
que les métiers russes travaillenf sans interruption jour et nuit.
La fabrication russe produit surtout les cotonnades et tissus communs. »
ASIE.
ludo-Chiiic — C.'licmins ilc fer. — M. Doumer, gouverneur-général,
qui vient d'arriver en France , doit s'occuper pendant son séjour à Paris , de la
question des chemins de fer à construire dans notre vaste empire indo-chinois.
Actuellement , la seule ligne de chemin de fer existante est celle de Saigon à
Mytho, de 70 kil. de longueur. La direction des travaux publics d'Indo-Chine a
élaboré un plan d'ensemble des lignes à construire en les classant en trois caté-
gories, suivant leur ordre d'urgence. Parmi les lignes de première urgence, on
voit celle de Haïphong à Hanoï et Lao-Kaï vers la frontière de Chine, de Hanoï à
Nam-Dinh, au Tonkin, de Tourane à Hué en Annam. La banque de l'Indo-Chine,
d'accord avec les principaux établissements financiers de Pafis , a envoyé sur les
lieux une mission d'ingénieurs qui a élaboré des avant-projets permettant de fixer
les bases générales d'exécution des diverses lignes. (
- 61 —
La banque étudie les offres qu'elle a reçues de diverses maisons françaises pour
l'exécution, de manière à préciser la question et à être en mesure dé la discuter
utilement avec M. Doumer pour arriver à la conclusion d'un contrat de concession.
Sitiiatiou écouoinif|ue <lc l'Iiiclo-C'hInc au moi» de jauvier
1898. — (Lettre au Ministre). — Les rapports économiques qui me sont par-
venus des diverses parties de Tlndo-Chine, pour le mois de janvier dernier,
signalent partout la situation comme très satisfaisante.
Cependant , quelques provinces de l'Annam se ressentent encore de la disette
don elles ont eu à souffrir dans les derniers mois de l'année 1897. L'administration
du protectorat et la cour de Hué se sont efforcées de leur venir en aide dans la plus
large mesure possible, et la situation s'améliorera vite si, comme il est permis de
l'espérer, la récolte donne de bons résultats.
Agriculture. — Le rendement des rizières , ainsi que vous l'a exposé sommaire-
ment mon dernier rapport, aura été inégal pour les diverses régions, même d'un
seul pays comme la Cochinchine, ou les pluies persistantes ont pu compromettre
la récolte dans certains arrondissements, ou le Tonkin, oii la sécheresse prolongée
a pu faire naître des appréhensions pour l'avenir de la récolte, dans quelques
régions. Toutefois, le rendement sera, en moyenne, celui d'une année ordinaire.
Des essais fort encourageants ont été faits en plusieurs endroits de la Cochinchine
et du Tonkin avec différentes variétés de riz de Java. Les résultats en sont tels ,
que le riz de Java prendra, selon toutes prévisions , une place importante dans les
rizières de l'Indo-Chine. Par contre , les variétés de Birmanie n'ont pas répondu
aux espérances mises en elles , et se trouvent délaissées par ceux qui en avaient
fait l'essai.
Les cultures diverses prêtent à quelques remarques intéressantes. Au Tonkin
entre autres, les semis de pavot à opium, ont parfaitement réussi, en particulier
dans les cercles de Cao-bang, Lao-Kay, Yen-Bay et Bao-Lac.
Dans celui de Mon-Cay, la culture de la badiane prend, de jour en jour, une
importance plus grande.
La laque donne lieu à un commerce actif dans la province de Hun-Hoo. Cette
sécrétion d'insectes, de fourmis rouges particulièrement, est très estimée par les
indigènes qui s'en servent pour teindre leurs étoffes et aussi se laquer les dents.
La récolte du sucre à Quang-Naï, principal centre de la production en Annam ,
promet d'être fort belle. Pendant sept ou huit mois de l'année , la population
entière de la région est occupée à la culture de la canne et à la fabrication du
sucre. Bien qu'inférieure à la canne des Antilles, celle du Quang-Naï est assez
sucrée, et particulièrement robuste. 11 serait utile qu'elle serait connue davantage
des industriels ou importateurs français. Cependant, le commerce du sucre tend à
se développer. L'exportation qui s'était élevée à 2,287,275 kilogrammes en 1892, a
atteinc 5,881,229 kilogrammes en 1896. Cette situation s'améliorerait encore très
certainement.
En Cochinchine , les plantations de café prospèrent en plusieurs endroits. Le
« libéria » réussit mieux que les autres variétés. Il donne surtout de bons résultats
dans les terrains élevés et riches en humus.
Les poivrières de Hatien sont très belles et le rendement en sera considérable
cette année.
Une culture à propager même en Cochinchine, dans la haute région, est celle du
thé ; des expériences d'acclimatement vont être entreprises sur les flancs de la
- 62 -
montagne de Tayninh, avec des graines de thé de Chine et de thé de Goylan que
j'ai demandées à nos consuls de Shanghaï et de Colombo.
La récolte de la Ciirdamome au Cambodge et au Bas-Laos est des plus satisfai-
santes. Les plantations se multiplient. Le Bas-Laos seul en a produit 2,00() piculs
pendant la saison. Le picul valant en moyenne 20 piastres, c'est 40,00() piastres que
cette exploitation a pu rapporter à la population indigène.
Concessions. — Les demandes de concessions agricoles deviennent de plus en
plus nombreuses dans toutes les parties de Flndo-Chine. C'est là une preuve, à la
fois de la confiance que nos nationaux apportent en l'avenir de l'œuvre de coloni-
sation en Indo-Chine, et un témoignage des progrès que fait chaque jour, en France,
l'idée d'expansion coloniale.
En général, les colons s'occupent sérieusement de leurs exploitations. Mais
beaucoup, particulièrement en Cochinchine, éprouvent de réelles difficultés à se
procurer la main-d'œuvre qui leur est indispensable.
Je m'occupe d'une façon toute spéciale de cette importante question. Elle inté-
resse, en effet, au plus haut point, la colonisation européenne. Vous savez d'ail-
leurs que cette situation n'est pas particulière à l'Indo-Chine. Nos colonies de la
Nouvelle-Calédonie et de la Réunion, entre autres, et les colonies étrangères de
l'Extrême-Orient, souff'rent de la même pénurie de la main-d'œuvre.
Epizootie. — La peste bovine, dont mes rapports précédents vous ont signalé
l'existence en divers points de l'Indo-Chine , n'avait pas complètement disparu au
Tonkin, à la fin du mois de janvier. Mais elle était en décroissance et toutes les
mesures avaient été prises pour l'enrayer.
Mines. — L'exploitation des mines de charbon se poursuit régulièrement au
Tonkin. On a extrait à Hongay, dans le courant du mois de janvier, 5,600 tonnes
de charbon ; 15,600 tonnes ont été exportées.
Kébao a produit 9,540 tonnes et en a exporté 4,525.
Des fouilles sont pratiauées actuellement dans le cercle de Lao-Kay.
Le vapeur anglais Sulbert a emporté à destination de Shanghaï, les 1,200 tonnes
de charbon qui constituaient tout le stock d'approvisionnement de la Société des
houillères de Nong-Son (Annani).
Conunei'ce. — F'artout, en Iiulo-Chine, les marchés ont été généralement très
animés pendant la première (juinzaine de janvier, mais les transactions, comme de
coutume, presque totalement suspendues pendant les fêtes du « têt ». Ce n'est
qu'à la fin du mois que les marchés ont repris leur physionomie habituelle. 11 n'est
pas sans intérêt de constater que les marchés du cercle de Gao-bang au Tonkin,
ont été fréquentés par un grand nombre de marchands chinois, qui ont apporté et
vendu un certain stock d'articles européens. Malheureusement , tous ces articles
sont de fabrication anglaise et allemande.
Dans le Haut-Laos également , ce sont les produits anglais et allemands qui se
vendent. .le ne crois pas qu'il y ait là seulement l'indice d'un manque d'initiative
de la part de nos commerçants. Il faut constater aussi, une fois de plus, que l'une
des causes de notre insuccès vient de ce que nos articles ne répondent ni au goiît,
ni aux besoins des populations auxquelles ils sont destmés.
Sans doute, ils sont, en général, supérieurs aux produits allemands, mais par
cela même, ils coûtent beaucoup plus cher et, puisque l'indigène se contente de
produits inférieurs, il est de l'intérêt immédiat du vendeur de lui en fournir.
• - 03 -
Lorsque les produits étrangers auront complètement, ou à peu près disparu de nos
marchés, il est possible qu'on puisse imposer à l'acheteur le goût du tiibricant et
développer chez l'indigène le désir de remplacer la marchandise de qualité infé-
rieure, mais à bon marché, par les produits plus chers et plus durables. Mais
jusqu'à ce que ce moment soit arrivé , il faut lutter avec les armes dont se servent
nos adversaires.
En résumé, la situation économique des pays de l'Indo-Chine est pleinement
rassurante. Il se produit sans conteste, sur tous les points du territoire, un mou-
vement en avant, une extension de la production et des échanges, un développe-
ment de la colonisation dont nous pouvons hautement nous féliciter.
Signé : Paul Dou.mer.
Saigon, 30 Mai 1898.
{Revue coloniale).
liC coiiinicrce «le la Sibérie. — Extrait d'une correspondance adressée
à la Chambre do commerce française de Gonstantinople par son correspondant de
Varsovie et publiée dans le dernier Bulletin de cette Chambre :
« La Sibérie, que sillonnent déjà des trains réguliers parcourant d'immenses
espaces, commence à attirer les voyageurs désirant faire connaissance avec les
conditions économiques, ethnographiques et autres de ce curieux pays.
Déjà, des capitalistes étrangers, parmi lesquels les Français brillent par leur
absence complète, plantent leurs jalons afin d'aller à la conquête de nouveaux
débouchés et d'établir, en même temps, les bases d'une exportation rationnelle de
matières premières.
La Sibérie, malgré ses immenses et presque inépuisables richesses minérales, ne
fabrique encore rien ; aussi a-t-elle besoin de l'Europe pour tout ce qui touche aux
produits de première nécessité.
Jusqu'à présent, les marchés sont exploités, pour la plupart, par des fabricants
et des marchands de Moscou, qui se rendent annuellement aux foires de Nijni-
Novgorod et d'irbit, à 409 kilomètres est de Perm. Là, entre Russes, Sibériens,
Boukhares, Tartares, Persans, Grecs et Arméniens ont lieu les transactions qui
alimentent le commerce de ces régions qui, jusqu'alors, n'étaient praticables qu'aux
Russes par la voie de terre.
Le gouvernement de Varsovie, qui est un grand centre de production pourtant,
s'était contenté, jusqu'à ce jour, de vendre ses produits aux marchands de Moscou,
qui les écoulaient ensuite en Sibérie , prélevant sur eux des bénéfices immenses.
Les Anglais et les Allemands procèdent d'une tout autre manière. Je citerai
pour exemple l'expédition du capitaine Wilkins qui, l'automne dernier, a pénétré
jusqu'à l'embouchure de l'Oka par la mer de Kara et qui, en échange d'un charge-
ment de pacotille, enlève du blé et une jolie quantité de roubles supplémentaires.
Le fret de Londres montait de 20 copecs de poud (16 kilog. 360 liv.), et la plupart
des marchandises importées étaient entrées en libre franchise.
Les Moscovites, il est vrai, effrayés par cette intrusion britannique, ont supplié
le Ministre des Finances de faire jouer, pour les produits importés par le canal de
l'Océan glacial, le garrot fiscal avec lequel on étrangle l'importation étrangère en
Russie. L'année 1898 a donné satisfaction aux desiderata du commerce de Moscou.
Les Allemands ne s'endorment pas non plus : le puissant développement de leur
marine marchande les met à même de réduire, à minima, les frais de transport, et
étant donné que leur industrie progresse de jour en jour, ils arriveront facilement
à se créer, dans ce véritable Nouveau-Monde qu'est la Sibérie, de solides débouchés.
- 64 -
.... Les deux points sur lesquels, pour le moment, se dirigent l'attention, sont
Tonisk et Omsk. Le voyage de Moscou à Tomsk coûte actuellement 9 roubles, soit
23 fr. 84 et 18 roubles en première avec lits pour la nuit. Les trains sont munis
d'un restaurant et d'un bar qui ne ferment jamais.
A mon avis, des Sociétés devraient s'organiser à l'effet d'acheter sur place des
peaux d'animaux qui abondent en Sibérie , et qui ne s'obtiennent que de troisième
main aux foires de Nijni-Novgorod.
Le commerce français, de par les voies de communication de terre et de mer qui
lui ouvrent le cœur de la Sibérie, doit, d'ores et déjà, faire tout son possible pour
créer des comptoirs là oii il est possible d'acheter à bon compte les produits indi-
gènes et d'écouler, dans les mêmes conditions avantageuses, les produits manufac-
turés de l'industrie française, ainsi que les vins et spiritueux.
.... Le Transsibérien n'est pas encore achevé que l'on pense déjà à Pétersbourg
à pousser le Transcaspien au delà des possessions afghanes et de le réunir aux
réseaux des chemins de fer indiens de l'Est, à peu de distance de Cachemire. Ce
point est éloigné de 720 verstes de la Samarcande russe. Sur ces 720 verstes de
parcours, 120 traversent les possessions afghanes, 250 traversent le territoire russe
et 50 les terres anglo-indiennes. Cette ligne serait plus longue si elle avait comme
point de départ Caboul. Ce projet a une très grande importance pour le commerce
européo-asiatique, et serait d'une importance non moindre, au point de vue du
transit, pour la ville de Varsovie oii aboutissent les chemins de fer à double voie
et commencent les voies simples. »
II. — Généralités.
lie premier port du nioude. — New- York, va dépasser Londres.
— Progrès énormes depuis deux ans. — Un des passages les plus frappants du
rapport annuel que va publier M. Chamberlain, commissaire de la navigation à
Washington, est celui oii il est dit qu'à la fin de l'exercice courant, c'est-à-dire le
30 juin 1899, ÎS'ew-York sera le premier port du monde entier, alors que Londres
l'nura été pendant des siècles.
Les statistiques du Board of trade anglais constatent , en effet , qu'à Londres ,
pendant l'année 1897, les entrées et sorties des navires faisant des voj'ages de long
cours ont représenté un tonnage total de 15,797,059 tonneaux , ce qui consti-
tuait une augmentation de 215,000 tonneaux par rapport à l'année précédente.
Pendant l'année finissant le 30 juin 1898 , les entrées et sorties de New-York de
navires faisant des voyages de long cours ont donné un tonnage total de 15,343,242
tonneaux, soit une augmentation de 1,131,727 tonneaux par rapport aux douze
mois précédents.
Si , comme tout porte à le croire , l'augmentation de tonnage se maintient en
faveur de New- York , avant la fin de l'exercice courant , le premier port du monde
sera en Amérique.
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LE secrétaire-général,
LE secrétaire-général ADJOINT , A. MERCHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
Lille Imp.LDaneL
05 —
SEANCE SOLENNELLE
du Dimanche 22 janvier 1899.
RÉCEPTION DE L'ADJUDANT DE PRAT
C'est le dimanche 22 janvier que s'est tenue notre Séance solennelle.
La cérémonie empruntait cette année un éclat exceptionnel à ce fait que la
Société de Géographie de Lille recevait solennellement l'adjudant de Prat , le
Lillois, compagnon de Marchand. Aussi, avant 3 heures, la salle était comble : la
Commission des fêtes était sur les dents et multipliait ses efforts pour placer tout
le monde ; malgré tout, beaucoup ont dû rester debout près des diverses entrées,
quelques-uns même n'ont pu trouver place et ont dû rebrousser chemin.
Pour la première fois depuis sa fondation, la Société do Géographie de Lille a
été privée en sa Séance solennelle de la présence de son cher Président. M. Paul
Crepy, souffrant, a dû fuir la rigueur de notre climat du Nord, pour aller chercher
le soleil et l'air pur sur les bords de la Méditerranée, d'où certainement sa pensée
nous a suivis pendant toute cette après-midi.
En son absence, c'est à M. Ernest Nicolle qu'est échue la présidence. Sur l'es-
trade, autour de lui, avaient pris place le général Allard, gouverneur de Lille,
Vatin, préfet du Nord, Margottet, recteur de l'Université de Lille, MM. le capitaine
officier d'ordonnance du général Allard ; le chanoine Pillet, Eeckman, Quarré-
Reybourbon, Auguste Crepy, Gcdin, Fernaux-Defrance, Beaufort et les autres
membres du Comité de la Société.
M. Ernest Nicolle, en ouvrant la sé^ce, s'exprime en ces termes :
Mesdames, Messieurs,
En ouvrant cette séance mon premier devoir est de remercier les
hautes autorités qui ont bien voulu prendre place au bureau : M. le
général Allard, gouverneur de Lille, M. le préfet du Nord et M. le
recteur de l'Académie de Lille. Leur présence à notre séance montre
comment sont appréciés nos efforts pour développer l'étude et l'action
géographiques. J'en trouve une autre marque dans les envois faits par
M. le Ministre des Colonies, M. le Ministre du Commerce et M. le
Ministre de l'Instruction publique , de huit prix dont nos jeunes
lauréats seront reconnaissants, de même que nous.
— OG -
C'est la première fois que M. Paul Crepy, notre cher et digne Pré-
sident, a dû abandonner la présidence de cette réunion, où s'établit
pour ainsi dire le bilan annuel de notre Association. A mon sentiment
de l'honneur d'occuper sa place se mêle un regret que vous partagez
assurément en pensant à la privation que lui impose Tabsence.
Notre Société, c'est son œuvre, aidée de votre concours, et il suffit
de jeter les yeux sur cette Assemblée pour constater sou succès,
succès grandissant d'année en année parce que, de longue date, notre
Président a su le préparer. Nous lui enverrons d"ici un souvenir ému,
plein de respect et d'affection, avec nos souhaits d'un prompt retour.
Que signalerai-je à votre attention depuis un an ? Toutes nos branches
ont suivi leur marche progressive,
A Lille, nous avons eu 33 conférences ; nous en comptons 10 à Rou-
baix et autant à Tourcoing. Elles embrassent un horizon vaste et
varié : l'histoire des découvertes, celle des colonies, la politique colo-
niale, la géographie descriptive, la géographie économique, la mer et
la navigation, le tourisme, l'alpinisme, l'archéologie, et j'en passe.
Dans la plupart, les projections ont accompagné les descriptions, les
complétant heureusement ; souvent le mérite artistique des photogra-
phies nous a tous frappés.
Je ne crois pas m'illusionner en pensant que le niveau de nos confé-
rences ne cesse pas de s'élever, et que la participation de plus en plus
active de nos Sociétaires n'est pas étrangère à cet heureux mouvement.
Je m'abstiens de citer en particulier les conférences et les conféren-
ciers, il faudrait, pour être juste, citer tout et ne rien laisser pour le
rapport de notre Secrétaire-Général, et puis, parler si longtemps que
nos Sociétaires s'impatienteraient. *
Pour les excursions : voyages au loin et dans le voisinage, visites
-économiques, industrielles, artistiques , archéologiques. Visites de
grands établissements d'enseignement, rien n'y manque, toutes les
aspirations ont pu y trouver leur compte, (^est que nos organisateurs
sont infatigables et habiles. Pour eux et leurs œuvres, comme pour les
conférenciers, je dois à regret rester dans les généralités.
Notre Bulletin est toujours le recueil intéressant auquel chacun
rend justice, un des attraits de notre Société. Vous y avez vu cette
année ce qu'a été, ce que sera le cours de géographie commerciale de
Roubaix, et aussi l'annonce du cours de topograpliie de Lille ; je vous
en reparlerai dans la suite de la séance.
Le concours de 1898 est aussi fort satisfaisant ; Notre Président,
après son examen des copies des élèves de l'Ecole supérieure de com-
merce , s'exprimait ainsi ; « Je suis vraiment surpris de constater
» comment ces jeunes gens connaissent les choses géographiques, les
» comprennent et les raisonnent; peut-être doivent-ils tout cela à leur
» excellent professeur ». Ce sont ses expressions textuelles. Nous
sommes de cet avis ; ils le doivent sûrement à leur excellent profes-
seur qui n'est autre, vous le savez, que M. Merchier, notre sympathique
Secrétaire-Général, qui, avec son talent d'exposition et sa grande
compétence professionnelle, vous parlera tout à l'heure en détail de
ce que je n'ai fait qu'efUeurcr d'une manière générale et rapide.
Ce discours est fréquemment interrompu par de chaleureux applaudissements.
H. Haumant, professeur à l'Université de Lille, a bien voulu se charger de la
conférence à faire. Il doit nous parler de l'ancienne Moscovie ; mais voilà que, pris
d'un malaise subit, il a dû avoir recours à l'antipyrine. Il sollicite avant de
commencer un répit de quelques minutes, c'est pourquoi la parole est donnée
d'abord au Secrétaire-Général pour la lecture du rapport sur les travaux de l'année.
Mes chers Collègues,
Quand arrive notre Séance solennelle, je ressens toujours une certaine appré-
hension : je suis comme le locataire pauvre qui voit arriver l'échéance du terme
avec cette diflf'érence que je suis embarrassé par ma richesse. J'ai tant de choses à
dire quand je considère l'ensemble des travaux de la Société de Géographie de
Lille, et, d'autre part, je sens la nécessité d'être bref. Je sais que vous attendez
avec impatience la distribution des récompenses. Aussi, sans plus tarder, je
commence.
Au mois de septembre dernier, la Société de Géographie de Lille avec ses deux
sœurs de Roubaix et de Tourcoing, comptait 2,201 membres, chifïre qui se trans-
forme en celui de 2,242 si nous y ajoutons la liste des géographes de Valenciennes
abonnés à notre Bulletin.
Ce Bulletin a présenté cette année un intérêt exceptionnel grâce à l'inser-
tion d'une correspondance régulière datée du Haut-Nil et venant d'un Lillois dont
sa ville natale est fière : c'est à lui que nous devons d'avoir publié une carte
itinéraire que nous avons été les premiers à donner au monde scientifique ; c'est
grâce à lui que notre cher et aimé Président, M. Paul Grepy, a pu annoncer
qu'en dépit d'affirmations intéressées, la mission Marchand n'était pas perdue,
enlisée dans les marais du Bahr-el-Gazal, et qu'elle marchait sans défaillance vers
son but.
Bien que formant 2 gros volumes enrichis de nombreuses phototypies, notre
Bulletin ne pourrait suffire s'il devait donner le compte rendu de toutes les confé-
rences que vous avez entendues.
Pour commencer par ce qui touche aux généralités, je rappellerai avec quelle
science de géographe et même de géologue, notre collègue, M. Ardaillon, nous a
parlé de la Mer, de ses profondeurs, de sa vie et de ses mouvements ; et, pour
que rien des choses maritimes ne nous restât étranger, avec une rare compétence,
- 68 —
M. de Chassoloup-Laubat est venu nous faire l'Historique gênerai de la naviga-
tion. Avec le D"" Vermersch nous nous rapprochons de la côte et nous voici au
Zuydersée. Nous ne nous arrêtons pas à la plaine : tout au plus faisons-nous une
courte station dans la région des plateaux, station il est vrai bien agréable avec
M. Houbron qui nous parle de la Forêt d'Ardenne historique et légendaire. Cette
année, tout est aux montagnes et à Valpinisme que M. Ronjat associe avec la
bicyclette, tiindis que M. Maquet retrouve son succès de Fan passé en nous racon-
tant son Excursion dans le Valais. Par deux fois, M. Meys fait défiler sous nos
yeux ces photographies qu'il sait prendre avec un goût si artistique. La première
fois il nous transporte dans les Montagnes d'Aragon, la deuxième dans ses chères
Pyrénées. Plus hardi, M. Vallot nous entraîne à sa suite en son Observatoire, sur
la cime du Mont Blanc. Mais 'SI. de Beugny d'Hagerue est incapable de demeurer
à ces hauteurs : avec une fougue juvénile, qu'il sait conserver malgré ses cheveux
blancs, il nous crie : « En zigzag, par monts et par vaux, » et nous voilà visitant
les lacs italiens, Agram, Salzbourg, Inspruck.
Sortons d'Europe. Nous voilà faisant un Voyage du cap Nord à Samarcande, à
la suite d'une jeune Lilloise qui, trop modeste pour nous parler elle-même, a su
au moins choisir le meilleur des interprètes, c'est-à-dire M. Haumant. Nous restons
en Transcaspie avec M. Gallois, puis nous visitons la Chine avec M. Guimet, dont
l'érudition et l'humour font sur nous une vive impression. Un de nos conférenciers
aimés, M. Paillot, nous convie à voir le Pays des Croisés par le fenêtre de
l'objectif, et nous voilà admirant ses belles projections sur Rhodes, Adalia, Damas,
Balbek, Jaffa, Jérusalem 1 Mais après lui, s'inspirant de l'actualité, avec autant de
verve que d'esprit, l'abbé Sagary nous mène en Orient avec l'empereur Guillaume.
Vous YOj'ez que l'Asie a été favorisée : nous avons pourtant été en Amérique,
grâce à une charmante conférencière, IM""= de Mayolle, qui nous raconte son voyage
très mouvementé chez les Indiens du Nouveau-Mexique. Pour la seconde fois
M. Gallois nous sert de guide, mais c'est maintenant en Océanie, au Pays des
pagodes, en Birmanie, à Singapour et à Java. L'Afrique s'étonne d'être un peu
délaissée : elle n'est représentée que par la conférence de M. Bousquet sur le
Transvaal.
Plus que jamais les questions coloniales ont été à l'ordre du jour: M. Long-
champs a même considéré nos Colonies dans le passé sous la forme des Indes et
du Canada. Je rappelle de quelle façon magistrale M. Chailley-Bert a envisagé la
Politique coloniale de la France. SI. l'abbé Rouïet nous a aussi parlé de la Colo-
nisation française. C'est déjà à un point de vue plus particulier que le comman-
dant Leblond, professeur à l'Ecole supérieure de guerre, nous a parlé du Rôle de
la France dans le Levant et en Egypte. Par M. Lagrillère-Beauclerc, nous avons
été mis au courant de la Situation actuelle du Sénégal et du Soudan ; et le
conférencier était bien renseigné puisqu'il avait suivi le Ministre des Colonies dans
sa visite à cette fille de Faidherbe ! M. Mévil nous a parlé de la Guinée française
et de la Côte d'Ivoire ; M. Levât nous a montré la Guyane française ; enfin ,
cela a été un régal ponr les délicats que d'entendre M""^ Massieu nous raconter
son Voyage dans le Haut-Laos.
En vérité, nous sommes universels ! Nous avons fait de l'archéologie en visitant
Rome antique avec un maître, j'ai nommé le chanoine Pillet, doyen de la
F'aculté de théologie. Nous avons fait de l'art avec M. Quarré-Reybourbon à travers
les monuments et les musées de Londres, de l'ethnologie avec le D'' Carton qui
nous a révélé le Bédouin. La belle conférence du D"" Éduardo d'Avellar sur
Dom Vasco da Gama et les Navigateurs portugais du XP siècle a été une page
.- 09 —
d'histoire en même temps qu'un hommage à un pays ami ; avec M. Dupont, membre
du Bureau de Roubaix, nous avons fait do la saine géographie économique en étu-
diant l'Enseir/nenient commercial en Allemagne.
Il était tout naturel de me voir exposer devant nos trois Sociétés les travaux du
Congrès de Marseille : un autre conférencier commun aux trois Sociétés a été
M. Richet qui a parlé du Klondyke ; on trouve aussi le nom de M. Haumant, mais
il a eu la coquetterie de traiter des sujets différents : à Roubaix, le Voyage d'une
jeune Lilloise ; à Tourcoing, la Bulgarie et les Bulgares. C'est pour Roubaix seul
que M. Albert Waeles a parlé de la Mission lyonnaise et de son voyage à travers
la Chine. Roubaix a entendu encore M. Camille Guy qui a rappelé la Conquête du
Tonkin, M. Senevez qui a parlé de VAhyssinie, M. Félix Yieuille qui a étudié
Moscou et la région de la Volga, M. Jules Brun qui a parlé de la Roumanie.
Enfin Roubaix a eu la bonne fortune d'entendre le doyen des Secrétaires-Généraux,
le si bon, si sympathique Secrétaire-Général de la Société de Géographie com-
merciale de Paris, ^I. Gauthiot, qui a fait une charmante et instructive causerie
sur le développement colonial de la France.
Tourcoing a eu aussi ses conférenciers spéciaux. D'abord M. Laborde, alors pro-
fesseur au Lycée et que des liens d'amitié personnelle attachent au vénéré Président
M. François Masurel. La vie flamande il y a 4 siècles, tel fut le sujet de cette
conférence. M. Ardaillon a fait une magique évocation du passé en parlant des
Villes antiques de la Grèce. M. Levât avait eu à Tourcoing un avant-goùt du
succès qu'il devait avoir à Lille avec sa conférence sur la Guyane. j\I. Diamanti a
parlé de la Syrie et de la Palestine. M. René Wauthicr, avocat à la Cour d'appel
de Bruxelles, a traité de main de maître le Congo, et ce fut une véritable solennité
quand le colonel Monteil vint traiter devant un public enthousiaste : ^a France
coloniale en 1898.
Les conférences portent leur fruit, on le voit par le goût du publie pour les
choses coloniales, alors qu'il y a vingt ans il n'avait que dédain pour ce genre de
questions. Pour être moins brillant, un cours régulier laisse parfois une impression
plus durable encore. Nous avons eu de ces cours.
A Lille, le lieutenant Lemayeur et le sous-lieutenant Debord du 43'- régiment
d'infanterie ont bien voulu se charger d'un cours de topographie. 4 séances ont été
faites au siège de la Société, 4 sur le terrain, et les résultats ont été assez satisfai-
sants pour que votre Comité jugeât dignes de récompense certains des travaux
présentés. Le lieutenant Lemayeur veut bien nous assurer la continuation de son
précieux concours.
J'ai déjà signalé dans le Bulletin les résultats remarquables obtenus par le cours
que M. Lefebvre professe avec tant de dévouement à Roubaix. La géographie de la
République Argentine a été étudiée d'une manière toute nouvelle, par une sorte
d'enseignement mutuel, oii le professeur va à l'école des principaux négociants
pour être ensuite un agent de transmission auprès de ses auditeurs. Ici tout est
pratique, terre à terre, mais utile, de façon à préparer d'excellents agents commer-
ciaux : c'est l'application des méthodes allemandes qu'a si bien exposées
M. Dupont.
Les excursions n'ont point chômé. Elles commencent dès le mois de février par
une pointe au carnaval de Nice d'où Ton pousse jusqu'à Menton. MM. Rollier et
Savary conduisent l'excursion. Plus tard les grandes excursions se multiplient. Au
mois de mai, c'est une visite aux bords du Rhin sous la conduite de MM. Thiébaut
et Ravet : ce pays a tant de charmes qu'au mois de juillet nous y retrouvons une
nouvelle excursion, cette fois sous la conduite de MM. Godin et Destombes. Au
— 70 —
même moment un groupe de nos Sociétaires lillois visite la Belgique et la Hollande
sous la conduite du D"" ^'e^mersch et de INI. Decranier, ttmdis qu'un autre groupe
parcourt les Vosges et le Jura avec iSIM. Fernaux et Galonné. Du 11 au 28 aoiît,
MM. Beaufort et Auguste Crepy avec un groupe d'intrépides, bravent la chaleur,
parcourent la Guyenne et la Gascogne en véritables cadets de ce nom, franchissent
les Pyrénées, poussent jusqu'en Espagne, puis vont voir couler la Garonne à
Toulouse.
Pour être plus modestes, les autres excursions ne sont pas moins intéressantes.
M. Van Troostenberghe met beaucoup de bonne grâce à nous montrer la Belgique
qu'il connaît si bien. C'est avec lui qu'on a visité Naniur, Dinant, Spa, les grottes
de Han ; il avait pour collaborateur ]\I. Rollier : c'est avec lui encore qu'on a été
visiter Ostende et la procession du St-Sang à Bruges, son collaborateur était alors
M. Galonné que nous retrouvons pour la visite d'Ypres. M. Beaufort en personne
se joint à M. Van Troostenberghe pour nous conduire à Halluin visiter des mer-
veilles industrielles. Dans le même ordre d'idées, avec MM. Herland et Vaillant
nous visitons la chocolaterie de M. d'Halluin et la pétrolerie du Nord. Une excur-
sion qui, sans franchir l'enceinte de Lille, a présenté néanmoins un vif intérêt, est
celle qu'ont dirigée MM. Beaufort et Eustache aux Facultés catholiques. St-Omer et
l'ascenseur des Fontinettes ont reçu leur contingent de visiteurs sous la conduite
de MM. Cantineau et Vaillant. Bergues, Dunkerque et ce coin trop peu connu des
Moëres ont été visités grâce au D'' Vermersch et à M. Decranier. M. Fernaux con-
duit une excursion à Audenarde, MM. Thieffry et Decramer en conduisent une
autre aux carrières de Soignies. MM. Cantineau et Godin ont bien voulu conduire
à Calais et Boulogne les lauréats du prix Danel. J'ai réservé pour la fin l'excursion
au Mont ^es Cats, parce qu'elle prouve que depuis notre mère Eve la femme a
gardé son péché mignon de curiosité. Cette année, par faveur spéciale et pour
quelques jours seulement, les dames étaient admises à visiter le fameux monas-
tère : du coup, nous avons eu 250 excursionnistes. Il a fallu se fractionner. Trois
corps ont été mobilisés : M. Beaufort étant général en chef avec le D'' Vermersch,
MM. Van Troostenberghe, Thiébaut et Ravet pour lieutenants.
L'année a donc été féconde. Je terminerai rapidement en exprimant l'espoir que
l'année qui commence ne le cédera en rien à ses devancières et que la Société de
Géographie de Lille pourra s'appliquer cette devise : « Toujours plus oultre ».
Après la lecture de ce rapport, M. Haumant prend place à la table du conféren-
cier. Son arrivée est saluée par des applaudissements et cela n'est point fait pour
surprendre, car voici ce que dit un journal de Lille :
« M. Haumant est un conférencier des plus agréables à entendre ; c'est un de
ceux que le public de la Société de Géographie de Lille vient toujours écouter avec
un sensible plaisir. C'est dire combien ce causeur délicat, ce fin lettré a été goûté
et applaudi. »
Nous aurions voulu donner in-extcnso cette belle conférence, mais M. Haumant
ne l'a pas encore écrite. Il nous fait espérer que nous l'aurons quelque jour. Nous
sommes donc réduits à un compte rendu ai;alytique.
— 71 —
CONFERENCE DE M. HAUMANT
UN VOYAGE BANS L'ANCIENNE MOSCOVIE
En débutant, M. Haiimant se fait l'interprète" du sentiment de tous
en exprimant le vœu, avec beaucoup de délicatesse, que M. l'adjudant
de Prat veuille bien consentir à donner une prochai-ne conférence à la
Société de Géographie. Voici comment il s'exprime à ce sujet :
« J'éprouve quelque embarras à vous parler aujourd'hui de la
Russie. Il est trop évident que vos préoccupations sont ailleurs et qu'à
mon sujet moscovite, vous préféreriez n'importe quel sujet africain.
» Mon excuse de venir si mal à propos, c'est — et je crois pouvoir
le dire sans trop d'indiscrétion — que le Comité souhaite, espère
même vous offrir, à bref délai, une conférence sur l'Afrique, confé-
rence qui sera faite par quelqu'un d'autorisé, de ires autorisé...
» Si notre espoir se réalise, vous me pardonnerez sûrement d'avoir
occupé la scène en attendant le vrai lever de rideau, le sujet sensa-
tionnel qui vous passionnera tous. »
Après ce début, chaleureusement applaudi, ^I. Haumant examine la
situation de la Moscovie il y a quelques siècles.
Il parcourt la Moscovie du XVIP siècle à la suite d'un ambassadeur
hollandais, Mejerberg, et en trace une description absolument iné-
dite, très curieuse et que complètent des vues fournies par de vieilles
estampes.
Moscou, qui a encore aujourd'hui une physionomie si particulière,
était bien alors la « Rome tartare », mer de maisons et de jardins,
surmontée d'innombrables clochers, bulbeux, jaunes,, verts, ^bleus,
striés, étoiles d'or et d'argent, terminés par de hautes croix d'or. Au
milieu de cette vaste agglomération, une autre enceintei^une ville
dans la ville, le Kremlin, rés^idence du tsar, fouillis confus de dômes
d'or, de tours crénelées, au couronnement d'un vert sombre, et enfin,
point culminant, la tour blanche d'Ivan-le-Graud.
Il se dégageait de ce spectacle une impression de grandeur et de
magnificence qui s'évanouissait quand on pénétrait dans l'intérieur de
la ville proprement dite, d'aspect sale et misérable, avec de véritables
bourbiers comme rues et des maisons ressemblant à des huttes.
Toujours à la suite de l'ambassadeur Meyerberg, nous assistons à
une audience du tsar, nous visitons son palais, puis la maison d'un
hoiar ou grand seigneur russe.
Les Moscovites^ ne connaissaient nullement encore le confort qui
commençait à 's'introduire dans l'Europe occidentale. Ils avaient un
mobilier sommaire, des usages très primitifs, même dans les hautes
classes ; leurs repas se ressentaient d'une demi-barbarie et étaient peu
raffinés.
M. Haumant étudie ensuite la condition des femmes russes dans
l'ancienne Moscovie. La femme russe, surtout celle de haute condition,
vivait très renfermée dans son terem ou ses appartements particuliers.
Mais il ne faut voir là aucun rapport avec les harems de l'Orient. La
femme russe était enfermée dans le terem, parce qu'on la considérait
comme un être faible, incapable de faire son salut sans la surveillance
et l'autorité de son mari.
Le mari avait toute autorité sur son épouse et avait le droit de la
frapper au fouet lorsqu'elle faisait quelque chose qui lui déplaisait. En
revanche. Madame avait quelques compensations. Elle passait son
temps à broder, à prendre des bains russes, avait des appartements
très somptueux, et usait de son autorité souveraine pour rendre aux
domestiques, avec de gros intérêts, ce que lui faisait endurer son mari!
Depuis ce temps, du reste, elle a bien pris sa revanche, car il est
peu de pays où les femmes et les jeunes filles jouissent de plus de
liberté que dans la Russie actuelle.
Elle a commencé à se transformer vers la fin du XVIP siècle, dès
le règne d'Alexis Mikhaïiowitch. Le fils de ce souverain, le célèbre
Pierre-le-Grand, accentua cette tranformation, qui s'opéra avec une
rapidité « kaléïdoscopiquc ». A partir de Pierre-le-Grand, la transfor-
mation n'a fait que s'étendre, et il est inutile d'insister davantage sur
ce qu'est devenu aujourd'hui le puissant empire des tsars.
Les immenses progrès accomplis par la Russie, personne ne les
prévoyait au XVIF siècle. Et, à ce propos, ]\1. Haumant conclut en
ces termes :
« Les voyageurs dont j'ai jiarlé ont trop fait attention aux petites
choses qui les amusaient ou les choquaient, pas assez aux grandes qui
les avaient instruits.
— 73 -
» Trop préoccupés des dîners et du cérémonial moscovite, ils n'ont
pas assez remarqué la discipline, la cohésion religieuse et nationale
du monde moscovite ; ils n'ont pas assez noté les ferments de progrès
qui commençaient à soulever cette « pâte » compacte.
» Cela dit, il serait injuste de leur reprocher de n'avoir pas prévu
l'avenir. La baguette divinatrice des montreurs de source qui, jadis,
s'en allaient par les champs pour révéler aux paysans les eaux vives,
prêtes à jaillir, pour apporter au sol aride la fécondité et la vie, cette
baguette divinatrice n'a jamais été à la disposition des géographes. »
Cette analyse de la très instructive conférence de M. Haumant est
assurément bien pâle et bien incomplète. Mais le succès que le confé-
rencier a obtenu a été des plus vifs, et M. Nicolle l'a remercié chaleu-
reusement au nom de tous.
« Vous venez de nous prouver, dit-il, combien j'avais raison de dire
tout à l'heure que le niveau de nos conférences ne cesse de s'élever
et je dois me féliciter que cette preuve soit faite par un de nos
confrères de la Société de Géographie de Lille. ».
REMISE DES MÉDAILLES DE VERMEIL.
L'excellente musique de riaiprimerie Danel, qui a bien voulu nous prêter son
concours, fait entendre un morceau, puis M. Nicolle se lève et annonce que la
Société de Géographie décerne une médaille de vermeil à M. Lefebvre, professeur
à l'Institut Turgot, de Roubaix, qui a montré une si heureuse initiative dans le
cours de géographie commerciale de cette ville. L'enseignement de M. Lefebvre
est de la plus grande utilité pour ses élèves, « qui en tireront des résultats pra-
tiques précieux, non seulement pour eux-mêmes, mais encore pour notre dôvelop^
pement économique national. »
Cette distinction est très applaudie. C'est aussi au milieu des applaudissements
de toute la salle que M. Nicolle prononce les paroles suivantes :
M. le lieutenant Lemayeur, du 43® d'infanterie, a bien voulu se
charger d'un cours de topographie qui a fort bien réussi, grâce à sa
connaissance spéciale du sujet et à son activité ; nous lui offrons aussi
une médaille de vermeil, avec d'autant plus de plaisir qu'elle s'adresse
à un officier, à un membre de l'armée, cette gardienne vigilante de
tout ce qui fait l'honneur, la sécurité et la grandeur de la patrie ; nous
saisissons avec joie l'occasion de donner à cette grande institution des
témoignages de confiance et de respect.
Lieutenant Lemayeur, acceptez de nous ce souvenir cordial.
— il —
Les paroles patriotiques de M. Nicolle soulèvent l'enthousiasme de l'auditoire et
une ovation est faite à M. le lieutenant Leniayeur.
LA REMISE DE LA MÉDAILLE D'OR A L'ADJUDANT DE PRAT. (^)
M. de Prat, en grande tenue d'adjudant d"infanterie de marine, portant les deux
décorations de la Légion d'Honneur et de la Médaille militaire, était assis au pre-
mier rang des fauteuils, entouré des membres de sa famille. La modestie de
l'attitude de l'adjudant produisait l'impression la plus favorable.
Le moment est venu de lui décerner la médaille d'or.
Au milieu d'un silence solennel, M. Nicolle reprend la parole. Il est visiblement
ému, et il s'exprime en ces termes :
C'est encore à un m.embre de l'armée que je m'adresse, à un homme
qui a dépensé , prodigué les plus belles années do sa vie , avec une
persévérance que rien ne décourageait, dans des expéditions lointaines,
au milieu de périls incessants et de toute sorte, n'ayant en vue d'autre
compensation que la gloire d'ajouter au patrimoine de la France et de
l'humanité civilisée. Yous reconnaissez l'adjudant de Prat, le membre
intrépide de la mission Marchand, le Lillois qui nous écrivait des
relations si pleines de vie du fond de l'Afrique.
Ah ! Sans doute, nous n'avons pu garder tous les points conquis par
des efforts héroïques, mais il ne faut pas mesurer l'éloge et l'admira-
tion au bénéfice immédiat et matériel d'une entreprise.
Les énergiques qui tombent une fois peuvent se relever plus vail-
lants et reconquérir l'avenir.
Retenez bien ceci, jeunes gens qui débutez dans la vie.
Tant que la France sera peuplée d'enfants tels que Marchand et ses
compagnons, tels que de Prat, pleins d'entrain, de volonté, d'amour
de l'action, d'intentions droites et généreuses et d'un dévouement sans
borne, elle pourra subir des fluctuations dans sa marche, mais elle
aura l'avenir pour elle.
Le gouvernement a reconnu les services et le mérite de l'adjudant
(1) Dans un banquet intime offert par souscription à l'adjudant de Prat et qui
comptait 90 convives, M. Nicolle a remis à notre brave compatriote une croix en
brillants au nom du Comité d'Études de la Société de Géographie de Lille.
de Prat par la décoration de la Légion d'honneur; nous nous en
réjouissons et, de notre côté, nous lui offrirons notre plus éclatante
récompense, notre médaille d'or que je serais fier de lui remettre mais
qu'il recevra avec plus de plaisir encore de la main du général Allard.
Nous reverrons ici M. de Prat, je me plais à vous l'annoncer, il
nous a promis la primeur du récit de sa dernière expédition ; nous ne
lui laisserons pas oublier sa promesse.
Un tonnerre d'applaudissements accueille les paroles de l'honorable M. Nicolle.
L'adjudant de Prat monte sur l'estrade. Les applaudissements redoublent, enthou-
siastes, frénétiques, pendant qu'un immense cri de « Vive l'armée ! Vive Marchand !
Vive de Prat ! » ébranle la salle.
La musique joue la Marseillaise^ toute l'assistance est debout, une ovation
indescriptible est faite à l'adjudant qui reçoit sa médaille, descend de l'estrade et
va embrasser sa mère qui pleure de joie. Bien des yeux se mouillent à ce touchant
spectacle.
Et cependant la manifestation continue intense, délirante. Cette scène profondé-
ment émouvante restera gravée dans la mémoire de tous les assistants.
Sur l'invitation qui lui est adressée, M. de Prat remonte sur l'estrade et va s'as-
seoir entre M. le général Allard et M. le recteur Margottet. Il paraît fort ému et
serre vigoureusement les mains que lui tendent le général gouverneur et M. Mar-
gottet.
M. Nicolle donne alors lecture du télégramme suivant qu'il a reçu aujourd'hui
même de M. Paul Crepy :
Tamaris -sur-Mer, 22 janvier, 9 h. 50 matin.
Veuillez joindre mes plus cordiales félicitations aux applaudissements
enthousiastes qui acclameront notre vaillant collègue de Prat lorsque
vous lui remettrez la grande médaille.
Je propose qu'il soit, en Séance solennelle, proclamé membre d'hon-
neur de notre chère Société.
Paul Crepy.
Les applaudissements de l'auditoire prouvent combien cette proposition de
M. Paul Crepy rencontre l'approbation unanime. M. de Prat s'incline et remercie
avec sa modestie habituelle.
Quand l'émotion est calmée, M. Quarré-Reybourbon donne lecture du palmarès
des concours de 1898, et on procède à la distribution des récompenses.
TU
PALMARÈS DES CONCOURS DE GÉOGRAPHIE DES 28 JUILLET
ET 13 NOVEMBRE 1898.
JEUNES GENS.
Section supérieure.
!■■• SÉRIE. — GÉOGRAPHIE MILITAIRE.
Sujet : Les Alpes françaises au point de vue d'une guerre franco-italienne.— Carte.
1" Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre du Commerce, de l'Industrie,
des Postes et des Télégraphes :
MM. Vauthier (Jean-Robert), Lycée Faidherbe, Lille.
2' — Loizeau (Lucien), id.
3« — Wemaëre (Maurice) id.
Accessit. Fontenay (Léon), id.
GÉOGRAPHIE COMMERCULE.
2« SÉRIE. — EMPLOYÉS DU COMMERCE ET DE L'INDUSTRIE.
Sujet : Le Brésil et le Chili ; leurs facultés productives,., importations, exportations,
routes et transpjorts ; moyens de développer leurs relations commerciales
avec la France.
1" Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre du Commerce, de l'Industrie,
des Postes et des Télégraphes :
MM. Herteman (Paul).
1" Accessit. Thirion (Joseph).
2* — Rosenfeld (René). ^
3« SÉRIE. — ÉCOLE SUPÉRIEURE DE COMMERCE.
Sujet : Géographie économique des possessions françaises en Asie. —
Colonies et pays de ptrotectorat. — Carte.
Prix Desroclies.
l"Accessit. MM. Gayet (Fernand).
2^ — Bosc (Léon).
COURS 33E TOPOGRAPHIE.
i" Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre de l'Instruction publique
MM. Delmée (Paul).
2« — Noé (Maurice).
Accessit. Delaistre (Alfred).
— 11 —
Enscigneuient sccoudairc.
1" SÉRIE. — L'Europe moins la France.
Sujet : Les Alpes depuis le Mont Blanc jusqu'aux environs de Vienne. Indiquer
les eaux qui en de'coulent, les cols et passages ; les jirincipaux chemins
de fer qui les franckissent. — Carte.
l" Prix. P)'ix d'Honneur, offert par M. le Ministre de rinstruction publique :
MM. Babey (Marcel),
2» — Ingelrans (Maurice),
1" Accessit. Carlier (Jean),
2* — Verhaeghe (Etienne).
3» — Vaillant (Léon),
Lycée Faidherbe, Lille,
id.
id.
id.
id.
2« SÉRIE. — L'Asie, l'Afrique, l'Océanie.
Sujet : UHindoustan. — Géographie physique., politique et économique. — Carte.
i«f Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre de rinstruction publique :
MM. Lemire (Louis). Lycée de Tourcoing.
2« — Storet (Gaston), Pensionnat Saint-Pierre, Lille.
Accessit. Paul (Henri), id.
Euscigiiemcnt primaire supérieur.
1" SÉRIE — GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET ÉCONOMIQUE DE l'AsIE ET DE l' ARCHIPEL
Malais. — Géographie physique, politique et économique de l'Europe,
MOINS la France.
Sujet : L'Empire des Tzars. — Description générale. — Climat. — Productions.
— Voies de communication . — Carte.
1" Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre des Colonies :
MM. Lubrez (Daniel), École supérieure d'Haubourdin.
2« — Lalisse (Henri), id.
VandrepotefEugène), École supérieure de Fournes.
Martin (Edmond), École supérieure d'Haubourdin.
Hachin (Léonce), id.
Prix
LéonardDanel
Voyage
à la mer.
Il" Accessit.
'2*
.3» —
4» Accessit. MM. Turbier (Georges),
5' — Delattre (Auguste),
MM. Legrand (Eugène),
Bauduin (Gaston),
Leroy (Auguste)
?• — Jeanne (Léon),
6' Accessit
ex-œquo.
École supérieui'e de Fournes.
École supérieure d'Haubourdin.
id.
id.
Institut Turgot, à Roubaix.
École supérieure d'Haubourdin.
2« Série. — Géographie de l'Océanie (moins l'Archipel Malais), de l'Amérique
ET DE l'Afrique. — Explorations. — Notions de géographie économique
Sujet : L'Australie. — Géographie physique , politique et économique. — Carte.
1" Prix ( MM. Risbourg (Jules), École supérieure d'Haubourdin.
ex-œquo. ( Beugin (Auguste), id.
2« — Haynau (Géry), id.
l"Accessit. Landron (Marcel), id.
2» — Livoy (Élie), id.
Prix
LéonardDanel
Voyage
à la mer.
- 78
3« Accessit.
MM. Durieu (Albert),
Écoie supérieure d'Haubourdin,
4« —
Gruson (Achille),
Ecole supérieure de Fournes.
5" -
Sarrazin (Henri),
École supérieure d'Haubourdin,
6« -
Dedryver (Georges),
École supérieure de Fournes.
T" —
Raux (Albert).
id.
8« —
Hubert (Louis),
id.
9" —
Bri.sy (Gaston),
École supérieure de Lille.
10» —
Laurent (Paul),
École supérieure de Fournes.
Euseiguc nient primaire élémentaire.
1" SÉRIE. — GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET POLITIQUE DE L'EuROPE, MOINS LA FRANCE.
Sujet: La presqu'île hispanique. — Géographie physique et politique. — Carte,
l^' Prix. Prix d'Honneur, offert par M. le Ministre de l'Instruction publique :
MM,
. Legland (Eugène),
École
supérieure d'Haubourdin,
2" —
Lozé (Eugène),
id.
i" Accessit.
Grolez (Jean),
id.
2« —
Burie (Léon),
id.
3" —
Delahaye (Alphonse),
id
4e _
Delefosse (Léon),
id.
5« -
Delecourt (Henri),
id.
6« — (
Leclercq (Noël),
Pensionnat Saint-Pierre, Lille.
cx-œquo. \
Merlevede (Charles),
id.
7" Accessit.
Libert (Jules),
École
supérieure d'Haubourdin,
2* SÉRIE. — La France. — Le département du Nord.
Sujet : Faire par fleuves et canaux le voyage de Lille à Bordeaux. — Bire les
provinces traversées , les villes ptrincipales rencontrées et ce que l'on sait de
ces villes. — Pas de car;e. — Tracer la carte du réseau des chemins de fer
de l'Est.
École de la rue Tcrnaux, Roubaix.
id.
Ec. lib. de N.-D. de Lourdes, Tourcoing.
École des Frères St-Gabriel, Tourcoing.
Ecole de la rue Ternaux, Roubaix.
id.
id.
Ec. de la r. du Conditionnera., Tourcoing.
Ecole de la rue Ternaux, Roubaix.
École des Frères Maristes, Lille.
1" Prix. MM.
Braunwald (Roger),
2« Prix j
Isoré (René),
ex-œquo. \
Dumez (Henri),
1" Accessit.
Labis (Jule.s),
2e —
Isoré (Hector),
3« —
Delepierre (Edouard),
¥ —
Delahaye (Paul),
o« —
Legrand (Alfred),
6" —
Verrier (Ernest),
7e _ .
Dcwas (Paul),
Institution des Sourds-Muets de RoncMn.
première division
Prix.
Accessit.
MM.
Fiévet (Henri).
Lourme (Louis).
— 79
DEUXIEME DIVISION.
Prix. MM. Leborgne (Germain).
Accessit. Lebrun (Georges).
JEUNES FILLES.
Euscigucuient sccoudairc.
1™ SÉRIE. — L'Europe moins la Frange, l'Asie.
Sujet: L'Empire cV Allemagne. — Géographie physique., politique
et commerciale. — Carte.
Prix. Médaille Parnot. PrLv d'Honneur, offert par M. le Ministre des Colonie?
Meiie Merchier (Jeanne), Collège Fénelon, Lille.
2» SÉRIE. — L'Afrique, l'Océanie et les deux Amériques.
Sujet : Les États-Unis. — Géographie physique, politique et économique. — Carte.
l" Prix. Médaille Parnot. M^He Collette (Suzanne), Collège Fénelon, Lille.
2« — MeUes Wliitelock (Clara), ' id.
1" Accessit. Cussac (Marie-Tliérèse). id.
2« — Wagon (Madeleine), id.
3» — Delhaye (Marguerite), id.
Enselgucincut primaire supérieur.
1" Série. — Géographie physique et économique de l'Asie et de l'Archipel
Malais. — Géographie physique, politique et économique de l'Europe,
moins la France.
Sujet : L'Empire des Tzars. — Description générale. — Climat. — Productions.
Voies de communication. — Carte.
1" Prix hors classe. Médaille Parnot. M^ue Deracinois (Berthe), Éc. sup"'" de Lille.
2« Prix ( Médaille Parnot. Melies Richy (Maria), id.
ex-œquo. { Médaille Parnot. Deleval (Jeanne) id.
3« Prix Molles Merlot (Gabrielle), id.
4" — Debuchy (Germaine), École Sévigné de Tourcoing.
1*' Accessit. Vandendriessche (Madeleine), id.
2« — Cartier (Marguerite) id.
3* — Labeau (Marie), École supérieure de Roubaix.
4* — Desrumaux (Marie), École Sévigné de Tourcoing.
2" Série. — Géographie de l'Océanie (moins l'Archipel malais), de l'Amérique
ET DE l'Afrique. — Explorations. — Notions de Géographie économique.
Sujet: L'Australie. — Géographie physique^ politique et économique. — Carte.
Prix l Meiies Vandeninde (Zulma), École supérieure de Lille.
ex-œquo. \ Garcenot (Madeleine), id.
- 80
1" Accessit.
Bernard (Alzina),
Institut Sêvisnê de Roubais
2» —
Riveret (Louise),
id.
3' —
Legay (Elise),
id.
Enscigucnieut primaire cléiuentairc.
1" SÉRIE. — GÉOGRAPHIE PHYSIQUE ET POLITIQUE DE l'EuROPE, MOINS LA FRANCE.
Sujet : La presqu'île hispanique. — Géographie physique et politique. — Carte.
1" Accessit. M^'i'es Dubois (Delphine), Institut Sévigné de Roul)aix.
2" — Delys (Berthe), id.
3^ — \ Payelle (Émilienne), id.
ex-œquo. \ Bon (Louise), Inst. de M"'" Walter, Tourcoing.
4* Accessit ( Mézière (Berthe), Institut Sévigné de Roubaix.
ex-œquo. \ Derain (.Julie), Inst. de M'"*' Walter, Tourcoing.
2* SÉRIE. — La FRANCE. — Le DÉPARTEMENT DU NORD.
Sujet : Faire par fleuves et canaux le voyage de Lille à Bordeaux. — Dire les
'provinces traversées., les villes prijtcipales rencontrées et ce que l'on connaît
au sujet de ces villes. — Pas de Carte. — Iracer la carte du réseau des
chemins de fer de l'Est.
Prix. Meiies Bonté (Madeleine), Institut Sévigné de Roubaix.
1" Accessit. Gobrecht (Jeanne), Éc. Hanquillart à La Madeleine.
2* — Spéneux (Thérèse), École Sévigné de Tourcoing.
GRANDES CONFÉRENCES DE LILLE
EXCURSION A LA CAPITALE DE TAMERLAN
Conférence faite le 13 Novembre 1898,
Par M. Eugène GALLOIS,
Membre des Sociétés de Géographie de Paris et de Lille.
(Suite et fin) (1).
BOKHARA.
Mais c'est la ville indigène qui nous intéresse... Longtemps avant
d'atteindre Bokhara désignée aussi sous le nom de Boukhara la Noble,
on aperçoit au loin poindre dans le ciel la liante tour de Mira-Arab,
(1) Voir tome XXX, 1808, page 327 ; tome XXXI, 1899, page 9.
— 81 —
tristement célèbre par l'usage auquel elle était autrefois réservée,
comme on va le voir. Sur la route poudreuse qui mène à la ville, le
mouvement est extraordinaire ; une foule d'asiatiques de toutes races,
vêtus plus ou moins comme au temps de Tamerlan vont et viennent,
les uns à pied, les autres les jambes pendantes sur de petits ânes qui
portent souvent l'homme et la femme, on croise des arbas, lourds chariots
du pays montés sur de hautes roues plus ou moins rondes, qui rendent
de réels services au passage à gué des rivières qu'elles permettent ainsi
de franchir à sec dans plus d'une occasion, ou encore des chameaux
qui s'avancent lentement au milieu de la route. La campagne à droite
et à gauche paraît très fertile. Des murs en terre soutenus par de
curieux contreforts s'allongent en bordure de la route, enclosant des
jardins et de distance en distance on aperçoit des sortes de fermes ou
des caravansérails avec des galeries extérieures aux rustiques poteaux
de bois sous lesquels s'abritent de pittoresques groupes d'individus, bien
faits pour tenter le pinceau de l'artiste ou l'objectif de l'appareil
photographique, mais il ne faut pas oublier que nous sommes en pays
musulman, où le fanatisme nous a un peu gênés ; on nous avait prévenu
et nous avons dû agir avec prudence et user de subterfuges, grâce
auxquels nous avons pu tromperies indigènesel rapporter d'intéressants
clichés. A l'approche de la ville de liantes murailles cachent aux yeux
des passants la vue des jardins au milieu desquels se dresse un palais
de l'Emir, auquel nous devions être présentés, mais qui, malheureuse-
ment pour nous, se trouvait en déplacement dans ses Etats, accompagné
paraît-il d'une suite imposante de plus de 3.000 individus, courtisans,
serviteurs et soldats.
Nous avons toujours pu visiter la princière demeure. C'est une
réunion de bâtiments qui nous ont paru construits sans plan d'en-
semble ; on pénètre d'abord dans une grande cour sur laquelle
donne un édifice sans caractère particulier avec façade à deux
étages et portique en bois. Dans l'intérieur on trouve une suite de
salons de dimensions diverses, au sol tout couvert de tapis mais
dépourvus de meubles. Leur décoration, due probablement à quelque
artiste italien, avec de grossières peintures à fresques représentant des
ornements, ou simplement du papier peint, est d'assez mauvais goût.
On pourrait en dire de même des plafonds, dont'un seul, curieusement
ajouré, fait exception. Certaines salles portent les noms pompeux de :
salles de justice, salle du trône, etc.. cette dernière comporte un siège
moderne en bois doré, qui ressemble à un mauvais accessoire de
théâtre. On nous prie de nous reposer et le majordome qui nous escorte
nous fait servir du thé et des fleurs !. . . Oui, mesdames, quoique cela
puisse vous surprendre.
Si nous n'avons pu voir l'Emir actuel, homme encore jeune, de belle
prestance, qui rappelle le type arabe dans sa beauté classique et dont
on a pu voir des portraits, car il n'a pas craint de poser devant les
photographes à diverses reprises, par contre, nous n'avons pas été
astreints au cérémonial mi-européen mi-asiatique par lequel il fallait
passer, il y a encore quelques années, pour être admis en présence du
Prince. Mais on est loin de l'étiquette qu'il fallaitjadis observer. Parfois
l'Emir offre, paraît-il, quelque cadeau à l'étranger qui vient ainsi le
saluer, ou lui accorde une décoration, qu'on avait fait miroiter à nos
yeux mais la mauvaise chance a été notre partage, là comme
ailleurs dans d'autres circonstances. L'avènement de l'Emir, façonné
par les Russes , s'est fait sans aucune difficulté, comme nous
l'apprend l'histoire ; il sait du reste qu'il ne saurait agir sans l'assenti-
ment de la Russie, qui l'a obligé à l'abolition de deux des principaux
abus qui florissaient jadis : l'esclavage et le zindane ou fosse à punaises,
sorte de trou profond où l'on jetait les criminels qui y croupissaient
vivant plus ou moins longtemps, au lieu d'être précipités du haut de la
tour de Mira-Arab. Ajoutons que le Prince passe pour être fort simple.
Ses principales distractions sont ses femmes et ses batchas, jeunes
garçons efféminés qui, vêtus de robes et maquillés, exécutent des danses
lascives répondant bien aux goûts dépravés de ces pays ; nous en avons
vus aussi à Samarcande. L'Emir de Bokhara entretient une armée forte
de douze mille hommes, d'assez piteux aspect. Les soldats sont habillés
mi à l'européenne, mi à l'asiatique, ayant une sorte de tunique et de
pantalon large avec des bottes grossières et un bonnet en mouton.
Inutile de dire que leur armement, composé de vieux fusils de rebut,
laisse fort à désirer.
Mais nous sommes arrivés à la porte crénelée de la ville, ou du moins
une des treize portes, que précède un long faubourg auquel est accolé
un curieux cimetière dont les tombes en briques, figurent des sarco-
phages arrondis d'une forme très raisonnée. La vaste enceinte de la ville
qui paraît très peuplée et contiendrait suivant les auteurs cinquante,
cent, deux cent mille, et plus d'habitants, se ferme chaque soir pour
rouvrir au matin. La population paraît des plus denses et l'on ne saurait
se faire une idée du grouillement extraordinaire du peuple. On a à peine
franchi le seuil de la porte où veillent les soldats que l'on se perd dans
— S3 —
un dédale inextricable de ruelles étroites, aux murs de terre se
dressant sans symétrie, et presque sans ouverture extérieure, les
maisons étant aérées et éclairées sur la cour intérieure à la mode arabe ;
toutes ces rues presque se resseml)lent aussi est-il facile de s'égarer
si l'on n'a en lieu et place de fil d'Ariane un guide sûr, enfant du pays.
Nous avons traîné ainsi des heures par ces corridors non pavés, où
glissent quelques ombres solitaires ou de rares cavaliers dont les
jambes semblent frôler les murailles. Une des curiosités pittoresques
de Bokhara, ce sont les étangs, bordés d'échoppes à l'ombre d'arbres
parfois très vieux, qui se trouvent disséminés dans la ville ; ils offrent
de charmants sujets de tableaux qui semblent nés d'une imagination
d'artiste. Malheureusement leurs eaux vertes, plus ou moins fétides ,
sont dangereuses, et il faut bien se garder d'y toucher, sans compter
que les indigènes s'y baignent ; elles recèlent des germes de maladies
et surtout ceux du richta ou ver de Guinée, ce désagréable et dangereux
habitant des piscines, qui, absorbé, après une longue incubation de
plusieurs mois, refuse de s'en aller et perfore l'estomac pour aller se
loger dans une partie quelconque du corps provoquant des sortes
d'abcès qui révèlent sa présence quand il s'approche de la surface de
la peau. Dès que la tête apparaît, grâce à une pression délicate, il faut
la saisir et extraire le ver sans le rompre ; pour cela on l'enroule sur
de petites bobines, ce qu'excellent, paraît-il, à faire les barbiers ; si le
ver se brise, l'opération est à recommencer et de nouvelles plaies se
forment, pouvant alors devenir très dangereuses et même entraîner la
mort. On prétend que le corps peut nourrir plusieurs de ces hôtes
désagréables et on cite des exemples des gens qui en auraient eu jusqu'à
quinze et vingt, mais le cas doit être rare. On a étudié cet animal avec
soin, mais le meilleur remède c'est l'assainissement du pays et surtout
de ces bassins, foyers pestilentiels, au fond desquels on a parfois décou-
vert des cadavres.
Un des attraits tout particuliers de cette cité qtie nous déclarons, avec
plusieurs voyageurs qui l'ont visitée comme nous, la ville la plus
originale et curieuse que l'on puisse rêver, est la suite des bazars ; elle
nous a paru au-dessus de tout ce que nous avons vu en Orient dans ce
genre et l'on pourrait dire dans le monde entier. On se croirait
transporté plusieurs siècles en arrière tant sont étranges les types de
cette foule au milieu de laquelle on est noj'é, attirant forcément les
regards plus ou moins haineux de ces enfants du Prophète. Les échan-
tillons des races les plus bizarres se confondent, avec leurs costumes
- 8i -
variés, longues robes aux fleurs de couleurs, costumes plus simples,
turbaus blancs ou de couleurs, bonnets en peau de mouton, etc.. ; il
y là des Persans, des Kirgihz, des Sarles, à la calotte pointue, des
Juifs, des Hindous (de même que nous avons trouvé des Bokhariotes
dans l'extrême nord des Indes), des Juifs. . ., où n'en trouverait-on pas ?
quelle ville au monde offre un pareil mélange de races, nous n'en
finirions pas s'il fallait tous les dépeindre ou même seulement les
énumérer : derviches, mollahs, porteurs d'eau avec leur peau de bouc,
marchands, artisans, à peine vêtus, mendiants (et ils sont nombreux)
femmes, soigneusement voilées, enfants qui courrent, se glissant au
milieu des ânes et des chameaux qui semblent promener d'un geste
lent et digne leur lourde tête au-dessus de la foule
Tel est le spectacle qui attend tout voyageur, étrangement surpris
par cette vision bien faite pour laisser un impérissable souvenir. Il
faut errer parmi ces bazars, plus ou moins classés par catégories, tantôt
simples rues aux misérables échoppes, tantôt longs passages couverts de
légers abris en joncs ou toiles tendues ou mieux voûtes sombres dans
lesquelles filtre en rayons lumineux le jour qui arrive de l'extérieur
par d'étroites ouvertures ménagées au plafond, tels les souks du Caire,
de Tunis et autres villes orientales,... il faut flâner un peu au hazard
pour bien voir cette intensité de vie si curieusement pittoresque ; tous
les corps d'état, tous les métiers sont représentés là : les marchands
d'étoffes, spécialités de Bokhara, soies aux vives couleurs, ou sim-
plement colonnades, importées d'Europe ; les marchands do tapis qui
étalent des productions de fabrication indigène, les marchands de
bibelots, écritoires ou autres menus objets, les couteliers avec des
instruments, échantillons de l'industrie locale, aux manches plus ou
moins riches de bois ou d'ivoire, dont la lame paraît bien trempée et
qui cependant sont d'un prix fort modique, les chapeliers, aux étalages
garnis de calottes brodées de caractères persans ou de bonnets en
peau de mouton ou encore de curieux chapeaux de feutre simple
(forme Louis XI) que nous retrouverons surtout à Samarcande. 11 y a
encore les selliers, chez lesquels on peut voir des harnachements fort
riches, rehaussés d'or ou d'argent, avec des incrustations d'ivoire, des
bijoutiers, joailliers, orfèvres, aux petites vitrines contenant des
boucles d'oreilles, colliers, bracelets, agrafes, ceintures, etc.. bijoux
en métal précieux souvent garnis de pierres fines. A ce sujet la richesse
du bazar rlc Bokhara a déjà attiré plus d'un marchand européen et
même des bijoutiers parisiens, qui ont pu, paraît-il, y réaliser de
• — 85 -
bonnes affaires ; les pierres les plus nombreuses sont les topazes, les
rubis, les émeraudes, les saphirs, les turquoises et autres. Comme
chacun va et vient, cause, cela produit un bourdonnement qui rappelle
celui d'une ruche (l'abeilles et dominant le bruit retentissent les sons
sonores des raarteleurs frappant sur leur chaudronnerie. Ils fabriquent
des vases de diverses formes, des aiguières au col allongé plus ou
moins gravés de figures ou versets du Coran. Non loin les forgerons à
lïnstallation primitive travaillent le fer... on se croirait transporté aux
premiers âges du Monde.
Il y a aussi les armuriers, où l'on peut voir des casques, des bou-
cliers, des épées à deux tranchants, des casse-têtes, et une série
d'armes plus ou moins moyennageuses avec lesquelles on pourrait
composer une importante panoplie ; il y a jusqu'à des cottes de maille...
avis aux amateurs. Les marchands d'objets anciens (lu réputés tels savent
l'intérêt qu'ils offrent à l'étranger, aussi ne se privent-ils pas de le
harceler, lui faisant les prix les plus fantaisistes ; malheureusement
des amateurs éclairés sont déjà passés par là et ce n'est plus à beaucoup
près, paraît-il, ce que c'était autrefois. Dans le marché à proprement
parler, il y a des assortissements de légumes variés et surtout de fruits
fort appétissants, dont beaucoup sont frères de ceux de nos contrées ;
sans parler des restaurants en plein vent où l'on voit rôtir des morceaux
de mouton, à côté de la boutique de boulangers qui cuisent des galettes
plates sans levain (le pain persan ainsi fait est préférable à notre
avis à certaine « boule de son » de couleur marron sans croûte que
l'on nous servait d'ordinaire). On n'en finirait pas s'il fallait passer en
revue toutes ces industries, tous ces commerces des plus variés,
auxquels il convient d'ajouter les changeurs chez lesquels nous avons
pu découvrir quelques pièces anciennes. La monnaie courante de
Bokhara consiste en quelques modèles de pièces d'argent et surtout
en petits carrés de bronze sans effigie ne portant pas la moindre indi-
cation de valeur.
Si la flânerie dans ces dédales de corridors aux mystérieux car-
refours est pleine de pittoresques anecdotes et de surprises parfois, la
promenade à travers la ville ne manquera pas de charmes. Les
monuments sont assez nombreux mais d'importance secondaire et
parmi les centaines de mosquées ou médressés (écoles) que compterait
la ville, nous ne voyons guère que la grande mosquée à signaler, celle
dite de Kolan, bâtie par Tamerlan et restaurée par Abdullah-khan.
Sa façade simple présente un grand portail à deux étages flanqué à
- 8G -
droite et à gauche de trois arcades auxquelles sont accolés des tours
à la base évasée. Deux coupoles surmontent les parties latérales. Le
tout est de ce style en ogive, réminiscence de belles cathédrales
gothiques. Jadis le monument devait étinceler sur son revêtement de
ces belles faïences aux vives couleurs, malheureusemenl disparues
aujourd'hui. Ses dimensions sont vastes puisqu'on prétend qu'elle peut
contenir dix mille fidèles ; nous n'avons pu pénétrer dans l'intérieur
qui était défendu par mesure de prudence pour ne pas choquer la
population fanatique , mais nous nous sommes dédommagés à
Samarcande. Sur la place se dresse le grand minaret célèbre de
Mira-Arab qui se dresse isolé à 50 mètres de hauteur ; sa forme est
des plus originales, comme on peut s'en convaincre par la vue
ci-jointe ; c'est un long cylindre couronné de corniches superposées
GRANDE MOSQUEE DE BOKHARA ET TOUR DU MIRA-ARAB.
avec des motifs décoratifs ; au sommet, un petit pyrami(]on supporte le
nid de cigogne qui complète r;ircliifeclure des minarets du Turkestan.
Le nombre des malheureux (pii ont été précipités de là-liaut sur un
signe du Maître a, paraît-il, été considérable et le souvenir de ces
barbares usages fait dresser les cheveux sur la tète. La dernière
exécution ainsi accomplie ne remonte qu'à Une douzaine d'années, à
la veille de l'iM-cupalion jtar les Russes. 11 est inutile d'ajouter que
• — 87 —
la vue étendue dont on jouit de cet observatoire sur la ville et les
environs est des plus intéressantes, mais les habitants ne se prêtent
pas toujours à la chose ; ils nous regardaient du reste parfois d'un
mauvais œil et notre ignorance de la langue nous évitait d'entendre
des compliments peu aimables. Parmi les autres mosquées, citons pour
mémoire une assez vaste, datant du dix-septième siècle et qui est
désignée sous le nom d'Abdul Azis Khan. Dans une autre, du milieu du
siècle suivant, se trouve le tombeau d'imlah, un des saints les plus
vénérés.
Quant aux écoles, on peut difficilement juger d'un enseignement
en retard de plusieurs siècles, qui consiste surtout dans l'étude du
Coran, tout comme à l'époque du passage du célèbre voyageur vénitien,
Marco Polo ; on peut compter, paraît-il, près d'une centaine de ces
médressés, prétendus foyers de science qui attirent encore des milliers
d'étudiants de tous les points de l'Asie, et où se forment les mollahs, qui
entretiennent le fanatisme dans le peuple. Ces établissements accom-
pagnent généralement les mosquées et l'aspect intérieur évoque le
souvenir de scènes entrevues ailleurs en pays musulman, aussi nous
n'insisterons pas.
Notons en passant que bien que celte ville soit un foyer de maladies,
plus cruelles et affreuses les unes que les autres, il n'y a pas de
docteurs-médecins ou plutôt l'art d'Esculape est pratiqué par des
barbiers ou des sortes de sorciers dont la réputation est parfois grande;
mais si la folie et la lèpre ne sont pas rares, nous n'insisterons pas
davantage sur les maux qui assaillent la pauvre humanité et en parti-
culier les Bokhariotes, qui manquent, il n'est pas besoin d'ajouter, des
principes d'hygiène les plus élémentaires.
Bokhara renferme aussi quelques places, comme celle où s'élève le
Mira-Arab, que nous venons de voir, et d'autres plus ou moins impor-
tantes comme le Divanbeghi, en souvenir du grand-vizir, ce haut
dignitaire qui en serait l'auteur au XVIP siècle sous l'émir
Imankoulj-khan, auquel on doit aussi un médressé et une mosquée
entourant une vaste pièce d'eau ombragée par des arbres séculaires.
La place pi-incipale est le Reghistan, sorte de forum où la foule se
presse presqu'à toute heure du jour et où se tient un marché extraor-
dinairement animé ; rien de pittoresque comme ces groupes bizarres
au milieu desquels nous avons figuré nous-même ; seulement ce ne
sont plus quelques lignes mais des pages qu'il faudrait consacrer à
tout cela, or nous ne voudrions pas abuser du lecteur et l'espace nous
- 88 —
est mesuré. Une des originalités qui frappent, c'est l'usage de sortes de
parasols, abris en paillassons qui protègent les marchands accroupis
sur des tréteaux au milieu de leurs denrées ou de leurs bibelots, ou
simplement assis sur le sol. Que de scènes de genres dans ce cadre ; il
n'est pas besoin d'insister, on le comprendra facilement.
Dominant cet ensemble, c'est l'ancienne citadelle, l'Ark, dont l'ori-
gine remonterait au IX® siècle. Ses murailles couronnent une
éminence haute de quelques mètres et abritent la résidence du Prince
régnant et des principaux dignitaires. L'ensemble de cette enceinte,
où nous n'avons pu pénétrer, mesure une superficie de plus de dix
hectares. On y accède par un important portail ogival, flanqué de deux
tours rondes coniques, mais on est tout surpris d'y voir au-dessus de
la porte une vulgaire horloge, construite vers le milieu du siècle par
un voyageur italien auquel l'Emir Nasser-Oulah avait donné le choix
pour échapper à la mort de se convertir à la religion de Mahomet ou
de fabriquer un appareil servant à marquer le temps. On comprend
que le malheureux voyageur fut trop heureux d'échapper ainsi au
triste sort qui lui était réservé, s'il faut en croire les autours. Sous le
portique sont étendus des gardes nonchalants à l'air parfois
farouche.
Il existe aussi à Bokhara des caravansérails où se pressent bêtes et
gens dans l'encombrement des ballots de marchandises.
Nous pensons avoir suffisamment démontré qu'il n'y avait rien
d'exagéré en proclamant Bokhara la Noble la plus curieuse ville du
monde et l'on ne saurait trop dire aux amateurs de pittoresque d'aller
s'en rendre compte par eux-mêmes et de no pas trop tarder, car le
progrès marche sous l'influence russe et la route devient plus suivie
chaque année, et avec le temps la civilisation fera perdre sa physio-
nomie à cette étrange cité dont Quinte-Curce fait mention. Elle fut la
proie des plus fameux conquérants et la capitale de grands rois; vers le
X* siècle elle était regardée comme la principale ville d'Asie et a
pu échapper jusqu'à présent aux atteintes trop directes des transfor-
mations. On ne pourrait en dire autant des autres grands contres du
Turkestan et en particulier de Samarcande, dont deux cent cinquante
kilomètres nous séparent encore.
La voie ferrée poursuit sa course à travers l'oasis arrosée par le
Zerafcliano, la rivière que les anciens nommaient Sogd, d'où vient
l'étymologie du nom de la province Sogdiane. campagne fertile grâce à
l'irrigation bien comprise. Après (|uelques heures de marche on quitte
— 89 —
les Etats de l'Emir pour rentrer sur le territoire russe, et bientôt appa-
raissent dans le lointain les premières montagnes qui encadrent
Samarcande, premiers échelons du massif central asiatique et en parti-
culier de l'Alaï.
SAMARCANDE.
Samarcande, ce nom qui évoquait autrefois pour nous des splendeurs
mystérieuses entourées de légendes, résonne aujourd'hui agréablement
à notre oreille tant il nous a laissé de belles impressions, et de fait nous
connaissons peu de villes, dans nos pérégrinations à travers le monde,
qui nous ont laissé d'aussi profonds souvenirs ; c'est là du reste une
impression commune à tous ceux qui ont fait le voyage, plus d'un l'a
non seulement dit mais écrit. Lors de notre passage l'antique Maracanda,
fondée par le Grand Alexandre était le terminus du chemin de fer
transcaspien, et il vient d'y avoir dix ans que la première locomotive
sifflait aux portes de la capitale de Tamerlan.
Nous avons parlé du manque de confort relatif d'un voyage en ces
pays et il nous souvient que l'hôtel, modeste, mais le plus digne de ce
nom, se trouvait à Samarcande l'hôtel central tenu par une dame.
Les Russes ont eu l'idée, comme ailleurs du reste, de créer une ville
européenne à quelque distance de la ville Sarte, laissant ainsi à la ville
indigène son cachet propre et évitant les difficultés que pourrait
susciter une trop grande promiscuité. L'aspect de la nouvelle cité est
des plus gais, elle est littéralement enfouie dans la verdure et semble
un immense jardin dont les larges avenues figureraient les allées. La
fraîcheur y est entretenue par des ruisseaux qui couvrent en bordure
des chemins entretenus avec soin et arrosés par des cantonniers
comme cela se pratique dans les cités les plus modernes. L'essence la
plus répandue est le peuplier qui se développe bien et atteint même
de grandes proportions. Seulement.... il y a un seulement, il paraît
que si cette humidité constante rafraîchit et vivifie les plantes, elle
engendre par contre la fièvre. Les maisons disparaissent pour la
plupart dans l'entourage de leurs jardins. 11 n'existe pas de monument,
car on ne peut donner ce nom h la résidence du Général Gouverneur
qui nous a ménagé un si aimable accueil pas plus qu'au pavillon du
Club militaire ou même à la chapelle aux verts clochetons. Aussi nous
n'insisterons pas sur cette cité toute moderne, où circulent des voitures
russes tout comme à Moscou et à St-Pétersbourg, pour visiter la vieille
et antique Samarcande dont les ruines grandioses apparaissent au loin
gigantesques comme certaines ruines de Rome et des environs. Disons
- 90 —
en passant que ces monuments, victimes de tremblements de terre à
diverses époques, ont été fortomont endommagés comme on va le voir,
il est vrai qu'ils sont en briques séchées au soleil et non en pierres
ou en marbre. Tous ces édifices datent du début du XIV^ siècle
jusque vers la fin du XVIP ; mais les plus beaux sont de l'époque
de Tamerlan, c'est-à-dire de 1380 à 1405 surtout. Tout récemment
encore ces grandioses débris ont été fortement endommagés par un
tremblement de terre ; heureusement que de nombreuses photographies
en ont été prises et que nous-même nous en avons exécuté quelques
croquis et aquarelles et relevé des plans sommaires. Le gouvernement
russe a aussi envoyé une mission archéologique dont on verra très
probablement le relevé des travaux à notre grande Exposition de la fin
du siècle.
Une citadelle dominant le vallon qui sépare les deux villes rappelle
aux indigènes que la puissance russe saurait se faire respecter au
besoin ; on peut y voir la « pierre verte ou Hoch Tach » trône de
Tamerlan, ainsi que quelques débris da palais, parmi lesquels la salle
d'audience; mais avant de gagner l'antique cité arrêtons-nous au
« Gow^ EiJih" » ou toniheoM de Tamerlan. C'est un bel édifice en
partie ruiné dont la coupole se dresse fièrement à environ quarante à
cinquante mètres au-dessus d'une vaste arcade évenlrée que flanque
un minaret décapité dont l'équilibre paraît inquiétant. Ce monument,
œuvre de Tamerlan, qui y fit enterrer son précepteur et maître spirituel
auprès duquel il devait venir reposer lui-même quelques années plus
tard, était recouvert de mosaïques compliquées entremêlées de carac-
tères ])ersans, et ces parois émaillées aux vives couleurs devaient
resplendir sous l'éclat du soleil. Elles sont fortement endommagées
aujourd'hui et la coupole en particulier n'en porte plus que des traces.
Les Tinsses ont dû prendre des mesures pour arrêter la ruine complète
dont l'édifice semblait menacé.
C'est par le portique faisant face à l'ouest que l'on pénètre dans
l'édifice ; ce portique de proportions modestes est également recouvert
de briques vernissées ornées d'inscriptions persanes d'un bel efiet
décoratif, dont l'une d'elles relate, paraît-il, le nom de l'auteur de
l'édifice qui serait un nonnné Abdullah, d'Ispahan. Il est du reste évident
que les monuments de Samarcande doivent être l'œuvre d'artistes
persans, car leur ressemblance avec les monuments de Perse est de
toute évidence. On traverse une petite cour-jardin où se tiennent
d'oi-dinaii-c queb^ucs prêtres, gardiens du lieu, avant de pénétrer sur
la haute coupole, que supporte une pièce carrée, dont les murs sont
^ Ul —
garnis de plaques de jaspe jusqu'à hauteur d'homme. Au haut des murs
règne une suite de petites niches, qui rappellent des cases à pigeons.
Du côté de l'édifice figure le niirab. Au centre, dans une enceinte
rectangulaire formée par une balustrade en albâtre ajouré, se trouvent
six cénotaphes en marbre de diverses couleurs. Celui de Tamerlan,
placé au centre, porte une tablette de jade vert très foncé, presque noir
d'aspect, sur le pourtour de laquelle se déroule une longue inscription
en caractères anciens, déchiffrée il y a quelques années, qui nous
apprend les noms et titres du puissant Potentat et de ses ancêtres et la
date de sa mort. Celte pierre d'une grande valeur passe pour un
présent offert par une princesse mongole, mais pou importe. A côté de
ce sarcophage, se trouve celui d'Ouloug-Beg, mort en 1449, le petit-
fils du conquérant redoutable. A la suite la tombe du précepteur,
derrière laquelle est un petit tabernacle carré à coupole, où brûlait la
lampe du feu éternel. . . éteinte depuis longtemps déjà ! Au-dessus des
mausolées se dressent deux longues hampes vermoulues surmontées
du croissant et auxquelles pendent la verte bannière du Prophète et la
queue de cheval (insigne du commandement et symbole de bravoure).
En dessous est une crypte, sombre salle souterraine, renfermant les
restes des personnages dont il vient d'être parlé ; on n'y pénétrait ja-
dis que rarement
et en tremblant;
aujourd'hui les
touristes y sont
conduits par
des gardiens la-
léchés par le
pourboire : telle
est l'œuvre des
temps. On y re-
trouve une ba-
lustrade comme
au-dessus avec
les sarcophages;
au dire de Vam-
béry c'est là que
l'on aurait caché
le fameux exem-
plaire du Coran
^-^ç^^œ^fr-
IJE « GOUR EMIR» — TOMBEAU DE TAMERLAN A SAMARCANDE.
— 92 —
écrit sur peau de gazelle par Otliman, secrétaire de Mahomet et enlevé
du trésor de Bajazet par Tamerlan, « Tel nous est apparu, comme le
dit avec beaucoup d'humeur M. le comte de Pontevès de Sabran, le
tombeau du plus infatigable émondeur de peuples et du plus farouche
gâcheur de nations dont il soit fait mention dans l'histoire. De ce
Tartare fameux qui, dépassant en atrocité ses sanguinaires prédéces-
seurs, Attila et Gengis khan, fit décapiter à Bagdad quatre-vingt-dix
mille vaincus, donna une naumachie dans leur sang, et, avec leurs
têtes coupées éleva une pyramide au Dieu de la Victoire ; qui, à Delhi,
ordonna le massacre de cent mille prisonniers; qui, partant enfin de
Moscou au Gange , faucha impitoyablement le troupeau humain,
entassant ruines sur ruines, et ne reconstruisit jamais une ville sans
jeter dans ses fondations une couche de vivants et de morts, enterrés
pêle-mêle sur le mortier et les pierres ». C'est hanté par ces faits
historiques qu'on ne peut se défendre d'un étrange sentiment quand
vos pas vous ont conduit à travers les déserts asiatiques jusqu'au-
près de ce qui reste d'un des plus terribles chefs de hordes humaines.
Que de réflexions vous traversent l'esprit et qui peuvent se résumer
en deux mots : grandeur et néant !
Tout proches du « Gour Emir » se trouvent deux monuments d'un
intérêt fort médiocre ; le premier est un turbé ou tombeau et le second,
un médressé ruiné avec une pièce d'eau carrée, à la cour duquel donne
accès une porte moderne flanquée de deux clochetons.
Il faut franchir quelques centaines de mètres par une avenue
plantée d'accacias qui abrite une suite de petites échoppes ou boutiques
pour atteindre la célèbre place, unique au monde en son genre, où se
trouvent groupés trois de ces imposants édifices qui sont l'orgueil de
Samarcrmde. Nulle description ne saurait rendre l'impression que l'on
ressent à la vue de ces monuments d'une majestueuse grandeur. La
vaste place si curieuse et si animée dans le jour, surtout à certaines
heures, porte le nom de Reghistan, elle marquerait paraît-il le lieu où
le Grand Alexandre tua son ami Clitus au cours d'une de ces orgies
sardanapalosques, qui virent tant d'étranges choses. Elle est bornée
sur trois côtés par les façades de médressés, des plus remarquables :
Tilla Kari, Ouloug-Beg et Chir Dar qui, quoiqu'ayant de grandes
analogies, présentent cependant chacun leur intérêt particulier. Ces
monuments aux grandes arcades flanquées de coupoles et minarets
décapités, qui de loin ressemblent à des sortes de cheminées d'usines,
qu'un tremblement de terre aurait fait dévier de la verticale, snnt dans
- 93 -
le style des mosquées d'Ispahan et présentent ce mode de décoration
extérieure des faïences émaillées aux jolies tonalités. Deux d'entr'eux
se faisant face se ressemblent et le troisième ne diffère gaère. Pour
donner une idée de l'impression que l'on ressent à leur vue, nous no
saurions mieux faire que de détacher quelques lignes de l'ouvrage de
M. Leclercq, auquel il a déjà été fait allusion : « J'ai vu le Reghistan,
dit-il, aux premières heures du jour, lorsque les indigènes s'y pressent
en foule, à l'heure torride où le soleil au zénith l'éclairé de ses rayons les
plus flamboyants, à l'heure où l'astre à son déclin teint en rose et en or
ses coupoles et ses minarets ; mais c'est à minuit, dans le drame des
ténèbres que je l'ai vu sous son plus saisissant aspect. Celui qui
voudrait emporter de Samarcande un meilleur souvenir y devrait
arriver le soir, visiter le Reghistan el s'en retourner aussitôt. 11 n'est
peut-être pas au monde de plus fantastique vision que ce forum oriental
à la clarté lunaire ; ses monuments, dans le silence do la nuit, prennent
un aspect si aérien, si vaporeux, si idéal, qu'on s'en prend à douter
s'ils sont les œuvres d'hommes ou de génies ! ».
Le plus ancien des trois monuments est celui d'Ouloug-Beg, fondé
en 1434 par le petit-fils de Tamerlan, car il est à- noter que les édifices
qui nous intéressent ont dû succéder à d'autres plus anciens et pour la
plupart disparus. Ce prince Ouloug-Beg fut un liomme éclairé et de
progrès pour son temps ; c'est ainsi qu'il voulut faire de Samarcande
un foyer de science et qu'il appela des savants à lui prêter l'appui de
leurs lumières. L'astronomie sembla l'attirer plus spécialement. Ces
établissements appelés à réunir des centaines et même des milliers
d'étudiants venus de tous les points du monde asiatique sont presque
déserts aujourd'hui et semblent abandonnés. Fort délabrés et éprouvés
par des tremblements de terre, ils ne sauraient être que l'objet de
restaurations sommaires dont semblent vouloir s'occuper les Russes
pour les préserver d'une destruction presque complète. La disposition
de ces édifices est à peu près la même ; c'est un portique imposant par
lequel on accède à une cour, avec fontaines aux ablutions et mosquée,
toute garnie au pourtour sur deux étages de cellules, où logeaient les
étudiants, qui avaient pour unique mobilier une natte. L'hiver ils
pouvaient chauff"er la modeste pièce au moyen d'un brasero ménagé
dans le sol ou dallage. Quelques livres et une pipe étaient le bagage de
ces jeunes gens qui venaient ainsi pour s'instruire. Ces étabhssements
ont des biens inaliénables, reconnus par la Russie, leur procurant
ainsi des revenus pour l'entretien des mollahs.
- 04 —
Les façades de ces édifices portent encore les traces de décorations
aux couleurs variées; dans certaines les notes brunes ou jaunes
tachent le fond bleu vert d'un ton délicieux, où l'or met ses pointes
brillantes, comme dans la Tilla Kari ou « Œuvre d'or » qui présente
seize fausses ogives et est flanquée de deux tours. Les décorations
se répètent à l'intérieur sur les cours ; ce sont des dessins et arabesques
en fleurs en général, parfois aussi figurent des animaux comme sur
la façade de Chir Dar désignée sous le nom de « porte du lion »
que décorent deux tigres fauves zébrés de noir auprès d'un soleil,
dans le genre persan. Ce dernier édifice qui a grand air avec
ses coupoles aux côtes marquées date de 1618 et serait l'œuvre
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riKHiçu
MEDRESSE DE CHIR DAR SUR LE REGHISTAN.
d'Yalangtach-Bahadour. grand-vizir de l'émir Imamkouli ; les frais de
construction auraient été couverts par le pillage du trésor de Méched.
Une inscription rappelle le nom du fondateur et avec la phase
orientale chante les merveilles de cette œuvre, à la Mie de laquelle,
paraît-il, la lune étonnée se serait posée le doigt sur les lèvres !
Nous ne saurions entrer dans la description détaillée de chacun
de ces monuments qui n'offrirait que peu d'intérêt au lecteur, il nous a
suffi de chercher à soulever le voile qui les cachait au monde il y a
quehpies années encore. De même nous n'insisterons pas sur le
spectacle intéressant de la foule si curieuse qui s'agite sur cette place ;
il y a là des groupes pittoresques, des conteurs, les représentations
^95
plus OU moins curieuses de derviches, etc. .. on passerait des lieures à
observer, à noter. Avant de quitter le Reghistan le voyageur pourra
monter sur un des monuments pour jouir du coup d'œil d'ensemble de
la ville. De là la vue embrasse l'ensemble de cette cité dont Marco Polo
a fait une si enthousiaste description et dont les édifices ne sont plus
que l'ombre de ce qu'ils étaient et ne donnent qu'une faible idée de ce
que pouvait être la ville d'où s'élançaient les terribles chefs des hordes
sauvages qui envahirent l'Europe à diverses époques. Samarcande
était retombée dans l'oubli et elle semblait condamnée à disparaître à
jamais quand les Russes sont venus, pacificateurs conquérants, la faire
briller d'un nouvel éclat et la révéler en quelque sorte au monde étonné.
Si Samarcande avec ses monuments se présente bien de loin comme
on l'a vu en venant de la ville russe, elle offre un tableau inoubliable
qu'un de nos amis M. Eysséric a su si bien rendre et que les visiteurs
du salon de peinture n'auront pas négligé d'admirer, quand on
la contemjtlede l'est sur la route suivie par d'interminables caravanes.
D'une aride colline dominant l'ensemble du paysage aux horizons
lointains que ferme une suite de montagnes s'estompant dans la brume
de l'éloignement, on voit s'étendre les échoppes des marchés et les toits
plats desquels émergent gigantesques les colossales ruines ; pans de
murs, minarets tronqués et coupoles. La double masse imposante qui
semble la plus distincte est ce qui reste du plus important des édifices
de la ville dite la « Reine do l'Univers » ou le « foyer central du globe »
ou encore la « Mère dos sciences » car on sait la richesse des
expressions de la langue orientale ; c'est la « Bibi Khaneh ou
Samarcande. (Vue d'ensemble des monuments).
REGHISTAN. MÉDRESSÉ DE BIBI KHANEH.
Bibi-Khanoum » médressé aux énormes proportions du nom de la
reine Bibi, cette petite et mignonne princesse, fille d'un Empereur
de Chine, qui avait été l'épouse favorite de Timour le boiteux, le
farouche et sanguinaire despote qui a, on peut dire, fait trembler
— 9G —
l'univers entier. Le prince et la sultane furent les auteurs de ce
monument élevé en 1388 et destiné à recevoir un millier d'étudiants.
Si l'on juge par ce que nous avons pu contempler de nos yeux étonnés,
cet édifice par son importance et la richesse des décorations, était le
plus somptueux que l'on puisse rêver, malheureusement si cela continue
dans moins d'un quart de siècle il n'en restera plus rien, malgré les
efforts faits pour arrêter le mal de la destruction à laquelle ont
travaillé les hommes et le temps.
En façade on trouve d'abord un monumental portail flanqué de deux
hautes tours hexagonales d'un bel ensemble dans leurs vastes propor-
tions. La hauteur peut atteindre de trente à quarante mètres, certains
disent cinquante, la longueur de l'arcade est de quinze à seize mètres
et la profondeur environ de moitié. Les mosaïques qui recouvrent le
tout ne subsistent que par parties et ce qui en reste fait juger du
merveilleux dessin et de la vivacité de ces revêtements en terre cuite
vernissée d'un si gracieux effet ; en plusieurs endroits on trouve des
traces d'or sur l'émail encore brillant. Une sorte de cour plantée
s'étend à la suite ; au centre une sorte de double pupitre en marbre
blanc supporté par neuf petites colonnes devait supporter un immense
exemplaire du Coran. A droite et à gauche deux coupoles effondrées
indiquent la place de mosquées. Enfin au fond un majestueux dôme
sur lequel le temps a mis sa patine subsiste encore. Il coiffait une vaste
mosquée, également enrichie de décorations, caractères persans et
autres ornements, fort dégradés. Un récent tremblement de terre a
paraît-il compromis l'existence de ce monument presque unique au
monde en son genre.
Tout proche on peut voir les ruines malheureusement presque
informes d'un mausolée dont la voûte en s'écroulant révéla une crypte
renfermant cinq sarcophages recouverts de versets du Coran, qui
seraient, d'après la tradition, ceux de la reine Bibi Khaneh et de ses
quatre enfants.
Plus loin est un groupe de bâtiments des plus inléressants, connu
sous le nom do Chah Zindeh ou « du roi vivant » élevé par Tamcrlan
pour perpétuer la mémoire d'un saint des plus vénérés, Kanin bcn
Abbas, un des premiers disciples du Prophète. Une légende se rattache
à sa personne ; il vivait depuis des siècles sans pouvoir mourir, las du
poids des ans, il se creusa une tombe où il descendit. Comme on
prétendait qu'il y vivait encore Tamerlan envoya des émissaires pour
constater le fait. Plusieurs se dévouèrent mais ne revinrent pas, quand
- 97 -
un fanatique se présenta ; il se fit descendre la tête la première par
respect pour le Prophète, qu'il trouva en prière; revenu au jour sur
la permission du saint auquel il avait juré de ne rien dire, il se vit
menacé de mort par Tamerlan, s'il ne révélait pas ce qu'il avait vu ; il
NÉCROPOLE DE CHAH ZINDEH (SAMARCANDE).
avait à peine ouvert la bouche qu'il fut frappé de mutisme et que la
punition s'étendit sur sa descendance jusqu'à la huitième génération.
C'est alors que Tamerlan pour apaiser le saint lui fit ériger un superbe
monument qui devint un lieu de pèlerinage très fréquenté.
A l'aspect extérieur, ce monument qui s'étage sur le flanc d'une
colline présentant un curieux ensemble d'édifices plus ou moins
importants surmontés de coupoles, et encore garnis par partie de faïences
vernissées, a une physionomie des plus originales. 11 débute par un
grand portail ogival enrichi de mosaïques, derrière lequel quelques
mollahs ont trouvé abri dans de modestes cellules. Un majestueux
escalier, jadis recouvert de marbre, conduit à une sorte de corridor
sur lequel s'échelonnent plusieurs pavillons ou tombeaux, parmi
lesquels celui de la sœur de Tamerlan. Des petites chapelles octogonales
sont aussi des merveilles d'architecture orientale. Nous ne saurions
insister sur le charme de la décoration des coloris des revêtements sous
peine de redite. Au fond se trouve le sanctuaire vénéré consistant en
une salle carrée à coupole où dans la sombre et mystérieuse retraite le
mausolée, enveloppé de draperies est à peine visible. Tout autour sur
les murs sont enferme d'ex-voto, des tableaux et objets divers laissés
par les pèlerins. A côté est une pièce oîi l'on fait voir un exemplaire
gigantesque du Coran dont les feuillets sont rongés, et une autre
chambre où s'enferment la nuit les femmes stériles, désireuses d'avoir
des enfants, et dont les vœux sont parfois exaucés, paraît-il ! Nous
n'insisterons pas
— 98 —
Les monuments de Samarcande sont, on peut dire, tout l'attrait de
la cité qui ne compte qu'une quarantaine de milliers dïndividus. A côté
d'eux on ne prend plus garde à l'intérêt qu'offrent les bazars, cepen-
dant assez populeux où s'agite une foule bigarrée, rappelant un peu,
mais de loin, celle de Bokhara. Ces bazars ont été presque complètement
détruits par les Russes et la seule partie curieuse est une rotonde située
près du Reghistan. C'est là surtout que se tiennent les chapeliers ou
plutôt marchands de calottes pointues plus ou moins richemenl brodées.
On peut voir encore des bottes aux hauts talons couvertes de broderies
parfois fort riches et des babouches de toutes nuances que les indigènes
chaussent par-dessus la botte. Plus loin ce sont des selles et harna-
chements, étriers, mors, etc. Il y a aussi comme à Bokhara des marcliands
de vases, cafetières, théières en cuivre ouvragé, de couteaux, de soies
et étoffes, et de pipes à eau très originales faites d'une courge desséchée;
sans parler du reste. Les jours de marché l'animation est grande
surtout sur la place à l'entrée de la ville à l'est et dans la rue qui
mène au Reghistan, il est alors difficile de s'y frayer un passage au
milieu des bêtes et des gens. Les transactions sont nombreuses sur les
articles de consommation comme le coton, la soie, le sel, le riz, les
fruits et les bestiaux, chevaux, mulets et moutons plus spécialement.
Enfin aux environs de la célèbre capitale de Tamerlan on peut encore
voir des substructions et vestiges d'édifices de cette grande époque,
parmi lesquels les restes imposants d'un palais érigé par la princesse
Bibi Khaneh. 11 nous souvient aussi avoir visité un important édifice
de plan régulier, beau médressé, dont les revêtements d'un délicieux
émail à fond bleu étaient malheureusement fort détériorés. Dans nos
pérégrinations aux alentours nous avons aussi trouvé un porche
monumental couvert de caractères persans en guise de décoration,
sous lequel nous n'avons pu également mettre un nom. Pour finir, il
existe à quelque distance dans un ravin sauvage au bord d'un ruisseau,
à un endroit dit « Afrousiab » où l'un a découvert des poteries et autres
objets seml)lant remonter à l'époque grecque, le tombeau d'un saint
prophète qui attire grand nombre de fidèles, du prophète Daniar, dont
le nom ne serait, selon certains auteurs, que la corruption du mot
Daniel (de la Bible) et qui aurait été un disciple du Chah Zindeh. Il
consiste en un simple sarcophage en briques peintes à la chaux,
s'élevant sur une terrasse. La particularité de ce monument serait,
d'après la légende, son élasticité ; il s'allongerait paraît-il chaque
année et quand nous l'avons vu il mesurait déjà plus de dix mètres
•— 99 —
de longueur.... on ne dit pas si le corps du saint grandit dans les
mêmes proportions ! Autour, des hampes portent des lambeaux de
drapeaux et des crinières de cheval.
TACHKENT, KHODJENT, KOKAN, MARGHELAN.
Au delà de Samarcande s'étendent les provinces du Turkestan anté-
rieurement conquises par les Russes, comme on a pu le voir dans
l'aperçu historique au début de cet article ; au désert ont succédé des
régions fertiles où l'on trouve quelques centres importants comme
Tachkent, Khodjent, Kokan et Marghelan. Ces pays d'un tout autre
aspect, plus accidentés, se relient au nord aux autres provinces russes
sibériennes et à l'est et au sud à la Chine, comme le Ferganah ou
ancien Khanat de Kokan, qui s'appuie aux Monts Alaï, ces contreforts
du fameux plateau de Pamir. Les communications dans ces régions se
font au moyen de voitures, des fameuses tarentass, longs chariots où
l'on peut s'étendre à l'aise à défaut de banquettes, et dans lesquels on
est fortement secoué, cela va sans dire, sur des routes fort accidentées.
Ce véhicule est néanmoins préférable à la téléga, caisse posée sur-quatre
roues sans ressort, do laquelle nous avons personnellement conservé
un assez désagréable souvenir ou au perecladnaia, qui n'est pas plus
confortable. 11 n'est pas question de pont en général dans ces longs
trajets à la traversée des rivières que l'on franchit à gué et parfois les
pieds dans l'eau, on se sert aussi dans ces circonstances de l'arba,
voiturette perchée sur deux hautes roues. Tel est le procédé grâce
auquel on arrive à parcourir relativement encore assez rapidement de
grandes distances et il est des cas où les Russes font ainsi plusieurs
centaines de kilomètres d'une traite. Pour notre part il nous souvient
avoir accompli en Arménie un trajet de plus de deux cents kilomètres
sans autres arrêts que ceux aux relais ou stantsias, stations de poste, où
le samovar est toujours prêt pour le voyageur muni de son thé et de
son sucre, dont le Russe ne se sépare jamais. Pour voyager ainsi il faut
être porteur du podorojna, sorte de feuille de route, sur le vu de
laquelle le maître de poste (starosta) vous donne des chevaux de
rechange.
Actuellement on peut déjà atteindre Tachkent en chemin de fer, en
attendant les autres lignes ; on franchit le Zerafchane, qui arrose la
plaine de Samarcandc ou la Sogdiane, du nom du Sogd (Zerafchane)
dont les eaux captées avec soin vont se perdre dans le désert auprès
— 100 —
de Bokhara. Au bout de quelques lieues on quitte la vaste campagne
pour retrouver le désert, puis on franchit une petite chaîne monta-
gneuse qui sépare la vallée du Zerafchane de celle du Syr Daria, ce
vaste fleuve, que l'on traverse avant Tachkent et qui va se jeter à la mer
d'Aral. Au-delà d'un passage resserré dans la montagne se trouve
Djisak, petite ville de quelques milliers d'habitants, située à moins de
cent kilomètres de Tachkent ; elle est le point de départ de la route de
Khodjent, Kokan et Marghelan. A ce propos on peut dire que les
routes du Turkestan sont fort désagréables et que si l'hiver on y
grelotte au milieu de la neige, l'été on y grille sous un soleil torride
au milieu d'une poussière intense qui pénètre partout; on connaît du
reste les températures extrêmes de ces régions oîi si le thermomètre
monte à 50 et 60 degrés parfois il descend aussi au-dessous de glace
jusqu'à moins 20 et moins 30 degrés.
Tachkent est située à 280 verstes de Samarcande et à environ cinq
cents lieues d'Orenbourg la dernière ville Russe ; elle est la capitale
du Turkestan russe et le quartier général de l'Administration. Elle se
compose de deux villes distinctes, la ville russe et la ville indigène,
son nom signifie « ville de pierre » de tach, pierre, et kent, ville. La
première créée par le général Kaufmann, le premier Gouverneur du
Turkestan, qui y mourut en 1882, regretté de tous, rappelle Samarcande
par ses avenues droites bordées de jardins, qui lui donnent l'aspect d'un
parc où seraient disséminées des villas. Sa population est d'environ
douze mille âmes. Elle jouit d'un climat relativement salubre. En
dehors de l'Eglise qui s'élève sur une vaste place, la ville compte
quelques édifices d'importance fort secondaire du reste.
La résidence du Gouverneur Général est une villa fort simple
entourée d'un beau parc, mais dont l'intérieur est relativement luxueux.
On peut voir aussi, parmi les principaux édifices, le Cercle militaire,
sorte de casino où se donnent des fêles brillantes, le théâtre, où ont
lieu des bals masqués, tout comme à l'Opéra de Paris. 11 nous est
arrivé du reste, d'assister « au Grand Prix » de Samarcande et nous
nous souvenons avoir assisté là à un spectacle qui laissait bien loin
derrière lui celui des courses de Longcliamp. Aux lieu et place du
Président de la République, se tenait le Général Gouverneur entouré
de son état-major à l'abri d'une tente, sous laquelle les officiers russes
nous avaient conviés à prendre place. Quelques chefs indigènes en
grande tenue jetaient une note amusante et pittoresque au milieu des
uniformes européens, et la foule à pied et à cheval formait un r('jouis-
•— 101 —
sant spectacle, comme il nous a rarement été donné d'en contempler.
Les cavaliers surtout avec leurs costumes étrangers et les harna-
chements fantaisistes de leurs montures étaient des plus curieux et un
artiste ou photographe aurait fait là ample moisson de sujets inédits.
Quelques instantanés sont pour nous de précieux souvenirs. Nous
n'insisterons pas sur le programme varié de cette réjouissance publique
où Russes et indigènes ont rivalisé ; les fantasias qui n'avaient pas
certains des charmes de couleurs de celles de nos Arabes étaient
cependant des plus pittoresquement intéressantes.
Mais revenons à la ville, qui nous intéresse. Tachkent est le siège
également du Tribunal suprême, la résidence d'un évêque, etc.. On
peut y voir de beaux magasins, comme dans une grande ville euro-
péenne, des industries de diverses natures, jusqu'à une brasserie qui
expédie chaque jour des milliers de bouteilles ; on y trouve du vin des
environs où poussent des plans de vignes d'espèces variées depuis des
espèces bordelaises jusqu'à des boutures caucasiennes, criméennes ou
espagnoles. Des vignerons français sont venus leur prodiguer leurs
soins et initier les indigènes à cette culture. Des magnaneries ont été
aussi installées dans le pays. Quant à la culture -du coton on a déjà
signalé les progrès qu'elle a faits au Turkestan, dont la fibre du précieux
arbrisseau, produit luttant déjà avec ses frères concurrents, deviendra
une des principales richesses. Mais ce n'est pas le lieu de nous étendre
sur des considérations économiques pour l'étude desquelles la place
nous fait défaut.
Tachkent, comme toute ville qui se respecte, possède un musée,
riche du reste en antiquités ei curiosités ethnographiques. On peut y
voir une belle collection d'antiquités grecques trouvées à la place où
fûl l'antique Samarcande, des idoles, des instruments primitifs, des
faïences émaillées, et des échantillons de la flore et de la faune du
pays. Une bibliothèque est annexée à ce musée, elle renferme des
documents les plus curieux sur le Turkestan, ouvrages en langues
indigènes, manuscrits, etc.. Son conservateur était, il y a quelques
années un hardi voyageur, qui avait visité l'Afghanistan et avait pu
pénétrer à Caboul à une époque où l'on n'osait guère s'aventurer dans
ces pays fanatiques et d'une sécurité plus que douteuse. Enfin un
journal se publie dans la ville où a résidé un administrateur habile qui
a beaucoup fait pour le développement du pays et sa marche en avant
dans la voie du progrès, nous voulons parler de S. E. Général
Rosenbach , un des promoteurs des chemins de fer transcaspiens ,
- 102 —
créateur de plusieurs établissements liosj)italiers et d'écoles indigènes.
Quant à la ville Sarte de Tachkent, vieille de plusieurs milliers
d'années, si elle est curieuse par ses bazars, elle n'offre pas l'intérêt
de Samarcande au point de vue des monuments ne comptant que
quelques mosquées plus ou moins modernes. Autrefois fortifiée, elle a
vu sa vaste enceinte percée d'une douzaine de portes, rasée par les
Russes. Le cédant à Bokliara à tous points de vue, elle compte cepen-
dant plus de 120.000 habitants. Tout l'intérêt consiste donc dans le
pittoresque des bazars où l'on retrouve cette même confusion de races
et le mélange des costumes. Toujours mêmes enfilades de sombres et
étroites échoppes où règne généralement une odeur plus ou moins
nauséabonde ; on retrouve là les représentants de tous genres de
commerces et industries, marchands de denrées, fruits, légumes,
rôtisseurs de petits pâtés de viande hachée avec des oignons,
confectionneurs de plats de riz, etc., plus loin les orfèvres,
aux étalages desquels figurent des boutons, de grosses boucles de
ceinture, des diadèmes, des colliers ; des ouvriers travaillant le cuir,
ou brodant des étoffes ; des couteliers et surtout des chaudronniers.
A ce sujet il est à noter que si à Tachkent les vases sont en cuivre
étamé avec dessins sur fond blanc, ils sont en cuivre rouge à Bokliara
et en cuivre jaune à Kokan. On retrouve encore là l'inévitable conteur
d'histoires avec ses clients ordinaires, le barbier qui rase la tête à
l'aide d'un instrument primitif. Il y a quelques années on pouvait
encore trouver des bibelots anciens, mais ils deviennent fort rares.
Nous ne saurions terminer cette courte étude sur le Turkeslan sans
dire deux, mots de Khodjcnt, Kokan et Marghelane.
La première de ces trois cités passe pour une des villes les plus
antiques du monde ; des auteurs prétendent qu'elle serait l'ancienne
Alexandria, c'est-à-dire le point extrême atteint par le Grand Con-
quérant. Son histoire est des plus variées et elle vil les Chin(HS, les
Persans, les Turcs et enfin les Russes se succéder dans sa vaste
enceinte presque abandonnée et dénuée- de tout intérêt. Kodjent s'élève
sur les bords du Syr Daria, large de })lusieurs centaines ch' mètres et
est situé à i»lns do cent verstes de Kokan.
L'ancienne capitale des khans de Kokan, bien déchue de son
ancienne splendeur rappelle les villes asiatiques que nous connaissons
maintenant ; même aspect extérieur, mêmes scènes de genre dans la
.rue et les bazars, Tort imi)ortanls. La ville ne compte guèr^> ({ii'une
— 103 —
soixantaine de milliers d'habitants. Les rivières qui l'arrosent n'ajoutent
aucun cachet particulier à sa physionomie et ne la rendent pas plus
propre ni plus salubre, paraît-il, que Marghelane où le climat est des
plus fiévreux. Les monuments de Kokan n'ont pour eux que leurs
proportions et ne sauraient intéresser à côté des édifices de Samarcande.
L'ancien palais des khans est un considérable ensemble de bâtiments
séparés par des cours, et englobé dans une vaste enceinte défendue
par un fossé. La façade moderne présente un grand portail flanqué de
minarets et encadré par une suite de fenêtres ogivales terminées par
d'autres minarets. Le revêtement des faïences lui dorme l'aspect d'une
pièce de porcelaine, et peut donner une idée de ce que devaient être
jadis les édifices dont nous avons parlé, quand ils brillaient dans tout
l'éclat de leurs splendeurs. La description de l'intérieur du palais ne
saurait révéler rien de particulièrement curieux, et la décoration en est
d'un goût plus ou moins douteux, Un pont de pierre dans l'intérieur de
la ville offre un pittoresque spécimen d'architecture. Nous n'insisterons
pas sur les bazars sous peine do redite : à signaler cependant les
théières, cafetières et aiguières d'une jolie forme, tenant à la fois des
arts persan et hindou, ainsi que quelques bijoux de forme naïve et
des tapis, sans parler des fourrures.
Quant à la capitale du Ferganah, résidence du gouverneur de cette
province extrême, confinant à la Chine, elle comprend aussi deux
villes distinctes éloignées de plusieurs versles, dont nous n'avons rien à
dire, à cause du peu d'intérêt relatif qu'elles présentent. Marghelane,
qui fut le point de départ de nos hardis compatriotes, Bonvalot, Capus
et Pépin, pour leur belle exploration du Pamir, est située à plus de
cinq cents kilomètres de Samarcande et à près de cent de Kokan.
C'est ainsi que nous aurons conduit sans fatigue... d'aucune sorte,
nous l'espérons, nos aimables lecteurs jusqu'au pied des montagnes du
Trans-Alaï, au delà desquelles on peut entrevoir en une Imaginative
vision le plateau central dit le « Toit du Monde » avec ses solitudes
glacées, royaume de la désolation et de la mort !
Eugène Gallois.
— 104
Le Comité de V Alliance française nous envoie l'appel suivant avec
prière de l'insérer.
Nous aurions mauvaise grâce à nous y refuser, car nous savons le
but de ses patriotiques efforts.
Nous nous souvenons qu'elle a envoyé il y a quelques années M. Vahl
à la Société de Géographie de Lille, ce qui nous a valu une magistrale
conférence.
Enfin nous avons tous en haute estime l'éminent signataire de
l'article.
A. M.
POUR LA FRANCE !
V Alliance française vient d'entrer dans la seizième année de son
existence. Depuis sa fondation, elle n'a cessé de grandir et de s'étendre.
Aidez-nous à la faire progresser encore.
Notre génération a connu les humiliations de l'année terrible et
elle s'était juré de travailler de toutes ses forces au relèvement de la
patrie : elle a tenu parole ; V Alliance française est l'une des filles de
ce serment.
Jamais depuis 1870 et 1871 l'union de tous les Français, de toutes
les femmes françaises, dans un sentiment de piété commune envers la
France, ne fut plus nécessaire ni plus urgente ; jamais l'utilité de notre
association ne fut plus manifeste.
Le culte de la langue française, symbole de l'unité nationale, est
peut-être le seul qui puisse rallier sans réserve toutes les adhésions,
toutes les sympathies. Français de toute classe et de tout parti, de
toute opinion et de toute croyance, vous pouvez accepter et serrer avec
confiance nos mains tendues vers vous. Depuis quatorze ans, nous
avons fait, par nos actes conformes à nos paroles , la preuve de notre
loyale impartialité. Venez dans nos conférences, venez dans nos
comités, afin d'y oublier ce qui vous divise les uns les autres ; venez
travailler à notre œuvre. S'il n'est pas au pouvoir de V Alliance fran-
'— i05 —
çaise de proclamer la paix, puisse-t-elle au moins ouvrir chez elle un
asile à la Trêve de Dieu !
Voyez quelle est l'immensité de notre tâche !
Le jeune empire colonial, conquis en moins de vingt années par
l'héroïsme des explorateurs, des marins, des soldats de la République
française, est désormais fixé dans ses lignes générales, et il comprend
des territoires plusieurs fois grands comme la métropole, où la langue
française est à peine parlée, à peine connue. Le gouvernement ne suffit
pas à l'y propager; il fait appel à notre concours. Comment le lui
refuser ? Gomment nous désintéresser d'une entreprise dont l'enjeu
est l'avenir de la race française dans le monde ? Puisque la population
de la vieille France, en efi'et, s'accroît si lentement qu'elle est dis-
tancée de plusieurs millions, chaque année, par l'expansion de ses
voisins et de ses rivaux, un seul espoir lui reste de faire un jour équi-
libre aux agglomérations anglo-saxonne, germanique ou slave, c'est
de rapprocher d'elle et de sa civilisation les indigènes de ses colonies,
c'est de conquérir leur cœur en éclairant leur intelligence, c'est d'en
faire des. auxiliaires de sa puissance menacée, en leur enseignant
d'abord la langue nationale.
Dans la lutte économique de plus en plus âpre qui met aux prises
les grandes nations productrices, voici que les marchés qui, depuis des
siècles, paraissaient acquis à l'influence française, -menacent de lui
échapper. Dans le Levant même, où la France eut toujours une situa-
tion privilégiée, où elle possédait intact, naguère encore, le protectorat
des catholiques de toute nationalité, où ses produits régnaient presque
en maîtres depuis le XVP siècle, ses rivaux lui font une concurrence
chaque jour plus redoutable. Elle n'a guère qu'un moyen de se
défendre, c'est d'adopter notre programme, c'est de multiplier les
écoles françaises dans les pays d'outre-mer encore ouverts à son expor-
tation, c'est d'y encourager les missionnaires des divers cultes ou les
maîtres laïques français, c'est d'y secourir, d'y protéger, d'y susciter
au besoin l'enseignement de la langue française, ce puissant véhicule
du commerce national.
Et pourquoi no réussirions-nous pas à reprendre le premier rang là
où d'autres ont pu nous supplanter ? Sommes-nous moins riches qu'eux,
moins actifs ou moins intelligents ? Ce n'est pas vraisemblable. Il ne
nous manque peut-être, pour remporter la victoire, que do la méthode,
de la suite et un peu de confiance en nous-mêmes.
V Alliance française a entrepris et poursuit résolument une œuvre
- iOO -
de très longue haleine. Elle espère que son exemple contribuera à
discipliner, à enhardir tous les courages. Le coq gaulois chante tou-
jours clair, et tant qu'il y aura un soleil pour éveiller l'aube, pourquoi
donc cesserait-il de chanter ?
Dans les pays de civilisation européenne, notre tâche est différente ;
elle n'est ni moins liante ni moins grande. Les ennemis de la France,
habiles à profiter de ses malheurs, à triompher bruyamment de ses
passagères défaillances, vont répétant que sa langue et sa littérature
ne comptent plus sur la planète. Et le peuple français, trop crédule,
toujours prompt au découragement (comme il l'était déjà au temps de
César), croit sur parole les gazettes étrangères. Nous savons à quoi
nous en tenir, à V Alliance française, sur la réalité de ces mauvaises
nouvelles ; mais nous savons aussi que notre vigilance ne doit pas s'en-
dormir, que l'anglais, que l'allemand, que le russe se répandent de
toutes parts; que d'autres littératures se réveillent d'un grand sommeil;
que d'autres encore, toutes neuves, toutes fraîches , ont pris leur
essor. Aussi faut-il entretenir et stimuler le zèle de nos Comités d'Eu-
rope et d'Amérique, encourager sans relâche les cercles français, les
bibliothèques françaises qui s'adressent à nous, multiplier les croisades
pacifiques de nos conférenciers, assurer le succès toujours grandissant
de nos Cours de vacances.
Non, non, le règne n'est pas fini de Pascal et de Molière, de Lamar-
tine et do Mclor Hugo. Et pour peu que nos écrivains d'aujourd'hui
nous aident, qu'ils puisent leurs inspirations aux sources pures, et
que du sein des écoles nouvelles, où brillent tant de talents divers,
jaillisse quelque génie, notre rôle (modeste assurément) sera facile,
et le « doux parler de France », planant au-dessus du chaos des
égoïsmes déchaînés, continuera à charmer les délicats, à consoler les
misérables, à donner une âme aux plus nobles pensées du genre
humain.
Aidez-nous ! Associez-vous aux vastes desseins de V Alliance fran-
çaise. Ne vous relâchez point dans votre propagande. Prêchez
d'exemple autour de vous. Ayez la foi ! Essaimez, jusque dans les plus
petits centres, des Comités actifs et vivants. Prenez des écoles sous
votre patronage direct, comme l'ont déjà fait plus de quarante de nos
Comités de France et d'Algérie. Organisez, comme à Nancy, des cours
de vacances. Préparez-vous enfin , avec nous, à faire bonne figure
devant l'étranger, quand s'ouvrira l'Exposition universelle de cette
•— 107 —
fin de siècle qui peut, si tous les Français de bonne volonté le veulent
fermement , inaugurer pour notre cher pays une ère nouvelle de
sagesse et de concorde, de fécondité et de grandeur.
Pour le Conseil d'Administration :
Le Secrétaire -Général fondateur,
P. FONCIN.
Paris, le 15 Janvier 1899.
LES EXCURSIONS DE LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE DE LILLE
EN 1898.
UNE EXCURSION AUX PYRENEES.
ii-28 Août 1898.
Directeurs : ]MM. H. Beaufort et Auguste Grepy.
Suite et fin (1).
Pau. — Au sortir de la gare , le voyageur se trouve au pied d'un plateau élevé ,
coupé presque à pic. La crête est courounée de constructions monumentales et de
villas, dont les blanches façades se détachent gaiement sur un fond de verdure.
C'est la ville de Pau qui présente sur son premier plan , à côté de monuments
anciens témoins de scènes historiques, comme le château de Henri IV, la vieille
église Saint-]Martin et l'antique palais du Parlement, une série d'édifices modernes
sortis des exigences et de la fantaisie d'un siècle raffiné, grands hôtels ofirant à
leurs clients cosmopolites les installations les plus confortables, villas et maisons
pressées sur le flanc du plateau, un Casino moderne et un vaste bois.
Un chemin de piétons mène à la place Royale que décore la statue du Béarnais.
Quand l'horizon est clair, ce qui n'est malheureusement pas le cas aujourd'hui,
le panorama est incomparable. Le Gave, ruisselet limpide, en cette saison desséché,
torrent redoutable à la fonte des neiges. Au-delà, resserrant les vallées toujours
vertes, des coteaux boisés dont les croupes s'étagent jusqu'aux montagnes. Au
troisième plan, les Pyrénées coupant l'horizon d'une ligne dentelée : le pic du Midi
(1) Voir tome XXXI, 180U, page 37.
- 108 -
dont la fourche aiguë domine les Eaux-Bonnes, les Eaux-Chaudes et la vallée de
Laruns, le Marboré et le Vignemale qui rappellent Lourdes, Gauterets, Saint-Sau-
veur, Gavarnie. Le pic du midi de Bigorre et, tout au fond, rapetisses par Féloigne-
ment, le Mont-Perdu, la ÎNIaladetta et tout le groupe des montagnes de Luchon.
De la place Royale on gagne le château par la terrasse et le boulevard du Midi,
en laissant sur la droite l'église Saint-Martin et le magnifique hôtel Gassion.
Le château, universellement connu, s'élève au confluent du Gave et du Hédas,
sur un promontoire ; il est séparé de la ville par un large fossé transformé actuel-
lement en une belle allée d'arbres. Il forme un pentagone irrégulier que dominent
six tours carrées ; chacune a son nom. La plus importante est celle de Gaston
Phœbus, en briques, de 34 à 35 mètres de haut, puis viennent celles de Montauset
vis-à-vis la porte d'entrée, qui doit son nom aux échelles remplaçant à l'intérieur
un escalier absent et que les défenseurs du château retiraient après eux en cas de
siège, la Tour Neuve, celle de Bilherès, celle de Mazeies et de Louis Philippe. Au
pied des deux dernières s'étend une terrasse en hémicycle, au centre de laquelle
s'élève la statue de Gaston Phœbus. Un portique à trois arcades, dominé à gauche
par le donjon, donne accès dans la cour d'honneur du château.
Au fond de la cour se trouve l'entrée destinée aux visiteurs. Après avoir traversé
au rez-de-chaussée la salle des gardes et la salle à manger des princes, on entre
dans la salle à manger des souverains, jadis salle d'armes, puis salle des Etats de
Béarn. Une grande table en occupe le centre, les murs sont tendus de précieuses
tapisseries de Flandre, commandées par François I" pour orner le château de
Madrid (bois de Boulogne). Elles représentent des scènes de chasse ; au fond de la
salle se trouve la statue de Henri IV.
Un escalier d'honneur, oeuvre remarquable de la Renaissance, conduit aux étages.
A chaque palier, les arcs de voijte varient de forme, tour à tour en ogive, en plein
cintre ou cintre surbaissé. Des H et des M entrelacés (Henri II et Marguerite de
Valois), ornent les frises. Au premier étage un salon d'attente tendu d'admirables
tapisseries des Gobelins et de Flandre, précède le salon de réception de Henri H,
tristement célèbre par le massacre de 10 nobles Béarnais catholiques sur les ordres
de Montgommery, général de Jeanne d'Albret. Le salon de famille contient une
table en porphyre rose de Suède. L'ancienne chambre des rois de Navarre est
décorée de tapisseries et de meubles de luxe d'une grande valeur historique : elle
est suivie de plusieurs riches appartements : Cabinet du souverain, boudoir de la
reine avec une immense glace de Venise, chambre à coucher de la reine, etc. . . Au
deuxième étage s'ouvrent la chambre de la reine Jeanne, avec son lit en bois
sculpté et portant le millésime de 1562 et autres meubles de la même époque, le
cabinet de la reine. Enfin la chambre de Henri IV, qui passe pour celle oii il naquit
le 14 Décembre 1553 et qui conserve encore la carapace de tortue qui lui servit de
berceau. A cette chambre font suite plusieurs salles. Tune d'elles servit à Abd-el-
Kader lors de son internement au château, une autre logea à la même époque les
femmes de l'émir. Les derniers hôtes du château ont été en 1868 la reine Isabelle II
d'Espagne et son mari François d'Assise, renversés du trône par la Révolution. La
principale richesse du château de Pau consiste dans ses tapisseries. Les apparte-
ments ne contiennent relativement qu'un petit nombre d'objets du temps, de
Henri IV, la plupart ne remontent pas au delà de Louis XIV et furent donnés par
le souverain à l'intendant Foucault, en récompense du zèle par lui déployé contre
les protestants.
Du château on descend sur un viaduc au quinconce de la Basse-Plante, à la suite
duquel s'étend le parc du château, charmante promenade qui franchit le Gave et se
^ 109 -
prolonge dans sa vallée. Sur la place Grammont, de l'autre côté du château, s'élève
la statue du maréchal Bosquet.
En suivant la rue de Bordeaux qui longe une vaste esplanade avec caserne, et la
rue d'Orléans, on arrive au Palais de Justice, remarquable par son beau péristyle
en marbre blanc, puis à l'église Saint-Jacques, monument moderne de style ogival
assez bien pastiché. La nouvelle église Saint-Martin possède un beau clocher avec
flèche en pierre. La halle, la mairie et la bibliothèque ne sont qu'un seul monu-
ment quadrangulaire formé de grandes arcades surmontées d'une tour. Le théâtre
est bâti sur l'emplacement occupé jadis par les arcades ruinées do régiisc Saint-
Louis. Le musée est de création récente, mais déjà riche en peinture. Non loin de
là, dans le parc Beaumont, en ce moment particulièrement bouleversé, se dresse
un Casino blanc à coupole centrale à peine terminé. Par sa terrasse on accède au
boulevard des Pyrénées, large artère qui, longeant le bord du plateau, ramène à la
place Royale.
Ce qui a fait la iortune de Pau c'est, bien plus que son panorama et son site
pittoresque, la douceur de son climat. Les premiers visiteurs venus à Pau y ont
été retenus par son atmosphère vivifiante, qui ne connaît ni les brusques variations
de la température, ni l'humidité de l'air, ni les rudes caresses du vent. Les malades
y sont d'abord venus sans bruit, sans réclame, bientôt la station d'hiver était
fondée. Elle devint rapidement la conquête de l'étranger. Celui-ci s'y 6.st implanté
non pas en la personne du malade qui cherclie uniquement à rétablir sa santé ,
mais sous la forme du sportsman ami du bruit, des plaisirs et du luxe. Peu à peu ,
la colonie étrangère continuant à se développer, les intérêts qu'elle avait créés
devenus plus puissants parvinrent à se faire écouter et les municipalités, par leurs
subsides, mirent à la mode la vie de plaisir ; théâtre, orchestre, tirs divers, jeux
de paume, de polo, de golf, vélodrome, courses de chevaux, chasse au renard, tout
est subventionné et pour un peu deviendrait l'apanage exclusif des étrangers,
principalement des Anglais. Cette vie cosmopolite est devenue une source de
revenus considérables pour la cité qui, depuis lors, ne cesse de s'embellir et de se
modifier. De grands projets sont encore à réaliser qui en feront une des plus
agréables stations.
La pluie qui nous avait accueillis à l'arrivée , avait cessé pendant la visite du
château. Cependant, quand l'heure du départ sonna, le soleil n'était pas parvenu à
déchirer le voile de brume qui, tendu au dessus des Pyrénées, nous dérobait par-
ticulièrement leur magnifique panorama. En quittant Pau pour Lourdes on passe
à Coarraze , petit village oii Henri IV fut élevé d'une façon rustique, comme les
enfants des paysans, courant nu-pieds et tête nue dans les champs.
A quelques minutes de la station de Mortaut, se trouve le célèbre pèlerinage de
Betharam, dont la fondation remonte aux Croisades et à propos duquel court la
citation : « N'allez pas à Lourdes sans voir Betharam ». Près de l'église, décorée
dans le goiît espagnol , commence une série de chapelles romanes formant les
stations d'un Chemin de Croix. Dans le haut est planté un Calvaire, plus loin on
trouve l'église de la Résurrection.
Aux approches de Lourdes, le long du Gave, le trajet devient plus intéressant.
Au moment d'atteindre la ville, la ligne domine la grotte, rayonnante de lumières,
la basilique, la cité, le château ; le coup d'œil mérite d'être admiré.
Lourdes est une petite ville sur la rive droite du Gave de Pau, à l'endroit oii la
rivière descendant de la vallée d'Argelès tourne brusquement vers la plaine. Elle
est bâtie au pied d'un château aérien qui commandait jadis l'entrée de la vallée et
qui fut souvent assiégé au Moyen-Age, dans la guerre avec l'Angleterre. Les
— 110 -
guerres de religion à leur tour lui permirent de jouer un rôle considérable, et il
passa successivement et à plusieurs reprises, des mains des Huguenots dans celles
des Catholiques et réciproquement. Du haut de ce château, la vue sur le pays est
très belle et s'étend jusqu'au versant neigeux du Vignemale.
L'histoire de la ville, longtemps inséparable de son château, s'est augmentée de
pages précieuses dans cette dernière partie du siècle, à la suite des apparitions de
Notre-Dame dans la grotte de Massabielle en 1858 et des miracles qui n'ont cessé
depuis de s'y opérer. Et la ville historique est devenue religieuse, l'un des pèle-
rinages les plus célèbres de la chrétienté. Pèlerins et malades, en dépit des
distances, viennent y satisfaire leur religion ou retrouver la santé. Et c'est par
centaines de mille qu'on compte aujourd'hui les visiteurs de Lourdes.
Les abords du pèlerinage ont été dégagés de façon à faciliter à la foule l'accès
de la grotte et des églises.
Devant le pont sur l'Adour s'étend un grand square décoré, d'une statue de la
Vierge, d'une Croix qu'on illumine, la Croix des Bretons, et d'une grande statue
de saint Michel. Sur la droite, en passant sous une rampe en forme de fer à cheval,
qui conduit à la basilique, on arrive à la grotte. C'est une excavation dans le roc,
peu profonde et fermée par une grille. Au-dessus, sur un ressaut du rocher, est
placée une statue en marbre de la Vierge, la représentant telle que Bernadette l'a
dépeinte et à l'endroit où elle l'a vue, vêtue de blanc avec une écharpe bleue. Les
parois de la grotte sont tapissées d'ex-voto, surtout de béquilles laissées par les
infirmes guéris. A l'intérieur, la piété des fidèles entretient un foyer perpétuel de
lumières. Sur le devant, en plein air, une chaire, des bancs, et une esplanade
contre le Gave, dont elle a emprunté l'ancien lit. A gauche, la fontaine miraculeuse
captée derrière un mur garni de robinets, et les piscines, oii brancardiers et infir-
miers font baigner les malades. Plus loin, précédant la basilique, l'église du
Rosaire, sorte de rotonde de style bizantin, un peu trop écrasée par sa coupole
surbaissée, 15 chapelles rayonnent autour du dôme. Le tympan du grand portail
est décoré d'un magnifique bas-relief représentant la Vierge remettant le rosaire à
saint Dominique. Par deux grandes rampes on monte à la terrasse qui précède la
basilique. C'est un fort beau monument artistique en style gothique du XHI' siècle,
de proportions vastes et gracieuses. L'intérieur est sobre d'ornements et rappelle
la plus belle époque de l'architecture religieuse.
L'église n'a qu'une nef flanquée à droite et à gauche de chiipelles, elle est d'une
richesse inconcevable et tapissée d'ex-voto de grand prix. Le clocher, d'une
grande élégance, supporte une flèche hardie ornée à sa base de 4 clochetons sou-
tenus par de légères colonnettes. Au-dessous de l'église s'étend une crypte à deux
nefs. A peu de distance, sur une élévation, un Calvaire d'où l'on a une belle vue.
En temps de pèlerinage, deux fois par jour la grotte offre un magnifique spectacle.
Une première procession, dite du Saint-Sacrement, circule à travers les rangs de
malades étendus devant la grotte, au milieu des chants et des acclamations. C'est
la plus imposante des manifestations religieuses. L'autre, aux flambeaux, le soir,
dans l'obscurité, serpente à travers la montagne en montant devant la basilique
jiour redescendre et se dérouler dans le square en face de l'église du Rosaire. La
foule, l'éclat des cierges, les chants, tout contribue à former un spectacle féerique.
Bientôt les lueurs s'éteignent, les voix se taisent et la petite ville, si bruyante le
jour, rentre dans le silence et s'endort.
Le lendemain on s'éveille aux crix de : « on voiture ». Aussitôt nous voici rangés
devant l'hôtel, attendant et cherchant les attelages. Rien ; enfin ils paraissent, on
se trémousse, on se case et bientôt toute la caravane est installée dans six grands
— 'lli -
landaus à quatre chevaux, qui s'ébranlent au bruit du claquement des fouets. Pen-
dant quatre jours nous allons voyager en ce pompeux équipage.
La première étape comprend : excursion à Gauterets et coucher à Luz.
En quittant Lourdes, on contourne la colline dominée par le château, puis on
traverse la vieille ville avec son marché en plein vent, ses halles, son palais de
justice, etc Nous sommes sur la route d'Argelès. Elle s'étend le long d'une
muraille de rochers effrités de nature ardoisière ; sur l'autre côté une haie de
grands arbres et de verts buissons lui dérobent à chaque instant la vue de la vallée
fertile et la ligne du chemin de fer de Pierrefite dans le bas. Peu d'habitations sur
la route même, elles sont plutôt disséminées dans la plaine sur l'autre rive du
torrent. Un vieux pont de pierre traverse à la fois le Gave et le chemin de fer. On
aTrivs à une jolie villa entièrement tapissée de lierre.
Voici Argelès. La ville, depuis qu'on y a construit un établissement thermal ,
tend à s'augmenter d'un beau quartier encore en formation , oii l'on voit le Casino
et l'établissement. La distance est courte d'Argelès à Pierrefite. Ce village est
plutôt un lieu de passage que de séjour. On ne fait qu'y laisser aux chjvaux le
temps de souffler.
Départ pour Gauterets. La route carossable est admirablement construite. C'est
la plus belle de la contrée. Elle laisse à gauche celle de Luz à Barèges , monte
d'abord beaucoup en offrant une belle vue de la vallée d'Argelès et gagne par un
grand lacet la vallée du Gave de Gauterets. Dans le lointain se montrent déjà le
Hourmegas revêtu de sapins et le Péguère qui dominent Gauterets.
On vient de construire un chemin de fer électrique' pour relier Gauterets à Pier-
refite. Les voitures sont en train de faire leurs essais. Les entrepreneurs de trans-
port craignent bien que dans deux ans, il n'y ait semblable chemin de fer de
Pierrefite jusqu'à Luz et dans cinq ans jusqu'à Gavarnie.
On s'engage bientôt dans un défilé sauvage où la route , taillée dans le roc , est
comme suspendue au-dessus du torrent qui mugit dans le bas. Tout à'I'entour se
dressent des montagnes abruptes ; on traverse un petit chaos de rochers éboulés,
appelé le Limaçon, puis en serpentant à travers la vallée qui va s'élargissant , on
atteint bientôt Gauterets. C'est l'heure du déjeuner. Chacun, dès l'arrivée, s'em-
presse d'assouvir sa faim, puis tandis que les uns se cantonnent dans la ville, les
autres poussent la promenade jusqu'à rétablissement de la Raillère et la cascade
de Gerisey.
La ville n'a de curieux que ses magnifiques hôtels, de construction assez récente,
dans le nouveau quartier, près de l'Esplanade, puis la promenade avec les Thermes
des œufs, mais elle occupe un très beau site dans un vallon encaissé par les mon-
tagnes. Elle est au centre de nombreuses et faciles excursions et est actuellement
une des premières stations thermales des Pyrénées, visitée annuellement par plus
de 20,000 baigneurs ou touristes. Ses eaux célèbres sont surtout sulfureuses, mais
on en trouve de sulfatées et d'alcalines. Elles sont formées par 24 sources et utili-
sées dans 8 établissements parfaitement organisés pour leur usage en boisson,
bains, douches, inhalations, etc
Le plus remarquable des établissements est le Therme des Œufs , puis viennent
les Thermes de César et des Espagnols, les Néothermes et plus haut, dans la mon-
tagne , l'établissement de Douze- Vieux. L'établissement de la Raillère, le plus
important de tous, est relié à la ville par une grande route, un chemin de piétons
et une voie à traction électrique. 11 est situé à une altitude de 1.600 mètres et le
panorama qu'on a de cette hauteur est vraiment beau. 11 l'est encore plus loin
quand, après avoir dépassé le petit Mauhourat, l'établissement de bois d'en haut,
— 112 —
et rimposante cascade de Ccrisoy, qui précipite avec fracas dans la profondeur du
ravin ses deux nappes d'écume, on arrive à la double cascade. C'est alors qu'il
faut regarder en arrière le paysage grandiose qui s'offre aux regards.
Le défaui de temps mit un terme à notre excursion et il nous fut impossible de
pousser jusqu'au pont d'Espagne et au lac de Gaubc. Il fallut redescendre, et, ren-
trés à Cauterets, par le tramway électrique, nous en repartions aussitôt pour Luz.
Nous parcourûmes à nouveau la route déjà connue de Pierrefite , laissant sur la
gauche celle d'Argelès ; la route s'engage ensuite dans une sorte de long défilé
taillé dans le roc sur le bord du ravin et des plus sauvages. Lo soleil baisse déjà
et il faut se hâter pour arriver à Luz avant l'obscurité complète. Le tracé de la
route emprunte tour à tour l'une ou l'autre rive du torrent. C'est un passage inin-
terrompu de ponts : de l'Echelle, d'Arsinoé aujourd'hui abandonné, de la Crabe,
de la Muladère et de la Pescadère. A cette saison, la rivière qu'ils surplombent est
très sage et bruit à peine. Mc\is que viennent la pluie et les neiges, et le Gave
gonflant ses eaux sortira en bouillonnant de son lit , renversant tout sur son
chemin.
On peut encore voir à certains endroits une ligne blanche dans le roclier. Elle
marque la hauteur jusqu'oli s'élevèrent les eaux lors du débordement destructeur
de 1872. La nuit descend rapidement, les troupeaux rentrent à l'étable ; c'est de
tous côtés une musique de cloches aux sons variés.
Nous pénétrons enfin dans une vallée plantée de hauts peupliers et bordée de
larges pierres, quelques cabanes, et nos équipages s'airètent. Nous sommes à Luz.
Luz doit l'animation dont* il déborde à sa proximité de Saint-Sauveur et de
Gavarnie et à sa situation au croisement des routes de Pierrefite et de Barèges.
Ce n'est guère cependant qu'un lieu de passage. En été, quelques rares baigneurs
viennent y prendre des eaux amenées de Barèges à son modeste établissement
thermal. L'hiver, assure-t-on, la douceur du climat y amènerait quelques malades.
L'église est* une construction curieuse attribuée aux Templiers. Avec ses deux
tours carrées, ses créneaux, ses meurtrières, elle a tout l'air d'un châleau-fort.
Dans l'une des tours un petit musée étale ses antiques et modestes trésors : urnes
romaines, tombeaux ou débris de tombeaux, armures du Moyen-Age, mousquets
de rempart du temps des Ligueurs.
Luz est entouré d'un délicieux vallon sillonné par le cours bleuâtre du Gave, qui
roule ses vagues contre les galets et les rocs. Au delà du Bastan, sur un monticule
qu'il faut gravir à travers les pierres éboulées et les broussailles, se dressent les
ruines pittoresques du château Sainte-Marie, ancien repaire des routiers anglais.
. A quelques minutes, Saint-Sauveur. La route qui y conduit est aussi bien cons-
truite que la distance est courte. Saint-Sauveur n'a qu'une seule et longue rue oii
tout respire la gaîté et le mouvement. L'église, de style pittoresque, lance une
flèche hardie dans le ciel. Une belle promenade publique inclinée vers lo Gave,
assez semblable à un jardin anglais, se déroule devant l'établissement des Dames,
monument à colonnades qui porte sur son frontispice invitation à y pénétrer :
« Vos haurietis aquas de fontibus Salvatoris. »
Le plateau de la Montalade, sur lequel sont bâtis d'autres thermes, est une pro-
menade fréquentée d'oii l'on a un beau panorama.
A la sortie du village la route passe sur le pont Saint-Sauveur ou Napoléon,
arche gigantesque do 65 mètres de hauteur sur 07 de largeur, lancée audacicuse-
ment au-dessus du Gave et qui apjjaraît comme la porte d'entrée du ravin. C'est
d'en bas surtout, du fond de la gorge, qu'il faut admirer l'incroyable légèreté de
•va
SaiNï-Sébastikn. — La Plaj^-e.
— 'rr^rsii
Lourdes. — La Basil!([iie.
Biarritz.
Le Rocher de la VieriJ-e.
Route de Pierrefitte à Luz.
' — 113 —
l'œuvre. Nous sommes sur la rive droite du Gave, A quelques pas un sentier
grimpe vers la chapelle de Solférino qui remplace un antique ermitage. En tace se
dresse une pyramide funéraire : sous ce monument reposent les restes du capitaine
Ambroise de Lombez, mort à Saint-Sauveur au siècle dernier, et dont le corps a été
transporte ici par ordre de Napoléon 111. La route est savamment tracée, large et
plane, les voitures y roulent à Taise. Le temps n'est plus oia il fallait se risquer à
cheval ou à mulet à travers la gorge perdue, franchir le pas de l'Echelle, le jiont
de Sia, le pont Desdouroucat, l'cibrupt couloir de Gèdrc et les formidables éboule-
mcnts du Chaos par des sentiers à peine frayés. Cependant, en dépit de la civilisa-
tion et des travaux faits pour l'établissement de la route, le site a gardé son carac-
tère sauvage et offre de magnifiques beautés, des gorges, des défilés, des abîmes,
des rocs suspendus, des monts menaçants, d'autres fendus et brisés, renversés, et
au milieu de tout cela des eaux bondissantes, des cascades retombant en poussière
de vapeur, un torrent qui gronde. Après une halte à Gèdre, on pénètre dans le
Chaos. Un contrefort du Coumélie s'est effondré là autrefois, la masse de la mon-
tagne s'est précipitée en avalanche et nous en contemplons les débris. Un affreux
chaos vraiment. Roches broyées et fracassées, blocs montueux dans la plus
effrayante confusion. En face l'immense escarpement, morne, triste, nu, qu'on
nomme si justement le mont sinistre. Un creux dans le rocher marque, assure-t-on,
l'empreinte des pieds du cheval Bayard, le coursier du paladin Roland qui, s'élan-
çant du glacier de la Brèche, a sauté jusqu'ici. Notez qu'en ligne droite nous
sommes à plus de 4 lieues de la Brèche et qu'il y a une différence de niveau d'au
moins 1.700 mètres. Mais la légende ne se laisse pas arrêter par ces détails. La
vallée est aride et désolée. Bientôt, dans le lointain, se dessine nettement le
cirque de Gavarnie. Guides et âniers se disputent notre préférence et nous harcèlent
d'offres de services. Décidons-nous promptement, car qui sait si nous trouverons
là-bas montures assez nombreuses pour toute notre caravane.
Du village oii nous nous arrêtons un instant jusqu'à l'entrée du cirque, il y a
bien une heure de marche. A première vue on ne voudrait le croire , mais il est de
Gavarnie comme de toutes les choses vraiment grandes, et les proportions du
cirque sont telles qu'on s'illusionne sur la distance. Il faut serpenter le long des
rives du Gave, traverser les bassins de plusieurs grands lacs aujourd'hui taris,
cheminer au milieu de routes aiguës et après une longue montée, pénétrer enfin
dans la vaste enceinte le plus près possible de la cascade. En face se dresse le
Marboré et ses tours, le Cylindre, le Casque, la Brèche de Roland, le Taillon, le
Gabiétou, etc. . . . Les gradins sont couverts d'une neige éternelle et de glaciers
qui brillent de mille feux sous le rayonnement d'un soleil implacable. Le Gave
sorti du Mont Perdu, bondissant de plus de 300 pieds d'élévation, se partage en
plusieurs cascades : la plus belle, celle que nous contemplons, tombe d'une hau-
teur si prodigieuse (422 m.) et si détachée du roc, qu'elle ressemble à un nuage
délié, qui glisse dans l'air. L'eau dissoute en brume et frappée par les rayons du
soleil forme une variété d"arcs-en-ciel multiples et répand en tombant une rosée
extrêmement fine. C'est la première cascade de l'Europe, par sa hauteur, après
celle de Dagerfos en Norvège, qui a au moins 450 mètres. Elle tombe d'un seul jet
quand elle est très abondante ; lorsque nous la voyons elle forme deux gerbes
successives. Le spectacle est aussi difficile à décrire qu'à se figurer. Ceux qui n'ont
pas vu le Cirque ne s'en feront jamais qu'une idée très imparfaite. Et ceux, dit-on,
qui l'ont vu seulement d'en bas, n'en soupçonnent qu'à peine la prodigieuse immen-
sité et la magnificence sublime. Pour l'admirer dans toute sa beauté, il faut grimper
au sommet des Pyrénées ! Alors, les gigantesques parois du Cirque s'élevant du
sein d'énormes profondeurs , paraissent avoir démesurément grandi. Les plus
— 114 —
hautes montagnes s'élèvent encore bien au-dessus du touriste , devant les yeux de
qui s'étalent et se développent dans leurs éblouissantes blancheurs d'immenses
napies de neiges et de glaces mal entrevues de la vallée et de murmurantes
cascades. C'est une découverte de merveilles non soupçonnées d'en bas.
Mais tout le monde n'a ni leçied d'un alpiniste, ni le temps dont il faut disposer
pour des excursions de ce genre. Après avoir contemplé à notre aise le cirque d'en
bas, nous repartîmes pour Luz oit nous déjeunâmes.
Dans l'après-midi départ pour Barèges.
La distance est courte, mais la route monte en pente raide dans la vallée de
Bastan.
Le paysage d'abord boisé et riant change bientôt d'aspect et ne montre plus que
des montagnes dénudées et ravinées. Le Gave court capricieux entre d'énormes
blocs tombés des sommets et qui retiennent dans leurs intervalles des débris encore
récents d'arbres et de constructions. La rive elle-même est tourmentée, déchirée.
On est en train de rétablir la route qui la longeait. Tout dénote un cataclysme
arrivé depuis peu, le torrent est bas aujourd'hui : c'est qu'il se repose de sa redou-
table colère du printemps dernier, quand, à la fonte des neiges, il s'est précipité
comme un furieux à travers la contrée, balayant tout dans sa course désordonnée,
transformant les prairies en chaos, rasant les maisons, et emportant la route dans
sa plus grande longueur jusqu'à Barèges.
Nous passons lentement au milieu de ce spectacle désolé et nous atteignons
Barèges.
Barèges n'est qu'une longue rue en pente oii rien ne distrait l'œil. Deux ou
trois centaines de maisons d'apparence fort communes ; voilà tout le village.
L'hiver il est inhabitable, et pendant six mois dort sous un épais linceul de
neige. Dès la fin de Septembre, les baigneurs s'envolent ; avant la fin d'Octobre,
les Barégeois eux-mêmes émigrent vers un pays plus clément. Quelques monta-
gnards se résignent à rester là comme gardiens pour surveiller les avalanches,
mais les avalanches tombent quand elles sont prêtes et sans les consulter.
Barèges en ce moment porte encore les marques d'une récente avalanche. Plu-
sieurs de ses maisons ont été enlevées ou coupées en deux parties ; un grand
nombre n'ont dtl leur conservation qu'à leurs murs construits épais comme ceux
d'une forteresse et qu'on a renforcés du côté du torrent.
Depuis longtemps Barèges est célèbre par ses eaux thermales sulfureuses , les
plus énergiques des Pyrénées. En 1G75, leurs vertus curatives étaient suffisamment
appréciées pour que M""* de Maintenon fût chargée d'y conduire le jeune duc du
Maine. De nos jours, elle est fréquentée par un nombre imposant de baigneurs.
L'établissement thermal est un assez bel édifice de marbre fort bien aménagé, où
ont été réunies les différentes sources au nombre de 13. A quelques pas , près du
ravin du Midaon, s'élève un hôpital militaire pour les soldats malades envoyés là
prendre les eaux, et sur la hauteur opposée, un hospice dit de Sainte-Eugénie
réservé aux ecclésiastiques ou religieuses pendant une partie de la saison, et oii
les pauvres sont admis gratuitement le reste du temps.
Les promenades créées autour de Barèges, parmi lesquelles la Petite Horizontale
et l'allée Verte dans les bois d'Artigon, le reboisement et le regazonncment des
flancs do la montagne par lesquels l'administration a essayé de remédier aux
avalanches, ont donné à la vallée un nouvel aspect.
Pendant l'été elle est relativement agréable, mais même au mois d'Août, Barèges
est loin d'être un lieu plein de charmes. Puissiez-vous n'être jamais condamné par
votre docteur à y faire une saison !
— 115 —
Le séjour fut de peu de durée. Le lendemain, de grand matin, chacun reprenait
sa place qui dans les voitures, qui sur son siège, et les Barégeois à peine éveillés
saluèrent notre départ.
Dès les premiers pas, la route remonte une rampe très raide dans la direction du
pic du Midi. Les chevaux marchent lentement et il est loisible de les suivre sans
fatigue. A droite, notre vue est bornée par les parois de la montagne. A notre
gauche, le Bastan coule au milieu d'une plaine fertile semée çà et là de construc-
tions rustiques. Ce ne sont même pas des maisons de paysans , mais de simples
abris pour les troupeaux. L'hiver, quelques gardiens s'y enferment avec eux et là,
entre quatre murs résistants, sans presque voir le jour dont les sépare une épaisse
couche de neige, ils passent les plus mauvais mois de la saison, heureux si les
provisions ne viennent pas à manquer, si le torrent n'emporte pas la cabane, si la
neige ne les ensevelit pas vivants. En attendant, les troupeaux paissent paisible-
ment au versant de la montagne. Que ne pouvons-nous les rejoindre et grimper
par les lacets tracés par les piétons, au lieu de suivre une route aussi aisée et
facile. Bientôt quelques-uns désertent la voiture et descendent vers le lit du Gave.
Quel plaisir de suivre la pente douce sans chemins frayés, de se construire un gué
de rocs pour traverser l'eau sans accident ni bain. Dilatez vos poumons, et
remontez sans perdre haleine la côte presque à pic qui ramène maintenant à la
route. Derrière, dans le lointain fuyant, se détache confusément la vallée de
Barèges, nous sommes au col du Tourmalet, entre le pic de Tourmalet et le pic
d'Espade. L'altitude est de 2,122 mètres et nous sommes arrivés à cette grande
hauteur sans fatigue, mollement assis sur les coussins de notre landau ! C'est bien,
est-il permis de penser, un des passages de voiture les plus élevés de l'Europe.
Que de travail, que de vies a dû coûter la construction de cette belle route carros-
sable, que d'entretien elle réclame, quand les rocs détachés viennent la labourer
en s'y brisant, et quand pluies et neiges s'accordent pour la défoncer.
Déjà apparaît le pic du Midi de Bigorre , superbe dans son isolement d'avec les
autres pics de la chaîne. Quel superbe contraste entre la plaine verdoyante et ces
innombrables sommets neigeux. A sa crête on aperçoit sur une plate-forme une
sorte de ruban rouge vif. C'est la toiture de tuiles qui recouvre l'Observatoire établi
de 1878 à 1881 par le général de Nansouty.
Après un court repos dans une cabane de paysan , nous nous ébranlons à nou-
veau. La route redescend plus vite encore qu'elle est montée. On la suit par une
succession ininterrompue de lacets et de coudes, sur le bord escarpé de la montagne
au-dessus du ravin. Un faux pas des chevaux, un frein qui se brise, une distraction
du cocher, un tournant trop brusque, et nous pouvons être emportés sans merci
dans le précipice. Cette perspective n'est pas sans effrayer quelques compagnons,
qui trahissent leur inquiétude par des exclamations ou des jeux de physionomie
curieux à observer.
Par un long détour, la route pénètre dans la vallée du Garet, dont le torrent
mêlant ses eaux à celles du Tourmalet va former plus loin les belles cascades de
Gripp. Au delà du deuxième torrent, on passe face à un dépôt de l'Observatoire du
pic du Midi relié à sa station par un chemin de mulets.
Toujours plus bas, on trouve enfin le hameau de Lartigues, oii nous nous arrê-
tons pour déjeuner.
A l'ombre d'une tente, devant le lit desséché du Tourmalet, les touristes s'ins-
tallent gaiment, bien serrés, les coudes au corps. La maison est renommée pour
sa spécialité de truites , et la renommée est justifiée. Les plats ne font que paraître
et disparaître, et chacun aidant, le service est expédié, non pas à l'étonnement d'un
personnel aussi restreint que complaisant, mais à son plus grand soulagement.
— IIG —
Puis pendant que les uns, abrités sous la tente contre les ardeurs du soleil, se
livrent à des divertissements variés, principalement à un carnage effréné de
mouches, les autres, profitant de leur liberté vont à la cascade la plus proche. Son
accès n'est pas très facile, mais sa vue est d'un bel effet. Bondissant d'un ressaut
du rocher, elle s'élance à pic sur un parcours assez étendu. Elle est pittoresque-
ment encadrée de bosquets de pins et d'arbres touffus. On la contemple vers le
milieu de sa chute dans un léger brouillard de gouttelettes vaporisées. Quelques-
uns descendent ensuite à travers le lit du torrent à quelques pas de la cascade et
vont s'enfoncer dans la monlagne boisée qui fait face à l'hôtel, oii l'on aperçoit les
camarades sous leur tente. 'Slaïs bientôt l'heure et la pluie les chassent des frais
ombrages et tous reprennent ensemble la route de Bagnères-de-Bigorre.
Suivant le Gave à droite , elle s'engage dans une sorte de grande avenue de
forêt, entre les arbres de laquelle on aperçoit les pâturages de la vallée, et la mon-
tagne tout à l'heure grise et maintenant parée de verdure. On oublierait pour un
peu qu'on voyage aux Pyrénées, mais soudain le spectacle change, la montagne
se redresse et reprend ses teintes de grisaille triste. Nous traversons Gripp-Sainte-
Marie et pénétrons dans la petite vallée de Campan. Le haut de la vallée renferme
des carrières de marbre vert nuancé de blanc et de rjse, dont les produits sont très
variés et estimés. Elles sont en pleine exploitation. Sur la route sont établis une
usine à scier le marbre et plusieurs établissements de même industrie. 11 s'y fabrique
principalement des cheminées, des tables, des dessus de meubles, des revêtements,
des dallages, etc. La main-d'œuvre trouve dans les eaux de l'Adour un auxiliaire
puissant. A quelques kilomètres de Bagnères on trouve la campagne et les villas
qui annoncent l'approche d'une ville tant soit peu importante. La route à cet
endroit est dans un état déplorable. Elle a été complètement envahie par les eaux
et emportée sur un long parcours. On a dû enfoncer d'immenses pieux pour la
soutenir et l'étayer. On a même dû la reporter à quelques mètres plus loin. Des
ruines de maisons ajoutent à la tristesse du spectacle. Nous arrivons et bientôt
nous sommes installés. Ce n'est pas toutefois sans quelques difficultés pour notre
Directeur. La ville abrite encore de nombreux baigneurs et les hôtels ne peuvent
fournir qu'un nombre restreint de chambres ; le soir après le dîner, oia pour la
première et unique fois la colonie se trouva séparée, on se retrouvait sur la pro-
menade des Goustous.
La ville de Bagnères de Bigorre occupe un rang assez avantageux parmi les
stations thermales pyrénéennes. Son climat est réputé pour sa douceur , mais elle
n'offre rien comme site qui puisse venir en comparaison avec Cauterets ou Luchon.
On prend les eaux soit à l'établissement thermal qui est propriété de la commune,
soit dans des établissements particuliers assez nombreux. Bagnères est placée sur une
nappe d'eau minérale qui émerge naturellement en plusieurs endroits. L'établisse-
rtent thermal est vaste, construit presque entièrement en marbre, d'un bel aspect
et son aménagement intérieur laisse peu à désirer. Parmi les autres étal)lisse-
ments, on peut citer les Néothermes de BcUevue, Lasserre, Lias, Versailles, de
Salut, etc.. Bagnères possède un Casino, une église originale dite de Saint-
Vincent, une tour de Jacobins, de nombreuses et belles promenades.
Cinq heures du matin. Dans le jour naissant , après une nuit écourtce , nous
reprenons la route de la veille jusqu'au hameau de Sainte-Marie. Là , première
station, chacun en profite pour calmer les tiraillements de son estomac à jeun. Le
bourg dort encore, l'auberge est à peine ouverte. A force de frapper de droite et
gauche, on finit par trouver pain, lait, œufs en quantité suffisante. C'est la fortune
du pot augmentée des hasards de l'invasion.
Nous laissons la route de Barèges pour remonter les vallées de Campan et de la
— 117 —
Séoube. A Paillole nous nous arrêtons à nouveau pour mettre l'aubergiste à contri-
bution : chacun mange à sa faim et tout va bien jusqu'au moment de payer. L'hô-
telière jusqu'alors très prévenante, prend de grands airs revèches et réclame un
prix outrageusement majoré. Après un long débat, on parvient à lui faire entendre
à demi raison. Heureux de se délier les jambes, plusieurs prennent les devants
dans la direction du col d'Aspin pendant qu'on remet les chevaux à la voiture. Le
paysage se modifie insensiblement; aux pâturages qui tapissaient si agréablement
le fond de la vallée , succèdent des faillis enchevêtrés , des bosquets de grands
arbres ou de pins qui annoncent la montagne. A son pied s'est bâti un petit
hameau dont l'industrie consiste dans l'exploitation de la carrière de marbre dite
de Campan. La route carrossable monte rapidement en zigzag dans la forêt de
sapins, mais ses détours impatientent l'ardente jeunesse qui s'élance à travers les
petits sentiers çà et là tracés. Dans l'ardeur de l'ascension on se sépare en deux
groupes, et tandis que la majorité continue dans la voie tracée, quatre ou cinq
cinglent en ligne droite vers le sommet. Bientôt, séparés des autres dont ils ne
perçoivent plus les cris, fatigués par la raideur du chemin, sourds aux encourage-
ments de leur guide, ils redescendent dans une course qu'ils voudraient moins
rapide au milieu des ajoncs, des ronces et des bruyères géantes. Tout à coup un
brnit de grelots arrive jusqu'à eux. Les chevaux apparaissent à un détour de la
route, ils accélèrent leur marche et rejoignent bientôt la colonne plus paisible
montée avec les voitures. Voici le col dWspin à une hauteur de 1.500 mètres,
dominant la vallée d'Aure, encadrée au loin par des montagnes élevées. Le pano-
rama est justement réputé.
La Neste serpente comme un long fil d'argent entre les deux versants de la
vallée, qui disparaît sous son manteau de verdure. Dans le ciel plane une couple
d'aigles cherchant une proie à ravir. Dans le lointain, plusieurs monts étages que
deux paysannes nous nomment successivement, dressent leurs pics altiers. Mal-
heureusement les nuages empêchent d'embrasser le spectacle d'un seul coup d'œil
et il faut que le voile se soulève à un endroit pour qu'on puisse voir le coin qu'il
dérobait. Bientôt un brouillard épais envahit notre route, la vue s'obscurcit com-
plètement, il n'y a plus qu'à descendre vers Arreau, où nous attend un savoureux
déjeuner. Au bas de la côte nous retrouvons une partie des marcheurs qui,
descendus par les chemins de traverse, avaient pris une avance considérable.
Arreau est un tout petit bourg sans intérêt et qui tire son peu d'importance de
sa situation au pied du col. L'aimable hôtesse nous reçoit avec empressement et
nous sert un menu réconfortant, composé d'une multitude de plats, parmi lesquels
figure une belle tranche d'isard qui fit les délices des convives.
Tourmentés par les cochers qui nous pressent de repartir si nous voulons
atteindre Luchon avant la nuit, nous nous remettons bientôt en marche. 32 kilo-
mètres, c'est encore une belle étape dans un pays montagneux.
La route traverse presque sans interruption une série de villages monotones :
Bordères, Avajan, Gamors, Estarvielle, Loudervielle. On se retrouve avec plaisir
dans des gorges étroites au port de Peyresonde, à L545 m. d'altitude. Dans la
vallée de l'Arboust, le défilé des villages continue : Garin, Gazaux, Saint-Aventin,
Chapelle-Saint-Aventin, tous recouverts d'ardoises bien grises. L'obscurité se fait
profonde. Enfermés dans nos landaus nous briîlons d'arriver à Luchon. Nos sou-
haits sont bientôt satisfaits.
Luchon. — Ce n'est pas s'avancer que de la déclarer de toutes les stations des
Pyrénées la plus agréable pour le touriste. Rendez-vous des baigneurs de la haute
— 118 -
société, la vie y est gaie, pleine d"entrain et le traitement thermal est loin d'être
un obstacle à cette expansion joyeuse. Comme on l'a dit avec esprit, c'est une ville
d'eau pour les vacances à grandes guides. Quel pays connut jamais davantage
l'emploi du mot « guides ».
A travers les allées de la ville et sur le boulevard, c'est un va-et-vient d'attelages
à quatre chevaux que, du haut de son siège, un cocher conduit à longues « guides ».
Un cavalier passe, la tète couverte d'un béret basque tortillé de velours noir avec
un gilet rouge éclatant, il s'honore' d'appartenir à la corporation des « guides ». Un
piéton chaussé de grandes guêtres, sac au dos, le bâton ferré à la main, accom-
pagne d'intrépides marcheurs ; en le voyant passer on dira c'est un « guide ». Enfin
le mot « guides » sert à désigner la vie large, luxueuse et prodigue, on l'aura
employé dans toutes ses acceptions grammaticales.
L'animation réside principalement dans la ville neuve, du côté de l'établissement
thermal, le long des allées d'Etigny. Ces belles allées, plantées d'une quadruple
rangée de vieux tilleuls, relient l'ancienne ville à la nouvelle. Tandis que la pre.
mière, près de la gare, n'est guère qu'une agglomération de maisons chéfives, aux
voies étroites et tortueuses , l'autre, plus bas, entre l'One et la Pique, présente de
belles constructions, de grands hôtels modernes, des villas fleuries, des rues bien
tracées et de magnifiques promenades. Les deux monuments principaux du quartier
sont l'établissement thermal et le Casino.
Luchon a été de toute antiquité une station thermale. Les Romains connaissaient
refficacité de ses eaux et les fouilles ont fait découvrir une foule de vestiges de
l'établissement qu'ils y avaient fondé. Pendant plusieurs siècles Luchon fut
délaissée, mais, grâce au maréchal duc de Richelieu, la ville a reconquis sa pre-
mière célébrité. L'établissement thermal actuel s'élève à rextrcmité des allées
d'Etigny, au pied de la haute montagne de Superbagnères. 11 se compose de
5 pavillons précédés d'un péristyle de 28 colonnes de marbre des Pyrénées.
Le pavillon du milieu construit en marbre forme vestibule et donne accès à une
grande galerie ornée de fresques représentant des allégories assez bizarres. Entre
les fenêtres l'artiste a figuré 8 nymphes représentant les 8 principales sources ;
c'est le côté le moins critiquable de l'œuvre. De la grande galerie l'escalier conduit
au promenoir et aux buvettes. Deux galeries transversales la coupent à angle droit
et mènent aux salles de douches établies avec luxe. Une annexe est consacrée aux
bains de vapeur et à des humagcs d'un système spécial. 48 sources, la plupart
sulfureuses, fournissent un débit journalier de 45.000 litres, et cette masse d'eau
considérable ne l'est pas trop pour la consommation. L'établissement est ouvert
toute Tannée, mais très délaissé en hiver. Au pied du versant de la montagne qui
l'abrite, un certain nombre de portes ferment des excavations où aboutissent les
canalisations et les sources dont on réglemente ainsi le débit.
Le jardin voisin est admirablement entretenu. A son entrée so dresse la statue
de Megret d'Etigny, intendant de la généralité d'Auch , à qui Luchon doit sa
renaissance et ses embellissements. Dans le haut du jardin, la promenade du
Bosquet conduit vers Superbagnères. On peut profiter, pour y monter, (l'un chemin
de fer à crémaillère qui s'arrête au plateau de la Chaumière. A l'extrémité de la
vallée, les pics de la Mine, Sauvegarde et Sacrons servent de fond d'encadrement
au jardin.
Le Casino, dans un grand parc bien planté, est un bel édifice moderne, vaste et
richement décoré, capable de soutenir la comparaison avec les plus réputés. Il
renferme des salles de concert et de danse, un théâtre, un salon de lecture, une
salle de billards, un cercle, un salon de jeux, une salle d'escrime, un tennis, un
grand café-terrasse, le tout luxueusement aménagé. Dans une salle du premier
— 119 —
étage se voient des plans en relief, fort curieux, de toute la chaîne des Pyrénées,
ainsi qu'une collection çêologique et botanique, une exposition de peinture, etc..
Un kiosque se lève devant le Casino, où se donnent deux fois par jour de beaux
concerts. De grands jardins savamment tracés et bien entretenus ajoutent encore à
ragrément du lieu.
Mais ce qui contribue le plus puissamment à la réputation de Luchon, c'est le
nombre considérable et la beauté des excursions dont elle est le centre.
Dans ses environs immédiats, les cascades de Juzet et de Montauban, et Gastel-
vieil, plus loin le lac d'Oo, le portillon d'Oo, les pics de Céciré et de Monségu, le
Monné, le pic d'Anténac, Superbagnères, la vallée du Lys, le val d'Aran, le port
de Venasque, etc.. . Pendant notre court séjour à Luchon, nous fîmes excursion
au lac d'Oo et à la vallée d^u Lys.
La route du lac d'Oo suit jusque Cazaux celle de Bagnères de Bigorre que nous
avions faite la veille, dans l'obscurité. Elle monte rapidement sans offrir d'intérêt
jusqu'à son entrée dans la vallée de l'Oueil. En passant devant l'église de Saint-
Aventin nous voyons une sorte de màt élevé, ancien arbre dont les nervures ont
été déchirées et les veines fendues d'un bout à l'autre et séparées par de gros
coins bien enfoncés dans les interstices. C'est, nous dit-on, le brandon qui doit
servir à la St-Jean prochaine. Sitôt qu'il sera brijlé, on en travaillera un autre
qu'on plantera au même endroit pour le faire sécher jusqu'à l'année suivante. A
Cazaux nous quittons la route d'Arreau pour pénétrer dans la vallée d'Oo. Le
chemin carrossable devient plus difficile à parcourir et est encombré de rocs. A
droite on longe l'énorme moraine d'un ancien glacier qui occupait autrefois toute
la vallée. Aux granges d'Astau nous descendons lestement de voitures pour retenir
les chevaux, car les montures seront en nombre insuffisant pour notre caravane.
Les plus habiles enfourchent leurs bètes, tandis que les autres s'installent paisi-
blement à l'entrée de la vallée ou font la route à pied. C'est une succession
de lacets à travers des blocs énormes. Les chevaux, habitués à ces rampes escar-
pées, les gravissent aisément, et tandis que les cavaliers montent sans fatigue, les
piétons derrière eux trouvent la montée pénible. Bientôt l'un d'eux imagine de
s'accrocher à la queue d'un cheval et la pauvre bête traîne désormais à sa remorque
tout un convoi de grimpeurs. Le brouillard est monté avec nous, et arrivés au
terme, nous ne faisons qu'apercevoir, à travers le voile épais de brume, un simu-
lacre de blanches cascades lointaines.
Impossible de distinguer un des sommets neigeux qui encadrent le lac. C'est
une partie manquée. Bientôt une pluie fine, pénétrante, nous force à battre en
retraite. La descente est dure et sous le roc qui devient humide, les chevaux
glissent des quatre pieds. L'un d'eux va même jusqu'à poser maladroitement son
pied dans le vide : déjà son amazone se croit perdue à jamais. Un coup de reins
vigoureux, et l'animal reprend sa marche normale sur le sol. Nous rejoignons nos
camarades dans le bas et rentrons à Luchon.
L'excursion que nous fîmes à la vallée du Lys et à la rue d'Enfer fut favorisée
par un temps splendide. C'est une excursion pour ainsi dire classique et très
recommandée : sa réputation n'est pas surfaite.
Que la vallée doit être belle quand, à la fonte des neiges, sous les premières
caresses d'un pâle soleil, les lys éclosent de toutes parts. Que la cascade doit être
imposante dans la chute de ses eaux gonflées.
La route s'étend dans la direction de l'Espagne et passe devant la tour de Cas-
telvieil, qu'on apercevait de Luchon même. C'est un vieux monument du
XIV*^ siècle, à peu près ruiné, situé sur une hauteur isolée et qui commandait
autrefois la vallée. A côté coule la Pique, qua la route traverse et retraverse sur
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des ponts de pierre. Au pont de Ravi nous entrons dans la vallée proprement dite,
étroite d'abord, bordée de hauteurs boisées d'un aspect sauvage ; dans le bas mugit
un torrent qui, à chaque obstacle opposé à sa course, bondit en brillantes cascades.
La plus importante est celle de l'Estranguillé ou Trou de Bounéou, qu'on contemple
d'un pont rustique en toute sécurité. Les plus curieux descendent par une sorte
d'escalier de pierres jusqu'à une sorte de pont de pierres qui surplombe la cascade.
On la voit se précipiter à travers d'énormes rochers, qu'on doit se garder d'esca-
lader, car un monument funéraire tout proche dit qu'un jeune homme, en s'y
aventurant, a roulé dans l'abîme et y a trouvé la mort. Le spectacle est suffisam-
ment beau pour engager les paysannes de la chaumière toute proche à réclamer
un droit de péage exorbitant. En raison de leur pauvreté, elles reçoivent une pièce
à titre simplement gracieux, car rien n'indique la légalité de la taxe. La mendicité
existe d'ailleurs à l'état de métier sur les grandes routes, principalement sur
celle-ci. Les enfants d'ordinaire, par leurs sourires, leurs bouquets et leurs cris,
essaient d'émouvoir le voyageur. Ici, c'est principalement par leur diff'ormité et
leurs infirmités qu'ils tâchent d'apitoyer.
Que de monstruosités entrevues ! Pauvre race qui se prépare I La vallée s'est
élargie et à nos yeux se présente le cirque du Lys entouré d'imposantes montagnes
que couronnent de brillants glaciers. C'est dans les lacets de ces montagnes que
nous allons grimper. A peine arrivés à l'auberge, sans même regarder aux chevaux,
nous nous élançons à pied.
La montée est peut-être aussi longue que celle du lac d'Oo, mais elle est beau-
coup moins pénible. En quelques minutes on est à la Cascade d'Enfer, masse
d'eau considérable qui se précipite à travers les rochers dans un étroit canal que
le torrent s'est creusé jusqu'au fond de la vallée. Plus haut, sur une sorte de ter-
rasse de pierre, on contemple le gouffre et le sommet de la cascade. Qu'il fait bon
de se reposer là avec ce spectacle sous les yeux. Quelques mètres plus loin un
pont relié aux deux parois de la montagne domine la cascade qui, de la hauteur
d'oii elle se précipite, vient bruyamment glisser sous son arche.
Beaucoup de visiteurs arrêtent là leur ascension. Quel tort ! Et comme ils chan-
geraient d'idée s'ils soupçonnaient l'aspect curieux de la rue d'Enfer. Après une
dernière montée dans d'interminables lacets, on arrive à une sorte de petit amphi-
théâtre aux murs reculés et dont le sol est pavé de cailloux et de roches aiguëes.
C'est là que s'épand le torrent avant de s'élancer en cascade. En franchissant les
blocs, on peut arriver jusqu'à l'entrée de la rue d'Enfer. C'est une entaille dans la
montagne, qu'on croirait faite par des cyclopes scieurs de marbre. D'énormes blocs
éboulés çà et là semblent les pavés de la voie jetés sans ordre et attendant leur
place. C'est à la fois très curieux et très imposant. La pénétration dans la rue est
peu aisée, aussi force nous est de rester à l'entrée. La descente se fit rapidement,
si vite même qu'en arrivant en bas nous disposions encore de quelques instants
avant l'heure fixée pour le rendez-vous. Quelques-uns en profitèrent pour aller voir
la Cascade du Cœur, qui ne saurait en rien être comparée à la précédente. Elle est
assez originale par la configurution qu'affecte la nappe des eaux dans le lit qu'elle
s'est creusé à son pied. Des rochers éboulés plus ou moins fortuitement, des arbres,
des barrages jetés dans leurs intervalles et qui paraissent rien moins que naturels,
ont donné à l'ensemble une figure curieuse.
De retour à Luchon il nous fut loisible de visiter la ville l'après-midi. Nous
passâmes la soirée au Casino et le lendemain, après trois heures de trajet, nous
arrivions à Toulouse gare Matabiaut. »
Toulouse. — Dès la sortie de la gare, la statue de Riquet sur un pont au-dessus
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du canal du Midi et devant Técole vétérinaire, rappelle aux mémoires les moins
historiques, la grande figure de l'auteur du canal des Deux-Mers et les embellisse-
ments dont la ville lui est redevable.
Par les allées La Fayette nous gagnons Fhôtel ; c'est l'heure de l'apéritif, et sur
les terrasses bondées de consommateurs, l'arrivée de nos omnibus fut loin de
passer inaperçue. Après nous être installés et restaurés, nous nous mettons en
route pour visiter Toulouse. Jamais parcours ne fut plus originalement tracé par
un cocher pour la visite de la ville, en dépit des instructions données aux conduc-
teurs : un insulaire lui-même s'y serait trouvé dérouté. Pour conserver l'ordre des
souvenirs suivons le même chemin.
Les Toulousains sont fiers de leur Garonne et des quais entre lesquels elle coule :
pour les contempler nous allons filer à l'autre bout de la ville ; nous suivons la
ligne des boulevards de Strasbourg, d'Arcole, Lescrosses, longeons les casernes
d'artillerie et arrivons aux Ponts Jumeaux et au bassin dit de l'Embouchure. Trois
canaux viennent se réunir dans ce bassin : le canal du j\Iidi, de Cette à Toulouse ;
le canal latéral à la Garonne, d'Agen à Toulouse, et le canal de Brienne, simple
dérivation du fleuve qui alimente le canal latéral. Le point de jonction porte le ijom
de Ponts Jumeaux ; entre leurs arcades de beaux bas-reliefs mutilés représentaient
la famille de Riquet.
Les eaux sont basses et la circulation batelière est interrompue ; mais le niveau
est rarement si faible. La France se rappelle entre autres catastrophes la terrible
inondation de Juin 1875 et ses suites désastreuses. Toulouse fut la ville la plus
éprouvée par le fléau. Deux grands quartiers, les faubourgs de St-Pierre et de
St-Michel, presque de niveau avec la Garonne, furent submergés, mais la partie
qui eut le plus à souffrir fut encore le faubourg St-Cyprien, sur la rive gauche. Sur
les 2.000 maisons qui le composaient, plus de 1.100 furent détruites et 300 mena-
çaient ruine quand les eaux se retirèrent. C'est un des plus grands désastres dont
il soit fait mention dans nos annales historiques. Le quartier St-Cyprien dut être
presque entièrement rebâti : de fait il est peu intéressant, c'est un faubourg popu-
leux et ouvrier, sans grands monuments, sauf deux hôpitaux, un ancien château
d'eau et des abattoirs. Il est relié à la ville proprement dite par les ponts St-Pierre,
St-Michel et le Pont-Neuf qui prolongent la ligne des boulevards. Sur la rive
droite s'étendent de vastes quais et les monuments sont plus nombreux et plus
intéressants. La Daurade est une église Renaissance remarquable par sa nouvelle
façade sur le quai. Elle renferme une statue de Notre Dame-la-Noire, qu'on invo-
quait et qu'on promenait en procession dans les temps de calamité ; le tombeau de
Clémence Isaure, restauratrice des Jeux floraux et bienfaitrice de la ville, et le
monument du poète Godolin.
Le Lycée est installé dans un ancien couvent de Jacobins. Sa cour d'entrée, sa
façade armoriée et la tour de l'Horloge lui donnent un cachet artistique remar-
quable. La vaste église du XIV" siècle qui sert de chapelle a la proportion d'une
basilique; elle est divisée en deux nefs par une rangée de hautes colonnes qui
masquent la vue du milieu du chœur. Rien n'est plus froid que le triste mobilier,
— bancs pour les élèves, chaises pour les pions, — qui paraît perdu dans la
cathédrale vide de tout ornement. Sur la place carrée du Capitole, assez remar-
quable par son encadrement d'arcades, s'élève le Capitole, grand édifice d'une
valeur architecturale bien inférieure à sa réputation. L'exergue de la façade indique
sa destination : « Hic Themis datjura civibus , Apollo flores camo?nis , Minerva
palmas artibus ».
Ce qui a trait aux arts et à la poésie a perdu son exactitude le jour oii l'Aca-
démie des Jeux floraux a déserté la salle de Clémence Isaure pour tenir ses réunions
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à l'hôtel d'Assezat. A rintérieur on remarque dans la première cour, où Montmo-
rency eut la tète tranchée, une belle porte de la Renaissance avec statue de
Henri IV. La plus belle salle du monument, dite salle des Illustres, quoique à
peine achevée, a été inaugurée quelques jours avant notre arrivée.
Pour sa décoration, Toulouse a fait appel à ceux déjà réputés parmi ses enfants.
Toutes les peintures se rapportent à la France militaire, aux Muses, à Clémence
Isaure. Les principales sont l'œuvre de J.-P. Laurens, B. Constant, M. Martin,
Gervais, etc. . . Au-dessus des fenêtres sont placés les bustes des plus illustres
Languedociens. Autour du Capitule et contrastant avec lui par leur cachet artis-
tique, se groupent le Théâtre municipal et le Donjon, tour carrée assez ancienne,
récemment restaurée et assez jolie de couleurs avec ses briques rouges et ses
ardoises grises, ses tourelles et sa tour centrale.
Non loin du Gapitole, s'élève l'église du Taur, du XV^ siècle, qui fut, dit-on,
bâtie à l'endroit oii s'arrêta le taureau sauvage qui traînait saint Saturnin, apôtre
de Toulouse, qui avait refusé de sacrifier à .Jupiter.
A l'extérieur, statues grandeur naturelle de saint François et de saint Dominique.
A l'intérieur, peintures modernes de Bénézet, artiste toulousain, représentant la
légende du taureau de saint Saturnin.
Les proportions et le plan du Musée indiquent qu'il occupe les restes d'un
ancien couvent. Un petit cloître ou galerie Renaissance s'étend le long de la façade
du jardin. Le jardin est décoré en son milieu par une gracieuse fontaine en fer
forgé. Une porte élégante conduit du petit cloître dans le grand , dont les galeries
entourent les trois autres côtés du jardin.
Un clocher domine le cloître oii sont réunies de nombreuses antiquités, collec-
tion la plus riche de France d'objets trouvés dans les cavernes des âges primitifs.
Un escalier hardi conduit au musée de peinture, ancienne chapelle des Augustins ;
ce musée comprend près de 600 toiles appartenant aux différentes Ecoles et un
grand nombre de peintures modernes. Plusieurs portent de glorieuses signatures,
le Pérugin, Raphaël, Murillo, Van Dyck, Jordaens, Rubens, Delacroix, Le Sueur,
Poussin, Corot, Laurens, Lebrun, Rigaud, etc. . . Une salle de sculpture moderne
fait suite à la précédente avec une très ancienne collection cosmographique et une
salle dite des plâtres, qui contient des richesses du Moyen-Age. Plus loin , nous
nous trouvons en face de VHôtel d'Assezat, classé parmi les monuments histo-
riques, si nombreux à Toulouse. C'est une belle construction du XVI" siècle
récemment réparée. La partie la plus ancienne est la cour de l'Ordonnance, qui
rappelle celle de la partie du vieux Louvre qui est de Lescot. A la jonction des
deux corps de bâtiments, s'élève la tour de l'escalier terminée par une flèche et un
clocheton. La porte est ornée de colonnes torses qui servent d'appui à un cartouche
sur lequel on lit le millésime de 1555. L'hôtel a été récemment donné à la ville
pour y loger l'Académie des Jeux floraux et les Sociétés savantes.
L'église de la Dalbade, ainsi nommée des saules ou aubiers qui ombrageaient
autrefois la ville en cet endroit, est une église à une seule nef extrêmement hardie
et de vastes proportions. Son portail compte parmi les plus belles œuvres de la
Renaissance; il porte à son tympan moderne une jolie terre cuite émaillée : « le
Couronnement de la Vierge », avec ces paroles : Chrestien, si mon amour en ton
cœur est gravé, ne diffère en passant de me dire un Ave ».
Un peu plus bas le Palais de Justice^ d'apparence médiocre. L'mtôrieur vaut
mieux, dit-on. En face se dresse la statue de Cujas, enfant de Toulouse, et dont
tous ceux qui sont passés par l'escalier de la Sorbonne connaissent la statue.
Toulouse possède de beaux boulevards et des jardins réputés : nous pénétrons
d'abord dans le Jardin des Plantes, jardin bien entretenu, aux frais ombrages, oii
- 123 -
Ton trouve des arbres de belle venue et des bosquets, des plantes riches de végé-
tation inconnues chez nous. Les animaux sauvages ont été réunis en assez grand
nombre dans des cages disséminées dans le jardin. Une laiterie, une rivière avec
pont rustique, une belle fontaine avec fresque représentant une femme qui vient
puiser à la source que la déesse des eaux fait jaillir du sein d'un rocher, complètent
l'intérêt du jardin, auquel est annexé un Muséum. Par unpont suspendu au-dessus
de la rue, on arrive au Jardin royal, puis au Boulingrin ou Grand Rond, jardin
circulaire décoré comme tous ceux de Toulouse, de statues à profusion.
C'est dans ce quartier riant que se sont élevées les Facultés de Médecine et de
Sciences, un établissement de sourds-muets. La Gendarmerie est en face; de l'autre
côté du Jardin royal, le grand quartier général de l'Etat-Major du 17" corps d'ar-
mée, hôtel magnifique précédé d'une cour fleurie. De la Préfecture qui lui fait suite
on va à la place St-Etienne, oii s'élève la Cathédrale. La légende fait remonter sa
construction au III" siècle, Quoi qu'il en soit, elle s'est développée successivement,
et dans des temps plus proches. Elle comprend plusieurs parties non seulement
distinctes par leur architecture, mais sans aucune relation entre elles. Les parties
les plus remarquables sont la galerie percée de jours et la grande rosace, qui sur-
montent le portail et le chœur, autour duquel rayonnent 17 chapelles. L'église
renferme plusieurs monuments, entre autres le tombeau de sainte Colombe et
celui du cardinal Desprez, bien connu dans le diocèce de Cambrai.
Par le boulevard Carnot et le boulevard de Strasbourg, nous nous dirigeons vers
Saint-Sernin, la célèbre église de Toulouse. Bien qu'elle paraisse construite d'un
seul jet, plusieurs époques ont contribué à son érection. Elle a la forme d'une croix
avec 5 nefs. L'abside est flanquée de 5 chapelles semi-circulaires et les bras du
transept ont chacun 2 chapelles du même genre. L'abside forme un soubassement
sur lequel s'élève le chevet de l'édifice percé de grandes fenêtres. Toutes ces
constructions semblent s'appuyer mutuellement pour servir de base à une tour
octogone ; de l'ensemble résulte une disposition pyramidale des plus heureuses
qui frappe de loin le spectateur. A l'intérieur, on doit regretter la nécessité oii l'on
fut au XIV'' siècle de renfoncer les piliers du milieu pour soutenir le clocher.
Sous le choeur s'étend une belle crypte qui renferme les plus célèbres reliques
et classe ainsi Saint-Sernin de Toulouse au deuxième rang parmi les églises du
monde pour ses souvenirs religieux : la tète de saint Thomas d'Aquin, une robe
de la Vierge rapportée au XP siècle par les Croisés, les gants de saint Rémi, la
mître de saint Exupère et surtout les corps de six apôtres.
L'église renferme aussi un trésor considérable, un Christ de 1213 porté à la
bataille de Muret, un Christ byzantin du XIP siècle rapporté de Sainte-Sophie de
Constantinople, un tableau de la Sainte-Famille attribué au Gorrège.
Cette église fut le dernier monument que nous visitâmes, et nous ne saurions
nous repentir d'avoir terminé par un monument aussi célèbre et aussi intéressant.
Le repas du soir qui suivit cette agréable journée fut celui des adieux. Le menu
fut un peu plus somptueux que de coutume, et jamais plus franche gaîté ne régna.
On ne voulait pas songer à la proche séparation. Au dessert, notre fidèle poète,
avec une grâce parfaite, célébra dans son rythme sonore les touristes et leurs
qualités, leur endurance et leur entrain.
Après lui un des aînés leva son verre en l'honneur de notre aimé Directeur,
dont l'énergie et le zèle avaient mené à bien une entreprise aussi ardue. 11 serait
superflu de rappeler ici les éloges qui lui furent justement adressés, à lui d'abord,
et à ses collaborateurs. Qu'il me soit permis cependant de les lui renouveler au
nom de tous ceux qui gardent un souvenir impérissable des journées passées dans
— 124 —
l'intimité de la belle nature et d'agréables compagnons. Des chants et des décla-
mations clôturèrent dignement le repas, puis l'on se sépara.
Le lendemain nous partions pour Paris. Malgré sa longueur le trajet parut rela-
tivement court, grâce à l'entrain général et à la variété des jeux qui servirent à
tromper le temps. Tunnels, ponts, viaducs se succèdent sans qu'on ait le loisir d'y
prendre garde. A quelques kilomètres de Toulouse nous dîmes adieu aux mon-
tagnes et nous entrâmes dans les vallées du Tarn, près de TAveyron. A Gapdenac
nous reçûmes un panier rempli de victuailles diverses pour calmer notre appétit
jusqu'au repas plus complet du soir. Nous saluâmes en passant Roc-Amadour et
son pèlerinage, puis la course se poursuivit à travers collines et vallées, ravins et
causses, villages et villes, Brive, St-Yrieix, Nexon, Limoges et Chàteauroux.
Le dîner en wagon-restaurant vint alors faire diversion à la monotonie du trajet,
et quand nous regagnâmes nos wagons, l'obscurité de la nuit tombante invitant le
voyageur au sommeil, plusieurs s'endormirent pour se réveiller à Paris.
Le soir même ce furent les premiers adieux , suivis du départ d'un certain
nombre. Le lendemain, à une heure, le gros de la troupe toujours uni, prenait
l'express pour. Lille et nous débarquions à l'heure exacte dans notre vieille cité
lilloise , heureux de nous retrouver au milieu des nôtres , et satisfaits d'avoir
accompli jusqu'au bout ce splendide voyage , dont tous garderont un excellent
souvenir.
M. S.
BRUGES , SA PROCESSION
ET LES TRAVAUX DU PORT DE HEYST.
8, 9 et 10 Mai 1898.
Organisateurs : }tl]\l. Van Troostenberghe et G.\loxne.
Le 8 Mai 1898 , plusieurs membres de la Société de Géographie prenaient , à la
gare de Lille, le train de o h. 38' du soir (style belge 17 h. 38) à destination de
Bruges.
Ils allaient, sous la direction de MM. Van Troostenberghe et Galonné, visiter ce
joyau de la Belgique et voir, par la même occasion, les travaux importants du port
de Heyst-sur-Mer, du canal maritime et du port de Bruges.
Partis de notre bonne ville de Lille à l'heure exacte, le trajet commence sans
incident. En cours de route, nous constatons la transformation des banlieues de
Fives et Saint-Maurice, admirons à Groix la majestueuse et belle cheminée des
établissements llolden, remarquons l'extension industrielle toujours croissante de
Roubaix, Tourcoing, Roncq et Halluin.
Nous traversons la Lys sur le pont métallique de Menin, et nous voici sur le
territoire belge.
Sur les rives de celui-ci les installations pour le rouissage du lin existent tou-
jours, tandis que du côté de la France elles ont disparu.
- 125 -
L'odeur caractéristique de cette opération qui se sent ici se retrouve à Heyst, à
rextrômité du canal de la dérivation de la Lys.
A ]Menin, nous passons la visite de la douane belge ; comme nous n'avons rien à
déclarer, cette formalité, en ce qui nous concerne, est rapidement remplie.
Toutefois l'attente est encore assez longue , en raison du grand nombre de
voyageurs.
Le cadran de l'horloge à double numérotation qui se présente à notre vue, donne
lieu aux remarques ci-après :
De même que l'Kalie, la Belgique a adopté le cadran do 2i heures. De cette
nouvelle disposition, il résulte que les indications m (matin), s (soir), qui figuraient
aux horaires des trains ont été supprimées.
Entre minuit et une heure du matin, les instants, tels que 12 h. 5', 12 h. 30',
12 h. 55', sont indiqués comme suit : 0 h. 5', 0 h. 30', 0 h. 55'.
Midi est toujours indiqué par 12.
Minuit, suivant les cas, est indiqué par 0 ou par 24.
Un train partant à minuit est indiqué par 0, tandis qu'un train arrivant à la
même heure est indiqué par 24.
Nous ne nous attardons pas davantage caries douaniers ont terminé leur besogne.
Nous prenons place dans les voitures spacieuses de la Compagnie de la Flandre
Occidentale (West-Vlanderen) afin de continuer notre chemin.
L'aspect du pays change, le silence règne partout. L'agriculture, dans la région
que nous traversons, remplace l'industrie.
La culture de la pomme de terre est surtout développée et les surfaces couvertes
par ce tubercule sont importantes.
Nous apercevons la tour gothique de l'église Si-Michel de Roulers (Rooselaere)
et nous faisons, à la station, une pose de peu de durée.
Notre train se remet en marche et à la suite d'un dernier et court arrêt à Thou-
rout, nous arrivons, après un parcours do 74 liilomètres, à Bruges, terme de notre
voyage, à 7 h. 42', sans retard.
. Nous nous dirigeons pédestrement vers le Grand-Hôtel du Commerce, rue Saint.
Jacques, par les rues Sud du Sablon, des Pierres, Grand'PlaccetMarché-aux-Œufs.
L'animation est grande dans les voies que nous empruntons et notamment sur la
Grand'Place, qui est couverte de luxueuses loges de saltimbanques, chevaux méca-
niques, montagnes russes, etc.
La circulation y est difficile et présente un curieux contraste avec le calme et la
solitude ordinaire de la ville.
Le monument Breidel et de Goninck (les héros communaux de 1302, ennemis de
la domination française), ainsi que le kiosque chinois qui lui forme un fâcheux
pendant, sont cachés par les constructions foraines qui les entourent de tous côtés.
Nous voici au gîte, nous nous restaurons et avant de nous jeter dans les bras
de Morphée, nous allons profiter des distractions que nous offre la foire.
Le lundi 9 Mai a été consacré à la procession du Saint-Sang et à la visite de la
ville.
Le lendemain, mardi 10, nous sommes allés à Zee-Brugge (Bruges, port de mer)
et avons achevé la visite de la ville commencée la veille.
Nous divisons la présente relation, afin de la rendre plus claire, en trois parties,
savoir :
1» Ville de Bruges ;
2° Procession du Saint-Sang ;
/ Port de Heyst.
3° Travaux. . . Canal maritime de Bruges.
( Port de Bruges.
— 126 —
I. — VHJÛE DE BRUQES.
Bruges, en flamand Brugge, capitale de la province de la Flandre Occidentale,
est une grande et belle ville ; sa population s'élève à 50.000 habitants. Elle est
située par 50"12'33" de latitude Nord et 0''53'24''' de longitude à l'Orient de Paris.
Ces coordonnées géographiques sont celles de la Tour des Halles.
Le seuil de l'église St-Sauveur est à l'altitude de 8 m. et celle des quartiers
moins élevés atteint à peu près 5 m.
La diflférence entre le niveau de la haute et de la basse mer est d'environ 4"',50
pour le littoral belge, et Bruges, pendant les tempêtes et les gros temps, ainsi
d'ailleurs que presque toute la plaine maritime, devrait être inondée.
S'il n'en est pas ainsi, c'est que d'une part la nature a placé le long des côtes
une chaîne de dunes d'une grande hauteur et que d'autre part le génie humain a
construit d'importants travaux de protection contre les débordements de la mer.
Le berceau de Bruges est le Vieux-Bourg (place du Bourg).
Des lignes de tramway à tradtion animale (tram-car), sans rails, desservent la
ville.
Les voitures partent toutes de la place de la Station. Elles aboutissent au Bassin,
près de la porte de Damme, à la porte Sainte-Croix, en passant par le Bourg et à
la porte Sainte-Catherine.
Toutes mènent à la Grand'Place.
Deux lignes à voie étroite, du chemin de fer vicinal, la traversent.
L'une part de la Station, vers Wcstcappelle, Heyst et l'Écluse, par la place du
Théâtre, Rempart du Bassin et la porte de Damme, l'autre a son point de départ
à la place du Théâtre, traverse la Grand'Place, sort de la ville par la porte Sainte-
Catherine pour se diriger vers Swevezeele.
Gare. — La gare de Bruges est de construction récente (1879-80). Elle est
l'œuvre de J. Schadde, l'auteur des plans de la Bourse d'Anvers. Le hall présente
d'ailleurs une ressemblance indéniable avec celle-ci.
Quelques travaux de consolidation ont été exécutés par Beyaert, architecte à
Bruxelles.
L'ensemble des bâtiments présente un aspect assez gracieux, se rapprochant
plutôt d'un établissement religieux que d'une gare. Comme style, on a cherché à
imiter l'ancien style brugeois. On y remarque extérieurement la Tour de l'Horloge,
qui doit rappeler, dit-on, le couronnement disparu de la partie supérieure du beffroi.
Les salles d'attente sont spacieuses et bien décorées. A u point de vue des voya-
geurs, elle est commode.
Cathédr.xle de Saint-Sauveur. — Saint Éloi fonda ici une chapelle dédiée à la
Sainte Vierge vers l'an 640.
Avant 901, elle avait été érigée en église paroissiale , sous le vocable de Saint-
Sauveur. Des incendies l'endommagèrent et la ruinèrent en il 10, 1183, 1358 et 1839.
Collégiale en 1,501, et après avoir été église départementale sous Napoléon I",
elle est devenue en 1834, cathédrale, en remplacement de Saint-Donatien, démolie
en 1799.
Extérieur. — Construit presque entièrement en briques rouges, comme beaucoup
de constructions de la Flandre maritime, l'édifice extérieurement présente un aspect
sévère ; il a 100'",60 de longueur sur 53°', 12 de largeur au transept, et 37"" ,96 à la
nef, hors œuvre.
— •127 —
La partie inférieure de la tour, en pierres de roche (veld-stcen) date de 961, et
les deux autres étages de 1110, 1127 et 1358. La partie supérieure ayant été détruite
en 1839, par un incendie, on la remplaça par un couronnement en style pseudo-
romain, qui n'est pas du meilleur effet, en 1844-46, suivant les plans de P. Buyck
qui les fit d'après un croquis de Robert Ghantrell. Ce couronnement est soutenu,
non par la tour mais par une série de voûtes superposées, construites à l'intérieur.
En 1871, la flèche centrale, couverte en plaques de cuivre, fut ajoutée par E. Gar-
pentier, sur les conseils de la Commission roj'ale des Monuments.
Les tourelles septentrionales du transept furent rebâties en 1510, par Godefroy
Cauwe ; le chevet du chœur avec son ambulatoire et les cinq chapelles absidiales,
de 1482 à 1527, par Jean Van de Poêle et Ambroise Rœlands.
Le square autour de l'église n'a été établi qu'en 1878.
Intérieur. — L'église est à trois nefs. Les bas côtés sont séparés de la nef cen-
trale par des piliers accolés de colonnes très longues et très minces, dont les cha-
piteaux supportent les retombées d'arcades en ogive , composées chacune de
plusieurs rangs de claveaux en retraite les uns sur les autres. Au-dessus de ces
arcades règne un triforium dont les fenêtres ont été bouchées en 1739 et qui est
surmonté d'une claire-voie.
Le chœur est séparé de la nef par un jubé en style Renaissance exécuté de 1679
à 1682 par Corneille Verhoeve. Sur la partie supérieure, on a placé une statue de
marbre représentant Dieu le Père, par Arthur Quellyn le Jeune (1082).
Ces deux œuvres sont appréciées diflëremment. Il nous semble qu'elles n'ont
que le défaut de ne pas être à leur place dans une église gothique.
Sur le pourtour du chœur, s'ouvrent sept chapelles absidiales, dont plusieurs
ont appartenu à des corporations : charrons, charpentiers, etc.
Deux chapelles communiquent avec les transepts. Celle du côté Sud a pour
vocable sainte Barbe et l'autre du côté Nord, dite des Cordonniers, a été dédiée
aux saints Crépin et Crépinien.
Le baptistère est l'ancienne chapelle de la corporation des Tondeurs, édifiée
en 1454.
Les stalles du chœur, du XV'^ siècle, sont très belles, surtout dans les parties
anciennes.
Ces stalles supportent les armoiries d'un certain nombre de chevaliers de la
Toison d'Or. Le treizième chapitre de l'Ordre fut tenu dans le chœur, le 30 avril 1478.
On remarque dans le rétable du maître-autel deux belles tètes de saint Pierre et
de saint Jean, par Van Oost le Vieux (1037-42).
De chaque côté de l'autel, les mausolées de Henri-Joseph van Susteren, quator-
zième évêque de Bruges (1742), et de Jean-Baptiste de Castillon, quinzième évêque
du même lieu, de Henri Pulincx.
II y a beaucoup de t£d)Ieaux appendus aux murs, parmi lesquels des œuvres de
grande valeur d'anciens peintres flamands, notamment :
U Annonciation et la Descente du Saint-Esprit, Jacques Van Oost le Vieux
(1058) ; Martyre de sainte Barbe, par C. Cels (1809) ; La Cène, triptyque de P.
Pourbus (1559). De grands tableaux de Jean van Orley (1725), qui ont servi de
modèles pour la confection de tapisseries qu'on tend dans le chœur aux grands
jours (1731). Le Miracle de saint Antoine d'après Van Dyck, par Jacques Van Oost
le Vieux ; Adoration des Bergers, Antoine Claeissens (1013), etc.
Quelques plaques tumulaires attirent l'attention, ce sont celles de : Jean de
Likerke (1518), et Jeanne de la Doure (1510) ; Georges de Munter et Jacqueline Van
den Brugghe (1439 et 1433), etc. II y a des vitraux de H. Dobbelaere et la poly-
chromie actuelle de l'église a été exécutée en 1874-75.
— 128 —
Place Simon Stévin. — Simon Stévin, né à Bruges en 1548 , est décédé en
Hollande en 1020. Il fut un savant mathématicien ; certains disent qu'il trouva le
calcul décimal et la notation des puissances par leurs exposants.
L'inauguration de la statue, en bronze, a été célébrée par des fêtes, du 26 Juillet
au 2 Août 1846. Cette statue, entourée sur trois côtés de plantations d'arbres est
bien traitée ; toutefois elle paraît un peu délaissée.
Rue des Pierres. — Cette rue que nous traversons pour nous rendre sur la
Grand'Place, est la plus belle de la ville, en même temps que la plus ancienne.
L'ancienne maison de la corporation des Cordonniers (n° 40), le cercle catho-
lique attenant (n" 38) et la vieille maison de la corporation des Maçons (n» 19), se
signalent à l'attention.
Grand'Place. — Cette place a une superficie d'un hectare environ. Par un effet
d'optique peu explicable, elle paraît rectangulaire, bien qu'elle soit trapézoïdale.
Le côté Est oii se trouvait précédemment la Waterhalle (Halle aux Draps, 1285),
démolie en 1787, est occupée par VHôtel du Gouvernement provincial^ construc-
tion récente en pierres blanches, en stj'le de la fin du XIV" siècle.
La grande salle des réunions du Conseil provincial est fort belle ; la tribune
publique est grande et d'un accès facile. Les salles de travail des divers bureaux
sont commodément installées et d'un bon style.
Le bâtiment contigu, à droite, en briques rouges, également récent, est affecté
au Service des Postes. 11 est bien aménagé, il est du stj-le brugeois.
Ces deux bâtiments ont été construits d'après les plans des architectes René
Buyck et L. de la Genserie.
A l'Ouest, se trouve l'ancienne maison Bouchoute du XV'' siècle, au coin de la
rue St-Amand.
A l'angle Nord de cette maison, on remarque une boule en cuivre qui servit en
1839 pour le tracé de la méridienne marquée en pierres blanches dans le pavage
de la Grand'Place.
Une maison nouvellement restaurée à l'enseigne d'Oude Munte est admirable.
Le cercle civil et militaire est situé de ce côté ; sa façade présente une inscrip-
tion qui frappe les Français : « Vive le roi » ; inscription qui s'illumine les jours
de fête.
Le côté Nord se compose, entre les rues de la Crevette et St-Jacques, d'habita-
tions ordinaires sans attrait, tandis que celles d'au delà vers la ru<> Flamande, sont
charmantes.
Tournons vers le Sud, nous voici en face des halles et du majestueux betJroi de
Bruges.
Les Halles en plan présentent la forme d'un quadrilatère' de 84 m. de longueur
sur 43 m. de largeur.
La façade principale est antérieure à 1248 ; elle a été remaniée dans le courant
du XVP siècle. Les ailes latérales et la façade postérieure datent de 1561-06.
Au rez-de-chaussée, à droite, un marché important à la boucherie ; à gauche, les
collections de la Société archéologique sont exposées provisoirement (ancienne
Halle aux épices).
A l'étage, le lieu de réunion de la Société d'escrime de St-Michel et de vastes
salles qui servent pour des fêtes ou des réceptions.
Le Beffroi a été construit en grande partie vers la fin du XIIP siècle par un
architecte dont le nom n'est pas connu. La tour des haUes, qui mesure 80 mètres
— 129 ~
de hauteur est battue constamment par des vents de mer ; sous leur poussée, elle
a cédé et elle penche vers le Sud-Est de 43 centimètres.
Elle se compose de trois tours superposées. Celle du bas est carrée et à son
sommet une galerie admirable, en briques, relie les quatre tourelles d'angle. Celle
qu'elle supporte a la même forme géométrique. Elle se termine aux angles par
4 clochetons sur lesquels viennent s'appuyer les arcs-boutants qui consolident la
troisième tour. Celle-ci, de forme octogonale, est recouverte d'une plate-forme
entourée d'une balustrade ajourée formant couronnement.
La troisième partie date de 1482 et sa balustrade de 1822.
Du haut de la tour, si l'ascension des 402 marches, pas en excellent état, n'effraie
pas, on aperçoit Gand, Courtrai, Thourout, Damme, l'Ecluse, la tour de Lisse-
weghe, Ostende, Blankenberghe, Heyst, et même Flessingue par un temps clair ;
au Nord, au delà des dunes, la mer qui se confond avec l'horizon.
Le bourdon, du nom de Marie, suspendu à peu près à la hauteur des grandes
fenêtres de la tour du milieu, pèse 12.205 livres. Il fut fondu par Melchior de
Haze en 1680- 11 provient de l'église Notre-Dame et ne fut placé oii nous le voyons
qu'en 1802.
Le carillon actuel date de 1743 ; il joue tous les quarts d'heure et ses marteaux
frappent 49 cloches du poids de 5G.6.50 livres. Le grand cylindre en cuivre, qui
l'actionne, fut fondu en 1748.
Une partie de la Grand'Place, à peu près le milieu, est occupée par le monument
élevé à Breidel et de Coninc, inauguré en 1887, et par un kiosque affecté aux
exécutions musicales, d'un style peu en harmonie avec ce qui l'entoure.
Place du Bourg. — En prenant la rue Breidel, nous arrivons rapidement au
berceau de Bruges, « le Bourg ».
La Prévôté. — L'ancienne Prévôté de St-Donatien est un bâtiment lourd en
pierre bleue construit en 1662 ; la façade, ornée dés statues de la Justice, de
l'Amour et de l'Envie, a été faite sur les dessins de Frédéric Van Hillewerve,
chanoine de St-Donatien ; elle a été restaurée en 1862.
Saint-Sang. — Chapelle inférieure. — Thierry d'Alsace, à son retour de Jéru-
salem en 1150, ne trouvant pas assez belle, pour y déposer la fiole contenant les
gouttes du Sang de Jésus, la chapelle construite par Baudouin-Bras-de-Fer, la fit
démolir. Il fit construire celle que nous voyons, de style romain primitif, et lui
donna pour patron saint Basile.
Quatre piliers séparent la nef principale des collatéraux. Ceux-ci sont d'une
largeur deux fois moindre. Les voiites d'arête sont en plein-ceintre. Le chœur,
rectangulaire, continue la nef médiane. Il a servi d'oratoire à la corporation des
Maçons. Sur les carreaux du pavement, des truelles et d'autres outils sont
représentés.
A côté du chœur, front à la place du Bourg, fut bâtie au XV* siècle, une chapelle
ogivale dédiée à saint Laurent. Elle a appartenu à la confrérie des Clercs asser-
mentés du tribunal de Bruges. Les armes de la confrérie : deux plumes en sau-
toir, sont peintes sur les murs.
Tout ceci a été restauré en 1890-97 par l'architecte de la Censerie, sous la direc-
tion de M. le baron Béthune de Villers.
Chapelle supérieure. — Qette chapelle a été construite au-dessus de la chapelle
de St-Basile. Le portail de l'escalier, ainsi que le bâtiment attenant, d'une délica-
tesse qui attire l'attention, furent élevés en 1529-33 et restaurés en 1893. Les deux
tourelles sont de la moitié du XV" siècle.
9
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Elle a été reconstruite au XV« siècle et en 1672. La polychromie a été exécutée
sous la direction de Thomas Harper et de William B^aug^vJ'n, de 1856 à 1868.
Les vitraux sont des reproductions de ceux qui avaient été posés en 1542 et
vendus en 1795 par le bourgmestre de la ville, à raison de 14 fr. pièce. Actuelle-
ment, ils sont en Angleterre.
Quelques tableaux de peintres flamands couvrent les murs.
La chaire, en forme de sphère terrestre, a été sculptée dans un seul bloc de bois,
dit-on, par Henri Pulincks, en 1728.
Le maître-autel, avec retable en style du X\'^ siècle, est de Michel Abbeloos
(1&58).
Dans la chapelle Ste-Groix, l'autel en marbre blanc et sa garniture en argent,
appartiennent au XV1II« siècle.
Le reposoir, servant à l'exposition de la relique, a été construit en 1866, d'après
les croquis de "\V.-G. BraugA^Tn.
Auparavant, tous les vendredis, vers 6 heures du matin, le Saint Sang se liqué-
fiait et bouillonnait. Depuis 1325 ce miracle cessa. Il se renouvela en 1388, lors-
qu'on mit la fiole dans un nouveau cylindre garni aux extrémités de couronnes d'or.
La chapelle possède deux châsses :
Une en argent donnée par Albert et Isabelle et dans laquelle est déposée ordi-
nairement la relique. Cette châsse est enfermée dans un coflFre-fort nécessitant pour
l'ouvrir trois clefs données à des personnes différentes.
L'autre, en argent doré, de forme hexagonale, se trouve au Musée, elle a été
exécutée par Jean Grabbe en 1617.
G'est un objet de grande valeur et d'un beau travail. Six colonnes corinthiennes
soutiennent un dais surmonté de trois édicules abritant les statuettes en or massif
du Christ, de la Sainte Vierge et de Saint Donatien. Un pélican se trouve à la
partie supérieure. Le tout est orné de pierres précieuses et de camées. Les écus-
sons et les noms des donateurs sont placés autour de la base. Au-dessus du coffret,
dans lequel on dépose la relique, pend une couronne fleurdelysée qui a été, dit-on,
léguée à la confrérie du Saint-Sang par Marguerite de Bourgogne.
Dans le Musée se trouvent en outre d'autres objets d'art : tableaux (Jacques
Van Oost le Vieux, Gérard David, Pierre Fourbus et autres), dentelles, chasubles,
tapis, encensoir, etc.
HÔTEL DE Vu,LE. — C'est sur l'emplacement de l'ancien Ghiselhuus (maison des
Otages) que cet édifice élégant est construit (1376). Six tourelles octogonales
partent en encorbellement des angles et du centre des façades ; elles ont comme
couronnement des flèches qui contribuent par leur élancement à la légèreté et à
l'élégance de l'ensemble.
Le bâtiment a une longueur de 26", 30 et une hauteur de 19"", 15, toit non compris.
Des statuettes d'ange en cuivre doré agrémentent les lucarnes. La façade possède
49 niches dont les statues furent brûlées (1792) et remplacées (1854), par celles que
nous voyons, qui ne valent pas, paraît-il, les premières. A l'une des fenêtres du
rez-de-chaussée, on voit un joli balcon en laiton, « la Bretèque ».
Le vestibule nouvellement restauré, est imposant. A gaucbe, un escalier, avec
rampe de fer forgé, conduit à l'ancienne grande salle des Echevins. Elle est en
restauration.
M. Albert de Vrient y exécute de grandes peintures historiques. Nous admirons
la voûte en bois (1402), les corbeaux de pierre représentant les 12 mois sculptés
par Pierre Van Oost en i3dl-'Jd. L'ensemble de cette salle, après l'achèvement do
sa restauration, sera magnifique.
-^ 131 —
' Ancien Greffe. — Bâtiment pittoresque , dans le style de la Renaissance,
construit en 1534-37 par Chrétien Sixdeniers et restauré en 1881 par l'architecte de
la Genserie. La façade est polychromée et couronnée de 10 statues en bronze doré.
L'intérieur sert de Justice de Paix. A remarquer deux portes anciennes donnant
sur le prétoire (1544), de Lancelot Blondeel.
Palais de Justice. — Construction sans intérêt , élevée sur remplacement de
l'ancien palais du Franc et de la maison de l'Écoutète. La partie la plus ancienne
qui subsiste se trouve sur le canal des Marbriers.
Cheminée du Franc. — Nous traversons ce palais qui n'en a que le nom, pour
nous rendre à la Salle échevinale où se trouve la fameuse cheminée du Franc.
Cette merveille de l'art de la Renaissance est l'œuvre de Lancelot Blondeel qui
en fit le plan, en dessina les détails et en dirigea l'exécution (1529-31).
La cheminée est en marbre noir de Binant. Des colonnes supportent une frise
d'albâtre formée de 4 bas-reliefs représentant l'histoire de la chaste Suzanne. La
partie supérieure est entièrement en bois de chêne sculpté. Une statue de Charles-
Quint se trouve au milieu, derrière elle un trône sur lequel sont sculptés des
médaillons de Philippe-le-Bon, de Jeanne-la-FoUe, de Marguerite d'Autriche et de
Charles de Lannoy. A droite et à gauche de ce trône, les colonnes d'Hercule sup
portant 8 écussons ; au-dessus les armoiries de l'Empire entourées du collier de la
Toison d'Or. La hotte est garnie de 16 écussons portant les armes des ancêtres
paternels et maternels de l'Empereur. Contre les pilastres d'extrémité d'avant-
corps, des Génies tiennent deux médaillons avec les figures de François I" et
d'Éléonore d'Autriche. A droite de nous, deux grandes statues représentant Fernand
d'Aragon et Isabelle de Gastille, aïeuls maternels ; celles qui sont à gauche repré-
sentent les traits de Maximilien et Marie de Bourgogne, aïeuls paternels ; ces
statues sont entourées d'écussons et de banderolles.
L'exécution, dans tous ces détails, est parfaite et prouve la valeur des sculpteurs
flamands de cette époque. Une restauration a été effectuée en 1850 par Ch. Geerts,
de Louvain,
La salle est ornée de tapisseries fabriquées à Ingelmunster en 1859, d'un tableau
représentant une séance du Tribunal du Franc par Gilles Thillbrugghe (1659) ;
deux encriers en cuivre (1566 et 1034) sont déposés sur la table.
Sur la place du Bourg, à l'endroit planté d'arbres oii se voit une statue en plâtre
de Jean Van Eyck, s'élevait, jusqu'en 1799, l'ancienne collégiale de St-Donatien
communiquant avec le Palais du Franc par un couloir.
Rue de l'Ane aveugle. — Prenons le passage qui se trouve entre l'ancien
Greffe et l'Hôtel de Ville, nous nous trouverons dans la rue de l'Ane aveugle. Cette
rue ne contient que des bâtisses administratives ; le boulevard Louis XIV, à Lille,
lui présente, sous ce rapport, une ressemblance frappante. Nous traversons le
pont (le garde-corps semblable à celui du quai de la Basse-Dcûle), près duquel se
trouve une belle maison de 1.570 restaurée en 1872 ; elle est occupée par un mar-
chand de poisson.
Marché au Poisson. — 11 rappelle un peu l'ancien marché de Lille. Il a été
établi en 1821. De cet endroit l'on a une très belle vue des façades postérieures de
l'Hôtel de Ville et du Franc de Bruges.
— 132 —
Quai du Rosaire. — Nous nous engageons sur le quai du Rosaire, d'oii l'oft
jouit de la vue la plus renommée de la ville.
HÔTEL Gruuthuse ET MusÉE DE DENTELLES. — Ancien hôtel seigneurial des
sires de Gruuthuse (1465-1470). Cet hôtel communique avec l'église Notre-Dame oii
Louis de Bruges et Marguerite d'Aa, son épouse, pouvaient se rendre à une tribune
qu'ils tirent établir en 1472.
Tous les bâtiments ont été acquis par la ville en 1873, qui y installera le Musée
commercial. Ils sont l'objet de reconstructions intelligentes. Nous avons pu les
visiter et constater avec quel respect de la vérité l'état ancien était reconstitué.
Partout la devise des Gruuthuse se lit : « Plus est en vous ». Le tout sera mer-
veilleux.
Dès que Sa Majesté Léopold II aura approuvé les délibérations communales qui
lui sont soumises, les bâtiments qui se trouvent face à la rue seront démolis de
manière à rendre l'hôtel visible.
Dans Tune des salles, on a établi un Musée de dentelles provenant d'une dona-
tion faite par la baronne Augusta Liedts.
Cette collection se compose de 400 pièces, elle est très intéressante et est une
des plus importantes de l'Europe.
Comme pièces principales, citons : un voile de tabernacle portant les armes de
Charles-Quint. — Un agneau pascal en dentelles de Malines. — Des dentelles de
Hollande, de Zélande, de Bruxelles. — Un parasol en point de Malines. — Un col
et une manchette de Charles-Quint. — Une guipure anversoise du XV*' siècle. —
Des pièces en fils tirés du XllP siècle. — Une nappe du XIV' siècle, etc.
Notre-Dame. — Cette église a 72'",60 de longueur sur r)0"',2.5 de largeur, dans
œuvre.
La date exacte de sa construction est inconnue, toutefois aucune des parties ne
doit remonter au delà de 1225.
L'église avait auparavant quatre entrées, dont la principale était celle de la Net,
la seule qui existe encore. Le troisième portail dit « het Paradys », donnant sur la
rue de Gruuthuse, est un petit chef-d'œuvre ; il a été tranformé en baptistère.
La tour, commencée en 1230, a 75 m. de hauteur. Une flèche de 45'",80, achevée
vers 1230 la surmonte. La partie supérieure menaçant ruine, fut démolie en 1818 et
rétablie en 1853. De 1872 à 1875 , les quatre tourelles d'angle et la balustrade
furent construites. Cette dernière partie ne fait pas bon etiet.
Notre-Dame a cinq nefs et la première chose qui frappe le visiteur, c'est l'irrégu-
larité de la construction. Les arcs de la nef et du chœur sont en tiers-point. Parmi
les chapiteaux, il y en a qui sont fort beaux. Les voûtes ont été reconstruites en
1768. Aux piliers de la nef sont adossées les statues du Christ et des douze
Apôtres (1618).
La chaire de vérité est gracieuse. Elle a été exécutée d'après les dessins de Jean-
Antoine Gaeremyn en 1743. Le jubé, qui date de 1722, est surmonté d'un Crucifix
de grandes dimensions (1594). De chaque côté se trouvent des statuettes de l'ange
Gabriel et de la Sainte Vierge (1(505).
Au-dessus des stalles sont posées les armoiries des chevaliers de la Toison d'Or,
dont le onzième chapitre fut tenu ici par Charles-le-Téméraire les 7, 8 et 9 Mai
1468. Le maître-autel en marbre est du XVlll* siècle, il provient de l'abbaye de
St-André ; les anges adorateurs furent sculptés en 1799 par Pierre Pepers.
Cette église est surtout intéressante pour les objets d'art qu'elle renferme.
La chapelle de la Sainte-Trinité a été fondée par la famille Breydel ; Jean Breydel,
— 133 —
le fameux patriote, dont la statue est sur la GrandTlace, est enterré ici ainsi que sa
famille.
La chapelle du Saint-Sacrement est ornée d'une statue de marbre blanc attribuée
à Michel-Ange : la Vierge et TEnfant-Jésus. Elle a été donnée à l'église en 1514,
par Jean'Mouscron. La composition est bien étudiée et l'exécution très délicate.
Depuis 1816, grâce à la générosité de Napoléon P"", qui accorda 10.000 fr. pour
leur restauration, la chapelle de Lanchals contient les tombeaux, autrefois dans le
chœur, de Gharles-le-Téméraire , duc de Bourgogne , tué le 5 Janvier 1477, à la
bataille de Nancy, et de sa fille Marie, épouse de Maximilien, morte le 27 Mars
1482, âgée de 25 ans.
Le monument de Marie de Bourgogne, le plus remarquable des deux, est en
marbre noir ; sur la partie horizontale est couchée la statue de la défunte , en
cuivre doré, les mains jointes et les pieds appuyés sur deux chiens. Sur la partie
moulurée du dessus sont posées les armes dos 18 duchés, comtés, marquisats et
seigneuries de la duchesse.
Les deux côtés représentent les arbres généalogiques paternel et maternel, rangés
par quartiers. Sur la face antérieure du tombeau est appliqué le grand écu de la
duchesse, supporté par deux anges et sur la face postérieure, entre deux anges
tenant des palmes fleuries, se lit son épitaphe. 11 est l'œuvre de Pierre de Beckère,
orfèvre bruxellois (1495-1502).
Le cénotaphe de Gharles-le-Téméraire, placé près de celui de sa fille, a été
exécuté de 15.59 à 1569, par Jacques Songheling, fondeur à Anvers, Josse Aerts et
Jean de Smet, sur les dessins de Gornille Floris, d'Anvers.
Le duc est représenté, comme la duchesse, étendu sur le monument. Un lion est
couché à ses pieds. Son casque, son épée et ses gantelets sont à côté de lui. Sa
devise : « Je l'ai empris, bien en aviengne » est gravée sur la pierre.
A côté de la porte d'entrée de la chambre des Marguilliers, on remarque la
tribune (un véritable bijou), construite en 1474 par Louis de Bruges, seigneur de
Gruuthuse. Gette admirable tribune en pierre de taille et bois de chêne est à deux
étages; elle communiquait autrefois avec l'hôtel Gruuthuse.
A l'extérieur on y voit les armes de la famille avec la devise : « Plus est en
vous » et les lettres L. M.
L'église Notre-Dame possède de nombreux tableaux peints par Gaspard de
Graeyer : « l'Adoration » ; Quellin, « Mariage mystique de sainte Catherine de
Sienne ». Un magnifique triptyque de Pierre Fourbus (1574). Panneau central
« l'Adoration » des bergers et sur les volets, les portraits des donateurs Josse de
Damhoudère et Louise de Ghantraines, accompagnés de leurs enfants.
Derrière le maître-autel, il y a une magnifique grille en fer battu, de Jean
Ryckom d'Ostende (1699). La grille sous le jubé est également belle.
Il y a quelques vitraux présentant de l'intérêt.
Cette église fut badigeonnée pour la piremière fois en 1589.
HÔPITAL St-Jean. — Vis-à-vis de l'église Notre-Dame se remarque l'hôpital
St-Jean, qui est un des plus anciens monuments de la ville. L'infirmerie et la
partie Sud furent construites dans la dernière moitié du XIIP siècle. En 1856 , la
chapelle du cimetière fut détruite et remplacée par des constructions sans valeur.
Les hauts-reliefs qui se trouvent dans le tympan de l'ancienne entrée sont remar-
quables (1270),
La chapelle est à gauche en entrant ; l'attention est attirée principalement par un
tableau de Jacques Van Oost le Vieux (1637), par un tabernacle sculpté du XV"
siècle et par quatre statues placées dans le chœur, ainsi que par des stalles en bois
— 134 —
sculpté. Dans la chapelle de Ste-Gorneille, une armoire sculptée en pierre du
XV« siècle et une tombe plate en cuivre.
Les malades sont soignés par des sœurs qui, depuis 1397, suivent la règle de
saint Augustin.
Musée. — Dans Tancienne salle du chapitre se trouve le Musée, où se con-
servent cinq œuvres authentiques de Hans Memlinc : 1° Grand rétable à volets du
maître-autel de l'église de l'Hôpital (1479) ; 2° un triptyque, TAdoration de l'En-
fant-Jésus ; 3" portrait en buste de Marie, deuxième fille de Guillaume Moreel de
Barbe de Vlaenderberch, dite Van Herftvelde, représentée comme sybille (1480) ;
4" un diptyque : la Vierge à la Pomme et le portrait du Donateur (1487) ; 5" la
célèbre châsse en bois dite de sainte Ursule (hauteur 0,87 ; longueur 0,91 ; largeur
0,33. Chêne, 1489). Les six panneaux qui se trouvent sur les côtés représentent les
épisodes de la légende des Onze mille Vierges. Sur les panneaux aux extrémités :
la Madone, aux pieds de laquelle deux religieuses sont agenouillées, et sainte
Ursule protégeant dix de ses compagnes. Le toit, sur chaque versant, est décoré
d'un grand médaillon placé entre deux de dimensions moindres. L'exécution de ces
médaillons n'est pas aussi soignée que celle des autres parties.
Église de Jérusalem. — Nous prenons par la rue Gruuthuse, le Dyver, le quai
du Rosaire, les rues des Ronces et des Dominicains, nous traversons le pont du
même nom, nous empruntons la rue Pré aux Moulins et nous arrivons à l'église
originale de Jérusalem. Rue des Ronces, nous admirons la maison au coin de la
rue de l'Hydromel, « la Couronne impériale » (1629). Rue des Dominicains, une
autre maison, de 1692, frappe nos regards. Près du pont du Moulin, une vue pitto-
resque du quai Vert se présente à nos yeux.
L'église du St-Sépulcre, appelée Jérusalem, fut fondée vers 1427 par deux frères
Pierre et Jacques Adornes et leurs épouses, Elisabeth Bradericx et Anne Masins ;
elle fut consacrée le dimanche des Rameaux 1428. La tour fut élevée en 1428. Le
sépulcre et la Maison-Dieu, pour 12 pauvres femmes, furent construits en 1435.
A l'extérieur, la tour avec ses quatre tourelles d'angle et sa coupole surmontée
d'une grosse sphère de cuivre présente un aspect assez gracieux.
Intérieurement, l'église présente une nef et un chœur en surélévation. De chaque
côté un escalier conduit à ce dernier. La voûte en bois de la coupole, nouvelle-
ment restaurée, est jolie ; les corbeaux sont ornés des écussons des fondateurs ; la
tribune, à droite, des Adornes, mérite qu'on s'y arrête. Au milieu de la nef, le
tombeau en pierre du fils d'un des fondateurs : Anselme Adornes, décédé en 1483
en Ecosse, et de sa femme, Marguerite Van der Banck, passée de vie à trépas en
1403. Aux fenêtres, des vitraux peu intéressants.
Dans la crypte, sous le chœur, on remarque une porte en fer battu de Pierre
Ryckain (1713) et un reliquaire, en vermeil, contenant une parcelle de la Croix du
Sauveur (XV« siècle). Sur le côté, une imitation du tombeau du Christ.
L'ancien hôtel Adornes sert de couvent à des sœurs Apostolines venues de Malines
à Bruges en 1717 ; elles dirigent une école dentellière fréquentée par environ
150 élèves.
Dans la rue de Jérusalem, quelques façades sont belles (lo3.j) ; elles ont été
restaurées en 1864.
Église Sainte-Anne. — Cette église, dédiée à la Sainte-Croix et à Sainte Anne,
fut fondée en 1490 et consacrée le 9 Septembre 1497 par l'évèque de Tournai. Les
Gueux la détruisirent en 1579 et elle fut rebâtie de 1607 à 1612.
.— 135 —
Son aspect extérieurement est simple , quelques rares ornements rompent à
peine l'harmonie de la construction entièrement en briques. C'est un spécimen de
Tart flamand au XVIP siècle.
L'intérieur mérite une visite, notamment les confessionnaux et les lambris
sculptés par Jean de Sangher et Jacques Berger en 1099 ; la chaire soutenue par
les anges et ornée d'une figure de la Foi, par Martin Moenaert en 1675 ; les stalles
du chœur (1640).
Le jubé en marbre date de 1642. Devant les autels, sous le jubé, se trouvent
deux bancs de communion sculptés, d'un très beau travail de la première moitié du
XVIP siècle. Le maître-autel, en marbre, date de 1667. Quelques tableaux, de
Jacques Van Oost le Vieux, de Louis de Deyster (1692), etc.
La grande toile qui couvre le fond de l'église, « le Jugement dernier », a été
peinte par Henri Herregouts en 1685. Elle est d'un goût dépravé.
Place Jean Van Eyck. — Par le quai des Teinturiers, la rue du Cornet et des
Rois et le quai Spinola, nous nous dirigeons vers la place Van Eyck.
Nous apercevons l'église Ste-Walburge, bâtie par les Jésuites et dont la façade
présente un air de famille frappant avec celles de St-André et de St-Étienne, à
Lille.
La statue de Jean Van Eyck, qui orne la place du même nom, est l'œuvre du
statuaire Henri Pickery,; elle a été inaugurée en 1878. Le peintre qu'elle représente
est né à Maeseyck vers 1390, il vint s'établir à Bruges en 1425. 11 découvrit le
procédé de l'huile qui remplaça celui à la détrempe.
De cet endroit, la vue sur le quai du Miroir est belle.
Au Nord, ce grand bâtiment en pierres blanches avec pignon est la Bibliothèque
publique. Auparavant il servait de lieu de perception des droits que devaient
acquitter les marchandises importées et était appelé Tonlieu. Il fut construit ea
1477 et restauré en 1878.
La jolie petite loge qui se trouve à gauche est celle des Portefaix. Elle date de
1470 et a été restaurée en même temps que le Tonlieu.
La loge des Bourgeois, du X1V« siècle, est située au Sud. Elle est l'objet de tra-
vaux importants de restauration.
Elle devint au commencement du XV» siècle, le siège de la Société de l'Ours
blanc. C'est en souvenir de cette destination qu'un ours blanc « le plus ancien
bourgeois de Bruges » est placé debout dans une niche qui se trouve à l'angle du
bâtiment vers la rue de l'Académie. L'école publique des Beaux-Arts y était ins-
tallée depuis 1720 et le Musée communal lui succéda.
Place Memling. — Cette place dite aussi Marché du Mercredi, porte en son
milieu la statue de Memling en marbre blanc, par Henri Pickery, en 1871. Ce
grand peintre, le plus fameux de Bruges, paraît être Gueldrois. 11 était établi à
Bruges dès 1478; il y possédait 3 maisons situées rue du Pont Flamand. 11 figure
sur la liste des 247 bourgeois qui prêtèrent de l'argent à la commune, lorsque
Maximilien fit la guerre à la France. 11 mourut, croit-on, en 1495. Ces renseigne-
ments bien incomplets sont les seuls que l'on possède. Les plus belles œuvres de
Memling appartiennent à l'hôpital St-Jean.
A droite de la place , l'ancien hôtel des Négociants de Smyrne qui a conservé
une tourelle du XV'' siècle.
Au fond, le couvent des Sœurs Noires, dites de Béthel, bâti en 1561 et restauré
en 1871.
A gauche, une construction fantaisiste de 1885.
— 136 -
Dans la direction du Nord, nous rencontrons la place des Orientaux, oii est
située l'ancienne Maison consulaire des Orientaux, construite par, Jean Van de
Poêle en 1478.
L'église St-Gilles se trouve un peu plus loin ; elle fut fondée en 1240 et devint
paroisse en 1311. Le temps ne nous permet pas de nous y rendre.
Nous reprenons la rue Gour-de-Gand, où nous regardons une façade primitive en
bois ; rue Courte-de-rÉquerre nous en avons vu une semblable.
Par la rue de l'Académie et la rue Flamande , nous revenons sur la Grand'Place.
Rue de l'Académie, nous remarquons les façades des maisons portant les n"' 13,
14 et 16.
A l'angle des rues Flamande et des Pelletiers est situé l'ancien Hôtel des Négo-
ciants de Gènes, bâti en 1399 ; à côté, habitation du Consul des négociants de la
même ville.
Le Théâtre, rue Flamande, est une construction moderne (1868) en briques et
pierres. Dans cette dernière rue, presque toutes les façades attirent l'attention.
Dans la rue St-Jacques, les maisons de M. le Docteur Van der Ghinste (1639) et
de M. Glaeys (1671), nouvellement restaurées, ont des façades présentant un bel
aspect.
(A suivre).
ÉPHÉMÉRIDES DE L'ANNEE 1898
FEVRIER.
' i". — Réception, à la Société de Géographie de Paris, du D'' Svcn Hedin, qui a
traversé la Chine du Pamir à Pékin.
1". — Italie. — Graves désordres dans plusieurs villes d'Italie.
4. — France. — Banquet offert à Paris au prince Henri d'Orléans et au comte
Léontieflf, avant leur départ pour l'Abyssinie.
9. — Transvaal. — Réélection de ]\I. Kruger, Président do la République du
Transvaal.
iO. — Lille. — Société de Géographie. Conférence de M. E. Guimet sur La
Chine ancienne et moderne.
i2. — Soudan français. — Un bureau télégraphique est ouvert à Ouaghadougou.
io. — Havane. — Explosion du cuirassé américain Maine dans la baie de la
Havane. — Les relations deviennent très tendues entre l'Espagne et les Etats-Unis.
20. — Madagascar. — Soumission de Rabozaka, le dernier chef hova révolté.
24. — Lille. — Société de Géographie. Conférence d(ï M. Emile Lonchampt
sur Nos Colonies jjerdues (les Indes, le Canada).
■ 27. — Soudan. — Kong, assiégé par les Sofa'=i de Samory, est dégagé par le
cortimandant Caudrelier.
27. — Havane. — Bombardement des forts de Mantanzas par l'escadre améri-
caine. — Déclaration de neutralité de la France.
28. — GniiCE. — Attentat contre le roi de Grèce à Athènes.
28. — France. — On retrouve le transatlanlique la Champaf/ne, qui allait à la
dérive depuis le 17 février.
d37 —
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
Géographie conmierciale. — Faits économiqu^es
et statistiques.
ASIE.
IjC coniincpce fraueai»» à Baiig-k.ok. — Il y a très peu de Français
établis à Bangkok, et il n'y existe aucune maison de commerce française. Cepen-
dant nos articles sont très appréciés au Siam, et il serait à souhaiter que nos
compatriotes y envoyassent directement leurs produits.
Les marchandises françaises importées à Bangkok le sont par des maisons étran-
gères, et elles sont très restreintes.
Entre autres articles français qui sont demandés dans la capitale du Siam , nous
citerons les farines, les biscuits, le sucre, les conserves, les vins, les liqueurs et
les cognacs.
Leur supériorité sur les produits similaires étrangers est reconnue par les habi-
tants du Siam, qui en consommeraient beaucoup plus si la quantité importée était
plus considérable.
Nous ne parlons pas ici des produits manufacturés qui, comme les produits
alimentaires cités plus haut, trouveraient de sérieux débouchés dans le royaume.
Nos commerçants auraient donc intérêt à envoyer au Siam des voyageurs qui
pourraient les renseigner sur les besoins du pays en même temps qu'ils y feraient
connaître nos produits.
lia récolte dos Cocons et l'iudiistrie de la l§ole au Cau-
case. — La production du Turkestan, de la Perse (Recht) et du Caucase a atteint
en 18U8 le chiffre -élevé de 6,120,000 kilogrammes de cocons frais. Le rendement,
bien supérieur à celui de l'année 1897, est de 2,300,000 kilogr., en cocons secs,
pour l'ensemble, et de 595,000 kilogr. pour le Caucase seul.
L'industrie locale absorbe la majeure partie des cocons, dans le Caucase : Noukka
(gouvernement d'Elisabethpol) a employé 320,000 kil. ; le Daghestan, 94,000 kil. ;
le gouvernement d"Erivan, 30,000 kil. ; la Mingrélie (gouvernement de Koutaïs),
20,000 kil. L'exportation ne s'est élevée qu'à 125,000 kil. de cocons secs.
L'importation de la graine de vers à soie, par Batoum, a atteint en 1897-1898, le
chiffre de 288,000 boîtes de 25 grammes. Des deux pays importateurs , , la Turquie
tient le premier rang avec 182,000 boîtes de race blanche de Bagdad ; la France a
importé 106,000 boîtes de race jaune.
L'industrie de la soie (filature et moulinage) est concentrée en grande partie dans
la ville de Noukha (gouvernement d'Elisabethpol) et dans les environs, oii la séri-
ciculture forme la branche principale de l'industrie rurale. Les 53 filatures de la
région ont un moteur à vapeur ou hydraulique. Elles emploient 1,140 métiers à
trois dévidoirs et 3,833 fuseaux pour le moulinage de la soie.
Dans le gouvernement de Bakou, on compte 93 filatures à bras et 372 dévidoirs.
— 138 —
L'outillage des deux filatures du gouvernement d'Erivan est plus perfectionné :
elles possèdent des moteurs à vapeur avec 89 dévidoirs et 2,100 fuseaux pour
moulinages.
Dans les villages du gouvernement de Koutaïs , la plupart des familles ont un
métier d'un système très primitif, leur permettant de filer la petite quantité de
cocons qu'elles n'ont pu vendre dans le courant de l'année.
Importât ion<« et exportation» <le la Chine en 1897. — Voici
quelles ont été les importations et exportations de la Chine depuis 1885 en millions
de taëls (le taël = .7 fr. 566 au pair) : •
Importations.
"Exportations.
18&^) 88.200.000 or,. 000. 000
1880 87. .500. 000 77.200.000
d887 102.2.50.000 a5. 800.000
1888 12/1.800.000 92..'i00.000
1889 111.000.000 97.000.000
1890 127.000.000 87.000.000
1891 l.'Vi.OOO.OOO 101.000.000
1892 l.T).000.000 102.000.000
189.3 151 .000.000 1 10.000.000
189'i 102.000.000 128.000.000
1895 171.700.000 143. 300. 000
1890 202.000.000 131.000.000
1897 202.800.000 103. .500. 000
Les importations ont augmenté de 200,000 taëls, les exportations de 32 millions
de taëls.
Aux importations, il y a eu augmentation de 287 piculs (1 picul, 60 1/2 kil.) dans
l'entrée de l'opium ; toutefois, la valeur de l'entrée de ce produit ne représente
plus que 14 "/o de la valeur totale des importations, au lieu de 27 Vo il y ^ dix ans.
Il y a eu diminution dans l'entrée des cotonnades, sauf pour les produits améri-
cains, à cause du hon marché de ces produits et du taux moins élevé du fret. On
n'importe plus de qualités tout à fait inférieures ; les filatures de Chine les pro-
duisent en quantités suffisantes. L'importation du fil de coton japonais est doublée,
tandis que colle du fil anglais et indou a diminué.
Une certaine diminution a eu lieu dans l'entrée des étoffes de laine , une forte
réduction dans celle des métaux en fer, acier doux, plomb, étain.
Il a été importé 32 millions do gallons de plus d'huile de kérosène qu'en 1896.
La Chine reçoit ses huiles des États-Unis, do la Russie et de Sumatra. En 1894, les
provenances étaient ainsi réparties : huiles américaines, 52 millions de gallons ;
russes, 17 1/2 millions; de Sumatra, 1/2 million. En 1897, les chiffres sont devenus :
huiles américaines, 48 millions; russes, 37; de Sumatra, 14.
L'importation d'allumettes japonaises, de sucre, de boutons de cuivre, de verres
à vitre, etc., en Chine, a été considérable.
L'augmentation des exportations est due à la baisse du change, malgré les
entraves provenant de la rareté et de la cherté de la monnaie de cuivre.
Cette augmentation se répartit sur tous les articles, soies, fèves, éventails,
plumes, chapeaux de jonc, cuir, paillassons, noix de galles, huiles, peaux, casson-
nade, graisses végétales, feuilles de tabac, sauf le thé en forte diminution.
— 139 —
Au point de vue de la provenance des importalions et de la destination des expor-
tations, voici les chiffres principaux :
Importations Exportations
de pour
(En taëls de Hong-Kong).
Hong-Kong 90 millions. (iO millions.
Angleterre 40 — 13 —
Japon 22 1/2— 101/2 —
Indes 20 — 1 —
États-Unis 121/2— 18 —
Continent européen (Russie exceptée). 81/2 — 2(3 —
Russie (par Odessa) 31/4 — 4 —
Russie (par Kiaktha) » 9 1/2 —
Les réexportations d'importations étrangères (thé de Formose, métaux, charbon,
sucre raffiné), pour la Corée, le Japon, la Mandchouric russe, les États-Unis, etc.,
se sont élevées à 9 1/2 millions.
H. P.
Chine. — K.iao-Tctfiéoii. — Progrès allemands. — Les Allemands n'ont
pas tardé à s'installer solidement à Kiao-Tchéou, dont ils ont obtenu la cession
par la Chine cette année. Ils ont d'abord occupé ce point , puis l'ont aussitôt mis
en état de défense en établissant, sur les collines voisines, des ouvrages bien
armés. Le bourg de Tsing-Tou (3,000 habitants), s'est déjà transformé. Les rues
sont en bon état, des lanternes les éclairent, des plantations d'arbres sont entre-
prises, partout les coolies travaillent sous la surveillance des soldats. On élève des
bâtiments destinés aux autorités ou devant servir de magasins militaires. On sait
que les Allemands ont l'intention de créer à Kiao-Tchéou un port de premier ordre,
muni de tous les engins modernes. Des mines de charbon importantes reliées au
port par rails existent à moins de 150 kil., et vont être exploitées par des capitaux
allemands.
lia situation économique au Japon. — Dès les premiers mois de
1898, la situation économique s'est tendue au Japon. ATokio, à Osaka, les suspen-
sions de paiements de banques, de maisons de commerce, de manufactures, se sont
multipliées.
C'est le résultat de l'accès de fièvre industrielle qui s'est emparée du Japon après
la guerre de Chine. Les entreprises nouvelles jaillirent de partout. La spéculation
y eut beaucoup trop de part. Les capitaux firent défaut, les classes riches s'en
étant démunies pour les placements dans les emprunts de l'Etat.
Les salaires subirent une hausse considérable, ainsi que les prix de toutes choses,
bois, charbon, etc. L'indemnité de guerre passa toute aux budgets de la guerre, de
la marine et des travaux publics.
Le comte Matsoukata remplaça l'étalon d'argent par l'étalon d'or, dans l'espé-
rance d'attirer les capitaux européens. On les attend encore, et pendant ce temps,
le régime de l'étalon d'or a favorisé les importations au détriment des exportations,
tournant contre le Japon la balancfi commerciale et l'obligeant à des paiements de
plus en plus forts à l'étranger.
— 140 —
Pour les hommes d'État japonais et les financiers du pays, le meilleur remède à
appliquer à la crise actuelle est de la laisser suivre son cours, se guérir toute seule
par la sélection naturelle des entreprises saines et durables et la mort des autres
par inanition et faillite ; c'est de favoriser un déblayage indispensable, d'aider à la
disparition de tout ce qu'ont enfanté de boursouflé et de parasite les excès de la
spéculation.
L'imprudence consisterait à élever de 85 millions à 100 millions de yens la limite
légale de l'émission, par la Banque du Japon, des billets non soumis à l'impôt de
5 7„, et d'appeler les capitaux étrangers par un emprunt national. Des mesures de
ce genre ne feraient que prolonger la crise et ne la guériraient pas.
Un grand journal japonais reconnaît que son pays a été trop vite ;
« Nous n'avons pas encore acquis une expérience suffisante. On ne peut pas
attendre d'une nation de guerriers et de fermiers, telle qu'était la nôtre il n'y a que
trente ans, qu'elle atteigne d'un seul bond au plus haut degré du développement
commercial. Prenons le temps de respirer, de reconnaître le terrain parcouru....
Le remède à la situation actuelle ? Laissez-la passer. La non-intervention de l'Etat
et des capitaux étrangers amènera une diminution de l'argent et la baisse des prix,
et notre marché retrouvera une activité plus saine. »
Rien de plus sensé que ce langage qui paraît d'ailleurs conforme aux sentiments
du gouvernement japonais.
Le commerce extérieur du Japon présente les chifires suivants d'importations et
d'exportations :
1897 1896
Francs.
Importations de marchandises 578 millions. 470 millions.
Exportations de marchandises 410 — 31fi —
En ce qui concerne les métaux précieux, le Japon, en 1897, a importé 168 mil-
lions de francs d'or et en a exporté 23 millions. Il a importé 45 millions de francs
■d'argent et en a exporté 20 millions.
Ces chitfres sont empruntés à un rapport du Foreign-Office, de M. A. -H. Lay,
sous-secrétaire à la Légation anglaise à Tokio.
Dans l'augmentation des importations, le riz figure pour 40 millions de francs, à
cause de l'insuffisance de la récolte au Japon.
Le reste se compose surtout de matières premières nécessaires à l'industrie,
coton, machinerie, métaux.
Il y a au contraire une forte diminution dans les entrées de cotonnades et de
lainages.
A la sortie, les cotonnades sont en augmentation, le Japon faisant concurrence
en Chine aux produits du Lancashire et de l'Inde.
Les filés de coton ont été expédiés en Chine jusqu'à concurrence de 40 millions
de livres (poids) en 1897 contre J5 millions en 1896. Mais ce résultat est compensé
fâcheusement par une forte hausse des salaires et de certains matériaux. Le charbon
a haussé de 75 7oi les salaires de 16 à 18 % en 1897.
Les bénéfices des usines ont donc été fort amoindris, et il reste des stocks impor-
tants de marchandises non écoulées.
M. Lay attribue cette hausse des salaires et du combustible à l'adoption de
— 141 —
l'étalon d'or. On doit observer que ce mouvement a commencé plus tôt, en fuit
aussitôt que le Japon a été saisi de la fièvre du développement industriel.
Les importations du Japon en 1897 ont eu les provenances suivantes :
Angleterre Fr. 170 millions.
Possessions anglaises 110 —
Chine 75 —
États-Unis 70 —
Allemagne 48 —
France 3 —
Les exportations ont eu les destinations suivantes :
États-Unis Fr. 133 millions.
Possessions anglaises 90 —
France 68 —
Chine 55 —
Angleterre 23 —
Allemagne 5 —
AFRIQUE
liC coiiimcrcc et la uavigatioii «le l'Algérie. — On lit dans le
Petit Fanal :
» Le commerce général de rAlgérie, importations et exportations réunies, d'après
les tables statistiques récemment publiées par le gouvernement général , a atteint
en 1895 la somme énorme de 588 millions — avance considérable sur l'année 1894,
d'ailleurs reperdue en 1896, qui est à peine arrivée à 550 millions. C'est tout de
même un beau chiffre, qui a fait entrer dans nos caisses publiques, tant comme
droits de douane perçus à l'importation que comme droits de statistique, de navi-
gation et produits accessoires, près de 12 millions.
» Voilà des faits qui, mieux que tous les beaux discours, prouvent la vitalité
d'un pays. Mais on pourrait faire mieux encore, ainsi que nous allons le voir.
» Si, en 1894, 7,083 navires, entrées et sorties comprises, jaugeant ensemble plus
de 4 millions de tonnes, ont fréquenté nos divers ports ; si cette moyenne s'est
maintenue pendant les deux années suivantes et s'est même légèrement améliorée
en 1896, c'est que, profitant d'une heureuse communauté de tarifs, l'Algérie n'a
pas hésité à prendre sur le marché français, la place légitime que lui assignait son
rôle de grande colonie agricole.
» Mais le trafic déjà considérable qu'elle a entretenu pendant cette période avec
les ports de la mer Noire et de la mer Baltique, avec l'Angleterre et ses comptoirs
des Indes, avec l'Italie, la Grèce, les Pays-Bas, la Belgique et les États-Unis, tout
autant que la nature des échanges qu'elle fait avec ces divers pays, et qui ont créé
un mouvement commercial d'au moins une quarantaine de millions, est une preuve
indubitable que son avenir économique ne saurait être borné à ces étroites limites.
» Je l'ai dit bien souvent, et je le répète avec le sentiment d'être dans la bonne
voie, à côté de l'Algérie agricole surgira dans un temps prochain une Algérie
industrielle d'autant plus puissante qu'à ses ressources nouvelles s'ouvriront les
débouchés de ses besoins nouveaux. En 1890, l'Algérie a importé : en objets d'ali-
mentation 77 millions, en matières nécessaires à l'industrie 43 millions, et en objets
- 142 -
fabriqués 183 millions. Sur ce chiffre de 300 millions, plus de 60 sont demandés à
l'étranger. Et combien d'articles que nous demandons à la France ne pourrions-
nous produire, établir et écouler ici-même !
» L'Algérie importe par an 35 millions de tissus, passementerie et rubanerie de
coton, près de 10 millions du même article en lin et en chanvre, 10 millions d'ou-
•\Tages en métaux, pour une égale somme de meubles et ouvrages en bois, pour
7 millions de peaux préparées et ouvrées, pour G millions de parfums et de savons,
pour 4 millions d'huiles, 3 millions de bougies, 7 millions de bois commun, 2 mil-
lions de pâte d'Italie. Ce sont là des produits qu'elle devrait et qu'elle pourrait
aisément se fournir à elle-même. 11 suffit pour cela d'un peu d'initiative et
d'énergie.
» J'admets que nous restions encore tributaires de la métropole et de l'étranger
pour le café, les épices, la bimbeloterie, la bijouterie, l'orfèvrerie, l'horlogerie, les
couleurs, la soie et ses tissus, etc., toutes choses que nos conditions géologiques,
climatériques ou autres ne nous permettent pas d'obtenir chez nous, mais je nie
d'une façon absolue que nous devions rester éternellement à la merci d'autrui pour
les articles précédemment énumérés.
» Nous avons ici, en abondance, ou tout au moins il nous est facile d'avoir : le
coton, la laine, le chanvre et le lin brut et préparé — le Parlement vient précisé-
ment de voter pour ces deux dernières cultures une loi protectrice applicable à
l'Algérie, dont on peut attendre les plus heureux effets, — le fer qu'on peut traiter
sur place, le bois — nos forêts ne demandant qu'à être exploitées — les matières
premières du papier, du savon, de la bougie, des parfums, de la cordonnerie, des
pâtes et conserves alimentaires, etc., etc.
Est-il besoin d'insister ? Et la conclusion ne vient-elle pas toute seule ? Non ,
évidemment. C'est refaire là une leçon apprise depuis longtemps, redire des vérités
universellement acceptées.
» 11 faut, dit la sagesse des nations, frapper sur les clous pour les enfoncer. Voilà
encore un coup de marteau ! »
I/Étliiopic et sou arcuir coiuuiercial. — L'Abyssinie dans sa
contexture générale rappelle assez le Mexique, avec cette différence que les bas
sont parfaitement salubres. De la côte, en montant vers l'intérieur, le pays se pré-
sente sous la forme de plateaux concentriques superposés, atteignant jusqu'à plus
de 4,000 mètres d'altitude.
En général, le pays forme trois zones : la première est la zone désertique,
caractérisée par des arbustes épineux de l'espèce des mimosas, dont la végétation
et le développement sont plus accentués à mesure que l'on s'éloigne de la cote.
La deuxième zone ou zone intermédiaire est celle qui a la plus belle végétation.
Elle est caractérisée par la présence de magnifiques euphorbes, immenses cactus
en forme de chandeliers.
La troisième zone est celle des hauts plateaux abyssins, caractérisée par la
présence de gigantesques genévriers, atteignant la hauteur de nos plus grands
arbres. *
Ces hauts plateaux sont coupés par des rivières formant des failles gigantesques
dont les bas fonds ont la végétation des zones intermédiaires.
C'est dans ces bas pays que se trouvent en abondance les fauves les plus dan-
gereux du continent africain : lions, léopards, panthères, etc., et aussi les éléphants,
les buffles et toutes sortes de gros gibier.
Comme partout, les fauves évitent le voisinage de l'homme ; les chasses y sont
dangereuses.
— 143 —
Le climat éthiopien est généralement sain ; les fièvres n'existent qu'à proximité
des rivières, en particulier dans la vallée de l'Awach.
Les populations de l'Ethiopie se sont grandement modifiées au cours des siècles.
Des populations nègres ont d'abord occupé le bas pays ; puis sont venues des
populations d'un type supérieur, que Ton a appelées Kouschites, Pré-Semites ou
Berbères ; et enfin une longue infiltration de populations sémitiques a changé le
caractère général du pays et lui a donné sa physionomie actuelle.
Les Abyssins, qui sont la population dominante de l'empire d'Ethiopie, sont une
race remarquablement intelligente dont le type se rapproche beaucoup de celui
des Européens. La couleur y varie du noir au teint blanc foncé des Andalous.
Les langues y sont assez variées, mais l'abyssin ou amharique a pris aujourd'hui
la prédominance et est depuis longtemps la langue officielle de tout l'empire.
L'Ethiopie est un vieil empire dont la civilisation et l'organisation politique
remontent à bien des siècles. D'oii une certaine .difficulté à y faire pénétrer les
principes d'organisation de nos Etats modernes.
La séparation des pouvoirs y est à peu près inconnue.
L'organisation ressemble beaucoup à celle de la France à la période mérovin-
gienne et carlovingienne.
Les ras sont les plus grands fcudataires de l'empire ; au-dessous d'eux sont les
« dedjamatche », que l'on a assimilés à nos généraux, mais qui ont des pouvoirs
civils et militaires, puis, au-dessous, toute une hiérarchie avec les mêmes pouvoirs,
relevant seulement des chefs supérieurs. Les revenus de l'empereur sont consti-
tués par les tributs que lui payent tous ces chefs et les princes vassaux. C'est en
quelque sorte une délégation des pouvoirs régaliens, car l'impôt existe et est régu-
lièrement perçu.
La justice est rendue en Abyssinie par les chefs, assistés quelquefois de magis-
trats spéciaux. Les Abyssins peuvent d'ailleurs, pour beaucoup de cas, se faire
juger par qui bon leur semble ; ils se font parfois juger par des enfants.
La justice est publique. Le meurtre entraîne forcément la peine de mort. Dans
ce cas, le souverain lui-même ne peut pas faire grâce. Les tribunaux d'appel sont
nombreux et l'on peut en appeler au Gode, désigné sous le nom de « Fetha
Nagast », d'une sentence de l'empereur lui-même.
L'armée abyssine a fait ses preuves dans diverses circonstances ; on peut évaluer
son effectif à 2.50,000 hommes au moins, parfaitement armés à l'européenne, et son
artillerie compte une centaine de pièces.
Les Abyssins sont chrétiens, avec un rite national, bien qu'ils relèvent du
patriarche copte d'Alexandrie. Celui-ci envoie en Ethiopie un évêque qui porte
lui-même le titre de patriarche. Sous le roi Jean , cinq évèques ont été constitués.
Généralement l'Ethiopie n'en compte qu'un.
Au-dessous de lui est l'etcheghié, grand-maître de tous les moines de l'empire.
Très souvent, ce personnage a été plus puissant que le patriarche lui-même. Au-
dessous d'eux, le clergé est fortement hiérarchisé. Des prévôts, appelés « alaqà »,
ont la direction temporelle des églises. L'enseignement y est donné par les églises
absolument comme chez nous au Moyen-Age.
Le commerce en Ethiopie est encore dans l'enfance, par suite surtout du manque
absolu de moyens de transports ; aussi n'a-t-il pu, jusqu'à ce jour, donner de
résultats que pour les marchandises qui avaient une valeur suffisante sous un petit
volume.
Les principaux articles d'exportation sont l'or, l'ivoire, le musc, les gommes, la
cire et les cafés.
— 144 —
Le commerce du café a pris, dans ces derniers temps, une très grande impor-
tance, justifiée par la qualité supérieure des produits.
Les cafés du Harar, entre autres, sont admirablement cultivés par les indigènes,
et, lorsqu'ils ont atteint un ou deux ans de conservation après la récolte, ils
donnent une qualité supérieure à celle des autres cafés.
Il est à prévoir que la culture du café s'étendra dès que le pays possédera des
moyens de transports suffisants.
L'or est exporté à l'état d'anneaux ; il est de bonne qualité.
Les ivoires sont loin d'être épuisés, de grands troupeaux d'éléphants vivent dans
les bas pays et constituent une sérieuse réserve de ce produit.
Le musc ou civette provient surtout des pays gallas ; le commerce de cette
matière est presque entièrement dans les mains des négociants français.
Le commerce des gommes et des cires a diminué dans ces derniers temps ; celui
des indigos a presque complètement disparu.
Mais la véritable fortune de l'Abyssinie, qui devrait consister dans ses céréales,
ses chevaux, ses mulets, sa viande de boucherie, est inexploitée faute de moyens
de transports.
Aussi la construction d'un chemin de fer, entreprise par des capitaux français,
grâce à la vaillante initiative de notre compatriote Ghefneux, ouvrira-t-elle à
l'Ethiopie une ère de prospérité commerciale dont notre port de Djibouti situé en
face d'Aden, est surtout appelé à profiter. Les travaux sont déjà commencés et les
rails posés sur une trentaine de kilomètres. On peut estimer que d'ici à trois ans
le chemin de fer atteindra le riche plateau de Harar, l'une des plus riches pro-
vinces de l'Ethiopie.
On peut prévoir que, dès lors, les populations laborieuses de cette région culti-
veront en abondance les céréales, les fruits et les légumes qui fout absolument
défaut à l'Afrique orientale, à l'Arabie et aux régions avoisinantes. Les bateaux
qui font escale à Djibouti auront là un fret toujours renouvelé. C'est une révolution
économique qui se prépare pour l'empire éthiopien et, jusqu'à ce qu'elle soit
accomplie, il est prématuré de songer à une émigration, si pacifique qu'elle puisse
être de ce côté. Le chemin de fer seul peut compenser la perte du prestige qu'a
fait subir aux Européens l'aventure militaire des Italiens , si tristement terminée
après Adoua.
Le commerce d'importation a été très limité jusqu'à ce jour, en dehors du com-
merce des armes et de munitions de guerre.
Les ressources financières des Abyssins sont encore trop exiguës pour leur per-
mettre la consommation d'articles de luxe, mais il est certain que, ici encore, le
chemin de fer modifiera grandement la situation et que, en enrichissant le pays, il
permettra aux Aby.ssins de dépenser à leur tour.
La France, grâce à son port de Djibouti, est appelée plus que tout autre pays à
profiter de ses relations avec l'Abyssinie. Elle ne pourra le faire qu'en persévérant
dans la politique humaine, juste et civilisatrice qu'elle a suivie jusqu'à ce jour vis-
à-vis de l'Abyssinie. C'est par de bons conseils et de bons exemples que nous ren-
drons à ce peuple son ancienne prospérité, et que nous lui permettrons d'être un
facteur important dans l'œuvre de la régénération do l'Afrique.
(Bulletin de la Société' do Géographie commerciale de Paris).
Pour les Faits et Nouvelles (jèoyraphiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTATRE-GÉNÉRAJ. ADJOINT, A. MEHGHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
Lille liTip LDaitîl.
145
SOGIKTI':
DE GÉOGRAPHIE
DE LILLE.
MEMBRES D'HONNEUR
avec Vannée de leur 7ioniinalion.
Années I^J)].
-1892. BWKT, 0.5^:, \.\}, Q, DirL'Cleiir ilc rK:i<elgnomoiit pii:ii;iiio an MJni^lèrc de
l'Iiislructioti piiblKjue.
1883. lUvoL (docli'iin. 0. 1^ , A. %}, C. 4*. (îouveiiiciir ho lorairc des Colonies.
18'JO. UiNCiEu (l.oirs), 0. 3^, I. y, (le Ca;). laine), Coiii;!iaii:laii! dir'clinir d" i"Afn(]!ic
au .)liiiislero lies Coloiiis's.
1883. iiK l!iu/zv(IV S\voi»r..N\N), 0 5^. ►!-' "î-- Coiiimiss. ^'éiici-al an Coogo fiMiirais.
l88o. UKHiDoru, -fr, I. 'Q. li:si»0('lei;r géiuM'al de I liislnicliiiu piibliiiiii? , Prosidriil
d'IldiiiiCur de la Snciek' de gi-ographie de l'ii.-l.
I8'.i',). Dh; hi\T (0>c;.r), ^ (M; «^ ►J^ «^ , JIpiiiIjiv de la Mission du Coiiiniaiidanl
.M;.r(ii:,iid, piTccpt'Hir à l'iiiii! (l'.-;|p-C,).
1883. IHi'i is, G. C ►!-. Ev|>loi-;ileiir du Toiikin, iiie Saiiil-IJeorges. 43. Paris.
■1882. Fo.sciN (Pierre), ^. l.y. lii-pecliMir général do riiisinii-lion pnh'iîiue, Fondnleiir
cl iiucieii Presid.iil de il.'iinn (u-tigrapliKine do Xiad, r. de(ùviielle, i-i, Pari.>.
1883. GuiLLOT (K ) I. y, .''rufe.sseur agrège d'Iiisioirc au lycée Cliaricningno c! a
ITilcole si'])-ii>M;r," de Conim^rc% anciei. Secrétaire géinTal île la Sociel,',
Seer61aire de la Société de Géographie c^inineroiale de Paris, \\ni Thèuard, ',).
1882. Harmv.no (docte ir), ^, »f<, Ministre plénipotentiaire an Japon.
1889. LÉGER (Louis), ^, 1. <J:, ►f-^J-, Profes>enr au Collège de France, Professeur hono-
raire à IKcole de.s Langues orientales, l'nifesseur a l'Ecole super, de Guei le.
188G. Levxsskii», 0. î%, I. y, G. ►!-►}•. Siomlire il- llnslilul, Professeur au Collège de
France cl au Cunservatoire des Arls el Métiers.
1892. tdo-NfxiL. 0. ^, A. i), Lieulenanl-Colonel d'inranterie do marine, Ex;iloruteur.
1888. Gi:itnr.i:s PKniiDT, 0. i^, I Q, Membre de l'Institut, Directeur de l'École norm.ile
supérieure, rue dLlm.
1881 . StKRUS, I. %}, Ccn.seur au Lycée Sl-Louis, ancien S.rretairc-général de la Société.
1890. TniviER (Frnesl), 5!^, CapitiiiDe au long cours, Explorateur de l'Afrique cenlnle,
Itochefort.
1883. WiENEii. (). ;^, Ministre plénipof'' de la ftépubliipie Française à Port-au-Prince.
10
- 140 -
MEMBRES CORRESPONDANTS (1)
avec l'année de leur nomination.
Années JJJf,
1887. HKCornT rnenri), ^, Inspecteur des foréfs au Quesnoy, Membre de la Commis-
sion historique du iNord.
1802. IJoNVAi.ET (E.), Asent de la C^e française d3 la côte occidentale d'Afrique, à
Balhurst (Gambie anglaise).
1887. HoNVARLET, ►}•. ►f«. 4*, Président du Comité flamand de France, consul de Dane-
mark, à bunlvcrque.
1889. Carton (le D' Louis), I.<^,»f«, Médccin-majorau 10' chasseurs, 33, r. Voltaire, Lille.
1892. (-ATAT (D'), î^. Explorateur, ancien officier de marine.
1892. CoRDEino (I.uciano), C. ^, ^<i>^, Député, Secrétaire général de la Société de
Géographie de Lisbonne.
1890. De Beit.nv d'Uvgkrue (G.), Iloinmc de Lettres, à Aire-sur-Ia-Lys (P.-de-C),
1804 De Gterne (le Baron Jules), ■^. .K.'Q, Bibliothécaire de la Société de géographie
de Pans, rue de Tourmni. (i, Paris
1S«T. Dei.amxre, 0 'k, I- y, C. V, C ilniiel en roiraile. rue Sic-Marthe. 13, Toulouse.
I.S'.i-J. DKLESSE'iP (Eugéncl. ancii'ii |»r Ji'scur. ancien Archiviste de la seclion de
Riiuhaix, villa de la Verte-Kive a Cidly-Lavaux, canton de Vaud (Suisse).
1888. De Mmiv, Ancien Mini-;lre r'e la Marine, Viie-Presidcnt do la Chambre des
Députés, avenue du Tnicadeni, 2S. l'aris
1883. \)v.< CiiESNAis (le lî. P. !{ene Le Mknv.nt), Mi.ssionnaire apostolique, 2-j. rue de
Varize, Paiis-Auteiiil.
1S02. Du Fiée, «f-. Professeur limiorairc à rAl'iénée royal, Secréltiiie général de la
Soiiélé myale belge de Ge<tgra;'li e de Bruxelles. r;ie de la Limite, 116.
1887. OviTruor. 0. ^. A. y. ►!-. -~-, -r-»--^- Secrelaire ireneral de la S iiiele de géogra-
phie cnininerciale île Paris, Meuihre du Conseil supérieur des Colonies.
180o. GnoT-TAUitF. Mlle Mar.c^ Auteur iW<- Guides Miiiani, Sens (Yonne).
1898. Lacan, I. y. ►J-, Secrétaire de la Cif^du Cli. de fer du Nord, r. de Dunktyque, Paris.
189Î-. Lemiue Charles), C. ►J». ancien Bésideat de France en Aniiam, rue de La Tour-
Maul)ourg, Paris.
189:-. LofSEvu (Paulj, Président de la Société de Géographie commerciale du Uavre.
1892. LoiRnELET (E.), 0. ^, .Membre de la Chand)re de Commerce. Président de la
Société de Géographie commerciale de Paris, boulevard .Magenta, 09
1898. Mevs (M.), de ^ V IUu<tra'.i<m ». boulevai-d Daunou. (15-, à Boulogue-sur-Mer,
1890. .MoNNiER (Marcel), 55?, Esplontcur, rue Martignac, 7.
1889. PAU.LARD-LELONr., Ancien Secrétaire de la Section de Tourcoing, à Buenos-Ayres
1893. Pelster. a. O. Professeur à la Faculté des Lettres de Nancy, Piésident de la
Société de Géograjibie de FEst.
1890. Re.nouaud (Alfred). A.y, Ancien Sccr. gén. de la Société, rue Mozart, 49, Paris.
1890. Routier (Gaston), 4*, l'ublicisle, avenue Malakoiï, 37, Paris.
1 891 . Salone (Emile), 1 y. Prof, agrégé d'histoire au lycée Condorcet, r. de Lille, 37, Paris.
1892. ToRRES Ca.vpos, ►J^, Professeur, Secr. gén. de la Société de Géographie de Madrid.
(1) N. B. — LesMembrescorresp'iii'lanl.sjouisscnt gratuitement desavantages réservés aux Membres
titulaires. S'ils cessent pendant plus de 18 mois leurs rapports avec la Société, leur silence est
considère- comme une démission tacite de leur part.
— 147 -
BUREAU DE LA SOCIÉTÉ.
MM
Président Crei'Y Danki. (F'.iul). ^i, \.%}.C 4^4'- Négnciaiit, Vice-Consul
(le l'oilii;î,il, Adiriiiiislralciir (le la Mainiiie ilt* I rance.
Vice-Prcsidcnts MvsruEL (François) , A. i), Aiicii'ii l'iésirtenl du Trihunal de
Commerci' île Tourcoing.
Nicollk-Vkustrvkte (E.i, ^, Ancien Lieutenant de vaisseau,
.Manufacti;rier.
Van IIkndh: (Ed.), I- y, Numismate, YlcePrêsidenl de la
Commission historique du Nord.
BoLLENGEK (Ed.), Nt^^dcianl a Koubaix.
Secrétaire Général Mekchier (A.). I- %}■. Professeur agi'égé d'histoire au Lycée.
Secr. général adj Oi arre-Hkyboirson, I. ij. Membre île la Commission histo-
rique dii Nord, delà Société des Sciences el dos Arts, etc.
Secrétaire Tiui \>t (Viclor), !. i}. Directeur honoraire de l'École primaiie
sU|)ériiMire ili- Lille.
Trésorier , Fko.mont (Auguste), A. tj. Homme de lettres.
Trésorier adjoint KEU.NAUx-DEFUANce, A. î^. Négociant.
Bibliothécaire IIoliiron (Georges), A. y^. Licencié en droit, Membre de la
Commission de la Bibliothèque de la Ville.
Archiviste Cantine vu (E.), A. %}, M^nd^n^ de la Com. liislnrique du Nord.
COMITÉ D'ÉTUDES.
MM. Ardaillon, Professeur de Géographie à la Faculté des Lettres.
Beaufort (Henri), A. Q. Négociant.
Bonté (Auguste), .Maire de Lamber.<art, Conseiller darrondisseraenl.
QiANOiNE (Général), G. 0. 5^, I. y, C.»J<,>^, aniion .Minisli-c de la Guerre.
Craveri (AnnibaU. Propriétaire à Koubaix.
Crepy (Auguste), ►i"", Négociant.
Delauodde (Victor). Négociant.
Delmasure (Ernest) , Manufacturier à Ronbaix.
DESTO.MBES (Emile), Courtier-juré, à Tourcoing.
Desto.mbes (Paul), »^, Architecte, à ftoubaix
Dervaux (Eugène), rue Sl-Jacques, 60, a Tourcoing.
DiFLOs DE Mallortie, Hoiume de lettres.
Eeckman (Alex.), A.^, 0. V, ancien Secrétaire Général, Membre de la Cs'on hist.
du Nord ; Corres|)omlant de Sociétés de Géographie.
GoDiN (Oscar), C. ►i* , Industriel, Membre correspondant des Sociétés de Géographie
de Madrid, de Lisbonne et de la Suisse orientale.
GossELET. 0. 5^, L %}, 4^, Doyen de la Faculté des Sciences, Corresp. de l'Institut.
Haumant (E.), L i). Agrégé d'Histoire et de Géographie, Docteur ès-Leltres,
Professeur de littérature et de langue russes à la Faculté des Lettres.
JuNKEB (Ch.), A. i}s Filatcur de soie, a Koubaix.
P.uoT (Henri), Notaire honoraire.
Pe.nel, (GéniTal), (). t^, I. Q, C. rf-, rj*, (louvernenr de la Fère (Aisne)
Petit-Leouc (Joseph), Publiciste à Tourcoing.
PiLLET (le Chanoine], D.iyen de la Faculté de Théologie.
Prol vo.jT (Amédée (il.>). Industriel, a Koubaix.
Robin (Emile), ^, Directeur de la Banque de France.
Théry (Raymond), »>, Ancien Notaire.
Vaillant (Eugène), 0. rf>, 0 4*' Vice-Consul de Perse.
Ver.mersch (Albert), Docteur en Médecine, Pharmacien honoraire.
Warin, A. ij, Membre de la Commission administrative des Hospices.
Vice-Président honoraire. — M. Verly (llippolyte), ^, Homme de Lettres.
AGENT-SECRÉTAIRE.
L'Agent de la Société s.-^ tient au Serétarial, rue de l'Ilôpital-Mililaire. H6, chaque
jour non férié, le matin, de 7 h. 3/4 à 8 h. 3/4 ; le soir, de (i h. à H heures.
- i48
COxMMISSIONS
liC Président de la Société, le iSecrélairc-Géuéral et le
Secrétaire - Général - Adjoiut font de droit partie de
toutes les Commissions.
r" COMMISSION : BULLETIN ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES.
SIM. Merchier, I. Q, président.
' Quarré-Reybourbon, I. y, rap-
porteur.
Ardaillon.
Ca.ntfneai-, a. %}.
Craveri.
MM Crepv. Auguste, r^.
EECKM\>(Alex.i, A. Q, 0.
llALMANT (E.), A. y.
HOUBBON (G.), A. y
PvJOT (Henri).
PhTIT-LEDCC.
2' COMMISSION : CONCOURS.
.MM. Van Hk.nde, 1. i), président.
Thérv (R), >>, rapporteur.
Cantine AU (E.), A. y.
DKLAnoDDE (Victor).
Destombes (Paul). ►î*
EECK.MAN, A. y, 0. <«.
Fromont (Ans.). A. tj.
GODIN (0.), C. 4^
HAmiANT, (E.), A. y.
HouBRON (G.), y. A.
iMM. Masurel (François), A y.
Nicolle-Verstraete, ^.
Petit-Ledi'c
TiLMVNT (Victor), I. y.
Vaillvnt.
Vermersch (D"").
LoRÉVL (Capitaine). ^. rj-,
Tho.mas (Lieutenant).
adj.
id.
PoNCELET (Sous-Lieutenant), id.
3' COMMISSION : BIBLIOTHÈQUE, CARTES ET COLLECTIONS.
BIM
Van Rende, I y, président.
MM
. Hai:mant(E), A.y
Eeckmvn, A.y,0.>>, rapporteur.
llouBRON (G.), A. y.
Ard\illon.
Nicollk-Vkhstraete, ^
Cantineau (E), A. y.
Puot (Henri).
Dervaux (E.).
Tiiéry (il). >>.
Destombes (Paul). ►J-.
Tilmant. I. 0
Fromo.nt, a. y.
Uehee (G.), adjoint.
GODIN, G. pfi.
4"
COMMISSION
: FINANCES.
MM WxniN (L.), A. y, i)rési.lciil.
Pajot, rapporteur.
l>KLMvs- UK (Frui'sl)
Fkhn\IjX-Dkkii\nck, A. y.
Fromont (AuRus'u). A. y
MAStHEL n-ranijoiS;. A. y.
MM. Nk.oi.le-Verstraete, '^.
IlOBIN, 5!^.
liiEnv (Raymond), v.
V\N IIKNDE, i. JjJ
De SwAfiTE, A. y,-!-, adjoint.
I ouiLLK I Emile), id.
- 149 -
5'^ CQWiyiISSION : EXCURSIONS ET VOTAGES.
Unî. Beacfort (Ilciiii), A. i), présid.
Fkrnaux-Defrvnce, a. Q, rapp^
Gantineau, a. Q.
Crepv (Aufrusto), ►f-.
Delamodde ;Vicior),
Deiivaix (Eugène').
Destombes (Paul), ►f-.
GODLN (0.), G. ►}•.
Nicolle-Versthaete, ^.
Thérv (Raymond), >>.
Vaillant (E),0. ^, 0. >>.
D'' Vermersch
Galonné (Albert), adjoint.
Decrameu (Louis), id.
MM. Demée, adjoint.
Deraciie (Ghàrles), @, Id.
DiiALLLiN (Paul), id.
D' EUSTACHK, id.
D' Gaddier. id.
MuLLiER (Albert), id.
Palliez-Colin. jd.
Ravet (l'rosper). id.
Renalt (Charles). id.
ROLLIER, id.
Savarv, id.
Thiéb\ct (Raymond). id.
TinEFKRY (Maurice), id.
VaiNtroostenberghe, id.
6" COmMISSiON : FÊTES ET RÉCEPTIONS.
MM. Reaufort (Henri), A. Q, présid.
HouBuoN (G.), A. ij. rapporteur.
Vaillant (E).
D'' Vermkrscii
Galonné (Albert), adjoint.
Deiiée (Gaston), id.
Derache, (Gh.), (m), id.
M3I. D' Hociistetter, adjoint.
Laurence (Eugène). id.
Ravet (Prosper). id.
Renaut (Cil ) Id.
Thiébalt (Raymond), id.
Tbieffry (Maurice). id.
SECTION DE ROUBAIX.
Chorgée de l'organisation des Cours et Conférences dans cette Ville.
MM. BouLENGER (Ed.), Président.
Prouvost (Amédée), Yice-Présid.
Destombes (P.), »J«, secrétaire.
Craveri (A.), secrét-adj., archiv.
Droulers (Gli., fils).
MM. Dupont (A .-F.).
Faidherbe (Alex.), I.
JUNKER (Gh.), A. Q.
Rousseau (A.).
Verlais (H.)
SECTION DE TOURCOING.
Chargée de l'organisation des Cours et Conférences dans cette Ville,
MM. Masurel (F.; A. tj. Président.
Petit-Leduc, secrétaire.
Delmasure (E.).
Dehvaux (e.).
MM. DÉPREZ (G.).
duquesnoy (p.).
duvillier (g.).
Fallût (R.).
— 150 -
MEMBRES FONDATEURS.
N»'d;ms-
cnption. M -Il •
308. -{- l?\n\TTK, Officicrd'Acimiiiislnilion du croisonr Le Renard.
o4V. BÉTiii'NE (riêmeiin, Propri-'lnire, à Croix-Wasquelial.
1684. Blonoevi' (M"e Louise). Propriélaire, rue Royale, il8, Lille.
158. -J- HossuT( Henry), Vice-Président de la SocitMe, à Roubaix
1490. CoQiELLE (Félix), Négociaut, Juge suppl. an Trib de Commerce de Dunkerqiie.
o6. ( nEPY (Paul). !ft, A. Q, G. ^,'i; Nég,, Prcsiilftil de la Société, à Lille.
14;il . CuEi'V (Auguste), ►î*. Négociant, rue des Jardins, 28, Lille.
175.-;- D\ssonvilie-Ler()ix, Négociant en laines, a Tourcoing.
302.4- d"Aluifiret (marquis) 0. ^, Trésorier payeur général du Nord, à Lille
1 177.7 Debruvn, Notaire honoraire, rue Nationale, 142, Lil!e.
971. Delattre-Pailnot (M"""), Propriétaire, rue dlnkcrmann, 18, à Lille
613. Eeckmvn (Alex.), A. i), 0. ►p, Ancien Secr.-Gén.. rue Alex. -Leieux, 28, à Lille
1478. FoRSTEB (J ), Doct. en médecine, Bnckingham Palace Road. 129, Londres, S. W,
2862. GviLOis (Evgine), Expîorateiu-, 408, nie Sl-Ilonfjré. Paris.
2954. Kl'hlma.nvAgache (M™' P.), Propriétaire, 13, square de Jussieu, Lille.
454. Lorent-Lescornkz, Filaleur de lin, nie Inkcrmann, à Lille
184. .M\niEU (Augusie) ^, Filaleur de lin, ancien Jlaire d'Arnienlieies.
11.53. Maracci (M"'), propriétaire, 1 1, rue des Fleurs, à Lille.
1741 . PuALEMPi.N (Charles), C. ►î*, 70. avenue des Ternes, Paris.
96. Re.nouaru (Alfred), A. Q, Ancien Secrétaire-général de la Société, à Paris.
138. ScuoTsMv.NS (Emile). Négociant en grains et farines, boulevard Yauban, à Lille.
356. -p Sci;ivF.-DE Negri (Jules), C.^î-, Manufacturier, rue Léon-Gambetta, à Lille.
2395. Wallaert (Georges), .Manuf., Juge au Tr. de Comm., r. de Bourgogne, 27, Lille.
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ 0).
N"d-lns-
cripiion. JUJl.
Aîrc-«ur-[a-l-ys (Pas-de-Calais).
2775. Hoi'CKE (.Vaurice), hra.sscur.
2796. Dkmkiiie (Lénn), Indiislrli'l.
ABeuçou.
2883. Chevalier (Albert), propriétaire, boulevard Lenoir-Dufresne, 3.
Andelys (liCs)
lOWJ. Dk Franciosi (Ch.), ^, capitaine ins!r u tevr à l'École préparatoire d'infanterie.
Annapcs.
1731 . Lemaire (Alfred), jjroprir-lairt', près la gare d'Ascq.
(1) Les Membres do la Société peuvent se procurer au Secrétarint le Diplôme de la
Soi-iéli' contre le versemenl 'te :inq francs.
Les noms des membres protecteurs sont précédés d'un astérisque (*)
Ceux des membres fondateurs sont rappelés par deux astérisques (**).
— 151 -
NO» d'Ins- MM.
crIpUoD.
A rimcutlcrcs .
284. Badabt (M""*) directrice du Collège de jeunes Filles.
182. Bailliez , principal du collège , rue des Jésuites, 29.
2263. Bloem, industriel, boulevard Faidherbe, 12.
912. Cado (Edmond), imprimeur-libraire, Graiid'Place, 2.
2291 . Camelot, (abbi^), jirofe-seur à l'inslilution St-Jude.
3147. Charvet-Locoge, fabricMiil. nie Nationale, i;V2.
486. Chas, I. ij, négociant en toiles, rue de la Gare, 1.
2061 . Dancois.ne (Henri), propriélaire, rue du Moulin.
189. Dansette (Jules), député, nw Nationale, -27.
1184. Decaudmn (Victor), négociant en vins, rue de Dunkerque, 85
525. Dkrvalx, médecin-vétérinaire, rue Nationale, 38.
2992. DuFOUR (Etienne), chez M. Dufour-Lescornez, rue Lamartine.
960. Gremer, fabricant de toiles, rue de Lille, 60.
1998. RÉNAUX (Victor), propriélaire, rue Sadi C;.rnot, 12.
2370. Jeanson-Faiciiille, fabricant, rue Denis-Papin, i.
1166. Lâcherez flls, fabricant de toiles, rue des Jésuites, 18.
941 . Lamhert (Léopold), fabricant de toiles, rue de Lille, 70.
825. Lescornkz (PauH, brasseur, rue de Flandre, 25.
184.*'Mahif.u (Aiig.) ^, filateur de lin, rue «its Jésuites, 7.
3o2l . 3IAMET, maniifachirifr, nie du Faiibourg-(l('-Lill(% ].
755. Martin (Jules), négociant, rue du Faubourg de Lille, 33.
942 MiELLEZ, fabricant de toiles, rue de Strasbourg, 1.
2977. Motte (Jean), rue de Dunkerque.
.3220. RoGEAu (Henri), rue de Lille, 17.
2972. RoGEAUX (Paul), maniifacli l'ier, rue Penis-Papin.
2278. Salmon (René), industriel, place de la République, 7.
3013. Schulz (Constant), fabricant de toiles, rue Nationale, I.
2767. Thilleur, filateur, rue des Rotours, 17.
<607. TuHPiN (Louis), fabricant de toiles, rue Nationale, '■'>.
940. YiLLARD, ;^, fabricant de toiles, rue de Strasbourg, 2.
Artrcs {Nord).
2435. Dewas (Auguste), négociant.
A%'csucK-sur-I9cl|>c (Nord).
2886. Gossart (M'-nes A. et E.).
Ilaillcul.
33ol. Aerts (Théophile), liôlel du Faucon.
919. * UiE-l)ELE.MKR, maire, fabricant de toiles.
2742. Savove (Gaétan), élevé de l'École Supérieure de Commerce de Lille.
Ifiaisieum^.
3489. Paternoster-Scol (Arthur), industriel.
Balliurst (Gambie anglaise).
1779. Bonvalet (E.), agent do la compagnie française de la côle occidentale d'Afrique.
- ir.2 —
N»»d'ins- MM.
criptiûii.
Ifieseinç'on [Doubs).
Tl.j. Crépin (H). Di:'ect<>iir dépr.rteiD'^iital dos Poslîi et Télégraphes.
ISCMVS'T {Pas-de-Calais).
■2oSG. D'Almvnzv, propriélair?, ctiàleau do Gorre.
BSSSB.v-^BoBîiîsM.Y.
3220. LvvAuus, dirccleur de la Compa:,MiIe des Mines de Cournères,
îBouIosuc-.*»iiP-SBcD'.
I'jd>. DcjAUDiN (M'''= Cécile), aïK-iemie iiisliiulrice, bouL-vard Kurviii, S-i.
EI«CBiE«g,MC-swa*-J»»t'îi»e.
870. Greterin, ^. Dir'' d:^s Postes et Télégraphes eu ivlraile, rue du Gli 'iiiiii-Neuf. '.».
4:G. Becquart incari;, n é^^^oeian!, hmilevard Lafiyette, 18.
10'J. BitETON (Ladovic), iii^'eiiieiir, direcleurdu tunnel sous-inar<i), direcleur-propiii--
lairc des Mines d"ll.u-ilii)glieu, 17, rue .M-Micliol.
2'JtJ3. GcvoT (le Docteur), rue des Quatre-Coins, ô.j.
CatiiBirai.
2032. M""' la Supérieure du Pensionnat St-Beriiard.
CaiiîaîEcM-2ez-l.îIlc.
2868. Crepy (Fernand), fiîaieur de colon, rue Flamenl-Rcboux.
2314. Crepy (Maurice), fllateur de coton, rue Flamenl-Reboux.
739. De Cagny (Edm.), courtier, rue des Écoles.
3136. Liborel (Paul), propriétaire, rue de la Carnoy.
1878. Nicolle (Louis), manufacturier, villa Magdalena, avenue Amiral-Courbet.
4 91 4. Petro (Jean), propriétaire, avenue de Boufflers.
283Ô. Roussel (Paul), propriétaire, avenue de Boufflers, 1.
3455. Wgeux, propriétaire, villa Yan Dyck, avenue de l'Amiral Courbet.
t
Carvin (Pas-de-Calais).
3282. Bruge (Louis), négociant.
3228. Dlpont-Daibresse, brasseur.
2591. Robert (Madame), propriétaire.
Cassel.
1654. Amat (Gaston), propriétaire, au château de l'Hutseval.
1807 LooRirs (Emile), Hôtel du Sauvage, Grande-Place.
2677. MoEMXLAEV, Conseiller g 'néral.
>•• d'ln§- Jl y\
rription.
67'i-. IkUTuoKS, direclfiir des coiilr.lujlii-iiN dirc^ les.
C'EerBiios:e-IFeE'i*sîBt«J [Puy-de-Dôme].
2276. Labouds, censeur des études au Peli! F,ycéc.
CoiiiinoK.
Io04. Dkvos (Aiiloiue), fabricant de fils retors.
3426.* Duiuez-Lambin, industriel.
3058. Gallant, inaïuifncturier.
U-70. Vandewy.nckei.e fils, (Auguste), manufacturier.
€oudé-KiBr-E-B:Kcaut.
I2.'j0. I'kvi MONT-CorsiN (Louis), cntrepri ncur de travaux publies.
1831 . l'iREi II (Pierre), brasseur.
CoMrr3rB'«.'« (Pas-de-Calais).
2o00. Ber.wro (AiidrC), indu.«triel
2142. B\Lc\EN, fabricant (le bi<eiiih, nie de bi tiare.
544." BÉTHijNE (Clément), propriétaire.
30T9. BoAG (Thomas), employé ch;z M. Ilulden.
2183. d'Halllin (Albert), négociant.
863. DcBAR (Paul), propriétaire, château Facques.
1881. Tlorin (Achille), adjoint au Maire, Grande rue, 61.
3078. Gemmell (Edward), employé chez M. Holden.
2892. Germain (Léon), comptable, rue du Trocadéro.
250. Mathieu, A. y, insliluleur, iilace St-Marlin.
2082. Mafille (Auguste), eniployé chez M. IbiKlen, boulevard de la Chapelle.
2785. Petit-Dlpir, négociant, rue de Iloubaix.
3056. Plateau (Alfred), industriel.
i6\6. Pluquet (Louis), Grande Rue, 20.
2496. Toussaint (Alphonse), pharmacien, place St-Martin.
Dcûlvniout Œord).
28io. Ci.ARO (Lucien), lissage mécanique.
iô51 Flu'o (Louis), rentier.
2<82. Y'VNdermehscii-Peuceli.k, propriétaire.
Douai
2536. Baratte (Paul), propriétaire, rue de l'Abbaye-des-Prés, 44.
634. JoppÉ (Ed.), 0. rji, A. y, Conseiller à la Cour d'Appel, rue des Ferronniers, 02.
Douzy {Ardennes).
284i . Beurmann (baron de), propriétaire.
eriptioo fll'l.
- ir-.i -
Dtsitker<iuc
3268. Bernard (Carlos), négociant, 14, rue du Sud.
H90.**CoQUELLE (Félix), n(*tîocianl i-u Ixùs, jug.^ suppl. au Trib. de Coniinerce.
1830. Decomnck (lîlif), Officior dadiniiiisli-alioii drs Sub^ist;ul(•l•s uiililair.'>.
i6i9. Sevs (Edouard), filaleur de julo.
3332. Smagchk, coudueleur des Waltei-ingui'S. lui' df> la (jan;. 2;î.
2386.* Tresca-Coquelle (11) malk-ur, rue rie Calais, 33.
9.Cilsl>i(^ii-I<^!>>-QBaiii«ii [Scine-el-Ohe).
8i4. Castel (Aug.), C. ^, colonel du gfnie ou rclraile, rue du Temple, 5.
(472. Ernout (Fracçois), propriclaiie
964. Gamelin (Auguste), lilatcur t-i f,il<ricanl de loi! «.
-1710. Lefran'c (Auguste), fHliricanl de Idiie-*.
1761. BuocHET, priipriêlain', rue I)"scil.
2998. Carpentier, directeur de l'Éciile innuiripale.
3130. DupiRE (Edouard), eutrepren.'ur de peiuture.
Flers-caî-IîserehiiME^ {\ord}.
2884. Thiry. directeur des uiiucs de l'Escarpelle
V**uriwn
404. GosiBERT, A. U, chef d'iustilution
(liaiiii.
3300. Dyer (Joseph), ingénieur, 34, rue de Flaiidri'.
Condccoiirt [Sord\.
1896. Zègre-Delebecql'e (Louis), négociant.
Ualluiu.
3320.* Defretin (E), fal)ricaut de toiles.
i IH7.* DuBREUCQ (Alex.), directeur de l'établissement J. Gratry et C'*^.
3422. llE.NMO.N (Julesl, fiiateur.
3321.* I.EMArntE-îtEMEE.^^TÈRE e( fils, fabiicaids de toiles.
3314. LoniuANT-I)L'i>ONT, fabricant de linge de table.
3067. Meesemaekeu (Lucien), pharmacien.
2295. Rabier (René), percepteur des Fiuances.
3310. Van IIeddeghe.m, fabricant de chaises.
3317.* Wattei.et, Directeur administrateur de la tuilerie di' Pottelberg.
lEaiiliouriliai.
77. BoNZEL (Arthur), distillateur
2138. Butin (A.), cou.seillcr municipal.
ti^'d-iD»- SIM
cripUoii.
171 V. CoRDONMKn (Ccicstiii), l»:;i-»_('ur.
2309. CoL'srvDEvos, maiio.
3089. Ci'velierVeulev (Albert), uégociaiit en vins.
2759. Debxisieix, |im|)rioliiir(v
1225. Pefuetin, anhik-clt'.
G8G. n"llESPKL fil' comte Ivlinond), 4*. prnprif|;iiiv, ancien nalre.
25o9. DuvKROv.N (M"" AdallxTl), propriétaTe, 39, nie de UiHliniie.
•2925. Ficiivux, matiufacluriiT
705. LEFEnvnE, prafesseiir à IV^coIo primaire siii):'iieiire.
470. LoRiovN (Vicloi). A. O. dirccti'iir de fc^coii' piimairc supi^ricure.
726. Nicole. anliilecJc, liililiollu^cairt' du Comice a^iricole de Lille
U67.* Rose iMaurice), brasseur.
738. S\>DKB (Ad.). Id;in(liis.';eiir de fll.s et tissu.*. .
9(-9. Verley (André), propritMaire.
BBitvrr (liC).
2563. GuiTTON, virc-i)rés. de la S'é «le fiée-jr. commerciale, nie du r.li<imp-(l:-i'o:re, 7i-.
BSnKchroui'k.
2950 * CiiVMONiN (Er;ies|i. pn);iri>'laiie, iiie de la (;icf.
'iitts-. Heli-ein, pn)pri:M:.ire.
iEcHrci:::^!'^ [prc.^ l.iUe).
3159. FÉRON, instituteur.
2300. Gnu.EMvrn. tilal.ur.
3401 . I.EFEBVRE-CoiPLET, brasseiu'.
2941 . Leroy (Edmoml), insliluteur piil)lic.
2S3I. Stebma.nn (E.), direcleur de la filature Lorcnt-Lescoi-nez.
90. TiLMANT (Victor;, I. y:, direct, iionorairc di' l'École primair?:suppri Mire de Lille.
IBoiii.
2332. I-EiiORCNE (François). fai)rieant de tapis.
120. .^lUL\Ti)N Leborcnk (.Ir aii\ teinturier en tissus
2J30 MuL.\TON (Françni.s), imluslriel.
2331. Mn.VTo.N" (Antoine liis), iiulustiiel.
Iléiiiii-Iii('(ai'<l ^Pas-de-Calais).
1193.^ Cvn.LhT (Edouard), neROciant, rue de la l'iace.
35t.S. Descloqi EMK.NT (Françoi.i), bra.sseiir.
23t. Pe.smvrs (Aifreii), ini;enieur-ctiimi.ste.
llerriii (Son!).
3497. Y.\iLL.\NT, industriel.
IloiigtSiu (Nord).
2095. Del\l-ne-Tillot (iladame Alfred), propriétaire
lloupliucs (Nord).
<G06. Becqlaiit (Lucien), fibri-aal de toiles.
1973. BovER (Edouard), rentier.
2258. Tlet (Gustave), représentant do Commerce.
NM d'ins
fri|iiirp.
- ir^6
MM.
liB Fèrc [Aisne).
1620. Penel (Général), 0 ^, I ^, C. «^►î*, Gouvemmir militaire de la Place.
■j» Gor;£ue.
3062. Del\iia.ye (Edniourl), fabricanl (le tôles.
3277. Marsy (Paul), propriétaire.
I.a .VSa<lcIcisic-le%-IilIle.
2187. Antoine (Léon), reprisse niant de commerce, rue des Hautes- Voies, 54.
2218. Bvrdel (Marins), étudiant, rue de Lille, i\'6.
3131. Beeli, propriétaire, 17, rue du Pré-Catelan.
^688 Belin (Jules), propriétaire, rue Gaml)Clta, 44.
2621 . Castelvin (Léon), co:iscillcr municipal, rue de Lille, 27.
2101. CiioQUEL (Gustave), fabricanl de fours, me de Lille, 181.
811 . CuEPELLE-FoNTviNE, ^, chaudro:inier-constructeur, rue de Lille, 1o2.
2678. Delesalle (Emile fils), rue Pasli-nr, 14.
12o3. Fo.NTAiNE (Georges), propriétaire, maire, rue de Lille, 184.
2764. Fo.ntaine (Maurice), négociant, rue de Lille, 199.
3-338. GÉRARD (François), voyageur, rue Ganib:Hta, 6.
2508. HAaNGUiLLVRT (Me"e), institutrice, rue de Lille, 128-130.
2212. Hespel (Ernest), négociant en vins.
1709. HocusTETTER (jules), difeclcur des Usine< de Produits chimiques du Nord.
2566. NiNivE (Léon), courtier en grains, rue de Lille, 241.
1036. Patoir, docteur eu médecine, 4, rue Faidherbe.
2614. SoNNEviLLE (Henri), teinturier, rue Pasteur, 44.
H81 . Vasseur (M"""), recette des postes et télégraphes.
I.aiiibcrsart.
1597. Delco^rt (.\.) fils, teinturier.
2109. Grlmonprez ;^Léon), propriétaire.
1037. NuYTTEN, négociant.
3418. Vaillant-Desruelle, industriel.
I^aiiiioy.
2802. Association des anciens Élèves de l'École de Lannoy.
506. BouTEMY (Jules) , fliateuf de lin.
505. BouTEMY (Loui.s) , fllateur de lin.
1089. Deffren.nes ( Jean), manufacturier.
437. VALE.NorcQ, (Jean), notaire.
I,.avcutie.
3276. Marsy (Alexandre), cultivateur.
Lciis [Pas-de'Calait).
1937. BorxAERT (Félix), ingénieur des mines, agent commercial des mines de Lens.
2169. Rincheval-Parisse, brasseur.
3408. Sauvage (Paul), brasseur.
236. Stiévenart (Arthur), fabricanl de câbles, 48, rue de Douai.
' LILLE. 157
«- diDS- MM.
criptioD.
LCMfiitiM (près Lille).
i'2''t De jAEGiiÈnE (Edouard), brasseur.
Ijic%'iil fl'as-de-CalaisJ.
2o7l. * De Smlly (L.)» iusénicur principal dos Mines.
LILLE.
Sn. Abrey (Miss), professeur de langue anglaise, ru ■ d? riIô^)ilal-Militaire, 33.
2356. Abry (Georges), négoiiaiit en bols, rue du Faubouig de Uetliune, 46.
2472. Abulféda, négociant, place du Théâtre, 37.
1023. AcuERVY (Aolillle), représentant, ruL' Saint-Gabriel, 101
1708. Aerts-Becqu.vkt (Henri), ancien brasseur, rue Malus, 6.
1826. Aerts-Debvisieux, négociant, rue à Fiens, 8.
2821 .* Agache (Edmond), pntpriélaire, rue Uelezenne, 3.
48 . Agache (Edouard), 5^, i)residenl de la Société Industrielle, rue de Tenremonde, 1 8.
637. Alavoine (M"« Bertiie) , institutrice, rue du Marctié , 58 bis.
1031 . Alavoine, commis priiici|)al des postes , place de la République, 12
257 Allard (M'"^), |)r(ipri('lairi', rue Royale , 104.
3074. Allard (général), gouverneur de LilL>, place au\ Bleuets.
3247. Allègre (M'"*'), propriiHain', boulevard Vauban, 4.
2189. Angellier, doyen de la Faculté des Lettres, rue Solférino, 18.
3336. Angelo (Alfred), négociant, rue de Turenne, 67.
2538. Angelo (Thoma.s), licencié en droit, rue Henri Kolb, 37.
3166. Ardaens (Ch.), huissier, rue Basse, 46.
2918. Ardaillon, professeur de géographie à la Faculté des lettres, rue de Lens, 55.
1693. Arnould (colonel) ^ direct, de l'Écoledes hautes étudias induslr., r. Princes8e,59.
2400. Arquembourg, ingénieur, boulevard Bigo-Danel, 33.
2303. Artau (Louis), tailleur, rue Grande-Chaussée, 9.
3270. Artaud (Charles), représentant, rue Jacquemars-Giélée, 76.
3444. Ausset (D"), professeur agrégi'' à la Fac. de Méd., boulevard de la Liberté, 153.
2654. Avon, C. ^, général commandant la T" brig. d'iuf., rue l'rinccsse, 21.
4342. Bau!>. relieur, rue dn Palais de Justice. I
1664. Bablhr (Edouard), professeur, rue Brùle-.Maison, 153.
1614. Bacquet-Chkvallay, négociant, rue du Vieux-Marche-aux-Moutons, 10
2308. Badts (M"" Emma), négociante, rue du Sec Arembault, 20.
3237. Baelde, docteur en médecine, boulevard de la Liberté, 5-3.
2451. Baggio-Duverdy.n (Madame J.), propriétaire, rue de la Barre, -29.
1018. Bailleur (Edmond), liiateur de lin, rue de Toul, 1.
1456. BviLLiARD-BoiiRGiNE, négociant, rue du Chevalier-Français, 76.
3<11 . BAiLLœuiL-HAUDON (M""), propriétaire, boulevard Vauban, 7.
2699. Bar AT (G.), directeur de filature, rue Auber, 37.
1619.* BARATTE fils, négociant, rue Léon Gambetta, 8.
3217. Barbaut (Albert), étudiant, rue Masséna, 60.
3498. Barois (Docteur), médecin-major, rue Nationale, -iS.
3280. Barreau (.Madame), rue de Thionville, 30.
2698. Barrois (Auguste), indusiriel, rue du Faul)Ourg-de-Roubaix, J2V.
21. Barrois iCh.), 51^. \. i)- 4*1 Prof, h la Facullé des Sciences, rue Pascal, 37.
57. Barrois (Ed. Madami'), propriétaire, rue des Guinguelles, 18.
781. Barrois (Uenri), propiiétaire, rue du Faubourg-de-Roubalx, 133.
158 LILLK
^»'d■|ns- ^IM
chpliuii
201. R\nnois (Matlamc Lénn), piopri 'taii-c. rue ilu I.omhird, I.
326 Barrois 'Tliéodore! (h'pnlo, A. i). D% iiroP à la Vac. de Mt^d.. r. Solferino. 2io.
507. BARROisfTIiéodorc). 5^, filaleiir de colon, rue de Lantioy, 63.
3060. Barrois-Ciurvet (.M'" )i i)r.i|)iii''lair.'. boulevard de lii Liberté. 27.
2(io0. BvssELVRT (V.), proprii'taire, 22o, rue du Fanbonrji-de-Roubaix.
1286. lUsrvAi', rcccvi'ur de PRino;:i^lremeiit, rue Cawmaitiii. 32.
1080. BxTTKiR. directeur d'a.ssurancc.'^. rue Bourigcnoii, 1.
1622. BvTTKiR {Carlos), ^. I. Q. archilccle. rue Jeaii-snus-IVur. 9.
23oo. BvTTEiR ((îforjres\ pharinaci.'ii. rue Royale, 4-).
1670 RATTKiit-YAM xr..\i, enl^epreuenr. rue d Aiiliii. lit.
463. R\iT[)RV. ddolfur »'m me.lneiht' . rue .lacqiit'uiar.-^ (îiciee . 14
3015. Baluens (Emile), m-piciant. rue Ba.^se. 47.
3448.* JJavart (Henri), sou.'^-dirccleur gi^iiéral d'as.-^nrancos, rue de Honi'f;o,i;in', 2S.
<o6fj.* Beaikort (Henri), A. %^, négociani, rue de Lens, {j3.
2392. Beaitout-Rigot, nei^ocianl. rue Sl-Pierre, 27.
2207. Bkmt.rand (Franci.'^l. receveur, Chef de centre de di^pôl des léicgrapiies.
3409. Becqiet, employé, rue Rrùle-Maisou, 46.
3510. Becqiet (.M"'' Angèle), négoeiaidf, rue Pi'rn'-Lpgr.uid, lOo.
<009. BÉGUIN (An^'U-^le), ne;;ocia:it, rue Jean Levas?!cur, <7.
2743. BÉGiii.N (Théodore), counnis-uénoeiant. rue do Lons, G.
3528. BÉiiAGiE (Vicloi'), ('nip!(iyé n'Irailé. f.u-adc de TEsplanade, 38.
1628. Belval, commissionnaire eu douanes, rue des Buisses, 1 1.
30V9. I:ergerat (Léon), représentant, 64. rin" de Wazommos.
4227.* BÉRiOT (Camille) fabricant de chicorée, rue de Douai, 6'.».
1836 Bernard (Achille), architecle, rue du Quai, 12.
3395.* Bernvrd Benjamin;, propriétaire, riu' de Thionville, 31.
2776. Bernard (Élieiuic), indu-lriel, rue de Courtrai, 22.
2469. Bernvri) (Eugène), chirurgien-denlisle, rue des Pois^unccatix. 31.
1072.* Ber.nvri) (Jean), raflineiir, rue de Coiirlrai, 20.
2980.* Beu.nari) (Joseph), industriel, rue de Courtrai, 20.
2124. Bernard (.Maurice), membre de la Chambre tie Commerce, rue de Courtrai, 1 1
2228. Behnaud (.M™° Georges), prop-iélaire, rue des Canonniers, 17.
1827. Iîernard-Dlcroco, faliiicant. rue (liiai-Jes-de-Muyssarl, 25.
1792. Bernaho-Perus (Trllz), agcnl g'Mit'r. dassuraiicp, place du C(tncert. 6.
2774. Bernard (.M""^ V^e Bîujamin), propriéiaire. place au.x Bleuets, 7.
60G. BERNVRD-WvLLVERT(Maurice), i^, négociant en colon-, boul. de la Liberté,C6
2876. Behnard-Wallaert (M™^ Maurice), boulevard de la Liberté, 66.
224. Bernardines (H""" la Supérieure du Couvent), rue d'Esquermes, 93.
1279. Bertkloot, |)i-oprii'laire. rue liu .Marché, 38.
6:^4. Bertuerand (M""' V^f) , propriétaire, rue Nationale, 128.
1841 . Bertherand (M'>ie yve), pn)|)iielairi'. rnc des Jardius Caulier, 2.
2M5. Berthomier , ingénieur, place Richv^bé, 2.
3031 . Bertin (B.), négociant, rui de Paiis, 246.
3320. Berïon, rentier, rue du Cliaulonr, 30.
248. Bertrand (C.-E.). I. Q, prof, de Botan. à la Faculté lies Science.*, r. Malus, 14.
2724. Bertrand (Charles), lepréscntanl de commerce, rue Nationale, 69.
3)69. Bett-mann, chirurgien-dentiste, boulevard de la Liberté, 38.
2988 Belgnies, instituteur, rue dArlois, 116.
2732. Bioart, lieuleuanl au 13" régiment d'infanterie, rue Négrier, 28.
3216. BiENVAi X, ingénieur dos ponts et i hau.s.sées, ru3 de Bruxelles, 2.
2144. Bienvenu, percepteur des contributions directe.*, rui d'Anjou, 21.
139
criplion.
.2185. BiEswAL (Paul), propriélairo, boulevard Vatiban, 13.
27. Bioo-D.VNKL (Emile), î%, 1. Q, "f*. iiiii'rinn'ur, ti'HUi'vanl de l.i Liberté, Mo.
52(1. BiGO (Louis), représcutaiit des Mines de Lens, bunlcvaril Vanh:iii, 13.3.
22i6. Biuo (Auguste), propriétaire, rue Wallean, .3,
2340. BiGO (Orner), imprimeur, bo licvard do la Liberli^ 95
1001. BiooTTK (François), m^^'orianl, rue (rAuiieiis, 10.
229S. BiGOTTE (Alfi-edl, né{;ociaiil, rue Jeati-Bar(, 18
3-jiG. Bii.r.oT (E.). iMg'''ni('iir ;iii clifuiiii de fer du Ni rd, rnc .Iciinne-d'Arc, .'ji.
3005. BiNAiD, brasseur, rue dAicole, Il bis.
2924. Blanciiet (Gabriel), élève do l'école de Commerce, place Corraontaigue, 4.
2588. Blvnquaht (Aimable), propriétaiic, rue Bn'Jle-M.ii.son, 101.
3402. Blavieii, iit'Sîociaiit, rue du Clicvalii'r-Franr.iis, 7.
3541 . Bleizé (Paul), rue du Prieuré, 3.
260. Blondkvu (E.), avocat, rue d'Aiijiîet'^rrc, 5.
<r)84.**BLONDKAU (M«"« Louise), propriétaire, rue Royale, iH
1220. Blonoin, fi;, juge honoraire, place de ia Gari, 1 1 .
937. Blum (Pierre), gérant, rue de la Pi lueiie. 10.
1907. Bocquet (M'"" Edmond), propriétaire, rue Ste-Calherinc, 93 bis.
2594. Boel (Fernand), rue du Marclié-aux-Froniagcs, 23.
4796. BoissE-ScnÉPEL (J.), fabricant de toiles, rue Jacipiemars-Gielée, 12G.
4608. BoiTEL (Georges), négociant, rue d'Angleterre, .53.
900. BoiTTiAix, négociant en lins, rue du Molincl, 57
4433. BoiviN, 4^, arcbilecle, rue Nationale, 284.
341. Bo.NiFACK (.M'"® Y^e) proprii'laliv, rue de Paris. t'.M.
2058. Bo.NNEAU (Ernest), propriétaire, rue Palou, 44.
202. Bonté i Auguste), juge au Tribunal de commerciï, ru^ des Trois .Moll3ttes, 5.
2043. BoTTiN (M""" Yve Gustave), rentière, rue Roland, 70.
554. BonELCM'"") p/opr-élaire, bouleviird do lu Lii)crté, 121.
2038. Bouchez (M'"* Y"^"-'), rentière, rue Solférino, 153.
2453. BoucuEZ (Alfred), f ibricanl de toiles, rue de Paris, 146.
2983. BoucQUEY (M"'c Y''')' pro|)ri('l;iir:\ rue Charles de Wuyssart, 30.
3452. BoccQrEV iOmi>r , brasseur, rue Charles de Miiyssaert, 28.
1300. BouuEN (Siméon), courtier en graines, rue Basse, 25.
3270. BouDiGNiÉ (Jules), proprii'taire, 141, rue Solférino.
3400. BoL'iLLET-BiGO, brasseur, rue Belle-Yue, 71.
3369. Boulanger ((i), représentant, libis, rue Nationale.
3010. Bouquet (M«"" Marie), propriétaire, rue Barthélémy-Delcspaul, 11.
550. BocRBOTTE (Henri) , négociant , rue de Yalniy, 7.
3304. Bocrgeat (l'abbé), 15, rue Charles de Muy.ssaert.
2987. Bourguignon (M^e), professeur au collège Fénelon, rue Ratisbonne, 36.
2688. Bourlet-Paquet, négociant, boulevard Papin, 5.
2970. Bourse (Charles), pruprif'taire, rue d'Antin, 36.
2672. Boutrv (Léon), bijoutier, rue des Manneliers, 10-12.
2708. BouTRV (Madame Henry), propriétaire, boulevard de la Liberté, 17.
1222. BouTRY, docteur en médecine, rue de Douai, 79.
3144. BouTRY (Léon), filateur, rue du Long-Pot, 67.
2761 . Boutry-Brame (J.), étudiant, rue de Douai, 5.
233. Brabanf (Paul), fabricant de céruse , boulevard Louis XIV, 4.
2391 . Brame (Auguste), pharmacien, rue Garabelta, 250.
2374.* Brassart (Jules), négociant en fers, rue Nicolas-Leblanc, 28.
'leO LILLE.
cription.
3224. Brasseur (M""^ Jeanne), propriétaire, rue Nalionnle, 32'i-.
2834. Brossxrd (Oscar), cliapeliiT, rue FauHierlic, 7
4842. IJRULÉ (E.), Hôtel de la Paix, nie de Paris, 4ii.
3251 . Brilin (Henri), Agent de Charbonnages, r. Jean-s.-Peur, 20.
440. Bru>eau, pharmacien, rue .Nationale , 71.
3287. Brinschwig, clieniisier, G6, rue Nationale.
2676. BuisiNE (Edouard), sculpteur, rue des Canonnicrs, 5.
2145. Bclteau (Louis), avoue, ru^' Ro\aie, 2s.
628. Bi'REAu (Ernest), nOgocianl en lils, ni.' de la lUissoi", 40.
26<9. BuTLV, adjoint du génie, square Uuaull. l'orl Sl-"^auveur, 20.
1263. C\EN (Eugène), A. Q, mauiifaclurier à Croix, boulevard île la Liberté, 137.
<535. Cahen (Julien), négociant, rue Nationale, 17.
2979. Caille ^Jules), instituteur, rue de l'Uôpilal-Militaire, 79.
2779. Caillot (Georges), iniblicisle, roe l'rinccsse, 27 bis.
2696. Calmette (Docteur), 0. tfy, directeur d,; l'Institut Pasteur, boulevard Louis XIV.
1442. Callens (Henri), iiegociaiil, rue Fonlaiiie-il I-Siulx, 1 bis.
<8'12.* Calo.nne (Albert), commis des postes et télégraphias, 3o, rue des Jardins Caulier.
3402. Gambieu-Dufoir (Georges), rue de Paris, 108.
2221. Camus ^Félix), avocat, rue de Bourgogn;', 15.
2726. Camus (Camille), employé a la banque de France, rue Royale, 73.
867. Cannissié (Emile), baïKjuier, bouL-vanl de la Liberté, Hl.
1624. Canmssié (Alex.), ingénieur, rue Patou, 29.
2272. Canmssié (Maurice), représenlaul de Commerce, rue ."ilauuel, 81.
3362. Canonne (?;!"*'), institutrice, rue Esquermoiso, 23.
o43. Canonne-Pruvost (.M'"'), propriétaire, l)oulevard de la Liberté. U9
4071. Cvnti.neau-Cortvl, A. %}, mombr^" de la Cumm. Iiisidriqiic, rue Colbcrt, 176.
4797. Carin (M"«), négociante. Grande Place, 3i>.
2039. Caulier (Édouanl), négociant , rue Cauinartin , 2Î-.
2787. Carlier (Emile), comptable, rue llabclais, 18.
4963. Caulier (Victor), docteur en meiiccine, rue des Jardins, 16
781. Caron, docteur en médecine, ru<> Si-Gabriel, 4.
4173. CvRON, négociant, rue Ja:qiii'Miar.s(iic!ee, l"i.
2129. Caron (Ernest), rue Solfcrino, 227 bis.
2134. Caro.n (M'="« Coralie), propriétaire, rue IJoucher-de-Pe.ihes, '^'.
2474. Caron (René), indnslrifl, rue de la .Monnaie, 21.
2544. CvRPENTiEa (Julien), négociant, rue de Puébla, 14
3441 . Carcentier (Louise;, arlistc-peintre, rue Nationale, '.ij,
4799. Carpe.ntier (Paul), avocat, rue Jaapiem irs-Gielée, 3.j,
2319. CvRRÉ (Luci;'n), employé à la Prélecture du Nord, rue Denferl-Rochcrcau io.
2613." Carré-Deli'ierre, plâtrier, rue de la Grande-Allée, 19.
3072. Cxrro.vFlament (Veuve), négociante, boulevard Viotor-llugo, rO-48.
4o2o Carro.n-Villkrs, négoiiant, 3, rue do Bruxelles.
4870. Carton (René), courtier, rue Natidualf, o3.
210. Cvstelain (F.), 1 i), docteur en mé.leciiie, rue de rilùpilai-Mililaii-e. b
4682. Castiaux (Eug.), i)ro|)rietaire, me Desmaziere-, 7.
3070. C.atel-Beghln, filahir, boulev.ird de la Liberté. 21.
2020. Catoire (Victor), négociai. l en charbons, rue de Bourgogne, 7.
3ot3. Cvtteau (Emile), proprii't lire, ne d ■ (Janil, 33.
351o. Catteau (labb;'), rue Colberl, 2) bi;.
496o. Caudier , 0. ^ , lieulcnaid-colDiicI en retraite, quai de 1 1 Rasse-Deùle , 19 bis.
4077.* CvcLLiEz (Henri), nég. en laine.-, cuiisal de la lîiq). Argent., r. Desmci/icres, 14
LIIXI'. 161
ff-'dlD!!- MM.
eripuoo.
2786.* C\ULLiEZ (Alexandre), nég iciant en laines, rue de Bf'thune, oG.
407. CwRO , A. ij, (lireclcur ile l'Ocole primaire, squure Ruault, I i.
522. C.\ziEn , conimis-nOgociant , rue Manuel , 102.
■1390. Chvlant (Armand), propriétaire, P.irc Monceaux.
3487. CfUNCEL, étudiant, rue Jeaime-d'Arc, 12.
782. CiKRDONNET (Paul), professeur, rue di* Bourgogne, H.
4980. CiiARRAS (Léon), f(, 0. 'î*, ►J". ►î», perce|)teur en retraite, rue des Fos.sé3, 6.
3286. Ch.vrrley (.Madame Veuve), pri»i)ri(''tair>% rue André, 4.
2864. Ches.nelong, ^, avocat, rue Royale, 90.
2731 . Cheval (Félix), négociant, rue Jean sans-Peur, 2.
3443. Chevalieii-Lemore, dir' d ''[j-r:. (i"s Portes et Télégraphes, pi. de la République.
2966. CiiEvuoLVT, négociant, luc d Aulin. 3ii.
956. CuivoRET (Alphonse), fabiicanl do hriiiiies, rue du Pôle Nord, 35.
3302. Ch )LI.et l'Abbé), 3, rue d Ish .
4098. Gii )MB\nT de L\uwe (Pierre), avocat, boulevard Yauban, 17.
2561. Cno.MEL, propriétaire, rue Colberl, 80.
3047. CiiOQi EREAux (Jules), pro|iriétaIre, boulevard de la Liberté, 15-1.
1817. CnoQUET (Louis), négociant, place du Théâtre, 40.
966. CiiOTiN (L.^, docteur en médecine, boulevard de la Liberté, 0!.
2893. Christophe, né'go-ianl, rue de Paris, 132.
1813. Christy (Frederick), négociant, rue Jeanne d'Arc, '60.
■1567. Christy (Robert), négociant, ruv- Faidherbe, 2 !
3255. Claeyman, peintre, rue Négrier, 51.
1960. Clvini'ANAIN (Th.), propriétaire , rue de Puébla , 9.
2467. CLÉ.ME.NnoT, 50, rue des Ponls-de-Comiiies.
2576. Clé.mext (Victor), ssorétaire dela(iharubre de Comnierc3, 14. rue Solférino.
2533. CocvRD (Jules), fondeur, rue de Valencienncs, 13.
2704. Cochez, A. Q. professeur, rue St-Gabriel, 7.
3141. CocQUEREZ-Di.MiEz, bonneterie, rne( des Sept-Agnches, 4.
2376 CoEVOET (M'"«), |)ropriélaire, rue des Bouchers, 11.
140. CoMKRE (L.), fabiicaiit de plâtre, rue -le la Halle. 9.
1510. Constant (Victor), employé de Conunerce, n.e de Loos, 27.
3451 . Constant ((îustave), représt^ntant, rue Ralishonne, 3!) Iji.^^.
3319. Constant (Eugène), ingénieur, rue de Turcnne, 45.
3343. CoNTAL, architecle-paysagisie, 0, rue St-Fii'niin.
1785. CoNVAiN-MiNET, pro|)riélaire, boulevard de la Liberté, 3»
2132. CoNVMN (Léon) , commerçant, rue Neuvo. 2i.
2554. CopiMN (M'"" Charles), rentière, m? des Pyramides. 8
288. CoyiELi.E (Edmonil;, A. %}, négociant, uie Jacqueniars Gielée, 22.
546. CoRDONNiKK (L) , rf». an'hilecle. rue .Marais, 8
1921. CouMVN (Emile), propiièiaire, 16, bou'evard Biio-Dan '1.
2235. CoiîNÉE (i'erd.), rle'f de division de I'r('f cinre ( n rdi-aiie, rue Solféi'ino, 316.
2511). CoBNii.i.E. néirorianl en vin^. rue de Oniiai. SI.
32. CiissET-Dinm i.i.E. neg.»ci;Mil. rue de Toiil 5.
3308. Coi"Pj;z, Ot'.irii'r d'adminisiralion, 7, rue Ni;o\is-!j'l)laiic.
79;}. Coru.MDvr (Li-om). m'gdriiinl m drnps. nu- ^^lferll.(•, "253.
2733. CoLROi iti.E (J.) né..;ociaiit rue <e Journai, 121.
2383. * CoiRTEcnssE-VoiiEi X (Dominique), neg. en nieianx, liiedu Vieux Faubourg, 20.
1994. CorsiN (Edmoml), agetd île rha, bonna;:(;.> , vur. Soîférino , 30.
3419. Coi SiN, secrélaire de la Société indrstrielie-, riii' de l'Hôiùtal-.Mili'aire, 1 16.
2130. Coltlu:er (Emile), reiili.r, lue Solférino, 2)S.
11
1G2 LlLLK.
cription.
IO'kV. Cox-Cvppelle (E), néRocianl, rue de Fleunis. 30.
30(io Crkmer (liiig.)? représentant, rue Nationale, 2 i-i.
344. Crémont, distillateur, l)oulevard de la Lit)erlé, 219.
3353. CuEMONT (Julien), négociant, 158, rue IJarlliéléniy-DelespauI.
807. Crepelle (Jean), constructeur, rue de Yalenciennes, 50.
1301 . CuÉPiN (Florimond-Henri), industriel, rue Naliona'e, 2'i7.
2S0. Crepy .(Mme Yve Adolphe), propriétaire, rue de Canteleu, 39.
1 f'.M .** Crepy (Auguste), ►f-, négociant, rue des Jardins, 28.
263. Crkpv (Krnesl^, fiiateur de lin, rue delà IJassée. 3o.
293. Crkpy (Eugène), fiiateur de colon, boulevard de la Liberté, 19.
264. Crepy (Léon), fiiateur de coton, boulevard Vauban, 92.
56. ** Crepv (Paull. 58:, A. <J, C. ►f», ►f«, vice-con.>ul de Portugal, rue des Jardins, 28.
474. * Chepy (M"*^ Paul), proprietaiie, rue de^ Jardins , 28.
266. Crespel (Albeit)^, fabricant de fils retors, rue des Jardins, 18.
670. Crespel (R.), m^gociant en cires, rue Li^on Gatnbetta, 56.
3360. (".;;evalx. Provision' du Lycée FaidliiM'be.
1692. Croin (Paul), rentier, rue du Nouveau-Siècle, 13.
2151 . Crosmer , propriétaire du Grand-Hôtel , rue Faidherbe, 22.
1453. Crouan (Alexandre), agent de ch.mge, rue d'Angleterre, 71.
2433. CuvELiER (Lucien), fiiateur, rue de Bouvines, 12.
1769. Dasiide-Lemmre, propri ■'l,iirt\ rue Jean Roisin, 13.
12. DvMfEN, ^. 1.<J, ^, professeur a la Faculté des Sciences, r. Brûle-Maison, 74.
493. Dv.Ncin> (Fernand). A. Q, avocat, Meinb. de la C'*'»" Historique, r. des Fossés, 15.
26. DvNEL (Léonard). 0 ^, I. Q. C. ►}«. imprimeur, rue Royale, 85.
495. Danel (Léon), 4^, imprimeur, rue Nationale, 192.
626. Da^el (Louisj, ►f», impruueur, rue Jean-sans-Peur, 17.
2.373. Danel (Georges), notaire, rue d3 lUopilal-MiLtaire, 62.
1439. DvNJOU (Léon), negiciant, rue de Bethune, 40.
3008. Danna, négociant, rue de Jemmapes, 50.
3252. Dan.na (Georges), négociant, rue Princesse, 61.
31-HS. Kannay (Paul), pi'opriétaire, rue de Jemmap(!S, 71.
2414. DvNSET (Jules!, représentant, rue Jules de Vlcq, 16.
1032 Dauciiez (René), commis principal des postes, rue Inkermann, 19.
3.J0I . Daithlile, sous-liiMiti'iiaul, rui' de Gand, ok
2853. David-Wiart, fabricant de tulle, boulevard Moutebello, 14.
3500.* Dawson (Albert), négociant, ruf de la Louvière, 32.
3499." Dawson (Gporgc), négnciant, rue de la Louvière, 30.
2089. De Bavnast (marquis Georges), rue Royale, 107.
320. Debayser (Edouard), courtier, rue de la Chambre des Comptes, 3.
<982. De Belgnv d'Uagerle (Amédée), père, propriétaire, rue Royale, 134.
704. Debièvre (E.), l. <uJ, rue du Faubourg-de-Roubaix. 201.
1501. Debievre-Fol'rnier, négociant, rue Foutaine-del-Saulx, 18.
1502. Debon (A). Q, proresseur de philosophie au lycée, boulevard de la Liberté, 60.
ûO'6. De Boubers (G.), négociant en huiles, rue Négrier, 3.
1177.** Debrltn (M""), propiii'tain', rue Nationale, 142.
2345. De Brlvn, industriel, rue de l'Espérance, 22.
2855. Debuchv (Maurice), fabricant de tissus, rue des Stations, 12.
3."i39. DE Rick. [)ro|)ri(''tain', rue Pasteur, 17.
1889. Decalf (Gaston), directeur de lissage raécani-iue, rue Lamartine, 4 .
3oî-0. l)Ef:AMPs-BAs.sEZ, industriri, rue des Arts, 42 cl 44.
1856. Decarne (Gustave), négociant, rue des Bui.sses, 2.
LILL.. 163
criplion
3411. Decarmn (Liïoii), re;)r('si'iil;iii!, nu' Nalioimlc^ ti9.
3309. Decoster (H. P.;, nie des Slalioiis. l.i.
3259. Decoster-Hi'et (Edo'.ui;'(l\ iié;,'ociaiit, nie Basse, 22.
2.372. Decoster-Nicolle, m^ c.iinl, nie Blanrhe, IG.
2907. Decourchelle (Gustave), étudiant, nie Nationale, 299.
2T9V. Decrvmer (Louis), pharmacien, me de .luliers, iO'6.
4838. Decroix (Charles), propri('tair(>, rue HarlhCiemy-Deiespnul, 138.
2001. Decroix (Jules) avocat , piaci' de la itopubliciue, 28.
2002. Decroix ^llenri), banqiiier. rue Uoyaie, 42.
207 i. Decroix (Georges), in.liislriel, rue de l'aris, 52.
2.ÏH . Decroix (l'ieire), lils, banquier, rue Iluyaie, 42.
2905. Décrois (Pierre), père, banipiier, rue Royale, 42.
2850. Decroix-Cuvelieu (M""^), propriétaire, rue Melil, i.
3258. Decroix, pharmacien, rue d'lîs(iurrnies, 45.
3504. Deuoncker (.Alphonse), négoiiant, rue du .^lolinel, ;j2.
•leSO. De F.wreuil (E.) géomètre-expert, rue du Jloliiiel, 25.
1630. Defives, négociant, rue Solférino, 322.
3342. Defives (Charles, lils), n(''g(jcianf. rue (iaiilois, 77.
4671 . Deflandrk-Bouruais (G.), arcliiteele, rue Jeanne d'Arc, 33.
2153. Deflvndre (Désiré), teinturier, quai do l'Ouest, 46.
1550. Defrv>ce (Armand), industriel, boulevard Bigo-Daiiel, 10.
2.37. Defrenne, propriétaire, rue Nationale, 29.'i.
4788. De Germiny (le Comte Auguste), rue Si-André, 6.
4803. De (îraeve-Cabv, dentiste, 23, rue des Fossés.
2791 . Degrave (Henri), comiuis-négociant, rue des Jardins. 6.
4754. Deiiée (Gaston), correcteur, rue Léon Gambetta, 6-'5.
2809. De Jaghere (P.), rentier, rue de Toul, 14.
2442. De Lafosse (Victor), propriétaire, rue Koyale, 53.
2933. De la Gorce (Pierre), ancien magistrat, rue Royale, 129.
3354. Delahave (Eugène), pharmacien, rue Nationale, 261.
3042. Delahave (Emile), re.^résentant, rue des Stations, 7.
644. Delaiddde (Victor), négociint en céréales, rue Gauthier-de-Ch.Vu'Jun, 49.
2o73 Delahousse (Léon), négociant, ru3 des Chals-Bo.s.*us, 23.
4740. Delamvre (il.), négociant, rue des Stations, 4.
2832. Del\.nnoy (Clolaire), propriétaire, rue Princesse, 67.
2452. De Lapersonne, I Q, doyen de la Pac. de méil., r. Jacquemars-Giélée, 43.
2935. Delattre (Albert), filateur, rue Durnerin, 22.
4580. Delattre (E.), filateur, rue Denferî-Rochereau, 77.
892 Delattre (Maurice), filateur, avenue Sl-Maiir, 6.
971 ."Dei.atfre Par.not (M*""], propriétaire, rue Inkermann, 18.
1136. Delattre-Durif.z (Louis), fll.iteur de lin, rue Léon Gambella, 287.
2694. Delau.ne (Marcel), conseiller d"arrondi.>-senienl, rue de rilôpital-.Militaire, 120.
3463. Delalnoy, commandant, chef d"Élat-.>lajor du Gou\ '. de Lille, r. d'Angleterre, 32.
4596. * Delcroix (Henri), négociant, rue Jean sans-Peur, 16 bis.
2497.* Deldal (H.), propriétaire, rue des Bouchers, 12 ter.
3465. Deléarde, rue de Canleleu, 89.
3007. Delebarre (Charles), négociant, boulevard des Écoles, 18.
4874. Delebecque (Emile), directeur des Socio'tt-s gazières, place de Sébastopol, 23.
2274. Delebecqite , propriétaire, boulevard de lu Liberté, lOo.
3331 . Delécalt (Adolphe), employé, 20, rue de Cantelcn.
164 LILI.K
^••d•ln»- MM.
rriptiOD.
4936. Delécluse (Henri), encadreur, rue Hourignou, 8.
3001 . Delecolrt, nésoci-uit, rue de Roubaix, 19.
487. Deledicque (Par.!), notaire, boulevard de la Liberté , 101.
1207. Delefils (Eugène), ntient il'n>-jur;)nrc.s, nie Patou, 21.
2799. Delefortry (Faut), rei)ré.s:iuant do coninierje, rue Jacquemars-Giélée, 96.
619. Delemer (U.), nég.)ri ml en vins, rue iJ;ilisbonne, 10.
2394. Delemer (Eug.), avocat, rue Jean sans Peur, 10.
3124. DELE.MOTTE (Charles), fabricant de jalousies, rue St-Genois, 14.
4492. Deleplv.nque (Georges), notaire, rue Saiiit-Élienne, 60.
2051. Delepollle (Edouard), brasseur, rue de la Fontaine-Delsaulx, 41.
3341 . Delepohlle (Louis), entrepreneur, 38, rue dArras.
3413. Delerive (Gustave), employé, rue Pasti^ur, 13.
787. Delerue (.\rlliu;), (ilaleur de lin, lui'du Paul) lurg-d.' Tourn li, 2'i2.
2968. Delerue (Charles), agent voyer, 41, rue des Stations.
2463. Pelesalle (Maurice), filaleur, rue du Pout-Neuf, 13.
515. Deles\lle (M"" Alfred), propriUaire, rue de Thionviile, 9.
1151 . Delesvlle-Vwdë Wkgiie (Louis), fiialt'urde lin, rue Pierre Legrand, 204.
2412. Delesm.le (Henri), rue SI André, Sii.
2511. Delesalle (M'"'' Veuve Henri), ameublements, rue Es-iuermoise, 29.
2446. Delesalle-Lemaitre (Maiiamc), brasseur, rue les Vieux-Murs, 1o.
3023. Delesalle (M""'' Marie), propriétaire, rue du Metz, 21.
(056. Delestué (Henri), lils, Hibricant di^ toiles, rue du Palais, 4
1297. Delestué (Albert), fabricant de toiles, rue du Palais, 4.
220. Delettré (Henri), négociant en lin , rue de Turenne, 7-2.
2690. Delevar (Alfred), négociant, rue Pierre Legrand, 170.
344-3. Delforge (Gasion), étudiant, rue Colbrant, 20.
427. Deliiate (M"e) , institutrice, boulevard de la Liberté, 97.
589. Deligne, membre lionuraire de la Société des Silences, rue de la Barre, 38.
2535. Delmotte, docteur on médecine, rue de Gand, 38.
2461 . Delobel (Eugène), facteur aux Halles cenirales, rue Ratisbonne, 6o.
2911. Delton (Madame), rentière, rue Parrayon, 16.
3223. Deman, libraire, rue Esquermoise, GO.
1645. De Margerie,C. rj-., doyen de la f iciilte libre des lettres, bout, de la Liberté, 122.
64. Demeunvnck (Auguste), honiinc de l 'itres , ru'^ Masséna, 23.
376. De Montigvy (Alfred), ►!<. rlirecleur d'assurances, rue de Béthune, o9.
577. De Montigny (M'"° Philippe), propriétaire, rue Royale, 87.
828. Demotier, inspecteur dos bi -ns des Hospices, rue Boileux, 7.
743. Deneck (Gustave), négociant, rue Soiierino, 291
3471 . Dems du I'éage (H(Miri), éludianl, ru > Royale, 94.
2897. Deny (Arthur), comptable, rue du Marché-aux-bôtes, 17.
1389. De Pvr voies, négociant, rue Puébla, 14.
1794. * De Pas, (le Comte), pro|)riélaii-e. rue de Pas. 18.
4732. Deperne (Charles), arcliilecle. place Sébastopol, 27.
3149. De Peuussis, intiMidant militaire, rue Ink'rmann, 31.
3143. Deplanck (André), repré.^entant, avenue de> Lilas, 4.3.
1560. Deplvnqi'e (Emile', nég tciaiit, rue des Jardins, t.S.
2384. Deprieck (Arthur), inspecteur d'assurinces, rue Gauthier de Chàtillon, 4.
+34.. Pervcme (Ch.). (m), courtier, rue Molière. 3.
2174. Deren (Narci.s.sc), propiiétaiie, place Sebasloi>ol, 9.
169o. Deiueppe (Maurice), brasseur, rie de Valniy, 13.
314"i. DKRNONCornr (Jules), repre-eutant, rue |{ait!iélMny-Dclespaul, 40.
' LILLE. 165
N" dlns- JJJl.
orip'tlon.
267. Derode-Cor'man (Edouard), >^, piopiiélairc, rue du Long Pot, 32.
902. Deroelx (Eugène), pharmacien, rue du Faiibourg-de-Roubaix, 154.
29TI . Derolin (E.), n-ccveur des Pestes et T(^l('sraphes, rue do Gand, 4.
2661» Derol'b.\ix, ptiarniaoieii, rue de Puébla, 30.
3122. Dervaix (Veuve), nt^'gociante. rue de Béthune, 42.
<8o4. Derville, marbiier, i r.e dos Pyramides, 24.
293Î-. Derycker, prdprii'ta re, rue Grande Chaussée, 30
3096. Desronnets (Jules), fabricant de toiles, rue Lafontaine, 28.
422. De.scamps (.\iiatole), vicp-présid. de la Cii. de ConuniMTt'. b'' de la Liberté, 36.
I'128. Descvmps (É louani) (llaleur de lin, hoiiievard Vauban, 15.
1677. Descvmps (Ernest), industriel, rue J.-J. Rousseau, 38.
Î254. Descamps (Edmond), propriétaire, b'' de la Liberté M.
Î429. Descvmps (Maurice), négociant en lins, rue de Tournai, 22.
2354. Descatoires, propriétaire, rue .lean-Jacques Rousseau, 23.
2048. Desciivmps (l'abbé), rue de Fleurus, 10.
2338. Deschee-MACKEr (Edmond), négociant, rue d? Paris, 174.
994. Deschins (Léon), négociant, 10, hoiilovard di^s lîcoles.
H03. Desmazières (E.), propriétaire, boulevard de la Liberté, 165.
<809. Desmazières (ilatirice) , négociant, rue des Arts, 34.
2387. Desmazières (Alfred), avoué, rue de Piiéhla. 5.
663. Des.mei)T (M"" Ang.), rentière, rue .lacqnemars-Gii'lt'i', 124.
3410. de Smet, employé, rue Faidherbe, 17.
2495. Desmettre-Strat (M™''), négociaiitp, rue des Meuniers, 24.
2675. Desmi;lier (J.) propriétaire, boulevard de la Liberté, 78.
2568. Desnoulez (Gustave), propriétaire, rue Caumartin, 8.
3334. Desoubry (M"« veuve), négociante, 18, Grand'Place.
3357. Despatures CVIUp), représentant, 69, rue Nationale.
2251 . Desplats (Docteur), professeur à la Faculté libre de médecine, b^ Vauban , 56.
3494. Desplinore (Désiré), fabricant, passage N.-D. ^e la Treille, M.
3019. Desprets (Eugène), géomètre-expert, rue de l'IIôpital-Militaire, 60.
1913. Despretz (Henri), négociant, rue Inkcrmaun, 24.
2216. Desroussealx, négociant, rue de Roubaix, 34.
2840.* Desrousseaux (Paul), notaire, boulevard de la Liberté, 143.
3450. Desrumaux (Léopold), artiste peintre, place de Tourcoing, -11.
2037. * Destailleurs-Dlciiange, propriétaire, boulevard Montebello, 2.
2700. Destombes (Delpliin), courtier, rue des Ponts-df>-Comines, 24.
972. De Swarte (Victor), ^, \ ij, Trésorier-payeur général, rue d'Anjoa.
623. De Swvrte (Edouard), brasseur, quai du Waull, 12.
2894. Devalx (A.), sous-clief de bureau à la Mairie de Lille, rue Basse, 10.
1095. Dëvilder (Henri), banquier, i.dniinislr. dr^ la Banque de France, r. du Priez, 2.
1764 * Devos (Jules") , négociant, rue Jacquemars Giélée, 5.
1833. Devos (Mme vve Léonard), propriéiaire, rue des Stations, 4.
2382. Devos-Duroan, repré'rentant. rue de l'Hôpital-Militaire, 63.
2889. Devos-Moutonnier, fabricant de chaussures, rue de Ban-de-Wedde, 6 et 8.
2292. Devroé (Edouard), négociant, rue Wicar, 12.
2870. Dewachter, tailleur, rue Mcolas-Leblanc, 50.
2494. Dewaley.ne (Victor), rentier, rue Barthélemy-Delespaul, 32.
810. Dewattines (Félix), relieur, rue Nationale, 87.
1186. Deworst, (F.), fabricant de lainages, rue de Bourgogne, 23.
2906. Dezwarte-Sockeel, négociant, rue des Suaires, 14.
2773. DnA.LNAUT, négociant, Square Jussicu, 16.
160 LILLE
N»' din»- JlJl
criptioa.
4592. D'iULU in-Verb!EST (l'aiil). .t^'ciiI «le cliaiif^e rue du Talais, 7.
483. D"ii\Lî.iiN, eiifrcpiciieur, rue SI Amlri-, 4t.
1816. DuALLULvCiiiESQUiER, fila'our fift lin, l)oulev:ird de la Liberté, 6.
2818. D'HouR ,L.). rioeleur en médecine, rue de Fontei.oy. 18.
2288. Dion, ^. inspecteur des foréls, ru»; Jaciiueinars-Giélée, 87.
2530. DoÉ DE Mvi.NDREviLLE. 0. ^JS:, général, clief d"ét;:l-major du \" corps d'armée,
boulevard de la Liberté, 20').
1273. DoLEZ (Jules), avocat, nie l'alou, 22.
■1933. Do.NY (A.), contrôleur des contrib. indirectes. oO. rue Jeaii-IJarf.
30oî-. DooGHE, rue .lean-Sans-Peur, 30.
3414. DoRÉMiEix, (Paul), propriétaire, rue Colberl, 7G.
3496.* DoiMER [l)'). A. ^, professeur à la Faculté de .Médecine, rue Nicolas-Leblanc, 57.
2661 . DouRiEZ (M""*), propriétaire, place de Tourcoing, 5.
2847. Douv (G.), négociant, rue Esquermoise, 48-30.
1493. * DovEN (.M""), boulevard de la Liberté, 2o.
3337. DiUMAix (Adolphe), voyageur de commerce, I-'j, me Sf-Firmin.
736. Drieix (VictiTj, lilateur de !iu, rue de Foiitenoy, 31.
2762. Drieux (Achille), filateur, rue Jean-.sans-Peur, 22
3o29. Drieix-Difoi a. fiialeiu'. rue .leaiine-d-Are. 19.
3288. Druon, instituteur, 7, rue des Processions.
392. Dlbvr (Gustave), 0. ^, direcl"ur de l'Echo du Nord, rue de Pas , 9,
2878. Di'BAR (Léon), instituteur, rue d3s Tours, 6.
32G2. Dubois (M""^), propriétaire, rue Briiîe-.Maison, 90.
1130. Dubois (Auguste), p.'opriélaire, rue Cnibeil. 97.
1224. Dubois, -J*, dorttur ei: médecine, rue Bouijerabois, 15.
1455. Dubois (Etienne), industriel, rue de Metz, 20.
3123. Dubois (Henri), négociant, rue do riîôpital-Militaire, 66.
4847. Dubois-Lefebvre (Joseph), negocian!, luede Puebla, 13.
2419, Dubois-Bellvrt, propriétaire, rue Solférino, 199.
2'f3l . * Dubois-Lege.ntil (Victor), pr ipriélaire, rue Solférino, 237.
35-72. DuBiiFACQ (Hniiie . direeleur de tiss:ige, rue Pierre Legrand, 202.
397. Dubreucq (Horace) , fahricant d'anidon, rue Pierre-Legrand, 2()8.
1386. Dubreuil (Paul), négociant, rue Palon, 12.
3361. Dubrulle (l'abbé), professeur an collège S!-Joseph.
1738. DuBuisso.N (Alphonse), L %}, arthilecle, rue des Stations, 93.
104. DuRus, A. i}, instituteur, rue du Marché, 49.
3V0. Ducvstel (M'"'' i'aulinc), inslitulrice, rue Nationale, 61 .
1922. Di:<:iuTELET, Ingénieur, rue Jeaii-Bart. 16.
837. DucoivliEilVREL. propriétaiie, rue i\e> Foss^'s-N'eufs, 36.
904. DucouRouBLE (.M"" Jules}, pn»|)rié!aire, rue liikermann, 22.
2827. DucROQUET (Henri), négociant en toiles, rue du Molinel, 18
1538. Du<:rocq (.Maxime), notaire, boiîevanl de l:i Lib .rli'. 6t.
24t7. Ducrocq (.Meiit;), professeur à l'École Florian, rue Thiers, 36.
503. DuFLOs DE Mallortie, homme de lettres, contour de IHôtcl de Ville, 18.
3299.* Di FOUR (Hect(jr), rentier, 35, rue Esquermoise.
2076. DuFOUR u'ASTVFouT, •^, D breveté au 43» régt d'infanlerie. rueColbert, 129.
3t7o. DuFouK-HouzÉ (l'aul), filateur, bmlevard de la Libi'rté, 107.
1512. DuGRiPON (François), négociant, rue Inkermanii, 9.
1887. DuGRii'ON (Albert), courtier, rue des Stations, 16.
3080. DuiiM.N (Lucien), m'^goeiant, rue de la Plaine, 17.
1212. DuiiEM (Arthur), fabricant de toiles, conseiller municipal, rue St-Genois, 18.
• LILLE. 167
N«" d'ias- 51 M
criptioD.
988. Dlhem-Poisso.nnier (Anioiiio), pro|)riélaire, rue de Puebla, 37.
578. DuJVRDiN (Armand), piopritHaire. boulevard Vaiiban, 27.
662. Dujaudin (Victor) , notaire honoraire, boulevard de la Liberté, <25.
U27. DuJARDiN (Albert), niécaiiioieii-i-oii.slructeur, boulevard Vauban, 118.
2425. DuJARDiN (Louis), Propriétaiie, rue liikerniann, 34.
3242. DuMONT (Henry!, élève à l'Ecole supérieure df! CommiMTC, rue de Bourgegne, 43.
2778. DupiRE. ^ (Commandant 1 major au i-.}" rue de Courlrai, 21.
3447. DuPLAv ((ieorjïes), manufaclurier, 87 bl.<, rue Sl-Audré.
3542. Dcpo.NCiiELLE (AlbeiO, rue Culberl, 208.
3415. Dupont (Augusiin), indusli'iel, rue Jae(|nemar.s-(iiélée, 12.
3233.* DiPONT (Louis), propiiélaire, nie de Turenne, 46.
2607. Dupont, pro^sscur à la Faculté dos lettres, rue d'Anjou , 4
697. Dupont (MI'*"). instilntiiee, rue du Court-Debout, 1 1.
2459. Dupont 'Autînsli-), employé de coniiaerce, rue de Voltaire, G.
3333. DupoNT-Giuss, néjîociant, rue de la (Chambre des Coniplcs, I.
213. Dui'RET (Arseï ejA. ij, maître élémentaire, au l)cee.
2522 DuQiESNAV (Albert) li's, négociant en viu.s, rue Nicolas-Leblanc, 19.
1428. DuguESNAY (Ém le), négociant en vins, rue Nicuia^-Leblanc, 17.
2822. DuQUESNE ((ieorge,s), rue Jacquemans-Giélée, 102.
3102. DuQUESNE (l'a'.il), instituteur, rue des Pro essioas, II.
2501 . DuR\ND iFernand), négociant, rue de Lens, 28.
2125. DuRHAN (CleniMil), employé de commerce, rue Tliiers, 14.
2477. DuRET (H ). docteur en médecine, boulevard Vauban, 21.
423. Duriez 'iMH'). inslilutrice, rue du Poil, 20.
2624. DuROEULX (Ernesl), négociant en vins cl spiritueux, place Sébastopol, 24.
2584. DuTOiT (Jules), comptable, rue Meurein. 14
2689. DuTRo (Mlle Mélanie), proles.seur, rue I ierro Legrand, 88.
808. Duv\l-Lai.ou\, peintre, boulevard de la Ldicrte , 103.
2450.* DrvERUVN (Eugène), manufaclurier, rue Koyale, 95.
2790. DuviviER (Adolphe), directeur de fabricali m, rue des Jardins, 6.
3486. DuYCK (Jules), ins|)ecteiir-v<)yi r, rue Jeaniie-d'Arc, 10.
1578. EcROMvuT, eiitrcpieneur de maçonnerie, rue de ti\es, 41.
613.** Eeckman (Alex.), A.Q, 0. <<, neg,. ancien Secr. g n., r. Alexandre-Lelcux, 28.
1616. Eloir (Achille), proljBS>eur à l'école primaire supérieure, boulevard Louis XIV.
2931. Ernoult (Kn.ile), rei)resi'ntant de Commerce, rue de.-" Stations, 149.
2961. Eperin, direileur mécanicien, rue de Lens, 26.
1052 Elstaciie (G.), docf, luof" à la Fae. libre de méd.. boulevard de la Libcrl*', 171 .
3236. Evrard (Lucien), pharmacien, rue liarthélémy-De'cspdul, 103.
2468. EvcKEN Utiipl'iiël), ingénieur, plarc Sébastopol, 18.
2736. EvDr-DuKFih.ux, directeur «l'aSôUraiices, place du Templ;', 1.
1002. Evsenbout (E.), cliangeur, rue Brùic-.Maison, 44.
2795. Faciie (Charles;, pharmacien, rue Pic.re Legrand, 159.
228. F\Ci,.(Paul), lério^'iaid en bronzes, rue Esquermoise. ;i5.
1927. Farinaux (Albert), négociant, rue des Augustins, 7.
448. FAiciitUR (Edmond), 5%, près, de la Cluunbre d' Commerce, square Rameau, 13.
946. Fai CHEUR, (Félix), lilateur de lin, boulevai'd Vauban, 16.
9V7 Faucheur (Albert), (ilateur de lin, rue Nationale, 281.
2448. FAucHiua (René), (ilateur, b.nileviud Vauban, 131.
1790.* Faucihlle (Auguste), avocat, rue Royale, 56.
1223. Fauciiille-Stiévi:n\ut (M'"*), pro.uiétaire. rue Jacquemars Giélée. 143.
560. Faucihlle (Edouard), propné;ai:e, rue de Jemmapes, 86.
168 I.ILI.E.
NO» d'tns- 53)1.
cription
749. Faire (Henri), fabricani de C(^ruse, rue des Postes. 88.
3o3I . Faire de la Vallx, iiroiiritMaire. nu- des .I;ir(!ins, o.
2344. Falvarqie-Picvvet, prcpritMaire, rue de Five.s, 66.
2644- Fauveau (Arlhurl, proprielaire, rue Jean-Barf, 10.
2233. Favrelle, représentant de commerce, rue Masséna, 54.
252.* Fer.nalx-Defra.nce, A. {}, iie.UDCiant, i-ue Grande-Chaussée, 44.
H94. Ferra.nd, photographe, t)Oulevard delà Liberté, 62.
3232. Ferré, ^, colonel du 19^ chasseur.*, rue Nationale, 2o8.
3220. Feuchère, docteur en médecine, parvis St-Maurice, 21.
241! . FiÉvET f Albert), propriétaire, rue de Turcnne, 49.
il 44. FiÉVET (Auguste), négociant en fers, boulevard des Écolss, 42.
2o8T. FiÉvET (Edmond), propriétaire, me de Canteleu, 46.
2426. FiEVET (Louis), négociant, rue André, 29.
2316. FiÉVET (Théodore), industriel, rue Soîférmo, 187.
3!oG. Filles de la Sagesse (M""' la Siippri^n-re (Ip<.), place aux Bleuets, 9.
2070. Flnot, ^, 1. Q, archiviste du département du Nord, rue du Pont-Neuf, I.
401. FLVMA.NT(Mi'''Adelina),profcs.<eurau Collège FéneloD, rue André, 37.
1703. Florln-Deba^ser (l'aul), [)ropriétaire, rue de Jemmapes, 92.
3234. Fockedev, négocianl, square Rameau, V6.
597. Folet, ^, L Q, docteur, doyen honoiaire lif la F''' de méd. r. d'Inkermann, 44.
2'i3. Fo>talne-Flament, filateur de colon, rue de rUôpital-Militaire, 4t.
2381 .* Fontaine (Louis), greffier rn chef du Tribunal de Commerce, boulev. Vauban,10
2986. Fontmne-Goblet, Hôtel Moderne, parvis Saint- .^laurice, 7.
2534. FoLQCES (Augustin), direct, partie, de la C'^ d'assur. générales, rue Patou, 3.
1588. FouRNiER (A.), négociant en foiirrure.s, rue Esquermoise, 30.
2852. Franchomme-Desc\sips, industriel, rue Nationale, 123.
2792. FRANcnoN, rentier, rue d'Artois, 22.
1234. François (Paul), équipements militaires, rue de Paris. 264.
1978. Fremvux (Albert), négociant en toiles, rue du Molinel, 65.
1235. FREMVtx (Henri), propriétaire, rue Négrier, 23.
2788. Frejiaux (Frédéric), propriétaire, rue de Yalmy, 19.
187. Fremaux (Léon), A Q, négociant en toiles, 29, rue de rHôpital-Militaire.
2244. FRE.MAUX (Paul), industriel, rue du Molinel, 65.
658- Fbo!-;licii , chargé de cours d'enseignement spécial au Lycée.
324. Froment (M"'), profes.«eur, rue Nationale, lOii.
60.* Fromont (Aug.), A.Q, propriéta re , rue de l'Hôpital-Militaire, 77.
4069. Gailf.kt (Paul), ingénieur civil, rue Solférino, 254.
2797. Gallet (Désiré), entrepreneur, rue des Uobleds, 18.
2937. Gallev-Ultin, représentant de commerce, rue de Fleurus, 38.
1849. Gallev (Paul), propriétaire, rue Inkermann, 17.
2807. Gvnd (31"°= R.), propriétaire, rue du Pont-Neuf, 4 t.
2995. Gardien, ^, sous-intendant militaire de 1" classe, rue Gantois, 20.
3495. Garnier (lieutenant), place Siinon-Yollant, 21.
2815. G\rrigolx. négociant en métaux, rue Barthélémy-Delespaul, 134 bis.
2839. GvuuiER, docteur en médecine, rue Inkermann, 25.
976. Gaulard, professeur à la Faculté de médecine, rue Nationale, 470.
1509. Gavelle-Briere, ^, A. i), lilateur. rue Solférino, 289 b.
3476. Gazan (Victor;, Officier d'administration, quai du Vaull, o.
4440. Geiger-Gisclon, fabricant de busetles, rue d'Arras, 72.
1638. Genêt (M"'" Vve) rentière, rue Solférino, 290
1539. Gi..^.^EvuIS£ (Floriaii), ancien avoué, rue Jacquemars-Giélée, 54.
l.llLE. 169
N" «lins- JIM.
tripllon.
691 . Gennevoise, ancien notaire, lueGanibelta, 35.
KS". Genoux-Roux (Adolphe), direcleur du Crédit du Nord, rue Jean-Roisiri, 8.
3506. Georgée, inslilutfMir, ruo Dupleix, 23.
3507. GÉRAB», agent coniini rcial, boulevard Papin, 2.
2552. Ghesou'ier (Désiré), arcli.,aquarel., prof, à l'Ecole des B. -Arts, r. St-Andrc, lOO/>.
2609. Gilles (V.;, représentant, rue du l'ont-du-Lion-d'Or, Fives-Lille. •
2877. Gi.\zbi;rg, commissionnaire en {grains, rue de Turenne, 43.
3511. GrRvro (l'aiil), M:''fj;ii(iaMl, l'ue Sl-.Vndr.', 87.
8^7. GoBERT, pharmacien, rue Es(iuernioise, 26.
3137. GoDiN (Henri), couducteuv des Ponts et Chaussées, rue Brûle-Maison, 68.
1572.* Goi)L\(0.) C.»|<, industriel, corresp. de Sociétés de Géographie, r.St-Nicolas, -18.
i023. GoDRON (Emile), avoué, lioulevard de la Liberté, 103 bis.
2401. GoNNET (M""° Aimé), propi'i(''laire, rue Royale, 89.
1563. GoRKZ, docteur en médecine, rue .lean-saiis-Peur, 12.
2304. GouGF.s (G.), propriétaire de TUotel de l'Europe, rue Basse, 30-32.
2340. GossxRT (Alberl), ingénieur des arts et nianufaclures, rue StGabriel, 105.
2297. GossART (Edmond), ingénieur civil, rue Jacquemars-Giélée, 129.
8. GossELET, 0. ^. I y^, ►f', doyen de la Faculté des Sciences, rue d'Autin, 18.
1886. GossELiM, propriétaire, rue Esquermoise, 41.
2771 . GouBET (Alphonse), agent général (i'assiirances, rue Soiférino, 310.
1789. GoLDAERT, pâtissier-conriseur, rue des Chats-Bossus, 8.
1959. Grvndel (Charles), proi)riétaire, rue des Tours, 17.
<126. Gratrv (Iules), manufacturier, rue de Pas, 1 1.
3503. Grelijeu (Emile), ing'iiii'ur, place Sébasiopol, 32.
2176. Gruux (M""= L.), propriétaire, rue Jean-sans-I'eur, 64.
2056. Grimonpuez (Félix), ingénieur des Arts et Manufactures, rue de Valmy, 1.
2932. Grimonprez (Paul), avenue de Dunkerque, 42.
572. Gromer (jeane) , négociant en métaux , rue de Cambrai , 36.
3330. Grigeon (Henri), employé, 97, rue d'Esquermes.
3119. Grumeau (J.-B.), représent mt, rue Gambetta, 63.
1902. Gruson, ^,A. y, inspecteur général des Ponts et Chaussées, directeur de
l'Institut Industriel du Nord, rue de Bruxelles, 4.
3306. Guelto', archilecîc, 2, boulevard des Écoles.
2224. GoERLN, directeur de l'Industrie linière, rue des Stations, 75.
2380. GuEitMONPREz (Jules, fils), négociant, rue Saint-Etienne, 30.
3018. GuERMONPREZ (Léon), rue Brùle-Mai.son, 109.
651. GuicHARD (Alberl), avocat , rue Patou, 10.
3464.* GuiLBAUT (Georges), membre de la Chambre de Commerce, rue Basse, 45.
3421 . GuiLLUv (Maurice), commissaire priseur, rue Jean-Bart, 24.
3245. GuYOT (Alfred), industriel, rue du Faubourg-de-Roubaix, 207.
676. IIache, professeur de langues, rue Jacquemars Giélée, 40.
3138. Hachet (M"""), professeur, rue André, 20.
2444. Hacquln, A. Q, prof de langues, traducteur juré, boulev. de la Liberté, 69.
2772. HvGELSTEiN (Iwan), ingénieur, roe des Sepl-Agaches, 6.
1584. Hallez (Edmond), bailli de St-Étienne, rue Esquermoise, 52.
<701 . Hallez (Gaston), ingénieur, rue d'Iéna, 66 bis.
1920. Hallez (Paul), I. %}, professeur à la Faculté des Sciences, rue Jean-Bart, 52.
1667. Hamy (Léon), confectionneur, rue Meurein, 10.
2178. Hanus-Brielm\n, propriétaire, rueColson, 6.
3249. Harlée, voyageur de Commeice, rue d'Artois, 30.
2107. H\UMANT, 1. y, professeur de russe à la Faculté des lettres, rue Solfériiio, 1 02.
170 LILLE.
N"(nns- MM.
criptlon.
2867. H\UTEcœuR-Bouc!i\RT, iif^gooiaiil, nie Neuve, 8.
26J0. Hauwelle (C), facteur assermenté près le Trib. de commerce, rue Pucbla, 43.
74'2 Hayeh (Jules), représentant, cour des Innocents, t\.
3059. HÉACLME (Régis), fabrioaiil d'urn-ments d'églisp, rue Faidh:>rbe, 33.
93. Helluy, professeur, rue Grande-Chaussée, 46
3275. Hennart, docteur en médecine, rue d'Ang'elerre, .j6.
3132. Henmon (Gustave), représentant, rue d'Anlin, 43.
455. Henry (Charles), propriétaire, rue Denis-Godefrny, 7.
28.54. Herbert, notaire iionor., administr. du Bureau de Bienfaisance, r. de Puébla, 35.
464. Herland (M""" Veuve Alphonse), propriétaire, rue des Fossés, 41.
2473. Herland (Alphonse), capitaine des sapeurs-pompiers, Square Rameau, 4.
92. Herlemont, professeur à lécole supérieure, rue Sl-Firmin,S.
4418. Herlin (Georgesi, notaire, boulevard de la Liberté, 22.
802. Berlin (M"" Alphonse), propri(Maire, square de Jussieu, 17.
2895. Herpin (Mlle j.), rue de Bourgogne 1G.
3461. Herteman (Paul), employé, 42, rue des Guinguettes.
2346. Hette (Alexandre), représentant, façade de l'Ksplanade, H bis.
2616. Heugas, ^, recev.-principal d:s l'osles-ol-Télégraphes. place de la République.
4529. HEVMA.NN-LÉVA- (Alex.), bijoutier, Grande-Place, 46.
3269. Hevme.n, dl■Ilti^le, rue .leaii-Roisin, T.
899. Heyndryckx (Paul), filaleur de I!n, rue des Processions, 67.
364. Hilst. négociant en toiles, rue du Dragon. 5.
822. Hochstetter (Paul), (iocteur en médecine, rue de Fives. 44
255. Hocquet, pharniacion, rue Léon Gamhelta, 04.
3133. Hocquet, receveur des Postes en retraite, rue Nicolas-L: blanc, 7.
898. HoLBECQ (Ernest), pharnuicien, rue Saint-Gabriel, 85.
\ 148.* HoLTRRON (G.), A. Q, liomm,' de lettres, rue Brùle-Maison, 34.
1770. HouBRON (Maurice), négociant en vins, boulevard de la Liberté, 132.
4737. Houuov (Armand), A. %}, avocat, s(piare Jussieu, 8.
3404. HoiRRiEz (Gaston), rentier, rue du Marehé, 62.
380. HouzÉDE l'Aulnoit, A. Q. C. «^, avocat, rue Royale , 61 .
2828. HoL'zÉ DE i.'AuLNorr, avocat, rue de !a Barre, 48.
453. UoiJzÉ (Léon) , avoué , square Jussieu , 11.
3398. HovELACQiE (Léon), propriétaire, rue Delozenne, 9.
845. UUET (M""" Charles), propriétaire, rue des Jardins, i).
3482. Huet fils, représentant, rue Gambetta, 184.
2.350. HiGODOT (Paul), stéuograplie. rue N ;!ional', 29 B.
1481 . Hugot-Lafack, ^, négnciaut en toiles, rue de Tournai, +3.
3274. HiMBF.RT (>r* Émili), propriétaire, bunli'vard de la Lib:^rté, .j6.
1697. Hlmbert-Delobxl, industriel, rue de Duukerque, 40.
2oo6. Hlmblot (Emile), représentant d /.commerce, rue d'Amiens, 21.
3237. Huvge (Eugèni'), fal ricant, rue du Marclié-aux-Fromages, Il bis.
2803. Imvndt (Cari), négociant, rue Patou, 2 5.
3135. I.ngelrans (Léon), propriétaire, rue Sle-Catheriiie, 7.
2620. Iweins CJulcs), propriétaire, rue Jac(|uemars Giélée, 27
3436. JvcnLMiT-I.Ei-EitvuE M id im î veavo), négorianl', rue d' Gaiid, 32.
1 124. Jansens (Victor), négociant en vins, square Uuaalt, 10,
2532. Jalmari) (Améde?), place de Bélluine, 17.
3139. Jean (Fcrnand), employé, lue (iraiuli'-Cliaussée, 50.
340t). JEANNERon (général), C î^, commandan! le r'Corpsd'arméo, rue Négrier, 10 1er.
3152. DE JoLV, >][c, i)r,)|)riétaire, lue Bnucher-de-Pcrih 'S, 78.
LILLK. 171
N^d'Ins- 5151.
cription.
2456. JoMBART-GuiLLEM AN», imprimeur, rue Solf^rino, US.
460. Jo.NCKÈERE, lu'gocianlen produits ciiimiqiics, rue Biipliste-Moiinoyer, 4.
3.349. .lONGii-CoRNEi.is, empIdYi', rue Si-André, .'{.S.
2748. JouAY-DuBOis, entroprcueur, rue de Fives, OV.
3226. JouMAux (Aicirio), préparateur de chimie, à la Faculté des Sciences.
2237. JouvENKL (Fernaiid), rentier, rue des Stations, 10 bis.
3428. JorvENET, professeur au Lycée, l'ue (irande-Alli'e, 41.
342o.* Kmfema.nn (C), cmiilier, rue Alexandre-Leleux, 34.
3260. Keller (Viclor), adji prineipal du séuie, place Sl-Audn'', I.
3474. Kestneh, ingénieur, rue Faidlierbe 32.
2H2. Ketelair, escompteur, rue Si-André. 21.
3o3o. KiPS-MoRiVAL, mi-canicien, rue des Tours, I.
1778. KoLB (J.)- 0. ;i^, A. ^, ►{'«4*1 a'iTi- ^t'S Man . de i*r. ch . du Nord, r. des Caiionniers, 1 0.
29o4.**Kihlm\.nn-Agacue (M'»o V^p), pmprié'laire, square de Jussieu, l.'i.
301 . LvBiiE (Henri), artiste peintre, rue du Met/. 6.
3478. LvBBÉ (Ernest), n''gnci:uit, rue Bisse, 4<,l-;jl.
2750. L\co.\iDE. iiigénieur-chiuiisle, rue de |{()ur,j;.tgne, 41.
102. LvDRiERE , I. \?, directeur de l'école du .«square Dutilleul , 24.
1733. Lagvche (René), fal)ncant de toiles, rue do Tenremoiule, 7 bis.
2427. Lag VISSE (Éniery), propriela.re, rue de Bour;:ogne, 4'5.
2783. LAGArssE (Elisée), changeur, me Nalioiialc. 70.
425. LvGRVNGE (M"""), institutrice, 87, rue d'AusIeilitz.
2981 . LvLLKMVNT, instituteur, rue Guiilaumc-Wi rniers, 7o.
1934. Lv.MBOi (Joseph), ingénieur, rue de Loos, 41.
2044.* Lammens (.Jules), négociant, rue Faidherbe, .16.
3324. Lamoot, professeur, rue Colson.
3477. Lancialx, employé, nie Bernos, 20.
840. Lancien, a. Q, juge-de-pai\, rue des Pyramides, 39.
3475. Landeau (Au.'zuste), élève à l'École de Commerce, nie delà Bassi-e, 4.
3364. Lanuuon ((lliarles), proj)riétaire, rue Slappaert, 23.
3219. LAxNglais (Emile), pro;). des grands magasins du Bon Marché, rue Nationale, 7.
3050. Lawin (Albert), représentant, rue Jean-Sins-Peur, 52.
3046. LvNvi.N DE Lannqy, représentant, ru3 des Postes, 6.
2997. Laplace (Eugène), vérificateur des Douanes, rue Jean-Sans-Peur, 43.
266r». La Rivière (G ), ^, ingénieur eu chef de la navigation, rue de Puébla, 10.
208. LvROciiE (Jules), négocianl, Grande-Place, 13.
1660. LvRUE iPaul), de la Maison Fichet, rue Nalionale, 13.
2896. Lvschamp (Joseph), capitaine eu retraite, rue Jacquemars-Giélée, 53 bis.
1457. LvuRENGE (Marcel), entrepreneur, rue Marais, 3.
1561 . Lairenge (Eugène), entrepreneur, rue F'ierie Martel. 6.
365. LvuRENT (Adoljibe), négociant en lins , Faubourg-de-Uoubaix. 22'j.
3417. Laltient (Aiigiisle), ein|)!oyé, nie des Jardiiis-Caulier, 25.
71 1 . Laure.nt (Julien] , négociant en rouenneries, rue a Fiens, 1 .
1040. LAVAbx, négociant, place du Lion-d'Or, 14.
3030. Lebas (Julien), ingénieur, rue de St-Quenlin, 5.
2757. Lebecq (A ), directeur des Entrepôts, rue Culbert, 201.
274. Le Blan (Paul), ^, lilateurde lin , rue Gauthier-de-Chatillon , 24.
2460. Le Blan-Delesalle (M"™^ Julien), pidprié'taire, rue Gauthier de Châtillon, 28.
3283. Leblanc (Louis), receveur des douanes en reiraile, rue d's Pyramides, 8->.
2243. Leblec, propriétaire, 6, i^lace Cormonlaigne.
3167. Leblond (Oscar), rue St-Gabriel, 46.
172 LILLK
NO'd'ins- MM
cription.
835. Lecvt (Léon) , roiiducleur (ii'> pont'* et chaussées, rue Patou, -33.
498 LEcnAT (Eugène), négociant en draps, rue Desmazières.
646. Leclvir-Dlflos, propriétiiire, rue de Puébla, 17.
3312.* Lecleiicq (Gustave), filalmir, 43, rue Jean-saus-Peur.
2342. LÉCLUSELLE, transports, rue du la Halle, 9.
80. Lecoco (Gustave), a^ent-ioiiseil d'assurances, rue du Nouveau-Siècle , 7.
1243. Lkcogo (Alph inse), rentier, rue Colbert, 2).
24T0. Lecocq (Adolphe), rentier, rue St-Élienne, 39.
261 1 . Lecocq (Eruest), propriétaire, quai Yaub in, 3
32-34. Lecointe des Isles (C), propriétaire, rue d'Artois, 44.
2205. Lecomte-Geiinez (Paul), négociant, place Sébastopol, 26.
2342. Leconte (Adolphe), fabricant, rue Neuve, 10.
3017. Lecroix (E.), représentant, rue Colbsrt, 36.
1646. Lediei (Achille), ►f», consul des Pays-Bas, rue Négrier, 19.
2440. Lefebvue (Achille), (ilateur de coton, rue Léon Gambetta, 290.
1604. Lefebvre (Chnrie.s), changeur, rue Nationale, 69 bis.
869. Lefebvre (Désiré) , re|)résentant, rue du Faubourg de Roubaix, 170.
2423. Lefebvre (Emile), avocat, rue île Hélhune. 38.
3473. Lefebvhe (Georges), imprimeur, rut- de Tournai, 88.
2464. Lefebvre (Pierre), avocat, rue de rilôpital-Mililaire, 33.
1698. Lefebvhe (Paul), artisle-peiulre, boulevard de la Liberté, 209.
3363. Lefebvre (Victor), professeur à lÉcole siipéijeure, boulevard Louis XIV.
2480. Lefebvre (M™*), [irofe-sscur de musique, rue Patou, 13.
1791 . Lefebvre-Couste.noble (Th.), fabricant de céruse, rue de Douai, 103.
2441. Lefebvre-Faure (François), fiialeur de cotim, rue Nationale. 320.
2693. Lefebvre-Paqoet, rentier, rue de Valiny, 18.
3112. Lefebvhe (Léou), imprimeur, rue de Tournai, 88.
2844. Lefèvre (Adolphe), négociant, rue Ratisbonne, 1 \bis.
2908. Lefèvre (Edmond), négociant, rue Ratisbonne, 11.
o93. Le Fort (Hector), rj-, médecin, rue Colbert, 44.
2437. Lefrancq (Jules), étudiant en droit, rue du Vert-Bois, 22.
641 . Le GAVR1A.N (Paul), député, boulevard de la Liberté, 133.
2943. Le Gavrian (M"^ V^ Albert), rentière, rne Parrayon, 3.
1934. Legay-Masse, propriétaire, rue Nationale, 147.
2088. Legay (Ch.), docteur en médecine, place aux Bleuets, 22-24.
2922. Legendre (Jules), bijoutier, rue Esquermoise, 47.
390. LÉGKREAC, Instituteur, rue de Rivoli, 50.
2612 Legrain (Edmond), clerc de notaire, rue Dcschodt, 27.
3118. Legrand (E.), peintre, rue de la Piqu?rie, \&bis.
3293. Lehembre-Leriste (Henri), fabricant, rue du Vieux-Marché-aux-Poulets, 22.
2392.* Leleu (Adolphe), négociant, parvis St-Maurice, 6.
3329. Lelei" (Alphonse), employi;, 39, rue Thiers.
3344. Lelec (Gustave), libraire, 11, rue Neuve.
2909. Leliel'r (Alfred), boucher, rue Nationale, 103.
2313. Lelièvre (M""), institutrice, rue d'Isly.
2383. Leloih-Delan.nov (Henri), négociant en grains, rue Esquermoise, 12.
2327. Lelosg (Louis), propriétaire, rue Solférino, 26.
100. Lemaire, a. Q, directeur de l'ccole primaire, rue du Long-Pot, 53, Fives.
"2034. Lemvire (M.), changeur, boulevard Vauban, 133.
3340. Lemaitue-Rigo, fabricant, rue du Molinel, 16.
2147. Lemay, ancien notaire, rue Solférino, 61.
LILLE 173
N<>» d'ins- JIM.
criptiOD
31oo. Lemesre (Henri), propriétaiio, rue d'Es luonnes, 12.
4853. Lemoine (D'), A. i), profcs-ioiii- à la Faculli' de Mé lecine, rue Inkcnnann, 28.
2725. Lesioi.ne (Henri), employé à la Baïupic de Fiance, rue i5oyale, 73.
685. Lemoinier (Ra\niond), itropriélairc, rue do la I.ouvière, 25
<923. Lepez (André), entrepreneur, rue Jacqueinars-Giélce, 131.
3134. LÉPiNE (Edouard), directeur de brasse ie, rue Inkerniann, 41.
-1910. Lepoutre (Auguste', négociant eu tis.'iu-;. rue du Marché, 6o.
2397. Lepreux-Hannecart, industriel, rue de Turenne, 35.
2622. Lernould (Alphonse), boulevard d? la Liberté, 32.
2673. Lernould (Léonce), négociant, rue Gambelta, 30.
584. Le Koy (Félix), ^. auc. député, anc. président du tribunal civil, r. l{oyale,10o.
854. Leroy, négociant en rubans, rue Mercier, 2o
2882. Leroy (Célestin), entrepreneur, rue de la Plaine, 58.
17H . Leroy (Louis), fabricant de (oiles, rue du Dragon, 8.
66V. Leroy-Delesvi.le (Paul) , négociant en lins, boulevard de ia Liberté, 139
3505. Leroy-Monthwe, rHpri''S('iitant, boulevard Victor-Hugn, 153.
1544. Lesay (Auguste), propriétaire, rue d'Isly, 5.
33. Lesert, géomètre, rue Brfile-Maison, 53.
2768. Lesnes (Aimé) directeur d'école primaire supérieure, boulevard Louis XIY.
4513. Lesot (l'abbé), A. ^, aumônier du lycée Faidherbe.
596. Lessens (Eugène), brasseur, ru:- Sainl-Andre , 83
H6. Leslr, directeur de l'écol'^ priinain*, rue des Stations, 72.
3148. Lesir (Ueniy), anci:u magistrat, rue St-Jactiues, 19.
4908. Lethierry (M""' Lucien), propri'taire, rue Blanche, 46.
1742. Letombe (L.), ing-n'" des Arts et Manufactuies (E. C. P.), pi. Simon-VoUant, 13.
26t)3. Levé (Albert^, ►}•, juge au tribunal civil, rue des Pyramides, 6.
2808. Levêque (Clément), négociant, rue Esiiucrmoi^e, 21- 1er.
1924. LÉvi (Otto), négociant en lins, rue des Augustins, 7.
4211. Lezies, négociant en tapis, rue des Chats-Bossus, 9.
2403. Lhermittk (César), receveur de rentes, rue du N :)uveau Siècle, 19.
887. LnEiREux ^, inspecteur (!es Postes et telég., rue Barlhélemy-Delespaul, 70.
4961. LiAGRE (Achille), archilocle, rue Jean-Bart, '^.
2374. Llagre (Paul), agent de change, lue du Palais, 13.
2936. LiÉGEART (Octave), n'ulicr, boulevard Victor Hugo, 48.
234-4. Liégeois Six, imprimeur, rue Gambelta, 244.
3453. LiEKENS (Georges), eniployi', rue du Metz, 28.
1570. LiEM (Eugène), négociant, rue Solférino. 308.
2165, Liénard-Gruson, négociant en grains, rue Bri!ile-Mai.son,42.
4440.* Liénaut-Maruge, piopriélaire, rue SolTénno, 189.
4736. Loir (Victor), tailleur, rue Bas.w, 53.
374. LoNCKE (M""* E.), propriétaira, boulevard de la Liberté. 4 3.
330 Lo.nghaye (Edouard), î%, propriétaiie, boulevard de la Liberté, 461.
4210 Longré (Georges), entrepreneur de iiavage?, rue Solférino, 264.
2830. LoNNEL (Victor), reprt'senlant de commerce, rue Blanche, 14.
4020. LooTEN, docteur en nié(!L'cine, rue ilcn Molfonds, 4.
2264. LoRÉAL, ^, ►f-, »fi, ca|)il. au 4:)* rég. dinfanlerie, rue de la Grande-Allée, 2 bis.
454.** Lorent-Lescounez, lilaleur de lin, rue Inkerniann, 30.
2646. LouETTE (Madame), professeur de chant, rue des Fossés, 30.
3435. Louis (Georges), pharmacien, rue Froissart, 11.
3285. LoL"VET, instituteur, 53, rue Bernos.
382. Lover (Ernest), député (ilatcur de coton, place de Tourcoing.
174 LLLK
.N-diril- SIM.
cnptiuu.
22-'>').* I,i;XE\u, iiégocianf, nie Nationale, 10.
1949. Lys-T\ncré, eiilrepreiieur. nie dos Poste ;, 191.
•2369. MvBiLLE DE l'oNciiEviLLE (Albert), notaire, rac de Bourgogne, 9.
3108 Maciielart. pharmacien, nie (iainl)elta, 142.
SV3. Mac Lvciilan (Georges), cominissioniiaire, rue fies Fossés, 34.
2513. M\i)En (Charles), ingénieur, rue Boiirignoii, l.'î.
3403. M\ES. conti-ôleur des labat-s. nie du Puiit-Neuf, 39.
2948. MvHiEU (Julien), laillcur. rue Nationale, 120.
2T39. JUleprade, tlirecteur de lEnregistremenl, rue (}aulhior-de-Chatillon, 18
3.Ï36. MvLHERBE (Albfrt), représentant, rue Ali'xaiidit'-I.eleux. 23.
nOi-. M MLLE (Jules), propriétaire, rue Es-iuennoise, 7.
1090. Mm.i.kt (ne.sirt^), conducteur de-^ ponts et chaussées, rue Brûle-Maison, 36.
1475. MvNso (Charles), A. Q, homme de lettres, quai du Wault, I.
3140. Mantez, épicier, rue des Augusiins, 19.
3002. Maqlart, pharmacien, rue de Dunkerque, 221.
240. Maqiet (Krnest), négociant en lins, place aux Bleuets, 1 1.
.r23.* Maqcet (M'"' Alfred), propriétaire, boulevard Vauban, 3i
2645. MvQUET (Maurice), négoc. en lins, Sccr/'t. du Club Alpin français, r. Palou, 25.
M. 53.*' MvRAcci (M""'), propriétaire, rue des Heurs, 1 1.
3003. Marchvnd (I.oiiis), directenr d'ccole, rue de TArbrisseau.
352. Makciivnt-1)e Paciitère (M"'^), propriétair,'. rue Princesse, kO.
484. Marette, négociant en cotons, rue du Vieux-Faubour;,', 29.
3490. Marie (Docteur), iiie Mounnaiil. 9.
2092. Mxrquette (César), indusiri 1, rue de Bétlmne, 50.
3094. Marqiis (H.), bandagiste, place du Lion-d'Or, 17.
2964. .Martel (A.), négociant, rue de Thionville, 33.
2348. Martel ((ieorges), . négociant, rue Caiiniartin, 38.
2965. Martel (Maurice), négociant, rue de Thionville, 3î.
4298. MvRTiN iKdouard). notaire, rue Jacqueiiiars-lJi.^lée, H.
419. MxiiTiv (M'""), A. ij, directrice de l'École primaire, place Philippe-Ie-Bon, 23.
1991 . MxRTiN (P.), négociant eu soiries, rue de Pas. 7.
2900. Martin-Re.nault (E.), représentant de commerce, rue Basse, 5.
1840. Marv-Broudeiioux (Mi"e V^e), rentière, rue Blanche, 45.
3493. Maslngle, peintre décorateur, rue de Bétlmne, 53.
.399. Masolelier (Augustci. ^, négocianl en coIdus, rue de Courlrai, 5.
3158. Masqielier (Georges), négociant, boulevard de la Liberlé, 59.
3157. Masqielier (Val.'ry), direrleur d'assurances, façade de l'Esplanade, 20.
1986. Masse (Eduiond\ proiiriélaire. rue .Nalioiiale. 35.
.3439. Mas.sln, étudiant à lÉcole de coinuterce, rue Négrier, 13.
2899. Massu (général), C. ^, conim. le Génie de la i" région, place de Tourcoing, 24.
3537. Masirel (Albert), négociant, rue Colb 'ri, 124.
1515. MvsuREL (Paul), négociant, rue du Vieux-.Marché-aux-Poulels, 26.
1219. Mathelin, ^, ingénieur, rue de Douai, 95.
3508. .Mathiei, représentant, rue de la Bassée, 5.
1571 . Mathon (Achille), »ft, propriétaire, rue Jacqucmars-Giélée, 125 bis.
1625. Mait.rez (Jules), propriétaire, rue du Faiiboiirg-de-Roubaix, 176.
2351. Mauroi.s (Edouard), représentant, rue Kalisbonne, 39 bts.
2898. Melchior (Pierre), |)iopriélaire de 1 Annuaire, rue Pierre- Legrand, 48.
962. Melon (Éd.), ingénieur civil des mines, rue l'atoii, 35.
925. MÉPLO.MU (M A ), propriétaire, rue Nationale, 168.
3103. .Mervt, propriétaire, rue Mercier, 3.
N"' dins- M.\l.
cription.
•243(). iMEnciiEZ-MouciiF.z (Giislave^ complabV, rin' de l.of.s, &>.
1270. SlKRCiiiF.n, 1. i}, pnifossetir Afircirt' rl'hisloire a i lycoc. nie Cliarlcs-Qiiinl, 7.
3442. MKiiciEU (Jules), coinplal)!!', bitiilcvai'd Vict<f.'-IIiip;i), 14:!.
1099. Mektivn de .Mi i.lri\, avocal, rue .Massf'iia, 77
2119. JIeuveille (l'aiil), conslim Iciir. mi' (in Marche^, Oi).
208>. UlEUMEiî. (liiccltnr (U^ rUmoii {icucrale fin Noril. l)oiilcva d de la Liberlé, 33,
134. SlKi'aissK (l'aul), nt^jiO iaiit •*" liois, iik' des Meiiiiiors, i-.
2143. JlEiRiLLON, archilecli', ciie <le Thiaiiv Ile. 3.S.
1473. Metor (.\dol[ihc). rt'pr's 'idaiil, rue .leaniie-d'AiT. i.).
2208. Meyeu (l'aul). commis né^'oeianl, nie Roland, 221.
2-i89. Michel (.Inles), lapi-sier. me (îranile-ChansséG, l.'5.
3093. MiixvT, doetour en médecine, nie Sulforino, 293.
3110. MiLi.ET (M'="'' Marie), professeur, l'iic .lea!)-Sans-I>enr, 2.
2439. Mi-NAUT (Ernest), proprii'l.iire, rue IJrùle-Maison, 72.
2215. Minet (Jules), lils, faiilcnr, rue Faidherbe. 3
2674 . Minet (Siniéon), tailleur, rue dt'^ :\laniieliers, 6
3230. MiQLET-PoTTiEiî, iié.j;(»cianl, rue d;'s Arts, 33.
3142. MoissERON (Jules), iuf,'éuiei;r, rue de Jenimapes, 20.
2756. MoiTY (Florentin), |)ropritHa:re, rue îles Jardins-Caiiiier, 3.
970. MoNiER (Louis), niilirr, rue Jacquemars-Giélée 121.
2910. MoNOT (Adolplie), employé de commerce, façade de FEsplanadc. (>0.
1003. MoNTAiGNE-BÉRioT (Alphonse), banquier, boulevard de l.i Liberté, 193.
1800 . Montaigne (Léon), receveur de renies, rue Soiférino, 316 bis.
1243. MoRRL (Alfred), tapissi' t. rue lioyale. ]<.).
2099. Morel , imprimeur, rue Ste-CatlieriiK", 13.
216! . Morel (Uector), représentant de commerce, rue Nalionalc, 224 bis.
3028. Morel (Joseph), nigtcianl, l)la(•^^ du Tliéàli-e, 31.
2846 Morelle-Blondeai X (l'anl), négociant, place de l'Arsenal, 8.
1918. Morival (Paul), fabricant de bascules, place du Tiiéàtre, 34
2474. Moronval (Léon), iiuissier, rue Bas>e. 7.
1293.* Motte (Pierre), uotaire, rue de lHôpilal-M litaire. 37.
3307. Mottez (Paul), 18, rue des Fleurs.
1657. MouLAN (Charles), négociant, rué Patou, 37.
3334. MouQiET (l'aul), représentant, rue des Urbanistes, 8.
99. MouRCOi;, architecte, rue Manuel, 103.
2108. MouRCOU (M uirice), propriétaire, rue de Tliionville, 32.
3303. Moureau (l'abbé), rue Ciiarles-de Muyssaert, 13.
2849. MouRjnNT, négociant, rue Gauthier-de-Chàtillon, 22 bis,
936. MouRMANT (Julien), négociant en drogueries, rue des l'rètres, 26.
2100. MOL'RMANT (Narcisse), négociant, rue du Vieux-Marché aux-.Moutons, 18.
3101. MouTiEZ (Charles), négociant, rue de Paris, 24G.
1952. MuLiÉ (Charles), négociant, rue de Paris. 137.
204. MuLLiER (Albert), négociant en lins, boulevard de la Libellé, 142.
1663. MUYLAERT (Eugène), sellier, rue des Chats-Bossus, 1.
2315. Navarre, notaire, rue Gambelta, 2{.
536. Neut (M"^ Emile), |)i"i)riélaire, ru»? Desmazières. 5.
466. NicoDÈME, négociant en lers, rue Jean Bart, 39.
330. Nicolle-Yerstraete, ^i^, manufacturier, square Rameau. 1 1
254. NoQUET, docteur en médecine, rue de Puébla , 33.
1834. Obin (Emile), propriétaire, rue Jacquemars-Giélée, 07.
377. Obln (jQles), teinturier, rue des Stations, 101.
176 Lii.LK.
^" d".ns- y\ )\
crJ|itiOD
433. Olivier , 5^, I.l^, (locleur en iiu'.leciiie , nie S ilf.'ii;io , .{IV.
492. Ollikr, a. 0> pasteur, rue Jeaiiiu'-d Arc, l'i '
2402. Olivier (Auguslc). nt^gocianl en toiles, rue Busse, 42
3296. Oiiv.ME-LHosT, eiiln'preiioiir, rue des Jariiin.s-Caulier, 9.
3-19. OviGNELR (Emile), 0 ^. I <i^. avocat, rue Tfiireiuoiule, 2.
3284. Paillot (R.), afirégé des Sriences pliysiquos, rue Masséua, 28.
2H9. Paindvvoine (Gustave), constructeur, rue Arago, iS.
1000. PvjoT (E.), agent irassuiaaces, lue Nationale, 121 .
•1603. PvJOT (André), chan.ieur, rue l*att»u. 9.
J837. Pajot (Paul), négociant, rue de l.i (iramleCliauss.c, 38.
2407. Pajot (Henri), notaire honoraire, rue l'alou, 28.
29oo. Pajot (M"*), propriétaire, rue de Fleu'us. il.
2915. Palliez-Colin , vice-consul de Suéde et de Norvi^ge , rue îles Fossés-Neufs, 30
3407. Palliez (Ed), négociant, rue de Ban-de-\Vedde, 20-22.
1271. P.ANMER (Paul), propriétaire, rue de riir)pil.il-Mili(aire, l.'j.
184-6. Paquet (M"*" A.), propriétaire, run S'ilferiuo, loi..
19T9. Paquet, propriétaire, rue Jeaiuio d'Arc, 2 i.
3355. Paquet (D' P.), rue Faidlieibe, 19.
32 13. Paquet (François), professeur, rue de Bourgogne, 43.
2615. Pars.nt (M""* V^e), négociuite, Giaude-PI ue. 1S.
3397. Parée (Marcel), étudiant, rue de Tournai, 43.
3071 . Parent (Gaston), représentant, rue de Paris, 16.
1419. Parent (lleuri), fabricant de hros.-^cs, rue Naluuiaie, ICI
2990. Parent-Hoing (Mme yvc). fabricaiite, rue des Tours, 3'>.
ni9. Parsy (Jules), TiégfKiaiit en toiles, rue des Augustins, 7 />/•<,
2123. Paste\u, notaire, rue Tcm-'-nioiide, 6.
2422. Pathelle (Augustin), represeulaut de commerce, rue Inkermaun, 21.
2737. Pattvn, propriétaire, rue Hrùlc-Maisnn, 70.
29o6. Pvuris (Fernand), négociant, rue «le Pa.s, Ik
3092. Pauwels (Mauric.-), droguerie, rue du Bleu-Mouton, 3.
1075. Païen (Frédéric), ancien grcflier, boulevard Bigo-Daiiel, 21 bis.
2280. Pecqueur, négociant en huiles, rue de Laniioy. 14
2647. Pecqueur-Cxrré iL.K négociant, iiL^ du Molinel. 37.
1940. Pennequin (L. I, anhitccie. placf Sel>asl(ipol, r,i.
3347. Pennequin, rentier, rue Cainnarlin, 27.
3527. Perrin (M'"''), profi^sseur, nv BaSIiélémy-Delespaul. Il G.
1226.* PÉRUS (Henri), pîOj)rirlaire. nu» de Bourgogni', 47
.3328. Peucelle (.lulps), n''go:-iaut, ni;' de Paris, 109.
551 , Philippe (Louis), avocat , lioulfvard df la Liberté , .'iO
.34t)0. PiiocAs (I)'), I. Q, profi'ssinir agrég- à la Fac. de Mi'd., b^i de la Liberté, 11-j.
3006. PicAVET (Artb'u-), propri''laire, riie F-tbricy, 28.
43'.». PicvvET (Léon), filaleur de lin. boulevard Louis \'1V, 3.
769 PicwET (Loui-i), filaleur de lin. rue de Fi^es, 39
1.-J4I * P.ciiON, roiistraclcur, rue des Processions, Fives-Liile, 80
2816. Pierre, ^, l.tj, \ns). d*A.*ad.. direct, de l'i^aseig. p.iin, du Nord, r. d'Anlin, 35.
336o. PioACHE clif^f de bur. de ring' iMi>bi'f des P. el C, rue du Marcb '-aux-bétes, 21.
Il 05. PiLvrE Auguste), chef 'l'institution, rue de i'IIô,)ilal-.Mililair3, 39.
.■)4."j7. Pil\te (Victor), représontant, rue du (jiiai. 12.
3029. PiLi.ET, chanoine, rue Colberl, 18.!j.
3396. Plaideau (Erni'sl), propriétaire, rue Tenremnnde, 17.
2951. Plaideau (Fcruaud), |)roprit''l;.ivi'. rue Solfériuo, 19.
LILLE. 177
^^' d'ins- 11 M.
cripiuu.
3ol4. Pl\mo.\t (Adiilh'), roDlicr, rue de Jonimapos, 1.
2741 . Plv.ncke (Henri), né^oeianl en toiles, rue du Molinel, 78.
385. Pl.vtel (Albert), nt^gociant on bois , rue de la Préfecture , 2.
2410. Plvyoust (Paul), négociant en toiles, rue à Fieus 6.
2465. PoiLLON-Six, propriétaire, rue Alexandrc-Lelcux, 36.
272<. i'oisTimiEn, courtier, rue Soifériuo, 65.
3424. PoissoN.MEK (Loni.s), .iii'gociaiil, rue Solf(''riiio, 220.
562. Pollet (J.), ^, ^, vétérinaire départeuieiUal , rue Jeaiine-.Maillotte, 20.
2649. Pollet (Emile), complabic, rue Haptiste Monnoyer, 8.
3449.* Pollet (Jules) fils, fabricaul, rue Pierre-legrand, 288.
3345. Pollet (Julien), repré,seutant, rue de Gand, 62.
3113. Po.ncelet, sous-lieutenant au 43** de ligne, quai du Wault, 10.
2406. Po.nseele-Decvmps, indiislriel, rue Mirabeau, 51.
32^8. PoREY, '^, colonel, directeur du génie, fort Saint-Sauveur.
211 . PoTiE iJules) , comptable, rue iMercier, 2.
452. PoriLLE (Emile), fondé de i)ouvoir.«, rue Jean-Sans-Peur, 27.
2507. PoiLET (.Alfred), propriétaire, rue Soifériuo, 260.
2946. Pollet (Léon), propriélaire, rue Soifériuo, Ml.
2752. I'ou.mvere (Albert), professeur, f.içade de l'Esplanade, G4.
2136. Pkvte (Louis), négociant, rue Naliouale, T+.
26'J1. Prévost (P.riiest), directeur de Illalure, rue des Stations, 1+7.
698. Prévost (François), coinmis-iiégociaut, rue Urùle-Maison, 126.
2277. Prevs (Uippolyle), courtier de commerce, S, rue Desinazières.
2298. pRON.\u (Élie), instituteur, 21, avenue de Dunkenjue.
2121. PROLVOST (Adolphe), fabricant, rue du Vieux-Marcbé-anx-Chevaux, 10.
2083. Prouvost (Gustave), greffier de justice de paix, rue de l'Iiùpital-Militaire, 74.
3281 . ParvosT (Emmanuel), éludianf, 15, rue Boileux.
240ii. pRLvoT (Acbille), repré?entant de commerce, rue Henri Kolb, 61.
354. Qu.viîre-Hevdourbon, I. Q, membre de la Com. Iiitor., clc , b^" de la Liberté, 70.
735. yuvBRÉ-pRÉvoST (L.), Ubrairc, Grand'l'lace, 64.
442. QuEF. |)ropriélaire , boulevard Louis XIV , 2
^221. QiÉ.NET (Edmond), représentant, rue Jean Koisin, 2 bis.
1420. RvBoissoN (A.) fabricant de corinseries, boulevard de la Liberté, i\8bis.
2728. Rafln (Eugène), employé à la IJampie de Fiance, rue Koyalc, 73.
858. Kajat iR.), avocat, r. ilas Pyramides, 18.
3165. Rambire (l'abbé). Professeur à la Faculté libre des Lettres, 4, bd .Monlebollo.
3016. Ramollno DE Coll" Alto, officier d'ordonnance, rue Nationale, 304.
86. Raqlkt (Désiré), changeur, rue .Nationale, 91
2098.* R\ttel (Félix). hui.-Jsicr. 241, rue Solf'riuo.
881. Rvnx (M'"' Emile), negociani en charbons, place de la République, 3.
1869. l;AVET-Dfc Mo.NTEViLLE ((i.). Courtier, rue Naiionaie, 83.
2851 . Ravkt (Prosper), courlier, rue Nationale, 83.
2057. Redieu, docieuren médecine, rue de l'as, 1.
2540. lîEiJE.NT (Ernest), iK'gociaiil, place Sébasiopol, 23.
569. Regnvri), Inspecleur, clief de gare, a Lille
2991. Regnart (Paul), rue de Paris, 28:;.
678. Re.\iv(.>1"''' Emile), pro,)rié!airi', rue desA-ls, 16
2200. Re.mv (Charle.'»), négo'-iant en fers, rue des Jar lins, 2.
3261 . Re.mv (C), propriétaire, rue Négrier, 18.
3416. Renard (Emile), cpmptable, rue St-Genois, 16.
1739. Re.nard vllenri), ingénieur chimiste, Usine à gaz de Vauban.
12
178 LILLE.
N»' d'ins- MJI.
criplion.
2000, Renaut (Charles), négociant, rue André, 49.
684. Renolard (Emile), fllateurel fabric nit deloilcs, rue Jeanne-d'Arc, 13.
3446. Relbiœz (Georges), étudiant, rue Colbert, 138.
292. Reuflet (Frédéric], avocat, rue Nationale, lOi.
3399. RÉVEiLHAc (Léon), propriétaire, rue de Bourgogne, 24.
2842. Ricard, conseiller de Préfeoluic, rua Jacquemars-Giélée, 61.
2575. Richard (Louis), propriétaire, rue Solférino, 224.
2875. RiciiEBÉ (Emile), brasseur, rue Pierre-Legiand, 36.
169. HicuEZ , directeur de l'École primaire, rue Fabricy.
1093. KiGHMOND (Julien), représentant, rue Nationale, 223.
2389.* RicuTER (Frédoric), fabricant de bleus, boulevard Vauban, 97.
88. lîiGAUT, ^, A. Q. lilaleur, rue de Valmy, 15.
Z2^^. KiGAUT (Gustave), directeur du Crédit du Nord d'Armentières, rue de l'Arc, 14.
72. RiOAUX (H.) A ij, archéologue, rue du Chaufour, 14.
2449. RiGOT-DcBAR, propriétaire, rue de Thionsille, 40.
766. IIigot-Lefebvre, négociant en vins, p'ace auxRleucls 'S3.
2262. 1;igot-Slln, négociant, place aux Bleuets, 19.
3233. lUviÈRE (Charles), pharmacien, rue Pierre-Legrand, 276.
2983. RoBiLLAUT (Jean), masseur, rae Basse, 8.
1643. Robin, »i%, directeur de la banque de France, rue Royale, 73.
1659 . Roche (Eugène), A. U^, ►!«, avucal, rue de la Vieille-Comédie, 16 bis.
2999. Rogealx, directeur de l'école de la rue Fombelle.
3365. Rogez (Paul), député, rue du Curé St-Étienne, 21.
1176. Rogez (Louis), fabricant de flls à coudre, rue de la Justice, 23
2120. Rogez (Edouard), négociant en engrais, rue du Bas-Jardin, 4-6.
3466. Rogez (Emile), pharmacien, rue d'Isly, 83.
1795. RoGiE, tanneur, rue des Stations, 64.
1179. RoGiE (Docteur), professeur à la Faculté catholique, rue de Bourgogne, 60.
2047. Rolants (Edmond), pharmacien supérieur, rue Brûle-Maison, 67.
602. RoLLEZ (Arthur), directeur d'assurances, boulevard de la Liberté, 48
1835. RoLLiER (Théophile), rentier, rue des Poi.^ssonceaux, 16.
3241 . RoMBAUD (Gustave), avoué, rue de la Barre, 29 bis.
3467. RosE.NFELD (René), employé, rue Caumartin, 93.
3278. RouGÉE, fabricant, boulevard de la Liberté, 99,
1047. RoiRE (Ernest), négociant, rue Mercier, 7.
203. RousELLE (Théodore), agent général d'assurances, rue de Bourgogne, 56.
2060. Rousseau (M"'), propriétaire, place Cormontaigne, 3.
43. RouzÉ (Henri), propriétaire, boulevard de la Liberté, 219 bis.
239. RouzÉ fÉmile)A.(^, juge au Tribunal de commerce, r. Gauthier-de-Châtillon, 20.
633. RouzÉ (Léon) , brasseur , boulevard de Montebello, 48.
2743. RozAT DE Mandres, 0. ^, général comra. la l '^ brig. de cav., r. de la Barre, 59.
665. Ryckewaert, fabricant de sacs en papier, rued'Arras, 84.
3150. Sabatier, ingénieur civil, rue Denfert-Rochereau, 33.
3302. Sailly, lieutenant-trésorier, à la Citadelle de Lille.
2<06. Saint-Léger (Auguste), négociant, rue Colbrant, 2.
2211 . Saint-Léger (Georges), fabricant de fils a coudre, rue des Fossés Neufs, 2.
2398. Sai.nt-Léger. prof, à l'École super, de commerce, rue Nicolas Leblanc, 36.
3221 . Salnt-Martin (de), caissier de la Banque de France, rue Royale, 3.
2920. Saint-Victor (Edouard de), inspecteur d'assurances, rue Jean-sans-Peur, 62.
3106. Salembier l'abbé), professeur aux Facultés Catholiques, b<i Vauban, 60.
1932. Salembier-Dubreucq (L.), brasseur, rue Gantois, 36.
LILI.K. 179
N"d'ins- MM,
crlption.
2709. SvLLE (Victor), m^Kocianl, rue de Paris, o3.
3325. Salomé (Élio), boulanger, rue Négrier, 36.
1810. Salomon (dit Chevalier), carros-îier, boulevard Vaubaa, 34.
iSii . Salomon (Raoul), carrossier, boulevard Vauban, 31-.
1683. Samin (Edouard), représentant, rue Marais, 13.
H39. Sano (Eugène), négociant, rue Solférino, 22.
2255. Sanders (F.), courtier, rue Gantois, 47.
2009. SANTENViRE-DuFoun (Emile), commis-négociant, rue Faidherbe, 17.
1447. Santenaire (Paul), représentant, rue Jacquemars-Giélée, 3.
3483. Sarazin (Edouard), propriétaire, rue des Stations, 13.
3481. Sautier (Léon), représentant, rue Brûle-Maison, 71.
1727. Sauvage (père), ancien filateur, rue du Long-i'ot, 56.
1474, Savary (Adolphe), entrepreneur de peinture, rue de Roubaix, 43.
U16. Savary (Gustave), rentier, rue Nationale, 300.
2323. Savarv (J.-B.), brasseur, rue Barthelémy-Delespaul, 11.
763. Scalbekt-Beunard, banquier, juge au Tribunal derommerce,rue deCourtrai,17
3025. Scalbert (Maurice), banquier, rue de Thionville, 42.
961. ScHEiBi (Frédéric), négociant, rue des Canonniers, 10.
1883. ScHEPE.N's, négociant en vins et spiritueux, rue de Lens, 30.
2593. ScuMiTT (le D'), ►J», pharmacien, rue Nationale, 119.
2843.* ScHOTSMANs (Auguste), négociant, boulevard Vauban, 9.
i38.**ScHOTSMANs (Emile), fabricant dv' sucre, distillateur, boulevard Vauban, 9.
2282. ScHOTSMANS (Jules s négociant. Boulevard Vauban, 124.
489. ScHOTSMANS (PauI), négociant, rue de Douai, 110.
447. ScHiiBART, négociant en lins, rue Sl-Genois, 1.
3412.* ScHULz, représentant, boulevard des Écoles, 12.
2558. ScRiVË (Emile), conseiller général, place du Concert, 6,
1999. ScRiVE (André), manufacturier, rue de Turenne, 53.
609. ScRivE (Albert), fabricant de cardes, rue des Suisses, 13.
356.**Scrive-deNégri (Madame veuve), rue Léon-Gambelta., 292.
565. ScRiVE (Gustave), propriétaire, rue Royale, 90.
687 . Scrive (Georges) , fabricant de cardes , rue du Lombard, 1 .
2231 . ScRiVE (Edouard) fils, négociant, rue Nicolas-Leblanc, 11 bis.
2577. SÉBKRT (M"'")^ propriétaire, rue des Arts, 3.
135. SÉE (Edmond) , ingénieur , rue NiCDlas-Leblanc, 5
1517, SÉE (Paul), ingénieur, rue Brûle-Maison, 58.
2820, Segall (I.), négociant, place Sébaslopol, 23.
2457, Selosse (Louis), avocat, rue St-Pierre, .'î.
680, Seratzki , professeur de dessin au lycée, rue Lolson, 7.
1859, SiOEN (Henri), pharmacien, rue de Roubaix, 27.
3272. Six (Henri), négociant, rue Grande-Chaussée, 52.
1696, SMrrH (Alfred), négociant, rue Masséna, 28.
3459. Smits (Albert), ingénieur, rue Colbrant, 23.
2296, Snowden (Robert), filateur, boulevard Bigo-Danel, 26.
1753. SoRLiN-MiNiscLoux, fabricant de tissus métalliques, boulevard de.la Liberté, 229.
631 . SouiLLART (Madame veuve), rue Fontaine-del-Saulx, 20
3311 . Soyez fils, fabricant, rue des Ponts-de-Comines, 41.
3073. Soyez-Blondel (Louis), hôtelier, place des Reigneaux, 25.
1257. Spriet (Alphonse), fabricant de toiles, rue Léon Garabetta, 289.
967. Stal\rs (Karl), teinturier, rDe.Iac(iucm3rsGiéIée, ICO.
2531 . Sternueim (Jules), boucher, rue des Arts, 57.
180 LFLI.K.
criplion.
707, Steverltnck (Gustave), né^roriaal en savons, iul' d'Esquernies. 10.
1302. Stiéven.vro -Ilciiii), fabricant de Ctiuverturcs, rue du l'onl-à-ISaisnes, i .
3107. Stoffaes (fAbbé), prof'" à la facnllé libre des Sciences, boulv. Vauban,
2375. Slrmo.nt, (D'), A Q, prt>f à la Facnllé de médecine, rue du Dragon, 10.
.3333. SiSTA>DAL (Gustave), rue St-Étienue, 42.
3339. SuzAN (Charles), propriétaire, 3, rue Denis-Godefroy.
2758. SwvNGHEDVuw (Constant), négociant, rue à Fiens. .-).
23^ . Swv.NGHEDALW A. ÎJ, professeur au lycée Faidherbe. rue Gombert, 11.
3061. SwvNGiiEDAuw (Léou), \oyc;geiir, place Simon-Vollaut, 13.
<674. Tacquet-Decrombecqite, ()ropriétaire, boulevard de la Liberté, 87.
2339. Taillie (Th.), commerçant, place de Lion d'Or, 10.
2261 . Ta.\crez (Gustave), négociant, rue des Jardins Caulicr, 'f2.
977. Tangly (J -U.), lilatenr, rue de la Louviere, 33.
2374. Tarbé de S\int-11a!idocin (M""), rentière, nie lloya'.e, 73.
872. Terlet, commis pruicipa! des postes tH télé-craphi-s, rue Fontaine-dcl-Sauli 14.
2332. Tesmoi.ngt (Albert), indu-lnel, rue l'itscal, io.
1829. Tesse (Edouard), négociant en huiles, rue Soilerino, 318
3323. Tesse (Victor), négociant, place Ricliebé, 9.
321 . Testelin ^Alexandre), avocat, rue Jean-Sans Peur, 1 i-.
3227. Testelin (J.), fondeur en cuivre, rue des Bouchers, 12 B.
2692. TÉTAR (F.), représentant, rue du Faubourg-de-Roubai.\, 127.
283. Thellier de la Neuville (Paul), avocat, rue des Jardins, 26.
1058. Théodore (Alplionse, fils), négociant, rue Soiférino, Iit7.
1251). Théuy (Gustave), >^, avocat, S(]uaie Dutilleul, 33.
•1403.* TuÉHV (Uayn)oiid), ancien notaire, rue des .Stations, 3.
2008. Théry-B\rol\ (Georges), négociant, rue de> Arts, 2i-.
3480. Thibaut (DO, i"iie Pierre Legrand, 113.
2656. TniÉBAiT iRaymond), négociant, rue dos Suaires, 13.
934. TniEFFRV (.Maurice), fabricant de toiles, boulevard de la Liberté, 207.
3051 . Thibaut (Alfred), entrepreneur, rue de Paris, 236.
127. TiuRiEZ (Alfred), ^, membre du Conseil sup du Conmicrce, rue Nationale, 308.
1150. Thiriez (Julien), manufacturier, rue du Faubourg-ile-Bélhune, 30.
2329 Thirion, professeur agrégé au Ly.-ée, rue Soiférino, 300.
3332. Thomas, lienli'nant an IG" Balaillun (li> chasseurs, rue Gambetta, 73.
1926. Thomvs (Pierre), négociant en papiers, rue àes .\rts, 47.
991 . Tho.ma.s-Le.say, proiiriélaire, rue Nationale. 279.
2128. TiGHE-Fox (.M"" John), propriétain', rue île la Louvière, 42.
34t)9. TiLLiEii, i»liarma(ien, place de Strasbourg, 4.
576. Tilloy-Oel\une, boulevard de la Liberté, 5.
95. Tilmant (Lucien), insliluteur, boulevard des Écoles, 10.
2658. TiPBEZ (Auguste), syiidic de faillites, rue de Illôpitul-Mililairc, 89.
3301.* Titres (Tbéoph.), Vice-Présid<Mit du Bur. de bienfaisance, pi. Cormontaigne,24.
409. Toi ssi.N (Georges) , lilateur de coton , rue Royale, 53.
2132. Tra.nm.n (Henri), IQ, duMe l"e(OÎe>ni)" dnCom. de Lille, r. Nicolas-Leblanc, 36.
3273. Trinquet (Henri), cfjuseiller de préfecture, rue Gantois, 43.
11 (>2 TniSitouRG (Ernest), rue St-André, 40.
2113. Trovvux (Eruesl), hui-isicr, rue de la Barre, 31.
•/404. TuRCK (Georges), sctil|)le'.ir. rue Sol'ermo. 2s3.
202. Tvs(Ali)lioiise), fondé de pouvoirs de la mai.son Aug"Cre|)y, r. des Jar.iins, 24.
2133. L'hlig (llenii). négociant en vin>. rin* S.»lfériiio. 22:».
3318.* Vaast (Armand), fondeur, rue Valencieiines, -23.
• LiLI.K. 181
N^d'ins-
criplioa. .MM.
48'JS. VviLLVNT (.M'""), priipritHaii- ', nie Colbraiit, 8.
3168. Vaillvnt-Desciiins, entrcpiriicur, ru3 Inkerman, 49.
1082. Y\ii.i,\NT-llEHL\Nu(Eufï.), 0. ►}.. Ov,vi<c-consui de l'erse, place de Bolhuue, 7.
387. Yaii.lh: (M"p) , iiistitiilrice , rue <(e.>i Tours , i i.
3230. Valdelièvri; (Paul M""'), pr(»i)ri('l;iir(', square Jussieii, 6.
494. Vvi nKLiKvitE (.Mfrcd) , fondeur en cuivre, square Dulillenl, 7.
3073. Valenti.n (A), ()liarmacien, ni'; de Wazemmes, 79.
232. VvLÈRE (le frère), direcleur du pensi miial des Marisles, rue des Stations, 179.
3263. Valin (G.), bandiigisic, nie Esqtiormoisp, 36.
3084. Vallet (Léon), boulevanl de la Liberté, 223.
708. Vv.N BuTSELE (Edmond), courtier, rue Nicolas-Leblanc, 7.
-1463. Van Butsèle (Louis), apprèleur, rue d'Arras, 66
n7o. Vandvlle (H.), négocianl, parvis St-Michel, 18.
1088.* Vandame (Emile), bras-ciir, rue Boyale, '102.
-1089. V.\>DAME (fieorjîe.^;, bras.seur, conseiller gi-niTal, rue de la Vignette, 63.
20G3. Vand\me (Joseph), bra.s.>eur, rue de Tenrenioiide, 10.
2137. Van oen Bavièhk , princijjal clerc de notaire. |)lace de Strasbourg, 6.
'Ifi59.* Vanuenbekgii, I. i}, architecte, b )ulevard de la Liberté, 46.
2336. Va.n den Kulcke. ar:hiteclc, rue de Valniy. 30.
2337. Va.ndknhussciie (Gaston), uégocant, rue (^anniartin, 19.
3338. V.AN DEN Urie.ssciie, représentant, rue d'Aitois, 39.
412. Van DEN Heede (Adolphe), 0. §, hort., Vice-Prés, de la Soc. rég. d'Hort. du
>'ord, rue du Faulionrg-ile-Koubai.x , 111 .
1035. Vandenhende (Jnles\ négociant en épiceries, rue des Guinguettes, 6i.
2396. VANDEnoRVCHT, représentant des Mines d'Anzin, rue Sainte-Catherine, 52.
2333. Vandervinck (M""" veuve), propriétaire, 24, rue d'Arcole.
2063. V.VN DE Walle, propriétain', rue Nationale, 270.
783. Vandewegue (Albert), filateur de lin, rue l'atou, 1.
1819. Vandorpe G BILLET, négociant, rue Gorabert, 6.
2763. Vaneste (Auguste), bijoutier, rue Nationale, 90.
266'i-. Van Grevelyncue (Ernest), chimiste, place de Tourcoing, 7.
73. V.VN Uende, I. tj, président du mu.sée de numismatique , rue 31asséna , 50.
2281 . Vanlaer (Emile), notaire, boulevnrd de la Liberté, 84.
2033. Vanlaton (M™' L.), propriétaire, rue du Molinel, Vk
2266. Van Mansart, propriétaire, rue de l'IIôpilal militaire, 108.
3104. Vannelle (Arthur), rue de la Justice, 56.
2733. Van Ove (DO, rue de Tout, 2.
3289.* Van Petegiiem, docteur en médecine, 66, rue Colbert.
3291 . Van Peteghem, docleur en médecine, 1 16, bouhivard Vauban.
1694. Van Remoortère, ancien magistrat, rue Solférino, 293.
3146. Vantourout, propriétaire, boulevard de la Liberté, 148.
2369. VvN TR00.STENBERGnE (Théophile), courtier en fîls, rue Jean Bart, 26.
1083. Vanverts, pharmacien, rue de Paris, 199.
2811. Varaigne (Louis), propriétaire, rue Brûle-Maison, Si-^is.
3127. Varos-Santenaire, négociant, quai de la Basse-Deûle, 46.
3121 . V.VTINELLE (Jule.s), représentant, rue Barhélemy-Delespaul, 160.
1083. Venot ^, »î-, vice-consul d'Espagne, boulevard de la Liberté, 39.
1436. Vennln, brasseur, rue du Quai, 22.
2238. Verbèke (Léon), tailleur, rue Masurel, 6.
2130. Verbiest (Paul), agent de change honoraire, rue Solférino, 230.
2620. Vercoustre (Léon), vérificateur des douanes, rue de Flandre, 10.
182 LILLE.
N" rTiD»- MJl.
eriptioD .
2493. Yerdier (Jean), négociant en charbons, rue Solférino, 223.
2755. Verhaeghe, ancien notaire, rue Colbert, 29.
3154. Verin" (Emile), négociant, nie de Thion^^lle, H.
n02. Verlé, chef du service extérieur du Gaz de Wazemmes, place Cormontaigne, 3.
563. Vebley (Charles), C >i; ancien prés, du Tril). de Cora., rue de Voltaire, 40.
2885. Verley (îladame Benjamin), propriiHairt', rue Marais, 13.
1793. Verley-Bigo (l'ierre), banquier, rue Royale, 49.
H45. Verley-Bollaeht, banquier, boulevard de la Liberté, 9.
2707. Verley (Gaston), rue Royale, M 3.
2960. Verley (Georges), négociant, rue Marais, 24.
2526. Verlinde (Auguste), constructeur, boulevard Papin, 4.
<5. Verly, î(!^,' homme de lettres, vice-président honoraire, rue Solférino, 7.
737. Vermescii, représentant, rue Grande-Chaussée, 26.
2428. Vermersch (.\lbert), docteur en médecine, rue des Postes, 93.
2133. Vernier (Achille), bauqiiipr, rue de Thionville, 28.
3236. Verschoore (Henri), peintre, rue de Fives, 18.
136. Verstaen, avocat, rue de Tenremonde, 7.
1992. ViART (Henry), courtier de commi rce, ruo de l'Hôpital-Militaire, 112
3509. Vienne (00, rue Nationale, 3-2t).
2754. Vieuille (Félix), ingénieur, rue de Bourgogne, 52.
3468. ViFQUAiN (Léon), fabricant, rue Pierre-Legrand, 331.
2408. Vilain (Paul), architecte, Boulevard Bigo-Danel, 22.
2232. ViLLAiN (Roméo), constructeur, rue des l'.ogations.
358. ViLLERVAL, A. Q, directein- de l'école primaire, rue à Fiens, 7 B.
1093. Villette (Eugène), industriel, boulevard Bigo-Danel, 2.
- 854. Villette (Paul), chaudronnier-constructeur, rue de Wazemnaes, 37.
402. ViNCE.vr (Georges) , agent d'assurances , rue Desmazières.
594. ViRNOT (Urbain) , négociant en produits chimiques , rue de Gand , 2.
786. ViRNOT (Victor), négociant, rue de Thionville, 36.
3116. ViTTU (Lucien), propriétaire, rue Princesse, 63 bis.
3440. Voitlriez, industriel, rue Jacquemars-Giélée, 135.
2749. Wachmar (Cyrille),"représentant de commerce, rue Manuel, 77.
3346. Wagnier (Charles), huissier, 26, me Fontaiue-del-Saulx.
3333. Walbecq, négociant, 16, rue de l'Hôpital-St-Roch.
312. Wallvert (Auguste), ^, anc. prés, du Trib. de Commerce, b<i de la Liberté, 23.
969.* Wallaert-B\rrois (Maurice), manufacturier, boulevard de la Liberté, 44.
2395." Wallaert (Georges), manufacturier, rue de Bourgogne, 27.
16. Wannebroccq (M'"0, pntpriétaire, rue Jaquemars-Giélée, 25.
568. Wannebbolcq (P.) , repré.sentant, rue de Bourgogne, 26.
1123. Warein-Prevost, propriétaire, rue Jacqueniars Glélée, 16.
1828. Warei.n (flis), constructeur, boulevard Montebello, 54.
278. Wargny, fondeur en cuivre, juge au Tribunal de Commerce, rue de Valmy, I.
70. Warin (M''e Emilie), propriétaire , boulevard de la Liberté , 197.
69. Warin, A. Q, propriétaire, administr. des hospices, boulev. de la Liberté, 197
2557. Wartbaux (Louis), coiffeur, rue Faidherbe, 45.
3295. Waterlot-Lambelin, (Henri), propriétaire, 9, place de Tourcoing.
2740. Watrelot-Lelo.ng (M""»), propriétaire, rue du Palais, 2.
803. Watteau (E.), négociant en charbons, rue Jcan-sans-Peur, 46.
1866. Wattier (Edmond), entrepreneur de bùliinents, rue Solférino, 154
2347. Wattriga.m (Louis), industriel, quai de la Basse-Dcùle, 80.
1946. WAUQriER (Georges), constructeur, rue Brûle-Maison, 99.
— i83 —
«••d'ini- MM.
eriptioo.
575. WEBER(Mme veuve), nntièro, rue des Fossés-Neufs, 59.
4763. Weber (Victor), condacleur principal des Ponts el Chaussées, b. Bigo-Danel, 36.
3491.* Weil (Simon), négociant, rue Arnould-de-Wuez, 2.
2404. Wemaebe (Constant), négociant, me Solférino, 222.
827. Webquin (Edouard), avocat, rue des Fossés, 8.
3128. WiB.\iLT (Mlle), rue Brûle-Maison, G5.
848. WicvRT-BuTLN, négociant en toiles, boulevard Victor-Hugo, 38.
2958. WiLLM (Edmond), professeur à la Faculté des Sciences, ru3 Nicolas-LebIanc,.'î2.
767. WuiLLAUME (En».), négociant, parvis Sainl-Miohcl, 9.
2073. Zambe.vux (Louis), ingénieur, rue des Canonniers, 12.
1048. IIenmon (Jean), fllatiiur.
1966. Lequien, pharmacien.
Liinselles.
Loin me
2250. Grousseau, rf», avocat, professeur à la Faculté catholique de Lille.
1251 . Joli VET (G.), propriétaire.
2046. Rossignol-Lefebvre (Emile) flis, distillateur au Marais de Lomme.
307. Ver>traete (Eugène), propriétaire.
lionipi'ct (Nord).
2379.* HouzET (Désiré), propriétaire.
liOndrcs.
58. Cambon (Paul), G ^, I y;, G C >^, ambassadeur de France.
1478.** J. FoRSTEB, docteur *^n médecine, Buckingham Palace Road, 129, S. W.
Loos (Nord).
259. BiLLON , ^ , docteur en médecine, ancien maire.
2770. Glillemaud (Charles), (îlateur.
1129. Guillema CD (Philippe), filateur de lin.
862. LviNÉ, distillateur.
337. Lequenne, propriétaire, Grande Route de Béthune, 162.
497. ToussiN (M""^ Gustave), propriétaire, château de Longcharap,
1676. Walare, instituteur.
liys-lcz-Lannoy.
4728. Delannot (Louis), tllateur de liu.
Marchiciines.
3009. Bocquet, instituteur.
N" d-lns- MM.
cripliou.
— 184 —
lltir«*<|-cii~ISai-<i'iiI.
280G. Bkiuot (liiislavf). ru:- do Lille, 20.
1058. CATUY-DESPRhTZ, iiuliisl riel.
2293. De JoNCKEEHE (Ilouri). propiiiM^iirL', rue .Monlgoiner, .31.
2005. DccROCQ (Paul), iioluire.
3212. Dlpret (Emile), repreî^entant, lue du Lazi.ro, 22 bis.
loo2. JouBiN (J.). conlrùleur en ii-lraile des cuutrihnlioiis judirccle.-.
331 G. Leguand (Foruaii(l), propriétaire.
19i5. Mulliez-Samin, proprlOiaire.
2233. Vanderiiagiien (M""* GeorRes), brasacur.
.^2î'.r<|uct(e.
3327. IIenealx, adjoint au maire.
1022. Lagaciie, instituteur.
2668. L^RiviÈRE (Uené), directeur de la m.iisdn J. Scrive et (lis.
2229. Verlev-Descvmps, adniinislraleur-direcl,' des Anildonuerie et Rizerie de France.
481 . Brame (Max) , conseiller géniral, fabric.int de sucre
3o32. BoLLANGER (M""), proprifUaii'e.
llariiieillc
•126. Roger (.\ususle), administrateur de la Soc. anonyme des Charbonnages de la
Cor.se, allée des Capucines, 37.
llaulieusc-
2978. Tesa.nt-Delmarle, industriel.
1712. I.EKEDVRE (Carîos), maire.
M V (I é a h (.1 Igérié) .
1637. SocKEEL (D' Ar(liur), ^, ►J^, médecin ou chef de l'hôpital.
llclliouruc (Australie).
1741 ."PnALEMi'iN (Charles), C.Ȕ^, directeur du Cnmptoirnalional d'Escompte de Paris.
Slous-cu Barœul .
2148. Rebli.nguez (M'"'=), proiirié-tairc, roule de Roubaix, 7.
2214. BoucQUEV Richard, roule de Roubaix, 41.
-T 183 —
N<" d'ins- MM.
cription.
2874. Ciî\.NTRY (Henri), propricMaire.
408. (loyiELLK ([-on|)()l(l\ fond'' di* pouvoirs, riio Rollin.
2662. Dkbwsku (Camille , nc^gociant.
1581. Di;i.ESPAi:f.-CMU)ON. pi'oitiiélairc, route de RouLaix, <■■).
6i-2. Dksoblmn. propriélairc , rue Neuve.
3004. G.VBKT (Neliy Mlle), roule de Uoubaix.
539. Lefèvre-Lelong, représentant, route de Roubai.x, 59.
2921 . I'inson-Penet (Mme Vve), propriétaire', roule de Roubaix, 111.
786. ViR.NOT (.\.), négoi'iant.
lloiiclaâii fNordy.
2200. Yari.kt (l'irrre), i)ropriola:re,
Sloufiicroii.
2765. De Gevter, ingiMiioiir.
3027 . Graveline-Dubiez, fabricant.
lIoiiTCiilix (i)rès Uoubaix)
2195. Dlriui-E (l'aiii), ppipriclaire.
063. Masirel-Jonglez (M>"o V^"), propriétaire, route de Lille.
2027. Vallois-Rombaud, employé de commerce.
!\'aiic.r.
874. Du<«oiRT, ^, receveur principal des l'ostes, en retraite, rue Saint-Lambert, 6.
2659. .Aron (colonel) G. î^, rue de Tout, 26.
IVcu vi 1 1 c-en-Fcrrain.
3064. Dumortier-Mouraux, propriétaire.
I\'ouniéa {Nouvelle-Calédonie).
2917. Telle (E.), directeur des Services pénitentiaires.
Oi;:iiicj« fP.-de-CJ.
2582. BouLA.NGER (Charlcs).
Oraii.
1589. KiENER (Th.), juge suppléant au tribunal de première Instance.
I*aris.
2859. Arnette (Roger), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel, \A Ilaussmann, 44.
2045. Can.mssié-Testelln, caissier central du Mont de Piété, rue François Miron, 82.
2478. Cha.nolne (G.), (le général), 0. :j^, I. Q, C. ^►J', avenue de l'Opéra, 49.
— 186 —
N»« d'ins- MM.
cription.
701 . Crrpy (Alfredi, propricHaire. rue de la Faisanderie, 'l .
<086. Crepy (Auguste), rue de Flandre, 123.
1930. CuvELiER (Félix), propriétaire, boulevard Haussmann, 103.
893. De France (le géii.), G 0 ^S^, anc. comni. du I " corps d'armée, av. de Tourville, 1 .
H6. Delebecque, 5!^, insp. gén. du service commercial au ch. de fer du Nord, en
retraite, rue de Dunkerque, 44.
2523. Descamps (Auguste), boulevard Beauséjour, 1, Passy.
227. Descamps (M"« J.), rue de l'Aciueduc. 3.
2603. Desrociies (G.)îiii;di recteur de la Sté G'^ française des Voyages et Excursions rue
du Faubourg-Montmartre, 21.
766. Du Bousquet, ^, ►f», ingénieur en chef de la Traction au chemin de fer du Nord.
2862.** Gallois (Eugène), explorateur, rue Saint-Honoré, 408.
2. GuiLLOT (E), I. Q, professeur au Lycée Charlemagne, rue Thénard, 9.
570. Jacquin (E.), insp. -chef de service au Ch. de fer du Nord, rue de Chabrol, 12.
<6o6. Jamo.m, C. ^, t^. 4*, 4^, (Jénéral-Inspecteur, Membre du Conseil supérieur de
la Guerre, chargé de missions spéciales, 39, boulevard .Montmorency.
3100. JuNOT, directeur de l'agence des Voyages Pratiques, rue de Rome, 9.
407. Lefebvre (Ernest), Commissionnaire, rue du Ponl-Neuf, 24.
2219. Lefebvre (Jules), notaire honoraire, boulevard St-Michel, 87.
2888.* Le Glav (André), A. %}, avenue Kléber, 59.
3322. Naderman (Veuve Charles), rentière, rue Cortemberg, 32.
2826. OviGNEiR (Edouard), rue de Chantilly, 10.
1741.**PnALEMPiN, C. >i*, avenue des Ternes, 70.
96.** Re.nouard (Alfred) A. Q, adm' génai (jes Stés techniques, rue Mozart, 49.
2833. Sautai (Charles), propriétaire, rue des Écuries-d'Artois, 29.
i . SuÉRLS (Raoul), I. Q, censeur au Lycée St-Louis, 44, boulevard St-Mlchel.
Péreucliics.
2259. Boucherv (Henri), directeur de peignage.
3313. Walbecq (Mademoiselle Marthe).
l*ont-à-]llarcq.
4680. CuvELiER (Paul), propriétaire.
I*uii(-<lc-i\ic|)|>c (Nord).
2684. Chieus-Er-nout, bra.-seur.
l*oiit-à-Vcii(liu (Pas-de-Calais).
4906. Legrand (J.), directeur de sucrerie.
QucNiioy-sur-Dculc.
2817. Dervaux (Maurice M""» Vve), filatcur.
1655. Lepercq-Gruyelle (Madame Paul), fabricant d'huiles.
3479. Leperq (Alexandre), fabricant d'huiles, Place des Moulins.
Huiévrccliaiu.
1938. Portier, directeur des mines de Crespin.
noubAix. 187
N" d'ins- MM.
ertptiOQ.
Roncq.
2030. Delahousse (Lucien), fabricant.
Kouchiu.
3423. BouDALiEZ, employé, rue de la Justice.
483. Grolez-Lemais (Henri), propriétaire, route de Douai, au Pctit-Roachin.
4091. Grolez (Jules), pépiniériste.
Roabaix.
2042. Allahd (Alphonse), entrepreneur, rue Notre-Dame, 24.
2706.* Allart, ancien raaire, Grande-Rue, 144
2973. AsT (Jules), ingénieur, rue du Collège, M 7.
1653. Ballin-Guermonprez, (■onii)table, rue deValmy, 33.
2067.* Bastln (Alexandre), nt'gociant, boulevard d'Armentières, 108.
2680. Bâtard (Alfred), propriétaire, rue Boucher-de Perthes, 89.
775. B.vYART (Charles), fabricant de tissus, rue de la Fosse-aux-Chénes, 33
891. Bayart (Alexandre), commis-négociant, boulevard de Strasbourg, 86.
1216. Bernard, docteur en médecine, rue Pierre-Motte, 55.
3129. Bernard, bois de teinture, rue des Longues Haies, 23.
3023. Bert (Alphonse), plafunneur, rue d'Alsace, 29.
3020. Bertrant, rue Inkermann, 38.
3436. Bipper, directeur du conditionnement, boulevard d'Halluin, 33.
<872.* Blondet (Louis), fabricant, rue de l'Industrie, 53.
3381.* Bloi (E), négociant, boulevard de Paris, 96.
429, BoRAiN (M"e), institutrice , rue des Anges, 71.
3384.* BossuT (Maurice), boulevard de Paris, 129.
3189.* BossDT-ScREPEL, fabricant, boulevard de Paris, 108.
394. BossDT (Emile) , négociant, Grande-Rue , 3.
342. BossuT-PucHON , négociant, Grande Rue , 3.
773.* BoDLENGER (E.), négociant 611 tissus, place Chevreuil, 14.
3188. BouRASSEAU, représentant, maison Michau et Cie, rue Nain, 53.
789. BoYAVAL (Emile), pharmacien, rue de Lannoy, 106
4167. Brackers-d"Hugo , fabricant, rue Dammartin, 17.
2476. Broquet-Franchomme, négociant, rue du Vieil-Abreuvoir, 39.
1914. Browaeys (Jn ), propriétaire, rue de Fontenoy, 72.
155. Bulteau-Grimonprez (Ferdinand) ^, négociant, boulev. Beaurepaire. 108.
3292. BuNS, huissier, 22, rue Pellart.
4392. BuTRUiLLE (le docteur), roc du Château, 13.
3170.* Caille (Victor), employé, Grande-Rue, 76.
3324. Carbonnelle (Edouard), employé, rue du Grand-Clieinin, 123.
4425. C.ARissiMO (Florent), fabricant, rue Nain, 17.
772. Carissimo (Henri), négociant, rue du Grand-Chemin, 68.
3201.* Cateal-Hannart (Alexandre), rue Dammartin, 20.
4911 .* Catteau (Ernest) fils, propriétaire, rue de la Fosse-aux-Chénes, 76.
4900. Catteau (J.), employé de commerce, rue Ste-Thérèse, 67
2036.* Cateaux-Legr.and, fabricant, rue de la Fosse-aux-Chénes, 23.
2489. Ch.attely.n (Féli.x), avocat, rue Mimerel, 13.
188 ROUB.VIX.
N»5 d'ins- JIM.
cription.
3178. Cléty, avocat, rue du Collège, 178.
2976. CociiETEUX (L.) négociant, rue du Fonteiioy, 16.
3o23. CoDKO.N (Louis), employé, boulevard de Strasbourg, 78.
2485.* CoEz (René), conimi,<<.saire-priseur, rue du Moulin, 53.
1575.* Constant, pharmacien, boulevard de Paris, 1.
9"i2. Cordonnier lEugène). fabricant au Petit-He;iumont, au Château, rue de Lannoy
166. CoiLBAux (M"e), A- i), direclrice de ! lusliliit Sévigné, rue du Grand-Chemin
3176. Couvreur (Victor), hàiics, rue des Fabricants.
•'SoT. Craveri (Annibal), boulevard de Cambrai, 40.
2872. Danel, école de commerce, rae de la Concorde, 31.
3271 . Deblock (Albert), pharmacien, rue de l'Épeule, 178.
866. Dechenvux (Edouard), courtier, rue de Lille, 54.
3131 . Degraeve (Emile), manufacture de caoutchouc, rue du Coq Français.
2518. Delattre-Courouble (Georges), fabricant, rue Pauvrée, 9.
3186. Delattre (Paul), industriel, boulevard Garabetla, 49.
3175. Deledalle (Henri), fabricant, rue Nain.
2639. Delesvlle (Ch.), agent d'assurances, rue Pammartin, 33.
3386.* Deuescluse (Félix), indiislriel, boulevard de Belfort, 74.
3378.* Delescluse (Louis), industriel, rue du Coq français, 108.
4259 Delmasure (Ernest), négociani, boulevard d'Armentières, 100.
2502.* Delmasure-Dujardin (Gustave), brasseur, rue do Mouveaux.
2781.* Delvas, négociant, boulevard d'Armentières, 119.
2670. Demillv (Ailhur), négociant, rue Pauvrée, 19.
864. Desbo.nnets (Alfred, fils), négociant, rue Mimerel, 4.
2814. Descuout (Georges), pharmacien, Grande-Rue, 26.
3172.* Despatire (Victor), (maison Thérin et Cie), rue Fosse-aux-Chênes, 21.
2499 .* Despature-Grvmonprez. membre de la Commis, adm. des Hosp., r. d'Inkermann
910.* Df.pprès (Léon), pro|)riétaire, rue Mimerel, 8.
748.* Dt;sR0ussK\ux (Richard), négociant en tissus, rue du Grand-Chemin, 16.
2975. Desto.mbes (Aut.), indusirii'l, rue du Grand-Chemiu, 88.
2035.* Destombes (Louis), entrepreneur, rue Neuve, 21.
2041 . Destombes (Paul), 4^, architecte, lue de Lille, 61 .
3032. Destombes (Pierre), propriétaire, boulevard de Cambrai, 33.
3037. Deveiîgle-Quint, industriel, rue de Lille, 178.
627. De ViLLARs (Alphonse), négociant, boulevard de Paris, 131.
3240*. Dewaeghenaere (O-scar), marchand tailleur, rue de la Gare,
2519. D'ILvllcin-Grouset, négociani, rue Pellart, 171.
882.* Dhalluin-Lepers, (Jules), fabricant, rue de la Fosse-aux-Chênes, 27.
3038. DiiALi.uiN (Paul), entrepreneur, rue du Moulin, 50.
3091. D'uellemmes, avocat, rue Pellart, 19.
2679. DiDRY (Fidèle), pharmacien de T* classe, rue Notre-Dame, 32.
751 . Diligent (Ém.), professeur, rue d'Inkermann, 57.
3195.* DiLLiES (Paul), chez M. Wattel, boulevard do Paris, 88.
2804. DoMANGE (Charles), dir. du Compl. national d'Esc, de Paris, r. Charles-Quint, 27.
3081 . DouTRELULNGUE, représentant, rue de la Gare, 49.
352-2. Droubaix (J.-IL), employé, rue Pellart, 58.
3210.* Droulers (Charles fils), propri('taire, Grande-Rue, 102.
591. Droulers Prouvost (Ch.), distillateur, Grande-Kue, 108.
1423.* Dhuon-Voreux (A.), négociant, boulevard de Paris, 41 .
2141 .* Duburcq, pharmacien, contour St-Martin, 10.
3183. Duchesne (Jules), rentier, rue Mimerel, 12.
liOLliAIX 189
No-d'iDs- MM.
criptiOD.
3239. Dlcoulombier (Henri), boulevard de la République, Go.
3544. DuFOREST (Hector), peinlre décorateur, Grande-Rue, iH].
3405.* DujARDiN (Jean), repri'sentanf. rue d(> l'Industrie, il.
2483. Duj\RDiN (Pierre), pharmacien, rue f!u Vieil-Abreuviii-, -2',)
911. DupiN, (Eugène), uégociaul, rue Chnrli'>-(Juint. ;)2.
1974. DrpoNT (Â-F.), reprêsenlaut, rue Racine, 48.
890. Durant (Clément), nt^gociani en tissus, nie de la (Jare.
652. Dl'thoit-Dei.aoutre, prni)i'ii'laire, rue Saiid-Cicorges, 3o.
4 M6. Eeckmw (Henri), agent gi'néral d■a^>u^an^es, (Ir.mde-îiue, (iS.
H2'k* Eloy-Di villier, fahr catd, hiulcvaid de l'arls, 67
3405.* Eloy-Lecomte (Emile), fabricant, boulevard de Paris, 135.
3125.* Facques (Henri), voyageur, rue St-Antoine, 'tObls.
163. Faiduerue (Alexandre), %) 1., prof3ss"ur, rue Isabeau de l'iouhaix, 17.
164. Faidherbe (Aristide), iiisliluleur, me Krèzin. 48.
3218. Fauvergue, pharmacien, rue du Fresnoy, 4S.
349. Ferlie (Cyrille), négociant, rue Neuve, 27.
3033. FÈVRE (V.), banquier, rue du Pays, 16.
3198.* Florin (Auguste), fabrieinl, rue de la Fosse-aux-Chènes, 25.
1161.* Fi.ORiN-CuoPART, propriétaire, boaievard «le Pans
1648. Flouquet (A.), négociant, rue de Lille, 99.
1882. Fontakne, notaire, rue Sl-tjCyrg-s, 25.
861 . Fort fJ) iiég'>cianl en li.ssus, me de Lil e, il
1652. Gaillet (Eudle), rue Charles-yuiut, 40.
2486.* GA.MBART (Kené), docteur en dr «it, rue ^airi.
3179.* Gaydet (Paul), teinturier, rue du Grand-Chemin, kS.
3187. GÉiNU (Edouard), reiu-ésentant, rue Pellart, 35 6««.
215. Ger.vez, A. i}, directeur de l'inslilut Turgnt , rue de Souhl-c, o5.
3383.* Glorieux (Henry), fabricant, me Charles-t^uiiit, 44.
3350. Godard (Louis), industriel, rue Roucher-de-PerIhes, 87.
3184. Grimonprez (Paul), ni'gociant, rue du Chemin do Fer, 9.
2487* Grumbach (S.), huis.sier, rue des Fabricants.
3200.* Gcggenheim (Samuel), m'gociant, rue de l'Industrie, 49.
3267. Ua>notte-Dem v.VNE (.M™'), propriétaire, boulevard de Cambrai, 5.
3244. Hazebrolt.k-Piat (Madame), propriétaire, rue du Collège, 167.
393. Ueindryckx ((icorgesi, négociant, au Itaverdy.
395. Ueindrvckx (Albert), négoiant, boulevnd de Paris, 127.
2068.* Hoffmann, négociant, rue Neuve, 31.
1119.* IzART (Jules), négociant en tissus, rue d'Islv, t!).
3181.* JouRDiN (Albert), ui'gociant, rue de Lille, 125.
2066.* JouRDiN (Aug.), urgocii.nt, rue Vaulian, t i-.
161 . Junker (Cti.), I Q , lilali'ur de soie, rue dAve'g'ncm, 58.
2484. KoszcL (Julien), diiecteur de lEiole natonale de musique, rue Charle,s-Qiiint
3372.* Lagage (César), négfxàant, rue Pierre Moite, 53.
3196.* Lvgache (Julien), président de la Chambre de Conuuerce, rue Pellart, 27.
3043. DE LANOii père, iugéiui>ur, rue Vaub:in, 25.
305-4. DE Lanoë fils, ingi^nieur, rue Vauban, 25.
2o8l . LxUBiKR (Jules), emjiloyé, rue de Lille, 77.
640.* LEBLRQfE (Oscarj, A. i). négociant en tNsus, rur de la Gare, 91.
1024.* Leclerco (Louis, fils), fabricint, rue S-ainl-Gcorges.
3392.* Leclercq MiLiEZ, industriel, rue de Lille.
3193.* Lefebvre (Léon), inousiriel, lue de Touccoing, 6.
190 RorBAix.
N-d'lDS- 5111.
eription
46H .* Leplat (César), directeur de la Maison Fr. Boussus, rue du Pays, 27.
2738.* Lepoutre, docteur en médecine, rus de Lannoy, -1.
3045. Lepoutre (L.), négociant, rue Pellart, 35.
3208.* Lestienne (Waldemar), négociant, rue Neuve, 60.
3525. Lesur, représentant, rue de la Gare, 63.
3083. Leveigle, commerçant, Grande Rue, 262.
2490.* LÉVY (Michel), rue Mimerel.
2801 . Loridan-Destombes (M""' Ciiaries), négociant, rue Ciianzy, 59
3374.* LoRTHiois (Josepli), négociant, rue Inkermann, 87.
2475. Loucheur-Facques, négociant, Grande Rue, iO.
849. Manchoulas (Félix), négociant, rue Mimerel, 11.
3370.* Marquis, directeur du Comptoir d'escompte du Nord, 24, rue St-Georges.
3485. Martin-Fuemont, comptable, rue de Lannoy, 58.
3069. Masurel (Carlos), filateur, boulevard de Fourmies.'
3390*. Masurel (Emile), propriétaire, rue de Barbieux.
2488 . Masurel (Eugène), rue du Manège, 3.
3391.* 3IASUREL (Georges), boulevard de Cambrai.
552. Masurel (Paul), propriétaire, négocianl, à Barbieux.
456. Masurel-Wattine (J.), négociant, rue du Chemin de Fer, 48
2912. Mathon-Bertrand (Henri), négociant, boulevard d'Armentières, 112
3177.* Mathon (Eugène), boulevard d'Armentières, 114.
2913. Mathon (Pierre), négociant, boulevard d'Armentières, 112.
1500.* Mathon (Georges), vice-consul des Pays-Bas, rue d'Alsace, 26.
860. Meillassoux, temlurier, rue Saint-Jean, 30.
3164.* Meillassoux (Albert), indusirlel, boulevard de Strasbourg, 29.
3053. Messelin (H.), rue Dammartin, 75.
3082. MoNMARCHÉ, comptable, rue Monge, 13.
3379. MooRMANN (Alexandre), industriel, rue de l'Ermitage, 15.
370. Motte-Descamps, filateur, rue du Château, 17.
369. Motte, (Georges), filateur, boulevard Gambetla, 27.
327. Motte-Vernier (Louis;, négociant, rue Neuve, 56.
451 . Motte (Albert), manufacturier, boulevard Gambetta, 23.
2491.* Motte (Eugène), industriel, rue Saint-Jean.
3185. Mousset, négociant, rue Cliarles-Quint, 23.
1749. Nedonsel, expert-comptable, rue Neuve, 23.
3192.* Noblet (A.), fabricant, rue de la Gare, 29.
3387.* Olivier (Léon), membre de la Chambre de commerce, rue Daubenton, 48.
4536.* Oudar (Achille), négociant, rue de l'Industrie, 59.
3039. Parent (D.), bonnetier, rue du Chemin de Fer, 21.
3032. PAttvn-Derville, fabricant, Grande Rue, 39.
2326. Paulin Parent, négociant, rue de la Fosse-aux-Chônes 39.
3036. Pennel (Auguste), entrepreneur, rue du Curoir, 63.
8182.* Perez (Maurice), fabricant, rue du Pays, 10.
2357. Perrelet (Paul), pasteur, rue des Arts, 39.
3377.* Petit-Loridan (Paul), n/gociaut, rue Nain, 45.
3264. Piat-Agache, fabricant, place de la Liberté, 28.
2722.* Pillot (René), courtier-juré, boulevard de Paris, 46.
1948. Planquart-Courrier, entrepreneur, rue du Curoir, 20.
1410.* Pollet (César), fabricant, rue Nain, 38.
3303. Pollet fils (César), fabricant, rue du Curoir, 56.
1437. Pollet-Motte (Joseph), fabricant, boulevard Gambetta, 25.
nouBAix. I9i
NO'd'ins- MM.
cription ■
3194.* PouTRAiN (Edouard), a^su^all(■es, rue Blanclicniaille, (31.
3222.* Président de la Chambre ue Co.mmerce.
<039. PnoLVO.ST (Amédée fil.sl. |ifi;;u('ur «le laiiifs, boulevard de Paris, 49.
3389.* Prouvost (Alborl), indusiriel, boulevard de Paris, oO.
3382.* PROUVOST-FAicmij.E (Edouard), propriHalro, boulevard de Paris, 121.
2881 . l'ROtrvosT-MASi REL (Paul), fabricant, rue des Fabricants, 58.
2683. Quint (Ch.), brasseur, rue du Moulin, 33 Us.
2632. Rasso.n (Edouard), industriel, boulevard de Paris, 47.
<57. Reboux, lAlfred) ►}«, rédacteur vu chef ilu Journal de Houbaix, Grande-Rue, 71.
2723 * Reiciiënecker (Emile), fabricant, rue Dammartin, 21.
3171.* Requiixart (Victor), propriétaire, rue du Grand-Chemin, G6.
3374.* RiBEAicoiHT (Edouard), industriel, rue du (iraiid-dieniin, 37.
333. RooiER (Moïse), entrepreneur, rue do Lorraine, 4u.
889. Rousseau (Achille), maison AUart-Rousseau, Grande-Rue, 142.
2077.* Roussel (Edouard), fabricant, rue des Arts, 137.
607. Roussel (Emile), teinturier, rue de l'Épeule, 131.
746. Roussel (François) fils, industriel, boulevard de Paris, .33.
2635. SciiMioT, employé de commerce, 34, rue Dammartin.
2482. ScuLiER (S.), fondé de pouvoirs de la Banque de H. Devilder et C»" , rus du Curé, 30
3153. Segard-Deman.ne, fabricant de harnais, rue de l'Ermitage, 21.
3085. Selosse (H.), négociant, rue du Château, 13.
3484. Selosse (Praxille), négociant, rue du Collège, 'lOI.
3348. Selosse (Théophile), négociant, rue de Cassel, 7.
2891 . Seynave-Dubocâge, industriel, rue Fosse-aux-Chênes, 25 Us.
i72. Skène et Devallée, constructeurs, rue Watt, 60.
762. Strat (Jules), négociant en tissus, Grande-Rue, 82.
909. Stdrmkels (Waller), commis-négociant, rue de l'Industrie, 6.
3209.* Syndicat des Négociants en tissus, rue de la Gare, 91.
U96.* Ternynck (Edmond), fabricant, le Huchon, rue Barbieux.
3126. Ternvnck (Félix), propriétaire, rue de Lille, 49.
788.* Ternvnck (Henri), filateur et fabricant, rue de Lille 26.
3231. Thieuleux-Broux (Emile), propriétaire, rue Blanchemaille, 31.
1213.* Thover, directeur de la succursale de la banque de France, rue de Tourcoing,
3386.* Toulemonde (Emile et Paul), fabricants, rue du Pays, 23.
2492.* Toulemonde-Parent (Louis), juge au Tribunal de Commerce, rue dû Pays, 12.
3197.* Troller (Léon), négociant, rue Inkermann, 30.
3034. Vahé (A.), notaire, rue Neuve, 43.
4576.* Valentin (Auguste), filateur, rue du Collège, 90.
3373. Yandamme (Emile), ut'gociant, boulevard de la Rl^publique, 4 7.
3373. Yanoutryve (Félix), industriel, boulevard de la République, 91.
2880. Vanoutrvve (Auguste), fils, industriel, b"^ de la République, 89.
3014. Verlais (Henri), adminislr. de l'Ecole des Arts industriels, rue de l'Ermitage, 4 .
3427. Yerley (René), représentant, rue Nain, 69.
723 Verspieren (A), assureur, rue Dammartin, 8.
3543. ViLLALARD (Louis), agpnt d'affaires, rue de la Gare, 64,
951 . VoREux (Léon), négociant-commissionnaire, boulevard de Paris, 64.
3330. Waeles (Albert), employé, rue Charles-Quint, 10.
745. Watine (Paul), C. 4^, propriétaire, rue Pauvrée, 5.
3388.* Wattinne fils (Auguste), rue de Lille, -13.
630. Wattine-Hovelacque, propriétaire, boulevard de Paris, 43.
3207.* Wattinne (Auguste), tissus, rue Neuve, 29.
— 192 —
N"(nns- SIM.
criptlon.
3203.* Wever (Georges), rue Nain, 8.
806. Wibvux-Florin, fllaleur, ru»^ Fns-ie-aax-Chtines, 47.
3206.* WiB\ux (René), fllaleur, Grande Rue, 106.
3022. WicART, pharniaden, rue Rlanchemaille, 13i.
3202.* WiLLAERT (Georges), directeur d'assurances, boulevard de Cambrai, 4.
3117. WiLLE (Henri), marbrier, rue de l'Aima, 37.
2952. Yager (Léon), employé, rue du Grand-Chemin, 125.
Na i 11 s-<l u-\o r (I .
2887. HiROUX (Camille), propriétaire.
!§aint'Auiau(l-Ie.s l'^aiiiL.
3290. Raudet fils, élève à lÉcole supérieure de commerce.
Saliit-AucIré-lez-IJlIc
58. Clinquet, instituteur.
3339. Flvment (Achille), employé, rue Faidherbe.
3026. Freteuu-Parent (Albert), rue de Ste-Hélèue.
3021 . Pauent-Cqoquet, rue Sadi Carnot, 1 1 .
Secliu.
2242. RoiTTiVLX (.Icrôme), filateur.
3336. Cl\evs (Arlbur), voya.seur de commerce.
1014. CoLVREiR (Achille), docteur m médecine
3512. Delatre-Dewaleyne, rue dArras.
2528 Delvlnay (Léon), propriétaire.
2283. Demesteh (Emile , tanneur.
378. Deslrmont (Achille), lila.eur de lin.
1012. Deslrmont (Edouanl', lilalcur.
2285. Gruson (Théodore), lu^gociant en grains.
352(5. (iiESLE (A.), liôli'i des voya;!;i'urs.
403. GuiLLEMVrn (Claude), fil.iteur de lin.
2529. Leclercq (Auguste), bra-^^seur.
2873. Rogez-Cociietel:x (Hcu -j), fabricant de vinaigre.
2648. SciioT.sMv.NS (Henri), industriel.
1590. Thuet, fariuler, 7, rue de Lille.
TciiipBcuve (Nord)
3057. DoRcniES (H.), notaire.
3048. DiBRELCQ (Achille), brasseur.
2' 72. llAZ\RD-riiiEi-KRV, propriétaire.
3024. Jou.MAUX, instituteur.
333H. Lebolcq (Paul), adjoint au maire.
3454. Sagary (l'abbé), curé-doyen.
UG2. SciiLLZ (Edgard), cntn'pri'iii-nr.
TOURCOING. 193
N- dlns- MM.
crlplloo.
Tbumcsnil-lcz-Ijillc.
2838. Carrette (Alphonse), fabricant de chicorée, rue du Faubourg d'Arras.
Tourcoing.
2275. Barbenson, directeur d'École municipale, rue du Calvaire.
4329.* Barrois-Lepers (Emile) , C. ►f", négociant, rue de la Gare, 9.
2020.' Becqdart-Herbaux (M'"« V°), propriétaire, rue de Lille, 55.
4360.* Bernard-Flipo (Louis) , fllaleur, rue de Lille , 80.
4375. Berton (Félix), représentant, rue de Paris, 174.
4 347. Beulque (Paul), représentant, rue de la Malcense, 23.
4240. BiGO (Auguste), ancien notaire, rue de Guisnes, 56.
2454.* BiNET (Adolphe;, industriel, rue Neuve-de-Roubaix, 428.
2493.* BiNET (Hiiaire), industriel, rue Neuve-de-Roubaix.
2274. Bi.NET (Arthur), employé de commerce, rue de l'Est, 4 4.
2304 . BiNET (Auguste), directeur du service des eaux, rue de Paris.
2028. BiTTEBŒRE (Jean), employé de banque, rue Desurmont.
3244. Bon (Théodore), directeur de l'Ecole industrielle, rue du Casino, 68.
4783. Bonté (Louis), employé de commerce, rue des Orphelins, 33
3243. BossuvT, employé, place Thiers, 45.
3461. BouRGois (Gustave), entrepreneur, rue de la Croix Rouge, 4 65.
4324. Bourgois-Lemaire, commis-négociant, rue Corneille, 45.
2643. Bruneau (Henri), pharmacien, rue de Lille, 2.
4306. Bulté (Kloi), receveur municipal, rue d'Havre, 23.
2637. Callens (Désiré), employé de commerce, rue du Moulin, 74.
2745. Callens-Boussemart, commis-négociant, rue du Calvaire, 47.
2742. Cappelle-Spf.nder, marchand de nouveautés, rue de Tournai, 15.
4555. CvRON-CAfLLEAu (Victor), caissier, rue Ste-Gcrmaine, 32.
4285.* Catrice-Lemahieu (Henri), négociant, rue Desurmont, 20.
2746. Cau-Deschamps, commis-négociant, rue d'Anvers, 21.
2047.* Caudrelcer, docteur eu médecine, rue du Calvaire.
920. Caulliez-Leurent (Maurice), Industriel, rue du Dragon, 43
4384 .* Claevs (Jules), pharmacien, rue Delobel, 29.
3087. Cordier-Meurisse, négociant, rue St-Jacques, 49.
2053. Cornet-Lesur, représentant, rue de Tournai.
2045. Courtois-Cordonnier, fabricant de bonneterie, rue Nationale, 4 28.
3458. Couvreur, employé, rue d'Anvers, 23.
4634. Dandoy (Célestin) , négociant, boulevard Gambelta, 5.
4380. Dantoing (Charles), commis-négociant, rue de la Malcense, 47.
2824.* Debisschop-Destombes, industriel, rue Desurmont, 53.
4345.* Debongnies (Alphonse), négociant rue de Guines, 90.
3432. Deciierf (l'abbé), professeur à rinslitutiou libre du Sacré-Cœur.
4409. Deconi.nck-Dumortier (Louis), représentant, rue de la Latte, 51.
2629.* Deconinck (Ernest), industriel, rue du Haze, 75.
3454. Deheuripon (Hippolyle), employé, rue Jacquard, 15.
■ 3519. Deheule, employé, rue Nationale, 02.
2499. Delahousse-Boucuart, représentant de commerce, rue de Gand, 89.
2603. Delahousse (iidouard), représentant, rue de Guisnes, 4 00.
13
-igt TOLRCOLNG.
N»» dlns-
cripUon.
2713. Delahousse (jou), tommis-négociant, rue Sle-Barbe, 22.
1295.* DELEMAScaE-FLAYELLE (Frauçois), bonnetier, rue de Tournai, 89.
1968.* Delepoclle-Joire, négociant, ruo Leverrier, 19.
4730. Delepoulle-Jombard (Paul) , négociant, rue des Ursulines, 30.
2<79. Delescluse (Edouard), employé d'Administration, rue de la Blanche-Porte.
2689. Delputte (Louis), fabricant, rue d'Havre, 15.
3215. Delreux (Auguste), employé, rue de l'Abattoir, 27.
1893. Delrue (Louis) représentant de commerce, rue .Motte, 22.
4523. Peltour (Cyrille), négociant, rue Jacquart, 23.
3430. iiEPREZ (Georges), industriel, 79, rue Nationale.
3368. Dervaux (Charles), représentant, rue Sl-Jacques.
1632.* Dervaux (Eugène), propriétaire, rue Sl-Jacques, 60.
2634. Dervaux (Paul), industriel, rue d'Anvers, 74.
2081. Deschemaker (Camille), fabricaut, rue Neuve-de-Roubaix.
2719. Desferret (Charles) E^ de C^e rue de Guisnes, 73.
1892. Desnoyettes (Charles), représentant de commerce, rue de ia Clocht-, ti7
2203. Despinoy, pharmacien, rue de Lille, 34.
1268.* Destombes (Emile), courtier juré, rue Jacquart, 28.
1379. Destombes (Gustave), représentant, nie Jacquart, 28.
2597. Destrebecq (B.), marbrier, rue Nationale.
3429.* Desurmont-Bossut (Paul), industriel, rue Winoc-Chocqueel, 36.
1401 .* Desurmont-Jonglez (Théodore), filateur, rue de Gand, 4.
936. Desirmont (Félix), filaleur de laines, rue de Lille, 79.
1289.* Desurmont-Joire (Paul), négociant, rue de Gand, 23.
934. Descr-Mo.nt (J.-B.), négociant en laines, rue Jacquart, 67.
933.* Desormo.nt t Jules), négociant en laines , rue St-Jacques , 37.
2087. Desurjiont-Motte (Jules), rue des Ursulines, 19.
3297. Desvignes (Louis), fabricant, 39, rue du Tilleul.
1432. Devillers (E.), huissier, rue d'Havre, 7.
2633. Dewavrin-Deletombe (Fernand), 24, rue Chanzy.
2204. Dewez (Emile), employé de commerce, Grande-Place, 13.
1822.* Didrv-Dubrule (Paul), brasseur, rue Winoc-Chocqueel, 133.
3086. Diéval, rentier, rue Winoc-Chocquel, 70.
2016. D'Orgeville-Bourdrel, négociant, rue Verte, 93.
1338. Dubois (Auguste), pharmacien, rue du Tilleul, 50.
4281. Ducoulombier (Jules), commis-négociant, rue Martine, 13.
3438. DuJARDiN (Auguste), représentant, rue de Roubaix, 31.
3099. DujARDiN-DiDRV, directeur d'assurances, rue de Tournai, 111.
2026 . DujARDi.N-TouLEMONDE (Jeau), employé de commerce, rue Leverrier,
2928. DuMONT, docteur en médecine, rue Fidèle-Lehoucq, 34.
3063. DuMORTiER-DuALLUiN, fabricant, rue de Guisnes, 39.
1051 . Dupas, directeur de l'école communale du Pont-de-Neuville.
1378. Dupo.nt (Jules), con)mis-négociant, rue de la Cloche, 78.
1318.* Duprkz-Lei'Ers (Louis), rf», filateur, rue des Piats, 74.
1296.* Duquen.noy-Dewavrin, négociant, rue Chanzy, 6.
1275.* Duquesnoy (Paul), gérant de banque, rue des Ursulines, 18.
2504. Duterte (Adolphe), représentant de commerce, rue de Lille, 150.
2927. * DuviLLiER (Edouard), filaleur de Inines, rue d'Havre, 16.
296. DuviLLiER (Joseph), filateur de laines, rue du Tilleul, 62.
1308.* Duvillier-Lvbbe (Emile), avocat, rue de l'Industrie, 3.
1969.* DuviLUER-MoTTE (Georges), filateur de colon, rue Dervaux.
TOUBCOLNO. 196
crlption.
1383.* Fallût (Robert), flialeiir, rue Winoc-Chocqueel, 139.
3433. Feuillet (l'abbé), professeur à lliistitiitioii libre du Sacré-Cœur.
4367. FiCHAux, ►fi, docteur en médecine, rue Faldherbe, 23.
3077. Flipo (Romain), filateur, rue de Guines, 30.
U96.* Flipo-Prouvost (Charles), filateur, rue de Tournai, i\:^.
2467. Flipo-Valenten (Amand), lilateur, place Thiers, 45.
4326.* Florin-Rasson (Jules), négociant, rue Neuve-de-Roubaix, 41.
4288.* Fouan-Leman (V*), peigneur de laines, rue Neuve-de-Roubaix, 65.
2812. FouRMENTiN (L.), employé de commerce, rue de Wailly, 9.
4368. Frere-Glorieux, A. y, imprimeur, rue de Lille, 18.
4825. Gadeni\e (Henri), employé de commerce, rue des Ursulines, 7
4372.* Glorieux-Flament (Alphonse), fabricant, rue des Orphelins, 48.
4460.* Grvu (Augustin), négociant en laines, rue de Lille, 60.
2602.* Grau (Denis), bijoutier, Grande-Place.
1334.* Grau-Devémy, courtier juré, rue Neuve-de-Roubaix, 45.
2890. Grimonprez (Ernest), commerçant, rue du Uaze, 29,
2600.* GuENOT, (C), filateur, rue de Bouvines, 4.
2324. GuÉRY, employé d'administration, rue du Caire, 14.
2361 .* GuTKiND (Gustave), négociant en laines, rue des Ursulines, 39.
946.* Hassebroucq (V.), ^, A. Q, 4*^ maire, propriétaire, rue de Lille, 83.
2503.* Hayaiann, directeur de l'Agence du Crédit lyonnais.
2744. Hubert -Barrois, propriétaire, rue de Lille, 134.
3298. Jacquart-Van Eslande (Paul), lilateur, 32, rue Winoc-Chocqueel.
254 . Jean, instituteur, rue des Cinq- Voies.
3042. JomE (Alexandre), filateur, rue de Lille.
2547. * Joire-Desurmont (Georges), banquier, rue de Lille, 33.
2044.* JomE-WATTiNNE (Jules), banquier, rue de Lille.
927. Jonglez (Charles), propriétaire, rue des Anges, 18.
928. Jonglez-Élgi (P.), filateur de laines, rue des Ursulines, 25.
4386.* JouRDALN (Eugène), i^, C. .^, 4^, fabricant, rue de la Gare, 17.
4336. JovENiAUX (F.), gérant de filature, rue de Midi, 49.
4246. Lambln-Momer, rue du Château, 22.
1340.* Lapersonne (Ferdinand), courtier juré, rue du Dragon, 102.
4244. Lahousse-Rigo, entrepreneur, rue des Carliers. 37.
930. Lamourette-Delannoy (Ph.), flialeurde laines, rue Blanche-Porte, 58
2993. Lanctin (M"^), ancienne institutrice, rue Victor Hugo, 67.
2904. Langlet (A.), employé de commerce, rue de Guisnes, 112.
3367. Leburgue, employé, rue Desurmont, 99.
4766. Lecat (Emile), négociant, Grande-Place, 3.
4343. Leclercq (Gustave), entrepreneur, rue de la Boule d'Or, 21.
2902. Leclercq (H.), employé de commerce, rue Jacquart, 3t.
2034 . Leconte (M"« E.), directrice de l'école Sévigné, rue des Orphelins.
2024. LEDur (Le D'), rue des Ursulines, 276.
4488. Lefebvre-Hollevckt (Léon), représentant de commerce, rue de Guisnes, 75.
2018.* Lefebvrë-Rasson (Ch.), négociant, rue de Gand.
2949.* Léger (Auguste), fondeur, rue du Moulin, 17.
4485. Legrand, (René), avocat, rue d'Havre, 22.
4781.* Leghand-Joire (Ludovic), filateur, rue d'Austerlitz, 13.
4325.* Lehoucq (Jules fils,) fabricant, rue des Ursulines, 276.
4824. Lelong (Emile), employé de commerce, rue de la Malcense, 46
3620. Lelong-Wallerand, propriétaire, rue du Calvaire, 15.
196 TOURCOING.
orlpllon.
4394.* Lemaire-Callliez (Joseph) filaleur, rue de la Cloche, 41.
4348. Lemairr (Henri), libraire, Grand'Place, 28.
4745.* Lepl\t (Emile), filaleur, rue de Guisnes, ^98.
2628.* Leplat-Ducourt, industriel, rue de Guisnes, 200
4320.* Leroux Denniel, négociant, rue du Bocquet, 14.
973. Leroux-Lamourette (Ed.), filaleur, rue de Dunkerque, 203.
334. Leroux-Lamourette (Louis), filaleur, rue de Dunkerque, 203.
335. Leroux-Brame, (Ch.), négociant en laines, rue Delobel, 26.
4361 .* Leurent (Jean), filaleur, rue du Tilleul, .^9.
263t.* Leurent (Désiré), industriel, rue de Roubaix, 45-
2823.* Leurent-Nicolle (Edouard), industriel, rue Leverrier.
2994. Levèque (Arthur), in.s(ituteur à l'Institut Colbert, rue de Gand.
4369 * Liagre (Louis), négociant en épiceries, rue de Lille, 35
1323.* Lombard (Henri), négociant, rue Neuve-de-Roubaix, 116.
929. Lorthiois-Motte (Floris), négociant en laines, rue de Lille, 43.
4484.* Lorthiois-Renard (Charles), négociant, rue Nationale, 65.
4824.* Lorthiois-Delobel (Jules) négociant, rue de Lille, 72.
2627.* LoRTniois-Six, Industriel, place Leverrier.
2950. Lyoen, instituteur, rue Saint-Pierre, 8i>.
260t.* Malard (Georges), industriel, rue de Guisnes.
4328. Marescaux (Edouard), gérant de banque, rue de Guisnes, 79.
2654 . Marescaux (Floris), rue Sle-Barbe, 30.
768. Masure Vvn Elslande (Eugène), fabricant de tapis, rue de Gand, 42.
4284.* Masure-Six (François), A y^, propriétaire, rue de Lille.
4282.* Masurel (Edmond), filaleur, Grande-Place, 22.
325. Masirel, (François), A. Q, propriétaire, rue de Lille, 83.
722. Masurel (Albert), A. Q, manufacturier, rue du Bois, 140.
3431 . MoNiN, proviseur du lycée.
4343.* MoNNiER (Léon), fabricant, rue Winoc-Chocqucel, 23.
4975. Montagne (Louis), directeur de l'Académie de musique, rue Nationale.
2636. Mortagne (Jean), employé de commerce, rue Verie, 57.
923. Motte-Jacquart (A.), filaleur de laines, rue du Pouiliy, 18.
4395.* Motte frères, filaleurs, rue de la Gare, 13.
2200. Motte (Paul), employé de commerce, rue du Prince, 31 .
3163. MoYSE (ir« Y»), modes, rue Desiirmont, 75.
4673.* Muller (Félix), représentant, rue du^Haze, 88 bis.
4307. MuLLiEZ (Jules), commis-négociiint, rue du Sentier, 34.
2055. Odoux (François), négociant, contour St-Christophe.
2202. Omez-Leblanc (Aug.) , employé de conunerce, rue de Calais.
2481 . Pennequin, employé de commerce, rue de Lille.
4619. Petit-Ledlc (Joseph), rédacteur au Journal de Houbaix, rue Nationale,
3088. Philippe (Jean), n^lordenr, nie du Rus, 10.
1346.* Pollet-Caulliez, négociant, sf|uarf Hôtel di; Ville, 2.
4894. Poujët (Marcel), conducteur des |)onls et chaussées, rue St-J icques, 43.
932. Rasso.n-Watinne (E.), industriel, rue Nationale, 67
2226. Rasson-Vvlentin (Joseph) , négociant, nie Neuve-de-Roubaix, 140
1894 . Rosoor-Dklattre (Jules), imprimeur, Grande-Place, 31.
2549. * RoussEAU-LiÉ.NVRT, industriel, rue Verte, 27.
2198. RuFFiN (A.), chimiste, rue Winoc-Chociiueel, 135.
2642. Segaro-Six, négociant, boiievanl Gainbelfa.
2080. ScRÉPEL-JoiRE. (Louis), fal)ri(:aiit, rue; de Lille.
TOURCOLNG . 197
N»» d'ins- 51 JI.
cription.
4801 . Sevin-Hennion (Adolphe), commis-négociant, rue du Sentier, 23.
1357. Sjmoens-Pille (Léonl, commis-négociant, rue du Château, 26.
1339.* Six-BouLVNGER (Alphonse), négociant, place Thiors, 52.
921. Six (Auguste), filateur de laines, rue du Château, 62.
937. Six (Edouard), négociant en laines, place Thiers.
2929. Six (Georges), professeur au Lycée, rue de l'Amiral-Courbet, 8.
2595. Steinbvch (Jean), rue Motte, o.
2201 . Stupuy (Paul), fils, professeur de musique, rue des Poutrains.
1322.* SciN (Philippe), boucher, rue St-Jacques, 55.
3233. SuiN (Désiré), négociant, rue Nationale, 1o3.
913. Taffin-Binauld, brasseur, rue du Tilleul, 30.
3437. Tiiarin-Callens, représcnlaMt, rue des Poutrains, 42.
1970.* Tiberghien-Desubmont, fabricant, rue de Lille.
1971 .* Tiberghien-Lepoiitre, fabricant, rue du Dragon.
3394.* Tibeughien-Motte, rue de Lille, 87.
1349.* Tiberghien-Vanden Bergiie, fabricant, rue de l'Aima, 31
1358. Tibeauts-Caulliez (Charles), représentant, rue Verte-Feuille, 19.
1374. TiBEAUTS-C\ULLiEz (Alexandre), représentant, rue Faidherbe, 25.
2360.* Trentesaux-Destombes, négociant en laines, rue de Lille, 112.
2930. Vandendriesche, employé de commerce, rue du Bois, 110.
2746. Vandekerkove-Boussemvrt, négociant, rue de Lille, 138.
1376.* Veuve Vvndepctte-Mi'llié (Emile), négociant, rue Dervaux, 28.
1311 . * Van Elslv de (Joseph), négociant, rue du Haze, 27.
548. Vasseur (Victor), bibliothécaire, rue Nationale, 137.
1956. Verdonck (J.-B.), employé de commerce, rue Winoc-Chocqueel, 51 .
2362. Vermebsch (Cyrille), fllaleur de laines, rue du Casino, 49.
2245. Vienne-Flipo, industriel, rue Chanzy, 43.
3160. Vien.ne, docteur en médecine, rue d'Austerlitz, 23.
1953. Walter-Bourgois (M™*), directrice d'institution, rue du Tilleul, 43.
2019. * Wattei.-Gimmig (Auguste), négociant, rue Neuve-de-Roubaix.
2234. Wattel (M"^, propriétaire, rue du Sacré-Cœur, 17.
1976. W.\TTEEDW, A. %}, publiciste, rue St-Jacques, 39.
1557. * Wattinne-Delespierre, propriétaire, rue des Ursulines, 81.
1356. Werbroucq-Besème (Victor), représentant, rue de l'Hôtel-de-Ville, 13.
2551 . Wittemberghe-Oger, représentant de commerce, rue de la Malcense.
Verdun.
1665. DE Germlny (Le Bègue), général de division, 0. ^, gouverneur de la Place.
Versailles.
1074. Wannebroucq-Dutilleul (M°" V^e) , propr., avenue de VilIeneuve-rÉlang, 5.
Tltr j-en-Artois .
1255. Tacquet (Georges), notaire.
198 VALENCIENNES.
V dlns- MM.
cription.
l^'anibrecliles.
3238. Vandenbosch (Jeaii), filateur.
Tl'asquebal.
3420. LiÉNARD (Maurice).
iWavrlu.
4608. LEMAT-CHAMOtON, propriétaire.
'Wizerncs [Pas-de-Calais >.
4705. Dambbicodrt (Géry), fabricant lie pnpicr.
SOCIÉTÉ DE VALENCIENNES
BUREAU :
MM
PrésidenL Doctri\ux, I. Q, ancien Bâtonnier de l'ordre des Avocats.
Viée-Presidents SmoT (Jules), A. Q, ancien Député, Conseiller général,
31aire de St-Amand.
Secrétaire-Général Damien, A. %}, Directeur de l'école primaire supérieure.
Secrétaire Giard (Pierre), Libraire.
Trésorier Desruelles, Lyqiiidatèur-Syndic.
Commission administrative . . Sautte vu, 1. ^, Avocat. Maire de Valenciennes.
Bertrand, Inspecteur primaire.
BouTRY, Avoué.
Cellieh, Avocat.
Delsarte . Direcf d'école communale, Valenciennes.
DoMBRE, Directeur de la Cie des Mines de Douchy.
SiBGUEY, I. ^, Proviseur da Lycée,
St-Quentin, (Fénelon), A. i). Avocat
Varlet, Notaire à Bouchain.
VALENCIENNE8. 199
MEMBRES ORDINAIRES.
M°" veuve Acremant, propriétaire, Yalenciennes.
MM. AM.\ND (Victor), suppléant du Juge de paix, Condé
André, notaire, Mortagne.
Andt (le docteur), pharmacien, Yalenciennes.
B\RA, instituteur. Le Rosult.
Barbiei:x (Louis), brasseur, Saiut-Amand.
Barhieux (Emile), propriétaire, Saint-Amand,
Baron fils, marchand boucher, Yalenciennes.
Batigny, entrepreneur de peintures, à Yalenciennes.
Baudrain, juge de paix, Yalenciennes,
Beck, pharmacien, Yalenciennes.
BERTAu(E(1gard), propriétaire, Yalenciennes.
Berteaux, in.stituleur, Denain.
Bertrand, inspecteur primaire, Yalenciennes.
Billet (François), distillateur, Marly.
BiNET, conseiller municipal, Yalenciennes.
Binois (Albert), rue du Quesnoy, Yalenciennes.
Blary, instituteur, St-Saulve.
BocA, (Charle.s). avocat, Yalenciennes.
BoivLN, directeur de la Banque de France, Yalenciennes.
BoNEiLL (Emile), directeur d'assurances, Yalenciennes.
BoucHART (René), industriel, Saint-Amand.
Boucher, instituteur, Wignehies.
BoocHER, brasseur, Yalenciennes.
Boulanger, propriétaire, St-SauIve.
BouTOEY ( 3I°" v^e ), propriétaire, Yalenciennes.
BoL'TRY, avoué, d"
Brabant (Alfred), Maire, Onnaing.
Brabant (Edmond), fabricant de sucre, Onnaing.
Broudehoux, constructeur, Anzin.
Bdgnot, négociant, Yalenciennes.
BuLTOT (Paul), ancien notaire, Anzin.
Bultot (Edouard), avocat, Yalenciennes.
BusiGNiES, industriel, Yalenciennes.
Callipel fils, Yalenciennes. .
Canonne, juge-de-paix, Bouchain.
Canonne, notaire, Bouchain.
Carpentier, ancien commissaire-priseur, Yalenciennes.
Cartigny, notaire, Yalenciennes.
Casalis, inspecteur des forêts, Yalenciennes.
Castiait, notaire, Condé.
Castiau, docteur en médecine, Vieux-Condé.
Caullet, conseiller général, Haspre?.
Cellier (Eugène), avocat, Yalenciennes.
Champagne, directeur de l'École supérieure, Denaln.
Chaussez, huissier, Yalenciennes.
200 VALENCIENNES.
MM. CiiESNEL, pharmacien, Valenciennes.
Cloart, instituteur, Maing.
CocflETEux, docteur en médecine, Valenciennes.
CoET, instituteur, Marly.
CopiN (Léon), professeur de piano, Valencionnes.
CouLON (Hector), huissier, Valenciennes.
CouRTiN, industriel, Raismes.
Damien, directeur de l'école supérieure, Valenciennes
Davaine (Emile), conseiller général, St-Amand.
Debiève, industriel, Valenciennes.
Debuschère, inspecteur au chemin de fer dti Nord, Valenciennes.
De Forcade, secrétaire général de la Ce des mines, Anzin.
Defresnes (Charles), propriétaire, Valenciennes
Dehon el Seulln, imprimeurs, Valenciennes.
Delame (René), négociant, Valenciennes.
Delattre, directeur de l'école municipale, Valenciennes.
Defluse (M""*), Bruay.
DÉFOSSEZ, docteur en médecine, Abscou.
Delcocrt (Th.), notaire, Valenciennes.
Delcourt (Eugène), avocat, Valenciennes.
Delcourt (Paul), propriétaire, Valenciennes.
Delhaie, conseiller municipal, Valenciennes.
Delh^ye (Jules), propriétaire, à Valenciennes.
Delhave (Charles), ancien avoué, Valcncicunes.
Demanest (M"'"), Saint-Amand.
Deprez (Joseph), ingénieur, Anzin.
De Preux, propriétaire, Saullam.
De QuiLLACQ, ingénieur, Valenciennes.
Deromby, suppléant du juge de paix, Valenciennes.
Dervaux, conseiller général, Conde.
Deschamps, instituteur, Denain.
Descamps, docteur en médecine, Raismes.
DÉsoRBvix (Victor), avocat, Valenciennes.
Desroches, directeur d'agence, Paris.
Desruelles, liquidateur et syndic, Valenciennes.
Devillers (Charles), avoué, Valenciennes.
Dëwalle, propriétaire, Valenciennes.
Dirand, ingénieur, Vicoigne, Raismes.
DoMBRE, directeur des mines de Doiichy, Lourchcs.
Douât, avocat, Valenciennes.
Doucuv (Georges), avocat, Valenciennes.
DouTRiAux (Auguste), avocat, Valenciennes.
DouTRiAux (André), avocat, Valenciennes.
Drevfls (Léopold), négociant, Valenciennes,
Dreyfus (Salomon), négociant, Valenciennes.
Dreyfuss (Louis), huissier, Valenciennes.
DuBiEz (Jules), Juge de paix, Valenciennes.
DubOis-RisBOORG, constructeur, Anzin.
DucATEZ, avoué, Valenciennes.
Dupas-Brasme, négociant, d*
VALENCIENPŒS. 201
MM. Dupas (Jules), propriétaire, Anzin.
Dupont (Abel), conseiller municipal, Valenciennes
Dupont (Paul) fils, banquier, Valenciennes.
DusART, architecte. Valenciennes.
Dutouquet (M"'^), Valenciennes.
EwBANK (Georges), avocat, Valenciennes.
Fally (Emile), brasseur, Condé.
Fally, notaire, Valenciennes.
Fenodod, capitaine de gendarmerie, Valenciennes.
Fiévet, huissier, Valenciennes.
FoNTËLLAYE, Conseiller municipal, Valenciennes.
FoircART (Jean-Baptiste), avocat, Valenciennes.
Franchi, s.-inspecteur de l'enregistrement.
François, directeur général de la C'e des mines, Anzin.
François, docteur en mfklecine, Valenciennes.
Frappart, entrepreneur, St-Sanlve.
Fromont (Jules), propriétaire, Valenciennes.
Garrigoux, sous-directeur des contributions indirectes, Valenciennes.
GiARD (Georges), propriétaire, Valenciennes.
GiARD (Léon), courtier, Valenciennes.
GiARo (Pierre), libraire, Valenciennes.
GiLLET (Arthur), directeur de banque, Valenciennes
Girard (Paul), avocat, Valenciennes.
Gras, industriel, Valenciennes,
Grimonprez (Eugène), propriétaire, Valenciennes.
Gronnier, principal du Collège, Saint-Amand.
Haillot (Léon), négociant, Valenciennes.
Harmegnies, fabricant de cordages, Anzin.
Hacrourdin, brasseur, Vieux-Condé.
Henry (Victor), secrétaire de la Chambre de Commerce, Valenciennes.
Hehbut, négociant, Valenciennes.
Hu.net, agriculteur. àEstreux.
Imbert, conseiller municipal, Valenciennes.
Jacob (Adolphe), négociant, Val< nciennes.
Jeanjean, agent-voyer principal, Valenciennes.
Lacroix, fabricant de produits chimiques, Valenciennes.
Lambert, inspecteur primaire honoraire,, Valenciennes.
Lamotte (André), directeur d'assurances, Valenciennes.
Lapciiin, président du conseil de iirudhommes, Valenciennes.
Larose, agent d'assurances, Anzin.
Lartisien, docteur en médecine, Denain.
Lasson, directeur de l'école municipale, Valenciennes.
Laurent, 1" commis d'administration des douanes, Valenciennes.
Lebacoz (Charles), conseiller municipal, Valenciennes.
202 VALENaENNES.
MM/Lebeau, professeur au lycée, Valenciennes.
Lebrun, négociant, Valenciennes.
Lecat (Julien), ancien président du Tribunal de commerce, Valenciennes.
LeCERF (Mme V^e), . jo
Ledieu (Adhémar), commissionnaire, d"
Lefebvre (Jules), notaire, d"
Lefebvbe (Emile), propriétaire, d
Lefebvre, ingénieur des ponts et chaussées, Valenciennes.
Lefrancq-Claisse, négociant, d*
Legrand, substitut du Procureur de la République, Valenciennes.
Lemaire, notaire, Valenciennes.
Lepez, maire, député, Raismes.
Leroy (Edmond), greffier du Tribunal de commerce, Valenciennes
Leroy (veuve Aimée), Valenciennes.
Lesens, juge de paix, Denain.
Lestoille (Edmond), avoué, Valenciennes.
Lobert (Albert), négociant, Valenciennes.
Mabille (Henri), banquier, Valenciennes.
Mailuet, constructeur, Anzin.
Malissart-Tazza, constructeur, Anzin.
Malotet, professeur d'histoire au lycée.
Manouvrier, docteur en méiiecine, Valenciennes
Marboti.n, avoué, Valenciennes
Marchand, huissier, Condé.
Margerin, docteur en médecine, à Valenciennes.
M.ARIAGE, d" d"
Mariage, conseiller municipal, d°
Marlière (Charles), négociant, Valenciennes.
Martin ^Ml'e), directrice du Collège déjeunes filles, Valenciennes.
Mascart, professeur, Valenciennes.
Mascaux, ancien notaire, Mortagne.
Masingle, négociant, Mortagne.
Masson (François), propriétaire, Marly.
Matharel (de), receveur de finances, Valenciennes.
Mathieu (M""» V^e Amédée), propnétaire, Anzin
Maurice (llcnri), propriétaire, Valenciennes.
Membre, caissier. Valenciennes.
Mention (Alfred), notaire, St-Amand.
Mestreit, directeur de la Compaj^'nie des Tramway.^ a Anzin.
Millkteau, sous-préfet, Valenciennes.
Moreaux-Sturbois, maire, La Sentinelle.
Muel, entrepreneur de camionnage. Valenciennes.
MusEUR (Alfred), constructeur, Blanc-Mi.sseron.
Parent (Désiré), ingénieur, Anzin.
Patoir-Lionne, négociant, Wallers.
PiÉRARD (Louis), consul de Belgique, Valenciennes.
PiÉRARD (Georges), banquier, »
PiÉRENS, directeur des douanes, Valenciennes.
Piettre, juge-de-paix, Valenciennes.
VALEI<C1ENNKS. 203
MM. PiLLiON (Jules), conseiller municipal, Valenciennes.
Plichon-Havez, banquier, Saint-Amand.
PoLMEST, professeur, sociélé de géographie de Pinlaude Helsinfors (Pinlande).
PoDGET, instituteur, Anzin.
PouLLE, Procureur de la République, Valeneiennes-
RÉsiMONT, administrateur-directeur des forges du Nord et de l'Est, Valenciennes.
RicHEz, architecte, Valenciennes.
Roger, notaire, Valenciennes.
RoGUiN, avocat, Valenciennes.
RosHEM, commandant du recrutement, Valenciennes.
Richard, instituteur, Denaiu.
RiNGOT, instituteur, Mastaing.
Sabés (Albert), commissionnaire, Valenciennes.
Saclier, ingénieur en chef à la Compagnie des Mines, Anzin.
Saint-Quentin (Fénelon), avocat, Valenciennes.
Sautteau (Paul), maire, Valenciennes.
ScHRvvER (De), directeur de la Sociélé franco-belge Raismes.
SiRGUEY, proviseur du Lycée, Valenciennes.
Sirot-Mallez (veuve), Thiant.
SiRbT (Jules), conseiller général, St-Araand.
SizAiRE, instituteur, Trith-St-Léger.
La Société d'Agriculture, Sciences et Arts, Valenciennes.
Stiévenard (François), marchand épicier, d"
Tassin (Victorien), ancien maire, Crespin.
Tauchon, docteur en médecine, Valenciennes.
Tenière, hôtelier, Valenciennes.
Thellier de Ponche ville, avocat, Valenciennes.
Thellier de Poncueville, propriétaire, Valenciennes.
Tison, instituteur, Anzin.
Tbampont, géomètre, Valenciennes.
Trinquet (Maurice), étudiant, Valenciennes.
Turbot, industriel, Anzin.
Van-de-Velde, avoué, Valenciennes.
Vapxet, notaire, Bouchain.
Varlet, percepteur, Valenciennes.
Vasseur (Hippolyte) directeur d'assurances, Valenciennes.
Venot, industriel, Onnaing.
Wagret (Adolphe), maire, Escaupont.
Wallerand, (M'ie), directrice d'école municipale, Valenciennes.
Weil (Emile), maire, député, Marly.
Weil (Hector), négociant, Marly.
Vins (Léon), directeur de la sucrerie , Escaudain.
— 204 —
PROGRAMME DES CONCOURS POUR 1899
1" Série. — GÉOGRAJPHIE MIUTAJRE.
(Les questions seront posées par des Officiers, membres de la Société).
Étude détaillée de l'Europe et de la France.
GÉOGRAPHIE COMMERCLAX.E.
S'" Série , réservée aux Employés du Commerce et de l'Industrie.
L'Australie, ses facultés productives, importations, exportations, routes et trans-
ports ; moyens de développer ses relations commerciales avec la France.}
Nota. — ï*rix d'A-udififret. — Un prix spécial sera attribué à l'auteur du
meilleur travail sur le pays d'Europe , qui lui paraîtra offrir le plus de facilités et
le plus d'avantages pour la création ou le développement de rapports commer-
ciaux et industriels avec le Nord de la France.
Ce travail , fait librement et à domicile , devra être remis contre reçu, au Siège
de la Société, avant le 1" Décembre de l'année 1899.
3'' Série, réservée aux Elèves de VEcole supérieure de Commerce.
Géographie économique des cinq parties du Monde.
Le Prix IDesrocîies consistant en un voyage de dix jours dans la région
des Gausses, sera attribué au 1"" lauréat de ce concours.
Nota. — I. — Les frais de nourriture et de logement restent à la charge du
lauréat, sauf dans les établissements qui dépendent directement de la Société la
France pittoresque.
II. — Les questions des Concours des 2" et 3^ séries seront posées par des négo-
ciants, membres du Comité d'Études. Ces Concours doivent être envisagés spécia*
lement au point de vue commercial , la géographie physique ne devant être traitée
que subsidiairement.
— 205 —
Nul ne peut se faire inscrire en cette section s'il ne justifie de la qualité d'élève
d'un établissement d'enseignement secondaire public ou privé. — Exception faite
pour les éducations particulières.
GARÇONS.
1" Série. (Limite d'âge, 17 ans au 1" octobre de l'année du Concours) (1899).
L'Europe moins la France.
S* Série. (Limite d'âge, 16 ans au 1" octobre de l'année du Concours) (1899).
L'Asie, l'Afrique, l'Océanie.
FILLES.
1" Série. (Limite d'âge, 15 ans au 1" octobre de l'année du Concours) (1899).
L'Europe, moins la France, l'Asie.
S' Série. (Limite d'âge, 14 ans au 1" octobre de l'année du Concours) (1899).
L'Afrique, l'Océanie et les deux Amériques.
PROGRAMiME COMMUN AUX GARÇONS ET AUX FILLES.
Les éducations particulières peuvent se faire inscrire dans cet ordre d'enseigne-
ment d'où sont exclus les élèves de l'enseignement secondaire. Les chefs d'établis-
sements doivent faire inscrire leurs élèves dans la catégorie dont ils suivent les
cours : Enseignement supérieur ou élémentaire.
ENSEIGISTEMENT PRIMAZRE SUPÉRIEUR.
Nul ne peut se faire inscrire dans cette section s'il a moins de 13 ans au
1" octobre de l'année du Concours, ou plus de 18 ans au i*''' octobre de la même
année.
On ne peut se faire inscrire dans deux séries d la fois.
1" Série.
Géographie physique et économique de l'Asie et de l'Archipel Malais.
Géographie physique, politique et économique de l'Europe, moins la France.
TOT
2' Série.
Géographie de rOcêanie (moins l'Archipel Malais), de l'Amérique et de l'Afrique.
— Explorations. — Notions de géographie économique.
ENSEIGINTEMENT FRIMAIRE ÉLÉMENTAIRE.
1''"= Série. (Limite d'âge, 14 ans au 1" octobre de Tannée du Concours) (1899).
Géographie physique et politique de l'Europe, moins la France.
2* Série. (Limite d'âge, 12 ans au 1" octobre de l'année du Concours) (1899).
La France.
Le département du Nord.
CORRECTION.
La correction des copies dans la section supérieure sera faite pour le Concours de
géographie militaire par le comité d'officiers — pour la section commerciale par le
conaité de négociants.
Pour l'enseignement secondaire , la correction sera faite par des Professeurs de
Faculté, membres de la Société.
Quant aux concours d'enseignement primaire supérieur et élémentaire, la correc-
tion des copies est confiée aux soins de M. Merchier, Secrétaire-Général, qui
pourra prendre des collaborateurs parmi les Instituteurs faisant partie de la Société.
Le Président de la Société, celui de la Commission des Concours et les Secré-
taires-Généraux font, de droit, partie de toutes les Commissions de correction.
Demandes d'admission an Concours:
Le même établissement ne peut présenter plus de dix candidats par série-
Les Élèves devront se faire inscrire, avant le 7 Juillet : »
A Lille, au Siège de la Société, rue de l'Hôpital-Militaire, 116;
A Roubaix, chez M. Destombes, 61, rue de Lille ;
A Tourcoing, chez M. François Masurel Père , Vice-Président , ou chez M. J.
Petit-Leduc, Secrétaire, rue Nationale, 78.
La demande d'inscription devra contenir :
1" L'extrait de naissance sur papier libre ;
2» L'indication de l'établissement dont l'élève suit les cours, et, pour ceux rece-
vant l'instruction dans leur famille, l'adresse de leurs Parents ;
3» La série dans laquelle l'élève désire concourir.
Toute demande d'inscription qui ne renfermerait pas ces renseignements , sera
considérée comme nulle et non avenue.
— 207 -
Les impétrants qui , par suite de déclarations fausses ou incomplètes , seraient
éliminés du Concours , recevront avis de la décision prise à leur égard par le
Comité d'Études.
On peut se faire inscrire par demande affranchie.
PRIX ET RECOMPENSES.
Les Prix et Récompenses consisteront en Volumes, Atlas, Cartes, Médailles,
Bourses de voyage, Diplômes, etc.
1° Prix offerts par M. Paul Grepy 300 fr.
2" — — M. François Masurel Père 800
3» — — M. Nicolle-Verstraete tOO
4» Médailles offertes par M""" Parnot, aux Jeunes Filles lOO
5° Prix offerts par M. Léonard Danel , à plusieurs Jeunes Gens Lau-
réats, consistant en un voyage dans une des
villes ou l'un des ports de la région du Nord. . ZOO
Le Secrétaire-Général , Le Président de la Société,
A. MERCHIER. Paul GREPY.
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE
EN 1898.
BRUGES, SA PROCESSION
ET LES TRAVAUX DU PORT DE HEYST.
8, 9 et 10 Mai 1898.
Organisateurs : MM. Van Troostenberghe et Calonne.
(Suite et fin) (1).
Église St-Jacques. — Une des plus remarquables églises de la Venise du Nord.
Elle existait à la fin du XII"- siècle. Du siècle suivant sont : le bas de la tour, -les
transepts et la chapelle septentrionale.
L'église fut remaniée et agrandie de 1457 à 1518 par Georges Weylaert, maitro
(1) Voir tome XXXI, 1899, page 124.
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maçon et Corneille Tielman, tailleur de pierres. Les frais furent couverts par les
négociants florentins et les familles Portunari, de Moor et de Gros. En 1693 , on
mit, pour l&mbris, du marbre noir provenant de tombeaux démolis et du bois peint
simulant le marbre.
Une tomie plate en cuivre de Jacques Bave (1432) et de sa moitié Catherine
Poltus (1454) se trouve sous le portail du côté droit. Le jubé, en marbre noir et
blanc, fut exécuté par Jacques de Cockq (1629) ; les stalles finement sculptées par
Martin Moenaert furent terminées en 1674. Le maître-autel, par Corneille GaiUiard
(1666-70), est orné d'un tableau représentant l'Adoration des Mages, par Jean Van
Bockhorst (1658).
Les tableaux sont nombreux et quelques-uns ont de la valeur, principalement un
triptyque de P. Pourbus (1556).
Le tombeau, à deux étages, de Ferry de Gros et de ses deux femmes, Françoise
d'Ailly et Phelippe Wieland, dans la chapelle Sud, est une œuvre d'art du
XVP siècle.
Sur la dalle supérieure, Ferry de Gros étendu, est représenté couvert de son
armure ; son épée et ses gantelets à côté de lui. 11 est tète nue et ses pieds
reposent sur un lion. Phelippe 'Wieland, au même plan et couchée près de son
mari, est habillée en blanc, la tète reposant sur un coussin rouge. A ses pieds, un
chien.
Au-dessous, repose Françoise d'Ailly. Elle est vêtue d'une robe de velours
cramoisi et d'un mantelet bleu avec intérieur blanc ; la tète est posée sur un coussin
vert.
Le monument est en pierre de Boulogne et les deux dalles en pierre de Tournai.
Les piliers latéraux sont couverts d'armoiries. Au-dessus du compartiment supé-
rieur est représenté l'écu de Ferry de Gros.
SuF des banderoUes se trouve sa devise : « Tout pour être toujours léalle. »
D'autres tombes méritent aussi qu'on s'y arrête.
Dans une prochaine excursion, oii nous pourrons disposer d'un peu plus de
temps, nous décrirons sommairement, ainsi qu'il vient d'être fait : le Béguinage,
le Minne Watter, les Remparts, la porte Ste-Croix, la Société de St-Sébastien, le
Séminaire, la Potterie, l'École Normale, etc.
U. — PROCESSION DU ST-SANG.
Une description de cette cérémonie religieuse a déjà été faite dans le Bulletin de
Septembre 1897 de notre Société (p. 170 et suiv.); nous prions le lecteur de vouloir
Lien s'y reporter.
Moins favorisés que les visiteurs de l'an dernier, qui avaient élu domicile sur le
balcon de la devanture de la baraque des singes, nous avons assisté au passage de
la procession sur un trottoir de la rue Nord du Sablon, à l'angle de la rue Traver-
sière, vis-à-vis le collège St-Louis.
En dehors de la richesse des divers éléments qui la forment , nous avons remar-
qué le respect et le recueillement des spectateurs fort nombreux, ainsi que les
pèlerinages composés d'habitants des villages environnants traversant la ville, tête
découverte et récitant le chapelet sans se laisser distraire par quoi que ce soit.
Nous devons une mention spéciale au tambour-major de la musique de la garde
civique. Un géant, en tenue militaire, le chef coiffé d'un bonnet à poils de haute
dimension. U est digne et c'est avec fierté qu'il remplit depuis de longues années
— 209 —
déjà, le rôle qui lui est confié. Il est âgé, me dit raimablo M. Van Troostenbero-he,
et cependant il a la désinvolture d'un homme encore jeune.
Nous donnons ci-après un relevé des divers groupes que nous avons vu passer :
Corps de Musique des Lanciers. — Peloton de Lanciers.
I. — Farcisse de Ste-Marie-Madeleine.
Croix et acolytes. — Bannière.
Groupe de la Sainte-Elnfance.
Groupe de saint Joseph,
Groupe du Sacré-Cœur de Jésus.
Enfants portant des oriflammes et des fleurs. — Statue.
Groupe de sainte Marie-Madeleine.
Marie-Madeleine (avant sa conversion).
Marie-Madeleine (après sa conversion).
Elle est suivie de deux femmes portant le nard précieux , et de deux autres por-
tant le Saint-Suaire.
Marie-Madeleine exerçant la Pénitence en Provence. Elle est entourés d'anges.
Groupe de la Confrérie de N.-D. de la Rançon.
Le Clergé paroissial.
n. — Paroisse de Ste-Anne.
Croix et acolytes.
Bannière de sainte Barbe.
Groupe de saint Benoît Labre.
Bannière. — Oriflammes. — Statue.
Groupe de la Sainte-Enfance.
Chinois portant des cartels. — Statue de l'Enfant-Jésus.
Groupe de saint Aloys de Gonzague, patron de la jeunesse.
Groupe de sainte Anne.
Jeunes filles. — Statue.
Anges entourés de Vierges et portant les emblèmes des trois vertus théologales :
la croix, l'ancre et le cœur.
Groupe de N.-D. aux patrons de la peste.
Vierge. — Bannière de N.-D.
Groupe du Sacré-Cœur de Jésus.
Bannière du Saint-Sacrement. — Bannière du Sacré-Cœur.
Vierges portant les instruments de la Passion.
Statue du Sacré-Cœur.
Groupe de sainte Marguerite, martyre.
Bannière, bouquets et cartels. — Anges portant des branches de lys et de pal-
miers, ainsi que des glaives, symboles du martyre.
Sainte Marguerite richement costumée.
Groupe du Saint-Sépulcre.
Chevaliers du Saint-Sépulcre.
Le Tombeau de Notre-Seigneur. — Groupe de Croisés.
Les trois Saintes-Femmes.
Le Clergé paroissial.
14
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TTT. — Faroisse de Ste-'Walburge.
Croix et acolytes.
Groupe de sainte Walburge, patronne de l'église.
Walburge, fille du roi d'Angleterre, entourée de ses nobles compagnes et de
Vierges portant des symboles relatifs à l'histoire de sa vie.
"Walburge, abbesse d'Eichstadt et ses religieuses.
Châsse de sainte Walburge.
Groupe de saint Joachim, père de la Sainte- Vierge Marie.
Groupe de saint Joseph. — Bannière.
Enfaïus portant des inscriptions en l'honneur de saint Joseph.
Statue.
Groupe de la Confrérie de N.-D. du Saint-Rosaire.
Vierges, en costumes variés, portant des bannières représentant les 15 Martyres.
Le Rosaire représenté par une Vierge vêtue d'une robe d'argent et portant un
chapelet. Elle est entourée de 15 jeunes filles reliées au chapelet par 15 guirlandes
de 10 roses, symboles des « Ave ».
La statue miraculeuse de N.-D. du Saint-Rosaire.
Groupe du Sacré-Cœur de Jésus.
Les Promesses que Notre-Seign^ ■ " faites à la bienheureuse Marie Alacoque.
Le Clergé paroissial.
Corps de Musu- de la Garde civique.
IV. — Paroisse de St-Gilles.
Croix et acolytes. — Bannière.
Groupe en l'honneur de saint Gilles. — Saint Gilles dans sa jeunesse. — Ses
compagnons. — Trois guérisons obtenues par son intercession. — Saint Gilles,
ermite, vivant dans une caverne avec Vérédème. — Sa découverte par "Wamba,
roi d'Espagne. — Wamba fait ériger un couvent, oii saint Gilles introduit la règle
de saint Benoît.
Saint Gilles, abbé des Bénédictins, chassé parles Sarrazins. Il obtient de Charles-
Martel, roi des Francs, la reconstruction de son abbaye.
L'église de St-Gilles, à Bruges, obtient en 1466, la précieuse relique de son
patron par l'intermédiaire de Messire Guillaume de Grachaut.
Groupe de N.-D. de la Merci.
Vierges portant les unes des bannières et les autres des bouquets. — Statue.
Groupe de bergères.
Les trois vertus théologales : la Foi, l'Espérance et la Charité.
Groupe de la Sainte-Famille. — Anges.
Groupe de la Passion.
Les emblèmes et les instruments de la Passion portés par des jeunes filles vêtues
de pourpre.
Groupe de N.-D. du Sacré-Cœur. — Vierges. — Statue.
Le Clergé paroissial.
V. — Paroisse de St- Jacques.
Groupe de la Confrérie de Sainte-Barbe.
Bannière. — Pureté de sainte Barbe. — Trois fillettes portant : Croix, livre dos
— 21 1 —
Evangiles et Couronne de Vierges. — Sainte Barbe portant sa tour, accompagnée
de nobles dames d'honneur ayant des lys à la main.
Mailyre de sainte Barbe. — Des jeunes filles en costumes rouges et verts et qui
portent des instruments du martyre : Sainte Barbe , à cause de sa foi , fut coupée
au moyen de ciseaux, déchirée avec des crochets pointus, brûlée au moyen de
torches, frappée de marteaux et finalement décapitée par son propre père.
Glorification de sainte Barbe.
La Relique (bras gauche et avant-bras) de la Sainte, entourée d'anges et d'en-
censeurs.
Groupe du Sacré-Cœur de Jésus.
. Garçons vêtus de blanc et de rouge, portant oriflammes et emblèmes.
Groupe de la Sainte-Famille.
Vierges portant des fleurs et des invocations en son honneur.
Groupe de saint Jacques, patron de la paroisse.
Vocation de saint Jacques : 12 pêcheurs précédés de 3 jeunes garçons portant
l'inscription évan^^ique : « Suivez-moi, je vous ferai pêcheurs d'hommes. »
La mission apos. 'ique de saint Jacques : les 12 apôtres et au milieu d'eux le
divin Maître qui les envoie à toutes les natio s, prêcher l'Evangile.
Œu\Tes apostoliques de saint Jacques : Sa ' '" icques et 12 pèlerins en costume
traditionnel, figurant ses voyages apostoliq en Palestine et en Espagne
(Compostelle).
Le Clergé paroissial. 'P-
VI. — Farcisse de I>fotre-I3anie.
Deux bannières au chiffre de Marie.
Croix et acolytes.
Groupe de saint Jean Berchmans.
Ecusson porté par deux enfants vêtus de blanc.
Garçons en costume bleu, portant les uns des oriflammes, les autres de splen-
dides branches de lys.
Anges aux encensoirs à parfums.
Ange portant une relique du Saint. — Statue.
Groupe des orphelines de la maison « Maria-School ».
Les enfants représentant le culte de Marie.
Groupe de saint Boniface.
9 enfants en costume rouge et bleu portant des cartels.
4 jeunes gens portent sur coussins en satin les 4 emblèmes que l'on attribue
ordinairement, dans l'art chrétien, à saint Boniface, notamment : 1» le livre des
Évangiles perforé d'un glaive ; 3" le Pallium ; 3" la Mitre ; 4" la Crosse de l'évêque.
Groupe de la Confrérie de N.-D. de la Bonne-Mort.
Bannière.
18 Vierges richement costumées, portant des palmes et des fleurs. — Statue.
Groupe de la Sainte-Croix.
Jeunes gens portant des cartels avec guirlandes.
L'insigne Relique entourée de lumières est portée sur un magnifique brancard et
sous baldaquin en satin rouge.
Le Clergé paroissial.
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Corps de Musique de la « Burgersgilde ».
Cathédrale de St-Sauveur.
Croix et acolytes.
Le Drapeau de la ville. (Le porte-étendard revêtu du costume du XIV« siècle,
les nouvelles armoiries de la ville datant de 1304.
Blasons des XXII Evèques de Bruges.
Groupe du Saint Nom de Jésus.
Le Saint Nom glorifié sur la terre.
Bannière de la Confrérie.
4 Lévites portant une gerbe de fleurs que surmonte le globe terrestre et dans
laquelle on a piqué 2 banderolles aux inscriptions : « Que toutes les nations louent
le Seigneur, qu'elles louent son Saint Nom. » (Ps. cxvii et cxvni).
33 jeunes garçons avec les drapeaux de diverses nations, en costume propre à
chaque pays dont ils portent les couleurs nationales.
Idem jeunes filles en costume national du pays, dont elles portent les armoiries.
. Le Saint Nom glorifié dans le ciel.
Anges portant sur une hampe en trophée la doxologie : « Que le Saint Nom de
pieu soit béni. »
Le divin Sauveur que vénèrent les 9 chœurs des anges avec encensoirs de
parfums.
Groupe du Sacré-Cœur de Jésus.
Bannière.
Enfants portant des bouquets et des oriflammes.
Groupe de Vierges portant des banderolles sur lesquelles sont inscrites les Pro-
messes faites par Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque.
Ces banderolles sont ajustées à des hampes autour desquelles serpentent des guir-
landes couronnées de bouquets de fleurs. — Statue.
Groupe de Notre-Dame des VII Douleurs.
Bannière.
7 anges vêtus de blanc et de pourpre, portant des oriflammes avec inscriptions
des sept douleurs. — Statue.
Les Ordres religieux.
Les Élèves du Grand-Séminaire.
Le Clergé.
Le Chapitre de la cathédrale de St-Sauveur.
La précieuse Relique du Saint-Sang.
Garde d'honneur.
S. G. Monseigneur G.-J. Waff'elaert, évêque de Bruges.
Autorités civiles.
Peloton de Lanciers.
m. — TRAVAUX.
Port d'escale de Heyst. — Canal maritime de Bruges. — Port de Bruges.
Comme nous l'avons dit dans la 1'''= partie, la cause principale de la décadence
de Bruges fut l'ensablement du « Zwin ».
Malgré les nombreux efforts tentés pour enrayer cet ensablement, il fallut, vers
— 213 —
1545, abandonner toute espérance et condamner cet antique bras de mer comme
voie navigable.
A cette époque, un peintre et ingénieur, du nom de Lancelot Blondeel, afin
d'empêcher le dépérissement qu'il prévoyait, dressa un projet de port nouveau à la
hauteur de Heyst, avec un canal d'embranchement à grande section vers Bruges.
Ce projet ne fut jamais mis à exécution.
Depuis lors, trois siècles et demi se sont écoulés, l'idée a été reconnue bonne et
les travaux en cours la réalisent.
Les études ont été longues et raisonnées ; il est vrai que la vérité marche len-
tement.
Bruges n'a plus d'autre accès à la mer que le canal d'Ostende, n'offrant que
4'",50 de mouillage et dont les ouvrages n'ont que 12 m. de largeur. La Belgique
n'a pas de port d'escale à la côte ; le port de Heyst comblera cette lacune, car les
profondeurs sont peu distantes de la côte.
Nous annexons au présent compte rendu une carte sur laquelle le projet adopté
est tracé, nous avons en outre indiqué dans le plan de Bruges qu'il contient,
l'emplacement des divers monuments.
Voici le programme, approuvé par le Ministre de l'Agriculture, de l'Industrie et
des Travaux publics le 28 Août 1891, des clauses et conditions d'un concours
public, en vue de la concession, par voie de péages et pour une durée de soixante-
quinze ans, des travaux que comporte l'établissement d'un port de mer à Bruges
par Heyst.
PROGRAMME.
I. « Un port à Bruges, situé à proximité du bassin actuel et immédiatement au
> delà du canal de Bruges à Ostende. Ce port sera susceptible, dès le principe,
> d'une capacité minima de trafic maritime total de un million de tonnes de poids
» par année. 11 comportera les longueurs de quais, les surfaces de terre-plein, de
» hangars, d'entrepôts, les voies ferrées, les voies charretières, les appareils de
» chargement et de déchargement, en un mot, l'outillage complet, cales sèches
» comprises, pour desservir un pareil trafic. »
» Les installations doivent être susceptibles d'extensions à mesure des besoins.
3> Les plans à fournir devront indiquer ces extensions et les terrains qu'elles exige-
» ront devront être acquis dès le début de l'entreprise. »
II. X( Un canal maritime de 8 mètres de mouillage au minimum, aussi direct que
> possible, alimenté par l'eau de mer, reliant Bruges à l'avant-port de Heyst et
» satisfaisant à toutes les conditions requises pour la grande et rapide navigation.
» La flottaison sera établie à la cote (-|- 3°',50) du zéro d'Ostende. »
III. « L'établissement d'un avant-port à Heyst, permettant, en tout état de marée,
» la flottaison des navires calant 8 mètres. Cet avant-port comportera, dès le prin-
» cipe, un accostage direct, un développement de quais de 1.000 m., avec les
» surfaces et l'outillage nécessaires pour desservii* le trafic des steamers et des
» escales. »
Parmi les projets, la Commission, après de laborieuses et intéressantes discus-
sions, choisit le dispositif présenté par MM. Coiseau et Cousin, et le Gouvernement
demanda à la province, à la ville et aux concessionnaires d'assumer, dans la
dépense qui est estimée à 38 millions et demi de francs, la charge du canal mari-
time et des installations de Bruges, qui atteint une somme de près de 12 millions
ce;
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•— 215 —
et demi, le Gouvernement prenant à la charge de l'État, l'établissement du port
d'escale évalué à 26 millions de francs.
Nous allons donner un résumé de ce projet :
Port d'escale de Heyst. — Le port d'escale se composera d'une grande jetée
courbe se détachant de la côte, entre Blankenberghe et Heyst, à 2.000 mètres des
écluses d'évacuation des canaux de Selzaete et de Schipdonck ; son extrémité
ramenée parallèlement à la côte est distante de 850 mètres de la laisse de basse
mer. Cette jetée comprend trois parties : la partie pleine, sur l'estran, qui abritera
le port contre les vols de sable de l'Ouest ; elle a 232 m. de développement ; une
partie à claire- voie de 306 m., en pallées métalliques entretoisées et contreventées,
distantes de 5 m. et portant un tablier de pont destiné à la circulation des trains.
La partie pleine du môle aura une longueur totale de 1.519 m., sa base sera formée
de monolithes de 2.500 à 3.000 tonnes. Ces blocs reposeront sur un arasement du
fond, fait à l'aide de petits moellons ; extérieurement , le quai sera protégé contre
l'affouillement par des enrochements (v. le profil).
Ces monolithes mesurant 25 m. de longueur sur 7"" ,.50 de largeur et de hauteur
variable, selon le niveau de fond, s'élèveront jusque vers 1 m. au-dessus de la
basse mer.
Ils porteront un corps de jetée formé de blocs de 50 tonnes. Au-dessus de la
côte -j- 7 m.% un parapet en béton, moulé sur place, de 3 m. d'épaisseur et dont le
sommet sera de -|- 13 m., complétera le môle.
Sur une longueur de 1.194 m., le môle appuiera un terre-plein limité vers l'inté-
rieur par des murs de quai et portant les hangars et voies ferrées.
Au delà du terre-plein, le môle aura 9 m. à la base, 6"" ,50 pour la partie médiane
et 4'",50 à hauteur du mur d'abri.
Le musoir terminal aura 16 m. de diamètre et portera un feu.
Cette jetée embrassera une rade qui, sur 300 m. à partir du môle, présentera une
profondeur de 8 m. sous les marées basses de vives eaux.
L'étendue protégée contre les vents dominants du Sud au Nord-Ouest et les vents
de tempête du Sud-Ouest au Nord-Ouest atteindra 110 hectares.
La jetée couvrira, jusque dans la direction Nord-Est et Nord, l'entrée du chenal.
Le port sera ouvert vers l'Est, les vents et la mer ayant peu de violence de ce côté.
Les quais d'accostage du port d'escale seront fondés à des cotes variant de 9 m.
à 9°',50. Ils seront garnis de hangars et de grues électriques.
Le chenal s'ouvre dans la rade abritée ; il a 50 m. de largeur au plafond établi à
la cote de 6 m. et 106 m. à la flottaison des marées hautes moyennes.
Les talus sont protégés par un perré maçonné.
L'entrée du chenal présente une ouverture de 200 m., limitée par des jetées
basses en maçonnerie.
L'extrémité de ces jetées sera signalée par des feux de port.
La longueur du chenal est de 750 m. ; il donne accès à l'écluse maritime de 20 m.
de largeur et d'une longueur totale de 282 m., constituée de deux têtes indépen-
dantes et d'un sas d'une longueur de 158 m.
Les têtes d'écluses sont à portes roulantes s'effaçant dans les chambres ménagées
latéralement dans les bajoyers. Ces portes sont en acier ; leur manœuvre se fera
à l'aide de la force électrique.
A l'amont de cette écluse se présente un bassin de 660 m. de long formé par uu
élargissement du canal maritime de Bruges. Il a 50 m. de plafond et est bordé de
talus perreyés.
La rive Ouest longe un terre-plein de 100 m. de largeur desservi par voies
ferrées et cinq estacades d'accostage.
— 217 —
Canal maritime de Bruges. — Le canal maritime de Bruges débouche dans
rarrière-port, son axe coïncide avec celui de l'écluse et du chenal. Il a 22 m. au
plafond ; 70 m. à la flottaison. Sa profondeur est de 8 m. et peut être portée
à 8"',50.
Les talus sont revêtus d'un perré de 0'",30 d'épaisseur en moellons posés sur un
corroie d'argile.
Entre Bruges et la mer, le canal est coupé par un pont tournant pour route ; il a
22 m. de passe libre, 51 m. de longueur et 4'",80 de largeur.
Un bac de passage d'eau sera établi entre ce pont et l'arrière-port.
Port de Bruges. — Le port de Bruges comprendra deux bassins reliés par une
écluse au canal d'Ostende et bordés de terres-pleins munis de grues, de hangars,
de voies ferrées et constructions nécessaires au port. Les deux bassins seront
parallèles et de longueur difî'érente. Ils seront séparés par un môle de 120 m. de
largeur. Le bassin Ouest aura 540 m. de longueur avec mouillage de 6'",50 ; il sera
bordé de talus perrés avec appontements.
Le bassin de l'Est sera bordé de quais ; son mouillage sera de 8 m. ; le dévelop-
pement des quais sera de 800 m.
Ces deux bassins seront reliés par un bassin d'évolution dans lequel s'ouvrira le
canal maritime.
Au fond du bassin d'Ouest sera placée l'écluse maritime qui reliera les bassins
de Bruges avec le canal d'Ostende et avec le réseau navigable du pays.
Cette écluse aura 12 m. de largeur et une longueur totale de 172 m., dont 97"", 40
pour le sas.
Deux ponts tournants, l'un pour route, l'autre pour chemin de fer, seront établis
sur cette écluse.
L'ensemble de ces travaux, décrétés par la loi du 11 Septembre 1895, forme une
entreprise à forfait, confiée à MM. Goiseau et J. Cousin pour la somme de
38.969.075 francs.
Le délai d'achèvement est le 11 Septembre 1902.
L'exploitation des ports et du canal maritime a été concédée à la Compagnie des
Installations maritimes de Bruges, au capital de 9 millions de francs.
Pour terminer, nous extrayons d'un ouvrage intitulé : « Le Port de vitesse de
Heyst », de MM. J. Nissens, Hart et J. Zone, ingénieurs, les passages ci-après,
pour bien montrer combien nos voisins comptent obtenir d'excellents résultats de
leur entreprise :
« A la suite de l'approbation du projet par la Commission belge , le Gouverne-
» ment, justement soucieux de créer un port qui offrit à la grande navigation le
> service qu'on en attendait, et poussé dans cette voie par le Parlement et par la
» presse, a consulté d'éminents spécialistes étrangers. Ce sont : MM. Coode, Son
» et Matthews, ingénieurs conseils techniques du gouvernement des colonies
» anglaises, Chapman , superintendant de la Royal Mail Cy à Southampton, C.
» Husson, chef du service maritime des Chargeurs-Réunis du Havre.
» La note qui expose leur opinion a été livrée à la pubUcité : après avoir déclaré
» que le môle breakveater est absolument indispensable dans la situation de l'atter-
» rage de Heyst pour mettre à l'abri les navires devant faire escale et l'entrée du
» chenal, et que le dispositif réunit à leur avis toutes les dispositions désirables,
* ces spécialistes déclarent que le port répondra à toutes les conditions d'acces-
» sibilité et de sécurité des grands navires, et leur conclusion très formelle mérite
» d'être citée :
« Dans tous les cas, pour nous résumer, nous affirmons que le port projeté sera
— 218 —
» certainement le meilleur port que nous connaissions sur la côte française, belge
» et hollandaise, depuis Cherbourg. »
» Pareille conclusion, allant de pair avec celles de la Commission belge, tranche
» sans hésitation la question technique, et il est avéré que nous pouvons posséder
» sur notre côte un port d'escale supérieur à tous les ports actuellement existants
» sur la côte occidentale du contient.
»
»
»
» Le port tel qu'il est conçu et dont une maquette au 1/1.000'' est l'un des plus
» attrayants modèles du compartiment du génie civil à l'Exposition d'Anvers,
» offrira sur un développement de 1.000 m. un accostage aux grands navires de la
» flotte du Nord, avec un mouillage de 8 m. aux marées basses de vives eaux :
» c'est la profondeur du port de Guxhaven. Ces quais auront deux fois et demi le
» développement de ceux que Le Havre voudrait construire pour ses transatlan-
» tiques rapides.
» Sitôt accosté, le navire pourra débarquer ses voyageurs, qui trouveront sur le
» même môle, à l'abri d'une jetée qui s'élève à 8"" ,50 au-dessus de haute mer, les
» trains rapides qui doivent les mener à destination. Le transbordement des mar-
» chandises se fera à l'aide de grues mues à l'électricité, et des hangars importants
» recevront en dépôt celles qui auraient été expédiées trop tôt et qui devraient
» attendre le passage de la ligne régulière à laquelle ils sont destinés.
» Tout est donc conçu de ce côté pour assurer des opérations accélérées, et
» quelques heures suffiront pour opérer une escale à notre côte. »
Quoi qu'il en soit , les travaux dont il s'agit donnent lieu à de nombreux inci-
dents qu'ont relatés les journaux belges : « La Métropole », « La Patrie », La
Chronique », « Le Journal de Bruxelles », etc.
Le Gouvernement, paraît-il, envisage la question des installations maritimes de
Bruges sous deux points de vue
Le côté économique et le côté qui touche le caractère artistique de la ville.
L'intérêt de celle-ci est lié à l'un comme à l'autre, et le Gouvernement désire
ardemment que le port ne nuise en rien à l'aspect si intéressant et si captivant de
la vieille cité historique flamande (c'est sans doute pour ce motif que l'on a attendu
trois cent cinquante ans pour essayer de lui rendre un peu de vitalité). Agir autre-
ment, dit-il, serait porter un coup mortel à l'avenir de Bruges.
De cette situation, il résulte que les délibérations communales relatives aux
expropriations et aux alignements nécessaires pour l'exécution des travaux, même
celle relative au dégagement de l'hôtel Gruithuse, soumises à l'approbation royale,
restent en suspens.
Notre programme est achevé et vers nos pénates il nous faut revenir.
Toutefois, avant notre départ, à la fin d'un excellent dîner au Grand Hôtel du
Commerce à Bruges, M. Croin, au nom de tous, remercie dans un toast chaleu-
reux, MM. Van Troostenberghe et Calonne de nous avoir si bien dirigés et fait
passer d'une manière aussi agréable qu'utile le peu de temps dont nous disposions.
Nous avons également sablé le Champagne en l'honneur des charmantes dames qui
avaient eu l'amabilité de nous accompagner.
Nous quittons Bruges à 4 h. 50 et à 7 h. 40 nous arrivons en gare de Lille ,
enchantés de notre excursion, et après une cordiale poignée de mains, chacun s'en
retourne chez soi.
V. PIGACHE.
^ 219
ÉPHEMERIDES DE L^ANNÉE 1898
MARS.
3. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Mévil : La Guinée
française et la Côte d'Ivoire.
3. — Ouganda. — La Chambre des Communes vote l'indemnité réclamée
depuis six ans par les P. Blancs français, lors des massacres de 1892.
4. — Grèce. — La Chambre vote le projet de contrôle financier.
6. — Chine. — Convention signée à Pékin cédant à bail à l'Allemagne pour
99 ans la baie de Kiao-Tchéou, déjà occupée par les Allemands.
6. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. R. Paillot : Au
Pays des Croisés, Rhodes, Chypre, Palestine.
7. — Autriche. — A la suite de la démission du cabinet Gautsh, le comte Thun
forme un nouveau ministère.
i4. — Autriche. — Le gouvernement autrichien fait saisir le sabre d'honneur
offert au colonel Picquart par les habitants de Buda-Pesth.
i5. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. LagriUière-Beau-
clerc : Be Lille au Sénégal et au Soudan avec M. André Lehon.
iô. — Crète. — L'Allemagne retire ses troupes.
iô. — Congo. — Achèvement du chemin de fer de Matadé à Dolo (388 kil.)
commencé en 1890. — La première locomotive arrive au Stanley-Pool.
19. — OcÉANiE. — Loi déclarant les îles Sous-le-Vent de Tahiti partie intégrante
du domaine colonial de la France.
23. — États-Unis. — Manifestations anti-espagnoles aux États-Unis.
24. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. l'abbé Rouiet :
La Colonisation française., chances de succès.
26. — Allemagne. — Le Reichstag vote pour 7 ans les crédits de la marine.
26. — Espagne. — Mémorandum du gouvernement espagnol aux six grandes
puissances pour protester contre l'agression des États-Unis.
27. — Espagne. — Élections législatives, majorité libérale.
27. — Chine. — La Chine cède à bail pour 25 ans Port-Arthur et Tallen-Wan
à la Russie.
. 31. — Chine. — Cession à bail à la France de la baie de Kouang-Tchéou.
31. — Algérie. — Manifestation des femmes antisémites à Alger.
31. — Corée. — La Russie rappelle son conseiller financier et ses instructeurs
militaires.
- 220 -
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
AFRIQUE.
liC coton du i^ndaii. — Pairmi les produits du Soudan, le coton est l'un
de ceux sur lesquels on compte le plus. Cette colonie pourra peut-être devenir un
jour une productrice importante de cette matière première. Préoccupé de savoir si
le coton récolté dans sa colonie pourrait lutter avantageusement avec ceux, qui
proviennent actuellement des grands pays cotonniers du monde: les Etats-Unis,
l'Inde, rÉgypte, le général de Trentinian a soumis à la Société industrielle de
Rouen des échantillons. L'examen auquel il fut procédé n'a pu conduire à une esti-
mation sûre, les échantillons étant trop petits ; mais les constatations faites sont
plutôt encourageantes.
Voici, par exemple, ce que dit M. Mabire, le rapporteur de la commission
chargée par le comité de mécanique d'apprécier les échantillons au sujet de l'up
d'eux : Kati, coton indigène cultivé non égrené. « 11 est Liane, fin, assez régulier,
et présente beaucoup d'analogie avec le coton des États-Unis d'Amérique ; il
devrait convenir aux mêmes usages. A signaler une certaine quantité de graines
entourées de coton tout à fait jaune, lequel est absolument sans qualité, etpourrait
rendre le coton blanc inemployable par la filature s'il s'y trouvait mélangé dans la
même proportion que le petit échantillon. »
Cette appréciation s'applique à un coton indigène ; en voici une autre qui con-
cerne un coton obtenu par semis de graines de coton Géorgie, longue soie qui est
plus satisfaisante. — « Nioro. Non égrené, coton très blanc, très fort, très fin et
soyeux, mais très irrégulier dans la longueur des fibres, ce qui pourrait l'empêcher
de lutter avantageusement avec les plus beaux cotons longue soie connus, auxquels
seuls il peut être comparé. Sa graine petite et noire se détache facilement des
fibres j>. Etc.
liCS cotonnades frauçftises à. Madagascar. — La République
française a publié ces jours derniers une intéressante étude sur Madagascar, étude
qui se termine par ces lignes qui seront un précieux encouragement pour nos
industriels fabricants de tissus de îoton :
« Il convient, en terminant, de donner un bon point aux fabricants de cotonnades
françaises qui ont bien compris le goût de leur clientèle malgache et la servent
suivant ses désirs ; les pièces fournies ont le grain et les dimensions voulues ; le
prix se maintient dans les bornes raisonnables et avantageuses pour tous.
» Aussi nos tissus auront-ils, avant peu, pris sur le marché la place occupée
jusqu'à présent par les tissus américains, réputés cependant pour leur qualité ; la
qualité des tissus français présentés aux indigènes est au moins égale, sinon supé-
rieure. Quant aux tissus anglais, inférieurs en qualité aux tissus américains, ils
— 221 —
supportent difficilement la concurrence. Les statistiques de la douane établiront à
brève échéance le triomphe de nos cotonnades; il suffit aujourd'hui de le constater
et de se réjouir du résultat obtenu. »
AMÉRIQUE.
Commcree extérieur des États-Unis (1807-1898). — Le ser-
vice de la statistique du Trésor vient de publier les relevés généraux préliminaires
du commerce extérieur des États-Unis pour l'exercice fiscal qui s'est clos le 30 juin
dernier. J'ai parcouru ces tableaux avec un vif intérêt, désireux de me rendre
compte des effets que le tarif Dingley, appliqué il y a un an, pouvait avoir exercés
sur les relations d'affaires de l'Union avec les pays étrangers, le nôtre particuliè-
rement. Sans aucun doute, différentes autres causes ont eu leur influence sur cet
exercice : les approvisionnements anticipés, qui précèdent toujours l'application
d'un tarif plus élevé, ont évidemment ralenti, cette année, les arrivages ; d'autre
part, la guerre est survenue et le trouble qu'elle devait produire sur le cours ordi-
naire des transactions a pu limiter les importations. Les exportations , de leur
côté, se sont trouvées activées par une mauvaise récolte au dehors.
Quoi qu'il en soit de ces causes anormales, les chiffres qui résument les comptes
commerciaux de l'année n'en sont pas moins dignes de retenir l'attention.
Tonnage. — Le tonnage des bâtiments employés au transport de marchandises
importées ou exportées indique tout d'abord plus d'activité en 1898 : il est de 10 %
supérieur au tonnage de 1897 et atteint le chifire considérable de 25,334,834 ton-
neaux à l'arrivée, avec un supplément de 2.50,000 tx à la sortie. Pour les 4/5, ce
tonnage est sous vapeur, la voile disparaissant de plus en plus.
Importation générale. — Les' marchandises amenées dans les ports américains
n'ont malheureusement pas profité de cette activité. La dernière année du tarif
Wilson avait été marquée par une importation de 764,730,000 dollars. Les arrivages
tombent à 616,005,000 dollars durant la première année du nouveau tarif. C'est une
diminution de 148,725,000 dollars, ou, en France, de 744 millions d'affaires.
Le tarif Dingley avait pour objet de relever les recettes douanières, trop réduites,
assurait-on, par les taxes libérales de la législation précédente. De 882 millions de
francs, le revenu douanier descend à 749 millions. L'une dans l'autre , les mar-
chandises paient 24 % de droits ; et, comme nombre d'entre elles entrent en fran-
chise, certaines matières premières par exemple, le taux ressort en moyenne à 46
et 47 "/o pour les produits taxés.
Comme dans nos statistiques françaises, les produits se trouvent, dans les relevés
américains, groupés en diverses classes d'après leur usage final. Voici comment la
diminution d'affaires se répartit entre ces divers éléments, en millions de dollars :
IMPORTATION AMÉRICAINE.
1897 1890 Perte.
Objets d'alimentation 245. 1
Objets fabriqués à consommer 137.3
Objets fabriqués à retravailler 87. 1
Matières premières 214.9
Articles superflus (de luxe) 83.0
764.7
181.4
63.7
82.5
51.8
07.9
17.2 .
204.5
10.4
77.4
5.5
616.»
148.7
222 —
Les états de développement permettront d'analyser ces chiffres. Le déclin des
objets d'alimentation doit sans doute s'entendre du café, du thé, et surtout du
sucre, sur lequel les nouveaux droits ont beaucoup pesé. Que les objets manufac-
turés aient été atteints, on s'y attendait, car c'étaient eux qui étaient visés. Les
matières premières en souffrance doivent comprendre les laines et les peaux qui
ont perdu, depuis un an, la franchise douanière. Les articles de luxe paraissent
sortir assez bien de l'épreuve, soit que les Américains riches ne se laissent arrêter
par aucune considération de taxe ou de prix, quand ils veulent des soieries, des
\'ins, des bijoux, soit encore que, les années dernières ayant été des années de
crise financière, les achats de ces articles fussent réduits déjà à un minimum peu
susceptible de réductions nouvelles.
Les nations qui ont échappé aux coups du tarif Dingley ne sont pas nombreuses.
Toutes, il est vrai, ne sont pas également frappées. L'Eueope, par exemple, a le
plus à se plaindre, puisqu'elle perd 124 millions de dollars sur les 148 de diminu-
tions que produit la nouvelle loi douanière, soit 30 % de son trafic qui était de
430 millions et descend à 308. Les Républiques transpanaméennes, pour lesquelles
les Etats-Unis professent une inclination marquée , voient leurs affaires faiblir de
d5 % i de même, les pays cispanaméens de rAmôrique du Nord perdent 14 %•
Seules, l'Asie et l'Océanie ont pu réaliser de meilleures ventes dans des limites, du
reste, assez étroites.
Etant données les ventes de chaque pays aux Etats-Unis et les pertes qu'elles
subissent, je pourrais classer les pays trafiquants d'après la valeur absolue de
cette perte. Je crois plus logique de grouper ci-après l'importance relative que
représente pour leur négoce la diminution d'affaires qui les atteint.
IMPORTATION.
1897
1898
Perte.
Perte.
(En millions de dollars).
Autriche 8.1
Danemark ».3.5
Belgique 14.0
Allemagne 111.2
Angleterre 187.3
France 67.5
Suisse 13.8
Pays-Bas 12.8
Italie 19.»
Suisse 2.5
Russie 3.2
4.7
3.4
42
».21
».14
40
8.6
5.3
38
89.7
41.5
37
109.1
58.3
35
52.7
14.8
22
11.3
2.4
19
12.5
)>.3
Gain.
2
Gain
20.3
1.2
6
2.6
» 1
7
4.5
1.4
40
Le tarif Mac-Kinley avait été des plus cruels pour l'Autriche. Aujourd'hui
encore, l'Autriche paraît gravement touchée. La Belgique ne semble pas beaucoup
plus épargnée, ni l'Allemagne, ni mémo l'Angleterre qui perdent plus d'un tiers de
leurs affaires. Pour être moins durement traitées, les ventes françaises sont encore
— 223 —
inférieures d'un cinquième à celles de 1897, ce qui représente un déclin de 71 mil-
lions de francs. L'Italie et la Suède ont pu vendre davantage. La Russie, dont le
tarif douanier n'est guère favorable aux produits américains a pu accroître ici, de
40 °/o ^of- chiffre d'affaires, d'ailleurs modeste.
Dans l'Amérique du Sud, les États les plus atteints sont : l'Argentine, dont les
ventes tombent de 45 7oi 'le 10,772,00;) h 5,975,000 dollars, le Venezuela où la
moins-value est de 20 "/„ avec 7,711,000 dollars d'apports, le Brésil, oii elle est de
10 7o avec 61,750,000 dollars. Les droits sur les laines, les peaux, les sucres, ont
probablement produit ces diminutions.
Nombre de dispositions du tarif Dingley devaient toucher les produits canadiens.
L'effet n'a pas été aussi considérable qu'on le redoutait ; alors que l'Angleterre
perd plus d'un tiers de son trafic, le Canada n'en perd qu'un cinquième et a pu
réaliser encore pour 32 millions de ventes, au lieu de 40 millions 3/4. Les Répu-
bliques de l'Amérique centrale, de même que les Antilles, souffrent des diminu-
tions. Le Mexique a conservé son même chiffre de 19 millions de dollars, il l'a
même légèrement accru.
Par un phénomène remarquable et une bonne fortune dont les États-Unis doivent
se féliciter beaucoup, alors qu'ils devaient redouter des mesures de représailles
conduisant à une réduction de leurs propres affaires, c'est l'inverse qui s'est cons-
taté. A aucune époque de leur histoire économique, les États-Unis n'ont été acha-
landés par une clientèle étrangère plus nombreuse ou plus avide de se pourvoir
de leurs produits. Déjà, en 1897, on avait, ici, fait grand état d'une exportation qui
dépassait le milliard. Cette fois, l'exportation s'élève à 1,210 millions ou même à
1,231 millions de dollars, si on comprend les marchandises en transit ou réex-
portées. Pour la première fois aussi, les exportations représentent le double des
importations, créent en faveur de l'Union une balance commerciale de nature à
mettre fin aux paniques des récents exercices.
L'exportation de 1897 ayant atteint 1,052 millions, l'augmentation, cette année-ci,
est donc de 178 millions. D'oii provient-elle ? Les marchandises exportées sont
classées ici comme suit :
EXPORTATIONS AMÉRICAINES.
1897 1898 Gain.
Millions de dollars.
Produits agricoles ....
— manufacturés
— miniers
— des pêches. . .
— divers
La plus-value des importations tient donc surtout à une visible cause : la disette
européenne. C'est le manque de blé dans plusieurs États de l'ancien monde qui a
déterminé un supplément d'envoi de grains, supplément qui représente, à quelques
millions près, l'intégralité de l'augmentation des ventes américaines.
Chose curieuse, l'Europe avait, plus que toute autre partie du monde, à se sou-
venir du tarif Dingley ; c"est néanmoins elle qui vient ici augmenter dans la plus
683.4
854.6
171.2
277.2
288.8
11.6
20.8
19.8
1.»
6.4
5.5
1.»
3.4
3.5
0.1
1.032.»
1.210.2
178.9
1898
Gain.
Gain,
95.4
37.8
66
47.6
14.5
44
5.7
1.6
41
64.2
13.2
25
12.7
2.5
25
155
29.8
23
6.3
8
15
— 22 i -
grande proportion ses acquisitions. Au lieu de 813 millions, 385,000 dollars comme
en 1897, ses ordres atteignent, cette fois, 973,699,000 dollars, 160 millions ou 20 "'^
de plus que l'çxercice précédent. C'est dire que l'immense extension prise par
leurs exportations, les Américains la doivent presque entièrement à l'Europe. Les
Etats cispanaméens contribuent à cette plus-value pour 14 millions 1/2 et l'Asie
pour 5 millions 1/2.
Gomme plus haut, pour les importations, je classe ci-après les nations d'Europ
d'après l'importance relative des sacrifices qu'elles se sont imposés pour contri-
buer ainsi à la prospérité de l'Union.
EXPORTATIONS AMÉRICAINES.
Millions de dollars.
1897
France 57.5
Belgique 33
Autriche 4
Pays-Bas 51
Danemark 10.2
Allemagne 125.2
Suède 5.4
Angleterre 4a3.2 540.8 57.6 12
Toutes proportions gardées , c'est la France qui a le plus accru ses achats aux
Etats-Unis durant l'exercice qui vient de se terminer. La Belgique et l'Autriche
ont suivi cet exemple, si éprouvées qu'elles aient été par le tarif Dingley. De même
le Canada, les Antilles, augmentent leurs ordres de 30 et de 18 % avec 84,911,000
26,439,000 d'achats cette année. Le Mexique qui avait vendu davantage à l'Union
diminue par contre ses commandes de 10 % 6* les réduit à 21,205,000 dollars :
également les Républiques de l'Amérique Centrale, la Colombie, le Venezuela,
restreignent leurs demandes. Le Brésil prend des marchandises de l'Union pour
13,317,000 dollars, l'Argentine pour 6,429,000 doU., le Chili pour 2,.351,000 doU.,
soit 7 1/2 et 8 % de plus seulement que l'année précédente.
Le marché du Japon s'est considérablement élargi, l'an dernier, aux produits
américains, — locomotives, rails, navires, sans doute. — 11 a reçu pour 20 millions
1/2 de ces produits, soit une augmentation de 55 %• La Chine s'est, au contraire,
restreinte de 18 % et n'a reçu que pour 9,993,000 doU. au lieu de 11,924,000 doll.
d'articles américains, pétroles et grosses cotonnades. Aux îles Hawaï, le vendeur
américain a pu placer pour 5,900,000 dollars, au Mozambique pour 2,898,000 doU.,
réalisant des progrès de 24 et de 55 %•
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ADJOINT , A. MERGHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
Lille Imp.LDaneL
225 —
GRANDES CONFÉRENCES DE LILLE
L'ENSEIGNEMENT COMMERCIAL
EN ALLEMAGNE
Conférence faite à la Société de Géographie de Lille,
Par M. DUPONT,
Membre du Comité d'Études de Roubaix.
Monsieur le Président ,
Mesdames , Messieurs ,
C'est sur la demande de notre sympathique Président et de
M. Merchier, dont j'écoute les conseils depuis nombre d'années, [que
j'ose venir ce soir vous entretenir de l'Enseignement commercial en
Allemagne.
Mais avant de traiter ce sujet je vous demanderai votre indulgence,
toute votre indulgence, car je n'ai ni l'habitude de la parole, ni celle
d'écrire. De plus, le sujet, en soi, n'a rien d'attrayant, car je devrai
vous faire passer du bureau du marchand au pupitre de la salle de
cours, où le jeune employé complète le soir ses connaissances commer-
ciales. L'ennui qui pourrait en résulter pour les dames que j'aperçois
dans l'auditoire étant inhérent au sujet, j'espère qu'elles ne m'en tien-
dront pas rigueur.
Dans l'enseignement commercial, comme dans toute science, il y a
deux choses à considérer, la pratique et la théorie, qu'on s'assimile
par deux méthodes différentes : ou bien on étudie la théorie pour
l'appliquer à la pratique, ou bien on apprend la pratique et la théorie
ensemble, l'une complétant l'autre.
En Allemagne, après bien des essais et des tâtonnements — car il y
existait déjà une école commerciale, il y a plus d'un siècle, en 1764 —
on est persuadé aujourd'hui que pour faire un bon commerçant il faut
suivre la seconde méthode. L'expérience a démontré, en effet, que
15
— 220 —
l'école commerciale où le jeune homme apprend en théorie seulement
ce qui doit lui faire gagner sa vie plus lard, ne sert qu'à produire des
jeunes gens, qui, lancés trop tard dans la réalité de la vie, en trouvent
les petits côtés au-dessous d'eux et deviennent des dilettanti du com-
merce, mais non des commerçants.
A part la Faculté commerciale de Leipzig, de création récente et qui
a un autre but, ce qui existe et ce que l'on encourage en Allemagne,
c'est le cours de pcy^fectionnement commercial. Le jeune employé
fréquente ces institutions, sa besogne finie, afin de compléter ses
connaissances spéciales, d'étudier tout ce qui peut lui servir dans le
commerce pour aider son pavs à conquérir la suprématie économique
sur le marché du monde — car tel est le rêve et le but que proclame
bien haut et que poursuit la jeune génération.
Ces cours de perfectionnement commercial existent partout, dans
chaque ville. Sous la pression de l'opinion et des Sociétés commerciales,
qui comprennent l'importance de la question, les employés dans cer-
tains duchés, sont même obligés, p«/' /a /o/, de suivre les cours jusqu'à
un certain âge. Ces cours font du reste partie intégrante d'une vaste
organisation due à l'esprit d'iniliative et d'union du commerçant
allemand.
Je me vois donc amené non plus à parler de l'enseignement com-
mercial au point de vue pédagogique seulement, mais plutcM à examiner
comment le jeune homme qui se destine au commerce peut devenir un
bon marchand.
Je prends ce mot à dessein, car il désigne d'une manière générale
tout homme s'occupant d'échanges et de commerce, soit qu'il troque
au Soudan de la verroterie contre des arachides ou qu'il négocie des
actions de charbonnage à la Bourse de Lille.
Il est d'une importance capitale de remarquer que ces cours com-
merciaux sont pour la plupart dus à l'inialive privée, que toutes les
Sociétés commerciales sont absolument indépendantes et ne reçoivent
aucune subvention de l'Etat, de la province ou de la commune. On
constate ainsi que, dans un pays comme l'Allemagne, où le socialisme
d'État est le ver rongeur qui devra saper les bases du nouvel empire,
c'est grâce à l'esprit particulariste et anli-socialisle des commerçants
que se sont constituées ces Sociétés d'employés de commerce, dont
quelques-unes ont plus de 50.000 membres, et qui, en ne comptant que
sur elles-mêmes, sans aucune tut<'lle gouvernementale, ont été l'une
des causes les plus importantes de l'essor commercial de ce pays.
— 227 —
Considérons le cas du jeune homme qui désire entrer dans le gros
ou le commerce d'exportation :
En sortant du collège ou de l'école primaire, notre jeune homme, à
la recherche d'une place, se fait d'abord admettre dans la Société des
employés de commerce de sa ville. Cette Société est soit autonome,
soit affiliée à une grande Société comme celle de Leipzig ou à une
Fédération comme la Fédération des Sociétés commerciales du Wur-
temberg ou de la Westphalie. La Société n'accepte que le postulant
ayant de bonnes références, puis elle s'occupe de le placer gratis.
Le voici placé ; voyons dans quelles conditions. Pendant trois ans il
sera ce qu'on appelle là-bas un apprenti, il ne gagnera rien ; à la Noël
.une gratification si l'on est content de lui, et c'est tout. C'est la période
la plus pénible de sa vie commerciale , son avenir en dépend en partie,
car les habitudes et principes qu'il prendra à cette époque, il les gar-
dera toute sa vie. On donne en Allemagne une importance telle à cet
apprentissage que la loi consacrant la tradition en fixe la durée, les
conditions, et définit les droits et devoirs respectifs du patron et de
l'apprenti.
On peut d'ailleurs déduire ceux-ci des termes par lesquels le code
commercial désigne le patron Lehrer, c'est-à-dire celui qui enseigne
et l'apprenti Lehrling, celui qui apprend.
L'apprenti donne, trois ans durant, tout son temps et son travail à
son patron, mais celui-ci s'engage à lui apprendre la pratique des
aff"aires, à faire son éducation commerciale et à lui laisser le temps
nécessaire pour suivre les cours de perfectionnement commercial.
On est persuadé en Allemagne que le succès ira, dans l'avenir, au
commerçant dont les connaissances spéciales de sa profession seront
les plus étendues, c'est pourquoi la loi donne une telle importance au
temps d'apprentissage.
A sa première entrée au bureau ou au magasin, on rappelle à notre
jeune homme que tout ce qu'il voit et entend, le secret professionnel
lui défend d'en parler, la loi est là, du reste, pour punir les indiscrets.
On est méticuleux dans les bureaux, vous voyez souvent des pancartes
ainsi conçues :
« Le temps n'est pas de l'argent, c'est de l'or. »
« Chaque chose a sa place et une place pour chaque chose. »
Il faudra que l'apprenti mette son porte-plume à telle place et non à
telle autre. L'ordre et l'exactitude sont souvent poussés si loin qu'une
— 228 —
suscription de lettre où la firme n'est pas scrupuleusement écrite telle
qu'elle a été enregistrée à la Chambre de Commerce, est souvent
refusée par le destinataire qui considère cette faute comme un manque
d'égards vis-à-vis de sa maison. Dans aucun pays il n'y a autant d'ar-
ticles brevetés pour les fournitures de bureau.
Coûte que coûte l'apprenti doit se plier à cette méthode de travail
exact et ponctuel. L'après-midi, s'il a une heure libre ou le soir, après
8 heures, il ira au cours de perfectionnement commercial, Foribil-
dangschulen, et là, il apprendra la théorie de ce qu'il voit chaque
jour.
Son apprentissage fini , l'apprenti désirera le plus souvent voir
d'autres méthodes de travail, aller en France, en Angleterre ou même
outre mer. Les connaissances que par un travail supplémentaire —
chaque soir — il s'est acquises, l'aideront à trouver une nouvelle
situation à laquelle l'employé ordinaire ne pourra prétendre. 11 paye
une cotisation à sa Société . mais elle l'a placé , a organisé les cours
qu'il a suivis, les conférences qu'il a entendues. 11 a aussi lu les jour-
naux commerciaux, et comme aller à l'étranger est considéré par lui
comme un grand bonheur, selon leur proverbe : « Quand Dieu veut
montrer sa sollicitude à l'une de ses créatures, il l'envoie loin, bien
loin à travers le monde », il part pour l'étranger.
Sa Société le place d'autant plus facilement qu'elle est organisée
pour cela. Ainsi en 1897, la Société de Hambourg a placé 5.516 de ses
membres dans 921 villes d'Allemagne, 90 vilh^s d'Europe, et 57 villes
hors d'Europe.
Une telle organisation fait partie de l'enseignement commercial d'un
peuple, je vais donc vous parler :
1° De ces cours où le jeune employé complète ses connaissances
pratiques ;
2" Des Sociétés d'employés de commerce qui dirigent ou inspirent
ces cours ;
3° De la Faculté commerciale de Leipzig où les professeurs vont
puiser les principes généraux de leur enseignement.
Mais je ne saurai trop le redire: l'employé voulant améliorer sa
position, le commerçant et l'industriel sentant le besoin d'avoir un
personnel bien instruit n'cnil i)as demandé à l'État ni à ses fonction-
naires de venir à leur aide, ils ont compté sur eux-mêmes et sur eux
seuls, ils ont créé ce qui leur manquait, et quand on examine les
— 229 —
tâtonnements, les essais heureux et malheureux, en un mot le chemin
parcouru depuis soixante ans, on peut comparer cette organisation
due uniquement à l'initiative privée, à ces Trades-Unions anglaises qui
l'ont l'admiration du monde entier.
Ecoles commerciales.
Dans chaque ville un peu importante il existe des cours de perfec-
tionnement colonial {Foribildungs-Schulen). Il serait fastidieux à mon
sens de les étudier toutes, car, grâce à la Fédération des Sociétés
d'employés de commerce et au Congrès annuel des Chambres de
Commerce de l'Empire, ces cours ont une tendance et une direction
parallèles. C'est à Leipzig, Hambourg, Francfort et Berlin que l'orga-
nisation est la plus complète ; voyons donc comment fonctionnent les
cours de perfectionnement commercial de Hambourg : ils dépendent
de la Société d'employés de commerce de celte ville, dont il faut être
membre pour pouvoir suivre les cours.
Les droits et devoirs du patron et de l'apprenti exposés plus haut
montrent que le patron est considéré comme l'éducateur de son
employé : il doit donner son consentement pour l'inscription au cours ;
lorsque l'élève n'est pas assidu, il en est prévenu ; après quelques
absences, l'élève est expulsé impitoyablement. On ne veut pas d'audi-
teurs-amateurs. Cette question des Cours commerciaux préoccupe
beaucoup le monde commercial d'outre-Rhin. On est persuadé que le
succès futur viendra au commerçant aux connaissances spéciales bien
approfondies ; l'opinion, les Sociétés et les Congrès commerciaux dis-
cutent les moyens de rendre ces Cours obligatoires pour tout employé
au-dessous d'un certain âge. C'est le travail préparatoire de la ques-
tion, d'ici deux ans le Reichstag en sera saisi.
Mais revenons aux Cours proprement dits, ils sont payants en
général, et les personnes compétentes que j'ai cousultées à ce sujet,
ni'onl répondu qu'on évitait ainsi les amateurs qui empêchent les tra-
vailleurs de progresser ; de plus, la pratique aurait prouvé que l'on
tient toujours plus à ce que l'on a obtenu difficilement.
A Hambourg, il y a deux séries de cours , l'un de 2 à 4 heures de
Faprès-midi, l'autre de 8 à 10 heures du soir. On se fait inscrire pour
autant de cours que l'on veut, et les deux séries permettent de disposer
ses études suivant les heures que le travail du bureau laisse libre. Le
programme est réparti en une, deux et même trois années, suivant les
matièrçs enseignées, dont voici la liste :
5°
»
6"
»
T
»
8°
»
9"
»
— 230 —
1° Économie commerciale et géographie ;
2" Arithmétique et comptabilité commerciale (comprenant les
monnaies, les changes, arbitrages, etc., etc.) ;
3** Langue allemande (correspondance commerciale et grammaire) ;
4" » danoise ;
anglaise ;
française ;
italienne ;
espagnole ;
portugaise ;
10' Calligraphie;
11° Comptabilité en partie double et américaine ;
12" » » simple ;
13" Sténographie, d'après la méthode Stolze ou Gabelsberger.
Cette école existe depuis trente ans, dirigée et administrée par la
Société des employés de commerce, et (ceci est pour ceux qui croient
que rien ne peut prospérer sans l'ingérence de l'Etat) elle ne reçoit
aucune subvention d'un corps officiel quelconque. En 1897, elle comp-
tait 728 élèves, ce qui est déjà un joli chiffre pour une ville comme
Hambourg, qui compte 720 maisons d'exportation.
Les langues y sont enseignées d'une façon commerciale et pratique.
Les langues sont beaucoup étudiées à Hambourg, dans les écoles pri-
maires : l'anglais est enseigné suivant plusieurs méthodes ; celle qui a
donné les plus beaux résultats est celle enseignée par M. Gustave
Hoeft ; j'ai entendu un enfant de 13 ans après 8 mois de cours soutenir
une conversation en anglais. Je n'étonnerai personne en disant que
cette méthode se base sur les principes de Gouin, un professeur français
de l'Université de Caen, dont l'œuvre est hautement appréciée en Alle-
magne, alors qu'en France il est à peu près inconnu !
Il est essentiel d'insister sur ce point que celte école n'est pas une
école préparatoire de commerce, non, elle ne reçoit que des élèves
qui sont déjà dans les affaires, ce sont des cours de perfectionnement
où le commerçant vient augmenter son capital intellectuel, et sur cette
question des écoles préparatoires et des cours, je ne crois pas inutile
de vous rapporter l'opinion de la Chambre de Commerce de cette ville,
à qui l'Allemagne doit en grande partie l'essor prodigieux de son
exportation. Eh bien, il y a quelques jours à peine, celte Compagnie
disait bien haut que les jeunes employés et commerçants ne seraient à
^ 231 -
la hauteur de la tâche que la lutte économique de l'avenir leur ferait
soutenir, que s'ils complétaient leurs dispositions naturelles en suivant
assidûment les Cours commerciaux. Dans le même document , la
Chambre prenait résolument position contre le? écoles préparatoires
de commerce qui font débuter les jeunes gens trop tard dans les
affaires.
Tel est l'enseignement technique , nous allons voir maintenant
comment les Sociétés d'employés de commerce cherchent à résoudre
le problème de l'éducation morale.
Les Sociétés d'employés de commerce.
Berlin en compte plusieurs avec 20.000 membres environ, Mann-
heim a une Société qui compte 3.000 membres, Francfort 14.000,
Munich 2.500, Leipzig 50.000 et Hambourg 56.000 membres. J'entends
ici les Sociétés ayant pour but le placement gratuit de ses membres,
car dans un rapport récent très documenté, notre Consul à Leipzig,
M. d'Héricourt, comptait à Leipzig seul 365 Sociétés différentes ayant
un but industriel, commercial ou professionnel.
Les associations dont je parle ne sont pas des Sociétés de secours
mutuels dont le but unique est d'assurer une maigre rente aux Socié-
taires quand ils seront vieux. Avant d'assurer l'avenir, il faut être
certain du présent, il faut èciter le chômage, telle est l'idée qui a fait
naître ces Sociétés aujourd'hui si puissantes. On en fait partie moyen-
nant une cotisation minime (5 à 7 fr.) par an, mais la Société prend
des renseignements sur votre honorabilité, avant de vous admettre.
Le Sociétaire sans place ou voulant changer de situation s'adresse à
sa Société qui est un véritable bureau de placement mutuel et gra-
tuit. La demande est envoyée au bureau de la Société avec un imprimé
sur lequel tous les renseignements sur vos connaissances vous sont
demandés. De leur côté, les maisons de commerce ont vite compris
l'immense avantage qu'elles avaient à s'adresser à ces Sociétés don-
nant des garanties de sérieux incontestables , pour avoir de bons
employés. Celle-ci met donc en rapport le patron et l'employé. En
1898, des maisons de commerce du monde entier ont adressé 13.856
demandes d'emplovés à la Société de Hambourg, elle réussit à placer
5.516 de ses membres, c'est-à-dire qu'elle répondit à environ 40 " „ des
demandes. Cette Société des employés de commerce de Hambourg est
du reste la plus puissante ; depuis 1858, époque de sa fondation, elle a
fourni plus de 68.000 places. Mais pour bien se rendre compte jusqu'où
— 232 —
s'étend cette organisatioD, il faut savoir que sur 5.516 placés. 1.690
seulement le furent à Hambourg, tandis que les 3.576 autres furent
envoyés dans 916 villes du monde entier, parmi lesquelles je relève
dans le rapport annuel : Lvon, Londres, Mexico, Port-Saïd, Saïgon,
A'alparaiso, Rio et Yladivostock.
Le but unique de toutes ces Sociétés analogues à celle de Hambourg,
fait qu'elles se sont facilement fédérées et qu'elles placent mutuelle-
ment leurs membres. Sans vouloir trop m'étendre sur la Société de
Hambourg, il me semble indispensable de faire remarquer encore que
sur les 56.000 Sociétaires, plus de 7.000 sont des patrons, précieux
exemple prouvant que c'est dans l'union que réside le succès. La
Commission comjjte les meilleurs commerçants de Hambourg. L'union
et l'initiative privée ont fait prospérer à ce point cette Société qui, en
1887, ne comptait que 20.000 adhérents, qu'aujourd'hui ses 56.000
Sociétaires sont dispersés aux quatre coins du monde, avec 279 sous-
comités dont 24 en Europe et 37 hors d'Europe. En 1897, les bureaux
de la Société, à Hambourg, reçurent 230.000 lettres et en expédièrent
448.000.
J'ai déjà dit que cette Société a institué des Cours commerciaux, il
y a en outre un local avec bibliothèque, des conférences sont faites.
De plus des sous-Sociétés sont organisées pour les caisses de retraite ,
l'assurance contre la maladie et les accidents, et l'on en fait partie en
payant des cotisations à part. L'assurance pour la vieillesse est obliga-
toire en Allemagne, mais la Société, montrant encore ici son esprit
particulariste et sa ferme volonté d'être maîtresse chez elle, a sa caisse
spéciale où l'ingérence de l'État est réduite à son minimum.
Il existe en Allemagne une association pour l'avancement des
sciences commerciales et une Fédération des Sociétés commerciales,
et celles-ci sont nombreuses ! Car, outre ces Sociétés de placement
dont je viens de parler, il y en a des milliers d'autres fondées pour
étudier ou faire aboutir telle ou telle question économique.
L'employé fait toujours partie d'une au moins de ces Sociétés, il
assiste à des conférences, va dans des réunions où les questions éco-
nomiques les plus ardues sont discutées. L'Allemand, par tempéra-
ment, peut lire des articles de journaux arides beaucoup plus facile-
ment que nous, il connaît donc mieux, en général, les questions
d'économie politique , de politique commerciale , etc. Donc , aux
conférences, aux réunions de Sociétés, le commerçant se trouve avec
des gens de la même profession, ayant les mêmes idées. Toute cette
— 233 —
organisation a formé un esprit de corps, et il faut reconnaître que le
but des promoteurs de ces Sociétés a toujours été d'élever le niveau
moral du monde commercial : le commerçant devint conscient de sa
situation vis-à-vis des autres professions dans la Société et conscient
de sa force vis-à-vis de l'étranger. Aussi, aujourd'hui, nous voyons la
jeune génération prétendre qu'elle arrachera la suprématie écono-
mique du monde à l'Angleterre ; à tel point que, il y a quelques
semaines, les journaux commerciaux, destinés à l'exportation, atta-
quaient l'Angleterre si violemment, que le Ministre de l'Intérieur dût
sévir.
C'est donc par les Sociétés commerciales , par les publications
spéciales, par le contact avec d'autres commerçants, que l'éducation
morale est faite.
La Faculté d'enseignement commercial de Leipzig.
Toutes les Sociétés dont je vous ai entretenus s'occupent des inté-
rêts de la corporation, elles se réunissent chaque année en Congrès
provinciaux ou nationaux, toutes les questions intéressant le commerce
sont étudiées, des résolutions sont prises et, ou bien — comme pour
la question du repos du dimanche — le Gouvernement envoie des
questionnaires, ou bien les Sociétés font des pétitions auprès du Par-
lement. Les Congrès où les Sociétés se réunissent prennent une
grande importance à cause de leur caractère général, leurs résolutions
sont prises en considération et c'est ainsi qu'en Juin dernier, le Sénat
de la ville libre et hanséatique de Hambourg, se trouvait fort honoré
de souhaiter la bienvenue au Congrès des Sociétés d'employés de
commerce venant siéger en cette ville. L'année précédente , le
Congrès avait décidé la création d'une Faculté d'enseignement com-
mercial : celle-ci fut inaugurée en Mars dernier.
Dès 1768, il existait à Hambourg une Ecole commerciale, mais c'est
surtout depuis quarante ans que le nombre de ces écoles s'est multi-
plié, car l'essor industriel et commercial faisait rechercher de plus en
plus les jeunes gens dont la pratique des affaires était complétée par
une instruction professionnelle plus solide.
Aujourd'hui , l'Allemagne entre en concurrence avec les autres
nations sur tous les marchés du monde, les intérêts économiques que
les Consuls, etc., ont à discuter, deviennent de plus en plus impor-
tants. Aussi, depuis quelques années, la nécessité d'avoir une Ecole
supérieure de commerce, traitant toutes les questions de plus haut et
— 234 —
d'un point de vue plus général que toutes les écoles dont je viens de
vous entretenir, se faisait cruellement sentir. En effet, l'on manque,
en Allemagne, de professeurs commerciaux ayant fait des études péda-
gogiques à ce point de vue spécial, et il manquait à leur enseignement
ce je ne sais quoi, qu'imprime à resi)rit une méthode philosophique
dans l'étude des grands problèmes d'économie politique.
De plus, une vue d'ensemble du commerce, des débouchés et des
courants commerciaux est indispensable aux hommes, bien peu nom-
breux, il est vrai, mais dont la valeur doit compenser le nombre, qui
sont destinés à diriger les grandes Sociétés industrielles et commer-
ciales qui se sont créées depuis une vingtaine d'années.
Les fonctionnaires publics (Secrétaires de Chambre de Commerce,
Consuls, Gouverneurs coloniaux), qui ont pour devoir de défendre et
de développer l'activité économique du pays doivent également avoir
du commerce, des idées générales que les écoles ordinaires n'ont pas
la mission directe de leur inculquer.
C'est pour ces raisons que la Fédération des Sociétés allemandes
d'employés de commerce avait, au Congrès de 1897, préconisé en
principe la création d'une école supérieure. Leipzig fut la ville choisie,
parce qu'elle possède une Université et que, d'après la théorie qui
prévaut en Allemagne, toute étude approfondie d'une science a pour
corollaire l'étude de la philosophie, destinée à relier cette science
spéciale à l'ensemble des connaissances humaines.
La Faculté ouverte en Avril dernier est des plus prospères : Alle-
mands et étrangers y sont reçus également, et les cours pédagogiques
destinés à réunir les professeurs une ou deux fois par an pour les tenir
au courant du progrès, ont eu un tel succès, qu'on vient de créer des
cours de vacances analogues à Berlin.
Telle est l'organisation que l'Allemagne a mis plus de cinquante ans
à constituer et à parfaire : le jeune Allemand pendant trois ans d'ap-
prentissage fait son éducation pratique dans le bureau ou le magasin ;
les conseils de son patron et les cours qu'il suit lui donnent l'instruc-
tion théorique.
Dans les réunions de sa Société, il prend conscience de l'importance
chaque jour croissante de ceux sur qui, comme industriels ou commer-
çants, repose de nos jours la prospérité d'un pays ; par le contact, les
conférences, les lectures, son éducation morale se fait.
A la Faculté commerciale de Leipzig, le commerce lui est expose
d'un point de vue plus général.
- 235 -
Telles sont les institutions destinées à former cette armée dont le
but avoué est d'arracher à l'Angleterre le sceptre commercial que cette
puissance tient depuis si longtemps.
Et il me sera permis de terminer celte étude en souhaitant que
l'expérience que nos voisins ont acquise dans ces questions puisse être
mise à profit par nous, en France, pour prendre, dans la lutte écono-
mique des peuples, la large part qui doit revenir à notre travail, notre
goût artistique et notre intelligence.
AU PAYS
DE REMBRMDT ET DE FRANS HALS
Coups de crayon sur un Carnet de vcyage (1)
Pi\T Victor DE SWARTE,
Trésorier général des Finances,
Correspondant du Ministère de rTnstruction Publique
(Section des Beaux-Arts — Section d'Histoire et de Philologie),
Membre de la Commission historique du Nord,
Membre adjoint du Comité de la Société de géographie de Lille.
PREFACE
Nous avouons tout naïvement au lecteur, au risque de compromettre
les sentiments d'indulgence qu'il aurait peut-être pour nous, que ce
n'est pas un seul voyage en Hollande que nous lui retraçons aujourd'hui,
mais bien six voyages effectués dans les circonstances les plus
différentes.
(1) Notre but n'est pas de tenter en audacieux une étude ex professa, de la peinture
hollandaise. Cette matière a été magistralement traitée dans les Maîtres d'autrefois
par notre regretté ami, Eugène Fromentin. Nous avons voulu seulement reproduire
en dilettante nos impressions personnelles à la vue des chefs-d'œuvre renfermés
dans les musées des Pays-Bas et noter dans notre carnet quelques réflexions sur
l'enseignement artistique d'aujourd'hui, les tendances, les procédés de l'art à
notre époque.
- 236 —
Nous ne sommes, en aucune façon, le Monsieur au sonnet et nous ne
disons pas pour gagner les faveurs :
... je n'ai demeuré qu'un quart d'heure à le faire,
Non pas.,., les impressions premières se racontent dans l'intimité, à
table, dans les ateliers de nos amis les artistes, en suscitant du reste,
des discussions qu'il faut toujours supporter avec grâce, sauf à
s'obstiner quand l'adversaire ne vous a pas persuadé, ce qui advient
souvent. On trouve alors que la véritable orthodoxie, c'est sa doxie à
soi, et il est quelquefois bon de se tromper lorsqu'on est soi-même très
convaincu : nous ne nous proposons pas de rendre compte des
sentiments des autres, mais bien de ceux que nous éprouvons.
A contempler souvent les mêmes œuvres, nous nous sommes fait
une opinion, et c'est cette opinion que nous prétendons exprimer.
Est-il d'ailleurs, pour les amateurs de tableaux une jouissance plus
complète que de visiter les musées déjà parcourus ? revoir les tableaux
qui plusieurs ibis ont attiré nos regards, et sentir s'aviver notre
admiration devant des compositions ingénieuses et habiles, de brillants
effets de lumière et de coloris ou de savants arrangements de
draperies ?
Celui qui se borne à parcourir un musée, le catalogue à la main,
pressé, inquiet, ne recueille souvent qu'une courbature ; dans sa
précipitation il a grisé son œil, la course aux chefs-d'œuvre lui a
donné la migraine.
Il me souvient qu'avec nos amis de la villa Médicis, alors que nous
passions une journée exquise à la Chapelle Sixtine, nous vîmes défiler
un troupeau humain à qai le cicérone d'une agence accordait
dix minutes pour admirer les fresques peintes au plafond par Michel-
Ange : la création vigoureuse de l'homme, la naissance suave de la
femme évoquée comme une fleur par le Père éternel ; les sybilles, les
prophètes des écoinçons et le grand panneau du Jugement dernier. Le
peintre Pinta qui était des nôtres conseilla à l'une des victimes d'aller
plutôt fumer un bon cigare français sur le pont St-Ange, lui certifiant
que le souvenir de Michel-Ange serait tout aussi précis, dans son
cerveau, le lendemain.
La crainte de cette lassitude faisait dire, à un Anglais, charrié en
breack avec une cohorte de touristes, du Louvre au Luxembourg:
— 237 —
« Encore des tableaux ! je viens d'en voir » ; et il refusait obstinément
de descendre, préférant fumer sa petite pipe. C'était un sage.
Pour éprouver une satisfaction réelle, il faut visiter un musée, une
première fois, sans catalogue, en se laissant inviter par les tableaux
qui vous sollicitent, prendre quelques notes très sommaires, revoir
ensuite avec son livret, se promener de salle en salle, puis revenir et
revenir encore. Qui n'a connu ce plaisir n'éprouve que l'impression
superficielle et fugitive du voyageur en train express devant lequel
défilent des panoramas incohérents. C'est en relisant un livre qu'on le
juge sainement, la première lecture est, en quelque sorte, une besogne
matérielle, un opéra entendu une première fois ne saurait être apprécié
avec justesse, tout vous trouble, la salle, l'affabulation parfois confuse,
les costumes, les décors, on ne peut goûter les impressions vives de
l'orchestration et la variété des timbres... il v faut revenir pour juger :
« A mon âge, disait un de nos grands philosophes, je ne lis plus, je
relis ».
Il en va de même pour les œuvres de peinture et de sculpture. Une
première impression fait papilloter le cerveau; il ne reste que la
sensation rompue et bizarre que vous donne un kaléïdoscope. J'irai
plus loin, les compagnons de voyage qui vous entourent et qui tous
veulent exprimer une opinion, sont aussi le plus souvent un motif de
trouble, les bruits de la foule inconsciente et impulsive vous assour-
dissent, l'oreille se fatigue au détriment de la vision. Tous ceux qui
aiment savourer la vue des objets d'art me comprendront. Pour moi,
j'ai eu cette bonne fortune d'avoir toujours en Hollande, des
compagnons choisis dont le discernement et le goût ne faisaient
qu'accentuer, sans déviation, mes propres impressions et tout d'abord,
à deux reprises, ma compagne à la vision très sûre, très juste, qui a
partagé aussi mes émotions de l'Italie, de la Russie, de l'Allemagne,
de l'Autriche et de l'Angleterre, — ce dernier avec noire Lise adorée, —
et un charmant lettré, mon collègue aujourd'hui, à qui j'envoie de loin
ce salut fraternel, qui après avoir apprécié les maîtres flamands et
hollandais m'a demandé de l'accompagner en Andalousie et a décrit en
maître les beautés de l'Alhambra.
J'ai eu aussi la bonne chance de parcourir toute la Hollande avec
un jeune ménage qui se retrouvera souvent dans mes notes rapides
sur l'excursion d'août 1897. Le capitaine, fils et petit fils de général
était très documenté sur l'histoire militaire et goûtait beaucoup les
Pays-Bas tout pleins de souvenirs guerriers. Il n'en était pas moins fort
— 238 —
amoureux des pacifiques tableaux de genre et des portraits de Frans Hais
qu'il plaçait au dessus de tous les peintres. Sa blonde moitié ne perdait
pas une occasion de voir et d'admirer, jamais lasse, toujours allante,
un crayon à la main , elle garnissait un mignon calepin de notules
savoureuses sur les maîtres hollandais ; elle en conterait long
aujourd'hui sur Rembrandt et sur Steen.
Pour finir, je dirai que mon dernier voyage en mai 1898, s'est
effectué en la société tout éprise d'art et de belles choses de
compagnons et compagnes de route, compatriotes de ce cher pays
du Nord, où si nombreux sont les artistes, plus nombreux encore
les dilettantes. Le souvenir de cette excursion trop rapide, où les
conversations et les discussions artistiques naissaient spontanément
et vivement au contact des chefs-d'œuvre est encore tellement vivant
en nous que nous ne pouvons nous rencontrer ou nous écrire, sans
parler de recommencer ce voyage ou d'en exécuter un autre dans le
même enthousiasme avec cette fleur de toutes les impressions colorées
que l'on ne rencontre qu'en la société de femmes distinguées d'esprit
et d'hommes qui connaissent le prix de la vie et placent au-dessus
de tout, la grande fraternité des pensées élevées et de l'art éternel.
Nous raconterons quelque jour les impressions d'art que nous avons
ressenties en Belgique, surtout à Bruges dont le coloris flotte en nos
imaginations, avec ses Memling expressifs, ses églises où dorment les
souvenirs dos ducs de Bourgogne, ses tours hautaines, ses pignons
crénelés. Nous aurons plaisir aussi à crayonner quelques pages sur le
Musée de la Tour, à Sl-Quentin.
Je ne voudrais pas clore cette préface sans donner un remerciement
chaleureux au très aimable Consul des Pays-Bas, M. Ledieu, qui
m'avait garni le portefeuille d'accréditations toutes puissantes, de
véritables « Sésanie ouD-e-toi ».
I.
DORDRECHT
Le bras de mer est passé, nous approchons de Dordrecht De tous
côtés, tournent les moulins, les jolis moulins, la joie de nos aquarellistes,
— 239 —
avec leurs tours de pierre coupées par un balcon en encorbellement
au-dessus duquel s'agitent des ailes rouges au milieu des prés fleuris
de trèfles et de renoncules. La lumière blonde argenté les saules et
fait vibrer les taches noires des génisses. Au bout de l'horizon, des
silhouettes d'arbres ouatées, coupées ça ot là, de petits clochers
pointus et de grêles peupliers qui s'élancent en fuseaux
Nous entrons à Dordreclit sous une voûte d'arbres, aux larges
ramures et à l'épaisse frondaison ; de chaque côté, des villas exquises
de fraîcheur émergent des jardins mouillés par un gracieux cours
d'eau. Les portes de ces riantes demeures sont dissimulées sous le
lierre d'où serpentent en rinceaux des branches de clématites.
Voici la Groote Kerk avec sa belle grille de cuivre qui sépare le
chœur de la nef. Les sculptures des stalles représentent l'entrée de
Charles-Quint et une procession dont les personnages contrairement
aux traditions des « imagiers » des Pays-Bas et de l'Allemagne sont
traités à l'antique avec des flottements et des enroulements de fines
draperies d'un goût athénien. Les tètes minces et gracieuses surmontent
des corps plus allongés que les proportions humaines, c'est un petit
stratagème dont Michel-Ange et Jean Goujon étaient accoutumés.
Le XYIIP siècle reprit plus tard ce canon au grand profit de l'élégance
et de la finesse des figures. Une jeune huguenote blonde, aux yeux de
myosotis nous montre toutes ces œuvres d'art avec un fin sourire
plein d'énigmes, on dirait la petite Rosa de La Haye, la fille du geôlier
Gryphus dans la Tulipe noire de Dumas.
Dans toute la ville qui se prépare à recevoir dimanche, la petite
reine Wilhelmine, se dressent des arcs de triomphe et des escaliers
d'apparat de grande allure architecturale. Les rues sont encombrées,
et les petites voitures des laitiers, traînées par de bons toutous, brillent
de l'éclat doré des buires gigantesques. Les jolies paysannes portent
sur la tète un casque d'or recouvert d'un bonnet de dentelle, aux
larges ba volets, et, à la hauteur des oreilles, des tire-bouchons ou des
œillières agrémentées d'épingles émaillées. Celte note pittoresque
charme les yeux sous le soleil qui illumine benoîtement les choux-fleurs,
les betteraves rouges et les cornichons solennels. Sur tout le marché,
des cris de vendeurs jettent la joie, cependant que carillonnent les
cloches qui ont tinté souvent pour appeler les Hollandais aux grandes
luttes de jadis.
— 240 —
Çà et là, des canaux coupent les rues et donnent aux maisons qui se
mirent dans l'eau, une perspective variée de pignons étranges aux
silhouettes fantaisistes. Aux fenêtres, fermées par de minuscules
vitrages, se balancent des plantes grimpantes qui ondulent sur le mur
verdoyant de mousse. Dans les rues, des portes sculptées du XVIIP
siècle, des rampes en fer forgé et des balcons chantournés dessinent
de capricieux profils. L'ami Robida pourrait passer ici de bonnes
heures, et dessiner de puissantes eaux-fortes loin des cubes de pierres,
triomphe géométrique de nos villes modernes.
Au musée, nous admirons un beau portrait du peintre anglais
/?e^>?o/ds par Ary Schefîer qui est né, comme on sait, à Dordrecht.
Les héritiers français de ce grand maître qui sont gens de bien et de
goût et s'entendent aux choses de la peinture devraient bien intriguer
pour retirer de cette galerie, la Résurrection de Lazare, peinture
anémique d'un classique maniéré. De Baen laisse voir de lui, les
portraits de Jean et Cornelis de Witt et ceux du père et de la mère
du grand pensionnaire et du Contrôleur des digues, victimes des
fureurs des habitants de La Haye. Nous admirons aussi quelques beaux
paysages modernes de Bernard Kaldewen, puis nous retournons sous
les arbres ombreux, l'eau se ride doucement , les clématites fris-
sonnent, les fleurs rouges éclatent en joyeuses fanfares sur la verdure
des pelouses. Nous regardons la Meuse sillonnée de nacelles aux voiles
écartâtes, puis nous cheminons entre mille moulins ; c'est ici que le
bon poète du Chat noir, Paul Delmet, pourrait chanter :
Tourne, tourne mon moulin (1).
H.
ROTTERDAM
Adieu, la vie paisible de Dordrecht, ici tourne un autre moulin. Dans
le port, des steamers d'importance soufflent et halètent, cependant que
(1) Il nous a été donné de voir en diverses saisons les environs de Dordrecht.
L'aspect du printemps nous a séduits tout autant que celui de Tété. Les gammes de
vert allant de l'avoine arjrentée jusqu'au vert sombre des blés, le chant joyeux des
genêts d'or sur les sapins rabougris ou sur les haies d'aubépines fleuries, les jeunes
pousses rouges des arbres dans les petits bois qui coupent les pâturages ont laissé
dans nos yeux le mirage d'une exquise aquarelle (mai 18'J8).
- 241 —
des coquilles de noix apportent de tous les canaux des marchandises
bouclées et emballées qui vont prendre la haute mer. Ici, c'est la
turbulence de la vie en opposition avec les mœurs pastorales.
Le musée Boijmans est installé avec beaucoup de méthode et
d'élégance. Nous approchons le nez, comme doit faire tout bon myope
d'une délicieuse série de petits croquis à la plume de Rembrandt. C'est
là qu'on peut voir avec quel brio, dans quel bouillonnement impétueux,
l'idée première d'un tableau lui montait au cerveau et comment il la
traduisait en quelques traits essentiels et rudimentaires. Il est inté-
ressant aussi de voir le portrait de son père Hny^men Gerritz van
Ryn, coiffé d'une toque noire et vêtu à l'orientahî dans le fracas des
couleurs rouges et vertes, violettes et jaunes.
Il nous sera permis de tenir cette œuvre pour médiocre et de ne pas
lui décerner les éloges que nous donnerons à la plupart des toiles du
maître que nous plaçons si haut dans la hiérarchie des peintres. Il
n'est que les snobs pour chanter la louange universelle et rendre le
compliment suspect et fade à force de prodigalité. Ce n'est pas nous,
admirateur passionné de Rembrandt qui voudrions nous extasier
devant la grisaille qu'il a peinte en mémoire des traités de Westphalie:
trop de flèches allégoriques qui sont des rébus dont il faut chercher la
clef dans les guide-ànes ; assez du lion couché et la peste soit des
chaînes symboliques qui l'attachent. L'arbre de la liberté qui a perdu
ses feuilles peut charmer des mélancolies qui ne sont pas les nôtres,
mais Rembrandt avait mieux à faire que de s'épuiser dans la préciosité
ridicule de ce fatras d'allégories. Les procédés pompeux de la peinture
officielle auraient émasculé ce monstre de génie. 11 est heureusement
resté lui-même avec ses dons prodigieux : sous son pinceau la lumière
éclate en notes fulgurantes sur les clairs obscurs ; ses figures aux
puissants reliefs, et ses draperies savantes éblouissent nos yeux. Nous
laisserons donc la grisaille de Rotterdam comme une page de second
ordre, les bons chevaliers bardés de fer, les cavaliers armés de piques
ne rivaliseront jamais avec le portrait de la jolie Frisonne, Saskia, sa
fiancée, exposée, l'an dernier, à l'école des Beaux- Arts, à Paris, déli-
cieuse en ses draperies vertes et son portrait joyeux, et un tantinet
égrillard avec sa femme sur ses genoux, à Dresde, ainsi que les
grandes toiles de l'Ermitage de St-Pétersbourg.
Saluons en passant les portraits si chaleureusement peints de Van
16
— 242 —
der Helst : un Ministre Prolestant, Portrait d'Homme, Portimit de
Femme, celui du drapier Ahraliam del Court avec sa Femme, celui
du Directeur de la Compagnie des Indes, Daniel Bernard. Quand
on voit ces personnages de face on sent qu'ils ont un dos. Celte
image sera bien comprise, elle rend exactement notre pensée. Voyez
donc par comparaison le portrait du malheureux grand pensionnaire de
Rotterdam, Johan A^an Olden-Barneveld, copié d'après Mierevelt et
vous verrez comment un peintre peut plaquer une image sur une toile
sans souci du relief.
Avant d'admirer à Harlem les beaux tableaux représentant les
corporations de Frans Hais, nous saluons à Rotterdam le Portrait d'un
Vieux Seigneur brossé par ce maître illustre. Les peintures de
corporations ne manquent pas non plus au musée Boijmans : Cornelis
Willems Eversdijk y a représenté deux réunions des officiers et
membres de la confrérie « V Arbalète noble » de Yan der Goes et la
Confrérie des Arquebusiers; son flls Willem a peint aussi les
arquebusiers de Goes.
DeuxMariiies de Backhuysen et le Port du Texel de Yan de Yelde
nous donnent aussi un avant-goût des œuvres que nous verrons dans
les galeries plus importantes. Le musée de Rotterdam est, en effet,
tombé au second plan depuis qu'il a perdu, en 1864, dans un incendie,
près de 300 tableaux.
Hobbema nous montre deux paysages. Toute la dynastie des Ruisdael
est représentée ici ; Jacob Salomon par un Paysage boisé, Jacob Isaac,
son fils, par un Champ de blé, un Chemin sablonneux et Y Ancien
marché aux poissons et Salomon par la Meuse devant Dordrecht.
Ces deux derniers, on le sait, étaient les fils de Jacob Salomon.
Jean Wouwerman est rei)résenté ici par les Dunes, et son frère
Philipj)e, celui quia rendu le nom illustre, nous laisse voir, les Soldais
pillant un village.
Que de beaux portraits seraient à signaler, mais nous sortirions
du cadre où nous voulons placer nos impressions. Il serait pénible
pourtant de ne pas donner un souvenir aux deux Portraits d'hommes,
de Simon de Vos, à ceux de Gaspar Xeischer et à celui de son fils
Constantin, à la Jeune femme de Pnulus Moreelse, à la Femme de
Pieri'e Puurbus et au Prêtre de Gabriel Metsu.
— 243 —
La gaîté flamande no perd jamais ses droits. Adrien Yan Ostade
nous apparaît avec le Pai/san qui rit et un Jurisconsulte dans son
cabinet ; Jean Sfeen nuus donne la Fête de St-Nicolas et l'Opérateur.
Le Marchand de poissons do Frans Mieris est d'une grande vérité
d'observation. Voici les Oiseaux de Gilbert d'Hondecoeter, ceux de
Melchior, son fils, et le Cygne mort de Jean Weenix avec les natures
mortes, si nombreuses au musée de l'Ermitage, de Cornelis et de Jean
de Heem. Un autre peintre de natures mortes et d'animaux, grand
maître du genre, Frans Snyders, est représenté à Rotterdam par un
Sanglier se défendant contre les chiens.
Voyons pour finir, le Village de Noordioich par Jean van der Meer,
et aussi une rareté bibliographique, le merveilleux ouvrage sorti,
en 1665, des presses de Jacob Scliepper, à Amsterdam, avec les dessins
si fins de Jac Cats dont l'œuvre complet est publié en ce livre.
m.
LA HAYE. — SCHEVENINGUE
Avant d'étudier les œuvres d'art de la Haye, nous nous rendons
à Scheveningue, délicieuse plage à laquelle on accède par un bois
de haute futaie, placé à souhait, près de cette capitale aristocratique,
d'un aspect très élégant, d'une propreté surtout, qui est proverbiale.
Les soins les plus minutieux sont donnés aux façades des demeures ;
les vitrages, les cuivres des portes étincellent et les trottoirs sont
invitants pour les promeneurs.
On arrive aux dunes de Scheveningue par une route bordée de
fraîches résidences d'été, plantées dans des bouquets de riches feuillages
ornementaux et entourées de parcs fleuris. C'est ici, mieux qu'en nos
grenouillières banales^ attristées d'hôtels et de hoardlng houses, que
s'écoule doucement la vie, dans la tiédeur de l'atmosphère rafraîchie
sans cesse par le zéphyr de la mer.
La plage de Scheveningue est une résidence délicieuse et nous com-
prenons le juste orgueil des Hollandais pour cet asile poétique. Nous
parlerons plus loin d'une autre plage, Zandvoortqui donne aux grands
bourgeois d'Amsterdam et à ceux de Harlem, les heures de doux
farniente que Scheveningue ménage aux patriciens de La Haye.
MAURITSHUIS.
C'est la Leçon d'anatomie «de Rembrandt que, pour la sixième fois,
nous avons été admirer à La Hâve. La figure du maître Nicolas Tulp
est dans nos yeux depuis longtemps et nous aurons l'occasion de la
reconnaître, en maints portraits, particulièrement à la Galerie Six à
Amsterdam. Cette œuvre de haute facture a été exécutée, on le sait,
pour la ghilde des chirurgiens d'Amsterdam. Nous suivons avec
attention la leçon comme le font trois des élèves et nous pardonnons
aux quatre autres de regarder un peu trop peut-être le spectateur,
parce qu'ils nous montrent sur leurs collerettes blanches de belles et
intelligentes figures. Nous ne voudrions pas lui donner la même
importance qu'à la Ronde de Xuit qui nous semble l'œuvre dominante
de Rembrandt. 11 n'en est pas moins que la Leçon d'Anatoniie offre une
composition intéressante à laquelle manquent encore les moyens
prestigieux de la peinture du maître, qui n'éclate pas ici, en feu
d'artifice, comme dans la toile magistrale d'Amsterdam. Toutefois,
les effets de clair obscur existent déjà et ce brillant début donnait
l'espérance des succès futurs.
A ceux qui n'admettent pas que la peinture demande de nous un
certain dédoublement, et qui soutiennent qu'il n'est de beaux tableaux
que ceux que la foule admire, à ceux-là, nous dirons que la leçon
d'anatomie ne saurait trouver grâce devant eux, car le sujet n'a rien
d'enjoué et la peinture n'est pas brossée pour amuser les petites filles.
Mais à quoi bon chercher le goût de la foule, son appréciation n'est-
elle pas toujours un peu suspecte ? Quand le peintre s'est bien agenouillé
devant ses prédilections et lui a servi la marchandise qu'elle désirait,
n'a-t-elle pas des réveils qui lui font briser l'idole de la veille et rendre
une justice tardive aux œuvres méconnues ? Que peut donc faire à
l'amateur, au dilettante sincère, l'opinion de cette masse impulsive qui
prétend que la beauté d'une œuvre d'art doit nous saisir comme la
beauté d'une jolie fille qui passe, que, dans un opéra, il ne faut jamais
laisser travailler son esprit, mais s'attacher seulement aux mélodies
banales que les petits mitrons et les peintres en bâtiments peuvent
chanter le lendemain ?
Pour nous, notre point de vue est autre, et nous cherchons dans un
tableau de Rembrandt, par exemple, à plonger dans les regards des
— 245 -
personnages, à cherelier leur âme, leurs pensées intimes, à interpréter
ces physionomies qui ne sont point l'effet du hasard, d'une expression
fugitive comme dans la photographie d'un instantané. C'est ainsi qu'il
nous arrive — nous le croyons du moins, — de ressentir en diminutif le
choc qu'a dû éprouver l'artiste lui-même.
Elle mérite bien, de notre part, une étude passionnée cette école
hollandaise, ce ne sont pas les idées mystiques si délicieusement
exprimées par nus maîtres de Bruges et de Gand qui l'unt inspirée ;
elle n'a pas non plus suivi le thème du grand vénitien d'Anvers, l'im-
mortel Rubens, qui est avant tout, dans l'expression élevée du mot, un
décorateur à la riche palette. Les maîtres hollandais et, par-dessus
tous, Rembrandt et Frans Hais, qui ne se sont point efforcés d'embellir
des princes plus ou moins gracieux et élégants, arrivent au maximum
de la représentation de la physionomie et des allures de leurs grands
bourgeois.
A ce titre, plusieurs portraits de Rembrandt exposés à La Haye
présentent un vif intérêt, le sien d'al^ord en Officier, avec un bel effet
d'ombre sur la figure et une lumière étincelante sur le col ; celui de
sa Mère, le portrait de son Frère Adrien, qui nous apparaît bien
comme l'ex-savetier. Un portrait du peintre à l'âge de 23 ans et celui
de sa femme Saskia.
Les qualités maîtresses de l'artiste se dévoilent dans la Présentation
au Temple que nous préférons à la Suzanne au bain, où l'arrangement
des draperies est d'un art bien supérieur à la construction du modèle ;
on a voulu v retrouver Saskia.
Paul Potter nous donne une peinture très exacte et d'un aspect de
grande vérité dans le Jeune Tam^eau. Le bouvier et les animaux sont
d'une exécution très finie, et ceci sans puérilité, bien que les badauds
admirent sur le dos du taureau les poils qu'on pourrait compter et les
mouches qui paraissent vivantes. Le plaisir de voir au microscope un
tableau de cette envergure n'est pas celui que nous cherchons. Le
peintre qui n'avait alors que 23 ans, a fait grand et non minutieux
dans son ciel très orageux, d'une justesse parfaite. La lumière projetée
sur le pré du second plan est d'un charme inexprimable. Disons, sans
vouloir diminuer, en quoi que ce soit la beauté de l'ensemble, que toute
la partie de droite et le centre occupé par le taureau, méritent surtout
l'attention.
— 246 —
Trois des belles œuvres du Mauritshuis sont les tableaux de Breughel
le vieux, dit « de Velours » : le Paradis ter^resire, le Repos en Egypte
et le Christ délivrant les âmes du PiÀrgaioi7'e.
Il faudrait écrire un volume pour peindre nos impressions à la vue
des neuf peintures de Wouwerman. Le Départ de V hôtellerie est la
plus remarquable, à notre sens. L'artiste n'y a pas oublié son beau
cheval blanc qui est devenu, en quelque sorte, sa marque de fabrique.
Notons aussi de Rogier Van der Weyden, le maître de Memling, un.
Christ descendu de la croix.
Nous nous sommes retrouvés au salon carré du Louvre, au Prado et
à Se ville avec la Vierge et V Enfant Jésus de Murillo.
Pour grouper ensemble les peintres étrangers, citons ^Marcello
Fagolino avec sa Vierge et l'Enfant Jésus entourés de saints etMatea
Cereso qui a peint une exquisse Madeleine pénitente à la figure
empreinte d'une tendre expression et aux draperies du plus bel
arrangement. Deux portraits encore de Picro di Cosimo représentant
l'un le Musicien Francesco Giamberti au profil très énergique, sous
le bonnet écarlate, est vêtu d'un pourpoint brun orné d'un large col
noir; l'autre, celui de l'architecte florentin Giuliano da San Gallo.
Et enfin , le portrait du fils de Philippe IV, l'infant Charles
Balthazar dont un double figure à Londres, dans la collection de la
Reine Victoria, à Buckingham Palace.
Admirons de Palma-le-Vieux le Portrait de Jeune Femme aux
cheveux blonds, à la gorge découverte. Ce tableau est rutilant de
coloris comme ceux du même maître à l'Académie de Venise.
Le maître Jordacms nous fait passer la Mer rouge, et l'élève de
Rembrandt, Salomon Koninck nous représente dans V Adoration des
Mages une concentration étinclante de lumière sur la figure delà
Vierge et de Jésus avec de brillants effets de costumes d'Orient dont
sont parés les princes guidés par l'étoile.
Rubens est re])résenté brillamment en cette belle galerie : Eve
offrant à Adam le fruit défendu et les Naïades remplissant la corne
— . 247 —
d" abondance sont peintes avec une virtuosité sans égale. On y respire
un air fluide et transparent. La naïade vue do dos est peut-être plus
charnue qu'élégante : le maître flamand aimait les belles chairs et s'en
donnait à cœurjoie, sans craindre les débordements.
Les portraits de ses deux femmes, Isabelle Brandi et Hélène
Fourmcnt attirent tous les regards. Cette dernière est peinte avec des
torsades de cheveux blonds rehaussées de perles, la toque noire est
agrémentée d'une plume d'autruche blanche qui donne au port de la tête
une superbe élégance. La robe est de satin bleu avec des crevés blancs,
les mains sont des plus gracieuses. De Rubens encore, le portrait du
provincial des Dominicains Ophovius. Toute la puissance du grand
Anversois se montre dans cette œuvre. Ce serait le cas de faire une
comparaison entre les caractères des portraits de Rubens et les
personnages de Van Dj'ck, par exemple ceux de Sir Sheffield et
]Vr Sheffield.
Van Dyck qui, mieux encore que son maître Rubens, s'entendait
à donner de la majesté à un portrait, témoin le portrait de Charles P*",
roi d'Angleterre, au Louvre et Lord Warthon, à l'Ermitage, se fait
admirer ici par la figure de S/r Sheffield, iris axpressiye snr la.
collerette blanche. Les mains sont d'une belle facture et le reflet de la
lumière sur la manche gauche est du plus heureux eff"et. Le portrait
CCAn7ia Wake, épouse de Sir Sheffield, est sans contredit un des
plus beaux du maître : les gammes des blancs du col, celles des crevés
et des broderies sont une merveille ; l'auteur y a ménagé tous ses eff"els
de blanc pour donner aux perles un bel orient. Le portrait du peintre
d'histoire, Qitenlin. Simon est à noter parmi les plus élégants du
maître. Bol, l'élève le plus illustre de Rembrandt, a peint l'amiral
Ruyter' tout ])rillant de jeunesse. Le portrait de Guillaume le
Taciturne est d'Adrien Ke}^ Thomas de Keyser nous montre un
Portrait de savant coifl"é du large chapeau des Pays-Bas. Il est assis et
feuillette un livre placé sur un pupitre.
Le portrait de Jacoh Pieterz Olycan par Frans Hais est d'une allure
martiale, la figure est énergique et le coloris du costume noir rehaussé
de fleurs est d'une grande richesse. La lumière brille sur les manches
rayées de noir et de brun et les valeurs de tons ont été si bien sauve-
gardées que les blancs du col et des manchettes à dentelles sont du
plus pur argent. On ne peut malheureusement se placer au point optique
pour bien contempler ce tableau, en raison des cloisons mobiles dis-
posées en face, qui coupent la salle. Du môme, nous admirons le
— 248 —
portrait d'Aletta Hmiemans, et, de Philippe de Champaigne, le
savoureux portrait de Jacohus Govaerts.
La figure énergique, aux lèvres voluptueuses du blond Paul Potier
est bien rendue par Van der Helst. Le Portrait d'une jeune femme de
la collection de Charles P^ où le catalogue l'avait attribué à Léonard de
Vinci est exposé à La Haye sous la rubrique, d'apr-ès Holbein. Cette
œuvre est peut-être d'Holbein lui-même : elle est, en tous points, digne
de l'auteur de l'Erasme, mais le savant conservateur du musée de La
Haye, l'éminent Docteur Brcdius, qui est, en ces matières, un des
hommes les plus entendus, n'a pas voulu hasarder une attribution, et
nous comprenons la réserve que doit garder un expert aussi versé dans
la connaissance des œuvres d'art : ses affirmations ont trop de crédit
pour qu'il s'aventure, sans une preuve irréfragable, à déclarer que
l'œuvre a été peinte par l'ami d'Henri VHI.
Quelle douce quiétude s'exhale de cette figure ! Un hennin de
teinte jaune liseré d'un fin galon noir retombe à droite, en un long
bandeau qui entoure le bras. La robe noire est garnie de fourrures :
elle s'ouvre largement sur une chemisette brodée et plissée, et se
referme à la taille par les entrelacs d'un cordon rouge ; une ceinture de
cuir blanc, agrafée d'argent enserre la taille.
Les mains sont peintes par un maître : elles rappellent les doigts
fuselés d'Elisabeth d'Autriche dans le tableau de François Clouet, au
Salon Carré du Louvre.
Toutes ces figures qui vous regardent et appellent votre attention,
ces Capitaines bardés de fer de Jean van Ravesteyn, l'aristocratique
Orfèvre d'Antonio Moro et le Portrait d'homme aux grands yeux
expressifs d'Hans Memling, l'un des volets d'un diptyque, sans doute,
vous suivent longtemps après que vous êtes sorti du Mauritshuis. Ils
évoquent en vous le souvenir de ces têtes à grand caractère des vieux
maîtres des Pays-Bas.
Pour bien comprendre Jacob Ruisdaël, je crois qu'il n'est pas
inutile d'avoir beaucoup parcouru la Hollande. On n'est plus exposé
comme le font les bons critiques en cliambre, à traiter les procédés
du maître de formules et de canons, lorsqu'on a vu Harlem des
— ' 249 —
dunes d'Overveen ou certain Vivier de La Haye. Sa Cascade est
une œuvre, en quelque sorte populaire, qui a été reproduite à l'infini.
C'est aussi dans les Dunes que son élève Jean Wynanls a cherché le
thème de ses tableaux.
Un peintre qui procède, lui, suivant les rites et les dogmes du
paysage classique, c'est Jean Both dans son Paysage Italien. Ses
procédés servirent au début de ce siècle au maître Valenciennes pour
formuler tous les préceptes d(;stinés à apprendre aux élèves à peindre
la nature sans la regarder. C'est ce qu'on a appelé le paysage
noble , thème que devaient traduire les jeunes logistes de Rome
jusqu'en 1848. Par bonheur, Corot, Rousseau, Millet et Troyon, ont
rendu le bon sens aux professeurs de l'école, et leur ont fait entendre,
au milieu des clameurs de la foule et des critiques des rétrogrades, la
voix mélodieuse qui chante dans nos forêts de la France : ils leur ont
montré les nymphes du crépuscule d'or et les fantômes blancs qui
flottent à l'aurore dans l'humide rosée.
Le vent souffle bien dans les marines de Backhuysen (Débarquement
de Guillaume III, 7'oi d'Angleterre, dans VOranie polder et dans le
Chatiiier de la Compagnie des Indes Orientales à Amsterdam) ;
son ciel est bien aérien, bien transparent. Van Goyen nous conduit à
DordrecKt. Van de Velde, moins mouvementé que Backhuysen, nous
montre une mer peuplée de navires à flot dans les eaux calmes.
« Comme les vieux chantent, les petits piaulent » dit un tableau de
Jean Steen (l'artiste se représente lui-même dans VEstaminet). La
Fête du village, le Dentiste, la Jeune femme malade, la Visite du
mèdeciyi sont d'un arrangement très spirituel. Nous admirons aussi la
Jeune mère de Gérard Don, en sa très gracieuse disposition des
personnages, sous une lumière étrange venant d'une fenêtre latérale ;
la Dépêche de Gérard ter Borg, ainsi que les Amateurs de musique de
Gabriel Metsu. Que d'éloges à donner au Ménétrier de Van
Ostade, à la Bon7ie cuisine de Teniers le jeune et au repas qui repré-
sente douze portraits dans une salle tapissée de cuir de Cordoue de
Gillis van Tilborg.
Allez donc voir cela, messieurs les peintres de genre, et vous consta-
— 2:)0 —
tcrez combien il y a loin entre ceux, qui seront toujours vos maîtres et
TOUS. Ils ne se seraient pas contentés des sucreries et des fadeurs qui,
chaque année, régnent au salon, sur la cimaise. Ils savaient concevoir
un sujet, oh ! très simple, ma foi, donner à chaque figure son expression
juste et disposer les accessoires dans une belle harmonie de couleur,
en un mot tracer, dans un milieu bien approprié, une scène de mœurs.
La décadence du genre se produit avec Gornelis Troost qui vivait
quelque cinquante ans plus tard que Steen. La Découverte de la
Super^cherie de Jean Claerz est pourtant encore une belle page
qui aurait tenté l'habileté d'un de nos délicieux graveurs du XYIIF ;
elle ferait une belle illustration dans un livre de contes grassouillets
avec les Amoureux trouvés, le Vieax mari mis en fuite et le Mari
Ijafoué. — Une série de cinq autres pastels relevés do gouache du
même auteur, h laquelle on a donné le nom de Nelri, en prenant les
initiales de chacun des titres représentant des scènes de beuverie avec
ces inscriptions latines :
Nem.0 loquebatur.
Erat sermo inter fratres.
Loquehantur omnes.
Rumor erat in casa.
Ibant qui poterant, C[ui non potuere cadehant.
Et pour finir les Natures mortes du maître Jean David de Hem dont
la descendante, notre jeune amie Louise de Hem (d'Ypres) nous peint
aujourd'hui avec brio et une touche toute hollandaise, des fruits, des
dessertes, sans négliger d'ailleurs des sujets de genre toujours
vigoureux et chaleureusement brossés.
Admirons aussi les Oiseaux des deux Hondecoeter et le Gibier du
grand Snyders où Van Dvck a peint un chasseur.
Les tableaux du iinisée de La Haye avaient été transportés au musée
du Louvre, après nos victoires. Au lendemain de Waterloo, les Alle-
mands, rentrant à Paris, décrochèrent les toiles qui leur avaient
appartenues, et deux mois après, en dépit de la résistance du prince de
Talleyrand et de Denon, le directeur du Louvre, et grâce au concours
de Wellington, les soldats hollandais reprirent bon nombre de leurs
- 251 —
chefs-d'œuvre. Le baron Von Gagera les excitait en qualifiant ces
tableaux de « Souvenirs de l'injustice et de la rapine ». 11 n'en est pas
moins resté en France 68 toiles dont le Louvre i)Ossèdc les suivantes :
Breughel de Velours. — Paysage de forme ronde.
Van Dj'ck. — Les esquisses des portraits de Charles II, de la princesse
d'Orange et du roi Jacques, ainsi qu'une copie de Renaud et Armide.
Miéris. — Une marchande de volailles.
C. de Moor. — Portrait d'un marchand, de sa femme et de ses trois
enfants.
De Ncefs. — Intérieur d'Eglise.
Ommeganck. — Paysage avec figures et bétail.
C. Poelenburg. — Les anges annonçant aux bergers la naissance (hi
Messie.
Pot. — Le portrait de Charles ^^
Rubans. — Un paysage.
Schweickhardt. — Un paysage d'hiver et une bataille de Wouver-
man.
Notre musée do Lille conserve lui aussi des richesses que le chevalier
Wicar n'a jamais voulu restituer. Les Pérugin de Lyon nous sont
restés, grâce à un général Français qui a — par mégarde, dit-on, oh !
les mauvaises langues ! — retourné aux alliés deux autres tableaux
religieux estimant que ceux qu'on attribuait à Pérugin n'étaient que
de vulgaires croûtes.
Au château du bois, à La Haye, on voit, à la salle d'Orange, une
décoration qui prend toute la salle depuis la cimaise jusqu'aux
voussures des frises. Cette salle fut décorée en 1648, sur l'ordre de la
princesse Amélie de Salm, en mémoire de son mari, le prince Frédéric-
Henri. C'est une représentation allégorique de toute la vie du prince,
exécutée par Jordaens et par les élèves de Rubens, Van Tulden,
César d'Everdingen, Brisée, Zoutman, de Bray, Honthorst, Lievente
et de Grebber. — Nous admirons Vénus assistée par les nymphes, qui
suspend les insignes du triomphe ; puis les savoureuses nudités du
tableau qui représente le Butin du Brésil dans la Guerre de Trente
ans contre les Espagnols, ainsi que la grande fresque intitulée :
Triomphe après la paix de Bois-le-Duc.
— 252 —
IV.
HARLEM
Nous voici arrivés en pleine kermesse. Sur la place se dresse la
cathédrale et, devant, la statue de de Coster qui aurait, dit-on, le
premier, imprimé avec des caractères mobiles. Ce ne sont partout que
boutiques foraines et baraques de spectacles ; toutes les rues sont
remplies de petits éventaires où s'étalent des anguilles fumées qu'un
ami très irrévérencieux qualifie de serpents confits. C'est un mets
qu'un estomac flamand accueille avec plaisir et digère avec facilité.
Mes compagnons de voyage ont, dans une douloureuse épreuve ,
constaté qu'il fallait être de ce cher pays ou des provinces voisines,
pour pouvoir absorber, sans mécompte, ces produits des Pays-Bas.
Nous entrons par mégarde dans une grande salle ou l'on fêtait un
mariage. Au lieu de nous repousser comme des intrus, on nous
accueille et nous voyons la plus jolie collection de bonnets rustiques
qui se puisse imaginer. Des jeunes gens chantent sur un théâtre
minuscule et chacun savoure la blonde bière dans des hanaps de forte
taille.
En aucun pays on ne rencontre une bonhomie plus souriante, une
serviabilité plus empressée. C'est à qui, par les rues où vous errez, à
la recherche des quelques mots flamands qui pourraient vous servir
de « sésame ouvre»-toi » vous viendra en aide et vous désignera le
monument que vous cherchez, sans que le plus pauvre de ces guides
de rencontre vous montre la préoccupation du pourboire. Nous
sommes loin de ces mendiants del'Alhambra, drapés dans leurs capas
comme des grands d'Espagne, qui vous tendent une main grêle,
blanche comme la main d'une marquise et non déformée parle travail.
Nous n'entendons point non plus de ces supplications larmoyantes
et édulcorées comme celles des Italiens qui vous caressent les oreilles
des diminutifs exquis de signorlno, pitchounetta, pitchounettina. Ici,
on ne mendie pas, on travaille.
Une douce fierté est empreinte sur les figures, et une politesse toute
naturelle, caractérise ce peuple, depuis le plus humble citoyen,
jusqu'aux plus grands bourgeois d'Amsterdam, de Rotterdam et de
Harlem, en passant par les bons paysans des polders. Disons toutefois
pour être exacts que cet instinct d'affabilité se combine avec des élans
— 253 -
d'une curiosité toujours en éveil, mais peu bruyante, dont on l'ail
l'expérience en s'arrêtant dans une rue, un livre à la main. En un
instant, un groupe se forme autour de vous et étudie tous vos
mouvements.
Sur la porte du musée nous lisons ces mots : « Muséum is gesloten.
— Le musée est fermé ». — Vous pouvez comprendre quel fut, au
premier saut, notre désappointement. Nous exécutâmes d'abord, agités
comme des fauves qui tournent dans leur cage, le tour de l'édifice et
nous eûmes la bonne fortune de rencontrer un ami de la maison, qui
nous introduisit dans le sanctuaire en passant par la demeure du
savant conservateur préposé à la garde de ces chefs-d'œuvre. Il avait
compté profiter du dimanche de la kermesse, pour effectuer quelques
légers remaniements.
Dès l'entrée dans cette salle toute simple, sans éclat de décorations
criardes, comme on a la manie d'en plaquer les angles et les
voussures de certains musées, l'œil est saisi par les brillantes compo-
sitions de Frans Hais, et il semble que la conversation va s'engager
avec tous ces personnages placés sur la cimaise et qui sont pris dans
toute l'activité de la vie et du mouvement. Leurs physionomies sont
vraies ; on sent qu'elles doivent être ressemblantes : tous ceux qui ont
fait un tantinet de peinture comprendront ce que nous voulons dire ;
il y a des tètes qu'on n'invente pas, et ce qui est fait de chic ou de rémi-
niscence et de liantise d'école se reconnaît facilement. Examinons ces
grandes toiles dans l'ordre de leurs dates d'exécution.
Le Repas des Officiers du Corps des Archers de St- Georges est de
1616. L'artiste, à peine âgé de 32 ans, a peint ces personnages avec un
relief saisissant, sous le coloris le plus vigoureux. La tonalité est
puissante. On pourrait presque compter les coups de pinceaux dont les
touches se juxtaposent et vibrent avec d'autant plus de chaleur qu'on
s'écarte pour se placer au point optique. Elles se fondent alors sous
l'effet de la lumière ambiante (1).
(1) Cette manière d'exécuter les portraits fut plus tard celle du pastelliste La
Tour, comme nous avons pu nous en assurer dans nos nombreuses études au
musée Lécuyer à St-Quentin. Si Ton examine de près les portraits du maître, surtout
- 234 —
Ces tableaux sont le dernier mot de ce que la matière picluralc peut
représenter de vie. Dans cette causerie des officiers des archers, aucun
mouvement n'est maniéré, ni figé ; les allures sont mouvantes ; les
gestes arrondis n'ont pas d'emphase, ils sont justes. Chaque figure a
une carnation différente ; le premier personnage à gauche est un peu
congestionné par le bon vin, le second, plus massif, semble un friand
de la table ; son voisin de gauche lui fait une démonstration animée et
persuasive. Le porte-drapeau, les personnages du milieu, le président
surtout qui s'apprête à découper sont saisis sur le vif. Le fond du
paysage qui apparaît par l'ouverture de la baie donne de l'air et une
fluidité pittoresque à ce tableau. Les luisants des soies, le chatojement
des écharpes sont d'un rendu très saisissant (2).
Le Repas des Officiers du Co7''ps des Archers de St-Georges de 1627
offre de caressants effets de couleurs complémentaires, orangée et
bleue, dans le rendu des écharpes. Le porte-étendard Boudewyn
van Offenburg, me reste encore dans la pensée. Ce tableau, qui nous
montre toute la verve de Frans Hais, est exécuté avec une grande force
et une sûreté de vue incomparable. Le Repas des Officiers du Corps
des Archers de Si- Adrien, à l'occasion de leur départ de Harlem,
pour les sièges de Hasselt et de Mans, le 18 octobre 1622 sous la
conduite du colonel et bourgmestre Willem Vooght, (1627), est une
ceux de l"abbé Hubert, du peintre Sylvestre le jeune, de la Reynière, de Verne-
zobre, son marchand de couleurs, de Jean II Restout, du maréchal de Saxe, du
père Emmanuel, et plus encore le portrait du peintre par lui-même, on remarque
qu'il ne fondait pas les tons mais les juxtaposait à la manière de Frans Hais.
En ceci, La Tour, Tiniliateur en France du pastel n'imitait pas Rosalba Garriera, la
vénitienne dont les teintes n'étaient pas rompues mais fondues. Dans ses portraits
de femme, le maître St-Quentiuois apjjliquait aussi cette méthode, mais avec plus
d'atténuation, en raison des fards que portaient ses jolis modèles, dont le sourire
intérieur s'évade par les yeux et flotte sur les lèvres sans nous donner la sensation
figée du rictus forcé des ballerines.
Besnard, de nos jours a forcé la note, ses tons sont juxtaposés et se heurtent
avec violence dans une hardiesse que Frans Hais et La Tour auraient sans doute
trouvée exagérée.
(2) Lors d'un nouveau voyage à Harlem, nous sommes arrivés sous le hall des
Frans Hais par un étroit couloir à l'extrémité duquel apparaissaient comme des
êtres vivants, remuants et d'une physionomie très active, les personnages de ce
premier tableau et aussi les officiers des archers de 1027. Nous osons le dire
sans crainte de blasphémer, jamais, en aucune galerie, nous n'avons mieux
éprouvé ce qu'un artiste prestigieux et observateur peut tirer de la vue d'un
spectacle pour le jeter sur la toile dans l'éblouissement do la vérité (mai 1898).
— 255 —
composition vigoiirouse qui offre , en tous ses points , de belles
harmonies ; au centre, debout, on voit le porte-drapeau Gillis de Witt
dont la tête ressort avec beaucoup d'énergie, dans les plis soyeux de
l'étendard. Sa figure, au fin sourire, est aussi de celles que Ton ne
saurait oublier.
La Réunion des Officiers du Corps des Archers de St-Adrien
(1633) est incontestablement la plus belle de toutes les œuvres du
maître. Les personnages de grandeur naturelle qui entourent le
colonel Claaszon Los, sont : trois capitaines, trois lieutenants, deux
enseignes et cinq sergents. La lumière chante en cette toil§, dans
le coloris savant des étoffes, sur le fond noir. Le procédé plein de
crânerie du maître s'étale avec la plus grande puissance ; la facture
est très large, la pâte est chaleureuse. Les personnages sont peints
dans des attitudes pleines d'abandon. La composition est des mieux
conçues. Les dentelles sont exécutées avec une gracieuse légèreté.
Les Officiers et Sous-Of/lciers du Corps des Archers de Si-Georges
en 1639. — Cette toile témoigne d'une grande virtuosité et d'une vision
parfaite dans l'interprétation du caractère et de la physionomie morale
des personnages. La facture, en apparence très simple, est très savante
et les expressions des figures très spirituelles. Le portrait de Frans Hais,
figure en ce tableau.
Si j'étais directeur des Beaux-Aris, je voudrais multiplier les boui'ses
de voyage, afin d'envoyer à Harlem les Jeunes peintres qui ont du
tempérament. En trois mois, ils en apprendraient plus qu'à copier des
pompiers avec leurs casques et des nez apoUoniens, et à cliercher des
effets de coloris, où ils rendent souvent les empâtements et tous les
effets à contre-sens.. Ils verraient ce qu'un homme de génie s'entend à
tirer de la figure humaine, en quel point il place ses accents, comment
il ordonne la construction des personnages et de quelle façon il
distribue la lumière.
Les Régents de l" Hôpital de Ste-ÉlisabetJi, (1G41). — Les chairs sont
d'une belle tonalité un peu grise. Les figures offrent de puissants reliefs,
l'une d'elles placée au centre, est tout à fait remarquable.
Frans Hais avait 80 ans quand il peignit en 1664 , les Régents
et les Régentes de l'Hospice des Vieillards. — L'œuvre porte
bien la trace de l'âge de l'artiste. En aurait-il pu être autrement et
pourtant que de qualités encore ! C'est peut-être même, nous osons
l'avouer, en ces dernières œuvres, qu'on jugera le mieux le procédé du
maître dans la facture des chairs et des étoffes.
— 256 -
Nous admirons en sortant un beau portrait de Frans Hais par lui-
même ainsi que les portraits ({'Albert VanNierop, membre de la cour
de justice de Hollande et celui de sa femme Cornelia van der Meer,
belles œuvres du maître de Harlem.
Les grandes figures de Jean de Bray, Régents de V Hospice des
Enfants pauvres (4663), et les régents en 1664, les Régents et Régentes
de l'Hospice des Lépreux en 1667 sont aussi des œuvres de haute
facture où les figures sont empreintes de vérité.
ZANDVOORT
Par une route agrémentée de villas fleuries on se rend à Zandvoorl,
le Scheveningue d'Amsterdam. Ici , viennent « s'esbattre » avec leurs
nombreuses nichées, les vrais amis de la mer, ceux qui ne cherchent
point à faire éclat, mais désirent seulement se détendre les nerfs et se
sentir vivre, dans la douce quiétude d'un pays demi-sauvage, assoupi
sous le rj'thme berceur des vagues plaintives. Pas de port pour les
barques des pêcheurs que le flot lèche et caresse, en attendant qu'il les
environne, les embrasse et les enlève A^ers la haute mer.
Des chevaux servent aux exercices des cavaliers d'emprunt qui
dirigent maladroitement les mouvements de leurs coursiers, peu
fougueux pourtant; de petits ânes malins font la joie des grands
enfants et les tout petits grimpent dans l'attelage de chèvres.
Encore quelques années, une belle digue fera boulevard devant les
villas, Zandvoort tout à fait organisé deviendra un Blankenberghe : —
j'ai connu il y a quelque quarante ans un Blankerberghe moins bien
agencé que le Zandvoorl d'aujourd'hui. — Alors, accourront les snobs
et les rastas. Les baigneurs à l'humeur paisible chercheront une
nouvelle dune : la civilisation — est-ce bien la civilisation? — aura
mis en fuite la clientèle si aimable et si familiale qui prend son bain
pour se baigner, et respire le bon air pour remplir ses poumons et non
pour figurer dans les journaux du boulevard à côté des gens bien tarés
et bien titrés, sous la rubrique :
Déplacements et villégiatures.
{A suivre).
- 257
LE CONGRÈS ARCHÉOLOGIQUE DE BOURGES
Par L. QUARRE-RE Y BOURBON,
Officier de Tlnstruction publique ,
Secrétaire - Général adjoint de la Société de Géographie de Lille,
Membre de la Société française d'Archéologie, etc.
^lembre depuis plusieurs années de la Société française d'Archéologie, j'avads
été invité d'une manière particulière par M. le comte de Marsy, son président à
assister au Oôf Congrès de la Société qui devait se tenir à Bourges en 1898 et la
Société de Géographie de Lille m'ayant fait l'honneur de me nommer son délégué,
je m'y rendis.
Parti de Lille le 5 juillet 1808, j'arrivai le soir à Bourges, vers 9 heures 1/2,
après dix heures de chemin de fer ; une bonne chambre m'attendait à l'hôtel de la
Boule d'Or.
Le G dans la matinée, après avoir fraternisé avec les membres du Congrès descen-
dus au même hôtel, nous allâmes reconnaître la ville sans omettre d'aller retirer
à l'hôtel Lallemand, diverses instructions, les cartes d'excursions et un guide
archéologique publié pour le Congrès par M. le marquis des Méloizes, l'un des
secrétaires généraux. Je profiterai largement de ce guide excellent pour écrire ces
quelques pages, dans lesquelles je suivrai l'ordre des réunions tracé jour par jour,
par la Commission organisatrice du Congrès. Avant tout, un mot général sur
Bourges me paraît nécessaire pour suivre utilement les excursions dans la ville.
Bourges, l'antique Avaricum, capitale des Bituriges-Cubi, une des premières cités
de la Gaule, dit Tite-Live en quelques mots que la ville inscrit en devise autour de
ses armes {Summa imperii pênes Bituriges) n'a conservé aucun vestige de l'oppi-
dum gaulois décrit, assiégé et pris par Jules César. La ville gauloise occupait
vraisemblablement l'emplacement de la ville haute actuelle et n'était accessible au
milieu des marais qui l'entouraient que par l'isthme toujours sensible à l'est.
Au siège d'Avaricum doit se rattacher un grand fossé de circonvallation découvert
en 1881 dans le tracé du boulevard Auyer dont la tranchée montre encore sur ses
deux parois la coupe très nette, de 280 mètres environ du rond-point de la Fonderie.
Le même fossé, de section triangulaire, mesurant 4"', ôO de profondeur et 9 mètres
d'ouverture a été également constaté, dans une direction perpendiculaire à la
première, au sud de la fonderie de canons, dans la rue de la Salle d'Armes.
Ce peut' être un ouvrage gaulois de défense avancée, mais c'est beaucoup plus
probablement le fossé du camp de César devant la place assiégée. En somme, on
n'a rencontré jusqu'ici, à Bourges, en fait de restes certains de l'époque gauloise,
que des sépultures assez nombreuses dont les gisements s'étendent particulièrement
à l'est de la ville.
Epoque romaine. — Elle a laissé des traces extrêmement nombreuses, puisqu'on
ne peut remuer le sol sans en extraire des fragments de sculpture, des stèles ou
17
— 258 —
des vases funéraires. Mais la particulière splendeur qu'eut YAvaricum romain
depuis le ["' siècle jusqu'aux invasions barbares n'est attestée que par des débris
de grandioses monuments dont aucun n'est resté debout et qui, détruits pour des
causes insuffisamment connues ont formé les premières assises de l'enceinte cons-
truite vers la fin de l'Empire autour du périmètre restreint de la cité.
Vers les premiers temps de l'occupation une forte enceinte en terre couvrit à
l'est le côté de la ville accessible à l'attaque. C'est le castrum qui a donné son
nom à la place du Château. On reconnaît son angle nord-ouest à l'intersection des
rues Chevrière et des Crosses.
Les seules ruines romaines qui puissent être étudiées sont à l'état de substruc-
lions sous les caves du palais du duc Jean (entrée rue Fernault, n" 5). Elles
consistent en une série d'arcades ornées de pilastres cannelés d'ordre dorique qui
s'étendent à peu près parallèlement à la rue Fernault et qui ont été reconnues sur
une longueur d'environ 85 mètres. Ces arcades étaient réunies à la façade de
rédifice situé à 3 mètres en arrière, et sur la destination duquel des opinions
diverses sont émises, par une voûte en berceau dont on ne voit plus que des
amorces. Le mur de façade, épais de plus d'un mètre est longé entièrement par un
très étroit couloir, haut de 5 à 6 mètres, plafonné de dalles épaisses qui débouche
dans un vestibule donnant accès à un escalier d'aspect grandiose dont les murs
sont revêtus d'un stuc où de larges rainures figurent les blocs d'un immense
appareil. Ce vestibule communiquait avec la galerie extérieure en arcades par une
grande porte. Cet ensemble peut remonter au l" ou au II*" siècle.
La porte fut obstruée au III" ou IV" siècle par la construction de niches alterna-
tivement demi-cylindriques, voûtées en quart de sphère, et rectangulaires avec
voûtes en berceau, dont les arcades formèrent les ouvertures et qui prirent la
place de la galerie. — Plus tard encore, vers le V' siècle, le mur d'enceinte, avec
ses fondations faites de débris de monuments ruinés, traversa et surmonta la
façade de l'édifice. On peut constater sur place grâce aux fouilles faites vers 1857
par M. Bourdaloue l'enchevêtrement de ces trois constructions différentes.
A peu de distance de là, dans la propriété voisine, au sud, toujours sous les caves
du palais, se voient des restes de bassins et de conduits divers que la découverte de
l'aqueduc qui y amenait les eaux a fait prendre pour les ruines d'une fontaine mo-
numentale. La muraille d'enceinte qui passe aussi à travers ces constructions en
rend l'aspect confus et la disposition primitive difficile à préciser.
Cette muraille, qui détruisit ainsi des monuments, en laissa d'autres, et non des
moins considérables, fort en dehors de son périmètre ; par exemple les arènes, dont
il ne reste rien, mais dont on connaît l'emplacement (place de la Nation), puis-
qu'elles ne furent détruites qu'en 1629, après avoir servi en 1536, pendant l'espace
de quarante jours, à la représentation du mystère des Actes des Apôtres, des frères
Griban.
Le mur d'enceinte, quelle qu'en soit la date précise, subsiste encore, à part
quelques rares lacunes, dans les bases de tout son pourtour. Il est mieux visible
que partout ailleurs sur la place Derry, au dessin du palais de .Jacques Cœur, dont
il forme le soubassement. Ses fondations sont partout constituées par cinq, six ou
sept assises de blocs juxtiiposés sans ciment, dont beaucoup sont ornés de sculptures
quelquefois mutilées, mais très souvenî intactes, ou revêtus d'inscriptions. Tous
ceux de cette dernière catégorie qui ont été constatés ont pu être extraits et sont
déposés dans les musées.
Ces bases ont été à toutes les époques exploitées comme carrières et les vides
procurés par l'enlèvement partiel de ces blocs ont produit des couloirs souterrains,
comme à la maison de Jacques Cœur {entrée piar la place Berry) ou des caves
— 259 -
comme au presbytère de la cathédrale (rue Porte-Saint-Jean , n" 9). Ailleurs elles
ont été détruites par des travaux d'édilité, par exemple au débouché de la rue
Moyenne, sur l'esplanade Marceau, oii la destruction de deux tours a procuré la
plupart des magnifiques débris qui forment le fond du musée lapidaire de la Société
des Antiquaires du Centre, au. Jardin de l'Archevêché.
Des cinquante tours qui flanquaient Tenceinte, beaucoup existent encore, qui
furent, comme les murs eux-mêmes, préservées par les constructions qu'une ordon-
nance de 1181 permit de leur superposer sans les détruire. Une de ces tours, appar-
tenant à la maison n" 3 de la rue de l'Equerre, fut visitée en 1849 par le Congrès
archéologique de France, à cause des nombreux et beaux restes d'architecture
qu'elle conserve incrustés dans ses parois intérieures. On n'y peut plus pénétrer
aujourd'hui.
Le mur gallo-romain servit de défense jusqu'au XII" siècle. A cette époque doit
être rapportée la construction d'une enceinte plus étendue qui s'en détacha vis-
à-vis de l'archevêché, se dirigeant vers l'est, suivant l'emplacement de la rue de
Strasbourg, puis tournant au nord dans la direction du cours Chanzy jusqu'à
l'Yevrette, petit cours d'eau artificiel créé du temps de Charlemagne, qu'elle utilisa
comme fossé. Une tour, appelée tour Clément, du nom, dit-on, d'un abbé de Saint-
Ambroix, qui l'aurait fait construire, existe encore sur le houlevard Gojnbetta, près
de la rue Saint- Sulpice. De là, la muraille revient au sud, vers le cours de l'Auron,
puis remonte vers l'est pour rejoindre la fortification romaine au-dessous du palais
royal. Les restes de quelques tours en jalonnent le tracé sur le boulevard St-Paul.
A l'angle oriental du rempart, au lieu oii est aujourd'hui la manutention militaire,
à l'extrémité de la rue Moyenne, Philippe -Auguste fit élever une puissante forte-
resse appelée la Grosse Tour, dont il ne reste plus aucune trace ; elle a été rasée
en 1653.
Je n'ai jusqu'ici parlé que de ruines, mais il n'était peut-être pas inutile d'insister
sur les détails de ces vestiges épars , qu'une visite rapide ne laisse pas toujours
apercevoir.
Mercredi 6 Juillet. — 2 heures. Séance d'ouverture, 4 heures. Visite de l'ancien hôtel de ville
et de l'hôtel Lallemant. 8 heures ï\2 . Séance.
A deux heures, dans la salle des fêtes du Lycée, s'ouvre le 65* congrès de la
Société française d'archéologie. L'assistance est nombreuse et particulièrement
brillante ; on remarque beaucoup de dames en élégantes toilettes. Dans l'assistance
se trouve Mgr Servonnet, archevêque de Bourges.
Le bureau est présidé par M. le comte de Marsy, directeur de la Société française
d'Archéologie ayant à ses côtés M. de Villefosse, délégué du Ministre des Beaux-
Arts, M. le docteur Mirpied, maire de Bourges, M. de Laugardière, président de la
Société des antiquaires, M. le marquis des Méloizes, etc., etc.
M. le Maire de Bourges, prenant la parole le premier, fait remarquer que pour
la seconde fois depuis sa fondation, à un demi-siècle d'intervalle la Société française
d'Archéologie pour la conservation des monuments historiques a choisi la vieille
cité berrichonne comme siège de son congrès. Au nom de la ville de Bourges, dit-
il, je la remercie de cet honneur !
Puis, M. de Laugardière, président de la Commission organisatrice du Congrès,
M. le comte de Marsy, président du Congrès, M. de Villefosse, délégué du
Ministère, prennent la parole ; ce dernier termine son discours par l'éloge de
M. de Caumont, fondateur et premier président de la Société française d'Archéo-
logie.
— 260 —
^I. le comte de Marsy remercie M. de Mllefosse et, s'adressant à une délégation
des élèves de l'Ecole normale, il les prie de s'intéresser aux vieux monuments et à
en inspirer le respect dans les communes oii ils enseigneront un jour.
Le Congrès est ouvert, les congressistes visitent les fouilles etfectuées à leur
intention par la Municipalité et consistant en quelques bases de colonnes
romaines.
Puis ils se dirigent vers l'ancien hôtel de ville (rue du Paradis, 13), bâti en 1489
par un architecte nommé Jacques de Pigny. Il consiste en un grand corps de logis
avec une tour d'escalier octogone richement ornée. Deux bustes de guetteurs sont
sculptés aux fenêtres. Au rez-de-chaussée est uije vaste salle à grande cheminée
portant sur son manteau les armes de la ville et un semis de fleurs de lys. Au-
dessus d'une petite porte est figurée en bas-relief, la patronne du Berry, sainte
Solange gardant ses moutons.
C'est ensuite le tour de l'hôtel Lallemant.
Cet hôtel qui a donné son nom à la rue dans laquelle est sa principale entrée, a
été construit, ou du moins complété, au commencement du XVP siècle, par
Jean Lallemant, riche marchand de Bourges ; le bâtiment principal est édifié sur
le mur de l'enceinte romaine, un autre donne sur la rue. Entre eux est une cour à
laquelle les deux corps de logis font un cadre architectural aux fines ciselures de
la plus exquise élégance. Un passage incliné conduit dans une cour inférieure qui
donne accès sur la rue Bourhonnoux.
Les sommets du bâtiment prinfcipal ont été refaits au XVIP siècle par la famille
Dorsanne qui y a placé ses armes dans un fronton demi-circulaire.
On remarque à l'intérieur une belle cheminée et un petit oratoire dont le
plafond, formé de trois dalles, porte trente caissons ciselés, comme toutes les
sculptures de cette habitation, avec la délicatesse d'un morceau d'orfèvrerie.
L'hôtel Lallemant est occupé par les diverses Sociétés savantes de la ville de
Bourges. La salle des Antiquaires du Centre est précédée d'un péristyle sous
lequel cette Société a réuni ses collections épigraphiques, notamment deux stèles
gauloises, un piédestal avec bas-reliefs et inscription votive à Mars et de
nombreuses stèles romaines provenant pour la plupart du cimetière gallo-romain
découvert en 1881 dans la construction du boulevard de V Arsenal. Le complément
de cette collection se trouve dans le jardin de l'Archevêché sous un abri construit
en 1872 par la Société des Antiquaires du Centre pour préserver de la destruction
les beaux fragments d'architecture retirés des bases du mur de l'enceinte romaine.
Ce musée lapidaire renferme aussi de nombreux débris de sculpture du moyen
âge, entre autres un tympan de l'église Saint-Pierre-le-Puellier. Les regards sont
arrêtés particulièrement par un sarcophage en marbre blanc venant de Charenton-
du-Cher, sur lequel est gravé Daniel dans la fosse aux lions, pièce du Vil" siècle
et d'une haute valeur. Sous le même abri sont provisoirement déposés trois
bateaux monoxyles retirés des sables du Cher.
Le soir à 8 h. 1/2 réunion dans la salle du Conseil municipal à Fliôtel de ville.
M. le comte Marsy indique les questions qui doivent être traitées et les noms des
membres qui présenteront des rapports.
M. Gauthier, instituteur à Champvert (Nièvre) donne des renseignements fort
intéressants sur une importante découverte gallo-romaine faite à Champvert.
La découverte remonte à 18!W). 11 s'agit d'une villa. Dans deux salles du premier
groupe de constructions on a drcouvcrt de fort belles mosaïques.
M. Gauthier |)réscnte des dessins et plans parfaitement exécutés.
MM.de Saint-Vincent, inspecteur des forêts de la Nièvre, et M. de Villefosse,
engagent une savante discussion sur ce sujet.
— 2G1 -
M. Carron, président de la Société de numismatique française donne communi-
cation de divers documents concernant deux pièces Tune de Louis V et l'autre de
Philippe P'', qu'il indique comme frappées à Dun. M. Mator, avocat, président de
la Commission du Musée de Bourges, combat d'une manière courtoise les assertions
de M. Carron. Cette discussion aussi instructive qu'intéressante fait durer la
séance jusqu'à onze heures.
Jeudi "7 Juu.let. — Excursion à Dun, Meillant et la Celle-Bruère. — 8 heures. Départ de
la gare du Prado en chemin de fer pour Dun. Visite de la ville et déjeuner. — Midi.
Départ en voiture pour Meillant et la Celle-Bruère. — Retour à Dun à 8 heures par le
chemin de fer, pour dîner à Bourges.
Au nomhre do plus de cent vingt, les congressistes se trouvent réunis à la gare
du Prado oii un train spécial est préparé pour les conduire à Dun.
A huit heures un quart, le signal du départ est donné, et la vapeur emporte les
joyeux voyageurs à travers la vallée de l'Auron.
En passant, on donne de loin un coup d'ceil au clocher de l'église de Lissay-
Lochy, que l'on dit être de style roman ; j'enregistre la déclaration sans commen-
taires, car, à travers un épais rideau d'arbres, il est impossible d'apercevoir le
vaisseau.
Je relève également à la hâte, car le train file à toute vapeur, les traces à droite
et à gauche de la voie, du fameux aqueduc de Dan.
Enfin une importante ruine est en vue, dominant de toute la majesté de ses trois
pignons les plus hautes futaies d'alentour ; c'est ce qui reste de l'un des plus beaux
châteaux du Cher, connu sous le nom de Boisiramé, altération de trois mots pleins
de charme et de poésie « Bois Sire Aimé ».
Boisiramé est comme enfoui, au milieu d'un admirable nid de verdure. Agnès
Sorel. dont le roi Charles VII fut aimé, habita ce château.
Le train s'arrête à Dun. De la gare la vue d'ensemble sur la ville est assez belle.
Dun-le-Roi. — Aujourd'hui Dun-sur-Auron, — portait encore au XI^ siècle le
nom de Dunum, indice de son origine gauloise. Les plaines sont semées de
tumulus qui ont fourni des armes et des débris des différentes époques gauloises,
en particulier une épée en fer à lame ondulée de soie plate du type de Halstatt. A
Dun même, il a été découvert une sépulture de l'époque voisine de la conquête
romaine, caractérisée par des épées en fer à longue lame et soie carrée. Une villa
romaine considérable a été fouillée à la Touratte, à peu de distance de la ville.
A la fin du XP siècle, Dun fut vendu par Eudes Arpin, en même temps que la
vicomte de Bourges, au roi Philippe l"' et resta dès lors propriété directe de la
couronne. Louis VII en 1170, accorda aux habitants des droits et privilèges dont la
charte originale est conservée dans les archives municipales. Cette ville a eu trois
enceintes successivement juxtaposées. Il ne reste rien de la plus récente, élevée
sous Charles V et Charles VI, pour accroître le périmètre fortifié vers le Nord-Est.
La précédente, dénommée en 1590 le Ghastel-vieil, a encore sa porte principale qui
est la Tour de Vhorloge^ massive tour en pierre, haute de 16 *", 80, surmontée
d'un betfroi en bois et d'une très haute toiture dont le sommet est à 40 mètres au-
dessus du sol. L'enceinte primitive, le châtelet, enfin, dominant la vallée de l'Auron,
restaurée par Philippe-Auguste, renfermant autrefois le château, une grosse tour
et une église dédiée à Notre-Dame et à saint Vincent, ne montre plus que deux
tours assez bien conservées.
— 202 —
Eglise collégiale de Si-Etienne. — Cette église dont la partie orientale est des
dernières années du XI* siècle, n'a point de transept. Son plan est celui simplifié
que devait avoir à la môme époque la cathédrale de Saint-Etienne de Bourges,
autérieure à la cathédrale actuelle. C'est une nef terminée par un hémicycle con-
tourné par un déambulatoire, dont les arcades sont voûtées de berceaux plein
cintre très élevés qui pénètrent le berceau circulaire du bas-côté, surhaussé au
point de toucher à l'ogive. La voûte en quart de sphère de l'hémicycle est de la
construction primitive. Les autres voûtes de la nef sont du XIIP ou du XIV* siècle.
Il y a trois chapelles absidales dont deux sont restées du plan primitif et dont
l'autre, celle de l'axe, a été rebâtie au XV" siècle.
A l'extérieur cette partie très soignée est intéressante dans tous ses détails.
Six chapelles ont été construites au XV* et au XVP siècles entre les contreforts
latéraux. Dans la première et dans la seconde à droite, des rétables du XVI* siècle
fort beaux, quoique mutilés, sont incrustés dans les murs. On voit aussi un bas-
relief de la Santa casa que soutiennent deux anges peints sur la muraille.
Dans la ville, çà et là rue Saint -Martin., rue Saint-Cosnie, rue du Bât d'argent.,
plusieurs maisons conservent des fenêtres intéressantes du XIII* et du XIV* siècle.
On y voit encore de nombreuses maisons en bois du X^'* siècle. Enfin, rue Saint-
Vincent,^e remarque un beau logis du XVI* siècle qu'on appelle le Vieux Château.
Une porte sur la cour a des montants sculptés et un large tympan orné d'une
grande coquille avec la devise : Sic erat in fatis.
Sur une maison voisine de la porte de Vhorlogo est gravée dans un cartouche
l'inscription : Icy se donne le gris, dont la signification exerce depuis longtemps la
sagacité des chercheurs, sans qu'aucune des nombreuses explications paraisse
jusqu'ici très satisfaisante. On a pu voir à Bourges, près de la cathédrale, une
inscription semblable. A Dun elle est de plus accompagnée d'un nom: Jean Marcillat
et d'une date 1616. .l'en demande l'explication à un habitant de Dun ; il me répond
sans hésiter : « Le gris, c'est un petit vin du pays » !
Après ce rapide aperçu historique sur Dun, suivons les congressistes sur la plate-
forme d'une grosse tour qui fut rasée, comme la plupart des forteresses menaçantes
pour le pouvoir royal.'
De cette plate-forme on a une vue magnifique de la vallée de l'Auron.
La maison rue Saint-Vincent dont il a été parlé plus haut et que l'on appelle
également dans le pays la Maison du Gouverneur., a eu pour hôte sainte Jeanne
de Chantai.
On remarque dans l'église Saint-Etienne, le tombeau du Christ représenté par
des statues de grandeur naturelle en pierre et polychromées du XVI* siècle. Dans
la même chapelle dans le mur se trouve un confessionnal du XV* siècle.
Dun sert d'asile à un certain nombre de fous et de folles non dangereux, mis en
pension dans des maisons particulières, comme à Gheel en Belgique.
Plusieurs congressistes prennent des instantanés. On déjeune rapidement et très
agréablement à l'hôtel Margot (1).
Puis treize voitures, de modèles très variés, véhiculent les cent vingt excursion-
■ nistes vers Meillant, à douze kilomètres.
Le château de Meillant est un des plus beaux du département du Cher. Suivant
la tradition, il fut bâti par ordre du <ardinal Georges d'Amboise, premier ministre
(1) On nous offrit en vente : VHUtoire de Dun-le-Roi, par Puul Moreau, ancien secrétaire de la Mairie
de Dun, 2 volumes in-8 ; prix, 12 francs.
, — 203 —
de Louis XII, pour son neveu Charles II d'Amboise, seigneur de Ghaumont et de
Charenton, qui fut maréchal de France, gouverneur de Milan, et mourut en 15H ;
mais cela doit s'entendre particulièrement de la Tour du Pion et des parties qui
l'avoisinent, car on peut attribuer à. la fin du XV" siècle et à Charles I''' d'Amboise,
chambellan de Louis XI, la construction de la majeure partie des ijàtiments, de
toute la façade extérieure du château, de la salle dite des Cerfs, du grand salon
avec sa cheminée remarquable et de la tour de Louis XII. L'étude des infinis détails
de cette superbe demeure dont la richesse des sculptures défie toute description
est du plus grand intérêt.
Dans la cour est une élégante chapelle avec des vitraux du XVP siècle, et un
puits remarquable.
Nous arrivons à la grille du château, la maison du concierge n'est pas mal ; mais
nous nous gardons bien de nous contenter de cette vue comme certains Anglais. Il
arrive fréquemment, assure-t-on, que certains de ces trop positifs insulaires, venant
pour visiter le château de Meillant, examinent la maison du concierge, qui a bien
son cachet, il est vrai, et s'écrient fiegmatiquement : « Aoh ! c'est tout ! cela ne
valait pas la peine de se déranger ».
Les congressistes, sous la direction de guides aussi sûrs qu'érudits, s'engagent
dans les allées ombrageuses du parc et, tout à coup, comme par hasard, à un
détour du chemin, le château surgit inondé de soleil.
Que l'on se figure le palais de Jacques Cœur, mais avec des proportions plus
vastes encore et certains détails architecturaux, sinon plus soignés, du moins tirés
de la pierre avec plus de profusion, avec en plus, une chapelle qui est une merveille
ot un puits monumental qui est un véritable bijou.
Les congressistes sont reçus avec une suprême distinction par M. le marquis et
M™" la marquise de Mortemart, par ]M. le vicomte et ]M""= la vicomtesse Guy de la
Rochefoucault, en villégiature, depuis quinze jours, chez leurs parents, les
propriétaires de la résidence quasi royale de Meillant.
Après l'ascension de la tour, on visite la bibliothèque, la grande salle de réception,
la salle à manger, oii un lunch est servi pour les dames.
Il faudrait tout un volume pour énumérer une faible partie seulement des richesses
artistiques aujourd'hui réunies à ■Meillant, et qui en font un véritable musée. A
côté de portraits de famille remarquables d'exécution on voit des souvenirs dont
un de Mortemart même, peut se montrer légitimement fier. Citons aussi le fusil de
chasse de Louis XVI, donné au général par Louis XVIIl.
Dans la salle des gardes, se voit une collection, peut-être unique, d'armes
anciennes, et le tombeau d'un Rochechouart avec une inscription assez longue, un
Jijuatrain et un jeu de mots. Voici le quatrain :
Cy-git un chevalier courtois,
De son souverain sujet fidèle
Et qui toujours sut à la fois
Servir sa patrie et sa belle.
Voici le jeu de mots :
Sub tomba, tubam expecto.
C'est à regret que l'on quitte cette hospitalière habitation, après une dernière
visite à la chapelle, oti se voit un splendide rétable relatant les phases de la
— 264 —
passion, et, dans le pavement, une plaque de marbre contenant cette inscription :
Ci-git Amand Joseph de Béthune
dernier de son nom, né le 1*'' Juillet
l'728, mort le 27 Octobre 1800. — Soldat
ou citoyen, il fit bénir son nom,
admirer son courage. Magistrat
Grand Seigneur.
Les congressistes remontent dans leurs équipages variés, pour se rendre à La
Celle à 5 kilomètres.
Quand la singulière caravane passe devant la grille du château, les châtelains et
châtelaines les saluent amicalement.
L'église de La Celle, est sur un plan crucial avec ses trois absides orientées.
L'abside principale ronde est précédée d'une partie rectangulaire, qui est le chœur,
s'ouvrant sur les bas-côtés par trois arcades portées sur des piliers cylindriques
à superbes chapiteaux. Sur les extrémités des bras du transept s'ouvrent des absi-
dioles orientées. La nef et les bas-côtés, voijtés en berceau sont compris sous le
même toit. Peur donner l'éclairage au sommet de l'édifice, les deux travées orien-
tales ont de grands oculus, aujourd'hui fermés, pratiqués dans les reins de la voûte,
au point oii devait la toucher le toit primilivement plat et sans charpente.
Des arcs-boutants ont été établis en 1735 pour maintenir les murs déjetés en
dehors de la voûte déformée et surbaissée de la nef.
On remarque une petite stèle romaine, avec le nom Antonila incrustée à l'exté-
rieur du mur de l'absidiole nord, une autre stèle anépigraphique à personnage,
encastrée à l'extérieur du mur sud, dans le même mur un fragment de stèle méro-
vingienne, avec croix à six branches dans une couronne ; au pignon occidental
plusieurs fragments de sculpture fort grossière, probablement de l'époque caro-
lingienne, pouvant être des débris d'une église antérieure.
Nous aurions bien voulu voir une curieuse borne militaire qui se trouve à quelque
distance, mais le temps manquait pour pousser plus loin l'excursion. D'ailleurs
les chevaux qui en fait d'archéologie, ne connaissent que celle assez rudimentaire
de leur râtelier, ne voulaient, paraît-il, plus rien savoir ; ils avaient fait dix-sept
kilomètres pour venir, ils en avaient autant à courir au retour..
A six heures trente, les excursionnistes étaient de retour à Dun ; ils arrivaient
à Bourges à sept heures quarante, enchantés de leur journée.
Vendredi 8 Juillet. • — 8 h. 1/2. Visite au Palais de Justice (hôtel Jacques Coçur) et de
l'église St-Pierre-le-Guillard. — 1 h. 1/2. Visite de la Cathédrale et du Musée lapi-
daire au jardin de l'archevêché. Porte St-Ursin. — 8 h. 1/2. Séance de communications.
A l'heure militaire les congressistes attendaient leurs guides pour visiter l'hôtel
de Jacques Cœur des caves au grenier. Ces caves sont admirables.
L'hôtel de Jacques Cœur, bâti de 144.3 à 1451 sur le mur de l'enceinte romaine
et sur deux de ses tours, présente, du côté de l'occident, l'aspect d'une forteresse ;
du côté de l'est, il est d'une richesse et d'une élégance suprêmes. I^ cour intérieure
est entourée de bâtiments divers et de plusieurs tourelles, décorées de sculptures
en rapport avec la destination des pièces auxquelles ces tourelles et leurs escaliers
donnent accès : celle qui conduit à la salle à manger montre des arbres à fruits ;
une autre par où l'on va aux cuisines, a le tympan de la porte orné d'une scène
oii divers personnages préparent des aliments ; l'entrée de l'escalier qui mène à la
- 265 -
chapelle est surmontée de bas-reliefs représentant un prêtre avec ses acolytes, et
le public qui se rend à l'office ; une Annonciation est sculptée au-dessus de la porte
de la chapelle.
Celle-ci a sa voûte décorée de magnifiques peintures.
La galerie voûtée en bois, en forme de carène renversée, qui précède la chapelle,
contient de curieuses cheminées.
Dans la chambre dite du Trésor, au troisième étage de la grosse tour, une scène
du roman de Tristan est sculptée sur une des consoles qui soutiennent les nervures
de la voûte.
Les beaux vantaux de la grande porte sur la rue Jacques Co'ur sont une repro-
duction des boiseries primitives dont les restes sont conservés au Musée. Le
curieux heurtoir en fer ciselé de cette même porte est une copie fidèle de l'ancien
chef-d'œuvre de serrurerie qui occupait la même place (1).
On remet avec soin dans leur état primitif, les salles de l'hôtel, qui ont été
modernisées à l'époque de la Restauration, quand cet édifice a été affecté à l'usago
de Palais de Justice.
En quittant l'hôtel Jacques Cœur les congressistes se dirigent vers VÉglise
St-Pierre-le-GuiUard . Cette église construite au commencement du XIII" siècle
avec une grande nef et deux petites formant déambulatoire fut incendiée au
XV" siècle ; mais les voûtes de la grande nef et du bas-côté méridional sont de la
construction primitive. Les baies qui donnent des bas-côtés dans l'ancien narthex
(aujourd'hui première travée à l'ouest) sont en plein cintre, quoique tous les
détails de l'architecture soient du XlIP siècle. La dernière chapelle du chevet au
midi est remarquable par le pilier isolé sur lequel viennent converger toutes les
nervures de sa voûte et celles de la voûte du bas-côté. La chapelle symétrique au
nord vient d'être refaite sur le même modèle. Cette église renferme quelques toiles
intéressantes : Une Résurrection dont le donateur INIartin Fradet, s'est fait peindre
dans un angle du tableau ; une Cène au dessin énergique , une représentation du
miracle qui, suivant la légende, a été l'occasion de la construction de l'église par
le juif Zacharie Guillard, dont la mule s'agenouilla devant le Saint-Sacrement
porté par saint Antoine de Padoue. La scène de ce dernier tableau est reproduite
également par un vitrail.
Après le déjeuner, à une heure et demie, les congressistes et un certain nombre
de dames de Bourges, se rendent à la cathédrale (Saint-Etienne). L'église actuelle
est la quatrième, sinon la cinquième élevée sur le même emplacement, quelques
restes des basiliq'Ties antérieures e.xistent sous le chœur, dans des caveaux qui servent
à la sépulture des archevêques et ne sont pas accessibles. On en voit aussi dans
plusieurs .statues et autres détails utilisés dans les deux portes latérales. A l'église
souterraine, un petit vitrail du XIP siècle, s'il n'est pas c'e la fin du XP représentant
l'Annonciation et l'Adoration des Mages, est un souvenir d'une cathédrale précédente.
Le monument actuel, commencé dans les dernières années du XII" siècle par
l'église inférieure et le chœur se continua pendant tout le XIIP siècle et fut achevé
au commencement du XIV". La dédicace eut lieu en 1324.
La tour du midi, bâtie au XllP siècle, menaçait ruine à la fin du XIV'^ et son
ébranlement nécessita, a^ant 1440, la construction de la disgracieuse mais utile
annexe qui sous le nom de pilier butant a, depuis tantôt cinq siècles, empêché
son écroulement. Ce pilier n'est au rez-de-chaussée qu'un énorme ma.ssif de niaçon-
(1) Il existe un curieux ouvrage sur Thûtel de Jacques Cœur intitulé : l'ilotel de Jacques Cœur, fiar
Hozéo, in-4", Bourges, 1834, avec de nombreuses planches et plans.
— 266 —
nerie. Il contient au premier étage les prisons du chapitre. La tour du midi a été
reconstruite de 1508 à 1525, à la place de celle qui, élevée au XV* siècle, s'effondra
à peine achevée, le 31 décembre 1506, entraînant dans sa chute deux portails de la
façade et les premières voûtes de la nef.
Toutes les petites figures des portiques de la façade, affreusement mutilées
pendant les guerres de religion ont été réparées au mastic en 1846. Les grandes
statues décapitées par les protestants en 1562, et jetées dans les remparts dont elles
bouchèrent les brèches, ont presque toutes disparu.
J'ai noté au milieu des bas-reliefs du premier portique, à droite, la signature d'un
artiste : Aguillon de Droves.
La cathédrale de Bourges n'a pas de transept et tout porte à croire que l'église
du XII* siècle qui l'a précédée n'en n'eut pas davantage. C'est là, avec l'excessive
élévation du premier bas-côté, le trait caractéristique de l'édifice.
La longueur totale dans l'œuvre est de 113'",30; la largeur de 40 mètres. La
grande nef a 37 mètres de hauteur sous voûtes et 13'",60 de largeur. Le bas-côté
intérieur n'a pas moins de 21 mètres d'élévation. Le bas-côté extérieur mesure
9'",50 de hauteur.
Les vitraux des hautes fenêtres sont du milieu du XIIP siècle : ceux de l'abside
des dernières années du XIP ou des premières années du XlIP, ceux des chapelles
semblent moins anciens. Au grand pignon, les verreries de la rose sont de l'époque
de la construction, due aux libéralités du duc Jean de Berry, vers 1390 ; celles des
lancettes inférieures appartiennent au milieu du XV® siècle.
Les chapelles qui s'ouvrent tout autour de l'église entre les contreforts ont été
bâties successivement depuis 1405 jusqu'à 1619 et les fenêtres qui les éclairent
montrent des types variés et extrêmement intéressants de l'art du peintre verrier
pendant ces deux siècles.
La sacristie du chapitre, construite par Jacques Cœur, a une magnifique porte
d'entrée.
Dans quelques-unes des chapelles sont de belles statues de marbre blanc, restes
de monuments funèbres détruits pendant la Révolution. Les plus remarquables
sont celles de Guillaume de Laubespine, de Marie de la Châtre, sa femme, et de
leur fils le marquis de Ghateauneuf, par Philippe de Buyster.
Dans la chapelle de la Vierge sont les statues du duc Jean de Berry et de Jeanne
de Boulogne, sa seconde femme, dont le principal intérêt est d'avoir été dessinées
par Holbein, alors qu'elles étaient dans la sainte chapelle du duc. Les têtes mutilées
à la Révolution ont été refaites et les deux beaux dessins d'Holbein conservés au
musée de Bàle, où ils ont été jusqu'à ces derniers temps catalogués comme portraits
de donateurs inconnus sont d'autant plus précieux. C'est en 1717, lors de la
destruction de la Sainte Chapelle que ces deux statues sont entrées à la cathédrale
en même temps que la figure en marbre du tombeau du duc Jean, aujourd'hui dans
l'église souterraine, et les vitraux qu'on a tant bien que mal placés dans cinq
fenêtres. ,
La cathédrale possède deux bons tableaux de Boucher, de Bourges, qui fut le
maîtredc Mignard; dans la deuxième chapelle à droite, une Adoration des bergers,
d'une bonne composition et d'un fin coloris, et, dans la chapelle qui précède
la sacristie du chapitre, un saint Jean-Baptiste, qui fut le panneau central d'un
tryptique dont les deux volets montrant les portraits du peintre et de sa mère sont
au musée de Bourges.
Dans la chapelle d'Estampes ou du Sacré-Cœur sont deux superbes panneaux de
tapisserie des Gobelins d'après deux cartons bien connus de Raphaël. Enfin dans la
- 267 —
chapelle de sainte Solange à di-oite du chœur est une belle })einture murale du
XV* siècle, bien restjiurée, en 18<r), par M. Hirsch.
Le chœur fut pourvu à la fin du XI II'* siècle d'un jubé et d'un chancel détruits en
1757. Il nous paraît à propos de signaler ici les magnifiques débris déposés actuel-
lement au musée de Bourges
Les congressistes écoutent avec intérêt et profit les doctes explications que leur
donnent M. le Chanoine Augonnet, sur l'ensemble de l'édifice etîNLM. des Méloize
et le Chanoine Clément sur les vitraux (1).
J'allais oublier de mentionner un Christ de Van Dyck, dans la chapelle de saint
Jean-Baptiste.
En sortant de la cathédrale nous nous dirigeons vers le musée lapidaire dans le
jardin de l'archevêché.
Le palais archiépiscopal, près de la cathédrale, au milieu de bâtiments de diverses
époques sans caractère, n'a qu'une aile réalisée de la construction considérable
projetée en 1080 par l'archevêque Philippeau de la Vrillière. Cette partie contient
un bel escalier en pierre, malheureusement très dénaturé par l'incendie qui détruisic
en 1871, toutes les parties intérieures du palais.
Près de là, se trouve la caserne Condé, ancien séminaire, construction lourde,
mais non sans majesté, édifiée par le même prélat.
Notre dernière visite était réservée à la porte de Saint-Ursin. — L'ancienne
collégiale de Saint-Ursin reconstruite au XV** siècle était sur la place de ce nom.
11 en reste, transportée avenue Séraucourt, près VEsplanade Marceau, une porte
au tympan de laquelle sont sculptées : tout en haut plusieurs petites compositions
imprimées par les fabliaux et les contes populaires du moyen âge, plus bas une
châsse et en dessous diverses scènes qui caractérisent les mois de l'année :
GiRAVLDUS FECiT iSTAS PORTAS se lit dans un petit cartouche.
A quelques i)as de cette porte,on voit l'entrée de l'ancien couvent des Annonciades,
dont la chapelle construite en 1.505 par Jeanne de Valois sert aujourd'hui de magasin
militaire.
Le soir, la seconde séance des communications s'ouvre à 8 heures 1/2 dans la
salle du Conseil municipal, sous la présidence de M. le comte de Marsy; la réunion
aborde son ordre du jour : i'^ Question : Etudes archéologiques dans le département
du Cher, rapporteur M. le vicomte de Laugardière. 3" Question : Restes des âges
de pierre, rapporteur M. de Saint- Vincent. 5* Question : Age de bronze et les âges
de fer, rapporteur M. de Goy. ^* Question : Renseignements sur les Butiriques,
fournis par M. Pierre, d'après un livre trouvé par hasard en Belgique.
Ces ditîérentes questions amènent la lecture de mémoires très intéressants et
d'observations aussi savantes qu'instructives.
M. le comte de Marsy a un mot aimable pour remercier les lecteurs et les
membres qui prennent part aux discussions.
Samedi 9 Juillet. — 7 h. 1;'2. Exc-ursion en voiture à Plaimpied. Retour pour déjeuner. —
2 h. 1/2. Visite au musée (hôtel Cujas), Eglises Notre-Dame et Saint-Bonnot. Anciennes
maisons. — 8 h. 1/2. Séance de communications.
A huit heures du matin, cinq omnibus, contenant une centaine de congressistes,
(1) Description de la cathédrale, des vitraux de Bourges et autres monuments de la ville, par l'ahbé
Barreau. Châteauroux, 1885, 135 p. 8°, flg.
— 268 —
quelques voitures particulières et des cyclistes quittaient la place de l'Ecole des
Beaux-Arts pour se rendre à Plaimpied.
L'abbaye de Saint-Martin de Plaimpied fut fondé vers 1080, par Richard II,
archevêque de Bourges. Ce prélat fut inhumé dans le chœur de l'église en 1092,
ce qui donne une date certaine à la construction de cette partie de l'édifice qui sert
atuellement d'église paroissiale.
Le plan est celui de l'universalité des églises de cette époque en Berrv. son archi-
tecture semble être la ])reiiiière manifestation de l'ogive en Berry.
La nef, à trois galeries parallèles, est de construction beaucoup plus pauvre, ce
qui s'explique par la mort du puissant fondateur de l'église.
Une crypte s'étend sous le santtuaire dont elle reproduit le plan général. Elle se
compose d'une salle principale à chevet rond, partagée en trois galeries par quatre
courtes colonnes isolées, monolithes, façonnées autour, et à chapitaux simplement
épanchés.
L'église de Plaimpied possède toute une série d'inscriptions funéraires gravées à
l'extérieur du mur de la nef et du mur occidental du transept, au sud. Ces murs
devaient former les côtés du cloître sous lequel étaient inhumés les chanoines
auxquels les épitaphes se rapportent.
Ces inscriptions étaient attribuées par Mérimée au XIV* siècle. M. de Kersers,
les rapprochant des caractères de certains manuscrits du XIP siècle, dont elles
rappellent la calligraphie élégante et, en particulier, de deux documents originaux
des archives de l'abbaye de Plaimpied : une charte de 1137 et une autre du temps
de l'archevêque Vulgrin (1120-1136), oii on lit sur la liste des témoins plusieurs
des noms que fournissent les épitaphes, à conclure avec beaucoup d'apparence de
probalité que celles-ci sont dues à un chanoine écrivain de cette abbaye vers le
milieu du XII' siècle.
Elles sont toutes conçues sous une formule à peu près uniforme. Voici l'une
d'elles, la plus apparente, inscrite sur un phylactère, au-dessous de la figure
d'Abraham sculptée au mur occidental du transept: III Xonas jidii obiit si'.lpicius
sacerrlos et canon [u-i^s] Sci M [_artini].
•Le village de Plaimpied possède une auberge qui a pour enseigne humoristique
0
Bon
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X
XX
100
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Nous revenons enchantés de notre visite, car nous avons fait une riche moisson
d'importants documents.
Dans l'aprè.s-midi, nous visitons le musée organisé dans Vhôtel de Cirjas. Cet
hôtel a été construit vers 1515 par Guillaume Pelvoysin, l'architecte de la tour neuve
de la cathédrale, pour Durand Sahy, marchand italien établi à Bourges. Guillaume
Bochetel l'acheta de celui-ci et y fit ajouter, sur la rue des Arènes^ un corps de
logis dont il ne reste que le bas du mur de façade, d'ailleurs modifié au
XVIIP siècle, et l'encadrement d'une porte qui est un délicieux spécimen de l'art
de la Renaissance.
C'est dans cet hôtel restauré avec goût par M. P. Bœswihvald, et dans quelques
annexes modernes trop restreintes que depuis 1889, est installé le musée municipal
^^
O
o
- 209 —
comprenant un musée de peinture et de sculpture et surtout les collections très
intéressantes au point de vue archéologique.
Des tapisseries provenant du grand séminaire ont été trouvées fort belles. La
section du musée lapidaire a retenu longtemps un groupe d'archéologues, grands
amoureux de la pierre si puissamment fouillée par les artistes du XII" siècle.
Quelques émaux ont été jugés d'un prix inestimable.
Du musée, nous nous rendons à l'égiise Notre-Dame. Cette église autrefois
dédiée à Saint-Pierre et St-Paul s'appela jusqu'à 1803, Eglise de Saint- Pierre le
marché. Bâtie en 1157, elle fut presque entièrement brûlée en 1487 et relevée en
1520. Le clocher est de 1525. Elle a trois nefs sans déambulatoire. Dans la galerie
de gauche, un beau vitrail représentant la vie de St-Jean-Baptiste, est de l'époque
de transition entre le XV^ et le XVP siècle. Au fond de cette même galerie, au-
dessus de l'autel, un tableau en mauvais état, mais d'une réelle valeur représentant
le Repas (VEinniaïis.
A l'extrémité de la galerie de droite sous l'autel est une statue couchée de
sainte Jeanne de Valois apportée du monastère de l'Annonciade. L'autel est
surmonté d'une belle statue de la même sainte par Chaput. Au côté droit du chœur
une très belle toile attribuée à Valentin, une Descente de Croix.
En face de l'entrée méridionale se trouve un beau bénitier en marbre blanc tout
parsemé de fleurs de lys, porté sur un pied en balustre, avec une devise sculptée sur
sur le bord de la vasque :
Tout se passe rien ne dure,
La ferme chose tant soit dure,
la date de 1507 et les armoiries d'une famille locale, les Castello.
Uér/lise Saint-Bonnet que nous visitons ensuite fut fondée en 1250, détruite
comme la précédente par l'incendie de 1487 et reconstruite en 1510. Elle n'a qu'un
médiocre intérêt, mais elle possède de beaux vitraux dont trois sont de Jean Lescuyer,
très remarquable peintre verrier de Bourges au XVP siècle, et un autre de beaucoup
moindre valeur, peut être attribué à un de ses élèves, tille renferme aussi de bons
tableaux de Jean Boucher : UÉcIucation de la Vierge et les Adieux de Saint Pierre
et de Saint Paul.
Nous terminons nos excursions locales par la' visite de quelques maisons
anciennes.
La maispn de Guillaume de Vari/e, à l'angle des rues Coursalon et Porte-Jaune^
avec son ancienne porte d'entrée et l'encadrement de la boutique de ce négociant
au XV® siècle qui fut un des principaux facteurs de Jacques Cœur. L'élargissement
nécessaire de la rue va malheureusement faire disparaître cette maison ;
La maison de Bien Aimé Georr/es, rue Bourbonnoux., n" 50., qui a sur la cour
un élégant morceau de façade portant la date de 1494 ;
La maison, rue des Toiles, n" 16, construite, dit-on, par Guillaume Pelvoysin,
vers 1510, présentant ce caractère original que les sculptures sont de biais et ne
prennent leur caractère normal que vues sous un angle de 45° ;
Rue Porte-Jaune, n" 4, un logis du commencement du XVI* siècle, à belle façade
sur la cour, grandes fenêtres à croisillons et jolie tourelle d'escalier avec écusson
au-dessus de rentrée ;
La maison de Baraton, rue Joyeuse, n" 22, d'une jolie architecture, montre
d'intéressants détails de la fin du XVP siècle.
Les maisons de bois du XV^ et du XVP siècle soni extrêmement nombreuses
à Bourges et donnent à certaines rues un aspect très archaïque. En dehors des
rues Mirabeau et des toiles oii la majorité des maisons sont à étage et à pignons
— 270 —
aigus, citons : rue Saint- Sulpice^ n" iT^ la maison dite de la Reine Blanche^ à
belles moulures et sculptures intéressantes ; rue cVAuron, n" /, la maison natale
de Jacques Cœur, suivant une tradition que rappelle une plaque commémorative,
bien que les détails indiquent la tin plutôt que le commencement du XV* siècle.
Au N" 11 de \a place Gordaine, la poutre solière du l""" étage est couverte de
belles guirlandes et des corbeaux sont ornés de feuilles bien modelées.
Rue Bourbonnoux, n" 13, en guise d'enseigne, trois flûtes énormes sont sculptées
dans un poteau d'angle. Autres vieilles enseignes ; le Barbeau couronné., rue Par-
nientier, N" i ; le Cygne, place des Marronniers.
Comme Lillois, je n'aurais garde d'oublier une maison formant le coin des rues
du Cour Sablon et du Charrier, et portant pour enseigne Épicerie lilloise.
Il faut bien aussi que je signale uue maison d'une certaine importance, située
rue Moyenne, appartenant à ]M. Brisson, président du Conseil des Ministres,
frappée d'alignement pour donner passage au tramway électrique et dont le
propriétaire ne veut pas accepter le prix très élevé que lui a alloué le jury
d'expropriation (l).
Ce refus obstiné a donné lieu à une chanson humoristique oii le propriétaire
est traité avec rigueur. On pense bien que je n'ai pas omis de me procurer cette
chanson composée de plusieurs couplets.
Le soir à 8 h. 1/2 dans la salle du Conseil municipal nouvelle séance présidée
par M. le comte de Marsy.
]\I. Griolet de Gier, sourd-muet et âgé de près de 80 ans communique à la
compagnie des autographes, de l'authenticité desquels on ne saurait douter et qui
sont signés de Rabelais, de Charles VII, de Marie d'Anjou, d'Agnès Sorel, de
.lacques Cœur, de Louis XII, du cardinal d'Amboise l'un des constructeurs du
château de Meillant.
M. de Laugardière met sous les yeux des congressistes une bonne photographie
de l'abbaye de Fougombault, dont la restauration est l'œuvre d'un enfant de
Bourges, M. le chanoine Lenoir.
M. Cauchery de Vierzon, donne des détails sur le Palais du duc Jean et répond
à la question posée : Influence du duc de Berry sur le développement des arts et
en particulier de l'architecture de la province.
M. de Laugardière traduit avec une grande compétence, l'inscription d'une stèle
trouvée à Genouilly qui, d'après lui, serait du dernier demi-siècle avant
Jésus-Christ.
M. Quarré-Reybourbon, de Lille, dépose sur le bureau deux brochures sur des
voyageurs Lillois du XVII'' siècle après en avoir donné un court aperçu et s'offre à
procurer copie des relations qtii intéresseraient les membres du Congrès. Plusieurs
demandes lui ont été adressées.
M. le comte Charles Lair a découvert un martyrologe dressé par des religieuses
du monastère des Bénédictines de St-Laurent de Bourges.
!M. Adrien Blanches a retrouvé au Musée du Louvre, les émaux de la croix dite
de Bourges, brisée sous la Révolution. Il en fait la description.
M. de Boismarmin, parle de la résidence de Jeanne d'Arc à Mchun.
La séance se termine par une magistrale communication de M. Tocilesco,
sénateur do Roumanie, sur des ruines considérables découvertes par lui dans son
pays.
(1) Les journaux (l'octobre 1898 ont annnonct- (jue M. Brisson 0 eiiflii ucceplé lu soninic de 120.000 fr.
payement comptont, pour son immeuble.
— 271 —
Dimanche 10 Juillet. — 11 h. 31. Excursion en chemin de fer à Mehun-sur-Yè\re. —
2 h. 48. Départ de Mehun, arrivée à Bourges à 3 h. 10. — T heures. Banquet.
9
Plus de cent congressistes se trouvaient à la gare à l'heure indiquée et partaient
pour Mehun.
Deux monuments sont à visiter : Vêglise et les ruines du château. On peut voir
aussi wne porte de ville., dite de Vhorlor/e, reste de l'enceinte du XIII* siècle.
Ve'glise Notre-Dame, bien qu'ayant subi de graves mutilations, est intéressante.
Le chœur voûté en quart de sphère est de plan irrégulier, sensiblement dévié vers
le sud. Il est en portion de cercle ou en fer à cheval, entouré d'un bas-côté , avec
lequel il communique par sept arcades en plein cintre portées sur pieds droits rec-
tangulaires sans chapiteau. Sur ce déambulatoire, voiité en berceau circulaire,
sont ouvertes trois chapelles rondes voûtées en demi-sphères, dont l'une plus
grande ; celle du nord, a pour annexe une absidiole orientée elle-même.
On voit dans les Ijases de ces absides, à l'extérieure, les petites fenêtres d'une
crypte qui s'étendait sous le chœur et ses annexes et qui, supprimée en 1828, a fait
baisser d'un mètre le dallage de l'église.
On peut attribuer cette construction à la première moitié du XI" siècle.
La nef rectangulaire de 32 mètres sur 10, qui s'étend au-devant du chœur, a une
déviation marquée vers le sud. Elle est couverte d'un berceau en bois à entraits et
pointiers apparents ornés de rinceaux, moulures et écussons. Jusqu'au XVP siècle,
une rue transversale mettant en communication le château avec la ville, passait
sous le dallage alors plus haut aujourd'hui. Les issues de ce passage sont marquées
dans les parois latérales de la nef.
La façade est précédée d'une tour du XII" siècle formant narthex. Gomme elle
est établie sur la muraille des fortifications de la ville, la baie de face du narihex
forme tribune et l'accès a lieu latéralement par des degrés. Au-dessus de la baie
d'entrée, au nord, est sculpté un agneau pascal au milieu d'une croix grecque
ornée d'entrelacs.
Une grande et belle chapelle a été bâtie au sud du chœur, en 1466, parRegnaud-
Thierry, sieur de Courpey, doyen du chapitre de Mehun.
On voit dans cette église un grand tableau représentant le Christ en croix, signé
de Jean Boucher, de Bourges, et daté de 1610.
Cliâteau-Mehnn avait eu dès la plus haute féodalité ses seigneurs particuliers, de
la maison de Vierzon. Au commencement du XIIP siècle, la seigneurie fut portée
en dot par Mathilde de Mehun à Robert de Gourtenay, qui donna à la ville, en 1209,
une première charte d'affranchissement. Elle passa ensuite par Amicie de Gourtenay
à Robert d'Artois au petit- fils duquel Philippe de Valois la confisqua pour la
réunir à la couronne. Après le traité de Brétigny, Jean de Berry la reçut en fief.
C'est lui qui y fit bâtir, par Guy et Douet de Dammartin, ses architectes, une
fastueuse demeure qui, après sa mort, revint encore à la couronne. Charles VII
l'habita longtemps alors qu'il n'était que roi de Bourges et plus tard, et c'est là
qu'il mourut. Délaissé après la mort du roi, le château de Mehun fut incendié par
la foudre en 1550 et ne fut jamais réparé sérieusement. Il était déjà à l'état de
ruines losrqu'il fut aliéné, lors de la Révolution, pour la somme de 486 francs, puis
entièrement démoli à l'exception des deux tours, elles-mêmes profondément enta-
mées. En 1817,1a municipalité acquit ce qui subsistait encore. Une restauration des
dispositions principales de la Tour du Nord a été faite il y a peu d'années par
M. Darcy, pour l'administration des monuments historiques.
Le château de Mehun était construit au confluent de TYèvre et de TAnuain, sur
un plateau rocheux isolé du coteau par de larges fossés oii se réunissaient les deux
cours d'eau. 11 avait la forme d'un quadrilatère irrégulier avec tours aux angles et
bâtiments d'habitation appuyés à l'intérieur des courtines. La tour du nord ou des
Fiefs^ qui est encore debout, constituait le donjon. La salle du rez-de-chaussée
remonte à Robert d'Artois. Elle contient un puits et un four. Les salles supérieures
ont été élevées par le duc Jean. La tour de l'ouest, à quatre étages comme l'autre,
existe encore, mais éventrée dans toute sa hauteur.
Une miniature de l'un des manuscrits de la bibliothèque de Chantilly montre
quel était l'aspect extérieur, aussi imposant dans son ensemble que prodigieu-
sement riche dans ses détails, de ce château du duc de Berry, quelques années
avant sa mort.
A la sortie du château, les excursionnistes vont donner un coup d'œil au beffroi,
ainsi qu'à l'hôtel Charles Vil, résidence de Jeanne d'Arc.
A trois heures dix, les membres du Congrès étaient de retour à Bourges. A sept
heures, ils se rendaient au banquet.
C'est dans la grande salle de la halle qu'eut lieu ce banquet ; dans cette salle
1.200 personnes peuvent dîner à l'aise.
Le coup d'œil de la table, dressée avec un goût exquis, arrache un cri d'admi-
ration, au fur et à mesure de leur arrivée, à tous les convives.
MM. le comte de Marsy, de Laugardière, des Méloizes, de Goy, secondés par le
dévoué ]M. Chevalier reçoivent les congressistes et leur font les honneurs de cette
réunion.
L'aspect de la table entourée de personnages à la poitrine constellée de décora-
tions et de dames aux riches toilettes, est vraiment ravissant ; le menu est exquis,
les vins convenables ; tout est digne, en un mot, de la réputation de la maison
Marguerita chargée de cette fête.
Au dessert plusieurs toasts furent portés et chaleureusement applaudis.
En somme, charmante réunion empreinte de la plus parfaite cordialité, et dont
chacun gardera un très agréable souvenir.
Lundi 11 Jiillkt. — Excursion à Ainay-le- Vieil, Drévant, Xoirlat- et St-Amand-Mont-
Rond. — 10 h. 9. Départ en chemin de fer. — Midi 1. Arrivée à Ainay, visite du
château. — 2 heures, départ en voiture pour Drévant, Xoirlac et Saint-Amand. —
6 h. 1/2 dîner. — 8 h. 7 départ en chemin de fer. — '.i h. 30 retour à Bourges.
A notre arrivée à Ainay-lc- Vieil, nous visitons l'église, édifice du XllI'^' siècle, a
une porte à narihex assez intéressante. Dans l'intérieur se trouve un fragment de
vitrail du XVI" siècle, provenant, dit-on, de l'oratoire du château. La chapelle
seigneuriale du Bigny montre aussi quelques débris de vitraux. Elle ne mérite
l'attention que par l'élégante décoration, de la fin du XV" siècle, de sa porte d'entrée.
Le château est l'un de ceux qui, dans le département du Cher, a le mieux conservé
son aspect féodal, son enceinte polygonale, flanquée de neuf tours aux angles, a de
hautes courtines crénelées avec chcmiu de ronde. Elle est du XIV" siècle.
Au dedans des murailles vers l'est, un riche corps de logis s'appuya à la fin du
XV" siècle et toutes les ressources artistiques de l'époque furent appliquées à sa
décoration. La tour d'escalier, les belles fenêtres, l'oratoire avec son ornementation
de la Renaissance, la cheminée monumentale du grand salon sont d'une élégance
accomplie.
Cette résidence est actuellement la propriété de "SI. le comte de Villefranche-
MEHUN. — ANCIEN CHATEAU DE CHARLES VH.
— 2-3 —
Bigny, absent, mais qui a voulu qu'on ouvrit largement, hospitalièrement les portes
du château, assez difficile à visiter ordinairement, aux membres du Congrès de la
Société française d'Archéologie.
En oeuvres d'art, bijoux, meubles anciens, le château d'Ainay-le-Vieil est moins
riche que Meillant. On peut citer toutefois, le missel du salon que, malheureusement
on a cadenassé depuis qu'un archéologue — ils ont tous les poches profondes, a
dit, à la dernière séance, M. le comte de Marsy — a détaché de ce livre de prix un
des feuillets ; dans la salle de billard, quelques panoplies offrent un certain intérêt
et dans la bibliothèque, les panneaux de quelques bahuts sont d'un joli travail.
Dans la même pièce, bien en vue, sur l'entablement d'un bahut, est exposé un
souvenir de famille. C'est une frégate en ivoire, d'un travail délicat, offert par les
canotiers de la ville de Dieppe à S. A. R. Madame la duchesse d'Angoulême, et
donnée par elle à la marquise de Villefranche, sa dame d'honneur, qui l'accom-
pagnait dans un voyage.
Au premier étage les visiteurs peuvent entrer dans une chambre à coucher, qui
ouvre sur un balcon de pierre surmonté d'un berceau dont les détails sont artis-
tement fouillés et dont le ciel, peint en bleu, est parsemé de fleurs de lys.
Dans un cabinet de travail, j'ai été heureux de rencontrer un souvenir lillois : un
petit volume intitulé: Sentiments chrétiens^ in-24, 1815, LtZte, YanacAère, relié en
maroquin rouge à dentelles à froid {reliure de lUocquel-Castiaux).
La chapelle est, dans son genre, une petite merveille.
Sous la Révolution, le château d'Ainay n'eut pas trop à souffrir de la tourmente.
La chapelle notamment fut entièrement respectée ; elle dut sa préservation à une
circonstance assez singulière. On l'avait convertie en bûcher et, derrière les pièces
de bois entassés, les farouches révolutionnaires ne soupçonnèrent pas l'existence
d'emblèmes séditieux et de peintures religieuses.
La porte d'entrée de l'habitation porte l'inscription suivante : Nobilitati virtus
exaltât que viros. (Le courage élève les hommes de cœur à la noblesse).
Les excursionnistes quittent Ainay pour Drévant. Quinze voitures les emportent.
L'entrée dans Drévant de ces quinze voitures, qu'avaient précédées une avant-
garde d'éclaireurs cyclistes fait sensation.
A Drévant ont été découvertes en 1834 des ruines romaines très importantes,
temple, thermes et arènes ou théâtre, dont il ne reste debout que l'extrémité de
trois galeries voûtées ayant porté les gradins et le commencement des galeries
circulaires qui soutenaient l'hémicycle destiné aux spectateurs. Le reste du monu-
ment ne se manifeste que par des ondulations de terrain qui indiquent sa forme
générale ; il avait 78 mètres de diamètre.
La voie d'Avaricum à Néris passait au nord de ces ruines.
Deux inscriptions romaines sont conservées dans des murs de maison.
En face de Drévant, sur la rive gauche du Cher, une vaste enceinte en terre,
irrégulièrement triangulaire, occupe le plateau d'un promontoire escarpé qui
s'avance vers le nord. Il semble qu'on y voit l'oppidum gaulois occupé avant la
fondation de la ville romaine qui s'éleva à ses pieds.
L'église paroissiale de Drévant a peu d'intérêt. Dans son pignon est incrusté un
chapiteau antique. Près d'elle, s'élève la chapelle d'un ancien prieuré aujourd'hui
habitation particulière, dont le pignon ne manque pas de caractère et montre
quelques sculptures d'un fin triivail.
De Drévant, nous nous rendons à Noirlac, traversant Saint-Amand à une allure
des plus rapides.
U Abbaye cistercienne de Noirlac a été fondée en 1150 par Ebbes'V seigneur de
Charenton. Robert, neveu de saint Bernard, passe pour en avoir été le premier
18
— 274 —
abbé. L'église, en forme de croix latine, a un chevet carré. Le sanctuaire est voûté
d'un berceau légèrement brisé au sommet. Sur les bras du transept s'ouvrent de
chaque côté deux chapelles carrées orientées. La nef est à trois galeries, les bas-
côtés sont voûtés de pénétration et la nef centrale, de huit mètres de largeur, a
huit travées, de six mètres de longueur, voûtées sur nervures, comme les trois
rectangles du transept. Les chapitaux des piliers occidentaux accusent le XIIP siècle
et, par conséquent, une construction postérieure à celle de la partie orientale.
A l'extrémité du bras sud du transept, un escalier conduit aux dortoirs construits
dans son prolongement. Au-dessous de ces dortoirs est une belle salle capilulaire
voûtée sur arcs-ogives en six parties carrées, avec deux piliers au milieu portant les
retombées des nervures. Un de ces piliers a son fût entouré de seize cannelures.
Au delà de cette salle étaient les cuisines qui occupaient, en outre, un bâtiment
en retour au sud.
L'intérieur a été dénaturé au XYIIl® siècle. On voit extérieurement les tuj'aux
des cheminées dont l'un, bien complet, est terminé en une sorte de lanternon à toit
conique.
Entre ces constructions est placé le cloître à riches galeries voûtées dont les
parties les plus anciennes du commencement du XIIP siècle sont celles des côtés
nord et ouest de la cour. Le côté est, devant la salle capitulaire, plus riche, est du
XIIP siècle avancé et enfin le côté sud, qui a perdu ses voûtes, a été construit à la
fin du XIV^ siècle. Ce dernier côté est fermé par le bâtiment qui autrefois contenait
le réfectoire, vaste pièce très élevée à voûtes ogivales portées sur trois forts piliers
isolés. Ce bâtiment divisé au XVIII'' siècle en deux étages et en nombreuses pièces,
a perdu tout son aspect.
Une construction du XIV* siècle qui s'étend à l'ouest des cloîtres, a son étage
inférieur voûté en deux galeries sur les piliers octogones. Là étaient les celliers de
l'abbaye.
J'ai beaucoup admiré la vaste église de Noirlac datant du XII" siècle ainsi que
ses cloîtres d'une grande beauté sépulcrale très vastes et bien conservés. Mais tous
nous étions unanimes à déplorer que l'Etat ne se préoccupe point de sauver de la
ruine de tels trésors légués par les siècles.
Des centaines de photographies partielles ont été prises ainsi qu'un groupe des
Congressistes. Ces cloîtres il y a quelques jours encore, étaient habités par quelques
religieuses visionnaires et excommuniées de Loigny. Les cellules, où sont les lits
très confortables de ces nonnes dissidentes n'ont rien d'ascétique. Faute de
ressources suffisantes pour y subsister, ces religieuses dites du Sacré-Cœur de
Jésus Pénitent ont dû quitter Noirlac à la suite de la mort d'un bienfaiteur insigne.
De là nous nous dirigeons vers Saint-Amand-Montrond.
La ville de Saint-Amand-Montrond a été formée par la réunion de trois centres
distincts fondés à des époques différentes.
1" Le Vieux Château^ centre paroissial et féodal primitif, autour duquel s'agglo-
méra une population importante qu'Ebbos VII, seigneur de Charenton et de
Saint-Amand, favorisa d'une charte d'affranchissement à la fin du XIL' siècle.
2" La Ville neuve de Saint-Amanri, qui s'éleva à l'ouest de la vieille ville à partir
du XIV" siècle, s'entoura de murailles et eut sa destinée féodale particulière.
.3" Montronrl, forteresse dès le commencement du XIII" siècle, successivement
augmentée jusqu'à devenir un immense château qu'Henri de Condé, en 1021, acquit
du grand Sully. Ce château entouré de puissantes défenses devint sous la Fronde
une des plus fortes places du parti de Condé, subit onze mois de siège, succomba
le i""^ septembre lf»52 et fut immédiatement démantelé. La forteresse céda la place
à des jardins luxueux et à une sonqitueusc habitation que M^""*-* de Charolais,
Louise de Bourbon-Gondé, trouvant son entretien trop coûteux, livra elle-même,
en 1736, au pillage et à la destruction. Les ruines, encore grandioses au commen-
cement du XIX*^ siècle, ont peu à peu disparu. A peine reste-t-il aujourd'hui un
débris de tour qui n'a guère d'intérêt que par les souvenirs qu'elle rappelle.
Les enceintes des deux villes, vieille et neuve, détruites dans le cours du
XVIII" siècle, ne sont que difficilement reconnaissables (1).
L'église paroissiale de Saint-Amand est de plan crucial avec absidioles sur le
transept et galeries latérales de la nef. Elle a été élevée du XP au XVIIP siècle.
Le chœur est voûté en berceau, de construction soignée et intéressante, l'extérieur
de l'abside également, avec Tarcature figurée en plein cintre qui la décore. Des
chapelles, construites au XV'= et XVP siècle, communiquent avec l'église par des
baies ouvertes dans les lîiurs latéraux. Une annexe appelée Chapelle de Sainte-
Anne a sa porte spéciale des dernières années du XV* siècle, à gauche de la façade.
Après la visite de son église, M. l'archiprètre de Saint-Amand, présenta une
croix du XIIP siècle, don, dit la légende, de saint Louis. Cette croix a été sauvée
pendant la Révolution par une personne pieuse.
Les Carmes s'établirent dans la ville neuve au XV* siècle. Dans leur couvent
sont installés la Mairie et le Palais de justice. Les bâtiments sont sans intérêt;
mais l'église montre encore une belle façade avec une jolie porte de la Renaissance
et une tourelle à lanternon surmontant la pointe du pignon.
Quelques maisons particulières méritent l'attention : rue du Portail, une
boutique entourée d'une riche décoration sculptée à la Renaissance datée de 1580 ;
rue Porte-Matin un hôtel, d'une belle architecture du commencement du
XVir siècle, avec entrée surmontée d'une fenêtre et d'une lucarne dont l'ordon-
nance est remarquable.
La journée est finie, elle a été bien remplie. Après un dîner très gai, servi à
l'hôtel de la Poste. Les congressistes enchantés rentraient à Bourges, vers
dix: heures du soir.
Mardi 12 Juillet. — 8 h. 1/2. Visite des'ruines du Palais du duc Jean. — 9 heures.
Séance supplémentaire, dans la salle de l'hôtel de ville. — 2 heures. Séance de
clôture.
Une partie des congressistes visitent les ruines du duc Jean, rue Fernault, dont
j'ai dit un mot au commencement de ce rapport, dans le coup d'œil général sur
Bourges, et reviennent rejoindre leurs collègues à la séance de l'hôtel de ville,
présidée par M. le comte de Marsy.
M. Masseau dépose plusieurs mémoires, dont il donne un court aperçu.
MM. Travers, Mater, de Saint- Venant, des Méloizes, etc., font des communi-
cations intéressantes. — M. Henry Ponroy donne lecture d'un intéressant mémoire
relatif à des en bois ou moules à pâtisserie, que l'on rencontre plus particulièrement
en Berry. 11 est possesseur de onze rondeaux de pain bénit.
M. le comte de Marsy remercie les orateurs et la séance prend fin.
Après le déjeuner, plusieurs congressistes, sans attendre la séance de clôture,
quittent Bourges pour retourner vers Paris. Je me disposais de faire de même pour
(]) Histoire des deux villes de Sainl-Amnnd et de Monlrond, -par 'Viclor Maillard. — St-Amand, Desteny,
in-S», flg. 12 fr.
— 276 —
me diriger sur Vichy ; mais un train de nuit me fit renoncer à ce projet. Bien m'en
a pris, car une agréable surprise m'attendait.
A deux heures la séance de clôture s'ouvrait. Avant de déclarer close la session,
]\I. de Fayolle a proclamé l'admission de plusieurs membres dans la Société
d'Archéologie ; parmi leurs noms, nous relevons celui de M. le comte Maxime de
Germiny, archiviste paléographe, fils de M. le comte de Germiny, membre de la
Société de Géographie de Lille.
Vient ensuite la lecture de la liste des récompenses attribuées pour les travaux.
J'eus l'honneur de m'entendre proclamer titulaire d'une médaille en vermeil
pour l'ensemble de mes travaux et mes soins à recueillir les souvenirs lillois.
]M. le comte de ]\Iarsy eut un mot charmant pour chaque lauréat ; puis après la
proclamation des récompenses, il s'exprima à peu près en ces termes :
Avant de lever la séance, je remercie tous ceux qui ont pris part au Congrès :
les membres de la Société des Antiquaires du Centre, de la Société historique de
Bourges ; les Commissaires organisateurs si dévoués ; les autorités, le clergé, les
propriétaires des châteaux qui ont ouvert si libéralement leurs portes, la Presse,
qui a été l'interprète du Congrès et lui a accordé une place exceptionnelle dans
ses colonnes.
M. de Marsy remercie tous ceux qui sont venus de loin. Il remercie les dames
nombreuses qui ont voulu montrer qu'elles n'étaient pas étrangères aux Congrès
des Sociétés savantes. Il leur donne rendez-vous pour l'année prochaine.
Ses paroles sont accueillies par des applaudissements et le 65^ Congrès est
déclaré clos.
Le J3 juillet, trente congressistes environ ont fait, à Nevers, une excursion
supplémentaire. Partis de Bourges à 9 heures et demie, ils ont visité la cathédrale,
les autres églises, le palais ducal, le musée lapidaire, les collections de faïences et
la célèbre porte Ducrou.
i
BIBLIOGRAPHIE
En vue de l'accord commercial franco-italien dont la mise en vigueur ne tardera
pas à devenir un fait accompli, il est de nécessité absolue, pour toutes les maisons
qui traitent déjà des affaires en Italie, ainsi que pour celles qui veulent y établir
des relations, de posséder une bonne traduction des tarifs de douane, général et
conventionnel.
A quatre reprises depuis 1885 et chaque fois avec le concours de M. Lucien
Salomon, il a été publié par la Chambre de Commerce française de Milan une
traduction du tarif; toutes sont épuisées, la dernière date de 1894 et ne pourrait
servir du reste aujourd'hui.
M. Lucien Salomon se propose donc, dès que la Direction générale des Gabelles
d'Italie aura officiellement apporté aux tarifs actuels les modifications résultant du
récent accord, de publier une nouvelle et dernière édition française de ces tarifs
qui, mise complètement à jour, comprendra aussi toutes les indications relatives
^ 277 —
aux Taxes, aux Tares intérieures de fabrication et aux Surtaxes applicables aux
produits provenant de l'étranger, etc., etc.
Cet ouvrage se publiant par souscription, ceux qui voudraient s'en rendre acqué-
reurs peuvent faire parvenir leurs demandes à la Chambre de Commerce française
de Milan, 5, via Brera.
ÉPHÉMÉRIDES DE UANNEE 1898
AVRIL.
7. — États-Unis. — Démarches des représentants des grandes puissances
auprès de M. Mac-Kinley.
8. — Soudan. — Première défaite des Derviches par les troupes anglo-égyp-
tiennes du Sirdar Kitchener.
9. — Espagne. — A la demande des États-Unis, l'Espagne accorde un armistice
aux insurgés cubains. — Les insurgés refusent.
il. — États-Unis. — Message du Président Mac-Kinley au Congrès américain
au sujet de Cuba.
i3. — France. — Entrevue de la Reine Victoria et de M. Félix Faure à Nice.
14. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Jules Ronjat :
Alpinistne et bicyclette de Paris en Daicphine' par l'Allemagne et la Suisse,
15. — Paris. — Voyage des Reines de Hollande à Paris.
16. — Espagne. — Résolution belliqueuse du Sénat américain : la guerre
paraît inévitable entre l'Espagne et les États-Unis.
17. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. le Docteur Carton :
Le Bédouin. Scène de la Vie nomade.
19. — États-Unis. — La Chambre et le Sénat invitent le Président Mac-Kinley
à exiger que l'Espagne retire ses troupes de Cuba.
20. — Espagne. — Ouverture des Cortès.
21. — Espagne. — L'ambassadeur d'Espagne quitte le territoire américain.
21. — États-Unis. — Le ministre des États-Unis à Madrid quitte l'Espagne.
22. — Antilles. — Blocus de la Havane par la flotte américaine.
22. — Chine. — Prise de possession par la France de Kouang-Tchéou.
22. — Espagne. — Les premières hostilités entre l'Espagne et les États-Unis :
capture du navire marchand Bonaventura par un croiseur américain.
23. — Cuba. — Uu croiseur espagnol coulé. — Cuba en état de guerre.
24. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Ardaillon : La Mer.
25. — Corée. — Convention signée à Tokio par laquelle la Russie et le Japon
s'engagent à ne pas intervenir dans les affaires intérieures de la Corée.
26. — Espagne. — Mémorandum du gouvernement espagnol aux six puissances
pour protester contre l'agression des États-Unis.
27. — Cuba. — Bombardement des forts de Mantanzas par l'escadre américaine.
— Déclaration de neutralité de la France.
28. — LiLi-E. — Conférence à la Société de Géographie. M""' Jeanne de
Mayolle : Voyage chez les Indiens du Nouveau Mexique.
29. — Cuba. — Saisie d'un paquebot espagnol porteur de deux millions.
30. — Sahara. — La mission militaire Laperrine-Germain pénètre jusque dans
Insalah.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
I. — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes
ASIE,
Ru!>»«»e!i» au I*aiiilr. — On annonce que des forces considérables sont
arrivées au fort Mourghabi, dans la vallée de Sares-Pamir, avec mission d'occuper
les Monts Sarikol, entre Pamir et Kachgar.
Or, les moindres changements politico-militaires qui s'accomplissent sur le
« Toit du ]\Ionde » portent, dit la Gazette de Yoss, sur les nerfs des Anglais, ce
qu'explique parfaitement, d'ailleurs, l'extraordinaire importance stratégique de
cette région. On est fondé à prévoir que la Russie juge le moment venu d'exercer
le droit, qui lui a été reconnu par la commission anglo-russe de 1895 relative au
Pamir, d'étendre sa domination vers le sud jusqu'aux Monts Sarikol. Une fois
établis sur ce point, les avant-postes russes ne seront plus qu'à une journée de
marche de la frontière du Tchitral et au point le plus septentrional de la sphère
d'influence britannique, et l'on conçoit que cette situation cause à l'Angleterre
quelques appréhensions.
AFRIQUE
l']ta( du Coiis;o. — liCM ]t«>^l;;«'M et la ciuestloii «le Italir-el-
fiiliaxal. — L'accord franco-anglais du 21 mars 189U remet en question la
convention anglo-congolaise de 1894, qui donnait aux Belges le Bahr-el-Ghazal et
à laquelle la France fit alors opposition. Aux termes de cette convention, l'Angle-
terre donnait à bail au souverain du Congo le territoire qui constitue ce que l'on
appelle l'enclave de Lado, à l'occupation de laquelle la France a fini par consentir,
et le pays compris entre la rive gauche du Nil, le 10'= parallèle N., le 23» E. de
Greenwich et la ligne de partage des bassins du Nil et du Congo.
Le premier bail était fait au roi Léopold, sa vie durant; le deuxième, comprenant
le B.ihr-ol-Ghazal jusqu'à Fachoda, s'appliquait à ses successeurs. La convention
concédait encore à l'Ktat du Congo une bande de territoire de 10 kilomètres abou-
tissant à Mahagi, sur le lac Albcrt-.Nyanza. Des postes congolais sont établis depuis
peu à Mahagi et â Ouadalaï, et les troupes de l'État occupent Redjaf et plusieurs
points de l'enclave.
Le roi Léopold n'ayant renoncé à la convention que vis-à-vis de la France, et
celle-ci n'ayant plus aucun intérêt aujourd'hui à maintenir son opposition, on se
demande ce que va faire l'Etat du Congo. La convention de 1894, en effet, n'a pas
été dénoncée par l'Angleterre, et lord Salisbury a déclaré, dans l'un des derniers
Livres bleus, que cette convention subsistait tout entière. C'est une opinion à
laquelle on ne manquera sans doute pas de se ranger en France, d'autant plus
■qu'il ne nous serait nullement désagréable d'avoir les Belges pour voisins au
Bahr-el-Ghazal.
REGIONS POLAIRES.
Une expédition au Pôle ^ud. — Les nations européennes n'en sont
pas encore arrivées à se partager les régions circumpolaires comme elles ont
partagé le centre de l'Afrique : les glaces se défendent mieux que les sables contre
les progrès de la civilisation.
Quoique les expéditions au pôle Nord et au pôle Sud, plus inconnu et plus
délaissé, n'aient encore qu'un caractère scientifique, nous nous reprocherions de
ne point dire quelques mots de l'expédition belge partie depuis la fin de l'année
1897 au pôle Sud sous la conduite de M. de Gerlache.
Le navire, parti d'Anvers au milieu de l'enthousiasme du peuple et des souhaits
du roi et des autorités, s'appelait la Belgica. Depuis plus d'un an, on n'avait pas
reçu de nouvelles et l'on commençait même à éprouver de sérieuses inquiétudes
sur le sort des vaillants marins qui le montaient.
C'est de Montevideo que des télégrammes, parvenus à la fois aux agences, au
gouvernement, à la famille du commandant de Gerlache et à la Société belge de
Géographie, ont appris que l'expédition existe toujours et qu'elle a réalisé une
partie de son programme.
A sa famille, M. de Gerlache s'est borné à envoyer, par voie télégraphique, ces
deux simples mots, suffisants pour attester son existence : « Belgica, Adrien ».
11 a été plus explicite dans son câblogramme à la Société royale belge de Géo-
graphie.
Mardi soir, vers onze heures et demie, le secrétaire de cette Société, M. du Fief,
a reçu le câblogramme suivant, en signes empruntés au code télégraphique inter-
national :
« J'ai le regret de vous annoncer ,que Wincke est décédé le 22 janvier 1898 et
que Danco est décédé le 5 juin 1898 ; sinon, tout est bien à bord, sans avarie. —
Résultats très satisfaisants, bonnes collections. — Visité la baie Hughes et la Terre
Palmer ; fait une reconnaissance hydrographique dans ces parages ; recueilli nom-
breux échantillons de roches ; vingt débarquements. — Puis fait route vers la
Terre d'Alexandre I", pénétré dans le pack dans l'ouest de la Terre d'Alexandre I".
Latitude extrême 71" 36', longitude 92° ouest. — Obligé d'hiverner ; beaucoup de
mauvais temps, mais pas de froid intense pendant l'hivernage, sauf pendant le
mois de septembre, minimum 43° centigrades au-dessous de zéro, le 8 septembre
1898. — Beaucoup dérivé au gré des vents : sorti du pack le -14 mars 1899. — Fait
route vers Punta-Arenas, y arrivé le 28 mars 1899. — Envoyez les lettres à Punta-
Arenas.'
» DE Gerlache. »
— 280 —
Le cablogrammc vient de Montevideo. Ce n'est pas que l'expédition soit arrivée
à Montevideo. Elle est, au contraire, toujours à Punta-Arenas et compe y rester
assez longtemps encore, puisque c'est là qu'elle demande de lui envoyer les lettres;
celles-ci mettent environ un mois pour atteindre ce point. 11 aura fallu envoyer de
là le télégramme à Montevideo pour le faire câbler.
Punta-Arenas est une station d'observation sise à la Terre de Feu.
C'est de la Terre de Feu que la Belgica était partie le 13 janvier 1898.
M. de Gerlache se proposait de se rendre vers la Terre de Graham et de là à la
Terre Victoria, située beaucoup plus à l'ouest.
Il n'a pu accomplir, on l'a vu, que la première partie de ce trajet.
Le 13 janvier était une date déjà un peu tardive pour le départ. On ne sait trop
pour quelle cause ce départ fut retardé.
L'expédition s'arrêta, on le voit par la dépêche, à la baie Hughes et à la Terre
Palmer, qui sont aux environs de la Terre de Graham.
Elle fit route ensuite vers l'ouest, s'engageant bientôt dans le pack. On appelle
ainsi l'étendue des glaçons brisés, qu'un bâtiment peut encore traverser. Mais au
bout d'un certain temps, on constata que par suite de l'accentuation de la rigueur
hivernale, le pack allait se changer en banquises dans lesquelles le navire serait
pris. L'on retourna alors du côté de la Terre de Graham pour hiverner à la Terre
Alexandre I".
On a vu que l'extrême point atteint par M. de Gerlache a été le 71° 36' de latitude
et le 92" ouest de longitude.
Il n'y a pas de doute que, tout incomplet qu'ait été le voyage de la Belgica , il
n'apporte une contribution sérieuse à la science. La dépêche déclare que l'expé-
dition a fait de nombreuses observations scientifiques.
Ajoutons que, d'après les derniers renseignements, il paraît peu probable que la
Belgica retourne l'hiver prochain dans les mers polaires du sud, comme M. de
Gerlache l'avait projeté tout d'abord. — L.
Dépêche, 8 Avril.
II. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
FRANGE.
lie» nri*iTa;sc!i» de laineN de la Képultllque Argentine par
Diinkerque. — Le trafic des laines de la République Argentine par le port de
Dunkenjuc est non seulement toujours en progrès, mais il a acquis depuis quelque
temps une importance extraordinaire ; M. A. Mine, le Consul si actif de la Répu-
blique Argentine à Dunkcrque veut bien, avec son obligeance habituelle, nous
tenir au courant de la situation et nous envoie les quelques chiffres suivants, bien
persuasifs.
Les importations par Dunkerque des laines de toutes provenances ont été en
1897 de 13/1.871.817 kil., et en 1898 de 134.918.986 kil. ; l'augmentation de /i7.169k.
— 281 —
peut paraître insignifiante, mais examinons le détail des importations en 1898 selon
les provenances :
République Argentine . 85.771.085k.
Uruguay 5.102.510
Algérie 2.362.658
Tunisie 7.734
Maroc 1.320.296
Russie (Baltique) d6.457
Chili 100.000
Indes anglaises 37.650k.
Belgique 89.187
Australie 30.2.56.307
Espagne 2.337.861
Allemagne 181
Angleterre 7.512.261
Egypte 4.200
Total 134.918.986k.
Nous remarquons Fimportance des arrivages d'Australie et surtout de ceux de la
République Argentine que nous pouvons comparer aux importations de 1897,
comme suit :
Importations de laines argentines en 1897 79.468. 183k.
» » en 1898 85.771.085
Augmentation 6.302.902k.
Il ressort de ces tableaux que ce sont les 6.302.902 kil. de laines argentines en
excédent cette année, qui ont soutenu l'importation globale des laines en 1898, en
légère avance sur celle de 1897.
A la même époque, nous remarquons que l'importation par Anvers est constam-
ment en décroissance sensible ; elle était de 106.318 balles en 1896-97, et elle tombe
à 97.697 balles en 1897-98.
Nous constatons une fois de plus que les efforts intelligents et persévérants du
Consul M. A. Mine, sont très favorables au commerce des laines argentines, mais
sont surtout profitables au port de Dunkerque et à l'industrie française en général.
Du reste, la Société de Géographie commerciale de Paris, partageant l'opinion de
tous, vient de décerner à M. Mine une grande médaille de vermeil (médaille
Meurand), qui lui a été remise en Séance solennelle par le Ministre des Colonies
en récompense de ses efforts pour développer le commerce franco-argentin.
Nous félicitons vivement et bien sincèrement notre correspondant et ami , car
cette médaille honorifique vaut bien la médaille d'or qu'il a rapportée de Bruxelles
en 1897 ; nous le prions de vouloir bien continuer à nous donner la primeur des
renseignements commerciaux qui émanent de son consulat.
Aujourd'hui, M. Mine nous signale l'activité tout à fait prodigieuse des récents
arrivages de laines argentines; en moins de six mois, du 1" octobre 1898 au
15 mars 1899, il est entré à Dunkerque 153.954 balles, contre 90.277 balles pendant
la période correspondante de 1897-98 ; c'est une augmentation de 63.677 balles, soit
70 7o ou environ 30.000.000 de kilos.
Le nombre des balles importées eu 1897 est de 197.748.
et en 1898 de 216.802.
Dans le tableau général des importations argentines en 1898, on peut remarquer
aussi : 712.407 sacs de blé, 834.884 sacs de maïs, 505.032 sacs de graine de lin,
373.^4 kil. d'os, 275.000 cornes et 57.498 moutons vivants. Ces produits, avec
beaucoup d'autres moins importants, sont entrés à Dunkerque sur 126 navires,
dont 6 voiliers, jaugeant ensemble 224.908 tonneaux.
La situation politique et financière actuelle de la République Argentine permet
d'espérer un fructueux développement d'affaires avec ce pays.
E. C.\NTINEAU.
— 282 —
AFRIQUE.
IjC coiiinierce « Xanzibar. — Gomme il est facile de le prévoir, en
raison de la situation exceptionnellement favorable aux échanges entre l'Afrique
orientale et les grands pays manufacturiers, le port de Zanzibar voit ses exporta-
tions et ses importations augmenter en importance d'année en année, en attendant
le moment oii cette station insulaire deviendra le Hong-Kong du continent noir,
avec cet avantage sur le grand entrepôt de la côte méridionale de la Chine, qu'elle
se relie, au Nord comme au Sud, aux grandes voies de communication maritime
dans cette partie du monde, tout en ayant, au Sud-Est, la grande île de Mada-
gascar, un pays d'avenir avec lequel elle paraît destinée à entretenir des relations
suivies, toujours au point de vue des communications maritimes pour lesquelles le
Zanzibar est spécialement adopté.
Pendant le dernier exercice, le commerce extérieur de Zanzibar a dépassé en
importance celui de n'importe quel exercice antérieur, excepté celui de 18t©, à la
fois pour l'importation et l'exportation.
Le premier rang à l'entrée revient aux tissus en pièces, cotonnades principale-
meot, dont la valeur a atteint 8,661,275 fr. en 1897. La France ne figure que pour
un chiffre insignifiant dans cette somme.
Il convient de rappeler que Zanzibar, qui est le grand marché de l'Afrique orien-
tale, est un port libre à l'entrée, sauf pour les liqueurs, les arômes, les munitions,
le tabac et le riz.
AMÉRIQUE.
IJsagcs coiiiiiierciaiiiL à la Vcra-Crux. — Les marchandises étran-
gères se vendent soit au comptant, soit à 3 ou 6 mois de terme avec 3 et 6 7o
d'escompte. Le montant des marchandises vendues à terme est d'habitude recouvré
aux importateurs, au moyen de traites émises par le vendeur, à l'ordre d'une
banque du pays, qui les présente à leur acceptation dès qu'ils se trouvent en
possession des marchandises, et on opère le recouvrement à l'échéance.
Les grandes maisons d'importation ont à l'étranger un correspondant qui traite
leurs affaires.
Pour tout litige, on a recours au tribunal de première instance de la localité ; en
cas de procès, les absents doivent se faire représenter par un mandataire muni
•d'un pouvoir en due forme.
Il n'y a pas de tribunal de commerce au Mexique.
lia production dc«i laiiiCN dans la République Arg;cutluc.
— La production lainière de la République Argentine, déjà si remarquée à l'Expo-
•sition universelle de 1889, s'accroît chaque année ; elle a acquis à l'heure actuelle
une importance considérable dont l'industrie textile française profite très certaine-
ment, mais semble-t-il, pas d'une manière aussi complète qu'il serait à désirer.
M. Gourgas, titulaire d'une bourse commerciale de séjour à l'étranger, a adressé,
à ce sujet, à M. le ministre de l'Agriculture, un intéressant rapport très étudié que
vient do publier le Bulletin de l'Agriculture (n" 2 de l'année 1898).
Au premier abord, M. Gourgas a été frappé de cette circonstance que le mouton
Rambouillet, fort prisé avant 1889 et qui avait donné lieu à d'importantes affaires
avec la France, se trouve actuellement primé dans la République Argentine par le
mouton Lincoln tel que les Anglais l'ont perfectionné. 11 paraît que grâce à des
•soins multiples, les croisés Lincoln donnent GO °,'o Ji-' hdnc alors que les Ram-
— 283 -
boiiillet ne rendent que de 34 à 45 7o quand il s'agit de laines fines et à suint très
clair. Un autre élément contribue encore au succès du Lincoln, c'est la qualité de
sa chair tendre, abondante et, dès lors, très recherchée parles acheteurs d'animaux
vivants pour l'approvisionnement de l'Angleterre, de l'Allemagne, de la France et
du Brésil.
A côté des Rambouillet purs et des croisés Lincoln, on trouve encore deux races
très estimées à des titres divers, savoir : le Rambouillet précoce et le Vermont. La
première de ces deux races est due à l'industrie allemande, et l'élevage fournit des
animaux plus grands que les nôtres et dont la chair est déclarée de meilleure
qualité. Quant aux béliers et aux brebis de la race Vermont, proclamés dans l'Amé-
rique du Sud la perfection même de la race ovine, ils réunissent les avantages du
Rambouillet et des Négretti par la finesse de la laine, la hauteur de mèche, la
quantité et la qualité de la viande. Cette race d'animaux paraît admirablement
convenir au pays ; croisée avec le Rambouillet , elle produit des animaux d'une
forte constitution, qui deviennent énormes et constituent un élément supérieur
pour l'importation de la laine et de la viande. D'autre part, on doit reconnaître que
le croisement du Rambouillet du pays et de la brebis d'Australie a donné aussi
de brillants résultats comme finesse, nature, hauteur même de la mèche et quantité
de laine.
En résumé, la République Argentine a fait de tels et de si heureux efforts pour
améliorer ses animaux de la race ovine que, d'après des calculs récents, leur
nombre atteint actuellement 100 millions de tètes. Le commerce des laines a suivi
naturellement une extension en rapport avec l'augmentation du nombre des
animaux et avec l'accroissement de leur rendement. Aussi, pour répondre au besoin
du trafic un nouveau marché, le Mercado central de Frutos a-t-il an être créé
dans ce but à Barracas al Sud, province de Buenos-Ayres sur les bords du Ria-
chuelo, bras du Rio de la Plata qui sépare la ville du faubourg de Barracas.
Voici, d'après M. Gourgas, quelques renseignements sur les conditions d'exis-
tence et de fonctionnement de ce marché.
Une Société, composée des principaux consignataires, a élevé une construction
très bien outillée qui contient des machines hydrauliques et à vapeur ; le tout a
coijté 16 millions de piastres.
L'édifice a quatre étages et occupe une superficie de 152,000 mètres carrés. Il est
divisé en neuf compartiments auxq:;els on donne le nom de galpons ; chacun de
ces compartiments a un surveillant gardien des clefs, qui est responsable des pro-
duits à lui confiés.
A l'intérieur sont des voies ferrées et des chemins donnant passage aux char-
rettes. A l'extérieur sont d'autres voies ferrées, mais en plus grand nombre. Avec
ces moyens, on peut décharger 400 wagons, soit 1,200 tonnes par jour.
Les laines arrivent soit par les voies ferrées, soit par les voies fluviales. 11 en
vient même de la République de l'Uruguay.
Avant d'entrer en dépôt, les laines sont pesées par l'établissement qui est respon-
sable du poids ainsi vérifié. Les produits ainsi déposés ont l'avantage d'être à la
vue de l'acheteur sans payer d'autres droits que ceux de magasinage. A tout dépôt
on accorde six jours ; passé ce temps, on a à payer, par mois :
Pour les laines (les 10 kilogrammes) p. 0.30
Pour les peaux de mouton (les 10 kilog.) 0.03
Pour les peaux de bœuf (les i(X) peaux) 2 »
Pour les peaux de chevaux (les 100 peaux) 1 .25
Pour les céréales (les 100 kilogrammes) 0.04
— 284 —
Les laines, les peaux et les céréales sont déchargées séparément ; on facilite
ainsi le travail aux consignatairos et on évite le mélange des produits.
Le nouveau marché offre de grands avantages au fermier, à l'agriculteur et au
commerçant, car le gouvernement lui a concédé le droit de récépissé et de warrant,
ce qui en fait un véritable magasin général. Ces récépissés et ces warrants sont
escomptés par les banques établies dans la capitale. De cette manière, le déposant
ou le consignataire peut se procurer de l'argent sans avoir à vendre ses produits
dans les moments de grande baisse.
Les principaux ports qui s'occupent de l'exportation des laines sont : Buenos-
Ayres, Rosario, Bahia-Blanca et San-Nicolas. Ces trois derniers ports, qui sont
très importants, ne sont malheureusement pas visités par les vapeurs français. Les
Anglais et les Allemands y sont bien représentés. Cela tient un peu à ceci : les
vapeurs français ont tous leurs départs fixes, tandis que les Compagnies anglaises
ou allemandes ne les font partir que fortement chargés. Leurs bateaux sont plus
nombreux, restent plus longtemps dans le port, mais ont l'avantage d'emporter un
fret considérable. La France est le premier importateur des laines argentines, mais
il est regrettable que le transport soit fait en majeure partie par les Anglais et les
Allemands.
La Compagnie des Chargeurs Réunis est la Compagnie française qui en trans-
porte le plus, mais elle est dépassée par la ligne anglaise AUan et par les Alle-
mands. Toutes ces Compagnies touchent à Dunkerque, qui a un sérieux rival dans
Anvers. Avec quelques sacrifices, nos Compagnies de navigation pourraient enlever
une grande partie de ce trafic aux Anglais et aux Allemands.
On calcule que la récolte actuelle sera de 250 millions de kilogrammes environ.
L'importation par le port de Dunkerque a suivi depuis 1888 une période ascen-
dante. Cette année-là, Anvers recevait 86,000 balles et Dunkerque 93,000. Il y avait
alors peu de différence, mais, depuis lors, notre port a doublé, arrivant ainsi à
190.000 balles. Ce développement se doit en grande partie à la facilité qu'ont les
maisons françaises de Roubaix et Tourcoing, ayant leurs succursales dans le pays,
de trouver des vapeurs toujours prêts à charger.
L'importation directe pour l'Allemagne prend de jour en jour de l'extension. En
efi'et, les maisons d'exportation allemandes ont acquis et acquièrent plus de
100,000 balles annuellement. Les capitaux allemands en circulation dans la Répu-
blique suivent une progression ascendante et représentent des sommes très impor-
tantes dans toutes les manifestations du travail. La banque allemande transatlan-
tique rend de grands services à ses nationaux. Son importance ne fait que grandir,
la preuve en est qu'elle se propose de porter son capital de .30 millions à 50 millions
de marks.
Les affaires se font rapidement et simplement. Les laines sont exposées en tas à
la vue de l'acheteur ; celui-ci fait son offre au consignataire. Si elle est agréée ,
chaque partie note sur un carnet le poids et le prix et l'affaire est terminée sans
contrat. On paie généralement le samedi. 11 en est toujours ainsi et il n'y a jamais
eu de procès, ce qui est un grand avantage.
Par suite de ces effets combinés de l'accroissement de la production et de l'éta-
blissement du marché Mercado central de Frutos le commerce des laines est en
voie de transformation dans la République Argentine. Ce marché dépendait autre-
fois presque entièrement de la spéculation ; Anvers, le Havre et Londres étaient
les marches sur lesquels les fabricants se pourvoyaient. Aujourd'hui, la tendance
est à la suppression des intermédiaires. Les principaux fabricants du nord de la
France, de Tourcoing, Roubaix, Reims, Elbeuf, acliètcnt maintenant, suivant leurs
besoins, directement à Buenos-Ayres et dirigent leurs manhandises sur le port de
— 285 —
Dunkerqiie pour le Nord, sur le Havre pour Elbeuf et pour le conmicrce des peaux
de mouton sur Bordeaux et Marseille.
En commençant l'analyse de ce rapport , nous exprimions la pensée en nous
conformant aux vues de l'auteur que l'industrie française ne profitait pas autant
que cela serait désirable des grandes f;\cilités offertes par le développement de la
production de la laine dans la République Argentine, Mais cette situation semble
devoir se modifier en notre faveur par suite d'une modification dans les goûts de la
consommation.
Pour faire donner la préférence aux moutons croisés Lincoln, les Anglais ont
mis à la mode, il y a quelques années, les étoffes de cheviotte cà longs poils, qui
exigent pour leur fabrication de la laine longue ; or, cet état de choses tend à se
transformer, car la faveur du public se reforme manifestement sur les draps fins
qui nécessitent l'emploi de laines Rambouillet. Déjà à la fin de décembre 1897, le
stock du Mercado central était de 15 millions de kilogrammes de laines, la majeure
partie croisée Lincoln dont on ne voulait plus. La demande de laine Rambouillet
était au contraire très active, ce qui entraînait une hausse sensible des prix alors
que le cours des laines croisés Lincoln baissait de 20 7o- H y a là un indice certai-
nement très favorable pour l'industrie textile française comme pour notre élevage
de moutons.
{^Bulletin des laines de Rouhaix-Tour coing).
liCS relations coiuiiiercialcs avec la Colombie. — Conseils
AUX EXPORTATEURS. — Les renseignements suivants, de nature à intéresser nos
exportateurs sont extraits de la République de Colombie publiée par MM. Picardo
Nunez et Henri Jachay, agents consulaires de la République de Colombie.
Bruxelles, Désiré Stevelinck, 1898.
« Usages de commerce. — Le système des longs crédits est entré complètement
dans les mœurs du pays et doit être presque généralement adopté dans les tran-
sactions avec la Colombie. Les négociants français, anglais et allemands donnent
de six à neuf mois de crédit portant intérêt de 4 à 8 "/o, de la date de facture, et il
se trouve même des maisons accordant six, douze et dix-huit mois. Les Américains
du Nord n'accordent que deux ou trois mois de crédit. Dans l'isthme de Panama,
les livraisons d'Europe sont payables de un à six mois et celles des États-Unis de
un à trois mois. L'intérêt est calculé à 0 %• Pour éviter toute perte, les factures
doivent être faites payables en francs, en livres ou en marks, à Paris, à Londres
ou à Hambourg.
Un travail officiel, de source américaine, dit que les faillites sont rares en
Colombie et qu'on n'en a constaté qu'une à Medellin en quarante-cinq ans ; encore
le failli a-t-il payé 50 %• Les voyageurs de commerce n'ont besoin d'aucune auto-
risation pour voyager dans le pays. La plupart des négociants colombiens sont à
la fois importateurs et exportateurs ; ceux de la côte envoient du café, des cuirs,
de la tagua (ivoire végétal), du coton ; ceux du Santander, du tabac et de l'anis ;
ceux d'Antioquia, de l'or et de l'argent, du cacao, etc.
La loi qui suit sur l'inscription des maisons de commerce étrangères, a été pro-
mulguée par le président Nunez, le 25 mai 1888 :
Art. l*^ — Toutes les maisons ou Sociétés étrangères fondées à l'étranger et
qui font, d'une façon permanente, commerce avec la Colombie, devront faire enre-
gistrer leur acte d'association ou de fondation dans l'étude du notaire du district
oii elles se proposent de faire des affaires.
- 286 —
Art. 2. — Toutes compagnies ou firmes qui ne se seront pas conformées à la
prescription susdite, n'auront aucune reconnaissance légale et ne pourront béné-
ficier de la protection des lois. Seront donc considérées comme dissoutes, à partir
de ce jour, les maisons ou sociétés de commerce qui n'auront pas procédé à ladite
inscription et n'auront pas obtenu leur reconnaissance légale.
Art. 3. — Toute maison ou société devra avoir un représentant reconnu et
ayant un domicile fixe.
Art. 4. — Dans le cas oii la société n'aurait pas nommé de représentant, le gou-
vernement en nommerait un d'office, qui jouirait des droits et avantages accordés
par les lois.
Art. 5. — Exception à la présente loi est faite en faveur de la Compagnie du
canal de Panama, qui continuera à jouir des traités et contrats existants.
Il y a en Colombie de nombreuses maisons s'occupant d'importation, à la com-
mission, et qui traitent ordinairement comme suit : les ordres pris par les maisons
de commission sont expédiés directement aux clients, et il est fait traites sur eux
à l'ordre des commissionnaires, à six ou neuf mois de date des expéditions ;
atissitôt les traites payées, les commissionnaires font des remises aux fabricants,
sur l'une ou Tautre place d'Europe, déduction faite de 5 "'„ de commission ; ces
intermédiaires ne sont pas, à ces conditions, responsables des pertes du chef de
non-paiement, ou de mode défectueux d'expédition des marchandises. Comme nous
venons de le dire, les marchandises sont expédiées à chacun des destinataires (ou
plutôt à un commissionnaire, qui les dédouane et fait le nécessaire pour la réexpé-
dition à l'intérieur) qui sera obligé d'en payer les droits d'entrée et les frais de
transport, mais elles resteront la propriété du fabricant, jusqu'à ce que le paiement
soit effectué, c'est-à-dire, qu'en cas de non-paiement d'une facture, le fabricant
aura toujours le droit de reprendre sa marchandise. Ceci se pratique par certaines
maisons d'Europe, mais c'est plutôt en vue de défendre les intérêts des importa-
teurs, et pour leur faciliter les réclamations, en cas de révolution. La marchandise,
restant la propriété de l'expéditeur jusqu'à paiement, est considérée comme
propriété étrangère et jouit de toutes les garanties possibles.
Les affaires à la côte (Cartagena et Baranquilla) se font à toutes les époques,
excepté en avril et en septembre, époque oii les commerçants sont à la foire de
Magangué, sur le Magdalena.
A Medellin, les mois de grande activité sont ceux de septembre, octobre,
novembre, février, mars ; pendant les autres mois, les affaires sont plus calmes.
A Bogota, c'est le contraire qui a lieu : les mois de stagnation à INIedellin sont
ceux de grande activité dans la capitale.
Medellin, assez routinier, reste fidèle aux vieilles références, aux anciens
modèles, comme marchandises. A Bogota, dans le Santander et à la côte, les
commerçants accueillent les nouveautés de tous genres avec grande faveur.
Quelques indications, de source autorisée, sur les moyens d'établir des relations
avec la Colombie, nous semblent venir ici naturellement à leur place.
Pour étendre les rapports commerciaux avec la Colombie, il existe deux moyens
pratiques : la publicité et surtout l'envoi de voyageurs. La publicité est un excel-
lent moyen pour préparer le terrain et attirer l'attention des négociants à l'étranger.
Les fabricants et commissionnaires qui désireraient se créer des relations en
Colombie auraient tout intérêt à envoyer aux principales maisons de commerce de
ce pays des prospectus, revues de marchés, bulletins iniliistrielles, etc., i[ui feraient
connaître les principaux articles d'expcjrtation.
Mais le moyen le plus efficace, pour entamer des relations, celui qui présente
toutes les garanties de succès, c'est d'y envoyer des représentants, des voyageurs
— 287 —
de commerce ; ils devraient être porteurs de cartes d'échantillons, d'albums, de
spécimens, en un mot, de tout ce qui peut convfiincre l'acheteur, le persuader do
la supériorité des articles qui lui sont offerts, et une première affaire suffit souvent
pour fixer l'acheteur et en faire un client pour l'avenir. Il n'est pas absolument
nécessaire que cet agent ne représente qu'une seule industrie ; les frais de voyage
absorberaient, dans ce cas, tous les bénéfices ; il peut, au contraire, représenter
plusieurs fabriques, afin de diminuer le chiffre des dépenses, et, dans ces condi-
tions, il sera presque toujours certain d'arriver à des résultats favorables pour les
maisons qu'il représente.
La création, par un syndicat d'industriels, de comptoirs d'échantillons de leurs
produits à Bogota et Medellin donnerait aussi, croyons-nous, d'excellents résultats.
Dirigés par des personnes de confiance, à même de donner tous renseignements
sur les produits exposés et d'eu chercher la vente dans le pays, ces comptoirs
faciliteraient et développeraient singulièrement les transactions commerciales.
Conditions d'expédition. — Les dimensions maxima des colis sont : longueur
80 cent., largeur 57 cent., hauteur 55. Le poids des colis, emballage compris, ne
doit être, autant que possible, inférieur à 70 kilog. ni supérieur à 75 kilog. Chaque
colis doit porter une marque, un numéro d'ordre et le nom du port de destination.
L'emballage diffère évidemment, suivant qu'il consiste en ballot, en caisse ou
en fût.
La marchandise expédiée en ballot doit être entourée :
1" D'un papier fort mince ;
2° De deux couvertures de laine ordinaires, de qualité et taille, suivant l'ordre
remis ;
3" De deux toiles mesurant chacune 2 m. 40 sur 1 m. 40 environ ;
4" De deux toiles goudronnées de mêmes dimensions ;
5° D'une forte toile d'emballage, bien serrée, cousue et cerclée de deux ou trois
cercles de fer (feuillard).
S'il s'agit de caisses, elles seront, pour les objets pouvant supporter rhumidité,
solides et bien conditionnées. Celles pour les marchandises craignant l'humidité
.seront doublées intérieurement d'une caisse en zinc parfaitement soudée. Tous ces
emballages font, en Colombie, l'objet d'un trafic régulier.
Les fûts doivent être, autant que possible, à fond elliptique, et être doublés
extérieurement d'une feuille de zinc parfaitement soudée et les recouvrant entière-
ment. Quand le li(juide le permettra, les fûts seront faits, de préférence, en tôle
galvanisée.
Les articles en fer doivent être emballés dans des caisses solides ; les pièces
lourdes, les grosses pièces détachées de machines et les fils de fer barbelés ne
doivent pas être emballés ; les clous, les crampons, les boulons et les rivets
arrivent en barils. La grosse quincaillerie doit être emballée dans de fortes caisses.
L'assurance maritime et terrestre des colis est nécessaire. L'assurance d'un port
d'Europe à Baranquilla est de 1 % ; celle de Baranquilla à une ville de l'intérieur,
de 1 à 1 1/2 °,'o sur le principal augmenté des premiers frais jusqu'à la côte. »
OGEANIE.
Ij'iudustrle lainière eu Australie. — Nos lecteurs n'ignorent pas
que sur l'immense territoire qui constitue le continent australien, existent un cer-
tain nombre de centres formant autant de colonies distinctes, mais appartenant à
— 288 —
la Grande-Bretagne. Parmi elles, il en est une qui, en quelque sorte, centralise le
commerce des laines ; c'est la Nouvelle-Galles du Sud, A elle seule, elle fournit la
moitié des marchandises exposées ; on peut affirmer de plus qu'elle produit les
deux tiers de la laine. Ses vastes plaines nourrissent la majeure partie des trou-
peaux producteurs. Cette incontestable supériorité tient, en grande partie, au
climat exceptionnel dont jouit cette colonie ; ce climat égal et tempéré ne se ren-
contre guère que dans la région méridionale de l'Australie.
La colonie de Queensland, située dans la partie Nord-Est, doit être considérée
comme une contrée essentiellement tropicale. La température élevée qui y règne
s'oppose à un bon élevage de la race ovine. L'Australie australe voit progresser
chez elle la culture et la production du blé Victoria, dans le Sud-Est, pourrait
peut-être lutter avec la Nouvelle-Galles du Sud pour la belle venue des troupeaux,
mais la superficie de son territoire atteint à peine le quart de celle de la précédente.
Quant à l'Australie occidentale, la diversité des climats et leurs variations constantes
font qu"on ne peut considérer cette colonie comme un centre producteur sérieux,
en dépit de son million de kilomètres carrés d'étendue.
Sydney, capitale de la Nouvelle-Galles du Sud, centralise le commerce des
laines. Son port, qui est le plus considérable de tous ceux du littoral australien,
voit de novembre à fin février ses warfs et ses quais encombrés par une innom-
brable flotte cosmopolite, navires à vapeur et bâtiments à voiles, qui chargent
sans relâche et empilent dans leurs cales les énormes et pesantes balles de laine
que des cercles de fer étreignent et compriment. Si, dans le nombre, les navires
anglais prédominent, les vaisseaux français, allemands et italiens abondent égale-
ment. Sous forme de minerai de cuivre, d'étain et de plomb, les mines qui pullulent
dans le voisinage de Sydney leur livrent le lest nécessaire, lest de grande valeur
comme bien on pense.
Les grands paquebots à voyageurs ne négligent pas non plus d'emporter avec
eux, en cinglant vers l'Europe, les précieuses toisons contenues dans d'immenses
magasins, s'étendant à perte de vue le long des magnifiques quais de Port-Jackson,
qui, à proprement dire, est le port de Sydney. En dehors des époques durant
lesquelles se produisent les exportations de laine, les navires marchands du
monde entier le fréquentent sans cesse. Us apportent les denrées et les produits
de leurs pays d'origine et retournent ohez eux avec des chargements complets de
laine.
La Nouvelle-Galles du Sud possède un second port d'une importance à peu près
égale à celle de Port-Jackson ; c'est celui de Newcastle, à 160 kilomètres au nord
de Sydney et situé à l'embouchure de la rivière Hunter. Les bâtiments étrangers
affluent aussi dans ce port, et le commerce de la laine atteint des proportions
énormes ; il demeure cependant un peu inférieur à celui qui s'opère à Melbourne
et Portr-Adélaïde. Newcastle est en outre un point de ravitaillement des navires à
vapeur qui viennent s'approvisionner du charbon que fournissent les mines indi-
gènes ; on estime à plus de 3 millions de tonnes le poids total de houille livrée
annuellement par ce port de mer qui compte déjà plus de 75,000 habitants.
(Extrait du Bulletin des laines de Roubaix-Tourcuing).
Pou7' les Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉEAL ADJOINT , A. MEKGHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
tille tmp.L.Oainl.
- 289
A Monsieur le Président,
A Messieurs les Membres du Comité d'Etudes
de la Société de Géographie de Lille,
TÉMOIGNAGE DE RECONNAISSANCE ET DE SYMPATHIE.
0. DE PRAT.
DE LOANGO A FAGHODA
Par 0. DE PRAT,
Membre d'honneur de la Société de Géographie de Lille.
Le l®"" décembre 1895 jo rentrais en France venant du Congo Fran-
çais et de l'Oubangui, où j'avais fait partie de la Mission Monteil sous
le commandement en second de M. le commandant Decazes. A mon
arrivée à Paris, j'appris officieusement qu'une nouvelle mission était
en formation pour l'Afrique Centrale par la voie du Congo Français
avec un but précis et déterminé.
Le chef de cette mission était le capitaine Marchand, que je n'avais
pas l'honneur de connaître à ce moment. Le secret le plus rigoureux
était gardé sur les démarches et projets du chef de Mission, car une
indiscrétion même légère pouvait en compromettre le succès.
Quelques mois après, en avril 1896, alors que je crevais que les
démarches du capitaine Marchand n'avaient pas abouti, je fus surpris
un jour d'une offre qui m'était faite de sa part. J'appris en même temps
que la mission était presque entièrement formée , à l'exception de
deux ou trois membres.
Il me restait trois années pour terminer mon service militaire,
j'acceptai avec enthousiasme la proposition qui m'était faite ; au lieu de
la vie calme et paisible de la caserne qui m'attendait, je préférais
courir encore une fois les aventures. En prenant cette détermination
j'entrevoyais surtout une (in de carrière honorable.
La plupart des collaborateurs de la Mission ne se connaissaient pas
et les départs pour Loango furent fractionnés en plusieurs groupes,
C'est ainsi qu'un premier départ eut lieu le 25 avril à Marseille, un
second le 10 mai à Bordeaux, un troisième le 25 mai à Marseille, un
quatrième le 25 juin et enfin le dernier en août.
19
— 290 —
Je partis de Marseille le 25 mai sur le « Stamboul » avec le capitaine
Germain et le peintre Caslellani, envojé par V Illustration^ à l'effet de
recueillir quelques notes et croquis sur les pays traversés.
Je ne vous raconterai pas par le menu les détails de la traversée, qui
n'a d'ailleurs présenté aucun incident digne d'être signalé.
Le 31 mai à trois heures du malin nous arrivons à Las Palmas, la plus
grande d('s îles Canaries. Tout le monde connaît au moins par ouï-dire
la magnifique végétation et l'aspect pittoresque de ces îles. Après avoir
fait une petite excursion à terre, nous regagnons le bord et à cinq
heures le « Stamboul » fait route pour Dakar, port principal du
Sénégal, où nous arrivons dans la soirée du 3 juin.
Le lendemain matin on procède à l'embarquement de la compagnie
d'escorte de la Mission, qui se compose de 150 tirailleurs auxiliaires
appartenant pour la plupart à la race Soudahaise. Cette compagnie
avait été recrutée tout spécialement par le lieutenant Mangin de
l'Infanterie de Marine, membre de la Mission, qui avait déjà fait
plusieurs séjours au Soudan, où il était adoré des indigènes. Son choix
répondit à son attente, car jamais on n'eut à réprimer des actes collectifs
d'indiscipline, et toujours on put compter sur le dévouement le plus
absolu et l'endurance de tous ces braves gens. Je ne saurais assez
faire l'éloge de ces soldats improvisés, dont la valeur et l'énergie
méritent toute notre admiration ; jamais on ne put remarquer chez eux
ni un moment de défaillance, ni un mouvement de colère contre leurs
chefs, au milieu des plus grandes fatigues et des privations les plus dures
qu'ils ont subies ; avec la compagnie de tirailleurs prenaient également
passage à bord MM. le lieutenant Mangin, commandant la (Com-
pagnie d'escorte et le docteur Emily, médecin de la Mission.
Le 6 juin nous touchons à Konakry, capitale de la Guinée Française.
L'aspect de ce port est très séduisant. Une végétation luxuriante lui
donne un charme particulier. Malheureusement la chaleur y est acca-
blante.
Le 10 nous arrivons à Grand Lahou, poste de la Côte d'Ivoire. Il est
à remarquer que dans tous les ports de la Côte Occidentale depuis
Grand Bassam jusqu'au Congo Portugais, on atterrit très difficilement,
quelquefois même il est dangereux de débarquer.
Les navires sont mouillés en rade à 3 ou 4 kilomètres, et les com-
munications se font avec la terre au moyen de canots, qui chavirent
avec la plus grande facilité, si peu mauvaise que soit la barre. En
— 291 —
pareil cas passagers et colis sont jetés à l'eau, et parfois des accidents
de ce genre ont fait bien des victimes.
Le 17 juin nous stoppons en rade de Kotonou, port Dahoméen ; pour
éviter les dangers occasionnés par la barre, on a construit dans ce port
un wharf, sorte d'appontement métallique qui permet d'embarquer et de
débarquer sans danger. Les requins sont très nombreux sur toute cette
côte et plus particulièrement encore à Kotonou. C'est au point qu'un
homme tombant à la mer, est presque aussitôt happé par l'un de ces
monstres.
Le 22, nous abordons Libreville, capitale du Gabon et du Congo
Français, résidence du Commissaire Général. A la suite d'une visite
faite à ce dernier par le capitaine Germain, on apprend qu'il est impos-
sible de suivre la route des caravanes de Loango à Brazzaville, par
suite d'une révolte des indigènes contre l'autorité française ; la région
insurgée est située à l'est de Gomba, c'est-à-dire à 460 kilomètres de
Loango et 80 à 90 kilomètres de Brazzaville. Cette nouvelle nous cause
une triste et cruelle déception, car cette route de caravanes est notre
seule voie, j'en connaissais les difficultés au point de vue du portage
et je ne m'illusionnais pas sur ce fait que nous aurions à subir un très
fort retard pour faire passer nos vivres et notre matériel. Je donnais à
ce sujet tous les renseignements que je possédais à mon chef afin de
l'éclairer. Sur la proposition et les conseils du Commissaire général du
Congo Français, le capitaine Germain qui commande en second la
mission (le capitaine Marchand ne quittant la France que le 25 juin
suivant), fait débarquer la compagnie d'escorte avec MM. Mangin et
Emily afin que la présence des troupes sur la route ne surexcite pas
les indigènes, et surtout afin de ne pas eJETrayer les Loangos porteurs
qui redoutent beaucoup nos sénégalais et nos soudanais. Le capitaine
Germain et moi continuons sur Loango pour organiser le transport
de nos 3.000 colis sur Brazzaville.
Nous arrivons le 25 à Loango point terminus de notre traversée.
Loango à proprement parler est très petit, son importance serait
considérable s'il y avait une voie de communication avec l'intérieur et
des moyens de transport faciles. La route qui conduit à Brazzaville et
que l'on nomme pompeusement « route française de ca)^avanes » est
un mauvais sentier de 60 à 70 centimètres de largeur, bordé de chaque
côté par une brousse épaisse et haute, surtout à la fin de la saison des
pluies.
Au Congo Français comme dans toute l'Afrique équatoriale et
— 292 —
centi-ale, l'année est divisée en deux saisons bien distinctes, la saison
sèche et la saison des j)luies. qui durent la ])renii(''re généralement sept
mois et Taulre cinq mois.
Pendant la saison sèche il ne tombe pas une goutte d'eau, presque
tous les cours d'eau se dessèchent et la température tout en étant aussi
chaude est néanmoins beaucoup plus saine.
Pendant la saison des pluies c'est l'humidité constante, avec une
chaleur accablante et lourde.
Presque chaque jour éclate une ou deux tornades, sorte d'orage
précédé d'un vent très violent qui souffle en tempête puis une pluie
diluvienne tombe pendant une. deux ou trois heures. Aussitôt après un
très fort soleil sèche tout en très peu de temps. Les cours d'eau gros-
sissent rapidement et finissent par déborder. Dans les pays plats c'est
une inondation sur plusieurs kilomètres d'étendue.
En arrivant à Loango, je rencontre M. le capitaine Baratier,
MM. les lieutenants Simon et Largeau, les sergents Dat, Bernard et
Venait qui étaient arr-ivés par les paquebots précédents.
La situation est mauvaise au point de vue })ortage pour les raisons
que j'ai indiquées tout à l'heure. Les membres de la Mission que je
viens de nommer sont arrivés depuis un mois ; 300 colis ont pu être
expédiés sur Brazzaville , mais aucun n'est arrivé à destination ,
beaucoup ont été abandonnés sur la route par les porteurs loangos,
qui ont été effrayés par les bruits de « guerre » exagérés outre mesure
par certaines caravanes revenant des confins de la région révoltée.
Les autres colis ont été recueillis par les postes administratifs du
Congo échelonnés sur le parcours. Une véritable panique en est résultée
et il est impossible de mettre en route une seule caravane sans que
celle-ci abandonne ses charges à quelques kilomètres de Loango.
Cette situation est désastreuse, car elle peut, si elle se prolonge, amener
l'échec total de la mission à son début, surtout en l'absence de notre
chef, retenu en France par des raisons -majeures. Il est vrai qu'il était
impossible de pn''V(nr cette insurrection, cai" les renseignements
fournis peu de temps aujjaravanl par l'administration du Congo étaient
excellents. C'est pendant une tournée d'inspection faite .par M. le
Lieutenant-Gouverneur du Congo Français que la révolte a subitement
éclaté. Voici (kms quelles circonstances: Depuis quehiues mois, le
service télégraphique, envcné ;iu Congo pour l'établissement d'une
ligne entre Lojingo et Brazzaville, avait installé les poteaux et les
isolateurs sur lunl le ptircotii's de la ligne; les indigènes de la région
- 293 —
Comba-Brazzavillo crurent voir dans cette installation un AMiclie des
blancs pour empèch<'r la pluie de tomb(?r ; ils brisèrent et enlevèrent la
plupart des isolateurs croyant ainsi conjurer le mauvais esprit.
M. Dolisie, le Gouverneur, en passant dans le village d'un des princi-
paux chefs, voulut punir celui-ci en lui enlevant la batterie de son fusil
à piston, promettant de la lui rendre lorsqu'il aurait restitué les isola-
teurs volés. Aussit()t le départ du Lieutenant-Gouverneur, le chef
Mabiala de Makabendihu fU prévenir le chef du poste de Comba que si
la batterie du fusil ne lui était pas rendue aussitôt, il arrêterait toutes
les caravanes et les courriers. Sans même attendre la réponse, ce chef,
qui possédait une grande influence sur les indigènes de la région,
mit aussitôt sa menace à exécution, il arrêta le premier courrier qui
passa et ne le rendit qu'en échange de la batterie qui lui avait été
enlevée ; en outre il demanda plusieurs ballots de tissus comme
compensation des dommages causés.
C'était, en un mol, un acte de rébellion ouverte qu'il commettait.
N'ayant pas reçu de réponse à ses demandes extravagantes, il
massacra les deux premières caravanes loangos qui passèrent et
s'appropria les marchandises qu'elles transportaient.
C'était, comme on le voit, de la piraterie et du brigandage à main
armée. Il est vrai que celte route n'avait jamais été sûre, et que ce chef
n'avait jamais reçu le châtiment qu'il méritait pour ses exploits
antérieurs.
Il était donc bien établi qu'aucun Loango ne voulait se mettre en route
pour Brazzaville, et les charges de la mission s'accumulaient dans les
magasins de Loango au fur et à mesure de leur arrivée.
Le capitaine Germain, en présence d'une situation qui menaçait de se
prolonger, prit le parti d'essayer de faire passer un convoi par le Kiliou-
Nyari, et de se servir d'une Société formée pour l'exploitation des
transports des marchandises de Loango à Kimbiedi, poste situé à
proximité de Comba.
Cette Société en était encore à ses débuts, aussi son installation
était-elle incomplète ; de plus ne pouvait-elle utiliser le fleuve qu'à la
saison des hautes eaux. Malheureusement la crue commençait à peine
à se faire sentir, et pourtant il fallait agir sans perdre de temps.
C'est dans ces conditions que, dans les premiers jours de juillet,
un premier convoi de quatre cents colis fut mis en route sous les
ordres du capitaine Baratier. Il était secondé, dans cette tâche
ardue et périlleuse, par M. Fondére, administrateur colonial hors
— 295 —
cadres, directeur de la Société, dont je viens de parler, lequel s'était mis
très gracieusement à la disposition de la commission.
C'est à cette époque que, délégué par le capitaine Germain, je me
mets en rapport avec les maisons de commerce de Loango qui recru-
taient les porteurs pour l'administration, afin de constituer une forte
caravane d'une centaine de porteurs (les caravanes ordinaires
comprennent de 15 à 30 porteurs), de façon à ouvrir la route et donner
ainsi confiance aux Loangos. Dans ce but une section de tirailleurs de
la Compagnie d'escorte est mandée à Libreville et arrive le 12 juillet à
Loango. Cette section est destinée à protéger et à assurer la surveil-
lance du convoi, elle se compose de 41 tirailleurs. Je suis chargé de la
conduite et de la direction de ce premier convoi.
Avant d'aller plus loin il est utile de vous faire connaître ce que sont
les Loangos.
La tribu loango habite sur le littoral compris entre le cap Lopez et
le territoire du Congo Portugais. Le Loango est essentiellement porteur,
le portage est son gagne-pain, depuis que son pays a été conquis parles
Européens, il n'a été utilisé qu'à cet emploi, pour lequel il possède de
grandes aptitudes. Un homme porte une charge de 25 à 30 kilos de
Loango à Brazzaville ; le négociant recruteur perçoit pour chaque
porteur quarante-cinq francs ; l'indigène reçoit de son recruteur avant
de partir une avance de 40 cortades en étoffes (la cortade est de l'",80 et
d'une valeur de 0,50 centimes) et au retour il touche le complément
de son paiement, soit 30 cortades c'est-à-dire que sur 45 francs que
l'administration donne au recruteur il a réellement 35 à 38 francs,
la différence appartient au négociant.
Si le Loango a comme qualité d'être bon porteur, il possède par
contre de nombreux défauts, entre autres la paresse et l'ivrognerie ;
dès qu'il peut se procurer un peu d'argent, il court dans une factorerie
acheter de l'alcool de traite à 0.40 centimes le litre et se livre ensuite à
l'orgie en compagnie de sa femme et de ses amis.
Ces funestes habitudes d'intempérance et cette malheureuse passion
de l'alcool ont été introduites dans ces régions par les premiers
européens qui y ont pénétré. La vente de liqueurs alcooliques, trop
souvent frelatées, a causé d'énormes ravages au sein des populations
fétichistes de l'Afrique; de grosses fortunes se sont faites très rapidement
dans ce commerce, et les importateurs sans scrupule n'ont jamais eu
d'autre but.
11 convient de dire pour l'honneur de notre pays que les Français
— 290 —
compreiiiK^iit aulrcraent la civilisation, et que de pareils faits ne leur
sont pas imputables.
Je pars le 17 juilh't de Loango avec 85 porteurs dont 17 jirisonniers,
le convoi se compose principalement de munitions, il est escorté par la
section de tirailleurs de la Compagnie d'escorte arrivée récemment de
Libreville.
J'organise mon convoi de telle façon que chaque tirailleur puisse
surveiller deux porteurs, car mon expérience, en ce qui concerne la
marche des caravanes, me fait craindre l'évasion d'un certain nombre
de porteurs pendant le trajet.
Le premier jour tout va bien, mais le lendemain matin en traversant
un marigot vaseux trois porteurs s'évadent en abandonnant leurs
charges sur le sentier ; je me trouve dans l'obligation de répartir ces
charges entre tous les autres. Dans la soirée deux tirailleurs sont pris
de fortes fièvres, je les renvoie le lendemain à Loango pour se rétablir.
Je juge inutile en effet de conserver ces tirailleurs qui ne peuvent que
m'embarrasser, d'autant plus que j'ai à craindre d'avoir beaucoup de
malades parmi mes porteurs.
Le 19 juillet, j'arrive à la lisière de la forêt du Mayumbe. Cette
forêt est excessivement épaisse ; pendant les quatre où cinq jours qu'on
met à la traverser on ne voit pas le ciel, il y fait une demi-obscurité, elle
s'étend du Nord au Sud sur une très grande distance et a 80 kilomètres
de largeur.
Les Ma}aimbès, qui habitent cette région, logent dans des huttes,
s'adonnent un peu à la culture, juste ce qu'il faut pour vivre et servent
d'intermédiaires dans les trafics entre les Loangos elles Bacougnis, tribu
qui habite les plaines au delà de la forêt.
Les Mayumbès sont peu int('rcssants, toujours en contact avec les
Loangos, ils en ont pris les défauts.
Le lendemain, avant de me mettre en roule, je m'aperçois que deux
autres porteurs se sont évadés pendant la nuit en rampant dans les
herbes, les quatre factionnaires que j'avais placés n'ont rien vu, ni
entendu. Je me fais donner aj)rès de longs pourparlers deux hommes
dans un village, qui est établi à proximité de notre campement.
Nous traversons le Foungou, le Kaba et le I)amba trois montagnes
boisées qui se trouvent au milieu de la forêt, la plus élevée d'entre
elles a environ 600 mètres d'altitude. Une question qui me préoccupe
beaucoup, ce sont les vivres pour mes porteurs ; comme je ne leur laisse
pas la faculté de s'arrêter, comme bon leur semble, pour en chercher
~ 2y7 —
dans des villages situés à un ou deux kilomètres à droite ou à gauche
du sentier, afin d'éviter les évasions et toute perte de temps, je lais
acheter chaque soir, après l'arrivée au campement, par quelques
Loangos escortés de tirailleurs, tous les vivres que je puis trouver.
C'est surtout le manioc qui est la base de la nourriture des indigènes.
Le manioc est un tubercule qui pèse quelquefois plusieurs kilos ,
après doux années de culture. Quand il est acheté cru en route ,
l'indigène le fait cuire sous la cendre ; quand il est vendu après avoir
séjourné plusieurs jours dans l'eau, préparation indispensable pour
détruire tout germe de poison, car le manioc de ce pays est très
vénéneux, il est alors bouilli et mangé avec une sauce faite, soit avec
des herbes, soit avec du poisson ou de la viande quand on peut s'en
procurer.
Dans tous les cas, c'est une nourriture très désagréable pour l'euro-
péen quand il est obligé d'y recourir : on croirait manger de la colle do
pâte avec un goût d'amertume très prononcé.
A la sortie de la forêt j'avais perdu un porteur, mort de fatigue, et
laissé dans un petit village, six autres porteurs malades dans
l'impossibilité absolue de continuer la route. Après avoir à grand'peine
pu obtenir quatre hommes dans les derniers villages du Mayumbe, je
fais porter les colis restants par mes tirailleurs qui obéissent sans
murmurer, ils savent à la suite des théories qui leur ont été faites, que
la compagnie d'escorte de la mission Marchand, doit être une compa-
gnie d'élite prête à tous les sacrifices, devant passer partout, et n'être
arrêtée par aucun obstacle.
C'est en faisant appel à leur amour-propre que presque toujours on
a obtenu de ces braves gens des efforts considérables. Les Sénégalais
et Soudanais sont très fiers et très orgueilleux ; ils considèrent les
porteurs comme des êtres inférieurs; il était donc terriblement difficile
de leur faire porter sur la tête une charge de trente kilogrammes en
cette circonstance. Le sacrifice de leur fierté était d'autant plus grand
que les Loangos qui connaissaient le caractère de nos tirailleurs ne se
gênaient pas pour les railler en leur disant : « Tu vois tu es un sauvage
comme nous maintenant ». Si j'insiste sur ce détail c'est pour démontrer
qu'à de tels hommes, on peut tout demander.
En quittant le Majumbe, on arrive dans la plaine ; tout le pays, à plus
de 150 kilomètres, est plat. 11 n'y a plus de villages sur la route, ils
sont tous établis dans l'intérieur, afin que les caravanes de passage ne
pillent plus leurs plantations comme cela avait lieu fréquemment.
— 298 —
J'avais emporté de Loango, en prévision des achats de vivres,
plusieurs charges de pacotilles, étoffe commune, couteaux de traite et
autres objets de peu de valeur, destinés aux échanges. Voici sur
quelles bases ces échanges se font : 1 poulet pour deux brasses d'étoffe
(la brasse est de l'°,80 et vaut 0,50 centimes) ; 3 et 4 œufs pour un
couteau de 0,15 centimes, ou 6 œufs pour une demi-brasse ; 3 ou 4 gros
poissons fumés pour 3 brasses d'étoffe ; une chèvre moyennant 10 à 12
brasses. Ces prix sont très élevés, mais cela tient au voisinage du
littoral où la présence des Européens a amené une hausse sur tous les
produits.
Les Bacougnis qui habitent la région sont des gens solides bien
constitués, ils sont cultivateurs, porteurs, chasseurs et surtout
commerçants. Leur grand trafic est d'importer chez eux le sel, la
poudre et le fusil à piston. L'alcool n'a heureusement pas encore
pénétré chez eux. Ils ne sont vêtus que d'une ceinture de toile ou
d'écorce de rafia, qu'ils passent entre les jambes ; c'est d'ailleurs le
costume à peu près généralement adopté par tous les nègres de cette
partie de l'Afrique.
Le 28 juillet j'arrive à Loudima, poste du Congo Français établi sur
la rive gauche du Njari et à l'embouchure de la Loudima, affluent de
gauche du Nyari. Pendant la route deux tirailleurs étaient tombés
malades, deux porteurs étaient morts, une douzaine d'autres avaient
été atteints par diverses maladies et il y avait eu cinq évasions, mais mon
convoi était arrivé au complet. Loudima se trouve à 245 kilomètres de
Loango, j'avais mis douze jours pour franchir cette distance. A ce
poste je rencontre le lieutenant Largeau, membre de la Mission qui
avait été envoyé pour recruter des Bacougnis, afin d'accélérer le
portage.
Cet officier a reçu l'ordre de se rendre à Brazzaville, il est convenu
que nous partirons ensemble le surlendemain 30 juillet.
Sur ces entrefaites, le 25 juillet, le capitaine Marchand arrive à
Loango, avec le litre de Commissaire-Adjoint du Gouvernement de
rOubangui, il est accompagné de M. de Brazza, Commissaire général
du Congo Français et du reste de la Compagnie d'escorte, venant de
Libreville. La situation que trouve notre chef à son arrivée n'est pas rassu-
rante ; la route de Brazzaville n'est plus libre par suite de l'insurrection des
populations indigènes, et tout le matériel, qui devrait depuis longtemps
être expédié, est encore à Loango. Dans ces conditions un retard de
plusieurs mois est à prévoir; il faut en effet rouvrir la route des
— 209 —
caravanes, pacifier les régions soulevées et faire transporter non
seulement les 3.000 colis de la Mission, mais encore G. 000 autres colis
destinés à la colonie du Haut-Oubangui, qui pourrissent depuis plus
d'un an dans les magasins de Loango. Ce dernier envoi est extrêmement
urgent, car celle colonie est à bout de ressources et elle doit nous
seconder lors de noire passage sur son territoire.
En présence de cet état de choses, le capitaine Marchand, demanda
et oblinl du Commissaire général du Congo Français, la direction
pleine et entière avec tous pouvoirs pour ramener le calme dans le
pays et organiser le service des transports par caravanes. Je ne
m'étendrai pas sur tous les détails qui ont suivi cetlo prise de
commandement, je dirai qu'à partir de ce moment, il régna de
Loango à Brazzaville une activité fiévreuse qui y était inconnue
jusqu'à ce jour. Des troupes de milice furent mandées à Libreville
comme renforts , et la compagnie d'escorte fut immédiatement
envoyée sur le lieu de l'insurrection. C'est à ce moment que partis de
Loudima, le 30 juillet, avec le lieutenant Largeau, nous arrivons à
Comba, autre poste du Congo Français situé à 150 kilomètres environ
de Loudima. Puis repartant de ce point sur Brazzaville, après un jour
de repos, nous traversons le pays insurgé sans livrer aucun combat.
Cette région est très accidentée ; les rebelles, non encore organisés, se
sont réfugiés dans les montagnes, en abandonnant, leurs villages
établis à proximité de la route, nous les brûlons en passant.
Nous arrivons à Brazzaville, le 16 août dans la matinée, non sans
avoir rencontré dans la région soulevée plusieurs cadavres de
Loangos ayant fait partie des caravanes précédentes ; ces malheureux
avaient été assassinés par les insurgés.
Brazzaville est le point le plus important du Congo Français en
raison de sa situation géographique ; situé sur la rive droite du lac
Congolais « Stanley Pool » il relie la colonie du Congo à celle de la
Sangha, de l'Oubangui et maintenant du Bahr el Ghazal. C'est le siège
actuel du Lieutenant-Gouverneur. En dehors des habitations de
fonctionnaires il y a deux factoreries, l'une française et l'autre
hollandaise, beaucoup plus importante. C'est également le siège du
vicariat apostolique des missions catholiques de l'Oubangui. La popu-
lation y est très dense, elle appartient en majeure partie à la tribu
Batéké ; elle est essentiellement commerçante et fait le trafic de l'ivoire
provenant de la Sangha et un peu de l'Oubangui.
-^ 301 —
La colonie du Congo Français a possédé autrefois une petite flottille
de quatre ou cinq vapeurs, aujourd'hui elle n'en possède plus.
Le service des transports et des courriers sur le Congo, le Haut-
Oubangui et la Haute-Sangha se fait par l'intermédiaire des steamers de
la Société hollandaise. En face de Brazzaville sur la rive gauche,
territoire de l'Etat indépendant du Congo, se trouve Léopoldville,
centre très important surtout depuis que la ligne de chemin de fer de
Matadi y est venue aboutir. C'est également à Léopoldville, résidence
du Gouverneur, que se trouvent les chantiers et ateliers de répara-
tions du matériel fluvial ; la flottille congolaise compte plus de
trente magnifiques vapeurs. Un peu plus eu amont à Kinchassa se
trouve un vaste camp d'instruction servant de dépôt et de centre d'ali-
mentation pour les postes du Haut-Congo et du Hassaï.
Par suite d'une confusion d'ordres, le lieutenant Largeau et moi,
escortés par notre détachement, quittons Brazzaville pour nous rendre
à Bangui, point terminus de la navigation à vapeur. Mais en arrivant
à Liranga, où nous devions séjourner près d'un mois en attendant notre
vapeur, qui était parti dans la Sangha pour approvisionner les postes,
nous recevons l'ordre de retourner à Brazzaville ; de graves événe-
ments s'étaient passés depuis notre départ à la suite de mouvements
insurrectionnels qui avaient pris chez les Bat ékés de grandes proportions.
Dès notre arrivée à Brazzaville je reçois l'ordre d'aller renforcer avec
ma section M'Bamou, nouveau poste, créé par la Mission en plein
centre insurrectionnel, et situé à 60 kilomètres à l'ouest de Brazzaville.
C'est là que, du mois d'octobre à janvier, je suis chargé d'approvisionner
tous les postes volants et les petites colonnes qui rayonnent dans la
région. Je fais en outre le recrutement de porteurs d'abord chez les
populations Bakongos, peu compromises dans l'insurrection, puis parmi
les révoltés qui viennent se soumettre. En moins de trois mois le poste
de M'Bamou à lui seul, recrute plus de 2.000 porteurs, dans un pays
qui s'était jusque là toujours refusé à faire du portage et qui très souvent
n'avait pas voulu reconnaître l'autorité de l'Administrateur de
Brazzaville.
Je ne relaterai pas ici tous les détails de la campagne de répression
qui a été faite pendant les derniers mois de 1896, mais je tiens cepen-
dant à vous faire connaître deux faits auxquels j'ai été directement mêlé.
Au retour de l'Oubangui vers la côte en 1894, nous arrivons un jour
avec notre caravane de porteurs Loangos, mais sans aucune escorte,
dans un village de la tribu des Bassundis, dont le chef Missitou était
— 302 —
une des tètes du mouvement insurrectionnel. Avant Fintention de faire
dans ce village une halte-repos, nous achetons à un des habitants deux
ignames pour une pincée de petites perles blanches ; à peine le paiement
ésl-il effectué, que l'indigène veut reprendre une igname, mais nous
l'en empêchons : il se met alors à nous injurier. A bout de patience,
M. Ponel, administrateur du Congo, qui m'accompagnait, prend le
bâton que j'avais entre les mains, et lui en donne un léger coup sur le
dos. afin qu'il s'en aille. Cet individu se met aussitôt à pousser des cris
et se sauve dans la direction d'un petit bois qui borde le village. Sans
plus nous préoccuper de lui, nous nous mettons à table ; mais à peine
notre repas est-il commencé que nous voyons sortir du bois une
cinquantaine d'indigènes armés de fusils à pistoin qui bientôt nous
entourent en poussant des hurlements féroces. Il est évident que nous
sommes tombés dans un guet-apens. Ces brigands nous mettent en
joue à quelques centimètres du visage ; toute défense est inutile, nous
n'avons comme armes que nos bâtons de route et nous sommes seuls,
sans escorte. Mais sans perdre notre sang-froid, nous gardons ime
attitude impassible, et c'est ce qui nous sauve. Cette scène venait de
prendre tin lorsque l'indigène frappé par M. Ponel reconnaît entre mes
mains le bâton avec lequel il a fait connaissance un peu auparavant, il se
jette alors sur moi, m'attrape par la barbe et, armé d'un énorme
coutelas, il veut me le passer à travers la gorge ; je n'ai que le temps de
le repousser violemment. Même menace est faite à M. Ponel,
elle reste également sans eflet. C'est à ce moment que Missitou, le
chef de ces bandits, intervient, et nous enlève tout ce que nous portons
sur nous ; après quoi il nous laisse libres de continuer notre route.
Inutile de vous dire que je conservais le souvenir de cette aventure pour
en faire mon profit, le cas échéant, d'autant plus que ce guet-apens ne
fut jamais puni par l'administration ainsi que bien des crimes
d'ailleurs.
Deux ans après, les indigènes de la tribu des Bassundis se mettent
de nouveau en rébellion, et j'ai la très vive satisfaction de me retrouver
en face de Missitou. Voici dans quelles conditions ; en novembre 18ÎX), à
la suite d'un coup de main, nous avions pris comme otages dans les
villages rebelles une trentaine de femmes et d'enfants, afin de nous
faire livrer les principaux chefs qui étaient à la tète de l'insurrection.
Ces otages me furent confi('s à M'Bamou et je ne devais les rendre que
contre Missitou et Mayoki, les deux chefs les plus compromis. Les
populations Bassundis qui s'étaient mises en rébellion, ne s'attendaient
— 303 —
pas à la répression sévère que nous allions leur infliger, car elles
n'avaient jamais été inquiétées jusqu'alors. Mais lors([u'elles se virent
traquées de toutes paris, lorsque leurs villages furent incendiés, et
leurs plantations détruites, elles ne tardèrent pas à se soumettre, et
les deux chefs furent livrés à quelques jours d'intervalle.
Quelle fut ma joie de retrouver en l'un d'eux l'ancien auteur du guet-
apens de 1891, qui avait cru bien faire de changer de nom, mais que je
reconnus positivement. Lorsque, dans mon interrogatoire, je lui rappelai
dans quelles conditions j'avais, une première fois, fait sa connaissance,
il se mit à trembler et essaya de nier ; il se vit perdu. Je le passai par les
armes le lendemain matin en présence de tous les chefs de la région
qui paraissaient consternés. Le second, le chef Mayoki, me fut amené
trois jours après, je lui fis subir la même opération et je relâchai les
otages. Cette double exécution précédée d'une autre aux environs de
Comba mit fin à l'insurrection.
Dans les combats que les insurgés nous livrèrent nous eûmes une
quinzaine de blessés parmi nos tirailleurs. Le 12 janvier 1897, le
capitaine Marchand remettait entre les mains de l'autorité civile les
postes que nous avions établis et la mission arrivait à Brazzaville pour
continuer sa route.
Les résultats* obtenus pendant ces quelques mois étaient immenses.
Douze mille charges avaient été transportées de Loango à Brazzaville,
ainsi que le vapeur « Jacques d'Uzès » et trois chalands en aluminium
qui étaient abandonnés en divers endroits sur la route ; on en avait
même retrouvé des pièces jusqu'au sommet du mont Bambra dans la
forêt de Mayumbe.
Pendant mon séjour à Brazzaville j'eus l'occasion de manger plusieurs
fois de l'hippopotame et de l'éléphant. La chair de l'hippopotame n'est
pas désagréable, le filet en est assez tendre; quant à la chair de
l'éléphant, elle est au contraire dure et coriace ; la trompe et le pied
sont les seuls morceaux de choix, mais 'on est obligé de leur donner une
cuisson de quarante-huit heures sous un feu couvert. Les noirs n'ont pas
de préférence, tout leur est bon, ils préfèrent la quantité à la qualité.
Le poisson se trouve en abondance à Brazzaville, il y en a de toute
espèce, grands, moyens et petits, les plus grands atteignent le poids de
20 à 25 kilos.
Les achats se font principalement avec du coton écru de la Guinée,
et des petites barrettes en laiton.
Les Batékés connaissent la pièce de cinq francs et l'acceptent en
— :m —
paiement. Les denrées à Brazzaville sont très chères, car les popula-
tions Batékés ne produisent rien ; il faut aller chercher les vivres
dans les villages Bakongos situés à 20 et 25 kilomètres à l'est de
Brazzaville.
Le 26 janvier 1897, à la suite d'un arrangement intervenu entre le
capitaine Marchand et l'Etat Indépendant du Congo, ce dernier se
charge de transporter la Mission, personnel et matériel.
La Mission embarque à bord du vapeur « Ville de Bruges » à
l'exception des capitaines Marchand et Baratier, qui veulent d'abord
régler la question des dépenses de transport.
Nous quittons Brazzaville le 26. La « Ville de Bruges » est un joli
vapeur fluvial, il transporte, outre son équipage, huit officiers et sous-
officiers, 150 tirailleurs et 1.200 colis pour la Mission et pour les postes
de rOubangui ; les autres colis seront transportés par les vapeurs de la
Société Hollandaise et par la « Ville de Bruges » qui doit faire un
second voyage.
Le V février nous arrivons à Bonga, situé à quelques kilomètres en
amont dans la Sangha. Deux factoreries y sont établies, l'une belge,
l'autre hollandaise, toutes deux font le trafic de l'ivoire, de la gomme
et du caoutchouc. Nous faisons là une grande provision de tabac en
rouleaux pour notre consommation et celle de nos hoAimes. Ce tabac
est le seul de l'Afrique équaloriale qui ne soit pas désagréable à
fumer.
De Bonga nous entrons dans le canal naturel de Likenzie qui relie la
Sangha au Congo.
Voici quelques détails au sujet de la navigation sur le Congo. Les
vapeurs chauffent au bois, ils ne marchent pas la nuit ; le soir on
s'arrête près d'un endroit boisé et l'équipage coupe le bois nécessaire
pour le lendemain ; celte opéraliun est généralement lerminée vers une
ou deux heures du malin et l'un repart vers six heures.
Le Congo est très pittoresque avec ses rives boisées et ses nombreuses
îles, sa largeur atteint quelqueiois plusieurs kilomètres. Sur les bancs
de sable on aperçoit souvent des crocodiles qui tlormeni, mais dès que
le bruit du vapeur en marche leur parvient, ils gagnent le fleuve sans
se presser ; on a souvent l'occasion d'en tirer, mais bien rarement le
plaisir d'en tuer. La viande du crocodih; est désagréable pour
l'Eui-opéen, elle est blanche et dui-e, en outre elle a une forte odeur
de musc.
Le' 31 janvier, à (|u;ilre hiMires du suir, le va])eur('lait ;u-ivté à la lisière
— 305 —
d'un petit bois, lorsque dans la plaine voisine apparaît tout à coup un
magnifique bœuf sauvage. Immédiatement trois ou quatre coups de
feu sont tirés, l'animal est blessé; dans sa fureur il se rue sur le
vapeur, puis fait brusquement volte-face et s'enfonce dans les herbes.
Avec la carabine du peintre Gastellani et une cartouche qu'on me
passe à la hâte, je descends à terre et me mets à sa recherche ; à peine
ai-je fait une centaine de mètres que je vois à quatre mètres de moi
l'animal à genoux derrière une énorme touffe d'herbe. Il ne m'avait pas
aperçu, je le mets immédiatement en joue, sans bruit, le visant à la tête ;
je tire, mais le coup rate. J'essaie alors bien doucement de recharger
de nouveau mon arme, mais au bruit que fait la culasse il lève la tête,
je saisis son regard et instinctivement je me jette à terre ; au même
moment l'animal furieux fait un bond, me passe au-dessus du corps,
et se lance dans une course folle. Je me relève aussitôt ef j'ai la satis-
faction de voir l'animal s'abattre sous les coups de mes compagnons
qui s'étaient hâtés de mettre pied à terre.
Nous passons, le 2 février, Liranga, poste français établi sur la rive
droite de l'Oubangui et presque à son embouchure.
L'Oubangui est le plus gros affluent du Congo, il a dans sa largeur
moyenne 4 à 500 mètres, il est navigable pour les vapeurs jusqu'à
Bangui, point où commencent les rapides. Cependant aux basses eaux
les vapeurs ne remontent que jusqu'à Zinga, petit poste spécial de
communication situé à 80 kilomètres en aval de Bangui.
Le 6 février un sénégalais, appartenant à un détachement de
l'Oubangui, disparaît du campement sans que l'on ait pu retrouver sa
trace. A-t-il été victime des indigènes cannibales ? C'est possible, car
depuis hier nous sommes en pays anthropophage. Les naturels d'ailleurs
n'ont pas encore été aperçus, leurs villages sont établis à plusieurs
kilomètres dans l'intérieur et le manque de temps nous oblige à
continuer notre route, sans pouvoir faire d'autres recherches, du reste
très difficiles, dans ce pays très boisé.
Le lendemain nous apercevons les villages de la tribu des Ipimbès.
Les indigènes armés de lances se tiennent sur la rive et nous regardent
avec curiosité. Après avoir stoppé je suis chargé de descendra à terre
pour faire un approvisionnement de vivres ; les femmes et les enfants
se sauvent, les hommes se rassemblent dans la crainte d'une attaque
de ma part. Je parviens cependant à les rassurer en leur donnant force
poignées de mains ; la vue des étoffes et des quelques objets de paco-
tille que j'avais emportés, achève de me gagner les bonnes grâces des
20
ITI N ERAIRi:
oeLIRANGA a bangui
ar voie Fluviale .
— 307 —
hommes ; quant aux femmes, attirées petit à petit par la curiosité, elles
finissent par être moins farouches. Dans le premier village que je visite,
j'aperçois sur les toitures des cases, ainsi que sur le sol, de nombreux
crânes et ossements humains qui dénotent que les gaillards ont dû
faire de riches festins au préjudice des tribus ennemies. Je leur montre
ces débris, et je les vois alors grimacer un sourire où se reflète la
satisfaction des orgies passées.
Après avoir acheté un gros approvisionnement de bananes et de
poissons je regagne le bord, non sans avoir fait cadeau au chef d'une
boîte d'allumettes, qui l'avait intrigué ; à peine en connaît-il l'usage
qu'il se met à rire aux éclats, ses sujets font chorus avec lui, sans trop
savoir ce dont il s'agit.
Le 13 février, la « Ville de Bruges » arrive à Zinga, terme de son
voyage et nous dépose sur la rive, au petit poste établi par le sergent
Yinail, faisant partie de la Mission, et qui nous avait précédé. Zinga
est situé au milieu des populations Bondjos.
Les Bondjos sont les plus féroces cannibales que j'ai connus ; ils fout
la chasse à l'homme pour le seul plaisir de le manger ; on est oblige
dans cette région de se garder sévèrement ; leur audace va jusqu'à
attaquer les postes et les vapeurs dans l'espoir d'attraper du gibier
Immain, Voici un exemple de leur goût très prononcé pour la chair
Immaine. Etant au poste avec Vinail, deux chefs Bondjos viennent à
nous avec un petit troupeau de sept à huit chèvres et nous proposent
d'échanger un ou deux hommes contre leur troupeau. Nous leur
demandons ce qu'ils en veulent faire ; ils paraissent étonnés de la
question, et nous répondent qu'ils ont l'intention de les manger. Inutile
de vous dire que leur demande reçoit la solution qu'elle comporte.
Un autre exemple : En 1894, le capitaine Dumont , de l'infanterie de
marine, venant de Bangui, d'où il était rapatrié pour maladie grave,
se trouvait sur le vapeur « Antoinette » dans un état désespéré. Un
soir un chef Bondjo vient trouver au mouillage le commandant du
bateau, et lui offre des chèvres en échange du malheureux capitaine,
qui fort heureusement ne pouvait se rendre compte du marché proposé.
Ce chef trouvait sa demande très naturelle, car le blanc qu'il voyait,
allait mourir ; il était donc de l'intérêt du commandant du vapeur
d'accepter une proposition aussi avantageuse.
Je pourrais encore citer de nombreux faits de ce genre si je n'étais
limité dans mon résumé. Cependant je crois vous intéresser en vous
apprenant qu'en 1894, rentrant de l'Oubangui, j'assistais en simple
— 303 —
spectateur à un repas de cannibales, je demandais au chef quelle saveur
avait la chair humaine, il me répondit qu'elle avait un goût très fin de
porc et que la viande du blanc beaucoup plus délicate avait la saveur
du porc salé.
Le 19 février un convoi de pirogues vient nous chercher pour nous
conduire à Bangui.
Dans l'Afrique centrale la navigation en pirogue est très répandue :
ce mode de transport est employé dans toutes les occasions, où il est
reconnu possible, car il est bien plus pratique que le portage à dos
d'homme, mais il présente beaucoup plus de danger.
La pirogue est une embarcation en bois, d'une seule pièce creusée
dans un arbre spécial, elle a en moyenne 10 mètres de longueur sur 80 à
90 centimètres de largeur et 60 à 80 centimètres de profondeur. Cette
embarcation peut transporter trente charges de 30 kilos, six passagers et
l'équipage, qui se compose d'une quinzaine d'hommes, dont quatre sont
à l'avant avec de longues perches appelées « Tombo », et le reste à
l'arrière avec de petites pagaies. Le chef piroguier est à l'extrême
arrière pour donner la direction avec sa pagaie. Les riverains de
rOubangui ont la réputation méritée d'ailleurs d'être d'excellents
pagayeurs. On navigue rarement en pirogue la nuit, la journée
commence à l'aube jusqu'au coucher du soleil, avec une heure d'arrêt
au milieu du jour.
En remontant le courant on peut parcourir ainsi eu une journée 30 à
35 kilomètres. Cette navigation est dangereuse, principalement au
passage des rapides; on éprouve alors parfois d'assez vives émotions,
cependant il est assez rare qu'on chavire.
Les indigènes ont l'habitude de la navigation, et ils connaissent
admirablement la rivièn? ; comme l'eau embarque à chaque instant, un
des hommes de l'équipage est spécialement chargé de l'enlever au fur
et à mesure. Chaque pagayeur reçoit pour salaire deux petites cuillers
de perles blanches ou rouges qui représentent une valeur de 0 fi . 20
cent . A la fin du voyage le chef de la pirogue touche une gratification
de 25 à 30 cuillers. Tous se déclarent satisfaits de ces rémunérations.
A partir de l'Oubangui les étoffes ne servent presque plus aux achats,
elles se donnent en cadeaux ; la petite perle blanche, bleue ou rouge
est à peu près la seule monnaie courante. La cuiller à café est la mesure
adoptée. Pour une cuiller de jierles on a un ou deux œufs, pour deux
cuillers un poisson ou un poulet, pour trois cuillers un régime de
— 309 —
bananes. Enfin il faut de dix à vingt cuillers pour avoir une chèvre,
tout dépend de sa grandeur.
Dans rOubangui, il n'y a ni bœufs ni moutons; les indigènes n'élèvent
que la chèvre et le poulet.
Nous arrivons à Bangui le 22 février à trois heures du matin. Bangui,
poste français situé au pied des rapides, est établi sur le flanc d'une
colline rocheuse, le site est très pittoresque. Je retrouve le sergent Dat,
il est chargé de recevoir les colis à destination de Mobaï, et de les
expédier sur ce poste français situé à ilix-neuf jours de pirogue sur la
rive droite de l'Oubangui. La rive gauche de la rivière forme en cet
endroit la frontière de l'Etat Indépendant du Congo. Je passe quelques
jours à Bangui dans l'attente d'un convoi de pirogues que M. l'Adminis-
trateur Bobichon était allé recruter chez les populations Banziris,
dont les villages sont établis sur la rive française en aval du poste de
Mobaï. Pondant mon sty'our à lîangui, je complète l'instruction des
tirailleurs, les renseignant sur les tribus de l'Oubangui, et Içur appre-
nant ce qu'ils auront à faire pendant cette partie du voyage, qui doit se
faire en pirogue. Plusieurs d'entre eux, qui ne savent pas nager, ne
goîîtent guère un voyage de ce genre.
Le 26 février, le convoi de pirogues est annoncé, celles-ci arrivent
les unes après les autres, j'en compte soixante-deux ; la grande place en
face du poste est bientôt remplie d'indigènes formant les équipages,
c'est un va-et-vient et un brouhaha extraordinaires.
Tous ces gens appartiennent à la tribu Banziri, sauf trois ou quatre
équipes Sangos qui habitent Mobaï et les environs.
Les Banziris, comme les Sangos, ont un air bon enfant, ils sont bien
cannibales par habitude, mais ils ne montrent pas la même ardeur et
férocité pour la chair humaine que leurs voisins les Bondjos, avec
lesquels du reste ils ne font pas commerce d'amitié. A première vue
on est frappé de la douceur de leur physionomie, et de la régularité de
leurs traits ; ils sont très coquets, au point d'arranger dans leur cheve-
lure les perles qu'ils gagnent. Ils se font même ainsi des coiifures très
originales, qui ne manquent pas d'un certain cachet.
Dans la soirée on charge le matériel sur les embarcations et on
convient que le départ aura lieu le lendemain dans la matinée.
A la première heure, tout est prêt, la plus grande partie de la com-
pagnie d'escorte prend passage à bord des pirogues, ainsi que six
officiers et sous-officiers, M. Bobichon est chargé de la direction de
cet'énorme convoi.
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Quand un européen voyage, sa pirogue ne contient ordinairement
que ses bagages personnels, un petit abri pour se garantir du soleil est
installé au milieu de l'embarcation, et quand celle-ci est suffisamment
grande et large, on navigue dans d'assez bonnes conditions. Mais il
faut pourtant tenir compte de la grande difficulté qu'on éprouve à tenir
constamment une immobilité presque absolue, de crainte de chavirer.
Cette immobilité, à laquelle on s'habitue difficilement, devient éner-
vante au bout de plusieurs jours, aussi, est-ce avec une vive satisfaction
qu'on s'arrête chaque soir au campement pour se dégourdir les jambes.
Le départ s'effectue dans de bonnes conditions quoique les pagayeurs
cherchent à se dépasser, afin de tenir les premiers rangs. Dans ces
régates d'un nouveau genre les pirogues s'entrechoquent, et plusieurs
courent le risque de couler, car l'eau vivement soulevée par cette
course folle pénètre à grands flots dans les embarcations. On entend
alors les cris et les menaces des tirailleurs ; comme ils ont la respon-
sabilité de la marche de leur pirogue, ils mènent énergiquement leurs
pagayeurs, auxquels ils distribuent même quelques coups de corde.
Bientôt après tout se calme, on n'entend plus que les pagaies battant
l'eau d'une façon régulière et cadencée et les chants des pagayeurs.
Le soir nous campons sur un banc de sable à proximité des derniers
villages Bondjos. Le lendemain nous arrivons au rapide dit de
« l'Eléphant » ; on débarque et on décharge tout le matériel afin de faire
passer les pirogues à vide. 11 serait téméraire d'agir autrement, car on
serait à peu près certain de perdre les marchandises, sans compter les
victimes qu'on aurait à déplorer. L'eau atteint une profondeur de
plusieurs mètres dans ces parages et le courant est d'une extrême
violence ; les imprudents qui tenteraient de franchir le rapide seraient
jetés sur les roches et ils seraient étourdis sinon tués par le choc. Les
habitants de ces rives comptent bien sur des accidents de ce genre,
c'est pourquoi ils ont installé sur les bords de la rivière des petits
postes d'observation, où ils attendent patiemment l'occasion de repêcher
les cadavres, pour en faire ensuite un excellent festin. On a donc la
certitude qu'en cas de chavirement, on sera cueilli et misa la marmite.
Dans la soirée nous campons dans les villages Ouaddas où se trouve
une factorerie hollandaise. 11 y avait autrefois en cet endroit un poste
français, mais il a été supprimé, comme ne présentant pas assez
d'importance.
Nous entrons ensuite chez nos amis les Banziris ;je dis nos amis, car
c'est la seule tribu cannibale avec laquelle nous n'avons jamais eu
— :i[2 —
maille à partir. Doux et irioffensifs, les Banziris se livrent à la pèche,
lorsqu'ils ne sont pas réquisitionnés pour les transports. Leurs villages
ne sont pas propres, ils négligent d'arracher les herbes qui poussent
autour des cases, et laissent s'accumuler de tous côtés des tasd'innnon-
dices.
Les femmes s'adonnent aux travaux, agricoles, comme dans la
plupart des tribus de l'Afrique centrale, elles ont une réputation de
légèreté de mœurs qu'elles pai'Iagent avec les femmes Sangos, Yakonias
et Sakaras des rives de l'Oubangui et de M'Bomou. Leurs traits sont
plus agréables que ceux des femmes du Congo. Leur costume est des
plus primitifs : elles se voilent aux yeux indiscrets par une feuille de
bananier.
Chez les Banziris on trouve beaucoup d'œufs, de poulets, de jjoissons
et de chèvres, la vie y est facile. Le pays est plat et non boisé, le gibier
abonde, on y rencontre des antilopes de toute espèce, des sangliers,
des éléphants, des bœufs sauvages ; comme fauves on y trouve la
panthère et le léopard. Le gibier d'eau y est également très abondant,
canards sauvages, sarcelles, oies sauvages et diverses espèces d'oiseaux
de marais et de rivière. L'hippopotame est très rare dans cette partie de
la rivière.
Nous arrivons ensuite au Quango, petit poste où le vapeur «Faidherbe»
relâche, grâce à son faible tirant d'eau, il peut, aux hautes eaux,
traverser les rapides et naviguer dans ce bief. C'est le « Faidherbe »,
qui, après avoir été démonté, sera appelé prochainement à traverser
tantôt par voie d'eau, tantôt par voie de terre l'Oubangui et le Bahr-
el-Gliazal et finira par atteindre les rives du Nil, sur lequel il fera fière-
ment flotter le pavillon tricolore.
Nous repartons le lendemain pour Mobaï où nous arrivons le 9 mars.
Le poste français est situé sur une hauteur rocheuse à un endroit de la
rivière qui forme une pointe. Aux pieds du poste se trouve toute une
série de rapides. En face sur la rive de l'Etat Indépendant l'on aperçoit
Banzyville, poste belge. Les indigènes qui habitent sur l'une et l'autre
rive appartiennent à la tribu Sango. Ils se déplacent avec une extrême
facilité, et passent d'une rive à l'autre dès qu'ils ont commis un délit
quelconque ; on voit même des villages entièrement abandonnés par
leurs habitants, qui ne se sentant plus en sécurité vont s'établir sur
l'autre l'ive jusqu'à ce que les méfaits qu'ils ont pu commettre soient
oubliés ou pardonnes. Ces migrations sont assez fréquentes
Les Yakoraas qui habitent une région située plus en aval du cours
- ;m3 -
(le rOuban<4ui onl, sous ce rapport, les mêmes habitudes que les Sangos.
Je rencontre au ])Oste de Mobaï. M. l'Administrateur Bruel qui com-
mande la région.
Prévenu de notre arrivée, il a fait recruter des pirogues pour nous
conduire jusqu'à Ouango-M'Iiomou, car les Ban/.iris ne dépassent pas
Mobaï. 11 y a là un relai de j)irogues.
Pendant les cinq jours que nous passons à Mobaï je lais reconsolider
les colis qui se sont abîmés pendant le voyage. Les colis s'abîment
beaucoup plus dans les convois par voie fluviale, que dans les convois
par voie de terre, à cause de l'eau qui embarque cuntinuellement.
(Test ainsi que nous constatons de graves détériorations parmi nos mar-
cîian(lis(\s ; plus de trente caisses de riz, plusieurs caisses de sucre et
de calé sont complètement gâtées, il en est de même pour un grand
nombre de boîtes de conserves de bœuf. Ce n'est que le commencement,
car, les emballages étant pour la j)lupart défectueux, nous aurons fré-
quemment, en cours de route, de pareilles constatations à faire sans
pouvoir trop y remédier.
Je quitte Mobaï le 14 mars avec le lieutenant Mangiu. 00 tirailleurs
et un gros convoi. Un peu avant le départ nous constatons une nouvello
perte de douze barres de sel comprimé, qui sont entièrement fondues.
La pirogue était en mauvais état et pendant la nuit l'eau est entrée en
grande quantité faisant fondre le sel qui s'y trouvait. Le factionnaire,
comme presque toujours, ne s'est aperçu de rien.
Heureusement qu'il nous reste encore une abondante provision de sel.
Le soir nous arrivons au poste Guélorget situé en pays Yakomas ; il
était commandé par M. Le Mareschal.
Guélorget est un de mes anciens compagnons de Mission en 1893-94
qui fut assassiné et mangé, en cet endroit, par les Yakomas; sa mort fut
vengée sérieusement peu de temps après.
Les Yakomas sont de féroces cannibales dans le genre des Bondjos ;
ils ont tous les défauts, mais ils ont le mérite d'être bons pagayeurs.
On doit se méfier beaucoup en traversant leurs villages, car tout est à
craindre de leur part. Leur piraterie est connue et quoiqu'elle soit très
sévèrement réprimée, ils continuent leurs exploits quand ils en trouvent
l'occasion. A'oici un exemple :
Chargés de transporter des marchandises, desarmesou desmunitions,
ils profitent, en cours de route, d'un moment où les tirailleurs se relâ-
chent de leur surveillance pour jeter à l'eau sans bruit et en un point
bien repéré, un ou plusieurs colis, qu'ils viennent chercher au retour.
— 314 —
C'est surtout sur les armes et les munitions, qu'ils jettent leur dévolu.
Après avoir passé la soirée au poste de Guélorget nous le quittons le
lendemain, et continuons notre route. La plupart de nos équipes de
pagayeurs [appartenant à la tribu Yakoma, il a été recommandé tout
spécialement à nos tirailleurs de veiller très consciencieusement au
matériel de leur pirogue.
Le 16 au matin, après avoir passé l'ancien poste des Abiras et l'em-
bouchure de rOuellé, affluent de droite, nous entrons dans le M'Bomou,
affluent de gauche ; le M'Bomou forme à proprement parler la conti-
nuation de rOubangui, qui, à partir de ce point, change de nom.
La rivière ^M'Bomou a 300 à 400 mètres de largeur, elle est d'une navi-
gabilité assez difficile ; de nombreux rapides, dont plusieurs très
dangereux, et de fréquentes chutes obstruent la rivière, il faut les
contourner sur un parcours de plusieurs kilomètres en suivant la voie
de terre.
Dans la soirée nous arrivons sans accident à Ouango-^rBomou, poste
français, établi sur la rive droite à quelques centaines de mètres d'une
série de gros rapides et de la chute Nansen qu'il est impossible de
franchir, et qu'on contourne jusqu'à Gozobangui, distant de douze
kilomètres. Ouango-M'Bomou, situé sur le flanc d'une colline rocheuse,
est un point de transit pour le ravitaillement des postes avancés du
Haut-Oubangui ; ce poste est commandé par un officier du cadre des
tirailleurs sénégalais et a une garnison d'une quarantaine d'hommes.
Les populations de cette région appartiennent à la tribu des Dundis,
race de pillards et de voleurs, qui, dans le dessein de dérober des
armes, n'hésitent pas à s'introduire pendant la nuit dans le poste,
quoiqu'il soit défendu par une forte enceinte de palanques.
Plusieurs vols ont été commis dans ces conditions ; les Dundis sont
de la même famille que les Yakomas, ils ont le même idiome ; leurs
mœurs et leurs coutumes sont tout à fait semblables. Ce sont des canni-
bales endurcis ; il n'est pas rare, lorsqu'on pénètre dans leurs cases,
d'y voir soit un bras, soit unejambe fumés mis en réserve. Ils poussent
le désir de manger de la chair humaine jusqu'à déterrer des cadavres
enfouis dei)uis quinze jours parfois, et déjà en état de putréfaction.
L'atrocité de ces scènes de cannibalisme dépasse tout ce qu'on peut
imaginer, et on ne comprend pas comment de pareilles orgies n'engen-
drent pas des maladies.
Il convient de dire, pour l'honneur de notre pavillon, que ces scènes
se passent dans le plus grand secret, car les Dundis savent bien que, si.
— 315 —
elles étaient connues de l'autorité française, elles seraient réprimées
très sévèrement.
Je séjourne plusieurs jours à Ouango-M'Bomou, mon temps se passe
à mettre les colis en bon état et à éliminer les vivres et marchandises
avariés ; c'est ainsi qu'un certain nombre de caisses de riz, de sucre et de
café ainsi que plus de deux cents kilogr. de conserves de bœuf en boîtes
sont condamnés et jetés.
A ce sujet je dois signaler un fait suggestif qui s'est passé le jour
même où nous avons dû faire le sacrifice de ces denrées avariées.
Dans la matinée le lieutenant Mabieu, des tirailleurs sénégalais, de
passage au poste, avait tué à la chasse trois grandes antilopes qu'il avait
fait distribuer aux tirailleurs de la compagnie d'escorte et à ceux du
poste, une centaine d'hommes en tout. Quelle fut notre stupéfaction en
voyant que les deux cents kilos de conserves de bœuf, précédemment
jetés, comme entièrement gâtés, avaient été ramassés et mis à la cuisson.
Les odeurs pestilentielles, qui s'échappaient des marmites et qui emplis-
saient le poste, nous apprenaient suffisamment ce qui s'était passé. Le
lendemain soir, c'est-à-dire en moins de trente-six heures, il ne restait
plus rien.
Le fait par nos tirailleurs de manger de la viande pourrie, soit de
bœuf, soit de tout autre animal, et même de manger du poisson pourri
s'est manifesté assez souvent pendant le cours de la Mission. Je suis
tenté de croire que le noir a des organes digestifs qui ne ressemblent
pas aux nôtres.
A Ouango-M'Bomou on commence à entrer en relations avec la
nation N'Sakara, dont le grand chef est le « Sultan » Bangassou.
Quelques villages sont établis dans cette zone, et j'ai pu assister à la
visite de plusieurs chefs qui venaient présenter leurs hommages au
commandant du poste.
Le pays N'Sakara s'étend sur une longueur de plus de deux cents
kilomètres, il a un commencement d'organisation ; les villages ont
chacun un chef, soumis lui-même à l'autorité d'un autre chef plus
important qui commande dix ou quinze villages, c'est presque toujours
un membre de la famille de Bangassou.
Le Sultan réunit tout le peuple N'Sakara sous son autorité; il va sans
dire qu'il est souverain absolu avec droit de vie et de mort sur tous
ses sujets sans distinction. Les hommes et les femmes sont tous sa
propriété absolue et il en dispose comme bon lui semble.
Le N'Sakara quoique cannibale est d'un naturel doux, c'est un des
— 316 —
plus beaux types de noirs que j'ai rencontrés ; très soumis, il s'adonne
principalement à la chasse au gros gibier. Comme toutes les autres
peuplades il est armé de la sagaie, de l'arc et de la flèche, et aussi du
couteau.
Le Sultan possède une garde parliculière de plusieurs centaines
d'hommes armés de fusils à piston, Gras, Albini et Remington. Chaque
chef a aussi quelques fusils. En cas de guerre contre une peuplade
voisine (ce qui a lieu au moins une fois par an), le Sultan lève dans
chaque village un certain nombre de guerriers, et lorsqu'il ne prend
pas le commandement lui-même, il désigne un de ses fils pour le rem-
placer.
Ces luttes entre peuplades sont faites sous des prétextes futiles, mais
la raison véritable est le ravitaillement en bétail humain ; c'est par
centaines que les malheureux vaincus se voient réduits en esclavage.
La campagne se termine par une orgie monstre, et on égorge une
certaine quantité de prisonniers pour servir au repas des vainqueurs.
La peuplade Boubou qui habile sur la rive droite de la Kotto,
affluent de droite de l'Oubangui, est presque chaque année l'adversaire
choisi par les N'Sakaras. Ces derniers sont presque toujours vainqueurs.
Mais il arrive aussi que la victoire reste indécise, car les Boubous sont
très braves, et font parfois subir de grosses pertes à leurs ennemis.
La rivière Kotto forme une frontière naturelle et salutaire entre les
deux peuplades.
Les femmes N'Sakaras présentent un des plus beaux types de
l'Afrique centrale, elles portent le même vêtement que les femmes
Bauziris.
Les mœurs de ces peuplades sont très relâchées. Bangassou possède
plusieurs centaines de femmes et de nombreux enfants, mais ses filles
ne peuvent pas se marier, aucun chef N'Sakara n'étant digne de cet
honneur. Elles jouissent néanmoins d'une très grande liberté, et accom-
pagnées d'une suivante et d'un ou plusieurs esclaves elles vont où bon
leur semble.
Chaque chef N'Sakara a sa musique, le nombre des instrumentistes
est réglé suivant l'importance de la situation qu'il occupe; cette musique
se compose de trompes en ivoire, au son grave , de petites flûtes
en bois, de tamtams et de sonnettes, l'ensemble en est assez harmo-
nieux.
Depuis l'occupation française, le sultan Bangassou et les membres de
sa famille ne mangent plus de chair humaine, c'est déjà un grand pas
— 317 —
de fait, pelit à petit on arrivera à détruire coinplèleinerit ces mœurs
barbares qui sont encore profondément enracinées chez ces peuples.
D'ailleurs pour cela il faudrait occuper plus efficacement la colonie,
car les trois compagnies de tirailleurs sénégalais qui s'y trouvent
actuellement ne suffisent pas à couvrir un territoire de plus de
900 kilomètres de long sur 200 kilomètres de large. Bangassou rend
lui-même la justice tous les matins de 7 heures à midi. Ses sentences
sont toujours religieusement exécutées.
Un dernier détail sur les mœurs X'Sakaras : toute jeune et jolie fille
est offerte au sultan , qui l'accepte soit pour lui-même, soit pour en
faire cadeau à un chef à titre de récompense. En général cette offrande
n'est pas faite de bon cœur, mais elle est obligatoire ; si on la lui refusait,
le sultan userait de son autorité pour faire valoir ses droits. J'ai
remarqué que tout le monde était heureux de son sort chez Bangassou ;
on se plaisait à reconnaître qu'il n'était pas méchant homme. S'il fait
de temps en temps couper quelques têtes, c'est qu'il juge ces exécu-
tions nécessaires pour maintenir la bonne harmonie.
Je quitte Ouango ^l'Bomou le 28 mars, j'arrive à Gozobangiii quelques
heures après, puis je repars le lendemain pour Bozégui par voie
fluviale ; la rivière entre ces deux points est sillonnée de rapides qui
peuvent être franchis en pirogue. Il faut encore faire quatre kilomètres
à pied pour se rendre au poste, car le poste de Bozégui a été créé pour
assurer les communications par voie de terre, la navigabilité du fleuve
étant interrompue par des chutes et des rapides dangereux.
Je reçois l'ordre de continuer ma roule sur Bangassou situé à
35 kilomètres au Nord-Est. De Bozégui, la navigation fluviale recom-
mence, mais en raison des nombreux transports de malériel de mission
et du peu d'embarcations disponibles je pars par voie de terre. Après
avoir passé la nuit au village de Zaguro, j'arrive le lendemain matin à
Bangassou, résidence du sultan, où est établi un pusie commandé par
un lieutenant des tirailleurs sénégalais ; la garnisun se compose d'un
peloton (70 hommes).
Je retrouvai à Bangassou les lieutenants Mangin, Largeauel Simon,
le docteur Emily et la plus forte partie de la compagnie d'escorte.
Le lieutenant Largeau s'occupait de la réfection des colis endom-
magés par le transport fluvial: Beaucoup de nos ballots d'étoffes étaient
avariés par suite du mauvais emballage. On perdit aussi une certaine
partie de marchandises d'échange et divers objets de pacotille. Nos
liquides (vin et tafia", qui voyageaient en bouteilles depuis Loango
— '310 —
avaient subi très peu de pertes, chaque bouteille avait été au préalable
entourée de paille pour éviter les chocs, et notre surveillance se portait
principalement sur les porteurs, car le tafia avait pour eux un certain
attrait. Je puis assurer que sur la totalité des liquides transportés sous
la surveillance des membres de la Mission la perte a été insignifiante
(2p.7o).
Les lieutenants Mangin et Simon, le docteur Emily et moi attendons
la première occasion pour nous diriger sur Raphaï (150 kilomètres à
l'est de Bangassou).
Je manquerais à la vérité si je ne signalais les bonnes relations que
nous avons tous eues avec le sultan. Bangassou a montré la
meilleure volonté et le plus grand zèle à nous procurer les centaines
de porteurs qui nous étaient indispensables pour le transport de notre
matériel. On aurait pu utiliser la voie du fleuve, mais les embarcations
manquaient, car plus on remonte le M'Bomou, plus les pirogues
deviennent rares.
Le lieutenant Simon quitte Bangassou le 8 avril et le 9 je le quitte à
mon tour. J'ai un convoi de 300 porteurs, avec lesquels je n'ai pas eu
trop de difficultés, c'est surtout le passage des marécages qui nous
occasionne les plus grandes fatigues.
Le 14 je couche sur la rive gauche du Schinko, affluent de droite du
M'Bomou, et le lendemain matin j'arrive chez Raphaï, premier sultan
Zandé ou Nyam-Njam. Je ne sais, s'il est vrai, que les Zandés aient
jadis été les plus grands cannibales du Centre africain, mais pour ma
part je puis assurer que jamais je ne leur ai vu manger une seule fois
de la chair humaine.
Les marchandises s'entassaient déjà par centaines dans les magasins
du poste et plusieurs convois étaient même partis pour Zémio, résidence
d'un autre sultan Zandé, distante de Raphaï de 140 kilomètres à l'Est.
Le lieutenant Simon tombe gravement malade et son état nous
donne de vives inquiétudes pendant quelques jours. Moi-même j'ai de
très forts accès de fièvre, qui m'obligent à m'aliter. L'arrivée du
docteur Emily nous cause un certain plaisir. 11 demande d'urgence
le rapatriement du lieutenant Simon et le mien que je décline.
Le lieutenant Mangin arrive également avec un gros convoi et un
fort détachement de nos Soudanais, il ne reste en arrière que les
capitaines Marchand et Baratier, l'enseigne Dyé et les sergents Dat et
Vénail, qui à cette date (25 avril 1897) devaient quitter Bangui.
Le 2 mai un courrier urgent de notre chef de mission donne l'ordre
— 320 —
au capitaine Germain, qui se trouvait déjà à Zemio, de retourner à
Ouango M'Bomou pour prendre la direction tlu démontage du
« Faidherbe » et de son transport tant par voie fluviale que par voie
de terre jusqu'au Soué, affluent du Balir-el-Ghazal, c'est-à-dire sur une
distance de plus de 70) kilomètres. Le mécanicien Souyri de la flottille
du Haut-Oubangui était attaché à la Mission et mis à la disposition
du capitaine Germain ; il en était de même de M. Bobichon, adminis-
trateur colonial chargé des transports par voie fluviale sur l'Oubangui.
L'ordre rappelant le capitaine Germain me concernait également ;
j'étais mis aussi à la disposition du capitaine pour ces travaux qui
devaient nous faire rester en arrière de la Mission pendant près de
huit mois.
Je quitte Raphaï le 8 mai pour gagner Dramani, situé à 25 kilo-
mètres en aval sur la rive droite du M'Bomou ; comme j'avais reçu du
lieutenant Mangin l'ordre de relever le cours du M'Bomou entre Raphaï
et Bangassou je prends la voie fluviale. Ma pirogue qui était fort ])elite
était montée par trois pagayeurs que j'avais eu beaucoup de peine à
trouver, car les Zandés, môme riverains de fleuves et rivières, ont une
peur eff"royable de l'eau et n'utilisent pas les cours d'eaux ; de sorte
que de Raphaï aux sources du M'Bomou (5 à 600 kilomètres) il existe
à peine quatre ou cinq pirogues dont on se sert rarement.
Le lendemain de mon départ de Dramani, voulant forcer la chute de
N'Goulburou, je chavire et j'y perds mes pagayeurs ; j'ai la chance de
m'en tirer, je me réfugie dans un village X'Sakara près de là où je
ti'ouve d'autres pagayeurs pour continuer ma route.
Le li mai j'arrive exténué à Bangassou, je manquais de vivres depuis
deux jours.
Le 16 je reprends la route de Bozégui puis celle de Gozobangui et
enfin celle de Ouango. Je trouve à quelques kilomètres avant d'arriver
au poste, les capitaines Marchand et Baratier, les sergents Dat et Venail,
campés sur la route où ils sont en train de préparer la voie pour le
passage du «Faidherbe». De nombreux travailh-ui-s Sakaras travaillent
sur la route. Je trouve également une quarantaine de Yakomas que le
capitaine, chef do Mission, avait fait j)risonni(M'S à la suite d'un vol
d'arnuîs pendant h; trajet en jiirogue de Mo])aï à Ouango. Les indi-
gènes n'ayant j)as voulu restituer les fusils (8). plusieurs équipes de
l)agay(.'urs Yakomas, a])pàrtenant à la tribu soui)ço!niée d'avoir commis
le vol, furent gardées à vue et emmenées à la suite de la Mission. Ces
— 321 —
pagayeurs devaient plus lard, sur le Bahr-el-Ghazal, nous rendre les
plus grands services.
Je couche au campement, heureux de me retrouver au milieu de mes
compagnons, et le lendemain nous nous quittons, je ne devais plus les
revoir qu'en décembre.
Le 18 mai j'arrive au poste d'Ouango, où je m'installe pour quelque
temps.
Les gros et durs travaux allaient commencer, nous étions remplis de
courage et d'espoir ; le transport d'un petit vapeur sur les sentiers du
centre de l'Afrique n'était pas un travail vulgaire, mais nous avions
tous la volonté de réussir, et, comme on le verra, nos efforts furent
couronnés de succès.
Le 11 juin deux hoats acier et le « Faidherbe » arrivent à Ouango ;
la machine du polit vapeur est démontée , on aura déjà assez de
difficultés à vaincre pour transporter les chaudières qui pèsent chacune
sept cents kilogrammes, et de plus les deux boats qui ont l'un dix et
l'autre douze mètres de longueur.
MM. Bobichon et Souyri sont chargés du transport de notre matériel
fluvial ; ils ont sous leurs ordres plus de cent pagayeurs Banziris et
Sangos, que M. Bobichon, grâce à sa grande connaissance de
rOubangui, a pu recruter. Ces indigènes doivent accompagner le
« Faidherbe » jusqu'à ce qu'on ne puisse plus naviguer. Il va sans
dire que M. Bobichon à qui revient tout le mérite d'avoir su recruter
ce personnel Banziri et Sango, a éprouvé à ce sujet les plus grandes
difficultés, car c'est la première fois que ces populations essentiellement
stables quittent leurs villages pour aller aA^ec des blancs vers l'inconnu.
Après de très sérieuses réliexions, le capitaine Germain décide qu'il
est plus pratique de démonter le « Faidherbe » en plusieurs tranches.
Le transport en sera ainsi plus facile et le remontage n'ofi"rira pas de
difficultés.
On se met à l'œuvre et le « Faidherbe » quelques jours après
est démonté en cinq tranches dans le sens de la largeur. Sur ces entre-
faites je reçois l'ordre de préparer le passage de tout le matériel entre
Irikana et Bozégui. J'avais à vaincre une grosse difficulté , celle de
rendre praticable une colline rocheuse à pente très raide, située un
peu avant d'arriver au poste de Bozégui. y y parvins avec l'aide de mes
travailleurs Sakaras qui montrèrent beaucoup de bonne volonté. Après
avoir fait rouler les énormes blocs de roc, je fais nettoyer la roule
tracée et ensuite installer une glissière taillée dans de gros arbres. Le
21
— 322 —
21 juiu lûiil est prêt, M. Bobichoii est arrivé la veille avec les boats en
acier et les pièces de machine. De bonne heure, nous nous mettons
à l'œuvre, le 22 le soir même le vapeur, ses chaudières, les deux boats
en acier avaient franchi les quatre kilomètres et étaient prêts à être
eml arqués sur de grandes pirogues accouplées, pour être dirigés sur
B.ingassou. Ces travaux ont été exécutés avec beaucoup de peine mais
heureus -ment sans accident.
Le l'^'' juillet, j'arrive à Bangassou avec les dernières pièces du
« Faidli^rbe ».
A p;iriir de ce point notre petit groupe se disloque, le capitaine
Germain et M. Bobichon vont suivre eu pirogue la voie du M'Bomou
avec toutes les embarcations. M. Souyri et moi prenons la route de
terre avec une centaine de colis de machines.
Le 1(3 juillet, j'arrive seul à Baphaï, M. Souyri, pris d'un accès de
fièvre ])ilieuse hématurique, le jour de notre départ de Bangassou, est
retourné dans ce poste pour se refaire.
Le convoi fluvial a dépassé Dramani, il se trouve à quelques kilo-
mètres en amont de ce village à Baguécé. A ce point l'on est dans
l'obligation de décharger et de transporter par terre tout le matériel,
y compris les embarcations sur un parcours de près de deux kilomètres
à cause d'un barrage de la rivière. Ce sont des travailleurs fournis
par Raphaï. qui sont employés à traîner sur terre ce matériel. 11 faut
avoir été en contact avec les noirs exécutant de gros travaux pour se
faire une idée de la patience et de l'énergie nécessaires pour arriver,
en pareil cas, à obtenir un résultat satisfaisant.
Après quelques jours de repos à Raphaï, je prends la route de Sémio
avec mon convoi, je ne raconterai pas de nouveau les déboires que j'ai
eus avec mes porteurs, ni je ne m'étendrai pas sur les renseignements
géographiques de ces régions, j'ai raconté tout cela dans mes relations
écrites à la Société de géographie de Lille, en cours de mission, je me
bornerai simplement à indiquer sommairement et rapidement la
situation de la Mission au point de vue travaux pendant les derniers
mois de l'année 1897.
Le 2 août j'arrive à Sémio avec mon convoi au complet sans avoir
perdu aucune pièce de toute la machinerie du « Faidherbe » (1).
(1) ORDRE N' 16. — Le Capitaine Couimissaire du Gouvernement en mission
spéciale, adjoint à l'Oubanj^^ui, Chef de la Mission du Nil, Officier de la légion
d'honneur, est heureux de signaler à tout le personnel placé sous ses ordres,
• — 323 -
Le surlendemain le convoi fluvial arrive au poste, tout va bien ; en
raison du nombre inusité de ce supplément de personnel on avait
préparé à grand'peine des vivres pour quelques jours.
M. Bobichon continue sa route sur le M'Bomou avec son convoi, le
capitaine Germain reste à Sémio poui* diriger le recrutement des
porteurs. Cette tâche n'est pas facile, d'autant plus que le sultan Sémio
se fait tirer l'oreille pour en fournir ; on est même obligé de le menacer
quelquefois, mais sans aucun succès, car ce chef, le plus puissant des
sultans Zandès, ne craint que M. le Gouverneur Liotard qui a su
prendre un certain empire sur lui.
De nombreux colis appartenant à la Mission sont encore en souffrance
dans les magasins, et il a fallu ruser longtemps avec Sémio pour
obtenir le complet transport sur M'Bima de tout ce matériel. Je n'ai
reçu les dernières charges à M'Bima qu'en novembre.
Le 13 août je merends à Signaraba pour organiser le recrutement
des porteurs dans cette région, et surtout le ravitaillement des gros
rheureu.se arrivée à Zémio du deuxième groupe de la mission commandé par le
capitaine Germain, avec le vapeur « Faidherde ».
Il adresse au capitaine Germain ses plus vives félicitations pour ce résultat
remarquable, œuvre d'énergie et de célérité méthodique, qui n'a pu être acquis
qu'au prix de grandes fatigues et d'un dévouement enthousiaste.
Grâce à l'activité du personnel du deuxième groupe, grâce à la volonté du chef,
grâce au zèle intelligent de tous, le premier vapeur Français a remonté jusqu'aux
limites extrêmes du bassin du Congo et va bientôt porter les couleurs nationales
sur le Nil — la première page du Livre d'Or que la patrie va demander à ses fils
d'écrire dans ces régions célèbres, jusqu'à présent fermées avec un soin jaloux à
nos investigations, sera tracée par le « Faidherbe ». — Il y a là un événement que
le chef de la mission du Nil, ne pouvait passer sous silence — il en laisse tout
l'honneur au personnel du deuxième groupe et prie son chef de transmettre
l'expression de sa plus vive .satisfaction à ses vaillants collaborateurs : M. l'Admi-
nistrateur Bobichon, le Second-Maître Mécanicien Souyri, l'Adjudant De Prat — à
chacun desquels une copie du présent ordre sera remise.
Il remercie également les officiers des troupes du Haut-Oubangui qui ont favorisé
et appuyé ce grand effort.
Le capitaine Baratier qui ouvre la route au deuxième groupe en faisant en avant
l'exploration du M'Bomou et l'hydrographie du fleuve, est heureusement entré
dans la rivière M'Bomou qu'il a trouvée navigable et se porte sur M'Bima pour
passer dans la vallée de la Nomotifla, affluents du Soué , sous-tributaire du Nil.
Les officiers et troupes du premier groupe avec le grand convoi de la mission
attendent à leur camp de Koggalé, sur le Soué, leurs camarades du deuxième.
Fort-Hossinger, le 30 juillet 1897.
MARCHAND.
— 324 —
convois parlant de Sémio sur M'Bima. J'ai déjà dit, dans mes comptes
rendus à la Société de géographie, combien étaient pauvres, et presque
sans ressources tous ces villages établis entre Sémio et Tamboura
(fort Hossinger). On comprendra facilement la difficulté qu'il y avait à
ravitailler : j'ai vu plusieurs porteurs mourir d'inanition. Beaucoup
mangeaient des racines et des branchages ; ces malheureux présentant
l'aspect de squelettes et portant une charge de 30 kilos sur la tête ne
pouvaient parcourir cinquante mètres sans tomber.
Après un séjour de deux mois à Signamba, séjour, que je me rappel-
lerai toujours, je me dirige sur M'Bima avec le capitaine Germain,
qui m'avait pris au passage et qui me quitta à M'Bima pour continuer
sur Tamboura.
Au momeîit où j'arrive à M'Bima, 25 octobre 1897, la Mission
occupait les points suivants ; le lieutenant Maugin était parti sur le
Soué installer le poste des Rapides et un peu plus tard celui de Fort-
Desaix.
Le capitaine Germain se dirigeait sur Kodzioli ou poste arsenal où
M. Souyri commençait le montage du « Faidherbe ».
Les capitaines Marchand et Baratier, les lieutenants Largeau et
Goulj (des tirailleurs sénégalais), le doctcurEmily et le sergent Bernard
étaient à Tamboura, où les uns se tenaient en permanence pour assurer
les transports, et les autres sillonnaient les environs relevant le terrain.
En passant, je tiens à dire que les travaux de topographie exécutés par
la Mission sont considérables.
Le capitaine Baratier et le lieutenant Largeau sont avec le capitaine
Marchand les membres de la Mission qui ont le plus participé à cette
œuvre.
A M'Bima je remplace le sergent Dat appelé à Tamboura. C'est en
cet endroit que les porteurs de Sémio déposent leurs charges qui sont
ensuite reprises par les porteurs du sultan Tamboura. Ces derniers
doivent à leur tour les transporter au poste des Rapides en passant
par Kodzioli, poste arsenal du Soué, car la baisse des eaux survenue
en décembre ne permettait plus de se servir de la rivière pour effectuer
les transports.
M. l'enseigne de vaisseau Dyé, qui était retourné à Bangui pour
chercher les pièces de rechange destinées au «Faidherbe», arrive à
M'Bima dans les premiers jours do novembre ; il amène en outre le
chaland en aluminium « Etienne » qui avait élé Iranspurlé tUms
rOubangui en 1894 (Mission Decazes) d (jui no servait plus jjeaucuup.
. - ■^2o —
ITINERAIRE DE LA PROVINCE
DUBAHR ELGHAZAL
VJ de Semio à la Meschra
pan F' Des a IX
2^ de Semio à Fort Dupleix
— 32(1 —
Ce chaland transporté sur le Soué rendit par la suite de grands
services.
Il est vrai que lors de son premier voyage du poste arsenal à celui
des Rapides il coula deux fois de suite avec tout sou matériel ; on ne
perdit relativement que peu de colis et on fut assez heureux pour
pouvoir le remettre à flot et le conduire des Rapides à Fort-Desaix.
Le 3 décembre, après avoir tiré des villages du chef M'Bima tout ce
qu'on pouvait en tirer en vivres et en porteurs, je me dirige sur
Fort-Hossinger, que j'atteins le 6. Tout le matériel de la Mission,
vivres, marchandises et flottille, a été évacué des postes de TOubangui
et est parvenu sans trop de pertes au poste « Fort Hossinger » situé sur
les territoires du sultan Zandé Tamboura, à l'extrême limite du bassin
du Nil et séparé de celui du Congo par de légers plis de terrain à
20 kilomètres en deçà de Fort-Hossinger. Les tribus soumises à l'auto-
rité du sultan Zandé dans ces régions, appartiennent à diverses races ;
les principales, après les Banziris et les Zandès, sont les Pembias, les
Barès et les Bangos. Leurs mœurs sont identiques à celles des peuplades
de l'Afrique Centrale. Tous ces indigènes, comme du reste ceux des
contrées déjà parcourues par nous, ont été mobilisés pour le transport
de nos nombreuses charges.
« Fort Hossinger » est un joli poste établi sur le bord du Yobo, petit
affluent du Soué. Ce poste a été construit en 1895 par le capitaine
H(jssinger, dont il prit le nom à la mort de cet officier assassiné par un
tirailleur sénégalais en juillet 1890.
A l'arrivée de la mission, il était commandé par le lieutenant Gouby,
du Régiment de tirailleurs sénégalais. Cet officier, plein d'énergie et
d'entrain, rendit à la Mission les plus signalés services et mourut des
suites de fièvres bilieuses hématuriques à Bia pendant le cours d'une
reconnaissance qu'il faisait vers Rumbeck.
Les magasins du poste étaient bondés de colis divers et notre grande
préoccupation était d'amasser des vivres pour le ravitaillement de
notre personnel noir, car nous marchions ensuite dans l'inconnu, et
les populations Dinkas ou Dj ingués, au milieu desquelles nous allions
pénétrer, devaient nous être hostiles au dire du sultan Tamboura.
11 avait fallu de longs et patients efforts pour amener sur le Soué,
dans le Bahr-el-Ghazal, un matériel aussi considérable que le nôtre,
mais il restait encore beaucoup à faire; nous avions en perspective
l'occupation du pays Dinka en deçà du marais, puis la traversée des
immenses marais du Bahr-el-Ghazal qui nous étaient inconnus, et enfin
— 327 —
l'occupation de Fachoda. On conçoit combien en ce moment nos craintes
étaient vives, car les Anglais pouvaient arriver avant nous, aussi
pendant 6'«a7 mois entiers avons-nous vécu dans de terribles inquiétudes.
L'activité la plus grande régnait, chacun se dépensait sachant que la
dernière partie se jouai t.
Le 24 novembre 1897, le capitaine Mangin nouvellement promu,
fondait « Forl-Desaix » à l'embouchure de la Waou, affluent de gauche
du Soué. Ce poste était établi à l'entrée du territoire Binka, et devait
relier notre grande ligne de postes de l'Oubangui avec le Nil. Son
importance était donc très grande.
Pendant ce temps la coque du « Faidherbe » était montée et comme
les eaux descendaient avec rapidité, on la conduisit avec les plus grandes
précautions du poste arsenal Kodzioli au poste des Rapides où devait
se terminer le montage des chaudières et de la machinerie.
Toutefois en présence de la baisse subite des eaux du Soué ou prévit
quele«Faidherbe»nepourraitnaviguerqu'àlacruesuivante, c'est-à-dire
en juin ou juillet 1898. En prévision de ce retard considérable, le
capitaine Mangin prit l'initiative de construire des pirogues et un
chaland en bois, car il était indispensable d'avoir à sa disposition le
plus grand nombre d'embarcations.
Au début de l'occupation de Fort-Desaix (ancienne Zéribah
égyptienne de Koutchouk-Ali) les Dinkas se tenaient sur la plus grande
réserve. Tous méfiants de leur naturel, ils ne venaient pas au poste,
puis petit à petit les relations s'établirent et devinrent en peu de temps
très cordiales, les vivres affluèrent en telle quantité qu'on dût en refuser.
11 y avait en magasin plus de 20.000 rations pour nos noirs : farine de
mil, haricots, miel, huile, arachides, etc.... de plus l'on apporta des
centaines de moutons €t une cinquantaine de bœufs, qui furent bien
reçus, car nous n'en avions pas vu depuis notre arrivée sur la terre
d'Afrique ; de sorte que nous avons vécu copieusement pendant les
quelques mois qui ont précédé notre traversée des marais.
Le 28 décembre 1897 les capitaines Marchand et Baratier elle sergent
Bernard quittent « Fort Hossinger » pour se rendre à Fort-Desaix,
tandis que je prends la route opposée: je retourne en arrière pour
chercher des baleinières en acier démontées, qui nous sont arrivées de
France et qui viennent juste à point pour renforcer notre petite flottille.
Avec ces baleinières, nous devions également recevoir deux petits canons
à tir rapide, mais M. Gaillard, administrateur de Brazzaville, usant
d'un prétexte futile, ne voulut point les expédier sur les vapeurs
— 328 —
hollandais, qui faisaient habituellement tous nos transports de nialériel
d'armes et de munitions de Brazzaville à Bangui. Celte négligence.
qui aurait pu amener un désastre, nous empêcha, lors du combat contre
les Derviches à Fachoda, de couler entièrement les canonnières et
chalands mahdistes, destinés à tomber plus tard entre les mains des
Anglo-Egyptiens.
Je séjourne trois semaines à M'Bima, les indigènes sont fatigués des
nombreux transports qu'ils ont opérés, ils ne veulent plus en faire ;
ils abandonnent leurs villages et cherchent un abri dans la brousse,
afin de ne pas être obligés de se rendre à mon appel. D'un autre côté,
le chef M'Bima est arrêté parle sultan Sémio dont il est le vassal, sous
l'inculpation d'avoir fait assassiner un tirailleur sénégalais qui se
rendait de M'Bima à Fort Hossinger. De sorte que n'ayant plus de ch(;f,
les indigènes ne veulent pas obéir à mes injonctions ; je dois donc me
livrer à la chasse à l'homme dans la brousse pour recruter les cent
vingt porteurs qui me sont nécessaires. Le 21 je quitte de nouveau et
définitivement M'Bima et après être resté quelques jours à Fort Hos-
singer je me dirige sur le poste arsenal du Soué, Kodzioli, dont
je prends le commandement pendant deux mois.
LeSouéesl une jolie rivière assez encaissée, sa largeur est en moyenne
de 100 à 120 mètres, le courant y est très fort, elle est peuplée do
crocodiles, aussi la baignade nous est-elle formellement interdite.
Pendant mon séjour au poste j'ai tué l'un de ces monstres : il mesurait
4'" 50 et il a fallu plus de trente hommes pour le hisser sur la berge.
Les hippopotames pullulent également, c'est par bandes de cinquante
à soixante qu'on les rencontre. Plus sauvages que ceux du Congo et de
rOubangui ils attaquaient quelquefois nos embarcations. Nos beats en
acier eurent à plusieurs reprises à subir les assauts furieux de ces
pachydermes, qui. d'un coup de dent, faisaient un trou généralement
dans le fond de l'embarcation; on n'avait alors que juste le temps de
boucher le trou avec un morceau de bois et de toile, quittée procéder
à une réparation plus sérieuse en arrivant dans un poste.
Nous avons fait dans le Soué un véritable massacre d'hippopotames
et ce, à la grande joie des habitants qui y trouvaient leur profit.
A mon arrivée au Soué, en février 1898, le « Faidherbe » et les autres
embarcations étaient déjà au poste des «Rapides» depuis quelque
temps ; la rivière était à son niveau le plus bas ; on avait de l'eau
jusqu'à la ceinture, en la traversant à gué, aux endroits où son lit
._ 32!» —
alteigaait la plus grande profond(3ur ; tandis que pendant la période de
crue, l'eau s'élève à quatre et cinq mètres de hauteur.
La végétation de la rivière est très grande, comme d'ailleurs celle de
presque tous les cours d'eaux africains ; ses rives sont inondées pendant
plusieurs mois de l'année.
Le lion sans crinière, le léopard, la panthère, l'hyène, l'éléphant,
la gazelle, la girafe, le bœuf sauvage, et de nombreuses variétés
d'antilopes se rencontrent dans ces régions. La pintade, le canard
sauvage, la sarcelle, la perdrix y abondent. Jamaisje n'ai mangé autant
de viande que pendant mon séjour dans le Bahr-el-Ghazal.
Le Soué est une rivière extrêmement poissonneuse, nos tirailleurs
prenaient plaisir à pêcher et jamais ils ne revenaient bredouille.
Les Bangos occupent les rives du Soué en amonl de cette rivière, les
Diours ou Djours et les Dj ingués ou Dinkas se sont établis sur les rives
en aval.
Du poste arsenal jusque un peu en deçà de Fort Desaix, c'est-à-dire
sur une distance de plus de 200 kilomètres, les rives sont inhabitées ;
ce n'est qu'un peu avant l'embouchure de la Waou que l'on commence
à rencontrer les villages Djours, très peu nombreux d'ailleurs, puis
ensuite les villages, Djingués tribu très importante dont j'aurai l'occasion
de parler plus loin.
En arrivant à Fort Desaix, le capitaine Marchand fit transporter le
poste à 6 ou 7 kilomètres plus en aval sur la même rive tout à proximité
des villages Djingués. On construisit sur le nouvel emplacement un
joli poste avec de belles cases, de beaux jardins et un petit fortin, et sa
direction fut confiée au capitaine d'artillerie Germain.
Pendant ce temps les relations furent établies entre Dem Zibber ou
Fort Dupleix et Fort Desaix, situés sur le même parallèle, distant l'un
de l'autre de 200 kilomètres environ.
Le lieutenant Largeau explorait la Waou et relevait le pays sur la
rive gauche du Soué à l'ouest de Fort Desaix.
Le capitaine Mangin et le sergent Dat partaient à Djour Ghattas
établir un poste près de l'ancienne Zéribah Egyptienne (Fort Desaix).
D'abord accueillis avec méfiance, presque avec hostilité, par les popula-
tions Djingués, ils eurent peu de temps après de cordiales relations,
aussitôt que les indigènes eurent appris à nous connaître. Il ne faut pas
oublier que les habitants de ces régions avaient eu beaucoup à souffrir
de la domination égyptienne quinze ans auparavant, et lorsqu'ils nous
— :m —
virent arriver dans le pays, ils nous prirent pour des « Turcs », c'est
ainsi qu'ils appelaient leurs anciens maîtres.
Le capitaine Baralier et l'interprète militaire Landeroin partaient le
12 janvier 1898 pour faire celte très remarquable et très pénible explo-
ration des Marais dans laquelle pendant soixante-seize jours ils durent
lutter avec leurs trente à trente-cinq noirs contre la faim et les fatigues
de toutes sortes. Cette campagne se termina par leur rencontre émou-
vante dans les marais avec le lieutenant Largeau , envoyé à leur
recherche avec un petit ravitaillement. D'ailleurs, le capitaine Baratier
s'est montré toujours l'auxiliaire le plus dévoué et le plus entreprenant
du capitaine Marchand et il a contribué pour une large part au succès
final de la mission.
Le capitaine Marchand pendant ce temps était parti à l'est du Soué.
vers Rumbeck pour compléter l'exploration de cette région, si
malheureusement interrompue par la mort du très regretté lieutenant
Gouly.
Le capitaine Marchand et le sergent Venait dans celte reconnaissance
firent des marches de 40 à 50 kilomètres à travers la brousse, sans
chemin, manquant souvent d'eau, heureux quelquefois de pouvoir se
désaltérer à des mares pestilentielles et escomptant la pluie pour
s'approvisionner. La réputation de marcheur infatigable dont jouit
notre chef de mission, se trouve de nouveau bien justifiée.
C'est au poste des Rapides, où j'arrive fin avril, que je retrouve
l'enseigne de vaisseau Dyé dirigeant les ateliers de la flottille et
M'Souyri qui venait de terminer le « Faidherbe » et qu'une très grave
maladie obligeait à rentrer en France.
Nous n'attendons plus que la crue pour lancer le «Faidherbe » dans
le Soué.
Les balemières, que je suis allé chercher à M'Bima, sont arrivées aux
Rapides, et sont aussitôt mises en chantier. A ce moment je tombe pour
la quatrième fois gravement malade, de nouveau atteint par les fièvres
bilieuses hématuriques ; j'ai coup sur coup deux rechutes, qui auraient
pu amener une issue fatale. Mon état de santé m'empêche de prêter
mon concours à M. Dyé et au sergent Bourrlin des tirailleurs sénégalais,
pour monter les baleinières.
La crue se fait toujours attendre, néanmoins pendant le courant de
mai, on organise à Fort Desaix le départ d'un premier gi-oupe ponr
Fachoda, Le capitaine Mangin, le lieutenant Largeau et le sergent Dut
gagnent la Meschra-er-Reck, port du Bahr el Ghazal pour y installer
— "S'îl —
un poste. La Meschra-er-Rek est un îlot insalubre, mais aussi un point
stratégique qui relie le Nil à la province du Bahr-el-Ghazal [voir la
carte). Du temps des Egyptiens ce point était occupé par une petite
garnison qui était souvent relevée en raison de l'insalubrité du climat.
Le 4 juin le premier groupe de la Mission composé du capitaine Mar-
chand, du capitaine Baratier, du docteur Emily, de l'interprète militaire
Landeroin, du sergent Venait, accompagnés de 98 tirailleurs et
de 35 Yakomas pagayeurs quittent Fort Desaix et se mettent en route
pour Fachoda. Ils amènent avec eux toute une flottille composée de:
deux boats acier, du chaland « Etienne », d'une baleinière acier, d'une
grande pirogue en aluminium et de plusieurs petites pirogues en bois.
En outre ils emportent tout un chargement de marchandises d'échange,
des vivres et des munitions. Le capitaine Mangin, le lieutenant Largeau
et le sergent Dat qui se trouvent à la Meschra doivent rejoindre ce
groupe, en cours de route, à la sortie du Marais. 11 va sans dire que ce
premier départ n'a pas lieu sans émotion. Le premier groupe arrivera-t-il
avant les Anglais ? Telle est la grande préoccupation de chacun.
Vers le milieu de juin le lieutenant Fouque, qui était parti de France
en novembre 1897, avec mission de nous apporter un ravitaillement,
nous rejoint à Fort Desaix ; il remplace le regretté lieutenant Simon,
rapatrié l'année précédente, mais qui venait de succomber en Algérie
à la suite des fatigues et des maladies qu'il avait conctractées à la
Mission.
Après le départ du premier groupe, le capitaine Germain organise le
départ du deuxième groupe et attend une crue suffisante pour que le
« Faidherbe » puisse naviguer.
Fin juin le poste des Rapides est évacué par la Mission, les troupes .
du Haut-Oubangui prennent possession des postés que nous évacuons.
En arrivant à Fort Desaix, j'apprends à connaître les Djours et les
Djingués. Les premiers appartiennent à une ancienne race qui tend
aujourd'hui à disparaître; le territoire qu'ils occupaient ayant été envahi
parles Djingués-Dinkas. ils sont" tombés sous la domination de leurs
vainqueurs.
Ce sont des populations essentiellement agricoles, leurs mœurs
diffèrent peu de celles des Djingués qu'ils finiront par adopter complè-
tement.
Quant aux Djingués-Dinkas ils sont d'une race nouvelle pour moi,
car je n'en avais pas encore rencontré de semblable. Très grands, très
maigres, ils ont les jambes très longues, mais un buste très court, d'où
- :332 —
résulte un manque de proportion. Ils ont l'habitude, lorsqu'ils sont au
repos, do se tenir sur une jambe, l'autre est repliée et vient s'appuye*"
sur celle qui touche au sol. En les voyant à distance on les prendrait
pour des échassiers très communs dans ces pa3S. On attribue cette
habitude toute particulière cl leur conformation spéciale aux régions
marécageuses qu'ils habitent. Les cases de leurs villages sont rappro-
chées les unes des autres, elles sont de forme ronde avec le toit
conique. Les Dinkas sont en général pasteurs ; ils élèvent de nombreux
bestiaux, il n'est pas rare de trouver un Dinka, propriétaire de trente à
quarante bœufs et de plusieurs centaines de moutons. Ils ont surtout
le culte dcleurs bœufs, ilsn'en mangent jamais, à moins qu'ils ne crèvent.
Ils ne sont point cannibales, d'ailleurs le cannibalisme a cessé depuis
Tamboura, je parle non des Zandés, que je n'ai jamais surpris
mangeant de la chair humaine, mais des Pembias et Barés, peuplades
soumises au Sultan.
Les Dinkas ont de singuliers usages. Je viens de dire qu'ils ont le
culte de leurs bœufs, ils poussent cette adoration jusqu'à recueillir
précieusement l'urine de ces animaux, ils en mettent dans le lait avant
de le boire, et ils s'en enduisent le corps entièrement. La bouse du
bœuf est également ramassée, ils la fontsécher puis briàler ; lorsqu'elle
est réduite en cendre ils s'en enduisent également le corps, de sorte
que l'on peut se faire une idée de l'odeur que répand un Dinka, on le
sent venir de loin.
Les Dinkas forment une nation nombreuse, toujours très unie lorsque
le péril menace et que les biens sont en danger. C'est ainsi que, lors de
l'invasion ég}'ptienne, ils ont battu plusieurs fois à plate couture les
troupes envahissantes. Un général égyptien, dont le nom m'échappe,
périt dans un de ces combats, livré dans les environs de Djour Ghattas.
Leurs armes se composent de la traditionnelle sagaie et de la massue,
dont ils ne se séparent jamais.
Les femmes Dinkas sont astreintes, comme chez toutes les autres
peuplades de l'Afrique, aux gros travaux des champs, car elles sont
partout considérées comme esclaves. En général, elles ne sont point
jolies ni coquettes, leur vêtement consiste en un© ceinture en peau
tannée et en une peau de mouton ou de chèvre ; quelques colliers de
perles communes et des bracelets en cuivre ou en fer, constituent
toute leur parure ; elles ont la tête complètement rasée.
Le costume des Dinkas est encore plus simple, ils sont complè-
tement nus.
—.333 —
Nous attendons toujours avec impatience la crue du Soué, pour
pouvoir partir.
Au commencement de juillet, d'abondantes p^t^eVs nous font espérer
que la rivière va bientôt grossir, mais le niveau des eaux ne s'élève
pas. Malgré cela le capitaine Germain fixe le départ définitif au 19.
Le « Faidherbe » descend du posle des « Rapides » à Fort Desaix à
la perche, le courant aidant il met trois jours à parcourir les 120 kilo-
mètres qui séparent les deux postes.
Dès les premiers jours de juillet, le capitaine Germain avait rends
entre les mains du gouvernement de TOubaugui le commandement de la
région Fort Desaix, et le 19 du même mois le deuxième et dernier groupe
de la Mission quitte Fort Desaix pour aller rejoindre le premier groupe
dont on n'a pas de nouvelles depuis son départ.
Ici je transcris textuellement mon journal de marche, je ne pourrais
en effet mieux décrire le voyage de Fort Desaix à Fachoda et la
traversée des marais ilu Soué et du Bahr el Ghazal, ni en donner une
impression plus exacte et plus complète.
19 juillet 1898. — Les derniers préparatifs de départ sont achevés,
A midi et demi nous faisons nos adieux aux officiers et sous-officiers
du Régiment des Tirailleurs Sénégalais qui sont venus nous remplacer
à Fort Desaix. Al h. 15 nous quittons Fort Desaix, le deuxième groupe
comprend : le capitaine Germain, le lieutenant Fouqae, l'enseigne de
vaisseau Djé, le sergent Bernard et moi ; 48 tirailleurs soudanais
11 Yakomas pagayeurs, 4 domestiques et 5 hommes d'équipage du
« Faidherbe ». Le vapeur est sous pression, toutes les embarcations
sont prises en remorque, il y a le chaland en bois « Pierre Simon »
deux baleinières en acier et deux pirogues. Le chargement comprend
600 charges se décomposant en vivres, marchandises et munitions.
Les embarcations sont chargées à quelques centimètres de la ligne de
flottaison.
L'étiage du fleuve est à 1"' 40, le« Faidherbe » a un tirant d'eau de
80 centimètres à vide et 1"" 30 chargé.
On se met en route et à peine l'hélice a-t elle fait quelques tours que
le « Faidherbe » s'échoue sur le sable. Malgré deux heures d'efforts,
on est obligé de faire éteindre les feux et de naviguer à la perche, de
plus une violente tornade éclate et une pluie torrentielle nous inonde
bientôt. Ce triste départ constituait un mauvais l'ébut, et semblait de
nature à nous faire mal augurer du voyage. Cependant la joie et la
— sa —
confiance ne nous abandonnent pas. Nous nous arrêtons près d'un banc
de sable à 3 kilomètres du poste et nous installons le campement
20 juillel {ih[ncf \m({)\iriif : 26 kilomètres). — Le lendem -un 20 juillet, à
5 heures du matin, les tentes sont ployées et peu après tout le monde
s'embarque. Il est 5 h. 30 au départ. La pluie est tombée une partie de
la nuit, j'ai constaté que le Soué avait monté de 10 centimètres depuis
hier soir. Nous naviguons à la perche comme la veille, nous marchons
lentement, car le « Faidherbe » s'échoue de temps en temps. A
3 heures du soir nous passons la rivière Kolyte, affluent de gauche, sa
largeur à l'embouchure n'a guère plus de 20 mètres. L'aspect du pays
est toujours le même, plaines immenses, toujours marécageuses aux
hautes eaux. On aperçoit de temps à autre quelques arbres isolés dont
plusieurs palmiers rôniers.
Un commencement d'incendie s'est déclaré à bord, un morceau de
charbon enflammé est tombé dans la cale sur des ballots de tissus,
lorsqu'on s'en est aperçu plusieurs de ces colis commençaient à brûler,
en quelques minutes le feu fut éteint. Arrêt et campement à 5 h. 30 sur
la rive droite.
21 Juillet (dislance parcourue : iii kilomèlres). — Départ à G heures du matin,
le Soué a monté cette nuit de 12 centimètres, c'est décidément la crue
qui se produit. Pour accélérer notre marche, l'on a installé une voile
à l'avant du « Faidherbe », la brise est légère, le temps est beau; vers
8 heures une forte brise se lève au sud, notre allure s'en accentue. A
9 heures nous dépassons la rivière duetti, affluent de gauche ; à
10 heures nous laissons à notre gauche un affluent du nom de Madioque ;
celte rivière ne doit être vi'aisomblablemenl qu'un bras de la Guetti.
Le Soué a ici une largeur de 200 mètres environ. A 5 h. 30 : arrêt
et campement sur la rive droite.
22 juillet (distance parcourue : 35 kilomètres). — Départ à 5 h. 45. Le temps
est beau mais pas de brise. En passant près de la rive droite le capitaine
Germain lire un singe de grande taille et le blesse, je fais descendre
à terre un tirailleur pour l'achever et le chercher, mais ce maladroit
s'approche de trop près et se laisse enlever son fusil par l'aninuil blessé,
qui d'un coup de dent lui enlève un bon morceau de la monture de son
arme, j'envoie un deuxième tirailleur qui l'achève d'un coup de feu.
Ce singe mesure l'"20, il est très musclé et devait être d'une très belle
force.
— 3:35 —
A 7 h. 30 une forte brise se lève au Nord-Ouest, elle nous est en
partie défavorable ; en certains endroits le courant est très fort.
Rencontré plusieurs villages Dj ingués.
Arrêt et campement sur la rive droite à 5 h. 30. Quelques minutes
après je tire un hippopotame.
23 juillet (dislance parcourue : VI kilonièlres 500 mèlres). — Une légère pluie
est tombée presque toute la nuit, elle cesse à 6 heures du matin. Départ
à 6 heures : le temps est couvert, brise légère du Sud-Ouest ; à 7 heures
nous rencontrons l'hippopotame que j'ai tiré hier soir, surnageant à
la surface et allant à la dérive entraîné par le courant. Une embar-
cation stoppe quelques instants pour en débiter quelques morceaux
pour nos hommes .
A 8 heures le temps s'est éclairci. 9 heures, rencontré un troupeau
d'une vingtaine d'éléphants qui fuient au petit trot à notre approche.
Depuis hier l'on rencontre sur la rive gauche de nombreux rôniers.
Arrêt et campement sur la rive droite à 5 h. 30.
24 juillet (distance parcourue : iO Jiilomèlres). — Départ à 6 heures, le temps
est couvert, légère brise du Sud-Ouest. 7 heures, arrivée au village du
chef Djinghé Tang Marol ; le chef nous attend à la rive, c'est un
vieillard, il demande à prendre passage abord pour se rendre dans l'un
de ses villages un peu plus loin, ce qui lui est accordé ; nous profitons
de cet arrêt pour faire quelques achats de vivres. A 9 h. 15 un troupeau
de girafes est aperçu à 200 mètres de la rive, il fuit à notre approche.
Toujours même aspect de pays. La pluie commence à tomber vers
11 heures. Le nombre d'hippopotames que l'on rencontre est incroyable,
ils paraissent inoffensifs et nous laissent passer ; en général, l'hippopo-
tame ne charge que lorsqu'il est blessé ou lorsqu'une mère et son petit
sont sur notre passage. La pluie tombe toute la soirée. Il est
7 h. et demie lorsque le « Faidherbe » marchant dans une obscurité
complète au fil du courant arrive au village de Yoll Hayar où le
campement est établi. Je fais la remarque que les Dj ingués ne sont pas
hospitaliers, c'est à grand'peine que nous pouvons obtenir un peu de
bois pour la cuisine de nos tirailleurs et quelques cases pour abriter
nos hommes.
25 juillet (distance parcourue : 25 kilomètres). — La pluie a persisté toute la
nuit, la température est très fraîche, on supporte aisément les vêtements
— :m —
de drap. Départ à 6 h. 30, ma baleinière étant en avance sur les autres
embarcations je m'arrête près d'un groupe de villages, quelques indi-
gènes viennent me vendre des vivres, un chef m'adresse l'étonnante
question suivante : « Est-ce vrai que ce sont les Français qui ont arrêté
les pluies ? » On le dit partout, ajoute t-il. Cette question avait déjà été
posée plusieurs fois au capitaine Marchand à Fort Desaix et cela parce
que la saison des pluies était en retard sur les autres années, de sorte
que les indigènes croj'aient que ce retard était dû à l'arrivée des
Français dans le pays. 11 a été très difficile de leur faire comprendre
que nous n'y étions pour rien.
Depuis hier la rivière est beaucoup moins large, à certains endroits
elle n'a guère que 00 mètres.
La profondeur du Soué ayant sensiblement augmenté, le «Faidherbe»
marche à la vapeur ; si l'essai est satisfaisant, il remorquera demain
toutes les embarcations.
Arrêt et campement à 4 h. 15 sur la rive droite. Tué un hippopo-
tame.
26 juillet (dislance parcoorue : 65 kilooiètrcs). — Départ à 6 h. 30 à la
vapeur, toutes les embarcations sont remorquées ; 8 h. 05, passé un
petit affluent de gauche. Le « Faidherbe » en marche effraie les
animaux qui s'enfuient affolés à son approche, deux hippopotames et
un crocodile sont culbutés. Midi 40. Passé un bras (de droite) du Soué.
La rivière étant devenue trop étroite et formant des tournants très
brusques ou est obligé de détacher les embarcations qui reprennent la
marche à la pagaie. 1 h. 15. Passé le bras du Soué signalé à midi 40.
Beau temps. Vent d'Est. Arrêt à 1 h. 40 près d'un petit bois ; on y fait
le campement afin de pouvoir réparer les avaries survenues aux embar-
cations par suite des chocs violents qu'elles ont reçus dans les
tournants contre les rives pendant la marche à la vapeur de la matinée ;
on fait également une bonne jirovision de bois pour la cuisson des
aliments pendant la traversée des marais. Moustiques en très grande
quantité.
27 juillet (distance parcourue: 30 kiloiiièlr.'s). — Départ à 6 h. 30. Marche à
la vapeur, embarcations remorquées, la rivière a de 40 à 50 mètres de
large. 7 li. 20. Abordage à la rive gauche, une pirogue chavire avec ses
passagers, pas d'accident de personnes fort heureusement.
9 11. 25. Le peu de largeur du chenal dans lequel nous naviguons
'— 337 -
nous oblige à reprendre la marche à la pagaie, une pirogue a de
nouveau chaviré, pas d'accident à déplorer. Les rives de terre argileuse
ont disparu pour faire place aux herbes, nous sommes à proximité de
l'entrée des marais. A chaque instant nous sommes incommodés par de
grosses mouches qui nous piquent jusqu'au sang, c'est énervant.
On n'aperçoit plus que quelques rares arbres, on a devant soi une
immense plaine inondée. A 4 heures nous entrons dans le marais, il
n'y a plus de berges, de grands roseaux entravent le chenal, on
n'avance que très lentement en se frayant un passage. Arrêt à 5 heures.
Le campement se fait sur les embarcations, entassées les unes à côté
des autres.
28 Juillet (dislaDce parcourue : 1 kiloraèlrc 200). — Départ à 6 heures du
matin, les herbes nous empêchent d'avancer; le « Faidherbe »est halé
avec les plus grandes difficultés, on coupe les herbes avec des
matchettes pour élargir le chenal ; cette première journée a été très
fatigante pour tout le monde. Arrêt à 5 h. 30 et campement sur les
embarcations qui, chargées comme elles le sont, pourraient couler
pendant la nuit si quelques hommes se déplaçaient trop brusquement.
29 juillet (distance parcourue : 200 mètres) — Départ à 6 heures du matin,
les nuits sont terribles à cause des moustiques innombrables, on repose
peu. Les baleinières et le chaland prennent les devants, afin d'atteindre
un petit lac signalé à plusieurs kilomètres devant nous ; là un îlot
permettra de les décharger, puis ces embarcations retourneront
déchargées vers le « Faidherbe » qui, enfoncé dans la vase, avance péni-
blement. 7 h. 30. Le petit chenal que nous suivions cesse brusquement,
il n'y a plus assez d'eau pour que les baleinières puissent avancer, on
les traîne dans la vase, les gaz qui s'échappent du marais répandent
une odeur pestilentielle. A 2 heures il est impossible d'avancer plus
loin, je fais retour en arrière vers la vapeur pour rendre compte de la
situation. Le capitaine Germain fait alors ouvrir un chenal par les
tirailleurs qui descendent dans le marais pour couper les herbes et les
roseaux, ils sont embourbés jusqu'aux aisselles et se meuvent diffici-
lement. Ce travail est excessivement long. (4 heures). Une violente
tornade éclate avec pluie torrentielle pendant une demi-heure. Le
travail cesse et le campement est fait à bord de nos embarcations. La
cuisine se fait très difficilement, l'emplacement manque, nous sommes
trop serrés.
♦J2
- 338 —
30 juillet (dislance parcourue : 200 mèlres en arrière). — Le travail reprend à
5 h. 30 du matin. A midi, à la suite d'une reconnaissance en avant au
moyen d'une pirogue délestée, l'on apprend qu'il est impossible de conti-
nuer j)ar suite de manque de profondeur, ordre est donné de revenir
en arrière pour rechercher une autre voie. Nous installons notre campe-
ment au même endroit qu'hier. A 4 h. 30. Violente tornade avec forte
pluie pendant une heure. Le bois qui est mouillé ajoute une difficulté
en ])lus pour faire la cuisine.
3 1 j uillet {m m\xt% en arrière). — A 5 heures du matin, nous continuons
la maivlie en arrière avec plus de difficultés encore que nous en avions
eues pour aller, car le courant est contraire et les herbes et roseaux
que nous avons foulés nous gênent beaucoup plus. Nous envoyons de
nouveau une pirogue en reconnaissance. Cette pirogue rentre à 3 heures
du soir. Un chenal existe, paraît-il, au Sud-Est, mais est-il bon ? nous
n'y arriverons que demain dans la matinée. 3 h. 30 tornade, le vent
d'une violence extrême enlève nos toiles de tente que nous avions mises
sur les embarcations pour nous abriter, la pluie tombe à torrents
pendant trois quarts d'heure ; nous reprenons le travail ensuite jusqu'à
5 h. 30. On fait le campement sur un petit îlot de 10 mètres carrés, nos
hommes ont de la vase jusqu'à la cheville, mais ils préfèrent encore
mieux cela que de coucher sur les embarcations. Les européens
campent sur le « Faidherbe ».
1" août (distance parcourne : iOO mèlres). A 6 heures du malin, reprise du
travail et continuation de la marche en arrière. A 3 h. 30 nous arrivons
à l'entrée du nouveau chenal, c'est heureux car nos hommes sont
excessivement fatigués par ces travaux faits en pure perte. La marche
en avant dans le nouveau chenal commence à 4 h. 30. Arrêta 5 h. 30
et campement à bord des embarcations.
2 «om/ (dislance parcourue : 800 mèlres), — Dans la nuit la pluie est tombée et
ne s'est arrêtée qu'à 10 heures du matin. La matinée est employée à
transborder les charges des baleinières sur le « Faidherbe », afin qu'elles
puissent aller rechercher le chargement du « vapeur » qui a été
déposé sur l'îlot où a été fait le campement du 31 juillet et afin de
permettre au « Faidherbe » d'avancer plus facilement. Pendant ce
temps nous reprenons la marche en avant, le chenal que nous suivons
est relaliveraent assez bon, avec un fort courant; la marche serait
- 339 —
bonne si de nombreux tournants à angle droit ne nous obligeaient de
perdre notre temps à faire tourner le vapeur. Le chenal a 2 "" 50 de
largeur avec une protondeur de 3 mètres. Arrêt à 5 h. 30 et campement
sur les embarcations.
3 août (distaoce parconrue : 1.500 mètres), — Une pluie fine est tombée pendant
une partie de la nuit. Départ à 6 heures du matin, la marche est lente
et pénible à cause des brusques tournants. Les baleinières sont de
retour à 10 heures, elles ont mis une journée pour faire le trajet que
le « Faidherbe » a fait en quatre jours.
L'horizon est toujours borné par les herbes. L'arrêt a lieu à
5 heures et le campement se fait sur les embarcations.
-^«OM^Cdislance parcourue: i kilomètres). — Une violente tornade a éclaté cette
nuit et la pluie torrentielle qui s'en est suivie a fait monter à bord du
« Faidherbe » une partie de nos hommes venus pour s'abriter, mais
aveuglés par la pluie ils se sont mis presque tous sur même bord, de
sorte que noire petit vapeur a failli couler, l'eau entrant de tous
côtés à la fois. Mais ce qu'il 3^ a de plus fort c'est qu'ils ne voulaient
pas passer à l'autre bord pour assurer la stabilité du bateau, tant ils
étaient abrutis par suite de cette succession de nuits sans repos et des
fatigues énormes auxquelles ils avaient été astreints. Nous dûmes
employer la force pour éviter une catastrophe.
La pluie ne cessa qu'à 6 h. 30 et le départ eut lieu à 6 h. 45. Peu
après le chenal s'élargit de plusieurs mètres et le courant étant très
fort, nous avancions h une allure que nous ne connaissions plus
depuis quelques jours. Cependant cette marche eût été trop belle si
nous n'avions été arrêtés de temps en temps par le Sedd(amas d'herbes
mortes formant barrière, obstruant le chenal et très difficile non
seulem.ent h écarter mais encore à enfoncer sous les embarcations).
9 h. 30. Nous arrivons à un petit lac presque rond de 250 mètres
environ. 9 h. 50. Autre lac plus grand de 400 mètres puis à la sortie le
chenal étroit et embarrassé d'herbes reprend ; peu après nous passons
des mares toujours suivies de petits chenaux obstrués, qu'il faut forcer.
Arrêt à 6 heures. Le campement est fait à bord des embarcations.
5 août (distance parcourue : 3 kilomètres). — Départ à 6 h. 15 du matin. Nous
traversons un très bon chenal de 10 mètres de largeur sur 2 kilomètres
de longueur. Nous apercevons pour la première fois depuis notre
— 340 —
entrée dans le Marais la présence d'êtres humains. Ce sont des Djingués
qui habitent des îlots du Marais, ils sont embarqués dans de très
petites pirogues de 3 à 4 mètres de longueur sur 30 à 40 centimètres
de largeur. Avec ces frêles embarcations d'une légèreté extrême ils
peuvent naviguer en tous sens dans le Marais avec une certaine
rapidité. Ils glissent au milieu des herbes avec la plus grande facililé
mais il leur faut une grande habitude, car ces embarcations ne peuvent
contenir que deux ou trois hommes au plus et l'équilibre le plus
complet leur est obligatoire, le moindre mouvement irréfléchi les
ferait chavirer. Ces habitants du Marais sont naturellement peu
sociables, c'est à peine s'ils ont consenti à s'approcher à 300 mètres de
nous et encore c'est grâce à un interprète arabe de race Djingué que
nous avions avec nous, qu'ils sont entrés eu relations. Ils veulent bien
nous guider à travers le Marais à la condition que leur paiement se
fera chaque matin; ce paiement consistera en deux ou trois mètres de
calicot, quelques perles, une glace et deux sonnettes. Mais comme ils
ne veulent pas s'approcher de nous on sera dans l'obligation d'attacher
ces objets à une touffe d'herbes et ils viendront les chercher après
notre passage. Ce genre de communication est assez original. Vers
4 heures du soir nos nouveaux guides disparaissent au milieu des
herbes pour s'en retourner chez eux, ils doivent revenir dem'ain.
Arrêt à 4 heures. Campement sur les embarcations.
6 août (distance parconrue : 3 kilomètres). — Dans la nuit une violente tornade
avec pluie torrentielle nous tient en éveil pendant plusieurs heures,
nos fournitures de lit(;rie sont inondées. 6 h. 15. Départ. Nous n'avons
plus de chenal, on en fait uu à travers les roseaux, nous passons de
temps en temps des mares d'une cinquantaine de mètres. Cette
traversée du Marais est tout ce qu'il y a de pénible, et ce n'est que
grâce à nos braves Soudanais dont le courage et l'endurance sont
admirables que nous pouvons accomplir ce tour de force, de faire
passer pour la première fois au monde un vapeur dans cette région.
On se rappelle qu'il y a seize ans Gessi-Pacha a perdu dans ces marais
plus de .300 de st-s hommes, qui pendant six mois se sont débattus contre
les fatigues et la faim au milieu de ce labyrinthe de marécages.
Le travail que tout nos tirailleurs est incroyable; depuis le 28 juillet,
c'est-à-dire depuis notre entrée dans le Marais, ils sont toute la journée
dans l'eau et la vase coupant les herbes, halant les embarcations les
unes après les autres, mangés et mordus par les sangsues cl les uuilti-
— 341 —
tudes d'insectes. La nuit ils sont répartis dans les baleinières et le petit
vapeur où ils sont entassés au point de ne pouvoir s'allonger, en outre
ils sont incessamment harcelés par les moustiques. Malgré tout cela pas
une plainte, la discipline est toujours excellente. La conduite de ces
braves gens est plus qu'admirable ; aussi combien est-on fier de
commander à de pareils soldats. Ce recrutement d'auxiliaires Soudanais
faille plus grand honneur au capitaine Mangin qui, depuis Kayes
jusqu'à Tombouctou, est allé les choisir lui-même en profond connaisseur
d'hommes de ce Soudan où il a habité de longues années.
Arrêt à 6 heures. Le campement se fait à bord des embarcations.
7 août (distaoce parcourne: i kilomètre .iOO). — Départ à 6 h. 15. Il fait un
brouillard assez fort, la marche est plus lente à cause des nombreux
tournants, Ton est quelquefois obligé de soulever le « Faidherbe »
pour le faire tourner. Les herbes sont moins hautes, on aperçoit sur
notre droite une ligne d'arbustes. Arrêt à 5 h. 45'. Campement à bord
des embarcations.
8 août (distance parcourue : 3 kilomètre.*). — Tornade pendant la nuit avec
pluie légère. Départ à 6 h. 20. La matinée a été extrêmement pénible
à cause du peu de profondeur et du peu de largeur du chenal, l'on
était obligé parfois de creuser de chaque côté pour faciliter l'évolution
du vapeur. A 1 heure du soir nous n'avions pas fait 500 mètres. Par
contre l'après-midi a été bonne, on a trouvé un chenal plus large
qu'on a pu parcourir sans trop de difficultés, 2 kilomètres et demi. A
4 h. 30 nous passons près d'un groupe de petits arbustes et nous aper-
cevons plusieurs petites cases de Djingués construites sur un îlot. Pour
la première fois, ceux-ci consentent à nous aborder pour nous vendre
du poisson. Nous leur faisons part de notre étonnement, ils nous
répondent que les blancs qui sont passés quelque temps auparavant
leur ont acheté beaucoup de poisson et qu'ils l'ont bien payé.
Les cases de ces indigènes sont curieuses, de forme ronde à toit
conique, elles sont petites, très basses et entièrement recouvertes de
terre avec une couche de bouse de vache. Ce procédé, d'ailleurs en
usage dans tous les villages Djingués, a pour but de tenir éloignés les
moustiques qui, comme je l'ai déjà dit, pullulent dans ces régions
marécageuses. Nous constatons avec satisfaction que l'eau est devenue
limpide, c'est d'un bon augure. Arrêt à 5 h. 30. Nous continuons à
camper sur les embarcations.
— 342 ^
9 août (dislance parcourne : 1 kilomèlre 500). — Départ à 6 heures et demie.
Dans les mares que nous traversons, nous rencontrons beaucoup de
nénuphars, de papyrus et autres plantes aquatiques. A partir de
8 heures nons entrons dans un chenal très mauvais, étroit, rempli
d'herbes et des tournants brusques qui offrent à la marche de notre
flottille les difficultés les plus grandes, c'est à peine si l'on fait
50 mètres à l'heure. Les premières embarcations font arrêt à 2 heures
au bord d'un îlot dans lequel se trouve une petite case ; plusieurs
arbres de faible dimension donnent à cet îlot l'aspect d'une oasis, au
milieu d'un désert. Le « Faidherbe » n'y arrive qu'à 5h.30. Pour la
première fois depuis bien longtemps on fait le campement à terre dans
l'îlot. Quelques Djingués viennent vendre du poisson et quelques
moutons.
10 août (dislance parcourue: i kilomètre iiOO). — Départ à 6 h. 30 du matin.
Une violente tornade vient interrompre notre marche à 7 h. 30, la pluie
tombe abondamment pendant près d'une heure. Le chenal est devenu
meilleur, il y a moins d'herbes, mais les nombreux coudes nous font
perdre toujours beaucoup de temps. Nous arrêtons à 5 heures. On
campe sur les embarcations.
1 1 août. — Les baleinières partent à 7 heures du matin à la recherche
d'un îlot afin d'y déposer leur chargement pour venir prendre ensuite
celui du « Faidherbe » qui ne peut plus avancer par suite de manque
de fond. Elles reviennent à vide à 5 heures du soir et sont rechargées
aussitôt. Même campement qu'hier. Quelques Djingués viennent
vendre des vivres. Une monnaie que ces indigènes préfèrent ce sont
les « dabas » sorte de houe grossière qui représente la valeur de
4 cuillers de perles. Un mouton dans le marais se paie 2 dabas, c'est-à-
dire 8 cuillers de perles ou une valeur de 1 fr. 50 à 2 francs (marchan-
dise rendue ici).
12 août (distance parcourue : i kilonii-lrc 500). — Départ à 6 h. 15' du matin,
forte pluie à 7 heures et demie pendant une heure, notre vapeur,
quoique délesté de son chargement, éprouve encore de très grandes
difficultés à avancer ; quand les coudes sont trop brusques on est
obligé de le soulever pour le faire évoluer. Arrêt à 6 heures du soir.
Campement sur les embarcations.
— 343 -
13 août (distance parcourue : 3 kilomètres 200). — Départ à 6 heures du
matin. La marche est très lente à cause du « Sedd » qui encombre le
chenal. A une heure nous entrons dans un chenal plus large, ce qui
nous permet d'accélérer la marche, nos hommes épuisés peuvent se
reposer. Le « Faidherbe » reprend son chargement. Même aspect du
marais. A 6 heures du soir, arrêt et campement sur les embarcations.
14 août (dislance parcourue : 8 kilomètres). — Forte tornade pendant la
nuit avec pluie d'une heure. Départ à 6 heures du matin : le chenal a
10 mètres de largeur, la marche est très bonne. 7 heures, le chenal
s'élargit, il a environ 40 mètres de largeur. Peu après nous entrons
dans un grand lac de 2 kilomètres, le courant y est faible, l'eau est
limpide. A 10 heures nous sortons du lac pour entrer dans un grand
clienal de 70 mètres de large. Nous rencontrons pour la première fois
un groupe d'hippopotames dans le marais. A 1 heure nous rentrons
dans un petit chenal, la vase y est épaisse et profonde, on fait à peu
près 50 mètres à l'heure avec de grandes fatigues ; les gaz pestilentiels
qui s'échappent de la vase sont suffoquants, je comprends très aisément
que la traversée de ces immenses marais n'ait jamais tenté aucun
explorateur. A 4 heures forte tornade avec pluie abondante pendant
une demi-heure. Arrêt à 6 heures. Campement à bord des embarcations.
A 8 heures du soir nouvelle tornade avec pluie pendant une partie de
la nuit.
15 août (distance parcourue : 800 mètres). — Départ à 6 heures du matin.
Le chenal est complètement obstrué, nos hommes baient les embar-
cations sur les herbes et dans la vase. 3 heures. Un Djingué arrive en
pirogue et remet au capitaine Germain un courrier du capitaine
Marchand dont on était sans nouvelles depuis plus de deux mois. Nous
apprenons par ce courrier que le premier groupe de la Mission a éprouvé
beaucoup de difficultés dans la traversée du marais, mais des difficultés
d'un autre genre: en juin la crue ne s'était pas encore produite, les eaux
étaient très basses, de sorte que le capitaine Marchand, s'était trouvé
dans l'obligation d'établir des écluses en fermant le chenal, afin de faire
venir l'eau nécessaire pour naviguer. Ce courrier nous apprend en
outre que le capitaine Mangin, le lieutenant Largeau, le sergent Dat
et les tirailleurs, qui étaient à la Meschra er Reck, ont pu s'embarquer
à ce point, sur des pirogues, et ont pu rallier le premier groupe en
passant par le canal de Kilte. En somme malgré tous les obstacles
— 344 —
ronconlrés et les faligues sans nombre, tout marche bien et. nous con-
servons bon espoir.
A 5 heures et demie, arrêt et campement sur les embarcations.
J6 août (dislance parcoDrue : 1 kilomèlres iiOO). — Départ à 6 heures du matin.
Le chenal est toujours aussi mauvais et la marche est lente et pénible.
A 4 heures du soir entrée dans un lac de 1 kilom. tOO de longueur sur
800 mètres de largeur. Tué un hippopotame. Arrêt à 4 heures et demie.
Campement sur les embarcations.
17 août (dislance parcourue : i kilomèlre). — Nos Soudanais et Yakomasont
passé une partie de la nuit à lestoyer avec la viande de l'hippopotame
tué hier. Départ à 6 heures du matin," nous entrons dans un petit chenal
de 2 mètres de largeur où les herbes recommencent à barrer le passage.
La marche est lente, nous aspirons à sortir de ces infects marais.
Arrêt à 5 lieures. Campement à bord des embarcations.
18 août (ihlun parcourue : 3 kilomètres 500). — Départ à 6 heures du matin,
le chenal devient meilleur. Depuis hier la chaleur est accablante.
A 3 heures nous entrons dans un canal de 800 mètres de largeur. Est-
ce la fin du marais ? Nous arrêtons à 4 heures et l'on campe sur les
embarcations.
19 août (dislance parcourue : 8 kilomètres). — Vive la France! c'est fini les
marais, quelle joie se reflète sur tous les visages, il nous semble à tous
que nous entrons dans un autre monde. Nos misères et fatigues sont
pour ainsi dire finies, celles que nous aurons par la suite ne seront
certainement rien en comparaison de celles subies dans les marais.
Nous partons à 6 heures du matin, le canal se resserre de temps à
autre, mais dans sa plus petite largeur, il a encore au moins 30 mètres.
Le manque de bois nous empêche de naviguer à la vapeur, on se servira
de la voile jusqu'à ce que l'on ait trouvé du combustible. La traversée
des marais du Soué et du Bahr el Gliazal qui vient de prendre tin met
un terme à nos inquiétudes, car cliaque jour nos hommes épuisés par
les fatigues et les insomnies devenaient plus faibles, et le nombre des
malades augmentait, la navigation en eau libre leur permettra de
reprendre des forces. L'aspect du pays n'a pas varié, c'est toujours à
perte de vue une immense plaine submergée. Le canal dans lequel
nous sommes a 10 pieds d'eau; le courant se fait peu sentir. Leshippo-
potames et les crocodiles sont nombreux. A 10 heures, un accident,
dont les conséquences auraient pu être désastreuses, est arrivé au
« Faidherbe ». Un jeune liippopotame s'était approché du vapeur,
lorsque la mère, pensant qu'il courait quelque danger, se jeta sur le
bateau et d'un coup do dent fit une déchirure de plus 15 centimètres
dans la coque, fort heureusement un peu au-dessus de la ligne de
flottaison, cette avarie put être réparée sur le champ. A partir de ce
moment nous faisons beaucoup attention à ces monstres et si l'on
s'aperçoit de leurs mauvaises intentions l'on n'hésite pas à les tirer à
bout portant. 2 heures, le vent devient contraire et ralentit sensiblement
nôtre marche, le courant paraît plus rapide. Arrêt à 5 heui^es et demie.
On continue à camper sur les embarcations faute de terre.
20 août (distance parcourue : 12 kilonièlrcs). — Le vend du Sud a soufflé en
tempête toute la nuit. Départ à 6 heures du matin. Le canal a 50 mètres
de largeur et 12 à 15 pieds de profondeur. A 9 heures le canal s'élargit
et peut avoir 5 à 600 mètres. De nombreuses pirogues Djingués accostent
le bateau poui; nous vendre du bois avec lequel nous pourrons marcher
à la vapeur. 2 heures du soir le « Faidlierbe » qui a allumé ses feux se
met en marche. Mais nous n'avons pas de chances caria profondeur se
trouve bientôt réduite au minimum ; de 2 heures à 6 heures du soir
nous faisons à peine de 8 à 10 kilomètres. On stoppe à 6 heures et
comme de coutume on campe à bord.
5i aOM^ (distance parcourue : lo kilomètres). — Le peu de bois, que nous
avons pu acheter hier, est épuisé, on est obligé de reprendre la marche
à la voile. Départ à 6 heures du matin, nous avons un très bon vent de
Sud-Ouest, nous marchons à une très bonne allure. Vers 2 heures du
soir une pirogue est chavirée par un hippopotame, elle coule
presque aussitôt sans qu'il nous soit possible de la remettre à flot ; fort
heureusement il n'y a pas d'accident de personne. Avec ma baleinière
je me porte au secours de quelques-uns des naufragés, lorsque tout
à coup, l'embarcation reçoit un choc terrible qui la soulève hors de
l'eau, c'est une nouvelle attaque d'un hippopotame. Ma baleinière est
trouée au fond et l'eau entre rapidement, je n'ai que le temps de la
faire entrer dans les herbes où on peut immédiatement boucher le trou.
En présence de ces charges réitérées par les hippopotames, le capi-
taine Germain ordonne de faire feu sur tout hippopotame en vue à
— 340 —
200 mètres au plus. La marche reprend et nous arrêtons à 5 heures et
demie. Campement sur les embarcations.
22 août (dislance parcourue : 5 kilonièlres). — Départ à 6 heures. Marche très
lente par suite du vent contraire. A 9 heures nous entrons dans le
canal de gauche de l'île Ghyerdiga, quelques minutes après nous
arrêtons au pied d'un îlot, où l'on aperçoit deux petites cases, notre
interprète Djingué dit que nous sommes dans la région habitée par
les Nouers, tribu du Bahr el Ghazal. On met pied à terre, il n'y a
personne dans l'île, j'envoie mes hommes couper du bois pour le
« Faidherbe ». Le vapeur n'arrive qu'à 3 heures du soir, le vent
contraire l'empêchait d'avancer. Campement à terre dans l'île.
23 août (dislance parcourue : 28 kilomètres). — Nous avons passé une nuit
terrible à cause des moustiques, nous ne les avons jamais sentis aussi
nombreux. Bernard et moi partons à 6 heures avec deiix baleinières,
le chaland et la pirogue. Le peu de bois que nous avons trouvé ne
permet au « Faidherbe » qu'une marche de quelques heures: comme le
vent est favorable nous pourrons faire du chemin avec nos embar-
cations sans que l'on ait à s'occuper du vapeur. Le Bahr el Ghazal
dans lequel nous sommes enfin entrés a 150 mètres de largeur et
plusieurs mètres de profondeur. A 9 heures, le vent augmente, de
sorte que nous filons à une bonne vitesse. A 1 1 heures, le « Faidherbe »
nous rejoint et continue sa marche, nous le perdons bientôt de vue.
Je fais arrêt et le campement est établi sur la rive droite à 4 heures
du soir.
24 août (dislance parcourue : 30 kilomètres). — Départ à 6 heures, le manque
de vent nous oblige à marcher à la pagaie. A 8 heures le « Faidherbe »
vient à notre rencontre pour nous prendre en remorque ; une heure
plus tard nous arrivons à l'embouchure du Bahr el Arab qui est
complètement obstrué par le Sedd à un kilomètre en amont de son
embouchure. Nous arrêtons sur la rive gauche au campement occupé
par le « Faidherbe » la nuit précédente. On embarque le bois coupé
par les tirailleurs, ce travail est à peine terminé qu'une très violente
tornade éclate, le vent souffle en tempête, le fleuve est tellement
agité que les vagues menacent de faire couler les embarcations ; on
est obligé de les amarrer fortement à la rive pour les protéger. La
pluie tombe ensuite à torrents pendant plusieurs heures. Ce n'est qu'à
-^ 317 —
une heure du soir qu'on peut se mettre en marche. Le « Faidherbe »
remorque toutes les embarcations, le Ghazal se rétrécit sensiblement,
il n'a plus que 50 mètres. Arrêt à 5 heures du soir. Campement à
terre sur la rive gauche.
Les rives sont maintenant bien dessinées, on aperçoit quelques
bosquets de temps à autre.
25 août (distance parconrue : 60 kilomètres), — Départ à 6 heures et demie, le
temps est couvert et la pluie tombe légèrement, léger brouillard. Vers
9 heures le Ghazal se rétrécit de plus en plus, c'est à peine s'il a
15 mètres, le courant est très fort, sa profondeur est de 5 à 6 mètres,
les rives disparaissent sous les hautes herbes et les papyrus très
nombreux dans ces parages. Le bruit du vapeur affole les hippopo-
tames et les crocodiles qui pullulent. On aperçoit quelques termitières.
Arrêt sur la rive droite. Le campement est établi à terre.
26 août (distance parcourue : 70 kilomètres). — Un brouillard très épais nous
oblige à ne partir qu'à 7 heures et demie. On rencontre des vols
considérables d'aigrettes. Le Ghazal s'élargit à 100 mètres. A 2 h. 30
nous doublons l'embouchure du Bahr el Ghazal et nous entrons dans
le lac Xô de 2 kilomètres de longueur sur 1.500 mètres de largeur,
puis nous entrons dans le Bahr el Djebel ou Nil Blanc. Nos trois
couleurs flottent enfin sur ce Nil, nous oublions toutes nos peines et
nos privations en présence de ce résultat tant désiré. Les eaux sont
noirâtres. Nous arrêtons à 2 heures et demie près d'un bois pour
refaire notre approvisionnement de combustible. Le lieutenant Dyé
et moi descendons les premiers ; à peine sommes-nous engagés dans le
bois que nous sommes entourés d'abeilles, qui nous piquent et nous
affolent de douleur en quelques secondes, nous nous jetons dans le
fleuve espérant échapper à ces terribles bêtes mais elles nous
poursuivent, nos cris sont entendus du bord, on nous envoie une
embarcation pour nous rechercher. Arrivés au vapeur nous espérons
être à l'abri, mais il n'en est rien, les abeilles reviennent à la charge;
heureusement que les feux ne sont pas éteints et que nous pouvons
partir de suite et gagner un autre mouillage où cette fois nous sommes
tranquilles. Le campement est fait à terre.
27 août (distance parcourue : 60 kilomètres). — Départ à 8 heures du matin. A
raidi nous passons devant les premiers villages Chillouks de la rive
- :Vi8 —
itineraire
delaMESCHRAER rek
A FACHODA
mission Marchand
XlescR:
— 349 —
gauche; chaque village paraît avoir de cinquante à soixante cases
groupées et de même forme que celles des Diukas-Djingués. A 2 heures
nous apercevons une montagne à l'est à plusieurs kilomètres. A 2 h. 15
nous doublons l'embouchure du Bahr el Zéraf. L'aspect du pays est
peu changé, ce sont toujours des plaines immenses avec quelques
arbres par ci par là, cependant l'on aperçoit quelques bois sur la rive
droite. Les papyrus sont encore ici très nombreux, l'on rencontre de
nombreuses îles ainsi que des îlots d'herbes flottantes, c'est incroyable
ce que le Nil charrie d'herbes. Nous ai'rêtons à 4 heures du soir sur la
rive droite. A 5 heures nous essuyons une violente tornade avec une
forte pluie qui dure toute la soirée.
28 août (Dislance parcourue : 80 kilomètres). — Départ à. 6 heures et demie.
A 7 heures 45 nous passons devant le premier village situé sur la rive
droite. A 10 heures et demie nous doublons l'embouchure du Sobat,
affluent de droite, le courant de cette importante rivière est très
rapide et la couleur de l'eau qui est très blanche tranche d'une façon
singulière sur les eaux noirâtres du Nil. A ce point le Nil Blanc
mérite son nom car ses eaux prennent la couleur de celles du Sobat
dont le débit est très important. Le Sobat a 200 mètres de largeur à
son embouchure, il est très encaissé. Le Nil a ici une largeur de 8 à
900 mètres. Nous rencontrons maintenant de nombreux villages sur
l'une et l'autre rive du Nil. Les indigènes nous regardent passer avec
étonnement, mais sans inquiétude ; nous interrogeons quelques-uns
d'entre eux au passage, ils nous disent que nos frères (le premier
groupe) sont installés à Fachoda. Quelle joie ! le but est enfin atteint,
victoire ! Nous sommes arrivés avant les Anglais.
Nous faisons arrêt à 5 h. 30 et nous établissons le campement pour
la dernière fois car demain nous arriverons à Fachoda où la Mission
tout entière sera réunie pour /« pt^emiére fois depuis notre départ
de France.
S9 aoit^ (distance [larcouruc : 28 kilomètres). — 42® et dernier jour de navi-
gation depuis notre départ de Fort Desaix. Nous nous mettons en route
à 8 heures. Les tirailleurs prennent leur plus belle tenue, tout le
monde rayonne de bonheur. A 10 heures, l'iiomme de vigie signale le
drapeau français, de suite nos lorgnettes sont lu-aquées et «n effet nous
apercevons un immense drapeau tricolore flottant sur un bastion (rive
gauche) ; une émotion intense nous prend tous, blancs et noirs, la joie
— 350 —
est grande et les cris, les chants de nos braves tirailleurs se font
entendre. Quant h nous, nous sommes vivement émus et les larmes
nous viennent aux yeux.
Le « Faidlierbe » fait entendre à différentes reprises son sifflet, c'est
le salut que nous envoyons à nos camarades. Nous approchons et très
distinctement nous apercevons les costumes des européens et les
silhouettes des tirailleurs tlu premier groupe debout sur les murs
d'enceinte de l'ancienne INIondirieh égyptienne, devenue la citadelle
française de Fachoda. Les bras, les mouchoirs, les chapeaux s'agitent
({uand le « Faidherbe », marchant à toute vapeur, passe devant le Fort
pour aller prendre à 1.800 mètres en aval la passe qui doit nous faire
accoster au pied de la citadelle.
Comme au départ de Fort Desaix la pluie tombe à torrents, le
capitaine Mangin vient à notre rencontre dans une embarcation, il est
bientôt à bord. Après les vigoureuses poignées de main, les
interrogations nombreuses s'entrecroisent de part et d'autre. Nous
apprenons alors que tout le monde est en bonne santé, que les
Derviches sont venus attaquer le Fort le 25 août avec 1.500 hommes,
deux canonnières, sept grands chalands en acier et un canon, et qu'ils
(mt été repoussés avec de très grandes pertes après toute une journée
de combat. Les Chillouks dont nous avions gagné la confiance et la
sympathie, avaient averti que les Mahdistes devaient revenir en
nombre la nuit du 28 au 29 c'est-à-dire la nuit dernière, mais ils ne se
sont pas présentés. On juge de la joie de nos compagnons de nous voir
arriver si à propos avec un stock de munitions et un renfort de
cinquante fusils.
Nous stoppons à 11 heures et demie et le débarquement s'opère,
nous revoyons nos camarades en bonne santé et, après les premiers
moments d'effusion, nous allons nous réconforter avec un excellent
punch, car nous sommes trempés jusqu'aux os.
Les tirailleurs et Yakomas sont dans l'allégresse la plus grande, ils
se serrent les mains, s'embrassent, en un mot c'est un jour de fête
pour tout le monde.
•l'arrête ici mon journal de marche, je ne pouvais mieux faire
connaître les marais du Soué et du Bahr el Ghazal qu'en donnant jour
par jour la relation sincère de notre traversée, j'ai dû bien souvent
répéter les mêmes choses mais ces redites étaient nécessaires et mes
notes personnelles de cette navigation peu ordinaire ont été écrites
chaque jour sons l'impression du moment.
-.351 —
De l'ancienne Mondirieh de Faehoda il ne restait que des ruines, les
Mahdistes lors de leur invasion du Soudan égyptien n'avaient pas cru
devoir occuper la citadelle et avaient complètement ruiné tout ce qui
existait. Ils avaient construit un fortin à Reng à 75 kilomètres en aval
de Faehoda, poste qu'ils occupèrent jusqu'à l'arrivée de l'expédition
Anglo-Egyptienne en septembre 1898.
Des anciennes fortifications de Faehoda il restait des débris de
bastions, les fossés à moitié comblés et une poudrière qui menaçait
ruines ; fort heureusement les briques des anciennes habitations
existaient encore de sorte que le premier groupe put, dès son arrivée, et
sous la direction du capitaine Mangin, commencer l'enceinte de la
nouvelle citadelle. Les fossés furent déblayés et quatre bastions, un à
chaque angle furent immédiatement construits ; il fallait avant tout
s'occuper de fortifications, plutôt que de construire des habitations
dont le besoin se faisait moins sentir. Jusqu'à l'arrivée du deuxième
groupe, les travaux urgents furent poussés avec activité parle premier
groupe. Les Chillouks qui, dès les premiers jours de notre arrivée, ne
se faisaient aucune illusion sur le sort que les Derviches nous
réservaient, en voyant une aussi petite troupe, n'avaient aucune
confiance dans la durée de notre séjour dans leur pays ; ils n'avaient
pas consenti à nous prêter leur concours pour les travaux du poste. Ce
n'est qu'à la suite du combat du 25 août que leur opinion se modifia.
Le « Mek » (sultan) des Chillouks qui était auparavant l'âme damnée
des Derviches vint nous faire des salamalecs et nous demanda que la
France prit sous sa protection le pays chillunk tout entier dont la
population atteint le chiff're respectable de 1.800.000 habitants. Un
traité fut signé dans ce sens le 3 septembre entre le capitaine Marchand,
le Mek et les principaux notables de la tribu.
Quelques huttes furent construites dans le poste pour abriter les
européens et les tirailleurs qui jusqu'à ce jour se servaient des tentes
en très mauvais état par suite du long usage.
Pendant ce temps tous les hommes valides travaillaient à la cons-
truction d'un réduit dans l'intérieur de la citadelle. Le travail commen-
çait à cinq heures du matin jusqu'à midi, puis reprenait à deux heures
jusqu'à six heures. Il y avait à ce moment urgence de l'entreprendre,
car on pouvait craindre de la part des Derviches une nouvelle attaque,
qui cette fois eut été plus sérieuse encore que la première, car ils avaient
pu se rendre mieux compte de notre position et de l'état de nos
forces.
— .T.? —
La rive gauche du Xil. du lac Xô jusqu'au duuzièuie parallèle, est
habitée par les Chilluuks ; la rive droite l'est par les Dinkas jusqu'au
Subat. Les Chillouks et les Dinkas sont de la même race, ils ont
mêmes mœurs, mêmes coutumes, mêmes usages que ceux que j'ai
déc-rils pour les Dinkas-Djingués du Soué. Les Dinkas de la rive
droite étaient régulièrement pillés par les Derviches plusieurs fois l'an.
Les Chilluuks (rive gauche) par suite de leur soumission au Khalife
payaient un impôt et pouvaient vivre dans une certaine sécurité. Les
vivres ne manquaient pas au poste, l'on apportait chaque jour des
milliers de rations; les œufs, le lait, etc., y étaient également
abondants. On achetait toutes ces denrées avec les marchandises que
nous avions apportées de Fort Desaix. De ce C()tô nous étions
absolument tranquilles pour l'avenir.
Les travaux du réduit étaient très avancés lorsque le 19 septembre
arriva à Fachoda la flottille anglo- égyptienne, avec le sirdar
Kitchener. Leur arrivée fut naturellement très commentée jiar les
indigènes qui, avec leur finesse ordinaire, voyaient surgir de nouvelles
dirh'cullés et de nouveaux conflits.
L'établissement autorisé d'un camp égyptien à 500 mètres au sud de
la citadelle mit les Chillouks dans un cruel embarras ; ils se
demandaient quels étaient ceux qui deviendraient les maîtres définitifs
du pays. Alors le Mek sous la pression des Anglais déclara ne pas avoir
fait de traité avec les Français et en dessous il nous faisait dire qu'il
était toujours de cœur avec nous. Cette attitude de la part d'un noir
dénote une certaine finesse diplomatique et franchement on ne j)ouvait
gujre en vouloir à ce monarque, pris entre le marteau et l'enclume,
d'avoir une préférence marquée. Du reste il observa cette altitude
jusqu'au jour de l'évacuation; chaque fois qu'il faisait un cadeau de
plusieurs bœufs au camp égyptien, il ne manquait pas de nous faire le
même présent. Dans chacun des deux postes il avait son représentant
el dans celte situation singulière, voire même critique, il sut garder do
boMues relations aA^ec les Français et les Anglais ; il dénigrait la partie
a(;verse selon qu'il était avec l'un ou avec l'autre. Ce Mek des
Chillouks, qui avait su plaire d'aburd aux ^lahdistes, puis(ju'il avait été
inirùnisé par eux au délrinicut de son prédécesseur, qui dut prendre
la fuite pour ne pas être décapité, s'appelait Ahmed el Fadil. nom qui
hii avait été donné après sa conversion à la religion du Khalife, car
naturellement, intelligent, C(jni!iic il l'était, il avait comi)ris que son
sîiliil él;iit diiiis bi ])i-otcclioii (InKhiililV a\"ci- b'ijiicl il ciilrclcnait de
- -.m -
bonnes relations. A l'arrivée des Français il fil volte-face pour
conserver son sceptre et joua ensuite la politique que j'ai indiquée
plus haut avec les Anglais pour se maintenir au pouvoir. •
Les relations entre les deux camps furent cordiales au début, puis le
sirdar ayant regagné Kliartoum et le commandant Marchand étant
parti au Caire se mettre en relations avec le Gouvernement français,
les commandants de chacun des postes : Jakson Bey, pour le camp
anglo-égyptien, et capitaine Germain pour le nôtre, eurent quelques
froissements. 11 faut en rechercher l'origine dans la question de la
navigation du « Faidherbe » sur le Nil et dans le Bahr el Ghazal,
navigation qui devait être soumise aux règlements édictés par le sirdar.
Puis les relations se tendirent davantage, le commandant anglais
devenait de plus en plus exigeant et grâce à l'attitude prise par le
capitaine Germain, qui ne voulut point le suivre sur ce terrain, aucun
conflit n'éclata.
Le « Faidherbe » qui le 16 septembre conduisit le lieutenant Largeau
à Fort Desaix pour y chercher les canons à tir rapide et les munitions,
fit plusieurs fois cette route, il assura jusqu'au dernier moment les
communications avec le Bahr el Ghazal et l'Oubangui. Le lieutenant
Largeau à son retour de Fort Desaix prit jusqu'au moment de
l'évacuation le commandement du poste de la Meschra er Rek par
suite de l'insuffisance dans le personnel des troupes du Haut-
Oubangui.
Le capitaine Baralier. après avoir fait l'expluralion du Sobat et du
Yal, affluents de droite du Nil. était parti en mission en France par la
voie du Nil et de l'Egypte.
Aussitôt après le départ du commandant Marchand pour le Caire, la
tension des rapports entre les Gouvernements français el anglais
augmenta, et le poste français de Fachoda resta sans communications
par la voie égyptienne. Les canonnières ne nous apportaient plus
aucun courrier, de sorte que l'inquiétude commençait à nous prendre.
Le capitaine Germain envoya le capitaine Mangin en reconnaissance
vers les régions abyssines. Lorsque le commandant Marchand revint
le 4 décembre à Fachoda avec l'ordre d'évacuer, on était sans nouvelles
du capitaine Mangin. Le lieutenant Fouque avec quelques tirailleurs
partit à sa suite pour lui donner communication des nouveaux ordres
et lui désigner un point de jonction sur les confina abyssins avec la
Mission qui prenait cette voie de retour.
^3
- 3-v'i -
Lt' sergent lîernard et moi fureiil gravemenis alteinis iieiulanl près
de lieux mois à Fachoda d'une diarrhée infectieuse qui avait pris son
germe dans les marais. Encore faibles au moment du tlêparl de
Fachoda, le docteur Emily de la Mission décida de nous faire retourner
en France par la voie du Nil juiisque les autorités anglo-égyptiennes
mettaient gracieusement une canonnière à la disposition du comman-
dant Marchand pour les malades.
Le 11 décembre la Mission française quitte Faclioda avec toutes ses
embarcations et ses approvisionnements, moins 20.000 rations de
farine indigène qu'elle laisse aux troupes égyptiennes ainsi ([u'un petit
troupeau de bœufs.
J'ai déjà fait le compte rendu de lajournée d'évacuation de Faclioda,
je ne le referai pas ces souvenirs sont trop navrants [)our qu'ils soient
rappelés.
Le lendemain 12 décembre, je quitte à mon tour Fachoda, avec le
sergent Bernard, un petit détachement de tirailleurs malades, et un
convoi de munitions que le Commandant avait jugé inutile d'emporter
avec lui. Nous nous embarquons sur la canonnière « Nasser », le
19 nous arrivons à Omdurman, ancienne capitale mahdiste ; nous en
repartons le 23, et le 25 nous sommes à l'Atbara; partis le même jour
(m cliemin de fer, nous traversons le désert de Nubie et le 27 nous
arrivons très fatigués à Ouadi-Halfa. Repartis le même jour pour
Chellal par la voie fluviale nous y arrivons le lendemain, et le 29 nous
prenons de nouveau le chemin de fer jusqu'à Louqsor. Un télégramme
du Ministre de France au Caire nous invite à nous re[)Oser quelques
jours dans cette charmante localité dans l'hospitalière nuiison de
M. Pagnon. propriétaire de l'hotcl de Louqsor. Nous recevons là
pendant jjrès de cinij jours un familial et très symi)atlii([ue accueil de
notre cher compatriote. Nous repartons de Louqsor le 2 janvier 1899
et le 3 nous arrivons au Caire oîi nous li-ouvons également chez nos
• •ompatriotes la plus large hospitalité. Le 0, départ pour Alexandrie où
nous arrivons le même jour et le lendemain 7 le vapeur « Orénoque »,
des Messageries Maritimes nous emporte vers noire chère France où
nous débarquons le 12 janvier 1899.
.l'ai terminé mon récit, j'ai essayé d'esquisser à grands traits les
travaux et la marche de la Mission dans sa traversée de l'Afrique, je
n'ai pas à juger les résultats obtc-nus, de même qu'il ne m'appartient
j)as de donner mon apj)réciatioii sur d(;s faits (|ui se sont pass("'s itendant
- 355 -
le cours de notre voyage, dans une mission où je n'étais qu'un modeste
collaborateur.
J'ai écrit mes impressions personnelles sans aucune prétention,
sincèrement et consciencieusement avec la seule idée de donner à ceux
qui les liront un aperçu de nos trois années passées en Afrique et en
reconnaissance de la sympathie que m'a témoignée la Société de
Géographie de Lille.
0. DE Prat.
Lille Imp.LDanel
Cat^te Itinéraire
DE LA MISSION MARCHAND
avec la région orientale du Tchad et l'Abyssinie
D APRÈS LES MISSIONS GENTIL & DE BONCHAMP
M. O. DE PRAT,
Membre de la Mission Congo -Nil.
Cante Itinépaine
DE LA MISSION MARCHAND
avec la région orientale du Tchad et r%8siaie
D'APRÈS LES MISSIONS GENTIL i DE BONCHAMP
M. O. DE PRAT,
Membre de la MIbsiod Coogo-Nil.
- :357
MISSION VOU LET - CHANOINE
Nos lecteurs ont sans doute lu dans les journaux reutrcfilet suivant :
« Paris, 6 mai. — La dépèche par laquelle le Ministre des Colonies
a reçu des nouvelles de la mission Voulet est datée de Boro-Biré.
« Boro-Biré n'est porté ni sur la carte allemande de Habeniclit, ni
sur la carte française de Regnault de Lannoy de Bissy, mais il est
probable qu'il se trouve sur la route des caravanes, en dehors du
territoire anglais, à mi-distance de la ligne qui joint Say à Sokoto.
« On sait que l'importante mission commandée par le capitaine
Youlet, assisté du capitaine (Chanoine, se dirige en ce moment du
Niger vers l'oasis de Taghelée, dans le Damergon, où elle donnera la
main à la mission Foureau-Lamy.
« La mission est partie des environs de Say au commencement du
mois de mars, et, après une reconnaissance infructueuse dans le Nord,
elle a du prendre la route du Nord-Est qui contourne la nouvelle fron-
tière franco-anglaise. Elle est, comme l'indique la dépêche reçue par
le Ministre des Colonies, arrivée le 15 avril à Boro-Biré. »
Comme complément de cette note, nous avons la bonne fortune de
publier dans notre Bulletin, le travail ci-joint dont nous devons com-
munication au général Chanoine , resté membre de notre Comité
d'Etudes. — On y trouvera d'intéressants détails sur le régime du
Niger, sur les peuplades riveraines , sur les Touareg. — Nous
adressons au général tous nos remerciements pour cette communication .
A. M.
Sansannè-Haousaa {ri ce gauche du Niger, 100 kilor/ièires
en amont de Say), le îj janvier 1800.
Mon cher Père ,
J'ai quitté Dienné le 18 octobre 1898 avec 360 tirailleurs pour me
rendre à Say par la voie de terre, tandis que Voulet partait pour
Tombouctou et Say par le Niger avec les chalands chargés de matériel.
24
— 338 -
A\i mois d'octobre, toute la plaine de Dienué est inondée et couverte
de 2 mètres d'eau. Le Niger et le Bani sont réunis et de loin en loin
on voit émerger des monticules hérissés d'un bouquet de rôniers ; ce
sont les villages devenus des îk'S. Dienné même avec ses grandes
maisons à deux étages, ses mosquées, ses terrasses et son enceinte
baignée par le canal de Koakourou qui l'entoure de toutes parts, a
l'air d'une forteresse.
J'ai débarqué sur la rive droite du Bani à Kombaka (20 kil. N.-E.
de Dienné; et pris la route de Yarro-Sô. On rencontre la montagne à
19 kil. du fleuve ; c'est la montagne du Dakol, de Bandiagara, de
Donentza, du Hombori ; c'est la montagne des turbulents Habès. La
route de Dienné à Ouahigouya la traverse. directement à Diam, mais
elle est encombrée de rocliers et très mauvaise pour les chevaux ; c'est
pourquoi je fis un crochet vers le Nord pour passer par une sorte de
col qui s'étend de Yarro à Sô. Sô est le village qui domine la plaine,
le Séno au Sud-Est.
De Yarro à Sô 30 kil. ; c'est la largeur de l'arête montagneuse. La
montagne de Bandiagara est un des importants accidents de terrain de
l'Afrique, on la traverse près de Biou, entre San et Sono et encore
entre Sikasso et Bobo-Dioulaso ; elle se prolongerait, dit-on. davantage
vers le Sud. Au Nord elle continue au delà du Hombori qui est simple-
ment la dénomination d'une de ses parties; elle va sans doute jusqu'au
Niger, à Fosaye et s'étend peut-être au delà. Elle a une longueur
connue de plus de 1.000 kil. et sépare très nettement les bassins du
Niger supérieur (Bani et ses affluents) et du Niger moyen, du bassin
des Yolta. Elle en fournit une bonne partie des eaux qui, traversant
les sables du Séno, viennent sourdre 150 kil. plus au Sud.
La montagne est habitée par une population très dense, que nous
appelons impi-oprement les « Habé ». Le mot « Kado », au pluriel
« Habé » est en eff"et le nom général que donnent les Foulbé à toutes
les populations noires, par antithèse avec eux-mêmes qui se consi-
dèrent comme des étrangers. Le mot «Kado» signifie l'autochtone,
le noir.
Les habitants de la montagne, se disent « Toma » et d'origine
«mandé». Il-^ont des inuiis païens liV-s difftM-ents de ceux dfs Malinkès
et des Bamliaras ([iii sont aussi des mandés. Il est probable qu'ils ont
conservé sans altération leurs noms, tandis que dans tout le reste du
Soudan, ceux-ci sont altérés ou changés, par imitation des noms musul-
mans on de l;i Bible.
- 359 -
La moutagne est appelée dans le Soudan le « Tomakouluu ». (La
montagne des Toma en langue banibara).
Les Habé ne sont pas tatoués ; ils sont robustes et plus musclés que
les gens de la plaine ; ils ont les dents incisives limées en pointe ; leurs
traits sont avenants. Ils ont une langue particulière, mais parlent
^ussi la langue des habitants dn la plaine, soit la Poullo, soit le
Bambara, soit le Songhay, suivant qu'ils sont en contact avec ces
peuples ; le Bambara du côté de Dienné ; le Poullo de Bandiagara à
Douentza, le Songhay près de Hombori.
De leur langue propre, il y a même plusieurs dialectes et l'on ne se
comprend pas toujours entre habitants de villages éloignés.
Les Habé construisent des villages en pierres sèches et en terre qui,
perchés au sommet de rochers presque inaccessibles défient toute
attaque et semblent de loin des chàteaux-forts inexpugnables. Dans
certains villages, on n'accède qu'au moyen de troncs d'arbres et
d'échelles. Les Habé sont sédentaires et ne s'arrachent qu'à regret à
leurs rochers. Ils sont très bons cultivateurs, travaillent avec soin
leurs champs qu'ils savent fumer ; ils récoltent beaucoup de miel, sont
plus prévoyants que les autres Soudanais et emmagasinent de grands
approvisionnements. Ils ont peu de bœufs, n'ayant pas de pâturages,
mais un grand nombre de moutons et de chèvres. Ils fabriquent beau-
coup de dolo (Il et le soir dans la montagne, c'est une grande orgie ;
on bat le tamtam, on fait un vacarme infernal, on boit, on danse, on
se grise, on tire des coups de fusil. Les Habé sont industrieux, ils
tissent de la toile, qu'ils teignent en noir ou en brun foncé, de sorte
qu'on les distingue à peine, au milieu de leurs pierres ; ils sont presque
tous armés de fusils qu'ils entretiennent avec le plus grand soin ; ils
fabriquent leur poudre eux-mêmes et comme projectiles se servent de
cailloux ferrugineux.
Ils sont batailleurs, ils ont toujours défendu énergiquement l'accès
de leur montagne, mais ils ne sont pas conquérants et ne s'aventurent
guère pour combattre hors des derniers éboulis de la falaise. Les
Foulbé, les Bambara, les Foutanké les ont soumis en les prenant par
le ventre, en les empêchant de venir cultiver leurs champs qu'ils ont
dans la plaine au pied de la falaise. Au milieu de leurs roches, bons
tireurs, agiles, connaissant leur terrain, les Habé sont très redoutables.
(1) Liqueur fcrmentée.
— 3G0 —
Les villages Habé sont tous indépendants les uns des autres; ce
sont dans chacun les vieillards qui dirigent les affaires, de concert
avec un fétichiste nommé « l'Ogom » , lequel ne doit sous aucun
prétexte, quitter la case où il opère ses maléfices et ses conjuralions,
L'Ogom a la plus grande influence , personne n'ayant jamais pu
convertir les Habé à Tlslamisme ; les Foulbé fanatiques de Hamdal-
lahé qui, cependant, firent peser sur eux une dure domination, y
renoncèrent.
Actuellement les Habé du Sud de Bandiagara, obéissent assez bien ;
quant à ceux du Dakol et de Bamba, il existe entre eux et le résident
de Bandiagara une sorte de compromis ; ils vivent dans une presque
complète indépendance , nous considèrent avec indifférence et se
contentent comme concession, de ne pas molester en ce moment les
agents politiques et les gouverneurs Foutankès d'Agnibou, qui parfois
pour la forme, vont se promener chez eux..
La route que j'ai suivie descend de la montagne à Sô, puis la longe
jusqu'à Diam et là se dirige vers l'E.-S.-E. pour aller à Courganda^
Ntori, Goécé, Louta, Gomboro, Boussénou et Ouauigouya.
Au pied de la montagne, s'étend une vaste plaine sablonneuse, c'est
le Séno. La largeur du Séno varie de 80 à ITO kil. ; puis au delà
reparaît le sol ferrugineux. Dans le Séno l'eau est rare, dans la saison
sèche on n'en trouve que dans des puits très profonds, et cependant le
Séno est couvert d'arbres qui , du haut de la montagne , le font
ressembler à un immense verger. Après l'hivernage, il est couvert
d'une herbe excellente pour les troupeaux. Le Séno est très peu
peuplé, on y rencontre quelques Habé et surtout des Foulbé faisant
paître leurs troupeaux et devenus en quelques endroits sédentaires. Le
Séno est composé de trois dunes de sable, dont la plus haute court
parallèlement à la montagne à 1 kil. environ ; la deuxième se trouve
à 3 kil., la troisième à environ 10 kil., puis le Séno s'abaisse insensi-
blement. ,
On comprend donc que les eaux des pluies d'hivernage qui courent
sur les surfaces rocheuses de la montagne et viennent tomber en
cascades sur la plaine, disparaissent dans le sable, traversent les trois
dunes et reparaissent 1(30 kil. au Sud pour former les suites de mares
qui sont les sources septentrionales des deux Volta. Au Sud de cette
partie du Séno, se trouve le pays des Samos. La route de Dienné à
Ouahigouya en traverse le Nord. Le pays des Samos est plat, son
sous-sol est ferrugineux et la couche d'eau souterraine est à une assez
—.301 —
grande profondeur. Les eaux qui viennent de la montagne après avoir
traversé les sables du Séno, forment une suite de mares qu'on appelle
le Sourou, dont la pente est si faible qu'au moment de la crue de la
Yolla dans laquelle se jette le Sourou, crue qui précède celle de ce
cours d'eau, les eaux de la Volta refluent dans le Sourou à plus de
100 kil. de son confluent.
La population du pays des Samos est très dense. Les Samos sont
groupés par gros villages de 3.000, 4.000 et même 6.000 habitants
distants de 10 ou 15 kil. les uns des autres. Leurs villages sont des
agglomérations de cases en terre pressées les unes contre les autres,
que leurs sauvages habitants défendent avec une rare ténacité.
Au Soudan, plus on va vers le Sud et plus les peuples que l'on
rencontre sont barbares et sauvages. C'est à quelques kilomètres des
côtes que se trouvent les plus arriérés et les antropophages. Ce phé-
nomène s'explique par le fait que les populations plus civilisées et
conquérantes sont toujours venues du N.-E., et constamment ont
devant elles refoulé les autochtones jusqu'à la forêt vierge qui s'étend
à partir du 6^ degré de latitude Nord.
Les Samos commencent la série des peuples sauvages ; plus au Sud
viennent successivement les Bobos de la boucle de la Volta, puis les
Dagaré, les habitants du Lobi et enfin les indigènes du Nord de la
Côte d'Ivoire et de la Côte d'Or.
Les Samos, bien que fétichistes, ont un grand respect pour les
marabouts markos originaires de Dienné qui se sont installés chez eux
et, leur vendant des amulettes, exploitent leur .crédulité et font
quelques prosélytes. Les Samos ne sont pas soumis, bien que depuis
deux ans chaque bulletin politique des Commandants de la région
annonce la fin de leurs rébellions. On n'a pas eu la main assez dure
avec eux au début; on a châtié il y a trois ans les villages faibles, en
laissant impunis les grands et les forts. On a laissé, séduits par leur
trompeuse parole , les marabouts markos exercer leur détestable
propagande. Il y a deux ans, quand la rébellion fut devenue générale,
on se décida à mettre les Samos à la raison. On agit alors sans énergie,
par des demi-mesures que les rebelles ont interprétées pour ce qu'elles
étaient réellement, de la faiblesse de la part des chefs de la région.
Les Samos comme les Habé ont pris conscience de leur force ; ils ont
pris l'habitude de maltraiter ou de tuer les agents politiques et les
percepteurs d'impôts, sachant très souvent qu'ils sont sûrs de l'impu-
nité, tous ceux qui se disent les maîtres du pays craignent les respon-
— 362 —
sabilitês et de prendre d'énergiques décisions. Enfin, les Foulbé et les
Foutanké d'Aguibou, agitent le paj's pour pêcher en eau trouble. Le
pays des Samos a été divisé en quatre parties : la partie septentrionale
appartient à Aguibou ; la partie occidentale dépend de Ouidi ; le Sud
a formé le cercle de Sono ; l'Est est rattaché au Yatenga et dépend de
Ouahigouya. C'est Ousman-Oumarou, le gendre d'Aguibou, qui est
gouverneur de la partie septentrionale. Les États d'Aguibou qui sont
fort étendus sont divisés en provinces, à la tète de chacune desquelles
est placé un gouverneur toucouleur. Aguibou a peu d'autorité, ses
gouverneurs lui obéissent mal , se détestent , se jalousent tous et
cherchent à se susciter mutuellement des embarras, en encourageant,
en protégeant même les désobéissances dans les territoires de leurs
voisins.
Aguibou et les siens, toujours menacés d'être dépossédés sont main-
tenant impassibles devant les blâmes les plus violents, mais restés
pillards comme tous ceux de leur race, ils prennent leurs précautions
et font soigneusement leur fortune qu'ils mettent en lieu sûr. Leur
fortune, ils la font au détriment de leurs sujets et de nos intérêts. Le
Toucouleur est du reste mauvais administrateur, car il a des goûts
luxueux et grandioses. Son pire défaut est l'orgueil, défaut qui coûte
cher quand on a une troupe de griots et de chanteurs de louanges
gagés. Le Toucouleur aime à être environné d'honneurs, l'encens lui
est agréable. Le plus grand luxe, en même temps que le plus grand
plaisir des chefs musulmans, est de posséder un grand nombre de
femmes, de les parer, de les habiller des étoffes les plus coûteuses;
leur vanité est flattée qu'on le sache. Or, ce que les marchands indi-
gènes aiment avant tout prendre en échange de leurs marchandises
les plus riches, c'est le captif. On comprend facilement que les
Toucouleurs ne tiennent pas à ce que le pays qu'ils commandent
soit en paix ; ils créeraient au besoin des troubles pour pouvoir les
réprimer.
C'est Ousman-Oumarou qui réside à Louta. Le gendre d'Aguibou
est une sorte de grand seigneur noir dont l'hospitalité et la générosité
sont proverbiales. Il est très brave aussi, mais il a tous les instincts
pillards de sa race. C'est un lettré cependant, un esprit distingué qui
se tient au courant de toutes choses et a beaucoup appris. Je le
connais depuis longtemps et toujours il m'a été agréable de converser
avec lui.
A 50 kiL de Louta, on pénètre chez les Nilgabé, Samos dépendant
— 30:3 —
de Ouahigouya. Le 1" novembre, j'étais dans la capitale du Yatunga.
Le vieux Bakarey, le naba du Yatunga que nous avons en 189G
débarrassé de ses ennemis et remis sur son trône, est arrivé à Tétat
de décrépitude complète que faisaient prévoir ses habitudes d'intem-
pérance.
J'avais fait venir à Ouahigouya Mamagou Aguibou, fils de Fidiani
Idrissa, fils de Ouidi et Balé, nos anciens auxiliaires en 1896 et 1897,
auxquels le Gouvernement a accordé des décorations. J'ai donné do
l'éclat à la remise de ces distinctions. J'ai passé une revue ; on a tiré
le canon. Le soir tam-tam et salves d'honneur. Cette fête avait surtout
pour but d'exciter l'enthousiasme de nos jeunes tirailleurs. Le 12
novembre j'étais à Ouagadougou, j'y prenais livraison de 740 porteurs
et de 30 chevaux. De concert avec le Résident, je remis au Moro-Naba
la décoration du Cambodge, au milieu d'une grande assistance venue
de tous les points du Mossé. Je suis heureux que le Gouvernement ait
accordé au Moro-Naba cette décoration. C'est le premier des frères de
Bokary Koulou, le Naba dépossédé en 1897, qui vint nous faire sa
soumission, et si on peut lui reprocher avec juste raison son indolence,
on ne peut guère jusqu'à présent, suspecter sa sincérité.
J'ai quitté Ouagadougou le 16 novembre et je suis arrivé le 22 à
Koupéla, non loin de la frontière du Gourma, c'est-à-dire du haut
Dahomey. J'ai pris à Koupéla le complément des porteurs. Dans tout
le Mossi que j'ai traversé pendant 360 kil., j'ai reçu le plus parfait
accueil des chefs et de la population. Je venais de traverser tout le
Soudan depuis Kayes par Nioro, Ségou et Dienné ; le Mossi me fit
relativement à ces contrées, la même impression de richesse et de
prospérité qu'en 1896. L'air est sain, le sol excellent. Les chevaux, les
ânes, les bœufs, les moutons abondent. 11 est regrettable que l'habitant
du Mossi soit inerte et comme plongé dans une sorte de torpeur ; il
cultive à peine ce sol si riche et ne cherche à faire produire que la
quantité de grains qui lui est strictement nécessaire; aussi soufifre-t-il
cruellement de la famine dans les années de récoltes mauvaises sem-
blables à l'année dernière. Quel remède faudrait-il apporter à cette
incroyable paresse ? Peut-être l'appât du luxe arracherait-il le Mossi à
sa somnolence, si les commerçants venaie^it le tenter.
Je crois encore qu'une énergique impulsion de la part du Résident
amènerait des résultats.
Elargir les chemins, en faire des routes, le long de ces routes,
creuser des puits ; aider aux transactions commerciales entre Tom-
— 364 —
bouctou et la Côte d'Ivoire par le Mossi et la A'olta ; créer des marchés
constitueraient des mesures propres à amener un changement matériel
et moral dans le pays. Mais pour atteindre ce but, il ne faut pas hésiter
à imposer des corvées aux habitants ; à les forcer enfin à travailler
pour leur bien-être. Les Romains ne firent pas autrement pour civiliser
leurs conquêtes. Agir ainsi c'est gouverner, ce qu'ignorent la plupart
des Français qui prétendent à celte fonction.
J'ai traversé le Gourma de Koupéla à Kakatami, en passant par
Tibga, Gaiéri, Panou, Barlibogou. J'ai rejoint à Tokatanu la route de
Dori à Say. Le Nord du Gourma est un désert où les villages, misé-
rables agglomérations d'une centaine de cases, sont distants de 35 ou
/i() kilomètres. Les habitants sont sauvages et craintifs, toujours en
butte aux exactions de leur souverain. L'eau est rare, même à cette
époque. Cependant , belle est la végétation , car la couche d'eau
souterraine est à une profondeur médiocre. La route de Dori à Say
n'est guère peuplée et les Foulbé de Torodi l'ont abandonnée en plus
d'un point.
Le 14 décembre, j'arrivai à Say. Youlet n'était pas encore arrivé. Je
reçus un courrier de lui, me disant qu'il ne serait à Busongo que le
20 décembre et de me porter à sa rencontre. Nous restâmes quelques
jours à Say; nous avions parcouru 900 kil. depuis Dienné. Tout le
monde avait besoin de repos.
Le Niger à Say n'est plus le majestueux Niger de Ségou ou de San-
sanding. La moitié de ses eaux a grossi les marigots et les lacs des
environs de Goundam et de Tombouctou. Il n'a guère que 500 mètres
de largeur. La crue commence à arriver. Les crues du Niger donnent
lieu à des observations très intéressantes. Ce sont des phénomènes
créés par la forme même des coudes du fleuve. Les affluents du Niger
supérieur prennent leur source vers le 8" degré de latitude N., et sous
cette latitude les pluies commencent en avril, tandis que sous le
12^ degré elles ne commencent qu'en juin, sous le 1-'/ qu'en juillet. A
Tombouctou il pleut très peu. Le Niger n'a pas d'affluents dans tout le
secteur de sa boucle compris entre Mopti et Zinder. Les pluies ne
sont pas suffisantes dans cette région. La crue du fleuve dans ces
parages n'est donc déterminée que par l'arrivée des eaux du Niger
supérieur. La crue arrive en juillet à Bammako, en août à Ségou ; au
commencement de septembre à Dienné et Mopti. A partir de cet
endroit, la crue remplit le lac Débo et les nombreux lacs, mares, lits
secondaires qui constituent le système lacustre de Goundam , de
— sa') —
Saraféré, de Tombouctoii. La pente est très peu sensible ; aussi les
eaux ne sont-elles hautes à Toinbouclou qu'en janvier et restent sta-
tionnaires pendant tout ce mois. Le niveau du fleuve reste maintenu
par l'apport des eaux de tous les lacs qui se déversent lentement après
la crue.
A parlir de Tombouctou, le lit du fleuve est mieux défini, resserré
entre des dunes et des collines, sa vallée finit par n'avo-ir guère que
2 ou 3 kil. à Sansanné-Haoussa. La pente est plus rapide. La crue
arrive à Say à la fin de janvier et les eaux sont hautes en ce point
alors qu'elles n'ont pas encore baissé à Tombouctou. C'est ainsi que
s'explique ce fait étrange en apparence, que le maximum de la crue
puisse avoir lieu à Tombouctou et à Say, à la même époque. A Say,
les pluies d'hivernage tombées dans la région ne sont pas suffisantes
pour amener une crue au mois de juillet ou d'août. Après les grandes
tornades, le fleuve monte de 20 ou 30 centimètres pour baisser
•ensuite.
Il n'y a à Say que la crue venue du bassin supérieur et arrivant en
janvier.
Mais en aval de Say le régime change ; on arrive dans la région des
pluies abondantes commençant de bonne heure , le Niger reçoit des
affluents. En aval de son confluent avec la Bénoué, il y a deux crues
bien distinctes, la seconde n'arrivant qu'en mars, et précédant de
deux mois seulement, le commencement de la première. Il résulte de
la disposition des crues du Niger et des pluies d'hivernage, que depuis
Tombouctou, il est possible de faire deux récoltes. On sème avant les
premières pluies ; la récolte est faite après l'hivernage en novembre.
On sème de nouveau dans les terrains que l'inondation vient fertiliser
en janvier. Et si les habitants de ces contrées savaient se servir d'ap-
pareils élévatoires comme les Égyptiens, ils pourraient, le pays étant
peu élevé, conduire au loin les eaux du fleuve. Tout le pays deviendrait
d'une incroyable prospérité.
Dès notre arrivée à Say, nous avons traversé le fleuve au moyen de
pirogues. Le courant est violent, les pirogues sont petites ; le passage
a duré deux jours. Les chevaux sont obligés de nager 30 minutes; il
n'y a pas eu d'accidents.
Le 22 décembre , nous nous remîmes en roule à la rencontre de
Youlet, en suivant la rive gauche du fleuve. La rive droite se nomme
« Gourma », la rive gauche « Haoussa », noms qui signifient en
deçà ou au delà du fleuve dans la langue Songhay.
- 366 —
La rive « Haoussa » est habitée par les Djerma , population qui
s'étend, de quatre jours en aval de Saj, à Karma, 100 kil. en amont»
Les Djerma sont très nombreux ; leurs villages riches et prospères,
leur sol admirablement cultivé. Ils possèdent beaucoup de troupeaux,
beaucoup de chevaux. Les Djerma se disent d'origine Mandé ; ils
seraient venus de Tombouctou en longeant le fleuve au moment où
les Bambara conquirent la grande cité. Ils se sont croisés avec les
Foulbé et les Songha}'. Ils parlent le Songhaj. Ils ont de fréquents
rapports avec les Touareg qui vivent en bonne intelligence avec eux,,
car les Djerma sont braves et nombreux. Ils sont bons cavaliers et
combattent à la façon des Touareg.
Les villages Djerma sont tous indépendants les uns des autres ; ilnV
a ni roi, ni capitale. Personne n'ose venir les attaquer.
Les Djerma sont pillards et aventureux ; ils traversent sans cesse le
fleuve et poussent leurs expéditions à des centaines de kilomètres. Ils
se vantent de leurs rapines et les considèrent comme le noble et hono-
rable usage de leur intelligence et de leur force. Ils sont musulmans ,^
mais paraissent peu fanatiques.
Ahmadou Cheikou s'était réfugié chez eux à Dounga et prenait part
à leurs déprédations. 11 se produisit entre les Foutanké et les Djerma
quelques dissentiments ; il y a un an environ, les cavaliers de Dounga
revenaient d'une expédition ; excités par le combat, en rentrant chez^
eux, ils attaquèrent les Toucouleurs et leur tuèrent 200 hommes.
Ahmadou Cheikou s'enfuit chez les Touareg de l'Est.
C'est du Djerma que sont partis il y a quelque trente ans les aven-
turiers Gadiari, Baba-To, Isaka, pour envahir et ruiner le Gourounsi.
Sur ces rives du Niger, se rencontrent une foule de populations et
de races diff'érentes : les Djerma, les Foulbé, les Touareg, les Songhay
et une population noire très ancienne qui est asservie aux Songhay ;
enfin, un grand nombre de marchands haoussas et arabes ; j'ai rencontré
à Say et à Sansanné-Haoussa des commerçants de Ghadamès qui
viennent acheter des plumes d'autruches.
Enfin, dans les îles du Niger, habitent les Kourtéi, race venue
depuis fort longtemps dans le pays et qu'on dit Soninké. Les Kourtéi
vivent en bons termes avec tout le monde, car Touareg, Foulbé,
Songhay, Djerma, ont besoin de leurs pirogues. Les Foulbé ont de
grands villages sur la rive droite ; les Touareg habitent à deux jours à
l'intérieur ; ils ont des villages de Bella (captifs) au bord du fleuve et
viennent fréquemment exercer des réquisitions sur les Songhay qu'ils-
— 367 —
ont terrorisés et qui obéissent passivement à la première injonction des
durs nomades.
On a beaucoup écrit sur les Touareg et bien des choses inexactes.
Quand on parle d'eux en France, on les nomme les Chevaliers du
désert et on ne tarit pas d'éloges sur leurs vertus, leur honnêteté, leur
courage, leur loyauté, leur hospitalité.
Seule leur bravoure est incontestable ; il y a quelques jours nous en
avons eu une preuve nouvelle. Une bande de 300 cavaliers Touareg a
chargé en plein jour la colonne Grave qui cherchait à rejeter les tribus
qui obéissent à Bokary Ouandéidiou, sur la rive gauche du Niger. Les
Touareg ont enfoncé une face du carré et traversé toute la colonne ;
ils ont été repoussés. Trois kilomètres plus loin, ils ont renouvelé leur
attaque qui cette fois n'a pas réussi. Les Touareg ont éprouvé do
grosses pertes, mais ils avaient à lutter contre 250 fusils à tir rapide
et du canon. Le Targui n'a de considération que pour la guerre et le
pillage ; il a le travail en haine. 11 lui faut exploiter les populations
noires, sur les frontières desquelles, il va errant et semant la terreur ;
il lui faut des esclaves qu'il vend au Maroc, ou à Tripoli, pour acheter
les marchandises qui le tentent. Toutes ces causes ensemble, en font
un irréductible ennemi de la civilisation.
On a dit des Touareg qu'ils étaient les rouliers du Sahara.
On les confond avec les tribus maures, ou les tribus arabes qui
exploitent les salines et font tout le commerce entre le Sud du Maroc,
de l'Algérie, de la Tunisie, de Tripoli et le pays des noirs. Le vrai
Berbère se contente d'errer à travers les plaines de sable, de se
trouver sur le chemin des caravanes et de percevoir sur elles un
impôt exorbitant, lorsqu'il ne s'empare pas de tout ce qui est à sa
convenance.
Jadis sur les rives du Niger s'édifièrent de puissants empires qui
refoulèrent les nomades dans le désert , leur interdiront l'accès du
grand fleuve, s'emparèrent de leurs troupeaux, les réduisirent à la
misère. Ces empires, Gharmata, Mali, Songhay, sombrèrent au milieu
de guerres et de révolutions qui nous sont peu connues ; leurs débris
se désagrégèrent ; les Touareg reparurent et devinrent les maîtres.
Pour réduire les Touareg, chassons-les dans le désert. Ils chercheront
toujours à fondre sur les noirs sédentaires, nos protégés. Créons des
corps légers, quelques escadrons, quelques compagnies de Méhari qui
donneront la chasse aux pillards jusqu'au fond de leur désert, qui
prouveront aux nomades que l'ère des méfaits impunis est passée , qui
— 3f38 —
accompagneront même et protégeront les caravanes de commerçants
paisibles. Occupons les frontières méridionales et septentrionales du
Sahara, les ports du désert ; la puissance des Touareg disparaîtra et
ceux-ci, chiens faméliques, repoussés de partout, à chacune de leurs
agressions poursuivis et frappés, demanderont grâce pour ne pas
mourir de faim. Peut-être alors pourra-t-on les parquer dans quelques
oasis et changeront-ils de mœurs avec le temps.
A quelques kilomètres de Karma, finit le pays Djerma ; on arrive
chez les Songhay. Les Songhay jadis si puissants, sont aujourd'lmi
d'une incroyable faiblesse. Ils sont nombreux cependant et pourraient
résister aux Touareg qui les oppriment. Ils n'en ont pas même l'idée.
Le Targui vient chez eux, commande et réquisitionne tout ce qui lui
plaît.
J"ai trouvé cliez les Songhay, un mélange de crainte et d'hostilité
déguisée. Ils nous craignent mais ils sont terrifiés à la pensée des
représailles que pourraient exercer sur eux les Touareg , s'ils nous
faisaient franchement un bon accueil. On sent dans chacun de ses
actes, derrière le Songhay, le Targui imposant sa volonté. Et cepen-
dant, en ce moment, les Touareg se sont retirés à plusieurs journées
dans le Nord-Est.
Les populations noires ne diviendront nôtres, que le jour où elles
seront sûres d'être délivrées pour toujours de leurs sauvages oppres-
seurs. Cette délivrance ne peut venir que par la puissance de nos
armes.
L'esprit de lutte n'est plus dans leur âme, qui s'est façonnée et
accepte toutes les tyrannies. Jamais, d'eux-mêmes, les Songhay ne
sortiront de la soumission la plus servile pour combattre leurs maîtres.
.Je suis arrivé le 1" janvier à Sansanné-Haoussa. Le 2 janvier Voulet
arrivait dans cette ville avec les clialands chargés de matériel. 11 avait
victorieusement franchi les rapides du Niger et triomphé des diffi-
cultés de la navigation. Nos troupes sont réunies. Personne ne manque
parmi les officiers et les sous-officiers européens. L'état moral et sani-
taire des hommes est excellent ; ces quatre mois de marche sont une
bonne préparation. Nos jeunes tirailleurs sont devenus des soldats
disciplinés et robustes. La plupart viennent de marcher 2.000 (deux
mille) kilomètres. Ils sont rompus à la fatigue et peuvent affronter les
étapes les plus pénibles. Ils ont appris à tirer, à manœuvrer. Us ont
confiance dans leurs chefs.
Sir;7ié: Cai.itaine CHANOINE.
— 3<;9
PROCÈS-VERBAUX DES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES.
Assemblée géuéralc du 96 Avril 189».
Présidence de M. Paul CREPY, Président.
La séance est ouverte à huit heures et demie.
MM. Nicolle, Van Hende, Boulenger, ]\Ierchier, Quarré-Reybourbon, Fernaux-
Defrance, Gantineau, Delahodde, Pajot, Chanoine Pillet, Théry, Vaillant et le
D'' Vermersch prennent place au Bureau.
M. Graveri s'excuse de ne pouvoir assister à la séance.
Le procès-verbal de la précédente Assemblée générale a été publié dans le
Bulletin du mois de Décembre.
Adhésions nouvelles. — Depuis le 27 Décembre, 87 membres nouveaux ont été
admis par le Gomité. La liste en est publiée à la suite de ce procès-verbal.
Bureau. — Les Membres sortants du Bureau ont été réélus, à l'unanimité,
pour 1899 :
MM. Paul Grepy, Président.
Van Hende, \
Nicolle, / . ., , ., ^
Masurel, ' \ice-Presidents.
Boulenger.
Merchier, Secrétaire-Général.
Quarré-Reybourbon, Secrétaire-Général-adjoint.
TiLMANT, Secrétaire.
Fromont, Trésorier.
Fernaux-Defrance, Trésorier-adjoint.
HouBRON, Bibliothécaire.
G.\ntineau, Archiviste.
Conférences. — Le Président est heureux de rappeler les nombreuses Gonfé
rences qui ont eu lieu durant les mois précédents :
22 Janvier. — Séance solennelle. M. Haumant: UnYoyai/e en Moscovie. Aspects
et mœurs d'autrefois.
30 » — I\L Wiener : La République argentine en 1898.
2 Février. — R. P. Bonaventure : Terre-Neuve. — Œuvres de mer.
16 » — ISL Lalo : .1 travers la Sibérie.
27 » — M""'' Jeanne de Mayolle : Mœurs de la Sardaigne.
— 370 —
2 Mars. — M. P. Mille : Les intérêts français en Palestine et en Syrie.
0 » — j\I. le baron Dard : Le Canada français.
12 » — M. Waeles : Voyage au Sé-Tchouen et sur les frontières du
Thibet.
16 » — M. Giiimet : Récentes découvertes archéologiques en Egypte.
25 » — M. Gagnât : Les fouilles récentes faites à Pompéï, Bosco-Reale.
0 Avril. — M. Corsin : Les Alpes du Dauphiné.
10 » — M. Bonhoure : La Tunisie. — Sa colonisation, ses mœurs, ses
richesses, son avenir.
10 » — M. Paillot : Voyage en Roumanie.
23 » — M. l9 chanoine Pillet : Le Vatican.
Congrès. — Le Z~^ Congrès des Sociétés savantes a eu lien, à Toulouse, du 4 au
6 Avril. Notre collègue, M. Lecocq, y a représenté la Société.
M. 0. Godin, Membre du Comité d'Études, a bien voulu accepter d'être le délégué
de la Société au ^XX*" Congrès national des Sociétés françaises de Géographie qui
s'est tenu à Alger du 20 mars au 2 avril.
Notre Président s'est rendu de Tamaris à Marseille pour accompagner M. Godin
à bord de « VEugène Péreire » et lui souhaiter un heureux voyage, ainsi qu'à nos
collègues qui, après le Congrès, devaient visiter l'Algérie et la Tunisie.
M. Godin a envoyé les vœux émis par le Congrès. — Ils sont imprimés à la suite
de ce procès-verbal.
Roubaix. — M. 0. Leburque ayant donné sa démission de Président de notre
section de Roubaix, M. Boulenger, Vice-Président, a été élu pour le remplacer.
Au nom du Comité, notre Président a écrit à ^l. Leburque que ses collègues
n'oublieront pas les services nombreux et utiles qu'il a rendus à la Société.
M. Amédée Prouvost a été nommé Vice-Président de la section de Roubaix en
remplacement de M. Boulenger.
Concours. — Un léger changement est fait pour la limite d'âge des jeunes filles
de l'enseignement secondaire.
A l'avenir, cette limite sera de 15 ans pour la i'" série et 14 ans pour la 2" série.
Finances. — Le Comité, à l'unanimité, a approuvé le rapport sur le mouvement
financier, durant l'exercice 1898, présenté par la Commission des Finances.
Ce rapport est publié à la suite de ce procès-verbal.
Topographie. — Le général commandant le i" corps d'armée, sur la demande
formulée au colonel du 43** régiment d'infanterie, autorise M. le lieutenant Lemayeur
à continuer, cette année, le cours de topographie qui a obtenu un grand succès l'an
dernier.
Nécrologie. — Notre Comité a eu la douleur de perdre l'un de ses membres les
plus sympathiques, M. Alphonse Herland. Sur sa tombe, un de nos collègues a dit. . .
« Auditeur assidu des conférences de la Société de Géographie, il entra
« bientôt dans le Comité d'Études dont il partagea les travaux avec activité ; il fut
« toujours un de ses membres les plus zélés et le plus écouté. »
Un de nos aimables conférenciers, M. A. Boutroue, est décédé récemment à Paris.
Poitiers. — Le colonel Blanchot annonce la fondation, à Poitiers, d'une Société
de Géographie dont il esi le Président.
- 371 -
Bibliothèque. — La liste des dons et achats est à la fin du procès-verbal.
Distinctions. — Sont promus :
Officier de l'Instruction publique.
JM. le D'' Phocas, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Lille.
Officiers du Mérite agricole.
MM. le D"" Calmette, directeur do l'Institut Pasteur de Lille.
Gosselet, doyen de la Faculté des Sciences.
♦
Sont nommés : Officiers d'Académie.
MM. Louis Cordonnier, architecte.
Clément, secrétaire de la Chambre de Commerce.
Beaufort, président de la Commission des Excursions,
Chevalier de l'ordre de Léopold de Belgique.
M. le D'' Calmette, directeur de l'Institut Pasteur de Lille.
La distinction accordée à notre sympathique collègue, M. Henri Beaufort, le
dévoué président de la Commission des Excursions, nous a été surtout agréable.
La Société de Géographie de Paris a décerné des récompenses à plusieurs Explo-
rateurs que nous avons eu le plaisir d'entendre à diverses reprises :
Médailles d'or : MM. Marcel Monnier.
les capitaines Voulet et Chanoine.
Médaille d'argent : M'"" Isabelle Massieu.
Excursions. — Le programme des Excursions a été publié dans le Bulletin et
adressé à tous les sociétaires.
Le Président rappelle celles qui ont été faites jusqu'à ce jour :
8 Mars. — Visite de l'Institut industriel. Organisateurs : MM. Godin et
Cantineau.
26 Mars au 21 Avril. — Algérie et Tunisie. Organisateurs : MM. Godin et
Decramer.
15 au 18 Avril. — Liâncourt. Paris. Versailles. Organisateurs : MM. Palliez-
Colin et Calonne.
22 Avril. — Visite de l'Institut Pasteur (l" groupe). Organisateurs : MM. Canti-
neau et Godin.
Communication. — M. Delahodde donne lecture d'un très intéressant travail sur
rOisans en Dauphiné.
De chaleureux applaudissements prouvent à notre sympathique collègue qu'il a
su plaire et instruire tout à la fois.
Élection. — Il est procédé à l'élection d'un membre du Comité, en remplacement
de notre regretté collègue, M. Alphonse Herland.
A l'unanimité, M. le général Avon est élu. Son mandat expirera le 31 Décembre
prochain.
— 372 -
Un membre de TAssemblée demande s"il ne serait pas possible de fixer quelques
Conférences le Mercredi.
Le Président répond qu'il sera tenu compte de cette demande autant que faire
se pourra.
La Séance est levée à neuf heures quarante.
MEMBRES ADMIS DEPUIS L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 17 DÉCEMBRE 1898 :
N»* d'ins- MM.
cription.
3470. DuKOUR-RoizÉ (Paul), filateur, boulevard de la Liberté, 107.
Présenté par MM. Henri Beaufort et Emile Rouzé.
3471. Denis du Péage (Henri), étudiant, rue Royale, 94.
P. Renouard et Marcel Parée.
3472. DuBREUCQ (Emile), directeur de tissage, rue Pierre-Legrand, 202,
Desbonnet et (Mlles.
3473. LEFEB^'RE (Georges), imprimeur, rue de Tournai, 88.
Fernaux-Defrance et Léon Lefebvre.
3474. Kestner, ingénieur, boulevard Vauban, 40.
Auguste Crepy et Paul Crepy.
3475. Landeau (Auguste), étudiant, rue de la Bassée, 4.
Trannin et Merchier.
3476. Gazan (Victor), officier d'administration, quai du Wault, 5
Merchier et Jouvenet.
3477. Lanciaux (G.), employé, rue Bernos, 20.
Van Troostenbcrghe et Delerive.
3478. Labbé (Ernest), négociant, rue Basse, 49-r)L
Dehée et D' Vermersch.
3479. Lepercq (Alexandre), fabric. d'huiles, pi. des Moulins, Quesnoy-sur-Deùle.
Ch. Derache et (THalluin.
3480. Thibaut (DO, rue Pierre-Legrand, 113.
Fâche et Decramer.
3481. Sautier (Léon), représentant, rue Brùle-Maison, 71.
Decramer et Machelart.
3482. HuET fils, représentant, rue Gambetta, 184.
Decramer et Machelart.
3483. Sarazin (Edouard), propriétaire, rue des Stations, 13.
D' Vermersch et Deroubaix.
3484. Selosse (Praxille), négociant, rue du GoUège, 101, Roubaix.
Destombes et Cléty.
3485. Maktin-Fremont, comptable, rue de Laniioy, r)8, Roubaix,
Destombes et Leburque.
3i8G. Dlyck (Jules), inspecteur-voyer, rue Jeanne-d'Arc, 10.
Laschamp et Legrand.
3487. Gfiancei,, étudiant, rue .Jeanne-d'Arc, 12.
j/eiie Bouryoujnon et Delcriie.
-^ 373 —
N" d'il)»- MM.
criptiOL.
3488. Dannay (Paul), rue de Jcminapes, 71.
Genoux-Roux et P. Decroix-Bernard.
3489. F*ATERNOSïER-Scoh (Arthur), industriel, Baisieux.
Quarré-Reybourbon et Th. Beyhin.
3490. Marie (DO, rue Mourmant, 9.
Merchier et Pierre.
3491 . Weil (Simon), négociant, rue Arnould-de-\'uez, 2.
Chevrolat et iJe/ice.
3492. Blavier, négociant, rue du Chevalier-Français, 7.
Ninive et Henri Beau fort.
3493. Masingôe, peintre-décorateur, rue de Béthune, 53. •
Delepoulle et Willerval.
3494. Despundre (Désiré), fabricant, passage de N.-D. de la Treille, 11.
Quarré-Reybourbon et Paternoster.
3495. Garnier, lieutenant au 16'= chasseurs, place Simon- Voilant, 21.
Lieutenant Thomas et Merchier.
3496. DouMER (DO, professeur à la Faculté de ^Médecine, rue Nicolas- Leblanc, 57.
Vati Troostenberyhe et Pollet fils.
3497. Vaillant, industriel, Herrin (Nord).
Van Troostenberghe et Becquet.
3498. Barois (D'), médecin-major, rue Nationale, 28.
D' Carton et Henri Beaufort.
3499. Dawson (George), négociant, rue de la Louvière, 30.
E. Nicolle et L. Nicolle.
35(K). Dawson (Albert), négociant, rue de la Louvière, 32.
E. Nicolle et L. Nicolle.
3501. Dauthuile, sous-lieutenant au 43" de ligne, rue de Gand, 54.
Merchier et sous-lieutenant Poncelet.
3502. Sailly, lieutenant-trésorier du !«'" bat. d'artillerie à pied, à la Citadelle.
Quarré-Rei/bourbon et Hallez.
3503. Grellier (Emile), ingénieur, place Sébastopol, 32.
Emile Belebecque et Delahodde.
3.504. Dedoncker (Alphonse), négociant, rue du Molinel, 52.
Ch. Belebarre et Ed. Descheemaeker.
3505. Leroy-Monthaye, représentant, boulevard Victor-Hugo, 1.53.
Henri Beaufort et E. Ernotilt.
3506. Georgée, instituteur, rue Dupleix, 23.
Eloir et Beugnies.
3507. GÉRARD, agent commercial, boulevard Papin, 2.
.1. Smits et Hagelstein.
.3508. Mathieu, représentant, rue de la Bassée, 5.
Auguste Lesay et Eug. Thomas.
3509. Vienne (DO, rue Nationale, 326.
J.-B. Grumeau et Henri Beaufort.
3510. Becquet (Meiie Angèle), rue Pierre-Legrand, 105.
Becquet et Adolphe Leleu.
3511. GiRAUD (Paul), négociant, rue St-André, 87.
^4. Deny et Carrotir-YiUers.
.3512. Delatre-Dewaleyne, rue d'Arras, Seciin.
Victor Deicaleyne et Ch. Mader.
25
^'>» dins- ]\i;m.
cripliOD.
3513. Catteau (Emile), propriétaire, riio de Gand, 33.
D' Vermersch et Decramer.
3514. Plamont (Achille), rentier, rue de .Jemmapes, 1.
D' Vermersch et Decramer.
'^515. Gatteau (Fabbé), rue Colbert, 25 bis.
Laroche-Belattre et le cJianoine Pillet.
3516. Billot (E.), ingénieur, rue Jeanne-d'Arc, 54.
Ai(g. Crepy et Aug. Schotsmans.
3518. Descloque.ment (François), brasseur, Hénin-Liétard.
Merchier et E. Guillcmaud.
351^). Deheule, employé, rue Nationale, 62, Tourcoing.
Eug. Dervaux et Petit-Leduc.
3.520. Lelong-Wallerand, propriétaire, rue du Calvaire, 15, Tourcoing.
Eug. Dervaux et Petit-Leduc.
3.521. Majiet, manufacturier, rue du Faubourg-de-Lille, 1, Armentières.
' • A. Eechman et de Cagny.
3522. Droubaix (J.-B.), employé, rue Pellart, 58, Roubaix.
Boulenger et Destombes.
â523. CoDKON (Louis), employé, boulevard de Strasbourg, 78, Roubaix.
Boulenger et Destombes.
3.524. Carbonnelle (Edouard), employé, rue du Grand-Chemin, 125, Roubaix.
Boulenger et Destombes.
3525. Lesur, représentant, rue de la Gare, 63, Roubaix.
Boulenger et Dupont.
3.526. GuESLE (A.), Hôtel des Voyageurs, Seclin.
Trannirt et Merchier.
3.527. Ferrin (M"""), professeur, rue Barthélemy-Delespaul, 116.
.1/elles Bourguignon et Ducrocq.
3528. BÉHAGUE (Victor), employé retraité, façade de lEsplanade, 38.
Louis Paquet et D"" Billon.
3.529. Driecx-Dcfour, filateur, rue .Teanne-d'Arc, 19.
Aerts et Fernaux- De fronce.
3530. Waeles (Albert), employé, rue Charles-Quint, 10, Roubaix.
Boulenger et P. Destombes.
.3531. Faure de la \'aulx, propriétaire, rue des Jardins, 5.
Paul Crepy et Auguste Crepy.
3.532. Boulanger (M""), propriétaire, Marquillies.
• 3/ine Hachet et David ^yiart.
35;33. SusTANDAL Gustave), rue St-l-ltienne, 42.
P. Ravet et H. Deleschcse.
3534. MouQCET (Paul), représentant, rue des Urbanistes, 8.
Ch. Derache et G. Vandendriessche.
3535. Kip.s-^I'jRivAL, mécanicien, rue des Tours, 1.
Moisseron et Fernaux^Defrance.
35.36. Malherbe (Albert), représentant, rue Alexandre-Leleux, 23.
Godin et Cantineau.
3.537. Masurel (.J.-B.), négociant, rue Colbert, 124.
V. Hoffmann et Godin.
3.538. Gérard (Fran.;oi.s), voyageur, rue Gambetta, 6, La Madeleine.
Henri Beau fort et Léon Ninice,
— 375 —
K"» d'ms- ]VIM.
criptioD.
3539. DE BucK, propriétaire, rue Pasteur, 17.
Lelorui et Delohel.
3540. Decamps-Bassez, industriel, rue des Arts, -42 et 44.
Patcrnoster-Scol et Quarré-Reybourbon.
5.541 . Bleuzé (Paul), rue du Prieuré, 3.
Salles et Fernaux-Befrance.
35'i2. DupOiNCHELLE (Albert), rue Colbert, 208.
Le chanoine Pillet et Henri Beaufort.
3.543. ViLL-\LARD (Louis), agent d'affaires, rue de la Gare, Oi, Roubaix.
Doulenr/er et P. Destonibe$.
3.545. Crouigneau, directeur de la Société générale, rue Nationale, 43.
j)/eiie Blondeau et Ernest Nicolle.
3.546. Lefebvre (Jules), représentant, rue des Tanneurs, 22.
Bernard-Ducrocq et Henri Beaufort.
3547. Marescaux (Florimond), horticulteur, Lompret.
Cado et Fernaux-Defrunce .
3548. Delotte (H.), rentier, rue des Pyramides, 12.
/. Peucelle et A. Meyer:
3549. Sebert (Emile), administraf" du Bureau de Bienfaisance, rue Faidherbe, 34.
D' Yermersch et Cosset.
3550. BouRELLE (Marcel), clerc de notaire, rue des Fossés-Neufs, 19.
Pajot et Paul Crepy.
3551. Legrand (Albert), avocat, rue de l'Arc, 10.
Fromont et Fernaux-Defrance.
3552. Trigallez, rentier, rue St-.Iacques, 54, Tourcoing.
Philippe Suin et Henri Beaufort.
35.53. Delerue (Eugène), greffier, rue de Roubaix, 96, Tourcoing.
F. Masurel et Eug. Dervaux.
3.554. RiTAiNE (Jules), vice-consul du Brésil, rueWinoc-Ghoqueel, 23, Tourcoing.
F. Masurel et Eug. Dervaux.
3555. Grégoire (le frère), directeur de l'école St-Gabriel, rue d'Alger, Tourcoing.
F. Masurel et Eug. Dervaux.
SxïG. Montagne (Gustave) propriétaire, rue de Tournai, 107, Tourcoing.
F. Masurel et Eug. Dervaux.
3557. d'Aubentox Garafa DE CoLOBRANO , receveur principal des Contributions
indirectes, rue Gauthier-de-Chatillon, 5.
Fernaux-Defrance et E. Pouille.
3558. Lamare, magasins St-Jacques, rue des Suaires, 19-23.
Van Hende et Yaneste.
LIVRES. CARTES ET PHOTOGRAPHIES
REÇUS OU ACHETES POUR LA BIBLIOTHÈQUE DEPUIS DÉCEMBRE 1898:
l" DONS.
2156. Carte de l'Etat indépendant du Congo, par J. du Fief, Secrétaire-Général de
la Société royale belge de Géographie. — Don de l'auteur.
— 376 —
2157. DaA'os. — Don de radministration franco-belge de Davos.
2158. L'État indépendant du Congo, par A.-J. Wautcrs. Bruxelles, 1899. — Don
de M. Adhémar Devis.
2160. La République Argentine (missions commerciales), par Ch. "Wiener. Paris,
1899. — Don de Fauteur.
2161. Mapa de Misiones dressée par Carlos Gallardo, membre de l'Institut géogra-
phique argentin. Buenos-Aires, 1898. — Don de l'auteur.
2162. Almanach de la Flandre, par F. Didry, 1899. — Don de l'auteur.
2163. Carte de la vallée du Nil, du lac Tchad et du bassin du Congo, dressée par
M. Prompt. Paris, Henry Barrère, 1808. — Don de l'éditeur.
2164. Note sur les lacs de la Roche de Rame (Hautes- Alpes), du Lazaret (Basses-
Alpes), de la Roquebrussanne et de Tourves (Var), par M. André Dele-
becque. — Don de l'auteur.
2165. Sur quelques lacs des Pyrénées-Orientales, des Hautes-Pyrénées et des
Basses-Pyrénées, par MM. André Delebecque et Etienne Ritter. — Don
des auteurs.
2166. Concession coloniale. — Droits et obligations en résultant. Etude sur la
concession de la rive gauche de la Casamance, par M. Albert Cousin,
membre du Conseil supérieur des Colonies. Paris, 1899. — Don de l'auteur.
2167. Expansion commerciale et coloniale, mise en valeur des colonies. Rapports
et notes par M. Jules Scrive. lille, Danel, 1898. — Don de M. Nicolle-
Verstraete.
2167 bis. Un lot de 88 Bulletins de la Société de Géographie de Lille. — Don de
M. E. Lagaisse, changeur à Lille.
2176. Notice biographique sur Christian Garnier (1872-1898), géographe, par
Ludovic Drapeyron. Paris, Delagrave, 1899. — Don de l'auteur.
2177. Études d'anthropologie sur les Kourganes sibériens, par M. Zaborowski. —
Don de l'auteur.
2178. L'activité de l'homme, par M. Tcnicheff, traduit du russe par l'auteur. —
Paris, Cornely, 1898. — Don de l'auteur.
2179. De Penza à Minoussinsk, par le baron de Baye. Paris, Nilsson, 1898. — Don
de l'auteur.
2185. Rapport dressé piar la direction de l'agriculture sur les cultures fruitières
principalement et la culture de l'olivier dans le centre de la Tunisie. Tunis,
1893. — Don de la Direction de l'agriculture en Tunisie.
2186. Notice sur le musée commercial et colonial de Lille. Lille, Danel, 1898. —
Don de l'Administration du Musée.
2187. Il n'y a plus de Pyrénées, par Lydéi'ic (M. F. Didry). Roubaix, 1898. — Don
de Fauteur.
2191. Carte générale de l'Afrique et de ses voies de communication, par le lieute-
nant Olivier. Echelle de . — Don du Service géographique des
Colonies.
2192. Carte de la Chine méridionale et du Tonkin, par le capitaine Friquegnon,
Échelle de . — Id.
2.000.000
2193. Carte de la boucle du Niger, par le lieutenant Spicq. — Echelle de
— Don du Service géographique des Colonies.
2196. Notes de Folk-lore par le baron de Baye (extrait de la Revue des traditions
jjopulaires). Paris, Le Chevallier, 1898. — Don de Fauteur.
— * 377 —
2197. Note sur les bijoux barbares en forme de mouches, par le baron de Baj'e.
Paris, Nilsson, 18t»5. — Don de l'auteur.
2198. En Géorgie, par le baron de Baye. Nilsson, 1898. — Id.
2199. De Moscou à Krasnoïarsk , par le baron de Raye. Delagravc, 1897. — Id.
2200. Heidelberg und Umgcbung von Koch von Berncek. Zuricli, 1889. — Don de
M. Paillot.
2201 . Carte des établissements frani^'ais de Diégo-Suarez, Nossi-Bé et dépendances,
par A. Durand. 18'.M). — Don du Service géographique des Colonies.
2202. Carte du Transnigérien, du Bandama et du Bagoé (mission ^Marchand),
dressée de 1892 à 189Ô, par le capitaine Marchand ; en 2 feuilles. — Id.
2203. Carte de la Boucle du Niger, dressée par le lieutenant Spick ; en 2 f. — Id.
2204. Cartes diverses des lacs français, par M. A. Delebecque. — Don de M. De-
lebecque.
2205. Série de cartes dressées en 1870 et permettant de suivre les opérations de la
guerre franco-allemande. — Don de M. Eeckman.
220G. Cartes diverses de la Côte d'Ivoire. — Don du Ministère des Colonies.
2207. Cartes générales des lignes télégraphiques internationales, par MINI. Mabyre
et Jaccottey. Paris, Delagrave, 1898. — Id.
2" A.CÎIA.TS.
2159. L'année cartographique de Schrader. 8" supplément. Paris, 1898.
2168. La Grèce et l'Orient en Provence, par Ch. Lenthéric. Pion, 1878.
2169. En Corse, par Paul Bourde. Caïman Lévy, 1887.
2170. Le littoral de la P>ance de Diinkerque au Mont St-Michel, par Wattier
d'Ambroyse. 1890.
2171. Voyage historique et pittoresque dans les ci-devant Pays-Bas et départements
voisins, par Paquet-Syphorien. Firmin Didot, 1813.
2172. L'Hermite en province. Observations sur le Nord de la France au commen-
cement du XIX' siècle, par E. Jouy. Paris, 1820.
2173. Tableau pittoresque (on vers) de la ville d'Arraentières et de ses environs,
par E. Duchateau. Lille, 1822.
2174. Voyage on Espagne, par Th. (iautior. Charpentier, 1881.
2175. Bosnie et Herzégovine, par Charles Yriarte. Pion, 1870.
2180. 'L'évolution politique et sociale de l'Espagne , par Yves Guyot. Char-
pentier, 1899.
2181. Baedekor. Le Nord-Est de la Franco. OUendorf, 1899.
2182. Baedekor. Londres. OUendorf, 1899.
2183. L'Océan des anciens et les peuples préhistoriques, par Moreau de .Jonnès.
Paris, Didier, 1873. '
2184. La Terre avant le Déluge, de Figuier. Hachette, 1864.
2188. Heures d'Afrique, par Jean Lorrain. Charpentier, 1899.
2189. En Sibérie, par .Iules Logras. Armand Colin, 1899.
2190. La Géographie militaire ot les nouvelles méthodes géographiques, par O.
Barré. Librairie militaire, 1899.
2194. Voyage en Franco, par .Vrdouin-Dumazot. 18" série. Flandre et littoral du
Nord. Berger-Levrault, 1899.
2195. Voyage en France, par Ardouin-Dumazot. 19' série. Artois, Gambrésis,
Hainaut. Berger-Levrault, 189îi.
— 378 —
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— 379
CONGRES NATIONAL
Des SOCIÉTÉS FRANÇAISES de GÉOGRAPHIE
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Xr« Session, ALGFB. 26 Mars-2 Avril 1899.
VŒUX VOTÉS PAR LE CONGRÈS & RETENUS PAR LE COMITÉ.
I. — Le Congrès vote de chaleureuses félicitations à MM. Gouzy et
Delaune pour leur patriotique projet de loi, et, confîrinant le vœu émis
par le Congrès de Lorient, sur la proposition de M. Bouquet de la
Grye, émet le vœu : que le Gouvernement prenne telles mesures qu"il
jugera convenables pour instituer le méridien maritime et achever le
système français des mesures décimales dans le plus bref délai
possible.
II. — Le Congrès, s'inspirant des traditions de justice et de tolé-
rance qui ont toujours favorisé la force d'expansion et l'influence
morale de la France dans le monde, émet le vœu :
1° Que les traditions de Llslam etTélude des textes soient continuées
et soutenues ;
2" Que conformément au projet élaboré depuis 1849 et renouvelé
fréquemment depuis, une mosquée qui serait naturellement un centre
religieux de l'Islam, soit construite à Paris, et groupe autour d'elle
les 800 nuisulmans qui y résident.
III. — Le Congrès émet le vœu : 1" Qu'il soit créé un train rapide
par semaine entre Alger et Tunis, dans l'une et l'autre direction,
effectuant, par exemple, les 897 kil. de parcours en 24 heures et le
même jour ;
2° Que les trains entre Alger et le Kroubs, entre le Kroubs et Tunis,
soient pourvus d'un wagon-restaurant.
De plus, relativement à l'élevage, le Congrès émet le vœu ; que le
parcours des 449 kil. entre le Kroubs et Tunis, s'effectue, pour les
wagons de bestiaux, en 24 heures et le même jour.
IV. — Le Congrès émet le vœu : Qu'un courrier quotidien rapide
mette en communication Marseille et Alger et qu'il soit complété par
des trains de nuit dans la direction d'Oran et de Constantine.
V. — Le Congrès, considérant à la fois les intérêts généraux de la
— 380 —
Tunisie et l'importance de la position stratégique et navale de Bizerte,
remercie M. le Ministre des Affaires étrangères de la réponse qu'il a
bien voulu faire au XIX* Congrès et émet à nouveau le vœu qu'une
voie ferrée soit construite le plus tôt possible pour rapproclier Bizerte
des richesses de l'intérieur, et mettre aussi à sa portée les ressources
militaires de l'Algérie.
VI. — Le Congrès, confirmant la décision du Congrès de Marseille
tenu en Septembre 1898, émet le vœu : 1° Que les pouvoirs publics et
les Chambres de Commerce prennent l'initiative de la création de
ports francs à Dunkerque, le Havre, Saint-Xazaire, Bordeaux, Mar-
seille et Alger ;
2° Que les mêmes pouvoirs en étudient la réalisation immédiate à
Alger.
Vil. — Le Congrès émet le vœu : Qu'il suit procédé à une enquête
en vue de déterminer :
1" L'effectif de la main-d'œuvre indigène en Algérie avec indication
du contingent kabyle el du contingent arabe ;
2" Les centres qui fournissent cette main-d'œuvre ;
3° Les travaux auxquels elle est occupée ;
4" Le taux et la nature des salaires, ainsi que les conditions du
travail des ouvriers indigènes.
YIIl. — Le Congrès émet le vœu : Que M. le Ministre des Colonies,
d'accord avec son collègue de l'Instruction publique, fasse le néces-
saire pour que la Chaire des maladies des pays chauds d'Alger soit
outillée aussi largement que possible, pour l'étude non seulement
théorique, mais aussi clinique et expérimentale des maladies tropicales.
IX. — Le Congrès émet le vœu : Que toutes les colonies Françaises
d'Afrique , soient réunies entre elles par des câbles sous - marins
français.
X. — Le Congrès émet le vœu : 1" Qu'il soit procédé dans le plus
bref délai possible à l'occupation de l'arrière-pays Algérien et princi-
palement des Oasis du Touat ;
2" Qu'il soit i)rocédé d'urgence au prolongement des lignes de
pénétration saharienne, et notamment de celle d'Aïn-Sefra au Touat
par Duveyrier, sans préjudice du complet achèvement du réseau Algé-
rien et Tunisien, soit vers Laghouat, soit vers la frontière marocaine ;
3" Que des missions scientifiques soient rapidement organisées en
vue d'établir la carte et le nivellement des terrains compris entre l'Atlas
et le Niger au Nord de Tombouctou ;
-.381 —
4° Que des éludes de • niêine nature soient faites au Nord du lac
Tchad.
XL — Le Congrès émet le vœu : Que les pouvoirs publics veuillent
bien examiner la possibilité d'encourager par tous les moyens à leur
disposition les travaux du genre de ceux que MM. Bernard, Lacroix
et Mouliéras poursuivent sur le Maroc.
Xll. — Le Congrès émet le vœu : Que les documents libyco-ber-
bères recueillis par M. Flamand, sur les rochers et pierres écrites du
Sahara, si curieux pour l'histoire de l'art et si intéressants pour l'étude
de l'ethnologie et de la zoologie préhistoriques de l'Afrique du Nord,
soient modelés pour figurer à l'Exposition Universelle de 1900.
XIIL — Le Congrès émet le vœu : Que le nom du vaillant explo-
rateur Mizon, mort au service de la France, soit donné à une des
localités de l'Algérie.
XIV. — Le Congrès, reconnaissant de l'accueil qui "a été réservé
aux Membres du Congrès, exprime ses sincères remerciements à M. le
Gouverneur général de l'Algérie, à toutes les autorités civiles et mili-
taires, et renouvelle à la Chambre de Commerce d'Alger l'assurance
de sa gratitude pour l'hospitahté qu'elle lui a si généreusement offerte.
AU PAYS
DE REMBRANDT ET DE FRANS HALS
Coups de crayon sur un Carnet de voyage
Par Victor DE SWARTE,
Trésorier général des Finance?,
Correspondant du Ministère de l'Instruction Publique
(Section des Beaux-Arts — Section d'Histoire et de Philologie),
Membre de la Commission historique du Nord,
Membre adjoint du Comité de la Société de géographie de Lille.
(Suite et ftn) (i).
VI.
AMSTERDAM
Plein de cette pensée dont nous avions déjà, en nos précédents
voyages, reconnu l'exactitude qu'en aucun pays, les peintres n'ont plus
(1) Voir tome XXXI, 1899, page 23.:).
— 382 —
cherché à rendre dans leurs tableaux, la sensation de hi vie de chaque
jour, en son expression de réalité pittoresque, nous avons voulu, avant
de visiter le Musée Royal, parcourir les divers quartiers de cette
Yenise du Nord. Nous nous sommes efforcés de rechercher le carac-
tère de la vie extérieure et de voir des intérieurs, qui n'ont guère changé
depuis Steen et Van Tilborg.
A notre arrivée à Amsterdam, une pluie battante nous fouette: de-
l'eau sur la tête, à nos pieds et partout de l'eau ! Et dire que c'est la
première fois que je vois de la pluie en Hollande ! A mes voyages
précédents, dont l'un pourtant avait été effectué au cœur de l'hiver,
j'ai toujours vu la Hollande, sous la blonde lumière du soleil néer-
landais. J'avouerai même, que, malgré les assertions de Reclus, j'avais
un peu fait comme le toyageur qui arrive à Grenade et rencontrant
une femme rousse note sur son calepin : « En Andalousie toutes les
femmes ont des chevelures d'or » ; je déclarais naïvement que la répu-
tation pluvieuse de la Hollande était une de ces nombreuses calomnies
que la foule répète, après les savants mal informés.
11 en était tout autrement pour moi du golfe de Xaples et de Pompeï
que j'avais vus une première fois sous une effroyable tempête. En sorte
que j'avais dans les yeux deux aquarelles à contre-sens. Je me déclare
vaincu : il pleut même en Hollande, et j'ai maintenant, depuis quelques
mois, des raisons de croire que l'onaperçoit parfois le Vésuve etSorrente
sous un ciel bleu.
Le lendemain, le ciel était clément et nous nous sommes mis à
parcourir la ville coupée partout de canaux, où roulent les bélandres ;
sur les quais, des arbres entretiennent une délicieuse fraîcheur et
forment des trois cents ponts de la ville un nombre infini de perspectives
qui ont tenté de nombreux aquafortistes.
Les pignons étranges et variés des maisons dessinent des arabesques,
tarabiscotées et crouslillaiates. Dans les petites rues latérales, les
demeures grêles dentelées en échelons se sakient en dépit des lois de
l'équilibre. Nous voyons sur le quai Klovcniers Burgval. l'ancien
Trippenhuis où j'ai connu, en 1881, le Musée Royal, alors que la galerie
Van der Hopp en était séparée. — Nous nous mêlons à la foule qui
grouille sur le marché, lequel se tient aux abords de la vieille porte de
Si-Antoine, à tourelles et poivrières du XV® siècle. C'est en cet endroit
-^ 383 —
que les disciples de Snyders pourraient venir assister au mink.
L'aboyeur, aux lèvres écumantes, fait rage et pousse d'horribles cris,
tout en étalant les soles, les barbues, les blancs cabillauds et les rougets
qui sont vendiis en un tournemain. Un instant après, cet officier public
entre dans un estaminet voisin, et, après avoir bu un large verro de
genièvre qui griserait, pour toute la journée, uni; conscience moins
robuste, il tire de son pantalon tapissé des écailles de la marchan-
dise vendue au mink, des ({iianlités innombrables de doubles florins
d'argent.
Nous laissons à notre droite la Ridder Strat, la Jonker Strat et la
Binnen Bautam Merstraat, rues longues et fluettes, où le vent souffle
dans les vêlements pendus en bannières aux fenêtres, commeà Naples,
Partout, dans les caves, règne une grande activité: ici le cordonnier
tapotte sur des semelles, là, d'innond^rables verres de curaçao sont avalés
dans des Tappery en Slytery. Dans un Visch Handel (commerce de
poissons) on voit découper et nettoyer des soles géantes sur les tables
de marbre d'une blancheur éclatante. La cave est ornée de cadres naïfs,
et propre comme une élégante demeure.
Sur les canaux s'agitent les bélandriers qui viennent chercher les
marchandises dans ces caves, oîi toutes les petites industries sont
installées : fabriques de cages, marchands de bouchons, menuisiers,
marchands de légumes et de harengs marines.
Nous voici arrivés à la gare centrale, une des plus belles constructions-
dans ce genre, en briques entremêlées de massives pierres bleues
rehaussées de multiples sculptures.
Au Binnen Kanl , les maisons sont peintes en couleur noire sur
laquelle ressort en vigueur le blanc des chambranles de fenêtres, et
sous'les arbres secoués par le vent, s'agite la foule des débardeurs et
des matelots.
Le quai du prince Henri a vue sur un grand bassin où des bâtiments
de haute mer sont à flot, pavoises de toute la défroque des mariniers.
Nous rebroussons et nous arrivons au Singel puis à laRaadhuys Straat
qui est très large et au Heeren Gracht.
Une promenade à la Kalverstraat, par un beau soir de fêle, après
un succulent dîner au café Riche, nous a montré la turbulente popu-
lation d'Amsterdam tout entière à la joie la plus échevelée, la plus
— 384 —
])ruyanle. Nos amis de Toulouse qui considèrent les Hollandais comme
un peuple maussade et plutôt taciturne maudiraient les géographes en
chambre qui leur ont fait accroire pareille énormité.
Nous étions donc là nos compagnons de voyage tous Flamands, sauf
deux aimables Lyonnais, le père et le fils qui étaient venus nous
rejoindre sur les rives del'Amstel. — Quand ces deux charmants Latins
nous demanderont de se faire inscrire à nos gliildes et corporations,
le digni estis intrare sera prononcé avec conviction et nous viderons
fraternellement ensemble le grand hanap du chfef de la garde bourgeoise
de Van der Helst.
D'ailleurs, c'était bien une promenade de corporation que nous
faisions, ce soir, autour du Dam, nous égarant sans cesse en tournant
dans les petites rues symétriques, autour de la grande brasserie de Kras-
napolsky; il n'y manquait que l'étendard remplacé pour la circonstance,
par un faisceau d'anguilles fumées que je venais d'acheter, et qui semblait
dans l'enroulement d'un élégant papier, un bâton de maréchal. La malice
du Destin avait mis à mon bras la moins haute en stature de nos char-
mantes compagnes de voyage, iul'aligable, rieuse et très admiratrice,
comme moi, du coloris local : aussi quelle bonne causerie sur les
arbalétriers et sur les confréries du passé. Ce contraste faisait joie
dans la troupe animée et délicieusement en train qui chevauchait avec
nous. Nous entendions le rire scintillant et perlé de celle qui joint le
charme d'une diction finement nuancée au goût le plus attique pour
les belles choses, tapisseries du XYI*, tableaux de maîtres, cheminées
de grand style, dont elle orne son artistique demeure. Son aimable mari
toujours en mouvement, ayant l'air de courir dans les musées, et
finalement ayant tout vu, tout remarqué et dissertant sur les moindres
tableautins, avec un jugement sûr faisait chorus à la gaîté ambiante.
Plus loin, se profilant dans les silhouettes éclairées, de façon inter-
mittente, par les éclats de lumière .électrique, un doux géant, patricien
de la Flandre à qui siérait à merveille le costume de Franz Banning
(^ock, toujours des premiers à proposer une excursion , le plus alerte pour
l'exécuter, très disert pour en remémorer aussi les bonnes heures, et,
brochant sur le tout, connue une délicieuse marquise de Quentin de la
Tour, poudrée à fi'inuis, la mère de Franz Banning, émaillant de
réflexions fines et spirituelles une conversation chaude et fleurie sur la
peinture qu'elle a pratiquée avec talent. C'est elle, très entendue en
les choses de l'art et les souvenirs du passé, qui baptisa du nom de
Ronde de nuit, cette excursion pittoresque et animée.
— 3S3 —
Le lendemain nous nous rendions à la belle galerie du bourgmestre
Six van Hillegom, ami et protecteur de Rembrandt. Cette collection,
qui est encore merveilleuse, a perdu une bonne partie de ses richesses,
en raison d'un lot important échu à la famille de Loon. Les tableaux
provenant de ce lot ont été vendus, à Paris, au prix de un million 1/2
de florins, soit 3 millions 300.000 francs.
Copions les notes de notre calepin : le portrait de Jean Six par
Rembrandt nous montre une tête très expressive, solidement peinte,
les manchettes sont d'un blanc brillant, et, sur le manteau rouge très
décoratif, les brides d'or sont indiquées largement : toute l'attention est
bien concentrée sur la figure. 11 faut se reporter à l'image de Innocent X,
Pamphili, de la galerie Doria par Vélasquez pour trouver un portrait
aussi saisissant. C'est de la chair, des muscles, du sang, de la vie, et
par conséquent de la pensée. C'est un être moral avec lequel on parle
et qui vous répond. Oh ! combien j'admire notre grand et vénéré maître
M. Guillaume, qui me disait en me parlant, à la Villa Médicis, du bourg-
mestre Six, que Rembrandt avait tout le temps regardé son modèle
dans les yeux, et qu'il s'était arrêté aux mains laissées inachevées, ne
voulant point finir, soucieux de laisser à cette œuvre son grand
caractère de pln-sionomie : et Six, son élève, son Mécène aussi ne lui
avait pas demandé de terminer le détail au détriment de l'œuvre.
Celui (ÏAnna Weymer, son épouse coiffée du petit bonnet blanc,
nous donne une tête qui ressort vigoureusement sur la collerette, ici les
mains qui sortent des manchettes sont très gracieusement traitées et
d'un beau fini d'exécution. La teinte de la robe de velours joue sous
la palatine de fourrures et forme un harmonieux ensemble avec le
coloris des mains.
De Rembrandt aussi, le petit EphraïTYi Bueno, où sont à noter les
oppositions vigoureuses des bl?.ncs bien ménagés du col et des
manchettes sur le ton noir du costume.
Le portrait de Nicolas Tulp de Frans Hais est enlevé en quelques
coups de pinceau qu'on pourrait presque suivre et compter: la pose
et l'allure générale sont d'une haute distinction.
Par Jacob de Bray, Jean de la Chambre i)eint avec une grande
vérité et une étonnante simplicité dans l'arrangement des mains dont
l'une tient un papier et l'autre des gants gris.
Le petit Wilhem Six par Nicolas Maes est un délicieux poupon,
— 386 —
coiffé comme les infants de Yélasquez, et vêtu d'une robe rouge
carmin, finement exécutée.
A noter, les deux tableaux de Godfroy Schalckeu : la Femme au
Citron et la Mardiancle de harengs , la Mer d'Adriaen vau de
Yelde et le Paysage avec figures de Ruysdael collaborant avec
"Wouwerman.
Les portraits de Wilhelmine Brand par Adriaen vau der Werf et
Johanne Vercolse brillent au milieu des plats, panneaux, assiettes,
carreaux et potiches de Delft. Dans un vestibule un Nicolas Tulp, un
peu vieilli de Jurian Oveus et le buste du même grand docteur par
Arthur Quellien.
Un beau Clair de lune de Van der Neer, avec les silhouettes fanto-
matiques des moulins, des bjiteaux et des pêcheurs dans une campagne
pleine de rêveries.
La salle à manger décorée d'un gracieux mobilier néo-grec renferme
la Madeleine s'approchant dit Christ vêtu en jardinier, de Rubens,
Jésus lui dit en s'écartant : Noli me tangere. Le Prado possède ce
même sujet interprété par le Gorrège.
Il faudrait tout citer et le paysage classique par Jacob Esselems et
le i)etit portrait très vivant de Nicolas Tulp par Nicolas Elias Pickenoy,
la Lettre par Gérard ter Borgh et aussi deux 3farme.5 de Backhuysen,
dont l'une souffle bien en tempête, dans un ciel très mouvementé.
Dans la Bénédiction de Jacoh par Gavart Flink, la figure de la femme
€st bien inspirée de Rembrandt qui avait, du reste, lui-même traité
celte page biblique.
Sous le pourpoint rouge, nous voyons, dans cette même salle, une
exquise miniature de Jean Six par Gérard ter Borgh.
Dans fe cabinet encore un Nicolas Tulp de Cornelis van der Woort,
une grisaille de Rembrandt : Jacoh racontant ses songes ; des portraits
en grisaille aussi par Van Dyck qui représentent Gaspar Gevaerls et
Rubens, et une esquisse de Madeleine.
Au premier étage se trouve installée la galerie. Un intérieur de
Pieler de Hooch avec, comme toujours chez ce maître dont nous
- 387 —
n'avons que deux exemplaires au Louvre, la lumière pénétrant par le
fond du tableau, la Sérénade de Judith Leister qui doit être, ou nous
nous trompons fort, une élève de Frans fiais. D'une grande finesse,
le Dentiste de Gérard Dou, où les deux figures sont seules éclairées
par la bougie.
Très poétique le Clair de Lune d'Albert Cuyp, dans son allure trop
classique peut-être. L'astre y est représenté dans foute son emphatique
rondeur ; j'aime mieux n'en voir que la lumière étrange ; le cercle de
la lune, outre sa géométrie trop régulière, forme toujours dans les
tableaux, un trou où un Bernois serait tenté de placer une montre.
La facture de Gérard Dou et celle de Salomon Konink sortent bien
de Fatelier de Rembrandt. Dans le philosophe, Konink, éclaire
seulement la tète pour captiver notre attention sur la figure de son
modèle. — Geerbrandt van Eeckhout, s'est aussi inspiré du maître
dans la Femme Adultère, où la robe du pharisien aux éclats métalliques
et souff'rés. est d'une riche exécution.
Au soir d'une journée qui finira par un orage, le long d'un cours
d'eau clapotant sous des chênes de haute futaie , un troupeau de
moutons traverse lentement un pont de bois. L'autre rive est historiée
par la charpente massive d'un couvent au campanile pointu. L'impres-
sion est vive et saisissante et c'est ainsi que parle la nature. Comment
faisait donc Ruisdael pour finir à ce point les nervures des arbres et
même le feuillage, et rendre, tout à la fois, l'impression vraie, la
sensation mouillée que nous ne pouvons plus o])tenir que par des flous
et des silhouettes comme notre maître Corot et mon bon ami Pelouse,
nous en peignaient pour évoquer en nous la nature ; nous l'avons
indiqué plus haut, il faut constater là un phénomène d'évolution : après
Ruisdael, le classique avait tout perverti en voulant trop codifier ; la
formule du maître hollandais avait disparu ; tout était devenu solen-
nellement artificiel. 11 a donc fallu trouver autre chose, et se dégager
des procédés factices. L'œil de Corot a découvert alors dans la nature
des aspects moins solides, moins construits, sous un ciel plus aérien et
le nouveau paysage est sorti triomphant dans ses brumes poétiques et
dans le flottement incertain des masses d'arbres et des contours tels
que nous les voyons, baignés d'atmosphère.
388 —
Pour finir sur la note gaie, la galerie Six nous montre encore quatre
tableautins flamands d'un bon réalisme : les Patineurs de Van Ostade,
V Intérieur de Jacob Oclilerveld, le Posti/loti et le Buveur de Willem
van Mieris ; admirons aussi la Cuisinière de Van der Meer (de Delft)
qui prépare de savoureuses morilles à la crème.
MUSEE DE L'ETAT.
11 V a quelque quinze ans, j'étais allé saluer à Amsterdam, Rembrandt
dans l'humble musée du « Trippenhuis ». Eu la même salle étroite et
mesquine, la Ronde de nuit (sortie du capitaine Franz Banning Cock)
et le Banquet de la Garde Civique de Van der Helst étaient placés en
face, au ras du sol, occupant chacun toute la muraille.
Depuis dix ans, un musée nouveau construit sur une excellente
donnée architecturale, abrite ces deux œuvres magistrales.
La salle principale a la forme de la grande nef d'une église, de droite
et de gauche de petites chapelles étalent des œuvres savamment
groupées. Les administrateurs du Musée, qui s'entendent à créer des
harmonies de bon voisinage, ont disposé les tableaux en évitant ces
contrastes maladroits qui tout chavirer l'œil dans l'écroulement de toiles
en tous points dissemblables, échafaudées les unes sur les autres.
Le mur de la nef est percé d'une large baie dont le chambranle est
entouré d'une draperie flottante, et tout au fond du sanctuaire brille la
Bonde de nuit dont les montants du cadre disparaissent.
Dès l'entrée de la galerie les personnages surgissent comme dans
une apparition avec, en plus, toute l'intensité de la vie. En se dirigeant
vers eux, on distingue d'abord la figure fine éclairée en plein de Willem
van Ruitenberg ; sur le hausse-col de fer damasquiné, son chapeau
jaune à panache blanc, l'écharpe blanche en ceinture, les bottes fauves
à larges revers, donnent une élégante tournure au lieutenant, puis, sous
une chaude lumière, la robe de satin jaune paille de la fillette et sa
chevelure blonde ornée de perles fines rivalisent d'éclat avec l'écharpe
rouge du capitaine Banning, dont la tête si expressive se dégage sur la
collerette de dentelles blanches.
En s'apjirochant de plus en plus, on admire l'ensemble de la compo-
sition, le porte-drapeau tout empanaché, à l'allure un peu déclamatoire,
' — 389 —
qui descend avec des gardes communaux, les marches d'un escalier ; à
droite les sergents et le tambour; à gauche, un arquebusier tout vêtu
■de rouge et des hallebardiers, assis dans le fond.
Les personnages du premier plan et plusieurs du second plan sont
inondés de lumière et tout brillants d'un riche coloris qui les fait jaillir
en avant, sans rompre toutefois l'harmonie générale.
Quel contraste, comme allure générale, entre ce tableau que le peintre
exécuta à l'âge de 35 ans, et cet autre chef-d'œuvre le Syndicat des
Di^apiers qu'il peignit vingt-neuf ans plus tard et qui est d'une poétique
toute différente.
Dans le S>/)idicr/t des D/'opicrs la composition est d'une grande
simplicité et d'une bonne entente ; les effets de coloris sont ménagés
avec une sûreté que l'on ne rencontre chez aucun maître, les empâ-
tements donnent une grande vigueur à la scène d'une expression
précise et forte qui vous retient devant ces figures attachantes : les
bourgeois vêtus de noir, aux perruques débordant du chapeau, à larges
bords, sur la collerette plate, vous font participer à leur vie.
Un autre tableau qui a été peint à peu près à la même période de la
Tie de Rembrandt, la Fiancée Juive éclate dans le coloris chatoyant
des étoffes qui fait distinguer, d'un bout à l'autre d'une salle, l'œuvre du
maître. Combien nombreux sont les élèves qui ont cherché à imiter les
procédés de Rembrandt sans jamais trouver l'éblouissant coloris dont il
avait le secret.
Le portrait d'Elisabeth Jacob Bas nous rappelle les portraits de la
galerie Six.
Les peintures de corporations et de régents occupent une large place
dans le musée d'Amsterdam. Au premier rang, parmi eux, à côté
Ronde de nuit, s'élève le Banquet de la Garde Civique en 1(J48 de Van
der Helst. A droite vêtu de velours noir et brillamment cuirassé, la
tête couverte du chapeau à plumes blanches, le capitaine Wits qui porte
de la main gauche une corne à boire en argent, donne un sliake Iiand
au lieutenant Van Waveren vêtu de drap gris rehaussé de galons d'or
et coiffé d'un chapeau à plumes ; les bottes jaunes k larges revers, les
dentelles blanches forment un contraste heureux avec la tenue de
Wits. Tous les autres personnages sont groupés avec habileté. On ne
saurait trop admirer la belle construction picturale des figures,
20
— 390 —
l'élégance des poses, le brillant arrangement des draperies et la
lumière distribuée avec un art consommé.
A un degré moindre, peut-être, (car ce tableau est le plus beau du
maître), il faut admirer les Chefs de la Confrérie de St-Sèbastien, à
Amsterdam, où les blancs sont heureusement ménagés pour donner
du brillant aux argenteries et aux diverses pièces d'orfèvrerie et aussi
les Gardes Civiques du Capitaine Rœlof Bicker et du Lieutenant
Jean Michel Blan devant la Brasseyne de Haan, ainsi que le portrait
à'Andries Bicker, bourgmestre d'Amsterdam dont la tête est d'une
belle expression et les mains très savamment exécutées.
D'autres tableaux de corporations attirent aussi l'attention. De Karel
du Jardin, les Régents de la Maison de Correction, représentés sur un
fond gris. La comparaison qui s'impose avecle Si/ndicat des Drapiers
de Rembrandt, révèle bien la différence qui peut exister dans l'interpré-
tation du même thème entre un homme de génie et un peintre correct,
qui connaît la syntaxe de son métier, sait varier les attitudes de ses
personnages et exécuter avec distinction les mains, cet écueil de tous
les portraitistes, mais qui n'a pas reçu le souffle d'en haut, le je ne
sais quoi poétique.
Govert Flinck, un disciple de Rembrandt, représente Va Fête de la
Garde Civique, en réjouissance de la paix de Munster ; l'œil est
charmé par les riches arrangements de vêtements , d'armures et
d'écharpes de tous ces personnages, qui sont peints avec une grande
vérité d'allure. Nous admirons aussi beaucoup le tableau intitulé : le
Capitaine Joan Huydecoper van Maarseveen complimenté par
ses arqupjjusiers, ainsi que la Compagnie du Capitaine Albert Bas
et du lieutenant Lucas Cossyn et les quatre régents du Doelen des
couleuvriniers.
Nicolas Elias qui passe pour le maître do Van der Helst a laissé de
lui, en sa ville natale, le Banquet des Gardes Civiques du Capitaine
Jacob Backer et la Compagnie du Capitaine Jacob Rogh ainsi que les
Quatre Régents de la Maison de Correction (le Spinhuis). Les Régentes
de cet élablissement dues au pinceau de Dirck Santvoortsont exécutées
en des poses très justes, mallieurcusement le même peintre a laissé de
lui divers portraits, oîi il a eu la malencontreuse idée de faire figurer
des chiens et divers animaux qui sont en bois et semblent sortir d'une
arche de Noë de Nuremberg.
— 391 —
Mentionnons aussi les Portraits de dix-sepl Gardes Civiques de
Jean van Scorel.
Fabricius a laissé un merveilleux PoHr^ait de Wûlem van
der Hehn, architecte de la ville de Leyde, avec sa femme et son enfant.
Ces personnages sont animés d'une vie intense dans un coloris puissant.
Pour finir cette riche galerie de corporations et de portraits, nous
revoyons du maître d'Harlem, un bon tableau qui a été terminé par
Pieter Godde, son élève, ce sont les Gardes Civiques sous le comman-
dement du Capitaine Reynier Reael et du Lieutenant Cornelis
Michiels Blau. Le tableau représentant cette compagnie qu'on appelait
la compagnie maigre était placé, avant l'installation actuelle du musée,
dans la salle du Conseil de guerre de l'ancien hôtel de ville.
De Frans Hais nous admirons une bonne copie (sans doute
exécutée par un de ses fils) du Bouffon dont l'original apparlient au
baron Gustave de Rothschild. Mais le chef-d'œuvre du maître est
incontestablement son Portrait avec Lysheth Reiniers , sa seconde
Femine. Cette peinture nous semble le dernier mot de la nature
parlante dans l'abandon de la pose la plus familière. Frans Hais au
costume noir que rehausse, dans une chaude opposition, une collerette
et des manchettes de dentelles est assis dans un jardin sur un talus, à
côté de sa femme vêtue d'un manteau violet, la tête souriante dans un
petit bonnet blanc au ruban rose. La large fraise tuyautée, les
manchettes de dentelles sont d'un très heureux effet.
*
* *
Notre but n'est pas de décrire, même en un résumé écourté, les
nombreux tableaux qui font du musée d'Amsterdam une des somp-
tueuses galeries de l'Europe, disposée et entretenue avec un soin
jaloux par des conservateurs de premier ordre. S'il fallait reproduire
toutes les notes jetées sur notre carnet , les dimensions de cette
esquisse s'élargiraient singulièrement. Nous nous bornerons donc à
mentionner les œuvres qui ont plus particulièrement attiré notre
attention.
De Van Dyck, la Madeleine repentante si souvent reproduite, et les
portraits si vrais, d'une si pure élégance de Guillaume IT, prince
d'Orange et de sa fiancée Marie Stuart, fille de Charles I", roi
d'Angleterre (1). François Vervilt a peint avec une grande maestria
(1) Nos compagnons de voyage en ont commandé une copie au jeune peintre
flamand Bernast qui exécute ceUe œuvre avec un sentiment très juste.
— 392 —
le Fils (Vun Amiral, sous le costume de Ruyter, ei l'on ferait à ce
tableau un gracieux pendant en y accolant la petite princesse dePaulus
Morelse, d'une grande clrgance d'arrangement qui met en valeur une
figure exquise.
*
Que dire des Pieler de Hooch, que l'on allait jadis admirer au musée
Van der Hopp et qui ont été installés dans le musée de l'Etat. La
bonne exécution des personnages, la peinture fine, une touche toute
particulière donnent à ce maître une personnalité très originale. Le
Cellier, la Maison de Campagne, trois tableaux intitulés Intérieur
nous fout apprécier mieux encore ce maître que personne aujourd'hui
ne saurait égaler.
Gérard Dou est aussi très bien représenté TpRrV Ermite, la Curieuse,
\'à Femme du Pêcheur, deux Portraits , et surtout par V Ecole du soir.
On ne reprochera pas à ce disciple de Rembrandt d'avoir laissé dans
l'ombre une partie importante du tableau au profit de quelques
personnages sur lesquels il voulait concentrer l'attention : à la flamme
d'une chandelle et d'une lanterne, tous les personnages apparaissent
en bonne lumière. Nous ne reviendrons pas sur les appréciations que
nous avons données plus haut au sujet du grand maître Ruysdael et que
corroborent la vue du Torrent, de VHiver, de la Forêt, et de la Vue
pynse de Hoj^lem.
Dans le Paysage avec Troupeau du vieux maître Wijuants, la facture
dénote une méthode large, les silhouettes d'arbres au second plan sont
exécutées avec une grande justesse de vision, sans la recherche d'un
détail qu'on n'aperçoit pas à distance dans la réalité ; les jeux de
lumière sont vifs et saisissants, et les teintes mordorées de l'arbre du
premier plan sont très harmonieuses.
Quel peintre osei'ait aujourd'hui tenter de renfermer le paysage
en un si petit espace, et donner au ciel une importance aussi grande
que le fait Jean van Goyen dans la ^hle de la Meuse et la Ville de
Dordrecht^ Combien exact, estl'ojttique (h' ce maître que l'on retrouve
à tout instant, en observant soi-même le paysage et les côtes delà
Hollande 1 II a rendu au mieux'ce qu'il a vu et son interprétation est
bien personnelle.
Ce sont ces mêmes qualités de haute sinc('rit<' artistique et de vision
- 393 —
précise qui distinguent Albert Cuvp dans sa peinture de la Ville de
Dordrccht. La fluidité bien aérienne du ciel, la richesse du coloris,
le jeu magique de la lumière donnent à cette œuvre un charme que l'on
retrouve dans tous les tableaux de cet observateur atlenfif ((uc la
nature impn^ssionne.
Le peintre du Taureau de La Haye, Paul Potter, tapisse de jolies
toiles le musée d'Amsterdam : les Bergers et leurs Troupeaux^
la Cabane du Berger, le Paysage avec du Bétail, les Chevaux et les
Vaches dans la Prairie et la Chasse aux Ours, où l'on pourrait trouver
pourtant que la tète de l'ours est peut-être trop effilée.
Nous avons aussi noté sur notre calepin les Parjsages avec Bétail
de Bergen et son Combat de Bœufs ; les Fleurs et Fruits de Jean
David de Hem et la Nature morte de \Mlleni Kalf.
Quand un amateur peu scrupuleux veut donner une attribution à un
tableau qu'il n'ose pas signer Rembrandt, il dit gravement c'est un Bol ;
que de fois les dessins à l'allure raphaëlique sont indiqués sous le nom
de Jules Romain ? Supercherie à part, il est incontestable que Bol s'est
rendu compte à merveille des procédés du nmître et qu'il les a appliqués,
non pas brutalement, à tort et à travers, comme le font aujourd'hui tant
d'élèves qui reproduisent la facture et les effets du maître ; il y a apporté,
le plus souvent, un discernement élégant. On en peut juger dans le
portrait dupeint7^e, cews. d'Artus Quellinus, de Rugter, de Roelot
Meulenaer et Maria Ray, son épouse. Si pourtant l'on veut constater
la différence qui existe entre l'élève et le maître, il suffit de regarder
les Sept régents de l'hospice dit Huiszittend, et de remarquer les allures
raides des Trois dames y^égentes de lliospice des lépreux, et surtout
les Quatre régents de la tnaison des lépreux, où une s(Mile tête est
expressive, celle du vieillard ; les trois autres personnages n'écoutent
pas. Ce n'est pas, non plus, Rembrandt qui aurait donné à Salomé
dansant devant Hérode une attitude aussi peu gracieuse.
Cornelis Drost n'oublie pas son maître dans Hérodiade recevant
la tète de St-Jean-Baptiste, non plus que Gerbrand VanEeckhouten
représentant la Femme Adultère et les Chasseurs se t^eposant.
~ 394 —
Copions les noies que nous avons prises sur le Joyeux musicien
de Gérard van Honthorst : l'exécution est large, le coloris est très varié
et l'allure du personnage très vivante. Dans un flou plein de saveur,
Nicolas Maes a peint la Fileuse et il a donné à son Benedicite une belle
expression, un coloris élégant : les deux petites natures mortes sur la
table, et dans un renfonceuient du mur, sont d'une belle exécution.
Adrien Brauwer a peint avec chaleur Y Orgie de village et le Combat
de Paysans. L'exécution est d'un grand fini de détail : ce peintre d'une
originalité pleine de saveur et d'une rare vigueur, nous fait voir, avec
un esprit endiablé, des figures caricaturales de paysans et de buveurs.
Les Gabriel Metsu, le Déjeuner, le Vieux Buteur, la Vieille en
Méditation, et surtout le Cadeau du Chasseur nous transportent dans
rintimité de cette vie hollandaise pleine de repos et de quiétude, qui
paraît ne s'être pas souciée des grandes luttes qui déchiraient alors les
Pays-Bas. 11 semble que les artistes de cette époque se soient retirés
dans leur tour d'ivoire, confinés en la douceur de leurs pensées, loin
du bruit des batailles et des inquiétudes passionnées des conspirations
et des convoitises belliqueuses. On devait tirer le canon sur plusieurs
points de la Hollande et guerroyer avec fureur, quand Jean Steen
peignait son spirituel Charlatan, la Fête de St-Xicolas, la Cage du
Perroquet, la Noce du Village, le Joyeux Retour, le Libertin,
YÉcu/fieuse^ la Leçon de Danse et la Joyeuse Famille, où, dans un
intérieur, tous, grands et petits sont groupés avec un art consommé,
causant, chantant, fumant, jouant de la flûte et de la cornemuse. On
sait que i*ct étudiant ès-Lettres de l'Université de Leyde avait fini par
transformer sa propre maison en un cabaret dont il était le tavernier.
Piodolphe Salis n'était donc pas un précurseur.
Adrien Van Ostade, nous fait revivre la vie du peuple hollandais
au XVir siècle, dans son Charlatan, le Boulanger, le Paysan en
(ioguette , la Société de Camjwgnards , la Halte de Voyageurs ,
Y Atelier de Peintre et Y Entretien Intimée.
Nous le répétons, c'est là que nous voudrions voir les peintres de
genre rechercher des formules perdues et demander à ces maîtres
comme aussi à Gérard Ter-Borg et à David Teniers, le secret de leur
simplicité, de cette réalité de vie, au lieu de s'enfariner et de s'afl'adir
dans des sujets maniérés et précieux.
— 39:) —
VII.
MONNICKENDAM. — ILE DE MARKEN
Après avoir consacré plusieurs journées à la visite des musées
et des galeries des grandes villes des Pays-Bas, nous avons eu la pensée
de nous rendre à Monnickendani et à l'île de Marken.
Un steamer d'excursions nous mène à travers les prés fleuris des
polders, jusqu'à la petite ville de Monnickendam dont le minuscule
clocher émerge depuis longtemps dans la brume.
La petite ville, aujourd'hui peuplée seulement de 1.800 habitants,
n'offre d'autres curiosités que sa belle église du XV^ siècle et quelques
maisons qui dénotent le bien-être d'autrefois. Nous croyons que des
philosophes quelque peu misanthropes pourraient encore trouver du
charme dans cette résidence fraîche et ombragée. Mais l'activité de la
vie qui nous dévore et à laquelle nous demandons un renouvellement
incessant de sensations ne trouverait peut-être pas son compte dans
un séjour prolongé, en ce lieu très poétique pourtant, mais tombeau
silence et à l'abandon. Si j'étais médecin, je conseillerais volontiers
une cure d'air à Monnikeudam à mes malades surmenés, et je ne doute
pas que les nerfs les plus distendus ne rencontrent ici une accalmie
qui leur rendrait l'équilibre.
Notre steamer siffle et nous appelle, nous regagnons la salle à manger
(soyons bon prince et maintenons ce nom trop décoratif à la cabine où
l'on nous avait installés). C'est là que nous trouvons à dévorer une
omelette et du jambon qui nous permettront d'attendre le bon dîner
du café Riche à Amsterdam. Provisoirement réconfortés, nous
remontons sur le pont, et nous ne tardons pas à apercevoir l'île de
Marken.
Dès l'arrivée, nous voyons dans un village propret et qui semble
tout luisant et mis à neuf, pour le plaisir des touristes, des matelots
habillés de vestes en gros drap et de braies à la bretonne, qui
paradent, une bonne pipe à la bouche, le chef surmonté d'un chapeau
haut de forme. Ils sont accompagnés de femmes aux douces figures
- 396 —
encadrées au front de cheveux blonds qui retombent en deux boucles
sur les côtés et en nattes onduleuses sur le dos, elles ont, connue les
finlandaises, des yeux do mvosotis, deux saphirs sous un hennin blanc
du plus gracieux effet ; le corsage est agrémenté de broderies et de
cretonnes coloriées ; la jupe courte laisse voir de vigoureux mollets
d'une structure un peu massive ; l'ensemble des couleurs est un mélange
de rouge et de blanc. Les enfants, dont le costume est très pittoresque
aussi, font clapoter leurs petits sabots verts et nous montrent de
gentilles frimousses casquées d'un étrange petit bonnet ; fillettes et
garçons sont vêtus de même, mais les futurs mousses se distinguent à
un petit rond brodé au sommet du bonneret.
Nos charmantes compagnes qui sont très expertes en l'art de
saisir au vol des photographies instantanées, sont obligées d'user de
tous les subterfuges pour braquer la lorgnette sur ces petits groupes
fantaisistes. Dès que les naturels remarquent leurs attitudes de photo-
graphes, ils exécutent des minauderies extravagantes et tournent
le dos de la façon la plus discourtoise ; est-ce que par hasard
les superstilions de l'envoûtement auraient créance encore en cette
île un peu sauvage?
Nous entrons dans plusieurs maisons de l'île, qui sont construites en
bois goudronné, et nous y admirons des placards, des bahuts, des
faïences de Dclft et du Japon.
Des étagères contiennent les cuillères, et à côté du lit placé dans
l'enfoncement du mur, s'agite le balancier d'une vieille horloge.
L'église, la maison d'école, celle de l'instituteur, celle du i)asteur
{doiuinc) celle du bourgmestre et aussi le bureau de poste, où Ton se
précipite pour écrire des cartes postales à ses amis, sont peints en
gris-brun ou en vert.
Les hommes paraissent robustes et leurs traits énergiques sont bien
ceux de vieux loups de mer, qui passent leur vie entre le ciel et l'eau ;
les femmes semblent plutôt chétives et leur alimentation purement
composée de poissons doit en être la cause.
Notre rctfjur à Amsterdam s'effectue de la façon la i)lns paisible:
après une douce traversée de deux heures, nous rejoignons le port
tout rempli de grands steamers qui vont aux Indes néerlandaises
chercher la richesse et la semer en pluie d'or, sur la bonne ville active,
grouillante, très agitée de négoce.
- 397 —
YIII.
ENKHUYSEN. — LE ZUIDERZÉE. — STAVOREN
Voici que recommencent à l'infini les polders avec leurs prés
émaillés de trèfle blanc et les nombreux canaux que le soleil teinte
en bleu. Çàetlà, quelques ponticules en bois, des vannes, des batar-
deaux coupent les ruisseaux bordés de roseaux géants et de joncs.
Les moulins couverts de chaume tournent leurs ailes colorées de vert
et de rouge, et c'est par centaines qu'on voit leurs bras s'agiter et
fendre le ciel. Don Quichotte aurait eu fort à faire en ce turbulent pays.
Les moulins sont le grand outillage de la stabilité des eaux, en
Hollande, et de leur bonne distribution ; la plupart actionnent, en effet,
des roues hydrauliques qui déversent les eaux dans des canaux de
dérivation, les autres moulent le grain, scient du bois, produisent de
l'huile, râpent le tabac, battent le lin.
Les fermes peintes en vert sont recouvertes de longs toits qui
descendent presque jusqu'au sol, à travers les rangées d'arbres qui
les encadrent et l'eau qui les contourne.
Nous traversons Zaandam, où le tzar Pierre le Grand est venu
apprendre à construire des bateaux et Hoorn qui donna naissance
au navigateur Guillaume Schouten, qui le premier doubla le cap de
l'Amérique et donna à la pointe le nom de cap Hoorn. Je connais des
gens modestes qui se seraient contentés de l'appeler cap Schouten.
Nous approchons da Zuiderzée : les flamants, les canards et les
mouettes volètent autour de nous, et nous embarquons à Enkhuysen
sur le paquebot « la Hollande » laissant à notre gauche la forteresse
du Helder et l'île de Texel, où la cavalerie de Pichegru a surpris, en
1795, la flotte hollandaise, arrêtée par les glaces ; à droite une longue
digue grisâtre, et plus loin, Stavoren, la ville du dieu Stavo, qui était
le Thor des Frisons. C'était en or pur, que les anciens de ce pays
forgeaient les verrous de porte et les garnitures que nous exécutons
en fer. — Nous débarquons et nous prenons le chemin de fer de
Stavoren à Leeuwarden.
Après avoir dépassé Stavoren, ancienne capitale de la Frise, tout le
paysage se teinte d'or avant le coucher du soleil, les nuages d'un jaune
rougeâlre, forment un décor flou sur lequel se détachent en douceur
les silhouettes des fermes et des moulins du second })lan ; les arbres
— 3«J8 -
s'estompent de brume, pendant que, sur le ciel, se pourchassent de
minuscules nuages blancs frangés d'or. Les derniers plans s'effacent
de plus en plus et s'évanouissent ; les grands bras des moulins coupent
l'horizon rétréci, des voiles rouges et blanches sont mollement secouées
sur les canaux qui bordent la route, et dans ce poudroiement d'or
et d'argent, on n'aperçoit plus que les profils des arbres qui entourent
les habitations voisines et les haies de saules à travers lesquelles se
tamise la lumière crépusculaire.
Les moulins disparaissent, et tout près de nous, au ras du sol, la
buée se lève et noie tout le pâturage dans le brouillard, cependant
qu'à l'opposé sur la longue traînée d'un nuage bleu foncé, la lune
émerge blanche sur les brumes argentées qui donnent à la campagne
l'aspect d'un bras de mer où flottent, comme des fantômes, les
silhouettes du bétail. L'illusion disparaît à notre arrivée à Leeuwarden,
la nuit est venue et la lune ne moire pas cette surface de prés endormis
dans un linceul qui reste compact dans sa blanche matité.
IX.
LEEUWARDEN. — GRONINGUE. — ARNHEM- —
NIMÈGUE
Leeuwarden ne se distingue pas des autres villes de la Hollande. Le
canal y est bordé de rangées de tilleuls, et les constructions donnent
les mêmes perspectives. Toutefois un je ne sais quoi de plus reposé
encore, un air délicieusement respirable, une belle et fine lumière
nous font goûter plus encore ici le prix de la vie et l'amour de la liberté,
que rend bien le brocard du vieux code frison : « Les Frisons seront
libres tant que le vent soufflera des nuages et que le monde existera».
Nous donnons un coup d'œil à la Kanselarij (chancellerie), palais de
justice construit au temps de Cliarh^s-Quint, transformé depuis en
j)nson, et la nouvelle salle des Etats, où des peintures décoratives
rappellent l'histoire de la Frise, puis le Musée, tout rempli de bijoux
filigranes, de coupes ciselées eu cristal de roche, de bourses aux
fermoirs élégants, d'ex-voto en argent, de reliures minuscules, de
belles étoffes en soierie, d'armes, de casques, de colliers, de l)oîtes
;i tabac en cuivre repoussé, d'aiguières et de ])uires en argent, de
lianaps en iv<jire sculpté, d'oliplianls en corn(.', de IxMilxmnières, de
— 399 —
miniatures. On y admire un beau vase en verre sur lequel sont peints
de naïfs animaux, daté de 1580 ; puis des étains, des sceaux, des
statuettes de bronze-et un intérieur hollandais tapissé de petits carreaux
de Delft.
Une désagréable surprise nous attendait dans la galerie de peinture:
les grands maîtres du XVIP siècle n'ont guère laissé à leurs neveux
l'amour des œuvres grandement conçues et exécutées avec un riche
coloris. On n'y voit, en effet, que de la peinture sucrée et fade, dans
une fausse interprétation des mignardises du XVIIP, la Balançoire
par Cortazzo, deux Allégories maniérées de Schaeffer, des Roses de
Schummer, genre chromo, alors que notre œil est tout rempli encore
des chaudes visions d'Amsterdam et de Harlem. Pareille émotion m'a
déjà attristé en rencontrant au premier étage de la galerie de Dresde,
de déplorables morceaux de toiles sans couleur, sans dessin, des
modernités sans saveur, alors que j'étais tout à l'impression vivante de
la Vierge de Saint Sixte, des éclats picturaux de Rembrandt et des
œuvres étourdissantes de décoration et de coloris de Rubens.
Si l'on fait exception en faveur d'un Paysage de Backhuysen, une
MaïHne deMesdag, et de trois tableautins de Metzmalver, on n'y trouve
que des sujets attristants de trivialité prétentieuse : une Italiemie de
Skool, napolitaine pommadée, qui fait pendant à une femme peinte en
stéarine et qui tient, en ses mains, des pigeons. Ici, l'auteur, par une
discrétion qui l'honore, n'a pas signé, et le catalogue porte la mention
maître inconnu {Onbckcnd ineester). Cette mention mise au bas de
certains tableaux avait semblé si étrange, lors d'un précédent voyage
dans les Pays-Bas à un mien ami, très peu versé dans la matière,
qu'il ne manquait pas de se vanter de connaître les œuvres, autant
diverses que variées du célèbre maître Onbekend.
Nous passons encore devant des paysages d'une tonalité criarde,
avec des arbres peints d'une manière enfantine. Nous poussons un
soupir et nous sortons étonnés de ne pas rencontrer les ombres
majestueuses de Frans Hais et de Rembrandt, s'apprêtant à briser
tous ces faux ornements en écrasant sous la voi!ite les Philistins qui les
admirent.
Heureusement nous nous consolons du spectacle écœurant de
cet art sans pensée, sans souftle, sans moyens, en détaillant une des
plus remarquables collections de faïences qui se puisse voir : des Delft
de toutes formes avec les moulins peints en celte teinte bleue si
décorative. Tout un pavillon étale, en de gigantesques vitrines, à côté
— 400 —
de belles œuvres hollandaises, les porcelaines de Chine, du Japon, do
délicieux Saxes et des vases de l'Inde, aux formes bizarres, au grain
fruste, décorés d'une alternance d'ornements carmins et de couronnes
feuillues de rose, le tout exécuté très largement.
Nous quittons Leeuwarden et nous voilà en route pour Groningue»
Au risque d'être accusé de chercher des leitmotii: et des harmonies
particulières, nous devons dire que la lune d'hier nous attendait à la
gare et éclairait un moulin pittoresque planté tout contre le hall : les
ailes tournaient follement comme un derviche.
A Groningue, sur la place principale se dresse le beffroi et l'église
St-Martin avec son carillon un peu mélancolique. La ville est tracée
de façon très régulière, mais le Conseil échevinal n'a pas forcé, comme
en certaines villes françaises de notre connaissance, tous les habitants
à se tailler dans un cube uniforme de pierres, des logis mathématique-
ment pareils.
La nature des matériaux est variée, la brique s'allie tantôt à une
pierre bleue très ornementale, tantcM à des pierres blanches; les
habitations ont des hauteurs différentes, les fenêtres, les baies, les
balcons, les pignons dansent une sarabande très amusante pour l'œil.
Sur le devant des trottoirs, des bancs de pierre forment des antici-
pations, et le soir la famille vient prendre le frais sans que les
promeneurs songent à se plaindre.
Après avoir admiré le délicieux bois de Groningue et fait le tour des
anciennes fortifications qui avaient été construites par le général
Coehorn, un émule de Vauban, nous partons à Arnhem par Zwolle.
A Arnhem les polders ont disparu, nous voici sur les bords du Rhin,
dans un frais paysage surmonté de collines boisées. Nous sommes en
Gueldre « Haute en courage, petite en biens, une épée à la main, c'est
là le blason de hi Gueldre ». Toutes les maisons bâties sur la route de
Rozendaaël sont enguirlandées de vignes vierges et entourées de beaux
arbres au milieu de jardins colorés des fleurs les jtlus variées; les
jaunes et les violets, les rouges sur les verdures forment les i)lus
chauds contrastes. .
Nous nous rendons à Bronbeck, pour visiter la maison de retraite
— 401 —
des Invalides de la Marine et le musée colonial installés au milieu d'un
parc enchanteur. Nous y admirons d'intéressantes collections de vieux
canons pris à l'ennemi, des armes à poignées d'or et d'argent d'un
élégant travail oriental, des colliers et des médaillons filigranes et
ornés d'émaux que portent les Atchinois, sans oublier d'ailleurs des
collections de flèches empoisonnées.
Dans la chapelle, cliaquc dimanche, la messe catholique est dite
après l'office protestant. La bibliothèque avec de nombreux portraits,
une salle de billards où les bons vieux revenus des colonies lisent des
journaux hollandais, français et allemands , le réfectoire rempli de
naïfs tableaux de batailles, sont organisés à souhait pour agrémenter
les derniers jours de ces loups de mer, qui ont plaisir à raconter leurs
campagnes.
Nous voici arrivés à notre dernière étape en la ville de Nimègue.
Nous saluons le Stadhuis où a été signé le traité qui a arraché notre
Flandre française au joug si douloureux, si oppressifdes Espagnols et
nous allons par la campagne luxuriante, admirer à Berg-en-Daal, le
beau panorama de la vallée du Rhin, Au fond, le fleuve s'étale comme
un lac argenté vers lequel dégringolent les divers plans du tableau aux
masses d'arbres touffues.
Le lendemain, nous repassons par Bréda en songeant au magistral
tableau du Prado (Las Lanzas) de Vélasquez et nous donnons un
amoureux salut, à Tilbourg, au dernier moulin de la Hollande.
LA SITUATION MILITAIRE
DES PUISSANCES EUROPÉENNES EN EXTRÊME-ORIENT EN 1838
Par L. T.
AVANT-PROPOS.
Assurément le continent asiatique n'est pas, au même titre que le
continent africain, un champ d'action pour notre activité nationale;
nous ne pouvons prétendre y jouer un rôle aussi important au point de
vue de l'extension de l'influence et du commerce ; néanmoins
nous y avons des intérêts en jeu et nous ne pouvons rester
— 402 —
spectateurs indifférents de la grande lutte t[ui s'y livre en ce moment
entre la Russie et l'Angleterre ; lutte qui s'est bornée jusqu'à ce jour
à une lutte d'influence, mais dont nous ne pourrions nous désintéresser
si elle venait à changer de caractère.
Quand au XYIIF siècle Française! Anglais et, avant eux, Hollandais
et Portugais se disputaient la possession des Indes, ils ne cherchaient
que les riches bénéfîees que devait donner l'exploitation du paradis
terrestre décrit par Marco-Polo; aujourd'hui, cela ne suffit plus à la
vieille Europe qui, menacée de pléthore, cherche dans la Chine un
débouché à sa surproduction.
Quand à la suite des événements de Koudja (1878) et du Tonkin
(1885), l'Europe surprise vit la Chine se préparer à la guerre et vouloir
imiter l'Europe dans ses armements à outrance, il ne fut plus question
que du « péril jaune » et ce n'est pas sans inquiétude qu'on se
demandait quelle résistance pourrait offrir l'Europe quand, son
outillage terminé, le Céleste Empire se dresserait devant l'Occident
avec une armée de 40 millions d'hommes.
Pure fantasmagorie ! Non seulement le « Fils du Ciel » n'a jamais
médité de si sombres projets pour l'avenir de l'Europe, mais c'est
plutôt à un mouvement inverse : l'invasion du continent jaune par
l'Europe en vue du partage des richesses d'un nouvel « homme
malade » auquel nous assistons.
A la production accrue de l'Europe il a fallu de nouveaux débouchés :
d'abord on dépeça l'Afrique, on se la partagea, puis on s'est tourné
vers ce marché chinois qui, avec ses formidables agglomérations de
population, ses productions variées passe, à tort ou à raison, pour une
panacée universelle devant sauver les industries et le commerce
européens des crises qui les étouffent.
Toutes les convoitises sont allumées et sur toutes les frontières de
l'Empire : Russes, Français, Anglais, Allemands, Japonais se disputent
la suprématie du « marché jaune ».
La Russie, au Nord, par Maïmatchin, au travers des déserts de
Mongolie, à l'Ouest par le Pamir et le Turkestan tente de drainer à son
jirufit ce commerce chinois et de monopoliser les échanges par voie de
terre. Mais la présence du Moscovite sur l'Oxus a apeuré l'Anglais
pour qui « Salus Indiœ, suprema lex » et c'est pour protéger la
presqu'île sacrée qu'il a étendu son influence vers le Nord en Afgha-
nistan, en Caciiemire ; augmenté son armée, créé des chemins de fer,
organisé des forteresses. La Russie n'est pas restée en arrière et c'est
-r 403 —
avec des forces non moins considérables qu'elle marche au-devant
de sa rivale.
Fidèle aux principes de Cromvell, l'Angleterre a confié sa fortune
aux flots et c'est par les ports qu'elle a tenté, en grande partie, la
pénétration de l'Empire du Milieujusqu'au jouroù, cantonnée à l'étroit
dans l'Inde, l'activité de ses négociants s'est mise à chercher par les
vallées de l'Iarouaddj, du Salouen... une roule qui conduisit au
Setchouen, mais là elle a rencontré la concurrence des Français
établis sur les bords de Mékong.
Qu'on y songe bien, sur les confins de la Perse, le Cosaque et le
soldat de l'Indian Army montent la garde en face l'un de l'autre, vers
l'Est sur le Mékong Anglais et Français sont aux prises et toutes les
flottes européennes croisent dans le golfe du Petchili. C'est là une
situation grave ; les événements récents qui se sont déroulés en
Afrique ne nous ont peut-être pas permis de la suivre avec assez
d'attention, mais il importe de la connaître.
Qu'une étincelle mette le feu aux poudres et non seulement l'Europe
sera en proie à l'incendie mais la guerre se répercutera jusqu'au cœur
de l'Asie
Enfin un peuple jeune, de la même race, a osé disputer à l'Europe le
marché chinois : c'est le Japon qui a écrasé militairement la Chine afin
de pouvoir lui imposer un servage économique sur lequel il aurait pu
fonder son hégémonie dans l'Asie orientale. Cette combinaison n'a
échoué que grâce à l'attitude ferme et décidée de la diplomatie russe.
Considérant successivement chacun des théâtres où les compétitions
européennes se sont trouvées aux prises, nous allons essayer de retracer
les phases de l'établissement et d'étudier la composition des forces, afin
d'en dégager l'emploi que Russes, Anglais, Français, Allemands ou
Japonais peuvent être appelés à en faire, soit pour obliger la Chine à
s'ouvrir à leurs nationaux, soit pour disputer aux ambitieux appétits de
leurs voisins le monopole de ce marché si convoité.
Le premier chapitre sera consacré à l'étude du Céleste Einpire, but
de toutes les convoitises.
Dans le deuxième, nous étudierons l'extension de la puissance russe
en Sibérie et dans la partie Nord de l'Asie orientale.
Dans le troisième, les conséquences des eff'orts persistants des Russes
pour s'ouvrir, sur le théâtre de l'Asie centrale, la route du Pamir et les
mesures prises par les Anglais pour sauver du péril moscovite le plus
beau fleuron de la couronne d'Angleterre.
— 404 -
Dans le quatrième, les luttes et les uégociations des Français et des
Anglais en Indo-Chine pour s'ouvrir les voies les plus directes de
pénétration vers le marché méridional de la Chine.
Dans le cinquième, les conditions dans lesquelles pourra se produire
le choc des armées entretenues par l'Europe sur le continent jaune.
CHAPITRE I.
LE CÉLESTE EMPIRE.
C'est 'vers la Chine que toutes les compétitions européennes se
portent actuellement.
Cet empire affecte, en y comprenant les pays tributaires, la forme
d'un immense triangle, ayant ses sommets au Pamir, à l'embouchure
du Si-Kiang et à celle de l'Amour. Sa superficie totale est d'environ
13 millions de kilomètres carrés, celle de l'Europe étant inférieure à
10 millions, et il est habité par une population de 400 à 450 millions
d'habitants, celle de l'Europe entière ne dépassant pas 330 millions.
La Chine est un pays presque exclusivement agricole. La partie
orientale et méridionale dont le sol jaune a été formé par les
alluvions des grands fleuves, jouit d'un climat analogue à celui du
bassin méditerranéen. Le riz, dont la culture occupe un huitième des
terrains cultivés, le thé, la canne à sucre, la soie, les céréales, la
vigne, le mûrier, l'indigo, sont les principaux éléments des récoltes.
Les forêts ne s'étendent plus guère que dans les régions monta-
gneuses du nord et du nord-ouest et les difficultés de transport en
limitent beaucoup l'exploitation. La culture du coton, autrefois assez
largement pratiquée, diminue chaque jour en présence de la concur-
rence des Indes et des tissus importés d'Angleterre.
Il est presque impossible d'évaluer l'importance des différentes
récoltes ; on estime cependant que le riz doit donner environ
300 millions d'hectolitres, et le thé 100 millions de kilogrammes ; la
production de la canne à sucre dépasse les besoins de la consommation.
Le Tse-Kiang et le Kouang-Si où semble plus spécialement localisée
la production de la soie, en exportent pour environ 200 millions de
francs, principalement par le port de Schanghaï.
En dehors des produits (K' l'agriculture, la Chine pourrait tirer de
son sol des éléments très importants de richesses qui sont jusqu'à
présent assez négligés.
— 405 —
On sait que la Chine renferme un immense bassin houiller, dont les
principaux affleurements se trouvent dans le Pelchili, à quelques kilo-
mètres au nord de Pékin et dans le Chantoung. Ce bassin a une
étendue de plus de un million de kilomètres carrés, couvrant
deux fois la superficie de la France, et l'on estime qu'il pourrait
satisfaire j tendant plusieurs milliers d'années aux besoins du monde
entier. L'exploitation est commencée sur quelques points avec les
procédés les plus primitifs. D'après les recherches du savant géologue
Allemand Richtofen, la province du Setchouen possède des terrains
carbonifères dont retendue est d'au moins 60.000 kilomètres carrés. A
côté du charbon, on trouve dans le Chantoung et dans le Chemsi, du
minerai de fer et quelques gisements de cuivre et de plomb. Au
Yunnam, l'industrie métallurgique s'est pratiquée depuis un temps
extrêmement reculé. On connaît en Chine plusieurs gisements de
métaux précieux, or et argent, qui ont, paraît-il, une très grande
importance, mais dont l'exploitation serait entravée par des règlements
spéciaux qui limitent la production dont le total ne semble pas
dépasser une valeur d'environ 30 millions, alors qu'on pourrait
atteindre un chiffre beaucoup plus élevé. Ces gisements sont répandus
dans les provinces du sud et de l'ouest.
On sait qu'il existe également des puits fournissant du pétrole ana-
logue à celui qui est recueilli en Pensylvanie.
Le sel gemme donne lieu, dans le Petchili et dans le Setchouen
à une exploitation très active, concurremment avec les salines du
littoral de la mer.
Le Kaolin, qui doit son nom à une ville chinoise, est extrait principa-
lement du lac Poyang et fait l'objet d'un commerce très important.
On voit donc que cet immense pays renferme de très grandes
richesses naturelles. L'agriculture fournit certains produits qui,
comme le thé et la soie, alimentent un commerce d'exportation très
important ; l'exploitation des richesses du sous-sol : charbon, argent,
or, cuivre, antimoine, ne sera possible qu'autant que des voies de
communication auront été créées, et il se passera encore de nombreuses
années avant qu'arrivée à un point suffisant de civilisation, la Chine
puisse tirer profit de ces richesses latentes. Le commerce extérieur,
dans lequel l'exportation l'emporte de beaucoup sur l'importation,
dépasse le milliard ; en particulier, celui de Schanghaï s'élève à
400 millions et celui de Hong-Kong atteint 150 millions. La
Russie, l'Amérique, l'Angleterre sont tributaires de la Chine pour
27
- 406 —
le llié ; la Franco, l'Allemagne, le Japon pour la soie. Depuis
une quarantaine d"années, l'Europe a payé, argent complant,
à la Chine ses produits, mais elle n'a encore, à l'exception du matériel
de guerre et de quelque outillage industriel, que peu importé de
produits manufacturés, il s'en suit qu'une notable quantité de numé-
raire , argent d'Europe . demeure inutile aux mains des sujets du
Céleste Empire.
Toutefois, depuis une dizaine d'années, la pénétration européenne a
fait de grands progrès et il importe de noter une très sensible augmen-
tation dans les importations.
L'Angleterre, depuis 1860, a rêvé de se résen^er le monopole
exclusif du commerce avec l'immense empire asiatique. Sa conduite
comme à l'habitude fut prodigieusement habile en même temps que
parfaitement égoïste. Elle consista à embrasser la défense des intérêts
delà Chine avec plus d'ardeur que le gouvernement lui-même, non
pas ouvertement, mais en se fiant à l'habileté de quelques sujets
anglais entrés au service de la Chine et dirigeant tous leurs efforts
contre les autres nations européennes et en particulier contre la Russie
et la France.
Elle trouva l'agent idéal de cette politique pratique chez un homme
d'un réel talent, sir Robert Hart. qui parvint à gagner la confiance du
gouvernement chinois, au point de se faire confier la direction de
toutes les douanes do l'Empire. Une multitude d'agents anglais
envahit cette administration, qui, en contact journalier avec le Tsung-
li-Yamen lui inspira sa politique hautaine et tenace, lors des démêlés
de la Chine avec la France en 1884-85.
Fort heureusement, l'action sans cesse croissante du service de
M. Hart sur le gouvernement finit par effrayer l'entourage de
l'Empereur et l'influence politique de l'agent anglais baissa beaucoup,
durant ces dernières années, alors que celles de ses adversaires, Russes,
Français, Allemands allaient grandissantes.
Si aujourd'hui l'Angleterre a toutes les facilités pour faire prévaloir
ses produits dans les ports qu'elle occupe, la Russie a toute liberté
d'action dans la partie septentrionale, la France dans le Sud, et
l'Allemagne, favorisée par Li-Hung-Ghang, dans le Petchili et le
(^hantoung.
Chacun avait sa part et l'Empire chinois paraissait assez vaste pour
que des intérêts contraires puissent ne pas se trouver eu présence ; los
derniers incidents ont ])rouvé le contraire.
— 407 —
Ecartant presque du débat la Chine que l'on peut à peine considérer
comme une nation, nous allons étudier la situation faite à chacun des
rivaux.
Et tout d'abord, comment la Chine pourrait-elle s'opposer aux
ambitions de l'Europe, possède-l-elle seulement une armée ?
Cet Empire de 400 millions d'habitants, moins étendu que la Russie,
mais plus peuplé, avec un sol et un sous-sol riches, une population
laborieuse sendîlerait devoir tenir la première place. Le mépris que
ses habitants ont toujours eu des choses de la guerre, le met aujourd'hui
à la merci de ses adversaires, qui déjà rêvent le partage de ses
dépouilles, tant sa dislocation semblera, à un moment donné, naturelle
(N. Horman).
Depuis plus de cinq cents ans, ce pays n'a pas varié et ses institutions
n'ont pas changé; ce peuple, hostile à tout progrès, est immuable,
aussi ses armées, bandes de gens de sac et de corde, ne peuvent-elles
être comparées qu'à ces bandes de routiers qui, au Moyen-Age,
parcouraient l'Europe en dévastant tout sur leur passage. C'est à peine
si, à la suite des échecs subis au Tonlvin en 1885 et, plus récemment
en Corée en 1895, il a tenté d'y apporter quelques perfectionnements,
très localisés d'ailleurs.
En Chine, le service militaire n'est évidemment pas obligatoire ;
tous les soldats sont des volontaires.
L'armée se compose de deux parties bien distinctes :
F L'armée des Mandchoux ou des Huit Etendards ;
2° L'armée chinoise proprement dite ou de l'Etendard Vert.
L'armée mandchoue se divise en huit groupes, que l'on distingue
par la couleur de leurs étendards ; de là vient le nom d'armée des
drapeaux ou des Huit Etendards. La plus grande partie de cette armée
réside à Pékin ou dans les environs el forme une sorte de garde
impériale, dont l'effectif est de 60.000 hommes. Mais la plupart d'entre
eux remplissent des fonctions étrangères à l'armée et, en réalité, on
ne peut compter que 13.000 hommes, organisés en troupes de campagne
et ayant quelque valeur militaire. L'autre fraction de l'armée des Huit
Etendards, ayant un effectif de cO.OOO hommes est cantonnée dans les
principales villes de la Chine, dans les trois provinces de la Mandchourie
et dans la partie occidentale de la Mongolie. Mais cette armée a perdu
les vieilles traditions guerrières, qui ont fait sous Gengis-Khan et sous
— /i08 —
Tamerlan sa réputation ; elle est mal organisée, mal outillée et mal
commandée.
L'armée de l'Etendard Vert n'est composée que de Chinois ; c'est
l'armée vraiment nationale. Elle est organisée par province. La Chine
se divise en dix-huit provinces. A la tète de chacune d'elles se trouve
un gouverneur ou vice-roi qui a des pouvoirs civils et militaires. Ces
fonctionnaires dépendent du gouvernement central, mais, en réalité, ce
sont de véritables satrapes ({ui agissent à peu près comme bon leur
semble, dans l'étendue de leur gouvernement. Suivant les goûts et les
aptitudes do ces gouverneurs, les troupes de la province sont plus ou
moins bien organisées : elles le sont généralement très mal ; les soldats
peu payés étant obligés, pour subvenir à leurs besoins, de se livrer à
d'autres occupations. Cette armée, dont l'effectif sur le papier est de
600.000 hommes, n'a aucune espèce de valeur.
Lorsqu'une guerre éclate, on fait appel aux. Braves : ce sont des
volontaires recrutés pour la durée des hostilités ; ils sont bien payés et
constituent la partie la plus solide de l'armée chinoise. C'est vers l'année
1850. au début de la grande insurrection des Taïpings qui désola les
provinces méridionales de la Chine, et particulièrement le Yunnam,
que le gouvernement chinois eut recours, pour la première fois, aux
volontaires. Ces hommes, recrutés surtout dans la vallée de Yan-tse-
Kiang, dans les provinces de Houpé et du Ho-nam, se battirent très
bien et méritèrent le nom de Braves qu'ils s'étaient donné.
Lorsque l'insurreclioii fut terminée, ces Braves rentrèrent dans leurs
foyers et les rlébris des Taïpings continuèrent à errer, en grandes
bandes, sur les contins de la (^liine et de l'Annam ; nous les avons
retrouvés, au Tonkin, sous le nom de Pavillons-Noirs. En 1884, lors de
la guerre du Tonkin, le gouvernement chinois fut encore obligé de
faire appel aux Braves. Il put en réunir une cinquantaine de mille
provenant principalement des provinces méridionales de Yunnam, du
Quang-Si et du Quang-Toun.
Les Braves sont au nombre d'environ cent raille répartis d'une façon
assez inégale dans les dix-huit provinces de la Chine. Ils ne forment
d'ailleurs pas un corps pcTmanent. Les gouverneurs ne disp(jsent donc,
en réalité, dauciiiie force militaire sérieuse. (Cependant, dans ces
dernières années, à la suite de la gui'rre du Tonkin, ([uelques gouver-
neurs i)lus claii'voyants ont essayé (h* réagir contre la t()r[)(Mir de leurs
comi)atriotes, de tirrr p;nli des immenses ressources ({ue présente
l'armée de l'Etendard Vert et d'organiser des troupes à l'image des
nôtres.
Déjà, en 1860, le gouvernement impérial avait accepté le concours
des contingents français et anglais débarqués dans le golfe de Potchili,
pour organiser des troupes destinées à combattre la révolte des
Taïpings. Le colonel anglais, sir Gordon en prit le commandement.
La paix rétablie, ces soldats furent licenciés et l'armée chinoise retomba
dans le néant.
Toutefois, eu 1878, lors des événements de^ Kachgarie, le
maréchal Tso sut organiser une colonne de troupes bien outillées, fortes
de 25 à 30.000 hommes (*t munies d'une artillerie moderne, lesquelles,
par leur présence sur la frontière russe, appuyèrent puissamment les
réclamations de la Chine relatives au territoire de Koudja ; de même,
en 1885, au Tonkin, nos troupes trouvèrent devant elles des adversaires
bien pourvus de l'armement et des engins les jilus perfectionnés des
armées modernes.
Et bientôt, l'imagination aidant, on ne parla plus en Europe que de
l'évolution militaire de la Chine et de ses formidables préparatifs.
Tien-Sin, relié par un ch(;min de fer à Pékin, devenait le véritable
centre industriel militaire, tandis qu'à Port-Arthur se créait une flotte
redoutable ; qu'à l'arsenal de Takou, des milliers d'ouvriers dirigés
par un artificier de Berlin, fabriquaient des quantités de projectiles ;
qu'à Hang-Yang se forgeaient des armes ; qu'à Nankin s'élevait un
formidable arsenal d'où devaient sortir les canons et les munitions
destinés à l'armée et à la marine ; qu'à Fou-Tcheou s'achevait un
dock assez vaste pour recevoir les cuirassés les plus puissants ; que
toutes les côtes et toutes les frontières de l'Empire se hérissaient de
redoutables fortifications ; que les vice-rois du Fo-Kien, de Nankin,
du Houpé et surtout celui du Petchili, le fameux Li-Hung-Chang,
avec les meilleurs éléments de leurs provinces , formaient des corps
spéciaux , dont l'instruction était confiée à des officiers européens,
achetaient des navires en Europe et organisaient des escadres.
La foudroyante campagne des Japonais, en 1894, a fait justice de
tous ces racontars : l'armée chinoise n'est qu'un mythe. L'Empire du
Milieu est incapable de se défendre, c'est une proie facile, les événements
de Kiao-tcheou l'ont bien prouvé.
En résumé, la Chine dispose :
ilO
r Des Braves 100.000 huiumes.
2" Contigents de rannée de l'Etendard Vert
(Iroupes organisées à reuropéenne du Petchili,
Houpé, du Nankin) 150.000 »
3" Armée des Huit-Etendards (armée de Pékin,
Troupes de la Mandchourie, en partie organisées). 60.(XX) »
Total 310.000 hommes.
En réalité, elle ne saurait même pas arriver à ce total (1). Il n'y a
pas en effet de solidarité entre les diverses parties de l'Empire et il ne
saurait être question ici de mobilisation générale de toutes les forces
du pays. Chaque gouverneur est chargé de défendre, avec ses propres
forces, la partie de la frontière qui touche à sa province.
Sur mer, elle peut équiper :
1
^^^^
BATIMENTS
BATIMENTS APTES AU
COMBAT.
INAPTES
AU COMBAT.
-/. /-
Nombre
g é.
-r.
y.
■ ï; 3
de canons
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Flotte du Petchili
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1
»
2
1
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5
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»
»
»
»
2
1
17
11
» de Fou-Tchêou
» de Schangaïl
»
1
1
■i
»
»
»
•)
»
» de Canton
»
>>
3
»
»
»
»
()
ir,
1
{A suivre).
(1) Dans la guerre de 18i»'(, alors que le principe même de son existence était
enjeu, la Chine n'a pu envoyer sur la frontière menacée que :
Contingents organisés du Petchili et Braves r)0.00() hommes.
Armée mandchoue "0. ()()() »
Total 100.000 hommes.
et les l'i bâtiments île l'e.scadre du Nord.
- 411 -
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPfflE DE LILLE
EN 1898.
A TRAVERS LES VOSGES ET LE JURA
Excursion du IG rn.r 23 Juillet 1898.
Orya7%isatenrs : MM Fernaux et Galonné.
Fursuii et /lœi; olim meminisse juvaOil.
Enéide.
Notre cœur est plein d'amour pour la P'ranco notre patrie, visitons-la beaucoup
et nous serons convaincus qu'elle mérite Taffection et le dévouement que nous lui
témoignons. Notre Société de Géographie sait que la mode des voyages à l'étranger
a prévalu trop longtemps ; le cosmopolitisme qui se répand dans toute l'Europe
par l'expansion des voies ferrées, procure des déceptions à bien des touristes qui
croient encore trouver, rien qu'en traversant la frontière, des gens et des choses
extraordinaires. Les voyages à travers le monde civilisé doivent maintenant n'avoir
bien souvent d'autre but que l'étude ou les affaires ; les curiosités sont peu nom-
breuses à l'étranger qui n'ont pas d'équivalent dans notre belle France, on ne doit
les rechercher que lorsqu'on sait les comparer aux nôtres.
Les premiers voyages de plaisir doivent principalement se faire chez nous, pour
ne pas prodiguer chez les autres les premières admirations, toujours les plus per-
sistantes. Quand on a vu la Savoie et le Dauphiné, les Gévennes et les Pyrénées,
le Jura et les Vosges ; quand on a visité la merveilleuse Côte d'Azur ou les rivages
pittoresques de la Bretagne et de la Normandie, quand on a poussé même jusqu'en
Algérie et en Tunisie, on peut aller voir s'il y a mieux ailleurs et l'on n'aura pas
chez l'étranger des enthousiasmes de novice qui sont exploités sans qu'on puisse
même réfuter les exagérations. 11 y a beaucoup de patriotisme dans cette méthode,
il y a aussi de l'habileté utilement employée.
Nous prêchons par l'exemple à la Société de Géographie et nous usons des
voyages à l'étranger dans une juste mesure de comparaison et d'étude. M. Fernaux,
l'infatigable doyen de notre Commission des excursions, toujours sur la brèche,
vient de nous conduire avec l'aide d'un collaborateur également bien sympathique
dans une région qui est l'idéal du pittoresque aimable et poétique. Notre prome-
nade à travers les Vosges et le Jura a été non seulement un enchantement , mais
encore une splendide leçon de choses au point de vue géographique ; nous allons
essayer d'en donner la preuve.
— 112 —
Vers Nancy. — Le samedi 16 Juillet, nous prenons à 5 h. du matin, le train
qui doit nous transporter à Nancy ; on le nomme express, c'est déguiser un peu la
vérité, car nous ne serons à Nancy que dans 12 heures. A Valenciennes, au pays
noir, un arrêt de 30 à 40 minutes permet de voir le vaste square de la gare et de
pousser en ville jusqu'à la délicieuse statue de Watteau. A 7 h., nous repartons à
travers la forêt de Mormal et les coquets villages qui en sont voisins. Vers 9 h.
nous arrivons à Avesnes, quittant l'immense plaine qui, depuis Dunkerque, ne
cesse de s'élever pendant 180 kilom. pour atteindre ici l'altitude de 150 m., et
20 kilom. plus loin à sa limite extrême, celle de 235 m., la plus élevée de tout le
département. Nous entrons déjà dans la contrée accidentée que signalent les
rampes menant aux premières ramifications des Ardennes : Fourmies et ses coteaux
accentués, Anor avec son joli lac et ceux qui s'étalent sous les bois ombreux vers
Solre. A 10 h. nous sommes à Hirson, limite du réseau du Nord et aussi de l'oc-
cupation prussienne il y a 27 ans. Nous circulons à une altitude voisine de 200 m.;
nous entamons la région des terrains primaires où l'on trouve les ardoises, les
quartzites, etc.
A H h. 30 nous arrivons à Charleville-Mézières sur la Meuse, altitude 149'",20,
Lille à 151 kilom. Après un court arrêt, nous embarquons des déjeuners en hauts
paniers ronds qui vont nous procurer une douce satisfaction, et l'encombrement
qu'ils produisent excite notre gaîté et notre verve ; le moment est propice , car
nous suivons la vallée de la Meuse, ici marécageuse et insignifiante jusqu'à Sedan.
Bientôt, cependant, un souvenir pénible nous rend graves et nous attriste quand
nous traversons la contrée oii naguère surgissaient nombreux dans les champs, il
me semble les voir encore, des monticules allongés, les tombeaux de nos soldats,
épars autour des villes et des villages en ruines. Vous , vaillants défenseurs de la
Patrie tombés à Bazeilles et autour de Sedan, vous avez mérité notre admiration,
que la terre vous soit légère, elle est restée française.
Par Montraédy, nous sortons bientôt du département des Ardennes , pour
côtoyer quelque peu celui de la Meuse et, longeant la vallée de la Chiers, quitter la
Champagne pour pénétrer en Lorraine, en entrant déjà dans Meurthe-et-Moselle
par Longuyon.
Ensuite, après Conflans et les collines de l'Argonne, nous nous trouvons tout à
fait dans le bassin de la Moselle ; c'est-à-dire qu'après le terrain crétacé, première
assise du secondaire, nous abordons le terrain jurassique qui, jusqu'à Nancy,
donne l'oolithe à bâtir, ou bien les calcaires argileux, à chaux hydrauliques du
lias que caractérisent les gryphées virgules ; étage voisin du triasique dont nous
rejoindrons les marnes au delà de Nancy.
Nous sommes ici bien proches de Metz et nous suivons la frontière ; des champs
trop arrosés de sang français s'étendent encore autour de nous ; à quelques mètres
sur notre droite, nous voyons la pyramide de Mars-la-Tour.
Il est 3 h., les coteaux défilent plantés de vignes et souvent aussi d'un houblon
maigre ; les paysannes cachent leurs traits sous les bavolets d'une coiffe de forme
cylindrique horizontale, les habitations ont déjà les grands toits aplatis des pays
montagneux ; la campagne a son cachet particulier. Voilà Pagny-sur-Moselle, au
dangereux incident ; Pont-à-Mousson et sa nombreuse garnison, puis Frouard, au
confluent de la Mcurthe et de la Moselle qui vient de Toul ; nous verrons leurs
sources à l'extrémité des Vosges ; la chaleur est étouffante, nous constatons, pen-
dant plusieurs heures, 32" danj notre wagon tout ouvert.
Nancy et la Lorraine. — Enfin à -i h. 30 nous débarquons à Nancy, ancienne
capitale de la Lorraine, jadis chef-lieu de la Meurthe et aujourd'hui de Meurthe-et-
^ 413 —
Moselle; ville de 30.000 habitants après 1815, elle en possède maintenant plus de
SJO.OOO ; altitude 212 m. ; longitude E. 3" 51', latitude 48° 41'. La Meurthe passe à
proximité de la ville, mais le canal de la Marne au Rhin passe entre elles, allant
d'Épernay à Strasbourg par le col de Saverne.
Les statues de Thiers, de Mathieu de Dombasle, la Banque, le Lycée, la Biblio-
thèque défilent sous nos yeux dans un parcours de 400 m., de la gare à l'hôtel, oii
dans des chambres confortables, Tair frais et Teau limpide remettent notre vigueur
à son point, et aussi curieux que [dispos nous sortons pour explorer Nancy-la-
Belle.
En 1893, l'excursion qui précéda la nôtre avait eu pour guide un cicérone érudit ;
aujourd'hui atteint de la maladie qui doit bientôt l'emporter, il nous manque de
deux façons, par sa cordiale sympathie et par son savoir ; je ne puis que rendre
ici hommage de sincères regrets à la mémoire de M. J.-V. Barbier, le distingué
Secrétaire-Général de la Société de Géographie de l'Est, maintenant décédé.
Un tramway électrique à arc nous mène au faubourg St-Pierre ; après la porte
St-Nicolas, nous descendons à la Chapelle commémorative de Bon-Secours, fondée
en 1484, après la bataille de Nancy (Janvier 1477) par le duc René II, à l'endroit
où étaient ensevelis les soldats qui avaient péri dans le combat ; Charles-le-Témé-
raire fut une des victimes de cette bataille, la trahison de Gampo Basso, l'un de
ses capitaines, et les agissements insidieux de Louis XI ne furent pas, dit-on,
étrangers à sa mort. Là, oii le corps du dernier duc de Bourgogne fut retrouvé,
dépouillé et couvert de boue, dans les marécages où est le faubourg St-Jean, on a
élevé une croix de Lorraine en pierre, du genre de celles qu'on rencontre souvent
dans les villages des Vosges, où avec leurs inscriptions elles ressemblent à des
monuments funéraires entretenant le souvenir des morts estimés parmi leurs
descendants.
Dans cette chapelle, réédifiée en 1738, on voit d'un côté du chœur le superbe
mausolée d'un autre dernier duc, celui de Lorraine, Stanislas Leczinski, mort en
1766 ; tout auprès, un toml)eau de marbre renferme le cœur de sa fille, Marie
Leczinska, reine de France, et en face se trouve le magnifique monument de sa
femme Catherine. Une afïreuse draperie rouge peinte sur tôle accrochée à la voûte
du chœur, détonne au milieu des décors élégants de l'église.
Nous terminons la journée par un coup d'œil sur l'aspect général de la ville,
dont le quartier central est comme un vaste et merveilleux Musée d'architecture et
d'ornementation du style si riche et si gracieux de l'époque Louis XV ; c'est lui
qui a valu à Nancy son charmant surnom.
Nous avons consacré toute la matinée du lendemain 17 Juillet, à une visite
détaillée de toutes les beautés de la ville, pour laquelle nous conserverons un
souvenir d'admiration ; nous l'avons terminée par un coup d'œil sur l'immense
brasserie de Maxéville, où nous avons été reçus avec une extrême obligeance ;
nous avons du fuir les caves de rafraîchissement qui, à — 2° étaient à 33" de diffé-
rence avec la température extérieure, mais nous avons dégusté avec plaisir les
meilleurs produits de la brasserie, qu'on nous a offerts avec la pjlus grande
courtoisie.
Pour la description de ces splendides monuments et de la superbe disposition
des places et des jardins qui se succèdent d'une façon si magnifique dans Nancy,
je prie mes collègues de se reporter à la savante notice de M. Pfister, professeur à
la Faculté des Lettres, intercalée dans l'intéressante relation que M. Paul
Destombes a faite de l'excursion de 1893 (Bulletin de Novembre 1893.. Voir égale-
ment la photo typie N" 1, ci-jointe, due comme toutes les autres, à l'un des plus
gais et des plus obligeants de nos compagnons de route, M. Edm. Cado, qui nous
- 41'. —
a permis de conserver le souvenir des nombreuses curiosités de notre voyage, en
nous confi.mt tous ses clichés, dont ceux-ci sont extraits.
Nous venons de voir la perle de cette belle et ancienne Lorraine qui fut cons-
tituée au IX'' siècle, lorsqu'on 817, Louis le Débonnaire partagea entre ses trois fils
l'empire qu'il avait reçu de Gharlemagne son père ; le pays réservé à Lothaire était
vaste, mais la guerre avec ses frères, qui amena le traité de Verdun en 843, en dimi-
nua l'importance pendant que la France se constituait sous Charles-le-Chauve,
son demi-frère. Ensuite Lothaire II vit se réduire encore la part de son père et
s'établir la véritable Lotharingie, qui comprit les comtés entre l'Escaut, la Meuse
et la Moselle, jusqu'au Rhin. En 959, elle fut réunie à la couronne d'Allemagne et
divisée en haute et basse Lorraine, deux duchés bénéficiaires. En 1048, l'empereur
Conrad donna la haute Lorraine, qu'il érigea en duché héréditaire, à Gérard I",
marquis d'Alsace, qui épousa Edwige, fille d'Albert, comte de Namur, et d'Ermen-
garde de Lorraine, petite-fille de Louis IV, roi de France ; c'est par cette origine
illustre que les Guise se disaient descendants de Glovis et de Gharlemagne. Les
descendants de Gérard l" régnèrent près de quatre siècles, jusqu'en 1430, à l'avè-
nement de la Maison d'Anjou, par l'alliance de René d'Anjou et de Sicile, avec
Isabeau, héritière en ligne directe du duché. Mais bientôt, en 1473, lolande, leur
fille, épousa Ferri, comte de Vaudémont, de la branche cadette née du duc
Jean I", branche qui devint si chère aux Lorrains.
En 1602, le duc Gharles IV, par le traité de Montmartre, reconnut Louis XIV
pour son futur successeur, à condition que les princes de Lorraine seraient
reconnus princes du sang et aptes à la Couronne après la Maison de Bourbon ;
c'était leur constante préoccupation.
En 1729, François III, fils de Léopold, lui succéda et fut le dernier duc de cette
famille de Lorraine ; en 1732, il fut nommé vice-roi de Hongrie par l'empereur
Charles VI (1711-1740), père de Marie-Thérèse qu'il épousait. Il laissa la gestion
de son duché à sa mère Charlotte d'Orléans-Longueville (souche de cette branche,
,Iean, comte de Dunois et de Longueville, le vaillant capitaine de Charles VII,
compagnon de Jeanne d'Arc et bâtard de Louis de France, duc d'Orléans, frère do
Gharles VI), qui déplut au peuple. Il devint ensuite empereur d'Allemagne sous le
nom de François I" ; de Marie-Thérèse, il eut Marie-Antoinette, la malheureuse
épouse de Louis XVI.
Pendant ce temps, Stanislas Leczinski, beau-père de Louis XV depuis 1725, réélu
roi de Pologne à la mort d'Auguste II de Saxe, en 1733, n'avait pas été suffisam-
ment aidé par la France contre Auguste 111, prétendant au trône, et s'était réfugié
chez nous; alors François III céda, en échange de la Toscane, ses duchés de Bar
et de Lorraine qui, par le troisième traité de Vienne, en 1738, furent donnés à
Stanislas, à condition qu'à sa mort ils seraient rerais à la France et ils le furent
en 1766. On ignore généralement que ce traité, vainement tenté par le timide
cardinal Fleury, a été conclu par le Secrétaire d'Etat Chauvelin, que le cardinal
dépité, récompensa par un ordre d'exil pour le faire oublier. En 1790, la Lorraine
forma quatre départements ; la Prusse nous en a pris presque deux en 1870.
Si cette province avait une superbe capitale, elle contenait aussi des régions
d'un pittoresque remarquable, qui, sans être devenues plus charmantes, sont main-
tenant plus praticables. Je veux parler des magnifiques vallées boisées ou fleuries
du versant occidental des Hautes-Vosges dans lesquelles nous allons nous
engager j^our quelques jours par un coin des plus poétiques où se trouvent
Gérardmer, la vallée de la \'ologne et les superbes montagnes, dont nous gravi-
rons les plus élevées. Le versant oriental, plus abrupt, a ses pentes plus raides,
plus sauvages et ses vallées plus sévères.
^5^fe~^iK£^
(l) Nancy (Meurthe-et-Moselle).
Place de la Carrière.
(2) GÉRARLiMER (VoSges).
Promenade des Excursionnistes sur le Lac.
,— Uô —
GÉRARDMER. — Dans ce but, à 1 h. 42, nous prenons le train qui va nous mener
à Gérardnier à travers les fjlus agréables paysages. Nous allons entrer dans la
zone du triasique, assise inférieure des terrains secondaires, que caractérisent :
l'argile marneuse rougeâtre avec dépôts de sel gemme ; le calcaire à coquilles
fossiles puis les grès bigarrés qui vont nous accompagner jusqu'aux terrains pri-
maires et granitiques de la chaîne des Vosges, les recouvrant souvent entièrement
dans les chaînons d'accès.
Nous côtoyons longtemps la Meurthe et le canal qui l'accompagne au milieu de
champs et de prairies fertiles, puis, par un brusque écart à droite, nous allons
retrouver la Moselle et bientôt à Charmes nous entrons dans le département des
Vosges. Nous remontons la rivière, en suivant des pentes toujours verdoyantes,
jusqu'à Épinal (326 m.), pittoresquement étalée sur la rive droite de la Moselle ;
sur les collines environnantes sont construits les 8 forts qui défendent cette ville
bien rapprochée de la nouvelle frontière. L'aspect est particulier, les murs bien
blancs, les toifs très rouges, épars au milieu de la verdure des jardins forment un
ensemble aux tons criards qui rappellent la vieille et importante imagerie du pays.
De la gare (341 m.) qui domine la ville bien vaste pour 23.000 habitants l'agglo-
mération paraît peu dense, l'industrie y tient cependant bien sa place.
Peu après, voici Arches et ses grandes papeteries encore à la forme ; nous bifur-
quons au confluent de la Vologne pour la côtoyer ; les villages qu'elle baigne,
Jarménil, Docelles, etc., ont des papeteries, des féculeries, des filatures et des
lissages de coton et de chanvre ; Laval a d'importantes papeteries ; bientôt la
pente s'accentue, autour de nous les sommets des monts se relèvent et se cou-
ronnent de bois, nous ne traversons plus guère que des prairies oii faucheurs et
faneurs travaillent méthodiquement ; les ruisseaux prennent des allures de tor-
rents ; l'air fraîchit et nous apporte d'agréables senteurs balsamiques; le voyage si
fatigant hier, nous charme aujourd'hui, et c'est sans impatience que nous roulons
lentement dans ce poétique paysage. Nous passons Granges avec sa filature de
13.000 broches, ses tissages de chanvre et de lin, puis nous entrons dans la vallée
de la Jamagne, où le torrent anime scieries et tissages de toile. Ici, à Kichompré,
le travail a chassé la poésie, les longues pièces d'étotî'e blanchissent sur l'herbe
comme sur les prairies de la Lys, mais au même objet quel cadre différent !
Nous arrivons exactement à 4 h. 11 à la station terminus de Gérardmer, oli
lacs, vallons, rochers, c'est-à-dire les Vosges, ont dit à la voie de fer, tu n'iras pas
plus loin maintenant ; et des nombreuses amorces vers l'Alsace une seule a
franchi les \'osges au col de Saverne.
Nous n'avons que la place de la gare à traverser pour gagner notre confortable
hôtel et peu après les bords du lac ; là, dès 5 heures, nous voguons en barque par
une brise légère et bienfaisante sur l'immense nappe liquide, qui a 2 kilom. 1/2 de
long pour 1 kilom. de large environ (phototypie N" 2) ; elle est située à 660 m.
d'altitude et cache des gouffres de 35 m. de profondeur; ce lac, comme tous ceux
des hautes Vosges, a été formé par une moraine frontale qui barre la vallée. On
ne saurait imaginer un paysage plus ravissant que celui qui nous entoure ; d'un
côté, vers le Sud, l'œil se repose avec charme sur les flancs des montagnes cou-
verts de pâturages verts et fleuris, parsemés çà et là de bouquets d'arbres ou de
blanches maisonnettes oii résonne le bruit régulier de l'outil du tisseur, ou bien
mitonne dans l'immense marmite du Marquard^ l'élément du Géromé encore sans
parfum. Sur le versant Nord, par un contraste qui plaît, les rochers arides pré-
sentent des surfaces à pic où s'accroche le sapin d'un vert sombre ou bien, sur des
éboulis de granit, des hêtres à la fraîche verdure disputent la place anx blocs
menaçants ; tandis qu'en bas sur la rive, la belle route d'Epinal suit les contours
— 410 —
(lu lac, toute bordée de sorbiers, de tilleuls et d"élrgants bouleaux. Parfois, une
échancrure, estuaire d'un ruisseau, ouverture d'une vallée, produit un écho qui
affirme que le frais de la nuit nuit ; et indolents, dans nos barques, nous restons
sous le charme qui nous captive, mollement bercés par le mouvement cadencé
des rames, tandis que le soleil couchant donne à chaque instant un reflet nouveau
à ce merveilleux paysage. L'aspect de la ville, formée aux environs d'une tour
construite par (térard d'Alsace, premier duc de Lorraine, est bien banal, il est
celui d'une station de villégiature ; aussi, après un coup d'œil superficiel, nous
partons, le 18, dès le matin, en promenade au Pont des Singes, au Saut de la
Bourrique et à l'Écho de Ramberchamp, terminant la visite de ces sites sauvages^
gracieux ou pittoresques, par le tour du lac en voiture (7 kilom.).
Une pareille matinée ne laisse que des souvenirs ravissants, mais indescriptibles
pour une plume inhabile comme la mienne. Ponts rustiques, sentiers à pic, arbres
gigantesques, moissons de fleurs ou de hrimbeUes (myrtilles), bosquets mystérieux
ou roches granitiques écroulées en chaos, tout ici inspire, frappe, émeut ou
enchante, et cependant de ce splendide pays, on ne connut longtemps que le fro-
mage de Géromé. 11 n'en est plus ainsi aujourd'hui et les voyageurs abondent à
Gérardmer ; les nécessités de la défense nationale font même de nos soldats aussi
quelque peu des touristes sur la frontière ; si vis pacem para hélium \ nous
rencontrons ici une partie du 21* bataillon de chasseurs en garnison à Montbéliard,
manœuvrant et s'instruisant dans la montagne. Nous connaissons tous la magni-
fique et vigoureuse allure de ces soldats d'élite et le geste d'élégante fierté des
clairons levant leurs instruments à chaque reprise de leurs alertes sonneries ; nous
les aimons à Lille, mais ici leur démarche audacieuse nous émeut profondément
lorsqu'ils lancent aux échos des montagnes leurs éclatantes fanfares qui montent
et résonnent jusqu'à la frontière. Ce matin aussi, dans la vallée de Ramberchamp,
des fantassins du 152', travailleurs du champ de tir à longue portée, se reposaient
à l'ombre en cassant une croûte sèche non loin de la buvette oii nous étions entrés,
nous eiimes tous la fraternelle pensée de leur offrir quelques bouteilles de bière ;
l'une de nos aimables compagnes de voyage, la plus jeune, représentant la Société
de Géographie, et comme elle dans le charme de sa vingtième année toute pro-
chaine, se charge volontiers de notre mission et bien gracieusement leur transmet
notre offre ; ils étaient de la Nièvre et ils nous remercient avec esprit en buvant
à la santé des gens du Nord. A la santé de l'Armée ! Vive la France. Telle fut
notre réponse.
La Vologne, la Schlucht et le Hohneck. — Nous ;dlons maintenant aborder
la haute montagne et gravir la ligne de faîte qui sépare le bassin de la Moselle de
celui de l'Ill et de la vallée du Rhin ; nous contemplerons du sommet des Vosges
notre chère Alsace perdue, nous ferons même quelques incursions sur son terri-
toire oii triomphe le Teuton.
Après le déjeuner, notre voiture prend la route de Kichompré qui domine la
voie ferrée et le cours de la Jamagne ; nous suivons ce déversoir du lac qui grossit
la Vologne et la Moselle. Nous revoyons les usines qui la bordent et lui doivent
la vie ; ce sont les importants tissages Garnier, auxquels Lille fournit bien du fil.
Nous tournons bientôt à droite pour rejoindre la Vologne et en suivre la splendide
vallée ; séduits par des aspects absolument enchanteurs, nous mettons pied à terre
au Pont des Fées et nous côtoyons ce véritable séjour des divinités sylvestres, le
plus merveilleux que l'on puisse concevoir. La rivière cascadant sous bois, gronde
ou murmure au milieu des pierres ou des blocs de granit apportés quand elle fut
torrent ou glacier ; voici l'un d'eux, la pierre de Gharlemagne, souvenir de l'empe-
_- 417 -
reur qui chassa souvent dans les forêts de Gérardmer, qu'il affectionnait autant
que ses prédécesseurs les rois d'Austrasie résidant à Metz ; l'ours et le loup étaient
alors les touristes de ces belles montagnes. Plus loin, à la cascade du Saut des
Cuves, la rivière s'élance d'une roche élevée de 30 m. et tombe par étages dans
des vasques qu'elle a creusées entre des parois escarpées au milieu des bois
touffus. La grande route passe à deux pas sur le pont de la Vologne, arche hardie
reposant sur des rochers de granit qui lui servent de culées. A peu de distance, on
a créé pour la saison, un théâtre rustique en sapins raccordés avec goût ; devant
cette scène des gradins taillés dans la roche sont disposés en hémicycle, notre
collègue nous y photographie.
Mais il est 4 h, nous avons largement et gaiement mis à profit ces quelques
heures et nous devons remonter eu voiture, la plus grande partie des 15 kilom. de
route reste à faire.
Nous voilà de nouveau presque enfouis dans des bois sombres et toufl'us de
sapins gigantesques, à droite coule la Vologne, à gauche s'élèvent à plusieurs cen-
taines de mètres les flancs escarpés et boisés de la montagne, tandis que des
buissons verts garnissent les bords de la route à côté des touffes multicolores de
scabieuses ou de campanules que dominent des gerbes resplendissantes de digi-
tales ; on ne peut rien rêver de plus agréable. Nous voici à 800 m. ; par une
éclaircie nous apercevons bien bas, à 736 m., le grand lac de Longemer, de 75 hec-
tares de superficie et parfois profond de 50 m.
11 est 5 h. quand nous atteignons la Roche du Diable, passage creusé dans un
rocher de granit à patine rouge, comme ombré à la sanguine, qui s'avance en un
promontoire surplombant la vallée ; là, d'une petite terrasse ménagée en balcon à
160 m., nous avons à 200 m. sous nos pieds le lac de Retournemer miroitant au
milieu du cirque verdoyant qui termine la vallée de la Vologne, c'est là que
viennent mourir les pentes du Hohneck. Au delà du tunnel, les sapins sont rem-
placés par de belles hètraies du plus beau vert ; à 3 kilom. plus loin, 12 k. 5 de
Oérardmer, par 1.110 m. d'altitude, une belle vue ménagée par le G. A. F., nous
montre dans son axe toute la vallée de la Vologne et ses deux lacs que le soleil
<iore de ses derniers rayons. Bientôt nous apercevons la vraie source de la Meurthe
et nous arrivons au col de la Schlucht ; voici sur un mamelon qui l)orde la route,
une chaume ou haut-pré avec une maisonnette oii les Alsaciennes viennent le
dimanche pour fraterniser et danser avec des Français. A droite et à gauche, sont
les sommets du Hohneck et du Tanneck et au milieu du col, l'hôtel français qui
date de douze ans, bâti sur l'extrême frontière, en face du poteau allemand dont
l'aigle tranche en noir sur le fond blanc de l'écusson ; les bornes-frontières sont
plantées jusqu'au bord de la cour de l'hôtel et l'un de nous, s'asseyant sur l'une
marquée D (Deutschland), a l'air de l'écraser de son dédain.
Il est 6 h., nous avons une heure pour faire un raid dans la vallée de Munster
qui se termine ici par un goufire profond et noir, oii s'enracine le pied oriental du
Hohneck, dont le flanc est de ce côté presque à pic. Cet abîme tout couvert de
millions de sapins entassés côte à côte semble, avec son aspect ténébreux au jour
déjà baissant, être le domaine de quelque terrible génie. Après avoir parcouru
environ 4 kilom. sur cette route faite d'une encoche taillée dans le flanc escarpé de
la montagne, à un coude ijrusque on se trouve dans la vallée de la Fecht, au bout
de laquelle apparaît Munster, dont les clochers se voilent dans la brume du cré-
puscule. Sur la route, en cet endroit, s'élève depuis peu l'hôtel à'Altenberg, bâti
tout en granit avec des terrasses à balustrades relitint en courtines des donjons à
meurtrières qui commandent la route et la vallée et donnent au monument un faux
air de forteresse en harmonie avec le site.
- 'il8 —
Sur ces bailleurs maintenant désertes et silencieuses, minuscules atomes accro-
chés entre ces gouffres noirs et ces sommets gigantesques, nous restons un moment
en extase devant la majesté du spectacle ; puis, contemplant la silhouette de
Munster qui s'évanouit dans la brume, nous pensons aux cœurs qui tressaillent
là-bas au nom vénéré d'une patrie perdue, tandis qu'autour de nous les blocs de
granit noir et blanc que ne voile point encore la patine grise, montrent le sol
lui-même de notre Alsace comme en deuil aussi de la France absente. Cependant ,
la nuit s'avance et au retour, la folle du logis évoque dans ces bois sauvages
le souvenir des descendants de Clovis chassant l'ours et l'auroch, ou bien des
princes et barons du Moyen-Age, rivaux sanguinaires retranchés dans leurs donjons,
parfois vrais repaires de brigands. Aujourd'hui une cycliste un peu énergique
traverse seule, en touriste et sans encombre, les forêts de l'Ardenne et des Vosges.
Bientôt nous rentrons avec plaisir à l'hôtel Defranous , la journée a été bien
remplie.
Le Mardi 19, à 7 h. 1/2, nous gravissons, tout le long de la frontière , le sentier
qui conduit au Hohneck (1.366 m.) par la Roche de la Source (1.200 m.). Je n'ai
pas à redire ici ce qu'a si bien décrit M. P. Destombes en 1893. Le sommet dénudé
et couvert de pâturages, permet d'apercevoir toutes les Vosges françaises et une
table d'orientation donne les directions.
Au retour, nous montons en voiture pour aller coucher à Bussang par la Bresse.
De la Schlucht a Bussang. — 11 est environ 10 h. 1.'), nous partons par la
route de Gérardmer et après la source de la Meurthe, au Collet, nous tournons à
gauche ; la route descend rapidement en traversant la Vologne contre sa source.
Bientôt nous courons sur les flancs boisés qui sont en face de la Roche du Diable,
et par des éclaircies nous voyons le lac de Retournemer au pied des escarpements;
la route est parfois difficile, des sapins abattus envoyés en flèche, glissant sur les
blocs de granit qui forment un imposant chaos sur les flancs de la montagne, viennent
souvent barrer le chemin ou s'}' enfoncer ; il faut parfois attendre qu'ils soient rangés
ou dépecés. Cette méthode primitive est plus expéditive que la Schlitte \ nous voyons
quelques chemins de xchlitta(ic, mais à notre regret pas de schlitteurs. Passant
auprès de la Source de la Moselotte. nous rejoignons la petite Vologne dont nous
allons descendre la vallée ; nous sommes près du lac de Blanchemcr, 1.0iX)m. ;
de chaque côté de la vallée, des montagnes aux aspects variés sont tantôt boisées,
tantôt garnies de pâturages et de maisonnettes où demeurent des Marquards ou les
Sar/ars des scieries que la rivière anime. De temps en temps nous traversons une
agglomération de quelques usines que la rivière actionne par une saignée qui cir-
cule dans un petit canal latéral allant de l'une à l'autre en suivant la pente ; c'est
la force motrice gratuite captée et rendue uniforme. Quelques champs de seigle, de
pois, de haricots, de pommes de terre, composent toute la culture que nous aper-
cevons pour nourrir ces travailleurs simples et polis. Les pâturages ont un aspect
singulier, divisés çà et là en lopins de formes bizarres par des petiis murs de mor-
ceaux de granit sufjerposés, on dirait qu'on s'est approprié seulement les espaces
les plus fertiles ; peut-être ces murs ont-ils leur utilité à l'époque des neiges. Nous
ne sommes pas loin du lac des Corbeaux, 900 m. d'altitude, formé comme les
autres par une moraine frontale ; il est H h. 30, nous descendons dans la vallée du
Chajoux, où nous retrouvons la Moselotte; nous approchons du village de la Bresse.
Usines, châteaux, douane, etc., se succèdent sur notre route ; c'est une localité
importante de 4.800 habitants, espacée sur une distance de 2 kil. 500, par G^jQ m.
d'altitude.
Les croix de pierre élevées en mémoire des morts sont ici bien plus belles et
- 419 -
mieux sculptées, le pays est plus riche ; il y a 40 à 50.000 broches de filatures et
de nombreux tissages. Nous déjeunons à 12 h. 30 à l'hôtel de Belle-Vue, qui est
très confortable. Sur le versant opposé, un sentier en lacets sillonne la montagne
aride, grimpant bien haut à un calvaire qui est un pèlerinage ; dans les lacets,
14 arrêts sont les stations d'un chemin de croix que, d'un coup d'ceil, on embrasse
Tout entier.
^■ers 2 h. 15, nous continuons notre route toujours très pittoresque le long de la
Moselotte, qui s'en va rejoindre la Moselle à Remiremont à travers les prés dont les
foins coupés nous embaument. Nous la quittons à Cornimont, station terminus
d'un embranchement de la ligne d'Épinal, et nous courons droit sur le Thillot
par Travexin et le Ménil. Pendant la route, un intéressant spectacle s'offre à nos
regards ; devant nous, un violent orage éclate entre les ballons de Servance, d'Al-
sace et de Gresson et les noires nuées, que d'immenses éclairs sillonnent, oscillent
ballottées entre ces hauts sommets de 12 à 1.300 m. Nous contemplons avec curio-
sité ce terrifiant spectacle et nous récoltons entre temps une assez bonne averse
que nous envoie un petit nuage égaré dans notre direction. Une buvette du Ménil
avec d'excellente bière, comme nous en trouvons partout dans les Vosges , nous
permet de faire une étude de mœurs, en supportant avec patience cette diversion
au temps superbe qui nous favorise depuis notre départ.
Au Thillot, nous rejoignons l'embranchement d'Epinal à Bussang et nous
retrouvons la Moselle'; en la suivant, nous dépassons St-Maurice, et à 6 h. 30,
nous sommes sur la place de Bussang. Le charme du paysage nous a fait oublier
que nous étions depuis 6 heures en voiture pour accomplir un trajet de 28 à30kil.
Bussang. — Un coup d'œil sur Bussang, un dîner réconfortant avec la truite
délicate ou l'excellent brochet de rigueur dans les ^'osges, puis une soirée musicale
au salon de l'hôtel et nous jugeons la journée suffisamment remplie pour gagner
nos chambres.
Le 20 Juillet, nous partons vers 8 heures en promenade vers la frontière; nous
traversons bientôt la Moselle qui coule modeste en cascatelles sur des galets de
granit, puis à 1 kilora. plus loin, sur la gauche, nous entrons dans l'établissement
des eaux minérales de Bussang, grand hôtel confortable, bâti en 1880, au milieu
d'un parc ; nous dégustons l'eau à la source, elle a une saveur piquante aigrelette
comme toutes les eaux très gazeuses, elle est en mêine temps ferrugineuse, arse-
nicale, donc tonique et digestive, elle est très consommée dans les Vosges. Les
eaux de Bussang furent déjà bien connues au XVll" siècle, mais c'est en 1752 que
le duc Stanislas concéda les sources à un particulier avec conditions et charges.
A 1 kilom. de là, nous arrivons à l'une des sources de la Moselle (725 m. ait.),
presque à la ligne de faîte qui la sépare de la Thur ; notre collègue photographie
notre groupe sur les bords de la vasque oi^i elle se trouve baptisée ; nous savons
qu'elle va se jeter dans le Rhin à Goblentz, grossie de la Moselotte, delaVologne,
de la Meurthe que nous avous vu naître aussi et de bien d'autres affluents ; elle a
un cours de 515 kilom., dont 206 en France.
Au loin sur la route on aperçoit le tunnel du col de Bussang, il est à 734 m.
d'alt., sa longueur est de 245 m., dont 133 m. du côté français, car la borne fron-
tière est presque en son milieu. Nous y montons et nous nous retrouvons une
seconde fois sur la terre d'Alsace ; nous y faisons quelques kilom. sur la route de
Mulhouse (à 40 kilom.) dans une vallée sauvage qui est un rameau de celle de la
Thur, affluent de l'Ill. A notre gauche, les escarpements de rochers effrités cotent
1.200 m., et à droite, les pentes couvertes de sapins, J. 015 m. ; ils encaissent la
— 420 -
route d'une façon grandiose mais sévère, et cette fois encore le spectacle est d'ac
cord avec notre pensée.
40 minutes plus tard, nous déjeunons à l'Hôtel Central, puis, à midi nous disons
adieu à Bussang, oii nous avons vu que l'on fait de la quincaillerie et des objets
on merisier, pipes, tabatières, etc., à côté de filatures de coton et de bourre de
soie ; la population est de 2.500 habitants ; l'altitude 624 m.
Le Ballon d'Alsace. — Le temps est lourd et les nuages bas, quand nous par-
tons pour le Ballon d'Alsace et Giromagny (30 kilom.) ; nous arrivons à peine à
St-Maurice, à 5 kilom. (555 m. ait.) déjà traversé hier, qu'un orage épouvantable
nous assaille et qu'une véritable trom))e d'eau nous inonde, plusieurs pompes à
vapeur ne feraient pas mieux contre notre voiture, qu'on doit et qu'on peut heu-
reusement remiser sous un hangar pendant que les éclats violents du tonnerre
font trembler sur sa base la montagne elle-même ; nous avions admiré hier un bel
orage des Vosges, aujourd'hui nous le subissons. Nous pourrons désormais en
parler savamment.
Au début de l'ascension, nous évitons les premiers lacets en montant par un
raccourci pierreux dont Feau se sert aussi pour descendre rapidement en casca telles
et nous rejoignons la voiture contenant les dames ; bientôt une vue pittoresque du
val des Charbonniers nous apparaît vers Bussang, puis à 3 kilom,, c'est vers le
Thillot que nous admirons la vallée de la Moselle. Plus loin, nous atteignons des
pentes boisées où je mesure de gros sapins qui ont 2 m. de circonférence et 30 à
.'35 m. de hauteur ; de nombreuses coupes en rondins encombrent la route.
A 1 h. 25, nous avons gravi 5 kilom., nous sommes à la maison forestière oii un
petit canon éveille un inrinense écho qui descend jusqu'à St-Maurice ; à 2 kilom.
plus loin, les hauts pâturages commencent, et à 940 m. d'alt. la forêt disparaît. A
8 k. 500 se trouve la Marcairerie ou fromagerie avec la buvette de la Jumenterie
(1.064 m.); il y a de vastes étables adossées à une maison basse habitée toute
l'année par les Marquards. On ne rencontre plus alors que des bouquets de hêtres
rabougris disséminés sur Fherbe courte des chaumes, oii gisent aussi des blocs de
granit. A 10 kilom. nous arrivons au point culminant de la route, au col du
Ballon ; nous sommes sur la crête qui, se prolongeant par les monts Faucilles,
sépare les bassins de la Méditerranée et de la mer du Nord ; il y a ici une auberge-
l)uvette, mais à 20 minutes se trouve un excellent hôtel.
Nous allons abandonner le massif granitique et primaire des hautes Vosges pour
gagner le système des plateaux et des vallées du .Jura, parallèles et allongés et
essentiellement calcaires. Nous allons quitter le département des Vosges et la
Lorraine avec le fromage de Géromé, les chaumes et les faignes pour gagner le
département du Doubs et la Franche-Comté avec son gruyère, les combes et les
cluses du Jura, en passant par le petit territoire de Belfort qui garde la trouée,
reste bien mesquin de notre Haut-Rhin ; c'est un changement complet d'aspect.
Malheureusement, le temps resté brumeux après l'orage, ne nous permet pas de
voir d'ici (1.178 m.), les beaux panoramas au N. et au S. et nous jugeons inutile
de monter sur la terrasse du sommet oii se trouve une table d'orientation et un
pilier carré surmonté d'une vierge de l)ronze (1.2.56 m.); la frontière allemande
vient au.ssi partager cette cîme d'où la vue est immense sur les Vosges, le Jura et
même les Alpes. On saisit bien de ce poste d'observation la différence qui existe
tmtre la ligne uniforme qui limite le sommet du- massif jurassien et le profil très
irrégulier des chaînes alpestres. De là aussi, avant de descendre en Franche-Comté,
on peut jeter un regard sur les pentes verdoyantes des Vosges et la plaine fertile
de la Lorraine que nous venons d'étudier. Nous avons ébauché l'histoire de cette
—•121 —
province, nous avons vu comme elle est productive, et elle Ta toujours été, comme
Taffirme ce vers d'un vieil auteur latin :
Htec ubi fertilibus floret Lolharingia campis.
Ses plaines sont couvertes de céréales, ses coteaux de vignobles, ses montagnes
de bois giboyeux et de riches pâturages, et ses rivières poissonneuses sont la force
de l'industrie, sans compter les mines de fer, de plomb, de sel, etc., ni ses sources
nombreuses d'eaux minérales et gazeuses, chaudes ou froides, qui sont aussi
devenues une richesse.
Le massif des montagnes des Vosges françaises, _du Ballon d'Alsace au Donon,
est formé presque complètement de roches siliceuses primaires et secondaires ; il
constitue une chaîne de 100 kilom. de longueur environ, dont les nombreux som-
mets granitiques arrondis, semblent des boursouflures de la croûte terrestre qui
auraient pu s'accentuer, mais dont la force expansive s'est éteinte ; le plus grand
eff'et de ce plissement s'est produit dans les hautes Vosges oii nous sommes, pour
aller en s'atténuant vers le N. jusqu'au Hardt, où les couches gréseuses, sédimen-
taires d'origine, ont subi un métamorphisme sans céder à la poussée granitique.
L'expansion lal!%rale des plissements a constitué les contreforts et chaînons de grès
ou de calcaire coquillier qui rayonnent en mamelons de la chaîne centrale ; A partie
allemande qui depuis le Mont Donon va mourir au delà du Mont Tonnerre vers
Mayence, sur une longueur de 180 kilom. environ, a aussi ses sommets moins sou-
levés couverts des couches de grès qui ont résisté au granit.
La formation du Jura est essentiellement différente ; la partie franco-suisse est
absolument constituée de roches sédimentaires presque toujours calcaires, de
l'époque secondaire ; son orientation du N. E. au S. 0. se dessine en une longue
courbe dont la concavité est tournée vers les Alpes, qui paraissent avoir déterminé
par leur masse la forme et la direction du plissement jurassique lequel, tout entier,
s'étend depuis le Dauphiné en causant les dérivations du Rhône et du Rhin,
jusqu'au Jura franconien, y compris le tronçon appelé les Alpes de Souabe.
Comme le massif des Vosges, le Jura a un aspect tout spécial, il n'a point de
sommets à pic ni même arrondis. Vu d'une altitude de 12 à 1.500 m., le système
paraît un long plateau courbe, large de 40 à 60 kilom. environ, strié de profondes
crevasses à peu près parallèles dans le sens de la . longueur, ce sont des vallées
qui communiquent entre elles irrégulièrement par des cassures transversales ou
cluses permettant aux cours d'eau de traverser ces parallèles par des zig-zags
répétés. Ici point de chaînons qui rayonnent perpendiculairement ,au grand axe ,
tout démontre une influence latérale lors du plissement. 11 arrive que des affaisse-
ments en cuvette se sont formés sans issue pour les eaux, ce sont des combes au
fond desquelles une rivière ou un étang marécageux recueille les eaux de pluie qui,
dans ces roches crétacées, finissent par trouver une faille ou une crevasse souter-
raine pour s'écouler par ces conduits qu'on nomme emposieux jufiqn'k la rencontre
d'une tranchée d'oii l'eau émerge abondamment. C'est ainsi qu'on voit les sources
être presque des rivières à leur naissance et qu'on ne rencontre point la multitude
d« ruisselets qu'on voit cascader et confltier sur les flancs imperméables des
Vosges ; ici, comme dans les Cévennes, les grottes et les cavernes sont nombreuses
et beaucoup de rivières, même importantes, le Doubs par exemple, disparaissent
tout à coup dans un gouffre pour surgir de nouveau, parfois à une grande
distance.
Le plissement date de la fin de l'époque secondaire, il s'est continué pendant la
période tertiaire. Dans la partie occidentale qui nous occupe, on trouve surtout du
28
— 422 -
calcaire oolithique jaunâtre et du lias marneux, et dans la partie orientale, de
l'oolithe plus dure, du terrain crétacé et jusqu'à du tertiaire miocène ; mais on ne
trouve point ici la dolomie du terrain jurassique des Cévennes ; on ne trouve point
non plus de roches siliceuses ou éruptives, aussi point Je sources thermales comme
dans les Vosges. Si l'on ne retrouve point dans le Jura les vallées féeriques des
Vosges, ni les impressions que donnent les hautes altitudes et les grandes forêts
solitaires, on peut y admirer des paysages tout remplis d'une douce poésie et
parfois aussi des sites sauvages dans des crevasses profondes, silencieuses et
imposantes, il y en a dans la région de Pontarlier déjà traversée dans d'autres
voyages, et vers le Saut du Doubs que nous verrons bientôt. Tels sont les contrastes
qui frappent les visiteurs de ces deux régions si voisines et si difié rentes, mais
bien agréables toutes deux. Je ^e puis m'étendre ici sur des causes naturelles bien
intéressantes.
Il est 3 h., nous remontons vite en voiture sans gagner la cime qui est à 10 min.
ni celle du ballon de Servance, tout voisin aussi, que couronne l'un des nombreux
forts qui gardent la trouée. Nous commençons une descente de 7 à 800 m. qui
dcA'ient vertigineuse à une série de lacets et exige la plus grande attention du
cocher mon voisin, aussi je m'abstiens de le questionner. Nous avons en tout
10 kilom. à faire, nous allons les dévorer en 1 h. 40. «
Bientôt nous rentrons sous bois. La Savoureuse qui passe à Belfort naît sur ce
versant du ballon, nous la voyons en une très belle cascade ; par une éclaircie
nous observons que ce cirque boisé et la plaine qui le suit forment l'extrémité N.
de la trouée ; plus loin, près d'un calvaire, nous dépassons un groupe de cascades
dont la dernière, la plus belle, est le Saut de la Truite. La Savoureuse coule au
fond de la vallée que nous côtoyons comme dans un précipice ; de tous côtés
les cascades des ruisseaux grondent ou murmurent dans la solitude du bois sombre
et nous nous souvenons de la superbe vallée de la Vologni;.
Nous rejoignons la rivière près d'une pittoresque scierie au hameau du Chant
f/'oiseau, joli nom, site charmant, et tandis que derrière nous se dresse bien haut
le dôme du ballon, en avant se détache sur l'horizon encore vaste, la silhouette
d'une église plantée sur un mamelon ; c'est le Puix, 2.000 habitants, village du
Haut-Rhin, nous entrons dans ce qui nous reste de l'Alsace. Partout l'eau jaillit des
nombreuses fontaines ; de grands bacs allongés oii l'eau coule à pleins bords
servent de lavoirs publics, tout autour des femmes battent, frottent et bavardent à
l'envie, la lessive doit être parfaite ! Filatures et tissages bordent les rives de la
Savoureuse qui leur donne une vie bruyante et jjroductive ; nous retrouvons une
zone d'activité commerciale , nous savons ce que c'est, mais nous quittons avec
regrets les splendeurs de la montagne.
A 4 h. 4.5, nous arrivons à Giromagny, 463 m., chef-lieu de canton, 4.000 habi-
tants, centre d'industrie cotonnière avec 50.000 broches et 2.000 métiers que la
rivière actionne ; jadis il y existait des mines de plomb, de cuivre, d'argent, main-
tenant abandonnées. A 5 h. 7 nous partons pour Besançon.
De Belkort a La Ghaux-de-Fonds. — A 5 h. 45 du soir nous arrivons à Belfort,
nous jetons un rapide coup d'œil sur la ville, et à 6 h, 17 nous reprenons le train,
notre logis est à 90 kilom. Dans peu d'instants nous allons nous trouver dans le
Doubs et dans l'ancienne Franche-Comté ; ce territoire fut dans les temps -anciens
celui des Séquaniens, mais envahi par des hordes d'Helvètes, les habitants appe-
lèrent à leur secours les Germains et Arioviste, qui se trouvèrent bien dans le pays
et voulurent y rester. César consentit à les chasser et sut demeurer l'ami des Séqua-
niens, mais il devint leur maître. Plus tard, au V'' siècle, ce pays fit partie du
-- 423 —
royaume des Burgondes qui, appelés contre les Vandales, s'implantèrent parmi les
•Gallo-Romains. Au VIII" siècle, ce furent les Sarrasins qui arrivèrent en conqué-
rants ; les Francs carlovingiens prirent leur place après les déroutes infligées par
Charles-Martel et à la mort de Charlemagne, la contrée fut comprise dans la part
de l'empereur Lothaire, d'où plus tard, les prétentions de l'Empire. Au IX" siècle
fut créé le royaume de Bourgogne qui, au XI" siècle, fut transformé et divisé
partie en duché et partie en comté devenu plus tard la Franche-Comté, dont le
nom parut pour la première fois dans le traité du 27 Juin 1366 entre la comtesse
Marguerite de Flandre, qui en était la souveraine et le comte Henri de Montbé-
liard. Enfin, après des péripéties sans nombre et des guerres atroces qui dépeu-
plèrent toute la province, telle la campagne de 163.5-36, Louis XIV conquit
définitivement en 1674 toute la Franche-Comté, dont le traité de Nimègue (1678)
lui confirma la possession. L'arc de triomphe de la Porte-St-Martin à Paris, fut
élevé en mémoire de cette rapide conquête. La province perdit ainsi ses franchises
et l'indépendance acquise par la fière attitude de ses Comtes vis-à-vis des Empereurs
■d'Allemagne, d'oii est sorti le nom de Franche-Comté, confirmé quelques siècles
plus tard. Cependant, le Parlement de Dôle, l'ancienne capitale au Moyen-Age, fut
•conservé avec 4 bailliages. En 17t»0, il y eut division en 3 départements : Haute-
Saône, Doubs et Jura.
A peine partis de Belfort , nous apercevons la hauteur d'Héricourt, de pénible
mémoire pour les Belfortains (10 k.) ; peu après, à 18 k., nous passons à Montbé-
liard sur la Savoureuse et contre le canal du Rhône au Rhin, ville forte et très
ancienne oii naquit Georges Cuvier ; le chàteau-fort que l'on voit derrière la gare
est remarquable. Bientôt nous traversons le Doubs qui, souvent, se confond avec
le canal et nous allons les suivre tous deux jusqu'à Besançon. Nous avions fait
environ 40 kilom. quand, stupéfaits de surprise, nous entendons crier aux por-
tières : L'Isle ! Nous frémissons au souvenir de notre clière cité ; nous regardons ,
mais la différence est grande, le ciel est pur, point de fumeux obélisques et le
Doubs coule des flots de cristal que nous serions heureux de voir dans la Deûle.
A 64 k. Baume-les-Dames (270 m. ait.) qui posséda la célèbre abbaye de Bénédic-
tins fondée au Vlll" siècle. Le pays est très accidenté et fort pittoresque, la voie
pas.se sous de longs et nombreux tunnels traversant les plissements jurassiques
<{ui ont pu prendre de l'extension vers le plateau de Langres, moins proche que
les Vosges. Nous suivons le cours du Doubs ayant de chaque côté des collines
cultivées ou rocheuses, couronnées de châteaux et de bois, séparées parfois par
•de grandes plaines ; le soleil couchant dorant tous les contours, embellit à souhait
le paysage.
A 9 h, nous descendons à Besançon dans la gare de la Viotte, éloignée du centre
■de la ville qui est déjà presque endormie, les magasins sont fermés quand l'onmibus
nous dépose à l'hôtel.
La Chaux-de-Fonds. — Le jeudi 21, à 5 h. du matin, nous faisons une prome-
nade agréable en nous rendant à la gare de la Mouillère et à 5 h. 10 nous roulons
vers la Chaux-de-Fonds, à S-j kilom. La voie est accrochée le long du rocher qui
porte la citadelle et parfois traverse en tunnel les éperons qui s'en détachent vers
le Doubs, que l'on domine d'une cinquantaine de mètres, tandis qu'à distance on
aperçoit les monts couronnés par les forts qui protègent la ville. Après le qua-
trième tunnel on a traversé la vallée du Doubs vers l'Est et on entre dans le massif
jurassique, c'est une série de plateaux cultivés, boisés ou marécageux oii l'on est
étonné de voir des tourbières importantes par 7 à 800 m. d'altitude, avec des col-
lines peu élevées bornant çà et là le paysage. Plusieurs stations portent des noms
— 42i —
macabres : La Morre, l'Hôpital, etc. ; bientôt nous îirrivons à Morteau (67 kilom.),
oii nous retrouvons le Doubs avant sa grande boucle vers le N. Arrivés à 8 h. 01
nous repartons un quart d'heure après à 9 h. 20, heure du fuseau de l'Europe cen-
trale, nous voilà donc plus vieux d'une heure que nous n'avons pas vécu, c'est une
grave indélicatesse dont nous exigerons réparation. Au col des Roches, station
admirable, nous franchissons la frontière suisse et après le Locle, nous débarquons
à la Chaux-de-Fonds à 10 h. (9 h.) par 995 m. d'alt. à la gare.
Ce village de 2Ô.000 habitants s'enorgueillit d'être le plus important de l'Europe,
il est un centre de la fabrication d'horlogerie née au Locle il y a deux ou trois
siècles ; tous les monuments sont récents et sans intérêt (photot^•pie n" 3) ; les
constructions nouvelles, les boulevards, les places ont l'aspect général de tous les
quartiers neufs de nos grandes villes, mais dans les vieilles maisons, on constate
que jadis on s'inquiétait peu de l'hygiène et du confortable.
Dès notre arrivée, nous partons en voiture, par une route accidentée et très
pittoresque, pour le col des Loges ou la Belle- Vue des Alpes, à6 k. 5, par 1.286 m. ;
par un temps clair la vue y est splendide sur les lacs de Neuchàtel et de Morat
au-dessus du lac de Ruz, par tme cluse que franchit la voie- ferrée de la Ghaux-de-
Fonds vers le lac. Dans le fond les sommets des Alpes bornent l'horizon de Berne
jusqu'à Lausanne, que couvre le Jorat.
Le Saut du Doubs. — Vers 3 h. (2 h.) nous partons de l'hôtel en voiture pour
le Saut du Doubs par une route droite, à travers les prairies, oii les paysans
fauchent, fanent et voiturent leurs foins dont les senteurs nous embaument; mais,
détail curieux, les travailleurs en manches de chemise sont grossièrement vêtus,
tandis que les femmes qui les aident sont toutes coquettement habillées de corsages
ajustés aux couleurs claires, de jupes élégantes et de chapeaux ronds garnis de
fleurs ; dans ce costume elles manient avec grâce le râteau et font songer aux poé-
tiques paysages de Ruysdaël et surtout de Claude Lorrain. Les maisons , vastes
mais peu élevées, aux toits peu inclinés en angle dièdre très obtus, présentent
leurs pignons vers la route (phototypie n" 4) ; c'est le type des régions exposées
aux bourrasques. A 8 kilom. nous atteignons Le Locle, 11.000 habitants, 949 m. ,^
sur le versant d'une colline, fondé au XIV* siècle, mais développé à la fin du
XV!!*", quand le forgeron Jean Richard y établit la fabrication des montres de
Nuremberg. On lui a élevé, il y a dix ans, une statue en bronze, de 2",70, qui le
représente étudiant le mécanisme d'un œuf de Nurentherr/. Curieuse église romane
de 1758, dont la tour est de 1521.
A 4 kilom. plus loin nous passons au Col des Roches, site excessivement remar-
quable cil passe la frontière ; c'est une échancrure en V, comme un coup de hache
gigantesque, ouvrant une haute muraille rocheuse (phototypie n" 5) ; la route y
passe et, tournant à droite, pénètre dans un tunnel dans la paroi duquel une large
baie en balcon s'ouvre devant une vallée profonde et boisée. La route descend
jusqu'au village des Brcnets oii de raides sentiers mènent au bord du lac, qui est
le Doubs, coulant dans une large et profonde crevasse d'érosion dans le plateau
calcaire. Nous avions recueilli dans notre voiture, près du col, la batelière complai-
sante dont nous avons admiré la courageuse énergie quand nous l'avons priée de se
hâter pour notre retour. Louise Guillemin, c'est son nom, nous a conduits avec
une adresse et une vigueur remarquables dans tous les endroits curieux du lac; à
l'écho qui, comme un microphone exagère le son, la chaîne de la barque projetée
sur le plancher produit le bruit d'une forte fusillade qui se répercute sur les murs
rocheux qui nous environnent ; de l'autre côté, la grotte de la Toffière s'ouvre à
fleur d'eau ; dans le haut des murailles de 50 à 70 m. qui nous isolent du monde
(3) La Ghaux-de-Fonds (Suisse).
Fontaine du boulevard Léopold Robert.
-v. U^-i^
=aeti^
(4) Le Locle (Suisse).
Habitations sur la grande route du Locle à Morteau.
sur notre bien frêle esquif, la roche se découpe en créneaux ou en figures quel-
conques, le Sphynx, la \'ierge, etc. Ge gigantesque couloir se décompose en cinq
bassins par ses sinuosités ; le ciel et l'eau entre deux rochers immenses et inabor-
■dables, le silence le plus complet, celui des hautes montagnes, tel est l'aspect
sévère, grandiose et émouvant qui captive le touriste.
Le soleil dore les crêtes et produitVlcs jeux d'ombres ou de lumière crépusculaire
ou même donne les tons indescriptibles des jours d'éclipsé importante ; cette
muette solitude impressionne l'habitant des grandes villes et le chagrine presque,
Aussi quelques-uns d'entre nous entonnent un chant avec refrain en chœur, dont
l'effet est saisissant devant le merveilleux tableau de la grandiose nature oii nous
tenons si peu de place.
Au bout du lac nous nous empressons vers la cascade à quelques centaines de
mètres ; la chute de 27 m. se p)roduit dans un goutfre aride ou l'on peut descendre
pour contempler le Niagara du Jura ; mais il y a peu d'eau maintenant et l'attrait
est relatif, aussi n'allons-nous pas tous jusqu'à la chute, nous sommes du reste
pressés par l'heure. Grâce à la bonne volonté de notre batelière et à la vigueur de
ses bras, la traversée de retour s'effectue en 40 minutes ; cependant, attardés par la
raideur de la montée aux Brenet??, nous ne pouvons prendre que le dernier train
iiu Locle qui s'arrête à Morteau. Là, un excellent souper à l'hôtel de la Guimbarde
nous dispose à un repos bien gagné. Le séjour est imprévu au programme dans
cette jolie petite ville de 2.r>00 habitants , éclairée à rélectricité pendant toute la
nuit, comme dans toutes ces localités privilégiées oti l'eau fournit une force
motrice gratuite et abondante. Etagée à 754 m. sur la base herbeuse du Mont
Tantillon, elle y fut fondée au XIP siècle autour d'un prieuré de Bénédictins ; le
vendredi dès 6 h. nous visitons les curiosités : l'Hôtel de Ville est l'ancien
Prieuré de 1590 ; l'église souvent restaurée, réunit tous les styles curieusement
assemblés, depuis les vestiges du XIII'' siècle jusqu'aux restaurations du XVIP ;
les chaises tout en bois prouvent qu'il n'y a point ici de sybarites. La couleur locale
ne manque pas, mais la place me manque ici pour la décrire (phototypie n" 6).
A 8 h. 11 nous partons pour Besançon, nous y arrivons à 10 h. 15, satisfaits du
voyage et aussi d'avoir récupéré l'heure que l'on nous avait prise hier à la frontière,
Besancon. — Après le déjeuner hâtif nous visitons cette curieuse ville, ancienne
capitale de la Bourgogne, à 407 kilom. de Paris par fer, environ 60.000 habitants,
altitude 250 m. et citadelle 368, latitude 47" 14', long. E. 3" 42'. Archevêché, corps
d'armée, école d'artillerie, cour d'appel, etc., etc. La ville ancienne est une pres-
qu'île formée par une boucle du Doubs, isolée par l'énorme rocher de 100 m. que
surmonte la citadelle et par le tunnel de 380 m. percé dans cette roche pour le
passage du canal du Rhône au Rhin. Cette place excessivement forte est encore
couverte par un système de 17 forts détachés qui couronnent les montagnes envi-
ronnantes et défendent les approches à grande distance. Les Allemands, qui
occupaient la Haute-Saône en 1870-71, n'osèrent, pas plus que les Alliés en 1815,
s'attaquer à Besançon, et l'armée de l'Est vaincue à Héricourt le 17 Janvier put,
grâce à cette forteresse remarqualile, se retirer vers Pontarlier oii les forts de Salins
et dt Joux permirent à 85.000 soldats inexpérimentés , mais surtout épuisés par de
longs efforts et un froid excessif, de se réfugier en Suisse oii du moins ils furent
traités avec humanité et même cordialité.
César dit que la situation stratégique de Besançon, alors capitale des Séquaniens,
est rare, aussi cette ville fut-elle souvent le but disputé dans les guerres et les
invasions. Sous Marc-Aurèle, Vesontio devint colonie romaine.
Plus tard, cette fjrteresie appariint à l'empre germanique et forma un principat
— 420 —
attribué aux archevêques, tout en restant ville libre et impériale pendant tout le
Moyen-Age ; cette situation fut longtemps cause de troubles. Enfin, elle fut
conquise par Louis XIV sur les Espagnols en 1674, le traité de Nimègue nous la
donna définitivement en 1678 ; eUe perdit ainsi son libre gouvernement, mais
devint capitale de la Franche-Comté avec transfert du Parlement (1676) et de l'Uni-
versité (1681) de Dôle.
Besançon a un aspect pittoresque et tout particulier de ville ancienne de premier
ordre dont on garde le souvenir ; ses curiosités sont nombreuses, il y a de l'origi-
nalité, mais le pays est trop éloigné de notre région du Nord pour que j'entre dans
des détails pouvant être ici d'un intérêt général.
Voici ce que nous avons surtout constaté dans notre promenade : d'abord les
ruines romaines de la place St-Jean, oii sont de belles colonnes corinthiennes avec
entablement, des statues allégoriques, des vestiges d'un théâtre de l'époque de
Marc-Aurèle, etc., réunis dans un square qui est le lieu des fouilles ; tout auprès
la porte de Mars est une arcade romaine encadrée par 8 colonnes en 2 étages et
couverte de sculptures militaires. A deux pas est la cathédrale qui a une abside à
chaque extrémité, elle possède une horloge astronomique imitée de celle de Stras-
bourg. Par la porte Rivotte (1546) appuyée à 2 tours solides, nous arrivons à la
porte Taillée, percée par les Romains dans le rocher pour le passage d'un aqueduc;
dans la Grande-Rue, au n" 140, naquit Victor Hugo le 20 février* 1802 ; la Préfecture
et la Banque sont bien modestes, comme l'Académie, le Théâtre, le Lycée, etc. ;
bien des maisons ont leurs fenêtres garnies de fortes grilles de fer dont les cour-
bures ressortent pour permettre de jeter tin regard scrutateur dans toute la rue.
Mais le palais édifié en 1540 par Nicolas Porrenot de Granvelle, garde des sceaux-
de Charles-Quint, style de Renaissance flamande, attire notre attention avec sa
façade surmontée d'un attique, sa cour entourée d'un portique à colonnes mono-
lithes et son escalier à larges marches pavées de petits grès. La ville a acheté ce
Palais en 1712 pour le gouverneur de la province ; depuis 1864 elle Ta affecté aux
Sociétés savantes, plus heureuses que celles de Lille. La Biblothèque comporte
130.000 volumes et un grand nombre de manuscrits, plus une collection de 10.000
médailles. L'Hôtel de Ville de 1565 a une intéressante façade ornée jadis de
l'apothéose de Charles-Quint en bronze; en traversant la cour on gagne le Palais
de Justice, dont la jolie façade du XVP siècle à campanile et obélisque, donne sur
une superbe cour Henri II, oii on lit cette inscription suggestive absolument
dédaignée aujourd'hui : Obedicntia felici'.atis mater. Nous passons le superbe
jardin de Chamars, si fréquenté, nons longeons le Doubs du pont Carnot au pont
de Battant oii s'élève, en face de l'église Ste-Madeleine , la statue du marquis de
Jouffroy d'Abbans qui, le premier, appliqua en 1776 la vapeur à la navigation et
expérimenta sur le Doubs. C'est le grand faubourg de Battant, l'un de ceux qui
s'étendent autour de la ville trop pejj.te ; nous continuons jusqu'au pont Saint-
Pierre, voyant une curieuse synagogue de style mauresque (1868) et nous rentrons
en ville.
Bei.fort. — A 4 h. 11 nous somme-^ à la gare centrale partant pour Belfort par
l'intéressante vallée du Doubs, que nous remontons. Un peu avant Montbéliard.
nous disons adieu à cette rivière dont nous venons d'étudier le cours capricieux ;
née à 3 ou 4 kilom. de Mouthe, à 25 kilom. au S. de Pontirlier, au pied du Noir-
mont, elle effectue un parcours de 430 kilom., soit KTjde plus que la Saône qu'elle
rejoint à Verdun, près de Châlons, à i^ kilom. seulement de sa source ; ce sont
les inclinaisons variables des différentes vallées parallèles du Jura qui rendent soji
cours comme indécis entre le N. et le S. et le conduisent jusqu'en Suisse ven*
-*%k*asher»,.-,4^^.
(5)
Frontière Franco - Suisse.
Le Col des Roches.
(6)
M 0 ETE AU ( Doubs ).
Type d'attelage.
Porrentniy ponr regagner ensuite le grand versant méditerranéen, après avoir tra-
versé le Loniont ; sa vallée et celle de la Dordogne sont les plus pittoresques do
France ; il est accompagné pendant 150 kilom. environ par le canal du Rhône au
Rhin creusé de 1783 à 1834, qui se confond souvent avec lui. Ce canal part de la
Saône à St-Symphorien, non loin de Dôle oii il rejoint le Doubs, qu'il quitte à sa
boucle près de Montbéliard ; de là, il sort de France par le col de Valdieu et va
rejoindre FUI dont il se sépare près de Mulhouse pour aller par Neuf-Brisach
la retrouver, près de Strasbourg oii elle conflue avec le Rhin en aval du Kehl. Ce
canal a 322 kilom. de longueur, dont nous ne possédons plus que 192 kilom. avec
une pente vers le Rhône de 173 m. rachetée par 70 écluses ; vers le Rhin, il y a
206 m. de pente et 85 écluses ; la charge ordinaire des bateaux est de 100 t., le
maximum est de 140 t.
A 7 h. nous arrivons à Belfort, 443 kilom. de Paris, lat. 47" 38', long. E. 4» 32',
ait. 328 m. et 419 à la citadelle, 25.000 hab. ; la Savoureuse coule entre la y'ûU
forte et ses faubourgs devenus plus grands qu'elle. La gare est au faubourg de
France ; une grande rue commerçante nous conduit sur le quai à l'hôtel et nocs
commençons sans tarder notre visite : sur la place d'Armes , le groupe de Mercié ,
Quand même ! symbolise avec art la défense glorieuse de Belfort; sur le piédestal,
sont les profils en bronze de Thiers et du colonel Denfert; et sur un côté de la Place
l'église St-Ghristophe en grès à patine rougeâtre, semble saigner encore sous les
coups des obus dont elle porte les traces. Tous les monuments sont récents et ne
méritent aucune mention spéciale ; Belfort est avant tout une forteresse dans une
position stratégique peu commune, elle commande en première ligne, appuyée par
une vingtaine de forts, la célèbre trouée ou col de 30 kilom. de large qui existe là
entre les Vosges et le Jura. Dès l'antiquité, des invasions de Germains y passèrent
pour faire irruption dans la Gaule et par là. César chassa Arioviste, comme il
avait rejeté les Helvètes dans leur pays par le Pas de l'Ecluse, plus au Sud; on ne
sait rien cependant de l'histoire primitive de Belfort au delà du XIIP siècle. Elle
appartenait au comté de Montbéliard, mais en 1319, fcette seigneurie passa par
alliance à la Maison d'Autriche qui la garda jusqu'au XVIP siècle, oia le traité de
Westphalie la donnna à la France. En 1659, dix ans après, Louis XIV en fit un
duché pour le cardinal Mazarin ; ses héritiers le conservèrent jusqu'en 1791.
Vauban établit les fortifications en 1687 ; Belfort se défendit honorablement en
1814 et en 1815, mais le siège de 1870-71 est une page glorieuse que la France ne
peut oublier. La ville investie le 3 novembre 1870 par le général de Treskow,
détaché de l'armée du général de Werder, se défendit héroïquement; l'énergie et
le talent du lieutenant-colonel du génie Denfert-Rochereau , d'ailleurs bien
secondé, déroutèrent tous les efforts des Allemands. Le 15 janvier -1871, en enten-
dant le canon de Bourbaki, vainqueur à Villersexel, tonner sur les hauteurs d'Hé-
ricourt, Belfort se croyait sauvée, mais après trois jours de lutte, nos soldats,
courageux, mais inexpérimentés et exténués durent reculer vers Besançon. Le
28 janvier, après l'armistice, la place tenait toujours, il fallut un ordre formel du
gouvernement pour obliger ses défenseurs à la remettre à l'ennemi et ils en
sortirent avec les honneurs de la guerre. Pas un Français visitant Belfort ne
manque d'aller au cimetière rendre hommage à la valeur des combattants tombés
pour la défense. Une belle pyramide rappelle la mort glorieuse de 1.600 mobiles
dormant côte à côte du dernier sommeil. Nous déposons un souvenir de la Société
parmi les couronnes, les palmes et les bouquets amoncelés, tandis que de notre
àme s'élève un pieux élan d'admiration pour ceux qui ont si vaillammenî accompli
leur devoir envers la Patrie. Pensant à 1792, nous nous disions fièrement : Belfort
est notre sœur, héroïque comme Lille, elle a bien mérité de la Patrie ! Toute la
— 428 —
France a applaudi au décret qui, en 1896, Ta autorisée à ajouter la croix de la
Légion d'Honneur à ses armes.
Personne n'entre au Château , mais nous ne manquons pas d'accomplir un
autre pèlerinage, celui du Lion de Belfort. Ce bas-relief gigantesque (16 m. sur 24)
sculpté en grès rose de la ^leurthe par l'Alsacien Bartholdi, est appliqué sur une
paroi du rocher que couronne la citadelle ; c'est une allégorie de la force et du
courage des Belfortains qui fait battre le cœur^des patriotes.
De loin nous avons aperçu sur une colline la tour de la ^liotte ; presque démolie
par l'artillerie ennemie, elle avait été bien étayée, mais lorsque les Allemands
évacuèrentle territoire, cruels jusqu'au bout, sachant que les Belfortains attachaient
un grand prix à cette espèce de palladium datant de 1473, ils enlevèrent les étais
et la tour s'écroula dans la nuit du 8 au 9 juillet 1873. L'Etat l'a fait reconstruire.
Virtuellement, notre splendide voyage était fini et au dernier repas, les excur-
sionnistes témoignèrent aux organisateurs leur sincère et cordiale reconnaissance
du plaisir et de l'intérêt avec lesquels ils avaient parcouru les régions monta-
gneuses de l'Est.
Un peu plus tard, à minuit 20, nous prîmes place dans le Calais-Bàle ; dévorant
l'espace avec une rapidité vertigineuse, il nous fit passer à Vesoul, que nous
donna le traité de Nimègue (1678). à Chaumont, à St-Dizier, puis à Vitrj', à Cha-
lons, Reims, Laon et St-Quentin, et nous déposa sur les quais de Lille à 10 h. SU
du matin. Là, nous nous séparâmes avec des poignées de mains sympathiques en
nous disant au revoir !
Parcourir ainsi notre belle France, n'est-ce point trouver plaisir, santé et
instruction ? Du reste : Connaître son pays est un sérieux devoir.
Lille, ce Novembre 1898.
E. Gantineau,
Archiviste de la Société.
ÉPHÉMERIDES DE L'ANNEE 1898
MAI.
i". — SouD.\N. — Prise de Sikasso par la colonne française du lieutenant-
colonel Audeoud.
1". — Philippines. — L'amiral Dewey détruit à Cavité l'escadre espagnole de
l'amiral Montojo et bloque Manille.
5. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. E. Gallois : Au pays
des pagodes et une visite à Java.
6. — Cuba. — La fièvre jaune éclate à Cuba.
6. — Soudan. — La mission du capitaine Cazemajôu, allant du Niger au Tchad,
ost massacrée à Zinder.
7. — État.s-Unis. — Les Américains capturent un transatlantique français qui
veut entrer dans le port de la Havane ; le navire est bientôt relâché.
a. — Antilles. — Bombardement de San Juan de Puerto-Rico par la flotte de
l'amiral Sampson.
— 42U —
H. — Japon. — Terrible tempête au Japon : 1,5()0 marins noyés.
12. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Meys : Dans les
Montagnes de VAraijon.
12. — Philippines. — Les indigènes se révoltent.
12. — Italie. — Les émeutes augmentent de gravité ; à Milan on compte
750 morts, 2,000 blessés.
13. CiBA. Une tentative de débarquement des Américains à Cuba est
repoussée.
15. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. D'" Eduardo d'Avellar : (!)
D. Yasco da Gaina et les Navicfateurs portugais au XV'' siècle.
15. — Chine. — Visite du prince Henri de Prusse à l'empereur de Chine, au
Palais d'Eté.
16. — LiBÉRL\. — Les explorateurs Bailly et Pauly sont massacrés à Zolou.
16. — Japon. — Par suite du paiement de l'indemnité de guerre chinoise, les
Japonais évacuent Weï-Haï-Weï.
17. — Chine. — La Chine cède à bail à l'Angleterre pour 25 ans Weï-Haï-Weï,
dont les Anglais prennent possession le 17 mai.
18. — États-Unis. — Les Américains détruisent les correspondances à l'adresse
de l'Espagne.
19. — Cuba. — L'escadre espagnole Cervera, partie des îles du Cap Vert
(29 avril), arrive à Santiago de Cuba.
19. — Angleterre. — Mort de Gladstone, ancien \" ministre libéral.
20. — Lille. — Société de Géographie. Communication de M. Quarré-Rey-
bourbon : A travers les Monuments et Musées de Londres au XVII' siècle.
26. — Cuba. — L'escadre de l'amiral Sampson commence le grand blocus de
Santiago de Cuba.
31. — Cuba. — Combat naval dans la baie de Santiago de Cuba.
31. — Tunisie. — Nouveau régime douanier.
31. — Autriche. — Séances tumultueuses au Reichsrath occasionnées par le
parti allemand.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
I. — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes.
AFRIQUE.
!§»Qudau ég^ypf ieii. — Dervlelies. — La prise d'Omdurman n'avait pas
eu pour conséquence d'amener la soumission complète des Derviches. Un groupe
(1) Depuis le mois de Décembre 1898, le D'' d'Avellar est Directeur de l'InsUtut Pasteur à Lisbonne.
— 430 —
important, qui tenait le Nil Bleu, sous le commandement dWhmed-Fédil, a été
attaqué près de Roseiras, à 600 kil. sud-est de Khartoum par le colonel Levis, avec
le 10" régiment soudanais et des contingents irréguliers. Après un sanglant combat,
Ahmed-Fédil s'est enfui, perdant 500 tués et 1,500 prisonniers (20 décembre 181*8).
Les Anglo-Egyptiens ont eu. 27 hommes tués et 124 blessés, dont 6 officiers
ègv'ptiens. Malgré la poursuite dont il a été l'objet, Ahmed-Fédil a pu s'échapper
vers le Sud, mais le gros de sa troupe, environ 2,000 hommes, a fait sa soumission.
A l'Ouest de Khartoum, le colonel Kitchener, frère du Sirdar, qui avait été
envoyé dans la direction d'El-Obéid à la poursuite du Khalife, est revenu à
Khartoum sans avoir atteint son but. Après avoir pris contact avec les débris de
l'armée madhiste près de Cherkeila, dans le Kordofan, il ne se jugea pas assez,
fort pour les attaquer avec les 2,000 soldats dont il disposait et rétrograda vers
le Nil.
Cette retraite fut considérée comme un échec par les indigènes et contribua à
ramener des partisans au Khalife. Celui-ci, qui avait environ 6,000 hommes, aurait
vu rapidement ses forces plus que doublées. On lui prête l'intention de reprendre
l'offensive et de marcher vers l'île d'Abba, en amont d'Omdurman, Une certaine
inquiétude régnerait au Caire, d'où des renforts ont été envoyés au Soudan.
Oii^saiicla. — Rspédif ioiiM llae<loiialcl et Harf.yr. — A la séance
de la Chambre des Communes du 20 mars, lord Salisbury a déclaré que le prin-
cipal objet de l'expédition du major Macdonald était de définir la frontière anglo-
italienne qui a été déterminée par les sources du Juba. Mais ce n'était pas son.
seul but. Des bruits répandus sur les desseins d'autres puissances sur le Haut-Nil
avaient amené le gouvernement à projeter l'établissement de postes militaires.
Mais la rébellion des soldats soudanais a dû faire ajourner ce projet. La répressioa
de la révolte a pris plusieurs mois et les forces du major Macdonald en ont été
tellement diminuées, qu'on a pensé qu'il ne serait pas sage de poursuivre l'entre-
prise primitive jusqu'au bout. Le major a repris la route de Mombassa, et sa
mission peut être considérée comme terminée.
Une autre expédition sous les ordres du major Martyr a repris le projet de
descendre le Nil. Son objectif était d'abord de rencontrer les Derviches à Bor, sur
la rive droite du Nil. En arrivant vers cet endroit, le major Martyr trouva la rive
gauche du fleuve occupée par des troupes congolaises, et il apprit d'elles que les
Derviches, à la nouvelle de son approche, avaient disparu. Le major continua sa
marche en avant, et il était à Beddin, aux dernières nouvelles de lui. La contrée
au delà de ce point étant impraticable, il lui est ..impossible d'aller plus loin. Un
chenal permanent pourrait être établi mais, comme jusque-là il n'est pas probable
que le major Martyr puisse avancer davantage, on s'attend à ce qu'il retourne par
l'Ouganda.
Une lettre venant du Congo complète ces renseignements. La colonne Martyr, .
partiint de l'Ouganda et composée de 5 à 600 soldats, a descendu la rive droite du
Nil jusqu'à Bedden, oii sa marche a été arrêtée par les marécages. Son chef a donc
demandé aux autorités de l'Etat du- Congo l'autorisation de passer sur la rive
gauche du Nil, ce que le commissaire général Hanolet lui a aussitôt accordé. Ceci
se passait en octobre 1898. Le major Martyr disposait d'un canot à vapeur pour
naviguer sur le Nil. Bor, occupé encore par les Mahdistes, est à trois jours de
marche des postes avancés de l'enclave congolaise. D'après des déserteurs, les
Derviches y souffrent de la famine et manquent de munitions.
On est quelque peu étonné en Angleterre du peu de résultats donné par les
expéditions de l'Ouganda, qui, disposant de moyens d'action bien supérieurs en
— 431 -
hommes et en matériel à ceux du commandant Marchand, ont échoué là où ce
dernier a brillamment réussi.
Afrique orieutale alleniaucle. — steamer an Taiijsanika.
— Los Allemands vont avoir un vapeur sur le lac Tanganika. Un premier Lateau,
le Capitaine Wissmann, envoyé dans ce but, par la voie du Zambèze et du Chiri,
ne put être transporté au delà du lac Nyassa et est resté sur ce lac, où il fait
actuellement le service. Depuis, une souscription publique a permis d'envoyer un
deuxième bateau qui est conduit actuellement par le lieutenant Schœffer. 11 a
2,500 charges à transporter du lac Nyassa au Tanganika, par la route Stevenson.
Le gros du transport a quitté le port de Karonga, à l'extrémité S.-E. du Tanganika
en juin 1898. 11 n'y a jusqu'ici qu'un steamer sur le Tanganika ; c'est le Good New,
appartenant à VAfrican Lakes Company : son port d'attache est Kituta, au Sud
du lac.
II. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
EUROPE
I^a C'onventiou Frauco-Ilalieiinc devant la C'oniniiwf«lon
«les Donanes. — Dans l'une de ses dernières séances, la Commission des
Douanes a approuvé la Convention Franco-Italienne.
11 est intéressant d'étudier la genèse de cette Convention qui met enfin un terme
à une guerre de tarifs qui avait encore avivé les malentendus très nombreux entre
les deux nations, à la suite de la politique d'agacement et de provocation du minis-
tère Crispi.
Nous étions brouillés, commercialement et moralement parlant, avec l'Italie
depuis 1888. Les Italiens avaient rompu d'eux-mêmes. Ils nous ont offert les pre-
miers la réconciliation. Nous eussions été mal venus à montrer de la mauvaise
humeur et à ne pas entrer en conversation.
Dès le début, les négociateurs français voulaient que deux des principaux articles
d'importation italienne seraient exceptés de l'accord et tenus en dehors de toute
négociation : les vins dont la Chambre se réservait de majorer sensiblement les
droits, et les soies et soieries qu'on entend tenir dorénavant en dehors de toute
convention nouvelle.
Les négociateurs italiens consentirent à cette base d'études et l'on parlementa.
La Chambre de Commerce française de Milan intervint très utilement : elle
ouvrit avec discrétion toute une enquête auprès des Chambres de Commerce de la
Métropole. L'on se mit avec entrain au travail.
Les intérêts des deux pays étaient d'ailleurs identiques. Si l'Italie a perdu 57 %
de son chiffre d'affaires avec la France, nous avions perdu, nous, 50 % de notre
chiffre avec l'Italie, et comme cette diminution se portait sur une valeur plus forte,
l'équilibre des intérêts était évident.
A première vue, l'on doit constater qu'alors que l'Italie nous concède son tarif
conventionnel, tarif immuable jusque 1903, nous ne pouvions, en raison de la
jurisprudence douanière des Chambres depuis 1892, offrir que des tarifs sujets à
variations, puisque nous restons toujours maîtres, nous Français, de modifier notre
tarif.
— 432 —
Il a semblé à certains commissairos, que nous n'avions pas obtenu de l'Italie des
concessions assez considérables. Si Ton examine la convention de près, Ton
constate que les droits qui nous sont appliqués à l'entrée en Italie correspondent
«lans beaucoup d'articles industriels aux droits mêmes que nous appliquons en
France aux mêmes articles et que dans les articles agricoles nous avons dans notre
tarif des droits supérieurs à ceux cpii frapperont les mêmes articles français à
l'entrée en Italie.
Il est d'ailleurs intéressant de constater que l'Italie nous a fait des concessions
sur 183 numéros de son tarif conventionnel et que ces 183 numéros englobent
environ 300 articles. Certes, si nous étions entrés en pourparlers avec l'Italie, il y
a quelques années, nous pourrions nous flatter d'avoir obtenu des concessions sur
un nombre beaucoup plus considérable d'articles, mais comme l'Italie a déjà
consenti à cette baisse dans des traités précédents passés avec la Suisse, l'Alle-
magne et l'Autriche, et qu'il est formellement stipulé, dans la Convention Franco-
Italienne, que nous jouissons du traitement de la nation la plus favorisée, il y a un
bénéfice latent dont nous devons faire état, et, si le bloc des tarifs italiens n'a pu
être plus fortement comprimé, c'est que l'opération avait déjà été faite dans
d'autres négociations. Ce qui est intéressant, c'est que nous en profitions et au
plus tôt.
En ce qui concerne Roubaix, Tourcoing et son industrie, nous sommes heureux
de constater que nous profiterons dorénavant du tarif conventionnel et de l'influence
morale qui plaidera en notre faveur à la suite de la bonne entente entre les deux
nations, mais nous aurons dorénavant pour les tissus ras non foulés de laine pure
des avantages appréciables.
Le tarif conventionnel appliqué à ces articles était par 100 kilogrammes :
250 fr. jusqu'à 200 grammes ;
220 fr. do' 200 grammes à 500 grammes.
Il sera désormais de 220 francs jusqu'à 200 grammes et de 200 francs pour les
poids plus lourds.
Les tissus d'ameublement payaient de 140 à 190 francs ; ils ne payeront plus que
100 francs.
L'es tissus de' laines imprimés payaient une surtaxe de 50 francs par 100 kilo-
grammes ; la surtaxe est baissée à 30 francs.
Les tissus de jute, les tissus de velours, les couvertures de coton et de laine, les
tulles, la passementerie, sont des articles qui intéressent notre région et ([ui ont
obtenu aussi un traitement de faveur.
Nous devons remercier M. Grandgeorge, qui a été auprès des négociateurs du
traité franco-italien un excellent conseil pour tout ce qui concernait l'industrie
lainière. M. Grandgeorge marchait de concert avec M. Louis Cordonnier et nous-
même, membres de l'Association générale de l'industrie lainière.
Aussi, au sein de la Commission des Douanes, avons-nous insisté très vivement
pour l'adoption pure et simple du projet du gouvernement.
11 est temps que nous puissions sur le marché italien renouer nos anciennes
relations. En peignés, en fils et en tissus, nous y avions autrefois la première
place.
Les V'ervictois, les Allemands, les Suisses nous ont ravi une grosse portion de
notre chiffre ; mais, à armes égales, nous pouvons espérer le reconquérir tout
entier.
Eugène Motte,
Député de Roubaix.
^ idS —
»ével«|»|»c'in«'nt d«' Félcetrielté en NuInk<*. — Voici ce qu'écrit
à ce sujet un ingénieur suisse :
« L'utilisation des forces naturelles dont notre pays est si riche et leur transfor-
mation en énergie électrique est sans contredit le fticteur le plus important pour
l'avenir et le développement de nos industries. Nos localités du Jura ont compris
tout le parti qu'elles peuvent tirer des cours d'eau dont elles disposent. L'énergie
électrique pénètre partout, mais surtout dans les centres horlogers : le Locle, la
Chaux-de-Fonds, le vallon de Saint-Imier, le Val-de-Travers, le vallon de la Suze,
la vallée de la Birze, la ville do Neufchàtel, la ville d'Yverdon, Sainte-Croix et les
villages environnants ont leurs installations électriques marchant à l'entière satis-
faction des industriels et du public.
« Quoique dans certaines localités le prix du cheval-électricité soit supérieur à
celui des moteurs à vapeur, à pétrole, à gaz, à benzine ou autres, le fabricant
préfère encore abandonner ceux-ci pour prendre le moteur électrique, qui offre de
sérieux avantages, aussi bien au point de vue de la surveillance et de l'hygiène des
ateliers qu'à celui de la sécurité des ouvriers. Avec le moteur électrique , point de
provision de combustible, point de chautfeur, aucun danger d'explosion, mise en
marche instantanée et interrompue à volonté ; avantages réels et toujours plus
appréciés.
« Les cours d'eau du Jura ayant donné à peu près tout ce qu'on pouvait leur
demander, on s'est attaqué aux fleuves puissants de nos Alpes. La ville de Bienne
attend avec impatience l'achèvement des travaux de Hageneck ; l'entreprise fournira
à cette cité industrielle la force électrique et l'éclairage.
« Une autre source d'énergie considérable fournie par le Rhône est l'usine
genevoise de Chèvres. Cinq unités de 1200 HP sont en fonction et actuellement
l'installation première, qui a été prévue par 18 unités, est en train de se compléter.
A Genève, comme ailleurs, l'industrie fonde de grandes espérances sur la force
électrique à un prix abordable. »
ASIE.
Toiikin. — lia ligue «lu Tuuuau. — La Banque de l'Indo-Chine a
formé, avec le concours des principaux établissements de Paris, un syndicat
d'études en vue d'examiner sur place les conditions de réalisation de la ligne du
Yunnan, pour laquelle les chambres ont voté une garantie d'intérêts annuelle de
trois millions de francs. D'accord avec M. Doumer, une mission d'ingénieurs a été
formée par le syndicat don't nous venons de parler, avec le concours de la Société
de construction des Batignolles (Gouin) et de la régie générale de chemins de fer
(Vitali) en vue de l'étude en question, et la mission s'est embarquée à Marseille le
12 mars pour le Tonkin. La mission se rendra de Haïphong à Laokaï, terminus de
la ligne du Tonkin et reconnaîtra le tracé de la ligne chinoise projetée de Laokaï à
Yunnan-Sen par Montzé.
Le personnel de la mission rentrera à la fin de l'année courante et c'est seule-
ment alors que le syndicat sera en mesure de faire au gouverneur-général de
rindo-Ghine des propositions fermes en vue de la réalisation de l'affaire projetée.
Nous souhaitons vivement que l'initiative prise par les financiers parisiens soit
couronnée de succès ; car, grâce aux concours industriels dont ils disposent, ils
seraient en mesure de mener à bien et rapidement une entreprise qui présente un
réel intérêt au point de vue de l'avenir de notre belle colonie du Tonkin.
— 434 —
Chinoiserie postale. — On se plaint souvent que nos compatriotes dédaignent
nos colonies. Les entraves administratives de toutes sortes y sont pour beaucoup.
Une chinoiserie dans le genre de la suivante, que rapporte la Quinzaine coloniale,
n'est guère encourageante :
« Un colon du Tonkin avait à envoyer 100 francs en France pour un paiement
urgent. Mais comme il habitait la brousse et que les bureaux de poste n'ont pas le
droit de délivrer des mandats pour la France, il lui a fallu se rendre à Hanoï, oii
le bureau du Trésor a seul le privilège des mandats pour la métropole. Or, le lieu
de la résidence de ce colon n'est relié à Hanoï que par un service hebdomadaire
de chaloupes ; il lui a fallu dépenser 150 francs de voyage et perdre 10 jours pour
envoyer ses 100 francs en France. C'est à se demander si l'administration coloniale
ne pourrait pas faire quelque chose de plus pour ruiner et décourager les colons
français ! »
ludo-C'liine fraueai»e. — Allciiiaiiflfii et Chluoisii. — La concur-
rence que nous font en Extrême-Orient, sur notre propre sol, les Chinois et les
Allemands, est considérable.
C'est ainsi qu'il y a 7 moulins à riz, à Gholon, et 1 à Saïgon ; or, tous ces éta-
blissements sont à des étrangers, .5 à des Chinois et 2, les plus importants, à des
Allemands. Une Société allemande a créé, il y a 10 ans, le moulin « Union », au
capital de 187,000 dollars ; elle a donné un dividende de 34 7oi 6t le fonds de
réserve dépasse le capital. La même Société a ensuite créé le grand moulin
« Orient », au capital de 58.5,000 dollars ; il livre en 24 heures 15,000 piculs de riz
cargo, contenant 10,000 piculs de riz blanc.
Près de Pnom-Penh (Cambodge), un moulin à égrener, fondé par un Français,
est tombé aux mains des Chinois.
Une fabrique d'allumettes fondée en 1891, à Hanoï, a passé à des Chinois ; une
autre fabrique chinoise existe à Haïphong. A Saïgon, la fabrique de verres de
lampe est chinoise.
La navigation entre Hanoï et Haïphong est assurée par l'entreprise Marty et
Abbadie ; mais la maison allemande .Jebsin et C" de Hong-Kong fait circuler régu-
lièrement sur le fleuve 3 ou 4 vapeurs.
Si l'on ajoute à cela qu'un grand nombre d'articles consommés en Indo-Chine
viennent exclusivement d'Allemagne, on voit combien il serait utile d'encourager,
par tous les moyens, les entreprises françaises, si l'on veut éviter que nos colonies
ne continuent à faire la fortune des étrangers.
liide anglaise. — C'Ikeininw fie fer. — Lord Elgin, qui a été récem-
ment remplacé comme vice-roi dus Indes par lord Curzon, avait vivement epcouragé
l'extension du réseau ferré de l'Inde. Pendant son administration, l'Asie anglaise
s'est augmentée de 3,500 milles de lignes nouvelles, et 3,000 milles nouveaux ont
été approuvés.
Le gouvernement a accordé à des Compagnies des concessions territoriales et a
participé, dans une certaine proportion, aux risques comme aux bénéfices des
entreprises de chemins de fer.
Précédemment, ainsi que le fait remarquer la Quinzaine coloniale, les chemins
<le fer de l'Inde avaient été construits par le gouvernement, par les Etats indigènes
ou par les Compagnies particulières, moyennant subvention ou garantie d'intérêt.
Lord Elgin, en faisant coopérer le gouvernement aux entreprises de voies ferrées,
stimula beaucoup l'initiative privée.
435 -
AFRIQUE
Rôle «le la Frauce «lauw le coninieree ftéuéral «le TÛ^ypte.
— Importation de Frange en Egypte. — Dans un rapport sur le commerce de
l'Egypte le consul de France établit que la France se place en 1897, au troisième
rang par le chiffre de ses importations en Egypte, qui a été de 1,206,188 livres
■égj'ptiennes ou 31,264,393 fr., contre 1,292,119 livres égyptiennes ou 33,791,724 fr,
en 1896 ; soit une diminution de 2,527,331 fr. pour le dernier exercice. Nous
venons après l'Angleterre et la Turquie, et nous sommes suivis par l'Autriche-
Hongrie d'abord, puis par la Belgique» les Possessions anglaises de l'Extrême-
Orient, l'Italie, la Russie, l'Allemagne, etc., etc.
La baisse de nos importations s'est manifestée dans les catégories suivantes : les
produits et dépouilles d'animaux ; les céréales, légumes, farines ; les spiritueux,
boissons et huiles ; les bois et charbons, les pierres, terres, vaisselles, verres et
•cristaux; les matières tinctoriales et couleurs; les métaux et ouvrages en métal.
La France a tenu, en 1897, la tète des importations pour : les poissons salés,
fumés ou conservés ; les peaux tannées autres que celles de bœufs, de vaches, de
moutons et de chèvres, les bougies, les lentilles, les petits pois, les farines de blé
et de maïs, les autres farines ou fécules de farine, les denrées coloniales autres
que le thé, le café et les épices, les vins en bouteille, les liqueurs, les papiers
peints pour tapisserie, les imprimés divers et travaux en carton ou en papier, les
ustensiles en bois, les travaux en paille, cannes, jonc, osier, les briques, tuiles et
tubes en terre cuite, la chaux, le ciment, les travaux divers en t^rre, plâtre ou
ciment, la cochenille, les médicinaux purs, médicaments composés et spécialités
pharmaceutiques, les caractères d'imprimerie, la parfumerie, les tissus de soie, les
tulles, dentelles, rubans et broderies en soie, le lin, le chanvre, le jute et autres
matières végétales à filer, la passementerie et clichés d'impression, le plomb en
feuille ou travaillé, les travaux en autres métaux ou alliages métalliques, les
montres et mécanismes pour montres, les articles de bureau, la quincaillerie et la
mercerie, les parasols, parapluies, en-cas, les chapeaux pour hommes et pour
femmes et les garnitures pour chapeaux, les instruments de mathématiques, de
précision, d'optique, les appareils électriques.
Nous arrivons au second rang pour : les peaux tannées de bœufs, de vaches, de
moutons et de chèvres, la sellerie, les plumes pour ornements, la graisse d'ani-
maux, les produits et dépouilles d'animaux, les pommes de terre, les pâtes de
froment, les fruits secs, les conserves alimentaires végétales, le café, les confitures,
les biscuits, les eaux minérales et gazeuses, les huiles minérales autres que le
pétrole, le papier à lettre et à imprimerie, le papier à cigarettes, les meubles en
bois, les charrettes,. voitures et embarcations, le plâtre, les glaces et miroirs, les
minéraux non métalliques, les vernis, les gommes résineuses, les produits
chimiques, les fils de coton, les dentelles, broderies, rideaux en coton, les tapis de
laine, les toiles cirées ou goudronnées, la lingerie confectionnée, la bonneterie, le
fer blanc naturel et ouvré, les outils en fer, en acier ou en fer aciéré, les ouvrages
en cuivre, bronze, zinc, le plomb allié d'antimoine et l'étain allié de plomb, les
chaudières et parties de machines à vapeur, les autres machines et parties de
machines, l'horlogerie, les lampes, les habillements de confection.
Pour donner une impression aussi complète que possible de notre rôle dans
l'importation égj-ptienne en 1897, j'ajouterai, dit le Consul, qu'il est un certain
nombre d'articles avec lesquels, sans nous trouver en tête des pays importateurs,
nous arrivons encore à un chifl're respectable d'afiaires. Tels sont : les fromages.
— 430 —
les vins en fûts, les huiles de graines autres que les graines de coton, les faïences
et porcelaines, la verrerie et la cristallerie, les tissus de laine, la soie et les fils de
soie, les tissus mélangés.
Exportation d'Egypte en France. — Comme on l'a vu déjà, la France se
place au troisième rang des pays qui ont profité de l'exportation égyptienne en
1897, soit après l'Angleterre et la Russie.
L'ensemble des marchandises dirigées sur la France au cours du dernier exercice
a atteint le chiffre de 1,116,707 liv. ég. ou 28,945,34.". fr. contre 1,208,798 liv. ég. ou
31,326,044 fr. en 1896, soit une diminution de 2,380,699 fr.
L'exportation égyptienne, en ce qui coocerne la France, est plus ou moins en
baisse sur les .catégories : denrées coloniales et drogues, spiritueux, boissons et
huiles, bois et charbons, produits chimiques, médicinaux et parfumerie, produits
de l'industrie textile, métaux et ouvrages en métal, articles divers (mercerie, quin-
caillerie, etc.).
Les produits égyptiens que nous avons reçus en plus grande quantité, pendant
la dernière année, sont : les cailles (1,884,900) représentant 22,068 liv. ég. ou
572,003 fr., sur une exportation totale de 2,071,900 bêtes, d'une valeur de 24.179 liv.
ég. ou 626,720 fr.
Les œufs : nous en avons reçu 6,046 sur 13,(370, et pour 5,(j.52 liv. ég. ou
146,5(X) fr., sur un chiffre total d'exportation de 12,373 livres êgj^ptiennes ou
320,708 francs.
Les peaux de moutons ou de chèvres, qui nous ont été envoyées, au nombre de
127,775, d'une valeur de 5,163 liv. ég. (133,82.5 fr.) sur un ensemble de 251,790,
d'une valeur totale de 9,837 liv. ég. (,254,975 fr.).
Les plumes d'autruches, dont nous avons reçu pour 6,5(X) liv. ég. ou 160.480 fr.,
sur une exportation totale de 12,420 liv. ég. (321,926 fr.).
Les cornes et ossements d'animaux à l'état brut : l'exportation de cet article
pour la France a été de 2,417 liv. ég. ou 62,649 fr., sur un chiffre de 5,258 liv. ég.
ou 136,287 fr.
Le blé (34,826 hect.), d'une valeur de 15,442 liv. ég. ou 400,257 fr., sur un
ensemble de 77,205 hectol., évalués 33,803 liv. ég., soit 876,174 fr.
Les fèves (594,824 hectol.), valant 181,226 liv. ég. ou 4,677,378 fr., sur 1,236,378
hectolitres, estimés 383,327 liv. ég. (9,935,836 fr.)
Conclusion. — En résumé, si cette étude révèle une diminution de plus de
4 millions de francs dans le chiffre de nos transactions avec l'Egj'pte par rapport à
ce qu'elles ont été en 1896, nous conservons, comme on a vu plus haut, notre
situation vis-à-vis des pays concurrents dans le mouvement général du commerce
extérieur égj'ptien, et l'on peut même dire que cette situation, qui nous place après
l'Angleterre et la Turquie pour les importations, après l'Angleterre et la Russie
pour les exportations, ne paraît pas menacée d'une façon imminente.
Ce ralentissement relativement peu sensible d'ailleurs de nos échanges avec
l'Egj'pte est facile à constater; mais les causes en sont, pour ainsi dire, impos-
sibles à déterminer.
Pour tes Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ADJOINT , A. MERCHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
- 437 -
TABLE DES MATIÈRES
DU PREMIER SEMESTRE DE 1899.
PASBS.
L'Adjudant de Prat à Lille (avec Portrait) 5
Programme des Excursions projetées en 1899 6
Liste des Membres de la Société de Géographie de Lille 14"), 372
Programme des Concours pour 1899 204
Bibliographie 276
Mouvement financier en 1898 378
Grandes Conféreoces.
E. Gallois. — Excursion à la capitale de Tamerlan 9, 80
Dupont. — L'enseignement commercial en Allemagne 225
E<eetiiFes aux. A$«seniblécs {générales
et Communications.
P. FoNCiN. — Pour la France 104
V. DE SwARTE. Au pays de Rembrandt et de Frans Hais 235, 381
0. DE Prat. — De Loango à Fachoda 289
Capitaine Chanoine. — Mission Voulet-Chanoine 357
L. T. — La situation militaire des puissances européennes en Extrême-Orient
en 1898 401
Comptes rendus d'Excursions*
E. Gantineau. — L'Ascenseur des Fontinettes, Arques et St-Omer 26
— — A travers les Vosges et le Jura. 411
29
- 438 -
PAOKS.
Hector Dufour. — Bruxelles, Liège. Spa, Rochefort, Grottes de Han, Dinant. 30
M. S. — Une Excursion aux Pyrénées 37, 107
V. PiGACHE. — Bruges, sa Procession et les Travaux du port de Heyst 124, 207
Procès-verbaux.
*
Séance solennelle du 22 Janvier 1899 65
Assemblée générale du 26 Avril 1899 369
Congrès.
Congrès archéologique de Bourges (M. Quakré-Reybourbon) 257
XX' Congrès national des Sociétés françaises de Géographie (Alger) 379
Bibliothèque.
Livres, cartes et photographies reçus ou achetés pour la Bibliothèque 375
Éphémérides de l'année 1898.
Janvier .... 52
Février 136
Mars 219
Avril 277
Mai 428
Faits et Nouvelles ji^éog;raphlques.
GÉOGRAPHIE SCIENTIFIQUE. — EXPLORATIONS ET DÉCOUVERTES.
Asie.
Russes au Pamir 278
Afrique.
État du Congo. — Les Belges et la question du Bahr-el-Ghazal 278
Soudan égyptien. — Derviches 429
Ouganda. — Expédition Macdonald et Martyr 430
Afrique orientale allemande. — Steamer au Tanganika 431
— 439 —
GÉOGRAPHIE COMMERCIALE. — FaITS ÉCONOMIQUES ET STATISTIQUES.
France.
PAGES.
Le commerce de la France en 1897 52
Les arrivages de laines de la République Argentine par Dunkerque 280
Europe.
Situation commerciale et industrielle de la Suède 55
L'industrie du coton et sa production dans l'empire russe 57
La convention franco-italienne devant la Commission des Douanes 431
Développement de Télectricité en Suisse 433
Asie.
Indo-Chine. — Chemins de fer 60
Situation économique de Tlndo-Ghine au mois de Janvier 1898 61
Le commerce de la Sibérie 63
Le commerce français à Bangkok 137
La récolte des cocons et l'industrie de la soie au Caucase 137
Importations et exportations de la Chine en 1897 138
Chine. — Kiao-Tchéou 139
La situation économique au Japon 139
Tonkin. — La ligne du Yunnam 433
Indo-Chine française. — Allemands et Chinois 434
Inde anglaise. — Chemins de fer 434
Afrique,
Le commerce et la navigation de l'Algérie 141
L'Ethiopie et son avenir commercial 142
Le coton du Soudan 220
Les cotonnades françaises à Madagascar. . .^ 220
Le commerce à Zanzibar 282
Rôle de la France dans le commerce général de^ TÉgypte 4.35
Amérique.
Commerce extérieur des États-Unis (1897-1898) 221
Usages commerciaux à la Vora-Cruz 282
- 440 -
PAOBS.
La production des laines dans la République Argentine 282
Les relations commerciales avec la Colombie 285
Océanie.
L'industrie lainière en Australie 287
Régions polaires.
Une expédition au Pôle Sud 279
GÉNKRAUTÉS.
Le premier port du monde 64
lil!s!mp.LDaneI,
BULLETIN
DELA
/ /
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
DE LILLE
(LILLE, ROUBAIX, TOURCOUSTG).
BULLETIN
DE LA
r r
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
DE LILLE
(LILLE, ROUBAIX, TOURCOING).
Reconnue d'utilité publique par décret du 21 Décembre 1895.
2"^ SEMESTRE DE 1899
Vin^tiènie Année. — Tome Trente-Deuxième.
SIEGE DE LA SOCIETE :
116, rue de l'Hôpital-MUitaire, 116
LILLE.
— 5
LA SITUATION MILITAIRE. '
DES PUISSANCES EUROPÉENNES EN EXTRÊME-ORIENT EN 1898
Par L. T.
(Suite) (1
L'Angleterre qui la première des nations européennes, a fait ouvrir
à ses navires marchands, les ports du Céleste Empire, a acquis sur le
marché jaune, une importante supériorité. En 1895, sur un trafic
s'élevant, d'après les relevés de l'administration des douanes à 1 milliard
216 millions de francs, la part de l'Angleterre était représentée par
857 millions, soit 70 7o du mouvement commercial chinois. L'importance
des intérêts engagés explique suffisamment le rôle prépondérant de sa
politique en Extrême-Orient, la vigilance de sa diplomatie, l'importance
de la flotte qu'elle y entretient.
Jusqu'à présent, elle monopolise par mer, — ou peu s'en faut — les
transactions de la vieille Europe avec la Chine ; mais elle ne possède
encore — malgré ses efforts — aucune voie sérieuse de pénétration par
terre.
C'est par riulermédiaire de la Russie que se fait tout le transit par
terre entre le monde européen et le monde asiatique. Faible jusqu'au-
jourd'hui, — 80 millions de francs, soit 8 7o — ce trafic est destiné à
prendre, de jour en jour, une importance de plus en plus considérable,
et il faut prévoir l'époque où des voies rapides de communication ayant
été organisées au travers de la Sibérie, la majeure partie du commerce
chinois désertera la route longue et fraycuse de la mer pour ceHe du
chemin de fer, rapide et bon marché et où la suprématie commerciale
de TExtrême-Orient passera de l'Angleterre à la Russie.
Aujourd'hui, la querelle entre l'Ours et la Baleine se borne à une
(i) Voir tome XXXI, 1899, page 401.
— 6 —
lutte d'influence ; demain, la profonde révolution économique qui se-
prépare peut donner à la lutte un tout autre caractère.
Les Etats-Unis qui entrent pour une centaine de millions dans le
total du commerce chinois, ne semblent borner leur ambition qu'à
entretenir avec ce pays de cordiales relations commerciales.
11 n'en est pas de même du Japon et de l'Allemagne.
Le jeune Japon atteint du même mal que la vieille Europe : pléthore
de population et de production , rêve de faire de la Chine une
colonie pour le surplus de ses habitants et un marché pour sa surpro-
duction industrielle, et cela malgré l'Europe.
Le récent empire allemand, le dernier venu en Chine, dans sa soif
de conquête et d'expansion coloniale, réclame une place sur son marché
et veut se créer lui aussi, des droits à l'héritage entrevu du « Fils du
Ciel ». C'est dans ce but que le 15 novembre 1897, les navires de
Guillaume II occupaient la baie do Kiao-tcheou. Cette prise de posses-
sion d'un coin de la terre chinoise par l'escadre allemande a fait couler
des flots d'encre et a jeté le trouble dans toutes les chancelleries ;.
déjà on parlait d'un partage de l'Asie, sous l'égide de Guillaume II,
comme on fit autrefois, en 1793, pour la Pologne et, plus récemment^
en 1890, pour l'Afrique.
C'était aller trop vite en besogne, l'heure du partage n'est pas encore^
venue ; elle ne viendra que lors que l'une des puissances se sentira assez
forte pour la faire à son profil, quand le conflit anglo-russe aura reçu
une solution, quand la grande lutle aura son épilogue.
On l'a dit à la Chambre française (1) : « Ce n'est ni l'établissement,
des Allemands à Kiao-tcheou, ni la présence des vaisseaux russes à
Port-Arthur, qui peuvent être considérés comme le signal du démem-
brement de l'immense empire du Milieu. La question n'est pas là. —
Mais les convoitises sont allumées et ce n'est pas sans inquiétude qu'on
voit subitement transportée dans rExtrêmc-Orient, cette lutte de-
rivalité et d'influence qui rond bien difficile, sinon impossible,
l'exiî^ence d'un pacifique concert européen. d"a niant plus qu'on voit y
apparaître, pour la preaiière t'ois, une puissance jeune, audacieuse cl
entreprenante ».
Que fera le Jap(jn, poussé par le juste orgueil de ses récentes victoircs-
(1) Dinrours do M. Dccrain. — Séance du 7 février 18î)8.
et, peut-être aussi, par le dépit de n'avoir pas pu en retirer tous les
fruits . Quelle sera son attitude ?
Que fera l'Angleterre en face des progrès constants des Russes et de
la complicité des Allemands, pour défendre son commerce et son
influence ?
Que fera la France pour maintenir ses droits ? Que fera Guillaume II ?
Que feront les Etats-Unis ?
Certes, il serait prétentieux de vouloir donner la solution de cette
irritante question do l'Extrême-Orient, et tel n'est pas notre but ; mais
nous allons chercher à établir la situation de chacune des puissances,
rappeler les conditions de leur établissement, leurs luttes ; étudier
l'importance et la composition de leurs forces militaires, de manière à
être prêt à pouvoir suivre avec intérêt les événements qui ne peuvent
manquer de se dérouler, dans un avenir rapproché, sur le continent
jaune.
CHAPITRE II.
l'hégémonie RUSSE DANS LA CHINE SEPTENTRIONALE.
C'est vers l'année 1580, qu'un aventurier cosaque Yermack conquit,
avec 5.000 cavaliers, la Sibérie et la donna au tzar. Mais déjà, depuis
fort longtemps, les négociants moscovites faisaient des échanges avec
les populations nomades de ces régions et la splendeur de Kazan, qui
était le grand entrepôt du commerce avec la Chine et les Indes, remonte
au XP siècle.
Très peji habitées par des populations nomades peu attachées à la
terre, les vastes plaines sibériennes furent successivement occupées
par les Russes, sans aucune résistance de la part de ses habitants. On
faisait, d'ailleurs, peu de cas à Saint-Pétersbourg de ces vastes terri-
toires de chasse et l'attention des tzars était trop occupée vers l'Ouest,
à faire de la Russie une puissance européenne, pour que l'on songeât à
s'occuper de ces plaines iacultes.
C'est à peine si au XVIIP siècle une entente eut lieu avec l'Empire
chinois pour réglementer les échanges entre marchands moscovites et
mongols et favoriser le transport des épiées à destination de l'Europe.
De cette époque date rétablissement d'une mission permanente dans la
capitale du Céleste-Empire et la fondation de Kiakta et de Maimatchin ,
deux villes, la première chinoise, la seconde russe, situées à 200 mètres
l'une de l'autre, pour servir d'entrepôts aux négociants des deux
nations. C'est de Kiakta que, chaque année, partait la fameuse cara-
vane qui approvisionnait l'Europe d'épices et de thé ; elle passait par
Irljoust, Krasnoïarsk, Tomsk, Omsk, Kazan et, après dix-huit mois de
voyage, s'arrêtait à Xijni-Novgorod. Aux foires de Nijni-Novgorod le
monde occidental se rencontrait avec le monde oriental.
Après les grandes guerres du commencement du siècle, le calme
rétabli, le gouvernement impérial tourna son attention vers l'Est et,
devenue véritable puissance asiatique par l'occupation effective et
l'organisation régulière des plaines sibériennes, la Russie entretint avec
la Chine des relations fort cordiales qui ne se démentirent pas en 1840,
lors de la guerre de l'opium, et aboutirent, en 1852, à l'ouverture, au
travers du désert de Gobi, d'une nouvelle route commerciale : celle de
rirtisch.
Tchougoutchah, sur cette nouvelle voie, fut appelé marché occi-
dental par opposition au marché oriental de Kiakta.
Mais l'Empire russe a toujours manqué de débouchés sur la mer :
posséder un port a toujours été le but de la politique et des guerres des
tzars. C'est pour obtenir la cession du port d'Azow que Pierre-le-
Grand déclara la guerre à la Turquie en 1690 et c'est pour en conserver
la possession qu'il rentra en campagne en 1711. C'est pour dominer
sur cette mer Noire, où elle s'est créée une flotte, que la Russie fait les
guerres de 1735 et de 1788 et si son attention est un moment détournée
par les guerres de Napoléon P'", dès que la paix est signée, elle se
retourne vers cet objectif depuis si longtemps convoité : 1828, 1833, 1840,
1858, 1878, marquent les phases de la conquête d'une mer russe en
Occident; 1853, 1858, 1860, 1896 marquent celles de la conquête d'un
océan en Extrême-Orient.
En 1853, Mouravieff étabht des stations de cosaques: tout le long du
fleuve Amour et fonda Nicolaïew à son embouchure. Au h'ndemain de
la paix de Paris, la frontière sibérienne fut brusquement reportée
jusqu'au cours de ce fleuve. Cette annexion refroidit les rapports des
deux voisins et la cour de Pékin somma même la Russie d'évacuer
les territoires nouvellement occupés. La querelle s'envenima à tel point,
qu'en 1857, la guerre devint imminente; mais comme à ce moment
l'Anghîterre et la France bombardaient les forts de l'entrée de la rivière
de Pékin, la Chine se vit obligée de ménager la Russie et de reconnaître
le fait accompli. Le traité d'Aïgoun, signé le 16 mai 1858. parle général
Mouravieff, donna à la Russie toute la rive gauche de l'Amour jusqu'à
. — 9 —
la mer et laissa on commun le territoire de la rive droite, compris
entre FOssouri et la mer. La même année, lors de la signature des
traités de commerce entre la France, l'Angleterre et la Chine, l'am-
bassadeur du tzar à Pékin obtenait, pour les navires de sa nation, les
mêmes avantages que ceux consentis aux autres puissances euro-
péennes; enfin au traité définitif de Pékin en 1860, le général Ignatieff
obtint la cession complète du pays compris entre l'Ossouri et la mer
et le droit, pour les marchands russes, de commercer librement jusqu'à
la Grande-Muraille où la porte do Kalgan était ouverte.
Mais la bonne entente qui s'était rétablie depuis la signature du traité
de Pékin, en 1860, faillit encore être rompue en 1878 et la guerre entre
les deux Empires fut sur le point d'éclater à la suite des événements de
Kachgarie et de Kouldja. Toutefois, sur les sages conseils du colonel
anglais sir Gordon, le cabinet de Pékin ne voulut pas courir les
chances d'une lutte et le marquis de Tseng, envoyé à Saint-Pétersbourg,
négocia la paix. Kouldja faisait retour à la Chine ; mais celle-ci devait
payer une indemnité de 36 millions et accorder en outre de nouveaux
et nombreux avantages commerciaux aux sujets russes ; une nouvelle
porte, celle de San-tcheou était ouverte dans la Grande-Muraille.
Des relations commerciales par voie de terre s'établiront entre les
deux Empires et acquirent bientôt une grande importance. En 1895 les
transactions, malgré les immenses difficultés que présente le transport
des marchandises au travers dos déserts de Gobi et des steppes de la
Sibérie, s'élevaient à 80 millions do francs. Ce qui manquait — et ce
qui manque encore — pour que les produits de la Chine prennent de
préférence la route de terre, c'était des voies rapides de communication:
par la construction du chemin de fer transsibérien, les Russes en
assurant aux multiples produits de la Sibérie un débouché et en
permettant aux denrées asiatiques de parvenir on Europe, sans rompre
charge, préparent ! une révolution économique dont l'importance
n'échappe à personne.
Le chemin de for transsibérien traverse de part en part la Sibérie et
relie l'Europe au Céleste-Empire.
On est trop porté à considérer les possessions russes de l'Asie
comme de vastes régions désolées et glacées, sans habitants, sans
culture, sans ressources. La partie méridionale est fort riclie et le
- 10 -
voyageur qui suit la grand'route qui relie la Russie d'Europe à la
Chine (de Perm à Kiachia) est étonné de trouvera intervalles réguliers
des villages aux maisons confortables dont quelques-uns, mieux placés,
sont devenus des villes ; grâce au transsibérien, mines, cultures,
industries vont prendre un grand essor et il n'est pas insensé de prévoir
le moment où la Sibérie deviendra un des plus grands centres de
fabrication du monde. On comprend, dès lors, l'importance que prend
la Chine aux yeux des Russes qui y voient le marché oii s'écouleront
tous ces produits.
Commencée en 1891, cette voie ferrée de 8.000 kilomètres doit être
terminée pour 1900.
Un coup d'œil jeté sur une carte permet de constater que, si le tracé
primitif du transsibérien est, jusqu'au lac Baïkal, aussi direct que
possible, à partir de ce point au lieu de continuer à courir en droite
ligne au travers des plaines mandchoues, il s'écarte singulièrement de
sa direction primitive, remonte vers le Xord et fait un immense détour
pour redescendre au Sud sur Yladivostock. Cela tient à ce que la rive
droite du fleuve Amour jusqu'à Kabarowska n'appartient pas à la
Russie mais à la Chine. On avait bien tenté, en 1891, d'obtenir son
consentement pour faire traverser à la voie la Mandchourie chinoise,
mais inutilement, car l'on sait quelles difficultés le Céleste-Empire
oppose à toute tentative de pénétration de chemins de fer européens.
Aussi dans l'espoir que quelque événement imprévu amènerait un
jour l'Empire du Milieu à composition, la construction de la section
Strietensk-Kabarowska avait-elle été réservée . Cet événement
imprévu a été l'intervention de la Russie en faveur de la Chine lors du
traité de Simonosaki en 1895; en récompense de ses bons cd'fices la
Russie a enfin reçu l'autorisation inutileuient demandée jusqu'alors.
La banque russo-chinoise a été chargée parle gouvernement de Pékin
de la construction et de l'exploitation du chemin do ter de la Mand-
chourie se reliant au tracé du transsibérien.
La nouvelle voie s'amorce à la station d'Ouou. danslaTransbaïkalie,
elle franchit la frontière près de la ville chinoise de Vieux-Tsourou-
haitou et se dirige sur Khaïlar où se tient annuellement, au mois
d'août, la grande fuiro de Cniadjour, le marché le plus achalandé des
pays mongols et mandchoux. Après avoir traversé lesMonts-Kliingans,
le tracé passera par la ville importaide de Tsilsikar et se reliera avec
la ligne del'Ossouri m(''ridioiial près de la station de Nicolsivoïé, non
loin de Vladivostock.
- 11 -
« La voie, dit Tarticle 5 de la convention, sera protégée par les
« fonctionnaires locaux civils et militaires du pays qui, en outre, doivent
« donner loutes les facilités nécessaires et prêter tout leur concours
« aux fonctionnaires artisans ou ouvriers russes'qui y seront employés;
« toutefois comme une grande partie du tracé traverse des territoires
« peu habités, la Russie est autorisée à étahlir des corps spéciaux de
« cavalerie et d'infanterie, dans les stations importantes en vue de
« mieux assurer la protection du chemin de fer ». En outre l'article 8
stipule que «à l'avenir toute organisation de troupes dans les provinces
« septentrionales sera confiée à des officiers russes » et l'article 9
reconnaissant « que la Russio n'a jamais possédé en Asie un port de
« mer qui soit libre de glace et ouvert toute l'année l'autorise à faire
« passer l'hiver à son escadre dans les ports de Leao-toung, Port
« Arthur et Talen-van ».
On estime à 850 millions de francs les frais de construction de la
voie et l'on a calculé qu'en appliquant au voyage de Tchebalinsk à
Vladivostock le tarif des lignes russes, le transport d'un voyageur de
Paris à l'extrémité orientale de l'Asie coûterait 513 fr., 331 fr., 215 fr.
suivant la classe (1). 11 suffira alors de quinze jours pour se rendre de
Paris au Japon, y compris la traversée de Vladivostock à Nagasaki.
Quelle terrible concurrence pour la marine anglaise . Quelle
profonde modification à l'équilibre du monde quand, en 1900, le
chemin de fer transibérien terminé, on ira de Schanghaï en Europe en
20 jours au lieu de 35 qu'exige la route du Canada, des -45 qu'on
emploie par Suez, et que les produits de l'Orient pourront en moins de
un mois, sans frais excessifs, se déverser sur l'Europe.
Ne serait-ce pas là le clou tant cherché pour le nouveau siècle ?
Si l'on jette les yeux sur un croquis de l'Asie, à première vue^
l'immensité des possessions russes frappe d'une façon toute particulière,
et l'esprit se reporte aux vastes empires d'Alexandre, de Gengis-Khan
ou de Tamerlan. An Nord, toute la Sibérie jusqu'à la grande arête
montagneuse qui traverse le continent jaune du Sud-Ouest au Nord-
Est, relève des tzars; à l'occident, le Caucase, les territoires trans-
(1) D'après V Economiste français.
— 12 -
caspiens. le Turkestan, les Khaiiats de Khiva et de Rouckhara ont été
successivement occupés et la domination russe assurée par des voies
ferrées qui les parcourent en tous sens ; à l'orient, le bassin de
l'Amour est devenu nisse, la Corée est menacée du même sort et le
chemin de fer de la Mandchourie précède la conquête, ou plutôt en
tient lieu.
L'Angleterre se sent gênée par les progrès de cet empire colossal
dont, chaque jour, la marine s'augmente, dont l'influence croît,
menaçant ainsi de lui enlever à la fois la suprématie politique et la
suprématie commerciale. Aussi, tous les efforts de la nation anglaise,
toute la finesse et l'habileté du Foreign-Offlce, sont-ils employés à
retarder l'essor moscovite. Lord Salisbury assure que le péril russe a
remplacé le péril jaune et cherche à intéresser l'Europe à sa cause. La
triple alliance pressentie n'a pas voulu s'engager; l'Allemagne a
maintenant des intérêts particuliers en Asie ; l'Autriche et l'Italie se
soucient peu d'aussi vastes entreprises, que la situation précaire de
leurs flottes et de leurs finances ne leur permet pas.
En France, toutes les sympathies sont pour la Russie ; il ne reste
que le Japon, avec l'appui duquel l'Angleterre espère, sinon arrêter,
du moins retarder longtemps encore, la prise de possession delà Chine
par la Russie.
L'histoire des relations de la Russie avec le Japon et l'Angleterre
résume la situation dans l'Asie orientale. Nous allons essayer d'en
retracer les principaux événements, de montrer l'opposition des
intérêts de ces puissances, leur situation présente et cherclier ce que
l'avenir semble réserver à chacune d'elles.
Commençons par le Japon.
C'est Marco-Polo qui, par ses récils de voyage, révéla à l'Europe le
Japon. C'était l'époque des grandes entreprises maritimes : Hollandais,
Espagnols, Portugais se mirent à la recherche des îles Hypangu ou de
Nippon. Les Portugais, sous la conduite d'Alhuquerque, y débarquèrent
au commencement duXVr siècle. Les établissements qu'ils 3^ fondèrent
devinrent rapidement florissants et Saint François-Xavier qui y prêcha
la foi chrétienne fit beaucoup de prosélytes. Mais des luttes ayant
éclaté entre boudhistes et catholiques, le roi fit massacrer tous les
étrangers, incendier leurs résidences et interdit, sous peine de mort,
l'entrée de ses Etats aux Européens. Seuls, les Hollandais, relégués à
— 13 -
l'îlot Desima, qui étaient demeurés cumplètement étrangers aux
querelles religieuses, continuèrent à commercer avec le Japon.
Cet isolement dura jusqu'en 1852, époque à laquelle les Etats-Unis
signèrent avec cet impénétrable royaume un traité de commerce qui
leur ouvrit les ports de Halvodate et de Shromoda, traité qui fut
bientôt suivi d'un autre avec l'Angleterre, qui obtint, en outre, le
droit d'entrée dans le port de Nagasaki.
Dès lors les progrès de l'influence européenne furent rapides, trop
rapides môme aux yeux de la vieille noblesse du pays. Les daimios,
hostiles à cette intrusion d'étrangers, conduits par le souverain légi-
time, « le mikado » essayèrent, en 1863, par une révolution de palais,
de renverser le « schoqoun » (premier ministre) qui, favorable; aux
idées européennes, avait ouvert le Japon aux étrangers; les bâtiments
européens ancrés dans le port de Simonosaki furent insultés.
Cet attentat demandait un châtiment.
Une expédition fut décidée et le 5 septembre 1864, une escadre
internationale détruisait les ouvrages du détroit de Simonosaki.
Le mikado effrayé se soumit ; les ports du Japon demeurèrent
ouveris au commerce européen et, à sa mort, son fils Motsu-lto, gagné
aux idées civilisatrices, ouvrit plus largement encore son pays à
l'influence européenne.
En 1868, Motsu-lto sollicitait du gouvernement français l'envoi d'une
mission pour organiser l'armée japonaise.
C'en était trop, les daïmios relevèi-eut l'étendard de la révolte, la
guerre civile se ralluma ; elle se termina en 1871 par le triomphe du
mikado, l'abolition complète du schoqoun et des daïmios. Depuis^
rompant avec son passé de barbarie, le Japon est entré dans la voie du
progrès et de la civilisation la plus raffinée.
11 est intéressant de rechercher les causes de ce revirement. Est-ce
le côté élevé de notre civilisation, sa philosophie, sa haute morale, qui
a séduit le jeune empereur et son peuple ? Non pas. De notre civili-
sation ils n'ont vu que nos armes ; ils ne lui ont demandé qu'une
chose : la force, pour nous résister, pour nous obliger à sortir de chez,
eux et s'assurer ainsi les mêmes avantages que ceux que la force nous
a assurés contre eux.
Au Japon, le critérium de la civilisation européenne, c'est d'avoir
une forte armée et une imposante marine.
- 14 -
Les troupes de l'ancieu Japon se bornaient à une sorte de milice
héréditaire rappelant les janissaires ou les mamelucks égyptiens.
C'est de 1867, époque à laquelle Motsu-Ilo devint mikado, que date
l'organisation à l'européenne de cette armée. Elle fut confiée à une
mission militaire française commandée par le capitaine d'état-raajor
Chanoine ; mais la révolution ayant éclaté, cette mission dut rentrer
en France laissant son œuvre à peine ébauchée. Elle fut reprise en 1872,
par une nouvelle mission commandée par le colonel Munier, qui fit de
cette armée un fac-similé de la nôtre ; mais malheureusement, peu à
peu, nous avons perdu notre influence, les Allemands se sont introduits
dans l'entourage du mikado et ont réussi à substituer leurs idées et
leurs officiers aux nôtres.
Tout .Japonais doit le service personnel et obligatoire pendant
23 ans, de 17 à 40 ans (Art. 1*' de la loi de 1875 modifiée en 1879, 1883
et 1889). Mais à cette règle générale, il y a de fort nombreuses excep-
tions et le nombre des dispensés est considérable. C'est ainsi qu'en
1885, sur un contingent évalué en chifi"res ronds à *
341.000 jeunes gens ayant atteint 20 ans :
52.000 furent exemptés,
121.000 furent ajournés.
168.000 reconnus aptes au service militaire dont, après tirage au
sort, 70.000 furent incorporés dans les corps de troupes.
Normalement, la durée du service est répartie en :
3 années de service actif (de 20 à 23 ans) ;
4 années dans la V^ réserve (de 23 à 27 ans) ;
5 années dans la 2^ réserve (de 27 à 32 ans) ;
11 années dans l'armée territoriale (de 17 à 20 et de 32 à 40 ans).
La caractéristique de cette loi de recrutement est qu'elle laisse en
dehors de toute instruction militaire sérieuse, la plus grande partie du
contingent ; il en résulte que le Japon est loin de pouvoir disposer
d'une armée aussi considérable que le chifire de sa population semblerait
l'indiquer.
Le rom mandement suprême de l'armée appartient à l'empereur, qui
l'exerce par l'intermédiaire d'un ministre de la guerre.
Le territoire de l'Empire est i)artagé en 6 divisions territoriales
(Tokio. Sendaï, Nagoya, Ozaka, Hiroshima, Roumamoto). A chacune
d'elles correspond une division d'infanterie numérotée de 1 à 6;
— 15 —
il y a en plus, une division de la garde. L'île d'Ego constitue une
T division territoriale spéciale.
Chaque division présente un effectif de 17.000 hommes, soit environ
15.000 combattants avec 36 bouches à feu (1).
Le Japonais n'a pas l'esprit militaire, mais il est extrêmement dur à
la fatigue, patient, sobre et courageux ; sous une bonne direction, il
vaudrait, les meilleures Iroupes européennes. L'influence allemande l'a
affublé d'uniformes de coupe européenne, ne convenant ni à sa stature
ni à son tempérament, aussi l'extérieur du soldat japonais n'a-t-il rien
de satisfaisant, mais il vaut mieux que l'apparence.
Durant la guerre de 1894-95, où l'on retrouve l'influence des idées
allemandes dans les procédés d'enlacement, si souvent employés par
le grand Etat-Major prussien dans la guerre de 1866 et dans la
campagne de France en 1870, cette armée a fait ses preuves, mais elle
amis à nu sa faiblesse organique et l'insuffisance du commandement,
qui n'a dû le succès de ses combinaisons qu'à l'incurie de son adver-
saire.
En résumé, l'Empire du Soleil-Levant peut mobiliser une armée de
campagne de 150.000 hommes, laquelle, par l'appel des deux réserves
et de l'armée territoriale dont l'organisation se poursuit, pourrait
s'élever à 500.000 hommes de troupes exercées.
Quoique les Japonais aient toujours été un peuple éminemment
maritime, l'organisation d'une marine militaire est récente. L'empereur
est encore ici le chef suprême et exerce son commandement par
l'intermédiaire d'un ministre de la marine.
En 1891, le matériel naval comprenait:
5 cuirassés (le plus ancien remontant à 1864, le plus récent à 1877).
10 croiseurs — d° — à 1862 d° à 1886).
2 avisos — d° — à 1875 d" à 1877).
6 canonnières — d" — à 1850 d" à 1878).
26 torpilleurs et transports complétant ces importantes forces
navales, plus respectables par le nombre que par leur valeur tactique.
En effet, un grand nombre de ces bâtiments étaient vieux, en bois ou
de modèles absolument démodés.
(1) Voir annexes. — Tableau I. Tableau donnant la composition et l'effectif d'une
division de ligne japonaise.
- 16 -
En 1892, l'outillage' de l'arsenal de Yokoska était suffisamment
perfectionne pour permettre la construction, de toutes pièces, d'un
cuirassé, en même temps que d'importants achats faits en France et en
Angleterre mettaient la flotte japonaise dans une excellente situation.
Au moment de la déclaration de guerre à la Chine, en 1894, le
Japon mit à l'eau une escadre de 12 bâtiments armés do 204 pièces,
répondant à toutes les exigences d'une guerre maritime moderne et,
quoique n'ayant pas de grands cuirassés, chassa des eaux de Petchili
les deux grands cuirassés du dernier modèle que comptait la flotte
chinoise. Depuis on a encore beaucoup fait pour la flotte et quand,
dans douze ou quinze mois, les derniers bâtiments en construction
auront été lancés, la marine japonaise sera, quant au matériel s'entend,
la plus formidable de l'Extrême-Orient.
Depuis 1895, d'après l'estimation de certaines feuilles russes, esti-
mation probablement exagérée, le Japon aurait augmenté sa flotte de :
5 grands cuirassés commandés en Angleterre, dont « Le Fugi » et
« La Vashima » d'un déplacement de 12.400 tonnes et d'une vitesse de
19 nœuds et trois mastodontes de 14.800 tonnes, d'une vitesse théorique
quelque peu supérieure à celle des vaisseaux « Le Majestic » et « Le
Magnificient », ces deux colosses de la marine anglaise.
.3 grands croiseurs protégés de 5.00(3 et de 4.300 tonnes exécutés éga-
lement en Angleterre ;
8 contre-torpilleurs devant fournir 30 nœuds'commandés en Angle-
terre ;
2 petits croiseurs protégés commandés à San-Francisco ;
1 grand croiseur et 8 torpilleurs de 90 tonnes en Allemagne ;
I grand croiseur et 4 torpilleurs de 90 tonnes en France :
Enfin, l'arsenal de Yokoska a construit 3 petits croiseurs de 3.000
tonnes 3 torpilleurs et 1 canonnière.
Outre cela, le gouvernement japonais vient d'acheter 2 croiseurs
construits chez Armstrong pour le compte du Chih, mais non payés,
soit un total de 40 bâtiments.
Tout en acceptant avec une grande réserve des chiffres si élevés, il
est incontestable que la flotte japonaise jouit, dès à présent, d'une
importante supériorité numérique vis-à-v^s des escadres européennes
dans les mers de Chine.
II no faut pas toutefois se hâter d'en tirer des conclusions. Quelque
brillantfs qu'aient été l'armée et Ja marine japonaises durant la guerre
de Corée, elles n'ont eu devant elles ([ue des Chinois. Bien des fautes
— 17 —
ont été commises par les vainqueurs dont un ennemi habile aurait su
profiter pour changer peut-être la face des choses. Certes, les instru-
ments sont bons, pas une armée ne possède un meilleur armement,
une flotte de meilleurs navires, mais les ouvriers ne sont que fort
médiocres. C'est un élément d'appréciation qu'il ne faut pas oublier
dans les circonstances présentes.
Quoi qu'il en soit, nous voyons que la civilisation a donné au Japon
l'instrument de la force : une armée et une marine.
Aussi la guerre qui a éclaté au mois de septembre d894 n'a-t-ell
étonné personne. Il semblait naturel et c'était les seules raisons qu'on
donnait de cette guerre, qu'un peuple jeune fut animé d'un pareil
besoin de mouvement, d'une telle soif de gloire et de conquêtes, dans
le seul dessein de donner le baptême du feu à sa jeune armée, d'affirmer
son existence et de prendre ainsi place parmi les nations civilisées.
L'Europe n'a pas été longue à reconnaître l'insuffisance de ces
raisons et à trouver les véritables causes de la lutte.
Persuadé par les exemples qu'il en avait eus, que la puissance d'une
nation réside dans son pouvoir commercial et que le pouvoir commer-
cial ne peut actuellement s'acquérir que par la force, le gouvernement
du mikado commençait !a réalisation d'un plan fort simple : imposer
sa suprématie militaire pour, un jour ensuite, imposer sa suprématie
industrielle et commerciale — un Sedan militaire suivi d'un Sedan
économique !
En faisant la guerre à la Chine, en 1894, le Japon cherchait à se
créer manu 'militari des clients.
Le Japon, comme la Grande-Bretagne, est un archipel, archipel
colossal qui comprend 411 îles. Les plus grandes sont : Nippon, Yeso,
Sikokou, Kiou-Siou et Formose ; elles sont peuplées d'une façon très
variable ; les plus habitées sont Nippon et Kiou-Siou ; mais la popu-
lation est répartie d'une façon tout à fait inégale, la constitution géolo-
gique du sol en est l'unique cause.
Sur 31 millions d'hectares en chiff"res ronds, on compte :
7 millions d'hectares de forêts ;
Et 7 autres millions d'hectares de montagnes inhabitables ;
Sur les 17 millions restant se pressent 38 millions d'habitants, ce
qui donne, par endroit, une densité supérieure à 400 au kilomètre
- 18 —
carré. Ajoutons à cela, que les Japonais sont très prolifiques et que la
population de l'empire double en 17 ans ; il devient dès lors facile de
comprendre pourquoi le Japon, comme l'Angleterre, à l'étroit dans
son île, se voit obligé, pour ne pas perdre chaque année par l'émi-
gration ou par la faim, un contingent évalué à 15 ou 16.000 individus,
de chercher à créer, comme sa sosie de la vieille Europe, des patries
plus petites, essaimées sur toutes les mers du globe.
Dès 1874, une expédition est entreprise contre Formose, malgré les
protestations aussi timides que tardives des Chinois, qui offrent à leurs
voisins de l'Est le remboursement des dépenses faites par eux et des
garanties pour l'avenir, sous la condition qu'ils évacueront complè-
tement l'île. Les Japonais acceptent (octobre 1874), mais ils annexent
à leur empire les îles Liou-Kicou jusqu'alors sous leur protectorat.
Vers cette même époque, le trop plein de la population s'était répandu
dans rîle Saghalien, dont la partie nord était occupée par la Russie ; il
en résulta des difficultés avec cette puissance, difficultés qui ne furent
réglées qu'en 1875 par l'abandon de toute l'île aux Russes en échange
de la longue rangée à peu près déserte et improductive des Kouriles.
L'activité japonaise tourna alors tous ses eff"orts vers la Corée.
A la suite d'une petite expédition, l'intervention russe fit conclure,
en 1878, un traité de paix et de commerce en vertu duquel la Corée
serait désormais traitée sur le pied d'un Etat indépendant. L'accord
ne fut pas de longue durée. En 1882, à la suite d'une révolution de
palais, la légation japonaise de Séoul ayant été attaquée, le Japon
mobilisa une partie de son armée. Grâce à une nouvelle intervention
des Russes, l'incident n'eut pas de suite, mais les Japonais sentirent
grandir leur haine contre le tiers qui les empêchait de réaliser leurs
ambitieux projets.
En 1894, la Chine ayant voulu faire revivre d'antiques prétentions à
la suzeraineté sur la Corée, le Japon en prit prétexte pour susciter des
troubles à Séoul, envoyer des troupes, bientôt mobiliser l'armée entière
et entrer en campagne. La victoire fut facile.
Mais aux préliminaires de la paix, le Japon laissa passer le bout de
l'oreille ; il réclama, non seulement une indemnité de guerre, mais
aussi des clauses territoriales, industrielles et commerciales qui ne
tendaient à rien moins qu'à rendre complètement tributaire de son
industrie et de son commerce, cet empire chinois que l'Europe et parti-
culièrement la Russie se plaisaient à considérer comme le débouché à
venir de leur surproduction. SurTinitiativi; russe, la Russie, la France
— 19 -
ot rAllemagne demandèrent au Japon des explications et menacèrent
d'intervenir pour l'obliger à ne pas garder un pouce de la terre
chinoise et à ne pas faire une condition sine qua non de la paix, de la
signature d'un traité de commerce.
Ce nouvel obstacle mis par la Russie aux ambitions japonaises sur
le point de se réaliser, rendit la situation très tendue entre les deux
rivaux. Obligé de céder devant la coalition, le Japon a gardé rancune
de cette triple alliance et fiévreusement il s'est mis à préparer sa
revanche.
D'ailleurs, en dépit des traités, les Japonais sont restés en Corée et,
h ce qu'il paraît, ne pensent pas à s'en aller. Ils se sont installés en
maîtres dans les ports de la Corée et y ont construit des casernes et
autres établissements militaires qui ressemblent à des forteresses. De
leur côté les Russes ont des détachements de soldats et de navires à
Séoul, soi-disant pour protéger l'empereur coréen, lequel vient de
prendre (septembre 1897) un colonel russe comme ministre de la
guerre, mais en réalité avec l'intention de faire, un jour ou l'autre,
repasser le détroit aux Iroupesjaponaises.
Là encore il y a élément à conflit. Japon et Russie préparent une
lutte qui paraît imminente.
Dès le XVr etleXVIP siècle, des compagnies de commerce anglai-
ses se trouvaient en relation avec la Chine ; elles établirent en différents
points des entepôts, par exemple à Canton, à Macao, à Hai-nam et
aux îles Chusan, mais tous leurs efforts pour s'ouvrir les routes de
l'intérieur échouèrent. Les tentatives de la diplomatie britannique
au XVIir siècle pour faire accréditer un de ses représentants à Pékin
n'eurent pas plus de succès. La Russie, avons-nous vu, était alors la
seule puissance représentée près du Fils du Ciel et la seule qui com-
merçât, par voie de terre, avec les habitants de l'Empire du Milieu.
N'ayant pu réussir par la diplomatie, l'Angleterre ouvrit à coups de
canon, avec l'aide de la France, le Céleste-Empire à son commerce :
elle s'imposa, et depuis 1860, par sa souplesse et aussi par l'habileté de
sir R. Hart, elle a su conquérir à Pékin une place prépondérante. Mais
entre Russes et Anglais il 3^ a conflit de races et conflit d'intérêts :
les deux plus vastes empires du monde mis en présence devaient
devenir des rivaux.
— 20 —
Dès 18G4, le Foreign-Office prévoyant les dangers que pourraient
faire courir à ses ])ossessions hindoues, — celte perle de la couronne
d'Albion — les progrès des Russes en Sibérie, au Turkeslan, au
(Caucase et sur le marché chinois, tenta de les arrêter : le Gouver-
nement d'Angleterre fit des représentations à la cour de Saint-Péters-
bourg. Elles ne furent pas accueillies ; la Russie ne voulait pas
s'arrêter dans la voie des conquêtes. Pour éviter une lutte, le seul
espoir restant à l'Angleterre était d'empêcher, aussi longtemps que
possible, un contact direct entre les possessions des deux empires.
Obéissant à cette nécessité, l'influence anglaise s'étendit jusqu'en Perse,
jusqu'en Afghanistan et jusqu'au cœur du Pamir, et, de fait, la zone de
territoires neutres dont elle a fait un dernier rempart à l'Inde a suffi à
empêcher, jusqu'à ce jour, un contact qui aurait pu lui être fatal.
Depuis, la Russie a précisé ses prétentions : elle aspire à la suprématie
politique et commerciale du monde !
L'Empire russe veut des C()tes sur toutes les mers, en Asie particu-
lièrement ; il veut voir flotter son pavillon sur l'Océan Pacifique,
comme dans le golfe Persique et l'Océan Indien ; couvrant la moitié
de l'Europe et la moitié de l'Asie, il veut servir de Irait d'union entre
les deux continents, être l'internu^diaire de leurs échanges et le
fournisseur de leurs besoins ; en un mot il veut jouer le rôle que
l'Angleterre a si brillamment tenu depuis bientôt quatre siècles.
La fière Albion, qui est demeurée quatorze années en armes pour
disputer à la France la ])remière place en Europe, a accepté la lutte :
son activité est infatigable ; ses succès sont indéniables.
Tous les projets des tzars ont été arrêtés: en Europe, les traités de
1856, de 1878, de 188.5, de 1897 ont empêché la Russie de planter la
croix à Constantinoplc. En Asie, en 1880, elle a brouillé le tzar et
l'Empii'C duMilitiu en iutervcmanten Kachgarie; en 1885, en prenant
en main les intérêts du Khan d'Afghanistan et en occu])ant Port-
Hamilton d'où elle maîtrisait la flotte russe, elle a mis obstacle à
l'occupation d'un pori libre de glaces et arrêté l'essor de l'aigle russe
en Extrême-Ori(;nt.
Mais (m 1895, en n'intervenant pas au moment de la signature de la
l)aix sino-japonaisc, l'n laissant à la Russie l'avanlage d'interposer sa
médialiijn amn'^e, elle a permis k cette dernière de ressaisir la coufianee
du gouvernement de P('kin et de se faire payer son intervention pai-
d'importantes et d'utiles cessions. Les derniers traités, on l'a vu,
livrent la Maiidelnjurie à la Russieet lui abandonncmt la Corée.
'— 21 —
Mise en échec, à son tour , en Extrêrae-Orienl, la cliplouiatie anglaise
a pris sa revanche dans la région des confins, autre théâtre où les
influences russes et anglaises se trouvent encore aux prises. Ce sera
l'objet d'un chapitre spécial.
En '18v)7, la situation est donc la suivante :
D'un côté, la Russie et ses alliés de 1895, la France et l'Allemagne
jouissent auprès du « Fils du Ciel » d'une grande faveur ; par suite, la
Russie a étendu son influence sur la Mandchourie où se construit le
tronçon du Transibérien, et la Corée, séparée du reste de l'empire,
tombe de plus en plus sous sa domination.
De l'autre, l'Angleterre, mécontente d'avoir perdu la place qu'elle
avait su acquérir à Pékin et jalouse des progrès des Russes, ne
cherche que l'occasion d'infirmer les traités.
Le Japon, couvant sa haine (;t son dépit de n'avoir pu tirer de ses
éclatantes victoires tous l(>s fruits qu'il en espérait, n'attend qu'une
occasion pour recommencer.
Situation pleine de })érils qui fait ressembler l'Extrême-Orient à une
mine chargée et à laquelle la prise de possession d'un coin de la terre
chinoise, a failli mettre le feu.
A la suite du massacre de deux missionnaires allemands à You-
tcheou-Fou, on apprenait en Europe, le 16 novembre 1897, que
l'escadre de croiseurs de l'amiral von Diederichs (1) avait occupé la
baie de Kiao-Tcheou et débarqué des troupes.
(1) Au moment de la guerre sino-japonaise, l'empire allemand envoya dans le
eaux chinoises une escadre de croiseurs, composée de 0 bâtiments sous les ordres
du contre-amiral von Diederichs pour y protéger ses intérêts commerciaux.
A la suite de l'occupation de Kiao-Tchcou, le contre-amiral von Diederichs fut
nommé vice-amiral et l'escadre renforcée de deux bâtiments ; elle comprend :
( Empereur Cuirassé .
,,c j- • • ir t„- I r.- ) • I ' Prince-Guillaume 1
V division. Y. -Amiral v. Diederichs. , /
I Arcona \ Croiseurs.
f Cormoran \
i Allemagne Cuirassé.
;,, T • • Ti • TT ] T> I Impératrice Aususta ]
2« division. Prince H. de Prusse. < 1, I
Genon l Croiseurs.
Irène \
En réalité, ce massacre n'était pour l'empire allemand qu'un prétexte
pour mettre à exécution son projet de prendre position — lui aussi —
sur le marclié jaune et de se créer des droits au partage éventuel de
l'Empire du Milieu. La France et la Russie qui, avec l'Allemagne,
étaient venues en aide à la Chine en 1895, s'étaient fait paver leurs
services ; l'Allemagne, à son tour, voulait les imiter et ce n'était un
secret pour personne, qu'à Berlin on désirait prendre pied sur la côte
chinoise pour y fonder une station navale qui servirait à la fois de
refuge à son escadre de l'Extrême-Orient et de porte de pénétration
pour son commerce. Précédemment, diverses tentatives avaient été
faites à Pélvin pour obtenir pacifiquement la station convoitée ; mais
le Tsung-li-Yamen avait fait la sourde oreille et le représentant alle-
mand avait dépensé en vain toute son éloquence. L'Allemagne appela
alors à son aide la force.
En fait, Guillaume II et son ministre des affaires étrangères, M. de
PjuIow n'ont donné autant d'importance à l'incident des missionnaires
que pour s'emparer de Kiao-Tchéou. On en a eu la preuve pendant les
négociations. La Chine avait beau promettre toutes les réparations
pécuniaires pour le meurtre des missionnaires et s'engager à faire déca-
piter tous les assassins qu'on voudrait, le gouvernement allemand ne
répondait que par la demande de la cession de Kiao-Tchéou.
Satisfaction lui a été accordée par le « Fils du Ciel » le Sjanvier 1898.
La baie de Kiao-Tchéou a été cédée à bail à l'Allemagne pour une durée
(le 99 ans.
Quelle est en réalité l'importance de la nouvelle station allemande ?
Les avis sont à ce sujet assez partagés. Comme porte de pénétration en
Chine pour le commerce allemand, Kiao-Tchéou })araît assez mal
choisi (1). Ce point n'a à sa disposition ni voies fluviales ni routes et
même le terrain très montagneux de la presqu'île ne permet pas — sans
de très grands travaux — l'établissement de voies de communication et
de chemins de fer. Il n'est guère probable que Kiao-Tchéou devienne
un sérieux concurrent pour Shanghaï et Hong-Kong, ces florissants
entrepôts anglais qui iléticnncut maintenanl le monopole du commerce
chinois.
Au point de vue stratégique les avantages paraissent plus sérieux :
le gouvernement chinois les avait reconnus et se disposait à les utiliser
(1) Voir : HuUctin de la Société de Géo^^raphic de Lille, Décembre 18!)7.
. — 23 —
en transformant cette baie eu un port militaire de premier ordre ; il est
certain, en effet, qu'elle commande les lignes de navigation dans les
m.ers chinoises ; mais pour lui donner toute sa valeur, il est nécessaire
de construire non seulement des fortifications coûteuses mais encore
de faire des travaux d'appropriation extrêmement importants qui ne
s'improvisent pas en quelques j ours.
Aussi l'occupation de Kiao-Tchéou parles Allemands ne semble pas,
pour le moment du moins, devoir modifier la situation commerciale de
l'Extrême-Orient, ni porter ombrage à la puissance militaire de la
Russie, ou de la France ou même de l'Angleterre.
Le 15 décembre 1897, la Russie, avec l'approbation do la Chine, qui
y avait consenti au moment de la signature de la convention de 1896,
faisait entrer son escadre du Pacifique dans la baie du Port-Arthur,
pour y séjourner pendant la saison hivernale.
La simultanéité de l'occupation de Kiao-Tchéou par l'Allemagne et
de celle de Port-Arthur par la Russie ; certaines paroles (1) prêtées à
l'empereur Guillaume 11 dans son voyage en Poméranie, firent croire
à l'Europe à une action concertée à l'avance.
Depuis, il semble, qu'il n'y eut là qu'une simple coïncidence : l'action
de l'Allemagne et celle de la Russie ont été parallèles, mais non
concertées.
11 a paru opportun à la Russie de profiter du trouble qu'avait jeté
dans les chancelleries d'Europe Toccupation allemande, pour mettre
à exécution le projet, depuis longtemps entrevu, de posséder enfin un
port libre de glaces sur le Pacifique et de mettre définitivement la main
sur la Corée.
Port-Arthur, situé sur la côte nord du golfe de Petchili n'est jamais
pris par les glaces, pas même dans les hivers les plus rigoureux. Un
syndicat français y a construit, entre 1886 et 1890, des bassins magni-
fiques, profonds de 11 mètres. Les seuls inconvénients de ce port sont :
son entrée un peu étroite et le manque d'une bonne eau potable.
Durant la guerre de 1894-95, les Japonais s'en sont emparé et ont
détruit les fortifications. Un projet de voie russe doit le relier au
Transibérien par Moukden et Kirin.
(1) Uempercar Guillaume II aurait dit au gouverneur de la forteresse de
Grandentz qui lui assurait qu'il donnerait tous ses soins pour la rendre imprenable:
« D'ailleurs, j'espère que l'on n'en viendra jamais là, car notre voisin de l'Est,
» mon cher et fidèle ami, a les mêmes vues en politique que moi.» {Norddeutsch)
Quelques jours après l'occupation de Port-Arthur, les journaux
anglais annonçaient la marche, au travers de la Mandchourie, do
troupes russes se dirigeant sur la presqu'île Coréenne.
Ce fut le signal, en Angleterre et au .lapon, de nombreuses protes-
tations.
L'opinion publique anglaise qui, au mumeut de Toccupationde Kiau-
Tchéou, s'était déjà montrée d'une extrême violence et n'avait pas hésité
h qualifier de piraterie l'acte de Guillaume II, se trouva montée à son
paroxysme h la nouvelle de ce nouveau })as en avant fait par l'influence
russe en Extrême-Orient. Le peuple anglais réclama de son gouver-
nement une action énergique et se déclara prêt à faire son devoir pour
faire respecter les droits et la liberté de son commerce.
Au Japon, à qui le non-paiement de l'indemnité de guerre imposée à
Simonosaki donnait des droits sur Port-Artliur et Weï-Haï-Weï, ce fut
la cause d'une crise ministérielle et l'installation d'un nouveau conseil
des ministres disposé à maintenir énergiquement les revendications de
l'Empire sur la Corée et à la mise sur le pied de guerre de la flotte.
La similitude des intérêts devait jeter le Japon dans les bras do
l'Angleterre : des ouvertures furent faites dans ce sens. Et alors,
pendant une huitaine de jours, les racontars les plus invraisembla-
bles ne cessèrent de circuler sur les mouvements de la flotte anglaise
qui, tantôt forçait l'entrée de Porl-Arthur, tantôt allait occuper Weï-
Haï-Weï, tantôt se joignait à la flotte japonaise qui, disait-on, avait
quitté Nagasaki pour une destination inconnue, tantôt se présentait
(levant Chemulpo, le port de Séoul, pour appuyer les protestations de
M. Jordan, Consul général delà Grande-Bretagne contre la remise de
l'administration du pays entre les mains du ministre de Russie,
M. Speyer, et la révocation d'un agent anglais, M. Mac Leavy-
Brown, qui avait été dépossédé d'une place qu'il occupait dans l'admi-
nistration des douanes au profit d'un Russe.
Il n'y avait, à toutes ces violences, d'autre terme pratique qu'un
conflit avec la Russie ; mais comme le Foreign-Office ne se sentait
pas en Europe un appui, ne le recherchait pas, les passions se
calmèrent et le gouvernement déclara que, tout bien considéré, les
intérêts et les droits commerciaux de l'Angleterre n'avaient pas été
lésés.
Lord Salisbury ledit au Conseil de la Reine ; MM. Chamberlain et
Ba four à leurs électeurs :
« L'Angleterre n'a en Chine, dit ce diTnier. que des intérêts com-
« merciaux et non des intérêts territoriaux ; nous no désirons aucun
« territoire en Chine, à l'exception des points stratégiques nécessaires ;
« nous ne désirons pas le fardeau d'une nouvelle colonie des Indes.
« Nos responsabilités en Asie sont déjà assez grandes, nous ne devons
« pas désirer obtenir plus que le droit d'être traités à égal dans les
« affaires commerciales , droit qui nous est déjà assuré par les
« traités. »
Et de fait, toute crainte de lutte à main armée semble momenta-
nément écartée et la question reportée sur le terrain commercial.
A la suite de chacune des interventions qui se sont multipliées
durant la fin du XIX'' siècle, l'Europe a, d'un côté, arraché au «Fils du
Ciel » des avantages commerciaux et des indemnités ; d'un autre, elle
lui a offert le concours de son industrie et de son argent pour l'exé-
cution de grandes entreprises.
L'Angleterre, avons-nous vu, est, sans contredit, la puissance qui a
le mieux réussi à faire agréer ses services au Tsung-li-Yamen : elle a
donné ses ingénieurs, son industrie a donné les matériaux et ses
banques surtout ont prêté largement leur argent ; mais, à chaque
nouveau prêt, elle a pris une hypothèque sur l'Empire en réclamant
comme garantie, de nouvelles concessions. C'est pour assurer à ses
nationaux l'intérêt de leur prêt, qu'elle a organisé, avec l'assentiment
de l'empereur, le service des douanes dirigé par sir Robert Hart et
auquel elle vient de joindre le service des postes impériales (1896),
dont les bénéfices constituent le plus clair des revenus de l'Empire
chinois.
Le soin jaloux avec lequel l'Europe défend ses intérêts en Extrême-
Orient avait fait intervenir la Russie, la France et l'Allemagne eu
1895, au moment de la signature du traité sino-japonais, pour empêcher
le Japon de confisquer la Chine à son profit. L'occupation de Kiao-
Tcheou et de Port-Arthur devait motiver une nouvelle intervention de
l'Angleterre. En effet, les hommes d'Etat anglais estiment que ce n'est
pas trop de tout le Céleste-Empire pour répondre de la solvabilité de
leur débiteur et ils ne veulent pas permettre à une autre puissance
d'en distraire la moinch^e parcelle ou d'acquérir des droits qui
pourraient, au moment de recueillir la succession, leur créer des
compétitions gênantes.
— 20 —
Or, la Chine a encore à payer l'indemnité de guerre due au Japon.
Comme son minislère des finances ne dispose d'aucune ressource et que
le crédit y est nul, force lui est bien de recourir à l'Europe. Les avan-
tages concédés à l'Allemagne et à la Russie à la fin de 1897, n'allaient-
ils pas décider l'Empereur à emprunter la forte somme à ces puissances
moyennant l'aliénation de quelques nouvelles branches de l'adminis-
tration ? Voilà ce qu'il importait pour l'Angleterre d'éviter ; l'emprunt
devait être souscrit chez elle, afin que cette nouvelle hypothèque
appartint à la Grande-Bretagne.
Toutes les puissances firent leurs offres : en échange, l'Allemagne
réclamait la concession de voies ferrées ; la Russie, la concession des
ports de Porf-Arthur et de Talien-Wan ; l'Angleterre, le droit de
prolonger la voie de Bhâmo jusqu'au cœur de Yunnam ; la France, la
possession des territoires au nord du Tonkin. Après de longues et
laborieuses négociations, la diplomatie anglaise obtint pour son pays
l'avantage de souscrire l'emprunt et les concessions suivantes :
1° Ouverture des cours d'eau navigables de la Chine, dans le courant
de juin 1898, aus vapeurs britanniques et autres.
2^ Engagement formel de la Chine de ne donner à bail, ni d'hypo-
théquer, ni de vendre à quelque puissance que ce soit les territoires de
la vallée de la région du Yan-Kiang.
3° Engagement de confier toujours à un Anglais les fonctions
d'inspecteur général des douanes, tant que le commerce anglais avec
les ports de la Chine continuera à dépasser celui d'une autre puissance
quelconque.
4" Ouverture d'un nouveau port avant deux ans, dans la province de
Hou-Xam.
Cette fois-ci encore leForeign-Office triomphait. L'Allemagne, bien
qu'elle eut obtenu une part dans l'emprunt, et la Russie ne
retiraient pas de leur médiation armée de 1895 les avantages qu'elles
avaient pu en espérer. L'influence anglaise à Pékin grandissait, c'en
était assez pour faire reprendre à ces négociations une tournure
alarmante pour le repos de l'Europe.
Distancée par l'Angleterre, la Russie réclama comme compensation
aux avantages concédés à sa rivale, la cession à bail de Port-Arthur
et, abandonnant par un accord intervenu avec le Japon la Corée à son
influence, concentra toute son attention sur son différend avec
l'Angleterre. La Chine ayant cédé, par représailles, l'Angleterre
demanda à occuper Weï-haï-Weï que les Japonais venaient d'évacuer
après le payement de l'imclemnité de guerre.
Que va-t-il résulter de cette situation visiblement tendue ?
A plusieurs reprises, l'opinion publique anglaise qui s'était déjà
montrée si nettement hostile à la Russie, au moment de l'entrée de
l'escadre du Pacifique à Porl-Arlhur, a manifesté son mécontentement
de la solution, et le gouvernement n'en a pas caché son dépit.
Mais en personne avisée, l'Angleterre ne risquera pas dans les
circonstances présentes l'aléa d'une guerre. Isolé en Europe, ne pouvant
même plus compter sur le Japon que l'abandon de la Corée a rallié
momentanément au parti russe, le Foreign-Office ne peut que se
recueillir, l'occasion n'étant décidément pas favorable.
Profitant de l'accalmie, chacun se prépare, pour la lutte à venir.
L'Angleterre renforce sa station navale, (11 navires de combat)
augmente ses moyens d'action par l'occupation de Weï-haï-Weï,
améliore les défenses de Hong-Kong.
Le Japon perfectionne son armée et sa flotte.
La Russie qui a enfin donné une base sérieuse (1) à son escadre du
Pacifique (8 navires de combat), organise de nouvelles troupes dans la
province de l'Amour, et l'achèvement prochain du transibérien en
facilitant le transport rapide des troupes d'un bout à l'autre de l'Empire
et leur réapprovisionnement, permettra l'exécution d'opérations de
terre presque impossibles jusqu'à ce jour.
Actuellement, outre son escadre du Pacifique, la Russie dispose en
Sibérie d'une trentaine de mille hommes répartis :
35 bataillons 1/2 d'infanterie.
37 stonias.
13 batteries donnant un total d'environ 70 pièces (2),
stationnés :
(1) Depuis l'occupation de Port-Arthur en décembre 1897, les Russes y ont remisé
11.000 tonnes de charbon, construit deux vastes enclos en planches près des bassins,
établi des buts de tir, armé des forts.
(Dépêche adressée de Pékin kV Agence Reuter, 22 mars 1898).
(2) Voir Annexes. Tableau II donnant la composition des forces de terre entre-
tenues par la Russie dans ses possessions sibériennes.
- 28 —
5.000 avec 16 pièces dans le gouvernement général d'Omsk.
1.900 avec 10 pièces » » d'Irkoust.
25.000 avec 54 pièces » » de l'Amour.
CHAPITRE III
Rn- ALITÉ RUSSE ET ANGLAISE DANS l'aSIE CENTRALE
Ce furent les Portugais qui les premiers s'établirent sur les côtes du
Malabar et y fondèrent des établissements commerciaux. Bombay, qui
avait été aussi occupé par eux, fut cédé aux Anglais en 1670, lors du
mariage du roi d'Angleterre Charles II avec l'infante de Portugal.
Le monopole du commerce et des échanges avec l'Inde fut affermé par
le Roi à une réunion de négociants et de marchands, l'embryon de la
fameuse « Compagnie des Indes ». Quelques années plus tard Colbert
créait, h l'imitation de l'Angleterre et de la Hollande une « Compagnie
des Indes Orientales ».
Les affaires des Compagnies françaises ou anglaises furent peu
brillantes à l'origine, puis grâce au génie de Dupleix, la France occupa
dans le courant du XVIP siècle une situation prépondérante que les
traités de 1748, 1754, 1763 lui firent perdre au profil de l'Angleterre,
qui dès 1818 restait maîtresse du Dekkau, et par une série de campagnes
heureuses, étendait son influence jusqu'aux sommets de l'Himalaya.
En 1857 une terrible insurrection mit en péril la puissance de la
Compagnie des Indes ; comprenant la nécessité d'un changement
radical, le gouvernement anglais. par la proclamation du 1" janvier 1859,
rattacha l'Inde au gouvernement central et de ce jour la reine Victoria
joignit à ses titres celui d'Impératrice des Indes.
Cet empire qui, depuis 1857, s'est encore accru de vastes territoires
à l'Est et au Nord-Ouest, mesure plus de 3.000 kilomètres de Peschawer
au cap Comorin et des bouches de l'Indus aux frontières orientales de
la Birmanie ; sa superficie (3.600.000 kil. carrés) est égale à celle de
la Russie, de l'Allemagne et de l'Autriche réunies; sa population
(253 millions) égale celle de l'Europe moins la Russie.
Véritable mosaïque de peuples, l'Inde n'est pas soumise aux mômes
lois. Certaines provinces (bassin du Gange, Pundjab) sont administrées
directement par les fonctionnaires anglais ; dans d'autres les princes
indigènes ont été laissés à la tète du gouvernement, mais en leur
adjoignant des résidents chargés de les surveiller (Rajah de NMjam,
, — 29 -
Rapputana ) ; en outre un certain nombre d'Etats sont demeurés
indépendants (Bouthan, Nepaul) et ne sont liés à la Grande-Bretagne
que par des traités.
Ce magnifique empire colonial, la plus belle perle de la couronne
d'Albion, est dans les conditions économiques actuelles, indispensable
à l'Angleterre, à l'industrie de laquelle il offre un marché de plus de
200 millions de consommateurs. Ces immenses territoires de l'Hindous-
tan, exploités par moins de cent mille négociants ou fonctionnaires,
gardés par 73.000 soldats anglais sont la grande terre de produit d'où
l'Angleterre tire des richesses incalculables et où les manufactures
anglaises versent des millions et des millions de marchandises.
En 1888, les importations et les exportations réunies de l'Inde
atteignaient 169 millions de livres^sterlingdont :
92 millions avec l'Angleterre.
18 » avec la Chine.
8 » avec la France, etc.
Les principales exploi talions étaient :
Le coton
pour
20 millions.
L'opium
»
10 millions,
Le riz
»
9 1/4 millions,
Le thé
»
5 millions,
L'indigo
»
4 millions,
Le jute
»
7 3/4 millions.
Les graines »
10 millions.
Le café
»
1 1/2 million.
La laine
»
1 million.
Qu'un cataclysme quelconque fasse perdre à la Grande-Bretagne cet
important débouché et c'en est fait de sa puissance commerciale.
Jusqu'à ces dernières années, l'Angleterre était demeurée maîtresse
du marché jaune, mais depuis quelque temps la puissance moscovite
sans cesse grandissante, cherche à lui disputer ce monopole, en même
temps qu'à lui ravir la suprématie du monde.
Les deux compétiteurs avant de recourir à une lutte inévitable, se
— 30 -
préparent, renforcent leurs moyens d'action et perfectionnent leurs
armements.
Mais dès à présent, ils ont entamé la lutte sur le terrain économique.
Le principal élément de la puissance anglaise est son commerce ; c'est
là que la Russie cherche à l'atteindre. C'est dans ce but qu'elle a créé
des voies de communication terrestres pour détourner les marchandises
des voies maritimes anglaises ; qu'elle cherche à étendre son influence
sur les territoires convoités par l'Angleterre, pour l'obliger à restreindre
sa production afin de forcer son industrie à une inaction qui amènerait
sa ruine ; qu'elle gagne du terrain dans la direction de l'Inde, pour
pouvoir la frapper au cœur en lui supprimant le marché hindou au jour
du conflit armé.
On a beaucoup discuté la question de savoir si la Russie avait ou
n'avait pas avantage à faire la conquête do l'Inde. Un certain nombre
d'écrivains qui ont étudié cette question et, parmi eux. quelques auteurs
anglais qui voudraient voir dans leurs désirs des réalités, ont affirmé
que la Russie n'avait nullement l'intention de s'emparer de l'Inde, que
l'industrie russe avait dans l'Asie centrale un champ suffisamment vaste
à exploiter, que la possession de l'Inde ne lui serait d'aucune utilité.
Cela est peut-être vrai.
Nous admettrons, avec M. le Commandant Leblond (1), que la Russie
ne tient pas à la possession de l'Inde, mais nous constaterons que si
chaque jour elle s'avance vers la passe de Ivhyber, renforce son armée
du Turkestan, organise des chemins de fer c'est que probablement elle
veut, au moment de la grande lutte, laquelle, avec l'envergure qu'a fait
prendre aux querelles européennes le besoin d'expansion extérieure
qui marqu(; cette fin de siècle, portera la guerre jusqu'au cœur de l'Asie,
jtouvoir frapper un grand coup, chasser l'Anglais de l'Inde, priver son
industrie do son meilleur débouclié et obliger la Grande-Bretagne à
mourir de pléthore dans son ile.
La France avait nourri les mêmes plans aviîc Napoléon I" en 1806.
L'objectif principal de la Russie sera l'Inde ; car sa conquête par les
Russes ou son émancipation sera la ruine de l'Angleterre.
Nous avons étudié dans le Chai)itre II, les rapports de la Russie et do
l'Angleterre en Chine, essayé de retracer les efforts faits par la
première d(; ces puissances, conformément à un prograramii adopté.
(1) Cours (]e Géographie. Ecole supérieure de guerre, 1893-94.
-^ 31 —
pour se substituer à sa rivale sur le marché jaune, et de montrer que
le choc des deux colosses ne pouvait pas avoir pour théâtre principal
l'Extrême-Orient, mais bien les confins de l'Inde ; c'est à l'étude de ce
terrain sur lequel se videra la querelle des deux empires, à l'état des
mesures prises par l'attaque et des dispositions adoptées par la défense
qu'est consacré ce troisième chapitre.
Entre la Sibérie et les régions riches du Syr-Daria et de l'Amou-
Daria, où les trois Khanats de Khiva, de Boukhara et de Kokhan s'étaient
partagés l'ancien royaume de Tamerlan, se trouvait une steppe habitée
par les Kirghiz, dont le nom signifie nomades; au sud de l'Oxus se
ti'ouvait une bande de terrain occupé par un million et demi de
Turkmènes. Des nécessités de protection amenèrent les Russes de
Sibérie à intervenir chez les Kirghiz dont la conquête ne fut ni
sanglante, ni difficile. Ceux de l'Est se donnèrent même volontairement
à la Russie pour échapper à la Chine. Cela forma la province de Serair-
et-chinsk ou pays des sept rivières. La guerre avec les Khanats
devenait dès lors imminente.
Le premier contact eut lieu à l'Ouest, de 1839 à 1841 , par Khiva. Pour
mettre fin aux incursions des gens du Khanat sur le territoire russe,
le tzar décida l'expédition Pérowski qui échoua misérablement. Cela
se termina par le traité de 1842 ménagé par les Anglais que le tzar
Nicolas dut remercier, A partir d'alors la Russie parut renoncera toute
tentative de ce côté. Elle se tourna vers le cours supérieur du Syr-
Daria et le Khanat de Kokan. En 1853, le même Pérowski prit
Ak-Melched qui devint la ville russe de Pérowski, puissurvintla guerre
de Crimée qui interrompit momentanément la conquête ; mais en 1865,
en présence de nouveaux empiétements des Russes, le Khan de
Kokhan leur déclara la guerre et marcha contre eux ave»;- 40.000hommes.
Il fut battu à Tchemkent par Tchernaïef qui ne disposait que de
900 hommes et de 12 canons. Ce dernier, par une marche hardie de
150 kilomètres vers le Sud et malgré les ordres de Saint-Pétersbourg,
se porta vers Taschkend qu'il emporta en une journée avec des pertes
insignifiantes (1865).
Aussitôt après, le chancelier Gortchakoff", pour calmer les appréhen-
sions de l'Angleterre, publia un manifeste pour justifier roccupation
de Taschkend, ajoutant que la Russie possédait désormais un territoire
compact lui permettant de fixer avec une précision toute géométrique
- 32 -
la limite où elle devait s'arrêter. En mèine temps, Tchernaieff était
rappelé et remplacé par le gouverneur général Kaufmanu qui resta au
Turkestan vingt ans, jusqu'à sa mort. C'est à lui qu'est due la principale
œuvre de conquête.
Le premier acte fut celui de la conquête de Samarcande en 1868.
Cette fois c'est la guerre contre les Boukares, à la suite d'une décla-
ration de guerre faite par l'émir do Boukara. Le général Kaufmanu partit
de Taschkend avec 8.000 hommes et s'empara de Samarcande après un
siège do trois jours. Il y laissa ses malades et ses blessés et se mit
à la poursuite de l'armée Boukhare qu'il atteignit et battit à Saripoul.
Mais pendant ce temps les habitants de Samarcande s'étaient soulevés
et assiégeaient la citadelle où la petite garnison fît une résistance
désespérée. Kaufmanu revenant à marches forcées dégagea la citadelle
et pour punir les habitants, permit à ses soldats un pillage de trois jours.
A la suite de ces événements, l'émir de Boukara signa avec les Russes
une paix qui n'a pas été troublée jusqu'à présent. Moyennant une
indemnité de deux millions de roubles, il garda une indépendance nomi-
nale avec le titre d'allié de la Russie. Près de lui se trouve un résident
qui relève du gouverneur général du Turkestan. Toutefois les Russes
gardèrent les deux provinces de Samarcande et de Kassi-Koulgane,les
plus riches et les plus importantes du royaume. En échange ils
donnèrent à l'émir deux provinces le Hissar et le Darwas que lui
disputait le Khanat de Kokhan.
Désormais les Russes se trouvaient en contact avec le Khanat de
Khiva. L'oasis de Khiva, peuplée d'un million d'habitants, d'une surface
fertile de 4 millions d'hectares, était le dernier refuge de la résistance à
toute influence européenne; couverte au Nord par la mer d'Aral,
protégée ailleurs par sa ceinture de déserts, cette région semblait
défier toutes les attaques. Pérowsld en avait fait la dure expérience.
La campagne fut pourtant reprise en 1873.
Trois colonnes partirent d'Orenbourg, de Taschkend, deKrasnovodsk,
la première sous Yierefkine. la deuxième sous Kaufmanu, la troisième
sous Markosoff. Cette dernière rencontra d'insurmontables obstacles
par suite du manque d'eau et ne put franchir la ceinture du désert.
Celle de Vierefkine fut également fortement éprouvée par le froid,
mais parvint cependant devant Khiva dont elle commença le siège.
Elle n'eut pas à l'achever, grâce au succès de la colonne Kaufmann.
Lui aussi avait eu à surmonter les terribles difficultés que lui opposait
le désert ; sur 10.000 chameaux il en avait perdu 8.800. il avait eu à
•— 33 —
combattre rarinée khivienne et l'avait dispersée malgré l'impétuosité
de son attaque. Le 14 juin le Khan de Khiva avait fait sa soumission.
Le pays fut soumis à un étroit protectorat ; en 1875 le Khan offrit môme
de vendre son rovaume à la Russie qui refusa.
Restait maintenant la partie indépendante du Khanat de Kokhan.
Des discordes intestines avaient plongé le pays- dans Fanarchie et de
fréquentes incursions de tribus pillardes avaient lieu sur le territoire
russe. Kaufraann résolut d'en finir. A la fin de 1875 il envahit le pays,
aidé de Skobeleff, il battit aisément les hordes barbares et détrôna le
Khan qui fui interné en Russie. La totalité du Khanat fut ainsi
constituée en province russe sous le nom de Ferganah et fut placée sous
les ordres du général qui réside au Nouveau Margellan, ville construite
par les Russes, à 15 kilomètres au sud de celle du même nom.
Les Russes venaient maintenant se heurter à la longue bande méri-
dionale occupée par les Turkmènes ou Tekès, vaguement vassaux de
Khiva .
Cette conquête présenta de grandes difficultés. En 1876 le général
Lomakine dirigea deux expéditions contre les Tekès. Elles échouèrent
piteusement devant Géok-Tepé. C'était, dans toute la steppe, la mise en
discussion de l'invulnérabilité russe, Il fallait frapper un coup décisif:
le tzar envoya Skobeleff. Ce dernier constata que la première diffi-
culté venait du manque de communications. Il prit pour auxiliaire le
général Annenkoff qui commença la construction du Transcaspien et
poussa la ligne jusqu'à Kizil-Arvat de façon à établir un dépôt de vivres
et de munitions entre Géok-Tepé et la Caspienne : c'est alors que
Skobeleff entreprit le siège où il fut puissamment aidé par le général
Kouropatkine (1881). « Le général Kouropatkine était un auxiliaire
indispensable pour un chef dont la bouillante audace réclamait parfois
le correctif du calme et de la circonspection. Doués l'un et l'autre des
plus hautes qualités, ils pouvaient par la différence de leurs tempé-
raments respectifs équilibrer les défauts de ces mêmes qualités et
accomplir ensemble les plus grandes choses. Le général Kouropatkine
dirigeait les travaux techniques du siège, attentif à tout et ne pardon-
nant aucune faute. Le général Skobeleff inspirait au soldat une furie
endiablée. Assis à l'entrée de la mine, il prenait les sapeurs par la
parole et par le geste, les embrassant avec effusion et leur versant de
l'eau-de-vie s'ils achevaient leur besogne avant l'heure commandée,
les insultant brutalement devant toute l'armée quand ils étaient en
retard ».
— 34 -
30.000 Tarkmènes étaient dans la place, on fil sauter un pan de
rempart. Les Russes entrèrent par la brèche et accomplirent un
horrible massacre qui désorganisa toute résistance pour l'avenir. Mais
Skobeleff n'avait plus que 2.000 hommes fatigués et sans munitions.
Avant de se retirer vers la Caspienne, il poussa jusqu'à Askabad dont
il s'empara. Les Russes formèrent sous le nom de Transcaspienne une
province rattachée au gouvernement général tfu Caucase et dont la
capitale fut Askabad.
Rien entendu les Anglais s'étaient beaucoup inquiétés de ces progrès.
Ils furent pris de cette maladie que le duc d'Argyle appelait la
« mervosité». Devant cet état d'esprit le tzar Alexandre s'engagea à ne
pas occuper Merw. Mais en 1884 profitant des embarras de l'Angleterre
en Egypte, les Russes reprirent leur marche en avant, habilement
travaillée, Merw se rendait entre leurs mains, et ils devenaient maîtres
de Saracks. à portée de la frontière d'Afghanistan.
{A suivre).
COMMUNICATIONS AUX ASSEMBLÉES GÉNÉRALES
LE ZUYDERZÉE
PROJETS DE DESSECHEMENT
Par M. le Docteur Albert VERMERSGH,
Membre du Comité d'Etudes.
Ce qui nous a particulièrement intéressé, lors de notre dernière
excursion en Hollande, c'est sans contredit la promenade sur le Zuy-
derzée, dont l'objectif était la visite de l'île de Marken.
Tandis que notre remorqueur battait de ses flancs agiles les eaux de
cette mer du Sud, nos regards se pei'daiciil dans rininieiisité. Plongé
.- ^ —
dans nos réflexions, nous songions au gigantesque projet de dessèche-
ment qui a tant passionné les esprits hollandais.
Aussi , dans le cours de notre voyage , avons-nous essayé de
recueillir, à ce sujet, quelques renseignements d'actualité !
Les détails que nous avons l'honneur de communiquer à la Société
de Géographie vont peut-être paraître arides. Nous serons récompensé
néanmoins s'ils ont le mérite d'attirer votre attention.
Avant de parler des projets de dessèchement, nous nous voyons
forcé de faire appel aux connaissances géographiques et de donner
une description très rapide du Zuyderzée.
Le Zuyderzée, la plus jeune des mers européennes, est une véritable
mer intérieure, bornée au N. par un chapelet d'îles : Tcxel, Vlieland,
TerschelUng, Ameland, etc., etc., qui s'égrène de la pointe du Helder
a. la baie de Dollart, baie formée par une invasion soudaine des eaux
marines, et au S. par une partie de la province de la Hollande septen-
trionale et par les provinces d'Utrecht et de Gueldre. Cette série non
discontinue d'îles, qui semble une ligne de démarcation de l'ancien
rivage du pays, est reliée à la côte actuelle par des bancs de sable
découverts quelquefois à marée descendante.
Sa longueur est de 150 kilomètres sur 80 kilomètres de largeur.
Cependant, entre la province de la Hollande septentrionale à En-
khuysen et la province de Frise à Stavoren, la largeur est seulement
d'une quinzaine de kilomètres , à cause d'un étranglement assez
marqué.
Sa profondeur n'est que de 3 à 6 mètres en la plupart des endroits ;
elle est plus considérable au chenal qui conduit de la mer au golfe de
VY, sur lequel est bâtie la ville (ï Amsterdam. La marée se fait à
peine sentir dans cette mer du Sud.
Le Zuyderzée est parsemé d'îles, piquant l'horizon de points noirs,
bien connus des touristes.
Nous ne mentionnerons que celles situées dans le circuit.
D'abord au N. l'île de Wieringen, dont la population (3.000 habi-
tants) se livre à la pèche et à l'élevage des bestiaux ; plus bas l'îlot
à'Urk (2.000 habitants) a 2 kilomètres à peine de longueur ; et, à côté,
une île très allongée, l'île de Schokland, s'élevant à fleur d'eau, très
marécageuse. Le fameux ouragan de 1825 en a détruit la digue, et a
fait de nombreuses victimes. Les insulaires ont émigré dans les pro-
vinces de Drenthe et d'Oyer YsseL Cette île est maintenant à peu près
inhabitée. Enfin l'île de Maî^ken, dont nous avons foulé au mois de
— 36 —
Carte
du ZuYDERZÈE ACTUEL
— 37 —
Juillet dernier le sol argileux et hospitalier, a une population de
1.300 habitants vivant exclusivement de la pêche, et très curieux au
point de vue du respect des traditions.
Nous ne pouvons passer sous silence une barre située à l'endroit où
l'Y se joint au Zuyderzée, le Pampus, banc de sable qui rendait diffi-
cile autrefois l'accès du port d'Amsterdam par la voie du Zuyderzée.
L'Y communique avec le Zuyderzée par une triple écluse dont les
gardiens n'entr'ouvent les portes formidables que pour un nombre
respectable de bateaux, ce qui fait que quelques-uns restent longtemps
en panne. Lors de notre passage , nous avons pu compter une dizaine
de grands bateaux, sans les yachts et les canots de promenade.
Citons eniîn pour mémoire les principales villes du Zuyderzée :
Brock , Monnikendam, très originales et très visitées ; Edam et
Hoorn, les métropoles du fromage ; Enkhuysen et Stavoî^en, villes
mortes ou endormies sur le bord du grand golfe; Hindelopen et
Workum, villes excessivement pittoresques de la Frise.
Il était nécessaire de faire cette petite réminiscence géographique
avant d'aborder l'histoire du Zuyderzée et la question du dessè-
chement.
Nous savons tous que le golfe du Zuyderzée est de formation récente,
due probablement à rirruptiou de l'Océan, qui, en 1287, brisa les
digues et submergea toutes les parties basses du territoire. C'est de
cette inondation que datent la forme et l'étendue actuelle du Zuy-
derzée. Avant ce cataclysme, une terre ferme reliait la Frise à la
Hollande septentrionale. Une carte dressée, du reste, en 1584, par
Abraham Ortelius en fait foi.
En 1205, l'île de Wieringen faisait encore partie du continent,
d'après des documents manuscrits émanant des habitants des provinces
voisines; mais la mer continua sou action dévastatrice. A la suite
d'inondations successives, les digues, atteignant jusqu'à 10 mètres de
hauteur et solidifiées par les plantations de genêts et de bruyères,
vinrent à se rompre sous la force de l'élément destructeur, et cette île
fut complètement séparée de la terre vers 1251.
Les autres îles ont la même histoire.
Ce golfe occupe donc la place d'une contrée jadis populeuse et
florissante, entrecoupée de lacs, dont le principal est le Vlieland (le
Flevo, d'après Tacite).
L'idée de reprendre à la mer ces terrains usurpés et ravagés devait
éclore un jour dans le cerveau des Hollandais.
- 38 -
Habitués à lutter contre TOcéan depuis dix siècles et d'une façon
incessante, « non pour l'art et le plaisir, mais pour la vie, » ils veulent
faire pour le Zuyderzée ce qu'ils ont fait pour la mer de Haarlem.
Hardis et travailleurs, ils ne reculent devant aucun sacrifice.
Les 18.000 hectares conquis sur la mer de Haarlem, aujourd'hui en
culture et dont le dessèchement (1845-1855) a coûté 20 millions, sont
une preuve de leur opiniâtreté. Les Hollandais d'aujourd'hui calquent
leur énergie sur ceux de 1840 ; à force de patience et de travail, cette
race laborieuse, imitant nos pionniers africains en train de conquérir
quelques hectares dans le désert, dispute pied à pied son sol à l'Océan
envahisseur.
Les Hollandais savent bien que la richesse de leur pays n'est pas
dans l'agriculture ; malgré cela leurs efforts sont couronnés de succès
inattendus, mais bien légitimes, car depuis un demi-siècle ils sont
parvenus à fertiliser 380.000 hectares de terrain, lesquels, vendus à
raison de 1,200 francs l'hectare, ont rapporté 440 millions de francs.
L'entreprise du dessèchement, si elle se réalise jamais, atteindra des
proportions colossales ; on devra couper par une énorme digue le
Zuyderzée et ajouter ainsi au royaume une douzième province.
On évalue à 200.000 hectares la surface du terrain à conquérir et à
5 milliards de mètres cubes le volume d'eau à expulser à l'aide de
machines. D'après les calculs établis, 9.400 chevaux-vapeur, retirant
approximativement 4.500 mètres cubes d'eau par minute, dessécheront
le Zuyderzée en trois ans.
Plusieurs plans de. dessèchement partiel ou total ont été projetés.
Ils sont au nombre de six ; nous ne parlerons que des trois principaux.
Le premier, de l'ingénieur Van Diggelen, en 1849, a été inspiré par
le rapprochement même des deux villes Enkhwjsen et Stavoren^ for-
mant une saiUie et s'avançant pour ainsi dire l'une devant l'autre.
La distance entre les deux rives étant seulement de 15 kilomètres,
il semblait tout naturel de fermer le golfe à cet endroit. On dut y
renoncer. La côte du Zuyderzée est percée d'embouchures par lesquelles
des cours d'eau, et le plus important de tous YYssel, se déversent
dans le golfe. Que faire de ce volume d'eau ? L'évacuer par un canal ?
C'est compliquer le travail et grossir sensiblement la dépense; les
Hollandais, en gens pratiques, ne désirent pas entasser Pélion sur
Ossa. L'énormité des travaux pro{)Osés et la violence de la mer ren-
daient ce projet impraticable ; il fut donc enterré pendant seize ans.
Le second projet, qui n'est en somme que le i)remier modifié, est
— 3U —
celui de M. Rochussen, gouverneur général des Indes néerlandaises.
Nous empruntons ici quelques détails à une étude laite par M. Herelle :
^I. Rocliussen se décida à tracer la digue depuis Enkliui/sen au
Nord, jusqu'à Kampen au Sud, en laissant VYf<^cl au dehors. Cette
digue aurait 40 kilomètres de longueur avec 50 mètres de largeur à la
base. Le travail se trouverait facilité par un banc de sable s'étendant
sans interruption d'Enkhuysen à Kampen ; ce banc de sable four-
nirait une assise solide pour la grande digue qui est évidemment la
plus importante et la plus difficile des constructions à exécuter (celle
du Helder n'a que 10 kilomètres de longueur). Les ingénieurs s'esti-
maient donc heureux de cette trouvaille ; aussitôt des sondages furent
entrepris, les terres du golfe analysées. Tous ces essais furent satis-
faisants. Sur trois points, à Enkhuysen, h Vile d'Uj'k et k Kampe?i,
des doubles écluses serviraient de communication avec la mer libre.
En un mot , toutes les dispositions furent prises pour procéder au
dessèchement, avec le système des grands canaux maritimes et des
canaux secondaires de décharge et de communication. Ces derniers,
beaucoup moins profonds, tout en servant pour le dessèchement,
seraient des voies de transport. C'est, du reste, ce qui se passe dans
notre Flandre; et les membres de la Société de Géographie, dans
l'excui-sion du 12 Juin aux Dessèchements des Marais du Nord, ont pu
apprécier la valeur des voies de dessèchement au pays des Waete-
ringues et des Moëres et remarquer le canal des Glaises, le canal des
Moëres, le canal des Chats et le Zeegracht.
Tous ces travaux exécutés, il serait de toute nécessité d'assurer
suffisamment l'écoulement des eaux, parce que la différence entre les
marées hautes et les marées basses n'est pas fort considérable. 11 fau-
drait forcément recourir aux machines pour maintenir le niveau
inférieur.
Les moulins, dont on voit encore déployer les ailes le long de.
quelques canaux, sont des moteurs fort économiques assurément,
mais absolument insuffisants et surannés. En Hollande, comme aux
Moëres, ils sont encore utilisés ; on les laisse là comme des vestiges
des souvenirs d'autan. Depuis le dessèchement du lac de Haarlem, on
ne se sert plus que de machines à vapeur.
Deux chemins de fer desserviraient les nouveaux polders : le premier
suivrait la digue de Kampen à Enkhuysen ; le second traverserait les
polders perpendiculairement au premier.
Telles sont rapidement esquissées les grandes lignes de ce projet.
— 40 —
D'après les calculs, l'œuvre exigerait 20 ans de travail et 240 mil-
lions de francs ainsi répartis : 70 millions pour la grande digue ;
36 millions pour accessoires ; 124 millions pour travaux d'épuisement ;
et 10 millions pour dépenses imprévues et frais d'administration. La
somme n'est pas exorbitante ; la vente des terrains reconquis la cou-
vrirait eu partie. Ainsi on a estimé que l'hectare de terrain reviendrait
en moyenne à 1.500 fr. ou 1.900 fr.
« A ne regarder, dit M. Hérelle, que le seul impôt foncier, cette
annexion pacifique rapporterait au gouvernement un revenu annuel
de 1.900.000 fr. Tel est le chiffre qu'on obtient en prenant pour base
du calcul la moyenne de l'imposition actuelle qui est de 12 francs par
hectare. *■
Tout est donc nettement prévu. Seulement, le Hollandais est toujours
dans l'expectative et il ne voit rien venir. Il aperçoit bien le soleil qui
poudroie, mais nullement l'herbe des futurs polders qui verdoie, car
cette grande question a été maintes fois agitée et étudiée ; et, jusqu'à
présent, c'est le cas de le dire, elle est souvent tombée à l'eau.
C'est ainsi qu'en 1873, cet événement commençant à émouvoir l'opi-
nion publique , l'énervement s'empara des esprits. Des flots de
brochures : « Où en sommes-nous avec le Zuyderzée » inondèrent les
rues de La Haye. Ce fut alors aussi l'ère des controverses et des
critiques ; aux partisans du projet, on objecta qu'il serait nuisible au
pays de supprimer une mer intérieure, que les villes côtières du Zuy-
derzée souffriraient par la disparition de leur port, etc., etc. Il ne fut
pas difficile de réfuter ces arguments. Ces villes pour lesquelles le glas
funèbre a sonné depuis longtemps et qu'un auteur a surnommées
« Villes mortes du Zuyderzée » prendront au contraire un nouvel
essor. Elles renaîtront à la vie industrielle par un accroissement pro-
portionnel de la production et du commerce intérieur. Ensuite il ne
faut pas oublier que les grands navires ont définitivement déserté le
Zuyderzée. Le peu de profondeur de ses eaux, les bas-fonds, les bancs
de sable rendent la navigation difficile et pleine de périls.
Il est bon également de signaler, à l'entrée du golfe de l'Y, la barre
dangereuse du Pampus. Lorsqu'un gros bâtiment veut passer par là,
il doit se faire alléger d'une partie de sa cargaison, et se faire remor-
quer au moyen de bateaux auxiliaires appelés chameaux. C'est pour
obvier à ces inconvénients, qu'on a créé de 1819 à 1825, sous la direc-
tion de l'ingénieur Blanken , le fameux canal du Nord-Hollande,
— 41 —
immense route navale de 85 kilomètres et qui a coulé S millions de
florins.
Le désir, mes chers collègues, d'agrandir la sphère de vos connais-
sances géographiques, vous convie naturellement à poser la même
question : « Où en est-on avec le dessèchement du Zuyderzée ? »
Nous allons tâcher d'y répondre très hrièvement, après renseigne-
ments glanés pendant notre voyage.
L'exécution matérielle de cette cyclopéenne entreprise est bien
arrêtée, les grandes lignes tracées et parfaitement comprises. De ce
côté, nul obstacle sérieux ne s'oppose à la réalisation du projet qui
dort toujours d'un sommeil léthargique dans les cartons du Ministère.
La principale cause de ce temps d'arrêt est la question des crédits
nécessaires à inscrire au budget, et de ce fait l'exécution reste toujours
remise aux calendes grecques.
Cependant, il est permis d'espérer que, dans un avenir prochain, les
États-Généraux seront saisis du projet, grâce à l'influence de M. Lely,
placé à la tête du département des Travaux publics (waterstaat).
Le Ministre des Travaux publics est, en eff'et, un ingénieur très
distingué qui, remaniant les études de ses prédécesseurs, a élaboré
également un projet de dessèchement qui date de 1892 et pour l'examen
duquel une Commission a été nommée.
Ce projet prévoit la construction, dans l'espace de 8 ans, d'une
digue de barrage de 30 kilomètres de longueur s'étendant de l'écluse
d'Ewyk dans la Hollande septentrionale jusqu'à Piaam dans la Frise,
en passant par l'île de Wieringen, où l'on installera une écluse puis-
sante, large de 300 mètres et profonde de 4 mètres, qui permettra
l'écoulement libre des eaux versées par les tributaires du Zuyderzée
méridional.
L'espace de 352.000 hectares ainsi enfermé sera desséché graduel-
lement, mais on laissera toujours dans sa partie N. une sorte de lac
qu'on appellera VYssel-Meer, vaste de 120.000 hectares; celui-ci
servira de régulateur au trop-plein des apports charriés par les eaux
du golfe, et le déversera dans la mer par un canal creusé à travers
l'île de Wieringen et muni de cinq groupes de six écluses chacun.
Ouvertes à marée basse, ces écluses permettront l'écoulement des
eaux intérieures ; fermées à marée haute, elles arrêteront l'invasion
de la mer. Ce lac se transformera bientôt en un réservoir d'eau douce,
au besoin potable (le degré salin du Zuyderzée actuel est trois fois
moindre que celui de la mer du Nord).
— 42 —
AMSTERDAM
Projet Lely
•- 43 —
Les 232.000 hectares qui restent seront desséchés en 32 ans et
transformés en 4 polders : le premier de 21.70(3 hectares ; le deuxième
de 103 000 hectares ; le troisième de 75.000 hectares et le quatrième
de 50.300 hectares.
Le mouvement commercial est très actif à Amsterdam ; son port est
annuellement visité par 46.000 voiliers, jaugeant plus de 1.000.000 de
tonnes et par S. 000 steamers de 320.000 tonnes environ. Pour ne pas
nuire au commerce du Zuyderzée, quand la grande digue sera achevée,
de larges bras canalisés réuniront le futur Yssel-Meer à Amsterdam ,
au Zwollsche-Diep et à l'Yssel, et des canaux secondaires mèneront
aux autres ports principaux. Enfin l'Yssel sera réuni à la mer du Nord
par 2 canaux ; l'un commencera à Harlingen et courra le long de la
côte Frisonne pour aboutir à la partie E. de la grande digue ; l'autre
traversera l'île de Wieringen.
Le coût de l'entreprise est évalué à 462 millions de francs, dont
54 millions 600.000 fr. pour la construction de la digue. On calcule
que si le prix de vente de 1 hectare est seulement de 2,165 francs, soit
deux fois moins que le prix de 1 hectare du polder de l'Y, tous ces
frais seront récupérés à la fin des travaux.
Tout porte à croire, qu'en qualité de Ministre, M. Lely tiendra à
obtenir du Parlement l'accomplissement de ce gigantesque travail. Sa
compétence et sa prépondérance sont deux facteurs puissants, qui, si
le projet s'effectue, feront honneur à l'homme et au pays.
Cette question d'actualité hollandaise vous paraît étrange et à coup
sûr irréalisable. Lorsqu'on jette les yeux sur la carte du Zuyderzée,
quand on parcourt, comme les Géographes lillois l'ont fait dernière-
ment, cet immense golfe, on se demande en effet comment on pourra
vider ce large bassin et endiguer les rives lointaines.
Le Hollandais n'est pas embarrassé pour si peu. Dans le genre de
constructions hydrauliques, il n'a pas son maître. Il sait dompter les
éléments par la hardiesse de ses conceptions et l'habileté de ses
moyens.
Si vous avez, comme nous, traversé le Hollcnulsh-Diep, cette vaste
nappe d'eau de 2.500 mètres de largeur sur ce fameux pont du Moer-
dijk, n'avez-vous pas été frappés d'étonnement devant ce travail gran-
diose où l'ingénieur Van Bergh s'en est tiré à sa gloire ?
Ce qui prouve que le génie du Hollandais est à la hauteur de sa
persévérante activité et le dessèchement du Zuyderzée sera pour ce
peuple ingénieux et travailleur une nouvelle et admirable conquête.
Elles sont donc appelées à disparaître ces îles si originales du Zuy-
derzée. Si vous aimez, mes cliers collègues, le culte des vieilles tradi-
tions, hâtez-vous de visiter cette île de Marken, aux mœurs étranges,
aux coutumes bizarres , dont les habitants ne quittent jamais leur
foyer et qui ne connaissent rien au monde que leur île. Ce serait
peut-être les plus à plaindre, ces pauvres insulaires, quand les coups
de pioche de la civilisation moderne viendront ébranler leur thébaïde
et leur ouvrir un monde nouveau.
En attendant les ordres du Ministre et le dernier mot de leur des-
tinée , ils font le charme des voyageurs qui n'oublient jamais le
Zuyderzée à cause d'eux.
DESCRIPTION
TOPOGRAPHIQUE, HISTORIQUE & ÉCONOMIQUE
DE L'OISANS
Le pays de l'Oisans est remarquable par sa magnificence sauvage ,
par ses montagnes élevées , ses gorges profondes. 11 est limité en
largeur par les crêtes de deux chaînes des Alpes qui forment sa vallée
principale arrosée par la Romanche.
En longueur, le territoire d'Oisans commence à La Grave, dans les
Hautes- Alpes et se termine près de Vizille, où la vallée commence à
s'élargir. Il est borné au Nord par les cantons de Domône et d'Alle-
vard ; à l'Est par les montagnes de la Savoie et le canton de La Grave
(Hautes- Alpes;, et à l'Ouest par les cantons de Valbonnais et de Yizille.
« Y\i dans son ensemble, dit M. Roussillon {Guide du Voyageur
« dans rOisans) , le pays d'Oisans se présente comme une surface
« onduleuse de monts et de collines superposés en étages, divisés par
« des évascments ou des intersections profondes qui aboutissent à un
« évasemeut central plus considérable et surmonté presque de tous
« côtés par le colossal rempart de ses chaînes. Les sommités se
« terminent en pics aériens, en pyramides superbes, en crêtes gigan-
« tesques, formées de rocs arides ou recouvertes do glaces. A cette
« zone stérile et glacée succède la végétation naturelle , d'abord faible
« et éphémère, puis brillante et vigoureuse, étalant au loin de la ver-
« dure et des forêts entrecoupées par des roches décharnées qui en
« font ressortir l'éclat. Sur un degré inférieur, des terrains cultivés
« annoncent l'homme et son activité ; des hameaux , des villages
« indiquent sa demeure, tantôt élevée comme lès cultures et bravant
« comme elles la rigueur du climat, tantôt abritée ou descendant avec
« elles vers une température plus douce. Puis au pied des monts, on
« voit des gorges, des vallons serpenter en s'inclinant vers une vallée
« principale, apportant chacun son torrent à la Romanche. »
Sur la rive droite de cette rivière, vers les confins de la Savoie et
des Hautes-Alpes, se trouve un groupe de montagnes au milieu duquel
sont situées les communes escarpées de Besse et de Mizoen, puis celles
de Clavans, d'Huez et de Vaujany ; et, dans un plan inférieur, du
Fréney, d'Auris, de la Garde et du Villard-Reculas.
Sur la rive gauche, au Sud-Est, sont les trois communes du Mont-
de-Lans, de Venosc et de St-Christophe, dont les montagnes sont
couvertes de glaciers d'une superficie de plus de quinze raille hectares.
Les pics principaux en sont la Meije (3.987 m.) et la Barre des Ecrins
(4.105). Parmi leurs glaciers, on remarque ceux du Mont-de-Lans, des
Élançons, de la Pilatte, du Chardon et de la Muzelle. A l'Ouest du
Vénéon commence, ou plutôt se continue la ramification des Alpes qui
sépare l'Oisans du Valbonnais et qui présente des sommets très élevés,
notamment le pic d'Olan, la roche de la Muzelle et la montagne du
Taillefer.
Le massif du Pelvoux que domine la Barre des Ecrins est granitique
et se présente sous une forme circulaire, avec un diamètre approxi-
matif de deux myriamètres. C'est au centre de ce cirque immense que
se trouve à 1.757 m. le hameau déjà célèbre de la Bérarde. Une fort
belle chapelle, un chalet-hôtel et une douzaine de chaumières forment
tout ce hameau, centre d'importantes excursions, au Nord par la
combe des Elançons vers la Grave , au Sud vers la Yallouise et le
Valgodemar par la combe de la Pilatte. L'affluence des touristes a fait
trouver un peu partout sur ces hauteurs des paysages suspendus aux
roches et aux glaces, oîi la force et l'adresse des guides montagnards
ont su protéger jusqu'à présent la vie du voyageur.
— 46 —
La montagne des Grandes-Rousses, quoique moins fréquentée que
le Pelvoux, ne manque pas d'intérêt. Située à l'Est du Bourg d'Oisans,
au-dessus de la commune d'Huez, elle se présente avec un aspect
imposant de cimes aiguës couvertes de neiges et de glaces ; son point
le plus élevé est de 3.-473 m. au-dessus de la mer.
Les deux chaînes des Grandes et des Petites-Rousses sont coupées
par un grand nombre de filous de baryte sulfatée et de quartz qui ont
été exploités à des époques fort anciennes, pour le plonib sulfuré et le
cuivre gris argentifère qu'ils contiennent.
L'Oisans possède des mines d'or à la Cochelte, sur la commune de
Vaujany, puis au-dessus d'Auris (ce nom rappelle le précieux métal)
et enfin dans la montagne de la Gardette, sur la commune de Yillard-
Notre-Dame. Cette dernière est la i)lus abondante ; elle a été exploitée
^ plusieurs reprises et l'est encore aujourd'liui, mais les recettes n'ont
jamais été en rapport avec les difficultés de l'exploitation. Les mines
d'argent des Chalanches, situées sur la commune d'Allemont, exploi-
tées à diverses reprises sont les seules de l'Oisans qui aient donné des
produits excédant les dépenses.
Cours de i.a Romanche et de ses .affluents.
La Romanche prend sa source derrière la Meije dans les Hautes-
Alpes ; elle entre dans l'Oisans par la gorge de Malaval en allant de
l'Est à l'Ouest. Ses premiers affluents sont le Rif-Tord et le Ferrand
qui descendent des parties élevées do Mizoen, Besse et Clavaus. Dans
cette partie de son cours, mais sur la rive gauche, la Romanche reçoit
le ruisseau du Mont-de-Lans et plusbasle Yénéon, le plus considérable
de ses affluents. Ce torrent est formé de sept branches venant de la
combe des Étauçons et de la Bonne-Pierre à l'Est de la Bérarde, de
celle de la Pilatte, de la montagne de Clot-Chatel, des glaciers de la
Lavey au Sud et de ceux de la Selle au Nord de St-Christophe. Le
Vénéon , après avoir traversé cette dernière commune et celle de
Venosc, se jette dans la Romanche un peu au-dessus de Bourg-
d'Oisans.
A ce point de son cours, la Romanche se dirige vers le Nord à
travers la plaine du Bourg-d'Oisaus ; vers le milieu de celle plaine
elle reçoit, toujours sur la rivt) gauclie, le ruisseau de la Lignare qui
prend naissance dans les montagnes du col d'Ornon. Sur sa rive
droite, en face du Bourg-d'Oisans, la Romanche reçoit le ruisseau de
'— 47 —
la Sarcue qui descend des Grandes-Rousses. Enfin le ruisseau de l'Eau-
d'Ollc, qui prend sa source dans la Savoie, se dirige du côté du
Rivier-d'Allemont, et vient se jeter dans la Romanche à l'extréniité au
Nord de la plaine du Bourg-d'Oisans. A cet endroit, la Romanche
prend sa direction vers l'Ouest dans les gorges de Livet et , sortant
par là de l'Oisans, elle se jette dans le Drac au-dessous de Vizille.
L'OlSANS AU POINT DE VUE HISTORIQUE.
L'invasion romaine en marche vers la Gaule rencontra une vive
résistance de la part des Ucœni, habitants de l'Oisans (César, 1. 1,
cap. 10). Une dernière bataille leur fut livrée sur le plateau du Mont-
de-Lans, et là, malgré de valeureux efforts, ils furent vaincus et soumis.
On voit encore en ce lieu l'arc triomphal taillé dans le roc par les
Romains et qui signifiait de la part des vainqueurs l'importance du
pays conquis et le prix qu'avait dû leur coûter la victoire.
Les nombreuses populations de ces montagnes eurent cependant
peu à souffrir de cette invasion ; les Romains se bornant à l'exploitation
des richesses minérales du pays. Il n'en fut pas ainsi de l'invasion sar-
rasine : « Après leur défaite par Charles-Martel, dit M. Jeanne dans
« son itinéraire du Dauphiné, ces peuples se jetèrent dans le Dauphiné
■« et dans l'Oisans, où ils s'établirent en maîtres. On leur attribue la
■« fondation de plusieurs villages. Si l'on devait en croire les traditions
« légendaires, leur calife Abdul-Zélo aurait été défait par le paladin
« Roland. » A la suite de cette expédition, affranchi de l'oppression
sarrasine, l'Oisans vit renaître la sécurité au sein de ses montagnes.
Par suite de la chute du royaume de Bourgogne, il avait passé avec la
province au pouvoir des Dauphins, et, sous ces nouveaux maîtres, il
compta plus de jours heureux que sous leurs prédécesseurs.
Bientôt après , l'histoire locale mentionne qu'en l'année 1181 , la
plaine du Bourg-d'Oisans fut transformée en un lac par les éboule-
ments simultanés de la Voudène et de l'infernet dans le lit de la
Romanche. Cette affreuse situation dura près d'un demi-siècle, mais
la rupture occasionnelle de cette digue en 1219 rendit au pays la plus
grande partie des terres inondées. Le Bourg-d'Oisans ne dut son salut
qu'à la position élevée qu'il occupait alors sur le coteau qui domine la
plaine. 11 avait changé son nom en celui de St-Laurent-du-Lac, qu'il
conserva pendant plus de deux siècles, et ne reprit son nom primitif
que vers le XY" siècle.
Au mois de juillet 1227, le Dauphin vint visiter le pays, et par un
acte public, il déclara tous les habitants présents et futurs de St-Lau-
rent-du-Lac libres et affranchis de la taille. Cet acte fut la récompense
de la bonne foi avec laquelle ils avaient reconnu toutes leurs rede-
vances delphinales, dont les titres avaient été détruits par les eaux ;
tandis que d'autres feudataires les avaient niées. Cette bonne foi avait
valu la qualité de preux aux habitants de l'Oisans.
Les richesses minéralogiques des montagnes fixèrent surtout l'atten-
tion des Dauphins ; ils entreprirent d'abord, sur les traces des exploi-
tations romaines, des travaux considérables qu'ils étendirent ensuite
sur toute la contrée.... Les mines nombreuses, objet de ces exploita-
tions, ainsi que d'autres appartenances delphinales de l'Oisans, turent
plus d'une fois l'objet de transactions, d'investitures, de donations, qui
les firent passer en des mains diverses ; l'acte de transport du Dauphiné
à la couronne de France par le Dauphin Humbert II en 1349, fit défi-
nitivement passer les unes et les autres au domaine de l'État. Malgré
la cession de ses Etats, Humbert II n'avait point aliéné son patrimoine
particulier de l'Oisans; mais deux ans après cet acte, il le légua à
Amédée de Viennois, son fils naturel. De lui est issue l'illustre famille
de Viennois , qui ne s'est éteinte qu'après 1830 , en la personne de
M™^ la comtesse d'Albon, fille de M. le marquis de Viennois, dernier
seigneur de ce nom dans l'Oisans.
« Sous la domination des Dauphins et après eux, aux XIV® et
« XV® siècles, lorsque la féodalité était dans toute sa vigueur, l'Oisans
« comptait parmi ses habitants un certain nombre de petits seigneurs
« possédant, sauf l'hommage au souverain, les plus grandes propriétés
« territoriales du pays.
» Toutes ces petites seigneuries qui, après Humbert H, relevaient
« directement de la Couronne, eurent à reconnaître pour leur suzerain
« en 1466 le comte de Longueville, fils du comte de Dunois. Celui-ci
« s'étant marié avec Agnès de Savoie, sœur de la reine, la future
« apporta en dot une somme de 40.000 écus garantie par la remise
« que lui fit Louis XI des terres et seigneuries de la Mure, Oisans, etc.,
« dont les revenus appartiendraient au comte de Longueville. A la
« mort du comte, Charles VIH, successeur de Louis XI et neveu
« d'Agnès de Savoie, voulut que sa tante jouît des fruits et revenus
« desdites terres. Après cette princesse, Charlotte d'Orléans, duchesse
« de Nemours, succéda à tous les droits d'Agnès de Savoie sur
« l'Oisans, lesquels furent ensuite acquis à la famille des comtes de
^ 49 —
« Vaudemont. Un arrêt rendu sous François P' en 1549, réunit ces
« terres au domaine de la Couronne. Elles en furent de nouveau déta-
« cliées en 1593 par une vente passée à François de Bonne, seigneur
« de Lesdiguières et après lui eurent à reconnaître pour seigneur Louis
« de Neuville, duc de Villeroy.
« Pendant les guerres de religion, dit M. Jeanne, le Bourg d'Oisans
« eut cruellement à souffrir. En 1552, les protestants essayèrent
« vainement de le prendre de force. Mais en 1556, Lesdiguières s'en
« rendit maître et, pour en assurer la possession au parti protestant,
« il le fortifia. Il ne le garda toutefois que deux ans. En 1558 , le
« capitaine catholique de Maugiron força le Bourg d'Oisans à capi-
« tuler. 11 ne resta aucune trace des fortifications élevées par les
« protestants. Ceux-ci d'ailleurs ont également disparu de l'Oisans. »
Pendant la période révolutionnaire, plusieurs saints prêtres y trou-
vèrent un asile et leurs vertus jointes à leurs pieuses prédications,
donnèrent aux populations de ces montagnes des coutumes religieuses
qu'elles ont assez bien conservées jusqu'à nos jours.
Au point de vue économique, l'Oisans se trouve dans des conditions
peu favorables. Ses montagnes admirées par l'étranger qui les par-
court dans la belle saison , sont moins intéressantes pour ceux qui
les habitent. Elles créent à l'homme une existence particulièrement
laborieuse. Des routes nouvelles vont, il est vrai, au village principal
de presque toutes les communes; mais, par suite de la pente des
terrains, elles demeurent à peu près sans utilité pour l'exploitation
agricole. Presque partout les céréales et les foins ne peuvent être
portés qu'à dos de mulet et même, en plusieurs endroits, l'homme doit
apporter lui-même de très loin le brin d'herbe qu'il est allé disputer
aux rochers au péril de sa vie. — Toujours par suite des terrains en
pente, l'agriculture en est réduite à des instruments primitifs et gros-
siers pour préparer des récoltes qui compensent rarement les labeurs
occasionnés. Le seigle, l'orge, l'avoine, quelques légumes, sont à peu
près les seules ressources alimentaires des pauvres liabitants de ces
montagnes. Cette pénurie de vivres se joint à la rigoureuse tempéra-
ture hivernale pour forcer à une émigration de cinq à six mois par
année les hommes, les enfants même, dont les forces ne trouveraient
pas à s'exercer sur un sol couvert de plusieurs pieds de neige. Des
plantes arrachées à peu près au hasard dans la montagne, quelques
graines et arbustes pris chez les pépiniéristes, offrent aux plus indus-
- 50-
Irieux des moyens de commerce qu'ils vont exercer au loin : Rome ,
Naples, Vienne, Buda-Pesth, Bucharest, Odessa, Moscou, Stockholm,
Bruxelles, Séville, Madrid, Smyrne, Alexandrie et même plusieurs
villes d'Amérique ne leur sont pas étrangères. D'autres, moins auda-
cieux, sont de vaillants porte-balles à travers la France entière. Le
reste se condamne aux travaux les plus pénibles, de quelque nature
qu'ils soient et partout où ils se présentent. Tous reviennent à la belle
saison payer le tribut de leurs affections à leurs familles et de leurs
bras à leur pays. Le peu d'argent que leur ont procuré une sévère
économie et de pénibles privations est consacré à l'acquisition de
quelques coins de champs chèrement payés. Rarement, ils embellissent
leur demeure qui, d'ordinaire, se compose d'une chambre, vrai lieu
de débarras et de deux pièces au-dessous, dont l'une au moins com-
munique avec rétable, amenant par là une humidité funeste. Au reste,
de jolis coins de terre, une vaste grange, un certain nombre de bêtes
à cornes, voilà ce qu'ils recherchent le plus.
Au mois de juin, alors que les travaux printaniers cessent près des
villages, une partie de la population s'établit avec ses troupeaux sur
les hautes montagnes. Des chalets, espèces de huttes dont les toits
appuyés sur des murs en pierres sèches s'abaissent presque jusqu'au
niveau du sol, abritent à la fois le bétail et les gardiens. Un foyer établi
dans un angle remplit l'habitation d'une fumée qui ne s'échappe qu'à
travers les joints de la muraille et du toit ; un poteau de bois supporte
la chaudière destinée à faire subir au lait les différentes préparations
qu'il doit recevoir.
Quand on se dirige vers les chalets les plus élevés où le bois fait
totalement défaut, principalement ceux qui avoisinent la Savoie et les
Hautes-Alpes, on est désagréablement surpris par l'odeur pénétrante
qui vous arrive. Bientôt après , l'étonnemeut augmente de voir les
habitations tatouées extérieurement de points noirs et multipliés qui,
s'agrandissant à mesure qu'on approche, peuvent être pris pour de
petites ouvertures rondes pratiquées dans les murs. Plus près on
reconnaît que ce n'est autre chose qu'un revêtement noirâtre et l'on se
demande l'objet de cette décoration bizarre. C'est tout siuiplemcnt de
la fiente de vache qui sèche pour entretenir le triste foyer du monta-
gnard ; et encore faut-il l'eniployor avec parcimonie.
Le même dé^faut de bois influe sur la nourriture des habitants de ces
contrées. Ils cuisent par motif d'économie leur provision de pain pour
tout l'hiver et même pour plus longtemps. Ces pains, dont le seigle est
- 51 -
rélément principal, ressemblent assez pour la forme à ceux que l'on
distribue aux soldats. On les fait sécher pour les conserver et ils
acquièrent une dureté égale à celle des biscuits de la marine.
Les usages ne sont pas, bien entendu, les mêmes dans tout l'Oisans ;
ils varient suivant les lieux où se sont formées les diverses aggloméra-
tions. Dans les parties moins élevées des montagnes, il y a des bois et
une espèce d'anthracite qui sert de combustible. A partir de là , et
surtout au bourg lui-même, les mœurs n'ont rien de bien excentrique.
Un récent tramway y amène de nombreux étrangers, ce qui ne peut
être un mal pour le commerce et le bien-être matériel de la contrée.
Peut-être aussi excitera-t-il quelques industriels à venir employer les
magnifiques chutes d'eau qui, jusqu'à présent, ne sont utilisées que
pour une papeterie, une fabrique de soie et quelques petits moulins de
campagne.
Par l'Abbé FAURE,
Curé de Venosc.
EPHEMERIDES DE L'ANNÉE 1898
JUIN.
i". — Indes françaises. — Suppression des cipahis.
3. — Santiago. — Les Américains coulent le Merrimac à l'entrée du chenal de
Santiago.
3. — Philippines. — L'insurrection des Philippines est générale : Succès du
chef Aguinaldo.
4. — Etat du Congo. — Les Derviches attaquent Redjaf et sont repoussés.
6. — Grèce. — Fin de Tévacution de la Thessalie par les Turcs.
6. — Santiago. — Premier débarquement de soldats américains dans les
environs de Santiago.
7. — Cuba. — Bombardement de Gaïmanera : Retraite des Espagnols.
9. — Ghine. — Gonvention signée à Pékin, L'Impératrice douairière reprend le
pouvoir des mains de l'Empereur.
iO. — GuBA. — Nouveau bombardement de Santiago par la flotte de l'amiral
Sampson. — Les Américains occupent Guanlamano.
13. — Ganada. — Mort à Montréal d'Adolphe Ghapteau, homme d'État.
13. — États-Unis. — L'armée américaine d'invasion à Guba quitte Key-West.
14. — Soudan français. — Gonvention entre la France et l'Angleterre, signée
à Paris, délimitant les possessions des deux pays dans la boucle et le bassin du
Niger jusqu'au Tchad et réglant le régime commercial de ces régions.
— 52 -
14. — CÔTE d'Or. Niger. — Convention franco-anglaise de délimitation.
17. — Autriche. — Graves désordres en Gallicie.
22. — Antilles. — Le corps d'armée du général Shafter, parti de Tarapa
(14 juin), débarque à Baiquiri.
22. — Philippines. — Los Américains occupent les îles Ladrones (Mariannes).
25. — Cuba. — Sanglant combat de Juragua, près de Santiago.
26. — France. — L'explorateur de Bonchamps rentre à Paris.
28. — France. — M. Delcassé est nommé Ministre des Affaires étrangères en
remplacement de M. Hanotaux.
•JUILLET.
1". — Cuba. — Le général Shafter enlève les positions avancées de Santiago
(1" juillet) ; mais est arrêté par la résistance du corps de la place et se replie
(2 juillet).
1". — Congo belge. — On annonce une défaite des rebelles.
3. — Côte d'Ivoire. — Le poste français d'Assikasso est délivré après 03 jours
de siège.
3. — Italie. — Formation du cabinet Pelloux à la suite de la démission du
cabinet de Rudini.
5. — Santiago. — Destruction de la flotte espagnole : l'amiral Cervera, pri-
sonnier.
4, — France. — Naufrage du transatlantique La Bourgogne : ÔOO victimes.
"5. — État du Congo. — Inauguration officielle du chemin de fer de Matadi à
Dolo.
6. — États-Unis. — Le Sénat des États-Unis vote l'annexion des îles Hawaï.
9. — Espagne. — L'escadre espagnole de Gamara envoyée aux Philippines, est
rappelée et repasse le canal de Suez.
10. — OuBANGHi-NiL. — La mission Marchand, après une pénible traversée des
marais de Bahr-el-Ghazal, arrive devant Fachoda et s'en empare sur les Derviches.
10. — Santiago. — Les Espagnols prennent l'offensive à Santiago.
14. — Cuba. — Capitulation de Santiago.
15. — Espagne. — La Gaccta publie un décret suspendant les garanties consti-
tutionnelles.
i7, — Santiago. — Reddition de Santiago aux Américains. La capitulation
comprend celle des places à l'Est de Santiago.
22. — Lille. — Société de Géographie. Communication de M. Dupont, de
Roubaix : L'enseignement commercial au XVII^ siècle en Allemagne.
24. — Cuba. — Les insurgés se révoltent.
26. — Antilles. — Le général Miles dél)arquc dans le Sud de Puerto-Rico et
occupe Ponce sans résistance.
26. — Philippines. — L'Espagne demande la paix par l'intermédiaire de l'am-
bassadeur de France à Washington.
. - 53 —
27 . — Algérie. — M. Laferrière est nommé gouverneur général en remplace-
ment de M. Lépine.
29. — Etats-Unis. — Le cabinet américain arrête les conditions de la paix
hispano-américaine.
30. — Allemagne. — Mort de M. de Bismarck.
30. — - Tunisie. — Rachat du chemin de fer italien de la Goulette.
30. — Philippines. — Les Tagals se constituent en République indépendante.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIOUES
Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
EUROPE.
Puisse. — li'ex.|»oi*tation coiugsarée <Icm articlci^ naauiirac-
tiirés depiiiw 18S5. — D'après un journal de Zurich l'ensemble des expor-
tations suisses en 1897, s'élève en chiffres ronds à 693,170,000 fr. Celles des articles
manufacturés est de 76,3 % dt^i total, soit de 529,10 millions. Le surplus se répartit
presque également en produits bruts et objets d'alimentation. La plus grande
partie des produits d'alimentation exportés consiste en laitages, en lait frais pour
une petite quantité, et pour le surplus, en fromages, en lait condensé, etc. Tous
ces produits sont encore, à vrai dire, des articles manufacturés, des produits indus-
triels. Il faut en dire autant du chocolat, des pâtes alimentaires, des extraits de
viande, des conserves pour soupes, etc., qui ne figurent pas cependant sous ce
titre dans la statistique des douanes, mais comme objets d'alimentation. En faisant
de ce chef la correction voulue, la proportion des objets manufacturés sur l'ensemble
de l'exportation suisse s'élève en chiffres ronds à 86 %? résultat que n'obtient
aucun pays industriel. Depuis 1885, cette proportion ne s'est guère modifiée.
Dans cet espace de temps, l'exportation des produits manufacturés suisses s'est
sensiblement élevée. Voici les chiffres en millions de francs :
18&5 470.51
1886 484.78
1887 496.97
1888 495.97
1889 527.69
• 1890 538.07
1891 511.52
lb92 492.(38
1893 48r).72
1894 464.69
1895 503.30
1896 525.78
1897 529.10
4*
liCfi iiiétlioclest eoiiiiuerciale»» alleiuaudes. — Eu parlant Je la
lutte acharnée à laquelle se livrent les grandes puissances sur le terrain écono-
mique, un homme d'Etat anglais a dit qu'il s'agissait moins de conquérir des
territoires, que de s'emparer du commerce. C'est en suivant ce principe que le
commerce et l'industrie allemande, grâce à un plan de campagne et à une méthode
commerciale qui sont devenus une véritable science, ont si considérablement étendu
dans ces derniers temps leur champ d'opérations, et qu'ils portent actuellement
leurs efforts en Extrême-Orient. Cette méthode et ce plan de campagne viennent
de faire l'objet d'une publication de l'Anglais M. Neader, parue dans la Biblio-
thèque universelle, et à laquelle la Gazette de Cologne consacre un article de fond.
Parmi les armes les plus efficaces, est-il dit dans cette étude, dont dispose le
commerce allemand, il faut citer les Sociétés d'exportation qui sont très répandues
dans le pays, et entre toutes, celle de Saxe dont les méthodes de travail peuvent
être considérées comme un modèle. Elle a été fondée en mai 1885 et, en novembre,
elle comptait déjà 200 membres. Ceux-ci payent une contribution annuelle de
20 marks, moyennant quoi ils reçoivent tous les documents publiés par la Société
et une place d'un mètre carré dans les expositions que la Société organise chaque
année à Dresde. Toutefois, l'effort principal de l'exportation ne porte pas sur les
expositions ; il vise surtout l'envoi sur les marchés étrangers d'agents qui ont pour
mission d'y faire pénétrer les produits des membres de l'Union. Actuellement,
celle-ci a des représentants fixes et des voyageurs en Afrique, en Bulgarie, au
Caucase, au Canada, dans l'Amérique du Sud, en Algérie, etc., et on peut dire
qu'il n'est pas un coin du monde oii on ne puisse les rencontrer. Il ne faudrait
cependant pas croire qu'on leur a assigné des destinations prises au hasard dans
une carte géographique. Tout d'abord la Société fait étudier les territoires oii il
s'agit de renouer des relations commerciales : dans ce but, elle a dépensé de 1886
à 1895, 380,000 marks. Le premier de ces voyages d'exploration a eu pour objet
l'étude commerciale approfondie - du Venezuela, de l'Equateur, du Pérou, delà
Bolivie, du Chili ; le second, l'Europe orientale ; le troisième, le Mexique, le
Canada, l'Inde occidentale, Cuba ; le quatrième, le Japon ; le cinquième, l'Afrique.
A Berlin fonctionne toute une série de Sociétés pour le développement du
commerce d'exportation ; entre autres, la Société centrale pour la géographie
commerciale et le développement des intérêts allemands à l'étranger (Centralverein
fur Handels-Géographie und Forderung deutscher Interessen im Auslande). Insti-
tution mi-politique, mi-scientifique, ce cercle est en relation avec deux organes
importants : VExportbank et VExportblatt : banque et journal d'exportation). Plus
importante encore est l'association coloniale allemande (der deutsche Colomal-
verein) qui compte 2.50 agents, la plupart occupés à Anvers, Bruxelles, Londres et
Tokio, et à l'initiative desquels on doit une masse de collections de produits colo-
niaux destinés aux musées et aux dépôts de marchandises. L'association des
négociants et industriels de Berlin (Verein Berliner Kauflente und industrieller)
joue également un rôle très important, grâce à son bureau de renseignements et à
ses succursales dans un grand nombre de villes étrangères. Un autre organe consi-
dérable est le Verein fur ini ernationale Markte (Société pour les marchés inter-
nationaux) qui, deux fois par an, au printemps et en automne, tient de grandes
foires à Berlin, auxquelles sont annexées des expositions d'échantillons, qui attirent
surtout de nombreux visiteurs russes.
Comme on le voit, c'est le principe de l'association, de la solidarité, de la com-
munauté d'intérêts qui est le grand levier de la puissance commerciale allemande.
Il ne sert de rien, comme le dit très bien l'article que j'analyse, que le fabricant
agisse isolément pour son propre compte et que, en lui supposant même les plus
.- 55 -
grandes capacités, il lance ses produits dans le monde, au petit bonheur. La latte
est si âpre aujourd'hui que ce ne sont pas des tirailleurs isolés qui remporteront la
victoire ; le champ de bataille est, d'autre part, si étendu, que les regards d'un
homme seul ne peuvent l'embrasser. Conséquence : bataille en rangs serrés ; troupe
de reconnaissance à l'avant et direction générale de la marche du combat, telle est
la seule tactique possible. Mais, poursuit l'auteur, ni le zèle, Fintelligence et la
capacité déployés pour s'ouvrir de nouveaux débouchés et se plier au goût des
clients à conquérir ; ni les réclames, ni les Sociétés d'exportations, n'auraient porté
l'Allemagne au but qu'elle a atteint, si elle n'avait possédé dans son port de
Hambourg un point de départ de premier ordre pour son commerce d'exportation.
La vieille ville hanséatique, avec son commerce mondial cimenté par des siècles,
avec ses colonies marchandes dans tous les pays, avec ses voies de communication
intérieures et extérieures, est devenue le point de concentration naturel des
produits du dehors, la base essentielle des opérations ultérieures du commerce
d'exportation.
Avant que l'Allemagne possédât de bonnes routes commerciales à l'intérieur,
Hambourg rayonnait déjà sur tout le globe par ses lignes de navigation. Et lorsque
l'industrie se fut développée au point de dépasser les besoins du marché intérieur,
c'est par Hambourg qu'elle est allée chercher des clients étrangers.
Hambourg doit sa grande importance de place d'exportation au fait qu'elle est le
siège du commerce intermédiaire. Les fabricants, en Europe, ont coutume de
facturer le prix de leur marchandise à trois mois, mais s'il s'agit d'envois à desti-
nation de l'Amérique du Sud, de l'Australie, ou d'autres contrées éloignées, le
payement ne peut s'etfectuer aussi rapidement, de même que le producteur ne peut
se tenir en tout temps au courant de la solvabilité de l'acheteur. C'est alors qu'in-
tervient le commerce intermédiaire représenté à Hambourg par des maisons très
riches et appartenant à l'aristocratie commerciale. La plupart de leurs chefs ont
passé leur jeunesse dans les pays étrangers oia, grâce à eux, plus tard, s'est
implanté le commerce allemand. Ils sont exactement renseignés sur tout ce qui
se passe dans ces contrées, et peuvent plus facilement courir les risques d'une
entreprise. Et ainsi le commerce d'exportation s'est trouvé organisé de telle façon
que le producteur vend au commerçant intermédiaire, lequel, à son tour, place la
marchandise parmi ses acheteurs d'outre-mer.
Un autre rouage import;\nt du commerce d'exportation allemand, est l'agent
exportateur qui a également son centre d'opérations à Hambourg. Ces agents ont
des dépôts entiers pleins d'échantillons et de modèles. Un négociant étranger
débarque-t-il à Hambourg ? Il s'adresse d'abord à son intermédiaire, lequel le
conduit chez son agent exportateur où l'étranger peut choisir la marchandise qui
lui plaît. Il va de soi que ces agents parlent 5 ou 6 langues. Ils jouent vis-à-vis de
leur maison, le même r^e que les délégués des Sociétés d'exportation jouent vis-
à-vis de leurs membres et ils leur donnent des conseils et des indications de toute
nature. Le livre d'adresses de l'exportation (das Export-Adressebuch) ne donne pas
seulement l'indication des maisons de commerce et des renseignements confiden-
tiels sur la solidité des maisons d'outre-mer, il contient aussi des informations sur
le caractère de la marchandise et le goût du client : (par exemple sur la couleur
que doivent porter les marchandises expédiées en Chine oii le noir et le vert doivent
être évités, ces nuances portant malheur, aux yeux des habitants du Céleste-
Empire). Ces agents renseignent aussi leurs maisons sur les habitudes des négo-
ciants étrangers, sur la manière de correspondre avec eux (par lettres écrites à la
machine, comme en Amérique), sur les réclames à faire à grand renfort d'épithètes
superlatives (en Amérique aussi), et sur les emballages.
- 56 -
Cette dernière question est importante. Autrefois les Allemands négligeaient le
côté extérieur de leurs colis et de leurs produits et ils ont été battus pour cela ;
aujourd'hui, il n"en est plus de même ; le soin qu'ils apportent à leur donner une
apparence séduisante est une des causes de leurs succès. Enfin, ces mêmes agents
se tiennent aussi au courant par voie télégraphique de tous les événements qui se
produisent dans les villes où leurs maisons ont des intérêts, que ces événements
touchent à la vie politique ou sociale ou qu'ils aient un caractère artistique ou
mondain, et ils se font envoyer les photographies des personnages et des localités
qu'un fait quelconque met en évidence. C'est ainsi qu'on voit la porcelaine, la
verrerie, les ouvrages en cuir, les tablettes en métal, les cendriers, de production
allemande, porter les portraits du lion du jour au Venezuela ou d'une chanteuse
récemment fêtée à Montevideo.
Sociétés d'exportation d'une part, grandes maisons de commerce intermédiaires
et ao-ents d'exportation, de l'autre, se prêtent ainsi un concours réciproque dans la
o-rande bafciille commerciale, et. le résultat de ces eiforts communs se traduit par
un écoulement de plus en plus grand de marchandises sur tous les territoires, et
finalement par la conquête des marchés, les uns après les autres.
A ces causes de succès, à l'énergie, à la savante organisation du commerce, à sa
capacité de se plier aux goûts des clients, à la bonne volonté avec laquelle il va
au devant de leurs désirs, il faut ajouter les progrès considérables réalisés par
l'enseignement technique, qui permettent à l'Allemagne de soutenir la lutte avec
les peuples où l'industrie est la plus ancienne, notamment celle des produits
chimiques. Ici, la science ne s'isole pas dans les sphères d'une culture idéale; elle
marche la main dans la main avec l'industrie et transforme à son usage les décou-
vertes qu'elle a réalisées.
Sans doute l'exposé qui précède n'apprendra rien de nouveau à nos négociants et
à nos industriels, les méthodes commerciales allemandes ont été maintes fois mises
sous leurs yeux. Cependant, il n'est pas inutile de leur rappeler que le moment
est venu de se les approprier. Déjà d'autres peuples entrent dans la même voie, la
Belgique notamment, où il vient de se créer une fédération pour le développement
des entreprises industrielles à l'étranger. 11 est incontestable que les exportations
allemandes s'accroissent en partie à nos dépens. Il est incontestable aussi que,
dans le relèvement économique d'un peuple, le rôle de l'État, si important qu'il
soit, n'est que secondaire. Le gouvernement allemand fait moins de sacrifices que
le nôtre pour son commerce et son industrie ; mais ici les intérêts particuliers
savent se grouper, se défondre, s'armer pour la lutte. C'est l'esprit d'entreprise et
d'association qui est le plus important facteur du mouvement d'expansion d'un
peuple.
E. PlNSAUD,
Consul de France.
■jC coiuiiicrcc allrniaiitl ci» Turquie. — 11 n'est pas aisé de déter-
miner exactement l'importance des envois de l'Allemagne en Turquie, le seul point
de repère se trouve dans la statistique allemande, mais celle-ci n'indique pas toutes
les marchandises allemandes pénétrant en Turquie, attendu qu'elles y parviennent
dans bien des cas par voie indirecte. Toutefois et sous cette réserve, il est possible
de constater que pendant les cinq dernières années , les exportations allemandes à
destination de la Turquie ont atteint les valeurs suivantes :
1893 40.9iil .000 marks.
1894 34.384.000 —
- 57 -
1895 39.028.000 marks.
189G 28.021.000 -
1897 30.921.000 -
Dans ces valeurs sont comprises les fournitures allemandes au gouvernement
ottoman, ainsi que les fournitures en matériel pour la construction des voies
ferrées. Si l'on déduit ces envois qui n'ont qu'un caractère exceptionnel, du
mouvement commercial proprement dit, on obtient pour les exportations régulières
les données ci-après :
1893 27.811 .000 marks.
1894 23.483.000 —
18^ 21.027.000 —
1896 • 20.486.000 —
1897 27.339.000 —
La reprise en 1897 est donc très sensible et les négociants allemands s'attendent
à voir les affaires avec la Turquie se développer de plus en plus. Ils prétendent
que le commerce autrichien et le commerce français diminuent dans l'empire
ottoman, que le commerce anglais y est stationnairc. A côté des progrès lents mais
continus du commerce russe, ils estiment que seules l'Italie et l'Allemagne montrent
aujourd'hui un développement marqué en Turquie.
D'après le ffaniburr/ische)- Correspondent, c'est l'industrie textile allemande qui
remporte le plus de succès : désormais l'Autriche serait distancée pour les coton-
nades ; la France, pour les doublures, les velours de coton, les étoffes demi-soie
et les soieries en déchets de soie, les peluches, les flanelles lisses, blanches et de
couleur, les étoffes pour meubles imprimées, les étoffes de robe à dessins en laine
pure ; la Belgique et l'Angleterre pour les confections (hommes). Aussi ce journal
envisage-t-il sous les plus riantes couleurs l'avenir commercial de l'Allemagne en
Turquie. « Les chemins de fer, écrit-il, commencent à pénétrer dans des parties
« de l'empire ottoman jusqu'ici presque inaccessibles au commerce européen; le
« voyage de l'empereur, qui a rendu les Allemands si populaires en Turquie, ne
« manquera pas de produire ses fruits et d'assurer à l'Allemagne une large part
« dans le trafic futur. »
AFRIQUE.
Algérie. — Viuj*. — La récolte des vins en Algérie, en 1898, a été excel-
lente et supérieure, comme qualité et quantité, à la moyenne des dernières années.
Le département d'Oran a donné 1,. 300, 000 hectolitres pour 55,000 hectares de
vignobles ; celui d'Alger 2,300,000 hectolitres pour 46,000 hectares, et celui de
Gonstantine 1,000,000 d'hectolitres sur 24,000 hectares. Les vins d'Algérie bien
fermentes sont remarquablement fruités. Les vins blancs sont de plus en plus
abondants.
Si l'on remonte à quelques années en arrière, on peut juger combien ont été
grands les progrès de l'Algérie au point de vue vinicole. En 1879, la récolte n'était
encore que de 340,000 hectolitres et la superficie plantée de 17,737 hectares. En
1886, la récolte s'élève à 1,667,000 hectolitres, dépassant 1 million pour la pre-
mière fois, et la superficie plantée s'élève à 70,049 hectares. En 1888, la récolte
atteint 2,761,000 hectolitres pour 103,408 [hectares. Depuis cette époque, la pro-
gression du vignoble a été beaucoup plus lente, en raison de l'apparition du
- 58 -
phylloxéra, mais celui-ci ayant pu être localisé, les ressources vinicoles de
l'Algérie vont pouvoir sa développer progressivement.
!%otre commoree avec le Maroc. — Le Maroc est un pays essen-
tiellement fertile ; mais il n'est ni cultivé ni exploité comme il devrait l'être.
Pour le blé, par exemple, il pourrait devenir un des greniers du monde comme
il fut autrefois celui de Rome. On calcule qu'il serait capable de produire plus de
100 millions d'hectolitres et de nourrir 40 millions d'habitants. Or, il n'en nourrit
que 8 millions et .son exportation en blé, autorisée il y a quelques années seule-
ment par le sul*an, est loin d'être considérable. D'ailleurs , le paysan marocain
sème juste pour ses besoins et pour le paiement des impôts ; il se sert encore des
charrues et des instruments aratoires qu'on employait il y a des siècles.
C'est ainsi qu'à côté du blé, il pourrait récolter, bien plus encore qu'aujourd'hui,
de ces grains, comme le maïs, les fèves, les pois, les lentilles, dont le Maroc
exporte cependant des quantités notables. 11 néglige la pomme de terre et les
autres légumes, la vigne elle-même, qui ne demanderait qu'à prospérer. Et il
dépeuple peu à peu, malgré la défense de l'autorité, pour transformer les arbres
en charbon de bois, les forêts jadis magnifiques, qui renferment encore nombre
d'essences excellentes, telles que le chêne, l'acajou, le tamarin, le santal, l'or-
ganier, dont les fruits ont un noyau qui fournit une huile précieuse pour l'éclairage
et les usages culinaires. Il ne daigne même pas creuser les tourbières et les mines
de houille qui, sur beaucoup de points, sont connues. A quoi bon d'ailleurs, puis-
qu'il ne pourrait pas en consommer les produits dans ses fourneaux primitifs, et
que les voies de communication manqueraient pour les transporter ailleurs ?
Ajoutons que le Marocain ne prend aucun soin pour améliorer ses races d'ani-
maux domestiques, dont l'exportation a été longtemps défendue. Ces chevaux pur
sang si renommés, dont l'empereur fait parfois présent à un ambassadeur ou à un
souverain, deviennent de plus en plus rares. Quant à la mise en valeur des
richesses minérales de toutes sortes que renferme le sol , il n'en faut point
parler : on crèverait les yeux à qui voudrait s'en occuper. La terre recèle même
des sources de pétrole dont on ne s'en inquiète pas davantage.
Et quelles pêches miraculeuses sur les côtes ! L'alose, le rouget, l'anchois, la
sole, le maquereau, le turbot, la sardine, les crevettes, la langouste, le homard,
le thon, outre les coquillages et les poissons spéciaux à ces parages, s'y rencontrent
en abondance.
Les pêcheurs portugais connaissent bien ces bons endroits : ils y viennent jeter
leurs filets et s'en retournent vendre leur butin, après l'avoir salé, au Portugal et
en Espagne. Les Italiens s'efforcent d'y aller aussi. Pourquoi ne les imiterions-
nous pas ?
Etudions maintenant le commerce de la France avec le Maroc.
La France importe du Maroc, pour la consommation particulière de son industrie,
pour un peu plus de 8 millions de francs (8,.331,r)04 fr. en 1897). Les statistiques du
Ministère du Commerce nous apprennent que ces importations consistent en pro-
duits naturels : peaux brutes pour plus de 5 millions, laines en masses pour près
de 2 millions, plantes médicinales, caoutchouc et gutta-percha, cire, résine et
cornes de bétail.
Mais ce qui doit nous occuper le plus, c'est le chapitre correspondant, c'est-à-
dire celui de nos exportations au Maroc. Or, le total ne s'en élève qu'à un peu plus
de 5 1/2 millions (5,536,896 fr. en 1897). Sur ce chiffre, les sucres raffinés figurent
^59-
à eux seuls pour plus do 3 1/2 millions ; les soies grèges pour un demi-million ; les
tissus de soie pour 316,0r)3 francs : les tissus de laine pour 29(),737 fr. Ajoutez pour
85,000 fr. de papier, carton, etc., pour 80,000 fr. de poterie et verrerie, pour
167,000 fr. de produits médicinaux, pour 37,000 fr. d'ouvrages en métaux, avec
470,000 fr. de colis postaux et innombrables petits objets non dénommés, c'est à
peu près tout. C'est peu.
C'est peu, car le Maroc reçoit des diverses nations, Angleterre, Allemagne, Bel-
gique, Suisse, Espagne, États-Unis, bien d'autres marchandises que nous lui
fournissons : des bougies, des allumettes, des mobiliers, des conserves, dos armes
et do la poudre, de la quincaillerie, do l'alcool, de la bijouterie, des fers, de l'acier,
des ciments, de la bière, etc. Pourquoi ne nous efforçons-nous pas davantage, pour
ces articles, d'étendre notre place sur le marché marocain ? Les Allemands, eux;
s'y livrent à une campagne commerciale très active ; ils veulent réussir à tout prix
et ne reculent devant aucun sacrifice ; ils vont dans l'intérieur du pays, en rap-
portent chez eux des modèles d'instruments et d'outils usuels dont ils font et
vendent avec avantage les reproductions. Ils ne dédaignent pas de fabriquer en
Allemagne, pour les expédier là-bas, les objets les plus grossiers,- les moins chers,
qu'ils obtiennent du reste à meilleur compte que les Marocains chez eux. En outre,
les Allemands, n'hésitent pas à accorder à leur clientèle marocaine à peu près
sûre, des délais de quatre ou cinq mois pour le paiement de leurs factures. Aussi
leur trafic dans ces contrées a-t-il beaucoup progressé depuis quelques années.
AMÉRIQUE
États-Unis. — CJouséffueuces commerciales de la guerre
avec l'Espag^ue. — Cuba et Porto-Rico étaient , avec Hawaï , les seules
sources d'approvisionnement de sucre avant la guerre hispano-américaine. La
situation critique de Cuba et ses primes à l'exportation, accordées en Elurope, ont
contribué à enlever aux Antilles leur ancienne prépondérance, en même temps que
les progrès de l'industrie du sucre de betterave aux Etats-Unis et le développe-
ment de la fabrication du sucre de canne dans l'Amérique du Sud ont joué un rôle
important. Les Etats-Unis qui vont englober, commercialement du moins, Cuba et
Porto-Rico, pourront donc désormais se passer totalement des autres pays pour le
sucre. Il en sera de même bientôt pour le café.
Les États-Unis sont le pays qui consomme le plus do café du monde, soit la
moitié de la production universelle, qui est de 1,600 millions de livres par an. Les
importations, depuis 1890, se sont élevées à une moyenne de 90 millions de dollars,
dont les deux tiers proviennent du Brésil. Mais Porto-Rico et Hawaï sont très
favorables à la culture du caféier ; les Américains vont le développer, de façon à
s'assurer la production du café sur leur propre sol.
Le moment est donc proche oii les États-Unis pourront se passer du reste du
monde, et leurs tarifs prohibitifs empêcheront la concurrence sur les marchés.
diadeloupe. — Commerce en 1897. — Le commerce extérieur de
la Guadeloupe en 1897 a été de 18,44.5,000 fr. aux importations, et de 16,.308,000 fr.
aux exportations. Le total du commerce est en diminution de 5,5.55,000 fr. sur 1896.
Près de la moitié des importations sont de provenance française (9,054,000 fr.).
Navigation. — En 1897, il est entré dans les divers ports de la Guadeloupe
595 navires, jaugeant 235,000 tonneaux, dont 327 navires français. A la sortie, on a
compté 613 navires jaugeant 255,500 tonnes.
- 60 -
Population. — Le 31 décembre 1897, la population de la Guadeloupe était de
14r),908 habitants; celle de Maric-Galantc, de 14,917; celle de Dcsirade, de 1,473;
celle des Saintes, de 1,557; celle de Saint-Martin (partie française), de 3,594; enfin
celle de St-Barthélemy, de 2,686 habitants. On a constaté, dans ces diverses îles,
une augmentation de 646 habitants en 1897.
l.e eoiiimercc français à Cuba. — Avis a nos Commerçants et a
NOS Industriels. — Il faut bien convenir que si l'insurrection de Cuba a été
soigneusement entretenue à ses débuts par les Américains, les Espagnols ont à
peu près fait tout ce qu'ils ont pu pour la faire naître.
• Ainsi que le fait remarquer, avec juste raison, un de nos confrères, M. Charles
Laroche, dans un très intéressant article consacré à la question cubaine, un gou-
vernement qui voudrait ruiner un pays ennemi ne procéderait pas autrement que
ne l'a fait l'Espagne vis-à-vis de Cuba en faisant voter par les Cortès les deux lois
de 1881 et 1882, plus connues sous le nom de lois de cabotage.
Par ces lois, l'Espagne mettait, pour ainsi dire, sa colonie en quarantaine en lui
interdisant de recevoir de Tétranger certains articles indispensables à la marche de
son industrie et à l'extension de son commerce.
Les marchandises tombaient, en effet, sous l'applicalion d'un tarif douanier qui
dépasse l'imagination. C'est ainsi, par exemple, que 100 kilos de calicot venant
d'Espagne paient 13 fr. 50 ; de l'étranger, 236 fr. 50 ; 100 kilos de bonneterie
importés de la péninsule, 54 fr. 75 ; de l'étranger, 975 fr. ; 100 kilos de lainages
d'Espagne, 77 fr. 35 ; de l'étranger, 1,500 fr. et ainsi de suite.
Les produits français les plus estimés et les plus recherchés sur le marché de la
Havane avaient complètement disparu. Une barrique de vin de 225 litres valant en
France 150 fr. payait un droit de 300 fr., et, bien que le tarif général fit une diffé-
rence entre les vins ordinaires et les vins fins, l'administration de la douane, avec
sa loyauté habituelle, leur appliquait les droits les plus élevés sans distinction de
qualité. Il en était de même pour les machines françaises destinées aux sucreries,
et qui sont sans rivales.
En fait, l'éttlblissement de ce tarif douanier était surtout dirigé contre les pro-
duits français qui jouissaient sur le marché cubain d'une prépondérance marquée.
Le but poursuivi par le gouvernement espagnol fut atteint, car, dans ces dernières
années, notre commerce d'exportation à Cuba avait, pour ainsi dire, complètement
disparu. La situation se trouvant aujourd'hui modifiée, il va être possible à nos
négociants et industriels de remettre la main sur un marché qui leur avait été
systématiquement fermé.
Les États-Unis se sont préoccupés de porter remède à cet état de choses et
d'établir un nouveau tarif douanier qui pût permettre à l'île de développer son
commerce et son industrie. 11 faut rendre justice au cabinet de Washington pour
la manière désintéressée dont il a réglé cette question des douanes. Aucun avan-
tage particulier n'a été réservé pour les produits américains.
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LE secrétaire-général ,
LE .secretaire-oénéral adjoint , A. MERCHIER.
QUARRÉ - REYKOURBON.
Lille lnip.LDaneL
- 61 —
PROCÈS-VERBAUX DES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES.
Assemblée générale du «5 Juillet 1899.
Présidence de M. Paul GREPY, Président.
La séance est ouverte à huit heures et demie.
MM. NicoUe-Verstraete , Merchier, Quarré-Reybourbon , Fernaux-Defrance ,
Houbron, Cantineau, Beaufort, Haumant, Pajot, Raymond Théry, Vaillant, D'Ver-
mersch prennent place au Bureau.
Le procès-verbal de la précédente Assemblée générale a été publié dans le
Bulletin du mois de Juin.
Adhésions. — Depuis le 26 Avril, 48 membres nouveaux ont été admis par le
Comité. La liste en est publiée à la suite de ce procès-verbal.
Conférences. — Les dernières Conférences de la saison ont été données :
Le 1" Mai, par M. le Baron de Baye : la Transcaucasie.
Le 9 Mai, par M. Ardouin-Dumazet : Hivernage dans un poste alpin.
_ Concours. — Les Concours de Géographie militaire et de Géographie commer-
ciale ont eu lieu le jeudi 6 juillet, de 8 heures à midi.
Le même jour et simultanément à Lille, à Roubaix et à Tourcoing, les Concours
pour les élèves de l'Enseignement secondaire, de l'Enseignement primaire supé-
rieur et de l'Enseignement primaire élémentaire ont réuni 224 concurrents.
Garçons. Filles. Total.
Lille 81 47 128
Roubaix 26 16 42
Tourcoing 3() 24 54
Totaux 137 87 224
Le Concours réservé aux employés du Commerce et de l'Industrie a eu lieu le
dimanche 9 Juillet, de 9 heures à midi.
Des remercîments sont adressés au Lieutenant Poncelet, à MM. Merchier, Fro-
mont, Houbron, Raymond Théry, Eeckman, Godin, Vaillant, Pouille, Calonne,
Dehée, Thieffry qui ont surveillé les épreuves de ces Concours.
5
— 62 —
Bon. — M. Boulenger, Président de la section de Roubaix a bien voulu remettre
à notre TrtJsorier 200 francs qui seront ajoutés aux sommes déjà consacrées à
Tachât des prix et récompenses.
Congrès. — M. Quarré-Reybourbon a représenté notre Société à la 66^ session
du Congrès archéologique de France, à Mâcon, du 14 au 22 Juin.
11 la représentera au Congrès de la Fédération archéologique et historique
belge, à Arlon, du 30 Juillet au 2 Août; et M. Delahodde, au Congrès de l'Asso-
ciation française pour l'Avancement des Sciences, à Boulogne-sur-I\Ier, du 14 au
24 Septembre.
Le Congrès national des Sociétés françaises de Géographie tiendra ses séances à
la Société de Géographie de Paris, 'du 20 au 24 Août 1900.
>«'otre Société a souscrit au Congrès géologique international* qui aura lieu
Paris pendant l'Exposition de 1900.
Excursions. — 2 Mai. — Visite de l'Institut Pasteur (2'= groupe). Organisateurs :
MM. Cantineau et Godin.
Du 7 au 8 Mai. — Bruges (Procession du St-Sang). Organisateurs : MM. Van
Troostenberghe et Calonne.
K) Mai — Armentières. Visite de la Filature Dansette frères, de l'Ecole profes-
sionnelle et de l'Asile d'aliénés. Organisateurs : MM. Van Troostenberghe
Dehée.
20, 21 et 22 Mai. — Le Boulonnais. Organisateurs : JNIM. Paul Destombes et
Derache.
26 Mai au 3 Juin. — Folkestone, Brighton, île de Wight, Portsmouth, Londres
(Derby d'Epsom), Oxford. Organisateurs : MM. Thiébaut et Ravet.
4 Juin. — Mont de Kemmel. Organisateurs : MM. \'an Troostenberghe et
Calonne.
8 Juin. — Visite aux Mines de Bruay. Organisateurs : MM. le D' Vermersch et
Dehée.
1 1 Juin. — Cambrai. Ruines de l'abbaye de Vaucelles. Les sources de l'Escaut^
Le canal souterrain de St-Quentin. Organisateurs : MM. Fernaux et Beaufort.
20 Juin. — Lannoy. Visite d'Établissements industriels (MM. Boutemy; Jean
DeflFrennes Canet et C'e , Bretremieux Quint fils). Organisateurs : MM. Derache
et ThiefTry.
9 Juillet. — Arras. Sources de la Souchez et de la Scarpe. Ruines de l'abbaye
du Mont St-Eloi. Organisateurs : MM. Fernaux et Léon Lefebvre.
Prix Danel. — Le jeudi 18 Mai 1899, MM. Cantineau et Derache ont bien voulu
faire visiter Bergues et Dunkerque aux dix lauréats du Prix Danel.
Bibliothèque. — M"" Wannebroucq-Dutilleul vient d'offrir à la Bibliothèque la
collection complète de nos Bulletins. Notre Archiviste en est d'autant plus heureux
que les premiers numéros de notre Bulletin deviennent excessivement rares. Puisse
l'exemple de M""= Wannebroucq-Dutilleul être souvent imité
La liste des volumes et cartes récemment reçus est donnée à la suite de ce
procès-verbal.
Le Président annonce que, grâce au dévouement de M. Houbron, Bibliothécaire,
tous les Sociétaires recevront prochainement le Catalogue complètement remanié
de notre Bibliothèque.
L'Assemblée adresse de chaleureuses félicitations à M. Houbron.
.— tJ3 —
Expansion française coloniale. — Le Directeur de l'Expansion française colo-
niale veut bien nous faire le service gratuit de ses Bulletins. Des remercîments lui
ont été adressés.
Distinctions. — M. Baudry, Professeur à la Faculté de Médecine, et M. Hau-
mant, Professeur à la Faculté des Lettres, ont été promus Officiers de l'Instruction
publique.
La Société de Géographie de Londres a décerné une médaille d'or à M. Binger,
membre d'honneur de notre Société.
Office colonial. — Notre Collègue, M. Roger Arnette, docteur en droit, avocat
à la Cour d'appel de Paris, très ardent pour les questions coloniales, vient d'être
nommé Bibliothécaire-Conservateur de l'Office colonial, à Paris (1).
Nécrologie. — M. Durier, Président du Club alpin français. Nous avons encore
présente à la mémoire sa belle conférence sur le Jura.
M. Aimé Houzé de l'Aulnoit, plusieurs fois bâtonnier de l'ordre des avocats.
M. Edmond Descamps, un des plus anciens membres de notre Société.
M. Robert Bettig, ingénieur, décédé accidentellement à l'âge de 30 ans.
M. Paul Schotsmans, victime d'un crime horrible commis le 24 Juillet sur la
ligne du Nord entre Douai et Lille.
Secrétariat. — Depuis le 15 Juin, M. Gamby est adjoint à M. Hachet. En consé-
quence, le Secrétariat est maintenant ouvert de 4 heures à 8 heures.
Démission, — M. le Président donne lecture d'une lettre par laquelle AI. Robin,
ancien directeur de la Banque de France, membre de notre Comité d'Études,
annonce qu'il quitte Lille et donne sa démission.
Le Président est certain d'être l'interprète de l'Assemblée en exprimant les
regrets que cause le départ d'un collègue aussi sympathique.
Election. — Il est procédé par scrutin secret à l'élection d'un membre du Comité
en remplacement de M. Robin.
M. le Docteur Eustache, ancien doyen de la Faculté libre de Médecine, membre
de la Commission des Excursions, est nommé à la presque unanimité des votants.
Communication. — Sur ce sujet : le Voyage d'un poète : Pouchkine en
Crimée, M. Haumant, professeur de langue et de littérature russes à la Faculté
(1) La Bibliothèque coloniale, annexée à l'Office colonial galerie d'Orléans, Palais-Royal) , sera
ouverte au public le 1*" Août prochain, tous les jours, dimanches et fêtes exceptés, de onze heures à
cinq heures.
Cette Bibliothèque met, dès à présent, à la disposition des lecteurs, outre un grand nombre de livres
de fond, de revues, de journaux et autres périodiques, une belle collection de cartes et de photo-
graphies offrant des vues et des types des principales de nos possessions d'outre-mer.
Elle recevra avec reconnaissance pour les faire connaître au public, les dons ou legs de toute
nature, émanant de Sociétés ou de particuliers (éditeurs, auteurs, etc.) et se fera un plaisir de
faire des échanges avec d'autres Bibliothèques, des livres, brochures, publications, etc., qu'elle possède
en plusieurs exemplaires.
— 64 -
des Lettres, membre de notre Comité d'Études, fait une charmante causerie pleine
d'humour et de détails fort intéressants.
L'Assemblée ne lui ménage pas ses applaudissements et le Président lui adresse,
en quelques mots, les remercîments de tous.
La Séance est levée à neuf heures quarante.
MEMBRES ADMIS DEPUIS L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 26 AVRIL 1899 :
N<" d'ins- MM.
cription.
3559. Daubresse, négociant, rue Ratisbonne, 29 bis.
Présenté par MM. Prosper liavet et Ninive.
3.560. Denniel (M™* Veuve), boulevard Victor-Hugo, 36.
Aerts et Victor Drieux.
3561. GouBE (René), voyageur, rue Rarthélémy-Delespal, 112.
Yan Troostenberghe et H. Vandalle.
3562. DuTiLLY, employé, rue de Lille, 143, Canteleu-Lomme.
Van Troostenberghe et P. Santenaira
^563. GuvELiER, directeur d'assurances, boulevard Faidherbe, 4, Armentières.
Van Troostenberghe et Bloem.
3564. J.-F. Leduc, industriel, Nieppe.
Van Troostenberghe et P. Santenaire.
XJ66. Meyer (Nicolas), capitaine command. au 19' chasseurs, rue du Magasin, 17.
Colonel Ferré et D' Carton.
3567. Prouvost (M""" Veuve Amédée), rue Pellart, 36, Roubaix.
Boulenger et Charles Droulers.
3.568. Walle (Emile), négociant, Wambrechies.
0. Godin et Ch. Deperne.
3569. Dubar-Pennel (Firmin), rue de Lille, 20, Roubaix.
P. Destombes et A. Pennel.
3.570. Debosse, représentant, rue Notre-Dame, Valenciennes.
Van Troostenberghe et /. Pollet fils.
3571. LoNGEvii.LE (L.), fabricant, rue de Lille, 66, Armentières.
Van Troostenberghe et P. Santenaire.
3.572. Bettig (R.), ingénieur, rne Faidherbe, 17.
Auguste Crepy et .4. Duquesnoy ftls.
3.573. LouBET, voyageur, rue Ste-Gerraaine, 35, Toulouse.
P. liavet et R. Thiébaut.
35>li. Dewulf (Louis), négociant, rue des Arbres, 11, Dunkerque.
Henri Beaufort et F. Verbiest.
3575. Fera (Oscar), propriétaire, rue Princesse, 29.
j)r Vermersch et Becramer.
3576. Deschildre (Jean), négociant, rue Princesse, 35.
D"" Vermersch et Decranier.
3.577. Salomez (Victor), représentant, rue Mercier, 18.
P. Ravet et Daubresse.
- 65 -
N^dlDi- MM.
criptlOD.
3578. Ster (L.), négociant, rue de Wattignies, 1.
P. Ravet et Daubresse.
3579. P01.LET (Charles), comptable, Halluin.
Van Troostenberghe et De fretin.
3580. Leplandt-Bonenfant, insp' d'assur., rue de Lille, 15, Marcq-en-Barœul.
Choquel et Henri Beaufort.
3581. Sailly (Paul), représentant, rue Meurein, 14.
Choquel et Henri Beaufort.
3582. RiNGO, représentant, rue Ste-Catherine, 32.
Choquel et Henri Beaufort.
3583. DuTOiT (V.), cafetier, place Rihour, 11.
P. Ravet et G. Ravet.
3584. Vandenbeusch (Ferdinand), ébéniste, rue St-Étienne, 64.
P. Ravet et Fromont.
3585. DuPKEY (André), employé, rue Ingres, 12, Roubaix.
Didry et Bayart.
3586. LoBENNE, négociant, rue du Vieux-Marché-aux-Moutons, 45.
Delfortry et Rif/aux.
3.587. Lenoir (C), libraire, place du Lion-d'Or, 7.
Quarré-Reyhourbon et L. Quarré.
3588. Gagedois (A.), industriel. Don.
Van Troostenberghe et Ad. Sander.
3589. Vandenbussche (René), notaire, Quesnoy-sur-Deûle.
Ch. Derache et Dorchies.
3590. Arias (Paul), brasseur, rue Edouard-Devaux, 9, St-Omer.
D' Vermersch et Decramer.
3591. Landriau, inspecteur de la New-York, rue de la Louvière, .55.
Eeckman et Fromont.
3592. Deblock (M""- Veuve), rentière, rue Jacqucmars-Giélée, 116.
Calonne et P. Ravet.
3593. Gles (P.), représentant, rue du Château, 15.
P. Ravet et Calonne.
3.594. Mullier-Playoust, négociant, rue Faidherbe, 62, La Madeleine,
Van Troostenberghe et Playoust-De fontaine.
3595., Devos (Louis), représentant, rue Henri-Kolb, 45.
Van Troostenberghe et /. Richmond.
3596. FouAN (Albert), huissier, rue Nationale, 117.
Rattel et Louis Buns.
3.597. Chombart (Constant), négociant, rue de l'Épeule, 68, Roubaix.
Didry et Alfred Bayart.
3598. BooNE (Lucien), étudiant, rue Solférino, 298.
H. Glorieux et Prouvost-Fauchille.
3599. Storme (Georges), à Gondecourt.
H. Beaufort et Thieffry.
3600. Tiers (Louis), représentant, rue Vinocq-Chocqueel, 8, Tourcoing.
E. Griinonprez et Ch. Dervaux.
3(301. Defrance-Payen (Jules), industriel, rue Blanche, 41.
Fernaux-Defrance et A. Defrance.
3602. Descamps (Louis), chimiste, rue de Boulogne, 29, Tourcoing.
François Masurel et Edmond Masurel.
— (56 —
N»» d'ins- MM.
criptioD.
3603. Beuque (Louis], constructeur, rue du Brun-Pain, 25, Tourcoing.
François Masurel et Edmond Masurel.
3604. Reynaert-Herbaux, brasseur, rue du Tilleul, 28, Tourcoing.
François Masurel et Edmond Masurel.
360Ô. Decaestèke (Pierre), négociant, rue de Lille, 44, Tourcoing.
François Masurel et Petit-Leduc.
3Ô06. Piton (Alfred), ingénieur civil, rue de la Barre, 38.
Aug. Fromont et Fernaux.
3607. Delattre, prof, à LÉcole prira. sup., rue Barthélémy-Delespaul, 102 his.
V. Tilmant et Fernaux.
LIVRES, CARTES ET PHOTOGRAPHIES
REÇUS OU ACHETÉS POUR LA BIBLIOTHÈQUE DEPUIS AVRIL 1899
|. — ]^ IVRES.
1» DONS.
2208. De Penza à Minoussinsk. Souvenirs d'une mission, par le baron de Baye.
Paris, Nillson, 1890. — Don de l'auteur.
2209. La nécropole d'Ananino, gouvernement de Viatka, Russie, par le baron de
Baye. — Idem.
2210. Compte-rendu des travaux du U"" Congrès russe d'archéologie en 1893.
— Idem.
2211. De l'influence de l'art des Goths en Occident. Nillson, 1891. — Idem.
2212. L'isthme de Corinthe et son percement, par Gerster, ingénieur. Budapesth,
1896. — Don de la Société de Géographie de Budapesth.
2213. Resultate der Wissenschaflichen Erforschung des Platteusees, von E. von
Cholnoky. Vienne, 1897. — Don de la Société de Géographie de Vienne.
2214. Au Sud de la chaîne du Caucase, souvenir d'une mission, par le baron de
Baye. Paris, Nillson, 1899. — Don de l'auteur.
221.'3. L'expédition antarctique belge. Tiré à part de la Société royale belge de
Géographie. — Don de ladite Société.
2217. Voyage entre Tocantins Xingu, par H. Coudreau. Paris, Lahure, 1899. —
Don de l'auteur.
2218. Actes du XP Congrès international des Orientalistes, 2'" section. Langues et
archéologie de l'Extrême-Orient. — Don du Ministère de l'Instruction
publique.
2219. Actes du XP Congrès international des Orientalistes, 4*^^ section. Langues de
l'Asie Mineure. — Don du Ministère de l'Instruction publique.
2221. Les arbres à gutta-pcrcha, leur culture aux Antilles et à la Guyane, par H.
Lecomte. Paris, Carré, 1899. — Don de l'éditeur.
2224. Le gisement paléolithique d'Aphontova-Gora, près de Krasnoïarsk (Sibérie),
par J. de Baye et Th. Volkov. Paris, Niastor, 1899. — Don de M. de Baye.
. — 67 —
-2230. Voyage en France, 18'' série, Flandre et littoral du Nord, par Ardouin-
Dumazet. — Don de l'auteur.
2231. Idem, 19'' série, Artois, Cambrésis, Hainaut. — Don de l'auteur.
2232. Dictionnaire encyclopédi(|ue d'histoire, de géographie, de mythologie et de
biographie, de Grégoire. — Don de M'"" Herland.
2233. Conférence sur l'Oranie (province d'Oran). Oran, 1898. — Don du syndicat
d'initiative de l'Oranie.
■2234. Petit atlas judiciaire suisse établissant les régimes adoptés par chaque canton
dans les questions de paternité, successions, capacité civile, etc. Neuchâtel.
— Don anonyme.
2235. La grotte de St-Marcel d'Ardèche, par E. Martel. Extrait de la revue de
Géographie. Delagravc, 1872. — Don de l'éditeur.
•2236. Het Tandeel der Nederlanders in de ontdehking. Van Australie, 1606-1765.
Leiden, 1899. — Don de la Société royale de Géographie d'Amsterdam.
■2238. Notice biographique du géographe Christian Garnicr, par L. Drapeyron.
Extrait de la Revue de Géographie. Delagrave, 1899. — Don de l'auteur.
2239. L'Auvergne et le Velay. Guide-réclame. Clermont-Ferrand, 1899. — Don
du syndicat d'initiative d'Auvergne.
•2240. Estado do Rio-Grande do Sul, par Luiz Flores, Consul de Portugal à Rio-
Grande do Sul (Brésil). Rio-Grande, 1897. — Don do l'auteur.
•2241 . A Nacionalidade dos Filhos de Portuguez naseidos no Brazil, par Luiz Flores,
Consul de Portugal à Rio-Grande do Sul (Brésil). Rio-Grande, 1895.— Idem.
.2243. Le Tour d'Asie (Cochinchine, Aunam, Tonkin), par Marcel Monnier. Paris,
Pion, 1899. — Don de l'auteur.
Lot de Bulletins oflcrt par M'"'- Herland.
» » » M. Delebecque.
» » » M. Deplanque.
» » » M""' Wannehoucq-Dutillcul.
» » » M""" Décrois.
9^ ACHATS.
2223. Guide de l'immigrant à Madagascar, publié par la colonie, 3 volumes di teste
et un atlas. Paris, Colin. 1899. — Achat.
2225. Voyage en Russie de Théophile Gautier .Charpentier, 1S67, 2 volumes. —
Achat d'occasion.
•2?26. Les vacances du lundi, tableaus de montagnes par Théophile Gautier
Charpentier, 1881, 1 vol. — Idem.
H. Taine. Notes sur l'Angleterre. Hachette, 1880. — Idem.
•2227. H. Taine. Philosophie de Fart en Flandre et en Hollande. Germer B lilliire,
1869. — Idem.
2228. La Gaule avant les Gaulois, par Alexandre Bertrand. Lerous^ 1834. — Idem.
2229. Le bassin houiller du Pas-de-Calais , par E. Vuillemin. Danel , 1880 ,
3 volumes. — Idem.
2242. L'Ardenne, guide par .Jean d'Ardenne, 2 vol. Br.ixelle^, Rozor, 1899.
— 68 —
JJ. — Cartes.
1 DONS.
2237. Carte de Tarrondissenient de Lille en 1830 (en un carton). — Don de
M. Thieffry.
2244. Carte du bassin houiller du Pas-de-Calais, par Valentin Cossange, 1895. — -
Don de M. le D' Verraersch.
Q^ ACHATS.
2216. Cartes des chemins de fer, routes et voies navigables de la Belgique, au
^/320.000^ Bruxelles, Institut géographique militaire.
2220. Carte touriste et vélocipédique du Nord de la France. Paris, Barrère, 1899.
J J y. — Photographies.
Photographie du monument du général Faidherbe. — Don de M""' Herland*
LA SITUATION MILITAIRE
DES PUISSANCES EUROPÉENNES EN EXTRÊME-ORIENT EN 1898
Par L. T.
(Suite) (1).
Depuis la découverlc de la route luaritimc des Indes et Torganisatioa
des Compagnies à charte jusqu'à ces dernières années, presque toutes
les relations entre le centre asiatique et l'Europe étaient faites unique-
ment par voie'de mer, principalement par l'intermédiaire de la marine
anglaise. L'installation des Russes au Tiirkeslan, qui par le plateau de.
(1) Voir tome XXXI, 1899, page 101 ; tome XXXII, 1899, page 5.
- 69 —
Pamir, par la dépression de Tlli entre Kouldja ol Tachkend, parla passe
de Tereck-Davan entre Kachgar et Tachkend cherchent à attirer à eux
le commerce du Turkestan chinois ; par la mise en exploitation des
riches oasis de la Bactriane, a créé de ce côté un courant d'affaires que
l'organisation de voies rapides de communication les reliant directement
à l'Europe ne fera que développer, au grand détriment de l'Angleterre.
Actuellement trois voies de terre relient l'Europe au centre asiatique ;
ce sont :
1" La route de Tauris par Constantinople, Trébizonde, Erzeroum.
2" Celle du Transcaucasien, la Caspienne, la Perse.
3° Celle d'Astrakan, la Caspienne et le Transcaspien.
La première est sans contredit la plus courte. Elle a été ouverte par
l'Empire ottoman à la demande de l'Angleterre pour contrebalancer
l'influence russe ; elle est fort incommode, peu sûre et, par suite, peu
fréquentée.
La route de Bakou est double :
Venant de Saint-Pétershuurg on peut se rendre par chemin de fer à
Sébastopol, des lignes régulières de bateaux a. vapeur unissent ce port
à Batoum, lête de ligne du Transcaucasien ; de Bakou par bateau on
gagne Recht et au travers du plateau de l'Iran, par caravanes, Hérat et
Caboul ; ou bien utilisant le chemin de fer jusqu'à Vladicaucase on peut
traverser le col de Dariel et rejoindre la ligne transcaucasienne à
Tiflis.
La rout(5 d'Astrakan est la meilleure et la plus rapide. Le chemin de
fer conduit à Tzaritzine d'où en vingt-quatre heures des bateauxà vapeur
mènent à Astrakan. La traversée d<' la mer Caspienne est assurée par
des services réguliers aboutissant aux ports de l'Empire Perse ou à
Krasnovodsk , tète de ligne du Transcaspien. Le seul inconvénient de
cette voie, au point de vue commercial, c'est l'embâcle du Volga qui no
permet de relations suivies que durant les quelques mois de l'été.
Le prochain achèvement du chemin de fer transcaspien, eu mettant
en relations directes le Turkestan et l'Europe, sera le signal d'une
révolution économique plus profonde encore dans l'Asie occidentale.
Commencé en 1880, en vue de nécessités militaires, le Transcaspien
atteignait en 1888 Samarcande à 1 425 kilomètres de son point de départ.
Il partait à l'origine de Michaïlowsk, petit port situéaufond d'une lagune.
Les bateaux qui font la traversée d<3 la Caspienne abordaient à
Krasnovodsk ; là, on transbordait le chargement sur des bateaux plus
- 70 -
petits à destination de Michaïlowsk. Afin d'éviter la perte inutile de
temps et de travail, on a reporté en 1886 la tète de ligne à Ouzoun-
Adda, petit port situé à 27 kilomètres au sud de Michaïlowsk où les
plus forts bateaux de ces parages peuvent pénétrer.
En 1881, après la défaite des tribus Tekès, la ligue fut poursuivie
jusqu'à Kizil-Azat; en juillet 1885, elle atteignait Askabad ; en juillet
1886, Merw et , en 1888 , Saraarcande. Elle atteint maintenant
Kokhand et Margellan.
Actuellement, par la route d'Astrakan, il ne faut que dix jours, pour
se rendre de Saint-Pétersbourg à Saraarcande.
Le gouvernement russe a l'intention de raccorder ce réseau transcas-
pien au réseau européen, soit en prolongeant l'embranchement de
Taschkend au travers de la province de l'ili vers Semipalatinsk ,
Barnaoul et Kolyvan, où il rejoindrait le Transibérien, soit en faisant
descendre à la voie ferrée le cours du Syr-Daria pour venir se souder
au réseau russe à Orembourg.
Les produits de l'Inde pouvant se répandre sans rompre charge dans
toute l'Europe, sans passer par l'intermédiaire des sujets de sa Très
gracieuse Majesté, ce serait la ruine commerciale de l'Angleterre,
ranéautissement complet de sa marine. Menacée dans sa fortune, elle
a tout mis en œuvre pour empêcher la réalisation de ce plan gigan-
tesque et, jusqu'à ce jour, par son habileté, par son influence, elle a su
défendre l'accès de l'Iran, ce dernier rempart de l'Inde et le protéger
d'un contact qui pourrait être fatal, avec les possessions russes du
Turkestan.
Ce plateau de l'Iran, route obligée entre l'Inde et l'Europe, vers
lequel s'avancent, en sens inverse, les Russes et les Anglais, est donc
destiné à jouer un grand rôle et à devenir, dans un temps plus ou
moins éloigné, le cliamp clos des querelles entre les deux empires.
Actuellement la souveraineté du plateau de l'Iran est parlagée entre
le royaume de Perse, les Khanats d'Afghanistan et du Belouchistan.
C'est un pays pauvre que la main de l'homme toutefois, venant en
aide à l'insuffisance des pluies, pourrait partiellement transformer en
riches oasis ; sans industrie, presque sans commerce , il ne tire son
importance actuelle que de sa situation géographique.
Tous les cours d'eau de ce plateau vont à l'Araou-Daria, à l'Hilmund
et à rindus.
Le bassin de l'Amou-Daria reçoit les eaux du versant Nord de
l'Indou-Koucli, ce sont : le Mourgab qui creuse les passes de Peudjeh
et se perd dans les sables après avoir arrosé Merw ; rHériroud qui ouvre
la passe de Zulficar. Hérat se trouve sur l'Hériroud.
L'Hilmund qui prend sa source dans une des ramifications de FHindou-
Kouch coule vers le Sud-Ouest et se jette dans le lac Hamoun. (rest le
seul fleuve navigable du pays ; sa largeur atteint en certains endroits
A kilomètres. Au moment de la fonte des neiges, aux mois de mai et
de juin, il atteint des proportions considérables et devient infranchis-
sable.
L'Indus où se jettent les petits cours d'eau qui descendent du
Soliman-Koiich et lt!S rivières plus considérables venant de l'Hindou-
Kouch ou de ses ramifications, telles que le Kuram, le Gumal et la
rivière de Caboul qui longe la chaîne du Sefid-Koh. Ce sont ces
rivières qui ouvrent les passes qui. du plateau de l'Iran, donnent accès
dans l'Inde.
Ces passes,sont les suivantes :
1" La passe de Klivber, au Nord, qui relie Caboul à Peschawer. Elle
est défendue par le fort célèbre d'Ali-Musjid à 8 kilomètres de Jamrood,
par le camp retranché de Peschawer et la position d'Attock. La route
traverse la passe de Caboul puis rejoignant le cours de la rivière la
suit jusqu'à Atlock (266 kilom.).
Quatre autres roules, mais moins praticables, font aussi communiquer
Caboul et Peschawer.
2" A 120 kilomètres plus au sud se trouve la passe du Kuram,
séparée de celle de Khyber par le Sefid-Koh. La route suit la rivière,
elle conduit de Caboul à Thaï, un embranchement vient de Ghazni.
3" La passe de Gumal, à 150 kilomètres au sud de la précédente,
conduisant de Ghazni à Dera Ismaïl Khan sur l'Indus (520 kilom.).
La route traverse des pays déserts où l'eau et les fourrages manquent
et en outre présente des passages très étroits.
A" La passe de Bolan traversant le Bélouchistan en faisant commu-
niquer Candahar avec le Bas-Indus.
La route de Candahar à Caboul par Ghazni est la plus praticable de
l'Afghanistan. De Caboul à Hérat la meilleure route est celle qui passe
par Candahar, le chemin qui relie directement ces deux villes, par la
passe de Bamlan, n'étant, en bien des endroits, qu'un mauvais sentier.
Au nord, on accède au plateau de l'Iran par la passe de Pendjeli que
creuse le Mourgab et par celle de Zulficar qu'ouvre l'Hériroud. La roule
de Kizil-Arvat, Zulficar, que longe le chemin de fer transcaspien est le
chemin le plus direct de l'occident aux Indes. Aussi Hérat. dépendance
de l'émir d'Afghanistan, situé à mi-distance de l'Indus et de la
Caspienne et commandant l'accès du plateau doit-il être considéré
comme une position stratégique de premier ordre.
Prendre pied sur le plateau de l'Iran pour se rendre maître des*
routes conduisant à l'Inde, s'y installer pour empêcher les Russes de
s'emparer des défilés qui aboutissent à l'Indus ; telle est la politique
des Russes et des Anglais en Afghanistan depuis une trentaine d'années.
Les relations anglaises avec l'Afghanistan remontent à l'époque où
Napoléon I" toujours fidèle à son idée de saper la puissance anglaise
dans l'Inde, envoya le Général Gardanne en Perse pour négocier une
alliance avec le souverain de ce pays. Cette démarche provoqua l'envoi
à Caboul d'une mission anglaise.
En 1832 Moharaed-Mirza, roi de Perse, rêvait de reconstituer l'unité
de l'Iran. II prit prétexte d'un secours donné par l'émir d'Hérat à une
insurrection du Khorossan pour envahir le royaume d'Hérat, il fut
encouragé dans celte entreprise par les Russes qui vinrent faire le
service de ses canons devant la place. Les Anglais furieux envoyèrent
un ultimatum qui fut repoussé, c'est alors qu'ils occupèrent Aden pour
se donner un point de ravitaillement, puis l'île Scharb dans le golfe
Persique vers l'embouchure du Chat-el-Arab et fomentèrent une
insurrection en Perse qui obligea Mohamed-Mirza à lever le siège et à
rentrer chez lui (1832). La Perse se jette alors franchement dans les
bras de la Russie. Xassar-Eddin, devenu Shah en 1848, garda une
neutralité bienveillante pendant la guerre de Crimée et. vu n'alité,
rendit des services en fournissant des provisions aux armées russes
d'Asie. En 1856 il reprit la guerre contre Hérat avec le concours
d'officiers russes et celte fois il prit la ville. Mais l'Angleterre lui
déclara la guerre, envoya une escadre dans le golfe Persique, débarqua
des troupes à Render-Bouchir et dessina un mouvement sur Schouster.
La paix fut signée en 1857 à Paris sur la médiation de Napoléon III.
Hérat fut évacué par les Perses et les Anglais évacuèrent la Perse ;
mais ils avaient profité rie l'occasion pour occuper Perini. En 1878
^ 73 —
Nassar-Eddin fit un voyage en Europe en passant par St-Pétersbourg,
il y signa un traité secret. C'est lui qui. en 1884. céda Seralvs à la
Russie.
Au XVllP siècle l'Afghanistan n'était qu'une province de la Perse ;
le pays fut affranchi de la tutelle perse par les familles des Dourani et
des Baraxi. Les premiers rejouaient à Héral ; les seconds à Caboul et à
Candahar.
A Caboul Dost-Mohamed rêvait l'unité de l'Iran juste au même
moment que Moliamed-Mirza. Lui aussi voulait l'annexion du royaume
d'Hérat; il se heurta à l'opposition anglaise, tout comme le souverain
persan et lui aussi se tourna vers l'alliance russe. C'est alors que les
Anglais lui suscitèrent un compétiteur, l'émir Soundja qu'il avait
détrôné. En 1839, après avoir préalablement traité avec le roi de Lahore
encore indépendant, ils organisèrent une expédition en deux colonnes :
l'armée del'Indus forte de 28.000 liommes passa par lapasse de Bolan,
la seconde par celle de Khyber. Le rendez-vous était à Caboul. La
première armée après bien des souffrances et après avoir surmonté la
résistance acharnée des montagnards arriva à Kandahar où Soundja
prit possession du royaume; quarante afgans du peuple seuls assistèrent
à son couronnement. Dost-Mohamed s'enfuit de Caboul mais tomba
entre les mains de la deuxième armée. 11 fut interné à Calcutta et
Soundja proclamé à Caboul.
Le gouvernement anglais croyait le pays pacifié lorsque, en 1841,
éclata une terrible insurrection provoquée parle fils de Dost-Mohamed:
Sir Burners représentant de l'Angleterre fut assassiné à Caboul. Les
troupes anglaises se replièrent dans la citadelle et, pour ne pas mourir
de faim, signèrent avec Uhkbar une convention aux termes de laquelle
ils pouvaient se retirer librement. Le 6 janvier 1842 commença la
retraite. 11 y avait 4.500 soldats plus 1.200 valets et une masse énorme
de femmes et d'enfants. Le Général Elphinston qui commandait cette
cohue était affaibli par l'âge : attiré dans une conférence il fut égorgé.
Alors l'armée abandonna armes et canons et se débanda, un seul
homme échappa, le D"" Brydon qui vint porter la nouvelle du désastre.
8.000 anglais partis de Candaliar rejoignirent sous Caboul une armée
de 16.000 hommes qui avait franchi la passe de Khyber. La ville fut
pillée, le pays ravagé. Leur prestige ainsi rétabli, les Anglais jugèrent
qu'il n'y avait rien de mieux à faire que de restaurer Dost-Mohamed et
de s'en faire un ami. Ils inaugurèrent dès lors une politique de non
intervention que le parlement qualifia de passivité magistrale. En 1855,
— 74 —
Dost-Mohained resserra son alliance avec les Anglais par un traité.
Dès lors les Anglais lui laissèrent les mains libres et même, en 1863,
l'aidèrent à réaliser le rêve de sa vie à prendre Hérat. Mais il mourut
trois jours après !
Son successeur Shere Ali, n'aimait pas les Anglais. Toutefois ce ne
fut qu'après la prise de Khiva c'est-à-dire en 1873, que les Anglais
s'inquiétant des progrès de^ Russes songèrent à resserrer leur alliance
avec l'Afghanistan. En 1876, le vice-roi des Indes, lord Lvtton. fit à
l'émir des avances qui furent repoussées. En 1878 un général russe fut
reçu à Caboul : l'Angleterre à son tour voulut envoyer un ambassadeur
il ne fut pas reçu. C'était la guerre.
Les Anglais marchèrent sur Caboul en trois colonnes par la passe de
Khyber, celle du Kuram et celle de Bolan. La résistance ne fut pas
sérieuse. Les Anglais agréablement surpris détrônèrent Schere-Ali et
le remplacèrent par Yakoub-Khan qui signa avec eux le traité de
Gaudamak et accepta la présence d'un résident à Caboul (1879). A peine
la paix conclue, un soulèvement populaire éclata à Caboul, le major
Cavagnari, résident anglais fut assassiné. Les Anglais revinrent à
Caboul et emprisonnèrent l'émir, mais la révolte gagna tout l'Afgha-
nistan. Cette fois, ce fut dans les défilés en avant de Candahar que
l'armée anglaise essuya un désastre. Les survivants furent bloqués dans
Candahar, oîi le Général Roberts, vainqueur à Caboul, arriva à temps
pour les délivrer. Dégoûté du pouvoir, Yakoub-Khan abdiqua en faveur
de son frère Abdur Rhaman qui reçut de l'Angleterre une pension de
trois millions movennant quoi il devint un véritable préfet anglais.
L'Angleterre retira ses soldats.
150 ans auparavant les Russes étaient à Astrakan, les Anglais à
Calcutta, soit à 4.000 kilomètres de distance, maintenant l'espace qui
les sépare est réduit à 800 kilomètres et encore ne faut-il voir là qu'une
distance apparente. La séparation effective était le Turkestan afghan,
c'est-à-dire la rive gauche du Haut-Oxus et les bassins de ces affluents :
Hérat d'une part, Ralk de l'autre.
En 1884, le général Komarof marcha sur Balk et remporta sur les
Mglians la victoire de Kouchka ; mais il avait négligé de couper le
télégraphe comme avait fait Tchernaïef avant la prise de Taschkend et
des ordres supérieurs venus de Pétersbourg l'arrêtèrent avant qu'il eut
achevé son opt!'rati<jn. L'Angleterre était intervenue. Une commission
de délimitation se réunit (1884-85) et fixa la frontière : Balk resta à
l'Afghanistan.
A cette époque, l'avantage appartenait à la Russie qui, en vingt ans
avait reculé la limitedeson empire depuis la steppe Kirgliize jusqu'en vue
de la grande chaîne de l'Hindou-Kouch. On pouvait même prévoir que
la Russie dépasserait cette frontière, tant son avance était grande sur
l'Angleterre, séparée de cette même chaîne par une zone de paj^s
indépendants.
Mais de 1884 à 1890 les Russes demeurèrent immobiles, confiants en
leur avance. Les Anglais, bien qu'inactifs en apparence, firent preuve
de la plus grande habileté !
Poussant devant eux l'Afghanistan, Etat nominalement indépendant,
mais en réalité soumis à leur influence, les Anglais lui firent absorber
tous les territoires mal connus et sans maîtres bien déterminés
qu'il a pu envahir dans la région des sources de l'Oxus. Cela fait, les
Anglais intervinrent directement dans les pays voisins du Pamir
non encore soumis à leur autorité, c'est-à-dire dans le Kafiristan
et dans le Dardistan. Pour ce dernier pays, elle fit agir le
Kachmir, soumis à son influence comme, elle avait poussé en avant
l'Afghanistan pour le haut Oxus. Dans le Kafiristan l'Angleterre agit
elle-même. Avant 1891. il 3^ avait dans ce pays une manière de souverain
brigand, qui, au prix d'assassinats compliqués et nombreux avait fini
par étendre son autorité sur le Kafiristan tout entier. A sa mort, ses
fils se disputèrent son héritage. L'un d'eux Nizam, soutenu par les
Anglais, s'installa à Tchitral mais fut tué dans une émeute, il avait
accepté la présence d'un résident, le D'" Robertson qui avec 300 hommes
se trouva assiégé dans la citadelle. Aussitôt 14.000 hommes réunis à
Peschawer sous la conduite de sir R. Low s'engagèrent dans la vallée
du Levât, puis dans celle de la Pendzkorah, où l'un des chefs indigènes,
le Khan de Shir se déclara pour eux et débloqua le D'' Robertson. En
même temps, une seconde colonne partie de Gilgit sous le colonel Killy
arriva à Tchitral par le Nord après un trajet extraordinairement
difficile. Toute cette région, couverte de montagnes presque infranchis-
sables livrée jusqu'à présent à l'anarchie va constituer, sous l'autorité
de l'Angleterre et avec le secours des fortifications que sait établir l'art
européen, une zone de défense de premier ordre pour l'empire Indien
(189.5).
Naturellement les Russes s'inquiétèrent des progrès de l'Angleterre
dans cette région du Pamir ; de part et d'autre on entra en négocia-
tions. Cette fois encore la diplomatie anglaise parvint à arrêter l'essor
russe au Pamir. Le lac Victoria, au centre du plateau du Pamir, et le
— 76 -
cours de l'Ak-Su l'un des l)ras du Pandj, grand affluent de l'Oxus
furent choisis comme bases du partage.
Le bassin de l'Indus fut attribué à l'Angleterre, qui demeure ainsi
maîtresse de tous les débouchés de l'Hindou-Kouch.
Le bassin de l'Oxus était réservé à la Russie.
Les districts de Rochau et de Ghigan demeuraient occupés par les
Russes, mais le Badakchan était rendu aux Afghans. Le territoire
compris dans la zone d'influence anglaise entre l'Hindou-Kouch et la
ligne partant de l'extrémité orientale du lac Victoria et rejoignant
la frontière chinoise faisait partie des Etats de l'émir d'Afglianistan.
La Grande-Bretagne s'engageait à ne pas annexer ce territoire et à n'y
établir ni postes militaires, ni ouvrages fortifiés (1895).
Eu s'inslallant à Gilgit en 1889, eu plaçant sous sa domination directe
le Daziristan en 1893, en occupant simultanément la vallée deTchitral
en 1895. l'Angleterre n'avait d'autre but que de surveiller la marche,
et s'assurer l'avantage de la position pour arrêter les progrès de sa
rivale vers le Nord (1). Le Foreign-Office avait bien promis aux belli-
queuses tribus de montagnards musulmans, qui habitent les hautes
vallées du Tchitral, d'évacuer leur contrée sans y occuper aucun fort,
sans y laisser la moindre garnison, sans y lever d'impôts ne demandant
que le droit d'y construire des routes ; mais cette convention ne fut
pas exécutée, les routes furent bien construites, mais le pays ne fut
pas évacué. « Abandonner la vallée du Tchitral » déclara M. Curzon
auquel on reprochait de ne pas tenir ses engagements « ce serait une
folie, ce serait confesser jiotre faiblesse et engager les Russes à s'avan-
cer de ce côté. Nous ne le pouvons pas, » Cette raison n'a pas suffi à
ses habitants et vers le milieu d'août 1897, on apprenait que les tribus
Afridis, Orakzaïs et Namuuds qui peuplent les pentes du Sefid-Koh et
le massif du Yagkistan venaient de se révolter.
(1) L'acquisition de la vallée du Sirat et du Tchitral est de la plus haute impor-
tance pour la Grande-Bretagne, car elle ouvre la route la plus directe entre ITnde
et le Pamir. La distance de Peschawer à Tchitral par la vallée du Sirat est d'envi-
ron .320 kilomètres tandis que la route par le Kachmyr et Gilgit, la seule dont
pouvaient disposer les troupes anglaises avant l'annexion de 189i3, a plus de VK30 ki-
lomètres.
De toutes parts des bandes d'insurgés descendant des montagnes
touibèrenl à l'improviste sur les postes anglais, dont un grand nombre
furent enlevés et la garnison massacrée ; les forts dWli-Musjid et de
Sundi-Kotal aux environs immédiats de Peschawer furent pris
(26 août 1897).
L'opinion publique anglaise crut à une nouvelle défection de l'émir
Abd-er-Rhaman, à une nouvelle victoire de la diplomatie russe : il
n'en était rien. L'émir de Caboul se déclara étranger au soulèvement,
refusa ses secours aux rebelles et parla même de coopérer à la
répression.
De petites colonnes expéditionnaires tirées des garnisons voisines
furent envoyées contre les tribus révoltées. L'une de ces colonnes
opérant dans le Sirat, commandée par le Général Jeffrey, cernée par
les insurgés fut obligée de se retirer avec de grandes pertes ; celle du
Général Bood, opérant vers la passe de Khyber attaquée de nuit fut
dispersée.
Parfaitement armés et pourvus de munitions, les rebelles, enhardis
par leurs succès, devenant chaque jour plus entreprenants et la rébellion
menaçant de gagner les tribus voisines, le gouvernement de l'Inde
dut décider la formation d'un corps expéditionnaire.
Le 1" Corps (Punjab-Corps) se concentra vers Peschawer. Son chef,
le Général Sir William Lockkart, alors en congé en Allemagne, fut
rappelé et reçut le commandement de l'expédition. L'effectif des
troupes, grâce à quelques renforts expédiés d'Angleterre, s'élevait à
près de 50.000 hommes.
Après quelques tentatives de réconciliation, l'armée expéditionnaire
se met en marche vers la passe de Khyber où semblait s'être concen-
tré le gros des tribus révoltées. Vers le 1*'' décembre, elle n'était
encore qu'à une trentaine de kilomètres de Peschawer, ayant chaque
jour à lutter et à repousser de vigoureuses attaques, quand, tout à coup
le 15, le commandant en chef décida la brusque retraite de l'armée
sous les murs de Peschawer,
« Je me retire des hauteurs — disait-il dans une proclamation adressée
» à l'ennemi — à cause de la neige pour ne pas exposer mes troupes
» aux rigueurs d'un tel climat, mais je ne quitte pas votre pays, j'y
» demeurerai jusqu'à ce que vous ayez fait votre complète soumission
» au gouvernement.
» Quoique puissent vous dire vos perfides conseillers, votre lutte
- 78 -
» contre l'Angleterre est pareille à une attaque de mouches contre des
» lions.
» Je suis, pour beaucoup d'entre vous, un vieil ami. Je vous conseille
» donc de vous soumettre et de rappeler dans vos villages vos femmes
» et vos familles. »
En somme tout reste à faire pour le printemps prochain. L'acharne-
ment des Afridis dans la phase finale de la retraite montre qu'ils ne
sont ni vaincus, ni découragés. Néanmoins la campagne du général
Locklvart n'a pas complètement échoué. En effet, le mot d'ordre a été,
tout le temps, de dévaster le pays ennemi et de détruire tous les
villages. Les Afridis ne souffrent pas encore des effets de cette destruc-
tion générale, effets qui, d'après les autorités anglaises, ne se feront
sentir que dans quelques mois, lorsque les provisions qui restent encore
seront épuisées.
D'ailleurs, quelque répétés qu'aient été les échecs anglais dans
cette première campagne, cette révolte n'est pas dénature à renverser
la domination des Anglais dans l'Inde, où à y changer leur situation.
Les ressources dont l'Angleterre dispose lui permet une action enve-
loppante sous laquelle les montagnards révoltés, malgré leur indiscu-
table bravoure, seront définitivement écrasés. C'est une question de
renforts jusqu'à concurrence d'un nombre de soldats qui ne dépasse
pas les ressources de l'armée anglo-indienne et une affaire de millions
qui ne feront pas défaut non plus.
Toutefois ces revers font pressentir l'irrémédiable faiblesse des
Anglais dans l'Inde. Haïs, exécrés par les populations qui'ils exploitent
et oppriment, que les hasards de la guerre amènent une troupe russe,
quelque minime qu'elle soit, à la passe de Khyber et ce simple contact
pourrait devenir le signal d'une insurrection générale des peuplades
de l'Inde lesquelles s'allieraient à l'envahisseur pourchasser l'Anglais.
Pour maîtriser les révoltes intérieures toujours à craindre dans un
aussi vaste empire que celui des Indes, faire respecter l'ordre, assurer
l'exécution des lois, repousser les attaques extérieures, la Grande-
Bretagne entretient dans ses possessions de l'Hinduustan, une armée
spéciale, composée de soldats anglais et de soldats indigènes. Cette
armée anglo-indienne a paru sur tous les champs de bataille du siècle ;
on la trouve à l'expédition d'Egypte de 1801 comme à celle de 1882,
— 79 —
dans les guerres de l'Afghanistan comme dans celles de Chine,
d'Abyssinie ou de la Cafrerie. Elle constitue la partie la plus vigou-
reuse, la plus apte à faire campagne de rarmée britannique.
Avant 1859, l'administration des possessions indiennes était affermée,
par le gouvernement britannique, à une vaste compagnie dite Hono-
rable East India Company, qui avait, entre autres charges, celle de
recruter et d'entretenir la plus grande partie de l'armée européenne
des Indes.
En 1856 elle avait à sa solde :
9 bataillons d'infanterie,
1 régiment du génie,
Toute l'artillerie (39 batteries).
Le restant des troupes blanches, c'est-à-dire :
4 régiments de cavalerie,
22 bataillons d'infanterie,
appartenaient à l'armée anglaise et étaient appelées aux Indes :
Troupes de la Reine.
L'effectif de ces troupes formant 33 bataillons, 20 escadrons et
39 batteries ne dépassait pas 41.000 hemmes.
La Compagnie entretenait en outre :
155^ bataillons d'infanterie indigène,
21 régiments de cavalerie indigène,
représentant un effectif de 220.000 hommes, ce qui faisait, pour l'armée
des Indes, un total de :
188 bataillons d'infanterie, '
104 escadrons de cavalerie,
39 batteries d'artillerie,
et 261.000 combattants.
Le commandement était aux mains d'un commandant en chef dans
chacune des trois présidences de Bengale, Madras et Bombay. Le
généralissime résidait dans la présidence de Bengale ; il n'avait aucune
action sur les troupes de la Compagnie.
A la suite de l'émeute de 1857 et de la proclamation du 1^"" janvier
1859, aux termes de laquelle l'administration directe de l'Inde passait
aux mains de la Couronne, cette organisation militaire fut réformée,
- 80 -
l'armée européenne locale supprimée et toutes les troupes rattachées
à la métropole.
L'efiectif des troupes de rurmée anglaise détachées aux. Indes fut
porté à 73.000 hommes répartis en :
53 bataillons d'infanterie,
36 escadrons de cavalerie,
88 batteries ;
et l'armée indigène, réorganisée fut divisée en :
133 régiments {1 bataillon) d'infanterie,
40 régiments de cavalerie.
12 batteries de montagne,
21 compagnies du génie
et un certain nombre de corps locaux à la disposition du gouverne-
ment de l'Inde, qui portent l'effectif des troupes indigènes à :
141 bataillons d'infanterie,
160 escadrons de cavalerie,
12 batteries d'artillerie
et 144.000 combattants.
Cette armée, anglo-indienne, comptait en 1897 :
194 bataillons d'infanterie,
196 escadrons de cavalerie,
100 batteries d'artillerie
et 217.000 combattants.
Répartie en quatre corps d'armée, savoir :
P"" Corps d'armée du Punjab. Lieutenant-général S. W. Lockkart.
IP — du Bengale, Lieutenant-général Elles.
III* — de Madras, Lieutenant-général Mansfeld Clarke.
IV* — de Bombay, Lieutenant-général Nairne.
dont le commandement en clief appartient au lieutenant-général Sir
G. White (1" avril 1895).
Elle est répartie de la manière suivante dans les trois présidences :
Présidence du Bengale (V et IP corps) 118.000 hommes.
— de Madras (IIP corps) 56.000 —
— de liombay (IV corps) 43.000 —
— 81
Obsédée par l'idée de la liille qu'elle entrevoit plus ou moins
prochaine avec la Russie, l'Angleterre a recherché partout le moyen
d'augmenter sa jmissance militaire. A l'imitation de la métropole, on a
organisé des corps de volontaires. Aux termes d'une loi votée en 1896,
le gouverneur général a le droit, en cas de circonstances critiques,
d'appeler les volunteers au service militaire effectif. C'est, en cas de
guerre, un apport de 27.000 Européens ou Eurasiens (métis) aux
73.(X)0 soldats anglais prévus normalement au budget.
Ces corps de volontaires se répartissent en :
37 bataillons (dont un de tirailleurs montés, le Mounted-Rifles),
23 escadrons de cavalerie,
7 batteries d'artillerie.
Ce n'est pas tout. Depuis le jubilé de 1887, les grands Etats feuda-
taires, voulant contribuer à la défense de l'empire, ont offert à la reine
Victoria, des contingents d'infanterie, de cavalerie, s'élevant à
19.000 hommes, dont ils ont l'entretien, mais dont l'instruction est
confiée aux officiers anglais.
Enfin, la police militaire de P^irmanie, d'Assam et de Chittagong
comprend 19.000 hommes.
En résumé, VlndianA^^niy comprend :
( Troupes anglaises.
Indian Arniv • . rr, • j- •
( Iroupes indigènes
Impérial service Troops
Volunteers
Police nriilitaire de Birmanie, etc
ai
CD
"ce
53
3ti
65
ir,i
1(50
12
14
181/2
2
37
23
7
»
»
»
245
237 1/2
80
73. 000
144.000
19.000
27.000
19.000
282.000
Soit, un total de 280.000 combattants dont 220.000 hommes de
troupes régulières, les autres étant susceptibles de servir comme
troupes d'étape ou de garnison.
Les bataillons européens stationnés aux Indes sont détachés des
régiments de la métropole. Chacun de ces régiments compi'end en
principe :
1° Un dépôt, toujours stationné dans le district régimentaire de
recrutement, en Angleterre ;
2° Un bataillon dans la métropole {home hataUlon ), en Angleterre
ou dans les îles du Canal ;
3" Un bataillon à l'extérieur [foreign tataillon] qui se trouve soit
aux Indes, soit dans les colonies, soit dans la Méditerranée.
Les effectifs des foreign-bataillons sont tenus au complet de
1.012 hommes. Au bout de huit ans, les ofliciers et les soldats de ces
bataillons ont la faculté de rejoindre le home-bataillon et sont remplacés
par des unités tirées de ce dernier bataillon.
Pour les troupes de cavalerie, on n'opère pas de la même manière :
les différents régiments y sont envoyés à tour de rôle.
Quand un régiment de cavalerie stationné en Angleterre reçoit Tordre
de partir pour les Indes, il laisse dans la métropole un dépôt qui reçoit
les recrues, les instruit et les expédie pour combler les vides du
régiment de guerre. Chaque régiment compte 4escadronset525chevaux.
Toute l'artillerie anglaise ne forme qu'un seul régiment de 185 batte-
ries qui en détache 88 dans l'Inde. La relève en est assurée comme pour
la cavalerie.
Les régiments indigènes sont formés au moyen de volontaires
principalement et presque exclusivement "tirés du Punjab, les races du
nord de l'Inde fournissant les meilleurs éléments de combat ; l'engage-
ment est valable pour trois ans et peut être prolongé jusqu'à vingt et
un ans, après lesquels le. cipaye a droit à une retraite.
Depuis 1887, on a créé un système de réserve pour porter, en cas de
mobilisation, les bataillons au complet de guerre. Tous les anciens
cipayes y sont astreints ; il y a deux classes :
F La réserve de l'armée active ;
2" La réserve de garnison.
Toutes les troupes sont commandées par des officiers anglais de
rindian Stafl Corps qui comprend deux catégories :
1" Les officiers emphnés dans les corps indigènes ou dans les services
accessoires ;
2" Les officiers pourvus d'emplois civils, tels : les agents diploma-
tiques, les résidents, etc.
— 83 —
Toute l'infanterie anglaise est pourvue du fusil à magasin Lée-Met-
ford, dont le projectile, de petit calibre, n'a pas, aux petites distances,
un effet immédiat suffisant (1). L'artillerie est dotée d'un canon de 12 se
chargeant par la culasse.
L'infanterie et la cavalerie indigènes ont reçu des fusils et des cara-
bines Martini-Henry, en remplacement des Snieders qui arment main-
tenant les troupes de la police militaire de Birmanie. Quant à l'artillerie
indigène, qui ne compte que des batteries de montagne, son matériel
consiste en pièces démontables du calibre de 2 pouces 1/2 (0"'0685) ;
les deux parties, la volée et la culasse se joignant bouta bout au moyen
d'un lourillon-écrou.
Depuis une dizaine d'années on a créé des poudreries, des cartou-
cheries et toutes sortes d'établissements militaires (2), qui permettent
à l'armée des Indes de se pourvoir sur place.
A première vue, cette armée de 280 mille hommes constitue donc
pour l'Angleterre une force importante qui doit mettre, pour longtemps
encore, l'Inde à l'abri des invasions étrangères. Cependant si on
considère le dernier soulèvement des tribus Afridis, on est bien obligé
de convenir que, dans cette armée des Indes, tenue constamment sur
le pied de guerre, soumise à un entraînement de tous les instants,
. pourvue d'arsenaux, d'ateliers et de magasins, formée des meilleures
troupes britanniques, rien n'est prêt pour une grande guerre.
A grand'peineon a réuni 50.000 hommes aux environs de Peschawer
et les 2 ou 4.000 hommes de renfort qui y ont été envoyés depuis, ont
dû venir d'Angleterre, tandis qu'à l'arsenal de Wolwich on travaillait
jour et nuit pour pourvoir les colonnes d'opérations des choses les plus
indispensables.
Comment se fait-il que sur 220,0(JO combattants, l'empire des Indes
(1) C'est dans la campagne do Tchitral \ 189.5) que les Anglais se servirent pour
la première fois du Lée-.Metford. Le résultat des observations faites au point de vue
chirurgical a été le suivant : aux petites distances de 2 à 30J mètres, le projectile
produit un oifct explosif et fait une grande blessure irrégulière, non seulement
brisant l'os au passage, mais le pulvérisant complètement. Aux distances moyennes,
la blessure est petite et franche, si le projectile rencontre un os, il y fait un petit
trou net sans le briser. Aux grandes distances, le projectile fait de nouveau une
vilaine blessure, le trou de sortie étant beaucoup plus grand que le trou d'entrée.
(2) 11 existe aux Indes: 2 poudreries: Kerkée, Ichaporc ; 2 carloucJieries :
KQrkkc^Xiwrfi-DvLXii ; 3 ateliers (Je construction de voitures : lalchyahr, Bombay,
Madras ; 1 atelier de sellerie : Cawnp )re : 1 fonderie : Gossipore,
— 84 —
n'ait pu mobiliser, dans une circonstance aussi grave, que 50.000
hommes, manquant littéralement de tout, à quelques hilomètres d'une
tête de ligne de chemin de fer et d'un camp retranché ?
Et tout d'abord, l'Angleterre peut-elle compter sur l'inaltérable
fidélité des troupes indigènes ?
Dans un discours prononcé l'année dernière (1) le feld-maréchal
Wolseley faisait le procès de la cavalerie indigène qu'il accusait d'être
incapable de soutenir le choc d'aucune troupe européenne. Le reproche
peut s'étendre à bon nombre de régiments d'infanterie , dont
quelques-uns sont si mal notés, qu'il y aurait péril à les employer au
feu.
X'a-t-on pas vu. dans le début de la campagne contre les Afridis
(août 1897), trois compagnies d'infanterie indigène passer à l'ennemi
avec armes et bagages ?
Même les bataillons, tels ceux de Goorkhas, qui se sont signalés par
leur courage et leur fidélité et qui passent pour les meilleures troupes
indigènes, manquent d'élan ; ils ne vont de l'avant que fortement
entraînés et, on peut dire, que si dans une action, les huit officiers
anglais d'un bataillon indigène sont tués ou mis hors de combat, le
bataillon s'arrêtera ou battra en retraite.
Voilà pourquoi le gouvernement des Indes ne peut employer utile-
ment qu'un nombre restreint de troupes indigènes, prises parmi celles
qui ont donné des preuves sérieuses de fidélité, et pourquoi il ne peut
dégarnir complètement certaines régions de soldats anglais, la présence
de ceux-ci étant nécessaire pour maintenir les cipayes dans l'obéissance.
D'ailleurs, habituées à trop de luxe et de bien-être, les troupes
anglaises comme les contingents indigènes, paraissent peu capables
de prendre une part active à une campagne moderne où le mouvement
est une condition indispensable du succès. Les impedimenta que
traînent ces troupes à leur suite sont énormes : les hommes de troupe
natifs ne pansent pas leurs chevaux ; il faut pour eux des palefreniers,
des coupeurs d'herbes, des cuisiniers., des porteurs d'eau, un brancard
et 6 porteurs pour 10 hommes : chaque officier monté a deux domes-
tiques en plus de son ordonnance. Et tout cela, dans un pays où une
armée en campagne doit tout emporter avec elle : vivres, fourrages.
(1) Déclaration de Glt'.sgcw, Juin 1837.
T- ».) —
munitions et où souvent les transports ne peuvent se faire qu'à dos de
mulets ou de chameau (1).
Dans de pareilles conditions, une armée de cent mille hommes devient
impossible à faire mouvoir : elle ne peut que se tenir sur la défensive,
autrement dit elle est à la merci d'une armée plus mobile.
Les troupes russes qui ont pris part à la conquête et qui ont été
laissées dans l'Asie centrale, pour en assurer la pacification, forment
un corps spécial « l'Armée du Turkestan ». Les troupes cantonnées
dans la province de Transcaspienne jouissent également de leur
autonomie.
Ces troupes, qui ne sont pas embrigadées, comprennent :
I. — Armée du Turkestan:
32 bataillons d'infanterie,
16 stonias,
8 batteries d'artillerie,
présentant un effectif de 27.000 hommes.
n. — Troupes de la province transcaspienne :
11 bataillons d'infanterie,
12 stoniâs,
4 batteries d'artillerie.
Soit un effectif de 12.000 hommes.
Ces différents corps sont formés au moyen de recrues tirées de la
Russie d'Europe qui y servent sept années et d'engagés volontaires
tirés des populations soumises.
(Il Qu'on songe bien que flans la campagne du Tchitral en 18rri,'pour une division
de 15.000 hommes, il n"a pas fallu moins de ;35.0(K1 animaux de transport (éléphants,
bœufs, chameaux, ânes et muletsl, sans compter les deux Impérial-Trains de
Givalior et de Icypoore (1450 poneys avec 593 voitures).
. « Dans notre prochaine grande guerre dans l'Inde, la question de temps sera un
» facteur très important et l'armée qui pourra se mettre rapidement en mouvement
» aura beaucoup d'atouts dans son jeu. Notre armée, dans l'Inde, est-elle prête
» à ce point de vue dans le sens strict du mot ? Nous en doutons ».
[Army and Nacy Gazette du 28 décembre 1895).
— 86 —
Jusqu'à présent, on n"a imposé aux habitants des provinces du
Turkestan aucune obligation militaire et la loi du recrutement du
1" janvier 1874 ne s'étend pas aux territmres asiatiques.
A la mobilisation, ces forces sont augmentées par la transformation
des bataillons-cadres en régiments de réserve (1), soit de :
7 régiments de réserve à 5 bataillons pour le Turkestan ;
2 régiments de réserve, l'un à 5 et l'autre à 2 bataillons pour la
Transcaspienne.
Ce qui porte l'effectif de guerre des troupes de l'Asie Centrale à :
70 bataillons d'infanterie,
28 stonias,
12 batteries d'artillerie.
avec 57.000 combattants] réguliers, auxquels il convient d'ajouter les
formations non prévues des contingents Kirggis et Turcomans, qui
s'élèveraient facilement à une vingtaine de mille hommes.
La Russie peut espérer tirer de ces contingents indigènes, recrutés
parmi les populations qui opposèrent à ses armes une si vigoureuse
résistance à Géok-Tépé, un meilleur usage que l'Angleterre de certains
de ses régiments nalifs.
C'est qu'alors que l'Angleterre s'est abattue sur l'Inde comme un
vampire, la Russie est apparue aux populations du Turkestan comme
un sauveur. En assurant le rétablissement et l'entretien des canaux
d'irrigation, elle a fait renaître l'agriculture presque complètement
disparue ; elle a ravivé le connnerce par une énergique répression du
brigandage; elle a rendu aux populations une prospérité et un degré
(1) L'organisation des troupes-cadres est une des particularités de Tarmée russe;
son but est de rendre l'instruction et la mobilisation de l'armée active indépen-
dante de celles des troupes de réserve.
Le principe adopté est que la mobilisation ne change rien à l'organisation des
corps actifs. Cette méthode a été trouvée tellement ingénieuse par les Allemands
que ceux-ci l'ont adoptée dès 1804 et ont créé 173 quatrième demi-bataillons, qui ne
sont autre chose que des trou])es-cadrcs, qu'ils viennent de transformer en 20 régi-
ments-cadres (1897).
En France, au contraire, on semble s'en tenir à l'encadrement des réserves par
les éléments de l'armée permanente.
L'avenir prononcera sur la valeur relative des deux principes en présence.
— ^87 -
de bien-être qu'elles ne connaissaient plus depuis longtemps, tout en
respectant leur liberté et leur foi.
Le monde doit appartenir un jour à la Russie,
répètent comme une prophétie. Afghans et Turcomans et toutes les
peuplades appellent cet heureux jour. C'est en vain que l'Angleterre
cherchera à attacher à sa fortune, par des traités et de l'or, les émirs
de Caboul, qu'un seul escadron turcoman paraisse à la passe de
Khyber, l'Inde musulmane se soulèvera et l'Empire anglo-indien
traversera une crise plus, redoutable encore que la rébellion des
Cipayes {Cucheval-Clavigny) .
Malgré ses immenses ressources, la Russie ne pouvait, jusqu'à ces
dernières années, rien tenter de sérieux contre les Indes ; en effet, ses
possessions du Turkestan oriental ne communiquaient avec l'Europe
que par la route établie à travers la steppe sibérienne et que les troupes
les plus alertes ne pouvaient parcourir en moins de vingt-deux jours ;
il fallait ensuite traverser ou contourner la mer d'Aral pour arrivera
rOxus ; ce fleuve, qui n'est pas toujours navigable, conduisait au pied
des contreforts les plus abrupts duParopomisus où sont établis, d'étage
en étage, comme autant de forteresses, les petits Etats vassaux de
l'Afghanistan ; il eut fallu, avant d'arriver à Caboul, réduire l'une après
l'autre, ces tribus belliqueuses : œuvre difficile ({ui eut toujours été à
recommencer, et faire ensuite la conquête de l'Afghanistan lui-même.
Si, pour éviter ces difficultés presque insurmontables, on quittait
rOxus au point où il cesse d'être navigable, pour se diriger de là sur
la vallée du Mourgab ou celle de l'Heri-Roud, on avait à traverser un
désert de sable absolument aride, où il aurait fallu porter jusqu'à l'eau
pour faire boire les hommes et les chevaux et qu'il était impossible de
franchir en moins de douze jours.
Cette deuxième route était donc aussi impraticable que la première.
Il fallait en chercher une autre.
Ce fut le chemin de fer de Krasnovodsk à Samarcande qui l'ouvrit,
et dès lors la Russie possédait le moyen déconcentrer rapidement vers
Hérat une armée d'invasion.
Aux forces de l'armée du Turkestan, il convient d'ajouter celles du
corps du Caucase qui, grâce à la ligne Poti-Bakou et le Transcaspien,
peuvent venir, en vingt jours, renforcer les contingents russes réunis
sous Hérat ; elles comptent :
— 88 —
110 bataillons d'infanterie,
80 stonias,
• 8 lourdes à 8 pièces,
32 batteries d'artillerie 101'''gères à 8 pièces,;
j 8 de montagne a 8 pièces,
[ 6 à cheval de 6 pièces.
présentant, sur le pied de paix, un effectif, de 100.000 hommes, qui
serait porté sur le pied de guerre, à 275.000 hommes, auxquels venant
s'ajouter les 75.000 hommes de l'armée du Turkestan, formeraient une
masse de 327.000 hommes, savoir :
224 bataillons d'infanterie,
108 stonias,
[ 10 lourdes,
44 batteries ] 17 légères,
{330 pièces). ) 9 de montagne,
( 8 à cheval.
Si nous comparons ces chiffres avec les efiectifs de l'armée anglo
indienne qui peut mettre en ligne :
245 bataillons d'infanterie,
237 1/2 escadrons de cavalei-ie,
[ 4 lourdes (éléphants),
86 batteries (516 pièces) | ^ légères,
) 22 de montagne,
' 11 à cheval,
et 280.000 combattants;
nous voyons que l'avantage du nombre demeure à la Russie, mais
qu'elle reste très inférieure au point de vue de l'artillerie, car elle ne
peut opposer que 340 pièces aux 516 pièces de l'armée anglo-indienne.
Le service des transports, qui prennent dans ces régions, où l'on no
peut compter que sur soi-même, une importance capitale, et le matériel
des convois laissent encore fortement à désirer.
Enfin, ce qui paraît manquer le plus à cette armée russo-asiatique,
c'est l'organisation du commandement supérieur (li.
(1) Un ukase du 13 inars 1899 Torganisc dans le (Caucase.
— '89 -
L'armée russe se concentraol sur la ligne Merw-Samarcande-Mar-
gelan, peut se porter sur rAlghanistau et les passes qui donnent accès
aux Indes :
1" Par la route de Mesched, Hérat, Candahar ;
2° Par la route de Merw, Pendjeb, Hérat, Candahar ;
3" Par le faisceau de routes partant de l'Oxus, se dirigeant vers
Mazar-Chérif, Taschbourgan et convergeant sur Caboul, en empruntant
la passe de Bamian ;
4° Par les routes qui mènent du Ferganah dans le Tchitral et le Swat
par le Pamir, les hautes vallées de l'Oxus et la passe de Baroghil.
Mais les routes du Pamir sont très difficiles et souvent rendues impra-
ticables par les neiges, la passe de Baroghil, notamment, n'est acces-
sible que de juin à septembre ; une armée nombreuse ne saurait
les utiliser.
L'envahissement de l'Inde ne peut donc avoir lieu que par l'Ouest ;
il s'ensuit que la route de Merw, Pendjeb, Hérat, Candahar, la plus
courte et la plus accessible, semble devoir être l'axe du mouvement en
avant des armées russes ; en outre, Candahar est le point stratégique
le plus important de l'Alghanistan, puisqu'il commande toutes les
routes qui de Hérat se dirigent vers l'Inde.
En admettant que l'armée russe soit parvenue à s'emparer de
Candahar et maîtresse, par conséquent, de choisir sa route pour
envahir l'Inde, elle devra éviter de suivre la route du col de Bolan
qui s'ouvre droit devant elle, mais qui conduit soit à la mer, soit vers
la partie la plus pauvre de la vallée de l'Indus ; elle aura tout avan-
tage, au contraire, à se diriger sur Ghazni et Caboul, pour prendre la
route de la passe de Khyber qui aboutit au Punjab et dams la vallée du
Gange, c'est-à-dire dans les parties les plus peuplées et les plus riches:
c'est, du reste, la route qui a été suivie par tous les conquérants de
l'Inde. Dans ce cas, l'attaque de l'armée principale d'invasion sur la
passe de Khyber serait utilement secondée par une démonstration au
travers du Pamir, par la vallée du Swat et celle du Tchitral, menaçant
les derrières de l'armée occupant Peschawer.
En présence de l'acheminement lent et continu des Russes, les
Anglais ne sont pas restés inactifs. Prévoyant qu'une invasion russp —
- 90 —
si elle se produisait — ne pourrait s'effectuer que par l'ouest de
l'Afghanistan, ils ont pris leurs dispositions pour prendre position, dès
le début des opérations russes, sur la ligne Caboul, Ghazni, Gandahar,
afin d'occuper les débouchés extérieurs des passes d'où ils pourraient,
avec plus de sécurité, observer les mouvements et l'approche de
l'ennemi, laissant, à leurs alliés afghans, le soin de défendre seuls leur
pays.
Pour assurer d'une façon plus complète la défense de cette partie des
frontières, les Anglais ont fortement organisé la ligne Rawal-Pundi,
Attock, Dera-Ismaël-Khan et fait d'Attock, devant servir de pivot de
manœuvre, un important camp retranché où aboutit la voie ferrée ; ils
ont soumis et annexé les tribus de la vallée du Tchitral jusqu'au col de
Baroghil, dont ils tiennent tous les débouchés par les forts qu'ils
viennent d'y élever ; ils ont construit de bonnes routes permettant à
leurs troupes des déplacements faciles et ont augmenté leur réseau de
chemin de fer sur la ligne de l'Indus. Pour pouvoir surveiller la
ilirection du Pamir, ils ont établi un résident avec une petite garnison
àGilgit et à Gupis, fait construire une route de Srinagar à Gilgit et à
Ghalt et élevé un fort à 50 kilomètres plus au Nord, sur l'Hunza, pour
garder le chemin, relativement facile, qui longe la rivière de Gilgit et
celle de THunza.
On travaille actuellement à la construction d'une route reliant
directement Peschawer au Tchitral; deux petites places fortes, Mastuj
et Gaoumontet, près de Jassin surveilleront cette voie. Le fort de
SchabidouUah au nord du Karakorum commandera la route de
Yarkand à Leh dans l'Etat de Ladack.
La ligne ferrée du Punjab a été prolongée de Lahore à Djelam et à
Rawal-Pindi; déjà, en 1883, elle avait été poursuivie jusqu'à Peschawer
et un tronçon avait été amorcé sur Kouchalgar, afin de permettre la
concentration des forces du Bengale et leur ravitaillement. Pour
multiplier les centres de réapprovisionnement sur Fendus, on avait
construit les lignes Lalla-Moussa, Koundian et Lahore-Moultan, et
postérieurement, on créait une nouvelle voie le long de l'Indus pour
mettre Kurrache, le port le plus à proximité de l'Europe, en commu-
nication directe avec Attock, par Haiderabad, Moultan, Koundian et
Kouchalgar; en outre, la ligne de Quetta atteignait Tchaman à
120 kilomètres de Gandahar.
Enfin, une voie ferrée mettant en communication directe le Punjab
avec Pishin et Gandahar est projetée, la direction Gandahar-Hérat
^ 91 —
étant la ligne à suivre par une armée anglaise qui aurait pour objoctil'
de couper Farmèe d'invasion de sa base d'opérations et du chemin de
fer transcaspien.
CHAPITRE IV
LES FRANÇAIS ET LES ANGLAIS EN INDO-CHINE
De bonne heure l'aventureux esprit français avait poussé nos marins
vers l'Extrême-Orient. Dès le XVIP siècle, le nom et la puissance
française étaient connus au Siam, dont .le roi, conseillé par un grec
nommé Phalkon, demanda, vers l'année 1680, l'appui du roi de France
pour résister à la; politique envahissante des Hollandais établis dans la
presqu'île de Malacca. C'esl à cette occasion que deux ambassades
siamoises furent envoyées en France en 1682 et 1684 et reçues solen-
nellement à Versailles. Une escadre, commandée par le chevalier de
Chaumont fut envoyée à Bangkok et, en échange, de grands avantages
furent consentis à notre commerce Malheureusement les projets de
traité n'eurent aucune suite: ni Louis XIV, ni ses successeurs ne
surent tirer parti de la situation prédominante que le hasard nous
donnait en Indo-Chine ; ils négligèrent ces lointains intérêts et la
Révolution en effaça même le souvenir.
En 1749, un représentant de la Compagnie des Indes, envoyé par
Dupleix, se rendit à Hué et obtint, grâce à un missionnaire français,
Mgr Pigneau de Behaine, l'autorisation de fonder un établissement à
Tourane . Nous ne réussîmes pas davantage à nous y tîxer d'une façon
sérieuse, bien que le souverain dépossédé Ghia-Loung eut envoyé, en
1787, un de ses fils à Louis XVI pour lui demander aide et protection
et qu'à la suite de cette démarche un traité d'alliance fut conclu en
échange de la cession de Tourane et de l'île de Poulo-Condor ; mais
l'expédition projetée n'eut pas lieu, le gouverneur de Pondichéry ayant
trouvé l'entreprise trop périlleuse. Toutefois Mfe'''de Behaine ayant
embauché quelques officiers français, notamment le colonel Olivier,
qui réorganisèrent l'armée siamoise, le roi Ghia-Loung parvint à
reconquérir ses Etats : mais il se garda bien d'exécuter le traité dont
la Révolution ne songea pas à exiger l'accomplissement.
Ainsi, au XVII* et au XVIIP siècle, la France pouvait, sans contes-
tation possible, s'établir au Siam et en Annam et refaire là ce que
Dupleix avait fait aux Indes. Le gouvernement de Louis XVI y aurait
— 92 —
trouvé l'occasion unique de réhabiliter aux yeux de la postérité la
monarchie, dont la déplorable politique coloniale avait, au règne
précédent, mis la France à deux doigts de sa ruine. Il ne le fit pas.
Trop occupés à lutter contre l'Europe coalisée, la Révolution, puis
l'Empire, n'eurent pas le temps .d'y songer et cet empire Indo-Chinois
fut perdu pour nous.
Après nous avoir arraché l'empire des Indes (traité de Paris, 1763),
les Anglais en entreprirent la pacification ; puis ils songèrent à étendre
leur influence sur les territoires avoisinants. Dès 1820, leurs çégociants
débordaient en Birmanie, où ils furent autorisés à entreprendre
l'exploitation des forêts de teck. Des difficultés ayant surgi, elles
furent réglées par le traité d'Yandabo par lequel la Compagnie des
Indes annexait à son territoire les provinces d'Assam et d'Arakan. En
1852, après une nouvelle expédition, elle s'emparait du Pegou et du
Tenasserim.
Devant ces procédés de brutale annexion, les souverains de la
presqu'île indo-chinoise, qui s'étaient tous inféodés à la politique
anglaise, furent pris de peur, et le roi de Siam, se rappelant ses
anciennes relations avec la France, s'adressa à elle. Celle-ci ne
sembla tout d'abord que peu disposée à répondre à ses avances ; ce
n'est qu'en 1856 que l'arrivée à la cour de Bangkok de M. de Montigny,
consul de France en Chine, amena la conclusion d'un traité de
commerce des plus avantageux.
Hélas ! nous ne sûmes pas profiter de l'occasion.
Le roi de Siam avait offert des animaux comme cadeau à la France :
on commit la faute de les laisser à Bangkok jusqu'en 1861, ce qui fut
considéré par le roi comme une grave injure. De plus, au lieu d'envoyer
solennellement au roi de Siam la ratification du traité de 1856, le
gouvernement français ne le fit signifier que par l'intermédiaire du
consul du Portugal à Bangkok. La diplomatie anglaise, par quelques
avances et quelques concessions faites à propos, profita de ces
fautes pour reprendre son influence à la cour de Bangkok.
En France, on n'attacha aucune importance à cet événement, mais
en Angleterre on le considéra comme un nouveau traité de Paris.
Quel mobile poussait donc les Anglais, déjà maîtres de l'Inde, à
— 93 —
encore s'étendre sur la presqu'île indo-chinoise ? L'évolution indus-
trielle du milieu de ce siècle qui a décuplé la produclion et menace la
vieille Europe de pléthore. A sa production accrue, l'Angleterre
•comprenait qu'il fallait des déhuuchés nouveaux, comme à une natalité
-accrue, il lui avait fallu, au siècle précédent, des terres nouvelles ; en
cherchant à étendre son influence jusqu'en Extrême-Orient, elle ne
-cherchait qu'à se créer de nouveaux clients.
En 1840, la Compagnie des Indes muno])olisait le commerce de
l'opium avec le Céleste-Empire et quand le « Fils du Ciel » effrayé des
ravages causés par le poison voulut en interdire l'importation, l'Angle-
terre partit en guerre pour lui imposer la consommation d'un produit
<jui fait l'une des richesses de l'Inde. La flotte anglaise bombarda
Canton, s'empara d'Amoï, de Ning-Po et de Shanghaï. Contraint de
céder, le gouvernement chinois, par la convention de Nankin
(29 août 1842), ouvrit cinq ports au commerce étranger, reconnut la
liberté du commerce de l'opium, paya une indemnité de cent millions
ei donna Hong-Kong.
En 1856, l'Angleterre ayant eu à se plaindre de quelques procédés,
bombarda une seconde fois Canton avec l'appui de la flotte française,
désireuse d'affirmer la cordiale entente des alliés de Crimée. Par suite,
la France se trouva engagée, en 1860, dans une folle expédition, où
nos troupes se couvrirent en vérité de gloire (combat de Palikao),
mais dont les Anglais devaient seuls retirer quelques avantages. Le traité
de Pékin (1860) ouvrit de nouveaux ports au commerce étranger, donna
le droit de résidence permanente pour les ministres européens et
reconnut la liberté du culte chrétien.
Depuis, nous l'avons vu, les Anglais ont su acquérir une suprématie
absolue dans les ports du Céleste-Empire (1).
Mais dans ce vaste empire du Milieu, les chemins sont rares, les
communications difficiles, et bien que le traité de Simonosaki (1895) ait
•ouvert le Yan-lse-Kiang à la navigation à vapeur, les routes les plus
directes pour parvenir aux riches provinces centrales du Setchouen
sont, les voies de pénétration du Sud, par les vallées parallèles de
(1) Tandis que l'Angleterre a 327 maisons commerciales représentées en Chine,
la France n'en a que^S, la Russie 12. l'Allemagne 80, et l'Amérique 32.
- 94 -
riaraoudtly, du Saloiien, du Mei-Nam et du Mékong, orientées Nord-
Sud et qui semblent être autant de voies de communication naturelles-
entre l'Inde et la Chine.
Maîtres des Indes, les Anglais devaient tout naturellement être les-
premiers à chercher à entrer en relations, par voie de terre, avec la
Chine centrale.
En 1868, le major Saden chercha à gagner les provinces méridionales
chinoises en partant de Bhàmo, mais il fut arrêté par l'insurrection
du Yunnam.
En 1874, M. Margary, parti de Shanghaï, remonta le Yan-tse-Kian^
et réussit à atteindre Bhâmo ; il en repartit en 1875 pour refaire la
même route en sens inverse, mais sa mission fut massacrée. Le ministre
d'Angleterre à Pékin, M. "Wade, réclama pour ce meurtre des répa-
rations qui aboutirent à de nouveaux avantages commerciaux qui
furent concédés aux sujets de S. M. britannique. Par la convention de
Tche-fou (19 avril 1876), la Chine s'engageait à faciliter l'ouverture
d'une voie commerciale avec la Birmanie, ouvrait quatre nouveaux
ports et autorisait l'établissement d'un consul anglais à Tali (1).
En 1883, M. Colqhoun parcourut le pays, de Canton à Rangoon et
chercha les voies de communication entre la Chine et la Birmanie.
Parti de Canton, il remonta le Si-Kiang jusqu'à Pesé, traversa le
Yunnam et entra en Birmanie par Tali et Bhâmo. M. Hallet refit
ce même voyage en sens inverse, complétant ainsi le premier
itinéraire.
Pendant ce temps, le gouvernement anglais prenant prétexte du
massacre d'un de ses nationaux sur le territoire birman, accusa le roi
de complicité dans le guet-apens, envahit ses Etats, s'empara de sa
capitale et la confisqua (1885). Ce fut le premier pas. Depuis sir
Mackensie a étendu l'influence anglaise jusque sur les territoires
laotiens du Haut-Mékong. Baptisant ces vastes contrées du nom d'Etats
Shans, il prétendit qu'ils rentraient dans la zone d'influence de la
Birmanie et les annexa ; il alla même jusqu'à imposer le protectorat
anglais à des territoires que la France avait réservés à son influence
(1892).
(1) L'Angleterre est représentée eu Chine par 21 postes consulaires, savoir :
1 Consulat général à Schanghaï, 19 consulats, 1 vice consulat ; la France n'en a que
14 ; 1 Consulat général à Schanghaï. 8 consulats, 5 vice-consulats. 6 do ces poste»
sont de date récente : février 1897.
-;- 95 —
Après avoir longtemps borné son action en Asie à la protection des
missionnaires — bombardement de Thuan-An (1856) ; débarquement de
Tourane (1858) ; prise de Saigon (1859) — la France poussée, elle
aussi, par la nécessité de créer de nouveaux débouchés à son indust^i(^
s'était subitement intéressée aux affaires d'Orient. Déjà, en 1859, elle
avait occupé la Cochinchine ; en 1873, elle envoya le lieutenant
Francis Garnier soutenir, sur le fleuve Rouge, les revendications de
M. J. Dupuis. Par un hardi coup demain, Francis Garnier s'empara de
Hanoï, mais il fut tué dans une sortie et le traité de Philastre vint
détruire tout ce qui avait été acquis (1874). Ce malheureux traité ne fut
pas lui-même observé, ce qui amena en 1883, une nouvelle expédition,
celle du commandant Rivière, qui renouvela les exploits de Francis
Garnier et périt d'une manière analogue. Pour venger sa mort, l'amiral
Courbet prit d'assaut Sontay, mais devant l'intervention de la Chine,
on dut organiser un important corps expéditionnaire. Le général Millot
prit Bac-Ninh et tout parut fini par le traité de Tien-Sin (1884) ; mais
un guet-apens fut tendu à nos soldats près de Bac-Lé et la guerre
recommença. Pour arrêter l'invasion le général Brière de l'isle lança
sur Lang-Son le général de Négrier (18S5) ; c'est alors que se produisit
l'étrange panique qui fut si douloureusement ressentie en France. A ce
moment l'amiral Courbet bloquait les côtes de la Chine, faisait sauter
l'arsenal de Fou-tcheou, prenait pied à Formoso et s'installait aux
Pescadores. La Chine proposa la paix : le deuxième traité de Tien-Sin
mit fin à la guerre et nous assura la possession du Tonkin (1885).
Dès 1843, le Cambodge s'était placé sous notre protectorat et, en
1883, on avait imposé au roi d'Annam notre suzeraineté.
Ainsi, en 1885 seulement, la France réalisait de haute lutte, la
création de cet empire Indo-Chinois entrevu au XVIP siècle, mais
que l'incurie de Louis XVI, l'insouciance de la Révolution en matières
coloniales, puis nus luttes avec l'Europe, nous avaient empêché de
fonder.
Une grande impulsion fut alors donnée aux missions d'exploration,
pour étudier les besoins des populations de l'Hinterland de notre
nouvel empire et amener un courant commercial vers nos possessions.
Le premier explorateur qui ait ouvert la route du Laos fut
H. Mouhot (1858 à 1861). En 1868, les explorations du Commandant
Doudart de Lagrée dans la vallée du Mékong et de M. Dupuis, en
1872, sur le Song-Koï firent connaître en partie le bassin de ces deux
fleuves. Parmi ceux qui, en 1873, associèrent leurs efforts à M. J.
— Ç«) -
Dupuis pour la conquête du Tonkin, se trouvait un jeune médecin de
la marine, le docteur Harmand qui, le premier, réussit à traverseras
plateaux séparant la vallée du Mékong de la côte de la mer de Chine,
devançant ainsi les explorations si fructueuses de la future mission
Pavie (1877). A'enu, quelques années plus tard, le docteur Neiss
pénétra jusqu'au cœur de Laos (1882-84). M. de Lanessan, chargé
d'une importante mission dans nos possessions indo-chinoises, lui
succéda en 1880 ; puis après vint M. C. Gautier (1887-89). Mais la plus
importante des missions qui nous ait révélé le Laos est, sans contredit,
la mission dirigée par M. Pavie qui, de 1886 à 1889, explora le moyen
Mékong et, en 1890, toute la région comprise entre le « Capitaine des
fleuves » et la mer, comme autrefois le docteur Harmand. Les explo-
rations du prince d'Orléans, en 1892 et en 1895, complétèrent ces
renseignements.
Aussi, grâce à ces nombreuses explorations, notre influence
s'étendit bientôt sur les principautés laotiennes établies sur les bords
du Mékong. En 1892, un Consul français, M. Pavie, était installé à
Luang-Prabang, sur le haut Mékong.
Mais les Anglais n'avaient pas vu sans une avide jalousie, le Tonkin
et l'Annam passer entre nos mains et nos missions ouvrir à notre
commerce des territoires qu'ils avaient pu, dans un temps, se croire
réservés ; aussi, profitant de l'influence qu'ils possédaient à la Cour de
Bangkok depuis 1861, poussèrent-ils les Siamois à empiéter sur les
territoires de l'Annam. Ceux-ci installèrent des postes sur la rive
gauche du Mékong et, jjénétrant peu à peu dans les montagnes de
Mois, menacèrent de ne laisser au roi d'Annam qu'une étroite bande
côtière.
Il fallut réagir et c'est de cette situation devenue intolérable que
sortit le conflit de 1893.
C'est le 4 février 189o que M. Delcassé {sous-secrètaire d'Èiat aux
Colonies) affirma à la Chambre la nécessité pour la France de soutenir
les anciens droits de TAnnam et du Cambodge. Des ordres précis
furent envoyés au gouverneur général de nos possessions, M. de
Lanessan, et le refoulement des Siamois commença. Durant l'éva-
cuation, il se produisit à l'ouest de Vinh, un incident ((ui mit le feu
aux poudres :
— 07 -
En évacuant Kham-Muong, le mandarin siamois remit une protes-
tation à notre résident et demanda une escorte pour protéger sa
retraite ; on lui donna une vingtaine d'hommes avec l'inspecteur
Grosgurin. Traitreusement la petite troupe fut attirée dans une embus-
cade et massacrée. Le gouvernement français exigea une réparation.
Abandonné par l'Angleterre qui cependant l'avait secrètement poussé
à ces empiétements et réduit à ses propres forces, le Siam essaya
néanmoins de résister. Par une action vigoureuse, la France le con-
traignit à céder.
Tandis que la division navale française de l'Extrême-Orient,
commandée par le contre-amiral Humann se concentrait à Saigon,
l'aviso V Inconstant et la canonnière La Comète précédés du J.-B. Say
des Messageries fluviales de la Cochinchine, francliissaient le 13 juillet
1893, la barre du Meï-Nan malgré les forts siamois de Pak-Nam qui
ouvrirent le feu contre nos navires et allaient mouiller devant le palais
du roi qu'ils tenaient sous leurs canons.
L'agression du 13 juillet constituait de la part des Siamois une vio-
lation flagrante du traité de 1856 (1). Le gouvernement français fit
signifier au gouvernement siamois l'ultimatum suivant :
1° Reconnaissance par le Siam des droits de l'Annam et du Cam-
bodge sur la rive gauche du Mékong avec les îles du fleuve ;
2" Evacuation, dans le délai d'un mois, de [tous les postes siamois
situés sur la rive gauche du Mékong ;
3° Satisfaction à donner pour l'attentat de Khan-Muong et celui de
Pak-Nam. Paiement d'une indemnité de deux millions.
Un délai dequarante huit heures était donné pour accepter cet ulti-
matum.
La réponse du Siam, adressée à M. Pavie, ne lui fut remise que
deux heures avant l'expiration de ce délai. Invoquant le caractère
vague des droits de l'Annam et du Cambodge, le gouvernement siamois
exprimait ses regrets au sujet des derniers incidents, promettait les
satisfactions compatibles avec la justice ordinaire, mais ne cédait la
rive gauche du Mékong que jusqu'au 18° de latitude nord.
(1) pourront pénétrer dans le fleuve et jeter l'ancre à Pak-Nam les navires
de guerre français, mais pour remonter jusqu'à Bangkoli, ils devront avertir l'auto-
rité siamoise et s'entendre avec elle sur le lieu du mouillage.
Ainsi la principale demande de la France était repoussée et l'in-
fluence de l'Angleterre tendait à nous enlever cette principauté de
Luang-Prabang, sur le haut Mékong, qui avait jadis et si longtemps payé
tribut àl'Annam, dont elle était vassale.
Cette réponse du gouvernement siamois était le signal de la guerre.
La flotte de ramiral Humann vint bloquer le Mei-Nam et la déclaration
de guerre fut notifiée aux puissances. Mais les préparatifs faits, tant en
Gochincliine qu'en France pour une expédition, déterminèrent le gou-
vernement siamois, après de salutaires réflexions et malgré le pression
de l'Angleterre, à accepter dans son intégrité Fultimatum du 20 juillet.
M. Le Mjre de Villers, désigné par le Parlement, fut chargé de
négocier avec le Siam le traité de paix qui fut signé le l*"" octobre 1893.
Les événements semblaient tourner contre l'Angleterre : l'opinion
publique s'en émut de l'autre côté de la Manche et le dépit britan-
^ong-Po
Muong-Sin
FRONTIERE NORD-OUEST DU TONKIN.
{Accord du 20 Juin 1895. Convention du i5 Janvier 1896).
nique se manifesta sous forme d'interpellations violentes à la Cliambre
des Communes (Discours de ]M. Curzon), de protestations de la presse
• — 99 —
{The peuples and politics of the Far East-Novnimi H. — ), et des
«hambres de commerce.
Malheureusement, le Foreign-OfRce réussit à nous faire admettre le
principe d'un Etat tampon dans le Haut-Mékong, en vertu des droits
imaginaires dont il arguait sur les Etats Shans.
Cet état eut été pour nous une source de conflits et d'ennuis de tous
genres, si l'attitude que nous observâmes vis-à-vis de la Chine lors de
la guerre sino-japonaise (1894-95) n'avait amené cette puissance à nous
faire d'importantes concessions par l'accord du 20 juin 1895, qui régla
la question des frontières du Tonl^in et de la Chine.
Partant de Long-Po, la frontière atteint la rivière Noire à son
■confluent avec le Nam-La ; de la rivière Noire au Mékong, la rivière
suit une direction Sud-Ouest, laissant à la France la vallée du Nam-
Hou et celle du Nam-La à la Chine, pour couper le Mékong en amont
<le Muong-Sing. Mais les agents anglais des Etats Shans, lord Laming-
ton, MM. Archer et Scott refusèrent de reconnaître la validité de ce
traité et ils firent occuper Muong-Sing par leurs troupes. Des négo-
■ciations s'engagèrent et aboutirent à la déclaration du 15 janvier 1896,
qui neutralisait la vallée du Meï-Nam. Anglais et Français s'inter-
disaient mutuellement d'y pénétrer et donnaient comme limite aux
Etats Shans, le thalweg du Mékong de Nam-Huock |à la frontière de
Chine.
A la suite de cette convention, Muong-Sing qui avait été occupé par
les troupes anglaises, nous fut restitué.
{A suivre).
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE
EN 1899.
L'INSTITUT INDUSTRIEL DU NORD DE LA FRANCE
Visite faite le 8 Mars 1899.
Organisateurs : MM. 0. Godin et E. Cantineau.
Labor omnia vincit iinprobus.
Virg. Géorcj.
Lille a toujours été une cité importante , maintenant encore elle est comme un
«capitale secondaire, celle de la région du Nord de la France ; elle est non seule-
— 100 —
ment le centre des intérêts matériels de cette contrée au point de vue du commerce
et de l'industrie, mais elle est aussi la plus importante ville de province par ses-
Universités ; par la multiplicité de ses Écoles artistiques, commerciales et indus-
trielles ; par ses Sociétés savantes d'étude et de diffusion ; par ses Associations-
amicales d'enseignement théorique et pratique, etc. Aussi, peut-on dire qu'elle est
également un centre intellectuel qui ne le cède qu'à Paris, la ville unique au point
de vue du goût, de l'art et de la science. Chauvinisme ! diront peut-être quelque»
intéressés ; non, mais patriotisme. La vanité, mère des rivalités, le cède ici à 1»
vérité qui est à l'ordre du jour et ne doit engendrer que l'émulation.
La Société de Géographie de Lille, dont le mandat est la difïusion des connais-
sances géographiques, élargit son programme quand il s'agit de la région oh elle
siège ; elle se fait la protectrice, dans la mesure de ses moyens, de tous les ensei-
gnements qui peuvent rendre la jeunesse lilloise, la nouvelle génération, plus
instruite et plus sagement expérimentée, par cela même plus confiante dans sa
valeur, c'est-à-dire plus vaillante et plus entreprenante. Aussi a-t-elle été heureuse
d'obtenir, à la demande de quelques-uns de ses membres, l'autorisation de visiter
l'Institut Industriel du Nord de la France qui, après bien des vicissitudes, est
devenu un établissement de haute valeur, grâce à des conditions que nous verrons-
habilement mises à profit par ses directeurs.
Le 8 Mars dernier, un groupe important de Sociétaires se présentait donc rue
Jeanne-d'Arc, à l'Institut, et était reçu par M. Bienvaux, le savant et actif sous-
directeur, qui leur souhaitait la bienvenue en termes aimables, satisfait, disait-il,,
de pouvoir montrer combien on s'efforce d'appliquer à l'industrie les résultats-
scientifiques nouveaux obtenus par les professeurs de l'Université, toujours occupés-
à de nouvelles recherches. L'Institut Industriel est ainsi comme une école d'appli-
cation se rattachant idéalement à la Faculté des Sciences ; et malgré son indépen-
dance absolue, il est comme un rameau fructifère de l'Université, fécondé par les
effluves de la pensée et le rayonnement des études progrossistes.
L'Institut Industriel du Nord est un établissement public départemental d'ensei-
gnement technique supérieur fondé à frais communs par la ville de Lille et le
département du Nord, qui reste seul chargé de la direction. Il s'élève sur le vaste
quadrilatère de terrain de 7.(310 '"- situé entre les rues Malus, Jean-Bart, de
Bruxelles et Jeannc-d'Arc ; sur cette dernière s'ouvre l'entrée principale, tandis
qu'en bordure de la rue de Bruxelles, c'est-à-dire du côté opposé, sont les loge-
ments avec jardins du directeur et du sous-directeur.
L'ensemble des bâtiments de l'Ecole forme un rectangle d'environ G5 et 75 m. de
côté ayant au centre une vaste cour de récréation ; les façades sont réunies par
■4 pavillons d'angle qui ressortent un peu, elles sont percées de larges fenêtres
garnies de grilles ; toutes les constructions sont en briques ; l'aspect architectural
est agréable, mais sévère dans une juste mesure; l'entrée principale est seule
ornée d'un fronton en plein cintre dont le tympan porte le millésime de 1872^
environné d'attributs sculptés dans la pierre. Du reste, la phototypie ci-annexée
montre cette façade et celle de la rue Malus (cliché dû au talent et à l'obligeance
de M. 0. Godin).
Un large vestibule donne accès, même aux voitures, directement sur la cour
centrale, au bout de laquelle la grande horloge, insensible aux velléités suggestives'
des élèves, leur indique, inexorable, les heures craintes ou désirées; nous péné-
trons à gauche dans le parloir orné de travaux d'élèves. A côté se trouvent : le
Secrétariat, le bureau de l'Inspecteur-Econome, celui du Directeur et la salle des
professeurs.
Nous commençons aussitôt notre visite, mais bientôt arrive l'cminent Directeur,
INSTITUT INDUSTRIEL DU NORD DE LA FRANGE.
-^ 101 — .
M. Gruson, inspecteur-général des Ponts et Chaussées qui, avec sa cordiale obli-
geance, veut nous faire lui-même les honneurs de son important domaine. Il va,
sans nous faire suivre les étages, nous montrer successivement chacune des trois
sections, de mécanique, de chimie et d'électricité qui constituent la division de
génie civil restant seule de Torganisation primitive.
Nous voyons d'abord un amphithéâtre de cours oii nous remarquons l'excellente
disposition des banquettes, présentant une courbure qui rapproche du maître les
élèves des extrémités et facilite l'audition par une position de face moins incom-
plète ; derrière les bancs, se trouve dans la même salle, fort grande du reste, un
gymnase peu compliqué qui sert de distraction hygiénique. Passant près du réfec-
toire situé au sous-sol, nous y descendons, et tout en remarquant la simplicité
austère de l'installation des salles où mangent 160 élèves, nous admirons l'extrême
propreté et l'ordre qui régnent dans l'immense cuisine dont les nombreux et
vastes ustensiles nous font supposer que les cuisinières ont de robustes appétits
à satisfaire. Un tambour que nous venons d'apercevoir, nous indique que les
commandements en exécution du règlement journalier se font au son de cet
instrument.
En remontant, nous entrons dans l'aile gauche où est installée la section de
mécanique. Dans chacune des .3 sections l'enseignement se divise en 3 années ; la
première est toujours la plus nombreuse, car les difficultés croissantes des études
amènent des éliminations volontaires et une sélection par les examens de fin
d'année, dans lesquels il faut obtenir un minimum de 12 points pour passer dans
le cours de l'année suivante ; cependant on peut être autorisé à doubler les années
de cours. 11 y a quelques cours et exercices pratiques qui sont communs à plu-
sieurs sections. Un cours préparatoire est organisé à l'intention de certains élèves
qui désirent fortifier leur instruction pour être mieux disposés à l'étude du pro-
gramme des 3 années.
Nous visitons au premier étage une salle d'étude où travaillent les élèves de
troisième année qui vont obtenir leur diplôme, puis une salle de conférences où
sont les élèves de seconde année de génie civil ; nous y remarquons un boursier
nègre du Ministère des Colonies, venu de l'École des Arts et Métiers de la Mar-
tinique.
Nous voici maintenant dans la salle d'étude des élèves de première année qui
sont bien nombreux, mais sur une cinquantaine environ, la moitié à peu près
arrivera au diplôme d'ingénieur civil ; beaucoup d'autres n'auront qu'un certificat
de capacité.
Nous remarquons dans toutes les salles l'éclairage électrique qui a été installé
par les élèves de la section d'électricité.
Nous descendons alors au rez-de-chaussée où se font les cours pratiques ; voici
un atelier de menuiserie, où des élèves font des travaux imposés et parfois d'autres
dus à leur initiative ; c'est la modèlerie contenant une raboteuse mécanique,
5 tours à bois et 16 établis do menuisier. Puis voilà Vatelier d'ajustage, avec rabo-
teur, fraiseuse, perceuse, mortaiseuse, étaux-limeurs, tours à chariot et de préci-
sion, cisaille, meule, etc., que la vapeur met en mouvement et de plus 40 établis
avec étaux à pied. Plus loin, est une salle d'essais avec 2 machines, une de 5 tonnes
verticale et une de 10 tonnes horizontale pour les essais des métaux par traction,
compression et torsion ; on y essaie aussi tous les matériaux : bois, pierre, briques,
etc. On y a essayé une série de fers destinés à la confection des tabliers de ponts
pour le Métropolitain et d'autres devant servir pour le pont Alexandre 111 entrepris
par la Compagnie de Fives-Lille. Nous assistons à l'essai d'un barreau ou éprou-
vette de 200 "/m à peu près de longueur ; elle résiste bien à 6.000 k"' de traction.
— 102 —
ne gagnant que 0 "/m ; à 7.200 k»' elle gagne 15 ""/m, puis elle s'allonge avec une
progression bien plus rapide, de 30 ""/ai sous un effort de 7.620 k»% enfin de 42 "/m
par une traction de 7.680 k»% se brisant alors avec un bruit sec. M. Codron, le
Directeur si expérimenté des travaux pratiques nous explique obligeamment ces
opérations dans tous leurs détails et nous guide dans tous les autres ateliers. Il
nous montre une machine de son invention pour essayer les métaux, elle figurera
à l'Exposition de 1900, et un nouveau moteur à pétrole construit par un élève.
Nous entrons dans une salle où les nombreux élèves du cours préparatoire font
des croquis de pièces mécaniques. Nous passons par la salle oif 4 dynamos tra-
vaillent maintenant à charger la batterie d'accumulateurs de 92 éléments « Tudor »
qui fournit l'éclairage de la soirée et au besoin une force motrice à divers labora-
toires. Il V a dans cette saUe tous les appareils concernant la production de l'élec-
tricité, la mesure de tension, etc., qui servent aux démonstration. Un moteur à gaz
de 35 chevaux actionne directement une dynamo à 4 pôles de 180 ampères à
110 volts : il y a aussi un alternateur Siemens.
Voici maintenant la machine à vapeur motrice, près de laquelle des élèves sont
occupés à vérifier la stabilité de la marche avec un appareil automatique qui trace
des diagrammes indicateurs que l'on calcule avec le planimètre d'Amsler. A côté,
se trouve la salle du générateur semi-tubulaire Meunier de 50 ""^ de surface de
chauffe avec réchauffeurs et épurateur d'eau d'alimentation ; les élèves chauffent
par les nouveaux foyers Meldrum dont le tirage artificiel est opéré par des injec-
teurs spéciaux d'air et de vapeur sur des grilles à barreaux peu espacés, ce qui
permet de brûler activement et avec profit des fins charbons. Nous sommes ici dans
l'annexe que suit une cour oii est une forge à 8 foyers avec soufflerie mécanique
qui sert aux élèves pour confectionner ou remettre en état leurs outils, car on les
initie à tous les travaux, même les plus modestes, qu'il peut être utile de ne pas
ignorer dans leur profession.
Nous visitons ensuite l'étage où est l'atelier de filature et de tissage nouvellement
réinstallé ; nous voyons là un grand nombre de machines à travailler le coton, le
lin, la laine et la soie qui ont été offertes ou prêtées par la Société alsacienne de
constructions mécaniques ; voici une peigneuse qui vient des ateliers de Belfort,
une autre des ateliers de Mulhouse, il y en a pour environ 30.000 fr. Voici une
salle où sont les machines pour peigner le lin, d'autres pour le filer au sec et au
mouiUé ; outre ces machines à teiller, peigner, carder, filer, etc., il y a 10 métiers
à tisser mécaniquement, 10 à tisser à la main et des appareils pour les essais des
fils.
Nous passons alors dans la section de chimie, logée dans l'aile opposée à l'en-
trée, là où nous avons vu l'horloge et où il n'y a pas d'étage. Voici un laboratoire
où M. Duvillier dirige les travaux pratiques des nombreux élèves de première
année ; on y étudie les propriétés du bicarbonate d'ammoniaque ; la salle est vaste,
mais le parfum qu'on y triture est pénétrant, il n'a rien de précisément agréable,
surtout pour les dames qui ont désiré nous accompagner, soucieuses, peut-être, de
l'avenir de leurs fils. Dans la salle de seconde année, les élèves sont appliqués à
établir le dosage du fer et du manganèse dans du minerai, dont chacun a reçu un"
morceau. Dans un troisième laboratoire, les anciens cuisinent également des
substances peu appétissantes ; partout des balances, des appareils à distiller, des
fours à moufles, des étuves, des fourneaux à hottes et appels de tirage et de ven-
tilation perfectionnés servent aux expériences avec une multitude de ballons, de
cornues, de verres à réactions, d'éprouvettes, etc., etc. Le laboratoire du chef des
travaux, M. Guenez, l'éminent chimiste du laboratoire des Douanes, est un sanc-
— 103 —
tuaire où ne pénètrent pas les élèves, il termine la série des installations dans cette
aile construite il y a deux ou trois ans.
Nous voyons en passant une grande salle de récréation ; vide, elle nous intéresse
moins que ceux qui en usent et nous gagnons dans l'aile droite la section d'élec-
tricité dont l'électricien bien connu, M. Henneton, est chef de laboratoire. En ce
moment, nous voyons une équipe de deuxième année occupée, sous la direction du
professeur, à souder des câbles ; chacun fait son travail à son banc, avec ses outils,
son étau, son fer à gazolinc, ses pinces et ses bouts de câbles. On nous montre
une grande dynamo-réceptrice Gramme do 40 ampères, puis une petite et d'autres
appareils, tous construits et montés par les élèves. Nous voici dans la salle de
photométrie, où l'on étudie les appareils d'éclairage, puis dans le laboratoire, où
les élèves de troisième année se livrent à l'opération délicate du réglage des lampes,
chaque élève a la sienne sur laquelle il travaille ; nous saluons parmi eux le
major-général de l'école, qui espère mériter et recevoir la grande médaille d'or
qu'offre chaque année la Société Industrielle. Une subdivision fi^it la critique de
l'éclairage installé à l'école par des prédécesseurs et indique les corrections à faire.
Nous passons dans l'amphithéâtre de physique et à travers la salle des appareils
qui servent aux démonstrations et aux travaux, puis nous pénétrons dans le labo-
ratoire de microbiologie industrielle installé par M. Rolants, pharmacien supérieur,
chef du laboratoire des fermentations industrielles à l'Institut Pasteur ; il enseigne
aux chimistes de troisième année le mystère des fermentations qu'ils étudient :
les fabrications de l'alcool, de la bière, du pain, etc. ; là encore des microscopes,
des étuves spéciales et de la verrerie à profusion servent aux travaux.
Enfin pour tout connaître, nous devons une visite aux dortoirs de l'internat
situés à l'étage de l'aile droite où nous sommes. Nous les traversons ; ils sont
supérieurement installés ; ce sont de vastes salles bien aérées divisées par des
cloisons en bois hautes de 2 mètres en petites chambrettes ouvertes par le haut,
ayant chacune leur porte sur un corridor central ; l'ameublement est restreint mais
bien suffisant : un lit, une haute armoire pour vêtements, une armoire au linge,
plus basse et servant de lavabo, une table, un escabeau et il reste place pour une
malle. Quant au décor, les élèves sont autorisés à épingler sur la boiserie, des
portraits ou des gravures convenables ; nous y remarquons de nombreux chromos
représentant ]M. Félix Faure, le Tzar ou des événements coloniaux, ou bien encore
des fleurs et parfois aussi des machines ou des constructions métalliques renom-
mées, sans doute dans les chambres des plus ardents et infatigables piocheurs.
Il y a plusieurs escaliers d'accès à ces dortoirs en prévision d'incendie.
Nous terminons notre visite par la bibliothèque (3.600 volumes) où les élèves de
troisième année trouvent des ouvrages précieux à consulter pour leurs travaux et
les professeurs des renseignements complémentaires pour leurs cours.
li'Institut Industriel, après de nombreuses péripéties et des modifications néces-
sitées par des réformes dans l'enseignement, n'a pas cessé depuis sa reconstitution
de prospérer d'une manière assez régulière, grâce au dévouement et à la haute
compétence de ses directeurs, habilement choisis parmi les ingénieurs de l'État.
Ces directeurs sont, depuis la création définitive de l'Institut : M. Masquelez, le
réorganisateur en 1872 ; puis M. Obry, ingénieur des Mines, en 1883 ; M. Etienne,
ingénieur des Ponts et Chaussées, en 1885 ; M. Soubeyran, ingénieur des Mines,
en 1886, et en dernier lieu, en 1892, M. Gruson, ingénieur en chef du Département,
maintenant inspecteur général des Ponts et Chaussées. Ces ingénieurs obtiennent
plus facilement que d'autres personnes le concours des professeurs des Facultés et
des ingénieurs leurs collègues, pour l'organisation supérieure des enseignements
théoriques et pratiques.
- 104 -
Causes et origines de l'Institut Industriel du Nord. — Derode nous dit
quelque part, qu'en 1751, la Chambre de Commerce de Lille demanda l'établisse-
ment d'un cours public de mathématiques et Victor Delrue constate, qu'en 1790, il
existait des classes de dessin, d'architecture et de mathématiques créées par les
membres du Magistrat. Plus tard, en 17^, le département du Nord obtint 3 des
écoles centrales créées par la Convention à raison de une par 300.000 habitants et
celle de Lille s'ouvrit en 1797. Elle prospérait avec 170 élèves, quand, le 11 floréal
an X (1" mai 1802), un décret remplaça ces écoles par des écoles préparatoires
aux Lycées. Enfin, les lois des 10 mai 1806 et 17 mars 1808 établirent l'édifice
universitaire, avec un Lycée à Douai et un Collège à Lillj, qui devint rapidement
égal, sinon supérieur, au premier ; cependant il ne fut reconnu collège royal qu'en
1846 pour être bientôt, par l'effet de 1848, créé Lycée républicain le 29 août 1850
et impérial en 1852, puis récemment appelé Lycée Faidherbe pour perpétuer le
souvenir d'un de ses plus glorieux élèves. Mais l'enseignement secondaire n'a
jamais pu répondre aux besoins du commerce et de l'industrie, même celui dit
« spécial » créé dans ce but et dont le programme ne contenait cependant rien de
technique, rien qu'un peu de développement des mathématiques appliquées; grande
était l'erreur, complet fut l'échec.
Depuis longtemps, des hommes éclairés s'intéressant à l'avenir commercial de
notre cité, songeaient à la nécessité d'établir des cours répandant des connais-
sances scientifiques propres à développer le progrès de l'industrie. Aussi, en 1817,
on vit à Lille s'ouvrir le cours communal gratuit de physique professé par Dele-
zenne, et en 1823, celui de chimie industrielle professé par Kuhlman, élève de
Vauquelin ; puis, en 1829, on créa des cours de dessin linéaire, de géométrie et de
mécanique appliqués aux arts, et on parla déjà d'une École d'Arts et Métiers, sem-
blable à celle de Châlons ; l'idée a mis un demi-siècle à se réaliser.
Lors de la création de la Faculté des Sciences, le 22 août 1854, les professeurs
Pasteur, Lamy, Mahistre et Lacaze-Duthicrs, ce derniersurvivant seul aujourd'hui,
répandirent à flots la science par des cours publics qui eurent la plus grande vogue,
comme je l'ai dit jadis à propos de l'Université de Lille en 1896. Ce fut surtout
à partir de la création de cet enseignement supérieur que de nombreux jeunes
gens, industriels par destination, ayant puisé à volonté des connaissances théo-
riques approfondies avec un peu de pratique, se livrèrent selon leur imagination, à
l'étude des perfectionnements nécessaires à l'industrie et le progrès marcha à
grands pas. Rapidement aussi on sentit la nécessité de coordonner les nombreuses
méthodes et découvertes, de les corriger et de les perfectionner l'une par l'autre ;
c'était le besoin d'un enseignement nouveau qui surgissait impérieux, il fallait
spécialiser et rendre plus techniques les cours scientifiques destinés aux futurs
industriels et à leurs collaborateurs.
Dès le l*' octobre 1854, s'ouvrit une Ecole professionnelle subventionnée par la
ville et le ministère de l'Instruction publique, mais son enseignement fut trouvé
trop théorique, elle n'eut point de succès et elle laissa en deux années un passif
important (42.000 fr.), elle n'avait que 12 pensionnaires. Le Préfet décida le Ministre
à tenter un nouvel effort, la ville loua les bâtiments historiques de la rue du
Lombard, appartenant aux Hospices et rattacha la nouvelle École professionnelle
à l'École primaire supérieure qui existait depuis 1837, organisée un peu après la
loi de juin 1833 (ministère Guizot). D'après le programme, les élèves suivaient,
pendant les deux premières années, les cours de cette École supérieure, complétés
par des leçons pratiques ; mais pendant la troisième année, l'enseignement profes-
sionnel était seul donné aux élèves suffisamment préparés pour le recevoir et en
profiter. Cependant, les encouragements espérés de la part du Conseil municipal
-7 lOÔ —
fu-rent absolument négatifs, et malgré la considération g-énéralc, méritée du reste,
dont jouissait le nouveau Directeur, M. Bernot, inspecteur primaire, les résultats
furent très médiocres, le nombre d'élèves resta insuffisant, et en 1860, rp^cole fut
sur le point d'être fermée.
C'est alors que fut créé, sous le patronage de la Société des Sciences, le cours
public pour les chauffeurs, lequel a reçu depuis une grande extension.
Le Directeur de l'Ecole professionnelle, toujours plein de courage et de ténacité,
réorganisa de nouveau le programme des études et donna à son œuvre le nom
d'Ecole impériale des Mines et des Arts industriels. On augmenta le prix de la
pension, ayant maintenant en vue l'instruction préparatoire des fils d'industriels
pour : 1° la construction des machines ; 2" la filature et le tissage ; 3" la chimie
industrielle et agricole. L'enseignement fut de deux années se complétant par une
troisième affectée à Tétudc des mines et de leur exploitation ; l'examen d'entrée
portait sur les matières du Ijaccalauréat ès-sciences. Lille récompensa tant de per-
sévérance en accordant la restauration du local et 1.000 fr. de gros mobilier ; le
département, de son côté, vota 7.000 fr. de bourses. Le nombre des élèves arriva
vite à 60, mais ne put dépasser 90. La funeste guerre de 1870 amena une nouvelle
décadence et les Ecoles techniques de Mulhouse nous furent enlevées en même
temps ; notre région industrielle s'inquiéta de cette situation et on se tourna vers
l'Etat pour qu'il créât une École professionnelle, mais toute insistance fut vaine.
Alors, la ville et le département, dans un élan de ce patriotisme général dont les
effluves semblaient alors saturer l'air, s'occupèrent avec dévouement de la question
et chargèrent M. Masquelez, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, directeur
des travaux municipaux, d'aller étudier en Alsace et en Belgique, les Ecoles
industrielles.
Dès 1872, cet éminent ingénieur déposa non seulement un rapport, mais un
projet et bientôt, par un accord heureux et profitable des initiatives, daté du
5 octobre 1872, l'Institut Industriel et Commercial du Nord fut créé et il fut décidé
qu'un essai de 3 années se ferait dans l'ancien local de la rue du Lombard pendant
la construction et l'installation de nouveaux bâtiments ; l'inauguration de l'Institut
actuel eut lieu en effet en octobre 1875. M. Masquelez, nommé Directeur, réussit
par un dévouement égal à son habileté, à réunir un personnel de haute valeur et à
établir dès le début jusqu'à 19 sections d'enseignement. On constata bientôt que
l'on était cette fois sur la bonne voie et que le local allait être insuffisant ; heureu-
sement, on avait eu une cor fiance prévoyante, le 2 septembre 1873 la ville avait
adopté une convention avec le département, par laquelle elle donnait 7. 016 ""^ de
terrain évalué 380.000 fr. à 50 fr. le mètre, pendant que celui-ci votait 700.000 fr.
pour la construction et le matériel de l'Institut actuel. Tandis que, dans la rue du
Lombard, la surface de toutes les salles consacrées à l'enseignement était de
1.349 "^, elle était de 4.413 m '"-, c'est-à-dire presque quadruple dans l'Institut
nouveau.
A l'instigation de M. Masquelez, la Société Industrielle de Lille accorda 5.000 fr.
pour compléter le premier outillage ; cette largesse donna lieu à des espérances
qui furent déyues ; mais le Ministre du Commerce alloua des subventions s'élevant
jusqu'à 10.000 fr., et le succès s'affirmant fit naître l'enthousiasme : Calais, Valen-
ciennes, Tourcoing, Denain, la Chambre de Commerce de Dunkerque firent comme
Lille et créèrent de nombreuses bourses, puis le Pas-de-Calais, la Somme et l'Aisne
imitèrent le Nord en votant des subventions.
L'Institut courut cependant encore une fois un danger; en 1874, l'Etat voulant
établir à Lille une Ecole d'Arts et Métiers, on proposa au Conseil général la sup-
pression de l'Institut ; heureusement, les nombreux industriels de la région
— lOti -
s'émurent et prouvèrent qu'il n'y avait point de double emploi et que les 2 écoles
ne pouvaient que se compléter pour former un système plus perfectionné d'ensei-
gnement industriel théorique et pratique, on s'en est convaincu depuis lors. Du
reste, l'École Impériale Technique de Moscou qui reçut un grand diplôme d'hon-
neur à Paris à l'Exposition de 1878, est depuis longtemps la preuve de cette asser-
tion, mise en pratique également à Liège, à Zurich, à Philadelphie, à Boston, etc.
La protection efficace et l'appui donnés à l'Institut Industriel provoquèrent son
développement. Ouvert avec 15 élèves en 1872, il en eut 102 en 1878 et 172 en
1891 ; il en a aujourd'hui 275, y compris 136 pensionnaires, car après la construc-
tion des laboratoires de chimie au moyen des 27.684 fr. votés par le Conseil général
en mai 1878, on reconnut la nécessité d'un internat pour lequel le Conseil général
vota 76.500 fr. en 1883 ; il contient 121 places et coûta 85.000 fr.
A l'origine, l'Institut comprenait trois enseignements, concernant l'Industrie,
l'Agronomie et le Commerce ; en octobre 1881 on supprima l'enseignement com-
mercial, on le rencontre maintenant très développé ailleurs. En octobre 1884, on
comprit la section d'agronomie dans le génie civil comme se rapportant à la chimie
appliquée, puis en 1886 on la supprima tout à fait, de sorte qu'il ne resta qu'une
école seulement industrielle, la section des mines ayant cessé aussi d'être spécia-
lisée en 1884.
En 1887, un incendie détruisit en partie les ateliers, on en profita pour effectuer
des agrandissements reconnus nécessaires; tissage, filature, ajustage, forge,
modèlerie, furent réinstallés avec tous les perfectionnements nouveaux et agrandis.
En 1885, l'Institut avait obtenu à l'Exposition d'Anvers un diplôme d'honneur
et trois professeurs chacun une médaille d'or de collaborateur ; et en 1889, l'Ins-
titut, placé en concurrence avec l'Ecole centrale, mérita une grande médaille d'or.
Enfin en 1895, on jugea nécessaire de faire subir une dernière modification à
l'organisation des études, la division de technologie fut supprimée en partie, on
laissa subsister la première année comme préparatoire au génie civil, et dans cette
dernière division, l'enseignement des arts textiles fut très réduit, on ne conserva
guère que l'atelier de filature et de tissage pour les exercices pratiques destinés à
donner aux élèves des notions générales sur ces deux industries que tout ingénieur
dans le Nord doit connaître. L'administration de l'Institut avait constaté que les
filateurs préféraient à nos jeunes ingénieurs, de vieux praticiens, les plus habiles
contremaîtres, pour en faire des directeurs.
Par contre, en 1892, voyant l'importance considérable que prenaient les applica-
tions de l'électricité, on décidait de créer une section pour leur étude, st le 26 août,
le Conseil général votait 20.000 fr. pour cette nouvelle installation, que nous avons
vu très complète.
Tel est resté l'enseignement essentiellement industriel destiné à former des
ingénieurs civils et des directeurs d'usines pour les industries de la région. Aux
leçons orales sont joints des cours de dessin, des manipulations de chimie indus-
trielle, de teinture, etc., et des exercices pratiques pour tout ce qui concerne la
mécanique et les installations électriques; de plus, des visites dans les établis-
sements industriels, aussi répétées que possible, complètent admirablement le
programme.
Les cours sont faits par des professeurs distingués des Facultés et des ingénieurs
des Mines et des Ponts et Chaussées, tandis que des ingénieurs praticiens habiles,
dirigent les travaux des ateliers et des laboratoires.
Il ne subsiste donc que la division dite de génie civil (type ICcole centrale),
divisée en 3 sections : mécanique, chimie et électricité, ayant chacune 3 années
d'études, dont la première est commune. Les jeunes gens qui désirent se bien pré-
— 1U7 —
parer à l'examen cradmission peuvent commencer par entrer dans la section pré-
paratoire qui forme ainsi une quatrième année. Il faut satisfaire à chaque examen
de fin d'année avec la note 12 au moins, pour être admis dans la classe supérieure,
on peut être autorisé oependant à doubler une fois les cours. A l'examen de sortie,
on reçoit le diplôme d'ingénieur civil moyennant la note 15 au minimum, ou bien
un certificat de capacité de génie civil pour les notes s'abaissant de 15 à 13. Tous
les élèves, externes, demi-pensionnaires ou internes sont soumis à une même dis-
cipline inflexible, mais qui n'est ni dure ni compliquée, celle qui est nécessaire
pour permettre des études fructueuses et former en même temps de bons citoyens.
L'internat coûte 1.000 fr., la demi-pension 700 et les frais d'études des externes sont
de 400 fr.
Pour aider au développement de l'Institut, surtout depuis que l'on a reconnu les
mérites de son organisation et du plan des études, le département du Nord, outre
sa subvention annuelle de 20.000 fr., a fondé 21 bourses ; celui de l'Aisne, H ;
celui du Pas-de-Calais, 9 ; la Somme, l'Oise, la Sarthe et même Alger en ont créé
quelques-unes. Lille en a fondé 32 ; Valenciennes, 2 ; Toulouse, St-Dié, le Lycée
de Laval, les Mines de Lens, le Chemin de fer du Nord et la Chambre de Commerce
de Dunkerque chacun la leur, et l'Association des anciens Élèves en a fondé 3 ,
l'État lui-même est venu ajouter 13 bourses, 11 par le Ministère du Commerce et 2
par celui des Colonies.
Le budget annuel des recettes est d'environ 250.000 fr., qui équilibre celui des
dépenses, dont les principales ont pour objet la nourriture des élèves, les fourni-
tures des ateliers et laboratoires, puis le personnel enseignant.
Les sacrifices encourageants que nous venons de citer, en assurant la prospérité
de l'Institut, ont été utiles à une foule de jeunes gens intelligents mais sans for-
tune, leur permettant de conquérir par leur travail une situation aussi profitable
au pays qu'à eux-mêmes.
Mais ce qui est regrettable c'est que l'État, d'après la loi du 15 juillet 1889, n'ait
pas encore cru devoir accorder aux élèves de l'Institut Industriel, comme à ceux
de l'École des Arts et Métiers et de l'École de Commerce, la dispense de deux
années de service militaire ; [cependant, depuis {la création des certificats d'études
supérieures que confère la Faculté des Sciences, les , élèves de l'Institut peuvent
songer à acquérir trois d'entre eux qui correspondent à des cours faits et obtenir
ainsi le diplôme de licencié ès-sciences qui donne droit à la dispense susdite ; il faut
néanmoins perdre du temps et aller à l'Université.
Les élèves diplômés trouvent facilement dès leur sortie de TÉcole une situation
rémunératrice, parfois même brillante dès le début, grâce à la Direction et aussi à
l'Association amicale des anciens Élèves, constituée en 1879 (elle compte 800
membres environ et a son siège rue Faidherbe, 17; les élèves présents ont leur
cercle boulevard de la Liberté, 58). Il est parfois préférable cependant pour les
sortants de choisir d'abord un emploi modeste dans un important établissement
sous une direction habile, oii ils ont beaucoup à gagner en expérience, surtout s'ils
se destinent à retourner ensuite dans un pays éloigné, car si les élèves sont en
général du Nord, il y en a de tous les points de la France comme aussi do
l'étranger, surtout de la Belgique, de la Russie et de l'Amérique. Nombreux aussi
sont les fils de familles notables et distinguées, on y a vu le neveu du Président
de la République d'Haïti, un Roumain fils de député et encore aujourd'hui s'y
trouve le fils du Ministre de la guerre de Roumanie, sans parler par discrétion des
jeunes gens de notre pays. 11 sort chaque année de 35 à 45 élèves diplômés, dont
les 9/10 se consacrent à l'industrie.
Comme je l'ai raconté, des péripéties bien décourageantes et de sérieux obstacles
— i08 —
ont signalé la création désirée à Lille d'une Ecole Industrielle ; il a fallu toute
l'énergie et toufe la ténacité de l'inspecteur primaire M. Bernot, toute l'habileté et
la persévérance des premiers directeurs, pour fonder et modifier selon les néces-
sités du commerce et de l'industrie, l'Institut devenu aujourd'hui si prospère que
notre distingué concitoyen, M. Gruson, inspecteur-général des Ponts et Chaussées,
auquel on doit le merveilleux ascenseur des Fontinettes, dirige maintenant depuis
1802 avec le talent qu'on lui connaît, doublé d'une paternelle aménité qui tempère
une juste et nécessaire sévérité.
L'Institut Industriel renferme aujourd'hui 275 élevés, dont 136 pensionnaires, et
il n'y a que 160 places ; si la prospérité continue à s'accentuer il faudra augmenter
les constructions.
Enfin, en terminant notre intéressante visite qui a duré plus de deux heures,
nous remercions M. Gruson de son bienveillant accueil et de l'amicale considération
qu'il a eue pour notre groupe en voulant bien nous guider lui-même. Nous adres-
sons de même nos remerciements à ses collaborateurs éclairés, MM. Bienvaux,
l'ingénieur sous-directeur, M. Rouquette, l'inspecteur principal et M. Godron, ingé-
nieur-directeur des travaux pratiques, qui nous ont accompagnés et renseignés ;
puis nous quittons l'établissement que la plupart d'entre nous ont visité avec un
grand intérêt, entre autres M. Koriki Nahiro, professeur à Tokio (Japon), présenté
par notre collègue M. Théodore Bon, directeur de l'Ecole Industrielle de Tourcoing.
Gomme on le voit, l'Institut Industriel de Lille est devenu une école modèle
dont le succès n'a point encore d'égal en France ; à Lyon, l'Institut similaire
réunit à peine 60 élèves, tandis que le nôtre peut être considéré comme un émule
de l'Ecole Gentrale.
Il est vrai qu'on ne saurait se préoccuper plus activement qu'on ne le fait à Lille
de favoriser le développement des aptitudes diverses des jeunes gens intelligents
et travailleurs ; on ne leur laisse pas oublier quun travail opiniâtre vient à bout
de tout, et on s'efforce de mettre à leur disposition tous les moyens nécessaires
pour lutter avec avantage sur le champ de bataille du commerce et de l'industrie,
le seul digne des nations civilisées ; là, vainqueurs et vaincus profitent de l'effort
qu'ils ont su produire et le lutteur qui prospère fait la richesse de sa patrie en
même temps que la sienne, car lui c'est elle.
Puisse ce modeste rapport rencontrer beaucoup de lecteurs patriotes qui répéte-
ront volontiers aux quatre vents que si Lille a obtenu une Université qui brille
d'un vif éclat, si elle a un Institut Pasteur oii la science sait vaincre l'inexorable
Parque, elle possède aussi, outre les nombreux établissements libres qui sont une
cause d'émulation, de grandes Ecoles de Gommerce et d'Arts-et-Métiers et un
Institut Industriel oii des professeurs de la plus haute compétence forment des
chefs habiles pour conduire à la victoire nationale la grande armée des travailleurs
et lui donner le bien-être pour la gloire du pays. La France, avec la noblesse de
sentiments qui la caractérise, sait mener de front tous les devoirs et protéger
également chez ses enfants la culture de l'esprit, les qualités du cœur et les intérêts
matériels ; cuique suuni.
Lille, Avril d899.
E. Gantineau,
Archiviste de la Société.
— 109 —
LIANGOURT, CHANTILLY, SEVRES
VERSAILLES.
Excursion du 15 au 18 Avril 1899.
Directeurs : MM. P a li. i e z-G o lin et Galonné.
Gette excursion réunissait un joyeux groupe d'une trentaine de personnes.
Départ de Lille à 7 h. 55 du matin.
Le démantèlement de Douai et d'Arras a bien changé Faspect de ces villes
qui, maintenant, se dessinent coquettes aux yeux des voyageurs. La nouvelle gare
d'Arras jette aussi un air de gaîté sur ce trajet monotone.
A Longueau, après une légère collation au buffet, nous prenons le train qui doit
nous conduire à Liancourt ; pendant deux heures , défilent devant nous une
quantité de stations qui augmentent de jour en jour : Boves avec son château eu
ruine sur une hauteur ; Dommartin, Ailly-sur-Noye, La Faloise, Breteuil, Gannes ;
St-Just-en-Ghaussée ; Glermont, sur un coteau riant dominé par un château trans-
formé en prison de femmes.
Il est midi lorsque nous arrivons à Liancourt ; un bon déjeuner nous attend à
THôtel du Gheval-Blanc. Au dessert, M. Palliez-Golin porte un toast à M. Paul
Grepy, l'honorable Président de la Société de Géographie de Lille.
Nous nous rendons à la Manufacture de chaussures de Liancourt, située à
quelque cent mètres de l'Hôtel.
MM. les Administrateurs, ayant à leur tête notre collègue M. Ed. Desurmont,
de Seclin, Président du Conseil d'administration, nous reçoivent à l'entrée de
l'établissement, et pour nous rendre compte du degré de perfection de leur
industrie , font mettre en fabrication , devant nous, une paire de « Richelieu
jaune, » dont nous avons pu suivre toutes les transformations jusqu'à son complet
achèvement, et ce pendant un laps de temps inférieur à 30 minutes.
D'un côté les semelles sont découpées à l'emporte-pièce, les bords en sont relevés
en partie pour le logement de la couture ; une langue de cuir est détachée au talon
pour la reporter à la semelle proprement dite. De l'autre, les empeignes sont décou-
pées sur modèle dans les peaux ainsi que les languettes et épaisseurs nécessaires à
la partie lacée. — Ici les empeignes sont doublées , puis des machines à coudre y
placent un ruban en bordure, là d'autres machines découpent les boutonnières et
les bordent.
La pose de l'empeigne sur la semelle se fait par une machine qui imite parfai-
tement le travail du cordonnier étirant l'empeigne sur la forme et la clouant sur la
semelle. C'est un enchevêtrement de leviers, carnes, pinces, travaillant en tous
gens et qui en fait une machine vraiment remarquable sous un petit volume.
Puis viennent la couture, le lissage de la semelle, son fraisage et toutes les
autres opérations qui donnent au .soulier le dernier lustre nécessaire et enfin
l'empaquetage.
— 110 —
Plus de 3CK) machines de tous genres travaillent dans un bâtiment de 4.000 mètres
offrant un coup d'œil magnifique. Dans la salle des machines sont installées deux
mcichines à vapeur Corliss de la force de MO chevaux, actionnant 500 mètres- .
de transmissions disposées en 5 lignes parallèles.
MM. les Administrateurs ont voulu que nous conservions de notre visite à leuf
bel établissement un agréable souvenir : après avoir otîert aux dames une paire
de chaussures à leur choix, ils font servir le Champagne. Dans un speech plein
d"à-propos, M. Palliez-Colin félicite la Direction et l'Administration de Finstallation
de leur usine et leur adresse les remerciements de tous pour leur cordiale et si
aimable réception ; après avoir bu à la prospérité des Manufactures de Liancourt^
nous regagnons nos voitures qui enlèvent la caravane dans la direction da
Chantilly.
Nous passons devant la statue du duc de La Rochefoucauld-Liancourt, membre
de la Constituante en 1789, économiste et agronome distingué, illustre également
par sa philanthropie.
Nous traversons Magneville, Monchy-St-p]loi, Nogent-les- Vierges, pour arriver
à Creil ; du pont du chemin de fer nous découvrons le panorama de la gare, une
des plus importantes du réseau. C'est là que déjeunes époux, fètan,t leur première
journée de bonheur, ont été étonnés de recevoir les vœux un peu bruyants des
habitants du Nord.
Creil (8.000 habitants), est très mal bâtie et coupée en deux parties par l'Oise
que nous traversons sur un beau pont en treillis.
A la sortie de Creil, nos chevaux montent mélancoliquement la longue côte qui
conduit de l'Oise au plateau de la Haute-Pommeraie ; nous suivons une route
droite et silencieuse oti les faisans se promènent sans crainte du chasseur.
Dans le lointain, à gauche, se dresse l'immense château que les Rothschild se
sont fait construire à St-Maximin, sur un coteau dominant l'Oise.
Bientôt nous obliquons dans la forêt espérant jeter un coup d'œil sur le
magnifique château de Chantilly ; mais une pluie battante vient refroidir notre
enthousiasme. D'ailleurs, le temps nous presse et nos pauvres coursiers épuisés,
excités par les voyageurs consultant leur montre avec inquiétude, n'ont aucun
répit, et c'est à peine si, à travers l'ondée diluvienne, nous apercevons les écuries
des Condé et la pelouse. Pour terminer cette promenade de 20 kilomètres, nous
devons brûler Chantilly afin de trouver en gare l'express arrivant à Paris à 6 h. 45
du soir.
Après l'installation à l'hôtel et le dîner, chacun reprend sa liberté et peut choisir
parmi les nombreux plaisirs qui sont otierts aux voyageurs dans notre belle
capitale.
Le lendemain, à 9 h. 1/2, le bateau du Louvre à Suresnes nous transporte à
Sèvres. En face de notre point de départ les quais sont bouleversés par les travaux
du prolongement de la ligne d'Orléans à la gare du quai d'Orsay, et un peu plus
loin par les chantiers de cette nouvelle gare.
Le pont Alexandre III nous laisse voir la membrure de sa magnifique arche
surbaissée. — A droite, nous apercevons les travaux des palais des Champs
Elysées, ainsi que les originales constructions assez avancées de la reconstitution
du vieux Paris en 1400 ; à gauche, la tour Eiffel, toute bariolée par des essais de
peinture, domine les travaux en cours pour la prochaine Exposition ; dans le
lointain, la Grande Roue de Paris, dessine sa silhouette dans l'horizon. Voici le
Point du Jour et l'imposant viaduc d'Auteuil.
Bientôt devant nos regards s'étale un des plus beaux panoramas des environs
de Paris : Meudon avec ses villas étagées sur des coteaux, Le Val et un horizon
•— 111 —
de forêts ; nous débarquons à Sèvres, et gagnons de suite la Manufacture nationale
de porcelaine qui est peu éloignée. Par un privilège tout particulier, l'heure d'ou-
verture avait été avancée de raidi à 10 heures.
On nous introduit dans la salle d'exposition des produits de la Manufacture.
Que .dire des œuvres artistiques si variées qui sortent de l'étîiblissement ; c'est
à juste titre qu'elles jouissent d'une faveur marquée dans le monde entier.
Sont là, à côté de vases d'une valeur de l.(X)Û à 15.000 fr., des objets de fantaisie
de toutes formes portant le double cachet de distinction et d'élégance qui carac-
térise le génie français.
Quelques tableaux sur porcelaine d'un fini et d'un coloris sans pareils, chefs-
d'œuvre d'un genre qui ne se fabrique plus, et qui d'ailleurs ne sont pas mis en
vente. Quelques-uns ont coûté 50.000 fr. pour leur fabrication.
Comme notre visite se faisait le dimanche, nous avions cru impossible de voir
les ateliers, mais le Directeur de la Manufacture, prévenu, nous réservait une
surprise bien agréable. Il nous dirigea lui-même, à travers les ateliers de moulage,
de séchage et de cuisson de la porcelaine et fit exécuter devant nous le tournage
d'un vase et le coulage d'une tasse à café.
Nous montons au musée céramique qui occupe tout le premier étage du
bâtiment principal : Poteries antiques du Moyen-Age et modernes, mates et lustrées
de tous pays, poteries vernissées, grès cérames et faïences émaillées depuis l'in-
vention jusqu'à nos jours, également de tous pays, porcelaines tendres naturelles
et artificielles, porcelaines dures de Chine, de l'Inde et du Japon ; porcelaines de
Sèvres, de Limoges, de Saxe ; tableaux d'uçe finesse incroyable.
Un déjeuner nous est servi au café de la Terrasse.
.Te ne puis passer sous silence une poésie pleine de charme et d'esprit dans
laquelle l'auteur, M. Fidèle Didry, narre les différents points de notre excursion
et exprime à nos Directeurs les remercîments de tous leurs collègues. Nous
regrettons que M. Didry, toujours trop modeste, n'ait pas cru devoir nous confier
son pe.tit chef-d'œuvçe, malgré les instances de tous les excursionnistes.
Après ce moment de repos, une « tapissière » nous amène vers 2 heures au
château de Versailles par la large avenue de Paris.
Je n'entreprendrai pas la description du château et des collections historiques
qu'il renferme, ceci fait le sujet de livres spéciaux.
Il ne fallait pas, pendant les trois heures dont nous disposions, perdre un
instant pour jeter un coup d'œil sur l'ensemble des curiosités de Versailles.
Nous traversons le jardin pour atteindre le Grand-Trianon, que Louis XIV fit
construire pour M"" de Maintenon «t dont nous parcourons rapidement les salles
sous la conduite d'un gardien peu aimable. Nous traversons le Musée des Voitures,
dont la plus remarquable servit au sacre de Charles X. De retour au château
nous visitons le Musée, collection historique sans égale dans le monde entier,
ainsi que les somptueux appartements des rois. Notre visite s'est terminée par la
salle du Congrès.
Le chemin de fer de la rive droite nous ramène à Paris en passant par Viroflay,
Sèvres, St-Cloud, Suresnes, Puteaux, Courbevoie et Asnières. Cette ligne offre
de vastes panoramas de Paris, du Bois de Boulogne et du cours de la Seine ;
elle passe à l'extrémité de l'avenue qui fait suite en ligne droite à celles de
Neuilly, de la Grande-Armée et des Champs-Elysées commandées par l'Arc de
Triomphe de l'Étoile.
A 0 h. 1/2 nous sommes à la gare St-Lazare oii nous nous faisons nos adieux.
Paul Malard,
112 —
AU DELA D'ARMENTIERES (1).
LE PÈLERINAGE DE « GAPELLE-ROMPUE. »
Excursion du 4 Juin 1899.
Directeurs : ]MM. Van Troostenberghe et Galonné.
La première impression qui frappe, quand on traverse les paysages de la
Flandre agricole, cette « Lombardie prosaïque », c'est l'impression de vie plantu-
reuse, de sensualité lourde, de fécondité presque grossière. Le ciel y est trop
chargé de moiteurs, et la terre d'humus ; — trop d'engrais, dirait un plaisant. Les
feuillages y sont trop verts, et les tuiles des toits trop rouges, — trop de couleur,
et trop de santé, pourrait-on dire encore. Pareilles à ces mères opulentes et rubi-
condes, à la taille un peu épaisse, mais fraîches néanmoins, heureuses d'allaiter
sur leur sein quelque robuste enfant roux, la joie de la terre y éclate avec une
force merveilleuse, une belle impudeur quasi-païenne, à la Rubens. Le travail de
la sève n'y a rien de mystérieux ; on sent que la nature vit, qu'elle bout, qu'elle
tressaille. Et pourtant, cette exubérance n'exclut pas la grâce, — une grâce un peu
molle quelquefois. A certaines heures de la journée, quand une atmosphère
lumineuse et vaporeuse y enveloppe les contours, regardez ce paysage : tout y
prend des formes douces et arrondies, les collines à l'horizon s'y fondent en
courbes moelleuses, aux inclinaisons faciles (ne sont-ce' pas là encore, du reste,
ces « coteaux modérés » si chers au Boulonnais Sainte-Beuve ?) ; les rideaux
d'arbres, d'une seule venue, qui voilent les fermes et les pâturages, s'y estompent
de teintes violacées par l'éloignement, qui en font, de toutes parts, des ensembles
doux et séduisants à l'œil ; ces moissons blondes, blondes d'avoir bu avidement
la lumière du soleil, s'y inclinent au vent avec de longues ondulations soyeuses,
évoquant des idées de grâce autant que de splendeur. Et ces houblonnières,
ces vergers fleuris, ces herbages touffus oii paissent de grands bœufs somnolents,
ces chemins qui montent ou qui descendent, rayés d'ombre et de lumière, en zigzag,
entre des moissons, entre des haies, ces mamelons paisibles que surmonte un
clocher, un moulin, tout cela n'est-il pas varié, aimable, capable de ravir un peintre
ou un poète ? En sorte que la vision un peu brutale, un peu haute en couleur, du
début, s'y apprivoise et s'y achève presque en rêverie.
M""" d'Agoult, l'aristocratique amie de George Sand, s'était éprise insensible-
ment, elle aussi, de cette nature placide, oii « tout est calme et lenteur ». Elle y
trouvait « quelque chose d'indécis et de monotone, une sorte de silence pour l'œil,
qui lui donne la sensation du repos. » Et peut-être même pourrait-on, à la rigueur.
(1) Le but véritable de l'excursion élcTil le Mont de Kerainel. J'ose à peine écrire ici ce titre, craignant
éo passer avec juste raison, après tant d'autres, pour un ennuyeux rabâcheur.
T- 113 —
appliquer à nos paysages de Flandre ce qu'une poétesse anglaise disait dç la nature
du Nord en général : qu'elle laisse indifférent au début, mais « qu'un charme gra-
duel est en elle, qui s'insinue auprès de vous comme le ferait un chien ou un
enfant pour toucher votre main ou tirer votre robe. »
Ces réflexions, un peu tardives, j'avoue que nul d'entre nous ne se les était
faites, pendant cette belle et chaude après-midi de Juin, oii nous revenions en break
de la classique promenade à Kemmel. L'automédon silencieux, l'œil sur ses che-
vaux endormis, rappelait vaguement par son attitude celle du morne Hippolyte
dans le récit de Théramène. Sur l'impériale, nous causions de « l'Affaire » avec
animation ; et, à l'étage en-dessous, côté des dames, la gaîté ne semblait pas moins
bruyante. Nous n'étions ni des artistes, ni des poètes contemplatifs, ni même des
touristes véritables. Ce que nous étions venus cherchera Kemmel, — sous prétexte
de géographie — , c'était une journée de fugue, de flânerie en pleine nature, loin
du bruit, de la chaleur lourde et de l'atmosphère viciée des grandes villes indus-
trielles. Et nous revenions de « la montagne », les poumons imbibés d'air pur, les
mains pleines de fleurs et les poches de hannetons, attestant quelle avait
été pendant cette journée l'innocence de nos occupations.
Déjà le soleil commençait à s'abaisser, rendant la chaleur moins lourde. C'était
le jour de la Fête-Dieu. Pourtant," dans les localités que nous traversions, une
morne torpeur semblait régner encore. Et c'était toujours en apparence le même
village, ou plutôt la même grande bourgade, propre et riante, aux larges rues où
l'herbe pousse entre les pavés, toujours aussi la même place vaste, presque
immense, avec son kiosque, son humble maison de ville, faisant parfois l'office
d'auberge, et, tout près de là, l'église monumentale (La Commune, c'est moi), avec
son lourd beffroi quadrangulaire rehaussé d'un tout petit campanule.
A Neuve-Eglise, le dernier village traversé, un cimetière entourait l'église, sur-
plombait la place, la débordait, y projetait l'ombre de ses tombes blanches et de
ses frêles verdures : voisinage plutôt mélancolique que funèbre, et accepté sans
aucun doute par les vivants qui y trouvaient, en plein jour, un peu d'ombrage et
de fraîcheur. En face, cette enseigne de cabaret : A la Tranquillité. Et cette autre
plus loin, expliquant la première : Aux Bons Enfants 1 Dans chaque rue, le milieu
de la chaussée était jonché de pétales multicolores et de longues tiges de glaïeuls,
piétines par la procession du matin. Beaucoup de maisons étaient pavoisées. Et,
par les portes ouvertes, on apercevait de petites chapelles ornées de cierges, témoi-
gnages de piété naïve, humble, enfantine, qui faisait sourire. Et cela se prolongeait
sans fin, partout, jusque dans les champs oii trônaient de jolis reposoirs tout
pomponnés de fleurs, près de ces calvaires dont les croix bénisseuses.
Tendent leurs bras de fer par dessus les blés d'or.
Mais il n'y avait personne dans les champs, ni dans les villages, personne, sem-
blait-il, derrière les portes ouvertes, ni sur les seuils, pas même ce pauvre chien
dont parle Henri Heine, qui, dans les petites villes du Nord, implore le passant
d'un œil mélancolique, comme pour lui dire : « Homme bon, donne-moi, je te prie,
un coup de pied, afin de distraire un peu mon ennui »
Or, nous venions de quitter la douane belge, et nous approchions d'Armentières,
quand le mot de l'énigme nous fut révélé. A un croisement de la route nous aper-
çûmes la campagne en contre-bas, et, dans cette campagne, véritable fourmilière
humaine, des chemins noirs de monde, qui semblaient converger à gauche, vers
un point mystérieux de l'horizon. Il y avait là de tout, des hommes, des femmes,
des enfants, des vieillards, des paysans, des ouvriers endimanchés, des jeunes filles
— 114 —
surtout, endimanchées elles aussi (avec quelles robes et quels chapeaux, hélas '.)
et des mendiants, des vagabonds, des éclopés, des aveugles tournant leur orgue de
barbarie au bord des fossés, et des gens assis en cercle qui faisaient la dinette au
milieu des champs.
— Cocher, qu'est-ce que c'est que çà ?
— Messieurs, c'est le pèlerinage de « Gapelle-Rompue. »
— Eh bien, menez-nou^ voir votre pèlerinage.
Et nous voici changeant notre itinéraire, et obliquant à gauche pour rentrer en
Belgique, au milieu d'une foule de plus en plus grouillante. Des baraques foraines
occupaient maintenant les deux côtés de la route, faisant comme une rue étroite
au milieu de laquelle ce torrent humain avait peine à se frayer passage. Notre
voiture y avançait plus péniblement encore, malgré les jurons et les coups de fouet
du conducteur. La foule ne se rangeait qu'en murmurant, avec des poings tendu.s
et des protestations violentes.
Enfin nous atteignîmes la chapelle. C'était un édifice en brique, de la dimension
d'une petite église, avec un parvis tellement encombré de monde qu'on aurait cru
voir une mer, une forêt onduleuse de têtes, de bras et d'épaules. Et, dominant la
foule, un prêtre était là, en plein air, monté sur un banc ou une chaise, prêchant ,
gesticulant, un crucifix à la main, comme les moines dans les villages espagnols ;
et, derrière lui, il y avait d'autres surplis blancs, et, dans l'enceinte intérieure,
d'autres remuements de têtes et d'épaules, par dessus lesquels pâlissait, dans une
pénombre, l'étoilement des cierges devant l'autel.
Chercher à pénétrer dans le temple était inutile. Nous nous contentâmes, sans
quitter la voiture, d'interroger un vieil homme à gibus râpé, qui voulut bien nous
donner quelques détails plus ou moins historiques. Ces détails, les voici :
Un saint anachorète habitait autrefois la contrée. Sur les débris de son ermitage
fut construite, au XIP ou XlIP siècle, une chapelle, qui, restaurée plusieurs fois,
finit par tomber en ruines (d'où « capelle rompue »). Un jour, un laboureur trouva,
en remuant son champ, une vierge de bois, de provenance merveilleuse, croyait-on,
dont il fit don à la chapelle. Des miracles se produisirent alors, attribués, tantôt à
la vierge, tantôt au saint, et dont le bruit se répandit dans la contrée. Une dame
pieuse légua, en conséquence d'un vœu, une partie de sa fortune oour la recons-
truction de la chapelle, telle qu'on peut la voir aujourd'hui. Et les miracles conti-
nuant à se produire, chaque année, à partir de la Fête-Dieu, une foule de plus en
plus nombreuse accourt faire tme neuvaine au lieu saint : malades ou affligés qui
sollicitent la grâce, époux sans enfants, jeunes filles en quête d'un mari et
beaucoup d'et cœtera. Bien avant le lever de l'aube, les fidèles se pressent au
rendez-vous, et le temple ne désemplit jamais.
L'heure avançait, nous obligeant au départ. Mais toujours , pendant que nous
nous éloignions, le souvenir nous revenait de ce prêtre véhément, et de cette foule
bariolée et pittoresque, haranguée par lui. Ce déploiement de couleur locale, ces
pratiques de culte violent, ce prêche en plein air, cette mêlée encombrant le
temple, au point d'en chasser le prêtre lui-môme, tout cela, n'était-ce pas encore
l'esprit du Moyen-Age, légué à notre vieille Flandre par l'Espagne autrefois domi-
natrice, et dont on pourrait retrouver aujourd'hui bien d'autres exemples ?
Cependant, y avait-il parmi tous ces pèlerins une foi, une émotion sincère ?
Quelques-uns peut-être étaient des gens simples, des croyants venus des cam-
pagnes ; les autres, et ils formaient la grande majorité, ne semblaient venus là que
par occasion, comme nous-mêmes, pour se distraire, pour s'amuser.
Et comme toujours, dans ce pèlerinage, la kermesse, fête ecclésiastique par
excellence (kcrk-mess), la ducasse (dicatio, offrande faite à un saint) , battait
— 115 —
son plein le long des routes. Les boutiques, les tirs, les baraques à phénomènes,
les manèges de chevaux de bois, les loteries en plein vent, se succédaient. Et,
devant les auberges pavoisées, le long des tables abritées d'un auvent, chargées
de bière et de jambon, hommes et femmes riaient, chantaient, se bousculaient,
buvaient et festoyaient à l'envie, tandis que des odeurs épaisses de friture s'exha-
laient dans l'air, et que des papiers graisseux traînaient de toutes parts, sur l'herbe
des fossés.
Gomme nous étions loin des scènes paisibles et gracieuses du matin, de ces
blanches processions déroulant leur ruban à travers la campagne argentée de
lumière, évoquant pour nous, à l'heure où nous les regardions, certaines toiles du
maître paysagiste Breton ! Et néanmoins, en ce singulier pèlerinage, prétexte à
ripailles tapageuses, à beuveries gigantesques et pantagruéliques, ne retrouvions-
nous pas encore l'âme des aïeux ? Que l'on se reporte aux tableaux anciens des
Téniers ou autres ; que l'on regarde surtout, au Louvre, cette admirable toile de
Rubens qui a pour titre Fête pa,nnndc , on verra que rien n'a changé dans notre
pays depuis trois siècles.
Après tout, quel qu'en soit le lieu, il faut rire avec ceux qui rient. L'indignation
du censeur trop sévère, désarmée, doit toujours finir parla, en face de cette grosse
bonne humeur inépuisable qui est, au fond, l'âme du peuple.
« 11 faut que les masses s'amusent », dit Renan, qui fait suivre cet aphorisme
.de considérations peu orthodoxes, — étrangères d'ailleurs à la géographie.
Et le bon Renan a mille fois raison !
G. HOUBRON.
ÉPHÉMÉRIDES DE L'ANNEE 1898
AOUT.
i", — Philippines. — Les Espagnols attaquent le camp américain devant
Manille.
7. — Espagne. — Acceptation des conditions de paix par l'Espagne.
S. — Indo-Chine. — Décret supprimant la Cour d'appel d'Hanoï et modifiant
l'organisation supérieure.
iO. — Inde. — M. Curzon est nommé vice-roi.
iO. — Espagne. — Rédaction d'un protocole contenant les termes de la paix
ihispano-américaine.
ii_ _ Espagne. — Approbation du protocole par le conseil des ministres amé-
ricains.
i2. — Philippines. — Signature à Washington des préliminaires de paix. L'Es-
pagne abandonne Cuba, Puerto-Rico, l'île de Guam. La question des Philippines
£St réservée.
i3. — Philippines. — Le général Meritt attaque Manille qui capitule.
20. — États-Unis. — Réception de l'escadre de l'amiral Sampson à New- York.
2i. — France. -— Mort à Plombières du lieutenant de vaisseau Victor Giraud,
explorateur aux grands lacs africains.
— 110 —
23. — France. — Anniversaire de la visite de M. Félix Faure à St-Pétersbourg«
25. — OuBANGUi-NiL. — L'attaque des Derviches contre Fachoda est repoussée,
28. — Russie. — Publication de la circulaire Mouravief relative au désar-
mement.
31. — Hollande. — Démission de la reine régnante des Pays-Bas.
31. — France. — Mort à Paris d'Alfred Marche, explorateur au Gabon.
Si. — Etats-Unis. — La Chambre des Représentants et le Sénat approuvent
l'annexion d'Hawaï.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
I. — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes
FRANCE.
i\'oti*e Kmpirc afVieaÊii. — Sous ce litre, un ancien Ministre des Affaire:^
étrangères, M. Gabriel Hanotaux, a écrit un article remarquable dans le journal
le Figaro. Nous en donnons quelques passages qui montrent avec talent et autorilc
que notre œuvre africaine n'est point si médiocre que quelques-uns veulent bien le
dire, et que même malgré Fachoda, notre part est encore assez belle :
« Repassons en l'esprit les étapes de ce grand travail qui a arraché un cri d'admira^
tion, même à nos plus tenaces adversaires. L'Algérie qui, en 1808, n'était qu'une
terre ingrate, « un camp, un champ d'exercices pour notre armée », est devenue
une colonie brillante, où la race frani,^aise, par une sorte de miracle qui n'étonue
que ceux qui s'étonnent de tout, devient prolifique, et dont le beau vignoble a
sauvé, dans les temps de crise, l'avenir du vignoble français ; la Tunisie a été
conquise, et sa mise en valeur n'a rien qui ne puisse être comparé à ce qui s'est
fait dans les plus belles colonies étrangères ; le Sénégal s'est étenrlu, en remontant
le cours de son fleuve et est devenu la pépinière de notre armée d'expansion vers
l'intérieur. Nous avions affaire à des rivaux solidement implantés sur la côte occi-
dentale de l'Afrique : partout, nous les avons tournés, circonscrits, enfermés. En
1889, une première convention nous a assuré le cours supérieur du Niger et a
développé nos établissements de la Casamance et du Fouta-Djallon. La colonie
portugaise de la Guinée, la colonie anglaise de Sainte-Marie-de-Bathurst, la colonie
anglaise de Sierra-Leone, la petite république de Libéria, dangereuse par sou
obscure position internationale, ont été cernées, délimitées, enclavées. A la côte
d'Ivoire, des arrangements non moins féconds nous ont assuré le cours des fleuves
qui pénètrent vers l'intérieur, le Cavally, le Lahou, la Gomoé, la Volta. La belle
campagne du Dahomey a porté notre hinterland vers les plateaux sains et peuplés
du Mossi et du Gando ; la colonie allemande du To jo a été cernée à son tour. Puis,
ç"a été le tour du Cameroun allemand. Enfin, nos comptoirs isolés et improductifs
du Gabon se sont portés vers l'intérieur. Brazza. héroïque et dépenaillé, rencon-
trait, sur les rives du Congo, la belle expédition de Slanley mystérieusement
— 117 —
amenée de rintèrieur sur les bonis du grand fleuve africain, ei du même coup,
portait à des centaines de kilomètres sur le haut fleuve les assises nouvelles de
notre futur établissement. Celui-ci, par bonds successifs, pénétrait dans le conti-
nent noir. Il occupait rAlirna, la Sangha, TOubanghi et ses affluents du Nord, le
Banghi, le Kotto, le M'bomou, le Shinko. La convention de 1894 nous assurait le
contact définitif avec le bassin du Nil.
Cependant, la Tunisie restait encore soumise aux engagements pris lors de sa
conquête ; notre protectorat y était précaire. Les arrangements conclus successive-
ment avec toutes les puissances, en 1896 et 1897, la libéraient complètement. Nous
étions, désormais, du Maroc à la Tripolitaine, en terre française. ,
Ces points d'attache nombreux établis sur les côtes de la Méditerranée et de
l'Océan, ces jalons posés hardiment sur le. cours des grands fleuves n'étaient pas
unis encore ; ils ne suffisaient pas pour faire de nos possessions africaines un tout
continu. Ce fut l'objet de cette dificile négociation du Niger, dix fois reprise, et qui,
on peut le dire, fut la préoccupation constante de notre diplomatie, depuis que les
bases en furent posées, en 1894, dans des conférences où M. Philipps représentait
l'Angletorre, jusqu'à l'heure présente. Enfin, en juin 1898, on put conclure : tout
le cours du Niger nous était acquis, de sa source à llo, bien au sud de Say, tous
nos établissements du Sénégal et de la côte étaient reliés ; le Mossi nous apparte»
nait, notre colonie du Dahomey s'ouvrait en éventail de la Volta au Niger; sur
l'autre rive, la colonie anglaise de la Bénoué trouvait sa limite, au sud du Sahara
algérien. Enfin, le lac Tchad était contourné par les possessions françaises. Sa rive
septentrionale et sa rive orientale nous étaient reconnues. D'Alger à Brazzaville, les
possessions françaises faisaient un territoire ininterrompu. Quand Gentil, dans sa
belle exploration du Chari, nous apporta un traité de protectorat sur le Baghirmi,
ce traité ne fut contesté par personne.
Ces données générales, incluses dans la convention du Niger, viennent d'être,
d'ailleurs, confirmées et précisées par l'arrangement franco-anglais signé il y a
quelques jours, et déposé récemment sur le bureau des Chambres. Les limites
sont maintenant fixées, du côté du bassin du Nil. L'Angleterre se réserve le
Darfour et le Kordofan ; elle admet et prévoit notre libre développement dans le
Ouadaï, le Kamen et le Borkou.
Le Français aime la précision ; il aime les solutions claires; il désire savoir oii
il est pour décider ce qu'il lui convient de faire. 11 le sait maintenant. Nulle part,
son droit n'est contesté ; partout son domaine est reconnu par ses rivaux de la
veille. »
EUROPE.
lia question iIck iIcm f'uritlSiti'K. — lia eouvcutioii fSim'-
niaiio-cfiipa^cuole. — Le gouvernement allemand et le gouvernement espa-
gnol se sont entendus concernant les points suivants :
1" L'Espagne cédera à l'Allemagne les îles Carolines avec les îles Palaos et les
îles Mariannes, à l'exception de Guam, moyennant une indemnité de 25 millions
de pesetas ;
2" L'Allemagne accordera aux entreprises commerciales et agricoles des Espa-
gnols aux îles Carolines, aux îles Palaos et aux îles Mariannes, le même traite-
ment et les mêmes facilités qu'aux entreprises commerciales allemandes, et assurera
sa protection dans ces îles aux ordres religieux espagnols ;
— 118 —
3" L'Espagne établira un dépôt de charbon pour sa marine de guerre et de
commerce dans l'archipel des Garolines, un autre dans Les Palaos, et un troisième
dans l'archipel des Mariannes, dépôts qu'elle pourra conserver même en temps de
guerre ;
4" Ce traité devra être aussitôt que possible soumis à l'approbation des lois
constitutionnelles des deux pays et sera ratifié dès que cette approbation aura été
obtenue.
Après cette lecture, M. de Bûlow a prié le Reichstag d'attendre pour discuter ce
traité qu'il ait été adopté par le Parlement espagnol.
Malgré cette invitation, MM. Bebel et Richter ont, dans la suite de la séance,
attaqué cette convention en taisant ressortir le prix exorbitant de la cession.
ASIE.
Cliine. — liSk baie «le kouaug;>Tcliéou. — L'Écho de Paris donne
des renseignements précis sur les baies de Kouang-Tchéou et d'Along, nos deux
points d'appui dans les mers de Chine.
Cette baie, qui reçoit les eaux de la rivière Mat-Sé au bord de laquelle se trouve
le fort d'Hoi-Téou, a une longueur de 5 milles et une largeur de 6 milles. Elle
n'est navigable que dans un chenal étroit dont la profondeur minima est de
10 mètres.
L'entrée de la baie est fermée par un goulet fort étroit, très facile à défendre. Au
large s'étend, parallèlement à la côte, une longue ligne de brisants coupée par une
passe étroite de T^iôO de profondeur avec une barre. Les cuirassés de croisière
Bayard et Yauban n'ont pu entrer dans le nouveau port ; mais le Bruix et le
Pascal ont pu mouiller devant le fort d'Hoi-Téou.
La baie de Kouang-Tchéou est, au point de vue stratégique, bien supérieure à la
baie d'Along. Cette seconde a 5 milles de long. Elle est barrée par une ceinture
d'ilôts basaltiques très élevés, escarpés à pic et ne laissant entre eux que des passes
étroites. Avec quelques torpilles fixes et quelques torpilleurs, il sera très facile de
boucher complètement l'entrée.
Au fond de la baie se trouve le fort Courbet que l'on arme en ce moment avec
les canons d'un des glorieux débris de notre ancienne flotte, le Bayard, sur lequel
a flotté le pavillon de l'amiral Courbet. Comme dépôt de charbon, la baie d'Along
est bien supérieure à celle de Kouang-Tchéou. En effet, à huit ou dix kilomètres
de là, se trouvent des mines fort riches où nos navires peuvent, en temps de
guerre, venir s'approvisionner à l'abri des coups de l'ennemi.
l'ei'NO. — l/iiii|»«>i*(aii<«e |»oliti«|ue «lu Câolf'e l'er^ique. — Le
« Times de l'Inde » apprend de source sûre (jue la Russie a obtenu des intérêts
dans un port du Golfe Persique et que ces intérêts sont suffisants pour lui donner
le droit de prendre possession du port en question quand elle croira le moment
venu pour exercer ce droit.
Le journal ajoute que cette information lui vient de Téhéran et qu'il s'agit,
croit-on, de Bunder-Abbas, à l'entrée du Golfe Persique.
Le « Times de l'Inde » dit qu'il n'est pas probable que la Russie agisse actuelle-
ment, mais il insiste pour que les Anglais comprennent que le Golfe Persique est
— 119 —
le centre véritable des dangers politiques en Asie. Il demande que le Gouvernement
anglais augmente le nombre de ses agents politiques dans le Golfe Persique et
qu'il relie à l'Inde par un câlile télégraphique, Mascate, Bunder-Abbas et Lingu.
AFRIQUE
Kii Afpl«|He. — Au lendemain des complications politiques extérieures qui
ont failli mettre les flottes anglaise et française en présence, il vaudrait mieux ne
plus prononcer le nom de Fachoda, mais nous avons cru qu'il serait intéressant
pour nos lecteurs de faire allusion au rapport que M. le marquis de Bonchamps
exposait l'autre jour de sa mission en Abyssinie devant la Commission centrale de
la Société de Géographie.
Bien qu'on ait démenti le bruit d'après lequel cette mission, conduite par M. Bon-
valot jusqu'à Addis-Abeba, n'aurait un caractère officiel, il est avéré aujourd'hui
qu'elle devait bien tendre tous ses efforts pour aller donner la main au valeureux
Marchand et à ses intrépides compagnons. Si elle a échoué, c'est que le marquis
de Bonchamps, livré à ses propres ressources, insuffisamment équipé, n'ayant
même pas la moindre embarcation pour profiter des voies fluviales et franchir les
cours d'eau qui finirent par lui barrer la route, vit le vide se faire autour de lui et
de sa vaillante petite troupe, qui, affamée et dans un dénùment complet, dut péni-
blement revenir en arrière après s'être approchée à quelques jours de marche de
Fachoda. C'est ainsi que la mission Bonchamps échoua au port. Elle eût réussi,
que cela n'eiàt pas changé la face des événements, et en tout cas elle aura toujours
préparé la voie de retour de Marchand.
Mais nous ne restons pas inactifs dans le Nord de l'Afrique, là oii nous savons
que nous n'avons pas à craindre d'être grondés par les Anglais. La mission Fou-
reau-Lamy, avec sa troupe bien armée de 250 hommes et son convoi bien équipé,
a quitté Temassinin et pousse en avant vers. le Sud ; c'est la route suivie par l'in-
fortuné Flatters... Espérons que, plus heureux, ses successeurs verront leurs
efforts couronnés de succès.
Récemment le capitaine Germain faisait, avec 40 hommes résolus, un raid
superbe, atteignant In Salah, oii nous aurons un avant-poste quelque jour.
Nos progrès no semblent donc pas s'arrêter encore de ce côté, et notre expansion
en Afrique n"a pas dit son dernier mot, malgré messieurs les Anglais..
Eugène Gallois.
ExpaiiKlou eoloïkiale alleiiiaiide eu Afrique. — Les diverses
colonies de l'Allemagne en Afrique ont une superficie d'environ 2.1.33.000 kil.
carrés et renfermaient, au 1'-'' janvier 1897, 3.913 résidents européens, dont 2.182
Allemands.
La colonie de Togo est la seule qui se suffise à elle-même.
Les forces militaires allemandes en Afrique comprennent 962 officiers et soldats
allemands et 2.050 soldats coloniaux, sans compter les forces de police. Les
dépenses de la métropole pour 1898 et 1899 sont évaluées à 11 millions 1/2 de
francs, en augmentation de 1.475.000 francs sur l'exercice précédent.
Le commerce total a été l'an dernier, de 41 millions de francs, dont 28 millions
d'importations. L'Allemagne n'entre que pour 42 % dans ce total. Presque toutes
— 120 —
les exportations du Sud-Ouest africain vont en Angleterre et un quart des importa-
tions vient de territoires anglais. Près de la moitié des importations de l'Afrique
orientale allemande provient des Indes et la plus grande partie des exportations va
à Zanzibar pour y être transbordée.
OCEAN lE.
Annexion fle«« île»» Ton;;;a par rAnsleferre. — D'après un télé-
gramme envoyé par une agence de San-Francisco à Londres, l'Angleterre aurait
établi sa souveraineté aux îles Tonga. Le capitaine du croiseur britannique Tau-
ranga aurait acheté ce groupe d'îles pour son gouvernement et aurait hissé le
pavillon de l'Union Jack après avoir accompli les formalités légales.
Le capitaine du Tauranga a remis au roi une somme de 125.000 livres qui avait
été réclamée au gouvernement tonga, il y a quatre mois, par Herr Grune, vice-
consul allemand à Samoa, pour le compte de divers commerçants allemands. Le
consul, n'ayant pu obtenir le paiement de la somme qu'il exigeait, avait menacé de
revenir avec un navire de guerre allemand et de saisir le fort de Vouvou.
Lorsqu'il se présentera, les 125.000 livres lui seront remises au nom de l'Angle-
terre qui reconnaît les dettes du gouvernement indigène.
Les îles Tonga, dont le roi actuel est Jioagi Tubou 11. forment dans le Pacifique,
à 390 milles des îles Fidji, à Fest-sud-est. trois groupes d'îles appelées Tongatabu
(où se trouve le siège du gouvernement). Haapai et Vavan.
II. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
EUROPE
Itel;s;'i(|iir. — Bmxclle<i> port de mer. — Le eaual de Char-
leroi à Kmxelle*. — Les prochaines installations maritimes de Bruxelles
vont donner une grande importance au canal de Charleroi à Bruxelles et feront
activer davantage les travaux d'élargissement de cette voie navigable.
On sait que oe canal s'étend depuis la Sambre à Marchienne-au-Pont jusqu'à
l'origine du canal de Bruxelles au Rupel. En y comprenant les embranchements
dits « embranchements du Centre, » qui vont de l'écluse N" 13 vers Bellecourt,
La Croyère, La Louvière et Houdeng-Gœgiiies, cette voie navigable a actuellement
une longueur de 90.338 mètres.
De 1881 à 1893, on a effectué la mise à grande section du canal depuis la Sambre
à Marchienne-au-Pont jusqu'à l'écluse N" 13 exclusivement, et des embranchements
du Centre. Les principaux ouvrages exécutés à cette fin sont, indépendamment des
travaux de terras.«ements pour l'élargissement de la cunette du canal :
L'allongement et l'exhaussement des écluses N"' 9, 10, il et 12; le percement
— 121 —
d'ua souterrain à grande section de 1.050 mètres de longueur à travers la crête de
partage du bassin de la Sambre et de la Senne; rétablissement de onze ponts-levis
et de seize ponts fixes à grande section.
En outre, l'écluse N" 54 à Molenbeek-Saint-Jean et la partie du canal située aux
abords de cette écluse ont été mises à grande section.
Pendant l'année 1896, on a mis en adjudication les travaux à faire pour réaliser
une partie du projet destiné à augmenter les ressources en eau pour l'alimentation
du canal ; ces travaux sont actuellement terminés.
Enfin, on a exécuté tout récemment les importants travaux de mise à grande
section de l'écluse N" 5.5 et du pont de la porte de Flandre à Bruxelles.
Il reste donc à «xécuter les travaux de mise à grande section du canal entre
Seneffe et Molenbeek-St-.Iean.
C'est la partie la plus importante, car elle comprend quarante et une écluses avec
une pente totale de 100 mètres environ.
La partie comprise entre les communes de Senetfe et d'Arquennes, soit une lon-
gueur de 6.4.36 m. 20, a été mise en adjudication le vendredi 23 avril.
Il s'agit d'une importante entreprise de 3 millions de francs (exactement francs
2.997.796 1 1), qui devra être terminée pour le 1'"'' octobre 1902, sous peine d'une
retenue de 200 francs par jour de retard.
Restera 'ensuite la partie située dans la province de Brabant et qui traverse les
communes d'Ittre, Virginal, Oisquercq, Clabecq, Lembeeq, Hal, Leeuw-Saint-
Pierre, Droogenbosch, Anderlecht et Molenbeek-Saint-Jean. L'administration des
ponts et chaussées a fait procéder aux opérations graphiques sur les terrains situés
le long de cette section du canal et à la reconnaissance du sous-sol de ces terrains
au moyen de sondages et de tranchées d'exploration.
En somme, on peut dire que l'élargissement du canal de Charleroi à Bruxelles
coiitera une quarantaine de millions à l'Etat.
Le gouvernement est décidé à poursuivre activement l'exécution de ces travaux
et tout porte à croire que le canal de Charleroi sera mis à grande section sur toute
son étendue avant l'époque oii les installations maritimes de Bruxelles seront
terminées.
Bruxelles port de mer sera ainsi complété de la meilleure façon et des bateaux à
grand tonnage pourront continuer leur route à l'intérieur du pays.
Russie. — Tarifa par xoiie. — La Russie a 42.800 kilomètres de voies
ferrées exploitées actuellement; de plus, 11.672 kil. sont en construction et seront
achevés en 1901. L'adoption des tarifs de zone très modiques a augmenté énor-
mément la circulation des voyageurs. En 1886, avant la réduction des tarifs, les
chemins de fer russes transportaient 37.885.000 voyageurs ; ils en ont transporté
65.500.000 en 1896. Le trafic des marchandises a aussi presque doublé en dix ans.
Le système de tarifs par zone, qui existe depuis plusieurs années en Autriche et en
Hongrie, y a donné d'avantageux résultats.
De 1 à 160 verstes, le prix du transport par chaque verste (1.070 mètres), est de
0 fr. 037 ; de 161 à 300 verstes, le prix n'est plus que de 0 fr. 023 par verste. A
partir de la 300*^ verste, on compte par zone. Le transport sur la première zone, de
25 verstes, qui suit, coûte 0 fr. 62 et, sur chaque zone suivante, 0 fr. 48. De plus,
l'étendue des 8 premières zones qui suivent la 300" verste est de 25 verstes ;
l'étendue des 7 zones suivantes est de 35 verstes et celle des suivantes est de
40 verstes jusqu'à ce qu'on ait atteint une distance de 1.510 verstes. A partir de
cette distance, chaque zone a une étendue de 50 verstes et le prix du transport
reste toujours à 0 fr. 48.
— 122 —
En 2* classe, le prix est une demi-fois plus élevé qu'en 3^ ; en l'« classe, le prix
est le double qu'en 3^ Avec ce système, on peut aller de St-Pétersbourg à Odessa
(1.926 kil.) pour 32 fr. 50 en 3« classe et 50 fr. en 2^ Pour se rendre de St-Péters-
bourg à Omsk, en Sibérie (3.420 kil.), il faut dépenser seulement 75 fr. en 2*= classe.
ASIE.
Inde. — Houille. — On ne sait générafement pas que Flnde produit une
quantité de houille considérable. En 1887, elle donnait 1.388.(X)() tonnes de houille;
en 1896, elle en a fourni 3.537.820. C'est le Bengale qui est le centre de cette
extraction ; on y compte 154 mines sur un total de 172, qui ont produit 79 "/o du
total ; les autres mines sont dans le Nizam (Singarein, etc.), dans l'Assam et dans
les provinces centrales.
Mais le charbon de Bengale est loin de valoir la houille anglaise ; il est à très
bon marché et on se contente de le consommer sur place, surtout à Calcutta. Les
districts houillers sont d'une grande puissance ; les houillères de Ranigung-
Baraker, à 210 kil. de Calcutta, sont estimées pouvoir produire 14 milliards de
tonnes de charbon ; celles de Karampara 8.800 millions. Si l'on perfectionne l'ex-
ploitation, qui se fait encore d'une façon primitive, l'Inde deviendra un'des grands
producteurs de houille.
Cliine. — liCS cliemiuw de fer concédés. — D'après le Hony-
Kony Teleyraph, les chemins de fer concédés jusqu'à ce jour par la Chine, sont
les suivants :
Aux Anglais : 1" Kowloon à Canton ; 2» Shanghaï à Woosang ; 3° Shanghaï à
Chin-Kiang, Nankin, Kangchen et Wenchow ; 4° Kunlon et Talifou, Yunnan,
Suifon et Chungking ; 5" Moulmein à Yunnan ; 6" Shanhai-Kwan à Newchwang ;
7» Canton à Chengtou. Cette dernière ligne aurait été concédée à un syndicat
anglo-chinois. Elle traversera le fleuve Yangtzé, probablement à Suifon et remon-
tera la vallée du Min jusqu'à Chengton, une ville très importante de la riche pro-
vince de Sé-chouen. A Suifon, un embranchement partira pour rejoindre le chemin
de fer du Yunnan, prolongement du chemin de fer birman. La ligne de Canton-
Cheng-tou est donc l'une des plu# importantes de la Chine , en rapport à la
richesse des régions qu'elle traverse.
Au syndicat anylo-allemand : Tientsin à Chin-Kiang.
Au syndicat anylo-italien : Tai-Yuen à Si-ngan et Siang-Yung.
Aux Allemands : 1" Kiao-Chau à Tsinan ; 2° Kiao-Chau à I-chow.
Aux Français : 1* Langson à Yunnan ; 2" Langson à Canton ; 3» Namiang à
Pakhoi, Lao-Kay à Yunnan.
Aux Belges : Chinh-ling à Hanhow.
Aux Russes : 1» Port-Arthur à Novo-Tsurakaitial ; 2<' Vladivostok à Nuguta et
ligne principale de la Mandchourie ; 3" Kirin à la ligne principale de la Mand-
chourie ; 4» Pac-ting à Tai-Yuen.
Aux Américains : Wu-Chang à Canton.
La Chine, on le voit, va bientôt être sillonnée de voies ferrées pour la plus
grande commodité des Célestes eux-mêmes, et des Européens qui trouveront là le
moyen d'utiliser leurs capitaux d'une manière fructueuse.
123 -
AFRIQUE.
ISoiiflau. — In pont aniéricaiu pour le l^ou«lau ég;ypticn.
— La rapidité dans rexêcution des commandes est devenue la caractéristique des
grandes usines américaines. C'est à cette qualité que les Pencoyd Iron Works de
Philadelphie doivent d'avoir obtenu la récente fourniture d'un pont pour le Soudan,
commandé par l'office de la guerre de la Grande-Bretagne. Il s'agissait d'un tablier
métallique de 300 mètres de longueur totale, en 7 travées, à livrer, — prêt à être
embarqué, — dans un délai de sept semaines, et destiné à être lancé sur la rivière
Atbara, près de Kartoum, pour faciliter les opérations du général Kitchener contre
le Madhi.
La préférence fut donnée à l'usine américaine qui s'est engagée à faire la livraison
dans le délai voulu, alors que les constructeurs anglais demandaient sept mois
pour mener à bien cet ouvrage.
Cougo frauçai». — Coucessionst. — Le régime domanial au Congo a
été réglé par un décret du 28 mars 1899. Ce régime est assez compliqué.
Les terres domaniales peuvent être aliénées: 1» par adjudication publique;
2» de gré à gré, par lots de moins de 1.000 hectares, à titre gratuit ou à titre
onéreux, suivant des règlements approuvés par le Ministre des Colonies ; 3" à titre
gratuit au profit de l'exploitation d'une concession de jouissance temporaire, en ce
qui concerne les parcelles qu'il aura mises en valeur dans les conditions spécifiées
par l'acte de concession.
La concession de jouissance temporaire est donnée : 1" lorsque la superficie de
la concession ne dépasse pas 10.000 hectares, parle commissaire général, en conseil
d'administration, suivant un règlement approuvé parle Ministre des Colonies, après
avis de la commission des conc^jssions coloniales ; 2" lorsque la superficie dépasse
10.000 hectares, par un décret, avec cahier des charges, rendu sur le rapport du
Ministre des Colonies, sur l'avis de la même commission. Le représentant de
chaque Société concessionnaire devra être agréé par le Ministre, qui aura le droit
d'exiger son remplacement pour cause d'intérêt public.
Les conditions fiscales sont nombreuses : cautionnement ; redevance annuelle ;
part de bénéfice à l'Etat ; frais d'installation et d'entretien de la force armée placée
par le gouvernement ; mise à flot et entretien sur les cours d'eau de la concession,
d'un ou plusieurs bateaux que l'administration pourra employer.
Ces conditions complexes ne paraissent pas devoir attirer les capitaux français.
AMERIQUE.
Canada. — C'oniiuerce réel avec la France. — Le commerce du
Canada avec la France, d'après les statistiques des douanes françaises, serait de
6 millions de francs environ (en 1896 : 2.221.500 fr. d'exportations et 3.819.000 fr.
d'importations). Mais les statistiques des douanes canadiennes évaluent les
échanges franco-canadiens à plus de 17 millions 1/2 de francs (en 1896, ll.o75.(X)0fr.
d'importations françaises et 6.010.000 fr. d'exportations sur la France). Enfin, la
Chambre de Commerce française de Montréal fixe à 3.u ou 40 millions de francs le
— 124 —
trafic franco-canadien, soit sept fois plus que les statistiques françaises. Celles-ci
sont insuffisantes en raison de Tabsence de toute ligne directe de navires entre le
Canada et la France. Comme par suite, les produits français prennent, avant
d'aUer au Canada, la voie d'Anvers, de Hambourg, Londres ou New-York, une
grande partie de nos produits est comptée à l'actif de la Belgique, de l'Allemagne,
de l'Angleterre et des États-Unis. Il était bon de rétablir la réalité qui montre que
le commerce franco-canadien est l)ien plus important qu'on ne suppose.
OGEANl E.
MoiiTellc-Zélaucle. — Di<!»pai*itioii Avh llaori». — Les Maoris,
autrefois seuls habitants de la Nouvelle-Zélande, soumis définitivement aux Anglais
depuis 1872, disparaissent peu à peu devant les blancs. Les Maoris actuels, d'ail-
leurs, ne sont plus les sauvages d'anfan ; ils ont le costume européen, nos maisons
et nos meubles. Leurs anciennes armes ou ustensiles se voient en panoplies
accrochés à leurs murs. On ne voit plus de tatouages que sur la figure des hommes
âgés. La langue et les coutumes religieuses se modifient également, mais ils ne
s'unissent que rarement à la race blanche et leur nombre va sans cesse en dimi-
nuant. En deux endroits seulement dans l'île du Nord, les Maoris sont agglomérés
et on peut recueillir des vestiges de leur ancienne civilisation ; mais le chemin de
fer va bientôt atteindre ces points.
Célèbes. — Mlues cl*oi*. — Depuis longtemps, la présence de For avait
été signalée dans l'ile de Célèbes, et les indigènes payaient autrefois les tributs et
impôts en matière d'or. Depuis deux ans environ, une fièvre d'exploitation aurifère
s'est emparée de la population coloniale. Il y a eu de nombreuses demandes de
concessions et des découvertes de gisements. Des centaines de Sociétés se sont
formées à cet effet. A Batavia, on ne parle que d'actions minières qui doivent
rapporter des bénéfices invraisemblables. Le 1" juin 1898, la place de Batavia
avait à payer pour 1.200.000 florins de valeurs minières. La spéculation se livre
déjà à toutes ses fantaisies.
Les gisements des Célèbes seraient, assure-t-on, supérieurs à ceux du Transvaal
comme rendement. Mais aucune Société n'ayant encore exploité la région aurifère,
on n'a aucune donnée précise. Seule, une Société hollandaise possède le matériel
nécessaire, mais elle ne pense pas pouvoir distribuer de dividende avant un an 1/2
ou deux ans.
Pour tes Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ADJOINT , A. MERCHIER.
QUARRÉ- REYBOURBON.
Lille Imp.LDaneL
— ' 125 —
LA SITUATION MILITAIRE
DES PUISSANCES EUROPÉENNES EN EXTRÊME-ORIENT EN 1898
Par L. T.
f Suite et fin) (1).
En résumé, ciuq routes donnent accès au marché méridional de la
Chine. Deux, celle du Yan-tse-Kiang et celle de Si-Kaug, qui sont
actuellement suivies par les marchandises, sont aux mains du com-
merce chinois ; elles aboutissent aux ports de Shanghaï et de Canton,
sur la mer Jaune, où se font les échanges avec les négociants anglais,
dont la situation, avons-nous vu, est prédominante.
Deux autres sont complètement aux mains de TAngleterre. Par
l'annexion de la Birmanie en 1885 et d'une partie des Etats Shans en
1892, elle s'est, en effet, rendue maîtresse de la route dite des Ambas-
sadeurs (2), de Mandalay par Bhàmo sur Tali-fou et, dès à présent,
elle possède un chemin de fer qui de Rangoon, à l'embouchure de
riraouaddy remonte sur Mandalay et Bhàmo et se relie aux lignes
du Haut-Bramapoutre, drainant les richesses des fertiles vallées de
riraouaddy et du Salouen. De même, par son protectorat déguisé
sur le Siam, elle possède la vallée du Meï-Nam, où elle rêve d'établir
une voie ferrée conduisant au cœur de Yumiam.
La cinquième appartient à la France. C'est celle du Song-Goï et du
Haut-Mékong qui traverse notre empire indo-chinois.
Commencé en 1859 parTamiral Rigault de Genouilly, qui s'empara
de Saigon, notre empire indo-chinois comprend actuellement :
(1) Voir tome XXXI, 1899, page 401 ; tome XXXII, 1899, pages 5 et 68.
(2) Ainsi appelée parce que c'est la route suivie autrefois par les envoyés
birmans qui allaient porter leur tribut à la Chine.
— 126 -
l" Une colonie : la Gochinchine, capitale Saigon
' le Cambodge, capitale Pom-peuli ;
2° Trois protectorats. l'Anuam. capitale Hué ;
( le Tonkin, capitale Hanoï.
Sa superficie est égale à celles de la France et de l'Espagne réunies
et sa population s'élève à 17 millions d'habitants, dont 12 millions pour
le Tonkin, concentrés principalement dans le Delta ; 2 millions pour la
Gochinchine ; 2 millions pour l'Annam ; 1 million pour le Cambodge.
Ces quatre provinces sont réunies sous un même gouvernement
(Union Indo-Chinoise) exercé par le gouverneur général de l'Indo-
Chine, en résidence à Saigon. Le gouverneur est assisté dans chaque
province (Cambodge, Annam, Tonkin) par un résident supérieur, établi
au chef-lieu et par un lieutenant-gouverneur en Cochinchine (Décret
du 17 octobre 1887).
Saigon, où sont centralisés tous les services, est la capitale officielle
de nos possessions d'Extrême-Orient.
Le Tonkin est fort riche ; le Delta principalement fournit en abon-
dance le riz ; il renferme des mines de métaux encore mal connues et
des mines de charbon déjà en exploitation. Dans les terres hautes, on
cultive la canne à sucre, le mûrier et on élève le ver à soie (i). On a
tenté depuis peu, avec assez de succès, la culture du café, du coton (2),
de la vanille et du cacao.
L'Annam est beaucoup plus riche qu'on ne le croyait au début. Il y
a des mines de charbon et des carrières de marbre, de riches forêts et
un sol fertile très propre à la culture.
La Cochinchine est l'un des greniers à riz de la Chine.
Le commerce général de Tlndo-Chine s'est élevé, pour Tannée 1892,
à 164 millions de francs.
Pour l'avenir, nos possessions d'Extrême-Orient nous off'rent les
meilleures voies de pénétration pour accéder aux riches provinces de
Setchouen et dans la région des Quatre- Vallées, où les villages sont
(1) 170.000 kilogr. de soie doat un douzième seulement est exporté en France.
La plus grande partie de cette soie est envoyée à Hong-Kong pour y prendre
l'étiqufïtte de la soie chinoise et ensuite expédiée en Europe (Compte rendu des
douanes françaises de l'Indo-Gliine).
(2) .SOO.OfK) kilogr. en 18'.t2.
— 127 —
-des villes et où les habitants grouillent à plus de 400 au kilomètre
«carré.
vCes routes sont au nombre de trois :
1" La route fluviale du Mékong ;
2" La route fluviale de Song-Coi ;
3" Le chemin de fer de Lang-Son ;
Le Mékong ouvre la voie de pénétration dans le Laos et le Yunnam
et draine, par ses affluents, l'Annam et le Siam.
A la suite de son exploration, le commandant Doudart de Lagrée
^(1866) avait déclaré que le cours du Mékong, obstrué par des rapides,
■était impropre à la navigation et, jusqu'en 1885, on ne fit rien pour y
remédier. A cette époque, le heutenant de Faucigny parvint, après
quelques destructions de rochers, à remonter, avec la canonnière
La Sagaie, les rapides de Prea-Patang et, depuis, les chaloupes de la
Compagnie des Messageries fluviales de la Cochinchine desservent le
fleuve jusqu'aux rapides de Khône. Toutes les tentatives faites pour
franchir cesrapides ont échoué(1891). Depuis on a pris le parti d'installer,
dans l'île de Khône, un chemin de fer qui a permis de transporter sur
le bief supérieur, deux canonnières démontables, La Massie et
La Grandière; maintenant les chalands de la Compagnie fluviale
portent les produits français jusqu'à Luang-Prabang (1893).
Quant au fleuve Rouge ou Song-Coï, c'est la route la plus directe et
la plus naturelle pour pénétrer dans le Yunnam. Déjà M. J. Dupuis
y avait organisé, lors de la rétolte desTaïpings, un service dejoncques
pour ravitailler les troupes de sir Gordon qui opéraient dans les
provinces méridionales. A la suite d'un voyage d'exploration accompli
par la canonnière Le Moulim, on a amélioré la navigation en faisant
sauter quelques roches et en exécutant quelques travaux de balisage
(1892). Depuis 1893, le service commercial avec Laokaï, en vertu de la
convention passée avec la Compagnie des Messageries, fonctionne
régulièrement.
Enfin, par la dépression creusée par la rivière de Bac-Lé, affluent
■du Song-Coï et par la rivière de Lang-Son, affluent du Yut-Chang
qui se jette lui-même dans le Si-Kiang, la France possède la voie de
pénétration la plus directe vers la riche province du Kuang-Si, où
semble s'être localisée l'industrie de la soie. La construction d'une voie
ferrée de Hanoi à Lang-Son, devant ultérieurement être prolimgée
— 128 —
t
jusqu'à Nan-Ning-Fou et Pesé, a été décidée et l'exécution confiée à
la Compagnie Fives-Lille ; malheureusement la trop sage lenteur qui
préside aux travaux ne permet pas de prévoir l'époque de son<
achèvement.
Actuellement l'occupation de toute la rive gauche du Mékong, que-
nous accorde la convention du 15 janvier 1893, s'impose, non seule-
ment en raison des anciens droits du Cambodge sur les provinces de-
Battambang et d'Angkor qui lui avaient été enlevées par le Siain ea
1864, mais aussi pour empêcher l'Angleterre, qui a une situation
prédominante à Bangkok, de détourner à son profit tout le commerce-
de cette vallée du Mékong, que nous avons eu tant de mal à conquérir^
Depuis environ deux ans, le roi de Siam, poussé par l'Angleterre, a-
concédé à tort et à travers la construction de voies ferrées, dont le^
tracé n'est inspiré que par le désir de rendre nul l'effet de la convention-
de 1896 et de nous supplanter.
Où a projeté une ligne de Bangkok à Battam-bang et une autre de-
Bangkok à Koraf. Ce sont deux lignes qu'il importe de ne pas laisser
construire ; en effet, les produits agricoles des provinces cambodgiennes-
d'Angkor et de Battam-bang et les poissons du Grand-Lac ont été,
jusqu'à présent, directement envoyés sur Pom-peuh et Saigon, ils^
seraient infailliblement dirigés sur Bangkok une fois ces chemins de-
fer construits.
Après la main-mise de l'Allemagne sur Kiao-tcheou, la prise de-
possession par les Russes de Port-Arthur et la confiscation de la
Mandchourie, la nouvelle extension de l'influence anglaise dans les-
régions soumises à son commerce, il importait à la France de défendre
ses importants intérêts dans la partie méridionale de l'Empire du
Milieu. Déjà au commencement de janvier 1898 le bruit avait coura
que l'escadre de l'Extrême-Orient avait planté le drapeau français sur
l'ile d'Haï-nam, position stratégique importante, mais pays d'uner
richesse fort problématique. Il n'en était rien. La France attendait le-
moment propice pour réclamer à son tour des compensations, sans
exciter la jalousie de l'Europe et particulièrement celle de l'Angleterre-
avec laquelle de fort importantes négociations étaient ouviMles pour le
règlement de la question africaine. Après s'être borné, durant les"
négociations de l'Allemagne, dr la Russie et de l'Angleterre avec la
Chine, à protéger contre tout empiétement les droits français, notre-
ministre des affaires étrangères arguant des concessions faitesaux autres
nations réclauia pour la France la cession de la baie de Kuang-tcheoit
— 129 —
pour y établir un dépôt de cliarbon, et du port de Haï-Tac qui on protège
l'entrée, le droit do construire une voie ferrée de Laokay à Yunnam
«t l'engagement de ne céder à aucune autre puissance européenne les
trois provinces chinoises limitrophes du Tonkin : Yunnam, Kouang-
•Si, Kouang-Toung.
Le Tsung-Li-Yamen accorda tout. A peine les négociations relatives
-à cette cession étaient-elles terminées, que le massacre d'un mission-
naire français, le R. P. Bertholet, amena la France, protectrice officielle
«des chrétiens d'Extrème-Orieut, à exiger de la Chine de nouvelles
<X)mpensations. Grâce aux énergiques réclamations de la diplomatie
française, le gouvernement chinois s'est vu dans l'obligation de payer
une forte indemnité et d'autoriser la construction d'un chemin de fer
-de Pakhoï à Nan-Niog-Fou. Arrangement qui complète d'une façon
fort heureuse la convention franco-chinoise du mois d'avril et assure
un brillant avenir à notre colonie indo-chinoise.
Ainsi le dépeçage de l'Empire chinois ouvert par l'occupation
^allemande de Kiao-lcheou était virtuellement accompli.
La Chine se trouvait divisée en quatre secteurs et abandonnée à
l'influence de la Russie au Nord, de l'Allemagne au centre, del'Angle-
■lerre et de la France à l'Ouest et au Sud.
Dans ce vaste Empire indo-chinois la France entretient une armée
<le terre de 30.000 hommes, recrutée partie dans la métropole, partie
parmi les indigènes, et une escadre de 7 bâtiments de combat.
Le commandement suprême de notre armée d'occupation appartient
il un général de division, commandant en chef des troupes de l'Indo-
■Ghine en résidence à Hanoï (1).
Elle a pour mission :
1" De tenir dans l'obéissance les populations de l'Empire;
2° De protéger nos entreprises commerciales en Extrême-Orient ;
3" D'assurer la défense de la colonie en cas de guerre.
L'œuvre de la France en Indo-Chine n'est qu'à son début puisque la
<i) Voir aonexes. Tableau VI. Composition de l'armée iiido-chiiioisf.
— 130 -
période d'action militaire, notamment au Tonkin et sur le Mékong n'esf
pas encore terminée ; mais on peut croire qu'aucune révolte de la part
des indigènes, généralement s^^mpathiques à la France, ne viendra
l'entraver. Les rois d'Annam et du Cambodge ont loyalement accepté
notre protectorat ; mandarins et sujets qui ont retrouvé avec notre
occupation, la richesse et le bien-être, sont trop heureux de cette pais:
pour vouloir la troubler.
La plus grande ennemie de notre œuvre colonisatrice et commerciale,^
c'est la piraterie qui se recrute principalement dans les provinces
méridionales de la Chine. Pour la réprimer, on s'efforce de fermer la
frontière et l'on construit sur la ligne Cao-Bang, Langson, Monkay
une série de postes et de blockhaus qui serontreliés par de bonnes routes.
Le Delta rendu inexpugnable par la construction de quelques forts^
sert de réduit à l'élément européen.
Notre escadre qui a son point d'attache à Saigon sur\^eille nos voisins»
protège nos navires de commerce et nos nationaux dans les ports de la
Chine.
Sur terre rindo-Chine confine au Nord à la Chine, à l'Ouest au Sianri
et aux possessions anglaises.
Une agression de la part de la (^hine semble impossible ; les événe-
ments de ces dernières années (guerre Sino-japonaise 1894-95. —
Convention russo-chinoise 1896. — Conventions anglo-franco-russo-
chinoise de 1898) marquent son irrémédiable faiblesse militaire et le
peu de désir que ce peuple de mandarins lettrés a tle faire respecter
ses droits ou de défendre sa liberté.
Le Siam est une quantité négligeable (bombardement des forts de
Pak-Nam 13 juillet 1893), quanta l'Angleterre elle dispose en Birmanie
de forces qui pourraient constituer un danger pour le Tonkin s'il
existait des voies de communication entre le Bramaj)Outre et le
Mékong.
CHAPITBE A'
LES CONDITIONS d'uNE LUTTE
Au cas d'une guerre entre la France et la Grande-Bretagne nos
possessions indo-chinoises ne sauraient — la distance et les difficultés
sont tro]) grandes — être atteintes par terre : c'est sur mer que se
- 131 —
trancherait le différend et c'est contre des corps de débarqueinenf
seulement que nos troupes auraient à opérer.
La Grande-Bretagne entretenait, dans le courant de Tannée dernière.
dans les eaux d'Extrême-Orient, une flotte de 24 bâtiments (1) dont
il répondant h toutes les exigences du combat moderne avec 72 pièces
de gros calibre ; depuis les événements du commencement de l'année,
la station des mers de Chine a été renforcée de 5 croiseurs.
La France, avons-nous vu, malgré l'important renforcement du
début de l'année ne dispose que de 7 bâtiments de combat avec
60 canons.
A l'avantage du nombre l'Angleterre joint l'avantage delà position:
Singapour commande les routes d'Europe, Hong-Kong celles d'Amé-
rique et des mers de Chine.
Grâce à l'effectif de sa flotte, dont une partie peut suffire pour tenir
bloquée dans un port la flotte française, elle demeure, avec ses croiseurs,
maîtresse de la mer, et peut dès le premier jour ravager nos côtes,
brûler les villes du littoral et tenter de jeter à terre une troupe de
débarquement, sans que notre flotte puisse rien empêcher.
Saigon situé à 50 kilomètres à l'intérieur des terres est comparable
au port de Rochefort : la ville et le port sont à l'abri d'un bombarde-
ment. En face de la ville, le fleuve est large de 500 mètres et profond de
10 à 12 mètres ; le mouillage est sûr. L'entrée du port est défendue par
un banc de corail « les quatre Bras » présentant un chenal qui ne peut
être franchi qu'à marée haute seulement et pour le passage duquel
le concours d'un pilote est absolument nécessaire. Quelques torpilles
rendraient le passage impraticable ; de plus les nombreux arroyos qui
s'embranchent de tous côtés sur le fleuve permettent un emploi
facile des torpilleurs contre les bâtiments ennemis obligés de suivre
lentement les sinuosités du fleuve.
Un débarquement dans la baie du cap Saint-Jacques est facile à
prévenir et, quand même, un corps débarqué aurait les plus grandes
peines à marcher sur Saigon à travers le Delta. La remontée du
Mékong jusqu'à Mytho est possible pour des bâtiments légers, mais
les troupes débarquées auraient une contrée non moins difficile que
la précédente à traverser, pour arriver à Saigon.
(1^ Voii" Annexes. Tableau VIII. Les escadres européennes dans les mers de
Chine 1897.
— 132 —
La défense de Saigon contre l'attaque d'une puissance européenne
paraît assurée, mais c'est là un avantage négatif si notre escadre
bloqué»', dès la déclaration de guerre, dans la rivière de Saigon, ne
peut sortir et se voit obligée de demeurer inutile comme autrefois celle
de l'amiral Graviua à (ladix ou même celle de l'amiral Cervera à
Santiago-de-Cuba.
Tourane, Tliuan-An, Hué sont presque sans défense ; Hanoï, ville de
IW.OOO habitants, à 185 kilomètres de la mer, ne doit sa sécurité,
malgré sa citadelle, qu'au peu de profondeur du bras du Song-Coi,
Haïphong, le port du Tonkin, la baie d'Allong d'une importance capitale
pour notre marine qui ne pourra tirer que des houillères de Kebao le
charbon nécessaire à ses navires, sont à la merci d'un débarquement.
L'Angleterre a mieux assuré la défense de ses colonies asiatiques et,
en supposant que nos croiseurs puissent tenir victorieusement la mer,
ils ne pourraient faire que bien peu de tort à notre adversaire.
Hong-Kong et Singapour, qui sont les centres commerciaux anglais
de l'Extrême-Orient, sont très fortement défendus par des ouvrages
modernes, armés de puissants canons. Un cuirassé garde-côtes,
un aviso et deux torpilleurs sont chargés de la défense mobile de Hong-
Kong. Singapour ne tardera pas à recevoir ce supplément de défense.
La colonie d'Australie s'est pourvue elle-même, pour la protection de
son commerce et la défense de ses ports d'une escadre de 5 croiseurs
et 2 torpilleurs et le gouvernement des Indes entretient une flotte de
9 bâtiments pour la défense des côtes du Coromandel.
Au cas d'une alliance franco-russe, l'Angleterre ne demeurerait pas
moins maîtresse de la situation.
En effet l'escadre russe de l'Océan Pacifique compte 20 bâtiments
d(jnt 8 aptes au combat avec 36 canons de gros calibres. Jointe à la
flotte française elle en porterait l'effectif à 15 bâtiments avec 9ô canons.
De plus à Hong-Kong l'escadre anglaise occupe une ligne intérieure,
elle peut, en masquant soit Saigon, soit Vladiwostock ou Port-Arthur
se porter à la rencontre de l'une de ces flottes et la battre avant que
l'autre ait eu le temps de la rejoindre.
Et quand bien même, les flottes françaises et russes auraient pu faire
leur jonction, en appelant à elles les escadres du Pacifique et de l'Aus-
- i;« —
tralie, la tlotti' anglaise conserverait dans ces parages une importante
supériorité numérique.
1 croiseur moderne.
3 vieux croiseurs.
3 vieilles canonnières (non aptes
au combat).
L'escadre d'Australie comprend :
L'escadre du Pacifique comprend :
1 cuirassé moderne.
2 vieux croiseurs.
3 vieilles canonnières (non aptes
au combat).
Ce qui, en ne tenant pas compte des canonnières, donnerait un
appoint de :
1 cuirassé i . ^ .
soit / navires qui porteraient
6 croiseurs )
l'effectif de la flotte de combat anglaise à 23 bâtiments, laissant encore
disponible, pour surveiller la route d'Europe l'escadre de l'Océan
indien qui compte :
1 croiseur moderne.
3 petits croiseurs assez modernes.
3 vieilles canonnières.
En utilisant toutes ses ressources, la flotte française ne pourrait
s'augmenter que de 9 unités savoir :
Station navale de l'Océan pacifique
2 vieux croiseurs,
1 canonnière,
Station navale de l'Océan indien et ( 2 croiseurs démodés,
de Madagascar. ( 4 vieilles canonnières et avisos.
dont 4 seulement, sans grande valeur militaire d'ailleurs, sont en état
de prendre rang dans une escadre (Revue Maritime), G. W. Steewens).
En l'état actuel des choses la France et la Russie combinées auraient
à faire à forte partie dans les mers d'Orient en cas d'un conflit avec
l'Angleterre. L'issue d'un combat naval, dans ces conditions, devient
douteux et d'ailleurs, en admettant que la fortune favorise nos armes,
le manque de points de relâche et de dépôts de charbon, ne nous
permettrait pas une fois maître de la mer, de tirer de notre victoire
134 —
tous les fruits possibles en ravageant les cotes ennemies, en capturant.
ses navires de commerce, en interceptant toutes communications entre
la métropole et les colonies.
C'est que depuis que la vapeur a détrôné la voile, les conditions de
la guerre maritime ont été totalement changées. L'emploi du charbon
absolument indispensable pour les nouveaux bâtiments de guerre, a
obligé les puissances maritimes à avoir, à portée du théâtre d'opéra-
tions, des ports de refuge et de ravitaillement abondamment pourvus.
La suprématie de la mer appartiendra à la nation qui aura su prévoir
les besoins de ses escadres, lesquelles faute de combustible devien-
draient d'inoffeusives épaves, incapables de se mouvoir et de manœu-
vrer.
Le tableau VIII des annexes donne rénumération des ports de refuge
et l'importance des dépôts permanents de charbon que possèdent la
France, la Russie et l'Angleterre sur le théâtre de guerre de l'Extrême-
Orient.
L'Angleterre qui dispose de :
1° Dans rOcécin Indien
'2p Dans la presqu'île Indo-Chi-
noise et la Malaisie
3" Dans les mers d'Extrême -
Orient
4" En Australie
DEPOTS
DE CHARBON
18
39
12
56
0
14
nO
2
23
91
- j;i5 -
jjossèdo seule un nombre suffisant de dépôts de charbon et de points
de relâche pour assurer l'approvisionneuient de ses escadres et le
ravitaillement de ses croiseurs.
La France qui n'a que quinze points de relâche sur le théâtre de
rExtrêmè-Orient et de l'Océan Indien, manque en outre d'une base
sérieuse d'opérations. Au cas d'une conflagration, le manque de dépôts
de charbon serait d'autant plus désastreux, qu'elle ne peut songer à
l'aire la guerre d'escadre, mais uni({uement la guerre de croiseurs
laquelle pour être féconde, nécessite une très grande indépendance
pour les bâtiments qui doivent être sûrs de trouver, un peu partout,
le combustible qui leur est nécessaire.
Il y aurait pour notre division navale de l'Extrême-Orient, bien
réduite ces dernières années, mais que les événements du Nord viennent
de faire porter à un effectif plus digne de la puissance française, un gros
intérêt à régulariser l'exploitation des mines de houille du Tonkin et à
créer, dans la baie d'Allong, une véritable base d'opérations et de
ravitaillement.
Un État neutre ne pouvant , sous peine de violer sa neutralité fournir
ni armes, ni matériel de guerre à l'un ou à l'autre des belligérants, il
faudrait cependant en cas d'hostilités, que nous possédions en Extrême-
Orient des arsenaux suffisamment outillés pour exécuter les réparations
indispensables et des dépôts de charbon bien approvisionnés, afin que
nos navires puissent se ravitailler.
En effet, l'Angleterre se basant sur la règle de Washington du
8 mai 1871 qui interdit aux Etats neutres de permettre dans leurs ports,
le renouvellement des munitions ou des provisions de guerre, s'obstine
à considérer la houille comme contrebande de guerre. Au cas d'hosti-
lités avec une tierce puissance, comme cela a eu lieu en 1884 au moment
de notre guerre contre la Chine, nos navires ne pourraient pas compter
sur le charbon anglais.
La Russie et l'Allemagne possèdent des escadres en Extrême-
Orient, mais ces escadres ne pourraient y jouer qu'un rôle très secon-
daire et n'avoir qu'une action fort réduite étant obligées de ne pas trop
s'éloigner de A^ladiwostock ou de Kiao-tcheou ; cependant depuis la
cession de Port-Arthur à la Russie, celle-ci va se trouver dans de bonnes
conditions pour donner à sa marine une organisation aussi complète
que le commande sa situation dans l'Extrême-Orient.
La marine japonaise, grâce à la forme allongée de l'Empire, a établi
— 136 —
une, série de dépôts et de points de relâche qui lui donne de grandes
facilités pour des opérations sur les côtes de l'Empire du Milieu.
Mais quelque importantes que soient les escadres européennes dans
les mers de Chine, quelque nombreux et bien outillés que soient les
points de relâche, aucune puissance n'est suffisamment forte pour
pouvoir y mener une guerre sans l'appui de la métropole.
Aussi, dans toutes les hypothèses de guerre, la route d'Europe joue-
t-elle un rôle prépondérant et l'étude de la route des Indes s'impose-
t-elle comme complément à l'étude des forces européennes en Asie.
Deux routes maritimes conduisent l'Europe en Extrême-Orient :
1° La route du Canal de Suez ;
2° La route du Cap de Bonne-Espérance.
Au cas d'une guerre avec la France seule, quelle route l'Angleterre
aura-t-elle intérêt à suivre?
Sir G. Dilke dans une récente étude : Problems of Greater Britain
s'est prononcé pour la route du Cap de Bonne-Espérance en mettant
hors d'usage le canal de Suez, car alors l'Angleterre resterait seule
maîtresse de la navigation dans les mers de l'Orient puisque, tandis
qu'elle pourrait toujours faire passer ses navires par le Cap, avec une
traversée de 40 à 50 jours jusqu'aux Indes, un grand nombre de
vaisseaux français, dépourvus de charbon, seraient obligés de marcher
à la voile et toute relation rapide serait ainsi suspendue entre la France
d'une part, ses colonies et ses escadres de l'Extrême-Orient d'autre part.
C'est que dans nos constructions navales on paraît avoir trop sacrifié
la question du rayon d'action. Nos navires ne portent qu'un approvision-
nement insuffisant de charbon et comme nos points de relâche sont fort
espacés, ils risquent fort, dans une guerre hors des eaux françaises,
de manquer de combustible. C'est ainsi que nous ne possédons que
3 cuirassés susceptibles de franchir 5.000 milles (9.260 kilomètres) sans
faire de charbon, alors que l'Angleterre en possède 34 ; mais ce qui est
encore plus grave, c'est alors que nous possédons 31 croiseurs filant
18, 19, 20 et 21 nœuds, nous n'en avons que 4 qui seraient susceptibles
de faire 10.000 milles (18.500 kil.) soit le trajet de Brest aux Indes par
le Cap sans se réapprovisionner. La flotte anglaise possédait à la fin de
1897 dix-sept croiseurs d'un rayon d'action de 10.000 milles (G. W.
Steewens. Revue ma?niime).
— 137 —
Sur la route de ses navires l'Angleterre possède comme relâches
éventuelles : Bathurst à l'embouchure de la Gambie à douze jours environ
de navigation de Plymouth et, à deux jours plus au Sud, Sierra-Leone
qui possède un important dépôt de charbon (li.
L'Ascension et Ste-Hélène n'offrent que peu de ressources, toutefois
des travaux de défense importants ont été entrepris pour la protection
du dépôt de charbon de Ste-Hélène. Mais le point le plus important est
le Cap avec ses deux ports de la baie de la Table et de Simon's bay.
Dans le cas où le canal de Suez serait inutilisable, c'est un point en
vue duquel il faut forcément passer. Aussi, sir C. Dilke estiuie-t-il
qu'il n'est pas un point du globe plus important. La baie de la Table est
pourvue d'excellentes défenses et l'on travaille activement à Simon's
ba.y. La colonie, qui entretient uu effectif de miliciens suffisant pour
assurer la défense de ces ouvrages, a pris à sa charge les travaux et
l'on se rappelle qu'elle a même offert d'entretenir uu cuirassé (2) pour
la défense propre de la colonie.
Au delà du Cap, la plus importante station est Tilc Maurice qui
possède un port admirable et qui a reçu de fort importantes fortifi-
cations. La rade de St-Louis sera pour les flottes anglaises comme
autrefois pour celles de La Bourdonnais, le pivot de toutes les opérations
dans l'Océan Indien.
Sur cette route la i)remière station française est Dakar qui est à
neuf jours de Bordeaux ; des travaux de défense et des améliorations
sont en voie d'exécution ; p uis viennent les comptoirs de la Guinée,
Assinie, Grand Bassam, Kotonou puis Libreville et Loango ; mais
ensuite il faut aller d'une traite jusqu'à l'île de la Réunion et il y a
environ 8.000 kilomètres, distance que la plupart de nos bâtiments
pourraient difficilement franchir sans se réapprovisionner.
Cette infériorité démontre l'opportunité de constituer en Indo-Chine
de grands approvisionnements de charbon et d'y installer un outillage
de réparations suffisant afin de permettre à notre escadre de mener, s'il
en est besoin, une guerre indépendante dans les mers de Chine.
Cette situation toute à l'avantage de l'Angleterre serait-elle encore
aussi bonne au cas d'une alliance entre la France et la Russie ?
(1] Eu temps de paix la route suivie passe par Madère (Portugal) Ténerirte dans
les Canaries (Espagne;, les îles du Gap Vert (Portugal), ou Dakar (France).
(2) Voyage du Gouverneur de la colonie du Cap à l'occasion du Jubilé de la Reine
(juin 1897).
— 138 —
Tandis qu'une lutte entre la France et l'Angleterre n'entraînerait, en
Extrême-Orient, que des opérations maritnnes, un conflit avec la
Russie amènerait des opérations sur terre dans la région des Confins.
Sur ce théâtre de guerre, l'Angleterre, avons-nous vu, dispose de
263.000 hommes (1) sur lesquels 73.000 soldats anglais seulement. La
Russie de son côté peut mettre en ligne 327.000 de troupes russes ou
cosaques.
Il faudra pour atténuer son infériorité numérique, encadrer soli-
dement ses régiments indigènes dont la fidélité apparaît de plus en plus
problématique, que la Grande-Bretagne expédie d'importants renforts
aux Indes et il faudra qu'elle les expédie sans délai, pour ne pas laisser
l'armée afghane seule aux prises avec les troupes russes et permettre,
sans défense l'invasion des plaines de l'indus.
Mettant à quinze jours le temps nécessaire aux troupes duTurkestan
et du Caucase pour se mobiliser et se rapprocher des stations d'embar-
quement, il faudra au corps le plus éloigné, vingt-cinq jours pour
parvenir à Hérat savoir :
1 jour de Batoum à Bakou (chemin de fer) ;
1 jour de Bakou à Ouzoun-Adda (bateau) ;
2 jours d'Ouzoun-Adda àMerw (chemin de fer) ;
20 jours de Merw à Hérat (par étapes 390 kil.).
C'est-à-dire que 40 jours après la rupture des relations diplomatiques,
la Russie disposera à Hérat, à 500 kilomètres de l'Inde d'une armée
d'invasion de 300.000 hommes qui ne trouvera devant elle que les
mauvais soldats de l'émir de Caboul.
L'Angleterre ne peut pas défendre l'Afghanistan car, à ce moment,
elle n'aura encore rien pu taire pour renforcer sa défense. La mobili-
sation des troupes britanniques est loin d'être rapide : « Tout est à
faire » (2) disait l'an dernier le général Wolseley. Dans l'état de déla-
brement où elle se trouve actuellement, on peut même se demander si
l'armée anglaise pourrait se mobiliser. « Notre armée est une armée
» à laquelle la paix est nécessaire. Une armée qui n'a ni pied de paix
» ni pied de guerre, telle ([u'une campagne contre une grande
(1) Voir Annexes. Tableau \'. Gorn[)araisoii 'les ai-niées russes et anglaises dans
l'Asie Centrale.
(2) Déclaration de Glascow, Juin 1897.
— 139 —
» puissance européenne débuterait pour elle fatalement par une
» période de confusion qui pourrait à peine être plus grave si elle était
» surprise au moment d'une réorganisation complète. » (Sir D. Dilke).
Aussi le chiffre de huit jours que nous admettrons pour le passage
au pied de guerre est-il bien au-dessous de la vérit»''. 11 faudra :
25 jours pour se rendre de Portsmouth à Kurrar-he ou à Bombay par
le canal du Suez ;
4 jours pour se rendre de Kurrache à Quetta (chemin de fer);
15 jours pour se rendre de Quetta à Candahar(par étapes 240 kil.),
soit au total 52 jours.
Pour pouvoir concentrer et organiser sa défense l'Angleterre est
obligée de reporter sa résistance sur la ligne Caboul-Ghazni-Kandahar,
abandonnant l'Afghanistan à la marche victorieuse des armées russes.
Si les navires anglais ne peuvent utiliser le canal de Suez, il faut
alors compter 45 jours de traversée pour parvenir aux Indes, les
renforts arriveront trop tard : l'attaque des portes de l'Inde serait
faite ; si les 73.000 hommes de garnison permanente n'ont pas suffi à la
repousser, les chevaux des Cosaques mangeront l'iierbe qui croit sur
les bords de l'indus.
Voilà pourquoi il importe à l'Angleterre de rester maîtresse de la
route de Suez et pourquoi elle l'a si soigneusement jalonnée par ses
postes.
Bien que les progrès de l'artillerie moderne aient atténué sa valeur
militaire, Gibraltar à l'entrée delà Méditerranée, est d'une importance
capitale. Sir C. Dilke en expliqne la raison : « C'est un point indispen-
» sable pour nous,' car son occupation par un de nos ennemis, serait
» si gênante pour l'Angleterre que nous sommes forcés de le conserver
» ou de le remplacei- par un port d'égale importance situé dans le
» voisinage ».
Malte, au centre de la Méditerranée, à quatre jours de Gibraltar, à
cinq de Port-Saïd est une position de premier ordre ; sa valeur est
considérable, non seulement comme station de la route des Indes, mais
surtout comme.pivot d'opérations dans tout le bassin de la Méditerranée.
Ses ports sont magnifiques et ses défenses considérables.
Chypre est une sentinelle sitnée en face du canal de Suez mais elle
n'est pas fortifiée et aucun travail n'a été encore entrepris pour rendre
accessible le port de Famagouste.
Une convention signée en 1882 neutralise le canal de Suez, en cas
— 140 —
d'hostilités, même au cas où l'Empire ottoman, sur le territoire duquel
se trouve entièrement le canal, serait engagé dans la guerre , mais
on sait ce que valent ces conventions.
Aden, pourvu de formidables fortifications et l'îlot de Perim
commandent l'entrée de la mer Rouge.
Sur cette route, que les flottes françaises et russes auraient tant
d'intérêt à interdire à l'Angleterre, la France possède les points de
relâche de Bizerte, situé en face de Malte pouvant servir d'appui à
notre puissante escadre de la Méditerranée et du Levant ; Obock dans
la mer Rouge, et Pondicliéry dans l'Océan Indien.
D'ailleurs, si nos escadres ne peuvent rester maîtresses des débouchés
du canal, il sera toujours facile de l'obstruer momentanément en y
coulant un navire, au besoin en déterminant au moyen d'explosifs un
éboulement dans les berges.
Cette situation n'a pas été sans inquiéter l'amirauté anglaise qui
s'est préoccupée d'organiser, au travers du continent américain une
nouvelle voie lui permettant de faire parvenir aux Indes des renforts
dans les délais suivants :
8 jours de Liverpool à Québec (par mer);
6 jours de Québec à Vancouver (en chemin de fer) ;
19 jours de Vancouver à Yokohama (par mer) ;
20 jours de Yokohama à Calcutta (par mer),
soit .53 jours.
Quoique longue cette route pourrait rendre d'importants services,
les forces maritimes de la Russie et de la France* étant insuffisantes
pour maîtriser à la fois les trois routes de Suez, du Cap et du Canada.
D'ailleurs, l'organisation d'une nouvelle compagnie de navigation
subventionnée par l'amirauté. l'Hudson's bay and Pacific Railway
Company qui se propose de diminuer notablement la distance qui
sépai'e la métropole d<; ses possessions nord-américaines, tend à amé-
liorer cette roule.
De Liverpool les transports à grande vitesse de cette compagnie
vit'udront aboutir au fond de la baie d'Hudson à port Churchill, d'où un
embranchement irait rejoindre la ligne Montréal- Vancouver.
Le gain sur la distance Liverpool- Vancouver serait de trois jours.
— 141 —
ANNEXES.
TABLEAU I.
Donnant la composition et l'effectif de la diinsion de ligne japonaise.
4 régiments d'infanterie (chaciue régiment de
ligne est à 3 bataillons de 4 compagnies
et son effectif est de 2.875 hommes)
1 division de cavalerie (chaque division com-
prend 3 escadrons)
1 régiment d'artillerie de campagne de 3 di-
visions de 2 batteries : 1
2 d'artillerie de campagne I
1 d'artillerie de montagne
1 bataillon du génie
1 bataillon du train et services
12
12
a
o
■a
o
é
K
S e
o =
ë 2
c
»
»
ii.r)00
3
»
ÔOO
»
6
1.000
»
»
800
»
»
3.200
3
6
17.000
OBSERVATIONS.
Dans la division de la garde,
le régiment d'infanterie n'a que
2 bataillons ; la division de ca-
valerie : 2 escadrons ; le régi-
ment d'artillerie : 2 divisions.
TABLEAU M.
nnant la compjosition des forces de terre entretenues par la Russie dans ses ptossessions sibériennes.
1" Infanterie. Bat* dits de ligne indépendants:
i" de la Sibérie orientale . . .
2" de la Sibérie occidentale .
2 brigades de chasseurs de la
Sibérie orientale à 5 bataill.
Détachements de Cosa ues . . .
2''_Gavalerie. 3 régim. de Sibérie (Cosaques).
2 » du Transbaïkal
1 » de Semerietchié
1 » de l'Amour
3° Artillerie. 1 brigade de la Sibérie orientale.
1 groupe de la Sibérie occident.
Batteries de Cosaques du Trans-
baïkal
Troupes des chemins de fer, sapeurs, com-
pagnie d'artillerie de forteresse
ï
.H
•^ C
c:
5
S o
es
K
K
'^
«
»
»
'"
10
7
»
»
10
»
»
81/2
»
»
»
18
»
»
12
»
j:^
»
4
»
O
»
.i
»
-^}
»
»
1
»
»
4
»
»
2
(0)
»
»
351/2
37
13
OBSERVATION.^
Ces troupes t^ont n'parties,
savoir :
Gouv. gén. d'Omsk 5.000
>•> d'Irkoust... 1.1(00
» de l'Amour. 25.000
Soit 31.900
Dans le courant de l'année
1898, de nouvelles unités sont
en formation dans la province
de l'Amour.
10
— 142 —
TABLEAU II I.
Détail de la composition de l'Indian Army (1897 .
1" Indian Army.
03 bataillons d'infanterie déta-
s de régiments stationnés
ffle terre
ce X V chés d
c^§ ) en An
S'tc i ^ régiments de cavalerie
^ cï '88 batteries ou compagnies dé-
tachées du Roval-Artillerv . . .
133 régiments d'infanterie
40 régiments de cavalerie
12 batteries de montagne
21 Compagnies du génie
Corps locaux sous les oi'dres du
C iC
jouvernement de rinde.
2" Impérial service troops.
Etat de Kachrayr ,
Patiala
Punjab.
Autres tribus ( Kaputhala ,
Bakawalpur, Juid, Nabha,
Favidkof»
Uhvar . . .
Radj- iJoahpur.
put^md. jJeypoore.
Bikanir. .
Inde centrale et occidentale.
Inde Tnéridionale
3" VOLUNTEERS.
Corps des volontaires formanf.
'i" Corps de Police.
Pulice militaire de Birmanie, d'Assam
et Chiliagong
1.38
240
.36
160
41/2
23
237 1/5
Battories
do 6 pièces
46
."■).3
11
86
12
r)6.000
4.000 ( -.
13.000
100.000
25.000
2.000
3.000
14.000
4.330
1.750
» 3.200
3.000
144.000
19.200
i.OOO
4.500
1.400 /
27.000
19.000
282.000
OBSERVATIONS.
Plus 23 batteries
de forteresse.
La seule artille-
rie levée par un
État indigène.
1 transport-train
de 400 voitures.
Le Bikanir Ka-;
mel Corps est un
régirn. d'infanterie
montée équipé de
façon à être utilisé
comme troupe de
transport , chaque
chameau portant
en outre un com-
battant.
Soit ■.^82.(M)0 combattants, dont 220.000 hommes de troupes régulières, les autres étant suscep-
til)les (le servir do troupes d'étapes ou de garnison avec 516 pièces de campagne.
143
TABLEAU IV.
Détail de la composition des forces russes de l'Asie centrale (i89T).
1» Armée du Turkestan.
1 brigade de tirailleurs du Turkestan. . .
ë) bataillons dits de ligne indépendants .
1 bataillon de sapeurs du Turkestan. . . .
1 brigade de 7 batteries de 8 pièces . . . .
1 bataillon d'artillerie de forteresse (A) .
3 régiments de Cosaques d'Orenibourg. .
1 régiment de Cosaques de l'Oural
7 bataillons-cadres
Total pour l'armée du Turkestan.
4
20
1
»
(1)
32
12
16
BATTERIES
de 8 pièces
3.500
15.000
5001
2.000
27.000
iL.
» \
3.0001
3.000
OBSERVATIONS.
(A) Les unités
de forteresse n'en-
trent pas dans le
décompte des for-
ces disponibles ,
elles ne sont indi-
quées que pour
mémoire.
2" Troupes de la Province Tr.\nscaspienne.
2 brigades de tirailleurs transcaspiens .
1 bat. de sapeurs de la Transcaspienne
2 bataillons des chemins de fer
3 batteries dites de la Transcaspienne .
1 bataillon d'artillerie de forteresse (A)
1 brigade de Cosaques de Kouban
2 bataillons-cadres
Total pour les troupes de la Trans-
caspienne
8
»
»
»
»
»
1
»
»
»
»
»
(2)
»
»
»
»
»
»
»
»
3
»
»
(I)
»
»
»
»
»
»
12
»
»
»
1
2
»
»
»
»
»
11
12
»
3
»
1
7.000
500
1.500
-00>12.000
» l
1.500
1.000
3" Armée du Caucase.
a). Corps d'armée ^dii t'aucaitie Q. C>. h_ Tiniïi.
Division de grenadiers du Caucase .
ÎO' division d'infanterie
Î9* division d'infanterie
l® Division de Cosaques du Caucase
î^ Division de Cosaques du Caucase
A reporter
i
16
»
2
4
2
»
16
»
2
2
2
»
16
»
2
2
2
»
1
2'i
»
»
»
2
1
18
»
»
»
2
50
42
6
8
6
4
17.000
14.000
14.0G0>53.000
4.500
3.500
A chaque divi-
sion de| cavalerie
est affecté 1 batail-
lon de plastounes.
- 144 -
(
BATTERIES
J.
de S pièces
de
5
c
G p.
•
s
cl
5
EFFECTIF.
OBSERVATIONS.
Report
:>()
42
f")
8
6
4
b). Ti'oiipcN indépendant*^».
Brigade de tirailleurs du Caucase
4
»
»
»
»
»
3.000 \
Brigade de tirailleurs indigènes du Caucase
4
»
»
»
»
»
3.000
21* division d'infanterie
16
(6)
»
»
2
»
2
»
2
»
14.000/
8 000[
Plus une dizain»
de mille hommes
6 bataillons d'artillerie de forteresse
Division de dragons du Caucase
»
24
8
»
»
»
»
»
»
2
»
4.000^51.500
1.500[
Régiment de Cosaques du Tereck
Stonias de Cosaques non enrégimentées. .
»
0
»
»
»
»
i.OOOl
dans les services
8 régiments cadres à 2 bataillons
10
»
»
»
»
»
10.000]
accessoires.
10 bataillons cadres à 5 compagnies
10
»
»
»
»
»
7.000;
100
80
8
10
8
6
4» Augmentations résultant d
J PASSAGE DU PIED DE PAIX AU PIED DE GUERRE
ET DE LA TRANSFORMATION DES BATAILLONS CADRES EN RÉGIMENT DE RESERVE. 1
[ Les 7 bataillons cadres
Au ! forment 7 régiments de ré-
1
1
Turkestan. ) serve à 5 bataillons, d'oii
\ une augmentation de
28
»
»
»
»
»
13.000
Dans [ Les 2 bataillons cadres
la province \ forment 2 régiments de ré-
trans- ) serve, Tun à 5 bataillons,
Caspienne. \ l'autre à2, d'oii augmentation.
5
»
»
»
»
»
5.000
^ Les 8 régiments cadres
j à 2 bataillons et les 10 batail-
l Ions cadres forment en temps
y de paix 4 brigades de réserve
let 2 bataillons indépendants,
. ils doivent donner à la mobi-
fancase ^isation :
uaucase. ^^ régiments à 4 bataillons
Iln'estpasprévu
j formant 4 divisions de réserve.
de formations d'ar-
/ 2 régiments à 5 bataillons.
f D'oii augmentation de ... .
48
»
»
»
»
»
( /7- r\f\£\
tillerie pour ces 4
1 Appel des réserves des rc-
giments actifs
1U.J. uuu
divisions de ré-
»
81
»
»
»
»
»
»
» i
serve.
Total des augmentations
»
»
183.000
En résumé, après le passage du pied
de paix au pied de \i\
lerre, l'armée russe de l'Asie j
Centrale comprend : Il
10 17
9 8
1
22i
lOS
44
!
Soit 327.000 combattants avec 336 \
)ièces de campagne.
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— 140 —
TABLEAU VI.
Troupes françaises d'occupation en Indo-Chine (1897 ).
1. ARMÉr »E TERRE.
\
Armée
de mer.
Année
de terre.
' 9" régiment d'infanterie de marine 3 bataillons
\ 10" régiment d'infanterie de marine 3 bataillons,
5 batteries d'artillerie de marine 4 de mont., 1 à pied
1 compagnie d'ouvriers. 1 compagnie de conducteurs
!'''■ régiment étranger 2 bataillons l
T régiment étranger 2 bataillons;
Gendarmerie
l""^ régiment de tirailleurs tonkinois 4 bataillons)
2" régiment de tirailleurs tonkinois 4 bataillonsi
3'" régiment de tirailleurs tonkinois 4 bataillons
l'infanterie de / ^^ ''^Sim- de tirailleurs tonkinois 4 bat. . Decr. du 15 déc.1897.
^ marine. 1 Gardes indigènes
(Troupes indi-
f gènes encadr.
par des offi-
ciers et des
-officiers de
■.5<
Armée
de mer.
Armée
de terre.
Troupes
indigènes.
( 11'' régiment d'infanterie de marine 2 bataillons
2 batteries d'artillerie
1 détachement d'ouvriers
1 bataillon du régiment étranger 2 compagnies . .
1 régiment de tirailleurs annamites .3 bataillons, .
Total de l'armée d'occupation 8-730 22.400
Euro-
péens
1.500
1.500
930
400
1.200
1.200
200
.200
250
50
300
Indi-
gènes.
Efl'eclif.
4.330 ,
2.600
6. 930
/ 2(i \m
200 ,
200/
200 >
400 i
000
20.000 V 20.000
1.500 i
1.800
» ; 300
2400' 2.400 2
400
4 200
31 130
■ I. .«RHÉE DE MER ( 1" Janvier f SOli ).
Le Bayard, cuirasse de croisière v.mod. , vit. 14 nœuds.
Le Descartes, croiseur protège, vitesse, 21 nœuds
L'Éclaireur, croiseur non protège, vitesse, 15 nœuds . . .
La Comète, la Surprise, le Lion, canonnières de haute
mer, vitesse, 12, 13, 12 nœuds
œ La Triomphante garde-côtes;
|~§\ Le Styx garde-côtes
" ~ ' L'Aspic et la Vipère
Flottille de torpilleurs
Les événements qui se sont passes dans le Nord ont fait renforcer notre division navale du :
11-^:/
Navires 1
N.\ VIRES
.^PTKS .\L'
COMB.\T.
NON APTES 1
—
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Nombre
— ■
—
iU COMBAT.
1
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»
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2
V
»
»
»
»
»
.
.
»
»
.
12
Jean-Bart, croiseur protégé, vitesse, 19 nœuds
Pascal, croiseur protège, vitesse, 21 nœuds
Bruix enroule
Vauban. cuirasse de croisière, syant à son bord le vice-
amira! Bonniniere de Beaumout, qui va prendre le
commandement de notre escadre
Le Duguay Trouin,
L'Entrecasteaux,
doivent suivre
Total .
10 332
4 3S6
10
8 52
60
1, 1 bataillon vient d'iUre rappelé en Algérie [Mars 1898).
147
TABLEAU VII.
La escadres européennes dans les mers de Chine (1897).
^ (Steewkns) .
I. - ANGLETERRE.
Station anglaise des mers de Chine.. .
Renforcement du mois de janvier 1898
Total
II. - FRANCE.
Escadre française de l'Extrême-Orient
Renforcement du mois de janvier
III. - RUSSIE.
Escadre russe du Pacifique.
IV. - ALLEMAGNE.
Division allemande de croiseurs
Y. - EMPIRE CHINOIS.
Flotte (lu Petchili escadre du Nord;
» de Foutcheou
» de Schanghai
» de Canton
VI. - JAPON.
Nouvelle flotte;
Ancienne flotte
NAVinES APTES AU COMBAT.
Noinbri
de
canons.
38
122
16 navires de combat avec 122 pièces de gros calibre.
Navires
non aptes
au combat.
OnSERVATIONS.
1
1
1
3
/}«!/( '.« (le
lu '/lolte
4
20
»
2
»
2
12
1
2
3
4
1
lie cmnljul
» »
4
32
1)
»
2
»
3,
5
12
(
0
7 navires de combat avec 60 pièces de gros calibre.
20 16
»
»
»
7
12
36
8 navires de combat avec 36 pièces de gros calibre.
2
6
»
»
»
»
"
»
»
»
"
»
2
7
2
3
1
»
1
3
»
1
1
4
»
»
3
»
3
8
7
10
8 navires de combat.
2
8
9
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1
7
4
l>
»
2
«
»
»
»
6
»
16
"
»
11
15
29
La valeur du
cuirassé le
Deutschaudest
très probléma-
tique.
La seule vrai-
ment moderne
organisée par
Li-Hung-Phang.
navires de combat.
5
7
5
9
15
•
»
5
2
9
5
9
»
15
»
»
»
»
»
»
28 navires de combat.
148 —
TABLEAU Vill.
Tableaux faisant connaître les points de relâche et l" importance des dépôts de charbon appartenant
aux puissances européennes ou indigènes.
S 1. — Dans les mers de l'Océan Indien.
A). — GRANDES PUISSANCES MARITIMES.
FRANCE.
RUSSIE.
ANGLETERRE.
P()INT.S
DE BEL.\CHE.
Obock
IleMayotte
Nossi-Re
Diego-Suarez F . .
Ste-Marie
Tamatave
Majunga
Reunion ile de la
Pondichéry
CALKS
POINTS
DE REL.^CHE.
9 dépôts dont
\ 8 de plus de COO T...
' 1 de moins de 500 T.
C.VLES
9 dépôts de charbon avec 1 cale de radoub.
B ). _ A U T R E S P U I S S A N G E S.
PORTUGAL.
Cfinducia Mozam-
bique
TURQUIE.
Mascatte
Rassorab
Rouchir.
POIXT.S
DE RELACHE.
AdenF
Kuratchi F
Rombay F
Colombo F
Port de Galles F.
Truccomali F . . •
Negapatam
Madras
Calcutta
Zanzibar
Port Natal F
Port Elisabeth...
Mahe
Maurice
Ile Chagos
CALES
2 \.
14 dépôts de charbon avec 33 cales
de réparation.
i
NOTA. — Les points de relâche soulignes sont ceux où des navires calant 8 mètres peuvent accoster un quai.
La lettre F indique que !e dépôt est fortifie.
La lettre D. indique que le dépôt de charbon est, en tout temps, supérieur à 500 T.
La lettre d que le dépôt est inférieur à 500 T.
La cale de radoub est une sorte d'écluse dans laquelle pénètre le navire à reparer. Les portes fermées, des pompes
soutirent l'eau laissant le navire reposer sur sa quille.
La cale de halape est un espace au bord de la mer disposé en pente douce sur lequel on amène par traction le navire à
reparer. Seuls les bâtiments d'assez faible tonnage peuvent être mis en réparation en cale de halage.
Le dock ou ca!e flottante est une espèce de ponton que l'on sub;nerge en le chargeant de pierres ou en y faisant ensuite
pénétrer de l'eau et sur lequel on assujettit le navire que l'on veut reparer : on supprime ensuite le poids dont on a chargé
le ponton , celui-ci émerge et le navire se trouve alors monte sur une cale qui flotte et entoure d'une grande plate-forme
superficielle. Ce ne sont généralement que de petits bâtiments qui peuvent être repares en cale flottante ; cependant
quelques docks atteignent les dimensions des plus grands navires.
1 L'une des deux cales de radoub d'Aden appartient à la Compagnie française des Messageries Miritimjs ; comme elle
serait impraticable à nos navires en temps Ai guerre, on l'a comptée parmi les ressources anglaises.
;2, Cette cale appartisnt à la Compagnie des Messageries Miritimes ; même observation que ci-dessus.
— 149 —
2. — Dans la presqu'île Indo-CMnoise et la Malaisie.
FRANCE.
POINTS
DE RELACHK.
S.iigon F
Tmirane..
Kiïphong
'liti —
iiméa .
CALES
5 dépôts de plus de 500 T.
RUSSIE.
POINTS
DE REL.^CHE.
CALES
5 dépôts de charbon d3 plus de 500 T. avec 4 cales de réparation.
ANGLETERRE.
POINTS
DE RRf.ACHE.
Cliittagong
Akyab Birmanie;. .
Bassein
Rangoun
Mauimein
Iles Andaman
Ile de Penang
Singapour
Tavao Bornéo
Sandakan- Harbour
Bornéo
Hudat
Ile Labouan
Sadang
Savawak
Samaray N.-Guin.K
lleTreasury archi-
pel Salomon
Ile Fildji
CALES
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)l
17 dépôts de charbon avec 8 cales
de réparation, i Indépendamment de
ces importantes ressources, l'Angle-
terre dispose encore d'une forte base
d'opérations dans la possession de
l'Australie. Le 8 3 donne le détail de
ces ressources).
ESPAGNE.
Manille i
Panay
Cebu
Basilan
Yap (Caroiines;
I
D
2
1
„
d
»
»
«
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).
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D
,1
»
»
d
»
SIAM.
ALLEMAGNE.
HOLLANDE.
Matapi archipel
Bismark
Baie Blanche Nou-
velle-Irlande —
Ile Marschall
Samoa
Pontianak Bornéo
Baiyermasiin
Telok-Betong Su
matra
Patembang
lambi
Inotragiri
He'i
Poste d'Atchim
Tapamili
Padang
IlsKalmia
Ile langka
Ile LiHgga
Ile Khi)
Baujuwangi Java .
Sourabaya
Semaraug
Batavia
Tylatiap
Kema Celèbes
Kivauding
Toutalie
Makassar
Le de Butan
Gsroutalo
Ile Tesnate
Ile d'Ambonie
l'e Giss.;r
Ile Baba
IleDobbi
Ile TuniorKœpang
Ile Srembavi
Dorei N.-Gainéa ...
(1 Maintenant iiosscssion américaine.
— ir)0 —
3. — Ressources dont peut encore disposer l'A-ngleterre en Australie.
POINTS DK RELACHE.
SITUATION GÉOGRAPHIQUE.
Ile Thursday
Port Barwin
Cooktown
TownsTille
Brisbane
Newcastle
Sydney
Port Kemblo
Melbourne
Adélaïde
King-George's-Sound
Freemantle
Launeston'
Hobart-Town
Bay of Islands
Waughari
Auckland
Wellington
Nelson
Ly-Helton:(Port de Chrlstchurch).
Oamaru (Port de Dunedin)
Otago-Harbour
Bluff..
Greymouth
West-Port
Détroit de Torrès
Côte Nord de l'Australie
Côte Nord-Est
D»
Cote Est
D"
D"
D"
Côte Sud '. .•
D"
Côte Sud (Albany)
Côte Ouest
Tasmanie ,.
D°
Nouv.-Ze'ande (ile'du N. côte N. E.).
D"
D»
D"
D"
D"
D"
D"
D"
D"
D(
d"
d»
(ile du N. côte S.),
(île du S. côte N.).
(ile du S. côte E.).
d"
d"
(i!e du S. côte S.),
(ile du S. côte 0.).
d'
CALES
— c y.
OSBERVATIONS.
Mines de Clarence-Kiver.
Soit 23 depôls de charbon ciontlSIde plus de £CÛT. et 5 de moir s de 500 T. avec 37cal(sdc radoub ou de halage
et 5 docks flottants.
l
— ir.i —
§ -4. — Dans les mers de l'Extrême-Orient.
FRANCE.
POINTS
DK RELACHK.
Baie de Kuang
Tchéou
e —
CALES
1 seul dépôt de création récente non
encore organise.
RUSSIE.
POINTS
DE I<KL,\CHE.
Vladivostock F..
Petropaulosk ...
Dui (ils Sakalien)
Karsakowsk . . ,
Port-Arthur F. . .
3 £-
CALKS
5 dépôts dont 2 de plus de 500 T.
5 dépôts avec 2 cales de radoub.
ANGLETERRE.
POINTS
DE RELACHE
Hong-Hong F .
Wei-Hai-Wei (non
organisé
(D)
CALES
(1)
c
1 dépôt de plus de 500 T avec 8 cales
de radoub.
ALLEMAGNE.
Kiaou-tcheou ( non
organise)
CHINE.
Swatow F
Amoy F
Fou-tcheou F.
Ning-Po F. . . .
Shanghaï F . .
Chiugkiang F
Wuhu F
Kiukiang F...
Han-Keou F . .
Ichang F
Tche-fou F . . . .
TakouF
Tient-sin N —
JAPON.
Baie d'Akiski (Yeso)
Endermot
Hokodate
Otterranaï
Yokohama (Nippon)
Yokoska
Tokio
Osaka
Kobe F
Nagasaki ( Kiou -
Siou)
Kelung (Formose). .
Tamsuy
— iry2
TABLEAU IX.
Garnisons des points d'appui de la flotte anglaise.
POINTS D APPUI.
Gibraltar.
Malte.
Chypre
Gevlan
Honçr-Kons'
Singapour
Maurice (île).
Le Cap
.Sainte-Hélène
Troupes d"occiip;i-
lion d'Ejrj'pte . . .
.7.1
a')
;«
l'ii
TROUPES METROPOLITAINES
6 12
12
1/2
Cic
= I 3
= ï
= 12
1 12
1 1 2
r^.soo
X.OOO
500
300
.400
..300
G^O
3. 500
200
.200
CORPS COLONIAUX ET INDIGENES
4 batteries.
400
1 section de cavalerie. ]
2 batteries d'artillerie. ) a")0
1 section du génie.. . . -
8 comp<'« d'infanterie..
4 batteries d'artillerie. ^1-'"»00
1 section du génie. . . .
batterie.
/
1 section du génie.. . . \
2 batteries
1 sction du erénie. . . ,
200
2-0
.800
9.000
500
1.G50
3.000
.:m
1)00
3.7)00
200
Indépendamment do ce.s forces permanentes , des milices sont instituées dans chaque colonie
pour sa défense propre.
153 —
GÉOGRAPHIE HISTORIODE & ETHNOGRAPHIQUE
VILLAGES ARABES EN FRANCE
Par M. Auguste DESGAMPS ,
jNIembre de la Société de Géographie de Lille.
(1)
I. Colonies arabes formées des débris de la bataille de
Poitiers. — II. Colonies de Maures réfugiés sous Henri IV.
1. — Colonies M'abes formées des débris de la bataille de Poitiers : i" Les
Sarrasins de la Bresse et du Bugey ; 2° Les Bédouins du Véron.
Sarrazins de la Bresse et du Bugey. — Un fait bien curieux
pour le visionnaire de mœurs, c'est l'existence jusqu'en cette fin de
siècle centralisateur et niveleur. dans la Bresse et le Bugey, d'un
groupe ethnique distinct de tous ceux qui l'entourent et d'origine
incontestablement orientale : je veux parler des communes de Ser-
moyer, d'Arbigny, de Boz, d'Ozan, d'Asnières, de St-Bénigne, de
Feillens, d'Uchiz}'-, de Mézeriat, de Polliat, de Lhuis, de Pont du Saut,
de Senozan.
Ce sont les débris des hordes barbares d'Abdérame taillées en pièces
par Charles-Martel à la bataille de Poitiers et qui se réfugièrent dans
ce pays boisé, marécageux et d'accès difficile. Comme toutes les
troupes arabes étaient montées, on peut comprendre que quelques-unes
s'aventurèrent assez loin du champ de bataille.
La localité où le type arabe s'est le mieux conservé, me disait
(1) Pour faire suite à : Un Village écossais en France ; une Colonie lilloise en
Angleterre : un Village français en Allemagne ; un Village belge en Allemagne ;
un Village grec en France.
— 154 —
M. Lacroix, le distingué Secrétaire de la Société d'Émulation du
département de Saône-et-Loire, c'est incontestablement Feillens. Les
liabitants se marient entre eux et ils possèdent une race de chevaux
pouvant rappeler les chevaux arabes. On sait que les Sarrazins trans-
portaient leurs femmes et leurs enfants dans des chars qu'ils em-
ployaient à la défense en cas d'attaque. Cet archéologue avait vu des
trous recouverts de branches d"arbres et de terre sous lesquels se
cachaient les fugitifs. Il ajoutait que d'après les anciennes chroniques
le nombre des Maures se montait à 400,000, et que ceux qui ne retour-'
nèrent pas ave& Abdérame en Espagne, ne furent pas tous passés au
âl de répée parce que, quand on les rejoignit plus tard dans leurs
retraites presque inexpugnables, beaucoup d'entre eux acceptèrent le
baptême. Il me raconta aussi qu'Ozan et d'autres villages arabes por-
taient des croissants dans leurs armes.
J'avoue que le temps m'a manqué pour visiter en détail toutes ces
curieuses peuplades qui n'ofifrent de couleur locale que le dimanche, à
cause de l'assemblée sur la place publique.
Je puis seulement vous dire qu'à Renonce, Seillonas et Ordonnas
existent des noms de famille d'un aspect franchement sarrasin, tels
que Alamercv, Cafond ou KafFon, Cisa, Buiroz, Babolah, Salladin,
Roum, Tabardet, Mochi, Galafron.
Beaucoup de familles font la joie des anthropologistespar leur figure
maigre et basanée, leur nez aquilin, leurs cheveux crépus, leurs yeux
noirs, hardis et pénétrants, tout en portant un nom français. Je citerai
par exemple les Froquet à Beuonce.
« Nous possédons à Benonce, des souvenirs sarrasins, me disait le
curé de la localité, M. l'abbé Berger : le Pont (VAladin, la Maison
des Sarrasins, le Jardin des Sarrasins, la Grotte des Sarrasins et la
Grotte de Roland, le héros de Roncevaux, qui fit sentir la puissance
de son bras aux Musulmans dans la Bresse et le Bugey. Dans la grotte
de Roland, on a découvert le cor de Roland qui est d'une grande
richesse artistique et qui a été transporté après la Révolution du musée
de Bourg au musée de Gluny.
Autre tradition : Les Sarrasins ont enfoui aux pieds des rochers,
vers les grottes où ils se retiraient dans la saison rigoureuse, des
trésors considérables. On parle souvent de faire des fouilles ; mais les
spéculateurs les remettent d'année en année, à cause des déboursés
considérables qu'elles exigent. »
Non pas seulemeut à Benonce, mais partout dans le Bugey et la
Bresse, les vestiges du passage des Sarrasins sont précis et nombreux.
Tout au bord de la Saône, à Montnierle. une colline porte le nom de
Côte des SaD-asins ; à Crottet, une chaussée celui d'Élourne des
Sarrasins. Près d'Ambrona}^ sont des restes d'ouvrages militaires
nommés Foi'ts sarrasins; près de Lent, une éminence du même genre
s'appelle le Sarrasinet. Dans la combe de l'Albarine, existent près de
Tenaj, aux flancs des rochers, deux bizarres constructions nommées
Forts sarrasins. Une construction semblable existe à Serrières de
Briord, ainsi qu'une grotte appelée Chambre des Sarrasins. Citons
encore la Porte des Sarrasins à Gcx.
Les deux colonies arabes le plus connues sont Boz et Uchizy. Ou
appelle les liabitants de Boz, Burhins et ceux d'Uchizy, Chizerots.
Certains savants de province ont vu dans l'appellation de Burhins le
nom de Bouryn ou Berryn, les continentaux, les liabitants de la terre
ferme ; dans celle de Chizerots, . le radical Dchirat, l'île. Les Burhins
ou continentaux seraient des Marocains venus par l'Espagne. Les
Chizerots ou insulaires seraient des pirates débarqués en Provence qui
auraient rejoint en France leurs congénères d'Espagne. Bappelons
pour la clarté du récit que les Arabes avaient fondé en Provence des
établissements formidables qu'on appeUe encore de leur nom, Massif
des Maures.
M. le curé de Boz ne me celait pas que le Boz d'aujourd'hui n'est
plus le Boz d'autrefois, en raison d'une immigration et d'une émigration
constantes.
« La population, quoique rappelant le faciès arabe, offre parfois les
caractères de la race burgonde. Les types ne sont pas fixes. Ce ne
sont que des phénomènes d'atavisme. On voit des hommes d'origine
arabe d'un blond très clair et des femmes d'origine française qui offrent
l'apparence des Mauresques. Parfois même il n'y a que quelques
caractères de race qui persistent, tels que la coloration cuivrée de la
peau et la forme sémitique du nez. 11 n'y a plus de groupe distinct. La
fusion s'est faite. »
Dans un court séjour que je fis à Uchizy, je descendis à la meilleure
auberge. L'aubergiste et ses enfants étaient possesseurs d'une toison
sauvage du noir le plus sombre. Leurs yeux me rappelaient les char-
bons étincelants qui se meuvent au milieu du masque pétrifié du visage
algérien. C'était la même teinte cuivrée uniforme du visage, la même
correction extraordinaire des lignes faisant ressortir le caractère d'au-
dace et de sauvagerie natives, la même bouche d'un rouge de sang.
— 156 —
Pur atavisme physique, c'étaient de très bonnes gens, mais je voyais tout
cela par les yeux d'un peintre de Paris à qui ils servaient de modèles,
en raison de leur type sémitique, pour des études bibliques. Yoilà pour
le phj'Sique ; quant au moral, ces personnes rappelaient l'Arabe dans
la sévérité et le sérieux du maintien.
Je fus à Ucliizy le dimanche, et l'auberge se trouvait pleine de
convives attablés. Quoique la patronne m'assurât qu'il y avait à Uchizy
quatre familles anciennes dominantes, les habitués ne laissaient pas
de former une foule bigarrée. J'avoue que j'ai, à mon grand regret,
oublié le nom de ces quatre familles dominantes, dont les noms de
provenance arabe étaient probablement francisés. Je ne fus pas sans
remarquer quelques physionomies franchement sarrasines, très vives
et très alertes , mais au milieu d'échantillons bressans à la lenteur
proverbiale, aux cheveux blonds, aux yeux calmes des plus caracté-
ristiques. Je notai aussi l'altération du type dans des personnes
blondes aux yeux très vifs et très noirs, indice de la fusion de deux
races autrefois irréconciliables. Et pourtant j'avais lu dans un mémoire
de M. Riboud, présenté sous la Restauration à la Société royale des
Antiquaires, que les Chizerots — c'est ainsi qu'on appelle les habitants
d'Uchizy — se mariaient toujours entre eux ; mais autres temps, autres
mœurs, le chemin de l'explorateur est souvent pavé de déceptions.
Je pris un verre avec le Nestor de la localité ; mais je n'en pris pas
deux, quoique nous fussions à la lisièreVle la Bourgogne. Il me déclara
que ses congénères avaient, comme les Arabes, l'horreur des boissons
plus ou moins alcoolisées. Quoiqu'il fiit absolument illettré, il connais-
sait, comme tous les Chizerots, la tradition de Charles-Martel, qui est
constante et générale à Uchizy. De la brochure de Charles Riboud, il
se rappelait seulement l'exclamation Allah, le massage pour toute
thérapeutique. 11 avait dansé dans sa jeunesse la Farandole et la Pyr-
i-hique; il avait mangé du pïYc de millet analogue au pilau arabe. 11
avait connu une époque où le mais, le millet et le blé sarrazin étaient
toute la culture du pays et où tout le inonde était pasteur ou bouvier.
C'était tout. Je remarquai toutefois que les toits étaient presque
plats comme en Afrique et, avec l'œil du poète ou de l'archéologue,
j'aurais pu trouver quelques minarets. Ce bon vieillard fut fort étonné
des termes arabes que je lui signalais — toujours d'après le mémoire
de Riboud — comme formant le dictionnaire et le vocabulaire chize-
rots sous le règne de Napoléon V\ et qui tirent la joie d'un mamelouk
- 157 -
(le passage chez ses frères séparés et retrouvés. Quoiqu'ils soient
tombés en désuétude et que l'actualité soit le fil conducteur du publi-
ciste, permettez-moi de vous en citer quelques échantillons, pour
soutenir ma thèse qu'Uchizy est un village d'origine arabe : on
employait autrefois par exemple le mot masquet pour enfant faible,
de l'arabe maschet; malais, seigneur, de l'arabe mulri/, prince (Muley
Hassan, par exemple) ; de f'atinie, laide : le contraire de Fatime, fille
de Mahomet, dont la beauté était célèbre chez les croyants ; Gazetta,
jeune fille. Le terme gazelle est essentiellement arabe, il se rapproche
singulièrement de Gft^^'^to, et l'on n'ignore pas que les poètes orien-
taux abusent de la comparaison de la jeune fille avec la gazelle.
Mais il no s'agit point ici de lexique et de grammaire ; ce qui importe,
c'est que l'invasion arabe ait laissé dans nos plaines de la Bresse et
dans les gorges du Bugey des traces profondes, que dix siècles de
centralisation et de nivellement n'ont pu efi'acer.
Permettez-moi maintenant un rapprochement. Je lisais l'autre jour
un livre très intéressant et très substantiel sur l'Algérie. L'auteur,
M. Paul Bourde, y décrit ainsi les Kabyles :
« Moi qui connais bien les robustes paysans de l'Ain, je suis vive-
ment frappé de voir combien ces gens leur ressemblent. 11 me semble
retrouver sur leur visage la marque des mêmes habitudes d'esprit, des
mêmes passions, des mêmes qualités. »
Lamartine, au retour de son voyage en Orient, a fait en d'autres
termes la même remarque :
« Si, comme moi, écrit-il, vous avez chevauché dans les déserts et
dans les vallées des deux Arabies, vous reconnaîtrez bien vite que les
Arabes ont colonisé la Bresse et ont imposé au plus beau fleuve du
pays ce nom arabe et générique d'Ain (l'eau par excellence), dont, en
perdant l'accent Ain, nos pères, moins euphoniques que les Arabes,
ont fait Ain.
BÉDOUINS DU VÈRON. — Si, d'après Lamartine, certaines tribus
poursuivies par l'épée de Charles Martel ont salué les flots de l'Ain
d'un cri de joie en y voyant une barrière infranchissable pour leurs
ennemis, la tradition veut qu'en ïouraine, après la bataille de Poitiers,
un certain nombre de fuyards sarrasins aient suivi la Vienne jusqu'à
11
— 158 —
l'endroit où ce fleuve se jette dans la Loire, et qu'ils se soient arrêtés
au confluent des deux fleuves.
Leurs descendants forment à Avoine, à Beaumont, à Savigny surtout,
dans la presqu'île du A'éron, une population à part qui vit en élal
d'hostilité avec les habitants des comuiunes environnantes et qu'on
surnomme je ne sais pourquoi « les Mayoulais ». Ils se désignent eux-
mêmes sous le nom de Bédouins du Vèroii ou de Bédouins de
Saviyu;/.
Ces rjrfiïids, dinljlcs, comme on les appelle encore, sont vifs, intelli-
gents, soupçonneux, maigres, doués d'une grande force musculaire et
parlent avec précipitation. Leurs yeux noirs et profonds flambent sous
un front carré. Leur teint est basané et le nez arqué. Les dents sont
blanches et les lèvres minces.
Un rien excite ces tempéraments qui n'endurent qu'une chose, la
fatigue. Leur penchant vers la rapacité confine à la filouterie.
Les pratiques de la sorcellerie sont mêlées chez eux à une fui aveugle
qu'ils portent aisément jusqu'au fanatisme.
Je dois tous ces détails anthropologiques et ethniques sur les
Bédouins de Savigny, à la courtoisie si gracieuse de M. Auguste Ghau-
vigné. le Secrétaire perpétuel de l'Académie de Tours. Je ne saurai
mieux faire que de vous renvoyer à l'étude attachante et définitive que
ce savant géographe a publiée sur le Pays de Véron (à Paris, chez
Leroux, 1891).
//. — ('olonin^ ib: Morisqi'.es ch-asseos jiùr Pliilippe III d' Espar/ne et recueillies
Cil France par Henri IV: Sauce, Vendays, Motitnlauri/, Herment.
Le seul journal qui [)arut en France eu 1610, le Mercure Fj-unçois,
rapporte que les Maures d'Espagne émigrèrent cette année-là en grand
nombre dahs le Midi de la France. Ils étaient tous parqués au Nord de
l'Espagne, dans le royaume de Valence. Le roi d'Espagne Philippe III
ne voulait plus les y tolérer, trouvant que leurs relations avec
l'Empire ottoman, alors formidable, pouvaient mettre ses Etats en
danger de disparaître. Les Musulmans d'Espagne furent en consé-
quence obligés de renoncer à une patrie où leurs pères étaient fixés
depuis sept siècles. Ils franchirent les Pyrénées au nombre d'un
million et entrèrent en France. Le gouvernement d'Henri IV permit
scnleiiiriit de traverser le royaume et de se rendre eu Afrique par mer
— ir)9 —
à ceux qui ne voulurent pas recevoir le baptême. Ceux qui consen-
tirent à embrasser le christianisme se fondirent dans la masse delà
population française, ou constituèrent quelques îlots ethniques arabes
que la mer de France n'a pas absolument submergés encore aujour-
d'hui.
Ainsi par exemple, les habitants de Sauve (Gard), petite ville située
au pied des Basses-Pj'rénées, forment, d'après les savants locaux, une
peuplade distincte, remarquable par sa courte stature, son visage
rétréci et aplati latéralement, ses yeux petits, ses cheveux très noirs,
son air sévère et mélancolique. Leur accent les fait distinguer des
villages voisins. Le journal Y Intermédiaire des Chercheurs et Curieux
du 20 Octobre 1895 faisait remarquer dans un entrefilet signé Osiris
que Florian, né à Sauve, y avait probablement puisé son goût pour
l'Espagne qui est corroboré d'un mérite réel dans Gonsalce de Cor-
doue et dans le Précis historique sur les Maures.
Si l'on en croit aussi les traditions locales, la région des Landes du
Médoc qui avoisine les étangs aurait également servi de refuge aux
Maures chassés d'Espagne.
Le village de Vendays, situé au milieu des marais, non loin de
l'extrémité septentrionale du Médoc, aurait été fondé par les fugitifs.
De nos jours encore, les habitants de Yendays se distinguent, selon
beaucoup d'anthropologistes, des autres Landais, par des traits plus
accusés rappelant une origine orientale, et la beauté de leurs femmes
est passée en proverbe.
Les chevaux de Vendays et des villages voisins sont considérés,
d'après Elisée Reclus, sur le témoignage duquel j'appuie les observa-
tions anthropologiques qui précèdent , comme les descendants de
chevaux arabes amenés dans le pays par les Maures. Vaincue sous
l'influence du climat, de la nourriture et des croisements, la race s'est
peu à peu modifiée ; mais elle garde encore quelque chose du type
originel.
Mais je reviens à la plus belle conquête que le cheval ait faite, je
veux dire l'homme.
Le sang africain est aussi largement infusé dans le département de
la Charente-Inférieure, au Sud-Ouest de Barbézieux, dans le canton
de Baignes. Selon ]M. Francisque Michel [Races maudites, tome II,
p. 318), il se trouvait encore vers 1850 une foule d'individus présen-
tant tous les caractères extérieurs des Morisques ou des Berbères ,
frayant peu avec leurs voisins et exerçant les fonctions de potiers. Ils
— 100 —
avaient une grande réputation de sorcellerie, et raîné dans chaque
famille recevait les dépôts des secrets magiques. Mais le Président de
la Société savante de la Cliarente ne me celait pas que ces traces
ethniques des Maures disparaissaient de jour en jour avec l'influence
des chemins de fer et du service militaire et je crois que les Orienta-
listes ne trouveront plus au XX® siècle d'ample moisson sarrasine que
dans la presqu'île d'Arvert (Charente). Je donnerai des détails sur ce
pays dans mon ouvrage prochain sur les Races curieuses de la France,
parce que je n'ai pu le parcourir cette fois-ci.
Dans plusieurs villages de la Creuse on trouve un grand nombre
d'individus qui paraissent appartenir à la race mauresque. Ils pré-
sentent en effet la plupart des caractères propres aux hommes de cette
race : taille élancée, formes grêles, peau cuivrée des habitants du Nord
de l'Afrique , tempérament nerveux et susceptible , croyance à la
sorcellerie.
Los noms de famille ne laissent pas d'être significatifs ; ce sont :
Lenoir, Noiraud, Brun, Lebrun, Moreau, Turquet, etc. Enfin, les
localités qu'ils habitent sont situées autour du village de Montmaury,
qui signifie montagne des Maures.
Montmaury fait partie du canton dePontarion et de Tarrondissement
de Bourganeuf.
Les anthropologistes ont aussi signalé comme devant être rapportés
aux races berbère et arabe certains habitants du canton d'Herment
(Puy-de-Dôme) aux cheveux noirs, aux yeux bruns, au nez mince et
aquilin, ainsi qu'au teint chaud.
Le système pileux est entièrement développé chez certaines femmes.
Elles se rasent plusieurs fois par semaine favoris et moustaches. Les
moustaches se montrent vers 12 ou 14 ans. Les Auvergnats les aiment
et estiment ainsi, c'est ce qui explique comment les Hermentoises ont
pu se reproduire en exagérant de génération en génération ce
caractère (1).
Examinons maintenant, pour terminer notre essai, les traces géné-
rales laissées en France par les incursions des Sarrasins d'Espagne et
par l'expulsion des Maures de cette péninsule.
(1) Joseph BoYER. Elude sur le canton d'Herment.
.— 161 —
Leur passage enrichit le dictionnaire de îa langue française et la
voix populaire leur attribue divers bienfaits.
Les mots algèbre al djhara, réduire, chiffre cifr, zénith, nadir,
alcali, alcool, almanach ont un pedigree arabe que partagent égale-
ment quelques termes usités, soit dans la marine, comme amiral, émir
al buhr, commandant de la mer, felouque, faluka, navire ; soit dans
la langue usuelle, comme magasin, iiiakhazin, dépôt de marchandises
en arabe, carafe, al gara fa, sorbet, cherbet, alezan, al hazan, le
beau ou plutôt al athan, la firmée, algarade, al garaza, cri de guerre
des Maures, caffard, lioujjia; infidèle, hypocrite, etc., etc. Ampère,
dans V Histoire de la formation de la langue française , et Littré,
<Ians son Dictiomiaire de la langue française, ont cité une foule
d'autres termes d'origine africaine.
Les bienfaits que la voix populaire attribue aux immigrants arabes
sont l'importation de procédés d'irrigation, du blé sarrasin et de l'esti-
vation des troupeaux du Midi. On leur devrait plusieurs races de
chevaux, ceux du Limousin, de la Camargue, d'Hvères, des Dombes
et l'art d'élever les mulets du Poitou.
Nos paysans leur devraient l'emploi de la fiente desséchée comme
combustible. Les Arabes fondèrent l'industrie des tapis d'Aubusson.
Le massage constitue encore toute la thérapeutique de quelques bour-
gades reculées. L'école de Médecine de Montpellier, jadis la plus
célèbre et en tout cas la plus ancienne de l'Europe, doit sa fondation
à des médecins arabes, chassés d'Espagne et accueillis par les comtes
de Montpellier. On se rappelle l'influence qu'exercèrent sur la culture
intellectuelle de l'Europe les Universités arabes : Abeilard et le savant
pape Gerbert se pressèrent sur les bancs de Cordoue avec une foule
d'Occidentaux pour étudier non seulement la médecine, mais aussi la
philosophie d'Aristote, les mathématiques et surtout l'astronomie. J'ai
cru inutile de rappeler l'invention des chiffres arabes.
Pour les raisons exposées dans ce tableau, quelques historiens
regrettent le carnage effroyable que fît l'Allemand Karl Martel des
Sarrasins à Poitiers pour sauver les peuples chrétiens de l'invasion
ottomane, et y voient le triomphe de la barbariiî tudesque sur une
civilisation particulière mais très avancée dont les ponts, les aqueducs
et les canaux de l'Espagne offrent des échantillons remarquables. Mais
ce Bulletin n'étant pas une revue critique, je me contenterai de dire
comme les Andalous à figure mauresque : Quien sabe ?
— 162 —
LES VILLES ANGLAISES DE L'HIMALAYA
Par M. Eugène GALLOIS,
Membre des Sociétés de Géographie de Paris et de Lille.
(SEJOUR HIVER ^1896-97).
Quelques mots sur les Stations sanitaires de montagne.
Installations anglaises aux Indes.
Les Indes, cet immense Empire, qu'il nous a été donné de parcourir en tous
sens pendant plusieurs mois, offrent les plus grands contrastes au point de vue
climatologique, suivant la latitude, Taltitude et des conditions diverses. Si dans le
Sud de la péninsule règne toujours la température tropicale, qui varie relativement
peu d'une saison à l'autre, par contre, sur les plateaux on trouve, à certaines
époques, une température plus modérée, et dans les régions du Nord existe un
véritable hiver.
Dans les montagnes, la température s'abaisse au fur et à mesure que l'on monte,
mais dans des proportions autres que sous nos climats. C'est ainsi que les Anglais
comprenant les avantages qu'ils pouvaient tirer pratiquement de ces conditions
spéciales, ont créé des stations sanitaires, des sanatoria. Ils ont mis à profit les
chaînes ou massifs montagneux que la nature avait semés sur leur vaste domain©
colonial. Dans l'île de Geylan, par exemple, ils ont utilisé la situation de la vieille
ville de Kandy et créé des postes, sortes de villes d'eaux, comme Nuara-Elyia,
Bandaravella, Haputale , où fonctionnaires, militaires et civils, peuvent aller
se reposer des chaleurs humides du littoral et goûter une bienfaisante fraîcheur à
des altitudes dépassant même 2.000 mètres.
Il en est de même pour le Sud de la presqu'île de l'Hindoustan, oii s'élève le
massif montagneux des Nilgherries, d'une altitude moyenne d'environ 2.000 mètres,
et qui renferme des sanatoria comme MetapoUium, Coonoor et Ootacamund. Ces
centres avec leurs hôtels et leurs chalets disséminés dans la campagne évoquent le
souvenir de l'Europe lointaine. La verdure qui n'a plus rien d'exotique ajoute à
l'illusion. Les sites sont généralement jolis et agrémentés par le voisinage de lacs
gracieux ; enfin les environs présentent d'agréables promenades et excursions.
Sans entrer dans le détail de ces stations sanitaires, nous ne saurions passer sous
silence celles de Lonauli, Khandala, et leurs voisines, situées sur la chaîne des
Chattes, et qui reçoivent la visite annuelle dos hal)itants de Bombay. Le Mont-
Abou, plus au Nord, est également très fréquenté; c'est une montagne isolée,
placée en avant de la chaîne de l'Aravalli. Cette station fort pittoresque, célèbre
également par de merveilleux temples, véritables bijoux sculptés en marbre blanc.
- 163 -.
présente une particularité : son paysage est africain ; et ce n"est pas sans une vivo
surprise que nous avons retrouvé ces palmiers aux troncs noueux, ces figuiers de
Barbarie et autres plantes qui nous rappelaient la belle Algérie. Le climat des
Indes, du Sud surfout, est trop chaud ou plutôt trop humide pour ces ornements
du désert. Enfin, dans l'Himalaya, les Anglais ne pouvaient manquer de trouver
des endroits ou s'installer et c'est ainsi qu'ils ont édifié de véritables villes, comme
Landour, Mussooree ou Mussourie, et surtout Simla, la capitale estivale de l'Em-
pire indien, situées au Nord de la grande chaîne, proches du Cachemire, tandis
qu'au Sud, entre les États indépendants du Bhoutan et du Népaul, sur le petit
territoire du Sikkim , ils ont créé Darjeeling, aux portes mêmes du mystérieux
Thibet, mais plus à proximité de Calcutta.
Nous ne parlerons pas du côté pratique de ces installations, réputées pour leur
salubrité oii les débilités, les anémiés, viennent se refaire, prendre dçs forces nou-
A'elles pour affronter les chaleurs et les fièvres, mais nous devons constater les
bons effets de cette institution pratique qui permet aux Européens, résidant dans
ces contrées, de garder, après de longues années de séjour dans l'Inde, leur vi"-ueur
musculaire, leur énergie physique et jusqu'aux couleurs de la santj. C'est o-ràce à
cette organisation que le gouvernement des Indes anglaises n'exige pas comme
notre Cochinchine, un double jeu de fonctionnaires (la moitié se trouvant "-énéra-
lement en congé), et que le pays profite dans toute la mesure possible de l'expé-
rience acquise par ses agents, de même que par les commerçants, les banquiers
et les hommes d'affaire. Ces établissements sanitaires sont encore une cause très
efficace de moralisation, en permettant à tous les Européens de la colonie d'y mener
une vie de famille comme en Europe et de s'entourer de leur femme et de leurs
enfants, qu'on hésite, et à juste raison, à exposer aux dangers du climat, commo
dans nos possessions d'Indo-Chine. On a déjà beaucoup écrit à ce sujet et nous
l'avons fait nous-mème ; la question est en effet fort intéressante pour notre grande
colonie asiatique, qui semble pleine de belles promesses dans un avenir prochain.
Mais ces stations sanitaires n'existent malheureusement pas et c'est jusqu'au Japon
ou à l'île hollandaise de .Java que l'on envoie les malades. 11 faudrait songer à
créer des établissements dans les montagnes de l'Annam, par exemple, ou sur
certains points des montagnes du Tonkin. Ce dernier pays en eflet présente dans
quelques régions des différences de température dont l'effet est efficace sur les tem-
péraments européens.
Nous n'insisterons pas, mais souhaitons que la question soit étudiée avec soin et
réglée au mieux des intérêts français.
Ce qui nous occupe en ce moment ce sont ces postes, ces stations sanitaires,
créés par les Anglais dans l'Himalaya et devenus de véritables villes dans certains
cas. Mais auparavant, nous nous permettrons deux mots sur l'Himalaya, cette
chaîne de jnontagnes gigantesques dont aucune de celles de l'Europe ne saurait
approcher. Quelques chiffres en diront du reste assez : elle s'étend sur une lon-
gueur de plus de 3.000 kilomètres et sur une largeur de plus de 800 kilomètres,
autrement dit la colossale chaîne asiatique avec ses ramifications couvre une
surface de plus de 2.500.000 kil. carrés, c'est-à-dire un territoire représentant
l'Angleterre, l'Allemagne, l'Autriche, la France, l'Espagne et la Turquie réunies.
Les montagnes d'Europe n'ont jamais constitué des obstacles infranchissables
comme l'Himalaya, oii les cols sont à des altitudes dépassant les plus hauts
sommets européens.
A diverses reprises des audacieux se sont risqués dans ces immensités de nei-^e
et de glace, comme les célèbres frères Schlagintweith et des ascensionnistes émé-
rites de « l'Alpin Club » de Londres, certains ont même atteint des altitudes
— 164 —
proches de 7.000 mètres, mais il n'est pas besoin de dire au prix de quels pénibles
efforts, sans parler des sommes relativement considérables qui ont dû être dépensées
pour ces périlleuses excursions (on pourrait même dire expéditions), oii il faut tout
organiser pour de longues semaines et même des mois entiers ; c'est que nous ne
sommes plus en Suisse oii l'on trouve des hôtels confortables à proximité des plus
grandes et difficiles ascensions et des guides sûrs et éprouvés. Là, au contraire,
tout est imprévu, surprise ; il faut tout prévoir et la lutte contre la nature et les
éléments ne saurait être plus âpre nulle part au monde.
Avec son gigantesque développement l'Himalaya, qui en langue hindoue signifie :
séjour des neiges, et qui était déjà connu des anciens, puisque des auteurs comme
Imaûs et Emodus en parlent, renferme les sommets les plus élevés du globe,
comme le Gaurisankar ou Mont Everest, deux fois haut comme le Mont Blanc avec
ses 8.836 mètres, son grand frère le Kinchinjinga, de peu inférieur, puisqu'il
mesure 8.540 mètres, le Dhawalagiri (8.187 mètres), et le Jawahir (7.824 mètres),
sans parler de tous ceux dont les sommets atteignent et même dépassent sept
milliers de mètres.
De ces sommets descendent des glaciers immenses, des névés, véritables déserts
de neige, qui s'écoulent en torrents grandioses fornicint des fleuves, des plus impor-
tants du globe; les uns se dirigent vers l'Est, ce sont les grandes rivières chinoises,
les autres vers l'Cuest et le Sud, comme l'indus, le fleuve sacré entre tous du
Gange, le Brahmapoutre, et leurs énormes et nombreux tributaires.
Le climat de ces régions est forcément très inhospitalier et des froids intenses y
sévissent, sauf dans les vallées oii l'on trouve même un climat très tempéré l'été
et presque chaud parfois, comme dans le célèbre et merveilleux Cachemire, cette
Suisse himalayenne, et sur les bas contreforts de la chaîne, c'est-à-dire intérieure-
ment à une altitude moyenne de 4.000 mètres. La ligne des neiges est en effet très
élevée, à une altitude au moins double de celle que l'on observe dans les Alpes.
Mais ce n'est pas une étude spéciale de l'Himalaya que nous voulons faire ici et
d'autres considérations nous feraient sortir du sujet ; revenons donc aux stations
sanitaires, véritables ville^ himalayennes créées par les Anglais.
SIMLA.
A tout seigneur, tout honneur; nous commencerons donc par la capitale estivale
des Indes, résidence du vice-roi pendant plusieurs mois de l'année et oii se trans-
porte l'administration de Calcutta à l'époque des chaleurs. Certaines branches des
« Public Offices » y sont même, paraît-il, à demeure ; aussi avec ses services admi-
nistratifs, ses employés, la ville semble-t-elle devoir être une ville de fonction-
naires ; il n'en est rien, pas plus à l'aspect extérieur qu'à la physionomic^qu'y revêt
l'existence. En effet, par sa situation elle est riante, cette ville aérienne de Simla,
aussi bien qu'elle est agréable à habiter, grâce à la nombreuse société qui s'y
réunit chaque année. Alors tous ceux auxquels les affaires et leur situation le
permettent fuient la ydaine brûlante pour venir demander quelque fraîcheur repo-
sante au voisinage des grands sommets aux fronts toujours couronnés de neige et
de glace. Ils accourent en grand nombre, les uns s'installant dans de confortables
villas, leur propriété, d'autres dans des cottages en location, d'autres enfin simple-
ment à l'hôtel (et ils sont nombreux ces asiles temporaires), tout comme dans nos
villes d'eaux européennes.
Disons deux mots de la route conduisant à ce site enchanteur qui évoque le
souvenir de la patrie lointaine.
- 165 -
Pour atteindre Simla la route est longue, bien longue même, car c'est au Nord
des Indes, dans la partie himalayenne qui avoisine le C-achemire que se trouve
située la ville d'été, la capitale estivale du vaste Empire, régi par un Vice-Roi ! Il
faut de longues journées de chemin de fer pour gagner la région du Punjab et le
pied de la montagne, de quelque point du territoire indien que l'on vienne. A la
bifurcation d'Umballa, on quitte la suite des voies ferrées, desservies par diverses
Compagnies, qui, suivant la vallée du Gange, remonte parallèlement à l'Himalaya
pour se poui*suivre jusqu'à Lahore et Peshawar, terminus actuel Nord des chemins
de fer indiens, à la porte même de Caboul. De cette station d'Umballa , où nous
avons été fort surpris de nous entendre apostrophé en français par le buffetier, un
compatriote échoué sous ces latitudes, un petit embranchement se dirige sur Kalka,
terminus jusqu'à l'époque oii les Anglais auront remplacé la route par un chemin
de fer à crémaillère, comme ils l'ont fait pour Darjeeling. Après avoir traversé bien
au delà de Delhi, la Rome indienne, les plaines mémorables oii se décida le sort
de l'Inde à diverses époques, pour atteindre Umballa, la voie s'élève et la montée
s'accentue en arrivant sur Kalka, oii la cote dépasse 2.400 pieds anglais, c'est-à-
dire 730 et quelques mètres. De là une route postière de 58 nulles anglais, soit
l'3 kilomètres, dessert Simla que l'on atteint en 8 bonnes heures en moyenne.
Le service est bien organisé et chaque jour le « mail » de la poste correspond à
l'arrivée du train. Le mail est une voiture robuste, sorte de charrette anglaise à
toiture, basse sur roue, oii l'on est plus ou moins moelleusement ; attelée de deux
chevaux, elle est adroitement et vigoureusement conduite par un cocher indigène
qu'accompagne un sais ou valet de pied, dont l'office est de descendre par instant
pour veiller à ce que rien ne cloche dans l'attelage et qui court au besoin à côté
des chevaux. Le postillon sonne de la trompe de temps à autre pour signaler son
passage et rendre la route libre, tout en informant de son arrivée les relais. 11 n'y
en a pas moins de 13, oii l'on ne prend que juste le temps de dételer et de ratteler,
excepte à mi-route, au bungalow de Solon, oii l'on vous laisse le temps de
déjeuner. Les Anglais sont décidément des gens pratiques, nous nous en sommes
aperçus plus d'une fois en voyage
Cette route de montagne n'otïre aucun caractère particulier, pas plus du reste
que le village de Kalka, oli l'on évite de séjourner ; elle se poursuit parmi des
sommets pelés et sa description serait oiseuse ; comme toute route de montagne
elle est plus ou moins en corniche et passe successivement d'un versant à l'autre,
franchissant parfois des cols ou des arêtes, avec des points de vue variés ; nous
nous réservons pour celle que nous consacrerons au chemin de Darjeeling, bien
autrement pittoresque.
L'aspect du paysage n'a qu'un médiocre intérêt, la distraction est sur la route
même ; il y règne une grande circulation, ce sont à chaque instant de longues files
de voitures et des suites de bêtes de somme, chevaux, mulets ou même chameaux,
munis de jarretières et portant des amulettes ou des colliers au cou, autant de
convois montants ou descendants. Enfin, après avoir été suffisamment secoué, à un
dernier tournant de route on aperçoit les montagnes boisées dont la verdure abrite
les maisons s'étageant en une sorte d'amphithéâtre. Tel apparaît ce séjour plus
qu'alpestre himalayien, à une altitude moyenne de 6 à 7.000 pieds, autrement
dit dans les 2.000 mètres.
La découverte de cette position sanitaire remonte au commencement du siècle et
sa création même à 1819, lorsque pour la première fois un Anglais, le lieutenant
Ross, séduit par le charme du paysage, s'y installa. D'autres vinrent après lui
appréciant la douceur du climat et les agréments du site, et dix années s'étaient à
peine écoulées que la réputation de Simla était chose faite. La modeste station se
— 166 —
développa et prit bientôt les iiUures d'une ville et d'une cite des plus pitto-
resques, vu sa situation sur une arête et à flanc de coteau. Ce fut sous sir John
Lawrence qu'elle devint réellerae;it, en 1864, la capitale estivale des Indes.
Cette ville de montagne s'est développée successivement à droite et à gauche à
travers la forêt qui l'encadrait, trouvant au Nord et à TEst, des pentes trop rapides
pour permettre des constructions bien établies. De la sorte elle se divise en plu-
sieurs parties fort distinctes. Au centre : la ville à proprement parler avec ses rues
en pente, parfois même en escaliers, ses modestes habitations, ses boutiques, ses
édifices publics et municipaux, comme la Poste, THôtel de Ville et FÉglise (ces
derniers sur Tarète même), tandis que les faubourgs s'allongent pendant plusieurs
kilomètres. A gauche, c'est le quartier dit « Boileau'Ganj » et le point de vue de
« Prospect Hill » avec le château du Vice-Roi, PéterhoflT, dont les tours et les cré-
neaux émergent de la verdure.
A droite, le « Jutogh » ou quartier militaire avec ses cantonnements, son hôpital,
ses villas d'officiers, etc domine la ville. A ses pieds, le « Chota Simla » est
une réunion d'hôtels et de cottages. Derrière, se dresse la colline de « l'Elysium »
dont la verdure est semée de châteaux ou plus modestes villas dans l'encadrement
de parcs et de jardins, en face du plus grandiose panorama qui se puisse rêver.
C'est une vue qui s'étend à l'infini sur plusieurs plans de blancs sommets, dont la
dentelure se perd dans les horizons lointains aussi bien au Nord qu'au Sud. ]\Iais
le spectacle est encore plus grandiose du « Jako Hill » dont le sommet isolé dépasse
8.000 pieds, c'est-à-dire près de 2.500 mètres. De cet observatoire le regard
embrasse tout le tour de l'horizon, et le tableau est vraiment inoubliable ; mais les
ascensionnistes connaissent ces jouissances et tous ont plus ou moins contemplé
ces merveilleux décors de la montagne, qu'elle soit européenne ou asiatique.
Aussi nous laisserons chacun évoquer les belles visions qu'il lui a été donné
d'admirer, en lui faisant observer la différence d'échelle qui existe entre les Alpes
et l'Himalaya.
Cette promenade, car nous ne saurions taxer d'ascension une montée faite sous
le couvert des sapins qui tapissent les pentes des montagnes de Simla, nous réser-
vait une curieuse surprise , la rencontre de singes sauvages, mais peu
farouches, qui semblaient fort mal à l'aise dans la neige recouvrant le sol, lors de
notre visite, car nous étions là-haut en plein hiver et le thermomètre descendait la
nuit au-dessous de zéro. Nous croyions que les singes vivaient difficilement sous
nos latitudes, et pourtant comment ceux-ci étaient-ils venus élire domicile dans un
pays relativement froid l'hiver ? S'ils écrivaient leur histoire, peut-être les écri-
vains siniiesques nous apprendraient-ils qu'ils ont dû fuir devant une invasion
quelconque En tous cas nous laissons le problème à résoudre à des chercheurs
ou des savants quelconques.
Si l'hiver est, on le voit, plus ou moins rigoureux, par contre l'été ménage quel-
quefois de grosses chaleurs, mais en principe le climat est tempéré et rappelle celui
de nos latitudes moyennes d'Europe, et en particulier de notre belle France, qui
est, on peut dire, le Paradis terrestre moderne. L'affiuence des étrangers de tous
pays, venus des quatre coins du globe, le prouve suffisamment.
Inutile d'ajouter que les environs de Simla procurent les excursions les plus
variées, sans parler des distractions comme celles des jeux et de la chasse qui font
de ce lieu un site enchanteur bien fait pour attirer tous les anglo-indiens astreints
au séjour dans la péninsule.
— 167 —
MUSSOOREE OU MUSSOURIE.
Un peu au Sud de Sinila, la reine des stations hinialayeunes, se trouve iSIus-
sourie, sanatorium très fréquenté, qu'une route, dite route de Rajpoure relie à une
station du chemin de fer de « TOudii et du Rohilcand », Saharanpoure, distante
d'environ 52 milles anglais et pour le trajet de laquelle on compte environ une
journée. On passe par divers villages et la petite ville de Dehra Denn, chef-lieu de
district, mais cela n'ajoute rien au pittoresque fort relatif du chemin. Bien que Ton '
fasse le trajet en voiture, il n'en est pas plus confortable pour cela et il paraît
plutôt monotone. On remonte une étroite et sinueuse vallée le long d'un torrent
presque à sec généralement, pour atteindre le col ou passage menant à la vallée de
la Dehra. Au delà s'élève une chaîne abrupte de montagnes, premier contrefort de
l'Himalaya de ce côté, sur laquelle les maisons de Mussourie apparaissent encore
lointaines, formant de petites taches blanches dans la verdure. Au fur et à mesure
que l'on monte, là aussi le paysage fait songer à l'Europe. Pareille similitude
d'essences forestières, la vue d'arbres fruitiers frères de ceux de nos jardins, tout
rappelle au voyageur ou à l'implanté civil ou militaire, la patrie lointaine.
La ville qui ne fait qu'un même centre sanitaire avec Landour, s'étend sur une
longue arête de plusieurs kilomètres. Les maisons sont assises en quelque sorte
les unes au-dessus des autres, elles semblent s'être nichées dans les plis du sol.
Par suite des accidents de terrain, l'altitude est variable, elle vascille entre 5.000 et
8.500 pieds, c'est-à-dire entre 1.500 à 2.500 mètres et même plus. Malgré cette hau-
teur, la vue n'est pas cependant ce que l'on pourrait croire, les montagnes se
succèdent bien sur le fond de l'horizon, mais on est trop éloigné des cimes princi-
pales de la grande chaîne, pour qu'elles frappent vivement ; elles sont séparées en
effet de l'observateur par une succession de plans étages qui empêchent d'en saisir
les réelles proportions ; enfin la vue, dans la direction du Nord, est presque acca-
parée par des manielonnements d'aspect aride, de couleur fauve.
Le centre du pays est occupé par un vaste bazar autour duquel sont venues se
grouper des maisons de banque, des succursales de Compagnies d'assurances, des
magasins de toutes sortes, des hôtels, sans parler des édifices publics et des églises
appartenant aux différentes religions.
Les excursions ne manquent pas non plus à l'entour.
Enfin le climat rappelle celui de Simla, c'est-à-dire qu'il est fort tempéré ; la
moyenne de l'été est d'environ plus de 20 degrés centigrades.
DARJEELINQ.
La troisième ville bâtie sur les contreforts de l'Himalaya mérite une mention
toute particulière à cause de sa proximité relative des plus grands sommets du
globe que l'on peut contempler des hauteurs avoisinantes. Elle est également très
fréquentée pendant la saison chaude et sert de résidence au lieutenant-gouverneur
du Bengale. De nombreux habitants de Calcutta suivent également le même chemin
quand les chaleurs commencent à se faire sentir. Quoique plus accessible que ses
sœurs, cette station sanitaire est encore à plus de .390 milles de la capitale de
l'Empire indien, soit environ 030 kilomètres.
Darjeeling (qui signifie le lieu saint), n'était il n'y a guère plus d'un demi-siècle
qu'un monastère bouddhiste perdu dans les forêts du Sikkim. Le territoire anglais
— 108 —
s'arrêtait en effet alors sur la rive gaucho du torrent de la Mahanuddy. Sa décou-
verte est due à un officier du service topographique, le capitaine Lheyd, qui, explo-
rant la frontière dans ces parages alors peu accessibles, en 1828, fut vivement
frappé de la beauté du site, ainsi que de ses avantages au point de vue sanitaire ;
aussi de retour suggéra-t-il aux autorités l'idée d'en faire l'acquisition. Ce fut ainsi
qu'en 1835 le rajah du Sikkim consentit à céder à l'Angleterre pour une modeste
rente de 3.000 roupies, les quelques lieues de vallées et de forêts qui encadrent le
site oii s'élève la ville. Ce ne fut toutefois qu'à partir de 1839 que cette petite
colonie commença à prendre quelque extension par l'ouverture de routes, la fonda-
tion de monuments publics et l'établissement d'un bazar oii s'échangent tous les
produits de l'Inde et du Thibet, comme le sel, le musc, les étoffes, etc.. . . Dix ans
plus tard la population dépassait quelques milliers d'habitants. Elle a été érigée en
chef-lieu d'un district qui compte plus de 150.000 individus, dont une vingtaine de
mille sont employés dans les nombreuses plantations de thé qui garnissent tous
les contreforts des montagnes sur la route de Darjeeling. Mais avant d'atteindre
ce centre relativement important, disons deux mots du chemin pittoresque qui y
conduit.
La route n'a rien de pénible et est même confortable, puisqu'elle se fait en
chemin de fer, et, de plus, elle est intéressante, mais elle nécessite deux transbor-
dements pour la traversée de larges et variables bras du Gange sur lesquels les
Anglais n'ont pas voulu entreprendre de jeter des ponts difficiles à établir et d'un
revient fort coûteux. Ils se sont économiquement contentés d'établir des bacs à
vapeur, oii l'on trouve un buffet installé sur le pont. Enfin à Silligury on quitte la
ligne ferrée pour prendre un petit chemin de fer (genre Decauville, véritable
joujou), avec des wagons fermés et découverts, oii l'on est deux ou trois de front.
On compte environ 8 heures pour franchir les 80 kilomètres qui séparent Silligury
de Darjeeling.
La réputation de beauté de cette route exceptionnelle n'est plus à faire; elle joint
un charme particulier au grandiose du paysage, soit que la voie en corniche semble
suspendue au-dessus de précipices, soit qu'elle s'engage sous l'épaisse voûte de la
forêt aux sombres halliers où les lianes courent de troncs en troncs et de branches
en branches, tendant leurs inextricables réseaux. C'est un fouillis indescriptible
de plantes et d'arbres : véritable chaos de végétation, retraite de grands fauves
qu'a éloignés le sifflet de la locomotive, quoique cependant, parait-il, on ait vu un
jour le train obligé de stopper devant un troupeau d'éléphants. On comprend en
voyant combien difficile a été l'étude du plan de ce tracé et quels travaux d'art il a
fallu exécuter, que les Anglais aient quelque fierté à avoir établi cette voie ferrée
originale oii toutes les difficultés ont été vaincues ou habilement tournées. La
petite machine souffle et tire dur en remorquant son train minuscule ; s'arrètant
jjarfois comme pour reprendre haleine. Tantôt le convoi gravit des pentes rapides,
grimpant le long de parois rocheuses, tantôt il se replie sur lui-même, comme un
jouet d'enfant, faisant des courbes d'un rayon invraisemblable et même des circuits
concentriques, comme sur la merveilleuse route du St-Gothard, qui l'emporte en
grandiose exécution.
On pourrait écrire des pages sur les charmes variés de cette jolie route, sur
l'exubérance de la végétation exotique où les plantes les plus variées poussent à
Tenvi, jusqu'aux merveilleuses orchidées aux formes capricieuses et aux délicates
couleurs, mais « il ne faut pas abuser même des meilleures choses », dit le pro-
verbe français.
l'ar un ingénieux procéilé, les ingénieurs ont trouvé un moyen simple d'élever
rapidement la voie au moyen de pentes en lacets ; c'est le système du refoulement.
-^ 1G9 —
Le train est successivement tiré et poussé à chaque palier successif. Inutile d'ajouter
qu'il suffit d'un simple aiguillage à chaque opération. Nous i.e pouvons nous
empêcher de faire une courte description de cette route qui nous a laissé de si
pittoresques souvenirs.
Peu après le départ de Silligury on s'engage dans la foret et l'on suit la rout'i
que l'on a utilisée même sur une partie du parcours. On croise de longs convois
de charrettes attelées de bœufs, des porteurs, types nouveaux pour nous de Thibé-
tains, de Népalais armés de coutelas ou poignards d'une forme [Kirlieulière, ou de
quelques autres représentants de races montagnardes montant à Darjeelingou des-
cendant vers la plaine. Au fur et à mesure que l'on monte la vue s'étend sur dos
horizons lointains, les plans de montagnes se superposent dans la direction du
Nord et les contreforts de l'Himalaya semblent grimper à l'assaut. De temps à
autre ce sont des échappées pratiquées dans la forêt dense. La route passe de mon-
tagne en montagne, franchissant des cols ou suivant des crêtes flanquées de
précipices au fond desquels le regard se noie dans la verdure.
Des stations sont naturellement échelonnées le long du parcours, souvent
modestes cabanes, certaines plus importantes, comme celle de Tindharia, oii la
Compagnie a installé des ateliers. Merveilleusement située, elle ofTre un point de
vue superbe sur le chemin parcouru ; la plaine apparaît au loin plus ou moins
claire au-dessus d'un beau premier plan de montagne. On a atteint bientôt un
millier de mètres et le paysage va se modifier un peu en ce sens que les représen-
tants des essences exotiques se font plus rares, néanmoins nous avons encore
aperçu des bananiers à 1.200 mètres. Des torrents, redoutables à certaines époques,
franchissent la voie en courant au fond des gorges dans les rochers. A un autre
passage, deux gigantesques rochers auxquels on a donné le surnom de Gladstone
et de l'Artilleur surplombent le chemin établi en une audacieuse corniche.
Un peu plus haut à Kurseong, un village situé sur une arête rocheuse, a lieu le
croise.ment des trains montant et descendant. Toujours avec leur esprit du confort,
les Anglais ont installé là un butiêt oii l'on peut déjeuner à prix fixe ou à la carte,
tout comme en Europe, pendant que les boys ou domestiques, dont on ne saurait
pour ainsi dire se passer en Orient, comme chacun sait, surveillent les bagages en
grignotant quelques poignées de riz ou quelque galette. Bien qu'on ait dépassé
1.500 mètres, les plantations de thé garnissent encore les pentes des montagnes,
c'est là en effet une des principales richesses de cette contrée et nous avons vu
dans les environs de Darjeeling de fort beaux domaines avec de confortables habi-
tations pour les colons, parmi lesquels certains réalisent de véritables fortunes dans
la culture du précieux arbrisseau, dont la feuille séchée sert, infusée, de boisson à
des milliers d'individus. Les Jésuites qui dirigent d'importants collèges aux Indes
ont installé sur ces hauteurs un établissement estival bien aménagé oii Pères et
élèves vont refaire leur santé éprouvée par le climat.
Enfin la route s'élève toujours, dépasse 2.000 mètres, grimpe encore et atteint
près de 2.500 mètres pour redescendre quelque peu sur Darjeeling. Les brouillards
ne sont pas rares à cette altitude et nous nous rappelons encore le froid humide
qui nous saisit lors de notre passage, nous qui venions de séjourner plusieurs mois
dans des régions équatoriales. Mais voici Darjeeling qui apparaît. . . .
La ville indienne la plus voisine de la mystérieuse contrée du Tliibet a plus d'une
analogie avec Simla. Comme cette dernière, Darjeeling est en effet située sur la
crête et le versant Sud d'un contrefort qui se dresse entre deux profondes vallées.
Même aspect de maisons blanches se superposant plus ou moins régulièrement.
avec un bazar très pittoresque, des édifices publics, des hôtels et des villas. L'en-
semble, dont l'altitude varie entre 2.200 et 2.600 mètres, c'est-à-dire entre la pointe
— 170 —
de Birch-Hill, aménagée en parc pittoresque duquel on jouit de beaux points de
vue jusqu'à la colline de Jelapahar, oii se trouvent les cantonnements militaires,
agréablement situés dans la verdure. En ville, les monuments comme la Mairie, le
Palais du Gouverneur avec son parc, pas plus que le Secrétariat ou l'Église St-
André, n'ont de cachet particulier. Un bel établissement public se remarque cepen-
dant : c'est l'Eden sanatorium ; il est bien situé et bien aménagé, dominant le Jardin
public. Mais c'est dans la rue et surtout au marché que le spectacle est intéressant
et pittoresque pour le voyageur ; on peut s'y livrer à de curieuses études de mœurs
grâce à la situation exceptionnelle de la ville qui attire tous les indigènes de la
région : familles montagnardes encore à demi sauvages, comme les Leptchas, les
Bhutiens, les Népalais, les Thibétains, les gens du Bhoutan et jusqu'à des Cache-
miriens. Us sont atfublés de costumes variés, de couleur généralement sombre,
certains ont des manteaux de peaux, les uns sont coifiës de sortes de chapeaux,
d'autres de toques, etc., et ils sont chaussés de grossières sandales ou de bottes en
feutre comme les habitants du Turkestan. Presque tous portent pendu à la ceinture
un poignard qui leur sert à tous usages. Si les hommes en général ne sont pas
beaux avec leur face plate aux yeux bridés et au nez épaté, les femmes nous ont
paru rappeler de fort loin les belles proportions de la statuaire antique et justifient
peu le litre de la plus belle espèce du genre humain Tout comme les
sauvages de l'Afrique ou de l'Océanie, elles se passent des anneaux dans le nez et
se parent de bijoux, souvent en argent, bracelets, colliers garnis de verroteries de
couleurs, sans parler des bagues et des boucles d'oreilles plus ou moins volumi-
neuses. Quelques-unes se confectionnent des colliers avec des pièces d'argent tout
comme les Ouled-Naïls d'Algérie se couvrent de chapelets de pièces d'or. Il n'est
pas rare de voir aussi des hommes porter des bijoux ; et n'est-ce pas un reste de
sauvagerie chez nous-mêmes qui nous taxons de gens très civilisés que la recherche
pour les hommes mêmes de bijoux de plus ou moins bon goût. Certains, enfin, sont
tatoués , ce qui se voit encore aussi parfois chez nous I
Dans les échoppes comme chez les marchands en plein vent on trouvera à
acheter de curieux bibelots qui font la joie des collectionneurs ; ce sont : des
« moulins à prière », objet creux en cuivre, oii l'on peut glisser des prières impri-
mées, muni d'une. tige sur laquelle il pivote en tournant à la moindre impulsion,
des petites statuettes de Bouddha ou de quelque divinité, plus ou moins enrichies
de pierres de couleur, des porte-reliques, des foudres, des plats à riz, de petites
aiguières, etc. (de fabrication thibétaine), ou encore des tibias transformés en
trompettes et des crânes humains servant de tambourins. Certains sont accouplés
deux par deux par le sommet, ce seraient les boîtes crâniennes de couples adul-
tères En dehors des marchands nous avons trouvé à acheter certains
bijoux, par exemple, sur les femmes elles-mêmes, qui finissaient par troquer leur
parure pour quelque menue monnaie d'argent. Nous n'insisterons pas davantage
sur ce spectacle de la rue tout particulier, et nous croyons en avoir assez dit pour
faire entrevoir l'intérêt d'une visite à Darjeeling, sans parler du spectacle merveil-
leux du panorama qui vous entoure.
Le panorama grandiose dont on jouit du point culminant de Darjeeling même,
c'est-à-dire de la verte colline de l'observatoire, au sommet de laquelle se dresse
une petite pagode blanche entourée d'oriflammes de couleurs qui flottent au vent
et de porte-prières du plus original effet, défie, en effet, toute descri])tion. La vue
embrasse toute une série de sommets dont les arrière-plans dépassent plusieurs
milliers de mètres, et, dominant l'ensemble, le Kinchinjinka haut de 28.150 pieds,
autrement dit 8.540 mètres, se dresse majestueux et vraiment grandiose avec ses
gigantesques névés et ses formidables glaciers vierges, et probablement pour long-
temps encore. Rien ne saurait rendre le caractère vraiment imposant ilc cette vue
inoubliable qui dopasse tout ce qu'on pourrait imaginer; le second géant du
monde, deux fois haut comme notre Mont Blanc, vous domiue de plus de 20.000
pieds. Il ne perd rien de sa taille colossale étant vu à environ une cinquantaine de
kilomètres de distance et rien n'arrêtant la vision de l'observateur ; bien plus,
grâce à une suite de premiers plans inférieurs séparés par de profondes vallées, le
regard plonge plus bas et c'est une élévation d'un seul jet de plus de 27.000 pieds
qui se dresse superbe et unique au monde ! C'est aux poètes qu'il appartient de
célébrer et chanter les louanges du gigantesque ]Moat, éblouissant dans l'azur du
ciel sous un soleil de feu et passant par toutes les teintes suivant l'heure du jour ;
pour nous qui l'avons contemplé face à face, nous ne saurions oublier les trop
courts instants oii il nous est apparu dans toute sa splendeur !
La vue panoramique est encore plus grandiose, si c'est possible, du haut d'une
montagne voisine de Darjeeling, dite le Tiger-Hill (montagne du tigre), en sou-
venir de quelque rencontre fâcheuse probablement faite par un ascensionniste. De
ce sommet découvert que l'on met environ deux heures à atteindre et qui domine
le Jelapahar de plusieurs centaines de mètres, la vue plus étendue encore permet de
découvrir par dessus le ^lont Phallut, la dent blanche du Géant du monde, le
Gaurisankar ou Mont Everest dont la hauteur, on se le rappelle, mesure 8.848 m.,
c'est-à-dire près de 9 kilomètres. Il est vrai que l'éloigneraent oii il se trouve
(environ une centaine de kilomètres) ne permet guère d'en saisir des détails, et
il faut s'estimer heureux lorsque les vapeurs , brouillards ou nuages ne le
masquent pas.
Nous n'entreprendrons pas ici l'historique des ascensions célèbres et peu nom-
breuses exécutées dans la grande chaîne himalayenne.
Plusieurs vaillants pionniers ont eu l'audace de s'attaquer à ces redoutables
montagnes, certains membres de nos collègues du Club Alpin anglais ont fait des
tentatives couronnées de plus ou rn,oins de succès et des Allemands se sont même
élevés jusqu'à 2.'î. 000 pieds, c'est-à-dire près de 7.000 mètres, hauteur déjà fort
respectable et qui laisse loin derrière elle celles usitées par la moyenne des alpi-
nistes. Mais il convient d'ajouter que pour faire la moindre tentative au milieu de
ce monde désolé de neiges et de glaces, il faut monter une véritable expédition, ce
qui représente de grosses dépenses et posséder personnellement une force de résis-
tance absolument exceptionnelle. Enfin on ne peut opérer que sur le territoire du
Sikkim, les Européens ne pouvant songer à s'aventurer dans les montagnes encore
fermées du Népaul ou du Bhoutan, ni se hasarder sans courir les plus grands
dangers sur le plaleau thibétain.
En dehors des promenades multiples que l'on peut faire pédestrement aux alen-
tours de Darjeeling, il en est une un peu plus importante qui ménage de jolis et
pittoresques points de vue, c'est celle dite de « Cane bridge » ou de la Teesta,
véritable excursion de montagne que l'on peut prolonger jusqu'au j'oint oii la
Teesta mélange ses eaux à un autre torrent, le Runghit. Le chemin y conduisant
passe tout d'abord par le curieux petit village de Bhutia-Bustee ou (village d'or)
littéralement accroché aux flancs de la montagne. Un petit sanctuaire bouddhique,
en forme classique de dagoba, le domine. Tout proche également est un modeste
temple ou pagode dont les pirètres et gardiens, alléchés par une offrande, vous font
les hoimeurs ; ils vous montrent sous le porche d'entrée un énorme moulin à
prière établi sur un pivot central et que l'on fait mouvoir avec le pied. A l'intérieur
des objets sans valeur destinés à la décoration du Lieu Saint et des livres de
prières ne sauraient retenir le voyageur qui n'y ajoutera qu'un intérêt relatif.
La descente s'effectue rapide par un chemin pierreux. On passe tantôt à travers
— 172 —
des forêts oii les lianes inextricables tendent entre les arbres leurs gigantesques
toiles d'araignée ; un bruit insolite en trouble de temps à autre le mystérieux
silence : c'est quelque animal qui se glisse sous les halliers en quête d'une proie ou
à la poursuite d'un autre être plus faible que lui , tantôt «on traverse de ces
belles plantations de thé où le précieux arbrisseau taillé avec soin tapisse les pentes
des contreforts himalayens. Après une descente de plusieurs milliers de pieds on
atteint les bords du torrent que franchit un de ces curieux ponts de bambou, souple
passerelle, qu'un pont suspendu plus confortable remplacera bientôt pour la plus
grande commodité des voyageurs, mais dont la légèreté ne saurait rivaliser avec le
charme exotique du pont primitif.
Un des charmes de cette promenade, c'est sans conteste la vue superbe dont on
jouit pendant une bonne partie sur le Kinc;hinjinga, qui fait le plus merveilleux
fond de décor que l'on puisse rêver.
Puisque nous avons parlé des plantations de thé, nous terminerons en disant
deux mots de cette industrie agricole. Elle est comme on sait fort développée aux
Indes qui luttent avantageusement aujourd'hui avec la Chine comme production,
mais les points principaux oii elle est exploitée sont surtout l'île de Geylan, la
province de l'Assam et les environs de Darjeeling. Sur ce dernier point on ne
compte pas moins en effet de 150 exploitations, conquises pour la plupart sur la
forêt sommairement défrichée. La culture du thé a été encouragée par le gouver-
nement qui accordait des concessions allant jusqu'à 500 acres, c'est-à-dire environ
200 hectares. Les frais de première installation étant relativement peu onéreux, les
colons rentraient vite dans leurs déboursés et voyaient généralement leur exploi-
tation prospérer rapidement. C'est ce qui explique l'accroissement de certaines
propriétés comportant parfois plusieurs centaines d'hectares. 11 va san^ dire que
cette culture est des plus productives et que des colons y ont fait de réelles for-
tunes, si l'on songe au prix infime de revient, la main-d'œuvre étant bien minime.
Malheureusement pour les producteurs, ce sont encore les intermédiaires qui, bien
souvent, prélèvent les plus gros bénéfices ; néanmoins, le « métier » comme l'on
dit est encore bon. Ajoutons que les habitations des colons nous ont paru des plus
confortables en général ; certaines, vastes et bien aménagées, renferment des mobi-
liers modernes et jusqu'à des pianos transportés là à grands frais. Le climat étant
sain et tempéré, les cultivateurs de thé ne sont donc relativement pas à plaindre,
dans ce pays du moins. Cette plante du thé dont la feuille séchée à la vapeur est
roulée et concassée avant de nous arriver est, comme on le sait, l'objet d'une
colossale consommation à la surface du globe ; mais nous ne saurions insister sur
ce sujet qui sort de notre cadre et nous renverrons aux livres spéciaux, nos lecteurs
avides do plus amples renseignements.
Cet État du Sikkim semble la porte ouverte sur le mystérieux Thibet, oii quelques
rares voyageurs se sont encore à peine aventurés; mais c'est, on pourrait dire, une
porte murée, attendu que ce n'est pas la voie de pénétration suivie par les explo-
rateurs. Ceux qui ont osé se hasarder sur le vaste plateau thibétain sont plutôt
entrés par le Nord, du côté des provinces peu hospitalières sous l'influence
chinoise qui avoisinent les territoires extrêmes oii se sont installés les Russes. Le
fait est que jusqu'à nouvel ordre il ne faut pas songer à pjrendre la route du
Thibet par cette direction, qui paraît pourtant la plus rationnelle. Mais parler du
singulier pays qui veut conserver son autonomie à tout prix, qui, sous l'influence
des chefs religieux, les célèbres Lamas, veut se défendre de toute intrusion euro-
péenne, serait sortir de notre sujet, aussi, nous ne nous étendrons pas davantage
sur un pays qui offre encore un vaste champ d'exploration et d'étude
173 -
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE
EN 1899.
LE BOULONNAIS
Excursion des 20, 21 et 22 Mai 1899.
Directeurs : .MM. Paul D E s t o m b e s ot Ch. Derach
Nous n'avons pas la prétention de faire un récit du Boulonnais, cela a été fait
déjà dans un Bulletin de la Société en 1891 et chacun se souvient aussi d'avoir lu
dans le journal « la Dépêche », un travail documenté sur cette contrée, dû à la
plume féconde de M. Duthil. C'est plutôt pour obéir à nos excursionnistes et pour
fixer dans nos mémoires ce que nous avons remarqué au point de vue industriel ,
que nous écrivons ces quelques lignes.
Donc le 20 Mai, nous arrivons à Calais à 9 h. du matin et sans perdre une minute,
nous nous dirigeons vers l'importante usine de MM. E. Davinière et C^e , Vous
raconter tout ce qui se fait là, serait chose impossible pour nous, il faudrait être
du métier pour le faire bien. Nous nous contenterons de relater que cette usine
toute moderne jouit des derniers perfectionnements : elle est actionnée par l'élec-
tricité, aussi pas de transmissions ni courroies et de là, pas ou très peu de bruit.
Elle occupe 500 personnes et on se sent là dans un milieu ouvrier oii l'intelligence
est toujours en éveil ; le nombre des métiers à dentelles est de 70, ceux à broder
de 25 ; ces chiffres peuvent être doublés, des salles sont préparées pour cela. Le
chiffre d'affaires annuel est de 10.000.000 de fr. ; des dépôts de ses magnifiques
produits sont établis à Paris, Londres, Berlin et New-York. Tout ce qui se fait de
beau, de riche en broderies et dentelles, nous avons pu l'admirer tout à notre aise,
les dames en étaient extasiées et nous avons eu de la peine à leur donner le signal
du départ ; nous nous retirons ravis du tact exquis avec lequel nous avons été
pilotés dans ce vaste établissement.
De .Calais à Le Haut-Banc, il n'y a qu'un pas, en chemin de fer; aussi à 2 heures,
MM. Henaux frères, propriétaires de carrières de pierres et marbres àHydrequent-
Rinxent, nous recevaient à cette halte et nous faisaient passer de surprise en
surprise dans cette vallée qui porte bien son nom « heureuse ».
Les carrières sont sillonnées en tous sens par 12 kilomètres de voies ferrées
reliées à la gare de Marquise. La production actuelle est de 50 à 60 wagons par
jour et peut aller jusqu'à 100 wagons.
12
— 17'i —
Les matériaux extraits sont : la pierre cassée pour route et pour béton, les moel-
lons bruts et d'appareil, les pierres de taille pour monuments ; on peut voir en ce
moment, en exécution, une partie de façade pour l'Hôtel de la New-York à Paris,
composée de colonnes, pilastres, frontons, corniches, le tout on marbre poli,
mouluré et sculpté du plus bel effet. La carrière produit les marbres Napoléon,
Notre-Dame, Lunel fleuri et Lunel rosé. Les pierres sont adoptées par l'adminis-
tration des ponts et chaussées pour tous les travaux des ports de Dunkerque,
Calais, Boulogne, Le Havre. La Compagnie du chemin do fer du Nord les admet
également pour tous ses travaux en concurrence avec la pierre belge.
L'extraction se fait à la pondre pour les travaux bruts et au fil hélicoïdal pour
les blocs et pierres de taille; ce dernier procédé permet l'extraction de masses consi-
dérables qui sont renversées, pour le débitage, par un treuil d'une puissance de
300.000 kilog. Le sciage au fil et la manœuvre au treuil sont les outils les plus
perfectionnés pour les carrières; nous avons vu des bancs superposés sciés sur une
longueur d'environ 50 mètres et 10 à 12 mètres- de hauteur, ce qui permet de bien
juger la nature et la valeur des matériaux.
La carrière possède également des bancs de pierres spéciaux pour les sucreries,
qui donnent à l'analyse 50 7o de chaux et 44 "'o d'acide carbonique calculé d'après
la chaux. Ces qualités exceptionnelles ont fait adopter ce produit par un grand
nombre de sucreries.
Outre le sciage au fil héliçoidal, une scierie de quatre grandes armures exécute
le sciage des blocs qui sont amenés diroctement du lieu de l'extraction sur les
voies ferrées par des wagonnets.
MM. Hénaux frères sont aussi propriétaires d'un certain nombre de carrières
et de scieries tant hydrauliques qu'à vapeur dans les environs et dans un rayon de
2 kilom. ; dans l'une d'elles, existe un atelier de fabrication de cheminées avec
polissoir mécanique. ]\Iais il est 5 h. 1/2 et il est grand temps de rejoindre la gare
de Marquise. Ces Messieurs, poussant la courtoisie jusqu'au bout, ont fait chauffer
une machine qui, en 10 minutes, nous conduira à destination ; puis, pour nous
remettre de nos fatigues, une collation est servie. Le Champagne de la vallée heu-
reuse est dégusté ; M. Paul Destombes les remercie au nom de tous de leur large
hospitalité, et nous quittons nos hôtes enchantés de quelques heures passées en
leur aimable compagnie ; 30 minutes plus tard, nous étions à Boulogne.
La deuxième journée a été consacrée le malin, à la visite de la Haute- Ville, des
vieux remparts, du château oii fut enfermé Louis Napoléon après l'échauffourée de
la Pointe-aux-Oies, du donjon de l'Hôtel de V^ille datant de 1231, de la Cathédrale
avec son dôme majestueux et son maître-autel en mosaïque, exécuté à Rome ot
dont la valeur est, dit-on, de 600.000 fr. ; mais les amateurs du beau connaissent
ces choses et nous n'en dirons pas plus, pour ne pas allonger ce récit. L'après-
midi, la promenade du Portel, Equihen, le bois do sapins de Condettes, mont
St-l">tienne, etc., a été favorisée par un beau temps. Les breaks, emportés par de
vigoureux boulonnais, ont franchi vallées et monts avec une vitesse d'automobiles;
aussi à 7 heures,, étions-nous tous réunis à la môme table, devisant gaîment de tout
ce que nous avions admiré et nous félicitant de cette excursion vraiment trop
courte.
Le 22, excursion on mer et promenades à volonté ; la mer était agitée, 17 per-
sonnes cependant se sont embarquées sur le Conquérant ; les dames, ici comme
ailleurs, ont montré la plus grande vaillance, mais toutes ne sont pas revenues
sans avoir payé le tril>ut à la grande bleue ; quoi qu'il en soit, le déjeuner qui a
suivi a été plus gai encore que les antres jours. Arrivés à Lille à 7 h. ;W, il n'y
avait que des personnes heureuses d'avoir passé quelques jours ensemble.
- 175 -
M. Dorchies, notaire à Templcuve, dans un toast aux orf^anisatcurs, a dit que
cette excursion laissera un bon souvenir à tous, parce que, en quelques jours, on
avait pu apprécier le travail dans ce qu'il a de beau à Calais, de gigantesque à la
Vallée heureuse, la belle nature dans ce qu'elle a de pittoresque sous ce site
encliantcur et riant du Boulonnais, et d'avoir ainsi contribué à nos connaissances
géographiques « de visu ».
Gh. D.
Lille, 16 Juin 1809.
Excursion aux Pierres d'Acq,
aux Carrières de Villers-au-Bois, aux Sources
de la Souchez et de la Scarpe
et aux Ruines de l'Alobaye du Mont- Saint -Eloy.
Dimanche 23 Juin 1890.
Organisateurs : MM. F'ernaux-Dekrance et Léon Lefebvre.
Un groupe de Memltres de notre Société a refait, par un autre itinéraire,
l'excursion qui avait déjà été organisée en 1888, et dont le compte-rendu a paru
dans le Bulletin (2" semestre 1888, p. 34). Aussi nous ne i)arlerons que de ce que
nous n'avons pas vu il y a onze ans.
De la halte de Mont-St-Eloy. trois voitures nous mènent, à travers la campagne
verdoyante et sous un soleil tropical, vers les pierres d'Acq. Ces pierres, distantes
l'une de l'autre de 2.^ m. environ, se trouvent en plein champ de blé; elles ont
environ 4 m. de hauteur et sont un des rares monuments mégalithiques du Nord
de la France. Ces monuments étaient autrefois, improprenient appelés « celtiques »
ou encore « druidiques »; en effet on les retrouve en Danemark, en Espagne et
jusqu'en Algérie. D'après M. G. de Martillet, ils sont antérieurs aux Celles.
Les pierres d'Acq sont des Menhirs; leur surface est criblée de nombreux trous que
M. de Martillet attribue à des pratiques supertitieuses des anciens Gaulois.
Entre ces deux pierres on a retrouvé une tombe à auge en grès brut renfermant
des débris d'armures et des poteries qui devaient appartenir à un chef mérovingien.
Ces pierres jumelles que la légende attribuait au roi des enfers étaient appelées
par les habitants « pierres du Diable », et la piété de nos pères se hâtait générale-
ment de construire un temi)le sur leur emplacement. Toujours suivant M. de
Martillet, dont la science fait autorité, les cathédrales d'Arras et de Chartres
auraient été édifiées sur d'anciens monuments mégalithiques.
Après avoir entendu les savantes explications du D'' Gernez qui avait biisn voulu
nous servir de cicérone dans ce petit voyage au travers du |)ays qu'il habile, nous
— 176 —
rejoignons une des nombreuses chaussées Brunehaut de la rôgion pour atteindre
Villers-au-Bois.
Nous traversons Etrayelle, hameau composé d'une ferme et de 13 maisons,
situé au bas du bois de St-Eloy. Ce bois, le siècle dernier, servait de refuge à une
peuplade de brigands appelés « les Mordreux », qui mettaient au pillage le hameau
et les villages voisins, chaque fois qu'ils en éprouvaient le besoin.
Plus loin nous apercevons Gamblain-l'Abbé, avec sa vieille église de 1404,
construite par les Anglais que Jean de Bourgogne avait appelés ; et nous arrivons
à Villers-au-Bois , dont le nom indique une origine romaine ; on y a, du reste,
découvert des coupes gallo-romaines, des pièces de monnaie, des fondations et des
tombeaux de cette époque.
Nous visitons à Villers^ une importante carrière de grès. Ces exploitations se
retrouvent à chaque pas dans le pays, dont le sol a été et est encore remué de
fond en comble. On nous cite des maisons démolies par leur propriétaire afin
d'exploiter le sous-sol.
En quelques minutes nous arrivons à Carency et nous y visitons les sources de
In Souciiez, tout en remarquant les restes de l'ancien manoir des familles de
Béthune, Chàtillon, Condé, Bourbon, et la vieille tour presque accolée à l'église et
qui doit être du XIP siècle. Cette tour rappelle la seule que Lille possède encore,
la Noble-Tour (1).
De Carency nous remontons la côte qui nous mène à Mont-St-Eloy et nous nous
dirigeons vers les deux belles tours que nous apercevons depuis ce matin. Nous
pénétrons dans le village de 1.200 habitants, qu'une voie romaine d'Arras à Thé-
rouanne traversait et qui s'est appelé Mons-Albanus, jusqu'en 635, puis Mont-St-
Eloy en raison de l'installation de St-Eloy à cette époque et que la Révolution
baptisa un moment de Mont de la Liberté. Notre aimable guide nous fait visiter ce
qui reste de Vabbaije, c'est-à-dire le quartier de l'administration, construit en 1726,
les celliers voiàtés du XIV" siècle, les restes des murs de l'enceinte de 1413, les
belles tours de 1734 et un puits de plus de 100 m. de profondeur, maçonné
entièrement (2).
Après une visite à la villa du Docteur oii nous fûmes gracieusement accueillis
par M""* Gernez, entourée de ses gentils enfants, et oii nous pûmes jeter un coup-
d'œil, trop précipité malheureusement, sur la collection d'empreintes de coquillages,
de fougères, de palmiers dans le grès, de dents d'éléphants et de pierres taillées de
notre guide, nous le quittâmes en le remerciant bien vivement.
Les voitures nous emportent vers la gare. Nous apercevons sur la route une des
principales sources de la Scarpe en traversant Ecoivres et nous arrivons juste à
temps pour monter dans le train qui nous ramènera à Lille.
Depuis trois semaines nous avons vu les sources de l'Escaut, de la Scarpe et de
la Souchez (notre Deûle), il ne nous manque plus que de visiter celles de la Lys.
Nous pensons faire connaissance avec elles l'année prochaine.
Fernaux-Defrance.
(1) Voir Bulletin, a* semestre de 1888, page X).
(2) Id. id. page :fG.
— 177 —
EPHEMERIDES DE L'ANNEE 1898
SEPTEMBRE.
5. — Hollande. — Entrée do la reine Wilhelmine à Amsterdam.
6". — Turquie. — Emeute musulmane à Candie. Des soldats anglais sont tués
et des chrétiens massacrés.
6. — HoLL.\NDE. — Couronnement de la reine Wilhelmine.
8. — Turquie. — Nouveau massacre de chrétiens en Crète.
9. — Soudan français. — Une colonne de sofas de Samory est détruite à
Tiaféso par le lieutenant Wœlfel.
10. — Autriche. — Assassinat à Genève de ITmpératrice Elisabeth par l'anar-
chiste Lucheni.
13. — France. — Grève des terrassiers au champ de mars à Paris.
16. — Soudan. — Confirmation de l'occupation de Fachoda.
18. — Tunisie. — Inauguration du chemin de fer de Sfax à Gafsa (200 kil.).
Construit en 15 mois.
19. — Turquie. — Désarmement des Musulmans à Candie.
21. — OuBANGui-NiL. — Le Sirdar anglo - égyptien Kitchener arrive devant
Fachoda et établit un poste à côté du capitaine Marchand. Le lendemain 22 sep-
tembre il se trouve à l'embouchure du Sobat.
26. — Soudan. — Grand succès des Français sur les sofas de Samory.
27. — Soudan. — Le capitaine Gouraud s'empare de Samory et de son camp à
Guélemou.
30. — Chine. — Révolution au Palais à Pékin. L'Impératrice douairière reprend
le pouvoir des mains de l'Empereur.
FAITS Er iNOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
ï. — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes.
AFRIQUE.
Lia vrai*' wouree du Mil. — On mande de Berlin que le D' R. Kandt,
explorateur de l'Afrique centrale, a adressé à M. Fédor de Ranch, une relation de
son expédition aux sources du Nil.
12*
— 178 —
Arrivé au confluent des cours d"eau Ronvouron ei Kauguéra, M. Kandt remonta
ce dernier dont le volume était plus important jusqu'au point où il est formé par
le Nyavarongo et TAlranyaron. De nouveau, il eut recours à la mesure du débit
d'eau pour reconnaître le fleuve de son affluent, et ayant vu que c'était le Nyava-
rongo qui étiiit le cours d'eau principal, il le suit au milieu de difficultés
effroyables jusqu'au point cil le cours d'eau est formé par le Roukarara, venant
de rOuest et le Mhogo venant de l'Est.
Lexplorateur remonta ensuite le plus important des deux cours, c'ost-à-dire le
Roukarara, et il alla jusqu'à sa source dans la montagne. Le 13 août 1898, après
trois jours de marche à l'Est de la partie méridionale du lac Kiou, le docteur
Kandt atteignit une caverne basse sur le versant du mont Tetcliouho, d'oii il vit
sourdre, goutte par goutte, la véritable source du Nil.
II. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
FRANGE.
fmtuatloii coiuiiicrciale et iuclustrielle de la cii'cousei'ip-
tiou marseillaise en 1897. — Le compte rendu adressé au Ministre par
la Chambre de Commerce de Marseille, donne d'intéressants renseignements sur la
situation commerciale et industrielle de la circonscription marseillaise en 1897.
Le mouvement général de la navigation s'y est chiffré par 15,731 navires, tant à
vapeur qu'à voiles, dont le tonnage a atteint un total de 10,712,201 tonneaux ; c'est
avec 559 navires de moins, 163,940 tonneaux de plus qu'en 1896.
Les navires se sont subdivisés en 11,000 à vapeur, jaugeant ensemble 9,984,244
tonneaux, et 4,725 à voiles avec 727,957 tonneaux de jauge. Les entrées ont
compris 2,353 navires à voiles et 5,942 navires à vapeur ; les sorties 5,514 navires à
vapeur et 3,433 navires à voiles. Il y a eu sur le nombre 1 1,295 navires français,
avec une jauge totale de 6,248,(^5 t., sur quoi : 7,962 à vapeur avec 6,248,055 t. de
jauge ; sur les 4,446 na\dres étrangers, 3,144 étaient à vapeur et jaugeaient ensemble
4,117,985 tonneaux.
Le nombre des navires attachés au port de Marseille a été, l'année dernière, de
815, ayant 211,594 tonneaux de jauge totale, soit 6 navires et 1,926 t. de moins que
l'année précédente ; sur les 815 navires en service, 313 étaient à vapeur et jau-
geaient à eux seuls 243,000 tonneaux.
Marseille, en somme, a vu l'année dernière s'accroître quelque peu (164,000 t.
environ) le tonnage général des navires qui ont fréquenté son port ; mais elle est,
sous ce rapport, distancée par nombre d'autres villes maritimes : à Rotterdam,
l'accroissement a été de 31,000 t. ; il a été de 646,000 à Anvers; Gênes enfin, la
rivale de Marseille, a gagné 516,0(X) t. dans le même temps. Gènes qui, jusque
vers 1882, avait un mouvement de port toujours inférieur de moitié à celui de Mar-
seille, progresse depuis lors d'un train très rapide, et serre de près désormais
notre métropole commerciale, qui no l'emportait plus que de 1,985,000 touncnix
- 179 -
Tannée dernière. Lci Chambre ilc Comniorco de Marseille a raison de jeter li' cri
d'alarme.
Le mouvement général des marchandises du port s'est chitfré. importations et
exportations réunies, par 48,2 16,.")33 quintaux métriques au commerce général et
par 30, '»itG,(i71 quintaux métriques au commerce spécial; dans ces totaux, les
importations sont entrées, savoir : pour 28,834,453 quintaux au commerce général,
pour 20,114,648 quintaux au commerce spécial, et les exportations, pour 19,382.080
quintaux au commerce général, pour 10,382,023 quintaux au commerce si)écial ; le
transit, on le voit, tient une grande place dans le commerce de Marseille.
En 1896, le mouvement général des marchandises, importations et exportations
réunies, avait été de 46,224,0;i") quintaux métriques au commerce général et de
29,090,(377 quintaux au commerce spécial , les importations se chiffrant au commerce
général par 27,833,430 quintaux, au commerce spécial par 18,798,000 quintaux.
11 y a donc eu, en 1897, par rapport à 1896, dans le mouvement général des mar-
chandises, un accroissement qui s'est chiffré par environ 1 million de quintaux
métriques au commerce général, et par environ 1 million 1/2 de quintaux au com-
merce spécial.
On a évalué à 2 milliards ."300,000 fr. la valeur totale des marchandises importées
et exportées en 1897 : ce chiffre est supérieur de près de 250 millions au chiffre
correspondant de 1896, et c'est aussi le plus gros chiffre atteint depuis 1891 ; il
n'avait été que de 1,948 millions en 1893 et de 1,849 millions en 1895.
Les perceptions de la douane de Marseille se sont élevées, l'année dernière, à
63,400,000 fr. à peu près ; elles n'avaient été que de 57,222,000 fr. en 1896 ; il. est
vrai qu"en 1894 elles avaient atteint 82 1/2 millions, 76 1/2 en 1893 et 73 1/2 en
1892. Mais le chiffre des perceptions de la douane dépend surtout de la nature des
marchandises importées et de la proportion des marchandises non réexportées,
par conséquent frappées par la douane.
11 n'est pas inutile de mentionner le mouvement des arrivées et des départs de
passagers : les arrivées se sont chiffrées par 149,000 environ, les départs ont
atteint 123,8(J0, ce qui fait un va-et-vient de 271,828 passagers, sur lesquels environ
46,000 militaires, tant arrivé?; que partis.
Dans l'ensemble des marchandises importées à Marseille l'année dernière, les
céréales sont entrées pour plus de 7 1/2 millions de quintaux, dont près de 6 mil-
lions de quintaux de blé ou froment, c'est un peu plus du tiers de ce qui a été
importé pour toute la France ; quoique cette importation ait été, l'année dernière,
pour toute la France, supérieure d'un quart environ à ce qu'elle avait été en 1896,
elle est restée la même à Marseille.
Marseille importe peu de farines, mais elle en exporte une quantité fort notable :
elle en a exporté 2 millions de quintfiux a peu près en 1897, soit un demi-million
de quintaux, à peu près, de plus qu'en 189(5.
L'importation des sucres bruts de toute provenance a été l'année dernière, à
Marseille, d'environ 106 millions de kilogrammes, contre un peu moins de 104 en
1896; les sucres des colonies françaises entraient dans ce total pour (58 1/2 millions
de kilogrammes, les sucres indigènes pour 36 millions de kilogrammes, les sucres
étrangers pour 1 million seulement de kilogrammes. Marseille raffine les sucres
bruts qu'elle importe, et une fois ralfinés, les livre à la consommation intérieure
ou les exporte : en 1897, elle en a livré près de 50 millions de kilogrammes à la
consommation française et exporté plus de 3^ millions de kilogrammes.
- 180 -
Marseille a importé rannéo dernière 24,300 tonnes de café, 2 1/2 de plus.([u'en
189(3 : 370,300 kilos de cacao, à peu près 200,000 de moins qu'en 1896 : 2.589,300
quintaux de graines oléagineuses, contre 3,430,000 quintaux en 1896.
En ce qui concerne les graines oléagineuses, le déficit des arrivages, sur Tannée
précédente, est de 840,450 quintaux, il avait déjà été de 242,000 quintaux en 1896
j)ar rapport à 1895 : « Marseille, dit la Chambre de Commerce, tend à ne plus être
le marché directeur de cette marchandise », et son industrie huilière est en
décadence.
Marseille a reçu en 1897 près de 5 millions de kilogrammes de bourres de soie,
(),0;^,0()0 kilog., de soies écrues grèges, 1,129,000 kilog. de cocons ; elle a exporté
222,000 kilog. de tissus unis de soie et 182,800 kilog. de tissus de soie mélangée.
Le marché des laines, actif déjà en 1896, Ta été plus encore en 1897 : il est arrivé
15(3,045 balles, dont 76,072 pour la place et le reste de passage ; il a été vendu
84.025 balles, et le stock au 31 décembre était de 17,(387 balles.
Il se fait à Marseille, spécialement, un grand transit de bétail : il y est arrivé
par mer, l'année dernière, 1,078,000 tètes, moutons pour la plus grande partie,
bœufs pour le reste ; et par les voies de terre, Marseille a expédié 1,044,0(X) têtes,
dont 975,300 moutons et 38,000 bœufs ou vaches. Tout ce bétail vient à peu près
exclusivement d'Algérie et de Tunisie.
Quoique la Provence produise en grande quantité l'huile d'olive, Marseille en a
importé en ISiH' environ 12 millions de kilogrammes, dont 4,7 millions provenant
de Tunisie.
En huiles de graines fabriquées, l'importation a été l'année dernière de 63 mil-
lions de kilogrammes ; les huileries marseillaises ont trituré 2,590,0(X) quintaux de
graines, qui ont donné 80 millions de kilogrammes d'huile. La Chambre de Com-
merce fait la remarque que les usines de Marseille pourraient et devraient produire
davantage, ce qui ferait diminuer l'importation des huiles de graines fabriquées : il
serait, en effet, désirable que la consommation nationale pût être à peu près fournie
par la production de nos huileries.
Nous devons négliger nombre de commerces et nombre d'industries de la région ;
mais nous parlerons tout naturellement ici, de l'industrie et du commerce de la
savonnerie.
La production de cette industrie toute marseillaise a été, en 1898, de 119,581,922
kilogrammes, ayant une valeur de 50 millions 7.55,(K)0 fr. environ. Là-dessus, Mar-
.seille même a consommé 5 millions de kilogrammes ; les Bouches-du-Rhône,
Vaucluse, les Basses-Alpes, le Var, 3 millions ; 65 millions ont été expédiés par
voies ferrées sur divers autres points de la France, 31 millions de kilogrammes
encore ont été transportés par cabotage dans nos divers ports de la Méditerranée
et de rOcéan, et 1.5,262,-522 kilog. ont été exportés par mer hors de France.
Notons encore la fabrication et le commerce des semoules et pâtes alimentaires.
L'exportation des semoules a été de 6'i,f)()0,(XK) kilog.. celle des autres pâtes
d'environ 5 millions de kilogrammes, en augmentation assez notable sur l'année
précédente.
EUROPE
Ii4* «•OUI m «'■*(•(> vt Ih iiavi;iMf ion «l«> lu B4>'l;;if|iie en IH9N.—
Le mouvement des importations en Belgique a atteint, pendant l'année dernière,
un total de 1,927,592,000 fr., soit une augmentation de 113,0r)0,(MH) fr. sur 1897
(l,794,54'2,(X)0fr.).
. - 181 —
En ce qui concerne les exportations belges, elles se sont chiffrées, en 1898, par
1,652,61 1, (MX) fr., soit une plus-value de 104,584,000 fr. sur Tcxercice précédent
(1,548,027,000 fr.).
Les quatre pays avec lesquels les transactions de la Belgique ont été le plus
importantes ont été, comme d'habitude, l'Allemagne, l'Angleterre, la France et les
Pays-Bas.
Le commerce spécial avec ces pays, pour tout ce qui touche les principales mar-
chandises, s'est chiffré comme suit :
IMPORTATIONS.
Pays. 1898 1897 Augmentations. Diminutions.
France 272 . 340 . 000 263 . 585 . 000 8 . 755 . 000 »
Angleterre 207.132.000 204.041.000 3.091.(H)0 »
Allemagne 190.861.009 183.856.000 7-005.000 »
Pays-Bas 152.270.000 146.629.000 5.041.000 »
EXPORTATIONS.
Pays. 1898 1897 Augmentations. Diminutions.
Allemagne ;388.307.000 313.346.000 74.961.000 »
Angleterre 29(3.208.000 300.022.000 » 3.814.000
France 314.307.000 294.450.000 19.a57.000 »
Pays-Bas 191.445.000 177.210.0(K) 14.210.000 »
On remarquera que les importations et les exportations de ces quatre pays sont
en hausse, sauf pour l'Angleterre, qui accuse une légère moins-value sur Texer-
cice 1897.
Si l'on compare maintenant les importations aux exportations, on a les différences
suivantes en faveur de ces dernières.
Allemagne : 197,4'i6,000 fr., tandis qu'en 1897 la différence était de 129,49(t,000 fr.
Angleterre : 89,076,000 fr., tandis qu'en 1897 la différence était de 95,98 1,(K)0 fr.
France : 41,967,000 fr., tandis qu'en 1897 la différence était de 30,865,000 fr.
Pays-Bas : 39,175,000 fr., tandis qu'en 1897 la différence était de 30,581,000 fr.
Les droits de douane perçus se sont élevés en 1898 à 45,459,863 fr. contre
45,897,199 fr., soit une diminution de 437,336 fr.
En ce qui concerne le mouvement de la navigation maritime des ports de la Bel-
gique en 1898, il y a eu à l'entrée une augmentation, par rapport à 1897, de
95 bateaux et de 363,791 tonneaux et, à la sortie, un accroissement de 161 bateaux
et de 248,714 tonneaux.
ASIE.
Toukin. — CoIoniNation françaliiie. — La direction de l'agriculture
et du commerce de l'Indo-Ghine. qui est de création récente, vient de donner un
étiit des concessions accordées depuis dix ans au Tonkin. En 1888, il ne fut accordé
que 2 concessions et 4 seulement en 1889; en 1890 et 1891, ce nombre augmente
considérablement ; ou n'en compte pas moins de 35 en 1890 et de 30 en 1891 ; mais
— 182 —
il retomba à 14 et 6 dans les années suivantes: Il fut de 17 en 189'i, de G en 189r>,
de 20 en 1890, de m en 1897 et de 24 en 1898. Le chiflPre de 1897, qui est le plus
élevé, dift'ère très peu de celui de 189() quant au nombre de concessions accordées ;
mais il ditlere beaucoup si on considère la supei-ficie de ces concessions : celle-ci
atteignit, en eflet, 38,78.'ï hectares, tandis qu'en 1890 elle n'était que de 4,340.
L'année 1898 donnera certainement des résultats encore supérieurs à ceux de 1897,
car, en février, 24 concessions, comportant une superficie de 20,415 hectares ,
avaient déjà été accordées, et il y avait à cette époque encore 48 demandes en
instance.
. Au total, de 1888 à février 1898, 194 concessions, comprenant 114'841 hectares,
avaient été accordées au Tonkin. Le nombre des provinces dans lesquelles ces
concessions ont été données est de 19. L'étendue des terrains concédés est beau-
coup plus considérable dans la uîoyenne et haute région du Tonkin que dans le
delta. La superficie totale des concessions dans le d^lta ne comprend que 22,182
hectares, et celle de Bac-Ninh entre-t-elle dans ce chiffre pour 11,2ÎM) hectares, et
celle de Ninh-Binh pour 0,480 ; or, ces deux provinces appartiennent pour partie
au delta, pour partie à la région moyenne. Le petit nombre de concessions relevé
dans le delta s'explique du reste par le fait que cette région est extrêmement
peuplée et exploitée presque complètement par les indigènes qui y cultivent à peu
près exclusivement le riz. La moyenne et la haute région offrent beaucoup plus de
ressources à la colonisation agricole française, aussi est-ce là qu'elle se développe
le plus.
Les chiflres que nous avons cités montrent qu'elle a progressé rapidement depuis
quinze mois ; le nombre d'hectares concédés a doublé depuis le commencement de
1897. Beaucoup de temps a donc été perdu. Il est vrai que l'administration de cette
colonie s'est toujours peu souciée d'attirer le colon — pour ne pas dire plus — et
n'a eu recours à aucun des moyens de propagande que plusieurs autres colonies
françaises emploient largement, par exemple, la Nouvelle-Calédonie et Madagascar.
AMÉRIQUE
lia coneui'i'cuce ainérieaiue clan»» la Répiilili<|iie Ai*$s;eu-
tiiie. — Une lettre adressée de Buenos-Ayres au British Trafic Jàimui/, signale
l'attitude énergique et entreprenante d'un groupe de maisons américaines qui
arrivent à un gros chiffre d'affaires par l'exposition préalable des produits qu'elles
mettent en vente dans la capitale argentine. Les négociants yankees résidant dans
la République Sud américaine se mettent dans ce but en relation avec une maison
de premier ordre de New-York qui, par sa situation, peut obtenir des marchandises
à crédit et leur envoie, pour être exposés à Buenos-Ayres, à titre d'échantillons,
des coffres-forts, des machines agricoles, des bicyclettes et quantité d'autres pro-
duits. C'est sur le vu de ces échantillons que se font les transactions et que sont
données les commandes. Ce système a l'avantage de faire connaître aux commer-
çants argentins des articles qui n'auraient jauiais été vendus par les autres voies
ordinaires, mais il a aussi l'inconvénient d'augmenter les prix à cause du nombre
de commissions qu'il faut payer avant que la marchandise n'arrive au consom-
mateur.
Il faut noter que les Anglais, les Français et les Allemands ont avec la liépu-
l)liquc Argentine des communications par navires à vapeur plus faciles que celles
des négociants des Etats-Unis, qui, pour écrire chez eux, empruntent presque
toujours la voie anglaise.
— 183 —
La main-d'œuvre est, d'un autre côté, plus chère aux Etats-Unis que dans les
autres pays. Il serait donc relativement facile, en imitant l'exemple très pratique
donné par les Américains, de combattre leur concurrence.
C'oniiiiiiiii«*atioiiK télés'i*a|)liiqiii'»« outre l'I'^iii'ope et l'Ainé-
rif|iie. — Entre le continent européen et l'Amérique du Nord, il existe à présont
douze communications télégraphiques. Quatre câbles appartiennent à « l'Angio
American Telegraph Company » de (Valentia en Irlande à Hearts Content à Terre- .
Neuve) société anglaise, — trois câbles à la « Commercial Câble Company » de
(Waterville en Irlande à Canso dans la Nouvelle-Ecosse), société américaine, —
deux câbles à la Compagnie française des Câbles télégraphiques à Paris (l'un de
Brest à Saint-Pierre se prolongeant jusqu'au cap Cod près Boston, l'autre direct
de Brest au cap Cod — et un câble de la « Direct United States Câble Com-
pany » (de la Ballinskelligsbay à Halifax dans la Nouvelle-Ecosse). Enfin deux
câbles sont posés entre Sennen-Cove sur la côte occidentale de l'Angleterre et
Canso dans la Nouvelle-Ecosse. Ils sont exploités par la « Western Union Tele-
graph Company », Société américaine.
La station Hearts Content de la Compagnie anglo-américaine est reliée avec
Sydney par un câble maritime qui touche à l'île du cap Breton d'oii elle commu-
nique par les lignes du continent américain avec les Etats-Unis. Des câbles mari-
times partent de Canso pour New-York et pour Rockport près Boston. Aux
Etats-Unis, les lignes télégraphiques ne sont pas une régie de l'Etat comme en
Europe : elles sont entre les mains de deux grandes Sociétés télégraphiques, la
« Western Union Company ». Cette dernière marche d'accord avec la « Commercial
Câble Company » qui est en concurrence avec les autres Sociétés alliées à la
« Western Union Company ».
Un nouveau câble doit mettre directement en communication l'Allemagne avec
les Etats-Unis. Il ira de Borkum ou Emdeni à New-York en touchant aux îles
Açores.
OGEANIE.
Tabiti. — lloriiions et t'oiiiiiicrce. — Depuis quelques années, des
ministres mormons, venus dos Etats-Unis, se sont introduits, sous le prétexte de
propagande religieuse, dans les îles de l'Océanie et notamment à Tuamotu, se-
livrant à une réclame acharnée en faveur des produits américains, et ont accaparé
peu à peu le commerce. Pour mieux réussir, les ministres mormons confèrent aiix
indigènes qui sont dévoués aux intérêts commerciaux américains ou allemands,
des grades élevés dans le mormonisme ; mais, ce qui est plus grave, ils interdisent
tout trafic avec les Français.
Ces procédés ne peuvent être tolérés plus longtemps dans des possessions fran-
çaises, d'autant plus que les Mormons n'ont jamais été autorisés à faire de la
propagande à Tahiti ni dans aucune autre de nos îles et que cette autorisation est
nécessaire à toute congrégation ou communauté religieuse qui veut s'établir dans
les colonies françaises. Il n'y a donc qu'à expulser tout simplement ces intrus.
- 184 —
m. — Généralités.
Colouie!« fi'aueaises». — Colous. — M. Franck Chauveau, dans son
rapport sur le budget colonial de 1898, au Sénat, a constaté que le total des colons
établis dans nos colonies était de plus de 4.300 (en 18U7), dont 1.444, soit environ
le tiers, en Nouvelle-Calédonie: 1.032 à Madagascar et dépendances; 447 au
Tonkin et en Annam ; ;367 au Sénégal ; 323 à Tahiti ; 472 en Cochinchine et au
Cambodge ; 138 au Dahomey ; 90 au Congo ; 80 en Guinée ; 52 à la Côte-d'Ivoire ;
40 au Soudan ; 21 à la Côte des Somalis (Obock') ; 19 dans Tlnde française. On n'a
pas les chiffres des colons établis à la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, la
Guyane, Saint-Pierre et Miquelon.
Sur les 4.300 colons, il y a environ 380 industriels, 950 agriculteurs ; les com-
merçants forment le reste, c'est-à-dire environ 3.000.
Les agriculteurs se répartissent ainsi : 763 en Nouvelle-Calédonie ; 105 à Mada-
gascar ; 59 en Cochinchine et au Cambodge ; 23 en Annam et au Tonkin ; 1 à
Tahiti. Il n'y en a aucun dans nos autres possessions, sauf nos colonies séculaires
qui sont de véritables départements français.
Il y a 210 industriels au Tonkin et en Annam ; 49 en Nouvelle-Calédonie ; 36 en
Cochinchine et au Cambodge ; 32 à Madagascar ; 27 au Sénégal ; 19 à Tahiti, etc.
Les commerçants sont au nombre de 632 en- Nouvelle-Calédonie ; 340 au
Sénégal ; 303 à Tahiti ; 214 au Tonkin et en Annam ; 177 en Cochinchine et au
Cambodge ; 1.38 au Dahomey.
Il résulte de ces chiffres que la Nouvelle-Calédonie a seule jusqu'ici attiré un
nombre notable de colons et que Madagascar est en bonne voie à ce point de vue ;
on est surpris aussi de voir le rang supérieur qu'occupe dans cette statistique notre
petite colonie de Tahiti, mais on est attristé par les chiffres dérisoires des colons
établis au Soudan, par exemple. 11 est vrai que les communications y sont si
faciles.
IjC toup du inonde en 33 jours. — D'après les calculs établis par
le Ministre des voies et communications de Russie, on pourra, une fois le Transsi-
bérien achevé, faire le tour du monde en 33 jours. Voici l'itinéraire établi par ce
Ministre: de Brème à St-Pétersbourg, par voie ferrée, 1 jour 1/2; de St-Péters-
bourg à Vladivostock, par voie ferrée, et à raison de 48 kilomètres à l'heure,
10 jours ; de Vladivostock à San-Franci.sco, à travers l'Océan Pacifique, 10 jours ;
de San-Francisco à New-York, 4 jours 1/2 ; de New- York à Brème, 7 jours. Au
total, .33 jours.
Jusqu'à présent l'itinéraire le plus court était : de New-York à Southampton,
6 jours; de Southampton à Brindisi, i-ia Paris, 3 jours 1/2; de Brindisi à Yoko-
hama, par le canal de .Suez, 42 jours ; de Yokohama à San-Francisco, 10 jours; de
San-Francisco à New-York, 4 jours 1/2. Au total, 66 jours, exactement le double.
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRETAIKE-OÉNÉRAL ADJOINT , A. MFRCHIER.
QUARRK - REYBOURBON.
lleinip.lOaneL
— 185 -
GRANDES CONFÉRENCES DE LILLE
ASCENSIONS DANS LE VALAIS
Conférence faite à Lille le 10 Novembre 1898,
Par M. Maurice MAQUET,
^Membre de la Société de Géographie de Lille et du Club Alpin suisse
Secrétaire de la section du Nord du Club Alpin français.
Mesdames, Messieurs,
L'année dernière, à propos d'un voyage dans V Engadine, j'ai eu
l'honneur de vous expliquer comment nous sommes devenus alpinistes,
et comment, après quelques années d'un entraînement progressif, nous
avions réussi l'ascension du majestueux Pahi et de la Bemiua redoutée.
Nous avions cette année une ambition plus haute : gravir le Cervin ;
mais, pour le faire avec succès et sans danger, il fallait d'abord nous
entraîner progressivement sur des montagnes de rochers plus faciles
ou moins élevées.
C'est en somme à cette préparation que nous avons consacré les
cinq premières semaines de notre voyage en Suisse cet été.
Après quelques jours passés au bord du lac de Genève en attendant
patiemment le beau temps, nous allâmes à Salvan, charmant petit
village admirablement situé à 500 mètres au-dessus des gorges du
Trient, et à 1 kil. 1/2 de la station de Vernayaz, à l'entrée du Valais.
La route quitte la vallée du Rhône par de nombreux lacets, et
continue par Finbauts jusqu'à Ghamonix. C^ette route, peu connue, est
plus courte et plus belle que celle de Martignyet de la Tête-Noire.
Salvan n'est pas un endroit à la mode : c'est un village simphï et
13
— 186 —
tranquille et la vie y est bon marché ; les montagnes qui l'entourent
ne sont pas d'vine très grande hauteur, 3,000 mètres environ ; aussi les
glaciers ont-il presque complètement disparu, laissant à nu les parois
à pic et les arêtes hérissées. Ce n'est pas le pays des grands déserts de
glace, mais celui des rochers sauvages dominant des alpes riantes.
Aussitôt arrivés à Salvan, nous engagions pour la saison Joseph
Fournier, le premier guide de la vallée, et l'un des plus célèbres
de la Suisse ; il a fait toutes les grandes ascensions du Valais , de
rOberland et du massif du Mont Blanc.
Comme première ascension, nous voulions gravir le Luisin, mon-
tagne facile, d'où l'on a, comme de toutes les sommités voisines de
Salvan d'ailleurs, une vue surprenante sur le Mont Blanc et sa chaîne.
Fournier nous conseilla le Clocher de Luisin, sommet secondaire de
la montagne, mais que sa forme en pain de sucre rend véritablement
intéressant comme grimpée.
• Nous partîmes avec lui, ma femme et moi, et fîmes une varappe de
rochers palpitante d'intérêt, mais qui nous mena sur une pointe de
l'arête du Luisin, située entre le Clocher et le principal sommet, et
haule de 2,500 m. environ. Là, Fournier nous expliqua que pour juger
de nos capacités, il nous avait fait faire une ascension absolument
inédite : cela commençait bien. — Mis en goût par cette première
Course, nous redescendons de l'autre côté de la montagne, à Salanfe,
immense pâturage entouré de toutes parts de hautes montagnes, le
Luisin, la Tour Sallières, la Dent du Midi.
Il n"v a là que de pauvres chalets de bergers dont l'un a été trans-
formé en une modeste auberge de touristes. Le lendemain nous faisions
l'ascension de la Haute Cime de la Dent du Midi, 3,260 mètres.
hdi Dent du Midi est la reine de cette région : c'est elle que l'on
aperçoit encadrée au fond du lac de Genève et dominant toute la
vallée du Rhône. Elle se dresse, fîère , pareille à une sentinelle
avancée, la dernière des hautes montagnes; ses sept cimes, de hauteur
presque égale, la font ressembler de loin aux ruines d'une gigantesque
forteresse, et de son faîte on jouit, grâce à sa position isolée, d'une vue
incomparable, sur les trois quarts de la Suisse et sur la Savoie.
Les différentes cimes de la Dent du Midi sont plus ou moins difficiles.
Celle oîi nous sommes montés, la plus haute, est la plus facile; il y
avait encore tant de neige à ce moment qu'il eût été dangereux de
tenter l'ascension des autres.
La Haute Cime est assez pénible à gravir à cause des pierriers ou
T- 187 -
pentes d'éboulis sur lesquels on doit monter pendant la plus grande
partie de l'ascension (5 h.).
De Salanfe on peut redescendre à Salvan par un sentier qui suit
<l'abord la Salanfe aux innombrables cascades ; c'est ce torrent que
l'on voit tomber près de Vernayaz sous le nom de cascade de Pisse-
vache. Puis le sentier quitte le ruisseau, et passant à une grande
hauteur sur le flanc de la montagne, offre une vue remarquable sur la
vallée du Rhône.
L'excursion de Salvan aux pâturages de Salanfe est une de celles
que l'on peut le plus vivement recommander, même aux personnes qui
ne veulent pas en faire un centre d'ascensions.
Nous avions l'intention démonter aussi à la Tour-Sallières, mais le
mauvais temps nous en empêcha. Cependant, notre nuit passée dans
la cabane Barherine, au pied de la montagne, mérite d'être racontée.
C'est une cabane du Club Alpin suisse construite en pierres sèches,
^t qui n'était pas encore complètement terminée : deux ouvriers menui-
siers étaient occupés à y placer le revêtement intérieur en bois. Gomme
lit, ces deux hommes avaient un peu de paille qu'ils partagèrent avec
nous et nos deux guides ; le plus beau, c'était une jambe de bœuf que
les menuisiers avaient là comme provision ; elle pendait juste au-dessus
■de nous lorsque nous étions couchés, et nous nous y sommes cognés la
tête plus d'une fois. — Toute la nuit le vent souffla en ouragan, et
entre chaque pierre se faufilait un air froid, souvent accompagné de
neige, qui, ailleurs que dans les Alpes, nous eût sûrement occasionné
une fluxion de poitrinç.
Nous ne fûmes guère mieux nourris que logés, le matériel culinaire
«t le service de table étant plutôt restreints : une marmite sale, une
•écuelle en bois, une cuiller et c'est tout. Aussi, ce ne fut pas très
•compliqué : le matin, pour faire le thé, on le mit dans une écuelle en
bois ; on versa l'eau chaude dessus et on y ajouta sucre et lait, puis
avec la cuiller chacun put y puiser à son tour, en évitant le mieux
possible de prendre les feuilles de thé avec le breuvage.
Cela faisait du moins diversion aux tables d'hôte oii l'on vous change
de couvert après chaque plat.
II.
De Salvan nous redescendîmes dans la vallée du Rhône, et prîmes
le chemin de fer pour Bex, station thermale très fréquentée. De là
— 188 —
nous nous paj'àmes une voiture, la seule ou à peu près de tout notre
voyage, i^our monter aux Plans-de-Frenièr es, ou plus simplement aux
Plans. C'est encore une charmante petite localité, connue seulement
des vrais touristes, où l'on peut vivre à bon marché et simplement, et
se reposer pour de bon.
Le massif de la Dent du Midi termine pour ainsi dire la grande^
chaine de montagnes bordant au Sud la vallée du Rhône ; de l'autre
côté de la vallée, le puissant massif des Diablerets lui fait pendant, à
l'extrémité de la chaine des Alpes Bernoises. Là se trouvent aussi des^
montagnes de rochers qui, sans être bien hautes, sont parfois très diffi-
ciles ; nous fîmes l'ascension de plusieurs d'entre elles, notamment du
Grand-Muteran et de la Dent de Mordes, deux points de vue de
toute beauté. Ces courses ne donnèrent lieu à aucun incident, sauf la
montée à la Cabane Rambert, où nous passâmes la nuit avant de gravir
le Grand-Muveran.
Partis tard des Plans à cause de la chaleur, nous fûmes pris soudai-
nement par un violent orage qui nous força à rester pendant plus d'une
heure abrités dans une anfractuosité de rochers. Ce retard nous
empêclia d'atteindre la cabane avant la nuit qui nous surprit sur des
pentes raides. Impossible d'utiliser les lanternes tellement le vent
soufflait; nous avions heureusement avec nous un guide du pays,.
Pierre Marlétaz, qui sut admirablement nous diriger dans l'obscurité,.
et à 10 heures du soir nous pûmes atteindre la cabane.
Une autre ascension que l'on peut faire des Plans, c'est celle de la
Pierre Cahotz, cime de rochers secondaire comme hauteur (2,741 m,),
mais très difficile à gravir et qui demeura longtemps inaccessible.
C'est un de mes amis, Henri Pascal, de Lausanne, qui le premier
réussit à l'escalader il y a peu d'années. — Il eût été très malhonnête
de ne pas faire la montagne de notre ami ; de plus, c'était une excel-
lente préparation pour le Cervin. — La grande difficulté de celte mon-
tagne, c'est que les stratifications, une sorte de pierre bleue lisse, au
lieu d'être horizontales ou inclinées, sont à peu près verticales, d'où
absence presque complète de gradins ou de saillies. A l'endroit le plus
escarpé, on n'a pu trouver de passage qu'en plantant dans la paroi
cinq chevilles qui servent à se liisser et à se tenir avec phisde sécurité.
Nous ne pouvions terminer mieux notre scjour aux Plans qu'en
montant à la plus haute cime f/cs DM/^^creAs (3,246 m,), ou du moins
à ce qui en reste, car au commencement de ce siècle, deux énormes
- 189 —
tours de rochers qui tbriuaient le i'aîte de la montagne, se sont écrou-
lées, remplissant la vallée de débris que l'on voit encore. C'est de ce
•côté que nous allâmes coucher dans une cabane qui est à la fois auberge
et chalet de bergers. Ici la montagne offre sa paroi la plus abrupte ;
non loin du sommet se trouve un certain passage, le Pas du Lustre,
ainsi nommé parce que les rochers sont absolument verticaux et que
l'on est pour ainsi dire suspendu comme un lustre. Mais le passage est
^ourt, les rochers sont excellents, et l'on a planté de bonnes chevilles
enfer; aussi c'est juste assez difficile pour être amusant; par contre,
un peu plus haut, nous trouvâmes du verglas sur les rochers, et bien
que la pente fût moins raide, nous eûmes beaucoup plus de difficultés.
Partis à 3 h. du matin du chalet, nous étions au sommet à 8 h. ; de
là, nous som.mes redescendus de l'autre côté par un long glacier en
j)ente douce, le glacier de Zaufleuron, jusqu'au col de Sanetsch, où
nous arrivâmes à 3 heures de l'après-midi, non sans avoir escaladé en
passant la Tour Si-Martin ou Quille du Diable, sommet secondaire
de la chaine des Diablerets.
Du col de Sanetsch (2,234 m.), où se trouve un bon petit hôtel, nous
redescendions dans toute sa longueur la superbe vallée de la Morges,
et à 9 h. 1/2 du soir nous arrivions à Sion, dans la vallée du Rhône.
Ce jour-là, en 16 heures de marche effective, nous avions à peine
fait 30 kilomètres, mais' avec 1,400 m. de montée el 2,800 m. de
descente.
IIl.
Sion, la capitale du Valais, sauf deux vieux châteaux ruinés, n'offre
pas grand chose de remarquable.
En été, il fait très chaud dans toute la vallée du Rhône, et on y est
la proie des moustiques et de toutes sortes d'insectes petits et gros ; je
-dois à la vérité de dire cependant, que logés à l'Hôtel de la Poste,
nous eûmes l'épiderrae respecté, contre toute attente. Après une nuit
■de repos véritable passée dans cet hôtel exceptionnel, nous prenions
le train pour Viège.
De toutes les vallées secondaires qui aboutissent dans la vallée du
Rhône, la vallée de St-Nicolas qui s'ouvre en face de Viège, est la plus
importante. C'est là que se trouvent les plus hautes montagnes du
— IftO —
Valais, ei parmi les sommets t[ui forment autour de Zermatt un vaste-
cercle de 4 à 5 lieues de large, 25 ont plus de 4,000 m. de hauteur.
De Yiège, un chemin de fer à crémaillère remonte la vallée en
deux heures et demie jusqu'à Zermatt.
A Stalden, la première station de cette ligne, nous quittons 1&
chemin de fer ; à notre gauche s'ouvre la belle vallée de Saas que nous-
ne connaissons pas encore, et en quatre heures et demie de marche-
nous la remontons jusqu'au village de Saas-Fee, centre d'excursions
très fréquenté, surtout.par les Anglais. La situation de Saas-Fee, une-
des plus belles de Suisse, est incomparablement supérieure à celle de
Zermatt ; de magnifiques glaciers descendent jusqu'au bas de la vallée,,
et l'œil embrasse tout un cirque de hautes cimes neigeuses.
De Zermatt, au contraire, on ne voit qu'un malheureux morceau de
glacier, et quant aux sommets des montagnes, à part le Cervin qui a
l'air d'avoir été mis en pénitence dans un coin , on ne les aperçoit
même pas.
Cependant, Saas-Fee avait pour nous un grave inconvénient : le-
manque presque total de refuges de montagne. 11 faut alors partir en
course de l'hôtel même, ce qui est beaucoup plus fatigant, ou encore
aller coucher à la belle étoile, à 3,000 ou 3,500 mètres ; je l'avoue^
ces conditions nous forcèrent à renoncer à l'ascension de plusieurs
autres cimes des environs ; d'ailleurs, celles que nous fîmes rempla-
cèrent souvent en difficulté ce qui leur manquait en hauteur.
L'une d'elles, le Portiengrat (3,657 m.), que nous avons traversé,
est assurément ce que nous avons encore fait de plus difficile dans les
Alpes. — 11 y avait notamment une certaine dalle, haute d'une ving-
taine de mètres, et terriblement inclinée, qui n'offrait que de très rares
saillies et nous coûta beaucoup de peine et d'efforts à gravir. Arrivés
au faîte de cet immense toit, il se trouvait être si tranchant qu'on ne
pouvait se maintenir dessus, et il fallait avancer en se tenant suspendu
par les mains, sans prises pour les pieds ; heureusement le rocher était
un bon granit à gros grains auquel les genoux et les vêtements adhé-
raient solidement.
Plus loin nous dûmes traverser deux fois l'arête par des Irons où
l'on ne pouvait passer qu'en rampant. C'était très drôle ; malheureu-
sement, la gravité des circonstances m'empêcha d'en prendre des
vues qui eussent été sûrement très curieuses.
L'ascension du Portiengrat n'est pas encore très connue; elle a
cependant déjà sa célébrité parmi les clubistes anglais, et l'on peut la
191
recommander chaudement aux amateurs de haute varappe; pour nous,
elle eut le grand avantage de nous entraîner supérieurement pour le
Cervin.
IV.
Pour nous rendre de Saas-Fee à Zermatt, notre intention était de
franchir l'un des nombreux cols de la chaîne qui sépare les deux
vallées, course de 10 à 12 heures sans grande difficulté. Malheureuse-
ment, la veille de notre départ, le temps se gâtait, la neige tombait
abondamment sur les montagnes, et après trois jours d'attente, le
danger de traverser un col couvert de neige fraîche, nous força à
prendre ce qu'on appelle plaisamment le col de Slalden.
Cela consiste à redescendre la vallée de Saas jusqu'à Stalden par le
chemin de mulets, et de là à reprendre le train pour Zermatt.
C'est assez prosaïque, mais dans la circonstance c'était plus prudent.
On trouve tout à Zermatt : hôtels luxueux, foule grouillante, bazars
de toute sorte, omnibus bruyants, concerts, feux d'artifice, bref tout ce
qu'il faut pour enlever aux Alpes leur grandeur et leur poésie. —
Aussi descendîmes-nous au plus petit hôtel, et la plupart du temps
nous allâmes loger dans un de ces hôtels de montagnes si nombreux
autour de Zermatt. Il y a d'abord les hôtels du Lac Noir, de Riffelalp
et de Riffelbcrg, assez chers comme tout ce qui dépend de la famille
Seiler ; puis des auberges comme celle du Trift, du col de Thèodule,
et enfin les refuges du Club Alpin, la Cabane Bètemps, la Cabane du
Cervin, etc.
Tous ces endroits sont en eux-mêmes des buts d'excursion des plus
intéressants, pour les touristes résidant à Zermatt, mais c'est là qu'il
faut passer la nuit ou même séjourner, si l'on veut monter plus haut
ou simplement jouir du calme bienfaisant et des aspects grandioses de
la montagne.
Encore faut-il avoir une âme accessible à toutes ces beautés :
j'étais assis un jour devant l'Hôtel du Lac Noir, suivant au télescope
les péripéties d'une ascension au Cervin, quand arriva, menant grand
tapage, tine bande de touristes, des Français malheureusement. Une
dame, affublée pour la circonstance d'une vaste culotte de cycliste, me
demanda oîi était le Lac Noir. Je lui dis qu'elle trouverait une petite
mare dans un creux à une centaine de pas, mais que cela ne valait
— 192 —
guère une visite spéciale. Aussitôt tous se mettent à pousser les
hauts cris : « Oh, alors, c'était bien la peine de faire cette longue
route et cette montée fatigante ! Quelle farce ! »
J'aurais pu leur faire remarquer, juste devant eux, l'écrasante pj^ra-
mide du Cervin ; à leur gauche les éblouissantes pentes de neige du
Mont Rose, àuLyskamm et du Breithorn, dominant les vastes glaciers
de Gorner et de Thcodule ; puis à droite, la Dent Blanche, étincelante
de lumière, le sombre Gahelhorn, le Moming, en forme de scie et la
masse imposante du Weisshorn ; enfin, derrière eui, les lignes si
pures de la Cliuine des MischabeL — Il n'y avait là qu'à se taire et
admirer; mais à quoi bon ! Ces gens avaient des yeux et ils ne
voj^aient point ; ils étaient venus à Zermatt pour faire comme tout le
monde, et entreprenaient des excursions pour tuer le temps et surtout
pour le plaisir de s'habiller en touristes d'opérette.
En arrivant à Zermatt, voulant nous habituer aux grandes altitudes,
nous fîmes l'ascension du Breithorn, 4,171 m., course sans difficulté
et que l'on ne saurait trop çecommander.
On monte d'abord au col de Théodule (3,322 m.), passage très fré-
quenté vers l'Italie. Il y a là une cabane assez primitive, mais suffisante
où l'on passe la nuit avant de faire l'ascension. De Zermatt an col du
Théodule il faut environ six heures de marche ; c'est la partie la plus
fatigante de l'ascension, et l'on pourrait la couper en deux en couchant
à l'Hôtel du Lac Noir.
De la Cabane du Théodule, on peut aisément atteindre en deux
heures et demie ou trois heures, le sommet du Breithorn, par de
longues pentes de neige assez monotones ; mais la splendeur d'un
lever de soleil à ces hauteurs, et la magnificence, l'étendue du panorama,
récompensent largement l'ascensionniste de ses peines.
V.
Arrivons maintenant à l'ascension du Cer^vin, 4.505 m. — Sa forme
audacieuse et élancée, sa position isolée, les difficultés que l'on a
éprouvées à le gravir la première fois et la catastrophe qui marqua
la première ascension en font une montagne célèbre.
Après avoir passé longtemps pour inaccessible, la réaction contraire
s'est produite. Des gens sérieux vous diront : « Le Cervin n'est qu'une
Le Cervin et i^ Dent blanche, du sommet dv Hreithorn.
Dent u'Hérens. Grand Combin et Mont blanc, du sommet dit (Cervin.
r- i'j;5 -
plaisanterie : on peut s'y promener les mains dans les poches ; il y a
des cordes à tous les endroits difficiles. »
Il est vrai que, dans le rayon même de Zermatt, il se trouve des
montagnes plus difficiles ou plus dangereuses que le Gervin, telles la
Dent Blanche, la Weisshorn, le Lyskamm, le Rothhorn de Zinal ou
Moming. Mais si le Gervin n'offre pas de difficultés insurmontables aux
alpinistes aguerris, si le formidable escarpement des Rochers Rouges a,
grâce aux cordes qu'on y a placées, cessé d'être périlleux, son ascen-
sion n'en reste pas moins une sérieuse entreprise.
La première et une des grandes difficultés du Gervin, c'est qu'il est
haut, bien haut ; sans cesse on y fait ses évolutions au-dessus ou tout
près du vide ; pendant toute la durée de la montée et de la descente,
il ne se trouve pas un pas véritablement facile, et sauf pendant les
haltes, on doit à chaque instant faire attention où l'on pose les mains
et les pieds, et veiller à ne pas faire tomber de pierres.
Le Gervin n'est donc que pour ceux qui sont tout à fait sûrs de
leurs forces et de leur tète, et les accidents relativement nombreux
dont cette montagne a été le théâtre, ont eu souvent pour cause le
mépris que l'on avait de ses difficultés.
Les premières attaques contre le Gervin , en allemand « Matter-
horn » commencèrent en 1858 ; jusqu'en 1865, l'ascension fut tentée
une quinzaine de fois mais sans succès ; M. Wliymper à lui seul fit
sept tentatives, toutes par le côté italien qui semblait moins à pic.
Enfin, le 14 juillet 1865, Whymper atteignait le sommet par le côté
suisse avec trois guides de Ghamonix, Michel Groz, le père et le fils
Taugwalder, et trois autres touristes anglais, le Révérend Hudson, un
alpiniste de première force et deux jeunes gens, lord Douglas et Hadow.
Ge dernier était insuffisamment préparé à une ascension telle que le
Gervin : il est vrai qu'il était monté au Mont Blanc en moins de temps
que personne ne l'avait fait jusque-là, mais cela ne prouve rien, le
Mont Blanc n'étant qu'une montagne de neige sans escalade de rochers.
Il ne suffit pas, pour grimper au Gervin, d'être marcheur rapide, ou
même fort gymuasiarque, mais il faut une sérieuse pratique de ce
sport spécial qu'on nomme la « varappe » et qui demande une égale
somme de force et de souplesse, d'adresse et de sûreté.
Le sommet fut atteint sans incidents, plus facilement même qu'on
ne s'y attendait. Après avoir planté sur la cime un drapeau, la caravane
redescendit dans l'ordre suivant : Michel Groz, le meilleur guide, en
— 194 —
tête ; derrière lui Hadow, puis Hudson, Douglas, le vieux Taugwalder,
enfin Whyinper et le fils Taugwalder, tous les sept en une seule
cordée.
Quelques instants plus tard, un gamin arrivait en courant à l'Hôtel
de Zermatt, disant qu'il avait vu une avalanche tomber du sommet du
Cervin ; on lui dit de ne pas raconter de bêtises ; il avait raison cepen-
dant, et voici ce qui était arrivé.
Les ascensionnistes se trouvaient encore dans la dernière pente, entre
le sommet et les rochers rouges, passage relativement facile. Michel
Croz venait d'aider Hadow, et, se retournant, il se remettait en route,
quand Hadow glissa et tombant brusquement sur Croz le fit trébucher.
Par malheur, la corde n'était pas tendue et la secousse entraîna Hudson
et Douglas ; quant aux trois derniers, la corde étant bien tendue, ils
reçurent le choc comme un seul homme ; de plus ils avaient de bonnes
prises aux rochers et ils tinrent bon.
Malheureusement, la corde cassa entre Taugwalder et Douglas, et
les quatre premiers excursionnistes lurent précipités d'une hauteur de
4,000 pieds sur le glacier du Cervin.
Whymper et les deux Taugwalder, frappés d'épouvante, restèrent
cloués sur place pendant une demi-heure, puis rassemblant toute leur
énergie, ils se mirent à continuer la descente et rentrèrent non sans
peine à Zermatt.
Le lendemain , on retrouvait sur le glacier les cadavres de Croz ,
d'Hudson et d'Hadow. De lord Douglas on ne put découvrir qu'une
manche, une ceinture et une bottine.
On a raconté depuis, que Taugwalder avait coupé la corde au
moment de la catastrophe. M. Whymper affirme le contraire, mais il»
explique que Taugwalder, soit négligence, soit pour se sauver en cas
d'accident, avait attaché Douglas avec une corde fortement usée, alors
qu'on disposait encore de corde neuve en quantité suffisante.
Toujours est-il que plusieurs imprudences graves furent commises,
comme dans la plupart des accidents de montagnes. Il était dangereux
de mettre en tête à la descente, le guide le plus sûr, celui qui, placé à
l'arrière, pouvait le mieux enrayer une chute; il était dangereux de
marcher à sept en une seule cordée sur une montagne aussi difficile,
de s'attacher avec une corde de mauvaise qualité, et surtout de laisser
un touriste mal exercé prendre part à l'expédition. — Depuis lors,
d'autres accidents , moins considérables cependant , sont arrivés au
Cervin.
'— m —
En 1879, deux touristes allemands abandonnaient dans une cabane,
à la descente, un de leurs guides malade ; en arrivant à Zermatt, ils
envoyèrent à son secours une caravane qui le trouva mort.
La même année, un Américain qui n'avait pas voulu être attaché, et
venait même de refuser l'aide de ses guides dans un passage difficile,
glissa et tomba dans le précipice.
En 188G, deux Anglais avec deux guides furent pris à la descente
par le mauvais temps ; l'un des Anglais, fatigué et ne pouvant plus
avancer, fut abandonné par ses compagnons ; quand on vint à son
secours le lendemain, on le trouva mort. 11 a été prouvé que les deux
guides avaient été tout à fait inférieurs à leur tâche.
Enfin, en 1893, un des plus jeunes fils de M. Seiler, l'hôtelier de
Zermatt, faisait l'ascension du côté italien avec un ami et trois guides ;
trouvant qu'on n'allait pas assez vite, le jeune Seiler partit en avant
avec un des guides également très jeune. Tout à coup les trois autres,
qui étaient au-dessous d'eux, crurent entendre une avalanche de pierres :
c'étaient leurs deux compagnons qui avaient déroché, et il les virent
passer dans le ciel bleu, presque à leur portée, sans pouvoir rien faire
pour les secourir.
On suppose que, voulant trop se hâter, ils avançaient tous les deux
en même temps et non un seul à la fois, ainsi qu'on doit le faire ; l'un
des deux aura glissé, et l'autre, ne se trouvant pas dans une position
ferme et solide, aura été entraîné.
Cette année l'ascension du Cervin a pu se faire assez souvent, grâce
aux longues périodes de beau temps que nous avons eues. A certains
jours, quatre ou cinq caravanes la tentaient en même temps. Le jour
où nous y sommes montés, nous étions seuls avec nos guides. Il est
toujours préférable d'être seuls, car lorsque plusieurs caravanes de
touristes se trouvent en même temps sur le flanc de la montagne, ceux
qui sont en bas sont exposés aux chutes de pierres, et les plus hauts
perdent beaucoup de temps à cause des précautions à prendre.
La veille de l'ascension nous allâmes coucher à la cabane du Cervin,
située sur un éperon rocheux qu'on nomme le Hôrnli et presque adossée
à la paroi à pic de la montagne, à 3,300 m. de hauteur, 1,200 m. plus
bas que le sommet. On y monte en deux heures et demie du Lac Noir
par un sentier assez facile.
La cabane est sale et mal entretenue ; derrière elle se trouve un
champ de neige, et l'eau s'infiltrant à travers la muraille, forme sur le
— 190 —
sol boueux une couche de glace, très désagréable surtout quand elle
sert de descente de lit.
Comme consolation, nous eûmes un coucher de soleil grandiose,
fantastique, avec l'ombre du Cervin qui s'allongeait démesurément sur
le glacier de Théodule au-dessous de nous.
A 2 heures du matin, les guides nous éveillaient, et aussitôt on
allait voir le temps, d'où devait dépendre le succès de l'expédition.
Le vent un peu tiède, à l'Est des nuages sur les cimes des Mischabel ;
en somme rien de bien engageant. Mais les guides ont confiance et
décident de partir; Fournier nous jure de rebrousser chemin si le
temps menace de se gâter.
A 3 heures, encordés soigneusement et la lanterne à la main, nous
nous mettons en route. Nous faisons quelques pas sur la neige plane,
puis un mur se dresse devant nous ; l'escalade commence.
Au fur et à mesure que nous montons, le froid augmente, les nuages
que nous avions craints tendent à se dissiper, et au lever du jour ils
passent graduellement du gris au violet, puis au rouge le plus éclatant.
Tout à coup le soleil apparaît et colore du feu des Alpes la gigantesque
pyramide, et pendant quelques instants les rochers auxquels nous
sommes collés sont comme teintés d'aurore. C'était la première fois
que nous pouvions ainsi toucher du doigt le phénomène. Le beau temps
était assuré.
Il était 5 h. 1/2 et nous arrivions à ce qu'on appelle la vieille cabane.
C'est un petit refuge en pierres que l'on utilisait autrefois, mais on a
été forcé de l'abandonner tant il était envahi par la glace.
Après une halte d'une demi-heure pour déjeuner, nous continuons
jusqu'à l'Épaule (4,245 m.). A cet endroit la pente, un peu moins
raide, permet à la neige de rester collée au rocher, aussi le passage
exige-t-il de grandes précautions.
Puis viennent les Rochers Rouges, superbe falaise de granit haute
de 200 m., où il faut se hisser aux cordes fixes à la force des bras,
exercice qui, à une telle altitude, demande un sérieux entraînement
de l'organisme, des poumons en particulier. On s'arrête d'ailleurs de
temps en temps pour souffler, et nous en profitons pour chanter des
airs de circonstance, tels que : « Il y a la goutte à boire là-haut », ou
bien « Célina montez », avec les différentes versions. La gaîté française
ne perd jamais ses droits, et je crois bien que le Cervin ne s'était
jamais trouvé à pareille fête !
.- 197 —
Enfin une dernière pente d'inclinaison assez modérée, puis tout à
coup l'autre moitié de l'horizon nous apparaît : le Gervin est à nous.
11 est 9 h. du matin ; quoiqu'on plein mois d'août nous sommes
vêtus comme pour une expédition polaire, et bien nous en a pris, car
le vent souffle du Nord et le vent est excessivement vif.
De la cabane au sommet nous avions mis six heures, moins que les
guides n'avaient escompté ; aussi nous passâmes là, malgré le froid,
une demi-heure, bien qu'on n'y reste généralement que quelques
minutes, et ces instants nous parurent bien courts.
Déjà il fallait songer à la descente : la prudence exige encore plus
de lenteur et de précaution qu'à la montée, et pour redescendre les
1,200 mètres du sommet à la cabane, il nous fallut sept heures, soit
une heure de plus. Ces heures-là paraissent terriblement longues
quand on n'a plus le stimulant du but à atteindre et des nouveaux
points de vue à découvrir. On voit cependant du nouveau, ce sont les
passages que l'on a traversés le malin dans l'obscurité, et l'on se
demande comment on a pu passer sur de pareilles pentes à la lueur
d'une lanterne.
Arrivés à la cabane nous fîmes du thé bien chaud pour nous res-
taurer, puis dégringolant rapidement jusqu'au Lac Noir, nous arrivâmes
à l'Hôtel à la tombée de la nuit. Le temps de mettre nos pantoufles
et nous faisions un plantureux dîner avec nos hommes dans la salle
des guides.
Je ne vous ai rien dit encore de la vue du sommet ; mais comment
dépeindre un tel panorama ? Comment décrire les sentiments qui vous
agitent ? Est-ce l'admiration qui remplit le plus l'âme dans les instants
qu'on passe sur cette crête perdue dans l'espace ? C'est toujours, je
crois, le sentiment de la victoire. On ne monte pas au Cervin pour
voir seulement, non plus par amour du danger. On y monte surtout
pour le vaincre, car où trouver une cime qui tente et passionne
davantage ?
Et tout vrai grimpeur doit sentir en lui qu'il y monterait, fût-il seul
dans l'univers et n'eût-il que les cieux et les monts pour témoins de sa
victoire.
- 198 —
LA ROUMANIE
NOTES DE VOYAGE
Conférence faite à Lille le 16 Avril 1899,
Par M. René PAILLOT, 0. A. i) ,
Agrégé des Sciences physiques,
Président de « l'Union française de la Jeunesse » ,
Membre de la Société de Géographie de Lille.
Mesdames, Messieurs,
J'avais le dessein, depuis longtemps, de visiter la péninsule des
Balkans où se déroulent périodiquement les émouvantes péripéties de
ce drame séculaire qu'on nomme « la Question d'Orient ». Je me pro-
pose de vous entretenir aujourd'hui d'une partie de ce voyage car,
pour ne pas dépasser les limites habituelles des causeries de la Société
de Géographie, je me bornerai à vous parler de mes pérégrinations en
Roumanie. Voici d'ailleurs les raisons qui m'ont engagé à choisir ce
sujet :
D'abord, j'avais fait la connaissance, pendant mon voyage en Syrie
et Palestine, de M. Bunescu, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées
de Bucarest, qui m'avait vivement engagé à aller admirer les merveilles
de son pays et qui m'avait promis de m'y servir de cicérone. En outre,
j'étais assuré d"y rencontrer plusieurs de mes élèves de l'Institut Indus-
triel et de trouver en eux des guides aussi aimables que complaisants.
Et de fait j'ai pu, grâce à leur extrême obligeance, visiter, jusque dans
ses moindres détails, ce pays si pittoresque et si digne d'intérêt et
recueillir sur place tous les éléments nécessaires à une pareille
causerie.
— 199 -
J'ajouterai que j'avais comme compagnons de voyage deux Lillois :
Un des plus éminents professeurs de notre Faculté de Médecine,
oculiste renommé , dont la science profonde s'allie à une gaîté des
plus communicatives — vous avez reconnu M. le Docteur Raudry, et un
jeune et brillant avocat de la Cour d'appel de Paris, M. Léon Wanne-
broucq. Je ne puis oublier, pour ma part, les instants charmants que
j'ai passés en leur intelligente société.
GÉOGRAPHIE. — La Roumanie est formée de deux anciennes prin-
cipautés danubiennes, la Moldavie au Nord, la Valachie au Sud, réunies
en 1866 en principauté indépendante, érigée elle-même en royaume
en 1881.
Limites. — Baignée à l'Est par la Mer Noire, elle est bornée au
Nord-Est par la Russie, au Nord, au Nord-Ouest et à l'Ouest par la
Hongrie, au Sud-Ouest par la Serbie, au Sud par la principauté de
Bulgarie.
Configuration physique. — Le relief du sol y est déterminé par
deux chaînes de montagnes : les Carpathes de Moldavie, dirigées du
Nord-Ouest au Sud-Est et les Alpes de Transylvanie , dirigées de
l'Ouest à l'Est, qui se joignent à angle aigu et pénètrent comme un
coin entre les deux provinces qui constituent la Roumanie actnelle.
Les crêtes des montagnes sont extérieures au territoire roumain et
surplombent presque d'aplomb les vallées de la Transylvanie ; au con-
traire leurs versants extérieurs se développent et se prolongent au
loin dans l'étendue des deux provinces ; d'immenses terrasses de dépôts
quaternaires, ravinées par l'écoulement des eaux, continuent la pente
générale et s'abaissent progressivenent jusqu'au niveau des rives des
deux grands cours d'eau qui limitent la Roumanie, le Danube au Sud,
le Pruth à l'Est. On y distingue dès lors trois régions : la région des
montagnes ^tresque entièrement occupée })ar de magnifiques forêts de
hêtres et de bouleaux et des pâturages qui nourrissent des milliers de
brebis ; la région des collines, couverte de vignes et d'arbres fruitiers,
riches en dépôts de sel gemme et en sources de pétrole ; la région des
plaines où Ton cultive les céréales.
Les Carpathes roumaines dépassent rarement 2.500 métrés d'altitude :
point de neiges éternelles à proprement parler, seulement quelques
plaques persistantes dans les crevasses où le soleil ne pénètre pas.
- 20(1 —
Cours d'eau. — Le système hydrographique de la Roumanie obéit
tout entier à une influence dominante, celle da grand cours d'eau qui
longe la plus grande partie du territoire roumain et qui appelle à lui
toutes les eaux de drainage et d'irrigation du pays : c'est le Danube.
Des Portes-de-Fer où ce fleuve atteint pour la première l'ois la rive
roumaine, jusqu'à son embouchure dans la Mer Noire, le Danube
baigne sur une longueur de 480 kilomètres la terre roumaine. La rive,
de ce côté, est presque partout plate, basse, souvent recouverte par
les débordements du fleuve.
Les affluents les plus importants du Danube sont, en Valachie, en
allant de l'Ouest à l'Est :
Le Jiul, qui prend naissance en Transylvanie et traverse la chaîne
du Yulkan dans toute son épaisseur par une gorge étroite, encombrée
d'obstacles ;
VOltii, le plus grand cours d'eau de la Roumanie, qui prend égale-
ment naissance en Transylvanie et pénètre en Roumanie par une
profonde coupure ouverte au travers des Alpes de Transylvanie, la
gorge du Turnu-Rosu ;
L'A /'[/('SU ou Anljech, qui naît sur le territoire roumain et reçoit,
dans la partie inférieure de son cours, la Dimhovitza, qui arrose
Bucarest ;
La Jalo/niiza, qui se jette dans le Danube un peu en aval de Hirsova
et dont le principal affluent est la Pj^ahova.
En Moldavie, on rencontre le Sereth et le Pruth.
Le Sereth a sa source dans les Carpathes de la Bukovine et longe
le pied des Carpathes de Moldavie, recueillant en chemin toutes les
eaux de cette région qui lui arrivent par les vallées latérales. Ses
principaux affluents sont la Moldova, la Bistritza et la Buzau.
Le Pratli prend aussi sa source dans les Car])athes de la Bukovine
et descend parallèlement aux Carpathes de Moldavie, mais à l'exté-
rieur de la région des collines. Il atteint le Danube immédiatement en
aval df Galatz.
Superficie. Population. — La Roumanie a une superficie de
l^J.UOO kilomètres carrés en chifi'res ronds. Elle est donc à peu près
aussi vaste que LAngleterre proprement dite, mais, connue population,
avec ses cinq millions et demi d'iiabitants, si elle dépasse la Hollande,
elle n't'gale pas tout à fait la Belgique.
- 201 —
La nation roumaine résulte du mélange de nationalités diverses ,
parmi lesquelles domine l'élément latin venu d'Italie avec les conqué-
rants romains. Trajan, dans ses deux expéditions, effectua en effet la
conquête du pays habité par les Gête>i ou Daces et, pour en opérer
plus promptemenl Tassimilation, il y fonda de nombreuses colonies
militaires romaines. De l'union des soldats romains avec les femmes
indigènes naquirent les ancêtres des Roumains actuels.
Celte origine est nettement confirmée par la langue même que
parlent aujourd'hui les Roumains et qui est presque entièrement
composée de racines latines.
Organisation politique de la Roumanie. — Le 19 août 1858, la
Convention de Paris décida que la Moldavie et la A'alachie seraient
gouvernées, chacune séparément, par un lioxpodar élu à vie par une
Assemblée nationale.
Avant la réunion de cette Assemblée, deux partis contraires se
formèrent dans les deux principautés : le parti Libéral Unioniste et le
parti opi)Osé ou Anti-Unioniste.
La lutte des partis était surtout très violente en Valachie et les
Unionistes de cette principauté tirent tous leurs efforts pour retarder
l'élection de Fhospodar.
Pendant ce temps , les représentants de la Moldavie réunis le
5 janvier 1859, proclamèrent comme hospodar, sous le nom d'Alexandre
Jean P"", un colonel roumain : Alexandre-J. Couza.
Les Unionistes de Valachie envoyèrent immédiatement leurs féli-
citations au nouvel élu moldave, et décidèrent de le nommer égale-
ment hospodar de Valachie. Mais ils avaient à lutter contre les Anti-
Unionistes beaucoup plus nombreux et dont le candidat Bibescoii
jouissait déjà d'une certaine popularité. Ce fut grâce à la pression
énergique du peuple roumain et aux paroles enthousiastes d'hommes
remarquables, tels que Basile Bserescou, Demetre Ghica, Jean Bra-
tiano , que les Unionistes parvinrent à vaincre leurs adversaires :
« Pourquoi faut-il faire une différence entre vous et nous , disait
» Bcerescou ; ne sommes-nous pas tous Roumains ? X'avons-uous pas
» la même patrir ? Ne sommes-nous pas les fils d'une même mère ?
» Pourquoi ces divisions ? Soyons frères et ('disons le même prince
» que la Moldavie. »
L'impression de ces discours enflammés, respirant le patriotisme le
14
— 202 -
plus pur et le plus ardent tut telle que le scrutin du 24 janvier 1859
donna à Alexandre Couza l'unanimité des voix.
Le résultat de cette double élection fut porté à la counaisrance des
grandes puissances européennes. La Turquie seule se refusa tout
d'abord à approuver cette élection, mais devant la ferme résistance des
Roumains, elle finit par céder.
L'acte que les Roumains venaient d'accomplir était contraire aux
stipulations de la Convention de Paris et venait par conséquent à ren-
contre des volontés de l'Europe. L'Autriche, furieuse de ce qu'elle
appelait l'audace des Roumains, voulait intervenir par les armes. Mais
la France, fidèle à ses nobles traditions chevaleresques, prit en main la
cause des Roumains, dont les Michelet et les Quinet se firent les
avocats convaincus, et au moment où l'Autriche se préparait à entrer
en campagne, elle lui déclara la guerre. La nation roumaine nous a
gardé une profonde reconnaissance de cette heureuse intervention qui
sauvegardait ses libertés.
Jusqu'en 1862, chaque principauté eut son ministère propre. Ce ne
fut qu'à partir de cette époque qu'un ministère commun régit les
affaires du pays sous la présidence de Barbou Catargi.
Cependant, la personnalité d'un prince indigène était un obstacle à
la complète réalisation du programme national. Seule, une dynastie
d'origine étrangère, excluant les compétitions entre les familles rivales,
était capable d'assurer la stabilité du pouvoir.
En 1866, le prince Couza fut forcé d'abdiquer et le 20 avril 1866 les
Roumains proclamèrent le prince Charles de Hohenzollern, domnitor
des principautés roumaines unies avec hérédité du trône. La guerre de
l'Indépendance de 1877 en fit le roi Charles P'' de Roumanie.
Dès 1862, deux grands partis politiques commencèrent à se dessiner
en Roumanie :
Le parti national libéral et le parti conservateur, tous^eux monar-
chistes.
Le premier s'appuie sur les programmes politiques de 1848, 1856 et
1866. Il s'inspire des idées de la Révolution française. Son programme
comprend : la liberté des élections, la suprématie absolue des lois,
la décentralisation administrative et le développement intellectuel et
matériel du paysan. Son idéal, en matière électorale, est le suffrage
universel avec une représentation proportionnelle.
— 203 -
Le second prit naissance pour atténuer l'élan trop progressiste du
parti libéral.
Le parti national libéral est sans contredit le plus populaire. Il
<iompta dans son sein les grands patriotes qui prirent une part active à
la renaissance du pays : les frères Golescou, Rosseli, le poète Basile
Alexandri , Michel Gogaluiceanu , Jean Ghica et les frères Jean et
Deraetre Bratiano.
Son chef actuel est M. Demetre Stoudza.
Jean Bratiano devint Président du Conseil le 24 juillet 1870, il fit la
-guerre contre la Turquie et resta au pouvoir pendant 12 ans. Par son
intelligence des affaires, son tact et ses talents multiples, il força l'ad-
-iniration de tous, de ses amis comme de ses ennemis.
Le parti conservateur eut pour principaux représentants : Barbou
•Catargi, Constantin Braïloiu, N. Gretzoulescu, Em. Florescu et A.
Lahovary. Son chef actuel est M. Lascar Catargi. Une fois au pouvoir,
le parti conservateur s'unit aux Janiitiistes (ainsi nommés d'une
société littéraire Junimea), représentés par MM. Carp, Maiorescu et
autres. Il gouverna le pays jusqu'en 1895, époque à laquelle il dut
-céder la place au parti libéral présidé par M. D. Stoudza, ancien colla-
borateur du grand Bratiano.
Le ministère libéral actuel se compose de ;
MM. Stoudza, Président du Conseil, Ministre des Affaires étrangères.
Général Bérindéi, Ministre de la Guerre.
Ferekyde, Ministre de l'Intérieur.
Haret, Ministre de l'Instruction publique et des Cultes.
J.-C. Bratiano, Ministre des Travaux publics.
Stoicesco, Ministre de la Justice.
Palade, Ministre des Finances.
Stolojan, Ministre des Domaines, de l'Agriculture et du Com-
merce (1).
Ce ministère a posé les bases d'un service maritime commercial
reliant d'une façon régulière Constanta à Amsterdam, à Constanti-
nople, au Pyrée et à Salonique. Un service rapide entre Constanta et
Alexandrie ne tardera pas à être organisé ; un câble sous-marin reliera
(1) Depuis que ces notes ont été livrées à l'impression, le ministère libéral a été
remplacé (mai 1899) par un Ministère conservateur présidé par M. Cantacuzène.
— 204 —
Constanta à Constantinople et les nouvelles conventions avec l'Alle-
magne et la Hollande donneront au pays un développement écono-
mique considérable.
Ajoutons qu'un deuxième grand pont sur le Danube mettra bientôt
en communication la Roumanie et la Serbie et que la loi sur les raines^
dernièrement votée par les Chambres, est destinée à étendre encore
les relations commerciales de la Roumanie.
Le gouvernement actuel est une monarchie constitutionnelle et
héréditaire.
Le pouvoir exécutif est confié au roi qui Texcrce par riiiterinédiaire
de ministres responsables.
Tous les pouvoirs de l'État. émanant delà nation, le pouvoir législatif
est exercé par la représentation nationale divisée en deux assemblées :
le Sénat, dont les membres sont élus pour 8 ans et se renouvellent
par moitié, tous les 4 ans, par voie de tirage au sort, et l'Assemblée
des Députés, dont les membres sont élus pour i ans.
La Constitution garantit la liberté individuelle, l'inviolabilité du
domicile, la propriété, la liberté de conscience et d'exercice des cultes,,
la liberté de la presse, la liberté de réunion, la liberté de l'enseigne-
ment qui est gratuit dans les écoles de l'État et obligatoire partout où
se trouvent des écoles primaires.
Il n'est peut-être pas inutile de signaler que la banque nationale,
instituée avec des capitaux essentiellement roumains, est la plus riche
des banques similaires européennes. Les actions ont triplé en 12 ans.
Nous suivrons , pour visiter la Roumanie , un itinéraire qui n'est
peut-être pas l'itinéraire naturel, mais qui nous est imposé par les
circonstances, car notre point de départ se trouve à Constantinople.
Nous nous embarquons dans cette dernière ville sur un magnifique
bateau roumain la « Princesse Marie », qui fait deux fois par semaine
le trajet entre les rives du Bosphore et la Roumanie. Après une
traversée de 15 heures, favorisée par un temps splendide, sur cette mer
délicieusement bleue qu'on a baptisée la Mer Noire, nous arrivons à
5 heures du matin en vue de Constanta. Constanta (Kustendjé), c'est
l'antique Toinis, la métropole du Pont, comme elle est désignée sur
les médailles impériales (M-r)Tpô:ToX. ITovtou Tôasw,-). Les souvenirs histo-
riques y abondent et, accoudé aux bastingages, à la lueur indécise du
demi-jour naissant, notre pensée se reporte inévitablement vers ces
temps fabuleux dont les récits émerveillèrent jadis notre jeune imagi-
nation. C'est là en effet qu'eut lieu le dépècement {-o<j.-t^'j) d'Absyrte,
— 205 —
frère de Médée, dont le corps fut coupé en morceaux par sa sœur el
«nseveli par son père.
Inde Tomis dictus locus hic : quia fertur in illo
Membra soror fratris consecuisse sui (1).
C'est là qu'Ovide fut exilé à la suite d'une disgrâce dont les causes
sont restées mystérieuses, c'est là qu'il composa ses Tristes et ses
Pontiques et où, malgré les nombreux amis qui lui restèrent fidèles à
Rome, quelques défections cruelles lui arrachèrent ces paroles de
désenchantement :
Donec cris felix, multos numerabis amicos
Tempora si fuerint nubila, solus eris.
C'est là enfin qu'il mourut terrassé par l'incurable ennui de ces
■solitudes si froides auprès des chauds rayons du soleil d'Italie, entouré
du respect et de la vénération de ce peuple barbare dont il avait réussi
à se faire aimer.
Constanta est une ville de 6.000 habitants située sur un promontoire
■de la Mer Noire que bordent des rochers à pics, hauts de 30 mètres.
Le gouvernement roumain y fait exécuter actuellement de gigan-
tesques travaux destinés à améliorer le port et à assurer la sécurité
•des navires qui y viennent mouiller. Ces travaux sont confiés à des
ingénieurs français. Les ouvrages se composent d'une digue du large,
de 1.400 mètres environ, d'une digue d'entrée et d'une digue dite du
Sud, formant traverse par rapport à la précédente et laissant entre
leurs musoirs une passe de 160 mètres. Le périmètre des quais, y
■compris celui des môles, atteindra 3.370 mètres et la surface totale des
bassins couvrira 90 hectares. Tout le port doit être creusé jusqu'à une
profondeur de 8 mètres au-dessous du niveau des eaux moyennes, de
manière à pouvoir recevoir en tous temps les plus grands navires.
L'ensemble des dragages , y compris les dérochemenls , s'élève à
1.131.000 mètres cubes. Les digues sont formées de blocs artificiels en
l)éton, comportant 135.000 mètres cubes, avec une prévision de 222.000
mètres cubes d'enrochements.
Le port que vous dessinent les projections, très pittoresque sans
doute avec la ^aste basilique bysantine qui le domine, ne peut vous
(1) Ovide. Trist. lib. 111, el. IX.
— 206 —
donner aucune idée du port de l'avenir. Ce n'est pas avant quelques^
années que Constanta sera la tête de ligne d'une nombreuse flotte-
commerciale et deviendra la rivale d'Odessa.
Constanta est depuis quelques années très fréquenté par les riches
Roumains qui viennent y prendre des bains de mer.
Cette ville, qui ne présente en réalité que l'apparence d'une grosse-
bourgade, est cependant bien curieuse à parcourir. Les rues sont rem-
plies de fragments d'inscriptions, de colonnes, de sculptures. Toutes-
les anciennes maisons turques, en ruines aujourd'liui, ont été cons-
truites avec les débris épars d'édifices antiques. Ici une frise grecque-
sert d'assise à un mur romain, là des briques romaines forment l'es-
calier d'une maison turque, plus loin un tombeau sert d'abreuvoir aux.
buffles et aux chevaux, et le piédestal d'une statue, qui est peut-être-
celle d'un empereur, se cache, sur la place publique, au milieu des-
plantes sauvages et des débris de foin.
Nous passons, à la douane, une visite peu sévère ; une simple forma-
lité qui dure le temps de viser notre passeport.
Et nous ne tardons pas à nous installer dans le train qui doit nous-
conduire à Bucarest. Le trajet se fait en six heures à travers les-
steppes de la Dobroudja, attribuée à la Roumanie par le traité de Berlin
en compensation de la Bessarabie rétrocédée à la Russie. Ce sont
d'immenses plaines où, dans certaines parties, des champs de blé et de-
mais se déroulent à perle de vue. De temps à autre on aperçoit quelque-
village formé de huttes construites en clayonnage recouvert de bouse-
de vache durcie au soleil avec des toitures en roseaux ou en terre^
L'été, la chaleur y est accablante, le j^ysage uniformément gris. '
A la hauteur d'Ala-Kapou nous coupons les retranchements dits de
Trajan. Ce sont trois fossés qui traversent la Dobroudja dans sa partie
la plus étroite. Ils se croisent à 4 kilomètres de Constanta pour se
séparer ensuite et se diriger à peu près parallèlement vers le Danube-
sans s'écarter entre eux de plus de 10 kilomètres. Le profil de l'ou-
vrage est encore très bien conservé et l'on reconnaît aisément, sous-
les herbes qui les recouvrent, les vestiges d'une série de camps-
retranchés accolés au grand fossé.
Nous ne nous arrêtons que quelques minutes à Medjidié , sur l'em-
placement de l'ancienne ville de Karasou, détruite par un incendie a«
commencement de ce siècle. C'est une ville toute moderne qui doit sa
résurrection à la guerre d'Orient. Les Tatars de Crimée qui avaient
pris parti i)0ur les Turcs pendant la campagne, ne se croyant pas en
— 207 —
sûreté chez eux après le départ de l'armée alliée, vinrent fonder cette
ville nouvelle qui fut nommée Medjidié en l'honneur du sultan. C/cst
actuellement une ville de 15 à 20.000 âmes, sous-préfecture du district
de Constanta et la principale station de la ligne de chemin de fer de
Gonstanta à Bucarest.
A Gernavoda, nous traversons le Danube sur lejjpont Gharles I",
qui a été inauguré dans le courant de l'été 1895. Ce travail gigan-
tesque, qui a été exécuté par la Gompagnie de Fives-Lille et qui fait
le plus grand honneur à notre industrie national(\ se compose d'abord
d'un pont métallique de 750 mètres jeté sur le Danube. Ce pont est
divisé en cinq travées, dont une centrale de 190 mètres d'ouverture.
Le poids du tablier métallique est de 4.000 tonnes. Il est supporté par
deux culées, une sur chaque rive et quatre piles en rivière. Les
fondations de ces dernières ont été descendues au moyen de l'air
comprimé jusqu'à 27 mètres au-dessous de l'étiage. Le tablier est
suspendu à 30 mètres au-dessus du niveau des plus hautes eaux, de
manière à permettre aux navires de passer librement, en tout temps.
A la suite de ce pont s'ouvre un viaduc long de 900 mètres divisé
en 15 travées de 60 mètres d'ouverture chacune. Ce viaduc aboutit à
l'île de Balta, dont la traversée s'effectue sur un remblai ; il est suivi
d"un deuxième viaduc long de 650 mètres et divisé en 30 travées.
Enfin, après ce viaduc, s'étend un pont de fer long de 420 mètres,
divisé en 3 travées et permettant la traversée de la rivière Borcea.
En exceptant le remblai de l'île de Balta, la longueur totale de ce pont
est donc de 2.720 mètres, près de 3 kilomètres. Il a coûté exactement
7.655.981 fr.
A l'extrémité du pont Gharles P' se trouve la gare de Fetesci. A
partir de là et jusqu'aux environs immédiats de Bucarest, on ne ren-
contre que des plaines complètement dénudées, des steppes immenses
et stériles avec, de temps en temps, un village dans une sorte d'oasis
minuscule et, le long de la voie ferrée, des mares boueuses où se vautrent
des troupeaux de buffles. En approchant de Bucarest, on aperçoit dans
la campagne quelques puits d'une construction très primitive qui
donnent au paysan une eau fraîche et claire comme du cristal. Ces
puits sont de véritables sanctuaires. Malheur à qui s'aviserait de les
souiller.
Vers 2 heures de l'après-midi, nous faisions notre entrée à Bucarest.
A la gare nous attendaient M. Bunescu, ingénieur en chef des Ponts
et Ghaussées, M. Marasco, ingénieur des Ghemins de fer, avec son fils
— 2()8 —
el Coustaulin Bérindéi. fils du général Bériiidéi, Ministre de la Guerre
de Roumanie. Des voitures nous conduisent à riiôtel Frascati, où des
chambres nous sont retenues et nous commençons immédiatement la
visite de la ville. Ce jour-là. tous les édifices sont pavoises, le drapeau
national aux trois couleurs bleu, jaune et rouge, flotte à toutes les
fenêtres. Les Roumains fêtent en effet l'anniversaire de la prise de la
redoute de Grivitza, où leur armée se couvrit de gloire pendant la
guerre contre les Turcs.
On projette en ce moment une vue de la rue de la Victoire avec
l'Hôtel Frascati à droite, l'hôtel du journal V Indépendance rownaine
dans le fond. A'ous y remarquerez notamment les fiacres à deux
chevaux avec leurs cochers, les scopitzi, assez semblables aux cochers
russes et surtout le grand nombre d'enseignes en français. Car Buca-
rest est, après Bruxelles, la capitale d'Europe où l'on parle le plus le
français. Voici dans le prolongement de la même rue, la place Sarindar
(fig. 1) où se dresse la statue de la Paix, due au ciseau d'un artiste
italien avec, au premier plan, quelques portefaix, marchands de jaourt,
de fruits ou de légumes,
La rue de la Victoire débouche à l'origine de deux boulevards situés
dans le prolongement l'un de l'autre : le boulevard Elisabeth, éclairé
à la lumière électrique et où circulent de nombreux tramways élec-
triques qui, comme vous pouvez vous en rendre compte, ne gâtent
nullement la perspective, et le boulevard de l'Université. Sur la
photographie de ce dernier (fig. 2), vous apercevez le Ministère de
la Guerre. Cette vue a. été prise à la hauteur d'un square où se trouve
la statue équestre de Michel-le-Brave, œuvre du sculpteur français
Carrier-Belleuse (1875). Le glorieux champion de la reconstitution
de la nation est représenté en costume de guerre, brandissant la
hache d'armes. Le piédestal est flanqué de deux canons sur afi"ùt,
enlevés aux Turcs à la bataille de Plevna. A côté de cette statue
on a placé celle du poète Héliade Radulescu et celle de George
Lazare le fondateur des écoles roumaines.
Faisant face au square se trouve le palais de l'Université, vaste
édifice moderne bâti sur l'emplacement de l'ancienne école de Saiut-
Savas. C'est le siège de V Université de Bucarest qui comprend : une
faculté de médecine, une de droit, une de théologie, une faculté des
lettres, une faculté des sciences et une école de pharmacie. C'est dans
le même édifice que sont installés le Muséum d'histoi?^e naturelle, le
Musée de peinture et le Musée d'archéologie. Ce derniei- renferme
1. Bucarest. — Place Sarindar.
2. Bucarest. — Boulevard de l'Université.
3. Bucarest. — Manufacture des Tabacs.
4. Bucarest. — Eglise Domna Balasa.
^m^gm^^m'
^v^?
ISu
5. Bucarest. — Église Domna Balasa.
6. Slanic. — Vue générale.
-'209 —
nombre de pirces ancifimes, parmi lesquelles il faut citer les sculp-
tures (l'Adam-Kilissé, une riche collection de manuscrits slaves, grecs
et roumains, les fresques originales de Curtea de Arges et surtout, le
fameux Trésor de Pèirossa qui fut découvert dans les circonstances
étranges que voici :
Au mois de mars de l'année 1837, deux paysans roumains qui tra-
vaillaient à extraire de la pierre d'une montagne de la A'alachie située
dans la commune de Pétrossa découvrirent, sous un gros bloc de
calcaire, à peu de profondeur du sol et enveloppée dans une terre
noire et friable, une riche collection de vases et d'ornements en or.
Soit qu'ils ne se doutassent pas de l'importance de leur découverte,
soit qu'ils aient obéi à un sentiment d'avarice ou de crainte supers-
titieuse, ces deux paysans cachèrent d'abord leur trouvaille. Aidés de
deux de leurs parents, ils placèrent les objets précieux dans un
grenier, où ils restèrent jusqu'à ce qu'ayant fait la connaissance d'un
maçon albanais, nommé Vérussi. ils s'ouvrirent à lui et finirent par lui
céder pour une somme de 4.000 piastres (l.oOO fr. environ), leur trésor
entier, moins un anneau d'or qui resta dans le grenier. L'Albanais,
qui s'était assuré de la qualité du métal des objets qu'il venait d'ac-
quérir à si bon compte, prit ses précautions pour échapper à la loi
valaque, dont une clause oblige le partage de tout trésor entre le pro-
priétaire du fonds où il a été trouvé, l'Etat et l'auteur de la découverte ;
il recommanda aux paysans le secret sur sa transaction, et brisa ou
aplatit à coups de hache presque toutes les pièces du trésor, afin de les
dénaturer.
Grâce à ces précautions, le maçon serait peut-être parvenu à cacher
à tout jamais cette précieuse et curieuse découverte, si quelques-uns
des objets dont se composait son acquisition n'avaient été ornés de
pierres de diverses couleurs. Jugeant quelques-unes de ces pierres de
peu de valeur, il les détacha des bijoux et les laissa aux paysans qui,
eux-mêmes, en prirent peu de soin. Devenues le jouet de quelques
enfants, elles furent le point de départ de propos et de commentaires,
puis de recherches qui révélèrent la découverte faite par les paysans
de Pétrossa. Le fermier de cette terre fut le premier à s'enquérir, et
n'ayant pu obtenir de l'Albanais une part suffisamment belle du trésor,
il le dénonça à l'autorité, qui était en n;ême temps prévenue par l'éco-
nome de l'évêché de Buzéo,dont dépendait la terre de Pétrossa, et par
le préfet du district.
Ainsi renseigné, le gouvernement ordonna une enquête. Elle com-
— 210 —
inença en juillet 1838, plus d'un an après la découverte du trésor.
Cette enquête fut malheureusement dirigée avec plus de sévérité que
d'intelligence. On négligea les renseignements qui pouvaient être utiles
à la science archéologique, pour s'occuper principalement de la valeur
matérielle du métal et des sommes versées par les possesseurs succes-
sifs du trésor. On eut recours aux mesures les plus rigoureuses pour
savoir ce qui s'était passé et pour retrouver les objets antiques dont
s'était composé le trésor disparu. Les paysans qui les avaient décou-
verts, l'Albanais qui les avait achetés, le fermier qui avait voulu s'en
faire donner une partie, et plusieurs autres personnes impliquées dans
cette affaire, lurent arrêtés et retenus longtemps en prison.
Enfin, après des fouilles nombreuses, des interrogatoires persistants,
on finit par reconnaître d'une manière à peu près certaine que le trésor
découvert à Pétrossa se composait de 22 pièces en or pur, de forme et
de grandeur différentes, dont un grand nombre étaient ornées de pier-
reries et de cristaux différemment colorés.
12 seulement de ces objets furent retrouvés : 9 dans une cachette
sur la berge de la rivière du Calnau, où l'Albanais les avait enfouis ;
1 qui était resté dans le grenier du paysan et 2 autres que l'Albanais
avait fait remettre au fermier de Pétrossa pour acheter son silence.
Les perquisitions postérieures furent en général peu fructueuses ; le
principal résultat auquel elles aboutirent fut le recouvrement de deux
fragments importants et de plusieurs débris servant à compléter les
pièces principales qui avaient été vendues et qui étaient presque toutes
brisées et déformées. Quant aux objets que l'on ne put découvrir, il
est plus que probable qu'ils passèrent au creuset ou furent vendus à
des marchands étrangers. Vérussi soutint obstinément qu'ils avaient
été emportés par un débordement du Calnau, sur la rive duquel il les
avait enfouis, enveloppés dans une serviette.
Le prince Michel Ghica, alors Ministre de l'Intérieur, fit déposer les
précieuses reliques au Musée national de Bucarest et l'on chercha à
leur rendre, autant que possible, leurs formes primitives, sans toute-
fois y ajouter rien qui n'en eût fait partie.
C'est encore dans le Palais de l'Université que se trouve la Biblio-
thèque nationale, qui possède aujourd'hui plus de 100.000 volumes.
Nous visitons ensuite VAthéàiéc, vaste édifice surmonté d'un dôme
et luxueusement aménagé pour les concerts et les réunions des Sociétés
savantes.
Le soir, nous avons l'honneur d'être reçus à la table du Ministre de
"- 211 -
la Guerre, en compagnie du contre-amiral général Murgescu , du
général Tatarascu, du colonel Goanda, aide-de-camp du roi et de sa
charmante femme, une parisienne restée française de cœur.
M""* Bérindéi faisait les honneurs de sa maison avec une amabilité et
une bonne grâce parfaites. Par une délicate attention, elle avait tenu a
ce que le dîner se composât presque exclusivement de plats roumains,
à seule fin, disait-elle, de nous faire faire une connaissance approfondie
des mets du pays. J'avoue d'ailleurs que nous avons beaucoup goûté
la tuïca, cette eau-de-vie de prunes que l'on sert en guise d'apéritif
avec une olive noire et une bouchée de pain salé, le potroace, potage
aigrelet qui n'est pas sans quelque ressemblance avec notre soupe au
lait battu, la mousaka, aubergines au gratin garnies de viande hachée,
et le jaourt, entremets au lait caillé et légèrement sucré, sans oublier
le café turc et la confiture de roses préparés par M""^ Bérindéi avec un
art exquis.
Voici la photographie du général Bérindéi. Je suis heureux de saluer
en lui un des chefs les plus énergiques, en même temps que des plus
sympathiques, de l'armée roumaine. Le général Bérindéi aime à rap-
peler qu'il vint chercher l'instruction supérieure à l'école militaire
française de Metz. Deux de ses fils font actuellement leurs éludes en
France. L'un fait son droit à Paris, l'autre est un des plus brillants
élèves de l'Institut Industriel de Lille.
C'est un ami de la France et un ami sincère, qui applaudit à toutes
nos joies et partage toutes nos douleurs.
L'armée roumaine dont il a le haut commandement, comprend
4 corps d'armée de 15.000 hommes, armée supérieurement disciplinée
et qui fit ses preuves dans la guerre de 1877 contre les Turcs.
Les diff'érentes vues qui défilent actuellement sous vos yeux repré-
sentent les chasseurs à pied roumains en exercice près de Sinaïa, une
revue passée par le prince de Bulgarie et le roi de Roumanie, l'état-
major du roi de Roumanie et la cavalerie roumaine aux grandes
manœuvres de l'année dernière. Voici enfin des artilleurs dans le fort
de Kitila aux environs de Bucarest.
Le camp retranché de Bucarest, qui a été organisé par le général
Brialmont, est un modèle du genre. Les Roumains n'ont rien négligé
pour en faire une place inexpugnable. Et il me revient à ce sujet une
anecdote assez curieuse qui me fut contée là-bas : Comme il fallait
munir les forts de coupoles tournantes en acier, le gouvernement
décida de s'adresser aux maisons françaises et allemandes. Mais il
— 212 —
voulait des preuves certaines de leur solidité et il exigea que chaque
fournisseur installât une tourelle sur laquelle Tartillerie roumaine se
livrerait, pendant plusieurs jours, à un siège en règle. Les résultats ne
furent pas, au début, suffisamment probants, et pour trancher la ques-
tion, les fournisseurs proposèrent de se renfermer dans leur tourelle
respective et de tirer les uns sur les autres. On accepta leur proposi-
tion et pendant plusieurs jours toute la population de Bucarest
s'intéressa prodigieusement aux résultats de cette guerre d'un
nouveau genre. Un jour les Allemands avaient reçu une avarie grave,
le lendemain les Français avaient le dessous. Finalement il n'y eut
ni vainqueurs ni vaincus et les Roumains prirent un moyen terme en
installant un système mixte possédant toutes les qualités reconnues aux
coupoles des deux puissances.
Nous visitons les jours suivants l'Institut antliiopométrique dirigé
par un médecin de grand talent, M. le D' Minovitchi, l'École des Ponts
et Chaussées et la Manufacture des Tabacs, dont le sous-directeur
nous fait les honneurs avec une grande amabilité. La préparation du
tabac est un monopole de l'Etat qui lui rapporte d'ailleurs annuelle-
ment de nombreux millions. Cette photographie vous représente
(fig. 3) la sortie des ouvrières qui sont soigneusement fouillées avant
de franchir les grilles.
Voici (fîg. 4) une vue générale de l'église Domna Balasa , dans le
style byzantin, l'édifice le plus remarquable de Bucarest et une vue
plus détaillée du portail latéral (flg. 5). Cette église se dresse au miheu
de l'élégant jardin des établissements hospitaliers de la fondation
Brancovan, un vrai parterre de verdure et de fleurs. Devant l'église,
au milieu du jardin, on a érigé en 1882 une très belle statue en
marbre blanc de la princesse Balasa.
A peu de distance de là se trouve l'église Stavropolios, vieille église
malheureusement un peu délaissée, mais certainement une des plus
originales el des plus artistiques de Bucarest, et la Cathédrale catho-
lique qui n'offre d'ailleurs aucun intérêt pour les voyageurs en quête
de curiosités ou d'œuvres d'art remarquables. Elle est desservie par
des prêtres appartenant à l'ordre des Franciscains de la réforme de
St-Jean Capistran.
Une après-midi est consacrée à la chaussée Kisselef, ainsi nommée
en souvenir du général russe qui, pendant l'occupation de 1848, fut
chargé de l'administration de la ville et en commença la transforma-
tion. C'est le lieu de promenade favori de la société élégante de
— 213 —
Bucarest, le Bois de Boulogne de la capitale de la Roumauie. Les
dames roumaines y étalent en été un grand luxe de toilettes et d'équi-
pages. Le dimanche et les fêtes, c'est la ville entière qui vient à la
chaussée et la circulation y est presque impossible.
D'élégants restaurants, très fréquentés, sont situés sur la chaussi'e
et dans les environs. J'ai conservé le souvenir de certain souper que
nous fîmes un soir dans l'un de ces restaurants, et où des tziganes,
spécialement retenus à notre intention, jouèrent sans interruption les
plus ravissantes mélodies de leur répertoire.
Ces artistes insouciants, incapables de garder le lendemain ce qu'ils
ont gagné la veille, jouent d'inspiration, avec une verve et un brio ini-
mitables, sans connaître même les notes, sans rien savoir des procédés
et des expédients qui s'apprennent des maîtres.
« L'art — a dit Liszt qui les a étudiés de près — l'art est pour eux
un langage sublime, un chant mystique mais clair aux initiés, ils s'en
servent selon les exigences de ce qu'ils ont à dire et ne se laissent
influencer par aucune raison intrinsèque. Ils ont inventé leur musique
et l'ont inventée pour leur propre usage, pour se parler, pour se
chanter eux-mêmes à eux-mêmes, pour se tenir les plus intimes, les
plus touchants monologues. »
Leur musique est aussi libre que l'est leur vie. Pas de modulations
intermédiaires, pas d'accords, pas de transitions. Ils vont, sans prépa-
ration, d'une tonalité à une autre; des hauteurs éthérées du ciel ils vous
précipitent d'un coup dans les gouffres hurlants de l'enfer ; de la
plainte qui soupire ils passent brusquement à la clianson guerrière qui
éclate ; fougueuses et tendres, à la fois ardentes et calmes, leurs mélo-
dies vous plongent dans une rêverie mélancolique ou vous emportent
dans un tourbillon vertigineux. De tous les instruments, celui qu'ils
préfèrent est le violon : le roi des instruments. Jamais aucun d'eux n'a
voulu apprendre le piano, cet instrument lourd, laid, qu'on ne peut ni
mouvoir, ni presser avec passion dans ses mains et contre son cœur.
Nous y fîmes connaissance également avec la ho^^a, la danse nalio-
nale roumaine, et si mes souvenirs sont exacts, je crois bien que l'uu
de nous fit résonner les échos de ce jardin des accents de la Mar-
seillaise.
Munis d'une autorisation spéciale et sous la conduite du colonel
Coanda, nous visitons également le Palais Royal situé vers le milieu
de la rue de la Victoire. C'est une grande bâtisse sans plan régulier ni
style architectural, mais remarquable par le goût qui a présidé à l'amé-
— 214 —
nagement intérieur. Nous remarquons surtout la salle du Trône, la
salle à manger, le grand escalier et la bibliothèque. Les boiseries des
appartements royaux sont également fort belles.
C'est là qu'habitent, pendant la saison d'hiver, le roi et la reine de
Roumanie, deux des figures les plus sympathiques parmi les souverains
d'Europe. La reine Elisabeth, plus connue en France sous le pseudo-
nyme de Carmen Sylva, lauréat de l'Académie française, est une
femme d'une intelligence supérieure, au cœur chaud, qui a su forcer
tous les respects et toutes les affections par la noblesse de son carac-
tère et par la dignité simple de sa vie, ouverte à tous comme une
maison de verre. Elle porte avec une rare aisance le triple diadème de
la grâce, du talent et de la royauté.
Le roi Charles l" est Allemand, c'est vrai, mais son aïeule paternelle
était une Murât et son aïeule maternelle une Beauharnais. 11 n'a pas
trouvé sa couronne royale dans son berceau, à Sigmaringen, ou même
dans son berceau politique, à Bucarest. Il l'a forgée, au propre et au
figuré, dans le métal de la victoire, sous les nmrs de Plevna. Il
apporta aux Roumains ce que ces derniers attendaient de lui « un
cœur loyal, des pensées droites, une volonté ferme de faire le bien,
un dévouement sans bornes à sa nouvelle patrie et un invincible
respect de la loi. »
Le roi et la reine de Roumanie ont perdu leur unique enfant , deuil
éternel qui eut un si grand écho dans le cœur de tous les Français.
L'héritier de la Couronne est le neveu de Charles ^^ le prince Ferdi-
nand, qui épousa la princesse Marie de Grande-Bretagne, nièce, par
sa mère, du tsar Alexandre II.
Cathédrale de Curtea de Argès. — Notre première excursion
aux environs de Bucarest aura pour objectif la cathédrale du monastère
de Curtea de Argès, où l'on se rend en partant de Romnicu-Valcea par
une route carrossable dans un site ravissant. N'y eùt-il pas autre chose
à voir en Roumanie, qu'il vaudrait encore la peine de faire le voyage
pour contempler ce magnifique édifice, la perle de la Roumanie, le
joyau de l'art byzantin, un monument incomparable parce qu'il est
unique au monde.
(^ette église, fondée en 1520, n'est pourtant pas un prodigieux
entassement de Pélion sur Ossa, comme Sl-Pierre de Rome ; des
géants n'ont point soulevé des quartiers de montagne dans les nuages,
comme à Cologne ; la sueur de 100.000 hommes n'a pas cimenté ses
— 215 —
murailles, comme à Strasbourg ; ce n'est pas non plus le livre d'his-
toire d'une race de rois, comme Notre-Dame de Paris, ou une nécropole
auguste comme l'abbaye de Westminster. Rien de tout cela ; mais cette
basilique de marbre et d'or, proportionnée à la taille de la Roumanie,
aussi finement brodée que les voiles de ses femmes, résume quatre
siècles d'histoire et quand souffle le vent sonore des Garpathes, son
chœur de colombes — que l'on distingue perchées, une clochette au
bec, sur toutes les rosaces supérieures, — chante le zèle pieux des
anciens voïvodes qui l'ont édifiée, le vandalisme des hordes barbares
qui l'ont ravagée, et la gloire du roi qui l'a régénérée au lendemain
de la liberté reconquise — car le travail de restauration, entrepris par
Charles P^ n'a pas été interrompu par la grande guerre de l'Indépen-
dance de 1877.
La restauration du monument a été confiée à un architecte français,
M. Leconte du Noiiy, désigné au choix du gouvernement roumain par
son maître Yiollet-le-Duc. Cet artiste érudit et patient, grâce à une
science et à un talent absolument remarquables, a réussi à rendre au
vieux monument tout l'éclat de sa première splendeur.'
Construite au milieu de prairies boisées, sur les bords de l'Argès,
l'église ne se décèle d'abord au travers des arbres, que par le chatoie-
ment des trois couleurs : le blanc du marbre, le bleu des émaux et le
jaune des dorures, qui forment l'harmonie fondamentale de sa déco-
ration extérieure. Elle apparaît bientôt, au milieu d'une vaste espla-
nade, coupée de pelouses, et entourée d'un mur bas à colonnes, en
pierres blanches, supportant une grille élégante. Une seconde enceinte
intérieure faite d'une bordure de pierres d'une blancheur marmoréenne,
découpée en fleurs de lis, entoure l'église et le parvis. Sur le parvis se
dresse une merveilleuse construction : le Baptistère, recouverte d'une
coupole en plomb décorée d'ornements en relief et suruiontée d'une
croix grecque à trois branches, dorée et maintenue par des chaînettes
également dorées.
L'édifice principal se compose de deux carrés égaux accolés par une
de leurs faces. Pour augmenter la surface intérieure du monument, on
a joint aux trois faces libres du carré antérieur, trois rectangles
allongés et aux trois faces libres du carré postérieur, trois hémicycles.
Au-dessus de chacun des deux carrés fondamentaux s'élève une cou-
pole supportée d'abord par un tambour plein, carré, et ensuite par
une tourelle octogonale ajourée sur chaque face d'une fenêtre haute
et étroite. Enfin, à chaque extrémité du rectangle de façade, s'élève
- 216 —
également une tourelle cylindrique divisée en huit compartiments par
des nervures en spirales. Chacune de ces tourelles supporte une cou-
pole surmontée, comme les coupoles principales, de croix grecques
dorées. Le monument repose sur un soubassement élevé en pierre
blanche. A mi-hauteur de l'édifice court, tout autour, un large bandeau
en relief sculpté en forme de torsade et figurant une immense ceinture
d'or. La construction se trouve ainsi divisée, dans le sens de la hauteur,
en deux étages. A l'étage inférieur, chaque face est partagée, par des
moulures formant cadres, en compartiments quadrangulaires dans
chacun desquels se trouvent ménagées les fenêtres, hautes et étroites,
accouplées dans un encadrement commun dans la partie antérieure du
monument, tandis qu'elles sont isolées dans la portion postérieure.
Partout leur encadrement est formé d'arabesques, de guirlandes de
fleurs ou d'entrelacements de rubans, se détachant en reliefs d"or sur
un fond d'azur.
Les hémicycles de la portion postérieure de l'édifice sont couverts
de demi-coupoles adossées au tambour de la grande tourelle. Toutes
les surfaces planes des tambours ou des encadrements sont couvertes
d'ornements sculptés en relief. Enfin la porte, dans le style des portes
de mosquées arabes, apparaît foute encadrée d'ornements se détachant
en or sur fond bleu et s'ouvrant sous un arceau de pierre blanche
découpée. Dans le tympan de cet arceau, au-dessus de la porte, se
trouve une magnifique mosaïque sur fond or représentant la Vierge
Marie et l'Enfant-Jésus.
Rien ne peut donner une idée de l'éblouissement prodigieux qui
s'empare du regard devant une pareille magnificence. On reste saisi,
sous le charme, sans pouvoir analyser l'impression harmonieuse qui
ressort de cet accord des trois couleurs du ciel : l'azur du firmament,
le blanc des nuages, l'or du soleil. Et si le regard, pour se reposer un
peu de cet éhlouissement, s'écarte pou;' un inslant de cette féerique
vision, il ne l'encontre plus, dans quelque direction qu'il se dirige, que
le grand ajiaisemenl de l'espace immense, la verdure des prairies et
des ai-bres, la perspective fuyante des montagnes qui cerclent l'horizon
de toute part; et l'on se demande si ce n'est pas le jeu d'une illusion,
la fantaisie d'un rêve qui vous a fait voir une des plus glorieuses mani-
festations de l'art humain perdue dans la solitude d'un petit vallon des
Carpathes.
L'intérieur de ri'-glise off"re avec l'extérieur un contraste saisissant
par ro])Scuritt' relative qui y règne ; le jour n'y pénétrant que par de
— 217 —
longues et étroites fenêtres, se tamise au travers de ces profondes
embrasures, étroites comme des meurtrières. El ce contraste iuème sert
l'impression de recueillement et de mystère qui doit s'imposer à ceux
qui pénètrent dans l'intérieur du temple. La porte d'entrée franchie,
on se trouve dans VExo-Nart/icr ou vestibule, dont la voûte s'en-
tr'ouvre aux deux extrémités pour laisser apercevoir les deux coupoles
formées par les deux petites tourelles de la façade. Le carré fonda-
mental antérieur qui forme la nef ou narthex, apparaît indiqué par
douze colonnes qui supportent la tourelle et la coupole centrales. Le
second carré forme le chœur. Uabs/de ou sanctuaire, séparée du reste
de l'église par V iconostase, est formée par l'hémicjcle du fond. Les
colonnes de 70 centimètres de diamètre et de 7 m. 20 de hauteur sont
décorées d'ornements en relief, se détachant toujours eîi or sur fond
bleu. Les chapiteaux et les bases sont de style persan. La richesse de
l'ornementation est telle que jamais le même motif ne se trouve répété
deux fois, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur. Les murs sont peints à
fresques. La porte de marbre, par laquelle on passe du narthex dans
le chœur, présente de curieux motifs d'ornementation empruntés à l'art
syrien ou égyptien. A droite, se trouvent le trône du roi et la chait^e
épiscopale, en bronze doré ornés d'émaux et de cabochons colorés. A
gauche, sont situés le trône de la reine et le siège d'un des grands
dignitaires de l'Etat. Enfin, dans chacun des deux hémicycles, sont
rangés sept sièges de bronze.
Uiconostase, ou cloison séparatrice du sanctuaire et du chœur,
s'élève sur un socle de marbre blanc, orné de colonnes en onyx et se
trouve enrichi d'ornements en cuivre ciselé et doré, d'émaux et de
peintures; le couronnement est formé par une élégante corniche
découpée en forme de fleurs d'une légèreté admirable. Dans le sanc-
tuaire, où l'on pénètre par trois portes pratiquées dans l'iconostase, se
trouvent Vautel et les objets du culte. La surface intérieure des tou-
relles et des coupoles est peinte à fresques, comme les murs de la nef,
et l'on y voit représentées les figures du Christ et de la Vierge, des
figures de saints et des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Un tel édifice, « beau comme un fragment de soleil », selon l'expres-
sion des contes, ne va pas sans avoir une ]iistoin% voire même 'des
légendes.
Toutes les fois qu'un homme, d'un savoir et d'une intelligence supé-
rieurs à la moyenne de son temps, accomplit quelque acte qui dépas^^e
la compréhension vulgaire, le peuple est convaincu qu'il n'a pu réussir
— 218 —
qu'à l'aide d'artifices surnaturels. De là naissent les légendes si. pitto-
resques, naïves ou dramatiques, toujours empreintes de poésie, qui
forment l'origine du trésor littéraire des nations. Et comme ces tradi-
tions enfantines ne peuvent supporter le grand jour de l'histoire, c'est
toujours aux époques incertaines où les héros, fondateurs des races,
ont vécu, qu'on les place.
La légende de l'église d'Argès se développe sous le patronage du
fondateur de la Yalachie, Radu Negru. Le souvenir de cette légende
s'est perpétué dans une ballade, la ballade de maître Manol, cet
architecte fabuleux, à qui les Roumains attribuent la fondation de la
plupart de leurs anciens monuments.
Donc, le voïvode cherche, avec maître Manol, un emplacement pour
y bâtir un saint monastère. Un berger les conduit au pied d'un mur
ruiné, au bord de l'Argès. Là sera construite l'église qui rappellera
aux siècles futurs le nom de Négru-Voda.
Maître Manol se met à l'œuvre; mais chaque nuit s'écroule le travail
de la journée. Pendant trois ans, rien n'y fait, un maléfice entrave la
construction. Enfin Manol a un songe : il faut murer dans les fonda-
lions, pour eu assurer la stabilité, la première femme qui viendra, le
jeudi suivant, apporter des mets à son époux, sur le chantier. A l'aube
du jeudi, une femme paraît... Et c'est Mindra, la jeune épouse de
maître Manol. Éperdu, il tombe à genoux et joignant les mains :
0 Seigneur mon Dieu,
\'erse sur la terre,
Une pluie écumante
Qui trace des ruisseaux
Et creuse des torrents !
Que les eaux se gonflent
Pour inonder la plaine,
Et forcent ma femme
De rebrousser chemin.
vSa prière est exaucée. Une pluie diluvienne tombe de la nue, des
torrents barrent le chemin, mais tout cela ne peut arrêter la jeune
femme qui toujours marclie et toujours s'approche.
0 Seigneur mon Dieu,
Déchaîne un grand vent
Au loin sur la terre,
Qui torde les platanes,
Dépouille les sapins.
.— 219 —
Renverse les montagnes,
Et force ma femme,
De s'en retourner
Loin de la vallée.
L'orage éclate dans toute sa furie, mais Mindra continue d'avancer,
'elle arrive, elle est arrivée.
Lors, la mort dans Tâme
La prend dans ses bras,
Grimpe sur le mur,
L'y dépose, hélas !
Et lui parle ainsi :
« Reste, ma fière amie,
Reste ainsi sans crainte
Car nous voulons rire.
Pour rire te murer. »
Et Mindra le croit,
Riant de bon cœur
Tandis que Manol
Fidèle à son rêve
Soupire et commence
A bâtir le mur.
La muraille monle
Et couvre l'épouse
Jusqu'à ses chevilles,
Jusqu'à ses genoux.
Mais lors la pauvrette
A cessé de rire.
Et, pleine d'effroi,
Tout haut se lamente :
« Manol, Manol,
0 maître Manol !
Assez de ce jeu.
Car il est fatal.
Manol, Manol,
0 maître Manol !
Le mur se resserre
Et brise mon corps. »
Manol se tait
Et bâtit toujours.
Le mur monte encore
Et couvre l'épouse
Jusqu'à ses chevilles.
Jusqu'à ses genoux.
Jusqu'à sa ceinture
Et jusqu'à son sein.
« Manol, Manol,
0 maître Manol !
Assez de ce jeu.
— 220 —
Car je vais être mère ;
Le mur se resserre
Et tue mon enfant :
Mon sein souffre et pleure
Des larmes de lait. »
Mais Manol se tait
Et bâtit toujours.
Le mur monte encore,
Et couvre l'épouse
Jusqu'à ses chevilles,
Jusqu'à ses genoux,
Jusqu'à sa ceinture
Et jusqu'à son sein
Et jusqu'à ses yeux,
Et jusqu'à sa tête ;
Si bien qu'à la vue
Elle disparait,
Et qu'à peine encore
On entend sa voix
Gémir dans le mur :
« Manol, Manol,
0 maître Manol !
Le mur se resserre
Et ma vie s'éteint. » (1)
•
La construction s'achève désormais sans entrave ; le charme a été
rompu par le sacrifice de Mindra.
Les travaux touchent à leur fin et le voïvode vient admirer l'œuvre
de Manol. « Dis-moi, lui dit-il, que cette église sera à jamais unique
sur la terre, que tout ton art ne pourrait la refaire ! » L'orgueil perd
Manol; il répond, du haut du toit, qu'il pourrait construire un édifice
cent fois plus beau, maintenant que l'expérience lui a servi de leçon.
Jaloux, le prince ordonne d'arracher les échafaudages, abandonnant
là-haut Farchitecle et ses compagnons. Au bout de neuf jours, les
maçons affamés demandent au maître un moyen de salut. Manol leur
construit des ailes en bois ; ils prennent leur vol, mais à ce moment,
entendant la voix de l'épouse de Manol qui les maudit, ils viennent se
briser sur le sol et sont changés en rochers. ^lanol veut descendre, lui
aussi, avec ses ailes de bois ; mais comme il va s'élancer, il entend la
martyre qui se plaint sourdement. Saisi de vertige, il ne peut plus
(1) B. Alexandri. — Ballades et chants populaires de la Roumanie. — Carmen
Sylva a fait jouer en 1891, à Vienne, un opéra dont le titre et le sujet sont
empruntés à la légende de Maître Manol.
*— 221 —
voler, tombe et est mélaraorpliosé en une croix de granit, au pied de
laquelle jaillit une eau amère, dont chaque goutte est une larme versée
par sa femme.
Je me suis étendu sur cette légende. N'est-elle pas en effet le sym-
bole des destinées de la Roumanie ? Pressée jadis, comme l'épouse de
Manol, dans un mur étouffant, elle avait disparu du monde, on ne la
voyait plus; sa plainte était la seule révélation de sa vie. Mais un
matin, elle brise la muraille de douleur qui enserre son corps et elle
se lève plus forte et plus belle, baisée au front par la victoire, tendant
à ses fils altérés un sein gonflé du lait i)ur de la liberté.
Slanic. — Notre deuxième excursion dans les environs de Buca-
rest fut dirigée vers les mines de sel de Slanic. Le chemin de fer nous
conduit à Buda où nous quittons la ligne principale pour suivre un
embranchement qui rejoint la vallée de la Telejanu. Dans cette région
nous apercevons de nombreux puits de pétrole, dont l'odeur d'ailleurs
ne nous quitte pas jusqu'à Slanic. Les ingénieurs de la mine se mettent
à notre disposition et après un déjeuner original, dont la salade de
caviar fait le plus bel ornement et aussi, dirai-je, la bonne humeur des
convives , nous nous dirigeons vers les puits d'extraction. Voici une
vue générale de Slanic (fig. 6) et une photographie (fig. 7) de notre
caravane.
On nous emi)ile dans une cage rectangulaire et nous descen-
dons doucement jusqu'à une profondeur d'une centaine de mètres.
Le spectacle dont nous sommes témoins est grandiose. D'immenses
galeries , de 150 mètres de longueur et de 60 mètres de hauteur,
aux parois inclinées comme les voûtes d'une gigantesque cathédrale,
reflètent par mille facettes la lumière des nombreuses lampes élec-
triques qui éclairent les mineurs. Ces rochers de sel gemme ont
d'étranges transparences et s'irisent harmonieusement au reflet de l'arc
voltaïque.
Un silence pesant, à peine rompu par le roulement sourd de quelque
wagonnet, règne dans ces galeries où se meuvent lentement et avec
des gestes d'automates des centaines d'ouvriers qui semblent se livrer
aux mystères de quelque culte inconnu et silencieux.
Mais on nous remonte à mi-route et, à la lueur de quelques bougies,
nous nous promenons sur le plafond en bois de la voûte. Par les
interstices, nous apercevons les mineurs attelés à leur tâche comme les
iravailleurs d'une immense fourmilière. Nous nous trouvons bientôt à
— 222 -
l'orifice d'une ancienne galerie abandonnée, présentant l'aspect d'une-
bouteille énorme dans laquelle la lueur de nos bougies projette de&
ombres fantastiques Tout à coup une flamme colossale, un brasier
gigantesque, franchit l'espace. C'est de Tétoupe imbibée de pétrole-
enflammé qu'un ouvrier a lancée de la partie supérieure de la galerie-
et qui, éclairant subitement toute la cavité aux parois grisâtres, nous-
arrache des cris d'admiration.
De retour à la lumière du jour, nous visitons la salle des machines^
les dynamos et l'entrepôt.
Et je puis prendre quelques pholograpliies des indigènes du pays ef
de leurs habitations :
Yoici (fig. 8) un paysan roumain dans son costume de travail et une-
maison de Slanic (fig. 9). Si le grand seigneur roumain a toujours eu;
chez nous une réputation méritée de grâce et de bravoure, le paysan^
possède des qualités primordiales qui eu font un type bien à part.
« On est étonné de la conversation intéressante que l'on peut avoir
pendant des heures entières avec un paysan sans instruction, dit Obé-
dénare ». C'est que le colon roumain du Danube, grâce à la traditioD
orale, possède les connaissances les plus variées sur les fleurs , les-
animaux, les étoiles, les événements des temps passés... Il a des gestes
nobles, des expressions choisies et son langage n'est nullement déplacé
dans un Parlement.
C'est ce paysan qui, par son indomptable énergie, a sauvé la natio-
nalité roumaine , c'est lui seul qui résista à la domination turque^
C'est lui qui, au jour les plus sombres de son histoire, ne cessa jamais
de chanter. Le peuple qui, à la foi dans ses destinées, joint le courage
de chanter même dans ses malheurs, celui-là est un grand peuple et sa
place reste marquée au banquet de la civilisation et de l'avenir.
Le paysan des Carpathes, même le plus pauvre et le plus illettré-
professe un véritable culte pour cette idée qu'il est impossible que le&
héritiers du grand nom de l'empire des Césars ne soient pas appelés-
un jour à de hautes et brillantes destinées.
On demandait un jour au prince Georges Bibesco un portrait de ses-
compatriotes. « En quelques lignes, répondit-il, voici :
« Intelligent, doux, parfois frondeur, patient, superstitieux et fata-
liste. Il a la conception facile, l'imagination vive, l'entraînement
prompt. Ses aptitudes pour la poésie et la musique sont remarquables..
Sobre, discipliné et brave, il fait un excellent soldat. Il est surtout
cultivateur ou pâtre. Il a dans le caractère un fond particulier de
^
i. s LA N I C.
8. Paysan de Slanic.
U. Maison roumaine a Si-anic.
10. PÉNITENCIER DE Sl.ANIC.
11. SiNAÏA. — Le Monastère.
12. Environs de Sin.ua.
— 223 —
noblesse. Les feiuines sont justement renommées pour leurs beaux
yeux ; leur cœur et leur dévouement les font aimer. La femme roumaine
est généralement femme de tète. »
Il faut lire avec quel amour les chants populaires , les doïuas .
célèbrent sans cesse la beauté de la femme roumaine et son charme.
Leurs enthousiasmes sont justifiés. Tous, même les plus graves et les
plus arides auteurs, lorsqu'ils parlent de la Roumaine, trouvent une
phrase chaude et jeune pour vanter la Roumaine. Un médecin s'ex-
prime de la sorte entre deux observations de pathologie : « Les Rou-
maines sont jolies ; leur figure est douce et agréable, leur peau est
blanche, leur taille d'une grande souplesse. L'été, les paysannes n'ont
pas de chaussures et il est facile alors d'admirer la petitesse de leurs
pieds (1). »
Roques, un poète roumain qui traduisit et paraphrasa dans noti-e
langue les chants d'Alexandri , voulant nous montrer deux beaux
amoureux de son pays, dit :
II fut Jadis un prince jeune et beau
Comme un beau jour au temps du renouveau,
Un fils de roi, loyal, tendre, sensible
Et dont la taille élégante et flexible
Aurait vraiment passé par un anneau.
Tels et plus doux que les cheveux du saule
Qui font au lac un voile si charmant,
De son cou brun jusque sur son épaule
Les cheveux noirs retombaient mollement.
De ses grands yeux, pur miroir de son âme.
Se répandait si merveilleuse flamme
Qu'il ne pouvait les ouvrir sans charnier,
Et qu'il fallait, en le voyant, l'aimer.
Se promenant souvent dans la campagne
Et ne prenant conseil que de son cœur,
Il y choisit pour être sa compagne
Une Roumaine au minois enchanteur.
Du vert bocage un rossignol chanteur,
Une Roumaine adorée à la ronde,
Maritrica, sur la colline blonde
Comme une fleur au parfum sans pareil
Epanouie aux rayons du soleil.
(1) Docteur Caillât, Union Médicale, 185^i.
Une Heur au parfum sans pareil..., ce vers a, depuis quelque temps,
bien des fois chanté dans ma mémoire !
Grâce, éclat et parfum de la fleur ne doivent cependant point faire
oublier les qualités sérieuses de cœur et de tête de la femme roumaine.
Sans doute elle est la fille au corps souple, aux mains fines, sans
doute elle est la grâce même et la séduction. Mais regardez cet œil aux
troublantes profondeurs, comprenez la dignité mélancolique de ces
éclats et vous v verrez parfois tout le passé tragique et la longue
histoire des deuils de la Roumanie. Vous y veri-ez luire quelque chose
de la fièvre et des douleurs des batailles ; vous y verrez percer, derrière
les angoisses du passé, les espoirs de l'avenir.
En quittant la mine, nos cicérone nous conduisent au pénitencier
(fig. 10), vaste construction d'aspect riant où les forçats ont l'air d'être
très à l'aise. Quelques-uns d'entre eux nous vendent des objets de leur
fabrication où se révèle un sens artistique assez développé.
DÉFILÉS DE LA DiMBOViciORA. — Avant de nous rendre à Sinaïa
pour, de là, rentrer en Hongrie, nous irons visiter les défilés et les
grottes de la Dimhoviciora.
La gorge de la Dimboviciora est une fissure profonde et étroite qui
s'ouvre dans une paroi verticale de rochers entre deux hautes mon-
tagnes. Le fond de ce couloir est presque entièrement occupé par le
lit de la Dimbovitza. C'est donc dans le lit même de la rivière, encombré
de roches et de troncs d'arbre, qu'il faut chercher son chemin. Le
mieux est d'ailleurs de s'en remettre à l'instinct de sa monture qui
trouve les endroits favorables pour poser le pied. De chaque côté
s'élèvent de hautes murailles de roc aux saillies desquelles s'accrochent
des sapins. Le paysage est d'une beauté sauvage et romantique.
Au bout d'une demi-heure d'un pareil voyage, on débouche dans
une sorte de cuve ou de cirque en entonnoir qui aboutit à une grotte
des plus curieuses, dont l'exploration, assez difficile du reste, présente
de nombreux attraits.
Sina'la.. — Nous voici maintenant en route pour Sinaïa après avoir
quitté, non sans regrets, Bucarest, où nous laissons de si bons amis.
« 0 Dimbovitza ! Celui qui a bu de ton eau ne peut plus te quitter »,
dit-on, là-bas, eu parlant de la rivière aux sites enchanteurs et aux
rives fleuries qui arrose la capitale. Nous n'avons jamais mieux compris
toute la vérité de cette maxime.
Siuaïa est une célèbre station estivale fréquentée par la Cour et
raristocratie roumaine. Admirablement située sur les pentes gazon-
neuses qui s'étalent en terrasses au-dessous de la grande masse des
monts Bucegi , la ville de Sinaïa avec ses villas luxueuses, son monas-
tère et surtout le cbàleau de plaisance du roi, le Castel Pelés, offre
aux amateurs des plaisirs de la campagne de nombreux motifs de
distraction. Les montagnes des environs permettent d'entreprendre
d'agréables et faciles excursions.
Le castel Pelés est devenu le véritable joyau du pays, grâce à l'art et
au goût innés de la reine Elisabeth. C'est une construction composite,
de style incertain, moitié chalet, moitié castel de la Renaissance, où
les toits pointus et les pignons tronqués se mêlent aux tourelles, les
galeries à colonnes des constructions byzantines aux fenêtres en
ogives, à croisillons et à vitraux, réminiscence de l'art gothique
allemand. Encadré dans une admirable forêt de sapins, au travers de
laquelle on a tracé un parc agréable, le castel Pelés a cependant fort
grand air. Mais c'est la décoration intérieure qui en fait un monument
merveilleux. On y a mis en œuvre toutes les ressources de la sculpture
sur bois ; les rampes des escaliers , les boiseries, les meubles sont
autant d'œuvres d'art. Les vitraux admirables dont sont garnies les
fenêtres, reproduisent les scènes principales des poésies de Carmen
Sylva ; des armes anciennes, des tapis, des objets d'art choisis avec
discernement, répartis avec un goût exquis, font de ce séjour une
demeure rare. Nous visitons le palais sous la conduite de M. Leconte
du Noûy, l'architecte dont j'ai déjà parlé. Ce qui nous a le plus
frappés, c'est le goût qui a présidé à l'installation des appartements
de la reine et particulièrement du cabinet de travail de Carmen Sylva,
et aussi un manuscrit de la reine que ne réprouveraient pas les
miniaturistes du XIII* siècle, avec une reliure en argent massif de toute
beauté.
Le monastère de Sinaïa a été fondé en 1695 par Michel Cantacuzène.
Il se compose de deux cours intérieures entourées de bâtiments bas
où se trouvent distribuées les habitations des moines et les dépendances
du couvent. Au milieu de chaque cour, s'élève une petite église de
style byzantin. L'une d'elles (âg. 11) renferme les tombeaux du
fondateur et de sa famille.
Michel Cantacuzène a été marié deux fois : de sa première femme il
eut neuf filles ; de la seconde il eut neuf garçons ; leurs portraits
— 226 -
décorent les murs de Téglise : d'un côté la premièi-e fcuune avec ses
neuf filles ; de l'autre, la seconde avec ses neuf garçons.
Les moines conservent une bibliothèque assez bien pourvue et les
joyaux de la famille Cantacuzène. C'est dans ce monastère que le roi
et la reine venaient passer l'été avant la construction de leur château.
Les monastères sont très nombreux en Roumanie. On en compte
168 disséminés sur toute l'étendue du territoire. Mais beaucoup ne
sont plus habités et ont été réduits, après la sécularisation des biens
conventuels, à l'état de simples églises ou affectés à divers services
publics, notamment au service des prisons.
Ces monastères diffèrent entièrement, par leur aspect, des édifices
du même genre que renferme l'Europe occidentale.
Voici le monastère de Julomitza. Au centre des monts Bucegi se
trouve, dans un parvis de rochers, une grotte naturelle célèbre par sa
beauté sauvage et impressionnante. Devant l'entrée de la grotte, dont
l'ouverture mesure 14 mètres de hauteur, se trouve le couvent de Jalo-
mitza habité par 6 à 8 moines mendiants. Ces moines y vivent en ermites,
bloqués 6 mois de l'année par la neige et la glace qui interrompent
toute communication. Ils se nourrissent, pendant ce temps, de mamaliga
(bouillie de maïs) et d'oignons.
Les bons ermites donnent volontiers asile au touriste, mais ce der-
nier doit avoir soin de se munir de vivres... et de poudre insecticide.
De Sinaïa, nous nous rendons en voiture à Prédéal, sur la frontière
hongroise, par une route merveilleuse (fig. 12) qui augmente encore nos
regrets de quitter ce pays hospitalier. Des coteaux verts et des ravins aux
flancs déchirés, des pentes adoucies, des collines roides, des cultures
variées, des sombres draperies de forêts, des amphithéâtres de mon-
tagnes aux souples et délicates dentelures se déroulent successivement
aux regards charmés. De loin en loin, par une échappée lumineuse, on
découvre, à l'issue d'une gorge, les toits de quelques hameaux bariolant
de taches rouges le tapis vert des pâturages. Et dominant le tout, des
parois de rochers grisâtres simulant des créneaux rompus, des pans
de murailles efïondrées, des arcs brisés de fenêtres gothiques, puis des
pics aigus, taillés en aiguilles, déchirant d'un jet hardi de javelot les
voiles bleus et ondoyants du ciel.
Nous nous arrêtons aux fabriques de clous et aux scieries de M. Cos-
tinescu, nous visitons la fabrique de draps d'Azuga et Ton nous fait faire
la connaissance d'un marchand de vins du pays, M. Rhein, dont l'ori-
ginalité nous séduit. Munis chacun d'une chandelle fumeuse, nous
faisons le tour des celliers sous la conduite du propriétaire, qui nous
vante les propriétés des différents crus. Malgré nos interprètes, nous
sommes peu sensibles à son éloquence, jusqu'au moment où nous nous
attablons devant les nombreux spécimens de ses produits.
Nous étions là, assis sur des caisses ou des blocs de bois avec, comme
table , un immense tonneau , sur lequel s'étalaient les verres et les
bouteilles. Et nous dûmes déguster pendant plus d'une heure tous ces
vins plus généreux les uns que les autres, devisant joyeusement avec
notre marchand, dont le seul objectif était de remplir les verres que
nous vidions d'ailleurs consciencieusement. Comme il restait debout,
l'un de nous lui fit observer qu'en France lorsque l'hôte se levait, cela
signifiait qu'il était temps, pour les invités, de se retirer. « Puis qu'il
en est ainsi, répondit-il, je m'assieds et je déclare que je ne me lèverai
plus de la journée. »
Mais nous n'étions pas de taille à lutter avec de pareils arguments
et nous dûmes nous lever les premiers pour prendre congé de lui.
Ce fut notre dernière aventure en pays roumain, et le soir même la
locomotive nous emportait vers Buda-Pest où nos compagnons de
voyage et moi nous devions nous séparer.
Je voudrais que ces notes, si brèves soient-elles, contribuassent à
faire mieux connaître, partant à faire aimer, ce vaillant peuple qui doit
nous être sympathique entre tous, car s'il ne s'interdit pas à jamais les
longs espoirs et les grandes pensées, il constitue néanmoins un élément
d'ordre et de paix en Orient. Cela prime tout à mon avis et l'exemple
des Grecs n'est point de nature à inciter les Roumains à renoncer à
une politique un peu terne, un peu terre à terre si l'on veut, mais qui
leur donne chez eux la sécurité, au dehors l'estime et la confiance.
BIBLIOGRAPHIE
A. TRAVERS LES INDES, par Eugène GALLOIS, 1 voL grand in-8,
avec cartes, plans, croquis, dessins et photographies de l'aute.ur. Paris, Société
d'Éditions, 1899.
Un livre de M. E. Gallois est toujours une bonne fortune pour nos lecteurs. On
sait avec quelle faveur ils ont accueilli déjà l'ouvrage sur la Birmanie, dont notre
- 228 —
aimable collègue a bien voulu nous faire don comme suite à son intéressante
conférence sur le même sujet. Son nouveau livre « A travers les Indes », n'est pas
destiné à un moindre succès. C'est le récit très détaillé, très instructif, très
documenté, d'un voyage de trois mois à travers ce que l'auteur appelle lui-même
« le plus beau pays du monde. »
Trois mois ! On se demande comment, en un si court laps de temps, M. Gallois
a pu recueillir sur ce pays, et notamment sur les villes qu'il a parcourues, une si
riche moisson d'informations de toute nature. Et cependant nous pouvons le
croire quand il affirme, très légitimement, que peu de touristes ont visité les Indes
comme il l'a fait, et qu'il a même « vu des endroits et monuments échappés jus-
qu'ici à la curiosité des voyageurs ordinaires. »
Le livre suppose en eifet un persistant, un consciencieux effort personnel. Il
fallait pour y réussir non seulement un esprit très éclairé, préparé par de nom-
breuses lectures antérieures, — car l'Inde possède déjà un véritable trésor biblio-
graphique, — mais aussi très avisé par lui-même, doué d'une curiosité constamment
en éveil et d'un sens d'observation pratique assez rare malheureusement chez un
Français. Ne cherchez point d'ailleurs dans cet ouvrage de prétention à l'impres-
sionnisme, ni même au style (je prends le mot dans le sens un peu étroit qu'on lui
donne volontiers chez nous). L'auteur a beaucoup observé, noté, dessiné, photo-
graphié, simplement, dans un but d'utilité pratique, et sans la moindre vanité
littéraire. .J"imagine qu'un Anglais (de classe supérieure) visitant l'Inde, n'aurait
pas rendu différemment ce qu'il appellerait ses impressions.
Seulement, l'Anglais aurait peut-être insisté sur le point de vue commercial, et
c'est ce qui manque ici, sans que je veuille me permettre d'en faire un grief à
l'auteur, qui est bien libre de choisir son sujet comme il l'entend. Ses chapitres
sur la géographie et l'histoire, et plus encore sur l'art, l'ethnographie et les reli-
gions de l'Inde, sont clairs, intéressants, et pourront être consultés avec fruit. Chaque
ville est décrite séparément, d'une façon judicieuse et méthodique. Je crois qu'on
peut surtout recommander ce livre, comme un guide précieux, à suivre jour
par jour, aux « travellers » français qui voudraient tenter eux aussi un voyage
de curiosité à travers cet admirable pays.
G. H.
EN EXTREME-ORIENT
M. Eugène Gallois, membre fondateur de notre Société, l'un de nos plus
sympathiques conférenciers, l'auteur du beau volume « A travers les Indes »,
publié tout récemment, vient d'être chargé, par le Gouvernement, d'une Mission
avec passeport diplomatique. De plus, M. Doumer, Gouverneur-Général de Tlndo-
Chine, lui a confié une Mission économique.
Il doit s'embarquer à Marseille le 8 Octobre. Voici l'itinéraire qu'il compte suivre
avec M. Berchon, son compagnon de voyage :
Saigon.
Visite à Pnom-Penh et aux ruines d'Anckor.
229
Remontée du Mékong jusqu'à Luang-Prabang probablement.
Trajet à travers le Haut-Siam.
Vallée du Meïnam. — Descente du fleuve.
Retour à Saigon.
Tourane à Hué, et peut-être à Vinh.
Le Tonkin. — Fleuve Rouge (Rivière claire).
Langson, etc
Hong-Kong. — Canton. — Shangaï.
Le Japon.
Le golfe du Petchili. — Pékin.
La Corée par Séoul (si possible).
Vlàdivostock. — Le fleuve Amour. — Le Baïkal et retour par la Sibérie.
Le récit de ce voyage paraîtra au fur et à mesure, sous forme feuilleton, dans
le journal quotidien « La Vérité y>, 15, rue de Valois, à Paris, à partir de Novembre
ou Décembre. *
EPHEMERIDES DE L'ANNEE 1898
OCTOBRE.
i". — France. — Mort de M'"'' Sadi Garnot.
OuBANGhi. — Retour en France de M. Léotard, coniniissaire général de
rOubanghi.
4. — France. — Décret fixant les points d'appui de la flotte aux colonies.
5. — Sibérie. — Le premier train de voyageurs arrive à Irkoutsk.
12. — Angleterre. — Lord Rosebery prononce un discours menaçant à propos
de la question de Fachoda.
.ALLEMAGNE. — Départ dcs souverains allemands pour la Terre Sainte.
14. — Le Cap. — A la suite de la dissolution de la Chambre, les élections
amènent une majorité hostile à M. Rhodes. Le cabinet Sprigg est alors remplacé
par le cabinet Schrainer.
18. — Turquie. — Arrivée des souverains allemands à Constantinople.
19. — France. — Les préparatifs de marine sont organisés en France.
22. — Angleterre. — Des préparatifs belliqueux sont faits en Angleterre.
24. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Levât: La Guyane
contestée.
27. — Lille. — Société de Géographie. Communication de M. G. Houbron :
La vallée de la Semoy.
28. — Allemagne. — Arrivée de l'Empereur Guillaume 11 à Jérusalem.
30. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. A. Merchier : Le
Congrès de Marseille.
Madagascar. — Soulèvement de Sakalaves au Nord-Ouest.
- 2:w —
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
I. — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes.
FRANCE.
Une Chaire de chinois. — Nous n'avons actuellement, en dehors de
Paris, aucune chaire de langues orientales. A Paris même, ces études sont loin
d'être en progrès.
Plusieurs pays voisins nous sont supérieurs à cet égard. Au Collège de France,
dit M. Bréal, dans la Revue de l'enseignement, il a fallu récemment supprimer
deux enseignements : celui du persan et celui du turc, faute de candidat en état de
prendre la succession du professeur décédé.
Il est question de créer à l'Université de Lyon une chaire de chinois. Le Minis-
tère de l'Instruction publique, la Chambre de Commerce de Lyon, le Gouvernement
de rindo-Chine sont favorables à ce projet pour des raisons politiques et écono-
miques faciles à comprendre. Le choix de Lyon est du reste tout indiqué. On sait
les efforts déjà tentés par la Chambre de Commerce de Lyon pour nouer ou déve-
lopper nos relations commerciales avec le marché chinois. Le cours de langue
chinoise trouverait là un public, surtout si cet enseignement, quoique donné à
l'Université, ne dédaignait pas de rester pratique.
II. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
FRANCE.
lia production minérale de la France. — Grâce à la statistique
de l'industrie minérale que publie tous les ans le Ministère des Travaux publics,
on peut se rendre compte du mouvement do la production des mines en France et
en Algérie et du degré d'activité des nombreuses industries qui se rattachent à
cette production.
La récente publication du bureau des mines est en retard sur les documents
officieux recueillis par les intéressés, mais ses chiffres sont contrôlés et permettent
d'étal)lir des comparaisons d'après des documents autorisés.
- 231 —
Les chiffres concernant Tannée 1897 accusent un développement notable de
notre production minérale et métallurgique, ils accentuent les progrès des années
précédentes.
La production des houillères s'est élevée en 1897 à 30,337,000 tonnes, y compris
1,628,000 tonnes d'anthracite ; les mines de lignite ont produit, en outre, 401,000
tonnes de combustible, ce qui porte la production totale à 30,798,000 tonnes, dont
la valeur sur place est évaluée à 334 millions de francs.
Comparativement à l'année 1896, il y a une augmentation de 1,608,000 tonnes,
soit de 5,50 " „ ; la valeur de la production totale ayant varié exactement dans la
même proportion, on voit que le prix moyen n'a pas changé d'une année à l'autre.
^ On compte 287 concessions de mines de combustibles minéraux réparties dans
39 départements, et dont les redevances payées à l'Etat se sont élevées à plus de
2 millions de francs.
Les concessions de mines forment des groupes ayant comme lien commun les
formations géologiques et qui constituent des bassins principaux.
Presque tous les bassins houillers ont contribué à l'accroissement de la produc-
tion, mais dans des proportions inégales.
La plus forte partie de l'augmentation obtenue est due au bassin du Nord et du
Pas-de-Calais dont la production, s'élevant à 18,830,000 tonnes, s'est accrue de
1,258,000 tonnes ; les documents privés recueillis sur la production de 1898 font
ressortir une nouvelle augmentation d'un million de tonnes de 1897 à 1898, ce qui
atteste la continuité des progrès de ce bassin.
L'augmentation de 1897 sur 1896 représente 7,4 % ; le bassin de la Loire, le
plus important après celui du Nord et du Pas-de-Calais, n'a accru sa production
que de 4,8 "o ; l'augmentation pour le bassin de la Loire est de 172,000 tonnes,
avec une production totale de 3,750,000 tonnes.
Les autres bassins houillers ont été également très actifs, notamment ceux du
Tarn, de l'Aveyron, de l'Auvergne, de la Bourgogne et du Nivernais.
Malgré cet effort, les houillères françaises ne parviennent pas à suffire à la
consommation intérieure qui s'est élevée à 41,841,000 tonnes de charbons. Ce sont
les importations anglaises, belges et allemandes qui fournissent la différence, soit
environ le quart de la consommation.
Il ne nous paraît pas vraisemblable que les progrès continus et accentués des
houillères françaises, dont la statistique montre l'importance, comblent de si tôt la
différence entre la production et la consommation.
Cela s'explique par la comparaison des chiffres de la consommation ; celle-ci a
augmenté en 1897 de 1,846,000 tonnes, c'est-à-dire de 238,000 t. de plus que la
production.
On ne peut que se féliciter de l'accroissement de la consonunaiion de combus-
tibles qui correspond à une activité croissante des industriels qui utilisent les
appareils à vapeur ou les foyers industriels. 11 faut seulement regretter que les
houillères françaises ne suffisent pas à alimenter, soit parce que leurs installations
ne sont pas encore assez développées, soit par ce fait que, dans certaines régions
de la France, il est plus facile de s'approvisionner de combustibles étrangers que
de charbons français.
Un certain nombre de mines, comme celles du Nord et du Pas-de-Calais, celles
de la Loire, ne sont pas gênées dans leur expansion par la concurrence étrangère,
elles ont, jusqu'à ce moment, des débouchés suffisants pour leur production même
grandissante ; il n'en va pas de même, pour les mines du Gard, de 1 Hérault, de
l'Aveyron et du Tarn que la concurrence anglaise paralyse, en coupant leurs
débouchés sur la Méditerranée ou sur les ports de l'Océan.
— 232 —
Pendant que la production houillère de la France augmentait en 1897, on pou-
vait relever le même mouvement à l'étranger : la production houillère de l'Angle-
terre a passé de 198 millions de tonnes en 1896 à 205 millions en 1897 ; celle des
Etats-Unis, de 169 millions à 181 millions ; celle de TAllemagne, de 112 à 120 mil-
lions de tonnes; celle de la Belgique, de 21,252,000 à 21,492,000 tonnes.
Après les mines de houille, les mines de fer sont celles qui constituent la prin-
cipale richesse minérale de la France. On a extrait, tant des minières que des
mines, 4,582,000 tonnes de minerais de fer valant 15 millions de francs. L'augmen-
tation a été de 520,000 tonnes et fait suite à celle de 382,000 tonnes obtenue l'année
précédente.
Les minerais de fer sont très répandus dans toute la France, mais ils ne donnent .
lieu à de grandes exploitations que dans la [Meurthe-et-Moselle oii les minerais de
fer hydroxyde oolilhique se rencontrent avec abondance. Ce département a produit
3,804,000 tonnes de minerais de fer en 1897.
En dehors du fer, il existe en France un certain nombre de mines métalliques
fournissant du zinc, du plomb argentifère, du cuivre, du manganèse, de l'antimoine.
Ces mines ont donné lieu à une extraction de 147,000 tonnes d'une valeur globale
de 10,689,000 fr.
Ce chiffre n'est pas négligealîle, mais il est bien loin de répondre à la production
possible des mines métalliques en France qui reconnues, concédées même sur un
grand nombre de points, ne donnent lieu qu'à des exploitations trop restreintes.
Il y a lieu de noter toutefois un revirement très sensible en faveur de ces exploi-
tations dont quelques-unes, reprises dans ces derniers temps, ont donné d'excellents
résultats.
L'exploitation des mines de sel gemme et dos sources salées en Meurthe-et-
Moselle, continue ses progrès. En y comprenant les quantités de sel tenues en
dissolution dans les eaux saturées extraites des puits pour servir à la fabrication
de la soude, la ]jroduction de 1897 s'élève à 607,000 t. au lieu de 552,000 en 1896.
Les marais salants ont été moins favorisés que les mines de sel ; les conditions
défavorables de la saison d'été ont contribué à abaisser la production de 485,000 t.
à 340,000 tonnes.
La valeur de l'ensemble des substances extraites des mines en France et en
Algérie, en 1897, s'est élevée à 3&3 millions 164,000 fr. au lieu de 362,413,000 fr. en
189f) ; cet excédent de 20 millions donne la mesure des progrès réalisés par l'in-
dustrie minérale.
Aux produits des mines on peut ajouter ceux des carrières qui, au nombre de
30,000 ayant employé 130,(XX) ouvriers, ont extrait, en 1897, 42 millions de tonnes
de produits divers d'une valeur globale sur place de 216 millions de francs, qui
portent, ajoutés à la valeur de la production îles mines, à près de 600 millions
de francs la vtileur sur place des produits extraits des mines et carrières en 1897.
X. HiNSTIN.
t,v ti*alic de» vliciiiiiiM <!«' ÉVr. — S'il est vrai que le trafic des che-
mins de fer puisse être en quelque sorte considéré comme le baromètre de l'activité
d'un pays, il faut convenir que les transactions commerciales en France vont en
progressant d'une manière très satisfaisante. Gomme, d'autre part, l'Etat garantit
l'intérêt aux actionnaires de nos grandes Compagnies, il s'ensuit que l'augmenta-
tion des recettes constituerait actuellement un allégement très sensible pour les
-, 233 -
contribuables si nos représentants ne gaspillaient d'une autre façon les économies
réalisées dans cette garantie d'intérêt.
Dans la discussion du budget des travaux publics au Sénat, M. Raynal a pu, en
effet, constater que la situation est devenue normale par suite de la décroissance
successive des garanties, qui étaient de 97 millions en 1893 et ne sont plus que de
14 millions en TsOS.
D'ici un an, dit-il, la Compagnie du Nord pourra partager ses bénétices avec
i'Ktat. La Compagnie de Lyon, en avance sur le Nord, est déjà en partage avec
l'Etat. L'Orléans, dans un très court délai, sera en mesure, par une opération sem-
blable à celle du Lyon, d'opérer le remboursement de sa dette. Dès cette année,
elle a remboursé 4 millions.
Restent le .Midi, l'Est et l'Ouest. Le Midi, on peut l'espérer, arrivera à un rem-
boursement avant longtemps.
L'Etat, qui avait autrefois besoin de lô à KJ millions, n'en réclame plus que 3, et
sa situation tend à s'améliorer.
L'Ouest est la Compagnie la moins prospère. Elle demande encore 9 millions ,
mais c'est la moitié de ce qu'on lui donnait il y a quelques années, et son conseil
fait espérer qu'en 1905 elle n'aura plus recours à la garantie d'intérêt.
Gomme garantie de sa créance, l'Etat a le matériel roulant, qui vaut 500 millions,
et les disponibilités qui seront considérables à la fin de la concession. Il louche
d'ailleurs 4 °,'o d'intérêt.
La situation générale, à ce point de vue, est donc bonne ; pour qu'elle se main-
tienne, il faut surtout veiller aux dépenses, tout en faisant le nécessaire.
EUROPE.
La jonction du Transsibérien et du réseau suédois. — On
prête au gouvernement suédois le projet d'établissement d'une ligne de chemin de
fer de Stockholm à Kappelskar , le point le plus oriental de la Suède sur la côte
finlandaise. De là de puissants bacs à vapeur assureraient la communication avec
Hango et ainsi se trouverait réalisée la création d'une voie directe donnant aux
marchandises amenées par le Transsibérien un nouveau débouché vers l'Angleterre
et l'Amérique par un chemin plus court que la traversée de l'Allemagne. Les
brise-glaces du type Ermack, construits par les Russes, et que nous avons décrits,
permettraient de maintenir un service régulier par cette voie même en hiver.
Le canal du Rliiu au 1¥eser et à l'Elbe. — Une des questions
qui absorbent l'attention du public en Prusse et en Allemagne est le projet de
canal du Rhin au Weser et à l'Elbe, que la Chambre des Députés prussienne,
après un examen en première lecture, auquel elle a consacré plusieurs séances, a
renvoyé à une commission de 28 membres.
Voici l'analyse du projet en question, d'après une correspondance adressée de
Berlin à Y Indépendance belge :
« Le canal central qu'il s'agit de construire doit partir du Rhin au nord de Dus-
seldorf, pour traverser toute la plaine de Westphalie, le Hanovre et aboutir à Mag-
debourg oii il rejoindra l'Elbe. De là, par des tronçons à relier et des voies à
16
— 234 -
améliorer, les chalands et barquos pourront gagner les régions orientales du
royaume, la Pologne et la Silésie.
Du Rhin à la ville de Dortmund, il y a quelques dizaines de kilomètres. De
Dortraund à Bewergen, le projet utilisi' le canal déjà existant appelé canal de
rKms. Cette partie existante se dirige vers le Nord, et le nouveau canal ol)lique
brusquement vers l'Est, coupant la région industrielle et charbonnière pour arriver
à Mûnden, oii il traversera le Wescr sur un viaduc. Mais la ville et le Heuve
seront reliés au canal par un système d'écluses. De Miinden, la voie d'eau atteint
Hanovre, puis, sur le point d'arriver à Magdebourg, se divise en deux embranche-
ments, dont l'un dessert directement cette dernière ville, tandis que l'autre, plus
au Nord, débouche également dans l'Elbe, mais en face de l'amorce du canal de
rihle, qui se continue vers l'Est.
La longueur totale du chemin d'eau projetée est de 325 kilomètres ; en y ajou-
tant des embranchements et culs-de-sacs pour servir les villes de Stadhagen,
Osnabruk, Linden, Hildesheim, Lerhte et Brunswick, on atteint le chitfre de
■436 kilomètres à creuser. On évalue les travaux à 162 millions de marks, dont
34 millions pour les embranchements. Ces frais, pour ce qui concerne la répartition
des provinces et villes, sont presque couverts. Les provinces paieront 6 millions.
La province de Saxe prussienne a refusé son concours, mais son chef-lieu, Magde-
bourg, a aussitôt assumé la part de frais qui incombait à la province. Les villes de
Berlin et de Brème ont aussi donné leur garantie, Berlin parce que la voie d'eau
favorisera ses relations avec la région industrielle ; Brème, pour faire concurrence
à Hambourg dans l'intérieur, puisque, jusqu'à présent, le Weser, à l'embouchure
ducjuel Brème se trouve, restait pour ainsi dire isolé des autres fleuves du pays.
La section du canal conviendra aux bateaux de 600 tonnes. La largeur à la
surface sera de 33 mètres, au fond 18 mètres ; profondeur 2 m. 50. Les écluses
auront 67 mètres de long sur 8 de large.
Le terrain est extrêmement favoral)le, il y aura peu de difficultés à vaincre.
Ainsi, en quittant le canal de l'Ems, la nouvelle voie d'eau parcourra 173 kilom.
de plaine, sur le même niveau. A Misbourg, les écluses élèveront la voie de 7 m.,
puis une autre section plane de 92 kilomètres se présentera ; ensuite viendra une
section de 48 kilomètres avec trois écluses seulement, qui rabaisseront le profil de
16 mètres. Puis, du Weser à l'Elbe, il ne se présentera plus que deux écluses.
Si le plan réussit à souhait, le gouvernement prussien tient de nouveaux projets
en réserve, entre autres le canal de Berlin-Stettin, qui est décidé en principe et
dont l'empereur s'occupe activement en personne. Viendraient ensuite le canal de
la Preo-el, dans la Prusse orientale, reliant les lacs de la région à la ville de
Kœnio-sberg, puis un canal de Schwerin (Mecklembourg) à la Baltique, un canal
de l'Elbe (en amont de Hambourg) vers Kiel sur la Baltique et aussi des eml)ran-
chements du Rhin, de Cologne ou Dusseldorf vers le réseau des canaux belges.
La principale raison que le gouvernement fait valoir en faveur du projet de
canal central est l'énorme augmentation du trafic, qui est tel dans certaines régions
que les lignes existantes n'y suffisent plus. 11 y a encombrement, et cet encombre-
ment résulte de l'absence d'une voie de communication pour le trafic en grand des
marchandises ou produits qui ne doivent pas être expédiés en vitesse. Et c'est pré-
cisément pour ce genre d'expéditions que la voie d'eau convient le mieux ; et loin
de nuire au trafic des chemins de fer, le nouveau canal le favorisera donc plutôt
eu dégageant les lignes trop encombrées ».
— 235-
li'induMtrlc textile en Bavière. — Les résultats de la production de
l'industrie textile qui est concentrée en Bavière, dans la Haute-Frauconie, ont été,
en général, satisfaisants, surtout en ce qui concerne les filatures de coton. Les
tissages, au contraire, ont eu à lutter contre la baisse des prix et ont été obligés
de vendre à perte, à cause précisément du développement que cette industrie avait
pris tout répemment en Allemagne.
La grande récolte du coton en Amérique, qui était environ de U millions de
balles, avait produit une baisse considérable des prix de la matière première.
L'annonce de la dénonciation du traité de commerce avec l'Angleterre a eu éga-
lement une influence néfaste sur cette industrie. On s'est plaint aussi des dom-
mages que lui a causés la surproduction anglaise, ainsi que de la baisse du cours
de l'argent aux Indes, du développement de l'industrie textile aux Indes et au
Japon et enfin des droits d'entrée protectionnistes de l'Amérique et des colonies
anglaises.
Par suite du grand développement des fabriques, les ouvriers se sont faits rares,
malgré l'augmentation des salaires.
Néanmoins, les résultats obtenus sont encore très satisfaisants. L'une des fila-
tures de Bayreuth, qui porte le nom de « Neue Baumwollens piunerei », a eu
comme bénéfice net une somme de 201,043 marks et a pu distribuer à ses action-
naires des dividendes de 8 %• Elle possède 32,000 navettes.
Une autre, de la même localité, celle de .MM. F. G. Baverlein, occupe 332 ou-
vriers et a filé, en 1897, r),000 balles de coton.
La filature de Bamberg s'est également agrandie et a eu comme bénéfice net
101,156 marks. Elle a distribué à ses actionnaires des dividendes de 10 %•
Celle de Kulmbach occupe 242 ouvriers et possède 27,056 navettes. Elle a filé
22,700 quintaux de coton qui ont produit 20,500 quintaux de fil.
Enfin, la seule filature de la région de Nuremberg, située à Erlangen, compte eu
ce moment 50,000 navettes et a produit, en 1897, 2,360,000 quintaux de fil. Elle
occupe 380 ouvriers.
Il faut ajouter que deux nouveaux tissages de peluche viennent de s'établir, l'un
à Stambach ( E. SchœfF), avec 25 métiers, et l'autre, à peu près de la même impor-
tance, à Kulmbach.
Plusieurs tissages de la Haute-Franconie s'occupent également depuis peu, de la
fabrication des draps et étoffes d'habillement. Ils auraient, paraît-il, réalisé déjà
des bénéfices assez considérables.
Il faut mentionner aussi la création récente d'une fabrique de tapis de Smyrne à
Ansbach (Franconie moyenne). Cette industrie, nouvelle dans le pays, aurait obtenu
également des résultats très satisfaisants.
Une fabrique de cellulose établie à Hof (Haute-Franconie), occupe 167 ouvriers.
Elle a fabriqué 2,9'i4 tonnes de cellulose. Ses matières premières lui sont, en
grande partie, fournies dans la contrée même. Elle se plaint de l'augmentation des
prix du bois dont elle fait usage.
Dceadeuee de la Olatiire du eliauvre eu Autriclie. — De
renseignements qui sont communiqués au Ministère du ConunerceparM. Levalois,
consul de France à Prague, il résulte que le filage du chanvre en Autriche, qui
occupait il y a trente ans 70 filatures travaillant avec ^20,19'i broches, n'est plus
pratiqué actuellement que par 3^3 établissements disposant de 21*7,988 broches.
La Carinthie, le Vorarlberg et la Galicie, qui comptaient jadis 5 filatures, avec
7,tKJ4 broches, nen possèdent plus une seule.
— 236 —
La haute Autriche est restée stationnaire avec son unique filature de 10,000
broches.
En Silésie, oii l'on comptait 15 filatures et 66,728 broches, cette industrie a été
particulièrement éprouvée : elle n'est plus représentée que par 6 établissements
pourvus de 29,394 broches.
En Moravie, sur 10 filatures et 58,096 broches existant précédemment, il ne reste
que ô établissements actionnant 43,044 broches.
La Bohème est la région oii cette industrie s'est relativement le mieux main-
tenue, car si l'on n'y trouve plus que 21 filatures, au lieu des 39 qui y fonction-
naient autrefois, le nombre des broches n'est tombé que de 278.96(i à 220.r>r)(), d'oii
il est permis de conclure que les entreprises disparues étaient de minime impor-
tance et que les établissements restés en activité sont ceux qui disposent d'un
grand nombre de broches.
Sauf celle de Ghotzen, les filatures de Bohème sont toutes situées aux environs
de Reichenberg.
liC iM»iniiiercc f'raiicai« de tlM^uw en Koiiinanle. — Les prin-
cipaux tissus importés par la France sont les tissus de laine légers. Ces tissus sont
expédiés en général de Roubaix. Cette importation est faite par des maisons de
commission et d'exportation qui pourraient faire de plus grandes affaires si elles
ne se laissaient pas décourager à la première faillite. Les faillites d'ailleurs
deviennent dans le pays de moins en moins fréquentes à la suite de la loi sur les
faillites qui a été promulguée, il y a deux ans environ, et qui stipule que le failli
ne pourra obtenir de concordat que s'il donne au moins 40 " „ du montant de la
faillite. D'autre part, les moyens d'informations au point de vue du commerce,
sont beaucoup plus faciles aujourd'hui qu'il y a quelques années, grâce à une
maison de renseignements « Mercure », qui fonctionne depuis plus d'un an. Cette
maison est sous le contrôle effectif de la Chambre de Commerce de Jassy qui, à
des époques fiçes, délègue un de ses membres pour vérifier l'exactitude des ren-
seignements donnés.
La France importe aussi des tissus de soie et de soie mélangée. Les fabricants
de soierie en général ne recherchent pas le marché roumain et c'est l'exception qui
envoie des voyageurs en Roumanie. Pourtant, en ayant des représentants sérieux
sur place, Lis pourraient faire d'excellentes affaires sans grands risques, car .Jassy
est un grand centre pour les tissus de toute nature ; annuellement l'importation
s'élève à 22 millions de francs.
Voici la moyenne des importations pour chaque catégorie de tissus :
Industrie textile du coton 10. 000. (KM) francs.
— de la laine 10.(XKI.(KM» »
— de la soie 800.000 »
— du lin et chanvre 600.0(JO »
— d'autres textiles 600.000 »
22.000.000 francs.
Les commerçants en gros en tissus de Jassy fournissent presque tous les com-
merçants en détail de Moldavie; c'est ce'qui explique cette forte importation. Il y
a plusieurs maisons très sérieuses avec lesquelles on peut faire de grandes allaires
sans courir aucun risque, et j'engage tout particulièrement les industriels français
— 237 —
à avoir plus de confiance dans leurs placements en Roumanie. Il est évident que
pour les tissus de coton la concurrence anglaise est très grande, mais malgré cela,
pour les cotons imprimés, nous pourrions en nous donnant de la peine, nous
créer un débouché avantageux, car la fantaisie et le goût priment tout dans ce
genre de marchandises. Quant aux tissus de lin et de chanvre, ce ne sont que les
qualités supérieures qui viennent de France ou les articles confectionnés. Pour ces
articles, indépendamment du goiàt, il faut que nos fabricants s'ingénient à employer
le moins de tissu possible dans leurs articles. C'est ainsi que dans les articles de
lingerie, le tissu se trouve être en quantité très limitée. Je ne citerai que les che-
mises d'hommes qui, comparées à celles fabriquées en France, se composent d'un
tiers en moins de tissu. 11 en est de même pour tous les articles de lingerie. Le
tout est de mettre juste ce qu'il faut.
En ce qui concerne les fichus de laine qui en Roumanie constituent la coitlure
nationale des paysannes, l'importation en est faitt; de Paris. C'est pour ainsi dire
un monopole de notre industrie, car aucune autre puissance ne les fournit dans les
conditions de notre commerce.
EjCS tiwwuft» Importé» hii IN»i*tii;i'al. — Voici ce ([ue nous lisons dans
un rapport du Consul de France :
« Pour ce qui concerne les droits de douane du Portugal, certains articles appar-
tenant presque à l'industrie française, Varticle confectionné par exemple, est
frappé d'un droit d'entrée trois fois supérieur à la taxe imposée au tissu dont il est
fait. Ainsi, le tissu de soie payant 7,500 reis, une confection acquittera 22,500 reis,
■ et si elle est garnie d'un agrément quelconque, broderie, jais, etc., le droit est aug-
menté de 2.'i 7o et s'élève à 28, 12.^ reis par kilog. Une confection d'hiver, quelque
simple qu'elle soit, pesant 1 kilog. 300, acquittera donc un droit de .3(j,rir)0 reis ;
et le tarif est, d'ailleurs, le même que la valeur de la confection, soit de ÔO ou de
500 fr.
La crise financière que traverse le pays, depuis plusieurs années, qu'aggravent
encore les fréquentes fluctuations du change, tombé, au cours de l'année dernière,
au taux jusqu'alors inconnu de 1,015 reis pour 3fr., a eu nécessairement pour effet
de restreindre les achats d'articles de prix élevés. Aussi, recherchert-on surtout
l'article bon marché qui se fabrique peu en France.
Nos concurrents étrangers ont su s'adapter aux exigences du marché portugais
oii ils éliminent de plus en plus nos marchandises par suite du bon marché de
leurs produits. Us semblent, en outre, comprendre la nécessité de se plier aux
exigences de l'acheteur chez lequel ils envoient leurs voyageurs, qui ont fait, au
préalable, un sérieux apprentissage du commerce et acquis une connaissance suffi-
sante de la langue du pays. Ils acceptent son mode de paiement : s'il a l'habitude
de payer à six mois, ils accorderont six mois et plus encore s'il l'exige. Le voya-
geur allemand, belge ou suisse n'est pas paralysé dans ses démarches par des
instructions restrictives et gênantes de sa maison, qui, au contraire, lui laisse une
grande liberté d'action et d'initiative.
ASIE.
C'hine. — UéboucliéM offerte» par la proviuce du Szé-
Tcbouau. — Les articles français commencent à être goûtés dans la province
du Szé-Tchouan.
16*
- 238 —
L'article de Paris, quelques oltjets de fantaisie, des laïuages ont trouvé à se
placer; les produits pharmaceutiques de provenance française semblent être appré-
ciés dans le pays.
Les objets d'alimentation de toute nature (liquides compris) trouvent avec facilité
leur écoulement.
La grande difficulté des transactions réside dans les prix de vente, qui sont tou-
jours, quoique Ton fasse, trop élevés étant données les ressources pécuniaires for
restreintes de la grosse masse des habitants.
D'autre part, la concurrence des étrangers (Américains, Japonais, Anglais, Alle-
mands) n'est pas sans nous créer quelques difficultés quant aux débouchés.
L'importation des produits indigènes n'offre que peu de résultats. Les causes en
sont dues à la mauvaise organisation des transports fluviaux sur le Yang tzé Kiang,
aucune assurance ne vient garantir les marchandises et les aléas sont tels que l'on
préfère se borner à courir les risques à l'aller seulement et procéder à la vente
pure et simple des marchandises sans rachats pour l'importation.
Il y a là une lacune à combler et cette difficulté supprimée, le tleuve, sauf pen-
dant la saison des basses eaux, sera une route commerciale des plus pratiques et
des moins onéreuses.
(Communication de M. Kinsbourg,
Coriseilier du commerce extérieur de la France).
L'évolution industrielle nu Japon. — Une correspondance
expédiée de Tokio au Temps, signale une conférence faite dans cette ville, par
M. Nazaboumi Ariga, ancien directeur au Ministère japonais de l'agriculture et du
commerce. Il s'agissait des progrès industriels du Japon. L'orateur a notamment
exposé qu'en 1888, les objets manufacturés représentaient &\ "o des exportations
totales. Ce chiâre s'est, depuis lors, augmenté dans les proportions suivantes :
En 1889 64 "„ En 1894 75 " „
1890 67— 1895 77 —
1891 55- 1896 74-
1892 67 — 1897 78 -
189.3 71— 1898 80-
L'importation des objets manufacturés a suivi une progression contraire à mesure
que les ressources industrielles du Japon augmentaient. Les articles qui, en 1888,
formaient 92 % des importations, se réduisent peu à peu :
En 1889 87 °„ En 1894 76 '',„
1890 87— 1895 67-
1891 73— 1896 71-
1892 73— 1897 71-
1893 72— 1898 60 —
Si nous passons maintenant aux chiffres des capitaux engagés dans des entre-
prises industrielles, nous les voyons croître d'une façon énorme, surtout depuis la
guerre avec la Chine :
- 239 —
Capital nominal. Capital versé.
189:> r)B.O0O.0()() yen (yen : 2 fr. 5.5). .36.000.000
1896 62.000.000— — 41.00(t.OO0
1897 74.000.000— — 48.000.000
1898 loi .000.000 — — 74 .0(V».(K)0
Il existe, aujourd"hni, au Japon, 2,t)68 usines employant 5,375 machines à vapeur
représentant une force de 58,172 chevaux-vapeur et employant une population de
273,793 ouvriers. Les manufactures qui ne se servent pas de moteurs à vapeur
sont au nombre de 4,398 et emploient 140,243 ouvriers. La consommation du
charbon a été de 750,000 tonnes en 1895, 1,092,000 t. en 1896, 1,888,000 t. en 1897
et 1,553,000 t. en 1898. Le seul point noir serait, suivant le conférencier, la rareté
du capital qui entraîne la cherté de Fargent et, par suite, pour beaucoup d'indus-
triels japonais, des paiements d'intérêts dépassant leurs forces.
G. F.
Li' cuiiiinerce do la l'erwe peudaut Icm dcrulèrcK auuée»».
— Importations. — 11 est impossible de connaître exactement le chiifre de l'im-
portation annuelle de chaque article européen en Perse. Le Gouvernement n'établit
pas de statistiques ; cette lacune lui coûte chaque année un certain nombre de
millions, car il n'est pas en mesure de contrôler les recettes que perçoivent les
fermiers des douanes et leurs employés. Ignorant leurs gains réels, il est obligé de
leur donner la ferme à des prix beaucoup trop bas.
Les chiffres cités dans les rapports des consuls anglais et russes sur le commerce
des ports du golfe Persique et de la Caspienne, ainsi que sur le trafic des princi-
pales villes du pays, sont des sources d'informations qu'il ne faut pas négliger.
Mais les évaluations de ces agents diUërent considérablement des statistiques
publiées par le Board of Trade ; elles n'auraient, d'ailleurs, un caractère authen-
tique que si elles étaient confirmées par celles de la douane persane, ce dont
malheureusement il ne peut être question jusqu'ici.
Je dirai plus loin par quel procédé de calcul on est arrivé à fixer approximative-
ment le mouvement du commerce général, importations et exportations réunies.
Les chitires que j'ai donnés pour quelques-uns des principaux articles d'exporta-
tion sont ceux qu'a publiés le Statesman's Year book de 1898 dans la notice consa-
crée à la Perse. Ces quelques pages sont l'œuvre du général Schindler, un des
Européens qui connaissent le mieux ce pays, oti il réside depuis trente ans. Mal-
heureusement les brèves statistiques qu'il joint à ses renseignements sont muettes
sur la valeur de chaque espèce de marchandise importée.
Les Anglais et les Russes se disputent le marché persan. Dans TAzerbeidjan, le
Kurdistan, le littoral de la Caspienne, la région de Téhéran et même celle du
centre, les produits russes dominent. Dans le Khorassan la lutte est vive , mais
grâce au chemin de fer transcaspien elle se dessine en faveur de la Russie. Tout le
Sud appartient au commerce anglais. En 1896, le total de ses importations n'était
que de 273,786 liv. st., d'après le Board of Trade, et celui des exportations per-
sanes en Angleterre de 147,129 liv. st. seulement, tandis que les consuls britan-
niques accusent pour ces dernières années un mouvement commercial beaucoup
plus développé : des marchandises d'une valeur de 3,055,000 liv. st., en majorité
anglaises et indiennes, auraient été introduites par les ports du golfe Persique, et
— 240 —
le montant des exportations par la même voie se serait élevé à 2,102,(K)0 liv. st.
Comment concilier des chiffres aussi dittërents ^
De son côté, la Russie, d'après M. Schindler, a importé pendant la dernière
année en Perse des marchandises d'une valeur de 878,000 liv. st., ; celles qu'elle a
reçues de ce pays montaient à 1.480,000 liv. st. Son commerce est en progression
continue, et dépasse, vraisemblablement de beaucoup ces données très difficiles à
contrôler.
AFRIQUE
llHcla^&'HMcar. — ('oloui^atiou militaire. — Le général Gallieni,
poursuivant l'idée très juste qu'il avait de peupler Madagascar avec des soldats
libérés a, par arrêté du 21 avril dernier, organisé la colonisation militaire dans
l'île. Afin de faciliter leur établissement, les militaires pourront obtenir, dans
l'année qui précédera leur libération, des concessions gratuites dans l'Imérina et
le Belsiléo.
Chaque année un crédit sera réservé pour pourvoir aux frais d'installation des
colons militaires. Mais ces derniers devront justifier avant tout de ressources
personnelles suffisantes pour subvenir à leur entretien jusqu'à la mise en valeur
du sol. Les subventions ne pourront être accordées pendant plus de deux ans, ni
supérieures à 3,000 fr. la première année et 1,500 fr. la seconde. Les concession-
naires ne pourront, pendant les six premières années, aliéner les biens mis à leur
disposition qu'à la condition de i-embourser ces allocations au Trésor. Passé ces
six années, la concession sera leur propriété absolue, pourvu qu'ils l'aient mise en
valeur au bout de trois ans, sans quoi la déchéance sera prononcée.
■jC coni luerc*' du ^ioudau f'rauçaiM. — Le commerce extérieur du
Soudan se trouve complètement entre les mains des colonies arabes qui se sont
établies depuis des siècles aux points les plus importants desservis par les
caravanes. "
Celles-ci viennent du Maroc, de Tunis, de Tripoli, de l'Egypte, de l'Algérie et
de Tunis, et aboutissent à Tombouctou, à Kano ou à"W"adaï. Les caravanes venant
de l'Algérie suivent les voies Laghouat-Touat-Tombouctou, à Kano ou à Wadaï.
Les caravanes venant de Tunis prennent la route de Gabès-Ghadamès-Ghât-Kano.
Elles sont sous l'influence française.
Quant au commerce du Soudan français proprement dit, c'est-à-dire de la zone
s'étendant de la Sénégambie à Tombouctou et de Tombouctou à Konakry, il préfère
la route du Sénégal.
Par cette voie, les importations, l'année dernière, ont consisté en des coton-
nades, pour la somme de 9.547.500 fr., répartis comme il suit, d'après l'origine du
produit :
Cotonnades anglaises. 1.015.000 fr.
— indiennes 945.090
— françaises 2.^)0.000
— belges et hollandaises 512.500
Importations pour le gouvernement 6.825.000
. - 241
Los exportations par la voie du Sénégal ont consisté en gomme (pour 1.370.000 fr.),
caoutchouc (pour 277.7)00 fr.), et défenses d'éléphants (pour 40.0()() fr.).
Les exportations pour le Sud (Guinée française) sont insignifiantes.
Les chiffres font défaut par les voies du Nord à travers le Sahara.
AMERIQUE.
KtatS'l'ulN. — Lic inouTCiiieut dvm paHaascva cutrc IWeiv-
Vork et l'Europe. — Pendant l'année 18U8, les (]onipagnies de navigation
ont débarqué à New-York, venant de l'Europe, 80.586 passagers de cabine et
219.957 émigrants. ,
Dans les six dernières années, le nombre des émigrants n'a présenté que des
oscillations peu caractéristiques ; mais celui des passagers de cabine a été, l'année
dernière, notablement inférieur à la moyenne, comnie on peut le voir d'après le
tableau suivant :
Passagers de cabine. Émigrants.
1893 131 .820 364.700
1894 92..^61 188.164
1895 96.558 2.58.560
1896 99.223 252. a50
1897 90.932 192.004
1898 86.386 219.657
Le nombre des vapeurs arrivés à New-York a été également l'un des plus faibles
de ceux enregistrés depuis dix ans. Il a été de 812, tandis qu'il était de 901 en 1897,
de 852 en 1896, de 879 en 1894 et de 975 en 1893.
En 1895, ce nombre était tombé à 792.
l.e commerce d'Amérique. — Les exportations de l'année fiscale qui
vient de s'écouler s'élèvent à 1,2^30 millions de dollars, et accusent une diminution
de 30 millions de dollars ; les importations se chiffrent par 700 millions contre
616 millions: l'excédent des exportations sur les importations se trouve donc
réduit de 110 à 120 millions de dollars comparativement à l'année précédente. La
production d'or a été de 64,46:3,(KM> dollars or contre 57,;3f)3.000 dollars l'année pré-
cédente et la production d'argent a été de .74, '138,000 onces (à 59 c.) contre
53,860,000 (a 60 c.) ; pour les deux métaux, le Colorado se trouve en tète de ligne.
fanal de l'hica$;o à la mer. — M. Méron, consul de France à
Chicago, dans une étude sur « les Grands Lacs » et dans d'autres rapports plus
récents, a appelé plus d'une fois l'attention sur la question de créer une voie inin-
terrompue et suffisamment profonde pour assurer au port de Chicago — qui déjà
actuellement, quant au tonnage du mouvement de sa navigation, est supérieur à
celui de Liverpool — les avantages de rapports maritimes directs avec les pays
d'outre-mer. Les travaux d'élargissement et d'approfondissement permettront aux
- 242 —
navires de li pieds de tirant d'eau de passer des Grands Lacs au Saint-Laurent et
à rOcoan.
Suivant une communication parue dans la presse de Chicaj^o, il semblerait que
le gouvernement du Canada a décidé de prendre très sérieusement en main cette
question.
Il s'agirait de raccourcir de 450 milles, soit environ 700 kilomètres, la distance
qui sépare Chicago du Saint-Laurent, en créant un canal dit « Ottawa canal » sur
le territoire canadien, qui permît d'éviter le passage par le lac Érié. On ne se
contenterait pas des l'j pieds acquis pour les canaux du Saint-Laurent à la date du
1" mai.
De tout ceci il appert clairement que Chicago est destiné d'ici à quelques années
à devenir un port de mer qui fera une concurrence sérieuse à New-York.
Les intérêts du Canada sont en cela conformes à ceux du Nord-Ouest américain,
dont Chicago est le plus grand centre. Le jour où ces visées auront été accomplies,
l'Angleterre se trouvera d'aiUeurs en présence d'une concurrence maritime énorme
de la part de la marine marchande américaine, et on peut se demander si elle aura
lieu de se féliciter de l'initiative de sa colonie de la Dominion.
li'incliiwf rie cof«»iiiiièrc au Brésiil. — Parmi les industries du
Brésil, aucune n'a fait autant de progrès, dans ces dernières années, que la fabri-
cation des tissus de coton.
Elle a fait ses débuts, il est vrai, dès 1870, la plupart cependant des tissages ne
datent que des dix ou vingt dernières années, l'augmentation de l'immigration à
cette époque ayant facilité le recrutement des ouvriers. Mais ce n'est que dans les
cinq dernières années que cette industrie a pris réellement un essor considérable.
En même temps, à Rio-de-Janeiro, autant que l'on peut en juger d'après les
statistiques, l'importation des tissus de coton de 1895 à 1897 tombait de 5.5,116
à 2t),283 balles, et cette diminution profitait presque entièrement à l'industrie
indigène.
En ce qui concerne le nombre des fabriques, il y en a environ .50 dans le pays et
d;ins la ville de Rio-de-.Janeiro, parmi lesquelles environ 18 ont une réelle impor-
tance et occupent 1 1,000 métiers et machines à filer et plus de 10,000 ouvriers.
La plupart de ces fabriques appartiennent à des Sociétés par actions, avec un
capital total d'exploitation d'au moins 100,(M)0 contos de reis. Ce chiffre comprend
une proportion assez notable de capitaux allemands. Les transactions annuelles à
Kio-de-.Janeiro et dans les environs sont estimées h environ .30,000 à ''i5,000 contos
de reis.
Les produits sont des plus variés : marchandises Jiiics, moyennes, grossières,
grises, teintes, shirtings blancs, fils, dentelles, étotie pour pantalons, literie,
chemises, tricots, chaussettes, couvertures de lit.
La teinturerie prospère aussi, bien que les droits élevés de douane sur les pro-
duits chimiques soient un obstacle important.
On a commence l'impression des ctoflfcs. La plus ihiportante manufacture se
trouve à Bango, près de Kio-de-.Ianciro, une autre près de Sorocaba, dans l'Etat de
St-Paul.
Les produits fabriqués sont destinés en première ligne à la parlie pauvre de la
population ; ils sont relativement bon marché et solides. La plupart de ces pro-
duite, s'ils étaient achetés à l'élranger, seraient soumis à un droit de douane de
2 iiiilreis par kiloj;rammc.
La matière première travaillée par ces fal)riques vient on grande parlie de lEtat
. - 243 -
de Pernambouc, qui produit d'excellents cotons, notamment à Maceio, Parahyba
et Affu. La consommation mensuelle des fabriques situées dans l'État et dans la
ville de Rio-de-Janeiro a été estimée, en mai 1898, par les journaux techniques,
à environ 14,000 balles (saccos) et on prévoyait, jusqu'à la prochaine récolte, ayant
lieu en octobre, une consommation d';iu moins 144,000 balles, car les commandes
élaient déjà si fortes que les filatures étaient à peine en état de les livrer. Ces
chirt'res démontrent bien aussi les progrès de l'industrie nationale ; car, en iSlIf),
lorsque cette industrie trouvait à peine l'écoulement de ses produits et ne pouvait
ni travailler en pleine force, ni payer les prix élevés de la matière première,
l'importation totale de coton de Pernambouc à Rio-de-Janeiro n'était que de
131,000 balles.
Les planteurs ont été dédommagés du déficit causé par l'abaissement du prix du
coton en Europe par l'ouverture d'un nouveau territoire pour l'écoulement de leurs
produits dans le pays même.
En juillet 189>^, 10 kilogrammes de coton étaient payés, à Rio-de-.laneiro, environ
12,8 milreis.
Les machines à filer et à tisser employées dans les fabriques sont en grande
partie de provenance anglaise. La force motrice est la vai^eur pour les deux tiers
des installations, tandis que les autres emploient l'eau, qui, en raison de la confi-
guration montagneuse du pays et de l'abondance des chutes dans les districis
élevés, peut être utilisée toute l'année.
Les situations im.portantes dans les fabriques sont, pour la plupart, occupées
par des Anglais, des Allemands ou des Suisses, les ouvriers sont de nationalités
très différentes.
Jusqu'à présent, on n'a pas exporté de tissus à destination de l'étranger, ces pro-
duits trouvent leur écoulement dans tous les Etats du Brésil qui sont représentés
par des agents à Rio-de-Janeiro.
OGKAN I E.
■les Carollnt'x. — IjR valeur réelle de« C'arollnes. — Il con-
vient d'examiner, dit la Gazette de Francfort, quelle est la valeur réelle des îles
Carolines. Au point de vue économique, cette valeur est nulle, car les exportations
des Carolines pour Hambourg sont tombées de 1894 à 1897 de 105,000 marks à
2,500 marks. Quant aux importations, elles étaient insignifiantes et elles sont
actuellement à peu près nulles.
Les seuls produits de ces îles sont du coprah, au moyen de la noix de coco, que
l'on a fait sécher, et des récifs de corail.
Certains sont heureux de cette acquisition, parce qu'elle représente un agran-
dissement de notre territoire. Il y a vraiment des gens qui annexeraient des bancs
de sable.
A en juger par l'indifférence méprisante de l'Angleterre et des Etats-Unis, nous
n'aurions pas fait là une acquisition bien remarquable. Les ports qu'offrent ces îles
ont-ils quelque valeur ? Peut-être , mais on l'a dit autrefois des îles Marchall et
l'on a reconnu ensuite qu'ils étaient insuffisants.
D'autre part, il va falloir toute une administration et un supplément de dépenses.
La somme de 10 millions de marks nous parait, dès à présent, très exagérée pour
l'acquisitiou de ces îles.
*- 244 —
Le conanierce des îles Fidji. — Les données ci-après concernant le
commerce des îles Fidji en 1898, eut été transmises au Musée Commercial de
Bruxelles par le Vice-Consul de Belgique à Melbourne.
Le commerce des îles Fidji, qui était de ()80,G()8 liv. st. en 1897, s'est élevé, en
1898, à 768,9:1:) liv. st., dont 53'i,10:) liv. st. pour les exportations, et 234,850 liv.
st. pour les importations. Plus de 94 "'^ des transactions ont été effectuées avec la
Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Galles du Sud et le Victoria, ces colonies étant
intervenues respectivement pour 51,8, 35,5 et 0,9 " „• H est certain que ces propor-
tions ne donnent pas une idée exacte de la situation réelle, attendu que les statis-
tistiques n'indiquent pas toujours la provenance des marchandises importées ni la
destination finale des produits exportés.
Les principaux articles d'importation sont la draperie (45, 134 liv. st.), les biscuits
et denrées alimentaires (22,360 liv. st.), la quincaillerie (14,776 liv. st.), le charbon
(11,954 liv. st.), les viandes (9,302 liv. st.), le riz (8,730 liv. st.), les .sacs et nattes
pour l'emballage du sucre (7,145 liv. st.). Viennent ensuite les huiles, le bétail, les
bois de construction, les engrais, les machines, les légumes et fruits verts, le fer
et les articles galvanisés, le beurre, les articles de papeterie, les chaussures, etc.
Le montant des droits de douane prélevés pendant l'exercice 1898 est de
45,299 liv. .st., soit une augmentation de 12,321 liv. st. comparativement au nouveau
tarif, qui a été décrété le i" mars 1898.
Le sucre, les fruits verts et le coprah sont les articles d'exportation les plus
importants. 11 est sorti, en 1898, pour 409.884 liv. st. de sucre, contre 323,830 liv.
st. en 1897 et 208,889 liv. st. en 1895. Une extension notable dans la culture des
cannes est la seule cause de cet accroissement. Il en a été de même pour le com-
merce des fruits verts, dont il a été expédié pour 2.5,478 liv. st. l'année dernière,
contre 16,515 liv. st. en 1897, 20,987 liv. st. en 189:) et 49,115 liv. st. en 1894. Les
envois de coprah n'ont été, en 1898, que de 0,985 tonnes d'une valeur de 68,252
liv. st., contre 8,257 t. évaluées à 74,413 liv. st. en 1897. Cette diminution est due
principalement à la sécheresse ; mais les indigènes ayant planté de nombreux
cocotiers dans ces derniers temps, et plus d'attention étant apportée à l'entretien
des jeunes arbres, il y a lieu de s'attendre à ce que la production augmente nota-
blement dans un avenir prochain.
Lii fabrication des spiritueux a progressé en même temps que l'industrie sucrière.
Recommencée en 18iX), elle a laissé, l'année dernière, 111,088 gallons disponibles
pour l'exportation. Le produit des îles Fidji est une espèce de rhum, d'une valeur
moyenne de 2 sh. Od. par gallon. Les autres articles d'exportation, parmi lesquels
il y a lieu de mentionner les pois, le maïs, les écailles à perles, la pèche de mer,
les noix do coco, les écailles de tortue, etc., n'ont que peu d'importance ; il n'en a
été expédié, en 1898, que pour 10,530 liv. st.
Suva et Levuka sont les deux ports des îles Fidji. Ils ont contribué, en 18i)8,
pour 044,887 liv. st. et 124,067 liv. st. respectivement dans la valeur totale du
commerce de la colonie et ont reçu 99 et 28 navires jaugeant 116,031 et 17,121
tonnes. De ces 127 bateaux, 115 battaient le pavillon britannique, 7 le drapeau
norvégien, 2 étaient américains, 1 allemand, 1 russe et le dernier appartenait aux
ilcs Tonga.
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL ADJOINT , A. MERGHIER.
QI;aRRÉ- REYBOURBON.
Lille la^LOinel
— 245 —
PROCÈS-VERBAUX DES ASSEMBLÉES GÉNÉRALES.
/assemblée jcénérale du Stt Octobre 1899.
Présidence de M. Paul GREPY, Président.
La séance est ouverte à huit heures et demie.
MM. NicoUe-Verstraete , Quarré-Reybourbon , Fernaux-Defrance , Beaufort ,
Graveri , Delahodde , Eeckraan , D'' Eustaohe , Vaillant , D'' Vermersch , Théry,
prennent place au Bureau.
MM. Pajot et Auguste Grepy, empêchés, se font excuser.
Le procès-verbal de la précédente Assemblée générale a été publié dans le
Bulletin du mois d'Août.
Adhésions. — Depuis le 25 Juillet, 29 nouveaux Sociétaires ont été admis.
Conférence. — Devant une salle comble, M. Merchier, notre très sympathique
Secrétaire-Général, a brillamment inauguré, le dimanche 22 Octobre, la série des
Conférences 1899-1900. Il avait pris pour sujet : Un coin de Lorraine. — Le
Barrois. — Nancy.
Concours. — Au nom de la Gommission des Prix et Récompenses, M. Raymond
Théry a présenté au Gomité un rapport fort intéressant, très détaillé sur les résul-
tats des divers Concours. Les conclusions de ce rapport ont été adoptées à
l'unanimité, y compris cette décision : les compositions des jeunes garçons de l'en-
seignement primaire supérieur (P"^ et 2" séries) ont été trouvées trop faibles pour
mériter le prix Léonard Dauel. Gette récompense sera donnée aux huit lauréats de
l'enseignement primaire élémentaire (P'^ série) et aux deux jeunes gens classés les
premiers dans renseignement primaire élémentaire (2*^^ série).
Roubaix. — Le Gomité a décidé qu'une médaille d'argent serait décernée par la
section de Roubaix à l'élève qui a suivi avec le plus d'assiduité le cours de géo-
graphie commerciale organisé dans cette ville.
Excursions. — Du 9 au 26 Août, M. Beaufort a fait visiter à 24 de nos collègues :
La Grande Ghartreuse, Grenoble, N.-D. de la Salette, Bourg d'Oisans, Gol du Lau-
taret, Aix-les-Bains, Annecy, etc.
Du 2 au 6 Septembre, Excursion à Mézières, Sedan, BazeiUes, Luxembourg,
Bruxelles, dirigée par MM. Galonné et Didry.
17
— 246 —
Bibliothèque. — Sur Tobservation du Bibliothécaire que des volumes, des col-
lections eatières ne rentraient plus à la Bibliothèque, malgré de fréquents rappels,
le Comité a décidé que si les ouvrages ne sont pas rendus après un nouvel et
dernier avertissement, l'Appariteur ira les réclamer à domicile.
Photof/rajihies. — M. Godin. ofire à notre Société 80 magnifiques photographies
prises au cours de Texcursion qu'il a dirigée en Algérie et en Tunisie.
L'Assemblée adresse ses romercîments à M. Godin.
Clichés. — La Société a été heureuse de prêter à la Revue générale des
Sciences nos clichés concernant le Caucase et la Grimée. Ils ont servi aux projec-
tions dont notre distingué collègue, M. Hauraant, devait accompagner ses Confé-
rences à bord du Sénégal, au cours de son voyage d'études.
Congrès. — Un Congrès de Géographie coloniale internationale se réunira à
Paris du .'^0 Juillet au 5 Aoîit 1900. — Le Président de notre Société est membre de
la Commission d'organisation.
Du 6 au 10 Aoiit aura lieu le Congrès de Sociologie coloniale.
Au Congrès national des Sociétés françaises de Géographie (20-24 .\oût),
ÎSI. Merchier veut bien représenter notre Société, ainsi qu'au Congrès de Géogra-
phie commerciale (27-31 Août).
Exposition. — M. Ernest Nicolle s'occupe activement de notre Exposition;
M. Quarré-Reybourbon a soumis au Comité le croquis de l'installation. M. Alfred
Renouard, notre ancien Secrétaire-Général, s'est mis gracieusement à la disposition
de notre Société pour tout ce qui regarde cette Exposition.
Distinctions honorifiques. — M. Léonard Danel a été promu à la dignité de
Commandeur de la Légion d'honneur.
Le Comité a adressé une lettre de chaleureuses félicitations à M. Danel, l'un de
ses membres fondateurs. Le prix qu'il offre, chaque année, aux lauréats de nos
Concours, indique bien tout l'intérêt qu'il porte à notre Société.
M. Désiré Mallet, conducteur principal des Ponts et Chaussées, a été nommé
Clievalier de la Légion d'honneur.
M. Rouzé, Juge au Tribunal de Commerce, a été promu Officier de l'Instruction
jjublique.
Nécrologie. — Longue et cruelle est aujourd'hui cette liste :
M. Warin, membre du Comité d'Etudes depuis la fondation de la Société, Prési-
dent de la Commission des Finances.
A ses funérailles, M. Quarré-Reybourbon tenait un des coins du poêle , et sur
la tombe une voix amie a dit : « Esprit éclairé , s'intéressant aux questions
« d'art et d'enseignement, amateur de livres, très au courant des choses de la litté-
« rature, M. Louis Warin fut un des premiers adhérents à la Société de Géographie
« de Lille.
« Collègue aimable, bienveillant, toujours prêt à rendre service, d'une urbanité
« parfaite, partout oii il passa, il donna des preuves de sa grande autorité et laissa
<{ les meilleurs souvenirs. »
— 247 —
M. V. Hassebroucq, maire de Tourcoing, décédé à Vàge de 85 ans.
M. Théodore Barrois, filateur de coton, ancien adjoint au maire de Lille.
M. Bourelle, étudiant en droit, mort à 20 ans !
M. Victor St-Léger, grand industriel à Lille.
M. Victor Gilles, un de nos plus anciens Sociétaires.
M. Alexandre Bonvarlet, Consul de Danemark à Dunkerque, Président du
Comité flamand de France, membre correspondant de notre Société (73 ans).
M. Gaston Tissandier, qui fut un de nos premiers Conférenciers (février 1881). Il
^vait pris pour sujet : « l'Atmosphère et les ascensions célèbres. »
On n"a pas oublié celle du Zénith : en 1875, Gaston Tissandier s'élevait jusqu'à
8.000 mètres en compagnie de Crocé-Spinelli et de Sivel qui perdirent la vie dans
-cette ascension périlleuse.
Mgr Dehaisnes. — Pour perpétuer le souvenir de son ancien Président, la
Commission historique du Nord inaugurait, le 26 Octobre, en l'église St-Maurice,
un magnifique médaillon en bronze argenté, œuvre de notre concitoyen M. Edgard
Boutry.
La cérémonie était présidée par l'honorable M. Ed. Van Rende, Président actuel
•de cette Commission. Le Président et presque tous les membres du Comité
•d'Etudes de notre Société y assistaient. Mgr Dehaisnes en fut longtemps un des
membres les plus écoutés.
Communication. — Notre collègue M. le D' Carton fait une très intéressante
•causerie sur « Une excursion mouvementée au Vésuve. »
Par ses applaudissements, l'Assemblée fait ressortir avec quel plaisir elle a
•écouté l'aimable causeur à qui le Président adresse les remercîments de tous.
Election. — 11 est procédé, par scrutin secret, a l'élection d'un membre du
Comité en remplacement du regretté M. Warin.
M. le D' Carton est élu à la presque unanimité des voix.
La Séance est levée à neuf heures Irente-emq,
MEMBRES ADMIS DEPUIS L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 25 JUILLET 1899 :
N»' d'ins- MM.
onption.
3608. Dei.attre frères, manufacture de cuirs, Halluin,
Présentés par MM. P. Lemattre-Demeester et Van Troostenberghe,
3609. LouBRY, directeur de la Banque de France, rue Royale, 83.
Paul Crepy et Edouard Lonyhaye,
3610. Lamand (Antoine), rentier, rue Ste-Barbe, 25, Tourcoing.
Henri Deaufort et Philippe Suin.
3611. Spinnewyn, carrossier, rue de Lille, 158-174, Tourcoing.
Henri Beaufort et Philippe Suin.
3612. Herbaux (Edouard), entrepreneur, rue du Calvaire, 19, Tourcoing.
Henri Beaufort et Philippe Suin.
— 248 —
N" dln». MM.
cripliOQ.
3613. Dervaux (Victor) fils, filateur, Quesnoy-sur-Deûle.
Ch. Derache et A. Lepercq.
3614. GoRNiLLE (Charles), propriétaire, Quesnoy-sur-Deùle.
Ch. Derache et A. Lepercq.
3615. Bataille (Georges), industriel, boulevard de la Liberté, 177.
Paul Crepy et Fernauc.
3616. Baudet (Veuve), place du Concert, 10.
Houbron et Fernaux.
3617. Lecomte (Joseph), employé, rue Faidherbe, 17.
Ed. Desmet et Yan Troostenberghe.
3618. Herbeau-Lemaire (Veuve), rue Caumartin, 2.
Fernaux-Defrance et il/eiie Carin.
3619. Mollet (Fabbé E.), supérieur de Técole Jeanne-d'Arc, rue Golbert, 25 bis,
Jules Laroche et ^L Delattre.
3620. Segard (Henri), employé, rue de Valmy, 77, Roubaix.
iJroulers et P. Destornbes.
3621. Courmont (René), notaire, rue Royale, 41.
Albert Lelestré et Delahodde.
3622. Perdrix (l'abbé), professeur au collège Jeanne-d'Arc, rue Colbert, 25 bis.
Laroche- Delaitre et Delahodde.
3623. Decléty (Louis), ingénieur constructeur, St-Quentin.
Godin et D^ Vermersch.
3624. Durât, officier d'administration, gestionnaire de l'Hôpital Militaire.
Palliez-Colin et Vaillant.
3625. Mairesse, négociant, rue des Ponts-de-Comines, 6.
Houbron et Godin.
3626. Leroy (Hippolyte), comptalale, rue Winoc-Ghocqueel, 153, Tourcoing.
Fallot et Petit-Leduc.
3627. Beulque (Gabriel), courtier juré, boulevard Gambelta, 6, Tourcoing.
E. Dervaux et J. Ritaine.
3628. Desvennain (Jules), négociant, rue du Tilleul, Tourcoing.
E. Dervaux et J. Ritaine.
3629. Delegrangk (DO, rue de Gand, 26, Tourcoing.
E. Dervaux et /. Petit-Leduc.
3630. Dh.vi.luin (Emile), fabricant de chicorée, rue de Tournai, 105, Tourcoing.
E. Dervaux et Petit-Leduc.
3632. Beyls, employé, rue Haute, 18, Tourcoing.
7''. Masurel et /. Petit-Leduc.
36.33. AVatteau (Henri), fabricant, rue Nationale, 51, Tourcoing.
F. Masurel et /. Ritaine.
3634. Brunet (DO, rue Nationale, 4, Tourcoing.
F. Masurel et Petit-Leduc.
3635. Manaux (Léon), commis-négociant, rue de Lille, Mouveaux.
F. Masurel et Petit-Leduc
3636. Béguin (Louis), entrepreneur, rue du Bois, 92, Tourcoing.
F. Masurel et Petit-Leduc.
3637. Masurel-Tiberghien (Félix), fabri("ant, rue de Lille, 153, Tourcoing.
F. Masurel et Petit-Leduc.
249
LIVRES. CARTES ET PHOTOGRAPHIES
BEÇUS OU ACHETÉS POUR LA BIBLIOTHÈQUE DEPUIS JUILLET 1899
}. — J^ IVRES.
1» DONS.
■224(). La mission Marchand (Fachoda). — Don de M. Fernaiix-Defrance.
^247. La mission Marcliand (Congo-Nil). — Idem.
^248. Études sur la navigation intérieure en Allemagne (enciuète de la Société la
Loire navigable). Nantes, 1899. — Don de la Société.
2249. Notes de Folklore Mordvine et Métchériak, par le baron de Baye. Paris,
Nilsson, 189!». — Don de Fauteur.
^252. L'État indépendant du Congo à l'Exposition de Bruxelles, par le lieutenant
Masuy-Nonnon. Bruxelles, 1897. — Don de M. E. Rolants.
•22.")3. Géographie moderne, par l'abbé de la Croix, publiée à Paris en 1769 en
2 volumes. — Don de M. E. Rolants.
"2254. A travers les Indes, par Eugène Gallois. Paris, 1899. — Don de l'auteur.
2255. Applications de mathématiques, par G. Detrez, ingénieur. Lille, 1896. — Don
de l'auteur.
2256. Vie physique de notre planète, par Klossovsky. Odessa, 1899. — Don de
l'Observatoire magnétique et météorologique de l'Université impériale
d'Odessa.
■2257. Le café ; culture, manipulation, production, par H. Lecomte. Paris, 1899,
Carre et Nanot. — Don des éditeurs.
2263. Les cinq pays de l'Indo-Chine française, par A. Lemire. Ghallamel, 1899. —
Don de l'auteur.
2264. La guerre dans l'imagination et la réalité, par le colonel Arnould. Arras,
Sueur, 181^. — Don de l'auteur.
2266. Excursion dans la Péninsule Ibérique, par Eugène Gallois. Paris, Société
d'éditions scientifiqoes, 1899. — Don de l'auteur.
2267. Les Boers, par Jules Leclercq. Paris, 1898. — Don de M. Houbron.
2271. Les mines de diamant du Cap, par Edouard Foa. Paris, 1898. — Don de
M. Houbron.
227,3. Leçons de géograpliie physique, par A. de Lapparent. Masson, 1898. — Don
anonyme.
2274. La Suisse pittoresque, par J. Gourdault. Hacheite, 189'i. — Don anonyme.
2275. Au pays du Bleu. Biskra et les oasis environnantes, par l'abbé Jean Hura-
bielle. Paris, Ghallamel, 189f). — Don de l'auteur.
2277. Actes du XP Congrès international des Orientalistes. 3 vol. Paris, Imprimerie
Nationale, 1899. — Don du Ministère de l'Instruction publique.
2279. Le toit du monde, par G. Gapus. Hachette, 1890. — Don anonyme.
Bulletin de l'Union géographique du Nord de la France (années 1880 à 1884).
— Don de M. Jaumard.
— 250 —
Bulletin de la Scciètè de Géographie de Lille (;innées 1880 à 1891). — Don
de M. Balin.
Bulletin de la Société de Géographie de Lille (années 1882 à 1898). — Don
de M. Edmond Faucheur.
2 ACHATS.
2258. Un mois en Italie, par F. Chon. Lille, Danel, 1876.
2259. La Péninsule Balkanique, par Léon L-amouche. Ollendorf, 1899.
2265. Voyage en France, par Ardouin-Dumazet, 20"^ série (Haute-Picardie, Cham-
pagne Rémoise, Ardennes).
2267. Rhodésie et Transvaal , inii)ressions de voyage, par Albert Bordeaux.
Pion, 1898.
2269. Autour des mines d'or du Transvaal, par Kdgar Roels. 1898.
2270. Types et sites de France, par Félix Regamey. En Bretagne. Paris, 1898.
2276. Études géographiques et historiques sur la Flandre maritime , par .Iules
d"Anville. Dunkerque, 1897.
JJ. — Cartes.
DONS.
2251 . Carte des lignes télégraphiques de la Sénégambie française dressée par Fins-
pecteur Bourrel. Échelle au 1 '800.000. 1894. — Don de M. Paul Crepy.
2272. AÙas de Finlande, publié par la Société de Géographie de Finlande. Hel-
singfors, 1891'. Avec un Bulletin spécial formant texte. — Don de la
Société.
2278. Carte du Ras-Congo à l'échelle du 500.000'', dressée par H. Droogmans.
Bruxelles, 1899. — Don de l'auteur.
2280. Nouvelle carte physique et minière du Transvaal et de l'Etat libre d'Orange^
par F. Bianconi, 1899. — Don de M. Fernaux.
2281. The « Daily Mail » spécial map of the Boer Republics. London, 1899. (Carte
anglaise du Transvaal et d'Orange). — Don de M. Paul Crepy.
JJJ. — Photographies.
Vues du Catelet, du canal de St-Quentin et de l'abbaye de Vaucelles. —
Don de M. Léon Lefebvre.
80 photographies du voyage d'Algérie et de Tunisie. — Don de M. Godin.
— 251 —
QUELQUES OBSERVATIONS
SUR LA
POLITIQUE DE L'ANGLEÏElîKE A L'ÉGARD DE LA FRANGE
ET PLUS PARTICULIÈREMENT SUR SA POLITIQUE COLONIALE
Pai- M. E. GUILLOT ,
Professeur agrégé d'Histoire et de Géographie au Lycée Charlemagne,
Secrétaire de la Société de Géographie commerciale de Paris ,
Ancien Secrétaire-Général et Membre d'Honneur de la Société de Géographie de Lilif,
Orticier de l'Instruction publique.
Dans une l'oule de conférences que nous avons eu jadis l'honneur
de faire devant les membres de la Société de Géographie de Lille, prin-
cipalement sur des sujets de politique coloniale, nous n'avons cessé de
répéter quelle défiance rigoureuse et quelle réserve prudente devaient
dans toutes les circonstances présider à la politique du Gouvernement
français vis-à-vis de l'Angleterre. Les exemples puisés dans l'histoire
le prouvent surabondamment et la question récente de Fachoda n'a
fait que confirmer cette conviction, qui devrait être partagée par tout
bon Français, que notre plus dangereux et notre plus implacable
ennemi a toujours été, est encore et sera toujours l'Angleterre.
La haine de l'Allemagne, que les défaites de 1806 et plus tard les
douloureux événements de 1870-71 ont si naturellement excitée et
entretenue, a eu malheureusement pour résultat de faire négliger cette
grande vérité, et tel patriote qui, fasciné par l'idée de revanche, ne
songe qu'à la reprise de l'Alsace et de la Lorraine, oublie trop souvent
les dangers que l'Angleterre nous a suscités depuis plus de deux siècles, ■
les provocations qu'elle multiplie sans cesse dans toutes les questions
où ses intérêts sont en lutte avec les nôtres et que nous ne pouvons
relever sans nous exposer au plus terrible des conflits.
— 252 —
Frédéric II au XVIIP siècle, Napoléon F*" à léna et à Auerstaedt ont
engagé cette rivalité de la Prusse et de la France qui a eu de nos jours
de si désastreux résultats pour nos intérêts, mais dont l'origine est en
somme récente. L'hostilité de la France et de l'Angleterre a été au
contraire perpétuelle ; elle a été séculaire ; elle est de tous les moments.
C'est l'Angleterre qui, du jour où elle a commencé à exister comme
nation, a cherché à ameuter tous les Etats de l'Europe contre la
France ; c'est elle qui a fondé son empire colonial en enlevant à la
France et à ses alliés leurs meilleures colonies. Aussi est-ce une utopie
irréalisable, quoique malheureusement conçue par un trop grand
nombre d'esprits chimériques, que de se figurer qu'il est possible de
s'entendre avec elle : on ne saurait le faire qu'en s'humiliant devant
elle, en abdiquant sa propre dignité et en sacrifiant ses intérêts les
plus chers. L'hostilité de l'Allemagne est nette, connue, évidente ; la
politique de l'Angleterre est d'autant plus dangereuse qu'elle est sour-
noise, hypocrite, habilement dissimulée et que sous des protestations
de bienveillance et d'amitié, auxquelles il ne faut jamais se laisser
prendre, se cachent une jalousie perfide et un égoïsme tenace. Toute
l'h'stoire des rapports de la France et de l'Angleterre sur le continent
et aux colonies, autrefois et aujourd'hui, présente ces caractères ; c'est
ce que nous voudrions essayer de montrer.
I.
Cette histoire est, dans les temps modernes et contemporains, telle-
ment surchargée d'événements qu'il est inutile de remonter bien haut.
Chacun connaît d'ailleurs quelle hostilité a régné aux XIP et XIII*
siècles entre la France et l'Angleterre, de Louis VI à Philippe-le-Bel,
et les noms des brillantes victoires remportées par nos rois sur les
Anglais ou leurs alliés : Bouvines, Taillebourg et Saintes, Mons-en-
Puelle sont présents à toutes les mémoires.
La paix est à peine rétablie entre les deux nations que les rois
d'Angleterre, au mépris de la loi salique trois fois appliquée j)ar les
États-Généraux, réclament le trône de France et méditent de faire de
notre pays une province anglaise. La guerre de Cent Ans commence :
on sait quels efforts prodigieux, après les désastres de Crécy et de
Poitiers, durent faire Charles V et Duguesclin pour chasser les Anglais
de France. Bientôt, par riniUgnc trahison d'Isabeau de Bavière, les
- 253 —
Anglais entrèrent à Paris, occupèrent nos provinces et leurs projets
d'absorption de la France faillirent réussir. Mais Charles VII et Jeanne
d'Arc on empêchèrent l'exécution et les victoires de Formigny et de
Castillon assurèrent l'indépendance définitive de notre territoire.
Les rois d'Angleterre ne renoncèrent point cependant à leur and3i-
tion d'occuper une portion de la France et surtout de posséder un
port de débarquement qui leur permît de renouveler leurs invasions.
Edouard III avait pris Calais ; Henri VIII convoita Boulogne et se
mêla activement à la rivalité de François P"" et de Charles-Quint.
La lutte entre la Franco et TAng-leterre va prendre un autre carac-
tère à partir de la fin du XVF siècle. Elisabeth a imprimé un puissant
essor à la marine anglaise, des navigateurs anglais ou étrangers au
service de l'Angleterre ont entrepris d'aventureuses expéditions; la
politique d'expansion au dehors commence, et plus tard la lutte sur le
continent va se compliquer do la rivalité aux colonies.
Dès 1600 Elisabeth avait constitué la Compagnie des Indes qui fonda
successivement des comptoirs à Bantam dans l'île de Java, dans l'Inde
à Surate et a ^ladras ; les persécutions religieuses des Stuaris ame-
nèrent une émigration intense qui aboutit à la fondation de plusieurs
colonies anglaises sur les côtes orientales de l'Amérique du Nord.
L'acte de navigation de Cromwell en obligeant les vaisseaux anglais à
aller chercher les produits des colonies et mémo les produits fabriqués
par les nations de l'Europe porta un coup terrible à la Hollande, qui
avait eu jusque là le monopolo do ce commerce et qui essaya vainement
de le conserver. L'Angleterre triompha de la Hollande; elle gagna à
cette lutte de devenir une grande puissance marchande; mais afin
d'affirmer et de conserver cette supériorité, il lui fallait anéantir les
grands efforts tentés par Culbert pour développer la marine et le
commerce do la France ol pour constituer à notre pays un vaste empire
colonial.
Henri IV avait donné l'exemple que Richelieu suivit autant que le
lui permirent ses luttes contre les protestants, les seigneurs et contre
la maison d'Autriche. Grâce à leurs efforts, Champlain commença à
organiser le Canada Français et fonda Québec sa capitale ; l'Acadie fut
reprise aux Anglais ; les établissements français aux Antilles furent
développés et les premiers comptoirs fondés à Madagascar et en
Guyane.
Colbert entreprit de former de ces établissements dispersés un véri-
— 254 —
table empire colonial. Torre-Neuve duinina reiilrée du Sainl-Laurenl ;
Cavelier de la Salie explora la vallée du Mississipi et prit possession
de la Louisiane au nom de la France. In très grand nombre d'îles
lurent acquises dans les Petites- .\ntilles ; de nouveaux colons furent
envoyés à Cayeune et au Canada. En Afrique, Colberf fit occuper
Gorée et affermit la domination française à Madagascar. En Asie, la
Compagnie des Indes créa des comptoirs à Surate, à Chandernagor,
et François Martin fonda Pondichéry.
Les colonies de l'Angleterre et delà France ainsi fondées se trou-
vaient fréquemment voisines ; une lutte devait donc éclater tôt ou tard
entre les deux nations.
Elle se produisit d'abord en Europe où Louis XIV, privé deTalliance
des Stuarts, eut pour terrible adversaire Guillaume d'Orange. Sous
son impulsion, les puissances européennes formèrent trois coalitions
contre la France qui, d'abord victorieuse, fut ensuite vaincue et humi-
liée et dut au traité d'Utrecht (1713) consentir au partage de la succes-
sion d'Espagne, reconnaître Georges V roi d'Angleterre, et surtout
céder plusieurs de ses colonies. L'Angleterre lui prenait l'Acadie, le
territoire de la baie d'Hudson et l'île de Terre-Neuve ; des clauses
particulières laissaient à la France le droit de pèche sur le banc de
Terre-Neuve et lui permettaient de créer des établissements tempo-
raires sur la côte occidentale de l'île ; c'est l'exercice de ces droits qui
depuis de longues années entraîne des difficultés incessantes et que l'on
n'est jamais parvenu à régler.
Ainsi commençait à se révéler la politique que depuis cette époque
l'Angleterre a constamment suivie : susciter à la France des guerres
sur le continent et profiter habilement de ces embarras pour ruiner sa
marine et conquérir ses colonies.
Une courte période d'alliance, alliance payée du reste bien chère-
ment par Dubois, succède à cette longue rivalité ; mais pour plaire à
l'Angleterre il faut promettre de combler le port de Dunkerque, chasser
le prétendant Stuart et surtout laisser dépérir la marine française. Ce
n'est d'ailleurs ((u'une courte trêve. Avec la chute de Walpole (1742)
commence une nouvelle époque d'hostilité violente qui durera presque
sans interruption jusqu'en 1789 et se poursuivra avec acharnement
sous la Révolution et l'Empire.
La grande et impardonnable faute de Louis XV et de la plupart de
ses ministres a été de n'avoir pas su ni prévoir ni comprendre la poli-
— V.)o —
ti(|iic do l'Anglelerre. et do s'cHre laissé Ironipcr })ar elle. De 1740 à
177 i, riiicohérence la plus coupable préside aux alliances; le roi,
tout en paraissant approuver les négociations engagées par ses
ministres, entrave leur succès car il a sa politique secrète. Quant à
l'Angleterre, elle soutient et subventionne une puissance ennemie de
la France sur le continent ; c'est d'abord l'Autriche dont elle empêche
le démembrement, el plus tard la Prusse qu'elle aide à résister à la
France, à l'Autriche et à la Russie coaUsées.
Mais tandis que Louis XV, faisant comme à plaisir le jeu des Anglais,
prodigue sans aucun profit ses ressources dans la guerre continentale,
l'Angleterre poursuit sans grande difficulté l'anéantissement de la
marine française et la conquête de nos colonies. Deux nùnistres ,
presque seuls au XMII® siècle, Machault d'Arnon ville et Choiseul
avaient compris les dangers que la politique anglaise suscitera à la
France et avaient essayé de les conjurer. Leurs efforts furent vains et
l'on ne peut que constater avec indignation les résultais funestes de
l'apathie et de l'indifférence de Louis XV.
Pendant la guerre de Sept Ans , la marine française qui s'était
d'abord illustrée à la prise de Minorque, sauvait dans plusieurs combats
contre les flottes anglaises, l'honneur de notre pavillon, mais s'affai-
blissait de plus en plus. Les Anglais bloquaient nos ports, et il n'en
sortait pas un bâtiment qui ne tombât entre leurs mains ; des descentes
opérées par eux sur les cotes de Normandie et de Bretagne, montraient
que notre territoire pouvait être impunément violé depuis que notre
flotte n'en protégeait plus les rivages.
Aux colonies la situation était devenue désespérée. Dans l'espoir
d'éviter la guerre avec l'Angleterre, Louis XV n'avait d'abord relevé
aucune des provocations multipliées par elle : les Anglais enlevaient
impunément le pavillon français sur les côtes du Sénégal, assassinaient
Jumonville à propos des discussions relatives aux territoires contestés
dans la vallée de l'Ohio ; bien mieux : ils exigeaient et obtenaient le
rappel de Dupleix, dont les grandes conceptions pour créer un empire
colonial Français dans l'Inde gênaient leurs prujets.
Celte abdication de la France en Asie devait être suivie d'une abdi-
cation non moins funeste en Amérique.
Les Antilles Françaises étaient conquises sans résistance. Au Canada,
malgré l'héroïque résistance de Montcalm, les Anglais occupaient tout
le pays après la terrible bataille de Québec. En Afrique, ils s'empa-
raient des établissements Français du Sénégal.
— 2.7; —
Le traité de Paris (1763) consacra la déchéance de la France au
point de vue colonial : l'Angleterre restait maîtresse des territoires
qu'elle avait conquis dans l'Inde, tandis que la France ne pouvait
fortifier les cinq comptoirs qui lui étaient laissés ; en Afrique, elle gar-
dait Saint-Louis du Sénégal ; la France perdait en Amérique le Canada
et la plus grande partie des petites Antilles. Elle subissait de plus
riiumiliation d'accepter à Dunkerque la présence permanente d'un
commissaire anglais pour assurer la démolition des fortifications du
port. De plus, comme l'Espagne, notre alliée depuis le Pacte de
Famille, avait perdu la Floride occupée par les Anglais , Louis XV
crut devoir quelque temps après la dédommager en lui cédant la
Louisiane.
C'en était fait de l'empire colonial si laborieusement édifié par
Henri IV, Richelieu et Colbert en Amérique : la France ne conservait
plus que Saint-Pierre, Miquelon, quelques petites Antilles et la Guyane.
L'Angleterre possédait l'Acadie , Terre-Neuve . le Canada et ses
annexes avec la vallée de l'Ohio. treize colonies le long de la côte
orientale jusqu'aux monts Alleghanys et un grand nombre d'Antilles ;
non seulement elle avait conservé ses anciennes colonies, mais elle
s'était royalement enrichie de nos dépouilles.
Il semble qu'après de telles acquisitions, l'Angleterre n'ayant plus
rien à redouter de la marine française qu'elle avait réduite à rien,
dût s'estimer satisfaite et pût songer à développer en paix le magni-
fique Empire colonial qu'elle avait su si habilement constituer.
Mais l'Angleterre est insatiable ; plus elle a acquis plus elle veut
acquérir encore ; de tout temps elle s'est habituée à considérer comme
Anglais tout territoire dont les Européens n'ont pas accompli une
Ofcupation efi'ective, et bien souvent de nos jours, au moment d'une
occupation de ce genre nous l'avons vue prolester avec une ardeur et
une violence qui auraient pu faire supposer qu'elle avait sur les terri-
toires en question des droits séculaires plutôt que des prétentions
illusoires.
La guerre d'Amérique avait renouvelé la vieille rivalité avec la
France où, l'opinion publique avait forcé Louis XVI à agir pour
assurer l'indépendance des treize colonies anglaises soulevées. Irritée
<lc l'intervention de la France en faveur des Américains, des concessions
auxquelles elle avait dû consentir au traité de Versailles (1783), et ilu
relèvement de la marine française qui avait réussi dans plusieurs
— Z'Û —
combats à tenir la fortune indécise, l'Angleterre n'attendait que le
moment favorable pour recommencer la lutte. La Révolution lui
fournit l'occasion convoitée, et l'on vit dès 1793 l'Angleterre libérale,
dotée depuis 1688 du régime constitutionnel qui s'était développé et
fortifié au XYIII* siècle sous la dj^nastie de Hanovre, réunir dans une
vaste coalition toutes les puissances de l'Empire pour rendre à
Louis XVI son pouvoir absolu. Cette question de l'absolutisme était en
réalité une des moindres préoccupations de Pitt ; mais les boinmes
d'État anglais estimaient que le moment était venu d'en finir avec la
France, de continuer à détruire ses flottes, à confisquer ses colonies et
à la réduire sur le continent au rôle de puissance de second ordre.
On sait avec quelle sauvage énergie se poursuivit pendant vingt-deux
ans le duel formidable dans lequel l'Angleterre toujours vaincue,
jamais découragée, finit par atteindre le but qu'elle se proposait, mais
à quel prix ! Elle dut, en soutenant de ses subsides les États dont elle
attisait habilement la haine contre la France, accroître sa dette d'une
façon formidable, et payer même de ses soldats à plusieurs reprises.
L'ambition excessive de Napoléon, ses annexions démesurées et la
désastreuse guerre d'Espagne la sauvèrent. Elle put en 1814 dicter
ses conditions avec la Russie , la Prusse et l'Autriche, ce qui ne
l'empêcha pas d'être quelques mois plus tard trop heureuse d'obtenir
au Congrès de Vienne l'appui de la France pour résister aux convoitises
extravagantes de la Prusse et la Russie.
L'histoire de l'Angleterre de 1793 à 1815 n'est en eff"et qu'une lutte
perpétuelle avec la France, dont les interventions successives des
autres nations européennes sont les épisodes. L'Angleterre forme en
1793 la première coalition ; désespérée par les glorieuses victoires des
armées Françaises, abandonnée aux traités de Bàle par la Hollande, la
Prusse, l'Espagne, à Campo-Formio (1797) par l'Autriche, elle frémit en
voyant Bonaparte occuper l'Egypte et, redoublant ses intrigues, elle
parvient à former avec la Turquie et la Russie une deuxième coalition
(1799). Elle n'hésite pas cette fois à intervenir directement.
Des Anglais se joignent aux Hollandais et aux Russes que le général
Brune écrase à Bergen et fait capituler à Alkmaer. Mais la sur-
prise la plus terrible fut le débarquement des Français on Egypte ;
aussi l'Angleterre chercha-t-elle à faire cesser à tout prix cette occupa-
tion. Nelson détruit la flotte française à Aboukir; une flotte anglaise
seconde la résistance des Turcs à Saint-Jean d'Acre ; un corps anglais
finit par débarquer en Egypte et par on obtenir l'évacuation. Le but de
- 258 —
rAnglelerre csl altciul el rocrupalion de Malte, qu'elle possède encore,
esl la récompense de ces efforls répélés. LorsquerAutricheasignélapaix
à Lunéville(1801), l'Angleterre, demeurée seule, menacée un moment
par la ligue des neutres et par les préparatifs du camp de Boulogne et
satisfaite d'avoir pu forcer les Français à évacuer l'Egypte, signe à son
tuur le traité d'Amiens (1802), qui n'est qu'une courte trêve. Pour la
première fois depuis 1793 la paix générale règne en Europe.
Elle est d'ailleurs de courte durée : dès 1803 l'inexécution, aussi
bien par la France que par l'Angleterre, des conditions du traité
d'Amiens amène la reprise des hostilités. Napoléon prépare une
descente en Angleterre que la lenteur de l'amiral Villeneuve fait
échouer; du moins si à Trafalgar la flotte française est durement
éprouvée, les .Anglais perdent dans cette même bataille leur grand
amiral Nelson.
Mais déjà l'Angleterre a poussé l'Autriche qui est vaincue à Ulni et à
Austerlitz ^1805), et la Prusse qui, écrasée à léna et Auerstaedt (1806),
subit un terrible démembrement , cause des projets de vengeance
exécutés en 1815 et en 1871.
Durant toutes ces campagnes, Napoléon se préoccupe toujours de
vaincre et d'atteindre l'Angleterre, et c'est à Berlin qu'il rend le décret
de blocus continental par lequel il veut isoler l'Angleterre dans son
île et tuer son commer>*e en lui fermant le continent. On sait quelles
difficultés inouïes engendra dans son application celte grandiose utopie.
Puur forcer les Etals à respecter le blocus il fut obligé de leur faire la
guerre et d'occuper souvent une portion plus ou moins étendue de leur
territoire. L'Angleterre cependant fut atteinte dans son industrie et
son commerce ; mais la guerre d'Espagne, cette faute impardonnable
(Ui Napoléon la sauva. Elle reprit la lutte avec toute la vigueur que pou-
vait lui inspirer l'espoir du succès.
En même temps (jue sa flotte occupe Flessinguect tente de s'emparer
d'Anvers (1809), ses ai-mécs débarquent en Portugal, chassent les
Français d'Espagne et , franchissant les Pyrénées et la Bidassoa ,
arrivent jusqu'à Bordeaux et Toulouse pendant que d'autres Anglais
marclienl avec la grande armée coalisée du Nord , qui en\ aliit la
France par la vallée de l'Oise (1814). A Paris s'accomplit la dernière
phase de cette lutte iuexjiiable : l<,'s Anglais occupent avec les Prus-
siens, les Russes et les Autrichiens la capitale de la Fi'ance. rétai)lissent
Louis XVIII sur le trône et envoient Napoléon à l'île d'Elbe. Kn vain
— 25! I —
Napoléon cherche à ressaisir le pouvoir peii(hint les Cent Jours ; dans
la campagne de Belgique il combat les Prussiens et les Anglais qui
l'écrasent à Waterloo (1815),
Déjà les souverains coalisés réunis au Congres de A'ienne avaient
réglé la situation nouvelle de la France et de l'Europe. Tandis que la
Prusse et l'Autriche sont reconstituées, que la Russie garde toutes ses
conquêtes, l'Angleterre, malgré l'énormité de sa dette, devient après
vingt-deux ans de lutte la première puissance maritime et coloniale.
Elle garde Malte, affermit sa domination dans l'Inde, conserve le Gap
et enlève à la France l'île de France et plusieurs Antilles. Le but pour-
suivi depuis 1793 est atteint et l'Angleterre n'aura plus désormais
qu'une préoccupation, celle de conserver sa suprématie maritime et de
développer son empire colonial en jalonnant de ses possessions la
route des Indes.
Ainsi, jusqu'en 1815, la France et l'Angleterre ont été engagées dans
une rivalité incessante, que suffit à expliquer la plupart du temps la
diversité et même l'opposition de leurs intérêts. En Europe, l'Angle-
terre, après avoir jadis cherché à plusieurs reprises à faire de la
France une province anglaise, s'est bornée à poursuivre son affaiblis-
sement ; hors d'Europe, elle a réussi à constituer un empire colonial
déjà vaste et qu'elle s'est encore efforcée d'accroître de nos jours au
moment des partages de l'Asie et de l'Afrique par les Etals européens.
C'est surtout dans cette période contemporaine que l'antagonisme entre
les deux nations n'a cessé de s'affirmer et de grandir : partout oîi la
France a cherché à se fixer elle a rencontré l'opposition britannique,
dont la violence abusive a imprimé une tension souvent bien dange-
reuse aux rapports entre les deux puissances. La France, il faut bien
le reconnaître, s'est trop souvent dérobée ou laissée jouer, et, dans les
traités déjà si nombreux fixant les bornes des deux influences rivales
en Afrique ou en Asie, les Anglais n'ont guère fait d'autres concessions
à la France que celles qui coûtaient peu à leur orgueil on à leurs
intérêts. C'est ce qu'à notre avis l'on n'a pas toujours assez clairement
compris en France.
E. GUILLOT.
( A suivre ).
— 260 —
LE COMJliÉS AliCHÉOLOGIQUE DE ilACllN
14 au 22 Juin 1899.
Par L. QUARRE-REYROURBON,
Officier de l'Instruction pujjlique ,
Secrétaire - Général adjoint de la Société de Géographie de LiUe ,
Membre et lauréat de la Société française d'Archéologie, etc.
En me rendant au 06''. Congrès de la Société d'Archéologie, à Mâcon, je faisais
« d'une pierre deux. ... et même plusieurs coups ». Je remplissais d'abord le très
honorable mandat que m'avaient confié trois de nos Sociétés lilloises (1), en me choi-
sissant pour leur représentant à ce Congrès. Et puis j'avais lu désir de présenter
l'expression de ma vive gratitude à la Société d'Archéologie qui, l'année dernière,
au Congrès de Bourges, m'avait décerné une médaille de vermeil.
Je quittai Lille l'avant-veille du Congrès et je pus ainsi visiter les deux salons
de Paris et même assister au Grand-Prix. A Mâcon, une chambre m'attendait à
l'Hôtel de France et des Étrangers, tenu par M. Dupanloup, petit-neveu du célèbre
évèque d'Orléans.
Comme hôtels et comme distractions, Mâcon est loin d'offrir les mêmes
ressources que Bourges, cependant nous n'avons pas eu à nous plaindre de notre
réception qui fut vraiment cordiale.
Mâcon avait été choisi comme siège du Congrès, tant à cause de ses ressources
et des dittërentes lignes de chemin de fer qui facilitent les excursions, que du
concours précieux promis par l'Académie de Mâcon, une des Sociétés provinciales
les plus sérieuses, et nous pourrions ajouter des mieux logées, car elle vient
d'acquérir l'hôtel de Senecé, une des belles demeures aristocratiques de la ville.
Les membres du Congrès furent reçus de la manière la plus gracieuse par le
Bureau, composé de MM. Arcelin, Pellorce, Duréault. Fr. Lacroix. Reyssié, Lcx,
archiviste de Saônc-et-Loire, ami de M. Finot, le sympathique archiviste du
Nord, etc., etc.
L'administration municipale avait bien voulu mettre à la disposition des
Congressistes, pour les séances et le banquet, les grands salons de l'Hôtel de Ville,
très bel édifice du X\'III" siècle qui fut la propriété de la famille de l;i Beaume de
Montn-val.
(1) .Société de Géogrophie ; Société des Sciences et la Commission Historique du département du
Nord.
-. 261 -
Après avoir fraternisé avec les Congressistes, logés dans les divers liôtels de la
ville, nous allons retirer nos cartes et instructions au siège du Congrès, hôtel
Senecé, et nous nous munissons du Guide archéologique, rédigé par M. Lex. Est-il
besoin de dire que je me permettrai de profiter largement de ce guide si expert
pour écrire les pages qui suivent. L'ordre chronologique s'impose, mais aupara-
vant je voudrais donner un court aperçu sur le département de Saône-et-Loirc et
la ville de Màcon.
Le département de Saô.ne-et-Loire , doit son nom à deux grands cours
■d'eau qui arrosent son territoire, et vont se déverser, en deux directions opposées,
dans deux mers différentes : le premier, la Saône, court vers le Sud pour gagner
le Rhône et, par le Rhône, la mer Méditerranée ; l'autre, la Loire, s'en va, vers le
Tsord-Ouest, se perdre dans l'Océan Atlantique.
Ce département a été formé, en 1790, de cinq territoires qui appartenaient à la
province de Bourgogne et s'appelaient VAutotiois ; le Brionnais ; le Charolais ; le
Maçonnais.
L'Autonois occupait, autour d'Autun, le Nord-Ouest du département ; le Brion-
nais, le Sud-Ouest, autour de Ghâlon, le Nord-Est ; le Charolais, autour de
Gharoles et le Maçonnais, autour de Màcon, comprenaient le Sud-Rst et une partie
■du Centre (1).
Magon, malgré son antiquité qu'attestent en plusieurs endroits les restes romains
et ses remparts, n'offre plus aujourd'hui qu'un petit nombre de monuments au
visiteur.
L'aspect de Màcon, bâti sur le flanc d'une colline qui s'étend de la voie ferrée à
la Saône, est des plus pittoresques, et le soir, le long de la rivière autrefois si
animée par le mouvement de la navigation, on voit la population se répandre sous
d'élégantes tonnelles, placées on face des cafés, depuis le square où s'élève la
statue de Lamartine, jusqu'au pont qui conduit à Saint- Laurent d'Ain.
Mercredi 14 Juin. — 2 heures. Séance d'ouverture dans la salle des fêtes
de l'Hôtel de Ville de Mâcon. — 4 heures. Visite des monuments
de Màcon. — 8 heures il2. Séance à l Hôtel de Ville.
A 2 heures, dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, s'ouvre le 60" Congrès de
ia Société française d'Archéologie.
L'assistance est nombreuse et particulièrement brillante. Un grand nombre de
personnalités du monde savant, et aussi beaucoup de dames, assistent à la séance.
Le bureau est présidé par M. le comte de Marsy, directeur de la Société fran-
■çaise d'Archéologie, ayant à ses côtés MM. Buchalct, maire de Màcon ; de Ville-
fosse, délégué du Ministère de l'Instruction publique ; le comte de Ghellinch, de
l'Académie royale de Belgique ; Vingtrier, bibliothécaire de la ville de Lyon,
octogénaire ; Arcelin, président de l'Académie de Mâcon, etc., etc.
M. le comte de Marsy ouvre la séance par des remerciements à l'Académie et à
la Municipalité de Màcon. M. Buchalet, maire de Màcon, souhaite la bienvenue
aux membres du Congrès, au délégué du Ministère des Beaux-Arts, à l'Académie
(1 Adolphe Jovnnk. Gé.>graphic de .Saùne-et-I.oire, in-12. Paris, Hachette, 1899, page 3.
18
— 262 —
de Màcon et espère que tous emporteront un bon souvenir de sa vieille et hospita-
lière cité. M. Arcelin, Président de l'Académie de Mâcon, fait l'historiqne des
travaux de cette Académie. M. de Villefosse affirme l'intérêt que porte le Ministre
de l'Instruction publique aux Sociétés savantes et loue l'œuvre de M. Bulliot,
d'Autun.
Puis M. Duréault, Secrétaire perpétuel, convie les personnes présentes à prendre
un vin d'honneur dans les salons de l'Académie.
L'assemblée se rend à l'hôtel Senecé oii les vins blancs généreux de Pouilly
coulent dorés et capiteux à côté des produits de la Champagne.
Dans une délicate improvisation, M. Duréault offre le vin de bienvenue qur
peut-être, dit-il, conserve en soi le goût de cette pierre de feu, de ce silex qui fut
sa nourriture.
L'hôtel Senecé, ancien hôtel de Marnay, siège de l'Académie, est un édifice du-
commencement du XVIIl' siècle, acheté grâce à un don d'argent fait à cette Société
par un de ses membres.
L'immeuble a conservé une partie de son mobilier décuralif consistant en magni-
fiques garnitures de cheminée Louis XV et fauteuils de la même époque. Pour son
usage, l'Académie a complété ce mobilier par l'adjonction de chaises bien
modestes, il est vrai, mais qui proviennent du château de Saint-Point, domaine de-
M. de Lamartine.
Sous la direction de M. Lex et de quelques autres membres de l'Académie, les
Congressistes commencent gaîment la visite des monuments de la ville, parle plus-
ancien et le plus important.
Le viELX Saint-Vincent. — On a commencé à démolir l'ancienne église-cathé-
drale de Saint-Vincent en 1799. et il n'en est resté que le porche, les deux tours
avec la travée qui les réunit, et l'amorce des murs de la nef. La porte d'entrée et
l'arcade qui donnait accès dans la nef ont été murées en 1853, en même temps-
qu'on restaurait le portail et qu'on réédifiait l'arcature romane sous laquelle il faut
passer pour pénétrer actuellement dans l'église.
La nef et l'abside, qui ont disparu, dataient des Xlll'' et XIV*^ siècles.
Les tours, carrées à la base, puis octogonales (Xl% Xll" et XIIP-XIV"^ siècles)^
ont perdu, l'une son dôme, l'autre la pointe de sa flèche. Au milieu du XIP siècle^
on a appliqué devant elles un porche ouvert dont la porte, évidemment rorûancr
a été refaite au XV« siècle.
La baie qui fait communiquer le porche avec la travée comprise entre les deux
tours, est surmontée d'un tympan sculpté, oii l'on voit encore, malgré les mutila-
tions : dans une première zone, le paradis à droite et l'enfer à gauche ; dans une
deuxième zone, la Résurrection ; dans une troisième zone, les prophètes grands et
petits; dans une quatrième zone, le Christ de gloire, entouré de la Vierge, des
apôtres et d'anges; dans une cinquième et dernière zone, des séraphins et des
chérubins.
Les chapiteaux, sur lesquels repose le tympan, sont décorés do sujets pour
lesquels on a proposé l'explication suivante : à droite, le démon, du côté du porche,,
c'est-à-dire hors de l'église, essaie d'y pénétrer, et l'ange, armé du bouclier et de-
l'épée, du côté do^l'entrée, lui barre le passage ; à gauche, la scène de la Tentation
sur la montagne, en tous cas Satan d'une part et Jésus de l'autre.
Dans la travée qui règne entre les tours, il y a des peintures murales qui
remontent à l'époque môme de la construction des bases de ces tours, c'est-à-dire
à la fin du XI" siècle ou au commencement du XII% et qui représentent deux
scènes de la Résurrection : d'une part ceux qui ressuscitent à la béatitude et qui
LE VIEUX SAINT-VIXCENT A MACOX.
^ 2&3 -
entrent dans le jai-din de délices; : d'autre part, ceux qui ressuscitent à la dam-
nation et qui sont précipités dans les flammes de l'enfer.
Les autres églises sont :
Nouveau Saint-Vincent. — Kglise style grec, construite de 1810 à 1810, sur
l'ordre de Napoléon 1" pour remplacer la cathédrale démolie. C'est un édifice très
bien tenu.
Saint-Pierre. — Belle construction de style roniau, éditiée de 1859 à 1864, en
souvenir de la plus ancienne église qui fut consacrée au culte chrétien à Mâcon,
sous le vocable de Saint-Pierre et Saint-Paul, après le passage de saint Bénigntf,
apôtre de la Bourgogne, et de ses deux disciples, Andoche et Thyrse, vers Tan 172.
Nous empruntons aux Notes archéologiques de M. le chanoine Jouve, membre
de l'Institut des provinces, la description suivante : « Elle appartient au style
roman de la troisième et dernière période. C'est une vaste basilique à trois nefs,
avec transept et galeries qui doit avoir près île 300 pieds de longueur. Le portail
remarquable par son ampleur et son caractère hiératique bien prononcé, rappelle
celui de Notre-Dame la Grande de Poitiers Ce monument hors ligne, au
moins en France, parmi les analogues de construction récente, fait le plus grand
honneur à la cité qui en a pris la glorieuse initiative, et à l'architecte, M. Berthier,
qui en a tracé le plan correct et harmonieux » (1).
Dans cette église se trouve le tombeau des Bauderon de Senecé (1649), qui était
autrefois dans l'église des Célestins.
Saint-Clément. — Paroisse rurale (XV« et XVl'' siècles).
Les autres monuments de Màcon sont :
HoTEL DE \'iLLE. — Ancien hôtel de Montreval , importante construction du
XVIll'" siècle, contenant de beaux salons Louis XV et Louis XVl, parfaitement
entretenus.
La Préfecture. — Ancien évêché, bâtiments de diverses époques avec jardin
accidenté.
Hospice civil. — Edifice important construit eu 1770, possédant une chapelle
en forme de dôme au centre des salles des malades, afin qu'ils puissent assister à
la messe sans quitter leurs lits. Depuis la laïcisation de l'hôpital, on a fait une
petite chapelle dans une salle. L'autel du dôme est resté sans emploi. La phar-
macie est très curieuse, les boiseries style Louis XVI sont bien sculptées. Les pots
et plats servant à contenir les remèdes, sont d'intéressants spécimens de faïences :
de Rouen, de Nevers, de Marseille et surtout de Roanne.
Hospice de la Charité. — Bâti sur les plans de l'architecte Soufflet, possède
une chapelle ovale, trois étages très intéressants à cause de ses voijtes de formes
variées.
Statue de Lamartine. — Sur le quai des bords de la Saône, au milieu d'une
promenade bien ombragée, se trouve une belle statue en bronze du poète do
Lamartine, œuvre de Falquière, inaugurée en 1890. Le port jeté sur la rivière
(1) Notice historique sur la paroisse et l'église de Saint-Piorre de MàcdD, par M. Tabbo B. Uamcau.
Mâcon, 1892, 48 p. in-18, fig.
— 264 —
mène au département dv l'Ain. D'après la légende, le jpont actuel aurait remplacé
un pont romain (1).
La. Maison de Bois. — Cette maison, qui date de la fin du XV*^ siècle ou du
commencement du XVI'', n"a pas d'histoire. 11 faut se contenter d'admirer le pre-
mier étage décoré de colonnettes, dont les fûts, reliés par des bandeaux sur
lesquels courent de vigoureux enroulements de branches et de feuillages, sont en
outre décorés avec une merveilleuse richesse d'imagination et une habileté de
main accomplie. Les chapiteaux de ces colonnettes supportent une chaine de per-
sonnages, d'animaux et de monstres plus ou moins spirituels et plus ou moins
indécents. A l'intérieur, les maîtresses poutres du plafond du premier étage portent
des corbeaux à personnages (2).
Nous avons remarqué aussi un débris de maison romane (1, rue du Pavillon),
deux façades gothiques (11, rue Rochette, et 26, rue des Ursulines), plusieurs
maisons du XV** siècle, fenêtre Renaissance appliquée sur un mur (rue St-Nizier),
porte de la fin du XVP ou commencement du XVIP siècle (rue Senecé), un évêque,
statue gothique, dans une niche (6, rue Dombez), les ruines des murs de la ville
(rue de l'Arbalète), les ruines d'une tour et murs de la ville (cour de l'Évèque
Morcour).
A 8 heures 1/2 du soir, réunion dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, M. le
comte de Marsy, indique les questions qui doivent être traitées pendant les
diverses séances du Congrès, il est décidé que samedi à Solutré, M. Arcelin
donnera quelques détails sur la question préhistorique de cette localité qu'il connaît
si bien et que M. Ferdinand Rey présentera vendredi une étude sur l'âge de bronze
dans le département de Saône-et- Loire et des départements limitrophes.
Jeudi 15 Juin. — 7 heures 25 du matin. Départ en chemin de fer pour Cluny,
arrivée à 8 heures 40. Visite de la ville. — Midi. Déjeuner. — 2 h. 31.
Départ en chemin de fer pour Paray-le-Monial. Visite de la basilique, etc.,
etc. — 6 }ieures l.'i. Départ pour Màcon, arrivée à 9 heures 21.
La journée est bien chargée, elle comprend la visite des deux villes les plus
intéressantes de la contrée, Cluny et Paray-le-Monial.
A leur arrivée à Cluny, les Congressistes ayant à leur tète MM. Lex et Ricard,
directeur de l'école établie dans l'ancienne abbaye, visitent l'Hopiial.
Cet HÔPITAL renferme dans sa chapelle divers fragments d'un mausolée que le
cardinal de Bouillon, abbé de Cluny (3) avait projeté d'élever en l'église abbatiale
à la mémoire de Frédérice-^Iaurice de la Tour d'Auvergne, duc de Bouillon, et
d'Eléonore de Bergh, ses père et mère. Ces fragments sont : la statue du duc et
celle de la duchesse dans une attitude qui rappelle la conversion au catholicisme
obtenue du mari par sa femme, un ange et un bas-relief représentant le combat de
La Marfée, en marbre blanc ; le sarcophage (autel), en marbres blancs veinés de
gris et de jaune. Les statues et le bas-relief, qui sont des œuvres d'art tout à fait
(l; J.-.\I. Glerbier. Notes historiques sur le vieux Mêcoii. Màcon, 18iH3, 83 p. iii-S", Ûg.
'2) L. Lex. La Maison de bois, Paris, 1893, 8 pages in-S", flg.
.')) Keyssié (Félix . Le cardinal do Bouillon 1(>13-1"1.");. Paris. Hachette, 189'.t,'248 p. in-S" (Extrait des
Annales de l'Acudémie de Màcoii/. Ouvrage couronné par l'Académie française.
-^ 265 —
remarquables, ont été attribués à Puget, à Couslou et à Coysovox, mais on sait
depuis peu qu'un artiste français, fixé à Rome, Pierre II Legros en a reçu la
commande en 1698, Tachèvement de ce mausolée a été interdit par arrêt du Parle-
ment en 1711. — Dans la même chapelle, on conserve le bâton d'une crosse dite
« de saint Hugues », abbé de Gluny (1049-1109), et un tableau de l'Ecole flamande
(sainte Véronique).
Abbaye de Gluny. — Fondée au commencement du X*^ siècle, cette abbaye
occupe en quelque sorte la ville tout entière et bien qu'en partie dévastée, elle
off're encore aujourd'hui un intérêt tout particulier.
Des bâtiments de l'ancienne Abbaye on a conservé : la porte d'entrée, composée
de deux baies en plein cintre (XI" siècle) ; le palais abbatial, ou plutôt les deux
palais abbatiaux, édifiés, l'un (Musée) par Jean de Bourbon (1456-1485), l'autre
(Hôtel de Ville) par Jacques d'Amboise (1485-1510), l'architecture de ce palais rap-
pelle celles de l'hôtel de Gluny à Paris et du château de Meillant près Bourges,
bâtis par le même ; la construction entièrement remaniée (Halle et Théâtre) dite
« des écuries de saint Hugues » (XI1<= siècle) ; la belle « façade du pape Gelatta »,
qui est gothique (XIIP et XIV" siècles), complètement restaurée en 1873 par les
soins de M. VioIIet-le-Duc ; le cellier et le farinier (XlIP siècle); deux tours
carrées, celle « du Moulin » et celle des « Fromages » ; et deux tours rondes, celle
dite « de l'Observatoire » et celle dite de « Fabri » élevée par l'abbé de ce nom
(1347-1351). Mais de l'église immense (172 mètres de longueur totale, donc le plus
grand édifice religieux de la chrétienté avant la construction de Saint-Pierre de
Rome, qui compte 183 mètres), magnifique (cinq nefs, deux transepts, cinq clo-
chers), il ne reste que le bras méridional du grand transept (33 mètres de hauteur
sous voûte) ; le clocher de l'Eau bénite, celui de l'Horloge, la chapelle St-Étienne
(XP et XIP siècles) &t la chapelle de Bourbon, bâtie par l'abbé de ce nom (1456-
1465), qui, de la petite salle voisine, assistait aux offices célébrés pour lui spécia-
lement. Les supports des niches de cette chapelle rappellent les personnages du
Puits de Moïse, à Dijon. Les voûtes aux armes de France sont bien conservées.
Les bâtiments de l'Abbaye reconstruits en majeure partie en 1750, sont remar-
quables parleur immense étendue et parleur architecture simple et noble. Devenus
propriétés de l'État, ils renferment aujourd'hui VÉcole pratique d'ouvriers et de
contremaîtres.
Dans une des galeries de ce vaste édifice se trouve le plan en relief de l'Abbaye.
Une autre partie de l'Abbaye est occupée par le dépôt d'étalons.
L'Église Notre-Dame est un édifice à trois nefs reconstruit dans la seconde
moitié du XIII" siècle. Le porche qui précédait la façade a été démoli en 1786.
Vis-à-vis de cette église se trouve une pyramide-fontaine du XVIIP siècle.
L'Église Saint-Marcel n'est remarquable que par son clocher et son abside
(1159), et par son grand bénitier, qui est un ancien baptistère (XIIP siècle) venant
de l'Abbaye.
L'Église Saint-Mayeul a été démolie en 179S. De la nef du X^' siècle et d"une
des chapelles du XV% il est resté des débris que les Bénédictins de l'ordre de
Gluny viennent de réparer et d'entourer d'un cloître.
Les Maisons romanes (XII" et XIII" siècles) de la place Notre-Dame, de la rue
de la République, de la rue d'Avril, de la rue Neuve, de la rue du Merle et de la
rue Dauphine, sont une des curiosités archéologiques de Gluny les plus connues.
— 266 -
Le.< Portes de rcnccinte qui sont encore debout, sont colles de St-Mayeul et de
Ste-Odile.
Sur une maison rue St-Marcel se trouve riiiscription : « 4 avril 17.>^. Proudhon,
peintre, est né ».
La Bibliothèque compte r).000 volumes ; elle a perdu prescjue tout son iniérèt
depuis qu'elle a cédé ses précieux manuscrits à la Bibliothèque nationale (1881).
Le Musée Ochier, dans le palais de Jean de Bourbon, mérite d'être visité. Au
rez-de-chaussée, on conserve : des débris de l'église abbatiale ; la tombe de l'abbé
Aimard (X*" siècle) ; celle de saint Hugues, richement décorée (XII*" siècle) ; onze
orands chapiteaux à feuillages, à fleurs et à personnages, d'une valeur considérable
fXI'' et Xll" siècles) ; des fragments du mausolée du duc de Bouillon (tour, chapi-
teaux, etc.) ; des restes de maisons romanes, aujourd'hui démolies, etc. — Au
premier étage, il y a une belle cheminée ancienne, divers objets de l'époque
Gallo-Roniaine et du Moyen-Age, un embrs'on de niédaillier, quelques tableaux et
dessins de Prudhon, qui est né à Cluny, les gravures de son œuvre, etc. (1).
Après un déjeuner bien gagné, servi avec soin à l'Hôtel de Bourgogne et auquel
veulent bien prendre part M. Ricard, directeur de l'école des ouvriers et M. de
Quinemont, directeur des haras, les Congressistes regagnent la gare et montent
dans les wagons, hélas surchauffés, qui vont les conduire en près de deux heures
à Paray-le-?^Ionial, en traversant de petites vallées couvertes de vignes et de prai-
ries où les beaux bœufs blancs du Gharolais paissent nonchalamment.
Après de nombreux arrêts, nous arrivons à l'un des grands sanctuaires de
France. ]Mais il faut bien l'avouer, ce n'est pas la petite chapelle de la Visitation
oii se conserve le souvenir de Marie Alacoque qui est le but principal do notre
course, malgré les pieux souvenirs qui s'y rattachent et qui attirent une foule telle
qu'il est souvent presque impossible d'y pénétrer ; nous venons chercher à Paray-
le-Monial, comme à Toumus, l'église qui fait défaut à Cluny. Elle n'a pas les
mêmes proportions grandioses, mais son style est analogue, et du reste Paray fut
long-temps un prieuré de Cluny.
Il m'a été donné de faire deux fois, avant cette visite, le pèlerinage de Paray-
le-Monial.
Les Congressistes arrivent à 4 h. 45 et devaient repartir à G h. 13. Le temps était
bien court pour visiter les monuments et musées de cette curieuse cité.
Paray -le -M on i al est une ville bien coquette, peuplée de 4.08(S liabitants (2).
La ville était en fête et encombrée de pèlerins, on venait d'y faire une procession
en l'honneur du Sacré-Cœur. Des centaines de jeunes filles vêtues de blanc,
venues de tous les environs et même de Màcon, circulaient dans les rues. Nous
eûmes l'honneur de saluer le cardinal Perraud, évoque d'Autun, (pii avait présidé
la cérémonie.
Lv B.\siLiQUE DU Sacré-Cœur est l'ancienne église du prieuré de l'ordre de
Cluny, placée autrefois sous le vocable de Notre-Dame. Ses différentes parties
!1 A. l'KNjoN. Cluny, la ville et l'abbaye, avec 28 des.sins à la plume de P. Lcgraiid. Cluny. 1SS4,
no pages I11-8, plan, flg.
— Cluny, Notice sur la ville et l'abbaye, avec 15 dessins à la plume par P. Legrand. Cluny, 1884
20 p. in-»», fig.
— Cluny, ville, abbaye et environs. 24 vues avec e.xplication. Cluny, oblong.
(2, ADoLfHB JoA.NNE. Géographie do SaûLC-et-Loire. Paris, Hachette, 1890, in-12, page 01.
-datent dibcommenccmenl du XP siècle (narthex, façade et clocher du Sud), de la
fin du XI'' siècle (clocher du Nord) et du milieu du XII* (nef, bas côtés, transept,
chœur et abside) ; rélégante chapelle des Damas de Digoine, dans le bras méri-
dional du transept, a éié construite vers liTO. Cet édifice, un des plus curieux de
la région, a été l'objet de très importantes réparations, de 1857 à 1862, sous la
•direction de M. VioUet-le-Duc ; le clocher central, notamment, qui s'élève au-dessus
de la croisée du transept, a été entièrement reconstruit en 1860. Dans le bras sep-
tentrional du transept, on A^oit un bénitier aux armes de Jacques d'Amboise, abbé
de Glunv (l'i8ô-1510), qui est l'ancienne vasque du jet d'eau du cloître; dans l'une
•des chapelles de l'abside, il y a un autel en pierre de l'époque romane (Xll"
siècle) (1).
Les bâtiments du Prieuré , servant actuellement de maison des Chapelains,
presbytère et école, remontent partie au XV'' et partie au XVIIP siècle.
La Chapelle publique de la Visitation. — Cette chapelle est moderne ; comme
beaucoup d'autres édifices atiectés à des pèlerinages, elle est ornée avec profusion
d'ex-voto, de tous genres et de toutes provenances. Ce qui est surtout remarquable
c'est l'ef.^igie renfermant les reliques de la bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque,
statue en cire représentant la bienheureuse, couchée en costume de religieuse,
couronnée, portant une brandie de lis en la main gauche et un cœur enflammé en
la main droite. Ce sanctuaire, admirablement tenu par les dames de la Visitation,
invite véritablement à la prière et au recueillement. Au moment de notre visite,
M. Gillot, premier chapelain de la basilique, faisait le panégyrique de la Bienheu-
reuse devant un nombreux auditoire (2).
Le couvent de la Visitation se trouve près de la chapelle. De I'Eglise St-Nicolas
servant à la justice de paix, il ne reste guère autre chose qu'un clocher carré,
surmonté d'un dôme (milieu du XVP siècle).
L'HoTEL DE Ville est installé dans une maison bâtie, de 152r) à 1028, par un
riche fabricant de serge, Pierre Jayet ; sa façade est décorée de fins médaillons et
•d'élégantes sculptures.
Cet édifice renferme un Musée local de création récente.
Paray-le-Monial possède un Hôpital important, monument moderne d'une belle
■et sévère architecture. — Plusieurs maisons particulières possèdent des tourelles.
Musée eucharistique , connu sous la désignation grecque de « Hiéron », ren-
ferme une collection unique au monde d'objets liturgiques anciens et intéressants
se rapportant à l'Eucharistie. Fondé par le R. P. Victor Proven, de la Compagnie
Je Jésus, Cl' musée a été cnnsidéî'ablement augmenté par M. le baron de Sara-
(l) F. CUGHKLAT. Monographie de la basilique du Sacré-Cœur à Paray-le-Xlonial. Paray-le-XIoiiial,
ilS79, 56 p. in -8".
{•2) CucHERAT, chanoine honontire, inimonier rie l'/iopUnl. Premièros origines de Paray-Io-Moniiil. Paray-
î&-Monial, hS"!?, -9 p. in-8»
— Visitation de Paray-le-MoniaL Description et histoire de la chapelle publique. Paray-le-Monial,
188-2, 15 p. in-S".
— Le guide historique et archOologique du Poleria à Paray-le-Moiiial. Paray-le-Monial, 188,">, KJS pages
S»etil in-18.
Lb Père Henri de Rochemurr. I.e vénérable Père Claude de la Colombière de la Compagnie do
-Jésus, apôlre du Sacré-Cœvir. Paris. 1889, 72 pages in-18.
— 208 —
chaga, qui veut bien nous faire les honneurs de ce bel édifice, presque laonumcnt.
bàti exprès pour cet usage (I).
L'heure du dép;irt est arrivée, les Congressistes reprennent le chemin de fer pour
Màcon.
Vendredi 16 Juin. — 8 heures 1lj2 du matin. Séance à l'Hôtel de Ville. — A
2 heures. Visite du Musée archéologique et de peinture , des Archives et de
la Bibliothèque. — A 8 heures ij2 du soir. Séance à l'Hôtel de Ville.
A 8 lieures 1/2, à la Séance donnée à l'Hôtel de Ville, M. Loiseau, conservateur"
du Musée de Bourg (Ain), a fait une très intéressante communication sur un
triptyque que possède le Musée et qui sera présenté aux Congressistes, lors de la
visite de lundi 19 courant à Bourg ; M. Naël, chef du bureau des monuments his-
toriques à Courseaux-sous-Vevcy (Suisse), donne lecture d'une étude sur les-
richesses archéologiques de la Suisse que les membres du Congrès, dit-il, en
terminant, voudront bien visiter un jour ou l'autre. Plusieurs autres travaux
instructifs occupent le reste de la séance.
L'après-midi fut consacrée à la visite des Musées, des Archives dcpartemeqtales
et de la Bibliothèque de Màcon.
Lr Musée archéologique possède une collection préhistorique comprenant^
avec les doubles en réserve, plus de 10.000 pièces, formée des collections Arcelin
(934 pièces) et Goussy (222 pièces), et du produit de fouilles faites à Solutré de
1874 à 1891. — Collection d'antiquités : armes et vases en bronze, four à potier
gallo-romain, etc. — Collection lapidaire : inscriptions romaines provenant de
Mâcon et des environs, mosaïques, stèles, autels, sarcophages, suite de sculptures
de l'époque franque, tombes juives, gisant en marbre blanc (XIV'' siècle), débris du
vieux Saint-Vincent, etc. — 3.000 monnaies, jetons et médailles. — Galerie locale :
vues de villes et de monuments, portraits de célébrités de la région, etc. — Col-
lection Ronot : 300 pièces de faïence et de porcelaine.
Les Congressistes charmés ont exprimé hautement leur satisfaction et loué la
ville de Màcon au sujet de ses richesses archéologiques et artistiques.
Les Archives départementales contiennent 18 documents originaux antérieurs
à Tan 1000 (81U-939), et des suites importantes de chartes des XP, XIP et XIII*
siècles, de cartulaires et de manuscrits, de sceaux intéressants, parmi lesquels un
des plus beaux qu'on ait de Charles-le-Chauve (847), un autre de Boson, roi de
Provence (,879), etc.
La Bibliothèque municipale contient 20.CKX) volumes , dont IfX) manuscrits ,
parmi lesquels une magnifique Cité de Dieu à miniatures (commencement du
XV' siècle) et une Légende dorée à grisailles (milieu du XV*^ siècle).
(1) Les Collections d'Histoirb ei d'Art du Musée eucharistique du Sacré-Cœur de Paray-le-
MoMAL. Guide du visiteur et Catalogue des tableaux. Lyon, 1884, 18 pages in-8». (// y a de nouvelles
éililions de ce Catatuyue).
PuriLiCATioNS : Le Règne sociol de Jésus-Christ hostie, Bulletin de la fédéralion du Sacre-Cœur pour
la reconstitution chrétienne de la Société. Périodique, grand in-8".
— Le Règne de Jésus-Christ. Revue illustrée du Musée de la Bibliothèque eocharistique de Parny-le-
Monial. Grand in-l" avec gravures et chromo. Périodique.
- 2m —
J'eus le plaisir de rencontrer dans ce dépôt un manuscrit se rapportant à Lille ,
intitulé : Voyage de Lille à Rome par l'Allemagne (1).
A 4 heures, après la visite des Musées, etc., iM. Buchalet, maire, a offert aux
membres du Congrès, réunis au nombre de 130, dans le splendide salon des
Mariages, un vin d'honneur, au nom de la Municipalité et du Conseil de la ville de
Mâcon. Dos toasts parfaits et fort appréciés ont été prononcés de part et d'autre.
A 8 heures 1/2 du soir. Nouvelle séance à l'Hôtel de Ville. Au début de la
séance, M. le comte de Marsy adresse des remerciements à M. Arnaud, propriétaire
du château des Moines et à M""" la comtesse de Milly, propriétaire du château de
Berzé, pour l'autorisation qu'ils ont bien voulu donner de visiter leurs propriétés.
Puis viennent plusieurs communications aussi instructives qu'intéressantes.
M. Lex, ayant eu l'obligeance de nous montrer la Bibliothèque et les Archives,
et nous ayant également promis de nous montrer les Musées, dimanche matin,
nous permet aussi de disposer de quelques heures pour aller en compagnie de
M. le docteur Chevalier, de Compiègne, voir le domaine de Saint-Point, demeure
de Lamartine, situé à 20 kil. de Mâcon.
La route de Mâcon au château est très belle. Le château de Saint-Point est situé
dans une vallée, construit sur un mamelon ; avec ses tours rondes, il forme une
masse assez implosante, bien qu'elle ait été remaniée à diverses époques et décou-
ronnée en 1789. Le parc est beau et bien entretenu ; nous avons vu les chênes
sous lesquels l'auteur des Méditations a écrit Jocelyn.
On conserve la chambre à coucher de M. de Lamartine, ainsi que son cabinet de
travail, dans l'état oii ils se trouvaient lors de sa mort. C'est loin d'être élégant.
On nous a montré son dernier chapeau haut de forme et divers objets à son usage,
le lit sur lequel il est mort à Paris. Ce meuble, ainsi qu'un secrétaire ont été
décorés de peintures par M""^ de Lamartine. Une rame de papier entamée sur une
table se trouve dans son cabinet de travail. Nous avons vu également l'acte de
baptême de M. de Lamartine, né le 22 Octobre 1790, et les minutes de quelques
discours, l'écriture du grand poète est bonne et lisible.
La tombe de M. de Lamartine et de sa famille située dans le cimetière de la
paroisse, près de l'église, est un monument bien modeste et peu entretenu.
Le château appartient actuellement à M. de Montereau, petit-neveu de M. de
Lamartine.
(1) Manuscrit, 1659, papier ~1 feuillets 300 sur 200 mill.). Cu manuscrit de bonne écriture, contient
outre le Frontispice, lettrines, 28 petites gravures collées et 18 dessins dans le texte. Volume in-folio,
reliure veau à nefs.
N" 6 du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Maçon. — Tome VI du Catalogue des manus-
crits des Bibliothèques publiques de France, p. 348.
L'autour de cet ouvrage est un Lillois qui pjrt de sa ville le 10 aoilt 1G59 et arrive à Rome le 27
octobre suivant, après avoir traversé une partie de VxVllemagne, des États de Venise et voyageant
presque toujours à pied. 11 décrit avec exactitude les divers sites qu'il rencontre, quelquefois il rend
compte de quelques anecdotes particulières; son goût naturel est de copier les inscriptions et décrire les
principaux monuments. On peut lui reprocher d'être un peu crédule quand il rend compte des mœurs
des peuples qu'il visite ; malgré la pesanteur de son style, le lecteur a une sorte de regret de voir finir
sa relation, lors de son arrivée à Rome.
Ce qui fait le mérite de ce manuscrit, ce sont les dessins exécutés d'après nature par l'auteur.
- 270 —
En passant nous avons vu deux autres propriétés ayant appartenu à l'auteur
des Méditations (les domaines de Monceau et do Milly) vendues à sa mort, ainsi
qu'une partie de rancien mobilier du château de Saint-Poinl (I).
Nous sommes heureux d'avoir fait ce voyage, je dirais presque ce pèlerinage.
Samedi 17. — 0 heures 112 du matin. Excursion en voiture à Solutré^ le Clidteau
des Moines, Berzé-le-Chàtel , etc. — Déjeuner à lu Croix-Blanche. —
Retour à Mdcon 'pour dîner.
Pour le récit de l'excursion de Solulré, je ne vois rien de mieux que de repro-
duire l'article signé : Herbert l'Ecrivain, qui nous a été gracieusement envoyé (2) :
« En voiture les voyageurs pour Solutré, tel est le cri qui dès l'aube retentit
dans les hôtels et chacun va prendre sa place dans les voitures qui stationnent
rue Sigorgne, devant l'hôtel Senecé ; le temps est menaçant et les marchands de
parapluies, qui ouvrent leurs boutiques, réalisent de beaux bénéfices en vendant
leurs produits aux voyageurs retardataires ou négligents ; c'est jour de marché à
Màcon et les villageois qui viennent au marché contemplent notre longue caravane.
Vers 8 heures nous arrivons à Solutré et nous nous dirigeons sous la conduite de
M. Arcelin, vers la station préhistorique découverte par lui, il y a plus de trente
ans, avec M. de Ferry.
« La station de Solutré, lisons-nous dans le guide de M. Lex, occupe un petit
plateau, situé entre les habitations du village et l'escarpement de la Montagne ; on
y trouve tant d'ossements que le lieu est dit le Crot du Charnier. L'industrie de
Solutré correspond à plusieurs époques. L'une d'elles est, on le sait, caractérisée
par la pointe en feuille de laurier, taillée avec beaucoup de soin, fine et mince, en
silex, quelquefois en cristal de roche. On a trouvé à Solutré beaucoup de sépul-
tures préhistoriques , gallo-romaines et burgondes. Les ossements de cheval y
sont extraordinairement abondants ; ils forment, à eux seuls, une couche de près
de 3.800 mètres carrés et qui atteint en plusieurs endroits plus de deux mètres
d'épaisseur. Aussi a-t-on pu estimer qu'on s'y trouve en présence des débris de
plus de '6Q à 40.00(» de ces animaux (.3).
« Sur le champ de ses découvertes, M. Arcelin nous donne ces détails et, dans
une tranchée ouverte pour nous, nous met à même d'en constater l'existence. Aussi
pendant que quelques intrépides font l'ascension de la Roche de Solutré, couronnée
à l'époque romaine par un castrum et au Moyen-Age par un château féodal, qui a
été rasé en 1435 et dont il reste peu de traces : d'autres, s'aidant de leur couteau
ou de leur parapluie, s'improvisent fouill(!urs et ce sont des cris de joie quand ils
rencontrent quelque ossement ou quebjue silex affectant la forme de la feuille de
laurier.
« Pendant ce temps, les photographes dressent leurs appareils, le docteur Birot,
de Lyon, groupe les uns et les autres et il faut le cor de Chevallier pour nous
ramener en face de nos voitures; mais là, une surprise nous attend : les gaufres
(1) L. I.EX. Histoire ■!•? Suiiil-Pi^int. Mùcon, 18it8, iVi p. iii-8", S»! gravures.
(2) I.'Ordrb 1)B l'Oise. Juiirnal de Compiègne, 8 Juillet 189ii.
(3; Aiir.ELiN (Adrien. Les fouilles de Solutré. — Henseigneinents généraux publies par IWcadcmle de
Mâcon à l'occasion de l'excursion à Solutré de l'Associaliori française pour l'Avancoment des Sciences,
le 2:t Août 1873. Mâcon, 1873, ' p. 10-4", flg.
— 271 -
màconnaises, une merveille de légèreté, qui, malheureusement comme le poisson,
ne se conserve pas et qu'arrose le Pouilly-Froissé, dont' le territoire touche celui
de Solutré ».
L'église de Solutré est du Xll"^ siècle, le clocher est en réparation, il porte les
armes de l'abbaye de Gluny, ce qui indique que cette église a été bâtie par les
moines de cette résidence. Près d'une petite porte de l'église se trouve un bénitier
en grès enfoncé dans le mur, portant l'inscription (lequel) le fis J. Morel a fait
maître isi. Sur le bord 13:31 (?) L G T D P.
Les Congressistes remontent en voiture par une pluie fine qui mouille sans
pénétrer et en contemplant le splendide panorama qui, d'un côté nous montre
comme la proue d'un navire, la roche de Solutré et de l'autre le vieux château de
Pierreclos.
PiERRECLO.s. — Le château qui, avec la seigneurie, a successivement appartenu
aux Pierreclos (XIP-XIV" siècle), aux Chevrier (XIV'' s.), aux ducs de Savoie
(XIV'-XV^' s.), aux Bletterans (XV'' s.), aux Rougemont (XV''-XVII'' s.), et aux
Michon (XVI1''-XVIIP s.), a été assiégé par les Armagnacs en 1422 et en 1434,
brûlé par les Français en 1471, et pris par les Protestants en 17)02 ; il en reste des
parties anciennes, mais le gros des logis a été rebâti en 1065. Il est la propriété de
Melle Chaland.
A côté du château, se trouve une ancienne église, dont il reste le clocher et le
chœur (XI i'' siècle).
On arrive à Berzé-la-Ville oii les voyageurs abandonnent les voitures pour
monter à la chapelle du château des Moines de Cluny.
La chapelle, aujourd'hui propriété particulière, paraît dater du commencement
du XIP siècle. La nef, le chœur et l'abside, sont décorés de peintures murales de
l'époque romane, qui n'ont été découvertes sous le badigeon qu'en 1887. Celles de
l'abside sont d'une conservation parfaite. Elles représentent : dans une première
zone, les bustes des saints Abdon, Sennen, Dorothée, Gorgon, Sébastien, Serge,
autre Sébastien, Denis et Quintinien ; dans une deuxième zone, les figures de
deux saints Bénédictins, puis d'une part la légende et la mort de saint Biaise, et
d'autre part le martyre de saint Laurent ; dans une troisième zone, les bustes de
six saintes parmi lesquelles Agathe, Laurence et Consorce ; dans une quatrième
zone, sous la main bénissante de Dieu le Père, le Christ de gloire, entouré de deux
saints évèqucs, de deux diacres (saint Vincent et saint Laurent) et des douze apôtres.
Enfin dans le chœur, sous l'oculus qui est percé au-dessus, de l'abside, on voit
encore Dieu le Fils, sous la forme d'un agneau auréolé, portant la croix nimbée et
accostée d'auges. Dans le dessin et le coloris de toutes ces figures on retrouve
l'influence byzantine et on peut sans témérité, rapprocher ces compositions de celles
de Ravenne et de Byzance (1).
Ces peintures ont été mises au jour par M. Jolivet, curé de Berzé, avec autant
d'art que de patience, et la Société Française a rendu un juste hommage au talent
de cet ecclésiastique en lui décernant une de ses médailles.
Un excellent déjeuner nous attendait au restaurant de la Croix-Blanche, dans
equel on nous a fait goûter un magnifique saumon à la chair rouge et qui ne se
pêche, dit-on, qu'entre Villefranehe et Lyon.
(1 L. Lex et P. Martin. Peintures murales de la chapeUe du château des Moines de Gluny à Berzé-
la-Ville (Saùne-et-Loirej. Paris, 1895, 8 p. grand in-S", 5 fig.
— 272 -
Les Congressistes se dirigent ensuite vers le château féodal de Berzé-le-Chatel.
Ce château était, avec celui de Solutré, un des plus forts du Maçonnais. Il a
successivement appartenu, ainsi que sa seigneurie, aux Berzé (XII<"-XIV* siècles),
aux Frolois (XIV^ s.), aux sires de Beaujeu (XIV" s.), aux ducs de Savoie (XV«s.),
aux Rochebaron (XV'-XVII» s.), aux d'Aumont (XYIP-XYIIP s.) et aux Michon
(XYIII' s.) ; le poète Hugues de Berzé (XIII" siècle) y est né. Il a été assiégé et
pris par Guy de Saint-Trivier en 1346, par les Armagnacs en 1421 et par les
Ligueurs en 1591. Ses différentes enceintes, la tour d'entrée, les tours et une grande
parties des constructions du Moyen-Age sont restées debout et ont été, depuis
moins de cinquante ans, l'objet d'importants remaniements. Parmi les tours, on
nous signale celle du Bœuf, dont on rappelle la curieuse légende : Un seigneur
de Berzé, ayant conçu des doutes sur la vertu de sa femme, fit enfermer dans une
tour celui qu'il croyait avoir porté atteinte à son honneur; dans une autre on plaça
un bœuf, et le seigneur, voulant savoir lequel des deux aurait le plus de résistance,
les laissa mourir de faim. Le bœuf succomba le premier, mais la légende ne dit
pas ce qu'il advint du survivant. Ce château est actuellement la propriété de
M°" la comtesse de Milly.
C'est la propriétaire qui fait très aimablement les honneurs de sa demeure. Elle
commence par nous montrer les dépendances, c'est-à-dire les chais, les pressoirs,
tout ce qui a trait aux vendanges, la tour aux fromages ; ces bâtiments sont ornés
de belles voiîtes. Puis vient le château oii sont conservées de belles tapisseries
flamandes (Audenaerde), des bahuts et autres meubles en vieux chêne. Dans le
salon se trouve un magnifique portrait de la propriétaire peint par A. Salles-
Wagner, d'autres tableaux modernes et une collection de dessins des grands maîtres
italiens, etc., etc. Avant le départ, M""* la comtesse de Milly offre gracieusement à
ses visiteurs un verre de vin de sa récolte.
En quittant ce château hospitalier, les Congressistes saluent Milly, habitation de
Lamartine et que le poète se plaisait à nommer sa maison natale, bien qu'il eût vu
le jour à Mâcon. Chemin faisant, M. Reyssié, à qui l'on doit un livre justement
estimé : La jeunesse de Lamartine, nous en expose en un langage imagé les
points les plus saillants.
Le chemin de fer ramène les Congressistes pour dîner à Màcon.
Dimanche 18. — Ai heure lj2. Séance dans les salons de l'Hôtel de Ville. —
A 7 heures du soir. Banquet dans la salle des Fêtes à la Mairie.
Le matin de la journée du dimanche était un moment de repos. Une solennelle
réception patriotique devait avoir lieu à quelques lieues de Màcon. La petite ville
de Thoissey attendait le commandant Marchand. Une foule considérable acclama
le courageux explorateur, reçu à son arrivée par le maire M. Duchcr. Après un
discours de ce dernier et la réponse du commandant, M. Marchand père sort de la
foule ; le brave bomme est ému plus qu'on pourrait le dire, ses paupières battent
et des larmes coulent le long de ses joues. Le commandant Marchand lui aussi,
très attendri, s'élance vers son père, se jette en ses bras et l'embrasse avec effusion.
Les manifestations enthousiastes se multiplient jusqu'au banquet. Le comman-
dant est littéralement porté en triomplic et les ovations ne cessent un instant qu'au
début du repas. Il y a là 1.400 couverts. Au dessert les toasts sont nombreux et
énergiques. La sortie du banquet s'effectue an milieu de l'animation et de la gaîté
générales; des acclamations accompagnent Marchand et ses amis jusqu'au domicile
— 273 —
de M. Ducher, oii il s'arrête ; on le réclame et bientôt il paraît au balcon, salué
par les cris de : Vive Marchand ! tandis que la foule chante la Marseillaise. Des
concerts ont lieu sur les places publiques, un feu d'artifice est tiré le soir.
De cette patriotique et réconfortante journée le souvenir restera gravé chez tous
ceux qui y ont assisté.
Revenons au Congrès, l'ordre du jour annonce une séance à l'Hôtel de Ville
à 1 heure 1/2. A cause de la fête de Thoissey, les auditeurs furent relativement
peu nombreux, malgré les communications intéressantes qui devaient y être lues.
A 7 heures du soir a lieu le banquet dans le grand salon de l'Hôtel Je Ville,
réunissant un grand nombre de Congressistes et d'invités. Le dîner a été admira-
blement servi par le grand Hôtel de l'Europe de Mâcon, le menu donnant la vue et
les armes de la ville était artistement imprimé par MM. Protat frères, également
de Màcon.
La table brillamment éclairée était d'un aspect ravissant. Les dames en riches
toilettes donnaient à cette réunion une note toute spéciale.
Au dessert plusieurs toasts furent portés et chaleureusement applaudis.
Lundi 19. — 8 heures 4'^. Départ en chemin de fer pour Bourg-en-Bresse,
arrivée à 9 heures 11, — Visite de la ville et de l'église de Brou. — Déjeuner.
— 2 heures 35. Départ pour Màcon. — 8 heures du soir. Séance de clôture.
La ville de Bourg-en-Bresse, chef-lieu du département de l'Ain, compte environ
lU.OOO habitants. Après une aimable réception des deux Sociétés savantes de la
ville (1), les excursionnistes visitent I'Église Notre-Dame de Bourg, construite
de 1505 à 1545, dans le style de transition de l'art gothique au goût de la Renais-
sance. Le clocher a été démoli en 1793 et relevé depuis. Les boiseries et les stalles
du chœur (XVl" siècle) sont du menuisier bressan Pierre Terrasson. Une chapelle
latérale, celle de saint Grépin, a conservé une partie de ses anciens vitraux. Chaire
en bois (XVIIP siècle). Les voûtes possèdent des clefs en pendentifs. Le jubé en
pierre qui supporte les orgues est intéressant. Dans la sacristie se trouve un beau
Christ en ivoire sur fond noir avec cadre doré représentant les jnstruments de la
Passion ; un tableau byzantin peint sur bois représentant la Sainte Vierge, ainsi
que deux volets à deux faces, peinture flamande.
Musée. — 11 ne date que de 1854 (fondation de M""* Lorin), et à part le triptyque
de saint Jérôme, école flamande, attribué à Wohlgemuth (XVP siècle) et un Breu-
ghel de velours, quelques meubles et un petit médaillier, il contient peu d'objets
intéressants au point de vue arcJiéologique. Nous pouvons encore signaler un
tableau de Millet (2).
Le but du voyage à Bourg était la visite de l'église dé Brou. Déjà en 1890 nous
avions vu cette église d'une manière toute particulière en compagnie de Mgr De-
haines : « Mon compagnon de voyage a analysé avec soin, dans l'Inventaire des
Archives départementales du Nord, un grand nombre de documents qui prouvent
que c'est, non pas comme on l'avait prétendu, Jean Parréal et Micliel Colombe qui
sont l'architecte et le statuaire de l'édifice et de ses tombeaux, mais l'architecte
(1; Notice sur la Société d'Emiilulion et d'Agriculture de l'Ain 1 1750-1 8'.)9,. Bourg, 18S9, 15 p. iii-8".
(2) Ville de Bourg. Musée Lorin. Bourg, IS'TS, 64 p. in-16.
flamand Louis Van Boghem et le sculpteur Conrad Mevt, qui travaillait sous la
direction de ce dernier. M. Houdoy avait soutenu la même thèse et publié des
documents les plus importants qui concernent ce monument dans la Gazette des
Beaux-Arts ; et plus tard notre collègue M. Finot, a communiqui/ aux réunions
des Sociétés savantes de la Sorbonne un intéressant mémoire sur la même question.
L'édifice et les objets d'art qu'il renferme méritent et justifient les recherches de
ces érudits.
« Nous étions arrivés un peu tard, et une pluie torrentielle qui tombait en ce
moment assombrissait encore davantage le ciel. Le sacristain, qui nous conduisait,
eut l'excellente idée de nous faire voir les tombeaux et les autels, à l'aide de
bougies habilement disposées au bout de longues tiges de roseaux servant à
allumer les cierges. Il nous fut possible de voir les sculptures mieux qu'en plein
jour; nous nous rappelons une petite pleureuse en marbre blanc, dont la tète cou-
verte d'un voile et visible seulement à l'aide d'une lumière placée au-dessous, est
cependant sculptée avec la plus grande délicatesse et laisse voir des yeux oii
s'échappent des larmes » (I).
M. le supérieur du grand Séminaire qui se trouve près de l'église (qui du reste
lui sert de chapelle), nous attendait pour nous servir de cicérone.
Cette église de style gothique, unique en France par ses sculptures, a été bâtie
sous le vocable de Saint-Nicolas de Tolentin, par Marguerite d'Autriche, fille de
l'empereur Maximilien et de Marie de Bourgogne, et veuve de Philibert-le-Beau,
duc de Savoie. Ses architectes furent le Lyonnais Jean Perreal dit Jehan de Paris
(1506-1512) et le Flamand Van Boghem (1513-1530) ; les partrayeurs, Aimé Picard ,
Jean Rolin, Jean de St-Amour et Benoit de Montagna ; les imagiers, Michel
Colombe, les frères Conrad et Thomas Meyt, Vambelli, Campitoglio, Benoît de
Serin, et Guilbert et Thibaut de Salins ; les feuiUagiers, Jean de Louhans et Aimé
Carré ; le menuisier, Pierre Terrasson de Bourg.
La façade est décorée de statues et de statuettes, parmi lesquelles il faut signaler
celles de saint André et saint Nicolas de Tolentin. Devant le porùiil est tracé un
cadran solaire où l'on marque soi-même l'heure en se plaçant sur la lettre corres-
pondant au mois du calendrier.
A l'intérieur on admire le jubé, les stalles, les mausolées, la cliapelle de la
Vierge et les vitraux.
Le jubé est orné de nombreuses statuettes ; celles qui couronnent la galerie sont
un Ecce Homo avec, à sa droite, saint Nicolas de Tolentin, sainte Monique et saint
Antoine ; à sa gauche, un autre Eccc Homo, saint Augustin et saint Pierre. Sous
le juljé, tableaux anciens.
Derrière l'autel, qui est moderne, on remarque à l'abside la devise que .Margue-
rite d'Autriche s'était composée après ses malheurs : Fortune, Infortune, Fort
une, qu'on a cru interpréter ainsi : Fortuna infortunat fortiter unam. Cette
devise se trouve d'ailleurs un peu partoui dans l'édifice, ainsi que 1rs initiales P
('Philibert) et M (Marguerite).
Les stalles hautes, à raison de 24 de chaque côté du chœur, et précédées d'un
rang de 22 stalles basses, abritent sous leurs corniches dos statuettes représentant.
(1) L. QLAHBÉ-KBYBOUHnoN. Gainet de Voyage. — Est et Midi de lu T'iunne, Italie et Sicile. Lille,
in-M". I8i»7. p. 7.
— Bulletin de la Société de Géographie. Tome 20, pages 21 à 23.
à droite 24 personnages de l'Ancien Testament, et à gauche 24 personnages du
Nouveau Testament. Les miséricordes et les appuis sont curieux.
Les mausolées, dans le chœur, sont au nombre de trois.
Celui de Marguerite de Bourbon, mère de Philibert-le-Beau, à droite, est en
marbre noir et blanc et en albâtre. On y remarque, outre la statue de la princesse,
des sibylles, des pleureuses, des génies, puis à la tète, les statuettes de saint
André, de sainte Catherine, et. aux pieds, celles de sainte Agnès et de sainte Mar-
guerite.
Celui de Philibert-le-Beau, au centre, est également en marbre blanc et noir. Le
duc y est représenté vivant, revêtu de son armure, et mort, à l'état de cadavre. Il
est entouré, d'une part, de génies et d'autre part, de sibylles.
Celui de Marguerite d'Autriche est à gauche. La duchesse s'y voit aussi vivante
et morte. Des statuettes de saints et de saintes et de sibylles en décorent les piliers.
La chapelle de la Vierge est ornée d'un rétable merveilleux, formé d'un seul bloc
d'albâtre de plus de 5 mètres sur 4, où sont sculptées les sept joies de ]Marie :
Annonciation, Visitation, Nativité, Adoration des Mages, Apparition de .Jésus à sa
Mère, Descente du Saint-Esprit sur la Vierge, Assomption. A la partie supérieure
du rétable, statue de la Sainte Vierge, entourée de sainte Marguerite et sainte
Madeleine. Aux angles de la chapelle, statues de saint André et saint Philippe.
Les vitraux les plus remarquables sont : ceux de la chapelle de la Vierge, qui
représentent rAssomption ; celui de la chapelle des comtes de Vaux, à côté de
l'oratoire de la duchesse, où est peinte l'Apparition de Jésus-Christ à saint
Thomas ; ceux du chœur, de la chapelle de Notre-Dame des Sept-Douleurs et du
transept (I).
Depuis mon entrée dans l'église de Brou, j'avais remarqué un sacristain vendant
des brochures et des photographies dans un des angles du chœur. M'étant approché
de lui, je reconnus celui qui nous avait si bien éclairé et guidé en 18U0. Ce fut un
agréable souvenir.
Après un excellent déjeuner an grand Hôtel de France, les Congressistes
reprennent la route de Màcon.
A 8 heures du soir a eu lieu la séance de clôture. La lecture de la liste des
récompenses a été vivement applaudie, des médailles en vermeil ont été décernées
à M. Arcelin, Président de l'Académie de Mâcon, ainsi qu'à M. Lex, Archiviste du
département, à M. l'abbé Jolivet, Curé de Berzé, etc., etc.
Comme l'année dernière à Bourges, M. le comte de Marsy a un mot aimable
pour chaque lauréat. Il remercie les membres du Congrès et déclare clos le
6<j^ Congrès de la Société française d'Archéologie.
Mais si la clôture est prononcée, le Congrès n'est pas fini, et on se donne ren-
dez-vous le lendemain au chemin de fer pour aller à Tournus.
On abandonne Mâcon et on prévient les Congressistes de se munir de leurs
bagages pour aller le lendemain coucher à Chalon-sur-Saône.
I) Kglise de Broc. — Giiiile e>:piess contenant une description de l'église et du cadran scolaire avec
plusieurs vi:es et dessins par l.ibbé H.-P. Bourg, 1897, 1-JO patios in-18, fig.
-Mbum de photographies de l'église de Brou. Bonnes épreuves).
Chabvet E. L. g.). Les édifices de Brcu, à Bourg-cn-Bressc, depuis le seizième siècle jusqu'il nos
jours. Paris, Réunion des Sociétés des Beaux-Arts des r'éparlements, année 1897, pr^ges 252 à 389.
— 276 -
Mardi 20. — 8 heures 48. En chemin de fer pour Tournus. — Arrivée à 9 h. 21.
— visite de la ville. — Déjeuner. — 2 heures 28. Départ pour Chalon-sur-
Saône. — Visite de la ville. — Dîner et coucher à Chalon-sur-Saône.
A l'heure militaire, les Congressistes se trouvaient réunis sur le quai de la gare.
Une bonne mesure avait été prise par la Commission du Congrès, après des
démarches faites au chemin de fer, les bagages des Congressistes furent groupés
et expédiés directement à Chalon-sur-Saône.
Tournus est encore une vieille ville, bien intéressante, de 4.866 habitants (1),
dont une célèbre abbaye a formé le noyau.
Saint-Philibert. — Le monument le plus remarquable de Tournus et l'un des
édifices romans les plus curieux de toute la France est sans contredit Vancienne
éylise abbatiale de Saint- Philibert. Le narthex fermé et dont l'étage supérieur
constitue une église à part, placée autrefois sous le vocable de saint Michel, la nef,
les bas côtés, le choeur, l'abside et la crypte qui règne sous ce chœur et qui
constitue elle aussi une église, dédiée à saint Valérien, datent du commencement
du W^ siècle ; le transept et les deux clochers carrés, celui qui est au Nord de la
façade et celui qui surmonte la croisée, ont été construits ou remaniés au milieu
du XII^ siècle ; plusieurs chapelles ont été ajoutées aux bas côtés au XIV' siècle et
au XV*. Cette église a été, de 1845 à 1850, l'objet de très importantes réparations ;
la façade notamment (porte, mâchicoulis, etc.), a été refaite à cette époque. Il y a
lieu de signaler : à l'extérieur, les statues de saints accolées aux menaux et aux
angles du clocher de la façade ; à l'intérieur, les piliers énormes, les peintures
murales (XIP, XllP et XV* siècles) et les pierres tombales, quelques-unes circu-
laires ou ovalaires, du narthex les peintures murales (XV" siècle) et la Vierge
romane qu bois (XII- siècle), malheureusement dorée, de la chapelle de Notre-
Dame-la-Brune, dans le collatéral droit, la peinture murale représentant le Juge-
ment dernier {WW'^ siècle) de la chapelle Saint-Georges, dans le collatéral gauche ;
dans le transept, l'inscription RENCOME FECIT, qui révèle sans doute le nom
de l'architecte de cette partie de l'édifice (XIP siècle) ; dans l'église supérieure
(Saint-Michel) l'inscription inexpliquée : GERLANNUS ABATE ISTO MONETE-
RIUM CILE (XI*' siècle; ; dans l'église souterraine (Saint- Valérien), le sarcophage
de la chapelle du milieu et les peintures murales (XIP siècle) de la chapelle Saint-
Pierre, à droite.
Ce monument contient quatre églises différentes.
L'Église de la Madeleine, construite au XIP siècle, remaniée au XIV*^ et au
XV« siècle, a un portail élégamment décoré, mais le tj'mpan est resté uni. Clocher
carré sous la croisée du transept. A l'intérieur, deux tableaux de Greuze (saint
Roch et saint François d'Assise).
L'Église Saint-Valérien (portail du XP siècle) est désaffectée.
Ahbaye. — Des constructions de l'ancienne Abbuj'', il reste les deux tours
rondes qui flanquaient la porte d'entrée (XIV'' siècle) ; le cloître et le parloir
ouverts sur l'église au Sud (XP siècle); la salle du chapitre (XIIP siècle), et le
palais abbatial (XV'' siècle). Ces deux derniers bâtiments sont bien conservés et
[\, Adolphe JoAN^K. Géographie de Siiûne-el-Loire. Pari», Hachelle, 181(9, paye 67
^ 277 —
méritent d'être visites. Nous avons remarqué une belle salle voiàtéc avec théâtre et
servant aux réunions d'un cercle catholique.
Plusieurs Maisons anciennes (XIII", XV* et XVl'^' siècles) se voient encore à
Tournus. Signalons aussi une belle frise de l'époque romane encastrée dans une
façade moderne.
Hôtel-Dieu. — La pharmacie est curieuse, le plafond est peint sur bois. Les
pots et vases pour médicaments sont de Rouen, Nevers, etc. Les religieuses qui
desservent cet établissement sont du même ordre que celles de l'hospice de
Beaune.
La Bibliothèque, installée dans l'Hôtel de Ville, construit de 1774 à 1778,
compte 15.500 volumes, dont 90 manuscrits, parmi lesquels une « Vie de saint
Philibert » du X* siècle.
Le Musée, créé en 1867, comprend des antiquités préhistoriques, une belle série
d'objets burgondes, des monuments détruits, un niédaillier (monnaies inédites de
Tournus), quelques tableaux et dessins de Greuze, les gravures de son œuvre, etc.
Statue de Greuze. — Avant l'érection de la statue de ce peintre, en 1868, une
colonne romaine, haute de 6 mètres, ornait la place de l'Hôtel de Ville. Depuis
trente ans cette colonne est déposée dans la cour de la Grenette ; on doit la relever
prochainement.
A l'hôtel et buffet de la gare, un excellent déjeuner attendait les Congressistes.
Puis on se met en route pour Chalon-sur-Saône.
Chalon-sur-Saône, ville de 26.288 habitants (1), oii de belles constructions
s'élèvent, voit sa population s'accroître, tandis que celle de Mâcon diminue. ^
L'arrivée des Congressistes à Chalon est accompagnée par un violent orage
qui met la caravane en débandade et occasionne quelque désordre dans le pro-
gramme. Chacun fait de son mieux et s'efforce d'utiliser le court séjour en cette
ville.
La Cathédrale Saint- Vincent est loin d'être un édifice homogène ; la partie
inférieure de la nef, les bas-côtés et le transept sont du Xll" siècle, le chœur et
l'abside du XII !<' siècle. L'étage du triforium et des fenêtres supérieures du XI V« s.,
plusieurs chapelles du XV" siècle ; enfin la façade et ses deux clochers à plates-
formes ont été entièrement refaits de 1825 à 1850. A l'intérieur, il y a de nombreuses
pierres tombales du Moyen-Age, une tapisserie flamande de la Renaissance, une
crosse en ivoire attribuée à Saint-Loup, évèque de Chalon au VU" siècle, etc.
L'Eglise Saint-Pierre a été bâtie de 1710 à 1713, elle n'offre rien de particulier
que ses deux clochers à dômes et, dans son trésor, une belle croix processionnelle
du XIIP ou XIV" siècle.
L'HÔPITAL, fondé en 1528, avait, avant la reconstruction monumentale du XIX«^ s.,
une salle des malades dont les vitraux sont aujourd'hui dans la chapelle, oii l'on
voit aussi une chaire et une porte en bois remarquablement sculptée (XVIP siècle).
Il s'y trouve également un buste de Pie VII, avec inscription rappelant la visite du
Pape le Vendredi-Saint an XII (avril 1805).
Le Palais épiscopal (XV* siècle) est dominé par une tour plus ancienne que lui
;1, Adolphe Joanne. Géogruphie de Saônc-et-Loire. Paris, Hachette, 189ii, pngeôO.
19
— 278 —
(XIIP siècle). — Les autres tours qu'on rencontre en ville sont celle de Saudon^
dont la base passe pour romaine et le corps pour mérovingien, et celle du Doyenné^
qui remonte au XV^ siècle.
Dans le voisinage de I'Obélisque commémoratif du percement du canal du
Centre (1790), belle Fontaine de Neptune (1742), due au ciseau des sculpteurs
Spingola (bassin et piédestal) et Sordoillet (statue).
Le Pont sur la Saône, commencé en 1418, achevé en 1508, a été élargi et
flanqué d'obélisques. — De beaux quais où se trouve la Statue de Niepce, né à
Châlon le 7 mars 1765, un des promoteurs de la photographie et dont les appareils-
se trouvent au Musée. Cette statue a été exécutée par Guillaume.
La Bibliothèque compte 27.000 volumes et 143 manuscrits, dont le plus ancien
est du Xlll^ siècle.
Le Musée comprend une importante collection épigraphiqueet lapidaire (époque
Romaine, Moyen-Age, Renaissance), des vitrines d'antiquités préhistoriques (lance&
de la trouvaille de Volgu, flèches du camp de Chassay et autres (séries d'armes^
de vases et de statuettes en bronze, etc.), un médaillier (monnaies de Chàlon), un
beau rétable peint représentant le martyre de saint Biaise (XV'" siècle), une collec-
tion de céramiques, etc.
Mercredi 21. — 7 heures 7 du matin. Départ en clicntin de fer pour Autun^
Arrivée à 9 heures 56. — Visite des Monuments romains. — Déjeuner à
midi. — 5 heures 24. Départ d'Autun. — Arrivée à Chalon à 7 heures 26
pour dîner.
Malgré le mauvais temps, les Congressistes étaient à la gare pour le départ.
Autun était le clou du Congrès ; cette ville méritait, à coup sur, plus d'une journée^
mais les exigences matérielles, la difficulté d'y loger un effectif aussi considérable
que celui du Congrès ont décidé les organisateurs à tout montrer en sept heures.
La route se tait en chemin de fer par Chagny, Nolay, la pairie des Carnot, Epinac
et Sully, dont nous voyons dans les arl)res le château appartenant au marquis de
Mac-Mahon.
Arrivés à Autun, ville de 15.543 habitants (1), les Congressistes sont reçus par le
vénérable Président de la Société éduenne, M. BuUiot, accompagné de plusieurs-
de ses confrères et des membres de la Société des Sciences.
Nous montons dans des voitures et visitons la partie romaine d'Autun qui se
compose de la Porte d'Arroux, la Porte Saint-André, le Temple dit « de Janus »,
le Théâtre et la Pierre de Couhard.
La Porte d'Arroux, porta senonica, est la plus belle des deux portes romaines-
d'Autun. Elle mesure 16 m. 70 de hauteur, 18 m. 50 de largeur et 4 m. 25 d'épais-
seur, et se compose de quatre baies, dont deux grandes au centre pour les voitures-
et deux petites aux extrémités pour les piétons, avec au-dessus, un étage d'arcades
à jour. Elle a été réparée en 1841 et en 187.5.
La Porte Saint-André , porta Lingonensis , tire son nom de « Saint-André »
{1, Aijoli'Hk Joanne. Géographie de Saône-eULoire. Paris, Hachette. 1890, puge -15.
.- 279 -
d'une église établie au Moyen-Age dans Tune des doux tours qui en flanquaient la
face extérieure. Sa hauteur est de 14 mètres 00, sa largeur de iU m. 08 et son
épaisseur de 3 m. 30 au centre et de 4 m. 7)0 aux extrémités. Elle a le même aspect
(quatre baies surmontées d'une arcature) que la porte d'Arroux. Elle a été réparée
en 1847.
Le Temple dit « de Jaxus », qu'on appelait au Moyen-Age « Tour de la
Genetori » est situé hors de la ville. C'était un édifice carré dont il ne reste que
deux pans de mur, hauts de 24 mètres, larges d'environ 16, épais de plus de deux,
percés d'ouvertures et de niches en plein cintre. Au XVII'' siècle, il avait encore
trois faces, il était pavé de mosaïque et entouré de ruines importantes. Cet ancien
temple a été consolidé en 1S74.
Le Théâtre, dont l'emplacement, situé à l'exirémité de la promenade dite « des
Marbres » est désigné sous le nom de « Caves joyaux », n'existe pour ainsi dire
plus que dans les lignes générales et dans ses contours. On a pu calculer que plus
de 30.000 spectateurs y trouvaient place à la fois. L'amphithéâtre est détruit, lui
aussi depuis longtemps; il avait 154 mètres de long dans son grand axe et 130 dans
son petit.
La Pierre de Couhard, située à quelques centaines de mètres au Sud-Est de la
ville, est une masse pyramidale pleine de ruine, de forme quadrangulaire, haute de
33 m. 15, large de 22 m. (35. Construite en moellons du pays, elle se trouvait sur
la voie antique d'Autun à Lyon. Les opinions les plus diverses ont été émises sur
sa destination. Le voisinage d'un cimetière gallo-romain donne à penser que c'est
une tombe, mais les fouilles qui y ont été pratiquées en 1640, 1840 et 1877, n'ont
rien révélé à ce sujet.
Le Musée lapidaire, installé en 1861 dans l'ancienne chapelle de Thôpital Saint-
Nicolas (XIP siècle), est fort intéressant : Colonnes, chapiteaux, statues, stèles,
sarcophages, mosaïques, « tombeau de Brunehaut », dalles funéraires avec por-
traits d'ouvriers et attributs professionnels, etc., etc.
Après avoir jeté un coup d'œil sur l'école préparatoire de cavalerie, établie dans
l'ancien petit Séminaire, vaste et somptueux édifice élevé en 1669 par les libéralités
de Louis Xl\' (jardins dessinés par Le Nôtre), les équipages déposent les excur-
sionnistes à l'Hôtel de la Poste. On attend GO convives, ils sont plus de 80, mais
il ne faut pas s'inquiéter, en dehors des turbots et des langoustes qui arrivent de
Paris, il y a des vivres de supplément, car c'est une des grandes foires, de ces
foires oii les bêtes à cornes se comptent par centaines, presque par milliers, et à
notre entrée en ville, nous avons rencontré l)ien des paysannes élégantes, poussant
devant elles une paire de petits cochons.
Au dessert, M. de Marsy prend la parole pour rappeler les belles découvertes
faites depuis trente ans par ,^I. BuUiot, sur le Mont Beuvray, l'ancien Bibracte, la
capitale gauloise que nous ne pouvons visiter. Aux applaudissements de tous,
notre Président apprend à M. Bulliot que la .Société lui a attribué l'une de ses
premières récompenses.
Les Congressistes se remettent en route pour visiter les monuments religieux et
autres de la ville.
Le principal est la Cathédrale, sous le vocable de saint Lazare, fondée en 1120,
consacrée en 1132 et remaniée vers 1470 par le cardinal Rolin, qui entre autres
choses, fit construire le chœur, la tour centrale et la flèche.
A la façade a été accolé en 1178 un porche couvert, surmonté de deux tours
— 280 —
refaites et exhaussées en 1873. La porte principale en plein cintre est ornée d'un
tympan posé sur deux cliapiteaux (à droite Balaana sur son ànesse ; à gauche, un
personnage sur une bète fantastique) et oii se voit un curieux Jugement dernier,
œuvre du sculpteur Gislebertus. Le trumeau (saint Lazare et ses deux sœurs),
détruit en 1766, a été reconstitué en 1863. Les chapiteaux sur lesquels s'appuient les
archivoltes (dont la première est décorée de médaillons oii sont figurés les signes
du zodiaque et les travaux de chaque mois de Tannée) représentent à droite saint
•lérôme et son lion, la Conversion de saint Eustache, la Présentation au temple ; à
gauche, l'Apologue du Loup et de la Grue, Agar et Ismaël chassés par Abraham,
et les Vieillards de l'Apocalypse louant le Seigneur. Ceux des portes secondaires
représentent, d'une part, David allant au combat et David tuant Goliath ; d'autre
part un homme faisant danser un ours, et une tète monstrueuse. D'autres, qui
couronnent les colonnes engagées des travées collatérales de ce porche, sont des
chapiteaux antiques empruntés à une des portes romaines aujourd'hui détruites.
A l'intérieur, on remarque, entre la nef et les collatéraux de beaux chapiteaux
représentant, entre autres, à droite, le corps de saint Vincent, Simon le Magicien,
le Lavement des pieds, le Martyre de saint Etienne, l'Arche sur le Mont Ararat,
.Judas, et à gauche, la Naissance de la Vierge, le Sacrifice d'Isaac, saint Joachim,
les Hébreux dans la fournaise, Daniel dans la fosse aux lions, .Jésus sur le toit du
Temple, la Résurrection, la Visite des Mages à Hérode, la Fuite en Egypte, etc.
La tribune des orgues date de la fin du XV" siècle, ainsi que la plupart des cha-
pelles qui sont, en commençant par la droite, celles de Saint-Jean-Baptiste (dépôt
de chaises), de Saint-Claude et Saint-Germain, de Saint-Antoine ou du Grand-
Crucifix, de Saint- Vincent ou de Saint-François d'Assise, de Saint-Pierre et Saint-
Paul ou du Sacré-Cœur, du Scapulaire, des Glugny ou Giiapelle dorée, puis en
continuant à gauche, celles de Sainte-Geneviève ou de Parpas (dépôt de meubles),
de Sainte-Croix ou de Saint-Martin, des Boutons ou de Saint-Symphorien, de Saint-
Marcel et Saint-Eufroy ou des Evèques (vitrail représentant l'arbre de Jessô et le
tableau du Guerchin), de Saint-Boil, Saint-Privat et Saint-Yves ou de Saint-Antoine,
des Millot ou de Sainte-Anne (tableau flamand), et des Charvet (rétable du
XV1'= siècle représentant le Christ et la Madeleine), (fonts baptismaux). Dans le
transept, tableaux du Procaccini ^Christ mourant) et d'Ingres (Martyre de saint
Symphorien_). Dans le collatéral du chœur, statues agenouillées du président
Jeannin et de sa femme, Anne Guémot, œuvre de Nicolas Guillain, de Cambrai, et
au-dessus, buste de l'abbé Jeannin, frère du président. Sur le maître-autel, croix et
chandeliers remarquables (1777).
Dans la sacristie (XVI" siècle), trésor contenant, entre autres choses, un suaire
en soie de provenance orientale, connu sous le nom de palli on sericeum (fin du
X* ou commencement du XI' siècle).
Les autres églises d'Autun sont Notre-Dame (1757-1764), ancienne chapelle du
collège dont Lazare Carnot et Napoléon Bonaparte furent élèves, et Saint-Jean-le-
Grand (18'.7- 18.50).
Edifices CIVILS. — Le Palais épiscopal , comprend des parties anciennes,
ancien palais des ducs de Bourgogne, belle construction du XV'= siècle, plusieurs
fois modifié et restauré. On remarque la table de l'officialité. On y conserve aussi
un tryptiquc daté de 1515, représentant la Cène et un portrait du cardinal Rolin
par un maître flamand, qui a été reproduit dans un vitrail de la chapelle St-Vincent,
il In cathédrale.
r- 281 -
L'ancien Réfectoire des Chanoines esf devenu en 1873 cliapelle sous le vocable
fie Notre-Dame des Bonnes-Œuvres (XII"" siècle).
I/HÔTEL RoLiN est le siège de la Société éducnne depuis 1878 (XV'' siècle). —
Le Musée Rolin, organisé dans cet hôtel par la Société éduenne est excessivement
curieux : Stèles, inscriptions, bas-reliefs, statues, tombes, objets provenant des
fouilles de M. Bulliot au Mont Beuvmy (Bibracte), fragment de rétable en marbre
blanc (V« siècle), portrait à fresque du cardinal Rolin (XV' siècle), monnaies et
médailles, etc.
L'HÔTEL DE Ville , construction moderne, péristyle de six colonnes d'ordre
dorique ; le rez de chaussée sert de marché couvert ; l'étage supérieur est occupé
par la Mairie, le Tribunal de commerce, les Archives, la Bibliothèque, composée
de 15.000 volumes et le Musée, qui renferme une belle série de poteries antiques,
des bronzes, parmi lesquels le groupe dit « des Crupcllaises », la célèbre inscrip-
tion grecque chrétienne découverte en 1839, et un médaillicr riche en monnaies
gauloises, romaines et mérovingiennes.
Le Grand Séminaire occupe de magnifiques bâtiments (XVII* siècle), sur l'em-
placement de l'hôpital Saint-Antoine, élevé par le président Jeannin. 11 contient
une précieuse Bibliothèque, célèbre par ses manuscrits, au nombre de plus de
150 provenant du chapitre de l'église cathédrale. Signalons notamment un évan-
géliaire du XIll" siècle, un sacraraentaire du IX s., un pontifical du XV« s. orné
de très belles miniatures, etc. Le Petit Séminaire possède une riche collection
d'histoire naturelle.
La Fontaine Saint-Lazare, près la cathédrale, est un élégant petit monument
de la Renaissance (1.543) qui comprend deux lanternes superposées. Celle de dessus,
qui menaçait ruine, a été supprimée en 1863 et reconstruite en 1891.
Autun a encore quelques Tours, la tour de Marchaux. — Tour de François l"
ou des Ursulines, reste d'un édifice de la Renaissance bâti sur des débris romains.
Notons également des Maisons anciennes du XV« et du XVI« siècle (I).
Telles sont les étapes faites dans la vieille cité éduenne, étapes parcourues sous
la pluie jusqu'à notre départ.
La ville d'Autiin se préparait à célébrer les 27 et 28 juin le XXV'' anniversaire
de la consécration ôpiscopale de S. E. le cardinal Perraud, aimé et estimé dans son
diocèse et particulièrement à Autun, sa ville épiscopale.
Emerveillés, mais tout mouillés, les Congressistes reprirent le chemin de fer
pour Chalon.
Le programme était rempli, mais il y avait encore une excursion facultative bien
attrayante, à Beaune.
Mon grand désir était de revoir Reaune oii j'étais allé en 1890 avec Mgr De-
haisnes, oii nous avions été reçus d'une manière exceptionnelle à l'hospice
« Mon compagnon de voyage venait de rendre service aux religieuses de l'Hôtel-
Dieu de Beaune, en ce qui concerne les origines premières de leur maison, fondée
vers 1452 par une colonie de religieuses sortie d'un hôpital de Valenciennes. Nous
étions attendus. Nous fûmes comblés d'attentions et de prévenances. L'assistante,
(1) Anatole de Charvassb. Autun et ses monuments, par niiiold de Fontenay, avec un précis histo-
rique. Autun, 1889, 541 p. petit in-8", fig. et plan.
Souvenir d'Autun [album de photorjraphiesj.
— 282 —
qui nous reçut, a étudié dans les documents, riiistoire de l'Hôtel-Dieu dont elle
connaît jusqu'aux moindres détails et elle nous fit les honneurs de la maison avec
une science et un charme qui nous ravissaient. Elle nous présenta d'abord à la
maîtresse ou supérieure, vénérable religieuse, dont nous admirâmes la prestance
et l'affable dignité. . . Au moment oii nous nous disposions à nous rendre au buffet
de la gare pour déjeuner, la religieuse assistante qui nous avait fait les honneurs
de la maison, nous pria d'entrer dans une petite salle à manger, et nous recon-
nûmes que, sous aucun rapport, la Bourgogne ne le cède à la Flandre » (1).
Jeudi 22. — Au départ de Mâcon , j'avais expédié mon bagage à Vichy où je
devais passer quelques jours, je n'avais réservé qu'un seul vêtement. Les pluies
survenues à Châlon et à Autun m'avaient été fort désagréables ; un rhume en avait
été la suite. A notre arrivée à la gare de Chalon, bien avant le départ pour Beaune,
un train était en partance pour Moulins (Vichy). L'hygiène triompha de l'archéo-
logie et je pris la route de la fameuse station thermale.
J'emprunte à M. Herbert l'Ecrivain (2) le récit de cette intéressante excursion
dont je crus devoir m'abstenir :
« Excursion facultative à Beaune » ; plus de quarante Congressistes étaient
encore là le jeudi matin, lorsque nous descendions du train à la gare de Beaune
oii nous attendaient les membres du bureau de la Société d'Archéologie et d'Histoire
de Beaune, MM. de Montille, Aubertin et Gloria. Tout d'abord nous nous rendons
à l'église Notre-Dame, dont M. l'archiprètre Héron nous fait les honneurs et oit il
a bien voulu, comme aux jours de fêtes, faire orner le chœur de la splendide
tapisserie de la vie de la Vierge exécutée en 1500 aux frais du chanoine Le Cocq,
par des artistes flamands ; après une courte visite à l'ancien beffroi devenu aujour-
d'hui le Musée de la Société d'Archéologie, nous déjeunons à l'Hôtel de la Poste,
et ne tardons pas à prendre sous nos parapluies le chemin de l'Hôpital de Beaune,
cette merveille célèbre dans le monde entier et qui attire chaque année de nom-
breux visiteurs. C'est en l'i43 que Nicolas Rolin, chancelier du duc de Bourgogne,
dont nous avons vu à Autun l'hôtel transformé en Musée , fonda avec sa femme
Guigogne de Salins l'Hôpital de Beaune qui, aujourd'hui encore, après quatre
siècles, a conservé tout son caractère et depuis le guichet de la porte d'entrée,
jusqu'à la crémaillère de la cuisine, dans les salles dos malades, comme dans la
cour au centre de laquelle est le vieux puits en fer forgé, nous reporte au temps
du Téméraire, avec les malades dans leurs lits aux rouges courtines, sous les
hautes nefs voûtées de bois, non loin de la chapelle, dans le chœur de laquelle on
voit les hospitalières en leurs amples vêtements blancs l'été et bleus l'hiver,
coiffées du hennin, circuler, ici allant panser un blessé, là consoler un malade. Et
ce ne sont pas les premières venues que ces religieuses de _Sainte-Marthc, quali-
fiées de servantes des pauvres et qui, à ce titre, reçoivent trois francs par an pour
leurs salaires. Elles doivent suffire à leurs besoins et appartiennent aux meilleures
familles de la ville. Dans un parloir réservé, nous apercevons deux jeunes postu-
lantes dont le costume, comme celui des religieuses n'a pas varié depuis la fonda-
(1) L. Quarhé-Reybourbon. Carnet de voyage.— Est et Midi de la France, Italie et Sicile. Lille. in-S"
1H94, payes 3 et 4.
— Bulletin de la Société de Géographie. Tome 20. 1895, page 20.
L'Ordre de l'Oise, journal de Compiegne, 8 juillet 1800.
— 283 ~
tion. On a, dans un Musée, réuni les objets les plus précieux conservés dans
l'Hôpital et notamment le célèbre tableau du Jugement dernier, attribué à Roger
Van der Weyden et dont on a refusé plus d'un million, de vieux ornements reli-
gieux et des tapisseries anciennes, qui sont en nombre suffisant pour décorer les
cours de l'Hôpital, le jour de la procession de la Fête-Dieu.
Les revenus de l'Hôpital de Beaune consistent en partie en vins, des crus de
Meursault et de Corton, dont la vente aux enchères, au commencement de
novembre, sert généralement à fixer les cours des grands crus de Bourgogne.
C'est dans la grande salle des adjudications décorée de tapisseries de l'époque
de Louis XIV et meublée dans ce style, que s'est terminée notre visite. M. Montoy,
Vice-Président des Hospices, asisté de M. Grandpré, Secrétaire bien connu de tous
ceux qui s'occupent de gymnastique et d'autres membres de la Commission, nous
■ont fait goûter, avant de nous séparer, quelques-uns de ces vins généreux et,
comme aux adjudications, la brioche au fromage les accompagne, afin de nous
permettre d'en distinguer le bouquet.
Nous resterions volontiers, mais la pluie redouble, l'heure du train approche ;
voilà pour un an la séparation définitive ; mais beaucoup d'entre nous expriment
l'espoir de se retrouver encore au Congrès belge d'Arlon, à l'Association pour
l'Avancement des Sciences à Boulogne et dans d'autres réunions oii nous parlerons
avec plaisir de ce que nous avons vu et de ce que nous comptons bien voir. »
LES GRISONS
Un de nos plus aimables collègues, M. G. Houbron, a rapporté de
son récent séjour en Suisse une série d'interviews sur le pays des
Grisons. Nous sommes heureux de mettre quelques-unes de ces
•causeries sous les yeux do nos lecteurs.
INTERVIEW DU VICAIRE-GÉNÉRAL DE L'ÉVÊQUE DE COIRE.
Je trouvai Monsieur le vicaire-général dans son cabinet de travail
-du premier étage, dont les fenêtres donnaient sur une petite cour ou
ruelle de style italien. Une vaste bibliothèque chargée de livres
•occupait tout un côté de cette salle, faisant face à un bureau, un orgue,
un pupitre à violon ; des instruments de musique pendaient au mur,
— 284 —
à côté de pliotographies el de gravures d'arts ; une pile de Journaux
traînait sur la table. Bref, un véritable home d'artiste, de savant et
de lettré. Quant à lui, je le revois encore : grand, vigoureux, les épaules
larges, le teint brun et un peu coloré, l'œil vif, les traits fortement
accusés, exprimant un air de volonté intelligente et consciente d'elle-
même.
Mon hôte me reçut fort amicalement comme d'habitude, puis, la
conversation étant tombée par hasard sur ces journaux, dont les titres
inconnus et étranges piquaient ma curiosité :
Presque toutes ces revues, me dit-il, sont écrites, effort bien écrites,
en romanche. Elles vous intéi"esserai*ent, j'en suis sur, si vous pouviez
les comprendre. Voici la Fogl d'Engiadina , publiée à Samaden ,
rUtschella, la Nova gazetta romontscha, la Ligia grischa, 11 Xovelist,
le Calendrier de Dissentis, etc.
— Et toutes ces revues ont leur clientèle assurée de lecteurs ?
— Hélas, je u'ose vous l'affirmer. Savez-vous combien d'hommes
comprennent et parlent aujourd'hui notre vieille langue grisonne ?
30.000 à peine. Elle finira par périr étouffée entre l'allemand et l'italien
qui, de plus en plus, lui disputent sa place. 11 en est des langues
comme des peuples. Humboldt rencontra jadis, sur les bords de l'Oré-
noque, un vieillard, dernier descendant d'une tribu nombreuse, lequel
apprenait sa langue à des perroquets, afin que, lui mort, cette langue
ne disparût pas tout entière. In jour viendra où il en sera de même du
romanche. Après nous, les grammairiens bavards seront encore là
pour la répéter, mais elle n'en sera pas moins morte. Nous ne pour-
rons, nous, que chercher à retarder sa dernière heure...
— Comment cela, s'il vous plaît ?
— Comment ? En suscitant un mouvement d'opinion en sa faveur,
<'n défendant sa cause et en y intéressant le peuple. Oh, la tâche n'a
rien de difficile. Grâce à Dieu, le Grisou connaît son histoire, il est fier
de lui-même comme de ses ancêtres ; il se pique non seulement d'agir,
mais de parler comme eux. Pour cela, il n'a pas seulement ses jour-
naux, ses livres, ses associations, mais encore ses « Lieder », comme
diraient les Allemands, ses recueils de chansons nationales, qui entre-
tiennent chez lui le feu sacré du patriotisme, le culte de toutes les
grandes, de toutes les nobles traditions d'autrefois.
Sa figure s'animait. En voyant mes regards attachés sur lui, il sourit
et ajouta : A'euillez me pardonner, mais cette cause me lient au cœur.
J'aime, oui, j'aime mon vieux pays grisou, car, comme chante juste-
- 2&') -
nient un de nos airs populaires : La Surselva ha niei vin tlorniir eu
tgina, le haut pa\"s m'a vu dormir au berceau. C'est poui'quoi j'ai t'ait
moi aussi ce que j'ai pu. Et tenez, je vous parlais des associations pour
le chant...
Il se leva, prit en main une image encadrée qui pendait au nuir.
... Le groupe que vous repi'ésente cette phologra}»hie, n'est autre
que le choral Savognino, dont je suis moi-même le président. C'est
une société de chanteurs, comme toutes les autres, mais (jui s'est
donné pour mission de faire revivre dans leur langue nos vieux airs
nationaux. Ce ne sont pas seulement des « morceaux » que nous chan-
tons, mais des hj'mnes. Il me suffira pour vous instruire de vous en
citer les titres : La Ligia di Porclas, la Patria d'il Grischun , Benedetg
Fontaua , al Paunpelus (1) , et tant d'autres semblables , qui tous
évoquent chez nous des souvenirs propres à la race grisonne. Et il faut
entendre comme s'y mettent nos montagnards ! Quelle ardeur, quel
entrain ! Et quelles voix ! Des voix fortes, véhémentes, tonitruantes,
terribles, des voix pareilles au grondement des torrents dans la mon-
tagne, ou à celui du vent d'(jrage quand il passe à travers la forêt. Ce
qui ne les empêche pas de s'infléchir, de s'adoucir au besoin jusqu'au
murmure et à la prière. Notre belle langue est toute faite pour de
pareilles voix : sonore comme l'espagnol auquel elle ressemble ,
caressante et moelleuse parfois comme l'italien, mais avec un accent
plus chuintant.
Le choral Savognino ne m'est pas inconnu, lui dis-je. Je sais d'ail-
leurs combien à toute époque, les sociétés de chant furent en honneur
dans la Suisse grisonne.
Certes, ajouta-t-il. Et pourtant que sommes-nous à côté de nos
pères ? Où est le temps, où chaque canton, chaque commune possédait
ses chœurs, ses Compagnies de la Jeunesse chantant aux jours de fêtes
et de solennités sous la direction de leur capitaine, les hymnes d'Anton
Huonder : « Nous qui sommes enfants des rochers, nous que les som-
mets ont vus naître, voudrions-nous être vassaux ? » Qu'est devenu le
(1) Le Paunpelus, mets national grison, n'est autre chose qu'une soupe au pain
et au fromage. Les Suisses, en grande partie (Irisons, qui formaient autrefois la
garde des rois de France, avaient coutume de se réunir à certains jour-^ hors de
Paris, dans des restaurants de barrière oii on leur servait le plat exotique. De là
leur vint le sobriquet do Pampelouses, que les gens du peuple leur appliquaient
en France au dernier siècle.
— 280 -
temps où, le diuianche après la messe, les hommes assis en roud autour
de l'église entonnaient des cantiques vibrants et joyeux, où des airs
analogues terminaient les séances de la Landesgemeinde ; où, pendant
les guerres sanglantes, dont parle le Schwabenlied, nos gars se prépa-
raient au combat, et à la victoire, en « mugissant » quelque hvmne
mi-religieuse, mi-patriotique, ce qui les taisait traiter peu courtoise-
ment de « vaches » par nos ennemis Tyroliens ? Et ces drames mêlés
de chants qui se jouaient, il y a vingt ans à peine, les jours des fêtes
populaires ! Vous le voyez, tout décline, même dans notre bon pays
grison....
Pas tant que cela. Monsieur le vicaire-général. Heureux les peuples
qui ont encore des chefs spirituels pour les guider, leurdouner courage
et les enflammer au bon combat ])ar l'exemple des ancêtres.
INTERVIEW D'UN GUIDE A LA FLUELA.
Nous approchions du col de la Flûela, si dangereux par ses ava-
lanches. Les claquements du fouet, les « Hariaruhariia » prolongés du
conducteur, les hennissements des chevaux eux-mêmes , cessèrent
brusquement. Toute trace de végétation avait disparu. Un vent froid,
un grand silence triste et impressionnant planaient autour de nous.
On n'entendait plus que de loin en loin, le râle du choucas, ou le siffle-
ment aigu de la marmotte. Nos pensées avaient pris, d'elles-mêmes,
un tour haut et grave.
« Messieurs, dit le journaliste P., nous voici à plus de 2.000 mètres,
nou loin de la frontière du Tyrol. Toute celte région pourrait s'appeler
à bon droit le « Toit (h' l'Europe », uon pas seulement à cause de son
altitude, souune toute relative, uiais parce que ces solitudes, désertes
en apparence, sont néanmoins habitées : l'hospice de la Fliïela, ren-
contré tout à l'heure, en est la preuve. Si mortels que soient les
éléments, si cruel que soit l'exil sur ces sommets, l'homme veille sur
l'homme. La route que nous suivons est, on peut le dire, creusée à
même, dix fois, cent fois, dans les avalanches.
Pjirtout ailleurs, vous avez \m le voir, et aux Ziïge, et au Scliyn, et
au Spliigen, on a multiplié dans nu ])ul de protection, les refuges, les
-^ 287 -
tunnels, les galeries aériennes suspendues à mille pieds de l'abîme.
Michelet, qui les vit aussi, les a])pelait ingénieusement « les cloîtres
des esprits », oubliant seulement de rendre justice à l'audace et à la
prévoyance de l'homme, qui créa ces asiles. Et pourtant, malgré tout,
il ne se passe presque pas d'années où ne se renouvellent les méfaits
de l'Alpe homicide. Ces parages surtout, plus mal protégés, en ont été
trop souvent le théâtre..., »
En cet endroit, la route faisait un coude ; le col s'élargissait entre
des pentes moins abruptes ; notre ami pria le conducteur de s'arrêter.
« Et tenez, Messieurs, voici ({ui confirme mes paroles. En cet endroit
même, c'était en février 1897. une caravane presque entière périt sous
une avalanche que rien ne faisait i)révoir. Il y avait quatre traîneaux,
trois d'entre eux furent ensevelis sous la neige avec les chevaux et les
conducteurs. Seul le voiturier de tète qui avait dépassé en courant la
zone dangereuse, demeura sain et sauf. Quand il revint sur ses pas,
la neige et le silence régnaient partout ; de ses malheureux camarades,
il ne restait plus de trace ; ils avaient quinze mètres de neige par
dessus la tète et leurs cadavres ne furent retrouvés que beaucoup
plus tard, en mai ou juin. Quant au survivant de cette affreuse catas-
trophe, il re})rt'nait quelques jours ajirès avec un nouveau convoi, la
roule qui avait failli lui être mortelle. Je supi)Ose qu'il a dû plus
d'une fois frissonner en la regardant. »
Notre cocher était resté tourné vers nous, suivant le récit d'un air
distrait et fixant droit devant lui sa prunelle de rêve, d'un gris bleuâtre,
pâle comme ce ciel d'hiver. 11 hocha la tète et dit simplement :
C'était mon frère.
Nous eûmes tous un léger sursaut.
— Vraiment, l'ami, c'était votre frère ? Et depuis il a [)u continuer
sans accident son dangereux métie'r ?
— Bail ! Messieurs, nous autres gens de la montagne nous sommes
habitués à risquer notre vie. Et puis, voyez-vous, mon frère ne croit
plus au danger. Ptien à craindre avec lui, les avalanches le connaissent.
— Vraiment ?
— S'il avait dû en mourir, il y a longtemps que ce serait fait. Un
jour, elle est tombée sur lui, juste comme il passait, là maudite : le
vent de l'avalanche qui est encore bien plus terrible que la neige, l'a
soulevé du sol et transporté de l'autre côté de la rivière à plus de
soixante mètres, sans aucun mal. Depuis lors, c'est fini, il sait qu'il
— -288 -
n'a plus rien à craindre de Tavalanche, (;'est comme s"il avait « signé »
avec elle. '^Authentiqué).
— Eh, eh, l'ami, m'est avis que votre frère doit posséder quelque
talisman secret contre le mauvais sort. Cela s'est vu.
— Je n'en sais rien. Chacun s'arrange comme il peut.
— Et vous, lui dis-je, ce métier ne vous a jamais tenté ?
— Mais non. Chacun son goût. Je faisais, il y a deux ans, le métier
de contrebandier. J'ai été blessé d'un coup de feu à la jambe, dans
cette fameuse affaire de St-Anthônien, où nous avons tiré, bien malgré
nous, sur les douaniers impériaux. Alors, comme ça me gênait pour
continuer les escalades, j'ai dû demajider du service chez les gens
d'en bas.
— Et vous êtes content ?
— Oh non, il y a des jours où je m'ennuie bien de mon ancienne
existence. Je ne sais parfois ce qui me retient malgré ma blessure, de
retourner vivre là-liaut, en compagnie des contrebandiers et des chas-
seurs de chamois.
« Là-haut » et son geste le disait assez clairement, c'était la cime
dans le nuage et l'avalanche toujours menaçante , c'était l'effroi, le
vent, la neige. Quelle vie mystérieuse et surhumaine pouvait-il y avoir,
derrière ces sommets ?....
Nous échangeâmes tous, sans mot dire, un coup d'œil significatif,
nous nous serrâmes plus étroitement dans nos fourrures, et les chevaux,
sous les coups de fouet du conducteur, reprirent leur pas tranquille en
avant.
INTERVIEW D'UN SAVANT ARCHÉOLOGUE.
Monsieur, me dit ironiquement le savant archéologue, j'ai lu avec
plaisir, dans votre dernier article au « Courrier de Davos », ce que
votre ami le pâtissier (1) vous a dit de la persistance chez nous des
vieux cultes Gaulois....
(1) L'interview qui précédait portait en effet sur la pâtisserie, un art très en hon-
neur en pays grison et en Engadine.
— 289 —
Et, i>lus encore que sa l«)vre malicieuse, ses petits yeux à demi
plissés souriaient derrière ses lunettes d'or.
Yous n'imaginez pas, continua-t-il, combien nombreuses turent les
traces laissées chez vous par les Celtes. Cette terre sent le Gaulois,
comme on dit ailleurs qu'elle sent le Romain. Notre langue romanche
en est toute imprégnée. Un grand nombre de « lieux-dits » trahissent
une origine celtique. Les fouilles faites près des lacs ont mis au jour
d'intéressants objets de même provenance. Enfin, si nous passons aux
vieilles mœurs, aux superstitions populaires, une constatation analogue
peut se faire à chaque instant.... Je n'irai pas jusqu'à prétendre,
comme mon vénérable ami M. Charles Benoîst dans un article déjà
ancien de la Revue des Deux -Mondes , qu'en «grattant» les saints
actuels on retrouverait les vieilles divinités rhétiques. et par exemple,
sous la sainte Marguerite chrétienne, une déesse païenne de la fécondité,
une nymphe celtique des eaux et des bois. Non ; mais je ne puis m'em-
pêcher de voir, dans toutes les créations imaginaires qn'a forgées la
superstition du peuple, les descendants de ces esprits de tout genre,
associés aux forces naturelles, auxquels semblaient croire les Gaulois.
Et ici je suis en pleine communauté d'opinion avec le savant écrivain :
« L'antique Rhétie survit dans les Grisons, et les mêmes légendes
embaumées dans la même langue. Ni les vallées, ni la race, ni la
langue, ni les traditions, ni le roc, ni le peuple ne changent. »
.... Et pourtant, dit-il, en y réfléchissant quelque peu, ceci encore
manque d'exactitude. C'était vrai il y a une trentaine d'années, mais
qui pourrait encore l'affirmer aujourd'hui ? Les superstitions dispa-
raissent, et, à certains points de vue, la chose est peut-être regrettable,
bien qu'il n'y ait rien à faire contre la marche de la civilisation. Il y a
trente ans, lors d'un voyage que je fis en Eugadine, la « contn'e
inconnue », comme l'appelait Papon, je fus surpris de l'effroi mysté-
rieux que projetait sur l'esprit des habitants l'ombre de ces glaciers,
aujourd'hui si connus et si pratiqués. Là, vers ces hautes régions,
semblent s'être retirés les débris des croyances antiques, comme ces
brouillards qui couvrent encore les dernières cimes, quand le soleil les
a dissipés sur les pentes. Le Julier surtout fut, de tous temps, la mon-
tagne propice aux enchanlements. Son nom ne vient pas, comme on le
suppose, de Jules César, mais d'une ancienne divinité celtique, à
laquelle on y avait dressé deux menhirs, juste au point le plus élevé.
C'est là que, le premier dimanche de Janvier, les fées dansaient
naguère dans leur robe éblouissante, sur les pics voisins du ciel. On
-.290 -
dit tnéme qu'elles éprouvaient souvent une inclination pour les enfanls
des hommes, qu'elles aclielaient à leurs mères, et auxquels elles
offniient des bagues magiques, comme gages de fiançailles... Vous
pourrez lire ceci, plus détaillé, lians un article que j'ai publié il y a
deux ans aux Davoser Bldtter, suus le tilre de ; Alpenfeen und
Sdineefrauen.
— Et, dis-je, existe-t-il, en pays grisou, d'autres traces de supers-
titions analogues ?
— N'en doutez pas. 11 y a d'abord tout, le cortège des sirènes et
nixes enchanteresses, poissons couronnés et serpents qui prédisent
l'avenir, puis les sonneries mystérieuses au fond des lacs, les reflets
magiques à la surface. Chaque étang, si petit qu'il soit, a ses légendes,
son peuple de nixes, facilement assimilables à ces nymplies celtiques
des eaux et des bois, dont je vous parlais tout à l'heure.
Autre part, c'est la Chasse infernale, passant dans les cluses désertes,
dans les tours en ruines, etc. Dans le Rlieinthal, les Skalarageister se
n'unissent la nuit de St-Crépin et descendent faire boire au Rhin leurs
coursiers de vapeurs aux baleinées de flammes. 11 était dangereux,
disait-on, d'imiter le cri des chasseurs. Des enfants nombreux dispa-
rurent ainsi, victimes de leur imprudence. Un Concile eut lieu eu 1578
dans le but de défendre « ces mœurs païennes ». Et ce n'était pas la
pi'emière fois que le clergé intervenait de la sorte. J'ajouterai que la
chasse ét;nt conduite le plus souvent, ou par le dieu Tliûrst, parent de
Thor, ou par le dieu Wotan, ou par le roi Artus. Or le Wotan Scandi-
nave n'est autre, il n'y a plus à en douter aujourd'hui, que l'Odin des
anciens Celles, et le roi Artus se retrouve, vous le savez, dans la
plupart des légendes de l'Armorique bretonne...
— El les gnomes, dont vous ne me parlez pas ?
— Les gnomes ? Oh, les pauvres Fànggen, les malheureux petits
Waldmannchen ! Ils ont subi le sort de vos Korrigans et de vos Poul-
pikans bretons, le sort de leurs frères les Kobolds d'Allemagne ; il n'y
en a plus, hi civilisation a soufflé dessus. Ce n'était pas qu'ils fussent
bien terribles, les infortunés: S'il leur airivait quehjuefois de se
monli-er méchants, de metti-e le feu à la grange, ou d'obliger les habi-
tants eux-mêmes à incendier ou exorciser leur maison, c est qu'on les
avait tracassés, et qu'ils en tiraient vengeance. En général, ils étaient
serviables, gardaient la vache sur les hauteurs, accomplissaient des
besognes utiles. Ils ne coûtaient pas cher à nourrir: un peu de vin
quelquefois sufiisait pour les enivi-er; — ni à vêtir : l'élé. ils couraient
.— 291 —
presque nus, rhiver ils n'avaient pour manteau que des écorces de
sapin ou une simple peau de bête....
Je me souviens encore, ajouta-t-il, quand, dans ma jeunesse, la
grosse cloche fut pendue dans l'église de Fuma, et qu'après les béné-
dictions sacramentelles on se mit à battre le branle pour épouvanter
les esprits. Les Fânggen émigrèrent en bandes. On envoyait, disait-on,
de toutes parts, se profiler au bord des talus, au soleil couchant, paral-
lèlement aux nuages, pleurant et portant sur leur dos leur petit sac
de voyage au bout d'un bâton.... Et désormais tous nos contes de
mères-grands peuvent se terminer par la phrase sacramentelle usitée
chez vous, « depuis lors onques ne les revit-on plus en la contrée. »
Georges Houbron.
C O N A K R Y
Un de nos concitoyens, M. Maurice Newnham , employé dans une factorerie
de Gonakry (Guinée française), a écrit à ses parents une série de lettres, dont
nous reproduisons (piclques extraits, en respectant autant que possible leur forme
originale et familière.
C-onakry est une ville située derrière les îles de Los et au fond d'un golfe parfai-
tement abrité. Le port n'est pas praticable à marée basse à cause des rochers qui
l'encombrent, mais à marée haute les navires peuvent entrer et viennent même
jusqu'en face de chez nous. Deux « wharfs » (quais) existent, celui du gouverne-
ment, qui ne sert pas à grand'chose, et celui de la Compagnie; ce dernier est le
seul oii il y ait une grue, et par conséquent le seul utilisé. 11 ne faut pas croire
que ces wharfs vont jusqu'à la pleine mer; les navires mouillent à 8 ou 900 mètres,
et l'on débarque les marchandises dans des chalands que l'on vient ensuite
débarquer chez nous. Nous avons ici -4 ou 5 navires par semaine, soit Anglais, soit
Français.
Le port de Conakry est appelé à prendre une grande extension. On a même
parlé d'y faire un port de charbon, comme à Las-Palmas. Le climat y est très sain.
Vue de la pleine mer, à l'arrivée, Gonakry semble une ville très jolie, et l'im-
pression persiste quand on est à terre, car on s'y trouve au milieu d'une végétation
superbe : des palmiers, des manguiers, des bananiers, et une foule d'autres arbres
dont je ne connais pas le nom. Cependant j'oublie lé plus beau, le baobab, qu'il
n'est pas rare de voir avec 20 ou 30 mètres de circonférence ; ce sont des arbres
gigantesques auprès desquels les plus beaux marronniers ou peupliers de chez
nous ne sont que des enfants, de tous petits enfants même ; le gros chêne de
Phalempin commence à en approcher, mais ce n'est pas encore cela comme hauteur
et envergure de branches.
— 292 —
l.a ville est faite à peu prés dans le genre américain ; toutes les rues sont à
angles droits et très larges, seulement comme cela a été frayé dans la brousse, on
t'ait à présent des plantations de nouveaux arbres le long de ces avenues, ce qui
fait que dans huit ou dix aus on pourra s'y croire dans une vraie capitale. Dans
toutes les rues il y a un petit Decauville, à bras naturellement, pour desservir
toutes les factoreries à l'arrivée des marchandises, le transport par voiture n'étant
pas en usage ici. Conakry se compose presque exclusivement de fiictoreries. Le
palais du gouvernement, l'église catholique, le temple protestant et l'hôpital y
composent tous les monuments.
Conakry à marée basse est une presqu'île, et à marée haute une île, séparée de
la terre ferme par une excavation de 3 ou 4 mètres de profondeur et de 200 mètres
de large. Un pont est construit à cet endroit pour y passer à marée haute.
Notre factorerie. — La Compagnie française a la plus importante maison de
Conakrv'. Voici la distribution par services différents :
Comme dans toute maison qui se respecte nous avons un comptable et un cais-
sier ; les factures sont faites par un employé noir. Voilà pour la comptabilité.
Ensuite nous avons les boutiques ou « shops », qui se divisent comme suit : la
boutique proprement dite, qui vend au détail, et qui a comme patron un blanc et
3 ou 4 noirs servant d'interprètes et placés naturellement sous les ordres du blanc.
Ensuite la trade-shop, celle qui traite avec les caravanes et qui fait surtout les
échanges de caoutchouc contre des marchandises. Enfin le troisième service est
celui des marchandises générales, oii nous sommes trois blancs, chargés de faire
la correspondance avec l'Europe, de surveiller le stock et de le renouveler. Nous
n'y vendons qu'à la douzaine, chiffre minimum, tandis qu'à la boutique on fait le
détail: une livre de sucre, un kil. de café, une casserole, etc. Ajoutez à cela un agent
qui a la direction de tout et vous avez le contingent de notre établissement. Comme
vous pouvez en juger, ce n'est pas une boutiquette ; on y fait de fort belles
recettes, même eu ce moment, quoique ce soit la saison des pluies.
Comme affaires nous vendons une foule d'articles : des étoffes, des fusils, de
l'épicerie, du pétrole, de la poudre, des chaudrons, en un mot, de tout. Nous ache-
tons de l'or, du caoutchouc, des arachides, de la gomme, des peaux de bœufs, etc.
Comnne vous voyez, le champ est vaste, et l'on a de quoi se distraire tout en
turbinant.
Voici quelle est notre vie intérieure :
A 5 heures 3/4 la cloche nous réveille et à 6 heures on ouvre les magasins. A
6 h. 1/2 le boy (garçon) nous apporte soit le café, soit un verre de vin à l'eau avec
un morceau de pain. .Jusqu'à 11 heures le travail continue et il ne manque pas de
charmes pour moi, étant donné que je suis constamment avec les dames et demoi-
selles négresses du pays. Néanmoins j'ai bien autre chose à faire que de m'occuper
d'elles. D'ailleurs il faut exercer dans les magasins une surveillance continuelle,
à l'égard des employés indigènes aussi bien qu'à l'égard des clients. Tous les noirs
sont voleurs, et si on les laissait faire ils nous auraient bientôt dépouillés complè-
tement. Aussi, chaque fois qu'on en pince un, il paie pour les autres. Il n'y a pas
longtemps, j'ai été dans la nécessité de faire mettre un homme en prison pour
cinq ans.
La fermeture des magasins a lieu à 5 heures. Quand il y a un navire en rade, les
employés des marchandises générales s'en vont sur le wharf surveiller et activer
le déchargement des marchandises ; il arrive quelquefois que cela dure assez tard
(10 ou 11 heures du soir), et pas d'exemption pour le réveil du lendemain ; enfin !
c'est une question d'habitude et quand on se porte bien, cela forme un exercice qui
ne peut faire de mal. Du reste, en temps ordinaire, les employés .sont libres à
— 293 —
à partir de 5 heures. A 7 heures le dîner jusqu'à 8 heures, à la suite duquel la
liberté complète nous est rendue. Mais, je vous le dis franchement, de la liberté
que Ton a, on ne songe même pas à profiter, faute d'occasion probablement, et
aussitôt le dîner on fume une cigarette sur le balcon et l'on rentre chacun chez soi
où Ton se couche, ou si le cœur vous en dit, on se met au pupitre. Une chose très
bizarre, c'est que, quoique très bons amis, on ne se fréquente pour ainsi dire pas
entre employés, on se trouve ensemble tout au plus une heure par jour ; ce qui
produit cela c'est le climat qui vous rend grincheux et maniaque à de certains
moments. Ce que je vous dis là est exact, et tous ceux qui habitent la Côte en
sont là.
Notre nourriture est. excellente et abondante, et je vous garantis que je fais bon
accueil à tous les plats. Nous avons de la viande fraîche tous les jours, ensuite
nous mangeons des conserves et du riz en grande quantité. Je trouve cela déli-
cieux, et si je ne reviens pas dans trois ans gras comme un chantre, c'est que ma
peau sera trop petite pour grossir.
Vous pourrez juger par tout cela qu'on n'est pas malheureux dans la C. F.
(Compagnie française).
UN 14 JUILLET A CONAKRY
Comme dans toute ville qui se respecte , la fête nationale commence ici la veille
par une retraite aux flambeaux organisée par la troupe, mais une pluie torrentielle
étant survenue dans l'après-midi du 13 juillet et n'ayant pas cessé de nous arroser
jusque dans la nuit, ce divertissement a été absolument raté. — Le 14, à 6 heures
du matin, nous sommes réveillés en musique (je vous assure que je m'en serais
bien passé), par 21 coups de canon. L'artillerie de Conakry a en effet à sa dispo-
sition 6 canons qui sont destinés, paraît-il, à la défense de la ville, mais qui ne
sont en réalité que de belles seringues; enfin cette cérémonie épate toujours les
noirs, c'est déjà quelque chose. — A 8 heures 1/2, revue des troupes, passée par le
chef des tirailleurs. Donc, à 8 heures 1/2 j'étais à la tribune, et en assiste alors à
une revue qui rappelle de loin, de très loin, celle de Longchamps. Figurez-vous
un bataillon de tirailleurs sénégalais, portant le vêtement des zouaves, mais bleu
foncé, avec comme chaussures une semelle de cuir rattachée par des courroies, et
sur la tète la calotte de zou-zou, mais moins haute; toute cette petite troupe alignée,
et manœuvrant, ma foi, pas mal ; car les tirailleurs sénégalais sont, on le sait, des
soldats bien disciplmés et en campagne on peut compter sur eux. Beaucoup d'ail-
leurs sont médaillés, on en voit même portant la médaille militaire. Enfin, à 9 h.
le capitaine de la place arrive et passe la revue après laquelle a lieu le défilé avec
clairons en tête. Assurément, on verrait pareille cérémonie en France, cela paraî-
trait drolatique ; mais loin de chez soi je vous garantis que l'on est heureux de s'y
croire encore dans son pays, et l'on éprouve une certaine émotion en voyant
défiler cette poignée d'hommes à l'allure martiale et aguerrie ayant à leur tète le
pavillon Français, et tout cela au son des sonneries françaises. A la suite de la
revue, tir à l'arme de guerre par les blancs de la localité ; ce tir est naturellement
présidé par un officier et je me suis fait un devoir d'y assister. — Dans la matinée,
des jeux pour les noirs sont organisés, tels que : mâts de cocagne, jeu du seau,
courses en sacs; mais ce qui m'a fait le plus rigoler, c'est le jeu du banl de
20
— 294 —
farine, dans lequel on a jeté des sous ; les concurrents ont les mains attachées
derrière le dos ; la règle est d'aller chercher lesdites pièces de monnaie avec les
dents. Eh bien ! vous savez, c'est absolument tordant de voir Facharnement qu'ils
y mettent, et ces tètes toutes noires sortir de la caisse pleines de farine dans le
nez, dans la bouche, en un mot entièrement empâtées.
Vers 4 heures de l'après-midi, après le fort soleil, il y a des régates entre balei-
nières montées naturellement par des noirs. Quelques disputes entre équipes nous
ont bien amusés, deux d'entre elles en sont même venues aux mains, ou plutôt
pour être exact, aux coups d'avirons, si bien que ces deux équipes ont fini par
sauter à l'eau et alors c'était une bataille en règle, où certainement quelques-uns
se seraient noyés sans l'arrivée de la milice qui a tout remis en bon ordre. La
milice est ici la police, et les noirs ont beau être noirs , ils en ont une frayeur
bleue.
Vers 6 heures, il y a une cérémonie qui est à mon avis la plus intéressante de
toute la fête, c'est la visite de tous les rois nègres au gouverneur. 11 y en a à peu
près une vingtaine qui s'amènent à la queue leu-leu, entourés chacun de leurs
ministres et de leurs partisans. Cette marche s'opère au son d'instruments les plus
baroques. Les uns ont un vieux chaudron sur lequel ils frappent, d'autres des
bouts de cuivre ou de tôle suspendus à une ficelle ; il y a aussi le violon du pays
qui n'est autre chose que trois ficelles tendues sur un morceau de bois et qu'on
frotte avec un bâton, ce qui rend un son fort peu mélodieux, tout cela accompagné
de chants du pays. C'est absolument épatant.
Ils arrivent de ce pas à la place du gouvernement, se forment en cercle chacun
autour de son roi et commencent alors le tam-tam. Les femmes dansent, ou plutôt
exécutent une série de contorsions plutôt grotesques, mais toutes différentes sui-
vant les sectes auxquelles elles appartiennent. Ce petit concert dure environ deux
heures, et je vous promets que le gouverneur ne doit pas être à la noce, car ils
sont là à sa porte 6 ou 7.000 à hurler, brailler, et à faire un vacarme indescrip-
tible. — Arrive l'heure de dîner et de mettre ses plus beaux habits pour assister à
la réception de M. le Gouverneur.
A 8 heures 1/2 nous sommes reçus au Gouvernement par un officier de la place
qui nous introduit dans les salons. On nous passe des rafraîchissements qui sont
les bienvenus, étant donnée la douce température des locaux. A 9 heures, nous
étions à peu près lôO Messieurs et 9 Dames, dont Ti mulâtresses, les seules admises
chez le Gourvemeur, parce qu'elles occupent dans le pays une certaine situation.
Enfin, une fois la glace rompue, la danse commence, et, vu le nombre des dan-
seuses, vous voyez d'ici leur succès. La plupart des invités dansaient entre hommes,
au son d'un piano peut-être âgé, mais que voulez-vous I On ne peut pas tout avoir.
A minuit, on nous servait un repas copieusement arrosé de Champagne, ainsi que
toute la soirée, une réception officielle ne pouvant être complète sans cette douce
liqueur. Et alors, sous le coup de l'élan que procure toujours un bon repas, nous
nous sommes remis à danser sans nous apercevoir de l'heure, si bien que nous
quittions les lieux à 5 heures 1/2 du matin, juste le temps de rentrer, se débar-
bouiller, et hue ! cocotte, au travail, car le bonhomme qui sonne la cloche ne
s'occupe guère si la veille c'était le 14 juillet, et n'ayant pas lui-même été invité à
la fête, cela ne pouvait évidemment rien lui faire.
Enfin tout est bien qui finit bien, et comme vous voyez, rien ne m'étonnerait que
l'an prochain des trains de plaisir au départ de Lille à destination de Conakry
soient mis en route à l'occasion du 14 juillet.
295
ÉPHEMERIDES DE L'ANNÉE 1898
NOVEMBRE.
/". — France. — M. Guillain est nommé Ministre des Colonies (cabinet Dupuy)
en remplacement de M. Trouillot.
3. — Egypte. — Arrivée du commandant Marchand au Caire.
Prusse. — Elections au Landtag.
Turquie. — A la suite d'un ultimatum remis à la Porte, les troupes
turques achèvent l'évacuation de la Crète (3 Novembre). Les amiraux prennent en
mains le gouvernement (4 Novembre).
5. — Soudan, — Une note officieuse annonce que le gouvernement a résolu de
ne pas maintenir à Fashoda la mission Marchand.
8. — Autriche. — Le Reichsrath rejette, par 187 voix contre 116, la demande
de mise en accusation du cabinet Thun.
iO. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Maquet : Excurm
sion dans le Valais.
ii. — Grège. — Le cabinet Zaïmis est reconstitué sur de nouvelles bases.
i5. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. E. Gallois : Voyage
en Transcaspie jusqu'à Saynarkand.
M. — État du Congo. — Les Batélélas révoltés s'emparent de Kabambaré.
i7. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. Henri Bousquet : Le
Transvaal.
Erythrée. — Le débarquement d'un détachement français sur la côte de
l'Erythrée crée un incident avec l'Italie.
20. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Meys : Ascension
au Vignemale. l'* partie.
2i. — Italie. — Convention renouant les rapports commerciaux avec la France.
24. — Madagascar. — Décret. portant réorganisation de la justice indigène.
Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M""^ Isabelle Massieu :
Dans le Haut-Laos et jusqu'à Hué.
26. — Grèce. — Les puissances annoncent au roi le choix du prince Georges
comme haut commissaire en Crète.
29. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. ]\L le marquis de Chas-
seloup-Loubat : Historique général de la navigation.
30. — Sahara. — La mission militaire Laperrine-Germain pénètre jusque dans
Insalah.
Madagascar. — Apparition de la peste à Tamatave.
Sahara. — Création d'un poste fortifié à Temassinin.
Japon. — Formation du ministère Yamagata.
Hongrie. — Séances tumultueuses à la Chambre des Députés. Conflit
entre le cabinet Bantîy et l'opposition (Novembre et Décembre).
— 2U6
FAITS ET NOUVELLES Gi:OGRAPHIQUES
I, — Géographie scientifique. — Explorations et découvertes.
AFRIQUE.
Côte d'Ivoire. — Projet de clieniiu «le 1er. — La mission Hou-^
daille, qui avait été chargée d'étudier un projet de chemin de fer do pénétration à
rintérieur de la Côte d'Ivoire, a pu réussir dans ses travaux, malgré les difficultés
rencontrées pour assurer son ravitaillement. Le capitaine Houdaille a cherché à
élaborer un tr.acé qui desservirait les quatre vallées du Bandama, de l'Agneby, de
la Aie et du Comoé. Prenant pour point de départ de ses travaux Alepé, terniinu»
de la navigation à vapeur sur le Comoé, il a établi le tracé de la voie à construire
jusqu'à Mopé, à environ 100 kilomètres vers le Nord. Ce train traverse les villages-
de Memmi et Kodioso. En outre, le prolongement de la voie ferrée a été étudié
vers Attakrou et Kong en passant par Akoupay et Arrah.
Le tracé ne présente pas de difficultés sérieuses. L'ouvrage d'art le plus impor-
tant à construire est un pont de 40 mètres au village d'Apiagni, oia se fera la tra-
versée de la rivière Mé. La rampe maxima est de 20 millimètres. Le prix de revient
kilométrique est évalué à 05,000 francs. La ligne projetée attirera vers la Côte
d'Ivoire le trafic des régions situées au Nord de la foret équatoriale qui rend très-
difficiles les transports vers le littoral.
Port de Petit-Bassam. — Prolongée jusqu'à la côte, la voie ferrée pourrait
aboutir à Petit-Bassam, où il serait facile de créer un bon port. Il suffirait pour
cela de percer la langue de sable de 800 mètres de largeur qui sépare la lagune de
la mer. Les navires pourraient ainsi déboucher dans une mer intérieure ayant les-
fonds de 16 mètres, oii ils trouveraient un abri sûr, tandis qu'à Grand-Bassam, oii
un raz de marée vient d'emporter une partie du wharf en construction, ils sont
exposés à tous les vents. A peu de distance, dans la baie d'Abidjoam, le chof-lieu
de la colonie que Ton a transféré depuis l'épidémie du Grand-Bassam, pourrait être
établi sur une colline de 35 à 40 m. d'altitude.
l'état «lu <'«»UjK'4». — TéU'jSi-ruplie. — La ligne télégraphique s'avance
chaque jour davantage dans le centre de l'Afrique congolaise. L'étude primitive de
la ligne fut décidée en 1891 et confiée à M. Seulen le 27 novembre 1893; un décret
royal décidait l'établissement d'une ligne télégraphique de Boma au lac Tanganika
par Matadi, Léopoldville, les Stiinley-Falls et le Manyéma. Les travaux furent
commencés en mars 1894, et le fil était posé jusqu'à Bosango, en face de Matadi
(48 kil.) en mai 1894. Après bien des difficultés on parvint à faire franchir le fil des
800 métrés formant la largeur du Congo, dont les rives sont élevées près de Maladif
-r- 297 -
•et on atteignit ce point en juillet 1895. On suivit ensuite la voie ferrée en construc-
tion et Tumba, terminus d'alors du chemin de fer, fut atteint en juillet 1896
(kil. 240). En août 1897, la ligne fut installée jusqu'à Kongolo, près de l'Inkissi,
puis en juillet 1898 jusqii'tà Léopoldvillc (kil. 450). Les principaux postes télégra-
phiques et téléphoniques étaient Bonia, Matadi, Tumba et Léopoldville.
En novembre 1897, on avait décidé de pousser la ligne jusqu'à l'Equateur, sur
750 kil. Le garde du génie ^lahieu fut chargé de la direction des travaux avec
M. Van Beers. La section Léopoldville-Kwamouth était reconnue en mars 1898 et
la ligne poussée en ce point en septembre (150 kil.). La traversée du Kassal
(700 mètres), dont les rives sont assez basses, sera une grosse difficulté à surmonter,
mais elle le sera comme l'a été la traversée du Congo à Matadi, et l'année 1899
verra le télégraphe unir Boma à l'Equateur (1,200 kil.). Et, dit la Belr/ique colo-
niale, les nouvelles mettront quelques minutes à franchir un territoire qu'elles
traversaient il y a deux ans encore en 45 jours !
En même temps que commençait le prolongement au delà de Léopoldville, l'in-
génieur ]\Iohun était einoyé (août 1898) à la côte orientale d'Afrique, pour poser le
télégraphe du lac Tanganika aux Stanley-Falls. La ligne partant de Toa (Albert-
A'ille), suivra la vallée de la Lukuga, longera le Lualaba et se reliera à Stanley-
ville, au télégraphe qui, de ce point, ira à Léopoldvillc. Un embranchement sera
•établi ensuite vers Radjaf, sur le Nil, reliant ainsi les postes les plus éloignés de
l'État du Congo.
Si en Europe, les lignes télégraphiques demandent une surveillance fréquente,
-en Afrique cette surveillance est encore plus nécessaire, car il faut protéger les fils
il la fois contre les indigènes, les animaux et les éléments. C'est ainsi que les
éléphants, en prenant leurs ébats, démolissent le télégraphe tout comme ils
■défoncent les routes nouvelles. Tout dernièrement, dans la région de Kwamouth,
ces animaux ont plié à angle droit des barres en acier servant de poteaux télégra-
phiques et mis hors de service le matériel d'une partie de la ligne. Aussi lie
faut-il pas s'étonner de voir souvent les communications interrompues.
Egypte. — Clieniiii fie fer «lia Cap an Caire. — II y a une
•distance d'environ 10,700 kilomètres entre le Cap et le Caire. Sur ce chiffre,
^,500 kil. sont, — ])lus ou moins — sous l'influence de l'Angleterre. Cette dernière
qui cherche à réunir, par chemin de fer, ces deux points extrêmes de l'Afrique,
exploite déjà des amorces importantes qu'elle voudrait réunir avant tout par le
télégraphe.
Au Nord, le réseau égyptien, partant d'Alexandrie, va jusqu'à Assouan. De là à
Korosko, la ligne est en projet et on se contente jusqu'ici de remonter le Nil. De
Korosko le chemin de fer reprend jusqu'à Berger et Shendy et sera poussé bientôt
jusqu'à Khartoum, à 3,200 kil. d'Alexandrie. Au Sud, du Cap à Boulouvirayo,
2,200 kil. de voie ferrée sont en pleine exploitation. 11 reste donc 5,300 kilomètres
A construire entre Boulouwayo et Khartoum.
Il sera impossible, d'ailleurs, que la ligne du Cap au Caire soit en territoire
•exclusivement britannique ; dans la partie centrale, la voie devra emprunter, soit
le territoire de l'Afrique orientale allemande, soit celui de VEtid du Congo, sur une
longueur d'environ 1,000 kil.
Cette voie ferrée, par ses embranchements déjà faits ou à faire, mettra la Médi-
terranée en communication avec l'Océan Indien et l'Océan Atlantique.
Il y aura d'abord sans doute des embranchements du Nil vers Souakim ou Mas-
saouah, sur la mer Rouge ; plus tard aussi le chemin de Djibouti à Addis-Abeba se
— 298 —
reliera certainement au Transcontinental africain, de même que les lignes en
construction de Mombassa au lac Victoria (Afrique orientale anglaise) et du lac
Tanganika à la côte de l'Afrique orientale allemande.
La ligne portugaise de Beira atteint déjà, depuis le 17 mai 1899, Fort-Salisbury,
future station du Transcontinental.
Pour aller de Paris à Madagascar, par Alexandrie, Salisbury et Beira, il ne faudra
plus guère que 10 jours.
Enfin rÉtat du Congo établira certainement plus tard une ligne de ce Transcon-
tinental à l'embouchure du Congo.
Ijibje. — Iiac!« saléM aux eaux. roug;eJ9 dau!« le détroit de
Ijibye. — Certains lacs du désert de Libye ont une coloration rouge dont on
connaissait mal la cause. Les indigènes l'attribuaient bien à un crustacé, l'Artemia
salina, qui communiquerait sa coloration rouge aux eaux; mais ce crustacé
disparaît à certaines époques de l'année , sans que les eaux cessent d'être rouges.
Un naturaliste anglais, M. Dewitz, a fait récemment des recherches sur ce sujet,
et il a pu extraire des eaux colorées une grande quantité de matière organique
rouge qu'il considère comme étant d'origine microbienne.
Les eaux des lacs rouges sont en eflfet très riches en bactéries ; et il serait inté-
ressant de vérifier si ces mêmes bactéries se trouvent dans les eaux des marais
salants, également colorées en rouge, qui existent près de Suez, entre les collines
des Bédouins et le canal. La coloration de ces eaux avait été attribuée jusqu'ici à
une petite écrevisse, qui y pullule à certaines époques.
II. — Géographie cominerciale. — Faits économiques
et statistiques.
EUROPE.
Anjsleterre. — lia valeur de la marine de guerre anglaise.
— Dans une revue anglaise de juillet dernier, M. Hurd, après avoir décrit les
principaux cuirassés, croiseurs et autres navires de guerre anglais, conclut que ces
navires représentent un capital de 2,700 millions de francs.
61 cuirassés 2.300 millions.
15 garde-côte 78 —
22 croiseurs cuirassés 283 —
119 croiseurs protégés 726 —
16 croiseurs non protégés 56 —
.35 torpilleurs 56 —
120 contre-torpilleurs 150 —
98 torpilleurs de 2« classe 50 —
489 2.700 —
,— 299 -
Ce relevé Lusse de côté les ntivires en construction ou prévus. F]n ajoutant le
total de ces navires, au nombre de 27, on arrive au chitfre global de 3.i2ô millions
de francs.
.%nsleteiTe. — li'émijsration aii|Klai<i>e, en 1898, comparée à l'émi-
gration de Tannée 1897, a subi un notable ralentissemeni; 140,030 Anglais, Ecossais
et Irlandais ont quitté leur pays natal, en 1898, à destination de l'Amérique, de
l'Australie et du Canada. En 1897, on avait compté 146,460 émigrants. Le Canada
en a reçu 27,5.^3, soit 4,884 de plus qu'en 1897.
Mais cette avance vers le Dominion est loin d'atteindre les prévisions des
agences de transport, qui escomptaient un grand mouvement d'éraigrants vers les
champs d'or du KIondyke.
RililiKie. — IjCS marelles de la Sibérie. — La Sibérie est en train
de subir une véritable transformation, tant par suite de la construction du chemin
de fer transsibérien, que par l'ouverture de plus en plus grande du marché chinois.
Les Russes ne sont pas seuls à se préoccuper des avantages à tirer de ces modifi-
cations économiques.
D'autres peuples, les Allemands en tête, se préparent activement à en profiter,
surtout dans la Sibérie orientale, favorisée par la construction du chemin de fer de
rOussouri et par l'emploi des brise-glaces, qui rendent accessible en hiver, aux
bateaux du plus fort tonnage, le port de Vladivostok. Une Compagnie s'est déjà
formée à Hambourg, dans le but de développer les relations entre l'Allemagne et
le district de l'Amour.
A Khabarovka, terminus du chemin de fer de l'Oussouri (qui part de Vladi-
vostok), si bien située au confluent de l'Amour et de l'Oussouri, la Compagnie
allemande a établi son centre d'opérations ; des agences allemandes sont installées
dans le district de l'Amour ; elles sont pourvues d'échantillons et de collections de
marchandises en vue d'échanges contre les produits locaux.
Le port de Vladivostok, à la fois commercial et militaire, est un port franc, sauf
pour les liqueurs alcooliques, le tabac, les allumettes, le pétrole, les vernis, le
sucre, la confiserie et les fruits de conserve. Vladivostok compte 16,000 Russes et
Européens, 22,000 Chinois, Coréens et Japonais et 30,000 soldats ; la plupart des
Asiatiques quittent la ville pour leur pays au commencement de la mauvaise saison
et ne reviennent qu'au printemps. Plusieurs navires américains ont transporté dans
ce port du blé du Pacifique.
Vladivostok, terminus du Transsibérien et base navale de la Russie sur le Paci-
fique et en Extrême-Orient en attendant le développement complet de Port-Arthur,
sur le golfe de Petchili, a vu entrer dans son port, en 1897, 244 vaisseaux, jaugeant
287,268 tonnes. En 1898, le nouveau brise-glaces a réussi à maintenir libre, en
janvier et février, l'accès de la rade. Sur le total de 1897, 84 bateaux étaient alle-
mands avec un tonnage de 69,515 t., dépassé seulement par le pavillon russe
(56 vapeurs et 97,125 t.), et grâce aux bateaux subventionnés par le gouvernement
russe. Le Japon est représenté dans ce port par 45 vaisseaux (48,800 t.), l'Angle-
terre par 22 bateaux (34,444 t.), la Norvège par 29 bateaux (28,132 t.), etc. Sur le
total des navires entrés à Vladivostok, 144 steamers (131,791 t.) venaient de Chine
et du Japon.
Le port de Nicolaievsk, près de l'embouchure de l'Amour, en face l'île Sakhaline,
a reçu, en 1897, 67 navires de 49,701 tonnes.
— 300 —
L'extension du commerce allemand en Sibérie a été telle depuis quelques années
quL' 30 " 0 déjà du commerce de la Sibérie reviennent à rAllemagne. La Russie
elle-même n'en a fourni que 25 " „ et l'Angleterre, ainsi que le Japon, 13 "p chaque;
la Chine a une part de 12 " „ dans le commerce sibérien, dans lequel les Fltats-Unis
n'entrent que pour !î " <,.
Le port chinois de Newchang, sur le golfe de Liao-Toung, acquerra une grande
importance par suite de la voie ferrée qui doit y aboutir comme embranchement du
Transmandchourien. L'avancement des travaux de cette dernière ligne est rapide;
un syndicat belge a déjà obtenu des Russes le monopole des restaurants et hôtels
à établir sur le parcours du futur chemin de fer. Une seule maison américaine a
établi une succursale à Newchang.
La Sibérie orientale abonde en gisements d'or ; de nombreuses concessions ont
été accordées à des syndicats allemands, belges, français, etc. Des 44,061 kil. d'or
extraits de Sibérie, i^"),000 au moins viennent de la Sibérie orientale. Les filons les
plus riches sont ceux du district de Blagoweschtschensk. Il y a environ 450 mines
exploitées en Sibérie, mais les procédés sont encore très primitifs.
L'argent, le plomb, le cuivre, le fer, le charbon, ont été constatés en grandes
quantités le long du Transsibérien. Les gisements houillers de Kuznezk, dans le
gouvernement de Tonsk, ont 27,000 milles carrés et renferment les mines très
riches de Koltschouginsk ; on y trouve aussi beaucoup d'anthracite. Les autres
bassins houillers les plus notables sont ceux de Karagandinsk et de Kautcheku.
Le gouvernement russe a exempté de tout droit, jusqu'en 1909, les machines et
pièces de machines destinées à l'exploitation des mines. Cette mesure va provoquer
l'établissement de nombreuses machines dans les provinces de Jenessei, Irkoutsk,
Jakoutsk et dans la Transbaï-Kalic et l'Amour.
Les machines agricoles sont susceptibles aussi de se répandre beaucoup en
Sibérie, oii la zone agricole embrasse 825,000 kilomètres carrés. L'émigration s'ac-
croit sans cesse et, en 1897, plus de 100,000 colons russes sont arrivés en Sibérie ;
ce mouvement, grandement encouragé par le gouvernement, a pris une extension
encore plus grande en 1898, à tel point qu'il a fallu l'endiguer et le modérer.
Il existe en Sibérie 28 villes seulement ayant plus de 5,000 habitants. Les plus
importantes sont Irkoutsk, sur le lac Baïkal (56,000 hab.) oii aboutit le Transsi-
bérien. Tomsk (60,000 hab.) et Omsk (62,000 hab.). Les autres villes à signaler
sont : Tobolsk (2.5,000 hab.j, Semipalatinsk (30,000 hab.), Tcheliabinsk (14,000 h.),
Krasnoiarsk (30,000 h.), etc.
Toutes ces villes et bien d'autres verront rapidement s'accroître leur trafic et
leur population, par suite des nouveaux facteurs qui vont, à la suiia du Transsi-
bérien, concourir à leur prospérité.
ASIE.
Cliiuc. — Coniniercc en 1S9S. — D'après le rapport des Douanes
chinoises, le commerce extérieur de la Chine, qui était de 87,472,000 taëls aux
importations et de 77,000 t. aux exportations en 1886, a été de 209,500 t. aux impor-
tations et de 159,000 taëls Haïkouan H) aux exportations en iS98. Par rapporta
(1) Le taèl Haikouun valait 3 fr. 041 on moyenne en 181)8.
-^ :m -
1897, cette dernière année accuse une augmentation de 7 millions de taëls aux
importations, et une diminution de 3 millions 1/2 de t. aux exportations. L'augmen-
tation des importations porte surtout sur l'opium, la houille, le coton brut, l'huile
de pétrole, la farine et le sucre. La baisse des exportations porte surtout sur la
soie et le thé. Les recettes douanières, qui n'étaient que de 15,006 taëls en 1886,
ont été de 22,500 t. en 1898.
Le mouvement de la navigation de ou pour les pays d'outremer et les côtes se
chiffre par 52,r)()l navires jaugeant 34,23;3,000 tonnes en 1898 contre 21,755,000 t. en
1886. Le pavillon britannique à lui seul, figure pour 3,440 navires à l'entrée et
20,266,000 tonnes en tout, soit 62 1/2 % du total ; le pavillon chinois représente
23,92 "„ du total ; le pavillon allemand 4,92 ; le pavillon japonais 4,58 ; le pavillon
suédois-norvégien 1,29; le pavillon français 1,23 % (420,000 tonnes), etc.
Au point de vue des importations, le premier rang appartient à l'Angleterre qui,
avec ses diverses colonies, introduit pour 156,125,000 taëls en Chine (dont
34,962,000 t. d'Angleterre seule et 97.214,000 t. de Hong-Kong). Ce chiffre repré-
sente les .3/4 du mouvement total, mais il ne faut pas oublier que ces produits, s'ils
sont importés sous pavillon anglais, ne sont pas tous, il s'en faut, de provenance
britannique. Le Japon vient ensuite avec 27,376,000 t. Puis viennent les Etats-Unis
(17,163,000 t.), Macao (3,347,000 t.), la Russie (1,754,000 t.), Java et Sumatra
(l,445,0t)0 t.). L'Europe entière (sauf la Russie) a fourni 9,397,200 t. etTlndo-Chine
française 023,000 t. Quant à la part de la France proprement dite, elle n'est pas
indiquée et figure sans doute sous la rubrique : continent européen.
Les exportations chinoises ont été dirigées surtout, en 1898, sur les pays britan-
niques (77,540,000 taëls, dont 10,715.000 à destination de l'Angleterre, et 62,083,000 1.
de Hong-Kong). Ici la part de l'Angleterre ne représente plus que la moitié au lieu
des 3/4 figurant aux importations. Viennent ensuite : la Russie (17,796,000 t.), le
Japon (•1(),092,000 t.), les PÎtats-Unis (11,986,000 t ), Macao (5,381,000 t.), l'Indo-
Chine française (781,000 t.), Java et Sumatra (.347,000 t.).
L'Europe (sauf la Russie) a reçu pour 25,920,000 t. de produits chinois.
Pas plus qu'aux importations, la part de la France n'est indiquée ici nomina-
tivement.
Indo-Cliiue. — Riiiue»i «le Dt»tfainl»aiig'. — La ville de Battam-
bang, en 1886, paraissait avoir le plus bel avenir. Grâce à sa situation près du lac
Tonlé Sap. cette ville était l'entrepôt du grand commerce du riz et du poisson sec
que cette région cambodgienne du Siam faisait avec le Cambodge et la Cochinchine.
Des files de jonques transportaient là les produits siamois que les vapeurs de
Saigon emportaient. De véritables montagnes de Paddy, dit M. E. Jammes dans le
courrier de Saigon, attendaient leur tour d'embarquement, tant il y avait d'encom-
brement. C'était une ère de prospérité inouïe. Malheureusement, les tarifs et les
arrêtés ont tué ce trafic. « Les marchands de Battambang, dégoiJtés de trafiquer
avec les ports français, harcelés par une infinité de formalités douanières ont pré-
féré tourner leurs regards vers Bangkok. »
Se voyant fermer la voie fluviale, les Chinois et les Cambodgiens ont organisé le
trafic par la voie terrestre et tous les mois, 200 ou 300 voitures à bœufs et des
caravanes d'éléphants partent de Battambang vers Bangkok, oii il n'y a aucune
formalité à craindre.
A Pnompenh, au contraire, il fallait s'arrêter à la douane qui prenait parfois
3 jours pour délivrer les papiers ; puis, c'était l'émigration qui réclamait ses forma-
lités, enfin la police et le service du port, etc. ; tout cela découragea les Cambod-
giens et Battambang est devenue ville morte. Cet exemple scrvira-t-il ?
- :m —
Cliiuc. — ClicmiiiK de fer. — Un accord a été signé entre la France et
la Chine fjour la construction de la ligne de Lang-Tchéou à Nanning-Fou. Le gou-
vernement chinois contribuera à la dépense pour une somme de 3,100,000 taëls.
Les travaux devront être terminés en 3 années et seuls des ingénieurs français et
un matériel français devront être employés. Cette ligne est le prolongement à
l'intérieur du Kouang-Si de la ligne de Langson. Son hut est de contrehalancer les
effets que produira l'ouverture du Sikiang à la navigation et d'attirersur le Tonkin
une partie du courant commercial de la province.
D'autre part on signale la constitution à Laokaï d'une commission nommée pour
régler, avec les autorités chinoises du Yunnan, les questions soulevées par la
construction de la voie ferrée de Laokaï à Yunnan-Sen.
Cette mesure est une des conséquences du voyage que M. Douraer, gouverneur-
général de l'Indo-Ghine a effectué à Yunnan-Sen au mois de juin dernier. Elle a
pour but de faciliter la tâche de la mission d'ingénieurs envoyée par un groupe
d'établissements français pour la construction du chemin de fer du Yunnan. Cette
constitution n'était point superflue pour résoudre les difficultés que les Chinois
savent si habilement faire naître, et venait à point après des troubles comme ceux
qui ont amené la destruction du consulat français à Mongtsé.
Tonkiu. — ]%atalité et mortalité à Hanoï. — Le relevé des
actes d'état civil de Hanoï depuis 1883 jusqu'au 30 juin 1899, vient d'être établi
pour la population européenne ; il est fort instructif. En 1883 et 1884, il n'y eut ni
mariage ni naissance, mais 29 et 276 décès. C'étaient les débuts de la conquête. En
1886, la paix est faite avec la Chine et le mouvement de la population devient plus
normal ; on compte 2 naissances, 5 mariages et 14 décès. En 1890, on relève
14 naissances, 2 mariages et 94 décès ; en 1895, 25 naissances, 5 mariages et 72
décès. Voici enfin, les chiffres des trois dernières années qui semblent indiquer un
état à peu près régulier :
1896
1897
1898
Pour le l'"" semestre de 1899 on compte 33 naissances, 5 mariages et 26 décès.
On voit par ce tableau la progression de la population européenne de la capitale
du Tonkin et la diminution progressive de la mortalité. Pour cette dernière, de
nombreux cas sont applicables à des militaires évacués des ambulances du haut
Tonkin sur Hanoï.
Ija |>i*o|ia$faii(le commerciale au Japon. — Le IMinistrc de
France à Tokio signale l'existence de journaux spéciaux allemands et américains
destinés h propager an Japon les produits de l'industrie de ces deux pays. Ces
journaux très habilement rédigés publient des articles de toute nature relatifs au
•lapon et des annonces-réclames traduites en japonais et illustrées de nombreuses
reproductions de machines ou de travaux exécutés par des maisons allemandes et
américaines. Notre reprércntant, en faisant ressortir l'activité et le sens pratique
avec lequel les Allemands et les Américains travaillent à conquérir les marchés
d'Extrême-Orient, signale l'intérêt qu'il y aurait pour nos exportations à imiter
22 naissances.
— 7 mariages.
— 107 décès.
48 id.
— 8 id.
- 77 id.
61 id.
— 5 id.
— 57 id.
. - 303 -
les procédés de publicité commerciale qu'emploient leurs concurrents avec un
succès marqué.
Il rappelle que la Légation de France à Tokio est toute disposée à prêter son
bon concours pour la rédaction et la préparation typographique des annonces en
caractères japonais. De son côté, l'Office national du commerce extérieur centra-
lisera volontiers les adhésions et, si le nombre en est suffisant, mettra en rapport
les intéressés pour faciliter la tâche dont il s'agit.
Birmanie. — Coiiimerce en 1 89'3'-»8. — Le commerce de la Bir-
manie avec les pays limitrophes, c'est-à-dire celui qui se fait par voie de terre, a
été en 1897-98, de 28,877,000 roupies, contre 26,824,000 r. en 1896-97. Les impor-
tations figurent dans cet ensemble pour 15,660,800 roupies et les exportations pour
13,216,200 r. Le commerce avec la Chine occidentale a baissé, tandis que celui des
États Shans et le Siam a progressé.
Le commerce de la Birmanie avec la Chine occidentale s'effectue surtout par la
« route d'Or » ou voie de Bhamo, un trafic se fait aussi avec la Chine par les
États Shans, mais on ne peut l'évaluer, car il n'y a aucun bureau d'enregistrement.
En 1897-1898, la Birmanie a importé en Chine, par Bhamo, pour 1,478,500 roupies
et la Chine a exporté en Birmanie pour 2,090,800 r. Il y a, sur l'année précédente,
une diminution de près de 10 "V
Le commerce de la Birmanie avec les États Shans du Nord, qui a été de
3,657,200 r. aux importations et de 2,772,700 r. aux exportations, a augmenté de
22 ° 0- Avec les États Shans du Sud, le mouvement a été de 4,936,000 r. aux impor-
tations et do 4,623,500 r. aux exportations.
Le Siam fournit beaucoup de bétail à la Birmanie, qui lui envoie surtout des
tissus de coton. Pour 1897-98, les importations du Siam en Birmanie ont été de
1,318,000 roupies et les exportations de 1,127,500 r.
Le Chieng-Maï envoie presque tout son bois de teck en Birmanie ; les impor-
tations de cette région dans ce dernier pays ont été de 2,888,000 roupies et les
exportations de 1,603,000 r. en 1897-98.
La Karonnie envoie en Birmanie du bois de teck ou cachou, et divers autres pro-
duits pour 1,582,700 roupies et reçoit pour 1,099,200 r. de tissus, du riz, etc.
Comme on voit, le commerce par terre de la Birmanie n'est pas très développé.
La raison en est aux barrières de hautes montagnes qui rendent des plus pénibles
l'accès de la Chine méridionale et à l'absence de voies de communications du côté
du Siam. Vis-à-vis de ce dernier pays, l'obstacle pourra être plus facilement sup-
primé, car la nature n'y est pas tourmentée comme du côté du Yunnan.
A inU 0 U E
Tunl!«ie. — C'Incniius de l*cr. — La Chambre mixte du Sud a émis le
vœu de voir le chemin de fer de Gafsa se prolonger vers les chotts. La ligne à
construire, entre Metlaoui (près Gafsa) et Tozeur, n'aurait que 55 kil. Elle offre
tous les avantages d'une ligne de pénétration et peut être considérée comme
l'amorce d'une future ligne de Nefta au Souf. VÀ\q drainerait la production de la
région du Djerid et y introduirait en échange les marchandises tunisiennes, ce qui
amènerait au Djerid, au Nefzaoua et au Souf de nombreuses caravanes de
l'extrême Sud.
- :m -
DÉFENSE DES CÔTES. — M. de Montureux a publié dans la Quinzaine coloniale
une étude sur celte question que nous résumons ici.
Les côtes algériennes, grâce à leurs escarpements, sont difficilement accessibles
à l'ennemi. Les côtes tunisiennes, au contraire, avec leurs plages sablonneuses,
ont besoin d'èfre protégées. De Tabarka à Bizerte, la côte est rocheuse el inabor-
dable ; de Bizerte à Tunis et de là au cap Bon. elle s'abaisse, mais reste protégée
par Bizerte et par plusieurs batteries. A partir du cap Bon, la côte est absolument
découverte et pourtant les points de mouillage se multiplient. A Hammamet,
notamment, s'ouvre une large baie abritée des vents N.-O. par les hauteurs du cap
Bon. Un débarquement à Hammamet ou au cap Bon rendrait l'ennemi maître de la
seule voie ferrée qui relie le Nord et le Sud de la Tunisie.
Pour interdire l'accès de la Tunisie, du côté de l'Est, il faudrait mettre en état
de défense un point de massif qui domine Fondouk.-Djedid et y établir une troupe
capable do protéger la cote avoisinante. Un ennemi venant d'Hammamet ou du
cap Bon est forcé, pour marcher vers Tunis, de passer par Fondouk-Djedid ou par
le défilé du Khanguet situé à 4 kil. en arrière. Le massif montagneux qui sépare
Fondouk-Djedid du défilé du Khanguet est très élroit et réunit toutes les conditions
d'une excellente position stratégique. Les Romains y avaient construit des forte-
resses dont on retrouve les ruines. Il faudrait donc créer là, comme on a fait à
l'Authion, près de Nice, des plates-formes poup l'artillerie, des chemins d'accès et
le casernement pour un bataillon d'infanterie et une batterie d'artillerie,
La dépense ne serait pas très élevée, la pierre et la chaux se trouvant sur place.
Si l'on prolongeait, jusqu'à Kelibia, la ligne du cap Bon qui va déjà de Fondouk-
Djedid à Menzel, la Tunisie n'aurait plus à craindre un coup de main, le point de
Fondouk-Djedid paraît donc bien préférable à celui do Bir-Bou-Rekba, où l'on a
proposé d'établir un poste défensif.
Mais pour pouvoir défendre efficacement la Régence contre toute attaque du
dehors, il faudrait lui envoyer des troupes et non en retirer.
Quinée l'raiiçHÎ^e. — C'Iieniin de fer. — Les études du chemin de
fer de Konakry au Niger sont aujourd'hui complètement terminées et la colonie
s'est mise en mesure de commencer les travaux.
A la suite des deux missions du capitaine du génie Salesses, les grandes lignes
du tracé étaient nettement déterminées. Il restait cependant quelques points secon-
daires à examiner, c'est ce qui vient d'être fait dans la dernière campagne. En
outre, deux variantes du tracé primitif ont été étudiées : l'une par le haut
Konkouré, entre Friguiabé et les sources du fleuve ; l'autre, entre le Tinkisso et
Kouroussa, par le gros centre commercial de Banko. On a étudié de plus le
raccord éventuel de Timbo et du Nord du Fouta-Djallon avec la ligne principale.
Ces études complémentaires ont été faites par M. Xaudé, adjoint du génie, qui
faisait partie de la dernière mission Salesse. Secondé par l'adjudant Nicolas et les
sergents Dubusse et Vandamme, il a mené à bien la tâche qui lui avait été confiée
par M. Ballay, gouverneur de la Guinée française. Le Bulletin du Comité de
l'Afrique française nous apprend que le relevé rapporté par M. Naudé comporte
450 kilomètres au 1/0,000, se décomposant ainsi : 60 kil. de petites améliorations ;
200 pour la variante de Konkouré ; 30 pour l'embranchement de Timbo ; 170 pour
la variante de Kouroussa. Ajoutons que la variante du Konkouré a déjà été adoptée
définitivement.
Le tracé adopté, il fallait songer aux moyens d'exécution. A la suite des
démarches faites par M. Ballay, qui est en quelque sorte le créateur de la Guinée
. — 303 —
française, la caisse nationale des retraites a consenti à cette colonie un emprunt
de 8 millions de francs, dont ramortissement est assuré et les intérêts payés à Taide
des revenus ordinaires de la Guinée. Cet emprunt, destiné à l'ouverture des tra-
vaux a été approuvé, après avis conforme du Conseil d'Etat, par décret du 14 août
1899. En présence des progrès accomplis par le chemin de fer de Sierra-Leone, il
est à désirer que l'avance acquise par les Anglais soit promptement regagnée.
Tripolitaiue. — l'uni incrcc avec le Soudan. — Nous avons
déjà signalé que le commerce caravanier entre Tripoli et le Soudan, à travers le
Sahara, était en baisse considérable. Ce trafic a encore continué de s'abaisser, tant
par suite de l'état troublé de certains pays soudanais, qu'à cause de l'ouverture de
nouvelles voies de pénétration concurrentes.
En 1889, les échanges de "Tripoli avec le centre africain étaient estimés à
8,500,000 fr. ; ils sont tombés à 7 millions en 1895, à 5,700,000 fr. en 1896 et à
3,590,000 fr. en 1897. Pour cette dernière année, les importations au Soudan ne
sont plus que de l,k!yO,000 fr., dont 650,000 fr. de cotonnades anglaises, 160,000 fr.
de bourrettes de France et d'Italie, 110,000 fr. de sucres et 75,000 fr. d'iillumcltes
de Bohème. Les exportations ne sont que de 2,300,000 fr., dont 1,250,000 fr. de
plumes d'autruches, 850,000 fr. de peaux de chèvres tannées et 200,000 fr. d'ivoire.
Par suite de cette décadence commerciale, le port de Tripoli n'a reçu en 1897
que .58 vapeurs anglais (jaugeant 50,000 tonnes) contre 86 navires anglais (jaugeant
59,130 tonnes en 1896). En 1897, Tripoli a reçu au total .5!)9 navires jaugeant
210,500 tonnes, dont 94,417 t. italiennes et 41,230 t. françaises.
11 semble difficile que le commerce de Tripoli avec le Soudan puisse se relever
de longtemps de la décadence dans laquelle il est tombé. En effet, les trois puis-
sances dont les sphères d'intiuence touchent au Tchad feront tous leurs efforts
pour retenir le trafic sur leur territoire et les Anglais attireront vers le Nil le
commerce de Darfour, Kordofan, etc Seuls, les sultans indépendants, comme
Rabah, ont encore avantage à préférer la voie de Tripoli à cause du trafic des
esclaves et des armes à feu.
A M K U I nUK.
Étati^'-L'iiiji». — to m mer ce eu 18î>8. — Les exportations américaines
ont atteint, en 18î'8, le total de 6,275 millions de francs contre 5,500 millions en
1897. Les principaux produits exportés sont le pétrole (19!) millions), le cuivre
(174), les cotonnades (98), les voitures et wagons (52), etc. Les pays qui ont le plus
acheté aux États-Unis sont l'Angleterre (2,693 millions) , l'Allemagne (819) , le
Canada (452), la France (400), la Hollande (.364), la Belgique (2.33), l'Italie (12.3), le
Mexique (11.5), le Japon (99 millions), etc.
Les importations en Amérique n'ont été, par contre, que de 3,175 millions de
francs en 1898, soit presque la moitié seulement des exportations. Cette balance
commerciale est donc à l'avantage considérable des Américains. Les pays qui ont
le plus vendu aux États-Unis sont l'Angleterre (556 millions;, l'Allemagne (388), la
France (279), le Canada (152), le Japon (116), l'Italie (110), le Mexique (112), etc.
■On remarquera que tous les pays ci-dessus ont acheté beaucoup plus aux Etats-
- 306 -
Unis qu'ils ne leur ont vendu de marchandises; exception doit cependant être faite
pour un seul : le Japon.
KtatK-UniN. — Chicag;o port de mer. — Le projet de création d'un
grand canal maritime entre les Grands Lacs et TOcéan Atlantique commence à
prendre corps sérieusement, et nous ne serions pas étonnés, vu le prodigieux
esprit d'initiative des Américains pour les œuvres utiles, qu'on passât bientôt à la
réalisation.
Un grand pas vient d'être fait à cet égard, M. H. Mérou, Consul de France à
Chicago, nous apprend en etï'et, que la commission officielle d'études nommée en
1895, par le gouvernement fédéral, vient de terminer ses travaux, dont la dépense
s'élève à 465,000 dollars. Les trois ingénieurs composant cette commission sont
unanimes à déclarer le grand canal « une entreprise pratique et réalisable ». On
pense que la dépense atteindra un milliard de francs ; mais ce chiffre n'est pas fait
pour effrayer les Yankees. Les résultats économiques seraient d'ailleurs bien autre-
ment importants, si l'on considère que le canal profiterait à toutes les villes du
littoral des Grands Lacs et surtout que Chicago deviendrait, par ce fait, le plus
grand port de mer des États-Unis. Les hommes d'affaires de New-York sont eux-
mêmes favorables au projet ; ils verraient dans sa réalisation le moyen de main-
tenir la suprématie actuelle de leur cité comme port d'exportation. New-York est
en effet fortement battu en brèche par les ports du Sud de l'Union sur l'Atlantique
et le golfe du Mexique : cette situation changerait à son avantage le jour où il
deviendrait le point de départ et d'arrivée du canal maritime des Grands Lacs.
Canada. — Train rapide. — La Compagnie du Pacifique inaugure un
service rapide permettant de traverser le continent en 100 heures et gagnant près
d'un jour sur le trajet New-Yorh-San-Francisco. h'Imperial Limited Mail, — c'est
le nom donné an nouveau train, — part de Montréal tous les jours, même le
dimanche, à 9 h. 30 du matin, pour arriver à Vancouver dans la soirée du qua-
trième jour suivant, vers 6 heures. Le train de retour est tracé à une marche encore
plus rapide et franchit en 98 heures seulement les 4,850 kilomètres qui séparent
l'Océan Pacifique de l'Océan Atlantique. Son allnre se maintient par conséquent
à 50 kil. à l'heure sur cet immense parcours, et la vitesse moyenne de marche
atteint 70 kilomètres.
C'est un peu exagérer, fait remarquer La Presse, de Montréal, de dire que le
« train Empire » du Pacifique traverse le continent en 100 heures. C'est de Van-
couver à Montréal que se fait cette course de 100 heures. Or, de Montréal pour
aller à l'Atlantique, c'est-à-dire à Halifax, il y a encore 750 milles. 11 y a de Mon-
tréal à Winnipeg, 1,414 milles et de Winnipeg à Vancouver 2,906 milles, soit en
tout 4,430 milles.
C-est donc une moyenne de 45 milles (72 kil.) à l'heure que le train Empire va
parcourir, en faisant la course de Montréal à Vancouver, en 100 heures. Et cela en
prenant en considération qu'il y a 4 heures de différence entre l'heure de Montréal
et l'heure de Vancouver.
Cruyane liollaiidaiwe. — Population. — La Guyane hollandaise a
une surface de 16 millions d'hectares, dont 25 "'„ appartiennent à des Sociétés
agricoles, à des particuliers ou h des églises. Le reste est peu connu on affermé à
des industries minières.
— 307 —
Le recensement de mai 1898 a ronstaté la présence dans la colonie de 64,400
habitants, dont 7,000 nègres, Bush et Indiens et 700 Européens blancs. Paramaribo
com;'rend 30,560 habitants. Les districts sont peuplés surtout de Javanais. La
garnison de la colonie comprend 400 soldats et 100 marins ; il y a 200 prisonniers ;
ces chiffres ne sont pas compris dans ceux du recensement.
Ma;a;ellan. — Une ville nouvelle au bout du monde. — Il
s'agit de Punta-Arenas, dans le territoire de Magellan, à l'extrême Sud américain.
11 y a quelques années, Punta-Arenas n'était qu'un petit village avec quelques
pauvres maisons ; à présent il est en train de devenir une grande ville avec des
édifices splendides, de larges rues éclairées à Télectricité et d'un aspect florissant.
En outre des constructions spacieuses où sont installées les administrations
publiques et les clubs des diverses nationalités, on y a bâti récemment un grand et
élégant théâtre dans le genre de ceux de Santiago et de Valparaiso. Cette ville fait
un grand commerce de laines et peaux et de viandes salées. On estime que dans
le district environnant on élève de 60 à 100,000 têtes de bétail, de la valeur de
30 schillings à 2 livres par tête. Déjà plusieurs lignes européennes de steamers
font escale à Punta-Arenas et le gouvernement chilien va établir un service régu-
lier entre ce port et Valparaison. Ce point éloigné mérite d'attirer l'attention des
négociants européens. .Jusqu'à présent, ce sont les Allemands qui occupent la
première place dans le commerce. Le Seli's Commercial Intelligence nous
apprend que même les fonctions de vice-consul anglais sont remplies à Punta-
Arenas par un Allemand.
OGEANIE.
Mouvellew-Hébrldes. — Situation. — Depuis trois ans , un centre
français s'est créé dans l'île d'Api, oii il n'y avait jusqu'alors qu'un seul colon.
Aujourd'hui 2.5 personnes, réparties entre 10 exploitations agricoles, sont parvenues
à se grouper autour de l'agence créée par la Société française des Nouvelles-
Hébrides. Ces colons ont donné à ce nouveau centre le nom de Mereetville.
Un dénombrement récent a prouvé que l'élémeut français déjà supérieur, il y a
cinq ans, à l'élément anglais, s'était encore accru en nombre et en intérêts. Aussi
les Anglais suscitent-ils aux colons français des obstacles de toute nature eh exci-
tant contre eux l'animosité des indigènes. C'est ainsi, dit la Quinzaine coloniale,
que les Canaques d'Api, poussés par le missionnaire anglais Frazer, ont tenté
d'empêcher un colon de prendre possession d'un terrain qui lui avait été concédé.
Antérieurement, les indigènes avaient tenté d'empoisonner, à Port-Sandwich, un
employé de la Société française. Une autre fois, un missionnaire français a failli
être victime d'une semblable tentative. L'école de teachers de Spiritu-Santo envoie
chaque année dans l'archipel des prédicants canaques dont le but est surtout de
faire du tort aux colons français. A Port-Sandwich, le missionnaire anglais Leggat
débauche continuellement les indigènes travaillant sur les exploitations françaises.
On voit par là quelle est l'œuvre de paix qu'accomplissent les missionnaires bri-
tanniques chaque fois qu'ils se trouvent en présence d'une entreprise française.
C'est en vain que les colons s'adressent au commandant de la station locale
française pour être protégés. Celui-ci se déclare impuissant ; il a les mains liées,
- 308 -
le règlement de la Commission mixte franco-anglaise qui régit les Nouvelles-
Héhrides, interdisant aux navires de guerre toute intervention à terre. Qu'en est-il
résulté ? C'est que les colons ont résolu de se défendre eux-mêmes. A Api, ils ont
brûlé les cases des indigènes qui s'étaient installés sur le terrain concédé à un
Français à l'instigation du missionnaire anglais Frazer. Cette exécution était néces-
saire et se renouvellera chaque fois qu'il le faudra.
m. — Généralités.
KiuiKti'CM iiiaritiiiieK en 189?^. — La statistique des naufrages de
1898 vient d'être publiée par le Lloyd's Regis'cr.
Dans le cours de cette année, .332 vapeurs, d'un tonnage total de 463,241 tonneaux
et 819 voiliers, d'un tonnage de 357,484 tonneaux, se sont perdus.
Voici d'ailleurs les chiffres concernant quelques pavillons :
Vapeurs. \oiliers.
Anglais 159 78
Américains 14 172
Français 24 38
Allemand 25 41
Norvégien 16 180
Russe 3 39
Suédois 9 76
Espagnol 12 6
Italien 0 50
Les pertes les plus sérieuses, relativement au tonnage de la flotte, ont été
subies : pour les vapeurs, par l'Espagne, qui a perdu plus des cinq centièmes de sa
flotte :• et pour les voiliers, par la Suède , qui a perdu presque le dixième de sa
flotte.
Four la France, le pourcentage a été de 4,07 (vapeurs) et de 6,48 (voiliers)
Pour les Faits et Nouvelles yéotjraphiques :
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL,
LE SECRET.^IRE-GÉNÉRAL ADJOINT , A. MERGHIER.
QUARRÉ - REYBOURBON.
Lille imp.LDanel.
- 309 —
La Société de Géographie de Lille vient d'être frappée
cruellement : la mort lui a ravi son Président si aimé et si
vénéré, M. Paul Crepy,
Paul Crepy était plus qu'un Président ordinaire, il était le
fondateur de notre Société, il l'avait faite sienne, il en était
l'àme.
Dans les débuts toujours difficiles d'une jeune Société, il
paya largement de sa personne, de son influence, de sa bourse.
Il était partout, il entraînait les bonnes volontés hésitantes, et
quand venait l'heure du règlement des comptes, si l'on avait
marché un peu trop vile, on apprenait qu'un généreux anonyme
aplanissait toute difficulté, et on n'était pas autrement surpris.
Aussi la Société de Géographie de Lille ne tarda pas à
prendre un développement inouï. En 1892, devançant les inou-
bliables fêtes du 8 Octobre, elle convia les représentants de
toutes les Sociétés de Géographie françaises en un Congrès
où Paul Crepy montra toutes ses qualités de bienveillance et
de générosité, comme aussi toute son affection pour SA Société.
Ce fut comme une apothéose. — Un moment notre cher
Président songea à la retraite, nos instances le firent revenir
sur cette détermination.
Et nous le vîmes de nouveau se consacrer corps et âme à la
Société de Géographie de Lille ; acquérir une légitime autorité
dans le monde des géographes et des explorateurs, nous amener
par son influence personnelle une légion de conférenciers
remarquables. Avec quel tact et quel à-propos il présidait nos
séances, il est inutile de le rappeler.
Nous espérions le voir mener à bonne fin l'œuvre de notre
exposition en 1900. Cette espérance est brutalement déçue.
21
- 310 -
L'auteur de ces lignes garde précieusement un billet écrit
de la main du Président, quelques heures à peine avant l'évé-
nement fatal : comme un soldat, Paul Crepy est tombé sur la
brèche.
Il ne faut pas que son œuvre périsse.
Sur sa tombe entrouverte nous avons entendu notre Vice-
Président, M. Nicolle, rappeler d'une voix émue « l'affection
et le respect » que la Société de Géographie « lui a voués
pendant sa vie et qu'elle gardera fidèlement dans l'avenir,
comme à son initiateur dans la voie qu'elle continuera de
suivre. »
C'est un engagement que nous tiendrons à honneur de
remplir.
A. M.
< ■ 'I- ■ >
•^ 311 -
LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE GÉOGRAPHIE DE BERLIN
Le Programme.
Le programme du 7" Congrès international de Géographie, réuni à
Berlin du jeudi 28 Septembre au mercredi 4 Octobre 1899, a été
distribué à un assez grand nombre de membres de la Société de Géo-
graphie de Lille ; ils ont pu y voir sous quels hauts patronages s'étaient
placées ces assises géographiques, succédant à celles de Londres en
1895 ; elles avaient pour Protecteur, son Altesse Royale le prince
Albrecht de Prusse, Régent du duché de Brunswiciv, et pour Prési-
dents, Vice-Présidents et Membres d'honneur les sommités royales,
princières, diplomatiques, géographiques et savantes de l'Europe et de
l'Amérique.
Dès le 19 Septembre, des voyages d'étude sur les bords du Rhin et
de la Moselle, dans les Vosges, en Thuringe, en Prusse, étaient
organisés en six groupes, chacun sous la conduite de savants Pro-
fesseurs.
Après le Congrès, les 5 et 6 Octobre, le Sénat et la Société de Géo-
graphie de Hambourg invitaient une partie des membres du Congrès,
parmi lesquels presque tous les étrangers, h une visite de cette ville.
Et du 7 au 11 Octobre, un voyage d'étude encore était projeté dans
les plaines de formation glaciaire de l'Allemagne du Nord , sur
lesquelles un savant rapport devait préalablement être fait au Congrès
par M. le Professeur D"" Wahnschaffe de Berlin, le principal dii-ecteur
de cette excursion.
RÉCEPTION A Cologne.
Enfin la Société de Géographie de Cologne, voulant accueillir dès
leur entrée sur le sol germanique les étrangers qui se rendraient à
Berlin, leur avait adressé une gracieuse invitation pour la soirée du
mardi 26 Septembre. Quinze membres du Congrès, trois Français,
huit Anglais, un Autrichien, un Suisse, un Belge et un Italien s'y
- 312 —
étaient rendus. M. le Président , M. le Secrétaire , le Professeur
D"" Blind, et de nombreux membres de la Société de Géographie de
Cologne se trouvaient réunis pour les recevoir dans une des salles du
Casino civil de Cologne. M. le Président, au début de cette réunion,
dans un aimable discours, nous souhaitait la bienvenue, nous faisait
l'histoire de la Société de Cologne par un exposé nourri de faits et
exprimait cette pensée, qui depuis nous a semblé l'esprit même du
Congrès de Berlin, que la science géographique explorant la terre
était faite pour en rapprocher les habitants.
La parole passait ensuite à M. Enrico Frassi de Milan pour nous
décrire son ingénieux système de fuseaux horaires, dont le but est :
1" D'indiquer sur un tableau synoptique par des dessins et des signes
imprimés en couleurs les écarts d'heure des différentes nations du
globe avec le premier fuseau ; 2° De construire des horloges dont une
partie centrale se mouvant avec l'aiguille des heures indiquerait à
chaque instant l'heure de chacune de ces nations. Cette communication
devait être reproduite plus tard à Berlin.
La soirée s'acheva dans un banquet oîi nos hôtes, encadrant les
étrangers, nous firent fête et nous entretinrent très agréablement
jusqu'à une heure assez avancée. Au moment des toasts, M. le Prési-
dent, puis M. Georg Kiippers-Loosen, explorateur, nous exprimèrent
on ne peut mieux leurs sentiments hospitaliers; à leurs compliments
répondirent d'abord sir John Murray au nom des Anglais, puis M. le
Professeur Forel de Morges (Suisse) parlant pour les nations de langue
romane et nous comprenant ainsi dans la cordialité de remercîments
bien dus aux attentions dont on nous entourait. Nous nous retirâmes
fort satisfaits de ce début dans nos relations géographiques.
Composition du Congrès.
En comprenant les derniers venus, pendant la session même, les
souscripteurs comme membres titulaires étaient, nous a-t-on dit, plus
de 1.200, et les dames admises comme membres supplémentaires plus
de 400, au total 1.600 à 1.700 inscriptions. En réalité, il devait y avoir
1.200 à 1.30(J personnes présentes.
Il est peut-être intéressant de donner ici la liste des membres fran-
çais du Congrès, le signe -f indiquant la présence à Berlin :
f S. A. S. le Prince Albert I de Monaco.
— 313 —
f M. René Allain, de la Société de Géographie de Paris.
7 M. P. Camena d'Almeida, Professeur de géographie à l'Université
de Bordeaux.
M. B. Auerbach, Professeur à la Faculté des Lettres de Nancy, délé-
gué de la Société de Géographie de l'Est.
M. Charles Barrois, Professeur à l'Université de Lille, membre de la
Société de Géographie de Lille.
f M. Charles Bénard, officier de marine, délégué du Ministère des
Colonies et de la Société de Géographie commerciale de Bordeaux.
t IVr^ Ch. Bénard.
f M. Augustin Bernard, Docteur ès-lettres et Professeur à l'École
supérieure des Lettres d'Alger, délégué de la Société bretonne de
Géographie de Lorient et de la Société de Géographie et d'Archéologie
d'Oran.
f M""* A. Bernard.
M. Marcel Bertrand, membre de l'Institut.
M. Edouard Blanc, Explorateur.
f M. Georges Blondel, Professeur à l'École des Hautes-Études
commerciales de Paris.
S. A. le Prince Roland Bonaparte.
f M. le D' L. M. Boucher, délégué de la Société normande de
Géographie.
f M™' L. M. Boucher.
M. le Comte Pierre Savorgnan de Brazza, Commissaire-Général
honoraire du Gouvernement au Congo français.
M""® la Comtesse de Brazza.
f M. Chambeyron, de h Société de Géographie de Lyon.
M. Henri Cordier, Professeur à l'École des Langues Orientales de
Paris.
M. André Delebecque, de Thonon.
f M. Ludovic Drapeyron, Directeur de la Revue de Géographie.
M. Albert Fabre, délégué de la Société languedocienne de Géogra-
phie, de Montpellier.
M. Henri Froidevaux, Docteur ès-lettres , Secrétaire de l'Office
colonial près la Faculté des Lettres de l'Université de Paris.
f M. Lucien Gallois, Maître de Conférences de Géographie à l'École
normale supérieure de Paris.
f M. Charles Gauthiot, membre du Conseil supérieur des Colonies
et de Statistique, délégué de la Société de Géographie commerciale.
— 314 —
M. le Général A. J. Gervais, de Paris.
M. Jules Girard, Secrétaire-Adjoint de la Société de Géographie de
Paris.
f I\I. Alfred Grandidier, membre de l'Institut.
f M. Guillaume Grandidier, Explorateur à Madagascar, Paris.
M. le Baron Jules de Guerne, Secrétaire-Général de la Société
d'Acclimatation de France.
•f M. Charles Lallemand, membre du Bureau des Longitudes, Direc-
teur du Nivellement général de la France, Chef du Service technique
du Cadastre.
t M""' Lallemand.
-j- M. Albert de Lapparent, membre de l'Institut.
M. Georges Lespagnol de l'Université de Lyon.
•j- M. de Leymarie. Vice-Président de la Société de Géographie de
Paris.
f M'°^ de Leymarie.
jSI. Levasseur, membre de l'Institut, Prof au Collège de France.
M. Gabriel Marcel, Conservateur- Adjoint à la Bibliothèque Nationale
(section de Géographie).
f M. André ]^Iareuse, de Paris.
f M. Edgar Mareuse, de Paris.
-J- M. Emm. de Margeric, Président de la Société Géologique de
France.
7 M. Georges Monfiier, Avocat, délégué de la Société normande de
Géographie.
7 M. Ernest NicoUe, Vice-Président de la Société de Géographie
de Lille.
7 M. J. R. Olivier, Fabricant d'horlogerie, de Paris.
f M^"<^ M. Olivier, de Paris.
7 M. Fernaud Paillère, de Paris.
M. G. Ramond, Assistant de Géologie au Musée d'Histoire naturelle
à Paris.
M. Louis Raveneau, Professeur et Directeur de la Bibliographie des
Annales de Géographie, Paris.
M. Elisée Reclus.
M, J. de Rey-Pailhade , délégué de la Société de Géographie de
T<julouse.
7 M. le D' Jules Richard, Conservateur des Collections de S. A. S.
le Prince Albert I de Monaco.
— 315 —
T M. Gaston Routier, délégué de la Société normande de Géographie.
y M. Franz Scliradcr, Géographe, Paris.
-j- M. Louis Taisne, Architecte, Paris.
f M. Armand Templier, de Paris.
-j- M. Pierre Templier, de Paris.
M. F. Thoulet, de l'Université de Nancy.
y M. P. Vidal do la Blachc, de l'Université de Paris.
Un coup d'œil jeté sur cette liste montre que la France était digne-
ment représentée, même en tenant compte de l'absence, unanimement
regrettée par nos compatriotes, d'une si grande proportion des inscrits,
particulièrement de ceux qui avaient des communications au pro-
gramme.
Le groupe français, grâce peut-être aux qualités personnelles de la
plupart de ses membres, a été en toute circonstance et de la part de
tous, l'objet d'une courtoisie, d'une bienveillance et d'une attention,
<lont certainement la sympathie et l'estime faisaient le fond, nous nous
plaisons à le constater et à en exprimer notre gratitude.
Ouverture du Congrès.
Le mercredi 27 Septembre, nous étions tous conviés à une réunion
dont le but était de se rencontrer et de faire connaissance, non seule-
ment avec les personnes, mais encore avec le local où nous devions
nous rassembler tous les jours.
Ce siège du Congrès était le Palais de la Chambre des Députés du
n)yaume de Prusse, « Haus der Abgeordneten », édifice nouveau,
monumental, vaste et offrant toutes les facilités désirables d'installa-
tion, avec une ampleur, un confort et môme un luxe que nous devions
iidmirer,
La salle des séances de la Chambre était consacrée à nos séances
générales. C'est un rectangle dont un des grands côtés est occupé par
le fauteuil du Président et ceux du bureau, la tribune et les places
réservées aux hautes autorités et aux sténographes ; le tout surélevé,
au-dessus de la partie centrale où s'étagent en demi-cercle allongé les
sièges et les pupitres des députés qui font face à la tribune. Sur les
trois autres côtés régnent des galeries élevées qui s'arrondissent aux
deux angles, formant ainsi un immense balcon d'où le public domine
l'assemblée. Cette salle, éclairée par un plafond de verre, simple dans
— 316 —
sa haute décoration en bois de chêne, mais d'une riche simplicité, est
admirablement disposée : haute, large, ouverte, elle est bien aérée et
l'on y respire à Taise même quand une assistance de quinze ou seize
cents personnes y fait monter la température. On accède au parquet
par des portes de trois côtés sous les galeries, et aux galeries par des
escaliers extérieurs.
Un grand salon, parfaitement décoré et meublé règne près de la
salle des séances, sur toute la longueur du côté opposé à la tribune et
sert de pièce de repos et de conversation. C'est le centre du monu-
ment, c'est aussi celui de cette première assemblée.
Tout autour sont répartis les services auxiliaires, dans les mêmes
conditions d'aisance et de grandeur, larges vestibules, deux grandes
salles de conférences pouvant contenir environ 300 personnes, pour-
vues d'annexés de dégagement ; autres salles pour les réunions de
commissions ; bureaux de toute sorte, salles de lecture et de corres-
pondance au nombre de 6 ou 7, l'une d'elles, très vaste, munie d'une
multitude de casiers où sont mis, chacun à sa place, et distribués par
deux employés spéciaux, actifs et très amis de l'ordre, un millier ou
plus de journaux représentant la presse marquante du monde civilisé.
Puis restaurant où peuvent s'accommoder plusieurs centaines de per-
sonnes. Tout cela se trouve aux étages où l'on accède par des escaliers
monumentaux.
Au rez-de-chaussée sont établis : dès l'entrée, bureau de poste et de
télégraphe, bureau de voyage, bureaux du Congrès pour toute sorte
de renseignements, communications, inscriptions pour les réunions et
distractions offertes aux Congressistes; plus loin, vaste vestiaire, puis
dépôt pour les objets d'étude et communications entre Congressistes
avec un casier pour chacun. Et pour tout cela un personnel nombreux,
exact, prompt et prévenant.
C'est en somme une belle et considérable installation, où tout a été
prévu, dont tous les rouages ont fonctionné avec précision dès la pre-
mière heure, et dont la préparation fait le plus grand honneur à
MM. le Président Baron de Richtofen, le Secrétaire-Général Georg
Kollm, le Trésorier Bùtow et à la légion de collaborateurs dévoués
qui se pressaient autour de ces principaux organisateurs.
Dans cette première soirée, des distributions de documents et les
présentations occupaient l'assemblée fort nombreuse et lui donnaient
une grande animation.
Le groupe français, se concentrant pour la première fois, s'entendit
— 317 —
pour nommer le lendemain matin son Président , M. Grandidier,
membre de l'Institut, auteur de remarquables études sur Madagascar.
On pense bien qu'on se montrait avec intérêt les illustrations géo-
graphiques qui s'étaient donné rendez-vous à Berlin ; beaucoup d'entre
elles trouveront naturellement leur place dans notre compte rendu,
nécessairement trop limité, cependant, pour y faire entrer tous ceux
qu'on se plairait à signaler.
C'était une préparation heureuse à la séance solennelle d'ouverture
du lendemain jeudi 28 Septembre, qui avait lieu à 10 h. 1/2, dans la
grande salle des Députés, dont les sièges étaient réservés aux princi-
paux Congressistes Allemands et aux délégués étrangers. Le fauteuil
du Président était occupé par M. le Baron de Richtofen, Président de
la Société de Géographie de Berlin, ayant à ses côtés le bureau du
Congrès. Aux places d'honneur des deux côtés du bureau figuraient :
à droite et en avant son Altesse Royale le Prince Albrecht, Protecteur
du Congrès et représentant de l'Empereur Guillaume II; puis le Prince
de Hohenlohe, Chancelier de l'Empire, et nombre de hautes personna-
lités, parmi lesquelles se détachaient quelques brillants uniformes.
Dès l'ouverture de la séance, une allocution du Prince Albrecht
apportait au Congrès l'assurance de l'intérêt du Gouvernement alle-
mand pour son succès, assurance encore accentuée par le Chancelier
Prince de Hohenlohe, auquel succédèrent à la tribune le Ministre des
Cultes et le Bourgmestre de Berlin.
Ce fut ensuite : Sir Cléments Markham, Président de la Société royale
de Géographie de Londres et du bureau permanent constitué depuis
le Congrès de Londres en 1895, suivi par Son Excellence M. de
Ssemenow, Vice-Président de la Société impériale russe de Géogra-
phie, tous deux parlant au nom des étrangers ; enfin Sir Cléments
Markham remettant ses pouvoirs à M. de Richtofen, et ce dernier sou-
haitant la bienvenue au nouveau Congrès et parlant de ses membres
et de leurs travaux en termes qu'on a beaucoup loués.
La cérémonie se termina par le vote par acclamation de la liste des
Vice-Présidents , choisis parmi les nations présentes en nombre
variable suivant l'importance de leurs institutions géographiques.
MM. Grandidier, de Lapparent et Vidal de la Blache, nos savants
compatriotes, eurent les honneurs de cette fonction ; aucun pays ne
pouvait avoir plus de trois Vice-Présidents.
Après une suspension d'une demi-heure, la séance fut reprise vers
midi et demi pour le début des études du Congrès.
- 318 -
Travaux du Congrès.
Nous ne pouvons songer à donner un compte rendu même sommaire
de toutes les communications apportées au Congrès dont l'activité a été
extrême. La matinée, de 10 h. à 1 h. environ, était consacrée à des
séances générales dans lesquelles se produisaient les rapports jugés
les plus dignes d'intérêt.
L'après-midi, on se divisait en trois groupes qui se réunissaient à
2 heures, ou quelquefois à 3 heures quand la matinée avait été parti-
culièrement remplie. Il était rare, malgré les absences de quelques-uns
des rapporteurs, qu'on se séparât avant 6 heures. Un grand nombre de
membres déjeunaient dans l'intervalle au restaurant du Palais, n'aj-ant
pas le loisir de s'en écarter.
Nous nous bornerons à un rapide exposé des questions saillantes ;
un compte rendu complet nous sera envoyé plus tard, dans lequel les
membres de notre Société pourront étudier en détail les sujets qui les
intéressent.
La science géographique se développe constamment , elle ne se
contente plus de la surface de notre planète, elle pénètre dans ses
flancs, et particulièrement dans ses océans ; elle ne borne même pas là
ses ambitions et s'adresse aussi à ce qui vit dans ce monde, aussi il ne
faut pas s'étonner devoir dominer ici les questions de Géomorphologie,
d'Océanologie, de Biogéographie, de Géophysique, qu'on n'était pas
accoutumé de trouver jadis dans les traités de Géographie. Il n'y a rien
là qui puisse nous causer de l'effroi, et sans prendre parti entre deux
écoles, dont l'une veut que rien de ce qui touche à la Terre soit
étranger à la Géographie, et l'autre prétend limiter son champ d'inves-
tigations à des objets très définis, nous pouvons estimer qu'à moins de
l'étouffer il faut laisser à celte science grandissante beaucoup de liberté
dans ses mouvements. Concevrions-nous un physicien qui ne saurait
rien de la Chimie ? Concevrions-nous davantage un grand Géographe
se désintéressant de la Géologie, des transformations des terres et des
mers et de la vie qui les aiame ? Pour fréquenter ses sœurs et s'en
inspirer elle ne leur enlève rien et dans ses échanges avec elles elle
se trouve elle-même enrichie. La Géographie allemande en particulier
s'étend largement, et nous trouvons à la tête du Congrès même et de
la Société de Géographie de Berlin M. le Baron de Riclitofen, qui a
— 319 —
montré par ses multiples travaux combien le champ géographique
peut s'élargir sous l'impulsion d'un esprit pénétrant et investigateur.
Nous prendrons tour à tour, à peu près mais non complètement dans
l'ordre où elles se sont présentées, les divisions principales des travaux
pour les analyser très brièvement, trop brièvement, de manière à en
donner seulement une idée générale et succincte, omettant à regret
un grand nombre de communications intéressantes et par leur subs-
tance et par le nom de leur auteur.
Océanologie. — Les importantes questions classées sous ce titre
ont fait l'objet de l'attention dès la première séance. C'est d'abord, à
la rentrée en séance, après l'ouverture solennelle, M. le Professeur
Chun, de Leipzig, qui expose, avec sa belle figure, sa voix douce et
son regard attirant et sympathique, les résultats de son expédition de
la « Valdivia » dans l'hémisphère Sud et montre d'un air modeste la
large contribution par elle apportée à la connaissance des régions
subocéaniques. La « Valdivia », partie de Hambourg le l""" Août 1898,
s'éleva d'abord par la mer du Nord au-dessus de l'Ecosse jusqu'aux
îles Féroë, d'où elle redescendit, longeant l'Europe et la côte occiden-
tale d'Afrique jusqu'au cap de Bonne-Espérance, puis jusqu'au groupe
de l'île Bouvet (54"26'4" S. et 3''24'2" E. Gr., milieu de l'île Bouvet),
enfin au Sud et à l'Est jusqu'à la limite des glaces, par 64°14'3" S. et
54"31'4" E. Gr., à proximité de la terre d'Enderby, au milieu du mois
de Décembre. De là, elle prit sa route de retour en remontant vers le
N.-E., en reconnaissant les îles Kerguelen, St-Paul et Nouvelle-Ams-
terdam, jusqu'à Sumatra, pour aller de là à Zanzibar et revenir par la
mer Rouge, Suez, Messine, la côte d'Espagne et la Manche à Ham-
bourg, où elle était le l®"" Mai 1899. Partout sur cet immense parcours
s'étaient assidûment poursuivis les sondages et les observations de la
mer, de l'atmosphère et des terres. Ces travaux fout, en particulier,
connaître le groupe de l'île Bouvet et les ressources qu'il peut offrir
aux expéditions antarctiques; ils nous révèlent aussi entre ce groupe
et les terres australes d'Enderby et de Kemp un bassin où les profon-
deurs dépassent 5.500 mètres (3.000 brasses anglaises).
Vient ensuite Son Altesse le Prince de Monaco, un marin franc et
énergique doublé d'un savant, commandant la manœuvre, maniant un
harpon et un appareil de sondage aussi bien qu'il analyse au profit de
la science les éléments fournis par l'Océan, qui, depuis quinze ans,
consacre sa personne et sa fortune à l'exploration sous-marine. Il nous
— 320 —
signale l'aide apportée à ses recherches par les grands cétacés ; après
s'en être emparé, il va chercher dans leur estomac des spécimens,
quelquefois presque intacts, des habitants des grands fonds qu'il ne
saurait pêcher autrement. Ce ne sont pas ses seuls collaborateurs,
comme il les appelle plaisamment, il sait intéresser à son œuvre des
hommes capables d'en accroître l'ampleur. Le Docteur Théodore
Barrois, notre concitoyen et notre collègue, a travaillé jadis avec lui.
Et tout récemment, un autre Lillois, un jeune lieutenant de vaisseau,
M. Guissez, qui s'est déjà fait une place dans l'histoire géographique
par son commandement de « l'Argus » sur le Mékong, qui est mainte-
nant à Cherbourg chargé de suivre l'achèvement et les essais du
sous-marin le « Narval », était à son bord dans sa dernière expédition
au Spitzberg.
Le Prince de Monaco ne représentait pas seul l'élément français
pour les contributions apportées au Congrès sur ces importantes ques-
tions sur lesquelles on est revenu dans des séances ultérieures. M. G.
Thoulet et M. Auerbach, tous deux de l'Université de Nancy, avaient
annoncé leur « Analyse et classification des fonds sous-marins et pré-
« sentation d'un Atlas lithologique des côtes françaises en 22 feuilles ».
Cette œuvre est extrêmement curieuse et intéressante. M. Thoulet, qui
en est l'initiateur en France, nous en avait déjà entretenu au Congrès
de Marseille en 1898 ; elle consiste à tracer des cartes fort détaillées
des fonds voisins des côtes , au moj-en de sondages multipliés, de
manière à en avoir une connaissance minutieuse ; ces cartes permet-
traient aux marins, même par les temps complètement obscurs et
brumeux, de déterminer leur position exacte après quelques tâtonne-
ments et par conséquent, soit de continuer leur route, soit de s'écarter
des dangers de la côte, en connaissance de cause. Nous nous promet-
tions beaucoup de plaisir de voir M. Thoulet, de le féliciter, de jouir
de sa notoriété dans ce milieu international, mais il avait préféré
employer ses vacances aux sondages ; pour le progrès de son œuvre,
c'était sans doute plus utile ; pour la satisfaction de notre goût et de
notre amour-propre national, cette absence était fâcheuse, et nous
aurions aimé du moins, que quelqu'un fiît chargé à la place de leurs
auteurs, de communiquer ces beaux travaux.
Nous pouvons aussi placer ici la communication de Sir John Murray,
le naturaliste de l'expédition du « Challenger », dont les résultats
ont rempli plus de -40 gros volumes in-4°, toute une bibliothèque océa-
nographique ; il parle de la distribution des dépôts sur les fonds des
. - 321 —
mers. La Société de Géographie de Lille a été mise au courant de
Ci'tte question naguère par une savante conférence d'un nieml)re dis-
tingué de son Comité d'Etudes, M. Ardaillon.
Les bassins océaniques déterminés par les profondeurs de la mer
ont fait le sujet de plusieurs rapports par des savants de premier
ordre : MM. le Professeur D"" Wagner de Gœttinguo, le D"" Krummel
de Kiel, le D"" A. R. Mill de Londres, le Professeur Woeikof de St-
Pétersbourg , et d'autres encore. Tous s'accordaient à reconnaître
l'utilité d'une nomenclature internationale de ces bassins. Ce courant
d'idées et une discussion approfondie ont déterminé le vœu suivant :
« Le Congrès est sollicité d'instituer une Commission internationale
« pour la nomenclature subocéanique, avec la mission d'exécuter et
« de publier, au plus tard pour la réunion du prochain Congrès, une
« carte ainsi rectifiée des profondeurs de l'ensemble des mers ».
Les parages de l'Océanie, les lois des courants et des tourbillons de
la mer, les recherches de toute sorte sur les Océans, entre autres celles
de l'expédition de la « Pola », ont été des sujets d'étude que nous
devons nous borner à signaler d'un mot.
Exploration polaire. — Dans ce chapitre, Fridtjof Nausen se
place naturellement en tête, avec les résultats océanographiques de
son expédition du « Fram », qu'il a communiqués dans une conférence
accompagnée de projections descriptives de ses observations scienti-
fiques. Les résultats météorologiques de la même expédition ont été
relatés par M. le D"" Mohn de Christiania.
C'est aussi Sir Cléments Markham, l'éminent Président de la Société
royale de Géographie de Londres, qui nous entretient des expéditions
antarctiques avec toute son autorité. Ce sujet sera repris par un
mémoire de M. Henryk Arctowsky de Londres, Géologue de l'expé-
dition , sur les résultats océanographiques et météorologiques de
l'expédition de M. de Gerlache, lieutenant de marine belge, à bord de
la « Belgica »
La « Belgica », partie d'Anvers le 16 Août 1897, quatre mois après
quittant Punta-Arenas, la pointe extrême de l'Amérique méridionale,
s'enfonçait dans l'inconnu austral et y disparaissait sans donner signe
d'existence jusqu'au 4 Avril 1899, jour où un télégramme envoyé de
Punta-Arenas annonçait le retour de l'expédition, qui avait perdu deux
de ses membres, le matelot norvégien Carie Wiencke, enlevé par une
lame, et le lieutenant d'artillerie belge Danco, qui s'était éteint dans
— 322 —
les jours sans soleil de ce long hivernage, le premier qu'aucune expé-
dition ait passé dans les glaces australes, plus mystérieuses encore que
celles du pôle Nord.
Bloqué définitivement le 10 Mars 1898 aux abords de la grande ban-
quise, ce n'est que le 14 Mars 1899, après des efforts commencés dans
les premiers jours de Janvier pour se dégager en sciant un canal dans
la glace et après avoir échappé à des dangers multipliés, que le navire
se trouva libre et remonta vers le Nord. Le fruit de ce séjour dans les
glaces consiste en observations astronomiques, météorologiques et
magnétiques, et en collections minérales, animales et végétales, nou-
veaux documents de nature à ajouter à la connaissance des régions
antarctiques.
D'autres communications encore s'occupent des régions polaires
australes, et à la suite de celle de M. le Professeur D"" Erich von
Drygalsky de Berlin, de retour à peine du Groenland et prêt à se lancer
bientôt vers le pôle Sud, qui formule un plan et des propositions pour
la grande expédition anglo-allemande projetée pour une des années
prochaines, le Congrès adopte le vœu suivant : « Après avoir pris
« connaissance du mode de division du travail proposé dans les rap-
« ports relatifs à l'exploration des régions antarctiques, le Congrès
« exprime l'espérance que ces propositions fourniront une excellente
« base pour la coopération internationale en matière de recherches
« physico-géographiques, géologiques, géodésiques et biologiques. En
« ce qui concerne les travaux météorologiques et magnétiques, le
« Congrès croit qu'il est désirable d'arriver à une entente plus précise,
« et il nomme à cet effet une Commission internationale, dont la tâche
« consistera :
« 1" A déterminer le cadre et les moyens de recherches qui con-
« viennent aux travaux magnétiques et météorologiques dont les expé-
« ditions auront à s'occuper.
« 2" A provoquer l'organisation d'observations simultanées et mises
« en corresjiondance, sur des points convenablement choisis à l'exté-
« rieur de la région antarctique. »
A la suite d'une communication de M. le Capitaine de frégate Garde,
de Copenhague, le vœu suivant a été adopté :
« Reconnaissant le grand intérêt scientifique et pratique que pré-
« sente la connaissance annuelle de l'extension, de la forme et de la
— 323 —
« quantité des glaces flottantes , le Congrès s'adresse aux instituts
« hydrographiques et météorologiques des pays dont la marine fré-
« quente les parages visités par les glaces, et il les prie instamment de
« provoquer, par une coopération internationale, la récolte de données
« aussi définitives que possible sur le phénomène et d'assurer l'unité
« dans la discussion de ces données par un bureau central. Se fondant
« sur les travaux déjà etfectués dans cet ordre d'idées, le Congrès
« déclare que l'Institut météorologique danois de Copenhague est
« l'établissement central le mieux approprié à la récolte et à l'élabo-
« ration des matériaux relatifs aux glaces flottantes des mers septen-
« trionales. En conséquence, il s'adresse aux autres instituts analogues
« pour les prier :
« 1° De solliciter des commandants et de tous ceux qui conduisent
« des navires la communication des observations qu'ils auront pu faire
« sur les glaces flottantes ;
« 2" De fournir aux navires les formulaires déjà dressés par l'Institut
« météorologique danois ;
« 3" D'inviter les commandants des navires à remplir ces formulaires
« et à les envoyer aussitôt qu'ils touchent un port pourvu de commu-
« nications postales. L'envoi au bureau central pourra (Mre fait, soit
« directement, soit par l'intermédiaire des Instituts correspondants. »
D'autres rapports remplissent le cadre de ce chapitre, sur les régions
arctiques et les moyens de les explorer. Parmi ces moyens, citons un
bateau-briseur de glaces, « l'Ermack », irrésistible suivant son inven-
teur, l'amiral russe Makarofi"; il va servir tout d'abord à tenir libre
l'entrée de St-Pétersbourg cet hiver.
Exploration des glaciers. — Eu égard aux températures, pla-
çons ce chapitre immédiatement après le précédent. Plusieurs orateurs
d'Allemagne, de Norvège, de Suisse et d'Amérique nous entretiennent
des formations glaciaires anciennes et modernes, proches et lointaines,
des terres de Magellan au Spitzberg, en passant par l'Afrique (ancien
cratère du Kihmandjaro, exploré par le D"" Hans Meyer, de Leipzig),
la Suisse et l'Allemagne.
Climatologie. — Ijimnologie. — Antliropogéographie. —
BiogéograpMe. — Ces matières ont été abondamment exposées.
Nous ne pouvons citer qu'un bien petit nombre des études auxquelles
elles ont donné lieu.
— 324 -
M. André Delebecque, de Thonon. Résultat de recherches sur les
lacs français, sujet que M. Delebecque a traité dans une belle confé-
rence devant la Société de Géographie de Lille.
M, le D"" Forci, de Morges (Suisse), nous explique avec la sûreté
d'un savant muni de nombre d'observations ingénieuses, les mouve-
ments des eaux des lacs connus sous le nom de <^ seiches », el parti-
culièrement ceux du lac de Genève. Ce sont des oscillations régulières
de grandes masses d'eau, dues aux variations barométriques; bien
observées elles conduisent à des conclusions presque certaines sur la
forme du fond d'un lac.
M. Jules Leclercq, de Bruxelles, sur les monuments cyclopéens de
Ceylan.
M. de Claparède, de Genève, sur le grand barrage du Nil projeté
au-dessus d'Assouan. Etude intéressante qui montre quelle mise en
valeur agricole amènera la répartition méthodique des eaux permise
par le barrage, un travail qui coûtera 100 millions et en rapportera 500.
M. Vidal de la Blache, notre distingué compatriote, Vice-Président
du Congrès, présente avec beaucoup de talent et d'érudition, des
considérations sur le mode d'habitation sur les plateaux limoneux du
Nord de la France et nous fait voir comment l'étude des conditions de
l'existence vulgaire de nos pays peut conduire à des conclusions ethno-
logiques imprévues et importantes.
Nous avons à regretter l'absence de M. V. Turquan , que nous
connaissons bien à Lille, où il nous a initiés à plusieurs reprises aux
mystères de l'Anthropogéographie, révélés par ses amples et patientes
statistiques ; il avait annoncé des communications sur : 1" La densité
de la population en France, Belgique et Pays-Bas par courbes de
niveau ; et 2° La topographie appliquée à la représentation des phéno-
mènes sociaux et à la statistique; nous nous en promettions fierté
patriotique et profit pour notre instruction, en quoi nous avons été
déçus et le groupe français amoindri dans son éclat.
Nous ne pouvons malheureusement détailler, même les titres des
rapports sur l'Anthropogéographie, bien intéressants cependant en
signalant de nombreuses relations entre la Géographie et la manière
d'être des hommes ; ils avaient pour auteurs, MM. le Professeur
I)"" Matzen, de Berlin, le Professeur Francesco Viezzoli, de Parme, le
Professeur D"" Hettner, de Heidelberg, le Professeur D'' Von Halle, de
Berlin, Eug. Payart, de Londrx's.
M. J. Scott Keltie, de Londres, montre qu'il est désirable de prendre
— 325 —
des mesures pour mieux: connaître la population des contrées, spécia-
lement en Asie et en Afrique , où les recensements ne sont pas
organisés. Ses remarques provoquent le vœu suivant :
« Le Congrès reconnaît qu'il est désirable d'obtenir les données pour
« une estimation plus exacte qu'il n'en existe actuellement de la popu-
« lation des pays où il n'y a pas de moyen d'obtenir un recensement
« régulier et charge le bureau permanent de porter ce désir à la
« connaissance des gouvernements qui ont des territoires à l'étranger,
« soit directement, soit par l'entremise des Sociétés de Géographie. En
« ce faisant, on devrait attirer l'attention sur le projet du D'' Kiaer,
« du Bureau statistique norvégien. Le bureau permanent pourrait
« aussi se mettre en communication avec le comité nommé pour cet
« objet par le Congrès international de statistique de Christiania. »
MM. le D"" Drude, de Dresde et le D' 0. Warburg, de Berlin, études
sur la répartition géographique des plantes et sur la cartographie qui
sy rattache , ces études mènent au vœu suivant :
« Le Congrès émet le vœu qu'il soit choisi parmi les Biogéographes
« domiciliés à Berlin et aux environs une commission avec mission de
« préparer un projet de système aussi simple que possible d'unification
« d'une nomenclature de la formation des plantes. Ce projet serait
« soumis à l'examen d'hommes compétents indigènes et étrangers, et
« après avoir tenu compte des observations présentées, un projet
« définitif serait préparé pour être soumis au prochain Congrès inter-
« national de Géographie afin de statuer. »
Voyages d'exploration. — Malgré l'ampleur de ce litre , nous
devons convenir que les matières qu'il comprend ont tenu une place
relativement restreinte au Congrès, où l'on s'attachait principalement
aux côtés scientifiques do la Géographie. Ici encore nous avions à
regretter l'absence d'un compatriote, de M. Saint- Yves, de Marseille,
dont le sujet était « l'Utilité d'observations scientifiques internationales
dans la haute Asie. »
M. de Claparède, de Genève, nous a entretenus de particularités des
première et deuxième cataractes du Nil.
Dans une séance où ces questions d'exploration se traitaient, le vœu
suivant a été proposé au Congrès qui l'a ensuite adopté :
« D'après les communications reçues ces jours derniers de la part
22
— 326 -
« du Consul général impérial de Sydney (N. S. W. , M. Kerapernian^
« membre du Conseil privé, on est porté dans les colonies d'Australie
« à ne pas donner suite à l'expédition devant avoir pour but de
« rechercher les restes de l'expédition complètement perdue du
« D"" Leichhardt. Quoique 52 années se soient déjà écoulées depuis le
« départ de l'expédition, l'espoir d'en retrouver au moins des traces
-« pour éclaircir son sort ne devrait pas être abandonné. Réuni tout
« près du lieu de naissance de l'infortuné savant, le VIP Congrès
« international de Géographie saisit volontiers l'occasion d'exprimer
« ses sympathies pour l'expédition de recherches projetée et de sou-
« haiter qu'elle ait lieu avec un résultat complet. »
Navigation aérienne. — La surface terrestre et les Océans, et
même la météorologie pratiquée du sol ne suffisent plus à la Géogra-
phie, elle aspire à s'élancer vers les cieux.
Durant notre séjour, nous avons été conviés au départ de deux
ballons qui devaient s'élever à Berlin en même temps que des ascen-
sions semblables avaient lieu à Londres et à Paris, dans le but de faire
des constatations atmosphériques simultanées.
MM. Teisserenc de Bort, dont le nom est bien connu chez nous,
A.-L. Rotch, de Boston, le Professeur D"" Hergesell, de Strasbourg, et
le Professeur D"" Assman, de Berlin, nous ont entretenus des résultats
des ascensions scientifiques , internationales et autres , et de leur
influence sur l'avancement de la navigation aérienne.
Configuration du Globe. — Géographie physique. — Géo-
morphologie. — Géodésie. — Cartographie. — Géographie
historique. — Notre pays était brillamment représenté sur ces
terrains d'étude. M. de Lapparent, membre do l'Institut, un des trois
savants français que le Congrès avait honoré de la Vice-Présidence,
nous donne en séance générale un rapport sur « La question des péné-
plaines envisagée à la lumière des faits géologiques », et montre que
l'on ne saurait attribuer à un seul genre d'action géologique la forma-
tion des pénéplaines, c'est-à-dire des sortes de plateaux qui sont
presque des plaines, avec des émihences do formes plus ou moins
variées, faisant saillie çà et là à leur surface, mais qu'il faut distinguer
pour chacune d'elles les causes marines ou atmosphériques qui seules
ou successivement ont pu amener la disposition présente des terrains.
M» de Lapparent a la coquetterie de parler en allemand, cette langue
— ;s-i7 —
étant celle du plus grand nombre de ses auditeurs. Gela nous prive ,
nous profanes, mais nos hôtes sont si satisfaits de cet « acte de haute
courtoisie », selon l'expression du Président de Richtofen, que nous
nous résignons volontiers au sacrifice de nos préférences pour notre
bon renom national.
Notre concitoyen et collègue M. Charles Barrois avait promis une
communication sur la formation du Morbilian, et aurait ajouté à l'éclat
de la représentation française, le connaissant nous en sommes certains;
mais en son absence son travail a été passé sous silence.
M. Gh, Lallemand, membre du Bureau des Longitudes, directeur du
Nivellement général de la France , chef du Service du Cadastre ,
désigné aussi comme Vice-Président, nous entretient de la réfection
du cadastre en France dans ses rapports avec la Cartographie, avec
une élégance et une clarté qui ne peuvent appartenir qu'à ceux qui
ont creusé leur sujet profondément et savamment ; puis du progrès du
nivellement général en France depuis le dernier Congrès, et l'on ne
saurait au seul énoncé de ces questions se douter ni de leur intérêt, ni
de l'immensité et de la délicatesse du travail qu'elles comportent ; on
en est vivement frappé quand on les entend développer avec le talent
et la compétence de M. Lallemand.
M. Franz Schrader, de Paris, nous décrit lumineusement son très
ingénieux tachéographe, instrument précieux, récemment perfectionné
qui permet de tracer un levé avec certitude et de placer les courbes de
niveau, au moyen de visées, sans calculs. Un peu modifié, il pourrait
même donner les angles horaires.
M. Ludovic Drapeyron, directeur de la Revue de Géographie, étudie
avec une abondance de détails savants les travaux de Gassini de Thury
pour arriver à tracer sa grande carte topographique de France. Cette
étude jette une curieuse lumière sur les origines de notre Carlo-
graphie.
Ici encore nous avons à regretter l'absence de M. Saint- Yves, de
Marseille, qui avait annoncé ; « Le Sahara et le Soudan à l'époque de
Léon l'Africain » et qui nous a laissés dans les ténèbres sur ce point
de Géographie historique, et nous a privés de même de « l'Ethnique
de l'Abyssinie, passé et avenir. » — Et aussi celle de M. L. d'Abar-
tiague d'Ossès i Basses-Pyrénées), qui s'était proposé de nous éclairer
sur l'Atlantide.
Bornons-nous, dans les autres conférences, à celles qui ont provoqué
des vœux du Congrès. D'abord pour la Géophysique, MM. le Professeur
— 328 —
D. Gerland, de Strasbourg, et le D"" Hecker, de Potsdani, par leurs
études sur les tremblements de terre, amènent à voter que : « 1° Le
« Congrès se déclare favorable à la fondation d'une Société interua-
« tionale sismologiquc ; 2" Le Congrès décide que les signataires des
« Propositions » se constituent en commission permanente pour l'étude
« internationale des tremblements de terre avec le droit de s'adjoindre,
« au besoin, des collaborateurs. »
Pour la Cartographie, M. le Professeur Penck, de Vienne, un savant
de premier ordre dont le charme égale la science, a proposé il y a des
années déjà, l'exécution d'une mappemonde au millionième. Ce projet
a fait l'objet d'une étude du bureau permanent depuis 1895. M. Penck
nous en parle lui-même et fait adopter le vœu suivant :
« Le Congrès déclare utile et souhaitable la préparation d'une carte
« terrestre unifiée à l'échelle de -—— , dont les feuilles seraient
1.000.0(10
« limitées par méridiens et parallèles. Le bureau permanent est invité
« à faire les démarches nécessaires pour arriver à ce but et à jeter
« pour cela les bases pour l'exécution de la carte. »
M. le Général A. de Tillo (de St-Pétersbourg) obtient la déclaration
suivante : « Le Congrès déclare logique l'existence d'une « Associa-
« tion cartographique internationale » et il charge une commission de
« présenter un projet pour arriver à la formation de cette association. »
Enseignement, — Introduction de mesures et de métliodes
géographiques uniformes et internationales. — En tête de cet
important chapitre, nous placerons M. Gauthiot, notre distingué couipa-
triote, Secrétaire-Général de la Société de Géographie counaerciale de
Paris, qu'il représente avec une ardeur infatigable et un talent toujours
égal. M. Gauthiot avait choisi un sujet qui lui est cher, «La Géographie
économique » ; mais il était venu directement de Londres à Berlin, et
ses notes, laissées à Paris, ne lui étaient pas parvenues, de sorte que
c'est d'une communication improvisée qu'il gratifia le Congrès et nous
devons croire que sa verve sut parfaitement se passer de documents
autres que ceux accumulés dans sa mémoire, car il fut l'un des ora-
teurs les plus appréciés.
M. Albert Fabre, de Montpellier, avait annoncé une étude sur l'en-
seignement dans les écoles primaires, nous en avons été privés, encore
un compatriote qui nous manquait.
- 329 —
M. de Claparède, de Genève, expose le système de construction de
reliefs de C. Perron ; les reliefs sont d'une grande utilité dans l'ensei-
gnement de la Géographie et dans cette branche toute amélioration
est bonne à accueillir ; celle-ci paraît particulièrement favorable au
dire des connaisseurs.
Il faudrait tout citer ; mais nous devons nous borner, ici encore nous
nous arrêterons aux seuls vœux formulés.
Sur les propositions de MM. Supan, de Gotha et Wagner, de Goet-
tingue : « Le Congrès exprime le vœu formel que sur toutes les
« cartes, même celles des pays qui se servent des mesures anglaises
« ou russes, on fasse figurer, concurremment avec l'échelle graphique,
« la mention du rapport de réduction sous la forme usuelle de la frac-
« lion i : x; il souhaite que cette mention soit ajoutée à tous les
« catalogues de cartes terrestres ou marines, et charge l'administration
« du Congrès géographique international de porter ce vœu à la
« connaissance des gouvernements. »
M. Jules de Schokalskv, de St-PtHersbourg, fait adopter : « Il serait
« désirable :
« a. Que la publication de nouveaux matériaux géographiques,
« comme suite aux relations de voyage, soit accompagnée de détails
« sur la méthode des levés, les instruments employés, leur vérifica-
« tion, le calcul des positions astronomiques avec leurs erreurs pro-
« bables et le mode d'utilisation de ces données pour la construction
« de la carte ; »
« b. Que les cartes publiées par des savants ou par des institutions
« géographiques gouvernementales ou privées soient accompagnées
« de notices donnant au moins l'énumération des données principales
« employées pour la construction des cartes et indiquant les parties
« des cartes plus ou moins documentées. »
M. Hugh R. Mill, de Londres, un des membres les plus actifs du
Congrès, plaide la cause du système métrique pour les travaux géo-
graphiques. M. le Professeur D' R. Lehmann, de Miinster, préconise à
son tour l'emploi de la graduation thermométrique de Celsius (centi-
grade), ce qui conduit à voler ;
« Le Congrès exprime le vœu de voir un système uniforme de
« mesures employé dans toutes les recherches et les discussions géo-
« graphiques; et il recommande à cet effet l'usage du système métrique
- 330 -
« des poids et mesures, ainsi que l'emploi de l'échelle thermométrique
« centigrade. »
Puis :
« Le Congrès exprime le vœu qu'on adopte autant que possible
« dans les publications scientifiques la graduation thermométrique de
« Celsius ; tout au moins est-il désirable qu'on ajoute aux indications
« des thermomètres de Fahrenheit et deRéaumur, leur transformation
« conformément à l'échelle de Celsius. »
C'est encore sur la demande de M. Hugh R. Mill, de Londres, que
« Le Congrès déclare qu'il est désirable que la « Bibliotheca geogra-
« phica » soit acceptée comme réalisant d'une manière efficace une
■« Bibliographie internationale de Géographie. »
Nous signalerons à ce propos , qu'en France , les « Annales de
Géographie » éditées par la maison Armand Colin, auxquelles colla-
borent nombre de savants dont plusieurs participaient au Congrès, font
paraître la « Bibliographie géographique annuelle », dont M. Louis
Raveneau dirige la publication avec une conscience, une érudition et
des concours qui lui assurent une place parmi les meilleures œuvres de
ce genre.
La question de l'orthographe des noms géographiques a été traitée
par un rapport du bureau permanent et par un rapport de M. Franz
Schrader, de Paris., remarquable par sa précision et sa netteté, le
Congrès à ce sujet a adopté les principes suivants :
« l'' Les noms indigènes doivent être conservés, non seulement là
« où cette conservation s'impose d'elle-même, mais aussi dans les
« mers du Sud, où les noms doivent être précisés avec le plus grand
« soin ;
« 2" Là où les noms indigènes font défaut ou ne peuvent être déter-
« minés avec certitude, il convient jusqu'à nouvel ordre d'accepter
« les noms donnés par les premiers voyageurs qui ont découvert
« les îles ;
« 3° Le changement arbitraire de noms historiques, depuis longtemps
« en usage, universellement connus et acceptés dans la science, doit
« être regardé à la fois comme une sorte d'impiété et comme un acte
« préjudiciable à la science et au commerce ; et cette pratique doit
« être combattue par tous les moyens ;
« 4" Les dénominations nouvelles non justifiées et arbitrairement
— 331 —
« formées, doivent d'autant mieux être remplacées par les noms indi-
« gènes ou par ceux dont l'emploi peut être légitimé. »
Enfin le Congrès avait à discuter l'application rationnelle du sys-
tème décimal aux mesures du temps et des angles, à laquelle la Société
de Géographie de Lille ne peut resterindifférente, son Comité d'Etudes
ayant pris position à cet égard sur l'initiative de notre sympathique,
honoré et savant Secrétaire M. Tilmant, et ayant admis, suivant le sys-
tème de INI. de Sarrauton, la conservation de l'heure comme unité de
temps, sa division en fractions décimales, et la division du cercle en
240 degrés pour faire correspondre décimalement les mesures d'angles
avec les mesures du temps.
M. de Rey-Pailhade, de Toulouse, présentait un mémoire, lu en son
absence, pour proposer son propre système, qui consiste à diviser le
jour en centième, le centième, appelé ce, valant par conséquent
1 4"" 24", à peu près notre quart-d'heure actuel ; le centième de cercle,
qui y correspond, prend le nom de cir et vaut 3" 36', ou 4 grades. Ces
unités pratiques, ce et cir, se subdivisent décimalement en décicés,
centicés, millicés et dimicés pour les temps, et en décicirs, centicirs,
millicirs pour les angles.
Le bureau permanent et M. le Professeur Wagner, de Goettingue
insistaient pour le maintien des divisions actuelles, heures, minutes et
secondes pour le temps, 360" pour le cercle.
Le système Sarrauton, adopté par la Société de Géographie de Lille,
fut également mis en avant dans la discussion, à la suite de laquelle
fut nommée une commission présidée par M. le Professeur Wagner,
où, malgré les efforts d'un membre français en faveur du système
Sarrauton, fut adopté le vœu suivant, sanctionné ensuite par un vote
général :
« Le Congrès exprime le désir de voir conserver la division du
« temps telle qu'elle existe, ainsi que celle de la circonférence en 360",
« en admettant cependant qu'on puisse étudier ultérieurement un
« nouveau système de division de l'angle.
« 11 ne présente pas d'objection à l'emploi de la division décimale
« du degré en cas d'utilité. »
Disons, en guise de consolation do l'échec du système Sarrauton,
lequel n'est d'ailleurs pas définitivement repoussé puisqu'un Congrès
international s'occupera en 1900 à Paris de ces questions, disons que
la décimalisation des mesures du temps et des angles est une œuvre
— 332 —
éminemment altruiste , car ceux qui s'en sont occupés et ceux qui la
feront triompher y auront consacré sûrement cent fois plus de temps
qu'ils n'en économiseront jamais par les nouvelles méthodes. Ils tra-
vaillent pour leurs petits-neveux.
Clôture du Congrès.
Dans la dernière séance générale du Congrès, le mercredi 4 Octobre,
les vœux ci-dessus transcrits sont définitivement adoptés.
Un bureau permanent est nommé.
On discute la fixation du prochain Congrès international sans aboutir.
On se trouve, à la vérité, en présence d'une seule proposition ferme,
en faveur de l'Alaska, on estime que c'est un peu loin, et qu'il y aurait
probablement trop de contraste avec l'installation de Berlin. Budapest,
St-Pétersbourg et Washington restent en balance. Passerons-nous
l'Atlantique? Le bureau permanent en décidera en temps utile.
Vient ensuite le moment des adieux et des remercîments. M. Gau-
thiot s'en est chargé pour le groupe français d'une manière à la fois
sincère, chaleureuse et délicate dont nous lui avons été reconnaissants.
Ernest NICOLLE.
GRANDES CONFÉRENCES
LE TOUR D'ASIE
La Chine d'aujourd'hui et la Chine de demain,
La Corée inconnue ,
Des Plateaux Mong-ols au Golfe Persique ,
Par M. Marcel MONMER,
Explorateur, Membre correspondant de notre Société.
Conférence faite devant les Sociétés de Lille, Rouhaix, Tourcoing.
Après avoir exprimé les regrets de M. Paul Crepy, empêché de venir
présider cette séance, M. Nicolle présente le Conférencier, qui n'est
, - 333 —
pas un inconnu à Lille, mais qui est au contraire de nos vieux amis
et dos plus appréciés. — Et M. Marcel Monnier de répondre en ces
termes :
« C'est pour le voyageur qui rentre en France une heure agréable
que celle où il se retrouve en communication avec un auditoire connu,
et pourtant, en l'heure actuelle, il n'est pas sans appréhension en
considérant combien vaste est son sujet ; aussi fera-t-il des coupures ;
il se bornera aux grands traits, remplaçant la parole par des dessins.
Ce sera une relation de voyage avec images. »
Aujourd'hui l'Extrême-Orient s'impose à l'attention du public euro-
péen : la situation de la France dans les mers orientales l'explique.
C'est pourquoi en 1894 le journal le Temps envoya M. Marcel Monnier
faire le Tour de l'Asie : on lui laissait la plus grande liberté, il devait
regarder et traduire. Le voyage dura 45 mois, dont 30 consacrés à la
Chine. L'année 189.5 est consacrée à l'Indo-Chine, l'Annam, le Tonkin,
puis au Nord de la Chine et au Japon. Au 1"'' janvier 1896, départ de
Pékin pour l'Ouest de la Chine, le bassin du Yang-tsé-Kiang, le
Setchouen, retour au Tonkin par le Yunam. Le retour en Europe s'est
fait en prenant la Corée pour point de départ et l'Asie-Mineure pour
point terminus avec Bagdad comme station intermédiaire, c'est-à-dire
la route historique des grandes invasions Mongoles.
M. Marcel Monnier se propose de faire trois grands arrêts dans cette
course; il examinera successivement : 1" la Chine actuelle ; 2° la Corée,
région encore peu connue ; 3" les scènes de la vie mongole et la vie
sur les hauts plateaux.
La Chine actuelle.
La question chinoise emprunte aux intérêts et aux rivalités en pré-
sence une importance réelle. 11 n'est pas inutile de voir ce que sera la
Chine de demain. C'est en vain que les Chinois à l'abri de leurs
anciennes coutumes , voudraient garder leur séculaire isolement.
Faut-il s'en réjouir ou s'en alarmer ? Y a-t-il un péril jaune ? Sommes-
nous menacés de l'invasion pacifique d'une race pullulante faisant
tomber aux dernières limites du bon marché le prix de la main-
d'œuvre ? N'y a-t-il pas à entrevoir le choc de deux civilisations, alors
— 334 —
que les historiens nous montrent une vieille Chine civilisée quand
l'Europe était encore barbare.
A vrai dire, ce n'est pas dans les livres que nous verrons le Chinois
réel : ce n'est pas le lettré mais l'élément populaire qu'il faut envi-
sager : c'est ce que fait ce dernier élément, c'est ce qu'il vaut qu'il
nous importe de connaître. Or nous y voyons une race industrieuse,
prête à toutes les besognes, s'accli matant partout, sobre, d'une remar-
quable égalité d'humeur.
Considérée dans son ensemble, la Chine donne l'impression d'un
peuple heureux. Le Céleste prend toujours le bon côté des choses.
Son rêve est d'être le moins malheureux possible. Ce n'est pas de la
philosophie, c'est un don de nature, une absence de nerfs et de nervo-
sité. Le Chinois ignore les bienfaits du chemin de fer, de l'électricité...
et de la presse ; mais en revanche il n'a pas la neurasthénie. 11 est peu
difficile pour son gîte. En voyage il se contente d'une méchante
auberge, où il trouve une chambre avec des cloisons de papier. A la
rigueur il se contente de loger dans son chariot. Le Chinois de la
basse classe en demande moins encore, il soupe d'une écuelle de riz,
fume une petite pipe et s'endort à la belle étoile avec une pierre pour
oreiller. — Le Chinois a une dextérité de main admirable ; c'est un
auxiliaire précieux pour les industries à outillage perfectionné : on
l'emploie avantageusement comme chauffeur à bord de nos paquebots
et même sur nos locomotives ; il a des facultés intellectuelles égales
aux nôtres, une mémoire surprenante ; il est peu Imaginatif mais, aussi,
peu distrait. Il est susceptible d'acquérir des connaissances profondes.
M. Marcel Monnier a ramené de là-bas un domestique qui, outre tous
les idiomes de la Chine connaît l'anglais, le russe, et qui pour le fran-
çais est maintenant de la force d'un élève de huitième ! — Et ce n'est
qu'un pauvre diable ! — Joignez à cela la puissance de la masse. De
quoi ne sera pas capable cette race formée par l'Européen ?
Eh bien, malgré tout, le péril jaune n'existe pas. Même sur le terrain
économique, le Chinois est incapable de prendre l'offensive. 11 n'a
aucun esprit d'initiative, il est tout de routine, il s'inspire des procédés
des générations passées : il se forme une sorte de gaine des supersti-
tions ancestrales, il y en ajoute de nouvelles, de telle sorte que loin de
s'émanciper avec le temps, le Chinois devient de plus en plus réfrac-
taire à nos idées. C'est une chrysalide dont le cocon s'épaissit sans
cesse. Il a les pieds dans le présent, mais la tête est dans le passé. Il
reste en sous-ordre, il doit être dirigé par un maître. — De là à une
Chine envahissante, il v a loin. — C'est un rêve.
-335 -
Mais, dira-t-on, si séduit par le bon marché de la main-d'œuvre,
l'Européen allait là-bas fonder des fabriques ? — La réponse est facile :
celte décision provoquerait les exigences des jaunes. Le Chinois est
passé maître en matière de grèves. Le seul résultat obtenu serait une
prodigieuse augmentation du prix de la main-d'œuvre.
Mais quoi ! La Chine ne peut-elle imiter le Japon ? Ici encore, non.
— Les deux pays diffèrent trop. Quelque extraordinaire que cela puisse
paraître, la Chine est une vaste démocratie, la plus libre qu'on puisse
voir, confinant presque à l'anarchie : elle fourmille de fonctionnaires,
mais tous parfaitement corrompus et qu'on méprise , auxquels le gou-
vernement ne donne qu'un mot d'ordre: pas craffab-es! Aussi fonc-
tionnaires et gouvernement sont les dociles serviteurs de l'opinion
publique qui règne en souveraine maîtresse. Le Japon au contraire est
une féodalité avec une hiérarchie bien réglée, respectée , c'est une
machine fort capable de recevoir l'impulsion qui, au contraire, ne
peut se transmettre en Chine.
Et si quelque conquérant venait transformer la Chine ? Ici encore
la chose paraît impossible ; la Chine a toujours été envahie, jamais
envahissante, mais par contre elle a toujours absorbé ses vainqueurs.
Supposez l'empire divisé , la Chine subsistera. C'est qu'en effet le
Chinois est sédentaire par excellence. Nombreux sont ceux qui n'ont
jamais fait même le voyage à la ville voisine. Né sur une terre, le
Chinois y mourra. Il ne demande qu'à cultiver en paix son petit
jardin. 11 n'offre aucune prise à l'autorité.
Mais ce sont là considérations générales. Allons au Selchouen. La
route c'est le fleuve Bleu, le Yang-tsé, vaste fleuve, aux eaux pro-
fondes, aux berges écartées, se prêtant à l'établissement de vastes
entrepôts comme à Han-Kéou ; mais au-dessus d'Itchang il devient un
énorme torrent, long de six à sept cents kilomètres, tout encombré de
rapides, inaccessible aux vapeurs , sillonné pourtant de grosses jonques
de 150 tonneaux. C'est un curieux spectacle que de les voir, à la
montée, remorquées par des équipes de mariniers attelées à un câble,
— Et comment lutter contre la concurrence de ce transport primitif,
quand on songe que la paie du marinier est de 3 taëls, soit environ
10 francs à la montée, pour un trajet qui dure cinq semaines, et qu'à
la descente il n'a droit qu'à la nourriture sans salaire !
Sur la roule qui borde le fleuve, on voyage en cliaise à porteurs.
C'est le seul mode de locomotion, du moins pour l'Européen. Le
Chinois a beaucoup de mépris pour l'Européen ; il croit que c'est un
— 33(1 —
être parfaitement misérable et dénué de ressources pour aller volon-
tairement si loin de son pays : il est confirmé dans cette opinion par
nos liabits courts ; il faut en effet être bien pauvre pour ne pouvoir
acheter l'étoffe nécessaire à la confection d'une robe longue qui cache
les jambes. Or du mépris à l'insulte il n'y a qu'un pas. Mais quand
l'Européen est en chaise à porteurs, c'est donc qu'il est un personna|j;e
considérable, offrant de la surface, et on le respecte. Seulement le voilà
contramt à ne point cheminer à pied, à moins cependant de se faire
escorter de près par sa chaise à porteurs, qui lui sert ainsi de porte-
respect !
Les monuments au Setchouen consistent en fréquentes portes, assez
délabrées, ornées de caractères dorés. Elles ont été élevées aux frais
de l'État à la mémoire de quelque personnage, ou même d'un simple
ménage ayant donné l'exemple des vertus domestiques. Les rivières
sont franchies par des ponts de pierre ayant parfois une grande har-
diesse, ou bien par des ponts suspendus qui ne sont pas sans élégance.
Le Setchouen est un pays d'une merveilleuse fertilité. 11 produit des
quantités énormes de soie, on y trouve du colza, du mais, du sorgho,
du thé, de l'opium et bien d'autres choses encore ; et pourtant, il y a
de la misère, c'est que la terre manque aux habitants ; pour une
surface équivalente à celle de la France, on trouve en effet 70 millions
d'âmes !
Thoung-tcheng-foii (Tchung-King de nos cartes), est la capitale du
Setchouen ; c'est une grande ville, le centre du commerce, remarquable
surtout par sa banlieue vraiment pittoresque.
En résumé, le Setchouen au point de vue de l'avenir économique, a
une très grande importance. Jusqu'à présent, aucune nation européenne
n'y a pris pied. En revanche, nos missionnaires français y sont très
nombreux : ils ont autour d'eux un groupe nombreux de chrétiens
convertis depuis plusieurs générations, et, chose importante, ces chré-
tiens appartiennent aux classes riches. Nos missionnaires appellent de
leurs vœux le commerce français. Ils s'engagent à lui fournir des
agents et des commissionnaires sérieux. Ce vœu sera-t-il exaucé ?
Un des traits caractéristiques de la population, c'est le respect du
diplôme. M. Marcel Monnier raconte à ce propos une anecdote amu-
sante. Il cheminait sur une étroite chaussée, entre deux rizières, quand
il vit venir en sens inverse une chaise à porteurs où se pavanait un
jeune homme porteur de lunettes et de la grande plume. C'était un
licencié frais émoulu ({ui se mit à apostropher avec véhémence les
-^ 337 —
porteurs de noire compatriote pour avoir comuiis la faute de ne pas se
ranger et laisser la place libre à un personnage de son importance. —
Le chef des porteurs de M. Marcel Monnier s'avança alors, tira de sa
ceinture crasseuse un parcliemin plus crasseux encore et le présenta
au jeune homme qui le prit non sans un certain dégofit, mais qui, après
y avoir jeté les yeux, le rendit avec les marques d'un grand respect.
C'est que le chef des porteurs, homme d'environ 45 ans et d'apparence
vulgaire, était lui aussi licencié, et plus ancien que le collègue. Force
fut donc à ce dernier de se ranger, sa chaise dans le fossé et. de
laisser passer devant lui son ancien !
Du Setchouen nous entrons dans le Yun-nan. Ici la route est mar-
quée par un autre fleuve, affluent du Si-Kiang ou rivière de ( Janton ;
c'est le Hong-Kiang encaissé au milieu de hautes montagnes. C'est un
pays très convulsé au sujet duquel s'est formée une légende, aussi
bien que pour la région voisine du Kouangsi. On y représente le sol
fertile, susceptible de riches cultures, en réalité c'est un pays fort triste
et dénudé, ne produisant ni le riz ni le thé, mais seulement quelques
fèves. Les populations y sont misérables. On assure que le sous-sol
est riclie, qu'il y a des métaux, du charbon; mais pour exploiter tout
cela il faudrait de gros capitaux, et on ne voit pas trop le moyen de
les amener sur ce point. En réalité, le seul avantage de ces deux pro-
vinces, c'est qu'elles constituent la route naturelle de la Birmanie vers
la Chine. La capitale Yun-Nan-Tsen est une ville délabrée qui compte
environ 80.000 habitants. La France a obtenu concession d'un chemin
de fer de Laokaï à Yun-Nan-Sen ; c'est quelque chose ; mais ce n'est
qu'une amorce. Le vrai chemin de fer est celui qui ira de Yun-Nan-
Sen au beau fleuve Bleu i Yang-tse). Sera-t-il français ou anglais ?
Pour se résumer et pour répondre à cette question, que pensez-vous
de la Chine ? M. Marcel Monnier déclare que ce qui frappe là -bas,
c'est non seulement la masse, mais encore la durée. La Chine échappe
à l'évolution. Telle elle était jadis, telle elle reste encore aujourd'hui,
telle elle sera demain. Et pourquoi ? C'est que c'est un pays sans
cohésion ; la patrie c'est le village, et même, moins que cela encore,
la famille ; mais cela forme comme une multitude de cloisons étanches
qui soutiennent le navire désemparé et l'empêchent de sombrer.
La Corée.
Située en dehors des grands parcours, délaissée du voyageur, la
Corée n'en constitue pas moins un pays singulier, différent de la Chine
- :338 -
et du Japon, et pourtant formant un trait d'union entre les deux. : c'est
un contraste perpétuel.
Au point de vue physique, elle présente de grandes plaines, mais
aussi, dans la partie médiane, de grandes cliaînes de montagnes qui
vont se rattacher au relief de la Mandchourie. Séoul, la capitale, a
une enceinte de 35 kilomètres de tour et une superficie équivalente à
celle de Paris, mais la ville même n'est qu'un point dans cette immen-
sité. Le peuple coréen est farouche mais en même temps hospitalier.
Le Coréen pris individuellement est brave, mais il est incapable de
tenir sur un champ de bataille. Les femmes travaillent et accomplissent
les rudes corvées des champs. Les hommes fument de longues pipes,
et s'ils se promènent sur le port, ils encouragent les travailleurs
japonais de la voix et du geste.
La population est partagée en trois classes ou plutôt trois castes, la
haute, la moyenne et la basse. On garde soigneusement ses distances,
Aristote, s'il eût été là-bas, eût trouvé un heureux complément à son
chapitre des chapeaux. Il y en a de toutes formes et de toutes dimen-
sions. Le chapeau de deuil, véritablement monumental, constitue une
sorte de cloche. Il cache entièrement la lète et surmonte un vêtement
ample taillé dans une toile d'emballage !
Tout est minutieusement réglé. L'agriculture, l'industrie, le com-
merce sont l'objet de véritables monopoles au profit de certaines
corporations, qui rançonnent le producteur et sont elles-mêmes ran-
çonnées par le gouvernement. Voilà pourquoi dans ce pays riche le
peuple est pauvre.
Les côtes sont poissonneuses, la pêche y est active, mais le produit
en est trop souvent sacrifié et perdu. — C'est ainsi qu'une projection
nous montre des monceaux de sardines empilées destinées à être
séchées, puis pulvérisées pour servir d'engrais.
Mongolie.
C'est à l'oasis d'Ourga que viennent aboutir toutes les routes qui
sillonnent cet immense plateau. C'est la ville Sainte du désert de
Gobi, en réalité la porte de la grande Mongolie, un point fixe là où
tout est nomade. C'est une ville de bonzes, la ville Sainte par excel-
lence. Là séjourne ce prêtre, incarnation de Bouddlia qui vient immé-
diatement après le Dalaïlama. Là se font les grands pèlerinages qui,
tous les trois ans, réunissent en un corps de nation les Mongols
:- 339 -
accourus de tous les points de l'Empire, même de la Russie et des
bords de la \"olga. On croirait alors voir les hordes de Gengis-Klian
se préparer à l'invasion du monde occidental, mais ce n'est là qu'une
illusion. Bientôt les petits chevaux de race mongole entraînent tout ce
monde dans les profondeurs de la steppe. Karakoroum, la capitale du
terrible Khan n'est plus elle-même qu'un souvenir. Les lieues succèdent
aux lieues sur le plateau monotone. Point de verdure, point d'herbes.
De loin en loin un monceau de pierres, monument d'un art tout pri-
mitif, destiné à rappeler quelque accident ou quelque meurtre : aussi
est-on heureux d'arriver aux frontières de la Sibérie, où l'on retrouve
enfin des arbres, une nature moins désolée, et un mandarin de la
frontière, pauvre exilé au milieu de ses administrés dont il ne comprend
point l'idiome et qui est tout heureux de reprendre langue avec des
gens venant de Pékin.
Ce n'est là qu'un pâle résumé d'une Conférence pleine d'humour,
de saillies spirituelles et de mots heureux, pour laquelle M. NicoUe a
chaleureusement remercié M. Marcel Monnier, se faisant en cela
l'interprète de toute la salle.
A. M.
LE TRANSVAAL ET LES BOERS
Pa M. Camille GUY,
Chef du Service géographique et des Missions au Ministère des Colonies.
Conférence faite à Lille.
C'est devant un auditoire extrêmement nombreux qu'a eu lieu la
Conférence de M. Camille Guy, chef du service géographique au
Ministère des Colonies, sur un sujet tout d'actualité : le Transvaal et
— 340 —
les Boers. — Après une courte allocution de M. Paul Crepy, Prési-
dent, qui d'une façon fort aimable présente l'orateur, M. Camille Guy
prend la parole.
Il commence par décliner les remerciements du Président, c'est lui-
même qui en doit à la Société de l'avoir invité, au public d'avoir
répondu si nombreux à l'appel de la Société. N'est-il pas agréable
pour un Français de retracer avec émotion l'histoire d'un petit peuple
persécuté ?
Puis entrant brusquement dans son sujet, M. Camille Guy nous
décrit le Transvaal. Quand on débarque et qu'on se dirige vers le
Nord, on traverse une colonie anglaise, puis la République du fleuve
Orange, puis enfin celle du Transvaal. C'est un parcours de 1,600 kilo-
mètres. A l'Est, on laisse la colonie anglaise de Natal, le Zoulouland,
la baie Delagoa et Lourenço-Marquez, colonie des Portugais qui ont
expérimenté combien il en coûte d'avoir de trop puissants voisins. A
l'Ouest, se trouve le désert de Kalahari, ainsi que les territoires conquis
par le trop fameux Cecil Rhodes et désignés sous le nom de Rhodesia.
Le Transvaal a 308,000 kilomètres carrés, c'est-à-dire la superficie
de la Grande-Bretagne et de l'Irlande réunis : c'est un plateau de 1.000
à 1.200 mètres d'altitude, bordé à l'Est par le massif d'Omataka, au
S.-O. par la masse imposante du Drakenberg, au Nord par le désert
de Kalahari. Ce plateau est lui-même coupé en deux par une ligne de
collines en forme de table : là se trouve le rand ou pays des mines
d'or, cause de tous les malheurs des Boers.
Ces monts coupent le pays en deux versants, celui du Limpopo et
ceJui du Vaal. Les rivières qui sont à sec pendant six mois de l'année,
emportent vers les deux Océans toutes les eaux disponibles.
Le climat est inverse du nôtre, la saison d'hiver pendant notre été
et inversement. La saison dite d'été s'étend du mois de novembre au
mois de mars, c'est la saison sèche par excellence. Le pays devient le
domaine du vent et de la poussière. L'hiver est la saison des pluies,
alors paraît la végétation herbacée qui favorise le développement de
l'élevage.
Rien de plus monotone et de plus triste que ce pays de plateaux qui
constitue le Karrou, où l'horizon se perd à l'infini, où l'on ne voit
qu'une terre brune , rouge , sans végétation, ou bien couverte de
buissons épineux. Elle fourmille de pierres, parfois colossales : c'est
à croire que là s'est déroulée la légende de Deucalion et de Pyrrha,
mais les hommes ne sont pas nés par la transformation de la pierre.
— 341 —
comme sur le sol généreux de la Grèce. Pendant de longs kilomètres,
en diligence on en sleeping-car, on ne voit que des bœufs ou des
moutons broutant l'herbe maigre du Karrou.
11 a fallu au peuple boer de bien graves raisons pour se fixer dans
ces lieux désolés. Il faut remarquer cependant que cette terre momen-
tanément infertile n'est pas inféconde. Quand on s'acharne à lutter
contre elle, elle produit aussi bien, sinon mieux que d'autres. Conve-
nablement retournée et travaillée, elle donne les produits de nos pays
tempérés. Le jour viendra où les mines seront épuisées, et alors il en
sera comme pour la Californie et l'Australie : le laboureur viendra se
substituer au chercheur d'or, et il vivra là avec sa famille et ses
serviteurs.
Si le pays a pu recevoir des Européens, c'est grâce à un labeur
incessant. L'hiver est dur, surtout quand le vent souffle, entre temps
il y a la pluie, la poussière, la boue ; mais cela n'arrête pas le paysan,
du moins sur le Karrou, car plus au Nord est le désert avec des tem-
pérature de -\- 45° ; mais sur le plateau, l'altitude compense la latitude.
Le grand malheur est que le pays se trouve coupé de la mer ; il n'est
en rapport avec aucun des deux Océans, il ne dépasse pas la demande
des besoins locaux ; il vit pour lui-même ; il a jadis cherché à toucher
la mer, mais ses voisins ne le lui ont pas permis.
Ce n'est donc pas un pays favorisé, il produit, mais il faut peiner :
on a alors le maïs, le blé, les légumes d'Europe autour des fermes. On
recueille du tabac sur la pente des montagnes, mais la grande ressource
c'est l'élevage biblique.
La faune indigène est pauvre. Défense expresse est faite de chasser
les éléphants; mais, à vrai dire, il n'y en a pas. Les eaux du Limpopo
servent de retraite à des hippopotames. 11 n'y a pas ce qu'on peut
appeler un animal utile ; en revanche pullulent les serpents : le python,
la vipère, sans parler des insectes et des sauterelles.
Pourquoi un pays si peu séduisant sert-il d'asile à une population
européenne qui s'y est attachée ? C'est que les habitants actuels
n'avaient pas le choix ; ils fuyaient l'ennemi, c'est-à-dire l'Anglais ;
selon le mot du président Kriiger, les Israélites du Sud fuyaient devant
les Amalécites.
L'Afrique du Sud n'est pas anglaise. C'est en 1652 qu'une colonie
hollandaise vint s'établir au Cap ; elle demeura assez peu prospère
jusqu'en 1685, date de la révocation de l'Edit de Nantes. A ce moment,
des protestants français chassés de leur pays vinrent chercher asile
23
— 342 —
près de leurs coreligionnaires du Cap : avec les qualités de leur race
ils apportèrent l'art de cultiver la vigne, qui maintenant réussit fort
bien au Cap.
Au XYIIF siècle, les Boers se multiplièrent ; mais la ville du Cap
était un point de relâche des plus importants à une époque où le per-
cement de l'isthme de Suez n'était pas encore accompli, il n'y avait
qu'une seule route des Indes. Aussi n'est-il pas surprenant de voir les
Anglais profiter de ce que la Hollande a été conquise par la France
pour s'installer au Cap en 1790, Ils ont évacué la place en 1802, lors
de la signature de la paix d'Amiens, mais y sont rentrés en 1805 et dès
lors n'en sont plus sortis.
Or, les Anglais n'ont rien fait au Cap en tant que peuplement. Ils
n'ont pas su faire ce que nous avons fait en Algérie ou en Tunisie, lis
ont persécuté et ils sont arrivés à se priver de bras qui auraient pu leur
être fort utiles. Dès 1815 eut lieu une insurrection des Boers. Elle fut
noyée dans le sang. En 1825, les Anglais ordonnent la suppression de
l'esclavage, qui pourtant là était fort doux. C'était la ruine pour le
plus grand nombre des entreprises agricoles. En 1828, les Boers
émigrèrent, car ils étaient persécutés.
Ils s'en allèrent avec leur famille, leurs grands chariots ; ils s'instal-
lèrent dans ce qui est aujourd'hui l'Etat d'Orange. Ils se croyaient
tranquilles pour toujours. Mais ils furent poursuivis et les Anglais leur
imposèrent leur protectorat, quelques-uns se soumirent, mais le plus
grand nombre émigra vers le Karrou. Si les Boers n'allèrent pas plus
loin, c'est que le Kalahari leur opposait une barrière infranchissable.
Ils se fixèrent donc dans le Transvaal et en 1844 se donnèrent une
Constitution. Ils s'établirent là en agriculteurs et pasteurs, comme les
vieux peuples. Ils auraient vécu heureux et tranquilles sans la décou-
verte de l'or ! Du moment où l'on crut qu'il y avait de l'or dans le
pays, c'est que ce pays appartenait à l'Angleterre, c'était évident !
Nous avons alors un prologue de la tragédie ; c'est la lutte des
Boers qui furent vaincus et durent accepter le protectorat anglais jus-
qu'en 1852 ; mais il arriva qu'on ne trouva pas les mines d'or espérées ;
les Anglais se retirèrent et même en 1854 ils reconnurent, outre la
République du Transvaal celle du Fleuve Orange.
Mais en 1864, Karl Koch découvrit le diamant à Kimberley ; l'ex-
ploitation commença en 1870. Aussitôt l'Angleterre songea qne les
Boers n'étaient pas en sécurité et résolut d'assurer l'ordre dans
l'État d'Orange et dans le Transvaal. Les Boers eurent le mauvais
— :343 —
goût de repousser cette intervention généreuse. C'étaient de merveil-
leux tireurs, ils avaient des chefs comme Joubert et Prétorius, ils
avaient Krûger, ce tut le Triumvirat de la défense nationale ! Ils
étaient 30.000 hommes en état de porter les armes, ils n'hésitèrent
pas à engager la lutte et battirent les Anglais à Laing's-Neck et à
Spitzkop.
C'est à la suite de cette bataille où furent battues les troupes des
Indes que Gladstone lança cette dépêche où il disait : « Nous avons
commis une faute, réparons-la ». La réparation fut le traité de Pre-
toria de 1^81, qui reconnut Tindépendance du Transvaal et même de
l'État d'Orange. Sans doute il paie une sorte de tribut, sans doute
pour les relations extérieures il passe par l'intermédiaire de l'Angle-
terre, mais pour tout le reste il est indépendant.
Malheureusement, voilà qu'en 1886 on découvre les fameuses raines
d'or et elles se trouvent être d'une richesse incomparable. Les Anglais
se jurèrent de les prendre. Telle est l'origine du drame.
Voyons maintenant quels en sont les acteurs. Trois peuples sont eu
présence. Les Boers ; un ramassis d'aventuriers qui s'intitule les
Uitlanders ; une population noire, Cafres et Zoulous, qui vivent de
la mine et dans la mine.
Les Boers sont les descendants des colons hollandais renforcés d'en-
viron 500 Français, mais ces derniers ont oublié leur langue et n'ont
jamais abdiqué leur haine, ils ne nous ont pas encore pardonné la
révocation de i'Edit de Nantes. Parlant à notre consul, le président
Krùger disait : « Vous oubliez Louis XIV ! » De ce mélange est
sortie la population boere qui a son originalité et sa fui. La coiffure
des femmes est restée la vieille coiffure hollandaise ; dans l'habitation
du paysan on trouve la vieille bible. Cette population paysanne est
attachée au sol, elle aime la terre pour elle-même ; il n'y a ni industrie,
ni commerce. Toute cette population est sobre, a le grand amour de
la famille, le respect de la parole ; elle est hospitalière, peu loquace,
aime les apologues et les symboles obscurs. Elle est attachée à ses
anciennes coutumes, méprise noire civilisation de toute la hauteur de
son patriotisme, de son orgueil et do son fanatisme religieux. Le pré-
sident Kriiger en incarne le type : c'est un paysan sans toilette, à la
barbe mal taillée, coiffé d'un chapeau de feutre ; mais sous cette écorce
de paysan bat un cœur de soldat et de patriote. Avec son air bon-
homme, il a mis en échec la diplomatie anglaise et à l'occasion s'est
montré un soldat. Sa diplomatie consiste à n'en point avoir, lia surtout
— 34 'i —
la ténacité : c'est parla qu'il a iuspiré de l'admiration aux Européens
et a tenu tête à ses eDnerais.
Quelle différence avec le Uitlander. Celui-ci est tout en nerfs ; peu
difficile en matière de morale, ce sont des gens qui ont créé des mines,
exploité des mines et aussi les bourses de leurs contemporains ! Ils se
sont installés en maîtres dans un pays qui n'était pas le leur, ils se
sont étonnés qu'on ne leur ouvrît pas toutes grandes les portes du
Parlement. On y rencontre beaucoup d'Anglais , aussi beaucoup
d'Allemands, quoique un peu moins. 150 Français, quelques juifs polo-
nais tenant des débits de boissons ou d'horribles auberges, qui ont joué
à la bourse, et qui, naturellement ont gagné. Les Uitlanders se décom-
posent en directeurs d'usine étranges, sans expérience, sans instruc-
tion, comme par exemple un ancien gendarme ; au-dessous d'eux
viennent des ingénieurs habiles sur lesquels repose l'exploitation, des
ouvriers, des contremaîtres. C'est une population qu'il ne ferait pas
bon de rencontrer au fond d'un bois.
Les noirs fournissent la main-d'œuvre. Ils sont de deux sortes :
1" les Zoulous qui surent résister aux Anglais ; 2" les Cafres, popula-
tion douce et résignée. C'est eux qui fournissent la majorité de la
main-d'œuvre dans les mines : ils sont robustes, quoique se nourrissant
de presque rien, mais fortement déprimés au point de vue intellectuel.
Ils apprennent vite cependant. Leur seule préoccupation est de s'éta-
blir, c'est-à-dire d'avoir une paire de bœufs et de femmes qui les
nourrissent. Cela s'élève à 150 francs la paire, l'un dans l'autre. Aussi,
une fois qu'il est à la tète d'un ca[)ital de 600 fr., le Cafre part; il
s'installe chez lui, il éblouit les habitants de son kraal par son opu-
lence. Aussi, souvent les Cafres manquent. On a recours alors à des
mesures vexatoires, on fait des esclaves. On estime à 45.000 le nombre
de ces mineurs, volontaires ou non.
Voilà donc les acteurs. Voyons le drame.
Les Roers ne songeaient nullement à fermer leur territoire aux
mineurs, mais ils ne voulaient pas admettre des étrangers dans leur
gouvernement. C'est cette situation que les Uitlanders n'ont pas voulu
accepter. Dès 1886 et surtout dès 1889, ils firent entendre des récla-
mations que l'Angleterre s'empressa de soutenir; et cependant le
président Kriiger avait fait preuve de bonne volonté en accordant la
naturalisation après quatorze; années de séjour et moyennant l'enga-
gement de rester dans le pays. Cela était équitable : en Angleterre et
aux Etals-Unis, pays libre par excellence, la naturalisation exige
'—345 —
autrement de temps et de formalités ! Krùger accordait même une
deuxième Chambre, dite des Mines, quelque chose comme une Chambre
basse. Mais il refusa absolument d'aller plus loin.
Et il ne le pouvait pas. Johanesbourg qui, en 1888 comptait 4 habi-
tants, en a aujourd'hui 120.000, presque tous étrangers. Le président
Kriiger ne pouvait consentir à donner le droit de vote à 50.000
Anglais contrebalancés par quelques Boers. Peut-être a-t-il eu tort de
ne pas céder sur le monopole de la dynamite qui fait payer 165 fr. ce
qui en vaut 40 ; il aurait pu céder aussi sur la question des chemins de
fer; mais il ne pouvait céder sur la question électorale : c'était
accepter la suprématie de l'Angleterre , c'était le suicide pour le
Transvaal, et le Transvaal n'a pas voulu se suicider.
De là naquit le conflit.
Cela débuta par un complot.
L'àme du complot fut Cecil Rhodes. 11 fut convenu que l'on procé-
derait à l'occupation de Johanesbourg. On envoya là-bas des fusils et
des canons : 3.000 fusils dissimulés dans des tonnes soi-disant d'huile.
L'huile était renfermée dans un double fond pour la vérification de la
douane. 10 canons furent simplement cachés dans des chargements de
coke. Une révolte des Uitlanders devait éclater en octobre 1894. Les
Boers devaient intervenir et l'Angleterre aussi. Mais le président
Kriiger eut vent de la chose; il alla trouver les ambassadeurs étrangers
et les prévint : nous avons là-bas un excellent ambassadeur, M. Aubert,
qui protesta avec énergie ; les Allemands en masse donnèrent l'assu-
rance de leur fidélité au Transvaal. Le coup était manqué.
Cecil Rhodes ne voulut pas s'entêter, mais Jameson était un risque-
tout. Le 1" janvier 1895 il franchit la frontière, sans aucune déclara-
tion, coupant le télégraphe derrière lui pour ne pas être rappelé, et
marchant avec 800 hommes sur Johanesbourg qu'il espérait voir se
soulever ; mais il fut arrêté à Krugersdorf et contraint de capituler
avec tout son monde. C'était un second échec pour les Anglais ; et, de
plus, un grave échec moral, car Kriiger remit ces forbans entre les
mains du pouvoir central anglais qui se garda bien de les châtier
comme ils le méritaient. L'Europe se souleva. L'empereur d'Allemagne
envoya sa fameuse dépêche au président Kriiger , menaçant d'une
intervention de l'Allemagne si l'Angleterre bougeait.
Devant cette attitude , l'Angleterre s'émut ; elle déclara que le
ministre des colonies, Chamberlain, était dans l'ignorance de tout ce
qui devait se passer, et Kriiger publia des documents qui prouvaient
— 340 —
qu'au contraire l'Angleterre savait tout et que le seul tort de Jameson
était de ne pas avoir réussi. On put croire que l'Angleterre n'allait
plus bouger.
Mais c'était une erreur, car les mines d'or se développaient. Sans
dire avec le président Kriiger que le Transvaal est le pays d'Ophir dont
parle la Bible au temps de Salomon, on peut reconnaître que là se
trouvait le Monomotapa des Portugais au XV siècle, — le Rand
convenablement exploité donne d'énormes richesses. Il faut admirer
d'ailleurs la volonté tenace des Anglais. La Compagnie des Robinson
en est là-bas un remarquable exemple. Elle avait un capital de 6 mil-
lions et les plus grands noms de l'Angleterre, au bout de deux ans
tout l'ut mangé. On reconstitua un nouveau capital , cette fois de
20 millions, nouvelle chute. Le capital fut reconstitué à 40 millions, et
maintenant la Société a remboursé trois fois sou capital et sert un
intérêt de 15 à 20 % ^'^^c un fonds de réserve énorme !
Il est vrai de dire que tout semble venir à point nommé. Pour l'ex-
ploitation on manquait de bois, de houille, de voies de communication,
de main-d'œuvre. Voilà que tout à coup on découvre des gisements de
houille à côté de l'or ; voilà que réussissent au delà de toute espérance
des plantations d'eucaliptus qui, au bout de cinq ans, donnent le bois
nécessaire. On manquait d'eau, on trouve des sources qui permettent
d'établir d'immenses réservoirs dans la montagne. On manquait de
main-d'œuvre ; mais les Cafres et les Zoulous traités en esclaves sont
parqués dans les compouncU. Enfin un heureux procédé parle cyanure
de potassium est découvert par un ingénieur et permet d'extraire 80 %
de l'or contenu dans le minerai !
Gecil Rhodes en 1866 est arrivé au Cap comme poitrinaire ! en dix
ans il a gagné une fortune colossale et il ne la dépense pas, car il n'a
pas de besoins. Ce qu'il voit dans l'argent, c'est le levier. Il a conçu le
projet de relier le Caire à la colonie du Cap par un réseau de fils télé-
graphiques et de voies ferrées sur territoires appartenant à l'Angle-
terre. Partant de là, par le Tchad, le Niger et la Gambie, une seconde
voie formera la croix britannique sur le continent noir. Mais l'exécution
de ce rêve est empêchée par la France qui, dans l'Ouest africain, a
conquis la boucle du Niger et s'y est installée de façon à détruire la
croix anglaise. Le montai horizontal lui-même n'est pas réalisé, car
pourquoi les Anglais n'échoueraient-ils pas une troisième fois dans
leur entreprise contre le Transvaal ?
Je ne veux pas être prophète, dit pour conclure M. Camille Guy ;
. - 347 —
sans doute les Boers ne peuvent se renouveler éternellement, et, pour
réussir, l'Angleterre mobilisera tout et dépensera tout; mais si les
deux Républiques sœurs doivent devenir anglaises, selon le mot du
président Kriiger, ce sera moyennant un prix qui étonnera le monde.
— Il n'y a plus d'Europe depuis 1870, et cela par sa propre faute,
depuis qu'elle a permis qu'il soit porté atteinte au flambeau de civili-
sation et de générosité qu'était la France ; sans cela, le crime ne se
serait pas accompli. Mais en dépit de tout, demain demeure encore
incertain et je ne serais pas étonné pour ma part de voir se réaliser
cette sinistre prophétie du prince de Bismark, qui disait en 18G6 :
« Les Etals de l'Afrique du Sud seront le tombeau colonial de l'An-
gleterre. »
Inutile d'ajouter que M. Guy, qui nous a donné là ses appréciations
personnelles et qui nous a exposé ses propres vues, a été fréquemment
et très vivement applaudi.
A. M.
Association Française pour l'Avancement des Sciences
(A. F. A. S.).
CONGRÈS DE BOULOGNE-SUR-MER, 14-21 SEPTEMBRE
L'Association Française pour l'Avancement des Sciences (A. F. A. S.)
a tenu son Congrès annuel à Boulogne, du 14 au 21 septembre, pen-
dant que la « Britisli Association » tenait ses assises à Douvres, de
l'autre côté du détroit.
En raison de la proximité du lieu de réunion et de l'importance
donnée au Congres par le voisinage de la Britisli Association, la
Société de Géographie de Lille avait adjoint un membre de son Comité
d'Études (précisément originaire du Boulonnais) à M. Gustave
Lecocq qui la représente d'ordinaire dans la section de Géographie.
Les communications n'abondaient pas cette année à la section en
question ; on s'était douté probablement que la Géographie pratique
tiendrait une large place dans les travaux du Congrès : en effet, dès le
— 348 —
premier jour, les membres se partageaient en plusieurs groupes pour
visiter les industries diverses et les monuments de la ville.
Le groupe archéologique, dirigé par MM. E. Hamy etEnlart (1], était
reçu d'abord à St-Nicolas par M. le doyen Joncquel, qui faisait les
honneurs de son église , dont certaines parties ( tour et transsept )
remontent au XlIP siècle.
De là nous gagnons en Haute-Ville la Porte Notre-Dame où des
touilles récentes mettaient à jour le vieux ciment des Romains sous
les revêtements ajoutés au Moyen- Age.
La visite du Château depuis les caves (où l'on voit sourdre une fon-
taine intarissable) jusqu'aux salles de fête de l'étage donne l'occasion
à M. Enlart de nous expliquer bien des détails de la vie des anciens
seigneurs de Boulogne.
Notre-Dame, son autel merveilleux et sa crypte ont été déjà décrits
dans notre Bulletin ; mais on vient d'inaugurer dans cette cathédrale
le monument de Godefroy de Bouillon, de grande allure et de style
oriental, exécuté d'après les dessins de M. Enlart.
Une ascension (?) au vieux Beffroi du XIIP siècle termina cette inté-
ressante promenade.
Le lendemain , « l'Empress » emportait à Douvres plus de 300
Congressistes, dont une bonne partie paya son tribut à Neptune, car la
mer était très dure. — Le débarquement à Douvres fut même assez
pittoresque, au moins pour les spectateurs ; depuis que l'on a construit
le New Pier (quai affecté au commerce), le Pier de l'Amirauté est
devenu d'un abord difficile par certains vents ; nous roulions tellement
qu'une des passerelles tomba dans le bassin, sans entraîner personne,
heureusement.
Nous fûmes reçus très cordialement par les membres du Congrès
de la British Association escortés d'un détachement d'infanterie sans
armes.
Un buffet commodément installé sur le quai nous offrait des récon-
fortants (thé, café, bouillon et sandwiches, sherry, etc.), bien utiles
après notre pénible traversée.
Le trajet jusqu'à l'Hôtel de Ville se fît sur 8 ou 10 cars électriques à
trolley se suivant à quelques mètres de distance. Réception très sym-
(1) ; • • •
En 1897, M. Enlart fil à notre Société, une très intéressante Conférence sur
Chypre.
- 349 —
palhique et souhaits de bienvenue daus le Town-Hall , dont nous
admirons la décoration, en particulier les vitraux. La salle des confé-
rences qui lui est contiguë nous intéresse aussi par ses heureuses
proportions et ses installations (^buffet, vestiaire, etc.).
Chacun se rend alors dans les sections qui l'intéressent ; il n'y en a
que 10 au lieu de \9 chez nous, mais elles m'ont paru beaucoup plus
suivies, surtout en Géographie; le D*" G. Scholt exposait justement dans
cette dernière section (avec carte projetée à l'appui), les résultats
océanographiques et météorologiques de la campagne d'exploration
sous-marine organisée par l'Allemagne sur le vapeur « Valdivia ». La
veille on avait entendu plusieurs communications sur les explorations
antarctiques ; le lundi était réservé plus spécialement à la Géographie
physique ; le mardi, aux voyages et explorations.
A 1 heure 1/2, un lunch pantagruélique réunissait sous une vaste
tente les membres des deux Associations, ainsi que ceux de la Société
Géologique de Belgique venus par Ostende, et les invités de la Ville,
en tout 1,100 à 1,200 convives répartis sur 30 à 40 tables magnifique-
ment servies.
Au dessert, plusieurs toasts sont prononcés : d'abord par le maire de
Douvres, puis par M. Brouardel, président de l'Association Française.
Jl rappelle que notre Société est pour ainsi dire la fille de la British
Association, fondée comme elle pour décentraliser la Science, mais
plus jeune de 41 ans. — Le professeur Michaël Foster, président de la
British Association développe humouristiquement le même thème, et le
D' Aigre, maire de Boulogne, lui donne la réplique dans un anglais
dont la pureté et l'élégance séduisent nos collègues d'Outre-Manche.
Après le lunch, une photographie générale est tirée dans la pelouse
de l'antique Collège où le banquet avait eu lieu. Beaucoup profitent
des deux heures restées disponibles pour grimper au Château, dont la
masse, vue de cette pelouse, forme un superbe décor. L'Église et le
Phare [ce dernier construit par les Romains, probablement en 46 avant
J.-C.) en sont les parties les plus intéressantes.
Le retour se fit dans do meilleures conditions que l'aller, et la
cuisine anglaise ne servit guère ce soir-là à varier le menu des hôtes
du détroit.
Le lendemain dimanche, une vingtaine de breaks et voitures nous
emmenaient, par la jolie route de la côte, à Wimereux, où l'on s'arrê-
tait pour visiter les appareils du télégraphe sans fil et les restes du
premier laboratoire de Zoologie maritime de M. Giard ; puis sa
- a^o -
nouvelle et spacieuse installation près la Pointe aux Oies sur Amble-
teuse.
De là nous avons gagné le phare du Gris-Nez, visité les machines
servant à produire l'éclairage éleclrique et à comprimer l'air pour la
sirène. Dans la lanterne est installée depuis quelques mois une lampe
électrique à deux foyers conjugués d'une puissance de plusieurs mil-
lions de carcels et d'une portée de 40 à 50 milles.
Après un confortable déjeuner de 150 couverts, difficile à organiser
dans le hameau de Framezeele, distant de toute gare de plus de
10 kilomètres, nos breaks nous emporlent sur la route de Marquise.
Un arrêt à Ferques nous permet de voir fonctionner les appareils
d'épuisement du sondage d'Hydrequent. et plus loin nous admirons
les installations mécaniques des carrières du Haut-Banc , récemment
décrites au Bulletin par notre vaillant collègue M. Derache, Comme
lui nous n'avons qu'à nous louer de l'accueil de MM. Haynaut, qui
nous pilotent eux-mêmes à travers leurs chantiers et nous ramènent à
la halte du Haut-Banc où nous attend un train spécial à couloir mis à
notre disposition pour rentrer à Boulogne.
Le lendemain matin, je prenais connaissance de l'intéressant rapport
Iule vendredi par M. le colonel Monteil, vice-président de la section,
sur les Dalhols et la Mer Saharienne ; puis, l'ordre du jour étant épuisé,
je prenais congé du sympathique secrétaire-adjoint, M. Eyssérie ,
explorateur de la Côte d'Ivoire, enchanté d'avoir pu, comme mon ami
Lecocq, faire apprécier à nos collègues les curiosités du Boulonnais,
ainsi que les travaux et l'utilité de notre chère Société de Géographie.
Le mardi, le Congrès visitait Calais ; le jeudi avait lieu la réception
de l'Association Britannique et l'inauguration de la statue de Duchenne
(créateur de l'électrothérapie), clôturant dignement un Congrès pour
lequel la ville de Boulogne (comme celle de Douvres, du reste), s'était
largement mise en frais.
Une excursion de trois jours à travers les curiosités monumentales
et industrielles de la région, à Arras, Douai (où l'on a fêlé le cente-
naire de la Société d'Agriculture, des Sciences et des Arts du départe-
ment du Nord), Lens, Isbergues, St-Omer, Arques et Dunkerque, a
suivi ces assises et donné, j'en suis sûr, aux membres du Congrès une
haute idée des merveilles que peut accumuler le travail aidé parla
science.
V. D.
— a")i —
EXCURSION DES LAURÉATS DU PRIX LÉONARD DANEL
A BERGUES ET A DUNKERQUE
Le 18 ]Vrai 1899.
Directeurs : MM. E. Cantineal" et Gh. Derache.
Indûcti discant.
H.
Les dix lauréats du Concours de 1898 désignés pour participer au voyage à la
mer, prix généreusement ^ondé il y a plus de 15 ans par M. Léonard Danel, avaient
été prévenus que l'excursion se ferait cette année à Dunkerque, le jeudi 18 Mai,
par le train de 7 h. du matin. Nous les trouvâmes, M. Derache mon estimé
collègue et moi, tous exacts au rendez-vous, ravis d'aller loin de l'école plus ou
moins étroite et sombre respirer l'air pur et vivifiant des bords de la mer, avec
le gai soleil de printemps pour compagnon ; ils étaient d'autant plus heureux que
le droit d'excursionner ainsi avait été vaillamment conquis à la pointe de la
plume ; voir et apprendre beaucoup de choses intéressantes n'est pas non plus une
quantité négligeable pour des jeunes gens intelligents.
Nous voici donc en wagon ; à 7 h. 05 le train s'ébranle et les conversations
joyeuses comme on en a à quinze ans sont d'un heureux augure pour la gaîté du
voyage ; elles n'empêchent point cependant de pratiquer Vutile dulci, et de nom-
breux renseignements instructifs sont donnés sur les mœurs de la Flandre, les
villes, les monuments et les points culminants qui défilent sous nos yeux.
A 8 h. 36, on fait une halte à Bergues (v. Bull. Septembre 1894) et un raid accé-
léré permet de connaître grosso modo la ville, en voyant la caserne qui date de
l'occupation espagnole, le réservoir d'eau, l'église St-Martin restaurée, avec ses
chapelles latérales et ses rétables à colonnes torses et à volutes qui datent de trois
siècles. Sur la grande place, le splendide Beffroi excite l'admiration du jeune groupe
qui remarque aussi le style de l'Hôtel de Ville. En quelques minutes on gravit le
Groenherg, oii les 2 tours qui restent du monastère de St-Winoc marquent le lieu
d'origine de Bergues qui a eu son époque de splendeur. La surprise, que dis-je, la
stupéfaction des jeunes touristes est à son comble quand on leur affirme, en pas-
sant sur les quais du canal, que ce port a été en lutte très vive avec celui de
Dunkerque pendant 200 ans et que jusqu'en 1787, des navires de haute mer ont pu
y apporter sans rompre charge des marchandises que les canaux transportaient
ensuite dans toute la région, les routes étant alors impraticables pendant une
grande partie de l'année à cause de la faible altitude de \&j}laine maritime aonxeni
égale sinon inférieure au niveau de la mer. Après avoir vu le Mont-de-Piété fondé
par Goberger, l'économiste, architecte et ingénieur qui imagina le dessèchement
des Moëres, et après de nombreuses explications faisant tout l'intérêt de cette
rapide visite, les 45 minutes d'arrêt étant écoulées, à 9 h. 20 nous partons pour
Dunkerque oii nous arrivons à 9 h. 33. Sur le quai, nous saluons M. A. Mine,
— a52 —
Consul de la République Argentine, le Dunkerquois si dévoué à la prospérité de
sa ville natale ; il a bien voulu, par ses relations, ménager aux lauréats des visites
intéressantes et il consent, avec l'obligeance qui le caractérise, à être un guide
précieux pour la jeunesse qui nous accompagne.
Tout d'abord nous voyons la Sous-Préfecture, le Palais de Justice dont le fronton
a été sculpté par le Lillois Huidiez, la place Jean-Bart et la statue du hardi marin
qui sera d'un plus bel aspect sur le piédestal plus élevé que la municipalité a
décidé de construire (1), puis nous traversons le Parc de la Marine pour en sortir
en face de l'Arrière-Port oii sont amarrés les bâtiments de la défense mobile : des
torpilleurs, un aviso-torpilleur et une canonnière, le Cocyte, que l'on veut bien
nous laisser visiter malgré la prochaine arrivée d'un inspecteur qu'on attend dans
quelques instants. Le canon de chasse, de 270 °"" porte à 18.800 m. ; les immenses
obus, rangés debout à proximité de la pièce, doivent avoir de terribles effets. Les
petits canons de côté portent à 7.000 m. ; il y a aussi des canons-révolver à l'ar-
rière et sur le côté. Les équipages sont dans le branle-bas d'inspection : tout est
paré, ciré, graissé, astiqué, lavé, tout est brillant, tout est poli, même les matelots.
Une visite non moins intéressante pour nos jeunes gens est celle du cargo-boat
Clan Mac-Kinnon venant de Vizagapatam (golfe de Bengale), avec un équipage
nègre sous les ordres d'officiers anglais, en tout 55 Ifommes. 11 est en acier et
appartient à MM. Cayzer, Irvine et C'e , managers de la Clan-Line à Glascow ; il
mesure 3(5 pieds anglais (93 m.) de long, 39 p. de large (11 m. 90) et 23 p. 3 p.
de creux (7 m. 10) ; sa jauge brute est de 2.267 tx ; sa jauge nette de 1.461 tx. ; il a
été lancé en Mai 1891.
Nous sommes très bien reçus par le second du bord qui nous fait voir les
machines, les cuisines des officiers et de l'équipage, la salle à manger et les
cabines des officiers, l'aménagement pour la cargaison, etc. Il nous montre un
énorme boa constrictor de 9 pieds de long, un peu endormi ; nous pouvons le
manier sans danger, mais son poids d'une douzaine de livres le rend néanmoins
embarrassant, car il faut toujours tenir fermement la tète oii brillent deux yeux
ardents, tandis que la langue bifide darde vivement ses pointes hors de la gueule.
Notre groupe permit en ce moment une observation intéressante ; lorsque l'officier
apporta parmi nous ce géant des ophidiens, les uns reculèrent avec effroi, d'autres
regardèrent avec anxiété, hésitant entre la crainte et l'amour-propre, mais les plus
vaillants s'approchèrent, nous questionnant, avides de connaître; et jugeant promp-
tement qu'il n'y avait pas plus de danger pour eux que pour leurs guides, ils
voulurent se rendre compte de la forme, de la température et du poids de l'im-
mense reptile ; l'occasion d'une telle observation ne se représentera peut-être plus
pour eux de longtemps.
L'équipage est également une curieuse attraction, le nègre de l'Inde est de petite
taille et très sobre, il ne mange guère que du riz avec quelques bribes de mouton
tué selon le rite religieux, condition sine qud non de l'usatre, ce qui n'empêche pas
les officiers de savourer les gigots et les côtelettes. Le costume de ces matelots est
très élémentaire : un court caleçon et une veste en cotonnade de couleur leur
suffisent largement. Des animaux exotiques, singes, perruches, etc., qui sont des
distractions de voyage courent et crient sur le pont.
Nous sommes à l'entrée du bassin Freycinet dont nous allons visiter les darses,
les môles et les écluses ; nous remarquons les magnifiques grues roulantes à tou-
relle ou à arcade qui circulent le long des darses ; ici on décharge des laines, là
(1) Voir les Bulletins de Septembre 1894, d'Août 18% et de Juillet 1897.
- 353 —
du maïs, voici du riche minerai de fer de Bilbao, etc. Nous reniarijuons le nouvel
Entrepôt des sucres d'aspect monumental, déjà trop petit, nous dit-on ; trop d'ar-
chitecture et trop peu d'ampleur ; nous voyons sur ses faces inscrit en grandes
lettres : « Chambre de Commerce », cette mention revendicatrice, que portent de
nombreuses constructions, rend perplexe le touriste qui se demande oii est la
Chambre réelle ; il est vrai que les Anglais ne sont pas loin et qu'avec leur talent
actuel de se substituer, on peut croire prudent d'étiqueter son bien très visi-
blement.
Nous arrivons maintenant au grand hangar N"3du môle 2, con.struit pour mettre
à l'abri les animaux débarqués vivants ; il est formé de 8 travées en tout ; dans les
2 premières sont installées 6 rangées d'animaux tète vis à vis de tète, avec passage
entre deux pour que le service de nourriture et d'observation des bœufs ou des
chevaux puisse se faire sans danger. Chaque rangée comporte 27 anneaux pour
attacher 3 ou 4 animaux à chacun d'eux, il y a donc place pour 5 à 600 tètes de
bétail. Les 6 travées suivantes sont aménagées pour les moutons ; on peut y en
entasser 9.000, mais pour y demeurer, c'est-à-dire y manger et se coucher, on n'en
met que 5 à 6.000. Le débarquement se fait du navire à la travée directement par
des passerelles bordées de planches ou de claies. Tout est désinfecté après chaque
passage d'animaux.
Voici le nouvel Entrepôt des laines encore en construction ; il paraît devoir être
aussi très coûteux. On y logera 17.500 balles à 6, 7 et 800 kil., c'est-à-dire en
moyenne 12 à 13 millions de kilos. Dunkerque devient véritablement le port des
laines ; ses progrès sont rapides, ainsi pour les 8 premiers mois de la campagne
181)8-99, Mai compris, on a reçu ici 218.801 balles, ce qui fait 42.898 b. ou 24,4 %
de plus (jue pour la période correspondante de 1897-98 ; les 4 mois prochains vont
donc encore majorer sensiblement cette avance. Anvers, au contraire, est en dimi-
nution de 4.267 balles, n'ayant reçu pendant les 8 derniers mois que 78..329 balles.
En 1897, la laine a constitué les 2/5"' de la valeur des importations totales de Dun-
kerque, c'est-à-dire 194.031.600 fr. sur 500.530.300 fr. Ces documents contrôlés
nous sont fournis par AI. Albert Mine, le plus actif promoteur de ce mouvement
en faveur du port de Dunkerque, qu'on a réussi à produire par des combinaisons
avantageuses pour les industriels en favorisant les arrivages par l'amélioration des
conditions du port, des manipulations, etc.
Nous avons une lettre de recommandation pour visiter le « Kurdistan » de Sun-
derland, qui est arrivé de Buenos-Ayres avec moutons vivants, mais le temps
presse et sans monter à bord nous décrivons l'installAtion aux touristes que nous
conduisons, puis nous nous rendons aux cales sèches ou formes de radoub. Nous
voyons heureusement la plus grande, de 190 m. de long sur 21 m. de large,
occupée par un grand voilier en réparation ; la plus petite, de 85 m., est aussi
occupée. Que les hommes sont petits parmi ces immenses engins et que ces engins
sont minuscules au milieu de l'Océan, disent nos jeunes gens en contemplation
méditative ! Dans le voisinage, nous indiquons le bâtiment de la machinerie qui
vide en 3 heures les 40.000 "'■^ d'eau de la grande cale pour mettre à sec le navire
qui y est entré.
Nous continuons à longer l'Avant-Port, long de 1.3(K) m. et nous traversons la
grande Ecluse Trystram, dont le radier côte 10 m. 90 de hauteur d'eau en marée ;
elle fut inaugurée solennellement en 1897, par le ministre Turrel. Nous remar-
quons dans la darse N" 4 le barrage pétrolier, bonne précaution, mais insuffisante
dans un accident grave ; par explosion ou autrement, le pétrole pourrait se
répandre quand même et on reconnaîtrait alors le défaut des 4 darses communi-
quant entre elles ; ce qui serait préférable, et existe du reste dans bien des ports.
— 354 —
ce serait un bassin spécial et isolé pour les pélroliers, ceci soit dit, non pour
blesser la susceptibilité de nos compatriotes de Dunkerque dont nous admirons et
louons l'esprit d'initiative, mais pour les encourager à perfectionner l'agencement
et les dispositions de leur port dont ils sont si constamment préoccupés.
Bientôt nous traversons la défense du front de mer dont l'Etat reconnaît la
grande insuffisance, mais les Ministres passent rapidement, les projets se suc-
cèdent, les difficultés ne sont pas résolues et un statu quo dangereux persiste.
Nous voilà au pied du grand phare et nous gravissons courageusement tout d'une
traite les 290 marches du bel escalier de pierre, sauf les 45 dernières qui sont en
fer et traversent la partie construite sur la plate-forme pour gagner la loge vitrée
oii se trouvent les appareils lumineux. Ce phare a été construit de 1838 à 1842 ;
éclairé d'abord à l'huile, il le fut au pétrole en 1874, puis à l'électricité en 1885; le
foyer est à 5U m. au-dessus de la haute mer, la portée lumineuse est de .38 milles
(ou 70 kil. environ) et la portée géographique de 1!» milles (ou 3C) k. 5). A quelques
mètres vers le N.-O. du phare se trouve une pierre déforme pyramidale qui indique
le méridien de Paris; en etiet, la situation du phare est 0''01'4i" long. E. et 51<'."3'
lat. N. Le gardien nous montre le fonctionnement des lampes électriques ; il en
possède 4, plus une lampe de secours à pétrole, leur place est au centre d'une
série de lentilles concaves et convexes qui centralisent et avivent les faisceaux
lumineux ; c'est l'appareil dioptrique ou à réfraction, il produit en fonctionnant une
éclipse de 2 en 2 éclats obtenus par des lames intercalées de 2 en 2 barres passant
devant le foyer. Le gardien en titre qui manipule ces appareils nous donne avec
toute compétence de nombreux renseignements sur l'éclairage de la rade et celui
de la haute mer. Une observation attentive du panorama qui se déroule au loin ,
avec les monts de Cassel comme fond de tableau vers la terre et avec les falaises
anglaises n l'horizon vers la mer, est le complément agréable de notre instructive
ascension.
Nous descendons au galop l'escalier en spirale si péniblement gsavi il y a un
instant et nous longeons le chenal que l'on a considérablement élargi afin de
faciliter la circulation et surtout les dragages nécessaires pour en permettre
constamment l'accès aux grands navires ; on l'a fait passer de 70 m. à 130 m. et
même à 210 m. en face du phare, pour dégager largement l'accès de la grande
écluse.
Nous nous arrêtons ensuite au Bâtiment central , ainsi nommé parce que tous
les services du port : maritimes, commerciaux et douaniers y sont centralisés ; il
est le siège réel de la Chambre rie Commerce qui a fait élever cette construction
vraiment monumentale. Nous y pénétrons, curieux d'en voir l'intérieur ; l'escalier
et son abord sont d'un très bel et imposant aspect ; un palier est admirablement
orné par le plan-perspective de la ville et du port. A l'étage, nous jetons un coup
d'œil sur le Musée commercial qui, ici comme à Lille, laisse beaucoup à désirer,
mais pour des motifs très différents ; ces musées, dont on rencontre à l'étranger
des installations remarquables, deviennent d'une importance excessive pour le
commerce d'exportation et doivent être organisés comme des bililiothèques. Nous
voyons dans une grande salle le plan de Dunkerque en relief que nous avons
admiré à l'Exposition d'Anvers en 18!li.
Depuis 1880, que fut organisée la première darse du l)assin Freycinet, la Chambre
de Commerce unie à la Municipalité dans un esprit de progrès et de développement
commercial, ont réussi tellement bien dans leurs efforts, que le trafic du port a
décuplé grâce à leur adresse si laborieuse, à leur persévérance dans l'étude des
perfectionnements et à leur ténacité auprès des pouvoirs publics ; le succès ne
saurait être mieux mérité. Nous avons visité les constructions en cours sur les
— ;^ô —
môles; bientôt des chantiers de constructions navales verront le jour sur la rive
Est de l'Avant-Port, ainsi qu'uu nouveau bassin. Mais un point noir surgit à Tho-
rizon, il est surtout devenu visible depuis que l'Angleterre accentue sa politique
de prétentions vis-à-vis de nous ; c'est la question de la défense du port de Dun-
kerque et de la côte du Détroit, question inquiétante pour les Dunkerquois lancés
dans la voie du progrès à une allure qui les briserait si l'appui du gouvernement
venait à leur manquer. On penserait, dit-on, non seulement à fortifier à point le
front de mer, mais à attacher au port une sérieuse escadre ; voilà la cause de. la
terreur générale. Déjà on subit les privilèges de circulation des bâtiments de la
défense mobile comme un mal nécessaire ; que deviendrait le trafic avec les obli-
gations d'un service d'escadre dans le chenal et les bassins si souvent encombrés ?
Les pouvoirs militaires exhalent, on le sait, des effluves mortels pour le commerce
et l'industrie et désirer un petit Toulon là oii est né et grandit un brillant Mar-
seille, serait vouloir faire lentement et sûrement mourir Dunkerque pour l'empê-
cher d'être peut-être tué. Voilà une grave erreur de pensée que l'on reconnaîtra
certainement avant de l'exécuter ; ce port, qui deviendra l'un des soutiens de la
fortune de la France, ne saurait être sacrifié ; mieux vaudrait plutôt lui rendre la
franchise qu'il a toujours possédée jusqu'en 1789, ou bien lui donner moyennant
une redevance, la liberté d'administration selon les nécessités de la concurrence
étrangère, tout en établissant dans le voisinage, un nouveau port pour la défense
militaire ou en appropriant l'un de ceux qui existent déjà, lui apportant plutôt
profit que préjudice. Le Gouvernement qui a tant favorisé Dunkerque, ne voudra
pas, nous l'espérons, lui nuire ainsi aujourd'hui ; le groupe industriel de Lille, un
peu solidaire de la fortune de Dunkerque, désire aussi par patriotisme, que
l'anxiété actuelle se change bientôt en espérance, puis en satisfaction.
Il est plus de midi lorsque nous quittons la Chambre de Commerce ; nous nous
hâtons de regagner la ville par le bassin du Commerce et la rue de l'Eglise ; nous
nous arrêtons devant le nouvel Hôtel de Ville en construction sous la direction de
M. L. Cordonnier, notre concitoyen, mais dans l'état actuel du monument, il serait
peut-être téméraire de vouloir apprécier d'une façon juste et définitive sa valeur
architecturale ; nous espérons qu'il sera digne de loger les édiles d'une ville
sérieuse qu'il ne faut pas comparer à M.do ; nous soifimes persuadés, du reste, que
M. Cordonnier traitera avec le talent qu'on lui connaît son projet qui a réuni les
suffrages de la Municipalité. Un peu plus loin, nous passons devant la vieille
église St-Eloi, de style gothicjue fleuri. De l'autre côté de la rue se trouve la tour
et son carillon, l'un des plus anciens des Flandres ; elle fit partie de l'église jusqu'en
1783, époque oii l'on perça la rue qui l'en sépara. Nous traversons la place Jean-
Bart, puis nous retrouvons la rue Alexandre III et l'hôtel où nous avons pris une
collaiion en arrivant ce matin. Les jeunes estomacs fonctionnent toujours bien et
c'est avec plaisir que nos touristes trouvent une table bien servie. Ils n'oublient
cependant pas, au dessert, de boire à la prospérité de la Société de Géographie
et à la santé de M. Léonard Danel ; ils adressent même, en sortant de table, à ce
Mécène de la science, un télégraumie contenant l'expression de leur reconnaissance
et leurs meilleurs vœux.
Comme ce rapport l'indique, on s'est beaucoup instruit ce matin, mais il faut
aussi s'amuser et c'est dans ce but ([ue le car électrique nous emporte vers la
plage de Malo-les-Bains. Nous passons devant la chapelle de N.-D.-des-Dunes,
vierge retrouvée en i'M) et honorée comme patronne de Dunkerque, en souvenir
de l'église bâtie par saint Eloi, vers 625, Dicyn Kerk, autour de laquelle s'est
formée la ville. Près de là nous voyons le monument de la Victoire, commémoratif
de la levée du siège de Dunkerque par les Alliés après la bataille d'Hondschoote
— 350 -
en Septembre 1793. Bientôt nous :ipercevons le Kursaal, le Casino et les chalets
et en un instant nous sommes sur le sable de la plage, la jeunesse aussilôt s'élance,
gambade, court et rit, plaisantant avec toute la franche et sincère gaîté dont elle
a le privilège. Quelques-uns de nos jeunes gens voyaient pour la première fois
la mer et tout en admirant les lointains horizons parsemés de coquilles de noix, ils
éprouvent une naïve satisfaction à se mouiller les pieds dans la vague mouvante
de l'Océan tout à fait de bonne humeur aujourd'hui.
Cependant une promenade à àne dans les Dunes où saint Martin perdit le sien
au IV* siècle, selon la légende fêtée tous les ans le il Novembre, compléterait,
nous dit-on, admirablement la journée de plaisir. Nous constatons à la caisse que
fa générosité de M. Danel permet cette folie et nous l'autorisons avec satisfaction,
tant elle nous paraît ardemment désirée. Ce fut vraiment alors le comble du
plaisir ; quolibets incessants, apostrophes impossibles, réparties vigoureuses, situa-
tions inénarrables, plaisanteries allant jusqu'à l'extravagance, rien ne manqua pour
faire de cette heure de joie exubérante une clôture briUante des divertissements.
Le voyage ainsi terminé, virtuellement du moins, le tramway nous ramena vers
l'hôtel, nous prîmes quelques provisions et un rafraîchissement bien mérité, puis,
arrivés à la gare, nous témoignâmes à M. A. Mine, notre profonde reconnaissance
de son précieux concours et le train nous emporte bientôt à toute vapeur.
A 7 h. 30, nos touristes étaient rendus aux soins des professeurs qui nous les
avaient confiés, mais je crois bien que la partie de plaisir dura encore pour quel-
ques-uns, égayant leur sommeil, malgré la puissance de Morphée. Outre le songe,
tous conserveront, je l'espère, le souvenir de ce qu'ils ont appris et vu aujourd'hui
grâce à l'étude sérieuse de la géographie ; je souhaite même que plus tard, les
plus zélés, devenus membres de notre Société, soient pour nous, comme bien
d'autres, d'actifs et précieux auxiliaires.
E. Cantineau,
Archiviste de la Société.
LES EXCURSIONS DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE DE LILLE
EN 1899.
SOURCES DE L'ESCAUT. — CANAL SOUTERRAIN
DE ST-QUENTIN. — RUINES DE VAUCELLES.
Excursion du 11 Juin 1899.
Directeurs : MM. Henri Beaufort et Ferxaux-Dekrance.
Nous pensons être agréable aux membres de la Société de Géographie en
joignant à la narration de notre journée la description des principaux sites et
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monuments que nous avons rencontrés et le résultat de quelques recherches biblio-
graphiques faites par nous dans cette intention.
Aucun manuel de voyage, à notre connaissance, ne les signale et ne donne sur
eux de détails suffisants ; ils sont cependant bien remarquables, au point de vue
géographique et historique, et c'est à ce double titre que nous avons cru intéressant
de les rappeler à ceux qui les connaîtraient déjà ou de servir de guide à ceux que
tenterait à l'avenir cette excursion vraiment curieuse.
Lille, 8 h. 55, c'est l'heure solennelle du départ. Le temps est gris, grises sont
les mines ; les généraux en chef Henri Beaufort et Fcrnaux-Defrance, sur le quai,
passent la revue de leurs troupes, personne ne manque à l'appel. Dans les wagons,
la conversation languit, le même thème revient, banal, monotone ; il va pleuvoir,
c'est sûr, c'est évident. . . puisque ce sont les fêtes de Lille ; de mémoire d'homme
cela ne s'est jamais passé autrement ; dans le fond des wagons, s'estompent de
vagues silhouettes de parapluies, aux porteurs prudents. Les photographiomanes,
nombreux, comme toujours, sont consternés, ce n'est plus seulement la plaque qui
sera voilée, mais la nature entière. Désolation ! Enfin le train s'ébranle, quelques
minutes de rapidité vertigineuse, puis arrêt subit.
Douai. Gomment déjà — c'est merveilleux, c'est beau la vapeur, etc., etc., c'est
beau la vapeur ? Attendez un moment. Entre temps, comme nous sommes hors
des limites du climat lillois, le soleil n'a plus aucune raison pour ne pas se
montrer, et risquer une éclaircie joyeuse entre les nuages. Transformation subite
des visages. De Douai au Gâteau, du Gâteau à Gaudry, on ne peut pas dire que
nous filons comme des zèbres, non, mais on avance tout de même, quoique avec
une sage lenteur.
Là où la situation se corse, devient inénarrable, c'est de Gaudry au Gatelet. Une
vieille locomotive asthmatique, poussive, n'en pouvant plus, même au repos —
en nous voyant venir, nous jette do l'œil rond de sa lanterne, un regard stupéfait.
— Quoi, il faudra traîner tout ça (trente personnes) et un dimanche encore ! Enfin,
quoique à regret, elle part, puis revient sur ses pas. puis repart encore avec des
grincements et des bruits de vieille ferraille; ah! sûrement nous ne déraillerons
pas. On croit parfois qu'elle va s'arrêter, manquant d'eau et de forces, puis elle
reprend en geignant sa course. Une voiture suit une route parallèle à la nôtre,
pendant quelque temps nous cheminons de concert avec le trot paisible des che-
vaux, puis le cocher perd patience, donne un coup de fouet et dépasse notre train.
C'en était trop et il ne nous restait plus qu'à descendre. Nous avions d'ailleurs à
peine 3/4 d'heure de retard pour un parcours d'une heure. Gare du Gàtelet,
11 h. 45.
M. Toussaint, inspecteur en retraite et membre correspondant de la Société de
Géographie à Gouy nous attendait, il devait être notre très aimable cicérone à
Gouy et au Gàtelet.
L'ABBAYE DU MONT ST-MARTIN.
Par une route poudreuse et ensoleillée, nous traversons un joli village, aux fermes
monumentales, construites en pierre de taille, production du pays ; il se nomme
Gouy et nous reviendrons plus loin sur son histoire.
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Les revêtements d'ardoises et l'absence presque complète de pannes donnent à 1
perspective aérienne une rare douceur ; l'harmonie des tons n'étant plus rompue
comme chez nous par les affreux toits rouges de nos constructions. Au bout de-
quelques minutes nous atteignons le Mont-Saint-Martin, au pied duquel l'Escaut
prend sa source. Pas bien élevé, ce mont ; mais enfin comme il est presque le seul
de la région, il a encore bon air. Il est surtout remarquable en ce qu'il porte à son
sommet l'ancienne abbaye du Mont-St-Martin,
Cette abbaye, dont l'histoire est intimement liée à celle du Càtelet, est fort
ancienne, puisqu'elle fut fondée en 1106; le monument que nous avons sous les
yeux ne remonte pas à cette époque, mais bien au XVIII'" siècle.
Selon une tradition du pays, vers l'an 358, saint Martin, qui servait alors dans
l'armée de Julien l'Apostat, détruisit une idole qui se trouvait sur le « Mont des
Bœufs », de là vint le nom de Mont-St-Martin donné à l'endroit oia fut plus tard
construite l'abbaye. Des recherches, faites au siècle dernier, y ont fait découvrir
les restes d'une construction gauloise antérieure, indiquant peut-être une résidence
des Druides ; la région étant extrêmement boisée, l'hypothèse paraît admissible.
En tout cas, on s'accorde à reconnaître Garemberg comme le fondateur de
l'abbaye du Mont-St-Martin. Après avoir construit d'abord à Bony, village voisin
que nous montre M. Toussaint, un petit ermitage sur perches qu'il recouvrit
d'écorces d'arbres , il s'adjoignit quelques compagnons. L'ermitage grandit
promptement, sous la juridiction de l'évèque de Cambrai, lequel en 1135, donna à
Garemberg le titre d'abbé. Mais Bony ne fournissant pas les eaux dont Garemberg
avait besoin, il acheta le terrain appelé le Mont-St-Martin, terrain placé dans les
bois et bordé par les eaux du fleuve l'Escaut, qui prenant alors sa source dans le
cimetière de Beaurevoir (!!!), autre village voisin, venait couler le long du jardin
des religieux (Ognier). Garemberg écrivit à l'abbé de St-Martin, de L;ion, de lui
envoyer quelques religieux Prémontrés pour former le nouveau monastère ; en
peu de temps, ce dernier prit une telle extension qu'en 11.37 il y avait déjà plus de
500 pères.
Une tradition locale rapporte qu'en 1146, saint Bernard lui-même, arrivant de
Cambrai, vint passer la nuit à Vaucelles (voir plus loin), d'oii il repartit pour
Gouy, selon les renseignements laissés par Geoffroy, son secrétaire.
Cette abbaye très riche et très puissante produisit plusieurs hommes célèbres ;
un des plus fameux est Godescale en 1148; saint Bernard en parle dans une de ses
lettres au Pape, c'est lui qui fut appelé par le Pape suivant à examiner la doctrine
de Gilbert de la Porrée (Porretanus), évèque de Poitiers, lequel fut condamné après
la lecture du travail de Godescale, ce qui donna à ce dernier une très grande
réputation et la chaire épiscopale d'Arras.
Les nombreuses guerres qui pendant plusieurs siècles ravagèrent le pays avaient
également dévasté l'abbaye, aussi en 1760 jeta-t-on les fondations de l'abbaye
actuelle, qui malgré ses vastes dimensions ne donne plus qu'une faible idée de ce
qu'elle était autrefois. Les deux communes de Gouy et du Càtelet étaient alors
soumises à la juridiction seigneuriale de l'abbé de St-Martin et du seigneur du
Càtelet.
Actuellement il n'en reste plus qu'une construction de style moderne , sans
grand caractère ; la façade en pierre de taille est uniforme, sans ornements, sa
longueur est d'une cinquantaine de mètres. Elle est précédée d'une grande cour
fermée par une grille de fer bordant le chemin. Non loin de là se trouve une ferme
très ancienne, et un terrain dénommé « la Grand'Cour », emplacement de la vieille
abbaye primitive ; à l'Est de cette pièce se voit la source de l'Escaut. Deux ailes
de l'abbaye furent vendues en 1830, la démolition dura quatre ans et les matériaux
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servirent à ériger une filature à Masnières. Nous rencontrons ici, comme toujours,
comme à la vieille abbaye de St-Bertin, à St-Omer, précisément à la même époque,
oii Ton démolit les superbes pierres sculptées pour en faire un abattoir, les
ravages du temps et des hommes, surtout.
11 est curieux de signaler les quelques personnages qui séjournèrent dans cette
abbaye. C'est d'abord en 1377 l'empereur Charles IV d'Allemagne, accompagné
de son fils, il y descendit en allant à Reims voir son neveu Charles V, roi de France.
Puis, le duc de Wellington, généralissime de l'armée anglaise dont le quartier-
général était à Cambrai, vint après la bataille de Waterloo, pendant l'occupation
de la France par les troupes alliées louer l'ancienne abbaye de St-Martin. Il y
passa environ trois ans. Accompagné d'une suite nombreuse, menant un train de
vie fastueux, il fut pendant son séjour une source de profits pour les habitants de
Gouy et du Càtelet. Il faisait venir des chevreuils, des cerfs, qu'on lâchait ensuite
dans les bois d'alentour et organisait des chasses à courre vraiment princières,
dont le souvenir persiste encore dans le pays.
Enfin, le général Dumouriez séjourna au Mont-St-Martin en allant prendre le
commandement de son armée , la Convention prévenue envoya aussitôt deux
délégués s'emparer du général, mais déjà il avait poursuivi secrètement sa route.
LES SOURCES DE L'ESCAUT.
L'Escaut s'écrivait autrefois Escaud, rappelant ainsi son origine latine, Scaldis,
en flamand Sclield. Comme nous l'avons vu plus haut, il prenait alors sa source
sur le territoire de Beaurevoir, en un lieu dit le Somescaut {Summtis Scaldis).
Actuellement il prend sa source sur le territoire de Gouy (et non du Càtelet,
comme on le dit improprement), derrière l'ancienne abbaye du Mont-St-Martin.
Nous descendons donc la petite côte qui , du Mont St-Martin conduit aux
sources, sous un soleil de plomb, à la recherche du lit du fleuve. Mais, ô amère
déception, nous apercevons bien le lit, mais de fleuve point.
L'alerte fut vite dissipée, car un peu plus loin, sous de délicieux ombrages,
serpentait un petit cours d'eau. Il sortait d'une masse calcaire recouverte d'une
muraille de deux ou trois mètres. Au fond de cette cavité à laquelle on parvient
par un petit escalier, se trouve une voiite minuscule d'oii l'eau s'échappe eu bouil-
lonnant : c'est l'Escaut. Alors tout s'expliqua, ce que nous avions vu d'abord,
c'était le premier lit, l'ancien lit, celui vemint du cimetière de Beaurevoir proba-
blement, le lit exposé au soleil, à tous les vents, que l'Escaut avait quitté pour
l'autre, bien abrité sous des ombrages séculaires ; qui aurait pu l'en blâmer ?
Sur une des pierres encadrant la source se trouve l'inscription suivante dont
l'origine remonte aux moines de l'abbaye. Ce n'est pas de l'Horace ! Non. Et on y
retrouverait plutôt une vague ressemblance avec les vers ( ? ) que l'on faisait jadif*
au collège, à grands coups de « Thésaurus » et dans lesquels le plus lettré des
Latins aurait fini par y perdre le sien.
Les voici :
Félix sorte tua Scaldis
FoDs limpidissime
Qui a sacro scaturiens agro
Allais et ditas nobile Beîgium
Tôt que claras urbes lambens
Gravius thebidem intras.
— 360 -
Ce que l'on peut littéralement traduire ainsi :
« Bienheureux Escaut ! Source cristalline, toi qui, jaillissant d"un bois sacré,
arroses et enrichis la noble Belgique puis, baignant force villes célèbres, majes-
tueusement te jettes dans les flots. »
Plus profonde que nous ne le supposons était peut-être la pensée de l'auteur. Et
dans cette phrase, longue et solennelle, qui se déroule sans reprendre haleine,
dans l'espace de six vers, pour aller finalement se perdre chez Thétis, l'auteur a
peut-être voulu nous représenter l'image du cours de l'Escaut, long et solennel
aussi. Et alors, toutes ces épithètes (une par vers), tous ces bouche-trous classiques
accumulés, obstacles au libre cours de la phrase représenteraient tout bonnement
les obstacles au cours du fleuve. Qui sait ?
G 0 U Y.
Nous reprenons alors le chemin de Gouy.
Gouy est situé dans un joli vallon entouré de petites collines presque toutes
boisées, près de l'ancienne chaussée de Vermand à Bavay et de l'embranchement
de celle de Cologne à Cambrai.
Chose curieuse, le Càtelet est entouré de tous côtés par Gou}% dans lequel il est
enclavé, nous en verrons plus loin la cause.
Son origine est fort ancienne, elle conserve des vestiges de la période gauloise,
de l'occupation romaine et surtout du Moyen-Age, ou du moins elle les possédait
encore il y a quelques années.
Selon Ognier (de Gouy), à mille ou douze cents mètres de la butte du Mont-
St-Mariin, il existe une enceinte fortifiée en terre et en gazon dont l'origine remonte
à l'époque romaine et qui semble avoir été un lieu de refuge ou castrum. « Elle
occupe, dit-il, dans la partie supérieure de l'ancien bois de Bar, toute la surface
d'une petite colline qui regarde le Levant et s'étend jusque dans la vallée de
l'Escaut. Une triple ligne de retranchements défendait la colline au sommet de
laquelle se trouvait le fort ou point principal, dont les fortifications étaient encore
dessinées avant le défrichement du bois. Ce dernier retranchement, d'une forme
ronde et d'une largeur d'environ 50 mètres, était jadis couronné d'un grand nombre
de bornes ou de monolithes en grès bruts, d'une hauteur considérable, qui présen-
taient dans leur ensemble une enceinte circulaire ; à la fin du siècle dernier on voyait
encore quelques-unes de ces bornes entièrement disparues aujourd'hui. Aucun
souvenir, aucune tradition ne se rattache à cet étrange monument. On n'y trouve
aucun vestige de construction, et il n'est connu des habitants du pays que sous la
dénomination de château des longues bornes ». De nombreuses traces de l'occupa-
tion romaine ont été d'ailleurs rencontrées sur le territoire de Gouy, surtout sur
un vaste coteau compris entre le côté gauche de la route de Cambrai et la rive
droite de l'Escaut ; ce serait l'emplacement d'une vieille cité, la ville de Hénois ou
Hannoy, selon la tradition. Des masses de débris considérables y ont été décou-
verts : tuiles, tessons de poteries, puits et caves encore inexplorés, médailles de
bronze et d'argent à l'effigie des Empereurs, etc., etc.
On ne connaît pas d'une façon certaine les premiers seigneurs de Gouy ; le pre-
mier dont il soit fait mention fut en 880, Paul I, châtelain de Cambrai et du château
de Goy-en-Cambrésis.
Une croyance enracinée dans le pays, bien que des doutes aient été émis à cet
égard, c'est que .Jeanne d'Arc, prise par les Anglais à Compiègne, en mai 1430, fut
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conduite en juin au château de Beaurevoir, qui appartenait alors à la famille de
Luxembourg. On raconte même que pendant sa captivité , Théroïne voulut
s'échapper en sautant hors du donjon, mais que grièvement blessée elle put
s'éloigner seulement de quelques kilomètres, jusque près d'une ferme dont on
nous montre de loin l'emplacement, à deux kilomètres de Beaurevoir, oii elle fut
reprise par ses ennemis. Cette ferme fut depuis appelée « la Folle Entreprise »
(aujourd'hui Follemprise), probablement par allusion à ce fait. En tout cas, nous
avons été assez heureux pour retrouver dans le compte rendu officiel du procès de
Jeanne d'Arc que, « le sire de Luxembourg envoya la Pucelle dans son château
de Beaurevoir, en Picardie, oii, bien qu'elle fût gardée sévèrement, les dames
de Luxembourg lui firent un accueil doux et consolant », ce qui confirme la pre-
mière opinion.
Un château-fort fut construit à Gouy, par les seigneurs de Gouy, il était situé
près de l'Escaut et c'était une forteresse considérable, défendant l'entrée du Gam-
brésis. Dès le XVP siècle il avait disparu et on en ignore même l'emplacement.
LE CATELET.
De Gouy nous nous dirigeons vers le Gatelet, enclavé comme nous l'avons dit,
dans Gouy même : cet enclavement résulte de son origine que nous allons
retracer.
Au moment de sa rivalité avec Charles-Quint, François I" voulant défendre
l'entrée du Cambrésis, fit bâtir le Catelet (en latin Castelletum de Castellum, camp
retranché). Les fondations du fort furent faites en lô20, mais il ne fut achevé que
beaucoup plus tard. On l'appelait communément Catelet-lez-Gouy pour le distinguer
du Cateau-Cambrésis et du Catelet, près de Péronne. L'origine de la fondation est
extrêmement curieuse et le procédé, peu recommandable , indique des mœurs
encore primitives.
Le seigneur, chargé par le roi de construire ce fort, dont il fut d'ailleurs le pre-
mier gouverneur, s'appelait Jean d'Estrées. Quand il eut terminé son ouvrage, il
s'empara de tout le territoire adjacent à son fort (territoire sur lequel on avait
élevé les ateliers et disposé les matériaux) pour s'en faire tout simplement son
patrimoine. François I" laissa faire ; les abbés du Mont-St-Martin, propriétaires du
terrain, étaient dispersés par suite des guerres qui ravagèrent le pays; ils ne
purent protester, le tour était joué. Puis par un euphémisme habile « il droitura
sa mouvance, dit Colliette, et présenta au roi en 1524 un dénombrement dans
lequel il avait enferme un petit territoire, qu'il appela le Gatelet. II y prit la
même autorité de justice qu'il avait dans son fort et voilà le Gatelet devenu nou-
veau terroir, avec un manoir, des héritages, des censives et une juridiction sei-
gneuriale. Voilà un bourg tout neuf, car il se plaça assez promptement d'autres
habitations à côté des premières ».
En 1557, après l'abdication de Charles-Quint, Philippe II d'Espagne conclut avec
Henri II, le traité de Vaucelles, localité que nous visiterons tantôt, accordant aux
parties une trêve de 5 ans ; mais peu après, néanmoins, les hostilités recommen-
cèrent et nos troupes furent vaincues près de St-Quentin; les Espagnols ne voulurent
pas laisser derrière eux la citadelle du Catelet et telle était alors l'importance de ce
fort qu'ils durent, pour cela, échelonner 1.2(K) hommes le long des marais de
l'Escaut, qui s'étendaient jusqu'à l'abbaye du Mont-St-Martin et distribuer ensuite
autour du fort, trois régiments allemands. La place mal défendue fut forcée de se
rendre, mais par le traité de Gateau-Cambrésis (1559) le Catelet revint à la France.
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Le Gatelet avait alors environ 200 habitants et il y existait un hôpital, militaire
probablement.
Quelques années après, en 1581, la guerre recommença dans les environs du
Gatelet et le duc d'Alençon y passa en revue son armée, forte de 4.000 cavaliers et
de 12.000 fantassins, pour les mener camper à Vaucelles, d'oii il entra à Cambrai
et à Roubaix sans coup férir.
Après des vicissitudes diverses, au moment de la Ligue, le Gatelet fut deux fois
attaqué sans succès par Balagny, gouverneur de Gambrai et par le prince de
Ghimay qui, après 15 jours de blocus, parvint à s'en rendre maître.
Le Gatelet était alors une place à quatre bastions avec un fossé sec. Une misère
épouvantable régnait dans ce pays. La paix de Vervins (1598) restitua de nouveau
à la France la forteresse du Gatelet : tout était ravagé. Les campagnes et les
chemins livrés à l'abandon, les chapelles et les églises pillées, les statues mutilées,
les clochers sans cloches, toutes ayant été brisées ou transportées à Gambrai.
En 1636, le Gatelet est de nouveau pris par les Espagnols, mal défendu qu'il fut
pjir son gouverneur, St-Léger. Richelieu, pour éviter le retour de pareils faits, fit
condamner à mort et exécuter en effigie le gouverneur du Gatelet. Tantôt les
Français, tantôt les Espagnols étaient maîtres de la forteresse. En 1642, le combat
se prolonge jusque Bantouzelle que nous traverserons en voiture dans l'après-midi,
il y mourut une foule de soldats, dont on découvrait encore en 1864 fréquemment
les squelettes. Puis successivement le Gatelet est pris par Turenne, repris par le
prince de Gondé, rendu enfin à la France par la paix des Pyrénées.
Les limites du royaume étant reculées, le fort du Gatelet devenait inutile, il fut
démantelé sous Louis XIV, en 1674, à la grande joie des habitants dont il avait
causé le malheur pendant plusieurs siècles.
Cependant, en 1710, le fort du Gatelet fut réparé lors de la guerre avec l'Alle-
magne. Quoique démantelé, il conservait encore une garnison de quelques centaines
d'hommes, ou répara les fortifications, et de nouveau le pays fut dévasté par des
troupes diverses. En 1712, il y avait un camp des équipages au moment de la
batîulle de Denain, et le Gatelet possédait des troupes en nombre assez considé-
rable. Il n'y en eut plus depuis. L'ancienne caserne du Gatelet sert actuellement
de caserne de gendarmerie.
Le bourg lui-même ne se compose guère que d'une grande rue, large de
20 mètres et qui est fort belle.
Après être passés par une petite ruelle bordée de superbes roses qu'un de nous
s'empresse d'offrir aux dames qui nous accompagnent, nous nous trouvons
en face des constructions du Gatelet. Les bâtiments les plus anciens sont de
1679, comme l'indique la date inscrite sur la muraille, ils se composent d'un corps
de construction carré au milieu duquel est une cour. Les fossés assez profonds
étaient habituellement à sec, on y amenait les eaux de l'Escaut lorsque l'ennemi
s'approchait. Une grande muraille toute tapissée de lierre et de ronces, bordant la
route du Gatelet, est encore très bien conservée. Nous parcourons l'intérieur du
cBâteau, le haut des murailles, d'où l'on aperçoit les environs qui sont des plus
pittoresques, mais il fait si chaud, si soif, si faim que nous nous empressons de
descendre à l'hôtel. Au dessert, M. Fcrnaux-Defrance porte la santé de M. Tous-
saint, qui avait bien voulu nous montrer les souvenirs si curieux du pays qu'il
habite, toast auquel M. Toussaint répondit en nous rappelant, avec une juste
fierté, qu'il avait été un des membres fondateurs (il porte le N" 9) de la Société de
Géographie de Lille et qu'il était heureux de voir la prospérité de l'œuvre dont il
avait suivi dés le berceau l'évolution progressive.
. — 3&3 —
Des omnibus venus de Cambrai nous attendaient, ils sont pris d'assaut et sur le
champ nous partons visiter le canal souterrain de St-Quentin.
LE CANAL SOUTERRAIN DE ST-QUENTlN.
Ce canal a pour but la jonction de la Somme à l'Escaut, jonction qui paraissait
impossible à cause de la différence de niveau des deux fleuves. Pierre-Joseph
Laurent, né précisément dans la région, à Auberchicourt (1713-1773), eut l'idée
vraiment géniale de creuser un canal souterrain, en perçant le plateau situé entre
Le Tronquoy et Vendhuille, de façon à ce que l'Escaut pût rejoindre la Somme
située à 15 mètres plus haut.
11 s'agissait de faire une galerie souterraine de 13.770 mètres, atteignant à cer-
tains endroits la profondeur de 70 mètres. Ce projet hardi fut accueilli par le
Conseil d'Etal, qui chargea son inventeur d'en diriger l'exécution en lui donnant le
titre d'inspecteur du canal de Picardie.
Les travaux commencèrent en 1769, et étaient poussés avec activité quand en
1773 Joseph Laurent mourut. On eut des doutes sur le succès de l'entreprise, le
gouvernement en ordonna la suspension et renvoya l'examen du projet à l'Académie
•des Sciences. Un arrêt des Consuls en 1802 seulement confirma l'avis de l'Institut
et les travaux reprirent sous la direction de Charles-Eusiache Laurent de Lyonnes,.
neveu et élève du précédent. Le canal fut livré à la navigation à la fin de 1810»
après huit ans de travaux auxquels prirent part des troupes, des prisonniers de
guerre et des ouvriers du pays.
11 commence au hameau de Riqueval, commune de Bellicourt ; la hauteur de la
percée est de 8 mètres, la largeur est également de 8 mètres. Le canal est voûté
sur une longueur de près de 3 kilomètres. Les extrémités en sont fermées par des
portes gigantesques qui ont pour but de diminuer les courants d'air qui gênaient
la circulation et détérioraient les voûtes, surtout pendant les gelées. Nous montons
à la lueur des torches et des lampes à l'huile, so"s la conduite d'un des ingénieurs
du canal, un étroit escalier en colimaçon, qui nous permet de nous rendre compte
<\u mécanisme, d'ailleurs des plus primitifs, produisant la fermeture et l'ouverture
<lesdites portes.
Autrefois les bateliers s'engageaient dans le canal , en portant avec eux des
lumières ; le halage, fait à bras d'homme (7 à 8 par bateau), durait 8 à 10 heures ;
puis on employa un loueur et une chaine continue permettant, avec 6 chevaux, de
traîner 15 k 20 bateaux. — Actuellement, pensons-nous, il existe de puissants
remorqueurs qui entraînent facilement en quelques heures le même nombre de
bateaux.
Des difficultés innombrables furent à surmonter dans l'exécution de ce canal,
surtout à cause de l'abondance des eaux qui, au point le plus élevé, se trouvent à
12 ou 14 mètres au-dessus du niveau du canal, et de l'éboulement de la craie dont
le peu de consistance était un obstable perpétuel.
En 1781, par conséquent alors que les travaux étaient en cours, l'Empereur
Joseph II visita le canal souterrain sous la conduite de Laurent de Lyonne lui-
même. Une pierre apposée au-dessus de la porte d'une des descentes témoigne
ce fait :
L'an 1781, le comte d'Agay étant intendant de cette province ; M. Laurent de
Lyonne, directeur de l'ancien et nouveau canal de Picardie, et M. de Champrosé-Lau-
rent, inspecteur, Joseph II Empereur, Roi des Romains, a parcouru en bateau le canal
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souterrain, depuis cet endroit, jusqu'aux puits N"« 20 et 28, et a témoigné sa satis-
faction en ces termes : « Je suis tier d'être homme, quand je vois qu'un de mes
semblables a osé imaginer et exécuter un ouvrage aussi vaste et aussi hardi. Cette
idée m'élève l'âme ».
Vers la fin des travaux en 1810, le grand souterrain fut visité par la famille
impériale et la Cour. Il existe encore, vers le milieu, une très grande excavation
en forme de chambre qu'on appelle « la Chambre de l'Empereur ».
Cette entreprise, une des plus prodigieuses de l'époque, fut chantée et louée par
Voltaire, Delille et La Condamine.
Pendant deux kilomètres nous côtoyons à pied le bord du canal de St-Quentin
jusque Vendhuille, ou nous retrouvons les omnibus qui doivent nous conduire aux
ruines de Vaucelles. Nous passons par Honnecourt, Banteux et Bantouzelle (au
sujet duquel nous avons relaté plus haut quelques faits historiques), et arrivons
enfin à Vaucelles.
RUINES DE L'ABBAYE DE VAUCELLES.
A peine sommes-nous en présence des restes de ce qui fut autrefois la célèbre
abbaye de Cisterciens de Vaucelles que notre attention est immédiatement attirée
par une particularité des plus remarquables des murs d'enceinte de l'abbaye. C'est
ce que Ton appelle une échauguette (en allemand schauer, qui regarde) ou guérite
en pierre, destinée à recevoir une sentinelle ou un guetteur dans les chàteaux-forts
d'autrefois. C'est un des rares spécimens de l'architecture militaire du Moyen-Age
dans le Nord de la France (Dehaisnes). Ces échauguettes étaient espacées sur tout
le pourtour du mur d'enceinte de la forteresse, elles étaient établies aux angles et
aux portes, et on y accédait par des échelles mobiles. A Vaucelles il y en existait
neuf, une seule est restée, celle que nous apercevons devant nous , et qui présente
trois meurtrières verticales de près d'un mètre de hauteur.
De l'abbaye elle-même il ne reste plus malheureusement que diverses parties du
chauffoir et du chapitre.
Le chauffoir était habituellement une salle de vastes dimensions où les religieux
allaient, dit Viollet-le-Duc, « après le chant des Laudes, tout transis par l'office de
la nuit, se réchauffer et graisser leurs sandales pour se rendre aux travaux du
matin ». Une portion de ce chauffoir de style roman, date de 1175 ou H76 ; elle
présente des piliers en pierre , très larges mais n'ayant que très peu de hauteur
et couronnés d'un chapiteau cubique.
La salle du chapitre, est encore aujourd'hui, dans sa presque totalité ce qu'elle
était lors de sa fondation en 117U. Elle affecte la forme d'un carré parfait de
dix-huit mètres de côté et divisé en trois nefs par des piliers-colonnes. Les voûtes
sont ogivales avec des chapiteaux aux proportions colossales. Ce qui nous a le
plus frappé, ce sont les vastes baies qui, vers le Nord sont larges, élevées, et
ayant subi des modifications au siècle dernier, tandis que vers le Sud elles datent
encore de 1 179 et sont pleines de motifs élégants et décoratifs.
Bien que tout le monument ait servi de dépendance à une usine, au commen-
cement du siècle et qu'actuellement encore il soit rempli de foin, de paille et
d'animaux de basse-cour qui eu masquent le caractère primitif, il nous reste l'im-
pression que cette abbaye était des plus remarquables.
De l'église de l'abbaye, qui fut commencée en 1190 et dont le chœur était dû
probablement au célèbre architecte Villard d'Honnecourt (village voisin), rien n'est
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resté, sauf les fondations, que Ton retrouve encore sous les hautes herbes ; elle
était longue de 130 mètres et large de 60 mètres au transept. Le quartier de l'abbé
est beaucoup plus moderne, il fut édifié de 1759 à 1780, dans le style des grands
hôtels de l'époque. L'escalier d'honneur présente une rampe en fer forgé qui est
un véritable chef-d'œuvre. A l'extrémité de ce quartier s'élève un vaste édifice,
appelé à tort « le Cloître » ; il est construit en pierres du pays et soutenu par
30 contreforts massifs ; tout cela d'une facture lourde, sans aucune ornementation.
L'abbaye de VauceUes est située sur le département du Nord, et celle du Mont-
St-Martin dans l'Aisne.
Mais il faut partir, le temps inexorable fuit toujours et force nous est de regagner
plus vite qu'on ne le désirerait nos omnibus poudreux pour arriver à Masnières en
passant par Grévecœur. 5 h. 40, départ de Masnières pour Cambrai ; pendant le
trajet, le barde de la Société, toujours inspiré, nous transporte dans les régions
de l'éther.
Cambrai. — Un repas plantureux nous attendait à l'Hôtel de France ; au dessert,
M. Fiévet porta la santé des vaillants directeurs de l'excursion, MM. Heiin
Beaufort et Fernaux-Defrance qui avaient réussi à combiner et à mener à bonne fin
tant de distractions diverses en un laps de temps aussi court. A 8 h. 13 nous
quittions Cambrai emportant chacun, pour les amis et connaissances, un paquet de
«bêtises», dont le fonds inépuisable (au dire des auteurs), faillit être ce jour-là
cependant épuisé pour Cambrai, tout au moins.
D' Auguste DUMONT, de Tourcoing.
ÉPHÉMÉRIDES DE L'ANNEE 1898
DECEMBRE.
2. — Autriche. — Cinquantenaire de l'avènement de François-Joseph.
4. — France. — Anniversaire des combats de 1870 à Ghampigny.
5. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. E. Richet : Au
Klondyke.
8. — Lille.— Conférence à la Société de Géographie. M. Vallot : Construction
de V Observatoire du Mont-Blanc.
iO. — Espagne. — Signature à Paris du traité de paix. Les États-Unis obligent
l'Espagne à renoncer en plus aux Philippines, moyennant 100 millions de francs.
ii. — Oubangli-Nil. — Après la décision prise par le gouvernement français
d'évacuer Fachoda sur l'invitation de l'Angleterre, la mission Marchand quitte la
ville se dirigeant sur l'Abyssinie.
15. — Lille. — Conférence à la Société de Géographie. M. Sagary, doyen.
En Palestine avec l'empereur Guillaume.
— 366 —
i5. — Indo-Chine. — La Chambre (lô Décembre) et le Sénat (24 Décembre),
votent un emprunt de 200 millions de francs pour la création d'un réseau de che-
mins de fer.
i7, — Luxe. — Société do Géographie. Communication de M. le D'' Vermersch :
Le Zuyderzée, projets de dessèchement.
TuRKESTAN. — La locomotive arrive à Kousk (frontière afghane).
SO. — Soudan. — Évacuation de Fachoda par la mission Marchand.
21. — Crète. — Arrivée à la Canée du prince Georges de Grèce, qui prend
possession du gouvernement de l'île.
22. — France. — Vote du traité franco-italien à la Chambre.
26. — Crète. — Les amiraux des quatre puissances quittent la Crète.
3i. — Algérie. — Ouverture à Alger des premières délégations financières,
créées par décret du 23 Août.
FAITS ET NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES
I. — Géographie commerciale. — Faits économiques
et statistiques.
FRANCE.
lie commerce cxtérleiip de la France. — Un Rapport de
M. Alfred Picard. — M. Alfred Picard, Féminent commissaire général de l'Ex-
position de 1900, qui est en même temps président de la Commission permanente
des valeurs de douane, vient d'adresser au Ministre du Commerce et de l'Industrie
son rapport annuel sur le commerce de la France :
« M. Picard constate qu'en 1898, le commerce extérieur spécial de la France
(importation et exportation réunies) a porté sur une valeur totale de 7,983 millions.
Il était, en 1894, de 6,929 millions ; en 1895, de 7,094 millions ; en 1896, de
7,199 millions ; en 1897, de 7,5.")4 millions.
Le mouvement de nos échanges, qui a suivi une progression constante au cours
• de ces dernières années, s'est donc particulièrement accentué pendant l'année 1898.
Nous nous rapprochons du chiffre de 8 milliards que nous avions atteint en
1889, oia nous nous étions maintenus pendant trois ans, mais que nous n'avions
plus retrouvé depuis 1891.
Il y a eu, en 1898, par rapport aux résultats de 1897, un accroissement de
517 millions sur les entrées, mais au contraire un déficit Se 87 millions sur les
sorties. »
— 367 —
Les pays dont les envois en France ont augmenté de 1897 à 1898, sont les États-
Unis, l'Espagne, les Indes anglaises, la Russie, la République Argentine, la Bel-
gique, FAllemagne, l'Angleterre, rindo-Chine, le Chili, le Sénégal, l'Italie, l'Aus-
tralie, la Suisse, le Brésil et l'Autriche. Il y a eu, au contraire, réduction pour le
Japon, la Chine, la Turquie, la Suède.
Notre exportation a progressé vers la Belgique, l'Allemagne, la Russie, la Suisse,
rindo-Chine, l'Algérie, Madagascar, la Tunisie. Par contre, elle est en recul en ce
qui concerne l'Angleterre, les États-Unis, l'Espagne, l'Italie, le Brésil, les Pays-Bas
et la République Argentine.
M. Alfred Picard estime que l'année 1898, dans son ensemble, n'a pas été mau-
vaise pour notre commerce et notre industrie.
« Sans doute, ajoute-t-il, la balance du commerce ne nous a pas été favorable,
puisque nous achetons toujours plus à l'étranger que nous ne lui vendons. Mais il
ne faudrait pas ajouter à ce fait une trop grande importance. D'une part, en effet,
il est certain que notre consommation intérieure se développe sans cesse, sinon en
raison de l'accroissement trop lent de notre population, du moins à cause de l'aug-
mentation de ses besoins toujours grandissants.
D'autre part, un mouvement remarquable se dessine, qui porte les industriels
français à créer à l'étranger des établissements et des manufactures au lieu d'y
envoyer leurs produits qu'arrêteraient trop souvent aux frontières les tarifs doua-
niers. En cela, ils ne font que suivre l'exemple qui leur a été donné depuis long-
temps par les Allemands, par les Belges et surtout par les Anglais. Il y aura là
sans doute, dans l'avenir, une source nouvelle pour la richesse matérielle de notre
pays et le rayonnement de son influence morale dans le monde.
Nous avons aussi le droit de fonder des espérances solides sur notre domaine
colonial, si vaillamment acquis. Le mouvement de nos échanges avec nos colonies,
particulièrement avec l'Algérie, l'Indo-Chine, le Sénégal, devient de jour en jour
plus actif, et l'année dernière a vu un accroissement marqué de nos exportations
vers Madagascar.
Bientôt ce sera le Congo qui, à son tour, nous ouvrira des débouchés précieux,
en même temps qu'il nous livrera les richesses de son sol encore vierge. Ces
immenses territoires, dont l'année qui vient de s'écoulera marqué la concession,
vont être mis en exploitation ; des capitaux considérables, dont beaucoup appar-
tiennent au monde de l'industrie et du commerce, y ont été consacrés ; des entre-
prises hardies s'y organisent déjà. »
Enfin, dit en terminant l'éminent rapporteur, l'heure ne doit pas être au décou-
ragement, à la veille de cette grande manifestation économique à laquelle la France
a convié le monde entier et qui sera l'Exposition de 1900.
» Au milieu des produits'de tous les paj's, les nôtres se recommanderont toujours
par la finesse, le bon goût, l'intelligence qui a présidé à leur fabrication ; nous
n'avons rien perdu de nos qualités nationales et nous montrerons aux étrangers
quelle est encore la vitalité de nos forces industrielles. Nous avons eu des années
difficiles, il faut que le siècle qui va commencer inaugure pour nous une ère nou-
velle de prospérité ; notre labeur incessant, notre persévérance nous l'ont bien
mérité ; nous avons la ferme confiance que ces efforts ne seront point sans récom-
pense, que ces espoirs légitimes ne seront pas déçus. »
Comme on le voit, le rapport de M. Alfred Picard n'est pas décourageant, et les
faits répondent déjà aux espérances de son auteur, puisque nos exportations.
— 368 —
depuis le 1^' janvier 1899, ont pris une avance considérable sur la période corres-
pondante de l'année dernière.
L'Exposition qui se prépare, et dont M. Alfred Picard a assuré l'organisation,
peut être le début d'une nouvelle période de prospérité économique pour notre pays.
Les laines ar^eutlnes et le port de Dunk.erqtie. — Le trafic
des laines de la République Argentine par le port de Dunkerque est non seulement
toujours en progrès, mais il a acquis depuis quelque temps une importance
extraordinaire, comme le démontrent les chiffres suivants :
Les importations par Dunkerque des laines de toutes provenances ont été, en
1897, de 134,871,817 kilog. et en 1898, de 134,918,986 kilog. ; l'augmentation de
47,169 kil. peut paraître insignifiante, mais examinons le détail des importations
en 1898 selon les provenances :
République Argentine 85.771 .085 kil.
Uruguay 5.102.510 »
Algérie 2.362.fô8 »
Tunisie 7 . 734 »
Maroc 1.320.196 »
Russie (Baltique) 16.457 »
Chili 100.000 »
Indes anglaises 87.650 »
Belgique 89.187 »
Australie..'. 30.256.387 »
Espagne 2.337.861 »
Allemagne 184 »
Angleterre 7.512.261 »
Egypte 4.200 »
Total 134.918.986 kiL
Nous remarquons l'importance des arrivages d'Australie et surtout de ceux de la
République Argentine, que nous pouvons comparer aux importations de 1897,
comme suit :
Importations de laines argentines en 1897 79.468.183 kil.
— — — 1898 &5. 771. 085 »
Augmentation 6.302.902 kil.
11 ressort de ce tableau que ce sont les 6,302,902 kil. de laines argentines en
excédent cette année, qui ont soutenu l'importation globale des laines en 1898, en
légère avance sur celle de 1897.
A la même époque, nous remarquons que l'importation par Anvers est constam-
ment en décroissance sensible ; elle était de 100,318 balles en 1896-97, et elle tombe
à 97,697 balles en 1897-98.
11 faut signaler en terminant, l'activité tout à fait prodigieuse des récents arri-
vages de laines argentines ; en moins de six mois, du 1" Octobre 1898 au 15 Mars
1899, il est entré à Dunkerque 153,954 balles, contre 90,277 balles pendant la
— 369 —
période correspondante 1897-98 ; c'est une angmentation de 63,677 balles, soit 70''/o
ou environ 30 millions de kilos.
Le nombre de balles importées en 1897 est de 197,748, et en 1898 de 216,802.
lies* portK fraiioais en 1898. — La statistique des douanes donne les
renseignements suivants sur le mouvement des principaux ports en 1898. Le port
de Marseille, toujours au premier rang, a été fréquenté par 7,807 navires, jaugeant
8,073,586 tonnes. Le second rang reste au Havre, avec 3,879 navires et 3,8r>6,484 t.
Viennent ensuite les ports de Bordeaux (1,790,038 t.), Dunkerque (1,772,220 t.),
Boulogne (l,6.T3,a"'>3 t.), Calais (1,229,795t.), Rouen (l,047,25;3t.). Cette (1,008,992 1.).
Les autres ports se classent dans Tordre suivant : Cherbourg, St-Nazaire, La
Rochelle, Dieppe, St-Malo, Rayonne, Nantes, Caen, Honfleur et Nice, ce dernier
jaugeant plus de 132,000 t.
Le port de Marseille a beaucoup progressé en 1898, mais la plus-value porte
uniquement sur le pavillon étranger, tandis que notre pavillon est en décroissance.
Pour tous nos grands ports, le même fait se constate.
Le nioavenieut de l'éniigratioii vers lesi» eolouie»» fran-
ealsefit. — D'après les renseignements fournis par l'Office colonial, le crédit de
70,000 francs destiné à assurer, sous certaines conditions, le transport des émi-
grants à destination de nos colonies, était épuisé le 30 septembre dernier.
Le nombre des émigrants, relevé du 1*''' janvier à cette date, était de 163 hommes,
76 femmes et 92 enfants, formant 175 familles. De ces familles, 65 se sont rendues
en Indo-Chine, 76 en Nouvelle-Calédonie, 24 à Madagascar et 10 dans nos autres
colonies. Leurs ressources formaient un capital total de 627,250 francs.
EUROPE.
lie commerce cIcm machlues électriques eu iSulNKe. — L'in-
dustrie électrique a pris en Suisse un développement considérable et on est réelle-
ment surpris des chitfres fournis, à cet égard, par la statistique du bureau fédéral
des Douanes. En etfet, non seulement ce petit pays produit, en très grande partie,
toutes les machines électriques dont il a besoin, mais il en exporte énormément
dans tous les pays du monde.
Pour les machines dynamo-électriques seulement, la valeur de ces exportations
s'est élevée en 1897 à 8,275,000 fr., en augmentation de 2,800,000 fr. en 1896. On
estime que ce chiffre a dû atteindre près de 9,000,000 en 1898, les relevés officiels
n'étant pas encore publiés. Enfin, pour les trois premiers mois de l'année courante,
on arrive déjà au total de 2,3.50,000 fr.
Par ordre d'importance, les principaux pays qui ont acheté à la Suisse des
machines dynamo-électriques en 1897, se classent de la manière suivante : France,
Allemagne, Espagne, Italie, Russie, pour des valeurs supérieures à 1 million de
francs ; puis Autriche, Angleterre, Afrique orientale, Egypte, Afrique occidentale,
Belgique, pour des valeurs comprises entre 100,000 fr. à 1,000,0(X).
— 370 —
l^x.paii!«ioii des relations commerciales entre le Dane-
mark, et la I^^rance. — Nous empninions à une circulaire de la Société
pour favoriser l'exporta tion des produits danois (Dansk exparttbrening), l'extrait
suivant :
« Le désir d'augmenter les relations commerciales entre le Danemark et la
France est commun aux deux nations ; c'est en commun qu'elles font des efforts
pour résoudre ce problème. Ces derniers temps surtout ont vu redoubler l'activité
à cet égard.
« Il y a quelque temps notre Société a envoyé un délégué en France dans le but
de sonder les chances de placement des articles danois et d*y établir des relations.
EUle en est arrivée à reconnaître que le service actuel des vapeurs entre Copen-
hague et les ports français ne suffit pas, mais qu'une ligne régulière de bateaux
entre Esbjerg et tel port français présumé préférable, par exemple, Dunkerque,
serait à désirer ; on réduirait ainsi l'éloignement desdiîs pays à environ quatre
cents milles marins, soit à trente-six heures de traversée. Pour justifier encoi'e
davantage l'établissement de cette nouvelle ligne, on doit chercher sérieusement à
explorer le marché suisse en tâchant de le gagner pour le bétail et les viandes de
Danemark. La nouvelle ligne servirait ainsi au trafic suisse par un port français.
« Pour bien entretenir les relations entre les deux pays en question, il faudra
que l'un et l'autre s'envoient régulièrement des commis-voyageurs.
« Quant à l'accroissement de l'importation en Danemark des produits français,
il serait question surtout d'une foule d'articles de modes, de bijouterie et d'articles
de Paris et de luxe, ainsi que de divers lainages et cotons que le Danemark n'est
pas bien à même de manufacturer, et qui lui viennent presque exclusivement
d'Allemag-ne ; mais, pour réussir, le fabricant français doit sonder à fond les besoins
et le goût du pays, se mettant au courant de ce que désire le public danois et fai-
sant preuve de la souplesse requise eu face de ces désirs.
« Le fabricant français doit s'aboucher directement avec le marchand en gros
danois, comme le font les fabricants d'Allemagne, sans employer de commission-
naires. Il en arrivera ainsi à palper plus directement notre consommation et à
mieux connaître notre place. Il ne devra pas négliger les petites commandes. Les
Allemands les acceptent volontiers et, la relation une fois établie, ils cherchent à
l'entretenir, s'informant des motifs de toute intermittence des commandes.
« Dans notre pays, le prix joue un rôle important : ce sont, pour ainsi dire, les
mêmes articles que consomment toutes les classes de la société. Par exemple,
l'ouvrier danois ne se montre pas en blouse comme l'ouvrier français, mais son
vêtement ressemble à celui des classes aisées. Il en résulte que nous sommes de
gros consommateurs, mais il nous faut le bon marché, et les Allemands s'entendent
à nous livrer les articles requis; c'est ce que les manufacturiers français auront à
apprendre s'ils veulent avoir pied sur nos marchés. Nous savons bien que les
Français ont la haute main en matière de goût et de modèles fins, et nous en
reconnaissons la valeur, mais l'article ne doit pas enchérir. »
iM culture flu lin en Irlande. — Les plantations sont tombées de
45,537 acres en 1897, à 34,489 acres en 1898, soit une diminution de 11,048 acres
ou 2.") " 0- Cette diminution est d'autant plus regrettable que le rendement, la qualité
et les prix se sont améliorés et ont apporté un changement favorable aux causes
premières de la diminution de la culture du lin en Irlande, pour les districts d'East
Donegal, de North Tyrone et de Ballymena.
ai. 000
toQnes.
•2. 29!». 000
92.0(K)
»
2.91G.0(K(
88.(KJ0
»
2.G9().000
i»0.000
»
2.906.000
90.700
»
2.694.000
- 371 —
Les importations de lin dans le Royaume-Uni ont été comme suit, pendant les
onze premiers mois des cinq dernières années :
Années. Quantité. Valeur.
1894
18^
1896
1897
1898
{Recueil consulaire belge).
Russie. — Nouvelle rcg;lcinentatlon des |>oi«ls et mesures.
— Une nouvelle réglementation des poids et mesures russes vient d'être publiée.
La livre russe est fixée comme unité de poids et déclarée égale à 409,512 grammes;
le seau ou védro contient 30 livres d'eau distillée à 16.2/3 (Celsius), et le yarnietz
8 livres d'eau. L'unité de longueur est Varchine qui égale 71.12 centimètres.
L'usage du système métrique est facultatif. Il peut être employé de pair avec le
système russe par le commerce pour les contrats, les comptes, etc., et après accord,
par l'État et les autorités municipales. Toutefois, les particuliers ne sont pas
obligés de se servir du système métrique dans leurs relations avec les autorités
précitées.
Ije couiineree et la uavigntiou «lu port de llauiliourg en
f 8»8. — Nous empruntons à un rapport très documenté du Consul de France à
Hambourg les passages suivants :
« Le rapport préliminaire sur le commerce de Hambourg en 1898 faisait déjà
connaitre que l'année avait été prospère. La navigation, et avec elle le mouvement
des échanges avaient augmenté ; de son côté, l'activité industrielle n'avait jamais
été plus grande, Hambourg étant devenu non seulement une des premières places
de commerce du monde, mais tendant aussi, grâce surtout à ses chantiers de
construction et à ses entreprises de produits chimiques, à se transformer en un
important centre d'industrie. On conçoit donc la satisfaction ressentie par le
commerce local en voyant ses efforts couronnés d'un aussi éclatant succès.
Les chifï'res que vient de publier le Bureau de statistique de Hambourg, relati-
vement au commerce de l'année dernière, fournissent tout d'abord les constatations
générales suivantes :
Il est arrivé ici en 1898, par mer (les chiffres relatifs à 1897 sont placés entre
parenthèses), 12,.523 navires (11,17.'^), jaugeant 7,3.54,118 tonnes (6,708,070).
Il est parti d'ici par la même voie, 12,.532 navires (11,293), jaugeant 7,393,333 t.
(6,fôl,987).
Le poids des marchandises importées par mer se monte à 88,951,783 quintaux
métriques (80,666,618) ; leur valeur à 2,014,870,140 marks (1,790,8.33,360).
Le pioids des marchandises exportées par mer est de 39,625,53^3 quintaux
métriques (36,837,637) ; leur valeur de 1,493,361,-390 marks (1,435,213,.520).
Quant au mouvement par l'Elbe supérieur, il se résume comme suit :
Il est arrivé à Hambourg, par l'Elbe supérieur, 19,775 bateaux fluviaux (voiliers,
- 372 -
vapeurs, chalands) (16,599) apportant 22,583,196 (22,480,551) quintaux métriques de
marchandises, d'une valeur de 419,793,350 marks (411,151,490).
Il est parti de Hambourg pour l'Elbe supérieur 19,752 bateaux fluviaux (16,676)
emportant 36,519,581 (34,824.845) quintaux métriques de marchandises, d'une
valeur de 684,706,900 marks (572,799,270).
Enfin, par voie ferrée, mouvement des trois gares dites de Lûbeck, de Berlin et
de Venlov, cette dernière comprenant les directions du Sud et du Sud-Ouest de
l'Allemagne, les arrivages et les départs se décomposent ainsi :
Arrivages: 21,523,484 quintaux métriques (19,436,067), valant &59,731,800 marks
(824,597,030).
Départs : 564,346 quintaux métriques (10,791,569), valant 677,313,^50 marks
(685,432,780).
Entrées et sorties réunies, nous nous trouvons donc en présence d'un chiffre
total de 219,77'j,267 quintaux métriques et de 6,296,906,600 marks, soit bien près
de 8 milliards de francs.
En présence de ce formidable chiffre de transactions, ou ne sera pas surpris
d'apprendre que la richesse se développe rapidement ici et que le nombre des
pei-sonnes déclarant à Hambourg uu revenu annuel supérieur à 50,000 marks s'ac-
croît sans cesse.
Pendant les années écoulées de 1892 à 1895, où il y avait eu un certain ralentis-
sement des affaires, le nombre des gros contribuables avait sensiblement diminué.
En 1897, ceux-ci atteignent le chiffre le plus élevé (les données pour 1898 n'ont pas
encore été publiées). De 1885 à 1897 le rendement de l'impôt payé par cette classe
de contribuables passe de 1,9 millions à 5,6 millions et représente en 1897 plus des.
4/10 de la totalité de l'impôt sur le revenu.
I^e coBiiiiicrce de lu Itouiiiauie avec l'étraug;er eu 1898.
— La direction générale des douanes a fait mettre sous presse le volume contenant
le commerce de la Roumanie avec l'étranger en 1898. 11 a paru seulement deux
feuilles de cet ouvrage, que M. Staicovici, chef du bureau de la statistique au
Ministère des Finances s'est empressé de communiquer à la presse. Ce travail est
bien fait et paraît, cette année, de meilleure heure que les années précédentes, fait
qui prouve que, cette année, on a développé une plus grande activité au travail.
D'après les données communiquées par le chef de bureau de la statistique, les
importations se sont élevées en 1898 à 389,908,439 fr., et les exportations à
283,181, .")67fr., d'oU il résulte une différence de 106,726,872 fr. en faveur des impor-
tations. Cette différence ne provient pas de la stagnation des affaires commerciales
mais des fournitures de l'Etat pour les différents travaux publics qui ont été cou-
vertes par des émissions de rente, c'est-à-dire par des crédits extraordinaires.
Par rapport à l'année 1897, l'importation a augmenté en 1898 de 34,12.5,54.5 fr.
et l'exportation de 60,767,28.5 francs.
Comparativement aux autres années depuis 1888 , le commerce général du pays
est toujours allé en croissant. Ainsi, tandis qu'en 1888 ce commerce se chiffrait à
l'importation et à l'exportation par .567,166,962 fr., il s'élève en 1898 à 673,0iW,00() fr.,
et il y a eu des années ou il a dépassé 700 millions, comme en 1891, 1892, 1893
et 1894, années pendant lesquelles les importations ont atteint le plus haut chiffre,
de même que les exportations ont atteint 370 millions en 1893 et 32.5 millions
en 1895, sommes les plus élevées qui aient été atteintes dans cette décade.
- 373 -
En ce qui concerne le commerce de la Roumanie avec la Belgique , il s'établit
comme suit :
Importations. Exportations.
1898 14.076.938 fr. 93.329.7(50 fr.
1897 14.466.897 » 75.938.300 »
C'est la Belgique qui a importé le plus de tous les pays pendant l'année dernière.
ASIE.
IjC canal de Sucai en 1898. — L'année dernière, le transit du canal de
Suez a été de 3,r)U3 navires, jaugeant 9,238,603 tonnes et ayant donné une recette
de navigation de 82,657,420 fr. En 1870, les chiffres correspondants étaient :
486 navires, 463,609 tonnes et 4,345,758 fr. de recette.
Le nombre des passagers, de 26,758 en 1870, a été de 219,5.54 en 1898. Sur les
3,503 navires ayant transité l'année dernière, 2,295 battaient pavillon anglais, 356
pavillon allemand, 221 pavillon français, 193 pavillon néerlandais, 85 pavillon
austro-hongrois, 74 pavillon italien, 84 pavillon ottoman, 49 pavillon espagnol,
48 pavillon russe, 47 pavillon norvégien, 4(j pavillon japonais, 8 pavillon danois,
4 pavillon chinois, 3 pavillon portugais, 1 pavillon argentin et roumain, etc.
Ces navires se divisent en 3,328 steamers, 70 transports militaires, 89 cuirassés,
croiseurs, canonnières ou torpilleurs, 7 yachts à vapeur et 9 remorqueurs ou
dragues.
L'ensemble des recettes de la Compagnie s'est élevé en 1898, à 87,906,255 fr.,
chiffre qui n'avait pas encore été atteint depuis l'ouverture du canal.
Les actions du canal, cotées à la Bourse en 1871, valaient 3,748 francs l'année
dernière.
Les parts de fondateurs, au nombre de 100 à l'origine, ont été divisées en dixièmes,
puis en centièmes, ce qui porte leur nombre actuel à 100,000. Aujourd'hui, la cent
millième part vaut 1,.390 francs.
Inde<«. — L'n pont de 1,197 mètres de lon^s^ueur. —A Bahran-
Ghat dans l'Inde, on vient de terminer un pont destiné à supporter le chemin de
fer à voie de 1 mètre qui doit traverser la rivière Gogio.
La longueur totale de ce pont est de 1,127 mètres ; il se divise en sept travées de
61 mètres de portée chacune et son poids total est de 2.50,000 kilogrammes.
A l'endroit oii le pont devait traverser la rivière, le lit de celle-ci est mal défini ;
il se déplace, en effet, quelquefois de près de 200 mètres dans le cours d'une
année ; une couche de sable de 30 mètres de profondeur rendait les fondations
difficiles. Aussi les ingénieurs, au lieu de tenir compte du lit de la rivière pour
l'emplacement du pont, ont-ils construit celui-ci sur la terre ferme et forcé ensuite
la rivière à passer dessous au moyen d'endiguement.
Japon. — li'induNtrie de» allumettes elilmlque». — On ignore
généralement que le Japon est un fabricant d'allumettes. C'est lui qui approvi-
25
-374 -
sionne de cet article de première nécessité, la Chine, les Indes anglaises, la Corée
et même l'Australie.
11 existe au Japon 200 fabriques d'allumettes, fabriques dont la production
annuelle totale dépasse 22 millions de grosses, destinées à l'exportation, et qui
occupent environ 60,000 ouvriers et ouvrières.
■jC coiiiniercc «le la torée. — Le chargé d'afiaires de France à Séoul
nous communique un extrait de la relation d'un voyage à Kounsan et à Mokhpo
par j\I. A. A. Pieters (Traduit du Korean Repository).
Partis de Tchémoulo, le 18 février 18'J'J, à (5 heures 30 du soir, nous atteignîmes
le premier port Kounsan, le lendemain matin 19, à 9 heures.
Depuis le déplacement de la magistrature de Kounsan, il y a quelques années,
la ville a très rapidement décliné ; le nombre des maisons n'est actuellement que
de la moitié de ce qu il était auparavant. Quand le port sera ouvert, ce qui doit
avoir eu lieu le 1*'' mai, il n'est pas douteux que la place ne se ranime. Kounsan
est situé à l'embouchure du Tjyang-Po. Le port est grand et profond ; le seul
inconvénient consiste dans le peu de profondeur à l'entrée qui ne peut être franchie
jiar les grands vapeurs qu'à marée haute.
Tout le long de la rivière existent un grand nombre de villes et de villages ; à
90 li (52 kilomètres) en amont, se trouve Kang-KJ'eng, et à 20 li (II kilomètres 1/2)
plus à l'Est, Nol-Mi, deux grands centres avec des marchés périodiques tous les
cinq jours, comptant parmi les plus importants de la région.
A 300 li (173 kilomètres) en amont de la rivière est Kong-tjyon, capitale du
Tchyoun-lhyeng to Sud, oii se tiennent deux foires semestrielles. La rivière est
navigable jusqu'à cette dernière ville. A 100 li (.38 kilomètres) Est de Kounsan on
rencontre Tjyen-tjyon, capitale du Tjyen la to Nord. Les barques peuvent remonter
jusqu'à 30 li (17 kilomètres) de cette localité.
Au Nord de Kounsan, et le long de la rivière, les collines sont couvertes de
forêts épaisses, et récemment un gisement de charbon y a été découvert. Eu face
du port, s'étend une île visitée au printemps et en été par des centaines de bateaux
de pêche. A l'entour, le pays est fertile et bien peuplé ; les routes sont bonnes ; la
température est beaucoup plus douce qu'à Séoul, l'établissement d'un port pros-
père rencontre donc des conditions favorables.
Nous quittâmes Kounsan le 20 au matin, à G heures ut arrivâmes à Mokhpo le
soir du même jour. L'entrée du port de Mokhpo n'est large que d'environ 36.3 mètres
et la marée s'y précipite au Hot et au jusant avec un courant de 9 nœuds, de sorte
que souvent les petits vapeurs sont mis dans l'impossibilité de gouverner. A l'en-
trée intérieure s'ouvre une grande baie avec trois passes : l'une au Nord vers le
district de Mou-an, l'autre au Sud en face des riches vallées de Hai-nam, et la troi-
sième à l'Est, celle de Mokhpo.
Le port est très grand, exceptionnellement profond, d'une moyenne de 18 mètres,
qui se maintient encore à {(') mètres 1/2 à 91 mètres de terre. Bien que je sois allé à
Mokhpo deux fois avant son ouverture (l'" octobre 1897), je pouvais à reine recon-
naître le port tant la transformation a été surprenante. 11 y a deux ans, Mokhpo
consistait en quelques huttes coréennes accrochées à un grand roc stérile s'élevant
brusquement de l'eau, entouré de larges rizières et de plaines marécageuses. Main-
tenant toutes les huttes ont disparu, les marécages sont remplacés par des rues
bien tracées et bordées de boutiques japonaises nouvellement construites. Près du
rocher, la rive se redresse ; il y a là assez de place pour y construire les magasins
— 375 —
de la douane et y effectuer les opérations de chargement et de déchargement des
bateaux.
Mokhpo est placé à Tenibouchure du Kok. qui, célèbre en Gorôe par la singu-
larité de ses contours, est appelée la rivière des 99 cours. A 300 li (173 kilomètres)
en amont se trouvent cinq grandes villes : Na-tjyou, Koang-tjyou, Neung-tjyou,
Nam-hpyeng et Hoa-syoun, toutes séparées par une distance d'environ Ifi kilo-
mètres.
De ces villes, Na-tjyou est l'ancienne capitale et Koang-tjyou la capitale actuelle
du Tjyeu la to Sud. C'est la partie la plus fertile et la plus peuplée de la Corée.
A quelques milles les uns des autres, on rencontre des grands villages et des
viUes ; les rizières s'étendent au loin et donnent deux récoltes par an. Les collines
où se cultivent l'orge ou le blé et le riz sont rares et peu élevées, les routes
bonnes. Riz, orge, fèves, bambou et tous les divers articles travaillés avec ce bois,
coton du pays, ramie, bois laqué, tables à manger, pupitres, papier, éventails, sont
envoyés de là dans toute la péninsule. Depuis l'ouverture du port, l'exporta-
tion et l'augmentation augmentent journellement et suivant l'expression imagée de
M. Armour, commissaire par intérim des douanes : « Une fois le chemin de fer
entre Séoul et Mokhpo construit, Mokhpo sera bientôt le Shanghaï de la Corée. »
Le port se développe en effet très rapidement
Les Japonais ont à Mokhpo un consulat, une succursale de la première Banque,
des agences de diverses Compagnies d'assurances, un bureau de poste, un moulin
à décortiquer le riz, un cercle avec 758 membres ; il y existe également un bureau
de poste et de télégraphe coréen. Les vapeurs de la Shosen Kaisha touchent régu-
lièrement, ainsi que ceux de la Nippon Yusen Kaisha. La colonie américaine et
européenne ne se compose encore que du commissaire des douanes, d'un mission-
naire français et de trois personnes attachées aux missions protestantes. On y
compte d'autre part plus d'un millier de Japonais.
AFRIQUE
liC nioiiveiuent coinniereini du llaroc. — Nous extrayons ceci
d'un rapport du Consul de France.
Tanger. — Les importations et exportations réunies se sont élevées pour le port
de Tanger, en 1897, à 14,416,868 fr., soit 4,771,888 fr. en plus de l'année précé-
dente. Ce résultat est dû, en partie, à ce qu'une grande partie des marchandises
qui étaient envoyées précédemment à Larache, en transit et destinées à l'intérieur,
ont été cette année expédiées à Tanger, vu le mauvais état de la barre de Larache
qui parfois est inaccessible pendant des semaines entières.
En outre, l'importation française a augmenté, en 1897, de près de 800,000 fr. par
suite des envois importants de sucre et farines qui, avec les soieries, forment les
principaux articles de notre importation au Maroc.
Pour ce qui regarde les divers autres articles d'importation, leur importance est
à peu près la même que l'année précédente, en général c'est la Grande-Bretagne
qui atteint le chiffre le plus important en raison de l'importation de certains
articles, tels que les cotonnades, bougies, thé, etc., et pour lesquels elle détient
pour ainsi dire les marchés des villes du Maroc.
Enfin, en raison des facilités accordées par les maisons allemandes et des prix
excessivement bas de leurs marchandises, l'importation allemande augmente de
— 376 -
jour en jour ; elle s'est élevée ainsi à 980,000 fr. en 1897, contre 486,000 en 1896.
Quant à l'augmentation de l'importation espagnole (112,000 fr. de plus que
l'année précédente), elle est due non seulement aux prix assez bas des articles de
fabrication espagnole, mais parce que ces articles sont vendus en pesetas et non
en francs, d"où la différence du change de 30 à 40 % en faveur des acheteurs.
En ce qoi concerne l'exportation de Tanger, elle dépasse celle de l'année der-
nière de près de 2 millions par suite de l'envoi en très fortes quantités de peaux,
cire, babouches, bœufs, etc.
Pour tous les pays où l'on exporte les produits marocains, et notamment pour
l'Allemagne et l'Italie, les exportations ont augmenté très sensiblement ; il n'en
est pas de même pour la France qui vient en quatrième lieu et dont le chiffre est
à peu près égal à celui de 1896.
La navigation générale du port de Tanger se rapproche de celle de l'année pré-
cédente ; on y constate toutefois une diminution de 33 navires au détriment de
notre navigation nationale, une Compagnie de transports d'Oran à Tanger ayant
suspendu l'envoi de ses navires sur nos eaux pendant l'année dont il s'agit.
TranKvaal. — I^a productlou dn diamant. — Une publication
technique américaine, dans une intéressante étude sur la production des diamants
au Transvaal, établit qu'en 1898, cette production, dans le seul district de Pretoria,
a été de 11,025 carats, représentant une valeur de 215,75.") francs. Le plus gros
diamant trouvé l'année dernière était de 38 carats et demi.
L'étendue des terrains diamantifères, au Transvaal, est considérable, mais leur
épaisseur est médiocre.
La quantité totale du diamant trouvée au Transvaal, en 1898, a été de 22,843
carats, représentant une valeur de 1,064,060 fr.
La valeur moyenne du diamant de Kimberley est de 31 fr. 65 le carat, elle atteint
41 fr. 35 pour celui de Jagersfontein, dans l'Etat libre d'Orange, et n'est que de
19 fr. 45 dans le district de Pretoria où, d'ailleurs, la découverte dss pierres pré-
cieuses ne date que du mois d'août 1897.
AMÉRIQUE.
RenscIgncuicnfN commerciaux.. — Chili. — La Chambre de
commerce française de Santiago du Chili écrit :
« Beaucoup de publications françaises, genre annuaire ou almanach, portent la
valeur de la piastre chilienne à 5 fr. C'est une grave erreur susceptible de causer
des déboires ou des surprises désagréables aux personnes qui le croiraient ainsi.
« La piastre chilienne or équivaut exactement à I fr. 85 et c'est ce taux qui sert
de base pour les transactions commerciales.
« Quant à la piastre papier remise récemment en circulation et qui constitue la
monnaie actuellement en cours dans le pays, elle est sujette à de nombreuses fluc-
tuations dues à des causes diverses. »
Pour les Faits et Nouvelles géographiques :
LB SECRÉTAIKE-GÉNÉRAL ,
LE SECRÉTAIRE-GÉNÉRAI, ADJOINT , A. MERCHIfilR.
QUARRÉ- REYBOURBON.
- 377 -
TABLE DES MATIERES
DU DEUXIÈME SEMESTRE DE 1899.
PAOES.
Décès de M. le Président Paul Grepy 309
En Extrême-Orient 228
Grandes Conférences.
Maurice Maquet. — Ascensions dans le Valais 185
R. Paillot. — La Roumanie 198
Marcel Monnier. — Le tour d'Asie 332
Camille Guy. — Le Transvaal et les Bocrs 339
IiCcture<« aux. Assemblées jséuérales
et Communications.
L. T. — La situation militaire des puissances européennes en Extrême-Orient
en 1898 5,68,125
D'' A. Vermersch. — Le Zuyderzée. Projets de dessèchement 34
Abbé Faure. — Description topographique, historique et économique de
rOisans 44
E. Gallois. — Les villes anglaises de l'Himalaya 162
E. GuiLLOT. — Quelques observations sur la politique de l'Angleterre à l'égard
de la France 251
G. HouBRON. — Les Grisons 283
Maurice Newnham. — Gonakry 291
Comptes rendus d'K^KCursIons.
E. Gantineau. — L'Institut Industriel du Nord de la France 99
— — Excursion des lauréats du Prix Léonard Danel 351
Paul Malard. — Liancourt, Chantilly, Sèvres, Versailles 109
G. HouBRON.— Au delà d'Armentières. — Le pèlerinage de « Capelle-Rompue ». 112
Gh. D. — Le Boulonnais 173
Fernaux-Defrance. — Excursion aux pierres d'Acq, etc 175
D' Auguste DuMONT. — Sources do l'Escaut 356
Procès-verhaux.
Assemblée générale du 25 Juillet 1899 (il
— du 26 Octobre 1899 245
— 378 -
Congrès.
PAOES.
L. Quarré-Reybourbon. — Le Congrès archéologique de Mâcon 200
Ernest Nicolle. — Le Congrès international de Géographie de Berlin 311
V. D. — Association française pour rAvancement des Sciences 3'i7
Biblio$crapUie.
G. H. — A travers les Indes 227
ÉpliéniéritIcN de Tannée 1898.
Juin 54
Juillet 55
Août 1 15
Septembre 177
Octobre 229
Novembre 2U5
Décembre 305
Ciéo^srapliie liiNtorique et etliiiojKrapliiqiie.
Auguste Descamps. — Villages arabes en France 153
Fait» et .\ouvelles jséog;rapliiqueM.
I. — GÉOORAPHIE SCIENTIFIQUE. — EXPLORATIONS ET DÉCOUVERTES.
France.
Notre empire africain 116
Une chaire de chinois 230
Europe.
La question des îles Garolines. — La convention germano-espagnole 117
Asie.
Chine. — La baie de Kouang-Tchéou U8
Perse. — L'importance politique du golfe Persique 118
Afrique.
En Afrique 119
Expansion coloniale allemande en Afrique 1 19
La vraie sonrce du Nil 177
Côte d'Ivoire. — Projet de chemin de for 296
Etat du Congo. — Télégraphe 290
Egypte. — Chemin de fer du Cap au Caire 297
Libye. — Lacs salés aux eaux rouges dans le détroit de Libye 298
Océanie.
Annexion des îles Tonga par l'Angleterre 120
- 379 -
II. — GÉOGRAPHIE COMMERCIALE. — FaITS ÉCONOMIQUES ET STATISTIQUES.
France.
PAGBS.
Situation commerciale et industrielle de la circonscription marseillaise en 1897. 178
La production minérale de la France 230
Le trafic des chemins de fer 232
Le commerce extérieur de la France 366
Les laines argentines et le port de Dunkerque 3(»8
Les ports français en 1898 369
Le mouvement de l'émigration vers les colonies françaises 369
Europe.
Suisse. — L'exportation comparée des articles manufacturés depuis 188.') 53
Les méthodes commerciales allemandes 54
Le commerce allemand en Turquie 56
Belgique. — Bruxelles port de mer. — Le canal de Gharleroi à Bruxelles.. . . 120
Russie. — Tarifs par zone 121
Le commerce et la navigation de la Belgique en 1898 180
La jonction dn Transsibérien et du réseau suédois 233
Le canal du Rhin au Weser et à l'Elbe 233
L'industrie textile en Bavière 23.5
Décadence de la filature du chanvre en Autriche 235
Le commerce français de tissus en Roumanie 236
Les tissus importés en Portugal 2.37
Angleterre. — La valeur de la marine de guerre anglaise 298
Angleterre. — L'émigration anglaise 299
Russie. — Les marchés de la Sibérie 299
Le commerce des machines électriques en Suisse 369
Expansion des relations commerciales entre le Danemark et la France 370
La culture du lin en Irlande 370
Russie. — Nouvelle réglementation des poids et mesures 371
Le commerce et la navigation du port de Hambourg en 1898 371
Le commerce de la Roumanie avec l'étranger en 1898 372
Asie.
Inde. — Houille 122
Chine. — Les chemins de fer concédés 122
Tonkin. — Colonisation française 181
Chine. — Débouchés ofierts par la province du Szé-Tchouan 2;^7
L'évolution industrielle au Japon ; 238
Le com.!norce de la Perse pendant les dernières années 239
Chine. — Commerce en 1898 300
Indo-Chine. — Ruines de Battambang 301
Chine. — Chemins de fer 302
Tonkin. — Natalité et mortalité à Hanoï 302
La propagande commerciale au Japon 302
Birmanie. — Commerce en 1897-98 303
Le canal de Suez en 1898 373
Indes. — Un pont de 1,127 mètres de longueur 373
Japon. — L'industrie des allumettes chimiques .373
Le commerce de la Corée 374
- 380 -
Afrique.
PAOBS.
Algérie. — \'ins 57
Notre commerce avec le Maroc 58
Soudan. — Un pont américain pour le Soudan égyptien 123
Congo français. — Concessions 123
Madagascar. — Colonisation militaire 240
Le commerce du Soudan français 240
Tunisie. — Chemins de fer 303
Guinée française. — Chemin de fer 304
Tripolitaine. — Commerce avec le Soudan 305
Le mouvement commercial du Maroc 375
Transvaal. — La production du diamant 376
Amérique.
Etats-Unis. — Conséquences commerciales de la guerre avec l'Espagne 59
Guadeloupe. — Commerce en 1897 59
Le commerce français à Cuba 60
Canada. — Commerce réel avec la France 123
La concurrence américaine dans la République Argentine 182
Communications télégraphiques entre l'Europe et l'Amérique 183
États-Unis. — Le mouvement des passagers entre New- York et l'Europe 241
Le commerce d'Amérique 241
Canal de Chicago à la mer : 241
L'industrie cotonnière au Brésil 242
États-Unis. — Commerce en 1898 305
États-Unis. — Chicago port de mer 306
Canada. — Train rapide 306
Guyane hollandaise. — Population 306
Magellan. — Une ville nouvelle au bout du monde 307
Renseignements commerciaux. — Chili .376
Oce'anie.
Nouvelle-Zélande. — Disparition des Maoris 124
Célèbes. — Mines d'or 124
Tahiti. — Mormons et commerce 183
Iles Carolines. — La valeur réelle des Carolines 243
Le commerce des îles Fidji 244
Nouvelles-Hébrides. — Situation 307
GÉNÉRALITÉS.
Colonies françaises. — Colons 184
Le tour du monde en 3^3 jours 184
Sinistres maritimes en 1898 308
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Varigny. Payais, librairie illustrée, 5 vol. in-4°. Sans date.
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du monde, par V.-A. Malte-Brun fils. 16 vol. gr. in-8^, suivis
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La Terre, moins l'Europe, géographie et statistique, par E. Levasseur.
Paris, Delagrave, 1872, in-12.
Le Monde Terrestre au point actuel de la civilisation, précis de géo-
graphie descriptive, politique et commerciale, par Charles Vogel.
Paris, Reinwald, 1878, 5 vol. gr. in-8''.
L'Afrique, l'Asie et l'Océanie, par E. Levasseur. In-12, à Vusage de
l'enseigne'ïnent secondaire, Delagrave, 1891.
Ortelius. Théâtre du monde. Publié par Baptiste Yrients. Anvers.
1602. Avec cartes à chaque page dans le texte.
Notitia orbis antiqui sive geographia plcnior, par Christophe Cella
Rius. hi-4\ 1703.
Nouveau dictionnaire géographique ou description de toutes les parties
du monde, par Yosgien. In-S", Ledentu, 1807.
Dictionnaire géographique portatif. Paris^ 1707.
Nouveau dictionnaire universel de la géographie moderne, par F. D.
Aynès. Paris ^ Saint-Michel, 1810, in-8'^.
Dictionnaire usuel et scientifique de géographie, par G. Domeni de
RiENZi. Gr. in-8°, Langlois et Leclercq.
Dictionnaire d'histoire et de géographie de Bouillet. Hachette, 1893.
1" et 2*"® fascicule du Lexique géographique de Barbier etLEVASSEUR.
Berger-Levrault , 1804.
Lexique géographique, de Levasseur, Barbier et Anthoine. Paris et
Nancy, Berger-Levrault, 1897.
La Géographie ancienne, moderne et historique, par d'Audiffret.
3 vol. in-4°, Paris, 1091 et 1094.
Précis de géographie à l'usage des candidats à Saint-Cyr, par Marcel
Dubois et Camille Guy. Masson, 1895, in-8°.
GEOGRAPHIE PHYSIQUE GENERALE.
Introduction à l'étude de la Géographie physique, par J. Thoulet.
Société d'édition scientifique, 1893, in-8°.
Continents et Océans. Introduction à l'étude de la géographie, par
J. Grove. Germer-Bail 1er e, in-12.
La Nature. Revue hebdomadaire des sciences. Paris, Masson. Complet
depuis d 883
Contributions à l'étude de la Géograpliie physique.
Physique du (/lobe, océanographie, géologie, météorologie, histoire naturelle, etc.)
Introduction à l'étude de la Géographie physique, par J. Thoulet.
' Paris, Soc. d'Editions scientif., 1893.
Le Monde avant la création de l'homme, histoire populaire des trans-
formations du globe, par le D"" Zimmermann. Paris, 1857.
Continents et Océans, par G. Grove. Paris, Germer-Baillère.
La Terre, par Ei.isèe Reclus. Tome T", les Continents. Tome II ;
l'Océan, rAtniosphère, la Vie. 2 vol., Hachette, Î8G0.
La Terre avant le déluge, par Figuier. Hachette, 1864.
Les Océans et les Mers, cours de M. Gosselet. Lille, Daael, 1800.
La Mer, par A. Dubarry. Paris, Joui:et, 1880.
L'Océan des Anciens et les peuples préhistoriques, par A. C. Moreau
DE JoxsiÈs, Paris, 1873.
Les abîmes de la mer, par C. Wyville-Thompson. Hachette, 1875.
Les explorations sous-marines, par E. Perrier. Hac/iefte.
La Mer et la Marine, par ^Maxime Petit. Hachette.
Les routes lumineuses de la mer, par M. Duverdier. Patns, 1801.
Guide d'océanographie pratique, par J. Thouuet. Masson, 1805.
L'étude expérimentale des courants de l'Atlantique, par J. de Guerxe.
Douai, Duthilleul.
Les courants océaniques, leurintiuonce sur les continents et sur l'his-
toire de l'humanité, par G. Houbron. Lille, Danel, 1807.
Essais sur les origines de la Méditerranée, par le commandant
Boulanger. Paris, Soc. d'èd. scientif., 1800.
Notice historique sur les divers modes de transj)ort par mer, par
G. Trogneux. Pion , 1880.
Notes de géographie littorale, formation des côtes en général, par
Jules Gérard. Paris, lib. imp. réunies, 1802.
La Géographie littorale, par ,J. Gérard. Paris. Soc. lV éd. scientif.,
1805.
De l'utilité de la Géologie, discours prononcé par M. Gosselet à la
Société des sciences. Lille, Danel, 1881.
Cours élémentaire de Géologie, par A. Seigxette. Hachette, 1887.
Du rôle de la Géologie dans renseignement de la géographie et d(;
l'agriculture, par M. Gosselet. Lille, Liégeois-Six , 1801.
Exploraçoes geogicas e minciras nas ccdonias Portugezas, par
LouRENço Malheiro. Lisbonnc, 188L
Le Sol, Roches et minerais, par C. Delon. Hachette, 1880-
Les Volcans, par Fuchs. HacJtette, 1880.
Le Pétrole, son histoire, par Fernand Hue. Lccène et Oudin, 1885.
Anthropogeographische Bcitrage. Zur Gebirgskùnde, aou F. Pvatzel»
Leipzig^ 1895.
Les Révolutions polaires, par J. Pèroche. Lille, Liégeois, 1886.
Influence de la composition de l'eau des lacs sur la formation des
ravins sous-lacustros, note par M. A. Delebecque.
Les ravins sous-lacustres des fleuves glaciaires. Idem.
Les froids polaires et leurs efi'ets sur Furganisme, par Louis Catat.
Paris, Davy, 1887.
Notes sur les débordements des fleuves et des rivières, par A. Polon-
CEAU. Paris Malhias, 1847.
La météorite de B^ndego, par J. C. de Caryalho. Rio de Janeiro,
1888.
La circulation des vents et de la pluie dans l'atmosphère, par A. Dupon-
CHEL. Paris, 1881.
Observations météorologiques sur les pluies générales et les tempêtes,
par Gaston Fèral. Albi, 1897.
Sur les réfractions observées au bord des lacs et connues sous le nom
Fata Morgana, notice par M. A. Delebecque. 1897.
Les végétations fossiles, par Jules Pèroche. Alcan, 1880.
Elude sur le mode de formation de la houille, par Ludovic Breton.
Paris, Savij, 1885.
Causerie sur les orchidées^ leur répartition géographique, par
L. Quarrè-Reybourbon. Lille, Panel, 1884.
L'industrie textile moderne, ses origines, son état actuel, par A.
Renouard. Paris, Assoc. franc, pour ràuanceinent des sciences
Culture de la ramie. Ballatin de la Société française de colonisation ,
Paris, 1888.
La culture du cocotier. Idem, Paris, 1893.
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ÉCONOMIQUE.
Litroductiun à l'histoire moderne, générale et politique de l'Univers,
commencée par le baron de Puffendorf, augmentée par M. de la
MARTiNii:;RE, contiiiii M! jusqu'en 1750 par de Grau. 6' vol. in-4^\
avec carte, Paris, 1755.
Manuel pratique d'Etlmograpliio ou Description des races humaines,
par J. d'Omalius d'HÀlloy. d^ èdit., in-S'^, Paris, Eug. Lacroix^
1864.
Les races humaines, par Louis Figuier. Paris, Hachette, 1S72. In-8^.
Les principaux types des êtres vivants des cinq parties du monde, par
E. Perrier. Texte m-S** et atlas gr. in-4'^, Paris, Jouvet, 1881.
L'univers pittoresque. Histoire et description de tous les peuples, de
leurs religions, mœurs, coutumes, etc. {Europe, 38 vol., Afrique,
7, A-ne, 2, Amérique, 5, Océanie, 3, ensemble, 07 vol.), Paris,
Firmin-Didot.
•
Précis de géographie économique des cinq parties du mnnde, par
]\Iarcel Dubois. Masson, 1890.
Contributions à l'étude de la géographie politique.
L'évolution politique dans les diverses races humaines, par Ch. Letour-
NEAU. Pains, Lecrosnier, 1890.
L'avenir de la race hlanche, pur J. Novicow. Alcan, 1897.
Lt.'S premières civilisations, par Gustave Le Bon. Marpon, 1889.
Les grands traits de Thistoir»; religieuse de l'humanilé, par CÈsar
M.iLAN. Fichsbacher, 1885.
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Les. phonographies européennes, ou l'art de prononcer, lire et écrire
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Avec un Allas gr. in-folio.
Voyage de La Pérouse, rédigé d'après des manuscrits originaux, par
M. DE Lesseps. In-8^, Paris, Bertrand et Delaunay, 1831.
Voyages et aventures de La Pérouse, par F. Valentix. 1/1-8°, Tours,
Maine et fils.
Voyage de d'Entrecasti.'aux à la recherche de La Pérouse, par M. de
Rossel. 2 vol. in-4", Imprimerie impériale, 1808.
Voyage pittoresque autour du monde de Dumont-d'Urville. 2 vol. gr.
''in-4\ Fumes et C'" , 1839.
Les grandes découvertes maritimes, du XII T au XVP siècle, par
Edouard Cat. In-8^, Degorge-Cadot.
Voyages autour du Monde, et Naufrages célèbres, par le capitaine
Lafond. g vol.gr. in-8'\ {vol. 3, 4, 5, 6, 7, 8) manquent les roi. 1
et 2, Paris, 1851.
Même ouvrage complet, en 4 volumes. 1844.
Voyage autour du Monde, de M"'" Ida Pfeiffer. Hachette, 1868.
Lettres édifiantes cl curieuses. Missions étrangères. Toulouse, 1810 et
1811. 26 vol. in-12.
Histoire des grands voyageurs au XIX*^ siècle, par Jules Verne.
Hetzel, 2 vol.
Collection des voyages modernes, par Albert Moktèmont. Avec
atlas. 25 vol. in-8", Paris, Auhrèe.
Le Tour du Monde, nouveau journal des voyages, publié sous la direc-
tion de M. E. GiiARTON, avee de nombreuses gravures, et 1 volume
de table. Hachette, année 1860 Jusqu'à nos jours.
Souvenirs de notre tour du monde, par Huguf:s Isjrxyyt. Iladielte,
18S5, gr. in-8\
Le Tour du Monde en 120 jours. Vn naufrage aux îles du Cap A^ert, par
E. Planchuï. Michel Lècy, 1873.
254 jours autour du monde, par Cavaglion, Hachette, 1804. '
Les pays lointains, par Xavier Marmier. Hachette, 1876.
Voyages et littérature, par X. Marmier. Hachette, 1888.
Nouveaux récits de voyage, par X. Marmier. Hachette, 1870.
Les exploitations françaises de 1870 à 1881, par Paul Gaffarel. In-8'',
Paris, Degorge-Cadot, 1882.
Voyages aux régions polaires.
Histoire des expéditions polaires, par A"\'ilfrid de Foxvielle. Petite
bibliothèque populaire, Bayle, 1800.
Dans les glaces arctiques, relation de l'expédition américaine à la l);ùe
de lady Franklin, par A, Greely. Hachette, 1880.
Unbekannte Polargebiete (Extrait des Petermann's Mittlieilungen.
von Alex. Supan. Gotha, 1807 .
Vers le Pôle, par Fridtjof Naxsex. Traduit par Cn. Rabot. Flamma-
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Voyage de la Voga autour de l'Asie et de l'Europe, par Nordenskiold.
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Eiiseùfiiement de la (jëo[/ rapide. Musées, coriyrès, discours officiels, annuaires,
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Catalogue des plans des villes et des lieux habités, reliefs et panoramas,
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Projet de construction d'un globe terrestre à l'échelle du cent-millième,
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L'Orient, par Théophile Gautier, i* vol., Charpentier, 1877.
Chez nos ancêtres, par Jean Revel. Charpentier, 1888.
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Notre future route de l'Inde, par Verney Lovett Cameron. Paris,
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Texte et carte commerciale de Bianconi sur la Syrie, le Liban et
Chypre. Paris, Chaix, 1891. In-4\
Bericht liber eine Reise durch die Syrische Wiiste nach Mosul. par le
D"" Max von Oppenheim. Berlin, 1894.
Les Kurdes, esquisse liistorique et ethnographique, par E. Chantre.
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Bon. Marpon, 1889. In-4".
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En Géorgie, par le Baron de Bave. 189S.
Les villes retrouvées, par G. Haxotaux. Hachette, 1885,
Niniveel Babylonc, par Joaghim Menant. Hachette, 1888.
Guide en Palestine et en Syrie, par Baedeker. Leipzig, Baedeker,
1893. Petit in-P^.
Guides Joanne. Svrie et Palestine, par le D"" E. Isambert. Hachette,
1882, complète en 1890. rn-12. Avec cartes et plans séparés.
La péninsule sinaïtique, par G. Bênédite (Extrait du guide Joanne).
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Le Désert, par Pierre Loti. Calmann-Lèvy, 1896.
La Galilée, par Pierre Loti. Calmann-Léry, 1890.
Terres mortes. Tbébaïde. Judée, par André Chevru.lon. Haclielte,
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Jérusalem, par Pierre Loti. Calmann-Lèty, 1890.
Voyage en Palestine, par Gabriel Charmes. Cal manu, 18 4.
La Palestine et la Syrie à vol d'oiseau, par A. Boltroue. Paris,
Leroicr, 1894.
De Bordeaux à Jérusalem par les voies romaines, par le frère Meunier.
Lille, Ducoulombier, 1891.
A Jérusalem par la pfMiinsule Balkanique, l'Asie-Mineure et la Syrie,
par le frère Meunier. Soignie.s, Delattre.
Jérusalem, son histoire, sa description, ses établissements i-eligieux,
avec carte, par A'ictorGuèrin. Gr. 1)1-8". Pion et Nourrit, 1889.
Sur terre et sur mer. XI V pèlerinage de pénitence à Jérusalem, par
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La •chute de Dupleix, ses causes et ses conséquences. Même auteur.
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Les Anglais jugf's pnr un Indien, par U\T)J] }^\mz\. Paris. Ollendorf,
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par François Charvèriat. Paris, Pion et Nourrit, 1889.
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Douze ans en Algérie, par le D"" Honnafont. Paris, Dentu, 1880.
Guides Jeanne. Algérie et Tunisie. Paris, Hachette, 1893.
Par delà la Méditerranée. KabjUe, Aurès, Kroumirie, par Ernest
Fallût. Paris, Pion, 1 : 87.
L'Algérie, par le D"" Quesnoy. Paris, Jouvet, 1885.
Voyage a travers l'Algérie, par Georges Robert. Lille, Tallandier.
Ia^s deux missions du Colonel Flatlers, raeontées par un membrt? de
la première mission.
Les deux missions Flatters, par le Capitaine Brosselard. Paris.
Jouvet, 1889.
Les voyages et les découverles de Paul Soleillet dans le Sahara et L;
Soudan, par J. Gros, Paris. Dreyfous, 1881.
Exploration du Soudan ceniral par Paul Soleillet. Avenir de la
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L'Algérie et la Tunisie à travers les âges, par A. Boutroux. Paris,
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Petit Atlas de la Conquête de l'Algérie (4841-1857), par C. Rousset.
Paris, Pion, 1889.
L'Algérie devant le Sénat, par le D'" A. Varnier.
L'Algérie ancienne et moderne, par Léon Galibert.
Exploration de Sahara et du continent africain, par Jules Gérard,
Paris, Débita, 1860.
Le général Faidherbe président de l'Académie d'Hippône (Boue), Z?w>6',
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Lettre de Paul Soleillet à Gabriel Gravier. Rouen, Espérance
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Promenade dans le Sahara, par (^h. Lagarde. Paris, Pion, 1885. '
L'armée d'Afrique, par le D'" F. Quesnoy. Paris, Jouvet, 1888. B bliu-
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Heures d'Afrique, par Jean Lorraln , Charpentier, 1899.
Le Sahara algérien, les déserts d(; l'Erg, par V. Largeau. Paris,
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La côte barbaresque et le Sahara, par le prince J. Lubomirskl Paris,
Dentu, 1880.
L'Algérie juive, par Georges Meynié. Paris, Savine, 1887.
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La France en Alg^èrio, par Louis Vignon. Paris, Hachette, 1893.
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de l'Afrique française. Prtr/.v. i4 wr/. C/?^///«we/, 1891. En double
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une introduction de M. G. Rolland, et une carte. Paris, Avg.
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Le chemin de fer de l'Afrique centrale ; élude géographique, par
A. Duponchel. Montpellier, De Boehm et fils, 1875.
L'Avenir de l'Afrique du Nord, par J. Saurix. Extrait de la Revue de
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Le projet de création en Algérie et en Tunisie d'une mer dite intérieure,
par M. E. Cosson. Paris, Chaix, 1885.
Lettre de S. E. h.' Cardinal Lavigerie à tous les volontaires qui se
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Pa?-is, G. Carré, 1890.
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Des famines périodiques en Algérie et d'un moyen d'y porter remède,
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Doux jours d'excursion en Tunisie : Souk-el-Arha, Bulla-Regia,
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De l'utilité des études archéologiques au point do vue de la colonisa-
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Une plaquette sans nom d'éditeur.
Descriptio Indiœ occidentalis, per Antonium de Herrera, regium
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o" Série. D'Arcachon à Belle-Isle. — Iles de l'Atlantique, I.
/i*' Série. Les îles de l'Atlantique, II.
r/ Série. Les îles de la Manche et Bretagne pt'innsulaire.
& Série. La Normandie.
7® Série. La région lyonnaise.
S" Série. Le Rhône, du Léman à la mer.
9" Série. Bas-Dauphiné.
10" Série. La Frontière italienne.
IP Série. Forez. Yivarais, Coratat-Venaissin.
42® Série. Alpes de Provence et Alpes-Maritimes,
lo" Série. La Provence mai-itime.
14* Série. La Corse.
15® Série. Charcutes et Plaine poitevine.
16° Série. De Amendée en Beauce.
17® Série. Pays de Caux, Vexin et Basse-Picardie.
18® Série. Flandre et littoral du Nord.
19® Série. Artois, Cambrésis, Hainaul.
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par E. Demolins. Fimiin Didot, 1898.
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les Sociétés savantes de France, par Robert de Lasteyrie. Paris,
imprimerie nationale. Tome III, 1896. V^ livraison.
Idem. Tome 1"'.
Idem. Tome II. T'^ partie.
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impri.nerie nationale, 1894.
Dénombrement des étrangers en France. Résultats statistiques de
1891. Paris, imprimerie nationale, 1893.
Annuaire statistique de la France. (Années 1892, 1893, 1894). Paris,
imprimerie nationale, 1894.
Annuaire statistique de la France (1895-1896). Paris, imprimerie
nationale. En double exemplaire.
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Madame do Sévigné liistorien. Le siècle et la cour de Louis XIV
d'après Madame de Sévigné, par F. Combes. Paris, Emile Perrin,
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La Campagne de l'Est, par P. Poulet, colonel d'élat-major à l'armée
de l'Est. Paris, librairie Germer-Baillière, 1879,
Les petits côtés de l'histoire (1870-1884). Notes intimes et documents
inédits, par Henry d'Ideville. Paris, Caimana-Lèi-y, 1884.
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par M. DE Wailly, Paris, F^irmin-Didot, 1874.
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Lettres, sciences et arts en France au XVIIP siècle, par Jules Lacroix
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La Campagne de l'arinée du Nord en 1870-71, par le général Faidherbe.
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Alpes et Pyrénées, par Victor Hugo. Paris, Hetzel, 1896.
Les excursions romantiques à la Mer de glace, par Julien Brègeault.
Extrait du Cluh alpin français. Paris, Chamerot, 1897 .
Le Mont-Blanc, par Charles Durier. Paris, Fischbacher, 1897.
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L'aiguille du plan de la Selle, par H. Duhamel. Paris, Chamerot, 1882.
La Barre des Ecrins (4.103 mètres), par H. Duila.mei,. Paris, Chamerot,
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Itinéraire général de la France. Environs de Paris, par Joaxne. PmnSy
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Guide pittoresque de l'étranger dans Paris et les environs, par Ch.-V.-
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Des origines du musée d'ethnographie du Trocadéro, par le D*^ Hamy.
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Promenades et excursions dans les environs de Paris, par Alexis
Martin. Paris, Hennuycr, 1892 (Région de l'Ouest).
Idem (Région du Nord), 1894.
Idem (Région du Nord, 2"^ partie).
La vallée de Chevreuse, par E. Meigxen. Paris, ancienne maison-
Quant in.
La Bergerie de Rambouillet et les Mérinos, par M. Léon Bernardin.
Environs de Paris, réseau d'Orléans, guide ^av Joa'S'se. Paris, Hachette.
Autour de Paris (Seine, Seine-et-Marne, Seinc-et-Oise, Oise, Aisne)^
par Louis Barron. Illustrations de Fraipont. Paris, ancienne
maison Quantin, 1891.
Paris, exposition, guide, par E. Bernardin. Paris, Hachette, 1867.
FRANGE DU NORD-EST.
Bourgogne etMorvan, guide, par Joanxe. Paris, Hachette, 1892.
Voyages en France, par Ardouin-Dumazet. 2 vol. 1803. T'' volume •
Du Morvan au Maine.
Sur la glacière naturelle du Creux-Pcrcé (Côte-d'Or),par E. A. Martel.
Paris, Gauthier-Villars , 1892.
Le Nord-Est de la I^rance, par Baedeker. Ollendorff', 1899.
Recherches historiques et anecdotiques sur la ville de Sens, par
Théodore Tarbê. Paris, Quantin, 1898.
Guide du voyageur à Dijon. Dijon, 1886.
Souvenirs de Bourgogne, par E. Montègut. Pa^ns, Hachette, 1886.
Géographie militaire du déparlement de l'Ain, par J. Corcellis.
Année f/, 1898.
Champagne et Ardennes. Guide, par Joanne. Paris, Hachette, 1889.
Société académique de Chauny. En chemin de f(;r de Chauny à Coucy-
le-Chàteau. Cliauny, 1885.
Dictionnaire géographique des communes du département do l'Aisne,
par GiRAULT DE St-Fargeau. Paris, 1830.
Hydrographie des environs de Laon, par Gosselet. Lille, Liègeoix-SicG,
1898.
Description géologique du canton de La Capelle, par M. J. Gosselet.
Lille, Six-Horemans, 1882.
Les Vosges, guide, par Joanne. Paris, Hachette. Complété en 1893.
Les lacs des Vosges, par M. A. Delebecque. Extrait des Comptes-
rendus de la Soc. de géog. de Paris, 1895.
Les grandes industries minérales en Lorraine, par Gh. Durand. Nancy,
1893.
Les Vosges : le sol elles habitants, par G. Bleigher. Paris, Baillière
1890.
Les Vosges, texte et dessins de Fraipont. Laurens, 1896.
Itinéraire général de la France : Franche-Comté et Jura, par Joanne.
Paris, Hachette, 1888.
Le Jura, texte et dessins de Fraipont. L^aurens, 1897 .
83 —
NORD DE LA FRANCE.
FLANDRE, ARTOIS, PICARDIE.
Sur les couches à nuuimulites lajvigata dans le XorJ de la France,
par M. GossELET. Meidan, 1874.
L'étage éocène dans le nord de la France et en Belgique, par M. Gos-
SELET. Meulan, 1874.
Campagne de rarmée du Nord en 1870-71, par le général Faidherbe.
Paris, Deatu, 1872.
Les ancêtres des Flamands de France, par Derode. Lille., sans date.
La vie dans le Nord de la France au X VllP siècle ; études, sciences et
récits, par R. Mixox. Paris, Le Chevalier, 1898.
Un voyage eu Flandre, Artois et Picardie en 1714, publié d'après le
manuscrit du sieur Xomis, par A. Eeckmax. Lille, Biicoulombier,
1896.
Voyage historique et pittoresque dans les ci-devant Pays-Bas et les
départements voisins, par Paquet-Syphorien.
Le Nord, guide, par A. Joanne (Nord, Artois, Picardie). Paris,
Hachette, 1890. Mis au courant en 1892.
Association pour favoriser l'exécution du grand canal du Nord. Note
sur l'enquête. Lille. Danel, 1884.
Les gîtes de phosphates de chaux dans le Nord de la France, par
J. Gosselet. Lille, Liégeois, 1890.
Histoire générale de Péronne, par Jules Dournel. Pcronne, St-
Quentin, 1879.
Notice sur l'ancienne seigneurie et l'église de Caix eu Santerre. Sans
nom d'auteur.
Description historique de l'ancienne abbaye de St-Riquier en Ponthieu,
par A. GiBERT. Amiens, Caron-Vitet, 1830.
De la religion du Nord de la France avant le chrislianisme, par L. de
Baecker. Lille, E. Vanackh^e, 1854.
— 89 -
Mémoires do la Société d'émulalion d'Abboville. Tome I. AhhevUle,
Fo urd) in ic . 189 1.
Catalogue dos manuscrits de la bibliothèque d'Abbeville. Abbeville,
Caudron, 188G.
Le baie de Somme, Boulogne et Calais (Les Etapes d'un touriste en
France), par J. Pizzetta. Paris, Hennuye)-, 1807.
Introduction à l'histoire des Comtes d'Amiens de Ducange, par Har-
DOUiN {Sans date).
Histoire de l'Industrie sucrière dans la région du Nord, par Carlos
MÉRiAN. Lille., Danel, 1801.
Géographie du Pas-de-Calais, par Joanne.
Les collines de l'Artois, par M. Gosselet. Lille, Danel, 1803.
Note sur la coupe du canal d'Audruicq et sur le tuf calcaire de St-
Pierre, par MM. Gosselet et Ladrière. Lille, Liègeois-Six, 1803.
Wizernes, les Fontinettes, St-Omer, par M. E. Cantlxeau. Soc. de
gèog. Lille, Danel, 1880.
Les peintres de la ville de St-Omer depuis le Moycn-àge jusqu'à nos
jours, par Paul Marmottan. Paris, E. Pion, Nourrit et C'' , 1888.
Boulogne s/Mer; ouvrage forme album. Paris, Courmont, 1807.
Notice-réclame sur Boulogne et le Porlel, publiée par le Chemin de
fer du Nord. Paris, 1807.
Le Portus Itius. Elude d'histoire et de bibliographie, par l'abbé
D. Haigneré. Boulogne, 1886.
L'année boulonnaise. Ephémérides historiques du 24 mars au 24 avril.
Boulogne, irnp. Ch. Aigre, 1885.
De Houdain à Béthune, excursion du 21 juillet 1889, par F. D. Soc. de
gêog. Lille, Danel, 1800.
Histoire de la ville de Béthune, manuscritinédit, publié par L. Quarré-
Reybourbon. Lille, Quarré, 1885.
Chronique d'Arras et do Cambrai, par Baldêric, chantre de Térouaue
au Xr siècle, avec commentaires, glossaire et index, par le D"" Le
Glay. Paris, 1834.
Origines historiques de la famille Du Chastcldito do Blangerval et des
Sires de Yillers en Artois ; l'' partie, sans nom d'auteur. Boulogne-
sur-Mer, 1884.
- 90 —
Société des Mines de Lcns et de Douvrin. Notice commerciale, 1896,
Danel.
Un voj'age à Calais, Guines, Ardres et St-Omer en 1682. Extrait du
Journal de White Kennett, par G. Landrin. Paris, Picard, 1893.
L'Hermito en Province, observations sur le Nord de la France au
XYlir siècle, par E. Jouy. Paris, 1826.
FLANDRE.
Géographie générale du dép. du Nord, par MM. Brunel, Mordacq et
Lecocq. Lille, Danel, 1884.
Géologie élémentaire du dép. du Nord, par M. J. Gosselet, avec cartes
et coupes de terrain. Leçons professées à Lille en 1888. Lille.,
Société géologiciue du, Nord, 1880. Double édition.
Idem, édition de 1890.
Excursions d'un touriste dans le département du Nord, par Alf.
Renouard. Lille, Danel, 1885.
Géographie du Nord, par Joanne.
Le Nord monumental et artistique, par Mgr Dehaisnes. i>27<Je, Danel.,
1891 . Planches du même ouvrage.
Communication sur l'organisation et les travaux de la Commission
météorologique du Nord de la France, par M. Terquem. lAlle.,
Danel, 1882.
Les manœuvres du 1" corps d'armée en 1883, par Ardouin-Dumazet,
Lille, Echo du Nord, 1883.
Le Nord pittoresque, par MM. Coxs et Moy. Société française de
librairie, 1808.
Chants historiques de la Flandre, recueillis par Louis de Baecker
Lille, E. Vanacker, 1855.
Mouvement du sol de la Flandre depuis les temps géologiques, par
M. J. Gosselet. Lille, Sioo, 1878.
Notice sur les Archives communales du Nord, par M. Le Glay. Lille^
Danel, 1840.
Notice sur le débit et l'emploi du bois de bateau dans le dép. du Nord,
par H. BÉcouRT.
-^ 91 —
Fêles cl marches historiques en Belgique et dans le Nord de la France,
par Mgr Dehaisnes. Lille^ Danel, 1895.
Autre exemplaire dans les Mémoires de la Société des Sciences.
Histoire de Jeanne de Gonstantinople, comtesse do Flandre et de
Hainaut, par E. Le Glay. Lille, Vanackèi^e, 1841.
Les institutions ouvrières et sociales du dép. du Nord, par A. Renouard
et L. :Moy. Lille, Danel, 1889.
•Communication de M. Daraien sur les pluies tombées dans le dép. du
Nord (3 fascicules réunis, années 1883,1884, 1885). Soc. des Sciences
de Lille, Danel.
La question des sourds-muets en France, en particulier dans le dépar-
tement du Nord, par le frère Médêric. Lille, Danel, 1891.
Etudes sur les registres des chartes de l'audience : guerres et pillages,
crimes et malheurs, mœurs et coutumes dans les Pays-Bas, par
Mgr Dehaisnes. Lille, Danel, 1874.
•Géographie physique du Nord de la France et de la Belgique, par
M. GossELET. 7 fascicules. Lille, Liègeois-Six.
Documents pour servir à l'histoire politique, administrative et finan-
cière de la Flandre maritime, recueillis par M. A. Bonvarlet.
2 brochures, 1885 et 1887. Extrait des Annales du Comité flamand
de Finance.
Dessèchement des Watteringues et des Moëres, par M. Quarrê-
Reybourbon. Lille, Quarré, 1893.
Documents pour servir à l'histoire des maisons religieuses ou hospita-
lières et des églises de la Flandre maritime, par A. Bonvarlet.
Dunkerque, 1886.
Statistique mensuelle du port de commerce de Dunkerque. Septembre
1897.
Notice sur le port de Dunkerque (Chambre de Commerce de
Dunkerque). Paris, Maréchal, 1889. 3 exemplaires.
Notice sur le port de Dunkerque, en français et en anglais. (Chambre
de Commerce de Dunkerque). Imp. Paul Michel, Dunkerque,
1892.
Le trafic du port de Dunkerque, par Albert Mine {Assoc. jjow
ravancement des sciences). Paris, 1892.
Le trafic du port de Dunkerque en 1892. Même auteur. Travail lu au
Congrès de Pau eu 1892. Paris, Secrétariat de l'association
française pour l'avancement des Sciences.
— 92 —
A la gloire de Jean Bart. (Reproduclion des tableaux, estampes,
dessins. Publié par ]M. G. Guilbert. Petite brochure oblongice.
Le Siège de Dunkerque de 1793. Préface par le général YuxG.
Document officiel. Dunkerque, Paul Michel, 1893.
Le Siège de Dunkerque, par Verax. Dunkerque, 1893.
Statistique du mouvement commercial du port de Dunkerque avec la
République argentine.
Excursion à Esquelbecq, Bergues et Dunkerque, par E. Gantineau.
Lille, Danel, 1894.
Recueil de procès-verbaux des séances de la Chambre de Commerce
de Dunkerque en 1891. Dunkerque, Michel, 1892.
Idem pour l'année 1894. Publié en 1895.
Cassel, le Mont dos Récollets et Oxelaere, par E. Cantineau (23 mai
1889). Soc. de Gèog. Lille, Danel, 1890.
Le mont et la ville de Cassel. Mont des Récollets et Oxelaere, par
M. E. Gantineau. Lille, Danel, 1893. En double exemplaire.
Les ducs do Bar ou les seigneurs et dames de Cassel, parle D'' de
Smyttère. Bar-le-Duc, 1884.
Histoire du Château et des Seigneurs d'Esquelbecq, par Bergerot et
Diegerick. Bruges, Vandecastcele, 1857.
Hazebrouck, Thérouanne, Renescure, par Ch. Taverjne de Tersud.
Hazebrouck, imp. Venelle, 1890.
Notice sur la vie et les travaux de M. E. de Coussemaker, de Bailleul,
correspondant de l'Institut, par l'abbé Dehaisnes. IJlle, Danel,
1876.
Flêtre, le Monl des Cattes et Hazebrouck, par E. Gantineau. Lille ,
Danel, 1893.
Catalogue des tableaux du musée de Bergues, par A. Verlinde.
Bergues, 1878.
Catalogue des livres de la bibliothèque de Bergues. Dunkerque,
1842.
Délimitation du flamand et du français dans le Nord de la France, par
E. de Coussemaker (Extrait des Annales du Comité flamand).
Dunkerque, 1857 .
Cambrai, Yaucelles, les Sources de l'Escaut, excursion du 19 mai
1889, par F. I).
.- 93 —
Plan do la forêt do Morraal, extrait des archives de l'inspection des
forêts et complété par H. Bégourt.
Histoire de la forêt de Mormal, par H. Bêcourt. 1®™ partie. Lille,
Danel, 1895.
Excursion à la forêt de Mormal, par G. Houbron. Lille, Danel, 1890.
Extrait du Bulletin.
Excursion géologique dans les tranchées du chemin de fer de Cambrai
au Quesnoy, par M. Gosselet. Lille, Six, 1878.
Une émeute à Avesnes en 1413, par Jules Finot. Lille, Danel, 1895.
LILLE ET SON ARRONDISSEMENT.
Tableau pittoresque, en vers, d'Armentières et des environs, par
E. DucHATEAU. Lille, 1822.
Marquette et l'abbaye du Réclinatoire. par G. S. SrRiET. Lille,
Lefehvre-Ducrocq, 1890.
Recherches historiques sur la commune de Saules, par Th. Le Josne
DE Lespierre.
La bataille de Tourcoing, par A. Merchier. Publié sous les auspices
de la Soc. de Géog. do Tourcoing. Rouhaix, Rehoux, 1894.
Bondues. Histoire do cette commune depuis l'origine jusqu'à nos
jours, par Louis Dervaux. Lille, Lefort, 1854.
Guide des étrangers dans Lille et ses environs. Anonyme (par Blocquel,
imprimeur). Lille, Castiaux, 1826.
Guide de la ville de Lille. Lille, L. Quarrè, 1889.
Guide de la ville de Lille, par Quarrè-Reybourbon. Lille, Quarré,
1892.
Histoire de Lille de 620 à 1804, par Ed. Van Rende. Lille, L. Danel,
1874.
Etat de la ville et de la châtellenie de Lille en 1789, par E. Van Hende.
Paris, Leroux, 1890.
Même ouvrage. Danel, 1890.
Agenda avec nouvelles éphémérides lilloises, recueillies par Ed. Van
Hexde, 8^ année. Lille, Danel, 1878.
Histoire de Lille au jour le jour, par un collectionneur lillois (Quarrê-
Reybourbon). Lille, imprimerie Qaarrè, 1890.
— 94 —
Episodes de la vie de garnison à Lille (1743-1750), par Qdarrè-
Reybourbon. Lille^ Quarré, 1890.
Deux épisodes de l'histoire des Châtelains de Lille, par Th. Leuridan.
Lille, Danel, 1882.
Chronique d'une maison lilloise racontée par ses parchemins, par
L. Quarrê-Reybourbon. Lille, Quarré, 1885.
Aspect de quelques maisons de Lille du commencement du XYIP siècle,
avec plan colorié de l'époque, par L. Quarré. 1889.
La Finance d'un Bourgeois de Lille au XYIP siècle. Livre de raison
de Daniel-le-Comte (1664-1717), par Aimé Houzê de l'Aulnoit.
Lille, Danel, 1888.
Essai bibliographique et catalogue des plans et gravures concernant le
bombardement de Lille en 1792, par L. Quarrè-Reybourbon. Lille,
Quarré, 1887.
Promenades lilloises, par F. Chon, avec table. IJlle, Danel, 1888.
L'horticulture à Lille avant 1792. Causerie parL. Quarrè-Reybourbon.
Lille, Lefehvre-Ducrocq, 1883. t
Les Rues de Lille ; leurs origines, transformations et dénominations,
par A. Bertrand. Lille, Castiaux, 1880.
L'hôpital Saint-Sauveur à Lille, par Aimé Houzé de l'Aulnoit. Lille,
Danel,. 1866.
La Basilique de N.-D. de la Treille, par Jules Duthil. Imprimerie du
Nouvelliste, 1893.
Les habitations ouvrières de Lille, par Alfred Renouard. Paris,
extrait de la Réforme sociale, 1887 .
Notice sur un tableau de A^an Dyck appartenant aux hospices de Lille,
par ]\I. Aimé Houzé de l'Aulnoit. Lille, Lefehvre-Ducrocq, 1874.
Notice sur le musée commercial et colonial de Lille. Danel, 1898.
Histoire des Canonniers lillois, par MM. Fromont et De Meunynck.
Lille, Quarré, 1892 et 1893. 2 volumes.
Inauguration du Nouvel hôtel des archives à Lille. Lille, Van Ackère
{1845).
Mouvement de la population à Lille de 1851 k 1872, par le D' Chrestien.
(Extrait des Mémoires de la Société des Sciences).
Le régime des eaux à Lille, étude sur l'hygiène et l'assainissement des
villes, par Ange Descami's. Lille, Danel, 1892.
- 95 -
Fêtes célébrées à Lille en 1729, par L. Quarrè-Reybourbon. Paris,
Pion, 1894.
Le Colisée de Lille, élude historique et descriptive, par Quarré-
Reybourbon. Quarrè, 1896.
Note sur la distance de Lille à Paris, par G. Détrez. Lille, Dctt^ez,
1897.
De l'assistance publique à Lille, statistique du paupérisme et des
secours publics à Lille, par M. HouzÈ de l'Aulnoit. Lille, Danel,
1876.
Facultés de Lille, 2 juin 1SU5. Lille, Danel, 189.~).
Notice sur Guillaume Le Blanc, seitineur de Houcliin, maître de la
Chambre des Comptes de Lille et sur un jeton rrapj)é à ses armes,
par Ed. Van Hende. Lille, Dauel, 1878.
Notice sur Jean-Baptiste AVaeles, membre de la Société des sciences
de Lille, par Quarré-Reybourbon. Lille, Qaarrè, 1888.
Notice sur Pascal-François Gosselin, géographe lillois, par Quarré-
Reybourbon. Lille, Quarrè, 1887 .
La vie, les voyages et aventures de Gilbert de Lannoy, chevalier lillois
au XV^ siècle, par Quarré-Reybourbon. Quarrè, 1890.
Pierre Le Monnier, voj'ageur lillois du XYir siècle, par Quarré-
Reybourbon (Extrait du Bulletin de Gèog. historique et descrip-
tive). Paris, iînprimerie nationale, 1894.
Notice sur Jean Wouters, président de la Chambre des Comptes de
Lille et sur deux jetons frappés à ses armes, par Ed. Van Hende.
Lille, Daniel, 1892.
Mgr Behaisnes, esquisse biographique, par l'abbé Leuridan. Danel,
1897.
P. Lorlhior et son œuvre, par Ed. Van Hende. Danel, 1898.
Médaille de la Société de géog. de Lille, par Quarré-Reybourbon.
Bruxelles, 1890.
Supplément à la numismatique lilloise. Plommés des Innocents, par
Ed. Van Hende. Lille, Datœl, 1877.
96 —
ATLAS, CARTES, PLANS, ALBUMS, DESSINS, PHOTOGRAPHIES.
GEOGRAPHIE GENERALE.
Nouvel atlas ou théâtre du monde, comprenant les tables et descrip-
tions du monde universel, divisé en 4 tomes, avec cartes et gravures
enluminées. Amsterdam, 1647 , 4 vol. in-f, couverture parche-
'inin gaufré.
Atlas de cartes anciennes, publiées au XVI* siècle, encadrements
gravés, sans indications. Un vol. in-f.
Gerardi Mercatoris atlas, sive cosmografîcœ meditationes. Amtersdani,
1613. Gr. in-4'', avec frontispice colorié.
Allas du voyage de La Pérouse, comprenant une carte et de nombreuses
gravures du temps. Frontispice gravé., sans date.
Atlas élémentaire de géographie et d'histoire, parBuYOEMoRNAS, avec
frontispice, dédicace et encadrements gravés. In-f oblong. Paris.,
1761.
Atlas du voyage de Bruny-Dentrecasteaux on 1791, 1792 et 1793,
publié par l'ordre de S. M. l'Empereur, par C.-F. Beautemps-Beau-
PRÊ. Paris, 1807.
Petit et nouveau atlas (sic). A Pains, chex le sieur Danet, 1724. Oblong,
avec vignette et frontispice.
Atlas général élémentaire, dirigé par le sieur Desnos, ingénieur-géo-
graphe du Roy de Danemark. Paris, 1760. Frontispice gravé.
Allas des œuvres complètes de Rolli.n. Paris, Ledoux, 1818.
Atlas de géographie générale, par le colonel Niox. Delagrave, 1888.
Notice du même allas.
Atlas général de Vidal-Lablache, comprenant 137 cartes et un index
alpliabétique. Armand Colin et Cie.
Andree's allgemeiner Handatlas, mil Texl. Leipzig, imprimerie
Velhagen, 1881. In-f\
Justus Perthe's Taschenallas. Gotha, Justus Perthes, 1885. In- 12.
Philipp's prcparatory allas. London, 1881 .
L'année cartographique, supplémenl annuel, contenant les modifi-
cations géographiques et politiques de l'année, dressé par K. Schra-
DER. Années 1895. 1896 et 1897. Hachette.
Chart of Ihe world, cartes des grandes routes de navigation, des
courants marins, etc., par le D'Berghaus. Jicstus Per-thes, Gotha,
1807.
Atlas colonial, par Henri Mager. Paris, Bayle. Deux exemplaires.
Atlas colonial, édition populaire et classique, par Henri Mager, texte
par Jacquemart. Paris, Bayle, 1887.
Cartes commerciales publiées par F. Bianconi. avec texte complémen-
taire explicatif.
1'' série. Turquie d'Elurope. Provinces d'Albanie et d'Epire. 1 vol.
Turquie d'Europe. Province de Thrace. Bulgarie et Roumélie
orientale.
2* série. Syrie, Liban et Chypre.
3* série. Tonkin, Cochinchine et Cambodge.
4" série. Algérie.
6" série. Brésil (Sud). République de l'Urugay. Brésil (bassin de
l'Amazone).
Etals-unis du Mexique, 1™ partie. Etats-Unis du Mexique, 2" partie.
République de Guatemala. République de Honduras et San-
Salvador.
Atlas des principaux types des êtres vivants des cinq parties du monde,
par E. Perrier. Jouvet, in-4'', 1887.
Carte générale des lignes télégraphiques internationales, par MM.
Mabyre et Jaccottet. Dclagrai-e, 1808.
ASIE.
L'Asie divisée en ses grandes régions et empires. Carte du XV HT siècle,
sans date.
Carte de l'Asie dressée par J.-B. Nolin en 1759.
Atlas de J.-L. Dutreuil de Rhins. L'Asie Centrale (Thibet et régions
limitrophes). Leroux, 1889. Publ. sous les auspices du Ministre de
rinst. publique.
— <.>8 —
Carte de l'Asie Centrale, à réchelle del : 7.r)00,0(X). Siippk'nuMil à la
Gazette géographique.
Carte de l'Asie Orientale (Chine, Japon, Indo-Chine et arcliipel Malais).
Paris, Audriveau, 1885. En trois feuilles.
Carte de rAfirhanislan, éditée parla lAhrai rie patriotique , Rue Mont-
■irartre. Échelle de 1 : 5.2r)0.0(X).
India (L'Inde anglaise). Philip and Sohn. Londmi.
Reiseroiilcn der Indischen Punditen in Gross Tibet und Mongolie,
1879-1882, von G. Atkinson. Echelle 1 : 3.000.000.
Prezewalskis Reise durcli die Gobi Wiïsto nach ribei.
Karte eines Theiles Sud-Wesllichen China (provinces de Ssu-Chueu
et de Yun-Nan). Echelle 1:2.000.0 ;0. Gotha,. JustusPer thés, 1883.
Opulentissiniuiu Sinarnm Iniperium, carte ancienne publiée à
Augsbourg.
The Chiuese Empire, bj .Jacob A\'ells, London 1882.
Korea (Corée), carie dressée en 1875 parle Japon, et reproduite par
E. Satour, secrétaire de la légation allemande à Tokio. Justus
Pcrthes, 1883. Echelle 1 : 700.000.
Atlas de la guerre sino-japonaise (1894-1895), par le lieutenant
Sauvage. Paris, lib. militaire Baudoin, 1897.
Carte du Japon, en caractères japonais.
Dessins annamites et vues de l'Annam, tirés de l'album de la Société de
géographie de l'Est.
Carte du Nord de Forraose, d'après les reconnaissances des officiers
du corps expéditionnaire français en 1884. Supplément à la Gazette
géographique.
Routes commerciales de Chine. Indo-Chine, Birmanie, Siam et Tong-
Kin. d'après les documents de Jean Di puis, 1883.
(^arto de la Chine méridionjilc et du Tonivin , par le capitaine
Friquegnon, au ly2.000.000.
Grande Carte de la Cochinchine Française, dressée parle Ciinmandaut
KocH en 1889. Echelle au 1/400.O00. Trois feuilles.
Charte polili({iie de l'Iiido-Cliine, par M. François Delonclk, député.
1889. Echelle 1/1.800,000. Deux feuilles,
ilinéraire de Hanoï à Thal-Klié par Lang-Son, dn^ssé en 1881. Echelle
an 1,31().0<)(.»*.
.— ou
AFRIQUE.
Carte d'Afrique, divisée on ses principaux élats, en 1788. Dressée par
l'abbé (^i.oiKT.
Afrique physique, dressée et dessinée par J. \'. Bakbikr, à l'échelb'. de
r20.003.000, anné3 ISSI.
Afrique au 1/10.000.000 dressée par la Société de Géogr. de Paris.
Afrique connue du monde civilisé, d'après les plus récentes explo-
rations, dressée par A. Eeckmax. Lille, 1889.
Carte générale de l'Afrique et de ses voies de conununiealiou , par le
lieutenant Oliyikr, au 1/15.000.000.
Cartes nautiques sur les côtes d'Algérie, levées en 1831, 1832 et 18." 53.
par M. A. Bkrard, lieutenant de vaisseau. 13 cartes et une dcscri[)-
tion nauli(iue des côtes, le tout dans une boîte fortement cartonnée.
Atlas de la conquête de l'Algérie (1811-1857), par Camu^le Kousset.
Paris, 1880.
Carte géologique du Sahara, du ]\laroc à la Tripolitaine, par M. ('>.
Rolland. Echelle 1:5.1)00.000.
Haut-Sénégal (Cam])agne 1880-81). Carte levée par une commission
militaire sous la direction du C^oniniandant Derrien. Echelle au
1 : 100.000.
Carte du Sahara sept', dressée par E. Foureau, d'après l'Etat-major,
en 1888. Echelle 1/500.000.
Carte d'Etat-major du Soudan Français, campagne Gallieni de 188G à
1888. Echelle 1/500.000.
Territoires de la Basse-Casaniance. Carie au 1 : 200.000 dressée par
le Capitaine Brosselard.
Carte du Haut-Niger au golfe de Guinée par le pays de Kong et le
Mossi. levée et dressée de 1887 à 1880 par L. Binger. Echelle
1/1.000.000.
Carte de la boucle du Niger, par Je lieutenant Simcq. Echelle
1/1.500 000.
Collection de cartes du grand Bélédougou, du Fadougou et du Mour-
diari, d'après les documents du lieutenant Quiquaxdon, attaché à la
mission Bayol. Lille, Dancl.
Service géog raphique des colonies. Carte du Haut-Niger au golfe de
Guinée par le pays de Kong et le Mossi, dressée par le capitaine
BiNGER de 1887 h 1889. En quatre feuilles complémentaires.
— 1(K) -
Carte ilu Ti'aiisiiiu^t'rien. du Handainn et du Baj^oé (Mission Marchand),
dressée de 1SP2 à 1^95par le capitaine Marchand.
Carte du Salnira central et méridional, par C. Sabatier.
Cartes diverses de la Côte d'Ivoire. 180S.
Collection de caries sur les rios de la Guinée portugaise. Lisbonne,
1897.
Guinée portugaise et possessions françaises voisines, d'après la carie
de la commission française de délimitation, au 1 : 1.000. 000^.
Partie de l'Afrique équatoriale, pour suivre les travaux de la Confé-
rence de Berlin, par E. Desb lissons. Echelle de 1 :12.000.00t).
Supplément à la Gazette géographique.
Carte du Niari, par le capitaine Lamy et le l)"" Alvernhe. 1 : 250.000.
Colonie du Gabon et du Congo français. Reconnaissances préliminaires
entre la côte de Loango et Br.îzzaville, grande carte levée par
L. Jacob, 1887-1888. Echelle 1 185.200. Troïs feuilles.
Cartes diverses sui* le cours du Xiari. au 2.000*^ et au 20.000". pai*
M. Jacor et Dai.isie.
Carîa do Curso th) lio Zaïre, tie Stanlcy-Pool ao Occano, por Capello
e IvENS, 1883 (grande échelh').
Atlas des côtes du Congo français, en 22 feuilles. Echelle 1 : 80.000.
Seri-ice gcograp/uqiic des co/o/u'es.
Carte du Congo français, dressée en 1887 par Ch.Rouvier et Peeicjneur,
chargés de mission. 1 feuille d'ensemble et 17 cartes régionales.
Caria de Angola, escala 1 : .'Î.OOO.OOO. Sans indications.
Caria de Angola, jilano hydrografico de Laudana ao Massabi 1891.
Cartes diverses, d'échelles variées, publiées par les Petermann's
Mittheilungen, et éditées parla maison Justvs Peri/ies, de Leipzig:
Gasa-Land in-Siul-Africa. 1 : .'JOO.OOO.
Slella-Lan<l ,Trans\vaal). 1 : 000.000.
Zululand.
J-!quat(^rial('ii Osl-AI'rika, Zwis.-hcn Momhas.i iiiid Nijansa. 1:2.000.000
Esboço do Curso do Zambeze, escala de 1 : 200.000. Ministerio da
Marinha. Lisboa, 18<Sff.
Album de i)hotographies reproduisant quelques types et pa^'sages des
régions au nord du Zambèze, parcourues par M. Edouard Foa
Parix. Ubr'iirie africaine.
— 101 —
Carto do Delta do Zambeze. par A. dk Moraes. Escala 1 : 500.(XM).
1801.
(^arte de la province de Mozambique et carte de l'Ile du Prince, publiées
en Portugais.
(losta oriental d'Africa. Provincia de Moçainbique. Barra do Limpopo.
Levantada cm 1892.
Idem. Reconhociniento hydrografico da Baliia de Bazaruto, 1894.
1 : 2..0.000. — Idem. Bahia de Mocambo, au 1 : 40.000. — Idem. Rio
Cbinde 1890, au 1 : 20.0(M)*, Commisi<ion de cartographie portu-
(jaise.
Caria da llha do Fogo, 1891. Escala 1 : 100.0;)0. Idem.
l']t autres petites cartes j)0i'lujiaises du même genre.
Carte de l'Etat indépendant du Congo, dressée par J. Wauters .
Braxelleii, 1801.
Même carte, par J. or Fief. Bruxelles, Suciètè de Géographie, 18if0.
Originalkarte der Reise des Emin-Bey in die Mudirië von Kohi und
Makraka, 1882. 1 : 500.000. Justm Perthes.
llinéraire de Dar es Salam au.v lacs Bangueolo et Moéro. par Victor
GiRAUD. 1882-1S8Î. Echelle au 1, 8.000.0(X)^
Carte de la valléo du Nil, du lac Tchad cl du llaul-(^.ongo. dressée par
M. Prompt. 18ffS.
Schizzo del teatro dclla guerra italo-abissina, scala di 1 : .'vJO.OOO.
Roma, 1807 . htitato curtorjraf'K'O ilaliano.
Port d'Obock et possessions n-ineaises sur la Mer-Rouge, par Henri
Mager. Echelle 1 : TOO.OOO. Sui»pléuient à la Gazette gèoffraphique.
Ile Maurice. Grande carte à la main.
Archipel des Seychelles, près ITle Maurice. Sans indication.
Madagascar, par le père I). Rmri.et. missionnaire, en 1886. Echelle
1.1.000.000.
Madagascar, par E. Laillet cl L. Suberbie, explorateurs. Echelle au
1 : ;i.O0O.0(J0.
Madagascar, d'après les travaux d'Ai.FRED (iHANbioiER. Même échelle.
Allas de Madagascar, Joint au Guide de rémigrani à Madaga,>-car,
Armand (>)LIN, 1899.
— 102 —
AMERIQUE ET OGÉANIE.
Atlas pour les Etudes et voyages à travers l'Amazoue, de Coudreau.
Allas de la Republica Argentina , redactado par el D' Arturo
Seelstrang. Bue/WS-Ayres, 188G.
Mapa de Misiones, par C. Gallardo. Bucnos-Aires, 1898.
Mapa delà Republica Argentina, au 1:9.000.000. Editée à Leipzig en
1884.
Der Staat Sinaloa in Mexico. .Justus Perthes, 188-1. 1 :1. 500.000.
Patagonien und Grenze. Justus Perthes, 1882. 1 : 7.500.000.
Carte des Etats-Unis du Mexique, dressée pour la Société de Géo-
graphie de Lille, par M. J. Jusniaux, 1892. En double exemplaire.
Série de cartes sur les Etats-Unis, dessinées par Ed. Dumas-Yorzet,
éditées par Calmann-Lèvy.
Picturesque Atlas of Auslralasia, byANiJi.EAGARRAN. Sydney. 42^501-
cules. in-folio.
Moore's road map os New South Wales (Nuuvt'Ues Galles du Sud).
EUROPE.
Carte d'Europe dressée pour l'usage ihi Roy, par G. Delisle. en 1124.
Carte générale île l'Europe dressée après le traité de Tilsilt, par
M. HÉRISSON, géographe à Paris.
Carie d'Europe divisée en ses Empires et Royaumes, dressée par
l'abbé Clou ET, 1787 .
Carte géo-chronologique de l'Europe, par M. Yauthier, pour servir
d'intelligence à la Chronologie v\ à THisloire. Paris, De/aunr/y,
1810.
Le Cercle deSouabe subdivisé en ses Etals. I^iris, 17 10.
Carte de l'Empire d'Allemagne divisée en toutes ses souverainetés.
Paris. 1707 .
Union des chemins de fer allemauds. (iarle synoptique des parcours
tarifés pour billets circulaires combinés. Berlin, 1887.
Carto de l'Empire allemand, en deux feuilles séparées, par le colonel
Niox. Echelle au 1 :1. 600. 000. Extrait de VAtlas général de Xio.'-.
(>arte générale d'Allemagne, comprenant l'Empire d'Autriche, la
Confédération du Rhin, la Prusse el la Pologne, avec l'indication
(b'S jirincipales routes, (iravéc par Coli.ix. I^aris, 1812.
- 103 -
(iarles de Fribourg en Brisgau et do ses environs, en 1644, à l'échelle
de 1 : oO-OOir, pour servir d'intelligence; à l'Histoire des princes de
Condé. Paris. Robe/ùi. Carie do N«)rdliiigen, Idem.
Die Seeii (1er deutschen Al|)en, von Alois Geistbeck. 8 tables, avec
128 figures, profils géologiques et géographiques. Soc. de Gèog. de
Leipziij. Leipzig, 1885.
Album de photographies prises dans une excursion de la Société en
Suisse Allemande et eu Tyrol.
Autre albuui de vues prises en Suisse.
Carie itinéraire de la Suisse, dressée par H. Keller. Paris, 1820.
Port-folio de gravures sur la région Ragatz-Glaris-Davos, 1897 .
(^arte alpestre de la région Briegg-Airolo, 1854. Echelle 1 : 100.000.
Idem, pour la région Yevey-Sion.
Album du village suisse. Exposition nali(jnale suisse. Genève, 1890.
Suevia, Gothia, Finlandia. Carlo sans date publiée à Augsbourg.
Theatrum belli Russorum, etc. (Provinces Turques du Dnieper. An-
giisia Vindelicorum [Augsbourg). sans date.
luiporiura Russise magnaî. Ancienne carte sans date publiée à Augs-
bourg.
Atlas de la guerre de Crimée. Hachette, 1877.
Mapa civil y mililar deEspana y Portugal, pordon A. Donnet. Publiée
à Paris en 1823.
Plusieurs cartes de la fin du XVIT siècle sur le Piémont, le Mont-
l'orrat, le duché de Mantoue et le cours du Pô.
L'Espagne géologique, carte, par Federigo da Botella.
Carte des royaumes d'Espagne ot de Portugal, dressée par Hérisson,
à Pai-is, 1798.
Série de cartes destinées à faciliter l'intelligence do l'ouvrage deTliici-s
sur le (Consulat et l'Empire. Dessinées par A. H. Dufour.
Couiitatûs Flandriic nova tabula. Sans date ni indication.
Collection de plans de villes belges et hollandaises du XVF siècle,
avec notices en latin.
(larlc des chemins de fer, roules ot vuios naviga])les de la Belgique,
au 1 : .'J20.000^ publiée par VInstitut carfograpldque inihtaire.
1H90.
- 104 —
Mom. ('(Niio)i de ISUif.
Atlas chronocrrapliique du Royauiuo des Pays-Bas comprenant la
division territoriale en Provinces, carte de la lîelgiqne. Frise el
Batavie du Temps des Romains, et des XVII provinces Belges du
temps deClharles-Quint, avec tableaux '?.\i\[\^\x{\ni':à.Bi'u.xelles,l82S.
Cartes lopograpliiqnes de la Belgique. ïhuin, Gozée, Morlanwelz.
Charleroy et Fontaine-Lôvèque. Echelle de 1: 20.000. Institut car-
tographique militaire, 1883.
FRANGE.
Carte de France divisée en XXXI gouvernements militaires et en ses
provinces, dressée sur les meilleures cartes, etc. i?. ./. .^'/if?n. ^>
Paris, 1758.
Carte de France, par G. Delisi.e. 178S.
Carte itinéraire de l'empire Français et du royaume d'Italie. p;ir
G. Cha.mbure. 1800.
Petit atlas national des départements de Franco et de ses colonies.
100 cartes ornées de vues, dressées par V'. Monin. Paris, Blaisot,
1833. 1 vol. oblonfj.
Carte géométrique des routes de Postes de la République français '
pour l'an XII. Echelle de 120.000 mètres.
Carte géométrique des distances en lieues de poste entre tous les
chefs-lieux du Royaume de France et les principales villes des
quatre parties du monde, par Dericquehem. Paris, 1810.
Carte générale des routes de France à l'usage des voyageurs. Par
J, Andriveau. Paris, 1840.
France comparative des provinces et départements. .4 Paris, chez
Saintin. Sans date.
Collection des cartes de rEtat-major français, vérifiées et mises à jour
en 1879, à l'échelle de 1 : SO.ODO. Imprimé sur zinc par Leniercier,
à Paris.
Carte de France au 1 : l.OOO.OOO'^ en 8 couleurs, dressée par Maxime
Mabyre. Paris, 1805.
Idem en petites cartes séparées et contenues en un carton formant
livre.
— lOT) —
France. Carte administrative el (les voies de coimnnnicalion. dressét;
en 189 i sons la direction de Vivien de Saint-Martin. Echelle de
1 : i. 250.1 lOO (atnchée dans le bureau du seci'étariat).
Allas statistique donnant les rt'snltats de l'évalnation des projiriétés
bâties, publié par le ministère des finances. P«m, imp. nat. 1891.
Album de statistique graphique du service vicinal en 1881 (Ministère
de l'intérieur).
bîem 1882.
Idem 1883.
Album des services maritimes postaux, français et étrangers, avec
notices commerciales sur les principaux ports. Cartes I, II, III, VI.
Paris., Ch. Delagrare.
Cartes pour suivre les opérations do la p;uerre franco-allemande,
dressées eu 1870.
Allas des lacs français, par A. Delebecque.
Carte des arrondissements atteints par le phylloxéra, dressée en 1883.
G"avures de la géographie de Malte-P.rin. Feuilles dans un carton.
Album de photographies diverses, prises dans les excursions de la
Société de Géographie (grand album).
Idem. Vues prises lors d'un voyage dans le sud-est de la France, par
M. Ji SNIAUX. Lyon, Marseille, Nîmes, etc.
Idem. Région des Causses et Auvergne.
Idem. .Jura, Genève, Suisse, Mont-Blanc, Savoie, Lyon.
Idem. Vues prises lors d'une excursion sur les bords de la Loire, en
Bretagne et au mont St-Michel. 2 albums.
Photographies de la grotte de Dargilan, prises par M'^''*' Guyot-Tarbé.
Vues prises dans une excursion aux Pyrénées en 1898.
Carte des chemins de fer de la France au 1*"" janvier 1883, publiée par
la Revue géfièrate des chemins de fer. E(;helle au 1 : 1.500.000 ;
France. Carte des chemins de fer avec stations, distances, compagnies,
lignes maritimes et ports desservis. Andrireau, 1889. Même
échelle.
Carte des principaux lacs du département des Vosges, avec leurs
mensurations en profondeur, ])ar A. Delebecque (Minist«3re don
Travaux publics).
Carte de l'Embâcle de Saumur pendant l'hiver 1879-80. Echelle au
1 : 40.000.
— 106 —
Plans de quelques grottes et abimes dans les déparleinenls de l'Héraull.
de l'Aveyron et du Lot.
Carte du massif du Pelvoux, par A. DiirAMKL. 1802.
(-arte d'ëlat-ninjor du dëpartenieni (]e la Seine.
Carie du réseau du chemin de fer d'intérêt local du déparlemeni de la
Somme en 1806, Echelle 1 : 160.000.
Carte de la province du Cambrésis à l'échelle de « deux lieues com-
munes » dressée et gravée par P. Olivier en 1774, à Cainôray.
Grande carte des environs de Béthune, Douay, Arras, Bappaume,
Yalencienne. Cambray, Le Quenoi, Avesne et autres, 1743. A Paris,
chez Crepy, rue St- Jacques.
Carte touriste et vélocipédique du Nord de la France, Barrére, 1899.
Photographies prises en 1887 aux mines de Lens.
Rocroy et ses environs en 1643. Carte pour servir à l'intelligence de
l'histoire des Princes de Condé. Dessinée par Eynaud de Fay. Paris.
Chemin de fer du Nord. (]arte du réseau en 1883. Echelle 1 : 400.000.
Carte du kilométrage du chemin de fer du Nord, à l'échelle de
1 : 500.000. 1880.
Plan de la ville de Lille agrandie, en 1863. à l'échelle de 1: 3.500.
Lille, Leteryne, 1863.
Divers plans partiels d'agrandissement datant de la même époque.
1860 à 1863.
Carte de Lille et des environs, dressée en 1876 par Fadministration
départementale, échelle 1 : 40.000. Double exemplaire.
Carte du département du Nord, décrétée le 1"" février 1790, par
l'assemblée nationale. Paris, 1700.
Carte administrative du déparlement du Nord avec ses aboutissants.
Echelle au 1: lOO.ODIf. (Charte murale phicée dans le bureau du
secrétariat).
Carte industrifdle du département du Nord, avec des tableaux statis-
tiques, dressée par Marc J(»i»i»t. Ciéographe de Douai, déposée à
Paris, 1820
Plan de la ville et du port de Dunkcrque en 1887, édité par Herre-
hrechl.
Carte hydrologique et géologique de la partie française des ])assins de
l'Yser, de la Sambre et de l'Escaut, au 1 : iOO.OMO. Dressée par
M DoMOL, Ingénieur en clief. 1881.
Carte de l'arrondissement de Douai au 1 :80.000, dressée en 1832 par
le Ministère de la guerre.
lo:
TABLE mj GATALOCiUt:
Page»
GéograpMe générale 1
Gkographie physique (lÉNÉRALE, physique du globe, océanographie, géologie,
météorologie, histoire naturelle en général 2
géographie politique, ethnographique, économique en générai 4
Voyages autour du monde et aux régions polaires 6
Colonisation, oéograph!E des colonies en générai 7
La Science géographique. Enseignement de la géographie. Musées, congrès,
discours officiels, annuaires, catalogues. Géodésie, cosmographie, linguis-
tique, relations internationales. Biographies de géographes et d'explo-
rateurs 10
Asie.
Asie en général 17
Asie mineure 17
Perse iU
Asie centrale 19
Inde 20
Birmanie 21
Indo-Chine en général 21
Cambodge, Siam, Cochinchine 22
Annam, Tonkin 23
I^xtrème-Oi'ient en général 2^^
Chine 23
Corée 2(i
-lapon 2(>
Sibérie et Asie polaire 20
Afrique.
Alriciue en général 28
Maroc 28
Algérie : 28
Tunisie 31
Açores et Canaries ."53
Sénégal et Soudan .33
108 —
Pages
Région du C-ongo 3G
Afrique du Sud-Ouest 38
AlViiiue du Sud, du Sud-Est, et Région des Grands Litcs ;j8
Abyssinie 39
Egypte, NuJ)ie iO
Madagascar et iles voisines 41
A.mérique.
Amérique en général 43
Amérique polai re 43
Canada 43
Etats-Unis 44
Mexique 4()
Amérique centrale 4(')
Antilles 57
Colombie 47
Guyanes. 47
^■énêzuéla 48
Pérou, Equateur 48
Chili 49
Brésil 4i)
République Argentine 49
Paraguay, Uruguay 51
F'atagonie 51
Océanie.
Europe.
Europe générale îï)
Islande et îles voisines .^ 5r>
Angleterre .V)
Belgique 57
Hollande 59
Allemagne 00
pays Scandinaves 61
Autriche-Hongrie 0-
Russie ().3
Portugal 65
Espagne i^
Suisse ce 67
_ 109 -
Page?
Italie 00
Pays des Balkans 71
Turquie 71
(>rèce 73
France.
France en général 74
Le Midi en général 78
Sud-Ouest de la France 78
Sud- Est de la France 79
Le Nord-Ouest 83
France Centrale 87)
Ile-de-France SC>
Le Nord-Est 87
Le Nord de la France 88
Flandre 00
Lille et son arrondissement 1)3
Atlas, cartes, plans, albums, dessins, pliotograpliies.
Géographie générale 'J()
Asie 97
Afrique..: <)9
Amérique et Océanie 102
Europe 102
France lOi
^•-irgferg--
Lille impLCanel
|||^lii/ll^\a <.Jk.\i^ ■ • «/Wk « *■ IWWI
G Société de géographie
11 de Lille
S 56 Bulletin
t. 31-32
PLEASE DO NOT REMOVE
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