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Full text of "Bulletin"

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HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2009  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/bulletingeo47sociuoft 


•    f 


BULLETIN 


/      / 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE    LILLE 

(LILLE,    ROUBAIX,    TOURCOING). 


BULLETIN 


DK    LA 


// 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE 

DE    LILLE 

(LILLE,  ROUBALX,  TOURCOING) 

Reconnue   d'utilité  publique   par   décret   du   21   Décembre   1895. 

I^«  SEMESTRE   DE  1907 

Ving-t-Huitième  Année.  —  Tome  Quarante- Septième. 


SIEGE  DE  LA  SOCIETE  : 

116,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116, 

LILLE. 


// 

t. //y -//s 


621760 


—  5  — 


DISCOURS 

Prononcé  le  29  Décembre  1906 

SUR  LA  TOMBE  DE 

M.  QUARRÉ-RE YBOURBON ,  Vige-Préstdent, 

Par   M.    Auguste    GREPY, 

Vice  -  Président. 


Au  momeul  OÙ  va  se  fermer  celle  lombe  sur  l'hommo  de  bien  que 
regrettent  tous  les  Lillois  qui  l'onl  approché,  je  liens,  au  nom  delà 

Société  de  Géographie   de   Lille ,    à 
rendre  un  dernier  hommage  au  vénéré 
M.  QUARRL-REYBOURBON,  notre 
Vice-Président  et  notre  Doyen  d'âge. 
Dans  ses  «  A(Jlen.jo  îi  Vichy  »  que 
vous  avez  pu  lire  dans  notre  Bulletin 
de  Novembre  dernier,  M.  Quarré  di- 
sait :  «  Ma  tâche  est  finie  ou  bien  près 
de  l'être.  »  Notre  cher  Vice-Président, 
hélas  !  ne  se  trompait  pas,  et  la  mort, 
qu'il  entrevoyait  sans  crainte,  n'a  pas 
tardé  à  nous  le  ravir,  malgré  sa  ro- 
buste constitution  qui  lui  avait  permis 
d'arriver  en  possession  de  toutes  ses 
facultés    jusqu'à    un    âge    rarement 
atteint. 
M.  Louis  Quarré  naquit  à  Lille,  le  12  Septembre  1824.  A  18  ans  il 
débutait  dans  l'Imprimerie  Lefort ,   rue  Esquermoise.    En  1857,    il 
reprenail  la  Librairie  Vanackère,  située  au  N"  7  de  la  Grand'Place  et 
transportait  l'année  suivante  son  commerce  dans  la  maison  du  Soleil 


d'Or,  que  nous  connaissons  tous.  En  1879,  il  se  retira  des  affaires  et 
put  alors  se  consacrer  entièrement  à  ses  chères  études  et  se  dévouer 
aux  nombreuses  Sociétés  savantes  de  notre  ville,  aux  séances  des- 
quelles il  était  des  plus  assidus.  Il  avait  toujours  sur  le  métier  quelque 
ouvrage  de  géographie,  d'art  ou  d'histoire  qu'il  se  plaisait  si  volon- 
tiers une  fois  terminés,  à  offrira  ceux  qu'il  savait  devoir  s'y  intéresser. 

D'autres  vous  diront  le  nombre  et  la  diversité  des  travaux  scienti- 
fiques, littéraires  ou  artistiques  de  M.  Quarré.  Pour  moi,  je  ne  veux 
parler  ici  que  des  services  qu'il  a  rendus  à  la  Société  de  Géographie 
de  Lille. 

Il  s'y  fit  inscrire  en  Février  1881,  c'est-à-dire  huit  mois  à  peine  après 
sa  fondation.  Les  collègues  apprécièrent  bientôt  son  dévouement  et 
son  érudition  et,  le  30  Décembre  1885,  l'envoyèrent  siéger  au  Comité 
d'Etudes  où  il  fut  nommé  Archiviste  en  Janvier  1886,  et  chacun  sait 
avec  quel  soin  minutieux  il  fit  le  classement  de  nos  archives.  Mais  ces 
fonctions  n'étaient  pas  suffisantes  à  son  activité  et  en  Janvier  1890,  le 
Comité  le  nomma  Secrétaire-Général-adjoint,  poste  où  il  rendit  de 
nombreux  services  pour  la  confection  de  notre  Bulletin.  Entre  temps, 
avec  son  aménité  courtoise  et  son  inlassable  dévouement,  il  voulut 
bien,  pendant  de  nombreuses  années,  classer  et  préparer  les  volumes 
distribués  comme  prix  aux  Lauréats  de  nos  Concours. 

M.  Quarré  nous  donna  souvent,  dans  un  style  plein  d'humour,  des 
notices  très  documentées  sur  les  régions  qu'il  avait  visitées  et  fit  à 
notre  Société  de  nombreuses  communications  qui  furent  iasérées  dans 
notre  Bulletin. 

Durant  le  Congrès  des  Sociétés  savantes  de  1893,  il  reçut,  des 
mains  mêmes  du  Ministre,  la  rosette  d'Officier  de  l'Instruction 
publique. 

En  Janvier  1900,  M.  Quarré  fut  élu  Vice-Président  de  la  Société  de 
Géographie. 

On  peut  dire  qu'il  est  mort  sur  la  brèche  car,  il  y  a  huit  jours,  il 
présidait  encore  la  conférence  de  M.  Octave  Justice.  .     ,.  t 

Aujourd'hui  ses  Collègues  viennent  lui  dire  un  dernier  adieu  et 
nous  garderons  tous  précieusement  le  souvenir  de  cet  homme  affable 
et  dévoué  qui  vient  de  terminer  sa  carrière  et  qui  va  recevoir  là-haut 
la  récompense  de  tout  le  bien  qu'il  a  fait  et  de  tous  les  services  qu'il 
a  rendus. 


K0CÈ8-VERBAUX  DES  ASSEMBLEES  GÉNÉRALES. 


As»«ciiil»lée    tf<^nérale    «la    Jeudi    3    Jaiivi<'i'    1907. 


Présidence  de  M.  Ernest  NICOLLE,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  et  demie. 

Prennent  place  au  Bureau  M.M.  Auguste  Crepy,  Merchier,  Henri  Beaufort, 
Cantineau,  Eeckman,  Godin,  Palliez,  Auguste  Schotsmans,  Vaillant. 

Se  font  excuser  M.M.  Boulenger,  Georges  Lefebvre,  Jules  Dupont. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée  tenue  le  Jeudi  1 1  Octobre,  soumis 
à  l'Assemblée,  ne  donne  lieu  à  aucune  observation. 

Le  Président  rappelle  que  l'Assemblée  d'aujourd'hui,  d'abord  fixée  au  Jeudi 
27  Décembre,  a  dû  être  reculée  par  suite  du  décès  de  M.  Quarré-Reybourbon, 
Vice-Président  de  la  Société.  Cette  mort  a  surpris  tous  ceux  qui,  confaants  dans  la 
robuste  tranquillité  de  sou  esprit,  oubliaient  volontiers  ses  années  et  ses  souffrances 
cachées  derrière  sou  attitude  souriante  et  son  ardeur  incessante  au  travail. 
M.  Quarré-Reybourbon  qui  avait  présidé  le  Jeudi  soir  la  Conférence  a  expiré  le 
Mardi  25  Décembre.  C'est  pour  la  Société  une  grande  perte  comme  pour  toutes 
celles  auxquelles  il  apportait  son  concours  dévoué. 

Le  Président  dit  qu'il  a  beaucoup  regretté  de  trouver  dans  sa  propre  santé  un 
obstacle  insurmontable  à  lui  payer  le  tribut  de  sa  reconnaissance  en  l'accompa- 
gnant à  sa'  dernière  demeure.  M.  Auguste  Crepy,  Vice-Président,  l'a  remplacé  en 
disant  au  bord  de  sa  tombe  toute  la  peine  de  la  Société,  et  M.  Merchier,  Secré- 
taire-Général, en  écrivant  un  article  nécrologique  ému  dans  notre  Bulletin  de 
Décembre. 

Le  Président  a  reçu  des  témoignages  de  regrets  en  cette  occasion  dé  M.  Thomas 
Deman  qui,  au  nom  de  la  Société  de  Géographie  de  Dunkerque,  lui  a  adressé  un 
télégramme  de  condoléances  conçu  en  termes  sympathiques  ;  de  M.  Octave  Justice 
et  de  M.  le  Lieutenant  Gérin,  dont  M.  Quarré  avait  présidé  les  dernières  confé- 
rences ;  de  M.  Boulenger,  de  Roubaix  ;  de  M.  Georges  Lefebvre,  de  Tourcoing  ; 
de  M.  V.  Delahodde  ;  de  M.  iMarcel  Delaune  ;  du  Général  Avon;  de  M.  Paul 
Destombes  ;  de  M.  André  Lirondelle  et  de  M.  le  Comte  Auguste  de  Germiny. 

La  Société,  en  cette  Assemblée,  exprime  ses  condoléances  pour  la  famille  de 
M.  Quarré-Reybourbon,  dont  le  souvenir  sera  entretenu  parmi  ses  membres  comme 
celui  d'un  homme  de  bien  à  qui  l'estime  de  tous  est  vouée. 


Adhésions  nouvelles.  —  Le  Comité  d'Études  a  admis  54  nouveaux  Sociétaires 
dans  ses  deux  dernières  séances.  Leurs  noms  sont  insérés  à  la  suite  du  présent 
procès-verbaL 

XécroJoijIr.  —  Le  Président  signale  la  perle  éprouvée  par  la  Société,  de  : 

MM.  A.  Boussemaert. 
D''  Caron. 
Geiger. 
D'  Patoir. 

La  Société  a  aussi  à  regretter  la  mort  de  M.  François  de  Mahy.  Membre  corres- 
pondant. Député  de  la  Réunion  depuis  1871,  M.  F.  de  Mahy  n'avait  cessé  de 
travailler  au  relèvement  de  la  France  et  ensuite  à  son  extension.  Nous  l'avons  vu 
dépenser  sans  compter  une  énergie  surprenante  pour  son  triomphe  à  Madagascar. 
C'est  grâce  à  son  esprit  de  décision  que  comme  Ministre  de  la  Marine  il  engagea 
le  pays  dans  son  action.  Sans  lui  la  Hrande  Ile  tombait  alors  dans  les  mains  de 
l'Angleterre. 

Dans  ses  dernières  années,  éprouvé  par  de  cruels  deuils  de  famille,  il  vivait  très 
retiré,  ne  suivant  plus  le  mouvement  que  d'un  souvenir  toujours  vivant  1 

La  Société  exprime  ses  regrets  pour  ses  Membres  disparus. 

Distinctions  honorifiqiies.  —  Les  Membres  suivants  ont  été  faits  : 

Coimnrindciir  de  la  Lri/ion  d'Honnriir,  M.  le  (îénéral  Chamoin. 

Chevaliers  de  lu  Légion  d'Honneur. 

MM.  Florent  Carissimo,  à  Roubaix. 
Vincent  Cousin,  à  Comines. 
Claude  Guillemaud,  à  Seclin. 
E.  Labbé,  à  Armentières. 
François  Masurel,  à  Tourcoing. 
Georges  Turck.  à  Lille. 
Eug.  N'aillant,  du  Comité  d'Etudes,  à  Lille. 

L'Assemblée  leur  adresse  ses  félicitations ,  particulièrement  à  M.  François 
Masurel  qui,  longtemps  à  la  tête  de  la  section  de  Tourcoing,  a  toujours  été  si 
zélé  pour  le  bien  de  la  Société,  et  à  M.  Eug.  Vaillant,  qui  tient  une  place  si  hono- 
rable dans  le  Comité  d'Etudes, 

Cun/y-rr/irrs  : 

Dimanche  21  Octobre.  —  M.  A.  Merchier  :  r,i  coin  de  Fh/ndrc  en  Belgique, 
BriKjcK-lfi-MorIc. 

Jeudi  27)  Octobre.   —  M.  R.  P.  Trilles  :  Un  jienjde  du.  Conyo  français  :  les  Fang. 
Dimanche  2n  Octobre.  —  iSl.  Paul  Privat-Deschanel  :  L'An-nlralie  d'aujourd'hui. 
Dimanche  4  Novembre.  —  M.  N'alentin  Rrifaut  :  Han  Francisco  et  la.  Californie. 
Jeudi  8  Novembre.  —  M.  Eug.  Gallois  :  Asie  Mineure  et  Syrie. 
Jeudi  15  Novembre.  —  M.  Etienne  Roze  :  Xajiles  et  la  Sicile. 
Jeudi  22  Novembre.  —  M.  G.  François  :  Le  TJahoniei/. 


Dimanche  25  Novembre.  —  M.  Paul  Walle  :  Lf  Chili.  —  T^  C/if/islraplic  de 
Ytil/i'iraiso. 

Dimauche  ^  Décembre.  —  M.  A.  Halot  :  Lf  Jf'iiuit  inicli'n  <■!  innilrrnc. 

Dimanche  9  Décembre.  —  M.  l'Abbé  L.  Legrand  :  Une  excursio'/i  m  Kfibijllr. 

.jeudi  13  Décembre.  —  M.  le  Lieutenant  0.  Gérin  :  L'Allcniagnc  du  Nord  et  Iv 
Dtiiiemnrh. 

Dimanche  16  Décembre.  —  M.  Daniel  ZoUa  :  Ij-  F"i-  UV.s/. 

Jeudi  20  Décembre.  —  M.  0.  Justice  :  /.'-  Vrrdmi. 


Cniiffiitrs.  —  Les  corrections  ont  eu  lieu  à  Lille.  Les  prix  sont  attribués  par  la 
Commission  et  particulièrement  par  M.  C.antineau  et  seront  distribués  le  27  Janvier 
prochain.  Gomme  l'a  fait  remarquer  ]M.  Quarré-Reybourbon,  le  regretté  Président 
de  la  Commission  et  M.  Godin,  Rapporteur,  les  félicitations  de  tous  ceux  qui 
s'intéressent  à  la  marche  de  la  Société  doivent  se  porter  vers  les  correcteurs  et  en 
particulier  à  M.  Merchier,  Secrétaire-» Général,  à  M.  l'Abbé  Lesne,  qui  ont  fait  face 
à  un  travail  considérable  pour  cet  objet. 

Le  programme  des  matières  pour  1907  paraît  dans  le  Bulletin  de  Décembre. 

Le  :^8^  Coixjrl's  ludlonnl  df-  (irorjruphic  aura  lieu  à  Bordeaux  le  28  Juillet  1907, 
au  cours  de  l'Exposition  Maritime  internationale  organisée  sous  les  aiispices  de  la 
Ldliir  'SLirilimc  fi-niiçaisf.  Il  y  aura  là  un  double  attrait  pour  les  amateurs  de 
l'expansion  française.  Nous  ne  saurions  trop  engager  nos  collègues  à   en  profiter. 

iJuii  à  lo-BihUollu'fjiic.  —  Notre  collègue  M.  Fernaux-Defrance  a  voulu  nous 
laisser  une  marque  de  son.  dévouement  en  enrichissant  notre  liibliothèque  de 
deux  Atlas  anciens  que  le  Président  présente  à  l'Assemblée  et  qui  constituent  de 
sérieux  documents  géographiques. 

L'Assemblée  remercie  le  généreux  donateur  de  cette  nouvelle  preuve  de  son 
attachement  à  la  Société. 

i^7''  session  du  Coiii/rès  iidlioiial  dfs  Soch'tcs  frciiiraises  de  Gi'o<ii'"j)lilr  tenue  à 
Dunkerque,  à  partir  du  29  Juillet  1900.  M.  Merchier,  délégué  de  la  Société  à  Dun- 
kerqne,  en  rend  compte  avec  sa  verve  habituelle. 

Le  Président  le  remercie  chaleureusement  et  déclare  ne  pas  se  trouver  à  la  hau- 
teur voulue  pour  apprécier  convenablement  ce  morceau  que  tous  les  membres  de 
la  Société  liront  au  Bulletin  où  il  sera  publié  dés  qu'il  se  pourra. 

Elc'l Ions.  —  Le  Président  déclare  que  sont  vacantes  dans  la  Comité  d'Etudes 
les  places  de  M.  Fernaux-Defrance  et  de  M.  Quarré-Reybourbon.  Ce  dernier  se 
trouvant  parmi  les  membres  dont  le  mandat  expirait  à  la  fin  de  lii06,  il  y  a  donc 
deux  nou\;eaux  membres  à  élire  ;  c'est  par  là  que  va  commencer  le  scrutin.  Ensuite 
il  y  aura  lieu  de  voter  à  nouveau  sur  la  rentrée  des  9  membres  sortants  en  fin 
de"  1900. 

Les  2  nouveaux  membres  élus  sont  :  MM.  Decramer,  membre  de  la  Commission 
des  Excursions  et  Félix  Fiévet,  qui  prennent  respectivement  le  rang  de  M.  Fernaux- 
Defrance  jusqu'au  .31  Décembre  1907,  et  de  M.  Quarré-Reyl)Onrbon  jusqu'au 
31  Décembre  l'.iQU. 


—  10  - 

Les  9  membres  sortants,  ALM.  Godin,  Houbron,  Général  Lebon,  A.  Levé,  Pajot, 
Palliez,  A.  Schotsmans,  M.  Thieffry,  Docteur  Vermersch,  sont  renommés  pour  une 
nouvelle  période  de  trois  ans,  soit  jusqu'au  31  Décembre  1909. 

Le  Président  se  félicite  de  voir  se  joindre  de  nouveaux  concours  aux  anciens 
pour  assurer  la  durée  du  succès  de  la  Société. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


MEMBRES  NOUVEAUX  ADIYIIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GENERALE 
DU    II   OCTOBRE   1906. 


>•"«  d'ins-  MM. 

cription. 

4783.  GoDEFROY  (M""'),  0,  façade  de  l'Esplanade. 

Présentés  par  MM.  VillcUe  et  Dela/uxlile. 

4784.  Garpentiek  (Henri),  ingénieur,  12,  rue  du  Sec-Arembault. 

Subra  et  Chizet. 
478r).     BouLENGER  (E.-V.),  6.5,  rue  Colbert,  Roubaix. 

E.  Boulenyer  et  /.  Cléty. 
4780.     FoHi.EN  (Désiré),  négociant,  ~5,  rue  du  Chemin  de  Fer,  Roubaix.  ' 

E.  Bouh'iKjff  et  J.  Cléty. 

4787.  Cremer,  10,  rue  Catel-Béghin. 

Merchirr  et  Quarré-Reyboiu-bon. 

4788.  Chetrel,  élève  à  l'Institut  industriel,  4,  rue  des  Postes. 

Merchier  et  Quarré-Reybourbon. 

4789.  Guelorget,   représentant   de   la   Société   des  Hauts-Fourneaux  de  Pont-à- 

Mousson,  12,  place  (^ormontaigne. 

J.  Langlols  et  L.  Dcydier. 

4790.  CoLi.Eï,  commis  princ.  des  Contrib.  ind.,  159,  rue  Sadi-Ganiot,  Haubourdin. 

Bic/ioff'e  et  G.  Houbron. 

4791 .  Foiirmez-Delahaye  (César),  négocient  en  laines,  17,  rue  des  Arts,  Roubaix. 

.     Ci-areri  et  Cléty. 

4792.  Hennion  (M"^),  15,  avenue  des  Magnolias,  Canteleu-Lambersart. 

L.  Carré  ei  E.  Desiy/iol/r. 

4793.  Dugatteau  (Paul),  35,  rue  Richard  Lenoir,  Roubaix. 

Bonh'nyrr  et  Leburqnc. 

4794.  Delmasure  (Paul),  négociant  en  laines,  150,  rue  du  Collège,  Roubaix. 

Boulenyer  et  Cléty. 

4795.  Ardoix  (M""^  S.),  .36,  rue  de  Thionville. 

!)'■  Vermersch  et  J,  Dehuuioy. 
4790.     Secret  (Amédée),  63,  boulevard  Vauban. 

Dupont  et  Graër. 
4797.     Guiffray  (Commandant)  du  43%  9,  rue  Henri-Loyer. 

Les  Capitaines  Lesaye  et  Devenue. 


—  11  — 

v-'d-ins-  MM 

cripliou. 

4798.     DisTiNf^KiN  (François),  propriétaire  à  l'ont-à  Marcq. 

L.  Dr'prrsi/i  et  Henri  Beau  fort . 
47!)0.     LKLKr-GAHEMix  (.Iiiles*),  négociant,  12,  rue  des  Suaires. 

Ladrièfc  et  ^ynlrclof . 
4S00.     I.kssen.s-Dautkkmkk,  .38,  boulevard  Gambetta,  Roubaix 

.    Boiflenf/er  et  Cléty. 

4801.  Tacquet,  directeur  des  ?»Iines  de  Meurchin. 

Colettr  et  René  Giard. 

4802.  Wannkbkoi;c(i(  (Maurice),  20,  rue  de  Bourgogne, 

P.  Wannebroiicq  et  Z>'  Béai. 
480.3.     Legkam)  (François),  négociant,  57,  rue  de  Fives. 

L.  Carré  et  K.  Drsignol/e. 
4804.     Agache  (Emile),  brasseur,  rue  Raspail,  Hellemmes. 

LefeOcre-C<nij)/c(  et  Bosselarl-Watarlot. 
480").     Plaisanï-Minet  (Adolphe),  gérant,  129,  rue  Barthélemy-Delespaul. 

E.  Ernou/t  et  Hoiri  Beaufurt. 

4806.  Ghémar  (Georges),  étudiant,  3,  rue  Désiré-Courcol,  Mons-en-Harœul. 

A.  Legraad  et  Mailliez. 

4807.  Wattel  (Floris),  représentant,  64,  rue  d'Artois. 

Henri  Beaufort  et  Buisset. 

4808.  Châtelain  (Me^e  Marie),  rentière,  74,  rue  St-Étienne. 

jj/me  Herlanit  et  M'""  Leclercq-Boiynvn. 
480U.     Dkckoia  (B.),  81,  rue  de  rHôpilal-Militaire. 

Yan  Troostenherghe  et  (r.  Houhron. 

4810.  \andame  (André),  56,  rue  St-Gabriel. 

Georges  et  Emile  Ynmlinne. 

4811.  DiïKECQ  (Meiie  Jeanne),  236,  rue  de  Roubaix,  Mons-en-Barœul. 

Ernest  Niculle  et  Yan  Troostenherghe. 

4812.  i^ERREMAN  (ÉUe),  huissier,  31,  rue  de  la  Barre. 

Cd'jitinedu  et  YYagnier. 

4813.  JriN  (Théodore),  tailleur,  3,  rue  de  Pas. 

('(irlier  et  Mcdoault. 
'i814.     Chkminade,  rentier,  avenue  des  Marronniers,  Croix. 

Mayette  et  Banvalol. 
i'SlS.     Chik^uet  (Raoul),  ingénieur,  48,  rue  de  Canteleu. 

Sabra  et  Cliizel. 

4816.  HoicKER  (M""),  21,  rue  de  la  Bassée. 

Beiin  et  Pajot. 

4817.  HuGiiT  (Loui.s),  1,  rue  d'Holbach. 

Delconrt  et  Caille. 

4818.  Dewii.de  (Emile),  120,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix. 

Batteur  et  Bontry. 
481i).     Sgkii.lemans  (Lieutenant-Colonel),  sous-chef  d'Etat-Major,  3,  rue  St-Martin. 

Conunanilant  Rausclier  et  Ca/ntaine  Devenne. 
i820.     N'eioiersck  (Doctenrj,  29,  rue  do  FAbaltoir,  Tourcoing. 

Georges  Lefebvre  et  Petit-Leduc. 

4821.  Sai.embier  fils  (Léon),  négociant,  79,  rue  de  Guisnes,  Tourcoing. 

Georges  Lefebvre  et  Petit-Leduc. 

4822.  RoBBE  (Urbain),  filateur,  rue  Verle-Feuille,  Tourcoing. 

Georges  Lefebvre  et  Petit-Leduc. 


—  12  — 

»»»  d'ins-  MM. 

cription. 

■4823.     Jourdain  fils  (Eugène),  fabricant,  71,  rue  des  Piuts,  Tourcoing. 

Gt'unjes  Lcft'hvre  et  Petil-Ledac. 
482'i.     RoGisTKR  (M'""  Neuve),  2S,  boulevard  Gambetta,  Tourcoing. 

Georges  Li'fchvrf'  et  Petit-Leduc. 
'1820.     PiHEN,  industriel,  I,  passage  Fontaine-del-Saulx. 

D^  Vermersch  et  Enwiilt. 

4826.  KiNG,  Consul  d'Amérique,  97  A/s,  rue  des  Stations. 

E.  Gennevoise  et  E.  Nicolle. 

4827.  RoGiEH,  capitaine  au  'i3"'%  25,  rue  Brûle-Maison. 

C'/pitoiue  Lesf'f/e  et  Lienfeiimit  Court  in. 

4828.  Wauqijier  ('Georges),  constructeur,  67,  rue  de  Wazemmes. 

D'  Vermersch  et  Henri  Beaufort"! 

4829.  Bataille,  agent  général  d'assurances,  28,  rue  Masséna. 

Paul  et  A(Jolj)he  Meijer. 

4830.  Darius  (Emile),  négociant  en  fourrures,  22,  rue  Grande-Chaussée. 

Paul  et  Adolphe  Meyer. 

4831 .  Fr.\nck  (Colonel),  directeur  du  génie,  20,  square  Ruault. 

Coinmandant  Rauscher  et  Gapitaine  Derenne. 

4832.  Salomé  (Capitaine),  officier  du  génie  à  la  Citadelle. 

G<nid(iert  et  Anbert,  officier  du  (jrnie. 

4833.  Ego,  fabricant  de  pain  d'épices,  259,  rue  de  Paris. 

G(n<d'/erf  et  Beirndert . 

4834.  Carême  (Lucien),  prof,  au  Lycée  Faidherbe,  197,  rue  de  Lille,  La  Madeleine. 

.1.  Sciiotsntdiis  et  Henri  Beaufort 

4835.  Declercq  (M'""  Veuve),  2,  boulevard  Bigo-Danel. 

De  Kerarmel  et  Bertln. 

4836.  Bal  (Fernand),  négociant,  28,  rue  de  Paris. 

Vnl/t'int  et  Cantinean. 


LIVRES    ET    CARTES 
REÇUS  OU  ACHETÉS   DEPUIS   L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE  OU   II   OCTOBRE   1906. 


J^  I  VR  ES. 


1»   DOITS. 


Une  Croisière  au  Spitzberg,  par  Eug.   Gallois.  Paris,  Roger,   1906    —    Don  de 

l'Auteur. 
Mission  d'études  sur  la  maladie  du  sommeil,    par  Bouvier,   Giard  et  Laveran.   — 

Don  de  la  Société  de  Géographie  de  Paris. 


-  13  — 

Atti  del  Congresso  coloniale  Italiano  in  Asmara  (1905),  par  ("arlo  Rossetti.  Rome, 
1906.  —  Don  de  TAuteur. 

Les  Combattants  français  de  la  guerre  américaine  (1778-1783).  Imprimerie  Natio- 
nale, 1905.  —  Don  de  M.  le  Colonel  Chaillé-Long. 

Les  Provinces  équatorialcs  d'Egypte,  par  le  Colont-l  Chaillé-l.ong.  —  Don  de 
l'Auteur. 

L'Indo-Chine  en  danger,  par  Francis  Mury.  Paris,  Charles  Lavauzelle,  1906.  — 
Don  de  l'Auteur. 

Trusts  et  Cartels,  par  Alfred  Renouard.  Cavaillon  Mistral,  1907.  —  Don  de  l'Auteur. 

l^es  Chefteries  indigènes  de  l'État  Indépendant  du  Congo,  par  M.  (ioblet.  Tours, 
1906.  —  Don  de  l'Auteur. 


S»  ACHATS. 

New  York,  comme  je  l'ai  vu,  par  Charles  Huard.  Paris,  Eug.  Rey,  1906. 

Amériquc-Australasie  au  début  du  XX ^'  siècle,  par  Fallex  et  Mairey.  Paris,  Delà- 
grave,  1906. 

L'Asie  au  début  du  XX"  siècle,  par  Fallex  et  Mairey.  Paris,  Delagrave,  1906. 

Sanctuaires  d'Orient  (Egypte,  (Jrèce,  Palestine),  par  Ed.  Schuré.  Paris,  Perrip,  1906. 

Crépuscule  d'Islam  (Maroc),  par  André  Chevrillon.  Paris,  Hachette,  1906. 

A  travers  l'Hindo-Kush  ,  par  le  Prince  Louis  d'Orléans.  Paris ,  Beauchesne 
et  Cie ,  1906. 

Le  Guatemala  économique,  par  Ch.  Stephan.  Paris,  Chevalier  et  Rivière,  1907. 

Nos  chasses  dans  les  .5  parties  du  monde,  par  Paul  Niedick.  Paris,  Pion,  1907. 

A  travers  la  Banquise  du  Spitzberg  au  cap  Philippe,  par  le  Duc  d'Orléans.  Paris, 
Pion,  1907. 


J  J.    —    Cartes. 

DON. 

2  Atlas  atciens.  —  Don  de  M.  Fernaux-Defrance. 


14  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILEK 


1. 

Séance  du  JJiniandie  4  Norcjithi-e  1906. 


SAN  FRANCISCO   ET   LA   CALIFORNIE 

IMPRESSIONS  DE  VOYAGE 

Par    M.    Val  EN  TIN     BRIFAUT, 

Avocat  à  la  Cour  dWppel  de  Bruxelles, 
Membre  de  la  Société  Royale  de  Géographie  de  Belgique. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


La  conférence  de  M.  Valentin  Brifaut  eut  un  énorme  succès.  Ses 
nombreux  auditeurs  ont  unanimement  apprécié  le  charme  de  sa 
parole,  le  talent  d'exposition,  la  précision  des  détails  et  l'ordonnance 
admirable  du  sujet  qu'il  traitait.  Les  vues  étaient  aussi  très  judicieu- 
sement choisies  et  très  réussies  comme  exécution. 

Les  applaudissements  nourris  qui  ont  accueilli  la  fin  de  cette  belle 
conférence  ont  suffisamment  démontré  à  l'orateur  combien  elle  fut 
goûtée  de  tous. 


La  Californie  qui  s'est  imposée  à  notre  attention  par  une  catastrophe 
inouïe  et  malheureusement  non  unique  en  cette  année,  est  un  pays 
neuf,  appelé  à  jouer  un  grand  rôle  au  point  de  vue  économique. 


Corlez  eu  1536  et  Cabrillo  en  1542  en  découvrirent  les  différentes 
parties,  mais  l'Espagne,  devenue  rapidement  maîtresse  de  territoires 
immenses,  se  trouva  dans  l'impossibilité  absolue  de  les  exploiter  tous. 
Jusqu'au  milieu  du  XVIIP  siècle,  la  Californie  fut  ainsi  négligée. 
C'est  seulement  à  cette  époque  que  des  moines  franciscains  en  com- 
mencèrent la  colonisation  au  nnm  du  gouvernement  espagnol.  Quand 
le  Mexique  se  révolta  contre  l'Espagne,  la  Californie  suivit  son  exemple. 
Les  moines  furent  chassés,  et  les  Indiens,  devenus  quelque  peu  agri- 
culteurs sous  la  direction  des  Pères,  rr^prirent,  quand  ils  se  retrou- 
vèrent abandonnés  à  leurs  instincts  de  race,  leurs  anciennes  habitudes 
de  nomades. 

En  1846,  quelques  Américains,  descendus  en  Californie,  en  virent 
suffisamment  pour  juger  de  sa  future  importance  et  en  1848,  les  Etats- 
Unis,  à  la  suite  d'une  guerre  contre  le  Mexique,  obtinrent  la  cession 
de  ce  territoire  qu'ils  convoitaient. 

L'histoire  de  la  Californie  ne  commence  réellement  qu'à  cette 
époque.  Jusqne-là  en  effet  la  possession  de  ce  pays  avait  été  plus 
nominale  qu'effective. 

Le  développement  de  cette  colonie  américaine  fut  vraiment  fantas- 
tique et  deux  années  lui  suffirent  pour  prendre  rang  parmi  les  terri- 
toires de  la  Confédération. 

En  1849  eut  lieu  la  découverte  de  l'or. 

Ilse-trouva  si  abondant  que  h'  nom  de  Californie  devint  le  synonj^me 
de  icn-c  de  Voi-.  La  nouvelle  ne  s'en  fut  pas  plutôt  répandue  qu'une 
poussée,  un  ra^h.  comme  on  dit,  se  produisit,  les  aventuriers  se  préci- 
pitèrent en  masse  vers  ces  richesses  que  l'on  trouvait  à  fleur  du  sol  ou 
dans  le  lit  des  rivières  de  ce  nouvel  Eldorado. 

Après  avoir  donné  des  résultats  merveilleux ,  le  sol  californien 
commença  à  fournir  de  moins  en  moins.  Actuellement  l'or  qui  y 
existe  encore  demande  plus  de  peine  à  recueillir  et  son  extraction 
exige  par  suite  de  gros  capitaux.  Mais  à  l'âge  de  l'or  a  succédé  l'âge 
d'une  autre  richesse  qui  ne  fait  que  commencer  ;  si  la  terre  s'appauvrit 
à  chaque  coup  de  pioche  du  chercheur  d'or,  elle  gagne  au  contraire  en 
valeur  à  être  judicieusement  cultivée. 

Or  le  sol  californien  se  prête  admirablement  à  toutes  sortes  de 
cultures  et  celle  des  fruits  en  général,  principalement  des  oranges, 
est  devenue  pour  cet  Etat  un  facteur  insoupçonné  et  toujours  grandis- 
sant  de   richesses.  Depuis   1870,  c'est-à-dire   depuis   cette   nouvelle 


—  16  - 

adaptation  du  sol,  la  production  annuelle  fut  constamment  croissante 
et  atteint  aujourd'hui  le  demi-milliard. 

La  superficie  de  la  Californie  est  de  516.0IJ0  kilomètres  carrés,  un 
peu  moins  que  la  France  par  conséquent.  La  largeur  moyenne  est  de 
320  kilomètres  et  la  longueur  de  1.650  kilomètres  environ. 

Sa  situation  est  admirable.  D'une  part,  l'Océan  Pacifique  tempère  la 
chaleur  dans  toute  la  région  côtière.  D'autre  part,  deux  chaînes  de 
montagnes,  parallèles  à  la  côte  (la  Coast  Range  et  la  Sierra  Nevada) 
laissent  entre  elles  deux  larges  vallées  absolument  abritées  contre  les 
vents  du  Nord,  de  l'Est  et  de  l'Ouest.  Dans  ces  vallées,  le  Sacramento 
venu  du  Nord  et  le  San  Joaquim  de  direction  opposée,  semblent  vou- 
loir se  précipiter  l'un  vers  l'autre  pour  venir  finalement  se  jcler 
ensemble  dans  la  baie  de  San  Francisco. 

On  pénètre  en  Californie  par  la  Sierra  Nevada.  Chacun  sait  comment 
sont  établis  les  chemins  de  fer  américains  et  jusqu'à  quel  point  sont 
rudimentaires  les  ponts  qui  franchissent  les  abîmes.  La  traversée  de  la 
Sierra  est  merveilleuse.  On  y  admire  de  nombreuses  forêts  et  une 
abondance  d'eau  que  les  Californiens  surent  détourner  à  leur  profit 
comme  on  le  verra  plus  loin. 

La  hauteur  des  montagnes  de  la  Sierra  est  très  variable.  Deux  som- 


SAN    FHANCI.Sr.d.    FERRY    BOA  T. 


mets  dépassent  4.000  mètres.   Le  mont  Whilney  a  une  altitude  de 
4.618  mètres. 


—  17  — 


Les  principales  villes  de  la  Calil'oniie  sont  San  Francisco,  Sacra- 
mento,  Monterey,  Santa  Barbara,  Los  Angeles  et  San  Diego. 

Sacramento  est  le  siège  du  gouvernement.  Comme  capitale,  cette 
ville  mérite  seulement  d'être  citée.  Son  importance  économique  est 
peu  considérable. 

San  Francisco  est  admirablement  situé  sur  une  baie  qui  couvre  une 
superficie  de  750  kilomètres  carrés.  Toutes  les  flottes  du  monde  entier 
pourraient  y  tenir  à  l'aise.  La  baie  de  New  York  n'a  que  100  kilo- 
mètres carrés  de  superficie. 

On  accède  dans  la  baie  de  San  Francisco,  que  protègent  des  vents 
du  large  les  collines  du  littoral,  par  la  porte  d'Or  (golden  gâte). 

Non  loin  ds  là  se  trouve  le  parc  de  San  Francisco  (400  hectares), 
endroit  enchanteur  où  se  trouvent  réunies  la  faune  et  la  flore  du  pays. 
Également  Clill"  house  (la  maison  de  la  Falaise),  but  de  promenade 
très  fréquenté.  On  y  voit  des  phoques  s'ébattre  nombreux  en  poussant 
des  vagissements  d'enfants  et  se  hissant  sur  les  rochers  {Seal  roc];s) 
pour  se  chaufi'er  au  soleil.  11  est  défendu  de  leur  faire  du  mal  (ils  sont 
sous  la  sauvegarde  du  public),  sauf  lorsque  l'un  ou  l'autre  devient 
méchant  et  dangereux. 

Quant  à  la  ville  elle-même,  les 
diverses  secousses  du  sol  et  les 
incendies  qu'elles  déterminèrent, 
l'ont  presque  entièrement  anéan- 
tie. 

11  y  eut  relativement  peu  de 
victimes.  Nombreux  étaient  ceux 
qui  se  rendaient  chaque  soir  par 
ferry  beats  (bateaux  à  vapeur) 
vers  Oakland,  Berkeley  et  autres 
villégiatures.  Or  la  ',catastrophe 
survint  le  matin  du  18  Avril  1906 
avant  l'heure  de  leur  retour  en 
ville. 

La  ville  était  bâtie  en  amphi- 
théâtre. Certaines  rues  ont  une 
pente  extraordinairement  pro- 
noncée, interrompue  de  temps 
en  temps  par  quelques  paliers^ 
Les  maisons  qui  les  bordaient,  semblaient  se  précipiter  avec  elles  à 


;V\    FRANCISCO. 


—  18  — 

l'assaut  des  collines,  circonstauce  qui  fut  très  favorable  à  la  propa- 
gation des  incendies  dans  une  ville  où  beaucoup  de  demeures  étaient 
en  bois.  Les  flammes  montantes  trouvèrent  toujours  dans  les  maisons 
voisines  encore  plus  élevées  qu'elles,  un  nouvel  aliment. 

Les  quartiers  d'affaires  avaient  des  constructions  plus  solides,  mais 
comme  dans  les  grandes  villes  des  Etats-Unis  elles  étaient  de  hauteur 
très  variable.  Cette  juxtaposition  d'édifices  disproportionnés  offre  un 
coup  d'œil  peu  gracieux.  Le  Call  B/fildà/g  iwaii  120  mètres  de  hauteur; 
il  renfermait  de  nombreux  bureaux  {offices). 

L'Hôtel  de  Aille  qui  avait  coûté  35.000.000  de  francs  a  été  réduit  à 
un  état  lamentable.  Il  n'en  restait  que  le  squelette  formé  d'un  assem- 
blage de  poutrelles  d'acier  entre  lesquelles  on  avait  construit  les 
diverses  parties  d'une  façade  qui  n'avait  pu  résister.  Ce  mode  de 
construction  est  d'ailleurs  adopté  aux  Etats-Unis  pour  tous  ces  grands 
offices  Buildluf/x.  Les  façades  n'y  ont  aucune  charge  à  supporter. 

Les  Etats-Unis  se  sont  fait  une  certaine  spécialité  de  ces  grands 
incendies  !  A  Baltimore  57  hectares  furent  absolument  rasés  par  les 
flammes.  L'incendie  de  Chicago,  de  beaucoup  plus  considérable,  fut 
distancé  encore  par  celui  de  San  Francisco  qui  s'étendit  sur  une  aire 
deux  fois  plus  grande  et  le  dépassa  en  horreur. 

On  a  vu  comment  Chicago  est  sorti  de  ses  cendres.  Cette  ville  pros- 
père plus  que  jamais  et  l'on  peut  prévoir  que  sa  population  dépassera 
un  jour  celle  des  plus  grandes  villes,  même  Londres. 

Ainsi  fera  San  Francisco.  Nul  doute  que  la  nouvelle  ville  surpas- 
sera l'ancienne,  ses  habitants  se  sont  mis  à  la  tâche,  nullement  décou- 
ragés comme  on  pourrait  le  croire.  L'un  d'eux  ne  déplorait  cette 
catastrophe  que  parce  qu'elle  obligerait  M.  Brifaut  à  renouveler  sa 
collection  de  clichés  ! 

Au  point  de  vue  intellectuel,  la  Californie  se  développe  singulière- 
ment. On  y  compte  deux  Universités. 

Celle  de  l'Etat  (Californian  University)  est  comme  les  Universités 
anglaises,  composée  d'édifices  séparés  et  spéciaux  à  chaque  enseigne- 
ment et  de  maisons  d'étudiants.  On  y  voit  un  théâtre  grec  où  l'on  joue 
en  cette  langue.  Le  fait  qu'il  y  ait  assez  d'auditeurs  pour  suivre  les 
pièces  jouées  dénote  évidemment  une  certaine  intellectualité. 

L'autre  Université  est  libre.  C'est  l'Université  Stanford,  due  à  la 
générosité  d'une  famille  de  ce  nom  en  mémoire  d'un  fils  mort  à  la  fleur 
de  l'âge.  Elle  a  coûté  au  bas  mot  cent  cinquante  millions. 


—  l'J  — 

De  nombreux  édifices  la  composent,  des  galeries  ou  cloîtres  les 
relient  entre  eux,  le  tout  rappelant  le  style  des  anciennes  missions. 

Elle  possède  encore  un  musée  de  peinture,  un  temple,  en  ruines 
maintenant,  d'une  richesse  inouïe,  où  l'on  avait  accumulé  les  bronzes, 
mosaïques,  etc.,  en  mémoire  de  l'enfant  perdu. 

Le  parc  de  cette  Université  est  immense  et  admirable  tout  à  la  fois. 

Le  commerce  de  San  Francisco  s'élève  annuellement  à  plus  d'un 
milliard  de  francs. 

A  côté  de  cette  prospérité  remarquable,  il  y  a  deux  sujets  de  crainte 
pour  son  avenir. 

Des  syndicats  puissants  se  sont  formés  en  vue  de  faire  monter  les 
salaires.  L'ouvrier  a  voulu  bénéficier  lui  aussi  de  cette  situation  flo- 
rissante, mais  ses  exigences  augmentant  tous  les  jours,  les  salaires 
suivent  une  marche  ascendante.  Où  s'arrêteront-ils,  on  se  le  demande 
et  cette  hausse,  si  elle  persiste,  ne  se  fera-l-elle  pas  au  détriment  de  la 
prospérité  générale  ? 


BOUTIQUK    CHINOISE    A    SAN    FRANCISCO. 


Il  y  a  ensuite  les  Asiatiques  en  très  grand  nombre,  formant  à  San 
Francisco  une  ville  à  part  dans  la  ville  elle-même.  Le  (China  towu) 


—  2f)  — 

quartier  chinois  esl  en  tout  point  semblable  à  une  ville  chinoise. 
Mêmes  temples,  mêmes  restaurants,  etc.  —   L'illusion  est  complète. 

On  y  pourra  voir  des  fumeries  d'opium,  interdites  d'ailleurs,  mais 
ce  sont  les  détectives  chargés  d'exécuter  la  loi  qui  sont  les  premiers  à 
y  conduire  les  étrangers. 

Les  Chinois  vivent  dans  des  taudis  et  savent  se  contenter  de  peu; 
ils  font  aux  ouvriers  une  telle  concurrence  que  ceux-ci  ont  obtenu 
contre  eux  une  loi  prohibitive. 

A  moins  de  permission  spéciale  nul  Chinois  n'est  admis.  Quelques- 
uns  savent  pourtant  s'y  introduire  par  ruse,  cachés  dans  des  cercueils 
ou  des  ballots  quelconques. 

Ils  monopolisent  surtout  deux  professions  qui  ne  cadrent  pas  avec 
leur  saloté  traditionnelle,  celle  de  cuisiniers  et  celle  de  blanchisseurs  ! 

Les  Japonais  sont  encore  plus  envahissants,  car  les  Chinois  se 
cantonnent  en  général  dans  des  professions  modestes.  Les  Japonais  au 
contraire  veulent  toujours  monter  plus  haut  et  on  a  vu  tel  cuisinier 
tourner  une  sauce  en  étudiant  un  livre  de  trigonométrie. 

On  s'est  vite  aperçu  là-bas  que  le  Japonais  était  une  autre  forme  de 
Chinois,  mais  le  gouvernement  n'ose  pas  appliquer  contre  eux  les  lois 
de  prohibition.  On  ne  traite  plus  le  Japon  comme  une  nation  insigni- 
fiante depuis  son  éclatante  victoire. 


Les  excursions  vers  le  Sud  de  la  Californie  s'imposent  à  tout  voya- 


MONTKRKV.    DEL   MONTK    HÔ I  1 

geur.  La  côte  du  Pacifique  esl  pour  les  Américains  ce  qu'est  pour  nous 


la  côte  d'Azur.  Ce  Sud  californien  est  partout  admirable  et  pittoresque. 
Son  climat  est  extrêmement  doux.  Celui  de  la  Floride  seul  peut  lui 
être  comparé. 

Les  riches  Américains  se  rendent  en  villégiature  le  long  de  cette 
côte  privilégiée  et  plus  l'argent  y  abonde,  plus  les  hôtels  y  deviennent 
grandioses  et  même  extravagants. 

Les  principales  stations  sont  Monterey,  Santa  Barbara  et  Los 
Angeles. 

A  Monterey  se  trouve  un  hôtel  splendide,  le  Del  Monte,  possédant 
un  parc  de  4  à  5.000  hectares,  permetlanl  d'y  faire  sans  en  sortir  une 
promenade  de  17  kilomètres. 


IN    (;K\M)    HOTKI.    CAI.IKOlt.MKN    A    SAN    ISAllBARA. 


vSanta  Barbara  possède  aussi  son  hôtel  gigantesque,  le  De  Potter. 
Dans  toutes  ces  stations  fréquentées,  s'élèvent  des  villas  particulières 
au  milieu  des  palmiers,  des  eucalyptus  et  autres  merveilles  végétales. 
Le  style  de  ces  villas  rappelle  celui  des  anciennes  missions,  toutes 
faites  sur  le  même  modèle. 

De  ces  anciennes  missions  abandonnées,  on  cherche  à  restaurer 
quelques-unes.  Il  semble  que  les  Californiens  en  soient  fiers,  à  défaut 
d'autres  vestiges  antiques.  C'est  pour  la  même  raison  qu'on  montre 
aux  étrangers  la  première  maison  de  bois  ou  la  première  maison  de 
briques  qu'il  y  ait  eu  dans  telle  ou  telle  région.  Dans  un  pays  qui  n'a 


qu'une  cinquantaine  d'années  d'existence  il  paraît  que  c'est  un  titre 

comme  un  autre  ! 

Les  Indiens  ont  dû 
quelquefois  aussi  regret- 
ter les  missions,  depuis 
qu'ils  ont  été  refoulés 
dans  les  montagnes  où 
ils  mènent  une  vie  des 
plus  misérables.  Ils  sont 
tombés  dans  le  plus  com- 
plet abrutissement  à  la 
suite  de  longues  priva- 
tions et  de  l'abus  de  l'al- 
cool qu'on  leur  donnait 
^:dè'sséiiî; 

Un  mouvement  d'opi- 
nion s'est  dessiné  en  leur 
faveur  ayant  à  sa  tête 
un  bomnie  d'un  talent 
remarquable  et  d'une 
infatigable  activité ,  M. 
Charles  Lummis.  Le  Pré- 
sident Roosevelt ,  très 
large  et  très  humani- 
taire comme  on  sait,  a 
promis  de  contribuer  à 

la  sauvegarde  de  ces  pauvres  Indiens.  De  dix  millions  qu'ils  étaient 

il  n'en  reste  tout  au  plus  que  deux  cent  cinquante  mille  dans  tous  les 

États-Unis. 
Des  mesures  ont  été  prises  également  pour  la  conservation  des 

bisons  dont  la  race  a  presque  totalement  disparu. 


SAN   GABRIEL   MISSION.    ENVIRONS    DE    LOS    ANGELES 


Au  point  de  vue  du  pittoresqu(>,  rien  de  comparable  à  la  célèbre 
vallée  de  Yosémite.  Ce  n'est  pas  la  Suisse,  c'est  bien  plus  désolé  mais 
aussi  plus  grandiose.  Une  des  nombreuses  cascades  de  celte  vallée 
tombe  d'une  hauteur  de  huit  cents  mètres  en  trois  sauts.  Un  immense 
roc,  Captan  Rock,  se  dresse  à  pic  et  surplombe  l'abîme  à  une  hauteur 
vertigineuse.  Là  abondent  les  gorges  sauvages,  là  se  trouvent  les 
plus  vieux  arbres  du  monde  :  les  séquoias. 


'  Ir 

m'-^  1 

•■ 

■SA 


Le  séquoia  (ii;/f'/ife'(  es[  un  conilV're  qui  atteint  des  dimensions  fan- 
tastiques. II  y  en  a  un  entre  autres  qui  mesure  127  m.  de  hauteur, 
10  m.  30  de  diamètre  et  32  m.  60  de  circonférence.  Une  diligence 
attelée  de  qua're  chevaux  passe  facilement  dans  un  tunnel  creusé  dans 
le  tronc  de  ce  colosse. 

Chose  curieuse,  le  fruit 
de  cet  arbre  n'est  pas  plus 
gros  qu'une  noisette  ! 

Le  séquoia  Sempe7-'vi- 
/•(';/s[est  non  moins  impo- 
sant et  a  ceci  de  particulier 
que  de  ses  puissantes  ra- 
cines s'élancent  de  nou- 
velles pousses  qui  devien- 
dront à  leur  lourdes  troncs 
tout  aussi  majestueux.  Ces 
arbres  si  étroitement  unis 
présenlentvraimentl'image 
d'une  famille  patriarcale. 
II  est  défendu  de  toucher 
aux  séquoias,  les  Améri- 
cains ne  supporteraient 
point  qu'on  y  porte  la  hache. 
A  côté  de  ces  colosses 
[big  tress),  il  faut  noter  aussi 


LES    GltAMi.S    ARBP.E.S    (SEQUOIA    (UGANTEA). 


comme  curiosité  les  cactus  cierges  dépassant  de  beaucoup  la  taille 
humaine  et  qu'on  trouve  dans  le  Sud  de  la  Californie. 

Los  Angeles  possède  dans  son'voisinage  immédiat  des  plages  très 
fréquentées,  Long  Bcach,  San  Pedro,  Redondo  Beach.  La  douceur  du 
climat  y  est  telle  que  même  en  Janvier  on  peut  y  prendre  des  bains  de 
mer.  Les  rosiers  y  fleurissent  également  toute  l'année. 


La  Californie  est  riche  en  sites  merveilleux  et  en  minerais  de  toute 
nature.  Toute  la  culleclion  des  métaux  s'y  trouve  rassemblée  dans  son 
sous-sol.  Pas  un  n'y  manque. 

Quant  aux  fleurs  et  aux  fruits,  ils  y  viennent  en  telle  abondance 
qu'aucun  pays  ne  peut  soutenir  la  comparaison  avec  ce  véritable  paradis 
terrestre. 


—  2'. 


On  trouve  là-bas  cent  soixante  espèces  dilierenles  de  fleurs,  compre- 
nant d'innombrables  variétés. 

Les  vallées  californiennes,  recouvertes  de  dépôts  d'alluvions  dessé- 
chés, ne  demandaient  qu'à  être  judicieusement  arrosées  pour  devenir 
les  plus  fertiles  du  monde.  Nous  avons  dit  quelles  ressources  en  eau 
formaient  les  lacs  et  les  torrents  perdus  de  la  Sierra.  Grâce  à  des  tra- 
vaux coûteux,  des  canaux  ayant  quelquefois  des  centaines  de  kilo- 
mètres, ont  été  creusés  pour  amener  cette  eau  bienfaisante  dans  ces 
terres  desséchées.  Bien  des  hectares  demanderaient  encore  à  être  irri- 
gués. C'est  dire  que  la  Californie  a  encore  des  ressources  en  réserve 
et  ce  n'est  point  la  place  qui  manque  à  ses  deux  millions  d'habitants. 
Avec  une  densité  égale  à  celle  de  la  population  belge,  il  y  a  place  pour 
120  millions  d'habitants. 

Le  sol  autrefois  aride  est  donc  devenu  d'une  fertilité  étonnante. 

Une  espèce  de  trèfle  (rafalfa)  peut  donner  jusqu'à  six  récoltes  par 
an  et  cela  représente  une  moyenne  chaque  fois  de  trois  à  quatre  tonnes 
(le  foin  par  hectare.  Cette  plante  a  en  outre  l'avantage  d'amender  le 
terrain  qu^elle  occupe  et  de  le  rendre  ainsi  propre  à  d'autres  cultures. 

Le  maïs,  le  blé,  la  betterave  sont  cultivés  avec  grand  profit. 

Cependant  les  champs  ne  sont  pas  aussi  immenses  qu'on  a  bien 
voulu  le  dire.  On  a  été  jusqu'à  raconter  en  plaisantant  que  celui  qui 
partait  avec  sa  charrue  pour  creuser  un  seul  sillon  n'en  revenait  sûre- 
ment qu'avec  des  cheveux  blancs. 

A  la  vérité,  on  trouve  encore  quelques  propriétés  de  vingt  à  vingt- 
cinq  mille  hectares.  C'est  déjà  fort  beau  on  le  voit  ! 

Elles  exigent  naturellement  un  matériel  perfectionné,  semeuses^ 
faucheuses  mécaniques,  etc. 

La  betterave  fait  une  redoutable  concurrence  au  sucre  de  canne.  La 
Californie  possède  maintenant  des  raffineries  considérables. 

Des  champs  entiers  de  citrouilles  sont  aussi  à  signaler.  Pour  le  reste 
on  s'en  tient  plutôt  à  de  plus  petites  cultures,  300  hectares  par  exemple. 
Ce  système  a  été  reconnu  plus  avantageux. 

L'élevage  des  moutons,  chèvres  {aixjnra^),  bœufs  et  vaches  est  pros- 
père, tant  pour  les  viandes  de  boucherie  que  pour  les  i)roduits  acces- 
soires qu'il  procure. 

Les  autruches  supportent  également  bien  le  climat.  Elles  sont 
recherchées  pour  leurs  plumes.  Certaines  fermes  peuvent  avoir  de  cent 
à  cent  cinquante  de  ces  curieux  bipèdes. 

Le  sol  a  pris  maintenant  une  telle  valeur   que  dos  hectares   qui 


valaient  tout  au  plus  une  quinzaine  de  francs  il  y  a  vingt  ans,  ne  se 
vendent  pas  moins  de  vingt  à  vingt-cinq  mille  francs.  Malgré  ce  prix, 
la  culture  des  oranges  est  encore  très  rémunératrice. 

Il  manque  aux  fleurs  ravissantes  de  Californie  pour  être  parfaites  le 
parfum  des  nôtres,  car  jusqu'ici  on  a  vainement  tenté  d'établir  en 
Californie  Tinduslrie  des  parfums  semblable  à  celle  de  Nice  et  de 
Grasse.  En  revanche,  pour  le  miel  elles  donnent  des  résultats  merveil- 
leux :  on  a  recueilli  en  un  seul  été  cinquante  tonnes  de  miel  dans  le 
seul  canton  de  Santa  Barbara. 

Quant  aux  fruits,  ceux  des  pays  tempérés  comme  ceux  des  pays 
tropicaux  y  viennent  à  merveille.  Les  cerises,  les  noix,  les  poires,  les 
pommes. . .,  les  bananes,  les  citrons,  les  oranges. . .  Pas  un  ne  manque 
à  l'appel  ! 

Quand  le  canal  de  Panama  sera  creusé,  ces  fruits  amenés  sur  des 
bateaux  spéciaux  feront  à  coup  sûr  une  invasion  chez  nous  et  révolu- 
tionneront nos  marchés  par  leurs  bas  prix.  Ils  n'auront  plus  alors  à 
traverser  par  rail  tout  le  continent  américain  et  à  supporter  les  frais 
trop  lourds  de  multiples  transbordements. 

Les  vignobles  de  la  Californie  produisent  quantité  de  vins  qui  ne 
peuvent  encore  rivaliser  avec  les  nôtres.  Il  leur  manque  ce  bouquet 
particulier  et  ce  je  ne  sais  quoi  entîn  qui  les  caractérisent.  Il  y  a  là 
évidemment  un  manque  d'expérience  et  de  pratique  qui  ne  s'acquiert 
qu'avec  le  temps. 

La  culture  des  orangers  est  le  véritable  triomphe  de  la  Californie. 
Elle  ne  date  que  de  l'année  1870  et  déjà  des  milliers  et  des  milliers 
d'hectares  ('21.000  exactement)  lui  sont  consacrés.  La  Californie  a  le 
privilège  d'avoir  une  espèce  d'orange  sans  pépins,   d'un  goût  exquis. 

Les  prunes  d'un  très  grand  rapport  viennent  immédiatement  au 
second  rang  après  les  oranges. 

Tout  cela  est,  nous  l'avons  dil,  le  résultat  d'une  savante  irrigation. 
Il  suffit  pour  cela  de  gravir  quelque  hauteur  pour  s'en  rendre  compte 
facilement.  Le  sol  californien,  contemplé  de  là-haut,  ressemble  à  un 
damier  irrégulier  dont  les  cases  sont  tantôt  arides  et  désolées,  tantôt 
couvertes  d'une  luxuriante  végétation  suivant  que  l'eau  y  abonde  ou  y 
fait  complètement  défaut. 

II  semble  qu'un  pays  privilégié  à  ce  point  n'avait  plus  rien  à  désirer. 
La  nature  en  bonne  mère  lui  a  ménagé  encore  d'autres  ressources. 

Le  pétrole  existe  aussi  en  Californie.  Des  puits  creusés  près  de  Los 
Angeles  en  donnent  abondamment.  Quelques-uns  même  sont  en  mer 


-^  2()  - 

à  quelque  distance  de  la  côte.  Le  pétrole  sert  à  l'éclairage  et  coinme 
combustible  pour  les  locomotives.  La  poussière  de  charbon,  si  désa- 
gréable chez  nous,  est  inconnue-  là-bas.  Il  est  employé  aussi  pour 
l'arrosage  des  routes.  Le  faire  ici,  comme  le  réclament  nos  modernes 
chauffeurs,  serait  trop  coiîteux.  Après  un  seul  arrosage,  le  sol  des 
routes  prend  la  consistance  de  l'asphalte,  tout  en  étant  plus  élastique. 
La  poussière,  cet  ancien  fléau  de  la  Californie,  est  enfin  vaincue. 

Le  pétrole  a  surgi  quelquefois  du  sol  d'une  façon  toute  fortuite.  La 
surprise  n'en  est  pas  moins  agréable  pour  le  propriétaire  ainsi  favorisé 
du  sort. 


De  Los  Angeles  on  se  rend  beaucoup  à  l'île  Catalina  pour  voir  les 
jardins  sous-marins.  Cotte  île,  en  plein  Océan  Pacifique,  est  une  station 


balnéaire  recherchée  pour  sa  iraîcheur.  Pendant  la  traversée  l'on  est 
souvent  favorisé  de  la  vue  de  ces  merveilleux  poissons  volants,  bon- 
dissant par  dessus  la  crête  des  vagues.  La  pêche  dans  les  parages  de 
l'île  est  vraiment  miraculeuse. 

Des  barques  à  fond  de  verre  emmènent  les  touristes  avides  de  con- 
templer le  monde  sous-marin.  Les  eaux  en  cet  endroit  sont  si  limpides 
que  l'on  peut  distinguer  le  fond  de  la  mer  jusqu'à  40  mètres  de  profon- 


deur.  Rappelons  que  près  de  la  côte  d'Azur,  ou  ne  voit  tout  au  plus 
qu'à  dix  ou  douze  mètres.  Une  toile  est  tendue  au-dessus  des  touristes 
pour  empêcher  toute  réverbération  et  rien  ne  s'oppose  plus  au  spec- 
tacle qui  les  attend.  A  leurs  pieds,  ils  peuvent  contempler  tout  un 
monde  insoupçonné  tel  qu'a  pu  l'évoquer  notre  romancier  Jules  Verne 
dans  son  ouvrage  Vingt  itiille  llenes  sons  les  me>'S. 

Il  y  a  là  de  tout  ;  du  drame,  de  la  poésie. . .,  que-  sais-je  encore  ? 
Des  rocs  incrustés  de  coquillages,  des  fougères,  des  algues  se  balan- 
çant gracieusement  au  gré  des  flots,  des  mousses  plus  fines  que  la  plus 
fine  dentelle  et  des  fleurs  merveilleuses  évoquant  le  souvenir  des 
primevères,  des  pensées,  etc. . . .  Des  épaves  parfois,  des  quilles  aban- 
données  Et  la  faune.  Toutes  les  merveilles  des  mers  du  Sud  !  Des 

poissons  rouges,  verts,  bleus,  argentés  aux  formes  parfois  les  plus 
fantaisistes.  On  eu  voit  flâner  comme  pour  passer  le  temps.  D'autres 
filent  avec  rapidité  comme  appelés  à  quelque  besogne  pressée.  D'autres 
recherchent  la  solitude  ou  flirtent  discrètement,  loin  de  toute  agitation. 
Enfin  des  colonnes  entières  évoluent  avec  un  ensemble  parfait  comme 
obéissant  à  des  ordres  rapidement  donnés  et  tout  aussitôt  exécutés. 


C'est  ainsi  que  l'Amérique  se  présente  à  nous  avec  une  intensité  de 
vie  extrêmement  intéressante  à  observer.  Ce  peuple  nous  off"re  un 
ensemble  de  spectacles  moraux  et  sociaux  dignes  de  toute  notre 
attention. 

Admirons  enfin  cette  vitalité  de  la  Californie  qui  semble  renaître 
déjà  et  repartir  vers  un  avenir  encore  plus  grand. 

Ceux  qui  ont  pu  visiter  ce  pa3^s  ne  s'en  étonneront  guère,  car  ils 
auront  pu  apprécier  la  jeunesse,  l'énergie  infaiigable  de  ce  peuple 
qu'aucune  considération  du  passé  n'a  pu  retenir  et  qui  peut  aller,  sans 
aucune  retenue,  droit  au  but  qu'il  s'est  choisi. 

Tout  y  procède  de  cette  fierté,  de  cet  orgueil  et  de  cet  amour-propre 
d'une  race  qui  se  croit  la  quintescence  de  toutes  les  autres,  veut 
démontrer  en  tout  sa  supériorité  et  arrive  à  force  de  volonté  à  la  faire 
reconnaître  par  le  monde  entier. 


—  28  — 

IL 

SraiH-e  du  Jeadi  15  Novcmbi-e  1906. 


NAPLES  ET  LA  SICILE 


Par   M.    Etiknne    ROZE, 
Publiciste, 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  Roze  se  défend  tout  d'abord  d'être  un  voyageur  savant.  Il  voyage 
pour  se  délasser,  mais  il  vagabonde  toutefois  avec  méthode,  butinant 
de  ci  de  là  quelques  légendes,  bons  mots  et  anecdotes  dont  il  a  su 
émailler  son-intéressante  conférence. 

Toujours  à  la  recherche  des  plus  beaux  sites,  il  excelle  à  les  photo- 
graphier. Témoins  les  nombreuses  et  admirables  vues  qu'il  nous  a  été 
donné  de  voir  détîler  sous  nos  yeux. 

Nous  nous  trouvons  transportés  ainsi  à  Naples,  non  sans  nous  être 
arrêtés  quelque  peu  à  Gênes,  Pise  et  Rome. 

Pour  rester  dans  les  limites  du  Bulletin,  nous  sommes  forcés  de 
passer  cette  partie  de  la  conférence  de  M.  Roze,  quoique  nous  ayons 
encore  à  la  mémoire  bien  des  détails  amusants  et  des  anecdotes 
piquantes  qui  mériteraient  d'être  rapportés  ici. 

Un  voyage  en  Italie  n'a  rien  que  d'attrayant.  Une  seule  chose  pour- 
rait effaroucher  les  personnes  superstitieuses,  c'est  le  mauvais  œil.  On 
croit  encore  par  là  à  sa  néfaste  influence.  Aussi  craint-on  beaucoup 
celui  qui  l'exerce,  le  jcitidorc.  Il  a  généralement  le  nez  arqué,  les 
yeux  d'un  clair  à  voir  la  cervelle  au  travers. 

Heureusement  on  peut  se  garder  de  lui  avec  certains  talismans, 
certaines  amulettes.  Les  cornes  d'un  animal  quelconque  ou  des  sou- 
liers rouges  sont  très  efficaces.  Ce  sont  des  moyens  peu  pratiques,  il 


—  L^l  — 

est  vrai,  mais  il  y  a  plus  simple  que  cela.  Il  suffit,  par  un  geste  fort 
connu,  de  faire  les  cornes  avec  les  doigts.  Le  moyen  est  à  la  portée 
de  tous. 

Des  volumes  ont  été  écrits  sur  ce  sujet.  On  y  examine  si  le  jettatoi-e 
à  lunettes  est  plus  redoutable  que  celui  qui  porte  perruque,  si  le  jetta- 
tore  à  tabatière  n'est  pas  plus  à  craindre  que  celui  qui  porte  perruque... 
Enfin  si  la  réunion  des  lunettes,  de  la  tabatière  et  de  la  perruque  ne 
brise  pas  la  force  de  la  jettatura. 

Il  y  eut  jadis  un  prince  qui,  pour  son  malheur  ou  plutôt  pour  celui 
des  autres,  naquit  jettatore.  A  sa  naissance,  son  père,  qui  était  ambas- 
sadeur, fut  révoqué.  A  son  entrée  à  l'école,  tous  les  enfants  eurent  la 
coqueluche.  Le  prince,  très  intelligent,  avait  tous  les  prix.  Un  jour, 
un  de  ses  camarades  lui  prit  la  première  place. . . .  Mais  ce  camarade 
se  cassa  la  "jambe  en  montant  sur  l'estrade  pour  se  faire  couronner.  Il 
suffisait  que  le  prince  vînt  dans  un  théâtre  pour  qu'il  arrivât  malheur. 
Ou  bien  le  théâtre  briîlait,  ou  bien  c'était  le  lustre  qui  tombait  sur  les 
assistants.  Un  jour  une  cantatrice  accepta  son  bras  pour  aller  au  piano. 
Elle  chanta  faux,  fit  des  conacs  horribles,  perdit  un  (engagement  bril- 
lant et  mourut  dans  la  misère. 

Mais,  nous  avons  hâte  d'arriver  à  Naples. 

y f (pies  est  située  sur  un  golfe  magnifique  et  adossée  à  de  verdoyantes 
collines  sur  lesquelles  une  partie  de  la  ville  s'élève  en  amphithéâtre. 
Le  Vésuve  la  caractérise  comme  le  nez  caractérise  une  figure.  Ce  nez 
éternue  même  quelquefois  et  c'est  plutôt  gênant  pour  ses  voisins. 

Du  couvent  Saint -Martin  on  ne  se  lasse  pas  d'admirer  le  superbe 
coup  d'œil  que  présente  cette  jolie  ville,  quand  le  temps  est  beau  et 
qu'elle  resplendit  dans  un  bain  de  soleil  et  d'azur.  Que  le  temps  vienne 
à  changer  et  aussitôt  cette  coquette,  en  négligé,  devient  laide  et  maus- 
sade ;  on  se  prend  même  à  la  détester. 

Gare  aux  œillades  des  belles  Napolitaines  qu'on  rencontre  le  long 
de  la  via  Parthénope,  près  du  Château  de  l'Œuf  !  Dieu  vous  en  pré- 
serve, car  elles  auraient  vite  fait,  tant  elles  sont  incendiaires,  de 
réduire  votre  cœur  en  cendres  ! 

En  dehors  de  ses  grandes  artères,  la  ville  possède  des  rues  abomi- 
nables, toujours  pavoisées  d'oripeaux  et  de  linges  qui  sèchent.  Elles 
sont  r(?mplies  d'une  population  grouillante  et  sale  que  la  vermine  ronge 
à  plaisir.  Les  montres  et  porte-monnaies  de  ceux  qui  s'y  aventurent, 
s'ils  n'y  prennent  garde,  sont  subtilisés  en  un  clin  d'œil.  Les  logis  sont 
si  étroits  que  les  portes  en  sont  toujours  ouvertes  et  laissent  voir  des 


—  30  - 

intérieurs  peu  luxueux.  Les  familles  nombreuses  des  Napolitains 
peuvent  à  peine  y  tenir,  aussi  les  mères  se  tiennent  de  préférence  sur 
la  rue  toute  la  journée.  Elles  tiennent  au  bras  leur  plus  jeune  marmot 
ou  quelquefois  l'abandonnent  dans  une  hotte  accrochée  au  mur. 
Quant  aux  enfants  plus  âgés,  elles  ne  s'en  occupent  guère.  Qu'ils 
partent  le  plus  tôt  possible  et  reviennent  tard  dans  la  soirée  ou  même 
pas  du  tout,  c'est  tout  ce  qu'elles  demandent.  Ces  enfants  vont  on  ne 
sait  où  et  vivent  on  ne  sait  comment.  Ils  pullulent  véritablement  par 
les  rues,  se  chauffant  au  soleil,  passant  leur  temps  à  faire  les  uns  sur 
les  autres  la  chasse  aux  habitants  qui  ornent  leurs  chevelures. 

Au  bruit  d'un  sou  tombant  sur  le  pavé,  ces  gamins  arrivent  aussitôt 
par  dix,  cent,  mille. ...  Il  en  pleut  comme  des  sauterelles. 

Les  hommes  et  jeunes  gens  ne  font  pas  grand'chose.  Ce  sont  les 
lazzaroni.  Ils  passent  leurs  journées  à  se  chaufier  au  soleil  comme 
des  lézards.  Ils  travaillent  tout  juste  pour  gagner  leur  nourriture.  Or 
ils  se  nourrissent  suffisamment  avec  deux  sous  et  somptueusement 
avec  quatre.  On  demanda  un  jour  à  un  lazzarone  de  porter  une  valise  : 
«  Non,  répondit-il,  j'ai  mangé  aujourd'hui » 

On  devine  quels  soldats  peuvent  faire  de  tels  hommes.  Au  temps  où 
Naples  formait  un  royaume,  le  Ministre  de  la  Guerre  voulut  changer 
la  couleur  de  l'uniforme.  Mais  le  Roi  Ferdinand  refusa  les  crédits 
demandés  avec  ce  joli  mot  :  «  Pourquoi  faire  ?  »  fîchez-les  en  bleu, 
fic-hez-les  en  rouge  ou  fichez-les  en  vert,  ih  [icheront  toujo?(rs  le 
camp. 

Naples  possède  beaucoup  d'églises,  entre  autres  la  cathédrale  de 
Saint-Janvier.  Le  miracle  de  ce  saint  est  connu.  Deux  fois  par  an,  à 
époques  fixes,  le  sang  de  ce  martyr  se  met  à  bouillir.  Il  ne  ferait  pas 
bon  d'en  douter  devant  un  Napolitain.  Quand  le  fait  tarde  à  se  pro- 
duire, toute  la  ville  est  en  effervescence,  car  cela  veut  dire  que  l'année 
sera  mauvaise. 

A  ce  sujet,  on  conte  une  anecdote  irrévérencieuse,  mais  amusante. 
Lorsque  le  Général  Championnet  occupa  Naples  on  fit  courir  le  bruit 
que  saint  Janvier,  furieux  de  voir  la  ville  occupée  par  les  Français,  ne 
ferait  pas  son  miracle.  Et  en  effet  lorsque  la  nuit  arriva  le  sang  était 
toujours  desséché.  Une  révolte  était  imminente.  Alors  le  Général 
Championnet  fit  dire  ces  simples  paroles  à  celui  qui  gardait  le  sang  : 
«  Si  dans  dix  minutes  le  miracle  n'a  pas  eu  lieu,  vous  serez  fusillé. . .  » 
et  le  miracle  se  produisit. 

Le  golfe  de  Naples  s'étend  du  cap  Misène  à  droite  à  l'île  de  Capri  à 


—  :n  - 

gauche.  Do  Naples  au  cap  Misène,  la  côte  lut  le  séjour  de  tout  ce  que 
Rome  possédait  de  personnages  célèbres.  Ils  se  disputèrent  tous  les 
terrains  pour  y  élever  leurs  luxueuses  villas.  L'affranchi  Pollion  qui 
donnait  ses  esclaves  en  nourriture  à  ses  murènes  y  avait  la  sienne. 
Lucullus,  ce  légendaire  gourmet,  avait  établi  son  admirable  villa  à 
l'extrémité  d'un  promontoire. 

Plus  loin  vers  Baïa  était  la  villa  d'Agrippine,  mère  de  Néron.  Nom- 
breuses sont  les  grottes  que  l'on  va  visiter  par  là,  les  grottes  de  Séjan, 

du  Chien,  de  la  Sj^bille  de  Cumes,  etc ,  et  à  ce  sujet  notons  jusqu'à 

quel  point  se  fait  l'exploitation  des  étrangers.  Il  faut  payer  pour  tout, 
payer  à  chaque  instant  et  jamais  moins  de  vingt  sous.  Malheur  à  ceux 
qui  se  laissent  faire,  leur  bourse  est  vite  aplatie.  C'est  vingt  sous  pour 
entrer  dans  une  grotte,  vingt  sous  pour  en  sortir,  vingt  sous  pour 
entendre  l'écho,  autant  pour  le  faire  taire,  vingt  sous  aussi  pour  faire 
revenir  la  voiture  qui  s'était  éloignée  à  dessein,  etc. . . .  On  cite  le  cas 
d'un  homme  ingénieux  qui  avait  fait  creuser  un  fossé  que  des  ton- 
neaux, chaque  matin,  venaient  remplir  d'eau. ...  Il  prenait  vingt  sous 
pour  aider  à  le  traverser (1). 

Du  haut  du  cap  Misène  on  découvre  une  vue  superbe  sur  tout  le 
golfe  de  Pouzzoles. 

De  l'autre  côté  de  Naples,  en  face,  se  trouve  Sorrente,  la  patrie  du 
Tasse,  où  l'accueil  fait  aux  étrangers  est  moins  barbare.  Cette  cité 
souriante  est  sous  la  protection  de  nains  bienfaisants.  Malheureuse- 
ment ils  no  sortent  que  la  nuit  et  sont  toujours  vêtus  de  noir,  aussi  ne 
les  a-t-on  jamais  vus  ! 

De  Sorrente  en  retournant  vers  Naples,  on  passe  à  Castellamare  aux 
échappées  merveilleuses  et  au  milieu  d'une  végétation  luxuriante  : 
orangers,  oliviers,  cactus,  aloès  et  vignes  dorées  y  abondent. 

Puis  Herci'Ianitni  et  Pompéi,  surtout  Pojupéi,  dont  les  ruines  ense- 
velies sous  les  cendres  du  Vésuve  en  l'an  79  et  en  partie  déblayées, 
nous  donnent  le  spectacle  d'une  ville  antique  dont  la  physionomie  est 
restée  intacte  au  point  qu'on  oublie  les  18  siècles  écoulés  depuis  ce 
fatal  événement  et  qu'on  s'attend  presque  à  en  voir  revenir  les  habi- 
tants. Il  y  eut  peu  de  victimes,   car  presque  tous  purent  s'enfuir  à 


(1)  Tout  ceci  n'a  que  la  pointe  d'exagération   nécessaire  pour  donner  du  relief 
aux  choses. 


—  :J2  — 


temps.  Beaucoup  d'objets  ont  été  sauvés  par  leurs  propriétaires,  mais 
il  en  est  resté  suffisamment  pour  garnir  le  musée  de  Naples. 


:  O  li  l;  K  N  T  E. 


On  a  même  retrouvé  une  vilrc  à  une  petite  ouverture.  Ceci  au 
moment  précis  où  un  savant  allemand  publiait  un  ouvrage  en  cinq 
volumes  pour  prouver  qu'à  cette  époque  le  verre  était  encore  inconnu 
des  anciens. 

Les  excursions  ne  manquent  donc  point  aux  environs  de  Naples. 
Si  l'on  veut  pousser  plus  loin,  on  pourra  voir  <SV//c/;/r  entourée  de 
montagnes.  Le  coup  d'œil  est  joli  et  plus  on  s'en  éloigne  dans  le  golfe 
de  ce  nom,  plus  le  spectacle  augmente  de  grandeur. 

Les  roches  sont  si  proches  de  la  côte  vers  le  Nord  que,  faute  d'em- 
placement, les  maisons  de  diverses  localités  s'étagent  curieusement 
sur  le  flanc  des  montagnes  et  semblent  chevaucher  les  unes  sur  les 
autres.  Les  villes  de  Majori.  de  Mino/y  la  Charmante  et  à\i)iial[l 
sont  dans  ce  cas.  Cette  dernière,  la  perle  du  golfe  de  Salerne  possède 
une  curieuse  cathédrale.  Un  ancien  couvent  de  Capucins  transformé 
en  hôtel  la  domine.  C'est  là  qu'il  fait  bon  rêver  au  déclin  d'une  belle 
journée. 

Au  Sud  du  même  golfe  sont  les  ruines  de  lAedum,  ce  qui  reste 
d'une  antique  cité  déchue.  Elles  datent  de  plus  de  2.000  ans.  ('e  sont 


les  ruines  de  trois  temple'^  :  la  Basilique,  le  temple  de  Neptune  et  le 
temple  de  (iérès.  ('elui  de  Neptune  presque  intact  avec  ses  colonnes 


de  9  inètres\le  hauteur  et  de  -^  ni.  50  de  diamètre,  produit  une  impres- 
sion profonde.  Les  herbes  envahissent  peu  à  peu  le  tout  èl  seules 
quelques  chèvres  animent  ces  solitudes. 


La  Sicile  fut  tour  à  tour  possédée  par  les  Phéniciens,  Grecs,  Car- 
thaginois, Romains,  Goths,  Sarrazins,  Français,  Autrichiens,  etc..., 
par  tous  ceux  enfin  qui  eurent  quelque  empire  sur  la  Méditerranée.  Ce 
pays  se  présente  sous  trois  aspects  difï'érents,  suivant  l'époque  où  l'on 
s'y  rend.  Il  est  uniformément  vert  pendant  la  croissance  des  blés  pour 
devenir  pendant  leur  maturité  d'un  jaune  d'or  et  finalement  d'une 
teinte  grise  après  la  moisson.  Pour  y  aller  en  été,  il  faut  avoir  le  tem- 
pérament d'un  lézard. 

Les  brigands  de  la  Sicile  ont  été  célèbres,  mais  il  n'y  en  a  plus. 
Depuis  plusieurs  années  on  n'entend  guère  parler  d'attentats.  Avec  la 
civilisation  et  les  chemins  de  fer  le  métier  ne  nourrit  plus  son  homme. 


—  34  - 

On  peut  par  prudence  se  faire  accompagner  de  gendarmes  et  se  donner 
l'illusion  d'être  bien  gardé,  car  au  fond  leurs  armes  sont  plutôt  vieilles 
et  usées. 

La  Maffia  existe  toujours.  C'est  une  association,  une  sorte  de  société 
secrète  très  puissante  en  Sicile  et  qui  ttrrorise  les  populations. 

Un  propriétaire  veut-il  vendre  son  terrain  un  certain  prix,  si  la 
Maffia  en  a  envie  et  offre  une  somme  même  ridicule,  il  lui  faudra  bien 
céder  tôt  ou  tard.  Un  autre  acquéreur  ou  Ini-mème,  s'il  s'entêtait, 
serait  vite  frappé  d'une  balle. 

Personne  n'ose  résister  à  la  Maffia.  Elle  se  fait  adjuger  ce  qu'elle 
veut  et  impose  ses  volontés.  Un  fermier  veut-il  prendre  un  domes- 
tique, il  sera  obligé  d'accepter  le  protégé  des  Maftiosi.  Tout  autre 
serait  infailliblement  exécuté. 

La  police  est  impuissante.  Personne  ne  veut  témoigner.  On  ne  sait 
rien,  on  n'a  rien  vu.  Les  Maffiosi  pour  sauver  quelqu'un  d'entre  eux 
ont  recours  aux  lettres  anonymes,  menaces  cl  faux  témoignages.  Ils 
ne  regardent  pas  à  supprimer  ceux  qui  en  savent  trop  long. 

Aussi  le  volé  n'accusera  jamais  celui  qu'il  soupçonne  et,  en  règle 
générale,  le  Sicilien  se  mettra  toujours  du  côté  du  meurtrier,  parce  que 
lo  mort  es/  inoif  et  que  pour  lui  il  n'y  a  plus  rien  à  faire. 

Certains  procès  durent  des  années.  Un  officier  s'éprit  un  jour  d'une 
jeune  fille.  Les  frères  de  l'amoureux  ne  voulaient  pas  de  ce  mariage 
et,  pour  en  finir  assassinèrent  nuitamment  l'officier.  Une  enquête 
est  ouverte  :  y  a-t-il  eu  suicide  ou  assassinat  ?  Les  Maffiosi  emploient 
tous  les  moyens  pour  faire  conclure  au  suicide.  Ils  vont  même  jusqu'à 
acheter  tous  les  jurés.  Ils  leur  envoient  la  moitié  d'un  billet  de  mille 
francs,  l'autre  moitié  devant  leur  être  remise  si  les  accusés  sont 
acquittés.  Finalement,  après  avoir  été  arrêtée,  reprise,  renvoyée 
devant  trois  Cours  d'assises,  où  les  faux  témoignages  ne  se  comptent 
*plus,  l'affaire  se  termine,  malgré  l'évidence  des  faits,  par  l'acquitte- 
ment d'un  des  frères  et  la  condamnation  fie  l'autre  à  une  peine  légère 
pour  meurtre accidentel. 

Mais  la  Maffia  est  a iTaire  entre  Siciliens  seuls;  les  étrangers  n'ont 
rien  à  craindre  à  cet  égard. 

Les  Siciliens  sont  religieux.  L'un  d'eux  tua  même  son  confesseur 
d'un  coup  de  revolver  parce  qu'il  ne  voulait  pas  lui  donner  l'abso- 
lution ! 

Les  enlèvements  déjeunes  filles  sont  fréquents,  quatre  ou  cinq  par 
semaine.  Ils  se  terminent  heureusement  toujours  par  des  mariages. 


Les  maris  sont  très  jaloux  et  les  femmes  ne  peuvent  guère  sortir  de 
chez  elles.  Aussi  les  hommes,  qui  ne  veulent  pas  recevoir  d'autres 
liommeschez  eux,  ont  coutume  de  se  rencontrer  dans  les  boutiques  des 
pharmaciens  et  des  coiiïeurs. 

Les  mouches  sont  un  fléau  en  Sicile,  elles  sont  innombrables.  Les 
viandes  servies  à  table  en  sont  quelquefois  noires  au  point  qu'il  semble 
qu'on  vous  sert  des  truffes. 

Les  charrettes  sont  curieusement  peinturlurées.  Tous  les  panneaux 
sont  illustrés.  Les  sujets,  généralement  historiques  ou  bibliques,  peints 
en  couleurs  éclatantes  et  vives ,  représentent  les  scènes  les  plus 
curieuses  :  .Joseph  et  Marie,  Patiphar,  Salomon  et  la  reine  de  Saba, 
l'histoire  d'Annibal  ou  d'Amilcare.  et  ces  musées  ambulants  ne  valent 
que  70  fr.  ! 

Les  Siciliens  sont  superstitieux.  Ils  ont  peur  des  crapauds,  des  sor- 
cières. Pour  vaincre  le  mauvais  sort  ils  doivent  cracher  en  l'air  en 
criant  trois  fois  :  eau  et  sel. 

Les  jeunes  filles  mettent  sous  leur  oreiller  trois  fèves,  la  première 
intacte,  la  deuxième  à  moitié  pilée  et  la  troisième  décortiquée  entiè- 
rement. Selon  qu'au  réveil  elles  tirent  1  une  ou  l'autre,  elles  sauront  si 
leur  mari  sera  riche,  pauvre  ou  de  modique  aisance. 

Une  jeune  fille  va-t-elle  à  la  fontaine,  si  la  première  personne  qu'elle 
rencontre  est  un  homme,  elle  se  mariera  vite.  Si  c'est  une  femme,  ce 
sera  long  et  si  c'est  un  prêtre,  elle  coiifera  sûrement  sainte  Catherine. 

Un  chien  couché  en  long  annonce  le  beau  temps.  S'il  est  couché  en 
rond,  c'est  signe  de  vent  et  de  pluie. 

Les  morts  sont  aussi  l'objet  de  curieuses  superstitions.  Le  contact 
de  leur  main  glacée  guérit  les  dartres  et  les  boutons  ;  l'aiguille  qui  a 
cousu  le  bouton  d'un  vêtement  qui  recouvre  un  cadavre  jouit  de  la 
propriété  singulière. ...  de  faire  exempter  les  jeunes  gens  du  service 
militaire.... 

On  entre  généralement  en  Sicile  par  Mcssnx'.  Le  détroit  de  Messine 
n'a  que  quatre  ou  cinq  kilomètres  de  largeur.  Les  écueils  de  Chtiri/bdc 
et  Srijllu  ne  sont  plus  à  craindre  pour  les  embarcations  modernes. 

La  Cathédrale  de  Messine  possédait  un  autographe  de  la  Vierge. 
Il  fut  malheureusement  détruit  par  un  incendie.  Sur  le  port  existe  une 
fontaine  où  Neptune  tend  la  main  comme  pour  voir  s'il  ne  pleut  pas  : 
comment  s'en  gardera-t-il  ?  Ce  n'est  pas  son  trident  qui  peut  lui  servir 
de  para[tluie  ! 

A  la  suite  de  M.  Roze  nous  nous  arrêtons  à  Palormc,  la  rivale  de 


:'(i  — 


Naples.  Au  temps  du  royauine  des  Deux-Siciles  les  Palermitains 
accusaient  de  lâcheté  les  Napolitains. 

Un  condamné  originaire  de  Naples  devait  être  exécuté  à  Palerme. 
Le  Père  qui  l'assistait  à  ses  derniers  moments,  également  Napolitain, 
était  désespéré  :  le  condamné  était  vert  de  peur,  ce  n'était  plus  qu'une 
loque  humaine.  Il  sut  le  convaincre  habilement  que  l'on  ne  ferait  qu'un 
semblant  d'exécution  et  la  ruse  réussit.  Rassuré,  le  condamné  fut 
d'une  bravoure  sans  pareille  et  commanda  lui-même  le  feu.  11  mourut 
percé  de  vingt  balles  tandis  que  Je  bon  Père  demandait  à  Dieu  pardon 
du  mensonge  qu'il  avait  commis  pour  garder  intacte  la  réputation  de 
Naples. 

On  visite  à  Palerme  l'église  S'Liihi  Mm-ia  drlhi  (■alena,  l'église  de 
la  Martoraiia.  le  cloître  Saint-Jean,  la  Cathédrale,  etc.,  etc.  C'est  à 
Palerme  que  fut  donné  le  signal  du  massacre  des  Vêpres  Siciliennes 
où  périrent  tous  les  Français  en  1282. 

Dans  les  environs  se  trouvent  la  grotte  de  Ste-Rosalie  où  l'on  mariait 
sans  aucune  formalité  tous  les  amoureux  qui  s'y  réfugiaient,  les  Cata- 
combes et  le  couvent  des  Capucins. 

Près  de  huit  mille  morts  sont  exposés  dans  des  galeries  de  ce  cou- 


I.KS   MORTS    DANS    LES    C.VTACOMBKS    W    COUVENT   DKS    CAPICINS    A    PALKHMK. 


vent.  Tous  ces  cadavres  desséchés,  revêtus  de  leurs  habits,  étiquetés 
et  suspendus  le  long  des  murs  sont  effrayants  à  voir.  On  a  hâte  de 


sortir  de  ce  cauchemar  cl  les  femmes  nerveuses  feraient  bien  de  ne  pas 
s'y  aventurer. 

Moinrtilc  et  son  cloître,  sans  oublier  sa  belle  Cathédrale. 

Stycs/c,  qui  fut  une  ville  prospère  et  dont  il  ne  reste  qu'un  temple 
grandiose  dans  sa  solitude  étrange.  Cette  ville  était  de  fondation 
tro  venue. 


I.K    TKMIM.K    I>K    SEGKSTK. 


Si-liitontc,  aux  temples  renversés  coniuie  par  une  rafale.  Les  colonnes 
gisent  à  terre  curieusement  alignées. 

Les  débris  du  temple  d'Apollon  forment  un  colossal  chaos.  Des 
colonnes  avaient  trois  mètres  de  diamètre. 

Des  lézards  seuls  peuplent  ces  solitudes.  Ou  n'y  louche  guère,  car 
qui  en  tue  un  seul  perd  certainement  un  parent  dans  la  huitaine.  Mais 
on  les  prend  vivants,  car  un  lézard  vivant,  enfermé  dans  un  roseau 
creux  et  porté  sur  la  poitrine,  guérit  la  fièvre  intermittente.  Un  lézard 
à  deux  têtes  possède  le  privilège  précieux  de  faire  connaître  les 
numéros  gagnants  à  une  loterie.  Enfin  le  doigt  qui  a  été  léché  par  un 
lézard  à  une  certaine  date  de  l'année  guérit  les  maux  de  dents  par  un 
simple  attouchement  sur  la  gencive. 

Af/j-if/cjtlc,  qui  eut  jusqu'à  un  million  d'habitants  et  fut  d'une  richesse 
infinie. 


-  38 


Son  temple  de  la  Concorde  possédait  un  lableau  des  Zeuxis.  Le 
temple  de  Jupiter  ou  des  Géants  était  de  dimensions  extraordinaires. 
Pour  juger  de  la  grandeur  des  colonnes,  notez  qu'un  homme  pouvait 
se  loger  dans  une  de  leurs  cannelures.  Toutes  ces  ruines  font  une 
impression  énorme. 


UNE    VIEILLE   FEMME    A    C.\Sïl{(JGI()VAi\Nl. 


Castt'Ofjioraini't.  au  centre  de  l'île,  est  la  ville  la  plus  élevée  de  la 
Sicile.  Ses  prisons  ressemblent  grandement  aux  cjiges  des  ménageries. 

Syracuse,  patrie  d'Archimède,  eut  une  importance  considérable. 
Les  ruines  d'un  théâtre  grec,  le  plus  gran-i  qui  ait  existé,  sont  curieuses 
à  visiter.  Quaranle-six  rangées  de  gradins  sont  encore  intactes. 

Aux  environs  se  trouvent  les  Latohùo^,  arciennes  carrières  où 
furent  renfermés  les  prisonniers  de  guerr(\  Une  excavation  de  65  m. 
de  profondeur,  l'Oreille  de  Denys,  a  des  propriétés  acoustiques  mer- 
veilleuses. Le  tyran  Denys  de  Syracuse  pouvjiit  ain^i  épier  les  conver- 
sations de  ses  victimes,  même  et  surtout  quand  elles  étaient  faites  à 
voix  basse.  On  perçoit  à  distance  le  simple  bruissement  d'une  feuille 
de  papier  froissée. 

Près  de  Syracuse,  la  rivière  Cyanc  de  légendaire  mémoire,  aux 
bords  recouverts  des  fameux  papyrus. 


-  ;«)  — 


('(ihdic.  au  pied  de  TElna,  a  souvent  payé  cher  celte  situation  pri- 
vilégiée, lémoin  le  trenibleineni  de  (erre  de  1169. 


I.A    RIVIERE    CYANE. 


TdOiiii/jin.  ville  également  charmante  avec  son  théâtre  grec  où 
l'acoustique  est  parfaite. 

Tout  près,  le  cap  Si-André  aux  formes  antédiluviennes. 

Enfin  l'Etna  dont  les  éruptions  sont  terribles.  C'est  sous  sa  masse 
puissante  que  Jupiter  ensevelit  le  géant  Encelade  pour  le  punir  de  sa 
révolte,  dit  la  légende.  Le  sol  tremble  quelquefois  sous  les  vains 
efforts  qu'il  fait  pour  se  dégager. 

Les  fonds  sous-marins  peuvent  ainsi  varier  d'un  moment  à  l'autre. 
Une  île  apparaît  un  beau  jour  aux  environs  de  la  Sicile.  Les  Anglais 
naturellement  y  plantèrent  leur  drapeau.  Tout  ce  qui  n'est  à  personne 
n'est-il  pas.  aux  Anglais!  Le  gouvernement  napolitain  voulut  s'y 
opposer  et  la  guerre  était  imminente  lorsque  le  sujet  du  litige  disparut, 
l'île  ayant  disparu  subitement  comme  elle  était  apparue. 


10  — 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHffi  DE  LILLE 

EN    1906. 


VISITE 


DU 


SANATORIUM  FAMILIAL  DE  MONTIGNYEN-OSTREVENT 


Le  Jeudi  7  Juin  1906. 


Ori/>////sf//i-/'rs  :  MM.   Caxtinkau  et   Bonvai.ot. 


La  Tul)erculose.  reconnue  el  toujours  étudi(''e  depuis  que  Pasteur  a  créé  la 
science  bactrï-iolon-ique,  est  un  terrible  fléau  qui  préoccupe  et  émeut  les  phil- 
anthropes et  les  patriotes  tout  aulant  que  les  savants.  En  ellet,  au  point  de 
vue  général,  on  considère  la  tuberculose  comme  une  cause  importante  de 
dépopulation,  non  seulement  directement  par  les  nombreux  décès  qu'elle 
occasionne,  mais  encore  par  l'hérédité  possible  et  même  probable  pour  les 
descendants,  non  pas  de  la  maladie  elle-même,  mais  bien  d'une  prédisposition 
à  la  contracter,  comme  organisme  bien  préparé  pour  la  contamination  si 
facile  dans  les  g-randes  villes. 

Les  statistiques  accusent  plus  de  lôO.OOO  décès  par  an  dus  à  la  tuberculose; 
mais  combien  de  cas  échappent  au  recensement,  quand  la  déclaration  indique 
une  maladie  aig-uë  des  voies  respiratoires  qui  Ta  compliquée  et  qui,  dans  une 
foule  de  cas  qu'on  ne  peut  évaluer,  a  emporté  le  malade.  Combien  donc  est 
g-rand  le  nombre  des  tuberculeux  puisque  souvent  ils  traînent  une  vie  lang;'uis- 
sante,  pénible,  pendant  des  années,  selon  les  soins  plus  ou  moins  complets  ou 
entendus  qu'on  leur  donne.  Or  tous  les  contaminés  sont  à  peu  près  sans 
valeur,  au  point  de  vue  social  :  car  ils  ne  peuvent  concourir  efficacement  à  la 
prospérité   nationale.    Le   pLis  souvent  même  ils  sont  une  charge  pour  leur 


-  41   - 

famille  ou  pour  les  Sociétcs  de  secours,  c'est-à-dire  pour-  le  pavs  lui-même  ; 
et  cependant  on  voit  toujours  une  épidémie,  bien  que  souvent  localisée,  jeter 
le  trouble  dans  l'ordre  de  la  vie  publique,  tandis  que,  devant  le  Uéau  de  la 
tuberculose  qui  sévit  sans  relâche,  on  reste  insouciant  ;  c'est  qu'il  n'entraine 
que  lentement  et  sans  brait  vers  la  tombe,  ses  malheureuses  victimes,  attris- 
tant et  ruinant  les  familles  doucement  mais  sûrement. 

Cependant,  quant  à  la  curabililé  ou  à  la  prophylaxie,  nous  savons  tous 
combien  maintenant  les  savants  liactériolog'istes  de  tous  les  pays  travaillent 
pour  trouver  le  moyen  de  sauver  les  centaines  de  milliers  de  malades  qui  sont 
aujourd'hui  presque  sans  espoir  voués  à  la  mort.  l)es  sentiments  humanitaires 
les  poussent  au  travail  et  l'ambition  stimule  leur  g'énie  vers  une  dciouvi-rte 
utile  aussi  glorieuse  pour  leur  pavs  que  pour  eux-mêmes. 

J'ai  parlé,  à  propos  d'une  visite  à  l'Institut  Pasteur  (Bull.  Janvier  190(5,  p.2'2j 
des  recherches  faites  de  vaccins  et  de  sérums  pour  lutter  contre  la  contagion 
ou  la  réceptivité  el  pour  vaincre  l'invisible  bâtonnet  qui  tient  leur  science  en 
échec  ;  M.  le  D'Calmetle,  l'élève  si  distingué  de  Pasteur,  que  ce  savant  désigna 
lui-même,  quoiqu'il  fut  jeune  encore,  pour  organiser  l'Institut  de  Lille,  ce 
qu'il  a  fait  si  brillamment,  travaille  aussi  sans  relâche  à  des  expériences 
compliquées  et  de  longue  haleine  pour  combattre  le  funeste  microbe.  Bien 
qu'espérés,  d'après  les  expériences  en  cours,  des  résultats  favorables  paraissent 
longs  à  obtenir:  dès  lors,  guidé  par  les  sentiments  humanitaires  qu'on  lui 
connaît,  M.  Calniello  a  pensé  qu'il  ne  fallait  pas  laisser  sans  secours  et  sans 
espérance  de  giiérison  les  malheureux  déjà  frappés  et  qu'une  situation  pré- 
caire prive  de  soins  entendus.  C'est  alors  et  pour  eux  qu'il  a  conçu  l'idée  du 
Dispriisii'n-t'  Eiitih  Roux  qu'il  a  installé  tout  à  côté  de  l'Institut  Pasteur, 
comme  nous  l'avons  vu  en  19U5.  On  v  enseigne  principalement  aux  malades 
les  moyens  hygiéniques  de  lutter  contre  les  progrès  du  mal  et  de  ne  pas  con- 
taminer ceux  qui  les  entourent,  qui  les  soignent  et  qui  leur  sont  chers.  De 
plus,  le  médecin  spécialiste  qui  établit  le  diagnostic  peut  guider  les  bureaux 
de  bienfaisance  dans  leur  action  secourable.  M.  Cal  mette  savait  que  Toa 
pouvait  faire  plus  et  mieux  encore,  il  croyait  que  ceux  qui  sont  moins  atteints, 
c  esl-à-dire  ceux  dont  l'organisme  est  assez  vigoureux  pour  lutter  contre  l'en- 
vahissement progressif  du  microbe  destructeur,  pourraient  arriver  à  sortir 
victorieux  de  ce  combat  sans  merci,  par  la  méthode  hygiénique  que  la  science 
a  reconnue  si  favorable  à  une  guérison  plus  ou  moins  durable  ;  je  veux  dire 
la  suralimentation,  le  repos  et  le  calme  dans  un  air  pur  et  bien  oxygéné: 
c'est  ce  qu'un  tuberculeux  trouve  dans  un  Sanatorium  ;  c'est  ce  qui  jusqu'à 
présent  constitue  la  méthode  curalive  ;  elle  n'est  réellement  qu'indirecte  et 
relative. 

Or,  en  1900,  avait  été  constituée  la  Lnin»;  (h(  Narrl  Cnilrc  lu  ln/jcrci'lDHr,  sous 
la  présidence  de  M.  Th.  Barrois,  Député  et  Professeur  à  la  Faculté  de  Méde- 
cine de  Lille,    pour  lultor    contre   les  progrès  inquiétants  de  la  tuberculose 


pulmonaire  dans  la  population  si  laborieuse  de  noire  région  industrielle. 
Soutenue  d'une  façon  énergique  par  M.  Vincent,  Préfet  du  Nord,  si  éclairé 
et  si  dévoué  dans  les  questions  d'hjgiène  générale  et  de  solidarité  sociale,  en 
même  temps  que  dirigée  suivant  les  conseils  des  spécialistes  du  Corps  médical, 
la  Ligue  décida  la  création  d'un  Sanalorium  établi  d'après  les  données  expé- 
rimentales les  plus  récentes  de  la  science  bactériologique.  M.  le  D''  Calmette 
était  tout  indiqué  par  sa  science  et  son  expérience  pour  en  être  l'organisateur; 
la  lolerie  tirée  le  15  Avril  19U4  donna  des  ressources  qui  furent  suffisantes  avec 
l'appoint  de  nombreuses  souscriptions  particulières.  M.  Hainez,  l'ArcbitHcte 
départemental  dressa  les  plans  des  constructions  à  ajouter  à  l'ancien  château 
de  M.  Lambrecht,  acheté  avec  ses  dépendances  et  une  partie  du  parc,  et  le 
Jeudi  5  Octobre  1905,  le  Président  de  la  République,  M.  Loubet,  inaugura 
le  Sanatorium  de  Monligny.  M.  Calmette  l'a  appelé  famUial,  parce  que, 
doué  de  sentiments  touchants  et  délicats,  il  a  songé  que  bien  des  malades 
guériraient  plus  facilement  si  on  ne  les  séparait  pas  de  leur  famille,  et  comme 
il  veut  les  guérir,  il  a  cherché  et  trouvé  le  moyen  de  leur  donner  cette  joie. 


CHATEAU   I>AMBRECHT.    —    AD>riMSTRAïIOX,    SALLE    DES    FETES    ET    BIBLIOTHEQUE. 


Du  reste  nous   allons   voir   avec   qnels  soins   méticuleux   et   savants   on  a 
installé  le  Sanatorium  en  le  parcourant  sou<  la  conduite  de  son  organisîiteur. 


-   V.]  — 

Partis  de  Lille  à  1  h.  53  nous  iHions  en  gare  de  Douai  à  2  h.  46  et  à 
Montignj-en-Ostrevent  à  3  h.  03  ;  M.  le  L)"^  Calmelle  nous  attendait  sur  le 
quai  pour  nous  recevoir  avec  l'atïabililé  qu'on  lui  connaît,  et  bien  qu'il  n'y 
ait  qu'à  traverser  le  village,  c'esl-à-dire  8  .i  lU  minutes  de  trajet,  il  avait 
fait  tenir  à  la  disposition  des  Dames  le  break  du  Sanatorium  :  elles  en  profi- 
tèrent volontiers,  le  soleil  nous  gratifiant  d'une  température  déjà  estivale. 

A  notre  arrivée  à  la  grille  du  domaine  nous  fûmes  reçus  par  M.  le  D"^  Jou- 
venel,  Médecin-Directeur  de  rÉtablissement,  et  les  présenlutions  faites  nous 
commençâmes  immédiatement  notre  visite  pour  laquelle  nous  n'avions  que 
deux  heures  à  dépenser.  Pour  la  rendre  plus  commode,  nous  nous  séparâmes 
en  deux  groupes  ;  les  Dames  se  dirigèrent  avec  le  D*^  Galmette  vers  le 
pavillon  des  femmes  et  le  D""  Jouvenel  nous  guida  vers  le  côté  des  hommes. 
C'est  qu'en  effet  la  propriété  est  vaste  ;  dès  f[u"on  a  franchi  la  grille  on  se 
trouve  sur  un  terre-plein  qu'entoure  une  futaie  de  grands  arbres  à  l'ombre 
desquels  on  goûte  une  douce  fraîcheur,  tandis  qu'à  l'extrémité  d'une  immense 
pelouse,  dans  une  perspective  d'un  pittoresque  habilement  ménagé,  on  aper- 
çoit l'imposant  château  (1),  majestueusement  surmonté  d'un  toit  à  lucarnes 
bien  ornées,  et  flanqué  de  sveltes  et  élégantes  tourelles  aux  clochetons  effilés. 
L'aspect  de  cette  demeure,  aperçue  dans  ce  cadre  de  verdure,  est  bien  sédui- 
sant et  le  malade  en  arrivant  doit  subir  aussitôt  le  charme  des  jeux  qui  lui 
met  au  cœur  l'espérance  de  la  guérison  ;  c'est  déjà  un  appoint  en  faveur  du 
traitement. 

Ce  séjour  qui  paraît  enclianteur,  où  l'on  se  trouve  détaché  de  tout  ce  qui 
rappelle  les  travaux  et  les  soucis  de  la  vie,  où  l'on  peut  même  les  oublier,  a 
été  savamment  choisi  pour  les  résultats  à  obtenir.  La  gaîté,  la  tranquillité 
d'esprit  ne  sont-elles  pas  de  puissants  facteurs  pour  recouvrer  la  santé  et  même 
pour  la  conserver.  L'état  de  l'organisme  et  celui  de  l'esprit  doivent  se  trouver 
en  harmonie  pour  la  santé  parfaite  ;  en  soignant  l'un  il  ne  faut  donc  pas 
négliger  l'autre,  M.  le  D*"  Calmette,  qui  apprécie  fort  cette  méthode  pour  les 
tuberculeux,  a  voulu  la  compléter  encore  en  y  ajoutant  les  joies  de  la  famille 
dans  les  attrayantes  villas  que  nous  allons  visiter  tout  à  l'heure. 

Le  village  de  Montigny  est  situé  sur  une  éminence  de  sable,  et  le  Sanato- 
rium est  installé  sur  un  coteau  du  même  terrain  sablonneux  et  sec,  favorable 
à  la  santé.  La  propriété,  de  forme  à  peu  près  régulière,  s'étend  de  l'Est  à 
l'Ouest  sur  une  longueur  de  près  de  600  m.  sur  350  m.  environ  de  largeur. 
C'est  un  vaste  domaine  dont  le  plan  général  montre  vers  le  centre  le  Château 


(1)  Cette  vue  et  les  suivantes  font  partie  des  clicliés  pris  par  M.  Cayez,  le  ptio- 
tographe  lillois,  pour  la  collection  de  cartes  postales  du  Sanatorium;  M.  le 
D''  Calmette  a  biim  voulu  donner  à  la  Société,  qui  lui  en  est  reconnaissante, 
l'autorisation  de  les  reproduire  dans  son  Bulletin. 


—    14   — 


où  sont  établis  les  services  administratifs  ;  tandis  qu'à  droite  et  à  gauche,  à 
distance  calculée  pour  l'harmonie  pittoresque,  ont  été  élevés  deux  grands 
pavillons  où  est  organisée  dans  chacun  d'eux  l'existence  de  24  malades  céli- 
bataires, hommes  dans  l'un  vers  l'Ouest,  femmes  dans  l'autre  vers  l'Est.  A 
proximité  de  chaque  pavillon  est  installée,  devant  une  pelouse  fleurie,  une 
galerie  abri  pour  la  cure  d'air  journalière  obligatoire,  sur  des  chaises  longues. 
Puis,  disséminées  dans  la  partie  S.-O.  du  parc,  entre  des  pelouses  et  sous  le 
clair  ombrage  des  grands  arbres,  sont  les  24  villas  familiales,  groupées  deux 
par  deux  sans  communication.  Enfin  non  loin  de  l'entrée,  sur  la  gauche,  est 
le  pavillon  des  services  médicaux,  d'observation  des  malades  et  de  traite- 
ment des  maladies  contagieuses  qui  pourraient  se  déclarer  ;  tandis  que  sur  la 
droite  sont  installés  dans  l'ancienne  ferme  et  dans  de  nouveaux  bâtiments  :  la 
machinerie,  la  buanderie,  la  vacherie,  etc.  (Comme  on  le  voit  nos  deux  heures 
seront  bien  employées). 

Nous  entrons  -■//'  dhcUeni',  de  genre  Renaissance  française  jjar  le  style, 
construit  en  185<)  par  M.  Ch,  Lambrecht,  qui  fut  Ministre  de  l'Agriculture, 
puis  de  l'Intérieur  en  1871.  Nous  y  voyons  installées  une  salle  de  fêtes  pour 
les  malades  et  une  bibliothèque  de  prêt  pour  leur  distraction  pendant  les  pro- 
menades ou  les  jours  de  pluie.  Les  volumes  prêtés  sont  désinfectés  chaque  fois 
dans  un  appareil  spécial  au  formol  et  à  la  vapeur  humide  à  GO".  Dans  le 
vestibule  d'entrée,  une  plaque  de  marbre  rappelle  que  l'inauguration  du  Sana- 
torium a  été  faite  le  5  Octobre  190.')  en  présence  du  Président  de  la  République, 
M.  Loubet,  de  M.  l'itienne,  Ministre  de  l'Intérieur,  etc.  ;  une  foule  de  nota- 
bilités scientifiques  assistaient  du  reste  à  cette  inauguration  qui  eut  lieu  après 
le  Congrès  de  Paris  contre  la  Tulierculose. 

Au  V^'  étage  du  Château  se  trouvent  :  un  cabinet  pour  le  D'  Calmette,  une 
salle  de  réception  où  siège  aussi  le  Conseil  d'administration,  et  vers  la 
gauche  les  appartements  du  Médecin-Directeur.  Au  2''  étage  sont  les  loge- 
ments du  Médecin-adjoint  et  d'un  interne,  s'il  y  a  lieu  d'en  appeler  un.  Der- 
rière le  Château,  au-delà  d'une  vaste  pelouse,  s'étend  le  reste  de  la  propriété 
de  M.  Lambrecht  :  ce  sont  d'immenses  bois  de  rapport,  d'une  contenance  de 
66  hectares,  où  un  groupe  de  Lillois  a  aménagé  une  belle  chasse  avec  pavillon 
de  rendez-vous.  C'est  là  un  rideau  agréable  et  en  même  temps  très  utile  contre 
les  vents  froids  et  humides  du  N.  et  du  N.-O. 

Avant  le  Château  et  à  50  m.  vers  la  gauche  de  l'entrée  nous  avions  visité 
tout  d'abord  le  Vnrillon  SfidforI,  du  nom  de  l'ancien  Président  du  Conseil 
Général,  qui  lors  de  l'achat  de  la  propriété  fit  obtenir  une  somme  importante 
comme  participation  ;  c'est  le  pavillon  des  services  médicaux,  de  consultation, 
d'isolement  des  contagieux,  et  des  travaux  scientifiques.  Il  est  construit  sur  un 
sous-sol  élevé  et  n'a  qu'un  étage  sur  rez-de-chaussée  ;  il  est  agencé  de  façon 
que  les  8  chambres  d'isolement  ne  communiquent  pas  les  unes  avec  les  autres 
et  que  par  une  disposition  ingénieuse  de  couloirs,  de  balcons,  de  galeries  et 


d'escaliers  indépendants  ou  extérieurs,  les  médecins  et  les  infirmiers  puissent 
soigner  les  ditlërents  malades  sans  contaminer  leurs  voisins  ;    c'est  une  iinita- 


iN    >(;i'I.!-'Ol;  i  .    — 


CdNTAGlKUSKS. 


lion  des  ])Oxes  de  l'hôpital  Pasteur  de  Paris.  C'est  aussi  dans  ce  pavillon  que 
les  malades  en  arrivant,  sont  diagnostiqués  complètement,  auscultés,  percutés, 
radiographiés,  etc.,  pour  savoir  s'ils  sont  guérissables,  condition  nécessaire 
pour  leur  admission. 

Nous  visitons  les  salles  d'attente  et  de  consultations,  celles  d'opérations  et 
de  pansements,  avec  leurs  tables  et  leurs  lits.  Dans  les  chambres  d'isolement 
nous  vojons  les  lits  en  fér  à  panneaux  pleins,  tandis  que  les  sommiers  sont 
remplacés  par  des  cordes  tendues  ;  les  matelas  et  les  oreillers  sont  garnis  de 
fibres  végétales  pour  qu'une  désinfection  absolue  soit  possible  ;  pendant  que  les 
murs  sans  angles  et  peints  au  ripolin,  que  le  sol  cimenté  recouvert  de  xylo- 
lithe  imperméable  ne  permettent  à  aucune  poussière  infectieuse  d'échapper  à 
une  désinfection  méthodique.  Nous  vojons  également,  soigneusement  ins- 
tallés, les  laboratoires  d'analvse.  de  bactériologie,  de  pharmacie,  d'électri- 
cité, de  radiographie,  de  pneumographie,  de  spirométrie,  de  photographie, 
etc.  Enfin  c'est  bien  là  le  service  médical  le  plus  complet  et  le  mieux  agencé 
que  l'ou  puisse  imaginer  selon  les  connaissances  scientifiques  les  plus  récentes, 
surtout  au  point  de  vue  des  investigations  nécessaires  à  un  diagnostic  sur  les 
différentes  manifestations  de  la  tuberculose. 

Sur  la  droite  en  sortant   du   Château,    c'est-à-dire   vers  l'O.    et  un  peu  en 


—   'lO  - 


arrière  pour  l'harmonie  tlu  groupement,    nous  arrivons  au  Purilhni  J'i/,/  dnu- 
inenberghr  des  hommes  célibataires,  en  tout  semblable  à  celui  des  femmes,  qui 


l'AVIM.dN    \  \N    CAU\Vi;.Mi;;i{<iHK. 


C.KI.Il'.A  TAIKI'IS    l-KJMMK 


est  vers  l'Est  et  tout  ù  fait  séparé  et  qu"oii  a  appelé  le  /V/-/7/o,/  V'incriil.  du 
nom  du  Préfet  du  Nord,  si  compélent  dans  les  questions  d'hygiène  sociale  et 
qui  s'est  occupé  si  efficacement  de  la  création  du  Sanatorium  de  Montigny. 
Dans  les  deux  pavillons  identiques  il  y  a  place  pour  2-1  malades,  et  de  plus 
2  chambres  d'acclimatation.  Nous  entrons  au  rez-de-chaussée  par  un  perron 
de  huit  marches,  car  il  est  sur  un  sous-sol  élevé.  Tout  d'abord  il  y  a  un  large 
vestibule  sur  lequel  s'ouvre  à  gauche  un  vestiaire  où  les  malades,  rentrant  de 
leurs  promenades  facultatives  dans  le  parc,  échangent  leurs  chaussures 
humides  ou  non  contre  d'autres  plus  légères,  et  quittent  leurs  casquettes  et 
leurs  pèlerines.  Le  bâtiment  a  sa  façade  au  Sud  pour  l'hygiène  des  chambres 
et  des  salles  de  séjour:  un  large  couloir  le  traverse  dans  toute  sa  longueur. 
Nous  visitons  encore  à  gauche  une  grande  salle  de  réunion  destinée  aux  jeux, 
ou  même  au  travail  pour  ceux  que  le  médecin  autorise  à  s'occuper  d'une 
façon  rémunératrice.  Dans  la  partie  droite  du  côté  Sud  nous  voyons  une  salle 
à  manger  agréable  d"aspect,  devant  la  pelouse  aux  parterres  fleuris  ;  elle  est 
sobrement  décorée  de  motifs  et  de  festons  qui  égaient  sa  peinture  claire.  Il  y 
a  là  4  tables  en  lave  émaillée  blanche,  pour  G  personnes  chacune  ;  elles  sont 
justement  garnies,  pour  le  goûter  facultatif,  d'assiettes  et  de  tasses  portant 
l'insigne  de  la  Ligue  contre  la  tuberculose  ;    c'est  une  croix  rouge  dont  les 


bras  sont  doubles  comme  dans  la  croix  de  Lorraine,  mais  ici  les  deux  traverses 
sont  ég-ales.  On  fait  là  quatre  repas  par  jour,  dont  deux  complets,  le  dîner  et 
le  souper.  A  côté  se  trouve  roflice  avec  l'élévateur  des  cuisines  qui  sont  au 
sous-sol  ;  il  j  a  aussi  une  petile  salle  de  correspondance. 

De  l'autre  côté  du  couloir,  c'est-à-dire  vers  le  Nord,  sont  une  salle  de  bains, 
une  salle  de  douches  chaudes  ou  froides,  des  water-closet  à  chasse  d'eau  et 
des  salles  de  débarras.  Nous  montons  au  premier  étage  par  un  escalier  large 
et  fort  doux  à  gravir,  il  est  en  ciment  armé  absolument  facile  à  nettoyer  ; 
nous  retrouvons  la  même  division  en  deux  parties  par  un  couloir  de  direction 
Est-Ouest.  Vers  le  Sud  sont  deux  dortoirs  de  6  lits,  un  de  chaque  côté  d'une 
chambre  médiane  située  au-dessus  du  vestibule  ;  là  couche  la  gérante  dont 
nous  verrons  plus  loin  le  rôle;  deux  lucarnes  lui  permettent  de  surveiller  les 
deux  dortoirs.  A  chaque  lit  de  fer  est  suspendu  un  sac  à  mouchoirs  sales  et 
chaque  malade  a  son  crachoir  hygiénique  ;  chacun  aussi  a  son  armoire 
fermant  à  clef  pour  son  trousseau  ;  elles  .sont  fixées  sur  la  paroi  d'une  extré- 
mité de  chaque  dortoir.  De  larges  fenêtres  donnent  à  profusion  air  et  lumière; 
elles  sont  toujours  en  partie  ouvertes,  mais  garnies  de  fines  toiles  métalliques 
contre  les  insectes  et  les  poussières  et  même  contre  l'action  trop  directe  de 
l'air.  Il  j  a  aussi  de  larges  balcons  où  peut  se  faire  au  besoin  la  cure  d'air. 

Sur  le  côté  au  N.  du  couloir,  nous  remarquons  en  face  de  chaque  dortoir 
un  lavabo  à  6  places  distinctes,  donnant  eau  chaude  et  eau  froide  à  volonté. 
11  est  d'une  propreté  mélicideuse,  facile  à  surveiller  et  à  nettoyer  par  un 
système  perfectionné;  toutes  les  garnitures  sont  personnelles,  gants  de  crin 
pour  frictions,  serviettes  propres  chaque  jour,  etc.  Tout  proche  sont  les  water- 
closet  hygiéniques. 

On  est  ici  dans  une  véritable  école  pratique  de  propreté  et  d'hygiène  ;  le 
sac  à  mouchoirs,  le  sac  personnel  à  linge  sale,  le  crachoir  de  poche,  etc.,  sont 
des  moyens  de  haute  lutte  contre  la  contamination.  A  l'extrémité  Ouest  se 
trouve  la  lins-erie  et  à  l'Est  est  une  chambre  munie  d'un  balcon  destinée  à 
acclimater  les  nouveaux  malades  pour  les  habituer  au  régime  nocturne  de  la 
fenêtre  ouverte. 

Quelques-uns  d'entre  nous  montent  au  second  étage,  sans  intérêt  puisqu'il 
est  l'exacte  répétition  de  celui  que  nous  venons  de  visiter;  seulement  la 
chambre  du  milieu  est  occupée  par  un  infirmier. 

Enfin  le  sous-sol  qui  est  peu  profond  contient  la  cuisine,  car  chaque 
pavillon  est  autonome,  la  laverie,  la  salle  aux  provisions,  la  cave  au  vin  et  à 
la  bière,  le  réfectoire  du  personnel,  le  magasin  pour  les  malles  et  divers 
ustensiles,  puis  la  chaudière  et  l'appaieil  fournissant  au  pavillon  entier  la 
vapeur  à  basse  pression  pour  le  chautiage  et  en  même  temps  l'eau  chaude 
nécessaire  aux  douches  et  aux  bains. 

Mais  à  ce  pavillon  si  Ijicn  agencé  et  installé  il  faut  un  complément,  c'est  la 
(r'ih'i-ie  ih>  nirr  que  nous  voyons  à  peu  de  distance,  en  belle  place,  en  face  de 


—  w 


pelouses  et  de  parterres  fleuris,  vers  l'O.  du  pnrc.  C'est  une  larg-e  g'alerie 
courbe,  surélevée  d'un  mètre,  abritée  par  un  toit  léger  et  contenant  26  chaises 
longues  disposées  la  tète  au  mur  de  façon  à  pcruioltre  aux  malades  de  jouir 
du  bel  aspect  du  parc,  en  perspective  choisie.  L'orientation  face  au  S.-E. 
garantit  des  pluies  d'O.  et  des  vents  du  N.,  assez  fréquents  dans  notre  région  ; 
du  reste,  des  rideaux  flottants  permettent  au  besoin  de  s'abriter  en  partie, 
et  une  armoire  que  nous  voyons  à  l'extrémité  de  la  construction  est  pleine 
de  couvertures  à  utiliser  contre  le  froid.  Il  faut  aux  malades  plusieurs 
heures  de  cure  chaque  jour  ;  les  saisons  en  font  varier  le  moment  et  la  durée. 

Le  pavillon  des  femmes  a  également  sa  gah'rie  de  cure  d'air  exactement 
pareille  à  celle-ci. 

Nous  voici  arrivés  dans  la  partie  S.-O.  du  parc  où  se  trouvent  les  l'J  ]"iVi:s 
de  deux  habitations  qui  sont  le  caractère  distinclif  du  Sanatorium  de  jVloii- 
tigny  appelé  familial.   En  effet  ce  n'est  plus  la  vie  en  commun,  qui,  tout  en 


VILLA    IiK    DKLX    1  ;  A  r.ll' \  1  luNS    .11  M]:  LLi:  >.    r.OTK 


réunissant  un  certain  confortable,  une  vie  agréable,  une  hj'giène  parfaite, 
n'en  reste  pas  moins  une  manière  d'hospitalisation  ;  ici  on  a  tout  à  fait  la  vie 
de  famille,  complète,  commode  et  agréable,  et  par  di^ssus  tout,  hygiénique 
et  bienfaisante,  non  seulement  pour  le  malade  qu'elle  peut  guéiir  mais  aussi 
pour  le  conjoint  et  les  enfants  qui  peuvent  éviter  la  contamination  tant  à 
redouter  dans  la  vie  ordinaire,  où  on  la  favorise  inconsciemment,  surtout  pour 


le  jeune  âge  en  général  et  plus  encore  pour  les  prédisposés  par  l'hérédilé  et  la 
manière  de  vivre. 

Les  villas  qui  coûtent  12  à  13.000  fr.  chacune  se  composent  de  deux  habi- 
tations jumelles  et  tout  à  fait  semblables,  mais  absolument  indépendantes  ; 
séparées  complètement  par  un  mur  milojen,  et  le::;  entrées  étant  sur  les  faces 
opposées,  les  deux  voisins  peuvent  ne  pas  se  connaître.  Blanches,  élégantes 
de  tonne,  assez  disséminées  à  l'ombre  des  grands  arbres  pour  ne  pas  se  gêner 
réciproquement,  elles  forment  comme  une  petite  mais  coquette  agglomération 
de  gens  en  villégiature.  Nous  allons  pénétrer  dan^  l'une  d'elles  ;  nous  remar- 
quons d'abord  qu'elles  sont  toutes  orientées  de  façon  à  tourner  vers  le  Sud  ou 
le  Sud-Kst  les  pièces  occupées  spécialement  par  le  membre  de  la  famille,  père 
ou  mère,  qui  est  en  traitement  ;  du  reste  chaque  bâtiment  est  élevé  sur  voûtines 
atin  d'éviter  le  contact  du  sol  dans  la  saison  humide  et  de  faciliter  la  circula- 
tion de  l'air  dan>  le  logement.  Le  rez-de-chaussée,  auquel  on  accède  par 
quelques  inarches,  se  compose  d  une  cuisine  carrelée,  avec  évier  et  eau  sous 
pression  ;  d'un  water-closet  à  chasse  d'eau  ;  puis  d'une  salle  à  manger  forte- 
ment éclairée  et  aérée  par  une  large  baie  vitrée  qui  s'ouvre  vers  le  S.  sur  le 
petit  jardinet.  Le  premier  étage  comprend  deux  chambres  :  l'une  vers  le  S. 
est  à  l'usage  du  malade  ;  elle  est  éclairée  par  une  grande  fenêtre  à  large  balcon 
couvert,  sur  le'|uel  le  malade  peut  faire  à  l'aise  sa  cure  de  repos  sur  une  chaise 
longue,  aux  heures  ordonnées  ;  l'autre  prenant  jour  sur  la  face  de  l'entrée  est 
destinée  à  la  personne  adulte,  ou  le  membre  de  la  famille  qui  l'accompagne. 
Le  second  étage  n'a  qu'une  .seule  chambre  destinée  aux  enfants  ;  au-dessus 
du  malade  est  le  toit,  toute  occupation  pouvant  produire  un  bruit  gênant  ou 
même  nuisible  au  repos.  Tout  le  mobilier,  linge  et  vaisselle  compris,  est 
fourni  désinfecté  par  le  Sanatoiium  ;  la  famille  arrive  munie  seulement  d'un 
trousseau  peu  compliqué  dont  la  composition  désignée  est  obligatoire,  le  reste 
est  un  supplément,  libre  dans  certaines  limites.  Les  aliments  nécessaires  sont 
remis  chaque  jour  ainsi  que  les  foui'uitures  ménagères  pour  toute  la  famille 
qui  ne  peut  se  composer  de  plus  de  cinq  personnes  payant  par  pei-sonne 
sehm  l'âge.  Le  sei'vice  du  ménage,  les  soins  à  donner  au  malade,  ain,si 
que  la  préparation  des  aliments,  incombent  à  la  personne  qui  accompagne 
nécessairement  le  malade  ;  il  y  a  à  sa  disposition  l'éclairage  électrique, 
l'eau  sons  pression,  le  charbim  et  les  appareils  pour  la  cuisine  et  le  chauf- 
fage, etc. 

La  gérante  préposée  aux  24  maisons  familiales  sert  d'intermédiaire  poiu-  la 
fourniture  gratuite  par  l'économe  des  choses  nécessaires  au  ménage,  ainsi 
que  des  denrées  alimentaires  et  des  médicaments,  suivant  les  pie.sci'iplious  du 
médecin-directeur  ;  sa  compétence  ménagère  lui  permet  même  de  donner 
d'utiles  conseils  pour  leur  bonne  et  économique  préparation  avec  les  soins 
hygiéniques  nécessaires.  Il  y  a  là  aussi  ime  sorte  d'éducation  ménagère  qui 
peut  avoir  une  grande  utilité  pt)ii]-  beaucoup  de  familles  bien  disposées  à  en 


—  :>{)  — 

recueillir  les  fruits  après  la  cure  effectuée  au  Sanaturium.  Bieu  des  personnes 
en  effet  ne  savent  pas  combien  sont  dangereuses  les  idées  erronées  et  certaines 
coutumes  répandues  dans  le  public  à  pi'opos  de  l'hjg'iène. 

Comme  toute  villa  qui  se  respecte,  chacune  de  celles-ci  porte  dans  un  décor 
d'ornements  et  de  g-uirlandes  de  fleurs,  lilas,  jasmins,  roses,  mjosotis,  etc., 
le  nom  d'un  savant  ou  d'un  philanthrope  dévoué  à  la  lutte  contre  la  tuber- 
culose, ou  celui  d'un  homme  politique  s'intéressant  aux  œuvres  de  mutualité 
ou  de  solidarité  sociale. 

Toutes  les  constructions  nouvelles,  villas,  pavillons,  etc.,  sont  bâties  en  pisé, 
bien  étanche  et  très  solide,  de  scories  de  charbon  et  de  chaux  hydraulique  ;  tous 
les  planchei's  sont  en  ciment  armé  recouvert  en  xylolithe  ;  les  toits  sont  en 
tuiles  mécaniques.  Toutes  les  fenêtres  sont  munies  de  châssis  g-arnis  de  toile 
métallique  contre  l'envahissement  si  nuisible  des  mouches  et  des  moustiques  ; 
toutes  les  peintures  sont  à  l'huile  et  en  ripolin  toujours  de  tons  clairs  rehaussés 
de  fleurons  et  de  motifs  décoratifs  de  couleur  plus  foncée  pour  détruire  l'uni- 
formité des  panneaux  unis  si  ennuyeux  et  si  tristes  et  pour  distraire  le  regard 
oisif,  surtout  quand  l'hiver  avec  ses  rig-ueurs  a  emporté  les  feuilles  des  grands 
arbres  et  les  fleurs  des  parterres  ;  il  reste  cependant  pour  reposer  les  yeux  les 
pelouses  et  le  feuillage  des  sapins  et  des  arbustes  toujours  verts  dont  on  aug- 
mentera le  nombre. 

Chacun  des  grands  pavillons  est  chauffé  par  un  calorifère  produisant  une 
circulation  de  vapeur  à  basse  pression  ;  les  villas  ont  des  poêles.  Une  canali- 
sation donne  de  l'eau  potable  dans  tous  les  bâtiments  ;  l'éclairage  électrique 
est  général,  mais  pour  la  nuit  il  y  a  des  veilleuses  dans  les  dortoirs. 

Les  trois  gérantes  sont  des  directrices  du  service  journalier  ;  il  y  en  a  une 
pour  les  habitations  familiales  et  une  ptuir  chaque  pavillon  de  célibataires  ; 
elles  sont  les  intermédiaires  entre  les  malades  et  le  médecin-directeur  pour 
l'ordre,  les  soins,  la  propreté,  et  la  conservation  du  matériel,  et  entre  les 
malades  et  l'économe  pour  les  aliments  et  toutes  les  fournitures.  De  plus  elles 
sont  aptes  à  donner,  comme  je  l'ai  dit,  des  conseils  très  utiles  aux  malades, 
surtout  aux  familles  qui  arrivent. 

Pour  que  l'on  puisse  s'identifier  avec  rutili>ation  de  tous  les  organes 
dont  nous  venons  de  voir  les  fonctions,  il  reste  à  parler  des  agencements  géné- 
raux et  des  constructions  complémentaires  que  j'ai  appelées  dépendances  et 
que  nous  allons  visiter  vers  la  droite  de  l'entrée  du  parc.  D'abord  l'eau  potable 
est  distribuée  abondamment  dans  tous  les  bâtiments,  villas  et  pavillons  du 
Sanatorium  ;  elle  provient  d'un  forage  de  45  m.  de  profondeur,  d'où  une 
pompe  aspirante  et  foulante  l'envoie  dans  un  réservoir  aérien  ou  Cââieau  d'eaii 
de  50  m.  cubes,  curieusement  construit,  tout  en  ciment  armé  ;  de  là  une  cana- 
lisation complexe  là  distribue  sous  pression.  L'électricité  est  produite  dans  la 
machinerie  centrale  pour  l'éclairag'e  de  tous  les  bâtiments  et  du  parc.   Nous 


vovuiis  les  deux  générateurs  de  60  m.  carrés  de  surface  de  chauffe  chacun  ;  le 
moteur  Dujardin  à  petite  vitesse  de  75  chevaux  de  force,  les  dynamos  généra- 
trices du  Courant  et  les  accumulateurs. 

Puis  Voici  une  pompe  à  air  et  des  réservoirs  d'air  comprimé  dont  les  fonc- 
tions sont  d'une  importance  primordiale  pour  l'assainissement  et  le  débarras 
des  eaux  sales  de  tout  l'établissement  où  se  pratique  le  tout  à  l'égout  avec 
chasse  d'eau  d'une  façon  hvgiénique^  ce  qui  est  ici  d'une  nécessité  absolue. 
M.  le  D'^  Calmelte,  qui  a  perfectionné  si  ingénieusement  la  méthode  d'épura- 
tion des  eaux  résiduaires  par  les  lits  bactériens,  a  naturellement  fait  installer 
ce  système  pour  les  eaux  sales  provenant  de  toute  la  colonie  tuberculeuse.  Il 
emploie  ici  les  (jecletirs  SJioiie  qui  refoulent  par  l'action  de  l'air  compi-imé  les 
eaux  résiduaires  de  tous  les  éviers  de  cuisine,  des  bacs  de  lavage  ou  du  ser- 
vice médical  et  de  tous  les  water-closet,  canalisées  dans  un  sjstèiue  de  tout  u 
l'égout  séparatif.  Ces  eaux  arrivent  d'une  façon  régulièi-e  à  la  fosfse  scjiliqiK^  et 
aux  lits  (Pepiiralion  biologique  installés  près  des  dépendances  que  nous  visitons. 
Le  fonctionnement  se  fait  par  un  système  nouveau,  dit  système  contiini,  à 
siphon  automatique  qui  oflfre  l'inestimable  avantage  de  supprimer  l'ouverture 
et  la  fermeture  manuelles  de  vannes  à  intervalles  déterminés.  M.  Calmette  a, 
du  reste,  essaj'é  ce  svstèuie  avec  succès  à  l'usine  expérimentale  que  nous 
avons  visitée  l'an  dernier  à  la  Madeleine  (Bull.  Janv.  1906,  p.  42).  Les  eaux 
épurées  sont  ensuite  utilisées  pour  la  fertilisation  des  jardins  potagers.  Des 
réservoirs  de  chasse  automatique  assurent  le  nettoyage  périodique  des  canali- 
sations très  complexes. 

Nous  voici  maintenant  dans  les  bâtiments  très  vastes  de  l'ancienne  ferme  du 
ChâtHKU  ;  on  les  a  aménagés  pour  \  installer,  dans  le  rez-de-chaussée,  les 
bureaux  et  les  mag-asins  de  l'économat,  un  vestiaire  et  une  salle  à  manger 
pour  le  personnel,  tandis  que  l'économe,  le  mécanicien  et  le  chef  de  culture 
ont  leurs  logements  au  premier  étage.  Toute  voisine  est  la  buanderie,  où  a 
lieu  la  désinfection  et  le  lavage  mécanique  du  linge  et  des  literies  ;  les  matelas 
sont  soumis  à  l'action  de  l'acide  sulfureux  dans  nn  cabinet  étanche  ;  le  linge 
est  d'abord  trempé  au  lysol,  puis  passé  dans  un  tambour  lessiveur  et  ensuite 
dans  une  essoreuse  après  rinçage  ;  le  linge  de  service  est  repassé  au  rouleau 
et  le  linge  de  corps  Test  au  fer.  Nous  passons  alors  rapidement,  car  l'heure 
nous  presse,  à  l'écurie  et  aux  remises,  puis  à  la  porcherie  disposée  en  une 
série  de  compartiments  séparés  par  des  cloisons  en  ciment  armé,  rendant 
facile  la  désinfection.  Tous  les  restes  et  déchets  du  service  de  l'alimentation 
forment  la  base  de  la  nourriture  des  porcs  ;  tout  est  utilisé.  Nous  voici  à  la 
vacherie  oîi  8  ou  10  laitières  flamandes  fournissent  à  toute  la  colonie  un  lait 
pur  et  sain,  car  les  vaches  qui  ont  été  tuberculinées,  sont  nourries,  soignées 
et  traites  parle  personnel  du  Sanatorium.  Elles  appartiennent  à  un  fermier 
auquel  on  paie  tout  le  lait  utilisé  à  0  fr.  20  c.  le  litre  et  il  échange  celles 
dont  la  production  diminue  trop.    Ce  svstème  est  avantageux  pour  le  fermier 


et  donne  une  grande  sécurité  pour  la  valeur  et  la  stérilisation  du  lait  à  distri- 
buer aux  malades. 

Il  y  a  aussi  un  poulailler  très  bien  situé  et  agencé  pour  la  production  des 
œufs  frais  à  donner  aux  malades  et  aussi  pour  l'élevage.  Il  y  a  de  plus  une 
installation  spéciale  pour  la  reproduction  des  cobayes,  des  souris  blanches  et 
même  des  lapins  destinés  à  une  clientèle  assurée,  les  Instituts  Pasteur  de 
Paris  et  de  Lille.  Ces  dernières  conslruciions  sont  parfaitement  aménagées, 
en  bonne  orientation,  sur  un  côté  d'un  vaste  jardin  potager  où  sont  aussi 
cultivés  les  semis  et  les  réserves  de  fleurs  pour  les  parterres  du  parc 

Tel  est  le  nouveau  moyen  de  lutte  contre  la  terrible  maladie  qui  enlève 
chaque  année  à  la  France  tant  de  milliers  de  ses  enfants  ;  il  nous  a  paru  devoir 
donner  d'excellents  résultats,  car  la  cure  qui  peut  durer  de  trois  à  six  mois 
n'est  tentée  que  sur  des  individus  souvent  reconnus,  tout  d'abord  au  Dispen- 
saire Emile  Roux  et  ensuite  ici  à  leur  arrivée,  d'une  constitution  assez 
robuste  pour  permettre  d'obtenir  par  le  traitement  une  guérison  complète  ou 
assez  avancée  pour  qu'elle  puisse  se  terminer  plus  lard,  par  l'impulsion 
donnée,  et  aussi  grâce  à  l'éducation  hygiénique  acquise  par  le  malade.  Le 
désir  de  la  Ligue  sera  ainsi  accompli  de  rendre  à  la  santé  des  individus  d'une 
bonne  valeur  sociale  et  utiles  à  leur  pays  par  leur  travail  et  par  la  création  de 
familles  ;  cela  étant  le  but  complémentaire  du  sentiment  humanitaire.  Les 
incurables  ne  peuvent  être  que  soulagés  et  aidés  par  les  bureaux  de  bienfai- 
sance auxquels  le  Dispensaire  les  adresse.  Quant  aux  malades  dont  l'état  de 
fortune  permet  des  sacrifices,  ils  peuvent  suivre  personnellement  les  indica- 
tions d'un  traitement  hygiénique  absolument  nécessaire,  et  mieux  encore,  ils 
peuvent  aller  s'y  soumettre  dans  des  régions  dont  la  température  plus  douce 
et  plus  égale  leur  est  favorable. 

Dans  tous  les  cas,  les  malades  reçoivent  ici,  dans  des  conditions  de  prix 
qui  sont  onéreuses  pour  l'œuvre,  les  mêmes  soins  médicaux  et  le  même  confor- 
table hygiénique  que  dans  les  Sanatoriums  destinés  aux  personnes  aisées  et 
même  riches.  Le  prix  de  la  pension  est  de  3  fr.  .^0  par  jour  pour  les  céliba- 
taires originaires  du  département  du  Nord  ;  et  il  y  a  un  certain  nombre  de 
demi-bourses  départementales  permettant  d'admettre  des  indigents  dignes 
d'intérêt  au  prix  de  1  fr.  75,  soins  médicaux  compris  avec  le  logement,  la 
nourriture,  l'entretien  ;  c'est-à-dire  toute  l'existence,  sauf  le  trousseau.  Pour 
les  malades  d'autres  départements  la  pension  est  de  4  fr. 

Pour  les  villas  qui  sont  louées  par  mois  et  pour  trois  mois  au  moins,  meu- 
blées et  garnies  de  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie  ménagère,  le  loyer  est 
de  50  fr.  par  mois  pour  deux  personnes,  avec  10  fr.  de  supplément  par  per- 
sonne en  plus  jusqu'à  cinq  au  maximum;  mais  le  prix  de  la  pension  est 
réduit  à  2  fr.  50  par  personne  et  à  1  fr.  50  pour  les  enfants  au-dessous  de 
12  ans.  Il  peut  être  fait  une  concession  sur  le  loyer  pour  une  personne  assu- 
rément guérissable  et  dans  une  situation  peu   aisée,   si  la  Ligue  possède  des 


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ressources  ;  mais  une  Société  de  secours-  mutuels  peut  intervenir  et  il  est 
souvent  de  son  avantage  de  le  faire,  car  elle  paiera  moins  pour  guérir  le 
sociétaire  malade  que  pour  le  secourir  sans  travailler  jusqu'à  son  décès  certain, 
quoiqu'éloigné.  Trois  mois  de  séjour  sont  presque  toujours  insuffisants  pour 
qu'une  cure  soit  efficace  ;  elle  n'est  pas  assez  avancée  pour  qu'il  n'y  ait  pas 
rechute  ;  il  faut  compter  ici  sur  un  séjour  de  quatre  à  six  mois  pour  obtenir 
une  guérison  relative  et  il  faut  supposer  qu'ensuite  le  malade  sera  assez  sage 
pour  continuer  pendant  plusieurs  années  à  pratiquer  l'hygiène  enseignée,  afin 
qu'il  y  ait  guérison  complète  assurée.  Il  conservera  peut-être  même  une  cer- 
taine réceptivité  qui  l'obligera  pour  se  bien  porter  à  une  vie  régulière  et  à  de 
la  prudence  s'il  doit  demeurer  dans  une  grande  ville.  Il  faut  cependant 
convenir  qu'avec  un  peu  d'énergie  et  de  volonté,  des  habitudes  hygiéniques 
ne  sont  pas  plus  difficiles  à  pratiquer  que  d'autres  et  que  ce  qui  d'abord 
semble  une  contrainte  ennuyeuse,  désagréable  même  à  supporter,  devient 
bientôt  indifférent,  tout  comme  une  seconde  nature  ainsi  que  l'affirme  l'apho- 
risme si  connu. 

Les  célibataires  ou  isolés  ne  sont  admis  qu'à  partir  de  l'âge  de  16  ans.  Les 
malades  peuvent  circuler  dans  le  parc  selon  leur  bon  plaisir,  mais  seulement 
dans  la  poiiion  qui  est  réservée  a  leur  catégorie  ;  il  leur  est  sévèrement  inter- 
dit d'en  sortir  ;  parents  et  amis  peuvent  les  visiter  chaque  dimanche.  Les 
ressources  de  la  Ligue  sont  l'importante  subvention  départementale  annuelle, 
plus  les  cotisations  des  membres  de  la  Ligue  et  les  dons  des  bienfaiteurs. 
Mais  tout  cela  est  insuffisant  et  les  frais  de  séjour  au  Sanatorium  doivent  être 
couverts,  au  moins  en  partie,  par  les  malades  ;  aussi  la  Ligue  du  Nord 
compte- pour  seconder  son  œuvre  sur  les  Sociétés  de  secours  mutuels,  les 
Bureaux  de  bienlaisance  et  même  .sur  la  générosité  des  particuliers,  patrons 
ou  bienfaiteurs  du  malade  ou  philanthropes  ;  de  fait,  en  guérissant  les  tuber- 
culeux, outre  son  mérite  humanitaire,  elle  espère  diminuer  dans  une  large 
mesure  les  charges  de  l'assistance  publique  et  mériter  la  gratitude  des  insti- 
tutions sociales  et  des  bienfaiteurs  de  l'humanité.  Nous-mêmes,  les  Directeurs 
de  l'excursion ,  convaincus  de  l'utilité  sociale  de  l'œuvre,  nous  offrons  le 
modeste  reliquat  des  cotisations  perçues  pour  les  frais  du  voNage,  à  M.  Cal- 
mette,  qui  est  Secrétaire-Généi'al  de  la  Ligue  contre  la  tuberculose,  pour  le 
remettre  à  M.  Wœhrel  ,  Secrétaire  de  l'in.^litut  Pasteur,  qui  en  est  le 
Trésorier. 

Mais  il  est  près  de  cinq  heures,  nous  témoignons  à  M.  le  D'  Calmette  toute 
notre  admiration  pour  l'installation  du  Sanatorium  et  les  résultats  qu'il  doit 
\-  obtenir  ;  nous  nous  hâtons  aussi  de  remercier  bien  cordialement  M.  le 
D'  Jouvenel  de  ses  renseignements  si  utiles,  lui  adressant  nos  éloges  les  plus 
sincères  du  bel  établissement  qu'il  dirige  et  pendant  que  les  Dames  montent 
en  voiture,  nous  regagnons  pédeslrement  la  gare  en  l'aimable  compagnie  de 
notre  savant  et  si  sympathique  cicérone  qui  retourne  également  à  Lille. 


De  notre  visite  au  Sanatorium,  il  nous  restera  un  enseignement  de  la  plus 
haute  importance  :  la  constalation  de  la  puissante  influence  d'une  hvg-iène 
convenable  pour  se  préserver  des  maladies  infectieuses  et  même  pour  obtenir 
la  guérison  de  certaines  d'entre  elles  ou  du  moins  pour  la  faciliter.  On  doit 
savoir  du  reste  qu'un  grand  nombre  de  nos  affections  résultent  d'habitudes 
nuisibles  à  l'organisme  selon  l'âge  ou  les  faiblesses  diathésiques. 

A  5  h.  02  le  train  nous  emporte  vers  Douai  ;  nous  y  arrivons  à  5  h.  13  et 
tous  ceux  d'entre  nous  qui  ne  connaissent  guère  la  ville  descendent  pour  v 
jeter  un  coup  d'oeil,  pendant  que  nos  autres  collègues  continuent  vers  Lille 
en  train  omnibus  pour  n'v  arriver  qu'à  6  h.  23.  Nous  partons  par  la  place 
Carnot  et  la  rue  St-Jacques,  si  commerçante  et  si  animée  :  nous  visitons 
l'église  St-Pierre,  reb:\tie  en  partie  au  XVIIP  siècle,  nous  v  remarquons  de 
nombreux  et  curieux  tableaux  ;  la  grosse  tour  date  du  XVI''  siècle.  Nous 
allons  voir  THôtel  de  Ville  et  son  joli  befl'roi  à  tourelles  du  XV^  siècle  ; 
puis  nous  gagnons  le  nouveau  et  magnifique  jardin  public  habilement  dessiné 
dans  les  ondulations  d'une  partie  des  anciennes  fortifications  ;  ensuite  nous 
retournons  à  la  gare  par  les  boulevards  extérieurs  récemment  construits. 
A  6  h.  24  un  train  rapide  nous  ramène  à  Lille  pour  7  heures,  enchantés  de 
notre  raid  et  bien  satisfaits  de  tout  ce  que  nous  avons  vu  et  appris  dans  notre 
après-midi. 

E.  CANTINE  AU, 

Arcliiviste  de  la  Société. 


LES  (ÎKANDES  PUISSANCES  EN  EXTRÊME-ORIENT 


ET  L'INDO-CHIXE 


M.  Harmand,  ancien  Ministre  de  France  au  Japon,  s'est  exprimé  comme 
suit  dans  une  communication  laite  au  dernier  dîner  de  l'Union  Coloniale 
française,  sous  la  présidence  de  M.  J.  Chaillev,  à  Paris,  le  28  Novembre 
dernier  : 

«  Tout  le  monde  parle  de  la  rcmlution  qui  s'est  faite  au  Japon.  Mon  avis 
est  que  le  Japon  ne  s'est  pas  transformé,  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  révolution,  que 
le  Japonais  est  aujourd'hui  ce  qu'il  était  autrefois,  qu'il  a  simplement  adapté 
à  ses  besoins  et  à  sa  mentalité  le  côté  mécanique,  les  instruments,    les   outils 


de  notre  civilisation,  auxquels  nous  sommes  tentés  nous-mêmes  d'attacher  une 
importance  exagérée,  et  qui  ne  constituent  pas  du  tout  le  fond  même  de  notre 
civilisation.  Le  Japonais  possédait  les  qualités  nécessaires  à  celte  utilisation, 
il  s'est  borné  à  se  servir  des  armes  que  nous  lui  avons  fournies,  >^i  dont  nous 
lui  avons  appris  le  maniement,  comme  il  se  servait  du  sabre  et  des  flèches.  Il 
n'y  a  pas  eu  de  révolution  morale  ni  intellectuelle.  Mais  on  est  obligé  de 
reconnaître  qu'il  j  a  eu  une  évolution  dont  la  rapidité  nous  confond.  Elle 
nous  confond  parce  que  nous  ne  connaissions  pas  le  Japon,  pas  plus  ou  encore 
moins  qu'aujourd'hui  nous  ne  connaissons  la  Chine. 

Le  Japon  est  le  résultat  d'une  srrlnsioii.  prolongée  pendant  des  siècles, 
grâce  à  laquelle  les  populations  qui  habitaient  l'archipel  au  commencement, 
et  qui  me  semblent  d'origines  assez  diverses,  se  sont  trouvées  fondues  de  telle 
façon  que  les  Japonais  en  sont  arrivés  à  constituer  aujourd'hui  la  nation  peut- 
être  la  plus  homogène  moralement  qui  soit  au  monde,  et  même  qui  ait  existé 
dans  l'hi.stoire. 

Celte  homogénéité  est  telle  que  les  Japonais  me  semblent  penser  tous  de  la 
même  façon  sur  les  grands  problèmes  de  leur  vie  sociale  et  de  leur  organisa- 
tion politique,  si  l'on  veut  bien  entendre  cette  opinion  sans  exagération  et  sans 
la  pousser  à  l'absurde.  Ils  m'apparaissent  tous  comme  ne  différant  que  par 
leur  degré  d'instruction  et  de  culture,  de  telle  sorte  qu'un  paysan  japonais, 
ayant  reçu  l'instruction  générale  et  les  connaissances  nécessaires,  peut  être 
appliqué  rapidement  à  n'importe  quelle  fonction.  Je  dirais  presque,  en  me 
servant  d'une  expression  scientifique,  qu'ils  sont  iiiterchiiujfohUa.  Mais 
il  résulte  aussi  de  ces  observations  que  si  les  Japonais  sont  tous  très  intelli- 
gents, si  leur  niveau  moyen  est  assez  élevé,  ils  manquent  d'originalité  et 
dïndividualisme,  et  qu'il  ne  surgit  guère,  au-dessus  du  plan  de  la  masse,  de 
ces  personnalités  éminentes,  transcendantes,  qui  sont  capables  d'exercer,  à  un 
moment  donné,  une  action  si  puissante  sur  la  marche  de  tout  un  peuple. 
J'ajouterai  même  qu'il  est  peu  probable  qu'il  s'en  manifeste  jamais. 

N'oublions  pas  enfin  que  tels  qu'ils  sont,  ils  représentent  l'aboutissement 
d'une  société  militaire  et  féodale,  avec  les  qualités  et  les  défauts  d'une  pareille 
sélection. 

Au  premier  rang  de  leurs  qualités,  je  place  leurs  facultés  d'ordre  et  de  dis- 
cipline, qualités  qui  les  différencient  profondément,  pour  le  dire  en  passant, 
des  Chinois,  dpnt  l'évolution  a  été  tout  opposée.  Du  reste,  je  défends  depuis 
longtemps  cette  opinion  que,  dans  le  domaine  de  la  politique  pratique,  les 
nations  pourraient  se  diviser  en  deux  catégories,  celles  qui  sont  capables 
d'ordre,  celles  qui  en  sont  incapables. 

Mais  on  a  toujours  les  défauts  de  ses  qualités,  et  le  processus  du  développe- 
ment des  Japonais  a  produit  chez  eux  une  réelle  étroitesse  de  jugement  qui 
se  traduit  par  une  vanité  extrême,  un  exclusivisme  rigide,  un  esprit  bureau- 


cralique  et  tâîillon,  une  puissance  de  dissimulation  dont  il  est  difficile  de  se 
faire  idée,  et  dont  ils  ont  tiré,  dans  leur  dernière  g-uerre,  des  avantages 
précieux. 

Quant  il  leurs  vertus  militaires,  il  est  inutile  de  vous  les  vanter  ;  elles  sont 
incomparables  et  reconnues  de  tout  le  monde.  En  quelques  semaines,  avec  une 
rapidité  surprenante  pour  les  militaires  étrangers,  il  est  possible  de  transfor- 
mer le  dernier  des  pavsans  tiré  de  sa  rizière  en  un  soldat  complet,  d'une 
sobriété,  d'une  résistance  sans  exemple,  d'un  courage  et  d'un  dévouement 
héroïques,  non  seulement  ne  redoutant  pas  la  mort,  mais  possédant  l'appétit, 
la  joie  de  la  mort,  chose  qu'il  est  impossible  d'nttendre,  à  un  pareil  degré, 
du  soldat  d'aucune  armée  européenne,  de  plus  en  plus  éloigné  d'un  état  d'es- 
prit qui  n'est  pas  sans  présenter  des  côtés  presque  puérils. 

Dans  l'ancien  Japon,  le  Japon  du  Mo\en-Age,  c'est-à-dire  il  y  a  seulement 
quarante  ans,  le  nombre  des  siniivraïs  était  relativement  minime  ;  mais  toute 
l'admiration  du  peuple  convergeait  vers  le  stnnvrdï,  l'homme  aux  deux  sabres, 
l'idéal  du  reste  de  la  nation.  Il  semble  qu'à  présent,  en  revêlant  l'uniforme 
militaire  moderne,  tout  Japonais  endosse  également  tout  l'arsenal  des  vertus 
du  samuraï,  soit  devenu  tel  qu'il  se  l'est  représenté  dès  sa  petite  enfance. 

Tout  cela,  je  le  répète,  n'implique  donc  aucune  transformation.  Le  soldat 
japonais  est  resté  ce  qu'il  était  sous  ses  chefs  féodaux,  et  il  v  avait  alors  des 
armées,  avec  leur  discipline,  leurs  règlements  rigides,  leur  loyalisme  et  leurs 
vertus  chevaleresques  ;  aussi,  dans  ce  domaine,  l'adaptation  a  été  très  facile. 
De  même,  quoiqu'à  un  degré  sensiblement  moindre,  dans  la  pratique  des 
administrations  civiles. 

Mais  là  où  les  Japonais  ont  tenté  d'introduire  artificiellement  les  organismes 
compliqués  de  nos  sociétés  occidentales,  le  succès  a  été  beaucoup  plus  contes- 
table ;  par  exemple  pour  le  parlementarisme.  Vous  savez  qu'il  existe,  à  Tokvo, 
une  Cliambre  des  représentants  et  une  Chambre  des  pairs.  On  y  trouve  des 
partis  qui  s'intitulent  libéraux,  radicaux,  nationalistes,  etc.  . .  Mais,  en  réalité, 
ces  étiquettes  n'ont  aucune  signification,  et  le  système  des  clans  qui  a  régi  si 
longtemps  le  Japon  s'y  continue  sous  d'autres  formes.  On  n'est  pas  de  tel  ou 
tel  parti  parce  que  l'on  est  guidé  par  tel  ou  tel  principe  ditlérent,  mais  parce 
que  l'on  suit  l'impulsion  de  tel  ou  tel  chef  :  on  est  simplement  du  parti  du 
comte  X,  ou  du  vicomte  Y  ou  de  Monsieur  Z.  Le  Japon  est  resté  une  oligar- 
chie, sous  l'égide  sacrée,  plutôt  que  sous  la  direction  de  l'Empereur. 

L'Empereur,  me  direz-vous,  quel  rôle  joue-l-il  dans  la  constitution,  dans 
le  fonctionnement  de  l'Empii-e  ?  C'est  là  un  sujet  tellement  délicat,  l'Empe- 
reur est  encore  un  personnage  tellement  sacré  que  je  me  borne  à  poser  ce 
point  d'interrogation  sans  vouloir  essajer  d'y  répondre.  Il  est  à  désirer  pour 
le  Japon  que  l'Empereur  conserve  ce  caractère  sacré  le  plus  longtemps  pos- 
sible ;  le  jour  où  les  Japonais  perdraient  le  respect  mystique  qu'ils  ont  pour 
la  personne   impériale,    le   sentiment  qui   fait  de  Sa  Majesté  l'incarnation  et 


comme    la   véritable  religion   du   Japon  —   en  employant  ce  mot  avec  son 
acception  antique,  rdhjin  — ,  le  Japon  serait  dangereusement  malade. 

Une  des  qualités  les  plus  remarquables  du  Japonais  est  encore  sa  parcimo- 
nieuse économie,  et  c'esL  encore  un  legs  de  l'ancien  temps.  Avec  une  somme 
donnée,  le  (youvernemenl  japonais  obtient  des  résultats  doubles  ou  triples  de 
ceux  que  nous  pourrions  obtenir  dans  nos  administrations.  Le  Japonais  arrive 
à  réduire  sa  nourriture  et  toutes  ses  dépenses  à  un  minimum  qui  nous  paraît 
incompréhensible.  De  même,  dans  les  administrations  :  rien  n'est  sacrifié  au 
luxe.  Dans  l'exploitation  des  chemins  de  ter,  même  simplicité.  Mais  quels 
wagons,  quels  rails,  quelles  gares,  quels  ponts  '  Le  grand  chef  des  Travaux 
publics  en  Indo-Chine,  M.  Guillemoto,  venu  il  j  a  quelques  années  au  Japon 
en  convalescence,  s'en  montrait  scandalisé,  en  bon  polytechnicien.  Sans 
doute  !  Mais  personne  ne  se  plaint,  tout  cela  parait  suffisant  au  public,  qui  ne 
réclame  jamais,  et  les  voies  ferrées  servent  à  leurs  actionnaires  et  au  Gouver- 
nement de  beaux  bénéfices.  Et  il  en  est  ainsi  de  l'armée.  Aussi,  le  Japon  a  t-il 
pu  obtenir  les  résultats  militaires  qui  ont  tant  frappé  le  monde  avec  des 
ressources  intérieures  assez  faibles  et  avec  des  emprunts  qui  eussent  été  pour 
les  puissances  occidentales  tout  à  fait  insuffisants. 

Celtes,  les  ambitions  du  Japon  sont  grandes.  Mais  les  Japonais  et  surtout 
les  hommes  dirigeants  du  Japon  sont  gens  raisonnables,  et  je  ne  crois  pas  aux 
vastes  desseins  qu'on  leur  prête  de  toutes  parts.  Il  faut  en  eti'et  distinguer 
avec  soin  entre  les  projets  du  gouvernement  japonais  et  les  aspirations  popu- 
laires. 

Le  gouvernement  japonais  comprend  parfaitement  que  le  Japon  doit  être 
un  empire  insulaire,  que  V hmdarllé  doit  rester  l'une  des  conditions  de  sa  for- 
tune, et  si  la  conquête  —  car  il  faut  bien  employer  celte  expression  —  si  la 
conquête  de  la  Corée  a  paru,  par  suite  des  circonstances,  une  entreprise  néces- 
saire, de  même  que  l'occupalion  de  la  presqu'île  de  Port-Arthur,  il  v  a  cer- 
tainement au  Japon  des  hommes  plus  prévoyants  que  les  autres,  qui  regrettent 
cette  nécessité.  Dans  cet  ordre  d'idées,  il  v  aurait  beaucoup  à  dire, 

L'Angleterre  a  atteint  le  but  qu'elle  s'était  proposé  en  contractant  alliance 
avec  le  Japon,  c'est-à-dire  l'affaiblissement  de  la  Russie,  sinon  considérée 
comme  son  ennemie  du  moins  comme  sa  rivale  avérée  en  Asie. 

Il  est  certain  a  mes  veux  que  la  guerre  n'aurait  pas  éclaté  en  1904  sans  ces 
deux  facteurs  :  l'alliance  anglaise  d'une  part,  et  de  l'autre  l'existence  d'une 
seule  paire  de  rails  sur  le  trajet  du  Transsibérien.  La  situatiori  et  les  disposi- 
tions du  gouvernement  russe  n'avaient  rien  de  menaçant  pour  le  Japon,  qui 
pouvait,  en  tout  cas,  parfaitement  attendre  avant  d'aborder  une  aventure  où 
il  mettait  au  jeu  infiniment  plus  que  la  Russie.  Mais  le  contrat  d'assurance  avec 


—  58  — 

la  Grande-Bretagne  Tavait  décidé  à  la  guerre,  une  guerre  qu'il  avait  étudiée 
et  préparée  depuis  longtemps  dans  ses  détails  et  je  suis  porté  à  croire  que  des 
concessions  in  extremis  des  Russes  n'auraient  pas  empêché  l'explosion  dont 
nous  avons  été  les  témoins  au  commencement  de  1904.  Mais  peut-être  la 
Grande-Bretagne  n'est-elle  pas  loin  de  trouver  que  les  résultats  obtenus 
dépassent  l'objectif  qu'elle  avait  en  vue.  S'il  m'est  permis  aujourd'liui,  avant 
reconquis  ma  liberté,  et  ne  parlant  d'ailleurs  que  comme  tout  citoyen  français 
pourrait  le  faire  en  suivant  les  événements,  de  vous  dire  toute  ma  pensée,  je 
serais  surpris  si  l'alliance  anglo-japonaise  était  renouvelée,  du  moins  si  elle 
Tétait  sans  de  sérieuses  atténuations,  sous  une  forme  plus  tranquillisante  pour 
les  puissances  possessionnées  en  Extrême-Orient. 

En  etîet,  comme  personne  de  vous  ne  l'ignore,  le  triomphe  éclatant  des 
Japonais  a  suscité,  dans  toute  l'Asie  Orientale,  des  aspirations  et  des  idées 
nouvelles,  dont  les  Anglais  ne  seront  pas  les  derniers  à  subir  le  contre-coup. 
Je  crois  donc  —  et  j'espère  —  que  l'alliance  pourra  prendre  une  tournure 
qui  nous  permettrait  d'j  entrer,  et  avec  nous  quelques  autres  puissances 
maritimes. 

Le  moment  n'est  peut-être  pas  fort  éloigné  où  l'Europe  et  les  Etats-Unis 
sentiront  le  besoin  de  consolider  ou  plutôt  de  ressusciter  leur  solidarité.  N'ou- 
blions pas  qu'aux  jeux  de  la  masse  des  Japonais,  ce  ne  fut  pas  tant  le  Russe 
qui  fut  battu  que  l'Européen,  et  je  pourrais  vous  citer  à  ce  propos  bien  des 
anecdotes  topiques. 

Arriver  à  consolider  nos  possessions  en  Asie  Orientale,  à  nous  les  garantir 
réciproquement,  avec  l'accession  du  Japon  dans  ce  nouveau  groupement, 
voilà  un  but  à  désigner  à  votre  diplomatie,  but  qui  lui  a  étrangement  manqué 
depuis  fort  longtemps. 

L'Angleterre,  quoi  qu'il  arrive,  conservera  pendant  longtemps  une  situa- 
tion prépondérante  au  Japon.  Il  faudra  toujours  y  compter  avec  elle,  tant 
par  l'effet  des  services  rendus  —  et  ils  sont  grands  —  que  par  le  poids  qu'elle 
exerce  sur  toute  l'Asie  Orientale,  par  son  immense  développement  commer- 
cial, par  son  empire  de  l'Inde  et  par  toutes  ses  possessions  transgangétiques. 
A  nous  de  saisir  les  circonstances  favorables  —  et  elles  paraissent  être  telles 
—  pour  aborder  cette  question  de  la  garantie  réciproque  de  nos  possessions, 
sous  des  conditions  qu'il  ne  m'appartient  pas  de  préciser  davantage,  mais 
dont  chacun  de  vous  peut  concevoir  l'importance  en  ce  qui  concerne  l'Indo- 
Chine. 

L'Allemagne  se  trouve  au  Japon  dans  une  situation  assez  singulière,  qui 
n'est  peut-être  pas  du  reste  restreinte  au  seul  Japon,  et  qui  semble  s'étendre 
de  plus  en  plus  dans  plusieurs  parties  du  monde,  ainsi  que  tendraient  à  le 
prouver  les  plaintes  et  le  mécontentement  des  Allemands  eux-m.èmes.  Son 


—  5'J  — 

attitude  est  ambiguë  ;  d'une  part  prodigue  de  bonnes  paroles,  de  promesses, 
de  décorations,  taisant  parfois  preuve  d'une  déférence  trop  accentuée  pour  un 
grand  empire,  il  lui  arrive  de  suivre  par  ailleurs  une  conduite  qui  ne  cadre 
pas  très  bien  avec  ses  assurances  verbales  et  ses  témoignages  d'empressement. 
Ce  flottement  entraine  nécessairement  une  certaine  défiance,  augmentée, 
favorisée  par  ce  fait  que  le  Japon  ne  connaît  guère  le  reste  du  monde  qu'à 
travers  les  télégrammes  de  la  presse  anglo-saxonne,  ne  lit  les  nouvelles  de 
l'univers,  pour  ainsi  dire  qu'à  travers  les  besicles  anglaises,  situation  qui,  du 
reste,  n'est  pas  à  notre  bénéfice.  L'occupation  deKiao-tchéou  par  l'Allemagne 
n'a  pas  été  non  plus  sans  inconvénients  au  regard  des  Japonais, 

L'Allemagne  a  donc  à  regagner  au  Japon  un  certain  terrain  perdu  du  côté 
politique.  Elle  peut  le  faire,  grâce  à  son  prestige  toujours  vivace  de  puissance 
victorieuse  d'une  grande  nation  militaire,  grâce  à  l'appui  précieux  qu'elle 
puise  dans  ses  progrès  commerciaux  et  dans  sa  situation  scientifique  privilé- 
giée. Dans  ce  dernier  domaine,  la  place  qu'elle  tient  est  importante.  Presque 
tout  l'enseignement  scientifique,  la  médecine,  la  biologie  sont  entre  ses  mains, 
et  ce  moven  d'influence  sur  les  idées,  dans  un  pa vs  tel  que  le  Japon,  m'appa- 
raît  comme  particulièrement  enviable. 

Quant  aux  Etats-Unis.  ...  Il  faudrait  aussi  beaucoup  de  temps  pour  pré- 
senter leur  situation  vraie  en  Extrême-Orient.  Ils  ont  suivi  depuis  longtemps 
une  politique  toute  particulière,  détachée,  quelquefois  avec  affectation,  de 
celle  de  l'Europe,  comptant  —  peut-être  un  peu  trop  —  sur  le  temps  pour 
affirmer  une  suprématie  qu'ils  jugeaient  irrésistible  dans  un  avenir  rapproché. 
Antérieurement  à  la  guerre  espagnole,  leurs  visées  semblaient  avant  tout 
d'ordre  commercial  ;  après,  leurs  ambitions  ont  pris  un  aspect  plus  vaste. 
Pendant  la  guerre  russe,  leurs  sympathies  japonaises  se  sont  manifestées  de 
toutes  les  manières,  et  pourtant,  ils  n'ont  pas  été  étrangers,  comme  on  sait,  à 
une  paix  si  décevante  pour  le  Japon. 

Les  incidents  actuels  ne  sont  pas  sans  vous  préoccuper.  A  mon  sentiment, 
je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  là  quelque  chose  de  très  inquiétant  :  sans  prendre  au 
tragique  ces  divergences,  il  faut  pourtant  les  prendre  au  sérieux,  mais  à  titre 
plutôt  symptomatique. 

Pour  le  moment,  ni  l'un  ni  l'autre  des  gouvernements  intéressés  ne  désire 
pousser  les  choses  à  l'extrême  ;  après  des  pourparlers  plus  ou  moins  laborieux, 
ils  trouveront  bien  le  moyen  de  s'arranger.  Toutefois. . .  il  est  certain  qu'il  se 
rencontre  déjà  des  Japonais  —  car  il  y  a  tout  de  même  quelques  Japonais, 
fort  rares  à  la  vérité,  qui  montrent  assez  de  confiance  à  certains  Européens 
pour  aborder  avec  eux  de  pareils  sujets  —  qui  envisagent  dès  maintenant  la 
possibilité  d'une  lutle  avec  les  Américains. 

En  jetant  un  regard  sur  une  carte,  on  ;e  rend  facilement  compte  des  dan- 
gers de  l'avenir.    Les  modifications  d'équilibre  produites  en  cette  région  du 


—  ()()  — 

-monde  par  la  guerre  hispano-américaine,  par  les  succès  des  Japonais  et  le 
grandissement  de  leurs  ambitions,  feront  un  jour  passer  à  l'état  aigu  la  ques- 
tion de  la  domination  du  Pacifique,  et  les  rivalités  politiques  et  économiques 
s'y  imposeront  avec  une  telle  intensité  qu'elles  pourraient  bien  ne  se  résoudre 
que  par  la  violence.  Mais  nous  n'en  sommes  pas  encore  là.  Le  percement  du 
Canal  de  Panama,  son  état  d'avancement,  la  date  de  son  ouverture  joueront 
dans  cette  querelle  un  rôle  à  suivre  de  très  près. 

Et,  du  reste,  quel  homme  sensé  pourrait  souhaiter  une  telle  guerre  ?  A 
quoi  pourrait-elle  aboutir?  Une  fois  l'une  des  flottes  ennemies  détruite,  l'autre 
pour  le  moins  fort  endommagée,  qu'en  résulterait-il  ?. .  .  Ni  les  Etats-Unis  ne 
peuvent,  avec  leur  état  social  et  militaire,  prétendre  envahir  le  Japon,  ni  les 
Japonais,  malgré  leurs  vertus  guerrières,  ne  peuvent  penser  à  conquérir  sur 
le  territoire  américain.  Ce  serait  donc  une  guerre  sans  issue,  c'est-à-dire  une 
de  ces  guerres  qui  contiennent  le  germe  de  querelles  renaissantes  et  de  conflits 
indéfinis. 

Il  faut  se  rappeler  que  le  Japon  est  un  pavs  assez  pauvre,  qu'il  n'a  pas  assez 
d'argent  ni  de  crédit  pour  aflronter  de  propos  délibéré  une  si  grandiose  aven- 
ture, qu'il  n'en  aura  pas  assez  avant  longtemps,  même  en  mettant  au  mieux 
la  réussite  de  ses  projets  financiers,  fondés  sur  une  transformation  industrielle 
qui  ne  peut  s'accomplir  du  jour  au  lendemain.  Pour  prêter  au  Japon  l'inten- 
tion d'entrer  en  lutte  ouverte  avec  les  Etats-Unis,  il  faudrait  une  hypothèse 
singulière  :  admettre  qu'il  ait  derrière  lui  le  plus  formidable  et  le  plus  ambi- 
tieux banquier  du  monde,  faisant  marcher  l'armée  japonaise  pour  son  compte 
et  pour  l'accomplissement  de  desseins  gigantesques.  Mais  alors,  ne  risquons- 
nous  pas  de  tomber  dans  le  roman  politique  ?.  .  . 

J'arrive  maintenant  à  un  paragraphe  sur  lequel  j'aurais  beaucoup  aimé  vous 
communiquer  ma  manière  de  voir,  c'est  la  question  de  la  situation  réciproque 
de  la  Chine  et  du  Japon. 

J'en  suis  aussi  sûr  qu'on  peut  l'être  par  une  observation  objective,  le  gou- 
vernement japonais  n'envisage  pas  du  tout  une  main-mise  sur  la  Chine,  il  ne 
se  propose  pas  du  tout  d'exercer  sur  la  Chine  une  hégémonie  effective,  ni 
surtout  de  transformer  la  Chine  à  la  japonaise.  Il  se  rend  parfaitement  compte 
que  ce  serait  une  politique  bien  imprévoyante  que  celle  qui  consisterait  à  for- 
tifier la  Chine,  à  armer  ses  masses  immenses  à  l'occidentale,  à  organiser  ses 
finances  en  proportion  de  sa  population,  etc.  Ne  serait-ce  pas  rassembler  des 
verges  pour  se  faire  battre  ?  Une  Chine  transformée,  régénérée,  consciente 
de  ses  forces  les  tournerait  tout  d'abord  contre  le  Japon.  Et  que  pèserait  alors 
le  Japon  en  face  de  ces  400  millions  d'hommes  —  en  admettant  que  le  pro- 
blème de  cette  vaste  réforme  soit  bientôt  résolue,  ce  dont  je  me  permets  de 
douter,  au  moins  quant  à  présent. 

Mais  l'instinct  populaire  ne  voit  pas  si  loin. 


~  Ȕl  - 

Est-il  possible  d'empêcher  les  Japonais  de  profiter  de  tous  les  avantages 
qu'ils  tiennent  de  leur  situation  géographique,  de  leur  proximité,  de  leurs 
analogies  de  mœurs,  de  nourriture,  de  leur  similitude  d'écriture,  —  car  si 
Japonais  et  Chinois  ne  s'entendent  pas,  ils  peuvent  se  comprendre  en  décri- 
vant leurs  caractères  dans  l'air  ou  sur  le  sable  —  de  la  supériorité  que  leur 
confère  une  main-d'œuvre  déjà  beaucoup  plus  instruite,  et  de  beaucoup 
d'autres  privilège;  ? 

Les  Chinois,  de  leur  côté,  tout  en  n'aimant  pas  beaucoup  les  Japonais,  et 
en  les  redoutant,  ne  peuvent  s'empêcher  d'apercevoir  immédiatement  que  les 
ingénieurs  japonais,  les  maîtres  d'école  japonais,  les  techniciens  de  toute 
sorte,  les  professeurs,  les  instructeurs  militaires  japonais  surtout,  sont  infini- 
ment plus  commodes  pour  eux,  plus  maniables,  plus  confundables  avec  les 
Chinois,  et  enfin  et  par  dessus  tout,  infiniment  plus  économiques  que  les 
nôtres  ? 

Pour  ces  raisons  multiples,  il  y  a  lieu  de  s'attendre  à  voir  l'influence  japo- 
naise pénétrer  de  plus  en  plus  largement  et  profondément  dans  une  Chine 
désireuse  de  se  lancer  dans  la  vie  de  réformes  dont  le  triomphe  japonais  lui  a 
démontré  l'efficacité,  en  prenant  les  Japonais  pour  initiateurs.  Mais  on  peut 
bien  être  assuré  d'une  chose,  c'est  que  le  jour  où  les  Chinois  auraient  réussi  à 
s'adapter,  dans  une  mesure  suffisante,  à  l'organisation  nouvelle  que  préco- 
nisent chez  eux  un  certain  nombre  de  néophvtes,  le  premier  usage  qu'ils 
feraient  de  leurs  forces  serait  de  rejeter,  d'éliminer  de  chez  eux  les  Japonais, 
par  les  procédés  dénués  de  douceur  conformes  à  leur  caractère  et  aux  antécé- 
dents de  leur  histoire. 

Enfin,  il  convient  de  bien  faire  remarquer  que  le  Chinois  est  fort  éloigné 
de  posséder  ces  qualités  d'ordre  et  de  discipline  sur  lesquelles  j'ai  insisté  en 
vous  parlant  des  Japonais,  et  qui  m'apparaissent  comme  indispensables  au 
fonctionnement  d'organismes  sociaux  inspirés  des  nôtres.  Sans  doute,  il  ne 
faudrait  pas  exagérer  jusqu'à  l'extrême  la  portée  de  ces  observations  ;  mais, 
pourtant,  il  existe,  à  ce  point  de  vue,  entre  Chinois  et  Japonais,  des  difi'é- 
rences  bien  caractéristiques.  Un  simple  exemple  :  tous  ceux  qui  ont  passé  en 
Extrême-Orient  n'ont-ils  pas  été  immédiatement  frappés  du  contraste  que  pré- 
sentent une  jonque  chinoise  et  une  jonque  japonaise  de  l'ancien  modèle,  qui 
se  fait  d'ailleurs  assez  rare  :  autant  celle-ci  est  propre,  pimpante,  bien  ajustée, 
autant  l'autre  se  montre  sous  un  aspect  grossier,  barbare,  sale  et  confus. 

En  tout  cas,  la  transformation  de  la  Chine,  en  raison  de  ra  grandeur,  de 
son  hétérogénéité  foncière,  des  formes  de  son  atavisme,  etc.,  demandera  beau- 
coup de  temps,  et  j'estime  qu'il  nous  est  loisible,  si  nous  le  voulons,  de 
mettre  à  profit  le  délai  qui  nous  est  laissé  pour  garantir  nos  possessions  des 
dangers  qui  peuvent  surgir  du  côté  de  la  Chine. 

En  attendant,  comme  le  programme  officiel  de  la  politique  de  toutes  les 


—  ry^  — 

puissances,  y  compris  le  Japon,  repose  sur  le  principe  de  l'intégrilé  du  terri- 
toire chinois  et  de  la  «  porte  ouverte  »,  nous  v  trouvons  pour  nous-mêmes 
une  sorte  de  garantie  dont  nous  pouvons  tirer  encore  bon  parti  en  tant  que 
possesseurs  de  F  Indo-Chine. 

De  la  Russie,  pour  plusieurs  raisons,  je  ne  dirai  ce  soir  que  quelques  mots. 
Il  ne  me  paraît  pas  inutile  de  vous  faire  observer,  au  risque  de  vous  étonner 
quelque  peu,  que  les  relations  des  Russes  et  des  Japonais,  que  leurs  senti- 
ments réciproques  ont  beaucoup  moins  souti'ert  de  la  guerre  qu'on  est  disposé 
à  le  croire,  et  l'on  ne  saurait  d'ailleurs  que  s'en  féliciter.  C'est  que  la  lutte 
s'est  poursuivie  sur  un  territoire  qui  n'était,  en  réalité,  ni  russe,  ni  japonais. 
La  guerre  y  a  été  terrible  ;  des  atrocités  diverses  y  ont  été  commises,  mais  ce 
sont  les  Chinois  et  les  Mandchous  qui  en  ont  subi  les  horreurs.  Par  suite,  ce 
sanglant  conflit  n'a  pas  laissé  derrière  lui  de  ces  rancunes  tenaces  et  légi- 
times, qui  persistent  si  longtemps  dans  nos  guerres  de  voisinage. 

Il  semblerait  plutôt  que  le  respect  réciproque  des  Japonais  et  des  Russes, 
que  leurs  sympathies  même,  à  y  regarder  de  près,  en  aient  bénéficié.  Les 
adversaires  d'hier  sont  capables  de  se  rendre  justice  après  avoir  pu  comparer 
leurs  qualités  et  leur  valeur.  L'oubli  est  facile  au  vainqueur.  Et  quant  aux 
Russes,  ils  peuvent  se  résigner,  sans  regrets  inconsolables,  à  la  perte  de  terri- 
toires qu'ils  n'ont  jamais  considéré  comme'  partie  intégrante  de  la  Sainte 
Russie,  et  rejeter  sur  les  circonstances,  avec  la  conscience  d'avoir  fait  tout  ce 
qu'ils  pouvaient  faire,  l'humiliation  de  se  voir  battus  par  un  ennemi  jugé  tout 
d'abord  trop  méprisable.  Il  est  juste  d'ajouter  que  cette  guerre  excitait  dans 
l'armée  russe  peu  d'enthousiasme.  Cette  guerre  coloniale,  à  des  milliers  de 
kilomètres  de  la  vraie  patrie,  ne  faisait  pas  naître  en  l'âme  des  soldats  et  de 
beaucoup  d'officiers  les  sentiments  profonds  qui  élèvent  l'homme  au-dessus  de 
lui-même.  Ils  se  faisaient  tuer  avec  l'abnégation  un  peu  passive  qui  caracté- 
rise le  Russe,  par  bravoure  naturelle  ou  par  esprit  militaire,  ou  par  gloriole, 
pour  prouver  qu'ils  n'avaient  point  peur  de  la  mort,  et  souvent  sans  utilité.  . . 

Il  serait  donc  injuste,  à  mon  sentiment,  de  juger  l'armée  russe  d'après  les 
résultats  de  la  campagne  de  Mandchourie.  D'autres  armées,  appelées  à  lutter 
dans  de  pareilles  conditions,  n'eussent  peut-être  pas  été  plus  heureuses,  et 
persuadé  que,  dans  une  guerre  européenne,  l'armée  russe  montrerait  une  tout 
autre  efficacité,  je  reste —  sans  parler  d'autres  raisons  —  partisan  de  l'alliance 
franco-russe. 

Mais,  pour  ne  pas  sortir  de  l'Extrême-Orient,  il  convient  encore  de  consi- 
dérer que  la  situation  des  Russes  y  conserve  une  importance  de  premier 
ordre  ;  placée,  comme  elle  l'est,  sur  le  revers  de  la  Chine,  avec  une  ligne 
frontière  immense,  la  Russie  possède  la  faculté  d'exercer  sur  la  Chine  en  tout 
temps,  une  pression  difficile  à  mesurer,  plus  efficace  à  coup  sûr  que  l'action 
de  toutes  les  puissances  maritimes  obligées  de  se  restreindre  aux  rivages  : 
éliminée  de  ses  provinces  côlières,  mais  ayant  gardé  Vladivostok,  la  Russie, 


—  f53  — 

surtout  après  avoir  réparé  sa  faute  initiale  en  doublant  d'une  seconde  voie  la 
«  capillarité  »  du  Transsibérien,  peut  et  doit  jouer  un  rôle  capital  dans 
toutes  les  combinaisons  d'alliances  qui  pourront  être  imaginées  en  Extrême- 
Orient. 

Notre  position,  dans  le  Sud  de  la  Chine,  n'est  pas  sans  analogies,  toutes 
proportions  gardées,  avec  celle  de  la  Russie  par  rapport  au  Nord.  C'est  une 
considération  sur  laquelle  je  m'étais  efforcé,  dans  le  temps,  d'attirer  l'atten- 
tion. Voisins  du  Yunnan,  des  Quangs,  capables  même  d'accéder  jusqu'au 
Setchouen  en  prenant  la  Chine,  par  terre,  à  revers,  alors  que  l'expérience 
venait  de  nous  démontrer,  dans  la  rivière  Ming,  le  peu  d'impression  que  les 
actions  navales  les  plus  réussies  exercent  sur  la  Chine,  il  y  avait,  à  cette 
situation  privilégiée  —  et  il  j  a  encore  —  des  avantages  très  précieux,  très 
dignes  d'arrêter  les  réflexions  de  nos  hommes  d'Etat,  tant  au  point  de  vue  de 
l'Indo-Chine  elle-même  et  de  l'utilité  de  notre  entreprise  qu'au  regard  de 
notre  entente  avec  la  Russie,  qui  n'était  encore  que  dans  les  nuages. 

La  Chine  est  capable,  à  l'heure  présente,  de  nous  réserver  tant  de  surprises 
que  cette  parentlièse  n'est  peut-être  pas  indigne  d'arrêter  un  instant  votre 
pensée. 

J'arrive  niaintenant  à  la  France  et  à  sa  situation  au  Japon,  et  vous  convien- 
drez qu'il  m'est  bien  difficile  de  m'exprimer  à  ce  sujet  avec  la  liberté  désirable. 
Je  vous  disais  tout  à  l'heure,  et  non  sans  amertume,  que  nous  n'avions  au 
Japon  aucune  espèce  de  politique,  et  qu'il  importait  d'en  déterminer  une.  Il 
ne  peut  m'appartenir  de  l'indiquer  plus  que  je  ne  l'ai  déjà  fait. 

Notre  rôle  au  Japon  est,  du  reste,  un  peu  par  notre  faute,  beaucoup  plus 
encore  par  l'effet  des  circonstances,  assez  secondaire.  Il  faut  nous  garder  d'il- 
lusions à  ce  propos,  et  ne  pas  s'imaginer  que  nous  j  tenions  le  haut  du  pavé. 
Et  cela  se  comprend  facilement.  Comment,  au  point  de  vue  économique, 
pourrions-nous  entrer  en  rivalité  sérieuse  avec  la  puissance  commerciale  des 
Anglais,  avec  les  perspectives  d'avenir  que  la  prospérité  des  Etats-Unis,  en 
plein  développement,  et  leur  proximité  relative,  offrent  ouvertes  aux  Améri- 
cains'?  Nous  sommes  loin,  d'autre  part,  de  posséder  les  avantages  que  les 
Allemands  puisent  dans  l'excellente  organisation  de  leur  commerce  maritime, 
et  quant  a  l'influence  morale,  celle  des  idées  et  de  la  langue,  comment  résister 
à  cette  confluence  de  l'action  des  deux  grands  groupes  anglo-saxons  qui  vient 
s'opérer  au  Japon  même,  des  ports  de  Chine,  et  de  la  côte  américaine  du 
Pacifique  ? 

Dans  les  conditions  où  nous  nous  trouvons  au  Japon,  il  faudrait  donc  peut- 
être  s'étonner,  à  quelques  égards,  de  la  place  que  nous  v  tenons  à  l'heure 
actuelle.  Ceci  est  attribuable  à  notre  prestige  de  vieille  nation  militaire  et 
civilisatrice,  aux  ferments  de  progrès  que  nous  avons  répandus  sur  le  monde, 
à  la  gloire  de  la  Révolution  française  et  de  l'Empire  français,  victorieux  de 


—  ()4  — 

l'Europe  coalisée,  à  notre  réputation  d'élégance  et  à  notre  supériorité  d'ar- 
tistes. 

En  dépit  de  toutes  les  causes  adverses,  les  Japonais  continuent  à  porter 
à  notre  histoire  un  très  vif  intérêt,  surtout  celle  de  la  Révolution  et  de  la 
période  napoléonienne.  J'ai  vu  des  livres  japonais,  avec  des  estampes,  où  le 
grand  empereur,  habillé  en  samouraï,  est  enchaîné  sur  son  rocher  de  Ste-Hé- 
lène,  entouré  de  gardiens  revêtus  pareillement  de  l'armure  ancienne,  el  qui, 
dans  l'esprit  de  l'auteur  et  de  l'artiste,  ne  sont  pas,  évidemment,  ceux  qui 
jouent  le  beau  rôle.  A  un  dîner  qui  fut  donné  par  la  Faculté  de  Droit.de  Tokio 
pour  célébrer  le  centenaire  du  Code  Napoléon,  le  menu  était  imprimé  sur  la 
Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du  citojen. 

Notre  action  littéraire,  sans  être  à  dédaigner,  perd  du  terrain  ;  le  nombre 
des  livres  français  qui  pénètrent  au  Japon,  comparé  à  celui  des  livres  de 
langue  anglaise,  est  assez  faible  ;  il  en  est  de  même  pour  les  journaux.  Mais 
la  langue  française  se  maintient  encore  d'une  manière  honorable  dans  les 
cercles  supérieurs  de  la  société  japonaise,  dans  l'armée,  parmi  les  juristes. 

Un  autre  objectif  à  poursuivre  au  Japon,  c'est  l'introduction  des  capitaux 
français,  dont  la  venue  est  certainement  désirée  par  les  financiers  et  les 
hommes  politiques.  Cette  question  méritant  un  examen  à  part,  et  des  déve- 
loppements assez  étendus,  je  ne  fais  que  la  mentionner. 

J'estime  qu'il  j  a,  en  ce  moment,  de  très  belles  et  très  utiles  opérations 
financières  à  tenter.  Les  Japonais  manifestent,  depuis  le  rétablissement  de  la 
paix,  une  très  grande  activité  industrielle.  Tous  comprennent  que  le  seul 
moyen  d'établir  leur  patrie  sur  une  base  financière  adéquate  à  sa  situation  de 
grande  puissance  et  aux  destinées  qu'ils  ambitionnent,  c'est  de  développer  le 
commerce  et  l'industrie,  en  transformant  le  Japon,  dans  toute  la  mesure  du 
possible,  et  avec  la  plus  grande  rapidité  possible,  de  pays  agricole  en  pays 
industriel. 

Je  voudrais  à  préseat  répondre  à  la  question  que  l'on  m'a  le  plus  souvent 
posée  depuis  mon  retour  en  France  :  Croyez-vous  que  le  Japon  veuille  atta- 
quer rindo-Chine"?  Nos  possessions  sont-elles  menacées  par  les  Japonais  ? 

En  conscience,  je  ne  le  crois  pas. 

Il  faut  tout  d'abord  remarquer  que,  dans  toutes  les  publications,  revues,  jour- 
naux iaponais,  aucun  écrivain  sérieux  n'a  jamais  montré  une  attention  parti- 
culière à  l'Indo-Chine  ;  cette  région  échappait  évidemment  aux  préoccupa- 
tions des  Japonais,  était  en  dehors  des  ambitions  immédiates  ou  lointaines 
qu'on  leur  prête.  L'idée  d'une  attaque  possible  contre  nos  possessions  ne  leur 
était  pas  venue,  et  il  serait  à  craindre  qu'à  force  d'en  parler,  ce  soit  nous- 
mêmes  qui  la  fassions  naître  et  prendre  corps.  Suivant  moi,  le  Japon  n'a  pas 
l'intention  de  conquérir  l'Indo-Chine,  et  si  des  possessions  européennes  étaient 
menacées,    ce   n'est  pas  l'Indo-Chine  qui  viendrait  en   première  ligne  ;    il  y 


—  67)  — 

aurait  des  objectifs  plus  rapprochés,  plus  tentants,  plus  avantageux,  plus 
conformes  aux  lignes  directrices  de  la  politique  japonaise,  l'établissement  des 
Allemands  à  l'entrée  du  Golfe  du  Petchili,  par  exemple,  ou  encore  les  Phi- 
lippines, peut-être  même,  à  la  rigueur  les  archipels  qui  s'étendent  entre  les 
Philippines  et  les  Célèbes,  ou  bien  même,  à  l'état  nébuleux,  les  Indes  Néer- 
landaises. 

L'émotion  produite  en  France,  et  au  dehors,  par  la  publication  du  pseudo- 
rapport Kodama  est  encore  présente  m  la  mémoire  de  tout  le  monde,  et  je 
suppose  que  vous  savez  tous  à  quel  incident  je  fais  allusion.  Inutile  de  vous 
dire  que  l'inaulhenticité  de  ce  faduiu.  dès  que  nous  l'avons  connu  au  Japon, 
n'a  cas  soulevé  l'ombre  d'un  doute.  A  part  les  indices  nombreux  de  fabrication 
étrangère  qu'on  j  relève  au  premier  coup  d'œil,  il  faut  bien  mal  connaître  les 
Japonais  pour  croire  un  instant,  qu'un  document  de  cette  nature  puisse  jamais 
être  exposé  à  la  divulgation.  Si  pareille  chose  pouvait  arriver,  que  de  ventres 
immédiatement  ouverts  ! 

Si  je  persiste  à  penser  que  le  Japon  n'a  pas  contre  nos  élablissemeuts  de 
visées  de  conquête,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  dans  une  guerre  où  nous 
serions  impliqués,  le  Japon  ne  manquerait  pas  de  tirer  de  l'infériorité  défen- 
sive de  rindo-Ghine  tout  le  parti  qu'elle  lui  offre,  que  toutes  les  fois  que  nous 
serons  engagés  avec  le  Japon  dans  une  contestation  ou  controverse  de  quelque 
gravité,  cette  infériorité  pèsera  sur  notre  politique,  qu'en  un  mot,  par  l'Indo- 
Chine,  dans  son  état  présent,  le  Japon  a  barres  sur  nous. 

Cette  difficulté  n'existerait  pas,  il  faut  en  convenir,  si  nous  n'avions  pas 
rindo-Chine.  J'y  consens.  Mais  veuillez,  Messieurs,  réfléchir  à  la  situation 
positivement  humiliante  qui  serait  la  nôtre  en  Extrême-Orient,  si  l'enchaîne- 
ment des  circonstances,  l'instinct  et  les  besoins  de  la  nation  française  et  la 
prescience  de  quelques  éminents  Français,  n'avaient  pas  transformé  notre 
indécis  débarquement  de  Tourane,  puis  notre  occupation  précaire  de  Saïgon, 
et  notre  petite  Cochinchine  en  une  grande  domination  extrême-asiatique,  aux 
portes  de  ces  mers  oià  viennent  de  s'accomplir  de  si  grands  événements,  où 
se  rencontreront,  se  fondront  peut-être  d'anciennes  rivalités  et  où  il  en  surgira 
de  nouvelles.  » 


M.  Chaillej  a  remercié  M.  Harmand  de  sa  belle  communication,  et  sur  sa 
demande,  M.  Paul  Doumer  a  déclaré  alors  qu'il  ne  croj^ait  pas  lui  aussi  à  un 
.péril  imminent  de  la  part  du  Japon,  voisin  de  l'Indo-Chine  sur  la  carte,  mais 
très  éloigné  en  réalité,  puisqu'il  faut  dix  jours  de  navigation  à  un  transport 
japonais  pour  arriver  en  Indo-Chine.  Le  Japon  n'est  pas  certainement  maître 
de  la  mer,  no  A  flotte  est  supérieure  à  la  sienne  et  peut  s'opposer  à  tout  débar- 


—  ()()  — 

queaient.  Les  craintes  que  l'on  affecte  sont  donc  chimériques,  notre  défense 
de  rindo-Chine  contre  le  Japon  se  trouve  dans  notre  marine. 

En  ce  qui  concerne  nos  troupes  indo-chinoises,  il  faut  les  grouper  en  armée 
manœuvrante  -,  nous  avons  aujourd'hui  35.000  hommes  qui  ne  doivent  pas 
constituer  seulement  des  troupes  d'occupation,  mais  bien  des  corps  capables 
de  déplacement  et  d'action  rapide. 

Vis-à-vis  de  la  Chine,  M.  Doumer  s'est  déclaré  plus  pessimiste  que  M.  Har- 
mand.  La  Chine  ne  manque  pas  de  soldats,  et  de  soldats  courageux  :  ce  qui 
lui  a  fait  défaut  jusqu'ici,  c'est  l'organisation  militaire  et  les  officiers  ;  elle  est 
en  train  de  se  les  donner.  Mais  nous  avons  du  temps  devant  nous  et  il  importe, 
de  notre  côté,  de  bien  organiser  notre  armée  en  Indo-Chine  pour  que  notre 
flotte  puisse  trouver  dans  cette  possession  un  point  d'appui  solide.  En  termi- 
nant, M.  Doumer  a  vanté  les  admirables  qualités  de  résistance  des  soldats 
russes,  grâce  auxquelles  s'explique  la  modération  dont  ont  fait  preuve  les 
vainqueurs  dans  leurs  succès. 


POUR  CARTHAGE 


Le  dimanche  27  Mai  190(3,  plus  de  2.000  personnes  étaient  réunies  dans 
le  théâtre  romain  de  Carthage,  auquel  le  site  merveilleux  du  golfe  de  Tunis 
et  les  montagnes  voisines  font  un  cadre  à  souhait.  Sur  Tinitiative  de  son 
Président,  Monsieur  le  Docteur  Carton,  une  Société  savante  tunisienne,  Tlns- 
titut  de  Carthage,  y  avait  organisé  une  représentation  extraordÏDaire  ;  elle 
obtint  un  très  vif  succès,  grâce  à  l'heureuse  composition  et  à  la  parfaite 
exécution  d'un  programme  approprié  au  lieu  et  au  caractère  de  la  solennité. 

Le  but  de  cette  manifestation  artistique  était  d'attirer  l'attention  du  grand 
public  sur  l'affreuse  dévastation  dont  sont  l'objet  les  ruines  de  Carthage. 

La  sauvage  destruction  qui,  chaque  jour,  en  fait  disparaître  quelques  lam- 
beaux a  déjà  été  signalée,  à  plusieurs  reprises,  sans  résultat.  Mais  actuellement 
la  situation  est  particulièrement  grave.  La  création  d'une  station  estivale  sur 
l'emplacement  des  ruines,  en  augmentant  le  prix  de  la  pierre  à  bâtir,  a  attisé 
la  rage  de  destruction  dans. des  proportions  effrayantes.  En  quelques  mois,  de 
nombreux  restes  de  palais  et  d'édifices  publics,  dont  les  murs  avaient  encore 
4  à  5  mètres  de  hauteur  et  qui  s'élevaient  sur  l'emplacement  du  Forum  qui 
fut  le  plus  grand  marché  de  la  Méditerranée)  et  du  Temple  de  Gœlistis,  ont 
été  détruits  sous  les  yeux  de  l'Administration  impuissante.  Ces  restes  cou- 
vraient une  surface  de  2  à  3  hectares. 


Demain,  (-"est  tout  ce  qui  reste  du  centre  de  Carthage  et  des  seuls  points 
où,  à  en  juger  par  de  récentes  découvertes,  on  avait  des  chances  de  retrouver 
des  restes  de  ]a  cité  punique,  qui  disparaîtra  sous  le  marteau  de»  démolisseurs. 

Depuis  plusieurs  mois,  Tlnstilut  de  Carthage  a  lancé  d'énergiques  protes- 
tations contre  de  tels  faits.  Mais  si  des  voix  plus  autorisées,  plus  puissantes 
s'élevaient,  l'effort  énergique  et  prompt  que  nécessite  la  situation  actuelle 
pourrait  être  immédiatement  tenté. 

C'est  à  ceux  à  qui  la  France  a  confié  le  soin  de  veiller  à  ses  intérêts,  à  ceux 
dont  les  travaux  font  sa  gloire  scientifique,  .que  doit  revenir  l'honneur  et 
qu'incombe  le  devoir  de  sauver  ce  qui  reste  des  malheureuses  ruines. 

L'Institut  de  Carthage  et  ceux  qui  l'ont  poussé  à  jeter  ce  cri  d'alarme  ne 
demandent  qu'à  devenir  les  auxiliaires  locaux  du  groupement  qui,  dans  la 
Métropole,  entreprendrait  d'agir  énergiquement. 

Il  s'agit  de  conserver  un  des  plus  précieux  dépôts  d'archives  —  à  peine 
feuilletées,  —  que  nous  ait  légué  l'antiquité,  dépôt  dont  la  France,  en  venant 
dans  ce  pavs,  est  moralement  comptable  vis-à-vis  des  autres  nations  et  dont 
elle  aura  à  répondre  devant  la  postérité. 

Personne  n"a  le  droit,  en  présence  du  danger  que  courent  ces  ruines,  de 
donner  la  préférence  à  d'autres  vestiges  plus  lointains  et  en  tout  cas  moins 
exposés.  Toutes  les  autres  ruines  peuvent  attendre,  Carthage  ne  le  peut  pas. 

L'Institut  de  Carthage  fait  un  pressant  appel  au  concours  de  ceux  qui  portent 
intérêt -à  la  gloire  scientifique  de  la  France. 


SOCIÉTÉ  D'ENCOURAGEMENT 

PdUR  LE  COJlMEliCE  FilANiJAIS  D'ËXlMIiiTATION 

SiA/e  (Je  la   Soch'ir  :   2 ,   place   de   la  Bourse. 
Smrhirid/  :  3,  rue  Feydeau,  Paris  (11^). 


La  Société  d'Encouragement  pour  le  commerce  français  d'exportation, 
fondée  en  1884  sous  le  haut  patronage  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Paris 
et  avec  le  concours  de  la  généralité  des  Chambres  de  Commerce  de  France,  a 
été  déclarée  d'utilité  publique  par  décret  du  7  Février  19.01. 

Son  but  est  de  contribuer  au  développement  de  plus  en  plus  nécessaire  de 
notre  commerce  extérieur  en  favorisant  les  aspirations  des  jeunes  Français 
désireux  de  s'utiliser  sur  les  marchés  lointains. 


-    (-.8  - 

Environ  650  de  nos  jeunes  compatriotes  ont  déjà  profité  du  patronage  de 
la  Société  et  se  sont  répartis  dans  toutes  les  contrées  du  globe.  Les  allocations 
qu'ils  ont  reçues  s'élèvent  au  total  de  442.000  francs. 

La  Société  exerce  son  action  : 

l*'  Par  V'fjjpi/i  moral  qu'elle  donne  à  ses  patronnés  en  les  recommandant  à 
tous  ses  correspondants  et  notamment  aux  Chambres  de  Commerce  françaises 
instituées  à  l'étranger,  aux  Conseillers  du  commerce  extérieur  de  la  France 
et  aux  représentants  officiels  de  la  France  à  l'étranger  ; 

2"  Par  Vf/pjj/i/'  prcuuiaire  qu'elle  accorde,  à  titre  d'avances,  aux  postulants 
dépourvus  de  ressources  suffisantes.  Ces  avances  sont  allouées  sous  forme  de 
billets  de  passage  gratuits  et,  au  besoin,  comme  subsides  de  premier  séjour. 
Exceptionnellement,  ces  subsides  peuvent  recevoir  une  pins  large  extension, 
dans  des  conditions  déterminées,  en  faveur  des  jeunes  gens  dont  la  prépara- 
tion ou  les  entreprises  sont  jugées  dignes  d'encouragements  particuliers. 

Toujours  disposée  à  accueillir  les  demandes  qui  se  produisent  avec  les  justi- 
fications indispensables,  la  Société  ne  saurait  d'ailleurs  avoir  ni  la  pensée  ni 
les  moyens  de  substituer  son  initiative  à  celle  des  intéressés  ou  de  s'immiscer 
dans  leurs  opérations  commerciales. 

C'est  donc  vainement  qu'on  lui  demanderait  de  participer  à  la  création  de 
comptoirs  ou  autres  établissements,  à  la  reclierclie  de  commandites  ou  de 
représentations. 

Les  postulants  au  patronage  de  la  Société  doivent  constituer  un  dossier 
comprenant  : 

1"  Une  demande  adressée  au  Président  de  la  Société  et  spécifiant  nettement 
la  nature  de  leurs  projets,  le  pays  dans  lequel  ils  ont  l'intention  d'aller  s'éta- 
blir, les  motifs  qui  le  leur  ont  fait  choisir  :  ils  auront,  en  outre,  à  indiquer 
s'ils  en  connaissent  la  langue,  s'ils  y  possèdent  des  relations  et  s'ils  ont  pu,  à 
l'avance,  s'assurer  l'accueil  d'une  maison  de  commerce  ; 

2"  Leur  acte  de  naissance  ; 

3"  Un  extrait,  de  date  récente,  de  leur  casier  judiciaire  ; 

4P  Une  pièce  établissant  leur  situation  militaire  ; 

5"  Les  certificats  des  écoles  où  ils  ont  fait  leurs  études,  des  maisons  de 
commerce  où  ils  ont  été  employés  et  tous  documents  de  nature  à  renseigner 
la  Société  sur  leurs  antécédents,  leurs  aptitudes,  leur  énergie  et  leurs  chances 
de  réussite. 

Les  postulants  haliitant  la  province  remettront  leur  dossier  à  la  Chambre  de 
Commerce  de  leur  circonscription,  qui,  après  les  avoir  fait  comparaître, 
transmettra  la  demande,  avec  son  avis  motivé,  à  la  Société  d'Encouragement. 

Les  patronnés  s'engagent  d'honneur  : 

V  A  signaler  à  la  Société  tous  leurs  changements  de  résidence  ou  de  situa- 
tion et  à  se  tenir  en  relations  de  correspondance  suivie  avec  elle,  en  s'inspi- 
rant  d'un  questionnaire  qui  leur  est  remis  au  départ  ; 


—  ()9  — 

2"  A  rembourser  à  la  Société  le  montant  de  ses  avances,  fût-ce  par  verse- 
monts  partiels,  dès  qu'ils  seront  en  mesure  de  le  faire,  afin  que  ces  rentrées 
puissent  profiter  à  de  nouveaux  postulants  ; 

3°  A  favoriser  enfin,  dans  la  mesure  de  leurs  forces,  la  propagation  de  la 
lang-ue  et  de  l'influence  françaises  à  l'étranger. 

Le  tableau  suivant  indique  le  nombre  des  patronnés  dirigés  sur  chaque 
destination. 

Colonies  françaises  : 


Algérie  et  Tunisie 10 

Sénégal,  Guinée 15 


Soudan  

Madagascar  et  La  Réunion.  . . 

Djibouti 

Antilles  françaises  et  Guyane 
Inde  française 


2 

66 
1 

8 
1 


Tonkin 64 

Laos 1 

Annam 3 

Cochinchine 13 

Cambodge 2 

Nouvelle-Calédonie 14 

Tahiti 2 


2'oliiI  JKinr  1rs  ( ^ohniics  l'nniriiiscs  :   202. 


Pays  étrangers  : 


Angleterre 

Espagne  et  Portugal. 

AUema^'ue 

Autriche 


Turquie  d'Asie  et  Perse 

Russie  d'Asie 

Chine 

Japon 

Inde  et  Possessions  anglaises. . 

Maroc 

Egypte,  Ethiopie 

Possessions  portugaises 

Gambie 

Le  Cap,  Natal  et  Transvaal . . . 
Zanzibar 


34 

11 

19 

3 

7 

1 

14 

12 


1 
4 
2 
2 
19 
1 


Canada 13 

Étals-Unis 19 

Mexique 32 

Cuba 8 

Haïti 

Etats  de  l'Amérique  Centrale 

Colombie 

Pérou  et  Bolivie 

Chili 

République  Argentine 108 

Uruguay  et  Paraguay 10 

Brésil 18 

Venezuela 9 

Philippines 5 

Java 1 

Australie 15 


12 
5 
6 

39 


Toi  al  pour  les  pays  élrangen  :  445. 
Total  général  au  30  Juin  1906 647 


(Pour  les  pays  d'Europe,  l'Algérie  et  la  Tunisie,  appui  moral  seulement). 


—  70  — 


BIBLIOGRAPHIE 


UNE  CROISIÈRE  FRANÇAISE  AU  SPITZBERQ,  par 

Eugène  Gai.i.ius.  Paris,  Roger,  1900.  —  Don  'le  J'Auti'in-. 

La  croisière  en  question  était  organisée  par  la  Compagnie  des  Transports  Mari- 
times, de  Marseille.  La  société  la  plus  aristocratique  y  prenait  part,  en  Juillet 
1906,  à  bord  de  «  File  de  France  »,  un  grand  yacht  de  plaisance  à  coque  blanche 
et  verte.  11  y  avait  là,  outre  M.  Eugène  (Gallois,  notre  conférencier  bien  connu, 
des  personnalités  de  marque,  professeurs,  docteurs,  diplomates,  un  député,  deux 
généraux,  et,  rara  avis  au  Spitzberg,  un  académicien.  En  outre,  des  dames  aux 
toilettes  élégantes.  Conférences  par  M.  le  professeur  Nordenskiold,  par  le  docteur 
L.  Olivier,  et  autres,  bibliothèque  à  la  disposition  des  touristes, 'nombreux  appa- 
reils photographiques  avec  'iS.OOO  plaques,  arsenal  avec  78.000  cartouches,  cinéma- 
tographe, musique  au  salon,  bonne,  cuisine  et  table  copieuse,  du  Champagne,  et 
des  parties  de  bridge,  naturellement.  L'auteur  raconte  avec  son  entrain  et  sa  bonne 
humeur  habituelles.  Modestement,  néanmoins,  il  s'excuse,  trouve  cette  vie  de  bord 
«  un  peu  terre  à  terre  ».  Si  j'osais,  je  trouverais  au  contraire  qu'elle  est  (par- 
donnez-moi), tout  ce  qu'il  y  a. de  plus  «  dernier  bateau  ». 

Inutile  de  noter  ici  l'itinéraire  avec  les  escales,  aux  noms  étranges  et  peu  fami- 
liers. On  naviguait  de  tjord  en  fjord,  abordant  quelquefois,  faisant  quelques  pro- 
menades en  chaloupe  sur  le  front  des  glaciers,  pour  en  admirer  les  dentelures 
pittoresques.  Rien  que  des  rochers,  de  l'eau  et  de  la  lumière,  mais  quelle  lumière,  , 
et  quelles  colorations  magiques  !  Peu  de  villages,  une  végétation  rare  et  pelée. 
L'arbre  le  plus  haut,  au  Spitzberg,  ne  dépasse  pas  trois  centimètres  de  hauteur. 

Outre  les  distractions  esthétiques,  figurait  au  programme  une  chasse  à  la  baleine. 
Les  baleines,  malheureusement,  se  dérobèrent  au  rendez- vous.  On  n'en  put  aper- 
cevoir que  trois,  échouées  dans  le  Bell  Sound,  où  leur  carcasse  puante  servait  de 
pâture  à  des  milliers  d'oiseaux.  La  proie  vivante  fut  remplacée  par  une  conférence 
cynégétique,  et,  dans  le  livre,  par  une  dissertation  de  M.  (iallois  sur  la  vie  et  les 
moeurs  des  baleines.  11  y  eut  bien  la  chasse  aux  rennes  et  aux  oiseaux  de  mer, 
mais  l'auteur  nous  en  parle  peu,  n'ayant  pas  pratiqué  ce  genre  de  sport. 

A  lire  dans  son  livre,  en  revanche,  force  développements  météorologiciues,  géo- 
logiques ou  géographiques,  qui  ofi'rent  un  certain  intérêt  de  vulgarisation. 

La  fin  du  voyage  fut  un  peu  assombrie  par  le  mauvais  temps,  puis  par  quelques 
incidents  malencontreux.  La  banquise  était  proche,  il  fallait  se  frayer  un  passage 
à  travers  d'innombrables  glaçons.  A  la  face  Nord  du  Spitzberg,  mal  repérée  sur  les 
cartes,  le  paquebot  donna  contre  une  roche  et  s'échoua  à  demi.  11  y  eut  :.4  heures 
d'émotion,  de  sensations  vécues,  imprévues  (enfin  !)  sur  cette  côte  inhospitalière, 
pleine  de  naufrages  et  de  tombeaux.  Il  fallut  faire  des  préparatifs  de  campement, 
allumer  des  feux,  recueillir  des  œufs  d'eider,  cuisiner  en  plein  vent,  jouer  les 
Robinsons,  etc.  Le  lendemain,  un  yacht  allemand,  un  croiseur  hollandais,  vinrent 
apporter  du  secours,  et  «  l'Ile  de  France  »put  être  renflouée. 

M.  Gallois  s'accorde  avec  tous  les  voyageurs  pour , reconnaître  au  Spitzberg  un 
climat  salubre,  bien  ensoleillé.  Le  fioid  y  est  peu  sensible.  Ce  serait  un  excellent 


I 


s^^.'.jour  cTété  pour  un  yranil  nombre  de  malades,  et  aussi  de  touristes  bien  portants. 
L"aiiieur  y  rêve,  «  pour  un  avenir  prochain,  des  hôtels  pareils  à  ceux  des  sommets 
alpins.  » 

A  quand  une  excursion  au  Spitzberg,  organisée  par  notre  Sociùtt'  de  (Jéographie  ? 


NEW- YORK  COMME  JE  L'AI  VU,  texte  et  dessins 
de  Gh.  Hr\i!T.  Paris,  Rey,  190<J. 

Un  livre  aimable,  agréable  à  lire,  et  sans  aucune  prétention.  Los  dessins 
abondent,  empiètent  sur  le  texte  d'une  façon  fantaisiste.  C'est  presque,  comme  le 
dit  l'auteur,  «  un  carnet  de  croquis  'lujtj/Iéli-  par  des  notes  »,  le  tout  conservant  la 
sav-^up  d'impressions  et  d'esquisses  faites  d"après  nature  par  un  artiste  toujours 
amusé,  notant  au  hasard  de  ses  promenades  les  choses  pittoresques  ou  caractéris- 
tiques, sans  souci  de  psychologie  ou  de  documentation  savante.  Les  dessins  sont 
d'ailleurs  exécutés  habilement,  et  curieux  pour  la  plupart  :  des  silhouettes,  cro- 
quées parfois  en  pochade  d'un  trait  ironique,  dos  foules  en  mouvement,  des  coins 
de  paysages,  des  perspectives,  et  aussi,  presque  à  chaque  page,  sous  le  ciel 
sombre  et  fumeux  qu'ils  envahissent,  les  énormes  buildings  à  quinze  ou  vingt 
étages,  si  impressionnants, pour  l'œil  du  voyageur  européen. 

C'est  de  la  ditfusion  géographique  par  la  lettre  et  par  l'image  combinées,  à  la 
fa(;oii  de  nos  conférences  à  projections,  ce  qui  constitue  presque  toujours  une 
méthode  d'enseignement  excellente. 

G.  HOUBRON. 


l'Ai  rS  EY  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


1.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


AFRIQUE. 

liU  «'ouvA'ittSoii  étliB«|»2eiii»e  (1).  —  De  grands  projets  s'étaient  agités 
dans  ces  dernières  années  autour  de  l'Ethiopie.  L'Italie  a  tenté  d'y  établir  un  pro- 
tectorat et  l'Angleterre  de  la  soumettre  à  son  influence  pour  avoir  toute  commodité 
dans  la  construction  du  chemin  de  fer  du  Cap  au  Caire.  La  France  possédait,   de 


11:'   Voir  Bulletin  de  Décembre  llXii 


son  côté,  un  arrangement  avec  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  éthiopien  qui  lai 
permettait  de  prétendre  pousser  une  voie  ferrée  jusqu'au  Nil  Blanc.  Aucun  de  ces 
rêves  ne  s'est  réalisé.  Pour  des  raisons  qu'il  est  inutile  de  rappeler,  chacune  de 
ces  puissances  a  successivement  renoncé  au  sien.  Mais  pour  que  les  ambitions  con- 
tradictoires qui  s'étaient  ainsi  manifestées  ne  laissassent  point  derrière  elles  quelque 
occasion  de  conflit,  il  importait  qu'il  fut  pris  acte  de  ces  renoncements  et  que  ces 
puissances  convinssent  entre  elles  des  limites  qu'elles  entendent  désormais  fixer  à 
leur  action.  Les  négociations  à  ce  sujet  ont  été  exceptionnellement  difficiles  et 
longues  ;  on  n'en  aura  que  plus  de  plaisir  à  apprendre  que  ce  point  de  friction 
qui  subsistait  entre  trois  pays  désireux  d'avoir  des  relations  amicales  vient  enfin 
de  disparaître. 

Désormais  FEthiopie  ne  peut  plus  être  un  objet  de  discorde.  Par  la  convention 
qui  vient  d'être  signée  à  Londres,  la  France,  l'Angleterre  et  l'Italie  se  sont  mises 
d'accord  pour  y  garantir  à  l'avenir  le  slala  qi(o  politique  et  territorial.  Elles  s'in- 
terdissent d'intervenir  dans  ses  affaires  intérieures  et  d'y  prendre  aucune  mesure 
pour  la  protection  de  leurs  nationaux  sans  une  entente  préalable.  La  prospérité 
dont  l'Ethiopie  a  joui  depuis  vingt  ans  est  due  à  la  valeur  personnelle  du  roi 
Ménélik.  Quand  sa  succession  s'ouvrira,  le  pays  est  du  moins  assuré  maintenant 
que  ses  difficultés  intérieures  ne  seront  pas  compliquées  par  des  intrigues 
étrangères. 

Ce  résultat  est  un  gage  de  plus  pour  le  maintien  de  la  paix  générale.  Mais  la 
convention  a  pour  nous  un  intérêt  plus  particulier.  Si  Ton  veut  apprécier  ce  qu'elle 
nous  apporte  au  point  de  vue  français,  il  faut  se  rappeler  quel  est  le  but  que  nous 
devons  poursuivre  dans  cette  partie  du  monde.  Ce  but,  nous  l'avons  souvent  dit, 
c'est  la  possession  d'un  bon  port  de  relâche  qui  nous  est  indispensable  sur  la  route 
de  nos  colonies  de  Madagascar  et  de  l'Extrème-Orieat.  Ce  port  existe  à  Djibouti. 
Mais  Djibouti  est  situé  dans  une  région  stérile.  Il  resterait  une  création  artificielle 
qu'il  faudrait  ou  cntretkenir  à  grands  frais  ou  laisser  insuffisamment  installée  si,  au 
delà  du  désert  qui  l'entoure,  on  n'allait  pas  chercher  un  commerce  qui  puisse  lui 
permettre  de  vivre  d'une  vie  normale.  La  possibilité  de  ce  commerce  se  trouve  en 
Ethiopie.  C'est  pourquoi  nous  avons  toujours  attaché  une  extrême  importance  à 
ce  que  le  chemin  de  fer  df  Djibouti  à  Addis-Ababa  reste  français,  afin  que  notre 
port  soit  certain  de  ne  pas  perdre  le  privilège  d'être  le  débouché  de  ce  commerce. 

La  convention  nous  donne  satisfaction  sur  ce  point.  L'article  ()  stipule  en  effet  : 
«  Les  trois  gouvernements  sont  d'accord  pour  que  le  chemin  de  fer  de  Djibouti  soit 
prolongé  de  Diré-Daoua  à  Addis-Ababa,  avec  embranchement  éventuel  vers  Harrar, 
soit  par  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  éthiopien,  soit  par  toute  autre  Compagnie 
privée,  française,  qui  lui  serait  substituée  avec  l'agrément  du  gouvernement 
français.  » 

Nous  obtenons  donc  ce  qui  était  essentiel  pour  nous.  Et  il  convient  d'en  féliciter 
notre  diplomatie.  Ce  n'est  pas  que  nous  n'ayons  payé  cet  avantage  de  quelques 
concessions,  mais  le  prix  n'en  paraîtra  pas  excessif.  Par  l'article  8,  nous  renonçons 
au  tronçon  d'Addis-Ababa  au  Nil  Blanc  :  notre  parti  colonial  s'était  depuis  long- 
temps résigné  à  cet  abandon  comme  à  une  nécessité.  Nous  devrons  introduire  un 
Anglais,  un  Italien  et  un  représentant  du  gouvernement  éthiopien  dans  le  conseil 
d'administration  de  la  Compagnie  :  du  moment  que  nous  ne  poursuivons  aucun 
dessein  politique,  ce  n'est  pas  là  un  contrôle  qui  puisse  nous  gêner,  et  d'ailleurs 
on  nous  accorde  qu'en  retour  un  Français  sera  introduit  dans  le  conseil  d'adminis- 
tration des  chemins  de  fer  anglais  ou  italiens  qui  pourront  se  construire  en  Ethio- 
pie. Nous  nous  interdisons  d'établir  des  différences  de  tarifs  en  faveur  des 
marchandises  françaises  et  de  frapper  le  transit  d'aucun  droit  fiscal  au  profit  de  la 


—  73  — 

colonie  ou  du  Trésor  français  :  au  point  où  nos  lenteurs  et  nos  fautes  aviiicnt  laissé 
tomber  Taflaire,  il  était  impossible  de  songer  à  un  autre  régime.  Il  n'y  a  qu'une  de 
ces  concessions  que  son  imprécision  rend  un  peu  inquiétante,  c'est  le  paragraphe 
de  Tarticle  9  par  lequel  nous  admettons  que  le  gouvernement  britannique  se  réserve 
de  se  servir  d'une  autorisation  de  Ménélik,  en  date  du  28  Août  19()'i,  pour  cons- 
truire un  chemin  de  fer  du  Somaliland  à  la  frontière  soudanaise.  Qu'est-ce  à  dire  ? 
^■er^ons-nous  renaître,  sous  le  couvert  de  cette  disposition,  des  projets  qui  nous 
ont  autrefois  alarmés  V  N'a-t-on  pas  laissé  subsister  ainsi  dans  la  convention  un 
dernier  motif  de  malentendus  et  de  tiraillements  ?  11  est  vrai  que  par  la  dernière 
partie  de  ce  paragraphe  les  trois  gouvernements  s'interdisent  «  de  construire,  sans 
entente  préalable,  aucune  ligne  pénétrant  en  territoire  abyssin  ou  devant  se  rac- 
corder aux  lignes  abyssines  et  de  nature  à  faire  concurrence  directe  à  celles  qui 
seront  établies  sous  les  auspices  de  l'une  d'elles.  »  S'il  faut  notre  consentement, 
Ce  sera  à  nous  à  être  assez  vigilants  pour  ne  pas  nous  laisser  concurrencera  Harrar 
et  à  Addis-Ababa.  Mais  nous  aurions  autant  aimé  que  cette  menace  pour  l'avenir 
nous  eût  été  épargnée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  une  situation  nouvelle  commence.  La  France,  l'Angleterre  et 
l'Italie  ne  se  contrecarreront  plus  en  Ethiopie.  Il  ne  sera  plus  question  de  la  mal- 
heureuse idée  d'internationaliser  le  chemin  de  fer.  Nous  pouvons  ajouter  que 
^lénélik,  à  qui  l'accord  av-'dt  été  communiqué  en  projet  au  mois  d'Août  dernier, 
vient  d'accuser  réception  de  cette  communication  sans  présenter  d'objection. 
Aucune  difficulté  diplomatique  ne  s'oppose  donc  plus  à  ce  que  nous  poursuivions 
nos  chances  de  développement  économique  en  Ethiopie.  En  fait,  Djibouti  est 
désormais  un  port  franc.  Il  s'agit  maintenant  de  l'organiser  comme  tel.  Et  alors 
que  le  gouvernement  a  imposé  parfois  à  nos  grandes  banques  coloniales  des  créa- 
tions de  succursales  dans  des  endroits  sans  importance,  il  serait  temps  d'en  faire 
installer  une  dans  une  ville  oii  il  se  fait  dès  maintenant  pour  trente  millions  d'af- 
faires par  an.  Nos  nationaux  l'attendent  avec  impatience  pour  échapper  à  la  sujé- 
tion d'Aden.  Quant  au  chemin  de  fer,  puisque  nous  venons  de  faire  un  effort 
heureux  pour  lui  conserver  un  caractère  exclusivement  français,  il  ne  nous  serait 
plus  possible  de  le  laisser  inachevé  sans  inconséquence.  Le  succès  même  qu'il  vient 
de  remporter  oblige  le  gouvernement  k  s'occuper,  des  moyens  de  le  conduire 
jusqu'à  Addis-Ababa. 


AMERIQUE. 


l<a  diaflcloiipe  wtatioii  liSverualc  —  Les  relations  de  l'effroyable 
tremblement  de  terre  qui  vient  de  désoler  la  .Jamaïque  nous  ont  appris  qu'on 
comptait  parmi  les  victimes  un  certain  nombre  d'étrangers.  Les  Antilles  ont,  en 
ces  dernières  années,  acquis  parmi  les  Anglais  une  grande  vogue  comme  stations 
hivernales,  aussi  lira-t-on  avec  intérêt,  sans  désirer  peut-être  le  mettre  immédia- 
tement à  profit,  l'article  consacré  il  y  a  quelques  mois  par  M.  Maurice  Hamelin  à 
notre  colonie  voisine  de  la  (Guadeloupe  : 

«  La  tendance  actuelle  que  l'on  constate  chez  nous  à  n'envisager  nos  posses- 
sions des  Antilles  :  Martinique  et  Guadeloupe  que  sous  leur  seul  aspect  écono- 
mique et  politique  est  extrêmement  fâcheuse,  et  l'on  ne  saurait  trop  réagir  contre 
elle.  Sans  doute,  considérées  à  ce  point  ile  vue,  ces  îles  sont  loin  d'être  dans  une 


situation  satisfaisante,  et  il  est  absolument  nécessaire  de  s'eftorcer  d'y  remédier 
au  plus  vite.  Mais  ce  relèvement  économique  si  désiré  ne  se  trouverait-il  pas  hâté 
si  l'on  voyait  dans  les  Antilles  françaises  de  véritables  stations  hivernales  oii 
touristes  et  voyageurs  fuyant  les  rigueurs  de  notre  climat  d'Europe  pendant  la 
mauvaise  saison,  viendraient  se  reposer  quelques  mois,  et  y  sèmeraient  leur 
or  en  échange  ?  Pourquoi  no  pas  suivre  dans  cet  ordre  d'idées  l'exemple  de 
nos  voisins  les  Anglais  ?  Il  est  impossible  d'ouvrir  un  de  leurs  journaux  sans  y 
relever  des  annonces  de  croisières  ou  de  voyage  d'excursions  en  (luyane  anglaise, 
à  la  Jamaïque,  et  dans  toutes  les  possessions  dénommées  Indes  occideniales  bri- 
tanniques, le  tout  à  des  conditions  de  bon  marché  des  plus  avantageuses. 

De  plus,  des  publications  fort  bien  rédigées,  enrichies  de  nombreuses  illustra- 
tions et  aux  titres  alléchants  sont  répandues  par  les  soins  du  Comité  des  Antilles, 
analogue  aux  Syndicats  d'initiative  qui  se  sont  multipliés  chez  nous  grâce  à  l'in- 
fluence du  Touring-Club.  L'un  de  ces  derniers  volumes  qui  renferme  un  grand 
nombre  de  vues  et  de  reproductions  photographiques  donne  les  indications  les 
plus  complètes  sur  la  géographie  de  ces  possessions,  les  hôtels,  les  moyens  de 
transport,  les  sports  qu'on  y  pratique,  les  cercles  et  les  clubs,  et  les  endroits  les 
plus  intéressants  à  visiter.  C'est  en  un  mot,  un  ouvrage  édité  avec  le  plus  grand 
soin,  indispensable  aux  touristes  et  aux  voyageurs,  attrayant  pour  les  simples  lec- 
teurs et  de  nature  à  provoquer  un  courant  d'émigration  passagère  vers  les  pays 
dont  il  fait  la  description.  Chez  nous,  rien  de  pareil,  et  c'est  une  lacune  bien 
regrettable  qu'il  faut  s'etforeer  de  combler. 

Déjà  en  ce  qui  concerne  la  ( Guadeloupe  une  tentative  intéressante  a  été  faite; 
elle  émane  d'un  journal  étranger,  le  Neic  York  Herald^  et  le  Courrier  dr  In 
■G  lia  delà  a pe  dans  des  numéros  récents,  s'est  efforcé  de  répondre  aux  renseigne- 
ments demandés,  en  réunissant  dans  ses  colonnes  des  indications  puisées  aux 
meilleures  sources  j?t  par  suite  précieuses  à  consulter.  La  (niadeloupe,  en  effet, 
bien  qu'appauvrie  par  la  crise  économique  qu'elle  traverse,  est  toujours  riche  en 
beautés  naturelles,  tous  ceux  qui  y  ont  séjourné  vantent  à  l'envi  ses  sites  enchan- 
teurs, et  c'est  un  plaisir  pour  eux  que  de  rappeler  leurs  promenades  dans  les  forêts 
qui  couvrent  les  pentes  des  montagnes,  au  milieu  des  merveilles  de  la  végétation 
tropicale.  11  n'existe  dans  l'île  ni  serpents,  ni  reptiles  venimeux,  et  c'est  sans  crainte 
aucune  que  l'on  peut  parcourir  les  bois,  admirer  le  port  des  arbres  majestueux 
dont  les  branches  sont  parées  des  fleurs  d'orchidées  et  que  des  lianes  grimpantes 
et  fines  entrelacent  les  unes  aux  autres  en  formant  comme  une  voûte  de  verdure 
que  les  rayons  du  .soleil  ont  peine  à  traverser. 

Le  climat  est  des  plus  agréables  :  la  température  moyenne  est  d'environ  20 
degrés  centigrades  dans  les  régions  les  moins  élevées  ;  au  camp  Jacob  et  au  Ma- 
touba,  à  une  altitude  variant  de  .5(Kt  à  7(KI  mètres,  la  moyenne  est  de  18  degrés. 
€'est  de  Décembre  à  Mai  que  dure  la  saison  sèche  et  fraîche,  la  plus  favorable  aux 
excursionnistes  et  aux  touristes.  La  (Guadeloupe  se  divise  en  deux  masses  insu- 
laires séparées  par  un  bras  de  mer  appelé  Rivière  salée  et  large  de  30  mètres. 
L'une  de  ces  îles  montagneuses,  de  nature  volcanique,  s'appelle  Guadeloupe  pro- 
prement dite  ou  encore  Basse-Terre,  l'autre  plate,  de  formation  calcaire  est  dénommée 
la  (Grande-Terre.  Elles  seront  prochainement  reliées  par  un  pont  qui  remplacera 
le  bac  actuel. 

La  ville  de  la  Basse-Terre,  d'après  le  t'ourriei-  de  la  Gucdeloupc  à  qui  nous 
empruntons  ces  détails,  bâtie  en  amphithéâtre,  d'un  aspect  des  plus  pittoresques 
«emble  vouloir,  sauf  la  ligne  de  constructions  s'allongeant  le  long  du  rivage,  dis- 
simuler aux  regards  sous  le  feuillage  de  leurs  jardinets  ses  maisons  capricieuse- 


ment  construites  et  s"élevant  d'étage  eu  étage  sur  les  mornes  environnants,  mas- 
quées sous  un  tapis  de  verdure  so  déployant  jusqu'au  pied  même  de  la  Soufrière. 
Mais  la  ville,  au  débarquement,  apparaît  morne  et  triste  tant  elle  a  perdu  do  son 
activité  commerciale  !  Elle  est  loin  d'être  dépourvue  de  ressources  et  d'agréments 
pourtant.  En  particulier,  elle  renferme  trois  belles  promenades  :  le  cours  Nolivos, 
ombragé  de  tamariniers  séculaires  ;  le  Champ  d'Arbaud,  aux  magnifiques  allées  de 
palmistes  et  de  manguiers;  le  Jardin  Botanique  ou  Jardin  Public.  Le  voyageur  y 
trouvera,  outre  des  pensions  de  famille,  deux  hôtels  confortables  et  bien  approvi- 
sionnés d'excellente  eau  potable. 

Il  y  a  à  la  (Guadeloupe  des  vivres  en  abondance  et  à  bon  marché.  La  viande  de 
boucherie  au  prix  de  90  centimes  la  livre  est  de  bonne  qualité,  car  les  bœufs, 
acceptés  à  la  tuerie  et  examinés  préalablement  par  le  service  de  l'inspection  vété- 
rinaire, viennent  presque  tous  de  l'île  de  Porto-Rico,  réputée  pour  l'élevage  de  ces 
bestiaux.  Le  mouton  se  vend  au  même  pris,  le  porc  à  70  centimes  et  le  cabri  à 
(iO  centimes.  La  volaille  revient  à  1  fi-anc  la  livre  environ.  Les  poissons  de  toute 
taille  abondent,  ainsi  que  les  tortues,  langoustes,  écreviescs  de  mer,  les  huîtres, 
les  coquillages  de  toutes  sortes,  depuis  le  lambi  gigantesque  jusqu'aux  clovisses 
minuscules.  La  morue,  qui  est  dans  la  colonie  la  viande  du  pauvre,  se  trouve  par- 
tout et  est  d'excellente  qualité. 

A  côté  des  produits  coloniaux  si  variés  (bananes,  ignames,  couscouches,  patates, 
choux-palmistes,  avocats,  etc.),  figurent  la  plupart  des  légumes  et  fruits  d'Europe, 
les  uns  acclimatés  depuis  longtemps  tels  que  les  aubergines,  les  tomates,  les 
concombres,  les  melons,  les  choux,  la  laitue,  etc.,  etc.,  les  autres  cultivés  spécia- 
lement sur  les  hauteurs  dominant  la  ville,  tels  que  la  pomme  de  terre,  les  petits 
pois,  les  haricots,  les  fraises,  les  pèches,  etc.  Cette  culture  maraîchère  prendrait 
rapidement  une  grande  extension  avec  l'accroissement  du  nombre  des  étrangers. 
Des  lignes  télégraphiques  et  téléphoniques  existent  partout,  et  des  diligences  font 
un  service  régulier  entre  la  Basse-Terre,  la  Pointe-à-Pitre  et  le  Camp  Jacob.  Les 
routes  bien  entretenues  permettent  la  circulation  aux  automobiles,  et  de  plus,  des 
bateaux  à  vapeur  mettent  en  communication  les  villes  et  les  communes  de  l'île. 

Les  lignes  de  paquebots  sont  les  suivantes  :  la  ligne  Québec  line  entre  New- 
York  et  les  Antilles  :  deux  paquebots  par  mois  ; 

La  ligne  Royal  Mail  :  quatre  départs  pas  mois  à  date  fixe  ; 

La  ligne  transatlantique  :  six  paquebots  par  mois. 

Le  Camp  .iacob,  situé  à  six  kilomètres  de  la  Basse-Terre  et  à  plus  de  .500  mètres 
d'altitude  est  particulièrement  recommandé  aux  touristes  qui  veulent  séjourner. 
C'est  une  charmante  localité  où  les  maisons,  entourées  de  beaux  jardins,  dispa- 
raissent au  milieu  de  la  verdure.  La  réputation  sanitaire  de  cet  endroit  est  telle- 
ment établie  que  de  tout  temps  on  y  a  envoyé  les  malades  militaires  convalescents 
et  qu'on  y  a  établi  la  résidence  du  gouverneur. 

Les  villas  ou  chalets  meublés  sont  au  nombre  de  20  à  25,  les  prix  de  location 
sont  de  100  à  150  francs  par  mois,  et  ceux  des  petits  appartements  meublés  de  .50 
à  75  francs.  Ces  villas  et  appartements  sont  presque  tous  disponibles  pendant  la 
saison  de  l'hiver,  de  Décembre  jusqu'en  Mars  et  ils  sont  recherchés  par  les  (Quade- 
loupéens pendant  les  mois  de  chaleur  (Juillet,  Août  et  Septembre)  qui  constituent 
la  saison  de  l'hivernage.  Les  gens  de  service  s'engagent  facilement,  leurs  salaires 
varient  de  12  à  25  francs  par  mois. 

Ajoutons  que  les  amateurs  de  chasse  et  de  pèche  trouveront  à  la  (  Guadeloupe  de 
quoi  satisfaire  leurs  goûts,  le  gibier  et  le  poisson  étant  extrêmement  abondants. 

Nous  n'avons  pu,  dans  cet  aperçu  forcément  sommaire  et  incomplet,  que  donner 
des  indications  générales,  il  serait  bon   qu'un  Comité  local  se  constituât  pour  les 


—  7(3  — 

vulgariser  et  qu'ainsi,  un  mouvernent  de  voyageurs  et  de  touristes  puisse  se  mani- 
fester vers  d'anciennes  possessions  en  leur  apportant  avec  la  vie  et  l'animatioM. 
une  source  appréciable  de  riciiesses.  » 

MAtRlCt;    H.VMEl.IX. 


II.  —   Géographie  commerciale.  —   Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 

lia  |>i*o«lucti4>n  «lu  Ca4»iitolioiic.  —  D'après  les  statistiques  présen- 
tées au  Congrès  Colonial  de  Marseille-  en  Septembre  dernier  par  M.  Charles 
Duffart,  la  production  du  caoutchouc  dans  le  monde  atteint  à  l'heure  actuelle 
environ  56.000  tonnes,  soit  3().800  tonnes  pour  l'Amérique  ;  17. .500  tonnes  pour 
l'Afrique  et  17.000  tonnes  pour  l'Asie  et  l'Océanie.  Dans  cette  production  déjà 
grande,  la  part  de  l'empire  colonial  français  est  de  6.600  tonnes  et  nous  place  au  . 
deuxième  ravg.  —  Notre  production  s'est  accrue  d'année  en  année  et  s'est  toujours 
maintenue  en  avance  sur  celle  de  la  (îrande-Bretagne  et  celle  du  Portugal. 
L'Afrique  Occidentale,  qui  fut  notre  première  source  productrice,  les  colonies  du 
Congo  français,  puis  de  l'Indo-Chine  et  de  la  Nouvelle-Calédonie  vinrent  apporter 
un  grand  appoint.  Les  caoutchoucs  de  nos  colonies  qui  s'exportaient  d'abord  en 
Angleterre  presque  exclusivement  et  un  peu  en  Allemagne,  vinrent,  de  jour  en 
jour,  plus  abondamment  en  France.  De  317  tonnes  qu'atteignaient  en  1896  nos 
importations  des  colonies  françaises,  elles  avaient  plus  que  sextuplé  en  1904,  avec 
2.378  tonnes,  dont  près  de  1.200  traitées  sur  le  marché  bordelais,  tandis  que  les 
importations  directes  anglaises  de  nos  colonies  n'avaient  pas  doul)lé,  et  que  celles 
de  l'Allemagne  n'avaient  pas  triplé. 

On  connaît  peu  la  consommation  du  caoutchouc  en  France.  11  y  a  .36  usines  de 
caoutchouc  dont  la  consommation  a  atteint  en  liJ05  environ  5.110  tonnes.  Ces 
usines  se  divisent  en  quatre  grands  groupes  :  celui  de  Clermont,  3  usines  ;  celui 
de  Paris  et  des  environs,  20  usines  ;  celui  de  la  région  du  Nord,  5  usines  ;  celui  de 
la  région  de  Lyon  et  Marseille,  8  usines.  Le  groupe  de  Clermont  est  le  plus 
important,  puisqu'il  absorbe  2.200  tonnes,  les  deux  cinquièmes  de  la  consommation 
manufacturière  française.  Une  des  usines  de  ce  groupe,  spécialisée  dans  les  pneus, 
occupe  3.000  ouvriers,  absorbe  par  an  1.3(!0  toimes  de  produits  liruts  et  fabrique 
pour  .37  millions  de  produits. 

LE   SECRÉTA1HE-GÉNÉR.\L   ADJOINT  ,  LE   SECUÉTAIRE-ItÉnÉRAL  , 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


Lille  Impl.Dane!, 


4 


-  77 


COMPTE  RENDU 

DE  lA 

SÉANCE    SOLENNELLE 

du  Dimanclie  27  Janvier  1907. 


Dimaiiclie  27  Janvier  a  eu  lieu  la  Séauce  solennelle  où  se  distribuent  les 
récompenses  de  notre  Concours. 

M.  NicoUe  présidait,  ajant  à  ses  côtés  le  Général  LeJ)on,  Commandant  le 
1*"^  Corps  d'armée  et  M.  Delesalle,  Maire  de  Lillo.  Il  a  ouvert  la  Séance  par 
l'allocution  suivante  : 


Mesdames,  Messieurs, 

Je  ne  veux  pas  commencer  celte  Séance  sans  remercier  les  Aulorilés 
qui  veulent  bien,  par  leur  présence,  en  rehausser  l'éclat. 

Monsieur  le  Générai  Lebon,  Commandant  le  l*""  Corps  d'armée, 
toujours  attentif  à  tout  ce  qui  nous  regarde. 

Monsieur  le  Maire  de  Lille,  toujours  prêt  à  nous  témoigner  sa 
sympathie. 


Dans  une  Société  de  l'âge  de  la  nôtre,  le  temps  marque  son  passage 
en  nous  enlevant  les  meilleurs  de  nos  collaborateurs.  Cette  année 
M.  Quarré-Reybourbon,  notre  Doyen,  Vice-Président  honoré  et  aimé, 
a  termine  sa  longue  carrière.  M.  Aug.  (^repy,  me  remplaçant  dans  un 
«levoir  que  ma  santé  m'empêchait  à  mon  grand  regret  de  n;mplir, 
prononçait  sur  sa  tombe  des  paroles  qui  seront  recueillies  dans  le  Bul- 
letin de  Janvier. 

M.  Merchier,  dans  un  article  nécrologique  ému,  inséré  au  Bulletin 
de  Décembre,  a  montré  tout  ce  que  nous  perdions.  Je  ne  saurais  mieux 

6 


l'aire  que  de  m'y  tenir  et  de  vous  demander,  mes  chers  collègues,  de 
vous  joindre  à  moi  pour  adresser  à  M.  Quarré,  le  uouvel  hommage  de 
nos  regrets. 

El  vous,  mes  jeunes  amis,  dont  il  s'est  occupé  dans  vos  Concours 
avec  lant  de  zèle,  en  recevant  vos  prix,  reportez  votre  pensée  vers 
cet  homme  de  bien  qu'un  effort  personnel  de  toute  sa  vie  avait  conduit 
à  la  position  remplie  de  dignité  à  laquelle  il  était  monté. 


Il  y  a  huit  jours,  à  cette  même  place,  la  Société  Industrielle  procla- 
mait le  mérite  d'un  ouvrage  sur  la  Flandre  de  M.  Raoul  Blanchard,  en 
lui  décernant  un  Prix.  Je  ne  redirai  pas  les  éloges  qui  lui  ont  été 
adressés;  vous  allez  être  juges  vous-mêmes,  par  le  court  résumé  qu'il 
va  vous  en  présenter,  du  talent  qu'il  a  mis  dans  une  analyse  qui  nous 
touche  de  si  près. 

Je  m'empresse  de  lui  donner  la  parole. 

C'est  alors  que  M.  Blanchard,  Professeur  à  rUniversilé  de  Grenoble,  mais 
Lillois  par  son  séjour  parnii  nous  comme  Professeur  au  Lycée  Faidherbe,  par 
le  choix  de  sa  thèse  de  Doctorat  sur  la  Flandre,  a  pris  la  parole.  Il  a  fait  une 
conférence  excellente  en  tous  points,  trouvant  parfois  des  accents  émus  en 
parlant  de  cette  région  qu'il  a  appris  à  aimer,  nous  la  révélant  pour  ainsi 
dire,  grâce  à  une  érudition  profonde  et,  malgré  cela,  restant  accessible  à  tous, 
même  aux  jeunes  lauréats  qui  reconnaissaient  leur  pays  et  prenaient  plaisir  à 
une  leçon  qui  ressemblait  à  une  récréation.  —  Voici  le  résumé  de  ce  qu'a  dit 
M.  Blanchard  : 

LAFL ANDRE 

Par  M.  Raoul  BLANCHARD, 
Docteur  ès-Lcttres,  Professeur  de  Géographie  à  l'Université  de  Grenoble. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  Raoul  Blanchard  coiumenco  par  remercier  toutes  les  Sociétés 
qui  ont  bien  voulu  l'aider  à  mettre  au  point  son  œuvre.  Il  est  impos- 


—  70  - 

sible,  a-l-il  ajouté,  de  rencontrer  autant  de  concours  dévoués  dans 
un  pays  qui  n'élail  pas  le  sien  mais  dont  il  était  devenu  rapidement 
l'enfant  d'adoption.  Il  rappelle  ce  qu'il  doit  à  M.  Gii.  Barrois,  Membre 
de  l'Institut,  à  M.  le  Recteur  de  l'Académie  de  Lille  et  à  ses  nombreux 
amis  personnels  MM.  Ardaillon,  Recteur  derAcadémie  de  Besançon, 
Paul  Carpentier,  Avocat  à  Lille,  Petit-Dulaillis,  de  noire  Université, 
etc.,  etc.  Aucun  ne  lui  a  ménagé  ni  conseils,  ni  encouragements. 
M.  Blanchard  remercie  particulièrement  la  Société  de  Géographie  qui 
se  montra  toujours  généreuse  à  son  égard. 

Les  nombreux  auditeurs  que  l'annonce  de  cette  conférence  avait 
attirés  ont  pu  apprécier  le  réel  talent  de  M.  Blanchard  et  juger  dans 
ses  grandes  lignes  au  moins  son  œuvre  trop  vaste  pour  être  développée 
en  un  seule  conférence. 


M.  Raoul  Blanchard  a  voulu  décrire  et  réhabiliter  la  Flandre.  Cette 
réhabilitation  était-elle  bien  nécessaire  ?  Oui,  malheureusement,  la 
Flandre  passe  en  beaucoup  d'endroits  pour  un  pays  peu  favorisé,  sans 
pittoresque,  au  climat  déplorable  et  aux  habitants  peu  aimables.  Le 
conférencier  avoue  qu'il  a  eu  lui  aussi  des  préventions  lors  de  son 
arrivée  parmi  nous  ;  mais  elles  se  sont  bien  vite  dissipées  an  contact 
du  pays  et  de  ses  habitants.  Dans  sa  causerie,  il  ne  dira  rien  des  habi- 
tants, car  il  serait  mal  séant  de  faire  leur  éloge  devant  eux  ;  bornons- 
nous  comme  lui  à  la  description  du  pays. 


La  Flandre  n'est  pas,  comme  on  l'a  dit,  toujours  semblable  à  elle- 
même,  il  y  a  des  aspects  bien  divers  au  contraire.  On  y  remarque 
surtout  deux  régions  dissemblables,  l'intérieur  et  la  plaine  maritime. 
Un  voyage  de  Lille  à  Dunkerque  suffit  pour  s'en  rendre  compte.  Jusqu'à 
Bergues,  ce  sont  des  arbres,  des  prairies,  des  champs,  limités  entre 
Bailleul  et  Hazebrouck  par  des  hauteure  pittoresques,  et  puis,  tout  d'un 
coup,  au  delà  de  Bergues,  les  arbres  font  presque  complètement  défaut. 
I  lie  campagne  tonte  verte,  parsemée  i]o  nombreuses  rigoles,  s'étend  à 
perle  de  vue.  De  blanches  maisons,  petites,  aux  toits  rouges,  émergent 
de  celte  verdure.  C'est  ici  la  Flandre  maritime,  absolument  différente 
de  ce  qui  a  été  vu  avant  Bergues,  c'esl-à-dirc  de  l'intérieur. 


-  80  - 

Plaine  maritime.  —  C'est  un  pays  tout  neuf,  reconquis  récemment 
sur  la  mer  et  colonisé  depuis  peu.  Quand  les  Romains  vinrent  en  Gaule, 
c'etail  un  pays  assez  pauvre,  au  sol  noirâtre,  lourbeux.  Ses  misérables 
habitants  ne  se  livraient  qu'à  la  chasse  et  à  la  pêche.  Une  catastrophe 
vint  cl  anger  la  face  des  choses.  Vers  le  IV®  siècle,  au  temps  des  inva- 
sions des  Bai-bares,  la  mer  envahit  cette  partie  de  la  Flandre.  Elle  ne 
le  fit  que  lentement,  comme  l'a  établi  le  grand  géologue,  M.  Gosselet, 
et  déposa  pendant  quatre  siècles  le  limon  fertile  qui  fait  maintenant  la 
fortune  de  la  plaine  maritime.  Puis  la  mer  s'en  alla,  comme  elle  était 
venue,  c'esl-à-dire,  lentement  ou  plutôt  c'est  ce  limon  déposé,  ces 
alluvions  mêmes  qui  l'ont  insensiblement  fait  reculer.  La  plaine  ne  fut 
plus  dès  lors  qu'un  terrain  marécageux  où  peu  à  peu  on  prit  l'habitude 
de  faire  paître  des  moutons  et  des  bœufs.  Enfin  les  hommes  reprirent 
confiance,  finirent  par  s'y  établir  eux-mêmes.  Grâce  aux  Cartulaires 
du  temps,  on  peut  suivre  pas  à  pas  cette  réoccupalion  du  sol  reconquis 
sur  la  mer. 

Mais,  grave  question,  la  mer  ne  reviendrait-elle  pas  ?  Le  pays  était-il 
assez  défendu  ?  Comme  défenses,  nous  avons  les  dunes.  A  peu  près 
continues,  elles  forment  une  barrière  mobile,  présentant  parfois  deux 
kilomètres  d'épaisseur.  Pour  la  fixer,  surtout  aux  endroits  menacés, 
on  eut  recours  à  une  graminée  Voyd  et  à  des  fascinages  dont  en  Hol- 
lande, le  Waterstadt  ou  l'administration  des  Ponts  et  Chaussées  sur- 
veille le  bon  entretien.  Où  les  dunes  manquaient  de  hauteur,  il  fallut 
construire  des  digues  avec  des  pieux  et  des  basaltes  amenés  à  grands 
frais  des  bords  du  Rhin,  et  renforcer  encore  ces  digues  par  des  épis  de 
même  construction.  Enfin,  comme  on  le  verra  bientôt,  il  y  a  des 
tranchées  inévitables  à  maintenir  pour  l'évacuation  des  eaux  de  l'in- 
térieur. Là  des  écluses  durent  être  solidement  établies  et  maintenues 
fei'mées  au  moment  du  flux.  Malgré  ces  ouvrages  de  défense,  la  mer 
sut  réussir  encore  en  1906  à  Sangalte  à  dépasser  les  limites  qu'on  lui 
avait  assignées. 

Les  dunes  présentent  souvent  quelques  alignements  entre  lesquels 
se  trouvent  des  dépressions  ou  jjunnea,  couvertes  d'une  rude  végéta- 
lion.  Ce  sol  infertile  est  cependant  très  habité.  Le  terrain  y  est  bon 
marché,  aussi  pêcheurs  et  marins  y  vivent-ils  nombreux. 

Au  delà  des  dunes  s'étend  la  plaine  maritime.  Avant  de  l'aborder, 
nous  mentionnerons  la  nouvelle  affectation  du  littoral,  c'est-à-dire, 
cette  suite  de  stations  balnéaires,  aux  villas  cossues,  qui  tendent  toutes 
à  s(^  souder  les  unes  aux  autres.  Il  n'est  peut-être  pas  loin  le  lem[)s  où 


I 


-  81  - 

de  Dunkerque  à  Heyst  s'étendra  un  interminable  boulrvnrd  maritime, 
bordé  sans  interruption  de  ces  luxueueesbal)itationsque  luut  le  monde 
connaît. 


Le  sol  de  la  plaine  maritime  se  compose  d'une  terre  forte  et  fertile, 
mais  qui  ne  pouvait  être  utilisée  sans  travaux  préliminaires.  Ce  sol 
s'était  en  eflet  tassé  peu  à  peu  et  se  trouvait  eu  moyenne  inférieur  au 
niveau  de  la  haute  mer  d'environ  0.50  cent,  à  1  mètre.  Après  l'avoir 
protégé  de  la  mer,  il  fallait  l'assurer  contre  une  irruption  des  cours 
d'eau  de  l'intérieur  ou  des  eaux  saumàtres  marines  qui  passent  sous 
les  dunes  et  s'infiltrent  dans  le  sous-sol. 

Les  rivières  furent  donc  endiguées  sur  le  parcoui's  de  la  plaine 
maritime.  Puis  on  établit  tout  un  réseau  de  rigoles  d'assèchement,  de 
iratcrgarnh,  aboutissant  à  des  écluses  sur  le  bord  de  la  mer.  Notons 
en  passant,  que  tout  ce  réseau  a  été  rendu  absolument  indépendant 
des  rivières  et  canaux  qui  le  traversent.  Tout  ceci  est  l'œuvre  des 
v'fitcrih(ii'es.  associations  tle  propriétaires  intéressés,  qui  <.>nt  résolu 
d'emblée  la  question  de  l'assèchement  de  la  plaine  maritime.  A  la 
Révolution,  l'Klat  voulut  se  substituer  à  cette  savante  organisation, 
niais  le  résultat  fut  déplorable.  Aussi  Napoléon  \"  s'empressa-t-il  de 
rétablir  l'ancien  état  des  choses.  Les  écluses  ouvertes  aux  basses  mers 
laissent  échapper  alors  les  eaux  de  la  plaine  et  c'est  là  l'origine  de  ces 
eaux  verdâtres,  contenues  dans  ces  vastes  canaux  traversés  par  la 
route  de^  bains  de  mer  à  Dunkerque.  Tout  en  débarrassant  la  plaine 
la  décharge  de  ces  eaux  entretient  constamment  la  profonthMir  du 
chenal  lui-même. 

Par  des  vamies,  les  propriétaires  de  la  plaine  soutirent  des  rivières 
la  quantité  d'eau  douce  nécessaire  à  leur  culture  et  suffisante  cepen- 
dant pour  arrêter  la  marche  ascendante  des  eaux  saumàtres  du  dessous. 
Il  fallait  en  somme  de  l'eau  douce,  ni  trop  ni  trop  peu,  et  les  proprié- 
taires sont  arrivés  à  assurer  à  peu  près  parfaitement  l'assèchement  et 
l'alimentation  en  eau  de  leurs  propriétés. 

La  plaine  maritime  est  une  des  contrées  les  plus  riches  au  point  de 
vue  agricole.  Betteraves,  lins,  céréales  et  toutes  plantes  riches  y 
viennent  parfaitement  bien.  L'élevage  s'y  fait  eu  grand  et  approvisionne 
les  grandes  villes  voisines.  Aussi  la  population  de  la  plaine  est-elle 
des  plus  aisées  qu'on  puisse  voir.  Nous  avons  dit  que  des  canaux  de 


-  82  - 

navigation  traversent  cette  contrée.  Celui  de  Gand  à  Terneuzen  est 
même  accessible  aux  navires  ayant  huit  mètres  de  tirant  d'eau,  d'oîi 
l'importance  du  port  de  Gand  en  Belgique.  Il  reste  encore  par  ci  par  là 
des  bas-fonds  marécageux  là  où  l'on  a  extrait  la  tourbe  et  des  marais 
primitifs  que  l'on  n'a  pas  encore  asséchés.  On  connaît  ceux  qui  avoi- 
sinent  les  faubourgs  de  St-Oraer,  cultivés  cependant  par  les  maraî- 
chers qui  ne  peuvent  se  rendre  à  leurs  cultures  que  dans  des  barques 
particulièrement  effilées  et  propres  à  cet  usage. 

Les  villages  ne  paraissent  pas  considérables  à  première  vue.  Les 
églises  par  leur  importance  indiquent  cependant  que  les  fidèles  doivent 
être  assez  nombreux.  Ils  sont  en  effet  fort  dispersés.  Les  grandes 
fermes  sont  toutes  isolées  dans  la  campagne.  Ce  n'est  guère  que  le 
dimanche  que  les  habitants  se  portent  vers  le  gros  du  Y'ûlage  {la place) 
qui,  hors  l'église,  ne  contient  que  quelques  maisons  de  commerce  et 
des  estaminets. 

Dans  la  Flandre  zélandaise,  les  fermes  se  composent  de  deux  bâti- 
ments :  la  maison  d'habitation  et  un  autre  bâtiment  fort  long  souvent, 
qui  contient  les  écuries,  établos,  granges  et  remises.  C'est  la  ferme 
frisonne  comme  type. 

Partout  ailleurs  les  fermes  sont  des  réunions  de  bâtiments  nom- 
breux et  disparates,  groupés  autour  d'une  cour,  mais  non  attenants 
cependant.  Le  tout  est  clos  de  haies  ou  barricades.  Quelques  saules 
apparaissent  de  ci  de  là  ;  quant  aux  grands  arbres  il  n'y  en  a  pour 
ainsi  dire  pas.  Les  rares  échantillons  entrevus  sont  courbés  vers  le 
Sud-Est  :  ils  sont  littéralement  massacrés  par  le  terrible  vent  du  Nord- 
Ouest. 

Où  le  terrain  est  en  contre-bas  les  maisons  d'habitation  sont  dispo- 
sées en  rue,  sans  se  toucher  cependant,  le  long  des  digues  pour  se 
préserver  des  inondations  possibles. 

Peu  de  villes  sont  dans  la  plaine,  mais  il  y  en  a  surtout  sur  la  lisière 
même.  Là  se  font  les  échanges  entre  l'intérieur  et  la  plaine  maritime. 
La  plus  curieuse  est  Bruges  qui  a  conservé  des  vestiges  nombreux  de 
sa  grandeur  passée.  Son  importance  commerciale  était  considérable. 
Elle  essaie  aujourd'hui  de  la  ressaisir  par  la  construction  d'un  canal 
maritime.  L'avenir  nous  dira  si  elle  réussira  au  gré  de  ses  désirs. 


I 


L'Intérieur.  —  De  la  plaine  l'iiorizon  vers  le  Sud  sembh;  recouvert 
d'une  épaisse  forêt  qui  contraste  singulièrement  avec  la  nudité  de 
celle-ci.  Là  se  trouve  l'intérieur  qui  va  nous  occuper  à  présent.  Les 
arbres  en  effet  y  sont  nombreux,  mais  dès  qu'on  en  approche  la  forêt 
entrevue  semble  toujours  reculer.  Elle  se  réduit  en  somme  à  ces  nom- 
breux arbres,  peupliers  du  Canada  entre  autres,  qui  entourent  les 
pâtures  et  les  propriétés.  On  leur  a  fait  beaucoup  la  guerre  pour  gagner 
du  terrain  cultivable,  mais  il  en  reste  encore  suffisamment  pour  (tarac- 
tériser  l'intérieur.  N'en  faut-il  pas  d'ailleurs  nécessairement  sur  certains 
sols  trop  mobiles  pour  les  fixer  en  quelque  sorte  ? 

Une  autre  originalité  de  l'intérieur  réside  dans  son  relief.  Plusieurs 
lignes  de  collines  y  courent  de  l'Ouest  à  l'Est.  La  plus  importante 
commence  au  mont  de  Watlen  pour  finir  par  la  belle  crête  de  Renaix. 
Elle  comprend  le  mont  Cassel,  le  mont  des  Récollets,  le  mont  des 
Gats,  le  mont  Noir,  le  mont  Aigu,  le  mont  de  Kemmel,  le  mont  de 
Wervicq  et  les  hauteurs  de  Mouscrou.  Parmi  les  autres,  citons  le 
Wynendaele,  les  collines  qui  vont  de  Dixmude  à  Thielt  et  les  collines 
du  pays  de  Waes.  En  d'autres  régions  ces  appellations  de  monts  sem- 
bleraient un  peu  ridicules.  Ce  ne  sont  pas  de  véritables  barrières  que 
ces  collines.  Elles  n'ont  arrêté  ni  les  roules  qui  les  escaladent,  ni  les 
chemins- de  fer  qui  les  traversent,  ni  le  malheureux  canal  d'Ypres  à  la 
Lys  qui  n'est  jamais  achevé,  mais  elles  sont  pittoresques  et  belles  aux 
yeux  des  Flamands,  c'est  tout  dire.  Aussi  les  visite-t-on  bien  souvent. 
Les  habitants  se  retranchèrent  souvent  sur  ces  hauteurs  :  Cassel  était 
autrefois  fortifié  et  Thielt  fut  également  un  ancien  oppidum.  Ces  col- 
lines sont  surtout  sablonneuses.  Dans  la  carrière  des  Récollets,  on 
remarque  des  stratifications,  voire  même  une  faille,  assez  pour  sembler 
donner  raison  aux  esprits  enthousiastes  qui  appellent  ces  collines  les 
Alpes  du  y  on/. 

Sur  le  flanc  de  chacune  d'elles  pousse  une  plante  qui  demande  pré- 
cisément peu  d'humidité  et  beaucoup  de  soleil  :  le  hcublon,  celte  r/(j/i(: 
de  la  Flandre.  Le  mont  Cassel  se  reconnaît  à  ses  moulins,  on  devine 
que  c'est  le  fameux  vent  du  Nord-Ouest  qui  les  fait  tourner. 

L'intérieur  ne  manque  pas  d'eau.  L'Escaut  et  ses  affluents,  l'Aa  et 
l'Yser  en  font  foi.  En  outre  l'eau  existe  partout,  bien  que  moins  appa- 
rente. On  la  trouve  toujours  à  faible  distance  dans  le  sous-sol. 

Ce  pays  malgré  sa  séduction  est  cependant  moins  bien  favorisé  que 
la  plaine  maritime.  Tantôt  son  sol  est  gras  et  argileux,  tantôt  il  est 
troj)  sablonneux.    En  somme  il  était  partout  impropre  à  la  culture 


_  84  — 

intensive  à  Inquelle  il  fallut  le  soumettre  pour  nourrir  les  nombreuses 
populations  qui  étaient  venues  s'implanter  en  Flandre  on  ne  sait  trop 
pourquoi.  Les  Flamands  courageux  et  patients  se  sont  rais  bravement 
à  l'œuvre.  Ils  ont  inventé  les  engrais,  supprimé  la  barbare  coutume  de 
la  jachère.  Ils  ont  trouvé  Tordre  suivant  lequel  les  plantes  doivent  se 
succéder  pour  ne  point  se  nuire  mutuellement,  ils  ont  même  trouvé 
l'art  d'obtenir  deux  récolles  en  une  année  (seigles  ou  avoines  en  Juillet, 
navels  et  carottes  en  Novembrt^). 

Et  ceci,  remarquons-le  bien,  au  XVIP  siècle,  sans  avoir  nos  con- 
naissances actuelles  en  géologie  et  en  chimie  agricole.  C'était  vraiment 
merveilleux  pour  l'époque,  toute  une  révolution  enfin  ! 

Oui,  la  Flandre  est  grasse,  comme  certains  le  disent,  mais  ce  sont 
ses  hal)itants  mômes  qui  l'ont  rendue  telle. 

L'eau  se  trouvant  partout,  les  fermes  de  l'intérieur  sont  aussi  dissé- 
minées que  dans  la  plaine  maritime.  Dans  l'Est,  par  exception,  oîi  le 
sol  est  particulièrement  sablonneux,  les  maisons  et  fermes  forment 
rues  le  long  des  principales  routes.  C'est  que  ce  sable  sèche  vite  et 
(ju'il  est  toujours  possible  d'accéder  aux  champs  de  partout. 

Les  fermes  éparses  de  l'intérieur  sont  de  deux  types  :  VHofstede  au 
Nord  et  la  censé  wallonne  au  Sud.  La  première  rappelle  avec  moins 
de  complications  la  ferme  de  la  plaine  maritime.  Les  trois  côtés  d'une 
cour,  occupée  en  partie  par  le  trou  à  fumier,  sont  formés  par  trois 
bâtiments,  la  maison  d'habitation  et  les  dépendances.  Une  barrière 
ferme  le  quatrième  côté.  Quant  à  la  censé  wallonne,  les  bâtiments  qui 
forment  les  quatre  côtés  de  la  cour  intérieure  sont  absolument  atte- 
nants les  uns  aux  autres.  Le  fermier  s'y  trouve  absolument  chez  lui. 
Aux  fenêtres  de  son  habitation  coquette,  les  paysans  du  Midi  admire- 
raient ces  jolis  et  frais  rideaux  qu'ils  ne  connaissent  pas  chez  eux. 

La  cour  de  la  ferme  possède  toujours  son  trou  à  fumier,  mais  tout 
autour  règne  un  trottoir  qui  permet  d'accéder  plus  facilement  aux 
étables,  granges,  écuries,  etc.  Tel  est  l'aspect  de  la  ferme  wallonne, 
les  bâtiments  peuvent  être  plus  ou  moins  disparates,  tous  semblables 
parfois,  mais  la  disposition  générale  est  toujours  la  même. 

On  trouve  en  outre  éparses  dans  la  campagne  une  multitude  de  mai- 
sons, fort  longues  d'apparence.  Ce  sont  de  petites  maisons  de  tisse- 
rands qui,  outre  les  pièces  nécessaires  à  la  vie  commune,  en  ont  besoin 
d'autres  pour  leurs  métiers  à  tisser.  Ceci  explique  la  longueur  inusitée 
de  ces  maisons.  Autre  particularité,  elles  sont  comme  enfoncées  en 


—  85  - 

lerre.  Cesl  une  coiidiliuu  rccoiiniKî  indispensable  pour  enlrelenir  l'hu- 
midité des  fils  qu'ils  emploient. 

La  présence  des  arbres  caractérise  donc  toujours  l'intérieur.  Sans 
eux  la  vallée  de  la  Lys  ressemblerait  même  quelque  peu  à  certaines 
parties  delà  plaine  maritime. 

Partout  les  termes  se  tiennent  dispersées,  ce  n'est  que  vers  le  Bra- 
bant,  le  Sud  de  Lille,  etc.,  qu'elles  se  groupent  définitivement  pour 
former  de  gros  villages.  C'est  que  l'eau  n'est  plus  partout  aussi  à  portée 
des  hommes.  Le  sous-sol  devient  crayeux  de  place  en  place  pour  le 
devenir  tout  à  fait  en  Picardie.  Cette  partie  Sud  de  la  Flandre  est  en 
quelque  sorte  la  transition  entre  les  deux  provinces  voisines.  Où  la 
craie  apparaît  ce  n'est  plus  la  Flandre  ou  tout  au  moins  ce  n'est  plus 
la  partie  caractéristique.  On  peut  précisément  voir  un  échantillon  de 
Picardie  égaré  aux  portes  mêmes  de  Lille,  vers  le  réservoir  des  eaux 
d'Emmerin.  La  campagne  y  paraît  à  nouveau  dénudée  ;  un  seul  arbre, 
tout  honteux  sans  doute  de  s'y  trouver,  rompt  seul,  si  l'on  peut  s'ex- 
primer ainsi,  la  monotonie  du  paysage. 


L'agriculture  seule,  si  perfectionnée  qu'elle  fut,  ne  pouvait  arriver 
cependant  à  nourrir  cette  nombreuse  population.  Une  industrie  s'im- 
posait ;  elle  se  fit  d'abord  à  domicile.  Dans  ces  petites  maisons,  longues 
et  basses,  les  ouvriers  se  mirent  à  tisser  la  laine  des  moutons  et  le  lin 
du  pays.  Rappelons  à  ce  sujet  la  curieuse  affectation  de  la  Lys  au 
rouissage  même  du  lin.  Entre  Armentières  et  Courtrai,  on  peut  en 
voir  les  rives  couvertes  de  bottes  de  ce  textile.  Partout  des  hommes 
s'y  trouvent  fiévreusement  occupés  à  charger  ou  décharger  les  lourdes 
caisses  de  bois  (ballons)  qui  contiennent  le  lin  et  sont  habituellement 
maintenues  immergées  grâce  à  la  surcharge  de  lourdes  pierres.  Les 
fibres  gagnent  à  ce  traitement  des  eaux  cette  beauté  et  cette  souplesse 
justement  renommées. 

Aux  halles  d'Ypres  se  vendaient  tous  les  tissus  ainsi  faits  à  domicile. 
A  voir  cet  imposant  édifice,  on  peut  toujours  juger  de  l'importance 
qu'eut  jadis  en  Flandre  l'industrie  à  domicile. 

Aujourd'hui  cette  industrie  a  perdu  son  ancien  caractère  :  de  fami- 
liale qu'elle  était,  elle  est  devenue  ce  que  nous  appellerons  la  grande 
industrie.  La  transformation  se  fit  au  XIX*  siècle.  L'exploitation  en 
grand  de  la  houille  et  l'introduction  des  machines  à  vapeur  y  ont  puis- 


-  86  - 

samment  contribué.  Non  content  de  tisser  les  produits  du  pays,  on 
ti'availla  en  même  temps  le  jute  des  Indes  et  le  coton  de  l'Amérique  et 
puis  peu  à  peu  on  fit  de  l'exportation.  Les  grands  ceiiires  textiles  sont 
l'arrondissement  de  Lille  et  en  Belgique  :  Gand,  Courtrai,  Roulers  et 
Renaix.  Des  travailleurs,  on  en  trouvait  facilement  dans  toutes  ces 
agglomérations  importantes. 

Malgré  cela  la  transformation  n'est  pas  encore  complète.  On  lisse 
encore  à  domicile,  mais  cette  fois  pour  le  compte  d'un  patron.  Dans 
ces  derniers  ateliers  familiaux  on  exécute  certains  ouvrages  qui 
demandent  un  soin  spécial  et  que  l'on  ne  peut  encore  confier  aux 
machines. 

Cette  industrie  familiale  qui  veut  résister  malgré  tout  est  une  preuve 
de  la  vitalité  et  de  la  ténacité  du  Flamand.  Ainsi  encore  on  fabrique 
des  dentelles  à  la  main  en  Flandre,  alors  que  celte  industrie  n'existe 
plus  nulle  part.  Plus  de  cinquante  mille  femmes  s'y  adonnent  et  c'est 
une  curiosité  de  certaines  rues  de  Bruges  que  la  vue  de  toutes  ces 
dentellières  assises  à  chaque  porte  et  travaillant  toutes  au  carreau. 

De  la  grande  industrie,  M.  Blanchard  n'en  veut  pas  parler  en  pays 
de  connaisseurs.  On  sait  d'ailleurs  ce  qu'elle  est  dans  le  monde  entier 
cl  nous  conclurons  avec  lui  : 

Non  !  La  Flandre  n'est  pas  toujours  uniformément  égale  à  elle- 
même  et  elle  ne  manque  pas  de  pittoresque  !  Admirons  surtout  les 
qualités  morales  de  ses  habitants  !  Le  sol  ne  leur  fut  nulle  part  dès 
l'abord  favorable.  D'une  part,  c'était  une  plaine  à  défendre  contre  les 
eaux  de  toule  nature,  d'autre  part  le  sol  se  trouvait  être  ou  trop  argi- 
leux ou  trop  sablonneux.  Grâce  à  un  labeur  infatigable,  ils  ont  réussi 
enfin  à  vaincre  la  nature.  Si  le  pays  n'est  pas  pittoresque  à  en  rêver, 
il  est  de  ceux  qui  s'imposent  le  plus  au  respect  et  à  la  sympathie  de 
tous. 


M.  NicoUe  a  remercié  le  conférencier  en  ces  termes  : 

Vos  applaudissements  ,  Mesdames  et  Messieurs  ,  ont  montré  à 
M.  Blanchard  tout  l'intérêt  que  vous  aviez  eu  à  entendre  le  résumé  de 
ses  travaux  sur  notre  paj's.  La  région  flamande  est  certes  bien  connue 
pour  la  valeur  de  ses  produits  ;  M.  Blanchard  a  su  en  parler  avec  un 
charme  poétique  fait  pour  séduire  ses  habitants  ;  nous  l'en  remercions 
sincèrement. 


—  S7  — 

Le  Secré(aiiv-Général,  M.  Merchier,  lit  ensuite  son  rapport  sur  les  travaux 
de  l'année. 


Mes  chers  collègues, 

Vous  avez  un  médiocre  Secrélaire-Ciéiiéral,  toujours  distrait  (au  sens  du 
XVII"  siècle)  par  des  travaux  multiples,  il  remet  au  dernier  moment  les 
besognes  les  plus  sérieuses  comme  celle  du  compte-rendu  des  travaux  de  la 
Société  de  Géographie  de  Lille.  Figurez- vous  qu'il  s'est  mis  au  travail  hier 
samedi  à  9  heures  du  soir  et  que  son  cerveau  fatigué  s'est  montré  rebelle  à 
l'effort  qu'on  lui  demandait.  Il  neigeait,  il  faisait  froid  dehors,  la  pièce  était 
bien  chauffée,  la  porte  rigoureusement  condamnée  étant  donnée  la  gravité  du 
rapport  à  écrire  :  Tout  doucement  l'engourdissement  gagna  le  malheureux 
rapporteur  qui  s'endormit  avec  remords,  maudissant  la  nécessité  d'écrire  pour 
la  dix-huitième  fois  les  travaux  de  l'année  écoulée  :  mais  il  eut  tort,  car  la  fortune 
arrive  à  ceux  qui  dorment,  ainsi  que  nous  l'apprend  La  Fontaine.  Sans  savoir 
s'il  était  endormi  ou  éveillé,  il  vit  paraître  devant  lui  deux  hommes  vêtus  à  la 
mode  du  XVIIl''  siècle,  ce  qui  ne  l'étonua  pas  autrement,  car  il  se  rappela 
que  dans  des  circonstances  pareilles  Fonteiielle  avait  vu  paraître  devant  lui 
une  délicieuse  marquise  qui  lui  dicta  cette  œuvre  intitulée  la  plvralilé  des 
Mondes.  Il  n'eut  du  reste  pas  le  temps  de  réfléchir  car  le  dialogue  suivant 
s'engagea  entre  les  deux  représentants  d'un  autre  âge  : 

Dorante.  —  Où  courez-vous  ainsi,  mon  cher  Dorylas,  pourquoi  renoncer 
au  calme  des  champs  Elyséens  et  revenir  sur  cette  planète  détraquée  où  l'on 
fait  de  la  politique  au  lieu  de  causer  des  choses  de  l'esprit  et  de  décider  entre 
M.  de  Voltaire  et  Jean-Jacques  Rousseau  qui  disputent  sur  la  moralité  du 
théâtre  devant  un  auditoire  de  belles  dames  à  paniers  et  de  jeunes  seigneurs 
portant  avec  grâce  l'habit  à  la  Française  ? 

Dorylas.  —  Mais  vous-même.  Dorante,  comment  se  fait-il  que  je  vous 
rencontre  à  Lille  ? 

Dorante.  —  C'est  mon  inconstance  et  mon  incertitude  d'opinion  qui  m'ont 
conduit.  Je  veux  voir  comment  nos  français  d'aujourd'hui  se  comportent  au 
milieu  des  contradictions  qui  les  entourent. 

Dorylas.  —  Mon  ambition  est  moins  haute,  j'ai  ouï  parler  d'un  jeune 
professeur  de  grand  talent  qui  doit  demain  faire  une  conférence  sur  la  Flandre 
devant  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  J'ai  voulu  m'offrir  ce  régal 
d'entendre  parler  d'un  pays  (jue  j'aime  bien. 

Dorante.  —  Qu'esl-cela  ?  On  ne  parlait  pas  de  Sociétés  de  ce  genre  sous  le 
Roi  Louis  XVI. 

Dorylas.  —  Les  choses  ont  marché  depuis  :  Il  s'est  formé  des  Sociétés  qui 


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ont  la  prétenlioii  d'instruire  l'humanité  de  fout  ce  qui  la  concerne.  La  Sociétc 
de  (jéographie  de  Lille  est  une  des  meilleures  :  Elle  convie  ses  associés  à  des 
conférences  sur  tout  ce  qui  touche  à  notre  globe  sublunaire. 

Dorante.  —  Certes  l'ambition  est  haute  et  je  serais  curieux  de  savoir  dans 
quelle  mesure  le  succès  a  répondu  à  cette  attente. 

Dorylas.  —  Je  suis  à  même  de  vous  renseigner.  Pour  ne  parler  que  de 
Tannée  qui  vient  de  s'écouler  et  nous  borner  à  la  France,  AL  Demangeon,  un 
savant  professeur  de  l'Université  de  Lille,  a  promené  ses  auditeurs  sur  les 
confins  de  la  Flandre,  dans  le  Cambraisis,  l'Artois,  la  Picardie,  et  cela,  à  la 
satisfaction  générale. 

Dorante.  —  Mais  c'est  de  la  Géographie  de  clocher. 

Dorylas.  —  Patience,  mon  cher  sceptique,  un  autre  professeur,  et  de 
l'Université  de  Paris  celui-là,  M.  Haumant  a  révélé  aux  Lillois  les  charmes  du 
.Morvan  et  de  la  haute  Bourgogne,  et,  s'il  a  parlé  de  la  France,  c'est  par 
dilettantisme,  car  il  connaît  à  fond  les  pays  d'Orient  ainsi  qu'il  l'a  prouvé  en 
raconlanl  son  séjour  d'un  mois  dans  les  "pays  Serbo-Groales.  D'autre  part,  un 
tout  jeune  professeur,  M.  Marins  Gossez,  Lillois  lui-même,  a  décrit  le  pays 
qiu  s'étend  de  Rouen  au  Havre  en  opérant  le  mariage  de  la  poésie  avec  la 
Géographie,  ce  qui  lui  a  valu  maint  suffrage  :  M.  Boland  a  fait  un  voyage  au 
pays  de  Mireille  et  M.  Justice  une  excursion  dans  la  vallée  du  \'erdon,  ce  qui 
est  toujours  la  Provence  qu'aimait  tant  le  marquis  de  Mirabeau.  Après  eux 
M.  Farges  a  pailé  des  Vallées  de  l'Aude  et  de  l'Ariège,  tandis  qu'un  jeime 
sociétaire,  M.  Bonvalot,  initiait  ses  collègues  au  charme  des  Pyrénées. 

Dorante.  —  La  belle  affaire,  vous  ne  sortez  pas  de  France. 

Dorylas.  —  Vous  voilà  bien,  mon  cher  Dorante,  avec  les  impatiences  de 
notre  XVIIP  siècle,  vous  voudriez  savoir  la  fin  avant  d'avoir  commencé. 
Prenez  patience  et  sachez  que  sur  les  confins  de  notre  pays  M.  Le  Carpentier 
a  parlé  du  (îrand  Duché  de  Luxembourg  :  un  certain  Merchier  a  bien  osé 
parler  de  la  belle  cité  de  Bruges  que  nous  connaissons  mieux  que  lui,  mais  il 
a  eu  le  bon  esprit  de  s'inspirer  des  anciens,  grâce  à  quoi  il  a  parlé  à  peu  près 
congrûment.  Dans  le  même  ordre  d'idées  l'abbé  Coupé  a  parlé,  non  sans 
charme,  de  la  Belgique  pittoresque  et  de  ses  monuments.  Un  oflicier,  le 
lieutenant  Gérin  a  parlé  avec  beaucoup  de  compétence  de  l'Allemagne  du 
Nord  et  du  Danemarck  :  M.  Roze  a  exposé  tout  le  charme  de  Naples  et  de  la 
Sicile,  M.  Agache  a  transporté  ses  auditeurs  dans  le  pays  de  Minos,  dans  la 
Crète  ;  un  membre  du  Comité  d'études,  le  docteur  Eustache,  a  charmé  tout 
l'auditoire  par  son  récit  d'x^lgésiras  —  excursion  ;  (pends-toi  Diafoirus  !)  — 
Il  paraît  enfin  que  les  avocats  actuels  parlent  beaucoup  mieux  que  les  clercs 
de  la  basoche  que  nous  entendions  au  parlement  de  Paris,  c'est  ce  qu'il  appert 
d'une  fine  causerie  de  M*  Dubron,  du  barreau  de  Douai,  à  propos  d'un  séjour 
en  Bohème.  Madame  du  Deflland  elle-même  en  eut  été  charmée  ;  mais  elle 
eut  séché  de  dépit  en  entendant  Madame  Séverin,   directrice  du  collège  de 


jf  unes  filles  de  Roubaix,  parler  d'Athènes  et  de  l'Acropole  :  elle  eut  appelé  à 
la  rescousse  l'abbé  Barthélémy  et  son  voyage  du  jeune  Anacharsis  pour 
sauver  l'honneur  de  notre  siècle,  je  doute  cependant  qu'elle  eut  triomphé  tant 
était  grand  le  charme  de  celte  érudition  féminine  non  exempte  de  finesse. 

Dorante.  —  Peste  mon  cher  Dorjlas  !  je  vous  retrouve  avec  vos  idées 
philosophiques,  vous  sacrifiez  sur  l'autel  d'une  bourgeoise  et. . . 

Dorylus.  —  Nous  ne  sommes  plus  au  XVIIP  siècle  et  vous  allez  le  voir 
par  la  suite  des  travaux  de  la  Société  de  Géographie.  Vous  m'avez  interrompu 
juste  au  moment  où  j'allais  vous  dire  que  l'abbé  David  lui  avait  parlé  avec 
une  bonne  humeur  communicative  de  la  région  d'Albanie,  ce  qui  est  encore 
la  Grèce.  Mais  la  Société  de  Géographie  a  eu  d'autres  conférenciers  qui  l'ont 
promenée  au  travers  de  toutes  les  parties  du  monde  :  d'abord  en  Asie  où 
M.  Halot  lui  parla  du  Japon  ancien  et  moderne  tandis  que  M.  Gallois  lui 
montrait  l'Asie  mineure  et  que  M.  de  Pouvourville  étudiait  devant  elle  le 
problème  delà  défense  de  l'Indo-Chine,  car,  si  sous  notre  bon  roi  Louis  XVI, 
l'ingénieur  Ollivier  est  allé  là-bas  construire  des  fortifications  à  la  Vauban 
pour  je  ne  sais  quel  magot  Chinois,  les  Français  d'aujourd'hui  travaillent  pour 
leur  propre  compte  dans  l'ancienne  Chersonèse  d'or  du  géographe  Ptolémée. 
L'Amérique  n'a  pas  été  oubliée  car  M.  Zolla,  un  savant  économiste  (un  adepte 
de  cette  science  qu'ont  créée  ces  croquants  de  Quesnay  et  de  Gournay)  est 
venu  parler  du  Far-West  Américain,  une  région  que  ne  connaissaient  pas 
Washington  et  ses  amis  quand  nous  sommes  allés  là-bas  leur  donner  un  coup 
de  main. 

Du  reste  nos  amis  ont  fait  de  singuliers  progrès  là-bas,  s'il  faut  en  croire  la 
conférence  de  M.  Mabilleau  sur  les  États-Unis  d'Amérique. 

Mais  vous  savez  peut-être  que  la  liordure  de  ce  continent  Américain  semble 
menacée  de  dislocation,  c'est  ce  que  M,  Walle  est  venu  exposer  dans  sa  confé- 
rence sur  le  Chili  et  la  catastrophe  de  Valparaiso,  renforcée  par  celle  de 
M.  Brifaut  sur  la  Californie  et  San  Francisco.  L'Afrique  est  à  la  mode  chez 
nos  français  d'aujourd'hui  ;  aussi  M.  P'rançois  a-t-il  parlé  du  Dahomey, 
M.  Porquier  de  l'Ethiopie,  tandis  que  l'abbé  Legrand  parlait  de  la  Kabjlie 
avec  une  verve  et  une  sûreté  de  documentation  qui  surprirent  de  vieux  afri- 
cains ;  il  était  moins  extraordinaire  de  goûter  ce  qu'il  y  avait  d'exact  dans 
l'exposition  du  R.  P.  Trilles  sur  sa  mission  dans  le  Congo  français  et  dans  son 
étude  sur  les  Fangs.  En  Océanie,  M.  Priva t-Deschanel,  un  vrai  charmeur,  a 
révélé  tout  ce  qui  avait  été  fait  en  Australie  depuis  le  capitaine  Cook  et  noire 
pauvre  compatriote,  de  Lapérouse. 

Dorante.  —  Parbleu,  peut-être  les  Lillois  ont-ils  été  chez  les  Hyperlioréens. 

Dorylas.  —  Vous  ne  croyez  pas  si  bien  dire,  car  M.  Synnestvedt  les  a 
conduits  au  Spitzberg  où  Barentz  travailla  si  bien  quand  nous  étions  encore 
de  ce  monde. 

Dornnle.  —  ]<]t  qu'a-t-on  fait  encore  a  votre  Société? 


—  90  — 

Dorylus.  —  Mais  un  peu  d'astronomie  avec  M.  Laine  qui  a  exposé  un 
curieux  sjstème  de  monlre-boussole  solaire,  juste  de  quoi  vous  montrer  midi 
à  quatorze  heures. 

Dorante.  — En  vérité,  lesl  Lillois  sont  d'heureuses  gens  et  je  les  envie 
d'avoir  été  seuls  à  entendre  tant  de  belles  choses. 

Dorylas.  —  Détrompez-vous,  Dorante,  leurs  voisins  n'ont  pas  été  négligés, 
car  ils  se  sont  affiliés  à  la  Société  de  Lille.  C'est  ainsi  que  Rouhaix  et  Tour- 
coing ont  entendu  MM.  de  Pouvourville,  François,  Gallois,  Halot,  Guérin  et 
Justice.  Roubaix  a  partagé  avec  Lille  la  conférence  de  MM.  Porquier  et  Mer- 
chier,  et  si  vous  retrouvez  sur  le  tableau  le  nom  de  Madame  Se  vérin,  c'est 
avec  une  conférence  nouvelle  sur  Oljmpie  et  Delphes,  supérieure  encore  à  ce 
qu'avait  été  la  conférence  de  Lille,  ce  qui  n'a  pas  empêché  les  Roubaisiens 
d'accompagner  M.  Dumesnil  à  travers  la  Macédoine  et  M.  Tignol  à  travers  la 
Chine.  Ils  ont  eu  leurs  conférences  africaines  avec  le  lieutenant  Lanrezac,  qui 
leur  a  parlé  du  cercle  de  Nioro,  et  M.  Millot  qui  leur  a  parlé  de  l'île  de  la 
Réunion,  tandis  que  l'Amérique  était  représentée  par  M.  Ciconda  et  sa  confé- 
rence sur  l'Uruguaj.  et  M.  Damerval  avec  une  conférence  sur  la  République 
de  l'Equateur.  On  a  même  agité  avec  M.  Y.  Morvran  Goblet,  la  question  de  la 
Renaissance  celtique  de  l'Irlande  au  XX®  siècle.  II  y  a  à  peine  deux  heures 
que  M.  Napoléon  Lefebvre  a  terminé  une  conférence  très  applaudie  sur  la 
Mandchourie.  Si  Tourcoing  a  entendu  avec  Lille  le  R.  P.  Trilles,  elle  a  eu  le 
régal  d'une  jolie  causerie  d'un  publiciste,  M.  Vanhoucke,  sur  le  trajet  de 
Ljon  à  Genève,  d'une  belle  conférence  de  l'aljbé  Reboux  sur  la  Russie.  Je 
retrouve  le  nom  de  Séverin,  mais  cette  fois  au  masculin,  car  c'est  le  Professeur 
du  Lycée  de  Tourcoing  qui  a  fait  une  magistrale  conférence  sur  la  Corse,  et 
comme  il  faut  toujours  parler  un  peu  de  l'Afrique,  M.  César  de  Givenchy  a 
enlr'ouvert  devant  le  public  Tourquennois  les  portes  du  Maroc,  tandis  que  le 
lieutenant  Lanrezac  a  parlé  des  pays  Soudanais. 

Dorante.  —  Hélas,  notre  pauvre  Diderot  a  eu  bien  tort  de  se  donner  tant  de 
mal  pour  composer  l'encyclopédie,  il  aurait  dû  laisser  ce  soin  à  la  Société  de 
Géographie  de  Lille. 

Dorylas.  —  Peut-être  avez-vous  raison,  dans  tous  les  cas  il  n'aurait  pu 
organiser  les  excursions  si  attrayantes  qu'élabore  le  Comité  présidé  par 
Beaufort.  Il  y  en  a  pour  tous  les  goûts  et  toutes  les  bourses.  Jugez-en  :  Sans 
sortir  de  Lille,  MM.  Godin  et  Bonvalot  conduisent  142  sociétaires  à  la  manu- 
facture (les  laliacs,  le  Vice-Président  Vermersch  et  M.  Bonvalot  eu  conduisent 
70  autres  H  la  lalirique  de  céruse  de  M.  Expert-Bezançon,  à  Si-André,  le 
chiffre  de  132  se  retrouve  avec  M.  Godin  assisté  celte  fois  de  M.  Renuuard, 
pour  une  visite  aux  Ateliers  de  Fives-Lille.  Avec  MM.  Prouvost  filset  Thiéliaut 
on  est  à  Roubaix  pour  visiter  le  grand  peignage  Amédée  Prouvost.  Deux 
aimables  guides.  MM.  Van  Troosloiiberghe  et  Scholsmans  conduisent  40  cama- 
rades à  Armentières   pour   visiter   l'Ecole   professionnelle.   Avf'C   le   docteur 


-91  - 

Vermerscli  elM.  Bonvalol  un  va  à  Ennequin  visiter  les  établissements  Guilbaut 
et  les  carrières  ;  MM.  Cantineau  et  Bonvalot  conduisent  au  Sanatorium  de 
Montig-nj,  c'est  encore  M.  Bonvalol  avec  M.  Decramer  qui  conduit  la  Société 
à  St-Aniand.  Puis  on  s'écarte.  MM.  Godin  et  Odoux  conduisent  à  la  forêt  de 
Mormal  ;  MM.  Van  Troostenberghe  et  Schotsmans  conduisent  au  lap  Gris- 
Nez  ;  avec  M.  Tbiébaul  on  va  ù  Conipiègne  et  Pierrefonds.  Puis  voici  venir  les 
excursions  à  longue  portée  ;  M.  Bonvalot  assume  la  responsabilité  d'une 
excursion  aux  Pyrénées  où  il  tiendra  vigoureusement  tète  aux  douaniers: 
MM.  Beaui'ort  et  Xavier  Ronouard  dirigent  leurs  compagnons  sur  le  Dauphiné 
et  la  Savoie  avec  une  sûreté  et  une  maestria  qui  ne  surprennent  personne, 
quand  on  connaît  la  haute  compétence  de  M.  Beaufort.  Mais  M.  Beaufort  a 
des  lieutenants  comme  Decramer  qui  conduisent  une  longue  excursion  de 
Lille  à  Vienne  avec  retour  par  le  Semmering  et  l'Engadine,  tandis  que 
MM.  Thiébaut  et  Ravet  en  conduisent  une  autre  au  travers  de  la  plaine  Alle- 
mande, bien  loin  au-delà  de  l'Elbe,  jusqu'à  Stralsund  avec  retour  par  Mag- 
de])ourg. 

Doranle.  —  Quand  aura-t-il  tout  dit? 

Doryhn.  —  J'allais  m'arrêter  quand  j'ai  vu  cette  lettre  sur  la  lable  : 

Mon  cher  Secrétaire  général, 

Dans  la  liste  des  excursions  que  je  vous  ai  adressée  il  j^  a  une  lacune  qui 
serait  une  ingratitude,  c'est  le  voyage  à  la  mer  des  lauréats  du  prix  Danel,  le 
jeudi  24  juin  1906.  Ces  10  lauréats  ont  été  à  Dunkerque  et  à  Malo-les-Bains 
sous  la  conduite  de  MM.  Cantineau  et  Bonvalot. 

DoruiUc.  —  Voilà  qui  est  bien  et  la  Société  devra  se  montrer  reconnaissante 
à  M.  Bonvalot  qui,  vraiment,  se  prodigue. 

Doryhis.  —  La  Société  doit  de  la  reconnaissanse  à  son  président  qui  prépare 
les  conférences,  au  Comité  qui  organise.ses  excursions.  Elle  a  donné  33  confé- 
rences, 16  excursions.  Elle  publie  un  bulletin  mensuel  avec  de  fort  belles 
gravures,  et  tout  cela  pour  15  livres  par  an,  avouez  que  ce  n'est  pas  cher. 

Doranle.  —  Cela  me  paraît  tellement  avantageux  que  lors  de  notre  pro- 
chaine réincarnation,  je  vous  propose  d'aller  tous  deux  nous  faire  inscrire 
comme  membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

Dorylas.  —  Cela  nous  sera  d'autant  plus  facile  que  nous  n'aurons  qu'à  nous 
adresser  ici  devant  nous,  à  ce  gros  homme,  qui,  comme  dit  Strepsiade  dans  la 
comédie  d'Aristophane, 

c'est-à-dire  ronfle  sous  ses  5  couvertures. 

Or,  je  n'avais  que  ma  couverture  de  voyage  étendue  sur  mes  ïambes,  je 
bondis  sous  l'outrage  et  voulus  interpeller  mes  calomniateurs,  mais  ils  avaient 
disparu. 


-  92  — 

Mon  feu  était  éteint  et  je  vis,  non  sans  confusion,  que  nous  étions  aujour- 
d'hui. Puis  je  songeai  que  tes  deux  causeurs  avaient,  sans  le  savoir,  fait  mon 
compte-rendu.  Cela  nie  rendit  indulg'ent  à  leur  ég'ard,  je  leur  pardonnai  la 
citation  d'Aristophane  et  je  transcrivis  leur  conversation  ;  il  ne  me  reste  plus 
qu'à  réclamer  votre  indulg-ence  pour  les  erreurs  du  phonographe. 


Il  ne  reste  plus  que  la  lecture  du  Palmarès  qui  est  faite  par  M.    Beaufort  : 

PALMARÈS  DES  CONCOURS  DE  GÉOGRAPHIE 

Des  10  Juin  et  12  Juillet  1906. 


JEUNES    GENS. 


PRIX.     PAUIi    €RI^I*¥. 

BOURSK    DE    VOYAGE    D'UNE   VALEUR    DE   500   FRANCS 

M.  Cornaert  (Emile),  étudiant  à  Lille.  —   La  plaine  rlièiiane  de  Bonn  à  l'jiiniorich, 
région  rhénane  et  région  westphalienne. 

suii  l'auiîondisskmenï  de  ijlle. 

La  Société  a  décerné  un  Prix  de  200  francs  à  M.  Gaston  Hackn.  pour  une  Mono- 
graphie de  la  commune  de  Wasquehal. 


l':iifiieig;iienieiiC  wccondHire. 

1"  SÉRIE.  —  Les  i'Rin(U|jai,i:s  Puissances  nu  Mondk,  Gh:ii(^i(\i'HiK  économique. 

Sujet  :  Les  Etals-Ums.  —  Produits  luUarcls.  —  Expliquer  les  causes  de  leur 
répartition,  leur  influence  sur  le  dêceloppement  industriel  et  sur  l'évolution 
des  Etats-Unis. 

Pi'ix.  M.  Argence  (l'aul),  Collège  d'Armentiéres. 


-  93 


i"'  Prix. 
2«      — 


Sujet 

1"  Prix. 
ex-œquo. 
2"  Prix. 
1"  Accessit. 

e         __ 

3«  Accessit 
ex-œquo. 


2"   SÉKii':.    —    Les    Colonies    khançaises. 

Sujet  :  La  Junisie.  —  Carte. 

Prix  d'honneur^  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
MM.  Fichelle  (Alfred),  Lycée  Faidherbe,  Lille. 

Lefebvre  (Théodore)  id. 

;>    SÉRIE.    —    GÉOGHAPHU';    GÉiNÉRAI.E. 

:  Les  grands  groKiioiienIs  de  j)opid(di<))i  à  la  surface  du  globe  : 
Raisuns  qui  nul  déterirunê  ces  groiijicmeuts. 

MM.  Lamou  (Alfred), 


Nevejaiis  (Paul), 
Mourez  (Pierre), 
Glorieux  (Palénion), 
Vaneufvillc  (Gabriel). 
Garin  (Pierre), 
Doumer  (Kdouard), 


Institution  du  Sacré-Cœur,  Tourcoing. 
Lycée  de  Tourcoing. 
Ecole  Jeanne-d'Arc,  Lille. 
Institution  du  Sacré-Cœur,Toarcoing. 

id. 
Ecole  Jeanne-d'Arc,  Lille. 

id. 


Prix. 


4«  SÉRIE.  — -  L'AsMf:,  l'Afrique,  l'Océame. 
Sujet  :  L'Afrique  anglaise. 
M.  Gounellc  (Henri),  Lycée  de  Tourcoing. 


Euscigueiiicut  primaire  supérieur. 

l"  SÉRIE   —  GÉOGI^APHIE  PHYSIQUE,  POLITIQUE  ET  ÉCONOMIQUE  DE  l'EuROPE, 

MOINS  LA  France.  —  Géographie  physique  et  économique 
DE  l'Asie  et  de  l'Archipel  Malais. 


Sujet  :  Le  Ruyau>ne  des  Pays-Bas.  —  Les  Colonies. 


Prix 


Léonard  Danel.  '  Prix  d'Honneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
à^a^^ex      )  P''i^'  M.  Delerue  (Henri),  Ecole  primaire  super,  de  Fournes. 

2*  SÉRIE.  —  Géographie  physique,  politique  et  économique  de  l'Océanie 

(moins  l'Archipel  Malais),  de  l'Amérique  et  de  l'Afrique.  — 

Explorations  contemporaines. 


Prix. 


Sujet  :  Les  grandes  L.riilurali(nis  en  Afrique. 
M.  Delacour  (Eugène),  Ecole  primaire  sup.  de  Fournes. 


3'  SÉRIE.  —  Géographie  physique  et  économique  de  l'Europe,  moins  la  France. 

—  Notions  de  Géographie  politique.  —  Notions  générales  de  Géographie 

physique  et  économique  de  l'Asie  et  de  l'Archipel  Malais. 

Sujet  :  Le  Danube.  —  Indication  des  pays  fracersés,  leurs  jtroductions. 

Léonard!^"  Prix.     MM.  Vienne  (Louis),         École  primaire  super,  de  Fournes. 
Dand.^  J2«      —  Paringaux  (Maurice),  id. 

à  la  mer.  (  1"  Accessit.        Pète  (Gaston),  id. 


—  94  — 


2«  Accessit.  MM.  Dieu  (Anîthyme), 
3»  Accessit  I  Wion  (Jean), 

ex-œquo.   \  Leclercq'(Fernand), 


École  primaire  super,  de  Foumes. 

id. 
Institut  Golbert,  Tourcoing. 


4«   SÉRIE.    —   GÉOGRAPHIE   PHYSIQUE   DE   l'OgÉANIE   (MOINS  l'ArCHIPEL  MaLAIS), 

DE  l'Amérique  et  de  l'Afrique. —  Notions  de  Géographie  économique  et  politique. 

Sujet  :  L'Australie  et  la  Nouvelle-Zélande. 

Prix  Léonard  Danel.  \  ^"  Prix.   MM.  Henniqueau  (René),  Institut  Golbert,  Tourcoing. 
Voyage  à  la  mer.    J2«      —  Dutoit  (Élie),  École  pr.  sup.  de  Fournes. 


(  MM.  Bœuf  (Elisée), 

!«'  Accessit)  Henniqueau  (Raymond), 

ex-œquo.    )  Miot  (Léon), 

l  Roger  (Eugène), 

(  Delesalle  (Gaston), 

2»  Accessit  \  Carerte  (Raymond). 

ex-œquo.   )  Joly  (Gilbert), 

l  Mayeur  (François). 


id. 
Institut  Golbert,  Tourcoing. 
École  primaire  sup.  de  Fournes. 

id. 
Institut  Golbert,  Tourcoing. 

id. 
École  primaire  sup.  de  Fournes. 

id. 


Enscigucnicut  primaire   élénicutaire. 

i"  SÉRIE.  —  Géographie  physique  et  politique  de  l'Europe,  moins  la  France. 

Sujet  :  L'Espagne  et  le  Portugal. 

p  .       /       Prix  d'honneur.,  offert  par  M.  le  Ministre  du  Commerce  et  de  l'Industrie  : 
Léonard  \  Grand  1"  Prix.    M.  Laporte  (Maurice),    Institut  Golbert,  Tourcoing. 
Danel.   <l«''Prix.        MM.  Gloriant  (Louis),  École  primaire  sup.   de  Fournes. 

Voyage  j  2»  Prix         |  Gallet  (Maurice),  id. 

ex-œquo.    \  Moutardier  (Marcel),  id. 


à  la  mer. 


1"  Accessit' 
ex-œquo. 

2*  Accessit 
ex-œquo. 


1"  Pris. 
20      — 

1"  Accessit 
ex-œquo. 

2'  Accessit 
ex-œquo. 

3°  Accessit 
ex-œquo. 


MM.  Dufour  (Henri), 

Drecq  (Marius), 

Ducoulombier  (Fernand), 
MM.  Glaisse  (Gaston), 

Roberget  (Marc), 

Guesdon  (Marcel), 


id. 
id. 
Institut  Golbert,  Tourcoing. 
École  primaire  sup.  de  Fournes. 
Externat  St-Michel. 
École  primaire  sup.  de  Fournes. 


2"  SÉRIE.  —  La  France.  —  Le  département  du  Nord. 
Sujet  :  Les  Montagnes  de  France.  —  Groquis. 


MM.  Vinchent  (Jean), 
Ceugniet  (Jean), 
Duthilleul  (Pierre), 
DeleCour  (Maurice), 
Leleu  (Jean), 
Gazin  (Georges), 
Duhayon  (Glaude), 
Platel  (Julien), 
Berteloot  (René), 
Gottrand  (Albert), 


École  primaire  super,  de  Fournes. 
Externat  St-Michel. 

id. 
École  de  la  rue  Ternaux,  Roubaix. 

id. 
École  primaire  super,  de  Fournes, 
Externat  St-Michel. 
École  de  la  Groix-Rouge,  Tourcoing. 
École  primaire  super,  de  Fournes. 

id. 


9.")  — 


JEUNES    FILLES. 


Ku«ci;;iieiiieiit  Mceoiidaire. 

1""  SÉHiK.  —  L'Europe  moins  la  France.  —  L'Asie. 

Sujet  :  L'Empire  Russe  en  Europe. 

Prix  crhontieur,  offert  par  M.  le  Ministre  du  Commerce  et  de  riudustrie  ; 
Prix.  Molles  Fohlen  (Simonne),  Collège  de  jeunes  Filles,  Roubaix. 

Accessit.  Duforest  (Reine),  id. 


2"  SÉRIE.  —  L'Afrique,  l'Océanie,  et  notions  sommaires 

SUR  LES   DEUX  AMERIQUES. 

Sujet  :  L'Amérique  du  Sud.  —  Relief  général.  —  Hydrofjraidiie.  —  Origine 
des  Pojndations.  —  Etats. 

1"  Prix.        Meiies  Tellier  (Eugénie),  Collège  de  jeunes  Filles,  Roubaix. 

2*      —  Taisne  (Héloïse),  id. 

3«      —  Dekeyser  (Marcelle),  id. 

Enscig;uemeut  primaire  supérieur. 

2°   SÉRIE.   —   GÉOGRAPHIE   PHYSIQUE,   POLITIQUE   ET  ÉCONOMIQUE   DE  l'OcÉANIE 

(MOINS  l'Archipel  malais),  de  l'Amérique  et  de  l'Afrique.  — 
Explorations  contemporaines. 

Sujet  :  Les  grandes  Explorations  en  Afrique. 

1«'  Prix.         Meiios  Lemoine  (Héléna),  École  Jean  Macé,  Lille. 

2»      —  Lesncs  (Angèle),  id. 

Accessit.  Allavène  (Yvonne),  id. 

3*  SÉRIE.  —  GÉOGRAPHIE   PHYSIQUE   ET  ÉCONOMIQUE   DE   L'EuROPE,  MOINS  LA  FRANCE. 

—  Notions  de  Géographie  politique.  —  Notions  générales  de  Géographie 

PHYSIQUE   ET  ÉCONOMIQUE   DE   l'ASIE   ET   DE   l'ArCHIPEL   MaLAIS. 

Sujet  :  Le  Danidie.  —  Indication  des  Pays  traversés,  leurs  Productions. 

\"  Prix.      Médaille  Parnot.  Meiie  (Tlorieux  (Zoé),  Institut  Sévigné,  Tourcoing. 

2»      —  Meiies  Dufresnoy  (Jeanne),  École  Jean  Macé,  Lille. 

3»      —  Quesnoy  (Marcelle),  id. 

1"  Accessit.  Meiii's  Schlemmer  (H]mma),  Institut  Sévigné,  Tourcoing. 
2*  Accessit  (             Lozé  (Marthe),  id. 

ex-œquo.   \  Lasalle  (Marie),  id. 


—  96  — 

¥   SÉRIE.    —    GÉOGRAPHIE   PHYSIQUE   DE    l'OcÉANIE   (mOINS    L'ARCHIPEL  MaLAIS), 

DE  l'Amérique  et  de  l'Afrique. —  Notions  de  Géographie  économique  et  politique. 

Sujet  :  L'Aits/ralie  et  la  NoiiveJleZélanfU'. 

1"  Prix.      Médaille  Parnot.  Meiio  Donte  (Angèle),  École  Jean  Macé,  Lille. 
2e      _  Mi=iio»i  Bogaert  (Julie),  id. 

1"' Accessit  l  Diéval  (l.aiiie),  id, 

ex-œqno.    \  Alavoiue  (Adèle)  id. 

2*  Accessit  (  Deriorme  (Françoise),  Institut  Sévigné,  Tourcoing. 

ex-œqno.    \  Schlemmer  (Jeanne)  id. 


Eiiseigncnicut  primaire  éléineutairc. 


1"  SÉRIE.  —  Géographie  physique  et  politique  de  l'Europe,  moins  la  France. 


Sujet  :  L'Etijiayne  et  le  Purliiyal. 


Prix  crHonneur,  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  : 
!«■■  Prix.  ilferfaîZZe  Parnot  Meiie  Drouin  (Marguerite),  Institut  Sévigné,  Tourcoing. 


2«  Prix.         Meiies  Lefebvre  (Madeleine), 


1"  Accessit  ( 
ex-œquo.   ( 

2»  Accessit^ 
eœ-œquo.   \ 

3*  Accessit  ' 
ex-œquo. 


Leveugle  (Madeleine), 
Derulle  (Glaire), 
Prouvost  (Marie), 
Gruez  (Hélène) 
Ghristmann  (Madeleine), 
Beyls  (Yvonne), 
Vanoverbecke  (Jeanne), 
Gilles  (Émilienne), 
Debossire  (Eugénie), 
Bolonis  (Jeanne), 


Institut  Sévigné,  Roubaix. 

id. 

id. 
Institut  Sévigné,  Tourcoing. 
Institut  Sévigné,  Roubaix. 

id. 

id. 
Institut  Sévigné,  Tourcoing, 

id. 
Institut  Sévigné,  Roubaix. 

id. 


£•  Série.  —  La  france.  —  Le  département  du  Nord. 


Sujet  :  Les  Montot/nes  de  France.  —  Croquis. 


Prix  d'honneur.,  offert  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
Grand  l»"  Prix.  Médaille  Parnot.  MeUepiament (Marthe),  École  Pasteur,  Lille. 
1"  Prix.       ^MeUes  Nicole  (Jeanne),  Institut  Sévigné,  Roubaix. 

Berteau  (Suzanne),  École  Pasteur,  Lille. 

Schereschewsky  (Lea),  Institut  Sévigné,  Roubaix. 

Isoré  (Zénobie),  id. 

Duchateau  (Marguerite),  École  Pasteur,  Lille. 

Leveugle  (Louise),  Institut  Sévigné,  Roubaix. 


cx-œquo. 

2"  Prix 
ex-œquo. 

l*'  Accessit 


ex-œquo. 


Guillier  (Marie), 


Ecole  Pasteur,  Lille. 


97  - 


2«  Accessit' 
ex-œquo.    j 

3"  Accessit 
ex-œquo.   j 


Duriez  (Jeanne), 
Laffez  (Simonne), 
Quesnoy  ((iermaine), 
Haas  (Madeleine), 
Bernaert  (Lucienne), 
Duvillers  (Suzanne), 


École  Pasteur,  Lille. 

id. 

id. 
Institut  Sévigné,  Roubais. 
École  Pasteur,  Lille. 

id. 


La  Fanfare  de  Flmprimerie  Danel  prêtait  son  concours  à  la  cérémonie  et 
c'est  aux  sons  d'un  pas  redoublé  entraînant  que  s'est  terminée  la  Séance.  On 
s'est  séparé  enchanté  de  la  conférence  et  en  constatant  une  fois  de  plus  la 
vitalité  et  la  puissance  de  vulgarisation  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

A.  MERCHIER, 

Secrétaire-Général. 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


SECTION     DE     ROUBAIX 


Séance  du  Dimanche  7  Novembre  1906. 


EXCURSION  AUX  GRANDS  SANCTUAIRES  DE  LA  GRÈCE 

OLYMPIE.  DELPHES.  ÉPIDAURE.  ELEUSIS 

Par   M'""^    A.    SE  VERI  N-B  OURGO  IGNON  , 

Directrice  du  (Collège  de  jeunes  filles  à  Roubaix. 


Au  printemps  de  1905  j'ai  eu  la  bonne  fortune  do  faire  en  Grèce  un 
voyage  d'études  à  l'occasion  du  premier  Congrès  Archéologique  tenu 


—  98  — 

à  Athènes.  De  ce  vojage  de  cinq  semaines,  suffisant  pour  prendre 
contact  avec  l'antique  civilisation  des  Hellènes,  je  détacherai,  pour 
vous  la  raconter,  une  excursion  à  quelques-uns  des  centres  les  plus 
célèbres  après  Athènes  :  Olympie,  Delphes,  Épidaure,  Eleusis. 

L'intérêt  de  celte  visite  aux  grands  sanctuaires  nationaux  a  été  de 
faire  sentir  ce  qui,  malgré  les  divisions  et  les  discordes  de  l'histoire, 
a  fait  la  seule  unité  du  peuple  grec  :  ses  dieux,  ses  sanctuaires  et 
ses  jeux. 

Ce  pèlerinage  n'est  pas  chose  aisée.  Quelques  chemins  de  fer  peu 
nombreux,  peu  rapides  s'offrent  au  voyageur  ;  parfois  c'est  par  voiture, 
par  âne,  par  bateau  que  s'opère  la  tournée.  D'où  la  nécessité  d'avoir 
recours  au  groupement  pour  faciliter  la  tâche  et  de  voyager  en  cara- 
vane d'agence.  La  nôtre  avait  du  moins  le  mérite  d'être  bien  homo- 
gène. Elle  était  composée  de  congressistes  français,  dirigée  par  un 
élève  de  l'École  d'Athènes,  sous  la  direction  matérielle  de. . .  Démos- 
thène.  C'est  ainsi  qu'après  une  panne  à  Itéa  nous  sommes  arrivés  à  la 
nuit  close  à  la  gare  d'Olympie.  En  notre  honneur  ou  avait  allumé 
deux  brasiers  de  fête  et  des  torches  résineuses  éclairaient  notre  route. 
Mais  la  théorie  des  Congressistes  ne  ressemblait  en  rien  à  celle  du 
passé,  avec  ses  bagages  et  son  encombrement. 

A  la  première  heure  du  jour  tout  le  monde  était  dehors,  poussé  par 
une  intense  curiosité.  Pour  l'habitant  de  la  plaine,  rien  n'est  frappant 
dans  ce  site  que  la  tristesse  ;  une  colline  boisée,  un  torrent  étroit  et 
limoneux,  une  plaine  d'ailuvions,  tel  est  l'aspect  d'Olympie.  Sur  un 
espace  de  2  ou  3  hectares,  s'étend  un  véritable  champ  de  pierres  grises 
et  blanches.  C'est  tout  ce  qui  reste  '  du  grand  sanctuaire  national  où 
tous  les  quatre  ans  la  Grèce  entière  était  rassemblée.  Cet  aspect  est 
récent.  Il  y  a  trente  ans  un  manteau  de  limon  recouvrait  uniformément 
toute  la  plaine.  Notre  École  d'Athènes  avait  indiqué  l'intérêt  de  mettre 
la  pioche  dans  ces  alluvions  ;  des  raisons  budgétaires  s'y  étaient  oppo- 
sées. C'est  ainsi  que  l'École  allemande  a  eu  l'honneur  de  remettre  au 
jour  les  sanctuaires  olympiques.  Ce  fut  au  prix  d'un  lourd  et  déUcat 
travail  :  l'espace  à  fouiller  est  grand  comme  deux  fois  la  place  de 
Roubaix.  Aujourd'hui  grâce  aux  savants,  aux  artistes  et,  l'imagination 
aidant,  on  peut  au  pied  du  Kronos  se  faire  une  pâle  idée  des  grandes 
fêtes  du  passé. 

De  nom,  tous  les  Roubaisiens  les  connaissent,  ici  où  l'on  pratique 
les  sports  avec  fureur;  â  Tourcoing,  pour  clôturer  l'Exposition,  des 
jeux  olympiques  furent  donnés.  Mais  que  ces  réunions  étonneraient  et 


-  99- 

paraîtraient  tristes  à  un  contemporain  de  Phidias  s'il  lui  était  donné 
d'y  assister. 

Ces  solennités  empruntaient  le  principal  de  leur  éclat  à  l'idée  reli- 
gieuse. C'était  le  grand  Dieu  grec  Zeus  que  Ton  venait  honorer  par  des 
sacrifices  et  par  des  jeux.  Ces  réunions  étaient  un  événement  national. 
Toute  guerre  devait  cesser  pendant  la  durée  des  fêtes  et,  de  tous  les 
points  du  monde  grec,  d'Italie,  de  Sicile,  d'Afrique,  d'Asie  Mineure, 
riches  et  pauvres  se  rendaient  par  étapes  dans  la  plaine  d'Elide.  Le 
voyage  leur  était  plus  facile  qu'à  nous  :  c'est  en  devisant  joyeusement, 
avec  des  arrêts  aux  claires  fontaines,  en  couchant  à  la  belle  étoile  ou 
sous  un  toit  hospitalier  qu'arrivaient  tous  ces  pèlerins  après  quelques 
semaines  ou  plusieurs  mois  de  trajet.  Cette  Olympie,  ils  la  connais- 
saient déjà  par  les  récits ,  pourtant  la  surprise  dépassait  l'attente. 
Le  centre  d'intérêt  était  le  grand  temple  de  Zeus,  puis  le  sanctuaire 
d'Héra,  puis  un  fouillis  de  statues  et  do  colonnes  votives. 

Avant  la  fête,  le  pèlerin  parcourait  en  badaud  et  en  dévot  l'enceinte 
sacrée  do  l'Allis.  Sa  première  visite  devait  être  pour  le  Temple  où  il 
s'absorbait  dans  la  contemplation  du  chef-d'œuvre  de  Phidias.  S'il  était 
riche,  il  offrait  un  sacrifice  sur  l'hôtel  voisin  du  temple,  après  quoi  il 
parcourait  toutes  les  chapelles  élevées  par  la  piété  des  villes  et  ne 
manquait  pas  celle  de  son  pays  natal.  Dans  la  foule  il  coudoyait  les 
chefs  les  plus  illustres  des  démocraties  grecques,  les  écrivains,  les 
orateurs,  les  philosophes  :  Phidias,  Périclès  et  Sophocle. . .  11  assistait 
à  l'arrivée  des  athlètes,  des'  cortèges  envoyés  par  les  villes,  telles  les 
Sociétés  de  gymnastique  arrivant  à^un  concours  fédéral.  Il  se  déga- 
geait de  ces  préparatifs  une  sensation  de  gaieté,  une  prodigieuse  et 
bruyante  animation.  Puis  les  jeux  commençaient.  Dans  un  milieu 
sportif  comme  Roubaix,  je  me  hâte  d'avouer  mon  incompétence  sur 
le  lancement  du  disque,  la  lutte  à  main  plate,  le  saut,  la  course. . .  Ces 
jeux  se  passaient  au  stade  et  à  l'hippodrome.  La  dernière  partie  de  la 
fête  se  déroulait  de  nouveau  autour  du  temple  où  les  vainqueurs  rece- 
vaient leurs  prix,  au  prytanée  où  un  banquet  solennel  leur  était  off'ert. 

La  partie  la  plus  précieuse  de  ce  passé  est  à  l'abri  dans  un  musée 
voisin.  Là  les  savants  archéologues  ont  reconstitué  les  frontons  de 
l'ancien  Temple,  là  sont  conservés  deux  chefs-d'œuvre  :  la  Victoire  de 
Paionios  et  l'Hermès  de  Praxitèle. 

.  Par  les  pièces  qui  nous  restent  des  frontons,  nous  pouvons  juger  — 
malgré  de  réelles  beautés  —  que  ces  œuvres  sont  franchement 
archaïques  d'inspiration  comme  de  facture.  Paionios  nous  laisse  une 


—  100  — 


œuvre  signée  qui  appartient  à  ce  groupe  de  Victoires  ailées,  messa- 
gères des  batailles  heureuses,  une  des  conceptions  les  plus  gracieuses 


VICTDIHK    ])K    l'AIDNKlS. 


et  les  plus  hardies  du  génie  grec.  Celle-ci  s'envole  les  ailes  étendues 
tandis  que  le  vent  gonfle  son  ample  tunique  d'oîi  la  jambe  gauche 
s'échappe  hardiment  jetée  en  avant.  Cette  statue  est  mutilée;  toutefois 
elle  s'impose  comme  une  œuvre  magistrale  d'une  fantaisie  puissante 
mais  contenue  et  d'une  plastique  très  chaste  dans  son  réalisme. 

Bien  plus  profonde  encore  est  notre  admiration  pour  l'Hermès  de 
Praxitèle  qui  a  été  retrouvé  au  pied  de  sa  base,  à  l'endroit  décrit  par 
Pausanias,  dans  le  vieux  temple  d'Héra.  Le  fin  grain  de  Paros  doré 
par  le  temps  a  toute  la  chaleur  de  la  vie.  11  enveloppe  un  corps  jeune, 
souple,  vigoureux.  La  tête  a  un  caractère  de  beauté  personnelle  et 
expressive:  le  dieu-messager  a  presque  disparu  pour  laisser  place  à 
un  jeune  homme  qui  s'amuse  du  geste  gourmand  de  l'enfant  Bacchus. 

11  est  heureux  que  la  visite  d'Olympie  se  termine  par  le  Musée.  Le 
champ  de  pierres  est  une  occasion  d'évoquer  le  passé  ;  les  statues  sont 


—  1(U  — 


des  réalités  qui  attestent  qu'Olympie  fut  à  la  fois  un  cenlre  religieux 
et  artistique,  la  vraie  capitale  de  rHelléiiisme. 


Avec  les  ailes  d'Hermès  ou  celles  de  la  Victoire,  on  atteindrait  vite 
le  sanctuaire  de  Delphes.  Notre  voyage  fui  plus  long  et  plus  difficile. 


HERMES    DE    PUAXITELE. 


Notre  petit  vapeur  «  l'Assos  »,  reste  d'une  splendeur  déchue,  aborde 
à  Itéa,  l'échelle  de  Delphes.  Là  c'est  le  débarquement,  les  voitures,  les 
mulets,  toute  la  caravane  à  travers  les  bois  d'oliviers,  dans  des  lacets 
d'une  grande  beauté.  Nous  montons  entre  les  champs  consacrés  à 
Apollon  avec,  toujours,  le  golfe  en  vue.  Bientôt  nous  abordons  la 
grande  montagne,  nous  traversons  quelques  villages  où  les  enfants 
jettent  dans  les  voitures  des  paquets  de  leurs  fleurs  prinlanières.  L'ar- 
rivée à  Delphes  fut  impressionnante,  par  un  beau  soleil,  dans  un  calme 
grandiose.  Deux  murailles  de  pierre  se  rejoignent  presque  pour  laisser 
un  étroit  couloir  qui   réunit  Delphes  au   continent.  M.  Radet,  ancien 


—  102  - 

membre  de  l'École  d'Athènes,  aujourd'hui  Doyen  de  la  Faculté  des 
Lettres  de  Bordeaux,  évoque  à  nos  yeux,  avec  une  sobriété  tout  artis- 
tique, l'arrivée  des  Gaulois,  leur  émerveillement  devant  les  temples, 
leur  frayeur  éperdue  de  l'orage...  A  nous,  Delphes  ne  se  présente 
plus  avec  la  même  beauté  :  le  temps  et  les  hommes  ont  accompli  leur 
œuvre  de  destruclion.  Il  faut  toute  la  science  des  archéologues  et  la 
hantise  des  souvenirs  pour  donner  cette  bonne  émotion  que  l'on  ressent 
si  fréquemment  sur  le  sol  grec.  Ici  la  fouille  est  française.  Au  moment 
•  où  elle  fut  entreprise,  tout  un  village,  Gastri,  encombrait  le  terrain. 
Auprès  de  Delphes  dégagée,  une  vraie  colline  de  terres  rapportées  s'est 
élevée  couverte  en  Avril  de  fleurs  éphémères. 

A  Delphes,  les  Grecs  venaient  demander  les  secrets  de  l'avenir. 
Apollon  leur  répondait  par  la  bouche  d'une  fille  de  Delphes  :  la  Pythie. 
Neuf  fois  environ  par  an  placée  sur  son  trépied,  mise  dans  an  délire 
prophétique  par  des  vapeurs  sortant  du  sol,  elle  répondait  aux  ques- 
tions des  fidèles.  Ces  réponses,  interprétées  par  les  prêtres,  devenaient 
des  oracles  ambigus  auxquels  l'événement  donnait  toujours  raison. 
Puis  le  concours  des  fidèles  avait  déterminé  la  dréation  de  grands 


DELPHES.   -^   LE   STADE. 


jeux  et  un  stade  s'était  ajouté  à  l'ensemble  des  monuments.  Comme  à 
Olympie  pour  Zeus,  le  centre  était  le  sanctuaire  du  Dieu  Apollon.  Les 


-  io;î  - 

cités,  les  particuliers  reconnaissants  donnaient  des  ex-voto  en  rapport 
avec  leurs  richesses.  La  plus  curieuse  est  la  chapelle  élevée  par  les 
Athéniens.  Les  inscriptions  et  la  hauteur  des  pierres  en  permettent, 
aujourd'hui,  la  réédification. 

Les  dévots  allaient  encore  boire  Feau  de  la  fontaine  Gastalie.  C'est 
là,  di(-on,  qu'Apollon  jouait  de  la  lyre  tandis  que  les  Muses  dansaient. 
Elle  était  la  source  de  l'inspiration  poétique.  Elle  nous  servit.... 
simplement  à  arroser  un  solide  déjeuner  pris  en  plein  air  par  une  cara- 
vane joyeuse. 

Après  la  fouille,  c'est  le  Musée  rendu  inévitable,  même  pour  les 
profanes,  à  cause  d'un  orage.  Pendant  quelques  minutes  un  beau 
spectacle  s'offrit  à  nous  :  quelques  coups  de  tonnerre  grondèrent  dans 
ces  gorges  profondes . . .  Apollon  se  vengeait  sans  doute  de  la  profa- 
nation de  son  sanctuaire.  Le  Musée  renferme  plus  de  pièces  que  celui 
d'Olympie,  mais  il  n'a  rien  de  comparable  à  l'Hermès.  Son  bijou  est 
l'Aurige,  sorte  de  cocher  en  bronze  qui  devait  appartenir  à  un  qua- 
drige. Là  aussi  se  trouve  une  colonne  dont  M.  Homolle  a  essayé  la 
restitution  ;  il  la  critique  lui-même  aujourd'hui,  preuve  des  difficultés 
mais  aussi  do  la  bonne  foi  et  de  la  sincérité  du" savant. 

C'est  une  bonne  fortune  de  faire  cette  visite  en  compagnie  d'anciens 
«  Athéniens  »  aujourd'hui  Professeurs,  Membres  de  l'Institut,  Direc- 
teurs de  musées  nationaux  :  pour  eux  c'est  un  bonheur  de  rappeler 
leur  pénible  labeur  de  manoeuvre  dans  le  déblaiement  du  village,  leurs 
soucis  de  ne  rien  briser  en  piochant,  leur  émotion  aussi  et  leur  joie  à 
la  découverte  d'une  inscription,  d'un  buste,  d'une  fondation. 

Et  en  gravissant  l'amphithéâtre  où  s'étagent  les  chapelles ,  les 
temples,  les  trésors,  jusqu'au  dernier  gradin  du  stade,  on  emporte 
l'impression  .^ue  Delphes  était  bien'  la  métropole  spirituelle  du  paga- 
nisme. :    : 


Des  ques'.ions  d'intérêt  général  attiraient  à  Delphes  comme  à  Olym- 
pie;  à  Épidaure  nons  trouvons  le  souci  plus  étroit  de  la  santé.  Ce 
sanctuaire,  où  Asclépios,  le  grand  Dieu  guérisseur,  apparaissait  aux 
malades,  est  aujourd'hui  au  milieu  d'un  désert.  Pour  l'atteindre  il 
fallut  quatre  heures  de  voiture  par  une  route  de  montagne.  Les  seuls 
incidents  furent  la  traversée  du  misérable  village  de  Lygourio  et  la 
rencontre  de  quelques  bergers  faisant  leur  fromage  en  plein  air. 
Cette  route  d'ailleurs  était  délicieuse  pendant  ces  rapides  semaines  du 


104  — 


printemps  grec  :  les  pentes  des  collines,  on  général  brûlées,  étaient 
toutes  vertes  piquées  des  notes  plus  claires  des  cystes  et  des  asphodèles. 

A  Epidaure  les  fouilles  sont  grecques.  Elles  ont  été  faites  par 
l'éphore  général  des  antiquités,  M.  Cavvadias.  Prévenu  de  la  visite  du 
groupe  français,  il  était  venu  avec  sa  famille  à  Epidaure.  Son  accueil 
fut  cordial.  Une  lente  avait  élé  préparée  pour  le  repas.  M™"  Cavvadias 
en  augmenta  le  menu  d'un  délicieux  fromage  confectionné  pour  les 
Congressistes. 

L'excursion,  commencée  en  vraie  partie  de  campagne,  se  continua 
par  une  après-midi  d'étude  sous  la  direclion  de  M.  Cavvadias.  Il  nous 
déploya  un  plan  immense  pour  nous  figurer  l'ensemble  do  la  fouille 
qu'il  allait  nous  faire  parcourir.  La  visite  commença  par  le  Théâtre. 


C'est  le  mieux  conservé  de  la  Grèce.  Mouler  au  .52""'  do  ses  gradins 
intacts  constitue  une  vraie  ascension.  Il  est  en  même  temps  une  mer- 
veille d'acoustique  :  d'une  voix  normale,  un  jeune  homme  déclama 
quelques  vers  qui  furent  nettement  entendus  des  différents  points 
d'une  cavea  qui  pouvait  contenir  des  milliers  de  spectateurs.  L'or- 
chestre que,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  on  croyait  demi-circulaire  est 
ici  en  cercle  complet.  Ce  sont  los  Romains  qui,  ailleurs,  l'ont  réduit 
au  demi-cercle.  Quant  à  la  scène,  elle  a  été  forcément  ravagée  par  le 
temps,  composée  qu'elle  éiait  d'un  mur  figurant  une  façade  de  palais. 


à 


—  105  — 

Quelle  était  la  place  des  acteurs  ?  C'est  le  grave  conflit  qui  met 
aujourd'hui  aux  prises  rAthénien  Cavvadias  et  Dorpfeld,  le  Directeur 
de  l'Ecole  allemande  d'Athènes.  Tous  deux  soutiennent  leur  cause 
avec  une  égale  compétence  et  de  sérieux  arguments  de  savants. 

Mais  ce  n'était  pas  au  théâtre  que  se  rendaient  la  plupart  des  pèle- 
rins d'Epidaure.  A  un  kilomètre  de  là,  Asclépios  avait  ses  sanctuaires, 
toute  une  ville  de  lemples  et  de  dépendances.  Sur  deux  grandes 
avenues  se  coupant  à  angle  droit  s'élevaient  des  constructions  sacrées 
dont  quelques-unes  excitent  encore  les  débats  des  archéologues,  telle 
la  Tholos,  sorte  de  labyrinthe  circulaire  et  souterrain. 

C'était  la  guérison  que  l'on  venait  chercher  à  Epidaure.  Les  malades 
connaissaient  bien  les  trois  parties  du  sanctuaire  :  la  source  sacrée,  le 
portique  et  la  demeure  du  Dieu  :  le  temple. 

La  dévotion  sincère  à  Asclépios  est  de  la  période  classique,  puis- 
qu'une nuit  alors  suffisait  pour  le  miracle  ;  à  l'époque  romaine,  le 
séjour  était  déjà  plus  long.  Les  malades  à  toute  extrémité  étaient 
refusés,  le  mourant  entraîné  au-delà  de  l'enceinte  sacrée  :  la  mort  étant 
une  souillure.  Plus  tard  une  maison  de  refuge  fut  construite  pour  les 
malades  désespérés.  Les  moyens  de  guérison,  la  thérapeutique  d' As- 
clépios est  connue,  les  malades  pour  remercier  le  Dieu  ayant  fait 
graver  des  stèles  avec  l'indication  de  leur  maladie  et  des  remèdes. 
Deux  d'entre  elles  nous  furent  traduites  par  M.  Cavvadias.  Et  tandis 
qu'il  lisait  ces  plaques  commémoratives ,  l'Épidaure  d'autrefois  se 
reconstituait  dans  notre  esprit  :  la  nuit  sacrée  sous  les  portiques,  l'ap- 
parition du  Dieu,  du  serpent  guérisseur.  A  travers  les  constructions 
de  marbre  passaient  et  repassaient  les  malades  comme  à  une  station 
thermale  ouverte  à  tous. 

Le  sanctuaire  d'Epidaure  nous  apparaît  donc  comme  une  œuvre 
philanthropique  des  Grecs,  un  foyer  de  guérisons  miraculeuses  où  la 
médecine,  pourtant,  finit  par  trouver  son  premier  berceau. 


A  Epidaure,  les  dévots  allaient  demander  les  biens  de  ce  monde,  à 
Eleusis,  les  pèlerins  allaient  s'initier  à  la  vie  de  l'au-delà.  Le  culte  des 
grands  Dieux  est  en  général  sec,  formaliste,  un  simple  sacrifice  suffi- 
sait, il  ne  répondait  pas  au  besoin  intime  de  l'âme  qui  avait  la  vague 
notion  d'une  vie  supra-terrestre.  Le  culte  d'Eleusis  y  donnait  satis- 
faction. Ce  culte  avait  un  caractère  local  :  il  était  particulier  aux  gens 
de  l'Attique. 


106  — 


Aujourd'hui  nous  n'avons  plus  qu'un  vaste  espace  avec  des  indica- 
tions qui  suffisent  toutefois  pour  une  reconstitution  du  passé.  Sur  le 
sol,  des  propylées,  un  dallage,  des  places  de  colonnes  et  de  statues 
nous  indiquent  la  grande  salle  où  se  passaient  chaque  année  les  Mys- 
tères. La  légende  est  gracieuse  qui  en  explique  l'origine,  et  c'est  dans 
Un  site  superbe  que  se  développa  le  culte  des  deux  Déesses  Déméter 
et  Coré. 

Le  secret  a  été  bien  gardé  puisqu'aucun  écrivain  grec  n'a  donné  le 
détail  des  cérémonies  d'Eleusis.  Nous  savons  seulement  qu'on  se 
moquait  des  dévots  de  la  Déesse  et  que  le  retour  à  Athènes  était  accom- 
pagné des  lazzis  de  la  foule. 

Cependant  des  savants  contemporains  ont  essayé  de  percer  ces 
mystères  et,  avec  l'aide  de  quelques  rares  documents,  donné  une 
explication  très  plausible  sinon  absolument  certaine.  A  Eleusis, 
disent-ils,  les  fidèles  faisaient  une  répétition  imagée  des  scènes  d'au- 
delà  de  la  mort.  Ils  apprenaient  à  connaître  les  monstres  du  passage, 
notamment  le  chien  Cerbère.  Ils  prononçaient  les  paroles  sacramen- 
telles qui  éloignaient  le  danger. 

Il  faut  se  représenter  cette  snllc  le  soir,  obscure,  silencieuse,  avec 


SAI.I.E    D  INITIATION. 


les  grandes  ombres  des  stalues  et  l'apparition  solennelle  des  objets 
sacrés  présentés  par  les  prêtres  à  la  foule  des  initiés.  Ceux-ci  ne  sont 
pas  de  simples  spectateurs,  mais  des  pénitents  ayant  acheté,  par  l'ob- 


—  107  — 

servance  rigoureuse  de  prescriptions  détaillées  et  par  ono  sorte  de 
jeûne,  le  droit  de  s'asseoir  sur  les  gradins  taillés  dans  le  roc.  Cette 
démonstration  de  la  vie  future  produisait  une  impression  profonde 
qu'on  retiouve  en  plus  d'un  auteur. 

Après  cinq  jours  d'épreuves,  le  cortège  se  formait  pour  rentrer  à 
Athènes  par  la  voie  Sacrée.  C'est  une  des  plus  belles  promenades  sinon 
la  plus  belle  qu'on  puisse  faire  en  Attique.  C'est  à  pied  comme  autre- 
fois que  nous  avons  fait  les  20  kilomètres  du  retour  d'Eleusis.  Le 
chemin  suit  d'abord  les  ondulations  du  golfe,  puis  par  un  col  escalade 
la  colline  d'Egalées.  En  se  retournant  le  spectacle  est  superbe  :  au-delà 
de  la  campagne  riante  qui  nous  entoure,  la  mer  et  la  colline  prennent 
contact  par  des  lignes  sobres  qui  sont  le  charme  des  paysages  attiques. 
Nous  recevons  un  peu 

«  Du  grand  zéphyr  qui  souffle  à  Salamine  >, 

dont  l'île,  dessinée  fièrement,  ferme  l'horizon.  Et  c'est  une  fête  des 
yeux  que  ce  spectacle  oîi  le  bleu,  le  verl,  le  gris  et  le  rose  font  une 
gamme  riche  et  sobre  en  même  temps. 

A  l'ancien  pont  de  Céphise,  à  l'endroit  où  les  badauds  d'Athènes 
venaient  se  moquer  des  pèlerins,  une  surprise  nous  attendait.  Dans 
deux  chariots  arrivaient  des  groupes  déjeunes  filles  et  de  jeunes  gens 
chantant,  dans  le  calme  du  soir,  les  lentes  mélopées  de  l'Orient. 
Quelques  cavaliers  les  entouraient  ;  tous  se  rendaient  aux  fêtes  natio- 
nales, aux  illuminations.  Pendant  un  quart  d'heure  nous  pûmes  les 
suivre,  mais  enfin  une  fantasia  fît  disparaître  chevaux  et  chariots  dans 
l'épaisse  poussière  de  l'Attique. 

Et  comme  eux  nous  rentrions  à  Athènes  pour  la  fête  nationale,  fête 
du  Roi  et  des  Congressistes.  Sur  la  colline  sacrée  de  la  Grèce,  sur 
l'Acropole,  dans  le  temple  de  la  Sagesse,  d'Athena,  simplement,  sans 
aucune  pompe  eut  lieu  l'ouverture  du  Congrès.  C'est  dans  le  sanc- 
tuaire le  plus  beau  de  leur  pays  que  le  bon  goût  des  Grecs  convoqua 
les  savants  du  monde  entier  pour  rendre  hommage  à  la  race  qui,  la 
première,  avait  su  incarner  la  beauté.  Et  dans  les  discours  prononcés 
et  sur  tous  les  visages  se  dégageait  cette  impression  de  radieuse 
sérénité  que  donne  l'étude  du  génie  hellénique  qui  a  su  incarner  le 
sentiment  religieux  dans  des  formes  d'une  beauté  pure  et  harmonieuse. 


—   108 


MONOGRAPHIE  DE  WASQUEHAL 

Par  Gaston  BAELEN. 


M.  Gaston  Baelen  vient  de  faire  de  la  cumnmne  de  Wasquehal  une  Mono- 
graphie que  la  Société  de  Géographie  de  Lille  a  été  heureuse  de  récompenser 
comme  elle  le  méritait. 

L'auteur  a  su  classer  avec  beaucoup  de  méthode  les  nombreux  éléments 
puisés  aux  sources  les  plus  autorisées,  aussi  ce  travail,  fruil  de  longues  et 
laborieuses  recherches,  sera-t-il  consulté  avec  autant  de  facilité  que  de  profit 
par  ceux  qu'intéresse  l'histoire  locale.  M.  Baelen  ne  s'est  pas  contenté  de 
faire  de  Wasquehal  une  étude  létrospective  approfondie,  il  a  décrit  en  outre 
en  détail  le  Wasquehal  actuel  avec  son  industrie,  son  commerce  et  ses  insti- 
tutions. 

Nous  extrayons  de  ce  travail  ce  qui  concerne  l'ancienne  industrie  des 
étoffes. 


L  INDUSTRIE  DES  ÉTOFFES  AUTREFOIS  A  WASQUEHAL. 


Dès  le  XVI*  siècle,  les  manufactures  de  Roubaix,  Croix  et  Wasquehal 
avaient  entièrement  abandonné  la  fabrication  des  draps,  qui  avait  été  le  pre- 
mier aliment  de  leur  industrie  pour  s'adonner  à  celles  des  tripes  de  velours 
unies  et  façonnées  (1). 

Ils  entreprirent  bientôt  la  manufacture  des  bourrus  (2)  et  des  fulaincs  (3). 

Malgré  l'opposition  acharnée  des  Lillois,  qui  prétendaient  à  ce  monopole, 
cette  dernière  industrie  était  prospère  à  Roubaix,  à  Croix  et  à  Wasquehal  au 
commencement  du  XVIP  siècle. 


(i)  Étoffe  veloutée  en  fil  et  en  hune. 

(2)  Synonyme  de  bure,  grosse  toile  faite  d'étoupes  et  de  chanvre. 

(3)  Sorte  d'étoffe  dont  la  chaîne  est  en  fil  et  la  trame  en  coton. 


—  lO'J  — 

Une  ordonnance  des  archiducs  Albert  el  Isabelle,  gouverneurs  des  Pavs- 
Bas,  en  date  du  3  Mars  1609,  comprit  les  tripes  de  velours,  les  bourras  et 
futaines  parmi  les  étotïes  dont  la  fabrication  élail  permise  à  Roubaix  el  dans 
une  partie  de  son  district  qui  comprenait  Wasquehal.  Cette  ordonnance  était 
ainsi  conçue  : 

Article  I*"'.  —  <^<  Ks  villaiges  de  la  chastellenie  de  Lille  ci-après  mentionnez, 
et  non  aultres,  se  pourront  faire  ouvraiges  de  trippes  de  velours  de  grosses 
étoffes,  ascavoir  au  bourg  de  Roubaix,  de  quarante-cinq  (douzaines  de  fils), 
que  l'on  dit  de  quatre  cordes,  et  en  dessous,  dclaissaal  celles  plus  Knes  à  ceux 
des  villes  de  Lille  et  aultres  privilégiées  ». 

Article  IL  —  <-<  Pareillement  l'on  pourra,  es-lieux  ci-après  nomez  et  non 
aultres,  faire  des  bourrats  el  futanes » 

Article  XVIL  —  «  Les  lieux  et  villaiges  de  la  chastellenie  de  Lille  esquels 
pourront  être  faictes  tous  bourats  et  futanes,  sont  Roubaix,  Tourcoing,  Wat- 
trelos,  Mouvaux,  Ronq,  Neufville  en  Ferrain,  Linselles,  Marque  en  Barœul, 
Croix  el  Wasquehal  ;  mais  es-villaiges  de  Fiers,  Hem,  L^'s  lez  Lannoj,  Lers, 
Toufflers  et  Saillj  se  pourront  faire  tant  seulement  trippes  de  grosses  étoffes 
telles  qu'est  dit  ci-dessus  >>. 

A  la  suite  de  cette  ordonnance,  les  gens  de  loi  et  les  manufacturiers  des 
trois  chefs-lieux  se  réunirent  pour  répartir  en  trois  districts  les  villages  désignés. 

Le  district  de  Roubaix  fut  composé  de  Roubaix,  Marcq  en  Barœul,  Croix, 
Wasquehal,  Fiers  et  Hem. 

Mais  les  manufacturiers  de  ce  district,  voyant  que  les  tripes  à  trois  et  quatre 
cordes  n'avaient  plus  la  faveur  du  public,  en  fabriquèrent  de  six,  sept  et  huit 
cordes,  malgré  le  privilège  de  Lille  et  des  autres  grandes  villes. 

De  là  des  conflits  quelquefois  sanglants  entre  les  Lillois  et  nos  manufactu- 
riers de  Roubaix,  Croix  et  Wasquehal. 

Un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  Roubaix  relate  que  le  dernier  jour  de 
Mars  1621,  les  maîtres  bourgeteurs  de  Lille  vinrent  à  Roubaix  el  environs 
pour  saisir  les  tripes  de  velours  qu'ils  y  trouveraient,  mais  ils  furent  chassés 
et  en  grand  danger  de  perdre  la  vie. 

Les  Archives  de  Roubaix  donnent  encore  les  détails  suivants  sur  un  exploit 
semblable  du  commencement  d'Avril  de  la  même  année  (1)  : 

Ce  jour  là,  Arnoul  Carlier,  huissier  du  grand  Conseil  de  Lille  serait  venu 
exploiter  avec  dix-huit  hommes  armés  dans  les  villages  de  Wasquehal  et  de 
Croix. 


(1)  Il  est  fort  probaltle  qu'il  s'agit  du  môme  fait  :  les  deux  dates  donacés  concor- 
dant presque. 


-  110 


Les  habitants  furieux  l'auraient  poursuivi  avec  fcs  hommes  jusqu'à  Roubaix. 

Parvenu  devant  le  château  de  ce  bourg,  l'huissier  aurait  déclaré  au  bailli 
qu'il  venait  saisir  et  confisquer  toutes  les  tripes  ajant  plus  de  quatre  cordes. 

Le  bailli  lui  aurait  fait  observer  qu'il  n'avait  pas  besoin  d'amener  tant  de 
gens  pour  cela  et  lui  aurait  offert  le  ministère  d'un  sergent. 

L'huissier,  ayant  refusé  celte  offre,  serait  sorti  du  château  pour  procéder 
avec  ses  hommes  à  l'exécution  de  son  exploit.  Mais  il  vit  sur  le  marché  une 
grande  foule  ameutée  par  les  gens  de  Wasquehal  et  de  Croix.  Pris  de  peur, 
il  aurait  alors  menacé  la  foule  de  son  pistolet. 

La  foule  exaspérée  lui  aurait  alors  lancé   des  pierres,   l'aurait  poursuivi 


É'il.ISt;    ST-NiCOLAS. 


jusque   près  de   Lannoj   en    criant  :  «  Tue  !  lue  les  hoifijres  »   ei  aurait  blessé 
assez  grièvement  plusieurs  de  ses  hommes. 

L'huissier  et   quatre   personnes   de  sa  suite,  forcés  de  se  réfugier  dans  une 


111 


maison  près  de  Launoj,  y  auraient  passé  la  nuit  dans  un  grenier  en  grande 
perplexité  et  menacés  d'être  brûlés  par  les  ameutés. 


ORIGINE  DE  LA.  FABRICATION  DES  TAPIS  A  WASQUEHAL. 

En  1640,  lors  du  siège  d'Arras,  il  y  avait  encore  dans  cette  ville  quinze 
cents  métiers  de  tapisserie. 

Quelques  années  plus  tard,  il  n'en  restait  plus  que  sept  ou  huit  :  maîtres  et 
ouvriers  artésiens  ayant  été  ruinés  par  la  guerre. 

La  plupart  se  réfugièrent  en  Flandre  et  un  Hollande,  et  beaucoup  en  la 
ville  de  Lille  et  au  bourg  de  Roubaix,  où  ils  fondèrent  des  établissements  qui 
ne  tardèrent  pas  à  prospérer. 

Il  paraît  qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  vinrent  exercer  leur  industrie  à 
Croix  et  à  Wasquelial. 

Moins  de  trente  ans  après  la  prise  d'Arras,  c'est-à-dire  quand  la  Flandre 
wallonne  passa  sous  la  domination  de  Louis  XIV  en  1668,  les  villes  de  Lille 
et  de  Tournai  demandèrent  à  ce  prince  de  confirmer  leur  ancien  monopole 
exclusif  de  la  manufacture  des  étoffes  et  tapis.  Mais  alors  le  clergé  des  trois 
districts  manufacturiers  de  Roubaix,  Tourcoing  et  Wattrelos,  menacés  par 
cette-  demande  des  Lillois  et  des  Tournaisiens ,  intervint  en  faveur  des 
ouvriers  de  nos  cantons. 

Tous  les  curés  des  paroisses  menacées  signèrent  une  protestation  énergique 
pour  être  mise  sous  les  yeux  du  roi. 

Celle  du  pasteur  de  Wasquelial  qui  faisait  partie  du  district  manufacturier 
de  Roubaix,  est  ainsi  conçue  : 

<v  Si  la  publication  de  l'interdiction  est  ordonnée,  il  n'est  pas  douteux  que 
la  moitié  de  mes  paroissiens  n'émigrent  dans  le  Palatinat,  en  Hollande,  en 
Angleterre,  et  ainsi  ma  paroisse  serait  en  quelque  sorte  déserte,  ce  que  j'af- 
firme, ce  14  Décembre  1669  ». 

Sif/tié  :  Jacques  Blampain,  Pasteur  de  Wasquehal. 


Cette  courageuse  intervention  ne  fut  pas  inutile,  car  par  sa  lettre  du 
11  Août  1671,  Monsieur  Le  Pelelier  de  Souzy,  intendant  de  justice,  police  e' 
finances  en  Flandres,  vint  au  nom  du  Roi  rassurer  les  habitants  du  Plat-Pays, 
leur  affirmant  que  Sa  Majesté  n'avait  rien  de  plus  à  cœur  que  de  les  main- 
tenir dans  leurs  manufactures  et  de  leur  faciliter  les  moyens  de  les  aug- 
menter. » 


FABRICATION  DES  CALMANDES,  RAZ  DE  GENNES 
ET  SERGES  DE  NIMES. 

En  1696,  les  calmandes  (1),  les  raz  de  Gennes(2)  et  les  serges  (3)  de  Nîmes 
étaient  devenus  le  principal  aliment  de  l'industrie  de  Roubaix,  de  Croix  et  de 
Wasquehal. 

En  1726,  les  manufacturiers  de  Roubaix,  Croix  et  Wasquehal  inventent 
un  nouveau  genre  qu'ils  appellent  «•  calmandille  »  et  qui  était  surtout  destiné 
è  l'Espagne  et  aux  Indes,  à  cause  de  sa  légèreté. 


LA    FERME    PE    GKIMBKY. 


Les  Lillois  essayèrent  d'abord  de  les  imiter,    mais   n'y  parvenant  pas,  ils 

intentèrent  un  procès  aux  fabricants  de  Roubaix,  de  Croix  et  de  Wasquebal. 

Les  Roubaisiens  et  les  fabricants  de  Croix  et  de  Wasquehal  furent  soutenus 


(Ij  On  appelait  «  calmandes  »  une  étoffe  de  laine  croisée  et  solide,  unie  et  lus- 
trée comme  le  satin,  que  Ton  employait  pour  robes  de  chambre  ou  robes  d'été. 

(2)  On  donnait  le  nom  de  «  raz  de  (bennes  »  à  plusieurs  sortes  d'étoffes  croisées, 
fort  unies,  dont  la  ville  de  Gônes  eut  la  première  la  connaissance  et  le  monopole 
de  la  fabrication. 

(3)  La  «  serge  »  était  une  sorte  d'étoffe  croisée,  fabriquée  à  quatre  marches. 

Les  serges  de  certaines  villes  étaient  célèbres  et  prisées  à  divers  titres.  —  Ainsi 
on  citait  avant  toutes  autres  les  serges  de  Beauvais,  de  Gtiartres,  de  Nîmes,  etc. 


—  1 13  — 

par  le  prince  de  Soubise,  marquis  de  lloubaix,  landis  que  les  Lillois  eurent 
l'appui  de  la  Chambre  de  Commerce. 

Un  arrêt  du  Conseil  d'Etat  du  7  Octobre  1732  renvoja  les  parties  devant 
l'intendant  de  Flandre. 

Les  Lillois  demandaient  que  la  faculté  laissée  aux  manufacturiers  de  Ruu- 
baix,  Croix,  AVasquehal,  etc.,  de  fabriquer  certaines  étoffes  fût  limitée  au 
bourg  et  paroisse  de  Roubaix  et  non  étendue  aux  villages  de  son  arrondisse- 
ment, parmi  lesquels  figuraient  en  première  ligne  Croix  et  Wasquohal. 

Les  gens  de  loi  de  Croix  et  de  Wasquehal  adressèrent  alors  au  nom  des 
artisans  de  ces  localités,  la  supplique  suivante  à  l'intendant  de  Flandre  : 

«  Dans  la  révolution  de  la  province  d'Artois,  les  fabricants  se  sont  répandus 
non  seulement  dans  la  ville  de  Lille  mais  aussi  dans  les  villages  des  suppliants 
et  ailleurs  ;  depuis  lors  les  habitants  de  Croix  et  de  Wasquehal  ont  fabriquez 
des  étoflfes  sans  discontinuation  jusqu'à  présent,  suivant  les  réglemens,  sans 
trouble  ni  empêchement,  de  mesme  que  les  calmandes  (1  ,  depuis  qu'elles  sont 
mises  en  lumière,  et  à  quoi  ils  sont  attachés  particulièrement.  » 

<<  Cette  possession  de  travailler  pour  les  fabricans  de  ces  paroisses  les  a 
toujours  fait  regarder  comme  des  districts  de  Roubaix  et  de  l'arrondissement 
de  ce  lieu.  » 

«  Les  supplians  représentent  que  les  peuples  el  habitans  de  leurs  paroisses 
sont  trop  nombreux  pour  s'appliquer  tous  ù  l'agriculture,  un  quart  suffit  pour 
entretenir  le  labour,  et  le  reste  ne  s'occupe  actuellement  qu'à  la  fabrique  des 
manufactures  permises,  avec  quoi  ils  paient  leurs  charges  et  entretiennent 
leurs  familles,  lesquelles  sans  ce  secours  seraient  réduites  à  la  mendicité  et 
leurs  communautés  hors  d'état  d'y  subvenir.   » 

Cette  supplique,  appuyée  par  une  déclaration  des  vieillards  de  Croix  et  de 
Wasquehal,  attestant  qu'à  leur  connaissance  «  on  a  toujours  travaillé  dans 
lesdiles  paroisses  toutes  sortes  d'étoffes,  tant  «  calmandes  »  que  <■.  bourras  », 
«  damas  (2)  »,  «  serges  »  et  autres,  sans  trouble  ni  empêchement.  ...  »,  fut 
favorablement  accueillie  par  l'intendant  de  Flandre,  et  depuis  celte  époque 
(1733),  les  habitants  de  Wasquehal  ont  continué  à  fabriquer  des  étoffes  de 
toutes  sortes  sans  être  désormais  inquiétés.. 


(1)  Calmandes  comprend  ici  calmandes  et  calmandilles,  sortes  de  calmandes  très 
légères. 

(2)  «  Damas  »  :  étoffe  de  soie  ou  de  laine,  à  fleurs  ou  à  dessins  et  à  deux  envers, 
ainsi  nommée  parce  qu'elle  se  fabriquait  originairement  à  Damas. 


—  114 


NOTES  SUR  LE  MAROC 


(1) 


COMMENT  ON  PEUT  DEFINIR  LE  MAROC.  —  D'un  article  de 
M.  Paul  Bourdarie,  Directeur  de  la  Revue  indigène,  nous  extrayons  les  notes 
suivantes  : 

Si  l'on  voulait  appliquer  au  Maroc  le  procédé  cher  aux  Extrême-Orien- 
taux, et  qui  consiste  à  enfermer  dans  quelques  mots  la  définition  de  tout  un 
vaste  pajs,  on  n'aurait  que  l'embarras  du  choix  entre  les  figures  concrètes  et 
les  figures  abstraites.  Le  Maroc  pourrait  être  défini  : 

Le  iniys  de  V âne .  —  En  dehors  des  villes,  tout  Marocain  a  son  bourricot, 
petit,  malingre,  mais  d'une  résistance  surprenante.  De  grands  gaillards, 
paresseusement  assis  sur  le  dos  de  la  pauvre  bête,  l'excitent  de  temps  à  autre 
en  lui  faisant  sentir  la  plaie  toujours  à  vif  du  garrot.  C'est  pitoyable  !  L'âne 
est  le  serviteur  intime  de  Thomme  qui  lui  décerne  un  honneur  spécial  : 
Arrah  !  sidi  !  arrah  !  Avancez,  Monsieur,  avancez,  lui  dit-il,  et  le  petit  animal 
avance  courageusement,  escaladant  les  ludes  côtes  du  pays.  Succombe-t-il 
sous  la  charge  trop  lourde  et  mal  équilibrée,  l'homme  la  replace  d'un  grand 
effort  pendant  que  le  petit  âne  s'arc-boute  sur  ses  jambes  pour  la  recevoir. 
Rentré  au  douar,  le  maître  crache  sur  le  dos  de  la  bête  en  lui  enlevant  le 
bât.  Celle-ci  paraît  même  attendre  ce  geste  pour  s'en  aller  joyeuse  vers  le  repas 
ou  le  repos. 

Le  pays  di(  mvht.  —  Dans  ce  pays  où  l'on  trouve  de  fort  bons  chevaux 
dont  le  type  pur  a  dû  servir  à  créer  le  merveilleux  anglo-arabe;  c'est  la  mule 
qui  fait  prime.  Elle  est  la  monture  habituelle  des  shérifs  et  des  gens  du 
gouvernement.  Seule,  des  animaux  de  bât  ou  de  selle,  elle  est  à  l'abri  des 
-mauvais  traitements.  Un  beau  cheval  vaut  200  douros  ;  une  belle  mule  en 
vaut  300. 

Le  pays  du  chameun.  —  Ils  vont  par  les  rues  ou  par  les  routes,  de  leurs  pas 
lents  et  mesurés,  étranges  avec  leurs  grands  cous  qui  balancent  des  têtes  aux 
yeux  doux.  Leurs  énormes  charges  de  grains,  débordantes  à  droite  et  à  gauche. 


(1)  Voir  Bulletins  de  Sejdembre  et  Octobre  1900. 


—  115  — 

semblent  de  petites  montagnes  en  déplacement.  Dans  les  rues  étroites,  il  faut 
s'aplatir  le  long  des  murs  blamis  pour  n'en  point  être  renversé.  Sur  le  grand 
Sokko,  dix,  quinze  chameaux  sont  souvent  accroupis,    ruminant   béatement. 

Pays  des  plaines  (Jéniiflécs.  —  Triste  est  la  nudité  des  plaines  et  collines 
marocaines,  veuves  à  peu  près  de  toute  végétation  arborescente.  Rien  qui 
repose  la  vue.  A  peine  çà  et  là  quelques  minuscules  jardins,  plantés  de  petits 
arbres,  ceints  de  murailles  en  pierres  sèches  écrasées  par  les  cactus.  C'est  la 
caractéristique  du  Musulman  de  détruire  les  arbres  ou  de  n'en  point  planter. 
Nomade,  il  lui  faut  de  grands  horizons  et  de  vastes  firmanents. 

Pays  de  la  saleté.  —  Elle  règne  en  maîtresse,  elle  recouvre  les  hommes  et 
les  choses  ;  elle  fait  partie  du  paysage  ;  elle  est  une  institution  sociale.  Vête- 
ments crasseux,  déchirés,  rapiécés  ou  tombant  en  loques.  Mendiants  et  men- 
diantes, jeunes  ou  vieux,  ulcéreux,  aveugles  ou. .  .  .  bien  portants,  voués  à  la 
mendicité  en  l'honneur  d'un  Sidi-Bouzi  quelconque,  pratiquant  avec  patience 
le  grattage  de  leur  épiderme,  la  poursuite  de  leur  vermine.  Les  autres  vont 
cependant  d'une  allure  fière  sous  ces  vêtements  qui  ne  devraient  plus  avoir  de 
nom,  portant  en  eux  l'orgueil  stérile  de  l'Islam,  le  mépris  du  ionddi  ou  la 
haine  du  nazrani,  dont  il  témoignait  en  crachant  quand  leur  marche  les  frôle. 
Pouilleux  sublimes  ! 

Les  immondices  humains  déposées  dans  les  rues  passantes,  les  amoncelle- 
ments d'ordures  aux  portes  des  villes  rendent  l'atmosphère  irrespirable.  Le 
manque  d'hjgiène  engendre  toutes  sortes  de  misères  humaines  ;  les  plus  forts 
lui  résistent,  elle  tue  les  plus  faibles.  Les  familles  qui  ont  une  mojenne  de 
huit  naissances  sont  par  suite  fortement  décimées.  La  survivance  moyenne  des 
enfants  n'est  que  de  trois. 

Pays  de  la  luendlcilé.  —  Tout  Marocain,  sauf  de  rares  exceptions,  a  l'âme 
d'un  mendiant.  Le  désir  de  l'argent  légitime  toutes  les  bassesses.  Suivant  le 
rang  social,  la  mendicité  revêt  des  formes  basses  ou  prend  des  manières  dis- 
tinguées. Les  mendiants  de  profession  font  d'ailleurs  de  maigres  recettes,  car 
les  musulmans  ne  mettent  pas  grand  empressement  à  remplir  le  devoir  cora- 
mique  de  l'aumône.  Ce  n'est  point  dans  les  paillasses  remplies  de  vermine  des 
mendiants  marocains  qu'on  trouverait  cent  mille  francs. 

Le  pays  du  me  n  son  (je  el  de  la  fourberie.  —  Celui  qui  parle  ment  à  son  inter- 
locuteur ;  il  sait  par  contre  que  celui-ci  agit  de  même.  En  sorte  que  pour 
tromper  un  Marocain,  il  suffirait  de  lui  dire  simplement  la  vérité. 

C'est  le  pays  où  les  caïds  que  le  Sultan  invite,  avec  des  démonstrations  de 
confiance  et  d'amitié,  à  lui  rendre  visite,  ne  savent  jamais  s'ils  ne  seront  pas 
jetés  en  prison  pour  voir  leurs  biens  confisqués. 


—  m;  — 

Le  l)((}/s  de  la  cnuiiih'.  —  Certains  journaux  de  France  vitupèrent  contre 
l'emploi  du  knout  en  Russie.  Ils  savent  qu'an  .Maroc  on  donne  jusqu'à  300 
coups  de  corde  et  que  le  patient  meurt  dans  les  vingt-quatre  heures  après 
d'horribles  souffrances  et  pourtant  ils  se  taisent.  Pourquoi  ? 

Le.  pays  (lu  iHirudoxe.  —  Il  abonde  au  Maroc,  dans  les  institutions  poli- 
tiques et  sociales  et  dans  les  mœurs. 

Ce  n'est  guère  que  dans  ce  pays  que  l'on  peut  voir  de  vrais  brigands 
s'instituer  eux-mêmes  gendarmes,  faire  de  l'ordre  à  force  de  désordre  et  en 
imposer  aux  représentants  officiels  du  gouvernement  réduit  à  l'impuissance. 

Quelques-uns  pensent  que  cet  état  de  choses  est  voulu.  C'est  possible  et 
vraisemblable,  parce  que  paradoxal.  Dans  l'affirmative,  il  faut  constater  que 
la  comédie  est  bien  jouée. 


LE  COMMERCE  AU  .MAROC.  —  D'un  article  de  M.  Ed.  Déchaud, 
paru  récemment  dans  les  Annales  de  l'Institut  Colonial  de  Bordeaux,  nous 
détachons  les  renseignements  suivants  : 

Genre  de  coninierce  à  recoiiiiiinnder.  —  Le  moment  ne  semble  pas  encore 
venu  d'établir  au  Maroc  un  commerce  îi.  l'image  de  celui  que  nous  avons 
l'habitude  de  voir  dans  les  pajs  civilisés.  Les  opérations  ne  sont  encore  ni 
assez  suivies,  ni  assez  importantes  pour  permettre  la  spécialisation  dans  un 
article  quelconque.  Les  négociants  qui  s'établissent  au  .Maroc  doivent  donc 
être  disposés  à  vendre  et  à  acheter  toutes  sortes  de  produits. 

Comme  le  fait  très  justement  remarquer  M.  Auguste  Bernard,  le  commerce 
du  Maroc  fonctionne  suivant  certaines  méthodes  anciennes,  qui  ne  sont  autres 
que  celles  inaugurées  par  les  Portugais  aux  XV®  et  XVP  siècles  et  que  prati- 
quaient les  Européens  dans  les  pays  d'outre-mer,  notamment  à  la  côte 
d'Afrique,  avant  le  XIX*  siècle.  A  l'importation  les  commerçants  font  la 
commission;  ils  exécutent  les  commandes  qu'on  leur  donne  et  font  venir  au 
fur  et  à  mesure  des  demandes  de  leurs  clients  ;  ceux-ci,  négociants  dé  la 
petite  ville,  censaux,  associés  agricoles  ou  tous  autres  indigènes  en  relations 
avec  eux,  viennent  dans  leurs  magasins  prendre  livraison  de  la  marchandise 
et  apportent  en  échange  les  produits  agricoles  de  l'intérieur.  Il  n'j  a  guère 
d'approvisionnement  à  cause  des  fluctuations  du  change  et  du  manque  de 
capitaux. 

Cette  façon  de  procéder  réclame  naturellement  des  connaissances  spéciales 
et  une  certaine  pratique  des  affaires  que  peut  seule  donner  l'e-xpérience.  Le 
futur  négociant  au  Maroc  devra  donc  débuter  tout  d'abord  autant  que  possible, 
en   qualité    d'employé  dans   une   maison  déjà  existante  dans  le  pays.  Toute 


—   117  — 

autre  façon   de    procéder  donnerait   très   probablement  des  résultats  moins 
certains. 

Emplois  el  employés.  —  Il  est  utile  de  constater  tout  d'abord  que  le  nombre 
des  emplois  disponibles  au  Maroc  est  des  plus  restreints,  les  maisons  de  com- 
merce les  plus  importantes  fonctionnant  avec  très  peu  de  personnel. 

Les  employés  sont  de  deux  ordres  :  il  y  a  d'abord  les  Européens  ou  les 
israélites,  qui  travaillent  au  comptoir  principal,  et  ensuite  les  Marocains,  ou 
plutôt  les  israélites  indigènes,  qui  vont  détailler  les  produits  dans  l'intérieur. 

On  ne  réclame  des  premiers  aucune  condition  spéciale  sauf  la  connaissance 
de  l'arabe. 

Quant  aux  seconds,  ils  sont  placés  sous  le  régime  spécial  édicté  par  la  con- 
vention de  Madrid,  Ils  prennent  le  nom  de  censaux  [et  échappent,  grâce  au 
titre  de  protégé  français  qui  leur  est  accordé,  à  l'action  du  gouvernement  et 
des  agents  marocains  ;  chaque  maison  de  commerce  ne  peut  en  avoir  que 
deux  au  maximum  ;  ils  habitent  généralement  l'intérieur  et  mettent  la  maison 
en  relation  d'affaires  avec  les  consommateurs  de  leurs  régions. 

Ils  rendent  des  services  appréciables  et  il  est  regrettable  que  notre  diplo- 
matie n'ait  pas  montré  un  désir  plus  grand  d'en  augmenter  le  nombre,  à 
l'exemple  de  l'Italie,  de  l'Angleterre  ou  de  l'Allemagne. 

Comme  on  le  voit,  il  y  a  peu  de  place  dans  cette  organisation  pour  nos 
compatriotes  de  la  métropole,  mais  il  est  possible  qu'ils  puissent,  dans  un 
certain  nombre  de  cas,  utiliser  avantageusement  leur  activité  et  leur  initiative, 
en  prenant  la  précaution  de  bien  se  renseigner  avant  de  quitter  la  France. 

Langues  étrangères.  —  Une  seule  langue,  l'arabe,  est  nécessaire,  on  peut 
même  dire  indispensable,  à  toute  personne  allant  s'établir  au  Maroc,  et  aucun 
employé  ne  peut  espérer  trouver  d'occupation  qu'à  la  condition  de  posséder 
parfaitement  le  langage  courant  du  pays. 

L'espagnol,  bien  que  moins  intéressant,  est  parlé  par  un  grand  nombre  de 
personnes,  et  même  par  les  indigènes.  Cette  langue  peut  donc  suppléer,  dans 
une  certaine  mesure,  à  la  connaissance  de  l'arabe. 

Les  autres  langues  ne  présentent  qu'un  intérêt  secondaire. 

Relalioiis  arec  les  indigènes.  —  Le  seul  moyen  pour  nos  importateurs  et  nos 
exportateurs  de  faire,  sans  danger,  des  opérations  commerciales  avec  les 
places  marocaines,  est  de  s'adresser  aux  grosses  maisons  françaises  établies  au 
Maroc,  lesdites  maisons  étant  disposées  à  accepter  toutes  les  affaires  faisables 
qui  leur  sont  proposées.  C'est  à  elles,  qui  sont  bien  placées  pour  connaître  la 
valeur  des  acheteurs  locaux,  qu'il  appartient  de  vendre  sur  place.  Cette  règle 
devra  être  d'autant  plus  strictement  observée,  que  les  ventes  —  sauf  pour  le 


-  118  — 

détail  —  ne  se  font  jamais  au  comptant,  et  qu'il  j  aurait  de  grands  risques 
à  ouvrir  des  crédits  sans  connaître  parfaitement  la  situation  du  pays. 

Cette  observation  ne  s'applique  pas,  naturellement,  aux  affaires  que  peuvent 
entreprendre  les  négociants  Israélites  d'Algérie,  qui  ont  de  nombreux  parents 
ou  amis  habitant  les  ports  marocains,  et  qui  sont  constamment  en  état  de 
connaître  la  situation  exacte  des  petits  commerçants,  et  l'importance  du  crédit 
qui  peut  leur  être  fait  sans  danger. 

Les  Marocains  vendent  aux  commerçants  —  toujours  au  comptant  —  les 
produits  de  leurs  terres,  de  leurs  troupeaux  ou  de  leurs  travaux  :  céréales, 
volailles^  œufs,  laines,  bœufs,  cumin. 

Les  transactions  se  font  simplement  et  ne  donnent  lieu  qu'à  de  rares  diffé- 
rends. 

Ar/icle.s  d' importai  ion.  —  Le  Maroc  en  étant  réduit  à  sa  propre  production 
est  tributaire  de  l'Europe  pour  tous  les  objets  de  consommation  qu'il  ne  tire 
pas  de  son  sol  ou  de  son  troupeau. 

Les  principaux  articles  d'importation  sont  les  suivants  :  acier,  allumettes, 
biscuits,  bois,  bougies,  café,  cotonnades,  ciment,  drap  et  lainage,  droguerie, 
épicerie,  faïence,  fer,  farine,  papier,  pétrole,  riz,  sacs  en  jute  et  en  chanvre, 
soieries,  sucre,  thé,  tuiles  et  briques,  vins  et  spiritueux,  verrerie  et  en  général 
tous  les  produits  de  l'industrie  européenne. 

La  part  de  la  France  est  prépondérante  pour  les  sucres,  les  soieries,  les 
matériaux  de  construction,  la  quincaillerie  et  la  farine.  Il  ne  dépend  que  des 
industriels  nationaux  de  ressaisir  les  marchés  marocains  en  ce  qui  concerne 
les  bougies,  le  savon  et  les  étoffes  de  drap. 

Les  dernières  statistiques  accusent  une  amélioration  sensible  dans  la  situa- 
tion de  nos  importations. 

Arliclcs  (F  exportai  ion .  —  Bien  que  la  production  marocaine  ne  soit  pas  très 
variée,  et  que  d'autre  part  une  réglementation  souvent  abusive,  toujours  arbi- 
traire, entrave  l'exportation  d'un  grand  nombre  d'articles  qui  trouveraient  un 
facile  débouché  en  Europe,  les  marchandises  exportées  atteignent  une  valeur 
considérable. 

Les  principaux  produits  exportés  sont  les  suivants  :  amandes  sèches,  cire, 
coriandre,  fenugrec,  fèves,  laines,  graine  de  lin,  maïs,  œufs,  peaux  de  chèvre, 
de  mouton  et  de  bœuf,  pois  chiches  et  tapis. 

Ces  marchandises  sont  expédiées  vers  la  France,  l'Angleterre,  l'Allemagne 
et  les  États-Unis.  L'Espagne  fait  quelques  achats  de  bœufs  et  de  pois  chiches. 

Il  existe  de  la  vigne  au  Maroc,  mais  on  n'y  fait  pas  de  vin.  Un  essai,  tenté 
à  Larache,  a  donné  les  meilleurs  résultats. 

Le  pays  est  très  fertile  et  peut  produire  en  grande  quantité  les  huiles,  les 


-  11'.)  — 

céréales,  les  vins,  les  fruits  et  les  légumes.    Un  avenir  prochain  le  trouvera 
sans  doute  mieux  armé  pour  la  lutte  économique. 

Moniwies.  —  L'organisation  monétaire  dans  ce  pajs  est  assez  compliquée. 
Elle  se  compose  de  deux  systèmes  :  l'ancien,  qui  a  pour  base  une  unité  moné- 
taire de  valeur  fictive  appelée  fels  (valeur  un  sixième  de  centime),  et  le  nou- 
veau système,  qui  repose  sur  une  monnaie  d'argent  nationale  de  frappe 
récente. 

Les  unités  de  paiement  dérivées  du  fels  sont  les  suivantes  : 

La  mouzouna  qui  vaut  6  fels  ou  1  centime. 
Le  oudjhein  >>         2  mouzouna  ou  2  centimes. 

Le  derhem  »         4  »  4  '    » 

Lemthak'el  »       40  >■>  40       » 

C'est  en  somme  la  mouzouna,  ou  centime,  qui  forme  la  base  du  calcul 
monétaire  marocain,  et  c'est  d'elle  qu'on  est  parti  pour  la  frappe  de  la  nouvelle 
monnaie  de  bronze,  qui  est  décimale  et  qui  comporte  des  pièces  de  1,  2,  5  et 
10  mouzouna,  ou  centimes. 

La  monnaie  d'argent  marocaine,  appelée  hassani  ou  azizi,  suivant  qu'elle  a 
été  frappée  sous  le  règne  du  sultan  Hassan  ou  sous  celui  d'Aziz,  se  compose 
de  cinq  types  de  pièces  valant  respectivement  0.25,  0.50,  L25,  2.50  et 
5  pesetas.  Cette  dernière  pièce,  appelée  douro,  est  la  base  de  toute  transaction 
ou  paiement  important.  Jusqu'à  ces  temps  derniers,  la  monnaie  marocaine  en 
circulation  dans  l'Empire  —  environ  40  à  50  millions  —  était  insuffisante 
pour  satisfaire  aux  besoins  des  transactions,  mais  par  suite  de  frappes  nou- 
velles faites  en  France,  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  le  Maroc  s'est  trouvé 
avoir  en  sa  possession  une  quantité  de  monnaie  divisionnaire  par  trop  consi- 
dérable, et  celle-ci  a  subi  de  ce  fait  une  dépréciation  sensible,  qui  est  venue 
compliquer  la  situation  déplorable  faite  au  commerce  par  le  change. 

La  prime  du  change,  par  son  instabilité  et  sa  mobilité  dans  les  deux  sens, 
déroute  le  négociant  le  plus  expert  et  le  plus  avisé,  et  c'est  là  un  des  côtés  les 
plus  graves  de  la  situation.  Dans  ces  conditions,  le  négociant  qui  achète  à 
l'étranger  est  obligé,  tout  d'abord,  de  s'approvisionner  par  petites  quantités, 
risquant  ainsi  de  manquer  d'assortiment  et  de  ne  pouvoir  répondre  à  la 
demande  de  sa  clientèle. 

Ensuite,  à  quel  prix  doit-il  vendre  sa  marchandise  ? 

Il  n'en  sait  rien,  puisque  son  voisin  et  concurrent,  qui  se  pourvoit  de  la 
même  marchandise,  peut  se  la  procurer  à  un  moment  oia  les  cours  du  change 
ont  fléchi,  et  que  le  prix  de  revient,  dans  ce  dernier  cas,  peut  être  sensible- 
ment moins  élevé  que  le  sien,  ce  qui  permettrait  à  son  concurrent  de  vendre 
meilleur  marché  que  lui. 


-  120  - 

Dès  lors  que  fait  le  commerçant,  de  crainte  de  s'exposer  à  un  déboire  ?  Il 
calcule  deux  marges  :  1"  son  bénéfice  ;  2"  l'aléa  sur  le  change. 

D'où  il  résulte  que  l'acheteur  ou  le  consommateur  paie  la  marchandise  plus 
cher  qu'il  ne  l'aurait  payée  si  le  cours  du  change  avait  été  fixe,  et  malgré  le 
sacrifice  imposé  au  consommateur,  le  commerçant  n'est  pas  tout  à  fait  à  l'abri 
d'un  mécompte.  D'oii  il  s'ensuit  que  les  opérations  commerciales  au  Maroc 
sont  toujours  entachées  de  spéculation,  et  que  l'aléa  qui  en  résulte  pèse  sur 
leur  développement. 

Il  est  juste  de  dire  que  malgré  ses  défauts  le  change  a  des  partisans,  car  il 
offre  une  véritable  prime  d'exportation  à  ceux  qui  font  des  achats  au  Maroc 
avec  de  la  monnaie  autre  que  celle  d'Espagne.  Mais  les  bénéfices  qui  résultent 
de  cette  opération  ne  sont  pas  aussi  importants  que  pourrait  le  laisser  croire 
l'élévation  ordinaire  du  change,  car  cette  marge  est  toujours  calculée  dans 
l'opération,  dont  elle  fait  partie  intégrante. 

Le  remède  à  cette  situation  consisterait  à  expulser  la  monnaie  espagnole, 
mais  la  chose  est  difficile,  car  la  monnaie  française  n'a  pas  et  ne  peut  pas  avoir 
cours  dans  les  usages  courants  des  indigènes,  puisqu'elle  fait  prime  et  qu'au 
cours  moyen  de  35  "/o  qui  semble  être  le  plus  souvent  pratiqué,  notre  franc 
vaut  1  fr.  35,  et  notre  pièce  de  5  fr,  6  fr.  75  ;  mais  par  contre  elle  est  accep- 
tée partout,  même  dans  le  petit  commerce,  avec  la  majoration  du  cours  du 
jour. 

Le  cvédil.  —  La  question  du  crédit  doit  être  placée  au  tout  premier  plan  ; 
elle  a  été  l'objet  des  préoccupations  de  ceux  qni  nous  ont  précédé  ;  nous  l'avons 
étudiée  à  notre  tour  avec  soin,  mais  d'autres  qui  viendront  après  pourront 
peut-être  encore  disserter  sur  les  conséquences  du  régime  actuellement  adopté 
pour  le  mode  de  paiement  des  marchandises  achetées  par  les  Marocains. 

Dans  un  de  ses  rapports,  M.  Doutté,  un  des  hommes  qui  connaissent  le 
mieux  le  Maroc,  s'exprime  au  sujet  du  crédit  de  la  façon  suivante,  et  nous 
sommes  entièrement  de  son  avis  : 

«  On  a  fait  au  Maroc,  dit-il,  une  réputation  peu  méritée  ;  il  passe,  en  effet, 
pour  un  pays  oii  le  crédit  commercial  n'offre  aucune  sécurité.  Or,  l'expérience 
montre  que  si  l'on  ne  veut  faire  du  négoce  qu'avec  les  maisons  marocaines 
bien  assises,  le  crédit  est  très  sûr.  Le  principal  importateur  de  Tanger  nous  a 
déclaré  que  depuis  trente  ans  qu'il  faisait  du  commerce  au  Maroc,  ses  pertes 
par  suite  de  non-paiement  n'avaient  jamais  dépassé  0.25  "/o-  Le  crédit  au 
Maroc  est  donc  non  seulement  supérieur,  comme  sécurité,  à  ce  qu'il  est  en 
Algérie,  mais  aussi  sûr  que  dans  n'importe  quel  pays.  Seulement  il  doit  être 
assez  long  :  l'usage  jusqu'ici  a  été  de  vendre  à  quatre  mois,  de  garder  les 
traites  en  portefeuille,  et  de  renouveler  le  crédit  à  l'échéance,  en  cas  de  non- 
paiement.  C'est  qu'en  effet  le  commerçant  musulman,  le  boutiquier  de  Fez, 


—  121  — 

par  exemple,  n"a  aucune  idée  de  ce  que  c'est  que  le  temps  et  recule  toujours 
ses  échéances,  mais  il  finit  toujours  par  payer.  » 

Le  râjimr  flouoiiirr.  —  11  y  aurait  quelque  audace  à  appeler  régime  doua- 
nier l'ensemble  des  mesures  faites  d'arbitraire  qui  assurent,  dans  l'empire 
du  sultan,  la  perception  des  droits  imposés  aux  marchandises  importées  ou 
exportées. 

Le  tarif  d'importaliuu  est  composé  d'une  taxe  uniforme  à  laquelle  sont 
soumis  tous  les  articles  de  commerce,  à  l'exception  de  quelques-uns  qui 
jouissent  d'un  traitement  de  faveur,  et  d'autres  dont  rintroduction  est  provi- 
soirement prohibée. 

l^^n  ce  qui  concerne  le  tarif  de  sortie,  les  chitfres  inscrits  au  tableau  des 
droits  représentent  les  taxes  qui  doivent  être  perçues.  Mais  celles-ci  sont  sus- 
ceptibles d'être  modifiées  du  jour  au  lendemain. 

La  taxation  se  fait,  du  reste,  à  la  volonté  des  agents  des  douanes,  qui  per- 
çoivent les  droits  comme  bon  leur  semble,  sans  base  fixe  et  surtout  sans 
équité.  Les  importateurs  peuvent  librement  discuter  avec  eux,  non  point  la 
quotité  de  la  taxe  applicable,  mais  la  nature  de  la  marchandise,  son  poids  et 
son  volume. 

Les  produits  français  importés  au  Maroc  sont  admis  au  droit  uniforme  de 
10  "/o  (irl  oalornn  ou  en  nature.  Mais  les  tissus  de  soie  pure  ou  mélangée,  les 
bijoux  d'or  et  d'argent,  les  pierres  précieuses  et  fausses,  les  rubis,  les  galons 
d'or,  toutes  les  espèces  de  vins  et  de  liquides  distillés,  et  les  pâtes  alimentaires, 
ne  paient  que  5  "/o  cd  valorem.  Ces  marchandises  sont  estimées  sur  le  pied  de 
leur  valeur  marchande  au  comptant,  en  gros,  dans  le  port  de  débarquement, 
en  réaux  de  vellon. 

Le  tabac  paie  par  quintal  (1)  : 

Tabacs  en  feuille 40  réaux  de  vellon  (2) 

Tabac  coupé 60  » 

Tabac  élaboré 60         '    » 

Cigares  et  cigarettes 100  » 

Le  tabac  à  fumer  seul  peut  être  introduit  et  vendu  à  l'exclusion  de  toute 
autre  espèce. 

Si  un  marchand  est  soupçonné  de  vendre  autre  chose  que  du  tabac  à  fumer, 
il  peut  être  déiioncé  à  son  consul  par  la  personne  chargée  par  le  makhzen  de 
surveiller  la  vetne  du  tal)ac  ;  une  perquisition  est  faite  chez  la  personne  soup- 


(1)  Lo  quintal  marocain  vaut  50  k.  750. 

(2)  L(>  réal  de  vi'Uoii  vaut  0  peseta  25. 


çonnée,  avec  rautorisalion  du  représentant  de  sa  nation.  Si  Ton  trouve  des 
articles  prohibés,  ils  sont  saisis  et  confisqués  ;  de  plus,  le  délinquant  est  puni. 

Le  tabac  ne  peut  être  introduit  au  .Maroc  que  par  le  seul  port  de  Tanger  ; 
l'introduction  dans  tout  autre  port  est  considérée  comme  un  acte  de  contre- 
bande, et  le  tabac  est  confisqué. 

Sont  prohibés  à  l'importation  les  articles  suivants  : 

Armes  de  tout  genre,  cartouches  et  tous  autres  articles  de  munitions  de 
chasse  ou  de  guerre,  poudre,  salpêtre,  soufre. 


PROGRAMME  DES  EXCURSIONS  PROJETÉES  EN  1907 


Jeudi  14  Mars.  —  Visite  de  rÉcole  des  Arts  et  Métiers.  —  Organisateurs  :  MM.  Gan- 

tineau  et  Decramer. 
Mardi  26  Mars.  —   Visite   de  l'Usine  dAutomobiles  Peugeot.    —   Organisateurs  : 

MM.  Xavier  Renouard  et  Bonvalot.  —  50  personnes. 
Lundi  i"'  au  dimanche  21  Avril.  —    Marseille,  Nice,    Monte    Carlo,    Gènes,    Pise, 

Rome,  Naples,  Florence  et  Turin.  —  Organisateurs  :  MM.  Hon\aiot  et  P.  D'Hal- 

luin.  —  1(3  personnes. 
Dimanche  14  Avril  au  vendredi  17  Mai.    —    Vienne,    Budapest,    Belgrade,   Sofia, 

Constantinople,  Brousse,  Salonique,  Syra,   Patras,  Athènes,  Le  Pirée,  Naples, 

Marseille,  Paris.  —  Organisateurs  :  MM.  Henri  Beaufort  et  D"^  A.  Vermersch.  — 

12  personnes  (dernier  délai  d'inscription  28  Février). 
Mercredi  24  Avril  au  mardi  14  Mai.    —   St-Sébastien,  Burgos,  l'Escurial,  Tolède, 

Séville,  Malaga,  Ronda,  Gibraltar,  Algésiras,  (irenade,  Cordoue,  Madrid,  Sara- 

gosse,  Barcelone,  Paris.  —  Organisateur  :  M.  R.  Thiébaut.  —  12  personnes, 
.leudi  9  Mai  (Ascension).    —   Wissant,  Blanc-Nez  et  Sangatte.    —   Organisateurs  : 

MM.  Aug.  Schotsmans  et'  H.  Vanderhaghen. 
Dimanche  19  et  20  Mai  {Pentecôte)  —   Bruxelles,    Musée    Colonial   à    Tervueren, 

Visite   de    l'établissement  modèle    de    Pisciculture  et  du  domaine  de  Freux  du 

baron  Goffinet  (province  de  l^uxembourg).  —   Organisateurs  :   MM.   Van  Troos- 

tenberghe  et  Vaillant.  —  30  personnes. 
Samedi  8  au  lundi  10  Juin  {Fêtes  de  Lille).  —  Rouen,  Forêt  et  Abbaye  de  Jumièges, 

Abbaye  de  St-Wandrille,  Caudebec.  —  Organisateurs  :  MM.  0.  Godin  et  Galonné. 
—  Imprimerie  L.  Danel.  —  Organisateurs  :   MM.  Aug.  Crepy  et 

Henri  Beaufort. 
Dimanche    16  Juin.    —  Bailleul,    .Mont-des-Gats,    .Mont-Noir.   —  Organisateurs  : 

M.M.  Xavier  Renouard  et  Dupont.  20  personnes. 
Jeudi  20  Juin.    —    Etablissements  Walker  et  l'Indépendante.    —   Organisateurs  : 

MM.  Maurire  Thiefï'ry  et  Galonné. 


—  12;?  — 

Dimanche    30   Juin.    —    Gand,    Elablissement  d'Horticulture.   —   Organisateurs  : 

MM.  Decramer  et  1).  A.  Vermersch. 
Dimanche  7  Juillet.  ^  Cassel,  Mont  des  Récollets.  —  Organisateurs  :  M.\I.  (^anti- 

neau  et  Henri  Beaufort. 
Jeudi  11  Juillet.    —    Central   Electric  de  Ooix.    —    Organisateurs:    MM.  Frosper 

Ravet  et  0.  Godin. 
Dimanche  l'j,  l.j  et  16  Juillet.  —  Londres.  —  Organisateurs  :    MM.  Van  Troosten- 

berghe  et  Honvalot.  —  30  personnes. 
Dimanche  28  et  29  Juillet.  —  Anvers.  —  Organisateurs  :  MM.  Decramer  et  Prosper 

Ravet. 
Samedi  27  Juillet  au  dimanche  'i  Août.  —  Châieaux  de  la  Loire.  —  Bordeaux  et  le 

Congrès  de  (iéographie.  —  Organisateurs  :  MM.  Vaillant  et  Dupont. 
Dimanche  1"',  2  et  3  Septembre.  —  Sedan,  Bazeilles,  Bouillon-sur-Semoy  et  (Irottes 

de  Han.  —  Organisateurs  :  MM.  Decramer  et  Calonne. 
Jeudi  5  au  vendredi  13  Septembre.    —    Nancy,    St-Dié,    Gérardmer,  La   Schlucht, 

Munster,  Ste-Odile,  Strasbourg,  Paris.    —    Organisateurs  :   MM.   Van  Troosten- 

berghe  et  P.  Ravet.  —  30  personnes. 
En  Octobre.  —  Trélon  et  Vireille.  —  Organisateurs  :  MM.  Henri  Vanderhaghen  et 

Aug.  Schotsmans. 

N.  B.  Dans  le  cas  oii  l'inscription  nécessiterait  une  correspondance,  s'adresser 
à  M.  l'Agent  de  la  Société,  110,  rue  de  l'Hôpital- .Militaire,  Lille. 


REGLEMENT. 


Toutes  les  excursions  sont  organisées  par  les  membres  de 
la  Commission  des  excursions  qui,  apportant  tous  leurs  soins 
à  l'organisation,  supportent  les  mêmes  cliarges  que  leurs 
collègues. 


Dans  les  séances  des  3  et  '^3  Janvier  1901 ,  les  dispositions  suivantes 
ont  ètèi^rises  et  arrêtées  : 

Art.  1.  ^  La  Commission  se  réserve  le  droit  de  modifier  la  Date  et  V Itinéraire 
des  Excursions  projetées,  et  de  limiter  le  nombre  des  Excursionnistes. 

Art.  2.  —  Le  Programme  détaillé  de  chaque  Excursion  sera  cc^nmuniqué  aux 
Sociétaires,  au  Siège  de  la  Société,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116.  Il  indiquera 
l'itinéraire  définitivement  adopté  et  la  somme  à  consigner  entre  les  mains  de 
M.  Hachet,  Agent  de  la  Société  (chaque  jour  non  férié,  de  7  h.  3/4  à  8  h.  3/4 
du  matin  et  de  4  à  8  heures  du  soir). 

Art.  3.  —  Les  adhésions  ne  seront  admises  qu'au  Secrétariat  de  la  Société  ,  un 
mois  au  plus  tôt  avant  les  dates  fixées  au  tableau  qui  précède. 


—  12/i  — 

-A-ucun  Sociétaire  ne  sera  inscrit  s'il  ne  verse  directement 
ou  par  mandat,  au  moment  où  il  demande  son  inscription,  la 
somme  déterminée  par  les  organisateurs. 

La  liste  sera  close  dès  que  le  nombre  des  adhésions  fixé  au  programme  aura  été 
atteint,  et  au  plus  tard  10  jours  axant  chaque  Excursion  (les  Compagnies  de  chemin 
de  fer  exigeant  la  remise  de  la  liste  des  excursionnistes  10  jours  avant  le  départ). 

Par  exception,  les  organisateurs  de  grandes  excursions  de  plus  de  10  jours,  se 
réservent  le  droit  d'accepter  les  inscriptions  2  mois  à  l'avance,  et  de  les  clore 
lorsque  le  nombre  fixé  sera  atteint. 

Pour  les  excursions  qui  comportent  des  visites  industrielles,  ou  de  propriétés  et 
de  collections  privées,  les  organisateurs  se  réservent  le  droit  de  refuser  l'inscription 
sans  avoir  à  motiver  leur  refus. 

Art.  4.  —  11  sera  remis  à  chaque  souscripteur  une  Carte  distinctive  devant 
servir  de  signe  de  ralliement,  et,  le  cas  échéant,  de  justification  d'identité.  La 
possession  de  cette  carte  pendant  le  voyage  est  indispensable. 

Art.  5.  —  Les  femmes  et  enfants  des  Sociétaires  peuvent  être  admis  à  participer 
aux  Excursions.  Toutefois,  si  les  enfants  ne  sont  pas  accompagnés  de  leur  père  ou 
de  leur  mère,  ils  devront  avoir  au  moins  17  ans. 

Art.  6.  —  Les  frais  généraux  d'organisation  sont  prélevés  sur  les  cotisations 
des  Excursionnistes  à  raison  de  2  "/o-  Ce  prélèvement  ne  pourra  dépasser  deux  francs 
par  personne.  Le  reliquat  disponible  sera  versé  au  Trésorier  pour  être  affecté  à 
un  compte  spécial  dont  l'emploi  sera  fait  par  la  Commission  des  Excursions  après 
approbation  du  Comité  d'Études. 

Art.  7.  —  Les  Excursionnistes  qui  abandonnent  le  groupe  en  cours  de  voyage 
perdent  tout  droit  à  remboursement  et  reviennent  à  leurs  frais  et  risques. 

Art.  8.  —  Les  Membres  de  la  Société  qui  voudraient  bien  se 
charger  d'organiser  et  de  diriger  des  Excursions  nouvelles , 
sont  priés  de  soumettre  ,  par  écrit ,  leurs  projets  au  Président 
de  la  Commission  des  Excursions. 

Art.  y.  —  Les  com.ptc  rendus  des  Excursions  devront  être  remis  dans  un  délai 
d'un  mois,  au  Siège  de  la  Société,  pour  être  soumis  à  l'approbation  du  Comité  de 
révision. 

Vu  et  approuvé  par  le  Comité  d'Etudes , 
Le  Président  de  la  Société ,  Le  Président  de  la  Commission  des  Excursions, 

Ernest  NICOLLE.  Henri  BEAUFORT. 


DICTIONNAIRE  DE  GEOGRAPHIE 

Par  A.  DEMANGE  ON. 


Notre  disting^ué  collègue,  M.  A.  Deinangeon,  Professeur  à  l'Université  de 
Lille,  vient  de  faire  paraître  à  la  Librairie  Colin  un  Dictionnaire  manuel 
illustré  de  Géographie. 


—  i2rT  — 

Cet  ouvrage,  bien  que  de  dimensions  restreintes,  contient,  avec  de  nom- 
breuses notions  de  <i,-éograpliie  physique  et  économique,  des  définitions  claires 
et  des  données  précises  sur  tout  ce  qui  touche  ii  la  géographie,  comme  :  l'at- 
mosphère, les  mers,  le  relief  des  continents,  la  géologie,  la  végétation,  les 
peuples  et  les  races,  les  explorateurs,  etc. 

L'auteur  a  su  se  garder  de  l'écueil  de  cultiver  de  préférence  une  branche 
de  la  science  géographique  au  détriment  des  autres,  il  a  assigné  à  chacune 
d'elles  la  part  q>ii  lui  convient.  En  de  larges  etl'orls  de  synthèse  il  a  extrait 
des  éléments  les  plus  divers  ce  qui,  dans  chaque  branche,  caractérise  le  mieux 
une  ville  ou  un  pays. 

Tenu  au  courant  des  acquisitions  les  plus  récentes  de  la  science  et  illustré 
de  nombreuses  cartes  et  dessins  graphiques,  cet  ouvrage  est  bien  la  descrip- 
tion, mise  à  la  portée  de  tous,  de  la  vie  présente  de  la  terre.  C'est  une  véri- 
table encyclopédie  géographique  appelée  à  rendre  de  réels  services. 


BIBLIOGRAPHIE 


UN  CRÉPUSCULE  ID'ISLAM,  par  Audrv  Chevkii.lon. 
Hachette,  lUOlJ. 

Ce  «  Crépuscule  d'Islam  »  pourrait  s'appeler  moins  poétiquement  «  Un  Voyage 
à  Fez  »,  car  c'est  à  l'entour  et  à  l'intérieur  de  la  capitale  du  Maroc,  en  môme  temps 
une  des  capitales  du  monde  musulman,  que  se  concentre  tout  l'intérêt  du  récit.  Sur 
la  route  de  Fez,  —  l^'Entrée  de  Fez,  —  Dans  l'ombre  de  Fez,  —  constituent  les 
trois  grandes  divisions  du  livre.  De  chapitres,  il  n'en  est  pas  question,  car  ce  sont 
là  des  notes  de  voyage,  écrites  au  jour  le  jour,  par  un  observateur  minutieux,  qui 
se  double  d'un  artiste  merveilleusement  raffiné  et  d'un  écrivain  de  tout  premier 
ordre. 

Les  routes  étant  peu  sûres  au  Sud  de  Tanger,  c'est  par  le  petit  port  d'El  Arach 
que  le  voyageur  aborde  le  Maroc  ;  de  là  son  convoi,  en  pelotons  successifs,  s'ache- 
mine vers  Fez.  Etapes  longues,  monotones  pour  tout  autre  que  lui,  à  traver^le 
vaste  pays  sans  routes,  dans  les  fleurs,  dans  la  lumière  intense,  —  avec  les  gites 
par  les  inoubliables  nuits  bleues  (qu'on  se  rappelle  Pierre  Loti).  Des  dunes  à 
franchir,  des  caravane?  que  l'on  croise,  de  petites  bourgades  marocaines  si  tristes, 
si  misérables  :  le  tout  dépeint,  d'ailleurs,  dans  un  style  d'un  charme,  d'une  fluidité, 
d'une  plasticité,  d'un  éclat  .surprenants.  Puis,  l'entrée  pittoresque  à  Fez,  oii  l'au- 
teur se  rappelle  Damas.  Et  enfin,  ce  qui  constitue  surtout  l'originalité  du  livre, 
viennent  les  notes  intitulées  «  Dans  l'ombre  île  Fez  ».  Car  il  l'a  parcourue  l)ien  des 
fois,  l'étrange  cité,  à  pied  ou  à  ctieval,  derrière  quelque  cavalier  maure  ;  il  a  même 
pénétré  quelque  peu  dans  ses  recoins  obscurs,  dans  son  intimité.  Mai.s  partout  il  y 
a  trouvé  la  décrépitude  et  la  mort,  jusque   sur   le  visage  des  vivants.    Les  formes 

9 


—    IL^C.  - 

blanches  qui  passent,  on  les  croit  enveloppées  d'un  suaire.  «  C'est  bien  l'Orient  le 
plus  sombre  que  j'aie  connu  »,  dit-il.  Il  compare  avec  Jérusalem,  avec  Bénarès, 
où,  derrière  certaines  immobilités  impressionnantes,  on  sent  du  moins  la  vie  inté- 
rieure ;  ici  tout  est  mort;  nul  rêve,  un  vide  de  l'esprit  absolu  et  eifrayant  ;  sa 
religion  énervée  et  formaliste  a  hébété  ce  peuple,  réduit,  pour  se  sentir  vivre,  à 
des  frénésies  intermittentes  de  danse,  d'extase  et  d'orgie  sensuelle. 

«  Ayant  vu  les  pays  turcs,  je  savais  ce  qu'est  un  peuple  malade  :  ici,  vraiment, 
la  mort  a  commencé.  Les  cadavres  de  bètos  encombrent  les  rues,  comme  ils 
encombrent  les  abords  de  la  capitale  ;  à  travers  le  difficile  lacis  des  venelles,  nous 
marchions  à  la  puanteur  comme  les  bergers  à  l'étoile  ».  Image  du  reste  de  toute 
l'adminisiration  marocaine,  non  moins  «  vétusté  et  croupissante,  et  infectée  de  cor- 
ruptions ». 

Détails  incroyables  :  les  gens  de  Fez  même  ue  connaisseni  pas  le  nom  des  rues, 
ie  nom  des  portes  ;  la  nuit  tombée,  si  on  s'attarde  dans  un  quartier  éloigné  «  nos 
Mokhaznis  ne  savent  plus  trouver  le  chemin  du  retour  ».  A  toute  question,  on  vous 
répond  :  «  Mn'aref  !  (je  ne  sais  pas)  »  Dieu  étant  le  plus  savant.  Sur  la  géographie 
du  Maroc,  c'est  auprès  de  la  mission  française  que  les  vizirs  se  renseignent.  C'est 
encore  les  Roumis  que  l'on  vient  consulter  sur  la  population  d'une  tribu  rebelle 
qui  n'eét  pas  à  vingt  kilomètres  de  Fez.  On  ignore  mome,  à  Fez,  ce  qu'est  la  popu- 
lation de  Fez!  Les  hommes  naissent  et  meurent  sans  {jue  l'autorité  .s'en  occupe. 

Seul,  le  quartier  juif  fait  exception  à  la  torpeur  et  à  la  saleté  générales.  On  y 
salue,  les  enfants  envoient  des  baisers,  on  y  crie  bonjour  en  français  ;  ils  sont  là 
dix  mille  juifs,  haïs  dos  musulmans,  pleins  d'une  sympathie  pour  la  civilisation 
européenne.  C'est  une  joie  inattendue  pour  le  voyageur. 

A  noter,  une  audience  solennelle  accordée  par  de  hauts  personnages  musulmans, 
des  vizirs,  des  ministres,  des  princes  de  la  science,  dans  la  salle  même  qui  sert  aux 
conférences  diplomatiques.  Un  y  accueille  l'auteur  comme  un  confrère,  avec  force 
cérémonies.  On  lui  demande  de  prouver  que  la  terre  est  ronde,  et  les  étoiles  habi- 
tables. Autre  part,  une  spécialiste  lui  apprend  que  l'art  est  fmi.  qu'il  n'y  a  plus 
rien  à  inventer,  que  «  fouit;  lu  iniislijiic  peut-être  jouée  en  120  heures  ». 

Kt  néanmoins,  il  y  a  dans  cet  engourdissement  des  êtres  et  des  choses,  sur  la 
terre  d'Islam,  un  charme  réel,  puissant,  inexplicable,  dangereux,  sur  lequel  l'au 
teur  revient  à  chaque  instant,  et  qu'il  subit  lui-même,  comme  Loti,  comme  la  plu- 
part des  voyageurs  venus  d'Europe.  Et  c'est  à  quoi  il  songe  mélancoliquement,  à 
la  veille  même  de  rentrer  dans  notre  humanité  ardente,  forcenée.  «  notre  humanité 
hors  nature  ».  comme  il  l'appelle  par  une  sorte  de  contradiction.  11  y  a  là,  à  la  fin 
de  son  livre,  quelques  pages  émouvautes,  qu'il  faut  lire  comme  il  faut  lire  du  reste 
le  livre  en  entier,  pour  les  beautés  sans  nombre  qu'il  contient. 


L EXPANSION  COLONIALE  A.tJ  CONGO  FRANÇAIS,  par 

Fernand  RouiiET.  Paris,  Larose,  1900.  —  Don  de  l'Editeur. 

Ce  livre  a  été  publié  à  l'occasion  de  l'Exposition  coloniale  de  Marseille,  oii 
M.  Rouget  exerçait  les  fonctions  de  Commissaire  pour  la  section  du  Congo  français. 
L'auteur  s'intitule  en  outre  Archiviste-Paléographe,    Diplômé  d'études  supérieures 


-   127  — 

d'histoire  çt  de  géographie,  et  Rédacteur  au  Ministère  des  Colonies.  Do  là  sans 
doute,  non  seulement  les  connaissances  variées,  maie  la  méthode,  le  souci  de  pré- 
cision et  d'exactitude  dont  il  a  fait  prouve  dans  son  livre  volumineux.  Go  n'est  plus 
un  récit  épisodique,  une  monographie  plus  ou  mo<ns  étendue,  mais  une  étude  com- 
plète sur  l'état  de  notre  colonie,  et  pour  ainsi  dire,  une  enquête  générale  sur  le 
Congo  français,  ce  qu'il  est,  ce  qu'il  vaut,  et  ce  qu'il  doit  être. 

Alors  que  la  plupart  de  nos  autres  grandes  possessions,  notamment  l'Indo-Chine 
et  Madagascar,  nous  avaient  déjà  été  décrites  avec  un  luxe  de  documents  digne  de 
leur  être  envié  encore  par  quelques-unes  de  nos  vieilles  provinces,  il  eût  été  sin- 
gulier qu'une  œuvre  analogue  ne  fût  pas  entrepri.se  pour  le  Congo.  On  peut  dire 
qu'elle  l'est  aujourd'hui  pleinement,  grâce  à  M.  Fernand  Rouget  —  et  à  l'Exposi- 
tion coloniale  de  Marseille  qui  en  aura  fait  naître  l'occasion. 

Le  volume  est  précédé  d'une  lumineuse  histoire  de  la  formation  de  notre  colonie 
et  de  la  pénétration  française  dans  le  grand  bassin  êquatorial.  La  description  plus 
moderne  et  très  exacte  de  la  colonie  d'aujourd'hui,  si  vaste  et  si  diversifiée,  nous 
change  enfin  des  antiques  moiiographie.s  d'un  minuscule  Gabon.  Le  groupement 
harmonieux  de  ces  grandes  régions  en  quatre  zones  différenciées  par  la  substruc- 
ture du  sol  et  leur  aspect  géographique,  amène  ensuite  l'auteur  à  étudier  ce  qu'il 
appelle  «  les  conditions  de  la  vie  sociale  »,  c'est-à-dire  le  climat,  la  flore  et  la 
faune,  puis  les  groupements  de  population  répartis  dans  ces  différentes  zones,  et 
prépare  enfin  la  conception  de  l'organisation  politique  actuelle,  .savamment  exposée, 
avant  tout  imposé  par  le  milieu  mrme,  géographique  et  social,  dont  il  vient  d'être 
question. 

En  dernier  lieu,  dans  ses  chapitres  sur  les  «  Conditions  de  la  Production  et  du 
Commerce,  —  l'Outillage  de  la  vie  économique,  —  et  les  Résultats  économiques  » 
l'auteur  nous  apporte  un  inventaire  détaillé  et  complet  des  richesses  du  Congo,  et 
une  étude  raisonnée  sur  les  moyens  pratiques  de  les  mettre  on  valeur,  accompagnée 
de  laborieuses  statistiques.  A  la  .scrupuleuse  traduction  des  faits,  et  aux  commen- 
taires les  plus  intéressants  de  l'œuvre  déjà  accomplie,  il  a  su  joindre  des  vues 
d'ensemble  très  nettes,  sur  les  problèmes  si  délicats  de  la  colonisation  congolaise, 
l'utilisation  et  l'évolution  du  système  concessionnaire,  l'éducation  à  la  fois  huma- 
nitaire et  pratique  de  l'indigénat. 

Le  Congo,  il  faut  bien  le  dire,  jouit  auprès  d'une  partie  du  public  français,  et 
même  auprès  de  certains  coloniaux,  d'une  assez  mauvaise  réputation.  On  l'accuse 
de  mal  rémunérer  les  sacrifices  en  hommes  et  en  argent  que  lui  a  faits  la  métro- 
pole, et  de  nous  préparer  pour  l'avenir  bien  des  mécomptes  peut-être.  Tel  n'est 
pas  l'avis  de  M.  Rouget,  non  plus  que  celui  d  un  colonial  bien  connu,  M.  Emile 
Gentil,  dans  la  courte  mais  énergique  préface  consacrée  par  lui  à  l'ouvrage.  «  L'igno- 
rance seule,  —  affirme-t-il,  —  a  pu  donner  à  ce  pays  une  aussi  routinière  et  détes- 
table réputation.  . .  Le  Congo  français,  vaste  et  riche  en  produits  naturels,  parcouru 
de  beaux  grands  fleuves,  couvert  d'exubérantes  forêts,  habité  par  tant  de  millions 
d'indigènes  primitifs,  mais  nullement  réfractaires,  non  encore  évolués  mais  nos 
collaborateurs  de  demain,  doit  devenir  la  plus  riche  de  nos  possessions  de  l'A- 
frique. ...  «  Ce  serait  une  lâcheté  coloniale  d'abandonner  le  Congo  à  ses  détrac- 
teurs »,  disait  Ouésime  Reclus.  11  faut  être  reconnaissant  à  tous  ceux  qui  le 
défendent  en  le  faisant  connaître  et  admirer  ». 


-  128 


LE     TERRITOIRE    FRANÇAIS    DE    KOUANG  -  TCHÈOXJ 

(CJhine).  Notice  publiée  à  roccasion  de  l'Exposition  coloniale  de  Marseille, 
par  le  gouvernement  général  de  l'Indo-Ghine.  Hanoï,  1908.  —  Don,  en  double 
exemplaire,  de  M.  Fernand  Gautret,  gouverneur  du  territoire  de  Kouang- 
Tchéou. 


Combien  de  personnes  eu  France  connaissent,  même  de  nom,  notre  colonie  de 
Kouang-Tchéou-Wan  ?  Ce  petit  territoire,  situé  au  Nord-Est  de  la  presqu'île  cJii- 
noise  de  Lei-Tchéou,  en  face  de  l'île  d'Haïnan,  a  été  cédé  à  la  France  en  1898,  et 
pour  une  période  de  99  ans,  en  vue  de  l'établissement  d'une  station  navale  avec 
dépôt  de  charbon.  11  joint  aux  dispositions  naturelles  qui  en  font  un  vaste  et  magni- 
fique abri,  les  conditions  favorables  à  l'installation  d'un  excellent  port  de  com- 
merce et  de  transit,  point  d'aboutissement  des  voies  ferrées  du  Kouang-Si  et  de  la 
région  méridionale  de  la  province  de  Kouang-Tong. 

Le  territoire  de  Kouang-Théou-Wan  est  très  peuplé.  Sur  une  étendue  de 
84.244  hectares,  c'est-à-dire,  à  fort  peu  de  chose  près  (3.000  hectares  en  moins),  la 
surface  de  notre  arrondissement  de  Lille,  vivent  183.346  indigènes,  soit  une  den- 
sité moyenne  de  popnlation  trois  l'ois  plus  forte  qu'en  France,  oti  l'on  ne  compte 
guère  que  71  habitants  par  kilomètre  carré. 

Ces  habitants  constituent  d'ailleurs  une  race  sui  generis,  belle,  forte  et  bien 
constituée,  assez  fine,  «  d'un  facie»  presque  européen  »,  dit  l'auteur  anonyme  de  la 
notice.  Ils  sont  paisibles,  sobres,  patients,  travailleurs  à  l'occasion,  merveilleu- 
sement aptes,  comme  tous  les  Chinois,  aux  affaires  commerciales  ;  au  demeurant, 
paresseux  d'instinct,  imbus  de  superstitions  grossières,  misérables,  sales,  avec  une 
odeur  non  moins  sui  i/eiieris,  et  considérant  le  vol  à  l'égal  d'une  religion  :  il  y  a 
un  «  Bouddha  des  voleurs  »,  et,  si  dans  les  villages,  les  cambrioleurs,  coupeurs  de 
récoltes  ou  pilleurs  d'étables,  sont  surpris  dans  leurs  nocturnes  opérations,  «  l'af- 
faire se  règle  à  l'amiable,  avec  force  compliments  ».  Les  maladies  sont  fréquentes 
chez  eux,  car  ils  professent  un  dédain  absolu,  à  l'égard  non  seulement  de  l'hy- 
giène, mais  de  nos  pratiques  médicales,  à  part  la  vaccine.  Il  y  aurait  donc  beau- 
coup à  faire  dans  cette  colonie.  Je  ne  cite  ici  qu'une  petite  partie  des  curieuses 
«  mœurs  et  coutumes  »  énumérées  dans  la  brochure. 

A  d'autres  points  de  vue,  la  notice  en  question  ne  saurait,  son  nom  même  et  son 
objet  l'indiquent,  avoir  l'ampleur  d'une  étude  approfondie  sur  une  vaste  région, 
comme  l'est  celle  dont  nous  venons  de  parler  à  propos  du  Congo.  Mais  elle  est 
claire,  bien  ordonnée  et  intéressante,  —  ce  qui  est,  toujours  et  partout,  la  carac- 
téristique de  l'esprit  français.  On  trouvera  dans  ce  rapport  les  indications  les  plus 
variées,  tant  sur  la  géographie  de  notre  nouvelle  possession,  que  sur  les  ressources 
qu'elle  otfre  à  l'agriculture,  à  l'industrie  et  au  commerce,  des  statistiques  sur  la 
pêche  et  la  navigation,  des  renseignements  sur  l'organisation  administrative  du 
pays,  avant  et  après  l'occupation,  etc.,  etc. 

Le  gouverneur,  M.  Gautret,  est  un  homme  jeune  et  énergique,  il  semble  plein 
d'initiative  et  d'ardeur,  si  nous  en  croyons  un  de  nos  concitoyees,  le  Docteur  B., 
revenu  d'Extrême-Orient,  celui-là  même  par  qui  M.  Gautret  a  bien  voulu  nous 
transmettre  obligeamment  ses  notices.  Notre  représentant  entretient,  paraît  il, 
d'excellentes  relations  avec  les  autorités  chinoises.  La  notice  ne  porte  aucune 
signature,  mais  les  conclusions  en  pourraient  bien  (Hre  siennes  :  «  Logé  comme 
un  coin  dans  la  Chine  méridionale,  tète  de  ligne  des  voies  les  plus  courtes  et  les 
moins  onéreuses  pour  pénétrer  dans  les  grands  et  riches  bassins  du  Si-Kiang  et  du 
Jang-Tzé-Kiang,  merveilleusement  servi  par  la  configuration  de  ses  côtes,  Kouang- 


-   IL4)  — 

Tchéou-Wan  pout  être  appelé,  dans  un  brel'  avenir,  à  jouer  un  rôle  prépondérant 
dans  l'expansion  française  en  Chine.  Gomme  hinterland,  notre  Territoire  a  une 
contrée  salubre,  au  sol  fertile,  au  sous-sol  riche  en  minerai....  Le  pied  est  à 
rétrier  ;  il  ne  dépend  que  de  nous  de  faire  de  Kouang-Tchéou-Wan  un  grand  entre- 
pôt français,  une  des  clefs  qui  ouvriront  la  Chine  à  l'activité  européenne  ». 

Et  cependant,  osons  le  dire  :  Une  colonie  en  pleine  Chine,  c'est  peut-être  bien 
aventureux.  Les'Allemands  établis  à  Kiao-Tcheou  commencent  comme  nous  à  s'en 
douter. 

G.  HOUBRON. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE. 


lll5«»iioii  C*allol«.  —  Notre  collègue  M.  Eugène  Gallois  s'est  embarqué  à  la 
fin  de  Janvier  pour  un  long  voyage  d'études  sur  les  côtes  de  l'Amérique  du  Sud 
sous  les  auspices  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris.  Les  vœux  de 
la  Société  l'accompagneront. 


ASIE. 


lie  TrauwMiliéfieii.  —  A  peine  les  sinistres  aboiements  du  canon  avaient- 
ils  cessé  de  retentir  dans  les  plaines  de  la  xMandchourie  qu'avec  une  énergie 
incomparable  les  Russes  se  remettaient  à  la  besogne  et  se  préoccupaient  de  per- 
fectionner et  de  mener  à  bonne  fin  leur  chemin  de  fer  du  Transsibérien. 

On  ne  parlera  jamais  assez  de  cette  grande  œuvre  de  paix  et  de  civilisation  et 
nous  allons  examiner  l'état  actuel  de  cette  ligne  gigantesque  maintenant  qu'un  de 
ses  tronçons  les  plus  importants,  celui  qui  relie  Kharbin  à  Port-Arthur,  est  passé 
aux  mains  des  .laponais  vainqueurs. 

Le  gouvernement  russe  n'a  pas  perdu  son  temps  en  vaines  lamentations  et,  tout 
en  agissant  en  sous  main  prés  de  la  cour  de  Pékin  pour  la  décider  à  racheter  au 
Japon  cet  embranchement  qu'il  préférerait  voir,  faute  de  mieux,  entre  de^  mains 
chinoises,  il  a  pris  avec  une  résolution  remarquable  la  décision  suivante  :  puisque 
l'accès  de  la  mer  libre  à  travers  la  Mandchourie  méridionale  est  pour  longtemps, 
sinon  pour  toujours,  fermé  sux  marchandises  russes,  les  ingénieurs  moscovites 
leur  trouveront  un  nouveau  débouché  en  modifiant  de  la  façon  la  plus  simple  du 


-  130  - 

monde  le  tracé  primitif  dn  Transsibérien.  Le  point  terminus  du  transit  russe  ne 
sera  plus  Vladivostok,  situé  trop  au  Nord  et  bloqué  par  les  glaces,  mais. . .  Pékin 
que  les  Russes  vont  relier  à  Irkoustk,  sur  le  lac  Baïkal,  par  un  embranchement 
traversant-  de  part  en  part  la  Mongolie.  Le  Transsibérien  n'aurait  donc  plus  à  uti- 
liser des  territoires  soumis  au  contrôle  du  Japon  et  une  ère  de  prospérité  s'ouvri- 
rait en  Chine  pour  le  commerce  russe. 

De  toutes  façons,  et  malgré  les  facilités  que  le  nouveau  traité  anglo-japonais 
procurera  au  négoce  britannique  en  Extrême-Orient,  le  Transsibérien  ainsi  com- 
plété portera  à  la  suprématie  anglaise  dans  ces  parages  un  coup  qu'il  lui  sera 
presque  impossible  de  parer. 

Ce  n'est  d'ailleurs  pas  seulement  dans  les  plaines  de  la  Mandchourie  que  s'est 
exercée  l'activité  des  ingénieurs  russes,  et  les  fertiles  contrées  de  l'Asie  centrale 
qui  s'étendent  jusqu'à  la  barrière  montagneuse  de  l'Hindou-Kousch  sont  sillonnées 
de  voies  ferrées  appartenant  à  la  Russie. 

Les  officiers  du  czar  ont  poussé  avec  une  activité  fébrile  la  construction  de  la 
ligne  Orenbourg-Taschkend  dont  le  but  est  de  relier  Moscou  au  fleuve  Oxus  et 
qui,  sans  la  mauvaise  volonté  du  gouvernement  anglais,  qui  cherche  à  ériger  sur 
la  frontière  de  l'Himalya,  une  sorte  de  «  muraille  de  Chine  »,  compléterait  un 
réseau  monstre  allant  de  Calais  à  Calcutta,  et  mettrait  la  capitale  de  l'Inde  à  dix 
jours  de  l'Angleterre. 

Ces  deux  voies  ferrées,  ducs  à  l'initiative  russe,  ont  réveillé  l'antique  Asie  de  sa 
torpeur  séculaire  et  ouvert  au  commerce  du  monde  entier  un  champ  d'action 
inépuisable,  un  marché  gigantesque  oLi  pourra  s'écouler  enfin  le  trop  plein  de  la 
production  européenne. 

Sans  même  prendre  le  temps  de  respirer  après  une  lutte  aussi  épouvantable,  les 
Russes  se  remettent  à  l'œuvre  avec  pins  d'acharnement  que  jamais  :  ils  vont  dou- 
bler la  ligne  déjà  existante  du  Transsibérien,  de  façon  à  activer  le  mouvement  des 
trains,  et  pressent  le  gouvernement  chinois  de  les  aider  à  achever  le  tronçon 
Irkoustk-Pékin. 

L'ouverture  du  canal  de  l'anama  et  l'organisation  par  les  Compagnies  de  chemin 
de  fer  canadiennes  de  trains  rapides  reliant  l'Atlantique  au  Pacifique  empêcheront, 
il  est  vrai,  la  Russie  de  s'arroger  le  monopole  exclusif  des  transports  de  mar- 
chandises et  de  voyageurs  pour  l'Extrême-Orient,  mais,  malgré  les  elïorts  de  ses 
compétiteurs,  le  Transsibérien  n'en  restera  pas  moins  le  moyen  de  communication 
le  plus  rapide  et  le  plus  pratique  entre  l'Europe,  d'une  part,  la  Chine  et  le  Japon 
de  l'autre. 

La  grande  lutte  pour  l'accaparement  du  marché  sino-japonais  sera  donc  cir- 
conscrite, d'ici  quelques  années,  entre  la  Russie,  l'Angleterre  et  les  États-Unis 
d'Amérique,  la  première  de  ces  puissances  utilisant  pour  vaincre  la  voie  Saint- 
Pétersboui'g-lrkoustk,  Pékin,  définitivement  outillée  et  organisée  ;  les  deux 
autres  profitant  du  raccourci  que  leur  ménagera  le  percement  de  l'isthme  de 
Panama. 

Quant  à  notre  Indo-Chine  française  elle  ne  pourra  que  gagner  à  cette  lutte  paci- 
fique entre  Russes  et  Anglo-Saxons,  l'ouverture  des  nouvelles  voies  de  communi- 
cation devant  abaisser,  dans  une  proportion  notable,  les  prix  de  fret  et  de  passage 
des  Compagnies  de  navigation  qui  la  desservent. 

Il  est  d'ailleiirs  plus  que  probable  que  notre  ligne  du  Yunnan  sera  alors  reliée 
avec  Pékin  d'une  façon  plus  ou  moins  directe  par  quelqu'un  de  ces  innombrables 
embranchements  qui  s'ébauchent  de  toutes  parts  dans  l'Empire  du  Milieu,  et  que 
nous  pourrons  utiliser  nous-mêmes,  pour  le  plus  grand  bien  de  notre  colonie,  la 


-  i;^i  - 

graiidi;  voie  transasiatique  créée  de  toutes  pièces  p.ir  l'esprit  d'initiative  et  d'au- 
dace de  nos  alliés  ! 

Qui  sait  si  dans  une  liizaine  (rannées  nous  n'entendrons  pas  retentir  à  Paris, 
dans  le  hall  de  la  gure  de  l'Kst,  cet  avertissement  qui  nous  semblera  alors  tout 
naturel  :  «  I^es  voyageurs  pour  Irkoustk,  Pékin,  Yunnan-Sen,  Hanoï,  Haïphong, 
en  voiture  I  » 

Pendant  longtemps  l'Europe  n'a  pas  daigné  s'apercevoir  que  la  Russie  était  en 
passe  de  réaliser  un  programme  d'activité  industrielle  aussi  sagenionl  élaboré 
qu'adroitement  exécuté.  Momer.tanéniejit  aHVublie  par  la  guerre  de  Grimée,  elle  ne 
tarda  pas  à  recouvrer  toute  sa  vigueur  et,  grâce  à  l'amiiié  de  la  France,  elle  a  pu 
faire  éclater  les  entraves  dont  l'avait  embarrassée  le  traité  de  Paris. 

Elle  ;i  fait  de  la  mer  Noire  une  dépendance  moscovite  oii  le  pavillon  de  la  Tur- 
quie ne  flotte  qu'avec  son  autorisation.  Des  Balkans  au  Caucase  la  côte  lui  appar- 
tient et  elle  a  annexé  le  territoire  ottoman  situé  entre  Kars  et  Batoum.  Le  Caucase, 
qui  était  jadis  le  repaire  de  bandes  innombrables  de  brigands  irréductibles, 
a  été  conquis  par  les  Russes  et  ouvert  au  commerce.  A  Bakou,  sur  la  mer  Cas- 
pienne, la  découvert»'  d'inépuisables  réserves  de  pétrole  a  enrichi  la  région 
tout  entière  et  transformé  en  une  i;ité  opulente  et  peuplée  une  ville  misérable  et 
décadente. 

Dans  la  l'erse  septentrionale  la  totalité  de  la  riche  province  de  Khorassan  est 
devenue  pratiquement  russe,  et  les  deux  rives  de  la  mer  (iaspienne  sont  longées 
par  d'importantes  voies  ferrées. 

Quant  au  Transsibérien,  les  conséquences  commerciales  et  politiques  de  cette 
gigantesque  entreprise  seront  incontestablement  d'une  importance  capitale. 

D'immenses  nagions  qui  semblaient  mortes  à  tout  jamais  ont  été  soudain  ouvertes 
et  livn''es  à  l'activité  commerciale  et  à  la  curiosité  avide  de  l'Europe.  L'Asie,  qui 
est  le  plus  vaste  et  le  plus  peuplé  des  continents,  est  sans  rivale  au  point  de  vue 
de  la  fertilité  du  sol  et  de  la  ricliesse  do  «es  ressources  naturelles. 

La  résurrection  grâce  au  Transsibérien,  du  trafic  par  voie  de  terre  à  travers 
l'étendue  du  vaste  continent  asiatique  portera  un  coup  mortel  à  la  prépondérance 
dont  jouissait  en  Asie  la  Orande-Hretagae,  par  suite  de  la  supériorité  de  sa  marine 
marchande. 

Le  canal  de  Suez  lui  avait  déjà  fait  beaucoup  de  mal,  car  du  temps  oii  l'on  ne 
pouvait  atteindre  l'Asie  qu'au  prix  d'un  long  voyage  par  le  cap  de  Honne-Espé- 
rauci",  l'Angleterre  faisait  ce  qu'elle  voulait  en  Extrême-Orient  et  n'avait  à  redouter 
aucune  concurrence. 

Solidement  installée  dans  ses  possessions  de  l'Inde,  d'oii  elle  pouvait  tirer  pour 
maintenir  son  autorité,  des  ressources  illimitées  en  hommes  et  en  argent,  elle 
régnait  en  souveraine  indiscutée  des  mers  de  l'Inde  et  de  la  Chine  à  la  mer  Rouge 
et  au  golfe  Persique  et  dictait  ses  volontés  à  tous  les  peuples,  de  Zanzibar  au 
Japon. 

Elle  fut  rudement  secouée  de  .sa  sécurité  par  l'ouveriure  du  canal  de  Suez  et 
l'intrusion  simultanée  des  pui.ssances  maritimes  de  l'Europe,  ainsi  que  par  la  déter- 
mination bien  arrêtée  de  la  France,  de  l'Allemagne  et  de  la  Russie,  de  partager 
avec  elle  les  richesses  de  l'Extrèmc-Orient. 

Depuis  les  événements  de  la  dernière  guerre  avec  la  Chine  un  grand  coup  a  été 
porté,  non  seulement  à  sa  suprématie  politique,  mais  à  son  commerce  maritime 
qui  est  le  secret  de  sa  puissance  et  de  sa  prospérité  ! 

On  peut  maintenant  gagner  la  mer  de  Chine  par  une  route  qui  échappe  à  son 
contrôle,  celle  du  Transsibérien. 

La  valeur  du  trafic  avec  l'Extrême-Orient  est  incalculable,  et  voilà  que  .soudain 


-  132  - 

s'ouvrent  à  l'activité  commerciale  des  Occidentaux  ces  vastes  régions  du  Nord  de 
l'Asie  qu'ils  avaient  considérées  jusqu'alors  comme  fermées  au  reste  du  monde. 

La  Russie  pourra,  grâce  au  Transsibérien,  détourner  rapidement  v  ron  profit  une 
grande  partie  du  service  des  passagers  et  des  communications  postales  de  l'Europe 
avec  la  Chine  et  le  Japon. 

Quel  négociant  enverra  bientôt  par  mer  une  lettre  demandant  35  jours  pour 
atteindre  Shanghaï  alors  que  par  le  Transsibérien  il  pourra  la  faire  parvenir  en 
/'V  jours,  même  en  75  jours,  à  la  m('mc  destination  ?  Les  grandes  Compagnies  de 
navigation  qui  -desservent  l'Extrême-Orient  commencent  à  s'alarmer  à  juste  titre, 
car  le  danger  qui  les  menace  est  réel,  imminent. 

FONTENOY. 

{Dépêche  coloniale). 


AFRIQUE. 


lliMwioii  «le  «léliiiiitation  du  Cuugo-Caitiei'oiin.  —  La  mission 
du  Capitaine  Cottes,  chargée  de  délimiter  la  frontière  méridionale  du  Cameroun, 
de  la  Sangha  à  la  cète,  de  concert  avec  une  mission  allemande,  ayant  terminé  ses 
travaux,  est  rentrée  à  Bordeaux  le  10  Janvier. 

Le  Capitaine  Cottes  a  donné  les  renseignements  suivants  sur  les  opérations  de 
la  mission  : 

Les  travaux  ont  duré  seize  mois  et  se  sont  poursuivis  dans  des  conditions  excep- 
tionnellement difficiles,  par  suite  de  la  nature  ingrate  d'un  pays  couvert  de  forêts 
vierges  noyées  dans  les  marécages,  du  climat  insalubre  et  de  l'hostilité  des  indi- 
gènes anthropophages,  les  No/.imous  et  surtout  les  Fangs  ou  Pahouins. 

Très  fréquemment,  la  mission  a  dû  faire  usage  de  ses  armes. 

Les  résultats  de  ses  travaux  sont  des  plus  satisfaisants.  Notre  occupation  du 
Gabon  est  purement  nominative.  A  la  faveur  de  notre  inaction,  de  nombreux  com- 
merçants du  Cameroun  s'étaient  installés  dans  le  Gabon  septentrional  et  y  régnaient 
en  maîtres.  Aujourd'hui  que  la  frontière  de  la  Sangha  à  la  côte  est  délimitée, 
ceux-ci  devront  évacuer  des  territoires  qui  constituent  la  partie  la  plus  riche  en 
produits  naturels  du  sol  de  nos  possessions  du  Congo. 

Les  rapports  les  plus  courtois  n'ont  cessé  de  régner  entre  les  commissaires  des 
missions  allemande  et  française,  le  Capitaine  Foerster  et  le  Lieutenant  Schwartz 
pour  l'Allemagne  ;  le  Capitaine  Cottes  et  l'Ingénieur  Michel  pour  la  France. 

Ces  derniers  étaient  assistés  du  Médecin-Major  Gravât,  du  Lieutenant  Boisot, 
de  l'officier  d'administration  d'artillerie  Guérin,  et  des  sous-officiers  Lcpoix, 
Cervoni,  Genty  et  Giroud. 


OGEANIE. 


■^'AiiMtralie  ceutraBt'  et  weptentrioualc.  —  Il  n'y  a  guère  de 
régions  qui  soient  aussi  peu  connues  que  l'intérieur  et  le  nord  du  continent  aus- 
tralien, qui  représentent  une  surface  dix  fois  aussi  étendue  que  celle  de  l'Allemagne, 
et  qui  sont  habités  ou  plutôt  parcourus  par  20,000  êtres  humains  à  peine.  Si  l'on 
jette  un  regard  sur  une  carte  remontant  à  une  cinquantaine  d'années,  on  ne  trouve 


-  133  - 

d'indications  de  lieux  que  le  long  de  la  côte  Sud  et  Ouest,  tandis  que  tout  le  reste 
du  continent  porte  la  suscription  :  (îrand  désert.  Et  ce  n'est  pas  sans  efi'roi  que 
Ton  songe  au  sort  de  l'intrépide  explorateur  Ludwig  Leichhardt,  qui  disparut  dans 
le  désert  avec  sa  nombreuse  expédition,  sans  qu'on  ait  jamais  pu  découvrir  la 
moindre  trace  de  l'endroit  oii  cette  caravane  a  été  ensevelie. 

Encore  de  nos  jours,  assure  le  Bulletin  de  la  Société  d'études  coloniales^  on 
avait  l'habitude  de  considérer  le  centre  de  l'Australie  comme  un  immense  désert 
dépourvu  d'eau  et  oii  quelques  aborigènes  menaient  une  vie  misérable.  Les  rares 
nouvelles  apportées  par  les  explorateurs  étaient  d'une  nature  peu  encourageante 
et  semblaient  confirmer  cette  opinion.  Ce  n'est  que  tout  récemment  que  les  idées 
se  sont  modifiées  au  sujet  de  cette  région.  Il  est  incontestable  que  l'Australie 
centrale  présente  au  delà  de  la  «  limite  des  pluies  »  de  larges  étendues,  oii  l'eau 
de  surface  fait  absolument  défaut  et  oii  plusieurs  années  peuvent  se  passer  sans 
qu'il  tombe  une  goutte  de  pluie  ;  par  contre,  elle  possède  d'autres  régions  qui  sont 
gratifiées  de  la  quantité  d'humidité  nécessaire,  et  qui,  par  suite,  se  trouvent  dotées 
d'une  faune  et  d'une  flore  fort  riches.  Il  y  a  donc  lieu  de  faire  une  distinction  entre 
les  différentes  parties  du  centre  de  l'Australie. 

Il  y  a  quelque  temps,  M.  H.  P.  Lewis,  qui  a  passé  vingt  ans  dans  l'intérieur  du 
pays  et  qui  a  traversé  différentes  fois  le  continent,  a  fait,  à  Adélaïde,  une  confé- 
rence que  rapportent  les  journaux  australiens.  M.  Lewis  estime  que  la  valeur  de 
l'intérieur  de  l'Australie,  au  sujet  duquel  régnent,  même  parmi  les  savants,  des 
idées  très  fausses,  ne  le  cède  en  rien  aux  autres  parties  du  globe.  La  région  com- 
prise entre  Alice  Springs  et  le  Tennants  Greek  (environ  du  19'  au  24*  degré  de 
latitude  Sud  forme,  avec  ses  vastes  étendues  de  Mulga  Scrub  (acacia  aneura),  un 
des  meilleurs  pâturages  de  l'Australie.  Il  dit  à  ce  sujet  :  «  Au  cours  d'une  explo- 
ration que  je  fis  en  1885  avec  le  docteur  Chewings  pour  découvrir  les  sources  de 
la  rivière  Finke,  j'ai  cueilli,  dans  l'Australie  centrale,  cinquante  herbes  comestibles 
différentes,  alors  que  l'Ouest  du  Queensland  n'en  possède  qu'une  demi-douzaine. 
Nous  possédons,  dans  le  Nord,  une  énorme  étendue  de  terres  qu'il  suffirait  de 
rendre  accessible  pour  pouvoir  la  livrer  à  l'élève  du  bétail.  Ceux  qui  considèrent 
l'Australie  centrale  comme  un  désert  ne  la  connaissent  pas.  11  serait,  tout  d'abord, 
nécessaire  de  construire  une  voie  ferrée  entre  Oodnadatta  et  Pine  Greek  ;  toutefois, 
si  le  gouvernement  fédéral  réussissait  à  soumettre  le  territoire  du  Nord  à  son 
influence,  cette  ligne  ne  serait  jamais  construite,  «  car  les  Etats  de  l'Ouest  n'y  ont 
pas  intérêt  ». 

La  région  connue  sous  le  nom  de  «  Territoire  du  Nord  »  est  tout  aussi  peu 
connue  que  le  centre  du  continent.  Cet  immense  pays  n'est  occupé  que  par  4.000 
habitants  (non  compris  les  nègres).  La  moitié  en  sont  des  Chinois,  un  quart  des 
Japonais  et  des  Malais,  et  le  reste,  des  blancs.  Au  nombre  des  fonctionnaires  habi- 
tant la  capitale,  Palmerston,  il  y  en  a  deux  d'origine  allemande  qui  ont  rendu  de 
grands  services  à  l'administration  de  l'Australie  du  Sud.  L'un  d'eux,  M.  Holtze, 
décrit  le  pays  de  la  manière  suivante  :  «  Le  Territoire  du  Nord  occupe  une  place 
à  part  entre  toutes  les  contrées  situées  sous  la  même  latitude.  Il  otfre,  en  général, 
l'aspect  uniforme  qui  est  propre  à  l'Australie,  c'est-à-dire  de  grandes  forêts  d'eu- 
calyptus alternant  avec  d'impénétrables  taillis.  Des  rivières  dont  l'eau  est  abon- 
dante, se  jettent  dans  l'Océan  Indien  ;  elles  ne  sont  malheureusement  pas  navigables 
pour  des  bâtiments  de  quelque  dimension,  à  cause  de  leurs  nombreuses  cataractes 
et  de  leurs  bancs  de  sable  qui  se  déplacent  constamment. 

«  On  rencontre,  dans  cette  contrée,  des  kangourous,  des  émeus  et  des  croco- 
diles —  ces  derniers  n'existent  pas  dans  le  Sud  —  le  long  de  la  côte,  les  tortues 
géantes  abondent.  Nous  avons  un  jour  remonté  la  rivière  Roger.    D'innombrables 


-  i:u  - 

bandes  de  cacatoès  noirs  et  blancs  habitent  les  forêts  qui  en  recouvrent  les  rives. 
Us  faisaient,  ainsi  que  les  perroquets  multicolores,  un  tel  bruit  que  nous  avions 
peine  à  nous  entendre.  L'herbe,  qui  atteignait  un  mètre  de  hauteur,  offrait  aux 
pigeons  et  aux  perdrix  des  cachettes  sûres.  Les  steppes  illimités  renferment  de 
grands  troupeaux  de  buffles,  qui  datent  de  Fépoque  oia  eut  lieu  la  première  occu- 
pation de  Port-Dundas.  Il  est  regrettable  que  ces  animaux  soient  si  souvent  abattus 
uniquement  pour  les  dépouiller  de  leur  peau,  car  leur  chair  est  abandonnée  aux 
oiseaux  de  proie.  A  certains  endroits  ovi  le  fleuve  s'élargissait  en  forme  de  lac, 
nous  avons  trouvé  une  si  grande  abondance  de  canards  sauvages,  d'oies  et  de 
poules  d'eau  que  l'on  ne  parvenait  pas  à  découvrir  la  surface  de  la  rivière.  Nous 
ne  pûmes  remonter  le  courant  au  delà  du  80'  kilomètre,  à  cause  des  cataractes  qui 
nous  barraient  le  chemin.  Tout  le  pays  qui  s'étend  à  plus  de  6  à  8  kilomètres  des 
lignes  du  chemin  de  fer  ou  du  télégraphe  n'a  guère  été  foulé  par  le  pied  d'un 
Européen  ». 

Le  Territoire  du  Nord  offre  un  intérêt  particulier  au  point  de  vue  des  recherches 
minérales,  dont  l'extraction  pourrait  aisément  être  décuplée.  En  1905,  le  pays  a 
produit  pour  2.."')Un.000  francs  de  métaux,  en  majeure  yjartie  de  l'or,  de  l'argent,  du 
cuivre  et  du  wolfram.  Le  système  actuellement  appliqué  laisse  beaucoup  à  désirer. 
On  abandonne  à  des  Chinois  des  mines  riches  à  titre  de  «  tribut»,  c'est-à-dire  que 
ces  mines,  inscrites  au  nom  d'un  blanc,  sont  exploitées  par  des  Chinois,  sans 
aucun  contrôle,  à  charge  par  ces  derniers  de  remettre  au  propriétaire  10  %  du 
bénéfice.  Ces  Chinois  trouent  et  creusent  le  sol  comme  des  taupes  et  rendent  le 
terrain  impropre  à  toute  exploitation  rationnelle  ultérieure.  On  procède  en  ce 
moment  avec  beaucoup  d'activité  à  des  sondages  pour  trouver  du  charbon,  dont  la 
découverte  serait  un  bien  inappréciable  pour  le  pays. 

La  pêche  des  perles,  le  long  de  la  côte  septentrionale,  a  considérablement  perdu 
de  son  importance.  La  tiotte  qui  s'y  consacre  est  beaucoup  moins  nombreuse  qu'au- 
paravant. Le  principal  endroit  oia  l'on  pèche  actuellement  les  moules  perlières  sont 
les  îles  Aru,  situées  à  plus  de  GOO  kilomètres  de  la  côte.  Le  métier  de  plongeur 
est  à  présent  exercé,  dans  une  large  mesure,  par  des  blancs. 

En  ce  qui  concerne  les  indigènes,  on  trouve  sur  les  côtes  un  certain  nombre  de 
métis,  qui  sont  peu  utilisables.  Dans  l'intérieur,  on  rencontre  encore  de  véritables 
nègres  australiens  en  nombre  assez  considérable  ;  leur  degré  de  développement 
est  plus  élevé  que  celui  des  tribus  de  l'intérieur,  leurs  armes  sont  différentes,  leur 
manière  do  combattre  plus  cruelle,  leurs  danses  et  leurs  chants  plus  agréables. 
Pour  le  surplus,  leur  caractère  est  sournois  et  rusé.  Il  y  a  quelque  temps,  quatre 
blancs,  qui  formaient  l'étatmajor  d'un  steamer,  sont  tombés  victimes  de  leur 
cruauté.  Le  développement  de  cet  énorme  territoire  ne  fait  pas  de  progrès  depuis 
une  série  d'années.  Ce  pays  est  pour  l'Australie  du  Sud,  auquel  il  appartient 
depuis  1863,  un  véritable  éléphant,  qui  lui  a  coûté  déjà  environ  50  millions 
de  francs.  La  ligne  de  chemin  de  fer,  par  exemple,  coûte  annuellement  trois  fois 
autant  qu'elle  rapporte.  Ce  serait,  malgré  tout,  une  faute  de  céder  ce  territoire  au 
gouvernement  fédéral,  car  il  n'est  pas  douteux  que  c'est  une  des  contrées  les  plus 
riches  de  la  terre.  C'est  l'opinion  d'explorateurs,  tels  que  Batedow,  D.  Lindsay, 
vSpeiicer,  le  géologue  Brown,  etc.  Mais  aussi  longtemps  que  la  voie  transcontinen- 
tale ne  sera  pas  construite  et  que  la  «  main-d'œuvre  de  couleur  »  sera  prohibée 
légalement,  les  trésors  de  cette  région  resteront  inexploités. 


—  135  — 


REGIONS    POLAIRES 


E^pédStioii  ai'etic|ue  aiiiéricaiiic.  —  Nous  avons  annoncé  dans  le 
Bulletin  de  Novembre  dernier  le  retour  du  Commandant  Peary.  Un  télégramme 
parvenu  on  ce  même  mois  à  New  York  donne  quelques  détails  sur  cette  mémorable 
expédition.  Le  Commandant  s'est  trouvé  coupé  de  ses  communications  au  delà  du 
85»  par  une  tempête  de  six  jours  qui  rompit  la  glace  et  le  fit  dériver  fortement 
vers  l'Est.  Il  n'en  continua  pas  moins  sa  route  vers  le  Nord  pour  atteindre  le 
parallèle  de  87°  6'  N.,  ce  qui  constituait,  nous  l'avons  dit,  un  nouveau  record. 

Une  remarque  intéressante  au  point  de  vue  de  la  physique  du  bassin  polaire 
nous  est  suggérée  par  cette  indication  qui  revient  plusieurs  fois  dans  ce  télé- 
gramme :  celle  de  l'obsédante  dérivée  vers  l'Est.  C'est  la  confirmation  d'un  fait 
nouveau,  présenté  d'ailleurs  depuis  le  voyage  de  Nansen.  Toutes  les  glaces  accu- 
mulées dans  le  colossal  cul-de-sac  de  l'Océan  Glacial  tendraient  donc  à  venir 
confluer  vers  les  issues  s'ouvrant  sur  l'Atlantique  et  surtout  vers  la  large  porte 
située  entre  le  Groenland  et  le  Spitzberg.  Ce  mouveuient  se  produit  au  Nord  de 
l'Amérique  comme  au  Nord  de  l'Asie. 

Ainsi  au  Nord  de  la  Sibérie  la  dérive  se  produit  dans  ladirecuon  N.  W.  pour  s'in- 
cliner au  Nord  et  au  Nord-Ouest  du  Spitzberg,  successivement  vers  l'W.  et  le  S.  W., 
tandis  qu'au  Nord  de  la  Terre  de  Grant  elle  se  porte  vers  l'E.,  pour  s'infléchir  au 
Nord-Est  du  Groenland  vers  le  S.  E.  La  dérive  entre  le  Groenland  et  le  socle  conti- 
nental doit  être,  on  le  comprend,  particulièrement  forte  puis  qu'aucun  obstacle  ne 
s'oppose  plus  à  son  action.  Les  parages  ou  les  courants  peuvent  ainsi  s'affirmer 
avec  netteté  se  trouvent  sans  doute  vers  le  85»,  en  sorte  que  Peary  a  dû  voyager 
pendant  plus  de  deux  degrés  sur  une  banquise  l'entraînant  sur  le  courant  du 
Groenland  oriental. 


II.   —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE. 


€ouiiiierce  extérieur  de  la  Franee  pendant  l'aiiii«''e  imiti. 

—  L'Imprimerie  Nationale  vient  de  mettre  sous  presse  le  volume  des  documents 
statistiques  publiés  par  l'Administration  des  Douanes  sur  le  commerce  de  la  France 
pendant  les  douze  mois  de  l'année  1906. 


—  136  — 
Los  renseignements  suivants  sont  extraits  de  ce  volume 


1906 

1905 

DIFFÉRENCES 

pour  1906 

Importations. 
Objets  d'alimentation 

954.092.000 

3.330.334.000 

938. 9f  (9.000 

822.915.000 

3.087.320.000 

868.673.000 

-f  131.177.000 
+  249.014.000 
+    70.326.000 

Matières  nécessaires  àTindustrie 
Objet  fabriqués 

Totaux 

5.229.425.000 

4.778.908.000 

+  450.517.000 

Exportations. 
Objets  d'alimentation 

731.011.000 
1.370.854.000 
2.560.626.000 

381.174.000 

780.542.000 
1.337.972.000 
2.410.743.000 

337.610.000 

—    49.531.000 

Matières  nécessaires  à  l'industrie 

Objets  fabriqués 

Colis  postaux 

+    32.882.000 
+  149.883.000 
+    43.564.000 

Totaux 

5.043.665.000 

4.860.867.000 

+  176.798.000 

EUROPE. 


Ex^|»aii!«ioit  «•oiiiiiierclale  «le  {"Alleiiiagne.  —  Le  commerce  d'ex- 
portation est  particulièrement  actif.  Les  progrès  du  commerce  maritime  surtout 
peuvent  justement  nous  faire  envie.  Les  nouveaux  tarifs  douaniers  ne  lui  ont  fait 
subir  aucune  diminution.  Ils  ont  plutôt  stimulé  les  industriels  qui  font  en  ce 
moment  beaucoup  d'affaires  avec  le  Nouveau  Monde.  Une  grande  activité  règne 
dans  les  chantiers  de  construction.  Le  nombre  des  ouvriers  qu'ils  occupent  a  aug- 
menté cette  année  de  plus  de  6.000,  et  les  Sociétés  de  navigation  donnent  de 
moins  en  moins  de  commandes  à  l'étranger.  Le  Valcan,  de  Stettin,  va  ouvrir  une 
succursale  à  Hambourg  oii  il  a  acheté  23  hecteres  de  terrain,  tandis  que  la  Société 
Blohra  et  Voss  s'occupe  de  construire  un  nouveau  dock  flottant  de  35.000  tonnes, 
avec  une  grue  flottante  de  150  à  200  tonnes.  Le  dernier  annuaire  de  la  marine 
{Naiiticas)  nous  apprend  que  de  1895  à  1905,  la  capacité  de  transports  de  la  flotte 
marchande  de  l'Allemagne  a  augmenté  de  234  7oi  alors  que  celle  de  l'Angleterre 
n'augmentait  que  de  47  "/„.  L'Allemagne  entre  aujourd'hui  pour  un  chiffre  de  10  % 
dans  l'ensemble  de  toutes  les  marines  marchandes  du  monde. 

A  noter  l'importance  que  prennent  les  chalands  de  mer  dans  les  ports  allemands 
depuis  quelques  années.  Brème  et  Hambourg  ont  commencé  des  services  très 
importants  avec  la  Hollande,  la  Belgique,  la  Poméranie  et  divers  ports  de  la  Bal- 
tique. Ces  chalands,  bien  construits,  ne  supplanteront  pas  évidemment  les  grands 
vapeurs  de  charge,  mais  ils  pourront  jouer  un  rôle  précieux  dans  le  développement 
des  transports  maritimes. 

L'examen  du  trafic  qui  se  fait  par  le  canal  de  Kiel  mérite  aussi  d'être  signalé.  Il 
y  a  eu  pendant  le  dernier  exercice  un  mouvement  de  326  navires  représentant  un 
tonnage  de  5.207.000  tonneaux. 


-  l.-^?  - 

liB  Navigation  du  Rbiu  >»ii|)érleur.  —  Les  essais  de  navigation 
sur  le  Rhin  supérieur  entre  Strasbourg  et  Bâle,  que  nous  signalions  en  1005,  ont 
continué  en  lOOlî  avec  le  plus  grand  succès.  De  1903  à  1905,  M.  Knipscheer  a 
réussi  à  importer  à  Bâle  1^.600  t.  de  marchandises,  surtout  du  charbon,  et  à  en 
exporter  1.200  t.  d'asphalte,  de  carbure  de  calcium,  de  tourteaux.  La  Société  qu'il 
dirige,  fit  alors  construire,  exprès  pour  la  navigation  du  Rhin,  un  vapeur  à  roues 
de  800  t.  et  diverses  installations  pour  la  manutention  des  marchandises  à  Bàle.  Le 
nouveau  vapeur  a  opéré  sans  encombre  (i  montées  et  4  descentes  du  fleuve.  Un 
vapeur  à  hélice  a  même  poussé  en  1906  jusqu'aux  rapides  de  Rheinfelden.  Toutes 
ces  tentatives  paraissent  avoir  suffisamment  prouvé  que  la  section  Bâle-Strasbourg 
n'est  pas  plus  mauvaise  pour  la  navigation  que  la  section  Strasbourg-Mannheira, 
dont  le  trafic  a  dépassé  600.000  t.  dans  les  dernières  années.  Fait  intéressant,  c'est 
aux  abords  de  Bâle  que  les  conditions  du  fleuve  sont  les  meilleures,  à  raison  de  la 
netteté  du  chenal  et  de  la  rapidité  du  courant  qui  empêche  l'ensablement  ;  c'est 
immédiatement  avant  et  après  Strasbourg  qu'elles  paraissent  le  plus  défavorables. 
Des  corrections,  des  balisages,  des  dragages,  permettront  sans  peine  d'y  remédier. 
En  ce  qui  concerne  les  sept  ponts  de  bateaux  qui  gênent  la  navigation,  l'acte 
international  du  17  Octobre  18(38,  qui  règle  la  navigation  du  Rhin,  permet  d'affir- 
mer que  c'est  là  un  obstacle  transitoire.  Les  ouvertures  de  passr.ge  à  travers  ces 
ponts  ont  d'ailleurs  été  élargies  de  20  à  40-50  m.  dans  l'hiver  1905-1906.  Un  «  Verein 
fiir  die  Schitfahrt  auf  dem  Ober  Rhein  »  s'est  formé  et  rêve  non  seulement  l'éta- 
blissement de  la  navigation  régulière  sur  le  Rhin  supérieur  jusqu'à  Bâle,  mais 
moyennant  divers  travaux,  jusqu'au  lac  de  Constance  ;  il  prévoit  même  l'utilisation 
des  affluents  du  fleuve  (Aar,  Reuss,  Limmat)  et  des  lacs  suisses  jusqu'au  pied  des 
Alpes.  Ce  sont  là,  à  n'en  pas  douter,  des  idé;"s  de  réalisation  encore  lointaine. 


li'iiii|»ortauce   de!>*   vivre.*»   éii*aug;er.«>>   eii   Angleterre.  —  Un 

document  officiel  sur  les  importations  en  (Grande-Bretagne  des  objets  de  consom- 
mation de  première  nécessité  pendant  l'année  1905-1906  montre  à  quel  point  le 
pays  est  tributaire,  pour  ses  vivres,  des  pays  étrangers.  Voici  le  tableau  de  ces 
importations  : 

Gros  bétail  sur  pied 505.129  têtes. 

Moutons 183.084    — 

Porcs 150    — 

Viande  de  boucherie 18.023.429  qx  angl. 

Blé  et  farine 114.226.590    — 

Autres  céréales 86.692.628    — 


Il  est  à  noter,  par  contre,  que  les  vivres  viennent  de  plus  en  plus  des  colonies 
anglaises.  Dans  l'importation  des  blés  et  farines  de  114  millions  de  quintaux, 
43  millions  de  quintaux  proviennent  des  colonies,  alors  qu'en  1904,  sur  lOl  mil- 
lions de  quintaux  importos,  1.912  millions  seulement  avaient  été  fournis  par  les 
colonies  anglaises. 


Pêcheries  maritimes.  —  L'industrie  des  pêcheries  maritimes  dans  les 
eaux  Scandinaves  se  transforme  profondément  avec  les  progrès  de  l'automobilisme 


-  138  - 

appliqué  aux  bâtiments.  En  l'espace  de  deux  ans,  cette  industrie  a  renouvelé  son 
matériel.  Elle  aurait  môme  doublé  l'amortissement  des  capitaux  engagés  en  une 
campagne  de  cinq  mois.  On  constate  une  économie  appréciable  sur  le  personnel 
de  l'équipage.  Deux  bateaux  ont  pu  fournir  autant  de  résultats  que  toute  la  flottille 
ancienne. 


AFRIQUE. 


l*i*og'i*aiiiiiie  cle«  gi'Hiiclw  travaux  |>iibli<*:«>  o(  eiii|>i*uut  de 
75  inillSoiiM  pour  l'4»utillag-e  de  la  TuuiMie.  —  La  Tunisie,  de 
contrée  agricole  qu'elle  était  tout  d'abord,  est  en  train  de  devenir  un  grand  pays 
minier.  L'évolution,  commencée  lors  de  la  décorverte  des  premiers  gisements  de 
phosphates,  ne  fait  que  s'accentuer  davantage.  Non  seulement  on  en  a  découvert 
de  nouveaux  dans  l'Ouest,  mais  une  richesse  nouvelle,  les  minerais  de  fer,  est 
venue  s'ajouter  aux  anciennes.  L'épuisement,  prévu  à  brève  échéance,  des  mines 
du  Luxembourg  et  du  Nord  de  l'Espagne,  donne  à  ces  gîtes  une  valeur  actuelle 
considérable.  On  en  découvrit  tout  d'abord  dans  le  Djebel  Ouenza,  puis  aux  Nefzas 
et  enfin  au  Nord  et  au  Sud  du  Kef. 

Pour  les  phosphates,  aux  grands  gisements  de  Kalàatcs-Senam  sont  venus  s'ad- 
joindre ceux  de  Kalàa-Djerda  et  le  magnifique  gisement  d'Aïn-Moularès.  Tous  ces 
gîtes  ont  été  concédés  à  diverses  Sociétés  qui  se  sont  engagées  à  des  dates  variant 
entre  1908  et  1912,  à  exploiter  annuellement  750.1*00  tonnes  de  phosphates  et 
7.50.000  tonnes  de  minerais  de  fer,  soit  L. 500.000  tonnes  en  tout. 

La  Tunisie  s'en  trouve  singulièrement  embarrassée.  Son  outillage,  prévu  pour 
un  pays  agricole  modeste  ott'rant  quelques  perspectives  minières,  est  notoirement 
devenu  insuffisant.  La  ligne  de  Pont-du-Fahs  à  Kalâ;it-es-Sénam  et  celle  de  Sousse- 
Kairouan,  prolongée  à  Sbiba  et  Aïn-Moidarès,  vont  avoir  à  subir  une  surcharge 
énorme  de  trafic.  Tout  est  à  remanier  :  les  rails  trop  légers  doivent  être  remplacés  ; 
les  croisements  sont  à  augmenter  ;  il  faut  multiplier  les  wagons  et  locomotives  et 
agrandir  les  gares,  à  commencer  par  celle  de  Tunis,  qui  exige  une  réfection 
complète. 

Or,  les  ressources  ordinaires  ne  peuvent  suffire  à  ces  besoins  pressants.  Grâce  à 
la  remarquable  progression  de  ses  excédents  budgétaires,  la  Tunisie  a  pu  doter 
plus  largement  certains  services  publics,  mais  une  somme  de  3  à  4  millions  est 
vraiment  insuffisante  pour  l'outillage  d'un  pays  aussi  vaste  et  disposant  de  trésors 
qui  ne  demandent  qu'à  être  exploités.  La  prospérité  actuelle  du  pays,  dont  le 
budget  a  passé  de  18  millions  1/2  en  1884  à  37  millions  de  fr.  en  1905,  pendant  que 
le  commerce  s'accroissait  de  'i5.5  millions  en  1884  à  l'i9  millions  en  1905,  la 
solidité  de  son  crédit  et  la  certitude  de  réussite  dans  l'exploitation  des  mines  de 
fer  et  de  phosphates  rendent  maintenant  un  emprunt  d'Etat  possible  et  même 
avantageux. 

Un  programme  nouveau  de  grands  travaux  a  donc  été  dressé.  11  n'exigera  pas 
moins  de  125  millions,  dont  77)  millions  seront  demandes  à  l'emprunt;  le  reste, 
soit  50  millions,  sera  prélevé  sur  les  excédents  budgétaires  qu'on  a  le  droit  d'es- 
compter presque  à  coup  sûr,  après  une  expérience  de  vingt  années. 

Ce  programme  comporte  le  perfectionnement  du  réseau  actuel,  rexcciition  de 
4."30  kilomètres  de  lignes  nouvelles  :  de  Mateur  à  Nebeur  ;  des  Nefzas  à  Tabarka  ; 
Meuzelbom-Zelfa  à  Kclibia  ;  Zaghouan  à  Bou-Ficha  ;   Sfax  à  Bou-Thadi  et  Tunis  à 


-  ^:^\}  — 

Teboursouk.  Il  prévoit  en  outre  la  construction  de  1.200  km.  do  route.s,  un  port  de 
prche  à  Tabarka,  unport  du  type  de  Sousse  à  Gabès,  le  complément  de  Téclairage 
des  côtes,  etc.  Une  mention  spéciale  doit  (Hre  faite  aux  travaux  hydrauliques,  tant 
pour  les  alimentations  urbaines  que  pour  les  besoins  agricoles.  Dix  millions  seront 
affectés  aux  dépenses  propres  de  colonisation  :  achat  de  terres  domaniales  à 
vendre,  outillage  des  centres  de  colonisation,  reboisement,  etc.  Divers  crédits  enfin 
sont  affectés  aux  écoles,  à  l'office  postal  et  aux  bâtiments  d'Administration. 

C'est  en  somme  un  programme  complet  dont  on  va  aborder  l'exécution  ;  celle-ci 
remplira  une  période  de  douze  années  et  il  y  a  lieu  de  croire  qu'avec  la  prudence 
qu'on  a  mise  à  en  élaborer  les  bases  tinancières,  cette  opération  ouvrira  une  ère 
nouvelle  et  singulièrement  fructueuse  dans  les  destinées  économiques  de  la 
Tunisie. 


III.   —   Généralités. 


liH  |»o|»iilHtlou  fli'M  |»riuc*i|iaiix  pay»  et  dcM  priiicipaleN 
villes»  «lu  g'Iohe.  —  Le  Board  of  Trade  a  publié  une  intéressante  statistique- 
sur  la  population  des  principaux  pays  du  globe.  Nous  en  extrayons  le  tableau 
ci-après  qui  établit  la  comparaison  entre  les  années  1895  et  1905  : 

.Augmentation 
1895  1905  en  1905 

Russie 125.000.000  l 'il  .200.000  Ki. 200. 000 

États-Unis 08 .  934 .  000  S3 . 1 43 .  000  1  \ .  209 .  00(  ) 

Allemagne 52.279.000  60.605.00(»  S. 326. 000 

Japon 42.271.000  'û. 975. 000  5. 70'.. 000 

Royaume-Uni 39.221.000  43.221.600  'i. 000. 000     ' 

France 38.459.000  .39.300.000  S41.000 

Italie 31.296.000  33. 604. 000  2. .308. 000 

Autriche 2i. 971. 000  27.241.000  2.270.000 

Hongrie 18.257.000  20.114.000  1.852.000 

Espagne 18.157.000  18.900.000  743.000 

Petites  nations .57.732.000  54.166.000  6.434.000 


Totaux 506.577.000  569.469.000         +62.892.000 

Ainsi  qu'on  le  voit,  le  chilfre  de  la  population  des  nations  désignées  ci-dessus 
.s'est  accru  de  62.892.000  habitants  au  cours  de  la  dernière  période  décennale.  Sauf 
l'Italie  qui  enregistre  un  accroissement  de  2.308.000  âmes,  les  deux  autres  nations 
latines  arrivent  péniblement  à  augmenter  :  la  France  de  841.000  habitants,  l'Es- 
pagne de  743.000.  Nous  remarquons,  d'autre  part,  que  l'Allemagne  a  vu  s'accroître 
sa  population  de  8.326.000  habitants,  passant  ainsi  de  52.27i).000  en  1895  à 
60.605.000  en  1905. 


-  140 


Les  chiffres  ci-dessus  font  ressortir  une  différence  de  21.305.000  habitants  en 
faveur  de  l'Allemagne  sur  la  France,  Le  royaume  de  Prusse  compte  à  lui  seul 
37. "293. 324  habitants  et  aura  dans  trois  ans  une  population  égale  à  celle  de  la 
France. 

Le  taux  annuel  des  naissances,  décès,  mariages  s'établit  comme  suit  pour  mille 
habitants  de  chacun  des  pays  ci-dessous  désignés  : 


Norvège 

Suède 

Danemark  .  . . . 
Allemagne . . . . 

Hollande 

Belgique 

France  

Suisse 

Portugal 

Espagne 

Italie 

Autriche 

Hongrie 

Royaume-Uni. 


issances. 

Décès. 

Mariag 

28.2 

14.3 

5.8 

25.8 

15.3 

5.9 

28.5 

13.9 

7.1 

34.1 

19.6 

8.0 

31.4 

15.9 

7.4 

27.1 

16.8 

8.0 

21.0 

19.5 

7.6 

27.7 

17.8 

7.4 

32.1 

19.1 

6.8 

34.4 

25.8 

7.7 

32.6 

20.9 

7.4 

35.6 

23.8 

7.8 

.37.0 

24.8 

9.1 

27.6 

16.5 

14.6 

Comparée  aux  autres  pays  la  France  est  d'une  infériorité  notoire.  Alors  que 
Toxcédent  moyen  des  naissances  sur  les  décès  n'est  plus  que  de  19  unités  pour 
10.000  habitants,  il  est  de  122  en  Angleterre  et  de  148  en  Allemagne. 

Voici,  pour  terminer,  la  population  des  principales  villes  du  monde  : 

Habitants.  Habitants. 


Londres 4.872.710 

New- York 3.4:37.000 

Paris 2.714.000 

Berlin 2.040.000 

Tokio 1.819.000 

Chicago 1.699.000 


Vienne 1.675.000 

Philadelphie 1.294.000 

Saint-Pétersbourg 1 .2f)5.000 

Moscou 1.039.000 

Buenos-Ayres 1. 026.000 


LE    SECRETAIRK-GENERAL  ADJOINT, 

Jules  DUPONT. 


LE   SECKETAIKEGENERAL, 

A.  MERGHIER. 


Lille  Imp.LOan;! 


—  141 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


I. 

Séance  du  Dimanche  25  Novembre  1906. 


LE     CHILI     PITTORESQUE 

ET   LA  CATASTROPHE  DE  VALPARAISO 
Par   M.   Paul   WALLE, 

Explorateur. 


COMPTE   RENDU   ANALYTIQUE 


Après  avoir  été  très  en  faveur  en  France,  les  Républiques  de 
l'Amérique  du  Sud  sont  de  plus  en  plus  délaissées  par  nous.  Tel  est  le 
cas  du  Chili  où  après  avoir  tenu  longtemps  le  second  rang  nous  n'oc- 
cupons plus  que  le  quatrième,  et  encore  ce  rang  nous  est-il  disputé 
par  la  Belgique  ! 

Pour  combattre  celte  profonde  indifférence,  il  n'est  pas  de  meilleur 
moyen  que  de  nous  rendre  un  compte  exact  des  richesses  et  des 
déboucliés  que  nous  offre  toujours  le  Chili. 

A  voir  les  troubles  et  dissensions  de  certains  Etats  de  l'Amérique  du 
Sud,  nous  en  avons  conclu  trop  rapidement  à  l'instabilité  des  autres, 
du  Chili  en  particulier. 

Ce  pays,  au  contraire,  est  un  dos  plus  stables  de  celte  partie  du 

10 


—  I'i2  — 

continent  américain.  Son  développement  était  des  plus  remarquables, 
lorsque  la  terrible  catastrophe  que  l'on  sait,  est  venue  enrayer  son 
essor.  Nous  n'aurons  cependant  à  enregistrer  qu'un  simple  arrêt  dans 
ce  développement  économique,  tant  sont  abondantes  les  ressources 
de  ce  pays,  tant  est  grande  l'énergie  de  ses  habitants. 

Des  Compagnies  anglaises,  allemandes,  espagnoles  et  même  japo- 
naises desservent  le  Chili.  La  France  reste  en  dehors  du  mouvement, 
constatons-le  avec  d'autant  plus  de  regret  que  l'ouverture  relativement 
prochaine  du  canal  do  Panama  incite  les  puissances  commerciales  à 
prendre,  dès  maintenant,  de  fortes  positions  sur  la  côte  du  Pacifique. 
C'est  précisément  à  cette  heure  grave  que  nous  nous  effaçons  le  plus  ! 

La  République  du  Chili,  située  sur  la  côte  occidentale  de  l'Amérique 
du  Sud,  s'étend  du  18^  au  56®  degré  de  latitude  australe  sur  une  lon- 
gueur de  plus  de  4.200  kilomètres.  Sa  largeur  moyenne  est  tout  au  plus 
de  200  à  220  kilomètres.  C'est  donc  une  étroite  bande  de  terre,  res- 
serrée entre  l'Océan  Pacifique  et  la  Cordillère  des  Andes.  Cette  for- 
midable frontière  garantissait  en  quelque  sorte  le  Chili  de  toute 
influence  étrangère,  aussi  a-t-il  pu  se  développer  dans  la  plus  complète 
sécurité.  Le  long  de  cette  côte  interminable  se  trouvent  56  ports.  Les 
plus  importants  sont,  du  Nord  au  Sud  :  Pisagua,  Iquique,  Antofa- 
gasta,  Valparaiso,  Talcahiiano,  Valdivia  et  Puerto-Montt. 

Les  points  de  pénétration  à  l'Est  ne  peuvent  être  que  les  rares  cols 
que  présente  la  Cordillère  des  Andes,  ce  que  l'on  a  appelé  les  ports- 
secs.  Encore  ne  sont-ils  bien  praticables  que  pendant  la  belle  saison  ! 
La  vraie  voie  de  pénétration  au  Chili  par  l'Est  sera  le  chemin  de  fer 
Transandin  qui  ne  tardera  pas  à  être  achevé.  Les  rails  sont  en  effet 
posés  de  part  et  d'autre  de  la  Cordillère,  il  ne  reste  plus  qu'un  seul 
tunnel  à  creuser.  —  En  outre,  Je  Chili  a  entrepiis  la  construction  d'un 
autre  Transandin,  qui  traversera  les  Andes  plus  au  Sud  par  le  col 
d'Antuco  ;  les  travaux  en  sont  activement  poussés. 

Enfin  pour  donner  quelque  cohésion  à  celte  immense  bande  de 
terre,  condition  essentielle  à  la  prospérité  du  Chili,  il  fallait  une  voie 
ferrée  longitudinale,  avec  embranchements  sur  les  différents  ports.  La 
ligne  principale,  projetée  de  Tacna  à  Puerto-Monti,  aura  une  lon- 
gueur de  3.344  kilomètres,  La  moitié  environ,  de  Caldera  à  Osorno, 
est  achevée  actuellement  et,  de  ce  fait,  les  communications  sont  déjà 
assez  importantes. 

Les  conditions  climatériques  doivent  forcément  être  diverses  dans 


—  143  — 

un  pays  s'étendant  sur  37  degrés  de  latiliide.  A  cet  égard,  on  peut 
diviser  le  Chili  en  cinq  zones. 

La  première,  celle  du  Nord,  est  une  contrée  excessivement  sèche 
où  la  pluie  est  inconnue.  Là  se  trouvent  de  nombreux  et  riches  gise- 
ments de  nitrate  de  soude  et  de  borax. 

La  seconde  zone  est  déjà  moins  sèche.  11  y  pleut  quelquefois  à  longs 
intervalles.  On  y  rencontre  des  produits  miniers  tels  que  l'or,  l'argent, 
le  cuivre,  le  fer,  etc. 

La  troisième  zone  jouit  d'un  climat  tempéré.  Il  y  pleut  fréquemment 
pendant  l'hiver.  La  capitale  du  Chili,  Santiago,  se  trouve  dans  celte 
zone  très  propre  à  l'agriculture.  Des  mines  y  sont  également 
exploilées. 

La  quatrième  zone  connaît  des  pluies  très  abondantes.  On  s'y  livre 
à  l'exploitation  forestière,  à  la  culture  et  à  l'élevage.  C'est  dans  cette 
région  que  se  trouvent  réunis  les  immigrants  ayant  répondu  à  l'appel 
du  Chili.  Ils  ne  sont  pas  encore  nombreux,  d'autres  pays  ayant  eu 
jusqu'à  présent  leur  préférence.  Ici,  ceux  de  même  nationalité  ont 
cherché  à  se  grouper.  On  trouve  ainsi  des  colonies  allemandes,  ita- 
liennes et  boers.  L'importance  des  Allemands  est  incontestable  et  leurs 
colonies  sont  très  prospères. 

Enfin  la  cinquième  zone,  le  territoire  de  Magellan,  est  froide  et 
humide.  C'est  un  pays  d'élevage  pour  les  brebis.  On  y  exploite  des 
gisements  de  charbon  et  de  pétrole.  Quelques  placers  d'alluvions 
aurifères  ont  en  outre  attiré  l'attention  de  ce  côté.  La  Terre  de  Feu 
jouit  des  mêmes  avantages.. 

M.  Walle  nous  fait  pénétrer  au  Chili  par  le  détroit  do  Magellan. 
D'une  part  se  trouve  l'archipel  de  la  Terre  de  Feu,  habile  par  les 
Fuégiens  à  peine  vêtus  de  peaux  de  phoque.  Ce  sont,  à  coup  sûr,  les 
êtres  humains  les  plus  disgraciés  de  la  nature.  D'autre  part,  le  long 
des  rives  septentrionales  du  détroit,  s'étendent  les  pampas  où  paissent 
et  vivent  de  nombreux  troupeaux.  Là  se  trouve  la  ville  la  plus  méri- 
dionale du  Chili  et  même  du  globe,  Punta  Arenas.  Elle  a  pris  depuis 
dix  ans  un  développement  considérable.  On  y  compte  déjà  20.000  habi- 
tants, mineurs,  marins  et  éleveurs.  Cette  ville  est  éclairée  à  l'élec- 
tricité et  comprend  quelques  édifices.  A  côté  de  cela  l'herbe  pousse 
dans  les  rues,  il  y  pleut  d'ailleurs  huit  mois  sur  douze  et  souvent  on  y 
est  flagellé  par  un  vent  terrible  du  Sud-Ouest. 

Le  détroit  de  Magellan  s'étend  sur  environ  050  kilomètres  avec  une 
largeur  souvent  moindre  de  4  kilomètres  et  plusieurs  augosturas  ou 


—  l'i'i  — 

gorges  très  étroites.  Vers  sa  sortie,  c'est-à-dire  à  l'entrée  de  l'Océan 
Pacifique,  le  panorama  devient  moins  riant.  Aux  Pampas  succèdent 
les  roches  nues.  Le  cap  Pilar  et  l'île  des  Évaugélistes  sont  des  lieux 
d'épouvante.  Les  flots  de  l'Océan  Pacifique  sont  particulièrement 
agités  en  ces  parages  où  il  ne  mërile  certes  pas  le  joli  nom  qu'on  Ini 
a  donné. 

Après  avoir  longé  une  multitude  d'îles,  on  traverse  l'archipel  des 
Chonos  ou  de  Guatecas,  aux  îles  inexplorées  et  complètement  recou- 
vertes de  forêts  vierges  ;  la  plus  grande  d'entre  elles  est  celle  de 
Ghiloé  qui  a  toujours  été  colonisée.  Après  avoir  touché  à  Lota  et 
Coi'onel  nous  arrivons  à  Valparaiso. 

Rien  non  plus  ne  vient  justifier  ce  nom  là.  Valparaiso  n'est  pas  la 
Vallée  da  Paradis,  mais  c'est  certainement  un  grand  port,  le  rival  de 
San  Francisco.  La  baie  de  Valparaiso,  d'une  profondeur  de  cinquante 
mètres  environ,  n'est  aucunement  garantie  et  pendant  les  tempêtes  les 
navires  no  peuvent  y  tenir. 

La  ville  est  adossée  à  des  collines  {cerros)  et  présente  plusieurs 
grandes  artères  parallèles  à  la  côte.  A  vrai  dire,  elles  s'étendent  sur 
des  terrains  rapportés  ou  gagnés  sur  la  mer.  Des  navires  ont  autrefois 
jeté  l'ancre  à  l'endroit  où  se  trouvent  maintenant  les  plus  beaux  quar- 
tiers de  la  ville. 

Les  tremblements  de  terre  sont  très  fréquents  au  Chili,  mais  causent 
généralement  peu  de  dommages.  Du  reste,  les  constructions,  à  cause 
précisément  de  l'instabilité  du  sol,  sont  ordinairement  légères  et  ne 
comprennent  en  moyenne  que  deux  étages. 

Mentionnons  comme  tremblements  de  terre  importants  ceux  de 
1575,  1640, 1730, 1822  et  1835,  c'est-à-dire  un  par  siècle,  deux  au 
XIX®  qui  dégénérèrent  en  catastrophes  nationales 

La  durée  ordinaire  de  ces  tremblures  est  de  15  à  30  secondes,  leur 
direction  de  N.-E.  à  S.-O.  ;  les  Chiliens  et  même  les  étrangers  y 
étaient  d'ailleurs  tellement  habitués  qu'ils  n'y  attachaient  pas  grande 
importance.  Au  premier  bruit,  tous  se  rendaient  dans  la  rue  et  à  peine 
y  étaient-ils  arrivés  que  tout  était  terminé  sans  grand  dommage. 

Cette  fois  c'est  une  calamité  publique  qu'il  a  fallu  enregistrer.  Le 
16  Août,  vers  7  heures  55  du  soir,  deux  secousses  très  rapprochées  se 
sont  produites  à  Valparaiso.  La  première  fut  assez  courte,  la  seconde 
eut  une  durée  de  plus  de  quatre  minutes.  Tout  le  monde  a  lu  les  détails 
de  cette  épouvantable  catastrophe.  L'exode  des  habitants,  l'obscurité 
complète,  la  chaleur  étouffante  qui  régna  eu  ce  moment,  les  clameurs. 


—  i'iTj  — 

les  gémissements  et  le  crépitement  incessant  des  maisons  qui  s'effon- 
draient, tandis  que  des  grondements  souterrains  augmentaient  encore 
l'épouvante. 

On  vit  tout  à  coup  des  lueurs  courir  partout  et  surtout  le  long  des 
hauteurs  comme  les  traînées  lumineuses  que  produiraient  le  choc  de 
deux  cables  électriques,  puis  un  nouveau  malheur  vint  ajouter  à  l'hor- 
reur du  désastre.  Le  feu  se  mit  à  tous  les  édifices  et  la  ville  fut  en 
partie  anéantie. 


VALl'AllAISU. 


LE    THLA-l  liK    MGK.ililA. 


Comme  à  San  Francisco,  on  eut  ensuite  le  triste  spectacle  de  ces 
pilleurs  d'épaves,  fouillant  tout,  s'attaquanl  sans  pitié  aux  morts  aussi 
bien  qu'aux  vivants,  véritables  bandits  contre  lesquels  on  dut  sévir 
d'une  façon  implacable. 

Profitera-t-on  de  l'occasion  pour  rebâtir  ailleurs  la  ville  de  Valpa- 
raiso  ?  On  a  fait  remarquer  qu'il  existai!;  un  peu  plus  au  Nord,  à 
Qiiinleros,  un  port  naturel  autrement  sûr  que  celui  de  Valparaiso, 
mais  la  force  de  l'habitude  est  telle  que  celte  ville  occupera  malgré 
tout  son  ancien  emplacement  ;  on  se  bornera  à  la  construction  de 
quelques  bassins  intérieurs. 

Les  cars  électriques  de  Valparaiso  étaient  conduits,  comme  ceux  de 
toutes  les  villes  du  Chili,  par  des  femmes  auxquelles  leur  uniforme 
donne  une  allure  crâne  et  coquette  tout  à  la  fois. 


—  14(;  — 


Sanliago,  à  l'Est  de  Valparaiso,  fut  aussi  éprouvé,  mais  le  désastre 
fut  moins  grand.  La  fuile  générale  de  ses  habitants  par  un  temps  de 


VOLEUR  EXECUTE. 


pluie  fut  lamentable.  C'est  dans  la  boue  que  la  population  dut  atlendie 
le  lever  du  jour.  Tout  ne  fut  pas  détruit  comme  à  Valparaiso.  Des 
édifices  ne  furent  que  lézardés.  Le  cimetière  fut  peut-être  le  plus 
éprouvé,  il  n'en  reste  qu'un  inextricable  chaos. 

La  ville  est  dominée,  au  centre,  par  le  cerro  Santa-Lticia,  colline, 
autrefois  rocher  abrupt,  aujourd'hui  transformée  en  une  sorte  de 
Fontainebleau. 

Peu  de  Chiliens  peuvent  prétendre  descendre  directement  des 
anciens  Conquistadors.  Les  plus  vieilles  familles  de  souche  espagnole, 
et  celles-ci  ne  sont  pas  très  nombreuses,  descendent  de  celles  qui 
vinrent  s'établir  au  Chili  après  le  tremblement  de  terre  de  1730.  La 
race  actuelle  des  Chiliens,  une  des  plus  policées  du  Sud  Amérique,  est' 
le  produit  de  multiples  croisements  entre  les  conquérants  et  les  Chan- 
t/os et  Projnacaucs,  Indiens  soumis  aux  Incas  qui  habitaient  le  Nord 
et  le  centre  du  Chih. 

Les  Chiliennes  sont- jolies  et  agréables.  Elles  portent  un  costume 


—  147  — 


spécial  (le  manto),  qui  contribue  encore  à  les  embellir.  Le  manto  est 
une  sorte  de  châle  noir  qui  recouvre  la  tête  et  les  épaules.  Ce  costume 
est  même  obligatoire  dans  l'intérieur  des  églises. 


LE   CERRO   SANÏA-LUCIA. 


La  société  se  divise  en  trois  classes  :  Yaricratia,  l^snicdlo ]}do{m\- 
poil)  et  les  rotos  (roturiers). 

Les  fermiers  (hacendados)  montés  sur  leurs  chevaux,  avec  leur 
manteau  spécial  et  le  chapeau  à  larges  bords,  font  vraiment  bonne 
figure.  Autrefois  ignorants  et  routiniers,  c'est  aujourd'hui  des  agri- 
culteurs modernes,  qui  opèrent,  dans  les  travaux  agricoles,  une  véri- 
table transformation. 

Pour  mettre  en  valeur  leurs  propriétés,  ils  ont  recours  à  Vlnqiiilino 
et  au  Pcon.  Le  premier  a  reçu  du  patron  quelques  arcs  de  terre  qu'il 
cultive  tsans  avoir  à  payer  quoi  que  ce  soit.  11  doit  en  échange  tra- 
vailler pour  lui  et  reste  toujours  à  sa  disposition,  VlnquUino  n'a  en 
propre  que  son  cheval. 

Le  Péoit  est  un  ouvrier  à  la  tâche.  Il  travaille  temporairement  jus- 
qu'à ce  qu'il  ait  gagné  assez  pour  faire  la  fête.  On  donne  aussi  au  Péon 
et  à  rinquilino  le  nom  do  liwtso  ou  (jiiuso,  qui  est  un  peu  au  Chili  ce 
qu'est  le  gaucho  dans  l'Argentine. 


—  148  - 

Les  bouviers  Vaqueras  ont  la  garde  des  nombreux  troupeaux.  Ils 
ont,  en  avant  d'eux,  enfourchée  sur  leur  monture,  une  sorte  de  peau 
qui  les  protège  contre  les  épines  et  ils  manient  le  lazo  avec  une  habi- 
leté remarquable. 

Il  faut  pour  en  juger  les  voir  au  rodeo.  Une  fois  par  an,  ils  ont  à 
réunir  tous  les  animaux  du  domaine  qui  vivent  à  l'état  sauvage  dans 
les  pâturages  des  vallées  andines.  C'est  à  l'aide  du  lazo  qu'ils  attrapent 
à  la  course  les  plus  récalcitrants.  Au  rodeo  les  animaux  sont  classés 
par  catégorie  suivant  le  rôle  auquel  ils  sont  destinés.  On  marque  au 
fer  rouge  les  animaux  nés  dans  l'année. 

Les  propriétés  agricoles  rapportent  bien  et  sans  grand  effort.  VAl- 
falfa,  sorte  de  luzerne,  est  très  productive.  On  en  récolte  trois  fois 
par  an  et  on  en  exporte  de  grandes  quantités  en  balles  pressées.  Les 
autres  produits  agricoles  sont  consommés  au  Chili.  Presque  tous  les 
capitaux  chiliens  sont  placés  dans  les  banques  hypothécaires  qui  rap- 
portent 8  7c  et  dans  l'agriculture  qui  offre  avec  peu  de  risques  des 


VUE   DE    SANTIAGO. 


bénéfices  ;  cependant  presque  toutes  les  grosses  fortunes  ont  été  pro- 
duites par  l'exploitation  des  mines. 

Santiago  et  ses  environs  jouissent  d'un  climat  méditerranéen.  Et 


U9  — 


Cela  presque  au  pied  de  la  chaîne  des  Andes  aux  cimes  toujours 
neigeuses. 

Santiago  possède  de  jolis  monuments  dignes  d'une  capitale.  La 
ville  est  traversée  par  une  splendide  avenue,  l'Alamecla,  d'où  l'on 
jouit  de  la  vue  magnifique  de  la  Cordillère.  On  accède  au  ce?'ro 
Santa-Lucia  par  un  magnifique  portique. 

Les  ivrognes  ne  sont  point  tolérés  dans  les  rues.  Les  agents  de 
police,  dès  qu'ils  en  aperçoivent  un,  téléphonent  et  à  la  minute  une 
charrette  vient  enlever  le  malheureux. 

A  l'extrême  Nord  du  Chili  sont  les  provinces  conquises  sur  le  Pérou 
à  la  suite  d'une  guerre  longue  et  coûteuse.  Ce  sont  les  provinces  de 
Tarapaca,  Atacama  et  Anlofagasta.  Là  se  trouvent  les  gisements 
de  nitrate,  une  des  grandes  ressources  du  Chili.  Le  nitrate,  produit 
uniquement  chilien,  s'y  rencontre  sous  forme  d'immenses  bancs  ayant 
jusqu'à  deux  mètres  d'épaisseur.  On  donne  le  nom  de  Caliche  au 
nitrate  brut.  La  richesse  moyenne  des  caliches  varie  entre  20  et  65  % 


VINA   DEL   MAR. 


de  nitrate  de  soude.  On  l'en  retire  sur  place  par  des  procédés  spéciaux. 
On  exporte  ce  nitrate  par  les  ports  de  Pisagua,  Antofogasta,  Caldera 


—  150  — 

et  surtout  par  le  port  d'Iquique.  Des  hauteurs  qui  dominent  Iquique  et 
ses  environs  les  nitrates  sont  amenés  à  bord  au  moyen  de  glissières, 
celle  de  Caleta  Buena  par  exemple  à  728  mètres  d'altitude.  Celte 
industrie  rapporte  au  bas  mot  40  %.  Le  Chili  en  retire  aussi  grand 
profit.  Le  bénéfice  d'un  tiers  de  l'exploitation  reste  dans  le  pays  pour 
la  main-d'œuvre  et  un  autre  tiers  revient  à  l'Etat  sous  forme  de  droit 
de  sortie.  Quand  nous  aurons  dit  que  cela  constitue  la  moitié  de  son 
budget,  on  comprendra  l'importance  de  cette  industrie  pour  le  Chili. 

Revenant  vers  le  Sud,  nous  trouvons  successivement  : 

Vina  del  Mar,  à  un  quart  d'heure  de  Valparaiso.  C'est  le  Trouville 
chilien,  renommé  par  la  clémence  de  son  ciel  et  la  beauté  de  son  site 
où  s'épanouit  toute  la  flore  des  zones  tempérées. 

Concepcion,  une  des  plus  agréables  villes  du  Chili,  sur  les  bords  du 
Bio-Bio,  le  plus  important  cours  d'eau  du  Chili.  Le  Niagara  chilien  se 
trouve  non  loin  de  là.   C'est  le  Salta  de  Lcnja,  magnifique  chute  que. 
l'on  admire  en  un  cerlain  point  du  rio  Laya,  un  des  affluents  du- 
Bio-Bio. 

Près  de  Concepcion  sont  les  localités  de  Coronel  et  de  Lota,  centres 
miniers  d'où  l'on  extrait  la  houille.  Tout  le  territoire  des  environs 
appartient  à  trois  propriétaires.  11  faut  voir  à  Lota  le  splendide  château 
et  le  parc  immense  du  milliardaire  chilien  Ch.  Cousino.  Immédiate- 
ment au  Sud  se  trouve  la  zone  de  colonisation  dont  il  a  déjà  été  parlé 
plus  haut.  C'est  l'ancienne  Araucanie. 

A  ce  sujet  rappelons  ({u'un  Français  de  Périgueux  nommé  De  Ton- 
neins  eut  un  jour  la  fantaisie  de  s'intituler  roi  d' Araucanie  et  de 
Patagonie,  sous  le  titre  d'Orélie  7".  Pas  plus  que  l'empereur  du 
Sahara,  de  récente  mémoire,  il  n'avait  le  droit  de  porter  le  titre  qu'il 
avait  pris.  Sans  doute  espérait-il  obtenir  ainsi  un  certain  crédit  pour 
arriver  avec  quelques  aventuriers  à  en  faire  la  conquête.  Il  entreprit 
de  gagner  ses  États,  mais  à  peine  eut-il  passé  la  Cordillère  qu'il  fut 
empoigné  par  de  solides'  miliciens  qui  le  mirent  en  prison  où  il  put 
méditer  à  son  aise  sur  les  vicissitudes  des  choses  humaines.  Le  gou- 
vernement chilien,  usant  de  mansuétude,  lui  rendit  bientôt  une  liberté 
dont  il  ne  sut  pas  profiter. 

Les  Araucans  jouèrent  autrefois  un  grand  rôle  dans  le  Chili;  ils 
résistèrent  victorieusement  aux  Incas  et  aux  Espagnols,  mais  après 
1870  se  virent  peu  à  peu  relégués  dans  le  Sud. 

D'abord  on  fit  tout  pour  les  exproprier,  puis  on  leur  fournit  de 
l'alcool  autant  qu'ils  en  désiraient  pour  les  faire  périr. 


—  loi  — 

Le  gouvernement  actuel  se  montre  Lon  pour  eux  et  les  défend 
contre  les  empiétements  et  les  spoliations  dont  ils  sont  victimes  de  la 
part  de  certains  propriétaires  du  Sud.  Ils  sont  aujourd'hui  résignés  et 
bien  diminués  en  nombre.  Ils  sont  à  peine  35.000  répandus  entre  le 
Malleco  et  le  rio  Tolteu. 

Les  Araucans  sont  paresseux,  insolents,  aiment  l'alcool  à  l'excès. 
Ils  sont  en  général  polygames  et  très  superstitieux.  En  fait  de  divinités, 
ils  croient  à  de  bons  et  à  de  mauvais  génies,  Pillan  et  Wuancubu.  Des 
bons,  ils  n'en  ont  cure.  Quant  aux  mauvais,  ils  tâchent  de  les  ama- 
douer par  des  invocations  et  des  libations.  Leurs  caciques  ou  chefs  de 
tribus  n'oublient  pas,  lorsqu'ils  font  des  libations,  de  tremper  leurs 
doigts  dans  la  liqueur  et  d'en  secouer  les  gouttes  dans  la  direction  des 
volcans  qu'ils  supposent  habités  par  les  mauvais  esprits. 

Les  Arai'cans  vivent  dans  des  huttes  primitives  de  forme  coniques 
et  recouvertes  de  paille  jusqu'au  sol,  nommées  rucas. 


INTERIEUR   AUCA.   —    METIER   A   TISSER. 


Le  mariage  est  une  sorte  de  rapt.  Les  fiancés,  aidés  de  quelques 
camarades,  cherchent  à  enlever  la  nuit  leurs  futures  épouses.  Celles- 
ci,  aidées  des  matrones  du   voisinage,   se  défendent    comme   elles 


—  152  — 

peuvent.  Elles  élèvent  obstacle  sur  obstacle,  mordent,  égralignent 
leurs  adversaires  et  leur  jettent  même  de  l'eau  bouillante  et  des  tisons 
enflammés.  Une  femme  est  réputée  d'autant  plus  vertueuse  qu'elle 
donne  plus  de  coups  à  son  prétendant. 

Les  femmes  portent  sur  le  dos  leur  nouveau  né,  ainsi  que  son  ber- 
ceau. Pour  vaquer  à  leurs  occupations  elles  suspendent  le  tout  à  un 
arbre  ou  l'appuient  contre  un  mur. 

Ces  Indiens  se  livrent  parfois  à  de  véritables  saturnales  en  l'honneur 
du  cahuin,  pour  lequel  ils  professent  une  véritable  passion.  En  ces 
festivités,  chaque  invité  apporte,  qui  une  poule,  qui  un  agneau,  voir 
même  une  jument,  de  quoi  se  rassasier  pendant  huit  à  dix  jours.  Cela 
dure  jusqu'à  ce  que  tout  soit  dévoré.  Pendant  tout  ce  temps  les  Arau- 
cans  se  livrent  à  la  danse  et  aux  chants  et  rendent  les  plus  grands 
hommages  à  l'alcool,  qui  est  absorbé  en  quantité  énorme. 

Les  Chllotes  sont  évidemment  de  la  race  araucane.  Ils  occupent  l'île 
de  Chiloé,  qui  a  une  superficie  de  45.000  kilomètres  carrés.  L'île  est 
couverte  de  forêts  vierges  dont  on  extrait  abondamment  l'essence  de 
tannin.  Les  (7^//o/t'5  sont  plus  policés  que  les  Araucans.  Les  femmes 
font  presque  tout  le  travail  et  manient  spécialement  l'aviron.  Elles 
portent  leur  enfant  comme  les  matrones  araucanes. 

Comme  les  Araucans  pour  le  cahuin,  les  Chilotes  professent  un 
grand  culte  pour  le  ciiranto.  Certains  jours,  en  un  trou  chauffé  à 
blanc,  ils  entassent  toutes  sortes  de  victuailles  entremêlées  de  feuilles 
aromatiques.  Dès  que  la  cuisson  est  faite,  ils  se  livrent  à  d'intermi- 
nables festins,  accompagnés  de  danses  et  de  beuveries. 

Pour  sortir  du  Chili,  M.  Walle  nous  fait  suivre  le  futur  chemin  de 
fer  Transan'din.  La  ligne  future  doit  mettre  Valparaiso  et  Santiago  en 
communication  directe  avec  BucDos-Ayres.  Elle  passera  par  Quillota^ 
San  Felipe  et  la  coquette  ville  de  Santa  Rosa  de  los  Andes.  De  là 
elle  gagnera  le  col  d'Uspallata  et  passera  au  moyen  d'un  tunnel  le 
sommet  de  granit  de  la  Cuiiibre,  à  une  altitude  de  3.178  mètres  pour 
aboutir  dans  la  vallée  de  las  Cuevas  et  de  là,  à  Mendoza,  dans  la 
République  Argentine. 

La  voie  ferrée  existe  déjà  à  travers  les  Pampas,  de  Mendoza  à 
Buenos-Ayres.  Il  ne  reste  plus  actuellement  qu'à  achever  le  tunnel 
pour  terminer  le  Transandin. 

Le  versant  chilien  des  Andes,  beaucoup  plus  abrupt,  a  exigé  de 
grands  travaux  d'art.  Il  a  fallu  pour  gagner  les  hauteurs,  imaginer 
un  tunnel  hélicoïdal.  La  voie  sera  à  triple  crémaillère  avec  une  pente 


—  ir)3  — 

qui  atteint  souvent  8  '^l„.  Sur  le  parcours  chilien,  il  sera  donné  au 
Toyageur  de  contempler  le  Salto  ciel  Soldado,  précipice  d'un  aspect 
terrifiant  qu'un  soldat  aurait,  dit-on,  franchi  d'un  saut.  La  largeur  rend 
le  fait  peu  probable.  —  Il  apercevra  aussi  le  lac  de  l'Inca,  la  vallée 
de  la  Désolation  et  le  plus  haut  sommet  de  toute  l'Amérique,  le  mont 
Alcencagua  (6,970  mètres), 

M.  Walle  termine  cette  agréable  conférence,  dont  il  nous  restera  un 
excellent  souvenir,  en  souhaitant  que  la  France,  revenue  de  son  indif- 
férence, prenne  une  part  plus  active  dans  le  commerce  de  la  côte  du 
Pacifique,  et  notamment  du  Chili,  que  nous  avons  le  plus  grand 
intérêt  à  ne  pas  perdre  de  vue. 


IL 

Séance  du  Dimanche  2  Décembre  1906. 


LE   JAPON   ANCIEN    ET   MODERNE 

Par  M.  A.  HALOT, 

Avocat  à  la  Cour  d'Appel,  Consul  Impérial  du  Japon  à  Bruxelles. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


Nous  ne  pouvons  exprimer  qu'un  regret  après  la  remarquable 
conférence  de  M.  A.  Halot,  c'est  de  ne  pouvoir,  faute  de  place,  la 
reproduire  en  entier  dans  notre  Bulletin. 

La  salle  de  nos  séances  était  comble  et  jamais  auditoire  ne  fut  plus 
attentif.  Captivé  par  le  talent  et  la  parole  facile  de  l'orateur,  il  ne  se 


—  154  — 


lassait  pas  de  l'entendre  et  se  retira  absolument  enchanté.  Nous  adres- 
sons à  M.  A.  Halot  les  remercîments  les  plus  chaleureux  pour  cette 
belle  conférence  dont  voici  un  bien  pâle  résumé. 


Quelles  peuvent  être  les  causes  psychologiques  qui  ont  amené  ce 
développement  d'un  peuple,  étonnant  surtout  pour  ceux  qui,  tout 
récemment  encore,  connaissaient  à  peine  son  existence.  Voilà  certes 
un  vaste  sujet  qui  demanderait  beaucoup  de  temps  pour  être  traité 
comme  il  le  mérite. 

Quel  fut  le  passé  du  Japon,  c'est  ce  qu'il  nous  faut  examiner  tout 
d'abord  !  Renan  l'a  dit  :  les  idées  d'un  grand  peuple  naissent  en  même 
temps  que  lui. 

L'Europe,  ou  plutôt  la  civilisation  européenne,  jadis  repliée  sur 
elle-même,  tenait  toute  entre  les  rives  du  Bosphore  et  l'Océan  Atlan- 
tique. Au  delà,  c'étaient  les  Barbares.  Puis  nous  avons  vu  d'autres 
contrées  nouvelles  arriver  à  force  d'énergie  à  prendre  rang  dans  notre 
civilisation.  Ainsi  fit  l'Amérique  et  voici  maintenant  que  le  Japon  vient 
de  s'imposer  à  nous  après  avoir  réussi  à  force  de  volonté  à  adopter 
tous  les  progrès  qui  lui  paraissaient  nécessaires.  Ce  fut  cette  fois 
une  évolution  en  même  temps  économique  et  politique. 

Ce  serait  une  erreur  de  croire  que  le  Japon  se  soit  civilisé  en  ces 
trente  dernières  années.  Les  Japonais  étaient  civilisés  bien  avant,  ils 
n'ont  fait  qu'adopter  les  progrès  matériels  des  autres  peuples  par  une 
rapide  assimilation.  Les  perfectionnements  modernes  et  l'emploi  des 
engins  destructeurs  ne  constituent  pas  en  effet  toute  la  civilisation. 
Autant  dire  alors  que  les  Français  du  temps  de  Louis  XIV  étaient  des 
sauvages. 

Le  passé  du  Japon  nous  éclairera  sur  la  façon  dont  son  évolution 
contemporaine  a  pu  se  faire,  car  ce  n'est  pas  la  première  fois  qu'il 
s'est  inspiré  de  ce  qu'on  avait  fait  hors  de  chez  lui.  Ainsi  nous  voyons 
au  VP  siècle,  les  Japonais  en  rapport  avec  la  Chine.  Ils  en  tirèrent 
tout  ce  qui  leur  parût  bon  et,  loin  do  se  montrer  imitateurs  serviles,  ils 
adaptèrent  le  tout  à  leur  génie  national. 

L'histoire  du  Japon  peut  donc  se  diviser  en  trois  périodes  séparées 
par  leurs  deux  grandes  influences  étrangères  que  nous  venons  de 


—  l")  — 

signaler  :  le  Japon  primitif  anlérieur  an  VI*  siècle,  le  Japon  ancien  du 
Vr  au  XIX*  siècle,  et  le  Japon  contemporain. 

Les  premiers  habitants  du  Japon  furent  les  Aïnos,  tous  différents 
des  Japonais  actuels.  Ils  sont  trapus  et  barbus  se  rapprochant  plutôt 
des  blancs  du  Nord  de  la  Sibérie.  Au  IX*  et  au  VIII®  siècle  avant 
J.-C.  arrivent  dans  l'île,  des  envahisseurs,  les  uns  venant  du  continent 
ayant  le  visage  ovale,  les  yeux  bridés  et  le  nez  aquilin  ;  ces  traits 
caractérisent  à  travers  l'histoire  les  nobles  Japonais.  Les  autres  nou- 
veaux venus,  d'origine  malaise,  ont  la  figure  large,  le  nez  épaté  et 
les  pommettes  saillantes  des  gens  du  peuple.  Ces  divers  éléments  ont 
formé  dans  le  creuset  des  îles  nippones,  la  nation  japonaise,  comme 
les  Celtes,  les  Angles,  les  Saxons,  les  Danois,  les  Normands,  ont 
formé  dans  les  îles  britanniques  la  nation  anglaise. 

Comme  les  moyens  de  communication  étaient  naturellement  primi- 
tifs, les  habitants  sont  restés  forcément  confinés  dans  leurs  îles  et 
ainsi  s'est  développée  une  civilisation  absolument  originale,  comme 
n'en  peuvent  avoir  que  des  insulaires.  Aussi  le  Japon  primitif  fut-il 
purement  Japonais. 

La  langue  japonaise  n'est  pas  syllabique  comme  la  langue  chinoise, 
elle  se  rattache  au  groupe  des  langues  ouralo-allaïques  et  est  donc 
tout  à  fait  différente  de  celle  du  grand  Empire. 

Au  point  de  vue  naturel,  le  Japon  est  un  pays  merveilleux.  Il  y 
fait  un  soleil  idéal  et  il  y  règne  une  atmosphère  excessivement  sereine. 
Aussi  les  Japonais  ont-ils  une  admiration  sans  borne  pour  leur  pays 
natal.  Ils  aiment  ce  soleil,  ces  fleurs,  ces  jeux  de  couleurs  et  cette  mer 
sans  pareille  qui  les  environne  de  toutes  parts.  Leurs  maisons  sont 
faites  pour  mieux  jouir  de  celte  belle  nature  :  sur  trois  côtés  les 
panneaux  peuvent  s'enlever  facilement  et  les  Japonais,  toul  en  étant 
chez  eux,  y  vivent  d'une  vie  tout  extérieure.  Pour  le  Japonais,  il 
n'est  rien  au-dessus  du  Japon. 

Les  légendes  ajoutent  encore  à  cet  amour  de  la  patrie.  A  l'époque 
où  tout  était  chaos,  un  de  leurs  Dieux,  Izanaghi,  trempa  un  jour  sa 
lance  dans  le  chaos,  des  gouttelettes  qui  en  tombèrent,  lorsqu'il  la 
retira,  naquirent  les  îles  du  Japon.  Tout  est  donc  divin  au  Japon, 
même  la  terre  et  les  Japonais  eux-mêmes  ne  forment  avec  leurs 
Dieux  qu'une  grande  famille.  Les  Empereurs,  chefs  de  cette  famille 
et  tous  de  la  même  lignée  depuis  vingt- deux  siècles,  sont  les  descen- 
dants de  la  Déesse  AniateroHu,  Déesse  du  Soleil.  L'amour  de  la  patrie 
et  l'attachement  à  l'Empereur  sont  ainsi  élevés  à  la  hauteur  d'un 


—  15G  — 

culte.  Il  n'y  a  guère  dans  notre  Occident,  que  dans  les  armées  de  la 
première  République  française  que  l'on  trouve  un  pareil  exemple 
d'idolâtrie  de  la  patrie.  Les  Japonais  poncent  donc  tout  naturellement 
le  dévouement  jusqu'à  l'héroïsme.  Ils  ne  craignent  point  la  mort.  Elle 
est  pour  eux  la  réunion  avec  les  ancêtres  et  le  sol  divin  de  la  patrie. 

Les  héros  sont  honorés  au  Japon.  Le  culte  des  Dieux  et  des  esprits 
est  le  Shintoïsme  ou  le  culte  primitif  du  Japon. 

Le  Japon  est  traversé  dans  toute  sa  longueur  par  une  chaîne  de 
montagnes  d'où  se  détachent  sur  la  côte  des  chaînons  laissant  entre 
eux  de  nombreuses  vallées.  Le  Fouzy  Yama  est  la  montagne  sacrée 
du  Japon. 

Dans  chaque  vallée  un  seigneur  régnait  en  maître  absolu,  battant 
monnaie  et  levant  des  troupes.  C'étaient  autant  de  petits  États  dans 
l'État.  Des  luttes  continuelles  les  divisaient  :  seule  la  personne  de 
l'Empereur  restait  au-dessus  de  toutes  ces  querelles,  intangible  et 
indiscutée. 

L'Empereur  avait  sous  ses  ordres  un  ministre,  le  Shogun,  sorte  de 
Maire  du  Palais,  qui  en  vint  peu  à  peu  à  exercer  tout  le  pouvoir.  Mal- 
gré sa  situation,  le  Shogun,  toujours  respectueux  de  la  tradition,  ne 
songea  jamais  à  supprimer  l'Empereur  lui-même. 

C'est  en  670  que  nous  voyons  se  former  l'embryon  du  Shogunat 
quand  l'Empereur  crée  pour  l'un  de  ses  parents  une  place  de  premier 
ministre.  Au  IX^  siècle  la  charge  était  devenue  héréditaire  et  ainsi  se 
développa  celle  double  lignée  des  Empereurs  qui  régnaient  sans  gou- 
verner et  des  Shoguns  qui  gouvernaient  sans  régner. 

Ce  ne  fut  pas  sans  lutte  il  est  vrai  que  se  forma  toute  cette  organi- 
sation féodale. 

Les  Shoguns  ont  rendu  d'abord  de  grands  services.  Ils  avaient 
obtenu  par  exemple  que  les  grands  seigneurs  (Daïmios)  se  battissent 
beaucoup  moins,  institué  par  là  une  sorte  de  trêve  de  Dieu.  La 
dynastie  shogunale  des  Tokugawas  rendit  au  pays  certains  services 
signalés  par  l'énergie  avec  laquelle  elle  y  mit  de  l'ordre. 

Les  familles  des  Daïmios  avaient  des  attributions  spéciales.  Telle 
fournissait  les  Impératrices,  d'autres  formaient  la  Cour  de  l'Empereur 
et  il  y  en  avait  qui  restaient  attachées  à  celle  du  Shogun.  Celui-ci 
tenait  ses  vassaux  dans  une  dépendance  absolue,  leur  interdisant 
même  de  se  rendre  à  Kioto,  la  capitale  de  l'Empereur,  tandis  que 
lui-même  résidait  à  Yédo. 

En  dessous  de  cette  grande  noblesse  existait  une  petite  aristocratie 


I 


—  157  — 

militaire,  celle  dés  Samuraï.  Ceux-ci  animés  du  plus  pur  patriotisme, 
bien  disciplinés  et  imbus  des  idées  chevaleresques,  sont  les  ancêtres  et 
les  véritables  créateurs  des  armées  dont  nous  admirons  aujourd'hui 
les  exploits  : 

«  Ce  ne  sont  donc  pas  les  institutions  actuelles  ni  le  maniement  des 
armes  modernes  qui  créent  le  soldat  japonais  ;  il  est  l'héritier  d'un 
long  et  glorieux  atavisme.  Personne  mieux  que  les  Français  ne  peut 
comprendre  cet  esprit  chevaleresque,  car  en  France  ce  n'est  pas  non 
plus  la  dernière  loi  de  conscription  qui  a  créé  le  soldat  français.  — 
L'éminent  Général  Lebon  qui  me  fait  l'honneur  d'assister  à  cette  cau- 
serie et  qui  jadis  apporla  au  Japon  l'appoint  de  sa  science  militaire, 
ne  me  démentira  pas  si  je  dis  que  les  Japonais  comptent  parmi  les 
premiers  soldats  du  monde  ». 

Les  Japonais  ont  toujours  à  la  mémoire  l'histoire  des  47  ronins. 
Ces  Samuraï  auraient  cru  forfaire  à  l'honneur  de  leur  caste  en  ne  ven- 
geant pas  leur  chef  lâchement  assassiné.  Leur  tâche  accomplie,  ils 
n'en  étaient  pas  moins  condamnés  à  mourir,  la  conscience  tranquille, 
en  s'ouvra/it  stoïquement  le  ventre. 

Le  harakiri  était  un  privilège  qui  était  pour  le  Samuraï  un  des  signes 
tangibles  de  sa  dignité  chevaleresque. 


Au  milieu  du  VF  siècle  le  Japon  subit  donc  l'influence  extérieure. 
Le  Boudhisme  y  fut  introduit  par  des  missionnaires  du  continent  ;  cette 
religion,  toute  différente  du  Shintoïsîne,  n'en  fit  pas  moins  de  grands 
et  de  rapides  progrès.  Elle  était  cependant  plutôt  contraire  au  carac- 
tère japonais,  car  elle  leur  enseigne  que  tout  :  l'amour,  la  joie,  etc. . ., 
n'est  que  douleur  en  ce  monde.  Mais  les  Boudhistes  surent  s'imposer 
par  de  nombreux  bienfaits,  en  apprenant  aux  Japonais  des  arts  utiles 
et  des  procédés  inconnus  au  Japon.  Comme  les  missionnaires  chrétiens, 
les  missionnaires  boudhistes  apportaient  avec  eux  une  civilisation 
plus  avancée,  et  purent  à  juste  titre  être  considérés  comme  des  bien- 
faiteurs de  l'humanité. 

Au  début  les  Japonais  acceptèrent  tout  les  yeux  fermés,  puis  bientôt 
ils  choisirent  en  tout  ce  qu'il  y  avait  de  mieux  et  se  l'assimilèrent  en 
tenant  compte  du  génie  national.  C'est  ainsi  que  l'art  au  Japon  se 
montra  d'abord  influencé  par  la  Chine  pour  arriver  peu  à  peu  à 
prendre  un  caractère  propre  et  bien  national. 

11 


-  158  - 

La  distinction  entre  les  temples  Shinto  et  ceux  faits  après  l'intro- 
duction du  Boudhisme  est  très  facile  à  faire.  Autant  les  premiers  sont 
simples  et  sobres  d'ornements,  autant  les  derniers  sont  d'un  raffine- 
ment luxueux  auquel  tous  les  arts  parlicipent.  —  Pour  des  yeux 
japonais,  la  sobriété  des[premiers  a  autant  de  grandeur  et  de  beauté 
que  la  richesse  des  seconds. 

Cet  accueil  fait  aux  Chinois  prouve  déjà  les  bonnes  dispositions  des 
Japonais  pour  les  étrangers.  Une  autre  preuve  en  est  encore  l'accueil 
fait  en  1549  à  saint  François  Xavier  et  ses  compagnons.  En  quelques 
années,  ces  missionnaires  firent,  dit-on,  600.000  adeptes  au  Japon. 
Une  mission  japonaise  fut  même  envoyée  par  la  suite  au  Pape  Sixte- 
Quint. 

En  1598,  le  Japon  chercha  aussi  à  nouer  des  relations  avec  les 
Espagnols  établis  aux  îles  Philippines.  Des  lettres  furent  échangées  à 
cet  effet  avec  le  gouvernement  de  Luçon.  Les  Espagnols,  méfiants 
d'abord,  finirent  par  accepter  en  l'année  1608. 

Malgré  cela,  quelques  années  après,  le  Japon  rompait  avec  le  monde 
entier.  Le  gouvernement  shogunal  fermait  le  pays,  par  crainte  des 
étrangers.  Les  Espagnols  s'étaient  montrés  arrogants,  les  mission- 
naires n'avaient  pas  été  sans  commettre  quelques  maladresses  et  les 
Hollandais  avaient  répandu  des  propos  malveillants  à  dessein  pour 
écarter  tous  les  concurrents.  Les  luttes  intérieures  auxquelles  certains 
chrétiens  avaient  été  mêlés  firent  naître  la  crainte  du  Shogun.  Le 
Japon  alarmé  n'autorisa  plus  que  les  fïollandais  à  résider  dans  le  pays 
et  encore  à  Nagasaki  seulement. 

Toutes  les  religions  occidentales  furent  interdites  en  même  temps 
que  toute  influence  étrangère  et  défense  fut  même  faite  aux  Japonais 
de  sortir  du  pays.  On  imposa  aux  navires  des  dimensions  telles  qu'ils 
ne  pouvaient  raisonnablement  plus  s'aventurer  au  loin. 

Pendant  ce  temps,  le  Japon,  qui  avait  ainsi  coupé  volontairement 
tout  rapport  avec  le  monde,  était  loin  de  vivre  en  paix.  Les  Shoguns 
Tokugawas  avaient  des  ennemis  dans  les  différentes  classes  de  la 
population.  —  La  fermeture  du  pays  avait  causé  une  crise  écono- 
mique. —  En  effet,  tandis  que  la  population  s'accroissait  rapidement, 
le  commerce  était  arrêté  ;  les  récoltes  par  contre  devinrent  insuffi- 
santes pour  nourrir  la  population  puisque  le  pays  est  presque  tout  en 
rochers  et  montagnes  et  qu'on  ne  peut  cultiver  d'une  manière  fruc- 
tueuse que  les  quinze  centièmes  de  sa  superficie. 

En  même  temps,  l'interdiction  de  la  navigation  chez  un  peuple 


-  159  - 

essentiellement  navigateur,  parce  qu'il  est  insulaire,  amena  tout  natu- 
rellement un  mécontentement  général. 

Ces  mécontentements  populaires  étaient  doublés  de  l'hostilité  de 
certains  seigneurs  tenant  rancune  au  Shogun  de  l'énergie  avec 
laquelle  il  les  dominait.  Ces  mécontentements  toujours  grandissants 
furent  encore  favorisés  par  les  tendances  philosophiques  du  passé. 

Dans  les  doctrines  de  Confucius  importées  autrefois  de  Chine,  on 
trouve  des  textes  dont  l'interprétation  permettait  au  peuple  de  se 
révolter  contre  le  tyran,  c'est-à-dire  le  Shogun.  D'autre  part  l'étude 
du  passé  shintoïste  rappela  l'époque  où  l'Empereur  seul  commandait. 
On  exhuma  les  vieilles  histoires  et  on  regretta  le  bon  vieux  temps. 

Enfin  la  fermeture  du  pays  n'avait  pu  empêcher  la  science  d'y  péné- 
trer quelque  peu.  11  restait  des  encyclopédies  et  des  dictionnaires 
apportés  jadis  par  les  missionnaires  ;  des  livres  étaient  introduits  sous 
le  manteau  par  les  Hollandais,  les  seuls  admis,  avons-nous  dit,  à 
Nagasaki. 

Tout  à  coup,  en  1853,  se  présenta  au  Japon  une  flotte  américaine 
déjà  apparue  en  1846.  Le  Commodore  Perry  venait  réclamer  le  droit 
pour  l'Amérique  de  faire  du  commerce  au  Japon.  Le  Shogun  ne  sut 
comment  éluder  la  question  et  finit  enfin  par  obtenir  un  délai  d'un  an. 
Le  peuple,  lui  aussi,  malgré  son  désir  de  nouer  des  relations  exté- 
rieures, partageait  la  crainte  du  Shogun. 

En  1854  le  Commodore  Perry  revint  et  le  Shogun  comprenant  que 
toute  résistance  était  inutile,  traita  avec  lui  de  son  propre  chef. 
L'exemple  de  l'Amérique  fut  bientôt  imité  par  les  autres  nations. 

Lo  Shogun  avait  ainsi  ouvert  le  pays  aux  étrangers  sans  consulter 
l'Empereur.  Ce  fut  un  grief  nouveau  contre  lui.  Le  mécontentement 
s'accrut  et  la  situation  devint  bientôt  intolérable.  .L'Empereur,  mis  au 
courant,  désapprouva  hautement  le  Shogun. 

Une  guerre  civile  s'ensuivit  entre  les  partisans  de  l'Empereur  et 
ceux  du  Shogun,  aussi  fidèles  à  l'Empereur  que  les  premiers,  mais 
persuadés  que  le  souverain  était  mal  conseillé.  Elle  dura  dix  années, 
mais  le  parti  de  l'Empereur  l'emporta  et  en  1867  le  Shogun  démis- 
sionna. 

L'Empereur,  reconnu  seul  et  unique  chef,  reprit  les  rênes  du  gou- 
vernement et  le  Shogunat  fut  définitivement  aboli.  Ce  ne  fut  point  une 
révolution,  ni  une  restauration,  mais  quelque  chose  qui  tenait  de  l'une 
et  de  l'autre.  La  féodalité  disparut  tout  à  coup,  car  tous  les  grands 
avaient  d'eux-mêmes  unanimement  renoncé  à  tous  leurs  anciens  pri- 


-  160  - 

vilèges.  Cette  sorte  de  révolution  s'était  faite  aux  cris  de  :  «  Respect 
à  l'Empereur,  expulsion  des  étrangers  !  » 

Mais  le  gouvernement  ne  se  voyant  point  de  force  à  lutter  contre 
eux,  crut  qu'il  était  plus  prudent  de  s'entendre  avec  les  puissances 
étrangères.  Il  avait  compris  que  la  force  primait  souvent  le  droit,  il 
voulut  donc  être  fort. 

Un  des  premiers  résultais  à  obtenir  était  l'abolition  des  capitulations 
imposées  par  les  premiers  traités  et  que  les  Japonais  considéraient 
comme  une  humiliation  pour  leur  pays.  Grâce  aux  capitulations,  les 
étrangers  ne  dépendaient  au  Japon  que  de  leur  consul.  Les  Japonais 
en  obtinrent  la  suppression  en  1899.  Depuis  lors,  les  étrangers  sont 
devenus  justiciables  des  tribunaux  japonais. 

Une  Constitution  fut  établie  au  Japon  par  l'Empereur  en  1899. 
Ces  transformations  juridiques  étaient  accompagnées  de  progrès 
matériels  et  pratiques.  Pour  arriver  à  être  forts  et  pourvoir  aux 
dépenses  militaires,  les  Japonais  devaient  créer  de  nouvelles  sources 
de  richesses.  En  conséquence,  ils  développèrent  chez  eux  le  commerce 
et  l'industrie.  Jadis  ils  étaient  agriculteurs,  mais  ne  produisaient  pas 
assez  pour  les  besoins  de  la  population.  On  importa  donc  des  céréales. 

Autrefois  les  grands  ateliers  étaient  inconnus  au  Japon.  On  payait 
les  ouvriers  à  la  journée  pour  les  forcer  à  produire  lentement  mais 
artistement.  Maintenant  on  connaît  les  grands  ateliers  et  leurs  misères. 
Sous  le  rapport  de  l'industrie,  les  Japonais  ont  marché  à  pas  de 
géants. 

Nous  avons  vu  que  la  science  n'avait  pas  été  sans  se  propager  au 
Japon,  même  quand  ce  pays  fut  fermé  aux  étrangers.  Depuis  1867,  le 
mouvement  scientifique  n'a  fait  que  progresser  rapidement.  En  1771, 
un  médecin  japonais  faisait  déjà  la  première  autopsie.  Les  savants 
japonais  rivalisent  maintenant  avec  ceux  du  monde  entier. 

Les  Japonais  sont  devenus  fabricants  et  exportateurs  à  leur  tour.  Les 
chiffres  suivants  en  diront  plus  qu'un  long  discours  : 

Les  exportations  se  montaient  en  1900  à  143.000.000  yens, 

et  en  1904  à  248.000.000  yens. 

Les  produits  manufacturés  entrent  pour  41  %  dans  celte  dernière 
somme. 

Les  Sociétés  industrielles  étaient  en  1896  au  nombre  de  1.367  et  on 
en  comptait  2.441  en  1903. 


-  161  - 

Les  capitaux  engagés  dans  ces  entreprises  figurent  en  1896  pour 
89.000.000  yens  et,  pour  170.000.000  yens  en  1903. 

En  1898  il  y  avait  2.910  usines,  et  8.274  en  1903. 

Il  n'y  avait  qu'une  filature  en  1884. 

8        »      en  1886. 

30        »      en  1890. 

80  ,      »      en  1900. 

En  1903,  les  capitaux  engagés  dans  les  filatures  se  monlaient  à 
34.000.000  yens.  Elles  avaient  ensemble  un  million  et  quart  de  broches 
et  occupaient  70.000  ouvriers. 

En  1872  fut  créée  la  première  ligne  de  chemin  de  fer  ;  en  1904,  le 
.Japon  possédait  8.500  kilomètres  de  voies  ferrées.  Sur  ces  lignes  on 
transportait  par  an  dix  millions  de  voyageurs  et  quatorze  millions  de 
tonnes  de  marchandises. 

Les  transports  maritimes  se  montent  à  sept  millions,  dont  deux  sous 
pavillon  national.  Plusieurs  lignes  de  navigation  sont  japonaises,  il  y 
en  a  deux  vers  la  Chine  et  une  pour  chacune  des  directions  suivantes  : 
l'Amérique,  l'Europe  et  Bombay. 


Que  penser  maintenant  du  péril  jaune  ?  On  oublie  que  le  Japon  a 
été  autrefois  perdu  pour  le  commerce.  Que  pouvons-nous  craindre  de 
son  entrée  en  scène  ?  S'il  est  devenu  exportateur,  n'est-il  pas  devenu 
aussi  un  client  ?  Ne  lui  fournissons-nous  pas  des  matières  premières, 
des  outils  ?  Il  nous  commande  des  machines,  des  chaudières,  des 
dynamos,  etc.  En  1904,  le  Japon  importait  pour  1,266.000  de  yens  de 
moteurs  électriques,  2.291.000  de  yens  de  locomotives,  1.710.000  de 
yens  de  chaudières  et  machines  à  vapeur.  Le  Japon  s'est  créé  des 
besoins  nouveaux  au  profit  de  tous. 

N'avons-nous  pas  eu  autrefois  un  péril  russe  et  un  péril  américain  ? 
Qu'en  est-il  advenu  ?  Rien  en  somme,  si  ce  n'est  que  le  monde  s'en 
est  trouvé  chaque  fois  élargi. 

Sans  doute  il  y  a  en  un  pareil  moment  quelque  chose  de  changé.  Il  so 
produit  alors  une  crise  inévitable,  mais  bientôt  tout  s'arrange  et  le 
résultat  final  est  toujours  fructueux. 

Ainsi  en  sera-t-il  encore,  pensons-nous. 


-  162  - 

Observons  de  plus  qu'entre  cette  nation  nouvelle  quant  aux  rela- 
tions avec  l'étranger,  et  ses  aînées  dans  le  domaine  commercial,  de 
nouveaux  intérêts  sont  entrés  en  jeu.  Ils  sont  plutôt  de  nature  à  les 
garantir  de  tout  choc  ultérieur,  assurant  ainsi  la  paix  du  monde  et  le 
bien-être  général. 


III. 

Séance  du  Jeudi  13  Décembre  1900. 


TROIS   MOIS 

DANS 

L'ALLEMAGNE  DU  NORD  ET  LE  DANEMARK 

Par  M.  Octave  GÉRIN, 

Lieutenant  au  66*  régiment  d'Infanterie,  Licencié  en  Droit, 
Secrétaire  de  la  Société  de  Géographie  de  Tours. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  le  Lieutenant  Gérin  a  surtout  séjourné  à  Hanovre  et  c'est  de 
cette  ville  qu'il  nous  entretient  tout  d'abord.  Son  histoire  n'est  pas 
sans  quelque  intérêt,  même  pour  nous  Français.  Celte  ville  fut  en 
effet  occupée  au  XVIIF  siècle  par  le  Maréchal  de  Richelieu  et  plus , 
tard  par  les  armées  de  Napoléon  1".  Hanovre  fit  partie  du  royaume  de  i 
Westphalie,  créé  en  faveur  de  Jérôme  Bonaparte,  et  il  est  à  remar- 
quer combien  le  souvenir  de  Napoléon  y  est  resté  vivace.  Le  portrait 


-  163  - 

du  grand  Empereur  figure  aux  vitrines  des  libraires  à  côté  de  celui 
de  Guillaume  II  et  aussi  sur  les  murs  des  chaumières  des  environs. 

11  faut  dire  que  l'administration  française  du  premier  Empire  se 
montrait  plutôt  douce  pour  cette  province  et  qu'elle  s'entendait  volon- 
tiers avec  les  administrés  pour  éluder  les  sévères  prohibitions  du 
blocus  continental.  Un  vieil  Hanovrien  certifia  au  conférencier  que 
son  grand'père  n'avait  jamais  cessé  de  recevoir  des  balles  de  café  de 
l'Angleterre.  Les  inspecteurs  impériaux  inspectaient  pour  la  forme  et 
jamais  ne  dépassaient  la  sallo  à  manger.  La  dernière  phase  de  l'his- 
toire de  Hanovre,  est  l'occupation  par  la  Prusse  en  1866  ;  mais  les 
Hanovriens,  malgré  les  quarante  ans  écoulés,  se  souviennent  toujours 
de  leur  ancienne  indépendance  et  tous  leurs  députés  sont  élus  sur  un 
programme  qui  réclame  une  autonomie  relative. 

Hanovre  compte  près  de  300.000  habitants  avec  les  faubourgs.  C'est 
une  plus  jolies  villes  de  l'Allemagne  avec  ses  grands  quartiers  mo- 
dernes, bâtis  à  l'américaine  et  sa  forêt  transformée  en  un  parc  immense 
qui  fait  l'admiration  des  étrangers.  Les  Français  y  sont  particulière- 
ment bien  reçus  et  y  trouvent  à  chaque  instant  des  gens  avec  qui  ils 
peuvent  converser  en  notre  langue.  Il  y  a  plusieurs  cercles  oîi  les 
Hanovriens  se  réunissent  pour  parler  français.  Lors  de  la  catastrophe 
de  Courrières  ils  furent  des  premiers  à  organiser  une  souscription. 


HOTEl     DE    VII, LE    DE   BUEME. 


M.  le  Lieutenant  Gérin  eut  ainsi  l'occasion  d'étudier  de  près  les 


—  164  — 

mœurs  et  les  choses  allemandes  et  voici  ce  dont  il  fut  le  plus  frappé  : 

L'Allemand  est  particulièrement  fier  de  sa  vie  de  famille,  surtout 
quand  il  la  compare  à  la  nôIre  qu'il  a  en  médiocre  estime.  Il  n'a  en 
effet  presque  jamais  l'occasion  de  vivre  au  milieu  de  nous,  car  nous 
n'aimons  guère  à  recevoir  les  étrangers  sous  notre  toit  comme  cela  se 
fait  couramment  en  Angleterre  et  en  Allemagne.  11  connaît  surtout  la 
famille  française  par  nos  romans  tels  que  «  V Assommoir  »,  de  Zola  (1) 
ou  encore  «  Pot  Bouille  »,  ainsi  que  par  nos  pièces  de  théâtre  qui 
traitent  le  plus  souvent  de  sujets  exceptionnels  et  visent  presque  tou- 
jours un  monde  restreint  de  la  société  parisienne. 

La  famille  allemande  est  remarquable  par  la  pureté  et  la  simplicité 
de  ses  mœurs,  par  le  respect  des  enfants  pour  leurs  parents  et  la 
bonne  entente  des  époux.  Les  mauvais  ménages  et  les  familles  désu- 
nies sont  des  exceptions  en  Allemagne.  Par  contre  le  mari  allemand 
a  des  habitudes  de  café  que  nous  n'avons  pas  ;  il  est  rare  que  chacun 
d'eux  ne  fasse  partie  d'un  siarnnitiscJi  ou  table  d'habitués  autour  de 
laquelle  se  réunissent,  chaque  jour,  entre  cinq  et  six  heures,  quelques 
amis  pour  boire  un  nombre  respectable  de  verres  de  bière  jusqu'à  huit 
et  neuf  heures  ;  fréquemment,  l'Allemand  marié  reste  à  dîner  à  la 
brasserie.  Ce  penchant  à  boire,  beaucoup  et  longtemps,  est  une  carac- 
téristique frappante  des  mœurs  allemandes. 

Tacite  en  parlait  déjà  dans  ses  ouvrages  sur  la  Germanie  et  saint 
Boniface,  l'apôtre  de  ces  contrées,  reconnaissait  que  c'était  là  le  prin- 
cipal obstacle  à  la  conversion  des  Germains  ;  avant  son  arrivée,  ils 
buvaient  en  l'honneur  des  Dieux  du  Paganisme,  et  ils  burent  ensuite 
en  l'honneur  des  nouveaux  saints  du  Paradis  chrétien. 

Dans  Gœthe,  Werther  se  fait  aussi  adresser  quelques  réprimandes  à 
ce  sujet  par  sa  dulcinée.  Bismark,  à  qui  les  cuirassiers  de  Brandebourg 
présentèrent  un  jour  une  coupe  d'une  capacité  extraordinaire,  la  vida 
d'un  seul  trait,  et  il  aimait  à  raconter  cette  anecdote  qui  lui  rappelait 
ses  prouesses  d'étudiant. 

Manger  est  également  une  occupation  importante  et,  chez  eux,  on 
se  souhaite  couramment  bonjour  ou  bonsoir  par  le  mot  «  mahlzeit  », 
qui  veut  dire  «  Bon  appétit,  bonne  digestion  ». 

Ils  prennent  à  7  heures  du  matin  le  petit  déjeuner  et  le  deuxième  à 


(1)  Zola  est  beaucoup  lu  en  Allemagne. 


-  165 


10  heures.  Ils  dicent  à  midi ,   prennent  une  nouvelle   collation  à 
4  heures  et  souvent  à  8  heures. 

D'autre  part,  dans  les  cafés  et  les  brasseries,  on  peut  manger  à  toute 
heure  de  la  pâtisserie  ou  de  la  charcuterie. 


VIEILLE  PORTE   FORTIFIEE   A  LUBECK. 


L'éducation  de  la  jeune  fille  est  tout  autre  qu'en  France.  Elle  sort 
constamment  sans  être  accompagnée,  comme  chez  nous,  d'un  parent 
ou  d'un  domestique.  Entre  14  et  18  ans,  la  jeune  fille  porte  un  nom 
assez  singulier,  celui  de  Bachfîscli.  Les  jeunes  Allemandes  sont  roma- 
nesques et  sentimentales.  Elles  veulent  toutes  avoir  leur  idylle.  Leurs 
adorateurs,  rerehi-er,  vont  les  chercher  à  la  sortie  de  l'école.  Les 
couples  font  gentiment  la  causette  et  tout  se  passe  le  plus  correcte- 
ment du  monde.  L'adorateur,  en  parlant  de  sa  backfm'Ji  dit  :  ma 
flamme.  Cela  finit  rarement  par  un  mariage,  mais  reste  comme  un 
charmant  et  pur  souvenir  de  jeunesse. 

Quant  à  l'étudiant,  il  n'a  rien  de  commun  avec  les  nôtres.  En 
général,  chacun  d'eux  fait  partie  d'une  association  ou  club  dont  il 
porte  constamment  la  petite  casquette  aux  couleurs  distinctes,  et  les 
membres  de  chaque  association  vivent  dans  une  grande  intimité,  en 
véritables  camarades  de  travail  et  de  plaisirs.  Bien  entendu,  dans  ces 
plaisirs,  la  bière  joue  un  grand  rôle,  l'escrime  et  les  combats  au 
sabre  tiennent  aussi  une  place  importante  dans  la  vie  des  étudiants  j 
périodiquement  chaque  association  donne  des  fêtes  dans  lesquelles, 


-  1(36  - 

suivant  un  cérémonial  traditionnel,  il  est  vidé  de  nombreux  bocks  et 
des  combats  singuliers  appelés  menshur  sont  organisés.  Les  adver- 
saires se  battent  sans  masque  ;  une  paire  de  fortes  lunettes  protègent 
seulement  les  yeux  et  les  blessures  sont  souvent  dangereuses.  C'est 
l'explication  des  nombreuses  cicatrices  que  tous  les  anciens  étudiants 
portent  sur  la  figure  et  dont  leurs  joues  sont  plus  ou  moins  couturées. 


VIEILLE   MAISON   A    HILDESHEIM. 


Une  autre  épreuve  plus  sérieuse,  c'est  le  duel  au  sabre  ou  sdbeldudl 
par  lequel  se  règlent  toutes  les  affaires  d'honneur  entre  étudiants  et 
qui  se  passe  assez  discrètement,  car  il  est  sévèrement  interdit  par  la 
loi.  Les  adversaires  sont  nus  jusqu'à  mi-corps  ;  le  cou  et  quelques  par- 
ties du  bras  droit  sont  protégés  par  des  bandes  de  feutre,  mais  le 
visage  est  entièrement  découvert.  Ils  sont  placés  à  1  m.  50  l'un  de 
l'autre,  un  trait  est  tiré  à  la  craie  sous  leurs  pieds  et  ils  resteront 
immobiles  pendant  la  durée  du  combat.  Celui-ci  consiste  en  une  série 
de  coups  de  sabre  portés  en  même  temps  par  chaque  adversaire,  au 
commandement  de  l'arbitre.  Celui-ci,  monté  sur  une  chaise,  donne  le 
signal  par  ces  mois  :  fertig  !  los  !  (tout  est  prêt  !  partez  !)  —  A  ces 
mots,  les  deux  lames  s'abaissent,  s'entrechoquent  et  le  plus  souvent 
un  des  combattants  est  atteint.  Si  la  blessure  n'est  pas  grave,  le 
médecin  la  tamponne  rapidement  et  le  duel  recommence  jusqu'à  ce 
que  l'un  des  deux  adversaires  soit  hors  de  combat.  Alors  seulement 


-^  167  - 

l'honneur  est  satisfait.  L'étudiant  blessé  reste  toujours  maître  de  lui, 
car  la  moindre  émotion,  le  moindre  trouble  l'exposeraient  à  passer 
pour  un  homme  sans  courage.  Au  contraire,  son  sang-froid  et  son 
attitude  lui  permettront,  aux  yeux  de  tous,  de  sortir  plutôt  grandi 
d'une  telle  épreuve.  Pour  en  terminer  avec  le  duel  en  Allemagne,  il 
faut  dire  que  les  jeunes  filles  en  général  voient  d'un  fort  bon  œil  les 
étudiants  ainsi  balafrés  et  que  leurs  cicatrices  sont  des  signes  très 
appréciés  de  beauté  virile. 


DEFILE   D.ARTILLEKIE    SUR   LA   PLACE   D  EXERCICES. 


M.  le  Lieutenant  Gérin  raconte  ensuite  sa  visite  dans  la  caserne 
d'un  régiment  prussien,  à  Verden,  avec  l'autorisation  du  Ministre  de 
la  Guerre  d'Allemagne.  Reçu  très  aimablement  par  tous  les  officiers, 
il  put  visiter  le  quartier  en  détail  et  devant  la  courtoise  instance  de  ses 
camarades  étrangers  se  trouva  obligé  de  dîner  avec  eux  au  Casino. 
Pour  donner  une  idée  de  la  cordialité  de  la  réception,  il  suffira  de 
dire  que  le  repas  avait  commencé  par  les  trois  hoch  traditionnels, 
poussés  par  tous  les  convives  en  l'honneur  de  l'hôte  français,  tandis 
que  la  musique  du  régiment,  dans  la  salle  à  côté,  attaquait  la  Mar- 
seillaise, suivie  bientôt  du  Père  la  Victoire.  Presque  toujours,  d'ail- 
leurs, les  Français  sont  très  bien  reçus  par  les  Allemands,  et  l'on 
comprend  très  bien  pourquoi  lorsqu'on  se  rend  compte  de  notre 
influence  en  Allemagne. 

Au  XVir  siècle,  toutes  les  Cours  d'Allemagne  copiaient  celle  de 


-  168  - 

Versailles  et  parlaient  couramment  le  français.  En  outre,  les  émigra- 
tions qui  suivirent  la  révocation  de  l'Edit  de  Nantes  et  la  Révolution 
française,  contribuèrent  beaucoup  à  propager  nos  mœurs  et  notre  litté- 
rature. Au  château  de  Sans-Souci  construit  par  Frédéric  II,  l'ami  de 


i 


LA.  STATUE  DE  FREDERIC  II,    SUR  L  AVENUE  DES   TILLEULS   A  BERLIN. 


Voltaire,  on  peut  voir  encore  la  chambre  où  notre  grand  écrivain 
vécut  longtemps  près  de  son  royal  ami  ;  on  y  montre  aussi  la  biblio- 
thèque du  roi,  exclusivement  composée  de  livres  français,  et  tous  les 
autographes  du  grand  monarque  prussien,  y  compris  son  testament, 
sont  entièrement  écrits  en  notre  langue. 

Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si  nos  pièces  de  théâtre,  nos  œuvres 
d'art  et  nos  romans  tiennent  la  première  place  en  Allemagne  et  il  n'est 
pas  rare  qu'on  y  joue  nos  pièces  dans  le  texte  français.  Une  foule  de 
mots  :  adieu, paj^don,  colossal,  net,  paquet,  machine,  etc.,  et  même 
de  nos  expressions  sont  passés  dans  la  langue  allemande  et  forment 
un  dictionnaire  très  imposant,  malgré  les  efforts  des  chauvinistes 
allemands  et  de  Guillaume  II  en  particulier  qui  combattent  l'invasion 
des  mots  étrangers. 

Nous  ne  pouvons  qu'être  très  fiers  de  cette  campagne  grammaticale 
menée  contre  nous,  puisqu'elle  est  la  preuve  éclatante  de  l'influence 
de  nos  idées  et  de  notre  langue  chez  ce  peuple  voisin. 

Après  avoir  fait  défiler  devant  nos  yeux  des  vues  de  différentes 
villes  d'Allemagne  (Berlin,  Hambourg,  Lubeck,  Brème,  Brïmswick, 


—  160  — 

Hanovre,  Hildesheim),  et  surtout  des  clichés  représentant  diverses 
scènes  de  la  vie  militaire  et  constituant  à  coup  sûr  des  documents 
précieux,  le  conférencier  nous  entretient  du  Danemark  où  il  s'est 
rendu  ensuite. 


FIFRES  ET   TAMBOURS   ALLEMANDS   REVENANT   DE   L  ECOLE. 


Le  Danemark,  si  intéressant  et  si  pittoresque,  mérite  vraiment  d'être 
plus  connu. 

La  capitale  du  Danemark  compte  avec  les  faubourgs  600,000  âmes. 
Son  port  est  le  véritable  entrepôt  commercial  de  toute  la  Scandinavie. 

L'influence  française  s'y  fait  sentir  également.  On  parle  notre  langue 
dans  les  salons,  magasins  et  hôtels.  Les  officiers  danois  parlent  tous 
plus  ou  moins  le  français. 

Le  Danemark  est  très  avancé  en  politique.  Actuellement  les  agri- 
culteurs ont  acquis  une  telle  prépondérance  que  le  Roi  a  été  forcé  de 
choisir  parmi  eux  son  ministère.  Au  point  de  vue  agricole,  ce  pays  est 
devenu  une  véritable  «  ferme-école  »  où  l'exploitation  intensive  a 
donné  des  résultats  merveilleux  et  chaque  année  des  missions  étran- 
gères viennent  s'instruire  sur  place  et  se  rendre  compte  des  procédés 
de  culture.  Des  quantités  considérables  de  beurre,  d'œufs,  de  bétail 
sont  envoyées  en  Allemagne  et  surtout  en  Angleterre.  Les  races  de 
chevaux  danois  sont  maintenant  très  avantageusement  connues  et 
l'armée  allemande  en  fait  d'importants  achats.  Ces  sources  toujours 
croissantes  de  revenus  n'ont  pas  tardé  à  faire  de  l'agriculteur  danois 


-  170  — 


un  propriétaire  très  aisé  et  il  ne  reste  plus  actuellement  qu'un  nombre 
infime  de  fermiers. 


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UNE   RUE   D  HELSINGBORG.   —   SUEDE. 


Pour  finir,  quelques  clichés  de  Copenhague,  du  château  de  Kronborg 
et  de  la  ville  suédoise  d'Hclsingborg  nous  ont  été  montrés. 


^^^^    .  .        ii 

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FORTERESSE   HISTORIQUE   DE    KRONBORG.   —   DANEMARK. 


Le  conférencier  résume  ensuite  ses  sentiments  personnels  :  Le  Da- 


—  171  — 

aemark  lui  laissait  le  regret  de  ne  pouvoir  rester  plus  longtemps  chez 
un  peuple  aussi  intéressant  et  aussi  sympathique  à  la  France.  C'est  le 
seul  pays  avec  lequel  nous  n'ayons  jamais  eu  maille  à  partir  et  Copen- 
hague eut  même  à  souffrir  un  bombardement  en  1802  à  cause  de  sa 
sympathie  pour  nous. 

D'autre  part,  l'Allemagne  lui  donnait  l'impression  d'un  pays  aussi 
bien  outillé,  aussi  menaçant  pour  la  guerre  que  pour  la  lutte  commer- 
ciale et  industrielle. 

Livré  à  ses  réflexions  du  retour,  dans  le  rapide  de  Cologne  qui  le 
ramenait  à  Paris,  il  se  souvenait  que  pendant  les  temps  florissants  de 
la  Grèce,  les  Athéniens  qui  revenaient  de  Sparte  poussaient  des  cris 
de  joie  en  apercevant  les  murs  de  leur  chère  cité,  et  le  mot  si  connu 
d'un  voyageur  anglais  du  XVIIP  siècle  lui  revenait  à  la  mémoire  : 
Tout  homme  a  deux  patries  :  la  sienne  et  puis  la  France. 


LES  NEIGES  DU  NIL 


EXPLORATION  DU  ROUVENZORI 

Par  le  Duc  des  ABRUZZES. 


Le  12  Janvier  1907,  le  Duc  des  Abruzzes  a  fait  au  Queen's  Hall  à  Londres, 
devant  la  Société  Royale  de  Géographie  et  en  présence  de  Sa  Majesté 
Edouard  VII,  le  récit  de  sa  mémorable  exploration  du  Rouvenzori.  L'as- 
semblée était  particulièrement  nombreuse  et  brillante. 

Le  distingué  Président  de  la  Société  de  Géographie  de  Londres  ouvrit  la 
Séance  en  présentant  à  l'assistance  le  Duc  des  Abruzzes.  Renonçant  pour 
cette  fois  à  ses  prérogatives,  il  voulut  laisser  au  Roi  d'Angleterre  l'honneur 
de  parler  des  explorations  précédentes  de  l'illustre  conférencier.  Il  ne  put 
s'empêcher  de  remercier  chaleureusement  Sa  Majesté  de  sa  gracieuse  visite, 
fait  sans  précédent,  ajouta-t-il,  dans  les  annales  de  la  Société.  Jamais  en  effet 


—  172  — 


CARTE  DE  LA  CHAINE  DU  ROUVENZORI  AU 


100.000 


ligne  de  faîte  ;  a,  h,  c,  d,  cours  d'eau  qui  forment  le  Boutagou,  affluent 

du  Semliki  ;  e,  f,  g,  h,  cours  d'eau  qui  forment  le  Moboukou,  qui  se  déverse  dans 
le  lac  Albert-Edouard  ;  gl,  glaciers  ;  o,  pics. 


PICS. 

1.  Marguerite. 

2.  Alexandra. 

3.  Elena. 
•1.  Savoia. 

5.  Moebius. 

6.  Victor-Emmanuel. 
1.  Jolinston. 

8.  Edouard  Vil. 

9.  Semper. 
10.  Wollaston. 


11.  Moore. 

12.  Cagni. 

13.  Humbert. 
M.  Kraepelin. 
1.").  Yolanda. 

16.  Botlego. 

17.  Weissmann. 

18.  Sella. 

19.  Stairs. 

20.  Portai  Nord. 

21.  Portai  Sud. 


COLS. 

22.  Freshfleld. 
2:5.' Scott  EUiot. 

24.  Stublmaim. 

25.  CavaUi. 

26.  Roccati. 


27.  Brècbe  de  Grauer. 


Boujongolo 


Latitude 0020' 16"  N. 

Longitude  .........    270  41'  44"  E.  Paris. 


—  17M  — 

depuis  sa  fondation,  elle  n'avait  eu  l'insigne  honneur  de  recevoir  un  souve- 
rain Tf-gnont.  Edouard  VJI,  qui  assistait  volontiers  aux  séances  de  la  Société' 
alois  q  l'il  n'était  encore  que  Prince  de  Galles,  n'y  était  plus  venu  depuis  son 
accession  au  trône  d'Angleterre.  Pareillement  la  Reine  Victoria,  pendant 
tout  le  cours  de  son  long  et  glorieux  règne,  n'avait  jamais  honoré  de  sa  visite 
la  Société  de  Géographie  de  Londres. 

Le  problème  du  Rouvenzori  parait  enfin  résolu.  Nous  en  sommes  rede- 
vables au  Duc  des  Abruzzés,  qui  s'était  di'jà  signalé  à  l'attention  publique  par 
ses  explorations  précédentes.  Il  y  a  dix  ans,  il  voulut  tenter  l'ascension  d'un 
pic  encore  vierge,  le  pic  de  Kangche n-Y u nga ,  le  second  sommet  du  monde. 
La  peste  survenue  aux  Indes,  l'en  ayant  empêché,  il  se  tourna  dès  lors  vers 
l'Alaska  et  fit  le  premier  l'ascension  du  mont  Sl-Elias.  En  1899-1900  eut 
lieu  son  admirable  expédition  au  Pôle  Nord.  Nansen  y  fut  quelque  peu 
dépassé  et  il  s'en  fallut  de  peu  qu'elle  n'atteignît  le  parallèle  où  s'arrêta  der- 
nièrement le  Commandant  Pearv. 


Les  premiers  Européens  qui  virent  le  Rouvenzon  furent  probablement 
Baker  et  GessL  Slanley  parvint  le  premier  sur  son  versant  occidental  et 
Slairs,  son  compagnon,  gravit  même  un  de  ses  contreforts.  StuJiImann,  en 
1891,  remonla  la  vallée  du  Boutagou  à  l'Ouest  jusqu'à  une  altitude  de  4. 065  m. 
ScoU  Elliot  essaya  d'y  parvenir  par  l'Est  et  parvint  à  3.965  m.  dans  la  vallée 
du  Moboukou.  En  l'dKid^Moorc  le'premier,  et  Johislon  ensuite  gravissent  le 
Semper  (4.545  m.).  Depuis  diverses  ascensions  ont  été  tentées.  On  choisit 
toujours  de  préférence  la  vallée  du  Moboukou,  çans  dépasser  toutefois  lei 
record  établi  par  Moore.  A  l'Ouest,  DavlJ  parvint  aux  glaciers  du  Moebius, 
Enfin  en  1905  de  vrais  alpinistes  cette  fois  se  mirent  de  la  partie.  Dnujlas 
Freshfield  arriva  jusqu'au  glacier  du  Moboukou  (4.222  m.).  Le  mauvais 
temps  l'empêcha  de  pousser  plus  loin.  L'Autrichien  Grauer  atteint  la  ligne  de 
faîte  qui  domine  ce  même  glacier,  tout  comme  l'avait  fait  Moore.  Tous  deux 
cependant  commirent  l'erreur  de  la  prendre  pour  la  ligne  de  faîte  principale. 
Vers  l'époque  enfin  du  départ  du  Duc  des  Abruzzés,  WoUaslon,  membre  de 
l'expédition  zoologique  envoyée  sous  les  auspices  du  British  Muséum,  effec- 
tuait plusieurs  ascensions. 

Nous  passons  rapidement  sur  la   première  partie  du  voyage  du  Duc  des 
Abruzzés  :  trajet  en  chemin  de  fer  (1)  de  yionhaza  à  Porl  Florence  (1.030  km)  ; 


(i)  Cette   ligne,    terminée    en    lt02,  s'élève  de  la  côte  jusqu'à  une  altitude  de  ■ 
2J236  m.  pour  redescendre  msuite  au  ni\eau  du  lac  Victoria  (1.121  m.). 

12 


—  174  — 

traversée  en  steamer  du  lac  Victoria  du  point  termiuus  de  la  ligne  à  Entebbe, 
QÙ  se  firent  les  derniers  préparatifs  ;  parcours  d'Entebbe  à  Fort  Portai  en 
caravane  (290  km)  ;  puis  marche  vers  le  Sud  jusqu'au  Moboukou  par  Duwona 
et  Kasongo  ;  arrivée  à  Ihanda  le  3  Juin  1906  dans  la  vallée  même  du  Mohou- 
hou,  remontée  ensuite  jusqu'à  Nakitaiva  (2.623  m.),  après  arrêt  à  Bihimga. 
C'est  de  ce  point  que  commence  la  partie  intéressante  de  l'exploration. 

Faisaient  partie  de  l'expédition  du  Dnc  des  Abruzzes  :  le  Capitaine  Cagny, 
retenu  par  les  fièvres  à  Entebbe  et  le  Lieutenant  Winspeare,  tous  deux  de  la 
marine  italienne  ;  Cavalli,  Médecin-Major  ;  Roccati,  Géologue  ;  Sella,  Pho- 
tographe ;  les  deux  Guides  alpins  OUier  et  Giuseppe  Petigaa-,  de  Courmayeur, 
et  des  porteurs  indigènes  au  nombre  de  220,  dont  une  bonne  moitié  fut  congé- 
diée à  Nakitawa  même. 

Le  campement  de  Nakitawa  fut  établi  à  l'abri  d'un  immense  bloc  erratique 
perché  sur  le  front  d'une  ancienne  moraine  qui  divise  les  vallées  du  Moboukou 
et  du  Mahoma.  Vers  le  Nord  s'ouvrait  une  troisième  vallée,  dominée  par  les 
pics  Portai  et  semblant  se  diriger  vers  le  Douivoni  (Speke).  Laquelle  choisir? 
Le  Duc  était  perplexe.  Il  avait  rencontré  en  effet  Wollaston  à  Fort  Portai. 
Celui-ci  lui  avait  fait  le  récit  de  son  ascension  au  pic  qui  porte  son  nom  dans 
le  Kiyanya  (Baker).  Il  ajouta  que  ce  n'en  était  point  le  sommet  le  plus  élevé, 
mais  qu'il  avait  aperçu  de  là  deux  pics  neigeux  plus  importants  vers  le  N.  W. 
Etaient-ils  reliés  au  Kiyanja,  il  ne  put  le  dire,  mais  à  tort  il  les  croyait  situés 
à  l'Ouest  de  la  ligne  de  faîte  principale.  Cette  opinion  était  en  contradiction 
avec  celle  de  Freshfield,  d'où  la  perplexité  du  Duc  qui  finalement  se  décida 
pour  la  route  paraissant  la  plus  courte,  celle  du  Moboukou. 

Le  6  Juin,  par  un  temps  de  pluie  et  de  brouillard,  l'expédition  se  mit  en 
route,  suivant  tout  d'abord  la  crête  de  la  moraine  et  se  fra^'ant  un  passage 
entre  les  tiges  de  bambous.  Un  marécage  où  les  hommes  enfonçaient  jus- 
qu'aux genoux,  rendit  leur  marche  fort  pénible.  Au  bout  de  quatre  heures, 
ils  arrivaient  à  Kichouchou  dans  un  état  lamentable  (3.000  m.). 

Le  refuge  de  Kichouchou  n'était  guère  approprié  pour  des  gens  absolument 
trempés.  S'ils  se  trouvaient  quelque  peu  à  l'abri  sous  une  énorme  roche  sur- 
plombante qui  les  garantissait  d'une  pluie  battante,  ils  n'avaient  sous  leurs 
pieds  qu'un  sol  fortement  détrempé  par  les  gouttelettes  qui  ruisselaient  nom- 
breuses le  long  de  celte  même  roche. 

Le  lendemain  une  montée  de  305  m.  le  long  d'un  ravin  naturel  creusé  dans 
une  barrière  rocheuse,  permit  aux  explorateurs  l'accès  d'un  plan  entièrement 
boisé.  La  traversée  en  fut  pénible  en  raison  de  l'enchevêtrement  des  troncs  et 
des  branches,  mais  encore  à  cause  d'une  épaisse  couche  de  nombreux  troncs 
renverses  et  de  débris  végétaux,  restes  d'une  ancienne  forêt  enfouie  sous  la 
mousse.  Puis  une  nouvelle  montée  pour  aboutir  dans  une  longue  vallée  entre 
deux  murailles  à  pic.  La  végétation  y  était  absolument  fantastique.  Des  buis- 
sons à^hcllchrysums,  aux  fleurs  blanches  perpétuelles  tapissaient  tout  le   sol 


—  170  — 

entre  les  troncs  élancés  des  lohélias  et  des  gigantesques  Seneclos.  Un  silence 
absolu  régnait  en  ces  solitudes.  Seule  une  cascade  à  mi-route  vers  Bnawha 
faisait  entendre  son  doux  murmure.  Au  delà,  la  vallée  se  relève  encore  et  cette 
ascension  terminée  l'expédition  arrivait  à  Boujongolo  en  partie  du  moins,  car 
les  porteurs,  moins  enthousiastes,  élaicrit  restés  à  Buamba,  de  sorte  que  les 
explorateurs  furent  privés  pour  la  première  fois  de  leurs  tentes  et  passèrent 
une  fort  mauvaise  nuit.  Le  refuge  àe  Bovjongolo,  comme  celui  de  Kichouchou, 
formé  par  un  rocher  surplombant,  est  cependant  moins  commode  à  cause  des 
débris  rocheux  qui  en  étaient  tombés  et  rendaient  le  sol  fort  inégal. 

Le  9  Juin,  le  Duc  se  mit  en  ro.ite  avec  ses  guides  alpins  et  cinq  indigènes 
pour  atteindre  la  ligne  de  faîte.  11  remonta  le  Moboukou  jusqu'au  dernier 
campement  de  Grauer,  près  du  glacier.  Puis  longeant  les  rochers  à  droite,  il 
arriva  à  la  cascade  gelée  et  dut  camper  à  4.203  m.,  à  cause  des  nuages  qui 
vinrent  recouvrir  ces  hauteurs.  Le  lendemain,  par  un  temps  superbe,  le  faîte 
était  atteint  en  trois  quarts  d'heure  par  une  pente  de  neige  légèrement  cre- 
vassée. De  la  plus  basse  brèche  de  la  crête  qui  relie  le  Kiyamja  (Baker)  au  pic 
de  Wollaslon.,  il  put  contempler  tous  les  hauts  pics  de  la  chaîne  du  Rouven- 
zori.  Tourné  vers  le  Nord,  il  vil  sous  ses  pieds  un  immense  précipice  et  au 
delà  quatre  massifs  bien  distincts  :  un  premier  à  droite  au  N.  E.,  deux  au 
centre  presque  en  ligne  droite  et  un  autre  plus  près  au  N.  W.  Ce  dernier 
était  surmonté  de  deux  groupes  de  deux  pics  et  le  groupe  le  plus  au  Nord 
possédait  évidemment  les  deux  plus  hauts  sommets  de  la  chaîne,  ceux  que 
précisément  Wollaslon  avait  aperçus.  Les  deux  massifs  centraux  étaient 
séparés  des  deux  extrêmes  par  deux  haiiles  vallées  qui  débouchaient  dans  une 
autre  plus  large  et  parallèle  à  la  ligne  de  faite  où  se  trouvait  l'explorateur. 
Cette  vallée  se  dirigeait  vers  l'Est  et  fut  reconnue  peu  après  pour  être  celle  du 
BonjoukoH.  Il  était  presque  certain  maintenant  que  la  ligne  de  faîte  atteinte 
n'était  point  la  principale.  Afin  de  reconnaître  la  meilleure  route  à  suivre 
pour  arriver  au  pied  de  ces  deux  plus  hauts  pics  observés,  reliés  d'ailleurs  par 
un  épaulement  remarquable,  l'ascension  du  Kijanja  fut  décidée.  Peu  lant  le 
trajet,  les  nuages  recouvrirent  à  nouveau  les  hauteurs.  Du  sommet,  aucune 
observation  ne  put  être  faite,  sauf  pendant  une  très  courte  éclaircie  :  une 
dépression  apparut  au  Sud,  c'était  le  col  de  Freshfield  entre  Boujongolo  et  le 
Semliki  et  c'est  tout  ce  que  le  Duc  put  entrevoir  ce  jour-là.  Aussi,  après  avoir 
attendu  vainement  une  éclaircie  nouvelle,  retourna-t-il  au  refuge  de  Boujon- 
golo, où  la  pluie  le  retint  trois  jours  durant  les  12,  13  et  14  Juin. 

Enfin  dans  la  nuit  du  14  au  15,  un  vent  d'Est  balaya  l'atmosphère  et  le 
matin  suivant,  le  Duc  avec  ses  deux  guides  et  neuf  indigènes  prit  la  route  du 
col  de  Freshfield  en  contournant  les  pentes  les  plus  méridionales  du  Kiyanya. 
Le  sol  était  détrempé  par  les  pluies  précédentes  et  sur  ces  pentes  gli-santes  ou 
marécageuses  les  hommes  n'avançaient  guère.  Pour  comble  de  malheur,  un 
épais  brouillard  ne  tarda  pas  à  les  envelopner.  La  descente  vers  le  Semliki  fut 


17')  — 


—  177  — 

encore  plus  pénible.  Il  fallut  se  frayer  un  chemin  à  la  hache  dans  d'épais 
buissons  à^hélickrysums  et  de  senecios.  Des  contreforts  les  obligeaient  en  outre 
à  de  fort  longs  détours. 

A  quatre  heures,  le  campement  élail  établi  non  loin  de  deux  lacs  aux  eaux 
fortement  agitées  par  la  brise  et  les  ébals  des  canards  sauvages.  Sous  les  feux 
du  soleil  couchant,  loule  l'atmosphère  avait  pris  une  délicieuse  teinte  rosée  et 
en  conire-bas  à  l'horizon,  au  fond  d'une  large  vallée  qui  s'étendait  vers  l'Ouest, 
la  grande  forêt  du  Congo  paraissait  to'ite  en  flamme. 

Le  lendemain  il  fallut  à  nouveau  s'o\3vrir  un  chemin  dans  les  buissons 
environnaiils.  Les  indigènes  qui  avaient  déjà  quelque  peu  regimbé  la  veille, 
furent  particulièrement  difficiles  ce  jour  là.  La  patience  du  Duc  fut  ainsi  mi.«e 
à  une  rude  épreuve.  Laissant  toujours  sur  sa  droite  les  flancs  escarpés  du 
Baker,  dominés  de  ce  côté  par  le  Semper  et  le  Roi  Edouard,  il  remonta  la 
vallée,  franchit  le  col  Scolt  Elliot  et  campait  le  17  Juin  au  pied  du  glacier 
dominé  par  les  deux  pics  convoités.  Le  flanc  Nord  du  Kijanja  tombait  abso- 
lirmcnt  à  pic  sur  la  vallée  du  Boujoukou  entrevue  de  la  brèche  de  Grauer.  Le 
Douwoni  avec  son  glacier  occidental  lui  faisait  face  do  l'autre  côté.  La  dépres- 
sion comprise  entre  le  campement  et  le  Douwoni  était  bien  la  télé  de  la  vallée 
du  Boujoukou  qui  coulait  parallèle  ment  au  faite  du  Kiyanya  avant  de  s'in- 
:  lléchir  vers  le  Sud.  Aucim  doute  n'était  plus  possible,  la  ligne  de  faîte  primi- 
tivement atleinle  par  le  Duc  n'était  pas  la  principale  du  Rouvenzori. 

Le  IS.Tuin  le  ciel  était  peu  rassurant,  néanmoins  l'ascension  des  pics  fut 
.  entreprise.  Des  pentes  faciles  permirent  d'atteindre  un  glacier  en  palier  et 
;  légèrement  crevassé.  En  ce  moment  le  soleil  se  montra  pendant  un  instant 
1  très  court  et  à  peine  eut-il  disparu  qu'un  vent  du  Sud-Est  s'éleva,  augmenta 
;  rapidement  et  couvrit  de  brouillard  les  explorateurs  pendant  la  traversée  du 
!  plateau.  La  crèlc  méridionale  du  plus  bas  pic  n'en  fut  oas  moins  atteinte  et 
comme  la  pente  de  neige  était  en  bonne  condition,  ils  parvinrent  en  la  remon- 
;  tant  au  sommet  même  de  ce  pic  à  7  h.  30  du  matin. 

!       Restait  le  pic  le  plus  élevé  à  gravir.   Le  brouillard  était  si  intense  qu'on  ne 

'  le  voyait  pas,  bien  qu'il  fut  peu  distant.  Le  Duc  et  sa  suite  redescendirent  par 

une  pente  neigeuse  jusqu'à  l'épaulement  qui  relie  les  deux  pics  et  ce  passage 

franchi,  l'ascension  fut  reprise  le  long  d'une  pente  neigeuse  fortement  pro- 

;  noncée.  Ils  arrivèrent  au  pied  d'un  escarpement  dominé   par  une  sorte  de 

corniche  de  glace  en  surplomb.  Au-dessous  d'elle  de  curieuses  stalactites  et 

des  colonnes  glacées  qui  semblaient  la  soutenir.  Une  pente  de  neige  presque 

à  pic  cette  fois  leur  permit  d'atteindre  le  niveau  de  la  corniche  en  évitant  avec 

soin  les  stalactites  et  les  piliers  qui  en  émanaient.  La  pente  était  si  raide  que 

chacun  d'eux  touchait  presque  du  front  les  pieds  de  celui  qui  le  précédait  et 

recevait  parfois  sur  la  télé  les  éclats  de  glace  détachés  par  le  chef  de  file  qui 

.  taillait  à  lu  hache  les  quelques  marches  nécessaires.  Tous  eurent  un  soupir  de 

soulagement  en  arrivant  enfin  au  point  oià  la  pente  redevint  plus  douce.   Puis 


1 


l'IC.S    DE    I.A    i;r.lNF    MAlKilF.HITE    ET   DE    l.A    KEIM:    ALEXAMUA 
VUS    Dl"    l.AC   BOUJOUKOL". 


—  179  — 


ils  arrivèrent  ù  une  cheminée  de  glace  dépassant  de  quelque  peu  la  taille 
humaine.  En  se  prêtant  un  mutuel  appui,  ils  eurent  facilement  raison  de  ce 
dernier  obstacle  et  le  succès  couronna  enfin  leurs  efforts.  A  11  h.  30  m.,  le 
drapeau  italien,  celui-là  même  que  Sa  Majesté  la  Reine  d'Italie  remit  au  Duc 
des  Ahruzzes,  lut  déplojé  sur  le  plus  haut  sommet  du  Rouvenzori,  le  pic  de 
la  Reine  Marguerite. 


On  n'avait  jusqu'ici  que  des  données  fort  incertaines  sur  le  Rouvenzori.  j 
Les  observations,  il  faut  le  dire,  n'étaient  g-uère  faciles  (1).  Certaines  mon- 
tagnes  portaient  parfois   plusieurs  noms  et  il  était  par  suite  difficile  de  les 

identifier.  Le  Duc  des  Abruzzes  distingue  les  massifs  suivants  :                  ■  ' 

Le  principal  [Slanley),  portant  les  5  plus  hauts  pics  :  Marguerite  (5.130  m.),  | 

Alexandra,  Elena,  Savoia  et  Moebius  (4.946  m.)  ;  j 

Le  Douwoni  [Speke],  surmonté  des  pics  :  Victor  Emmanuel  (4.905  m.)  et  j 

Johnston  ;               ■  I 

i 

Le  Baker  (Semper,  Kiyanya  ou  Ngemwimbi),  dont  les  pics  sont  :  le  Roi  ' 

Edouard,  Semper,  Wollaston,  Moore  et  Cagni  ;  '. 

'\JEmin  avec  ses  pics  :  Humbert  et  Kraepelin  ;  .j 

_.  Le  Gessi  dominé  par  les  pics  :  Yolanda  et  Bottego  ;  [ 

Et  le  dernier  (T//OWÎSO»).  Principaux  pics  :  Weismann,  Sella  et  Stairs.  | 

Les  principaux  cols,  dont  l'altitude  .varie  , de  4.200  à  4.320  m.,  sont  les  ! 

suivants  :  les  cols  Freshfield  et  Scott  Elliot,   déjà  mentionnés,  le  Stulihaann,  \ 

entre  le  Speke   et  le  Stanlej  ;  le  Cavalli,   entre  le  Speke    et  l'Emin    et  le  i 

Roccati,  entre  l'Emin  et  le  Gessi.                                                ;  -j 

La  ligne  de  faîte  principale  passe  par  tous  ces  cols  successivement  et  les  j 

hauts  pics  intermédiaires.  1 


(1)  Le  Rouvenzori  mérite  bien  son  nom  indigène  (qui  fait  la  pluie),  car  II  y 
pleut  généralement.  Ses  sommets  sont  presque  toujours  dans  les  nues.  M.  Sella, 
l'habile  photographe  de  l'expédition,  s'est  plaint  de  l'extrême  rareté  des  beaux 
jours.  A  vrai  dire,  il  n'en  existe  pas,  car,  même  dans  les  journées  réputées  comme 
belles  en  cette  -région,  le  brouillard  ne  se  lève  que  pendant  l'instant  très  fugitif  qui 
suit  immédiatement  le  lever  du  soleil.  Le  Lieutenant  Behrens,  resté  en  observation 
en  un  point  déterminé,  assure  n'avoir  vu  le  Rouvenzori  que  sept  fois  en  neuf 
mois  et  pendant  ce  court  instant  seulement. 


—  180  — 


181  — 


Le  20  Juin,  le  Duc  des  Abruzzes  retourna  au  pic  Alexandra  et  revint  par 
l'Elena  et  le  Savoia.  De  retour  au  camp  il  trouva  Cagni,  enfin  guéri,  Sella, 
Cavalli  et  Roccati  fraîchement  arrivés  pendant  son  absence.  La  besogne  fut 
partagée  :  Sella  et  Roccati  s'attaquèrent  au  Baker  et  le  Duc  alla  visiter  tous 
les  pics  qui  pouvaient  l'intéresser,  entre  autres  le  Victor-Emmanuel  et  l'Hum- 
bert  au  Nord  de  la  chaîne.  Tous  réintégraient  le  10  Juillet  le  refuge  de 
Boujongolo,  l'expédition  était  virtuellement  terminée. 


Quelques  mots  pour  finir  :  L'origine  du  Rouvenzori  ne  serait  pas  volca- 
nique. En  un  seul  point  seulement,  près  de  Kichouchou,  on  trouve  dans  le 
gneiss  quelques  veines  basaltiques.  Les  glaciers,  à  en  juger  par  les  moraines 
rencontrées  bien  avant  Nakitawa,  durent  être  extrêmement  importants  à 
l'époque  glaciaire.  Les  vallées  du  Moboukou,  du  Mahoma  et  du  Boujoukou 
étaient  alors  ensevelies  sous  les  glaces.  Les  glaciers  actuels  sont  plutôt  maigres 
et  continuent  encore  sensiblement  leur  mouvement  de  retraite.  Les  moins 
élevés  sont;  ceux  du  Moboukou  (4,173  m.)  et  du  Semper  (4.372  m.).  Les 
neiges  éternelles  se  trouvent  toutes  dans  un  cercle  de  16  km  de  diamètre. 
Leur  limite  fixée  à  3.203  m.  par  la  plupart  des  explorateurs  précédents,  doit 
être  reportée' 196  mètres  plus  haut  d'après  le  Duc  des  Abruzzes,  d'accord  en 
cela  avec  David  et  Freshfield. 

A  partir  de  4.300  m.  la  pluie  se  change  toujours  en  neige. 

Il  n'est  pas  rare  de  constater  sur  les  plus  hauts  sommets  une  température 
relativement  élevée  (5°  5  à  6"  6).  En  outre  elle  y  change  très  rapidement.  Ces 
deux  causes  ont  contribué  à  la  formation  de  ces  curieuses  corniches  de  a-lace 
qui  ont  ensuite  projeté  peu  à_peu  les  stalactites  et  les  piliers  observés  pour  la 
première  fois  sur  le  pic  de  la  Reine  Marguerite. 

Dans  les  vallées  du  Moboukou  et  du  Boujoukou  (3.050  m.  en  moyenne), 
grâce  au  climat  chaud  et  humide  qui  y  règne,  la  végétation  est  vraiment 
exubérante.  Une  mousse  spéciale  couvre  tout  le  sol,  les  troncs,  les  tiges  et 
les  moindres  anfractuosités  des  rochers.  Au-dessus  de  3.508  m.  on  ne  trouve 
plus  que  de  hautes  bruyères,  des  lobelias  et  des  senecios,  mais  ce  qui  com- 
mence à  prédominer  ce  sont  les  mousses,  les  lichens  et  les  fougères.  Les 
bruyères  cessent  à  3.660  m.  Plus  haut  apparaissent  les  immenses  et  curieux 
buissons  à^hélichrystims  qui,  avec  les  senecios^  se  continuent  jusqu'aux  gla- 
ciers. Sur  les  pics  on  ne  rencontre  plus  que  des  mousses,  lichens,  de  rares 
germinacées  et  de  minuscules  plantes  phanérogames  plus  rares  encore. 
^.  En  terminant,  le  Duc  des  Abruzzes  remercie  le  gouvernement  anglais  et 
les  autorités  de  l'Afrique  Orientale  anglaise  et  de  l'Ouganda  qui  l'ont  puis- 
samment aidé  dans  l'accomplissement  de  sa  tâche. 


—  182  — 


D'UN  POLE  A  L'AUTRE 


THE  c(  GIGANTIG  RAILWAY  » 


Le  Sa7i  Francisco  Call  vient  de  publier  une  intéressante  élude  sur  le 
gigantesque  réseau  de  chemina  de  fer  panaméricain  qui  dans  un  avenir  aujour- 
d'hui certain,  partira  de  Dawson  City,  autrement  dit  du  cercle  polaire  pour 
aboutir  à  Buenos  Aires. 

Qui  de  nous  n'a  rêvé  de  cette  voie  ferrée  fantastique  en  regardant  une  carte 
des  Deux  Amériques  ? 

Mais  il  nous  sembla  toujours  que  la  réalisation  d'un  semblable  projet  se 
perdrait  dans  les  brumes  d'un  avenir  trop  lointain  poui*  que  nous  puissiojiS 
nous  y  intéresser.  ih't      '  :        ,     1  !  .  f 

Or  cette  conception  sera  une  réalité  avant  le  milieu  du  XX^  siècle.  Ce 
sera  l'^in  des  résultats  appréciables  de  la  conférence  panaméricaine  de  Buenos 
Aires:  ;       ,  -  ::,.■';■'■■ 

Et  l'on  verra  dans  un  quart  de  siècle  au  plus  les  trains  aller  pour  ainsi  dire 
d'un  pôle  à  l'autre,  sans  que  le  voyageur  soit  obligé  de  changer  de  wagon.      . 


X-s, |trajet  sera  d'une  quinzaine  de  jours  environ,  et. s'accomplira  dans  le 
même  wagon-palais.  On  pourra  parcourir  ainsi  13.467  j^iilles,  soit:plus  de  la 
noûitié  de  la,  circonférence  de  la  terre .. ,  d^jns  le^&ens.Jongitudinal. .  ,, 

On  partira  du  cercle  polaire  pour  gagner  le^  luxuriances  équatériales,  on 
escaladera  les  monts  l^e^  plus  accidentés  et  l'on  traversera  des  prairies  plus 
vastes  que  des  jners.  Bref  on  aura  parcouru,  lorsqu'on  sera  readuà  destina- 
tion, une  distance  qui  vaudra  celles  de  la  ligne  du  Çap  au  C^iré  et  du,  Trapsr, 
sibérien  mises  bout  à  bout,  avec  une  forte  rallonge, en  plus.i     ■  ,r    ■  <     ■ 

Levpyageur  qui  s'en  ira  de  Dawson,  City  à  Buenos-Aires  traversera  12  répu- 
bliques dont  les  affaires  ne  pourront  que  ressentir  les  bienfaits  d'un  semblable 
chemin  de  fer,  civilisateur  par  définition. 


—  183  — 

La  construction  des  tronçons  qui  manquent  puur  que  la  ligne  de  «  Pôle  à 
Pôle  »  soit  continue,  coûtera  environ  200  millions  de  dollars  (un  milliard  de 
francs). 


Chaque  pajs  fournira  sa  contribution,  et  l'exploitation  de  ce  transaméricain 
longitudinal  sera  efiFectuée  par  une  demi-douzaine  de  Compagnies,  suivant  les 
zones  que  la  voie  ferrée  traversera. 

,  Des  populations  entières  émigreront  et  viendront  se  fixer  au  long  de  son 
parcours,  sans  aucun  doute.  Des  villes  nouvelles  sortiront  de  terre;  des 
récoltes  énormes  seront  transportées  du  Nord  au  Sud  ;  la  \'ie  passera  derrière 
chaque  train  qui  suivra,  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  ce  gigantesque  ruban 
de  voie  ferrée. 

Le  plus  curieux,  c'est  la  constatation  qui  peut  être  faite  par  un  chacun, 
que  de  cette  invraisemblable  route  nouvelle  il  reste  à  peine  4.000  milles  à 
construire  ! 


Et  le  journal  américain  nous  donne  un  instructif  tableau  de  ce  qui  est  fait, 
de  ce  qui  se  fait  actuellement,  et  de  ce  qu'il  y  aura  encore  à  faire. 

:•:;'.  /^i:;î-    .■•  Milles  En  A 

'.T  îr'l    °  .  P»y,s,    ,,  Distances,   construits,  construction,  construire. 

Canada.   De  Dawson  à  Van- 

,-  couver , 1 .  686  »        ,     1 .  686  » 

États-Unis.   De  Vancouver  à 

San-Francisço 

De  San-Francisco  à  El  Paso  . . 

De  El  l'aso  à  Mexico 

De  Mexico  à  la  frontière  du 

Guatemala ,  par  Tehuantepec 

et  les  Cordillères ............ 

Amérique  Centrale  . ..,.:. . ... . . 

Panama ..,.^.^..  ,.,,.>.^^.  ». . 

Colombie.. ...,. 

Équate.u^^, ...,,..,,........ ^.... . 

Pérou  .,,;,,,.^;,i,;,..^,.  .^.^, 

Bolivie 

République  Argentine* , . 

Totaur^f|Ç.::U^î.îV.::   13.467    7.089    2.399    3.979 


1.114 

1.114 

» 

» 

1.294 

1.294 

» 

» 

1.971 

1.971 

» 

» 

730 

680 

50 

» 

1.043 

351 

100 

592 

612 

» 

» 

612 

865 

20 

» 

845 

658 

126 

77 

455 

1.785 

277 

223 

1.285 

541 

223 

128 

190 

1.168 

1.033 

135 

» 

~    •  —  18'i  — 

On  remarquera  que  toute  la  partie  nord  américaine!  peut  être  considérée 
comme  acquise,  puisqu'elle  est  en  achèvement. 

C'est  à  partir  de  Panama,  c'est  à  travers  la  Colombie,  l'Equateur,  le  Pérou 
surtout  que  les  efforts  devront  être  gigantic  —  comme  le  tracé  même  de 
l'international  chemin  de  fer. 

Mais  ces  tronçons  de  ligne,  encore  qu'ils  soient  à  la  charge  des  gouverne- 
rnents  intéressés,  trouveront  nécessairement  des  Etats  plus  prospères  pour 
aider  à  leur  mise  en  œuvre. 

Il  suffit  de  lire  ce  tableau  pour  deviner  que  les  choses  ne  resteront  pas 
longtemps  dans  l'état  actuel  et  qu'on  en  arrivera  bientôt  au  panaméricain 
longitudinal  rêvé,  à  ce  gigantic  Rnibvay  de  Pôle  à  Pôle. 

Pjerre  Giffard. 


LA  COLONISATION  SAHARIENNE 


Les  mots  Sahara  et  colonhation  semblent,  à  beaucoup  de  personnes,  jurer 
l'un  à  côté  de  l'autre.  On  s'imagine  trop  volontiers,  en  France  que  le  Sahara 
est  une  immensité  désertique,  complètement  dénudée  et  desséchée,  où  le  sol 
est  constitué  de  roches  ou  de  sables  mouvants.  L'image  du  Coq  gaulois  grat- 
tant le  sable  du  désert  vous  revient  immédiatement  à  l'esprit  et  l'on  oublie  que 
le  Sahara  algérien  est  constellé  d'oasis  peuplées  et  prospères  oii  de  riches 
iardins  irrigués  produisent,  à  l'ombre  d'une  forêt  de  dattiers,  d'excellents 
légumes  et  d'abondantes  céréales.   . 

Le  touriste  qui  vojage  en  hiver  aux  alentours  de  Biskra,  à  travers  les 
riches  oasis  des  Zibans,  est  agréablement  surpris  de  voir,  en  dehors  même 
des  îles  de  verdure  des  palmeraies,  le  long  des  routes  ou  des  pistes,  d'immenses 
chamois  d'orge  ou  de  blé.  Est-ce  là  le  Sahara  aride  et  incultivable  que  lui 
avaient  décrit  avec  complaisance  les  livres  de  géographie  dans  son  enfance  ? 

Depuis  quelques  années,  toute  cette  région  du  Sahara  septentrional  s'est 
singulièrement  transformée.  Les  Français  ne  sont  pas  venus  ici  en  conquérants 
et  en  dominateurs  pour  dépouiller  les  indigènes  et  les  réduire  à  un  rôle  subal- 
terne ;  ils  ont  apporté  un  des  plus  grands  bienfaits  que  notre  civilisation  pou- 
vait donner  à  ces  contrées  :  l'eau  fécondante. 

Depuis  trente  ans  nous  avons  aménagé  un  grand  nombre  de  sources,  nettoyé 
et  réparé  d'anciens  puits,  enfin  foré  des  centaines  de  puits  artésiens.   Comme 


—  185  - 

une  fée  bienfaisante,  la  France  a  fait  naître,  comme  d'un  coup  de  baguette,; 
ces  eaux  jaillissantes  qui  ont  permis  d'étendre  les  anciennes  oasis,  d'en  créer 
de  nouvelles  de  toutes  pièces. 

Avant  notre  arrivée,  les  oasis  sud-alg-ériennes  étaient  en  pleine  décadence  ; 
faute  d'eau  les  arbres  se  desséchaient,  les  jardins  étaient  envahis  par  les  sables. 
Les  indigènes  ne  creusaient  plus  de  nouveaux  puits,  le  métier  de  puisatier 
était  trop  dangereux.  Si  Fouvrier  avait  échappé  à  l'enfouissement  en  creusant 
un  sol  meuble  qu'il  ne  boisait  pas,  il  risquait  d'être  surpris  par  l'eau  jaillis- 
sante et  d'être  rejeté  au  loin,  le  corps  complètement  brojé  et  déchiqueté. 

Les  nombreux  puits  artésiens  que  nous  avons  creusés  ont  ramené  la  prospé- 
rité dans  les  oasis  des  Zibans.  Ce  sont  d'abord  et  surtout  les  indigènes  qui  ont 
profité  de'ces  résultats.  Ils  ont  créé  de  nombreuses  palmeraies  dont  les  dattes 
ont  sur  place  un  débouché  considérable,  car  elles  entrent  pour  une  forte  pro- 
portion dans) l'alimentation  des  Arabes.  Les  plus  belles  espèces  sont  expédiées 
en  Europe  oii  le  commerce  en  devient  de  plus  en  plus  important. 

Quelques  Français  se  sont  mis  également  à  l'œuvre,  ont  mieux  utilisé  les 
sources,  creusé  des  puits,  planlé  des  .dattiers  des  meilleures  espèces,  cultivé 
des  céréales  dans  des  champs  habilement  irrigués,  créé  enfin  une  richesse  là 
où  il  ny  avait  rien  avant  eux. 

Mais  alors  que  la  colonisation  du  Tell  algérien  et  même  des  Hauts- Plateaux 
attifait  l'attention  en  France  et  recevait  des  encouragements  officiels,  les 
colons  sahariens  restaient  ignorés  ou  bien  étaient  oub'iés. 

L'organisation  administrative  de  ces  contrées  n'était  d'ailleurs  pas  très  favo- 
rable au  développement  de  la  colonisation.  Ces  régions  pacifiées  depuis  vingt- 
cinq  ans  étaient  encore,  par  une  anomalie  étrange,  placées  sous  l'administration 
militaire.  Or  on  sait  que  les  officiers  de  bureaux  arabes  n'ont  jamais  fait 
preuve  de  beaucoup  de  sympathie  pour  les  colons. 

Nous  nous  rappeloiis  un  fait  assez  caractéristique  qui  s'est  produit  il  y  a 
quelques  années,  pendant  un  séjour  hivernal  que  nous  faisions  dans  une  oasis 
voisine  de  Biskra  et  l'une  des  plus  importantes  de  la  région  des  Zibans.  Un 
puits  artésien  venait  d'y  être  foré  et  avait  donné  des  résultats  remarquables. 
Mais  l'iVrabe,  propriétaire  du  puits  et  de  vastes  terrains  environnants,  avait 
été  grisé  par  la  fortune  et  avait  fait  de  grandes  dépenses  en  achats  d'objets 
inutiles  et  luxueux.  Il  s'était  rapidement  endetté,  à  tel  point  qu'il  n'avait  plus 
trouvé  à  emprunter  pour  continuer  ses  plantations  et  que  bientôt  sa  propriété 
avait  été  mise  en  vente  judiciairement.  Le  commandant  militaire  de  la  région 
vint  alors  et,  dédaigneux  des  Européens  fixés  dans  l'oasis,  alla  loger  chez  un 
grand  marabout  de  l'endroit.  Il  réunit  les  notables  indigènes  et  leur  tint  en 
substance  ce  langage  :  «  Vous  savez  que  le  puits  artésien  et  la  propriété  qui 
l'entoure  vont  être  vendus  aux  enchères  et  que  plusieurs  Français  de  Biskra 
ont  l'intention  d'en  devenir  acquéreurs.  Afin  d'éviter  ce  malheur  (sic),   il  faut 


—  180  — 

absolument  vous  unir,  vous  cotiser,  pour  acheter  cette  propriété  et  ne  pas  la 
laisser  tomber  aux  mains  d'intrus  ». 

Nous  aimons  à  croire  que  la  situation  est  tout  autre  actuellement.  Mais 
il  nous  semble  que  l'on  devrait  faire  un  peu  plus  de  propagande  au  sujet  des 
entreprises  que  nos  nationaux  pourraient  tenter  dans  ces  régions  sahariennes. 
.  Pourquoi  n'y  favoriserait-on  pas  l'installation  de  colons  français?  Seraient- 
ils  moins  aptes  que  les  Arabes  à  en  tirer  parti  ?  Tous  ceux  qui  ont  vu  à  l'œuvre 
en  Algérie  nos  colons  et  les  indigènes  riront  à  cette  idée. 

Est-ce  que  cette  colonisation  est  moins  intéressante,  moins  rémunératrice 
que  celle  du  Tell?  Ce  n'est  pas  notre  avis  et  nous  avons  vu  dans  les  Zibans 
des  petits  colons  sahariens,  propriétaires  de  jardins  de  dattiers  d'une  valeur 
de  5.000  à  10.000  francs,  qui  en  tiraient  des  bénéfices  que  la  plupart  des 
colons  du  Tell  leur  auraient  enviés. 

Le  climat  est  peut-être  plus  pénible  que  dans  le  reste  de  l'Algérie.  La  tem- 
pérature, délicieuse  en  hiver,  devient  très  élevée  en  été  et,  pour  notre  part, 
nous  avons  joui  d'une  température  de  45°  à  l'ombre  au  mois  d'Août.  Toute- 
fois, les  Européens  fixés  dans  cette  région  n'ont  pas  l'air  d'en  souffrir  et  nous 
en  connaissons  qui  habitent  ces  contrées  depuis  huit  à  dix  ans  et  qui  ne 
songent  nullement  à  les  quitter. 

Les  oasis  de  la  région  de  Biskra  ont,  croyons-nous,  un  très  bel  avenir.  Le 
nombre  des  hiverneurs  qui  viennent  chaque  année  chercher  un  peu  de  soleil 
au  seuil  du  Sahara  augmente  dans  de  fortes  proportions.  Les  cultures  vivrières 
et  l'élevage  du  mouton  se  développent  pour  répondre  aux  besoins  de  l'alimen- 
tation des  touristes,  et  la  datte  devient  d'autre  part  un  fruit  de  plus  en  plus 
connu  et  estimé  dans  nos  villes  d'Europe.  Il  y  a  place  dans  le  Sahara  septen- 
trional pour  un  grand  nombre  de  petits  colons  français  ;  les  villages  arabes 
des  oasis  y  perdront  peut-être  un  peu  de  leur  pittoresque,  mais  l'influence  de 
la  France  v  g-ag-nera. 

Ed.  Buchère. 


BIBLIOGRAPHIE 


SANCTUAIRES  33'ORIENT,  par  Edouard  Schuré  (Egypte,  Grèce, 
Palestine).  Paris,  Perrin,  1906. 

M.  Schuré  se  proclame  lui-même  aussi  anti-universitaire,  aussi  anti-officiel,  et 
d'ailleurs  aussi  hétérodoxe  que  possible.  Alors  que  certains  écrivains,  4ans  leur» 


—  187  — 

enquêtes  sur  les  vieilles  civilisations,  affichent  volontiers  à  l'égard  des  croyances 
et  des  symboles  religieux  le  détachement  supérieur  du  pur  intellectuel  (voir,  par 
exemple,  «  Sanctuaires  d'Asie  »,  de  M.  Ghevrillon,  neveu  et  disciple  de  l'illustre 
Taine),  M.  Edouart  Schuré  apporte,  dans  les  mêmes  préoccupations,  une  cons- 
cience et  une  ardeur  merveilleuses.  Ce  n'est  pas  seulement,  lui  aussi,  un  érudit  et 
un  lettré,  un  poète  d'ailleurs,  d'un  style  abondamment  imagé,  plein  et  sonore, 
c'est  avant  tout  une  âme  d'apôtre,  illuminée,  brûlée  par  une  vive  flamme  inté- 
rieure. Toute  son  œuvre,  déjà  longue,  déborde  du  même  enthousiasme  lyrique, 
joint  à  la  même  hardiesse  originale,  et  à  cet  égard  certains  de  ses  livres  ont  fait 
sensation. 

Le  dernier  ouvrage  que  nous  possédions  de  lui  (le  seul  quelque  peu  géogra- 
phique), s'intitule  «  Les  Grandes  Légendes  de  France  »,  sorte  de  pèlerinage  mys- 
tique à  travers  nos  gloires,  nos  monuments  et  nos  souvenirs  nationaux,  d'Alsace 
en  Bretagne,  en  passant  par  la  Grande  Chartreuse  et  le  Mont  Saint-Michel.  Cette 
fois,  «  poussé  par  un  désir  irrésistible  »,  c'est  au  berceau  des  religions  les  plus 
proches  de  nous  qu'il  est  allé  recueillir  «  les  traces  et  les  symboles  parlants  de 
l'antique  vérité  ».  L'Egypte  d'abord,  la  grande  source,  l'arche,  l'aïeule  vénérable, 
car,  «  seule  en  sa  langue  de  pierre,  l'Egypte  a  su  parler  la  langue  de  l'Eternité  »  ; 
puis  la  Grèce  «  où  résident  les  formes  mélodieuses  »,  et  enfin,  la  «  cité  doulou- 
reuse et  prophétique  »,  Jérusalem.  Il  dédie  ces  souvenirs  «  à  la  jeunesse  libre  qui 
cherche  comme  lui  la  vérité  d'un  cœur  sincère  et  résolu  ».  On  le  voit,  il  s'agit  fort 
peu,  à  priori,  de  documents  géographiques.  Et  néanmoins  la  géographie  elle- 
même,  cette  mère  saine  et  plantureuse  de  toutes  les  sciences,  ou  plutôt,  cet  arbre 
aux  racines  profondes  qui  va  chercher  au  loin  les  sucs  les  plus  divers,  ne  peut  que 
tirer  force  et  profit  même  dans  un  livre  de  ce  genre. 

Ce  n'est  pas  que  l'Egypte  musulmane,  avec  son  carnaval  multicolore  et  cosmo- 
polite, le  Caire  et  ses  bazars,  ses  danses  étranges,  ses  musiques  nocturnes,  ses 
couchers  de  soleil  sur  le  Nil,  ses  minarets  «  d'où  tombe  la  voix  grêle  du  muezzin, 
comme  la  plainte  fatiguée  du  jour  »,  n'arrêtent  quelque  temps  notre  voyageur,  car 
il  saisit  fort  bien,  de  tout  cela,  le  charme  profond  et  original.  De  même,  les  mos- 
quées, les  tombeaux  des  Khalifes,  toute  la  gloire  disparue  de  l'Islam.  Mais  il  n'en 
est  que  mieux  préparé  à  aller  goûter,  dans  l'Egypte  intérieure,  dans  l'Egypte 
ancienne,  «  le  sens  éternel  et  universel  des  grands  symboles  qu'elle  a  laissés  au 
monde  ».  Il  y  a  là,  sur  le  Dieu-Nil,  sur  l'Océan  du  désert,  «  plus  terrible  que 
l'autre,  parce  qu'il  est  immobile  »,  sur  le  Sphinx  et  les  Pyramides,  les  ruines  de 
Memphis  et  le  colosse  de  Rhamsès  II,  Abydos  et  la  religion  d'Osiris,  Dendérat 
et  le  Panthéon  Egyptien,  etc.,  bien  des  pages  émouvantes,  qui  ajoutent  aux  des- 
criptions déjà  connues  de  savantes  considérations  historiques  sur  l'inlimité  mysté- 
rieuse des  races  d'autrefois.  Et  quand  l'auteur  arrive  à  l'île  de  Philœ,  au  drame 
sacré  d'Isis  et  d'Osiris,  peu  s'en  faut  qu'il  ne  redevienne  lui-même  un  hiérophante 
de  l'ancienne  Egypte.  Son  invocation  à  Isis  «  0  Isis,  âme  subtile  de  l'univers 
immense  »,  rappelle  la  fameuse  prière  que  Renan  fit  à  Minerve  sur  l'Acropole. 
EUe  est  presque  aussi  belle,  bien  que  d'une  forme  moins  purement  mélodieuse  et 
surtout  moins  calmement  ironique. 

De  même  la  Grèce  héroïque  et  sacrée  l'enivre  :  Olympie,  l'Acropole,  avec  la 
divine  Pallas  aux  yeux  clairs,  «  génie  vivant  de  la  noble  cité  »,  et  les  troublants 
mystères  de  Dyonisos.  Mais  plus  encore  Eleusis,  où  il  s'arrête  longuement.  Il  a 
bien  vu  sa  baie,  «  au  bout  du  vallon  creux,  apparaître  comme  un  triangle  de 
saphir,  borné  par  l'île  de  Salamine  qui  brille  au  soleil  du  matin  en  reflets  d'amé- 
thyste »,  mais  ce  qu'il  y  décrit  surtout,  avec  force  détails,  ce  sont  les  fameux 
mystères    de    Cérès,    dont   il    va  jusqu'à   reconstituer  le  Drame  dans  toutes  ses 


—  188  — 

parties,  avec  ses  personnages  et  son  teste  même.  Tout  ceci  n'est  d'ailleurs  que 
la  réédition  partielle  d'un  de  ses  anciens  livres,  «  Les  Grands  Initiés  »,  oii  la  géo- 
graphie perd  ses  droits. 

Et  enfin,  vient  l'étude  sur  la  Terre  Sainte,  moins  originale,  moins  chargée  d'éru- 
dition, mais  vigoureuse  et  colorée.  C'est,  avec  la  description  de  Jaffa,  Jérusalem, 
Jéricho,  le  Jourdain,  Josaphat,  la  constatation  douloureuse,  une  fois  de  plus,  des 
malentendus  entre  peuples,  entre  religions,  et  des  rivalités  féroces  dont  cette  triste 
Palestine  est  le  théâtre.  De  là,  appel  angoissé  vers  la  «  Jérusalem  future  ».  On 
devine,  avec  sa  chaleur  d'âme  et  son  imagination  ordinaires,  avec  son  ton  volon- 
tiers prophétique,  avec  sa  passion  de  réconcilier  toutes  les  dissidences  en  une 
harmonie  supérieure,  quel  parti  l'auteur  a  su  tirer  de  ce  sujet  éminemment 
émouvant. 


Mission  de  Segonzac.  —  EXPLORATIONS  A.U  MAROC ,  par 

Louis  Gf.xth,.  Paris,  Masson,  190G.  In-S",  orné  de  nombreuses  phototypies. 


Gomme  l'indique  le  titre,  M.  L.  <îentil  faisait  partie  de  la  Mission  de  Segonzac, 
à  laquelle  il  était  attaché  comme  géologue  et  minéralogiste,  et,  pour  ce  fait, 
éloigné  momentanément  de  la  Sorbonne,  oii  il  occupe  une  chaire  de  géologue. 
Cette  collaboration  en  sous-ordre  ne  l'a  pas  empêché  d'agir  indépendamment  de  la 
Mission,  et  de  diriger  lui-même  les  quatre  voyages  qu'il  a  effectués,  en  l'espace  de 
sept  mois,  l'un  dans  le  Nord  du  Maroc,  les  autres  dans  le  Haut-Atlas. 

Ces  trois  dernières  explorations  sont,  au  reste,  de  beaucoup  les  plus  importantes. 
Alors  que  la  plupart  des  autres  voyageurs  européens  se  bornaient  à  parcourir  la 
partie  septentrionale  du  Maroc,  M.  Louis  Gentil  a  pénétré  au  Sud,  et  dans  des 
parages  absolument  neufs.  Il  a  pu  examiner  des  montagnes,  comme  le  Djebel 
Sirona,  qui  n'avaient  jamais  été  approchées  ;  il  a  suivi  des  vallées,  comme  celles 
du  Haut-Draa  et  de  l'Oued  Tifnout,  qui  n'avaient  jamais  été  parcourues  ;  il  a  passé 
des  cols,  comme  le  Tizi  n  Test  et  le  Tizi  n  Imoudras,  qui  n'avaient  jamais  été  fran- 
chis. Et  il  a  réussi  à  repérer  ces  cols,  ces  vallées,  ces  montagnes,  bien  qu'avec 
des  instruments  assez  rudimentaires,  et  malgré  la  suspicion  jalouse  dont  il  était 
l'objet. 

Au  point  de  vue  géologique,  il  a  recueilli  de  nombreux  documents,  notamment 
un  profil  de  la  partie  la  plus  septentrionale  de  la  chaîne  du  Rif,  et  des  coupes 
complètes  du  Haut-Atlas  ;  il  a  rapporté  plusieurs  centaines  de  kilogrammes  de 
fossiles  et  d'échantillons  minéralogiques. 

Un  Européen,  un  Français,  M.  Gaston  Buchet,  l'accompagnait  dans  son  premier 
voyage  (de  Tanger  à  Tetuan  par  le  pays  des»Andjeras).  Ce  sont  ensuite  des  Maro- 
cains, uniquement,  qu'il  s'est  adjoints  comme  compagnons  de  route.  Mais  pour 
tous,  collaborateurs  européens  ou  indigènes,  de  même  que  vis  à  vis  de  son  chef, 
M.  de  Segonzac,  ou  de  tous  ceux,  savants  ou  personnages  officiels,  qui  lui  ont 
facilité  ses  explorations,  il  se  montre  plein  de  gratitude.  Et  le  dicton  bien  connu, 
«  modeste  comme  un  vrai  savant  »,  s'applique  non  moins  complètement  à  lui.  II 
appelle  son  «  modeste  ouvrage  »  un  «  simple  récit  de  voyages  »  comme  s'il  s'agis- 


—  189  — 

sait  uniquement  de  quelque  tour  de  France.  Et,  cotte  précaution  une  fois  prise 
contre  les  lecteurs  trop  Imaginatifs,  il  nous  relate  en  effet  avec  une  simplicité 
charmante,  en  langage  ordinaire,  les  fatigues  et  les  dangers  quelquefois  très  grands 
auxquels  il  s'est  exposé  dans  Tintérôt  de  la  science  et  de  son  paj's.  D'ailleurs,  pour 
tout  ce  qui  sort  de  sa  spécialité  particulière,  il  observe  mais  il  se  défend  de  con- 
clure, laissant  ce  soin  à  d'autres  plus  autorisés,  nous  dit-il. 

11  lui  a  fallu,  pour  pénétrer  dans  les  régions  du  Bled  es  Siba,  prendre  le  cos- 
tume musulman,  la  djellaba,  comme  l'avaient  fait  ses  rares  prédécesseurs.  Jusqu'ici 
en  effet  il  n'y  a  pas  d'exemple  de  caïd  qui  ait  autorisé  un  Roumi  à  continuer  sa 
route  en  pays  siba.  Le  déguisement  y  est  donc  nécessaire,  au  contraire  de  ce  qui 
arrive  en  pays  maghzen,  soumis  au  Sultan,  oïj  la  qualité  même  d'Européen  devient 
une  sauvegarde. 

D'ailleurs,  observe-t-il.  en  cours  de  route,  «  je  ne  me  fais  aucune  illusion  de 
passer  longtemps  musulman,  je  serai  tôt  ou  tard  démasqué.  . . .  Pour  ne  jamais  se 
trahir  il  faudrait  ne  rien  faire.  Prendre  des  notes,  questionner  le  long  de  sa  route 
et  chez  son  hôte,  le  soir,  voilà  qui  suffit  au  voyageur  pour  révéler  sa  qualité  de 
Roumi  ».  Au  reste,  la  trahison  véritable  lui  est  venue  maintes  fois  de  quelques-uns 
de  ses  compagnons.  Il  lui  a  fallu,  pour  se  tirer  d'affaire,  user  d'énergie,  d'intimi- 
dation, protester,  —  mentir. . . .  Quel  remords  pour  la  conscience  d'un  savant  et 
d'un  honnête  homme  !  Comme  il  s'accuse  d'avoir  dû,  implicitement  ou  non,  et 
quand  sa  vie  était  en  jeu,  «  tromper  ces  braves  gens  »  ! 

Ces  braves  gens  !  Et  en  effet,  selon  lui,  les  Marocains,  les  Marocains  du  Sud 
surtout,  mais  même  ceux  du  Nord,  quand  ils  n'appartiennent  pas  de  trop  près  à  la 
séquelle  du  Sultan,  valent  beaucoup  mieux  que  leur  réputation.  Il  a  rapporté 
d'eux  «  le  meilleur  souvenir  ».  11  cite  d'eux  de  nombreux  exemples  de  reconnais- 
sance, de  générosité,  même  de  dévouement.  Siir  d'avoir  été  reconnu  comme  Roumi 
après  son  départ  de  certaines  tribus,  il  s'étonne  qu'on  n'ait  pas  songé  à  le  pour- 
suivre, il  voit  là  une  preuve  de  tolérance.  Et  pyis,  il  attribue  à  sa  qualité  de 
Français  les  ménagements  qu'on  a  eus  pour  lui.  Car  il  a  pu  recueillir,  de  la  bouche 
même  des  chefs  du  Sud  de  l'Atlas,  l'aveu  spontané  de  la  réputation  de  bonté  et  de 
désintéressement  de  la  France  à  l'égard  des  Musulmans. 

«  J'avoue  avoir  ressenti,  ce  jour-là,  une  bien  douce  émotion,  parce  que  les 
hommes  qui  parlaient  ainsi  sont,  de  tout  le  Maroc,  les  plus  indépendants  peut-être 
et  que,  par  suite,  leur  témoignage  est  empreint  de  la  plus  absolue  sincérité. 

Je  me  suis  alors  demandé,  non  sans  un  sentiment  de  fierté,  laquelle  des  nations 
européennes  pourrait  apporter,  comme  la  France,  d'aussi  légitimes  revendications 
morales  sur  un  pays  dont  les  habitants,  —  pris  en  dehors  de  toute  passion  poli- 
tique, —  accepteraient  de  s'unir  à  leurs  frères  d'Algérie  !  » 

G.  HOUBRON. 


13 


190  — 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


li'édiication  des  Indig;ènes  eu  Indo-Cblue.  —  La  question  de 
l'éducation  des  indigènes  vient  d'être  soulevée,  à  quelques  jours  d'intervalle,  au 
Conseil  colonial  de  Gochinchine  et  au  Conseil  supérieur  de  l'Indo-Ghine.  Une  fois 
de  plus,  les  partisans  et  les  adversaires  de  l'enseignement  des  caractères  chinois 
se  sont  trouvés  aux  prises,  et  cela  dans  des  conditions  qui  donnent  à  ce  débat  un 
caractère  singulièrement  piquant.  C'est,  en  effet,  un  indigène,  M.  Diep  Van 
Guong,  qui,  au  Conseil  colonial  de  Cochinchine,  est  parti  en  guerre  contre  les 
caractères  chinois,  tandis  que  M.  Broni,  gouverneur  général  par  intérim,  prenait 
leur  défense  devant  le  Conseil  supérieur  de  l'Indo-Chine.  Il  semble  qu'il  y  ait  une 
sorte  de  paradoxe  dans  ce  renversement  inattendu  des  rôles,  qui  fait  du  chef  de 
l'administration  française,  du  représentant  pour  ainsi  dire  officiel  de  la  science  et 
des  méthodes  occidentales,  le  défenseur  de  l'esprit  de  tradition  contre  l'élu  de  la 
population  annamite  de  Cochinchine.  Dans  tous  les  cas,  l'attitude  prise  par  ce  der- 
nier constitue,  en  soi,  un  fait  intéressant  et  qui  mérite  d'être  signalé.  Il  ne  fau- 
drait pas,  toutefois,  s'exagérer  l'importance  de  cette  manifestation,  encore  bien 
que  quelques-uns  des  collègues  de  M,  Diep  Van  Cuong  aient  déclaré  s'associer  aux 
idées  et  aux  vœux  formulés  par  ce  dernier.  On  aurait  tort,  notamment,  d'y  voir 
l'expression  des  sentiments  de  la  masse  des  indigènes.  La  substitution  du  français 
aux  caractères  dans  l'enseignement  est  une  question  qui  laisse  la  population  anna- 
mite de  Cochinchine  profondément  indifférente  et  qui  ne  passionne  qu'une  partie 
infime  de  cette  population,  une  élite,  nous  le  voulons  bien,  mais  une  élite  extrê- 
mement restreinte  par  le  nombre.  Cette  remarque  a  son  importance  dans  un  débat 
cil  l'un  des  arguments  invoqués  consiste  précisément  à  prétendre  que  la  généra- 
lisation de  l'enseignement  du  français  répond  à  une  aspiration  unanime  de  nos 
sujets  indigènes. 

L'absence  d'un  mouvement  d'opinion  étendu  et  profond  en  faveur  de  cette 
réforme  ne  constituerait  pas,  il  est  vrai,  à  elle  seule,  une  raison  suffisante  pour  la 
faire  repousser.  Au  regard  des  indigènes,  nous  sommes  des  tuteurs  et,  à  ce  titre, 
nous  avons  le  devoir  étroit  de  ne  rien  négliger  de  ce  qui  peut  assurer  leur  relève- 
ment matériel  et  moral.  Toute  la  question  se  ramène  dès  lors  à  savoir  si,  en 
détruisant  l'enseignement  des  caractères  chinois  et  en  le  remplaçant  par  celui  du 
français,  nous  rendrons  les  Annamites  meilleurs  et  plus  heureux.  Nos  lecteurs 


-  191  — 

n'ont  pas  oublié  la  réponse  qu'y  a  faite  M.  Rodier,  lieutenant-gouverneur  de 
Gochinchine,  dans  un  discours  qui  a  eu  un  légitime  retentissement  et  qui  montrait 
le  parallélisme  singulièrement  instructif  de  la  courbe  de  la  criminalité  et  de  celle 
de  la  diffusion  de  l'enseignement  du  français  dans  cette  colonie.  Il  en  tirait  cette 
conclusion  qu'il  était  grand  temps  de  revenir  à  l'enseignement  des  caractères,  le 
seul  approprié  à  la  mentalité  indigène.  C'est  contre  cette  thèse  que  s'est  élevé 
M.  Diep  Van  Guong,  au  Conseil  colonial  de  Cochinchine,  dans  un  discours  oii  la 
générosité  de  l'inspiration  n'arrive  pas  à  dissimuler  la  pauvreté  de  l'argumentation. 
Ramenée  à  ses  termes  les  plus  concrets,  cette  argumentation  se  réduit,  en  effet, 
à  cette  formule  :  Ce  qui  est  bon  pour  vous.  Français,  doit  l'être  également  pour 
nous  Annamites. 

On  aperçoit  sans  peine  le  vice  fondamental  de  ce  raisonnement,  d'une  simplicité 
vraiment  par  trop  élémentaire,  et  qui  ne  repose,  à  vrai  dire,  que  sur  une  pétition 
de  principe.  Pour  qu'il  fût  décisif,  il  faudrait  commencer  par  rayer  tout  le  passé 
de  la  race  annamite,  par  faire  abstraction  de  tous  les  facteurs  géographiques, 
ethniques,  historiques  qui  ont  concouru  à  déterminer  son  caractère,  sa  manière  de 
penser,  ses  habitudes  de  vie.  Il  faudrait,  en  un  mot,  l'isoler  théoriquement  dans  le 
temps  et  dans  l'espace  et  la  supposer  soustraite,  par  un  coup  de  baguette 
magique,  à  toutes  les  influences  de  milieu,  d'atavisme  et  d'éducation  qui  l'ont  faite 
ce  qu'elle  est. 

A  ce  prix,  l'expérience  d'une  francisation  en  bloc  de  cette  matière  neuve  pour- 
rait être  tentée  avec  chance  de  succès.  En  attendant  la  réalisation  de  cette  condi- 
ion  impossible,  le  rêve  de  M.  Diep  Van  Guong  reste. . .  un  rêve,  et  il  est  aussi 
chimérique  de  prétendre  rénover  l'âme  annamite  en  un  jour  par  la  seule  vertu  de 
l'enseignement  du  français  qu'il  le  serait  de  vouloir,  sur  une  pièce  de  monnaie, 
superposer  une  empreinte  nouvelle  à  l'empreinte  ancienne,  sans  l'avoir,  au  préa- 
lable, refondue  au  creuset.  L'âme  annamite  est  une  médaille  frappée,  et  fortement 
frappée,  à  l'effigie  chinoise  ;  c'est  celle-ci  qui  lui  donne  son  relief,  sa  physionomie 
et,  pour  tout  dire,  sa  valeur  propre.  Pour  y  substituer  la  nôtre,  il  faut  attendre  que 
le  contact  de  notre  civilisation  et  la  pénétration  de  nos  idées  aient  peu  à  peu 
amolli  et  comme  renouvelé  le  métal  dont  cette  âme  est  faite,  atténué  et  usé  les 
contours  de  l'empreinte  que  les  siècles  y  ont  gravée.  Il  faut,  en  un  mot,  arriver  à 
la  transformation  de  l'âme  annamite  par  la  transformation  de  son  ambiance  maté- 
rielle et  morale.  Et  pour  cela,  on  est  obligé  de  compter  avec  le  temps,  quand  bien 
même  on  ne  le  serait  pas  de  compter  avec  les  nécessités  budgétaires,  considération 
relativement  secondaire,  soit,  mais  que  les  partisans  de  l'enseignement  obligatoire 
du  français  en  Gochinchine  affectent  tout  de  même  par  trop  de  traiter  comme  une 
considération  sans  aucune  importance.  C'est  par  dizaine  de  millions,  en  effet, 
que  se  chiffrerait  la  dépense  annuelle  de  cet  enseignement  une  fois  organisé. 

Aux  résultats  problématiques  et,  dans  tous  les  cas,  pour  longtemps  encore 
superficiels,  qu'on  peut  se  flatter  d'en  obtenir,  qu'on  compare  le  bénéfice  matériel 
et  moral  que  la  masse  de  la  population  retirerait  de  la  même  somme  employée  en 
routes,  en  chemins  de  fer,  en  canaux,  en  œuvres  d'assistance  médicale,  et  qu'on 
nous  dise  si  tout  l'avantage  n'est  pas  du  côté  de  cette  politique  utilitaire,  pratique, 
vraiment  féconde  et  à  coup  sûr  celle-là,  plutôt  que  du  côté  d'un  programme  de  pur 
apparat,  dont  la  réalisation  coûteuse  n'aurait  d'autre  effet  que  d'arracher  violem- 
ment l'indigène  à  son  milieu  moral  naturel  pour  le  replacer  dans  un  milieu 
artificiel  et  étranger.  Encore  une  fois,  laissons  agir  le  temps,  la  contagion  de 
notre  exemple,  et  surtout  les  modifications  que  l'accroissement  de  la  sécurité, 
l'augmentation  dii  bien-être  matériel,  l'amélioration  des  conditions  sanitaires,  le 
développement  des  moyens  de  transport  et  de  communication  apportent  chaque 


—  192  — 

jour  dans  les  mœurs  et  dans  la  mentalité  indigènes.  Ce  sont  tous  ces  facteurs 
qui,  progressivement,  mais  plus  sûrement  qu'une  rupture  brusque  avec  la  tradi- 
tion, ouvriront  les  voies  et  prépareront  le  terrain  en  vue  de  l'accession  des  Anna- 
mites à  une  formule  plus  haute  de  civilisation.  Le  jour,  lointain  encore,  oii  cette 
évolution  nécessairement  lente  aura  élevé  leur  esprit  à  la  hauteur  de  cette  formule, 
elle  trouvera  naturellement  et  d'elle-même  son  couronnement  dans  la  généralisa- 
tion de  notre  langue,  qui  ne  sera  plus  alors  l'instrument  douteux  d'une  transfor- 
mation à  venir,  mais  la  consécration  certaine  d'une  transformation  accomplie 
Jusque-là,  nous  persistons  à  penser  avec  M.  de  Lanessan,  avec  M.  Doumer,  avec 
M.  Beau,  avec  M.  Broni,  avec  le  Conseil  de  perfectionnement  de  l'enseignement 
indigène,  que  le  maintien  des  caractères,  forme  traditionnelle  de  l'éducation 
morale  des  Annamites,  s'impose,  dans  leur  intérêt  et  dans  le  nôtre,  pour  la  forma- 
tion de  leur  cœur  et  de  leur  esprit. 


AFRIQUE. 


l.e  Traiiixafrlealii.  —  L'entreprise  conçue  par  les  Anglais,  sur  l'initiative 
de  Gêcil  Rhodes,  de  relier  par  une  voie  ferrée  le  Nord  et  le  Sud  de  l'Afrique  est 
beaucoup  plus  gigantesque  et  beaucoup  plus  audacieuse  que  le  Transsibérien. 

Les  difficultés  se  sont  trouvées  si  nombreuses  et  si  insurmontables  pour  relier 
le  Gap  au  Caire  qu'il  a  fallu  renoncer  au  premier  projet  d'une  voie  ferrée  sans 
discontinuité,  et  qu'il  a  été  indispensable  d'utiliser  les  cours  d'eau  et  surtout  k-s 
nombreux  lacs  qui  se  trouvent  sur  le  parcours. 

Les  rails  sont  déjà  posés  sur  3.000  kilomètres  au  Nord  du  Cap  et  sur  environ 
2.000  au  Sud  du  Caire  ;  lorsque  Cécil  Rhodes  conçut  le  Transafricain,  la  ligne 
existait  déjà  jusqu'à  Kimberley,  soit  environ  1.100  kilomètres  déjà  construits. 

Les  premières  difficultés  pour  l'établissement  d'une  voie  ferrée  continue  se  sont 
concentrées  aux  environs  du  lac  Tanganika  ;  cette  région,  qui  est  à  1.200  mètres 
d'altitude,  s'étend  sur  près  de  700  kilomètres  sur  des  rives  escarpées,  composées 
de  rochers,  d'îles  et  de  baies  nombreuses  nécessitant  de  nombreux  tunnels, 
viaducs,  ponts  et  travaux  d'art,  au  lieu  que  la  traversée  du  lac  est  des  plus  faciles. 

Les  voyageurs  s'embarqueront  à  Kituta  sur  la  rive  méridionale,  reprendront  la 
voie  ferrée  à  Usambara  sur  la  voie  septentrionale  pendant  150  kilomètres  pour  se 
réembarquer  sur  le  lac  Kivou,  long  de  90  kilomètres,  puis  reprise  de  la  voie  ferrée 
pendant  100  kilomètres  jusqu'au  lac  Albert  Edouari. 

Là  deux  tracés  sont  en  présence  ;  l'un  par  la  vallée  du  Semliki  qui  se  trouve  sur 
le  territoire  du  Congo,  le  passage  sur  le  territoire  britannique  présentant  des  diffi- 
cultés presque  insurmontables  ;  il  y  avait  en  etiet  une  rampe  de  000  mètres  à 
monter  pour  en  redescendre  immédiatement  une  de  900  mètres  excessivement 
rapide  —  mais  une  fois  ce  difficile  passage  effectué,  on  pouvait  utiliser  le  Nil 
Blanc. 

L'autre  tracé  traverse  l'Abyssinie,  où  le  Négus  a  autorisé  la  construction  du 
chemin  de  fer  jusqu'à  Uganda,  oii  le  Nil  est  utilisable,  les  bateaux  allant  entre 
Rejaf  et  Khartoum  ;  là  les  voyageurs  ont  le  choix  ou  de  continuer  par  eau  ou  de 
prendre  le  chemin  de  fer  qui  va  de  Khartoum  au  Caire. 

On  voit  quelles  transformations  une  pareille  voie  va  amener  dans  tout  le  centre 
de  l'Afrique,  quel  immense  mouvement  commercial  va  se  créer,  car  sur  la  ligne 


-  193  — 

• 

principale  vont  se  greffer  de  nombreux  embranchenienLs  qui  porteront  partout  l'in- 
fluence anglaise  et  amèneront  et  le  développement  des  villes  existantes  et  la 
création  de  nouvelles  agglomérations. 

Un  embranchement  a  déjà  été  construit  entre  Beira  et  Buluwayo,  entre  Uganda 
de  Mombaza  et  le  lac  Victoria  Nyanza,  un  autre  est  on  construction  entre  le  lac 
Nyassa  et  N'Tombi,  d'oii  part  un  service  de  bateaux  qui  traverse  tout  le  Zambèze  ; 
de  nombreuses  petites  lignes  seront  créées  autour  de  Mafeking  et  de  Buhvayo  et  à 
travers  toutes  les  colonies  anglaises,  afin  de  centraliser  tout  le  trafic  au  profit  de 
la  grande  voie  du  Gap  au  Caire. 

Pour  réaliser  cette  colossale  entreprise,  il  a  fallu  parer  à  des  difficultés  tout  à 
fait  exceptionnelles  :  ou  a  construit  d'immenses  réservoirs  d'eau  qu'il  faut  remplir 
pendant  la  saison  des  pluies  ;  on  a  construit  des  barrages  sur  toutes  les  rivières,  pour 
retenir  les  eaux. 

Los  travaux  d'art  sont  très  nombreux  —  en  partant  de  Kimberley,  un  viaduc  de 
450  m,  de  long  traverse  la  vallée  de  Val  River,  puis  la  voie  gravit  une  pente  de 
1.200  m.  pour  arriver  à  Mafeking,  et  continue  à  s'élever  jusqu'à  1.500  m.  pour 
redescendre  à  900  m.  jusqu'à  Buluwayo  —  toute  cette  partie  a  nécessité  quantité 
de  ponts,  de  viaducs,  de  réservoirs  d'eau,  et  a  été  particulièrement  coûteuse. 

En  quittant  Buluwayo,  la  voie  se  dirige  sur  le  Zambèze  et  le  bassin  houiller  de 
AVaukie  qui  est  à  720  mètres  d'altitude,  puis  vers  Kalomo,  capitale  de  la  Rhodésie 
Nord-Ouest,  en  traversant  une  région  encore  absolument  inconnue  et  couverte 
d'immenses  forêts  vierges,  à  travers  lesquelles  il  est  excessivement  difficile  de  se 
frayer  une  route. 

En  quiitant  Kalomo,  elle  atteint  après  un  parcours  de  4.50  kilomètres,  la  Broken 
Hill  mine,  qui  est  réputée  la  plus  riche  contrée  de  l'Afrique  du  Sud,  tant  pour  ses 
nombreuses  mines  diverses  que  pour  ses  importantes  forets  do  caoutchouc. 

Une  partie  de  la  ligne  est  déjà  exploitée  dans  l'Afrique  du  Sud,  soit  plus  de 
.3.000  kilomètres,  entre  le  Gap  et  le  Zambèze. 

Les  Anglais,  toujours  pratiques,  n'ont  d'abord  fait  que  des  constructions  légères 
le  long  de  la  ligne  ;  ce  n'est  qu'après  expérience  qu'ils  construisent  des  gares 
définitives  —  et  très  souvent  à  d'autres  endroits  que  ceux  choisis  pour  les  gares 
provisoires,  qui  n'avaient  récolté  aucun  trafic,  amené  aucune  population  —  tandis 
que  sur  d'autres  points,  négligés  par  le  plan  primitif,  s'élevaient  des  villages,  des 
embryons  de  ville. 

Les  Européens  ne  trouveront  pas  sur  le  Transafricain  des  vitesses  de  100  kilo- 
mètres à  l'heure  ;  la  vitesse  normale  est  actuellement  de  50  kilomètres  ;  les  voi- 
tures de  toute  classe  sont  conformes  aux  derniers  perfectionnements  et  offrent, 
par  conséquent,  tout  le  confortable  voulu. 

Les  conséquences  économiques  de  la  réalisation  du  grand  projet  de  Cecil»Rhodes 
seront  considérables  ;  l'ouverture  de  la  grande  voie  du  Gap  au  Caire  amènera  cer- 
tainement dans  l'industrie  et  dans  le  commerce  de  grandes  modifications;  l'Angle- 
terre va  trouver  une  nouvelle  source  de  richesses,  et  deviendra  presque  absolue 
maîtresse  du  continent  africain,  dont  elle  canalisera  toute  la  production. 


REGIONS    POLAIRES. 


\'uya$'C  «lu  Capitaine  AiniintlKOii.  —  Explorer  les  régions  environ- 
nant le  Pôle  magnétique  Nord   et    effectuer    pendant   deux  ans  des  observations 


—  194  — 

• 
minutieuses  dans  ces  régions,  afin  de  déterminer  à  nouveau  ce  Pôle,  tel  fut  le  but 
principal  du  Capitaine  Amundsen.  II  s'était  proposé  en  outre  de  traverser  dans 
toute  son  étendue  le  fameux  passage  du  Nord-Ouest.  Il  fallait  pour  cela  un  bateau 
de  petites  dimensions  qui  put  pénétrer  plus  aisément  dans  ces  détroits  resserrés, 
peu  profonds  et  la  plupart  du  temps  obstrués  par  les  glaces.  Le  Gjœa^  solide  sloop 
de  47  tonneaux,  pourvu  jusqu'à  la  quille  d'un  paraglace,  gréé  de  fils  de  fer  et 
muni,  outre  sa  voilure,  d'un  moteur  à  pétrole  de  13  chevaux,  remplissait  admira- 
blement cette  condition. 

Aussi  le  Capitaine  Amundsen  le  choisit-il  pour  son  expédition.  Le  16  Juin  1903, 
il  quittait  Christiania  et  parvint  à  l'île  de  Beechey  par  le  cap  Farvel,  la  baie  de 
Baffin  et  le  détroit  de  Lancastre.  Ayant  reconnu,  chemin  faisant,  que  le  Pôle 
magnétique  se  trouvait  plus  au  Sud,  il  continua  sa  route  par  le  détroit  de  Peel,  la 
baie  occidentale  du  détroit  de  Bellot  et,  après  avoir  longé  la  côte  occidentale  de  la 
terre  Boothia  Félix,  alla  jeter  l'ancre  au  fond  de  la  baie  de  Pettersen  sur  la  terre 
King  William,  à  l'entrée  du  port  oii  l'expédition  devait  séjourner  dix-neuf  mois  et 
qui  allait  devenir  Port  GJœa.  Deux  incidents  marquèrent  cette  deuxième  partie  du 
voyage  accomplie  par  des  brouillards  continus  ;  la  boussole  refusa  d'obéir  près  de 
l'île  de  Prescott  et  le  feu  se  déclara  le  31  Août  dans  la  cale  de  la  machine.  Heu- 
reusement on  put  le  maîtriser  à  temps  et  éviter  un  effroyable  désastre,  car  il  y 
avait  à  bord  20.000  litres  de  pétrole  et  une  quantité  considérable  de  matières 
explosibles. 

Port  Gjœa  se  trouvait  à  environ  cent  milles  du  Pôle  magnétique.  Divers  obser- 
vatoires furent  construits  sur  la  pente  de  collines  couvertes  de  mousses  et  les 
observations  s'y  firent  sans  interruption  du  2  Novembre  1903  au  31  Mai  1905. 
L'objet  de  ces  travaux  était  de  déterminer  aussi  exactement  que  possible  l'empla- 
cement du  Pôle  magnétique. 

Outre  les  mesures  absolues,  les  éléments  magnétiques  (déclinaison,  intensités 
horizontale  et  verticale)  ont  été  enregistrés  photographiquement  par  une  série 
d'appareils  de  variations.  Au  moyen  de  reconnaissances  continuelles  entre  la 
station  et  la  terre  Boothia  Félix,  M.  Amundsen  a  pu  constater,  en  mesurant  la 
déclinaison,  que  le  Pôle  n'était  pas  un  point  fixe  mais  au  contraire  un  point  en 
mouvement  continu.  Gomment  s'opère  ce  mouvement  ?  L'explorateur  espère  que 
ses  multiples  observations  jetteront  un  peu  de  lumière  sur  ce  problème  encore 
inconnu. 

Pendant  le  séjour  de  l'expédition  à  Port  Gjœa,  le  Lieutenant  Hansen  et  le  Ser- 
gent Kistvedt  firent  le  relevé  cartographique  de  la  côte  orientale  de  la  terre 
Victoria. 

Après  avoir  ainsi  vécu  près  de  deux  ans  dans  de  sombres  réduits  par  des  tem- 
pératures variant  de  —  30",  dans  les  journées  estivales,  à  —  02°  en  hiver,  n'ayant 
pour  toute  distraction  que  le  voisinage  de  quelques  Esquimaux  sympathiques, 
l'expédition  reprit  sa  marche  vers  l'Ouest  traversant  les  détroits  de  Dolphin  et  de 
l'Union.  Seulement  elle  était  partie  trop  tard  et  dut  bientôt,  bloquée  par  les  glaces, 
se  résigner  à  un  troisième  hivernage  près  de  King-Point.  Quand  l'hiver  fut  passé, 
rien  ne  s'opposa  plus  au  passage  de  l'expédition  qui  atteignit  enfin  le  30  Aoiit 
1906  le  détroit  de  Behring. 


nouvelle   eroIsSère   du  Due   d'Orléaus.  —  Le  Duc  d'Orléans  se 
prépare  à  faire  un  nouveau  voyage  d'études  dans  les  régions  polaires.  Son  navire. 


—  195  - 

la  Belgica,  qui  se  trouve  à  Ostende,  va  être  mis  en  état  et  pourvu  des  appareils 
scientifiques  nécessaires.  Le  Duc  a  donné  l'ordre  de  tout  apprêter  pour  la  seconde 
quinzaine  d'Avril.  Comme  lors  de  sa  première  expédition  dans  les  régions  polaires 
du  Nord,  la  Behjica  sera  commandée  par  M.  de  Gerlache. 


Vue  nouvelle  e'spédition  antarctique.  —  Le  Lieutenant  Ernest- 
Henri  Sliackleton,  qui  fit  partie  de  l'expédition  antarctique  du  Capitaine  R.-F. 
Scott,  à  bord  du  «  Biscovenj  »,  en  prépare  actuellement  une  nouvelle,  précisément 
dans  les  mêmes  parages.  11  compte  quitter  la  Nouvelle-Zélande  à  la  fin  de  Janvier 
ou  au  commencement  de  Février  1908.  Cette  fois  le  navire,  quel  qu'il  soit,  vapeur 
ou  baleinier,  ce  point  n'a  pas  encore  été  fixé,  ne  fera  que  conduire  les  membres  de 
l'expédition  aux  quartiers  d'hiver  du  Discooenj  et  retournera  ensuite  vers  un  point 
d'attache  pour  ne  revenir  que  l'année  suivante.  Les  explorateurs,  au  nombre  de 
douze  tout  au  plus,  attendront  en  ce  point  le  printemps  et  se  sépareront  alors  en 
trois  groupes.  Le  premier  se  dirigera  vers  l'Est  et  par  la  banquise  se  rendra  à  la 
terre  du  Roi  Edouard  Vil,  nouvellement  découverte,  avec  mission  d'en  suivre  la 
côte  vers  le  Sud  principalement.  Un  deuxième  groupe  ira  vers  l'Ouest  et  après 
avoir  franchi  la  chaîne  de  montagnes  qui  court  parallèlement  à  la  côte,  prendra 
pour  point  de  direction  le  Pôle  magnétique  Sud.  Quant  au  troisième  groupe,  il 
poussera  franchement  vers  le  Sud,  suivant  la  même  route  que  l'expédition  pré- 
cédente. 

Les  traîneaux  seront  cette  fois  attelés  de  poneys  de  Sibérie  qui  peuvent  traîner 
chacun  jusqu'à  1.800  livres  de  vivres  tout  en  n'en  consommant  que  dix  par  jour.  Un 
chien-  ne  peut  traîner  que  50  kilogs  tout  au  plus  et  consomme  deux  livres  de 
nourriture  pendant  le  même  temps.  Un  poney  remplacera  donc  facilement  dix-huit 
chiens,  tout  en  consommant  relativement  beaucoup  moins.  11  pourra  fournir  faci- 
lement en  outre  une  étape  de  32  à  40  kilomètres  par  jour.  Le  groupe  du  Sud  aura 
de  plus  à  sa  disposition  un  car  automobile  avec  lequel  M.  Shackleton  espère 
atteindre  le  parallèle  82»  16'  Sud,  d'où  il  se  dirigera  en  traîneau  avec  ses  seuls 
poneys,  tout  aussi  frais  et  dispos  que  s'ils  venaient  de  quitter  les  quartiers  d'hiver. 
Tous  les  160  et  même  tous  les  240  kilomètres,  si  la  surface  glacée  se  montre  faci- 
lement praticable,  des  vivres  seront  déposés  pour  être  recueillis  et  consommés  au 
fur  et  à  mesure  au  retour. 

En  Février  1909,  le  navire  reprendra  les  explorateurs  et  selon  ce  qu'il  vaudra, 
le  Lieutenant  Shackleton  retournera  à  la  Nouvelle-Zélande  ou  se  dirigera  plus  à 
l'Ouest  vers  la  terre  de  Wilke  pour  en  relever  soigneusement  la  côte. 

Un  cinématographe  et  un  phonographe  seront  même  emportés  par  l'expédition, 
de  sorte  que  nous  pourrons  entendre  et  voir  les  fameux  pingouins  comme  si  nous 
étions  près  d'eux. 

Nous  souhaitons  bonne  réussite  au  Lieutenant  Shackleton,  qui  a  la  ferme  inten- 
tion de  pousser  jusqu'au  Pôle  pour  être  utile  à  la  science  et  non  pour  la  simple 
satisfaction  de  battre  un  précédent  record. 


196  — 


II.  —   Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


Dix  auiiées  de  progrès  à  la  Côte  d'ivoire.  —  Parmi  nos  colo- 
nies de  la  Côte  Occidentale  d'Afrique,  la  Côte  d'Ivoire  est  incontestablement  celle 
qui  a  marché  le  plus  régulièrement  et  le  plus  siirement  dans  la  voie  du  progrès. 
C'est  également  celle  dans  laquelle  l'Administration  supérieure  a  pu  avoir  de  la 
suite  dans  les  idées,  n'ayant  pas  été  changée  depuis  plus  de  dix  ans  ;  cette  cir- 
constance n'a  pas  été  sans  etfet  sur  la  bonne  situation  que  nous  constatons 
aujourd'hui. 

La  population  de  la  colonie  est  d'environ  1.500.000  habitants.  Eu  1890  les  recettes 
atteignaient  1.278.1()9  fr.  et  les  dépenses  1.037.171  fr,  La  valeur  des  importations 
était  de  4.0.'38.413  fr.,  celle  des  exportations  de  4.701  131  fr.  soit  un  total  de 
9.539.544  fr. 

Au  31  Décembre  1904,  les  recettes  montaient  à  3.943.457  fr.,  les  dépenses  à 
3.389.000  fr.,  le  mouvement  total  du  commerce  était  de  29.323.315  fr.,  soit  vingt 
millions  d'augmentation. 

Les  pistes  ou  chemins  ont  été  améliorés  dans  toute  la  colonie  ;  ils  ont  mainte- 
nant un  développement  de  plus  de  3.200  kilomètres.  Quant  aux  lagunes,  merveil- 
leux canaux  naturels  qui  assurent  le  présent  et  l'avenir  immédiat  de  la  colonie, 
elles  ont  un  développement  de  400  kilomètres.  La  côte  de  cette  longue  et  étroite 
mer  intérieure  partout  acccs.^ible  aux  vapeurs  est  riche  en  produits  immédiatement 
exploitables  et  susceptibles  d'une  mise  en  valeur  agricole. 

C'est    en    majeure   partie    aux    lagunes   que  la  colonie  doit,  non  seulement  de 

payer  toutes  ses  dépenses  sans  demander  un  sou  à  la  France,  mais  encore  quelques 

excédents  budgétaires  qui,  sagement  employés,  lui  permettront  de  compléter  son 

■outillage  économique  et  d'assurer  l'œuvre  de  la  pénétration  progressive  vers  le 

Soudan  et  le  Niger. 

C'est  au  fond  d'une  de  ces  lagunes  qu'a  été  créé  récemment  le  port  en  eau  pro- 
fonde d'Abidjan,  tète  de  ligue  du  chemin  de  fer  de  pénétration  vers  Kong  et  le 
Niger,  dont  la  construction  se  poursuit  régulièrement. 

Le  réseau  télégraphique  et  téléphonique  qui  n'était  que  de  200  kilomètres  en 
1896,  atteint  aujourd'hui  2.462  kilomètres,  et  le  nombre  des  bureaux  ouverts  est 
passé  dans  le  même  temps  de  4  à  35. 

La  population  européenne  s'est,  de  son  côté,  élevée  d'une  centaine  de  personnes 
à  près  de  cinq  cents  (3U2  civils  et  173  militaires  fin  190.5). 

L'exportation  consiste  en  produits  naturels  du  pays  qui  sont  principalen^ent  les 


—  197  - 

huiles  et  amandes  de  palme,  le  caoutchouc,  Tacajou.  De  440.000  fr.  en  1896,  l'ex- 
portation du  caoutchouc  atteint  maintenant  près  de  sept  millions.  Quant  à  l'agri- 
culture européenne  elle  reste  stationnaire  ;  à  l'unique  plantation  de  132  hectares  de 
caféiers  existant  en  189d  se  sont  ajoutées  seulement  quelques  petites  plantations 
de  cacaoyers  et  quelques  essais  d'acclimatement  d'arbres  à  caoutchouc.  On  com- 
mence à  examiner  les  possibilités  cotonnières  des  régions  Nord  de  la  colonie. 

En  résumé,   en  dix  ans,  la  Côte  d'Ivoire  s'est  développée  du  simple  à  plus  du 
triple. 

G.  Laforest. 


Projet  de  chemin  de  fer  au  Congo  français.  —  Depuis  les 
premiers  jours  du  Congo  français,  suivant  l'idée  émise  par  M.  de  Brazza,  qui 
prônait  la  construction  d'une  voie  ferrée  entre  Loango  et  Brazzaville,  de  nombreux 
projets  ont  été  formés  dans  ce  sens.  Aucun  n'eut  de  résultat  pratique  jusqu'en  ces 
derniers  temps.  Cette  question  de  voie  ferrée  a  été  soulevée  à  nouveau  par  M.  Gentil. 
Celui-ci  proposa  en  1905  l'étude  d'une  voie  remontant  le  cours  de  l'Ogoué  et 
rejoignant  un  point  quelconque  du  Likuala,  affluent  du  Congo.  Cette  étude  fut 
faite  en  1905  et  1906  par  le  Capitaine  Cambier. 

Celui-ci  reconnut  que  la  route  de  l'Ogoué  était  bien  plus  avantageuse  que  toutes 
celles  qui  furent  préconisées  plus  au  Sud  et  ce,  à  cause  d'une  plus  grande  facilité 
de  construction  et  de  la  possibilité  d'une  exploitation  plus  rémunératrice.  Le  point 
terminus  serait  sur  le  Gabon,  facilement  navigable,  ce  qui  permettrait  en  outre  de 
relier  avec  l'intérieur  le  centre  important  de  Libreville.  La  ligne  toucherait  à 
N'Djolé  oii  l'Ogoué  cesse  d'être  navigable,  puis  remonterait  le  cours  de  l'Ivindo  et, 
traversant  la  ligne  de  faîte,  se  dirigerait  sur  Makua,  oia  le  Likuala  devient  navi- 
gable. Ce  tracé  est  tout  à  fait  pratique,  malgré  les  quelques  difficultés  qu'il  pré- 
sente, surtout  dans  sa  partie  moyenne.  Sur  le  Gabon,  Owendo,  situé  un  peu  à 
l'Est  de  Libreville,  est  le  meilleur  point  de  départ.  De  là,  pour  atteindre  N'Djolé, 
la  ligne  contournerait  l'extrémité  orientale  des  monts  de  Cristal.  Au  delà  de 
N'Djolé  nous  avons  pour  atteindre  l'Ivendo  à  choisir  entre  deux  routes  :  ou  suivre 
la  rive  droite  de  l'Ogoué,  ou  passer  plus  au  Nord  par  la  vallée  de  l'Okano,  affluent 
de  ce  fleuve.  La  traversée  de  la  ligne  de  faîte  à  une  altitude  de  745  mètres  ne 
présente  aucune  difficulté  spéciale,  pas  plus  d'ailleurs  que  le  plateau  forestier 
situé  à  l'Est  de  celle-ci.  D'après  l'estimation  du  Capitaine  Cambier,  la  dépense 
totale  ne  dépasserait  guère  cent  millions  pour  cette  ligne  de  8.30  kilomètres 
d'étendue.  La  principale  œuvre  d'art  à  exécuter  serait  le  pont  de  l'Ivindo  ^320  m.) 
sur  cet  affluent  de  l'Ogoué. 


L'Emprunt  de  l'Afrique  Oeeldentale  Française.  —  La  Chambre 
des  Députés  a  adopté,  sans  discussion,  le  projet  de  loi  autorisant  un  emprunt  de 
100  millions  pour  exécuter  divers  travaux  en  Afrique  Occidentale.  Rapporté  par 
M.  Lucien  Hubert,  ce  projet  ne  pouvait  donner  lieu  à  des  objections.  L'Afrique 
Occidentale  a  emprunté,  en  1903,  65  millions  avec  lesquels  elle  a  amorcé  une  série 
de  travaux  qui  doivent  être  continués  ou  complétés.  Ces  travaux  comportent  sur- 
tout, à  la  demande  de  M.  Roume,  Gouverneur  général,  des  compléments  de  voies 


ferrées.  Sur  les  100  millions,  78  millions  serviront  aux  chemins  de  fer  de  la  Guinée, 
de  la  Côte  d'Ivoire,  du  Dahomey  et  de  la  ligne  Kayes-Niger  au  littoral. 

Sur  les  22  millions  demeurés  libres,  11  seront  employés  au  port  de  Dakar,  à 
l'amélioration  du  réseau  navigable  des  bassins  du  Sénégal  et  du  Niger,  au  port  de 
la  Côte  d'Ivoire,  à  des  installations  à  la  baie  du  Lévrier,  etc.,  et  10  millions  1/2  à 
l'assistance  médicale,  aux  constructions  militaires,  aux  lignes  télégraphiques. 
L'Afrique  Occidentale  est  dès  aujourd'hui  financièrement  pourvue  pour  assumer 
les  charges  de  ce  nouvel  emprunt,  qui  sera,  d'ailleurs,  consacré,  on  le  sait,  à  des 
dépenses  productives. 


Émigration  de*  Iles  Saint-Pierre  et  lliquelon.  —  Le  Ministre 
des  Finances  a  lu  récemment  à  la  Chambre  une  statistique  d'oii  il  ressort  que  les 
exportations  de  Saint-Pierre  et  Miquelon  ont  diminué  de  65  7o  depuis  vingt  ans, 
que  la  population  de  ces  îles  a  baissé  de  25  %  et  que  la  flottille  de  pêche  a 
diminué  de  45  %  depuis  cinq  ans.  C'est  donc  une  crise  économique  très  violente 
que  traverse  depuis  plusieurs  années  notre  colonie  de  Saint-Pierre  et  Miquelon. 
Cette  crise,  écrit  la  Quinzaine  Coloniale,  est  due  : 

1°  A  l'application  du  Bait-Act.,  loi  qui,  on  se  le  rappelle,  gêne  nos  nationaux 
pour  se  procurer  la  boette  nécessaire  à  la  proche  ; 

2»  A  un  tarif  douanier,  trop  élevé  pour  un  pays  qui  n'a  pas  de  relations  directes 
avec  la  métropole  ; 

3"  A  la  convention  franco-anglaise  de  1904,  par  laquelle  la  France  a  abandonné 
le  French-shore  presque  sans  compensation  ; 

4"  A  la  très  mauvaise  campagne  de  pêche  en  1906;  nombreuses  goélettes, 
perdues  (17)  et  quantité  insuffisante  :  1.100  quintaux  par  navire  contre  1.225 
en  1905. 

Ces  divers  facteurs  ont  amené  un  mouvement  d'.émigration  hors  Saint-Pierre  et 
Miquelon,  qui  a  donné  certaines  inquiétudes  à  l'administration  locale. 

Ce  mouvement,  dirigé  vers  le  Canada  sur  les  côtes  de  la  Nouvelle-Ecosse  et  les 
rives  du  Saint-Laurent,  a  revêtu  un  caractère  inquiétant,  parce  qu'aux  quelques 
centaines  de  pécheurs  qui,  chaque  hiver,  partent  hiverner  au  Canada,  s'étaient 
joints,  un  grand  nombre  d'ouvriers  et  de  manœuvres,  découragés  par  le  manque 
de  travail  par  suite  de  la  réduction  de  l'armement  local  et  partaient  au  Canada 
sans  esprit  de  retour,  chercher  fortune. 

Cette  émigration  n'a  pas  eu  heureusement  les  conséquences  prévues  par  les 
journaux  de  Montréal  et  la  presse  anglaise.  Elle  s'est  trouvée,  au  contraire,  rapi- 
dement arrêtée,  parce  que,  si  les  salaires  sont  au  Canada  plus  élevés  qu'à  Saint- 
Pierre,  le  travail  y  est  plus  pénible  et  les  conditions  d'existence  infiniment  plus 
chères. 

Aussi  les  émigrés  attirés  au  Canada,  sous  de  fallacieuses  promesses,  ont-ils  été 
vivement  déçus  dès  leur  arrivée.  Beaucoup  de  ceux,  dont  les  ressources  n'étaient 
pas  épuisées,  ont  regagné  Saint- Pierre  ;  les  autres  y  reviendront  assurément  bientôt, 
au  printemps,  ou  dès  qu'ils  le  pourront. 

De  cette  crise  il  ressort  un  enseignement,  c'est  que,  quand  la  majeure  partie 


-  199  - 

d'une  population  songe  à  émigrer,  les  conditions  économiques  dans  lesquelles  elle 
vit,  sont  mauvaises.  Le  Bait-Act^  le  tarif  douanier  imposé  à  un  pays  (improductif, 
sous  la  dépendance  économique  du  Canada  et  des  Etats-Unis,  et  sans  aucun  ser- 
vice direct  avec  la  Métropole),  sont,  tout  autant  que  la  mauvaise  pèche,  des 
causes  de  ruine  pour  le  commerce  local. 

Contre  les  mauvaises  pèches,  aucun  remède;  mais  Saint-Pierre,  port  de  relâche 
naturel  de  tous  les  navires  péchant  sur  les  bancs,  ne  doit  pas,  par  des  taxes  sur  la 
navigation  trop  élevées,  perdre  la  clientèle  dont  il  a  un  absolu  besoin.  M.  l'Admi- 
nistrateur des  Établissements  de  Saint-Pierre  et  Miquelon  l'a  fort  bien  compris  en 
abaissant,  par  un  arrêté  du  3  Novembre  1906,  la  taxe  de  1  fr.  35  par  tonne  à 
U  fr.  50,  pour  les  navires  faisant  relâche  (réparant  leurs  avaries,  prenant  de  l'eau, 
des  provisions,  on  débarquant  des  malades). 

Une  telle  mesure  aura  d'heureux  eflets,  on  peut  l'espérer,  et  ramènera  vers  Saint- 
Pierre  tous  les  navires  pêcheurs  français  ou  étrangers  éloignés  har  les  droits 
quasi-prohibitifs  de  Saint-Pierre  et  s'approvisionnant  à  Saint-Jean.  Elle  ne  solu- 
tionne qu'une  partie  de  la  crise  actuelle  sans  la  résoudre  entièrement. 


Flore  de  la  Guinée  française.  —  Depuis  la  période  récente  d'expan- 
sion française  en  Afrique  occidentale,  nous  ne  connaissons  guère  en  dehors  de 
Chevalier,  de  botaniste  ayant  parcouru  nos  possessions,  aussi  doit-on  féliciter 
hautement  tous  ceux  qui,  par  leur  situation,  obligés  de  demeurer  dans  ces  régions, 
se  sont  improvisés  naturalistes.  M.  H.  Pobéguin,  administrateur  en  chef  des 
Colonies  est  de  ce  nombre.  Collectionneur  sagace,  il  n'a  pas  voulu  laisser  unique- 
ment un  herbier  entre  les  mains  des  techniciens,  et  il  lui  a  plu  d'en  tirer  un 
ouvrage  important,  qui  est  la  première  oeuvre  d'ensemble  que  notre  littérature 
possède  sur  les  plantes  de  la  Guinée  (Essais  sur  la  Flore  de  la  Guinée  française, 
Paris,  1906,  Challamel,  éditeur,  1  vol.  in-S",  390  pages  avec  80  planches  hors 
texte) . 

Naturellement  dans  quelques  descriptions  et  pour  certaines  expressions 
impropres,  le  botaniste  s'apercevra  que  l'auteur  n'était  pas  un  scientifique,  mais 
M.  Pobéguin  a  le  soin  dans  sa  Préface  d'en  prévenir  le  lecteur  ;  aussi  tel  qu'il  est, 
ce  livre  mérite  d'attirer  l'attention.  On  y  trouve  après  un  coup  d'œil  sur  la  géo- 
graphie, et  des  considérations  générales  sur  la  flore  et  les  produits  agricoles  et 
forestiers,  une  série  de  notes  très  précieuses  sur  une  centaine  d'arbres  des  plus 
communs,  dont  les  échantillons  existent  au  Jardin  colonial  de  Nogent.  Un  peu 
plus  loin,  M.  Pobéguin  nous  montre  les  essais  faits  pout  l'introduction  des  végé- 
taux utiles  et  dit  «  que  l'esprit  de  suite  en  fait  de  cultures  maraîchères  et  autres  a 
complètement  fait  défaut  aux  colonies  (nous  ne  le  savons  que  trop). 

La  plus  grosse  partie  du  volume  est  réservée  à  une  énumération  des  plantes 
récoltées  par  l'auteur,  et  classées  par  familles,  celles-ci  dans  l'ordre  alphabétique. 
Beaucoup  malheureusement  sont  indéterminées,  mais  portent  les  numéros  de 
l'herbier  que  l'on  peut  consulter  au  Muséum  d'Histoire  naturelle.  L'ouvrage  se 
termine  par  plusieurs  tables  très  bien  comprises  qui  en  rendent  la  consultation 
facile,  et  il  est  bon  d'ajouter  que  les  80  planches  jiresque  toutes  du  plus  haut 
intérêt  documentaire,  ajoutent  considérablement  à  sa  valeur  scientifique. 

Em.  Perrot, 


—  200  — 

lie  Cardaiiioiue  aw  Toiikin.  —  On  sait  qu'il  existe  trois  sortes  prin- 
cipales de  Cardamomes,  produites  par  des  espèces  botaniques  assez  distinctes 
pour  ne  pas  appartenir  toutes  au  même  genre  :  le  Cardamome  de  Malabar  {Elet- 
toria  Cardamommn)  le  Grand  Cardamome  (Elettaria  viajor)  et  le  Cardamome  en 
grappes  (Amoninm  Cardamomion). 

La  plus  estimée  est  la  première  et  l'Inde  avec  Ceylan  en  exportent  en  Europe 
annuellement  plus  de  150.000  kilog.  De  plus,  la  consommation  asiatique  est 
énorme,  c'est  pour  cela  que  la  découverte  de  la  plante  productrice  à  l'état  sauvage 
dans  le  Haut-Toukin  est  des  plus  intéressantes;  elle  est  due  à  M.  Eberhardt,  doc- 
teur ès-sciences,  le  botaniste  de  la  mission  scientifique  permanente  de  l'Indo- 
Ghine  {B>dl.  Mnséimi,  1906,  VI,  424). 

E.  P. 


EUROPE. 


Développement  du  port  de  Hainhoiir^.  —  La  flotte  maritime  de 
Hambourg,  qui  s'est  accrue  en  1!)06  de  5.5  navires  jaugeant  93,000,  a  atteint  le 
l"  Janvier  de  cette  année,  avec  ses  602  vapeurs  d'une  capacité  de  1.1  (iS. 000  ton- 
neaux et  ses  457  voiliers,  allèges  et  chalands  de  265.000  tonneaux,  le  total  formi- 
dable de  1.119  navires  jaugeant  ensemble  1.433.000  tonneaux.  Et  ce  développement 
doit  s'accroître  en  1907,  puisqu'au  l'''"  Janvier  dernier  la  flotte  de  Hambourg  avait 
en  chantier  .37  navires  d'une  capacité  de  220.000  tonneaux. 

Dans  ces  chiffres  formidables,  la  puissante  Compagnie  Hamhurg- Ainerika  tient 
une  large  place.  Non  contente  d'avoir  mis  dernièrement  en  service  des  paquebots 
de  22.000  tonneaux,  comme  VAmerika,  et  de  25.000  tonneaux,  comme  le  Kaiserln- 
Augusta-Viitiiria,  elle  vient  de  commander  aux  chantiers  de  Herland  et  de  Wolf, 
à  Belfast,  un  nouveau  vapeur  qui  doit  surpasser  les  énormités  précédentes.  Ce 
paquebot,  qui  doit,  dit-on,  porter  le  nom  de  Eiiropa,  assurera  le  service  Hambourg 
à  New-York,  filera  19  nœuds  et  doit  loger  550  passagers  de  première  classe,  350 
de  deuxième,  1.000  de  troisième  et  2.350  de  pont  avec  un  personnel  de  500  per- 
sonnes, soit  4.750  hommes  !  Cet  énorme  paquebot  possédera,  comme  le  Kaiserin- 
Augusta-Victoria,  ascenseurs,  gymnase,  jardin  d'hiver,  un  restaurant  Ritz  et, 
assure-t-on,  un  tennis,  une  vaste  piscine  et  un  luxueux  aménagement  de  bains 
turcs  ! 

Le  Conseil  d'administration  de  la  Hambiirg-Amerika-Lhiie,  réuni  le  24  Janvier 
dernier  dans  le  palais  de  la  Compagnie  à  Hambourg,  constatait  pour  l'année  1906 
un  bénéfice  net  de  40  millions  de  francs  permettant,  en  consacrant  des  sommes 
importantes  aux  fonds  d'amortissement  et  de  réserve,  de  servir  aux  actionnaires 
un  dividende  de  10  7o- 


MoiiTelle  IStation  maritime  en  Allemagne.  —  L'Amirauté  fait 
les  préparatifs  nécessaires  pour  changer  la  ville  de  Sonderburg,  dans  l'île  de 
Ulsen,  à  l'entrée  du  détroit  du  Petit-Belt,  en   une   station   maritime   de   premier 


—  201  — 

ordre.  L'École  supérieure  des  Cadets  y  sera  transférée  ;  elle  est  actuellement  à 
Kiel.  Plusieurs  vaisseaux  de  guerre  de  première  classe  y  stationneront,  notamment 
le  nouveau  croiseur  «  Scharhosf  »  (il.()OU  tonnes),  le  cuirassé  de  ligne  «  Schwa- 
ben  »  avec  un  équipage  de  660  hommes,  les  croiseurs  «  Nymphe  »  et  «  Ontline  », 
comptant  chacun  U49  hommes. 


ASIE. 


liC  d»ai*l»«ii  HM  Ja|)«»ii.  —  D'après  le  Bulletin  Économique  de  Vlndo- 
Chine,  la  production  du  charbon  au  Japon  n'a  cessé  de  faire  des  progrès  pendant 
ces  quinze  dernières  années  ;  elle  est  passée  progressivement  de  3.201.000  tonnes 
en  1891  à  H. 630. 000  tonnes  en  1905,  comme  l'accusent  les  chiffres  comparatifs 
ci-dessous  : 

Production 
Années.  en  tonnes. 

1891 3.201.000 

1892 3.201.000 

1893 3.346.000 

1894 4. .302. 000 

1895 4.810.000 

1896 5.059.000 

1897 5.229.000 

1898 6.749.000 

1899 6.775.000 

1900 7.488.000 

1901 9.027.000 

1902 9.701 .000 

1903 1 0 . 088 . 000 

1904 10.723.000 

1905 H  .630.000 

Les  préfectures  oii  la  production  a  été  la  plus  forte  sont  celles  de  Fukuoka, 
Hokkaido  et  .Johara,  qui  sont  représentées  respectivement  par  les  chiffres  suivants  : 
7.510.000,  1.170.000  et  1.040.000  tonnes. 


AFRIQUE. 


lie  commerce  du  llaroc  en  190C  —  La  statistique  du  commerce 
du  Maroc  en  1906  vient  d'être  dressée  à  l'aide  des  renseignements  fournis  par  le 
contrôle  des  douanes  marocaines,  par  nos  agents  consulaires  et  par  le  service  de 
la  douane  algérienne. 


—  202  -- 


Elle  constate  les  résultats  suivants,  comparés  à  ceux  de  1905  : 


PAYS. 

1905 

1906 

EN   PLUS. 

EN   MOINS. 

France  et  Algérie 

Angleterre 

36.467.996 

23.240.372 

7.332.151 

3.103.093 

2.103.144 

1.837.021 

475.027 

2.953.890 

119.722 

00.400 

708.842 

» 

10.055 
» 
170.514 

42.807.003 

24.-549.848 

7.182.780 

3.805.894 

2.504.009 

1.075.118 

484.804 

977.903 

55.200 

19.407 

587.801 

48.271 

100.932 

15.427 

134.770 

0.339.607 

1.309.470 

» 

702.801 

400.805 

» 

9.177 
» 

» 

48.271 
90.877 
15.427 
» 

» 
» 

149.371 
» 
» 
161.903 
» 
1.975.933 
64.516 
41.053 
121.041 
» 
» 
» 
35.738 

Allemagne 

Espagne 

Belgique 

Italie 

Autriche 

États-Unis 

Portugal 

Pays-Bas 

Éarvpte 

Turquie 

Suède  et  Norvège 

Russie 

Autres  pays 

Totaux 

78.642.893 

85.069.899 

6.427.006 

» 

■  Deux  faits  remarquables  apparaissent  dans  ce  tableau. 

Le  premier  est  la  progression  du  commerce  avec  la  France.  Elle  avait  déjà  été 
considérable  en  19(t5  et  nous  avait  placés  au  premier  rang  avant  l'Angleterre.  Elle 
l'est  davantage  encore  en  19C0.  Notre  part  a  dépassé  la  moitié  du  total  d'affaires 
fait  par  le  Maroc. 

Le  second  est  que  le  mouvement  du  commerce  avec  l'Allemagne  ne  répond 
point  à  l'eflbrt  politique  de  cette  puissance.  11  était  en  baisse  en  1905.  Il  l'est 
encore  en  1900. 


III.  —  Généralités. 


I^a  |)i*odiiction  luoudiale  de  la  Houille.  —  La  production  de  la 

houille  dans  le  monde  a  fait,  depuis  quelques  années,  des  progrès  considérables. 


—  203  — 

Voici  quelle  a  été  la  production  des  principaux  pays  pendant  les  trois  années 
1903,  1904  et  1905  : 

1903  1904  1005 

Élats-Unis  G.  T 319.0G8.000  314.563.000  3.50.821.000 

Grande-Bretagne 230.334.000  232.428.000  23().  129.000 

Allemagne 114.70:3.000  118.874.000  119.340.000 

France 33.608.000  32.964.000  34,778.000 

Belgique 23.415.000  22.395.000  21.506.000 

Les  chiffres  ci-dessus  ont  été  fournis  par  le  Board  of  Trade  Amjlais  ;  ils  com- 
prennent le  lignite  et  donnent  pour  le  monde  entier  un  total  de  840  millions  de 
tonnes. 

Si  l'on  considère  la  production  par  habitant,  on  voit  que  l'Angleterre  vient  en 
tète  avec  5  1/2  G.  T.,  suivie  par  les  États-Unis  avec  4  1/2  gross  tons,  puis,  dans 
l'ordre,  3  G.  T.  en  Belgique,  un  peu  plus  de  2  G.  T.  en  Allemagne  et  1  G.  T.  en 
France. 

Quant  au  prix  moyen  par  tonne,  il  a  été  le  suivant  dans  les  principaux  pays 
pendant  les  trois  années  : 

1903  1904  1905 

États-Unis 6-7  d. 

Grande-Bretagne 7-8 

Allemagne 8-9 

"France 11-5  1/2 

Belgique 11-6  3/4 

C'est  la  France  dont  le  prix  de  revient  est  le  plus  élevé,  puis  vient  la  Belgique  ; 
les  États-Unis  détiennent  le  dernier  rang. 


I^a  prodiicttoii  iiioudiale  du  Fer  en  1906.  —  La  production 
mondiale  du  fer  pour  1000  vient  d'être  publiée  ;  elle  accuse  une  augmentation  sen- 
sible sur  celle  des  précédentes  années. 

Ce  mouvement  ne  paraît  pas  devoir  s'arrêter  encore  et  il  paraît  intéressant  de 
constater  les  progrès  accomplis  dans  la  consommation  de  cette  matière  depuis  1870. 

Voici  d'ailleurs  la  marche  de  la  production  depuis  36  ans,  établie  par  période 
quinquennale  : 

Production 
Années.  (en   tonnes). 

1870 12.000.000 

1875 13.700.000 

1880 18.000.090 

1885 19.000.000 

1890 27.000.000 

1895 29.000.000 

1900 40.400.000 

1 906 59 . 000 . 000 


5-10  3/4 

5-  08 

7-  2  1/2 

6-11  1/2 

8-  8  1/4 

8-  9  1/2 

.0-10  1/2 

— 

0-8 

— 

—  204  - 

Le  chiftre  de  la  production  en  1905  est  exactement  de  58.975.000  tonnes  se  répar- 
tissant  comme  suit  : 

Production 
Pays.  (en    tonnes). 

États-Unis 25.500.000 

Allemagne 12.490.000 

Angleterre 10.450.000 

France 3.227.000 

Belgique 1 .  340 .  000 

Canada 628 .000 

Autres  pays 5.340.000 


Total 58.975.000 


liC  Cuivre  eu  1906  et  IdOÎ.  —  Dans  leur  rapport  sur  l'année  1906, 
MM.  James  Lévis  et  fils  signalent  la  hausse  continue  et  sans  précédent  survenue 
dans  les  prix  du  cuivre  à  la  suite  des  immenses  besoins  de  la  consommation 
provenant  de  l'usage  de  plus  en  plus  répandu  de  l'électricité  comme  lumière  et 
comme  force  motrice. 

Par  contre,  la  production  a  diminué  au  Chili  et  aux  Etats-Unis  par  manque  de 
main-d'œuvre 

De  ces  faits,  les  prix  du  cuivre  ont  augmenté  de  32  "/o-  Le  cours  a  monté  pendant 
le  courant  de  Tannée  de  liv.  st.  'i'ô  10  sh.  à  liv.  st.  105  5  sh.  Et  si  on  prend  les 
prix  extrêmes  pratiqués  en  1006,  on  trouve  un  écart  de  liv.  st.  35  10  sh.  par  tonne, 
le  cours  le  plus  bas  ayant  été  en  Janvier  de  liv.  st.  74  et  le  plus  haut  en  Décembre 
de  liv.  st.  109  10  sh. 

La  grande  hausse  ne  commença  qu'en  Août  et  continua  d'une  façon  persistante, 
encouragée  d'abord  par  les  tremblements  de  terre  au  Chili  qui  faisaient  craindre 
d'être  privé  de  la  production  importante  de  ce  pays,  puis  par  les  achats  considé- 
rables faits  par  les  Etats-Unis  où  régnait  une  activité  industrielle  beaucoup  plus 
grande  que  les  années  précédentes.  Le  cuivre  devint  rare. 

La  production  du  cuivre  aux  États-Unis  a  été  supérieure  de  5  3/4  %  à  celle  de 
l'année  précédente  —  celle  de  tous  les  autres  pays  a  augmenté  également  ;  le 
Japon,  20.514  tonnes  ;  l'Australie,  8.082  tonnes  ;  l'Espagne,  6.830  tonnes  ;  le 
Mexique,  1.000  tonnes.  Le  Chili,  le  Cap  et  le  Pérou  ont  produit  un  peu  moins.. 

L'ensemble  de  la  production  est  estimée  par  MM.  Lévis  à  730.000  tonnes  contre 
708  000  en  1905  —  et  540.000  en  1901. 

Les  États-Unis  ont  consommé  65.308  tonnes  contre  61.409  en  1905  ;  l'Angle- 
terre, 19.900  tonnes,  soit  un  tiers  de  plus  qu'en  1905  ;  la  France,  7.709  tonnes, 
soit  16  7„  de  plus  qu'en  1905  ;  l'Allemagne,  28.232  tonnes,  soit  21  %  de  plus 
qu'en  1905. 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT  ,  LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


Lille  Imp.LDanel. 


—  205  — 


PROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GENERALES. 


Assemblée   g;énérale    du    Jeudi    tt    Avril    1907. 


Présidence  de  M.  Ernest  NICOLLE,  Président. 


La  séance  est  ouverte  à  huit  heures  et  demie. 

Prennent  place  au  Bureau  MM.  le  Docteur  Vermersch,  Henri  Beaufort,  Fiévet. 
Godin. 

Se  font  excuser  MM.  Boulenger,  Auguste  Crepy,  Cantineau,  Général  Lebon, 
Pajot. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée,  du  3  Janvier  1907,  n'est  l'objet 
d'aucune  observation  des  membres  présents. 

Adhésions  nouvelles.  —  37  Membres  ont  été  admis  dans  les  séances  du  Comité 
depuis  la  dernière  Assemblée.  La  liste  en  figure  à  la  suite  du  présent  procès- 
verbal. 

Bureau  de  la  Société.  —  Le  Comité  d'Études,  dans  sa  Séance  du  18  Janvier,  a  élu 
le  Bureau  pour  la  présente  année.  11  est  ainsi  composé  : 

MM.  Ernest  NicoLLE Président. 

Auguste  Crepy )    xr-      t^  •  -j     x 

r,  °        ,.  Vice-Presidents. 

Docteur  Vermersch \ 

Albert  Merchier Secrétaire-Général. 

Jules  Dupont Secrétaire-Général-Adjoint. 

E.  Vaillant Secrétaire  du  Comité. 

Henri  Beaufort Trésorier. 

Auguste  ScHOTSMANS Trésorier-Adjoint. 

Georges  Houbron Bibliothécaire. 

E.  Cantineau Archiviste. 

MM.  E.  Boulenger  et  G.  Lefebvre,  Présidents  des  sections  de  Roubaix  et  de 
Tourcoing,  sont  de  droit  Vice-Présidents  de  la  Société. 

Le  Président,  en  son  nom  personnel  comme  au  nom  de  ses  collègues  du  Bureau, 
anciens  et  nouveaux,  assure  l'Assemblée  de  tout  son  dévouement  à  la  bonne 
marche  de  la  Société. 

14 


—  206  — 

Nécrologie.  —  La  Société  a  à  déplorer  la  perte  des  Membres  suivants  : 

MM.  Paul  Groin. 

Narcisse  Deren. 
Fernand  Durand. 
Alexandre  Harlée. 
Hié-Delemer. 
Victor  Jansens. 
Fernand  Jean. 
Emile  Laine. 
Lecointe  des  Iles. 
Alexis  Mouquet. 

Le  Président  exprime  la  part  sympathique  que  lui-même  et  la  Société  prennent 
à  la  douleur  des  familles  de  ces  regrettés  collègues. 

Distinctions  honorifiques.  —  Le  Président  signale  les  nominations  suivantes  : 

MM.  le  Général  Ghamoin,  Commandeur  de  la  Légion  d'Honneur. 
le  Recteur  Georges  Lyon,  Officier  »  » 

le  Docteur  Gombemale,  Chevalier  »  » 

Gousin-Devos,  »  »  » 

Paul  Garpentier,  Officier  de  l'Instruction  Publique. 
le  Général  Lebon,       »  »  » 

Bonvalot,  Officier  d'Académie. 
Lepot,  »  » 

Il  dit  également  qu'une  Médaille  a  été  décernée  par  la  Société  des  Sciences  à 
M.  Gantineau,  Archiviste,  pour  ses  recherches  et  ses  découvertes  archéologiques 
sur  le  mont  et  la  ville  de  Gassel. 

Il  se  fait  l'interprète  de  tous  ses  collègues  pour  rendre  l'hommage  qui  est  dû  à 
ces  Membres  distingués. 

Conférences.  —  Les  suivantes  ont  eu  lieu  : 

Dimanche  6  Janvier.  —  M.  Haumant  :  Coins  de  Morvan  et  de  Bourgogne. 

Jeudi  10  Janvier.  —  M.  Gossez  :  De  Rouen  à  la  Mer.  —  L'âme  du  paysage. 

Dimanche  13  Janvier.  —  M.  Boland  :  Au  Pays  de  Mireille. 

Jeudi  17  Janvier.  —  M.  Lecarpentier  :  Le  grand  Duché  de  Luxembourg. 

Jeudi  24  Janvier.  —  M.  Synnestvedt  :  L'Avenir  du  Spitzberg. 

Dimanche  27  Janvier.  —  M.  Blanchard  :  La  Flandre. 

Dimanche  3  Février.  —  M.  le  R.  P.  Trilles  :  Comment  on  civilise  un  anthro- 
pophage. 

Jeudi  7  Février.  —  M.  Henry  :  La  Crise  serbe. 

Dimanche  10  Février.  —  M.  Lorin  :  La  Question  marocaine  après  Algésiras; 

Jeudi  14  Février.  —  M.  l'Abbé  Taquet  :  Quatre  cents  Jours  en  Palestine. 

Dimanche  24  Février.  —  M.  l'Abbé  David  :  Le  Caucase. 

Jeudi  28  Février.  —  M.  Richard  :  La  Mer  Rouge  et  les  principales  routes  mari- 
times vers  l'Extrême-Orient. 


—  207  — 

Dimanche  3  Mars.  —  M.  Réginald  Kann  :  Les  Philippines  et  Formose. 

Jeudi  7  Mars.  —  M.  de  Pouvourville  :  La  Race  néo-latine  et  l'Algérie  en  1907 . 

Samedi  9  Mars.  —  M.  le  Marquis  de  Beaufront  :  L'Espéranto. 

Dimanche  10  Mars.  —  M.  le  Docteur  Joubin,  sous  la  présidence  de  S.  A.  S.  le 
Prince  Albert  P^  de  Monaco  :  L'Industrie  ostréicole  en  France. 

Mercredi  13  Mars.  —  M.  Sauvage  :  Le  Ski^et  le  récent  Concours  international 
de  Briançon. 

Mercredi  13  Mars.  —  M.  Gaënot  :  Autour  du  Mont  Blanc. 

Jeudi  14  Mars.  —  M.  Lennel  :  Calais. 

Dimanche  17  Mars.  —  M.  GoUin  :  Un  Voyage  au  travers  des  Vosges  lorraines, 
alsaciennes  et  comtoises. 

Jeudi  21  Mars.  —  M.  Tignol  :  A  travers  la  Chine. 

Dimanche  24  Mars.  —  M.  Louis  Jaray  :  Impressions  d'un  Voyage  d'études  en 
Autriche- Hongrie. 

Excursions.  —  Deux  de  celles  du  programme  de  cette  année  n"ont  pu  avoir 
lieu  :  la  Visite  de  l'École  des  Arts-et-Méiiers,  remise  à  plus  tard  sur  la  demande 
de  M.  Corre,  par  suite  d'une  circonstance  sanitaire  qui  disparaîtra  bientôt  si  les 
souhaits  de  la  Société  sont  exaucés;  le  Voyage  à  la  Côte  d'Azur  et  en  Italie  qui  n'a 
pas  rencontré  le  nombre  voulu  d'adhérents. 

La  Visite  à  l'Usine  d'Automobiles  Peugeot  a  été  accomplie  à  sa  date,  le  Lundi 
26  Mars,  par  49  personnes,  sous  la  direction  de  MM.  Xavier  Renouard  et  Bonvalot 

Dimanche  prochain,  14  Avril,  va  partir  un  groupe  de  20  personnes  pour  Vienne, 
le  cours  du  Bas-Danube,  Constantinople,  Brousse  tt  la  Grèce,  sous  la  direction 
entendue  et  dévouée  de  MM.  Henri  Benufort  et  le  D"^  A.  Vermersch.  Le  Président 
accompagnera  de  ses  vœux  cette  importante  lîxpédition,  certain  d'avance  de  son 
succès  vu  l'expérience  de  ses  organisateur:^;. 

Congrès  Colonial  français.  —  Aura  lieu  à  Paris  du  10  au  16  Juin.  Les  rensei- 
gnements sont  à  la  disposition  des  Sociétaires  au  Secrétariat. 

28^  Congrès  National  des  Sociétés  françaises  de  Géograpliie.  —  Le  Président 
rappelle  que  cette  réunion  aura  lieu  du  28  Juillet  au  3  Août  à  Bordeaux  et  invite 
ses  collègues  à  prendre  connaissance  des  documents  déposés  au  Secrétariat  à  ce 
sujet. 

Médaille  du  Congrès  de  Dunkerque.  —  Ce  magnifique  souvenir  du  Congrès  de 
l'an  dernier  est  parvenu  à  la  Société.  Il  figure  dans  sa  Bibliothèque,  document 
précieux  destiné  à  rappeler  les  charmes  de  ce  Congrès. 

La  même  réunion  a  donné  lieu  à  un  compte  rendu  très  détaillé  par  M.  Guénot, 
Secrétaire-Général  de  la  Société  de  Géographie  de  Toulouse,  dépeignant  la  région 
du  Nord  sous  des  couleurs  favorables  ;  le  Comité  d'Études  a  envoyé  à  la  Société 
de  Toulouse  l'ouvrage  sur  la  Flandre  de  M.  R.  Blanchard  et  a  reçu  ses  remercie- 
ments exprimés  par  une  aimable  lettre  de  M.  Guénot. 

74^  Congrès  Archéologique  de  France  à  Avallon  (Yonne).  —  Cette  réunion,  à 


—  208  — 

laquelle  la  Société  sera  représentée  par  M.  Eeckman,  aura  lieu  cette  année  du  11 
au  19  Juin.  Nos  collègues  trouveront  an  Secrétariat,  les  conditions  de  la  partici- 
pation dont  le  Président  les  engage  à  profiter.  La  Société  a  reçu  le  compte  rendu 
du  Congrès  de  1906,  dont  la  lecture  serait  un  encouragement  à  participer  à  celui 
de  1907. 

Communication  sur  une  Excursion  en  Dauphiné  et  en  Savoie,  par  notre  col- 
lègue M.  Lesens,  ancien  magistrat.  —  Cette  lecture,  abrégée,  de  la  spirituelle 
relation  qui  paraîtra  dans  un  prochain  Bulletin,  est  très  goûtée  de  l'assistance,  ce 
que  constate  le  Président  en  quelques  mots  de  remerciement  adressés  à 
M.  Lesens. 

Démission  du  Général  Avon  du  Cotnité  d'Etudes.  —  Le  Général  ayant  quitté 
Lille  pour  habiter  Paris  nous  a  adressé  sa  démission  de  Membre  du  Comité 
d'Études,  pour  lequel  son  départ  est  une  perte  sous  tous  rapports,  comme  le  Pré- 
sident le  lui  a  exprimé. 

Élection.  —  En  remplacement,  l'Assemblée  élit  M.  le  Commandant  Delaunoy. 
Le  Président  se  félicite  de  voir  le  Commandant  destiné  à  faire  jouir  à  son  tour  la 
Société  de  ses  sages  avis  et  de  son  aptitude  géographique. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


MEMBRES  NOUVEAUX  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE 
DU  3  JANVIER    1907. 


N"  d'ins-  MM. 

criptiOD. 

4837.  Petitprez,  dessinateur  en  tissus,  20,  rue  Neuve. 

Présentés  par  MM.  Convain  et  Georges  Danel. 

4838.  FouRNiER  (Achille),  rue  de  la  Carnoye,  Lambersart. 

Ad.  Lefèvre  et  /.  Debiève. 

4839.  HocQUE  (Firmin),  ingénieur,  35,  rue  Stappaert. 

Henri  Beaufort  et  Prosper  Ravet. 

4840.  DE  Sainte-Claire,  capitaine  au  16*  chasseurs,  37,  rue  de  Turenne. 

Capitaine  Bigot  et  Lieutenant  Belestraint. 

4841.  Gadenne  (Paul),  4,  square  Morisson. 

P.  Bufour  et  Eugène  Bernard. 

4842.  JoNCQUEZ,  négociant,  1  bis,  rue  «ie  Valmy. 

P.  Bufuur  et  Eugène  Bernard 


-.  209  - 

is-d'iiis-         MM. 
criplmii. 

48i3.     Feldma.nn  (Général),  hôtel  militaire,  place  aux  Bleuts. 

Général  Lebon  et  Général  Robert. 

4844.  Lestienne  (Alfred),  négociant,  121,  rue  d'Arras. 

Merchier  et  Eycken. 

4845.  Lebru.n  (Meiiej^  i(jo,  rue  du  Faubourg-de-Douai. 

ya)i  den  Heede  et  Grolez. 

4846.  DuKOUK  (Henri),  directeur  d'école,  30,  rue  Durnerin. 

Merchier  et  Lesne. 

4847.  Crevel,  9,  boulevard  Louis  XIV. 

Mdlvaiilt  et  Ad.  Lefebvre. 

4848.  Six  (Jlle.s),  notaire,  41,  rue  Royale. 

B.  Leloir  et  Paul  Pannier. 

4849.  Vand.wime  (Paul),  23,  rue  du  Gros-Gorard. 

Emile  Vandame  et  André  Vandatne. 

4850.  Petit  (Charles;,  propriétaire,  5,  rue  de  Turenne. 

Vaillant  et  Rattel. 

4851.  Petit  (Georges),  propriétaire,  28,  rue  de  Turenne. 

Vaillant  et  Rattel. 

4852.  Lamulin  (Victor),  propriétaire,  à  Marcq-en-Barœul. 

DesrionaKx-Lehembre  et  Thiébaut. 

4853.  Vinu  (Lucien),  16,  rue  Gounod. 

Henri  Beaiifort  et  D^  Vermersch. 

4854.  Gkistin  (Henri),  commerçant,  116,  rue  de  la  Barre. 

Eug.  Vaillant  et  Cantineau. 

4855.  -  Deiîaet  (César),  négociant,  24,  rue  des  Chats-Bossus. 

Eug.  Vaillant  et  Goudaert. 

4856.  BouLENGEH  (Meiie  L.),  98,  rue  de  Lille,  St-André. 

Macaigne  et  Lallemeyit. 

4857.  Du.MouLiN,  calandreur,  11,  rue  du  Gard. 

Paul  Facq  et  Georges  Houbron. 

4858.  AcssiNE,  directeur  de  Técole  Ozanam,  rue  St-Gabriel. 

De  St-Martin  et  Bauvin. 

4859.  Caruw  (Edouard),  98,  rue  Manuel. 

Crevel  et  Malvault. 

4860.  MouQUET  (Charles),  28,  boulevard  Vauban. 

Suulisse  et  Goubet, 

4861 .  ScKiVE  (Gustave),  assurances,  22,  rue  de  FArc. 

Auguste  Cre/nj  et  écrive  (Gustave)  père. 

4862.  LechieN  (Alfred),  imprimeur,  97,  rue  des  Stations. 

Walher  et  le  D^  Vermersch, 

4863.  Lo.MBARD,  chef  des  Ateliers  do  l'Ecole  des  Arts-et-Métiers,  boul.  Louis  XIV. 

Delannoy  et  Jules  Cocard. 

4864.  JouKET  (Gustave),  industriel,  à  Forest  par  Hem. 

Albert  Mullier  et  Maurice  Thieffry. 

4865.  Flelry.nck  (Achille),  pharmacien,  116,  rue  de  Villars,  Denain. 

G.  Lesens  et  Henri  Beaufort. 

4866.  Bazin  (Joseph),  ingénieur,  14,  rue  Alphonse-Mercier. 

Allantaz  et  Bebrauwère. 

4867.  Keith  (Jones),  17,  boulevard  Victor-Hugo. 

Paul  Six  et  François  Bonvalot. 


—  210  — 

Nosd'ins-  MM. 

cription. 

4868.  BiLLOiRE  (Paul),  vins  et  spiritueux,  rue  de  Cambrai. 

De  Myttenaere  et  Guelton. 

4869.  Bonté  (Albert),  employé,  H,  rue  du  Trichon,  Roubaix, 

Clèves  et  H.  Desrousseanx. 

4870.  Leborgne  (Victor),  fabricant,  rue  de  Lille,  à  Lannoy. 

Henri  Beaufort  et  F.  Leborgne. 

4871.  Legrand  (Fernand),  propriétaire.  Consul  de  Serbie,  59,  rue  de  la  Barre. 

D'  Vermersch  et  Henri  Beaufort. 

4872.  Desreum.\ux-Godin,  négociant,  40,  quai  de  la  Basse-Deûle. 

Ernest  NicoUe  et  Godin. 

4873.  Bourdon,  directeur  des  Travaux  municipaux,  25,   rue  Virginie-Ghesquière. 

Delannoy  et  J.  Cocard. 


LIVRES    ET    CARTES 
REÇUS  OU  ACHETÉS  DEPUIS  L'ASSEMBLEE  GÉNÉRALE  DU  3  JANVIER   1907. 


J.      —      ]^  I  Y  RES. 


1»    DONS. 


Huit  années  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  —  1899-1906.  — 

Don  de  M""®  Decroix-Guvelier. 
Asie-Mineure   et   Syrie,   par   Eug.    Gallois.    Guilmoto,    Paris,    1907.  —    Don   de 

l'Auteur. 
Souvenirs  de  Norvège,  par  Jules  Ronjat.  Allier  frères,  Grenoble  1906.  —  Don  de 

M.  Ernest  Nicolle. 
La  plus  belle  Maison  de  Vienne,  par  Jules  Ronjat.  Ogeret,  Vienne,  1906.  —  Don 

de  l'Auteur. 
La  Banquise  et  la  Côte  Nord-Est  du  Groenland,  par  le  Commandant  de  Gerlache. 

Don  de  l'Auteur. 
La    Vérité    sur  le    Congo.    Lebègue,    Bruxelles,   1907.  —  Don  de  la  Chambre  de 

Commerce  belge  de  Lille. 
Annuaire  statistique  1905  publié  par  le  Ministère  du  Travail.  Paris,  Imprimerie 

Nationale,  1906.  —  Don  du  Ministère  du  Travail. 
La  Région  du  Guir-Zousfana,  par  le  Lieutenant  Poirmeur.  Paris,  1906.   —  Don  du 

Comité  du  Maroc. 


—  211  — 

Les  Conditions  d'existence  à  Tanger.  Paris,  1906.  —  Don  du  Comité  du  Maroc. 

Notes  sur  Mogador,  par  M.  Pobeguin.  Paris,  1905.  —  Don  du  même. 

Mission  Buchet.  Rapport  sommaire.  Paris,  1905.  —  Don  du  même. 

Les   Associations   agricoles   au    Maroc,   par   Vaffier-PoUet,    Paris   1906.  —  Don 
du  même. 

Oujda.  —  Rapport  du  Capitaine  Mougin.  Paris,  1906.  —  Don  du  même. 

Dictionnaire  manuel  illustré  de  Géographie,  par  Albert  Demangeon.  Paris,  Armand 

Colin,  1907.  —  Don  de  l'Éditeur. 
Expédition  antarctique  française  (1ÎX)3-1905)  commandée  par  le  D'  Jean  Charcot. 

6   volumes.    Paris,    Masson    et    C'e .    —    Don    du  Ministère    de  l'Instruction 

Publique. 
Célébration  du  200pme  Anniversaire  de  la  naissance  de  Benjamin  Franklin,  publiée 

par  l'American  Philosophical  Society.  Philadelphie,   1906.  —  Don  de  la  dite 

Société. 
La  Montagne.   Revue  mensuelle  du  Club  Alpin  français.  Année  1906.  —  Don  de 

M.  Ernest  Nicolle. 


S»  ACHATS. 

» 

Le  Français  au  Pôle  Sud,  par  J.-B.  Charcot.  Paris,  Flammarion. 
Trois  Mois  au  Kouang-Si.  Paris,  Delagrave. 


J.    —    Cartes. 


DON. 


Mazagan.  Plan  levé  en  1905  par  la  Mission  hydrographique  du  Maroc.  —  Don  du 

Comité  du  Maroc. 
Mazagan-Azemour.  Plan  levé  en  1905  par  la  Mission  hydrographique  du  Maroc.  — 

Don  dudit  Comité. 
Carte  du  Mogador.  Plan  levé  en  1905  par  la  Mission  hydrographique  du  Maroc.  — 

Don  du  Comité  du  Maroc. 
Rio   Pilcomayo   exploracion    1905-1906.  M apas,   Buenos-Aires,    1906.  —  Don  de 

M.  Gunardo  Lange,  ingénieur. 


—  212  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L 

Séance  du  9  Décembre  1906. 


UNE  EXCURSION  EN  KABYLIE 

Par  M.  l'Abbé  Louis  LEGRAND, 

Licencié  ès-Lettres. 


COMPTE   RENDU   ANALYTIQUE 


Malgré  les  multiples  attractions  offertes  ce  jour-là  au  public  lillois, 
un  nombreux  auditoire  se  pressait  dans  notre  salle  des  séances,  où 
M.  l'Abbé  Legrand  devait  parler  de  la  Kabylie.  Quoi  qu'en  ait  dit  le 
conférencier  vraiment  trop  modeste,  on  ne  pouvait  traiter  mieux  que 
lui  ce  sujet  intéressant.  Il  fut  en  effet  exposé  avec  un  réel  talent  et 
avec  tant  de  clarté  que  tous  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  l'entendre 
ont  cru  voyager  avec  lui  et  ont  joint  au  charme  de  l'excursion  le 
profit  d'une  étude  approfondie  sur  l'une  de  nos  possessions  africaines. 


Grâce  à  la  moderne  facilité  des  communications,  le  monde  arabe 
n'est  plus  fermé  pour  nous,  et  la  Kabylie  qui  jusqu'à  nos  jours  avait 
défié  toute  invasion  étrangère,  ouvre  aujourd'hui  ses  forêts  et  ses 
montagnes  aux  pacifiques  conquérants  que  lui  envoie  chaque  jour  la 
civilisation  européenne. 


-  213  - 

Toutefois  cette  excursion,  toute  classique  qu'elle  paraisse,  ne  fait 
pas  nécessairement  partie  d'un  voyage  en  Algérie.  C'est  plutôt  en 
hiver  que  l'on  visite  noire  colonie  africaine  et  ce  n'est  pas  un  pays 
d'hivernage  que  la  Kahylie.  11  faut,  pour  escalader  ses  cimes,  attendre 
que  le  soleil  ait  fait  fondre  les  neiges  qui  les  recouvrent  ;  il  faut  aussi 
devancer  l'époque  où  ses  rayons  trop  ardents  feraient  fondre  à  leur 
tour  ceux  qui  ne  sont  pas  familiarisés  avec  ces  températures  excessives. 

Par  sa  conformation  géographique, par  l'originalité  de  ses  habitants, 
par  ses  mœurs,  ses  coutumes,  son  histoire,  la  Kabylie  est,  sans  contre- 
dit, la  partie  la  plus  caractéristique  de  l'Algérie.  Des  paysages  aussi 
grandioses  que  ceux  des  Pyrénées  et  des  Alpes,  des  tableaux  pleins  de 
fraîcheur  et  de  poésie  primitive,  des  populations  étranges  qui,  par  leur 
langue,  leur  costume,  leur  façon  de  vivre,  nous  transportent  dans  un 
monde  préhistorique  et  nous  donnent  le  spectacle  d'une  humanité 
différente  de  la  nôtre  ;  voilà  les  sensations  neuves  ot  fortes  qui  se 
succèdent  dans  l'âme  du  voyageur. 


La  Petite  Kabylie.  —  La  petite  Kabylie  ou  Kabylie  des  Babors, 
comprend  toute  la  région  montagneuse  qui  borde  la  Méditerranée 
entre  Constantine,  Sétif  et  Bougie.  Elle  a  pour  limites,  à  l'Ouest,  la 
voie  ferrée  qui  va  de  Bougie  à  Beni-Mansour,  à  l'Est,  la  vallée  de 
l'Oued-el-Kébir.  Son  massif  principal  est  la  chaîne  des  Babors  dont 
les  sommets  atteignent  2.00.0  mètres.  De  magnifiques  forêts,  caracté- 
risées par  le  chêne-liège,  le  cèdre  et  le  sapin  de  Numidie,  en  revêtent 
les  hautes  pentes  et  les  contreforts  en  gradins  qui  s'en  détachent  vers 
la  mer.  On  y  trouve  de  belles  exploitations  forestières.  Les  villes 
les  plus  importantes  sont  :  Bougie,  Sétif  et  Djidjelli,  et  c'est  entre  ces 
trois  points  que  se  trouvent  les  plus  beaux  sites  de  la  région,  particu- 
lièrement les  gorges  du  Chabet-el-Akra. 

La  petite  Kabylie  fut  un  des  derniers  remparts  de  la  domination 
arabe.  Sa  soumission  fut  enfin  assurée  par  la  campagne  de  St- Arnaud, 
en  1851  et  celle  du  maréchal  Randon  en  1853.  Encore  fallut-il  recom- 
mencer la  conquête  en  1871. 

Sétif  qs\>\q  point  de  départ  de  l'excursion  du  Chabet.  C'est  une  ville 
fort  peu  intéressante  et  de  formation  toute  française,  malgré  sa  vieille 
origine.  Quelques  vestiges  de  la  domination  romaine  ou  byzantine, 
quelques  belles  promenades,  des  casernes,  des  marchés  très  animés. 


-  214  - 


el  c'est  tout.  Sans  les  plantes  exotiques  qui  ornent  les  jardins, 
sans  les  Arabes  et  les  Kabyles  qui  circulent  dans  les  rues,  le  voyageur 
pourrait  se  demander  s'il  a  traversé  la  Méditerranée. 


Cliché  de  M.  H.  Ponchain. 


(iORGES    DU    CHABET.    DILIGENCE. 


Ce  qui  n"a  pas  perdu  son  parfum  d'antiquité,  c'est  la  diligence  qui 
va  de  Sélif  à  Bougie,  dans  laquelle  s'entassent  pêle-mêle,  choses, 
bêtes  et  gens 

Il  y  a  m  kilomètres  de  Sétif  à  Bougie  et  cette  distance  se  par- 
court en  12  heures. La  première  partie  de  la  roule  est.  peu  intéressante; 
elle  serpente  indéfiniment  entre  des  rampes  dénudées  et  monotoqes 
que  dominent  les  sommets  neigeux  du  Babor  et  du  Tababor".  Onreu- 
contre  bientôt  ÏOued  A(jriouii  qu'on  suitjusqu'à  Kerrata,  petit  yiUage 
situé  au  pied  des  hautes  montagnes  qui  forment  l'entrée  des  gorges. 

Là  commence  cet  immense  défilé  qui,  sur  une  longueurdesept 
kilomètres,  serpente,  entre  deux  énormes  rochers  à  pic,  si  rapprochés 
l'un  de  l'autre  que  parfois  ils  laissent  à  peine  au  torrent  un  étroit 
passage,  si  élevés  aussi  qu'il  faut  se  renverser  en  arrière  pour  con- 
templer le  ciel.  Ce  site  sauvage  rappelle  l'entrée  du  désert  de  la 
Grande  Chartreuse,  mais  l'éclatante  lumière  qui  l'éclairé  lui  donne  un 
caractère  tout  africain.  A  peiue  a-t-on   fait  quelques  pas  qu'on  est 


•^15  - 


frappé  d'admiration,  écrasé  par  la  grandeur  du  spectacle.  A  droite  et 
à  gauche  d'immenses  murailles  de  rochers  dressent  leurs  parois 
abruptes  à  une  hauteur  de  1.500  à  1.800  mèlres.  Leur  couleur  sombre 
ajoute  encore  à  la  splendide  horreur  du  paysage.  Aussi,  est-ce  avec 
raison  que  les  Arabes  ont  donné  à  ce  passage  le  nom  de  Chabet  el 
Alira  *'les  gorges  de  l'angoisse".  Au-dessus  du  ravin,  au  fond  duquel 
le  torrent  bondit  en  rugissant,  la  route  a  été  creusée  en  corniche  ou 
même  en  tunnel  dans  les  escarpements  de  la  montagne.  Des  pigeons 
nichent  dans  les  anfractuosités  des  rochers  et  des  singes  y  font  de  la 


Cliché  (le  M.  H.  Pouchain. 


LE    IiRA-R.\L.\OfI. 


gymnastique  aérienne  tandis  que  des  vautours  planent  au-dessus  de 
l'abîme.  Pendant  le  long  parcours  des  gorges  l'intérêt  ne  cesse  aucun 


216  — 


instant.  Ici  se  dresse  un  énorme  rocher,  le  Dra  Kalaoui  ou  "pain  de 
sucre",  plus  loin  c'est  un  pont  courbé  de  sept  arches  hardiment  jeté  à 
une  grande  hauteur  d'un  côté  du  défilé  à  l'autre  et  d'où  le  coup 
d'œil  est  merveilleux.  Au  fur  et  à  mesure  que  l'on  approche  de  la  sortie 
le  site  devient  moins  sauvage  et  les  arbres  sont  plus  nombreux.  La 
rivière  s'est  élargie  et  serpente  au  milieu  des  bosquets  d'oliviers,  de 
lentisques  et  de  lauriers  roses.  Les  montagnes  ont  des  lignes  plus  har- 
monieuses et  des  contours  plus  élégants. 

La  route  continue  à  sui- 
vre l'Oued  Agrioun  dans 
un  décor  dont  le  charme  se 
renouvelle  à  chaque  ins- 
tant. A  partir  de  Souk  et 
Tnin  elle  se  bifurque  et  suit 
la  côte  de  part  et  d'autre. 
D'un  côté  elle  se  prolonge 
en  corniche  ou  en  tunnel 
dans  la  direction  de  Dji- 
djelli,  surplombant  l'Océan 
à  une  hauteur  parfois  ver- 
tigineuse. C'est  à  quelque 
distance  de  là  que  se  trouve 
la  merveilleuse  grotte  de 
Dar-el-Oiied.  De  l'autre 
côté  du  golfe,  la  route  se 
dirige  vers  le  cap  Aokas, 
éperon  abrupt  qui  se  dresse 
à  24  kilomètres  en  face  de 
Bougie  et  d'où  l'on  jouit 
d'une  vue  splendide.  De  là 
on  contourne  le  rivage  à 
travers  une  plaine  plantée 
de  vignobles. 

Bougie  ou  Bedjaïa, l'antique  Saldœ  des  Romains  est  une  ville  déchue 
en  train  de  renaître.  Adossée  aux  flancs  du  Djebel  Gouraya,  elle  est 
protégée  contre  les  vents  de  l'Ouest  et  du  Nord  par  un  rempart  de 
700  mètres,  ce  qui  lui  permet  d'offrir  une  anse  absolument  sûre  aux 
vaisseaux  marchands  d'Europe  ;  de  là  son  importance  commerciale 
dans  l'antiquité.  Elle  compte  aujourd'hui  environ  15.000  habitants. 


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GHOTTE    DE    DAK-ELOUED. 


L'ancienne  ville  a  laissé  peu  de  souvenirs.  Ce  qui  fait  le  charme  de 
cette  ville  c'est  sa  position,  c'est  le  panorama  unique  qu'elle  olï're  aux 
yeux  du  vovapreur.  Bâtie  en  amphithéâtre  sur  les  pentes  du  Gouraya, 
elle  a  pour  cadre  un  nid  de  verdure  tandis  qu'à  ses  pieds  s'étale  un 
golfe  d'une  poésie  incomparable. 

Les  environs  de  Bougie  abondent  en  promenades  intéressantes 
parmi  lesquelles  se  recommande  en  premier  lieu  l'ascension  du 
Gouraya  (660  m.);  la  baie  de  Sidi-Yahia  avec  les  magnifiques  jardins 
qui  la  surplombent,  le  cap  Bouak,  la  vallée  des  singes  et  surtout  le 
cap  Carbon  offrent  également  au  voyageur  de  jolies  excursions.  Le 
cap  Carbon  constitue  l'extrémité  N.-E.  du  Gouraya  ;  c'est  une  sorte  de 
dôme  aux  pans  abrupts  et  dénudés  de  220  m.  d'élévation,  couronné 
d'un  sémaphore  et  d'un  phare  de  premier  ordre. 


Grande  Kabylie.  — La  grande  Kabylie  ou  Kabylie  du  Djurjura  est 
certainement  la  région  la  plus  remarquable  de  l'Algérie.  Elle  se 
distingue  do  la  petite  par  un  massif  montagneux  plus  élevé,  un  sol 
plus  tourmenté  et  en  même  temps  plus  cultivé  et  par  des  populations 
plus  originales  et  plus  denses.  C'est  un  vaste  amphithéâtre  tourné  vers 
la  mer  entre  VOued  Sahel  à  l'est  et  l'Oued  Isser  à  YOuest.  Le  Djurjura 
est  la  partie  centrale  de  la  gigantesque  barrière  qui  la  limite  au  sud. 
Entre  elle  et  la  mer  se  trouve  le  véritable  massif  kabyle.  11  est  formé 
de  plusieurs  contreforts  détachés  de  la  chaîne  principale,  séparés  par 
de  profonds  ravins  et  composés  de  plusieurs  mamelons  coniques.  Sur 
chacun  de  ceux-ci  un  village  est  posé  comme  un  nid  d'aigle  sur  un 
rocher.  Au  nord  de  ce  massif  se  trouve  la  plaine  du  Sèbaou  relative- 
ment étroite  et  séparée  elle-même  de  la  mer  par  une  chaîne  dont  les 
crêtes  ondulent  entre  900  et  1.200  mètres.  Sous  cet  aspect  varié  la 
Kabylie  offre  au  voyageur  un  triple  intérêt  :  dans  la  zone  escarpée  du 
Djurjura,  dont  les  plus  hautes  cimes  dépassent  2.000  mètres,  les  ama- 
teurs d'alpinisme  peuvent  donner  satisfaction  à  leurs  goûts  ;  dans  le 
massif  kabyle,  on  jouit  de  panoramas  pittoresques  au  possible  et  on 
observe  en  outre  des  populations  fort  originales  et,  dans  la  partie 
orientale  de  la  région  côtière,  on  parcourt  des  sites  forestiers  d'un 
charme  incomparable. 

Deux  routes  bien  carrossables  partant  de  Tizi-Ouzou  traversent 
l'une  le  massif  Kabyle  et  l'autre  la  plaine  pour  aboutir  à  Bougie.  Des 


-  218  - 

voitures  confortables  permetteat  de  foire  assez  facilement  la  majeure 
partie  de  l'excursion. 

Pour  se  rendre  de  Bougie  à  Fort-National,  on  peut  prendre  d'abord 
le  train  jusqu'à  El-Ksew,  joli  village  algérien  dominant  la  fertile 
vallée  de  la  Soummam.  Le  reste  de  la  route  se  fait  en  voiture. 

La  roule  commence  à  monter,  en  serpentant  les  premières  pentes 
du  massif  Kabyle,  d'où  la  vue  s'étend  sur  le  golfe  de  Bougie  et  le 
massif  imposant  des  Babors. 

Elle  traverse  ensuite  une  région  forestière  la  plus  riche  et  la  plus 
pittoresque  de  toute  l'Algérie.  Ce  sont  les  superbes  boisements  de 
Taourirt-IghU  et  d'Akfadou,  véritables  forêts  vierges.  Les  sangliers 
y  sont  communs  et  on  a  quelque  chance  de  rencontrer  des  panthères. 
Sur  plus  de  50  kil.,  la  forêt  se  continue  ainsi  exubérante  et  gran- 
diose. Partout  de  magnifiques  points  de  vue,  partout  de  hautes  futaies, 
des  collines  accidentées. 

On  arrive  ainsi  au  village  plus  important  à'Azazga,  chef-lieu  du 
haut  Sébaou.  Azazga  est  entièrement  français  et  n'a  rien  d'africain  si 
ce  n'est  le  souvenir  d'un  bandit  fameux:  Ai^eskiben  Bachir,  qui 
pendant  plusieurs  années  fut  la  terreur  du  pays.  Il  ne  fallut  pas  moins 
d'un  corps  expéditionnaire  pour  le  traquera  travers  les  forêts  voisines. 
Il  fut  enfin  saisi  et  exécuté  sur  la  place  d' Azazga. 

La  route  qui  va  d'Azazga  à  Fort-National  descend  d'abord  la  vallée 
du  Sébaou  qu'elle  traverse.  Lorsque  l'on  a  passé  de  la  rive  droite  à  la 
rive  gauche,  il  faut,  durant  plusieurs  heures,  remonter  les  pentes  des 
mamelons  successifs  qui  montent  à  l'assaut  de  Fort-National.  Rien  de 
bien  saillant  dans  ce  long  trajet,  à  part  la  rencontre  de  nombreux 
enfants  en  haillons  des  *'  moutchatchou  "  sales,  déguenillés,  qui 
poursuivent  votre  voiture  en  criant  :  «  Sourdi,  Missieu,  sourdi,  douar 
sourdi  »,  ou  :  «  Jette  un  sou,  macach  papa,  macach  maman,  tous 
morts,  jette  un  sou».  A  les  en  croire,  il  n'y  aurait  que  des  orphelins 
dans  le  pays. 

Plus  on  monte,  plus  s'étend  le  panorama.  D'un  côté  la  vallée  du 
Sébaou  se  prolonge  à  perte  de  vue,  de  l'autre  se  découvre  le  massif 
Kabyle  avec  ses  innombrables  coteaux  couronnés  de  villages  et 
couverts  de  riantes  cultures  ou  d'épaisses  forêts. 

Fort-National  est  le  chef-lieu  d'une  commune  de  9.000  âmes  dont 
380  européens.  Ce  n'est  qu'une  forteresse  bâtie  à  920  m.  de  hauteur. 
Une  citadelle  avec  enceinte  particulière  a  été  établie  au  point  culmi- 
nant ;  c'est  le  ''  réduit"  situé  à  974  m.  et  qui  domine  tous  les  environs. 


—  219  - 


Chaque  village  à  portée  du  canon  a  été  repéré,  de  sorte  que  l'arlillerie 
pourrait  détruire  en  quelques  heures  les  maisons  de  60.000  kabyles. 
D'ailleurs  pour  éviter  toute  surprise  une  compagnie  d'infanterie  y  est 
toujours  consignée. 

Fort-National  est  donc  une  place  d'une  importance  capitale  au  point 
de  vue  stratégique. 

Gomme  le  disent  les  indigènes,  c'est  «  une  épine  dans  l'œil  de  la 
Kabyhe  ».  Cette  forteresse  a  été  construite  sur  le  territoire  de  la 
puissante  tribu  de  Aït-Iraten  qui  avait  été  l'âme  de  la  résistance,  entre 
les  Aït-Fraouen  et  les  Beni-Yenni  :  ces  diverses  tribus  appartiennent  à 
la  grande  famille  dos  Zouaoua,  dont  nous  avons  tiré  le  nom  de 
zouaves. 

Durant  la  formidable  insurrection  de  4871  les  Kabyles  coalisés 
essayèrent  de  s'en  emparer.   La  petite   garnison  composée  de   700 


MARCHE   DE    FORT-NATIONAL. 


hommes  soutint,   durant   deux  mois  un  siège  héroïque  contre  des 
multitudes  d'indigènes  ;  elle  fut  sauvée  par  l'arrivée  de  nos  troupes. 
Fort-National  est  véritablement  «  l'œil  de jla  Kabylie»,  car  c'est  le 


—  220  - 

plus  bel  observatoire  qui  existe  pour  embrasser  du  regard  toute  la 
région.  Le  panorama  dont  on  jouit  de  la  citadelle  est  merveilleux. 

Fort-National  est  le  meilleur  centre  d'excursions  de  la  Kabylie.  Une 
des  plus  intéressantes  est  celle  qui  va  de  Fort-National  à  Michelet  puis 
au  col  de  Tirourda,  avec  retour  par  les  villages  des  Beni-Yenni  et  de 
Taourirt-Amokran.  Elle  est  superbe  la  route  de  Michelet,  tant  par  le 
travail  d'Hercule  qu'elle  exigea  que  par  les  points  de  vue  qu'elle  offre 
au  voyageur,  et  cette  œuvre  gigantesque,  qui  mesure  20  kil.,  fut 
accomplie  en  15  jours. 

En  sortant  de  Fort-National  parla  porte  orientale  on  trouve  un  vaste 
terrain  ombragé  de  magnifiques  chênes  verts  :  c'est  l'emplacement  du 
marché  qui  s'y  tient  tous  les  mercredis,  comme  l'indique  le  nom  pri- 
mitif de  la  ville  :  Souk-el-Arba.  De  Fort-National  à  Michelet  la  route 
bordée  de  précipices  court  en  corniche,  tantôt  sur  le  flanc  nord,  tantôt 
sur  le  flanc  sud  d'une  étroite  arête,  d'où  l'on  domine  d'un  côté  la  vallée 
du  Sébaou,  de  l'autre  le  massif  Kabyle.  A  mi-chemin  se  trouve  la  crête 
d'Icheriden  où  furent  livrés  en  1857  et  en  1871  les  deux  combats 
décisifs  qui  assurèrent  la  soumission  de  la  Kabylie. 

Michelet,  chef-lieu  de  la  commune  mixte  du  Djurjura,  est  une  petite 
ville  entièrement  française.  Construite  à  1080  mètres  de  hauteur,  elle 
offre  un  panorama  qui  peut  rivaliser  avec  celui  de  Fort-National.  Au 
delà  d'un  espace  peuplé  et  cultivé,  se  dressent,  formant  le  plus  singulier 
contraste,les  pics  déserts  et  incultes  du  Djurjura. Toute  la  chaîne  déve- 
loppe un  mur  de  rochers  presque  verticaux  sur  40  kilomètres  de 
longueur.  Son  altitude  moyenne  dépasse  2.000  mètres.  Les  plus  hauts 
sommets  sont  les  pics  d'Haidser  et  de  l'Akouker,  et  surtout  le 
Lella-Khedidja  qui  mesure  plus  de  2.300  mètres. 

De  Michelet,  la  grand'route  se  poursuit  jusqu'au  col  de  Tirourda 
et  permet  au  touriste  d'escalader  sans  fatigue  les  plus  hautes  cimes  de 
l'Atlas.  L'ascension  se  fait  plus  commodément  cependant  à  dos  de 
mulet. 

Le  col  de  Tirourda,  haut  de  1.700  mètres,  est  le  point  culminant  de 
la  route  et  il  forme  en  même  temps  l'extrémité  orientale  du  Djurjura 
proprement  dit.  Au-dessus  du  col  se  dressent  les  deux  pitons  escarpés 
de  \ Azeroun-Tirourda,  à  1.962  mètres  et  de  \ Azeroun-Tohor  à 
1884  mètres. On  peut  en  faire  l'ascension  et  on  y  jouit  d'un  merveilleux 
panorama.  Celui  que  l'on  aperçoit  du  col  même  de  Tirourda  n'est  pas 
beaucoup  moins  étendu,  à  la  condition  que  la  vue  n'en  soit  pas 
masquée  par  les  brouillards  fréquents  dans  ces  régions.  L'Algérie  tout 


—  221  — 

entière  se  découvre  de  ces  hauteurs  :  on  dirait  un  plan  en  relief  déve- 
loppé sous  les  yeux  du  voyageur. 

Au  delà  du  col  la  route  descend  rapidement  les  pentes  du  versant 
méridional  pour  aboutir  à  Tazmalt  et  Maillot,  dans  la  vallée  de  l'Oued 
Sahel. 

Si  intéressante  que  puisse  être  cette  roule,  il  est  préférable  cepen- 
dant de  revenir  sur  ses  pas  jusque  Michelet  et  de  regagner  Fort- 
National  par  les  villages   kabyles  des  Beni-Yenni,   ce  qui   permet 


TAOURIRT-AMOKRAN,   VILLAGE    KABYLE. 


d'étudier  de  près  les  populations  indigènes.  Cette  tribu  des  Beni-Yenni 
compte  environ  7.000  habitants,  répartis  entre  plusieurs  villages  dont 
les  trois  principaux  sont  Aït-el-Hassen,  AU  Mïmoion  avec  son  école 
française,  et  Aït-el-Arbat  qui  possède  également  une  école  dirigée 
par  les  Pères  Blancs.  Les  Beni-Yenni  sont  fort  industrieux.  A  côté  des 
professions,  difficilement  compatibles  avec  Tordre  public,  do  receleurs 
et  de  faux-monnayeurs,  ils  exercent  avec  succès  celles  d'armuriers  et 
d'orfèvres.  Ce  sont  les  produits  de  leur  art  qui  se  vendent  à  Alger, 
sous  le  nom  d'objets  kabyles. 

15 


—  222  — 


Des  Beni-Yenni  à  Forl-Nalional,  le  chemin  descend  et  remonte  une 
série  de  penles  et  de  talus,  tra- 
verse rOucd  au  fond  d'une 
gorge  étroite  et  à  3  kilomètres 
(le  Fort -National  atteint  le  vil- 
lage de  Taoui'irl  A?nokran,  un 
des  plus  curieux  de  la  Kabylie. 
C'est  là  que  se  fabriquent  les  po- 
teries originales  dont  les  femmes 
se  serveiit  pour  aller  à  la  fon- 
taine ;  ce  sont  des  amphores  gros- 
sières, mais  de  forme  gracieuse, 
ornées  île  dessins  noirs  et  rouges. 
La  route  qui  relie  Fort-Natio- 
nal à  Tizi-Ouzou  ne  manque  pas 
de  pittoresque.  Tizi-Ouzou,  chef- 
lieu  d'arrondissement  de  27.000 
habitants  et  centre  de  commerce 
important,  est  une  ville  parfai- 
tement insignifiante. 

Ce  récit  terminé,  M.  l'Abbé  Le- 
grand  compléta  sa  conférence 
par  une  1res  consdencieuse  étude  ethnographique  du  peuple  kabyle. 
Successivement  il  passa  en  revue  les  différents  types  qui  composent  la 
race,  montra  son  esprit  d'indépendance,  analysa  ses  institutions,  ses 
mœurs,  ses  vertus  et  ses  vices,  ses  industries  et  ses  ressources. 


FEMME    KABYLK    A    LA    FONTAINE. 


II. 

Séance  du  Dimanche  16  Décembre  1906. 


LE     F  A  R  -  W  E  S  T 

Par  M.  D.  ZOLLA , 

Professeur  à  l'École  libre  des  Sciences  Politiques. 

COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 

M.  D.  Zolla  est  de  ceux  qu'on  aime  toujours  à  entendre.  Son  succès 
parmi  nous  a   été  l(  ut  aussi  vif  que  les  années  précédentes  et  les 


—  223  — 

applaudissements  nourris  de  son  nombreux  auditoire  l'ont  saffisam- 
ment  démontré. 


M.  D.  Zolla  avait  pris  cette  fois  pour  sujet  le  Far  West  Américain. 
Qu'entend-on  au  juste  par  cette  expression  ?  Far  West  veut  dire  en 
anglais  l'ouest  éloigné,  l'ouest  lointain.  Se  trouve-t-il  à  500,  1.000  ou 
3.000  kilomètres  des  côtes  de  l'OcéaD  atlantique,  car  il  y  a  6.000  kilo- 
mètres aux  Etats-Unis  entre  les  doux  océans?  La  question  est  en  réalité 
difficile  à  résoudre.  Ce  Far  West  en  effet  se  déplace  tous  les  jours  et 
chemine  en  quelque  sorte  vers  l'ouest.  Ce  qui  était  le  Far  West  il  y  a 
dix  ans,  est  maintenant  en  pleine  civilisation.  Toutes  les  industries  y 
prospèrent  et  l'on  rencontre  le  confort  moderne,  voir  même  un  théâtre, 
là  où  l'on  ne  trouvait  autrefois  que  déserts,  peaux  rouges  et  bisons. 

Le  Far  West  se  trouve  actuellement  vers  le  milieu  des  Etals-Unis  à 
2.500  kilomètres  de  la  côte  de  l'Océan  atlantique.  Il  pourra  encore  se 
déplacer  vers  l'ouest  où  dans  son  voisinage  immédiat  se  trouvent  encore 
des  territoires  incultes  et  déserts. 

Il" n'est  point  aussi  difficile  de  se  rendre  au  Far  West  qu'on  pourrait 
le  croire.  Bien  avant  sa  colonisation,  les  américains,  toujours  pratiques, 
avaient  établi  des  moyens  de  communication.  La  région  du  Far  West 
est  en  réalité  couverte  d'un  important  réseau  de  chemins  de  fer.  Que 
l'on  jette  les  yeux  sur  cette  partie  du  territoire  des  Etats-Unis  et  l'on 
s'en  rendra  immédiatement  compte.  Le  Far  West  actuel  correspond 
aux  Etats  suivants  :  les  deux  Dakolas,  le  Nébraska  et  la  partie  occiden- 
tale du  Minnesota.  Nous  y  trouvons  comme  grand  centre  la  ville  de 
Saint-Paul  et  comme  débouchés  les  villes  de  Duluth  et  de  Chicago. 
La  suite  des  lacs  américains,  Supérieur,  Michigan,  Huron,  Erié  et 
Ontario,  reliés  par  des  canaux  à  l'Hudson,  constituent  en  effet  un 
autre  moyen  de  communication  facile  et  économique  entre  le  Far  West 
et  New- York  (1).  Peut-on  rêver  pour  les  produits  de  cette  région  plus 
grandes  facilités  de  transport  que  n'en  offre  cet  admirable  réseau  de 
chemins  de  fer  et  de  voies  fluviales  ? 

Ainsi  a  été  rendue  possible  la  colonisation  de  vastes  solitudes  plus 


(1)  Du  Far-West  à  Liverpool  et  au  Havre  ptir  cette  voie  le  coût  du  transport  est 
de  1  fr.  50  à  1  fr.  80  par  quintal  métrique. 


—  224  — 

grandes  que  la  France. Chemins  de  fer  et  populations  ont  toujours  eu  aux 
Etats-Unis  un  accroissement  rapide  et  proportionnel.  On  y  compte 
actuellementlSl. 000  kilomètres  de  voies  ferrées,  alors  que  par  exemple 
il  n'y  en  avait  encore  que  30.000  en  1860. 

Que  peut-on  songer  à  faire  au  Far  West  ?  Pour  le  moment  deux 
choses  seulement  :  produire  des  gi-ams  et  élever  du  bétail.  Aussi  n'y 
compte-t-on  que  des  villes  de  grains  et  des  villes  de  viande.  Ces 
deux  produits  sont  vendus  aux  Etats-Unis  ou  exportés  dans  le  monde 
entier. 


UNE   RUE   DANS   UN   VILLAGE   PU   FAR-WEST. 


Quel  peut  être  l'aspect  de  ces  campiignes  ?  C'est  ce  que  M.  D.  Zolla 
a  voulu  voir  par  lui-même.  Il  y  a  perdu  même,  avoue-t-il,  quelques- 
unes  de  ses  illusions.  Que  n'a-t-on  pas  dit  du  Far  West  américain  ?  Il 
y  a  de  ces  choses  qu'il  faut  mettre  décidément  au  rang  des  légendes. 
On  a  parlé  de  terres  vierges  produisant  sans  effort,  sans  le  moindre 
labour,  sans  impôts,  des  quantités  prodigieuses  de  grains  à  encombrer 
tous  les  marchés  du  monde.  On  a  parlé  de  procédés  de  culture,  perfec- 
tionnés et  mis  e;i  pratique  sur  des  milliers  et  des  milliers  d  hectares 
appartenant  à  uii  même  propriétaire.  11  semblerait,  à  ces  récits,  qu'une 
fée  bienfaisante  ait  j  assé  par  là  et  n'ait  eu  qu'à  toucher  de  sa  baguette 
le  sol  américain.  La  réalité  est  tout  autre.  Sans  doite  il  y  a  de  ces 
spéculateurs  qui  se  sont  taillé  de  superbes  domaines  et  emploient 
réellement  tous  les  perfectionnements  mécaniques  modernes,  mais  ils 


—  225  — 

sont  l'infime  exception.  Les  colons  pour  la  plupart  sont  arrivés  sans 
aucune  ressource  aux  Etats-Unis.  C'étaient  de  pauvres  diables  de 
Russie,  de  Hongrie,  d'Autriche,  d'Italie,  dénués  de  tout.  Ils  cultivent 
maintenant  50,  60,  100  hectares  au  plus.  Ce  sont  des  cultures  médio- 
cres dont  les  résultats  sont  plus  médiocres  encore.  L'énorme  production 
du  Far  West  ne  s'explique  que  par  la  superficie  considérable  de 
terrains  cultivés  et  par  le  peu  de  difficultés  que  cette  colonisation  a 
rencontrées. 

Le  Far  West  est  une  plaine  immense,  uniformément  plate  sans 
aucun  monticule.  On  peut  la  parcourir  pendant  des  journées  entières 
en  voiture  huggy  sans  rencontrer  la  moindre  colline.  C'est  une 
sorte  de  cuvette  remplie  de  terre  végétale,  une  sorte  d'ancien 
lac  desséché.  Ce  sol  d'alluvion  n'est  pas  comme  on  l'a  dit,  d'une 
fertilité  inépuisable,  mais  peut  du  moins  donner  sans  effort  quelques 
bonnes  récoltes  et  quelques  médiocres  ensuite.  Une  herbe  abondante 
y  pousse  spontanément  et  le  colon  est  certain  d'en  tirer  dès  la  première 
année  le  peu  de  blé  et  de  fourrages  dont  il  a  besoin  pour  sa  propre 
exploitation. 

Les  colons  reçoivent  des  terres,  pour  une  somme  insignifiante. 
Presque  tous  cultivent  comme  dans  notre  pays  et  emploient  la  charrue 
et  autres  instruments  aratoires  en  usage  dans  nos  petites  fermes  ;  en 


MODESTES   FERMES   DES   COLONS  DU   FAR-WEST. 


un  mot  aucune  de  ces   ingénieuses  machines  agricoles.    Quant  au 
résultat,  quinze  hectolitres  à  l'hectare  !  Ce  serait  médiocre  ici  et  même 


—  220  — 

détestable.  Nos  cultivateurs  du  Nord  jugeraient  désastreuses  de 
pareilles  récolte?.  Co  résultat  maigre  en  soi,  multiplié  par  le  nombre 
considérable  d'hectares  cultivés,  arrive  cependant  à  produire  un 
ensemble  formidable  et  de  nature  à  troubler  nos  marchés  européens. 
La  concurrence  des  blés  américains  a  été  la  cause  de  maintes  crises 
agricoles. 

La  terre  du  Far-Wesl  n'a  donc  pas  cette  fertilité  étonnante  si  vantée. 
Sans  doute,  en  quelques  endroits  privilégiés,  un  sol  plus  fécond,  tra- 
vaillé par  des  gens  plus  habiles,  peut  donner  d'excellents  résultats, 
mais  en  général  il  est  certain  que  la  récolte  par  unité  de  surface  est 
des  plus  médiocres. 

Néanmoins,  grâce  aux  facilités  oiîertcs  aux  colons,  au  peu  de  frais 
et  d'efforts  qu'ils  ont  à  faire,  ils  peuvent  même  avec  ces  maigres 
résultats  arriver  à  gagner  quelque  argent. 

Ces  colons  sont  des  gens  très  humbles.  Leur  maison  n'a  rien  de 
luxueux,  les  granges  et  hangars  sont  presque  misérables.  Aux 
lettres  et  fragments  d'inscriptions  visibles  sur  les  planches  des  enclos 
ou  cloisons,  on  reconnaît  qu'ils  ont  eu  recours  à  de  vieilles  caisses 
pour  les  établir. 

Leurs  mœurs  sont  simples  et  leur  vie  est  des  plus  rudes.  Ils  ont 
beaucoup  à  soulFrir,  surtout  par  les  grands  froids  qui  régnent  pendant 
plusieurs  mois. 


1 

■lUiiMin        ».,~-           --JL.        ^^^ 

K 

''**                        "^VWi^^ll  I^^^^^ESBW^'^' 

E  L  E  V  A  T  O  R. 


Voilà  ce  que  sont  individuellement  ces  terribles  concurrents.  Chez 


■     -  227  — 

eux  rien  ne  respire  la  richesse,  rien  ne  décèle  des  moyens  d'action 
bien  puissants.  Leur  nombre  seul  fait  leur  force. 

Leurs  récoltes  sont  achetées  sur  place  par  des  courtiers  qui  dirigent 
les  grains  vers  les  élévators,  magasins  placés  à  proximité  d'une  route, 
d'un  chemin  de  fer  et  surtout  d'un  des  lacs  mentionnés  plus  haut. 
Pareils  magasins  renferment  chacun  jusqu'à  25.000  hectolitres.  De  ces 
élévators  aux  bateaux,  les  grains  s'écoulent  par  des  sortes  de  cani- 
veaux. En  deux  heures  de  temps  le  chargement  d'un  bateau  est 
effectué  et  un  autre  lui  succède. 

Voilà  la  vérité  à  côté  de  la  légende  et  de  la  poésie. 

Reste  à  savoir  comment  ces  gens,  dénués  de  tout  à  leur  arrivée, 
peuvent  parvenir  à  se  procurer  le  nécessaire.  C'est  là  le  point  intéres- 
sant. Quand  ils  arrivent,  ils  trouvent  des  prolecteurs  admirables  et,  il 
faut  le  dire,  intéressés.  Des  agents,  représentants  de  gros  capitalistes, 
font  une  sélection,  prennent  chacun  dix,  vingt, trente  de  ces  nouveaux 
arrivants  et  leur  donnent  tout  ce  dont  ils  ont  besoin  :  maison, chevaux, 
outils,  grains  à  ensemencer  et  de  l'argent  permettant  d'attendre  la 
première  récolte.Gràce  à  la  collaboration  de  ces  hommes  qui  cherchent 
à  prêter  à  gros  profit,  des  milliers  et  des  milliers  de  fermes  ont  pu 
s'élever.  C'est  l'union  du  capital  et  du  travail  qui  est  cause  de  ce  déve- 


E  L  E  V  A  T  0  R. 


loppemenl  prodigieux.  Les  colons  pour  les  raisons  que  nous  avons  dit 
plus  haut  et  n'ayant  que  des  goûts  modestes  à  satisfaire,  arrivent  faci- 


-  228  —    ■ 

lemenl  à  rembourser  les  sommes  empruntées  et  parviennent  presque 
tous  à  une  certaine  aisance. 

Nous  possédons  nous  aussi  des  territoires  immenses  en  Asie  et  en 
Afrique,  mais  nous  ne  pouvons  y  envoyer  des  Français.  Ce  serait 
plutôt  criminel,  car  ils  succomberaient  nécessairement  aux  fatigues, 
insolations,  fièvres,  etc.,  auxquelles  on  s'expose  dans  ces  climats 
meurtriers.  Pourquoi  n'aiderions-nous  pas  les  indigènes  de  nos 
capitaux,  à  l'exemple  des  Américains  ?  Ils  sont  parfois  si  surabondants 
chez  nous.  Au  lieu  de  les  prêter  à  des  insolvables,  nous  pourrions 
ainsi  faire  vivre  nos  colonies  pour  notre  honneur  et  à  notre  plus  grand 
profit.  Voilà  la  grande  leçon  de  choses  que  nous  donne  l'Amérique.  A 
nous  de  la  mettre  à  profit. 

L'élevage  est  la  seconde  source  de  richesse  du  Far-West.  Dans  ses 
vastes  solitudes  où  la  sécurité  (1)  est,  il  faut  le  dire,  absolue,  paissent 
de  nombreux  troupeaux  sous  la  garde  des  Cow-boy s. Les  moutons  sont 
vifs  et  pétulants.  Les  bœufs  sont  plutôt  maigres  et  ne  peuvent  rivaliser 


UN    EMHAKGADERE    POUR    LE   BETAIL. 


avec  les  nôtres.  Encore  ici  c'est  le  grand  nombre  qui  joue  un  rôle 
important. 


(1)  II  n'y  a  rien  à  craindre  de  la  part  des  Peaux-Rouges,  Sioux  ou  Gros- Ventres. 
On  ne  trouve  guère  plus  d'Apaches  qu'à  Paris. 


-  229  - 

Ouand  est  venu  le  moment  de  les  sacrifier,  on  les  conduit  dans  un 
enclos  situé  à  proximité  d'une  ligne  de  chemin  de  fer.  Il  y  en  a  en 
pleine  campagne  de  distance  en  distance.  Un  train  viendra  s'y  arrêter 
et  le  bétail  ira  s'y  entasser  par  une  rampe  aménagée  à  cet  effet  dans 
l'enclos  même.  Toute  l'installalion  estrudimentaire,  c'est  le  provisoire 
qui  ne  dure  pas  comme  en  France.  Une  ville  peut  surgir  tout-à-coup 
en  cette  même  place  si  les  circonstances  sont  favorables,  si  surtout  une 
mine  vient  à  être  exploitée  dans  le  voisinage.  Des  mangeoires  sont 
aménagées  dans  ces  trains  de  bestiaux  qui  comportent  quelquefois  une 
soixantaine  de  wagons.  Ils  sont  dirigés  vers  Chicago,  par  exemple. 

Là,  le  bétail  est  parqué  sur  une  vaste  étendue  de  terrain,  divisée  en 
compartiments  nombreux  par  des  cloisons  Stock  yards.  Les  victimes 
sont  ensuite  poussées  une  à  une  dans  le  couloir  fatal.  Chacune  d'elles 
se  présente  à  son  tour  devant  un  premier  ouvrier  fort  et  robuste  qui 
lui  assène  un  terrible  coup  de  massue.  L'animal,  frappé  à  mort  ou 
étourdi  tout  au  moins,  est  alors  saisi  par  les  pieds  de  derrière  et  fixé 
rapidement  à  une  chaîne  sans  fin  qui  l'amène  devant  un  deuxième 
ouvrier  qui  l'égorgé,  un  troisième  qui  l'éventre,  un  quatrième  qui  le 
dépouille  de  sa  peau,  etc,  etc.  En  dix-huit  minutes  exactement  l'animal 
est  entièrement  dépecé  et  ses  différentes  parties  sont  rangées  et 
classées  par  catégorie.  Tout  se  passe  avec  la  plus  grande  propreté 
possible,  rien  qui  puisse  donner  lieu  aux  appréhensions  manifestées 
tout  récemment.  C'est  évidemment  peu  agréable  à  voir  et  à  sentir  ! 

Dans  un  seul  de  ces  établissements,  on  sacrifie  en  une  journée  4.000 
bœufs,  18.000  moutons  et  20.000  porcs.  Cette  rapidité  vertigineuse  est 
due  à  la  division  du  travail.  Des  wagons  frigorifiques  emportent  des 
quartiers  de  viande  dans  toute  l'Amérique.  On  en  exporte,  aussi  en 
Europe,  le  reste  est  expédié  partout  sous  forme  de  conserves. 


Les  Américains  du  Far-West,  comme  tous  leurs  compatriotes  du 
reste,  font  preuve  d'une  activité  physique  extraordinaire.  Ils  veulent 
toujours  agir,  brasser  des  affaires.  Dans  les  rues  ils  courent  plutôt 
qu'ils  ne  marchent,  comme  s'ils  allaient  prendre  possession  d'un 
héritage.  Ces  hommes  enfiévrés,  aux  mœurs  un  peu  rudes,  se  montrent 
parfois  d'une  sensibilité  extrême.  Ils  ont  eu  l'idée  d'installer  de  place 
en  place  des  vasques  remplies  d'une  eau   claire  et  limpide  où  les 


-  230  - 

chevaux  altérés  peuvent  trouver  quelque  réconfort  en  méditant  sur  la 
bonté  des  Américains. 


UNE    ATTENTION   TOUCHANTE. 


Les  Sociétés  protectrices  des  animaux  qui  n'ont  pu  encore  empêcher 
chez  nous  les  courses  de  taureaux  n'existent  cependant  pas  chez  eux. 

Les  Américains  ne  s'adonnent  jamais  à  la  rêverie  et  à  la  noncha- 
lance ;  même  vieux,  ils  veulent  marcher,  agir  jusqu'au  dernier  souffle. 
Ils  n'ont  aucun  respect  pour  l'oisiveté.  Chez  nous  quand  on  dit  d'un 
jeune  liomme  qu'il  ne  fait  rien,  on  peut  presque  lire  sur  la  physionomie 
des  auditeurs  l'admiration  qu'ils  éprouvent  pour  le  jeune  fortuné.  Au 
contraire  l'Américain  penserait  immédiatement  que  c'est  un  incapable, 
tout  simplement  parce  qu'il  ne  sait  rien  laire. 

Par  contre,  ils  estiment  quelquefois  beaucoup  trop  ceux  qui  sont 
favorisés  d'un  heureux  coup  du  sort.  Par  suite  des  nombreux  exemples 
de  l'instabilité  des  fortunes  aux  Etats-Unis,  on  y  respecte  toujours  son 
semblable  même  le  plus  pauvre,  car  qui  sait  s'il  ne  sera  pas  million- 
naire demain.  Quoiqu'il  en  soit,  on  en  revient  enchanté  et  vraiment 
saisi  d'admiration  pour  cette  activité  infatigable  sous  toutes  les  formes 
du  travail. 


-  281  — 

III. 

Séance  du  Jeudi  20  Décembre  1906. 


LE      VERDON 

Par  M.  Octave  JUSTICE, 
Publiciste. 


COMPTE    RENDU    ANALYTIQUE 


C'est  la  troisième  conférence  qu'il  nous  était  donné  d'entendre  de 
M.  Octave  Justice.  Son  succès  parmi  nous  est  toujours  aussi  vif,  car 
il  excelle  vraiment,  (ant  par  ses  clichés  admirablement  choisis  que  par 
son  talent  particulier,  à  nous  décrire  les  beautés  de  la  terre  de  France. 
Cette  fois,  il  nous  a  entretenus  du  département  des  Basses-Alpes,  trop 
peu  recherché  par  les  touristes,  trop  peu  connu  encore  et  dont  il 
semble  presque  qu'on  pourrait  dire  qu'il  vient  à  peine  d'être  révélé. 

D'une  superficie  de  698.418  hectares,  cette  partie  de  la  haute  Pro- 
vence, frontière  de  l'Italie,  est  essentiellement  montagneuse  ;  pays 
d'aspect  sauvage  et  pauvre  et  l'un  des  moins  peuplés  de  France,  con- 
trastant ainsi  singulièrement  avec  celte  région  du  Nord,  si  dense  de 
population  et  si  puissamment  active,  à  l'opposite  de  laquelle  il  se 
trouve  par  sa  latitude.  C'est  que,  fait  remarquer  le  conférencier,  la 
dépopulation  est  la  conséquence  fatale  de  la  médiocrité  agricole  et  du 
manque  d'Industrie.  Ce  n'est  pas  que  les  Basses-Alpes  soient  dénuées 
de  ressources  naturelles  :  mais  l'insuffisance  des  moyens  de  transport 
et  des  voies  de  communication  a,  jusqu'à  présent,  empêché  de  les 
mettre  en  valeur  et  paralysé  les  exploitations  agricoles,  les  tenta- 
tives d'élevage  ;  le  déboisement  a  contribué  à  appauvrir  le  sol  ;  les 
ressources  pittoresques  et  touristiques  commencent  d'hier  tout  au  plus 


—  232  — 

à  être  appréciées,  soupçonnées.  Les  Basses -Alpes  sont  restées  mécon- 
nues des  voyageurs,  des  artistes  et  des  mondains  qui  recherchent  les 
impressions  neuves  et  suggestives  :  nulle  part  ailleurs  cependant  ils  ne 
les  trouveraient  aussi  nombreuses  et  aussi  captivantes  ! 

Ce  département  confine,  à  l'Est,  aux  grandes  Alpes  depuis  la  tête  de 
Toillies  jusqu'au  massif  de  l'Enchastraye.  Là  se  trouvent  le  col  du 
Lautaret  et  le  col  de  l'Argentière,  par  où  passa  François  1"  en  1515, 
avant  la  bataille  de  Marignan. 

De  la  tête  de  Toillies  part  la  chaîne  du  Parpaillon  qui  sépare  la 
Durance  de  son  affluent  l'Ubaye. 


LE   MASSIF   DU   PELAT. 


Cliché  de  M.  MicheL 
VUE   PRISE   DU   CHEMIN   DU   LAC  d'ALLOS   (1). 


Du  massif  de  l'Enchastraye  se  détache  une  autre  chaîne  qui,  au  pic 
des  Trois  Evêchés,  se  bifurque  en  deux  rameaux  :  les  monts  de  la 


(1)  Les  remarquables  projections  qu'on  a  admirées  au  cours  de  la  conférence  dé 
M.  Justice,  ainsi  que  les  clichés  qui  illustrent  ce  compte  rendu,  sont  dûs  en 
majeure  partie  à  la  maîtrise  photographique  de  M.  Michel,  Professeur  au  Collège 
d'Apt,  et  à  l'obligeance  de  M.  Frotabas,  le  dévoué  Président  du  Syndicat  d'initia- 
tive de  Beauvezer  et  du  Verdon,  auxquels  le  conférencier  tient  à  rendre  hommage 
et  à  adresser  publiquement  ses  remercîments. 


-  233  — 

Blanche  entre  l'Ubaye  et  la  Bléone  et  les  monts  du  Cheval  Blanc  entre 
la  Bléone  et  le  Verdon. 

Ainsi  sont  bien  délimités  les  trois  principaux  affluents  de  gauche  de 
la  Durance. 

Du  pic  des  Trois  Évêchés  au  massif  de  l'Enchastraye,  on  voit  s'ériger 
le  Pelât  (3.053  m.),  le  Grand  Cheval  de  Bois  (2.844  m.)  et  le  col  de  la 
Foux  ou  d'AUos  (2.250  m.).  —  On  peut  dire  en  général  que  les  cimes, 
de  ce  système  orographique  culminent  entre  2.000  et  2.600  mètres  et 
atteignent  souvent  3.000  dans  le  voisinage  des  grandes  Alpes. 

Citons  notamment  comme  crêtes  dominatrices,  d'abord,  au-dessus 
des  grands  glaciers  de  Marinot.  V Aiguille-de-Chambey)'on  (3.400m.); 
le  Brec-de-Chambey7'on  (3.388  m.)  ;  le  Grand-Rubrcn  (3.541  m.)  ;  le 
Brec-de- l'Homme;  le  Pelvat;  Roche- Blanche;  la  Tête-de-Malacosta; 
les  Dents-de-la- Louve  ;  la  Tête-de-la-Frema  ;  la  Tête-de-Moïse  ;  la 
Tête-de-Lautaret,  etc.  ;  le  col  de  Longet,  le  col  de  Laidarei  ou  de 
Chabrière,  le  col  de  Ma)-y,  le  col  de  Larche  ou  de  Lar(/entière, 
échelonnés  du  Nord  au  Sud  entre  la  France  et  l'Italie  ;  Font-Sancte 
(3.370  m.):  le  Panesi  rel  {3.2b3  m.);  la  Mortice,  la  Farnareita,  le 
Grand-B&rard,  le  Grand-Lomba)'d,  la  Sonaille  entre  Durance  et 
Ubaye  ;  le  Cheval iei-  (2.889  m.);  Ventebrun,  les  Terres-Pleines,  le 
Chapeau-du-Gendarme,  le  Pain-de-Sucre  entre  l'Ubaye  et  le  Bache- 
lard; puis  disséminés  entre  les  bassins  de  l'Ubaye,  du  Verdon,  de  la 
Bléone,  de  la  Blanche,  de  l'Asse,  du  Var,  outre  le  Pclat,  déjà  cité,  le 
Cimet,  la  Siolaiie,  le  Puy-de-la-Sèche,  Roche-Close,  Cheval-Blanc, 
le  G)'and-Coyer,  etc. 

Dans  l'arrondissement  de  Forcalquier,  à  droite  de  la  Durance,  le 
relief  est  de  moindre  importance.  Battachés  aux  montagnes  de  la 
Drôme  et  de  Vaucluse,  notamment  au  Ventoux,  le  point  culminant» 
ce  sont  les  mrints  de  Lure  et  de  Luberon.  Le  pic  de  Lure,  au  Nord-Est 
de  Saint-Étienne-les-Orgues,  atteint  1.827  m. 

Dans  cette  tempête  de  ressauts  aux  violences  figées  par  les  siècles,, 
parmi  ces  remous  chaoïiques  abondent  les  gouffres,  les  lacs,  les  gorges 
effroyables  ou  sublimes,  les  sites  pittoresques. 

Ce  pays  d'apparence  ingrate  et  misérable  est  doté  de  véritables 
trésors  naturels,  d'un  écrin  prestigieux.  La  bouille  blanche  y  prodigue 
le  jet  de  son  énergie  ;  on  y  trouve  la  pierre,  des  minerais,  du  charbon, 
de  l'anthracite. 

La  culture  des  truffes  et  des  fruits,  déjà  heureusement  entreprise, 
ainsi  que  l'élevage,  l'agriculture,  l'industrie  du  beurre  et  du  fromage 


—  234  — 

y  donneraient,  avec  l'initiative  des  capitaux,  l'eiiîente,  l'énergie  et  la 
persévérance  de  l'exploitation,  des  résultats  rémunérateurs. 

Mai>  le  pays  a  élé  et,  est  encore  appauvri  par  le  déboisement  tradi- 
tionnel et  systématique.  Rien  n'est  plus  absurde  que  ces  criminelles 
pratiques  de  déforeslation,  communes  hélas!  à  presque  tous  les  pays 
de  montagnes  !  Les  bergers  —  une  grande  partie  de  la  population  est 
essentiellement  pastorale  —  sont  les  grands  coupables.  Ils  incendient 
des  hectares  de  forêt,  ils  commettent  d'incalculables  ravages  pour 
obtenir  quelques  lambeaux  de  plus  de  pâturage  pour  les  troupeaux. 
La  vigilance  et  l'action  de  TAdministration  sont  impuissantes  à  leur 
faire  entendre  raison. 

Le  conférencier  esquisse  le  tableau  pittoresque,  coloré  et  si  peu 
connu,  de  l'exode  annuel  des  troupeaux,  lorsqu'aux  fortes  chaleurs,  ils 
•quittent  la  Camargue,  hommes,  femmes,  enfants,  centaines  et  milliers 
de  moulons,  pour  remonter  la  Durance  et  le  Verdon  et  aller  chercher 
vers  la  région  des  hautes  cimes  les  pacages,  d'où  ils  ne  redescendront 
qu'aux  temps  précurseurs  de  l'automne.  C'est  pour  eux  surtout  qu'on 
déboise  et  que  persiste  la  dévastation  annuelle  si  pernicieuse  au  pays  ! 

Les  arbres  une  fois  sacrifiés  et  le  sol  dénudé,  ce  n'est  pas  seulement 
la  forme  et  la  beauté  des  contrées  qui  ont  disparu  ;  mais,  conséquence 
extrêmement  grave,  un  danger  qui  a  élé  institué.  Rien  n'arrête  plus 
les  eaux  sur  les  flancs  abrupts,  le  long  des  rochers,  aux  pentes  des 
gorges  et  des  vallées.  A  chaque  fonte  des  neiges,  à  chaqiie  orage,  les 
ruissellements  torrentiels  entraînent  le  peu  qui  subsistait  encore  de 
terre  végétale,  rongent  ekcreusent  les  ravines,  arrachent  des  blocs,  les 
précipitent,  les  roulent  dans  les  bas-fonds.  Les  eaux,  dont  rien  n'atténue 
l'impétuosité,  délitent,  minent,  usent,  entament  les  hautes  falaises  et  dé- 
terminent de  véritables  trombes  de  pierres  et  de  gravats,  dont  la  chute 
modifie  sans  cesse  le  thalweg  des  cours  d'eau,  encombre  et  stérilise 
les  vallées,  détruit  les  essais  agricoles  des  plaines.  Une  autre  consé- 
quence fatale  du  déboisement  est  le  développement  de  la  sécheresse 
et  la  disparition  des  sources.  De  là  en  majeure  partie  la  misère  agricole 
de  ces  pays  ;  de  là  l'aspect  d'une  mélancolie  si  triste,  d'une  sauvagerie 
farouche  des  déclivités  dénudées  qui  dominent  presque  tous  les  cours 
d'eau  ;  de  là  leur  régime  torrentueux,  terrible  et  dévastateur.  Le  nom 
de  Rabious,  donné  à  l'un  de  ces  torrents,  est  assez  significatif  : 
L'Asse  !  bien  fol  est  qui  lapasse,  dit  le  proverbe.  Et  le  proverbe  n'a 
que  trop  raison  ! 

Dans  les  Basses-Alpes,   tout  a  un  aspect  imprévu,  tourmenté.  Les 


—  235  — 

touristes  y  pourront  admirer  à  souhait  pics,  ruée  des  eaux,  précipices, 
La  faune  et  la  flore  y  sont  très  intéressantes  ;  l'air,  d'une  pureté  par- 
faite et  d'une  tonicité  vivifiante,  est  salubrc  entre  toutes  les  atmos- 
phères réputées.  Si  toute  la  partie  élevée  de  la  région  tient  de  la  Suisse 
par  le  climat  et  la  végétation,  dans  certaines  parties,  du  côté  de  Quinson 
et  sur  les  coteaux  riants  de  Manosque,  on  jouit  de  la  douceur  des  zones 
méditerranéennes  et  l'on  voit  les  roses  épanouir  leur  profusion  près 
de  l'olivit'r  et  d'arbustes  plus  frileux. 

Rapidement  en  des  descriptions  attachantes,  des  images  d'un  coloris 
vif  et  sincère,  des  souvenirs  attrayants,  le  conférencier  nous  fait  par- 
courir les  parties  les  plus  notables  du  département. 

Siste)^on,  petite  place  de  guerre  sur  la  Durance,  dont  la  citadelle, 
qui  couronne  un  roc  dressé  comme  un  bastion  naturel,  commande  le 
passage  et  ne  fut  pas  sans  inq.iiéter  Napoléon,  au  retour  de  l'île 
d'Elbe.  A  cette  époque,  une  seule  voie  permettait  de  passer  la  Durance, 
le  pont  de  la  Baume.  Des  connivences  facilitèrent  cette  traversée  sca- 
breuse. L'évacuation  voulue  du  fort  ouvrit  à  l'Empereur  le  libre  pas- 
sage. Aujourd'hui  un  viaduc  double  le  pont  de  la  Baume  et  les  trains 
du  chemin  de  fer  y  circulent  pour  les  services  des  lignes  de  Grenoble  à 
Pertuis,  Aix-en-Provence,  Apt,  Salon  et  Avignon. 

Digne,  chef-lieu  du  déparlement,  sur  la  Bléone.  Cette  ville  très 
anciennecomprenddeux  parties,  deux  quartiers  séparés  parle  boulevard 
Gassendi.  A  voir  la  Cathédrale,  la  statue  de  Gassendi,  etc.;  ensuite 
l'Etablissement  thermal,  aux  sources  abondantes,  d'une  vertu  remar- 
quable, mais  dont  l'installation  par  trop  primitive  laisse  à  désirer.  La 
Bléone  a  un  cours  de  75  kilomètres  et  son  régime  est  celui  de  tous  les 
affluents  de  gauche  de  la  Durance.  Son  cours,  impétueux  et  redoutable 
dès  qu'un  orage  l'a  grossi,  suit  une  succession  de  chutes,  d'étrangle- 
ments, de  gorges,  de  ravins  et  d'oasis  de  verdure,  lorsque  les  parois 
de  roc  dilatent  leur  étreinte  et  permettent  aux  eaux  de  s'étendre  plus 
calmes,  de  s'attarder  et  de  colmater  leur  limon. 

Le  Bès,  affluent  de  droite  de  la  Bléone,  descendu  de  la  montagne  de 
la  Blanche,  traverse  à  Verdaches  de  belles  dues,  défilés  profonds 
entre  deux  murailles  de  roches  presque  verticales,  de  300  mètres,  et 
arrose  des  villages  pittoresques  comme  celui  de  Barles. 

De  Digne  à  Riez  par  Mézel,  on  atteint  après  la  traversée  de  l'Asse  le 
plateau  de  Riez  et  Valensole,   analogue  et  symétrique  à  celui  de 


-  236  — 

Canjuer,  dont  il  n'est  sans  doute  que  la  continuation,  coupée  par  le 
Verdon.  Immense  étendue  caillouteuse  battue  aigrement  parle  mistral 
et  par  les  souffles  de  l'Alpe,  il  est  entièrement  cependant  coraplanté 
d'amandiers,  dont  les  récoltes  sont  un  des  produits  appréciables 
du  pays. 

Riez  est  une  agréable  petite  ville.  De  l'ancienne  Cité  gallo-romaine 
il  reste  quatre  belles  colonnes,  le  Panthéon  ou  Rotonde,  la  Chapelle 
Sainte-Maxime,  l'ancienne  Cathédrale  et  l'ancien  Palais  épiscopal. 

En  reprenant  le  cours  de  la  Durance  pour  redescendre  jusqu'à 
Manosque,  de  même  que  non  loin  de  Riez  certains  territoires  exploitent 
avec  succès  les  truffières  artificielles,  on  remarque  notamment  sur  la 
rive  gauche,  aux  Mées  et  à  Oraison,  dans  des  terrains  de  colmatage 
conquis  ingénieusement  et  patiemment  sur  la  rivière,  d'admirables  et 
très  lucratives  cultures  d'arbres  fruitiers.  Manosque,  elle-même,  char- 
mante petite  ville  aux  monuments  et  aux  vestiges  archéologiques  d'un 


Cliché  de  M.  Leroy. 


KONTAINE-L  ETEQUE. 


grand  intérêt,  est  entourée  de  vergers  et  de  jardins  aux  végétations 
opulentes  et  de  magnifiques  plantations  d'oliviers. 


-  237  - 

De  Manosque  on  traverse  la  Diirance  pour  gagner  Quinson  et  le 
Verdon.  A  Quinson,  beau  travail  d'art,  en  souterrain,  pour  la  prise 
d'eau  destinée  à  alimenter  la  ville  d'Aix.  De  ce  bourg,  on  remonte  le 
Verdon  vers  Fonlaine-l'Évêque  et  l'on  pénètre  dans  des  contrées  vrai- 
ment merveilleuses. 

Le  site  de  Fontaine-l'Evêque,  dans  le  Verdon  même,  est  des  plus 
attractifs.  Issue  du  grand  Plan  de  Canjuers,  la  source  —  la  plus  abon- 
dante sans  doute  de  France,  car  aux  plus  basses  eaux  elle  ne  donne 
pas  moins  de  3.500  litres  à  la  seconde  —  jaillit  en  cascade  au  milieu 
de  végétations  vigoureuses. 

De  Fonlaine-l'Evêque,  le  trajet  sous  les  hauts  peupliers,  le  long  d'un 
ruisseau  cristallin,  est  une  promenade  délicieuse,  jusqu'aux  Salles, 
proche  du  château  de  Chanteraine  et  du  village,  perché  en  nid  d'aigle, 
d'Aiguines,  où  l'industrie  est  celle  de  la  fabrication  de  menus  objets 
en  racines  de  buis  ou  de  bruyère. 

Un  peu  en  amont  des  Salles,  un  pont  sur  le  Verdon  permet  d'aller 
visiter  le  bourg  de  Moustiers,  illustré  naguère  par  ses  faïenciers, 
artistes  incomparables  dont  les  chefs-d'œuvre  sont  devenus  à  peu  près 
introuvables  dans  leur  authenticité.  On  peut  en  admirer  quelques 
beaux  spécimens  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  Beauvois,  bâtie 
au  fond  d'une  crevasse  entre  deux  rocs  distants  de  227  mètres,  entre 
la  cime  desquels  est  accrochée  et  tendue,  portant  une  étoile  argentée, 
une  chaîne,  cx-roto  séculaire  d'un  Chevalier  de  Blacas. 

Du  pont  des  Salles  à  Rougon  on  peut  suivre  sur  les  hauteurs  le  cours 
du  Verdon  et  plonger  de  temps  en  temps  un  regard  à  des  profon- 
deurs vertigineuses.  On  marche  en  pleine  splendeur  pittoresque.  C'est 
une  succession  d'étranglements,  de  ressauts,  d'abîmes,  de  cuvettes, 
où  l'eau  se  précipite  avec  furie.  A  partir  de  la  Mescla  (mêlée  des 
eaux)  ou  confluent  de  l'Arluby,  qui  vient  apporter  au  Verdon  ses  eaux 
et  celles  des  sources  de  la  ravissante  vallée  de  Thorenc,  jusqu'au  pont 
de  Carejuan,  au-dessous  de  Rougon,  c'est  l'émoi  solennel  ;  sur  une  lon- 
gueur do  21  kilomètres,  le  grand  caiîon,  de  temps  immémorial  inex- 
ploré et  considéré  comme  inviolable,  faufile  sa  faille  formidable  et 
tragique  entre  des  murailles  de  roc  à  pic,  dépassant  parfois  500  et 
600  mètres.  Parmi  les  rocs  polis  par  le  courant,  les  blocs  énormes  où 
l'écume  se  heurte  et  rebondit  rageusement,  l'eau  glauque,  glaciaire 
se  rue  avec  des  luisances  d'acier,  des  reflets  d'émeraude  et  d'aigue- 
marine.  D'en-haut,  de  la  roule  de  la  Palud,  par  exemple,  le  long  des 
crêtes  qui  suivent  les  sinuosités  du  fantastique  couloir,  c'est  le  ver- 

16 


-  238  - 

tige.  En-bas,  si  l'on  a  osé  se  risquer  à  dévaler  le  précipice,  parmi  les 
anfracluosilés,  en  s'agripant  aux  racines  el  aux  buissons  ou  en  s'aidant 


Cliché  de  M.  Leroy. 
A'CE   PANORAMIQUE    PRISE    DE    LA   ROUTE    DE    LA   PALUD. 


des  crampons  plantés  dans  le  roc  par  les  ramasseurs  de  buis,  c'est 
l'écrasement.  On  reste  haletant,  effaré  ;  avant  de  chercher  à  expliquer 
et  à  comprendre,  on  admire,  on  reste  muet  el  rêveur;  et  l'on  confirme 
la  déclaration  d'E.  Reclus  «  qu'il  n'est  pas  d'exemple  plus  remarquable 
sur  la  terre  d'entaille  par  les  eaux  dans  l'épaisseur  des  roches  ». 

Grâce  à  l'intrépi  lité  et  à  la  science  de  l'éminent  hydrologiste, 
M.  Martel,  le  grand  caîïon  du  Verdon  a  laissé  pénétrer  son  mystère. 
Chargé  en  1905  de  l'étude  géologique  et  hygiénique  de  Fontaine- 
l'Evèque,  dont  on  a  projeté  d'amener  les  eaux  à  Marseille,  il  tint  à 
opérer  la  reconnaissance  de  la  grande  gorge  réputée  impénétrable. 
Déjà  l'Ingénieur  M.  Janet,  son  savant  collaborateur,  avait  tenté  le 
passage  ;  son  canot  Berthon  creva  sur  un  roc  et  les  naufragés  faillirent 
payer  cher  leur  hardiesse.  C'était  en  1893.  Des  Ingénieurs  suisses  avaient 
pareillement  échoué  dans  la  même  tentative.  M.  Evelin  et  quelques 
explorateurs  audacieux  avaient,  il  est  vrai,  réussi  à  parcourir  quelques 
parties  de  la  faille,  mais  sans  dépasser  le  point  dangereux,  le  pas  de 
VEïtibus.  Accompagné  de  M.  Janet,  de  son  aide  habituel  Armand,  de 


-  239  — 

M.  Le  Couppey  de  La  Forest,  de  dix  auxiliaires  des  villages  de  Rou- 
gon  et  de  la  Palud,  avec  le  concours  de  M.  Tessier,  Ingénieur  des 
travaux  de  l'usine  hydro-électrique  du  Galetas,  et  de  son  personnel, 
M.  Martel  parvint,  au  risque  de  la  vie,  à  opérer  la  traversée  entière  du 
caîion  en  trois  jours  et  demi.  Dès  le  premier  rapide,  un  des  trois 
canots  en  toile  fut  mis  hors  de  service  ;  M.  Janet  et  ses  aides  durent 
continuer  la  descente  à  pied,  c'est-à-dire  dans  l'eau  jusqu'au  ventre, 
au  milieu  des  rocs  ;  et  en  cinq  endroits,  le  gouffre  étant  trop  profond, 
le  courant  ou  les  remous  trop  violents,  il  fallut  établir  un  va-et-vient 
des  deux  canots  pour  leur  permettre  d'avancer.  La  première  nuit,  on 
campa  dans  la  cabane  de  l'Escalès  ;  la  seconde,  sous  un  auvent  de 
roches  ;  la  troisième,  après  de  multiples  et  terribles  épreuves  de  cha- 
virement, de  chutes  périlleuses  dans  les  cascatelles,  de  portages  terri- 
fiants sur  les  pentes  abruptes  au-dessus  du  torrent,  dût  être  passée  à  la 
belle  étoile,  grelottants,  trempés,  autour  d'un  feu  de  broussailles.  Les 
deux  derniers  bateaux  étaient  crevés  à  leur  tour. 

.«  La  hauteur  des  escarpements,  écrit  M.  Martel,  n'est  jamais  infé- 
rieure à  300  mètres.  Elle  atteint  par  places  600  et  700  mètres  ;  et  les 
cimes  montagneuses  qui  forment  les  gradins  supérieurs  de  la  vallée  la 
dominent  même  de  900  à  1.100  mètres.  La  largeur  du  fond  est  parfois 
inférieure  à  10  mètres.  La  dénivellation  totale  du  courant  est  de 
153  m.,  soit  une  pente  de  7,33  pour  1.000,  supérieure  à  celle  du  Rhône 
entre  sa  source  et  le  lac  de  Genève  et  à  celle  du  Tarn  en  Lozère.  La 
vitesse  de  l'eau,  au  bas  étiage,  n'est  jamais  inférieure  à  2  mètres  par 
seconde  ». 

«  Je  ne  comprends  pas  encore  comment  nos  porteurs  ont  pu  franchir 
sans  accidents,  bateaux  sur  l'épaule,  tous  les  obstacles  naturels.  Il  y 
a  des  places,  je  le  répète,  où  la  due  n'a  pas  10  m.  de  largeur,  pareille 
alors  aux  Klamiue  du  Fier,  du  Trient,  de  l'Aar.  A  chaque  tournant, 
des  voûtes  surplombent  en  baiones  creusées  par  les  remous,  avec  des 
reflets  verts  élincelants  ;  le  courant  s'y  brise  en  tourbillons  dangereux, 
difficiles  à  éviter.  Deux  d'entre  eux  furent  bien  près  de  nous  être 
funestes  ;  d'abord  à  Le  Couppey  et  Blanc,  lors  de  la  rupture  du  pre- 
mier bateau,  que  put  seule  retenir  l'adresse  d'Armand  à  jeter  la  corde 
propice;  puis  à  moi-même,  exactement  au  même  endroit;  enfin,  beau- 
coup plus  bas,  à  Armand,  à  son  tour,  qui,  sous  mes  yeux,  fut  retourné 
dans  l'eau  avec  sa  barque,  qu'il  sut  cependant  tirer  avec  lui-même  du 
courant  furieux  ». 

«  Le  grand  caiïon  du  Verdon  est  une  incomparable  merveille,  ce 


240  — 


que  je  connais  de  plus  admirable  en  France,  beaucoup  plus  grandiose 
el  plus  extraordinaire  que  les  canons  des  Causses  et  de  l'Ardèche  ». 


Cliché  de  M.  Leroy. 
UNE    DES   GORGES    ENTRE    LE    PONT   DE    CAR(iUAN    ET    ROUGON. 


Comment  expliquer  la  puissance  d'un  tel  travail  d'érosion  et  ses  for- 
midables efiels  ?  Par  l'incalculable  poussée  des  eaux  ruées  sur  une  pente 
raide,  —  où  rien,  pas  un  arbre,  pas  un  buisson,  —  n'amortit  leur  élan, 
et  d'une  pareille  altitude,  comme  une  avalanche  à  laquelle  la  frénésie 
de  la  chute  donne  la  force  brisante  et  pénétrante  d'un  projectile.  La 
rupture,  en  outre,  est  facilitée  par  la  nature  des  roches  que  perfore, 
scie  et  tranche  le  courant  et  par  leur  structure,  soiten  raison  de  la  cassure 
dés  plissements,  des  fissures  et  des  affaissements  plus  ou  moins  vastes 
qui  en  ont  résulté;  soit  action  mécanique  constante,  aggravée,  au  moment 
des  orages,  par  suite  du  déboisement,  les  ruissellements  pluviaires, 
rapidement  changés  en  trombes,  arrachant,  entraînant  et  transformant 
les  masses  rocheuses  en  engins  de  sape  et  de  dislocation  ;  soit  usure 
lente  des  parties  friables  de  telles  couches,  aidée  par  les  effets  du  gel 
et  du  dégel  et  par  ceux  de  l'intensité  solaire  et  de  la  sécheresse  pen- 
dant l'été;  soit  écroulement  de  zones  inférieures,  dont  le  cours  du 
Verdon  offre  en  maints  endroits  le  spectacle  ;  soit,  enfin,  ou  plutôt 
simultanément,  comme  le  démontre  le  directeur  de  la  Nature,  abon- 


—  241  — 

dance  des  diaclases  verticales  dans  les  calcaires  du  jurassique  supé- 
rieur, morcellement  fissurai  et  surtout  cavernement  des  fonds  calcaires, 
engouffrement  des  eaux  dans  les  enibus,  canalisations  souterraines 
naturelles,  suivies  peu  à  peu  de  crevasse  totale.  «  En  deux  points  au 
moins,  écrit  M.  Martel,  ce  n'est  pas  seulement  sous  des  amoncelle- 
ments do  blocs  disjoints  et  éboulés  que  le  Verdon  disparaît;  au  pas  de 
VEmbus  et  au  Grand -Ca valet,  il  passe  complètement  sous  la  roche  en 
place,  sur  plusieurs  décaraèlres  de  longueur  :  il  y  a  là  perte  absolue 
à  travers  les  assises  fissurées  du  calcaire,  qui  n'ont  pas  encoi-e  été 
emportées,  et  plusieurs  des  écroulements  constatés  au  fond  de  la  gorge 
paraissent  ne  pas  remonter  à  une  époque  reculée.  Il  en  résulte  qu'il 
faut,  de  ce  chef,  reprendre  en  considération  (sans  trop  le  généraliser 
cependant),  le  rôle  des  affaissements  de  passages  souterrains,  de  véri- 
tables effondrements  de  cavernes  que  j'ai  indiqués  comme  l'un  des 
facteurs  du  creusement  des  canons  ». 

«  Du  reste,  nous  avons  reconnu,  au  confluent  de  l'Artuby,  où  les 
dislocations  préexistantes  font  tourner  brusquement  la  rivière  à  angle 
droit,  une  pente  naturelle  qui  capture  une  partie  de  l'eau  du  Verdon. 
L'approfondissement  par  voie  d'affouillement  souterrain  se  continue 
donc  activement  de  nos  jours.  Car  il  y  a  certainement  dans  Ip  lit 
d'autres  pertes  que  nous  n'avons  pu  que  pressentir.  D'ailleurs  le  tra- 
vail de  creusement  mécanique  doit  s'opérer  encore  sur  une  puissante 
échelle,  lors  des  crues  terribles  (6  m.  c.  à  1.429  m.  c.  par  seconde)  qui 
entraînent  après  les  orages  d'énormes  troncs  d'arbres  et  des  quartiers 
de  rocs  animés  d'une  colossale  force  de  percussion.  Les  blocs  roulés 
ou  sculptés  par  le  courant,  les  chapelets  de  marmites,  les  rainures, 
les  saillies,  les  perforations,  les  baumes  découpées  à  même  le  lit  et  les 
rives  du  torrent  constituent  la  plus  abondante  et  démonstrative  collec- 
tion de  preuves  du  travail  effectif  des  eaux  courantes  et  de  la  justesse 
de  la  théorie  des  tourbillonnements  émise  par  M.  J.  Brunhes.  C'est 
un  vrai  musée  des  actions  hydrauliques,  mécaniques  et  chimiques  ». 

L'éminent  géologue  ajoute  et  conclut  :  «  C'est  la  confirmation 
absolue  et  définitive  de  la  déchéance  hydrologique  des  terrains  cal- 
caires, de  leur  dessèchement  progressif,  par  l'effet  surtout  des  captures 
ou  dérivations  souterraines  que  nous  y  avons  trouvées  encore  à 
l'œuvre  ». 

«  Ainsi  pour  le  spectateur  comme  pour  le  savant,  le  grand  caiion  du 
Verdon  est  un  des  plus  importants  phénomènes  naturels  connus.  C'est 
un  joyau  de  plus  ajouté  à  l'écrin  déjà  si  riche  des  curiosités  de  notre 


_  2h9  — 


belle  patrie,  un  des  plus  splendides  et  instructifs  fragments  de  la 
France  inconnue  ». 

Après  cette  merveille  on  pourrait  croire  que  nulle  surprise  et  nul 
émerveillement  n'attendent  plus  le  touriste.  M.  Justice  nous  prouve  le 
contraire,  en  nous  faisant  parcourir  avec  lui  les  contrées  admirables 
qui  s'échelonnent  dans  le  haut  cours  du  Verdon,  devers  Barcclonnetle 
et  jusqu'au  lac  d'AUos. 

C'est,  blottie  au  pied  d'un  roc  haut  de  180  m.,  Castellane-la- Vail- 
lante, fidèle  au  souvenir  de  sa  Jeanne  Hachette,  Judith  Audran,  dont 
les  exhortations  et  l'exemple  enflammant  les  courages  la  sauvèrent 
lors  du  siège  qu'elle  soutint  contre  Lesdiguières,  en  1586.  Ce  sont, 
non  loin  de  Castellane,  les  Cad  et -es  de  Brandis.  On  donne  ce  nom  de 
cadières  à  un  ensemble  de  rochers  découpés,  couronnant  une  mon- 
tagne et  donnant  au  regard  l'illusion  des  tours  d'une  forteresse  du 
Moyen-Age.  Ce  sont  de  surprenants  et  admirables  obélisques  naturels. 

Barcelonnetle,  où  le  conférencier  nous  conduit  en  excursion  ravis- 
sante, est  par  excellence  la  petite  ville  moderne  et  coquette,  réunissant 
le  confortable  des  grandes  Cités  avec  le  charme  de  la  plus  agréable 
campagne  alpestre.  Bâtie  sur  l'Ubaye,  dans  une  belle  vallée  que 
dominent  les  cimes  du  Grand-Bérard,  du  Pain-de-Sucre  et  de  Roche- 
Pointue,  possédant  des  restes  de  fortifications,  une  remarquable  flèche 
gothique,  le  monument  historique  de  la  Tour  de  l'Horloge,  une  fon- 
taine monumentale  avec  le  buste  de  Manuel  par  David  d'Angers,  Bar- 
celonnette  doit  à  ses  fils  mexicains,  ces  Barcelonnettes  (comme  on  les 
appelle)  qui  vont,  de  tradition,  s'enrichir  à  Mexico  dans  le  commerce  et 
qui  tous  fidèlement,  après  fortune  faite,  reviennent  au  pays,  cette 
propreté,  ce  confort,  ce  luxe,  ces  excellents  hôtels,  ces  villas,  ces 
châteaux  et  ces  parcs. 

La  région  que  traverse  le  haut  Verdon  et  qui  se  partage  entre  les 
arrondissements  de  Castellane  et  de  Barcelonnette  est  un  véritable 
écrin  prestigieux  de  sites  qui  rivalisent  de  pittoresque  et  d'attractive 
beauté  :  Saint-André-de-Méouilles,  d'où  l'une  des  lignes  du  réseau  des 
Chemins  de  fer  du  Sud  de  la  France  part  pour  aboutir  à  Digne  ;  Tho- 
rame-Haute  ;  Beauvezer,  la  Station  d'été  par  excellence  de  la  vallée  du 
Verdon  ;  les  gorges  de  Saint-Pierre,  due  de  un  kilomètre  de  longueur, 
sinuant  à  200  mètres  de  profondeur  entre  des  parois  à  pic  ;  Villars- 
Colmars,  oasis,  au  confluent  de  la  Chasse  et  du  Verdon,  sur  une  mon- 
tagne boisée  ;  la  belle  forêt  de  mélèzes,  dite  de  l'Ours,  et  la  forêt  de 
Monnier;  les  gorges  de  Chasse  formées  par  le  torrent  de  ce  nom,  qui 


se  précipite  du  hameau  de  Cbasse,  aux  environs  duquel  s'ouvre  la 
grotte  de  Denjuan,  dont  le  boyau  s'allonge  étroit  et,  dit-on,  inexplo- 


Gliché  de  M.  Michel. 


VILLARS-GULMARS. 


rable,  à  une  distance  inconnue,  sous  la  montagne  de  Molière  ;  Golraars, 
chef-lieu  de  canton,  à  1.250  m.  d'altitude,  dominé  par  le  Fort  de 
France;  la  cascade  de  la  Lance,  dont  le  jet  de  plus  de  20  mètres  tombe 
avec  un  bruit  terrifiant,  écume,  rebondit,  disperse  ses  embruns  au 
fond  d'un  gouffre  qu'entourent  de  gigantesques  masses  de  roches 
noires  stratifiées,  hautes  de  plus  de  100  mètres  à  pic  ;  les  deux  aiguilles 
énormes  de  la  Roche-Cline,  que  contourne  la  route  d'une  beauté 
sauvage;  AUos,  centre  de  tourisme  comme  Beauvezer,  à  1.500  m. 
d'altitude,  enfoui  sous  la  neige  de  Novembre  à  Avril,  l'été  villégiature 
de  dilection  pour  l'alpiniste  ;  la  forêt  de  Valsibière  ;  la  cascade  du  Cha- 
doulin,  torrent  aux  eaux  Irigides,  déversoir  du  lac  d'Allos  ;  ce  lac, 
enfin,  étalant  la  féerie  de  sa  nappe  moirée  de  tous  les  reflets  de  la 
pure  lumière  sur  une  vaslitude  de  1.500  m.  en  longueur  et  de  600  m. 
en  largeur,  à  2.239  m.  d'altitude. 

D'Allos,  de  Beauvezer  et  du  Verdon,  on  peut,  si  l'on  veut,  redes- 
cendre vers  le  littoral,  soit  en  allant  rejoindre  à  Entrevaux  et  Puget- 
Théniers  la  ligne  du  chemin  de  fer  du  Sud  de  la  France,  jusqu'à  Nice  ; 


—  244  — 


soit  en  allant,  par  le  Logis-du-Pin  et  la  Station  de  Thorenc,  jusqu'à 
Grasse  et  à  Cannes.   Mais  avant  de  dire  adieu  aux   Basses-Alpes, 


Cliché  de  M.  Mirhol. 


LE    LAC   D  ALLOS. 


M.  Octave  Justice  tient  à  faire  remarquer  qu'outre  l'impression  d'un 
pays  admirable,  tel  qu'en  certaines  parties  il  surpasse  en  magnificence 
et  en  imprévu  les  contrées  les  plus  réputées,  de  cette  excursion  on 
emporte  certainement  deux  convictions  dont  la  leçon  s'impose  à  l'es- 
prit :  la  nécessité ,  l'indispensabilité  rigoureuse  du  reboisement  ; 
ensuite,  l'importance  de  plus  en  plus  grande  et  la  puissance  féconde 
de  ce  nouveau  facteur  de  prospérité  qui  s'est  affirmé  souverainement 
depuis  quelques  années  :  le  Tourisme. 

Il  convient  de  tenir  compte  de  plus  en  plus  de  cet  élément  de  déve- 
loppement économique,  l'attraction  des  sites,  les  ressources  naturelles, 
climats  et  paysages,  et  de  s'attacher  à  les  mettre  en  valeur,  à  en  tirer 
le  plus  grand  profit  possible  pour  chaque  province  et  pour  le  pays  tout 
entier.  Efforçons-nous  donc  de  faire  ce  que  font  si  heureusement  nos 
concurrents  helvétiques.  Instituons-nous  les  propagandistes  et  les 
protecteurs  des  Stations  et  des  sites  pittoresques  dans  toutes  les  parties 
du  territoire  français  ;  il  n'en  est  pas  une  qui  n'ait  sa  beauté.  Ce  sera 
faire  œuvre  utile  et  louable  ;  car  en  même  temps  que  préparer  un 


-  2k:^  — 


nouvel  apport  à  la  prospérité  publique  ce  sera  contribuer  à  généraliser 
le  bien-être  et  à  le  faire  pénétrer  avec  l'activité  et  le  progrès  jusqu'aux 
recoins  les  plus  lointains  et  précédemment  les  plus  déshérités  ;  car 
magnifier  le  travail,  les  souvenirs  et  la  splendeur  de  chaque  région 
c'est  ajouter  une  irradiation  à  la  couronne  de  gloire  de  la  France. 


COMMUNICATION 


AUX   BORDS  DU  RHIN 

Par  M.  EMILE  GORNAERT, 
Lauréat  de  la  Fondation  Paul  Crepy  en  1906. 


C'est  par  Aix-la-Chapelle  que  nous  avons  commencé  notre  vojage  en 
Allemagne.  Partis  de  Verviers  vers  10  heures  et  demie  du  matin,  nous  tra- 
versons la  jolie  vallée  de  la  Vesdre  et  les  verdoyants  plateaux  de  l'Ardenne  : 
nous  voyageons  ainsi  pendant  une  heure.  Mais,  quand  nous  descendons  à 
Aix,  nos  montres  françaises  sont  en  désaccord  avec  l'horloge  allemande  :  elle 
marque  douze  heures  vingt-cinq  !  Nous  nous  mettons  à  l'heure,  et  —  pour 
trois  semaines  —  nous  voilà  Allemands. 

A  Aix-la-Chapelle  cependant,  la  ville  de  Charlemagne,  on  oublie  facile- 
ment que  l'on  est  en  terre  étrangère,  au  moins  près  des  monuments  qui 
rappellent  le  grand  Empereur.  Sur  la  «  place  du  Marché  »  s'élève  une  statue 
en  bronze  de  Charlemagne.  «  L'Empereur  à  la  barbe  fleurie  »,  d'ordinaire 
majestueux  dans  un  ample  manteau  impérial,  est  ici  serré  dans  un  pourpoint 
et  des  chausses  qui  le  font  ressembler  à  un  équilibriste  évoluant  au-dessus 
d'une  fontaine.  L'Hôtel  de  Ville,  en  face,  est  bâti  sur  l'emplacement  de  l'an- 
cien palais  impérial  :  c'est  un  grand  édifice  aux  murs  noircis  par  le  temps, 
flanqué  de  deux  tours  élevées  ;  entre  les  fenêtres  carrées  de  la  façade  se 
détachent  de  nombreuses  statues  d'empereurs  allemands.  Près  de  l'Hôtel  de 
Ville  s'est  formée,  autour  de  *  la  Chapelle  »,  la  Cathédrale.  Depuis  le  neu- 
vième siècle,  chaque  époque  a  vu  s'y  ajouter  des  constructions  nouvelles  :  la 


—  240  — 


rotonde  bjzanline  est  du  neuvième  siècle  ;  les  pignons  romans  qui  l'achèvent 

sont  du  douzième  et  le  toit  à 
seize  pans  qui  la  surmonte  est 
du  seizième  ;  c'est  au  quator- 
zième qu'on  ajouta  le  chœur 
gothique  et  quelques  chapelles; 
la  chapelle  hongroise,  où  est 
placé  le  trésor,  date  du  dix- 
huitième  ;  enfin  le  clocher  a 
été  bâti  au  dix-neuvièmesiècle. 
L'ensemble  forme  un  spectacle 
fort  bizarre.  A  l'intérieur,  on 
remarque  surtout  la  rotonde, 
divisée  en  une  partie  centrale 
et  un  pourtour  à  deux  étages  : 
au  premier  de  ces  étages  se 
voit  le  fameux  «  trône  du  cou- 
ronnement »,  assemblage  élé- 
mentaire de  quelques  plaques 
de  marbre  élevé  sur  des  degrés. 
En  somme ,  la  Cathédrale, 
sans  être  fort  belle ,  est  du 
moins  curieuse. 

En  dehors  du  Rathaus  et 
du  Dom,  rien  à  Aix-la-Cha- 
pelle ne  conserve  le  souvenir  du  passé.  C'est  une  belle  ville  moderne  oii 
des  rues  régulières  s'alignent  entre  des  maisons  neuves,  où  de  larges  boule- 
vards s'étalent  à  l'ombre  des  platanes  el  des  marronniers  :  aujourd'hui,  c'est 
au  riche  Casino  de  l'Elisenbrunnen  et  à  la  Grande  Gare  que  se  concentre 
la  vie  d'Aix-la-Chapelle. 

Au  Nord  d'Aix,  la  plaine,  avec  ses  pauvres  cultures,  n'est  guère  intéres- 
sante. La  monotonie  n'est  rompue  qu'au  passage  de  Rheydt  et  de  Mûnchen- 
Gladbach,  qui  se  rattachent  au  bassin  industriel  de  Viersen  et  Crefeld  :  partout 
de  hautes  cheminées  ;  sans  cesse  des  sifflements  de  machines  à  vapeur;  le  long 
de  la  voie  s'accumulent  des  barres  de  fer  ou  de  larges  plaques  de  métal  forgé. 
Mais  à  peine  le  train  a-t-il  quitté  la  gare  de  Gladbach  que  de  nouveau  se 
déroule  la  plaine  monotone  et  déserte.  —  Dans  les  gares,  tous  les  employés 
el  la  plupart  des  ouvriers  portent  la  casquette  ronde  et  plate,  élargie  dans  le 
haut,  avec  la  visière  rabattue  qui  cache  le  front  :  dans  quelques  jours,  nous 
n'y  ferons  plus  attention,  mais  cela  nous  change  vraiment  des  habitudes  fran- 
çaises, —  Voici  Neuss  avec  le  «  canal  du  Nord  »  :  il  n'est  guère  animé.  Seuls 
quelques  radeaux  de  bois,  venant  de   la  Hohe-Venn,  descendent  lentement 


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DOM   A   AIX-LA-CHAPELLE. 


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vers  Dùsseldorf.  Enfin,  nous  apercevons  le  Rhin,  le  «  Vater-Rhein  »,  le 
fleuve  majestueux  qui  développe  librement  la  large  nappe  de  ses  eaux  au 
milieu  d'une  plaine  où  le  regard  cherche  en  vain  les  collines  qui  pourraient  le 
contenir  ;  une  activité  intense  semble  le  faire  vivre  :  les  vagues  légères  portent 
doucement  les  petits  voiliers  et  les  chalands  traînés  par  les  remorqueurs. 

Diisseldorf,  avant  le  dix-neuvième  siècle,  n'était  connue  que  par  son  école 
de  peinture.  Aujourd'hui,  c'est  avant  tout  une  ville  industrielle  et  commer- 
ciale. Les  vaisseaux  peuvent  y  remonter  directement  de  la  mer  ;  en  outre,  il 
fallait  un  port  à  la  région  industrielle  d'Elberfeld-Barmen  :  ce  fut  Diisseldorf. 
Certaines  industries  se  sont  développées  près  de  ce  port  lui-même,  et  Dùssel- 
dorf est  devenue  ainsi  une  place  industrielle  de  première  importance  par  ses 
fonderies,  ses  aciéries,  ses  filatures  et  ses  distilleries.  En  1814,  la  ville  avait 
14.000  habitants;  elle  en  compte  aujourd'hui  260.000.  La  marque  de  cet 
essor  rapide  se  découvre  aussitôt  qu'on  avance  dans  la  ville  :  elle  se  compose 
surtout  de  quartiers  neufs  avec  des  rues  bien  tracées.  Outre  l'Académie  des 
Beaux- Arts  et  la  riche  «  Alléestrasse  »,  il  faut  voir,  à  Dùsseldorf,  le  pont  du 
Rhin  :  deux  arches  de  180  m.  chacune,  puis  deux  autres  d'une  quarantaine 
de  mètres  rejoignent  les  bords  en  laissant  de  chaque  côté  de  larges  quais. 
C'est  un  ouvrage  «  kolossal  »,  qui  donne  bien  la  caractéristique  de  celte  ville 
industrielle. 

De  Dùsseldorf  à  Cologne,  nous  traversons  en  trente-cinq  minutes  la  plaine 
uniforme  des  bords  du  Rhin.  Au  loin  se  découpent  sur  l'horizon  les  deux 
flèches  de  la  Cathédrale  ;  plus  près  de  nous,  voici  les  cheminées  de  Mùlheim  ; 
sur  les  multiples  voies  du  chemin  de  fer,  une  accumulation  de  pièces  de  fer 
et  de  machines  achevées  annonce  la  grande  ville.  La  ligne  traverse  les  forti- 
fications de  Deutz,  l'ancienne  tête  de  pont  de  la  rive  droite,  passe  sur  le  pont 
fixe  de  plus  de  quatre  cents  mètres  et  entre  en  gare.  Ici,  la  gare  est  un  monu- 
ment qui  mérite  d'être  admiré  :  sous  les  halls  grandioses  s'étendent  des  quais 
immenses  ;  partout  règne  un  mouvement  continuel.  C'est  un  vrai  palais  c^e 
moderne  civilisation. 

Aussitôt  sortis  de  la  gare,  nous  voici  en  face  de  la  Cathédrale.  Au  premier 
abord,  comme  devant  tous  les  monuments  qu'on  entend  toujours  louer  sans 
réserve,  on  est  un  peu  déconcerté  :  le  côté  Nord  qui  se  présentait  à  nous  est 
d'une  simplicité  extrême,  et  puis,  franchement,  les  flèches  ne  nous  semblaient 
pas  «  finies  »  :  elles  sont  légères  assurément,  mais,  un  peu  plus  hautes,  elles 
seraient  bien  plus  élégantes.  Mais,  quand  on  a  fait  le  tour  de  l'édifice,  quand 
on  a  vu  le  merveilleux  portail  du  Sud  et  la  façade,  alors  on  admire  sans  plus 
hésiter.  Lorsqu'on  pénètre  dans  la  nef,  on  se  sent  soulevé  par  la  hardiesse  et 
l'élancement  des  colonnes  et  de  la  voûte.  Les  hommes  semblent  là  bien  petits, 
les  nefs  immenses  semblent  même  un  peu  vides.  Mais  que  de  vie,  que  de 
mouvement  dans  cette  forêt  de  pierres,  où  les  arcs-boutants  et  les  galeries 
superposées  s'entrecroisent  sans  confusion,   où  jaillissent  des  fusées  de  colon- 


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nettes,  de  tourelles  et  de  pointes  légères  :  tout,  dans  celte  étonnante  Cathé- 
drale, s'élance  comme  pour  escalader  le  ciel. 

Le  Dom  est  bâti  au  centre  de  l'ancienne  ville,  formée  par  les  quartiers  voi- 
sins du  Rhin.  Les  rues  basses  et  tortueuses  serpentent  à  travers  une  foule  de 
monuments  remarquables  :  on  dirait  que  l'ancienne  Colonia  Agrippina  a  hérité 
des  Romains  un  goût  très  vif  pour  les  grandes  constructions.  Il  faut  signaler 
l'Hôtel  de  Ville,  avec  sa  tour  gothique,  haute  et  massive,  et  son  élégant 
portique  de  la  Renaissance  ;  le  Gûrzenich,  édifice  destiné  jadis  aux  hôtes  de 
distinction,  qui  renferme  des  salles  immenses.  Mais  Cologne  est  surtout  la 
ville  des  églises  :  la  plupart  datent  du  Mojen-Age.  Quelques-unes  sont  bâties 
sur  des  fondements  romains  et  leur  construction  remonte  au  quatrième  ou  au 
cinquième  siècle  :  Ste-Marie-au-Capitole  qui  occupe  l'emplacement  du  Capi- 
tole  romain  ;  St-Géréon ,  église  composée  d'un  porche  carré,  d'une  nef 
décagone  gothique  et  d'un  long  chœur  romain  ;  Ste-Ursule,  St-Séverin, 
Ste-Cécile  ;  d'autres  églises  sont  aussi  très  intéressantes  :  le  Grand  St-Martin 
avec  sa  tour  majestueuse  ;  St-Pantaléon,  reconstruit  avec  les  débris  du  pont  de 
Constantin  ;  l'église  des  Apôtres,  dont  les  trois  absides  rondes  sont  tout  à  fait 
remarquables. 

Au  milieu  de  tous  ces  monuments  d'un  glorieux  passé,  une  foule  active 
s'epipresse,  allant  vers  le  Rhin  ou  vers  la  gare  ou  vers  les  .quartiers  nouveaux 
où  se  sont  établies  les  usines.  Cologne  est  devenue  une  ville  industrielle  et 
commerciale  de  tout  premier  ordre.  Après  une  longue  décadence,  elle  s'est 
réveillée  au  dix-neuvième  siècle,  au  bruit  des  machines  à  vapeur,  au  mouve- 
ment de  la  civilisation  moderne.  Les  richesses  restées  d'autrefois  dans  beau- 
coup de  familles  devaient  faciliter  les  transactions  commerciales  par  la 
création  de  puissants  établissements  de  crédit.  Cologne  devait  aussi,  par  sa 
position,  devenir  un  centre  important  de  communications  :  le  Rhin  porte  ses 
bateaux  de  Mavence  à  Rotterdam  ;  elle  rayonne  par  voies  ferrées  sur  la  Hol- 
lande, la  Belgique,  la  France,  l'Alsace-Lorraine,  Berlin  et  Hambourg.  Toutes 
les  branches  d'industrie  s'j  rencontrent  :  filatures,  lainages,  soieries,  fonde- 
ries, distilleries  (on  en  compte  trente  d'eau  de  Cologne).  Aussi  la  ville  s'est 
considérablement  agrandie  :  sa  superficie  a  plus  que  doublé  ;  les  quartiers 
nouveaux  se  sont  développés  en  demi-cercle  autour  de  l'ancienne  ville,  aujour- 
d'hui étroitement  serrée  contre  le  Rhin  ;  les  «  Ringe  »  forment  autour  de  la 
ville  une  ceinture  de  magnifiques  boulevards.  La  population  compte  430.000 
habitants.  Par  son  commerce,  son  industrie  et  sa  puissante  réserve  monétaire, 
Cologne  est  une  des  villes  les  plus  importantes  d'Allemagne. 

En  partant  de  Cologne  vers  le  Sud,  nous  voyons  défiler  devant  nous  les 
quartiers  de  la  ville  neuve.  Et  toujours,  au-dessus  d'eux,  comme  une  fière 
protectrice,  apparaît.la  Cathédrale  séculaire.  Elle  s'éloigne  peu  à  peu,  mais 
longtemps  encore,  même  après  que  l'immense  cité  a  disparu,  on  distingue 
■ses   deux  flèches  aériennes  ;    puis,    lentement,    elle  s'efface,  s'évanouit  ;   on 


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croirait  qu'elle  cesse  d'être  matérielle,  et  là-bas,  dans  le  léger  brouillard  qui 
la  voile,  il  semble  que  quelque  chose  s'agite  encore  :  l'âme  de  la  merveilleuse 
Cathédrale. 

Autour  de  nous,  s'étend  une  plaine  fertile,  oii  alternent  des  vergers  et  des 
plants  de  vigne.  A  l'horizon,  se  dessinent  les  hauteurs  qui  s'approchent  lente- 
ment du  Rhin  pour  aller,  au-delà  de  Bonn,  l'enfermer  dans  un  étroit  défilé. 
—  Bonn  a  son  Université  et  une  belle  Cathédrale  romane  de  proportions 
harmonieuses.  Près  du  nouveau  pont  sur  le  Rhin,  un  des  plus  beaux  du  fleuve, 
se  trouve  1'  «  Alte-Zoll  »,  ancien  bastion  transformé  en  un  petit  square  :  la 
statue  d'Arndt  s'y  dresse,  portant  cette  inscription  :  «  Le  Rhin  fleuve  de 
l'Allemagne,  et  non  frontière  de  l'Allemagne  »  ;  et  là,  devant  le  fleuve  qui 
semble  leur  sourire  sous  la  caresse  d'un  chaud  soleil,  des  écoliers  viennent 
chanter  avec  enthousiasme  die  «  Wacht  am  Rhein  ». —  Au  Sud-Est,  se  détachent 
nettement  les  formes  tourmentées  des  Siebengebirge.  C'est  de  ce  côté  que  nous 
nous  dirigeons. 

Nous  entrons  maintenant  dans  un  pays  nouveau.  Au  Nord  de  Bonn,  nous 
avons  vu  la  plaine  quaternaire,  fertile  et  monotone,  oia  le  Rhin  étalait  libre- 
ment ses  eaux  ;  au  Sud,  nous  pénétrons  dans  le  massif  schisteux,  qui  s'allonge 
depuis  l'Ardenne  jusqu'au  bassin  de  la  Fulda  et  de  la  Weser  ;  le  fleuve  s'y  est 
taillé  un  couloir  étroit,  où  ses  eaux  se  précipitent  d'obstacle  en  obstacle.  Près 
de  Bonn,  les  collines  voisines  du  fleuve  nous  offrent  encore  de  jolis  bouquets 
d'arbres  et  de  larges  plants  de  vigne  ;  de-ci,  de-là,  piquées  dans  la  verdure, 
se  dressent  de  jolies  villas.  Au  delà,  les  vertes  collines  se  transforment  en 
murailles  abruptes  et  la  riante  vallée  en  un  sombre  défilé. 

Sur  la  rive  droite  du  fleuve  se  tassent  les  Sept-Montagnes,  ensemble  de 
cônes  et  de  plateaux  d'origine  volcanique,  faits  de  basalte  et  de  trachyle.  Ce 
massif  imposant  flanque  le  plateau  schisteux  comme  une  forteresse.  D'ailleurs 
plusieurs  de  ses  sommets  furent  jadis  hérissés  de  châteaux-forts  :  des  ruines 
couronnent  le  Drachenfels,  le  sommet  le  plus  connu  du  massif.  On  monte  au 
Drachenfels  de  Konigswinler  ;  l'ascension  est  facile.  Au  sommet,  les  pans  de 
murailles  qui  subsistent  semblent  ne  faire  qu'un  avec  le  roc,  et  l'on  croirait 
quec'estla  montagne  elle-mêmequi  s'estbrisée.  Presque  sous  nos  pieds,  à320m. 
plus  bas,  le  Rhin  roule  ses  eaux  entre  les  îles  de  Grafenwerth  et  de  Nonnen- 
werth  ;  en  amont,  on  le  voit  sortir  des  collines  resserrées  pour  aller  s'étaler 
complaisamment  dans  la  vaste  plaine.  —  Du  Drachenfels,  une  bonne  prome- 
nade sous  des  bois  de  hêtres,  de  bouleaux  et  de  sapins  nous  conduit  au  Grand- 
Œlberg  :  il  domine,  à  464  m.,  toute  la  contrée.  Delà,  toute  l'étendue  des  Sept- 
Montagnes  se  déroule  sous  nos  yeux  comme  une  carte  :  les  pics  alternent  avec 
les  dômes,  les  larges  plateaux  avec  les  profondes  vallées.  Et  toujours,  comme 
fond  du  tableau,  le  Rhin.  —  «  Vater  Rhein  »,  nous  dit  une  inscription  — 
qui  s'enveloppe  mystérieusement  d'un  brouillard,  à  travers  lequel  un  soleil 
brûlant  fait  scintiller  son  ruban  argenté.   —  Jadis,  dans  le   frais   vallon  du 


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Heisterbach,  au  bas  de  l'Œlberg,  existait  un  couvent  cistercien  :  le  monastère 
a  disparu,  mais  il  en  reste  encore,  isolé  dans  une  prairie,  le  joli  chevet  du 
chœur  de  l'église  :  c'est  une  ruine  très  curieuse. 


RUINES    .\Ij    sommet   DU    DRACHENFELS. 


Remontés  sur  la  rive  droite  du  fleuve  jusqu'à  Leutesdorf,  nous  passons, 
sur  un  radeau  primitif,  de  l'autre  côté  à  Andernach,  vieille  petite  ville  assise 
à  l'abri  de  son  donjon  et  de  son  église  à  quatre  tours.  Elle  est  bien  pittorei?que 
avec  ses  vieilles  maisons  entre  lesquelles  on  a  percé  tant  bien  que  mal  des  rues 
fort  peu  régulières  :  on  se  sent  bien  en  dehors  des  routes  internationales,  et 
loin  des  régions  industrielles  plus  riches  et  plus  affinées.  C'est  la  montagne 
qui  manifeste  ici  son  influence  :  Andernach,  malgré  ses  9.000  habitants, 
ressemble  bien  plus  à  un  village  de  l'Eifel  qu'à  une  ville  de  la  plaine  du 
Rhin. 

A  l'Ouest  d' Andernach  s'ouvre  la  vallée  de  la  Krûft.  Des  volcans  la  bordent, 
autour  desquels  sont  exploitées  de  nombreuses  carrières  de  basalte:  Nieder- 
mendig,  village  connu  aussi  pour  sa  bière  excellente,  est  le  centre  de  cette 
exploitation.  De  Niedermendig,  une  route  sans  ombre  qui  monte  entre  de 
nombreuses  carrières,  nous  conduit  au  Laacher-See.  Ce  lac  de  330  hectares 
est  le  plus  grand  de  l'Eifel.  Arrivés  au  sommet  de  la  route,  nous  nous  trou- 
vons sur  la  bordure  d'un  cercle  entouré  de  six  volcans  :  au  milieu  de  ces 
sommets  couverts  de  bois  sombres,  la  nappe  du  Laacher-See,  comme  un 
miroir,  reflète  le  ciel  bleu  ;  dans  un  coin  bien  calme  l'abbaje  de  Maria-Laach 
élève  son  imposante  église.  —  L'Eifel,  vers  l'Ouest,  se  présente  à  nous 
comme  une  suite  de  hautes  plaines  plus  ou  moins  uniformes,  auxquelles  des 


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sommets  de  basalte  et  un  grand  nombre  de  lacs  donnent  un  aspect  tout  parti- 
culier. De  fertiles  vallées,  comme  celle  de  l'Elz  que  nous  suivons,  entaillent 
la  surface  du  plateau,  mais  les  hautes  terres  sont  couvertes  de  bois  ou  de 
cultures  fort  maigres.  —  Les  lacs  les  plus  connus  du  massif  sont  les  «  Dauner 
maare  ».  Parmi  les  lacs  de  l'Eifel,  les  uns  paraissent  établis  dans  d'anciens 
cratères  ;  les  autres  sont  dus  à  des  affaissements  du  sol,  déterminés  par  des 
explosions  volcaniques  :  les  lacs  de  Daun  sont  de  ces  derniers.  Tous  trois 
•étalent  la  nappe  polie  de  leurs  eaux  autour  du  chauve  MiJuseberg,  qui  domine 
toute  la  contrée.  Entouré  d'abrupts  couverts  de  bois ,  le  plus  petit ,  le 
Gemiinder  maar,  brille  comme  un  miroir  enchâssé  dans  un  sombre  enca- 
drement. 

Au  bas  de  la  montagne,  près  du  lac  de  ce  nom,  est  assrs  le  village  de 
Schalkenmehren  :  c'est  le  type  du  village  de  l'Eifel.  Il  est  bien  isolé  :  dans 
la  campagne,  pas  une  maison  ;  à  peine  çà  et  là,  une  hutte  pour  les  gardiens 
■des  troupeaux  de  porcs.  Le  village  lui-même  est  bâti  à  la  diable  :  les  maisons 
en  torchis,  plus  ou  moins  bien  équilibrées,  sont  jetées  les  unes  près  des  autres 
sans  aucun  ordre.  Inutile  de  chercher  là  une  rue  :  on  passe  comme  on  peut 
à  travers  les  fumiers  et  les  mares  où  barbotent  pêle-mêle  les  canards  et  les 
■enfants.  En  tout  et  pour  tout,  une  auberge,  fort  basse.  Quant  aux  habitants, 
à  en  juger  par  les  airs  étonnés  qu'ils  prennent,  il  est  à  croire  qu'ils  ne  voient 
guère  d'étrangers.  Schalkenmehren  connaîtra  bien  le  confort  et  la  civilisation, 
plus  tard.  . .  Enfin,  malgré  le  fumier  et  les  mares  bourbeuses,  nous  finissons 
par  sortir  de  ce  «  trou  »,  et  nous  voilà  à  la  campagne. 

Les  champs  offrent  peu  d'animation  :  à  peine  çà  et  là,  dans  les  fonds  plus 
fertiles,  quelques  paysans  apparaissent,  occupés  à  la  fenaison.  La  seule  céréale 
vraiment  abondante  est  l'avoine  ;  peu  ou  point  de  blé,  fort  peu  de  seigle.  Il 
n'y  a  point  de  chevaux  :  tous  les  attelages  sont  formés  par  des  bœufs.  De 
temps  à  autre,  de  petits  bois,  en  dehors  desquels  on  n'aperçoit  pas  un  arbre, 
viennent  rompre  la  monotonie  de  la  vaste  plaine  à  l'horizon  sans  limites.  Par- 
fois, la  terre  végétale  disparaît  complètement,  et  les  feuillets  de  schiste 
affleurent  par  la  tranche,  et  la  route  est  striée  d'une  multitude  de  petites 
rigoles.  Les  villages,  qu'ils  soient  plus  ou  moins  grands,  se  ressemblent  tous. 
Bien  au  Sud  de  Daun,  nous  atteignons  le  Pulver-Maar,  un  lac  cratériforme  : 
sa  profondeur  atteint  95  m. ,  et  en  certains  endroits  le  fond  est  incertain  : 
■après  le  lac  de  Laach  c'est  le  plus  grand  de  l'Eifel  et  assurément  un  des  plus 
beaux.  Son  bassin  presque  circulaire,  boisé  de  trois  côtés,  se  creuse  entre  des 
bords  formés  de  sable  volcanique,  qui  dans  l'eau  prend  l'apparence  de  poudre 
noire  (Pulver).  De  la  rive  restée  découverte,  comme  pour  servir  de  point  de 
vue,  l'ensemble  offre  un  beau  spectacle.  —  L'Eifel  s'étend,  au  Sud,  jusqu'à 
la  Moselle.  Sans  doute,  la  région  n'est  pas  riante,  mais  il  y  a  un  réel  intérêt 
à  observer  ces  vastes  campagnes  accidentées,  mais  sans  abrupts,  où  l'on  ne 
voit  pas  un  arbre  en  dehors  de  quelques  bouquets  de  bois,   pas  une  maison  en 


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dehors  des  bourgs.  —  Avant  d'arriver  à  Bertrich,  nous  entrons  au  Hâskeller 
(cave  aux  fromages)  :  c'est  une  grotte  à  colonnes  de  basalte,  composées  de 
sphéroïdes  aplatis  ;  on  dirait  des  fromages  de  Hollande.  A  côté,  une  jolie 
cascade,  enfermée  entre  des  sommets  boisés,  brise  ses  eaux  sur  des  rochers 
jetés  dans  le  plus  grand  désordre  au-devant  de  son  cours.  Bertrich  est  une 
jolie  station  balnéaire  blottie  au  bord  de  l'Uesbach.  Une  belle  route  ombragée 
part  de  là  vers  la  Moselle  :  elle  longe  l'agréable  torrent  qui,  dans  ses  mul- 
tiples détours,  tantôt  fait  étinceler  les  innombrables  facettes  de  ses  eaux, 
tantôt  se  recueille  à  l'ombre  des  sommets  qui  l'encadrent.  Après  quelques 
kilomètres  d'une  course  vagabonde,  l'Uesbach  se  jette  dans  l'Alf.  Puis,  les 
vignes  apparaissent. 

Nous  entrons  dans  la  vallée  de  la  Moselle.  Près  de  Cochem,  la  rivière  fait 
une  courbe  de  vingt  kilomètres  que  le  chemin  de  fer  coupe  par  un  tunnel. 
Cochem  est  connue  surtout  pour  son  beau  château,  récemment  reconstruit. 
Tout  le  long  de  la  vallée,  sur  la  rive  Nord,  les  vignobles  s'étalent  au  soleil  ; 
en  général,  le  versant  opposé  est  couvert  de  bois,  mais  dans  le  moindre  petit 
coin  tourné  vers  le  soleil  on  voit  grimper  quelques  pieds  de  vigne.  Les  prin- 
cipaux crus  sont  ceux  de  Cobern  et  de  Winningen.  Sur  les  sommets  se 
dressent  encore  des  ruines  de  châteaux-forts  :  nous  passons  devant  ceux  de 
Treis,  de  Wildenburg,  de  Gondorf  ;  à  Cobern,  près  des  ruines  de  Nieder  — 
et  d'Oberburg ,  s'élève,  bien  conservée ,  l'élégante  chapelle  gothique  de 
St-Mathias.  Presque  toutes  ces  forteresses  commandaient  le  débouché  d'une 
vallée  latérale.  Enfin,  la  rivière,  dégagée,  s'épanouit  au  milieu  d'une  belle 
plaine,  dont  la  ligne  sombre  d'Elirenbreitstein  barre  l'horizon. 

Assise  sur  les  hauteurs  que  découpent  en  pointe  la  Moselle  et  le  Rhin, 
dominée  par  le  rocher  fortifié  d'Ehrenbreitstein,  la  ville  de  Coblenz  est  placée 
dans  un  site  superbe.  Ce  n'est  pas  cependant  une  belle  ville  :  place  de  guerre 
avant  tout,  elle  offre  un  aspect  simple  et  sévère.  La  ville  ancienne,  avec  l'in- 
téressante Cathédrale  Notre-Dame,  s'étend  au  bord  de  la  Moselle.  Coblenz 
était  longtemps  restée  enfermée  dans  ses  murailles  ;  mais,  depuis  le  démantè- 
lement, des  quartiers  neufs  se  fondent  et  la  ville  presque  doublée  s'étend  vers 
le  Sud,  du  côté  du  Rhin.  Les  Rhein-Anlagen,  belles  promenades  au  bord  du 
fleuve,  conduisent  à  l'église  St-Castor,  basilique  romane  qui  offre  du  côté  du 
Rhin  un  coup  d'œil  pittoresque.  Près  de  là,  s'élève  le  monument  de  Guil- 
laume P""  :  au  sommet,  la  statue  équestre  de  14  mètres  de  haut,  accompagnée 
d'un  Génie  de  9  mètres,  tenant  la  couronne  impériale  :  ce  groupe  repose  sur 
un  socle  de  22  mètres,  dressé  au  milieu  d'un  hémicycle  haut  de  18  mètres. 
C'est  un  beau  spécimen  du  «  kolossal  »  allemand  :  au  delà  du  Rhein,  quand 
on  a  prononcé  les  mots  «  kolossal  »  et  «  wiinderschôn  »,  tout  est  dit  :  il 
faut  admirer.  En  tous  cas,  les  Allemands  peuvent  être  fiers  de  ce  monument  : 
il  est  d'une  remarquable  énormité.  —  En  face  se  dresse  menaçant  le  roc  for- 
tifié d'Ehrenbreitstein,  que  les  Allemands  disent  imprenable.    Le  rocher  et  la 


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forteresse  sont  un  cadre  heureux  pour  le  monument  de  Guillaume.  Le 
«  kolossal  »  monument  de  l'Empereur  ne  se  comprendrait  pas  sans  ce  décor 
sévère,  mais  vraiment  grandiose. 


FORTEBES.SE  D  EHRENBKEITSTEIN  A  CUBLEN'Z. 

Un  peu  au  Sud  de  Coblenz  s'ouvre  la  vallée  de  la  Lahn.  C'est  une  agréable 
rivière  que  la  Lahn  :  encore  plus  encaissée  que  la  Moselle,  elle  fait  au  moins 
autant  de  détours.  Comme  les  hauteurs  voisines  du  Westerwald  sont  fort 
pauvres,  —  le  terrain  est  le  même  que  dans  l'Eifel,  —  les  habitants  se 
pressent  nombreux  dans  cette  fraîche  et  fertile  vallée.  Je  ne  citerai  qu'une 
vieille  petite  ville  très  pittoresque,  Limburg ,  dont  les  rues  accidentées 
s'alignent  entre  des  maisons  à  pignon  peintes  en  vert  ou  en  rouge.  La  Cathé- 
drale, bâtie  au  point  le  plus  élevé  de  la  ville,  est  un  bel  édifice  du  style  de 
transition,  remarquable  surtout  par  sa  position  :  du  rocher  abrupt  au-dessus 
de  la  rivière,  elle  surgit  fièrement  élevant  vers  le  ciel  ses  nombreuses  tours. 
—  En  rejoignant  la  vallée  du  Rhin,  nous  descendons  à  Ems.  Enfermée  entre 
des  collines  escarpées,  Ems  allonge  sur  les  deux  bords  de  la  Lahn,  au  milieu 
d'une  abondante  verdure,  ses  maisons  blanches  et  ses  villas.  Le  Kurhaus, 
avec  ses  corps  de  bâtiments  d'époques  ditTérenles,  est  assez  curieux.  Dans  les 
environs,  il  j  a  de  belles  promenades  :  en  dehors  de  la  vie  mondaine,  ce 
doit  être  le  seul  intérêt  d'Ems.  La  ville  n'a  rien  de  caractéristique,  ni  de  bien 
intéressant. 

(A  suivre). 


17 


—  254  — 


POMPEI,  SAINT-PIERRE,  OTTAJANO 


Sous  ce  litre,  M.  A.  Lacroix,  Membre  de  l'Institut,  Professeur  au  Muséum 
d'Histoire  naturelle,  a  publié  une  conférence  faite  sous  les  auspices  de  la 
Revue  Scientifique,  complément  de  celle  qu'il  nous  a  donné  en  Mars  1905  sur 
«  Les  Éniptions  de  la  Montagne  Pelée  »  (Bulletin  T.  44,  Oct.  1905,  p.  227), 
nos  lecteurs  en  verront  volontiers  l'extrait  suivant.  Ils  y  retrouveront  toute  la 
science  et  toute  la  clarté  de  l'éminent  professeur  : 

«  Quand  les  particularités  de  l'éruplion  de  la  Montagne  Pelée  ont  été  mises 
en  lumière,  bien  des  géologues  se  sont  demandé  si  le  phénomène  destructeur 
des  Antilles  ne  pouvait  pas  aider  è  mieux  comprendre  l'anéantissement  des 
victimes  du  Vésuve.  Nul,  plus  que  moi,  n'a  été  hanté  par  cette  question.  Je 
ne  puis  me  rappeler  sans  émotion  notre  arrivée  dans  la  rade  silencieuse  de 
Saint-Pierre.  Le  spectacle  qui  s'offrit  alors  à  mes  yeux  me  donna  aussitôt 
l'impression  de  quelque  chose  déjà  vu. 

Sans  doute,  la  ville  détruite  était  sur  le  bord  même  de  la  mer,  au  lieu  d'en 
êlre  quelque  peu  dislaate,  comme  Pompéi,  mais  n'était-ce  pas  la  même  baie 
aux  eaux  bleues,  située  au  Sud  du  volcan,  dont  la  masse  puissante  se  dressait 
devant  moi  ?  Mesurant  des  yeux  cette  Montagne  Pelée,  embrumée  par  une 
colonne  menaçante  de  vapeurs  volcaniques,  il  me  semblait  voir  le  Vésuve,  un 
jour  d'éruption,  se  dressant  à  une  distance  presque  égale  (Pompéi  se  trouve  à 
environ  10  kilomètres  du  sommet  actuel  du  Vésuve,  les  premières  maisons  de 
Sainl-Fierre,  à  7  kilomèlres.  les  dernières  à  9  kilomètres  environ  du  vieux 
cratère  de  la  Montagne  Pelée)  s'élevant  à  une  même  hauteur,  sur  un  soubasse- 
ment (le  même  étendue. 

Je  ne  pouvais  chasser  de  mon  esprit  ce  souvenir  que  Suint-Pierre,  comme 
Pompéi,  avait  été  une  ville  d'afï'airrs  et  de  plaisir;  qu'ici,  comme  là,  les 
malheureuses  \ictimes,  couchées  dans  la  cendre,  ne  s'étaient  guère  préoc- 
cupées de  la  nature  de  leur  dangereux  voisin,  endormi  depuis  des  siècles,  que 
pour  en  mourir. 

El  celle  hantise  me  poursuivait,  jusque  dans  les  moindres  choses  ;  l'un  des 
premiers  objets  qui  fiappa  m(s  ;)eux,  sur  le  port  de  Saint-Pierre^  fut  un  lam- 
beau de  papier,  lloltant  contre  un  pan  c'e  mur,  léché  par  l'incendie.  C'était 
un    débris   d'affiche,    appelant   aux    urnes   les   électeurs   pour   le    prochain 


-  253  - 

dimanche,  qu'ils  ne  devaient  point  voir.  Singulières  élections  que  celles-là, 
qui  ne  purent  avoir  lieu,  parce  que  tous  les  électeurs  avaient  subitement  et 
simultanément  disparu  !  Les  archéologues,  en  déchiffrant  \&s  graffiti  des  murs 
de  Pompéi,  ne  nous  ont-ils  pas  appris  que  quelques-unes  des  dernières  pen- 
sées des  Pompéiens  furent  également  pour  des  luttes  du  Forum  ? 

Aussi,  dès  qu'à  mon  retour  en  France,  j'ai  eu  achevé  la  mise  en  œuvre  des 
observations  recueillies  à  la  Martinique,  ai-je  voulu,  alors  que  mes  jeux 
étaient  encore  pleins  des  spectacles  tragiques  des  Antilles,  aller  revoir  les 
villes  mortes  de  la  Campanie.  J'ai  consacré  à  cette  tâche  l'été  et  l'automne  de 
1905  ;  j'ai  repris,  les  Lettres  de  Pline  à  la  main,  le  chemin  du  cap  Misène  et 
de  Stables,  interrogé  les  ruines  de  Pompéi  et  les  moulages  des  cadavres, 
auxquels  l'esprit  inventif  de  Fiorelli  a  fait  revoir  le  jour,  après  dix-huit  siècles 
d'ensevelissement. 

En  parcourant  le  Vésuve,  dans  tous  les  sens,  je  ne  me  doutais  guère  qu'un 
violent  réveil  du  volcan  allait,  quelques  mois  plus  fard,  apporter  le  poids 
d'une  sanglante  démonstration  expérimentale  à  la  thèse  que  je  me  proposais 
d'exposer  dans  la  conférence  que  j'avais  promise  au  directeur  de  la  Revue 
Scientifique,  —  je  ne  me  doutais  guère  que  j'allais  bientôt  revoir  ces  verts 
coteaux  d'Ottajano,  disparaissant  alors  sous  les  vignes  aux  grappes  mûres, 
transformées  en  un  désert  de  cendres  blanches,  en  un  vaste  champ  de  désola- 
tion et  de  mort. 

J^ai  pu  montrer  que  la  ville  de  Saint-Pierre  et  ses  habitants  ont  été  anéantis 
par  un  phénomène,  nouveau  pour  le  volcanisme,  ou  plutôt  pour  la  première 
fois  scientifiquement  établi,  celui  des  Nuées  ardentes. 

Le  même  phénomène  a-t-il  causé  la  destruction  de  Pompéi  ?  Voilà  la  ques- 
tion nettement  posée. 

L'anéantissement  total  de  Saint- Pierre  et  de  tous  ses  habitants  par  une  nuée 
ardente,  descendant  directement  du  sommet  du  volcan  dans  la  plaine  en  rou- 
lant sur  le  sol  et  constituant  l'acte  unique,  presque  instantané,  d'un  paroxysme, 
reste  sans  analogue. 

La  destruction  de  Pompéi  et  d'un  vingtième  au  plus  de  ses  habitants  est 
le  résultat  d'un  phénomène  différent,  ayant  eu  une  durée  relativement  longue 
(quelques  jours)  ;  c'est  un  ensevelissement  progressif  par  des  projections  lan- 
cées dans  l'espace,  et  retombées  à  la  surface  du  sol  à  la  façon  de  la  grêle  ou 
de  la  pluie. 

L'éruption  de  la  Montagne  Pelée  ne  peut  donc  apporter  aucun  jour  nou- 
veau sur  le  mécanisme  de  l'antique  catastrophe,  qui  s'explique  rationnellement 
par  l'un  des  phénomènes  les  plus  habituels  du  volcanisme  :  l'éruption  récente 
du  Vésuve,  eu  détruisant  en  partie  Oltajano  et  San  Giuseppe,  e>t  venue  d'ail- 
leurs le  démontrer  d'une  façon  en  quelque  sorte  expérimentale. 

Ainsi,  d'un  côté,  presque  instantanéité  de  la  destruction  sous  l'influence  de 


—  256  — 

matériaux  brûlants,  violentes  actions  mécaniques  s'exerçant  dans  une  direc- 
tion horizontale,  sans  aucun  mouvement  du  sol  ;  de  l'autre,  écrasement  lent, 
ensevelissement  progressif  par  des  matériaux  froids,  actions  mécaniques 
s'exerçant  de  haut  en  bas,  aidées  par  des  tremblements  de  terre  :  tels  sont  les 
caractères  différentiels  de  ces  deux  catégories  de  phénomènes  destructeurs,  — 
de  ces  deux  façons  distinctes  de  mourir  sous  l'action  d'un  volcan, 

A  côté  de  ces  différences,  il  faut  cependant  relever,  dans  les  trois  cas,  une 
particularité  commune,  qui  présente  un  intérêt  général  au  point  de  vue  volca- 
nologique. 

La  zone  ravagée  par  ces  trois  éruptions  consiste  en  un  secteur  dissymé- 
trique, n'intéressant  qu'une  partie  seulement  du  massif  volcanique. 

Le  jet  destructeur,  qu'il  ait  consisté  en  une  nuée  ardente  roulant  sur  le  sol, 
comme  à  la  Martinique,  ou  en  flots  de  lapilli  lancés  dans  l'espace,  comme  au 
Vésuve,, est  sorti,  non  pas  d'une  de  ces  ouvertures  orientées  verticalement, 
dont  on  se  plaît  généralement  à  admettre  l'existence  dans  un  volcan  en  érup- 
tion, mais  d'une  bouche  orientée  obliquement. 

A  la  Montagne  Pelée,  la  répétition  du  phénomène  m'a  permis  de  préciser, 
sans  ambiguïté  possible,  la  position  de  cette  bouche,  s'ouvrant  sur  les  flancs 
du  dôme  de  lave  récente. 

Au  Vésuve,  aussi  bien  en  1906  qu'en  1879,  il  me  paraît  impossible  d'é- 
chapper à  une  conclusion  du  même  ordre  (bouche  oblique  à  l'intérieur  du 
cratère)  ;  il  est  invraisemblable  que  le  vent,  seul,  ait  été  capable  de  déter- 
miner une  orientation  aussi  parfaite  et  aussi  complète  d'un  jet  destructeur 
d'une  telle  importance  et  d'une  semblable  durée.  En  ce  qui  concerne  l'érup- 
tion récente,  tandis  qu'Ottajano,  situé  à  5  kilomètres  du  cratère  (Nord-Est), 
était  couvert  de  0  m.  70  de  lapilli,  l'Observatoire  vésuvien,  qui  n'en  est  dis- 
tant que  de  2  kil.  3  (Nord-Ouest),  ne  recevait  qu'une  quantité  insignifiante 
de  ces  mêmes  projectiles.  Ce  que  l'on  sait  de  l'étroite  distribution  des  ponces 
de  Pompéi  n'est  pas  moins  net. 

D'ailleurs,  il  semble  que  ce  soit  là  une  particularité  souvent  réalisée  dans 
les  anciennes  éruptions  du  Vésuve  et,  si  elle  n'a  pas  frappé,  c'est,  sans 
doute,  parce  qu'elle  n'a  généralement  pas  entraîné,  au  cours  de  celles-ci,  de 
graves  dommages.  (Il  faut  noter,  cependant,  qu'au  cours  de  l'éruption 
de  1779,  Oltajano  a  subi  des  dégâts  qui  doiveni;,  sans  doute,  être  expliqués 
de  la  même  façon).  Monticelli  et  Covelli  ont,  en  particulier,  indiqué  qu'une 
bouche  oblique,  orientée  vers  le  Sud,  a  fonctionné  lors  de  l'éruption  de  1822  ; 
l'année  précédente,  ils  avaient  étudié,  de  près  et  en  grand  détail,  sa  position 
dans  le  cratère  et  sa  structure  ». 


-  2r.7  - 


BIBLIOGRAPHIE 


A.SIE-MINEURE  ET  SYRIE,  Sites  et  Monuments, 

par   M.    Eugène    Gallois  ,    chargé    de   Missions   par  l'Instruction   publique.    — 

Don  de  l'Auteur. 


Ce  livre  n'est  pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  un  de  ces  récits  de  voyage 
auxquels  nous  a  habitués  l'infatigable  globe-trotter  qu'est  M.  Gallois,  mais  bien 
une  œuvre  de  réflexion  et  d'étude,  un  recueil  méthodiquement  composé,  au  moyen 
de  souvenirs,  de  notes,  de  lectures,  et  destiné  à  un  but  de  vulgarisation.  C'est,  en 
quelque  sorte,  une  série  de  promenades  familières  à  travers  l'histoire  et  l'archéo- 
logie, à  laquelle  la  géographie  sert  simplement  de  lien,  de  fil  conducteur.  Du 
reste,  l'organisateur  de  ce  voyage  supposé  s'abstient  de  faire  passer  son  fil  par  les 
endroits  trop  connus.  C'est  ainsi  qu'après  une  longue  énumération,  forcément  un 
peu  sèche,  de  ces  merveilles  charmantes  et  trop  ignorées  que  sont  les  «  Iles  »,  il 
ne  nous  parle  de  Constantinople,  avec  ses  nombreux  faubourgs  asiatiques,  que 
pour  la  saluer  au  passage,  écourte  sa  description  de  Smyrne  et  de  Damas,  villes 
décidément  trop  européanisét  s,  et  laisse  en  dehors  de  son  programme  Jérusalem 
et  la  Palestine.  Ne  nous  en  plaignons  pas.  Tant  de  voyageurs  et  d'artistes  nous 
ont  déjà  décrit  ces  mêmes  régions,  sans  compter  les  guides  Cook,  les  prospectus 
de  chemins  de  fer  et  les  réclames  d'hôteliers  ! 

De  la  variété  et  du  bric-àbrac  pittoresque,  des  scènes  de  mœurs,   de  la  musique 
arabe  et  des  danses  du  ventre,  tout  cela  est  en  effet  très  curieux,  mais  quel  intérêt 
autrement   puissant,    sous    son   apparente    sévérité,    que  celui  qui  se  dégage  des 
vieilles  pierres  et  de  la  poussière  des  générations,  des  aspects  de  la  nature  et  des 
enseignements  de  l'histoire  1  En  nous  les  faisant  connaîire,    M.   Gallois  a  cru  tra- 
vailler «  à  l'accomplissement  d'un  devoir  social  »,  ambition  fort   honorable  quand 
on  songe  à  tout  ce  que  cette  terre  a  vu  naître  et  mourir  d'œuvres  et  de  civilisations. 
«  Il  y  a  peu  de  pays  oii  plus  d'histoire  se  soit  pressée  en  moins  d'espace  »,    dit 
l'historitn  allemand  Curtius,  cité  par  M.  Gallois;    et  un  autre  s-avant  ajoute  :  «  Si 
un    grand    nombre    de  vestiges    historiques    se  trouvent  à  la  surface  du  sol,  ses 
entrailles  en  recèlent  bien  d'autres  qui  se  sont  enfoncés  sous  leur  propre  poids  et 
celui  des  siècles  >.  Et    pour   i  (jus    tous    qi:i    oublions  si  vite  nos  humanités  clas- 
siques, la  lecture  de  quelques-unes  de  ces  pages  ressemble  à  une  reprise  de  pos- 
session de  nous  mêmes,    à  je  ne  sais  quel  Irais  retour  vers  les  souvenirs  de  notre 
en  fance.  Voici,  cités  presque  au  hasard  :  Pergame  et  ses  ruint  s  nonjbreuses,  Sardes 
et  le  bon  vieux  roi  Crésus,  possesseur  du  Pactole,  Éphèse  et  le  temple  de  Diane, 
une  des  sept  merveilles  du  monde,  Halicarnasse  et  le  tombeau  de  Mausole,  Tarse, 
il  Antoine  rencontra  Cléopàtre,  Nicée,  où  se  tint  un  Concile  fameux,  Sinope,  Trc- 
bizonde,  que  sais-je  I  Ici  coulent  des  fleuves  qui  furent  eux-mêmes  des  dieux  :  Le 
Granique,   le  Scamandre,    le  Cydnus,    le  Simoïs,    l'Htrmo?,  le    Méandre;    ici  ont 
I empiré    des   hommes    qui    s'appelaient    César,   Alexandre,    Mithridate,    Pompée, 
Homtre,  Hérodote,  Pythagore,  Saint-Paul,  Godefroy  de  Bouillon,  Barberousse,  et 


-  258  — 

tant  d'autres  !  Et  tous  ces  paysages  d'Asie-Mineure,  avec  leur  lumière,  leur 
silence,  leur  gravité  douce,  si  bien  appariée  elle-même  aux  ruines  qui  les  solem- 
nisent  I 

Quel  dommage  que  nous  possédions  à  ce  sujet  si  peu  de  livres  d'une  science  et 
d'une  ampleur  véritables  !  Celui  de  M.  Gallois  est  de  proportions  modestes,  mais 
il  suffit  pour  éveillor  et  satisfaire  notre  curiosité  d'une  façon  aimable,  ce  qui  a  bien 
son  importance. 

Le  volume  se  complète  par  des  considérations  économiques  et  politiques  d'ordre 
varié,  notamment  sur  les  richesses,  encore  presque  insoupçonnées,  que  contiennent 
le  sol  et  le  sous-sol  de  l'Asie-Mineure,  sur  le  développement  des  routes  et  des 
chemins  de  fer,  et  sur  le  rôle  que  les  diverses  grandes  Puissances,  la  France  plus 
spécialement,  sont  appelées  à  jouer  dans  la  Péninsule. 


MES  CHASSES  DANS  LES  CINQ  PARTIES  DU  MONDE, 

par  Paul  Niedigk.  Paris,  Pion,  1907. 


Tous  les  enfants,  grands  ou  petits,  aiment  les  belles  aventures  de  chasse,  celles 
surtout  qui  ont  pour  cadre  des  paysages  exotiques,  et  qui,  par  les  dangers  qu'elles 
présentent,  exigent  une  audace  et  un  courage  exceptionnels.  Ils  trouveront  ici  de 
quoi  satisfaire  leur  curiosité,  sans  sortir  pour  cela,  d'ailleurs,  du  vaste  domaine  de 
la  géographie. 

M.  Niedick  a  parcouru  pendant  sept  ans,  la  carabine  en  main,  les  latitudes  les 
plus  diverses  à  la  poursuite  de  tous  les  gros  gibiers.  11  est  allé  au  Japon  chasser 
le  taisan  sur  les  hauteurs,  ce  qui  lui  a  permis  occasionnellement  de  gravir  la 
fameuse  pyramide  du  Fujiyama  ;  à  Geylan  et  dans  l'Inde,  il  a  tiré  l'ours,  le  buffle, 
l'éléphant,  le  crocodile,  le  tigre  et  la  panthère  ;  en  Australie,  il  a  forcé  à  cheval  le 
daim,  le  cerf  et  le  kangourou  ;  l'Afrique  Orientale  lui  a  offert  son  contingeni  de 
gnons,  zèbres,  sangliers,  antilopes  et  hippopotames  ;  il  a  chassé  l'élan  à  Terre- 
Neuve  et  dans  l'Alaska,  le  wapiti  et  l'ours-grisly  dans  les  Montagnes-Rocheuses, 
le  rhinocéros  et  le  lion  au  Soudan,  l'ours,  le  mouflon  et  le  renne  dans  l'Extrème- 
Nord  du  Canada.  Au  reste,  de  nombreuses  gravures  nous  représentent,  tantôt  des 
spécimens  de  ses  trophées  cynégétiques,  tantôt  l'auteur  lui-même,  la  crosse  au 
pied,  à  côté  du  cadavre  de  quelqu'une  de  ses  victimes.  La  plupart  de  ses  aventures 
nous  sont  contées  d'une  façon  vive  et  pittoresque,  avec,  çà  et  là,  une  certaine 
pointe  de  bonne  humeur,  toute  gasconne,  dirais-je  volontiers. ...  si  l'auteur  n'était 
de  pure  race  allemande. 

D'ailleurs,  dans  sa  préface,  il  se  dit  véridique,  et  prétend  n'avoir  rapporté  que 
des  faits  exacts,  «  au  risque  même  d'être  çà  et  là  accueilli  du  lecteur  par  un 
hochement  de  tête  ».    \'oilà  donc  les  incrédules  avertis,   et  quelque  peu  désarmés. 

Mais,  mieux  que  l'attrait  de  coups  de  fusil  merveilleux,  ou  que  le  frisson  en  face 
de  dangers  conjurés  à  l'avance  (nous  le  savons  fort  bien,  sans  quoi  l'auteur  serait  il 
vivant  pour  nous  les  raconter  ?)  On  pourra  puiser  dans  le  livre  des  renseignements 
abondants  sur  la  faune  majeure  des  cinq  parties  du  monde,  en  particulier  sur  les  mœurs 
de  telle  ou  telle  espèce  dont  nos  zoologistes  n'ont  pu  nous  donner  jusqu'ici  qu'une 
description  incomplète,  faute  de  les  avoir  saisies  sur  le  vif  et  dans  des  conditions 
de  liberté  et  de  milieu  suffisants.  Cerfs,  tigres,  éléphants  ou  autres,  le  chasseur  a 


—  25'J  — 

pu  ea  effet,  en  ses  nombreux  affûts  de  nuit  et  de  jour,  surprendre  leurs  mouve- 
ments et  leurs  atdtu  les  les  plus  variés.  Ceci  rappelle  les  très  curieuses  photogra- 
phies au  magnésium,  prises  par  un  autre  Allemand,  M.  Schillings,  reproduites  en 
Juillet  190G  par  Y  Illustration^  et  consignées  dans  un  livre  au  titre  significatif  :  Mit 
Biitz/icht  iïnd  Buechse.  Les  Anglo-Saxons,  grands  amateurs  de  chasse  comme  de 
zoologie,  ont  poussé  également  fort  loin  leurs  recherches  en  ce  genre.  Leurs  récits 
de  chasse  formeraient  toute  une  bibliothèque.  Nous  ne  pourrions  guère  mettre 
sérieusement  en  parallèle  que  les  deux  beaux  et  épais  volumes  de  M.  Edouard 
Foa,  sur  ses  chasses  dans  le  continent  noir. 

Faut-il  désirer  que  les  Nemrods  et  sous-Nemrods  de  ce  genre  se  multiplient  ? 
Oui  évidemment,  s'il  s'agit  de  l'extermmation  des  grands  fauves  carnassiers  ;  non, 
en  ce  qui  concerne  les  animaux  plus  inoffensifs.  L'auteur  le  remarque  lui-même, 
la  protection  du  gibier  tend  heureusement  à  devenir  universelle.  Chose  assez 
piquante,  c'est  précisément  parmi  les  chasseurs  invétérés,  parmi  ceux  qui  ont  leurs 
trophées  innombrables  accrochés  aux  murs,  qu'on  rencontre  les  plus  ardents  par- 
tisans de  la  protection.  «  Amis  de  la  nature  »,  ils  considèrent  l'animal  comme 
«  un  de  ses  admirables  produits  ».  C'est  pourquoi,  «  si  l'on  veut  réaliser  quelque 
progrès,  il  faut  ôter,  et  plutôt  aujourd'hui  que  demain,  la  carabine  des  mains  de 
l'indigène....  En  outre,  il  faut  agir  avec  la  dernière  énergie  contre  les  blancs 
sans  scrupule,  qui,  uniquement  préoccupés  de  leur  intérêt  momentané,  causent 
par  leurs  méfaits  un  préjudice  incalculable  pour  l'avenir  ».  Voilà  qui  est  fort  bien 
dit.  On  ne  saurait  mieux  cracher  au  plat,  une  fois  repu  soi-m-me,  pour  en 
dégoûter  les  autres. 

G.  HOUBRON. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes, 


FRANGE    ET    COLONIES. 


lladaga^icar  ;  les  enteri*i*iiie«is  Betsiléoii».  —  Voici  à  peu  près 
comment  se  passent  les  enterrements  betsiléos  : 

Vanité  ou  superstition,  les  Betsiléos  tiennent  par-dessus  tout  à  réunir  le  plus  de 
monde  possible  à  leurs  enterrements.  Ils  ont  donc  inventé  une  foule  de  moyens 
pour  attirer  un  grand  nombre  d'assistants.  C'est  si  bien  pour  eux  le  point  essentiel 


—  200  — 

que  dans  certaines  régions  on  ne  fait  pas  les  cérémonies  lorsque  le  riz  est  trop 
cher,  mais  on  attend  l'époque  qui  suit  la  moisson.  De  même  en  temps  d'épidémie 
l'on  renvoie  la  réunion  à  des  jours  meilleurs. 

Quand  un  Betsiléo  vient  de  mourir,  la  famille  envoie  des  messagers  dans  toutes 
les  directions  vers  les  parents  ou  alliés  du  défunt  pour  les  inviter  à  l'enterrement. 
Les  mêmes  messagers  ou  d'autres  personnes  sont  chargés  d'acheter  les  lambas 
destinés  à  envelopper  le  cadavre.  Pendant  ce  temps,  on  fait  constater  le  décès  par 
un  voisin.  Un  des  proches  parents  s'approche  du  défunt  pour  lui  fermer  les  yeux. 
Il  dépose  une  pièce  de  monnaie,  quelquefois  une  piastre  (5  fr.),  sur  la  langue,  lui 
serre  la  bouche  avec  un  linge  et  lui  couvre  le  visage.  On  le  ligote  aux  reins,  aux 
genoux,  aux  pieds,  et  on  le  lave. 

Ainsi  préparé,  le  corps  est  disposé  sur  une  simple  natte  ou  sur  un  lit  du  côté 
Est  de  la  chambre.  On  le  couvre  des  lambas  disponibles,  auxquels  seront  ajoutés 
ceux  qu'on  a  fait  acheter,  en  ayant  soin  de  mettre  les  plus  précieux  à  l'extérieur; 
certains  font  des  dettes  et  se  ruinent  même  pour  avoir  des  lambas  de  haut  prix. 
Un  autre  lamba  est  tendu  en  forme  de  rideau  en  avant  du  mort  pour  le  cacher;  on 
le  soulève  quand  les  parents  viennent  faire  leur  visite  de  condoléance  et  présenter 
leur  offrande  à  celui  qui  conduit  le  deuil. 

Les  personnes  présentes  dans  la  chambre  sont  assises  à  l'Ouest  de  la  case,  la 
face  tournée  vers  le  rideau.  On  ne  doit  jamais  laisser  le  mort  seul. 

Ces  premières  dispositiors  prises,  les  parents,  qui  ont  d'abord  soigneusement 
retenu  leurs  larmes,  éclatent  tout  à  coup  en  sanglots.  Bientôt  ce  sont  des  lamen- 
tations parlées,  de  vrais  discours  oii  l'on  exagère  les  qualités  du  défunt,  oii  l'on 
exprime  la  douleur  de  l'avoir  perdu.  Et  l'on  apprend  ainsi  dans  le  voisinage  qu'un 
tel  est  mort. 

Dès  lors  on  commence  à  se  réunir  pour  les  cérémonies  :  les  invités  venant  de 
loin  arrivent  peu  à  peu.  Bientôt  se  tait  une  agglomération  plus  ou  moins  considé- 
rable suivant  l'importance  du  personnage.  Les  joueurs  de  grosse  caisse,  les  fifres, 
les  tambours  ne  tardent  pas  à  paraître  et  à  se  faire  entendre.  On  les  a  appelés  et 
loués  chèrement  parce  qu'ils  sont  très  utiles  pour  réunir  le  peuple,  ou  bien  ils 
sont  venus  d'eux-mêmes  offrir  leurs  services  dès  qu'ils  ont  appris  qu'il  y  avait  un 
mort.  En  même  temps  se  pré.sentent  des  chanteurs  et  des  danseurs.  On  amène 
près  du  hameau  un  ou  deux  troupeaux  de  bœufs,  dont  quelques  bœufs  de  combat, 
pour  faire  savoir  à  la  foule  qu'il  y  aura  combat  de  bœufs  et  qu'on  distribuera 
de  la  viande.  Enfin  une  bande  d'hommes  est  envoyée  pour  ouvrir  le  tombeau.  Ils 
font  ce  travail  avec  plus  ou  moins  d'entrain  suivant  le  repas  et  le  rhum  qu'on  leur 
partage. 

Le  tombeau  betsiléo  a  généralement  la  forme  d'un  grand  cube  de  pierre  plus 
large  que  haut  et  dont  les  quatre  faces  sont  constituées  par  des  roches  plates 
superposées.  Quelques-uns  sont  en  pierres  soigneusement  taillées.  C'est  sous  ce 
cube  extérieur  ordinairement  placé  sur  une  colline,  en  haut  des  montagnes  ou 
même  au  sommet  des  rochers  que  se  trouve  le  caveau  de  famille.  On  y  accède  par 
une  tranchée  en  pente  comblée  en  temps  ordinaire  de  terre  molle  et  que  l'on  dégage 
au  moment  d'un  enterrement. 

L'ordonnateur  des  funérailles  doit  prendre  toutes  ses  dispositions  pour  que 
l'enterrement  se  fasce  d'après  les  us  et  coutumes.  Ce  doit  être  un  personnage 
d'autorité. 

A  la  tombée  de  la  nuit  on  sert  un  copieux  repas  aux  musiciens,  chanteurs,  dan- 
seurs, danseuses  et  proches  parents.  Ce  repas  est  suivi  d'une  distribution  de  rhum. 
L'ordonnateur  rassemble  alors  tous  les  assistants  et  leur  adresse  un  discours  où  il 


—  261  — 

dit  entre  autres  choses  :  «  Le  jour  ne  meurt  pas  aujourd'hui,  car  notre  cher  parent 
est  mort,  et  maintenant  vous  pouvez  vous  livrer  aux  réjouissances  accoutumées, 
vous  tous  mariés  et  surtout  non  mariés  ».  Aussitôt  commencent  la  musique,  les 
chants  et  les  danses.  Tous  les  désordres  deviennent  autorisés.  «  Amusons-nous, 
diseï  t  les  Betsiléos,  pendant  que  nous  sommes  en  vie,  car  lorsque  nous  serons 
morts,  nous  serons  dans  le  repos  ». 

Le  fiandravanana,  c'est-à-dire  l'ensemble  de  tous  ces  désordres,  a  lieu  toutes  les- 
nuits  avant  et  parfois  même  après  l'enterrement. 

Au  point  du  jour  l'ordonnateur  fait  un  nouveau  discours  pour  remercier  les  assis- 
tants. Il  les  invite  à  rester  jusqu'à  la  fin  de  l'enterrement  et  promet  de  fournir  les 
repas  nécessaire  ;  il  donne  le  salaire  convenu  aux  joueurs  et  danseurs  et  annonce 
le  combat  de  bœufs. 

Ce  combat  est  dans  le  genre  de  ceux  qui  sont  usités  en  Espagne.  Le  parc  oii 
sont  enfermés  les  troupeaux  pendant  la  nuit  sert  d'arène.  Los  spectateurs  se 
massent  sur  le  talus  circulaire  qui  l'environne.  On  va  chercher  des  bœufs  de  com- 
bat dont  quelques-uns  ont  parfois  une  vraie  réputation.  Le  bœuf  pénètre  dan& 
l'enceinte  et  des  jeunes  gens  munis  d'amulettes  se  présentent  pour  combattre, 
c'est-à-dire  pour  agacer  la  bête  en  évitant  ses  coups.  Les  assistants  jettent  de  la 
monnaie  pour  exciter  les  lutteurs. 

Les  combats  de  bœufs  sont  dangereux  pour  les  combattants  qui,  assez  souvent, 
sont  grièvement  blessés,  mauvais  pour  les  assistants  qui  y  perdent  plusieurs  jours. 
La  distribution  de  rhum  ne  cesse  pas  ;  plus  ou  moins  abondante  selon  les  moyens 
et  la  générosité  de  l'ordonnateur. 

Quand  tout  est  prêt  pour  l'ensevelissement,  c'est-à-dire  quatre  jours  après  la 
déclaration  de  mort,  le  corps  est  mis  dans  une  bière  en  bois,  ou  dans  une  pirogue 
ad  hoc  pour  les  riches,  ou  simplement  dans  une  natte  entourée  de  bandelettes 
pour  les  personnes  de  condition  plus  modeste.  Le  tout  est  fixé  fortement  sur  un- 
brancard. 

On  ne  peut  faire  l'enterrement  ni  le  matin,  ni  à  midi,  de  peur  d'affliger  le  mort 
et  de  se  le  rendre  défavorable.  Il  faut  garder  chez  soi  le  cadavre  le  plus  tard  pos- 
sible. Donc  vers  la  fin  de  la  journée,  des  jeunes  gens  se  présentent  pour  porter  le 
défunt,  d'autres  désignés  d'avance  conduisent  en  filanjane  les  parents  du  défunt, 
et  le  cortège  se  dirige  par  le  chemin  le  plus  long  vers  le  tombeau.  Tout  cela  se 
passe  au  milieu  de  chants,  de  danses  et  de  tapage.  Les  femmes  pleurent  ou  font 
semblant  de  pleurer  en  se  lamentant,  les  autres  rient,  crient  et  se  bousculent. 

Lorsqu'on  est  parvenu  au  tombeau,  on  boit  du  rhum,  on  offre  au  mort  de  la 
viande  rôtie.  Le  chef  des  funérailles  avec  une  ou  deux  personnes  descend  vers  la 
porte  du  caveau  et  l'une  de  ces  personnes,  tournant  le  dos  au  caveau,  frappe  du 
talon  la  porte  en  disant  :  «  Ouvrez-nous,  nous  vous  amenons  votre  parent.  Il  nous 
a  quitté  pour  habiter  avec  vous,  recevez-le  et  ne  le  laissez  pas  aller  seul  ».  La 
pierre  qui  ferme  l'ouverture  est  alors  enlevée  et  l'ordonnateur  des  funérailles 
entre  dans  le  tombeau  pour  voir  le  corps  des  ancêtres  et  désigne  l'endroit  où  doit 
être  déposé  le  défunt.  Il  fait  un  signe,  le  corps  est  descendu,  on  découvre  la  tête 
voilée  jusque-là,  on  replace  la  pierre,  et  la  tranchée  qui  mène  au  tombeau  est  de 
nouveau  comblée. 

Pendant  ce  temps,  d'autres  personnes  se  sont  occupées  à  tuer  les  bœufs  non  loin 
du  tombeau.  Tous  les  assistants,  l'ensevelissement  terminé,  se  dirigent  de  ce  côté 
et  s'accroupissent  autour  des  victimes.  Trois  hommes  désignés  se  lèvent  pour  le 
kabary.  Celui  qui  se  tient  au  milieu  prend  la  parole  pour  faire  l'histoire  du 
défunt,  dire  la  maladie  qui  l'a  enlevé,  remercier  les  assistants,  lire  la  liste  de  ceux 


-  2Cyl  - 

qui  ont  offert  une  cotisation,  indiquer  ensuite  ceux  à  qui  ou  doit  distribuer  de  la 
viande.  Les  deux  accolytes  viennent  au  secours  de  l'orateur  pour  lui  souffler  les 
noms.  Parfois  ils  ajoutent  quelques  mots. 

Le  discours  fini,  on  distribue  la  viande.    Naturellement  tapage   et    désordre 

La  nuit  arrive,  on  recommence  les  réjouissances  nocturnes. 

Deux  jours  après  on  continue  encore  ces  orgies  pour  chasser  l'âme  du  défunt. 
Les  Betsiléos,  en  effet,  croient  que  celle-ci  hante  le  tombeau  et  ses  alentours,  or  il 
faut  à  tout  prix  que  cette  pauvre  àme  reste  tranquille  dans  le  sépulcre  et  ne 
s'avise  plus  de  venir  troubler  les  vivants.  Si  l'enterrement  a  été  bien  conduit,  il  y 
a  tout  lieu  d'espécer  que  l'âme  se  tiendra  en  repos. 

Donc  pour  achever  de  contenter  le  mort,  ou  tue  un  autre  bœuf,  on  boit  du  rhum 
et  on  continue  le  fiandravanana.  «  Va-t'en,  dit-on  à  l'àme,  ta  demeure  n'est  plus 
ici,  car  c'est  la  demeure  des  vivants,  tes  parents  ne  sont  plus  ici,  ils  sont  là-bas, 
dehors,  va-t'en  !  » 

Et  l'on  se  disperse  enfin. 

Une  semaine  après,  nouvelle  cérémonie.  Les  parents  se  réunissent.  On  porte  au 
tombeau  un  peu  de  rhum  et  de  viande  cuite.  Celui  qui  est  chargé  de  l'offrande 
doit  aller  droit  devant  lui  sans  tourner  la  tète  ;  arrivé  près  du  sépulcre,  il 
s'adresse  aux  âmes  des  ancêtres  :  «  Gardez  bien  votre  enfant,  leur  dit-il,  ne  le 
laissez  pas  circuler,  ne  le  laissez  pas  aller  vers  les  troupeaux  des  vivants,  vers 
leur  bien,  etc.  ». 

Tout  est  terminé. 


Les  marques  de  deuil  sont  l'habit  violet,  bleu  foncé  et  noir.  Les  femmes  dénouent 
leurs  tresses  et  portent  leurs  longs  cheveux  divisés  en  deux  énormes  touffes 
ébouriffées.  Les  hommes  laissent  croître  les  leurs  en  désordre.  Il  y  en  a  qui  ne  se 
baignent  plus  tant  que  dure  leur  deuil.  Enfin  on  porie  le  lamba  d'une  certaine 
manière  en  le  laissant  retomber  par  devant  des  deux  côtés. 

Tous  ces  usages  ne  sont  pas  universellement  suivis  ;  il  y  a  bien  quelques 
variantes,  mais  tel  est  du  moins  l'aspect  général  des  enterrements  betsiléos. 


ASIE. 


liC  Traité  Franco-ISianiois.  —  Voici  l'analyse  article  par  article  du 
traité  franco -siamois  : 

A  la  suite  d'opérations  de  délimitation  entreprises  en  exécution  de  la  convention 
du  1.3  Février  1904,  le  Gouvernement  français  et  S.  M.  lî  Roi  de  Siam,  désireux 
d'une  part  d'assurer  le  règlement  final  de  toutes  les  questions  relatives  aux  fron- 
tières communes  de  l'Indo-Ghine  et  du  Siam  par  un  système  réciproque  et  rationnel 
■d'échange,  désireux  d'autre  part  de  faciliter  les  relations  entre  les  deux  pays  par 
l'introduction  progiessive  d'un  système  uniforme  de  juridiction  et  par  l'extension 
-des  droits  des  ressortissants  français  établis  au  Siam,  ont  décidé  de  conclure  un 
jiouveau  traité  dont  les  dispositions  sont  les  suivantes  : 

Par  l'article  1",  le  Siam  cède  à  la  France  les  territoires  de   Battambang,   Siem- 


—  263  — 

Rap  et  Sisophon,  dont  les  frontières  seront  définies  par  un  protocole  de  délimitation 
ultérieur. 

Par  l'article  2,  le  Gouvernement  de  la  République  cèdi^  au  Siam  les  territoires 
de  Dan  Saï  et  de  Kratt,  dont  les  frontières  seront  également  définies  par  un  proto- 
cole ultérieur,  ainsi  que  touics  les  iles  situées  au  Sud  du  cap  Lemling  jusques  et 
y  compris  Kokut. 

L'ariicle  3  stipule  que  la  remise  de  ces  territoires  aura  lieu  do  pari  et  d'autre 
dans  un  délai  de  vingt  jours  après  la  date  à  laquelle  le  présent  traité  aura  été 
ratifié. 

Aux  termes  de  l'article  4,  une  commission  composée  de  fonctionnaires  français 
et  siamois  sera  nommi'e  dans  un  délai  de  quatre  mois  après  la  ratification  du  traité 
en  vue  de  délimiter  les  nouvelles  frontières. 

L'article  5  règle  la  qui^stioii  de  la  protection  consulaire.  Il  dispo-^o  que  tous  les 
Asiatiques,  sujets  l't  protégés  français,  qui  se  feront  inscrire  dans  les  consulats  de 
France  au  Simi.  après  la  signature  du  traité,  par  application  de  l'article  2  de  la 
convention  du  13  Févrii'r  19)4,  seront  justiciables  des  tribunaux  siamois  ordinaires. 

En  même  te  i.ps,  la  juridiction  des  cours  internationales  siamoises,  dont  la  réor- 
ganisation était  prévue  par  l'article  12  de  la  convention  du  13  Février  1U;)4,  sera, 
dans  des  conditions  à  déterminer,  étendue  dans  tout  le  royaume  siamois  aux  Asia- 
tiques, sujets  et  protégés  français,  visés  par  les  articles  10  et  11  de  la  même  con- 
vention et  actuellement  inscrits  dans  les  consulats  de  France  au  Siam. 

Ce  régime  pren  Ira  fin  et  la  compétence  des  cours  internationales  sera  tranférée 
aux  tribunaux  siamois  ordinaires  après  la  promulgation  et  la  mise  en  vigueur 
des  .codes  siamois  (code  pénal,  code  civil  et  commercial,  code  et  lois  d'organisation 
judiciaire). 

Enfin  l'article  6  stipule  que  les  Asiatiques,  sujets  et  protégés  français,  jouiront 
dans  toute  l'étendue  du  royaume  de  Siam  des  droits  et  prérogatives  dont  bénéficient 
les  nationaux  du  pays,  notamment  du  droit  de  propriété,  de  libre  résidence  et  de 
libre  circulation.  Ils  seront  soumis  aux  impôts  et  prestations  ordinaires.  Ile  seront 
exemptés  du  service  militaire  et  ne  seront  pas  assujettis  aux  réquisitions  et  taxes 
extraordinaires. 

Ce  traité,  signé  à  Bangkok  le  23  Mars  1907,  n'a  pas  eu  la  même  fortune  que  le 
traité  du  7  Octobre  1902  :  et  il  faut  l'en  féliciter.  Rarement  acte  diplomatique  avait 
été  aussi  mal  accueilli  que  ce  traité  de  1902.  L'accueil  fut  même  si  mauvais  que  le 
Gouvernement  français  renonça  à  le  soutnettre  à  la  ratification  des  Chambres.  Les 
négociations  reprirent  après  la  signature.  Et  le  15  F'évrier  1904,  un  nouveau  traité 
fut  conclu  qui,  lui,  fut  approuvé  par  le  Parlement,  mais  qui,  de  l'avis  de  plusieurs 
personnes  compétentes,  ne  pouvait  être  considéré  que  comme  une  solution 
d'attente. 

Trois  ans,  depuis  lors,  ont  passé.  M.  Dutasia,  chargé  d'affaires  de  France  à 
Bangkok,  et  M.  Klobukowksi,  notre  ministre,  indiquèrent  tour  à  tour  les  desiderata 
qu'il  était  opportun  de  satisfaire.  Toute  une  partie  des  arrangements  de  1902  et 
iOO'i  était  bonne  et  ne  devait  pas  être  remise  en  cause  :  c'était  le  cas  pour  la  ces- 
sion à  nous  consentie  des  provinces  de  Melouprey  etdeBassac;  c'était  le  cas  pour 
l'indépendance  reconnue  vi^  à  vis  du  Siam  au  roi  de  Luang-Prabang  ;  c'était  le  cas 
aussi  pour  les  stipulations  secondaires  d'ordre  économique  —  hypothétiques,  il 
est  vrai  —  qui  visaient  des  constructions  de  voies  ferrées.  Mais  bien  des  causes  de 
litige  subsistaient.  D'abord   le  roi   du   Cambodge,   notre  protégé,  se  plaign;.it  que 


—  264  — 

son  royaume  restât  amputé  des  provinces  de  Battambang,  de  Sim-Reap  et  de 
Sisophon.  Ensuite,  le  Siam  ne  se  résignait  pas  à  la  perte  de  Kratt  qui  nous  avait 
été  remis  en  échange  de  Ghantaboun;  il  ne  se  résignait  pas  davantage  à  voir  la 
France,  par  sa  présence  dans  le  territoire  de  Dansai  (boucle  du  Mékong),  lui  fer- 
mer toute  communication  entre  le  bassin  du  Haut-Ménam  et  celui  du  Mékong. 
Enfin  les  stipulations  relatives  non  à  la  protection,  mais  à  la  juridiction  des  sujets 
et  protégés  français  au  Siam  apparaissaient  comme  un  moyen  de  pression  entre 
nos  mains  et,  du  même  coup,  désarmaient  le  Gouvernement  siamois  en  face  des 
prétentions  de  certaines  puissances,  notamment  du  Japon,  pour  qui  le  droit  de 
protection  et  de  juridiction  est  un  prétexte  à  une  intervention  continue  dans  les 
.affaires  intérieures  du  Siam. 

M.  Pichon,  dans  les  instructions  remises  par  lui  à  M-  GoUin  de  Plancy,  notre 
nouveau  Ministre  à  Bangkok,  à  la  fin  de  1906,  avait  très  sagement  marqué  son 
désir  d'aboutir  à  une  solution  moins  précaire.  Dés  son  arrivée  à  son  poste, 
M.  Gollin  de  Plancy  constata  que  ce  désir  était  plus  vif  encore  du  côté  du  Siam 
que  du  nôtre.  La  négociation —  amorcée  par  celle  d'un  emprunt  conclu  il  y  a  deux 
mois  —  s'engagea  aussitôt.  Elle  fut  menée  à  Bangkok  et  aussi,  par  intermittences, 
à  Paris.  Et  le  préambule  du  traité  qui  en  est  sorti  exprime  très  heureusement  l'es- 
prit dans  lequel  elle  a  été  conduite.  11  est  dit  dans  ce  préambule  que  les  deux 
gouvernements  souhaitent  «  d'une  part  assurer  le  règlement  final  de  toutes  les 
questions  relatives  aux  frontières  communes  do  l'Indo-Ghine  et  du  Siam  par  un 
système  réciproque  et  rationnel  d'échange,  d'autre  part  faciliter  les  relations  entre 
les  deux  pays  par  l'introduction  progressive  d'un  système  uniforme  de  juridiciion 
et  par  l'extension  des  droits  des  ressortissants  français  établis  au  Siam  ».  Il  est 
impossible  de  résumer  plus  brièvement  les  stipulations  compensatrices  auxquelles 
on  s'est  arrêté. 

Tout  d'abord,  nous  rendons  au  Siam  Dansai  et  Kratt.  Krat',  quand  il  nous  fut 
cédé  en  1904,  fut  dénoncé  par  une  partie  de  la  presse  comme  un  point  sans  intérêt. 
Il  est  probable  que  les  mêmes  journaux  estimeront  aujourd'hui  qu'il  présente  une 
valeur  de  premier.ordre.  Ge  sont  là  jeux  de  polémique  auxquels  il  ne  faut  pas 
s'attarder.  Kratt  n'aurait  eu  de  valeur  que  comme  débotiché  du  bassin  du  Grand 
Lac,  —  de  ce  bassin  qui  désormais  sera  français,  puisque  les  riches  et  fertiles  pro- 
vinces de  Battambang,  Seam-Reap  et  Sisophon,  conquises  iiaguère  sur  le  Gam- 
bodge,  nous  sont  rétrocédées.  Mais  ce  débouché,  il  est  clair  qu'à  la  suite  du  traité 
du  23  Mars,  c'est  du  côté  de  Pnom-Pcnh  qu'il  le  faudra  chercher.  Un  chemin  de 
fer  Battambang-Pnom-Penh  répondra  à  tous  les  besoins  et  drainera  vers  Saigon  le 
commerce  de  cette  belle  région.  Au  point  de  vue  territorial,  au  point  de  vue  poli- 
tique, au  point  de  vue  écononiique,  nous  gagnons  donc  incontestablement  au 
change.  Pourquoi  le  Siam  s'y  est-il  prêté?  Parce  que  Dansai  et  Kratt  sont  peuplés 
d'habitants  de  pure  race  siamoise  et  que  leur  réunion  à  la  France  était  une  cuisante 
blessure  pour  un  amour-propre  national  qu'on  doit  respecter  chez  les  autres  quand 
on  le  ressent  soi-même. 

En  matière  de  juridictior.,  nous  faisons  au  Siam  des  concessions  analogues  dans 
leur  principe  à  celles  qu'autrefois  nous  avons  accordées  au  Japon.  Nous  l'avons 
dit,  ces  concessions  sont  plus  avantageuses  au  Siam  qu'onéreuses  pour  nous.  Car 
elles  l'affranchissent,  en  matière  internationale,  des  entraves  que  lui  imposait  la 
clause  de  la  nation  la  plus  favorisée.  Nous  avons  d'ailleurs  obtenu  la  contre-partie 
qu'on  réclame  toujours  en  pareil  cas,  c'est  à  savoir  l'extension  des  droits  de  nos 
ressortissants,  notan.ment  en  matière  de  propriété,  de  résidence  et  de  libre  circula- 
tion dans  toute  l'étendue  du  royaume.  G'est  là  évidemment  de  notre  part  un  acte 
de  foi  dans  la  loyauté  du  Siam  et  dans  la  probité  de  ses  méthodes  administratives. 


—  265  — 

Mais  rien  n'autorise  à  douter  de  ses  intentions  sincères.  Et  notre  légation,  au 
surplus,  est  là  pour  veiller  aux  intérêts  de  nos  nationaux  et  de  nos  protégés.  Il  no 
faut  pas  s'étonner  qu'une  évolution  de  ce  genre  s'accomplisse  dans  nos  relations 
avec  tous  les  pays  asiatiques.  On  ne  peut  pas  prétendre  à  la  fois  qu'ils  s'européa- 
nisent et  qu'ils  restent,  vis  à  vis  de  l'h^urope,  dans  un  état  d'infériorité  juridique. 
Le  phénomôni'  est  général.  Il  faut  l'accepter,  —  en  tâchant  d'en  bénéficier.  C'est 
ce  que  nous  avons  fait. 

Au  total  donc,  bon  traité,  qui  est  bien  accueilli  des  deux  parts  et  qui  a  chance 
par  conséquent  de  rester  pour  longtemps  la  loi  des  contractants. 

Le  Temps. 


lia  Chine  nouvelle.  —  La  Chine  est  bien  changée  depuis  quelques 
années  !  Elle  est  maintenant  dans  une  fiévreuse  agitation  pour  se  transformer.  Les 
examens  publics  ont  été  supprimés.  C'est  une  grosse  affaire  pour  les  lettrés.  Par- 
tout on  établit  des  écoles  dans  les  villes,  dans  les  gros  bourgs,  et  même  on  veut 
qu'il  y  en  ait  dans  tous  les  villages  oii  il  y  a  plus  de  100  familles.  Pour  faire  les 
frais,  on  a  vendu,  d'af>rès  un  ordre  de  la  Cour,  toutes  les  terres  qui  appartenaient 
aux  pagodes. 

Les*  soldats  sont  habillés  à  l'européenne.  On  voit  des  galons  magnifiques  aux 
manches  et  sur  les  casquettes  des  officiers.  La  Chine  désire  ardemment  se  mettre 
sur  le  UK'ine  pied  que  le  Japon,  son  voisin,  dont  la  gloire  guerrière  enivre  l'esprit 
chinois. 

C'est  par  milliers  que  la  Chine  envoie  des  élèves  étudier  au  Japon.  On  vient  de 
décider  que  les  nouveaux  mandarins  avant  d'aller  en  charge  iraient  d'abord  au 
Japon  passer  quelque  temps,  pour  apprendre  la  manière  de  gouverner. 

Que  dire  des  chemins  de  fer,  des  fils  télégraphiques  qui  menacent  de  couvrir  le 
sol  chinois  ?  Grâce  à  la  poste,  les  communications  deviennent  beaucoup  plus 
faciles.  Les  journaux  et  les  nouveaux  livres  se  multiplient.  Les  livres  de  J.-J. 
Rousseau  ont  été  traduits  en  chinois. 

On  n'oublie  pas  les  femmes.  Les  grands  mandarins  ne  cessent  de  publier  des 
proclamations  pour  les  exhorter  à  se  débander  les  pieds  (1).  A  Pékin,  Tientsin  et 
autres  endroits,  des' Universités  féminines  ont  été  fondées. 

La  police  à  l'européenne  va  être  établie  dans  tous  les  villages.  Le  code  pénal  est 
mitigé,  etc. 


lia  situation  en  Mandcliourie.  —  Conformément  aux  stipulations 
du  traité  de  Portsmouth,  les  troupes  russes  et  japonaises  ont  évacué  la  Mand- 
chourie,  et  il  ne  reste  plus  que  les  forces  destinées  à  la  protection  du  chemin 
de  fer. 

Depuis  l'évacuation  de  Moukden,  les  territoires  qui  étaient  entre  les  mains  des 
Japonais  ou  entre  celles  des  Russes  ont  été  graduellement  remis  aux  mains  des 
autorités  chinoises. 

L'administration  chinoise  a  déjà  envoyé  des  troupes  à  Hei-Lung-Kiang  pour  y 
prendre  la  place  des  Russes  ;  elle  a  l'intention  d'y  maintenir  un  corps  de  troupes 


(i;  On  connaît  la  coutume  chinoi.se,  de  mutiler  les  pieds  des  femmes,  dès  leur  plus  jeune  àg 


-  2GG  - 

d'occupatioD,  bim  discipliné  et  important.  L'administration  mandchoue  sera  réor- 
ganisée ;  puis  on  déclarera,  d'une  façon  définitive,  quelle  sera  la  répartition  des 
troupes. 


AM  KRIQUE. 


liCttre  de  11.  Cliarpentler  en  voyage  au  Pérou.  —  Le  Prési- 
dent a  reçu  de  M.  H.  Charpentier-Franchomme,  parti  pour  une  exploration  minière 
dans  l'Amérique  du  Sud,  d'intéressantes  nouvelL  s  qu'ii  s'empresse  de  communi- 
quer à  ses  collègues. 

J'ai  été  reçu  à  mon  passage  à  Lima  par  M.  Eulojio  Delgado,  Président  de  la 
Société  de  Géographie  qui,  sur  votre  aimable  recommandation,  m'a  fait  l'accueil  le 
plus  gracieux.  Je  vous  remercie  encore  de  votre  aimable  introduction. 

Je  n'ai  fait  qu'un  court  séjour  à  Lima  et  je  me  suis  tout  de  suite  avancé  vers 
l'Ouest  dans  la  Cordillère,  oii  je  compte  continuer  jusqu'à  la  fin  de  ce  mois  mes 
explorations,  surtout  intéressantes  au  point  de  vue  minier,  car  ce  pays  est  d'une 
grande  richesse  en  cuivre,  plomb  et  argent.  Malhcun  usement  les  Péruviens  ont 
jusqu'à  ce  jour  employé  pour  leurs  besoins  personnels  et  beaucoup  pour  leur  luxe, 
l'argent  qu'ils  retiraient  de  leurs  mines,  sans  songer  à  développer  les  travaux  ni  à 
augmenter   leur    matériel,    do    sorte    que  les  exploitations  existantes  sont  assez 


Ma  première    étape  dans  la  montagne  en   Février  1907,    Tambaraque, 
3.500  m.  d'altitude,  à  100  kil.  à  l'Est  de  Lima. 


rudimentaires,  sauf  celles  du  Cerro  de  Pasco  que  je  visite  depuis  deux  jours  et  qui 
ont  été  développées  par  des  Américains  du  Nord.  Je  repars  dans  la  Sierra  dans 
trois  jours. 


—  267  — 

Rudimentaire  est  aussi  la  civilisation  de  ces  contrées  oii  les  Icdiens  vivent 
aujourd'hui  comme  il  y  a  quelques  centaines  d'années.  Il  faudrait  le  talent  d'un 
chroniqueur  ou  d'un  conférencier  pour  vous  dire  de  quelle  façon  primitive  vivent 
ces  malheureux  sous  des  huttes,  dans  les  montagnes  que  je  viens  de  parcourir  en 
restant  presque  continuellement  entre  4.300  et  5.100  m.  d'altitude. 

Le  Pérou  central  aura  besoin  de  quelques  chemins  de  fer  coûteux  et  difficiles  à 
établir,  pour  s'ouvrir  à  la  civilisation.  Et  encore  n'ai-je  pas  poussé  mes  explora- 
tions jusqu'aux  régions  voisines  du  Brésil,  oii  l'on  pénètre  difficilement  et  oii  les 
peuplades  indiennes  vivent  à  l'état  sauvage,  sans  contact  avec  les  habitants  de 
la  côte. 


État!«-rni«.    —    I^a  fiss  «fia  c€»iifl!t  .«>eolaire  uip|»o-Hitiéricaiii. 

—  Le  conflit  nippo-américain  semble  définitivement  réglé.  Les  autorités  scolaires 
de  San-Francisco  ont  en  effet  télégraphié  à  M.  Roosevelt  qu'elles  annulaient  la 
règleuientation  tendant  à  affecter  à  des  écoles  spéciales  les  enfants  japonais  de 
moins  de  seize  ans.  Eu  conséquence,  le  Président  des  Etats-Unis  a  signé  un  ordre 
rendant  effectif  l'amendement  au  bill  sur  l'immigration  qui  interdit  l'intrée  sur  le 
territoire  de  l'Union  de  coolis  japonais  non  munis  de  passeports. 


II.   —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


EUROPE 


Belgique.  —  lie  coiniiirrce  en  190€.  —  Les  importations  à& 
2.90<J.9.39.000  francs  en  19().j,  se  sont  élevées  à  3.075.565.000  fr.  en  1906,  soit,  en 
plus,  165.626.000  fr.  ou  5,7  »  „. 

Les  exportations  de  2.192.657  fr.,  en  1905,  sont  montées  à  2.441.182.000  fr.  en 
1906,  soit  une  augmentation  de  248..52.5.000  fr.  ou  11,3  "V 

Les  droits  de  douane  perçus  en  1905  s'êi aient  élevés  à  55.572.351  francs,  ils 
atteignent  .56.286.275  fr.  en  ii)06,  soit  une  majoration  de  71.3>024  fr. 

Les  vins  français  avaient  atteint,  en  bouteilles  et  en  fûts,  en  1905,  une  valeur  de 
26.271.000  francs  et  en  1906,  leur  valeur  s'élève  à  28.144.00)  francs,  soit,  en  plus, 
1.873.000  francs. 

Les  importations  françaises,  en  1905,  s'étaient  élevées  à  427.990.00.)  fr.  —  elles 
atteignent,  en  1906,  4.32.647.000  fr.,  soit  une  augmentation  de  4.651.000  fr.  —  alors 
que  les  exportations  belges  vers  la  France  passent  de  .3.52.297.000  francs  à 
413.744.000  fr.  en  1906  ou  (il. 447.000  fr.  d'augmentation. 

D'autre   part,    l'Allemagne,    dont   les   importations    en    Belgique   s'élevaient    k 


-  268  - 

318.694.000  fr.  en  1905,  voit  ce  chiffre  s'élever  à  348.574.0)0  fr.,  soit  29.880.000  fr. 
d'augmentation  et  les  exportations  de  Belgique  vers  l'Allemagne  progressent  de 
495.668.000  francs  à  535.485.000  francs  ou  37.817.000  francs  d'augmentation 
pour  1906. 

Le  commerce  général  entre  la  France  et  la  Belgique  s'élève  à  846.391.000  fr.  et 
entre  celle-ci  et  l'Allemagne,  le  chiffre  atteint  884.0.59.000  fr.  Ainsi  que  nous 
l'avions  prévu,  nous  perdons  la  première  place. 


AFRIQUE. 


Canal  de  fSuez.  —  Voici   quel   a   été    le   mouvement    maritime  Ju   canal 
depuis  l'année  1899  : 


Années. 


1899. 
1900. 
1901. 
1902. 
1903. 
1904. 
1905. 
1906. 


Nombre 

Tonnage 

Tonnage  m 

de  navires. 

net. 

par  navir 

Tonnes. 

Tonnes 

3.607 

9.895.630 

2.740 

3.441 

9.738.152 

2.830 

3.699 

10.843.840 

2.920 

3.708 

11.248.313 

3.040 

3.701 

11.907.288 

3.220 

4.237 

13.401.835 

3.160 

4.116 

13.134.104 

3.190 

3.975 

13.445.736 

3.380 

Ce  tableau  est  bien  suggestif.  Il  témoigne  d'une  progression  régulière  et  parti- 
culièrement brillante.  Le  nombre  des  navires  a  tant  soit  peu  diminué  en  1906, 
mais  la  compensation  se  trouve  dans  une  augmentation  sensible  du  tonnage.  Et 
c'est  dans  ce  fait  qu'il  faut  chercher  une  explication  à  la  diminution  des  navires. 
Beaucoup  ont  été  retirés  de  la  navigation  au  profit  de  nouveaux  venus  d'un  ton- 
nage supérieur. 

De  1905  à  1906,  l'augmentation  est  énorme.  Aussi,  en  présence  de  )a  situation 
créée  par  la  progression  de  la  jauge  moyenne,  la  Compagnie  prcpède  à  l'approfon- 
dissement du  canal  ainsi  qu'à  son  élargissement. 


LE    SECRETAIRE-GENERAL  ADJOINT, 

Jules  DUPONT. 


LE   SECRETAIRE-GENERAL, 

A.  MERGHIER. 


Lille  Imp.LDanel 


—  269  - 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


I. 

Séance  du  Dimanche  6  Janvier  1907. 


COINS  DE  MORVAN  ET  DE  BOURGOGNE 

Par  M.  E.  HAUMANT, 

Ancien  Vice-Président  de  la  Société,  Professeur  à  la.  Sorbonne. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


La  Société  eut  ce  jour  tout  à  la  fois  la  bonne  fortune  de  revoir  son 
ancien  Vice-Président  et  le  délicat  plaisir  de  l'entendre.  L'éloge  de 
M.  Haumant  n'est  plus  à  faire.  Son  talent  a  pu  être  apprécié  ici  même 
maintes  et  maintes  fois  et  il  a  pu  juger  dans  les  quelques  instants  qu'il 
a  passés  parmi  nous,  quel  bon  souvenir  nous  avons  conservé  de  lui. 


Le  Morvan  est  une  région  relativement  peu  cultivée.  C'est  un  pays 
plutôt  pauvre,  mais  non  sans  intérêt.  Géologiquement  le  Morvan  cons- 
titue une  des  parties  les  plus  anciennes  du  coin  du  globe  que  nous 
occupons  ;  ses  granits  en  sont  la  preuve  manifeste.  Au  point  de  vue 
militaire,  c'est  une  région  où  nos  armées  pourraient,  en  cas  d'échec 
sur  la  frontière,  se  reformer  facilement.  Son  importance  économique 

18 


—  27U  — 

est  fort  restreinte  ;  elle  approvisionne  de  bois  à  brûler  la  grande 
agglomération  parisienne  où  les  bûches  se  rendent  à  la  dérive  par  les 
affluents  de  la  Seine,  l'Yonne  et  l'Armançon.  Mais  M.  Hauraant  veut 
cette  fois  se  borner  à  la  description  des  sites  et  monuments  qu  il  a  ren- 
contrés dans  un  de  ses  récents  voyages.  Nous  ne  ferons  que  les  énu- 
mérer  en  observant  rigoureusement  l'itinéraire  suivi. 

Les  Lff^diies,  sur  la  ligne  de  Paris  à  Dijon.  C'est  un  centre  d'excur- 
sions fort  intéressantes.  A  deux  kilomètres  de  cette  localité,  vers  le 
Sud,  se  dresse  un  plateau  abrupt,  surmonté  de  la  statue  gigantesque 
de  Vercingétorix.  C'est  le  jnouf  Ahx<j<s,  qui  commande  les  vallées  de 
la  Brenne  et  ses  deux  affluents,  l'Oze  et  l'Ozerain.  Un  escalier  en  ron- 
dins, œuvre  du  Touring-Club  de  France,  en  facilite  l'ascension.  Le 
T.  C.  F.  qui  fit  partout  œuvre  utile,  s'est  particulièrement  dépensé 
pour  la  Bourgogne.  Cette  association  ne  mérite  vraiment  que  des 
éloges.  Son  seul  tort  à  nos  yeux  est  de  porter  —  on  ne  sait  pourquoi 
—  un  nom  anglais. 


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ALISK    SAINTE-REINE.    —   VUE   DU   MONT   AUXOIS. 

Étages  sur  le  flanc  du  Mont  Auxois  se  trouvent  les  villages  d'Alise 
et  de  Sainte-Reine.  Ce  dernier  nom  rappelle  la  sainte  qui  —  selon  la 
légende  —  fut  martyrisée  par  ordre  de  l'empereur  Olibrius  qui  avait 
voulu  l'épouser  malgré  son  vœu  de  chasteté.  Quant  au  nom  d'Alise, 
il  donna  toujours  à  penser  aux  érudits  que  sur  le  Mont  Auxois  devait 
se  trouver  l'emplacement  même  d'Alésia.  Une  autre  localité  du  Doubs, 
Aldise,  lui  disputait  cet  honneur.  La  question  est  définitivement  tran- 
chée aujourd'hui.  Le  Mont  Auxois  répond  parfaitement  à  la  descrip- 
tion même  de  Jules  César.  Des  fouilles,  faites  sous  Napoléon  III,  ont 


L^Tl   — 


déjà  permis  de  retrouver  quelques  travaux  d'approche  et  de  circonval- 
lalion  des  Romains.  Quantité  de  pièces  de  monnaie  romaines  ou  gau- 
loises, toutes  précisément  de  l'époque  de  Vercingétorix ,  ont  été 
retrouvées  dans  la  plaine  et  sur  le  tianc  de  la  montagne. 

Vercingétorix,  bloqué  dans  la  ville,  avait 
appelé  à  son  aide  une  multitude  de  Gaulois 
et  dans  cette  lutte  suprême  pour  l'indépen- 
dance nationale  il  fut  définitivement  vaincu. 
Monté  sur  son  cheval  de  bataille,  couvert  de 
ses  armes,  il  dut  descendre  des  hauteurs  d'A- 
lésia  pour  se  rendre  à  Jules  César  qui  l'envoya 
à  Rome  pour  servir  à  son  triomphe.  Il  y  fut 
mis  à  mort  après  six  années  de  captivité. 

Voilà  pourquoi  on  a  érigé  en  ce  lieu  la  statue 
du  dernier  défenseur  des  Gaules.  Elle  domine 
véritablement  ce  site  tragique.  Une  critique 
cependant  :  cette  statue  est  celle  d'un  Gau- 
lois quelconque,  ce  n'est  pas  celle  du  chef 
des  Arverncs,  tel  que  nous  pouvons  le  conce- 
voir. Elle  n'en  est  pas  moins  imposante  et  a 
vraiment  très  grand  air. 

En  tace  du  Mont  Auxois,  de  l'autre  côté  de 
rOzerain,  s'élève  une  montagne  absolument 
conique,  surmontée  d'une  antique  cité  fortifiée 
dont  les  tours  font  rêver  à  quelques  gravures 
de  Gustave  Doré.  Cette  cité  semble  vraiment 
hors  d'atteinte,  on  y  arrive  pourtant,  c'est  Fla- 
vigny,  aux  rues  presque  désertes,  aux  maisons  beaucoup  trop  vastes  pour 
sa  faible  population.  Il  faut  dire  que  le  Parlement  de  Bourgogne  y  siégea 
quelquefois  et  ses  membres  s'y  étaient  fait  bâtir  des  demeures  dignes  de 
leur  importan^^e.  Flavigny  fut  donc  un  autre  Dijon  dans  la  montagne 
même.  Aujourd'hui  ce  n'est  plus  qu'une  ville  agonisante.  Qu'en  restera- 
t-il  dans  quarante  ans  ?  Uéglise  do  Flavigny  possède  de  superbes 
stalles  en  bois,  rapportées  des  Flandres  par  les  Ducs  de  Bourgogne. 
Des  débris  d'une  célèbre  abbaye  subsistent  encore  à  Flavign3^  Le 
fabricant  d'anis  de  ce  nom  en  a  fait  restaurer  une  partie  et  a  réuni 
dans  un  petit  musée  les  résultats  des  fouilles  qu'il  fit  pratiquer.  A  vrai 
dire,  la  ville  entière  est  un  véritable  musée  d'antiquités.  Aussi  est-elle 


ALISE    SAINTE-KEINE. 

LA   STATUE 
DE     VEKCIN»,  ÉTOKIX. 


très  intéressante  à  visiter,  malgré  toute  la  Irislesse  que  l'onéprouve  eu 
la  parcourant. 

Un  endroit  plus  gai  est  le  château  de  Bi(.ssy  Rabutin,  que  l'on  atteint 
en  contournant  le  Mont  Auxois  au  delà  de  l'Oze  et  de  i'Ozerain.  Le 
château,  flanqué  de  quatre  tours,  fut  la  résidence  du  comte  de  Bussy 
Rabutin.  Bussy,  né  sous  Louis  XIII,  était  devenu  meslre  de  camp  à 
27  ans  sous  Louis  XIV.  Certain  vendredi  saint,  en  une  orgie,  il  chanta 
des  couplets  scandaleux,  puis  composa,  pour  plaire  à  la  marquise  de 
Montglas,  sa  maîtresse,  une  histoire  amoureuse  des  Gaules  qui  le 
mena  tout  droit  à  la  Bastille.  11  n'en  sortit  qu'en  1666  pour  être  défi- 
nitivement banni  sur  ses  propres  terres  où  il  passa  le  reste  de  ses  jours. 
Bussy,  pour  se  distraire,  se  composa  une  galerie  célèbre  qui  reporte 
le  visiteur  en  plein  XVII*  siècle.  Dans  une  des  salles  du  château  sont 
reproduites  toutes  les  résidences  royales  du  grand  siècle.  Des  emblèmes 
et  des  devises  ont  trait  à  Bussy  lui-même.  Ainsi  l'escargot  avec  sa 
devise  :  Je  me  replie  sia-  nioi-niêtue,  et  le  bûcher  avec  cette  légende  : 
Je  l)rUJe)'(tis,  s;i  Voh  inenlrefeiiait,  se  rapportent  bien  à  la  situation 
faite  au  comte  par  son  exil.  Une  sirène  ou  encore  une  hirondelle  avec 
sa  devise  :  Elle  fuit  les  hivers,  font  allusion  l'une  aux  attraits  séduc- 
teurs, l'autre  à  l'inconstance  de  la  marquise  de  Montglas.  Une  autre 
salle  contient  les  portraits  de  tous  les  hommes  de  guerre.  Bussy  y 
figure  naturellement.  Du  reste  on  le  retrouve  partout  dans  son  ancienne 


C.HATKVi;    HK    BISSY-H  AUriIN. 


résidence.  Plus  loin  on  montre  la  chambre  et  le  lit  de  M'"^  de  Se  vigne. 
Il  faut  se  défier    de  celte  légende.  Probablement  elle  ne  s'y  rendit 


—  27:^  — 

jamais  ;  elle  connaissait  trop  bien  son  galant  cousin  pour  cela  !  Le 
parc  magnifique,  bien  ombragé,  contient- également  quelques  pièces 
curieuses,  entre  autres  :  un  rcmarcjuable  reliquaire.  La  visife  de 
Bussy-Rabulin  n'en  est  pas  moins  réconfortante  :  c'est  gai  et  pimpant. 
Cela  respire  encore  la  vie  du  grand  siècle.  Quel  contraste  avec  Fla- 
vigny,  la  fin  d'un  monde  ! 

Seniur,  sur  l'Armançon,  affluent  de  l'Yonne,  avec  ses  murs  et  son 
donjon  ressemble  encore  à  une  ville  du  Moyen-Age.  On  en  verrait 
sortir  de  nobles  seigneurs  tout  armés  et  de  nobles  daines  sur  leurs 
palefrois  que  l'on  n'en  serait  guère  étonné.  Aussi  est-on  comme  sur- 
pris en  y  entrant  de  ne  voir  que  la  figure  d'un  simple  employé  d'octroi. 
De  là  pour  gagner  Saulieu,  il  faut  gravir  le  plateau  du  Morvan.  Aux 
marnes  argileuses  succède  le  granit  rouge.  Le  pays  semble  là-haut 
plutôt  pauvre,  les  villages  se  font  rares  au  milieu  de  landes  quelque 
peu  bretonnes.  Enfin  l'on  y  rencontre  des  forêts  touffues  et  quantité 
d'étangs  étincelanls  au  soleil. 

Saulieu  possède  deux  églises  :  Sainl-Saturniu  et  Saint-Andoche. 
Les  habitants  de  la  plaine  ont  fini  par  surnommer  les  gens  de  Saulieu 
et  de  tout  le  plateau  AndoclieH.  Cela  fit  le  tour  de  la  France  et  c'est 
de  là  qu'est  venue,  peut-on  croire,  pour  les  gens  gauches  et  indécis, 
l'appellation  d'andouille. 

Vers  le  lac  des  Settons  le  pays  devient  de  plus  en  plus  sauvage.  Les 
chênes  sont  plutôt  chétifs  et  la  terre  est  si  stérile  que  les  habitants  ont 
ftii  ces  lieux  déshérités.  Le  lac  des  Settons,  d'une  superficie  de  400 
hectares,  est  un  réservoir  créé  afin  de  faciliter  dans  les  moments  de 
sécheresse  le  flottage  des  bûches  sur  la  rivière  qu'il  alimente.  Ce  n'est 
donc  pas  un  lac  de  montagne.  Ses  rives  sont  plutôt  plates  et  ses  eaux 
peu  limpides.  Nombreux  sont  cependant  les  touristes  qui  s'y  rendent 
dans  la  belle  saison. 

De  la  population  du  Morvan,  on  n'a  pas  toujours  fait  beaucoup 
d'éloges.  Les  Bourguignons  disaient  couramment  :  En  Morvan,  pas 
de  bon  vin,  pas  (Je  bonnes  f/ens.  Les  Morvandiaux  sont  un  peu  rudes, 
comme  les  montagnards  le  sont  souvent,  mais  tout  de  même  sympa- 
thiques. Au  Sud,  ils  sont  plus  souvent  petits  et  bruns  ;  au  Nord,  au 
contraire,  ils  sont  blonds  et  de  taille  plus  élancée. 

La  descente  du  -plateau  par  la  vallée  de  l'Arroux,  affluent  de  la 
Loire,  est  agréable.  On  n'a  qu'à  se  laisser  aller  le  long  de  cette  pente 


longue  de  près  de  quarante  kilomètres  pour  atteindre  Ai'ti'n,  l'an- 
cienne Aagustodununi.  De  loin  cette  ville  en  amphithéâtre  a  vraiment 
un  caractère  imposant.  On  y  pénètre  par  une  antique  porte  romaine, 
monumentale  mais  en  bien  fâcheux  état.  La  ville  moderne  ne  compte 
pas  ;  la  ville  du  Moyen-Age  avec  sa  Cathédrale  St-Lazare  vous  trans- 
porte en  pleine  époque  du  style  roman.  Elle  contient  quelques  œuvres 
d'art,  comme  le  martyre  de  saint  Symphorien  et  une  statue  du  Prési- 
dent Janin,  le  magistrat  pondéré  qui  sut  empêcher  en  Bourgogne  la 
répétition  des  massacres  de  la  Saint-Barthélémy.  De  la  ville  romaine, 
il  reste  des  traces  nombreuses  et  dispersées.  Telle  tour  est  soi-disant 
le  reste  d'un  temple  de  Janus.  La  porte  de  l'Arroux  et  la  porte  Saint- 
André  sont  également  de  remarquables  vestiges  de  la  domination 
romaine.  Augustodunum  était  bien  plus  grand  que  l'Autun  actuel. 
On  peut  dire  que  des  cultures  recouvrent  actuellement  les  deux  tiers 
de  l'antique  cité.  Autun  fut  alors  pour  tout  l'Occident  le  centre  du 
bibelot,  sorte  d'article  de  Paris  (statuettes,  objets  émaillés  s'y  faisaient 
à  profusion).  Mais  en  cela,  Augustodimum  n'avait  fait  que  succéder  à 
une  cité  disparue  qui  avait  exercé  auparavant  cette  même  industrie. 


AUTLN.    —   VUE   (iENEKALE. 


Cette  cité  fut  Bibracte,  qui  fut  en  même  temps  un  grand  centre 
politique.  Bibracte  était  situé  au  sommet  du  Mont  Beuvray. 

Ce  mont  de  neuf  cents  mètres  d'altitude  seulement  n'en  domine  pas 
moins  toutes  les  hauteurs  environnantes.  Certains  jours  on  peut  voir 
de  son  sommet  la  Loire  elle-même.  De  l'ancienne  oité,  il  ne  reste  que 
quelques  débris  et  substructions,  mais  des  ateliers   d'orfèvrerie   et 


—   r/D   — 


d'émaillage  ont  été  retrouvés,  lors  des  fouilles,  presque  intacts.  On 
devait  venir  de  fort  loin  pour  s'approvisionner  à  Bibracte  des  produits 
de  son  industrie  et  la/efc  d/(  Beucray,  sorte  de  foire  qui  se  fait  encore 
périodiquement  sur  son  sommet  désert,  ne  peut  s'expliquer  que 
comme  un  reste  d'une  ancienne  coutume.  Une  chapelle  dédiée  à  saint 
Martin  occupe  l'emplacement  du  temple  de  la  déesse  Bibracta. 

Chàteau-Chinon  sur  l'Yonne,  pittoresquement  étage  sur  les  pentes 
d'une  montagne,  réserve  au  voyageur  bon  œil  et  bon  accueil.  De  cer- 
taines terrasses  on  jouit  d'une  jolie  vue  sur  le  Nivernais  avec  ses 
pât\irages  et  ses  champs  fertiles  que  Rosa  Bonheur  a  si  fidèlement 
reproduits.  Près  de  la  ville,  la  vallée  de  l'Yonne  renferme  quelques 
beaux  dolmens  souvent  visités. 

A  Lormes,  une  pierre  tombale  rappelle  le  souvenir  du  chevalier 
Hugues  de  Lormes  qui  combattit  vaillamment  à  Bouvines.  Ce  héros 
est  bien  oublié  de  nos  jours  ! 

Tel  n'est  point  le  cas  de  Vauban  qui  lui,  naquit  tout  près  de  Lormes 
au  modeste  village  de  Sabit-Uyei-  en  1633.  Tout  enfant  il  gardait  un 
troupeau  d'oies  comme  on  en  rencontre  quelquefois  sur  les  routes  du 
Morvan.  On  reconnut  bien  vite  à  sa  vive  intelligence  qu'il  était  capable 
de  tout  autre  chose,  on  l'instruisit  et  il  devint  l'homme  célèbre  que 
nous  connaissons.  La  citadelle  de  Lille  est  son  chef-d'œuvre.  11  excel- 


VEZELAY.    —   VUE    GENERALE. 


lait  à  s'emparer  des  places  de  guerre  et  à  les  rendre  imprenables  dès 
qu'il  les  avait  prises.  Rendons  ici  hommage  à  celui  qui  osa  protester 


—  270  — 

contre  la  révocation  de  rÉdit  de  Nantes  et  fut  toujours  le  défenseur 
des  humbles.  Il  fut  pour  cela  disgracié  à  la  fin  de  sa  carrière  et  c'est 
à  Bazochcs,  non  loin  de  Saint-Léger,  qu'il  vint  passer  le  reste  de  ses 
jours.  Ses  restes  reposent  dans  l'église  de  celte  localité.  Son  château, 
flanqué  de  quatre  tours,  renferme  des  plans  de  forteresse  et  l'on  montre 
la  fenêtre  près  de  laquelle  il  écrivit  la  dime  royale. 

A  l'Est  se  trouve  la  vallée  de  la  Cure  qu'alimente  le  lac  des  Settons. 
En  descendant  le  cours  de  cette  rivière,  les  touristes  trouveront  certai- 
nement de  très  jolis  points  de  vue.  Chastellttcc,  avec  son  château  et 
son  viaduc  ne  les  laissera  point  indifférents.  Plus  bas,  au  village  de 
Saint-Père,  une  église  à  la  nef  élégante  provoquera  sans  aucun  doute 
leur  admiration.  Elle  fut  construite  au  XIIF  siècle  par  les  moines  de 
Vezelay.  C'est  un  magnifique  spécimen  du  style  ogival  de  cette 
époque. 

Vezelay  du  reste  n'est  pas  loin,  dominant  de  loin  le  village  de  Saint- 
Père  et  la  vallée  de  la  Cure.  C'est  une  ville  sévère,  entourée  de  murs, 
en  laquelle  on  pénètre  comme  à  Flavigny  par  une  de  ces  vieilles  portes 
que  la  végétation  et  les  touffes  de  giroflées  sauvages  envahissent.  Les 
rues  en  pente  sont  étroites  et  bordées  de  maisons  fortifiées.  La  basi- 
lique de  la  Madeleine  domine  tout  cet  ensemble.  Viollet-le-Duc  qui  Ta 
restaurée  l'attribue  à  quelque  architecte  byzantin,  car  son  style  n'est 
nullement  gothique.  Quoiqu'il  en  soit,  celte  basilique  produit  une 
impression  profonde.  Sa  nef  qui  n'est  guère  plus  grande  que  celle  de 
Nolre-Darae  de  Paris,  paraît  immense.  Sans  doute  doit-elle  cette  appa- 
rence à  la  nudité  qu'on  lui  trouve  et  qui  donne  à  tous  une  sensation 
de  vide.  Autre  particularité,  la  nef  est  précédée  d'un  nartliex,  vaste 
vestibule  qui  servait  aux  catéchumènes. 

Cette  basilique  était  une  dépendance  de  la  célèbre  abbaye  de  Vezelay. 
Des  pèlerinages  en  l'honneur  des  reliques  de  Marie-Madeleine  y 
avaient  été  institués,  les  offrandes  affluaient  de  toutes  parts  et  l'abbaye 
s'enrichit  rapidement.  Aussi  Vezelay  avait  pris  bientôt  une  importance 
exceptionnelle.  Saint  Bernard  y  vint  prêcher  la  deuxième  Croisade  et 
décida  Louis  VII  à  prendre  la  croix.  Plus  tard  encore,  Richard-Cœur- 
de-Lion,  Philippe-Auguste  et  saint  Louis  s'y  croisèrent.  De  la  vaste 
terrasse,  ombragée  de  vieux  marronniers  et  à  pic  sur  la  vallée,  on 
domine  toutes  ces  pentes  qu'occupèrent  alors  les  armées  des  Croisés. 
Quand  le  jour  décline  et  qu'on  entend  bruire  le  vent  dans  la  vallée 
embrumée  on  croirait  entendre  encore,  avec  un  peu  d'imagination, 


les  vagues  rumeurs  do  toutes  ces  foules  armées  qui  l'ont  occupée 
autrefois. 

S'il  faisait  bon  de  vivre  autrefois  sous  la  crosse,  il  fut  un  temps  où 
les  gens  de  Vezelay  eurent  à  s'en  plaindre.  Un  moine,  fort  de  son 


VEZELAY.    —   LEGLISE. 


droit,  frappa  un  jour  un  peu  trop  brutalement  un  paysan  pris  en  faute 
et  lui  creva  même  les  yeux.  Tous  les  vassaux  prirent  fait  et  cause  pour 
lui,  appelèrent  à  leur  aide  le  comte  de  Nevers  et  finirent  par  chasser 
les  abbés.  Les  maisons  fortifiées  datent  de  cette  époque,  bourgeois  et 
paysans  s'y  retranchèrent  tout  le  temps  que  dura  cette  lutte  intestine. 
L'abbé  Pons  de  Montvoisier  réfugié  à  Cluny  recourut  à  l'excommuni- 
cation contre  les  révoltés  et  put  enfin  rentrer  à  Vezelay  avec  ses 
moines,  grâce  à  la  haute  protection  des  rois  de  France.  Pendant  les 
guerres  de  religion,  l'abbaye  fut  pillée  par  les  huguenots  et  l'église 
convertie  en  grenier  à  fourrage.  Après  cette  tourmente  l'abbaye 
connut  des  jours  tranquilles  jusqu'à  la  Révolution  qui  la  supprima  : 
Théodore  de  Bèze,  le  célèbre  historien  de  la  Réforme  est  né  à  Vezelay. 


-  L^78  — 

Cette  ville  est  entièrement  déchue,  elle  partage  le  sort  de  toutes  celles 
qui  n'ont  point  voulu  ou  pu  se  régénérer  par  l'industrie. 

C'est  vers  l'époque  de  la  fête  de  Sainte  Reine  qu'il  est  préférable  de 
visiter  le  Morvan.  On  la  célèbre  en  effet  le  premier  samedi  de  Sep- 
tembre. La  fête  du  Beuvray  tombe  en  Mai,  c'est  évidemment  trop  tôt 
pour  une  excursion.  Tel  est  le  conseil  donné  par  M.  Haumant  qui, 
tout  en  trouvant  le  pays  parfois  quelque  peu  sauvage,  lui  reconnaît 
cependant  une  originalité  saisissante.  Ses  ruines  antiques  et  ses  monu- 
ments encore  existants  sont  un  témoignage  réconfortant  de  l'activité 
de  nos  ancêtres. 


II. 

Séance  du  Jev<lj  10  Janvier  1907 . 


DE   ROUEN   A   LA  MER 


L'AME   DU    PAYSAGE 
Par    M.    Marius    G  0  S  S  E  Z. 


De  Rouen  au  Havre,  une  grande  ligne  de  dislocation  coupe  la  péné- 
plaine crayeuse  de  la  Haute-Normandie  en  ouvrant  à  la  Seine  une 
large  voie  d'accès  à  travers  le  massif  de  la  craie. 

Le  fleuve  y  décrit  de  larges  boucles  avant  d'atteindre  la  Manche  en 
un  estuaire  encombré  d'alluvions. 

Ces  alluvions  forment,  le  long  de  la  route  que  nous  allons  suivre, 
une  double  bande  de  riches  paysages. 

Tour  à  tour,  des  prairies  remontent  les  longues  croupes  inclinées 
des  rives,  d'où  les  taillis  des  bois  voisins  déferlent,  ou  bien  ces  pâtu- 


—  L^Tlt  — 

rages  s'arrêtent  brusquement  devant  la  muraille  abrupte  d'une  falaise 
blanche. 

Chaque  jour,  durant  la  belle  saison,  un  bateau  traverse  ce  paysage, 
soit  qu'il  descende  ou  qu'il  remonte  le  fleuve.  C'est  lui  qui  nous  con- 
duira de  Rouen  au  Havre,  de  Rouen  à  la  Mer. 

Les  six  heures  que  dure  à  l'ordinaire  ce  trajet  ne  sont  pas  mono- 
tones :  les  bords  souriants  de  la  Seine  présentent  des  villages  dans  les 
pommiers,  des  vallons  feuillus  ;  les  quais  des  villes  se  mirent  au  fleuve 
que  des  îles  parsèment  ;  les  oiseaux  traversent  d'une  ombre  rapide  sa 
surface  ;  et  les  souvenirs  de  tout  ordre,  légendaire,  historique  et  litté- 
raire, si  abondants  ici,  peuplent  la  mémoire. 

La  littérature  est  toute  remplie  de  la  description  des  paysages  que 
nous  allons  parcourir.  Au  premier  rang  des  romanciers,  Flaubert  et 
Maupassant  n'ont  pu  vivre  sur  ces  bords  sans  aimer  et  sans  décrire 
quelques  sites  qui  leur  furent  familiers. 

Puis  nous  interrogerons,  chemin  faisant,  d'autres  écrivains,  des 
maîtres  comme  Hugo,  à  qui  la  Seine  porta  un  coup  fatal,  des  inconnus 
aussi,  s'il  s'en  présente. 

En  tous  cas,  je  me  propose  de  demander  leur  aide  à  ceux  qui,  mis 
en  relation  avec  la  nature  qui  nous  occupe,  ont  cherché  à  la  com- 
prendre, en  ont  dégagé  les  aspects  caractéristiques,  et,  pour  ainsi 
parler,  ont  communié  avec  l'âme  du  paysage  que  nous  allons  traverser. 

Or,  nul  mieux  que  Jean  Revel  ne  peut  nous  conduire  au  long  des 
flots  de  l'Estuaire,  car  nul  mieux  que  Jean  Revel  ne  s'est  attentive- 
ment penché  vers  cette  terre,  et  vers  ce  flot,  avec  autant  d'amour  et 
d'afi"ection  filiale. 

Parler  de  l'Estuaire  et  omettre  Jean  Revel,  ce  serait  évoquer  Bruges 
et  oublier  Georges  Rodenbach. 

Vraiment,  il  sera  notre  meilleur  guide,  car  toute  son  œuvre  est 
imprégnée  de  l'âme  de  ce  paysage,  de  l'amour  pour  le  fleuve  qui  nous 
emporte,  d'un  sentiment  de  reconnaissance  affectueuse  pour  cette 
terre  (1). 

La  route  «  De  Rouen  à  la  Mer  »  est  quelque  peu  tortueuse  ;  c'est  le 


(1;  M.  Paul  Toutain  a  publié  sous  le  pseudonyme  de  Jean  Revel  une  douzaine 
de  volumes  dans  la  Bibliothèque  Charpentier,  dont  les  principaux  :  Chez  nos 
Ancêtres,  1888  ;  Les  Hôtes  de  l'Estuaire,  1904  ;  Terriens,  190G,  etc. 


—  280  - 

chemin  des  écoliers,  mais  ne  sommes-nous  pas  pardonné  de  l'avoir 
suivi  :  c'était  pendant  les  dernières  vacances. 

Il  forme  deux  parties  distinctes  :  les  Boucles,  les  méandres  de  la 
Seine  d'une  part,  et  de  l'autre  :  l'Estuaire. 

La  première,  de  Rouen  à  Quillebeuf,  toute  pleine  d'une  verdure,  sur 
laquelle  tranche  la  blanche  falaise  ;  sur  la  rive  droite,  comme  sur  la 
rive  gauche,  le  fleuve,  dans  les  parties  concaves  de  ses  rives,  longe  de 
très  près  le  pied  de  la  haute  muraille.  A  peine,  entre  lui  et  cette 
falaise,  laisse-t-il  un  petit  espace  en  plate-forme  pour  placer  quelques 
villes  ripuaires  :  Rouen,  La  Bouille,  Duclair,  Caudebec. . . 

Dans  les  portions  convexes  de  ses  courbes,  au  contraire,  les  allu- 
vions  ont  formé  de  larges  plaines,  cultivées  ou  livrées  à  l'élevage, 
entre  les  derniers  buissons  des  forêts  et  la  rivière  :  grasses  pâtures, 
surtout  développées  à  l'Ouest  des  convexités,  parce  que,  dans  ces  por- 
tions, les  alluvions  marines  s'ajoutent  aux  apports  fluviaux. 

Après  Quillebeuf,  le  fleuve  s'élargit  :  c'est  l'embouchure  ;  les  allu- 
vions et  les  travaux  humains  l'ont  transformée  par  endroits,  mais  elle 
est  largement  ouverte»  dès  qu'on  a  dépassé  le  cap  de  la  Roque  et  le 
cap  du  Hode.  On  entre  en  mer  entre  les  bancs  dangereux  d'Amfar  et 
du  Ratier. 

Les  grandes  forêts:  Roumare,  Mauny,  Brotonne,  Maulévrier,  domi- 
naient toute  la  falaise  dans  la  première  partie  de  la  route  ;  après 
Quillebeuf  et  l'entrée  du  Canal  de  Tancarville,  elles  disparaissent  ; 
les  villes  sont  sur  le  plateau  :  Lillebonne  et  Saint-Romain  ;  ou  bien, 
comme  Montivilliers  et  Harfleur,  sur  les  petites  vallées  des  derniers 
affluents  ;  mais  si  le  paysage  perd  en  délicatesse,  il  gagne  en  gran- 
diose :  les  horizons  se  reposent  sur  les  hautes  côtes  normandes,  au 
Nord  et  au  Sud  :  sur  celle  de  grâce  et  celle  d'émeraude,  au  delà  de 
Harfleur  et  de  Ronfleur. 

Mais  je  voulais  surtout  évoquer  des  paysages  et  faire  à  leur  propos 
quelques  lectures  ;  nous  allons  suivre  notre  voyage,  en  son  détail. 
Puissè-je  inspirer  le  goût  de  le  recommencer  en  réalité. 

Il  est  quelques  six  heures  ou  sept  heures  d'un  matin  gris  d'été, 
lorsque  nous  suivons  les  rues  et  les  quais  de  Rouen,  encore  brumeux. 
Nous  allons  vers  la  Seine  par  le  pont  Boieldieu.  Les  passants  se  hâtent 
déjà,  pour  le  travail  de  la  journée  et  les  affiaires,  sans  souci  des  hautes 
silhouettes  de  la  Cathédrale,  droites  devant  l'horizon. 

ARouen.nousne  manquerons  certes  pas  de  rencontrer  les  lazzaroni 
du  lieu.  Ils  se  reposent  déjà  —  ou  encore  —  en  attendant  l'apparition 


-  L^81    - 

de  leur  patron  divin  :  ce  sont,  assis  nonchalamment  sur  un  banc  du 
pont,  les  «  soleils  »,  qui  goûtent  l'éternel  farniente  ;  compagnons  de  la 
joie  et  de  la  misère,  ils  vivent  de  nonchalance  et  d'aumôme.  Seigneurs 
de  la  loque  et  du  mégot,  vrais  enfants  de  ce  climat  pluvieux  et  doux, 
aux  hivers  sans  grande  rigueur.  Il  nous  faut  saluer  leur  traditionnelle 
présence. 

Mais,  puisque  voici  le  quai,  embarquons-nous  sur  le  «  Félix  Favre  •», 
le  bateau  proche  d'une  des  mouches  qui  descendent  le  courant,  jus- 
qu'à Dieppedalle  ou  la  Bouille 

Nous  laissons  derrière  nous  le  faubourg  Saint-Sever,  l'Ile  Lacroix, 
et,  en  fond  de  paysage,  la  côte  Sainte-Catherine,  brusque  colline  à  pic 
sur  Rouen,  à  l'Est,  et  après  laquelle  nous  apercevons,  dans  un  repli, 
Bonsecours  accablé  d'un  gâteau  de  Savoie,  honneur  tardif  rendu  à 
Jeanne  d'Arc...  Toute  proche  est  la  tombe  de  Hérédia,  dans  ce 
"même  Bonsecours,  mais  elle  regarde  vers  l'amont,  vers  Paris. . . . 

L'animation  règne  sur  les  quais,  qui  nous  suivent.  Ici  un  vapeur 
dépose  ses  marchandises  sur  le  débarcadère  ou  dans  les  péniches  et 
les  bélandres  qui  doivent  transporter  sa  cargaison  et  remonter  le 
fleuve  ;  ailleurs  les  débardeurs  déchargent  leurs  sacs,  et,  pour  prouver 
qu'ils  n'ont  rien  de  commun  avec  les  «  soleils  »  de  la  petite  Provence 
(on  nomme  ainsi  les  endroits  chaudement  exposés  des  quais),  les 
ouvriers  roulent  des  troncs  d'arbres,  ou  bien  transportent,  pour  les 
embarquer,  des  poutres  de  bonne  taille. 

Ils  ont,  du  reste,  du  pain  sur  la  planche,  ou  mieux  du  vin  !  Les  ton- 
neaux encombrent  les  quais  et  vont  être  livrés  bientôt  aux  travailleurs. 

Population  active  et  turbulente,  prompte  aux  grèves,  et  surtout  aux 
petits  conflits,  trop  adonnée  à  l'alcool,  hélas  !  La  Seine-Inférieure  est 
le  premier  des  grands  consommateurs  d'alcool  et  Rouen  se  signale  à 
sa  tête. 

Devant  nous,  entre  les  lignes  géométriques  du  Pont-Transbordeur, 
nous  voyons  maintenant  le  mont  Saint-Aignan,  la  côte  de  Canteleu, 
qui  semblent  barrer  le  fleuve,  et  nous  manquons  presque  de  nous 
heurter  à  la  nacelle  de  ce  même  pont  que  les  rives  se  renvoient  régu- 
lièrement d'un  mouvement  alternatif. 

Cette  fois  nous  voici  sortis  du  port,  laissant  à  l'arrière  la  tour  des 
hauteurs  de  l'eau  fluviale,  les  docks  et  la  croupe  du  Mont-Riboudet  qui 
domine  une  petite  vallée  et  l'embouchure  du  ruisseau  de  Cailly. 

A  mesure  que  l'on  s'éloigne  le  panorama  de  la  ville  se  découvre 
dans  le  soleil  qui  se  lève  au  loin,  les  villas  des  côtes  croulent  dans  la 


—  282  — 

verdure  comme  des  fruits  hors  d'un  panier  enlr  ouvert  ;  églises  et 
cathédrales  profilent  déjà  leurs  clochers  comme  de  hautes  manchettes 
en  broderies  empesées. 

Ou  bien,  s'il  pleut,  et  il  pleut  souvent,  l'aspect  change  : 

«  Voici  Rouen,  ville  pesante. 
Accroupie  au  lit  étroit  de  se?  falaises  blanches 

Et  qui  sommeille  au  bord  du  fleuve, 
Avec  ses  vieux  habits  d'orfroi,  comme  une  veuvo  ; 
Voici  Rouen,  la  ville  aux  cathédrales, 
Et  sa  grosse  horloge  qui  n'est  pas  neuve, 

Et  son  vitrail  de  Saint-Julien, 

Et  sa  flèche  ogivale, 

Au  campanile  aérien. 
Qui  monte  au  niveau  des  côtes  de  Darnetal, 

Sa  flèche  oii  le  ciel  gris  s'appuie. 
Et  qu'on  dirait  coulée  en  verre  sous  la  pluie. ...» 

En  ces  rythmes,  qui  ont  au  moins  le  mérite  d'être  inédits,  mon  ami^ 
le  poète  Philéas  Lebesgue  résumait  une  impression  de  pluie  sur  la 
ville  normande,  vue  dans  sou  ensemble,  par  un  jour  maussade. 

Tel  est  souvent  dans  la  brume,  ce  port  fluvial  que  nous  quittons 
maintenant.  «  C'est  notre  Manchester  »  [un  Manchester  plus  artistique 
et  plus  joyeux]  dont  le  Havre  serait  assez  bien  le  Liverpool.  Au  Havre 
accostent  les  grands  cargo-boats,  auxquels  leurs  trop  vastes  dimen- 
sions ou  le  manque  de  temps  ne  permettent  pas  la  remontée  de  la 
Basse-Seine.  Mais  les  navires  qui  ne  calent  pas  plus  de  8  mètres 
peuvent  remonter  jusqu'à  Rouen  et  transborder  sur  les  chalands  et  les 
péniches  les  marchandises  qui  doivent  remonter  vers  Paris  et  le  centre 
de  la  France  par  voie  d'eau  »,  car  le  lit  de  la  Basse-Seine  a  été  consi- 
dérablement amélioré  depuis  vingt  ans. 

La  ville  n'est  bientôt  plus  qu'un  lointain  décor.  Nous  sommes  en 
face  de  Canteleu.  Mais  co  décor  est  si  poétique,  que  peintres  et  écri- 
vains se  disputèrent  pour  l'exprimer.  Une  aquarelle  des  frères 
Lecomte,  deux  jeunes  artistes  rouennais,  en  a  dégradé  les  tons  légers^ 
tandis  que  Maupassant  consacrait  à  ce  site  gracieux  quelques  pages,. 
au  début  du  «  Horla  »,  un  de  ses  contes,  et  les  développait  dans  un 
paysage  de  «  Bel  Ami  »  :  les  héros  du  roman  ont  suivi  la  route  sinueuse 
qui  accompagne  la  courbe  du  coteau,  et  ils  regardent,  derrière  eux, 
vers  Rouen. 

«  On  dominait  l'immense  vallée,  longue  et  large,  que  le  fleuve  clair 


—  L^83  — 

parcourait  d'un  bout  à  l'autre  avec  de  grandes  ondulations.  On  le 
voyait  venir  de  là-bas.  tâché  par  des  îles  nombreuses,  et  décrivant  une 
courbe  avant  de  traverser  Rouen.  Puis  la  ville  apparaissait  sur  la  rive 
droite,  un  peu  noyée  dans  la  brume  matinale,  avec  des  éclats  de  soleil 
sur  ses  mille  clochers  légers,  pointus  ou  trapus,  frêles  et  travaillés 
comme  des  bijoux  géants,  ses  tours  carrées  ou  rondes  coiffées  de  cou- 
ronnes héraldiques,  ses  beffrois,  ses  clochetons,  tout  le  peuple  gothique 
des  sommets  d'églises  que  dominait  la  flèche  aiguë  de  la  Cathédrale, 
surprenante  aiguille  de  bronze,  laide,  étrange  et  démesurée,  la  plus 
haute  qui  soit  au  monde. 

«  Mais  en  face,  de  l'autre  côté  du  fleuve,  s'élevaient,  rondes  et  ren- 
flées à  leur  faîte,  les  minces  cheminées  d'usines  du  vaste  faubourg 
Saint-Sever. 

«  Plus  nombreuses  que  leurs  frères  les  clochers,  elles  dressaient 
jusque  dans  la  campagne  lointaine  leur  longue  colonne  de  briques  et 
soufflaient  dans  le  ciel  bleu  leur  haleine  noire  de  charbon. 

«  Et  la  plus  élevée  de  toutes,  aussi  haute  que  la  tour  de  Chéops,  le 
second  des  sommets  dus  au  travail  humain,  presque  l'égale  de  sa  fière 
commère  la  flèche  de  la  Cathédrale,  la  grande  pompe  à  feu  de  la 
Foudre  semblait  la  reine  du  peuple  travailleur  et  fumant  des  usines, 
comme  sa  voisine  était  la  reine  de  la  foule  pointue  des  monuments 
sacrés. 

«  Là-bas,  derrière  la  ville  ouvrière,  s'étendait  une  forêt  de  sapins  ; 
et  la  Seine  ayant  passé  entre  les  deux  cités,  continuait  sa  route,  lon- 
geait une  grande  côte  onduleuse,  boisée  en  haut  et  montrant  par  place 
-ses  os  de  pierre  blanche,  puis  elle  disparaissait  à  l'horizon  après  avoir 
encore  décrit  une  longue  courbe  arrondie.  On  voyait  des  navires  mon- 
tant et  descendant  le  fleuve,  traînés  par  des  barques  à  vapeur,  grosses 
comme  des  mouches  et  qui  crachaient  une  fumée  épaisse.  Des  îles 
étalées  sur  l'eau  s'alignaient  toujours,  l'une  au  bout  de  l'autre,  ou 
bien  laissaient  entre  elles  de  grands  intervalles  comme  les  grains  iné- 
gaux d'un  chapelet  verdoyant  ». 

Nous  découvrons  toute  la  vallée  de  la  Seine  vers  le  Sud,  si  nous 
regardons  à  l'opposé  sans  quitter  la  route  qu'avec  Maupassant  nous 
suivions  tout  d'abord,  à  mi-côte  entre  le  village  de  Canteleu  qui  borde 
la  forêt  de  Roumare  et  le  village  de  Groisset,  sur  la  rive  devant  laquelle 
nous  allons  arriver. 

Toujours  la  falaise  à  pic  près  du  chemin  qui  la  sépare  seule  du  fleuve. 
Sur  ce  rivage,  aux  maisons  de  plaisance,  hélas,  font  concurrence  les 


—  284  — 


dernières  usines  dont  les  cheminées  fusent  entre  les  replis  de  terrain. 
Mais  l'industrie  tente  un  effort  pénible  pour  s'acclimater  sur  cette 
rive,  son  sol  naturel  est  le  bord  opposé,  la  rive  basse  des  faubourgs 
manufacturiers. 

Sur  le  bord  se  lève  ce  qui  reste  de  la  Maison  du  bon  Flaubert,  ce 
petit  pavillon  blanc  encore  encastré  dans  l'usine  avoisinante.  Mais  la 
conquête  de  l'industrie  sur  l'art  aura  été  brève  ;  cette  usine  est  aujour- 
d'hui en  démolition  et  doit  bientôt  disparaître. 

Du  reste,  l'usine  a  déjà  reculé  pour  faire  place  au  musée  Flaubert, 
installé  dans  ce  petit  pavillon  que  l'on  a  restauré,  et  autour  duquel 
Jean  Revel  a  fait  courir  un  jardin,  et  l'allée  des  tilleuls  où  le  Maître 
de  «  Sdlàmbo  »  et  de  «  Madame  Bovary  »  aimait  à  se  promener,  qu'il 
appelait  son  «  gueuloir  »  parce  qu'il  y  récitait  tout  haut  les  tirades  les 
plus  formidables,  les  plus  «  hénaûrmes  »  —  comme  il  disait,  —  qu'il 
finissait  d'écrire. . . . 

Un  respect  nous  étreint  devant  ce  cher  Groisset  dont  Gustave  Flau- 
bert gardait  partout  le  souvenir,  même  durant  un  voyage  lointain  sur 
le  Nil  : 

«  J'ai  quelque  part,  écrit-il,  une  maison  blanche  dont  les  volets  sont 

«  fermés,  maintenant  que  je  n'y  suis  plus J'ai  laissé  le  grand 

«  mur  tapissé  de  roses  et  le  pavillon  au  bord  de  l'eau.  Une  touffe  de 
<  chèvrefeuille  pousse  en  dehors  sur  le  balcon  de  fer.  A  une  heure  du 
«  matin,  en  Juillet,  par  le  clair  de  lune,  il  y  fait  bon  venir  voir  pêcher 
«  les  caluyots  ». 

Et,  comme  jadis,  nous  l'imaginons  au  balconnet  de  fer  fleuri,  de 
chèvrefeuille  ;  il  y  fumait  sa  pipe  avant  de  retourner  à  «  la  Bovary  »  et 
il  y  rêvait  de  toute  son  âme,  la  nuit,  sous  les  étoiles. 

Il  aimait  à  répéter  que  Pascal  s'était  assis  à  celte  place,  selon  la 
légende  ;  que,  sur  cette  route,  l'abbé  Prévost,  qui  habita  ce  logis,  avait 
vu  passer  la  toute  gracieuse  Manon  et  le  pauvre  chevalier  des  Grieux... 

Mais  n'est-ce  pas  aussi  en  ce  lieu  qu'il  composa  ses  chefs-d'œuvre, 
que  Maupassant  écrivit  bien  des  pages,  que  Flaubert  le  reçut  comme 
tous  ses  amis  les  littérateurs  du  XIX^  siècle  finissant  :  les  Sand, 
Gauthier,  Bouilhet  son  frère  chéri,  les  Goncourt,  Tourguenief,  Jules 
Lemaître  et  Zola,  tous  les  autres  qui  l'ont  aimé 

A  Groisset  il  était  véritablemeut  devenu  légendaire  et  son  ami,  Gh. 
Lapierre,  le  directeur  du  Nouvelliste  de  Roue)},  a  raconté  l'impression 
qu'il  faisait  dans  le  joli  village  : 

«  A  chaque  escale  des  bateaux  à  Groisset,  les  passagers  se  mon- 


—  285  — 

■«  traient,  à  travers  la  baie  ouverte  dans  le  jardin,  par  des  barreaux, 
«  ce  grand  Gaulois  à  moustaches  épaisses  et  tombantes,  revêtu,  l'été, 
«  de  sa  houppelande  légère  rayée,  qui,  les  mains  dans  son  large  pan- 
«  talon  serre  à  la  taille  par  une  cordelière,  les  examinait,  de  son 
«  côté,  avec  une  curiosité  narquoise.  Il  avait  remarqué,  plusieurs 
«  dimanches  de  suite,  vers  dix  heures  du  matin,  une  famille  composée 
«  du  père,  de  la  mère,  de  deux  petits  garçons,  qui,  assis  sur  le  parapet, 
«  le  contemplait  comme  un  phénomène.  Il  me  les  avait  montrés  et 
«  j'avais  reconnu  un  ancien  confiseur  de  la  rue  du  Grand-Pont  ;  et 
«  comme  Flaubert  se  montrait  intrigué  de  cette  persistance,  j'avais 
«  imaginé  de  lui  dire  qu'il  était  un  but  de  promenade,  une  récréation. 
«  Dans  la  semaine  quand  un  des  enfants  se  montrait  indiscipline,  la 
«  mère  lui  disait  :  «  Si  tu  n'es  pas  sage,  on  ne  te  mènera  pas  voir 
«  dimanche  M.  Flaubert».  Cette  explication  l'avait  fort  amusé,  et  il 
«  l'avait  écrite  à  quelques-uns  de  ses  amis  ». 

Au  reste,  la  mémoire  de  Flaubert  n'est  pas  disparue  de  Groisset,  où 
l'on  lit  encore  cette  enseigne  curieuse,  et  véridique,  d'un  cabaret  : 

«  Restaurant,  tenu  par  Colange,  ex-cuisinier  de  Monsieur  Gustave 
«  Flaubert  ». 

La  rive  gauche  qui  fait  face  au  pavillon  de  Flaubert,  n'est  guère 
poétique.  Le  port  de  Rouen  s'est  étendu  jusque-là  :  Petit-Quevilly  et 
Grand-Quevilly  sont  les  faubourgs  industriels  et  laids,  où  l'espace  est 
disputé  par  des  dépôts  de  pétrole  fort  importants  et  les  chantiers  de 
construction  navale  de  Normandie  qui  se  sont  établis  ici.  L'instinct 
pratique  a  triomphé  du  pittoresque,  et,  à  défaut  de  paysage,  les  Rouen- 
ûais  peuvent  venir  contempler  le  lancement  de  quelque  nouveau  bateau 
devant  Croissst-Canteleu.  La  côte  de  Canteleu  tout  entière  avec  ses 
pâturages  et  ses  bosquets  forme  le  fond  du  tableau. 

La  rive  industrielle  est  basse,  bordée  de  hauts  peupliers  qui  longent 
des  pâturages  ;  aspect  tout  à  fait  caractéristique  du  paysage  d'alluvion 
que  nous  rencontrerons  tantôt  sur  une  rive,  tantôt  sur  l'autre,  tout  le 
long  du  voyage.  Les  paysages  restent  pareils,  sur  la  même  rive,  vers 
Petit-Couronne  :  rideaux  de  verdure,  champs  et  pâturages  et  au  loin, 
la  «  côte  »,  la  falaise  où  commence  la  forêt.  C'est  à  Petit-Couronne 
que  l'on  montre  la  maison  d'été  de  Pierre  et  Thomas  Corneille,  dont 
on  a  fait  aujourd'hui  un  pieux  musée  de  leurs  souvenirs.  Elle  offre  le 
type  habituel  des  maisons  rurales  en  Normandie  :  pisé  avec  croisil- 
lons de  bois,  et  ses  couleurs  tranchées  s'opposent  à  la  verduro  des 
pommiers  environnants.  Grand-Couronne  dans  un  pli  de  terrain  s'on- 

19 


tm  - 


veloppe  d'arbres  ;  mais  notre  bateau  ne  voit  que  de  loin  ces  villages 
rassemblés  autour  des  clochers,  dans  la  verdure  où  se  perdent  leurs 
maisons. 

Depuis  Croisset,  on  longe,  en  effet,  des  îles  toutes  plantées  de  fleurs 
et  de  bosquets,  si  nombreuses  en  de  certains  points  de  la  Seine,  que 
le  fleuve  paraît  emporter  dans  son  cours  des  prairies  et  des  jardins 

Les  villas  fleuries  emplissent  aussi  Dieppedalle  sur  la  rive  droite 
près  des  falaises,  nues  ou  boisées  tour  à  tour.  Nous  ne  pouvons  manquer 
de  remarquer  au  passage  le  «  Couvent  de  Sainte-Barbe  »,  fondé  à  la 
fin  du  XV^  siècle  par  les  Pénitents  de  Saint-François,  demeure  qui  fut 
successivement:  couvent,  privson,  pensionnat...  et  dont  l'église  est 
taillée  à  même  le  roc. 

Le  Val-de-la-Haye  fait  suite.  Les  Rouennais  y  ont  établi  leurs  villé- 
giatures d'été.  Au  pied  des  bosquets,  à  l'orée  du  bois  de  Roumare, 
dans  leurs  «  cours  »  de  pommiers,  fermes,  chalets  et  villas  s'éche- 
lonnent devant  le  fleuve.  Presque  tous  ont  rénové  la  vieille  architec- 
ture cauchoise  d'antan,  mais  en  l'amplifiant  pour  en  faire  de  commodes 
résidences. 

Tout  aussi  rustiques  les  entrées  de  ces  chalets,  au  larmier  couvert  de 
chaume  d'où  dégoutte  souvent  la  pluie,  au  toit  en  jardinet  aérien  de 
glaïeuls,  de  crocus  et  d'iris  mauves  ou  jaunes. 


VAL  l.K  I.A  HAYE.  CoI.ONNK  UC  RKIOIR  DES  GENDRES  DE  NAl'OLEON. 


Auprès  d'une  chaumière  normande  de  même  style  cauchois,  mais 
d'apparence  plus  primitive,  se  lève  une  stèle,  commémora tive  du  retour 
des  cendres  de  l'Empereur.  A  l'endroit  où  se  dresse  cette  médiocre 
colonne,  les  restes  de  Napoléon  I"  furent  portés  de  «  la  Normandie  » 


—  287  — 

sur  «  la  Dorade  »  au|milieu  des  salves  du  canon.  Aujourd'hui  l'aigle 
ne  plane  que  sur  la  chaumine. 

En  face,  les  alluvions  de  la  rive  opposée  s'étendent  encore,  très 
larges,  devant  Grand-Couronne  et  Moulineaux.  Au  Sud,  finissent  ces 
terrains  récents ,  tandis  que  l'on  découvre  l'ensemble  majestueux 
d'une  courbe  du  fleuve  ;  le  sol  est  encore  tout  imprégné  d'eau,  et  la 
plupart  des  crues  de  la  Seine  viennent  le  recouvrir  et  le  féconder. 

La  petite  ville  de  la  Bouille  s'est  établie  dans  cette  anse,  juste  au 
tournant  de  la  Seine,  surplombée  vers  l'Ouest  par  des  buissons  qu'in- 
terrompent les  roches  à  vif  de  la  craie. 

Ici,  en  tout  temps,  s'arrête  le  service  des  bateaux  de  voyageurs  ;  et 
les  excursionnistes  descendent  d'ordinaire  pour  «  déguster  à  l'aise  la 
«  fameuse  matelote  d'anguilles  qui  jouit  d'une  réputation  culinaire 
bien  établie  »  (1). 

En  dépit  des  détails  anciens  de  ses  rues,  tout  le  charme  de  la  Bouille 
est  dans  ses  environs.  Ici,  par  des  chaussées,  et  des  chemins  creux  en 
lacis,  on  monte  vers  la  forêt  de  la  Londe  f^t  vers  Moulineaux  d'où 
s'ouvrent  nombreuses  les  échappées  sur  la  vallée  entière. 


l.A    >K1>K    A    \.\    i;(>LItLE. 


La  côte  redescendue,  le  fleuve  nous  emporte  le  long  de  la  berge 
gauche,  bordée  de  villas  toutes  en  fleurs,  tapissées  de  roses  et  de  jas- 
mins derrière  de  hauts  portails  en  verdure. 


(1)  (n-drjxcs  Dubose  :  Les  Eni-irons  de  Rouoi. 


—  288  — 

La  falaise  est  creusée,  un  peu  plus  loin,  par  de  vastes  grottes,  ou 
plutôt  par  des  carrières  dont  on  retire  la  pierre  qui  servira  à  construire 
et  à  consolider  les  digues  et  les  quais  de  la  basse  Seine.  Des  barques  à 
fond  plat  emportent  au  loin  ces  matériaux  des  carrières  de  Caumont 
qui  contemplent  les  paysages  que  nous  allons  traverser. 

Sur  la  rive  droite,  en  sa  convexité  encore  tout  humide  d'alluvions 
détrempées  d'eau  et  parsemées  de  ruisseaux,  de  mares  et  d'oseraies, 
se  baigne  le  pays  des  environs  de  Sahurs,  où  nous  mène  une  drève 
admirable,  plus  haute  qu'une  nef  de  cathédrale,  et  qui  se  poursuit  vers 
le  château  de  Marbeuf  et  sa  chapelle  du  vœu.  C'est  d'un  souhait  chré- 
tien et  royal  qu'il  s'agit.  Anne  d'Autriche  fut  exaucée  en  ces  lieux  par 
la  naissance  du  futur  Louis  XIV.  La  reine  avait  promis  une  statue  de 
la  Vierge,  en  argent  massif,  et  qui  serait  du  poids  qu'aurait  le  nouveau- 
né  !  Elle  fit  le  don,  mais,  pendant  la  Révolution,  celui  qui  en  avait  la 
garde  cacha  si  bien  la  statue  et  garda  si  bien  le  secret  que  plus'  jamais 
on  ne  put  la  découvrir  depuis 

Nous  sommes  sur  le  domaine  des  sires  de  Marbeuf.  La  beauté  du 
paysage  et  je  ne  sais  quel  vent  de  lyrisme  fit  naître  un  poète  dans  leur 
famille  ;  Pierre  de  Marbeuf,  écuyer,  ne  manqua  donc  point  d'écrire 
une  ode  sur  la  Vierge  envoyée  par  la  Reine,  et  on  lui  doit,  en  outre, 
un  éloge  agréable  de  la  Normandie  : 

Sa  jupe  d'un  vert  satin 

La  vct  jusqu'au  brodequin, 

De  divers  filets  bordée  ; 

La  Seine  en  plusieurs  replis 

Va,  passementant  les  plis 

De  l'onde  en  argent  brodée  ; 

Elle  a  en  mains  pour  laurier 

Une  branche  de  pommier 

Que  les  fruits  appesantissent. . . . 

et  le  poète  ajoute,  autre  part  : 

....  je  juge  aux  pommiers  qui  sont  en  Normandie 
Que  la  terre  autre  part  n'a  point  de  paradis. 

Entre  la  forêt  de  Roumare  qui  s'éloigne  et  la  forêt  de  Mauny  qui 
s'approche,  nous  remontons  vers  le  Nord  parallèlement  au  chemin 
suivi  entre  Rouen  et  la  Bouille  :  pays  d'alluvions  à  droite,  pays  de 
falaises  et  de  buissons  à  gauche. 


—  289  — 

Et  tout  au  Nord  de  celte  course,  nous  arrivons  à  la  Bellevue  d'Hé- 
nouville,  d'où  il  nous  est  aisé  d'embrasser  un  vaste  panorama.  La 
Seine,  dont  le  frère  aîné  des  Corneille,  Antoine,  le  curé  d'Hénouville, 
fit  cet  éloge  en  vers,  traverse  les  prairies.  Antoine  Corneille  décrit  : 

Les  collines  par  ondes,  en  formes  de  sillons, 
Les  tours  et  les  détours  de  l'agréable  Seine. 
Qui  coule  en  serpentant  dans  cette  large  plaine, 
Les  vaisseaux  qu'elle  porte  en  son  vaste  canal, 
Son  onde  qui  paraît  uu  liquide  cristal. . . . 
....   L'œil  en  se  promenant  découvre  huit  clochers 
Dont  les  noms  par  hasard  terminés  tous  en  «  ville  » 
Semblent  servir  de  rime  à  celui  d'Hénouville  (!!!) 

La  vallée  s'incline  vers  l'Ouest;  aussitôt  la  falaise  reparaît  d'un  côté 
et  l'alluvion  de  l'autre.  Nous  découvrons  les  premières  maisons  de 
Duclair,  bourg  agricole,  et  réelle  patrie  des  canetons  rouennais  qui 
voient  ici  le  jour,  et  peu  après  la  mort  à  la  suite  de  quelques  mois  de 
barbottage. 

La  falaise  forme  une  avancée  de  craie  blanche  à  l'Ouest  de  Duclair. 
On  la  nomme  ici  «  Chaise  de  Gargantua  ».  Nul  doute  que  le  père  de 
Pantagruel  n'ait  été  attiré  par  la  renommée  gastronomique  du  lieu  et 
le  fumet  des  canetons  à  la  rouennaise  !  Il  faut  imaginer  aussi  que  les 


1  A   CHAISE   HE   (iARGANTIA. 


gens  de  Duclair  ont  songé  à  lui  offrir  jadis  quelque  volatile  monstre  en 
holocauste  ! 


~  290  — 

Nous  décrivons  vers  le  Sud,  puis  l'Ouest,  puis  le  Nord  une  nouvelle 
boucle  parmi  les  pâturages  normands  ;  glissons  entre  de  petits  villages, 
tels  que  le  Landin,  et  bientôt,  entre  les  arbres,  montent  les  hautes 
tours  de  Jumièges.  Sans  dire  l'hisloire  de  l'Abbaye,  aujourd'hui  en 
ruines,  l'un  des  plus  mélancoliques  témoins  des  temps  enfuis  et  dont 
les  restes  romantiques  font  rêver  au  milieu  de  cette  riche  nature 
d'alentour,  on  doit  au  moins  rappeler  que  c'est  ici  qu'après  leur  sup- 
plice, les  fils  de  Clolaire  II  vinrent  échouer  et  que  Flaubert  tenté  par 
la  beauté  de  leur  histoire,  projeta  d'en  écrire  la  légende,  comme  il 
avait  fait  pour  celle  de  «  Saint  Julien  l'Hospitalier  ».  Des  débris  encore 
imposants  de  la  demeure  monastique  arrêtent  le  visiteur  qui  entre 
aussi  au  manoir  de  Jumièges,  seul  restauré,  et  où  s'est  installé  le  pro- 
priétaire du  lieu. 

Passé  Jumièges,  nous  retrouvons,  proche  de  la  rive,  l'une  de  ces 
forêts  qui,  de  toutes  parts,  enveloppent  la  vallée  depuis  la  sortie  de 
Rouen  :  ce  furent  la  forêt  de  Rouvray,  celle  de  Roumare,  puis  les 
forêts  de  la  Londe,  de  Mauny,  de  Jumièges  et  bientôt  ce  seront  celles 
de  Bro tonne,  du  Trait,  de  St-Vandrille  et  Maulévrier. 

Nous  en  pouvons  contempler  la  végétation  si  (diverse,  imposante  au 
rond-point  de  la  forêt  de  Roumare  avec  les  hauts  fûts  des  sapins 
émondés,  plus  loin  en  taillis  de  chênaies  clairsemées,  en  sous-bois  et 
en  promenades.  Jean  Revel  a  décrit  la  plus  belle  et  la  plus  antique,  la 
domaniale  forêt  de  Brotonne,  et  il  a  réussi  à  fixer  la  variété  des  saisons 
à  travers  les  branches  murmurantes  : 

«  Cette  forêt,  c'est  tout  un  monde. . .  plus,  c'est  toute  une  histoire. 
Je  me  sens  parfois  reporté  très  en  arrière,  chez  les  Carnutes,  avec  les 
Druides  ». 

«  Nul  pays  n'est  aussi  riche  en  antiquités,  en  souvenirs  archéolo- 
giques. J'ai  retrouvé  l'emplacement  exact  d'Arelaune,  cette  métairie 
royale  où  Brunehaut  et  Mérowig  abritèrent  leurs  tragiques  amours.  Je 
te  montrerai  le  carrefour  où  Hilpéric  terriblement  lutta  contre  son 
frère,  retranché  en  une  forteresse  faite  d'arbres  abattus 

«  C'est  une  cathédrale   autrement  belle  que  toutes   architectures 

humaines L'image   sacerdotale  est  saisissante  et  de  toutes  les 

minutes  :  le  soir  principalement,  lorsque  le  couchant  est  rouge,  les 
chênes  se  dressent,  véritables  alignements  qui  dessinent  entre  leurs 
avenues  somptueuses  d'étincelantes  verrières.  Les  troncs  couronnés  de 
frondaisons,  forment  ainsi  avec  leurs  cimes  emmêlées,  cent  voûtes 


—  291  — 

Ogivales.  J'éprouve  alors  le  désir  de  'prier  ;  je  voudrais  [tomber  à 
genoux,  en  effusion. ...  Il  me  semble  que  je  suis  bon,  doux,  humble 
de  cœur.  Qur^Ue  sérénité  en  ces  minutes  vespérales,  si  chargées  de 
pénétrante  émotion  !  Aux  aurores,  aux  midis,  les  blonds  sous-bois, 
comme  les  couverts,  paraissent  lancéolés  de  rayons  et  coups  de 
lumière. . . . 

« Et  le  matin,  comme  ma  sylve  est  charmante  en  son  éveil  î 

Dans  nos  halliers  et  gaulis  de  jeunes  chênes,  le  jour  vient  de  poindre 
éclairant  un  reste  de  nuit  verte  et  mouillée.  La  rosée  brille  à  la  pointe 
des  herbes,  aux  ramures  des  fougères,  aux  clochettes  de  la  digitale. 
Toiles  d'araignées,  fils  de  la  Vierge  que  tressèrent  les  artistes  nocturnes 
apparaissent  couverts  de  ce  demi-givre  solidifié  qui  s'appelle  «  l'ai- 
guail  ».  Etincelant  parvis,  semis  diamanté,  cristallerie  féerique  semée 
d'arcs-en-ciel .... 

«  Adorables  les  jours  d'automne  !  Hêtraies  et  quinconces  paraissent 
vêtus  de  feuilles  jaunies,  cuivrées,  aux  couleurs  vives  et  variées  de 
l'aniline  :  on  dirait  que  la  création  a  revêtu  vêtements  d'indienne  cla- 
quante. . . . 

«  Je  caresse  mes  yeux  extasiés  aux  lointains  pleins  de  roseurs  lan- 
guissantes ou  perdus  dans  des  brumes  plombées.  Autour  de  moi,  c'est 
le  fard  et  le  vermillon  ;  c'est  la  pourpre  des  merisiers,  le  brun  Yan- 
Dyck  des  noisetiers,  la  rouille  de  l'orme,  le  jaune  d'or  des  peupliers, 

les  tons  roux  des  chênes,  la  sépia  des  hêtres un  peu  partout,  dans 

le  bouleau,  le  tremble  et  la  charmille,  éclatent  l'ocre,  la  garance,  le 
safran  :  bouquet  d'artifice,  violente  agonie  des  sèves » 

Et  bientôt,  «  sous  l'âpre  bise,  le  bois  s'effeuille  »  et  s'envolent  «  tous 
ces  petits  chiffons  végétaux,  cette  dépouille  qui  tourbillonne  et  tombe  ». 

C'est  un  semblable  paysage  qui  vit  se  construire,  se  ruiner,  se 
reconstruire  à  maintes  reprises  cette  abbaye  bénédictine  de  St- Van- 
drille,  aujourd'hui  ruinée  comme  Jumièges. 

A  propos  d'une  de  ces  constructions,  nous  retrouvons  l'intervention 
diabolique  que  la  naïveté  populaire  du  Moyen-Age  met  toujours  en 
scène  pour  expliquer  l'origine  des  vastes  édifices  dont  la  construction 
semblait,  autrement,  impossible. 

L'architecte  désespéré  par  la  lenteur  des  travaux,  aurait,  suivant  la 
légende,  imploré  le  secours  du  démon  et  passé  avec  lui  un  traité,  par 
lequel  il  troquait  son  âme  contre  l'achèvement  à  date  fixe  de  son 
abbaye,  mais  sans  qu'il  y  manquât  un  seul  détail,  un  seul  morceau  ; 


riionnète  fdémon  tint  parole.  Mais  l'une  des  statues  de  saints  qui 
ornaient  la  nouvelle  demeure  des  moines,  prise  de  pitié,  quitta  sa  niche 
et  se  réfugia  dans  la  forêt  !  L'architecte,  qui  était  certainement  nor- 
mand, ne  manqua  pas  d'en  arguer  que  l'œuvre  n'était  point  parachevée 
et  refusa  son  âme.  Et  le  diable  —  ce  qui  prouve  que  c'était  un  honnête 
homme  de  diable  —  fut  berné,  comme  à  son  ordinaire. 

Les  ruines  de  St-Vandrille  s'élèvent  dans  la  verdure,  mais  assez 
loin  de  la  rive.  Et  l'on  n'aperçoit  point  de  la  rive  le  cloître,  célèbre 
par  ses  galeries  intérieures,  le  détail  de  ses  décorations  et  dont  la  porte 
du  lavabo  n'est  pas  le  moindre  ornement. 

La  forêt  de  St-A'andrille  se  continue  par  celle  de  Maulévrier,  qui 
surmonte,  du  haut  d'une  croupe  boisée,  Caudebec  où  nous  arrivons  ; 
petite  ville  qui  n'a  pas  trois  mille  âmes,  mais  dont  l'incomparable 
situation  et  le  pittoresque  archaïsme  attirent  la  foule  des  touristes  : 
«  C'est  un  lieu  de  relâche  pour  les  bateliers  et  un  petit  centre  pour  les 
villageois  des  environs  »,  vraie  bourgade  provinciale  où  il  n'est  pas 
rare  de  voir  «  flamber  le  cochon  »  en  plein  midi  sur  la  grand'place  ou 
sur  le  quai  !  (1) 

Du  fouillis  des  toits,  se  détache  la  flèche  ouvragée  de  Notre-Dame 
à  la  fois  «  charmante  et  grandiose  »  !  Le  fouillis  du  détail  ne  nuit 
pas  à  lelégance  générale  et  cependant  on  peut  y  lire,  ciselées  dans  la 
pierre,  une  série  de  paroles  à  «  la  louange  de  Notre-Dame  la  Vierge  »... 

«  Le  portail  de  forme  circulaire  se  divise  en  trois  porches  couronnés 
de  grandes  arcatures  »  d'un  style  ultra-flamboyant  qui  annonce  la 
proche  Renaissance  et  sa  surcharge  d'ornements. 

Mais  tout  le  Caudebec  gothique  n'est  pas  dans  son  église.  On  le 
retrouve  à  chaque  rue  :  tel  le  vieil  hôtel  Henri  IV  du  plus  pur  style, 
dont  la  porte  s'est  si  bien  conservée. . .  mais  qui  sert  maintenant  d'é- 
curie. Tels  ces  vieux  logis  des  vieilles  rues,  dont  la  Normandie  foisonne 
et  qui  nous  ramènent  au  quai. 

Toute  la  vie  de  ces  petites  villes  ripuaires  est  sur  le  quai,  mais  à 
Caudebec,  l'intérêt  est  doublé  deux  fois  par  jour  :  la  barre,  —  le  mas- 
caret aux  équinoxes  —  remonte  la  Seine. 

Tout  à  l'heure,  notre  bateau  entier  fut  en  émoi  :  nous  approchions 
de  Caudebec  :  «  la  barre  !  la  barre  !  »  On  se  bouscule,  on  se  précipite, 


(1)  D'.4)rè.s  Autony  V.iLilu-ègue. 


—  'S>:\  — 

une  dame  m'écriise,  une  petite  vague  qui  lèche  le  quai,  houp  !  nous 
sautons et  c'est  fini  ! 

Le  flot  est  calme  devant  le  port,  puis  on  signale  la  barre  qui  survient 
en  léchant  le  quai  ;  vapeurs  et  barques  dansent,  honnêtement.  C'est 
ainsi  d'ordinaire,  mais  aux  équinoxes,  le  phénomène  est  plus  impo- 
sant :  le  flot  marin  survient  avec  la  force  d'un  cheval  lancé  à  toutes 
brides,  il  bondit  en  écuraant.  La  rivière  reste  agitée  d'une  série  de 
remous,  d'étèles,  et  secoue  les  amateurs  qui  ont  essuyé  le  feu  du  mas- 
caret. ...  et  essuient  maintenant  l'eau  dont  ils  ruissellent  ! 

Puis  tout  rentre  dans  l'ordre  et.  se  calme. 

A  Gaudebec,  la  rive  droite  est  élevée  ;  de  l'autre  côté,  le  fond  du 
paysage  sur  l'alluvion,  avec  ses  peupliers  en  ligne,  accompagne  les 
riches  pâturages. 


'lANCAKVII.l.E.    HUTTE   DANS   LES   FALAISES. 


Jean  Revel,  dans  «  Les  Hôtes  de  l'Estuaire  »,  son  chef-d'œuvre,  n*a 
point  manqué  de  faire  intervenir  le  mascaret.  Il  montre  Guillaume-le- 
Conquérant,  qui  tente  la  fortune,  surpris  par  l'ouragan  ;  ailleurs,  c'est 
Brutus  qui  assiège  le  Calidu,  l'ancien  Gaudebec,  devant  lequel  sa  flotte 
sera  anéantie.  Et  Gésar  viendra  punir  la  révolte,  raser  la  ville  rebelle 
avant  d'aller  plus  loin  bâtir  un  port  aujourd'hui  ensablé,  tout  là-bas, 
dans  les  terres  :  Lillebonne,  Insulabona  ou  Juliobona.  Et,  pendant  le 
combat  que  Brutus  livre  sur  le  fleuve  aux  habitants  du  Galidu,  se  pro- 
duit le  phénomène. 

.    Villequier  nous  ramène  à  des  temps  moins  archéologiques.  Nous 
longeons  toujours  la   falaise,  où   quelques  habitations,  aujourd'hui 


—  204  — 

abandonnées,  se  construisirent  à  même  la  craie,  et  arrivons  aux  villas 
si  gracieuses  de  ces  bords  fleuris  de  mille  et  mille  fleurs  : 

Oh  !  quand  donc  aurez-vous  fini,  petits  oiseaux 
De  jaser  au  milieu  dçs  branches  et  des  eaux? 
Que  nous  nous  expliquions  et  que  je  vous  querelle  ! 
Rouge-gorge,  verdier,  fauvette,  tourterelle, 
Oiseaux,  je  vous  connais,  je  vous  entends 

chanta  d'abord  Victor  Hugo,  en  des  vers  quelque  peu  mièvres.  Hélas  ! 
un  drame  se  cachait  sous  ces  joliesses  :  un  soir,  le  bateau  qui  porte  la 
jeune  Léopoldine  Hugo  et  son  jeune  mari,  Charles  Vaquerie,  le  bateau 
mal  lesté  fut  pris  par  une  de  ces  voltes  de  vent,  si  brusques  et  si 
fréquentes  en  Basse-Seine,  et  fit  naufrage  ;  les  jeunes  époux,  le  vieux 
pilote,  jusqu'au  mousse,  tout  disparut  et  l'on  sait  les  vers  «  à  Yille- 
quier  »  : 

Villequier,  Caudebec  et  tous  ces  frais  vallons 
Ne  vous  entendront  plus  vous  écrier  :  «  Allons  ! 

Le  vent  est  bon,  la  Seine  est  belle  »... 
Comme  ces  lieux  charmants  vont  être  pleins  d'ennui. 
Les  hardis  goélands  ne  diront  plus  :  «  C'est  lui  !  » 

Les  fleurs  ne  diront  plus  :  «  C'est  elle  !  » 

Je  ne  regarderai  ni  l'or  du  soir  qui  tombe, 
Ni  les  voiles  au  loin  descendant  vers  Harfleur, 
Et  quand  j'arriverai,  je  mettrai  sur  sa  tombe 
Un  bouquet  de  houx  vert  et  de  bruyère  en  fleur. 

Auprès  de  la  petite  église,  les  jeunes  gens  reposent,  là  où,  plus 
tard,  leur  frère,  Auguste  Vaquerie,  voulut  aussi  dormir. 

Villequier  disparaît  à  la  poupe,  tandis  que  nous  laissons  à  gauche 
les  bois  de  Vieux-Port,  à  droite,  les  immenses  pâturages  de  Norville, 
Saînt-Maurice  d'Etelan,  où  bondissent  les  chevaux,  où  rêvent  les 
grands  troupeaux  de  ruminants,  tantôt  groupés  en  une  masse  mou- 
vante, tantôt  répandus  dans  l'immense  pâturage,  épaisses  et  riches 
alluvions,  sur  plusieurs  kilomètres  de  longueur,  depuis  le  fleuve  jusqu'à 
la  falaise  ;  là  une  route  les  longe,  où  fuient  les  automobiles  et  trottent 
les  voitures,  tandis  que  le  bord  opposé  trempe  dans  la  Seine  ;  le  fleuve 
ne  manque  point  d'y  monter  en  fréquentes  et  vaseuses  incursions. . . . 
Mais  depuis  longtemps  déjà,  blême  dans  le  soleil,  quelle  est  cette 
lagune,  où  brillent  des  tours  et  des  clochers  ?  Nous  allons  la  toucher 
bientôt Mais  non!  la  distance  reste  longue;  j'ai  déjà  ressenti 


—  295  — 

ailleurs  celte  nostalgique  impression.  Dans  nos  îles  de  Zélande,  avant 
d'aboutir  par  l'Escaut  et  les  canaux  à  Ziérikzee,  on  voit  de  même, 
longtemps,  sur  la  mer,  monter  la  tour  du  Karnemelksvaart. 

Ce  fut  alors  le  même  mirage  ensoleillé L'attente  est  moins  lente, 

cependant  ;  voici  Quillebeuf,  le  Quillebeuf  des  Vikings,  des  Northmen, 
qui  ancrèrent  ici  leurs  barques. 

Dernier  havre  où  les  vieux  Danois 
Jetaient  l'ancre,  après  les  tournois. 
Sur  l'Océan  et  les  Baltiques, 

chante  le  poète  Théophile  Féret,  né  en  ce  lieu  ;  Quillebeuf,  ville  des 
pilotes,  station  avancée  du  Roumois  dans  l'Estuaire,  ville  toute  en 
façade  sur  l'eau. 

Depuis  Rouen,  il  n'y  a  plus  de  pont  ;  la  rivalité  entre  Rouen  et  le 
Havre  n'a  point  permis  qu'on  en  établît  encore  ;  un  bac  de  distance  en 
distance  traverse  le  fleuve  ;  grands  bacs  à  vapeur  d'ordinaire  :  l'un 
d'eux  aborde  ici.  Spectacle  bien  curieux  que  l'arrivée  des  passants, 
des  «  horsains  »  comme  on  dit  ;  et  les  spectateurs  indigènes  que 
crayonne  Jean  Revel  ne  sont  pas  moins  intéressants. 

«  Sur  le  quai,  l'animation  familière  : 

«  Pêcheurs  en  surouët  jauni,  chapeau  de  taffetas  gommé  rabattu  sur 
la  nuque,  jambes  emmitouflées  dans  des  chausses  en  laine  tricotée, 
lamaneurs  ou  passeurs  en  justaucorps  bleu,  pilotes  avec  leurs  cas- 
quettes de  loutre  nouées  à  l'occiput,  chasseurs  en  hautes  bottes 
d'égoutiers  à  reversis,  gentilshommes  du  marécage,  chevaliers  de  la 
vase,  femmes  |à  démarche  traînante,  bas  sans  chaussons  dans  des 
sabots  claquants. 

«  Voici  des  gamins  engagés  dans  de  vertigineuses  courses,  à  l'ex- 
trême bord  du  parapet  au  pied  duquel  coule  la  Seine.  D'autres  se 
tiennent  en  équilibre  sur  la  barre  d'appui  qui  surplombe  le  fleuve. 

«  Par  des  escaliers  ménagés  aux  échancrures  des  quais,  par  des 
marches  de  fer  cramponnées  au  granit,  on  débarque  le  poisson  qui  fut 
tout  à  l'heure  pêche  sur  les  bancs  de  l'estuaire  ou  dans  la  Manche.  Plus 
loin,  des  mousses  et  novices  procèdent  à  l'étalage  des  filets,  trémats, 
diables,  seines  et  appelets. 

«  Devant  la  mairie  et  le  télégraphe,  le  quai  s'élargit  en  esplanade  ; 
là  gisent  sur  le  flanc,  embarcations  des  Travaux,  canots  de  pêche, 
barques  de  sauvetage,  chaloupes,  yoles  et  norvégiennes. 

«  Appuyé  au  plat  bord  de  son  «  bachot  »,  voyez  ce  «  péqueux  »  qui 


—  at6  — 

regarde  une  fille.  Portant  à  la  main  droite  un  broc  lourd,  celle-ci 
passe  écartant  en  forme  de  balancier  son  bras  gauche ...  Le  «  péqueux  » 
la  trouve  jolie,  cette  tâcheronne  :  il  a  raison. . . 

«  Le  «  Tout  Quillebeuf  »  semble  sorti  des  maisons  :  travailleurs, 
promeneurs,  flâneurs,  sont  égaillés  au  bord  de  la  Seine  :  spectacle 
mouvant  avec  ses  navires  ;  vision  qui  passe  et  qui  reste  à  la  fois. 

«  Les  gens  d'ici  contemplent  leur  fleuve  sans  se  lasser  :  ils  vivent 
aux  fenêtres,  penchés  aux  contrevents,  quand  ils  n'arpentent  pas  le 
quai.  Leur  Seine,  ils  ont  toujours  l'œil  dessus  :  elles  les  attire.  Les 
pilotes  en  particulier,  ont  leur  façon  à  eux,  hostile  et  ardente,  de 
regarder  la  «  Barre  »,  cette  vieille  ennemie  deux  fois  par  jour  renais- 
sante. Comme  la  crête  des  vagues,  leurs  fixes  prunelles  luisent. 

«  Le  Bac  effectue  sa  traversée  de  Port-Jérome  à  Quillebeuf.  En  ce 
mouvement  de  va-et-vient,  il  ressemble  à  telle  grosse  sarcelle  dont  les 
pattes  palmées  formeraient  un  sillon. 

«  Là -bas,  sous  «  la  corvette  »,  bateaux  cailloutiers,  gabarres  et 
gribanes  glissent  sur  la  rivière,  calme  ainsi  qu'un  bain  de  mercure  : 
leurs  rames  semblent  des  pattes  d'insectes  qui  marcheraient  sur  l'eau 
en  l'égratignant. 

«  Le  défilé  des  navires  ne  cesse  point  :  l'un  d'eux  monte,  crachant 
l'eau  à  intervalles  réguliers  — jets  de  salive. . .  on  dirait  !  » 

Après  Quillebeuf,  nous  suivons  le  dernier  tournant  du  fleuve  qui 
s'élargit  encore;  deirière  la  digue,  nous  laissons  le  marais  Vernier, 
marécage  devenu  polder,  vaste  poche  gagnée  sur  l'ancien  estuaire, 
qui  s'étend  au  pied  du  Roumois,  entre  Quillebeuf  et  l'embouchure  de 
la  Risle. 

«  C'est  ici  le  marais  Vernier.  Le  pays  tout  entier  baigne  dans  les 
buées  qui  s'élèvent  de  la  Seine,  des  fossés,  des  flaques.  Sous  des  arbres 
fantômaux  paît  maint  troupeau  de  vaches  en  train  de  prendre  son 
premier  déjeuner  d'herbe  et  de  rosée  »,  dit  Jean  Revel,  et  il  complète 
ailleurs  le  paysage  : 

«  An  ivés  au  bord  de  la  falaise,  ils  ont  devant  eux  trente  lieues 
carrées  de  bancs  et  d'alluvions.  A  gauche  s'étale  l'Estuaire,  éblouis- 
sant sur  les  eaux.  A  droite  l'énorme  territoire  du  Marais-Vernier  se 
découvre  d'ensemble,  couvert  de  moissons  jaunes,  au  milieu  des- 
quelles reluit  le  lac  connu  sous  le  nom  de  «  Grand-Mare  »  ;  avec  les 
ruisseaux,  les  crevasses  tordues  qui  forment  ses  prolongements,  cette 
petite  Mer  Morte  ressemble,  de  loin,  à  quelque  animal  informe,  posé 


-  1^97  - 

à  terre,  ti'ès  brillant  :  oa  dirait  un  poulpe  de  mercure,  étalant  ses  ten- 
tacules et  ses  pattes.  » 

Mais  au  Nord,  un  cap  brusque  s'élève.  C'est  le  «  Nais  de  Tancar- 
ville  »,  au'  pied  duquel  vient  s'amorcer  le  canal  qui  conduit  sans 
danger  aux  bassins  du  Havre  ;  les  navires  et  chalands  évitent  ainsi 
rentrée  par  l'embouchure  dangereuse. 


TANCARVILLK.    LK    CHATKAU. 


Un  vaste  château  domine,  dressé  sui*  la  falaise.  Et  à  son  pied 
recommencent  les  alluvions  que  traverse  le  canal  et  que  les  courants 
marins  augmentent  chaque  jour  :  nouveaux  pâturages  pour  les  trou- 
peaux normands. 

Jadis  l'Aiguille  Gante,  la  pierre  géante,  les  surplombait,  antique 
pierre  aux  légendes,  énorme  champignon  blanc,  qu'on  détruisit  en 
Juin  1904,  pour  en  utiliser  les  matériaux  à  la  construction  du  quai 
Nord  qui  sépare  le  port  du  Havre  de  la  Seine  :  l'utilitarisme  vandale 
ne  respecte  rien. 

Une  vieille  tradition  veut  qu'ici,  un  valet  s'éprit  de  la  fille  de  son 
seigneur  ;  le  maître  accepta  de  bailler  au  manant  la  belle  en  mariage, 
s'il  réussissait  à  tourner,  sur  l'étroite  surface,  son  char  attelé  de  quatre 
chevaux.  Mais  la  pierre  était  large  de  huit  à  douze  mètres  seulement, 
le  goujat  prit  mal  ses  distances  :  attelage  et  conducteur,  tout  s'engouffra 
dans  le  fleuve  ! 

Des  pasteurs  habitent  encore  les  huttes  primitives  du  pied  de  ces 
falaises,  bergers  qui  gardent  les  bestiaux  sur  les  grasses  alluvions. 


—  298  — 


,  Mais  tandis  que  nous  regardons  vers  la  côte,  le  navire  pousse  en 
avant  son  chemin.  Nous  sommes  en  plein  Estuaire,  en  mer  pour  mieux 


l||^i 

TANCAKVUXK.    LA    l'IKRHK    GANTE    AVANT    LA    DKSTIil'Cl  ION. 


dire,  entre  le  cap  du  Hoc  et  la  pointe  de  la  Roque,  levés  comme  deux 
défenseurs  à  l'entrée  du  pays. 

Grandiose  se  développe  l'Estuaire,  il  forme  un  large  entonnoir  entre 
ses  rives  écartées.  Et  lorsque  Jean  Revel,  du  haut  des  falaises,  con- 
temple son  fleuve  natal,  il  ne  peut  s'empêcher  de  le  célébrer  en  phrases 
lyriques  : 

«  Me  voici  arrivé  aux  limites  du  plateau  roumoisan.  Devant  moi,  à 
mes  pieds,  s'étend  l'Estuaire  natal. 

<  Qu'il  est  beau  contemplé  de  ces  hauteurs  !  Tous  les  plis  de  terrain, 
toute  ondulation  de  la  contrée,  je  les  embrasse,  je  les  réunis  en  un 
même  appel  de  mes  lèvres,  un  même  baiser  de  mes  yeux,  un  même 
geste  enveloppant  de  mes  bras  élargis. . . 

«  A  l'Ouest,  Ronfleur  allonge  sa  silhouette  de  cuirassé,  dont  les 
sabords  sont  figurés  par  les  alignements  électriques  du  Poudreux,  de 
Saint-Clair,  de  Saint-Sauveur 

Au  Sud,  entre  la  Risle  et  Ronfleur,  le  rivage  est  formé  de  longues 
digues:  «  Les  digues  de  la  Risle...  bordent  Falluvion.  Derrière  les 
levées  trapues,  par  delà  cette  muraille  crénelée  de  joncs,  de  roseaux, 


—  299  — 

de  saules,  d'oseraies,  on  devine  une  région  menaçante,  interdite,  faite 
de  criques,  de  fondrières,  de  plaines  enlisantes,  de  pièges  ;  on  évoque 
un  pays  que  hantent  les  bêtes  rampantes  et  très  rudimentaires  de  la 
création. . .  C'est  un  repaire  et  un  terrain  de  chasse  pour  les  échassiers, 
les  piseaux  du  Nord. . .  C'est  un  cimetière  aquatique  où  pourrissent  les 
carènes  des  navires  jadis  naufragés  ». 

Le  port  d'Honfleur  s'ouvre  la-bas,  entouré  de  vieilles  maisons  nor- 
mandes, et  la  côte  se  continue  plus  loin  toujours  !  Admirables  les 
printemps  sur  cette  côte  !  Ils  croulent  en  frondaisons  roses  de  pom- 
miers effeuillés  dans  la  mer  ;  les  pâturages  descendent  dans  le  flot, 
où  roulent,  à  l'automne,  les  pommes  et  les  fruits. 

Là-bas  vécut  Baudelaire,  là-bas  sont  nés  Henri  de  Régnier,  Alphonse 
Allais  ;  et  la  jeune  poétesse  Lucie  Delarue-Mardrus  a  vu,  là-bas,  le 
jour. 

Sur  la  rive  septentrionale,  la  vase  englue  le  phare  du  Hoc,  qui 
regarde  les  eaux  pauvres  de  la  petite  Lézarde,  dernier  affluent  de  la 
Seine.  Très  loin,  les  anciens  ports,  les  villes  mortes  :  Montivilliers  tout 
là-bas,  et  aujourd'hui  dans  un  repli  agricole  du  plateau  cauchois  : 
Harfleur,  souverain  port  de  Normandie  !  Oh  !  Souverain  découronné  !  : 

Harfleur,  sous  la  bleue  échancrure  des  monts, 
Veuf  de  la  mer,  s'enlise  aux  trahisons  du  fleuve. 
Pleurant  les  nefs  d'antan  et  les  verts  goémons... 

dit  encore  Féret,  Harfleur,  victorieux  des  Anglais  !  Maintenant  bourg 
champêtre  qui  groupe  ses  maisons  de  la  Renaissance  au  pied  du  plus 
svelte  des  clochers  normands. 

Ainsi  la  terre  peu  à  pou  gagne,  et  l'embouchure  avance  toujours  vers 
rOcéan  : 

«  Au  temps  des  Romains,  Lillebonne  était  le  port  d'attache  de  la 
flotte  de  la  Manche  ;  son  port  se  combla,  et,  au  Moyen-Age,  Harfleur 
prenait  sa  place.  A  l'époque  de  François  I«%  Harfleur  disparaissait 
comme  port  maritime  et  il  fallut,  plus  à  l'Ouest,  chercher  un  nouveau 
«  havre  ».  Aujourd'hui  même,  un  drainage  continuel  de  la  rade  et  du 
chenal  empêche  seul  le  Havre  d'être  à  son  tour  obstrué  !  > 

Nous  allons  chercher  devant  Ronfleur  la  passe  d'entre  les  bancs  du 
Ratier  et  d'Amfar,  que  jalonnent,  au  milieu  du  sabat  des  flots,  des 
sortes  de  grands  balais  plantés,  brindilles  en  l'air,  dans  le  sable  tout 
proche. 

Au  loin,  Villerville  et  Trouville  luisent,  dans  la  brume  bleue  de  la 


-  ;i(X)  — 

côte  d'émeraude,  au  soleil  du  joyeux  été. . .  El  le  cap  de  la  Héve  se 
profile  au  Nord,  plus  loin  que  le  Havre,  terme  de  notre  voyage. 

Une  dragueuse  travaille  là-bas,  et  tout  près  de  nous,  défilent  les 
bateaux  qui  sortent  du  port  :  un  petit  yacht,  puis  un  pêcheur.  D'autres 
entrent  devant  nous  :  ce  vapeur  et  ce  yacht  de  plaisance  déjà  dans  les 
jetées. . . 

Nous  passons  rapidement  devant  la  ville  :  Saint-Adresse ,  toute 
fleurie,  domine  les  vieux  quartiers,  le  boulevard  maritime  surmonte 
les  gros  galets  de  la  plage  et  les  épis  préservateurs. 

Au  fond,  se  profile  maintenant  la  côte  Sud  de  l'Estuaire,  toute  bleue 
dans  l'horizon. 

Tout  près  de  nous  les  gamins  s'ébattent  sur  le  bord  et  s'aspergent 
en  une  mimique  joyeuse Nous  pénétrons  enfin  dans  le  port. 

Au  mois  d'Août  1906,  on  construisait  encore  la  digue ,  achevée 
maintenant,  du  nouveau  port  de  pleine  eau,  oîi  les  navires  de  tout 
tonnage  pourront  entrer  sans  attendre  le  flux. . . 

Nous  accostons  au  débarcadère. . . 

Les  six  heures  du  voyage  se  sont  effectuées  au  travers  des  coteaux 
boisés  et  gracieux,  d'abord  ;  sur  la  mer  ensuite,  bordée  par  les  lignes 
sobres  et  belles  des  nobles  rives. 

Mais,  outre  l'agrément  du  voyage,  retirerons-nous  quelque  leçon  de 
notre  excursion  ? 

Je  le  pense.  Si  nous  voulons  songer  à  la  richesse  de  ce  pays  et  aussi 
à  l'histoire  ;  ces  bords  ont  vu  descendre  bien  des  conquérants  :  Vikings» 
Anglais  ;  la  terre  féconde  et  gracieuse  les  attira  ;  ils  y  vinrent  tou- 
jours, mais  la  race  aborigène  se  les  assimila,  ou  bien  elle  finit  par  les 
rejeter  de  son  sein.  Leur  pouvoir,  lorsqu'ils  triomphèrent,  ne  fut  qu'ap- 
parent et  dura  peu  ;  le  climat  vainquit  le  vainqueur  après  l'avoir 
afl'aibli.  La  Normandie  sut  profiter  de  la  victoire.  Telle  fut  la  destinée 
des  envahisseurs  que  le  pays  absorba  pour  finir  !  Comment  auraient- 
ils  résisté  aux  rives  qui  viennent  d'étaler  leur  puissance  et  leur  délica- 
tesse sous  nos  yeux. 

Jean  Revel,  qui  est  un  penseur  en  même  temps  qu'un  romancier, 
l'a  compris,  et  il  a  résumé  cette  opinion  en  une  page  qui  me-  semble 
définitive  : 

«  Contrée  trop^  douce,  à  la  vie  trop  facile,  à  l'air  trop  clément,  ce 
45"'«  degré,  cette  équidistance  du  Pôle  et  de  l'Equateur,  ces  côtes  heu- 
reuses où  s'éploient  des  courants  attiédis,  ainsi  qu'un  éventail,  tout 
cela  comporte  une  propension  à  l'arrêt  des  énergies  envahissantes. 


-  :30l  - 

Lurs  des  grandes  migrations,  celle  nature  conquit  vite  ses  envahisseurs 
et  les  conserva  toujours.  Enveloppante  et  charmeresse,  pareille  créa- 
tion les  séduit  toujours,  les  atténue  et  les  exténue. 

«  En  celte  atmosphère  modérée,  moyenne,  ne  voit-on  que  tous  les 
besoins  s'amoindrissent,  que  les  passions,  ces  principes  d'action, 
perdent  leur  ressort,  ralentissent  leur  rythme  d'effort  et  d'écart? 

«  Les  nouveaux  arrivants  qui  bornent  ici  leur  course  à  la  poursuite 
du  bonheur,  se  sentent  aussitôt  pénétrés  et  subordonnés  par  le  climat  : 
ils  s'approprient  au  milieu,  s'adaptent  à  l'ambiance  où  bientôt  ils  se 
fondent  et  disparaissent.  Gagnant  en  harmojiie,  leur  type  perd  en 
force. 

«  Le  rôle  séculaire  de  la  Neustrie  a  toujours  été  cela.  Notre  pays 
représente  un  jardin  de  transplantation  où  les  races  viennent  s'épa- 
nouir, briller  d'un  suprême  éclat  avant  de  s'étioler.  Il  est  fait  pour 
des  espèces  déjà  perfectionnées.  Et,  s'il  pousse  vite  à  l'éclosion  des 
facultés  géniales,  il  peut,  par  contre,  produire  sur  des  organismes 
insuffisamment  évolués,  tel  développement  trop  précoce  qui  aura  pour 
conséquence  un  prompt  déclin  ». 

Et. telle  fut,  en  effet,  la  destinée  traditionnelle  de  la  race  normande, 
l'emprise  de  l'âme  normande  sur  le  conquérant. 


COMMUNICATION 


AUX   BORDS    DU   RHIN 

Par  M.  EMILE  CORNAERT, 
Lauréat  de  la  Fondation  Paul  Crepy  en  1906. 


(Suite  et  fin)  (1). 


De  Coblenz  à  Bingen  s'étend  l'extraordinaire  coulée  du  «  Rhin  héroïque  >^. 
'L'entrée  du  défilé  est  commandée  par  le  beau  château  de  Stolzenfels  qui, 

(Ij  Voir  Bulletin  d'Avril  1907 . 

20 


—  :^)2  — 

reconstruit,  semble  prêt  à  affronter  une  nouvelle  série  de  siècles.  Le  Rhin  se 
resserre  progressivement  en  amont.  Près  de  Braubach,  le  château-fort  de 
Marksburg-  hérisse,  par  dessus  l'épais  massif  de  forêts,  la  crêle  d'un  rocher 
qui  dévale  presque  à  pic  dans  le  Rhin.  Le  fleuve  dessine  une  série  de  méandres. 
Sur  une  rive  élargie,  Boppard,  entourée  de  quelques  murailles  du  quatrième 
siècle,  montre  sa  curieuse  église  romane  dont  les  voûtes  se  terminent  en 
ogives.  Les  rochers  se  rapprochent  encore,  et  se  dressent  comme  pour  se 
précipiter  dans  le  fleuve  ;  et  là-haut,  les  vieux  murs  de  Liebenstein  et  Sterren- 
berg,  encore  solides,  semblent  insulter  au  temps  ;  plus  loin,  la  Souris  et  le 
Chat  se  surveillent  toujours  menaçants.  Plus  loin,  le  roc  forme  une  large 
terrasse  où  se  dressent  les  ruines  grandioses  du-Rheinlels  :  cette  forteresse  fut 
une  des  plus  redoutables  de  la  contrée  ;  jadis,  elle  résista  victorieusement 
pendant  quinze  mois  à  vingt-six  villes  qui  s'acharnaient  contre  elle.  Les 
Français  l'ont  fait  sauter  sous  Louis  XIV.  La  petite  ville  de  St-Goar  s'adosse 
à  cette  montagne  :  c'est  un  centre  de  pêche  et  un  port  important.  —  Les 
pentes  se  raidissent  à  nouveau,  et,  au  loin,  un  noir  rocher  s'élève  à  200  m., 
et  plonge,  sous  les  eaux,  à  des  profondeurs  insondables.  Devant  cette  sombre 
masse,   les   vers   de  H.    Heine   reviennent  à  la  mémoire  :   «  Que  peut  donc 

signifier  cette  tristesse  qui  m'envahit »;   et  là-haut,    une   femme  qui 

agite  son  mouchoir  blanc  rappelle  l'enchanteresse  de  jadis  ;  les  passagers 
imprudents,  oublieux  de  l'écueil,  allaient  s'y  briser  et  s'abîmaient  dans  les 
flots.  —  Nous  avançons  toujours  en  plein  dans  le  mjstère  et  la  poésie  :  tous 
ces  rochers,  toutes  ces  vieilles  pierres  ont  une  voix  et  nous  redisent  au  pas- 
sage leurs  brillantes  légendes  ou  leurs  sombres  histoires.  Les  villages  se 
serrent  au  bas  des  montagnes,  toujours  dominés  parles  châteaux.  Au-dessus 
de  Caub,  le  château  de  Gutenfels  commande  à  la  fois  le  Rhin  et  la  Steeg  ;  en 
face,  la  Pfalz  élève  au  milieu  des  eaux  sa  puissante  carapace.  —  Les  bords  du 
fleuve  se  couvrent  de  vignes.  Voici  le  principal  entrepôt  des  vins  du  Rhein- 
gau,  Bacharach,  entourée  depuis  le  Moven-Age  de  solides  murailles  ;  à  mi-côte 
se  dessinent  les  élégantes  arcades  de  St-Werner  ;  au  sommet,  le  château  de 
Slahleck,  assiégé  et  pris  huit  fois  par  les  Français  pendant  la  guerre  de 
Trente  Ans,  et  détruit  par  eux  en  1689  :  ses  tours  altières  et  ses  murs  de 
granit  scellés  dans  le  roc  sont  encore  un  objet  de  stupeur.  —  Au  milieu  des 
vignobles,  voici  enfin  toute  une  série  de  châteaux  somptueusement  recons- 
truits. Riches  et  beaux,  ils  intéressent  bien  moins  que  les  ruines  grandioses 
qui  conservent  sous  leur  manteau  de  lierre  plus  de  mystère  et  de  poésie.  Les 
bords  se  resserrent  une  dernière  fois,  les  eaux  bouillonnent  sur  des  écueils  à 
fleur  d'eau,  au  milieu  desquels  la  Maeuseturm  semble  prolonger  les  rochers 
des  deux  rives  :  le  bateau,  aujourd'hui,  passe  sans  encombre  devant  la  tour 
du  Péage. 

Maintenant,  au  milieu  d'un  paysage  riant,  nous  nous  éloignons  de  ces  sou- 
venirs et  de  ces  légendes.  Sur  les  pentes  duNiederwald  grimpent  les  vignobles 


-  rm  — 


du   Rùdesheim.    Au  sommet,    au  niiliou  des  bois,    la  Germania  triomphante 
élève  orgueilleusement,  en  face  du  Rhin  qu'elle  garde,  la  couronne  impériale 


CHATEAU    PK    RHKINSTEIN. 


ceinte  de  lauriers.  —  La  plaine  s"élend  à  perte  de  vue,  toujours  couverte  de 
vignobles.  Dans  la  campagne  sont  disséminés  des  villages  aux  toits  rouges, 
de  petits  châteaux  blancs  et  parfois  de  petites  villes.  Le  Rhin  enserre  quelques 
îlots,  les  Auen,  plantés  de  peupliers.  Après  un  grand  coude  du  fleuve,  nous 
débarquons  à  Mayence. 

Le  seul  monument  intéressant  de  la  ville  est  la  Cathédrale.  On  y  a  travaillé 
du  dixième  au  dix-huitième  siècle  :  aussi  tous  les  styles  s'y  rencontrent, 
roman,  gothique,  byzantin  et  rococo.  Les  deux  chœurs,  à  chaque  extrémité, 
dorment  à  la  Cathédrale  un  caractère  original.  Contre  chaque  pilier  a  été 
dressé  un  monument  funéraire  :  quelques-uns,  pas  exemple  ceux  d'Albert  de 
Brandeburg  et  de  Diether  d'Isenburg,  sont  d'une  remarquable  beauté.  En 
somme,  il  y  a  trop  de  disparate  dans  cette  Cathédrale  pour  qu'elle  soit  vrai- 
ment belle. 

En  arrivant  à  Francfort,  encore  une  gare  immense,  dans  la  large Kaiserstrasse 
tout  de  suite  on  trouve  les  caractères  de  la  très  grande  ville  :  un  mouvement 
continuel  de  personnes,  de  voitures,  de  tramways  ;  de  chaque  côté  de  la  rue 
s'alignent  de  riches  maisons  et  de  grands  magasins.  Rien  ne  manque  à  Franc- 
fort du  luxe  et  du  confort  de  la  vie  moderne  :  théâtres,  jardin  des  Palmiers, 
très  grands  hôtels  et  musées.  Parmi  les  musées,  il  faut  citer  l'Institut  Staedel, 
qui  renferme  de  beaux  tableaux  flamands  et  allemands,  les  Archives  aussi, 


—  304  — 

où  sont  exposées  des  collections  d'anciens  costumes  et  d'anciennes  armes  de 
Francfort.  La  ville  a  conservé  un  bon  nombre  de  monuments  historiques.  Le 
plus  récent  est  le  temple  protestant  de  Saint-Paul,  où  se  réunit  en  1848  et 
1849,  l'Assemblée  Nationale  :  c'est  une  salle  ronde  où  une  tribune  tient  lieu 
d'autel  ;  des  plaques  d'argent  indiquent  les  places  des  députés  les  plus 
notables.  Non  loin  de  là  s'élève  la  maison  de  Goethe,  aux  trois  étages  en 
saillie  les  uns  sur  les  autres  :  c'est  aujourd'hui  un  petit  musée.  Sur  le  Ross- 
mark  un  même  monument  réunit  les  statues  de  GKitenberg,  de  Schàffer  et  de 
Fust,  sans  doute  pour  rappeler  que  le  banquier  francfortois  ruina  Gutenberg. 
La  Cathédrale,  très  vaste,  est  intéressante,  moins  peut-être  par  sa  valeur 
architecturale  que  par  les  souvenirs  historiques  qu'j  évoquent  les  belles 
fresques  de  Steinle.   Les  constructions  du  Rômer,   l'Hôtel  de  Ville,  semblent 


I,E    KOMKR    A   KK.VNCl'ORT. 


résumer  l'histoire  de  Francfort  :  c'est  un  ensemble  de  douze  maisons  anciennes, 
auxquelles,  dans  ces  dernières  années,  on  a  ajouté  de  vastes  annexes  dans  le 
style  Renaissance  et  le  style  baroque.  Les  unes,  bâties  en  style  gothique,  ont 
de  hauts  pignons  avec  redans  ;  d'autres  ont  de  belles  façades  en  bois  sculpté. 
Les  annexes  sont  magnifiques  et  témoignent  de  la  richesse  de  la  ville. 

Francfort  a  toujours  été  un  centre  d'affaires  important.  Jadis,  ses  foires 
attiraient  des  foules  considérables.  Ville  libre  et  impériale,  elle  fit  toujours 
profession  d'une  large  tolérance  :  toutes  les  initiatives  s'y  développaient 
librement.  Les  avantages  de  sa  situation  se  sont  accentués  au  contact  de  la 
vie  économique  moderne  :  elle  se  trouve  dans  la  plaine  du  Rhin  là  où  le  sillon 


—  m^  — 

de  la  Nahe  et  du  Mein  coupe  la  vallée  ;  une  foule  de  voies  ferrées  y  convergent, 
venant  de  Cologne  et  de  la  plaine  industrielle,  de  Hambourg,  de  Berlin,  du 
Danube  et  de  l'Autriche,  de  Bàle  et  la  Suisse,  de  Strasbourg  et  la  France. 
Cette  situation  centrale  et  la  richesse  de  la  ville  en  ont  fait  un  grand  marché 
financier,  et  la  Bourse  de  Francfort  est  presque  aussi  importante  que  celle  de 
Berlin. 

Au  Sud  de  Francfort,  après  Darmstadt,  ville  très  ordinaire  où  il  y  a  quelque 
industrie,  on  arrive  en  face  de  l'Odenwald.  Une  coupure  très  nette  sépare  la 
plaine  de  la  montagne.  La  plaine  quaternaire,  couverte  de  riches  cultures, 
s'étend  au  loin  sans  le  moindre  relief.  A  notre  gauche,  sans  aucune  transition, 
se  dressent  les  masses  arrondies  du  granitique  Odenwald. 

Le  Mélibocus  est  le  point  culminant  de  cette  bordure.  Nous  j  montons  de 
Zwingenberg,  petite  ville  qui  a  un  château  («  naturlich  »).  La  montée  est 
très  raide,  mais  nous  finissons  tout  de  même,  à  travers  les  pierres  éboulées,  — 
c'était  plus  intéressant  que  la  route  de  voitures,  —  par  arriver  au  sommet.  De 
là,  on  jouit  d'une  très  belle  vue  :  la  montagne  s'élève  au-dessus  de  la  plaine 
comme  une  muraille,  et  au  delà  des  riches  campagnes  on  aperçoit  le  Rhin  ;  à 
l'Est,  l'Odenwald  s'étend  en  dos  arrondis,  entre  lesquels  des  lignes  sombres 
de  sapins  révèlent  de  petites  vallées.  —  Le  soir  venait,  il  fallait  descendre. 
Histoire  de  changer,  de  ne  pas  suivre  les  chemins  battus,  nous  nous  mettons 
en  tète  de  descendre  à  travers  bois  :  «  puisqu'on  descend,  on  ne  se  trompe  pas 
de  cheinin  ».  Nous  voilà  donc  partis:  mais  bientôt  notre  marche  est  une 
véritable  course  ;  nos  cannes  enlèvent  les  mottes  de  terre  et  glissent  sur  le 
granit  :  nous  courons,  nous  sautons,  risquant  de  nous  casser  le  cou,  mais 
riant  l'un  de  l'autre  ;  nous  descendions  toujours  sans  savoir  où  nous  abouti- 
rions, mais   «  puisque  on  descend ».  Enfin,  nous  tombons  au  milieu 

d'une  dizaine  de  tailleurs  de  pierre,  encore  plus  surpris  que  nous  :  l'entrée  du 
chantier  était  interdite  ;  ils  se  doulèrent  bien  que  nous  n'étions  pas  disposés  à 
comprendre  des  remontrances,  et,  tout  en  nage,  nous  partîmes  vers  la  gare. 
A  la  tombée  de  la  nuit  nous  étions  à  Heidelberg. 

Bâtie  au  débouché  du  Neckar  dans  la  vallée  du  Rhin,  Heidelberg  est  en 
partie  étalée  au  bord  de  la  rivière  et  le  reste  grimpe  sur  les  hauteurs  qui 
enserrent  le  Neckar.  C'est  une  des  villes  les  plus  joliment  situées  de  toute 
l'Allemagne.  Le  château  qui  domine  la  ville  attire  tous  les  ans  des  milliers 
de  touristes.  Il  existait  là  un  château-fort  au  treizième  siècle  ;  reconstruit  au 
seizième,  c'était  le  chef-d'œuvre  de  la  Renaissance  en  Allemagne.  Les  Fran- 
çais le  firent  sauter  en  1688.  «  Pour  l'étendue  et  \a^  situation,  ce  sont  les 
ruines  les  plus  grandioses  de  toute  l'Allemagne  >  (Baedeker).  Notre  visite 
commença  par  la  terrasse  de  la  Molkenkur,  qui  surplombe  le  château  :  de  là 
toutes  les  parties  de  l'édifice  se  distinguent  parfaitement  ;  pendant  que  nous  y 
étions,  les  rayons  intermittents  du  soleil  donnaient  au  grès  rouge  dont  il  est 
construit,  des  reflets  mauve  et  doré  qui  en  rendaient  l'aspect  féerique.  —  Un 


—  3(«5  — 

petit  sentier  descend  de  la  Molkenkur  au  château.  Avant  d'entrer,  on  passe 
devant  la  Tour  fendue,  dont  les  murs  de  six  mètres  cinquante  tinrent  bon 
contre  la  poudre  des  Français  :  au  lieu  de  voler  en  éclats,  elle  se  brisa  par  le 
milieu  et  un  fragment  considérable  tomba  dans  le  fossé  oii  il  est  encore  couché 
comme  un  bloc  de  rocher.  Un  pont  jeté  sur  ce  fossé  nous  conduit,  sous  la 
Tour  du  Guet,  dans  la  cour  du  château.  —  L'irrégularité  de  l'ensemble  trahit 
le  manque  de  plan  ;  mais  le  spectacle  n'en  est  que  plus  pittoresque.  A  droite, 
au-dessus  d'un  puits,  s'élève  une  voûte  couverte  de  feuillage,  supportée  par 
des  colonnes  de  granit  apportées  du  palais  de  Charlemagne  à  Ingelheim.  A 
gauche,  le  Ruprechtsbau,  construction  gothique  très  simple  :  dans  les  caves 
se  montre  le  fameux  «  tonneau  de  Heidelberg  »,  qui  peut  contenir  plus  de 
280.000  bouteilles;  près  du  tonneau  étaient  dressées  des  tables  archi-combles: 

et  un  orchestre  jouait la  Matchiche  !  Au   fond  de  la   cour,    le  Frie- 

drichsbau,  complètement  restauré,  présente  trois  étages  d'ordres  différents 
(dorique,  toscan,  ionique)  heureusement  proportionnés,  A  droite,  l'Otto- 
Heinrichsbau,  est  un  édifice  d'une  merveilleuse  richesse  d'ornementation; 
au-dessus  d'un  double  perron,    de  belles  cariatides  supportent  l'entablement 


UNE   AILE   DU   CHAÏKAU   D  HEIDELBEHG. 


d'une  porte  magnifique.  Un  passage  entre  ces  deux  derniers  bâtiments. con- 
duit à  une  terrasse  extérieure  suspendue  à  la  façade  du  château  au-dessus  de 
la  vallée  :   tout  le  long  de  la  rivière,  voici  la  ville  groupée  sur  le  versant  de 


I 


—  :307  — 

la  montagne  en  un  défilé  où  les  flèches  des  églises  jettent  des  taches  noires  au 
milieu  des  toits  rouges  ;  dans  la  ville,  l'Université  six  fois  séculaire  et  sa 
riche  bibliothèque  ;  le  vieux  pont,  décoré  de  statues,  franchit  le  Neckar  ;  et 
sur  le  versant  opposé  de  la  montagne,  en  face  de  la  ville,  s'étend  un  demi- 
cercle  de  terrains  cultivés,  où  les  vertes  prairies  et  les  champs  dorés  de  colza 
jettent  une  note  gaie  qui  tranche  sur  la  couleur  sombre  des  forêts  voisines  ; 
et  au  loin,  jusqu'au  bout  de  l'horizon,  le  Neckar  déroule  ses  eaux  en  courbes 
étincelantes. 


De  Heidelberg,  nous  nous  rendons  au  lac  de  Constance.  La  belle  nappe 
verte  de  ses  eaux  ne  se  distingue  de  la  rive  que  par  le  mouvement  de  ses 
vagues  légères.  Sur  le  bord  suisse,  des  collines  vont  rejoindre  les  Alpes  d'Ap- 
penzell,  que  l'on  aperçoit  dans  le  lointain.  La  rive  allemande,  au  contraire, 
est  toute  boisée  et  l'horizon  est  coupé  au  bord  du  lac  :  au  milieu  de  cette 
verdure  sont  blottis  de  riants  villages  ;  de-ci  de-là,  perdues  dans  la  campagne, 
se  détachent,  piquées  dans  les  bosquets,  de  petites  maisons  blanches  aux  toits 
rouges. 

Constance  est  située  au  Nord-Ouest  du  lac,  à  l'endroit  où  en  sort  le  Rhin. 
Une  élégante  flèche  gothique  signale  au  loin  sa  Cathédrale,  mais  près  de 
l'édifice  on  éprouve  une  déception  :  cette  jolie  flèche  est  posée  sur  une  tour 
massive,  sans  aucune  ornementation.  L'intérieur  cependant  fait  une  belle 
impression  :  la  nef  principale,  très  simple,  est  d'un  beau  style  roman.  Sur 
les  quais,  l'entrepôt  renferme  la  salle,  aujourd'hui  ornée  de  fresques,  où  le 
Concile  élut  le  Pape  Martin  V  et  condamna  Jean  Huss. 

Au  delà  de  Constance,  la  ligne  suisse  traverse  un  pays  très  intéressant  :  à 
droite.  TUntersee  brille  autour  de  la  sombre  île  de  Reichenau,  qui  découpe 
sur  le  ciel  sa  vieille  église  abbatiale.  Le  Rhin  sort  du  lac,  très  large  encore, 
puis  les  collines  se  rapprochent  ;  sur  leurs  flancs  apparaissent  des  prés,  des 
vignes  et  d'innombrables  vergers  :  les  maisons  se  perdent  au  milieu  des  arbres 
fruitiers.  A  Neuhausen,  le  fleuve,  déjà  puissant,  rencontre  une  ride  juras- 
sique :  il  bondit  par  dessus  l'obstacle  en  formant  «  la  plus  belle  cataracte  de 
l'Europe  >..  Ses  eaux  forment  trois  cascades  en  tombant  de  rochers  d'inégale 
hauteur  :  dix-neuf  mètres  à  gauche  et  quinze  mètres  à  droite  ;  mais  en  comp- 
tant tous  les  rapides  on  peut  évaluer  leur  hauteur  totale  à  trente  mètres.  Au 
milieu  des  tourbillons  d'écume  qui  se  précipitent,  deux  énormes  rochers  se 
dressent,  qui  divisent  la  chute  en  deux  parties;  sans  cesse  le  vent  enlève  au- 
dessus  de  la  cataracte  un  nuage  de  poussière  d'eau  qu'il  emporte  à  de  grandes 
distances.  — Dès  lors,  le  fleuve  est  constamment  encaissé  entre  des  montagnes 
arrondies,  couvertes  d'une  chevelure  de  bois.  A  Laufenburg,   il   se  heurte  à 


—  3(»8  — 

des  roches  gneissiques  sur  lesquelles  il  tourbillonne  au  bas  d'un  château  en 
ruines. 

Bâle  est  bâtie  sur  les  bords  du  Rhin,  à  l'endroit  où  il  chang-e  de  direction. 
La  gare  et  les  quartiers  neufs,  sur  la  rive  droite,  sont  reliés  à  la  vieille  ville 
par  un  pont  reconstruit  récemment.  La  Cathédrale  de  Bâle  est  très  belle  :  la 
tour  cependant  est  trop  massive,  toutefois  elle  est  surmontée  de  deux  flèches 
très  élégantes.  Nous  ne  savions  pas  que  c'était  un  temple  protestant  ;  mais  il 
fallut  pajer  pour  entrer  :  c'était  un  indice  infaillible.  Le  vide  du  prêche  pro- 
duit une  profonde  impression  de  tristesse,  surtout  dans  une  si  belle  Cathé- 
drale :  dans  le  chœur,  pas  d'autel,  mais  une  chaire  et  des  bancs  ;  nulle  part, 
aucun  ornement.  A  côté  du  «  munster  »,  un  cloître  gothique  très  vaste,  où 
subsistent  en  grand  nombre  des  socles  de  statues,  conduit  à  la  Pfalz,  haute 
terrasse  au  bord  du  fleuve  :  vers  l'amont  on  voit  les  montagnes  bleues  enserrer 
le  Rhin  pour  le  dérober  bientôt  aux  regards  ;  vers  l'aval,  le  fleuve  longe  les 
maisons  étagées  en  gradins  et  disparaît  bientôt  en  changeant  de  direction. 

Non  loin  de  Bâle,  la  vallée  de  la  Wièse  ouvre  un  chemin  vers  l'intérieur 
de  la  Forêt-Noire.  Nous  suivons  d'abord  la  «  ligne  stratégique  >\  qui  relie 
l'Allemagne  du  Sud  à  la  Haute-Alsace  sans  toucher  au  territoire  suisse.  Les 
montagnes,  de  chaque  côté  de  la  rivière,  sont  couronnées  de  noires  forêts  de 
sapins  ;  jusqu'à  mi-hauteur,  elles  sont  couvertes  de  pâturages  où  résonnent, 
sonores,  les  clochettes  des  vaches  ;  parfois  la  ligne  des  hauteurs  se  brise  pour 
laisser  voir  une  profonde  entaille,  un  torrent  qui  tombe  dans  la  rivière.  Par 
Schopfheim,  nous  arrivons  à  la  jolie  ville  de  Totnau.  La  route  de  voitures 
seule  continue  vers  le  Titi-See  en  passant  au  bas  du  Feldberg  :  elle  avance 
entre  les  montagnes,  tantôt  à  peine  plus  élevée  que  le  lit  de  la  Wièse,  tantôt 
dominant  de  beaucoup  le  torrent.  Les  villages  s'allongent,  au  bord  de  la 
route,  en  deux  rangées  de  maisons.  —  Toutes  ces  maisons  de  la  Forêt-Noire 
se  ressemblent  :  construites  en  bois,  elles  ont  un  étage,  où  l'on  habite  en 
hiver;  au  niveau  de  cet  étage,  une  sorte  de  balcon  court  tout  autour  de  la 
maison  ;  le  toit,  fait  de  plaquettes  de  sapin  en  bardeaux  descend  fort  bas  et 
abrite  toute  la  maison.  —  Le  long  du  chemin,  au  murmure  du  torrent  se 
mêle  le  souffle  enroué  des  moteurs  qui'  actionnent  les  scieries  :  partout  on 
exploite  le  bois,  surtout  les  sapins  et  les  hêtres,  dont  les  forêts  couvrent  les 
sommets  voisins. 

Un  sentier  nous  conduit,  après  deux  heures  d'ascension,  au  sommet  du 
Feldberg.  Au  Nord  et  à  l'Est  on  voit  le  massif  granitique  s'abaisser  douce- 
ment et  faire  place  à  de  larges  plateaux  gréseux;  au  Sud,  les  sommets 
argentés  des  Alpes  d'Appenzell,  de  Zug  et  de  Berne  se  découpent  sur  le  ciel 
bleu  ;  à  l'Ouest,  on  devine  les  Vosges  méridionales  au  delà  de  la  plaine 
effondrée  du  Rhin  ;  au  bas  du  Feldberg,  les  entailles  profondes  des  torrents 
brisent  de  tous  les  côtés  les  masses  de  granit  ;  immédiatement  au  bas  du 
mont,  encadré  d'une  verdure  sombre,  brille  le  Feldsee.  —  Ce  lac  se  décharge 


-  309  — 

dan?  le  Titisee  par  la  vallée  du  Seebach,  que  Ton  a  appelée  «  l'Arcadie 
badoise  >.  Le  nom  peut  être  prétentieux,  mais  le  coin  est  charmant.  Le  Titi- 
See  lui-même  est  une  grande  nappe  sans  couleur,  aux  rives  plates,  mal 
ombragées  ;  sa  réputation  ne  se  justifie  que  par  les  promenades  des  environs. 

Sur  la  route  du  Titi-See  à  Fribourg  nous  rencontrons  bientôt  à  gauche  la 
Dreisam  :  nous  sommes  dans  le  Lœfïeltal  ;  la  vallée  commence  à  se  resserrer 
pour  devenir  bientôt  une  gorge  étroite, ,  après  que  la  rivière  entaillant  le  roc 
à  vif  est  descendue  rapidement  en  plusieurs  bonds,  qui  sont  autant  de  belles 
cascades,  à  une  centaine  de  mètres  plus  bas.  Dans  le  Val  d'Enfer,  où  nous 
sommes  parvenus,  moins  vite  que  la  rivière,  par  une  route  en  lacets,  nous 
cheminons  entre  de  hautes  murailles  escarpées,  couvertes  de  sapins.  Le  fond 
de  la  vallée  n'est  pas  toujours  assez  large  pour  contenir  à  la  fois  la  rivière,  la 
route  et  le  chemin  de  fer  :  la  voie  ferrée  court  sur  le  versant  de  la  montagne 
et  la  route,  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche  de  la  Dreisam,  a  dû  par  endroits 
être  taillée  dans  le  roc.  Cette  route  fut  inaugurée  en  1770,  à  la  venue  en 
France  de  l'archiduchesse  Marie-Antoinette,  liancée  au  futur  roi  Louis  XVI  ; 
elle  est  connue  aussi  par  la  retraite  fameuse  de  Moreau  poursuivi  par  l'archiduc 
Charles.  Au  Hirschsprung  (saut  du  Cerf  ,  l'endroit  le  plus  resserré,  un  cerf 
se  dresse  au  sommet  des  rochers  :  au-dessus  de  nos  têtes,  les  noirs  rochers  à 
pic  laissent  à  peine  entrevoir  une  bande  de  ciel  bleu  ;  et  dans  ce  site  sauvage 
là  Dreisam,  toujours  sémillante,  murmure  quand  même  sa  chanson.  — Bientôt 
nous  respirons  plus  à  l'aise  :  peu  à  peu  la  vallée  s'élargit  et  nous  sortons  du 
HôUental  par  le  Himmelreich  (rojaume  du  Ciel),  pour  déboucher  dans  un 
vaste  amphithéâtre  de  bois  et  de  vignobles,  au  fond  duquel  s'élance  vers  le 
ciel  la  flèche  de  Fribourg. 

Cette  jolie  ville  est  adossée  à  une  colline,  le  Schlossberg,  d'où  l'on  con- 
temple un  paysage  comparable  à  celui  qui  se  déroule  au  pied  du  château  de 
Heidelberg.  Les  toits  bariolés  de  jaune,  de  noir  et  de  rouge  reûètent  une 
lumière  éblouissante  ;  puis,  au  delà  de  la  plaine  apparaissent,  estompés  d'un 
léger  brouillard,  les  sommets  pointus  du  volcanique  Kaiserstuhl  ;  tout  près  de 
nous,  la  Cathédrale  semble  vivante  dans  sa  membrure  légère.  Cette  Cathé- 
drale est  d'une  ornementation  très  riche  :  vu  du  Schlossberg,  le  chevet  de 
l'abside  offre  un  ensemble  merveilleux  d'arcs-boutants  et  de  colonnettes.  La 
partie  la  plus  remarquable  est  la  tour  :  ses  trois  étages,  très  simples,  se  suc- 
cèdent sans  transition  brusque  et  la  flèche,  étonnante  de  légèreté  avec  ses 
découpures  capricieuses,  s'élève  à  116  m.  de  hauteur.  L'intérieur  renferme 
une  chaire  finement  travaillée,  faite  d'un  seul  bloc  de  pierre  ;  dans  le  transept 
droit ,  se  déroule  une  curieuse  frise  romane  qui  représente  des  animaux 
d'après  les  fables  du  Moven-Age.  —  Sur  la  place  de  la  Cathédrale  s'élève  le 
Kaufhaus,  charmant  édifice  du  quinzième  siècle  :  au-dessus  d'un  portique  à 
colonnes  ressort,  au  premier  étage,  un  balcon  flanqué  de  tourelles.  La  ville  a 
gardé  du  Moyen-Age  une  foule  de  souvenirs  très  curieux  :  l'Hôtel  de  Ville, 


310  — 


les  deux  portes  Schwabentor  et  Martinstor.  Dans  la  rue  principale,  la  Kai- 
serstrasse,  une  élégante  fontaine  gothique  donne   à  toute  la  ville   un  cachet 


FRIBOURG   EN   KRISGAU. 


LA    CATHEDRALE. 


archaïque  et  original.  —  Fribourg  a  toujours  eu  une  grande  impor- 
tance commerciale  :  c'est  le  grand  marché  entre  la  plaine  et  la  montagne,  et 
à  cel^marché  on  voit  défiler  une  foule  de  costumes  tous  plus  pittoresques  les 
uns  que  les  autres.  La  gare  est  tête  de  ligne  pour  le  chemin  de  fer  qui 
relie,  par  la  Dreisam,  le  plaine  du  Rliin  à  celle  du  Danube  ;  enfin,  elle  se 
trouve  sur  la  route  très  importante  de  Bâle  vers  Appenweier,  Mannheim  et 
Francfort, 

Après  avoir  quitté  Fribourg,  nous  retrouvons  la  plaine  du  Rhin,  toujours 


—  :Ui  — 

fertile  et  monotone,  avec  ses  mêmes  cultures  depuis  le  Jura  jusqu'au  Taunus. 
La  voie  traverse  le  Rhin  après  Kehl  :  le  tleuve  est  déjà  large  ;  ses  eaux  très 
rapides  se  brisent  contre  les  piles  de  deux  ponts  très  rapprochés  :  vers  l'aval, 
des  îlots  de  gravier  se  sont  accumulés  et  constamment  des  dragueuses 
déblaient  le  cours  du  fleuve.  —  Depuis  trois  semaines,  nos  promenades  rayon- 
naient autour  de  ce  fleuve,  et  ce  n'est  pas  sans  quelque  mélancolie  que  nous 
traversions  le  «  Vater-Rhein  »  pour  la  dernière  fois. 

A  Strasbourg,  encore  une  de  ces  gares  monumentales  comme  les  Allemands 
savent  en  construire,  mais  ce  sont  moins  les  besoins  du  commerce  que  les 
nécessités  de  la  stratégie  qui  ont  inspiré  cette  œuvre  :  c'est  une  idée  de 
guerre  qui  a  dicté  les  plans  :  sur  les  quais  immenses  de  cette  gare  on  pourrait 
débarquer  rapidement  et  sans  désordre  des  effectifs  énormes.  Strasbourg  est 
une  place  de  guerre  de  tout  premier  ordre  :  quatorze  forts  enveloppent  la 
place  et  forment  un  camp  retranché,  défendu  par  40.000  fantassins,  8.000 
artilleurs,  1.000  hommes  du  génie  avec  au  moins  1.000  pièces  de  canon.  — 
Strasbourg  pourrait  aussi  devenir  un  centre  économique  de  grande  impor- 
tance. Outre  les  voies  ferrées,  les  canaux  de  la  Marne  au  Rhin  et  du  Rhône 
au  Rhin  facilitent  les  relations  avec  la  France.  De  Strasbourg,  par  les  lignes 
de  la  Forêt-Noire,  on  atteint  facilement  le  lac  de  Constance  et  l'Autriche  ; 
par  Karlsrulie,  on  pénètre  dans  l'Allemagne  centrale.  Surtout,  lo  Rhin  pour- 
rait être  une  merveilleuse  voie  commerciale.  Depuis  1878,  les  Slrasbourgeois 
ont  porté  tous  leurs  eff'orts  du  côté  du  Rhin  :  mais  toujours  ils  se  sont  heurtés 
à  l'opposilion  intraitable  des  Badois,  qui  veulent  maintenir  Mannheim  dans 
sa  situation  privilégiée  et  ont  même  fondé,  sans  succès  d'ailleurs,  le  port 
de  Kehl.  Néanmoins,  les  Slrasbourgeois  sont  arrivés  à  faire  draguer  le 
fleuve  et  ont  fondé  une  «  Compagnie  strasbourgeoise  de  navigation  »  :  le 
succès  a  couronné  leurs  efforts  et  le  mouvement  du  port  dépasse  un  million 
de  tonnes. 

Malgré  les  embellissements  modernes  de  la  ville,  la  Cathédrale  reste  le 
monument  principal  de  Strasbourg.  Elle  fut  commencée  au  onzième  siècle 
par  le  chœur  et  la  crjpte  qui  sont  d'un  beau  style  roman  ;  au  treizième,  on 
ajouta  les  nefs  gothiques  ;  un  grand  artiste,  Erwin  (qui  n'était  probablement 
pas  de  Steinbach)  construisit  la  façade.  Cette  façade  est  ce  qu'on  a  toujours  le 
plus  admiré  :  vers  le  soir,  sous  les  rayons  du  soleil  qui  la  frappent  directe- 
ment, les  statues,  les  colonnettes,  les  clochetons,  les  rosaces,  les  arabesques, 
toute  la  délicate  dentelle  des  fines  nervures  ressortent  en  un  relief  admirable. 
Le  portail  latéral  du  Sud  est  décoré  de  belles  sculptures,  dont  deux  statues 
très  fines  de  la  Synagogue  et  de  l'Église.  A  l'intérieur,  le  triforium  et  les 
fenêtres  rappellent  l'abbatiale  de  Saint-Denis.  La  chaire  est  une  œuvre  très 
délicate  du  quinzième  siècle.  Dans  le  bras  droit  du  transept  est  située  la 
fameuse  horloge  astronomique,  que  des  centaines  de  curieux  viennent  voir 
à   midi.  Sur   la   tour  principale,    (jui  a  66  m.,   s'élève  une  flèche  de  76  m.. 


—  312  — 

du  haut  de  laquelle  on  embrasse  d'un  coup  d'oeil  étendu  toute  la  plaine- 
alsacienne,  de  Baden  au  Kaiserstuhl  et  de  la  Forêt-Noire  aux  Vosges.  —  Du 
Mojen-Age,  Strasbourg  a  conservé  aussi  la  belle  église  Sl-Pierre-le- Jeune,  le 
temple  St-Thomas  et  quelques  maisons  près  de  la  Cathédrale. 

Le  château,  la  belle  promenade  de  Broglie  et  les  palais  qui  la  bordent 
rappellent  le  dix-huitième  siècle  français.  Une  troisième  période  a  commencé 
sous  la  domination  allemande  :  elle  est  caractérisée  par  des  constructions 
monumentales,  comme  l'Université,  le  Palais  de  l'Empereur,  le  Palais  de  la 
Délégation  provinciale  (Landesausschuss),  la  nouvelle  Poste  et  ditîérentes 
églises.  Les  vainqueurs   se   plaisent,  semble-t-il,  à  mettre  leur  marque  sur 

la  ville.  Est-elle  imprimée  bien  profondément? En  tous  cas,  il  est 

bien  émotionnant  d'entendre  à  Strasbourg,  dans  une  rue  pauvre,  un  accor- 
déon ou  un  violon  jouer,  assez  bas,  comfne  à  mi-voix,  notre  Marseillaise. 

De  Strasbourg  nous  allons  vers  Sarrebourg,  Metz,  puis  Trêves.  En  traver- 
sant la  ligne  des  Vosges,  on  observe  aisément  en  cette  région  la  dissjraétrie 
du  massif  :  venant  du  Rhin,  on  entre  brusquement;  à  l'Ouest,  au  contraire, 
on  voit  pendant  longtemps  des  plateaux  qui  se  raccordent  à  de  grandes  hau- 
teurs avec  la  chaîne  de  bordure  et  descendent  lentement  vers  la  Lorraine.  De 
Sarrebourg  à  Metz,  le  relief  est  encore  sensible,  mais  il  n'j  a  plus  de  vraies 
montagnes  ;  les  forêts  sont  plus  rares  et  moins  étendues  ;  le  moindre  coin  de 
terre  est  mis  en  valeur.  Dans  les  marnes  irisées  se  sont  creusés  de  nombreux 
étangs,  entourés  presque  tous  d'un  joli  cadre  de  verdure,  ils  mettent  dans 
cette  campagne  un  peu  de  fraîcheur  et  de  variété. 

Ici  nous  sommes  entourés  de  souvenirs  de  1870  et  les  noms  que  l'on  nous 
crie  aux  gares,  Remilly,  Courcelles,  Peltre,  résonnent  douloureusement  à  nos 
oreilles.  Metz  est  une  ville  ancienne  aux  rues  étroites  et  tortueuses  ;  elle  a 
conservé  des  coins  originaux,  comme  la  place  St-Louis  bordée  d'arcades  ou 
la  rue  aux  Murs  et  la  rue  des  Tanneurs  ;  sa  Cathédrale  est  un  beau  monu- 
ment gothique.  —  Metz  est  devenue,  entre  les  mains  des  Allemands,  la  forte- 
resse principale  de  cette  frontière,  et  chaque  année  les  travaux  de  défense  sont 
encore  renforcés. 

Au  delà  de  Metz,  la  Moselle  serpente  au  milieu  de  grasses  prairies  et  de 
belles  cultures  ;  de  chaque  côté  des  collines  calcaires  portent  d'abondantes 
forêts.  Elle  traverse  Thionville,  centre  important  de  métallurgie.  Plus  loin, 
elle  passeàIgel,où  se  voit  un  des  monuments  les  plus  intéressants  de  l'époque 
romaine,  en  deçà  des  Alpes  :  c'est  une  colonne  en  grès,  haute  de  23  m.,  qui 
servit  de  monument  funéraire  à  la  famille  des  Secundinii  :  elle  est  ornée  de 
bas-reliefs  assez  bien  conservés,  empruntés  à  la  mjthologie  ou  à  la  vie  des 
Secundinii  ;  une  reproduction  du  monument  est  conservée  à  Trêves,  au 
Musée  provincial,  où  sont  réunis  une  foule  de  souvenirs  de  l'époque  romaine 
et  du  Moyen-Age. 

Dans  un  cadre  germanique,  Trêves  est  une  ville  gallo-romaine.  La  facilité 


-  313  - 

•et  Timportance  des  communications,  la  beauté  du  site,  la  fertilité  du  sol  en 
avaient  fait,  dès  les  premiers  temps  de  l'Empire,  une  ville  importante  :  plus 
tard,  les  Empereurs  v  résidèrent.  De  l'ancien  palais  impérial  subsistent  de 
castes  ruines,  des  salles  gigantesques  à  ciel  ouvert,  et  de  longues  galeries 
souterraines.  A  dix  minutes  de  là,  on  voit  les  restes  d'un  vaste  amphithéâtre, 
moitié  creusé  dans  le  roc,  moitié  construit  de  main  d'homme  ;  trente  mille 
spectateurs  pouvaient  j  tenir  :  aujourd'hui  il  sert  de  cour  à  une  brasserie.  Il 
ne  reste  pas  grand  chose  des  bains  :  leurs  substructions  ne  dépassent  guère 
le  sol  ;  mais  on  y  reconnaît  sans  peine  bain  chaud,  bain  tiède,  bain  froid, 
calorifères,  etc.  La  basilique,  construite  au  temps  de  Constantin,  servit  de 
bourse,  de  cour  de  justice,  de  caserne  :  aujourd'hui  c'est  un  temple  proles- 
tant. La  Cathédrale,  qui  date  peut-être  du  quatrième  siècle,  est  un  véritable 
musée  d'histoire  :  roman,  gothique,  renaissance,  rococo,  moderne,  tous  les 
styles  y  sont  représentés.  Au  Moyen-Age,  une  très  belle  église  circulaire, 
Notre-Dame,  s'est  accolée  à  cet  édifice. 

Tout  le  passé  de  Trêves  semble  se  retrouver  dans  la  <  Porte  Noire  »,  rem- 
part à  l'époque  romaine,  église  et  forteresse  au  Moyen-Age,  aujourd'hui 
curiosité  sans  cesse  visitée.  C'est  un  reste  de  l'enceinte  romaine,  bien  con- 
servé, mais  noirci  par  le  temps.  Deux  tours  puissantes,  l'une  de  deux,  l'autre 
de  trois  étages,  flanquent  les  angles.  Devant  ce  monument,  on  ne  peut  se 
•défaire  d'une  impression  qu'un  voyageur  notait  naguère  :  ■  L'épaisseur  du 
massif  est  percée  de  deux  entrées  en  arcades  conliguës.  Je  songeais,  envoyant 
s'y  engager  un  parti  de  cavalerie  allemande,  aux  cohortes  romaines  qui  défi- 
lèrent sous  ces  vieilles  voûtes  ;  le  cliquetis  du  fer,  le  piétinement  des  chevaux 
semblaient  éveiller  des  échos  lointains.  Par  là  aussi  s'engouffrèrent  les  cohues 
échevelées  des  barbares  :  Germains  de  tout  poil,  Francs,  Normands,  Huns 
sauvages,  accourus  des  bouts  de  l'horizon.  Quand  cette  marée  déferla  furieuse 
contre  les  blocs  de  la  Forét-Noire,  l'édifice  était  inachevé  :  les  ouvriers  l'aban- 
donnèrent devant  l'ennemi  trop  tôt  venu.  Et  depuis,  la  houle  tombée  les 
flots  aplanis,  la  Porte-Noire  demeure,  témoin  immuable  et  hautaine  dérision 
des  hommes  et  des  choses  qu'elle  a  vus  passer.  (P.  Joussetj. 

Elle  demeure  aussi  pour  attester  ce  qu'ont  d'artificiel  et  d'impuissant, 
dans  ces  pays,  les  forteresses  les  plus  solides,  même  construites  par  des 
peuples  essentiellement  guerriers.  Quoi  que  l'on  fasse,  les  bords  du  Rhin, 
surtout  au  Nord  et  au  Sud  du  massif  schisteux,  seront  toujours  une  région  de 
passage.  Jadis,  dans  leurs  migrations  en  masse,  les  peuples  empruntèrent 
cette  voie,  et  malgré  les  résistances  ils  la  traversèrent  toujours.  Aujourd'hui, 
les  faits  économiques,  qui  sont  comme  la  condition  nouvelle  de  la  vie  des 
peuples,  font  de  ces  pays  des  régions  d'un  transit  intense  ou  des  régions  de 
production,  d'une  richesse  remarquable,  qu'elles  soient  en  Allemagne  et  en 
Belgique  ou  en  Allemagne  et  en  France,  car  à  la  façon  des  peuples  qui  se 
déplacent  l'actixaté  économique  ne  connaît  pas  les  frontières  arbitraires. 


-  314  — 


NOTES  SUR  LE  MAROC 


A    OUJDA 


Depuis  l'insurrection  fomentée  par  le  prétendant  en  1902,  la  voie  directe 
d'Oujda  à  Fez  par  la  trouée  de  Taza  est  coupée.  Pour  se  rendre  de  la  capitale 
à  la  ville  frontière,  il  faut  accomplir  un  long  détour  en  s'embarquant  à  Tanger 
pour  prendre  terre  à  Saïdia,  puis  côtoyer  le  territoire  algérien  jusqu'à  desti- 
nation. Cette  route  a  vu  passer  les  renforts  envoyés  à  la  garnison  d'Oujda,  les 
convois  de  munitions,  plus  rarement  la  solde  des  troupes,  enfin  les  fonction- 
naires chargés  par  le  makhzen  d'aller  gouverner  la  vi  lie  et  les  territoires  qui 
en  dépendent. 

Dans  chaque  cité  marocaine  de  quelque  importance,  les  fonctionnaires 
nommés  par  le  gouvernement  central  sont  au  nombre  de  trois  :  l'amel,  l'amin 
et  le  cadi. 

L'amel  ou  pacha  est  le  gouverneur  militaire  en  même  temps  que  le  préfet 
de  la  province  ;  il  y  représente  la  personne  du  sultan  et  gouverne  en  son  nom. 
Sa  compétence  s'étend  à  toutes  les  branches  de  l'administration  à  l'exception 
de  la  justice  et  de  la  perception  d'une  partie  des  impôts. 

Le  traitement  régulier  de  l'amel  d'Oujda  est  fixé  à  600  fr.  par  mois,  plus 
300  fr.  de  frais  de  service  et  certaines  indemnités  destinées  à  l'entretien  des 
employés  d'ordre  secondaire.  Ce  sont  là  des  appointements  plus  que  modestes 
et  qui  ne  permettraient  à  l'amel  que  de  végéter  difficilement  s'il  ne  parvenait 
à  se  procurer  par  ailleurs  des  ressources  plus  importantes.  En  principe,  les 
contributions  qu'il  est  chargé  de  recouvrer  et  dont  les  plus  importantes  sont 
la  dime  des  récoltes  et  les  impôts  prélevés  sur  les  tribus  de  la  province, 
doivent  être  expédiés  à  Fez.  Mais  il  y  a  loin,  au  Maroc,  de  la  théorie  à  la 
pratique,  et  l'absence  de  tout  contrôle  effectif  permet  au  délégué  du  sultan  de 
conserver,  pour  son  propre  usage  la  plus  grande  partie  de  ces  fonds  et  de 
n'envoyer  au  makhzen  que  quelques  rares  sacs  de  douros  accompagnés  d'une 
comptabilité  fantaisiste. 

En  outre,  lorsqu'il  se  sent  suffisamment  appuyé  par  les  forces  militaires 
dont  il  dispose,  le  pacha  ne  se  fait  pas  faute  d'extorquer  à  ses  administrés  des 
contributions  extraordinaires  en  espèces  ou  en  nature.   Néanmoins  il  convient 


-  31.-)  — 

que  la  différence  entre  les  perceptions  et  les  envois  d'argent'  à  la  Cour  ne  soit 
pas  trop  forte  ;  il  faut  éviter  également  de  pressurer  à  un  trop  haut  degré  les 
indigènes,  ce  qui  pourrait  amener  des  réclamations  ou  même  des  troubles 
capables  de  provoquer  la  révocation  du  gouverneur.  Chaque  fois  que  celui-ci 
sent  une  résistance  dangereuse  et  constate  des  velléités  d'insoumission,  il 
rend  la  main  et  diminue  ses  exigences,  quitte  à  les  renouveler  lorsque  la 
situation  parait  plus  favorable.  Il  y  a  là  un  jeu  de  bascule  perpétuel  qui 
demande  beaucoup  de  tact,  de  prudence  et  de  fermeté  et  où  excellent  les  fonc- 
tionnaires marocains. 

Les  divers  éléments  qui  servent  de  coefficients  à  ces  délicats  calculs  sont  la 
richesse  des  habitants,  leur  degré  de  passivité,  le  loyalisme  et  la  valeur  de 
la  force  armée,  enfin  l'éloignement  de  Fez.  A  ce  dernier  titre,  Oujda,  nous 
l'avons  vu,  jouit  d'une  situation  presque  unique  dans  l'empire.  Aussi,  le  poste 
de  gouverneur  y  a  été  réservé  à  un  des  favoris  du  sultan,  ancien  chaouch 
(chambellan)  du  palais,  descendant  d'une  de  ces  tribus  demi-nègres  du  Tafi- 
lalet,  qui  après  avoir  placé  sur  le  trône  la  dynastie  actuelle,  lui  ont  fourni 
depuis  deux  siècles  les  serviteurs  les  plus  dévoués. 

L'amin  d'Oujda,  quoique  jouissant  de  prérogatives  beaucoup  moins  éten- 
dues que  l'amel,  est  titulaire  d'un  poste  presque  aussi  lucratif.  Les  revenus 
gouvernementaux  les  plus  importants,  notamment  les  droits  prélevés  sur 
l'impprlation  des  marchandises  et  les  fonds  versés  par  les  adjudicataires  des 
monopoles,  entrent  dans  sa  caisse. 

Les  droits  de  douane  portent  sur  toutes  les  denrées  qui  pénètrent  dans  la 
ville,  à  l'exception  de  la  laine,  du  bois  et  du  sel.  Les  objets  imposés  sont  sou- 
mis à  deux  tarifs  distincts  et  cumulatifs.  Le  premier  est  prélevé  au  moment  où 
les  marchandises  passent  les  portes  de  l'enceinte  ;  on  l'appelle  droit  hafer, 
littéralement  «  droit  du  sabot  »,  parce  qu'il  frappe  le  poids  des  charges  intro- 
duites sans  tenir  compte  de  la  qualité  des  articles  qui  les  composent  ;  cet 
impôt  varie  suivant  qu'il  s'agit  d'une  charge  de  chameau,  de  mulet  ou  de 
bourriquot.  Lorsque  les  importateurs  ont  acquitté  cette  première  taxe,  ils 
dirigent  leurs  denrées  sur  le  bâtiment  central  de  la  douane,  où  les  agents 
de  l'amin  perçoivent  le  droit  acher  ou  dîme  se  montant  à  10  "/o  ad  valorem  des 
marchandises. 

L'estimation  de  cette  dîme  est  laissée  au  jugement  de  l'amin,  qui  l'établit 
de  manière  à  en  tirer  le  plus  de  bénéfice  possible. 

Les  marchands  aisés  qui  ont  su  se  bien  faire  voir  par  des  cadeaux  ne  payent 
presque  rien,  tandis  que  les  petits  négociants  et  surtout  les  juifs  et  les  étran- 
gers voient  leurs  biens  sévèrement  taxés.  Un  de  nos  compatriotes  qui  s'installa 
à  Oujda  l'hiver  dernier  et  avait  négligé  de  faire  présent  à  l'amin  d'un  miroir 
monumental  qu'il  convoitait,  fut  obligé  d'acquitter  pour  un  grand  nombre 
d'objets  des  droits  supérieurs  à  leur  valeur  intrinsèque. 

L'amin   est   également  chargé  d'encaisser  le  produit  des  concessions  sui- 


-  31(3  — 

vantes  que  le  gouvernement  accorde  à  des  particuliers  par  adjudication  : 

MoyeDDant  par  mois. 

1°  Abattoir  et  marché  aux  bestiaux ,  Fr.  416  » 

2°  Vente  du  kif  et  du  tabac  à  priser 166  » 

3"  Vente  du  café 2.000  » 

4"  Criée  et  ventes  aux  enchères 104  » 

5°  Pressurage  des  olives 10  ^o 

En  outre,  le  service  des  douanes  perçoit  quelques  impôts  de  moindre 
importance,  tels  que  certaines  patentes,  les  redevances  acquittées  par  les  pro- 
priétaires d'immeubles  situés  à  l'intérieur  de  la  kasbah,  etc. 

Sur  l'ensemble  de  ces  recettes  sont  prélevés  :  les  appointements  de  l'amel, 
du  personnel  de  la  douane  et  des  autres  fonctionnaires  ;  en  y  ajoutant  quelques 
menues  sommes  versées  à  des  individus  comme  pensions  ou  consacrées  à  l'en- 
tretien des  édifices  publics  et  religieux,  on  obtient  un  total  de  dépenses  de 
moins  de  5.000  francs  par  mois,  alors  qu'on  estime  le  seul  produit  des 
recettes  douanières  proprement  dites  à  15.000  francs  environ. 

Ces  gros  excédents  sont  plus  que  probablement  divisés  en  trois  parts  iné- 
gales dont  la  plus  petite  prend  la  route  de  Fez,  la  seconde  est  versée  à  l'amel 
et  la  plus  forte  reste  le, partage  de  l'amin.  On  comprend  donc  que  cette  der- 
nière charge,  comme  celle  de  l'amel,  soit  conférée  à  une  des  personnes  de 
l'entourage  immédiat  du  sultan.  Le  cadi,  qui  rend  la  justice  et  tient  les 
registres  de  l'état-civil,  est,  au  contraire,  choisi  parmi  les  notables  de  la 
ville  ;  c'est  un  personnage  de  beaucoup  moindre  importance,  car  sa  situation 
ne  lui  permet  pas  de  remplir  sa  cassette  particulière  comme  le  font  ses  deux 
confrères. 

En  somme,  ces  trois  fonctionnaires,  avec  l'aide  d'un  petit  nombre  d'em- 
ployés subalternes,  suffisent  à  gouverner  la  ville.  Théoriquement,  les  citadins 
n'acquittent  aucune  contribution  directe,  mais  en  fait,  ils  sont  soumis  aux 
décisions  arbitraires  de  l'amel.  Telle  est  la  situation  qui  s'est  présentée  aux 
autorités  militaires  françaises  le  29  Mars  dernier. 

Les  correspondances  télégraphiques  ont  déjà  fourni  de  nombreux  rensei- 
gnements sur  les  mesures  les  plus  apparentes  qu'ont  prises  les  officiers  chargés 
de  la  partie  politique  de  notre  démonstration  à  Oujda.  On  sait  comment  les 
prisonniers  ont  été  libérés,  les  rues  nettojées,  le  dispensaire  et  le  bureau  de 
poste  créés.  L'esprit  de  conciliation  vis-à-vis  des  indigènes  a  été  poussé 
presque  jusqu'à  l'exagération. 

Les  autorités  ont  enlevé  du  sommet  de  la  mosquée  le  poste  optique  qui  y 
avait  été  installé  le  premier  jour  ;  elles  ont  recherché  les  propriétaires  des 
deux  champs  oii  les  troupes  avaient  commis  quelques  légers  dégâts  et  les  ont 


—  317  — 

indemnisés  avant  qu'ils  songeassent  à  demander  quoi  que  ce  soit.  La  distribution 
des  eaux  courantes  a  été  réglée  avec  le  plus  grand  soin.  Les  troupes  ne 
détournent  les  canaux  d'irrigation  que  pendant  le  quart  de  la  journée  et  en 
laissent  la  disposition  aux  indigènes  pendant  tout  le  reste  du  temps. 

Toutes  ces  dispositions,  excellentes  sans  doute,  seront  pourtant  d'une  por- 
tée bien  inférieure  à  celles  que  nous  avons  prises  à  l'égard  de  l'administration 
proprement  dite  et  de  l'emploi  des  fonds  publics.  La  France  occupant  la  ville 
pour  une  durée  de  temps  que  seuls  les  événements  ultérieurs  pourront  déter- 
miner, il  était  impossible,  pendant  notre  présence  à  Oujda,  de  permettre  aux 
agents  du  makhzen  de  continuer  le  régime  de  bon  plaisir  qu'ils  ont  rais  en 
vigueur  jusqu'ici.  D'autre  part,  le  corps  expéditionnaire  n'a  ni  le  droit  ni  le 
désir  de  révoquer  les  fonctionnaires  marocains  et  de  créer  de  toutes  pièces  un 
nouvel  état  de  choses.  Ces  considérations  ont  amené  l'autorité  militaire  à 
maintenir  les  services  existants  en  faisant  contrôler  leur  fonctionnement  par 
des  officiers,  à  juxtaposer  en  quelque  sorte  notre  administration  à  celle  de 
l'amel. 

Un  officier  d'état-major  est  chargé  de  recevoir  les  réclamations  des  habi- 
tants et  de  surveiller  les  agissements  du  représentant  du  sultan  ;  cet  emploi 
exige  d'ailleurs  jusqu'à  présent  fort  peu  de  travail,  car  le  malheureux  pacha 
n'est  pas  encore  revenu  de  sa  stupéfaction  et  s'est  retiré  sous  sa  tente,  comme 
Achille,  en  affectant  de  ne  prêter  aucune  attention  à  ce  qui  se  passe  autour 
de  lui. 

Le  contrôle  de  l'administration  des  finances  à  été  confié  à  un  interprète 
militaire,  qui  a  trouvé  au  début,  de  la  part  de  l'amin,  la  même  attitude  bou- 
deuse et  la  même  force  d'inertie.  Les  sentiments  liostiles  de  ce  fonctionnaire 
sont  fort  naturels  puisque  du  nouvel  état  de  choses  résulte  pour  lui  une  ruine 
complète.  Pour  obtenir  sa  charge  il  avait  dû  obtenir  la  faveur  du  ministre  en 
fonctions  moyennant  de  forts  pots  de  vin  que  l'on  évalue  à  au  moins  25.000  fr., 
et  comme  il  n'est  entré  en  charge  qu'il  v  a  deux  mois  et  ne  touche  réguliè- 
rement que  450  fr.,  on  voit  quel  marché  de  dupe  le  malheureux  trésorier  a 
conclu.  L'amin  a  commencé  par  refuser  toute  espèce  de  renseignement  en 
alléguant  qu'il  avait  expédié  à  Fez,  le  jour  même  de  notre  arrivée,  les  docu- 
ments et  les  pièces  d'archives  concernant  l'administration  des  douanes.  Depuis 
trois  jours,  il  s'est  résigné  à  son  sort  et  on  peut  le  voir  de  nouveau,  dans  la 
chambre  qui  lui  sert  de  bureau,  évaluer  avec  un  désintéressement  forcé  les 
marchandises  que  de  longues  caravanes  viennent  empiler  dans  la  cour  enso- 
leillée du  bâtiment  des  douanes.  En  face  siège  l'interprète  français  qui 
recueille  les  fonds,  tient  la  comptabilité,  et  pour  plus  de  sûreté,  couche  dans 
le  local  où  se  trouve  le  coffre-fort. 

L'emploi  des  fonds  ainsi  perçus  constitue  la  plus  notable  différence  entre 
les  administrations  française  ou  marocaine.  On  continue  à  solder  d'après  le 
tarif  officiel  les  traitements  des  fonctionnaires,    mais  les  excédents  ne  servent 

21 


-  318  - 

plus  à  augmenter  la  fortune  personnelle  de  l'amel  et  de  l'amin.  Ces  fonds  sont 
destinés  à  profiter  directement  aux  habitants  ;  on  en  a  déjà  consacré  une  partie 
aux  travaux  de  voirie  et  à  l'établissement  tout  récent  d'une  infirmerie  indi- 
gène ovi  le  médecin  de  la  mission  soigne  un  superbe  hydropique  du  corps 
duquel  il  a  retiré  plusieurs  litres  de  liquide.  On  songe  à  réparer  ensuite  le 
minaret  de  la  mosquée,  qui  s'effrite  lamentablement,  à  agrandir  les  bains 
maures,  en  un  mot  à  pourvoir  dans  une  large  mesure  aux  besoins  matériels  et 
moraux  de  la  population. 

Il  est  probable  que  cette  méthode  d'administration  nous  conciliera  les  indi- 
gènes autant  qu'il  est  possible  pour  des  chrétiens  de  se  concilier  des  musul- 
mans. La  tâche,  en  ce  qui  concerne  les  tribus  des  environs,  est  infiniment 
plus  compliquée  et  plus  difficile. 

RÉGINALD   KANN. 


VOYAGE  DE  M.  EUGÈNE  GALLOIS 
DANS    L'AMÉRIQUE    DU    SUD 


Notre  collègue  envoie  au  Président  des  nouvelles  que  nous  nous  empressons 
de  communiquer  à  nos  lecteurs  qui  suivent  avec  grand  intérêt  l'infatigable 
globe-IroUer  dans  ses  pérégrinations. 


A  bord  du  steamer  <,<  la  Plala  »,  côte  ch'dlenne,  le  4  Avril  1907 . 

....  Ce  n'était  pas  sans  une  certaine  et  juste  curiosité  que  j'arrivais  à 
Panama  ou  mieux  tout  d'abord  à  Colon.  Je  trouvais  la  ville  fondée  par  Aspin- 
•wal,  dont  la  statue  regarde  l'Atlantique,  agrandie,  je  pourrais  ajouter  amé- 
liorée, car  de  suite  on  sent  la  main  des  Américains,  dont  l'activité  semble 
s'être  dépensée  en  ce  point  comme  en  tant  d'autres,  mais  avec  cette  certaine 
allure  de  sans  gêne  qui  leur  est  propre  ;  la  ville,  dont  la  voirie  se  poursuit 
avec  son  développement,  s'accroît  et  surtout  s'assainit,  ce  dont  elle  avait  tant 
besoin.  Les  magasins  s'j  multiplient,  mais  ils  sont  bien  souvent  ouverts  par 
des  Chinois. 

Au  passage,   à  travers  l'isthme   par  ce  chemin  de  fer  américain,  dont  le 


—  319  — 

transit  est  si  considérable,  mais  dont  l'installation  laisse  tant  à  désirer,  je 
revoyais  des  traces  de  l'œuvre  française  du  Canal  en  de  véritables  villages  en 
bois,  pour  certains  abandonnés  aujourd'hui  ;  j'apercevais,  hélas,  de  ces  dis- 
pendieuses machines  gisant  enfouies  sous  la  brousse,  de  longues  romes  de 
wagons  disparaissant  sous  la  végétation  tropicale,. . .  que  sais-je  encore,,  . . 
tristes  souvenirs  évoquant  la  malheureuse  affaire  où  tant  de  capitaux  français 
avaient  été  enfouis. . .  .  Mais  ie  ne  pouvais  m'empêcher  de  constater  l'activité 
américaine  se  traduisant  par  des  travaux  de  toutes  sortes,  auxquels  près  de 
30.000  hommes  sont  employés.  La  grande  majorité  est  nègre,  mais  on 
compte  cinq  à  six  mille  Européens,  Espagnols  et  Italiens  surtout,  du  rende- 
ment de  travail  desquels  on  semble  satisfait.  S'ils  sont  beaucoup  plus  paj'^és, 
ils  produisent  aussi  bien  davantage  et  seraient  même  plus  productifs  pour 
l'Administration.  De  plus,  maintenant  ils  résistent  assez  bien  au  climat,  grâce 
aux  mesures  prises  en  vue  de  l'assainissement  pour  lequel  rien  n'est  négligé. 
Les  efforts  en  ce  sens  portent  aussi  sur  Panama,  dont  la  voirie  a  été  bien 
améliorée,  où  d'intelligentes  expropriations  ont  été  faites,  et  qui  se  développe 
surtout  dans  la  zone  du  Canal,  cette  partie  concédée  aux  Américains  et  où  ils 
sont  maîtres  absolus.  Au  surplus,  la  jeune  République  de  Panama  leur 
devait  bien  cela,  car  elle  n'aurait  su  exister  sans  le  concours  des  Etats-Unis, 
lesquels  entendent  bien  n'avoir  jamais  de  soucis  à  redouter  de  ce  côté,  comme 
l'a  clairement  déclaré  le  Président  actif  de  l'U.  S.  A. 

Ce  n'était  pourtant  pas  de  gaieté  de  cœur  que  je  devais  prolonger  mon 
séjour  dans  le  port  dont  l'importance  s'accroîtra  encore  par  l'ouverture  du 
Canal,  ouverture  dont  on  ne  saurait  fixer  même  approximativement  la  date..., 
mais  bien  parce  qu'il  me  fallait  attendre  un  bateau  dont  le  départ  était  remis 
chaque  jour  sous  un  prétexte  quelconque.  Enfin  j'ai  quitté  sans  regret  la  Boca 
(le  port  réel  de  Panama)  pour  la  côte  du  Pacifique. 

La  première  escale ,  digne  d'être  citée ,  devait  être  Guayaquil ,  une 
grande  ville  de  70.000  habitants  située  sur  le  beau  et  large  fleuve  du  Guayas, 
le  seul  cours  d'eau  réellement  intéressant  de  toute  la  côte  du  Pacifique.  Pre- 
mier port  de  l'Equateur,  Guayaquil  est  en  même  temps  celui  de  la  capitale, 
Quito,  ville  relativement  moins  importante,  une  des  cités  les  plus  élevées  qui 
soient  au  monde,  comme  on  le  sait  ;  malheureusement  265  kilomètres  les 
séparent  et  ce  n'est  encore  qu'en  partie  que  l'on  peut  franchir  cette  distance 
en  wagon,  il  reste  encore  quelques  heures  à  faire,  en  automobile  (c'est  un  auto- 
mobile français)  il  est  vrai.  Seulement  Guayaquil,  d'où  s'expédient  les  fameux 
chapeaux  de  paille  fine  connus  sous  le  nom  de  «  Panama  »,  est  un  endroit 
des  plus  malsains,  infesté  de  moustiques  et  où  la  fièvre  jaune  est  en  perma- 
nence. Et  nous  avons  dû  y  passer  quatre  interminables  journées. . . . 

Je  n'entrerai  pas  dans  l'énumération  fastidieuse  des  escales  qu'il  a  fallu 
faire  pour  gagner  le  Pérou  et  le  Chili  ensuite,  série  de  petites  villes,  parfois 
simples  bourgades  aux  modestes  maisonnettes,  souvent  cabanes  de  bois   ou 


—  32(J  — 

même  plus  primitives  paillettes  dont  la  couleur  grise  se  confondait  avec  celle 
du  sol,  sable  la  plupart  du  temps.  C'est  assez  dire  au  résumé  l'intérêt,  fort 
relatif,  au  point  de  vue  du  pittoresque  s'entend,  de  la  côte  Ouest-nord  et 
moyenne  de  l'Amérique  du  Sud.  Le  littoral  péruvien,  long-  de  plus  de  deux 
mille  kilomètres,  est  en  général  élevé  et  peu  découpé.  L'aspect  en  est  mono- 
tone et  triste  par  l'âpreté  du  paysage,  ce  qui  ne  saurait  surprendre  si  l'on 
songe  que  pour  la  majeure  partie  c'est  une  région  désertique  ou  peu  s'en  faut. 
Des  collines  sablonneuses  s'élèvent  souvent  directement  du  rivage  mais  sont 
dépassées  par  des  montagnes  aux  silhouettes  plus  ou  moins  lointaines,  contre- 
forts de  la  chaîne  maîtresse  des  Cordillières,  qui  ne  se  signale  guère  qu'aux 
approches  de  la  frontière  chilienne  et  seulement  encore  par  quelques  blanches 
cîmes  dépassant  6.000  mètres  d'altitude. 

Sur  de  grandes  longueurs  la  côte  se  dresse  brusquement  en  falaises,  véri- 
tables murailles,  et  particulièrement  dans  le  Nord.  On  comprend  combien, 
dans  ces  conditions,  l'accostage  laisse  à  désirer,  le  navire  ne  peut  s'approcher 
et  les  mouillages  sont  parfois  difficiles  à  tenir,  rendant  les  opérations  délicates 
et  même  dangereuses,  malgré  l'existence  de  warfs  coûteux. 

Le  seul  port  réel  est  celui  de  Callao  et  encore  est-il  absolument  insuffisant, 
mais  la  rade  est  vaste  et  bonne. 

Il  n'est  éloigné  que  de  trois  lieues  de  la  capitale,  Lima,  distance  rendue 
insignifiante  par  la  rapidité  et  la  fréquence  de  tramways  électriques. 

Quant  à  Lima,  c'est  une  grande  cité  de  plus  de  150.000  habitants,  où  règne 
une  grande  activité.  Bien  tracée  avec  ses  rues  droites  qui  malheureusement 
pèchent  par  l'étroitesse,  elle  est  égayée  par  quelques  jardins  publics  et  possède 
un  joli  parc  bien  planté.  Nantie  abondamment  d'églises  et  de  couvents,  elle 
ne  présente  aucun  édifice  qu'on  puisse  signaler  en  conscience,  car  on  ne  peut 
appeler  monument  la  construction  qui  abrite  le  Président  de  la  République 
et  les  Ministères.  On  songe  du  reste  à  élever  en  son  lieu  et  place  un  édifice 
dont  le  plan  et  l'exécution  sont  confiés  à  un  architecte  français.  Pour  ce  qui 
est  des  théâtres,  il  vaut  mieux  n'en  pas  parler. 

Pendant  longtemps  les  Français  établis  dans  le  commerce  tenaient  le  haut 
du  pavé,  malheureusement  il  faut  bien  constater  qu'ils  ont  été  supplantés  par 
des  Italiens,  des  Anglais  ou  des  Américains,  et  en  ces  derniers  temps  par  des 
Allemands. 

Néanmoins  l'instruction  de  l'armée  a  été  confiée  à  une  commission  d'offi- 
ciers français  et  l'allure  du  militaire  s'en  ressent.  Du  reste,  il  n'est  pas  jusque 
dans  le  costume  que  l'on  retrouve  cette  influence. 

Si  j'ai  dit  que  l'aspect  du  pays  d'une  façon  générale  était  peu  réconfortant, 
il  ne  s'en  suit  pas  que  le  Pérou  soit  un  désert.  Tant  s'en  faut  au  contraire.  On 
trouve  en  effet  de  verdoyantes  vallées  et  sur  les  plateaux  de  vastes  espaces 
sont  susceptibles  d'être  mis  en  valeur.  Enfin  ce  pays,  plus  vaste  que  la  France 
et  habité  par  une  population  à  peine  supérieure  à  celle  de  Paris,  est  capable 


f. 


—  321  — 

de  nourrir  des  millions  d'individus,  sans  compter  qu'il  possède  des  richesses 
minières  de  premier  ordre  et  en  abondance,  pour  l'exploitation  desquelles  il 
manque  surtout  des  capitaux. 

J'avais  Lien  songé  à  monter  sur  les  plateaux  élevés  de  la  Bolivie,  mais  le 
temps  me  manquait,  d'autant  plus  que  l'accès  en  est  relativement  peu  aisé, 
les  chemins  de  fer  de  pénétration  n'étant  pas  encore  terminés,  bien  que  la 
ligne  d'Antofagasta  à  La  Paz  promette  de  l'être  bientôt. 

Poursuivant  ma  route  je  descendais  donc  sur  le  Chili,  duquel  je  vous  entre- 
tiendrai dans  ma  prochaine  lettre. 

Eugène  GALLOIS. 


BIBLIOGRAPHIE 


TROIS  MOIS  AJU  KOUANG-SI,    souvenirs  d'un  officier  en  mission. 
Avec  16  photographies  hors  texte.  Paris,  Delagrave,  1907. 

Un  livre  tout  à  la  fois  sérieux  et  attrayant,  allègrement  écrit  et  vigoureusement 
documenté.  Ce  qui  suit  n'est  d'ailleurs  que  le  résumé  des  idées  générales  présen- 
tées par  l'auteur  lui-même  dans  sa  préface. 

Le  Kouang-Si  est  voisin  de  notre  Tonkin  sur  une  trop  grande  étendue  pour  que 
nous  puissions  nous  désintéresser  de  ce  qui  s'y  passe. 

Chacune  des  commotions  politiques,  malheureusement  fréquentes,  qui  l'agitent, 
a  son  immédiate  répercussion  sur  nos  possessions  indo-chinoises,  son  état  sanitaire 
même  importe  à  notre  colonie.  Il  apparaît  donc  comme  nécessaire  de  connaître, 
non  seulement  la  situation  matérielle  du  pays,  mais  encore  et  surtout  sa  situation 
morale,  l'état  d'esprit  des  populations,  le  caractère  des  mandarins,  leurs  procédés 
administratifs  (trop  souvent  brutaux  et  sommaires),  leurs  dispositions  à  notre 
égard,  connaissance  d'autant  plus  utile  que  nos  relations  avec  le  Kouang-Si  sont 
destinées  à  devenir  plus  fréquentes. 

En  effet,  lentement  mais  progressivement,  cette  province  subit  notre  pénétration 
économique.  L'Indo-Chine  unifiée  a  pris  conscience  d'elle-même.  Malheureusement, 
sa  situation,  devenue  excellente  à  l'intérieur,  reste  menacée  au  point  de  vue  exté- 
rieur. Le  péril  japonais,  signalé  et  prévu  par  bien  des  esprits  perspicaces,  est 
toujours  là  qui  nous  guette. 

De  plus  en  plus  d'ailleurs,  l'action  des  grandes  puissances  se  fait  sentir  en 
Extrême-Orient.  L'Angleterre  monte  à  l'assaut  des  plateaux  thibétains,  moins 
peut-être  pour  s'y  maintenir  que  pour  éviter  le  péril  de  la  compétition  russe  ;  en 
même  temps,  par  Shang-Haï  et  la  vallée  du  Yang-tsé,  le  pavillon  anglais  progresse 
au  centre  de  la  Chine. 

Les   Etats-Unis   ont  coupé  la  distance  en  deux  en  s'installaut  aux  Philippines, 


—  322  — 

d"où  ils  surveillent  le  Japon.  La  flotte  otîensive  qu'ils  ont  sur  chantier  leur  assu- 
rera la  prépondérance  dans  le  Pacifique  au  jour  prochain  oii  elle  pourra  franchir 
l'isthme  de  Panama. 

L'Allemagne  progresse  pied  à  pied  dans  le  Chan-Touug,  vaste  province  qui 
s'ouvre  pour  absorber  la  surproduction  de  ses  usines. 

Quelle  sera  la  part  de  nos  fils  dans  ce  morcellement  économique  de  la  Chine  ? 
Notre  situation  privilégiée  au  Sud  de  ce  vaste  Empire  et  les  relations  de  bon  voi- 
sinage que  nous  entretenons  avec  les  provinces  limitrophes  nous  permet  d'espérer 
que,  de  ce  côté,  un  champ  magnifique  s'offre  à  notre  activité.  Le  Kouang-Si  est 
l'une  de  ces  provinces. 

Sans  doute,  la  pénétration  économique  de  la  France  ne  saurait  s'y  dessiner  aussi 
rapide  que  vers  le  Yun-Nan,  oii  une  ligne  ferrée  est  déjà  en  train  de  s'établir, 
amorce  elle-même  des  lignes  futures  du  Sé-Tchouen.  D'autre  part,  on  tend  à 
réunir  des  capitaux  pour  une  entreprise  du  même  genre  vers  l'Est,  dans  la  région 
côtière  du  Kouang-Toung.  Ce  sont  là  des  projets  qui  réclament  bonne  et  prompte 
réalisation,  avant  d'engager  l'avenir. 

«  Entre  ces  deux  pinces  qui  se  tendent  à  l'Orient  et  à  l'Occident  se  place  le 
Kouang-Si,  âpre  et  montagneuse  province,  ruinée  par  la  guerre  civile,  terrorisée 
par  la  piraterie,  épuisée  par  les  exactions  des  mandarins,  dépeuplée  par  la  misère, 
mais  dont  les  vallées  fertiles,  le  riche  sous-sol,  la  nombreuse  population  qu'elle 
a  nourrie  jadis  sont  un  sûr  garant  de  la  prospérité  qu'elle  .saurait  retrouver  sous 
une  administration  régulière  ». 

G.  HOUBRON. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


IjC  Territoire  utilitaire  du  ]%iger  eu  190<».  —  Avant  de  remettre 
le  commandement  du  Territoire  militaire  du  Niger  au  lieutenant-colonel  Gristofari, 
M.  le  lieutenant-colonel  Lamolle  a  adressé  aux  troupes  du  Territoire  l'ordre  ci-après 
résumant  les  principales  opérations  effectuées  dans  les  trois  régions  du  Territoire 
pendant  l'année  1906  : 

Le  lieutenant-colonel  commandant  le  Territoire  est  heureux  de  porter  à  la  con- 
naissance de  tous  les  principaux  faits  qui  ont  marqué  la  pénétration  dans  les  confins 
sahariens  du  Territoire  au  cours  de  l'année  1906  : 

Le  8  Mai  1906,  Taoudénit,  à  700  kilomètres  au   Nord  de  Tombouctou,  et  à  l.'")0 


—  32:3  — 

kilomètres  de  la  frontière  algérienne,  a  été  visité  pour  la  première  fois  par  nos 
troupes  ;  le  capitaine  Gauvin  avec  le  lieutenant  Gortier,  trois  sous-officiers  euro- 
péens et  cinquante-trois  tirailleurs  méharistes,  parti  en  Mars  de  Tombouctou  est 
arrivé  par  Bou-Djéhiba  et  Araouan. 

Le  20  Mai,  à  Gattara,  la  jonction  a  été  opérée  entre  un  échelon  du  même  déta- 
chement et  une  fraction  des  troupes  algériennes  commandée  par  le  lieutenant- 
colonel  Laperrine  ;  nos  méharistes  sont  ensuite  rentrés  à  Tombouctou  le  19  Juin 
ayant  fourni  un  parcours  total  de  l/iSO  kilomètres. 

Le  7  Juillet,  Agadez,  à  4(30  kilomètres  au  Nord  de  Zinder,  a  été  occupé  d'une 
façon  permanente.  A  cet  efîet,  s'y  sont  rencontrés  deux  détachements  partis  simul- 
tanément vers  le  20  Juin,  l'un  de  Djadjidouna  (lieutenant  Masse,  2  sous-officiera 
européens  et  30  tirailleurs  méharistes',  l'autre  de  Tahoua  (lieutenant  Garnier  de 
Laroche,  avec  1  sous-officier  européen  et  .30  tirailleurs  méharistes). 

Le  16  Juillet,  Bilma,  à  650  kilomètres  au  Nord  de  N'Guigmi,  a  été  occupé  d'une 
façon  permanente  :  le  lieutenant  Crépin,  avec  l  sous-offieier  européen  et  .30  tirail- 
leurs méharistes,  parti  le  13  Juin  de  Gouré  et  arrivé  par  Termitt  ;  un  poste  a  été 
construit. 

Le  15  août,  la  route  Djadjidouna-Bilma  a  été  parcourue  pour  la  première  fois 
par  nos  troupes  :  le  commandant  Gadel,  avec  le  lieutenant  Leblond,  l'aide-major 
de  la  Jarrige,  2  sous-officiers  européens  et  30  tirailleurs  méharistes,  partis  le 
21  Juin  de  Zinder  et  le  13  Juillet  de  Djadjidouna. 

Le  12  Septembre,  l'oasis  de  Djébalo,  à  900  kilomètres  au  Nord  de  N'Guigmi  a 
été  visitée  et  reconnue  pour  la  première  fois  par  nos  troupes  :  le  commandant 
Gadel,  avec  les  mêmes  officiers  et  sous-officiers  et  41  tirailleurs  méharistes  ;  au 
cours.de  cette  reconnaissance,  un  rezzou  d'Adjeurs  qui  avait  attaqué  le  détache- 
ment a  été  mis  en  fuite  après  un  engagement  très  vif  à  Orida,  le  13  Septembre. 

Le  14  Septembre,  l'ancienne  route  Songhaï-Gao-Agadez  a  été  reconnue  sur  sa 
première  section  Sao-Ménaka  (261  kilomètres  de  parcours  nouveau)  par  le  capitaine 
Pasquier,  avec  le  lieutenant  Vallier  et  43  tirailleurs,  parti  de  Gao  le  l"  Septembre, 
après  reconnaissance  du  pays  OuUiminden,  poussée  jusqu'à  Ténékar,  nos  méha- 
ristes sont  rentrés  à  Gao  ayant  fourni  un  parcours  total  de  800  kilomètres. 

Le  3  Octobre,  la  même  route  a  été  reconnue  sur  sa  deuxième  section  Ménaka- 
Agadez  (582  kilomètres,  dont  571  de  parcours  nouveau)  :  le  capitaine  Laforgue, 
avec  22  tirailleurs  méharistes,  parti  de  Tahoua  le  20  Août  et  en  atteignant  directe- 
ment Ménaka  le  l"  Septemlire  pour  en  repartir  sur  Agadez,  effectuait  liaison 
virtuelle  avec  le  précédent  détachement  devant  parvenir  à  Ménaka  treize  jours  plus 
tard. 

Le  12  Octobre,  à  Hérouane,  à  720  kilomètres  au  Nord  de  Zinder,  une  jonction  a 
été  opérée  entre  nos  troupes  et  un  détachement  d'In-Salah  commandé  par  le  lieu- 
tenant Gloc  ;  le  lieutenant  Nasse,  avec  le  lieutenant  Théral  (récemment  venu  de 
Zinder),  le  lieutenant  Garnier  de  Laroche  et  (30  tirailleurs  méharistes,  parti  le 
4  Octobre  d'Agadez,  a  fait  la  reconnaissance  de  la  plaine  de  Talak,  avant  de 
gagner  Hérouane  (oii  l'a  rejoint  le  capitaine  Laforgue),  et  est  rentré  ensuite  à 
Agadez  ayant  fourni  un  parcours  total  de  (300  kilomètres. 

D'Octobre  à  Décembre.  —  Les  troupes  de  Tahoua  qui  avaient  été  portées  à 
Agadez  ont  rallié  le  premier  de  ces  postes  oii  elles  sont  parvenues  le  5  Décembre 
ayant  ainsi  fourni  un  total  de  :  le  détachement  du  capitaine  Laforgue  2.000  kilo- 
mètres ;  le  détachement  du  lieutenant  Garnier  de  Laroche  1.400  kilomètres. 

Les  capitaines  Lefebvre  et  Chambert  (qui  avaient  précédemment  procédé,  selon 
les  ordres  de  la  région,    à  l'organisation  des  détachements  de  leur  poste  mis  en 


—  324  — 

route)  ont  assuré  de  Zinder  et  de  Gouré  l'envoi  du  ravitaillement  d'Agadez  et  de 
Bilma. 

Le  commandant  Gadel,  avec  le  lieutenant  Leblond,  l'aide-major  de  la  Jarrige  et 
33  tirailleurs  méharistes,  parti  le  5  Novembre  de  Bilma  est  rentré  le  3  Décembre  à 
N'Guigmi,  ayant  ainsi  fourni  depuis  son  départ  en  Juin  un  parcours  global  de 
2.100  kilomètres. 

En  résumant  ce  qui  précède,  la  campagne  méhariste  de  1906  se  traduit  comme 
suit  : 

Par  tous  ceux  de  ses  postes  qui  bordent  la  zone  désertique,  le  Territoire  a  fait 
dans  celle-ci  de  la  pénétration  à  grande  envergure. 

Les  reconnaissances  de  ces  unités  méharistes  ont  fourni  un  parcours  global  de 
10.000  kilomètres  ;  elles  ont  en  trois  points  sensiblement  atteint  ses  frontières  sep- 
tentrionales près  desquelles  deux  jonctions  ont  été  opérées  avec  l'Algérie. 

Les  nomades  ont  vu  nos  troupes  circulant  dans  les  régions  qu'ils  croyaient  nous 
être  inaccessibles,  occupant  deux  postes  nouveaux  à  500  kilomètres  au  Nord  de 
notre  précédente  ligne,  ils  ont  senti  notre  force  et  nous  avons  vu  leur  faiblesse. 

Ces  résultats  font  honneur  aux  officiers  et  aux  troupes  qui  les  ont  obtenus. 

Sans  préjudice  des  propositions  individuelles,  justes  récompenses  des  principaux 
services  rendus,  le%  lieutenant-colonel  commandant  le  Territoire  tient  à  exprimer 
collectivement  son  entière  satisfaction  et  ses  félicitations  pour  le  dévouement,  l'in- 
telligence, le  travail  et  l'endurance  qui  ont  été  déployés  à  tous  les  échelons, 
par  les  Européens  comme  par  les  indigènes. 

Partout  oii  il  a  inspecté  des  fractions  de  méharistes,  il  a  vu  des  tirailleurs  alertes, 
se  façonnant  de  plus  en  plus  à  leur  monture  et,  quoi  qu'on  ait  pu  croire  au  début, 
arrivant  à  s'intéresser  à  elle. 

Il  faut  marcher  avec  persévérance  et  conviction  dans  la  voie  suivie  jusqu'ici  : 
progressivement  et  par  l'expérience,  l'usure  des  animaux  deviendra  plus  lente,  et 
les  détails  se  perfectionneront. 

Nos  Sénégalais,  toujours  braves  soldats  et  déjà  méharistes  passables,  vont  cons- 
tituer bientôt  une  troupe  qui  restera  très  différente  des  méharistes  algériens,  mais 
aura  ses  qualités  propres. 

Et  sur  la  frontière  saharienne  commune  ils  pourront  sans  désavantage  se  ren- 
contrer avec  ces  derniers  pour  assurer  de  concert,  et  chacun  dans  ses  limites 
respectives,  la  police  du  désert  et  la  transformation  des  nomades. 


■  C^iiiuée.  —  Le  Gouverneur  général  a  inauguré  le  26  une  section  nouvelle  du 
chemin  de  fer  de  Conakry  au  Niger. 

Les  travaux  qui  vont  maintenant  jusqu'à  la  rivière  Koukoure,  atteindront  vers 
la  fin  de  l'année  le  col  de  Kouni,  près  de  Timbo  ;  des  études  ont  été  entreprises 
pour  fixer  sur  ce  point  le  lieu  d'une  gare  centrale  et  un  emplacement  pour  la 
capitale  de  la  Guinée. 

Les  prévisions  permettent  d'espérer  que  la  voie  de  Conakry  au  Niger  sera  com- 
plètement établie  en  1910. 


ASIE. 


I/Explorateiii*    î!»veii    Hedin    nu  Tibet.  —  L'exploration  du  Tibet 
par  le  Suédois  Sven  Hedin,  dont  nous  avons  déjà  entretenu  nos  lecteurs  au  moment 


-  325  - 

où  elle  fut  projetée,  se  poursuit  actuellement  dans  les  conditions  les  plus  favo- 
rables. Les  nouvelles  qu'a  adressées  l'explorateur,  dans  une  lettre  partie  de  Shi- 
gatsft  à  la  date  du  20  Février,  sont  parvenues  à  Londres  tout  récemment,  et  le 
Times  constate  toute  l'importance  que  présente  ce  document  au  point  de  vue  de 
l'étendue  des  connaissances  que  nous  possédons  déjà   sur  la  géographie  tibétaine. 

On  sait  que  le  gouvernement  britannique  refusa  à  Sven  Hedin  l'autorisation  de 
passer  par  l'Inde  pour  pénétrer  dans  le  Tibet.  Ce  fut  là,  tout  d'abord,  une  amère 
déception  pour  l'explorateur  qui  dut  modifier  les  plans  de  son  voyage  ;  mais,  ainsi 
qu'il  le  remarque  dans  la  lettre  sus  visée,  il  n'eut  pas,  dans  la  suite,  à  regretter 
ce  changement  d'itinéraire,  en  raison  des  précieuses  découvertes  géographiques 
qu'il  fut  à  même  d'effectuer  dans  les  régions,  pour  la  plupart  inconnues,  qu'il  dut 
traverser. 

Sven  Hedin  pénétra  dans  le  Tibet  par  le  Nord-Ouest  ;  auparavant,  il  réussit  à 
organiser  une  excellente  caravane  d'hommes  et  d'animaux  sous  la  conduite  d'un 
chef  expérimenté,  nommé  Mohammed  Tsa.  Il  n'y  eut  aucune  perte  d'hommes 
durant  la  longue  traversée  du  Ghang-tang,  mais,  par  contre,  l'expédition  y  perdit 
36  mules  et  58  poneys  et  les  animaux  qui  survécurent  n'étaient  plus  que  de  véri- 
tables sacs  d'os  et  de  peau. 

Le  haut  plateau  de  l'Asie  centrale  fut  atteint  par  un  défilé  situé  à  19.500  pieds 
(6.825  mètres)  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Lorsqu'ils  furent  parvenus  dans  le 
Ling-zi-Thang  et  l'Aksai  Ghin  (Désert  Blanc),  les  voyageurs  rencontrèrent  un 
excellent  terrain  gazonneux  qui  leur  permit  d'établir  leur  camp  dans  les  meilleures 
conditions  possibles  et  de  s'approvisionner  d'eau  en  abondance.  Le  pays  étant 
relativement  uni,  les  marches  s'effectuèrent  sans  trop  de  difficulté. 

G'est  en  cet  endroit  que  se  déroule  le  magnifique  panorama  que  présentent  les 
chaînes  parallèles  des  montagnes  de  Kouen  Lun,  et  de  l'autre,  les  ramifications  du 
système  du  Karakoroum. 

Poursuivant  sa  marche  d'abord  à  l'Est,  puis  au  Sud-Est,  Sven  Hedin  évita  autant 
que  possible  la  région  déjà  visitée  par  les  explorateurs  précédents,  notamment  par 
Wellby,  Dutreuil  de  Rhins,  Deasy  et  Rawling.  11  atteignit  le  lac  Lighton,  un  des 
plus  grands  et  des  plus  attrayants  qu'il  ait  vus  au  Tibet.  A  ce  moment  fut  ren- 
voyée une  partie  de  la  caravane. 

Deux  excursions  furent  effectuées  sur  ce  lac,  dans  un  bateau  pliant  qui  faisait 
partie  de  l'équipement  de  l'expédition.  Sven  Heuin  opéra  plusieurs  sondages  et, 
bien  qu'il  eût  à  sa  disposition  une  corde  de  sondage  de  220  pieds  (07  mètres)  de 
long,  il  ne  put  à  deux  reprises  atteindre  le  fond.  Deux  autres  lacs  très  peu  pro- 
fonds furent  rencontrés  et  explorés  dans  la  même  région. 

Sven  Hedin  parvint  ensuite  à  l'un  des  camps  du  capitaine  Deasy  et  fut  ainsi  à 
même  de  contrôler  ses  observations  cartographiques  avec  celles  de  l'explorateur 
anglais. 

Les  véritables  fatigues  du  voyage  commencèrent  lorsque  l'expédition,  après  avoir 
franchi  la  route  parcourue  par  Wellby,  pénétra  dans  les  vastes  régions  inconnues 
situées  entre  les  régions  explorées  par  Bower  et  Dutreuil  de  Rhins.  Il  arriva  que 
la  caravane,  surprise  dans  les  hautes  montagnes  par  une  tempête  de  neige,  perdit 
en  deux  jours  11  mules  et  2  poneys.  Le  nombre  des  animaux  de  transport  dimi- 
nuait rapidement  car,  s'il  y  avait  abondance  d'eau,  l'herbe  était  rare  et  faisait 
même  souvent  complètement  défaut.  Les  hommes  durent  alors  transporter  eux- 
mêmes  une  partie  des  bagages. 

Gependant,  la  situation  s'améliora  en  avançant  vers  l'Est.  C'est  alors  que  l'ex- 
pédition remarqua,  pour  la  première  fois  depuis  son  entrée  au  Tibet,  des  signes 


—  :526  — 

d'activité  humaine,  révélés  par  l'existence  de  plusieurs  mines  d'or  qui  ne  sont, 
toutefois,  exploitées  que  pendant  la  saison  d'été. 

Les  premiers  êtres  humains  qu'elle  rencontra  furent  une  troupe  de  nomades  qui 
se  montrèrent  très  bienveillants  et  auxquels  elle  acheta  un  certain  nombre  d'ex- 
cellents yaks. 

Sven  Hedin  ne  put  parvenir  à  identifier  le  point  oii  l'expédition  traversa  la  route 
suivie  par  le  colonel  Bower,  mais  il  pense  avoir  suivi  le  bord  du  lac  auquel  Dutreuil 
de  Rhins  donna  le  nom  de  Lac  Ammonia.  Après  avoir  traversé  une  route  qu'il 
avait  déjà  prise  en  1901,  l'explorateur  se  dirigea  vers  le  Sud  et  se  trouva  de  nou- 
veau dans  un  pays  difficile,  ayant  à  franchir  un  certain  nombre  de  vallées  étroites 
et  de  défilés  élevés.  11  passa  la  Noël  à  Dumbokcho  et  eut  à  subir  un  froid  intense. 
Des  tempêtes  de  vent  et  de  neige,  venues  du  Sud-Ouest,  soufflaient  chaque  jour  et 
le  thermomètre  descendit  jusqu'à  3.5°  centigrades  au-dessous  de  zéro. 

Lorsqu'il  atteignit  les  bords  du  lac  Ngantse-Cho,  du  côté  Nord,  les  hommes  et 
les  animaux  étaient  complètement  épuisés.  Nous  rappellerons  que  le  Ngantse-Cho 
fut  découvert  par  Nain  Singh  que  Sven  Hedin  considère  comme  un  explorateur 
audacieux,  mais  dont  les  cartes  ont  été  reconnues  contenir  certaines  inexactitudes, 
particulièrement  dans  la  partie  Sud  de  ce  lac. 

Le  Ngantse-Cho  étant  recouvert  de  glace,  Sven  Hedin  le  parcourut  pendant 
quelques  jours  en  traîneau  ;  il  en  traça  la  carte  et  reconnut  que  sa  profondeur  maxi- 
mum était  d'environ  33  pieds  (10  mètres). Il  fut  obligé  de  stationner  quelque  temps 
en  cet  endroit,  des  cavaliers  étant  venus  le  trouver  dans  son  camp,  avec  des  ordres 
pour  arrêter  sa  marche,  faute  de  s'être  procuré  un  passeport  à  Lhassa.  Il  dut 
attendre  l'arrivée  du  Gouverneur  de  Naktsang  qu'il  reconnut  pour  être  celui  qui 
l'avait  déjà  empêché  d'avancer  en  1901.  Ce  fonctionnaire  voulut  tout  d'abord  ren- 
voyer l'expédition  à  l'Ouest  et  au  Nord  Ouest,  mais  il  revint  peu  après  sur  sa 
décision,  et  Sven  Hedin  put  continuer  son  voyage  vers  le  Sud,  après  avoir  acheté 
quelques  poneys  et  yaks.  Il  est  curieux  de  remarquer  que,  dans  l'intervalle,  il  avait 
pu  recevoir  de  l'Indo,  via  Gyangtse  et  Shigatse,  un  courrier  assez  volumineux 

Dans  sa  marche  vers  le  Sud,  l'expédition  rencontra  une  région  très  difficile, 
depuis  le  Ngantse  jusqu'au  Tsanpo  ;  elle  eut  à  traverser  quelques  défilés  à  une 
hauteur  de  lil.OOG  pieds  (."i.TQ.")  mètres).  L'un  de  ces  défilés  est  le  Sela  La,  compris 
dans  la  chaîne  de  montagnes  gigantesques  qui  forme  le  versant  entre  le  Ngantse- 
Cho  et  le  Dangra-Yum-Cho,  d'un  côté,  et  le  Haut-Brahmapoutre,  de  l'autre.  Au 
point  de  vue  géographique,  ce  dé/ilé  présente  un  grand  intérêt,  car  il  marque  un 
point  sur  la  frontière,  entre  la  région  des  plateaux  avec  ses  bassins,  et  les  eaux 
qui  trouvent  leur  écoulement  dans  l'Océan  Indien. 

Les  espaces  laissés  jusqu'alors  en  blanc  sur  la  carte  de  cette  région  ont  été  rem- 
plis par  Sven  Hedin  d'un  véritable  labyrinthe  de  montagnes  et  de  rivières. 

Entre  toutes  ces  passes,  l'expédition  a  traversé  des  rivières  qui  s'écoulent  à 
l'Ouest  jusqu'au  My-tsanpo,  lequel  à  son  tour  suit  la  direction  du  Sud  et  déverse 
ses  eaux  dans  le  Brahmapoutre. 

De  la  dernière  passe,  nommée  La  Roch  et  d'oii  les  voyageurs  purent  jouir  d'un 
magnifique  point  de  vue  sur  la  vallée  du  Brahmapoutre,  la  descente  s'effectua 
jusqu'au  village  de  Ye  oii  les  indigènes  se  montrèrent  encore  très  hospitaliers.  Après 
avoir  suivi  vers  l'Est,  le  cours  du  Brahmapoutre  pendant  trois  jours,  Sven  Hedin 
arriva  le  9  Février  à  Shigatse,  puis  il  établit  son  camp  dans  l'un  des  jardins  situés 
du  côté  Sud  de  la  ville. 

Dans  la  première  partie  de  son  exploration,  Sven  Hedin  a  pu  collectionner 
2.30  spécimens  de  roches,  composer  un  grand  nombre  de  cartes  indiquant  en  détail 
la  configuration  des  pays  qu'il  a   traversés   et  dessiner  environ  700  panoramas. 


I 


—  327  - 


dont  plusieurs  en  couleurs.  Il  a  obtenu  des  nomades  toutes  les  informations  dési- 
rables concernant  les  routes,  le  climat,  le  mouvement  des  tribus,  le  nombre  de 
bétail  et  de  yaks  en  leur  possession.  II  s'est  également  livré  à  de  nombreuses 
observations  astronomiques  et  météorologiques  qui  seront  étudiées  avec  soin  au 
retour  de  l'expédition. 

A.-R.  B. 


AMERIQUE 


Ij'évaiioiii«!*«eiiieiit  «lu  Colorado.  —  Il  s'est  produit  en  1906,  à  l'em 
bouchure  du  Colorado,  aux  frontières  californiennes  des  États-Unis  et  du  Mexique, 
un  phénomène  géographique  extraordinaire,  d'origine  d'ailleurs  artificielle,  et  qui 
a  dégénéré  peu  à  peu  en  véritable  et  insurmontable  catastrophe. 

Voici  ce  que  nous  en  apprennent  le  Scient i fie  arnerican  (27  Décembre  lUOO  et 
6  Avril  1907),  et  le  professeur  Erdmana,  dans  le  numéro  de  Février  1907  des 
Petermami's  Mittheihmyen  : 

A  une  époque  préhistorique,  le  golfe  de  Californie  oii  débouche  le  fleuve  rouge 
(Colorado^,  si  célèbre  par  son  grand  canon,  s'étendait  250  km.  plus  loin  dans  l'in- 
térieur des  terres.  Progressivement  les  dépôts  de  l'embouchure  ont  comblé  l'es- 
tuaire et  isolé  au  N.-O.  une  dépression  dite  Impérial  Val/ei/,  représentant  le  fond 
de  l'ancien  golfe  et  qui,  à  la  fin  du  XIX*  siècle,  était  desséchée  jusqu'à  91  mètres 
au-dessous  du  niveau  de  la  mer.  Le  lac  salé,  qui  pendant  longtemps  occupa  ce 
creux,  s'était  en  effet  peu  à  peu  évaporé,  découvrant  une  steppe  salée  avec  quelques 
oasis  (India,  Merce,  Salton),  que  traversait  le  chemin  de  fer  Sud-Pacifique  (San- 
Francisco,  Los  Angeles,  El-Paso,  Nouvelle-Orléans).  Après  les  très  fortes  pluies 
seulement  le  Colorado  débordait  par  dessus  sa  rive  droite  (en  1891,  par  exemple), 
envoyant  de  l'eau  jusqu'au  lac  Salton.  Pour  rendre  la  région  colonisable,  pour 
l'irriguer  et  la  fertiliser,  les  ingénieurs  américains,  dès  1891,  eurent  l'industrielle 
mais  dangereuse  idée  de  pratiquer,  dans  la  rive  droite  du  fleuve,  en  aval  de  Yuma 
(et  déjà  sur  le  territoire  mexicain),  une  saignée,  une  prise  d'eau  qui  déversât  une 
partie  du  courant  (par  l'ancien  bras  du  fleuve,  dénommé  canal  d'Alamo)  dans  la 
dépression  du  N.-O.  D'abord  on  avait  songé  à  faire  la  saignée  dans  la  roche  en 
place,  ce  qui  eût  été  prudent  ;  mais  les  fonds  ayant  manqué  on  se  résigna,  en  1901, 
à  couper  à  même  la  rive  molle  des  alluvions,  ce  qui  devait  provoquer  un  désastre.! 
Ainsi  on  créa  un  canal,  fiai  en  1904,  qui  franchissait  le  seuil  alluvionnaire,  déposé 
par  le  fleuve  même  ;  entre  la  dépression  et  le  golfe  ce  seuil  atteint  12  mètres  d'alti- 
tude. Tout  d'abord  le  résultat  fut  excellent  ;  les  rigoles  d'irrigation  firent  surgir 
comme  par  enchantement  12.000  colons,  des  cultures,  fermes,  voies  ferrées  :  le 
désert  de  sel  devenait  une  région  des  plus  fécondes.  Soudain  débuta  la  catas- 
trophe :  de  Juin  à  Août  1905,  à  travers  le  seuil  argileux  et  détrempé,  le  canal 
s'agrandit  tout  seul  de  plus  en  plus  large  et  profond.  A  la  fin  du  premier  semestre 
iÇf)Q^  le  Colorado  n  envoyait  plus  une  seule  yoatte  d'eau  à  la  tner.  La  capture, 
ainsi  déchaînée,  était  complète,  et  le  lac  Salton,  au  fin  fond  de  la  dépression  con- 
tinentale, croissait  à  vue  d'œil  ;  en  Octobre  1906,  M.  Erdmann  lui  trouva  une 
surface  de  1.224  km'-.  Le  12  de  ce  mois,  la  ligne  de  chemin  de  fer,  déjà  reportée 
à  l'Est  une  première  fois,  était  proche  de  la  submersion  dans  sa  nouvelle  position  : 
toute  la  dépression  se  ravinait  avec  une  rapidité  d'érosion  formidable.  De  Janvier 
à  Octobre,  la  surface  du  lac  s'était  élevée  de  12  mètres  (de  —  77  à  —  65  mètres), 
et  le  fond  demeurait  à  —  87  ;  sa  longueur  avait  passé  de  56.500  mètres  à  72.000 


—  328  — 

mètres,  sa  largeur  extrême  de  18  à  26  kilomètres,  sa  surface  3e  650  à  1.224  km  2,  son 
volume  de  3.900  raillions  de  mètres  cubes  à  18.860  millions,  et  le  produit  de  son 
évaporation  quotidienne  avait  vingtuplé  !  Donc  le  Colorado,  cessant  tout  apport 
vers  le  golfe  de  Californie,  s'évanouissait  positivement  dans  le  nouveau  lac  Salton. 
Les  conséquences  de  cet  événement  sur  la  prospérité  locale  naissante,  sur  l'aug- 
mentation de  salure  du  golfe  de  Californie,  sur  la  dissolution  ou  l'alluvionnement 
du  sous-sol  salin  dans  la  dépression  (oii  l'industrie  du  sel  est  ruinée),  sur  la  des- 
truction des  quatre  cinquièmes  de  la  ville  mexicaine  de  Mexicala,  sur  la  disparition 
de  80  kilomètres  de  voie  ferrée,  sont  incalculables.  Si  on  n'en  enraye  pas  les 
effets,  la  dépression  peut,  en  quelques  années,  se  remplir  jusqu'au  niveau  de  la 
mer  voisine,  l'ancien  golfe  de  250  kilm.  peut  se  reformer,  tout  un  prospère  terri- 
toire de  colonisation  sera  submergé  !  Or,  jusqu'en  Octobre  1906,  tous  les  efforts 
pour  rendre  le  Colorado  inférieur  à  son  ancien  lit  avaient  échoué  ;  le  canal  tou- 
jours grandissant  défiait  tout  endiguement.  Le  4  Novembre  1906,  un  suprême 
effort  pour  sauver  la  voie  ferrée  parut  réussir.  Mais,  au  milieu  de  Décembre,  une 
crue  du  fleuve  rompit  de  nouveau  tous  les  obstacles  et,  depuis,  l'inondation  conti- 
nue à  monter. 

A  l'heure  actuelle,  on  ne  sait  comment  arrêter  la  modification  de  la  carte  géo- 
graphique en  ce  point  du  globe  terrestre  !  17.500.000  francs  de  travaux  sont  en 
cours  pour  le  tenter  une  fois  de  plus.  Réussiront-ils  ? 

E.-A.  Martel. 


II.  —  Géographie  cominerciale.  —  Faits  économiques 
et  statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 

Caual  du  Hord.  (1)  —  On  a  procédé  récemment  à  l'expropriation  des  pre- 
miers terrains  coupés  par  le  tronçon  d'Arleux  à  Péronne  (45  kil.)  et  les  travaux  de 
construction  du  canal  viennent  de  commencer.  Les  ingénieurs  ont  rencontré  une 
première  difficulté  :  l'abaissement  sensible  du  niveau  des  eaux  dans  les  marais 
d'Arleux,  Palluel  et  Écourt-Saint-Quentin  qui  a  provoqué  les  plus  vives  protesta- 
tions des  habitants  de  ces  communes,  pour  qui  la  pêche  et  la  chasse  au  marais 
constituent  une  source  de  revenus  très  importante. 

Pour  faire  droit  à  ces  justes  réclamations  et  obvier  en  partie  à  cet  inconvénient, 
l'Administration  des  Ponts  et  Chaussées  fait  construire  une  écluse  sur  la  rivière 
qui  réunit  les  marais  au  nouveau  canal,  au  lieu  dit  «  Le  Pont  des  Prussiens  », 
entre  Arleux  et  Palluel. 

Un  nouveau  marché  de  Caoutchouc.  —  Ce  nouveau  marché  vient 
d'être  créé  au  Havre.  Des  négociants  français,  frappés  de  l'extension  remarquable 


\]j  ConiîUUer  Supplément  au  Bulletin  de  Février  lt»03.  Conférence  de  M.  Le  Rivière. 


-  329  — 

du  marché  de  caoutchouc  d'Anvers,  due  en  grande  partie  à  un  nouveau  procédé 
commercial,  la  vente  par  iiiscriptiona.  ont  voulu  tenter  la  même  expérience  en 
France. 

C'est  par  le  Havre  que  s'importe,  dans  notre  pays,  la  plus  grande  quantité  de 
caoutchouc,  soit  5.700  tonnes  sur  environ  6.000  qui  se  consomment  annuellement 
en  France.  Or  il  n'existait  pas  au  Havre  de  marché  proprement  dit.  Ce  port  est 
cependant  admirablement  placé  pour  la  concentration  de  ce  négoce  ;  il  est  Tavant- 
port  de  Paris,  à  portée  de  la  partie  la  plus  peuplée  et  la  plus  industrieuse  de  notre 
pays  et  de  plus  desservi  par  42  lignes  de  navigation.  C'est  donc  le  Havre  qu'il 
fallait  choisir  pour  essayer  d'y  retenir  une  bonne  partie  des  5.700  tonnes  de  caout- 
chouc qui  ne  faisaient  qu'y  transiter  au  profit  d'autres  places  étrangères. 

La  nouvelle  méthode  commerciale  adoptée  au  Havre  sauvegarde  à  la  fois  l'in- 
térêt des  vendeurs  et  des  acheteurs.  Dans  la  vente  par  inscriptions,  l'acheteur  qui 
a  réellement  besoin  d'un  lot  de  caoutchouc,  est  obligé,  s'il  veut  l'obtenir,  de  con- 
signer dans  un  pli  cacheté  l'offre  la  plus  élevée  qu'il  puisse  faire.  Avec  la  vente 
aux  enchères  publiques,  pratiquée  encore  à  Bordeaux,  le  jeu  de  l'offre  et  de  la 
demande  peut  donner  lieu  à  des  surprises  au  préjudice  des  vendeurs  ;  avec  la 
vente  par  inscriptions,  si  l'intérêt  des  vendeurs  est  sauvegardé,  celui  des  ache- 
teurs est  loin  d'être  sacrifié  ;  plus  de  transactions  de  gré  à  gré  entre  deux  ventes, 
plus  de  favoritisme  et  de  manoeuvres  souterraines,  plus  de  marchandages  et  de 
pertes  de  temps.  Le  résultat  des  soumissions  cachetées  est  proclamé  au  jour  dit  et 
c'est  ainsi  qu'on  a  vu  à  Anvers  se  traiter  pour  plus  de  cinq  millions  de  francs  de 
caoutchouc  en  moins  d'une  demi-heure. 

La  première  vente  par  inscriptions  eut  lieu  au  Havre  le  21  Septembre  1900.  Les 
résultats  des  six  premiers  mois  sont  les  suivants  : 

Ventes  par  inscriptions  des 

21  Septembre  1906 59  tonnes  de  caoutchouc. 

25  Octobre         »     34        »  » 

23  Novembre     »     157        »  » 

18  Décembre      »     100        »  » 

:îO  Janvier         1907 119        »  » 

27  Février  »     102        »  » 

Comparons  ces  résultats  avec  ceux  de  Bordeaux.  Il  s'y  est  négocié  en 

1899 175  tonnes  de  caoutchouc. 

K«)0 239  »  » 

1901 235  »  » 

1902 678  »  » 

1903 1.113  »  » 

1904 1.182  »  » 

19(6 1.330  »  » 


Le  nouveau  marché  du  Havre,  avec  sa  moyenne  un  peu  supérieure  à  100  tonnes 
par  mois,  semble  pouvoir  pour  sa  première  année,  atteindre,  sinon  dépasser 
1.200  tonnes,  résultat  qui  n'a  été  obtenu  à  Bordeaux  qu'en  ces  derniers  temps  au 
bout  de  sept  ans.  Ceci  est  de  bonne  augure  et  méritait  d'être  signalé. 

Notons  que  presque  tout  le  caoutchouc  vendu  au  Havre  provient  de  nos  colonies, 
principalement  du  Congo.   Notre  marine  marchande  va  maintenant  bénéficier  du 


—  ;^30  — 

transport  de  nos  caoutchoucs,  alors  que  jadis  ils  étaient  surtout  confiés  à  des 
navires  étrangers.  Le  Havre  commence  à  retenir  une  partie  de  nos  sortes  congo- 
laises, dont  jadis  l'écoulement  se  faisait  surtout  à  Anvers.  Nos  principaux  ache- 
teurs sont  actuellement  des  Anglais,  Allemands,  Russes  et  Américains,  et  c'est  un 
résultat  très  appréciable  que  d'avoir  enlevé  cette  clientèle  à  des  marchés  étrangers- 


EiC  l'ort  d*Alger.  —  Le  service  sanitaire  vient  de  faire  paraître  dans  son 
bulletin  bi-mensuel,  la  statistique  du  mouvement  de  la  navigation  dans  le  port 
d'Alger  pendant  l'année  1900,  à  peine  écoulée. 

De  cette  intéressante  statistique,  il  résulte  que  le  mouvement  total  de  l'année 
1906  a  été  de  5. .519  navires  entrés  et  de  5.502  sortis.  Le  tonnage  des  navires, 
entrées  et  sorties  comprises,  a  été  de  12.014.191  tonneaux.  Les  droits  sanitaires  se 
sont  élevés  à  107. 0G3  fr.  41.  Le  nombre  des  passagers  débarqués  et  embarqués  a 
été  de  137.010,  non  compris  4.819  touristes  venus  pour  visiter  Alger  et  ses  envi- 
rons. Le  nombre  des  relâcheurs  s'est  élevé  à  1.812. 

La  provenance  des  5.519  navires  entrés  est  la  suivante  : 

114  d'Amérique;  43.3  d'Extrême-Orient  ;  338  hors  d'Europe;  1.967  d'Europe; 
1.096  de  la  France;  1.571  du  cabotage  algérien  (navires  côtiers  français). 

Le  mouvement  de  1905  a  été  de  5.344  à  l'entrée  et  de  5  322  à  la  sortie,  formant 
un  tonnage  total  de  11.209.800.  Les  droits  sanitaires  se  sont  élevés  à  96.265  fr.  88  ; 
le  nombre  des  relàcheurs  a  été  de  1.734. 

L'augmentation  s'est  produite  sur  les  navires  anglais  et  allemands. 


Tuiii.«i>ie.  —  Le  Journal  Officiel  de  la  Régence  publie  les  résultats  définitifs 
du  recensement  de  la  population  effectué  le  16  Décembre  dernier. 

Voici  quelle  était,  à  cette  date,  la  répartition  par  nationalités  de  la  population 
européenne  civile  : 

Français 34.010 

Italiens 81 .  156 

Maltais 10.:330 

Espagnols fiOO 

Grecs 683 

Divers 1.516 

Total 128.895 

Rappelons  que  la  population  française  en  Tunisie,  non  compris  l'élément  mili- 
taire, était  de  9.973  individus  en  1891,  de  16.207  en  1896  et  de  24.201  en  1901. 


EUROPE. 


Angleterre.  —  lie  C'oninieree  en  190C  —  Les  statistiques  publiées 
par  le  Board  of  Trade  témoignent  de  l'état  de  prospérité  comnierciale  qui  a 
signalé  pour  la  Grande-Bretagne  l'année  1906. 

Les  exportations  de  certains  produits  anglais  que  beaucoup  de  personnes  suppo- 


—  331  — 

saient  devoir  être  gravement  compromises  par  la  nouvelle  convention  sur  les 
sucres  n'ont  pas  ralenti  leur  marche  ascendante,  ainsi  que  le  démontre  le  tableau 
suivant  : 

Conserves  Eanx 

Biscuits.  de  fruits.  gazeuses. 

Valeurs  en  livres  sterling. 

1903 848.295  801.067  137. a3l 

1904 858.192  812.213  150. .384 

1905 956.938  894.242  180.736 

1906 1.005.073  1.036.460  210.614 

Les  chiffres  relatifs  aux  exportations  de  cotonnades  prouvent  que  le  mouvement 
«  Swadeshi  »  provoqué  au  Bengale  par  le  partage  de  cette  province  indienne  a 
ralenti  dans  une  faible  proportion  seulement  l'importation  dans  cette  province  des 
produits  manufacturés.  Le  tableau  comparatif  ci-dessous  permettra  d'en  juger  : 

Cotonnades  en  pièces. 

I 905  I 906 

Présidence  du  Bengale 1 .279.677.000  1 .209.310.900 

Présidence  de  Bombay 908.639.100  910.147.900 

Présidence  de  Madras 131 . 1 45 .  200  1 46 .  277 .  (500 

Présidence  de  Birmanie 72.527 .700  86.0.51 .300 

Les  exportations  de  sel  à  destination  de  l'Inde  sont  passées  de  193.316  tonnes 
en  1}X)5  à2  20.464  tonnes  en  1906.  Celles  des  articles  de  quincaillerie  à  destination 
du  même  pays  sont  également  en  accroissement. 

La  puissance  d'achat  des  colonies  sud-africaines  a  été  sensiblement  diminuée  par 
rincenitude  qui  a  trop  longtemps  duré  relativement  au  régime  des  nouvelles 
colonies.  Sur  cinquante  articles  divers  la  diminution  n'est  pas  moindre  de  5  1/2  7o 
du  total. 

11  est  vrai  que  les  importations,  dans  ces  colonies,  de  cotonnades,  et  de  vête- 
ments confectionnés  anglais,  sont  venues  compenser  par  partie  la  perte  ci-dessus. 
L'importation  du  premier  de  ces  articles  est  passée  de  778.000  livres  en  1905  à 
933.200  en  1906,  celle  du  second  de  1.1»67.900  livres  à  2.126.400  livres. 

L'industrie  cycliste  et  automobile  se  développe  en  Angleterre,  mais  pas  encore 
assez  cependant  pour  que  les  exportations  dépassent  les  importations. 

Pour  les  trois  dernières  années,  le  mouvement  d'importation  et  d'exportation  des 
moteurs  s'est  traduit  comme  suit  : 


1904  1905  1906 


Automobiles  importés 

Cycles  importés 

Automobiles  exportés 
Cycles  exportés 


5.. 378 

5.622 

5.771 

979 

1.700 

1.747 

701 

1.078 

1.380 

770 

688 

739 

-  332  - 
AFRIQUE. 


EiC  Coniiiierce  do  l'Ég^ypte,  —  Le  commerce  de  l'Egypte  pour  l'année 
1906,  s'établit  comme  suit  :  les  importations  se  sont  élevées  à  622.500.000  fr., 
contre  559  millions  en  1905,  soit  une  augmentation  de  63.500.000  fr.  Les  exporta- 
tions ont  atteint  645  millions,  contre  527.800.000  fr.  en  1905,  soit  un  surplus  de 
117.200  000  fr.  en  faveur  de  1906. 

Étant  donné  que  la  douane  déduit  10  %  de  la  valeur  des  marchandises  expor- 
tées, l'année  1906  accuse  une  exportation  totale  de  709.300.000  fr.,  qui  excède  les 
importations  de  86.856.000  francs. 

Les  exportations  de  l'Egypte  pour  la  Belgique  ont  augmenté  de  10.410.000  francs. 


AMERIQUE. 


lie  Chemin  de  l'ei*  de  Teliiiantepee  et  les  Ports  iiiaritiiiieis 
de  Saliiia-C'riiz  et  de  C'oatzaeoaleos.  —  A  la  fin  de  mois  de  Janvier 
dernier,  en  présence  de  quatorze  représentants  de  nations  amies,  le  général  Por- 
firio  Diaz,  Président  do  la  République  mexicaine,  proclamait  l'ouverture  officielle 
de  la  ligne  ferrée  de  l'isthme  de  Tehuantepec,  ainsi  que  celle  à  la  navigation  mon- 
diale des  ports  terminas  de  Goatzacoalcos,  sur  le  golfe  du  Mexique,  et  de  Salina- 
Cruz,  sur  le  Pacifique. 

Les  avantages  que  présente  la  route  de  Tehuantepec  sur  celles  du  Nicaragua  et 
de  Panama  pour  le  transit  d'Europe  en  Chine,  au  Japon  et  en  Californie  sont 
considérables  :  cette  route  abrège  les  distances  et  économise  des  frais  de  combus- 
tible aux  navires  qui,  au  lieu  de  se  rendre  à  Colon,  adoptent  la  voie  de  Tehuantepec. 

La  distance  d'un  océan  à  l'autre  est  de  125  milles  ;  la  voie  ferrée  traverse  une 
contrée  oii  la  chaleur  est  très  supportable  et  où  l'état  sanitaire  est  bien  supérieur 
à  celui  de  l'isthme  de  Panama  ;  l'isthme  de  Tehuantepec  est  bien  cultivé  et  produit 
en  abondance  café,  cacao,  tabac,  canne  à  sucre,  etc.  ;  les  forôts  renferment  des 
essences  rares  et  des  bois  de  construction. 

La  construction  de  la  ligne  ferrée  est  une  œuvre  remarquable,  et  celle  des  deux 
ports  terminus  a  occasionné  de  gigantesques  travaux  :  commencés  en  1894,  ils 
font  le  plus  grand  honneur  aux  ingénieurs  et  au  gouvernement  mexicain.  Ces 
ports  sont  bien  outillés  et  d'un  accès  facile  ;  là  oii  il  n'existait,  il  y  a  quelques 
années,  qu'un  misérable  village,  s'élève  une  ville  dont  le  développement  n'est  pas 
douteux. 

Tant  que  le  canal  de  Panama  ne  sera  pas  achevé  —  et  la  date  de  cet  achèvement 
paraît  encore  bien  éloignée  —  le  commerce  d'Europe  trouvera  un  avantage  consi- 
dérable à  prendre  la  route  de  Tehuantepec  de  préférence  à  celle  de  Panama  ;  les 
ports  américains  du  Pacifique  bénéficieront  également  de  cette  nouvelle  route, 
qui  procure  une  sérieuse  économie  de  temps  et  d'argent  aux  navires  transporteurs. 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL   ADJOINT  ,  LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


Lille  iRip.LDanel. 


< 


—  333 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


I. 

Séance  du  DimancJie  13  Janvier''  1907. 


AU    PAYS     DE    MIREILLE 

ARLES  ET  LES  BAUX,  MISTRAL  CHEZ  LUI  ; 
LACAMARGUE    ET    L' ÉTANG    DE    BERRE 

Par  M.  Henri  BOLAND, 

Président   d'honneur   de    la   section   de   la    Corse    du    Club    AlpJn    français , 
Délégué  au  Sei"vice  d?s  Voyages  du  Touring  Club  de  France. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  H.  Boland  est  de  ceux  qui  ont  pris  le  plus  à  cœur  la  noble  tâche 
de  faire  connaître  la  France  aux  Français.  Nous  sortions  souvent  de 
chez  nous  en  quête  de  sensations  qu'il  nous  était  loisible  de  trouver 
dans  notre  belle  patrie.  Nulle  part  on  ne  rencontre  un  ensemble  aussi 
grand  et  aussi  varié  et  nous  commençons  enfin  fort  heureusement  à 
nous  en  rendre  compte.  Nous  avons  été  pour  ainsi  dire  initiés  aujour- 
d'hui à  une  partie  moins  connue  de  la  terre  provençale  d'une  façon 
si  charmante  et  en  même  temps  si  humoristique  que  nous  avons  gardé 
un  agréable  souvenir  de  cette  remarquable  conférence. 


—  a34  — 

Le  nom  de  Provence  évoque  immédiatement  le  souvenir  de  la  Côte 
d'Azur,  de  ce  merveilleux  littoral,  fascinant  entre  tous,  mais  est-ce 
bien  là  toute  la  Provence  ?  La  seule,  la  vraie  Provence,  est  celle  du 
Félibrige,  des  cours  d'Amour,  du  roi  René,  celle  entin  qui  a  conservé 
ses  mœurs  et  ses  coutumes  anciennes,  tandis  que  l'autre  a  perdu  toute 
son  originalité  en  devenant  cosmopolite  au  contact  de  tous  ces  étran- 
gers qui  les  uns  la  visitent  et  les  autres  l'exploitent.  N'y  voit-on  pas 
des  hôteliers  suisses  ou  allemands  ou  des  cochers  d'origine  italienne  ? 
Nous  laisserons  donc  de  côté  pour  cette  fois  cette  partie  de  la  Provence 
pour  faire  connaissance  avec  l'autre  :  le  pays  de  Mireille,  l'originale 
création  du  grand  poète  Mistral. 

Son  climat  laisse  quelque  peu  à  désirer  l'hiver.  On  connaît  de  répu- 
tation ce  terrible  mistral,  ce  vent  du  Nord  qui  souffle  parfois  dans  la 
vallée  du  Rhône  avec  une  rare  violence.  On  disait  autrefois  couram- 
ment en  Provence  que  ce  pays  avait  trois  fléaux  :  son  Parlement,  le 
Mistral  et  la  Durance.  Si  posséder  un  Parlement  est  un  fléau,  la  Pro- 
vence avait  ceci  de  commun  avec  beaucoup  de  nos  Etats  actuels  !  Le 
mistral  avec  ses  effluves  glacées  a  du  moins  le  mérite  d'assainir  tout  ce 
qu'il  toucho.  L'hygiène  est  si  peu  ol)servée  dans  le  Midi  !  Quant  à  la 
Durance,  au  lit  caillouteux,  aux  crues  si  soudaines,  elle  s'es!,  ma  foi  ! 
bien  assagie  déjà.  Les  canaux,  grefl'és  sur  elle,  ont  commencé  à  ferti- 
liser la  Crau  elle-même,  cette  vaste  plaine  parsemée  d'innombrables 
cailloux,  en  partie  recouverte  maintenant  de  cultures,  pâturages  et 
même  de  vignobles. 

La  Provence  entière  (  Bouches-du-Rhône,  Var  et  Vaucluse  )  n'est 
qu'un(^  partie  bien  réduite  de  la  Provincla,  la  colonie  romaine  par 
excellence.  Le  pays  de  Mireille  est  la  partie  la  moins  visitée  de  la  Pro- 
vence. A  peine  l'entrevoit-on  du  rapide  Cote  d'Azur  et  cependant  elle 
mérite  ])ien  qu'on  y  séjourne  quelque  peu. 

M.  H.  Roland  nous  mène  d'abord  d'Avignon  à  Arles,  l'ancienne 
capitale  de  la  Provence.  Après  avoir  quitté  ranti(iue  ville  papale,  rede- 
vable aux  souverains  Pontifes  de  sa  belle  enceinte  et  de  son  imposant 
châteiu  des  Papes,  on  traverse  bientôt  la  Durance.  Nous  avons  parlé 
de  ses  crues  subites  pour  lesquelles  son  lit  devient  insuffisant.  Il  faut 
en  rapporter  surtout  la  cause  au  déboisement  que  l'on  cherche  enfin  à 
combattre.  La  plaine  y  est  intéressée,  la  montagne  en  soufi're  elle- 
même.  Il  est  temps  d'y  remédier  avant  qu'il  soit  trop  tard. 

Rarbiîntane.  —  Ce  nom  est  bien  méridional  !  On  s'arrête  à  cette 


—  3:35  — 

petite  ville  surtout  pour  voir  la  Montagnette.  M.  Boland  y  comptait 
voir  un  de  ses  amis.  Il  était  justement  parti  à  la  chasse.  On  avait 
signalé  la  veille  un  lièvre  dans  la  montagne,  le  même  peut-être  que  l'on 
signale  depuis  le  temps  du  roi  René  !  et  nos  citadins,  y  compris  le  chef 
de  gare,  s'étaient  mis  en  campagne.  Nos  chasseurs  du  Nord  au  moins 
s'en  vont  avec  un  carnier  vide  qu'ils  rapportent  bien  garni  ;  ceux  de 
là-bas  emportent  au  contraire  un  carnier  plein  de  provisions  pour  le 
ramener  complètement  vide  ! 

La  Montagnette  est  un  avant-goût  du  petit  massif  des  Alpilles.  Rien 
cpii  ressemble  là  aux  montagnes  déjà  vues,  c'est  un  véritable  morceau 
de  l'Attique  égaré  en  Provence.  Nous  en  reparlerons  d'ailleurs  et  men- 
tionnons pour  le  moment  la  curiosité  de  l'endroit,  le  fameux  couvent 
de  St-Michel  de  Frigolet,  qui  eut  à  subir  le  siège  mémorable  que 
l'on  sait. 

De  Barbentane  on  peut  se  rendre  également  à  Château-Renard.  Les 
primeurs  de  l'endroit  sont  très  renommées  aux  halles  de  Paris.  Les 
restes  d'un  vieux  château,  bâti  sur  im  massif  calcaire,  dominent  toute 
la  ville. 

Tarascon.  —  A  ce  nom,  tous  les  voyageurs  qui  vont  d'Avignon  à 
Arles  se  penchent  instinctivement  aux  portières  comme  si  le  grand  Tar- 
tarin  allait  de  nouveau  apparaître.  Nul  n'oserait  cependant  en  parler  ! 
La  gare  sur  son  viaduc,  est  exposée  à  tous  les  vents.  Curiosités  : 
l'église  Sainte-Marthe  et  le  donjon  dominant  le  Rhône,  de  son  rocher 
à  pic.  N'oublions  pas  la  Tarasque,  cette  bête  apocalyptique  en  carton 
peint,  promenée  aux  jours  de  grande  liesse,  en  souvenir  d'un  monstre 
dompté  par  sainte  Marthe,  qui  en  délivra  le  pays.  Le^Rhône  à  Tarascon 
n'est  déjà  plus  aussi  impétueux,  il  ressemble  désormais  à  un  fleuve  de 
plaine. 

De  Beucaire  à  Tarascon 

r  a  qu'un  pont,  mai  es  long. 

Ce  pont  qui  relie  les  deux  villes  rivales  est  particulièrement  difficile 
à  passer,  quand  vient  à  souffler  le  mistral. 

Beaucaire,  avec  son  donjon,  a  perdu  beaucoup  depuis  l'apparition 
des  cliemins  de  fer.  Il  s'y  tenait  autrefois  une  foire  importante,  renom- 
mée dans  toute  l'Europe.  On  y  venait  même  d'Asie  et  d'Egypte  et  l'on 
montre  encore  des  appentis  déserts  qui  servaient  à  loger  alors  plus  de 


—  330  — 

50.000  étrangers.  On  émettait  couramment  jadis  des  traites  payables 
■en  la  foire  de  Beaucaire. 

I 

Arrivons  à  Arles  où  l'on  trouve  la  curieuse  juxtaposition  des  trois 

arts  grec,  gothique  et  romain.  On  y  admire  le  cloître  et  la  cathédrale 
de  Saint-Trophime,  au  clocher  si  finement  travaillé  et  les  restes  du 


théâtre  antique,  des  arènes  où  2G.O00  spectateurs  pouvaient  i)rendre 
place  et  de  ces  Aliscamps  (Champs-Elysées)  où  païens  et  chrétiens, 
même  de  localités' éloignées,  tenaient  tant  à  dormir  leur  dernier  som- 
meil. Par  ce  qui  en  reste  à  la  suite  des  empiôtcinonts  regrettal)les  des 
ateliers  de  la  Com{)agnie  du  P.  L.  M.,  on  peut  juger  encore  de  ce  que 
fut  la  richesse  de  ce  lieu  de  sépulture. 

La  beauté  des  Arlésiennes  est  justement  renommée.  C'est  une  ])eauté 
gréco-romaine,  bien  entendu,  et  non  synonyme  de  joliesse,  gracilité  et 
mièvrerie. 

Le  théâtre  antique  vit  le  triomphe  de  Mistral  lors  d'une  représenta- 
tion de  Mireille  devant  une  foule  (h>]:)ordante  d'enthousiasme  et  quand 
le  maître,  après  la  représentation,  eut  chanté  la  «  Coupe  sainte  »  à  la 
demande  générale ,  ce  fut  un  véritabh>  délire  qui  empoigna  toute 
l'assistance. 


—  3:n 


L'œuvre  de  Mireille  a   plus  fait  pour  la  Provence  et  la  gloire  de 
Mistral  que  tous  les  autres  poèmes.  C'est  une  œuvre  d'amour  et  de 


A  R  L  E  s  I  E  N  N  E  s. 


beauté,  vraiment  géniale  et  appelée  à  l'immortalité.  Elle  fut  saluée 
par  Lamartine  à  qui  du  reste  elle  fut  dédiée.  Voici  la  dédicace  du 
célèbre  poème  provençal  : 

Te  counsacre  Mireio  :  es  moun  cor  es  moun  amo, 

Es  la  flour  de  mis  an, 
Es  uu  rasin  de  Crau  qu'émé  touto  sa  ramo 

Te  porge  un  païsan. 


«  Je  te  consacre  Mireille  :  c'est  mon  cœur  et  mon  âme,  c'est  la  fleur 
de  mes  années  ;  c'est  un  raisin  de  Crau  qu'avec  toutes  ses  feuilles 
t'offre  un  paysan  »• 


—  338  — 

Mistral,  le  fondateur  du  Félibrige,  est  l'homme  de  la  terre  proven- 
çale où  il  est  reconnu  comme  maître  et  vénéré  comme  un  roi.  Il  doit 
son  immortalité  à  sa  fidélité  à  sa  Provence.  Sa  maison  à  Maillanne  est 
un  véritable  musée  local,  une  reconstitution  d'une  maison  noble  où 
tous  les  meubles  et  objets  rappellent  le  pays. 

Parmi  les  félibres  qui  marchèrent  sur  les  traces  du  maître  et  se  sont 
signalés  par  leurs  ouvrages,  citons  entre  autres  Romanille,  le  poète 
d'Avignon,  Aubanel,  et  Félix  Gras.  Leurs  œuvres  remarquables  ont 
été  traduites  dans  toutes  les  langues  et  certaines  ont  déjà  vu  leur  vingt- 
ième édition.  Des  chaires  de  langue  provençale  ont  été  créées  dans 
des  Universités  américaines,  alors  que  les  nôtres  «veulent  l'ignorer  et  la 
qualifient  de  vulgaire  patois. 

D'Arles,  il  est  facile  de  rayonner.  C'est  de  là  que  l'on  se  rend  d'or- 
dinaire au  massif  des  Alpilles,  en  Camargue  et  à  l'Etang  de  Berre. 

Le  massif  des  Alpilles  dont  les  sommets  les  plus  hauts  ne  dépassent 
guère  500  mètres  d'altitude,  n'en  est  pas  moins  remarquable  par  ses 
sites  admirables,  ses  vallons  secs  ou  gaudres,  ses  rochers  troués  comme 


ANTIQUES   DE   SAINT-REMY. 


des  éponges  et  ses  chênes  Kermès.  Un  véritable  coin  de  Grèce  en 
vérité,  impressionnant  et  magique,  lorsqu'il  est  inondé  de  cette  écla- 
tante lumière  qui  rehausse  toutes  choses  sous  le  ciel  bleu  de  Provence. 


I 


3:39 


Saint-Remy  est  une  petite  ville  assise  en  plaine,  à  l'entrée  dos  défilés 
des  Alpilles.  Elle  remplace  l'ancienne  ville  gallo-romaine  de  Glanum, 
dont  il  ne  reste  que  deux  monuments  sur  le  plateau  des  Anti([uités  : 
un  arc  de  triomphe  et  un  mausolée.  La  ville  de  Glanum  fut  détruite 
par  les  Visigoths  vers  l'an  480.  A  en  juger  par  ses  substructions,  elle 
dut  avoir  une  importance  considérable.  Saint-Remy  se  recommande 
encore  à  l'attention  du  touriste  par  son  cloître  de  St-Paul  et  surtout 
parce  qu'elle  a  conservé  ses  anciennes  cxDutumes.  On  y  peut  assister  «^n 
la  fête  de  Saint-Èloi  à  la  curieuse  procession  à  la  fois  profane  et  reli- 
gieuse qui  se  déroule  dans  ses  rues.  On  y  verra  les  tambourinaires,  la 
chapelle  de  St-Eloi  curieusement  enjolivée  traînée  par  un  cheval  super- 
bement harnaché  et,  dans  le  cortège  et  l'assistance,  ces  vieux  costumes 
provençaux  qui  se  font  de  plus  en  plus  rares  et  qu'il  nous  faut  tâcher  de 
conserver  malgré  tout. 


Dans  le  même  massif  se  trouve  la  ville  fantôme  des  Baux. 


Cette 


LES      B  A  li  X. 


ville  qui  eut  autrefois  de  six  à  sept  mille  âmes  n'est  plus  qu'un  amas  de 
ruines.  Elle  a  été  classée  tout  entière  parmi  les  monuments  histo- 
riques. Rien  d'impressionnant  comme  une  promenade  dans  ses  rues 
désortes  et  la  vue  fantastique  des  curieuses  processions  se  déroulant  à 


—  340 


certaines  fêtes,  notamment  le  15  Août,  dans  ce  paysage  uniforme.  Non 
loin  de  là,  est  le  Val  d'Enfer,  qui  porte  bien  son  nom.  On  y  visite  la 
curieuse  grotte  des  Fées  décrite  dans  une  scène  de  Mireille. 

Au  retour  de  cette  excursion  ne  pas  oublier  d'arrêter  à  Montmajour 
où  se  trouvent  les  restes  d'une  abbaye  du  temps  de  Gharlemagne. 

D'Arles  on  peut,  avons-nous  dit,  se  rendre  en  Camargue.  Cette  île 
située  entre  les  bras  du  Rhône  a  été  formée  par  les  alluvions  mêmes  du 


DANS  LES  CHAMPS  DE  LA  CAMARGUE. 


fleuve.  La  Tour  de  St-Louis  sur  le  bras  oriental  du  Rhône  qui  fut  bai- 
gnée autrefois  j)ar  la  mer  s'en  trouve  maintenant  distante  de  huit  à  neuf 
kilomètres.  La  Camargue  est  une  sorte  de  Far- West  américain  où  se 
fait  en  grand  l'élevage  des  bestiaux.  Grâce  à  de  sages  irrigations  d'eau 
douce  le  sol  de  la  Camargue  se  transforme  peu  à  peu.  Une  partie  en 
est  déjà  livrée  à  une  culture  intensive  et  prospère. 


—  341  — 

En  Camargue  a  lion  un  pèlerinage  très  célèbre.  Il  attire  tous  les  ans,- 
les  24  et  25  Mai,  aux  Saintes  Maries  de  la  mer  une  foule  innombrable. 
L'église  des  Saintes  Maries,  bâtie  comme  une  forteresse  pour  résister 
aux  attaques  et  incursions  des  Sarrazins,  possède  trois  sanctuaires 
superposés.  La  crypte  qui  renferme  le  tombeau  de  Sara  ,  l'abside 
moyenne  où  se  réunissent  les  fidèles  et  la  partie  supérieure  où  sont 
déposées  les  châsses  des  saintes  :  Marie  Jacobé  et  Marie  Salomé.  Le 
pèlerinage  annuel  est  double  en  quelque  sorte.  D'une  part,  ce  sont  de& 
Bohémiens  de  tous  pays  qui  viennent  vénérer  dans  la  crypte  leur 


INTERIEUR  DE   L  EGLISE   DES   SAINTES   MARIES   DE    lA.   MER. 


patronne  Sara.  On  devine  déjà  ce  que  peut  avoir  d'original  le  spectacle 
de  cette  foule  bigarrée  et  des  innombrables  roulottes  qui  se  trouvent  réu- 
nies là  en  cette  occasion.  Les  Bohémiens  profitaient  naguère  de  la  cir- 
constance pour  élire  leur  reine  dans  la  crypte.  D'autre  part,  ce  sont  les 
catholiques  qui  viennent  encore  en  plus  grand  nombre   pour  prier 


—  342  — 

■dev  nt  les  reliques  des  saintes  dont  les  châsses  sont  solennellement 
descendues  devant  eux.  L'affluence  est  telle  en  cette  petite  localité, 
qu'il  est  parfois  bien  difficile  de  trouver  de  quoi  se  sustenter. 

M.  Boland  eut  à  pareille  fête  une  aventure  bien  amusante. 

Comme  il  exprimait  devant  un  Sous-Préfet  la  crainte  de  ne  pouvoir 
se  restaurer,  celui-ci  lui  dit  à  briile-pourpoint  :  cela  tombe  très  bien 
vraiment,  un  télégramme  me  rappelle  justement  à  la  Sous-Préfecture 
et  je  pars  sur  le  champ.  J'ai  commandé  à  dîner  dans  un  hôtel  de  la 
localité,  profitez-en.  Je  suis  encore  inconnu  de  mes  administrés  d'ici, 
le  plus  strict  incognito  est  recommandé,  vous  n'avez  qu'à  dire  en 
entrant  :  c'est  moi  qui  viens  pour  le  dîner  spécialement  retenu.  Com- 
ment ne  pas  profiter  de  pareille  aubaine  !  M.  Boland ,  après  avoir 
remercié  le  Sous-Préfet,  se  rendit  à  l'hôtel,  en  imposa  à  tout  le  person- 
nel et  tout  se  passa  comme  il  le  désirait.  Cependant  l'hôtelier  ne  sut 
retenir  sa  langue  et  le  secret  fut  discrètement  dévoilé.  Comment  expli- 
quer sans  cela  les  gendarmes  qui  vinrent  se  poster  devant  l'hôtel  et 
dont  la  vue  commença  à  troubler  quelque  peu  le  pseudo  Sous-Préfet  ! 

A  peine  fut-il  sorti  que  les  gendarmes  lui  emboîtaient  le  pas  et  der- 
rière eux  une  foule  toujours  grossissante  de  curieux  intrigués.  Impos- 
sible de  les  dépister,  la  position  devenait  embarrassante.  De  guerre  las, 
M.  Boland  qui  voulait  à  tout  prix  voir  la  cérémonie  religieuse,  s'en  alla 
sonner  au  presbytère  au  grand  scandale  de  son  escorte.  Il  espérait  s'y 
faire  octroyer  une  bonne  place  dans  l'église.  Il  n'y  en  avait  plus  de  dis- 
ponible depuis  longtemps.  Il  ne  lui  restait  plus  qu'un  moyen  de  satis- 
faire sa  curiosité,  ce  fut  d'accepter  l'offre  du  curé,  c'est-à-dire,  de  faire 
partie  du  lutrin.  Bientôt  après,  nos  bons  gendarmes  ahurris,  n'en 
croyant  pas  leurs  yeux,  virent  ce  qu'on  n'avait  jamais  vu  jusqu'à  ce 
jour  sous  la  troisième  République,  un  Sous-Préfet  revêtu  'd'un  surplis 
et  chantant  à  gorge  déployée  comme  un  chantre  vulgaire  !  On  devine 
dans  quel  état  d'esprit  se  trouvaient  les  malheureux  représentants  de 
la  loi  ! 

Après  la  cérémonie,  M.  Boland  se  hâta  vers  la  gare,  toujours  suivi 
comme  de  juste,  et  au  moment  du  départ  du  train,  cette  foule  qui  s'était 
contenue  jusqu'alors  s'écria  ;.vec  ensemble  :  Vive  le  Sous-Préfet  !  A^ive 
la  République  ! 

L'affaire  eut  un  épilogue.  Quinze  jours  après,  le  véritable  Sous-Préfet 
était  appelé  au  Ministère  pour  s'expliquer  sur  sa  conduite  aux  Saintes 
Maries  de  la  mer.  Une  petite  feuille  locale  l'avait  dénoncé  à  la  vindicte 
publique.  Le  Sous-Préfet  n'y  comprenait  absolument  rien.  M.  Boland 


à 


343 


lui  donna  la  clef  du  mystère.  Tous  deux  se  rendirent  au  Ministère  où 
tout  s'expliqua.  Le  Ministre  ne  fit  qu'en  rire  naturellement  et,  loin  de 
sévir,  il  retint  même  nos  deux  amis  à  déjeûner. 

M.  Boland  termine  par  quelques  mots  sur  l'Etang  de  Berre.  D'une 
superficie  de  io.630  hectares,  cette  vaste  nappe  bleue  que  beaucoup  de 
voyageurs  au  pass;jge  du  rapide  prennent  pour  la  Méditerranée  est 
réellement  belle  à  voir.  On  pourrait  la  comparer  aux  lagunes  de 
Venise,  mais  quel  beau  port  de  refuge  on  ferait  là  avec  quelques  tra- 
vaux d'approfondissement  !  Pour  le  moment,  l'étang  de  Berre  ne  sert 
qu'à  la  pèche,  à  vrai  dire  fort  fructueuse.  Tout  autour  se  trouvent  une 
infinité  de  localités  intéressantes. 

La  principale  est  Martigues,  divisée  en  trois  quartiers:  Jonquières, 


MARTIGUES. 


QUARTIER  DE  PERRIERE. 


l'Ile  et  Ferrières.  Chacune  de  ces  parties  de  la  ville  actuelle  avait  son 
administration  distincte  et  son  drapeau.  L'une  avait  un  drapeau  rouge, 
une  autre  en  avait  un  blanc,  tandis  que  la  troisième  pavoisait  en  bleu. 
Quand  ces  trois  quartiers  furent  enfin  réunis  en  une  seule  commune, 
Martigues  se  trouva  posséder  notre  drapeau  national  bien  avant  son 
adoption  en  France. 


Telle  est  cette  Provence  inconnue  qui  ressemble  si  peu  à  la  Côte 
d'Azur  et  ([ui  est  trop  i)eu  visitée.  A  M.  Boland,  nos  meilleurs  remer- 
ciements pour  nous  l'avoir  si  bien  décrite. 


—  344  — 

IL 

Séance  du  Jeudi  17  Janvier  1907 . 


LE  GRAND-DUCHÉ  DE  LUXEMBOURG 

UNE  RELIQUE  DES  TEMPS  PASSÉS, 

LE    LUXEMBOURG,    L'ALLEMAGNE    ET    LA    FRANCE, 

LE    LUXEMBOURG    AGRICOLE    ET    PITTORESQUE 

Par  M.  Georges  LECARPENTIER, 

Licencié  ès-Lettres  et  en  Droit, 

Diplômé   d'Etudes   supérieures   d'Histoire   et  de   Géographie , 

ancien  Elève  diplômé  de  l'École  des  Sciences  politiques. 


COMPTE  REiNDU  ANALYTIQUE 


Le  Grand-Duché  de  Luxembourg,  malgré  le  nom  qu'il  porte,  est 
réellement  bien  petit.  Il  n'égale  même  pas  en  superficie  notre  dépar- 
tement du  Rhône.  Il  est  cependant  par  son  passé  digne  de  toute  notre 
attention.  Le  Luxembourg  a  toujours  été  intimement  lié  à  notre 
histoire,  depuis  l'intervention  de  Jean  de  Luxembourg,  roi  de  Bohême, 
mort  héroïquement  pour  notre  cause  sur  le  champ  de  bataille  de 
Crécy  jusqu'au  conflit  survenu  à  son  sujet  entre  la  France  et  la  Prusse 
en  l'année  1869. 

Le  Duché  de  Luxembourg,  situé  au  Nord-Est  de  la  France,  couvre 
une  superficie  de  260  kilomètres  carrés  environ  et  sa  population  se 
monte  à  250.000  habitants.  Ce  n'est  qu'un  débris  infime  de  ce  que 
fut  autrefois  l'ancien  Duché. 

Au  commencement  de  l'histoire,  il  nous  apparaît  comme  le  terrain 
de  rencontre  des  races  celtique  et  germanique  dont  la  fusion  était 
faite  à  l'époque  de  la  conquête  romaine.  Trêves  était  en  quelque  sorte 
la  capitale  de  toutes  les  régions  avoisinantes.  Sous  les  Francs,   le 


—  345  — 


Luxembourg  fut  indépendant  et  lors  du  partage  de  l'empire  de  Charle- 
magne,  ce  pays  échut  à  Lotliaire  avec  la  Lorraine.  A  cause  précisément 


LUXEMBOURG. 


•de  cette  situation  moyenne,  le  Luxembourg  donne  lieu  à  des  luttes 
incessantes  entre  la  France  et  l'Allemagne.  Nos  voisins  d'Outre-Rhin 
prétendent  toujours  avoir  plus  do  droits  que  nous  sur  ce  pays.  Ils 
invoquent  la  similitude  des  langues.  On  y  parle  en  effet  une  sorte  de 
platt  deutsch,  mais  on  pourrait  leur  répliquer  qu'ils  n'en  comprennent 
pas  un  traître  mot.  La  langue  luxembourgeoise  qui  ne  s'écrit  pas, 
comprend  quatre  dialectes  tous  ininielligibles  aux  Allemands.  Politi- 
quement parlant,  il  faut  reconnaître  que  le  Luxembourg  a  dépendu 
longtemps  de  l'Allemagne. 

Une  forteresse  élevée  par  les  Romains,  telle  fut  l'origine  de  la  ville 
de  Luxembourg.  Un  certain  SigelVoi,  comte'  de  Verdun,  qui  chassait 
souvent  par  là,  obtint  de  l'abbaye  Saint-Maximin  de  Trêves  dont  elle 
dépendait,  l'autorisation  de  s'y  établir  en  échange  de  quelques  droits. 
Ses  successeurs,  querelleurs  et  pillards,  en  vrais  seigneurs  féodaux, 
agrandirent  successivement  leurs  domaines  et  l'un  d'eux  finit  par 
prendre  le  titre  de  comte.  L'empire  allemand  était  électif  et  un  jour  un 
comte  de  Luxembourg  devint  empereur.  Jean  de  Luxembourg,  roi  de 


34()  — 


Bohême,  qui  vint  mourir  glorieusement  à  Crécy,  était  précisément 
son  fils. 

Quatorze  ans  après  le  Comté  de  Luxembourg  devint  Duché.  Louis  XI, 
le  rassembleur  de  terres,  voulut  aussi  s'en  emparer,  mais  il  échoua 
dans  sa  tentative.  Entre  temps,  le  Duché  passa  dans  les  possessions  de 
la  Maison  de  Bourgogne  pour  appartenir  ensuite  comme  elles  à  l'Es- 
pagne, puis  à  l'Autriche. 

Sous  Louis  XIV,  le  maréchal  de  Créqui  s'empara  de  Luxembourg 
avec  l'aide  de  Vauban.  le  roi  y  fut  acclamé  par  les  habitants  qu'il  avait 
délivrés  de  nombreuses  exactions.  Nous  rappellerons  que  vers  cette 
époque,  un  prince  de  Montmorency,  maréchal  de  France,  épousait  une 
héritière  de  la  famille  ducale  de  Luxembourg  et  put  ainsi  prendre  le 


LUXEMBOURG 


titre  de  Duc  de  Luxembourg,  sous  lequel  il  est  plutôt  connu.  Le  palais 
occupé  actuellement  par  le  Sénat,  porte  du  reste  son  nom.  Le  traité  de 


—  347  — 

Ryswick  nous  ravit  Luxembourg  après  treize  ans  d'occupation.  La 
ville,  reprise  pendant  la  guerre  de  la  Succession  d'Espagne,  fut  à  nou- 
veau abandonnée  au  traité  d'Utrecht.  Enfin  en  1795  nous  reprenions 
cette  ville  après  un  siège  de  huit  mois.  Les  Français  cette  fois  furent 
moins  bien  reçus.  Nos  idées  révolutionnaires  effraj^èrent  les  habitants 
qui  se  soulevèrent  et  la  révolte  fut  noyée  dans  le  sang.  Napoléon  pacifia 
le  pays  qui  devint  sous  notre  domination  le  département  des  Forêts 
avec  Luxembourg  comme  chef-lieu.  En  1814,  les  Alliés  vainqueurs 
s'entendirent  pour  démembrer  la  France.  Pour  les  provinces  du  Rhin 
cela  fut  facile,  mais  à  qui  attribuer  les  anciens  pays  bas  espagnols  ?  On 
fit,  contre  leur  gré,  de  la  Belgique,  de  la  Hollande  et  du  Luxembourg, 
un  État  unique  qui  ne  tarda  pas  à  se  disloquer.  En  1830,  Belges  et 
Hollandais  se  prirent  de  querelle  et  une  partie  du  Luxembourg  s'unit  à 
la  Belgique,  tandis  que  l'autre  prit  fait  et  cause  pour  la  Hollande.  Le 
traité  de  Londres  laissa  à  la  Belgique  la  partie  wallonne  du  Luxem- 
bourg et  ce  qui  restait  du  Duché  fut  attribué  à  titre  personnel  à  Guil- 
laume HI,  roi  de  Hollande.  Le  Duché  avait  ainsi  perdu  la  moitié  de  ses 
habitants  et  les  deux  tiers  de  son  territoire,  mais  les  diplomates  qui 
sont  un  peu  des  pince-sans-rire,  décidèrent  que  par  compensation,  il 
s'appellerait  désormais  Grand-Duché.  En  attribuant  le  Luxembourg  à 
Guillaume  HI,  on  avait  voulu  le  rendre  à  la  famille  de  Nassau  dont  il 
était  membre.  Or  il  avait  été  stipulé  bien  avant  cette  époque  entre  les 
membres  de  cette  famille  qu'au  cas  où  la  branche  de  Guillaume  n'au- 
rait pas  d'héritier  mâle,  le  Luxembourg  passerait  à  une  autre  branche. 
C'est  ainsi  qu'à  la  mort  de  Guillaume  III  qui  ne  laissait  qu'une  fille,  la 
reine  de  Hollande  actuelle,  le  Grand-Duché  échut  au  Duc  Adolphe  de 
Nassau,  dépossédé  de  ses  Etats  par  la  Prusse  depuis  1866. 

Le  Grand-Duc  Adolphe  est  mort  l'année  dernière.  Son  fils  lui  succède, 
mais  il  a  déjà  cinquante  ans  et  n'a  malheureusement  que  des  filles  qui, 
si  l'on  s'en  rapporte  à  la  loi  salique  qui  a  toujours  régi  jusqu'à  présent 
le  Grand-Duché,  ne  pourront  lui  succéder.  Pour  parer  à  cette  éven- 
tualité, les  Luxembourgeois  sont  fermement  décidés  à  abolir  l'ancienne 
loi  de  succession. 

Le  Luxembourg  a  été  déclaré  neutre  en  1867. 

Si  auparavant  on  avait  consulté  ses  habitants  par  un  plébiscite,  peut- 
être  nous  auraient-ils  acceptés  avec  plaisir,  mais  maintenant  l'occasion 
est  à  jamais  perdue  :  ils  se  sont  bien  trouvés  de  leur  indépendance  et  ne 
voudraient  plus  changer. 


—  348  — 


L'armée  du  Luxembourg  se  compose  de  135  hommes,  chiffre  qui  est 
suffisant  pour  le  rôle  qu'elle  a  à  jouer. 


PONT   FUKTIFIE    SUR   L  ALZETTE    ET    PORTE    DE   DIEKIRCH. 


Le  Grand-Duc  est  une  sorte  de  monarque  constitutionnel.  Il  a  le 
pouvoir  exécutif  et  règne  avec  ses  quatre  Ministres,  un  Conseil  d'Etat 
de  15  membres  et  une  Chtmbre  de  41  Députés.  Il  s'en  faut  de  une  à 
deux  voix  pour  déplacer  la  majorité,  aussi  les  luttes  sont-elles  toujours 
très  vives.  Sont  électeurs,  ceux  qui  paient  au  moins  dix  francs  d'im- 
pôts. Les  élections  se  font  en  un  seul  jour  :  le  premier  tour  le  matin  et 
s'il  y  a  ballotage,  le  second  tour  a  lieu  dans  l'après-midi. 

La  justice  se  rend  en  français  :  débats,  plaidoiries  et  jugements  se 
font  tous  en  notre  langue,  de  sorte  que  les  condamnés  n'y  comprennent 
absolument  rien. 

Au  point  de  vue  économique,  il   règne  dans  le  Luxembourg  une 


à 


—  349  — 

grande  unité  de  vues.  Ce  pays  est  très  avancé  et  marche  sur  les  traces 
du  Danemark,  notamment  au  point  de  vue  agricole. 

Une  partie  est  tout  en  forêts  (l'Ardenne),  mais  l'autre  est  excessive- 
ment bien  cultivée.  Les  routes  sont  bordées  d'arbres  fruitiers.  Ce  ne 
sont  pas  cependant  les  fruits  qui  font  la  richesse  du  pays,  c'est  surtout 
la  culture,  l'élevage  du  cheval  et  des  bêtes  à  cornes.  Les  minerais  de 
fer  sont  aussi  une  des  grandes  ressources  du  pays.  Les  gîtes  et  hauts- 
fourneaux  de  Luxembourg  se  trouvent  le  long  de  notre  frontière  de 
l'Est.  Le  charbon  y  fait  absolument  défaut. 

Mentionnons  surtout  l'usage  général  au  Luxembourg  des  coopéra- 
tives agricoles  extrêmement  florissantes.  Elles  fournissent  de  beurre, 
de  lait  et  de  fromage  les  grandes  villes  d'Allemagne,  où  tous  les  produits 
du  Luxembourg  entrent  en  franchise,  ce  pays  étant  compris  dans  le 
Zollverein.  —  Chaque  fermier  apporte  à  sa  coopérative  le  lait  qu'il  a 
pu  recueillir  et  reçoit  sa  part  des  ventes  effectuées,  au  prorata  non 
seulement  de  la  quantité  fournie,  mais  aussi  de  la  qualité. 


LA    LAITERIE    COOPERATIVE. 


Telles  sont  les  ressources  du  Luxembourg  qui  lui  suffisent  ample- 
ment. La  dette  n'est  que  de  cinq  à  six  millions,  les  impôts  sont  légers 
Il  y  en  a  même  très  peu  sur  les  articles  de  consommation. 


23 


350  — 


En  résumé,  ce  pays  devient  de  plus  en  plus  prospère  et  il  est  dans 
une  situation  économique  des  plus  favorisées. 

Le  Luxembourg  a  conservé  quelques-unes  de  ses  anciennes  coutumes. 
Voici  les  deux  plus  curieuses  pratiquées  chez  les  catholiques  qui  sont 
en  majorité  dans  ce  pays  : 

C'est  premièrement  la  dévotion  à  saint  Crispin.  Le  bon  saint  est 
transformé  par  les  Luxembourgeois  en  véritable  porc-épic.  Souffre-t-on 
d'une  maladie  quelconque  en  quelque  partie  du  corps,  vite  on  s'em- 
presse de  piquer  une  épingle  sur  la  partie  correspondante  du  saint  pour 
en  obtenir  la  guérison.  Mais  c'est  surtout  la  procession  d'Echternach 
qui  mérite  particulièrement  d'être  mentionnée.  Ce  pèlerinage  se  fait  en 
dansant  trois  pas  en  avant  et  deux  en  arrière  au  son  d'une  musique 


QUARTIER  OUVRIER   SUR  L  ALZETTE   ET   EGLISE    ST-MATHIEU. 


entraînante.  Il  paraît  avoir  été  institué  autrefois  pour  obtenir  la  gué- 
rison d'un  mal  très  fréquent  au  Moyen- Age,  la  danse  de  Saint-Guy. 


—  351  — 

Tel  qu'il  est,  le  Luxembourg  est  un  pays  heureux  qu'il  convient  d'ad- 
mirer et  d'imiter.  Un  voyage  de  ce  côté  est  des  plus  instructifs  et  des 
plus  pittoresques. 

Rien  de  plus  remarquable  que  la  ville  de  Luxembourg.  C'est  le 
Gibraltar  terrestre,  sorte  de  presqu'île  entre  les  vallées  de  la  Pétrusse  (1) 
et  de  l'Alzette.  Son  importance  stratégique  était  en  effet  considérable, 
ce  qui  reste  de  ses  anciens  remparts  en  donne  encore  une  idée.  Cette 
ville  n'a  que  faire  maintenant  de  tous  nos  systèmes  de  défense,  il  y  a 
mieux  :  l'amitié  des  voisins.  Le  Luxembourgeois  nous  estime  beaucoup, 
mais  il  veut  rester  ce  qu'il  est.  Il  veut  vivre  en  bon  voisin,  plaise  à  Dieu 
que  nous  n'en  ayons  jamais  d'autres  ! 


III. 

SECTION    DE    TOURCOING 


Séance  du  Dunanche  3  Mars  1907. 


LE    MOUTON    MÉRINOS 

LA  LAINE  ET  LES  VIANDES  CONGELÉES  EN  AUSTRALIE 

Par  M.  Paul  PRIVAT -DESCHANEL. 


COMPTE    RENDU    ANALYTIQUE 


M.  Paul  Privat-Deschanel,  Professeur  agrégé  de  l'Université,  chargé 
de  mission  du  Gouvernement,  qui  avait  déjà  fait  le  Dimanche  28  Oc- 


(1)  Le  pont  eu  maçonnerie  qui  mène  de  la  gare  à  la  ville  est  l'œuvre  d'un  Fran- 
çais, M.  Séjournée.  C'est  une  arche  unique  de  quatre-vingt-dix  mètres  de  portée 
qui  franchit  la  vallée  de  la  Pétrusse  à  une  hauteur  de  70  mètres  au-dessus  de  cet 
affluent  de  l'Alzette. 


—  352  — 

tobre  1906,  une  communication  à  la  Société  de  Géographie  de  Lille  (1), 
a  fait  le  Dimanche  3  Mars  1907,  devant  la  section  de  Tourcoing,  une 
conférence  sur  le  mouton  mérinos,  la  laine  et  les  viandes  congelées  en 
Australie.  Nous  en  extrayons  quelques  détails  intéressants  sur  l'indus- 
trie, encore  assez  mal  connue  en  France,  des  viandes  frigorifiées. 

L'Australie,  avec  ses  72  millions  de  moutons  (elle  en  a  eu  jusqu'à 
106  millions  en  1891)  est  avant  tout  un  grand  pays  producteur  de  laine, 
sans  parler  des  produits  accessoires  habituels,  ]corne,  suif,  etc.  Mais 
le  mouton  australien  est  élevé  aussi  en  vue  de  la  viande,  soit  pour 
l'Australie,  où  sa  consommation  est  considérable,  soit  pour  l'Europe 
et  l'Amérique.  Les  animaux  destinés  à  la  boucherie  ne  sont  pas  en 
général  des  mérinos;  ils  appartiennent  à  des  races  anglaises  importées: 
Lincoln,  Leicester,  Border  Leicester,  Romney  Marsh,  South  Downs, 
Shropshire  Downs. 


UN   COIN  DE   LA   GRANDE    l'HAIKIE    HC   BASSIN   DU   DARLING. 

Ce  n'est  ])as  sans  peine  que  les  grandes  villes  australiennes  sont 
approvisionnées  en  viande.  Les  troupeaux  ont  à  parcourir  parfois  des 
centaines  de  kilomètres  pour  atteindre  le  chemin  de  fer.  Ils  n'y  arri- 
veraient pas,  dans  un  pays  très  sec  et  presque  désertique,  si  les  gouver- 
nements n'avaient,  le  long  des  chemins  (stock  routes),  créé  des  abreu- 


(1)  Le  résumé  analytique  de  cette  communication  a  été  publié  dans  le  Bulletin 
de  la  Société  de  Décembre  1906. 


35:3  — 


voirs  publics  (public  watering  places),  composés  essentiellement  d'une 
citerne,  qu'alimente  le  plus  souvent  un  puits  artésien  ;  tout  autour  sont 
des  réserves  en  prairies  où  les  moutons  peuvent  paître  et  se  reposer. 

Une  fois  arrivés  au  chemin  de  fer,  les  animaux  sont  embarqués  dans 
des  wagons-bergeries  à  deux  étages,  pouvant  contenir  de2(J0  à  250  bêtes 
et  fermés  seulement  par  un  grillage  pour  assurer  l'aération  ;  sans  cette 
précaution,  beaucoup  d'animaux  périraient. 

On  les  débarque  aux  environs  des  grandes  villes,  où  sont  de  vastes 
marchés.  Le  plus  important  est  celui  de  Flemington,  près  de  Sydney. 


TYPE   DE   MOUTON   AUSTRALIEN. 


La  plus  grande  partie  des  moutons  de  boucherie  est  destinée  à  l'ex- 
portation, soit  comme  bétail  sur  pied,  soit  à  l'état  de  conserves  salées 
ou  de  viande  fraîche  congelée.  L'industrie  des  conserves  salées  et  de 
l'extrait  de  viande  est  encore  assez  peu  développée  ;  de  même  les 
transports  d'animaux  vivants  sont  assez  restreints,  parce  que  les  bêtes 
souffrent  beaucoup  de  la  traversée  de  la  zone  tropicale  et  que,  d'autre 
part,  habituées  à  la  vie  libre  de  la  brousse,  elles  dépérissent  quand 
elles  sont  mises  au  fourrage  sec.  Par  contre,  l'industrie  des  viandes 
congelées  (frozen  méat)  a  pris  ime  extension  colossale. 

Depuis  les  transformations  produites  dans  le  commerce  par  la  vapeur 
et  l'emploi  des  moyens  de  transport  à  grande  vitesse  et  à  grande  capa- 
cité, aucune  révolution  n'a  eu  des  conséquences  comparables  à  celles 
qu'ont  amenée,  il  y  a  une  trentaine  d'années,  les  applications  indus- 
trielles du  froid.  On  a  pu  dès  lors  transporter  ce  que  les  Anglais 
appellent  les  perishable  goods,  c'est-à-dire  les  viandes,  le  beurre,  le. 
fromage,  les  fruits,  le  miel,  les  œufs. 


—  354  — 

Les  premiers  essais  de  transport  de  viande  gelée  remontent  à  1870. 
Cette  année,  un  Français,  M.  Tellier,  organisa,  au  moyen  du  navire 
Le  Frigorifique,  un  service  régulier  entre  la  République  Argentine  et 
Bordeaux.  L'Australie  est  entrée  dans  la  même  voie  en  1880,  année 
durant  laquelle  elle  exporta  400.000  carcasses;  ses  progrès  furent 
rapides  ;  car,  en  1900,  elle  atteignit  le  chiffre  de  1.024.000  carcasses, 
chiffre  qui  n'a  guère  varié  depuis  lors. 

La  congélation  s'effectue  dans  des  usines  appelées  freezing-works, 
appartenant  à  des  particuliers,  à  des  Sociétés  ou  même  aux  Gouverne- 
ments coloniaux.  Rien  qu'en  Nouvelle-Galles,  il  y  en  a  plus  de  20,  à 
Sydney,  à  Bourke,  centre  de  la  région  d'élevage,  et  dans  le  riche  dis- 
trict pastoral  de  la  Riverina.  Toutes  les  viandes  y  sont  manipulées  : 
bœuf,  veau,  lapins,  poulets,  dindons,  poissons,  etc.  Mais  le  mouton 
occupe  de  beaucoup  la  première  place. 


USINE  FRIGORIFIQUE. 


Ces  usines  frigorifiques  sont  des  bâtiments  percés  de  très  peu.  d'ou- 
vertures. Quelques-unes  en  sont  même  complètement  dépourvues  ;  ce 
sont  d'énormes  cubes  de  brique  ;  on  y  pénètre  par  le  toit,  auquel  on 
accède  par  un  ascenseur  extérieur  ;  grâce  à  cette  disposition,  l'air  froid 
reste  au  fond  de  l'usine,  qui  est  un  véritable  puits. 

Le  froid  y  est  produit  par  le  procédé  bien  connu  de  la  détente  de 
l'ammoniaque  liquéfiée.  Le  gaz  ammoniac,  liquéfié  sous  pression,  est 
envoyé  dans  de  gros  tuyaux  de  fonte,  qui  courent  sous  le  plafond  des 


—  355  — 

chambres.  En  repassant  à  l'état  gazeux,  l'ammoniaque  prend  au  milieu 
ambiant  une  énorme  quantité  de  chaleur,  ce  qui  suffit  à  abaisser  la 
température  à  —  18  ou  —  20  degrés.  La  viande  et  les  autres  produits 
de  conservation  difficile  deviennent  alors  inaltérables  ;  on  a  pu  garder 
du  beurre  pendant  un  an  et  des  moutons  pendant  dix  ans. 

Les  chambres  frigorifiques  sont  isolées  au  moyen  de  murs  très  épais 
et  de  grosses  portes  de  bois  ;  souvent  les  cloisons  sont  formées  d'une 
double  paroi  de  planches,  dont  l'intervalle  est  rempli  de  coton  pilé  ou 
de  liège  granuleux. 

Une  fois  congelées  les  viandes  sont  transportées  au  port  dans  des 
wagons  spécialement  aménagés,  aux  épaisses  parois  de  bois  massif. 
Dans  certaines  usines,  situées  le  long  des  bassins,  le  chargement  se  fait 
directement  dans  des  chalands,  au  moyen  d'une  chaîne  sans  fin  munie 
de  tablettes  sur  lesquelles  on  pose  les  carcasses. 

Des  navires  frigorifiques  vont  d'Australie  en  Europe  ou  en  Amérique. 
On  en  compte  80,  dont  66  vapeurs,  jaugeant  de  4.000  à  7.000  tonneaux 
et  représentant  une  capacité  totale  de  transport  de  2.500.000  moutons  ; 
au  taux  de  trois  voyages  par  an,  ils  peuvent  transporter  dans  l'année 
7.500.000  animaux.  Les  petits  se  chargent  de  25.000  et  les  grands  de 
70.000  carcasses.  Deux  grandes  Compagnies  anglaises  se  consacrent 
surtout  à  ce  commerce,  la  Shaw  Savill  Albion  C  et  la  Neio  Zealand 
Steamship  C°.  Leurs  navires  se  rendent  en  Australie,  Tasmanie  et 
Nouvelle-Zélande,  par  le  cap  de  Bonne  Espérance,  et  reviennent  en 
Europe  par  le  cap  Horn  et  la  Plata,  oîi  ils  complètent,  si  besoin  est, 
leur  chargement.  Le  voyage  dure  40  jours;  il  est  plus  long  que  par 
Suez  ;  mais  la  traversée  de  la  zone  tropicale  est  plus  courte,  et  on  peut 
profiter  presque  tout  le  temps  des  grands  vents  d'Ouest  de  l'hémisphère 
austral. 

Presque  toutes  les  expéditions  australasiennes  sont  destinées  à  l'An- 
gleterre. Ce  pays  a  reçu,  pour  la  dernière  année  dont  les  statistiques 
complètes  sont  données,  5.048.000  moutons  gelés,  dont  2.409.000 
venant  de  la  Nouvelle-Zélande,  1.615.000  de  l'Argentine,  1.024.000  de 
l'Australie  et  de  la  Tasmanie.  La  viande  gelée  y  compte  pour  9  à  10  % 
dans  la  consommation  totale  de  la  viande. 

L'expédition,  faite  par  un  commissionnaire-exportateur,  est  reçue  en 
Angleterre  par  un  consignataire,  qui  procède  à  la  vente,  moyennant 
commission.  En  comptant  les  frais  de  congélation  et  d'embarquement, 
le  fret  et  l'assurance,  les  frais  de  dégelage  et  de  magasinage,  on  trouve 
que  la  livre  coûte,  de  Sydney  à  Londres,  22  centimes.  C'est  là  un  prix 


—  356  — 


de  revient  trop  élevé  et  le  bénéfice  est  médiocre.  En  effet,  la  viande 
congelée,  qui  perd  toujours  une  partie  de  son  goût,  se  vend  moins  cher 


NAVIRE  CHARGEANT  LES  VIANDES  CONGELEES  DANS  LE  PORT  DE  SYDNEY. 


que  la  viandre  fraîche.  Dans  ces  dernières  années,  le  prix  courant 
à  Londres  ne  dépassait  pas  35  à  40  centimes  la  livre,  alors  que  le  mou- 
ton anglais  ou  écossais  se  traitait  sur  le  pied  de  60  à  65  centimes. 

La  perte  de  saveur  de  la  viande  par  la  congélation  complète  a  incité 
les  industriels  à  perfectionner  les  procédés  en  usage,  en  limitant  la 
congélation  à  la  surface.  A  côté  de  la  viande  gelée  (fî^ozen  ?neat),  il 
existe  aujourd'hui  la  viande  glacée  (ehilled  méat).  La  carcasse  doit 
seulement  être  refroidie  brusquement  et  maintenue  à  —  2".  Ce  système, 
employé  en  Australie  depuis  1896,  a  donné  de  bons  résultats.  La  seule 
précaution  nécessaire  est  que  le  transport,  par  bateaux  Jet  chemins  [de 
fer,  s'effectue  dans  l'air  sec  et  stérilisé.  Dans  le  procédé  du  D""  Perkins^ 
utilisé  en  Amérique,  c'est  le  surplus  de  l'air  du  frein^Westinghouse  qui 
fournit  le  milieu  sec  indispensable. 

Les  perspectives  de  l'industrie  de  la  viande  congelée  sont  très  encou- 
rageantes. Le  noiAbre  des  moutons,  qu'on  nourrit  aujourd'hui,  en 
temps  de  sécheresse,  au  moyen  de  la  luzerne  cultivée  par  l'irrigation, 
augmente  rapidement.  D'autre  •  part,  la  France  et  l'Allemagne  com- 
mencent à  suivre  l'exemple  de  l'Angleterre  et  à  consommer  la  viande 
gelée  ;  de  nombreuses  glacières  y  existent  déjà  et  des  wagons  frigori- 
fiques circulent  sur  certains  réseaux.  Le  Nord  Deutscher  Lloyd  a 
pourvu  certains  de  ses  navires  d'installations  appropriées. 


—  ;3o7  — 

Nous  ne  devons  d'ailleurs  pas  nous  dissimuler  que  le  développement 
des  envois  de  viande  australienne,  très  utile  aux  consommateurs  des 
villes,  ne  peut  que  faire  subir  une  crise  pénible  à  nos  éleveurs.  Après 
la  baisse  du  blé,  il  faut  prévoir  la  baisse  des  prix  du  bétail.  Mais  le 
mouvement  sera  plus  lent  et  moins  grave  que  pour  le  blé ,  car  la 
consommation  de  la  viande  est  susceptible  de  s'accroître  presque  indé- 
finiment avec  le  bien-être  général,  tandis  que  l'importance  relative  du 
pain  dans  l'alimentation  tend  plutôt  à  diminuer  un  peu  quand  l'aisance 
augmente. 


LES  NOUVELLES  LIGNES  DES  ALPES  ORIENTALES 

ET  LE  PORT  DE  TRIESTE 


Depuis  1901,  on  travaille  en  Autriche  à  la  réalisation  d'un  grand  pro- 
gramme de  voies  ferrées,  dont  l'achèvement,  prévu  pour  1908,  entraînera 
sans  doute  un  complet  remaniement  des  relations  entre  le  port  de  Trieste  et 
toute  la  région  des  Alpes  orientales,  ainsi  qu'un  essor  économique  nouveau 
de  tous  les  territoires  occidentaux  de  l'Empire. 

Jusqu'à  présent  les  communications  n'étaient  assurées  entre  Trieste  et 
Vienne  que  par  une  ligne  unique  (la  «  Sûdbahn  »),  contournant,  par  Laibach, 
Marburg  et  Graz,  la  chaîne  des  Karawanken,  et  franchissant,  entre  Bruck  et 
Vienne,  le  col  du  Semmering.  D'un  autre  coté,  il  n'existait  pas  de  relations 
directes  entre  les  vallées  du  versant  Nord  des  Alpes  autrichiennes  (Danube, 
Salzach,  Enns)  et  Trieste  ;  en  sorte  que  le  Tyrol,  Salzbourg  et  la  Haute- 
Autriche  dépendaient  économiquement,  soit  de  Gênes  et  Venise,  soit  surtout 
des  ports  allemands,  Brème  et  Hambourg. 

Le  piogramme  de  voies  ferrées  [Investitionsvorlage],  dont  une  partie  ont 
été  inaugurées  en  Juillet  1906,  par  l'archiduc  héritier  François-Ferdinand, 
comprend  quatre  lignes  nouvelles  qui  pourraient  être  réduites  rationnelle- 
ment à  trois  :  celle  du  Wochein  et  des  Karawanken,  celle  du  Pyhrn  et  celle 
des  Tauern. 

La  ligne  du  Wochein,  aujourd'hui  inaugurée,  relie  directement  Trieste  à 
la  vallée  de  la  Save  qu'elle  atteint  à  Assling,  en  traversant,  au  lieu  de  les 
tourner,  les  Alpes  Juliennes  le  long  du  cours  de  l'Isonzo.  Elle  se  continue, 


—  a58  — 

depuis  cet  été,  par  la  double  ligne  des  Karawanken,  formant  une  fourche 
qui  relie  d'une  part  Villach,  d'autre  part  Klagenfurt  à  Assling.  De  Klagen- 
furt,  dans  la  vallée  de  la  Drave,  une  voie  ferrée  déjà  existante  gagne  Bruck 
par  la  vallée  de  la  Mur.  Ainsi  se  trouve  constituée  une  ligne  maîtresse  qui 
rattache  à  peu  près  directement  Vienne  au  fond  de  l'Adriatique,  parce  qu'elle 
traverse,  au  lieu  de  la  tourner,  la  chaîne  des  Karawanken. 

Cependant,  à  partir  de  Bruck,  la  nouvelle  ligne  se  raccorde  à  la  Sûdbahn 
et  se  trouverait  toujours  sous  la  dépendance  du  col  de  Semmering  si  l'on  ne 
l'avait  pas  complétée  par  une  autre  ligne  permettant  de  gagner  Vienne  en 
venant  de  Trieste  par  un  tracé  nouveau.  Cette  ligne  utilise  un  tronçon  déjà 
existant  entre  Sankt-Michael  (près  de  Leoben)  et  la  vallée  de  l'Enns,  par  les 
vallées  de  la  Liesing  et  de  la  Palten,  et  gagne  la  vallée  de  la  Steyr  et  le 
Danube  à  travers  le  massif  montagneux  du  Pyhrn.  Par  cette  ligne  du  Pyhrn, 
il  est  donc  possible,  de  Sankt-Michael,  d'arriver  à  Vienne,  en  empruntant  des 
voies  liées  aux  basses  vallées  ou  traversant  les  montagnes  en  tunnel,  par  la 
vallée  de  l'Enns,  Steyr,  Amstetten  et  Sankt-Pôlten.  Une  voie  entièrement 
indépendante  a  donc  été  créée  et  permet  de  suppléer,  le  cas  échéant,  la  ligne 
du  Semmering.  Elle  offre  en  outre  l'avantage  de  couper  droit  vers  Linz, 
vers  Budweis  et  la  Bohême,  et  de  rapprocher  sensiblement  les  foyers  d'indus- 
trie de  la  Bohême,  Prague,  Pilsen,  Eger,  du  grand  port  adriatique.  De 
Trieste,  les  distances  sont  raccourcies  de  111  km.  vers  Prague  et  Budweis,  de 
120  km.  vers  Pilsen,  de  142  km.  vers  Linz,  de  198  km.  vers  Eiger,  Leipzig 
et  Nuremberg. 

La  ligne  des  Tauern  est  la  plus  difficile  de  toutes  ;  elle  doit,  en  effet, 
traverser  de  part  en  part  le  massif  cristallin  des  Tauern,  vers  son  extrémité 
orientale,  entre  le  Moll  Thaï  et  la  vallée  de  Gastein  ;  elle  reliera  ainsi,  par 
un  tunnel  qu'on  creusera  entre  Mallnitz,  près  d'Ober-Vellach,  et  Bôkstein, 
non  loin  de  Wildbad  Gastein,  lia  vallée  de  la  Drave  à  celle  de  la  Salzach. 
Cette  voie  ferrée,  qu'on  espère  achever  en  1908,  sera,  entre  celle  du  Brenner 
et  celle  du  Semmering,  une  des  grandes  routes  des  Alpes,  mais  elle  offre 
cette  particularité  de  n'être  en  rien  prédestinée  par  la  nature,  à  la  différence 
de  la  plupart  des  autres  voies  ferrées  des  Alpes,  qui  sont  venues  doubler  une 
route  naturelle.  Il  est  difficile  de  prédire  dès  maintenant  les  effets  de  cette 
nouvelle  percée  sur  les  relations  du  versant  septentrional  des  Alpes  orien- 
tales ;  il  semble  pourtant  qu'ils  doivent  être  très  profonds,  et  que  Trieste, 
comme  il  est  arrivé  pour  Milan  et  Gênes  après  l'ouverture  du  Gothard, 
attirera  à  elle,  pour  une  part  non  négligeable,  le  trafic  du  Vorland  eH^pin. 
Dès  maintenant,  la  Bavière  se  préoccupe  d'aménager  des  lignes  d'accès  à  la 
voie  des  Tauern.  Il  est  plus  malaisé  de  prévoir  les  résultats  de  la  lutte  avec 
les  ports  du  Nord  pour  les  débouchés  du  Wurtemberg  et  de  la  Souabe  ; 
mais  sans  doute  en  ces  pays,  Trieste  l'emportera  au  moins  sur  Gênes  et  sur 
Venise. 


—  359  — 

Si  l'on  ajoute  à  tous  ces  travaux  neufs  un  remaniement  complet  des  tarifs, 
on  s'expliquera  la  situation  nouvelle  préparée  au  port  de  Trieste  dans  l'éco- 
nomie des  relations  de  l'Europe  centrale.  D'abord,  comme  on  l'a  vu,  il  y  a 
désormais  une  nouvelle  voie  de  communication  entre  Vienne  et  Trieste,  et 
indépendamment  de  tout  raccourci  de  distance,  ce  fait  est  très  important,  car 
la  «  Sûdbahn  »  se  montrait  manifestement  insuffisante  ;  le  commerce  d'im- 
portation de  nombre  d'articles,  café,  jute,  coton,  sucre,  s'opère  surtout  en 
hiver,  alors  que  les  neiges  peuvent  gêner  la  circulation  sur  la  ligne  du  Sem- 
mering  ;  il  languit  en  été.  D'autre  part,  il  y  avait  souvent  surcharge  de  la 
ligne,  encombrement  de  wagons  dans  certaines  gares  et  pénurie  ailleurs.  La 
nouvelle  voie  recueillera,  dans  les  moments  de  presse,  le  surplus  de  l'autre 
ligne  ;  grâce  à  un  encombrement  moindre,  les  débarquements  se  feront  plus 
rapides  ;  les  wagons  pourront  être  mis  plus  vite  à  la  disposition  des  expédi- 
teurs et  l'intensité  du  trafic  y  gagnera  considérablement.  A  Vienne,  les 
expéditions  pourront  s'effectuer  par  toutes  les  gares  de  l'Etat  et  non  plus 
seulement  au  Sûdbahnhof.  Outre  l'arrivage  plus  abondant  des  articles  actuels 
du  commerce,  il  y  a  lieu  de  prévoir  que  ces  conditions  nouvelles  engendre- 
ront un  courant  d'importation  de  produits  actuellement  peu  représentés  :  les 
fruits  et  les  primeurs  de  Dalmatie  et  d'Afrique,  [les  fleurs  d'Italie,  etc.  C'est 
moins  grâce  au  raccourcissement  des  distances  que  par  une  meilleure 
organisation  du  trafic  et  une  plus  grande  rapidité  des  relations  que  Vienne 
paraît  devoir  profiter  des  lignes  nouvelles  et  fournir  à  Trieste  un  accroisse- 
ment de  commerce. 

Trieste  est-elle  préparée  à  tirer  parti  de  cette  remarquable  convergence 
des  voies  ferrées  de  l'Europe  centrale  vers  ses  entrepôts  et  son  port  ?  Il 
semble  que  non.  Sans  doute,  la  place  se  trouve  dans  un  remarquable  état 
de  prospérité  ;  ses  relations  prennent  de  jour  en  jour  plus  d'extension  ;  dans 
l'espace  de  quatre  ans,  son  tonnage  a  passé  de  4.570.000  tx  (1901)  à 
6  millions  de  tx  (1905).  Mais  à  l'heure  actuelle,  selon  la  Neue  Frète  Presse, 
«  la  superficie  du  port  est  trop  petite,  les  hangars  n'offrent  pas  de  place 
suffisante  pour  contenir  les  marchandises  qui  arrivent,  les  wagons  stationnent 
devant  les  hangars  et  ne  se  vident  que  péniblement  ;  enfin,  on  ne  peut  vider 
les  hangars,  parce  que  le  port  est  trop  petit  et  que  l'embarquement  prend 
beaucoup  de  temps  dans  un  petit  port  ».  Trieste  souffre  du  même  mal  que 
Gênes  ;  ses  installations  ne  sont  plus  à  la  hauteur  de  son  trafic.  C'est  la 
situation  inverse  de  celle  que  présente  Marseille,  dotée  d'un  port  admirable, 
pourvue  de  tout  l'espace  et  de  tous  les  engins  nécessaires,  mais  insuffisam- 
ment reliée  à  l'arrière-pays.  Trieste  pourrait  également  devenir  ce  qu'elle 
est  très  peu  aujourd'hui,  un  port  de  transit  pour  les  personnes,  mais  il 
faut  pour  cela  qu'elle  soit  reliée  à  Alexandrie  et  au  Levant  par  des  lignes  de 
bateaux  plus  rapides,  en  même  temps  que  ses  voies  ferrées  disposent  de 
meilleurs  express  qu'aujourd'hui.  Ce  sont  là  des  desiderata  aisés  à  corriger. 


—  3(%  — 

A  l'heure  actuelle,  on  travaille  activement  à  la  transformation  du  port,  et^ 
fait  significatif,  le  capital  allemand  et  les  entreprises  de  navigation  alle- 
mandes, qui  avaient  jusqu'à  présent  négligé  Trieste ,  commencent  à  s'y 
intéresser  et  songeraient  même,  pareût-il,  à  en  faire  le  port  d'attache  d'une' 
ligne  nouvelle. 

Maurice  Zimmermann. 


LA  QUESTION  D.U  CHEIN  DE  FER  DE  BAGDAD 


LE  RACHAT  PAR  LES  ALLEMANDS  DU   MERSINE-TARSOUS-ADAHft 


Nous  avons  annoncé,  lorsqu'il  s'est  produit,  le  fait  déplorable  que  fut  le- 
rachat  par  les  Allemands  du  chemin  de  fer  de  Mersine-Tarsous-Adana.  Cette- 
opération  financière,  qui  se  réalise  d'ailleurs  très  vite  et  sans  bruit,  a  fait, 
peirtie  des  efforts  des  Allemands  pour  s'emparer  de  tout  ce  qui  peut  intéresser 
l'entreprise  du  chemin  de  fer  de  Bagdad,  la  grande  œuvre  sur  laquelle  doit 
s'appuyer  toute  l'action  de  l'impérialisme  germanique  en  Asie-Mineure. 

Voici  un  bref  résumé  de  ce  qu'était  l'affaire  du  Mersine-Tarsous-Adana. 

Ce  chemin  de  fer  fut  concédé  en  1883  à  MM.  Mehmed  Nihad  Bey  et 
Costaki  Theodoridès.  La  ligne  est  entrée  en  exploitation  en  1886.  Les  conces- 
sionnaires en  effet  ne  tardèrent  pas  à  trouver  une  Société  ottomane  qui  se 
chargea  de  construire  le  chemin  de  fer  et  dont  les  capitaux  furent  fournis  par- 
un  groupe  anglo-français.  Le  capital  social  est  ainsi  constitué  : 

8.250  actions  représentant 4. 125.000  francs. 

Obligations  émises 5.296.000  francs. 

Depuis  le  commencement  de  la  mise  en  exploitation,  les  recettes  ont  suivi: 
une  marche  ascendante.  En  1898  elles  produisaient  7.260  francs  par  kilo- 
mètre ;  en  1900,  7.780  francs  et  en  1904,  9.587  francs.  La  moyenne  des. 
frais  d'exploitation  était  bien  inférieure.  Elle  a  été,  pour  les  onze  dernières 
années,  de  2.980  francs,  soit  en  chiffres  ronds,  de  3.000  francs  par  kilomètre. 


Il  est  à  remarquer  que  cette  ligne,  contrairement  à  l'usage  général  établi, 
en  Turquie,  et  d'après  lequel  la  durée  des  concessions  de  tous  les  chemins  de- 


—  361  — 

fer  est  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  n'a  été  concédée  que  pour  une  durée  de 
cinquante  ans.  Cette  concession  expirera  donc  en  1933,  date  à  laquelle  le 
gouvernement  deviendra  gratuitement  propriétaire  de  la  ligne  et  de  toutes 
ses  dépendances.  Il  ne  sera  tenu  de  rembourser  à  la  Compagnie  que  la  valeur 
du  matériel  et  des  approvisionnements  fixée  à  dire  d'expert.  Toutefois  le  gou- 
vernement impérial  s'est  réservé  le  droit  de  rachat  après  30  ans,  il  aura  donc 
la  faculté  d'user  de  ce  droit  en  1913. 

En  outre,  le  chemin  de  fer  Mersine-Adana  à  voie  normale,  c'est-à-dire  à  un 
écartement  de  1  m.  44,  est  la  seule  ligne  à  voie  large  existant  en  Turquie  et 
ne  jouissant  d'aucune  garantie  de  l'Etat,  ne  recevant  aucune  subvention  ni 
pour  la  construction  ni  pour  l'exploitation. 

Ceci  s'explique  uniquement  par  les  vastes  projets  qui  furent  conçus  par  la 
Compagnie  à  l'époque  où  elle  se  chargea  d'établir  dans  des  conditions  si  anor- 
males cette  petite  ligne  de  67  kilomètres  pour  l'importance  de  laquelle  le 
gabarit  normal  de  la  voie  était  si  disproportionné.  Jamais  sans  doute  on 
n'aurait  construit  un  tel  chemin  de  fer  sans  garanties  ni  subventions  et  pour 
une  durée  inférieure  de  50  °/o  à  celle  des  autres  concessions  faites  dans  l'em- 
pire ottoman,  si  les  promoteurs  de  l'affaire  n'avaient  eu  l'idée  que  la  ville  de 
Mersine,  ou  l'admirable  port  naturel  de  Youmourtalik  situé  à  proximité, 
étaient  tout  désignés  par  leur  situation  géographique  pour  devenir  la  tête  de 
la  voie  ferrée  qui,  traversant  la  Mésopotamie,  aboutirait  au  golfe  Persique. 
En  réalité,  on  passait  sur  les  conditions  désavantageuses  de  la  concession 
Mersine-Adana  avec  l'idée  que  l'on  était  en  possession  de  la  tête  de  ligne  du 
chemin  de  fer  de  Bagdad  qui  semblait  alors  devoir  normalement  aboutir  au 
golfe  d'Alexandrette.  On  sait  comment  les  Allemands  ont  dissipé  ces  rêves. 
Ils  sont  parvenus  à  persuader  au  gouvernement  de  la  Porte  qu'il  était  straté- 
giquement  et  politiquement  indispensable  de  faire  traverser  toute  l'Anatolie 
au  chemin  de  fer  projeté  de  Bagdad  et  de  ne  pas  se  borner  à  le  faire  aboutir 
sur  la  rive  méditerranéenne  la  plus  voisine  de  la  vallée  de  l'Euphrate.  Au 
début,  les  Allemands  représentés  par  M.  de  Kaulla  n'abordèrent  pas  la  ques- 
tion dans  ses  grandes  lignes.  Ils  se  contentèrent  de  poser  un  jalon  pratique  en 
obtenant  en  1888  l'exploitation  de  la  ligne  Haidar-Pacha-Ismid  (92  kilo- 
mètres de  longueur),  déjà  construite  en  1871  par  l'Etat  et  mal  exploitée  par 
ce  dernier.  M.  de  Kaulla  obtint  immédiatement  après  la  prolongation  de  cette 
ligne  jusqu'à  Angora  (486  kilomètres),  mais,  plus  heureux  que  le  groupe 
franco-anglais  de  Mersine-Adana,  les  Allemands,  d'ailleurs  énergiquement 
soutenus  par  leur  diplomatie  à  Constantinople,  obtinrent  une  large  garantie 
de  l'Etat,  une  concession  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  et  la  gestion  par  la 
dette  publique  ottomane  des  dîmes  affectées  à  cette  garantie,  ce  qui  accordait 
une  sécurité  parfaite  aux  capitaux  qui  devaient  être  engagés  dans  cette  entre- 
prise. Cette  ligne  d'Angora  ne  pouvait,  en  raison  de  l'opposition  de  la  Russie 
au  passage  du  Grand  Central  d'Asie-Mineure  à  proximité  de  la  frontière  trans- 


—  362  — 

caucasienne,  servir  de  premier  tronçon  au  chemin  de  fer  de  Bagdad.  Mais  les 
Allemands,  ne  renonçant  pas  à  leur  grande  entreprise,  obtinrent  en  1893  la 
concession  du  chemin  de  fer  jusqu'à  Koniah  (445  kilomètres).  Dès  ce  moment 
il  devenait  vraisemblable  que  le  groupe  anglais  de  Mersine-Adana  serait 
désormais  dans  l'impossibilité  de  lutter  contre  le  groupe  allemand  pour  obtenir 
la  ligne  du  golfe  Persique,  et  en  effet  la  «  Deutsche  Bank  »  se  faisait  donner 
en  1903  la  concession  de  la  ligne  de  Bagdad  et  du  golfe  Persique  (2.600  kilo- 
mètres). 


A  partir  de  ce  moment,  le  Bagdad-Bahn  a  naturellement  le  désir  d'absorber 
la  petite  ligne  Mersine-Adana  qui  devait  servir  de  débouché  commercial  pra- 
tique à  son  futur  chemin  de  fer  sur  la  Méditerranée.  Et  en  même  temps  que 
ce  désir  naissait  naturellement,  le  découragement  se  mettait  dans  la  petite 
Compagnie  anglo-française  qui  voyait  se  dissiper  le  grand  rêve  en  vue  duquel 
elle  s'était  constituée.  On  peut  se  demander  même  si  ce  rêve  n'avait  pas  à 
plusieurs  reprises  absorbé  complètement  son  administration,  puisque,  malgré 
la  différence  que  nous  avons  relevée  entre  les  recettes  et  les  dépenses  de  l'ex- 
ploitation, le  cours  de  ses  actions  et  de  ses  obligations  subit  des  fluctuations 
considérables,  et  le  paiement  des  coupons  fut  à  plusieurs  reprises  différé. 

Profitant  de  cette  situation  inégale,  le  groupe  allemand  manœuvra  avec  une 
grande  habileté.  Il  commença  par  acheter  à  des  prix  très  bas  les  actions  du 
Mersine-Adana  qu'il  pouvait  trouver  sur  le  marché  ;  il  en  avait  ainsi  réuni,  il 
y  a  deux  ou  trois  ans,  2.500  sur  les  8.200  constituant  le  capital  social.  Il 
semble  avoir  réussi  alors  à  s'assurer  des  concours  dans  la  Compagnie  même. 
Quoi  qu'il  en  soit,  en  une  quinzaine  de  jours  il  se  procura  2.000  titres  rachetés 
à  l'entrepreneur  Croisot.  Il  en  trouva  encore  600  autres  à  Constantinople.  Les 
Allemands,  poursuivant  en  même  temps  quelques  achats  partiels,  se  trouvèrent 
bientôt  en  possession  de  6.500  titres.  Maîtres  de  la  situation  ils  traitèrent 
avec  la  minorité  des  actionnaires  qui  continuaient  à  représenter  l'ancien 
groupe  anglo-français.  Le  directeur  français,  de  l'affaire  fut  renvoyé,  et  le 
Mersine-Adana  devint  par  conséquent  une  simple  annexe  de  la  grande  entre- 
prise allemande  d'Asie-Mineure.  La  diplomatie  française  parut  bien  s'émou- 
voir un  instant,  mais  ce  ne  fut  qu'un  feu  de  paille,  et  aujourd'hui  les 
Allemands  n'ont  plus  d'autre  préoccupation  à  avoir  que  de  se  demander 
comment  ils  tireront  parti,  au  bénéfice  du  Bagdad-Bahn,  de  la  petite  ligne 
qu'ils  ont  achetée. 


La  concession  du  Mersine-Adana  reste  en  effet  ce  qu'elle  était,  c'est-à-dire 


—  303  — 

qu'elle  expire  en  1933  et  la  Société  reste  ottomane.  Elle  continue  à  ne  béné- 
ficier d'aucune  garantie  de  l'Etat,  et  à  être  même  rachetable  en  1913. 
Cependant  les  Allemands  espèrent  arriver  à  faire  prolong-er  la  concession  et 
peut-être  à  obtenir  des  garanties  en  répandant  partout  le  bruit  que  la  ligne 
est  mal  construite,  qu'ils  l'ont  acquise  en  très  piteux  élat  du  groupe  anglo- 
français,  qu'elle  doit  être  l'objet  d'un  grand  nombre  de  réfections  et  qu'il  est 
indispensable  de  creuser  un  bon  port  à  son  extrémité  sur  la  mer.  Toutes  ces 
dépenses,  déclarent-ils,  ne  sauraient  être  faites  par  une  Compagnie  ne  jouis- 
sant d'aucune  garantie  et  dont  la  concession  doit  expirer  à  brève  échéance. 
A  vrai  dire,  si,  d'ici  1913  aucune  solution  n'étant  intervenue  et  la  diplomatie 
allemande  ayant  perdu  un  peu  de  terrain  à  Constantinople,  le  gouvernement 
ottoman  voulait  racheter  le  chemin  de  fer,  il  ferait  une  très  bonne  opération. 
Il  aurait,  en  effet,  à  payer  pendant  vingt  ans  à  partir  de  1913  une  annuité 
équivalente  à  50  "/o  de  la  moyenne  des  recettes  perçues  pendant  les  cinq  der- 
nières années.  Si  nous  tablons  sur  une  moyenne  de  10.000  francs  au  maxi-_ 
mum,  ce  serait,  en  raison  de  67  kilomètres  à  5.000  francs,  une  somme  totale 
de  335.000  francs.  L'opération  serait  très  avantageuse  pour  l'État  turc 
parce  que,  moyennant  3.000  francs  par  kilomètre,  comme  nous  l'avons  vu, 
il  assurerait  l'exploitation  de  la  ligne,  ce  qui  lui  laisserait  un  excédent  de 
2.000  francs  par  kilpmètre  pendant  vingt  ans,  soit  une  somme  de  134.000  fr. 
par  an,  ou,  au  bout  de  vingt  ans,  2.680.000  francs.  C'est  même  cette  situation 
qui  pourra  peut-être  retarder  la  réalisation  des  projets  du  Bagdad-Bahn  sur  la 
ligne  de  Mersine-Adana. 

Mais,  en  attendant,  les  intérêts  français  en  ont  été  exclus.  C'est  un  événe- 
ment auquel  on  ne  saurait  assister  sans  le  déplorer.  On  peut  vraiment  se 
demander  quelle  décadence  s'est  produite  ces  dernières  années  dans  notre 
force  d'expansion,  alors  que  nos  moyens  financiers  et  les  facultés  du  marché 
de  Paris  ne  sont  nullement  diminués. 


UN  JEUNE  MÉNAGE  CHASSEUR  EN  AFRIQUE 


Le  Petit  Bleu,  de  Bruxelles,  a  interviewé  le  major  anglais  Powell-Cotton, 
rentré,  il  y  a  trois  mois,  d'un  long  voyage  au  Congo,  dans  l'Ouganda  et  l'Est- 
Africain,  et  qui  est  à  Bruxelles  depuis  peu. 

Pendant  près  de  deux  ans,  le  major  Powell-Cotton  a  battu  la  brousse  afri- 
caine ou  vécu  des  mois  entiers  en  pleine  forêt  pour  y  satisfaire  ses  goûts- 
passionnés  de  grand  chasseur. 


—  304  — 

Parti  de  Khartoum  le  2  Novembre  1904,  il  avait  remonté  le  Nil  jusqu'à 
Kéro,  frontière  de  l'enclave  congolaise,  puis  jusqu'à  Mahagi,  sur  le  lac 
Albert.  De  là,  il  s'était  enfoncé  dans  la  profondeur  de  la  grande  forêt  aruwi- 
mienne  par  Iremu  et  Mowambi. 

Après  cinq  mois  d'aventures  cynégétiques,  le  major  avait  repris  la  route  de 
l'Est  et  avait  traversé  toute  l'Afrique  orientale  anglaise,  du  lac  Albert-Edouard 
à  Mombassa,  pour  rejoindre  sa  fiancée  qui  l'attendait  dans  ce  port.  Les 
fiancés  s'étaient  alors  rendus  à  Narobi,  capitale  de  la  colonie  anglaise  de 
l'Est- Africain,  afin  d'j  célébrer  leur  mariage  ;  et  comme  voyage  de  noces, 
les  deux  époux  avaient  repris  la  route  du  Congo  et  parcouru  la  région  de 
l'Aruwimi  jusque  Avakubi  et  les  rives  de  la  Lindi. 

Tout  en  nous  esquissant  à  grands  traits  le  vaste  itinéraire  de  cet  excep- 
tionnel vojage  de  noces,  où  M™^  Powell-Cotton  faisait  le  coup  de  feu  contre 
les  antilopes,  tandis  que  son  mari  s'attaquait  aux  variétés  les  plus  diverses, 
.depuis  l'éléphant  et  le  lion  jusqu'aux  rongeurs  et  aux  chats  sauvages,  le 
major  nous  a  dépeint  les  difficultés  énormes  qu'offre  une  incursion  dans  la 
forêt  vierge. 

Les  routes  les  mieux  déblayées  y  deviennent  impraticables  en  quelques 
jours,  soit  par  suite  de  la  crue  des  torrents  à  la  saison  des  pluies,  les  ravages 
des  ouragans,  ou  les  dévastations  des  éléphants.  A  chaque  instant,  les  che- 
mins sont  obstrués  d'arbres  énormes,  brisés  ou  déracinés  ;  et  pour  assurer  une 
voie  libre  de  deux  mètres  de  largeur,  il  faut  créer  un  chemin  d'une  cinquan- 
taine de  mètres  —  assez  large,  par  conséquent,  pour  que  la  chute  des  arbres 
n'y  forme  point  d'insurmontables  barricades. 

Aussi  est-ce  un  vrai  travail  des  Danaïdes  que  les  agents  de  l'Etat,  chargés 
de  l'entretien  des  routes,  ont  à  faire  en  ce  pays  que  l'humidité  de  la  forêt  rend 
particulièrement  malsain. 

jyjme  Pow^ell-Cotton  a  subi  pendant  quelques  semaines  l'effet  pernicieux  et 
débilitant  de  ce  climat  humide  ;  mais  elle  s'en  est  rapidement  remise. 

La  voici  précisément  qui  vient  à  nous ,  élégante  et  gracieuse ,  ayant 
retrouvé  toute  la  fraîcheur  du  teint.  Elle  est  enchantée  du  voyage,  du  char- 
mant accueil  qu'ils  ont  trouvé  au  Congo  et  des  péripéties  parfois  dramatiques 
de  leurs  parties  de  chasse.  C'est  elle  qui  nous  raconte,  en  souriant,  l'aventure 
de  son  mari  terrassé  par  un  lion  qu'il  venait  de  blesser,  déchiré  au  dos  et  à  la 
nuque  par  les  griffes  du  fauve,  sauvé  presque  par  miracle  et  soigné  comme  un 
frère  par  le  commandant  Bastien.   Le  major  Powell  avait  reçu  17  blessures. 

A  part  ces  «  incidents  »  inévitables,  le  pays  est  très  sûr,  nous  ont  déclaré 
M.  et  M™*  Powell-Cotton.  Ils  ont,  en  effet,  voyagé  à  leur  guise  pendant  des 
mois,  avec  dix  hommes  d'escorte,  emmenés  par  eux  de  l'Uganda  et  qu'ils 
avaient  eu  la  permission  de  garder  en  territoire  congolais. 

Entre  Béni  et  Mowambi,  ils  ont  traversé  une  région  en  révolte  par  suite 
de  l'assassinat  d'un  blanc,  dont  le  meurtrier  s'est  enfui  et  tenait  à  ce  moment 


—  3()5  — 

la  brousse,  ayant  groupé  autour  de  lui  un  certain  nombre  d'indigènes.  Par- 
tout ailleurs,  la  situation  est  excellente,  la  récolte  de  caoutchouc  s'y  fait  sans 
la  moindre  difficulté,  et  nulle  part,  M.  et  M"*"  Powell-Cotton  n'ont  décou- 
vert le  moindre  indice  de  mauvais  traitements  et ,  à  plus  forte  raison , 
d'atrocités. 

Quant  aux  rapports  de  frontière  entre  Belges  et  Anglais,  ils  sont  des  plus 
affables,  à  ce  point  que  les  Anglais  célèbrent  la  fête  de  Léopold  II  et  la  date 
commémorative  de  la  création  de  l'Etat  Indépendant  et  que  les  Belges  fêtent 
avec  les  Anglais  la  date  de  naissance  du  roi  Edouard.  La  vraie  «  entente  cor- 
diale »,  nous  dit  M™^  Powell-Cotton. 

Ajoutons  qu'au  cours  de  ses  nombreuses  chasses,  le  major  Powell  a  abattu 
six  animaux  très  rares  :  une  sorte  de  bœuf  sauvage,  un  antilope  dow,  un 
rongeur  noir  appelé  l'ituri  ratel,  un  chat-tigre,  une  espèce  de  singe  peu 
connu  et  un  «  rhynohocyon  sthulmanni  »,  que  nous  signalons  respectueuse- 
ment sous  son  nom  scientifique,  ne  connaissant  pas  l'autre. 

Nombre  de  dépouilles  de  bêtes  abattues  par  le  major  Powell  sont  destinées 
au  musée  de  Tervueren,  que  le  major  et  sa  femme  ont  visité  et  qu'ils  ont  beau- 
coup admiré. 


LE    COMMERCE    DU    MAROC 


LA  COLONIE  FRANÇAISE 


Depuis  que  le  Maroc  est  entré,  envers  et  contre  tous,  dans  la  zone  d'attrac- 
tion civilisatrice  européenne  où,  grâce  à  son  voisinage  méditerranéen  et 
algérien,  la  France  joue  le  premier  rôle,  il  se  produit  vers  ce  pays  un  mouve- 
ment d'immigration  intéressant ,  très  lent  il  est  vrai ,  mais  constant  et 
progressif. 

Les  Français  sont  un  peu  plus  d'un  millier  à  Tanger  et  400  ou  500  dans  le 
Nord  et  sur  la  côte  Ouest  :  au  total,  ou  en  compte  environ  1.500  dans  le 
Maroc  occidental,  soit  la  population  d'un  chef-lieu  de  canton,  mais  population 
vivante,  active  et  qui  forme  le  premier  noyau  de  la  colonie  française  au 
Maroc.  En  quatre  ans,  cette  colonie  a  pour  ainsi  dire  quadruplé  ;  elle  est  en 
majeure  partie  d'origine  algérienne,  tout  au  moins  la  plupart  de  ses  membres 

24 


—  366  — 

ont-ils  fait  un  apprentissage  algérien  avant  de  s'embarquer  pour  Tanger. 
Cette  première  étape  par  l'Algérie  est  près  [ue  indispensable  pour  ceux  qui 
viennent  exercer  une  profession,  un  métier,  un  commerce  au  Maroc.  Le 
contact  des  races  latine,  juive  et  musulmane  exige  une  accoutumance  néces- 
saire que  le  Français  acquiert  presque  sans  s'en  douter  en  Algérie.  Transplanté 
au  Maroc,  il  se  retrouve  dans  un  milieu  identique  où  seules  des  différences  de 
détail  le  surprennent  au  début. 


La  colonie  française  yeut  se  répartir  en  sept  classes  :  les  fonctionnaires,  les 
personnes  qui  exercent  une  profession  libérale,  les  commerçants  en  gros,  les 
employés,  les  petits  commerçants,  les  ouvriers  et  les  éleveurs-agriculteurs. 

Les  fonctionnaires  sont  très  peu  nombreux,  et  on  peut  même  dire  insuffi- 
sants, remarque  qui  paraîtra  anormale  à  ceux  qui  savent  au  contraire  combien 
large  est  généralement  l'administration  française  dans  la  répartition  des 
emplois.  Les  consulats  et  surtout  la  légation  de  France,  sont  surchargés  de 
travail  et  ne  peuvent  satisfaire,  malgré  leur  bonne  volonté,  aux  besoins  d'un 
public  toujours  impatient,  désireux  d'être  vite  servi  et  d'abréger  dans  la 
mesure  du  possible  les  formalités  administratives  qu'il  est  nécessaire  de  rem- 
plir en  différentes  circonstances.  En  dehors  de  la  carrière  consulaire,  de  la 
poste,  du  service  de  l'emprunt  marocain  et  de  la  Banque  d'Etat,  il  n'existe 
pas  d'emplois  publics  pour  les  Français.  Ceux  donc  qui  aspirent  à  s'établir  au 
Maroc  devront  se  garder  de  s'illusionner  sur  les  chances  qu'ils  auraient  d'y 
trouver  une  place  de  fonctionnaire. 

Les  médecins  sont  suffisants.  Seules,  deux  ou  trois  localitt's  manquent  de 
médecins  français.  Les  autres  professions  libérales  sont  représentées  par  deux 
avocats  et  un  certain  nombre  de  chargés  de  missions  temporaires  ou  perma- 
nentes, en  vue  d'inventorier  le  Maroc  dans  tous  ses  détails. 

Les  Banques,  quelques  Compagnies  industrielles,  des  négociants  importa- 
teurs et  exportateurs ,  des  propriétaires  immobiliers  représentent  le  gros 
commerce,  constituent  l'agglomérat  d'intérêts  importants  nécessaire  à  la  soli- 
dité d'une  colonie  et  autour  duquel  gravitent  des  intérêts  plus  modestes. 


Les  Banques  et  les  grosses  maisons  de  commerce  font  vivre  un  certain 
nombre  d'employés  qui,  avec  les  commerçants  de  détail  et  les  ouvriers,  cons- 
tituent la  «  petite  bourgeoisie  »  de  la  colonie,  l'opinion  moyenne,  le  véritable 
bloc  français  au  Maroc,  destiné  à  s'accroître  et  à  prospérer  dans  l'avenir.  Ce 
sont  ces  modestes  qui,  groupés,  représentent  l'énergie  française  au  service  de 
la  conquête  pacifique  du  Maroc   et  qui,  l'année  dernière,  étaient  tristement 


—  :î«)7  — 

surpris,  lorsque  les  polémiques  de  certaine  presse  parisienne  leur  apprenaient 
«  que  les  seuls  intérêts  français  au  Maroc  étaient  ceux  de  la  grosse  finance  et 
des  capitalistes  ». 

Les  ouvriers  français  sont  en  général  des  ouvriers  d'art  (maîtres  maçons, 
ébénistes,  mécaniciens,  ajusteurs),  car  la  concurrence  marocaine  et  espagnole 
ne  permet  pas  aux  «  manœuvres  »  ni  aux  journaliers  ordinaires  de  trouver  à 
s'employer  utilement  dans  le  pays. 

Les  éleveui's-agriculteurs  sont  encore  fort  peu  nombreux  ;  ils  opèrent  dans 
la  région  du  Maroc  où  il  y  a  le  plus  de  sécurité,  c'est-à-dire  le  Rarb,  entre 
Fez  et  Tanger.  On  en  compte  également  quelques-uns  à  Rabat,  à  Casablanca, 
à  Saffi.  Il  est  à  remarquer  que  ces  véritables  «  colons  »  sont  presque  tous 
des  Français.  Ils  montrent  la  voie  à  leurs  compatriotes  dans  une  sphère 
d'activité  qui  est  appelée  à  un  grand  avenir,  car  elle  constitue  la  véritable 
richesse  du  Maroc. 


Les  Français  qui  arrivent  au  Maroc  se  répartissent  dans  les  différentes  loca- 
lités habitables  pour  des  Européens  ;  certains  centres,  comme  ïétouan,  sont 
cependant  négligés  par  eux  ;  on  ne  s'explique  guère  pourquoi.  Les  ports  espa- 
gnols de  la  côte  rifaine  ne  les  attirent  pas  non  plus.  ACeuta,  il  passe  de  temps 
à  autre  des  commerçants  français,  mais  il  n'en  est  point  qui  résident  dans 
cette  ville.  Il  est  vrai  qu'ils  seraient  sujets  à  de  nombreuses  tracasseries.  Les 
Français  n'ont  pas  le  droit,  par  exemple,  de  pénétrer  sur  la  presqu'île  inter- 
médiaire et  le  territoire  marocain. 

A  Melilla.  où  l'autorité  militaire  est  plus  tolérante  et  où  le  voisinage  de 
l'Algérie  inlliie  peut-être  sur  des  relations  plus  cordiales,  on  compte  une 
quinzaine  de  commerçants  français-algériens  établis  sur  place  et  correspon- 
dant avec  Orari  ou  Marseille. 

Quant  aux  Français  et  aux  Européens  fixés  dans  les  localités  algériennes 
qui  avoisinent  la  région  frontière,  fût-ce  à  Oudjda,  ils  comptent  évidemment 
comme  résidents  algériens.  En  dehors  des  troupes  d'occupation,  tous  sont 
commerçants  de  gros  et  de  détail  ou  colons.  On  compte  600  Français  à  Mar- 
nia,  ime  cinquantaine  à  Adjeroud-Port  Say,  une  centaine  à  El-Aricha  et 
Berguent,  300  dans  la  région  de  Méchéria,  400  dans  celle  d'Aïn-Sefra,  300  à 
Beni-Ounif,  une  centaine  à  Colomb-Béchard. 

Si  on  tient  également  compte  du  mouvement  de  voyageurs  et  de  commer- 
çants qui  s'est  produit  ces  derniers  temps  dans  la  région  de  Tlemcen,  Marnia 
et  Oudjda,  c'est  donc,  en  dehors  des  effectifs  militaires,  une  population  d'en- 
viron 2.000  Français  qui  s'échelonne  sur  la  lisière  des  territoires  marocains 
et  qui  profiteront  de  plus  en  plus  des  échanges  commerciaux  algéro-maro- 
cains.    Ces  2.000  Français,    qui   sont  en  fait  des  résidents  algériens  et  qui 


—  368  - 

collaborent  à  l'expansion  économique  de  l'Alg-érie  vers  le  Maroc,  viennent 
s'ajouter  à  leurs  1.500  compatriotes  qui,  «  de  l'autre  côté  »,  à  400  et  500 
kilomètres  de  distance,  sur  la  périphérie  occidentale,  participent  avec  eux  au 
développement  de  l'influence  et  des  intérêts  français  dans  ce  pajs  d'Islam  qui 
s'entr' ouvre. 

Ch.  René-Leglerg, 
Délégué  général  du  Comité  du  Maroc  a  Tanger. 


VOYAGE  DE  M.  EUGÈNE  GALLOIS 

DANS   L'AMÉRIQUE   DU   SUD  <" 


Nouvelle  lettre  de  l'aimable  voyageur,   (|ui  nous  fait  espérer  une  conférence 
pour  la  prochaine  saison. 


Buenos  Aires,   16  Mai  1907. 

.  Comme  dans  mes  précédents  vo^yag-es . . . ,  vous  le  vojez,  je  vous  adresse 
donc  quelques  notes  qui  pourront  peut-être  intéresser  nos  collègues  lecteurs 
du  Bulletin. 

Dans  ma  dernière  lettre  je  vous  parlais,  s'il  m'en  souvient,  du  Pérou  et  du 
Chili,  plus  particulièrement,  aujourd'hui  c'est  de  la  République  Argentine,  de 
Buenos  Aires  spécialement,  et  quelque  peu  de  rUruguay  ou  mieux  de  Monte- 
video que  je  désire  vous  entretenir,  non  pas  que  j'aie  la  prétention  d'avoir 
découvert  ces  pays,  pas  plus  au  reste  que  les  précédents,  mais  ce  sont  encore 
quelques  renseignements  généraux ,  puisés  aux  meilleures  sources  et  des 
impressions  personnelles  que  je  veux  communiquer.  En  effet,  j'ai  été  bien 
accueilli  partout,  jusque  par  des  personnages  officiels,  grâce  aux  lettres  de 
recommandation  des  Sociétés  de  Géographie  de  Paris  et  de  la  Commerciale. 

Mais  je  ne  saurais  passer  sous  silence  ce  voyage  pittoresque,  par  terre,  du 


(1)  Voir  liulk'tin  de  Mai  liK)7,  p.  ;^18. 


—  360  — 

Chili  à  l'Argentine,  la  traversée,  classique  il  est  vrai,  de  la  Cordillère  des 
Andes,  bien  que  mon  collègue  Walle  vous  en  ait  peut-être  parlé.  Ce  passage 
se  fait  d'ordinaire  facilement  aujourd'hui  et  je  l'ai  accompli,  je  dois  ajouter, 
dans  les  meilleures  conditions,  favorisé  par  un  temps  superbe  ;  il  n'en  est  pas 
de  même  à  toutes  les  époques,  même  à  celles  réputées  bonnes,  car  les  tempêtes 
de  neige  sévissent  parfois  avec  violence.  Au  surplus  les  accidents  survenus 
sont  là  pour  le  prouver  et  des  malheureux  ont  péri  en  diverses  circonstances, 
surpris  par  la  bourrasque,  n'ayant  pu  gagner  un  des  abris,  bien  modestes  il 
faut  le  constater,  qui  ont  cependant  été  érigés  en  divers  endroits. 

Par  un  petit  chemin  de  fer,  faisant  suite  à  la  ligne  aboutissant  à  Los  Andes, 
et  muni  sur  partie  de  son  parcours  d'une  crémaillère,  on  monte  de  la  côte 
800  mètres  à  celle  de  2.200  m.  à  Juncal.  Puis  là  on  trouve  voitures  et  che- 
vaux ou  mulets,  et  la  caravane,,  plus  ou  moins  importante,  se  met  en  route 
suivant  ou  coupant  les  interminables  lacets  d'une  route  relativement  assez 
bonne.  Près  d'un  endroit  dit  le  Portillo,  on  approche  un  lac  (de  l'Inca)  serti 
entre  des  blancs  sommets  dentelés.  On  a  dépassé  3.200  m.  et  enfin  on  atteint 
le  col  (la  Cumbre)  à  près  de  4.000  mètres.  Il  n'est  pas  rare  que  des  voyageurs 
soient  incommodés  par  le  mal  des  montagnes  (mal  de  tête,  mal  de  cœur,  etc.)... 
Sur  l'étroite  plateforme  du  col  se  dresse  un  Christ  géant  (une  trentaine  de 
mètres  avec  le  socle)  s'appuyant  sur  sa  croix  et  semblant  répéter  aux  deux 
pays-limitrophes  l'admirable  formule  <,<  pax  hominibus  bonse  voluntatis  ».  De 
ce  belvédère  superbe  la  vue  plonge  d'un  côté  dans  les  sombres  profondeurs  de 
l'abîme  d'où  il  semble  que  l'on  soit  sorti,  tandis  que  le  regard  embrasse  la 
partie  haute  de  la  triste  vallée  de  Las  Cuevas,  sorte  d'antichambre  de  l'Argen- 
tine. Enfin  au  Nord  se  dresse  majestueuse  la  blanche  et  colossale  pyramide  du 
géant  de  la  Cordillère  sud-américaine  l'Aconcagua  avec  ses  7.000  mètres. . . 
La  descente,  à  la  vérité,  est  tellement  rapide  qu'elle  est  quelque  peu  vertigi- 
neuse et  l'on  ne  peut  s'empêcher  d'avoir  un  léger  frisson  d'angoisse  en  son- 
geant aux  conséquences  d'un  tournant  mal  pris,  d'un  cheval  venant  à  tomber, 
d'un  geste  maladroit  du  cocher  ;  le  précipice  est  là  et  rien  ne  saurait  vous 
arrêter  dans  une  chute  fatale  de  quelques  centaines  de  mètres.  A  Las  Cuevas 
on  reprend,  après  avoir  payé  cher  un  déjeuner  mauvais,  une  autre  petite  ligne 
ferrée  qui  conduit  à  Mendoza  où  vous  attend  le  train  pour  Buenos  Aires,  en 
traversant  pendant  plus  de  vingt  heures  la  monotone  pampa.  Il  est  bon 
d'ajouter  que  l'on  pousse  activement  les  travaux  du  tronçon  destiné  à  souder 
les  deux  bouts,  mais  il  présente  des  difficultés,  nécessite  des  travaux  d'art 
coûteux,  ce  qui  laisse  entrevoir  encore  une  durée  de  quelques  années  avant 
son  achèvement  complet. 

Bref,  nous  voici  donc  à  Buenos  Aires,  car  on  ne  saurait  insister  sur  cette 
plaine  argentine  si  intéressante  à  certains  points  de  vue,  mais  si  désespérément 
monotone  pour  un  touriste. . . . 

Naturellement  ce  n'est  pas  ici  qu'il  convient  de  rappeler  quelques  notions 


—  370  — 

géographiques,  même  sommaires,  sur  la  République  Argentine,  ce  pays  jeune 
et  vaste,  plein  de  promesses  et  d'espérances.  On  ne  doit  pas  oublier  que  grand 
comme  six  fois  la  France,  il  ne  compte  guère  plus  de  cinq  millions  d'habi- 
tants, ce  qui  est  une  belle  progression,  si  l'on  remarque  qu'il  n'en  avait  qu'un 
million  il  y  a  environ  un  demi-siècle  et  deux  il  y  a  une  trentaine  d'années.  Bit 
cependant  il  pourrait,  on  le  conçoit  sans  peine,  en  nourrir  un  chiffre  respec- 
table de  millions.  —  Enfin,  il  a  l'avenir  pour  lui,  c'est  le  cas  d'ajouter. 
L'élément  blanc  domine  et  a  été  fourni  surtout  par  l'émigration  qui  se  pour- 
suit toujours  en  de  respectables  proportions,  dans  lesquelles  on  voit  figurer  la 
France  avec  dix  à  quinze  mille  sujets  annuellement. 

Cette  colonie  de  Français  se  chifYre  par  une  centaine  de  mille,  dont  trente- 
cinq  à  quarante  mille  pour  Buenos  Aires  seule.  Il  faut  observer  que  l'élément 
espagnol  et  l'italien  nous  dépassent  encore,  mais  nous  venons  en  bon  troisième 
rang;  jusqu'à  nouvel  ordre  du  moins.  Puis  viennent  Allemands,  Russes,  etc., 
et  il  faut  signaler  l'élément  syrien,  dont  le  chiffre  atteindrait  trente  mille. 
Depuis  longtemps  l'État  ne  donne  plus  de  concessions,  mais  de  temps  à  autre 
il  fait  des  lotissements  et  des  ventes  publiques.  Les  prix  du  sol  sont  naturel- 
lement très  variables, ...  il  n'est  pas  besoin  d'insister  ;  mais  dans  la  province 
de  Buenos  Aires,  en  particulier,  les  bonnes  terres  se  payent  maintenant  cher, 
et  l'époque  n'est  plus  où  l'on  pouvait  acquérir  à  vil  prix  d'immenses  domaines. 
Le  morcellement  particulier  se  poursuit  en  présence  des  plus  values,  mais 
néanmoins  il  subsiste  encore  surtout  dans  le  Sud  de  vastes  propriétés,  dont  la 
plupart  sont  aux  mains  de  Sociétés  qui  servent  à  leurs  actionnaires  des  divi- 
dendes fort  rémunérateurs.  La  dissémination  de  la  propriété  est  déjà  presque 
dans  les  proportions  de  celle  des  États-Unis,  soit  environ  cinquante  hectares 
en  moyenne,  alors  qu'elle  est  de  huit  hectares  en  France.  Rien  que  dans  ces 
dernières  années,  les  ventes  du  Domaine  se  sont  élevées  à  environ  un  milliard 
et  demi  de  francs  pour  cinquante  millions  d'hectares.  C'est  environ  le  triple 
qui  est  utilisé  aujourd'hui,  dans  la  proportion  d'un  tiers  pour  la  culture  et 
deux  tiers  pour  l'élevage.  Le  nombre  des  moutons  dépasse  du  reste  cent  mil- 
lions ;  celui  des  bêtes  à  cornes  atteint  presque  le  tiers,  sans  parler  des  millions 
de  chevaux,  mulets,  etc.  .  .  Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner  de  la  création  de  ces 
grandes  usines  frigorifiques  où  l'on  congèle  la  viande,  usines  que  nous  avons 
visitées  avec  grand  intérêt  et  que  nous  voudrions  voir  approvisionner  nos 
marchés,  permettant  l'usage  de  la  viande  à  quantité  de  ménages  de  petites 
bourses. . .  . 

Quant  à  Buenos  Aires,  dont  nous  ne  saurions  entreprendre  ici  une  descrip- 
tion détaillée  et  peut-être  oiseuse,  que  l'on  se  figure  une  immense  ville  au 
périmètre  supérieur  à  celui  de  Paris,  quoi  que  n'étant  peuplée  que  d'un  bon 
million  d'habitants.  Établie  sur  un  sol  relativement  plat  elle  est  divisée  en 
damier,  les  rues  se  coupant  à  angle  droit,  ce  qui  donne  des  longueurs  déme- 
surées aux  voies  avec  un  numérotage  invraisemblable.  Heureusement  que  des 


—  371  — 

tramways  la  sillonnent  en  tous  sens,  sans  parler  des  voitures  et  des  automo- 
biles. Jusqu'ici  cette  ville  aux  constructions  basses  pour  la  plupart,  n'a  pas 
encore  enfanté  ces  caravansérails,  sortes  de  Tour  de  Babel  qui  semblent  vou- 
loir toucber  le  ciel.  Que  Dieu  l'en  préserve  et  qu'elle  laisse  cela  aux  Yankee  ! 
Ce  qui  la  pare,  par  contre,  ce  sont  ces  taclies  plus  ou  moins  importantes  de 
verdure,  parcs  ou  squares,  généralement  bien  plantés  et  entretenus  ;  certains 
sont  vastes,  d'autres  pittoresques  et  ont  des  charmes  qu'on  ne  saurait  nier, 
surtout  avec  leur  variété  de  plantations,  principalement  d'essences  exotiques. 
Il  est  même  un  parc,  Palermo,  vaste  de  centaines  d'hectares,  dont  la  munici- 
palité est  justement  fière.  Au  surplus  le  grand  metteur  en  scène,  M.  Bouvard, 
successeur  de  M.  Alphand ,  l'embellisseur  de  Paris,  a  été  appelé  ici  en 
consultation . . . 

Pour  ce  qui  est  des  monuments  à  proprement  parler,  aucun  ne  saurait 
prétendre,  dans  le  religieux  comme  dans  le  profane,  vouloir  rivaliser  avec  nos 
édifices.  Le  palais  du  Parlement  est  d'assez  grandes  proportions,  ainsi  que  le 
Palais  de  Justice  et  l'Opéra,  mais  ils  ne  sont  pas  encore  terminés  et  on  ne 
saurait  porter  de  jugement  exact. 

Buenos  Aires  est  maintenant  un  port  et  un  grand  port,  puisque  son  tonnage 
actuel  dépasse  dix  millions,  et  cependant  ses  avant-ports  et  bassins  ne  suffisent 
plus  au  mouvement  ;  un  agrandissement  s'impose. 

Oh  connaît  de  réputation  le  beau  climat  relativement  tempéré  de  l'Argen- 
tine moyenne  et  c'est  là  -un  important  coefficient  de  développement  pour 
le  pays. 

Enfin,  pour  terminer,  nous  dirons  que  nous  avons  trouvé  Montevideo  bien 
en  relard  sur  sa  voisine.  La  ville  ne  comportant  guère  qu'un  tiers  d'habitants 
aurait  pu,  profitant  de  sa  situation  à  l'estuaire  du  Rio  de  la  Plata,  devenir  un 
grand  port,  grâce  à  sa  rade,  mais  ce  n'est  que  dan«  ces  dernières  années  que 
l'on  a  songé  à  vouloir  la  doter  d'un  vrai  port.  On  y  travaille  activement,  du 
reste,  et  ce  sera  là  une  nouvelle  œuvre  française,  comme  ce  port  de, Rosario 
qui  dépasse  les  espérances  qu'on  avait  cru  devoir  fonder  sur  sa  valeur.  L'LIru- 
guay  est  pourtant  un  petit  Etat  qui  devrait  être  prospère.  Le  terrain  ne  lui 
manque  pas  et  il  est  relativement  assez  peuplj  avec  son  million  d'haljitants, 
dans  lequel  ligure  une  dizaine  de  milliers  de  Français,  pour  la  majeure  partie 
installés  à  ^Montevideo  même. 

E.  Gallois. 


—  372 


VOYAGE  DU  CAPITAIiNE  AMUNDSEN 

VERS  LE  POLE  MAGNÉTIQUE  BORÉAL 
ET  LE  PASSAGE  DU  NORD-OUEST 


Nous  avons  vu  dans  le  Bulletin  de  Mars  dernier  que  le  Capitaine  Roald 
Amundsen  était  rentré  de  sa  longue  expédition  dans  les  régions  arctiques, 
ayant  heureusement  rempli  le  double  Lut  qu'il  s'était  proposé.  Depuis , 
M.  Amundsen  a  fait  le  récit  détaillé  de  von  voyage  devant  la  Sociv^^té  Royale 
de  Géographie  de  Londres.  Nous  en  extrayons  pour  nos  lecteurs  les  princi- 
paux passages. 

Le  Capitaine  R.  Amundsen,  après  avoir  fait  choix  du  «  Gjoea  »,  navire  de 
pêche  construit  en  1872  dans  le  Hardanger,  lui  fit  subir  quelques  transfor- 
mations nécessaires.  L'équipage  fut  réduit  au  strict  minimum,  en  raison  du 
peu  de  place  disponible  à  bord.  De  plus,  en  cas  d'accident,  il  eut  été  plus 
facile  de  pourvoir  à  la  subsistance  d'un  petit  groupe  que  d'un  grand. 

Outre  son  chef,  l'expédition  comprenait  six  hommes,  à  savoir  : 

Le  Lieutenant  de  vaisseau  de  la  marine  danoise,  Godfred  Hansen,  comman- 
dant en  second,  chargé  en  outre  des  observations  astronomiques  et  géolo- 
giques. Il  était  aussi  chirurgien,  photographe,  électricien  et  expert  dans  le 
maniement  des  explosifs  ; 

Anton  Lund,  premier  officier,  très  versé  dans  la  navigation  à  travers 
l'Océan  arctique  ; 

Helmer  Hansen,  avait  été  successivement  cultivateur,  pêcheur  et  enfin 
marin  dans  les  régions  polaires.   Il  remplit  les  fonctions  d'officier  en  second  ; 

Le  Sergent  Peder  Ristvedt,  premier  machiniste  et  aussi  forgeron,  horloger, 
ferblantier,  armurier,  etc.  ; 

G.  Juel  Wiik,  deuxième  mécanicien,  adjoint  aux  observations  magné- 
tiques.  Il  est  mort  là-bas  au  champ  d'honneur  ; 

Enfin  Adolf  Hénrik  Lindstrôm  avait  déjà  pris  part  à  l'expédition  du 
«  Fram  »  comme  cuisinier.  La  cuisine  polaire  n'avait  pas  de  secret  pour  lui, 
ce  qui  ne  l'empêchait  pas  d'être  aussi  zoologiste  et  botaniste,  quand  ses  four- 
neaux étaient  éteints. 

Le  départ  de  Christiania  eut  lieu  le  16  Juin  1903.  La  traversée  de  l'Océan 
atlantique  fut  heureuse,  bien  qu'on  eût  prédit  que  le  «  Gjoea  »   y  trouverait 


-  373  — 

son  tombeau.  Le  9  Juillet  les  premières  g'iaces  lurent  rencontrées  près  du  cap 
Farvel,  au  Sud  du  Groenland.  A  partir  de  ce  moment  et  le  long  de  la  côte 
occident  le  du  Groenland,  il  fallut  lutter  contre  un  vent  du  Nord  persistant, 
mais,  à  quelque  chose  malheur  est  bon,  ce  vent  contraire  chassait  les  glaces 
vers  le  Sud  et  préparait  ainsi  la  voie  à  l'expédition.  Le  24  Juillet,  l'île  Disco 
était  en  vue  et  le  lendemain  le  «  Gjoea  »  jetait  l'ancre  à  Godhavn,  où  le  Capi- 
taine Amundsen  et  ses  compagnons  reçurent  le  meilleur  accueil  et  trouvèrent 
tous  les  approvisionnements  qui  leur  étaient  destinés.  Après  avoir  fait  diverses 
observations  magnétiques  et  astronomiques  ils  en  repartaient  le  3  L  Le  8  Août 
ils  se  trouvaient  devant  l'île  Holm,  à  l'entrée  de  la  redoutable  baie  de  ^lel- 
ville.  La  glace  n'était  pas  trop  résistante,  mais  un  brouillard  épais  les  gêna 
beaucoup  jusqu'au  13  où  il  se  dissipa.  Le  15  Août  i  encontre  de  l'expédition 
danoise  du  Groenland  près  du  rocher  de  Dalrymphe,  où  les  capitaines  des 
baleiniers  écossais,  Milne  et  Adams  avaient  laissé  un  important  dépôt  pour 
l'expédition.  La  traversée  de  la  baie  de  Baffin  se  fit  heureusement  par  un 
temps  calme,  car  le  navire  était  très  surchargé.  Le  pont  était  encombré  de 
lourds  et  nombreux  colis  et  il  y  avait  18  chiens  à  bord,  dont  12  embarqués  à 
Godhavn.  Le  20  Août,  le  «  Gjoea  »  entrait  dans  le  détroit  de  Lancastre,  dont 
la  rive  septentrionale  est  extrêmement  désolée.  Le  22  Août  arrêt  à  l'île 
Beechey,  également  morne  et  désolée.  Les  ruines  d'une  station  et  les  cinq 
tombes  de  Franklin  et  de  ses  compagnons  n'ajoutent  pas  non  plus  à  la  gaieté 
du  paysage.  Les  observations  magnétiques  qui  y  furent  faites  prouvèrent  que 
le  pôle  magnétique  se  trouvait  plus  au  Sud.  La  route  fut  reprise  le  24  par  le 
détroit  de  Peel,  c'est-à-dire  vers  le  Sud.  La  glace  était  toujours  praticable, 
mais  le  brouillard  était  intense.  A  l'île  Prescot,  premier  incident  :  la  bous- 
sole qui  depuis  quelque  temps  était  un  peu  paresseuse,  refusa  totalement 
d'obéir.  Un  bâton  eut  valu  tout  autant  et  cette  navigation  d'un  nouveau  genre 
au  milieu  des  brouillards  était  vraiment  étrange.  Voici  ce  qu'on  entendait  dire 
couramment  à  chaque  relève  du  quart  :  «  De  quel  côté  vous  dirigez-vous  ?  » 
«  Vers  le  Sud,  répondait-on,  mais  il  se  pourrait  bien  que  ce  soit  vers  le  Nord 
que  nous  allions  effectivement  »,  et  en  passant  la  barre  au  nouvel  arrivant  le 
timonier  disait  :  «  Continuez  ainsi  ».  Et  l'on  continuait  ainsi  sans  y  voir  et 
sans  savoir  si  l'on  était  sur  la  vraie  route. 

Le  28  Août,  l'expédition  se  trouvait  à  l'endroit  où  la  «  Pandora  »  fut 
arrêtée  par  les  glaces  et  un  peu  plus  tard,  le  même  jour,  à  l'entrée  occidentale 
du  détroit  de  Bellot  que  Mac  Klintock  avait  essayé  en  vain  de  franchir.  Puis 
commença  la  navigation  le  long  de  la  côte  Ouest  de  Boothia  Félix.  Le 
31  Août,  le  navire  toucha  le  fond  pour  la  première  fois,  mais  il  put  être  heu- 
reusement dégagé.  Après  cette  alerte,  l'expédition  ancra  près  d'une  île  basse, 
ne  voulant  plus  désormais  naviguer  pendant  la  nuit.  Celle-ci  n'était  point 
écoulée  que  le  feu  prit  à  bord,  circonstance  grave  dans  un  navire  contenant 
vingt  mille  litres  de  pétrole.  Après  bien  des  efforts,  l'incendie  fut  définitive- 


—  374  — 

ment  vaincu.  Le  lendemain  nouvel  échouag'e.  Cette  fois  tous  les  efforts  furent 
vains.  Une  tempête  survint  par  bonheur  et  le  «  Gjoea  »  put  sortir,  toutes 
voiles  dehors,  de  sa  mauvaise  position  sans  autre  avarie  que  la  perte  de  sa 
fausse  quille.  La  tempête,  un  instant  calmée,  reprit  bientôt  de  plus  belle  et 
dura  jusqu'au  9  Septembre,  où  l'expédition  aborda  au  fond  de  la  baie  Peterson 
sur  la  terre  du  Roi  Guillaume.  Le  mouillage  qui  allait  être  sa  résidence  pen- 
dant deux  ans  fut  baptisé  «  Port  Gjoea  ».  Par  une  chance  inouïe  cet  empla- 
cement, situé  à  cent  milles  environ  du  pôle  magnétique,  se  trouvait  être 
excessivement  favorable  aux  observations.  On  n'aurait  pu  guère  en  trouver  de 
meilleur.  Des  observatoires  furent  construits  sur  les  pentes  des  collines  avoi- 
sinantes  et  le  2  Novembre  le  travail  de  la  station  fixe  put  être  commencé. 
Nous  n'entrerons  point  dans  le  détail  des  méthodes  employées  pour  la  déter- 
mination du  pôle  magnétique.  Elles  sont  trop  savantes  pour  être  décrites  ici. 
Grâce  à  leurs  études  préparatoires  et  à  la  perfection  des  instruments  apportés, 
les  membres  de  l'expédition  reconnurent  que  ce  pôle  magnétique  n'était  pas 
un  point  fixe,  mais  au  contraire  un  point  en  mouvement  continu.  Comment 
s'opère  ce  mouvement  ?  C'est  ce  que  leurs  multiples  observations  permettront 
sans  doute  de  déterminer. 

Pendant  leur  séjour  de  dix-neuf  mois  au  «  Port  Gjoea  »,  ils  eurent  la  visite 
de  quelques  Esquimaux.  Il  en  vint  d'abord,  le  29  Octobre,  qui  se  donnaient 
le  nom  d'  «  Oglouli  >>  et  qui  considéraient  la  côte  de  l'Amérique  du  Nord,  du 
fleuve  Back  jusqu'à  la  presqu'île  Adélaïde,  comme  leur  terrain  de  chasse.  Ils 
se  familiarisèrent  rapidement  avec  les  membres  de  l'expédition,  mais  dispa- 
rurent tous  un  peu  avant  Noël,  à  l'exception  de  trois  qui  restèrent  à  Port  Gjoea 
pendant  la  période  la  plus  froide  de  l'hiver.  R.  Amundsen  et  ses  compagnons 
apprirent,  sous  leur  direction,  à  construire  des  huttes  de  neige  qui  fournissent 
des  abris  beaucoup  plus  chauds  que  les  tentes,  lorsque  la  température  tombe  à 
30"  au-dessous  de  zéro. 

Le  29  Février  1904,  en  vue  de  préparer  une  expédition  vers  le  pôle  magné- 
tique, R.  Amundsen  partit  en  traîneau  avec  un  compagnon  pour  aller  déposer 
des  vivres  dans  l'Est,  mais  il  n'avançait  guère.  Le  soir  la  température  s'abaissa 
à  57  degrés  au-dessous  de  zéro  et  il  passa  la  nifit  dans  une  hutte  de  neige 
construite  en  une  heure  de  temps.  Le  lendemain,  voyant  qu'il  faisait  encore 
moins  de  chemin  que  la  veille,  il  retourna  à  Port  Gjoea.  Le  16  Mars  suivant, 
en  voulant  reporter  son  dépôt  plus  loin,  il  rencontra  des  Esquimaux  «  Netch- 
jilli  »  campés  dans  le  détroit  de  Rae.  Ceux-ci  ne  différaient  en  rien  des  Oglouli 
et  l'aidèrent  même  dans  la  construction  d'une  hutte  de  neige.  A  deux  jours 
de  marche  de  là,  Amundsen  rencontra  des  Esquimaux  «  Itchjouachtorvik  », 
qui  ne  lui  inspirèrent  aucune  confiance  et  lui  volèrent  qiielques  outils  pendant 
la  nuit. 

Le  6  Avril,  départ  pour  une  nouvelle  expédition  dans  l'Est.  Le  temps  était 
beau,  mais  il  y  avait  encore  30  degrés  de  froid.  Amundsen   et  son   compa- 


gnon,  htibitués  depuis  deux  mois  à  des  températures  excessivement  basses, 
transpirèrent  ce  jour-là  comme  sous  les  tropiques.  Ils  approchèrent  du  pôle 
mag'nétique  suffisamment  pour  leurs  observations,  mais  durent  rentrer  plus 
tôt  faute  de  vivres.  Des  Esquimaux  «  Itchjouachtorvik  »  avaient  fait  main 
basse  sur  leur  dépôt  de  provisions  laissé  en  arrière.  En  été  1904,  le  Lieute- 
nant Hansen  partit  à  son  tour  pour  aller  établir  un  dépôt  de  vivres,  près  du 
cap  Crozier,  à  cent  milles  de  la  station,  en  vue  d'une  expédition  qu'il  projetait 
au  printemps  suivant  le  long  de  la  côte  de  la  terre  Victoria. 

L'hiver  de  1904  fut  précoce  et  le  renne  devint  rare.  Des  Esquimaux  leur 
apportèrent  toutefois  à  la  station  de  la  viande  de  renne  en  quantité  suffisante 
qu'ils  troquaient  contre  du  bois  et  du  fer.  Une  famille  d'Esquimaux,  de  la 
tribu  Kinepatou,  venant  de  la  baie  d'Hudson  et  survenue  le  20  Novembre, 
informa  Amundsen  de  la  présence  de  deux  navires  dans  cette  dernière  baie. 
C'étaient  1'  «  Arctic  »,  du  gouvernement  canadien,  l'ancien  «  Gauss  »  de  l'ex- 
pédition antarctique  allemande,  et  le  b'alein'ier  américain  «  Era  ».  Le  chef 
de  cette  famille  parlait  assez  bien  l'anglais  et  se  chargea  d'aller  porter  un 
courrier  à  ces  navires  et  d'en  apporter  la  réponse.  Le  20  Mai  1905  il  était  de 
retour,  ayant  accompli  sa  mission. 

Enfin  le  Lieutenant  Hansen  et  le  Sergent  Ristvedt  partirent  le  2  Avril  1905 
pour  faire  le  lever  de  la  côte  orientale  de  la  terre  Victoria.  Le  dépôt  établi 
l'année  précédente  avait  été  détruit  par  les  ours,  mais  ils  purent  abattre  en 
cours  de  route  des  rennes,  des  phoques  et  des  ours,  ce  qui  leur  permit  de  pro- 
longer la  durée  de  leur  expédition  pendant  84  jours.  Cette  expédition  fut  très 
fructueuse  j  elle  rapporta  la  carte  de  la  côte  Est  de  Victoria  jusqu'au  72™" 
degré  de  Lat.  N. 

Au  mois  de  Juin  1905,  les  observatoires  furent  démontés  en  vue  d'un  appa- 
reillage prochain.  Le  départ  eut  lieu  le  13  Août,  dès  que  les  glaces  le  per- 
mirent. Le  Capitaine  Amundsen  voulut  effectuer  entièrement  le  passage  du 
Nord-Ouest.  Après  avoir  passé  une  région  de  hauts  fonds,  il  arriva  le  21  Août 
au  détroit  de  Dolphin  et  de  l'Union.  Là,  l'expédition  commença  à  respirer. 
Le  26  Août  elle  rencontrait  un  baleinier  américain,  le  «  Bonanza  ».  On 
devine  la  joie  qu'ils  ressentirent  à  retrouver  de  leurs  semblables.  Le  3  Sep- 
tembre nouvel  arrêt,  la  glace  forçait  l'expédition  à  un  troisième  hivernage 
près  de  King's  point,  mais  le  plus  fort  pour  eux  était  passé.  Ils  avaient-là  à 
leur  disposition  du  bois  de  dérive  à  volonté,  du  poisson  autant  qu'ils  en  dési- 
raient et  des  lièvres  par  milliers.  De  plus,  ils  n'étaient  plus  seuls,  le  baleinier 
hivernait  avec  eux.  Ils  se  construisirent  une  barraque  en  bois  et  les  observa- 
tions furent  reprises. 

Du  20  Octobre  au  12  Mars  1906,  le  Capitaine  Amundsen  fut  absent.  Il  avait 
fait  route  vers  le  Sud  pour  porter  le  courrier  du  «  Gj'oea  ».  Quand  il  revint 
tout  allait  bien,  mais  peu  après  Wiik  tombait  malade  le  26  Mars  pour  mourir 
le  31  à  la  grande  douleur  de  tous  ses  compagnons.  Le  11  Juillet  eut  lieu 


376 


cette  fois  le  départ  définitif  et  le  retour  fut  effectué  sans  incidents,  sauf  un 
léger  arrêt  près  de  l'île  d'Herschel,  occasionné  encore  par  les  glaces.  Le 
30  Août  le  détroit  de  Behring  était  franchi  et  la  première  traversée  du  fameux 
passage  du  Nord-Ouest  était  un  fait  accompli. 

Le  Capitaine  Amundsen  qui  eut  l'honneur  de  l'effectuer  le  premier  s'est 
vraiment  caractérisé  dans  la  préparation  de  cette  expédition.  Il  apprit  d'abord 
à  faire  des  observations  magnétiques  avant  d'acheter  ses  instruments,  et  en 
dernier  lieu  il  s'occupait  de  l'achat  du  «  Gjoea  »,  faisant  en  somme  tout  le 
contraire  des  autres  explorateurs,  qui  pensent  d'abord  à  se  procurer  un 
navire  sans  s'occuper  encore  du  reste.  R.  Amundsen  a  exécuté  son  plan 
aussi  bien  qu'il  l'avait  préparé.  Il  aurait  pu  tenter  le  passage  du  Nord-Ouest 
beaucoup  plus  tôt,  c'eut  été  en  somme  plus  apprécié  du  public,  mais  il  pré- 
féra s'astreindre  à  rester  deux  ans,  séparé  du  monde,  en  un  endroit  déshérité 
pour  se  donner  tout  à  la  science.  Le  passage  du  Nord-Ouest,  il  l'aurait  sacrifié 
plutôt  que  de  ne  pas  remplir  la  grande  tâche  qu'il  s'était  proposée.  La  fortune 
fit  bien  de  l'en  récompenser  en  lui  permettant  de  le  faire  par  surcroît. 
Jamais  expédition  ne  fut  faite  avec  de  si  failles  movens  et  aucune  n'a  pré- 
senté un  aussi  admirable  caractère,  suivant  l'observation  de  l'Amiral  anglais 
Hamilton. 


MUSÉUM  NATIONAL  D'HISTOIRE  NATURELLE 


STATUE   A   ÉLEVER   A   LAMARCK 


Le  Président  a  reçu  de  ]\I.  Charles  Barrois ,  Membre  de  l'Institut  et 
Professeur  à  l'Université  de  Lille,  et  de  M.  le  D""  L.  Joubin,  Professeur  au 
Muséum  d'Histoire  naturelle,  à  Paris,  dont  tous  les  membres  se  rappellent  la 
belle  conférence  de  la  saison  dernière,  l'avis  d'une  Souscription  ouverte  pour 
élever  une  Statue  à  Lamarck.  Comme  le  dit  M.  Barrois,  une  reproduction  de 
cette  œuvre  figurera  à  l'Université  de  Lille.  Les  membres  désireux  de  rendre 
à  cet  illustre  savant  le  témoignage  de  la  gratitude  de  la  génération  présente 
pour  l'initiateur  de  la  connaissance  des  transformations  survenues  sur  notre 
globe  au  cours  des  âges,  trouveront  une  liste  de  souscription  ouverte  au 
Secrétariat. 


—  377  — 

Les  Professeurs  du  Muséum  d'Histoire  naturelle  de  Paris,  désireux  de 
rendre  un  hommage  solennel  à  leur  illustre  prédécesseur,  le  naturaliste  philo- 
sophe Lamargk,  prennent  l'initiative  d'une  souscription  internationale  aiin  de 
lui  élever  une  statue  dans  le  Jardin  des  Plantes. 

Ils  vous  demandent  de  prendre  part  à  cette  manifestation  scientifique  qui  a 
pour  but  de  rendre  une  tardive  justice  à  l'immortel  auteur  de  la  Philosophie 
zoologique,  au  savant  qui,  en  Zoologie,  en  Botanique,  en  Géologie,  en 
Météorologie,  fut  un  précurseur  génial,  au  grand  penseur  dont  les  conceptions 
sont  la  base  des  idées  modernes  sur  l'évolution  du  Monde  organisé. 


D""   L.    JOUBIN. 


Les  Professeurs  du  Muséum  d'Histoire  naturelle . 


Ed.  Perrier,  Directeur;  L.  Vaillant,  Assesseur;  A.  Mangin,  Secrétaire; 
Arnaud;  H.  Becquerel;  Boule;  Bouvier;  Bureau,  Professeur  honoraire  ; 
Chauveau  ;  Costantin  ;  Gaudrj,  Professeur  honoraire;  Gréhant  ;  Hamy  ; 
Joubin  ;  Lacroix  ;  Lecomte  ;  Maquenne  ;  S.  Meunier  ;  Van  Tieghem  ; 
Trouessart. 


Les  villes  conservent  pieusement  le  souvenir  de  ceux  de  leurs  enfants  qui 
ont  contribué  à  les  rendre  plus  puissantes,  plus  grandes,  plus  honorées.  Elles 
transmettent  leur  nom  aux  jeunes  et  leur  montrent  leur  image  :  c'est  pour  eux, 
un  exemple  ,  pour  elles,  la  gloire. 

Une  occasion  s'offre  à  tous  ceux  qui  dans  les  départements  du  Nord  honorent 
le  culte  de  leurs  grands  hommes,  de  contribuer  à  rendre  plus  populaires  dans 
notre  région,  les  traits  d'un  savant  né  chez  nous,  peu  connu  chez  nous  cepen- 
dant, bien  que  célèbre  dans  le  monde  entier,  comme  naturaliste,  comme 
philosophe,  comme  précurseur,  et  comme  l'un  des  penseurs  les  plus  originaux 
et  les  plus  hardis  qu'ait  produit  notre  sol. 

Les  Professeurs  du  Muséum  national  d'Histoire  naturelle  de  Paris,  désireux 
de  rendre  un  hommage  solennel  à  leur  illustre  prédécesseur  Lamarck  ont  pris 
l'initiative  d'une  souscription,  afin  de  lui  élever  une  statue  dans  le  Jardin  des 
Plantes,  à  Paris,  où  il  a  élaboré  ses  immortels  travaux.  Nous  estimons  que 
cette  statue  a  sa  place  marquée  dans  l'Académie  de  Lille,  où  Lamarck  est  né. 
Il  en  constitue  la  gloire  la  plus  haute.  Nous  venons  vous  inviter  au  nom  de 
l'Université  de  Lille  à  prendre  part  à  cette  souscription. 

C'est  à  Bazentin ,  village  situé  entre  Albert  et  Bapaume ,  que  naquit 
Lamarck  en  1744,  et  ce  fut  chez  les  Jésuites  d'Amiens  qu'il  fit  ses  études.  A 
17  ans  il  s'engageait  aux  grenadiers  du  régiment  de  Beaujolais,  qui  se  bat- 
taient en  Allemagne  ;  après  la  guerre,  il  s'adonna  exclusivement  à  la  science 
qui  devait  l'illustrer  «  autrement  qu'une  compagnie  d'infanterie  ».    Dev^enu 


—  378  — 

Professeur  au  Jardin  des  Plantes,  il  écrivit  de  1778  à  1829  de  nombreux 
ouvrages  d'histoire  naturelle,  qui  ont  été  tour  à  tour,  et  à  juste  titre,  critiqués 
et  loués. 

Aujourd'hui  le  temps  les  a  jugés.  Faucheur  impitoyable,  dans  le  champ 
qu'avait  ensemencé  Lamarck  il  n'a  laissé  debout  que  quelques  plantes; 
mais  elles  sont  devenues  des  arbres,  que  chaque  Printemps  charge  de  fruits, 
nouveaux. 

De  ce  nombre,  sont  ses  théories  sur  la  variabilité  de  l'espèce  sous  l'in- 
fluence des  agents  extérieurs,  sur  l'unité  fondamentale  du  règne  animal,  sur 
la  descendance  des  êtres,  qui  chaque  année  produisent  une  récolte  nouvelle 
entre  les  mains  des  naturalistes  et  des  philosophes.  Ses  conceptions  servent 
non  seulement  de  base  aux  idées  modernes,  elles  ont  fourni  une  méthode  aux 
sciences  d'observation. 

Une  autre  théorie  féconde  de  Lamarck  fut  celle  de  l'incommensurabilité  du 
temps  en  géologie  :  il  avait  compris  dès  1802,  qu'il  n"_y  avait  point  de  révo- 
lutions en  géologie,  et  que  des  actions  lentes  mille  fois  séculaires  rendaient 
compte  beaucoup  mieux  que  des  perturbations  violentes  des  prodigieux  chan- 
gements dont  notre  planète  a  été  le  théâtre.  Cette  notion  est  devenue  le  fonde- 
ment de  la  géologie  et  de  la  géographie  actuelles. 

Par  l'originalité ,  la  grandeur  ,  la  fécondité  de  certaines  de  ses  idées 
Lamarck  s'est  fait  un  nom  impérissable,  il  est  réellement  une  de  nos  gloires 
locales. 

La  souscription  ouverte  pour  lui  élever  une  statue,  dans  la  maison  où  il 
enseigna,  ne  saurait  trouver  plus  de  sympathies  que  dans  la  région  qui  le  vit 
naître,  et  nous  venons  demander  leur  nom  et  leurs  cotisations  à  tous  ceux  qui 
dans  les  départements  du  Nord  ont  la  religion  du  souvenir.  Le  Comité  de 
souscription  s'est  engagé  à  nous  donner  une  reproduction  du  buste  de- 
Lamarck,  qui  sera  mise  à  la  place  d'honneur  dans  l'Université  de  Lille. 

Ch.  Barrois, 
Membre  de  l'Institut. 


VOYAGES  ORGANISÉS  PAR  LE  COMITÉ  DUPLEIX 


Le  Comité  Dupleix,  que  fonda  en  1894,  le  célèbre  explorateur  G.  Bonvalot, 
s'efforce  avec  succès,  ■ —  on  le  sait  —  de  faire  connaître  nos  Colonies  et  de 
donner  à  la  France  des  jeunes  hommes  instruits  et  pratiquement  armés  pour 
la  lutte  de  la  vie. 

Fidèle  à  ces  traditions,  le  Comité  vient  d'organiser  pour  l'été  et  l'automne 


—  379  — 

de  celte  année,  deux  grands  vo_yao;es,  qui  sortent  de  la  banalité  des  excur- 
sions de  tourisme  lialiituel  et  répondent  bien  aux  idées  modernes  d'instruction 
pratique. 

Le  premier  de  ces  voyages  se  fera  au  mois  d'Août.  11  est  destiné  aux  jeunes 
gens  qui  veulent  compléter  leur  éducation  industrielle,  par  l'étude  sur  place 
des  grands  centres  producteurs  des  États-Unis.  M.  Maillet,  délégué  du 
Comité  et  le  vulgarisateur  en  France  des  ouvrages  de  Carnegie,  leur  fera 
visiter  successivement  New-York,  Brooklyn,  Long  Island,  Jersey  City,  Phi- 
ladelphie, Washington,  Pittsbourg,  Chicago,  le  Lac  Michigan,  les  Chutes  du 
Niagara^  le  Lac  Ontario,  Kingston,  Toronto,  les  mille  îles  et  rapides  du 
St-Laurent,  Montréal,  Mont  Royal,  Québec,  les  Chutes  de  Montmorency, 
Albany,  descente  de  l'Hudson  et  aussi  les  contrées  productrices  de  coton. 
On  reprendra  la  mer  à  New- York.  Ce  voyage  est  combiné  de  façon  à  per- 
mettre des  arrêts  intéressants  dans  tous  les  centres  industriels  agricoles  et 
manufacturiers  des  États-Unis  et  du  Canada,  sans  cependant  durer  plus 
d'un  mois.  Son  prix  est  fixé  à  2.200  fr.  en  classe  mixte  et  à  2.500  fr.  en 
P"  classe. 

Le  second  s'adresse  aux  hommes  faits,  aux  chasseurs,  aux  amateurs  d'émo- 
tions fortes  et  inédites,  en  même  temps  qu'aux  hommes  d'études  industrielles 
et  économiques.  Il  aura  pour  théâtre  un  pays  jusqu'ici  vierge  de  caravanes  de 
touristes,  et  est  combiné  cependant  de  façon  à  assurer  aux  participants  toute 
sécurité  et  tout  confortable.  Les  voyageurs  sous  la  direction  de  M.  Le  Bar- 
bier, ancien  chargé  de  missions  en  Afrique  Occidentale,  délégué  par  le 
Comité  Dupleix,  parcourront  toute  la  vallée  du  Sénégal,  Dakar,  St-Louis, 
Podor,  Matam,  Bakel,  gagneront  celle  du  Niger  et  suivront  la  voie  Kayes, 
Kita,  Bamako,  Koulikoro,  puis  passant  par  Segou,  Sansanding,  Mopti,  iront 
jusqu'à  Tombouctou  la  mystérieuse ,  en  faisant  de  nombreuses  escales 
dans  tous  les  centres  indigènes  ou  civilisés  et  sur  les  meilleurs  terrains  de 
chasse.  —  Ce  voyage  a  été  étudié  et  combiné  de  façon  à  donner  aux  partici- 
pants, tous  les  plaisirs  de  la  chasse  aux  gros  animaux.  Éléphants,  Hippopo- 
tames, Panthères,  Lions,  Caïmans,  Gobas,  Bœufs  sauvages.  Antilopes,  etc., 
ainsi  qu'au  moyen  gibier  si  abondant  sur  les  fleuves,  Pintades,  Marabouts, 
Canards  armés.  Aigrettes,  etc.,  etc.,  tout  en  leur  permettant  de  faire  de  très 
intéressantes  études  Etnographiques  industrielles  et  commerciales.  Ils  verront 
les  ressources  minéralogiques  et  agricoles  de  ces  vallées  du  Sénégal,  du 
Niger  et  de  leurs  affluents  si  riches  en  or,  en  coton,  en  autres  industries  indi- 
gènes ;  ils  parcourront  ces  pays  qui  ne  demandent  qu'à  être  travaillés 
d'une  façon  intelligente,  pour  devenir  une  source  de  prodigieuses  richesses 
pour  la  France  ;  ils  vivront  quelques  jours  de  la  vie  des  exploratmirs  et  des 
grands  voyageurs.  Ce  programme  peu  banal  est  séduisant.  Ajoutons  que  le 
prix  du  voyage  est  de  5.600  francs,  ce  qui  est  peu,  si  l'on  pense  aux  sommes 
énormes  qu'il  fallait  dépenser  il  y  a  quelques  mois  encore,  pour  franchir 


—  380  — 

semblables   distances  et  parcourir   ces   contrées   hier  encore   fermées   à    la 
civilisation. 

Les  adhésions  à  ce  vojag-e  sont  reçues  au  Comité  Dupleix,  26,  rue  de 
Grammont,  qui  envoie  à  toute  personne  en  faisant  la  demande  tous  les  ren- 
seignements. 


G  ONG  OURS 

INSTITUÉ 

PAR  LA   LIGUE   COLONIALE   FRANÇAISE 


Le  concours  comportera  trois  prix  : 

Un  premier  prix  de  500  francs,  don  de  M.  Rondet-Saint  ;  un  second  prix 
de  300  francs,  un  troisième  de  200  francs  donnés  par  la  Ligue. 
L'objet  du  concours  est  le  suivant  : 

LES  COLONIES  FRANÇAISES. 

Ce  que  chacune  d'elles  produit,  consomme,  exporte. 
L  —  Ce  qii  elle  produit  : 

a)  Produits  du  sol,  du  sous-sol  et  des  eaux  ; 

b)  Productions  industrielles. 

II.  —  Ce  qu'elle  consomme  : 

a)  Consommation  des  produits  indigènes  ; 

b)  Consommation  de  produits  français  ; 

(?)  Consommation  de  produits  étrangers  ; 

d)  Comment  développer  la  consommation  des  produits  français  par  les 
indigènes.  • 

III.  —  Ce  qu'elle  exporte  : 

a)  Exportation  des  produits  indigènes  bruts  ou  manufacturés  ; 

b)  Pays  où  ils  s'exportent  :  part  de  la  France,  part  de  l'étranger  ; 

c)  Ce  qui  nuit  à  l'exportation  de  ces  produits  en  France  et  à  l'étranger. 


—  381  — 

Conclusion  :  Part  du  commerce  colonial  français  (exportation  et  importa- 
tion) en  France  et  dans  le  monde. 
Ce  qu'elle  devrait  être  en  France. 

Les  travaux  soumis  doivent  avoir  au  maximum  l'étendue  d'une  brochure 
de  48  à  64  pages  in-S". 

Stjle  clair  et  précis,  capable  d'être  compris  de  tous  les  lecteurs.  Pas  de 
phrase.  Peu  de  chiffres.  Descriptions  courtes  et  claires,  surtout  des  produits 
indig-ènes  peu  ou  mal  connus.  Beaucoup  d'illustrations. 

Les  manuscrits  doivent  porter  une  devise,  transcrite  avec  le  nom,  la  qualité 
et  le  domicile  de  l'auteur  sur  une  lettre  placée  dans  une  enveloppe  scellée. 

Cette  enveloppe  sera  remise  avec  le  manuscrit  au  Secrétariat  de  la  Ligue 
Coloniale  Française,  19,  rue  Saint-Georges,  au  plus  tard  le  31  Décembre  1907, 
date  de  la  fermeture  du  concours. 

Tout  citoyen  ou  ressortissant  français  peut  prendre  part  au  concours. 

Un  jury  nommé  par  le  bureau  de  la  Ligue  décernera  aux  travaux  jugés  les 
meilleurs  : 

Un  1"  prix  de  500  francs. 

Un  2*  prix  de  300  francs. 

Un  3®  prix  de  200  francs. 

Les"  manuscrits  primés  deviendront  la  propriété  de  la  Ligue  qui  pourra  les 
publier  en  tout  ou  en  partie  en  une  on  plusieurs  brochures,  dans  l'intérêt  de 
la  cause  coloniale. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE    ET   GOLONIES. 

Alger-Tunl^.  —  Alger,  Tunis,  deux  capitales  sœurs,  deux  villes  admirables 
en  pleine  croissance,  débordantes  de  vie,  enfiévrées  d'affaires  et  de  spéculations  et 
cependant  aimables,  charmantes,  captivantes.  Alger,  véritable  capitale  de  l'Afrique 
française  du  Nord,  la  ville  à  la  fois  la  plus  européenne  et  la  plus  française  de 
l'Afrique  avec  ses  S5.000  Français  ou  naturalisés  bien  groupés,  auxquels  s'ajoutent 
30.000  étrangers  et  autant  d'indigènes  musulmans  ;  Tunis,  que  l'importance  de  sa 

25 


—  382  — 

population  (130.000  musulmans  et  Israélites  et  50.000  Européens)  place  au  troisième 
rang  sur  le  continent  africain,  immédiatement  après  le  Caire  et  Alexandrie. 

Je  n'avais  pas  revu  Alger  depuis  quelques  années  et  quoique  ni'étant  tenu  au 
courant  de  ses  progrès,  j'ai  été  émerveillé  de  son  magnifique  essor.  Aucun  obstacle 
n'arrête  la  ville  française  dans  sa  croissance,  ni  la  montagne  qu'elle  entaille  et 
nivelle,  ni  le  roc  qu'elle  creuse  à  coups  de  mine,  ni  la  mer  qu'elle  comble  pour  y 
•établir  des  quais  et  endigue  pour  se  protéger  contre  ses  colères  rageuses  ;  travaux 
cyclopéens  qui  feraient  l'étonnement  du  dieu  Hercule  si  l'Antiquité,  qui  émerge 
partout  du  sol  africain  nous  le  rendait  un  instant. 

Le  gros  commerce,  l'industrie,  les  services  de  la  guerre  et  de  la  marine  se  sont 
naturellement  emparés  des  parties  basses  et  plates  pour  s'y  établir  à  proximité  du 
chemin  de  fer  et  du  port  ;  les  maisons  de  rapport  et  les  villas  s'étagent  aux  flancs 
de  la  montagne.  La  démolition  des  fortifications,  inutile  et  gênante  barrière,  a  doté 
Alger  d'un  quartier  neuf  largement  tracé,  bien  bâti,  dont  la  principale  voie  a  vrai- 
ment grand  air.  11  y  a  longtemps  déjà  que  l'on  avait  conçu  ces  projets  de  transfor- 
mation et  notre  confrère  Marchai,  directeur  du  nouveau  quotidien  algérien 
«  V Afrique  française  »,  a  dans  ses  archives  un  plan  établi  par  son  père  il  y  a  40  ou 
50  ans  qui  diffère  peu  de  celui  réalisé  aujourd'hui.  Mais  que  d'argent  économisé  et 
de  difficultés  évitées  si  les  travaux  eussent  été  entrepris  dès  cette  époque  !  Mais  ne 
nous  attardons  pas  en  vains  regrets.  Le  dérasement  des  fortifications  a  fort  heureu- 
sement soudé  le  vieil  Alger,  qui  étouflait  dans  son  étroit  corset  de  pierres,  aux 
villes  neuves,  aérées,  verdoyantes  de  l'Agha  et  de  Mustapha.  C'est  dans  ce  quartier 
que  s'édifient  les  hôtels  monumentaux  de  la  Poste  et  de  l'Administration  des 
Douanes  et  que  se  trouvent  déjà  les  Picoles  supérieures,  l'Ecole  secondaire  de  la 
Ligue  de  l'iînseignement,  l'Hôtel  de  la  «.  Dépêche  algérienne  »  construit  et  meublé 
dans  le  style  arabe  le  plus  brillant,  les  Bureaux  de  la  «  Revue  Nord  Africaine 
illustrée  »,  ceux  de  «  Y  Illustration  Algérienne  »,  etc. 

A  l'Ouest  d'Alger,  du  côté  de  Kab-el-Oued,  la  transformation  n'a  pas  été  moindre  ; 
les  terrains  militaires  abandonnés  par  le  génie  et  le  comblement  d'un  ravin  ont 
permis  de  tracer  des  places  et  des  rues  dont  les  hautes  et  luxueuses  constructions 
contrastent  avec  les  anciennes  maisons  basses  du  faubourg  et  modifient  complète- 
ment l'aspect  de  ce  quartier  auquel  sa  population  en  majorité  espagnole,  avait 
imprimé  un  cachet  d'une  grande  originalité. 

Enfin,  le  nouveau  «  Boulevard  de  la  mer  »  qui  borde  la  falaise  dans  la  partie 
Ouest  de  la  rade  et  se  peuple  de  riches  villas  enfouies  dans  la  verdure  et  les  fleurs 
pourra  bientôt  soutenir  la  comparaison  avec  les  plus  réputés  dans  ce  genre  de 
l'autre  côté  de  la  Méditerranée. 

Maintenant,  la  ville  européenne  enserre  plus  étroitement  l'ancienne  cité  des  deys, 
elle  la  pénètre  même  par  de  larges  percées  qui  ont  éventré  le  dédale  encore  pitto- 
resque des  ruelles  voûtées  et  dont  les  hautes  mais  banales  constructions  dominent 
et  écrasent  les  antiques  et  plus  modestes  demeures  indigènes  aux  blanches  terrasses, 
trop  exposées  maintenant  aux  regards  inquisiteurs  des  infidèles.  Beaucoup 
regrettent  cette  mutilation  ;  ils  auraient  roulu  conserver  intacte  la  ville  arabe  et  que 
la  ville  française  se  développât  à  côté,  comme  il  a  été  fait  à  Tunis  et  presque  par- 
tout en  Tunisie,  où  les  deux  civilisations  voisinent  en  se  respectant. 

Un  des  charmes  d'Alger,  et  non  des  moindres,  est  la  grande  facilité  des  prome- 
nades ombreuses  et  agréables.  Sans  parler  de  la  campagne  qui  est  fort  belle,  de  la 
pittoresque  et  célèbre  vallée  des  Consuls,  du  ravin  de  la  Femme  sauvage,  connu 
des  touristes,  etc.,  on  trouve  dans  la  ville  même,  principalement  de  l'Isly  à  Mus- 
tapha, des  routes  et  des  chemins  sinueux,  plantés  d'arbres  toufl'us,  semés  de  riches 
villas  mauresques  ou  de  style  italien  et  d'où,  de  partout,  la  vue  embrasse  un  des 


—  sas  — 

plus  beaux  panoramas  du  monde  :  la  rade  avec  son  profil  de  hautes  montagnes  aux 
cimes  longtemps  neigeuses  et  le  port  toujours  en  mouvement.  Car  Alger,  on  ne 
doit  pas  l'ignorer,  est  depuis  quelques  années  passé,  pour  le  mouvement  des 
navires,  au  troisième  rang  des  ports  français. 

L'essor  de  Tunis  a  été  encore  plus  rapide,  plus  superbe.  En  moins  de  25  ans, 
nous  avons  édifié  en  dehors  des  murs,  dans  les  terrains  vagues  qui  s'étendaient 
entre  la  cité  arabe  et  la  mer,  une  magnifique  ville  européenne  de  cinquante  mille 
habitants,  qui  s'accroît  régulièrement  chaque  année  de  200  maisons  et  de  1.400 
âmes.  Cette  ville  nous  l'avons  dotée  d'un  port,  ornée  de  belles  promenades,  pourvue 
de  bonne  eau,  éclairée  au  gaz  et  à  l'électricité,  sillonnée  de  tramways  nombreux, 
pourvue  de  tous  les  organes  nécessaires  à  la  vie  des  cités  modernes.  A  Tunis,  la 
vie  européenne  est  plus  concentrée  qu'à  Alger  et  l'avenue  de  France,  celle  de  la 
Marine  avec  leurs  nombreux  et  beaux  cafés  inondés  de  lumière  et  leurs  orchestres, 
gardent  jusqu'à  une  heure  avancée  une  animation  comparable  à  celle  des  boule- 
vards de  Paris. 

Mais  rien  que  l'épaisseur  du  l'enipart  sépare  deux  civilisations  et  par  la  porte  de 
France  vous  entrez  sans  transition  en  plein  Orient,  en  plein  pays  des  mille  et  une 
nuits  ;  vous  êtes  chez  le  marchand  de  Bagdad  qui  vous  regarde  passer  d'ailleurs 
sans  étonnement  et  vous  accueille  toujours  avec  la  plus  noble  politesse. 

Le  développement  d'Alger  et  de  Tunis  n'est  pas  factice  ;  il  est  dû  à  des  causes 
durables  ;  il  e.st  la  conséquence  naturelle  de  leur  situation  géographique,  qui  fait 
de  ces  villes  la  porte  de  sortie  des  productions  d'une  arrière  contrée  riche  en  pro- 
duits de  toutes  sortes,  richesses  latentes,  insoupçonnées  d'une  race  endormie  et  que 
le  génie  de  la  France  a  su  découvrir  et  utiliser. 

G.  Lafore.st. 
(Bulletin  de  Renseignements  Coloniaux). 


AMERIQUE. 

Les  Forêts  pétrifiées  de  l'Arizoua.  —  M.  J.  Durand  publie  dans 
la  Nature  le  très  curieux  article  suivant  de  géographie  paléontologique.  11  faut 
féliciter,  écrit-il,  le  gouvernement  américain  de  s'être  décidé  à  prendre  sous  sa 
protection  la  fameuse  foret  pétrifiée  de  l'Arizona,  cette  merveille  naturelle  du  Nou- 
veau-Monde. 

En  eux-mêmes,  les  arbres  pétrifiés  ne  constituent  pas  une  rareté.  On  en  trouve 
un  peu  partout,  même  en  France.  Les  environs  du  Caire  en  présentent  de  remar- 
quables exemples.  Des  fouilles  récentes  en  ont  mis  à  jour  en  Algérie  et  en  Tunisie 
de  beaux  spécimens.  Mais  on  ne  saurait  rien  comparer  de  cela  à  ce  qu'offre  le 
désert  de  l'Arizona.  Ce  ne  sont  pas  des  cas  isolés  qu'on  y  rencontre,  mais  bien  une 
forêt  entière,  qui  occupe  le  fond  d'une  vallée  longue  de  plusieurs  lieues,  large  de 
près  d'un  kilomètre,  profonde  de  quinze  à  vingt  mètres. 

La  région  est  désertique  ;  les  pentes  de  cette  vaste  excavation  ne  présentent 
qu'une  végétation  rachitique  ;  le  sol  est  constitué  par  du  sable  et  de  la  glaise,  et 
des  débris  de  pétrifications  jonchent  sa  surface. 

On  trouve  des  bois  de  toutes  grosseurs,  de  toutes  dimensions.  Çà  et  là  se 
dressent  des  butt.^s  formées  de  troncs  pétrifiés  que  de  brusques  changements  de 
température  firent  éclater,  les  réduisant  en  fragments  dont  la  longueur  varie  entre 
0,<)<j  mètres  et  7  mètres. 

Les  pièces  les  plus  remarquables  sont,    à   coup  sûr,   les  troncs  qui  ont  bravé,  au 


i 


—  384  — 

cours  des  âges,  les  intempéries  des  saisons  ;  on  en  cite  plusieurs  qui  ont  une  lon- 
gueur de  70  mètres,  avec  un  diamètre  moyen  de  1  m.  35.  Un  d'entre  eux  est  désigné 
sous  le  nom  de  Petrified  Bridge.  Ses  deux  extrémités,  qui  forment  pont,  reposent  sur 
les  bords  d'un  précipice  assez  profond.  On  l'appelle  aussi  le  «  màt  de  calcédoine  » 
ou  le  «  pont  d'agate  », 

Réellement,  ces  végétaux  fossiles  ont  subi  luie  pétrification  si  complète  que  leur 
cœur  s'est  transformé  en  agates  et  en  calcédoines,  dont  la  valeur  marchande  est 
considérable.  On  comprend  dès  lors  que  les  États-Unis  se  soient  préoccupés  de 
protéger  ces  merveilles  naturelles  contre  la  rapacité  de  certains  industriels. 

Les  savants  américains  croient  que  ces  arbr>^'S  pétrifiés  appartiennent  à  une  espèce 
de  conifères  qui  a  disparu  depuis  longtemps  de  la  surface  de  la  terre.  D'après 
eux,  le  sol  de  l' Arizona  actuel  subit,  à  une  période  fort  reculée,  une  dépression  qui 
amena  l'invasion  des  eaux  de  l'Océan. 

Les  arbres  qui  couvraient  le  sol  subirent  des  destinées  diverses.  Les  essences  les 
plus  légères  furent  emportées  au  loin  par  les  courants  ;  les  autres,  plus  denses  que 
l'eau  salée,  jonchèrent  le  sol  et,  peu  à  peu,  le  sel  et  le  sable  les  enveloppèrent 
d'une  couche  compacte. 

Des  centaines  de  siècles  plus  tard,  le  sol  se  souleva  et  les  eaux  se  retirèrent.  Un 
nouveau  travail  des  forces  naturelles  commençait.  Sous  l'action  du  froid,  de  la 
chaleur,  de  la  pluie  et  des  inondations,  le  revêtement  se  désagrégea  lentement,  et 
la  forme  des  arbres  se  dessina  de  nouveau,  sous  les  débris  de  leurs  cuirasses  multi- 
séculaires. 

Ajoutons  que  de  récents  travaux  ont  permis  de  reconnaître  que  cette  vallée  avait 
été  jadis  habitée  par  une  population  qui  avait  atteint  un  degré  de  civilisation  assez 
avancé.  On  y  a  trouvé,  en  1901,  les  vestiges  de  temples  dédiés  au  Soleil. 

Frédéric  Lemoine. 


OGEANIE. 

Aux  Howvelle.ts-Hélirîdes.  —  Port-VIla  —  Un  correspondant  du 
Manchester  Guardian  a  eu  récemment  l'occasion  de  se  rendre  aux  Nouvelles- 
Hébrides  dont  il  a  surtout  visité  la  capitale,  Port-Vila.  Il  a  rapporté  de  cette  inté- 
ressante excursion  le  souvenir  d'un  pays  vraiment  enchanteur  et  d'une  flore 
exceptionnellement  abondante,  ainsi  qu'on  en  peut  juger  par  le  résumé  que  nous 
donnons  ci-dessous. 

Le  port,  qui  a  la  forme  d'un  vaste  fer  à  cheval,  est  bordé  de  collines  boisées 
dont  la  masse  verdoyante  n'est  interrompue  que  par  de  rares  éclaircies  ;  dans 
l'intérieur  de  la  brousse,  au  milieu  du  feuillage  sombre,  on  voit  briller  par  inter- 
valles, à  la  lumière  du  soleil  matinal,  les  toitures  blanches  de  quelques  maisons 
disséminées. 

Au  delà  du  ruban  que  trace  le  rivage,  par  dessus  les  eaux  bleues,  les  maisons  se 
groupent  j. lus  étroitement  et  l'on  aperçoit,  au  milieu,  le  drapeau  tricolore  français. 
Celui  de  l'Union  Jack  se  trouve  hissé  dans  un  endi"oit  à  droite  de  la  baie.  Ces  deux 
morceaux  d'étamine  marquent  les  résidences  respectives  des  gouvernements  fran- 
çais et  anglais  aux  Nouvelle.s-Hébrides. 

La  seule  route  de  Vila,  qui  est,  d'ailleurs,  fort  belle,  conduit  derrière  les  maisons 
qui  bordent  le  rivage  et  se  déroule,  en  passant  par  la  jungle,  jusqu'aux  plantations 
éloignées  et  aux  villages  des  indigènes. 

La  description  que  l'on  peut  faire  de  cette  jungle,  si  exacte  soit-elle,  reste  fort 


—  385  — 

au-des;¥ons  de  la  réalité.  De  grands  arbres  toullus  ombragent  le  sentier  étroit  qui 
passe  au  travers.  Des  vignes  en  fleurs  forment  entre  leurs  bran  dies  un  réseau  bril- 
lant ;  de  hauts  cocotiers  dressent  leurs  panaches  de  feuillage  partout  où  ils 
peuvent  se  frayer  un  passage  dans  l'épaisseur  des  arbres  de  la  forêt.  Le  taillis  est 
dense,  vigoureux  et  infiniment  varié. 

Les  volubilis  s'enroulent  autour  des  arbustes  et  des  buissons.  Les  fougères  et  les 
mousses  tapissent  le  sol  et  poussent  sur  le  tronc  grisâtre  des  arbres.  Des  grappes 
mûres  de  bananes  sont  suspendues  sous  les  longues  feuilles  gracieuses  et  languis- 
santes des  bananiers.  Les  bords  du  chemin  sont  remplis  de  fruits  à  pain  et  de 
pommes  à  crème.  On  aperçoit  des  lueurs  fugitives,  rouges,  bleues,  vertes,  orange  ; 
ce  sont  de  brillants  perroquets  qui  passent  rapidement  à  travers  la  brousse,  en 
poussant  des  cris  aigus. 

On  parvient  ensuite  à  un  bouquet  d'orangers.  Les  oranges,  très  grosses,  charnues 
et  juteuses,  d'un  parfum  e.xquis,  sont  la  propriété  de  tout  le  monde. 

Plus  loin,  la  route  traverse  quelques  plantations  appartenant  à  des  Français.  Les 
champs  cultivés  sont  entourés  de  palissades  recouvertes  d'un  vert  feuillage.  A  l'in. 
térieur  des  clôtures,  il  existe  des  cultures  de  maïs  magnifique,  dont  les  tiges  ont  de 
douze  à  quinze  pieds  de  hauteur.  En  cet  endroit,  il  est  facile  de  se  rendre  un 
compte  exact  de  la  fertilité  du  sol  et  du  climat  de  serre  chaude  dont  les  îles  sont 
gratifiées.  Dans  un  champ,  en  elïet,  on  peut  voir  le  maïs  très  haut,  dont  les  épis 
d'or,  mûrs,  percent  leur  enveloppe  ;  dans  un  autre,  ce  sont  de  tendres  pousses 
vertes,  d'un  pied  de  hauteur  ;  enfin,  un  troisième  ne  contient  que  des  semences  de 
maïs.  On  cultive,  en  outre,  dans  ces  plantations,  le  café,  la  canne  à  sucre  et  le 
melon  d'eau. 

Au  delà  des  plantations  coule  sur  un  lit  de  sable  fin  une  petite  rivière  qui  vient 
des  montagnes  de  pourpre  de  l'intérieur. 

C'est  au  mois  de  Juillet  dernier  que  le  représentant  du  Manchester  Guardian  a 
pu  visiter  toutes  ces  merveilles.  C'était,  dit-il,  un  jour  d'hiver,  mais  un  jour  d'hiver 
aux  Nouvelles-Hébrides  avec  une  température  de  30°  c.  à  l'ombre.  Le  ciel  Jjleu 
éclairait  la  cîme  des  arbres  et  l'on  respirait  partout  le  parfum  embaumé  des  Tro- 
piques, de  ce  pays  où,  semble-t-il,  il  ne  doit  jamais  y  avoir  que  des  après-midi. 

A.-R.  B. 


REGIONS  POLAIRES. 

liC  Cointiinndaut  Peary  au  Pôle  iVord.  —  Nous  trouvons  dans  la 
Dépêche  Coloniale  les  intéressants  détails  que  nous  reproduisons  : 

«  C'est  le  !<*■'  Juillet  prochain  que  le  Commandant  Peary  doit  partir  de  New-York 
pour  accomplir  sa  troisième  mission  au  Pôle  Nord. 

Les  préparatifs  de  départ  sont  d'ores  et  déjà  en  pleine  activité.  Le  Commandant 
a  surveillé  lui-même,  ces  jours  derniers,  les  réparations  du  voilier  Roosevelt,  qui, 
rentré  à  New- York  la  veille  de  Noël  dernier,  se  trouve  maintenant  dans  un  bassin 
de  radoub.  Construit  sur  le  modèle  des  baleiniers  écossais,  ce  bateau  est  fortifié 
d'une  triple  carcasse  et  d'un  double  plancher.  Sa  coque  est  en  bon  état;  ses  char, 
pentes,  malgré  la  pression  reçue  dans  les  banquises  arctiques  pendant  dix-sept  mois, 
n'ont  conservé  que  peu  de  traces  de  cet  effort.  11  aura  toutefois  besoin  de  nouvelles 
chaudières.  La  souscription  des  fonds  nécessaires  pour  subvenir  aux  dépenses  de 
l'expédition  a  réuni  a  peine  la  moitié  de  la  somme  de  500.000  francs  qui  avait  été 
demandée. 


—  380  — 

Malgré  cela,  l'explorateur  a  pris  toutes  ses  dispositions  pour  s'embarquer  à  la 
date  fixée.  Quelles  que  soient  les  conditions  dans  lesquelles  il  pourra  se  trouver 
dans  les  banquises  arctiques,  il  espère  atteindre  un  point  sur  la  rive  septentrionale 
du  Groenland,  où  il  pourra  hiverner  jusqu'au  commencement  de  Février,  époque 
à  laquelle  il  entreprendra  son  périlleux  voyage  en  traîneau  à  travers  les  banquises 
polaires. 

Du  Nord  de  la  Terre  de  Grant,  l'explorateur  n'a  pas  l'intention  d'aller  au  Pôle 
Nord  en  ligne  droite,  mais  bien  de  se  diriger  dans  la  direction  du  Nord-Ouest  ; 
il  compte  sur  le  vent,  et  aussi  sur  les  glaçons  flottants  pour  le  pousser  à  l'Est,  vers 
le  Tôle. 

Lors  de  son  dernier  voyage,  l'explorateur  aurait  pu,  assure-t-il,  atteindre  son  but 
sans  un  retard  de  quinze  jours  qui  l'obligea  à  modifier  ses  calculs  et  à  épuiser  ses 
provisions.  Lorsque  le  21  Avril  1905  il  reconnut  qu'il  était  parvenu  jusqu'au 
87'^  degré  ()'  de  latitude  Nord,  et  qu'il  avait  battu  le  record  du«  plus  près  du  Pôle  », 
il  décida  néanmoins  que  le  but,  bien  que  tout  proche,  n'était  pas  encore  atteint.  11 
était  pourtant  impossible  d'aller  plus  loin.  Le  traîneau  était  presque  vide  ;  les 
quelques  chiens  vivant  encore  n'étaient  plus  que  de  simples  squelettes.  On  dut 
même  en  tuer  pour  se  nourrir.  Sur  les  120  chiens  emmenés,  40  seulement  rejoi- 
gnirent le  Roosevelt. 

La  nouvelle  expédition  ne  comprendra  que  20  personnes,  parmi  lesquelles  se 
trouvent  le  Capitaine  Barlett  et  les  officiers  qui  faisaient  partie  des  voyages  précé- 
dents ;  ce  chiffre  est  très  suffisant,  observe  le  Commandant  Peary,  car  plus  petite 
est  l'expédition,  plus  grandes  sont  les  chances  de  réussir. 

Les  Esquimaux  et  leurs  chiens  contribueront  au  succès  de  l'entreprise.  D'après 
les  dernières  statistiques,  les  Esquimaux  sont  au  nombre  de  207,  disséminés  tout  le 
long  du  détroit  de  Smith.  Ils  seront  embarqués  sur  le  Roosevelt  à  son  passage  le 
long  de  la  côte  occidentale  du  Groenland.  Leurs  femmes  et  leurs  enfants  viendront 
avec  eux  ;  les  femmes  sont,  en  effet,  indispensables  pour  faire  des  vêtements  avec 
les  fourrures  obtenues  à  la  chasse  et  pour  réparer  les  traîneaux. 

En  ce  qui  concerne  la  durée  de  l'exploration,  la  distance  de  1.000  milles  environ, 
depuis  les  bords  de  la  Terre  de  Grant  jusqu'au  Pôle,  en  revenant  à  la  côte  à  travers 
les  banquises,  doit  être  ellectuée  pendant  douze  ou  treize  semaines,  de  Février  à 
Juin.  D'une  façon  précise,  le  voyage  sera  eifectué  entre  le  milieu  de  Février  et  le 
mois  de  Juin,  avant  la  débâcle  des  glaces. 


II.   —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  Statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


lia  Houille  eM  France.  —  Depuis  six  ans,  la  consommation  de  la  houille 
en  France  reste  à  peu  près  stationnaire,  autour  de  48,5  millions  de  tonnes.  On  était 
à  48.800.000  tonnes  en  1900;    on  s'est  retrouvé  à  48.200.000  tonnes  en  1903  et  à 


—  387  — 

48i)69.0(X)  tonnes  en  ItKJo.  La  courbe  qui,  jusque-là,  s'élevait  régulièrement  et  à 
peu  près  continuellement  depuis  19  à  20  millions  de  tonnes  en  1884,  conformément 
à  l'allure  ordinaire  de  tous  les  graphiques  semblables  et  aux  matières  de  première 
nécessité,  est  devenue  brusquement  horizontale  et  celle  de  la  production  l'a  suivie 
parallèlement  (34  à  .'35  millions  de  tonnes).  Ce  résultat  de  statistiques  auxquelles  on 
peut  ajouter  foi,  vu  les  moyens  d'information  précis  dont  on  dispose  pour  les 
établir,  oti're  quelque  chose  de  particulièrement  paradoxal  en  présence  de  l'essor 
économique  actuel  dans  le  monde  entier  et  même  à  un  degré  moindre  en  France. 
L'une  des  causes  paraît  être  dans  le  très  grand  et  très  nouveau  développement  de 
la  houille  blanche  dans  le  Sud-Est  et  dans  l'Est  (Bouches-du-Rhône,  Alpes-Mari- 
times, Isère,  Ain,  Doubs,.Jura,  etc.).  Le  problème  pratique  que  se  posaient  les 
économistes  pour  le  jour  où  la  houille  manquera,  commence  donc  à  recevoir  sa 
solution  prévue  et  rationnelle. 


Mouveineiit  commercial  des  C'olonlc!»»  franeal^ew. 

l'importation   des   tissus   D.\NS   nos   COLUNIES.    —   (C0MP.\RAIS<)N 
DES   ANNÉES   189f>l!X)5). 

Colonies.  1896                          1905 

Francs.  Francs. 

Sénégal 10.280.130  19.:il0.119 

Guinée 2.072.951  0.1.58.942 

Côte  d'Ivoire 972.584  3.805.093 

"Dahomey 1.807.709  3.714.086 

Congo 1.506.179  3.398.176 

Réunion 2.880. 169  1 .6;)9. 4.53 

Madagascar 7.142.921  13.927.745 

Mayotte »                            215.  lOft 

Côte  des  Somalis »  4.400.471 

Inde 541.665                    563.467 

Indo-Chine 19. 143.502  40.212.948 

Saint-Pierre  et  Miquelou 626.424                     535.471 

Guadeloupe 1  ..524.775  1 .269.185 

Martinique 2. 130.3.55  1 .497.605 

Guyane 846.178  1.1.37.217 

Nouvelle-Calédonie 1 .151 .681  1 .448.282 

Tahiti 731 .878                    561 .046 


5:3.419.161  103.6f)5-612 

INDO-CHINE. 

L'amélioration  de  la  situation  commerciale  constatée  depuis  le  commencement 
de  l'année  s'est  poursuivie  de  façon  sensible  dans  le  courant  du  mois  de  Mars. 

Le  commerce  extérieur  réalise  une  valeur  de   41.917.385  francs,  en  excédent  de 
5.4{XJ.(J00  francs  sur  la  période  précédente. 

Si  la  situation  du  courant  des  importations  est  demeurée  à  peu  près  stationnaire 
les  opérations  de  sortie,  en  revanche,  témoignent  d'une  activité  exceptionnelle. 
Celle-ci  est  presque  exclusivement  limitée  aux  expéditions  de  la  Gochinchine  qui 


—  388 


dans  la  hausse  de  5.402.908  francs,  entre  pour  une  part  de  5.209.001  francs  ;  le 
mouvement  du  port  de  Saïgon  est  à  ce  point  remarquable  que  les  limites  du  port 
de  commerce  ont  été  insuffisantes  à  contenir  la  flotte  commerciale  et  qu'il  a  fallu 
autoriser  des  débarquements  exceptionnels  en  dehors  de  cette  zone  pour  satisfaire 
toutes  les  convenances  commerciales. 

Quatre-vingts  navires  se  trouvaient,  vers  la  fin  de  Mars,  échelonnés  sur  la  rivière 
et  120.000  tonnes  de  riz  sortaient,  pendant  le  mois,  de  la  colonie,  dont  20.000  tonnes 
à  destination  de  la  France  et  100.000  vers  l'étranger. 

La  valeur  des  exportations  a  progressé  de  12  millions  depuis  le  1"  Janvier  :  le 
mouvement  des  entrées  n'a  pas  encore  répondu  à  cette  sensible  amélioration  du 
trafic  de  sortie,  mais  la  balance  des  deux  mouvements  ne  saurait  plus  longtemps 
maintenir  un  écart  aussi  considérable  et  on  peut  compter  voir,  parallèlement,  pro- 
gresser, dès  la  prochaine  période,  les  résultats  du  commerce  d'importation. 

Rien  de  particulier  n'est  à  signaler  dans  les  opérations  du  cabotage  qui  ne  relève 
que  des  variations  inappréciables  dans  le  mouvement  des  entrées  :  à  noter  toutefois 
une  augmentation  de  près  de  3  millions  dans  les  résultats  des  sorties. 


liC  Coiiiiuei'ce  du  Congo  rraueaiw. 

Brazzaville  : 


De  notre  correspondant  de 


Le  mouvement  commercial  de  l'ensemble  des  possessions  du  Congo  atteint  en 
1900  un  total  de  29.240.259  francs,  en  augmentation  de  près  de  5  millions  sur  le 
chiffre  de  1905  et  de  8.152.0J0  francs  sur  la  période  quinquennale. 

Le  chirtre  des  importations  et  des  exportations  est  exposé  ci-après  : 


Libreville  . .  .  . 
Cop  Lopez  ..  . 
Sette  Cama  . 

Loango 

Brazzaville  . 


Totaux. 


1905 


1.331.235 

2.665.918 

520.099 

674.600 

4.133.308 


9.325.160 


1.454.833 

2.919.760 

896.259 

495.583 

9.220.296 


14.986.731 


1906 


1.752.952 
2.700.765 
399.428 
1.098.166 
5.225.349 


11.176.660 


2.689.031 

3.601.298 

862.439 

489.474 

19.427.357 


18.069.599 


TuT.\UX 
du  Commerce. 


1905 


2.786.068 
5.585.678 
1.416.358 
1.170.183 
13. 353. 604 


24.311.891 


DIFFERENCE 
pour  1900. 


1900 

X 

'o 

K 

4.441.983 

1.655.915 

. 

6.302.063 

716.385 

» 

1.261-867 

. 

154.491 

1.587.640 

417.457 

• 

15.652.706 

2.299.102 

• 

29.246.259 

5.088.859 

154.491 

En  plus  pour  190(). 


4.934.308 


—  389  — 

IjO  Criu  végétal  eu  Algérie.  —  L'industrie  du  crin  végétal  a  pris,  en 
Algérie,  dit  M.  Herteman,  conseiller  du  commerce  extérieur,  une  telle  extension, 
que  bon  nombre  de  ceux  qui  ont  défriché  leurs  terres  pour  planter  de  la  vigne  se 
prennent  à  regretter  d'en  avoir  arraché  les  palmiers  nains. 

D'une  plante  autrefois  utile  et  considérée  en  Algérie  comme  une  broussaille  nui- 
sible, l'industrie  a  su  tirer  un  produit  dont  l'emploi  s'est  généralisé,  qui  remplace 
avantageusement  le  crin  d'origine  animale  et  qui  est  l'objet  d'une  demande  impor- 
tante de  la  part  des  tapissiers,  matelassiers,  des  fabricants  de  harnais  ou  construc- 
teurs de  voitures,  des  Compagnies  de  chemins  de  fer  et  des  pays  étrangers  qui 
n'ont  pas  hésité  à  l'utiliser  pour  la  literie  militaire. 

Alors  que  le  crin  de  cheval  est  facilement  attacjué  par  les  mites,  les  fibres  du 
palmier  nain  restent  inaltérables  à  la  vermine  et,  outre  les  usages  précités,  l'indus- 
trie en  fait  encore  des  tissus  et  même  des  chapeaux. 

C'est  une  industrie  éminemment  algérienne.  L'indigène  récolte  la  matière  pre- 
mière, la  feuille  du  palmier  nain,  qu'il  porte  à  l'usine  où  les  nouvelles  peigneuses 
à  vapeur,  qui  ont  remplacé  en  beaucoup  d'endroits  l'ancien  peignage  à  la  main, 
la  transforment  en  crin  végétal,  lequel  est  ensuite  filé  et  cordé  généralement  à 
la  main. 

Le  crin  végétal  brut  en  cordages  vaut  de  9  à  12  francs  les  100  kil.  ;  ce  prix 
double  presque  si  on  teint  le  crin  en  noir. 

11  existe  en  Algérie  de  nombreuses  fabrications  de  crin  végétal  disséminées  un 
peu  partout.  Le  département  d'Alger,  grâce  à  la  nature  supérieure  de  ses  palmiers 
nains,  fournit  un  crin  végétal  de  meilleure  qualité  que  celui  du  département  d'Oran. 
Les  cordes  se  font  remarquer  par  leur  longueur,  la  souplesse,  la  nervosité  et  l'élas- 
ticité de  leurs  fibres. 

ASIE. 
Lies  progrès  du  ^^iaui. 

Ainsi  que  la  plupart  des  groupements  sociaux  et  politiques  de  l'Asie-indo- 
chinoise,  le  Siam  est  surtout  un  delta  ;  comme  en  Birmanie,  en  Cochinchiue,  au 
Tonkin,  il  s'est  formé  de  bonne  heure  sur  les  alluvions  basses  du  Ménam  une 
agglomération  humaine  dense,  dont  la  valeur  est  exprimée  par  la  présence  d'une 
des  plus  grandes  villes  de  l'Indo-Chine  :  Bangkok.  De  la  boue  des  rizières  sort  le 
grain  qui  nourrit  le  cultivateur,  attire  le  marchand  chinois  et  l'Européen,  stimule 
des  transactions  sur  lesquelles  une  minorité  dirigeante  prélève  des  impôts  et,  par 
conséquent,  organise  son  administration.  Au  delà  des  limites  du  delta,  le  Siam 
fut  longtemps  incertain  de  ses  destinées;  il  a  soutenu,  avec  des  vicissitudes 
diverses,  des  luttes  traditionnelles  contre  ses  voisins  du  Cambodge  ;  il  s'est  avancé, 
mais  par  à-coups  et  sans  méthode  persévérante,  sur  les  plateaux  à  jungles  qui 
encadrent  le  Ménam  et  le  Mékong  moyen  ;  il  a  poussé  '^à  l'Est,  au  delà  même  du 
Mékong,  quelques  raids  capricieux  qui  portèrent  parfois  ses  avant-postes,  en  pays 
à  peine  soumis,  jusqu'à  la  crête  de  la  chaîne  annamitique,  d'où  l'on  découvre  la 
mer  de  Chine. 

Faute  de  voies  de  communication  artificielle,  les  rois  de  Siam  ne  lançaient 
guère  leurs  armées  que  le  long  des  fleuves  :  la  dépression  centrale  qui  va  de  Bang- 
kok à  Pnompenh,  et  dans  le  fond  de  laquelle  se  versent  les  lacs  cambodgiens,  est 
une  route  naturelle  jalonnée  des  batailles  ;  de  même  la  vallée  du  Ménam,  avec  cette 
circonstance  intéressante  qu'elle  constitue  aussi   la   route   la  plus  facile  de  la  côte 


—  390  — 

indo-chinoise  vers  le  Mékong  de  Vien  tian,  de  Luang-Prabang  et  les  pays  Chans- 
couverts  de  forêts  de  tek.  Par  là,  le  Siam  a  pu  nouer  des  relations  économiques, 
dont  il  gardait  la  direction,  et  souvent  imposer  une  vassalité  aux  petits  souverains 
des  bassins  peuplés  intermédiaires  entre  Bangkok  et  Luang-Prabang  ;  par  là,  un 
commerce  nouveau  s'est  superposé  à  celui  du  delta;  les  bois  de  tek  n'avaient 
besoin,  pour  devenir  marchands,  que  de  descendre  le  courant  du  fleuve,  guidés  au 
passage  de  deux  ou  trois  rapides.  Tandis  que  le  riz  foiu-nit  à  peu  près  les  quatre 
cinquièmes  de  l'e.xportation  du  Siam,  le  tek  compte  pour  un  dixième,  et  l'on  voit 
qu'il  reste  10  %  seulement  pour  toutes  les  auti'es  marchandises.  Une  des  nouveautés 
principales  du  nouveau  régime  siamois  est  précisément  de  diversifier  de  plus  en. 
plus  la  liste  des  produits  d'exportation. 

Le  riziculteur  du  Ménam  est  un  paysan  qui  n'a  pas  le  sens  ni  le  goût  du  com- 
merce ;'il  sème  en  pépinière,  repique,  suit  l'inondation  annuelle  plutôt  qu'il  ne  la 
dirige,  récolte  et  procède  à  un  battage  rustique  ;  souvent  il  ne  va  pas  jusqu'à 
décortiquer  lui-même  le  riz  nécessaire  à  sa  subsistance  et  aux  semailles  prochaines  ; 
il  le  rachètera  plus  tard  au  Chinois  acheteur  de  son  paddy,  et  qui  déjà,  dans  bien 
des  cas,  le  tient  captif  de  dettes  anciennes  ;  ce  fellah  d'Extrême-Orient  ressemble, 
par  son  imprévoyance,  son  dédain  pour  les  progrès  culturaux,  à  ceux  de  l'Egypte- 
et  de  l'Inde  ;  ce  n'est,  économiquement  parlant,  qu'un  instrument  de  travail  aux 
mains  de  civilisés  supérieurs,  —  ici  des  Chinois  — ,  qui  accaparent  tout  le  profit 
net  de  sa  production.  De  là,  au  Siam,  l'importance  essentielle  du  Chinois  ;  patient 
et  sobre,  aisément  au  fait  des  coutumes  et  des  langues  locales,  le  Chinois  s'implante 
aussi  promptement  autour  de  Bangkok  qu'à  Cholon,  il  est  soutenu  par  ses  compa- 
triotes déjà  établis,  par  les  compagnons  des  «  Congrégations  »  auxquelles  il  est 
toujours  affilié,  de  sorte  que  tout  immigrant  chinois,  même  sans  aucun  avoir  per- 
sonnel, représente  un  orfjanisme  de  relation  :  tout  le  commerce  du  riz  dépend  du 
Chinois,  contre  lequel  la  concurrence  européenne,  di.spendieuse  et  moins  informée,, 
n'a  que  peu  de  chance  de  succès. 

Les  négociants  chinois  tenaient  à  vivre  aussi  indépendants  que  possible  de  la 
justice  siamoise,  parce  que  celle-ci  fut  longtemps  rendue  par  des  tribunaux  sans 
autorité  morale,  par  des  juges  que  n'eflrayaient  point  l'arbitraire  ;  c'étaient  donc  des 
clients  tout  désignés  pour  une  juridiction  consulaire  non  siamoise,  et  voilà  pour- 
quoi la  France  avait  là-bas,  en  un  pays  où  ses  intérêts  directs  sont  minimes,  —  trop- 
minimes  encore  —  un  rôle  politique  à  jouer  comme  protectrice  légale  des  négo-^ 
ciants  chinois.  Le  roi  de  Siam,  et  l'aristocratie  qui  l'entoure,  supportaient  impa- 
tiemment cette  autonomie  des  plus  actifs  résidents  de  Bangkok.  Désireux  de- 
l'abolir,  ils  ont  fini  par  choisir  le  seul  moyen  vraiment  efficace,  qui  consistait  à 
réformer  la  justice  siamoise  ;  puis,  par  des  concessions  compensatrices  en  matière 
territoriale,  ils  ont  obtenu  la  prochaine  extinction  de  la  protection  française.  Cette- 
réorganisation  de  la  justice  siamoise,  rédaction  et  publication  de  codes,  instruction 
et  recrutement  des  magistrats,  est  présentement  en  cours,  et  des  avis  français, 
notamment,  ont  été  sollicités  par  le  roi  de  Siam  pour  la  mener  rapidement  à  bien  : 
c'est  l'une  des  «  grandes  pensées  du  règne  »  et  peut-être  celle  dont  l'avenir  du  Siam 
sera  le  plus  profondément  marqué. 

Parallèlement,  le  roi  de  Siam  poursuivait  la  restauration  financière  et  administra- 
tive de  ses  États.  Aujourd'hui,  la  situation  des  finances  siamoises  est  très  prospère; 
le  trésor  royal  n'est  plus  confondu  avec  celui  de  l'Etat,  ce  qui  est  un  acheminement, 
vers  le  régime  de  la  «  liste  civile  »  ;  le  budget  ordinaire,  en  recettes  et  dépenses,  se- 
balance  maintenant  autour  de  80  millions  de  francs  et  chaque  année  un  budget, 
extraordinaire  d'une  quinzaine  de  millions,  sur  ressources  spéciales,  pourvoit  à  des 
dépenses  spéciales  aussi,  surtout  d'outillage  économique  et  militaire.  Le  Siam  a  pu^ 


—  391  — 

depuis  11)05,  faire  appel  au  crédit  dans  les  conditions  honorables  consenties  aux* 
emprunteurs  les  plus  sérieux  ;  il  a  maintenant  une  dette  publique  de  IfX)  millions 
de  francs,  au  taux  de  4  1/2;  les  fonds  siamois  se  classent  facilement  sur  les  places 
européennes  ;  le  dernier  emprunt  (71  millions)  a  été  souscrit  avec  le  concours  de  la' 
Banque  française  de  l'Indo-Gliine,  de  la  Hongkong  and  Shanghaï  Bank,  et  de  la 
Deutsche  Asiatische  Bank  (Janvier  1907).  Les  charges  de  cette  dette  ne  pèsent  pas 
trop  lourdement  sur  la  population,  en  raison  des  progrès  de  la  culture  du  riz  et  de 
la  hausse  générale  des  transactions  :  le  commerce  extérieur  du  Siam  est  en  pro- 
gression notable,  surtout  aux  exportations  ;  celles-ci  atteignaient  en  l'.lOo  presque 
exactement  150  millions  de  francs. 

Les  fonds  d'emprunt  sont  affectés  de  préférence  à  des  travaux  publics,  irrigation 
et  chemins  de  fer.  Nous  savons,  par  notre  expérience  d'Indo-Ghine,  combien  une 
«  politique  hydraulique  »  est  nécessaire  à  la  vie  des  deltas,  qui  redoutent  égale- 
ment l'excès  et  la  disette  de  l'eau  ;  le  développement  des  irrigations  et  des  drai- 
nages est  immédiatement  suivi  de  celui  des  rizières  et  de  longtemps,  aux  portes  de- 
la  fourmillièi'e  chinoise,  il  n'y  a  pas  à  craindre  une  surproduction  du  riz  ;  d'ores  et 
déjà,  le  delta  du  Ménam  fait  une  concurrence  sensible  à  notre  Cochinchine.  Quant 
aux  chemins  de  fer,  ce  sont  des  instruments  surtout  politiques,  destinés  à  rattacher 
administrativement  à  Bangkok  des  provinces  intérieures,  dont  la  dépendance  était 
jusqu'ici  restée  toute  nominale  ;  le  Siam  exploite  présentement  650  kilomètres  de 
voies  ferrées  ;  350  sont  en  construction.  L'extension  de  ce  réseau  est  un  des  moyens 
de  la  «  siamisation  »  du  haut  pays,  que  poursuivent  avec  ténacité  des  fonction-^ 
naires  spécialement  élevés  autour  du  palais  royal  ;  elle  a  permis  déjà  la  formation 
de  dépôts  militaires  et  de  quelques  garnisons  permanentes.  De  plus  en  plus,  l'au- 
torité fondée  par  la  famille  royale  sur  la  possession  du  delta  de  Bangkok  rayonne 
dans  l'arrière-pays  ;  sûr  désormais  de  son  bon  voisinage  avec  la  France  et  l'Angle- 
terre, attentif  à  équilibrer  auprès  de  lui  les  conseils  étrangers  dont  il  sait  tout  le 
prix,  le  roi  peut  se  rendre  le  témoignage  qu'il  laissera  une  œtivre  derrière  lui. 

Henri  Lorin. 
(Dépêche  Coloniale). 

AMÉRIQUE. 

Ij'Kx.portatiou  du  Blé  canadieu.  —  Parlant  de  la  récolte  du  blé  et 
du  surplus  exportable,  la  Semaine  commerciale  de  Québec  estime  que  sur  la 
récolte  de  blé  de  l'Ouest,  de  l'année  dernière,  55  millions  509.720  minots  ont  été 
expédiés  vers  l'Est  par  les  ports  de  Fort-William  et  de  Port-Arthur.  Du  l*''  Sep- 
tembre 1905  au  31  Août  1906,  on  a  inspecté  à  Winnipeg  65  miUions  849.940  minots 
de  blé.  La  différence,  soit  en  chiffres  ronds  10.000.000  de  minots,  serait  alors  la 
quantité  importée  aux  Etats-Unis  par  les  meuniers  de  Minneapolis  et  de  Saint-Paul 
pour  mélanger  avec  des  blés  américains.  Comme  l'Ouest  américain  a,  cette  année, 
une  récolte  tr's  abondante,  il  est  probable  que  la  demande  de  blé  canadien  ne  sera 
pas  aussi  forte  cet  hiver  ou  au  printemps  prochain.  Sur  les  84.000.000  de  minots  de 
blé  de  la  récolte  de  1905,  il  y  a  donc  65.CKK).000  de  minots  d'exportés,  soit  77  pour 
cent.  En  appliquant  la  même  proportion  à  la  récolte  de  1906,  que  l'on  évalue  à 
94.000.(XJ0  de  minots,  nous  aurons,  dans  l'Ouest,  cet  automne,  plus  de  72  millions 
de  minots  de  blé  disponibles  pour  l'exportation. 

lies  Sllnes  caiiadienne.f>.  —  Les  mines  de  charbon  du  Canada  occupent 
une  superficie  de  97.200  milles  carrés  non  compris  les  terrains   connus  mais  pas- 


—  31)2  — 

encore  exploités.  Il  existe  des  régions  houillères  à  la  Nouvelle-Ecosse  et  au  Nou- 
veau-Brunswiclc,  au  Manitoba  et  dans  le  Nord-Ouest,  dans  les  Montagnes  Rocheuses, 
dans  la  Colombie-Anglaise.  Les  terrains  houillers  de  la  Nouvelle-Ecosse  couvrent 
une  superficie  d'environ  035  milles  carrés.  L'épaisseur  des  cOuches  est  énorme  dans 
cette  région.  Ainsi  au  Cap  Breton,  elles  mesurent  25  à  60  pieds  ;  à  Pictou,  70  pieds 
au  moins,  et  à  Cumberland,  pas  moins  de  30  pieds.  Si  on  réduit  d'un  quart  l'éten- 
due exploitable,  c'est-à-dire  qu'on  la  fixe  à  300.000  acres  à  la  place  de  405.400  et 
qu'on  estime  l'épaisseur  moyenne  des  lits  à  25  pieds  donnant  1.000  tonnes  de 
charbon  à  l'acre  par  pied  d'épaisseur,  la  quantité  totale  de  houille  de  la  Nouvelle- 
Ecosse  serait  de  sept  milliards  de  tonnes.  Il  n'existe  pas  de  terrains  carbonifères 
connus  entre  la  Nouveau-Brunswick  et  le  Manitoba.  On  estime  approximativement 
à  15.000  milles  carrés  les  terrains  de  cette  nature  dans  le  Manitoba. 

La  troisième  région  carbonifère  est  celle  des  Montagnes  Rocheuses  ;  elle  n'a  que 
quelques  milles  d'étendue,  mais  on  y  trouve  du  charbon  de  première  qualité.  Les 
lits  de  la  passe  du  Nid  au  Corbeau  sont  très  riches,  et  on  y  rencoetre  plusieurs 
veines  d'anthracite  d'excellente  qualité. 

La  quatrième  région  carbonifère  est  celle  de  la  côte  du  Pacifique,  on  estime  sa 
superficie  à  13.700  milles  carrés.  Dans  ce  chiffre  sont  compris  les  dépôts  d'anthra- 
cite de  l'île  de  la  Reine-Charlotte  dont  le  produit  peut  se  comparer  avantageusemer^t 
à  l'anthracite  de  Pensylvanie. 

En  1903,  le  Canada  a  exporté  du  charbon  pour  452.434  dollars,  dont  4.n44.0()4 
•dollars  aux  Etats-Unis. 

IjC  Blé  danis  l'Arg;eutine.  —  La  Revista  del  Rio  de  là  Plata  vient  de 
publier  une  estimation  officielle  de  la  récolte  des  blés  de  la  République,  en 
comparant  les  deux  récoltes  lU0fV07  et  IIWS-OO  au  point  de  vue  rendement  et 
superficie. 

Dans  la  province  de  Buenos  Ayres,  la  superficie  cultivée  a  été  de  2.213.258  hec- 
tares contre  2.320.000  en  1905/00,  le  rendement  en  tonnes  est  évalué,  pour  cette 
année,  à  2.3.30.000  contre  2.018.400  en  1905/00;  la  province  de  Santa-Fé  s'inscrit 
avec  1.483.413  hectares  contre  1.415.034,  le  rendement  a  été  de  045.000  tonnes 
■contre  073.390;  Cordoba  a  cultivé  1.402.540  hectares  contre  1.190.700,  le  rendement 
obtenu  a  été  de  745.000  tonnes  contre  090.495  ;  l'Entre  Rios  a  emblavé  332.900  hec- 
tares contre  290.020,  le  rendement  a  été  de  340.000  tonnes  contre  141.497  ;  enfin,  les 
Pampas  et  les  autres  territoires  ont  étendu  leurs  cultures  sur  195. (X)0  hectares 
contre  101.995,  et  ils  ont  obtenu  un  rendement  de  170.000  tonnes  contre  148.443 
en  1905/00. 

En  somme,  si  l'on  réunit  ces  divers  totaux,  on  arrive,  pour  l'Argentine  entière  à 
une  étendue  cultivée  de  5.092.171  hectares  contre  5..'î90.34i)  il  y  a  un  an,  avec  un 
rendement  de  blé  de  42.300.000  quintaux  contre  30.723.310  en  1905/00. 

Le  blé  récolté  a  été,  comme  on  le  sait,  reconnu  d'excellente  qualité  et  son  poids 
spécifique  a  atteint  en  maints  districts  84  kilos  à  l'hectolitre.  L'étalon  déposé  dans 
les  places  de  Buenos-Ayres  et  de  Rosario  pèse  80  kilos.  Si  l'on  établit  une  moyenne 
de  78  kilos  à  l'hectolitre,  on  arrive  pour  la  récolte  de  la  Plata  à  un  rendement  total 
en  hectolitres  de  54  à  55  millions  environ,  qui  pei'mettront  à  l'Argentine  d'occuper 
une  place  encore  plus  brillante  que  l'année  dernière  dans  la  liste  des  pays  surpro- 
ducteurs. 

LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT,  LE    SECRÉTAIRE -GÉNÉRAL, 

Jules  DUPONT.  A.  MERCHIER. 


—  393 


TABLE     DES     MATIERES 

DU    PREMIER    SEMESTRE    DE    1907. 


Grandes  Conférences. 

PAGES. 

V.  Brifaut.  —  San  Francisco  et  la  Californie  (compte  rendu) 14 

Etienne  Roze.  —  Naples  et  la  Sicile  (compte  rendu) 28 

Raoul  Blanchard.  —  La  Flandre  (compte  rendu) 78 

M™"  Séverln-Bourgoignon.  —  Une  excursion  aux  grands  sanctuaires  de  la 

Grèce 97 

Paul  Walle.  —  Le  Chili  pittoresque  (compte  rendu) 141 

A.  Halot.  —  Le  Japon  ancien  et  moderne  (compte  rendu) 153 

Octave    Gérin.    —   Trois    mois   dans   l'Allemagne  du  Nord  et  le  Danemark 

(compte  rendu) 162 

M.  l'Abbé  L.  Legrand.  —  Une  excursion  en  Kabylie  (compte  rendu) 212 

D.  Zolla.  —  Le  Far-West  (compte  rendu) 222 

C  CTAVE  Justice.  —  Le  Verdon  (compte  rendu) 231 

E.  Haumant.  —  Coins  de  Morvan  et  de  Bourgogne  (compte  rendu) 269 

Marius  Go.ssez.  —  De  Rouen  à  la  mer 278 

Henri  Boland.  —  Au  pays  de  Mireille  (compte  rendu) 333 

Georges  Lecarpentier.  —  Le  Grand-Duché  de  Luxembourg  (compte  rendu). .  344 

Paul  Privat-Deschanel.  —  Le  Mouton  mérinos  (compte  rendu) ...  ; 351 


Communications. 

Harmand.  —  Les  grandes  Puissances  en  Extrême-Orient  et  Tlndo-Chine 54 

X.  —  Pour  Carthage '. 66 

X.  —  Société  d'encouragement  pour  le  commerce  français  d'exportation 67 

Gaston  B.aelen.  —  Monographie  de  Wasquehal 108 

X.  —  Notes  sur  le  Maroc , 114 

Duc  DES  Abruzzes.  —  exploration  du  Rouvenzori 171 

Paul  Giffard.  —  D'un  Pôle  à  l'autre 182. 

Ed.  Buchére.  —  La  colonisation  saharienne 184 

Emile  Cornaert.  —  Aux  bords  du  Rhin 245,  301 

A.  Lacroix.  —  Pompéi.  St-Pierre.  Ottojano 254 

Réginald  Kann.  —  Notes  sur  le  Maroc 314 

Eugène  Gallois.  —  Voyage  dans  l'Amérique  du  Sud 318,  368 


—  394  — 

PAGES. 

Maurice  Zimmermann.  —  Les  nouvelles  lignes  des  Alpes  Orientales 357 

X.  —  La  question  du  chemin  de  fer  de  Bagdad 360 

X.  —  Un  jeune  ménage  chasseur  en  Afrique  .'. 363 

Gh.  René-Leclerc.  —  Le  commerce  du  Maroc 365 

X.  —  Voyage  du  Capitaine  Amundsen 372 

Gh.  Barrois.  —  Statue  à  élever  à  Lamarck .376 

Voyages  organisés  par  le  Comité  Dupleix 378 

Concours. 

■Concours  institué  par  la  Ligue  Coloniale  française 380 

Uxcurslouji». 

-E.  Cantineau.  —  Visite  du  Sanatorium  familial  de  Montigny-en- __  strevent.. . .  40 

Programme  des  Excursions  projetées  en  1U07 122 

Procès-^erbauiK. 

Assemblée  générale  du  3  Janvier  1907 7 

Séance  solennelle  du  27  Janvier  1907 77 

Assemblée  générale  du  Jeudi  1 1  Avril  1907 205 

iliécroKogie. 

Auguste  Crepa'.  —  Discours  prononcé  le  29  Décembre  1906  sur  la  tombe  de 

M.  Quarré-Reybourbon,  Vice-Président 5 

Bibllog^rapliie. 

G.  HouBRON.  —  Une  croisière  française  au  Spitïberg,  par  Eugène  Gallois 70 

»               New-York  comme  je  l'ai  vu,  par  Charles  Huart 71 

J.  Dupont.  —  Dictionnaire  de  géographie,  par  A.  Demangeon 124 

G.  HouBRON.  —  Un  crépuscule  d'Islam,  par  André  Chevrillon 125 

»                L'expansion  coloniale  au  Congo  français,  par  Fernand  Rouget.  12() 
»                Le  territoire  français  de   Kouang-Tchéou,  publié  par  le  Gou- 
vernement général  de  l'Indo-Chine 128 

»                Sanctuaires  d'Orient,  par  Edouard  Schuré 186 

»               Explorations  au  Maroc  (mission  de  Segonzac),  par  Louis  Gentil.  188 

»               Asie-Mineure  et  Syrie,  par  Eugène  Gallois 257 

»                Nos  chasses  dans  les  cinq  parties  du  monde,  par  Paul  Niedick.  258 

»                Trois  mois  au  Kouang-Si,  par  un  officier  en  mission 321 

Faits  et  I\oiiv€lIe.«  g;éog;ra|>lilc|ues. 

I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 

France. 

.Mission  Gallois \2^) 


—  395  — 
France  et  Colonies. 

PAGES. 

L'éducation  des  Indigènes  en  Indo-Chine 190 

Madagascar.  Les  enterrements  Betsiléos  .-. 259 

Le  territoire  militaire  du  Niger  en  1900 322 

•Guinée 324 

Alger-Tunis :381 

Asie. 

Le  Transsibérien 120 

Le  Traité  Franco-Siamois 262 

La  Chine  nouvelle 265 

La  situation  en  Mandchourie 265 

L'explorateur  Sven  Hedin  au  Tibet 324 

Afrique. 

La  convention  éthiopienne 71 

Mission  de  délimitation  du  Congo-Cameroun 132 

Le  Transafricain 192 

Amérique. 

La  (niadeloupe  station  hivernale 73 

Lettre  de  M.  Gliarpentier  en  voyage  au  Pérou 26f) 

Etatt^-Unis.  La  fin  du  conflit  scolaire  nippo-américain 2(57 

L'évanouissement  du  Colorado 327 

Les  forêts  pétrifiées  de  l' Arizona 383 

Ocômiie. 

L'Australie  centrale  et  septentrionale 132 

Aux  Nouvelles-Hébrides.  —  Port-\'ila 384 

Régions  polaires. 

Expédition  arctique  américaine 135 

Voyage  du  Capitaine  Amundsen 193 

Nouvelle  croisière  du  Duc  d'Orléans 194  ' 

Le  Commandant  Peary  au  Pôle  Nord 385 

II.    GÉOGRAPHIE    COMMERCIALE.   —   FaiTS   ÉCONOMIQUES   ET    STATISTIQUES. 

France. 

Commerce  extérieur  de  la  France  en  1906 135 

Canal  du  Nord 328 

Un  nouveau  marché  de  caoutchouc 328 

France  et  Colonies. 

La  production  du  caoutchouc .• 76 

Dix  années  de  progrès  à  la  Côte  d'Ivoire •. 196 


—  390  — 

PAGES. 

Projet  de  chemin  de  fer  au  Congo  français 197 

L'emprunt  de  l'Afrique  Occidentale  française 197 

Emigration  des  îles  Saint-Pierre  et  Miquelon ■ 198 

Flore  de  la  Guinée  française 199 

Le  Gardamone  au  Tonkin , 200 

Le  Port  d'Alger 330 

Tunisie ' 33(> 

La  houille  en  France 386 

Mouvement  commercial  des  Golonies  françaises 387 

Le  commerce  du  Gongo  français 388 

Le  crin  végétal  en  Algérie 389 

Europe. 

Expansion  commerciale  de  l'Allemagne 136- 

La  navigation  du  Rhin  supérieur 137 

L'importance  des  vivres  étrangers  en  Angleterre 137 

Pêcheries  maritimes 137 

Développement  du  Port  de  Hambourg 200' 

Nouvelle  station  maritime  en  Allemagne 200 

Belgique.  Le  commerce  en  190() 267 

Angleterre.  Le  commerce  en  1906 330 

Asie. 

Le  charbon  au  Japon 201 

Les  progrès  du  Siam 389- 

Afrique. 

Programme    des   grands  travaux    publics   et   emprunt   de  75  millions   pour 

l'outillage  de  la  Tunisie 138 

Le  commerce  du  Maroc  en  1906 201 

Canal  de  Suez  268 

Le  commerce  de  l'Egypte 332 

Amérique. 

Le  chemin  de  fer  de  Tehuantepec  (Mexique) 332 

L'exportation  du  blé  canadien 391 

Les  mines  canadiennes 391 

Le  blé  dans  l'Argentine 392. 

III.   —   GÉNÉRALITÉS. 

La  population  des  principaux  pays  et  des  principales  villes  du  globe 139 

La  production  mondiale  de  la  houille ."~r. .  . .  202 

La  production  mondiale  du  fer  en  1906 203 

Le  cuivre  en  1906  et  1907 :-. . .  204 


Lille  Imp.LDanel 


BULLETlxN 


/       ) 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

DE    LILLE 

(LILLE,    ROUBAIX,    TOURCOING). 


BULLETIN 


DE    LA 


r  r 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 


DE    LILLE 


LILLE,  ROUBATX,  TOURCOING 


Reconnue    (Vutilité  publique  par    décret    du   21    Décembre   1895. 


2"^  SEMESTRE   DE  1907 


Ving-t-Huitième  Année.  —  Tome  Quarante-Huitième. 


SIEGE  DE  LA  SOCIETE  : 

116,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116, 

LILLE. 


—  5  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L 

Séance  du  Dimanche  3  Février  1907. 


UN  PEUPLE  DU  CONGO  FRANÇAIS  :  LES  FANG 

CROYANCES    ET    RELIGION  (SuUe) 
Par  le   R.    P.   TRILLES, 

Missionnaire  au  Gabon. 


COMPTE     RENDU    ANALYTIQUE 


La  première  conférence  du  R.  P.  Trilles  nous  a  présenté  les  Fang, 
tels  qu'ils  apparaissent  aux  explorateurs  qui  ne  font  que  passer.  Ceux- 
ci,  incapables  de  causer  eux  mêmes  avec  les  indigènes  et  de  les  ques- 
tionner, ne  connaissent  de  la  mentalité  de  cette  tribu  intéressante  que 
ce  que  l'interprète  veut  bien  leur  dire ,  c'est-à-dire  presque  rien. 
Au  contraire,  le  missionnaire  qui,  pour  les  besoins  de  sa  cause,  doit 
nécessairement  prendre  contact  avec  ceux  qu'il  veut  civiliser,  est  i)lus  à 
même  de  nous  renseigner  sur  leur  état  d'âme. 

Pour  bien  connaître  les  Fang,  il  faut  donc  se  faire  admettre  chez 
eux,  (l'épreuve  du  couteau  (1)  est  parfois  une  des  conditions  de  Fadmis- 


(1)  Voir  Bulletin  de  Décembre  1906,  page  368. 


—    (5  — 

sion),  puis  vivre  de  leur  vie  et  causer  familièrement  avec  eux.  Nous 
avons  vu  également  comment  on  pouvait  devenir  le  frère  de  sang  de 
quelque  personnage  influent.  C'est  une  fort  sage  précaution,  on  n'en 
saurait  trop  prendre  avec  les  membres  de  cette  tribu  farouche.  Le  R. 
P.  Trilles  apprit  ainsi  à  connaître  l'âme  de  ce  peuple. 

Les  Fang  croient  à  une  divinité  supérieure  qui,  après  avoir  tout  créé, 
s'est  retirée  dans  un  olympe  inaccessible  d'où  elle  ne  se  soucie  plus 
guère  de  ses  créatures.  On  la  nomme  Nzame.  Des  esprits,  bons  et 
mauvais,  s'occupent  seuls  des  humains.  Comme  toutes  choses  ont  leur 
bon  ou  leur  mauvais  côté,  leurs  effets  ou  propriétés  différents,  les  Fang 
en  ont  conclu  à  l'existence  des  bons  et  des  mauvais  génies,  sans  se 
rendre  compte  que  ces  choses  sont  nuisibles  ou  non  suivant  qu'ils  en 
usent  trop  ou  trop  peu.  Comme  ils  ne  craignent  en  somme  que  les 
mauvais  génies,  ils  cherchent  à  se  les  rendre  favorables.  De  là  l'in- 
fluence dos  féticheurs  ou  sorciers  qui  se  donnent  à  eux  comme  les 
intermédiaires  obligés  entre  les  hommes  et  les  génies. 

Le  noir  veut-il  par  exemple  se  mettre  à  l'abri  des  balles,  vite  il  va 
trouver*  le  féticheur  réputé  pour  cela  et  lui  [offre,  pour  les  sacrifier  à 
l'esprit  des  batailles,  une  chèvre  ou  même  deux,  ce  qui  est  beaucoup 
mieux.  Le  sacrifice  accompli,  le  féticheur^remet  un  reste  de  la  victime 
offerte,  portion  d'os,  de  cuir,  de  poil,  que  le  noir  enferme  dans  une 
étoffe  quelconque  et  s'en  va  confiant  dans  son  efficacité.  Croit-il  en 
l'amulette  elle-même  ?  Ce  serait  faire  grossière  erreur  que  de  le  croire. 
L'amulette  n'est  pour  le  noir  qu'un  signe  (sorte  de  sacrement)  qu'il 
porte  ostensiblement  pour  rappeler  au  génie  qu'il  a  fait  un  pacte  avec 
lui  et  en  attend  sa  protection  dans  le  danger.  Efanèga,  peut-il  dire, 
souviens-toi,  6  génie,  que  je  t'ai  donné  quelque  chose  ;  j'en  porte  la 
marque  sur  moi.  Si  tu  ne  me  gardes  pas,  tu  n'as  aucun  pouvoir.  Si 
l'amulette  lui  a  porté  bonheur,  le  noir  trouve  cela  tout  naturel  ;  si  le 
contraire  arrive,  ou  bien  il  reconnaîtra  qu'il  n'a  pas  fait  une  offrande 
suffisante,  ou  bien  encore  il  s'en  prendra  au  féticheur  lui-même  :  ce 
sont  les  aléas  du  métier. 

Les  féticheurs  se  reconnaissent  toujours  à  un  détail  quelconque  de 
leur  coiffure  ou  de  leur  accoutrement.  Ils  ont  des  insignes  :  bâtons  de 
commandement,  cornes  d'antilope  et  ceintures  pour  certaines  fêtes. 
Quand  ils  meurent,  on  ne  les  enterre  pas  comme  les  autres,  mais  on 
les  enferme  dans  le  tronc  spongieux  et  facile  à  creuser  d'une  superbe 
malvacée  arborescente,  l'Adausania  digitata. 

Pour  devenir  féticheur  ou  sorcier,  il  faut  une  longue  initiation  pen- 


—  7  — 

dant  laquelle  on  apprend  à  connaître  certains  secrets  ainsi  que  la  vertu 
des  plantes  et  des  poisons.  Puis  le  futur  néophyte  doit  passer  trente 
jours  sans  nourriture  au  milieu  d'une  forêt,  n'y  faisant  usage  que  de 
breuvages  excitants.  La  dernière  épreuve  est  terrible,  un  prisonnier 
est  sacrifié  devant  tous  les  sorciers  réunis  qui  en  boivent  d'abord  le 
sang.  Le  cadavre  est  ensuite  couclié  dans  une  fosse  et  le  futur  sorcier 
doit  s'étendre  sur  lui  et  rester  bouche  contre  bouche  pendant  trois  jours 
consécutifs.  Après  cette  épreuve,  les  os  du  cadavre  réduits  en  cendres 
servent  à  la  confection  des  amulettes. 

Les  féticheurs  ont  chacun  leur  spécialité.  Il  y  en  a  qui  sont  guéris- 
seurs et  si  parmi  eux  il  en  est  qui  usent  de  subterfuges,  d'autres  ont  des 
remèdes  qui  mériteraient  d'être  connus  de  tous.  Un  compagnon  du  Père 
Trilles  qui  avait  eu  le  pied  transpercé  par  une  grosse  épine,  a  été  guéri 
en  une  nuit  par  l'un  d'eux  après  application  d'un  onguent  spécial  et  a 
pu  fournir  le  lendemain  une  course  de  trente  kilomètres.  D'autres  féti- 
cheurs se  posent  en  devins.  Le  R.  P.  Trilles  sut  faire  dire  à  l'un  d'eux 
ce  qu'il  avait  fait  et  en  apprit  même  la  mort  de  son  père  qu'il  ignorait 
encore  au  moment  de  la  consultation. 

Tous  ces  féticheurs  jouissent  d'une  grande  influence  sociale.  Leurs 
fétiches  sont  très  recherchés.  Il  y  en  a  aux  portes  de  chaque  case  qui 
sont  censés  la  préserver  de  tout  mal.  On  consulte  ces  sorciers  sur  toutes 
sortes  de  choses.  Un  mari,  ayant  doute  sur  la  vertu  de  sa  femme, 
consulte  son  féticheur  et  s'en  rapporte  à  son  jugement.  L'infidèle  est 
condamnée  suivant  les  cas  à  la  bastonnade  ou  bien  aux  entraves  en 
usage  chez  les  Fang.  En  cas  de  crime,  c'est  un  féticheur  qui  doit 
trouver  le  coupable.  Les  sorciers  viennent  en  de  curieux  costumes  pro- 
céder aux  funérailles  de  leurs  adeptes.  Les  Fang  croient  à  l'immortalité 
de  l'âme  qui  après  la  mort  se  rend  dans  un  séjour  bienheureux  ou  en 
un  lieu  de  souffrances  où  elle  expie  par  le  feu.  Pour  eux  l'âme  a  quitté 
le  corps  quand  les  yeux  sont  devenus  ternes,  car  c'est  elle  qui  constitue 
le  brillant  de  l'œil.  Des  féticheurs  conduisent  en  les  précédant  les 
guerriers  en  campagne.  Ils  adoptent  en  cette  occasion  un  costume 
spécial. 

Les  femmes  restées  seules  au  village  exécutent  des  danses  parti- 
culières. En  pareille  occasion,  le  R.  P.  Trilles  a  assisté  à  un  fait  vrai- 
ment extraordinaire.  Un  sorcier  avait  disposé  au  milieu  d'un  cercle 
une  tête  de  mort  et  quelques  os.  Il  a  pu  voira  un  moment  donné,  pendant 
que  le  sorcier  faisait  ses  incantations,  les  os  danser  et  venir  toucher  la 
tête  de  mort  qui  se  tourna  ensuite  vers  trois  cases  différentes.  Tout  le 


—  8  — 

monde  avait  dès  lors  compris  que  les  trois  guerriers  partis  de  ces  cases 
étaient  morts  au  combat.  On  considéra  la  chose  comme  tellement  cer- 
taine que  le  deuil  fut  pris  immédiatement  par  chacune  de  leurs  épouses. 
Il  fut  bientôt  constaté  au  retour  des  guerriers  que  la  tête  avait  parfai- 
tement désigné  les  absents.  Ce  fait  est  absolument  inexplicable,  pour  le 
moment  du  moins,  et  il  n'est  pas  le  seul.  En  voici  d'autres  : 

Dans  l'épreuve  du  couteau,  comme  on  l'a  vu,  le  sorcier  en  provoque 
la  chute  s'il  le  juge  nécessaire,  en  touchant  un  pieu  à  sa  portée.  En 
pareille  occasion  le  R.  P.  Trilles  simulait  une  surdité  de  ce  côté  pour 
forcer  le  sorcier  à  s'écarter  du  pieu  fatal.  Un  féticheur  s'aperçut  un 
jour  de  la  ruse  et  voulut  j)r()uver  au  R.  Père  que  par  sa  seule  volonté 
il  provoquerait  la  chute  du  couteau.  Une  chèvre  fut  choisie  pour  vic- 
time, bien  que  le  sorcier  eut  préféré  un  esclave.  Il  ne  se  croyait  sûr  de 
son  fait  qu'en  ce  cas  seulement.  Néanmoins  il  avait  consenti  à  opérer 
sur  l'animal  désigné.  Il  va  sans  dire  que  le  Révérend  Père  avait  tenu  à 
fixer  solidement  le  couteau  avec  une  forte  corde.  Au  commencement  le 
sorcier  ne  put  rien  malgré  ses  incantations,  mais  il  les  redoubla  bientôt, 
conjurant  son  esprit  de  ne  point  l'abandonner  devant  un  étranger,  qui 
pourrait  le  tourner  en  dérision,  et  le  couteau  tomba  effectivement  sur 
la  victime.  La  corde  avait  été  brisée. 

Autre  fait  encore  plus  curieux.  Il  est  une  cérémonie  particulière  en 
usage  au  moment  où  des  jeunes  gens  sont  admis  définitivement  au  rang 
des  hommes  faits.  Une  perche  assez  longue  est  posée  en  son  milieu  sur 
la  fourche  d'un  arbre  par  exemj)le,  figurant  en  quelque  sorte  les  fléaux 
d'une  balance.  ' 

Les  jeunes  gens  prennent  place  à  califourchon  à  l'une  des  extrémités 
et  le  sorcier  les  soulève  tout  en  chantant  et  en  attirant  à  lui  l'autre 
bout.  Tout  à  coup  ses  incantations  redoublent  et  c'est  ici  que  commence 
le  merveilleux,  car  on  peut  le  A^oir  tout  à  coup  abandonner  des  deux 
mains  la  perche  qui  malgré  sa  charge  n'en  reste  pas  moins  à  leur 
portée,  comme  obéissant  à  une  attraction  mystérieuse.  Et  de  fait,  la 
perche  reste  toujours  à  la  même  distance  de  ses  mains,  soit  qu'il  les 
élève  ou  qu'il  les  abaisse,  elle  suit  toujours  ostensiblement  ces  divers 
mouvements.  Le  R.  P.  Trilles,  pour  mieux  s'assurer  de  la  réalité  du 
fait,  s'avisa  de  passer  rapidement  une  main  entre  la  perche  et  le  sorcier 
et  ne  remarqua  rien,  si  ce  n'est  une  légère  tendance  de  celle-ci  à  se 
relever  quelque  peu,  comme  s'il  avait  affaibli  pendant  ce  court  instant 
la  force  d'attraction  mystérieuse  de  l'opérateur. 

Y  a-t-il  interventi(m  diabolique  dans  les  diverses  pratiques  de  ces 


—  0  — 

sorciers  ou  agissent-ils  d'après  des  lois  naturelles  que  nous  ignorons 
encore  ?  Attendons,  avant  de  nous  prononcer. 

Enfin  parmi  les  sorciers,  il  en  est  qui  sont  supérieurs  aux  autres.  Il 
va  sans  dire  qu'ils  ont  pour  parvenir  à  cette  haute  situation  à  supporter 
de  plus  rudes  épreuves  encore  que  les  autres.  Ils  doivent,  par  exemple, 
subir  en  public  l'épreuve  dos  guêpes.  Une  calebasse  qui  en  contient  est 
appliquée  sur  leur  poitrine  mise  à  nu  et  ils  doivent  savoir  en  supporter 
les  cuisantes  piqûres  sans  proférer  une  seule  plainte  pendant  toute  la 
durée  de  l'épreuve.  Ils  ont  aussi  à  sacrifier  une  vie  humaine  comme  les 
sorciers  inférieurs  et  dans  les  mêmes  conditions,  mais  en  outre  dans  ce 
cas  il  faut  que  la  victime  leur  soit  parente  au  premier  degré  :  mère, 
sœur  ou  fille.  Ces  grands  sorciers  sont  d'une  approche  difficile,  car  ils 
ne  veulent  admettre  en  leur  présence  que  leurs  adeptes. 

Malgré  l'influence  dont  ils  jouissent,  ils  n'arrivent  pas  cependant  à 
contrecarrer  entièrement  celle  des  missionnaires.  Ceux-ci ,  malgré 
tout,  en  s'adressant  à  l'enfance,  en  pratiquant  des  bonnes  œuvres  et 
surtout  en  soignant  les  malades,  sont  arrivés  à  faire  œuvre  utile.  Le  noir 
est  vraiment  notre  frère  arrêté  seulement  dans  son  stade  évolutif.  Lui 
tendre  la  main  et  le  relever,  tel  est  le  devoir  de  tous  ceux  qui  tra- 
vailleïit  là-bas  à  l'ombre  de  la  croix  ou  du  drapeau. 


II. 

Séance  du  Jeudi  7  FèmHer  1907 . 


LA  CRISE  SERBE 

Par    M.    René    HENRY, 

Lauréat  de  l'Ecole  des  Sciences  politiques  et  de  l'Académie  française, 
Auteur  de  Questions  d' Autriche-Hongrie  et  Question  d'Orient. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  René  Henry  commence  par  nous  dire  quelques  mots  de  l'École 
des  Sciences  politiques  à  qui  nous  sommes  redevables,  ajoutons-le,  du 


1 1 


choix  de  plusieurs  conférenciers  dont  les  communications  ont  toujours 
été  très  goûtées.  Cette  Ecole  a  été  fondée  en  1871  par  M.  Emile 
Boutmy,  membre  de  l'Institut,  qui  dans  un  but  de  relèvement  voulut 
créer  une  élite,  une  tête  de  peuple  enfin.  les  commencements  furent 
modestes  et  maintenant  l'Ecole  est  prospère ,  comblant  ainsi  une 
grande  lacune  dans  la  haute  éducation  française.  M.  Boutmy  n'est 
plus,  mais  il  a  trouvé  en  M.  Anatole  Leroy-Beaulieu,  également  de 
l'Institut,  un  successeur  digne  de  lui.  L'Ecole  est  ouverte  à  tous  sans 
distinction  d'opinions  et  prépare  ses  élèves  aux  plus  hauts  emplois  de 
l'État,  aux  charges  diplomatiques,  au  Conseil  d'Etat,  à  la  Cour  des 


BELGRADE. 


STATUK    DU    PRINCE    MICHEL. 


Comptes.  M.  René  Henry  eut  une  heureuse  inspiration  de  nous  parler 
ici  le  premier  de  cette  admirable  Ecole  «  née  d'une  espérance  indomptée 


I 


11  — 


au  sein  d'un  grand    ileuil    national ,    génératrice    d'tiommes    et    de 
citoyens  »  (1). 


Ce  qui  se  passe  des  monts  de  Bohême  au  golfe  Persique  doit  être  le 
sujet  de  nos  préoccupations  constantes.  Il  suffit  de  jeter  les  yeux  sur 
une  carte  de  l'Europe  centrale  pour  être  frappé  de  l'importance  de  la 
nation  allemande.  Son  action  économique  et  politique  va  toujours 
s'étendant  par  l'Autriclie-Hongrie,  les  Balkans,  la  Turquie ,  l'Asie- 
Mineure,  atteint  les  monts  Taurus  et  ne  tend  rien  moins  qu'à  pénétrer 
par  le  cliemin  de  fer  de  Bagdad  jusqu'aux  mers  asiatiques.  C'est 
le  fameux  Bramj  nach  Osten,  la  poussée  allemande  vers  l'Est.  Ceci 
n'est  pas  une*  simple  supposition,  mais  bien  une  réalité  si  évidente, 
qu'elle  a  certainement  contribué  à  notre  entente  cordiale  avec  l'Angle- 
terre que  les  visées  de  l'Allemagne  importunent  beaucoup.  Ce  qu'il  faut 
bien  se  dire,  c'est  que  les  commerçants  allemands  préparent  la  voie 
aux  diplomates.  C'est  une  des  deux  métliodes  des  pangermanistes  :  à 
côté  de  la  manière  forte  et  brutale  à  la  Bismark,  la  main  mise  lente, 
sans  bruit  et  en  douceur.  Cette  seconde  tactique  est  exposée  avec  toute 
sa  terrible  grandeur  dans  le  Maître  de  la  Mer  par  l'Américain  Archi- 
bald  Robinson.  L'Anglais  Jarvis  et  lui,  tous  les  deux  apôtres  de  la  race 
anglo-saxonne,  voudraient  voir  leurs  compatriotes  coloniser  dans  la 
région  du  Tchad.  M.  Jarvis  objecte  les  droits  théoriques  de  la  France. 

«  N'est-ce  que  cela  ?  s'écria  M.  Robinson.  Ces  droits  ne  m'embarras- 
«  seront  guère.  Si  je  fais  charger  mes  soldats  nouveaux,  mes  dollars! 
«  Ils  coloniseront  mes  bons  petits  soldats  !  Quand  j'y  posséderai  tout, 
«  bateaux,  sol  et  mines  ;  quand  j'y  aurai  construit  tout  de  mes  deniers, 
«  ports,  villes  et  routes,  que  m'importeront  les  décrets  de  Paris,  inutiles 
«  chiffons  de  papier  ;  peu  m'importera  la  couleur  du  drapeau  arboré 
«  pour  peu  de  temps  sur  mon  bien,  ou  celle  des  uniformes  qui  habille- 
«  ront  les  pantins  dont  je  ferai  mouvoir  les  ficelles.  J'aurai  un  suzerain 
«  lointain,  soit;  mais  les  eaux,  les  terres,  les  forêts,  les  marchandises 
«  seront  miennes  :  miennes  aussi  la  langue  et  les  idées  de  mes  employés, 


(1)  Partie  de  rinscription  gravée  sur  la  médaille,  chef-d'œuvre  de  Roty,  offerte 
au  regretté  M.  Boutmy,  en  la  fête  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  la  fondation 
de  l'École. 


12   — 


«  Et  si  l'on  prétendait  m'évincer  des  établissements  créés  par  mon 
«  argent,  me  troubler  dans  mes  droits  d'iionnête  commerçant,  toute 
«  ma  nation  se  lèverait  pour  me  défendre,  toute  notre  race  derrière  ma 
«  nation.  N'est-ce  pas  ainsi,  cher  Monsieur,  que  vous  acquérez  les  pays 
«  où  l'on  a  l'imprudence  de  molester  un  sujet  britannique  ?  » 


CERCLE    DES   OFFICIERS. 


Rapprochons  de  cela  ces  quelques  paroles  extraites  du  discours  de 
l'Empereur  Guillaume  II  au  lendemain  des  dernières  élections  législa- 
tives en  Allemagne  : 

Merci  de  tout  cœur,  Messieurs,  pour  cette  manifestation.  Elle  prouve 
que  tous,  vous  avez  conscience  d'avoir  accompli  votre  devoir  de 
patriotes  et  que  le  mot  de  notre  chancelier  :  «  L'Allemagne  sait  monter 
à  cheval  quand  elle  veut  »  est  vrai.  Je  suis  fermement  convaincu  que 
si  toutes  les  classes  sociales,  toutes  les  confessions  continuent  à  rester 


1:î 


étroitement  unies,  alors  nous  ne  monterons  plus  seulement  à  cheval, 
mais  nous  foulerons  aux  pieds  de  notre  m.onture,  tous  les  obstacles 
qui  se  dresseront  devant  nous. 

Contre  ce  Drang,  cette  poussée  qui  s'est  particulièrement  accentuée 
depuis  une  quinzaine  d'années,  il  y  a  heureusement  deux  barrières 
possibles.  L'une  se  formera  peut-être  en  Autriche-Hongrie  où  une  évolu- 
tion ne  tardera  pas  à  se  faire,  et  l'autre  peut  se  constituer  quebpie  jour 
par  l'union  des  Jougos-Slaves  (Slaves  du  Sud) ,  c'est-à-dire  de  ces 
Slovènes,  Croates,  Serbes,  Bulgares  et  Macédoniens  dont  les  aspirations 
ont  été  méconnues  en  1878,  lorsque  les  puissances  réunies  à  Berlin  ont 
eu  à  statuer  sur  le  sort  de  chacune  de  ces  nationalités. 


LES  CASEMATES  DE  LA  CITADELLE   OU  FURENT  ENFERMES  SOUS  LE  ROI  MILAN 
LES    HOMMES    AUJOURD'HUI   AU    POUVOIR. 


A  la  fin  de  Décembre  dernier  de  nombi-eux  journaux  annonçaient 
qu'une  révolution  était  sur  le  point  d'éclater  à  Belgrade,  que  le  roi 
Pierre  Karageorgevitch  allait  être  détrôné  comme  son  prédécesseur, 
que  son  fils  était  fou,  etc.  —  Le  Temps  envoya  aussitôt  M.  René  Henry 
en  Serbie.  Non  seulement  l'avenir  de  ce  royaume  est  intéressant  au 
point  de  \\\o  européen,  mais  au  point  de  vue  français  nous  ne  pouvions 


—  la- 
pas ne  pas  tenir  compte  de  ce  qu'il  se  rapprochait  de  plus  en  plus  de 
nous  :   il  venait  de  commander  des  canons  au  Creusot  et  allait  con- 
tracter un  emprunt  sur  la  place  de  Paris.  M.  René  Henry  constata  la 
non  révolution. 

Le  conférencier  arriva  à  Belgrade  le  jour  même  fixé  par  les  jour- 
naux pour  cet  important  événement.  Il  était  huit  heures  du  soir,  la 
ville  était  illuminée  et  si  l'on  pouvait  percevoir  quelques  coups  de 
feu,  ils  provenaient  des  Macédoniens  qui  faisaient  parler  la  poudre 
pour  fêter  Noël  à  leur  manière.  Dans  les  cafés  bondés  de  monde  des 
orchestres  se  faisaient  entendre.  Il  ne  se  passait  rien  d'anormal  en 
somme. 

Le  lendemain  et  les  jours  suivants,  M.  Henry  poursuivit  son  enquête. 
Des  correspondants  de  tous  pays  s'étaient  abattus  sur  Belgrade 
comme  une  nuée  de  sauterelles.  L'un  d'eux ,  comme  M.  Blount 
dans  Michel  Strogof,  avait  même  retenu  pour  lui  seul  une  cabine 
téléphonique  moyennant  trois  cents  couronnes.  Il  avait  sagement 
fait  provision  de  saucisses  pour  se  sustenter  sans  quitter  la  place. 
Il  put  ainsi  communiquer  à  ses  commettants  tout  ce  qui  lui  passa  alors 
par  la  tête,  et  des  journaux  ont  le  lendemain  reproduit  les  nouvelles  les 
plus  abracadabrantes. 

M.  Henry  alla  trouver  le  chef  du  ministère,  M.  Patchich,  que  l'on 
disait  dans  les  journaux  être  en  complet  désaccord  avec  le  roi.  Ce  sont 
des  calomnies  sans  fondement,  lui  répliqua  le  ministre,  et  nous  en  con- 
naissons même  la  source.  C'est  si  peu  vrai,  ajouta-t-il,  que  je  viens 
d'avoir  une  longue  visite  du  roi.  Puis  le  conférencier  voulut  voir  le 
leader  de  l'opposition  pour  ne  négliger  aucune  espèce  d'information. 
Il  revint  de  cette  visite  convaincu  qu'il  n'y  avait  rien  de  grave  dans  la 
situation.  L'opposition  n'était  pas  absolument  mécontente  et  ne  cher- 
chait aucunement  à  renverser  le  roi.  Radicaux  et  indépendants  sont 
tous  d'accord  sur  les  questions  de  principes.  Il  n'y  a  que  les  questions 
de  personnes  qui  les  divisent  à  proprement  parler.  Nos  adversaires  et 
nous,  déclara  le  leader  de  l'opposition  à  M.  Henry,  nous  voulons  être 
les  soutiens  de  la  dynastie,  nous  ne  cherchons  pas  à  renverser  le  roi. 
Nous  approuvons  le  ministre  Patchich  dans  sa  politique  extérieure. 
Nous  sommes  avec  lui  pour  la  Russie  et,  en  cas  de  conflit  avec  l'Autriche, 
nous  le  soutiendrons  et  le  défendrons  toujours. 

Le  roi  est  bien  vu,  il  passe  pour  un  libérateur  aux  yeux  du  peuple 
serbe,  lassé  de  la  tyrannie  des  Obrenovitch.  De  ce  côté  il  n'a  rien  à 
craindre,  l'ancienne  dynastie  n'ayant  pas  laissé  d'héritier  direct. 


15  - 


Quelle  est  donc  l'origine  de  tous  les  bruits  tendancieux  qui  couraient 
sur  la  Serbie?  En  Europe  centrale  des  ^ens  préparaient  une  interven- 


MINI.STERE    DES    AFFAIRES   ETKANGEKKS. 


tien  prochaine  dans  les  affaires  de  ce  ])euple  qui  commençait  à  ne 
plus  céder  aux  premières  sommations  viennoises. 

L'Autriche  croyait  t(^nir  toujours  les  Serbes  dans  une  étroite  dépen- 
dance. La  Serbie,  en  partie  englobée  par  sa  puissante  voisine,  n'avait 
trouvé  de  débouchés  que  chez  elle  jusqu'à  présent.  Les  Serbes  qui  ne 
pardonnent  pas  à  l'Autriche  l'occupation  de  la  Bosnie,  souffraient  en 
silence  de  cette  dépendance.  Ils  voulurent  enfin  regimber.  La  Skoup- 
tchina  (Assemblée  législative  serbe)  s'entendit  avec  la  Sobranié  (Assem- 
blée législative  bulgare)  pour  la  conclusion  d'un  traité  de  commerce. 
Cela  n'avait  pas  de  grandes  conséquences,  vu  le  ])eu  d'affaires  conclues 
entre  ces  deux  pays,  mais  cela  n'en  blessa  pas  moins  l'Autriche  qui 


—  1<) 


constatait  par  là  une  velléité  d'indépendance  de  la  part  de  la  Serbie. 
Puis  la  Skouptchina  voulut  commander  eu  France  les  canons  que  l'Au- 
triclie  voulait  absolument  fournir.  Puis  vint  la  question  de  l'emprunt. 
L'Autriche  voulut  s'imposer  et  ferma  ses  frontières  aux  produits  serbes 
sous  de  fallacieux  prétextes,  pour  montrer  à  la  Serbie  qu'elle  ne  pouvait 
se  passer  d'elle.  Les  Serbes  usèrent  de  représailles  de  leur  côté  et 
boycottèrent  les  produits  autrichiens.  Ce  fut  pour  la  Serbie  une  crise 
passagère,  jusqu'à  ce  qu'elle  eût  enfin  trouvé  de  nouveaux  débouchés. 
Ils  sont  maintenant  assurés  :  le  blé  s'exporte  au  Nord,  le  bétail  en 
Egypte  et  en  Italie  et  les  ])runes  un  i)eu  partout.  Des  maisons  françaises 
achètent  maintenant  en  Ser])ie  les  porcs  du  pays  ot  favorisent  ainsi  les 
exportations  serines. 


l^WSANS    DES   ENVIRONS    DK    BELGRADE. 


■O-iK. 


Autrefois  tout  passait  par  l'Autriche,  ainsi  s'explique  la  colère  de  ce 
pays  qui  a  vu  s'airranehii'  résolument  son  ancien  vassal  économique 
et  diplomatique. 

Les  auteurs  de  l'intrigue  anti-serbe  ont  également  essayé  de  ])rouiller 
entre  eux  Serbes  et  Bulgares.  Ils  ont  fait  répandre  en  Ser])ie  le  bruit 


—  17  — 

que  le  Consul  serbe  avait  été  massacré  à  Sofia  par  les  Bulgares,  mais 
la  nouvelle  fut  vite  reconnue  fausse  et  l'Autriche  en  est  pour  ses  frais 
d'imagination. 

Le  conférencier  jette  alors  un  coup  d'œil  d'ensemble  sur  le  Drang 
nach  Osten.  La  poussée  allemande  va-telle  bousculer  les  éléments  de 
résistance  ou  se  trouver  endiguée  ?  Les  élections  de  Mai  en  Autriche 
vont  faire  entrer  au  Parlement  une  majorité  de  Slaves.  Les  Jougo 
Slaves  dans  les  Balkans  tentent  de  se  grouper  contre  leurs  adversaires 
communs.  Ce  n'est  plus  une  utopie  et  l'intérêt  de  la  France  est  de 
surveiller  attentivement  les  événements.  Nous  devons  agir  prudemment 
pour  empêcher  la  reconstitiition  d'un  empire  immense,  comme  le  fut 
celui  de  Charles-Quint.  Que  de  temps  n'avons-nous  pas  combattu  autre- 
fois en  pareille  circonstance  ! 

Empêcherons-nous  la  formation  d'une  Allemagne  plus  grande  ou 
nous  résignerons-nous  à  n'être  à  côté  d'elle  que  la  modeste  chaloupe 
suivant  dans  son  sillage  un  cuirassé  immense  ? 


III. 

Séance  du  Dimanche  10  Févriei-  1907. 


LA     QUESTION     MAROCAINE 

APRÈS   ALGÉSIRAS 

Par  M.  Henri  LORIN, 
Professeur  de  Géographie  coloniale  à  l'Université  de  Bordeaux. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


La   question  marocaine  ne    pouvait    nian([uer    d'attirer    un    grand 
concours  d'auditeurs.   C'est  devant  uik-  salle  comble  (pie  M.  Henri 


—  18  — 

Lorin  a  pu  l'exposer  dans  ses  grandes  lignes  d'une  façon  claire  et  bril- 
lante qui  a  cliarmé  tout  le  monde.  M.  H.  Lorin  est  de  ceux  qui  ont  le 
mieux  étudié  la  question.  Il  a  d'ailleurs  suivi  tous  les  épisodes  de  la 
conférence  à  Algésiras  même,  c'est  tout  dire. 

Il  n'y  a  pas,  à  l'heure  actuelle,  pour  notre  politique,  de  question  plus 
grave  que  celle  du  Maroc. 

Au  point  de  vue  géographique,  le  Maroc  est  comme  la  Tunisie  un 
complément  de  notre  Algérie.  Du  cap  Bon  aux  Canaries,  ce  sont  les 
mêmes  alignements  montagneux  entre  lesquels  Romains  et  Arabes  se 
sont  successivement  avancés.  On  peut  dire  du  Maroc  que  c'est  l'Algérie 
où  il  pleut.  Depuis  1830,  c'est-à-dire  depuis  que  nous  sommes  ins- 
tallés en  .Algérie,  nous  avons  reconnu  l'indissoluble  unité  que  pré- 
sentent ces  trois  régions  de  l'Afrique  du  Nord.  La  prévoyance  de  Jules 
Ferry  nous  a  valu  la  Tunisie  ;  quant  au  Maroc,  nous  n'avons  pas  su 
profiter  de  nos  avantages  en  temps  opportun.  Aujourd'hui  il  nous  faut 
agir  avec  prudence ^  sans  abdiquer  aucun  de  nos  droits.  Nous  y  avions 
même  commencé  une  sorte  de  pénétration  pacifique,  la  seule  pratique 
a  l'époque  actuelle.  Notre  prépondérance  avait  du  reste  été  reconnue 
par  les  deux  puissances  les  plus  intéressées,  les  seules  même  qui 
eussent  eu  vraiment  quelques  droits  à  faire  valoir  suivant  la  doctrine  de 
Monroë.  Nous  avions  donc  traité  dans  ce  sens  avec  l'Angleterre  (Avril 
1904)  et  avec  l'Espagne  au  mois  d'Octobre  de  la  même  année,  et,  sûrs 
de  ra])pui  de  ces  deux  puissances,  nous  pensions  pouvoir  suivre  libre- 
ment la  j)olitique  de  pénétration  que  M.  Delcassé  a  pratiquée  pendant 
six  ans  avec  la  plus  grande  opiniâtreté.  Déjà  un  consortium  de  banques 
françaises  avait  obtenu  un  emprunt  et  le  droit  pendant  35  années  d'être 
seul  à  en  émettre  d'autres.  En  échange,  le  Maroc  lui  abandonnait 
60  7o  tles  recettes  douanières  effectuées  dans  les  ports.  Il  y  avait  là  un 
véritable  embryon  d'administration  française  ,  c'était  un  premier  pas. 
Telle  était  notre  situation  à  la  fin  de  1904,  lorsqu'il  fut  décidé  d'en- 
voyer une  mission  à  Fez  pour  s'entendre  plus  complètement  avec  le 
Sultan.  —  Il  ne  s'agissait  point,  comme  on  l'a  faussement  prétendu,  de 
tunisification^  ce  serait  absurde.  Ce  qu'on  voulait  régler,  c'était  sur- 
tout la  police  des  ports  et  l'établissement  d'une  banque  marocaine.  Le 
chef  de  la  mission,  M.  Saint-René  Taillandier,  se  rendit  donc  à  Fez  à  la 
fin  de  1904.  Le  Sultan  hésita  et  chercha  à  gagner  du  temps  en  convo- 
quant une  assem])lée  des  notables.  Pendant  ce  temps ,  •  les  Russes 
éprouvaient  défaites  sur  défaites  et  l'empereur  allemand  débarquait  à 
Tanger  (80  Mars  1905). 


I 


-r^     lu.— 

Cette  arrivée  de  Guillaume  II  à  Tanger  en  pareil  moment  a  singu- 
lièrement complitiué  l(>s  choses.  Cette  démarche  correspondait  à  une 
situation  mondiale.  L'empereur  voulut  à  coup  sûr  reconnaître  la 
valeur  de  l'entente  franco-anglaise.  Que  sont  en  ollet  les  intérêts  alle- 
mands au  Maroc  (10.000.000  de  francs  d'alfaires  par  an)  contre  ceux 
de  la  France  et  de  l'AniAleterre  (jui  en  font  res])ectivcment  iO  millions 
et  38  millions  de  francs?  i.a  situation  au  commenc<Mnent  de  1905  se 
trouva  fort  tendue,  nous  étions  en  l)ien  mauvaise  posture  et  le  Sultan 
songea  naturellement  à  en  profiter.  A  l'instigation  de  l'Allemagne,  il 
demanda  que  fut  réunie  le  plus  tôt  possi])le  une  Conférence  pour  régler 
toutes  les  questions  pendantes.  Il  comj)tait  beaucoup  sur  l(\s  rivalités 
des  puissances  conv()([uées.  C'était  en  somme  un  mo\en  dilatoire  tout 
trouvé. 

Qujind  le  principe  d'une  Conférence  eut  été  admis,  on  finit  par  s'en- 
tendre sur  ce  qu'on  discuterait  ou  non.  Cette  Confénmce  se  lit  à  Algé- 
siras  et  dura  du  10  Janvier  au  7  Avril  19l)G  inclusivement.  Ai)rès  bien 
des  complications ,  voire  même  tles  menaces  de  rupture  ,  elle  nous 
accorda  à  peu  prés  tout  ce  que  nous  réclamions  lors  de  l'envoi  de  notre 
mission  à  Fez.  Le  principe  de  l'indépendance  et  de  l'intégrité  du  Maroc 
fut  reconnu  tout  d'abord. 

L(^s  autres  questions  à  résoudre  étaient  les  suivantes:  Organisation 
de  l'i  police,  répression  de  la  contrebande  des  armes,  création  d'une 
banque  d'Etat,  rendeuKMit  et  création  ih\s  impôts,  tlouanes,  services  et 
travaux  publics.  Cependant,  d'un  commun  accord,  tout  ce  qui  concer- 
nait notre  frontière  oranaise  fut  exclu  de  la  Conférence,  tellement 
étaient  évidents  nos  droits  de  ce  côté. 

La  ville  d'Algésiras,  choisie  pour  cette  Conférence,  ne  s'était  jamais 
trouvée  à  pareille  fête.  Cette  ville  de  15.000  liabitants  est  divisée  en 
deux  parties  distinctes  par  le  rio  Miel.  Les  plénipotentiaires  logés  à 
l'Hôtel  Reina  Cristina  devaient  la  traverser  tous  les  jours  pour  se 
rendre  à  la  salle  affectée  à  la  Conférence  (salle  de  VAyioitatuicnto  ou 
du  Conseil  municipal).  Pour  les  équipages  diplomatiques,  le  vieux  et 
unique  pont  était  par  trop  insuffisant,  aussi  un  nouveau  fut-il  édifié  à 
€ette  occasion.  C'est  là  que  vécurent  plusieurs  mois  nos  graves  diplo- 
mates dans  une  contrainte  perpétuelle  il  faut  croire,  car  le  jour  où 
l'acte  d'Algésiras  fut  signé,  ils  en  furent  tellement  satisfaits  qu'ils  se 
livrèrent  à  de  véritables  g-im])ades  et  à  des  farces  de  collégiens. 

Citons  (juelques  noms  :  le  duc  d' Ahiiodord)'  (Espagne),  Président, 
homme  affable  qui  fit  preuve  du  plus  grand  tact  pendant  toute  la  durée 


de  la  (!lonférence  ;  Sir  Arthur  Nicholso7i  (Angleterre),  au  regard  malin 
derrière  son  lorgnon,  qui  déplorait  surtout  le  temps  perdu  j  le  mar(juis 
Visconti  Fewoste  (Italie),  très  vénérable  avec  ses  cheveux  blancs;  le 
comte  Cas.s/;i«  (Russie)  ;  i?ff//oî/7^ï^  (Allemagne) ,  etc.  La  France  était 
re])résentée  à  la  Conférence  par  deux  hommes  de  valeur  :  Pairl  Révoil 
oi  E/ff/ène  RegnauU,  le  premier  aynnt  fait  de  longues  études  en  Asie- 
Mineure  et  résidé  ensuite  en  Afrique,  très  séduisant  causeur,  soui)le, 
ferme,  et  sachant  toujours  ramener  les  Allemands  au  point  de  départ, 
l'autre  travailleur  acharné,  connaissait  tout  au  point  que  tout  le  monde 
lui  demandait  conseil. 

Deux  questions  étaient  surtout  épineuses  :  la  police  des  ports  et  la 
banque  marocaine  ,  on  les  réserva  pour  la  fin  par  crainte  de  les 
aborder.  Les  autres  questions  plus  faciles,  comme  le  règlement  des 
douanes  et  des  impôts,  la  répression  de  la  contrebande  des  armes,  etc., 
furent  relativement  vite  exj)édiées.  En  les  étudiant,  les  diplomates  se 
sont  convaincus  i\e  jilus  en  plus  de  cette  vérité  élémentaire  (pie  la 
France  était  la  plus  intéressée  dans  toutes  les  questions  à  résoudre. 

Pour  les  services  et  travaux  publics  on  établit  le  principe  de  la  porte 
ouverte.  En  entendant  cette  expression,  les  deux  délégués  marocains, 
El  Arbi  Eltorès  el  El  Mokri,  demandèreni  tout  à  coup  s'il  s'agissait 
de  la  porte  de  la  salle.  Ils  n'étaient  après  tout  que  des  figurants  dont 
les  Allemands  tenaient  les  ficelles. 

Il  fallut  l)ien  cependant  a])()rder  les  deux  fameuses  (juestions. 

la  première,  la  police  des  ports,  fut  tour  à  tour  reprise  et  aban- 
donnée. Les  Allemands  nous  opposaient  des  arguments  dilatoires  et 
ont  failli  même  réussir.  Une  police  franco-espagnole  fut  proposée  le 
17  Février  \m\v  M.  Révoil.  Le  3  Mars  un  vote  eut  lieu.  Toutes  les  puis- 
sances étaient  pour  nous,  sauf  l'Autriche  indécise,  l'Allemagne  et  le 
Maroc.  Puis  les  Allemands  finirent  par  accepter  la  police  franco-espa- 
gnole, nuiis  en  ce  moment  surviut  notre  crise  ministérielle.  Ce  jour-là 
nos  meilleurs  amis  (knitèrent  de  nous.  On  s'évitait  et  les  Allemands 
travaillaient  en  coulisse  pour  se  rétracter.  Enfin  un  soir  on  apprit  la 
formation  d'un  nouveau  Ministère  et  quand  on  sut  ([ue  le  nouveau 
Ministre  voulait  la  même  chose  que  son  prédécesseur,  ([ue  rien  n'était 
changé  en  France,  on  put  dire  que  la  Conférence  était  pratiquement 
terminée.  Il  faut  avoir  vécu  là-bas  ces  heures  pénibles  pour  comprendre 
à  ([uoi  nous  exj)()se  (pielquefois  notre  instabilité  ministérielle.  Les  der- 
nières semaines  se  plissèrent  eu  marchandages.  Cliacun  voulait  donner 
peu  et  recevoir  beaucouj).  On  discutait  sur  des  pointes  d'aiguilles,  mais 


I 


21 


l'accord  était  fait  sur  le  fond,  et  le  7  Avril  l'acte  final  d'Algésiras  fut 
signé  par  les  délégués  de  tous  les  Etats  re])résentés  à  la  Conférence. 


La  question  diplomatique  résolue ,  demandons-nous  ce  qu'est  le 
Maroc.  C'est  un  État  féodal  égaré  dans  le  Finistère  africain.  Les  Maro- 
cains sont  sédentaires  et  très  indépendants.  Au-dessus  d'eux  règne  un 
Sultan,  au  pouvoir  surtout  religieux  et  percevant,  quand  il  le  i)eut,  le 
denier  du  culte.  Le  pouvoir  du  Sultan  dépend  surtout  de  lui-même. 
Suivant  qu'il  est  ferme  ou  non,  le  pays  soumis  à  son  autorité  croît  ou 
diminue  et  par  contre  le  pays  insoumis  Slba  Recroît  ou  s'étend.  Actuel- 
lement le  Siba  est  presque  tout  le  Maroc  et  ceci  à  la  suite  des  folies 
commises  par  le  Sultan.  Le  moment  était  donc  bien  choisi  par  nous 
pour  le  protéger  et  refaire  l'unité  de  son  empire.  Nous  avions  même 
chance  d'être  écoutés  quand  survint  le  sauveur  allemand.  Aujourd'hui 
il  a  la  confiance  du  Maroc,  mais  son  temps  passera.  Le  gros  danger  est 
qu'il  se  constitue  un  Etat  musulman  au  Maroc,  prête-nom  d'une  autre 
puissance.  Pour  nous,  gardons-nous  de  céder  quoi  que  ce  soit  devant  le 
Sultan,  il  faut  qu'il  nous  croit  décidés  à  tout. 

Comment  nous  laisse  cette  Conférence  ?  Nous  avons  perdu  le  droit 
d'être  rigoureux  avec  le  Maghzen,  c'est  vrai,  mais  sur  la  frontière 
algérienne  nous  sommes  chez  nous.  Nous  y  avons  des  troupes  spécia,les 
admirablement  dirigées  par  le  Général  Liautey.  Par  là  nous  pouvons 
exercer  sur  le  Maroc  une  action  efficace  et  il  ne  faut  pas  qu'une  poli- 
tique pusillanime  nous  retienne  de  ce  côté. 

Nous  avons  gagné  la  reconnaissance  de  la  thèse  française  pour  la 
police  et  la  banque  d'Etat. 

La  police  sera  faite  dans  les  ports  par  des  sujets  marocains  sous  la 
direction  d'officiers  français  ou  espagnols  et  au  nom  du  Sultan.  Un 
inspecteur  général,  pris  dans  l'armée  suisse ,  a  été  désigné  par  la 
Conférence.  Il  est  chargé  de  dresser  chaque  année  un  rapport  en  deux 
exemplaires. 

Quant  à  la  banque,  elle  a  tous  les  privilèges  des  banques  d'Etat.  Son 
capital  initial  a  été  divisé  en  autant  de  parts  qu'il  y  eut  de  puissances 
représentées  à  la  Conférence,  plus  deux  parts  supplémentaires  à  la 
France  en  échange  des  droits  antérieurement  acquis  par  le  consortium 
des  banques  françaises  qui  en  faisaient  abandon  à  la  nouvelle  banque 
d'État.  Nous  avons  donc  trois  parts  et,  en  comptant  toutes  celles  des 


Etats  qui  nous  sont  dévoués,  nous  avons  en  somme  la  majorité  et  il  y  a 
])eaucoup  de  chances  pour  que  le  directeur  de  la  banque  soit  Français. 


Depuis,  que  s'est-il  passé  ?  Les  Marocains  ont  vu  qu'on  ne  débarquait 
pas.  I/anarchie  et  le  pillage  ont  repris  de  plus  belle.  Vassaux  et  pré- 
tendant ne  j)onsent  qu'à  s'enrichir.  Ceci  ne  fait  (pie  confirmer  la 
nécessité  d'une  police  l)ien  faite. 

Les  Allemands  continuent  toujours  leur  politique.  Ils  s'avancent 
avec  vigueur.  Déjà  ils  ont  envoyé  à  Fez  une  mission  composée  surtout 
d'officiers.  On  y  comjjte  même  un  ingénieur  de  la  maison  Krupp.  Il 
no  faut  j)as  nous  laisser  devancer.  Nous  sommes  d'accord  avec  l'Es- 
pagne. M.  Révoil  à  Madrid  continue  notre  jwlitique.  Nous  pouvons  nous 
appuyer  sur  Londres,  l'entente  l)at  son  plein.  Il  est  difficile  d'avoir  la 
signature  de  l'Angleterre,  mais  enfin  nous  l'avons.  Ménageons  l'alliance 
russe,  notre  alliée  n'est  que  momentanément  affaiblie.  A  Berlin  la 
tâche  est  plus  complexe.  Notre  ambassadeur  M.  Jules  Cambon  doit 
persuader  à  nos  voisins  que  nous  n'avons  aucune  animosité  contre  eux, 
qu'au  Maroc  notre  prépondérance  s'impose  tellement  qu'on  n'en  doutait 
plus  à  la  fin  de  la  Conférence  et  que  nous  souhaitons  ardemment  trouver 
ailleurs  un  terrain  de  transaction. 

Nos  agents  doivent  avoir  désormais  l'appui  du  gouvernement  et  de 
l'opinion  publique.  Que  des  Sociétés  s'offrent  là-])as  pour  tous  travaux 
ou  services  mis  en  adjudication,  les  encouragements  ne  leur  manque- 
ront pas.  Pour  les  particuliers,  il  est  encore  trop  tôt,  vu  l'insécurité  du 
pays.  N'oublions  pas  que  ce  sont  des  Français  qui  ont  été  en  quelque 
sorte  les  découvreurs  du  Maroc,  qui  ont  au  péril  de  leur  vie  relevé  les 
côtes  et  fait  l'inventaire  des  richesses  du  pays.  Laisserons-nous  impro- 
ductifs tous  leurs  travaux  ?  Non,  n'est-ce  pas,  eh  bien  !  continuons 
alors  notre  œuvre  politique  par  une  action  ferme  à  Fez,  notre  œuvre 
économique  en  nous  intéressant  en  masse  à  toutes  les  entieprises  qui 
s'offrent  à  nous,  et  enfin  notre  œuvre  sur  l'opinion  publique  qu'il  faut 
gagner  à  notre  cause.  C'est  la  tâche  que  s'est  imposée  le  Comité  du 
Maroc,  ce  doit  être  celle  de  tous.  On  ne  saurait  s'en  désintéresser  sans 
manquer  aux  destinées  mêmes  de  notre  pays. 


—  2.i  — 


VOYAGE  DE  M.  EUGÈNE  GALLOIS 

DANS   L'AMÉRIQUE   DU   SUD  (^) 


Sovs  l'Equateur,  20  Juin  1907. 

Après  avoir  accordé  quelques  jours  à  Montevideo,  la  capitale  de  l'Uruguay. 
Cité  de  300.000  habitants,  bien  percée,  mais  laissant  à  désirer  surtout 
en  ce  qui  touche  les  promenades  pujjliques.  Et  située  sur  une  vaste  baie  mal- 
heureusement ouverte  :  elle  ne  possédait  pas  jusqu'à  ce  jour  un  port  conve- 
nable. Des  Français  l'en  ont  doté. 

Renonçant,  pour  divers  motifs,  à  aller  au  Parag'uaj,  comme  j'y  avais 
songé,  je  me  suis  rembarqué  pour  le  Brésil,  auquel  j'ai  accosté  après  avoir 
essuyé  un  coup  de  «  pampero  »  peu  agréable. . . 

Débarqué  à  Santos,  ce  grand  port  d'où  s'expédie  le  café  par  millions  de 
sacs,  je  n'ai  pas  voulu  séjourner  en  ce  lieu,  jadis  fover  de  fièvre  jaune,  où  des 
équipages  entiers  de  navires  étaient  décimés,  aujourd'hui  bien  assaini,  mais 
toujours  chaud  et  désagréable,  et,  malgré  le  pittoresque  du  cadre,  je  suis 
monté,  sans  m'arrêter.  à  St-Paul.  La  route  est,  au  reste,  des  plus  pittoresques, 
le  chemin  de  fer  à  crémaillère  grimpe  à  travers  la  forêt  vierge  sur  les  flancs 
de  cette  sorte  de  plateau  qui  constitue  l'Etat  de  St-Paul.  On  passe  la  cote  de 
800  mètres...  La  ville  de  St-Paul  est  une  jeune  mais  déjà  grande  cité  de 
300.000  habitants,  établie  sur  an  sol  fort  accidenté.  E'ie  n'offre  lien  de  parti- 
culier si  ce  n'est  une  certaine  animation  dans  le  centre.  Elle  possède  un 
réseau  de  tramways  électriques  et  est  tête  de  ligne  d'un  certain  nombre  de 
voies  ferrées  de  pénétration.  Grâce  à  un  concours  imprévu  mais  heureux  de 
circonstances,  j'ai  pu  pousser  une  pointe  dans  l'intérieur  et  aller  visiter  des 
plantations  de  cafés  et  de  cannes  à  sucre.  Malheureusement  ce  pays  est  en 
proie  à  une  crise  économique  par  suite  de  la  surproduction  et  de  l'avilissement 
des  cours  de  ces  produits.  .  .  Il  faut  espérer  que  ce  malaise  n'est  que  passager 
et  que  la  prospérité  refleurira,  car  c'est  là  une  terre  pleine  d'avenir  où  il  y  a 
encore  place  pour  de  nombreux  colons.  .  .  malgré  les  innombrables  et  redou- 
tables serpents  des  espèces  les  plus  variées  qui  pullulent  dans  la  brousse 
épaisse   et   même    dans   les   exploitations.   Je  descendais  ensuite  sur  Rio  de 


(1)  Voir  Bulletin  de  Juin,  p.  .368. 


Jatj^ro.  La  distance  à  frarrchir  est  de^  500  kilomètres  ;  et  le.  parcours  n'est 
pas  sans  intérêt,  surtout  à  la  descente  du  plateau,  qui  ménage  de  jolis  et  pitto- 
resques paysages.  ■ 

Quelques  journées  me  restaient  avant  le  passage  du  bateau  qui  devait  me 
rapatrier  et  je  les  ai  bien  utilisées  à  la  visite  de  la  ville  et  de  ses  environs. 

Ce  n'est  pas  ici  que  je  puis  entreprendre  de  vous  décrire  en  détail  la  capi- 
tale brésilienne.  .  .  Je  vous  en  dirai  deux  mots  ne  pouvant  m'empêcher  de 
vous  communiquer  quelques  impressions  toutes  fraîches. 

Il  faut  d'abord  rappeler  sa  situation  géographique.  Rio  est  construite  sur 
les  bords  et  non  loin  de  l'entrée  d'une  vaste  baie  de  plus  de  25  lieues  de  tour, 
—  agrémentée  par  des  îles  et  îlots  variés  de  taille  et  d'aspect,  et  encadrée  par 
des  chaînons  montagneux  aux  silhouettes  capricieuses  et  des  plus  pittoresques. 
La  ville  elle-même  est  des  plus  accidentées,  coupée  de  «  morros  »,  tertres  ver- 
doyants de  hauteurs  variées  entre  lesquels  les  maisons  semblent  se  glisser,  se 
cachant  parfois  au  fond  de  vallons  descendant  de  la  montagne  que  couronne 
le  belvédère  incomparable  du  Corcevado,  d'où  la  vue  s'étend  immense  sur  la 
mep,  la  ra^le,  la  ville  et  le  paysage  environnant.  De,  ce  point  élevé  (plus  de 
700  mètres)  on  a  l'impression-  d'être  dans  la  nacelle  d'un  ballon  captif.  Un 
funiculaire  nous  conduit  à  cet  observatoire. 

'■■Depuis  quelques,  années  Rio  a  voulu  faire  peau  neuve  et  en  fait  elle  a 
réussi,  d'abord  à  faire  presque  totalement  disparaître  la  fièvre  jaune,  grâce 
aux  travaux  de  voirie,  d'assainissement.  Elle  a  aéré  la  vieille  ville  avec  ses 
rues  étroites,  perçant  des  voies  nouvelles  larges,  comme  la  fameuse  Avenue 
Centrale  garnie  de  constructions  plus  ou  moins  luxueuses,  mais  dont  l'archi- 
tecture laisse  malheureusement  plutôt  à  désirer  en  général.  Quelques  édifices 
publics  promettent,  comme  l'Opéra  et' la  Bibliothèque. . .  On  va  construire  de 
grands  marchés  modernes. . .  Bref  la  ville  promet  d'être  une  belle  cité,  d'au- 
tant plus  qu'elle  offre,  avec  ses  quais  plantés,  d'incomparables  promenades. 
Elle  possède  encore  des  parcs,  des  squares,  à  la  luxuriante  végétation  exo- 
tique, et  oîi  vivent  en  lilierté  des  quadrupèdes  et  volatiles.  . .  Les  églises  ne 
manquent  pas-,  mais  elles  n'offrent  rien  de  particulièrement  saillant  ;  plus 
originaux  sont  de  vieux  couvents,  perchés  sur  les  hauteurs.  . . 

Bientôt  enfin  des  quais  outillés  et  avec  docks  seront  aménagés  pour  les 
besoins  de  la  navigation.  . 

..  Les-environs  fourmillent  en  excursions. . .  Parmi  les  plus  célèbres  il  faut 
citer  le  col  de  la  Tijuca,  plus  élaignées  celles  de  Petropolis,  Thérézopolis  et 
Vincoo  Fribourg,  stations  d'altitude  des  plus  justement  appréciées.  La  route 
qui  conduit  aux  unes  comme  aux  autres  est  des  plus,. pittoresques,  et  ménage 
des  coups  d'oeil  superbes,  sans  parler  du  charme  pittoresque  des  promenÊ^des 
sur  la  rade ... 
— Enfin  on  boit  à  Rio  une  eau  cristalline  délicieusement  fraîche. 

Telle  m'est  apparue  Rio  en  belle  saison.       ., ..  . 

E.  Gallois. 


L'ÉMIGRATION  OFFICIELLE  EN  FRANCE 


Ce  serait  une  erreur  que  de  représenter  comme  insignifiante  rémiij;'ration 
française,  car  chaque  année,  il  y  a  environ  30.000  personnes  qu'un  courant 
d'émigration  entraîne  hors  de  France.  Les  départements  qui  i'ournissent  le 
plus  d'émigrants  sont  les  Hautes  et  Basses-Pyrénees,  la  Seine,  la  Gironde,  la 
Haute-(.TKronne,  les  Bouches-du-Rhône,  la  Savoie,  etc.,  etc.  Les  populations 
basques  qui  tiennent  la  tétè  du  mouvement  vont  dans  la  République  Argen- 
tine, celles  des  Basses-Alpes  au  Mexique,  et  il  est  à  noter  comlùen  l'émigration 
dans  nos  possessions  est  peu  importante  :  de  1857  à  1891.  sur  285.873  émi- 
granls  enregistrés  officiellement,  151.122  sont  allés  dans  l'Amérique  du  Sud, 
59.304  aux  États-Unis  et  2.758  seulement  en  Afrique.  On  sait  qu'en 
Angleterre,  on  constate  le  même  phénomène,  et  l'émigration  aux  Etats-Unis 
représente  près  du  double  et  presque  le  triple  de  celle  vers  les  autres  posses- 
sions du  Canada,  de  l'Australie  et  du  Cap  réunies. 

Il  va  là.  sans  doute,  un  phénomène  général,  puisqu'en  Allemagne  et  en 
Italie  où  l'émigration  est  très  forte,  ce  ne  sont  pas  non  plus  leurs  propres 
colonies  ([ui  en  bénéficient.  L'enquête  sur  les  résultats  de  la  colonisation  offi- 
cielle de  1871  à  1895  en  Algérie  confirme  ces  chiffres;  elle  nous  apprend,  en 
effet,  que  pendant  cette  période  de  vingt-quatre  ans,  il  a  été  installé  dans  les 
périmètres  de  colonisation  13.301  familles  françaises  comptant  54.314  per- 
sonnes, ce  qui  donne  une  moyenne  annuelle  inférieure  à  2.700  personnes. 
Celles-ci  proviennent,  non  des  départements  riverains  de  la  Méditerranée, 
mais  des  régions  montagneuses  du  Sud-Est  et  du  Plateau  Central  :  Hautes- 
Alpes,  Ardèche,  Drôme,  Aveyron,  Tarn,  Ariège,  les  deux  Savoies,  le  Vau- 
cluse.  En  Corse,  l'émigration  s'accentue  et  elle  a  tendance  actuellement  à 
prendre  le  premier  rang. 

Ainsi  que  l'explique  le  rapport  officiel,  si  les  Basses-Pyrénées,  avec  leur 
traditionnelle  émigration  basque ,  les  Basses-Alpes  avec  leurs  classiques 
«  Barcelonnettes  »,  le  Puy-de-Dôme,  le  Cantal,  la  Creuse,  connus  pour  leur 
nomadisme,  apportent  si  peu  au  peuplement  algérien,  c'est  que  des  courants 
déjà  établis  emportent  ailleurs  tous  les  éléments  susceptibles  de  déracinement. 
L'Est,  où  l'émigration  a\-ait  été  si  forte  au  début,  ne  fournit  plus  qu'un  faible 
contingent  'depuis  que  son  développement  industriel  s'est  accusé  ;  le  Nord, 
l'Ouest  et  le  Centre,  riches  et  de  vie  facile  émigrent  peu.  Toutefois,  ajoute  le 
rapport,  la  publicité  faite  depuis  1902.  par  l'affiche,  le  livret,  les  conférences, 


—  2<)  — 

les  missions  sur  place,  semblent  avoir  élarg-i  les  cadres  de  ce  recrutement 
spontané  et  provoqué  les  demandes  de  régions  jusqu'ici  indifférentes. 

C'est  là  une  constatation  de  la  plus  haute  importance,  car  elle  montre 
qu'une  administration  soucieuse  peut,  par  des  mo^'^ens  appropriés,  provoquer 
l'émio^ration,  la  faire  naître  là  où  elle  n'existe  pas  encore  et  la  diriger  d'une 
manière  utile  et  efficace.  L'exemple  de  l'Algérie  le  prouve,  car  au  début  le 
peuplement  s'est  effectué  spontanément  surtout  en  ce  qui  concerne  les  Alsa- 
ciens-Lorrains. En  1874,  le  gouvernement  général  inaugura  le  système  du 
programme  annuel  ;  c'était  une  feuille  imprimée  portant  l'indication  des 
centres  à  peupler  avec  tous  les  renseignements  utiles,  d'un  tirage  réduit, 
envoyée  seulement  dans  tûus  les  chefs-lieux  de  département  ainsi  qu'à  toutes 
les  personnes  qui  en  faisaient  la  demande.  En  1892,  on  3'  ajouta  une  carte 
sommaire  de  l'Algérie. 

C'est  à  cette  époque  que  fut  créé  VOffice  de  V Algérie,  réorganisé  en  1902  et 
qui,  tout  en  s'occupant  de  la  participation  de  l'Algérie  aux  expositions  et  aux 
concours,  ainsi  que  de  la  publication  de  statistiques  commerciales  de  nature  à 
faciliter  l'exportation  des  prpduits  algériens,  est  chargé  d'assurer  le  recrute- 
ment des  concessionnaires  dans  la  métropole.  C'est  VOffice  de  l'Algérie  qui 
instruit  toutes  les  demandes  de  concessions  et  vérifie  si  toutes  les  conditions 
de  statut  personnel,  de  compétence  et  de  ressources  sont  bien  remplies.  Le 
concessionnaire  admis  bénéficie  du  voyage  gratuit  sur  mer  et  d'une  réduc- 
tion de  moitié  sur  les  chemins  de  fer.  Cette  émigration  officielle  algérienne 
est  tout  entière  aujourd'hui  à  la  charge  du  budget  de  l'Algérie,  et  il  est 
utile  de  faire  observer  qu'elle  se  trouve  encouragée  par  le  système  des 
concessions  gratuites  de  ferme  ou  de  village,  tel  qu'il  résulte  du  décret  du 
13  Septembre  1904. 

En  Tunisie,  des  efforts  sont  faits  depuis  quelques  années  en  vue  de  déve- 
lopper la  colonisation  officielle  et  l'attribution  de- terres  aux  émigrants;  un 
Comité  consultatif  de  la  colonisation  a  été  créé  à  la  fin  de  l'année  1903  auprès 
de  la  Direction  de  l'agriculture  et  du  commerce  à  Tunis.  Un  Office,  relevant 
de  cette  même  Direction,  a  été  installé  en  1904  dans  le  but  de  recevoir  les 
offires  et  les  demandes  d'emploi  et  de  faciliter  le  placement  des  immigrants 
français.  On  sait,  de  plus,  qu'il  existe  à  Paris,  depuis  1906,  un  liureau  de 
renseignements,  dont  le  budget  de  la  Régence  supporte  tous  les  frais. 

A  côté  de  lui  existe  un  Office  Tunisien  d'hivernage  et  de  colonisation, 
fondé  par  M.  Lecore-Carpentier,  à  Paris,  en  1905,  et  qui  complète,  d'une: 
façon  fort  heureuse,  l'œuvre  de  propagande  officielle. 

Maueick  Hamelin. 
(Dépêche  Coloniale). 


LA  COLONISATION  SUR  LES  HAUTS-PLATEAUX  ALGÉRIENS 


LE     SERSOU 


Les  g^éographes  divisent  l'Algérie  en  trois  zones  distinctes  :  le  Tell,  les 
Hauts-Plateaux  et  le  Sahara.  Il  y  a  quelques  années  encore  on  crojait  que 
seul  le  Tell  pourrait  être  colonisable  par  des  Français  ;  d'ailleurs  les  superbes 
vignobles  qui  y  ont  été  plantés  attiraient  tous  les  regards  et  ont  apporté, 
certes,  dans  cette  contrée  une  richesse  inouïe  qui  malheureusement  semble 
bien  menacée  à  l'heure  actuelle  par  la  mévente  des  vins. 

Les  Hauts-Plateaux  étaient  considérés  comme  des  steppes  ;  c'étaient  tout 
au  plus  des  pays  de  parcours  pour  les  troupeaux  de  moutans  des  tribus 
nomades.  Quant  au  Sahara,  il  invoquait  tout  de  suite  l'image  du  désert  aride 
et  désolé,  du  pays  de  la  soif  et  des  tourbillons  de  sable  qui  ensevelissent  les 
caravanes. 

Dans  un  précédent  article  (1),  nous  avons  montré  que  le  Sahara  n'est  pas 
un  pays  aussi  pauvre  qu'on  se  l'imagine  d'ordinaire  ;  les  nombreuses  et  fertiles 
oasis  de  la  région  de  Biskra  prouvent  que  lorsqu'on  sait  utiliser  les  sources  ou 
forer  des  puits  artésiens,  on  peut  créer  des  palmeraies  très  rémunératrices,  et 
que  les  colons  qui  s'occupent  de  plantations  et  de  cultures  de  dattiers 
obtiennent  de  très  jolis  bénéfices. 

Les  idées  que  l'on  avait  jusqu'à  ces  dernières  années  en  France  sur  les 
Hauts- Plateaux  algériens  doivent  également  se  modifier.  L'élevage  du  mouton 
et  la  récolte  de  l'alfa  ne  constituent  plus  les  seuls  procédés  de  mise  en  valeur 
de  ces  vastes  contrées.  Il  s'est  produit  assez  récemment  une  véritable  révolu- 
tion dans  l'agriculture  des  Hauts-Plateaux,  de  telle  sorte  que,  dans  la  région 
de  Tiaret  par  exemple,  le  prix  de  l'hectare  est  passé  de  50  à  300  et  même 
400  francs.  Ce  n'est  point  qu'on  y  ait  introduit  une  plante  nouvelle,  c'est  la 
culture  du  blé  transformée  rationnellement  qui  a  produit  ces  résultats. 

Lorsque  l'Arabe  était  le  seul  agriculteur  sur  les  Hauts-Plateaux,  il  n'em- 
blavait que  peu  de  terres  en  céréales  et  ses  récoltes  étaient  des  plus  aléatoires. 
Labourant  fort  sommairement  avec  son  araire  primitive,  respectant  toutes  les 
touffes  de  buissons  ou  de  mauvaises  herbes,  il  n'ameublissait  pas  sérieusement 
le  sol  et,  sous  l'influence  du  moindre  sirocco  les  racines  du  blé  se  trouvaient 
desséchées.  Il  n'j  avait  ainsi  qu'une  récolte  tous  les  cinq  ou  sept  ans. 

(1)  Voir  ie  Buiietin  de  Mars  lf»07,  p.  184. 


—  28  — 

Or  les  premiers  côrôns  qui  vinrenî'sê"  fîxertîans'cës  régions' n'obtinrent  pas 
des  résultats  sensiblements  meilleurs  pour  la  culture  des  céréales  dans  cette 
partie  de  l'Algérie  ;  ils  se  contentèrent  de  remplacer  l'araire  arabe  par  la 
charrue  française,  mais  alors  que  dans  le  Tell,  qui  est  relativement  plus 
humide,  cette  simple  substitution  de  charrue  avait  amené  une  forte  augmen- 
tation du  rendement  en  blé  à  l'hectare,  il  n'en  fut  pas  de  même  sur  les  Hauts- 
Plateaux.  Lorsque  l'année  était  très  favorable  au  point  de  vue  des  pluies,  les 
Arabes,  malgré  leurs  instruments  primitifs,  obtenaient  d'aussi  bons  rende- 
ments que  nos  colons  et  les  années  de  sécheresse  étaient  à  peu  près  aussi 
préjudiciables  aux  uns  qu'aux  autres.  Dans  ces  conditions,  la  colonisation  ne 
semblait  pas  pouvoir  se  développer  dans  les  Hauts-Plateaux  ({ui  furent  alors 
considérés  comme  des  pays  uniquement  propices  à  l'élevage  du  mouton. 

Toutefois  les  coloris  de  la  région  de  Sidi-bel-Abbès,  à  la  limite  du  Tell  et 
des  Hauts-Plateaux ,  expérimentèrent  un  nouveau  mode  de  culture  des" 
céréales.  Ils  obtinrent  rapidement  des  rendements  beaucoup  plus  importants 
et  moins  aléatoires  et  furent  alors  les  promoteurs  en  Algérie  de  l'excellente 
pratique  agricole  des  labours  préparatoires  de  printemps.  Chaque  année, 
l'agriculteur  ne  sème  en  céréales  que  la  moitié  de  ses  terres,  laissant  l'autre 
partie  au  repos,  mais  au  lieu  de  l'aliandonner  simplement  en  friches,  il  y 
effectue  des  labours  profonds  au  printemps.  Ainsi  les  dernières  pluies,  au  lieu 
de  s'écouler  à  la  surface  du  sol,  sont  retenues  et  imbibent  le  terrain  ;  en  même 
temps  celui-ci  se  trouve  ameubli  et  nettoyé  des  mauvaises  herbes.  A  l'automne 
le  colon  sème  son  blé  et  laboure  à  nouveau,  en  recoupant  les  premiers  sillons  ; 
il  enterre  aussi  ses  graines  à  15  centimètres,  ce  qui  les  met  à  l'abri  des 
oiseaux,  des  fourmis  et  de  la  sécheresse,  si  les  pluies  viennent  à  tarder. 

Le  sol,  travaillé  et  ameubli,  emmagasine  mieux  l'humidité,  les  racines  des 
plantes  y  pénètrent  plus  profondément  et  sont  mieux  à  l'alu'i  de  la  sécheresse. 
Aussi  y  a-t-il  toujours  une  récolte. 

Parfois  le  colon  utilisera  ses  terres  occupées  par  les  labours  de  printemps  ; 
il  fera  de  la  jachère  cultivée  ;  il  plantera  en  lignes  espacées  des  fèves,  des  pois, 
des  haricots.  Ces  cultures  butées  contribueront  au  nettoyage  et  à  l'ameublisse- 
ment  du  sol.  Certains  agriculteurs,  au  contraire,  préfèrent  effectuer  deux 
labours  préparatoires,  obtenant  encore  de  meilleurs  rendements  en  céréales. 

La  culture  devient  ainsi  plus  intensive,  et  bien  que  l'on  ne  se  serve  qu'ex- 
ceptionnellement de  fumier,  les  colons  comptent  en  général  sur  un  rendement 
moyen  de  10  à  12  hectolitres  de  blé  à  l'hectare. 

D'ailleurs,  les  céréales  ne  sont  pas  les  seules  productions  rémunératrices  des 
Hauts-Plateaux,  la  pomme  de  terre  et  la  betterave  semblent  y  réussir.  L'éle- 
vage intensif,  avec  provisions  de  fourrages  ou  luzernières  irriguées  pour  la 
saison  sèche,  y  donne  actuellement  de  beaux  bénéfices.  Les  cultures  d'arbres 
fruitiers  y  auront  certainement  un  très  belavenir.  Déjà,  dans  une  région  des 
Hauts-Plateaux  constantinois,  dans  le  Hodna,  on  plante  de  nombreux  abrico- 


tiers,  pruniers,  pommiers  et  nous  espérons  que,  bientôt  les  fruits  séchés 
d'Algérie  viendront  remplacer  en  France  les  produits  californiens  qui  sont 
importés  chaque  année  pour  des  sommes  considérables. 

Enfin,  il  est  une  question  importante  à  envisager,  c'est  que  le  climat  est 
sensiblement  plus  sain  sur  les  Hauts-Plateaux  que  dans  le  Tell.  La  fièvre  y  est 
rare.  La  température  y  est  froide  en  hiver  et  en  été  elle  n'est  jamais  aussi 
élevée  que  dans  les  vallées  encaissées  de  la  région  côtière  ;  les  nuits,  d'ailleurs, 
y  sont  fraîches  et  permettent  un  repos  réparateur. 

Ce  sont  ces  diverses  considérations  qui  ont  poussé  le  gouvernement  algé- 
rien à  créer  de  nouveaux  centres  de  colonisation  officielle  sur  les  Hauts- 
Plateaux,  et  c'est  vers  la  région  du  Sersou  que  se  sont  portés  ses  principaux 
efforts.  Cette  vaste  région  est  située  au  Sud  d'une  ligne  passant  par  Tiaret-el- 
Haad  et  Berrouaghia.  C'est  une  immense  plaine  ,  légèrement  mamelonnée 
comme  la  Brie  vers  le  Nord,  mais  plate  comme  la  Beauce  dans  sa  partie 
méridionale. 

Avant  que  l'Etat  n'eût  songé  à  porter  de  ce  côté  les  efforts  officiels  de  la 
colonisation,  des  exploitations  agricoles  privées  s'y  étaient  déjà  installées.  Des 
Français  courageux,  disposant  de  quelques  capitaux  et  de  connaissances  tech- 
niques, étaient  venus  s'y  fixer,  avaient  acheté  des  terres  aux  indigènes  et  y 
avaient  construit  des  fermes  qui  sont  devenues  très  importantes. 

Au  cours  d'un  récent  voyage  dans  la  région  septentrionale  du  Sersou,  nous 
avons  eu  l'occasion  de  voir  deux  de  ces  grandes  exploitations.  L'une  d'elles, 
située  à  quelques  kilomètres  du  village  officiel  de  Vialar,  à  égale  distance  de 
Teniet-el-Haad  et  de  Tiaret,  a  été  créée  par  MM.  Poullot,  il  y  a,  croyons- 
nous,  environ  vingt-cinq  ans.  et  elle  comprend  actuellement  dix  mille  hectares 
répartis  entre  plusieurs  fermes. 

L'autre,  la  ferme  Bourlier,  occupée  actuellement  par  un  ancien  élève  de 
l'Institut  agronomique,  M.  Langlois,  se  trouve  à  la  limite  des  départements 
d'Alger  et  d'Oran,  à  peu  de  distance  de  Trumelei  et  les  terres  qui  en  dépendent, 
s'étendent  sur  huit  mille  hectares.  Ce  sont  les  céréales  qui  ont  fait  la  fortune 
de  ces  superbes  domaines  ;  mais  la  création  et  le  développement  de  semblables 
entreprises  ne  se  sont  pas  efîeciués  sans  de  grosses  difficultés,  et  il  faut  rendre 
hommage  à  l'énergie  et  à  l'opiniâtreté  de  ces  hardis  pionniers  qui  auraient 
pu  jouir  d'une  vie  facile  en  France  et  qui  sont  venus  dans  ce  pays  sans  voies 
de  communication  pour  y  créer  une  œuvre  de  colonisation  véritablement 
admirable. 

Mais  si  les  grandes  exploitations  y  ont  si  bien  réussi,  est-ce  que  la  petite 
colonisation  y  obtiendra  aussi  de  semblables  résultats  1? 

L'Etat  commença  timidement  à  créer  quelques  villages  officiels  et  offrit  des 
concessions  gratuites  d'une  cinquantaine  d'hectares.  On  peut  trouver  que  ce 
chiffre  est  un  peu  failde  ;  le  succès  eût  été  sans  doute  plus  certain  avec  des 
propriétés  de  80  à  100  hectares.  Toutefois  les  centres  que  nous  avons  visités 


-^  30  — 

nous  ont  paru  très  prospères.  Les  villag'es,  déjà  anciens,  de  Bourbaki,  de 
Vialar  et  de  Trumelet,  qui  ont  eu  des  débuts  pénibles  il  y  a  une  dizaine 
d'années,  sont  actuellement  en  pleine  activité  et  en  complet  tléveloppement. 
Les  centres  nouveaux  de  Taine  et  de  Liébert  prennent  déjà  fort  bonne  tour- 
nure et  bien  que  les  concessions  n'aient  été  accordées  que  l'été  dernier,  la 
plupart  des  colons  sont  déjà  arrivés  avec  leur  lamille,  ont  l'ait  construire  ou 
ont  construit  eux-mêmes  leur  habitation,  labouré  et  ensemenc  j  une  partie  de 
leurs  terres. 

Le  peuplement  métropolitain  de  ces  deux  villag-es  —  un  tiers  des  conces- 
sions étant  toujours  réservé  à  des  agriculteurs  algériens  —  a  été  effectué  pour 
la  presque  totalité  avec  des  Savoyards.  Leur  recrutement  a  été  fait  avec  beau- 
coup de  soin  dans  leur  pavs  d'origine  par  un  très  aclil'  et  très  intellig-ent 
chargé  de  mission  du  gouvernement  algérien,  M.  Glorieux,  Savoyard  lui- 
même  et  ancien  professeur  au  Lycée  d'Alger.  Ces  villages  de  Taine  et  de 
Liébert  se  sont  trouvés  peuplés  beaucoup  plus  lapidement  que  les  autres  et 
par  des  éléments  bien  supérieurs.  Ce  sont  de  vrais  agriculteurs  qui  ont  été 
choisis,  travailleurs  et  sobres,  et,  ce  qui  est  très  appréciable,  chargés  d'une 
nombreuse  famille  ;  chaque  concessionnaire  a  une  moyenne  de  sept  à  neuf 
enfants. 

Les  résultats  que  commencent  à  donner  ces  deux  villages,  où  Savoyards  et 
Algériens  apportent  leurs  qualités  particulières,  montrent  combien  les  mis- 
sions de  propagande  comme  celle  dont  M.  Glorieux  est  chargé  peuvent 
rendre  de  services  à  l'œuvre  de  colonisation.  Le  peuplement  régional  des 
villages  algériens,  en  groupant  dans  un  même  centre  des  agriculteurs  d'une 
même  région  de  la  France,  diminue  leur  dépaysement  et  les  attache  davan- 
tage à  une  région  où  ils  retrouvent  des  personnes  ayant  la  même  mentalité  et 
les  mêmes  habitudes  qu'etfx.  C'est  d'ailleurs  pour  cette  raison  que  la  coloni- 
sation du  Canada,  constituée  surtout  avec  des  cultivateurs  normands,  a  été  si 
vivace  et  a  donné  des  résultats  si  remarquables. 

On  critique  trop  souvent  les  procédés  administratifs  de  la  colonisation 
algérienne,  pour  qu'il  ne  nous  ait  semblé  de  toute  justice  de  mettre  en  évi- 
dence les  résultats  excellents  qu'elle  obtient  dans  certaines  régions.  Le  plateau 
du  Sersou  est  vaste,  il  y  a  encore  de  la  place  pour  de  nouveaux  villages 
français  et  pour  des  familles  savoyardes  recrutées  par  M.  Glorieux.  Souhai- 
tons que  le  gouvernement  algérien  persévère  avec  une  égale  énergie  et  un 
égal  bonheur  dans  l'oeuvre  de  colonisation  qu'il  y  a  entreprise,  et  dans 
quelques  années  se  trouvera  constituée  dans  ces  contrées,  actuellement  peu 
peuplées,  une  nouvelle  et  riche  province  française  qui  sera  renommée  par  ses 
blés,  ses  arbres  fruitiers  et  aussi  par  sa  popidation  laborieuse. 

Ed    Bughère. 
(Défêche  Coloniale). 


31 


EXPÉDITION  FRANÇAISE  AU  POLE  SUD 

COMMANDÉE  PAR  LE  DOCTEUR  CHARCOT 


BUT  ET  MOYENS  APPROUVÉS  PAR  L'ACADÉMIE  DES  SCIENCES 


C'est  vers  le  Pôle  Sud  que  les  grandes  nations  européennes  dirigent  main- 
tenant tous  les  efforts  de  leurs  expéditions  scientifiques  polaires,  et  il  est 
nécessaire  que  la  France  s'associe  à  l'œuvre  pacifique  de  la  conquête  de  ce 
monde  nouveau  dont  l'importance  au  point  de  vue  scientifique  est  incontes- 
table. 

Lors  de  la  dernière  expédition  antarctique  liançaise  que  j'ai  organisée  et 
que  j'ai  eu  l'honneur  de  commander,  les  circonstances  exigèrent  une  prépa- 
ration hâtive  et  les  ressources  mises  à  la  disposition  de  l'expédition  furent 
extrêmement  modestes  et  insuffisantes  ;  néanmoins,  m'appuyant  sur  l'opinion 
des  savants  qui  ont  bien  voulu  s'intéresser  aux  travaux  de  cette  expédition  et 
contribuer  à  leur  mise  en  valeur,  je  crois  pouvoir  affirmer  que  les  résultats 
scientifiques  portant  sur  la  géographie,  la  physique  du  Globe,  l'histoire  natu- 
relle, l'océanographie,  la  biologie,  etc.,  furent  considérables. 

Nous  avons  pu  obtenir  que  la  puldication  de  ces  travaux  fût  assurée  par  le 
gouvernement  sous  la  direction  de  deux  Commissions  dont  les  membres 
étaient  choisis  parmi  les  savants  les  plus  compétents  à  l'Académie  des  Sciences, 
au  Bureau  des  Longitudes,  à  l'Univ^ersité.  Ils  rempliront  de  six  à  huit  gros 
volumes  et  un  Atlas  de  cartes.  Déjà  un  premier  volume  de  436  pages  a  paru 
et  quatre  autres  vont  suivre  dans  le  cours  de  l'année  1907. 

Ce  premier  succès,  la  conviction  profonde  que  j'ai,  et  qui  est  basée  sur 
l'opinion  des  savants  de  tous  pays  et  sur  ma  propre  expérience,  de  l'immense 
travail  scientifique  portant  sur  presque  toutes  les  branches  de  la  science,  qui 
reste  à  accomplir  dans  les  régions  encore  totalement  inconnues  de  l'Antarc- 
tique, m'ont  décidé  à  chercher  à  organiser  une  nouvelle  expédition. 

Préparée  avec  plus  de  soins  et  de  temps,  guidée  par  l'expérience,  aidée  par 
un  état-major  et  un  équipage  rompu  aux  difficultés  de  ces  travaux,  je  crois 
pouvoir  affirmer  que  les  résultats  de  cette  nouvelle  expédition,  continuation 
de  la  précédente,    contribueraient  à  augmenter  le  patrimoine  scientifique  de 


—  32  — 

notre  pays.  Mais  ces  résultats  ne  pouvaient  être  obtenus  qu'à  la  condition  que 
les  savants  veuillent  bien  nous  diriger  et  nous  indiquer  les  études  que  nous 
devrons  surtout  entreprendre  et  le  sens  et  les  moyens  que  nous  devrons 
adopter  pour  les  mener  à  bien. 

Je  me  suis  adressé  à  l'Académie  des  Sciences,  qui  nomma  une  Commission 
composée  de  MM.  Bouquet  de  la  Grye,  Mascart  etPerrier,  chargée  de  rédiger 
un  rapport  sur  les  résultats  de  la  dernière  expédition  et  sur  l'utilité  d'une  nou- 
velle expédition.  Le  4  Février,  l'Académie  des  Sciences  réunie  en  comité 
secret  a  écouté  le  rapporteur  M.  Bouquet  de  la  Grje  et  à  la  suite  de  la  lectuie 
de  ce  rapport  extrêmement  favorable  et  élogieux,  l'Académie  affirmant  l'in- 
contestable utilité  scientifique  et  patriotique  de  cette  expédition  qu'elle  désire 
voir  aboutir,  m'a  accordé  son  haut  patronage  et  a  nommé  une  Commission 
spéciale  composée  de  MM.  Bouquet  de  la  Grye,  Mascart,  Gauch-y,  Bornet, 
Perrier,  Guyou,  Muntz,  de  Lapparent,  Roux,  Giard.  Bouvier,  Lacroix,  char- 
gée d'étudier  et  d'élaborer  le  si  vaste  programme  scientifique  de  la  nouvelle 
expédition  antarctique  française. 

Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  a  bien  voulu  également  approuver 
officiellement  notre  projet  et,  désirant  voir  réussir  notre  œuvre,  nous  assure  le 
concours  de  son  ministère. 

But  de  l'expédition.  —  Une  étendue  dépassant  la  superficie  île  l'Europe 
et  de  l'Australie  réunies  reste  actuellement  totalement  inconnue  dans  l'An- 
tarctique ;  l'expédition  que  j'organise  a  pour  but  l'exploration  méthodique  et 
scientifique  d'une  région  aussi  vaste  que  possible  de  cette  partie  du  monde. 
Au  cours  de  cette  expédition  essentiellement  scientifique,  seront  entreprises 
des  études  portant  sur  la  géographie,  la  physique  du  Globe,  l'histoire  natu- 
relle, la  paléontologie,  etc.,  etc.,  suivant  le  programme  qui  nous  sera  fourni 
par  la  Commission  nommée  à  cei  effet  par  l'Académie  des  Sciences. 

En  même  temps  et  sans  détriment  l'un  pour  l'autre,  des  raids  seront 
accomplis  suivant  les  circonstances,  soit  par  mer,  soit  sur  le  continent,  afin 
de  pénétrer  le  plus  possible  dans  l'inconnu.  Je  pars  en  effet  de  ce  principe, 
qu'à  la  condition  ioutefois  de  ne  pas  sacrifier  exclusivement  à  la  gloriole  d'une 
haute  latitude  atteinte,  les  études  scientifiques  qui  seules  peuvent  expliquer  et 
compenser  les  dépenses  relativement  élevées  de  l'expédition,  ces  raids  sont 
d'une  importance  considérable,  non  seulement  pour  la  gloire  du  pays  que 
représente  l'expédition,  mais  également  au  point  de  vue  scientifique  pur.  car, 
accomplis  par  de  bons  observateurs,  ils  fournissent  des  notions  qui,  même 
superficielles,  peuvent  seules  permettre  ultérieurement  des  études  scientifiques 
plus  méticuleuses. 

Secteur  d'étude  choisi.  —  Il  est  actuellement  à  peu  près  certain  que 
deux  expéditions  anglaises,  l'une  commandée  par  le  lieutenant  Shackleton, 


—  33  — 

l'autre  par  Scott,  partiront  assez  prochainement  pour  l'Antarctique,  et  se  dii'i- 
gerout  vers  la  muraille  de  Ross,  continuant  leurs  efforts  dans  le  secteur  déjà 
étudié  par  l'expédition  de  la  Discovery.  D'autre  part,  le  docteur  Bruce  se 
propose  également  de  repartir  pour  la  mer  de  Weddell,  continuer  les  études 
commencées  par  sa  précédente  expédition  à  bord  de  la  Scotia. 

Nous  sommes  parfaitement  d'accord  avec  les  commandants  de  ces  diffé- 
rentes expéditions,  et  il  est  certain  que  nos  expéditions  ne  pourront  que 
bénéficier  d'études  accomplies  dans  ces  conditions  d'entente.  Il  semble  égale- 
ment qu'une  expédition  belge  dirigée  par  M.  Arctowoski  soit  en  préparation. 
Le  programme  de  celle-ci,  publié  depuis  plusieurs  années  et  longuement 
exposé  au  Congrès  de  Bruxelles,  se  rapporte  à  une  exploration  circumpolaire. 
Il  n'y  a  aucun  doute  que  nous  ne  puissions  nous  mettre  également  d'accord 
avec  le  commandant  de  cette  expédition. 

Le  secteur  dans  lequel  nous  nous  sommes  engagés  en  1903-1905,  compris 
entre  les  longitudes  60°  et  140°  Ouest,  se  trouve  complètement  libre.  C'est 
dans  cette  région  que  je  désire  conduire  la  nouvelle  expédition  pour  les 
diverses  raisons  suivantes  : 

1°  L'intérêt  incontestable  qui  réside  à  élucider  le  problème  de  la  Terre 
Alexandre  I,  seulement  entrevue  par  Bellinghausen,  Evensen  de  Gerlache  et 
nous-mêmes,  et  sur  laquelle  on  ne  possède  aucune  notion,  ne  sachant  même 
pas  si  elle  se  continue  ou  non  avec  la  Terre  de  Graham  ;  l'ignorance  totale  de 
ce  qui  se  passe  à  l'Ouest  de  celle-ci  et  l'importance  qu'il  v  aurait  à  rattacher 
la  Terre  de  Graham  à  la  Terre  Edouard  VII  ; 

2°  La  possibilité  de  l'existence  d'une  muraille  semblable  à  celle  découverte 
par  Ross  et  permettant  une  exploration  étendue  du  plateau  tant  vers  le  Sud 
que  dans  l'Ouest  ; 

3°  La  très  riche  moisson  scientifique  recueillie  par  l'expédition  du  Français 
malgré  ses  faibles  ressources,  et  l'importance  inapprécial)le  à  persister  dans 
des  études  commencées  et  à  les  continuer,  sans  compter  l'avantage  considé- 
rable de  s'attaquer  à  une  région  déjà  explorée  par  nous-mêmes  et  dont  nous 
connaissons  déjà  les  difficultés  et  les  points  faillies  ; 

4°  Il  faut  enfin  faire  entrer  en  ligne  de  compte  les  bonnes  relations  créées 
par  notre  précédente  expédition  avec  la  République  Argentine,  sur  l'appui 
et  au  besoin  le  secours  de  laquelle  nous  pourrions  presque  sûrement  compter. 

Moyens  d'action.  —  Nous  considérons  qu'une  somme  de  800.000  francs, 
comprenant  la  construction  d'un  navire,  serait- suffisante,  mais  il  est  cei'tain 
qu'une  somme  supérieure  permettrait  de  donner  à  l'expédition  une  éten(hie 
beaucoup  plus  vaste  et  la  faciliterait  considérablement.  C'est  ainsi  qu'un 
second  navire,  servant  de  tender,  chargé  du  ravitaillement,  abandonnant  le 
premier  navire  au  moment  de  l'hivernage  et  venant  le  retrouver  au  printemps 

3 


suivant,  serait  d'un  avantage  considérable.  Mais,  à  son  défaut,  nous  pourrions 
peut-être  ol)tenir  de  la  République  Argentine  un  ravitaillement  éventuel  et  le 
dépôt  de  charlion  en  des  points  tels  que  Port-Lockroy  ou  Port-Charcot. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  n'envisageons  dans  le  présent  rapport  qu'une  expé- 
dition dont  les  ressources  ne  dépasseraient  pas  800.000  francs. 

Navire.  —  Nous  avons  fait  et  fait  faire  par  des  personnes  compétentes, 
depuis  notre  retour  de  l'Antarctique,  une  étude  approfondie  tant  en  Angleterre 
qu'en  Norvège  des  navires  d'exploration  polaires  sur  les  navires  eux-mêmes, 
dans  les  chantiers  auprès  des  constructeurs,  et  également  auprès  des  chefs  des 
dernières  grandes  expéditions  polaires.  Différents  plans  étudiés  et  rectifiés 
par  nous-mêmes  nous  ont  été  soumis  et  sont  actuellement  discutés  par  des 
personnes  compétentes,  et  nous  sommes  en  pourparlers  avec  des  chantiers 
pour  la  construction  éventuelle. 

Je  puis  déjà  soumettre  aux  personnes  que  cela  pourrait  intéresser  une  partie 
de  ces  plans,  qui  doivent  nous  donner  un  navire  auxiliaire  parfaitement 
adapté  à  la  navigation  dans  les  glaces,  pouvant  résister  aux  fortes  pressions, 
très  marin  et  naviguant  bien  soit  à  la  voile,  soit  à  la  vapeur.  Les  soutes 
contiendront  un  approvisionnement  de  charbon  relativement  considérable, 
des  vivres  pour  deux  hivernages  et  un  matériel  important.  Les  dimensions 
cependant  resteront  assez  restreintes  par  suite  des  ressources  de  l'expédition, 
mais  également  pour  permettre  de  naviguer  avec  plus  de  sécurité  le  long  des 
côtes  et  de  chercher  un  abri  dans  les  petites  anses. 

Ce  navire  sera  muni  de  tous  les  appareils  nécessaires  pour  les  études  que 
nous  nous  proposons  d'entreprendre  :  treuils  à  vapeur,  machine  à  sonder,  à 
draguer,  etc.   Il  sera  pourvu  également  d'un  grand  laboraloire. 

Les  aménagements  seront  suffisamment  confortai  )les  pour  que  les  savants 
de  l'expédition  puissent  se  livrer  à  leurs  travaux  dans  les  meilleures  condi- 
tions possibles. 

Le  navire  sera  pourvu  d'embarcations  suffisantes  pour  la  navigation  habi- 
tuelli^  et,  en  plus,  d'un  canot  à  moteur  spécialement  agencé  ainsi  que  de  deux 
l)aleiuières  norvégiennes,  de  deux  prams  et  de  plusieurs  doris,  qui  peuvent 
être  d'une  très  grande  utilité  et  qui,  placées  les  unes  clans  les  autres,  sont  peu 
encombrantes. 

Traîneaux.  —  Nous  emporterons  un  certain  nombre  de  traîneaux  (dits 
traîneaux  Sverdrup)  de  3  m.  3.5,  2  m.  74  et  2  mètres  construits  en  Norvège 
et  destinés  à  être  traînés  soit  à  bras,  soit  par  des  chiens.  Ceux-ci  seront  achetés 
à  la  République  Argentine  qui  élève  dans  l'île  Anno  Nuevo  une  race  de  chiens 
sibériens  et  groënlandais ,  ce  qui  nous  permettra  d'éviter  l'habituelle  et 
grande  mortalité  de  ces  animaux  au  passage  des  Tropiques. 

Nous  emporterons  en  outre  des  traîneaux  automobiles,  si  les  essais  en  cours 


—  35  — 

poursuivis  séparément  par  deux  g-rands  établissements  sont  satisfaisants , 
comme  tout  semble  l'indiquer.  Ces  traîneaux  inutilisables  sur  la  g-iande  ban- 
quise, peut-être  peu  utilisables  sur  la  banquise  côtière,  pourront  au  contraire, 
rendre  d'énormes  services  sur  les  plateaux  de  ylace  que  nous  sommes  presque 
certains  de  rencontrer.  Notre  séjour  dans  l'Antarctique  nous  a,  en  effet,  per- 
mis de  constater  le  début  de  semblables  formations  g-laciaires  dans  les  nom- 
breux cas  où  la  conilyuration  du  terrain  le  permettait.  Nous  avons  pu,  d'autre 
part,  arriver  à  la  conviction  que  les  grands  icebergs  tabulaires  ne  proviennent 
et  ne  peuvent  provenir  que  de  plateaux  similaires  à  celui  de  Ross.  Or,  ces 
icebergs  innombrables  dans  l'Antarctique  et  en  particulier,  aux  environs  de 
la  Terre  Alexandre  i'^"'  ne  peuvent  provenir  exclusivement  de  la  muraille  de 
Ross  même  ;  il  est  donc  plus  que  probable  qu'ils  doivent  provenir  de  plateaux 
que  nous  rencontrerons  dans  la  région  que  nous  explorerons  et  que  nous 
pourrons  parcourir  avec  une  facilité  relative,  grâce  aux  traîneaux  automobiles. 
Mais  je  tiens  à  indiquer  d'ores  et  déjà  que  ces  traîneaux  ne  seront  pas  des 
instruments  de  transport  à  grande  vitesse,  mais  simplement  des  véhicules 
mécaniques ,  robustes ,  transportables ,  le  cas  échéant ,  à  bras  d'homme  , 
pouvant  remorquer  des  charges  assez  considérables  à  une  vitesse  à  peine 
supérieure  à  celle  des  chiens,  mais  aj^ant  sur  ceux-ci  des  avantages  qui  sautent 
aux  yeux. 

Matériel  destine'  à  la  navigation  dans  les  glaces  et  aux  raids.  —  Mon  expé- 
rience personnelle ,  mes  enquêtes  durant  ces  deux  dernières  années  en 
Angleterre,  en  Ecosse  et  en  Norvège,  me  permettront  de  munir  l'expédition 
des  engins  les  plus  simples,  les  plus  robustes  et  les  mieux  adaptés  à  l'explo- 
ration projetée  (scies  à  glace,  explosifs,  ancres  à  glace,  skis,  raquettes,  tentes, 
sacs  de  couchage,  cuisines  portatives,  etc.,  etc.). 

Vivres.  —  Je  crois  pouvoir  affirmer  (et  les  résultats  le  prouvent)  qu'aucune 
expédition  n'a  été  plus  soigneusement  et  plus  largement  montée  en  vivres  que 
la  nôtre.  Je  m'adresserai  donc  aux  mêmes  maisons,  françaises,  anglaises, 
allemandes,  américaines  et  argentines  suivant  la  liste  conservée,  et  que  je  tiens 
à  la  disposition  des  personnes  qui  peuvent  être  intéressées  par  cette  question. 
Je  n'apporterai  de  modifications  que  dans  certains  détails  d'emballage. 

La  liste  des  vivres  sera  établie  pour  une  durée  de  deux  années  à  partir  du 
moment  où  l'expédition  quittera  Ushnaia. 

Vêtements.  —  Les  vêtements  seront  de  même  provenance  que  ceux  employés 
dans  notre  expédition  précédente  avec  quelques  modilications  et  additions 
dictées  par  l'expérience. 

J'adopterai  la  même  literie  (matelas  en  kapok,  sommiers  élastiques  en  lames 
de  boisj,  tant  pour  l'équipage  que  pour  l'état-major. 


—  36  — 

Equipage.  —  L'équipage  comprenant  :  chef  mécanicien,  chauffeurs,  cui- 
sinier, maître  d'hôtel,  patron,  maître  d'équipage  et  matelots,  sera  de  seize 
hommes,  auxquels  seront  adjoints  éventuellement  deux  ou  trois  guides  des 
Alpes.  Je  me  suis  déjà  assuré  le  concours  de  neuf  hommes  avant  appartenu  à 
mon  ancien  équipage,  tous  les  autres  seront  des  volontaires  que  j'aurai  à 
choisir  parmi  une  cinquantaine  qui  se  sont  déjà  inscrits. 

Etal-major.  —  L'état-major  sera  constitué  sur  le  même  principe  que  celui 
de  l'expédition  de  1903-1905  et  comprendra  deux  officiers  de  marine,  un 
capitaine  au  long  cours,  un  géologue,  deux  zoologues,  un  ingénieur  et  moi- 
même.  Je  me  suis  déjà  assuré  le  concours  de  quatre  de  mes  collaborateurs  de 
l'expédition  précédente. 

Travaux  scientifiques  de  l'expédition.  —  L'Académie  des  Sciences , 
accueillant  favorablement  le  projet  que  j'ai  eu  l'honneur  de  lui  soumettre,  a 
bien  voulu  nommer  une  Commission  composée  de  MJNL  Bouquet  de  La  Grye, 
Mascart,  Gaudrj,  Bornet,  Perrier,  Guyou,  Mûntz,  de  Lapparent,  Roux, 
Giard,  Bouvier.  Lacroix,  chargée  d'étudier  et  d'élaborer  le  sr  vaste  pro- 
gramme scientifique  de  la  nouvelle  expédition  antarctique  française.  Nous 
nous  conformerons  à  ce  programme  et  emporterons  les  instruments  désignés 
par  cette  Commission. 

Nous  nous  entendrons  également  avec  les  autres  expéditions  antarctiques 
étrangères  afin  de  faire  profiter  la  science  d'observations  simultanées. 

Programme  d'exploration.  —  Le  navire  de  l'expédition  quittera  au  prin- 
temps les  terres  Magellaniques  et  ira  directement  recueillir  des  échantillons 
de  fossiles  au  Mont  Bransfield  et  à  l'île  Sejmour,  dans  les  gisements  reconnus 
si  riches  par  l'expédition  du  docteur  Nordenskjold.  Ces  collections  seront 
ramenées  de  suite  si  le  temps  nous  le  permet  à  Ushnaia,  sinon  elles  seront 
mises  en  sécurité  à  un  des  ports  d'accès  facile  découverts  par  nous  (Port 
Lockroy  ou  Port  Charcot),  où  elles  pourront  être  reprises  facilement,  soit  par 
nous-mêmes  au  retour,  soit  par  le  bateau  de  ravitaillement  ou  même  par  le 
navire  argentin  qui,  tous  les  ans,  va  relever  le  poste  météorologique  établi 
dans  les  Orcades  tlu  Sud. 

Nous  prendrions  ensuite  comme  point  de  départ  l'île  Wandel  où  notre 
dernière  expédition  hiverna  en  1904  et  nous,  rendant  à  la  Terre  Loubet  nous 
commencerions  nos  travaux  dans  la  région  inconnue  située  au  Sud  de  cette 
terre.  J'espère,  en  profitant  du  chenal  où  nous  fûmes  arrêtés  par  un  échouage, 
et  en  prenant  les  précautions  dictées  par  l'expérience,  pouvoir  gagner  ainsi 
la  latitude  de  la  Terre  Alexandre  P*"  et  peut-être  contourner  celle-ci.  Il  est 
impossible  à  partir  de  ce  moment  de  fixer  un  itinéraire  qui  ne  peut  que 
dépendre  des  circonstances.  Nous  nous  efforcerons  toutefois  de  relier  la  Terre 


Alexandre  I"  à  la  Terre  Edouard  VII.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'expédition  hiver- 
nera à  terre,  au  point  le  plus  favorable  reconnu  par  elle  pendant  cette  première 
campag-ne  d'été. 

Pendant  l'iiivernag^e,  en  même  temps  que  les  travaux  scientifiques  seront 
poursuivis  sur  une  l^ase  fixe  par  une  partie  de  l'état-major,  des  raids  seront 
dirigés  le  long-  des  côtes  et  dans  l'intérieur  des  terres  avec  le  douljle  objectif 
de  poursuivre  nos  propres  études  scientifiques  et  en  même  temps  de  pousser 
le  plus  loin  possible  dans  l'inconnu  et  vers  le  Sud,  afin  de  rapporter  des  ren- 
seignements généraux  sur  ces  régions,  ainsi  que  sur  les  conditions  d'explora- 
tion qui  poui  raient  être  utilisés  par  les  savants  qui  nous  succéderaient. 

Pentlant  l'été  de  l'année  suivante,  l'expédition  continuerait  ses  investiga- 
tions par  une  campagne  de  navigation  autant  que  possible  vers  l'Ouest,  mais 
subordonnée  aux  circonstances  et  aux  conditions  impossil)les  à  prévoir. 

En  principe,  la  durée  maximum  de  l'expédition  partie  des  terres  Magella- 
niques  et  retour  serait  de  dix-huit  mois ,  mais  les  approvisionnements 
prévoieraient  un  second  hivernage  au  cas  où  celui-ci  serait  devenu  obligatoire 
par  les  circonstances. 

(Défiche  Coloniale). 


LIGUE    COLONIALE    FRANÇAISE 

(Sièg-e  social  :  19,  rue  Saint-Georg-es,  PARIS). 


Le  Président  a  signalé  au  Comité  d'Études,  cette  création  nouvelle  et  diurne 
du  suffrage  de  tous  ceux  que  les  colonies  intéressent. 

La  Ligue  comprend  des  membres  qui  paient  une  cotisation  de  5  francs  et 
des  adhérents  à  1  franc  par  an,  avec  faculté  de  racheter  la  cotisation  annuelle 
par  le  versement  unique  de  100  francs  pour  les  membres  et  de  20  francs  pour 
les  adhérents. 

Tout  membre  rachetant  sa  cotisation  par  une  somme  de  500  francs  au 
moins,  recevra  le  titre  de  Bienfaitetir  de  la  Ligue. 

M.  le  Général  Lebon,  commandant  le  1^^  corps  d'armée,  a  accepté  de  faire 
partie  du  Comité  directeur  de  la  Ligue. 

M.  Nicolle,  Président  de  la  Société,  a  été  désigné  comme  Vice-Président. 


--  38  - 

Voici  l'appel  aux  bonnes  volontés  de  tous  formulé  par  le  Président  de  la 
Ligue  : 

A  tous  les  hommes  de  labeur  et  de  bonne  volonté  qui,  à  un  titre  quelconque, 
travaillent  à  la  prospérité  de  nos  colonies  et  s'intéressent  à  leur  sort,  la 
«  Ligue  Coloniale  Française  »  adresse  un  appel  que  leur  patriotisme  ne  sau- 
rait manquer  d'entendre. 

Elle  leur  dit  :  Unissez-vous,  pour  que  la  force  qui  résultera  de  cette  union 
assure,  dans  les  conditions  les  plus  solides  et  les  plus  larges,  le  succès  de  la 
cause  à  laquelle  vous  avez  déjà  apporté  l'appoint  de  vos  dévouements  indivi- 
duels. Unissez-vous  pour  que,  du  rapprochement  de  vos  esprits  et  de  l'asso- 
ciation de  vos  énergies,  notre  empire  colonial  reçoive  l'impulsion  nécessaire 
à  son  entier  développement. 

La  tâche  à  laquelle  vous  êtes  conviés  est  aussi  utile  que  belle.  Elle  consiste 
à  créer  en  France  un  fojer  d'ardentes  sympathies  pour  notre  domaine  d'outre- 
mer et  à  stimuler  le  zèle  de  tous  ceux  qui  peuvent  consacrer  à  l'avenir  de  ce 
domaine  une  activité  souvent  en  peine  de  s'employer  dans  les  cadres  encombrés 
de  la  vie  métropolitaine. 

Vous  serez,  vous  les  coloniaux  militants,  les  premiers  à  en  éprouver  l'heu- 
reux effet.  Quand  vos  généreuses  initiatives  seront  soutenues  comme  elles 
méritent  de  l'être, -quand,  en  quittant  la  France,  vous  aurez  la  certitude  d'y 
laisser  deriière  vous  des  amitiés  fidèles,  attentives  aux  efforts  que  vous  allez 
tenter  sur  des  terres  lointaines,  vous  vous  sentirez  à  la  fois  plus  hardis  et  plus 
forts,  ef,  de  cette  confiance  en  vous-mêmes,  le  pays  recueillera  le  bénéfice  le 
plus  précieux. 

Ainsi,  après  tant  d'autres,  vous  éprouverez  les  bienfaits  de  la  solidarité. 

Cette  solidarité,  c'est,  tenant  en  un  seul  mot,  tout  le  programme  de  la 
«  Ligie  Coloniale  Française  ».  Créer  entre  tous  les  coloniaux  un  lien  aussi 
étroit  que  permanent,  faire  d'eux  une  sorte  de  grande  famille  dont  tous  les 
membres,  en  quelque  lieu  du  monde  qu'ils  se  trouvent,  se  prêteront  mutuelle- 
ment aide  et  assistance,  tel  est  le  but  qu'elle  se  propose. 

Et  ce  but,  elle  le  place  sous  l'égide  de  la  tradition  morale  qui  est  le  patri- 
moine de  notre  race,  c'est-à-dire  sous  l'invocation  directe  de  l'esprit  de  progrès 
et  d'humanité  que  la  France  n'a  jamais  cessé  de  symboliser  aux  yeux  du 
monde.  Le  travail  dans  la  paix,  telle  est  sa  devise.  La  «  Ligue  Coloniale  Fran- 
çaise »  ne  comprend  l'œuvre  colonisatrice  que  comme  une  œuvre  d'émanci- 
pation, de  moralisation  et  de  relèvement  de  la  personne  humaine  par  le  labeur 
fécond  qui  est  la  première  condition  de  sa  dignité. 

En  servant  ainsi  la  cause  de  l'humanité,  la  France  servira  aussi  la  sienne. 
Et  c'est  là  ce  qu'il  importe  de  faire  comprendre  clairement  à  tous. 

Aujourd'hui,  la  politique  coloniale  est  devenue  pour  tous  les  peuples  une 
nécessité.   Les  petites  nalions  ne  sont  grandes  que  par  elle,  et  les  grandes  ne 


—  39  — 

peuvent  m  tinlenir  leur  puissance  qu'en  ouvrant,  sur  un  globe  où  la  place 
devient  de  plus  en  plus  précieuse,  le  plus  vaste  champ  possible  à  l'activité  sans 
cesse  accrue  de  leurs  citoyens. 

Depuis  des  siècles,  la  Hollande  doit  sa  prospérité  et  son  indépendance  à  un 
empire  colonial  qui  centuple  son  domaine  et  ses  ressources.  L'industrieuse 
Belgique,  la  première  nation  d'Europe  au  point  de  vue  de  l'activité  économique, 
fonde  sur  le  Congo  ses  plus  belles  espérances.  La  libre  Angleterre  domine  le 
monde  par  ses  colonies  et  compte  sur  elles  seules  pour  continuer  à  assurer 
l'indispensable  essor  à  son  génie  commercial  et  maritime.  L'Empire  alle- 
mand, tardivement  entré  dans  la  politique  d'expansion  mondiale ,  mais 
puissamment  aidé  par  sa  merveilleuse  «  Ligue  Coloniale  Allemande  »  Deutsch 
Colonial  Gesellschafl,  lutte,  on  sait  avec  quelle  discipline  et  quelle  ardeur, 
pour  assurer  les  débouchés  nécessaires  à  son  activité  industrielle  et  navale. 
Les  États-Unis  eux-mêmes,  malgré  l'immensité  d'un  territoire  grand  à  lui 
seul  comme  l'Europe  entière,  cherchent  des  colonies  et  proclament  les  Amé- 
riques intangibles.  Enfin,  n'est-ce  pas  par  des  guerres  économiques  et  colo- 
niales que  le  Japon,  l'Empire  du  Soleil-Levant,  s'est  récemment  placé  au 
rang  des  grandes  puissances  ? 

Et  c'est  un  tel  moment  que  la  France  choisirait  pour  méconnaître  l'impor- 
tance d'un  empire  d'outre-mer  que  la  prévoyance  de  ses  plus  grands  hommes 
d'Etat,  le  dévouement  et  l'héroïsme  de  ses  explorateurs  et  de  ses  soldats  lui 
ont  si  méritoirement  conquis  ? 

Cela  ne  peut  pas  être.  Le  rôle  de  la  «  Ligue  Coloniale  Française  »  sera  de 
veiller  à  ce  que  cela  ne  soit  pas. 

C'est  pourquoi,  gardienne  vigilante  de  nos  plus  belles  traditions  nationales, 
défendant  le  patrimoine  séculaire  que  les  générations  qui  se  succèdent  ne 
doivent  plus  se  transmettre  qu'en  voie  de  croissante  prospérité,  la  «  Ligue 
Coloniale  Française  »  invite  toutes  les  intelligences,  toutes  les  énergies  à 
collaborer  à  son  œuvre  patriotique. 

Que  tous  les  partisans  de  la  cause  coloniale  répondent  à  son  appel  et  lui 
adressent  leur  adhésion.  C'est  faire  acte  de  bons  citoyens  que  de  s'unir  pou/ 
le  bien  du  pays  qui  ne  fait  qu'un  avec  celui  de  «  la  plus  grande  France  ». 

Eugène  Etienne, 
Président  du  Comité  Directeur. 

Les  statuts  de  la  Ligue,  déposés  au  Secrétariat,  sont  à  la  disposition  des 
membres  de  la  Société. 


—  40 


BIBLIOGRAPHIE 


L'A-URORE  ATJSTRATiP],  par  M.  Biard  d'Aunet. 
Paris,  Pion,  1UU7. 

Cet  ouvrage  est  le  résumé  des  observations  faites  par  l'auteur  pendant  son  séjour 
eu  Australie  de  1893  à  l'JOo.  Il  repose  sur  une  documentation  très  étendue  dont 
l'effort  nous  échappe,  M.  Biard  d'Aunet  ayant  pris  soin  de  ne  nous  en  présenter 
qu'un  abrégé  facile  à  lire,  clair,  et  visant  par  là  à  produire,  comme  il  le  dit  lui- 
même,  «  une  impression  plus  vive  ».  Il  n'est  pas  jusqu'au  titre  de  l'ouvrage  qui  ne 
sollicite  l'attention  d'une  manière  heureuse.  Précautions  utiles  pour  secouer  le 
lecteur  français  de  son  indifférence  habituelle,  surtout  quand  il  s'agit  de  quelque 
chose  d'aussi  lointain  ([ue  l'éveil  d'mi  peuple  situé  à  nos  antipodes,  en  plein  Océan 
Pacifique. 

Notre  ignorance  à  l'égard  de  l'Australie  est  regrettable.  L'importance  d'un  pays 
par  rapport  à  nous  ne  doit  pas  se  mesurer  à  la  distance.  La  politique  de  toutes  les 
grandes  puissances  étant  devenue  mondiale,  rien  de  ce  qui  se  passe  hors  de  chez 
elles  ne  doit  leur  rester  inconnu,  à  plus  forte  raison  quand  il  s'agit  d'un  pays  vaste, 
riche  d'avenir  et  déjà  orgueilleux  de  ses  destinées,  avec  lequel  le  voisinage  de  nos 
colonies  océaniennes  nous  oblige  d'ailleurs  à  entretenu-  des  relations  tout  au  moins 
diplomatiques.  C'est  le  cas  de  l'Australie. 

Cette  terre,  quinze  fois  plus  vaste  que  la  France,  est  dix  fois  moins  peuplée.  Ses 
quatre  millions  d'habitants,  d'origine  britannique,  assemblés  depuis  deux  généra- 
tions, constituent  aujourd'hui  une  nation  distincte,  très  libre  d'allure,  conséquence 
de  son  origine  sociale  et  de  sou  milieu  géographique,  et  chez  laquelle  on  retrouve 
déjà  fort  peu  des  caractéristiques  mentales  de  l'ancien  élément  européen.  C'est  ce 
que  l'auteur  nous  démontre  fort  bien  dans  les  premiers  cliapitres  de  son  livre, 
consacrés  à  la  vie  intellectuelle,  sociale,  économique  et  politique  de  l'Australie. 
Société  encore  rudimentaire,  jeune,  inexpérimentée,  incohérente  et  maladroite  dans 
quelques-unes  de  ses  conceptions,  orgueilleuse  et  un  peu  brutale  dans  ses  manifes- 
tations collectives,  mais  franche  et  hardie,  et  empreinte  du  reste,  quand  on  l'étudié 
d'un  peu  près,  d'une  certaine  cordialité  de  bon  augure,  au  demeuiaut,  «  un  corps 
sain  et  robuste  ».  On  sait  que  le  socialisme  est  à  peu  près  triomphant  en  Australie. 
Nous  n'avons  pas  à  entrer  dans  le  détail  de  cette  question,  non  plus  qu'à  décrire 
ici  le  fonctionnement  de  la  Constitution  australienne,  longuement  étudiée  par  l'au- 
teiu'.  Bornons-nous  à  dire  que,  suivant  lui  comme  d'autres  qui  l'ont  observée,  la 
nation  est  «  assez  jeune  pour  que  les  leçons  de  l'expérience  puissent,  avant  d'être 
trop  rudes,  lui  devenir  prolitables.  A  cet  âge  heureux,  les  évolutions  sont  aisées, 
et  toutes  les  puissances  vitales  concoiu-ent  instinctivement  vers  un  but  unique  : 
grandir  ». 

Grandir  :  les  richesses  du  sol  de  l'Australie  lui  en  font  un  devoir  et  une  espé- 
rance, bien  que  totite  cette  valeur  matérielle  soit  peu  ou  mal  exploitée  encore,  et 
que  le  budget  national  manque  d'équilibre. 
Une  question  qui  nous  intéresse  plus  directement,  c'est  celle  qui  se  rapporte  à 


—  41  — 

l'état  d'esprit  des  Australiens  vis  à  vis  du  commerce  européen  dans  le  Pacifique, 
des  questions  polynésiennes,  et  en  particulier  de  nos  colonies,  à  nous,  dans  ces 
régions  lointaines.  La  question  des  Nouvelles-Hébrides,  déjà,  a  vivement  passionné 
l'opinion  et  les  pouvoirs  australiens,  —  indice  d'ambitions  politiques  assez  inquié- 
tantes. Notre  commerce  d'exportation  est,  lui  aussi,  menacé  en  Océanie,  et  par  la 
concurrence  européenne,  et  par  nos  traités  avec  l'Australie,  laquelle  «  a  l'avantage 
de  l'indépendance  sans  en  avoir  les  charges,  ni  surtout  les  risques  »  Nos  acheteurs 
de  laine  sont  cependant  les  meilleurs  clients  de  l'Australie,  qui  semble  ne  pas  en 
tenir  compte. 

Et  l'auteur  termine  son  travail  par  ces  considérations  mélancoliques  :  «  Si  nous 
ne  prenons  part  comme  associés,  fournisseurs,  clients  ou  concurrents  des  Austra- 
liens, au  mouvement  qu'ils  ont  créé,  quand  il  ne  nous  restera  aux  antipodes  que 
des  intérêts  dits  politiques,  nos  établissements  seront  commercialement  annexés.  Il 
faudrait  alors  se  résigner  à  les  céder  au  meilleur  prix,  puisqu'ils  ne  seraient  que 
des  charges  inutiles. 

La  France  ferait  bien  de  regarder  ce  qui  se  passe  là-bas.  Il  en  est  peut-être 
encore  temps  ». 

G.  HOUBRON. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


Développeiueut  de  la  politique  ludigèue.  —  L'intéressant 
mouvement  qui  tend  à  appeler  les  indigènes  à  une  participation  plus  grande  aux 
affaires  coloniales  se  généralise.  Le  gouvernement  anglais  a  fait  connaître  son 
intention  de  nommer  deux  Hindous  au  conseil  de  gouvernement  de  l'Inde.  Nous 
avons  récemment  introduit  des  membres  musulmans  dans  la  conférence  consultative 
de  Tunisie.  Et  le  courrier  nous  apporte  le  texte  des  deux  arrêtés  par  lesquels 
M.  Beau,  le  gouverneur-général  de  l'Indo-Chine,  vient  d'organiser  un  comité 
consultatif  au  Tonkin. 

Paul  Bert  avait  fait  le  premier  essai  d'une  institution  de  ce  genre  il  y  a  vingt  ans. 
Peut-être  était-elle  prématurée  à  cette  époque  et  est-ce  la  raison  pour  laquelle  elle 
n'avait  pas  vécu.  Une  partie  du  territoire  n'était  pas  encore  soumise  ;  la  partie 
que  nous  avions  commencé  d'occuper  était  en  proie  à  la  piraterie  ;  les  souvenirs  de 
la  conquête,  encore  tout  frais,  entretenaient  des  sentiments  de  haine  dans  la  popu- 
tion  ;  celle-ci  ne  nous  connaissait  pas  encore  et  n'ayant  aucune  confiance  en  nous 


—  42  — 

n'avait  aucun  désir  de  collaborer  avec  nous.  Aujourd'hui  les  choses  ont  complète- 
ment changé.  Une  paix  complète  règne  dans  tout  le  pays  ;  des  relations  nom- 
breuses, soit  dans  les  administrations,  soit  dans  les  entreprises  privées,  se  sont 
établies  entre  Annamites  et  Français  et  le  peuple  conquis  n'a  plus  pour  nous  ni  les 
craintes  ni  l'aversion  d'autrefois.  Mais  ce  qui  est  surtout  nouveau,  c'est  que  cette 
collaboration,  qui  leur  répugnait  autrefois,  les  Annamites  la  désirent  aujourd'hui. 
Nous  avons  déjà  signalé  quel  engouement  s'est  emparé  d'eux  pour  notre  culture  et 
pour  nos  méthodes.  Les  manifestations  s'en  multiplient.  Aux  élections  municipales 
d'Hanoï  qui  viennent  d'avoir  lieu,  on  a  vu  avec  étonnement  les  indigènes,  qui  s'en 
étaient  désintéressés  jusqu'alors,  s'en  occuper  activement,  opposer  des  listes  les 
unes  aux  autres  et  formuler  des  programmes  dans  lesquels  ils  réclamaient  des 
écoles,  des  hôpitaux  et  une  organisation  de  l'assistance  médicale.  Ayant  reconnu 
notre  supériorité,  au  moins  pour  ce  qui  concerne  les  connaissances  scientifiques, 
ils  ont  de  nous  cette  idée  nouvelle  que  nous  avons  beaucoup  de  choses  à  leur 
apprendre,  et  ils  se  tournent  vers  nous  comme  vers  des  éducateurs  possibles. 

M.  Beau  reprend  donc  le  projet  de  Paul  Bert  dans  des  conditions  infiniment  plus 
favorables  et  plus  opportunes.  Le  comité  consultatif  indigène  sera  composé  de 
trois  sections  :  une  section  des  agriculteurs,  une  section  des  commerçants  et  une 
section  des  races  du  Tonkin  non  annamites.  Les  membres  des  deux  premières 
sections  seront  élus  par  les  notables.  En  raison  de  l'état  encore  fort  arriéré  des 
races  non  annamites,  ceux  de  la  troisième  seront  jusqu'à  nouvel  ordre  désignés  par 
les  résidents  de  leur  province.  Quand  les  sections  délibéreront  séparément,  aucun 
fonctionnaire  n'assistera  à  leurs  séances  ;  elles  choisiront  elles-mêmes  leur  prési- 
dent. Quand  elles  s'assembleront  en  réunion  plénière,  le  résident  supérieur  du 
Tonkin  les  présidera.  Le  gouverneur  général  a  désigné  comme  questions  sur 
lesquelles  le  comité  sera  dès  maintenant  consulté  :  l'enseignement,  l'assistance 
médicale,  les  sociétés  coopératives,  les  caisses  de  prévoyance  et  de  dépôt,  l'organi- 
sation des  prêts  agricoles,  la  colonisation  du  haut  pays  au  moyen  de  colons  tirés 
des  provinces  du  delta.  On  sait  en  efiet  que  tandis  que  le  delta  est  surpeuplé,  le 
haut  pays,  dévasté  autrefois  par  les  pirates  chinois,  est  vide,  et  que  c'est  une  des 
grosses  questions  du  Tonkin  que  d'y  ramener  des  habitants. 

En  même  temps  qu'il  créait  cet  organe  central,  M.  Beau  a  réorganisé  les  com- 
missions consultatives  de  notables  que  M.  Doumer  avait  instituées  en  1898  au  chef- 
lieu  de  chaque  province.  Ces  assemblées  étant  composées  de  membres  choisis  par 
le  résident,  péchaient  par  trop  de  docilité.  Ces  membres  seront  désormais  élus  et 
auront  par  conséquent  plus  d'indépendance. 

Les  innovations  -de  ce  genre  ne  vont  pas  sans  causer  des  appréhensions.  On  a  vu 
quelle  opposition  passionnée  l'admission  des  indigènes  à  la  conférence  consultative 
a  soulevée  parmi  les  colons  tunisiens.  On  demande  :  «  Quand  vous  aurez  instruit 
les  indigènes  et  que  vous  les  aurez  initiés  aux  affaires  publiques,  croyez-vous  qu'ils 
continueront  à  supporter  notre  domination  ?  Et  alors  qu'arrivera-t-il  ?  »  Dieu  le 
sait,  comme  disent  les  Arabes.  Mais  ce  qui  nous  paraît  certain,  c'est  qu'il  ne  nous 
est  jjas  possible  d'avoir  une  autre  politique  à  l'égard  des  indigènes.  En  premier 
lieu,  quand  on  a  affaire  à  des  races  aussi  intelligentes  et  aussi  anciennement  civi- 
lisées que  la  race  annamite,  —  aussi  capable  de  donner  des  avis  sensés  sur  ce 
qu'elle  désire  et  sur  ce  qui  lui  convient,  —  est-il  un  meilleur  moyen  de  les  bien 
administrer  que  de  les  consulter,  et  serait-il  sage  de  se  priver  des  renseignements 
qu'elles  peuvent  fournir  ?  D'autre  part,  même  si,  contre  toutes  nos  tendances 
nationales,  nous  voulions  nous  opposer  à  l'effort  des  indigènes  pour  améliorer  leur 
sort,  est-ce  que  nous  pourrions  y  parvenir  ?  Lorsqu'ils  ont  entrevu  quelle  force 
l'homme  tire  de  l'instruction,  les  empêcherons-nous  de  s'instruire  ?  Lorsqu'ils  ont 


—  i-5  — 

compris  les  avantages  de  l'association,  les  empècherons-nons  de  s'associer  ?  Kt 
parce  que  le  bien-être  leur  ouvre  l'esprit  et  leur  donne  le  désir  d'avoir  leur  part 
dans  la  vie  publique,  les  empècherons-nous  de  s'enrichir  ?  Non.  Le  mieux  est  donc 
de  prendre  nous-mêmes  la  direction  du  mouvement  et  de  la  garder.  C'est  en  étant 
bienfaisante  que  notre  domination  se  rendra  nécessaire  et  acquerra  d'autres  chances 
de  durée  que  celle  qu'elle  tient  de  la  force. 

Seulement,  la  direction  de  ce  mouvement  est  une  œuvre  difficile.  Si  nous  encou- 
rageons les  espérances  de  nos  sujets,  nous  nous  engageons  par  là  à  les  contenter. 
C'est  pourquoi  nous  voudrions  que  des  mesures  comme  celles  que  vient  de  prendre 
le  gouverneur  de  l'Indo-Ghine  et  auxquelles  nous  applaudissons  fussent  rattachées 
par  le  gouvernement  français  à  un  plan  d'ensemble  dans  l'exécution  duquel  on 
règleiait  dans  un  même  esprit  toutes  les  questions  se  rattachant  au  relèvement  des 
indigènes  :  instruction,  assistance  médicale,  crédit  et  prévoyance,  repré.sentations 
et  admission  aux  emplois  publics. 

Temps. 


Une  conséquence  du  traité  rrauco-.*$ianioisi.  —  Voilà  le  traité 
franco-siamois  ratifié.  Il  va  donc  entrer  en  vigueur.  Nous  avons  dit  qu'il  rend  au 
Cambodge,  et  par  conséquent  à  notre  Indo-Chine,  les  trois  riches  et  populeuses 
provinces  de  Battambang,  de  Siem-Reap  et  de  Sisophon.  L'acquisition  n'est  pas  de 
mince  importance  au  point  de  vue  économique,  mais  elle  a  encore  un  autre  intérêt 
sur  leffuel  un  groupe  de  savants,  d'artistes  et  de  personnalités  indo-chinoises  appelle 
l'attention  :  c'est  qu'elle  met  en  notre  possession  quelques-uns  des  plus  beaux 
monuments  de  l'Asie,  quelques-unes  des  merveilles  architecturales  du  monde.  Par  une 
bizarrerie  de  l'histoire,  l'art  hindou  n'est  arrivé  à  son  apogée  que  dans  ses  rejetons 
les  plus  lointains.  Ses  plus  belles  sculptures  sont  à  Java,  où  elles  ornent  le  Boro- 
boudom  ;  mais  ses  plus  vastes  et  ses  plus  impressionnants  édifices  sont  dans  ces 
anciennes  provinces  que  le  Cambodge  va  recouvrer.  M.  Finot,  qui  a  été  directeur 
de  l'École  française  d'Extrême-Orient,  et  qui  a  visité  les  deux  pays,  l'a  expliqué 
dans  le  Bulletin  du  Comité  de  l'Asie  française,  ni  les  grands  temples  du  sud  de 
l'Inde,  ni  les  ruines  trop  vantées  d'Ankrâdhapoura,  à  Ceylan,  ne  peuvent  soutenir 
la  comparaison  avec  les  restes  magnifiques  d'Angkor,  la  capitale  du  vieil  empire 
cambodgien.  Ces  restes  ne  sont  plus  tout  à  fait  inconnus  du  public.  Par  les  mou- 
lages et  les  réductions  exposés  au  musée  du  Trocadéro,  un  Parisien  peut  prendre 
une  idée  de  ces  immenses  constructions  à  plans  carrés,  dont  les  silhouettes  pyra- 
mident  vers  leur  centre,  dont  les  tours  sont  couronnées  par  d'énormes  faces  de  dieux 
sculptées  sur  les  quatre  côtés,  et  dont  les  murs  sont  revêtus  d'une  invraisemblable 
profusion  de  bas-reliefs  et  d'ornements. 

Qu'allons-nous  faire  de  ces  ruines  ?  On  peut  dire  qu'elles  font  partie  du  patri- 
moine général  de  la  civilisation.  Elles  témoignent  de  l'une  des  façons  dont  la 
beauté  a  été  comprise.  Elles  constituent  un  document  que  rien  ne  pourrait  suppléer 
pour  l'histoire  de  l'imagination  humaine.  Du  moment  ([u'elles  deviennent  nôtres, 
nous  en  sommes  responsables  comme  d'un  dépôt.  Les  laisserons-nous  à  l'abandon 
comme  le  faisaient  les  Siamois?  L'n  comité  qui  vient  de  se  former  sous  le  nom  de 
«  comité  d'Angkor  pour  la  conservation  des  antiquités  indo-chinoises  »,  pense  que 
cette  indiiférence  ne  serait  pas  honorable  pour  notre  pays.  Et  il  se  propose  de  faire 
les  démarches  nécessaires  pour  arriver  à  organiser  leur  conservation. 

L'étendue  même  des  monuments  exclut  toute  idée  de  restauration  et  même  de 
consolidation.  Il  y  faudrait  de  trop  grandes  sommes.  Mais  on  peut  faire  deux 
clioï-es.  Etablir  un  service  de  gardiens  qui  empêcheraient  les  bâtisseurs  actuels  de 


—  44  — 

s'y  approvisionner  de  pierreci,  les  touristes  d'en  emporter  les  sculptures,  et  les 
arbres  de  la  forêt  qui  les  a  envahis  d'en  disloquer  les  murailles  ;  et  les  rendre 
accessibles  aux  voyageurs  de  plus  en  plus  nombreux  qui  visitent  l'Extrême-Orient, 
de  manière  à  les  mettre  au  rang  de  ces  grandes  curiosités  que  tout  homme  instruit 
désire  avoir  vues.  Jusqu'ici  y  aller  est  une  véritable  exploration  avec  campement 
dans  la  broussaille.  Il  suffirait  de  restaurer  une  chaussée  d'une  douzaine  de  kilo- 
mètres qui  reliait  autrefois  Angkor  au  Grand-Lac  et  de  construire  utie  hôtellerie 
pour  en  faire  un  voyage  d'agrément. 

Il  serait  fort  désirable  aussi  que  de  bonnes  reproductions  de  ces  monuments 
fussent  publiées  afin  que  les  savants  pussent  les  étudier  à  loisir.  L'histoire  du 
Cambodge  présente  une  énigme  fort  intéressante  à  déchifirer.  Il  semble  qu'une 
colonie  hindoue  y  soit  arrivée  vers  le  VIII''  siècle  par  mer,  apportant  aux  indigènes, 
qui  sont  d'une  race  intellectuellement  assez  médiocrement  douée,  une  religion  plus 
élevée  et  des  cadres  sociaux.  Ces  étrangers  ont  gouverné  le  pays  jusqu'au 
XIV«  siècle  et  l'ont  conduit  au  degré  de  prospérité  extraordinaire  dont  Angkor  reste 
la  preuve.  Puis  ils  ont  disparu,  et  les  indigènes  sont  retombés  dans  leur  médiocrité, 
en  sorte  que  ce  ([u'on  appelle  la  civilisation  khmer,  du  nom  de  ces  indigènes,  ne 
serait  pas  du  tout  khmer.  Dans  quelles  conditions  ces  événements  se  sont-ils  pro- 
duits ?  On  le  sait  fort  mal  encore.  Des  inscriptions  l'apprendront  peut-être,  et  en 
tout  cas  les  bas-reliefs  montreraient  ce  qu'était  cette  vie  d'autrefois.  11  y  en  a  plu- 
sieurs kilomètres  carrés. 

Les  ambitions  du  comité  sont  donc  de  celles  que  l'on  peut  sans  témérité  se  pro- 
mettre de  réaliser.  Sans  doute  il  se  trouvera  des  particuliei-s  pour  contribuer  à  son 
œuvre.  Mais  de  son  côté  le  gouvernement  ne  saurait  s'en  désintéresser.  Il  paraît 
difficile  d'appliquer  brusciuement  aux  trois  provinces  recouvrées  le  régime  fiscal  de 
l'Indo-Ghine,  dont  on  sait  combien  il  est  vexatoire.  On  s'exposerait  à  des  soulève- 
ments. A  titre  au  moins  transitoire,  elles  devront  avoir  un  régime  spécial  et  par 
conséquent  un  budget  particulier.  Le  comité  demandera  qu'un  crédit  soit  inscrit  à 
ce  budget  pour  la  conservation  d' Angkor.  Et  l'on  s'étonnerait  qu'il  ne  fut  i)as 
écouté. 

Le  Temps. 


II,  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économ.iques 
et  Statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 

Compafçiile  générale  Transatlantique.  —  Le  mouvement  général 
des  passagers,  des  marchandises,  des  colis  postaux  et  des  valeurs  en  1906,  com- 
paré à  celui  de  1905,  donne  les  chifi"res  suivants  : 

1905  1906 

gouvernent  des  passagers  (nombre) 310.877  339.807 

—  des  marchandises  (tonnes) 838.772  1 .145.8.31 

—  des  colis  (nombre) 11.48r).14f)  11.851.346 

—  des  espèces  et  valeurs  en  francs  . .  192 .  982 .981  1 20 .  766 .  300 

—  des  colis  postaux  (nombre) 975.856  1 .011 .041 

Nombre  de  voyages ■ 1 .071  1 .081 


Ce  sont  principalement  les  lignes  du  Havre  à  New-York  (jui  ont  procuré  les 
plus-values  les  plus  importantes  :  les  passagers  de  toutes  classes  ont  été  en 
augmentation  et  le  tonnage  des  marchandises  transportées  s'est  également  beau- 
coup accru. 

La  «  Provence  »  a  continué  sa  brillante  carrière. 

Ses  qualités  de  stabilité  et  de  vitesse,  jointes  au  confort  et  au  luxe  de  ses  amé- 
nagements, en  font  un  paquebot  de  tout  premier  ordre,  très  justement  recherché 
de  la  clientèle,  malgré  l'excessive  concurrence  qui  s'exerce '^ur  la  ligne  de  New- 
York. 

Du  reste,  la  vitesse  et  la  régularité  de  marche  de  ce  paquebot  ont  été  reconnues 
dans  un  document  officiel  publié  aux  Etats-Unis  (Report  of  the  Superintendent  of 
f'oreign  mails)  qui  établit  que,  pendant  le  dernier  exercice  qui  a  pris  fin  au  ."30  -luin 
dernier,  c'est  par  «  La  Provence  »  que  se  sont  effectués  en  moyenne  les  trajets  les 
plus  rapides  pour  le  transport  des  courriers  entre  New- York  et  Paris. 

Ce  paquebot,  ainsi  du  reste  que  «  La  Lorraine  »  et  «  La  Savoie  »,  ont  été  munis 
des  appareils  de  télégraphie  sans  fil  à  longue  distance,  ce  qui  permet  non  seule- 
ment de  recevoir  des  communications  en  permanence  de  la  terre,  mais  encore 
d'organiser  un  service  d'informations  publié  dans  un  journal  imprimé  quotidienne- 
ment à  bord. 

Le  matériel  naval  se  composait,  au  31  Décembre  1900,  de  58  navires  jaugeant 
ensemble  205.014  tonneaux,  développant  une  puissance  de  2.30,450  chevaux  et  dépla- 
çant au  maximum  de  charge  317.628  tonneaux. 


C.heiiiin.'Oi  «le  fer  de  fludo-Cliiiie  et  du  Yunuan.  —  M.  le  baron 
Hély  d'Oissel  vient  de  présider  l'assemblée  de  la  Compagnie  française  des  Chemins 
de  fer  de  Vlndo-Chine  et  du  Yiinnan. 

Au  sujet  de  la  ligne  du-Tonkin,  le  rapport  lu  à  la  réunion  expose  que  l'exploi- 
tation du  réseau  tout  entier,  soit  395  kilomètres,  a  eu  lieu  à  partir  du  l^'  Avril  lOOfi. 

Les  recettes  totales  se  sont  élevées  à  4  millions  011.857  fr.  49. 

La  recette  kilométrique  annuelle  ressort  à 10. 156  65 

Elle  était,  en  1905,  de 8. 407  10 

La  pauvreté  des  récoltes,  conséquence  des  inondations  de  1905,  a  empêché  le 
développement  du  trafic  en  190(5.  Le  nombre  des  voyageurs  a  été  moindre  qu'en 
1905  :  le  tonnage  total  des  marchandises  transportées  n'a  été  supérieur  que  de 
10  °/o.  Cependant,  la  sécheresse  de  l'été  dernier,  en  causant  la  baisse  des  eaux  du 
Fleuve  Rouge,  a  amené  sur  la  ligne  une  plus  grande  partie  des  marchandises  de 
transit,  telles  que  :  à  la  montée  :  filés  de  coton,  tissus,  pétrole,  huiles,  tabac,  sel, 
etc. . .  ;  à  la  descente  :  étain  brut,  thé,  opium. 

Mais  la  notable  augmentation  du  cliifi're  total  des  recettes  en  francs  est  due  prin- 
cipalement à  l'augmentation  des  distances  parcourues  et  à  la  hausse  de  la  piastre. 

Les  transports  en  service,  —  c'est-à-dire  ceux  qui  sont  effectués  pour  les  besoins 
de  la  construction  de  toutes  les  lignes  de  l'Indo-Chine  et  de  celle  du  Yunnan  et 
pour  les  besoins  de  l'exploitation  du  réseau,  —  fournissent  en  1906,  une  très  grosse 
part  de  la  recette,  un  quart  environ. 

Les  transports  pour  la  construction,  de  beaucoup  les  plus  considérables,  sont 
aujourd'hui  à  peu  près  terminés  ;    ils  ont  influencé,    dans  une  mesure  moindre,    la 


—  46  - 

recette  des  cinq  premiers  mois  de  1907.  D'autre  part,  le  cours  de  la  piastre  a  baissé. 
Cependant  la  moyenne  mensuelle  des  recettes  atteint  369.000  francs.  Le  courant 
de  trafic  de  transit  semble  s'établir  et  se  développer.  Aussi  ces  résultats  per- 
mettent-ils, malgré  tout,  de  fonder  de  sérieuses  espérances  sur  le  développement 
des  relations  économiques  avec  le  Yunnan  et  les  provinces  limitrophes  dans 
l'avenir. 

Voici  quelques  chiffres  statistiques  sur  l'exploitation  : 

Nombre  de  voyageurs  tranportés  : 

1906  1905 

Européens 55.716  44.;353 

Indigènes 1.377.318        1.387.761 


Totaux 1.433.234  1.432.114 

Nombre  i>e  tonnes  de  marchandises  transportées  : 

En  1906 127.308 

En  1905 115.761 

Nombre  de  tètes  d'animaux  transportées  : 

En  1906 8.847 

En  1905 11 .547 


Parcours  kilométrique 

des 

trains  : 

En  190(5 

En  1905 

Kil. 

(•)(  50.333 
346.520 

542.259 

217.770 

Totaux 

1.006.85:3 

760.009 

Marchandises , 


Au  cours  de  l'année  1906,  les  circonstances  ont  été  favorables  à  l'exécution  des 
travaux  de  construction  de  la  ligne  du  Yunnan,  et  des  progrès  notables  ont  été 
réalisés. 

A  la  vérité,  dit  le  rapport,  les  difficultés  techniques  se  sont  confirmées,  notam- 
ment par  suite  de  la  nature  de  certains  des  terrains  rencontrés,  qui  sont  plus  ou 
moins  instables,  et  dont  la  traversée  exige  un  cube  de  terrassements  supérieur  aux 
prévisions  normales. 

Si  en  Chine  les  services  de  justice  et  de  police  n'ont  pas  beaucoup  mieux  que 
précédemment  assuré  la  sécurité,  si  l'accaparement  des  moyens  d'action  nécessaires 
à  l'entreprise  n'a  point  complètement  cessé,  si  les  oppositions,  ouvertes  ou  dégui- 
sées, n'ont  point  toutes  désarmé,  il  n'est  pas  moins  vrai  cependant  que  par  le  fait 
de  l'arrivée  de  la  locomotive  à  Laokay,  de  la  ferme  volonté  d'aboutir  manifestée  par 
le  gouvei'nement  français  et  notre  Compagnie,  de  la  persistance  des  chantiers  et  de 
leur  développement,  de  la  solidarité  chaque  jour  accrue  entre  les  intérêts  de  l'en- 
treprise et  ceux  du  pays  qui  en  vit  à  cette  heure,  les  obstacles  à  notre  pénétration 
économique  vont  s'abaissant  d'une  façon  relative,  mais  continue  de  jour  en  jour. 


—  47  — 

C'est  ainsi  que,  en  premier  lieu,  la  section  de  Yembay  à  Laokay  nous  ayant  été 
remise  par  le  service  des  travaux  publics,  le  1^'  Février  lUOfi,  de  ce  jour  les  facilités 
de  ravitaillement  et  de  déplacement  ont  été  considérablement  accrues,  et,  par  suite, 
les  conditions  matérielles  et  morales  de  la  construction,  dans  la  section  voisine,  ont 
été  profondément  améliorées. 

En  second  lieu,  les  avances  autorisées  par  le  gouvernement  ont  permis  de  laire 
dans  le  recrutement  des  coolies,  des  efiorts  nouveaux  et  décisifs.  En  exceptant  la 
période  des  fêtes  du  Tèt,  l'etlectif  des  travailleurs  a  varié  de  21.000  dans  la  mau- 
vaise saison,  à  35.000.  Jus(pi'alors  on  n'avait  pu  dépasser  le  chiffre  de  20.000. 
L'effectif  a  même  atteint,  dans  les  dernières  semaines  de  Décembre  lUOf),  40.000  et 
même  'iT.OOO  hommes. 

La  disette  —  qui,  à  certain  moment,  a  vivement  préoccupé  les  autorités  chinoises 
et  notre  Société  de  construction  —  a  entraîné  un  renchérissement  considérable  du 
riz  ;  et  les  transports  du  riz  qui  ont  occupé  et  occupent  encore  un  grand  nombre 
d'animaux  de  bât,  ont  retardé  et  renchéri  les  transports  de  ciment  et  autres 
matériaux. 

Enfin,  l'année  a  été  exceptionnellement  sèche  ;  et  ce  fut  une  circonstance  très 
favorable  ;  le  nombre  des  jours  de  travail  utile  a  été  plus  considérable;  l'état  sani- 
taire a  été  beaucoup  plus  satisfaisant  ;  l'eTrayante  mortalité  constatée  les  années 
précédentes  dans  la  vallée  du  Namti  a  été  ramenée  à  des  chiffres  normaux. 

Nous  comptons  ouvrir  à  l'exploitation  avant  la  fin  de  l'année  courante,  la  section 
de  Laokay  à  Lahati  (71  kilomètres),  en  dépit  d'un  gros  accident  survenu  dans  le 
Namti  à  un  train  de  l'entreprise,  accident  qui  témoigne  des  aléas  et  des  charges 
inévitables  dont  sera  toujours  grevée  l'exploitation  eu  amont  de  Yenbay.  Quoi  qu'il 
en  sbit,  nous  comptons  également  qu'à  la  fin  de  l'année  1908,  sauf  circonstance 
impossible  à  prévoir,  la  locomotive  atteindra  Mongtze  (kilomètre  176),  et  enfin  au 
commencement  de  1910  —  c'est-à-dire  dans  le  délai  prévu  tout  d'abord,  —  Yun- 
nanfou. 


liR  richesse  ininSère  du  Toiikiu.  —  Les  premiers  ingénieurs  qui 
débarquèrent  au  Tonkin,  au  lendemain  de  la  conquête,  et  même  la  plupart  des 
hommes  actifs  (officiers,  administrateiu's,  fonctionnaires  des  divers  services),  qui 
parcoiu'urent  les  mamelons  et  les  forêts  de  la  haute  région,  acquirent  vite  la  con- 
viction que  le  sous-sol,  dans  ces  parages,  renfermait  de  sérieuses  richesses. 

Malheureusement,  les  troubles  du  temps  de  la  piraterie  ne  permirent  pas  à  des 
prospecteurs  armés  pour  cette  tâche  ingrate  de  faire  les  recherches  indispensables. 
Et  même  qtiand  le  pays  fut  définitivement  pacifié,  ce  qui  date  d'hier,  l'éloignement 
de  la  zone  montagneuse,  la  seule  intéressante  à  ce  point  de  vue,  et  surtout  l'ab- 
sence de  moyens  de  transport  commodes  rebutèrent  encore  bien  des  volontés. 
Il  faut,  en  effet,  un  certain  courage  aidé  d'une  santé  vigoureuse,  pour  s'aventurer 
dans  des  contrées  à  peine  habitées,  mal  ou  pas  ravitaillées  et  où  la  fièvre  peut 
surprendre  et  terrasser,  loin  de  tout  centre,  de  tout  secours,  le  plus  énergique  des 
aventuriers. 

D'autre  part,  les  indigènes,  fort  longtemps,  ne  voulurent  pas  entendre  parler  de 
recherches  minières.  Les  vieux  racontaient   volontiers   qu'autrefois   les    Chinois, 
maîtres    du    Haut-Tonkin,    avaient   creusé  des  puits  pour  extraire   du   plomb,    du 
cuivre,  de  l'argent,  et  qu'on  voyait  encore,  dans  la  montayne,    de  nombreux  ves 
tiges  de  leurs  travaux.  Mais  aussitôt  ils  ajoutent  quelque  histoire  de  génie  vengeur. 


-  48  - 

interdisant  l'accès  de  ces  fouilles  à  tout  mortel  et  terrassant  les  chercheurs  assez, 
téméraires  pour  trouhler  les  immortels  dans  leur  solitude. 

Peut-être  ces  fables  avaient-elles  été  semées  parmi  la  population  par  des  Célestes 
jaloux  de  se  réserver  le  monopole  de  l'extraction  ;  peut-être  aussi  s'étaient-elles 
constituées  de  toutes  pièces  dans  des  esprits  naturellement  superstitieux,  subissant 
inconsciemment  la  domination  vague  d'une  nature  grandiose,  trop  souvent  meur- 
trière. Toujours  est-il  que  personne  n'osait  seulement  indiquer  le  chemin  vers  les 
trous  souterrains,  dont  on  ne  revient  pas. 

Néanmoins,  grâce  aux  premiers  travaux  de  topographie  exécutés  par  les  com- 
mandants des  postes  militaires,  quelques  Européens  ne  tardèrent  à  pouvoir  se 
diriger  à  travers  les  provinces  supposées  les  plus  riches  en  gisements.  Le  service 
des  mines,  le  service  géologique,  envoyèrent  eux  aussi,  des  missions  d'études  dans 
le  Haut-Tonkin. 

Rapidement,  les  recherches  furent  couronnées  de  succès  :  on  constata  non. 
seulement  que  le  sous-sol  pouvait  être  exploité,  mais  qu'il  l'avait  été  par  les 
Chinois.  ¥a\  même  temps,  les  indigènes,  convaincus  de  l'inanité  de  leurs  craintes, 
puisque  les  génies  gardiens  des  mines  n'e.xterminaient  pas  les  pi'ospecteurs  fran- 
çais, commencèrent  k  montrer  un  peu  moins  de  répugnance  à  dépasser  les  limites 
du  Delta. 

A  l'heure  actuelle,  bien  qu'on  soit  loin  encore  d'avoir  complètement  inventorié 
ses  richesses,  on  a  la  certitude  matérielle  que  le  sous-sol  de  la  haute  région  tonki- 
noise recèle  de  la  calamine,  du  plomb,  du  cuivre,  de  l'argent.  On  poursuit  active- 
ment les  recherches  ;  on  prend  des  périmètres  ;  on  fait  même  les  premiers  essais 
d'exploitation. 

Des  ingénieurs  sont  venus  qui,  après  avoir  reconnu  sur  place  l'avenir  des  entre- 
prises de  cette  nature,  sont  partis  cliercher  des  capitaux  en  France  ou  y  constituer 
des  Sociétés.  Attendons  que  leurs  démarches  soient  couronnées  de  succès. 

Tout,  d'ailleurs,  nous  fait  croire  à  leur  réussite  ;  si  les  Chinois,  avec  leurs  pro- 
cédés tout  à  fait  primitifs,  sont  venus  à  bout  d'un  travail  d'extraction  pour  lequel 
ils  étaient  mal  outillés,  c'est  qu'ils  se  trouvaient  en  présence  de  gisements  relative- 
ment riches  et  faciles  à  exploiter  :  nous  savons,  en  effet,  que  leurs  moyens  d'action 
devenaient  impuissants,  dès  que  leurs  galeries  étaient  envahies  par  l'eau  ou  man- 
quaient simplement  d'air.  Donc,  même  sur  leurs  brisées,  des  ingénieurs  français 
pourront  retrouver  fréquemment  des  filons  très  incomplètement  mis  à  nu,  sans 
compter  leurs  chances  de  découvertes  absolument  neuves,  après  des  études  sérieu- 
sement et  savamment  menées. 

Un  autre  obstacle  s'oppose  encore,  pour  le  moment  du  moins,  à  une  mise  en 
valeur  immédiate  et  complète.  C'e.st  la  cherté  des  transports.  Les  voies  fluviales 
sont  nombreuses  ;  deux  chemins  de  fer  traversent  le  Tonkin,  du  Sud  au  Nord  ; 
mais  que  de  régions  minières,  et  non  des  moindres,  auxquelles  n'aboutissent  que 
de  mauvaises  routes,  parfois  de  simples  sentiers  !  Voilà  pourquoi,  sans  doute,  le 
centre  de  Tuyèn-quang,  situé  sur  la  Rivière  Claire,  a  vu  percer  les  premières  et 
les  plus  importantes  galeries,  à  quelques  centaines  de  mètres  à  peine  de  la  ville. 
Tout  autour,  il  s'en  ouvrira  certainement  d'autres,  à  brève  échéance,  car  les 
recherches  se  poursuivent  avec  ardeur,  avec  d'autant  plus  d'ardeur  que  certaines 
ont  abouti  déjà. 

D'autres  provinces,  celle  de  Bac-kan  et  de  Thai-uguyèn,  par  exemple,  sont  égale- 
ment sillonnées  en  tous  sens  par  les  prospecteurs. 

P]ncore  une  source  de  richesses  pour  notre  pays,  auquel  l'agriculture  et  le 
commerce  promettent  par  ailleurs  un  avenir  brillant.  Souhaitons  que  toutes  les 
espérances  se  réalisent,  que  tous  les  labeurs  portent  leurs  fruits,   et  que  toutes  les 


—  49  — 

énergies  trouvent  leur  récompense,  dans  ce  Tonkin  trop  longtemps  décrié,  mais 
qui  ne  tardera  pas  à  forcer  l'attention  des  capitalistes  et  des  hommes  d'affaires  de 
la  métropole. 

C.  H. 
Dépêche  Coloniale. 

ASIE. 


lie  Ctieiniii  de.  fer  de  Péltln  à  Hanko^v.  —  Un  rapport  du  minis- 
tère chinois  des  travaux  publics  donne  d'intéressants  renseignements  sur  l'exploi- 
tation de  la  ligne  ferrée  Pékin-Hankow  en  1906.  Les  recettes,  voyageurs  et 
marchandises,  se  sont  élevées  à  10.250.000  francs,  les  dépenses  à  5.000.000  de  francs 
en  chilfres  ronds.  D'autre  part,  le  remboursement  de  l'emprunt  et  les  intérêts  payés 
à  la  Compagnie  belge  ont  absorbé  environ  5.200.000  francs.  Tous  frais  payés,  les 
bénéfices  nets  ont  atteint  3.500.000  francs  environ.  En  1905,  les  recettes  de  cette 
ligne  ferrée  s'étaient  élevées  à  environ  12.000.000  de  francs. 


AMERIQUE. 

Eie    commerce    de.«    Bananes    au    Costa-Rlca.  —  Les   bananes 

qu'on  voit  de  plus  en  plus  sur  nos  tables,  parmi  les  fruits  du  pays,  ont  sauvé  le 
Costa-Rica  de  la  ruine  qui  le  menaçait,  par  suite  de  la  baisse  des  cafés.  Leur  culture 
y  a -doublé  depuis  vingt-cinq  ans  et  eu  1905  le  Costa-Rica  a  exporté  7.283.000 
régimes  de  bananes  qui,  évalués  à  2  fr.  .50  chacun,  représentent  une  valeur  de 
18.207..500  fr. 

Tous  les  pays  qui  bordent  le  golfe  du  Mexique  et  la  mer  des  Antilles  produisant 
également  des  bananes,  le  grand  marché  des  Etats-Unis  est  déjà  suffisamment  appro- 
visionné. Aussi,  la  «  United  Fruit  G"  »,  qui  achète  et  exporte  toutes  les  bananes  du 
pays,  a-t-elle  cherché  un  débouché  en  Europe  et  son  essai  sur  l'Angleterre,  qui 
remonte  à  quatre  ans,  a  parfaitement  réussi.  Dès  à  présent,  il  part  chaque  semaine 
de  Limon  (port  sur  l'Atlantique),  à  destination  de  Maûchester  et  de  Bristol,  de 
grands  vapeurs  rapides,  munis  de  réfrigérateurs,  qui  font  la  traversée  en  16  ou 
17  jours;  ils  portent  jusqu'à  55.000  régimes  de  bananes  par  voyage.  En  présence 
de  ces  heureux  résultats,  la  Compagnie  désire  étendre  ses  afi'aires  aux  marchés  de 
France  et  d'Allemagne. 

Pour  faciliter  le  paiement  de  ses  grosses  dépenses,  la  «  United  Fruit  »  a  intro- 
duit au  Costà-Rica  en  1905  une  somme  de  1.800.000  fr.  en  or  et  billets  américains 
qui  s'échangent  au  pair  contre  la  monnaie  du  pays  (étalon  d'or).  La  Compagnie 
possède  actuellement  près  de  10.(X)0  hectares  cultivés  en  bananes  et  les  particuliers 
qui  lui  vendent  leurs  fruits  en  cultivent  un'e  quantité  à  peu  près  égale. 

Le  Costa-Rica  est  actuellement  le  pays  du  monde  qui  exporte  la  plus  grande 
quantité  de  bananes.  La  culture  de  ces  fruits  y  est  faite  scientifiquement,  avec  les 
plus  grands  soins  et  c'est  là  que  nos  planteurs  devraient  venir  étudier  et  s'instruire 
avant  d'entreprendre  de  grandes  plantations  dans  une  de  nos  colonies.  Ils  éviteraient 
ainsi  beaucoup  de  pertes  de  temps  et  d'argent. 


50  — 


LISTE  DES  CONFERENCES 

FAITES    A.    LILLE,    ROUBAIX    ET    TOURCOING 

DE  Janvier  1900  a  Décembre  1906 


CONFÉRENCES   DE  LILLE 


CONFERENCES  FAITES  EN  1900 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Jeudi  4  janvier.  —  M.   le   D''  Bonnafy,  Membre  du  Conseil  supérieur  de 
Santé  de  la  Marine. 
No/re  Armée  aux  Colonies;  mortalifé  dans  F  occupât  ion  et  dans  les  expédi~ 
lions  coloniales.  (Projections).   fBull.  juillet  1900.  p.  5). 
Lundi   15  janv.  —  M.  A.  Tghobaman. 

L" Arménie  et  les  Arméniens.     Bull,  juillet  1900,  p.  37). 
Dim.  21  janv.    —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 
La   Société  de  Géographie  de   Lille  ;  20  ans  de  Présidence  de  M.  Paul 
Crepy.  (Bull,  février  1900,  p.  73,  portrait;. 
Jeudi  25  janvier. —  M.  J.. Ronjat,  Membre  du  Club  Alpin  français. 

La  Vallée  du  Rhône,  de  Lyon  à   Avignon.    Projections).    (Bull,    octobre 
1900,  p.  205,  carte). 
Lundi  29  janv.    —  M.  Georges  Blondel    Professeur  à  l'École  des  Hautes 
Etudes  commerciales,  Cliargé  de  missions. 
Le  développement  de  la  Marine  allemande.    (Projections).    fBull.    août, 
p.  98). 


—  51  — 

Dim.  4  février.  —  M.  E.  Haumant,  Professeur  de  Langue  et  Liltérature 
russes. 
Un    Voyage  de  vacances  :    à   Constantinople  et  au   Caucase.   (Projections 
inédites). 
Jeudi  8  février.   —  M.  P.  Van  Houcke,  Homme  de  lettres. 

Deux  Années  au  Tonkin.   (Projections). 
Jeudi  15  février.  —  M.  A  Chéradame,  Chargé  de  missions  en  1897  et  1898. 
TJ}i  Danger  extérieur  :  la  France  et  la  q^uestion  d' Autriche.   (Projections). 
(Bull,  septembre,  p.  170). 
Dim.  18  février.  —  M.  le  Commandant  Dubois,    du   corps   d'État-Major  à 
Madagascar. 
Trois  ans  à  Madagas-ar  :  géographie,  ethnologie,  colonisation.  (Projections 
inédites). 

Jeudi 'l*^''  mars.  —  M.  A.  Merghier,  Secrétaire-Général. 

La  Nouvelle-Calédonie  :  géographie,  climat,  productions,    Canaques,  for- 
çats et  libérés.   (Projections). 

Dim.    4   mars.    —  M.   H.    Arctowski,   Géologue    attaché    à    l'expédition 
antarctique  belge. 
La  «  Belgica  »  dans  la  région  polaire  antarctique.   (Projections  inédites). 

Jeudi    8  mars.    —  Le  R.  P.  A. -M.  Evrard,  s.  j.   Missionnaire  du  diocèse 
de  Trincomaly. 
Ceylan  :  le  Touriste,  le  Chasseur,   le  Travailleur,  la  question  religieuse. 
(Projections).   (Bull,  septembre,  p.  103,  avec  carte,  et  Bull,  novembre 
1901,  p.  358). 

Jeudi  15  mars.  —  M.  J.  Saurin,   ancien   Professeur  au  Lycée   de  Tunis, 
Colon. 
En  Tunisie  :  l'invasion  italienne  et  la  colo?iisation  française.  (Projections). 
(Bull,  septembre,  p.  141). 

Dim.    18  mars.   —  M.  P.  Berret,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe, 

Le  Dauphiné  des  Dauphins.  (Projeclions  inédites).   (Bull,  février  1901, 
p.  114). 

Jeudi  22  mars.  —  M.  Maurice  Maquet,  Membre  des  Clubs  Alpins  français 
et  suisse. 
A  travers  les  Alpes,  de  Genève  à  CA«wo«/a;. .  (Projections  inédites). 
Jeudi  29  mars,  —  M.  Kuss,  Ingénieur  des  Mines. 

L'Australie  occidentale  et  ses  mines  d'or.   (Projections  inédites). 
Dim.   1<""  avril.    —  M.  Eugène  Etienne,  Député  d'Oran. 

L'Algérie,  organisation,  voies  de  pénétration.  (Projections).  (Bull,  octobre, 
p.  233.  A.  M.). 

Jeudi  26  avril.    —  .â^ssemblée  trimestrielle. 

M.  Napoléon  Lefebvre,  Professeur  à  l'Institut  Turgot  à 
Roubaix. 
Promenade  en  Russie.  (Bull,  novembre,  p.  277). 


Dim.'29  avril.    —  M.  Marcel  Dubois,  Professeur  de  Géographie  coloniale 
à  la  Sorhonne. 
L'opinmi  publique  et  la  Marine  en  France.   (Projections). 
Jeudi    3    mai.    —  M.  E.  Bertaux,  Agrég-é  des  Lettres,   ancien  Membre  de 
l'Ecole  française  de  Rome. 
V Italie  méridionale,   les  régions  et  les  hommes   avant  et  après  V  Unité. 
(Projections  inédites). 
Dim.    13    mai.    —  Le  Commandant  du  génie  Maurice  Houdaille,  Chef  de 
la  mission  d'études  du  chemin  de  fer. 
Le  Port  et  le  Chemin  de  fer  de  la  Côte  d'Ivoire.  (Projections  inédites). 
(Bull,  août  1900,  p.  75,  avec  carte). 

Vend.  27  juillet.  —  Assamblée  trimestrielle. 

M.  E.  Haumant,  Vice-Président  de  la  Société,  Profes- 
seur de  Russe  à  l'Université. 
Les  Russes  à  r Exposition  d'après  le  livre  humoristique  de  V.  A.  Leikine. 
Jeudi  11  octobre. —  M.  Leymarie,  ex-Lieutenant  de  milice  au  Congo,   com- 
mandant l'escorte  de  la  mission  Léontieff. 
La  Mission  Léontieff  en  Abyssinie. 
Dim.  14  octobre. —  M.  E.  Salone,  Professeur  au  LycJe  Condorcet,  Membre 
correspondant. 
Le  Maroc.  (Bull,  décembre  1900,  p.  233). 

Merc.  17 octobre. —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  G.  HouBRON,  Bibliothécaire  de  la  Société. 
Zigzags  étymologiques  à  travers  la  Flandre.  (Bull,  novemb.  1900,  p.  286). 
Vend.  26  octobre —  M.  Eug.  Gallois,  Explorateur,  Chargé  de  mission  en 
Indo-Chine.    Bull,  janvier  1901,  p.  35). 
La  France  d'Asie  :  Corhinchine,  Annam,  Tonkin,  Cambodge,  Siam. 
Lundi    5    nov.    —  M.  Pierre  Œsterby,   Professeur  de  Langue  française  à 
l'Ecole  navale  et  à  l'Etat-Major  général  au  Danemark. 
Le  Danemark  tel  qu'il  est  ;  Histoire  d'un  petit  peuple.   fBull.  avril  1901, 
p.  290). 
Dim.     11    nov.    —  M.  le  Commandant  James  Plé  d'infanterie  de  marine. 

Le  Dahomey  actuel,  ses  ressources,  son  avenir,  souvenirs  de  missions. 
Jeudi    15  nov.     —  M.  A.  Leglère,  Ingénieur  en  chef  des  Mines,  Chargé 

de  mission.  

Les  gisements  de  houille  et  divers  métaux  des  provinces  chinoises  voisines  du 
Tonkin.   (Bull,  juin  1901,  p.  397). 
Dim.    25    nov.    —  M.  P.  Labbé,  Explorateur. 

L'Ile  de  Sakhaline,  les  forçats  russes  et  les  indigènes. 
Jeudi    29   nov.    —  M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 

Les  Colonies  françaises  à  l'Exposition  de  1900,   au  Tro'adéro.   (Bull,  jan- 
vier L901,  p.  14). 
Mercr.    5    déc.    —  M.  Meys,  de  1'  «  Illustr.ition  ». 

Deux  Jours  à  l' Exposition  Universelle  de  1900  (P^  partie). 


—  53  — 

Dim.  9  cU'cemh.  —  M.   A.  Bonnel  de  Mkzières,  Explorateur.  (Conférence 
lue  par  M.  Colrat  de  Rozier,  son  compagnon). 

Ethnologie  et  commerce  des  régions  du  WBomou  et  du  Bahr-el-Ghazal. 
Jeudi    13    déc.    —  M.  Meys,  de  1'  «  Illustration  ». 

Devx  Jours  à  r Exposition  Universelle  de  1900  i'2®  partie). 

Mercr.    19  iléc.   —  A-ssemblée  trimestrielle. 

M.  Six,  Professeur  au  Lycée  Faidherlie. 
Les  Voies  romaines  dans  la  région  du  Nord.   (Bull,  avril  1901,  p.  303). 

l)im.    23    déc.     —  M.  Ch.  Lemire,  Résident  honoraire  de  France,  Membre 
cori'espondanl  de  notre  Société. 
Les  Châteaux  de  Barbe-Bleue,  les  sires  de  Rais  et  de  Richemont. 

Jeudi    27    déc.    —  M.  le  Lieutenant  Avelot,  du  SI**  rég-iment  d'infanterie, 
Charg-é  de  mission  au  Congo  français. 
Dans  la  Boucle  de  VOgôouc.    —   Brigade  lopographique  de  VOgôoué.    — 
Ngoumié.  (Bull,  octolire  1901,  p.  225). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1901 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Dim.  6  janvier.  —  M.    Fougères,     ancien    Membre   de   l'École   française 
d'Athènes,  Maître  de  Conférences  à  la  Sorbonne. 
Un  Voyage  en  Arcadie.   (Projections).  (Bull,  juillet  1901,  p.  5). 
Merc.  9  janvier.  —  M.  D'Halluin  Maurice,  Etudiant  en  Médecine. 

Un  Voyage  à  Oderammergau,  Munich   et   Vienne.   ('Projections  inédites). 
(Buïl.  décembre  1900,  p.  361  et  août  1911,  p.  77).  ' 

Dim.  13  janvier.  —  M.  R.  Gauthiot,  Professeur  au  Lycée  de  Tourcoing. 

En  Russie,  le  pays  Lituanien.   (Projections  inédites). 
Merc.  lôjanvier.  —  M.  Ronjat  Jules,  Membre  du  Club  Alpin  français. 

Les  Montagnes  de  la  Grande-Chartreuse .  (Projections). 

Jeudi  24  janvier. —  M.  Delhorbe,  Secrétaire-Général  du  Comité  de  Mada- 
gascar, Membre  du  Conseil  supérieur  des  Colonies. 

Un  Voyage  à  Madagascar.   (Projections  inédites). 

Jeudi  31  janvier. —  M.  Pierre  Rambaud,  Préparateur  au  Muséum  de  Paris, 
Chargé  de  mission  au  Sénégpl. 
Le  Séne'gal.   (Projections  inédites). 


—  54  — 

Dira.  3  février.  —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.  E.  Levasseur,  Membre  de  l'Institut,  Membre  d'hon- 
neur de  notre  Société. 
V influence  des  Voies  de  communication  ati  XIX^  siècle. 
Jeudi  7  février.  —  M™*  Jeanne  de  Mayolle. 

A  travers  la  Sicile,  mœurs  et  coutumes.  (Projections). 
Lundi  11  février. —  Le    R.    P.    de   Becquevort,    S.   J.,   Missionnaire  en 
Extrême-Orient. 
Retour  de  Chine.   (Projections). 
Sam.  16  février.  —  M.    Ardaillon,     Professeur    agrégé    de    l'Université, 
Membre  de  notre  Comité  d'Etudes. 
Les  Principes  de  la  Géographie  moderne.   (Projectionsl,   (Bull,  avril  1901, 
p.  269). 
Vend.  22  février. —  M.  Henri  Boland,  Rédacteur  aux  Guides  Joanne,  Pré- 
sident d'honneur   de  la  section   corse   du  Club    Alpin 
français. 

Au  Pays  de  la  vendetta,  la  Corse  pittoresque,   (Projections). 
Jeudi  28  février.  —  M.  le  Résident  Bonin,  Chargé  de  mission. 

Deux  ans  et  demi  à  travers  la  Chine  et  fAsie  centrale.   (Project,  et  carte). 
Dim.    3    mars.    —  M.  Fernand  Foureau,  Chef  de  la  mission  saharienne. 

D\Mgérie  au   Congo  par  V Aïr  et  le  Tchad.   (Projections  et  carte).  (Bull, 
mai  1901,  p.  346). 

Lundi  11  mars.  —  M.  Georges  Kaiser,  Ingénieur,  Professeur  de  Géogra- 
phie intlustrielle  et  commerciale  à  l'Université  de 
Louvain. 

La  Roumanie  et  les  Roumains.   (Projections  inédites). 

Sam.   16  mars.    —  M.  Guillot,    Membie  d'honneur  et  ancien  Secrétaire- 
Général  de  notre  Société,    Professeur  au  Lycée  Char- 
le  magne. 
Partage  politique  des  pays  asiatiques  d'Extrême-Orient  en  1900.   (Projec- 
tions). (Bull,  septembre  1901,  p.  157). 

Jeudi  21  mars.  —  M.  Georges  Six,  Professeur  de  Géographie  au  Lycée  de 
Lille,  Membre  de  notre  Comité  d'Etudes. 
L'Eifel,    région    montagneuse  de  la   rive  gauche  du  Rhin.   (Projections). 
(Bull,  novembre  1901,  p.  317). 

Jeudi    11  avril.   —  Le  Rév.  P.  J.  N.  Pionnier,  S.  M.  Provicaire  des  îles. 
Les  Nouvelles-Hébrides.   (Projections  inédites). 

Dim.   14  avril.    —  M.  M.  Maquet,  Secrétaire  de  la  section  du  N.  du  Club 
Alpin  français,  Membre  du  Club  Alpin  suisse. 
Grindelwald  et  le  massif  de  VOherland.   (Projections  inédites). 

Dim.  21  avril.    —  M.  E.  Haumant,  Agrégé  d'Histoire  et  de  Géographie, 
Professeur  de  Littérature  russe  à  l'Université  de  Lille, 
Vice-Président  de  notre  Société. 
Un  nouveau  Peuple,  les  Sibériens.   (Projections). 


Jeudi  25  avril.    —  M.  Dereims,  Chef  des  travaux  pratiques  de  Géologie  à 
la  Sorbonne,  Membre  de  la  mission  Blanchet. 
La  Miss im  Pmil  Blanchet  dans  le  Sahara  occidental   et   VAdrar  Tmor. 

(Projections  I. 

Dim.  28  avril.    —  M.    Albert   Métin,    Chargé    d'une   mission    autour   du 
monde  par  l'U.  de  Paris. 
France,    Australie,  Amérique  :  éludes  géographiques  et  économiques.   (Pro- 
jections inédites) 

Merc.    l*'  mai.    —  Assamblée  trimestrielle. 

Le  D""    Bahram-bey    Aghoundoff. 
Notes  sur  la  vie  persane. 

Vend.  26  juillet.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  E.  Haumant.  Professeur  de  Littérature  russe. 
La  question  d'une  Langue  internationale. 

Vend.   27  sept.    —  M.  René  Garnier,  Avocat  à  la  Cour  d'Appel  d'Alger  et 
Secrétaiie    de   la    Société   de   Géographie,    Chargé    de 
mission. 
V Algérie  en  190 1.     Projections;. 

Dim.   13  octob.  —  M.  A.  Merchier.  Professeur  agrégé  au  Lycée  de  Lille, 
Secrétaire-Général  de  notre  Société. 
Un  Voyage  au  Tonkin.     Projections. 

Di'm.  20  octobre.  —  M.  Hugues  Le  Roux. 

Ménélick  et  noix  s  ;  exploration  du  Ouallaga.     Projectionsj.   (Bull,   février 
1902,  p.  122\ 

Jeudi  21  octobre.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Quarrk-Reybourbon.  Vice-Président  de  la  Société. 
Un  Manuscrit  géographique  du  XVIIP  siècle.     Bull.   déc.   1901.   p.  385). 
Dim.     10    nov.     —  M.  F.  de  Chevii-ly,  ancien  Officier. 

Catiserie  sur  V Espagne  du  Nord,    niœurs  et  coutumes.   (Projections).   (^Bull. 
septembre  1902,  p.  141.. 

Vend.     15  nov.   —  M.  le  Lieutenant  Carpeaux,  du  4*^  régiment  d'infanterie 
coloniale. 
Le  Moyen-Niger  et  le  Dahomey.    Projections  inédites). 

Jeudi    21    nov.    —  Le  R.  P.    Sébire,   de   la  Congrégation   du   St-Esprit, 
Missionnaire,  Directeur  de  l'Ecole  apostolique  de  Lierre 
(Belgique). 
Les  Sénégalais  ;  mœiirs,  covtumes,  religions.  'Projections). 

Dim.    24    nov.   —  M.  D'Estournelles  de  Constant.  Ministre  plénipoten- 
tiaire   de   France,  Député  de  la  Sarthe,  Membre  de  la 
Conférence  de  la  Haye.  Membre  de  la  Cour  permanente 
d'arbitrage  international  et  des  Amis  de  l'Université. 
Les  résultats  de  la  Conférence  de  La  Haye  :  Chine,  Turquie,  Transr/aaL 


—  56  — 

Vend.   29  nov.     —  M.    C.    Delhorbe  .    Secrétaire-Général   du    Comité   de 
Madagascar. 

La  Colonisation  à  Madagascar;  ce  qu'on  y  a  fait,   ce  quon  peut  y  faire. 
Projections). 

Lundi    2    déc.     —  M.  Jules  Gay,  Ag-régé  de  l'Université,   ancien -Membre 
de  l'Ecole  française  de  Rome. 
L'Itdie  itieridioriale,  son  étal  actuel,  causes  de  la  crise  économique.  (Proj.). 

Dim.  8  décemb.  —  M.  Albert  Métin.  Agrég-é  de  l'Université,  Chargé  d'une 
mission  autour  du  monde  par  l'U.  de  Paris. 
L'Inde   anglaise  ;   la   vieille  société,    les   nouveaux   maîtres.    (Projections 
inédites). 

Jeudi    P2    déc.    —  M.    Edmond    Palmié,    Délégus  de  la  Société  nationale 
du  grand  Canal  méiritime-de  l'Océan  à  la  Méditerranée. 
Le  Canal  des  Deux-Mers.   (Projections).   iBull.  mai  1902,  p.  335). 

Jeuli    19    déc.    —  M.    Rob.   Gauthiot,    Professeur  agrégé   au    Lycée  de 
Tourcoing. 
Au  Pays  des  Haffs.  h  long  de  la  Baltique.   (Projections  inédites). 

Samedi  21  déc.  —  Assemblée  trimestrielle. 

]\L  le  D""  A.  Vermersgh,  Membre  du  Comité  d'Etudes. 
Binche  et  son  Carnaval.   iBuU.  décembre  1901,  p.  393). 
Dim.    29    déc.    —  M.  Ém.  Dairealx,  Voyageur  et  Publiciste. 

La  République  Argentine  depuis  dix  ans  ;  V élevage,  la  laine,  les  grandes 
cultures. 


CONFERENCES  FAITES  EN  1902 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Dim.  5  janvier.  —  M.  Eug.  Soil,  Vice-Président  de  la  Société  historique 
et  archéologique  de  Tournai. 
Ln  Espagne,  Vart  arabe,  Cordoue,  Séville,  Tolède,  Grenade.  (Projections). 

Dim.  12  janvier.  —  Mgr  de  Sauxe.  ancien  Élève  de  l'Ecole  polytechnique 

et  Officier  d'artillerie,   Evêque  de  Rizonte  (Madagascar). 

LEdu-ation  du  Malgache.   (Projections).  (Bulletin  octobre  1902,  p.  225). 

Jeudi  16  janvier. —  M.  le  Comte  Henry  de  la  Vaulx,   Vice-Président   de 
r Aéro-Club  de  Paris. 
V Aéronautique   et   le   Méditerranéen;    V intérêt    des    ballons  spJiériques ; 
V aérostalion  maritime.   (Projections).   (Bull,  avril,  p.  245). 


Jeudi  "23  janvier. —  M.  E.  Haumanx,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de 
Lille,  Vice-Présideut  de  notre  Société. 
Dans  les  Vosges  perdues.   (Projections).   (Bull,  mars,  p.  181). 

Jeudi  30  janvier.  —  M.  Ch.  Diehl,  Professeur, à  la  SorLonne,  Correspondant 
de  l'Institut. 
Damas  el.  la  Syrie  du  Nord.    (Projections). 

Dim.  2  février.  —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.  Gaston  Deschamps. 
Les  Universités  aux  Elats-Unis  en  1901.   (Bull,  octobre,  p.  205  . 

Jeudi  13  février.  —  M.  A.  Merghier,  Professeur  agrégé  au  Lycée  Faidherbe, 
Secrétaire-Général  de  notre  Société. 
Le  Congrès  de  Nancy,  excursions  à  Domremy  et  dans  les  Vosges  méridio- 
nales.  iProjections'i.   (Bull,  mai,  p.  359,  et  juin,  p.  393;. 

Jeudi  20  février.  —  M.  J.  ('léty.  Avocat,  Secrétaire  de  notre  section  de 
Roubaix. 

L'Ile  de  Jersey.   (Projections;. 
Jeudi  27  février.  —  M.  André  Siegfried,  Licencié  ès-Lettres. 

Son  Voyage  aux  Etats-Unis,  étude  de  questio7is  ouvrières.   (Projections).' 

Jeudi    6    mars.   —  M.    Gaston  Donxet  ,    Envoyé    spécial    du    journal  le 
Temps  en  Extrême-Orient. 
A  travers  la  Corée  et  le  Japon.    (Projections). 

Diiîi.    9    mars.    —  M.  Loïcq  de  Lobel,  Explorateur. 

L'Alaska,    le   Klondihe,   le  Transalaska  sibérien.   (Projections  inédites). 
(Bull,  juillet,  p.  5). 

Jeudi  13  mars.  —  M.  J.  Patouillet,  ancien  Professeur  au  Lycée  Fai- 
dherbe, Professeur  au  Lycée  Michelet. 

L'Est  de  la  Russie  d'Europe,   Nijni-Novgorod  et  la  Volga,  Kazan  et  les 
populations  allogènes.   (Projections).   (Bull,  décembre,  p.  341). 

Dim.  16  mars.  —  M.  le  Lieutenant  de  Vaisseau  Dyé,  ancien  Officier  de  la 
mission  Marchand  Congo-Nil,  Officier  d'ordonnance  en 
Chine  du  Général  Voyron. 

La  Chine,   les  Boxers,  la   Campagne  internationale  1900-100 1.  (Projec- 
tions inédites). 

Lundi  24  mars.  —  ]\L  Gaston  Bordât. 

Voyage  autour  du  Golfe  Persique,  en  Mésopotamie  et  en  Perse.  (Projections, 
avec  car-te).  (Bull,  novembre,  p.  280). 

Jeudi  17  avril.  —  M.  l'Abbé  J.  Coupé,  Aumônier  de  la  prison  centrale 
de  Gand. 

Exctirsion  aiix  Gorges  du  Tarn  en  s»ptemhre  1901.   (Projections  inédites). 

Dim.  20  avril.  —  M.  René  Pinon,  Agrégé  d'Hsitoire  et  de  Géographie, 
Rédacteur  à  la  Revoie  des  Deux-Mondes. 

Le  Maroc  contemporain  et  la  question  marocaine.   (Projections). 


—  Ô8  - 

Jeudi  24  avril.   —  M.  Collenot,  Voyageur. 

Son  Voyage  en  Mandchourie  avec  M.  Georges  Ihœrocq,  notre  concitoyen. 
(Projections). 

Vendredi  9  mai.  —  A.sseinblée  trimestrielle. 

M.  E.  NiGOLLE,  Président  de  notre  Société. 
23^  Congrès  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  à  Oran,   i«'  avril  1902. 
(Bull,  mai  et  juin  1903,  p.  443  et  502). 

Mercr.   14  mai.  —  M.  Maurice  Maquet,  Membre  des  Clubs  Alpins  français 
et  suisse. 
Le  Massif  de  VOisans  et  la  Meije.   (Projections  inédites).   (Bull,    février 
1903,  p.  163). 

Mercr.   4  juin.    —  Séance    solennelle    au  profit   des    Sinistrés  de  la 
Martinique. 

M.  G.  HouBRON,  Bibliothécaire  de  la  Société. 
Pour  nos  frères  de  la  Martinique.   (Poésie).  (Bull,  juillet,  p.  80). 

M.  A.  Merchier,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe  et  à 
l'Ecole  supérieure  de  Commerce. 
La  Martiniq^ie,  les  Antilles  volcajiiques.   (Project.).   'Bull,  juillet,  p.  84). 

Jeudi  24  juillet.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  G.  HouBRON,  Bibliothécaire. 
Le  Toit  de  VEurope,   la  Liberté  chez  les  Grisons.    'Bull,  janvier  1903, 
p.  13). 

Dim.  12  octobre. —  M.    Eugène   Gallois,  Explorateur,  Membre  fondateur 
de  notre  Société. 
La  France  dans  le  Pacifique,  les  Antilles  et  les  Guy  ânes.  (Project,  inédites). 

Vend.   17  octob.  —  M.    Octave  Justice.   Vice-Président  du    Syndicat   des 
Vulgarisateurs  scientifiques . 

Le  Mexique,  sa  production,  son  avenir. 
Merc.  22  octob.  —  M.  Paul  Bourdarie,  Chargé  de  missions. 

Le  Congo  fronçais,   explorations,   culture,  élevage,  concessions.   (Project.). 

Jeudi  30  octob.  —  M.  G.  Parmentier,   ancien  Professeur  au  Lycée   de  la 
Pointe-à-Pitre. 
La  Guadeloupe  à  vol  d'oiseau.    Projections  inédites). 

Jeudi    6    nov.     —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Quarré-Reybourbon,  Vice-Président. 
Promenade   à   l'Exposition   de    Géographie  d'Anvers.    (Bull,  juin    1903,. 
p.  490). 
Dim  9  novemb.  —  M.  le  Marquis  de  Segonzac,  Explorateur. 

A  travers  le  Maroc  inconnu.   (Projections). 
Jeudi    13    nov.   —  M.  Adolphe  Comban.ube,  Ingénieur. 

Le  Bornéo  inconnu.   (Projections  inédites).  (Carte  distribuée). 


—  59  — 

Meicr.  19  imïv.  —  M.  3.  Thoulet,  Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de 
Nancy. 
La  Campagne  océanographique  de  £901  de  S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco, 
auw  iles  du  Cap  Verl.    'Projections  inédites), 

Dim.    23    nov.    —  M.  A.  Métin,  Agrégé  de  l'Université,  Examinateur  de 
l'Ecole  navale. 
L^ Egypte  contemporaine.    'Projections). 
Jeudi    27    nov.   —  Le  R.  P.  Delahaye,  des  Pères  Blancs. 

Le  Sahara  algérien,  Oasis  :   Biskra,   Touggourt,    Ouargla,    Gardaïa,  El- 
Goba,  M^zabites.   (Projections  inédites) . 

Jeudi    1*""  déc.    —  M.  l'Abbé  Gros,  Directeur  de  l'Œuvre  de  la  colonisation 
par  les  orphelins  à  St-Ambroix  CGard). 
Description  de  V  Orphelinat  ;  hvÂ,  organisation,  résultats. 
Jeudi    11    déc.    —  M™®  Jeanne  de  Mayolle. 

Ati  Pays  des  Fiords  :  Copenhague,  Gottemdourg,   Stockholm,   Christiania; 
mœurs.   (Projections^ . 

Mercr.   17  déc.   —  M.  Maurice  Meys.   de  V Illustration,    Membre  du  Club 
Alpin. 

Awa  Pyrénées,  la  Conquête  du  Mont  Perdu.  (Projections  inédites). 

Dim.    21    déc.    —  M.    le   Capitaine    Lenfant,     de    l'artillerie    coloniale, 
Chargé  de  mission. 
.  Le  Niger,   sa  vallée,  ses  richesses.   (Projections   inédites!,   f Cartes  distri- 
buées).  ;Bu11.  mars  1903,  p.  217). 

Vend.    26   déc.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  G.  La  Rivière,  Ingénieur  en  chef  de  la  navigation. 
Le  Canal  du  Nord,   i  Brochure  supplément  au  Bull,  février  1903). 
Lundi    29   déc.    —  M.    le   Capitaine    Octave    Mey.mer  ,    de    l'Etat-Major 
colonial. 
Ija  France  dans  V Afrique  centrale;  Mission  Joalland-Meynier.   (Projec- 
tions). (Bull,  mai  1903,  p.  414,  avec  carte). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1903 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Dim.  4  janvier.  —  M.    le   Lieutenant  Camille  Avon,    de    l'escadron    des 
spahis  du  Tchad. 
Du  Congo  au  Tchad.   (Projections  inédites).  (Cartej. 


()()  — 


Jeudi  8  janvier.  —  M.  Ch.  Van  Cassel,  Membre   de  missions  en  iAfrique^ 
Rédacteur  au  Ministère  des  Finances.  j 

La  Haufe-Guinée,   son  avenir  agricole.   (Projections  inédites'  et   carte). 
(Bull,  juin,  p.  481). 

Dim.  11  janvier.  —  M.  F.  Farjon,  Président  de  la  Chambre  de  Commerce 
et  de  la  Société  de  Géographie  de  Boulogne. 
Le  Port  de  Boulogne-sur-Mer.   (Projections).  (Bull,  novembre,  p.  300). 

Merc.  14 janvier. —  M.    David   Levât,    Ing-énieur   des  Mines,    Chargé    de 
mission. 
L'Œuvre  des  Russes  en  Asié^centrale .  (Carte  de  la  Bouckharie  et  Project.). 

Jeudi  22  janvier. — 'M.  ue  Valence,  Délégué  des  Œuvres  de  mer  à  Terre- 
'  Neuve  en  1902. 
Terre-Neuve,  les  Marins,  le  Bateau-Hôpital  des  Œtivres  de  mer.   (Projec- 
tion  inédites). 

Dim.  P''  février.  —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.   J.    Charles-Roux,    ancien   Député,    Président   du 
Comité  de  Madagascar,  etc. 

Madagascar  et  notre  Marine  marchande.   (Bull,  août,  p.  73). 
Dim.   8  février.  —  M.  le  Comte  F.  d'HuMiLLY  de  Chevilly,  ancien  Officier. 
Six  Mois  en  Colombie.    (Projections  inédites). 

Merc.  11  février.  —  M.  Camille  Enlart,  Membre  de  la  Société  nationale  des 
Antiquaires. 
L'Ile  de  Gotland  et  ses  Monuments  du  Moyen- Age.   (Projections). 

Dim.  15  février.  —  M.  E.-J.  Soil  de  Moriamé,   Président  de  la  Société  his- 
toiique  et  archéologique  de  Tournai. 
Les  grandes  Villes  de  la  Russie  d'Europe.   (Projections  inédites).  (Bull, 
avril,  p.  309). 

Vend.  20  février. —  M.  Henri  Lorln,  Professeur  de  Géographie  coloniale  à 
l'Université  de  Bordeaux. 
Dans  r Atlantique  :  Açores,   Sâo-Tome,   St-Paul  de  Loanda,  Ste-Hélène. 
(Projections  inédites). 

Vend.  27  février. —  M.    Boulland    de    l'Escale,     Syndic    de   la    Presse 
coloniale. 

France  et  Siam.   (Projections  et  Carte  du  Siam). 
Jeudi    5    mars.    —  M.  Eug.  Robuchon,  Explorateur. 

De  Montevideo  à  Oruro  à  pied,  bassin  du  Haut-Aïaazone,  Bolivie.  (Proj.j. 

Dim.    8    mars.    —  M.  Paul  Berret,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe,  Membre 

du  Club  Alpin  et  de  notre  Société. 

Les  sept  Merveilles  du  Davphiné.   (Projections  inédites).   Bull,  septembre 
1904,  p.  153). 

Dim.   15  mars.    —  M.  V.  Dubron,  Avocat  à  la  Cour  d'Appel  de  Dou;ii. 

Rome.  —  Instantanés. 


—  (il  — 

Jeudi  26  mars.   —  M.    le   D"'   A.    Loir,    Charge  de  mission  par  l'Institut 
Pasteur. 
Cinq  Mois  en  Rhodésie.   (Projections).   (Bull,  septembre,  p.  141). 
Dini.  29  mars.    —  M.  le  D"^  J.-B.  Charcot. 

Aux  Iles  Feroè,  en  Islande  et  à  VUe  Jean  Mayen  ;  sa  fnltcre  expédition 
arrtiqve.   (Projections  inédites). 
Vend.    3   avril.  —  M.  le  Commandant  Lepébure, Mes  grenadiers  belges. 

Un  Séjour  en  Suède.   (Projections). 
Dim.   19  avril.    —  M'n^TuRQUAN. 

De  Lyon   aux  Portes  de   Fer  par  r Adriatique.    (  Projections  ).    (  Bull, 
octobre,  p,  217). 
Jeudi  23  avril.    —  M.  le  Capitaine  Sauvage,  de  l'Etat-Major  du  1"  corps 
d'armée,    Attaché   à    l'Elat-Major    de    l'expédition    en 
Chine  1900-1901. 
La  Chine  et  les  Alliés.   (Projections  et  Carte). 
Dim.   2()  avril.    —  M.  Rob.  Gauthiot,  Professeur  au  Lycée  de  Tourcoing, 
Membre  de  notre  Société. 
Le  Golfe  de  Finlande.   (Projections  inédites). 

Jeudi  30  avril.   —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  G.  HouBRON,  Bibliothécaire  de  notre  Société. 
La  FloricuUure  à  travers  le  monde,  à  propos  de  V Exposition  horticole  de 
Gand.   (Bull,  août,  p.  110). 

Jeudi    7    mai.     —  M.  Maurice  Maquet,  Président  de  la  section  N.  du  Club 
Alpin  français. 
Le  Grépon  et  les  Aiguilles  de  Chamonix.   (Projections  inédites). 

Sam.  11  juillet.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  le  D'"  A.  Vermersgh,  Secrétaire  du  Comité. 
Souvenirs  d''un    Voyage   en  Espagne   en   avril  1903.    Biirgos,    Malaga^ 
Tolède.   (Bull,  septembre,  p.  144). 

Dim.  11  octobre.  —  M.  le  D^  J.  Tarible,  Membre  de  notre  Société. 

TJne  Excursion  en  berline  dans  V Aveyron.   (Project.).  (Bull,   décembre, 

p.|1377i. 

Jeudi  l.ô  octob.  —  M.  l'Abbé  F.  Diergkx,  Docteur  ès-Sciences  naturelles, 
Professeur  à  Louvain. 
Les  Volcans  de  Java.   (Projections  inédites). 

Dim.   18  octob.  —  M.  A.  Merchier,  Professeur  au  Lvcée  Faidherbe,  Se- 
crétaire-Général tle  notre  Société. 
Etude  sur  le  Berry  à  la  suite  de  George  Sand.   (Projections).  (Bull,  février 
1904,  p.  93). 

Dim.  25  octob.  —  M.  l'Magnus)  Synnestvedt,  Chancelier  de  la  Légation 
de  Suède  et  Norvège  à  Paris. 
E Avenir  économique  de  la   Péninsule  Scandinave.   (Projections).  (BulL 
janvier  1904,  p.  13). 


—  r)2  — 

Jeudi  29  octob.  —  A.ssemblée  trimestrielle. 

M.  G.  HouBRON,  Bibliothécaire  de  notre  Société. 
Le  Type  féminin  des  Flandres,   essai  d'ethnographie.  (Bull,  février  1904, 
p.  118j. 
Jeudi  5  noveml).  —  M.  le  D''  R.  Le  Fort,  Chirurgien  des  hôpitaux,  Membre 
de  notre  Société. 
Excursion  en  Egypte,  par  la  Grèce  et  le  Sud  de  la  Rîissie  en  hiver.   (Pro- 
jections inédites). 
Dim.  8  novemb.  —  M.  Alf.  Dumont,  Maire  de  Dunkerque. 

Flâneries  dans  St-Pétersbourg.   (Projections  inédites). 
Jeudi    12    nov.    —  M.  Jean  Brunhes,  Chargé  de  cours  .à  l'Univeisité  de 
Lille,  Professeur  à  l'Université  de  Fribourg. 
La  Culture  en  plein  Désert,  la  Conquête  du  Sahara  par  les  puits  artésiens. 
(Projections). 
Lundi  16  nov.    —  M.   Eug.  Gallois,  Explorateur,  Membre  fondateur  de 
notre  Société. 
Sénégal,  Guinée,  Côte  d'Ivoire,  Dahomey,  Gabon,  chez  la  famille  Béhanzin. 
(Projections  inédites). 
Dim.    22    nov.    —  M.  Marcel  Dubois,  Professeur  de  Géographie  coloniale 
à  la  Sorbonne. 
Pourquoi  il  faut  à  la  France  une  forte  Marine.   (Projections).  (Bull,  mars 
1904,  p.  153). 

Jeudi    26    nov.    —  M.  Paul  Labbé,  Explorateur,  Chargé  de  mission. 

Sibérie,  Japon,  Mandchourie.   (Projections). 
Dim.    29    nov.    —  M.  le  D''  Eustache,  Membre  de  notre  Comité  d'Études. 

En  Andalousie  :  Grenade  et  V Alhambra.   (Projections  inédites). 

Jeudi  3  décemb.  —  M.  le  D'  Maclaud,   Président  de  la  Commission  fran- 
çaise de  délimitation  de  la  Guinée  portugaise. 
La  nouvelle  Frontière  de  la    Guinée  française.   (Projections  inédites  et 
carte).  (Bull,  mars  1904,  p.  103). 

Dim.  6  décemb.  —  M.  Francis  Mury,  ancien  Commissaire  des  Colonies. 

La  Mission  Auguste  Pavie  en  Indo-Chine.   (Projections  inédites).  (Bull, 
mai  1904,  p.  307). 

Jeudi    10    déc.    —  M.  le  Vicomte  de  Mathuisieulx,  Explorateur. 

Son  Voyage  en  Tripolilaine  ;  premier  Européen  pénétrant  dans  le  pays. 
(Projections  inédites).  (Bull,  juillet  1904,  p.  79). 

Mercr.   16  déc.    —  M.  Ern.  Loghet,  Agrégé  d'Histoire,  ancien  Inspecteur 
de  l'instruction  publique  aux  Colonies,  Chargé  de  mis- 
sion au  Maroc. 
France  et  Maroc,  les  relations  entre  les  deux  pays.   (Projections). 

Dim.    20    déc.    —  M.  Gervais  Courtellemont,   Explorateur,   Chargé   de 
missions. 
La  France  dans  r  Asie  nouvelle  ;  Vlndo- Chine  et  le  Tunnam.   (Projections 
inédites). 


—  63  — 

Mercr.  23  déc.    —  M.  J.-B.-B.   Prévost,   Député,  Conseil  du  Roi  de  St- 
Jérôme  (Canada). 
Le  Canada  français,  son  origine,  son  e'pope'e,  sa  constitution,  ses  développe- 
ments.  (Projections  . 

Lundi    28    déc.  —  i^ssemblée  trimestrielle. 

M.   l'Abbé  Lesne,    Professeur  à  la  Faculté  libre   des 
Lettres. 

Ans  environs  de  tapies  :  Misène,  Cumes,  Lac  Avertie. 


CONFERENCES  FAITES  EN  1904 
A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Jeudi  7  janN^er.  —  M.  Sj'lvain  A.  Eichard,  Naturaliste. 

Six  Mois  sur  la  Côte  orientale  d'Afrique  :  le  Bassin  du  Roufdji,  jv.sqii'à 
VUe  Bazarouto.   (Carte  et  Project,  inédites).  l'Bull.  juin  1904,  p.  365). 

Dim.  10  janvier.  —  M.  Jean  Plighon,  Député  du  Nord. 

L'Egypte,  les  transformations  de  l'Est  africain.   (Projections).   Bull,  avril 
1904,  p.  229). 

Jeudi  14  janvier.  —  M.  Lucien  Tigxol,  Chargé  de  missions. 
Turcs  et  Bulgares.   (Projections  inédites). 

Jeudi  21  janvier. —  M.  Emile  Brumpt,  Docteur  ès-Sciences,  Membre  de  la 
mission. 
La  Mission  du  Bourg  de  Bozas  à  travers  l'Afrique  tropicale.   (Projections 
inédites).  (Carte). 

Dim.  31  janvier. —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.  Emile  Haumant,  Maître  de  Conférences  à  la  Sor- 
bonne,  Membre  d'honneur  de  notre  Société. 
La  Géographie  de  la  France  d'après  un  livre  récent. 

Jeudi  11  février. —  M.  Maurice  Meys,  de  V Elusiration,  Membre  du  Club 
Alpin. 
La  Corse  et  les  Corses,  de  Calvi  à  AJaccio.   (Projections  inédites). 

Jeudi  18  février. —  M.    Ernest  Beurdeley,   ancien   Directeur  des  affaires 
politiques  au  Dahomey. 

Le  Daliomey  et  son  Chemin  de  fer.   (Projections). 
Dim.  21  février.  —  M.  Paul  Van  Houcke,  Rédacteur  à  l'Echo  du  Nord. 

La  Côte  i" Azur,  de  Marseille  à  Vintimille.   (Projections  inédites). 


—  ()4  — 

Jeudi  25  février.  —  M.  Charles  Dupfart,  Publiciste  géographe. 

Le  Déboisement  et  les  Voies  de  navigation  intérieure.   (Projections). 

Dim.  28  février.  —  M.  Thomas  Deman,  Avocat,  Président  de  la  Société  de 
Géographie  de  Dunkerque. 

Dunkerque  et  son  Porl.   (Projections). 

Jeudi    3    mars.    —  M.  le  D""  Jagot-Guillarmod,  Membre  des  Clubs  Alpins 
français  et  suisse. 
Un  Record  dans  V Himalaya  :  jusqiià  7.000  m.  vers  le  Pic  K2  (8.620  m.). 
(Projection    inédites). 

Dim.    6    mars.    —  M.  le  D^  Eustaghe,  Membre  de  notre  Comité  d'Etudes. 
En  Andalousie  :  Cordoue,  Scville,  Gibrallar.  (Projections  inédites).  (Bull, 
juillet  1904,  p.  5). 

Jeudi   17  mars.  —  M.  l'Abbé  Joseph  Coupé,  de  Gand. 

En  Forêt  Noire  :  de  ffeidelberg  aux  chutes  du  Rhin.   (Project,  inédites). 

Dim.  20  mars.   —  M.  le  Chanoine  L.  Bayard,  Docteur  ès-Lettres,   Profes- 
seur aux  Facultés  libres. 
En  Croisière  :  de  Cnosse  à  Troie  el  au  Monl  Alhos.   (Projections  inédites). 

Dim.  27  mars.    —  M.  Anatole  Le  Braz,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  Rennes. 
La  Bretagne,  la  terre  et  la  race.   (Projections). 

Jeudi    7    avril.    —  M.    Gaston    Bordât,    Explorateur,   Membre   de   notre 
Société. 
L'Australie,  les  débuts  d'une  nation  nouvelle;  V Australie  et  la  France  aux 
Nouvelles-Hébrides.   (Proj.  inétlites).  (Bull,  novembre  1904,  p.  301). 

Dim.   10  avril.    —  M.  Alb.  Merchier,    Professeur  agrégé   au  Lycée  Fai- 
dherbe,  Secrétaire-Général  de  notre  Société. 
Le  Monde  civilisé  en  Extrême-Orient  ;  le  Conflit  ru sso- japonais.  (Project.). 

Merc.   13  avril.  —  M.    E.-A.    Martel,    Vice-Président    de    la   Société  de 
Géographie  de  Paris. 
L'Irlande  :  la  Chaussée  des  Géants,   les  Rivières  souterraines,  Gouffres  et 
Cavernes.   (Projections  inédites). 

Dim.   17  avril.    —  M.  S.  M.  Cressaty,  Syrien,  ancien  Elève  et  lauréat  du 
Collège  français  de  Damas. 
Intérêts  de  la  France  en  Syrie.   (Project.).   (Bull,   octobre  1904,  p.  225). 

Jeudi  28  avril.   —  .A.sseinblée  trimestrielle. 

M.  G.  Houbron,  Bibliothécaire  de  notre  Société. 

Les  grandes  Epidémies  et  leurs  Routes  actuelles.   (Bull,  mai  1904,  p.  322). 

Merc.  27  juillet.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.   R.  Théry,  Secrétaire-Général  adjoint.   Délégué    de 
la  Société  au  Congrès. 

Le  Congrès  de  Géographie  de  Tunis.   (Bull,  septembre  1904,  p.  180). 


—  ()5  — 

Dim.  16octol)i"e.  —  M.  Albei't  Merchikr,  Professeur  ag^réj^é  au  Ljcée  Fai- 
(llierbe,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 
L'Ardenne  française  :  Meuse  e1  Seinoy.   (Projections).   (Bull,    mai    1905, 
p.  274). 

Jeudi  20  octol ire. —  Assemblée  trimestrielle. 

jNI.  le  !)'■  A.  Vermersch,  Secrétaire  de  la  Société. 
Noies  et  impressions  d'un  Voyage  en  Ecosse.   (Bull,  janvier  1905,   p.   13). 
Dim.  23  octobre. —  M.  Maurice  Maquet,  Membre  des  Clubs  Alpins  français 
et  suisse  et  de  notre  Soci.ité. 
L'Alpe  homicide  et  les  Montagnes  de  Zcrmatl.   (Projections  inédiles). 
Jeudi    3    nov.     —  M.  P.   Cloarec,    Lieutenant    de  Vaisseau   de   réserve, 
Professeur  à  l'Ecole  libre  des  Sciences  politiques. 
Les  grandes  Marines  du  Monde.  (F'roject.).  (Bull,  janvier  1905,  p.  39). 
Dim.  6  novemb.  —  M.  E.  Guimet,  Fondateur-Directeur  du  Musée  Guimet. 
Les  Antiquités  de  la  Syrie  et  de  la  Palestine.   (Projections).  (Bull,   mars 
1905:  p.  135). 
Vendr.   11  nov.  —  M.  Eug-.  GALr.ois,  Explorateur  et  Publiciste. 
En  Chine,  (vallée  du  Yang-tsé-Kiang),  an  Japon.   (Projections). 
Jeudi.    17  nov.    —  M.    Moncharville,    Professeur  à   l'Ecole   française   de 
Droit,  au  Caire. 
Son  Voyage  à  l'Est  du  Jourdain.   (Projections  inédites).  (Bull,  avril  1905, 
p.  I97j. 
Dim.     20    nov.    —  M.  Mag-nus  Synnestvkdt,  Docteur  en  Droit,  Cliancelier 
de  la  Légation  de  Suède  et  Norvège  à  Paris. 
LjU  Nature  Scandinave,  le  pays  et  la  rare.   (Projections).  (Bull,  juin  1905, 
p.  333). 
Jeudi   24    nov.   —  M.    le   D''   Olto   Nordenskiold  ,    Chef   de    l'expédition 
antarctique  suédoise. 
22  Mois  dans  les  glaces  antarctiques,   hivernages  à  Snmv-Uill  et  à  rile 
Paulet.   (Projections).   (Bull,  mars  1905,  p.  147). 

Dim.  4  décemb.  —  M.  le  D""  Eustache,   Professeur   à   la  Faculté   liltre   de 
Médecine,  Membre  de  notre  Comité. 
Sorrente  et  r Ile  de  Cupri  :  la  Grotte\d'' Azur.   (Projections  inédites).   (Bull, 
juillet  1905,  p.  27). 

Vend.  9  décemb. —  M.   Francis  Mury.    ancien   Commissaire   des  Colonies, 
Explorateur. 
La  Corée,  la  Mandchourie  et  les  Khonngonses,  rivalité  des  races.   (Projec- 
tions). (Bull,  février  1905,  p.  86). 

Dim.     11    déc.    —  M.  P.  Berret,    Professeur  agrégé   au  Lycée   Hoche   à 
Versailles,  Membre  correspondant  de  notre  Société. 
Le  Rhône  dauphinois.   (Projections). 

Vendr.    16  déc.   —  M.    le   Commandant  James   Plé,    de   l'infanterie   colo- 
niale, ancien  Commandant   du   cercle    de  Tombouctou. 
Le  Soudan  nouveau.   (Projections  inédites).  (Bull,   février  190(5,    p.  87). 


—  m  — 

Vendr.  23  déc.  —  M.  Raoul  Blanchard,  ancien  Élève  de  l'École  normale 
supérieure,  Aj^régé  d'Histoire  et  de  Géographie. 

Le  Jura.   (Projections  inédites).   (Bull,  septemljre  1905,  p.  141). 
Jeudi    29    déc.    —  Assemblée  trimestrielle. 

M.    E.-V.    BoijLENGKR   fils,    Délégué    au   Congrès  de 

New-York. 

Le  8^  Coiigrès  intenialioiud  de  Ge'otjraphie  av.x  Etals-Unis  ;  Excursions  au- 
Canada  et  au,  Mexique.   (Bull,  juillet  1905,  p.  5). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1905 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Dim.  8  janvier.  —  M.  P.  Van  Hougke,  Rédacteur  kVEcko  du  Nord. 

Cinq  .Jours  à  Amsterdam,  Rotterdam,  La  Llaye  et  à  VLle  de  Marken.   (Pro- 
jections inédites). 

Jeudi  12  janvier. —  M.  P.  Bourdarie,  Explorateur  Publiciste,    Délégué   de 
l'Association  cotonnière  coloniale. 

La  Question  du  Coton  au  point  de  vue  français.   (Projections).   (Bull,  avril 
1905,  p.  216). 

Jeudi  19  janvier. —  M.   Adrien   de   Mortillet.    Membre   de  la  mission  de 
Créqui-Montfort  et  Sénéchal  de  la  Grange. 

Stir  les  hauts  Plateaux  de  la  Bolivie.   (Projec^lions  inédites). 
Dim.  29  janvier. —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.   Franz  Schrader.    Directeur  des  travaux    cartogra- 
phiques de  la  Maison  Hachette,  lauréat  de  l'Institut. 

Les  Océans  et  VLIumanité. 

Jeudi  2  février.  —  M.  Maurice  Meys,   de  YLllustration,    Membre  du  Club 
Alpin. 

Voyage  aux  Pyre'ne'es,  les  Monts  maudits,  le  Ne'lhou.  (Projections  inédites). 

Jeudi  9  février.  —  M.  H.  Arctowski,  Membre  du  Congrès  international  de 
Géographie  de  Washington. 

Impressions  de  Voyage  aux  Etats-Unis.   (Projections  inédites). 

Jeudi  16  février.  —  M.  J.  Ronjat,  Membre  du  Club  Alpin  français. 

Les  Montagnes  norvùjiennes.   (Projections).   (Bull,  août  1905,  p.  80). 


—  ()7  — 

Dim.  1!)  lévrier.  —  M.    1).  ZoIIm.    l^iolesseur   à   ri<]colt!   lilirc    des  Sciences 
p(jliti([ii('s. 
La  Bnsiile-Herzt'ijoc'i ne.,   mnoeiiirn  (h.   mis-sion.     Projections  .     liiill.  août 
1905,  p.  92  .  ■ 
Jeudi  23  février. —   M.  André  .Iolanmn.   Secrélaire-Général    du   (lomilé    de 
l'Asie  française. 
La  Me'sopolamie,  les  richesses  de  fanlique  Chaldce.     Pioject.  inédites). 
Dim.  26  février.  —  .M.  E.-V.  Hol  i.enger  fils.  Délégué  au  S**  (lonj^rès  inter- 
national de  Géog'rapliie  aux  Etats-Unis. 
Le  Congrès,  le  Canada  oriental,  les  Llals-Unis,  le  Mexiqve  el  Cvhn.    Pro- 
jections inédites;.    Bull,  juillet  1905.  p.  5  . 
Jeudi    2    mars.    —  M.  G.-J.  I8ac:hsen.  Capitaine  coniniandanl. 

La  2^  Expédition  polaire  nortajienne  du  «  Frarn  ».  (Projections  inédites). 
(Bull,  septembre  1905,  p.  148  . 
Dim.     5    mars.    —  M.  le  \'iconi1e  Roliert  de  Caix.   du  journal  des  Débats, 
Memlire  du  Comité  du  Maroc. 
La  France  au  Maroc.   (Projections  .    Carte). 
Jeudi    9    mars.    —  M.  P.  Mûllendorf.  Explorateur,  en  mission  pendant  la 
révolte  des  Herreros. 
Le   Snd-Ouest  africain   allemand.   'Projections  inédites!.   iBull.   octobre 
1905.  p.  207;. 

Jeudi   16  mars.  —  M.  l'Abbé.  J.  Coipé.   Aumônier  de  la  prison   centrale 
de  Gand. 
De  Schuffoi'se  à  Salzbot'.rg  par  VArlherg.   (Projections  inédites  i. 

Dim.    19  mars.    —  M.    0.  Kann.    ancien    Officier   détaché   à   la    2^  armée 
japonaise  en  1904. 
En  Mandchonrie  avec  les  Japonais,  Bataille  de  Liao-Yang.   (Projections 
inédites).   (Bull,  octobre  1905,  p.  216;. 

Jeudi  23  mars.   —  M.  le  Commandant  B"  Sylvain,  de  la  marine  haïtienne, 
en  mission  en  Ethiopie. 
L'accord  nécessaire  des  Blancs  et  des  Noirs  en  Afrique.   (Projections). 
(Bull,  mars  1906,  p.  i:J3i. 

Dim.  26  mars.   —  M.  A.  Lacroix.  Mem])re  de  l'Institut,  Chef  de  la  mission 
scientifique  de  la  Martinique. 
Les  Eruptions  de   la   Montagne  Pelée.     (Projections   inédites).     (Bull, 
octobre  1905,  p.  227). 

Dim.    2    avril.    —  Mg-r  Pascal,  Mcaire  apostolique  de  Saskatchewan. 

L'Ouest  canadien  et  son  développement.    (Project ions"!.    l'Bull.    novembre 
1905,  p.  295). 

Jeudi    6    avril.    —  M.  P.  Patte,  Voyageur  et  Publiciste. 

Rome  dans  l  Antiquité  et  dans  le  Présent,   i  Projections  inédites  . 
Dim.    9    avril.    —  M.  D.-Alf.  Agache,  Membre  de  l'Alliance  française. 

Les   Montagnes   rocheuses,    chez  les  Mormons,  le  Lac  Salé,  le  Yellowstone 
'park.   (Bull,  novembre  1905,  p.  306). 


—  f  )8  — 

Jeudi  13  avril.   —  M.  Ch.  Berchon,  Explorateur. 

Six  Mois  à  Ct(ba;  Santiago,  culture  et  industrie,  la  Havane.   (Projections 
inédites). 
Dim.   30  avril.    —  M.  Zarski,  Photograplie. 

Constant inople  et  la  Turquie  (Va^jourcVlmi.   (Projections  inédites). 
Jeudi    4    mai.     —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Alex.  Eecïman,   Secrétîiire-Général  honoraire  de  la 
Société. 
La  Pénétration  en  Afrique  j)ar  les  chemins  de  fer. 
Jeudi  '21  juillet.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Alb.  Merghier,  Secrétaire-Général. 
L" Allonagne  économique. 
Jeudi  12  octoL.  —  M.  l'Abbé  Perron,  Curé  de  Pont-de-Poitte  (Jura). 

Le  Jura  central,   ses  aspects  et  ses i)roduits.   (Projections  inédites  noir  et 
couleur).   (Bull,  mars  1906,  p.  140). 
Dim.    15  octob.  —  ]\I.  A.  Cotta,  Prêtre  lazariste  ù  Madagascar. 

Le  Sud  de  Madagascar,   mœurs,  esprit  des  indigènes,   la  révolte.   (Projec- 
tions inédites).  (Bull,  octobre  1905,  p.  337). 
Jeudi  19  octob.  —  M.    Yann-Morvran   Goblet,    Examinateur  à   l'Institut 
commercial  de  Paris. 
V Irlande  au  XX^  siècle.   (Proj.  inédites).  (Bull,  décendjre  1905,  p.  346). 
Dim.  22  octob.  —  M.  le  IK  J.-B.  Charcot. 

n Expédition  anlarctique  française  dont  il  était  le  chef.   (Projections  iné- 
dites).  (Bull,  avril  1906,  p.  197). 
Jeudi  26  octob.  —  M.  Eug.  Gallois,  Explorateur. 

Aux  Oasis  d' Algérie  et  de  Tunisie.  (Projections  inéditesl.  (Bull,  décembre 
1905,  p.  354). 

Lundi  30  octob.  —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Ernest  Nicolle,  Président  de  la  Société. 
Le  Congrès  national  de  Géographie  de  St-Etienne.   (Bull,  décembre  1905, 
p.  371). 
Dim.  5  novemb.  —  M.  Georges  Morael,   Président   de  la   section    dunker- 
quoise  de  la  Ligue  maritime. 
Dunkerque,  ses  industries  maritimes.   (Projections!.   (Bull,  janvier  1906, 
p.  13). 
Dim.     12    nov.    —  Fête  solennelle  du  25*  Anniversaire  a  l'Hip- 
podrome. 

M.    E.    GuiLLOT,    Professeur,    Membre    d'honneur    et 
ancien  Secrétaire-Général  de  la  Société. 
Historique  de  la  Société.   (Bull,  novembre  1905,  p.  274). 
Jeudi    16    nov.    —  M.  rAl)bé  C.  Chevalier,  ancien  Professeur  de  Philoso- 
phie à  Alexandrie  (Egypte). 
Le    Caire  pittoresque,    mœurs,    coutumes  et   aspects.   (Cinématographe   et 
Projections  inédites).   (Bidl.  mars  1906,  p.  152). 


—  (il»  — 

Jeudi    23    nov.    —  M.  Octave  Justice,  Publicisle. 

Autour  du  Cheïron,  Vallées  du  Var  et  du  Loup.   (Projections).  (Bull,  juin 
1906,  p.  345). 

Dim.    26    nov.     —  M.  P.  \'an  Houcke,  Rédacteur  ù  l'^V/^o  ^/«^  iYo;-</. 

Lyon.    Genève,  la  Perle  du  Rhône  à  Bellegarde,  le  Tour  du  Lac  Léman. 
(Projections  coloriées  inédites). 

Jeudi    30    nov.    —  M'"*'   F.   Bullock-Workman,    Officier  de  l'Instruction 
publique,  Médaillée  du  Club  Alpin. 

Premières  Explorations  des    Glaciers  de   LLoh-Lumba  et  de   Sosbon  dans 
VLUmalaya.   (Projections  inédites).   (Bull,  mai  1906,  p.  275). 

Dim.  3  décemb.  —  Mgr  P. -M.  Reyxaud,  Evêque  de  Fussulan. 

La  Chine  nouvelle.   (Bull,  février  1906,  p.  100). 
Jeudi  7  décemb.  —  M.  R.  Paillot,  Docteur  ès-Sciences. 

Le  Limousin.   (Projections  inédites).   (Bull,  juin  1906,  p.  358). 

Jeudi    14    déc.    —  M.  le  Lieutenant  de  Vaisseau  G.-E.  Simon,  Chef  de  la 
mission  hydrographique  du  Haut-Mékong-. 

L'Œuvre  française  sur  le  LLaut-Mékomj  de  1893  à  1905.   (Projections). 
(Bull,  avril  1906,  p.  209). 

Jeudi    21    déc.    —  M.  P.  Cloarec,  Lieutenant  de  Vaisseau ,   Directeur  de 
la  Ligue  maritime  française. 

Les  grands  Ports   de  guerre  et  de  comraerce  de  la  France.   (Projections). 
•       (Bull,  avril  1906,  p.  221). 

Dim.    24    déc.    —  M.  J.-G.  Bondoux,  Artiste  Peintre,  Attaché   à  la  Délé- 
gation du  Ministre  en  Pesre. 

A  travers  la  Perse,  l'Œiwre  française.   (Projections  inédites).   (Bull,   mai 
1906,  p.  286). 

Jeudi    28    déc.    —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général. 
Les  États-Unis  économiques.   (Bull,  mars  1906,  p.  162). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1906 

A  L'HOTEL  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Dim.   7  janvier.  —  M.   le  D''  Eustache,  Professeur  à   la  Faculté   libre   de 
Médecine. 

Dans  la  Région  des  Puys.   (Project,  inédites).  (Bull,  juillet  1906,  p.  5). 


—  70  — 

Jeudi  11  janvier.  —  M.  M.  Mkys,  de  Y III  unirai  ion.  Membre  du  Club  Alpin. 
Sou  Voyage  en  Norvège.   (Projections  inédites). 

Vend.  19  janvier. —  M.  le  Lieutenant  de  Laxrezac.   de  la  l"""  compa(>nie  des 
«Tardes  frontières  (hi  Saliel. 
Le  Vaijs  soudanais  ;  la  terre,  ses  ressources,   l'âme  soudanaise.   (Projeclions 
inédites).   (Bull,  juin  1906,  p.  379). 

Dim.  21  janvier.  —  M.  G.-L.    Jaray,   de  TÉcole    libre   des   Sciences  poli- 
tiques, Auditeur  au  Conseil  d'Etat. 
Le  Brésil  rothinnporuin.  Tnvenir  d'mi  Etal  hilin  (V Amérique.  (Projections). 
(Bull,  juillet  1906,  p.  25  . 

Jeudi  25 janvier.  —  M.  C.  de  Givenchv. 

Les   Porles   du,   Maroc   de  Figuig  à  Moqador.  i  Projeclions  inédiles,  avec 
carte).   (Bull,  août  1906,  p.  9o). 
Jeudi  l"""  février.  —  M.  Em.  Daireaux,  Avocat,  Propriétaire  en  Argentine. 
La   Transforuialioii  paslorale   el   agricole   de   la    République    Argentine. 
(Projections). 

Dim.   4  février.   —  M.    le  l)""  Folet.    Doven    lionoraire   de   la    Faculté   de 
Médecine  de  Lille. 
Venise.   (Projections  in  élites  .     Bull,  août  190(),  p.  81). 

Dim.  U  février.  —  M.    D.  Zoi.la.   Professeur   à  l'École  libre  des  Sciences 
politiques. 
Rirh'sses  de  la  Terre  de  France.     Projections;.  (Bull,  août  1906,  p.  105). 

Jeudi  15  février.  —  M.  Henri  Douxami.  Maîli'e  de  Conférences  à  la  Faculté 
des  Sciences  de  Lille. 
Le  Désert  de  Plate  ;  Montagnes  de  la  Hante-Savoie  entre  V  Arve  et  le  (iiffre. 
(Projections  inédites'.    iBull.  novembre  1906,  p.  285). 

Dim.  18  février.  —  Séance  solennelle  annuelle. 

M.    Léopolil    Mabilleatt,    Meml)re    correspondant    de 
l'Institut. 
La    Civilisalinn   aux   États-Unis   d'Amérique.    (Bull,    septembre    1906, 
p.  149  . 
Jeudi  22  février. —  M.    l'Ablié  M.    David,   Professeur   à   l'Institut   St-Jean 
à  Douai. 
r Albanie  et  la  Chai. le  dn  Pinde.   ^Projections  inédites).   (Bull,   octobre 
1906.  p.  224V 
Dim.  25  février.  —  M.  G.  Porquier.  C]iaro:é  de  mission. 

r  Ethiopie  et  la  Question  éthiopienne.   (Projections  inédites).   (Bull,   sep- 
tembre 1906,  p.  163). 
Dim.    4    mars.    —  M.  A.  Demangeon,   Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres. 

X"  Camèrésis,  l'Artois  et  la  Picardie.   (Projections). 
Jeudi    8    mars.    —  M.  l'Abbé  Coupé,  Aumônier  à  la  prison  centrale  de  Gand. 
La  Belgique  pittoresque  et  monumentale.   (Projections  inédites). 


—  71  — 

Dim.    11   mars.    —  M.  L.  Farcies,   Secrétaire-Général  des  S_yndicals  d'ini- 
tiative du  Sud-Centre. 
L  Aude   el   rAriège;    (h'ographie  cl   Ethnographie.    (Projections).    (Bull, 
septembre  1900,  p.  17()). 

Jeudi   15  mars.   —  M"*^    Séverin-Bourgoignon,   Directrice  du  Collège  de 
jeunes  filles  de  Roubaix. 
Athènes,  Promenade  en  Alfiqne.   (Projections). 
Dim.  25  mars.    —  M.  V.  Dubrox,  Avocat  ù  la  Cour  d'Appel  de  Douai. 

Prohienades  en  Bohêinc.   (Projections  inédites). 

Jeudi  29  mars.   —  M.  Alb.  de  Pouvourville,  Membre  du  Conseil  supérieur 
des  Colonies. 
La   Difense   de   rindo-Chine.    (Projections   inédites).    (Bulletin   octobre 
1906,  p.  236). 

Dim.    V^  aviil.    —  M.  le  D''Eustache,  Professeur  à  la  Faculté  de  Médecine. 
Algésiras.   (Projections  inédites).   (Bull,  novembre  1906,  p.  297). 

Jeudi    5    avril.    —  M.  D.-Alf.  Agache,    Professeur  au  CoUèfi^p   libre  des 
Sciences  sociales. 
La  Crète,  Histoire  et  Gcographie,  Archéologie,    les  Re'volutlonnaires.   (Pro- 
jections inédiles).  (Bull,  octobre  1906,  p.  242). 

Dim.     8    avril.    —  M.   E.  Haumant,    Professeur   à  la   Faculté   des   Lettres 
de  Paris. 

Un  Mois  en  pays  Serbo-Croate.   (Projections). 

Jeudi    17    mai.   —  Assemblée  trimestrielle. 
M.  Eni.  Laine. 
LjU  Montre-Bonssole  solaire.   (Avec  Planche  de  llg-ures). 

Jeudi  11  octol ire. —  Assemblée  trimestrielle. 

M.  Bonvai.ot,  de  la  Commission  des  excursions. 
Voyage  aux  Pyrénées  :  le  Pays  Basqite,  le  Liéarn,  le Bigorre.  (Avec  cartes). 
(Bull,  novembre  1906,  p.  :J08). 

Dim.  21  oclolire.  —  M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 

Brnges-la-Morte.   (Projections) . 
Jeudi  25  octolire. —  Le  R.  P.  Trilles,  Missionnaire  au  Gabon. 

Les  Fang,  au  Congo'français,  rare,  mœnrs,  covtvmes.  (Pj'ojeclions  inédites). 
(Bull,  décembre  1906°  p.  ;}60). 

Dim.  28  octobre.  —  M.   P.  Privat-Desghanel,   Professeur  ag-réyé,    Cliaiyé 
de  mission. 

L'Australie  d'aujourd'hui,   l'élevage,   les  mines  d'or,   les  villes,   la  société. 
(Projections  inédites).  (Bull,  décembre  1906,  p.  370). 

Dim.  4  novemb.  - —  M.    ^'alentin   Bkiffaut,   Avocat  à  la  Cour  d'Appel  de 
Bruxelles. 
San  Francisco  et  la  Californie,  Lmpressions  de  voyage.   (Projections  iné- 
dites).  (Bull,  janvier  1907,  p.  14). 


—  72  — 

Jeudi  8  novemb.  —  M.  E.  Gallois,  Explorateur,  Cliargé  de  missions. 

La  Turqtàe  d'Asie  ;  Asie-Minetire  et  Syrie.   (Projections  inédites).  (Bull, 
décembre  1906,  p.  381). 
Jeudi    15    nov.   —  M.  Etienne  Roze,  PulJiciste. 

Naples  et  la  Srile.   (Projections  inédites).   (Bull,  janvier  1907.  p.  28). 
Jeudi    22    nov.   —  M.  G.  François,  ancien  Chef  de  cabinet  du  g'ouverneur 
du  Dahomey. 
Le  Dahomey.   (Projections). 
Dim.    25    nov.    —  M.  P.  Walle,  Explorateur  et  Agent  commercial. 

Le  Chili,  la  CalastrojÂe  de  Valparaiso.   (Projections).   (Bull,   mars  1907, 
p.  141). 
Dim.  2  décemb.  —  M.    A.   Halot,   Avocat,   Consul   impérial  du  Japon   à 
Bruxelles. 
Le  Japon  ancien  et  moderne.   (Projections).   (Bull,  mars  1907,  p.  153). 
Dim.  9  décemb.  —  M.  l'Abbé  L.  Legrand,  Licencié  ès-Lettres. 

Une  Excursion   en  petite   et  en  grande  Kahylie.   (Projections  inédites). 
(Bull,  avril  1907,  p.  212). 
Jeudi    13    déc.    —  M.  le  Lieutenant  Octave  Gérix,   Secrétaire  de  la  Société 
de  Géographie  de  Tours. 
Trois  mois  dans  r Allemagne  dti  Nord  et  le  Danemark.  (Projections).  (Bull, 
mars  1907,  p.  102). 
Dim.    10    déc.    —  AL  D.  Zolla,  Professeur  à  l'Ecole  libre  des  Sciences- 
politiques. 
Le  Far  West.   (Projections).   (Bull,  avril  1907,  p.  222). 
Jeudi    20    déc.    —  M.  Octave  Ji;stige,  Publiciste. 

Le  Bassin  du  Verdon.   (Projections).   (Bull,  avril  1907,  p.  231). 

La  37^  réunion  pour  l'A-Sseinblée  trimestrielle  du  27  décembre  a  été 
remise  au  3  janvier,  à  cause  du  décès  de  M.  Quarré- 
Reybourlon  survenu  le  jour  de  Noël  après  trois  jours 
de  maladie. 


73  — 


CONFÉRENCES  DE  ROUBAIX 


CONFERENCES  FAITES  EN  1900 


Samedi  13  janv.  —  M.  A.  Tchobanian. 

L Arménie,  son  histoire,  sa  littérature. 

Samedi  27  jaav. — M.    E.    Haumant  ,    Professeur   de   Littérature   russe   à 
rUniversité. 

De  Marseille  au  Caucase.   (Projections). 
Samedi  10   fevr.  —  M.  P.  Van  Hougke,  Rédacteur  à  VEcho  du  Nord. 

Deux  années  au  Tonkin.   (Projections). 
Samedi  3   mars.  —  M.  H.  Arctowski,  membre  de  l'expédition 

De  la  Belfjica  dans  la  région  antarrtique.   (Projections). 
Samedi   10  mars.  —  M.  J.  Carrère,  Homme  de  lettres. 

Le  Canal  des  Deux  Mers.   (Projections). 
Samedi  17  mars.  —  M.  J.  Saurin,  ancien  Professeur  au  Ljcée  de  Tunis. 

L'invasion  italienne  et  la  Colonisation  française  en  Tunisie.   (Projections). 
Samedi  27  oct.  —  M.  Gallois,  Publiciste. 

La  France  d'Asie.  (Projections). 
Sameili  3   nov.    —  M.  P.  Œsterby  de  Copenhague. 

La  Danemark.   (Projections). 
Samedi   10  nov.  —  Le  Commandant  James  Plé. 

Le  Dahomey  actuel. 
Samedi   17  nov.  —  M.  Napoléon  Lefebvre,  Professeur  à  l'Institut  Turg'ot. 

Promenade  en  Russie.   (Projections). 
Samedi  24  nov.  —  M.  P.  Labbé,  Chargé  de  mission. 

Au,  Pays  des  Kirgkiz.   (Projections). 
Samedi    l*""  déc.  —  M.  A.  Merghier,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe. 

Les  Colonies  françaises  à  l'Exposition  de  1900.   (Projections). 


Vi  — 


Samedi  8   déc.    —   M.  Noirot. 

La  Guinée  froAirnise. 
Samedi  22  déc.  ■ —  M.  Cli.  Lemire,  Résident  lionoraire  de  France. 

A^l  Pays  de  Barbe-Bleue.   (Projections). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1901 


Samedi  19  janv.  —  M.  Km.  Haumant,  Vice-Président  de  la  Société. 

La  Mer  Noire  et  les  Russes. 
Samedi  26  janv.  —  M.    ('-.   Dei.horbe,   membre   du   Conseil  supérieur  des 
Colonies. 
Madagascar.   (Pi'ojectionsl. 
Samedi  9   l'évr.   —  M""' J.  de  Mayolle. 

Mœurs  de  Cuha.   (Projections). 
Samedi   16  févr.  —  M.  Maurice  D'Halltjin.  l^lludiani  en  Médecine. 

Munich,  Oherahmiergav.  Vienne;  Voyage  de  la  Société  en  1000.  (Project.). 
Samedi  23  fé  r.  —  M.  Henri  Bolaxd,  Rédacteur  aux   Guides  Joanne,   Pré- 
sident de  section  du  ('lub  Alpin  l'iançais. 
Z«  (^orse pittoresque.   (Projections;. 
Samedi  9  mars.  —  M.  Napoléon  Lefebvre.  Professeur  à  Tlnslilut  Turg-ot. 

La  Chine  et  les  Chinois.   (Projections  . 
Samedi  23  mars.  —  M.  Albert  Métin.  A^-ré^-é  de  TU.,  Charo-é  d'une  mission 
autour  du  monde  (1898-1900)  par  l'U.  de  Paris. 
La  France  et  le  monde  anglais  et  cunérv-ain.   (Projections). 
Samedi  26  oct.  —  M.  le  Lieutenant  Avelot  du  31**  régiment  d'infanterie, 
Charo-é  de  mission  (bi  Ministère  des  Colonies. 
Dans   la   honcle   de   VOqooué,  opérations   de   la  brigade  topographique   de 
r Ogooué Ngoxmie.   i Projections). 
Samedi   9   nov.   —  M.  F.  de  Chevilly.  ancien  Officier. 

(Causerie  sur  V Espagne.   (Projections;. 
Samedi   16  nov.   ■ —   M.  le  Lieutenant  Cai-peaux,   du  4"  rég-iment  d'infanterie 
coloniale. 
Le  Moyen-Niger  et  le  Dahomey.    (Projections  inédites). 
Samedi  23  nov.  —  M.  L.  Auge  de  Lassus,   membre  de  la  Société  des  Amis 
des  Monuments  parisiens. 
De  Damas  à  Palmyrc  ;  le  Désert  de  Syrie  et  les  ruines  prodigieuses  (pui  le 
jalonnent.   (Projections). 


-  75  — 

Samedi  30  nov.   —  M.  Raymond  Colrat  de  Montrozier,  l^lxplorateur. 

Le  Régime  des  concessions  au  Congo  ;  V organisation  économique  de  V Afrioue 
ceiilrale.   (Projections). 
Samedi    7   déc.  —  M.  Paul  Buffet,  artiste  Peintre. 

L' Ahyssinie  et  la  cotir  du  Négus.   (Projections). 
Samedi  14  déc.  —  M.  Napoléon  Lefebvre,  Pj-ofesseur  à  l'Institut  Tur^-ot. 
Le  nouveau  Japon.   (Projections).    Distribution   des  prix  de    Géographie 
commerciale. 

Samedi  21  déc.  —  M.  A.  Merchier,  Prolesseui- au  Lycée  de  Lille,  Secré- 
taire-Général de  la  Société. 

Le  Tonhin.   (Projections). 
Samedi  28  déc.  —  M.  Robert  Gauthiot,  Ay-rég'é  de  l'Universilé,  Professeur 
au  Lycée  de  Tourcoinj^. 
En  Hongrie  :  du  Dmnhe  aiix  Carpathes.   (Projections). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1902 


Samedi  ISjanv. —  M.   le  Comte  Henry  delà  Vaulx,   Vice-Président   de 
r Aéro-Club  de  France. 
L' Aéronautique  et  le  Méditerranéen.   (Projections). 
Samedi  25janv. —  M.    René   Pinon,   Ag'régé    d'Histoire,    Rédacteur   à   la 
Revîie  des  Deux  Mondes. 
La  France  et  le  Maroc.   (Projections). 
Samedi  8   levr.    —  j\L   El.    Haumant,    Professeur   à   l'Université   de    Lille, 
Vice-Président  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 
Souvenirs  d'' excursions  en  Lorraine  et  en  Alsace.   (Projections). 
Samedi  22  févr.  —  Le  R.  P.  Sébire,  12  ans  Missionnaire  au  Sénégal,  actuel- 
lement Directeur  de  l'Ecole  apostolique  de  Lierre. 
Les  Sénégalais  ;  leurs  mœurs,  coutumes  et  religions.   (Projections). 
Samedi  l*""  mars.  —  M.  le  D'' Jean  Binot,   Chef  de  laboratoire   à  l'Institut 
Pasteur. 

Voyage  à  l'île  Bourbon  ;  l'éclipsé  totale  de  soleil  du  18  mai  1901.  (Project.). 
Vendr.  14  mars,  —  M.  le  Lieutenant  de  Vaisseau  Dyé,  Officier  d'ordonnance 
du   Général   Voyron  ,    ancien   Officier    de    la    mission 
Marchand. 
Lja  Chine  après  les  Boxers,   et  l' expédition  internationale  lOOOjOl.   Rela- 
tions commerciales.   (Projections). 


—  70  — 

Samedi   18   oct.  —  M.  Paul  Bourdarie,  Chargé  de  missions. 

Le  Congo  français,  'populations,  colonisations.   (Projections). 
Samedi  25   oct.  —  M.  Eug.  Gallois,  Chargé  de  missions. 

Noutelle-Calédonie,  Antilles  et  Guyane.   (Projections). 
Samedi  8   nov.    —  M.  le  Marquis  de  Segonzac,  Explorateur. 

A  travers  le  Maroc  inconnu.   (Projections). 
Samedi  22  nov.  —  M.  Jules  Cléty,  Avocat,  membre  du  Comité. 

La  Hollande-.   (Projections). 
Samedi  29  nov.  —  M.  Loïcq  de  Lobel,  Explorateur. 

L'' Alaska,  le  Klondyke,   Esquimaux,  Indiens,   le  Trans-Alaska  sibérien, 
(Projections). 
Samedi    6   déc.  —  M.  Napoléon  Lefebvre,   Professeur  à  l'Institut  Turgot 
[Distribution  des  Prix). 

L'Amérique,  la  civilisation  américaine,  son  avenir.   (Projections). 

Vendredi  12  déc.  —  M'"«  Jeanne  de  Mayolle. 

Au  Pays  des  Fiords  :   Copenhague,  Gotherabourg,  Stockholm,  Christiania, 
(Projections). 

Samedi  20  déc.  —  M.  C.  Aulagnon,  Explorateur. 
La  Sibérie.   (Projections). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1903 


Samedi  17  janv.  —  M.  Henri  Boland,  Président  d'honneur  et  Délégué  de  la 
section  de  la  Corse  du  C.  A.  F. 
Les  îles  Baléares  :  mœurs,  histoire  et  paysages.   Projections). 
Samedi  24  janv.  —  M.  P.  Van  Hougke,  Rédacteur  à  VEcho  du  Nord. 

Aux  Pyrénées  :  Lourdes,  Pau,  Cauterets,  Luchon,  Gavarnic,  etc.  (Project.). 
Samedi  31  janv.  —  M.    A.    Merchier  ,    Professeur    au   Ljcée   Faidherbe , 
Secrétaire-Général  de  la  Société. 
La  Martinique.   (Projections). 
Samedi  7   févr.   —  M.  Y.  de  Chevilly,  ancien  Officier. 

Six  mois  en  Colombie.   (Projections). 
Samedi  14  févr.  —  M.  Paul  Labbé,  Chargé  de  missions. 

Les  Régions  du  Lac  Baïkal  et  du  Fleuve  Amour  ;  Japon  et  Mandchourie. 
(Projections). 
Samedi  21  fevr.  —  M.    Henri   Lorin,  ^Professeur  de   Géographie   coloniale 
à  l'Université  de  Bordeaux. 
A  travers  la  Tunisie.   (Projections). 


Samedi  '28  févr.  —  M.    Boulland   de    l'Escale  ,     Syndic    de    la    Presse 
coloniale. 

France  et  Siam. 
Samedi   7  mars.   —  M.  R.  Gauthiot,  Agréf^é  de  l'Université,  Pi-ofesseur  au 
Lycée  de  Tourcoing'. 

Le  Golfe  de  Finlande.   (Projections). 
Samedi  4  avril.   —  M.  Camille  Avon,  Lieutenant  aux  spahis  soudanais. 

Du  Congo  au  Tchad.   (Projections). 
Samedi  24  oct.  —  AL  Synnestvedt,  Chancelier  de  la  Légation  de  Suède 
et  Norvège  à  Paris. 

La  Scandinavie  au  point  de  vue  économique  et  géographique.   (Projections). 
Samedi  7   nov.    —  M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  notre  Société. 

TJn  Coin  de  Normandie.   (Projections). 
Samedi  14  nov.  —  M.  Eug.  Gallois,  Explorateur. 

Sénégal,    Guinée,    Dahomey,    Galon,  chez  la  famille  Behanzin,  Alom.e.y. 
(Projections). 
Samedi  21  nov.  —  M.  le  IK  G.  Tarible,  membre  de  notre  Société. 

Une  Excursion  en  herline  dans  V Aveyron.   (Projections). 
Samedi  28  nov.   —  M.  Paul  Labbé,  Chargé  de  missions. 

•    Souvenirs  d'un  bagne  russe  ;  île  de  Sakhaline.   (Projections). 
Samedi  5   déc.    —  M.  F.  Mury,  ancien  Memlne  de  la  mission  Pavie. 

L'Epopée  Auguste  Pavie pendant  trente  ans  en  Indo-Chine.   (Projections). 
Samedi   12  déc.  —  M.  Gaston  Donnet,  correspondant  du  journal  Le  Temps. 

De   r  Atlantique   au   Pacifque  :    Brésil,    République   Argentine,    Chili, 

(Projections). 
Samedi  19  déc.  —  M.  Gervais  Courtellemont,  Explorateur. 

La  France  en  Indo-Chine  et  au  Yunnam.   (Projections). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1904 


Samedi  23  janv.  —  M.  Alf.  Dumont,  Maire  de  Dunkerque. 

La  Russie.   (Projections). 
Samedi  30  janv.  —  AL  P.  Van  Houcke,  Rédacteur  à  VEcho  du  Nord. 

La  Côte  d'Azur,  de  Marseille  à  Vintimille.   (Projections  inédites). 
Samedi   13  févr.  —  M.  J.  Plichon,  Député  du  Nord. 

L'Egypte  et  les  Transformations  de  l'Est  africain.   (Projections   inédites). 


—  78  — 

Samedi  20  févr.  —  M.  E.  Beurdeley,  Rédacteur  au  Ministère  des  Colonies. 

Le  Dahomey  et  son  Chemin  de  fer.   (Projections). 
Samedi  5  mars.   —  M.  le  D""  Jagot-Guillarmod,  Membre  du  Club  Alpin. 

Un  Record  dans  V Himalaya  ;  au-delà  de  7.000  m. 
Samedi  2(5  mars.  —  M.  E.  Prouvost. 

La  Tunisie  du  Nord  ;  la  propriété  française.   (Projections  inédites). 
Samedi  22  oct.  —  M.  Napoléon  Lefebvre,  Professeur  à  l'Institut  Turg-ot. 

Promenade  an,  Pays  breton.   (Projections  inédites). 
Samedi  5    nov.    —  M.  E.  Guimet,  Fondateur  du  Musée  Guimet  à  Paris. 

Les  Antiquités  de  la  Syrie  et  de  la  Palestine.   (Projections). 
Samedi   12  nov.  —  M.  E.  Gallois,  Explorateur. 

Ji^n  Extrême-Orient,  en  Chine  et  au  .Japon. 
Samedi  19  nov.  —  M.  Ém.  Daireaux,  Prop"'"  dans  l'Amérique  du  Sud. 

Industries  pastorale  et  agricole  en  Argentine.   (Projections). 
Samedi  26  nov.  —  M.  P.  Berret,  Professeur  au  Lycée  Hoche  à  Versailles. 

Les  Merveilles  du  Dauphiné.   (Projections). 
Samedi  3    déc.    —  M.  le  Comte  S.  M.  Cressaty,  Exportateur. 

Les  Intérêts  français  en  Syrie.   (Projections). 
Samedi   10  déc.    —  M.    F.    Mury,  Rapporteur   général  du   Congrès  colo- 
nial (1904). 

Le  .lapon,  les  Khounghonses  en  Mandchourie.   (Projections  inédites). 
Samedi   17  déc.  —  Commandant , T.  Plé,  de  l'infanterie  coloniale. 

Le  Soudan  nouveau  :  St-Louis,  Tombouctou,  Bobo  Dioulasso.  (Projections). 


CONFÉRENCES  FAITES  EN  1905 


Samedi  21  janv.  —  M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 

Un  Raid  dans  les  mers  polaires  du  Sud.   (Projections). 
Samedi  28  janv.  —  M.  P.  Van  Houcke,  Rédacteur  à  VFcko  du  Nord. 

Cinq  Jours  à  Amsterdam,  Rotterdam,  La  Haye  et  Vile  de  Marken.   (Pro- 
jections inédites). 
Samedi  4   févr.   —  M.    M*   Synnestvedt  ,    Chancelier    de  la  Légation   de 
Suède  et  Norvège. 
La  Scandinavie,  le  pays  et  la  race.   (Projections). 
Samedi   11  févr.  —  M.  E.-V.  Boulenger  fds,  Délégué  au  Congrès  interna- 
tional de  Géographie  de  1904. 
Rapport,  Excursion  à  travers  les  États-Unis,  au  Mexique  et  à  Cuba.   (Pro- 
jections inédites). 


Samedi   18  févr.  —  Capitaine  G. -I.  Isachsen,   Carlog  aplie  de  l'expédilion 
du  Fram. 
La  2'^  Expédil ion.  polaire  itoi'vùjienne  du  Fram.   (Projections  inédites). 
Samedi  25  févr.  —  M.    A.    Jouannix  ,     Secrétaire-Général    du   Comité   de 
l'Asie  française. 
L'Arabie  el  la  Mésopotamie.   (Projections  inédiles). 
Samedi  11  mars.  —  l)""  Eustache,  Professeur  à  la  Faculté  libre  de  Médecine. 

Sorretife,  Capriella  Grol le  d'Azur.  (Projections  inédites). 
Samedi  21  oct.  —  D""  J.-B.  Chargot,  Explorateur. 

Son  Expédition  antarctique.   (Projections  inédites). 
Samedi  28  oct.  —  Eug.  Gallois,  Charyé  de  mission. 

Oasis  algériennes  et  ttinisiennes. 
Samedi  4   nov.    —  H.  Boland,  Publiciste. 

Au  Pays  de  Mireille  ;  le  poète  Mistral,   Arles,   la  Camargue  et  l'Etang  de 
Berre.   (Projections  inédites). 
Samedi  18  nov.  —  j\I.  G.  Simon,  Lieutenant  de  Vaisseau. 

L'Œuvre  française  sur  le  Haut-Mékong   de  1893  à  1905.   (Projections 
inédites). 
Samedi  25  nov.  —  M.  Octave  Justice,  Publiciste. 

La  Vallée  du  Var  et  les  Alpes  maritimes.   (Projections  inédites). 
Samedi  2  déc.    —  M.  Ail).  Métin,  Professeur  à  l'École  des  Hautes  Etudes 
Commerciales. 
■  Le  Canada,  de  Montréal  au  Pacifique.  (Projections  inédites). 
Samedi  16  déc.  —  M.  P.  Van  Houcke,  Rédacteur  à  VEcJio  du  Nord. 

De  Ljyon  a  Genève,  la  Perte  du  Rhône,   le  Lac  Léman.   (Projections  iné- 
dites coloriées). 
Samedi  23  déc.  —  M.  J.-G.  Bondoux,  de  la  Déléj^ation  des  Beaux-Arts. 
A  travers  la  Perse.   (Projections) . 


CONFERENCES  FAITES  EN  1906 


Samedi  6  janv.  —  M.  Évarisle  G.  Ciganda,  Consul  général  de  l'Uruguay. 

L'Uruguay.   (Projections). 
Samedi  13  janv.  —  M.  Jacques-Louis  Dumesnil,  Homme  de  lettres. 

A  travers  la  Macédoine,  races.   (Projections). 
Samedi  20  janv.  —  Lieutenant  J.  Lanrezag. 

Le  cercle  du  Nio/o  (Soudan),  pays  tel  qu'il  est.   (Projections). 


—  80  — 

Samedi  27  janv.  —  M.  A.  Merchier   Secrétaire-Général  de  la  Société. 

Les  Antilles  volcaniques,  tremblement  de  terre.   (Projections). 
Samedi  10  févr.  —  M.  A.  de  Pouvourville,  du  Conseil  sup.   des  Colonies. 

La  Défense  de  V Indo-Chine .  (Projections  inédites). 
Samedi  17  févr.  —  M.  A.  Damerval  fils,  de  Roubaix,  ex-Attaché  à  la  Mission 
g-éodésique  française  de  l'Equateur. 

Lo  République  de  F  Equateur.   (Projections  inédites). 
Samedi  24  févr.  —  M.  G.  Porquier,  Chargé  de  mission. 

L'Ethiopie  et  la  question  éthiopienne.   (Projections  inédites). 
Samedi  13  oct.   —  M.  Lucien  Tignol,  Charg^é  de  missions. 

La  Chine,  mœ^irs,  sites  et  monuments.   (Projections). 
Samedi  27  oct.    —  M.  A.  Millot,  Rédacteur  au  Min.   Inst.   Pub.  Arts  et 
Cultes, 

L'Ile  de  la  Réunion.   (Projections). 
Samedi  3   nov.    —  M.  François,  Rédacteur  au  Ministère  des  Colonies. 

Le  Dahomey.   (Projections). 
Samedi  10  nov.  —  M.  Eug-.  Gallois,  Chargé  de  missions. 

L Asie-Mineure  et  Syrie.   (Projections). 
Samedi  17  nov.  —  M™®  Séverin-Bourgoignox,    Directrice   du  Collège  de 
Roubaix. 

En  Grèce,  Delphes,  Olyrnpie,  Epidaure,  etc.   (Projections). 
Samedi  24  nov.  —  M.  Yann  Morvran-Goblet,  de  l'Inst,  conim.  de  Paris. 

Renaissance  celtique  de  V Irlande  'au  XX^  siècle.   (Projections). 
Samedi  l*""  déc.   —  M.  A.  Halot,  Consul  du  Japon  à  Bruxelles. 

.lapon  ancien  et  moderne.   (Projections  inédites). 
Samedi   15  déc.  —  Lieutenant  Oct.    Gérin  ,   du   66",    Licencié   en   Droit, 
Secrétaire  de'la  Société  de  Tours. 

Trois  mois  en  Allemagne  du  Nord  et  Danemark.   (Projections  inédites). 
Samedi  22  déc.  —  M.  Oct.  Justice,  Publiciste. 

L  Aude  pittoresque .   (Projections  inédites). 
Samedi  29  déc.  —  D.-Alf.  Agache,  Professeur  au  Collège  libre  des  Sciences 
sociales. 

La  Crète  autrefois  et  aujo  ^rdlmi.   (Projections  inédites). 


81 


CONFÉRENCES  DE  TOURCOING 


CONFERENCES  FAITES  EN  1900 


Dim.  14  janvier. —  M.  Arcliak  Tchobanian. 

L'Arménie,  son  histoire,  sa  littérature. 

Dim.  4  février.  —  M.  Camille  Guy,  du  Ministère  des  Colonies. 
Le  Transvaal  et  les  Boers. 

Dim.   11  février. —  M.  Georg-es  Blondel,  Professeur  à  l'École  des  Hautes 
Etudes  Commerciales. 

Le  Progrès  économique  de  V Allemagne. 
Dim.  25  février.  —  M.  Paul  Van  Hougke,  Rédacteur  à  VEcho  du  Nord. 

Deux  années  au  Tonkin.  (Projections  inédites). 
Dim.   11  mars.    —  Le  R.  P.  A.  Sébire,  Missionnaire  au  Sénégal. 

La  France  au  Sénégal.    Projections). 
Vendr.  20  avril.  —  Le  R.  P.  Alph.  Evrard,  Missionnaire. 

La  chasse,  le  travail  et  la  religion  à  Ceylan.  (Projections). 
Dim.   7  octobre.  —  M.  P.  Labbé,  Chargé  de  missions  en  Russie. 

Le  Transsibérien,  de  Moscou  à  Vladivostok.  (^Projections). 
Dim.  21  octobre.  —  M.  E.  Gallois,  Chargé  de  mission. 

La  France  d'Asie.  (Projections). 

Dim.  4  novemb.  —  M.  P.  Œsterby,  Professeur  de  français  à  l'Ecole  Navale 
Danoise. 
Le  Danemark  tel  qu'il  est,  son  histoire.  (Projections). 

Dim.  25  novemb. —  M.  E.    Haumant,    Professeur    de    Littérature    russe    à 
l'Université  de  Lille. 
Constantinople  et  le  Caucase.  (Projections  inédites). 

6 


—  82 


Dim.  2  décemb.  —  Le  Commandant  James  Plé,   de  l'infanterie  de  marine. 

Le  Dahomey  actuel,  son  avenir,  souvenir  de  missions.  (Projections  inédites). 
Dim.  16  décemb.  —  M.  A.  Merchier,  Professeur  au  Lycée  de  Lille. 

L'Exposition  coloniale  de  1900.  (Projections  inédites). 


CONFERENCES  FAITES  EN  1901 


Dim.  13  janvier.  —  M.  le  D""  Carton,  méd. -major  au  19®  chasseurs  à  cheval. 

Le  Bédouin  :  scènes  de  la  vie  nomade.  (Projections). 
Dim.  27  janvier. —  M.  Delhorbe,  Secrétaire-Général  du  Comité  de  Mada- 
gascar à  Paris. 
Un  Voyage  à  Madagascar.   (Projections). 
Dim.   10  février.  —  W^^  Jeanne  de  Ma  voile. 

La  Sicile.   (Projections). 
Dim.  24  février.  —  M.   Henri   Boland,  Président  d'honneur  de  la  section 
Corse  du  Club  Alpin  français. 
Au  pays  de  la  vendetta  ;  la  Corse  pittoresque.   (Projections). 
Dim.   10  mars.    —  M.  R.  Gauthiot,  Professeur  au  Ljcée  de  Tourcoing. 

En  Russie,  le  pays  Lituanien.   (Projections). 
Dim.  20  octobre.  —  M.  Georges  Six,  Professeur  au  Lycée  de  Lille. 

LEifel,  région  montagneuse  de  la  rive  gauche  du  Rhin.   (Projections). 
Dim.   3  novemb. —  M.  A.  Merchier,  Professeur  agrégé  au  Lycée  de  Lille, 
Secrétaire-Général  de  la  Société. 
Un  Voyage  au  Tonkin.   (Projections). 
Dim.  17  novemb. —  M.  le  Lieutenant  Carpeaux,  du  4®  régiment  d'infanterie 
coloniale. 
Le  Moyen-Niger  et  le  Dahomey.  (Projections). 
Dim.  P'^décem'). —  M.  Jules  Gay,  Agrégé  de  l'Université,  ancien  Membre 
de  l'Ecole  française  de  Rome. 

L'Italie  méridionale,   son   état   actuel,    les  causes  de  la  crise  économique, 
(Projections). 

Dim.  15déceml).  —  M.  Edmond  Palmié,  Délégué  de  la  Société  nationale  du 
grand  Canal  maritime  de  l'Océan  à  la  Méditerranée. 
Le  Canal  des  Deux  Mers.  (Projections).  Son  intérêt  économique  et  national, 
sa  possibilité.  (Projections). 


8.S 


CONFERENCES  FAITES  EN  1902 


Dim.  12  janvier. —  M.  E.  Haumant.  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de 
Lille,  Vice-Président  de  la  Société  de  Géographie. 
Dans  les  Vosges  ;  Souvenirs  de  Lorraine  et  d'Alsace.   (Projectiousj. 
Dim.  26  janvier.  ^ —  M.  René  Pixon,  Agrég-é  d'Histoire,   Rédacteur  de  la 
Revue  des  Deux  Mondes. 
Le  Maroc  et  la  question  marocaine.  (Projections). 
Dim.  23  février.  —  M.  Georges  Six,  Agrégé  d'Histoire,  Professeur  au  Lycée 
Faidherbe,  JMembre  du  Comité  d'Etudes  de  la  Société. 
Les  Européens  en  Chine.  (Projections). 
Dim.   9  novemb.  —  M.  A.  Merchier,    Professeur   agrégé  d'Histoire   et 
Géographie,  Secrétaire-Général  de  notre  Société. 
Les  Antilles  vole aniq^ues ;  la  Martinique.   (Projections). 
Dim.  23  novemb. —  M.  l'Abbé  Paul  Reboux,  Supérieur  honoraire. 

Un  Mois  en  Tunisie.   (Projections). 
Dim.  7  décemb.  —  M.  A.  Métin,  Agrégé  de  l'Université,  Examinateur  de 
l'Ecole  Navale. 
L Egypte  contemporaine.   (Projections). 
Dim.  14  décemb.  —  M""^  de  Mayolle. 

Au  pays  des  fiords  :   Copenhague,    Gothembourg,    StockJiolm,    Ghi  istiania, 
momrs  et  coutumes. 


CONFÉRENCES  FAITES  EN  1903 


Dim.  18  janvier.  —  M.  J.  Cléty,  Avocat,  Secrétaire  de  la  section  de  Roubaix. 

La  Hollande.   (Projections). 
Dim.  25  janvier.  —  M.  de  Valence.  Délégué  des  Œuvres  de  Mer  à  Terre- 
Neuve  en  1902. 
Les  Marins  de  la  Grande  Pêche,   le  Bateau-Hôpital  des  Œuvres  (te  mer. 
'Projections). 
Dim.  8  février.  —  M.  le  Capitaine  Lenfant.  de  l'artillerie  coloniale,  Chargé 
de  mission. 
Le  Niger,  sa  vallée,  ses  richesses .  (Projections). 


Dim.  22  février.  —  M.  Henri  Lorin,  Professeur  de  Géographie  coloniale  à 
l'Université  de  Bordeaux. 
De  Moscou  à  r Oural.  (Projections). 
Dim.   P""  mars.   —    M.   Boulland  de  l'Escale  ,    Syndic    de    la    Presse 
coloniale. 
France  et  Siam.   (Projections). 
Dim.  22  mars.   —  M.  V.  Dubron,  Avocat  à  la  Cour  d'Appel  de  Douai. 

Rome  instantanée.   (Projections). 
Dim.  8  novemb.  —  M.  A.  Merghier,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe,  Secré- 
taire-Général de  notre  Société. 
Etude  sur  le  Berry  à  la  suite  de  George  Sand.   (Projections). 
Dim.  15  novemb. —  M.  Eug.  Gallois,  Explorateur. 

Sénégal,    Guinée,    Côte  d'Ivoire,    Dahomey,    chez   la  famille   Behanzin. 
(Projections). 
Dim.  29  novemb. —  M.  P.  Labbé,  Chargé  de  mission. 

Sibérie,  Japon,  Mandchourie.   (Projections). 
Dim.  ISdécemb. —  Le  R.  P.  Fr.  Diergkx,  D""  ès-Sciences  naturelles,  Pro- 
fesseur à  l'Université  de  Louvain. 
Les  Volcans  de  Java.   (Projections). 
Dim.  27décemb. —  M.  Gervais-Courtellemont,  Explorateur,  Chargé  de 
mission. 
Lu  France  en  Indo-Chine  et  au  Yunnam. 


CONFERENCES  FAITES  EN  1904 


Dim.  10  janvier.  —  M.  P.  Van  Hougke,  Rédacteur  à  XÉcho  du  Nord. 

La  Côte  d'Azur  ;  de  Marseille  à  Vintimille.   (Projections  inédites). 
Dim.  7  février.  —  M.  Alf.  Dûment,  Maire  de  Dunkerque. 

La  Russie.   (Projections). 
Dim.  21  février.  —  M.  F.  Mury,  ancien  Commissaire  des  Colonies. 

L'Epopée  Auguste  Pavie,  30  ans  en  Indo-Chine.   (Projections  inédites). 
Dim.    6    mars.    —  M.  le  D''  Jagot-Guillarmot,  Membre  du  Club  Alpin. 

6  mois  dans  l'Himalaya,  à  plus  de  7.000  m.   ((Projections  inédites). 
Dim.  20  mars.    —  M.  E.  Beurdeley,  Rédacteur  au  Ministère  des  Colonies. 

Le  Dahomey  et  son  Chemin  de  fer.   (Projections  inédites). 
Dim.  13  novemb. —  M.  E.  Gallois,  Explorateur. 

La  Chine  et  le  Japon.   (Projections). 


—  8' 


CONFERENCES  FAITES  EN  1905 


Dim.  15  janvier.  —  M.  A.  Merchier,  Secrétaire-Général  de  la  Société. 

Dans  rArdenne,  de  Mt'zières  à  Gltc.l ;  la  Meuse  cl  la  Semois.     Projections 
inédites!. 
Dim.  29  janvier.  —  M.  P.  Vax  Hougke,  Publiciste. 

Cinqjovrs  à  Amslerdani,  RoUerdam,  La  Haye  el  l'Hc  de  Marken.  (Projec- 
tions inédites). 
Dim.  12  février.  —  M.   A.   dk  Mortillkt.    .Membre  de  la   mission  (a-é(jui- 
iMontl'orl. 

Les  Hapis-Plaleanx  de  la  Bolide,   ^^Projections  inéditesi. 
Dim.  19  février.  —  LeCapitaineG.-I.  IsACHSEN,Cartog'rapheile  Texpédilion. 

La  2^  expc'dilion  polaire  norvégienne  dti  Fram.  (Projections  inéditesi. 
Dim.  2fi  février.  —  M.    A.   Jolannin  ,     S'crétaire-Général    du   (Comité    de 
l'Asie  française. 

La  Mésopolxinie,  les  ricJtesses  de  ranlique  Ch.aldée.     Projeclions  inédites). 
Dim.    12  mars.   —  D""  Eustaghe.  Professeur  à  la  Faculté  libre  de  Médecine. 

Sorrente,  Cupri,  la  Grolle  d' Azur,   i  Projections  inédites  . 
Dim.  15octol)re. —  Altbé  Perron,  Curé  de  Pont-de-Poilte  (Jura). 

Le  Jura  central,  géographie,  production,  tourisme.   (Projections  coloriées;. 
Dim.  29octol)re. —  M.  Eug.  CrALixjis,  Explorateur. 

Les  0  isis  d' Algérie  et  de  Tunisie,   i  Projections  inélites;. 
Dim.  26  novemi). —  .M.  0.  Justice,  Publiciste. 

Autour  du  C-'eïron,  Vallées  du  Va  r  et  du  Loup.   (Projections. 
Dim.  17décemb. —  M.  Cli.  Delerue.  Sous-Ingénieur  des  Ponts  et  (Chaussées, 

L'historique  de  nos  Voies  de  coitimunication. 
Dim.  31  décemli.  —  M.  P.  \'an  Hougke,  Publiciste. 

De   Lyon    à    (renère,    la   Perte   du   R'iône,    le  Laic   Léman.   (Projections 
coloriées 


CONFERENCES  FAITES  EN   1906 


Dim.  14  janvier.  —  M.  Paul  Van  Hougke. 

Séjour  à  Genève. 


8fi 


Dim.  21  janvier.  —  Lieutenant  Lanrezag. 

Auo!  Pays  soudanais. 
Dim.  4  février.  —  M.  de  Givenghy. 

Les  Portes  du  Maroc. 
Dim.   18  mars.    —  M.  l'Abbé  Paul'REBOux. 

La  Russie. 
Dim.  21  octobre.  —  Le  R.  P.  Trilles. 

Le  Congo  français. 
Dim.  28  octobre.  —  M.  de  Pouvourville. 

La  Défense  de  V Indo-Chine. 
Dim.  Unovemb. —  M.  E.  Gallois. 

Ttirquie  d'Asie. 
Dim.  25novemb. —  M.  G.  François. 

Le  Dahomey. 
Dim.  IGdécemb. —  M.  0.  Gérix. 

Trois  mois\dans  V Allemagne  du  Nord  et  Danemark. 
Dim.  23décemb.  —  M.  0.  Justice. 

Les  Basses-Alpes. 


87 


NOMENCLATURE  DES  EXCURSIONS 

fa.ites  par  la  société 

Depuis  le  P""  Janvier  1900  jusqu'au  31  Décembre  1906 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN  1900 


Mardi  (Gras)  27  février.  —  MM.  V.  Delahodde  et  Fernaux. 

Bailleul,  cortège  du  Carnaval. 
Jeudi  22  mars.  —  MM.  Ferxaux  et  V.  Delahodde. 

Étahlissements  de  constructions  mécaniques  de  MM.  Dujardin  et  O^  à 
Lille.  {Bull,  septembre,  p.  188.  Delahodde). 
Mardi  24  avril.  —  MM.  P.  Ravet  et  R.  Thiébaut. 

Verreries  de  Fresnes.  —  Établissements  de  St-Amand, 
Mardi  24  et  vendredi  27  avril.  -^  MM.  Cantineau  et  0.  Godin. 

Visites  de  l'Institut  Pasteur  de  Lille. 
Jeudi  26  avril.  —  MM.  D'"  A.  Vermersgh  et  Palliez. 

Visite  des  Etablissements  Cousin-Devos  à  Haubourdin.  {Bull,  septembre, 
p.  183.  D"' Vermersgh). 

Jeudi  7  juin.  ■ —  MM.  Ferxaux  et  Galonné. 

Visite  aux  Mines  de  Bullv-Grenay.  [Btdl.  octobre,  p.  246.  X. . .). 
Dimanche  6  au  mardi  8  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné. 

Bruges,  cortège  historique  du  St-Sang.   —  Ostende.    {Bull,  juin   1901, 
p.  411  et  425.  V.  Pigaghe). 
Mardi  22  mai.  —  MM.  Fernaux  et  Van  Troostenberghe. 

Établissements  Gratry  à  Halluin.  ■ —  Tuilerie  de  Pottelberg  à  Gourtrai. 
{Btdl.  septembre,  p.  186.  Van  Troostenberghe). 
Mardi  29  mai.  —  MM.  V.  Delahodde  et  Van  Troostenberghe. 

Bailleul,   les  Serres   de   MM.   A.    Gordonnier  et  fils.  —  Ypres.  {BttlL 
octobre,  p.  239.  Delahodde). 


—  88  — 

Lundi  4  juin.  —  MM.  D''  Vermersgh  et  H.  Beaufort. 

Berlues,   cortège   <lu  Millénaire   de   St-Winoc.    [Bull,    août,    p.    114. 
I)""  Vermersgh). 
DimancliP  10  juin.  —  MM.  Fernaux  et  H.  Beaufort. 

Le  Mont  de  Lenclud,  la  Vallée  de  l'Escaut. 
Mardi  12  juin.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné. 

Ai-mentières  :  Établissements  Dulac,   Mahieu,    Duhot    frères   et  École 
pi'ofessionnelle. 
Mercredi  1"  août  au  dimanche  19.  —  MM.  H.  Beaufort  et  P.  Destoiubes. 
Munich.  —  La  Passion  à  Oherammerg-au.  —  Vienne.  [Bull,  décembre, 
p.  361). 
Le  jeudi  21  juin.  —  MM.  G.  Houbron  e1  Dehée  conduisent  à  Cassai  et  à 
Dunkerque  les  lauréats  du  Prix  l)anel  de  1899. 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN  1901 


Du  Li  au  24  IV'vrier.  —  MM.  Palliez  etDECRAMER. 

Paris.    —   Lyon.  —   Marseille.  —  Cannes.  —   Nice.  —  Monaco.  — 
Mont(>-Carlo. —   Menton. —  Vintimille. —  Gênes  et  Turin.    [Bull, 
jirin,  p.  235.  H.  BruneauV 
Jeudi  7  mars.  —  MM.  Cantineau  et  Godin. 

I/Institut  de  Géographie,  Musée  d'histoire  de  l'Art.   [Bull,  août,  p.  114. 
Cantlneau). 
Jeudi  18  avril.  —  MM.  D'  Vermersgh  et  Degramer. 

Seclin  :  Église  et  Hospice.  —  Réservoir  de  l'Arbrisseau.   [Bull,  mai, 
p.  370.  D'  Vermersgh). 
Jeudi  25  et  vendredi  26  avril.  —  MM.  Cantineau  et  Ch.  Deraghe. 

L'Institut  Pasteur  de  Lille. 
Dimanche  28  avril.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Thiepfry. 

Gand  :   les   Ruines  de   St-Bavon   et   Exposition   d'Horticulture.  [Bull, 
juillet,  p.  51.  Bultingaire'. 
Jeudi  2  et  vendredi  3  mai.  —  MM.  Palliez-Colin  et  A.  Mullier. 

Usine   Franchomme  et   Fauchille    à   Marcq-en-Barœul.     [Bull,    juillet, 
p.  54.  N.  S.). 
Mardi  7  mai.  —  MM.  Vaillant  el  P.  d'Halluin. 

Aciéries  d'Isbergue.  —  Aire-sur-la-Lys. 
Mardi  11  juin.  —  MM.  D''  Vermersgh  et  Ch.  Deraghe. 

Douai  :  Société  de  traction  électrique  ;   P'ilature  de  M.  de  Bailliencourt. 
Auiche  :  Glacerie,  Verrerie  et  Produits  chimi([ues. 


—  89  - 

M.irdi  14  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné. 

Etablissements  J.  Casse  fils  et  C'^  . 
Jeudi  23  mai.  —  MM.  V.  Del.\hodde  et  0.  Godin. 

Établissements  Peu<^eot.  [Bull,  septembre,  p.  204.  J.  Fauvarque). 
26  mai  au  2  juin  (Pentecôte).  —  MM.  Decramer  et  Rollier. 

Luxemliourg-,   Diekirsch,   I<]chternach,    Trêves,   Grottes  de  Han.  [Bidl. 
décembre,  p.  401.  Cantineau). 
Samedi  1«%  2  et  3  juin.  —  MM.  Destombes  et  Ch.  Derache. 

Solre-le-Cliàteau,   Cousolre,    Liessies ,    Trélon ,    Eppe-Sauvage.    [Bull. 
janvier  1902,  p.  73.  F.  Didry. 
Vendredi  14  au  20  juin.  —  MM.  0.  Godin  et  Galonné. 

Rouen.  le  Havre,  Honfleur,  Trouville,  Dives,  Gabourg.  [Bull,  avril  1902, 
p.  301.  Alf.  Piton). 
Dimanche  23  juin.  — MM.  IK  Vermersch  et  Dehée. 

Tournai,  Mont  St-Aubert.  [Bull,  septembre,  p.  207.  D""  Vermersch) . 
Jeudi  20  juin.  —  MM.  E.  Nigolle  et  Gh.  Derache. 

Réservoirs  d'Emmerin  ;   Filature,  Eglise  et  Hôpital  de  Seclin.  [B^lll. 
décembre,  p.  424.  E.  N.). 
Dimanche  7  juillet.  —  MM.  Fernaux  et  H.  Beaufort. 

Lucheux.    Forêt,    Ruines  du   Ghâteau,   Hôtel  de  Ville.  [Bnll.  octobre, 
p.  280.  Em.  Théodore  . 
9  au  13  juillet.  —  M.  Rollier. 

"Bruxelles,   Rotterdam,   La  Haye,    Scheveningue,   Amsterdam,   Ile   de 
Marken. 
Du  5  au  24  août.  —  MM.  H.  Beaufort  et  A.  Grepy. 

Lyon,  Avignon,  Théâtre  d'Orange,  Gausses  du  Tarn,  etc.  [Bull,  octobre 
1902,  p.  232.  Gh.  Prévost). 
Le  jeudi  27  juin.  —  MM.   Fernaux  et  Six  conduisent  à  Gassel  et  à  Dun- 
kerque  les  lauréats  du  Prix  Danel  de  1900. 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN  1902 


Jeudi  6  mars  au  6  avril.  —  MM.  Th.  Rollier  et  J.-B.  Savary. 

Algérie  et  Tunisie. 
Jeudi  10  avril.  —  MM.  Thieppry  et  Palliez-Golin. 

Filature  de  coton  de  MM.  Lorthiois  frères  à  Ganteleu. 
Lundi  21  avril.  —  MM.  Gantineau  et  G.  Dehée. 

École  nationale  des  Arts  et  Métiers  de  Lille.  [Bull,  septembre,  p.  178. 
E.  Gantineau). 


—  <»  — 

Jeudi  24  avril  et  2  mai.  —  MM.  V.  Delahodde  et  P.  Vilain. 

Manufacture  des  Tabacs,  la  Basilique  de  N.-D.  de  la  Treille. 
Vendredi  25  et  lundi  28  avril.  —  MM.  Cantineau  et  G.  Dehbe. 

L'Institut  Pasteur  de  Lille. 
Dimanche  4  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Thieffry. 

Bruxelles  :   Palais  de  Justice,  Hôtel  de  Ville,    les  Serres  royales   de 
Laeken.  [Bull,  juillet,  p.  53,  D'^  Sghmitt). 
Jeudi  15  mai.  —  MM.  W  Vermersgh  et  Deraghe. 

L'École  d'Agriculture  de  Wagnonville  et  la  Ferme  Fievet  de  Masny. 
[Bull,  juin,  p.  444.  D^'A.  Vermersgh). 
Lundi  19  au  28  mai.  —  MM.  Decramer  et  Cantineau. 

Rouen,  Mont  St-Michel,   St-Malo,   Jersey,   Guernesey   et  Cherbourg. 
.  [Bull,  juillet  1903,  p.  19.  Degramer). 
Jeudi  22  mai.  —  MM.  D''  Vermersgh  et' Thieffry. 

Hospices  de  Lille,  Richesses  artistiques.  [Bull,  novembre,  p.  292.  X. . .). 
Dimanche  1*''  au  5  juin.  —  MM.  Godin  et  Degramer. 

Pierrefonds,  Chantilly,  St-Cloud,  Sèvres,  Château  de  Versailles.  [Bull, 
décembre,  p.  364,  J.  Fauvarque). 
Mardi  3  iuin.  —  MM.  Thieffry  et  Van  Troostenberghe. 

Institut   des  Sourds-et-Muets    à  Ronchin.   [Btoll.  novembre,  "ç.  ^\4^.  A. 
Ferraille). 
Vendredi  6  au  17  juin.  —  M^I.fR.  Thiébaut  et  P.  Ravet. 

Luxembourg,  Metz,  Strasbourg,  Baden-Baden,   Bâle,  Schaffouse,  Stutt- 
gard,  Francfort  et  Cologne. 
Mardi  10  juin.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Calonne. 

Amiens,   Établissements  Deneux  frères  à  Hallencourt  (Somme).     Bull. 
novembre,  p.  320.  Van  Troostenberghe). 
Jeudi  12  et  26  juin.  —  MM.  D""  Vermersgh  et  P.  Villain. 

L'Asile  de  Lommelet  à  Marquette.  [Bull,  décembre,  p.  374.  G.  Houbron). 
Dimanche  15  juin.  —  MM.  D""  Vermersgh  et  Houbron. 

Champ  de  bataille  de  Bouvines.  (Causerie  de  M.  Haumant). 
Mardi  17  juin.  —  MM.  Vaillant  et  Craveri. 

Usines  de  M.  Eugène  Motte  à  Roubaix. 
Dimanche  22  juin.  —  MM.  D^  Vermersgh  etfG.  Dehée. 

Mons    :   Procession   du   «Car   d'or  »,    Combat   du   Lumeçon.    [Bull, 
décembre,  p.  380.  D""  Vermersgh). 
Samedi  2  au  30  août.  —  MM.  Beaufort  et  Haumant. 

Cologne,   Nuremberg,    Prague,    Krakan,    Kiew,  Moscou,  la  Foire   de 
Nijni-Novgorod,  Kazan.  Moscou,  St-Pétersbourg,  Berlin. 
Le  jeudi  12  juin.  —  MM.  Cantineau  et  Sghotsmans  conduisent  à  Cassel  et  à 
Dunkerque  les  lauréats  du  Prix  Danel  de  1901. 


ni 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN  1903 


Jeudi  5  mars.  —  MM.  0.  Godin  et  Fernaux-Defrance. 

Établissements  de  construction  Le  Gavrian,  Crepelle  et  Garand   succes- 
seurs. [Bull,  avril,  p.  386.  F.  D.). 
Du  16  avril  au  4  mai.  —  MM.  D""^  A.  Vermersgh  et  Eustache. 

Bordeaux,    Biarritz,   St-Sébastien,    Burgos,   Madrid,   Tolède ,   Séville, 
Saragosse,  Barcelone,  Nîmes,   Paris.   [Bull,   octobre,  p.  235,  D'  A. 
Vebmersgh). 
Dimanche  19  avril.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  H.  Beaufort. 

25®  Exposition  internationale  d'Horticulture  à  Gand. 
Lundi  11  mai.  —  MM.  D""  A.  Vermersgh  et  H.  Beaufort. 

Visite  de  la  Faïencerie  Debruyn  à  Fives.  [Bull,  mai,   p.  464.  D'  Ver- 
mersgh). 
Mardi  12  mai.  —  MM.  E.  Nicolle  et  P.  Villain. 

Usine  électrique  des  Tramways  ;  Institut  catholique  des  Arts  et  Métiers. 
\B%dl.  juillet,  p.  70.  E.  Nigolle). 
Mardi  19  mai.  —  M^L  J.  Fauv arque  et  V.  Delahodde. 

Métairie  de  Landas  et  Etablissement  avicole  de  M.  Plaideau    à  Gruson. 
24  et  25  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  E.  Cado. 

Rouen  ;  Société  anonyme  de  St-Étienne  de  Rouvray  (coton).  [Bull,  juin 
1904,  p.  381.  Lavolée  et  P.  V.). 
Jeudi  28  mai.  —  MM.  D""  Vermersgh  et  M.  Thieffry. 

Visite  de  la  Citadelle  de  Lille.  [Bull,  janvier  1904,  p.  44.  S.  M.). 
30  mai  au  6  juin.  —  MM.  0.  Godin  et  P.  Destombes. 

Mont  St-Michel,  Jersey,  St-Malo,  Rennes,  Le  Mans,  Chartres,  Paris 
Bull,  juin  1904,  p.  387.  Planquart). 
Lundi  1®''  juin.  —  MM.  D""  Vermersgh  et  Cantineau. 

Dunkerque,  V«  centenaire  de  N.-D.  des  Dunes.  [Bull,  mars  1904,  p.  187. 
Cantineau). 
Jeudi  4  juin.  —  MM.  P.  D'Halluin  et  Thieffry. 

Usine  de  Libercourt  ;  Mines  d'Ostricourt. 
Jeudi  18  juin.  —  MM.  D*"  Vermersgh  et  Thieffry. 

Hospice  général,  Stappaert,  Comtesse,  Ganthois  et  Baes.  [Bull,  décembre, 
p.  429.  D""  Vermersgh). 
l*'  au  10  juillet.  —  MM.  Thiébaut  et  P.  Ravet. 

Gand,  Middelbourg,  La  Haye,  Amsterdam,  Marken,  Utrecht,  Maes- 
tricht,  Liège. 
Dimanche  5  juillet.  —  MM.  Cantineau  et  Fernaux. 
Cassel  et  Mont  des  Récollets. 


—  !t2  — 

20  juillet  au  3  août.  —  MM.  Degramer  et  Cado. 

Bâle,  Zurich,  Lucerne,  le  Rig:ln,  Goeschenen,  Interlaken,  Lausanne, 
Vernayaz,  Clmmonix,  Genève. 

Dimanche  9  août.  —  MM.  G.  Houbrox  et  D^  Vermersgh. 

Coudrai,  Cortèg'e  historique  de  la  ])ataille  de  1302. 
7  au  25  août.  —  MM.  H.  Beaufort  et  A.  Crepy. 

Reims,  Nancy,  le  Donon,  Ste-Odile,  St-Dié,  Gérardmer,  la  Schlucht, 
Munster,  Colmar,  Mulhouse,  Ballon  d'Alsace,  Belfort,  Neufchâtel, 
le  Loch,  Lac  des  Brenets,  Saut  du  Doubs,  elc. 

Dimanche  23  août.  —  MM.  0.  Godin  et  A.  Mullier. 

La  Forêt  de  Mormal.  [Bull,  janvier  1904,  p.  47.  Le  Breton). 
6  et  7  septembre.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Cado. 

Reims  :  Exposition.  —  Épernay  :  Caves  Mercier.  [Bull.  Juillel  1904, 
p.  47.  Hébert). 

Dimanche  22  novembre.  —  MM.  A.  Crepy  et  Thieffry 

Visite  du  nouveau  Grand  Théâtre  de  Lille  avant  l'inauguration  avec 
M.  Hainez,  l'Architecte. 

Le  jeudi  25  juin.  —  MM.  Fernaux  et  Cantineau  conduisent  à  Calais,  San- 
g-atte  et  au  Cap  Blanc-Nez  les  lauréats  du  Prix  Danel  de  1902. 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN   1904 


Jeudi  25  février.  —  MM.  Cantineau  et  Six. 

Institut  de  Géographie,  Institut  de  Papyrologie  et  MusJe  d'histoire  de 
l'Art.  [Bull,  mai,  p.  332.  Cantineau). 

Jeudi  14  avril.  —  MM.  A.  Crepy  et  Fernaux-Defrange. 

Visite  des  Mines  de  Lens.   {Bull,  septembre  1904,  p.  201.  J.  Dupont). 

Jeudi  14  avril.  —  MM.  D""  Vermersgh  et  Cantineau,  avec  le  concours  tle 
M.  V.  De  Swarte. 
Visite  des  Musées  du  Palais  des  Beaux-Arts.  [Bull,  juin  1904,   p.  397. 
G.  Houbron). 

Jeudi  21  avril.  —  MM.  Ch.  Deraghe  et  Ferraille. 

La  Distillerie  de  M.  René  Collette   à   Allen nes-les-Marais.   [Bull,  juillet 
1905,  p.  49.  Ch.  Deraghe). 

Mardi  17  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Vaillant. 

Cambrai  :  Collège,  Hôtel  de  Ville.   —   Beauvois  :  Filature  et  Tissage. 
Bull,  octobre  1904,  p.  265.  Vandenbosch). 


—  i>3  — 

Lundi  23  mai.  —  MM.  0.  Godin  et  A.  Schotsmans. 

Le  Mont  Noir,  le  Mont  Rouge,  Ypres  et  Mont  de  KemmeL  [Bull.  Juin 
1904,  p.  40L  Peltier). 

Jeudi  2  juin.  —  MM.  D''  Vermersgh  et  Thieffry. 

Hospices  de  Lille  :  la  Charité  et  St-Sauveur.  [Bull,  décembre  1904, 
p.  395.  D""  Vermersgh). 

Dimanche  5  juin.  —  MM.  Beaufort  et  D''  A.  Vermersgh. 

Tournai,  Péruwelz.  —  Condé. 
Dimanche  19  juin.  —  MM.  0.  Godin  et  Alb.  Galonné. 

La  Forêt  de  Mormal. 
Dimanche  26  juin.  —  MM.  H.  Beaufort  et  D""  K.  Vermersgh. 

600"  anniversaire  de  la  bataille  de  Mons-en-Pévèle  en  1304.  [Bull, 
décembre  1904,  p.  401.  G.  Houbrox). 

26  juin  au  9  jiiillet.  —  MM.  Degramer  et  Ferraille. 

Vichy,  Cusset,  Cliarmeil,  Randan,  Busset,  Thiers,  Clermont-Ferrand, 
Royat,  la  Bour])Oule,  le  Mont  Dore,  Nevers,  Paris.  [Bull,  juin  1905, 
p.  350.  Cantineau). 

Mardi  5  juillet.  —  MM.  E.  Vaillant  et  Craveri. 

Visite  des  Etablissements  Motte  à  Roubaix. 
Mercredi  13  au  17  juillet.  —  MM.  R.  Thiébaut  et  P.  Ravet. 

Bruxelles,  Liège,  Spa,  La  Gileppe,  Grottes  de  Han,  Dinant,  Vallée  de 
la  Meuse. 

25  au  28  juillet.  —  MM.  Léon  Goube  et  A.  Caloxke. 

Charleville,  Longwjs  Pont-à-Mousson,  Metz  et  Luxembourg. 

5  au  24  août.  —  MM.  H.  Beaufort  et  A.  Crepy. 

Genève,  Chamounix,  Martigny,  Zermatt,  Glacier  du  Rhône,  le  Grimsel, 
Interlaken,  la  Jungfrau,  Lucerne,  le  Righi,  Zurich,  Bâle,  Langres. 
[BuU.  avril  1905,  p.  223.  J.  Leroy). 

6  et  7  septembre.  —  MM.  Degramer  et  F.  Bonvalot. 

Coucy-le-Château ,  Compiègne ,  Pierrefonds.  [Bull,  septembre  1905 , 
p.  175.  J.  Loviny). 

22  au  30  septembre.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Galonné. 

Paris,  Nancy,  Epinal,  Gérardmer,  la  Schlucht,  St-Dié,  Paris.  [Bull, 
juillet  1905,  p.  52.  Paul  Pauly). 

Le  jeudi  16  juin.  —  MM.  A.  Grepy  et  A.  Sghotsmans  conduisent  à  Dun- 
kerque,  Malo  et  Rosendael  les  lauréats  du  prix  Danel  de  1903. 


—  94 


EXCURSIONS  EXÉCUTÉES  EN  1905 


Jeudi  16  février.  —  MM.  A.  Ferraille  et  F.  Bonvalot. 

Visite  des  nouvelles  Prisons  cellulaires  de  Loos. 
Vendredi  24  mars. —  MM.  Thieffry  et  Deleplanque. 

Visite  du  Mont-de-Piété. 
Jeudi  6  avril.  —  M.  Degramer. 

Aux  Mines  de   Bruay  (P.-de-C).  {Bull,   septembre  1905,  p.    180.  P. 
Laroche). 
Dimanche  16  avril  au  5  mai.  —  MM.  Degramer  et  Cantineau.' 

Paris,  Modane,  Turin,  Gènes.  Rome,  Naples,  Capri,  Sorrente,  Pompéi, 
Florence,  Venise,  Milan,  Pavie,  Lacs  de  Côme,  Majeur,  de  Lugano 
et  des  4  Cantons,  Bâle.  [Bull,  juillet  1906,  p.  35.  Cantineau). 
Jeudi  6  mai.  —  MM.  Thieffry  et  Deleplanque. 

Visite  des  x\battoirs  de  Lille. 
Dimanche  14  mai.  —  MM.  F.  Bonvalot  et  A.  Calonne. 

St-Omer  et  ses  environs.  [Bdl.  septembre  1905,  p.  184.  Ém.  Laine). 
Vendredi  19  et  vendredi  26  mai.  —  MM.  A.  Ferraille  et  Cantineau. 

Visite  de  l'Institut  Pasteur  et  de  l'Usine  d'épuration  biologique  des  eaux. 
{Bull,  janvier  1906,  p.  22.  Cantineau). 
Dimanche  21  mai.  —  M.  Fernaux-Defrange. 

Lucheux  ;  ruines  du  Château  historique. 
Mardi  23  et  mercredi  24  mai.  —  MM.  A.  Palliez  et  A.  Mullier. 

Visite  des  Établissements  Franchomme  et  Fauchille  à  Marcq  (Delespaul- 
Havez). 

Dimanche  28  mai.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Calonne. 

Le  Nouvion,  Domaine  de  Guise,  Château  de  Condé. 
Jeudi  pr  juin.  —  MM.  A.  Schotsmans  et  Calonne. 

Le  Caillou  qui  bique.  Bavai.  {Bull,  octobre  1905,  p.  239.  P.  Laroche). 
Dimanche  4  juin.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  Beaufort. 

Les  Courses  militaires  d'Ypres. 
Samedi  24  au  27  juin.  —  MM.  Bonvalot  et  Fernaux. 

Chantilly,  Paris,  Fontainebleau.  {Bull,  novembre  1905,  p.  366.  Fernaux). 
Jeudi  6  juillet.  —  MM.  D'' A.  Vermersch  et  A.  Ferraille. 

Visite  des  Établissements  horticoles  de  MM.  Van  den  Heede  frères  à 
St-Maurice.  {Bull,  octobre  1905,  p.  247.  F.  Didry). 
Mardi  11  Juillet.  —  MM.  A  Ferraille  et  F.  Bonvalot. 

Visite  de  l'Établissement  Geslot  et  Voreux,   rue  du  Bas-Jardin  à  Lille. 
{Bull,  novembre  1905,  p.  319.  P.  Laroche). 


—  95  — 

Dimanche  23  juillet.  —  MM.  Fernaux  et  F.  Bonvalot. 

Le  Mont  de  Lenclud. 
Jeudi  27  juillet.  —  MM.  Degramer  etCANTiNEAu. 

Forges  et  Usines  de  Denain-Anzin  ;  Verrerie  Houtard.  {Bull,  avril  1906. 
p.  234.  P.  Laroche). 

Vendredi  4  au  23  août.  —  MM.  H.  Beaufort  et  A.  Crepy. 

Lourdes,  Cauterets,  Bagnères  de  Bigorre,  Luclioa ,  Toulouse,  Albi, 
Carcassonne,  Axât,  Pu^'cerda,  Ax-les-Thermes,  Perpignan,  Barcelone 
Narbonne,  Paris.   {Bull,  mai  1906,  p.  296.  A  Crepy. 

Le  jeudi  15  juin.  —  MM.  A.  Crepy  et  Fernaux  conduisent  à  Calais  et  San- 
gatte  les  lauréats  du  Prix  Danel  de  1904.  {Bull,  octobre  1905.  p.  243. 
A.  Crepy). 


EXCURSIONS  EXECUTEES  EN  19J6 


Mardi  6  mar^.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  A.  Schotsmans. 

L'Ecole  professionnelle  d'Armentières. 
Jeudi  22  mars.  —  MM.  0.  Gouin  et  F.  Bonvalot. 

La  Manufacture  des  Tabacs.  {Bull,  jiiin  1906,  p.  394.  G.  Houbronj. 
Jeudi  29  mars.  —  MM.  Amédée  Prouvost  fils  et  R.  T^iébaut. 

Société  anonyme  de  Peignage  de  laines  à  Roubaix. 
Jeudi  17  mai.  —  MM.  D""  A.  Vermersch  et  Bonvalot. 

Fabrique  de  Céruse   de  M.  Expert-Besançon  et  Hospice  des  Incurables 
à  St- André. 

Jeudi  31  mai.  —  MM.  0.  Godin  et  Xavier  Renouard. 

Ateliers  de  la  Compagnie  de  Fives-Lille. 
Samedi  2,  3  et  4  juin.  —  MM.  Van  Troostenberghe  et  A.  Schotsmans. 

Wissant.    Gris-Nez,    Blanc-Nez.    {Bull,   septembre    1906,    p.    192.    V. 
Loridan). 

Jeudi  7  Juin.  —  MM.  Cantineau  et  F.  Bonvalot. 

Sanatorium   de   Montigny-en-Ostrevent.    {Btdl.  janvier   1907,    p.    39. 
Cantineau). 

Dimanche  10  juin.  —  MM.  0.  Godin  et  Odoux. 

La  Forêt  de  Mormal. 
Mardi  12  au  jeudi  28  juin.  —  MM.  Thiébaut  et  P.  Ravet. 

Munster,  Brème,  Hambourg,  Kiel,  Lubeck,  Striilsund,  Rûgen,  Berlin, 
Hanovre,  Cologne. 


—  .96  — 

Jeudi  21  juin.  —  MM.  Degramer  et  Bonvaloï. 

Société  amandinoise  de  Faïencerie  ;  Etablissement  thermal  de  St-Amand. 
Dimanche  l^""  au  lundi  16  juillet.  —  M.  F.  Bonvalot. 

Bordeaux,  Biarritz,  Pau,  Lourdes,  Gavarnie,  Luchon,  Toulouse,  Car- 
cassonne.  [Bull,  novembre  1906,  p.  308.  F.  Bonvalot). 

Mardi  10  au  dimanche  29  Juillet.  —  M.  Degramer. 

Bâle,  Munich,  Salzbourg-,  Linz,  Vienne,  le  Semmering,  Inspruck , 
Zurich,  Bâle. 

Samedi  14  et  15  juillet.  —  M.  R.  Thiébaut. 

Compiègne  et  Pierrefonds. 
Lundi  30  juillet.  —  MM.  Bonvalot  et  D*"  A.  Vermersgh. 

Champignonnière  d'Ennequin,  Etablissement  Guilbaut,  les  Souterrains. 
[Bull,  décembre  1906,  p.  388.  Wigart). 

Dimanche  5  au  mercredi  22  août.  —  MM.  Beaufort  et  Xavier  Renouard. 
Grenoble,  Gap,  Vallouise,  Briançon,  le  Lautaret,  Bourg  d'Oisans,  La 
Bérarde,  Grenoble,  Chambery,  Aix-les-Bains. 

Le  jeudi  14  juin.  —  MM.  Cantineau  et  Bonvalot  conduisent  à  Dunkerque 
et  Malo-les-Bains  les  lauréats  du  Prix  Danel  de  1905.  [Bidl.  octobre 

1906,  p.  254.  C.\NTINEAU). 


LE    SECRETAIRE-GENERAL   ADJOINT  ,  LE   SECRETAIRE-GENERAL  , 

Jules  DUPONT.  A.  MERCHIER. 


Lille  liTiplDanel. 


—  97 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L 

Séance  du  Jeudi  14  Février  1907. 


QUATRE  CENTS  JOURS  EN  PALESTINE  i 

Par   M.    l'Abbé    Gaétan   TAQUET, 

Professeur  au  Collège  St-Joseph, 
ancien  Élève  de  l'École  pratique  d'Fltudes  bibliques  de  Jérusalem. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


Nul  n'était  plus  ôutorisé  à  nous  parler  de  la  Terre  Sainte  que 
M.  l'Abbé  Taquet  qui  y  séjourna  si  longtemps.  Sa  conférence  très 
documentée  eut  grand  succès  parmi  nous.  Nous  en  donnons  ci-dessous 
un  compte-rendu  forcément  écourté  et  omettant  à  dessein  toute  la  pre- 
mière partie,  c'est-à-dire  le  trajet  de  Marseille  à  Jaffa  et  à  Jérusalem, 
nous  pénétrerons  avec  lui  dans  l'antique  cité. 

L'impression  bourgeoise  qu'auraient  encore  pu  conserver  les  plus 
récalcitrants  disparaît  au  sortir  de  la  gare.  Qu'on  la  considère  au  point 
de  vue  profane  ou  religieux,  on  ne  se  défend  pas  d'un  certain  frisson  à 
la  vue  de  Jérusalem.  Ceux  qui  disent  n'y  avoir  trouvé  que  déception  se 
trompent.  Quand  on  a  passé  400  jours  dans  la  ville  Sainte  et  qu'on  a  pu 
à  loisir  interroger  la  poussière  des  ruines,  le  murmure  des  antiques 
inscriptions  et  les  vieilles  habitudes  des  gens,  il  n'y  a  plus  de  place 


—  98  — 

pour  la  déception.  Quelques  heures  à  Jérusalem  découragent,  c'est 
vrai  ;  mais  un  séjour  prolongé  vous  rive  à  la  vieille  et  sainte  cité. 

Jérusalem  ofl're  l'aspect  de  toutes  les  cités  arabes  :  terrasses  et  cou- 
poles. A  signaler  la  mosquée  d'Omar  et  la  grande  synagogue. 

Avant  de  nous  faire  visiter  la  première  en  détail,  M.  l'Abbé  Taquet 
tient  à  nous  faire  voir  le  modeste  couvent  qui  l'abrita  pendant  treize 
mois  :  Saint-Éiienne,  le  siège  de  l'École  pratique  d'Etudes  bibliques, 


ECOLE    BIBLIQUE    EN    EXCURSION. 


fondée  et  dirigée  par  les  Dominicains  français,  ouverte  à  toutes  les 
religions  et  à  tous  les  pays.  Dans  les  limites  du  couvent  se  trouve  une 
magnifique  basilique  qui  recouvre  l'emplacement  de  celle  qui  fut  bâtie 
en  460  par  l'impératricte  Eudoxie.  Les  dimanches  et  jours  de  fête,  le 
drapeau  français  flotte  fièrement  sur  la  terrasse  crénelée  du  couvent. 

Il  est  deux  autres  coins  de  terre  française  qu'il  nous  faut  encore 
saluer  :  Notre-Dime  de  France,  vaste  monastère  et  hôtellerie  pouvant 
abriter  plus  de  400  pèlerins  et  avant  tout  Sainte-Anne,  le  quartier 
officiel  français,  gardé  par  les  Pères  Blancs  du  Cardinal  Lavigerie.  Le 
Consul  de  France  y  préside,  ayant  à  ses  côtés  les  autorités  turques, 
la  distribution  des  prix  aux  élèves  du  grand  et  du  petit  séminaire  grec 
catholique. 

Les  chrétiens  voudront  ensuite  voir  le  Cénacle,  où  des  gens  mal 
informés  vénèrent  le  tombeau  du  roi  David  et  surtout  le  Saint-Sépulcre, 


w 


le  vieux  sanctuaire  dos  Croisés  avec  sa  façade  mutilée,  toute  fleurie  de 
sculptures  et  son  beau  portail  à  deux  baies  dont  l'une  murée.  Cette 


PARVIS    DU    SAINT-SEPULCRE. 


porte  unique  donnant  accès  à  l'église  et  même  aux  quatre  couvents 
adjacents,  latin,  grec,  arménien  et  copte,  est  confiée  à  deux  gardiens 
musulmans.  L'un  possède  la  clef  et  l'autre  le  droit  d'ouvrir  et  cette 
division  des  pouvoirs  remonte  jusqu'à  Saladin,  Au  centre  de  la  coupole 
se  trouve  l'édicule  renfermant  le  tombeau  du  Christ,  détaché  de  la 
colline  dans  le  flanc  de  laquelle  il  avait  été  taillé.  L'intérieur  du  monu- 
ment a  gardé  sa  disposition  :  l'atrium,  l'entrée  de  la  chambre  sépul- 
crale et  la  couche  funèbre. 

Muni  d'une  autorisation  du  pacha,  on  peut  pénétrer  dans  l'enceinte 
sacrée  de  la  Mosquée  d'Omar,  bâtie  sur  l'emplacement  de  l'ancien 
Temple.  Le  Haram  es-Chèrif  remplace  l'esplanade  du  Temple  et 
supporte  la  Mosquée  d'Omar  et  sa  succursale  la  Mosquée  el  Aksa. 
L'enceinte  sacrée  musulmane  est  le  lieu  le  plus  saint  de  la  terre  pour 
les  musulmans  après  La  Mecque  et  Médine.  Elle  a  la  forme  d'un  tra- 
pèze irrégulier  de  500  mètres  de  longueur  sur  300  de  largeur.  Pour  un 


—  100  — 

chrétien  il  y  a  péril  à  y  pénétrer.  Au  centre  de  la  Mosquée  d'Omar  se 
trouve  le  Sakrah,  énorme  rocher  naturel.  C'est  l'autel  des  holocaustes 
de  l'ancienne  loi.  La  cavité  qui  se  trouve  au-dessous,  le  Puits  des  Ames 
des  musulmans,  n'est  autre  que  le  conduit  souterrain  qui  conduisait  à 
la  vallée  de  Josaphat  le  sang  des  victimes. 


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RABBIN     JUIF. 


Après  la  prise  de  Jérusalem  par  Titus  en  70,  le  temple  fut  trans- 
formé en  capitole.  Puis  il  était  devenu  peu  à  peu  le  réceptacle  des 
ordures  de  la  ville,  lorsqu'on  638  le  calife  Omar  éleva  ce  prodige 
qui  s'appelle  la  Mosquée  d'Omar,  chef-d'œuvre  de  légèreté,  d'élégance, 
de  luxe  et  d'harmonie.  L'ensemble  du  monument  est  byzantin.  Il  fau- 
drait des  heures  entières  pour  en  détailler  les  beautés.  Ce  n'est  plus 
qu'une  sorte  de  musée,  et  la  Mosquée  officielle  où  s'effectue  le  culte 
musulman  est  la  Mosquée  el  Aksa.  Précédée  d'un  porche  composé  de 
7  arcades,  longue  de  80  m.  sur  50  de  largeur,  cette  Mosquée  est  un 
temple  parasite  dont  les  colonnes  et  chapiteaux  sont  autant  de  pieux 
larcins.  Dans  le  fond  de  cet  édifice  se  trouve  le  Nûmbar  ou  chaire  de 
vérité  et  à  sa  gauche  le  Mlrhah,  sorte  de  niche  qui  indique  la  direction 
de  La  Mecque.  Tout  près,  sont  les  deux  colonnes  du  Salut  ne  laissant 
entre  elles  qu'un  étroit  passage  qu'il  fallait  autrefois  franchir  pour 
gagner  le  ciel  mahomélan,  car  un  pacha  de  Jérusalem  a  cru  devoir 
rayer  ce  moyen  radical  du  catéchisme  musulman. 


—  101  — 

Le  sol  des  rues  est  graisseux  parce  que  jamais  nettoyé  par  les  Arabes 
et  moins  encore  par  la  pluie  du  ciel.  Aussi  faut-il  y  marcher  avec  pru- 
dence. Les  juifs  n'ont  guère  changé,  on  les  prendrait  toujours  pour  des 
contemporains  de  Mathusalem. 

Jérusalem  offre  certainement  un  vaste  champ  d'études  captivantes. 
Les  élèves  de  l'École  biblique  ne  se  font  pas  faute  d'étudier  toutes  ces 
ruines  vénérables.  Quoi  de  moins  banal  que  de  se  faire  descendre  au 
fond  d'un  puits  ou  de  suivre  en  rampant  une  tranchée  à  la  recherche 
d'un  temple  païen,  d'une  église  des  Croisés,  de  murs  salomonéens  ou  des 
gigantesques  escaliers  qui  du  temps  de  David  conduisaient  au  temple 
de  Jérusalem.  Cela  vaut  la  peine  de  gravir  la  colline  d'Ophel  pour  voir 
de  près  les  murs  de  la  sainte  cité.  Certaines  pierres  ont  dix  mètres  de 
long,  c'est  à  se  demander  comment  on  a  pu  les  y  placer.  Les  appareils 
de  pierre  sont  différents  et  distinctifs  au  point  de  faire  reconnaître  de 
suite  l'origine  des  diverses  parties  de  ces  murailles.  Elles  dominent  ici 
la  lugubre  Vallée  de  Jouiphal  ou  des  Tombeaux  qui  sépare  la  ville 
du  village  de  Siloè  aux  constructions  orientales  et  aux  excavations, 
toutes  taillées  dans  le  roc  où  vivent  bêtes  et  gens. 

L'Ecole  biblique  se  déplace  aussi  facilement  et  avec  elle  nous  sui- 
vrons les  deux  itinéraires  suivants  :  de  Jérusalem  à  Saint-Jean  d'Acre 
et  (hî  Jérusalem  à  la  mer  Morte. 


Quoi  de  plus  solennel  et  de  plus  poignant  qu'une  caravane  à  travers 
les  rej>lis  désolés  de  la  Palestine  !  En  trois  heures  de  chevauchée,  on 
atteint  au  Nord  la  fontaine  d'^'/Z^ij'rc/i,  qui  fut  toujours  de  temps  immé- 
morial la  première  étape  des  Ctiravanes.  La  route  est  unique  et  il  n'est 
guère  prudent  de  s'en  écarter.  De  larges  dalles  striées  la  déterminent 
d'ailleurs  suffisamment.  Que  ceux  qui  sciemment  s'en  écartent  n'ou- 
blient j)as  qu'il  ne  faut  jamais  provoquer  l'Arabe  et  qu'en  cas  d'impru- 
dence commise  il  ne  faut  rien  pordre  de  son  sang-froid  et  trouver  assez 
d'aplomb  pour  dominer  tout  agresseur.  Le  conférencier  nous  a  montré 
comment  il  s'était  lui-même  trouvé  à  deux  doigts  d'une  mort  cruelle, 
sous  le  poignard  des  Arabes.  Continuons  notre  route  et  gardons-nous 
d'être  difficiles.  Il  faut  s'attendre  à  coucher  sous  la  tente,  à  préparer  au 
besoin  ses  repas  avec  les  provisions  emportées.  Elles  ne  sont  d'ailleur-s 
pas  bien  chères,   par  exemj)le  :   iuiit  poulets,  30  œufs,  25  pains  et  un 


—  102  — 

grand  panier  de  raisins  pour  la  modique  somme  de  4  fr.  50,  commission 
payée  !  !  Pour  boisson,  de  l'eau  soutirée  à  une  mare  infecte  ! 

A  deux  jours  de  chevauchée,  le  Puits  de  Jacob  ou  de  la  Samaritaine, 
un  peu  au  delà  de  Silo  qui  garda  durant  trois  siècles  le  Tabernacle  et 
l'Arche  d'Alliance,  où  se  fit  le  partage  de  la  Terre  promise,  etc..  Les 
ruines  s'y  entassent  les  unes  sur  les  autres  comme  à  Jérusalem.  Dans 
ce  pays-là  on  ne  prend  point  la  peine  de  déblayer,  on  bâtit  sur  les 
ruines  des  prédécesseurs  ou  des  vaincus. 

Au  delà  le  pays  est  peu  sûr.  Les  musulmans  ne  se  font  pas  faute  de 
molester  les  chrétiens.  Une  remarque  curieuse  :  jamais  un  musulman 
ne  portera  la  main  sur  un  homme  en  prière,  fût-il  d'une  autre  religion. 
Pour  eux  la  prière  est  sacrée  et  c'est  un  spectacle  édifiant  de  les  voir  se 
livrer  à  leurs  dévotions,  le  visage  tourné  vers  La  Mecque. 

Naplouses,  non  loin  du  puits  de  Jacob,  est  l'ancienne  Lichem.  Au 
temps  de  Josué,  six  tribus  se  trouvèrent  un  jour  réunies  sur  les  pentes 
du  Garizim  et  les  six  autres  sur  le  versant  opposé  de  YEbal,  répon- 
dant alternativement  aux  bénédictions  et  aux  malédictions  que 
prononçaient  dans  la  vallée  intermédiaire  les  prêtres  et  lévites  rassem- 
blés autour  de  l'Arche. 

Puis  Sébastyé,  où  le  diacre  Philippe  fît  de  nombreuses  conversions. 
On  n'y  voit  plus  maintenant  que  des  gens  à  mine  rébarbative,  ayant 
tout  à  la  fois  la  haine  du  nom  chrétien  et  la  crainte  des  descendants  de 
Bonaparte.  Sa  mosquée  possède  évidemment  des  colonnes  et  des 
chapiteaux  soustraits  à  la  Basilique  qui  l'avait  précédée.  Celle-ci 
recouvrit  elle-même  les  ruines  d'une  église  du  VP  siècle.  Tout  cela 
facilement  reconnaissable  aux  substructions  de  la  Mosquée  actuelle. 

A  signaler  encore  la  Colonnade  d'Hérode,  reste  de  l'Hippodrome  et 
divers  tombeaux,  entre  autres  celui  de  saint  Jean-Baptiste. 

Naïm ,  localité  sans  importance  maintenant ,  est  située  près  du 
Thabor,  au  pied  duquel  se  sont  livrées  de  nombreuses  batailles  depuis 
Gédéon  jusqu'au  général  Bonaparte.  Si  le  Thabor  est  relativement 
peu  élevé,  ce  n'est  pas  peu  de  chose  de  le  gravir  cependant  par  50  et 
60  degrés  de  chaleur.  En  mémoire  de  la  Transfiguration  de  Notre 
Seigneur  une  Basilique  y  fut  élevée  au  IV®  siècle.  Puis  sur  ses  ruines 
couvents  et  forteresses  s'y  succédèrent.  De  tout  cela  il  ne  reste  que  des 
ruines  intéressantes  à  étudier.  Depuis  le  milieu  du  siècle  dernier,  les 
P.P.  Franciscains  ont  obtenu  l'autorisation  de  s'y  fixer. 

Nazareth,  gracieuse  avec  ses  maisons  blanches,  mais  bien  sale  et 
crasseuse.  Ses  rues  sont  glissantes  comme  en  temps  de  verglas.  On  y 


—  1().3  — 

remarque  la  Fimtaine  où  la  Vierge  allait  puiser  chaque  jour  et  un 
marché  véritablement  bien  approvisionné.  La  raison  en  est  que  les 
Nazaréens,  contrairement  à  leurs  congénères  de  Palestine,  sont  de  bons 
cultivateurs.  Sans  doute  les  procédés  de  culture  sont  restés  primitifs. 
Leurs  charrues  sont  toujours  des  pièces  de  bois  recourbées  et  taillées, 
tramées  par  des  ânes,  des  chameaux  ou  même....  des  femmes.  Ces  der- 
nières sont  si  peu  de  chose  là-bas  !  Jamais  un  Arabe  n'annoncera  par 
exemple  la  naissance  d'une  fille.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  pays  est  bien 
cultivé  et  si  on  en  faisait  autant  partout,  la  Terre  Sainte  serait  encore 
le  pays  où  coulent  le  lait  et  le  miel.  Quand  les  Arabes  font  quelque 
chose,  n'en  demandez  pas  trop  !  Quant  aux  Bédouins,  ce  ne  sont  que 
des  nomades,  connaissant  tous  les  replis  du  pays  et  ne  vivant  que  de 
rapines.  C'est  de  ces  derniers  qu'il  faut  toujours  se  méfier  en  cours^de 
route. 

A  Caïffa,  on  revoit  la  Méditerranée.  Tout  près  le  Cannel  avec  son 


COUVEiNT  DU   CARMEL. 


monastère,  véritable  forteresse.  Une  statue  de  la  Vierge,  don  des  pèle- 
rins du  Chili,  y  surmonte  une  colonne  de  granit.  Le  Carmel  est  aussi  la 
montagne  du  prophète  Elie.  Sa  statue  se  trouve  dans  une  grotte.  Elle 
est  en  grande  vénération  chez  les  Arabes  qui  viennent  de  loin  pour  la 
caresser. 


—  104 


Enfin  Saint- Jean  d'Acre.  La  route  qui  y  conduit  du  Garmel  le  long 
de  la  côte  est  des  plus  pittoresques.  Curiosités  :  Le  Dieu  Persan,  vieil- 
lard à  barbe  blanche,  tout  vêtu  de  blanc,  et  dont  l'éternité  remonte  à 
1830  ;  le  marché  de  Saint-Jean  d'Acre  sur  l'emplacement  d'un  ancien 
couvent  des  Dominicains  du  XIIP  siècle  ;  les  canons  de  Napoléon  et 
enfin  la  mosquée  de  Djezzar  Pacha,  bâtie  vers  1780  par  le  Pacha 
Ahmed,  surnommé  Djezzar  (Boucher).  —  La  Mosquée  est  bâtie  avec  les 
ruines  de  Tyr  et  de  Césarée. 


Il  faut  environ  huit  heures  pour  aller  de  Jérusalem  à  la  mer  Morte 
et  au  Jourdain  par  le  désert  de  Juda  que  l'on  ne  peut  traverser  sans 
escorte  par  ordre  du  Pacha  de  Jérusalem.  On  y  rencontre  des  gens  à 
mine  rébarbative,  aux  intentions  les  plus  subversives.  La  route  se  prête 


ROUTE   DE  JERICHO. 


lai'gement  d'ailleurs  à  de  trop  faciles  embuscades.  Ce  chemin  unique 
conduit  à  Jéricho  en  six  heures.  On  passe  près  du  couvent  grec  de  la 
Quarantaine,  assez  gentiment  perclié  sur  la  montagne.  Il  est  d'accès 
peu  facile  ce  véritable  nid  d'aigles  où  vivent  ces  moines  grecs  obser- 
vant un  jeûne  austère  et  continu.  De  là-haut  on  domine  les  trois 
Jèriclioz,  l'antique  que  le  prophète  Elie  défendit  de  rebâtir,  la  Jéricho 
d'Aristobule  et,  entre  les  deux,  la  Jéricho  actuelle,   suite  de  huttes 


—  1(6  — 


infectes  auprès  desquelles  la  modeste  auberge  d'un  Arabe  catholique 
paraît  presque  un  palais.   Cet  Arabe,  Ibrahim,  a  fait  ses  affaires  à 


COUVENT  GREC  DE  LA  QUARANTAINE. 


l'Exposition  de  1889  avec  sa  confiture  de  Caroubbe.  De  là  on  se  rend 
au  Jourdain  et  à  la  mer  Morte  par  le  ravin  du  Kelt,  difficile  à  traverser 
au  moment  des  crues.  En  dehors  des  torrents,  on  ne  peut  s'imaginer 
rien  de  plus  aride,  de  plus  calciné  et  de  plus  aveuglant  que  le  désert 
de  Juda. 

Enfin  apparaît  comme  une  immense  plaque  d'acier  la  mer  Morte. 
Resserrée  entre  des  montagnes,  elle  n'a  aucune  issue.  Longue  de 
78  kilomètres,  large  de  IS^kilomètres  et  profonde  de  350  mètres,  elle 
se  trouve  à  392  mètres  au-dessous  du  niveau  de  la  Méditerranée.  Elle 
reçoit  le  Jourdain  et  cependant  diminue  plutôt  qu'elle  n'augmente.  On 
le  reconnaît  aux  couches  de  craie  qui  recouvrent  ses  bords.  On  calcule 
que  le  soleil  y  vaporise  au  moins  six  millions^t  demi  de  tonnes  d'eau 
par  jour.  De  Jérusalem  du  reste,  on  distingue  nettement  les  épaisses 
couches  de  vapeur  qui  émanent  de  cette  nappe  d'eau.  Les  eaux  de  mer 
sont  supportables  comparées  à  celles  de  la  mer  Morte  :  c'est  une  infec- 
tion et  une  brûlure.  Ses  eaux  font  même  tache  d'iiuile.   Parfois  on  y 


—  106  — 

voit  surnager  des  blocs  de  bitume  et  d'asphaîte  détachés  du  fond  à  la 
suite  de  tremblements  de  terre. 

Quand  et  comment  a-t-elle  été  formée  ?  Nous  savons  qu'au  temps  de 
Loth  elle  n'existait  pas  encore.  —  Il  y  avait  là  une  vallée  remplie  de 
puits  de  bitume.  —  Sodome  et  Gomorrhe  se  trouvaient  adossées  aux 
flancs  des  montagnes  a  voisinantes.  Le  feu  du  ciel  s'est  un  jour  commu- 
niqué aux  puits  de  bitume,  y  fit  couler  comme  le  plomb  les  deux 
malheureuses  villes  voisines  et  quand  le  feu  s'éteignit  la  vallée  était 
devenue  la  mer  Morte. 

Autant  le  lac  asphaltite  est  mort,  autant  le  Jourdain  est  vivant. 
Impétueux  comme  le  Rhône  en  Février,  il  est  le  fleuve  biblique  par 
excellence  par  les  souvenirs  qu'il  rappelle,  principalement  par  le  bap- 
tême du  Christ.  Dès  le  V^  siècle  des  moines  vinrent  s'établir  dans  des 
grottes  voisines  ou  y  élevèrent  des  monastères.  Celui  de  Saint-Jean- 
Baptiste  ofl"re  aujourd'hui  au  voyageur  un  peu  d'eau  et  surtout  un  peu 
d'ombre.  C'est  un  monastère  grec,  imposant  d'allure  et  semblable  à 
une  vraie  forteresse,  sage  précaution  dans  un  pays  où  voleur  en  arabe 
se  dit  arabi. 

Aucun  pays  n'est  comparable  à  la  Palestine  par  les  souvenirs  du 
passé.  Le  nombreux  auditoire  qui  eut  le  plaisir  d'entendre  M.  l'Abbé 
Taquet,  a  pu  se  rendre  compte  du  charme  particulier  de  ce  vieux  pays 
et  de  l'influence  que  notre  belle  France  y  exerce  toujours. 


IL 

Séance  du  Dimanche  3  Mars  1907. 


DEUX   COLONIES  NOUVELLES 
LES  PHILIPPINES.   FORMOSE 


Par  M.  RÈGiNALD  KANN, 

Ancien  Officier. 


A  la  fin  du  XIX^  siècle  le  Japon  s'annexait  Formose  (1895),  et  les 
États-Unis  prirent  possession  des  Philippines  (1898).  Ces  deux  pays  en 


—  107  — 

sont  ainsi  à  leurs  débuts  de  colonisation  et  il  n'est  pas  sans  intérêt  pour 
nous  de  voir  quelle  fut  la  politique  coloniale  de  ces  nouveaux  venus  et 
quels  résultats  ils  ont  obtenus  jusqu'à  présent. 

LES    PHILIPPINES. 

L'œuvre  des  Américains  aux  Philippines  a  été  diversement  jugée. 
Alors  que  les  uns  disent  qu'ils  n'ont  rien  fait,  les  autres  la  louent  sans 
réserves.  Les  Philippines  ont  été  pendant  trois  siècles  sous  la  domina- 
tion espagnole  exercée  par  des  moines.  Tout  alla  bien  d'abord,  mais 
pendant  le  troisième  siècle  les  moines  se  montrèrent  trop  exigeants  et 
le  mécontentement  était  général  lorsque  les  Américains  entrèrent  en 
scène.  Depuis  1896  même  existait  aux  Philippines  un  mouvement 
insurrectionnel  qui,  au  moment  où  cette  colonie  passa  sous  la  domina- 
tion des  Etats-Unis,  s'étendait  sur  la  plus  grande  partie  du  territoire. 
Ce  changement  de  maître  ne  fit  aucunement  cesser  cette  révolution.  Le 
Président  Mac  Kinley  avait  déclaré  au  début  de  la  guerre  hispano- 
américaine  qu'il  n'entreprenait  point  une  guerre  de  conquêtes  et  les 
Philippines  croyaient  réellement  que  le  premier  acte  des  États-Unis 
serait  de  déclarer  leur  indépendance.  Les  Américains  trouvèrent  au 
contraire  que  ceux-ci  n'étaient  pas  assez  civilisés  pour  se  diriger  eux- 
mêmes  et  voulurent  rester  provisoirement  pour  les  éduquer.  C'était  du 
reste  l'opinion  de  beaucoup  d'Américains  d'accord  en  cela  avec  Mac 
Kinley.  Depuis  les  idées  ont  changé  et  maintenant  on  est  plutôt  partisan 
aux  États-Unis  de  la  domination  absolue.  Or  les  Philippines  voulaient 
avoir  immédiatement  leur  indépendance,  aussi  les  nouveaux  occupants 
eurent-ils  à  soutenir  contre  eux  une  véritable  guerre  avant  de  pouvoir 
établir  en  1901  un  gouvernement  civil  qui  réorganisa  la  colonie. 

Les  administrateurs  américains  se  trouvèrent  en  présence  de  grandes 
difficultés  et,  ce  qui  les  paralysa  le  plus,  ce  fut  l'incertitude  dans 
laquelle  ils  se  trouvèrent  bientôt  au  sujet  de  leur  propre  situation. 
Deux  partis  s'étaient  formés  aux  États-Unis  au  sujet  des  Philippines. 
Les  démocrates  reprochaient  aux  républicains  de  vouloir  accaparer  ces 
îles.  Lequel  de  ces  partis  allait  prévaloir?  Voilà  ce  qui  préoccupait  gra- 
vement les  administrateurs.  En  1902  une  Constitution  fut  élaborée  : 
une  commission  législative  de  huit  membres  (cinq  Américains  et  trois 
Philippins)  fut  instituée  pour  diriger  cette  colonie.  Le  gouverneur  civil 
est  président  de  droit  de  cette  commission.  Il  est  assisté  d'un  vice-gou- 


108 


verneur  et  de  quatre  ministres  :  Intérieur ,  Commerce  et  Police , 
Finances  et  Justice,  Instruction  publique,  membres  de  droit  de  ladite 
commission. 

Les  commencements  furent  pénibles.  Aux  révoltes  s'ajoutèrent 
d'autres  calamités  :  disette,  maladies.  Il  fallut  créer  des  ressources.  On 
sait  que  les  Américains  ne  sont  pas  partisans  des  emprunts.  Un  seul  fut 
fait  et  servit  à  racheter  les  biens  ecclésiastiques.  On  usa  beaucoup  des 
droits  de  douane  et  encore  plus  des  impôts.  La  taxe  foncière  fut  parti- 
culièrement élevée  et  trouvée  vite  exorbitante,  attendu  que  les  terres 
ne  produisaient  pas  en  proportion.  Aussi  les  Américains  devinrent  vite 
impopulaires  parmi  les  cultivateurs  qui  ne  travaillaient  que  pour  payer 
la  taxe.  Ensuite  l'emploi  des  fonds  laissait  beaucoup  à  désirer  :  les 
administrateurs  étaient  grassement  payés  et  Beaucoup  de  dépenses 
étaient  inutiles  pour  les  Philippins.  Elles  profitaient  plutôt  aux  Améri- 
cains :  on  fit  des  travaux  au  port  de  Manille  pour  en  faciliter  l'accès  aux 
navires  de  guerre  ;  on  exécuta  à  grands  frais  un  chemin  de  fer  pour 
permettre  aux  hauts  fonctionnaires  d'aller  prendre  le  frais  sur  le  pla- 
teau élevé  de  Baguio.  Enfin  troisième  grief,  on  fit  entrer  des  Philippins 
dans  la  milice,  ce  qui  les  mit  souvent  en  présence  de  leui'S  frères 


CAMP   KEITHLEY    (MINHANAu)    POUR    TROUPES    AMERICAINES. 


insurgés.  On  employa  même  la  torture  contre  les  récalcitrants  et  on  fit 
même  des  essais  de  camps  de  concentration  comme  à  Cuba. 


109 


Tout  cela  empêcha  les  insulaires  de  voir  et  d'apprécier  les  améliora- 
tions apportées  chez  eux.  Certaines  libertés  leur  étaient  octroyées, 
mais  c'est  surtout  par  l'instruction  publique  que  les  Américains  ont  fait 
œuvre  utile.  Il  est  vrai  que  démocrates  et  républicains  étaient  d'accord 
sur  ce  point.  Pour  les  uns  comme  pour  les  autres  l'instruction  des  Phi- 
lippins était  conforme  au  but  désiré. 

2.800  écoles  primaires  furent  fondées  et  confiées  à  800  instituteurs 
américains  et  3. 19.5  indigènes.  Des  écoles  supérieures  ont  été  également 
créées,  de  sorte  qu'il  n'est  pas  téméraire  de  dire  que  les  Américains  ont 
plus  enseigné  en  huit  ans  que  les  Espagnols  en  trois  siècles. 

Au  point  de  vue  économique,  la  crise  persiste  toujours  aux  Philip- 
pines. On  y  travaille  peu,  le  sucre  périclite,  l'indigo  ne  réussit  plus, 
le  tabac  diminue  de  qualité.  Seules  les  cultures  du  chanvre  et  du  coco- 
tier sont  en  légère  progression. 

Les  derniers  indigènes  qui  aient  résisté  aux  Américains  sont  les  Moros 
(Malais  musulmans),  qui  ont  la  haine  du  blanc  quel  qu'il  soit.  Ils 
habitent  principalement  les  îles  de  Mindanao  et  de  Jolo.   Leur  dernier 


PASSAGE    A    GUE    I)K    LA    IIIVIEKE    MAI.AIG. 


centre  de  résistance  fut  précisément  cette  dernière  île.  Au  nombre  de 
huit  cents  les  insurgés  s'étaient  réfugiés  sur  le  mont  Dajo  dans  un  cra- 
tère éteint  au  Sud  du  lac  Lanao.   Une  expédition  fut  organisée  contre 


—  110 


eux  sous  les  (3rdres  du  Général  Wood.   —  Il  fallut  emporter  d'assaut 
les  ouvrages  qu'ils  avaient  établis  au  bout  des  trois  uniques  sentiers 


OFFICIERS   EN   RECONNAISSANCE   FAISANT   HALTE    AU    PIED    DE    LA   MONTAGNE. 

abrupts  qui  menaient  au  sommet  du  cratère.  Ces  derniers  révoltés  se 
firent  exterminer  jusqu'au  dernier  plutôt  que  de  se -rendre. 


FOR  MO  SE. 

Une  image  fort  répandue  au  Japon  représente  toutes  les  colonies 
européennes  de  l'Extrême-Orient  implorant  le  secours  de  ce  pays.  C'est 
que  le  Japon  se  croit  en  effet  appelé  à  devenir  l'émancipateur  de  tous 
les  peuples  de  race  jaune.  Il  est  donc  intéressant  pour  ceux-ci  et  pour 
nous,  qui  possédons  l'Indo-Chine,  de  voir  à  l'œuvre  les  Japonais  dans 
l'île  de  Formose.  C'est  un  point  stratégique  de  premier  ordre  qui  com- 
mande ce  qu'on  peut  appeler  la  route  du  riz.  L'île,  primitivement  repaire 
de  bandits,  fut  conquise  par  les  Chinois.  L'Amiral  Courbet  l'occupa  un 
moment  en  1884  pour  forcer  la  Chine  à  traiter.  Enfin,  après  la  guerre 
sino-japonaise,  Formose  passait  au  pouvoir  des  Japonais  qui  en  firent 
une  condition  absolue  de  la  paix. 


I 


—  111  — 


Il  y  a  quatre  ports  dans  cette  île  :  Tamsuï,  Taï-Wan,  Taïhoku  (Takao) 
€t  Kelong.  Ce  dernier  seul  a  été  transformé  par  les  Japonais  qui  vou- 


PORTE   CHINOISE    A   TAÏHOKU. 


lurent  en  faire  une  base  navale.  Pour  les  autres,  ils  n'ont  rien  fait.  Pas 
plus  d'outillage  qu'auparavant. 

Les  Japonais  ne  pouvant  se  rendre  les  populations  de  l'île  favorables 
pensèrent  un  moment  à  y  faire  venir  leurs  compatriotes  en  masse,  mais 
après  quelques  essais  ils  y  renoncèrent.  Ceux  qui  devaient  répondre  à 
l'appel  étaient  décimés  par  la  maladie.  Le  gouvernement  japonais 
résolut  alors  d'exploiter  Formose  tout  en  maintenant  'les  habitants  en 
respect.  Le  Général  Kodama  fut  nommé  gouverneur  et  exerça  une 
véritable  dictature.  L'insurrection  fut  réprimée  et  ensuite  la  police  fut 
augmentée  pour  prévenir  tous  nouveaux  désordres.  En  outre  ces  poli- 
ciers, qui  se  conduisent  en  vrais  petits  rois,  ont  à  défendre  ceux  qui 
sont  soumis  contre  les  aborigènes  qui  occupent  la  partie  orientale  de 
l'île  (1).  Ils  sont  d'ailleurs  féroces,  ces  sauvages  de  Formose.  Leur  plus 


(1)  Les  Chinois  n'ont  jamais  occupé  que  la  partie  occidentale  de  l'île  de  Formose. 
Jamais  ils  n'ont  pu  réduire  les  aborigènes  qui  occujjent  tout  l'Est  de  l'île.  Il  y  a 
bien  au  Sud  aussi  des  tribus  sauvages,  mais  elles  sont  de  mœurs  plus  douces. 


—  112  — 

agréable  distraction  est  la  chasse  aux  têtes.  'Plus  ils  en  récoltent,  plus 
ils  sont  considérés  dans  leurs  tribus.  Lassés  de  les  combattre  isolé- 
ment, les  Japonais  ont  créé  toute  une  ligne  continue  de  postes  les 
englobant  et  se  resserrant  peu  à  peu.  Ils  ont  même  essayé  contre  eux 
des  barrières  de  fils  de  fer  électrisés,  non  sans  s'y  faire  prendre  quel- 
quefois eux-mêmes.  Tout  cela  a  exigé  pas  mal  d'argent  et  il  fallut 
recourir  aux  impôts,  d'où  grief  contre  eux. 

L'île  n'a  jamais  été  aussi  tranquille.  L'agriculture  prospère ,  les 
mines  sont  bien  exploitées  et  le  commerce  a  doublé  depuis  l'occupa- 
tion japonaise.  Il  est  vrai  que  l'on  pourrait  dire  aussi  que  c'est  le  Japon 
qui  en  profite  le  plus.  Tout  ne  va  pas  encore  au  gré  des  conquérants. 
Les  ressources  manquent.  La  mère-patrie  épuisée  depuis  la  guerre 
russo-japonaise  n'envoie  plus  de  subsides.  Les  travaux  du  port  de 
guerre  sont  arrêtés.  Il  reste  toujours  quarante  kilomètres  de  voies  à 
poser  pour  terminer  une  ligne  de  chemin  de  fer  établie  depuis  l'occupa- 
tion. C'est  un  Decauville  qui  relie  provisoirement  les  deux  tronçons 


DECAUVILLE   PRES   DE   KOROTON. 


achevés.  Des  coolies  poussent  les  wagonnets  et  quand  il  y  a  trop  de 
pente  les  voyageurs  en  sont  réduits  à  descendre  pour  faciliter  le  mou- 
vement. 

Quant  à  l'instruction  publique,  les  Japonais,  contrairement  aux  Amé- 
ricains, cherchent  plutôt  à  l'endiguer.   Certes  ils  ont  fait  des  écoles. 


113  — 


primaires,  mais  ils  se  sont  bien  gardés  d'en  créer  de  supérieures.  Ils 
agissent  à  Formose  comme  en  pays  conquis.  Les  Chinois  n'ont  pas  le 
droit  de  couper  leurs  nattes  par  exemple.  Plusieurs  ont  été  expropriés 
sans  aucune  indemnité.  Telle  ville  est  devenue  entièrement  japonaise 
d'apparence  à  la  suite  d'expropriations  de  ce  genre. 

Les  îles  Pescadores  sont  également  dans  la  dépendance  de  Formose. 


CIMETIERE    FRANÇAIS    AUX    ILES    PESCADORES. 

Dans  l'une  d'elles  se  trouve  un  cimetière  français  où  reposent  en  paix 
le  grand  Amiral  Courbet  et  ses  braves,  morts  victimes  de  leur  dévoue- 
ment à  la  patrie. 


En  résumé,  il  semble  à  première  vue  que  les  Japonais  aient  mieux 
réussi  dans  leur  colonie  que  les  Américains  aux  Pliilippines.  Le  peu 
que  ceux-ci  ont  fait  est  cependant  durable  et  si  l'expérience  continue 
quelque  peu,  il  n'y  a  pas  de  doute  que  l'œuvre  américaine,  plus  civili- 
satrice, ne  l'emporte  de  beaucoup  sur  l'œuvre  japonaise. 


—  114  — 


III. 


Séance  du  Mercredi  13  Mars  1907 

donnée  sous  les  auspices  de  M.    LEVE  , 
Président  de  la  section  lilloise  du  Club  Alpin  français. 


LE     SKI 


Par    M.     Ed.     SAUVAGE, 

Ingénieur    eu    clief   des    Mines,    \'ice-Prési(lent    du    Cliil)    Al[iin    ^l•ançai^ 


La  marche  sur  la  neige  meuble  est  pénible  ;  elle  devient  même 
impossible  quand  on  enfonce  trop  profondément.  Les  raquettes,  en 
augmentant  la  surface  d'appui,  atténuent  ces  inconvénients,  mais  leur 
emploi  n'est  pas  toujours  commode  et  on  leur  préfère  aujourd'lmi,  en 
général,  le  ski. 

Le  ski  donne  une  grande  surface  d'appui  grâce  à  sa  longueur,  qui 
dépasse  souvent  deux  mètres,  tandis  que  la  largeur  est  faible,  ce  qui 
permet  de  rapprocher  les  pieds.  P(jur  que  la  portée  soit  effective  sur 
toute  la  surface,  le  ski  est  légèrement  bombé  vers  le  milieu  de  sa  lon- 
gueur, de  sorte  que,  non  chargé,  il  ne  repose  sur  un  sol  plan  qu'aux 
deux  extrémités  ;  sous  le  poids  du  skieur  il  devient  horizontal. 

L'avant  est  relevé  de  manière  à  passer  au-dessus  de  la  surface  de  la 
neige,  dans  laquelle  le  reste  du  ski  s'enfonce,  do  quelques  centimètres 
au  plus,  sauf  dans  le  cas  de  neiges  exceptionnellement  molles.  De  plus, 
le  ski  posé  sur  le  sol  et  regardé  par  dessus  s'amincit  en  pointe  à  l'avant. 
La  foi'me  de  l'avant,  déterminée  par  empirisme,  a  une  grande  impor- 
tance pour  le  bon  glissement  du  ski  :  l'arrière,  coujjé  carrément,  s'en- 
fonce dans  la  neige  et  s'oppose  dans  une  certaine  mesure  au  glissement 
rétrograde  quand  on  monte  les  pentes. 

La  largeur  du  ski  n'est  pas  uniforme  ;   elle  est  un  pou  plus  grande 


—  115  — 

vers  l'avant,  dans  la  partie  voisine  de  la  [xjintc  relevé(^  :  cet  élartiisse- 
ment  facilite  la  circulation  en  courbe  Vn  ski  à  l)ords  parallèles  aurait 
tendance  à  rester  encastré  dans  rornière  ipTil  crcust'  dans  la  nc'itio,  <>t 
dévierait  difficilement  de  la  ligne  droite.  C'est  une  disj)()silion  compa- 
rable, en  princij)e,  à  la  r>oie  donnée  aux  scies.  Toutefois,  pour  éviter  le 
défaut  de  stabilité  qui  pourrait  résulte-  de  cet  élargissement,  on  a 
creusé  sur  la  face  inférieure  du  ski  iiiif  j)etite  gorge  semi-circulaire,  qui 
règne  sur  toute  la  longueur  et  assure  un  guidage  rectiligne  sans  opposer 
d'obstacle  appréciable  aux  déviations  voulues. 

En  coupe  transversale,  perpendiculairement  à  la  longueur,  la  section 
du  ski  est  soit  rectangulaire,  soit  légèrement  ])ombée  à  sa  ])artie  su])é- 
rieure  ;  cette  section  va  d'ailleurs  en  s'amincissant  vers  les  extrémités. 

On  voit  que,  sous  son  a {)parence  simple,  le  ski  est  un  appareil  fort 
bien  étudié,  conformément  aux  lois  de  la  résistance  de  la  matière  ;  son 
aspect  confirme  une  règle  estbétique  bien  connue,  l'élégance  et  la 
beauté  résultent  de  la  ])arfaite  appropriation  d'un  objet  à  sa  destination. 

L'attache  du  ski  au  pi<'d  a  une  grande  importance  ;  de  nombreux 
systèmes  d'attaches  ont  été  employés.  L'avant  du  pied  doit  être  solide- 
ment relié  au  ski,  tandis  que  le  talon  peut  se  soulever  librement  ;  il  faut 
surtout  que,  transversalement,  le  pied  ne  puisse  se  déplacer  sur  le  ski, 
pour  que  le  skieur  dirige  à  volonté  la  pointe  de  son  ski,  sinon  la  direc- 
tion devient  incertaine.  On  demande  en  outre  que  l'attache  soit  simple 
et  légère,  qu'elle  puisse  se  réparer  en  cours  de  route  et  qu'il  soit  facile 
de  mettre  et  d'ôter  le  ski,  en  tenant  compte  des  conditions  d'emploi,  du 
grand  froid  qui  resserre  et  durcit  les  courroies  et  les  sangles.  Les 
attaches  préférées  aujourd'hui  comportent  deux  rebords  métalliques 
qui  encastrent  exactement  la  pointe  du  pied,  avec  une  courroie  qui 
passe  derrière  le  talon  ;  parfois  la  fixation  est  complétée  par  une 
petite  semelle  flexible  fixée  au  ski  par  sa  partie  antérieure  et  rattachée 
à  la  chaussure. 

Le  bois  employé  à  la  confection  des  skis  est  souvent  le  frêne,  qu'on 
se  contente  de  vernir.  Les  Norvégiens  le  peignent  en  noir,  parfois  en 
rouge,  avec  filets  blancs. 

La  marche  en  terrain  plat,  sur  lequel  on  fait  glisser  les  skis,  ne  pré- 
sente pas  grande  difficulté.  La  montée  est  moins  commode,  à  cause  de 
la  facilité  du  glissement  en  arrière.  Suivant  la  nature  de  la  neige  il  y  a 
une  limite  de  pente  que  le  skieur  le  plus  liabile  ne  peut  remonter  direc- 
tement ;  les  pentes  plus  raides  sont  prises  en  lacets.  On  a  combiné  bien 
des  systèmes  de  freins  pour  empêcher  le  glissement  en  arrière  ;  le  plus 


—  116  — 

simple  est  la  peau  de  phoque  fixée  à  demeure  sous  les  skis.  Mais  les 
bous  skieurs  ont  tendance  à  dédaigner  ces  aides. 

La  descente  est  le  grand  plaisir  du  skieur  :  sur  les  pentes  suffisam- 
ment inclinées,  on  prend  bien  vite  une  vitesse  très  grande,  trop  grande 
môme  parfois  au  gré  du  débutant,  qui  garde  difficilement  l'équilibre. 
Il  est  vrai  que  les  chutes  dans  la  neige  ne  sont  nullement  dangereuses, 
à  la  condition  bieji  entendu  d'éviter  les  terrains  semés  d'obstacles  ou  de 
précipices. 

La  skieur  habile  a  d'ailleurs  dans  des  conversions  brus({ues  dénom- 
mées arrêts  de  Télémark  et  de  Christiania,  le  moyen  de  s'arrêter  ins- 
tantanément même  sur  les  pentes  raides.  On  peut  aussi  freiner  avec  le 
bâton,  mais  cela  n'est  pas  recommandable  :  on  doit  d'abord  s'exercer 
sans  bâton  ;  plus  tard  on  prendra  les  deux  petits  bâtons  des  Norvégiens, 
qui  servent  surtout  à  se  pousser  en  plat  et  à  la  montée. 

Enfin  le  grand  triomphe  du  skieur  est  dans  le  saut,  exercice  admi- 
rable et  fort  difficile,  qui  permet  de  francliir  d'un  bond  sur  une  pente, 
des  longueurs  de  20,  30  et  même  iO  mètres.  Pour  le  saut,  on  établit 
sur  la  pente  une  petite  plateforme  iiorizontale,  sur  buiuelle  le  skieur, 
parti  de  plus  haut,  arrive  en  vitesse.  Alors,  au  moment  précis  où  la 
pointe  de  ses  skis  atteint  le  bord  de  la  plate-forme,  il  s'enlève  sur  les 
jarrets,  et  décrit  dans  l'espace  une  parabole  qui  rejoint  la  pente  beau- 
coup plus  bas  ;  à  ce  moment,  ses  skis  doivent  être  parallèles  au  sol  ;  il 
fléchit  fortement  sur  ses  jarrets  en  touchant  terre,  et  reprend  sans  chan- 
celer sa  glissade  qu'il  termine  d'halntude  par  un  bel  arrêt  de  Télémark 
(»u  de  Christiania. 

Dans  les  courses  faites  à  skis,  on  rencontre  quelquefois  des  terrains 
(jui  obligent  à  retirer  les  skis  et  à  les  porter  sur  l'épaule,  soit  (jue  le 
sol  soit  dénué  de  neige,  soit  que  des  pentes  de  neige  soient  profondé- 
ment gelées,  soit  qu'on  ait  des  rochers  à  gravir  ;  c'est  le  moment  où  on 
trouve  un  peu  encombrant  cet  admirable  instrument. 

Depuis  ([uel([ues  années,  l'emploi  du  ski  s'est  beaucoup  développé  en 
Allemagne,  en  France,  en  Italie,  en  Suisse,  dans  les  régions  monta- 
gneuses, principalement  dans  les  Alpes.  Les  troupes  alpines  s'y  exercent 
beaucou])  ;  les  Clubs  alpins  et  diverses  Sociétés  sportives  l'encouragent. 
Les  services  que  rend  le  ski  sont  très  grands  ;  ce  n'est  pas  seulement  un 
instrument  de  plaisir  sportif,  mais  le  ski  tranforme  les  conditions  de 
l'existence  dans  les  régions  où  les  neiges  d'iiiver  rendaient  les  commu- 
nications trop  difficiles  ou  même  impossibles,  la  circulation,  avec  les 
skis,  y  devi(Md    plus  facile  et  ])lus  i-aj)i(le  souvent  qu'en  été  ;   le  seul 


—  117  — 

point  aïKiuol  le  skieur  doive  porter  une  attention  spéciale  en  certains 
endroits  est  le  dan^'cr  d'avalanche. 

Une  seule  considération  s'()])i)()sait  au  dévelo])i)eiuent  du  ski  parud 
les  ])opulali()ns  pauvres  d(\s  nuuita^'ues,  le  prix  assez  élevé  (pie  le 
commerce  dcuuindc  j)onr  ces  ai)i);ireils.  M.  le  capitaine  Pviaz  a  inuig'iné 
un  procéd('>  (1(>  fabrication  simple  et  efficace,  au  moyen  de  formes  en 
bois,  ^ràce  au(picl  ou  peut,  dans  des  villages  alpins,  fabriquer  à  bas 
prix  d'excellents  skis.  Pour  facilitei'  cette  fabrication,  le  (^lul)  Alpin 
français  distribue  le  matériel  nécessaire  jjour  la  fabrication  aux  com- 
munes où  il  peut  ètr(^  utile.  On  ne  pefiit  guère  douter  ([ue,  grâce  à  ces 
eiforts,  l'usage  du  ski  ne  devienne  général  dans  nos  montagnes,  surtout 
quand  les  enfants  et  les  j(Mines  gens  d'aujourd'hui,  ipu  s'exercent  a\ec 
passion  à  son  «unploi,  auront  atteint  l'âge  d'injuniu'. 

L'exemple  îles  Norvégiens  nous  prouve  d'ailleurs  (pi'il  ne  faut  pas 
une  bien  longue  période  ])our  ({ue  le  ski  devienne  un  s])ort  national  et 
pour  former  des  skieurs  de  première  force,  (^uand  nous  voyons  des 
habitants  de  Gliristiania  exécuter  dans  nos  Alpes  c  's  sauts  admirables, 
et  manœuvrer  sur  leurs  skis  avec  une  aisance  incomparable,  nous 
sommes  tentés  de  croire  ([ue  cette  adresse  est  le  résultat  d'iui  long 
atavisme.  C'est  une  erreur  :  le  ski  existait  bien  depuis  longtemps  en 
Norvège,  mais  oublié  fin  fond  des  campagnes  ;  il  n'y  a  que  25  à  3l)  ans 
({u'on  a  commencé  à  le  cultiver  à  Christiania,  et,  lors  de  ce  début,  les 
habitants  de  cette  ville  n'étaient  pas  plus  experts  (pie  les  Lillois  et  les 
Parisiens  il  y  a  cin([  ou  six  ans. 

Cet  exemple  (^st  des  ])lus  encourageants ,  spécialement  pour  nos 
jeunes  gens,  auxipuds  on  ne  saurait  trop  recommander  cet  exercice 
passionnant. 

Le  succès  colossal  obtenu  l'iiiver  dernier  par  le  concours  interna- 
tional de  skis,  oi'ganisé  par  le  Club  Alpin  français  au  Mont  Cenèvre, 
montre  l'intérêt  ({u'exciti^  ce  sport  nouveau  en  Franiîe  ;  le  nouveau 
concours,  ([ui  aura  lieu  en  Janvier  prochain  à  Chamonix,  sera  sans 
doute  encore  plus  brillant,  et  la  petite  ville  alpestre  ouvre  tous  ses 
hôtels,  pensant  ({u'ils  seront  remplis  par  les  curieux  qu'attirera  cette 
grande  manifesta tion . 


—  11(S  — 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 
EN   1906  ET   1907 


EXCURSION  DANS  LISERE, 
LES   HAUTES   ALPES   ET   LA   SAVOIE 

DU  5  AU  22  AOUT  1906. 


Organisa fcurs  :  MM.   Henri  Béaufort  et  Xavier  Renouard. 


Le  départ  avait  été  fixé  au  dimanche  5  Août  à  7  heures  du  malin.  Avant 
l'heure  indiquée,  les  excursionnistes,  fidèles  au  rendez-vous,  étaient  réunis 
dans  la  salle  des  Pas-Perdus.  Après  les  présentations  vite  faites,  l'expre-s  nous 
emmène  rapidement  vers  Paris,  où  liberté  complète  fut  laissée  à  chacun  de 
nous  pour  le  reste  de  cette  première  journée. 

Lundi  6  Août.  —  Nous  nous  rendons  à  la  g^are  du  P.-L.  M.  où  nous 
prenons  place  dans  l'express  qui  part  pour  Lyon  à  7  h.  15  du  matin.  Nous 
traveisons  une  contrée  verdoyante  et  boisée.  Après  Melun,  voici  Fontaine- 
bleau et  sa  magnifique  Forêt,  puis  Moret  et  son  viaduc.  Au  delà  de  Montereau, 
nous  remontons  la  vallée  de  l'Yonne  au  milieu  de  sites  pittoresques.  Puis 
nous  passons  à  Sens,  Joig-ny  et  Laroche  et  remontant  la  vallée  de  l'Arman- 
çon,  nous  passons  à  Tonnerre  et  à  Montbard,  patrie  de  BufFon.  Après  un  ai'rêt 
aux  Launus  pour  déjeuner,  nous  reprenons  notre  marche.  La  voie  franchit 
des  tranchée-,  des  viaducs,  des  tunnels  dont  l'un,  celui  de  Blaisy  a  4.400 
mètres   de   long   et    péiièiie   r.insi   dans  le  bassin  du  Rhône.  Nous  arrivons  à 


—  11'.)  — 

Dijon  où  il  j  a  un  quart  d'heure  d'arrêt.  Le  train  franchit  ensuite  l'Ouche, 
puis  le  canal  de  Bourgogne.  A  notre  droite  s'étendent  les  fameux  vig-nobles 
de  la  Côte  d'Or.  Nous  passons  à  Beaune,  puis  à  Chalon-sur-Saône  et  à  Màcon  ; 
la  vallée  de  la  Saône  que  nous  descendons  devient  de  plus  en  plus  piltoresque 
aux  approches  de  Ljon.  Nous  atteignons  enfin  la  gare  de  Lyon-Perrache,  où 
nous  devons  changer  de  train.  Nous  y  arrivons  avec  un  tel  retard  qu'il  fallut 
renoncer  à  faire  un  petit  tour  en  ville  pour  ne  pas  manquer  la  correspondance. 
Le  départ  pour  Grenoble  eut  lieu  à  4  h.  45.  Après  avoir  franchi  le  Rhône, 
nous  entrons  dans  l'Isère.  La  voie  traverse  une  plaine  monotone  et,  après  avoir 
franchi  plusieurs  tranchées,  descend  à  Bourgoin,  dans  la  verdoyante  vallée  de 
la  Bourbre,  que  nous  continuons  à  parcourir  jusqu'à  La  Tour  du  Pin,  dans  un 
site  qui  rappelle  la  Normandie.  Puis  la  voie  s'élève  sur  un  plate  m  d'où  l'on 
commence  à  apercevoir  les  sommets  du  massif  de  la  Grande  Chartreuse  et  les 
cimes  neigeuses  de  la  chaîne  de  Belledonne.  Le  chemin  de  fer  franchit  par 
une  forte  rampe  la  lig-ne  de^faîle  entre  la  Bourbre  et  l'Isère  pour  atteindre  la 
station  de  Grand  Lemps  et  nous  jouissons  dès  lors  d'une  belle  vue  sur  les 
montao-nes  calcaires  du  massif  de  la  Grande  Chartreuse  et  sur  celles  de  la  rive 
o-auche  de  l'Isère.  A  Rives,  nous  franchissons  la  Fure  sur  un  viaduc  de  42  m. 
de  haut  et  de  273  m.  de  longueur.  Le  paysage  devient  encore  plus  beau  à 
mesure  que  nous  approchons  des  montagnes.  —  Nous  descendons  sur  Voiron, 
mais  la  nuit  approche. 

ïa'ndis  que  les  cimes  empourprées  se  détachent  sur  le  fond  bleu  du  ciel, 
leurs  parois  blanchâtres  semblent  refléter  les  lueurs  d'immenses  feux  de  Ben- 
gale de  coloris  plus  ou  moin-;  intenses  et  le  crépuscule  couvre  les  pentes  d'un 
voile  violet  d'abord  léger  et  transparent,  mais  qui  va  s'épaississant  de  plus  en 
plus.  Le  chemin  de  fer  descend  une  forte  pente  jusqu'à  Moirans  et  nous 
descentlons  clans  la  vallée  de  l'Isère  que  nous  remontons  jusqu'à  Grenoble. 

Mardi  7  Août.  —  Visite  de  Grenoble.  L'ancienne  capitale  du  Dauphiné 
compte  70.000  habitants.  Renommée  autrefois  pour  sa  malpropreté,  cette 
ville  est  maintenant  complètement  transformée.  Elle  nous  a  paru  au  contraire 
d'une  propreté'  remarquable.  Le  débit  des  sources  de  Rochefort  qui  l'alimentent 
permet  de  distribuer  mille  litres  d'eau  par  jour  et  par  habitant.  La  situation 
de  Grenoble  à  la  jonction  des  belles  vallées  de  l'Isère  et  du  Drac,  est  des  plus 
pittoresques.  L'Isère  divise  la  ville  en  deux  parties  inégales.  La  partie  la  plus 
petite  est  resserrée  entre  le  fleuve  et  le  mont  Ra chais,  dernier  contrefort  du 
massif  de  la  Grande  Chartreuse,  dont  les  falaises  calcaires  portent  le  fort 
Rabot  et,  plus  haut,  celui  de  la  Bastille.  Sur  la  rive  gauche  s'étend  la  plus 
grande  partie  de  la  ville,  au-dessus  de  laquelle  apparaissent  les  crêtes  dente- 
lées des  Alpes  Dauphinoises,  dont  la  blancheur  fait  paraître  plus  bleu  l'azur 
d'un  ciel  qui  rappelle  l'Italie. 

Nous  parcourons  successivement  la  place  Grenette,   centre  de   la  ville,    le 


—  i2()  — 

jardin  de  ville  ou  ancien  jardin  de  l'Hôtel  du  Connétalde  de  Lesdiguières, 
dont  une  partie  sert  de  Mairie.  Nous  visitons  ensuite  les  quais  de  l'Isère  jus- 
qu'au rond-point  de  la  Basiille,  où  aboutissent  plusieurs  Loule  ards,  entre 
autres  le  magnifique  Cours  Saint-André,  large  de  42  mètres,  qui  s'étend  en 
ligne  droite  sur  plus  de  huit  kilomètres  jusqu'à  Pont-de-Claix  ;  puis  au  delà 
de  l'ancienne  porte  de  France,  l'Esplanade  d'où  l'on  jouit  d'une  lielle  vue  sur 
la  route  de  Lyon  et  le  Casque  de  Néron,  montagne  isolée  dont  la  forme  arron- 
die rappelle  vaguement  celle  d'un  casque.  Bien  que  peu  élevée  (1.305  m.), 
son  ascension  est  dangereuse  et  a  causé  déj'i  plusieurs  accidents.  Plus  près,  à 
droite,  est  le  mont  Jalla,  partie  du  Radiais,  qu'on  appelle  aussi  la  Montagne 
aux  Ciments.  Les  roches  à  ciment,  extraites  des  carrières,  sont  transportées 
par  un  funiculaire  du  mont  Jalla  aux  fours  établis  près  de  l'Esplanade.  La 
fabrication  des  ciments  est,  aprè^  celle  de-;  gants,  la  piincipale  industrie  de 
Grenoble.  Nous  rentrons  dans  la  ville  proprement  dite  et  nous  parcourons 
successivement  la  place  de  la  Bastille,  le  boulevard  Gambetta  et  l'avenue  de 
la  Gare,  quartiers  neufs,  le.  rues  de  France,  Montoye,  la  Grande-Rue,  la 
place  St-André,  où  se  trouvenl  la  statue  de  Bavard  mourant  et  l'église  St- André, 
bâtie  en  1220,  ancienne  cliapelle  thi  Château  des  Dauphins.  En  face  de  cette 
éo"li>e  est  le  Palais  de  Justice,  commencé  sous  Loui^  XI  et  achevé  sous 
François  P"".  ancien  Hôtel  du  Parlement  thi  I)auphini%  l'édifice  le  plu  intéres- 
sant de  Grenoble.  La  façade  est  surtout  de  la  Renaissance.  L'int.?rieur  est  orné 
de  fort  belles  boiseries.  On  y  remarque  surtout  les  panneaux  sculptés  par  Paul 
Jude,  artiste  allemand,  de  1521  à  1524,  avec  une  clieminje  gothique  en  bois, 
ornée  de  statues  et  un  retable  du  même  artiste  ;  puis,  dans  la  salle  de  la  pre- 
mière cham])re  de  la  Cour  d'Appel  et  celle  des  Audiences  solennelles,  des 
laml)ris  et  plafonds  de  l)ois  exécuté-;  en  1666  par  Guillebaut,  artiste  greno- 
blois. Parla  rue  du  Palais,  nous  atteignon  ;  la  Cathédrale,  enclavée  à  droite 
et  à  gauche  dans  des  maisons,  bâtie  en  briques  à  l'exception  de  la  façade  du 
portail  de  style  roman,. au-dessus  de  laquelle  s'élève  une  lourde  tour  carrée  du 
XII"  siècle.  Sur  un  des  côtés  du  chœur  est  un  magnifique  ciborium  ou  taber- 
nacle en  pierre  sculptée  de  style  gothique  lland:oyant,  haut  de  plus  de 
14  mètres  et  large  de  2  m.  50,  datant  de  1457,  malheureusement  privé  des 
statues  qui  le  décoraient  autrefois.  Devant  la  Cathédrale  s'élè/e  le  monument 
du  Centenaire  de  la  Révolution.  La  rue  Carnot,  la  place  Ste-Claire  et  la  rue 
du  Lycée  nous  conduiseni  sur  la  place  de  la  Constitution,  ornée  d'un  square 
où  se  trou.ent  la  Préfecture,  l'Hôtel  de  la  Division  militaire,  le  Palais  de 
l'Université,  l'École  d'Artillerie  et  le  Musée-Bibliothèque,  beaux  édifices  de 
construction  moderne.  Sur  la  place  Vaucanson  s'élève  la  statue  du  célèlire 
constructeur  d'automates,  né  à  Grenoble,  et  près  de  là,  ù  l'extrémité  du  square 
des  Postes,  est  un  monument  dan^  le  style  Kmer,  érigé  à  la  mémoire  de 
Doudart  de  Lagrée,  né  près  de  Grenoble  et  j^remier  explorateur  du  Mé-Kong. 
Enfin  nous  traversons  pour  retourner  à  l'hôtel,   la  place  Yictor-Hugo  où  se 


—   IL^I   — 

dresse  l;i  statue  du  fameux  compositeur  dauphinois  :  Berlioz.  Après  le  déjeu- 
ner, les  excursionnistes  suivent  en  tramway  électrique  le  beau  cours  St-André 
qui  les  conduit  à  Pont-ile-Claix,  à  8  kil.  de  Grenoble.  De  là  à  pied,  nous  nous 
dirig-eons  vers  le  vieux  pont  de  Claix,  sous  lequel  coule  le  Drac,  aflluent  de 
l'Isère.  Ce  pont  liàti  en  dos  d'âne  était  une  de^  sept  anciennes  merveilles  du 
Dauphiné.  Construit  en  1611  par  le  Connétable  de  Lesdiguières,  il  devait  sa 
célébrité  à  l'ampleur  de  son  arche  unique,  de  46  m.  d'ouverture,  dont  la  clef 
de  voûte  domine  le  torrent  de  16  m.  On  dit  que  Mandrin,  le  fameux  brigand, 
cerné  au  pont  de  Claix  en  1754  et  sur  le  point  d'être  pris,  se  jeta  du  haut  du 
parapet  dans  le  Drac  et  réussit  ainsi  à  se  sauver  à  la  nag-e.  Un  pont  moderne, 
qui  possède  lui,  par  contre,  la  plus  grande  arche  suri  laissée  qui  existe  en 
France  (52  m.  d'ouverture)  a  été  con  truit  tout  auprès  pour  permettre  d'abais- 
ser le  niveau  des  voies  d'accès.  Du  haut  du  vieux  pont,  la  vue  s'étend  sur  la 
vallée  du  Drac,  le  massif  de  la  Grande  Chartreuse  au  Nord,  le  plateau  de 
St-Nizier.  le  villag-e  de  Sey  sinet,  pittoresquement  placé  sur  une  éminence 
qui  domine  le  Drac  et  le  rocher  de  Comboire,  pi'ès  du  for'  de  même  nom, 
au-dessus  desquels  se  profilent  les  escarpements  du  Moucherotte  (1.906  m.)  ; 
puis  du  côté  opposé,  sur  l'entrée  de  la  vallée  de  la  Romanche,  avec  le  massif 
de  Taillefer,  enfin  le  signal  de  Notre-Dame  de  Vaulx  (1.713  m.),  qui  domine 
au  Sud  la  vallée  du  Drac.  Nous  regagnons  Pont-de-Claix  après  une  courte 
promenade  sur  la  rive  du  Drac  et  rentrons  à  Grenoble  par  le  car  électrique. 

Mercredi  8  Août.  —  Nous  prenons  à  6  h.  1/2  le  tramway  électrique 
qui  remonte  la  vallée  supérieure  du  Grésivaudan  jusqu'à  Chapareilla.n  à 
41  kil.  plus  loin.  Cette  magnifique  vallée,  le  plus  beau  jardin  de  la  France 
d'après  Louis  XII,  protégée  contre  la  rigueur  des  vents  du  Nord,  est  couverte 
de  cultures  variées  qui  contrastent  singulièrement  avec  la  majesté  sévère  des 
hautes  montagnes  qui  les  dominent.  Au  milieu  de  la  plaine  serpente  l'Isère 
mi. oitant  au  soleil  comme  un  immense  ruban  bleu.  Nous  quittons  Greno})le 
par  le  pont  de  l'Ile  Verte  et  suivons  la  nouvelle  route  de  Chambéry.  La  vue 
s'étend  très  belle  en  arrière  sur  Grenoble  et  sa  ceinture  de  montagnes  ;  en 
avant  sur  la  vallée  du  Grésivaudan  et  les  falaises  calcaires  du  mont  St-Eynard 
(1.359  m.)  et  de  la  Dent  de  Crolles  (2.066  m.),  limitant  à  gauche  le  massif  de 
la  Grande  Chartreuse.  Le  tramway  dessert  d'abord  le  gios  bourg  de  la 
Tronche.  A  gauche,  contre  le  St-Eynard,  le  Château  féodal  de  Bouqueron 
(XP  siècle),  où  habita  Louis  XI  alors  qu'il  n'était  encore  que  le  Dauphin 
Louis  II.  D'Alemliert  y  séjourna  pareillement.'  C'est  aujourd'hui  un  établis- 
sement d'hydrothérapie.  Plus  loin  c'est  le  village  de  Corenc  sur  la  route  du 
Sappey  et  de  la  Grantie  Chartreuse,  dominé  par  le  fort  du  mont  St-Eynard, 
le  couvent  de  Corenc  et  celui  de  Montfleury.  Après  Meylan,  la  ligne  rejoint 
l'ancienne  route  de  Chambéry  et  dessert  Montbonnet-St-Martin,  relié  par  un 
pont  suspendu  sur  l'Isère  au  bourg  industriel  de  Domène  à  4  kilomètres  de  là. 


—  V^2  — 

La  vue  s'étend  à  droite  sur  la  chaîne  de  Belledonne  et  Ton  voit  apparaître 
au-dessus  de  la  Grande-Lance  de  Domène  (2.813  m.)  et  du  o-lacier  de  Frej^- 
dane,  les  trois  pics  neigeux  de  Belledone,  dont  le  plus  élevé  (2.981  m.),  d'une 
blancheur  que  fait  paraître  plus  éclatante  le  Meu  intense  du  ciel.  A  droite,  les 
escarpements  de  la  Dent  de  CroUes  limitent  la  vallée.  A  St-Ismier,  nous  quit- 
tons le  ti-amway  pour  allei-  chercher  un  peu  plus  loin  le  car  alpin  qui  doit 
nous  conduire  au  plateau  de  St-Pancrasse.  Le  car  trop  exigu  ne  pouvait  nous 
contenir  tous  et  il  fallut  requérir  une  carriole  de  renfort,  non  sans  beaucoup 
parlementer.  Nou-;  gagnons  la  base  de  la  montagne  à  travers  des  champs 
parsemas  d'arlires  à  fruits  et  nous  nous  engageons  alors  sur  une  route  en 
lacets  au  milieu  de  vignes  en  espaliers  contre  des  supports  en  l)ois  et  suffisam- 
ment espacés  pour  permettre  entre  elles  la  culture  à  la  charrue.  Plus  haut 
nous  trouvons  une  région  boisée,  puis  des  prairies  émaillées  de  fleurs  et  puis 
encore  une  série  de  corniches  et  des  tunnels.  Pendant  le  trajet,  nous  jouissons 
de  vues  très  intéressantes  sur  la  Dent  de  Crolles,  dont  la  masse  surgit  derrière 
le  plateau  de  St-Pancrasse.  La  vall'e  du  Grésivaudan  apparaît  à  nos  pieds  de 
plus  en  plus  lointaine.  Après  avoir  contourné  un  profond  ravin  où  coule  le 
ruisseau  de  Bernin  qui  forme  la  cascade  du  Craponoz.  nous  atteignons  après 
deux  heures  de  montée  le  pittoresque  village  de  St-Pancras>e.  à  environ  mille 
mètres  d'altitude,  dominant  de  750  m.  la  vallée  du  Grésivaudan  et  dominé 
lui-même  de  près  de  mille  mètres  par  le  sommet  de  la  Dent  tle  Crolles  auquel 
il  est  adossé.  La  route  se  poursuit  à  peu  près  horizontalement  jusqu'à 
St-Hilaire  du  Touvet,  coquet  village  sur  le  ruisseau  de  iMontfort  qui  tomlje  en 
cascade  dans  la  vallée  du  Grésivaudan,  au  milieu  de  verdoyantes  prairies 
émaillées  de  nombreuses  clématites  blanches  et  parfumées.  Nous  descendons  à 
l'hôtel  Tournoud  où  nous  dînons  assez  copieusement  en  une  salle  rusti.,ue  aux 
persiennes  bien  closes  à  cau>e  tle  la  chaleur  extrême.  Après  le  repas,  le  soleil 
était  si  cuisant  qu'il  fallut  renoncer  à  la  promenade  projetée.  Ce  n'est  que 
lorsque  la  chaleur  fut  devenue  moins  forte  que  nous  pûmes  visiter  le  village  et 
suivre  le  versant  de  la  montagne  par  un  sentier  ])ordé  de  noi-etiers.  L'heure 
du  départ  arrivée,  nous  remontons  en  voiture  et  nous  atteignons  le  village  de 
St-Bernard,  881  m.  d'altitude,  près  d'une  profonde  échancrure  dans  laquelle 
coule  le  ruisseau  de  la  Terrasse,  qui  se  précipite  dans  la  vallée  sous  forme 
d'une  double  cascade.  Nous  apercevons,  au  delà  des  montagnes  qui  s'étagént 
à  l'horizon,  les  cimes  majestueuses  du  Mont  Blanc.  Nous  redescendons  ensuite 
par  une  route  aux  nombreux  lacets  dans  la  vallée  du  Grésivaudan  où  nous, 
reprenons,  après  avoir  traversé  la  Terrasse,  le  tramway  qui  doit  nous  ramener 
à  Grenoble.  Sur  le  trottoir  et  devant  plusieurs  maisons  de  la  Terrasse,  comme 
aussi  en  d'autres  villages  du  plateau  de  St-Pancrasse,  nous  avons  pu  voir  des 
femmes  occupées  à  la  confection  des  gants  de  peau.  Les  machines  à  découper 
et  à  coudre  coûtent  environ  300  francs  chacune.  Une  ouvrière  habile  peut,  en 
travaillant  chez  elle  en  dehors  des  heures  consacrées   aux   soins   du    ménage. 


—  iZi  — 

gag-ner  un  franc  à  un  franc  vingt-cinq  centimes  par  jour.  Dans  un  atelier,  elle 
peut  gagner  davantage.  Dans  les  montagnes  les  gants  sont  enco;e  confec- 
tionnés à  la  main.  Ces  gants  sont  livrés  cousus  au  fabricant  qui  doit  y  faire 
mettre  des  boutons,  teindre  les  coutures  et  glacer  la  peau.  La  falirication  des 
gants  est  la  principale  industrie  de  Grenoble  ;  elle  occupe  66  fabricants  et 
environ  24.000  personnes  dans  la  région.  Six  fabriques  d'agrafes  et  de  bou- 
tons, onze  mégisseries  et  vingt-cinq  teintureries  forment  les  annexes  de  cette 
industrie  dont  la  production  annuelle  atteint  1.200.000  douzaines,  représen- 
tant une  valeur  de  35.000.000  de  francs.  Nous  traversons  CroUes,  Bernin,  lon- 
geons le  flanc  du  coteau  des  Ecoutoux.  dominant  comme  un  promontoire  toute 
la  vallée  et  otfrant  un  superbe  panorama  sur  les  montagnes  de  Laus,  du  Mou- 
cherotte  au  Grand  Arc  (2.289  m.)  dans  le  Vercors,  jusqu'au  Taillefer  dans 
rOisans  en  passant  par  le  mont  Aiguilles.  l'Obiou  et  sur  les  Banges  en  Savoie. 
Aux  Ecoutoux  aboutissent  les  lignes  de  transport  de  force  électrique  venant 
de  Lancey,  supportées  par  d'énormes  pylônes.  Nous  laissons  à  gauche 
St-Nazaire,  relié  par  le  pont  de  la  Bàthie  à  Lancey,  où  se  trouvent  l'usine 
électrique  et  d'importantes  papeteries.  C'est  là  qu'on  utilisa,  dit-on,  pour  la 
première  fois  «  la  houille  blanche  »  pour  la  production  de  l'électricité.  La 
voie  franchit  ensuite  le  torrent  de  Manival,  aux  crues  parfois  subites  et  formi- 
dables, qui  descend  à  droite  d'un  cirque  d'érosion  où  de  nombreux  barrages 
ont  dû  être  effectués  pour  en  atténuer  les  ravages.  Nous  atteignons  enfin 
St-Ismier  pour  refaire  ensuite  en  sens  inverse  le  trajet  déjà  parcouru  dans  la 
matinée.  Nous  rentrons  à  8  heures  en  viUe  fatigués  par  l'extrême  chaleur, 
mais  pleinement  satisfaits  de  notre  excursion. 

Jeudi  9  Août.  —  Nous  prenons  à  8  heures  du  matin  le  train  pour 
Embrun,  laissant  à  Grenoble  le  plus  gros  de  nos  bagages.  La  ligne  que  nous 
parcourons  est  des  plus  intéressantes,  tant  par  ses  nombreux  ouvrages  d'art 
que  par  les  aspects  pittoresques  et  variés  qu'elle  présente.  En  etfet,  jusqu'à 
Veynes,  à  110  kil.,  les  montagnes  se  succèdent  sans  interruption.  Nous 
comptons  pour  le  moins  28  tunnels,  6  ponts  et  14  viaducs.  Nous  arrivons  à 
Veynes  à  1 1  heures  et  quart  où  nous  déjeunons  au  butîet.  Nous  remontons 
dans  le  train  qui  nous  emmène  vers  Embrun. 

11  fait  extrêmement  chaud  dans  notre  wagon,  resté  en  plein  soleil  pendant 
notre  déjeuner,  aussi  cette  partie  du  trajet  fut-elle  particulièrement  pénible. 
Nous  passons  à  Gap,  après  avoir  traversé  un  viaduc  à  deux  rangs  d'arcades  de 
52  m.  de  hauteur,  puis  à  la  Bâtie-Neuve-le-Lans,  centre  d'un  pèlerinage  deux 
fois  séculaire  de  N.-D.  du  Laus,  à  Chorges,  ancienne  capitale  des  Caturéges, 
à  Savines  sur  la  Durance,  au  pied  du  Grand  Morgon  ;2.326  m.)  et  arrivons  à 
Embrun,  pittoresquement  assise  sur  un  roc  escarpé  qui  domine  la  rive  droite 
de  la  Durance,  au  Sud  du  mont  St-Guillaume.  Trois  membres  du  Club  Alpin 
français  nous  attendent  et  nous  font  visiter  l'ancienne  place  forte  déclassée  en 


—  124  — 

1822   et   démantelée   depuis   lors,   aux  maisons  resserrées  les  unes  contre  les 
autres  autour  de  son  antique  Cathédrale. 

Elle  compte  3.500  habitants,  non  compris  un  l)ataillon  de  chasseurs  alpins. 
L'édifice  le  plus  remarquable  est  l'éj^lise  Notre-Dame,  ancienne  Cathédrale  du 
XIP  siècle,  avec  une  belle  tour  carrée  reconstruite  en  1860  sur  le  modèle  de 
l'ancien  clocher  datant  du  XIV**  siècle  et  qui,    par  une  singulière  disposition, 
est  tenu  en  équilibre  sur  l'angle  Sud  de  la  façade,   tandis  que   sa   voûte   est 
appuyée  dans  l'intérieur  de  l'église  sur  un  seul  pilier  qui  sup|)orte   aussi   les 
orgues  au  butîet  richement  sculpté,  don  de  Louis  XL  On  y  remarque  le  porche 
oii  se  fait  sentir  l'art  Lombard  et  sous  lequel  se   trouvait   autrefois   la   vierge 
noire  N.-D.  du  Real,  objet  d'un  pèlerinage  célèbre  au  Moyen-Age,  une  rosace 
du  XV^  siècle,  un  maître-autel  en  mosaïque,  des  stalles  en  bois  sculpté,  dont 
celle  réservée  aux  rois  de  France  et  qu'occupa  particulièrement  Louis  XL   La 
grille  en  fer  forgé  qui  entoure  le  chœur  a  été  donnée  par  ce  dernier.  Quelques 
dames   se  joignent   à    notre    groupe   et  nous  suivent  dans  la  sacristie.  Elles 
appartiennent  à  la  famille  des  membres   du   Clul)   Alj)in   d'Embrun   et  sont 
venues  nous  rejoindre  à  l'église  ayant  appris  qu'il  y  avait  des  dames  parmi 
nos  excursionnistes.    C'était  de  leur  part  une  délicate  attention.    La   sacri-tie 
renferme  un  bel  autel  du  XVIP  siècle,  une  bannière  de  la  même  époque,  un 
tryptique   de    1518,   une   vierge   en  marbre  attribuée  à  Pierre  Pu  et  et  un 
trésor  extrêmement   riche.    Aussi  le   Musée  de  Cluny  aurait  offert  cent  mille 
francs  pour  deux  chasubles  du  XV*^  siècle.  Citons  encore  un  ostensoir  du  XVIIP 
siècle  en  vermeil,  pesant  près  de  5  kil.  et  ayant  coûté  5.500  livres  et  quatre 
antiphonaires  à  enluminures  gothiques,  etc.,  etc.    En   face   de   la   Cathédrale 
est  l'ancienne  maison  du  Prévôt  du  XI V  siècle.   D  ins  la  rue  de  l'Archevêché 
se  trouve   la  tour  brune,    grosse   tour  carrée  à  créneaux  et  mâchicoulis  du 
XP  siècle  dominant  l'Archevêché,   transformé  en  caserne.    Un  peu  plus  loin 
nous  traversons  la   promenade   du   Roc,   terrasse  plantée  d'arbres  d'où  l'on 
jouit  d'une  belle  vue  sur  la  vallée,  sur  les  montagnes  boisées   qui    bordent   la 
vallée  de  l'Ubaye,  sur  le  grand  Morgan,  dernier  sommet  de  l'arête  sépa  ative 
des  vallées  de  l'Ubaye  et  de  la  Durance  et  à  gauche  sur  l'entrée  de  la  Coml  e 
de  Tucyras.  On  nous  dit  qu'au  pied  de  la  promenade  du  Roc  foisonnent  les 
vipères.  Nous  repartons  vers  la  gare  et  passons  dans  la  grande  rue  devant  une 
maison  du  XIV^  siècle,  ancien  hôtel  des  Gouverneurs.   Nous  montons  dans  le 
train  pour  Briançon  après  avoir  remercié  les  personnes  qui    nous  ont  accom- 
pagnés, emportant  le  meilleur  souvenir  de  l'accueil  qu'elles  nous  ont  fait.  Une 
heure  plus  tard,  vers  5  heures,  nous  descendons  à  la  station   de   Largentière- 
La  Bessée.  La  commune  de  Largentière  doit  son  nom  à  des  mines  de  ploml) 
argentifère.  Un  car  alpin  nous  attend  à  la  gare.    La  route  que  nous  suivons 
traverse  la  Durance   et   remonte  le   promontoire  qui  se  prolonge  entre   la 
Vallouise  et  la  Durance.    En  le  gravissant,  nous  apercevons  en  contre-bas  à 
droite  les  restes  de  la  muraille   des  Vaudois,    ou   rempart  de   la   Bàthie,    qui 


—  125  — 

barre  la  vallée  entre  la  Durance  et  la  Gvronde  à  un  kilomètre  de  la  jonction 
de  ces  rivières.  Toujours  montant,  nous  franchissons  le  Seuil  de  la  Bâthie, 
sorte  de  plateau  d'où  l'on  commence  à  voir  la  vallée  de  la  Gy ronde.  Plus  loin 
nous  passons  au-dessous  des  Vigneaux ,  dont  le  nom  rappelle  d'anciens 
vignobles  aujourd'hui  disparus  et  remontons  le  cours  de  la  Gjronde  qui  coule 
en  contre-bas  de  la  route.  Puis  à  notre  gauche  s'ouvre  la  vallée  de  l'Onde  qui 
remonte  vers  le  pic  de  Bonvoisin  (3.560  m.)  et  qui  est  arrosée  par  le  torrent 
de  l'Onde,  dont  la  réunion  avec  le  Gjr  forme  la  Gyronde.  Un  peu  plus  loin  à 
gauche  voici  A'allouise  dans  la  vallée  du  Gyr.  La  vue  est  ici  invinciblement 
attirée  en  avant  par  la  masse  imposante  du  Pelvoux  qui  dresse  ses  deux  som- 
mets principaux  séparés  par  un  long  couloir  de  glace  au-dessus  d'un  entasse- 
ment de  montagnes  neigeuses  contournées  par  les  vallées  de  la  Gyronde  et 
d'Ailefroide.  La  Vallouise  qui  s'étend  des  moraines  du  glacier  Noir  et  de 
l'arche  de  glace  du  glacier  Blanc  jusqu'à  la  vallée  de  la  Durance  est  une  des 
parties  les  plus  pittoresques  des  Alpes  dauphinoises.  Elle  seriit  longtemps 
d'asile  aux  malheureux  sectaires  qui  furent  enfin  surpris  et  égorgés  pour  la 
plupart  par  les  soldats  de  la  Palud.  Laissant  Vallouise  à  gauche,  nous  attei- 
gnons par  la  vallée  du  Gyr  le  Poet  où  nous  descendons  à  l'hôtel  Rolland.  Il 
est  un  peu  primitif,  mais  il  y  fait  propre.  Le  repas  fut  suffisamment  copieux, 
mais  le  morceau  de  résistance  —  résistance  est  le  mot  propre  —  ne  se  laissa 
point  entamer,  malgré  tout  l'acharnement  qu'on  y  mit.  Le  liquide,  puisé  au 
torrent  voisin,  avait  tout  l'aspect  d'un  lait  de  chaux  fortement  dilué.  Quant 
aux  mouches,  il  y  en  avait  partout,  jamais  nous  n'en  vîmes  autant  dans  le 
cours  de  notre  voyage.  Elles  sont  très  incommodes  et  nous  obligèrent  même 
à  abréger  notre  séjour  dans  la  salle  à  manger. 

Vendredi  18  Août.  —  Après  une  nuit  passée  dans  des  chambres  lilan- 
chies  à  la  chaux,  et  sommairement  meublées,  nous  allons  en  partie  à  Ailefroide, 
tandis  que  d'autres  se  contentent  d'une  promenade  à  pied  dans  la  vallée  du 
Gyr.  Nous  suivons  le  Gyr  et  longeant  la  chaîne  calcaire  qui  s'étend  du  pic  de 
Montbrison  â  celui  de  la  Condamine  (2.936  m.),  traversons  le  hameau  du 
Sarret  aux  chalets  grossièrement  construits,  puis  plus  loin  St-Antoine,  récem- 
ment rebâti  à  la  suite  d'un  incendie.  On  arrive  ensuite  au  confluent  des 
torrents  d'Ailefroide  et  de  l'Eychauda,  dont  la  réunion  forme  le  Gyr.  Le 
pa^'sage  environnant  cette  entrée  des  vallées  supérieures  est  très  pittoresque. 
Torrents  et  cascades  descendent  de  ressauts  élevés  ;  à  travers  la  verdure  du 
versant  méridional  on  aperçoit  les  eaux  de  la  Pisse,  qui  bondissent  en  nom- 
breuses cascatelles.  Enfin  le  Pelvoux  (3.954  m.)  y  apparaît  grandiose  et  son 
énorme  masse  nous  cache  même  la  Barre  des  Ecrins,  plus  élevé  que  lui  de 
149  mètres,  aussi  a-t-il  donné  son  nom  au  massif  tout  entier.  Nous  remontons 
l'Ailefroide  par  un  mauvais  sentier  très  caillouteux,  ayant  de-ci  de-là  de  beaux 
aperçus- des  gorges  d'Ailefroide,    nous   franchissons   le   torrent  de   St-Pierre, 


—  126  — 

issu  du  glacier  Blanc  et  atteignons  le  châlet-hôtel  d'Ailel'roide,  construit  en 
1897  sur  un  petit  plateau  au  pied  des  rochers  de  Pellissier,  contreforts  du 
Pelvoux.  De  là  on  jouit  d'un  beau  panorama  :  au  Sud-Ouest,  sur  la  crête  des 
Bœufs-Rouges  au  delà  du  glacier  de  Sélé  ;  au  Nord-Est,  sur  la  chaîne  des 
Arcas,  le  clocher  de  Clouzis  (3.403  m.)  et  plus  près  la  Tête  de  la  Draye 
(2.250  m.)  ;  puis  au  Sud-Est,  sur  la  Tête  d'Amont.  Après  un  séjour  d'une 
heure,  nous  regagnons  le  Poet,  sans  autre  incident  que  la  chute  d'une  excur- 
sionniste désarçonnée.  La  venue  subite  d'un  chien  hargneux  avait  suffi  à 
causer  ce  petit  malheur,  qui  n'eut  aucune  conséquence  grave,  ajoutons-le. 
Après  le  déjeuner  nous  allons  visiter  Vallouise  qui  n'offre  guère  d'intéressant 
que  sa  petite  église  du  XV''  siècle.  Les  idiots  et  les  crétins  sont  nombreux 
dans, la  Vallouise,  nous  en  avons  rencontré  plusieurs,  vieillards  déjà  malgré 
leur  jeunesse.  Nous  regagnons  ensuite  vers  six  heures  la  station  de  Largen- 
tière  où  nous  montons  dans  le  train  pour  Montdauphin.  iVrrivés  à  destination, 
nous  montons  dans  un  car  alpin.  Nous  passons  au  pied  de  rochers  formidables 
aux  parois  à  pic  sur  lesquels  est  bâtie  la  petite  ville  forte  de  Mont-Dauphin 
(328  habitants,  plus  la  garnison)  à  l'altitude  de  1.045  m.,  au  confluent  du 
Guil  et  de  la  Durance.  En  contournant  la  place,  nous  pouvons  nous  engager 
dans  la  vallée  de  Queyras,  qui  s'étend  du  col  de  Valante  près  le  mont  Viso 
jusqu'à  Mont-Dauphin.  Nous  arrivons  à  la  nuit  tombante  à  la  petite  ville  de 
Guillestre  qui  présente  encore  quelques  restes  d'un  rempart  du  XVI"  siècle  et 
nous  nous  rendons  par  une  petite  rue  étroite  et  misérable  à  l'hôtel  Imbert, 
situé  sur  une  petite  place  ornée  d'une  fontaine  en  marbre  rouge  de  Guillestre. 
Un  dîner  plantureux  nous  attend  après  lequel  nous  avons  hâte  d'aller  nous 
reposer  des  fatigues  de  la  journée. 

Samedi  11  Août.  —  Nous  sommes  réveillés  plus  tôt  que  nous  ne  l'aurions 
voulu  par  un  vacarme  assourdissant .  Toute  la  gent  emplumée  de  la  basse- 
cour  et  les  mulets  qui  stationnent  devant  l'hôtel  en  sont  la  cause.  Nous  en 
profitons  pour  faire  une  promenade  matinale  dans  cette  petite  ville  accidentée 
de  la  Guillestre,  située  au  pied  de  la  Tête  de  Cugulet  (2.528  m.).  Elle  com- 
prend deux  parties  :  le  faubourg  de  Ville-Vieille  qui  remonterait  aux  Gallitae, 
peuplade  gauloise,  et  la  ville  haute  construite  au  XIIP siècle  par  des  habitants 
de  Roma,  chassés  de  leur  ville  par  la  Durance.  On  en  voit  du  reste  encore  les 
ruines  entre  Embrun  et  Mont-Dauphin.  On  y  remarque  une  colonne  érigée  à 
la  mémoire  du  général  baron  Albert,  né  à  Guillestre  (1771-1822),  la  maison 
de  l'intendant  de  La  Valette,  qui  contient  un  petit  musée  minéralogique  et 
archéologique,  et  l'église  en  marbre  rouge  du  pays  avec  son  porche  ou  Real 
qui  rappelle  celui  de  N.-D.  d'Embrun.  —  Vers  huit  heures  nous  remontons 
en  voiture  pour  parcourir  la  vallée  du  Queyras.  La  route  remonte  d'abord 
sur  les  pentes  du  Cugulet  d'où  elle  domine  le  Guil  à  une  grande  hauteur  et 
l'on  a  en  arrière  une  belle  vue  sur  la  Durance  et  le  Pelvoux.    A   un  tournant. 


—  127  — 

au  promontoire  du  Saut  du  Prêtre,  une  automobile  lancée  à  toute  vitesse 
réussit  à  ne  pas  nous  heurter  et  s'arrête  heureusement  sur  l'extrême  bord  d'un 
ravin  très  profond.  De  telles  routes  ne  se  prêtent  vraiment  pas  à  une  circula- 
tion rapide  et  on  aimerait  voir  ailleurs  ces  nouveaux  véhicules.  La  Suisse  a 
pris  contre  les  chauffeurs  des  mesures  draconiennes,  aussi  se  rabattent-ils, 
nombreux  maintenant  dans  nos  montagnes.  Nous  traversons  le  hameau  de  la 
Maison  du  Roi,  qui  tire  son  nom  d'une  petite  auberj^e,  ainsi  appelée  parce 
qu'elle  abrita  un  jour  Louis  XIII  (1629).  En  retour,  ce  roi  donna  à  son  pro- 
priétaire et  à  toute  sa  famille  une  sauvegarde.  L'auberge  appartient  encore  à 
un  de  ses  descenilants.  Après  avoir  franchi  le  Guil,  la  route  descendue  au 
niveau  du  torrent,  remonte  la  Combe  de  Queyras,  gorge  étroite  qui  se  déploie 
sur  plus  de  6  kilomètres  entre  des  roches  qui  s'élèvent  parfois  à  une  grande 
hauteur.  Le  fond  de  la  gorge  est  entièrement  occupé  par  la  route  et  le  Guil 
qui  roule  ses  eaux  limpides  sur  un  lit  de  cailloux  blancs  parsemés  de  débris 
de  marbres  rouges  et  verts.  Après  avoir  franchi  plusieurs  fois  le  Guil  on 
pénètre  dans  une  vallée  large  et  verdoyante  pour  parcourir  ensuite  une  nou- 
velle gorge  étroite  et  sombre  dominée  par  des  rochers  à  pic.  Nous  laissons  à 
gauche  la  vallée  d'Arvieux  et  la  route  s'élève  par  des  lacets  jusqu'à  un  défilé 
entre  le  Rocher  Roux  et  celui  de  l'Ange  Gardien,  d'où  nous  apercevons  devant 
nous  Château  Queyras  avec  son  vieux  fort,  fièrement  campé  sur  son  roc.  Nous 
déjeunons  à  Château  Queyras,  hameau  de  200  habitants,  non  compris  la  gar- 
nison du  fort  et  continuons  ensuite  à  remonter  le  Guil.  Nous  laissons  à  droite 
Mile-Vieille,  au  confluent  du  Guil  et  de  l'Aigue-Blanche,  plus  loin  nous 
traversons  Aiguilles,  où  l'on  remarque  des  villas  et  de  luxueuses  constructions 
qu'ont  fait  bâtir  des  habitants  du  pays,  émigrés  en  Amérique  à  la  suite  d'un 
terrible  incendie  et  revenus  riches  au  pajs  natal.  Toutes  les  maisons  et  les 
rues  sont  pavoisées,  car  c'est  demain  la  fête  des  moissons  et  à  cette  occasion 
aura  lieu  une  exposition  des  produits  fabriqués  par  les  habitants  du  Queyras 
et  des  industries  d'hiver  dans  les  Alpes.  L'affiche  annonce  encore  une 
gymkhana,  sorte  de  réunion  mondaine  où  chaque  invité  vient  accompagné 
d'un  animal  apprivoisé  qui  devra  faire  montre  au  public  de  ses  talents  de 
société.  Nous  devons  renoncer  à  voir  cette  solennité,  car  notre  itinéraire  est 
fait  et  n'admet  point  de  changement  en  cours  de  route  et  nous  voici  toujours 
remontant  la  vallée  du  Guil.  Nous  voyons  la  forêt  de  Marasson,  o])jet  d'un 
litige  qui  dura  plusieurs  siècles  entre  Aiguilles  et  Abriès.  Nous  arrivons 
dans  cette  dernière  localité  où  nous  avons  peine  à  nous  loger.  Il  y  règne  une 
grande  animation  en  raison  des  troupes  en  manœuvres  qui  se  sont  cantonnées 
à  Abriès. 

Dimanche  12  Août.  —  Abriès  est  une  commune  de  654  habitants,  située 
à  1.552  mètres  d'altitude.  Nous  visitons  l'église  romane  dont  le  porche 
n'existe  plus.   Deux  lions  en  pierre  bleue   en  sont  les  seuls  vestiges.  Par  des 


—  128  — 

rues  étroites  et  en  pente  nous  gagnons  la  halle  publique,  vieille  et  malpropre, 
sur  le.,  murs  de  laquelle  on  peut  lire  de  curieuses  sentences,  par  exemple  : 
Un  seul  Dieu  tu  adoreras  et  aimeras  comme  toi  même.  —  Partout  faites  poids 
et  mesures,  car  de  telle  mesure  que  vous  mesurerez,  il  vous  sera  mesuré,  1609. 
—  Après  le  déjeuner,  promenade  en  voiture  dans  la  haute  vallée  du  Guil. 
Au  delà  de  Ristolas,  nous  atteignons  la  Monta,  dont  les  chalets  sont  si  rappro- 
chés de  part  et  d'autre  d'une  rue  fort  étroite  que  nous  craignons  de  les  voir 
accrochés  au  passage  par  nos  voitures.  Au  hameau  de  l'Échalp  nous  gagnons 
à  pied  l'Alpe  de  la  Médille,  un  riant  plateau,  d'où  nous  jouissons  d'une  belle 
vue  sur  le  mont  Viso  (3.841  m.),  tout  entier  situé  en  Italie.  Sa  masse  noire, 
aux  lignes  abruptes,  est  surmontée  d'un  glacier  aux  neiges  étincelantes  au- 
dessus  duquel  se  dressent  deux  cîmes  altières.  Après  l'avoir  contemplé  quelque 
temps,  malgré  le  froid  qui  règne  sur  ce  plateau,  nous  regagnons  nos  voitures 
à  l'Échalp  et  rentrons  à  Abriès. 

Lundi  13  Août.  —  Nous  quittons  Abriès  un  pen  après  le  départ  des 
troupes  alpines  et  rejoignons  à  Aiguilles  encore  pavoisée  la  colonne  des 
chasseurs  alpins  en  culotte  blanche,  vareuse  et  béret  bleu.  Nous  les  dépassons 
à  notre  tour,  mais  pendant  que  nous  faisions  halte  à  Château-Queyras,  les 
troupes  nous  ont  rejoints  et  défilèrent  en  bon  ordre  devant  nous  aux  sons  d'un 
pas-redoublé.  Nous  abandonnons  ensuite  la  route  de  Guillestre  un  moment 
suivie  pour  entrer  dans  la  vallée  d'Arvieux.  Au  delà  de  Brunissard,  au  bout 
de  cette  vallée,  nous  commençons  une  longue  montée  sur  une  route  étroite 
aux  nombreux  lacets  et  dépourvue  de  parapets.  Des  hauteurs  où  nous  sommes 
la  vallée  d'Arvieux  ressemble  à  un  immense  damier  aux  cases  vertes  et  jaunes 
figurant  des  prairies  ou  des  champs  de  céréales.  Le  chemin  monte  de  plus  en 
plus,  les  chevaux  sont  exténués.  Tantôt  ils  s'arrêtent,  tantôt  ils  se  cabrent, 
lorsqu'ils  sentent  le  fouet  et  la  prudence  nous  oblige  à  descendre  de  voiture  et 
de  faire  à  pied  le  reste  de  la  route.  Nous  tournons  ensuite  dans  une  sorie  de 
cirque  aride  et  sauvage  sous  un  soleil  implacable.  On  ne  rencontre  pas  même 
un  oiseau  dans  cette  solitude.  Nous  atteignons  enfin  le  col  d'Isoard  (2.388  m.) 
entre  l'Arpelin  et  le  clôt  de  la  Cime  (2.734  m).  Du  col,  belle  vue  en  arrière 
sur  la  Font  Sancte,  la  plus  haute  cime  du  Quejras  et  en  avant  sur  le  sommet 
du  Chaberton,  fortifié  par  les  Italiens.  Nous  redescendons  environ  80  mètres 
jusqu'au  refuge  national,  l'un  des  six  refuges  dus  à  la  libéralité  de  Napo- 
léon P"'.  Il  est  très  mal  entretenu  et  nous  sommes  bien  aises  de  pouvoir 
absorber  en  plein  air  le  déjeuner  froid  que  nous  avons  emporté  d' Abriès.  Nous 
l'arrosons  d'un  vin  mousseux  d'Asti.  Nous  descendons  ensuite  le  versant  Nord 
de  la  montagne,  d'aspect  verdoyant,  traversons  le  Laus  au  confinent  du  Bléton 
et  du  Blétonnet,  sous  le  pic  de  Rochebrune  (3.324  m.),  Cervières  à  la  jonction 
du  Bléton  et  de  la  Cerveyrette,  puis  après  un  coude  brusque  le  défilé  qui  pré- 
cède le  petit  hameau  de  Terre-Rouge  et  ensuite  une  gorge  étroite,  d'aspect 


—  IS)  — 

sauvag-e  entre  des  [)aiois  ù  pic  et  dénudés.  A  gauche  s'étendent  les  luiuteurs 
de  la  Grande  Maye  et  à  droite  celles  du  Gondran,  couronnées  de  forts  avancés 
de  Briançon  où  nous  arrivons  par  le  faubourg  Ste-Catherine.  Il  n'v  a  plus 
qu'à  gravir  pénijjlement  l'Avenue  de  la  République  qui  monte  vers  la  haute 
ville,  pour  gagner  notre  hôtel  sis  à  mi-côte. 

(.•1  suivre). 


II. 

EXCURSION   A   CASSEL 


Le   7   Juillet    1907. 


Le  mauvais  temps  des  jouis  précédents  avait  découragé  les  plus  zélés 
excursionnistes,  aussi  est-ce  en  petit  noml)re  que,  sous  la  direction  de  M.  Henri 
Beaufort,  nous  nous  embarquons  pour  Cassel. 

«  Audaces  fortunajuvat  ».  Ce  dicton  fut  vrai  une  fois  encore,  car  ajn'ès 
quelques  moments  de  crainte  causée  par  le  passage  de  gros  nuages,  le  soleil 
se  montra  vers  midi,  plus  beau  parce  que  plus  désiré. 

A  la  descente  du  train  nous  trouvons  notre  second  Directeur,  M.  Canti- 
neau,  l'aimable  et  érudit  cicérone  qui  guidera  nos  pérégrinations  sur  la 
pittoresque  colline. 

En  route  donc  pour  Cassel  par  le  chemin  le  plus  long  afin  de  jouir  plus 
longtemps  du  panorama  splendide  qui  se  déioule  à  nos  pieds.  Nous  laissons 
de  part  et  d'autre  de  ravissantes  propriétés  ;  citons  entre  autres  le  château  de 
M.  Dujardin,  jadis  habité  par  le  Bailli  de  Cassel,  que  les  lé  olutionnaires 
exécutèrent  à  Paris  en  Septembre  1793.  Cette  habitation  est  entourée  d'un 
parc  où  nous  pouvons  admirer  quatre  petits  étangs  s'échelonnant  le  long  du 
coteau.  C'est  qu'en  effet  une  source  alimente  le  plus  élevé  et  l'eau  se  déverse 
successivement  dans  les  nappes  inférieures  où  des  carpes  centenaires  se 
laissent  vivre  dans  la  plus  paisible  quiétude  à  l'abri  de;  pêcheurs  indiscrets. 

Tout  en  devisant  et  nous  contant  mutuellement  nos  impressions  sur  le 
paysage,  nous  parvenons  au  sommet   du  mont  après  avoir  traversé  certaine 


—  130  — 

petite  ruelle  nous  rappelant,  par  une  série  de  petits  ponts  nous  regardant  de 
haut,  des  souvenirs  de  voyages  passés. 

Nous  voici  en  ville  :  visitons-en  les  curiosités.  Toujours  guidée  par 
M.  Cantineau  qui  nous  renseigne  sur  toutes  choses  avec  force  détails  histo- 
riques ou  légendaires,  notre  petite  compagnie  pénètre  dans  l'église,  construc- 
tion du  XIP  siècle,  restaurée  dernièrement  et  dotée  par  souscription  d'un 
orgue  assez  coquet  où  sainte  Cécile  et  le  roi  David  pincent  à  Tenvi  la  Ijre  et 
la  harpe. 

Nous  jetons  un  coup  d'oeil  en  passant  sur  l'église  des  Pères  Jésuites  dont  la 
façade  rappelle  d'une  manière  frappante  notre  église  Saint-Etienne,  et  sur 
l'Hôpital  construit  en  1015.  Il  y  a  dans  la  cour  de  cet  édifice  une  vaste 
citerne  ayant  la  forme  d'une  croix.  Chose  remarquable,  cette  citerne  est  en 
môme  temps  un  puits,  comme  on  peut  en  juger  par  une  rigole  située  dans  le 
fond  et  par  où  l'eau  monte.  La  présence  de  sources  sur  la  colline  nous 
explique  pourquoi  Cassel  est  habité. 

Nous  poursuivons  vers  la  butte  du  Castellum,  le  plus  haut  point  du  mont 
où  se  trouvaient  la  Collégiale  de  Saint-Pierre  et  là  Citadelle,  dont  on  ne 
trouve  plus  trace.  Elles  sont  aujourd'hui  remplacées  par  un  Casino,  quelques 
hôtels  et  un  moulin,  le  tout  encadré  d'un  gentil  jardin  tout  parsemé  de  ileurs, 
formant  comme  une  couronne  de  souvenir  autour  d'un  monument  commémo- 
rât f  rappelant  au  passant  que  Cassel  fut  témoin  de  trois  batailles  et  qu'il  j 
eut  des  vainqueurs  et  des  vaincus. 

Nous  sommes  à  172  mètres  d'altitude.  Tout  autour  de  nous  s'étend  un 
panorama  splendide  :  Hazebrouck  et  ses  clocliers,  plus  loin  Isbergues  dont  la 
fumée  et  les  vapeurs  évoquent  les  aciéries  et  les  forges,  Aire,  Saint-Omer, 
Poperinghe  et  la  frontière  Belge.  Un  rayon  de  soleil  déchirant  les  nuages 
nous  découvre  au  loin  une  ligne  blanche  :  ce  sont  les  Dunes  de  Dunkerque. 

Par  un  temps  exceptionnel,  on  peut,  dit-on,  apercevoir  les  côl^s  d'Angle- 
terre, ce  qui  fait  que  les  Cassellois  se  vantent  de  voir  de  leur  ville  quatre 
royaumes  :  les  royaumes  de  France,  de  Belgique,  d'Angleterre  et  le  royaume 
des  Cieux. 

On  ne  se  lasserait  de  regarder  et  d'admirer,  et  tandis  qu'accoudés  au  rus- 
tique balcon  qui  surploml  e  la  route,  nous  ré.ons  en  contemplant  cette  nature 
si  calme  et  si  reposante,  les  échos  d'une  joyeuse  fanfare  nous  rappellent  brus- 
quement à  la  réalité  :  c'est  qu'en  effet  il  y  a  concours  de  tir  à  l'arc,  aussi  tous 
les  disciples  de  saint  Sébastien  s'y  sont  donné  rendez-vous.  Le  cortège 
s'avance,  on  salue  le  drapeau  et  l'on  rend  les  honneurs  ;  puis  commence  le 
tournoi.  Nous  admirons  un  instant  l'adresse  des  tij-eurs  qui  prennent  place 
dans  l'arène  à  l'appel  de  leur  nom  par  un  héraut  à  la  voix  de  Stentor,  et  après 
un  dernier  regard  sur  les  plaines  verdoyantes  qui  nous  entourent,  nous 
redescendons  vers  la  ville  pour  visiter  le  Musée. 

Petit    de   taille   mais   grand    d'intérêt,   peut-on  dire  de  ce  Musée,   car  il 


131 


contient  une  foule  de  choses  curieuses  qui  permettent  de  reconstituer  une 
grande  partie  de  Tliistoire  de  Cassel  depuis  Robert  le  Frison,  dont  on  peut 
voir  une  pierre  tombale,  jusqu'au  Général  Vandamme. 


(iRANI)  PLACE    DE    CASSEL. 


Ce  Général,  enfant  de  Cassel,  était  toujours  là  cpiand  Napolôon  avait  besoin 
d'un  hardi  coup  de  main  et  c'est  de  lui  que  ce  dernier  disait  :  «  Si  j'avais 
deux  Vandamme  dans  mon  armée,  j'en  ferais  fusiller  un  »  Il  sous  entendait  : 
parce  que  j'en  aurai  peur. 

Le  piemier  objet  qui  se  présente  à  nos  regards  est  une  pompe  à  incendie  de 
la  fin  du  XVIIP  siècle.  Cet  instrument,  perfectionné  pour  l'époque,  puis- 
qu'il fut  envoyé  à  Lille  pour  y  combattre  un  incendie,  nous  apparaît  mainte- 
nant bien  primitif  auprès  de  nos  puissantes  pompes  à  vapeur. 

Nous  voyons  aussi,  entre  autres  curiosités,  toute  une  série  d'animaux 
empaillés,  poissons  extraordinaires,  oiseaux  des  pays  chauds,  papillons  aux 
mille  couleurs  ;  quantité  de  fossiles  provenant  de  la  Saldière  du  Mont  des 
Récollets  que  nous  visiterons  tantôt  ;  enfin  une  collection  bien  fournie  de 
pièces  de  monnaies,  surtout  de  pièces  romaines.  «  Ça  sent  le  gallo-romain  », 
aurait  crié  le  héros  de  L;  biche  ;  nous,  profanes,  nous  ne  voyons  que  du  métal 
dans  ces  petits  objets  ([ui  feraient  les  délices  des  numismates  et  des  archéo- 
logues. 

Mais  nos  estomacs   réclament  :   le  temps  d'acheter  quel([ue.>  traditionnelles 


—  132  — 

caries  illustrées  qu'on  jette  à  la  poste  et  la  cloche  du  dîner  nous  appelle  à 
table.  Notre  promenade  a  servi  d'excellent  apéritif,  car  nous  faisons  honneur 
au  déjeuner  qui  nous  est  servi  dans  les  salons  de  Belle-Vue  de  l'Hôtel  du 
Sauvag-e.  Au  dessert,  M.  Beaufort  porte  un  toast  à  notre  cicérone  :  «  C'est 
une  occasion  pour  moi,  dit-il,  de  rendre  un  juste  hommage  à  l'incessant 
dévouement  de  M.  Cantineau  à  la  Société  de  Géog'raphie,  au  nom  de  laquelle 
je  parle  ».  M.  Cantineau  répond  qu'il  éprouve  toujours  un  vif  plaisir  à  être 
utile  aux  membres  de  la  Société,  il  lève  son  verre  à  la  prospérité  de  notre 
association,  aux  directeurs,  aux  membres  présents  et  à  ceux  que  le  temps 
incertain  a  retenu  chez  eux. 

Cependant  il  faut  suivre  le  ])rog-i'annne.  Nos  forces  sont  réparées  et  il  est 
deux  heui'es  et  demie  quand  nous  nous  nous  remettons  en  route  pour  le  Mont 
des  Récollets.  PliéLus  a  l'air  de  nous  sourire  ;  il  n'en  faut  pas  davantag'e  pour 
déraidir  complètement  les  jaml;es.  «  Prenons  les  petits  sentiers,  nous  dit 
M.  Cantineau,  car  on  ])eut  toujours  suivre  les  grandes  routes  quand  on  n'a 
pas  de  guide  ».  C'est  maintenant  que  nous,  g-ens  des  villes  industrielles, 
bruyantes  et  fumeuses,  nous  trouvons  du  cliarme  à  parcourir  ces  chemins 
ombrag-és  où  le  parfum  des  fleurs  champêtres  se  mêle  au  g-azouillis  des  oiseaux 
qui  sorlent  le  nez  du  nid  pour  voir  ces  indiscrets  visiteurs. 

La  roule  n'est  pas  bien  longue  et  nous  atleig-nons  vite  la  Sablière.  Voici 
des  fossiles  :  nummulites,  tunulithes  ;  plus  loin  voilà  des  grès  ferrugineux  et 
des  puddings,  des  débris  de  coquillages  qui  nous  permettent  de  croire  qu'à 
une  é[)oque  lointaine  tout  ce  pays  était  couvert  par  la  mer.  Il  faut  encore 
monter  un  peu  pour  atteindre  le  sommet  ;  commence  alors  un  véritable  lal)y- 
rinthe  au  milieu  des  Iniissons  qui  nous  frappent  la  figure  de  leurs  branches 
enchevêti'ées.  Surtout  ne  nous  perdons  pas.  Quelques  coups  de  jarret  et  nous 
voici  au  haut  de  la  colline  :  Cassel  est  devant  nous,  nous  en  distinguons  par- 
faitement les  édifices.  Le  panorama  de  ce  matin  se  renouvelle  avec,  en  plus, 
la  clarté  d'un  soleil  radieux  qui  nous  fait  oublier  les  courtes  pluies  de  la 
matinée. 

L'heure  avance  malheureusement  ;  nous  nous  hâtons  de  reffag-ner  Cassel  où 
nous  remercions  une  dernière  fois  notre  aimable  guide  qui  n'a  cessé  de  nous 
intéresser  par  ses  récits  et  ses  anecdotes.  Nous  quittons  Cassel  enchantés  de 
cette  charmante  journée,  regrettant  seulement  la  courte  durée  des  beaux  jours. 

E.    WlCART   fils. 
Ronbaia;  Je  10  Jinllel  1907. 


—  133 


LA  POPULATION  ISRAELFrE 

DU    MAROC 


Comme  chez  tous  les  peuples,  la  population  Israélite,  au  Maroc,  joue  un 
rôle  très  important  dans  révolution  économique  et  commerciale  du  pajs.  Et 
ce  rôle  est  d'autant  plus  caractérisé  que  la  proportion  des  individus  d'origine 
juive  (pii  hal)itent  le  Maroc  est  considérable,  si  on  prend  comme  point  de 
comparaison,  les  deux  pajs  voisins,  l'Algérie  et  la  Tunisie. 

On  estime  à  65.000  le  nombre  des  israélites  qui  habitent  les  localités  du 
littoral  marocain  entre  Tétouan  et  Mogador,  et  à  85.000  environ  ceux  qui 
vivent  dans  les  agglomérations  urbaines  de  l'intérieur  du  pays,  depuis  les 
bourgades  de  2.000  habitants  jusqu'aux  capitales  comme  Merrakecli  où,  sur 
75.000  habitants,  on  compte  16.000  juifs.  Cela  porterait  à  150.000  le  chiffre 
des  israélites  clladins. 

D'autre  part,  les  rabbins  et  les  notables  juifs  qui  connaissent  le  mieux  le 
Maroc  affirment  que  le  nombre  des  fractions  paysannes  judéo-berbères,  qui 
mènent  dans  les  montagnes  la  même  existence  que  les  Rifains  ou  les  Chleuh, 
est  également  de  150.000  individus  environ.  Il  sera  difficile,  avant  de  longues 
années,  de  vérifier  cette  assertion,  puisque  l'intérieur  du  Maroc  est  inacces- 
sible et  fermé  aux  voyageurs,  mais  si  on  songe  qu'il  n'est  pour  ainsi  dire  pas, 
dans  les  collines  du  Rif,  dans  les  massifs  du  Moyen-Atlas,  dans  les  chaînes  du 
Haut-Atlas,  dans  les  oasis  de  l'Extrême-Sud,  de  village,  de  hameau  où  on  ne 
trouve  quelques .  familles  d'origine  ou  de  langue  berbère  pratiquant  le 
judaïsme,  on  se  rendra  compte  que  ce  chiffre  de  150.000  jn\k  fellahs  n'est  pas 
exao-éré. 


Il  y  aurait  donc  au  Maroc,  en  chiffres  ronds,  300.000  israélites  contre  un 
peu  plus  de  5  millions  de  musulmans,  soit  en  moyenne  60  israélites  pour 
1.000  musulmans.  J'ai  dit  que  cette  proportion  était  considérable.  En  Tunisie, 
en  effet,  on  compte  seulement  40  israélites  sur  1.000  musulmans,  et  en  Algérie 
il  n'y  a  que  57.000  israélites  contre  4.700.000  indigènes  musulmans,  soit  12 
contre  1.000. 


—  134  — 

En  Alg'érie  el  en  Tunisie,  l'influence  de  la  population  juive  sur  les  destinées 
commerciales  de  ces  deux  pays  est  bien  déterminée.  Elle  a  fait  naître  d'âpres 
concurrences,  des  jalousies,  des  polémiques,  même  des  révoltes,  si  on  se  rap- 
pelle les  troubles  antisémites  alg'ériens.  Or,  si  on  considère  que,  dans  le 
chiffre  total  de  la  population  indigène,  la  proportion  des  Israélites  est  cinq  fois 
plus  forte  au  Maroc  qu'en  Algérie,  on  peut  en  conclure  facilement  que  la 
participation  de  ces  éléments  au  commerce  du  jmjs  est  encore  plus  considé- 
rable, tant  dans  son  rôle  actuel  que  dans  ses  conséquences. 

Etant  donné  que  la  majorité  des  juifs  citadins  s'adonne  au  commerce  et  s'en 
assimile  toutes  les  branches,  jusques  et  y  compris  les  multiples  détails  du  trafic 
européen,  il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  l'importance  immérique  de  cette 
catégorie  de  population  urbaine  constitue  un  des  principaux  obstacles  à 
l'immigration  dans  les  villes  du  Maroc  de  commerçants  français  et  eurb[)éens. 

Le  négociant  musulman  est  routinier  ;  il  se  renferme  dans  certaines  spécia- 
lités, qu'il  n'abandonne  que  dans  les  cas  d'extrême  nécessité.  L'Israélite,  au 
contraire,  est  prêt  à  tout  faire,  dans  le  domaine  du  négoce  et  des  branches 
qui  s'y  rattachent.  Et  celte  faculté  d'assimilation,  qui  est  peut-être  plus 
vivace  au  Maroc  qu'ailleurs,  lui  donne  une  incontestable  supériorité  locale. 
L'Européen,  dans  ces  conditions,  a  ailaire  à  forte  partie,  el  ses  efforts,  dans 
la  lutte  pour  la  vie,  doivent  être  d'autant  plus  énergiques  que  la  concurrence 
est  rude  et  habile. 


Les  israélites  du  Maroc  se  rép-artissent  en  deux  catégories  J  ien  distinctes  : 
les  juifs  originaires  d'Espagne,  chassés  de  ce  pays  par  l'Liquisiiion  durant  le 
XV®  el  le  XVP  siècdes,  établis  dans  toutes  les  villes  du  littoral,  et  les  juifs 
autochtones,  habitant  l'intéiieur  du  Maroc  depuis  une  époque  très  ancienne, 
souvent  antérieurement  à  l'islamisme. 

Les  israélites  espagnols  sont  a|)pelés  roMj/u' (Européens)  par  leurs  coreligion- 
naires autochtones.  Il  existe,  d'ailleurs,  entre  l'une  et  Fautre  catégorie,  une 
sorte  d'antagonisme  latent,  qui  se  caractérise  par  un  mépris  réciproque.  Les 
Judéo-Espagnols  de  la  Côte  appellent  les  Judéo-Berbères  des  villes  et  des 
tribus  de  l'intérieur,  foras/eros  (étrangers,  barbares).  Tout  en  a  ant  entre  eux 
des  relations  suivies,  grâce  à  leur  commune  religion  et  leur  affinité  non  moins 
commune  pour  le  commerce,  roumis  et  forasieros  restent  sur  une  certaine 
réserve,  s'observent  et  ne  se  mélangent  pas. 

Les  juifs  indigènes  parlent  l'arabe  ou  le  berbère  comme  langue  maternelle, 
mais  leur  instruction  hébraïque  est  très  développée  ;  leurs  rabbins  sont  fort 
instruits,  et  certains  d'entre  eux  ont  écrit  des  ouvrages  de  jurisprudence 
mosaïque  qui  font  loi  dans  les  communautés  juives.  Ils  sont  très  fiers  de  ce 
qu'ils  appellent   une    «  supériorité  intellectuelle  »    sur  leurs  coreligionnaires 


—  135  — 

des  ports  et  sont,  de  plus,  très  attachés  à  leur  costume  national  :  longue  houp- 
pelande noire  ou  grise,  serrée  à  la  taille  par  une  ceinture,  et  calotte  noire. 
Ce  costume  leur  est  d'ailleurs  imposé  par  les  musulman-^  dans  l'intérieur  du 

pays. 

Ces  Israélites  d'origine  berhère  sont  intelligents  et,  malgré  tout,  facilement 
assimilables.  Dans  les  villes  comme  Fez  et  Merrakech.  où  l'Alliance  Univer- 
selle Israélite  a  pu  installer  des  écoles,  on  constate  que  les  enfants  font  des 
progrès  très  rapides  et  qu'ils  perdent  a^sez  vite  les  préjugés  que  leur  ont 
inculqués  leurs  familles.  Par  contre,  dans  les  localités  sans  écoles,  et  surtout 
dans  les  tribus  montagnardes,  les  groupements  juifs  restent  très  superstitieux, 
très  fanatiques,  et  englobent  dans  leur  haine  commune  tout  ce  qui  n'est  pas 
judéo-]  erbère. 

On  trouve,  dans  cette  catégorie,  des  commerçants  ordinaires,  des  prêteurs 
sur  gages,  des  colporteurs,  des  petits  artisans,  des  paysans  qui  culti\-ent  des 
jardins  pour  leur  propre  compte,  et  d'autres  qui  sont  les  véritables  serfs, 
attachés  à  la  glèbe  des  indigènes  musulmans.  Dans  les  grandes  villes,  et 
même  dans  les  localités  modestes,  il  y  a  toujours  un  faubourg  spécial  réservé 
aux  juifs,  entouré  de  hautes  murailles  et  fermé  de  portes  massives  :  c'est  le 
Mellah. 

Les  juifs  indigènes,  quoique  méprisés  par  les  musulmans  (auxquels  ils 
rendent  d'ailleurs  leur  mépris),  font  partie  inhérente  de  leur  existence.  La  sou- 
plesse, l'habileté  financière  dont  ils  font  preuve  ont  amené  les  maîtres  du  pavs 
à  les  considérer  comme  indispensables  aux  besoins  de  la  vie  courante.  Leurs 
notables  sont  d'ailleurs  assez  adroits  pour  être  toujours  en  excellents  termes 
avec  les  représentants  de  l'autorité  marocaine.  Ces  bonnes  relations  sont  entre- 
tenues par  des  services  rendus,  par  des  prêts  en  argent  notamment. 

* 
*  * 

Les  Roumis,  israélites  de  Tétouan.  de  Tanger  et  des  villes  de  la  Côte,  cons- 
tituent la  Société  juive  la  plus  connue,  la  plus  étudiée  du  Maroc,  parce  qu'elle 
est  en  contact  permanent  avec  les  Européens,  et  qu'elle  est  elle-même  euro- 
péanisée. 

La  langue  maternelle  des  Judéo-Espagnols  est  le  castillan,  qu'ils  ont 
conservé  tel  que  le  ])arlaient  leurs  pères  chassés  d'Espagne,  avec  un  certain 
nombre  d'archaïsmes  et  d'expressions  qui  ne  s'emploient  plus  à  Madrid.  Ils 
ont  aussi  des  intonations  particulières  qui  frappent  tout  de  suite  les  oreilles 
habituées  au  véritable  accent  espagnol. 

Le  type  de  ces  israélites  se  rapproche  plutôt  du  tjpe  iljérique  que  du  type 
sémite.  Les  Européens  nouvellement  débarqués  à  Tanger  s'v  trompent,  et 
tant  la  physionomie  que  le  langage  leur  font  prendre  les  .ludi'o-Espagnols 
halùir-s  à  l'européenne  pour  des  Espagnols. 


—  130  — 

Les  rigueurs  qui  pèsent  encore  sur  les  juifs  de  l'intérieur  du  Maroc  ne  sont 
plus  de  mode  dans  les  villes  de  la  Côte.  Les  israélites  n'y  sont  pas  tenus  de 
vivre  uniquement  dans  le  Mellah,  ils  peuvent  porter  le  costume  qui  leur  con- 
vient, monter  à  clieval,  et  ne  sont  pas  obligés  enfin  de  marcher  déchaussés 
dans  les  quartiers  arabes. 

Au  surplus,  les  Judéo-Espagnols  constituent  dans  les  ports  une  sorte  de 
colonie  européenne,  presque  latine,  à  part.  Leur  immigration  a  devancé  de 
trois  siècles  celle  des  chrétiens  qui  commence  seulement,  et  elle  a  su  prendre 
les  bonnes  places,  drainant  à  peu  près  tout  ce  que  le  Maroc  était  susceptible 
d'offrir  comme  marché  d'importation  et  (l'exportation,  dans  l'état  primitif  où 
il  se  trouvait  et  dont  il  sort  à  peine. 

L'Alliance  Israélite  Universelle  n'a  ])as  eu  à  sortir  de  la  barbarie  ces  élé- 
ments déjà  à  demi  civilisés.  Elle  n'a  fait  que  les  perfectionner  et  leur  a  fourni, 
avec  une  instruction  européenne,  des  armes  nouvelles  pour  conserver  au 
Maroc  la  situation  que  leurs  ancêtres  avaient  su  y  acquérir,  pour  augmenter 
même  cette  situation. 

Supposons  ces  israélites  cantonnés  comme  auparavant  dans  leurs  études 
hébraïques  et  se  bornant  à  parler  l'espagnol  et  l'arabe  (que  leur  contact  avec 
les  indigènes  les  a  obligés  à  apprendre).  Ils  seraient  tenus,  comme  les  musul- 
mans, de  se  cantonner  dans  certaines  professions  et  dans  le  petit  commerce 
indigène.  Au  lieu  de  cela,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  précédemment,  le  Judéo- 
Espagnol  est  non  seulement  petit  débitant  et  petit  courtier,  mais  encora 
exportateur  et  importateur  en  gros  ;  il  est  non  seulement  changeur  et  prêieur 
à  la  petite  semaine,  mais  encore  banquier  et  commanditaire  ;  on  le  trouve 
partout,  employé  ou  patron,  dans  les  assurances,  dans  les  agences  maritimes^ 
dans  les  maisons  de  gros  ou  de  détail,  dans  les  adjudications,  les  monopoles  et 
les  industries.  A  sa  connaissance  des  langues  espagnole  et  arabe  se  joint  celle 
du  français,  qu'il  apprend  dans  les  écoles  de  l'Alliance,  et  parfois  celle  de 
l'anglais,  qu'on  lui  a  enseigné  dans  un  collège  de  Gibraltar  ou  dans  sa  famille, 
s'il  est  a]-)parenté,  comme  c'est  souvent  le  cas,  à  un  Israélite  gibraltarien. 

Ajoutons  que  la  plupart  de  ces  Judéo-Espagnols  sont  protégés  anglais, 
espagnols,  français,  allemands,  italiens,  améiicains,  et  que  plusieurs  d'entre 
eux  ont  obtenu  une  naturalisation.  La  plupart  sont  donc  à  l'abri  de  l'arbitraire 
et  des  exactions  de  l'autorité  marocaine.  Ces  privilèges  leur  créent  les  mêmes 
droits  que  les  Européens  dont  ils  sont  les  co-nationaux,  et  ils  ont  sur  eux  cet 
avantage  appréciable  d'une  connaissance  parfaite  des  mœurs  et  coutumes  du 
pays,  des  musulmans  et  des  procédés  commerciaux  locaux. 

* 

Depuis  quelques  années,  il  se  dessine  chez  les  Judéo-Espagnols  du  Maroc 
un  mouvement  d'émigration,   intéressant  à  étudier,   vers  les  Républiques  de 


—  137  — 

l'Amérique  du  Sud.  Cette  émigration  n'est  d'ailleurs  que  transitoire.  En 
général,  ce  sont  les  jeunes  g-ens  pauvres  qui  prennent  ce  parti.  Ils  ont  constaté 
que,  pour  réussir  au  Maroc,  il  fallait,  comme  dans  tous  les  pays  primitifs, 
posséder  un  petit  capital  à  faire  fructifier  avec  le  plus  d'ingéniosité  possible. 
Les  premiers  d'entre  eux  qui  sont  partis  se  sont  fixés  pendant  quelques  années 
dans  des  pays  en  pleine  période  d'exploitation  et  de  développement,  comme 
l'Argentine.  Ils  se  sont  fait  passer  sans  difficulté  pour  Espagnols,  et  leur  ingé- 
niosité leur  a  permis  d'amasser  un  j)etit  pécule,  qu'ils  ont  rapporté  au  Maroc, 
et  dont  ils  usent  en  général  pour  faire  construire  des  maisons.  Cet  exemple 
a  encouragé  d'autres  jeunes  gens  qui,  eux  aussi,  sont  allés  en  Argentine 
pour  essayer  d'y  amasser  un  capital,  qu'ils  viendront  ensuite  mettre  en  valeur 
au  Maroc. 

Telles  sont  les  caractéristiques  de  cette  population  travailleuse,  sobre,  soli- 
daire, particulièrement  dans  les  classes  moyennes.  Les  Judéo-Espagnols,  et 
avec  eux  un  certain  nombre  de  juifs  indigènes  européanisés,  tendent  de  plus 
en  plus  à  faire  oublier  leur  qualité  de  «  sujets  marocains  »  et  à  constituer  une 
véritable  «  colonie  »  homogène  et  uniforme,  qui  sera  la  «  colonie  Israélite  » 
du  Maroc,  à  côté  de  chacune  des  colonies  européennes  qui  se  coudoient  dans 
ce  pays.  Sorte  de  groupement  clérical,  cette  colonie  est  déjà  et  sera  de  plus 
en  plu-s  un  curieux  amalgame  de  familles  appartenant  à  des  nationalités  très 
diverses.  Elle  tiendra  une  place  importante  dans  les  éléments  dirigeants  qui 
participeront  à  la  mise  en  valeur  du  pays. 

On  ne  peut  que  regretter  une  chose  :  c'est  la  difficulté  avec  laquelle  la  natu- 
ralisation française  est  accordée  aux  Israélites  marocains  qui  la  sollicitent.  Le 
voisinage  de  l'Algérie,  leur  parenté  avec  un  grand  nombre  de  familles  qui 
habitent  la  colonie  voisine,  la  langue  française  qu'ils  s'assimilent  de  plus  en 
plus,  sont  autant  de  raisons  qui  ont  poussé  plusieurs  Israélites  du  Maroc  à 
essayer  d'obtenir,  mais  en  vain,  cette  naturalisation.  Il  semble  qu'une  mesure 
d'exception  aurait  pu,  en  la  circonstance,  différencier  le  Maroc  des  autres  pays 
étrangers,  et  attirer  à  nous,  sinon  tous  les  israélites,  du  moins  les  meilleurs 
d'entre  eux. 

Ch.   René-Leclerg, 
Délégué  général  du  Comité  du  Maroc  à  Tanger. 


LA   CHINE    NOUVELLE 


On   a   beaucoup   parlé,    depuis  quelques  mois,  de  l'évolution  de  la  Chine. 
Celle-ci  paraît  être,  en  eifet,  sérieusement  entrée  dans  la  voie  du  progrès  et  de 


—  138  — 

la  civilisation  occidentale.  La  manifestation  la  plus  éclatante  de  cette  orien- 
tation nouvelle  de  la  cour  de  Pékin  a  été  l'envoi  aux  Etat-;-Unis  et  en  Europe 
de  la  mission  chargée  d'étudier  les  divers  systèmes  de  gouvernement  des 
grandes  nations  étrangères  et  dont  on  se  rappelle  la  venue  en  France.  Depuis 
lors,  des  dépêches  d'Extrême-Orient  nous  avaient  fait  connaître  des  projets 
de  réformes  et  de  constitution  parlementaire  qui  ne  tendraient  à  rien  moins, 
s'ils  étaient  réalisés,  qu'au  bouleversement  des  séculaires  institutions  chinoises. 
Qu'y  a-t-il  derrière  cet  engouement  soudain  pour  des  innovations  auxquelles 
les  fils  de  Han  paraissaient  jusqu'ici  si  violemment  réfractaires  ?  Quelles  réa- 
lités correspondent  exactement  à  tous  ces  décrets  qui  prétendent  faire,  en  si 
peu  de  temps,  du  vieil  empire  céleste,  une  nation  moderne  ?  Il  importe  d'au- 
tant plus  d'être  fixé  à  cet  égard  que  l'on  sent  bien  quelles  conséquences  incal- 
culables ne  tarderait  pas  à  avoir  une  telle  transformation  de  «  l'autre  moitié 
du  monde  ».  Recueillir  des  renseignements  précis  sur  une  question  si  impor- 
tante, c'est  justement  le  but  de  mon  retour  dans  ce  pays  que  je  n'avais  pas 
revu  depuis  la  gueri-e  russo-japonaise. 

J'avais  hâte  de  reprendre  contact  avec  les  foules  jaunes,  curieux  de  leurs 
aspects  nouveaux  et  de  ce  que  l'on  pouvait  immédiatement  percevoir  de  leur 
modification.  Et  j'avoue  tout  de  suite  que  cette  impression  tout  artificielle  de 
changement,  je  ne  l'ai  eue,  dans  ce  début  de  voyage,  qu'à  Pékin.  A  Singapour, 
à  Hong-Kong,  en  Cochinchine,  qui  sont  les  vestibules  de  la  Chine,  j'ai 
retrouvé,  parmi  le  grouillement  de  l'immigration,  le  type  du  Céleste  à  demi 
européanisé  et  que  l'on  connaît  depuis  longtemps  déjà  sous  l'amusant  sobii- 
quet  de  John  Chinaman.  C'est  un  gros  commerçant,  un  armateur  ou  un  Ijan- 
quier ,  souvent  richissime  et  à  la  tête  d'entreprises  considérables.  Il  a 
généralement  une  large  face  glabre  et  placide,  mais  aux  yeux  singulièrement 
aigus  derrière  les  lunettes  rondes  à  monture  d'écaillé  ou  d'or.  Il  est  coiffé 
d'une  cape  dernier  cri,  chaussé  à  l'anglaise,  et  avec  cela  vêtu  du  costume 
national,  le  tour  de  tête  rasé,  la  chevelure  brune  et  luisante  nattée  en  une 
longue  tresse  que  prolonge  coquettement,  jusque  près  du  sol,  un  fin  cordonnet 
de  soie.  Il  représentai*,  à  lui  seul,  jusqu'à  ces  derniers  temps,  l'action  civili- 
satrice apparente  de  l'Europe  dont  toute  l'influence  se  bornait  à  faire  por!er 
des  l)ottines  et  des  chapeaux  d'Europe  à  quelques  douzaines  de  Chinois.  Mais 
cela  ne  peut  pas  même  être  retenu  comme  un  premier  symptôme  de  la  formi- 
dalile  décristallisation  dont  nous  commençons  à  suivre  les  phases. 

A  Shanghaï,  durant  mon  rapide  passage,  je  n'ai  pas  eu  davantage  le  senti- 
ment d'un  changement  quelconque.  Sur  le  bund  des  concessions  où  le  èusiness 
international  a  édifié  ses  palais  d'une  opulence  brutale,  j'ai  retrouvé  la  même 
mêlée  pouilleuse  de  coolies  qui,  pliant  sous  les  bâtons  de  bambou,  vont  et 
viennent  des  steamers  aux  entrepôts,  dans  un  énorme  bourdonnement  de  ruche. 
Et  dans  les  rues,  c'était  toujours,  traversée  par  les  chaises  à  porteurs,  les 
pousse-pousse,  la  brouette  grinçante  du  pauvre   et   le   coupé   du   riche  com- 


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prador,  la  même  singulière  foule  de  séminaristes  à  tresse.  Habillé  d'une  longue 
robe  de  cotonnade  ou  de  soie,  sous  une  courte  lévite  somljre,  une  sorte  de 
barelte  ronde  surmontée  d'une  boule  de  corail  couvrant  sa  tête,  le  visage  rasé 
jusqu'à  l'intérieur  des  narines,  émacié  souvent  par  l'alms  de  l'opium,  impas- 
sible et  comme  absorbé  par  des  pensées  austères,  l'allure  rituelle  et  la  main 
agitant  un  éventail,  le  fils  du  Ciel  a  en  eiFet  quelque  chose  à  la  l'ois  de  sacer- 
dotal et  de  féminin.  Les  tout  jeunes,  aux  jeux  vifs  pleins  de  malice,  aux  traits 
mièvres  et  presque  trop  délicats  contrastant  avec  l'attitude  grave  et  compassée 
à  laquelle  on  les  habitue  dès  la  plus  tendre  enfance,  font  l'etfet  de  petits  clercs 
nitouches,  futés  et  gracieux. 

Le  soir,  tout  ce  monde  circulait  dans  Foochowroad,  où  les  rues  déversent 
sans  discontinuer  un  tel  Ilot  humain,  où  les  maisons  de  thé,,  les  fumeries,  les 
maisons  plus  secrètes  et  les  concerts  tout  bruissants  de  gongs  et  de  cymbales 
sont  si  nombreux  que  l'on  a  la  sensation  d'une  ville  où  pas  un  mètre  carré 
n'est  perdu  pour  la  fête.  Il  y  a  trois  ans,  j'y  vis  un  spectacle  absolument  iden- 
tique, et  c'est  Hinsi  en  effet,  inlassablement,  tous  les  soiis.  Le  Chinois  offre 
au  plaisir  comme  à  la  douleur  plus  de  résistance. 

Dans  ces  quartiers,  situés  sur  les  settlements  internationaux  et  qu'ils  ont  peu 
à  peu  envahis,  les  Célestes  auraient  pu,  semble-t-il,  depuis  un  demi-siècle, 
prendre  le  goût  des  côtés  pratiques  de  notre  civilisation.  Pourtant,  tout  près 
de   là.    ils   ont    conservé    intacte  leur  vieille   cité,   avec  ses  rues  o-luantes  de 

o 

déjections,  ses  ruisseaux  infects  et  son  effroyable  vermine  de  mendiants,  de 
lépreux  et  d'ulcéreux  rongés  de  gangrène. 

A  Chéfou,  une  escale  de  deux  lieures  m'a  permis  de  faire  les  mêmes  obser- 
vations. C'est  encore  l'affreux  cloaque  d'où  la  verte  colline  des  Consulats 
s'élève  comme  une  ileur  sur  un  fumier. 

Ces  choses  miritaient  d'être  notées,  car  si,  dans  les  ports  qui  sont  depuis 
longtemps  en  contact  avec  l'Europe,  le  Chinois  conservait  sa  prodigieuse 
indifférence  pour  les  améliorations  les  plus  élémentaires ,  on  pouvait  se 
demander  ce  qu'il  en  était  dans  l'intérieur  tlu  pays  et  ce  qu'il  adviendrait  de 
réformes  autrement  difficiles. 

A  Pékin,  du  moins,  mon  impression  a  été  tout  autre.  Il  y  a  eu  là  vraiment, 
depuis  la  dernière  guerre,  une  transformation  complète.  Quand  j'y  arrivai,  en 
Mai  1904.  il  pleuvait  et  je  me  souviens  qu'à  peine  sorti  du  quartier  des  Léga- 
tions, en  entrant  dans  Hatamen,  l'une  des  plus  grandes  voies  de  la  capitale, 
mon  pousse-pousse  dut  entrer 'dans  une  boue  fétide  où  il  enfonça  jusqu'au 
moyeu.  Les  principales  artères  de  la  cité  tartare  n'étaient  d'ailleurs  que  des 
tranchées  profondes  dont  le  sol,  creusé  de  sillons  par  les  roues  des  voitures 
massives  du  pays,  ressemblait  plutôt  à  une  terre  de  labour  qu'à  une  chaussée 
urbaine.  Et  c'étaient  aussi  des  dépotoirs,  car  des  boutiques  et  des  maisons, 
perchées  de  chaque  bord,  sur  de  hauts  talus,  les  hal)itants,  de  temps  immémo- 
rial, y  jetaient  leurs  ordures. 


-  140  — 

Dans  la  cité  chinoise,  la  voie  iriomphale,  qui  par  la  porte  Shien-Men  va  du 
palais  impérial  au  temple  du  Ciel,  et  qui  avait  été  jadis  superbement  dallée, 
ravinée  de  trous  énormes,  était  presque  impraticable.  Les  tonneaux  d'urine 
avec  lesquels  on  l'arrosait  quotidiennement,  en  rendaient  l'atmosphère  irres- 
pirable. On  n'apercevait  du  reste,  de  tous  côtés,  qu'un  invraisemblable  amon- 
cellement de  détritus,  au  milieu  desquels  le  Chinois,  qui  y  vivait  à  l'aise, 
apparaissait  comme  un  être  hallucinant.  Par  contre,  les  mao^asins  de  ce  quar- 
tier aux  émanations  pestilentielles  rutilaient,  de  la  base  au  faîte  de  leurs 
façades,  de  somptueuses  dorures  et  d'orfèvreries  compliquées.  Et  cela  faisait 
\m  surprenant  mélang-e  de  grandeur  et  de  décrépitude,  d'art  précieux  et 
d'iiumanité  en  décomposition,  qui  pouvait  être  pris  pour  le  saisissant  sjmliole 
de  la  Chine. 

Il  faudra  renoncer  désormais  à  ce  pittoresque  de  cauchemar.  En  deux 
années  d'efïorts  continus,  sous  la  direction  d'un  homme  énergique,  le  ministre 
Sin  Tché  Clieung-,  maintenant  vice-roi  à  ]\Ioid<;den,  la  capitale  de  l'Empire 
du  Milieu  a  été  nettoyée  de  sa  couche  séculaire  d'immondices  ;  ses  rues  ont  été 
refaites  au  rouleau,  éclairées  à  l'électricité,  entretenues  par  une  voirie  irré- 
prochable, surveillées  très  correctement  par  des  policemen  dressés  dans  une 
école  spéciale,  sous  les  ordres,  bien  entendu,  d'officiers  japonais.  Quand  on  lui 
aura  donné  l'eau,  des  égouts  et  des  tramways  —  il  en  est  actuellement  ques- 
tion —  elle  n'aura  plus  rien  à  envier  à  nos  villes  occidentales. 

Dieu  merci,  malgré  cette  adaptation  aux  nécessités  modernes,  Pékin  a 
gardé  toute  sa  savoureuse  originalité.  C'est  toujours  le  centre  d'une  civilisa- 
tion et  d'une  société  profondément  différentes  des  nôtres  et  si  anciennes  qu'il 
faut,  pour  trouver  des  analogies,  remonter  aux  premiers  temps  de  la  Grèce  et 
de  Rome.  L'habitation,  la  vie  familiale,  les  mœurs  et  nombre  de  scènes  et  de 
tableaux  furtifs,  tout  nous  reporte  vers  un  passé  vertigineux.  Ainsi  peut-on 
rencontrer  à  tout  instant  dans  les  rues,  assis  dans  sa  chaise  à  porteurs,  escorté 
de  toute  une  suite  de  clients  ou  de  valets  à  pied  et  à  cheval,  tel  quelque  consul 
ou  tribun  antique,  un  haut  personiîage  de  la  cour,  dont  on  aperçoit  au  pas- 
sage, derrière  le  rideau  qu'il  soulève  du  doigt,  la  face  lourde,  cruelle  et 
raffinée  de  Vitellius  asiatique.  Et  quelle  chose  trouldante  de  penser  que  tout 
ce  qui  nous  entoure,  et  qui  vit  et  qui  grouille  intensément,  est  coulé  dans  im 
moule  bien  antérieur  à  Pompéi  même,  dont  nous  ne  revoyons  pourtant  jamais 
le  squelette  sans  une  indescriptible  émotion  ! 


Que  le  peuple  innombrable  des  fils  de  Han,  figé  dans  un  cadre  social  qui 
n'a  plus  d'âge,  adopte  ainsi  d'un  seul  coup  les  formes  actuelles  de  la  vie  occi- 
dentale, auxquelles  nous  ne  sommes  parvenus  que  par  des  siècles  d'évolution 


—  lU  — 

incessante  et  toute  une  série  de  révolutions ,  c'est  en  vérité  une  tentative 
inouïe.  Il  y  faudrait,  dans  tous  les  cas,  des  hommes  de  génie,  des  organisa- 
teurs d'une  envergure  napoléonienne.  J'ai  donc  eu,  dès  mon  arrivée  à  Pékin, 
la  curiosité  bien  naturelle  de  voir  quelijues-uns  de  ceux  qui  ont  entrepris  cette 
tâche  gigantesque.  Ces  visites  m'étaient  du  reste  indispensables,  pour  établir, 
au  début  de  cette  enquête,  la  thè.>e  rél'ormiste  officielle.  Elles  m'ont  été  gran- 
dement facilitées  par  le  Inenveillant  appui  du  très  distingué  et  très  o])ligeant 
ministre  de  France,  M.  Bapst.  Voici  les  inqoressions  que  j'en  ai  rapportées. 

J'ai  vu  d'abord  le  prince  Sou.  récemment  nommé  ministre  de  l'intérieur  et 
gouverneur  de  Pékin.  Malheureusement  il  ne  me  reste  de  cette  première 
entrevue  qu'un  souvenir  liurlesque.  Je  savais  que  le  prince  ne  parle  que  le 
chinois,  mais  je  ne  m'en  étais  pas  inquiété,  car  on  m'avait  dit  qu'il  avait 
auprès  de  sa  personne  tout  un  jeu  d'interprètes.  Le  renseignement  était 
inexact,  en  sorte  que  lorsque  nous  nous  ommes  trouvés  assis  de  chaque  côté 
d'une  petite  table  garnie  des  classiques  cigarettes  égyptiennes  et  de  deux 
coupes  de  Champagne,  nous  n'avons  pu  que  nous  reg  irder.  Le  nouveau 
ministre  est  un  homme  d'une  cinquantaine  d'années,  court  et  replet,  avec  une 
figure  grasse  toute  souriante,  tellement  souriante  que  les  yeux  disparaissent 
presque  entre  deux  petits  bourrelets  de  chair.  Plein  de  bonhomie,  il  fit  de 
vains  efforts  pour  causer.  Puis  comme  il  n'y  avait  décidément  pas  moyen,  il 
■se  rabattit  sur  le  seul  mot  français  qu'il  connût  et  il  me  dit,  à  plusieurs 
reprises,  en  s'inclinant  chaque  fois  :  «  Merci,  merci  ».  Connaissant  le  terme 
équivalent  chinois,  j'ai  pu  lui  répondre,  en  m'inclinant  à  mon  tour  :  «  Tossié, 
tossié  ».  Et  nous  nous  sommes  quittés  dans  un  éclat  de  rire. 

Ce  que  j'ai  appris  par  la  suite  m'eidève  tout  regret  de  cette  conversation 
manquée.  Le  prince  Sou  ne  doit,  parait-il,  son  élévation  présente  qu'à  sa  qua- 
lité de  membre  de  la  famille  impériale.  Il  lui  a  suffi,  pour  prendre  tournure 
d'homme  informé  des  choses  d'Occident,  d'avoir  de  tout  temps  accueilli,  dans 
le  souci  de  ses  propres  intérêts  compromis  par  les  charges  d'un  clan  très  nom- 
breux, une  collection  variée  de  brasseurs  d'affaires  cosmopolites. 

Je  pouvais  espérer  mieux  du  duc  Tsé,  ministre  des  finances,  par  lequel  j'ai 
été  reçu  ensuite.  Le  duc  Tsé,  qui  appartient  aussi  à  la  famille  impériale,  fut  le 
chef  de  la  grande  mission  envoyée  l'an  dernier  en  Europe.  Il  est  donc  de 
ceux  qui  paraissent  devoir  jouer  un  rôle  considérable  dans  l'évolution  de  la 
Chine.  Il  semblerait  même  assez  logique  qu'il  en  soit  la  cheville  ouvrière. 
Mais  hélas  !  c'est  sans  doute  un  modeste  et  un  silencieux,  tellement  silencieux, 
le  regard  morne  et  vide,  que  l'on  finit  par  douter  vraiment  qu'il  ait  quelque 
chose  à  dire.  Au  cours  de  la  réception  assez  longue  qu'il  m'a  faite,  je  l'ai  vai- 
nement pressé  de  questions  sur  les  réformes  financières. 

Avec  Lien  Fang,  l'un  des  vice-présidents  du  waï-wou-pou,  j'ai  été  plus 
lieureux.   Lien  Fang  a  fait  autrefois  quatre  années  d'études  à  Paris  et  il  a, 


—  142  — 

depuis,  accompagné  LiHungChang;  en  Europe.  Il  possède  parfaitement  nôtre- 
langue,    il  connaît  nos  habitudes  d'esprit,  notre   goût  pour  l'investigation 

désintéressée. 

Voici  ce  qu'il  m'a  dit  d'abondance  et  sans  que  j'aie  eu  besoin  de  l'inter- 
roger, dès  qu'il  a  su  l'objet  de  ma  visite  : 

—  On  a  beaucoup  travaillé  et  on  travaille  encore  sans  arrêt  à  la  prépara- 
tion des  réformes.  Mais  la  plupart  de  celles-ci  ne  sont  pas  encore  au  point.  Il 
importe  d'aller  lentement  et  sagement.  On  ne  pourrait,  en  effet,  changer  la 
Chine  d'une  manière  brusque  et  si  radicale,  sans  provoquer  peut-être  des 
révoltes.  Il  faut  donc  agir  progressivement.  C'est  ainsi  que  l'on  a  fait  pour 
l'opium.  On  ne  l'a  pas  interdit  absolument.  On  a  seulement  fermé  les  fume- 
ries pul  liques.  Ceux  qui  voudront  fumer  chez  eux  payeront  un  impôt.  Les 
fonctionnaires  de  plus  de  soixante  ans  auront  la  même  licence.  Ceux  de  cin- 
quante ans  ont  un  congé  de  cinq  mois  pour  se  déshabituer.  Les  autres  ont  dû 
opter  entre  leur  emploi  et  l'usage  de  la  drogue.  Nous  espérons  arriver  ainsi  à 
la  suppression  complète  dans  une  période  de  dix  ans. 

«  La  réforme  la  plus  importante,  celle  de  laquelle  dépendent  toutes  les 
autre-,  car  on  ne  peut  rien  faire  sans  argent,  c'est  la  réforme  des  finances.  Il 
faut  avant  tout  rétablir  un  budget  solide,  mais  c'est  précisément  le  plus  dif- 
ficile, parce  qu'on  touchera  aux  intérêts  des  fonctionnaires,  à  de  très  anciennes 
coutumes.  11  est  donc  indispensable  de  modifier  les  modes  de  recrutement  et 
de  pa^'ement  des  mandarins.  C'est  une  question  très  délicate  et  qu'on  ne  peut 
résoudre  d'un  seul  coup,  partout  à  la  fois.  On  a  commencé  par  le  Petchili,  de 
même  d'ailleurs  que  pour  tout  le  reste.  C'est  ainsi  que  dans  cette  province, 
comme  à  Pékin,  on  applique  le  nouveau  code  pénal,  qui  supprime  les  châti- 
ments corporels,  la  torture,  la  solidarité  familiale  et  la  gradualion  de  la  peine 
de  mort. 

«  Une  réforme  très  importante,  celle  de  l'enseignement,  est  appliquée 
partout.  On  a  ouvert,  dans  tout  l'empire,  des  écoles  de  divers  degrés,  avec  des 
programmes  adaptés  aux  nécessités  modernes.  On  ne  se  borne  plus  à  apprendre 
aux  jeunes  Chinois  des  textes  de  littérature  nationale  :  on  leur  enseigne 
une  langue  étrangère,  les  sciences,  l'histoire,  la  géographie,  etc.  Il  ne  peut 
être  de  longtemps  question  d'établir  l'instruction  primaire  obligatoire,  mais 
cela  viendra  à  son  tour. 

»  Au  point  de  vue  militaire,  on  a  réorganisé  l'armée  à  l'européenne  et  les 
dernières  manœuvres  ont  donné  d'excellents  résultats.  Nous  continuerons 
jusqu'à  ce  que  notre  pavs  soit  pourvu  d'un  solide  instrument  de  défense.  Le 
sentiment  patriotique  et  le  goût  des  armes  deviennent  du  reste  très  vifs.  Je 
vous  citerai  le  cas  de  mon  fils  aîné,  que  je  voulais  diriger  vers  la  carrière 
diplomatique   et   qui    a   voulu   être   officier.     J'ai    longtemps   maintenu   ma 


—  1  ï.i  — 

volonté,  mais  la  sienne  a  été  si  forte  que  j'ai  finalement  dû  céder.  Il  est  à  pré- 
sent élève  à  l'école  militaire  des  nobles,  à  Pékin. 

«  Vous  le  vovez,  a-t-il  ajouté,  en  finissant,  et  avec  un  sourire  où  il  y  avait 
un  peu  de  mélancolie,  la  vieille  Chine  a  beaucoup  changé  ». 

Non  seulement,  comme  le  dit  Lien  Fang,  la  province  du  Petchili  est  le 
terrain  d'expériences  qne  l'on  a  choisi  pour  les  réformes,  mais  c'est  là  qu'elles 
ont  été  en  grande  partie  conçues.  Son  vice-roi.  Yuan  Chi  Kaï,  est  le  véritable 
initiateur  du  mouvement  actuel. 

J'ai  eu,  en  compagnie  de  l'aimable  colonel  suédois  Munthe,  aide  de  camp 
du  vice-roi,  un  assez  long  entretien  avec  le  tao-taï  Liang,  le  bras  droit  dfr 
Yuan  Chi  Kaï. 

Liang  Men  Ting,  qui  est  un  homme  petit,  vif,  à  la  parole  rapide  et  précise, 
fait  partie,  avec  Liang  Toun  Hien,  le  nouveau  ministre  à  Washington,  Tong 
Chaoy,  gouverneur  de  Moukden,  et  Tchao,  directeur  du  chemin  de  fer  du 
Nord,  de  ce  groupe  de  Cantonais  élevés  en  Amérique,  et  que  Yuan  Chi  Kaï  a 
poussés  vers  les  hautes  situations.  A  Pékin,  on  reconnaît  leurs  capacités,  on 
les  utilise,  mais  on  les  tient  malgré  tout  en  suspicion,  à  cause  de  leur  origine 
méi  idionale  et  de  leur  long  séjour  à  l'étranger.  Ils  ont  à  se  garder  plus  que 
les  autres  et  je  m'en  suis  aperçu  aux  propos  exagérément  optimistes  que  le 
tao-taï  m"a  tenus. 

Il  ressortirait,  en  effet,  de  ce  qu'il  m'a  dit,  que  toutes  les  réformes  sont 
appliquées  dans  le  Céleste  Empire.  Enseignement,  justice,  armée,  création  de 
municipalités  qui  sont  un  acheminement  vers  les  institutions  parlementaires,, 
bureaucratie  nouvelle,  tout  est  fait.  Et  comme  je  demandais  alors  : 

—  Les  fonctionnaires  n'achètent  donc  plus  leurs  charges  ? 
Le  petit  tao-taï  a  pris  un  air  très  indigné  pour  me  répondre  : 

—  Mais  cela  ne  s'est  jamais  fait.  Monsieur,  nos  lois  l'interdisent  abso- 
lument. 

Ces  assertions,  qui  s'expliquent  très  suffisamment  par  la  nécessité  où  Liang 
se  trouve  de  ne  pas  donner  barre  sur  lui,  sont  tout  de  même  intéressantes  en- 
ce  qu'elles  sont  parfaitement  en  harmonie  avec  le  bluff  énorme  que  le  gouver- 
nement chinois  pratique,  depuis  deux  années,  à  la  face  du  monde.  ]\Iissions; 
officielles  d'études  dans  les  pays  étrangers,  projets  de  constitution,  grandes 
manœuvres,  rachat  des  chemins  de  fer,  tout  cela  constitue,  en  vérité,  une 
façade  très  impressionnante  et  qui  a  pu  faire  croire  déjà  à  la  modernisation 
complète  de  la  Chine.  Mais  un  long  séjour  ici  n'est  pas  nécessaire  pour 
s'apercevoir  qu'il  y  a  encore  Lien  loin  de  ces  projets  superbes  à  la  réalité. 

Jean  Rodes. 
{Temps). 


—  144  — 


46*^  CONGRÈS  DES  SOCIÉTÉS  SAVAxNTES 

A  LA  SOIÎBONNE,  A  PARIS,  21  AVRIL  1908 


La  Société  a  reçu  de  M.  le  Ministre  de  rinstruction  piildique  Tinvitation 
pour  ses  Membres  d'assister  à  ce  Cong-rès  et  des  renseignements  sur  les  ques- 
tions qui  y  seront  traitées. 

Ces  documents  sont  déposés  au  Bureau  de  la  Société  où  les  Membres 
peuvent  les  consulter. 

Les  Mémoires  doivent  parvenir  avant  le  30  Janvier  prochain  au  5''  bureau 
de  la  Direction  de  l'Enseig-nement  supérieur,  au  Ministère  de  l'Instruction 
publique. 


BIBLIOGRAPHIE 


A.  TRAVERS  LA  BANQUISE ,  DU  SPITZBERO  AU  CAP 
FHILIPPE,  ]i;u'  le  Duc  d'Orléans.  Ouvrage  acconipagaé  de  dix  planclies 
eu  couleurs,  de  deux  cartes  et  de  quatre  cents  gravures.  Paris,  Plou,  1U()7.  — 
Envoi  de  l'Editeur. 

Comme  les  deux  cousins  se  ressemblent  peu  !  J'entends  par  cette  désignation, 
■d'une  part,  le  Duc  Philipi)e  d'Orléans,  auteur  du  présent  livre,  de  l'autre,  le  regretté 
Prince  Henri  d'Orléans,  Lien  connu  par  les  relations  de  ses  nombreux  voyages. 
Henri  d'Orléans  fut  un  méditatif,  un  homme  d'étude,  entraîné  à  l'action  par  amour- 
propre  de  grand  seigneur.  Il  était  remarquablement  timide,  au  fond.  Beaucoup 
d'entre  nous  se  rappellent  encore  le  mince  et  froid  jeune  homme,  aux  yeux  bleus 
perdus  de  rêve,  qui,  il  y  a  quelque  dix  ans,  vint  nous  lire  d'une  voix  trop  peu  dis- 
tincte pour  la  foule  nombreuse  qui  l'entourait,  ses  note-;  de  voj-age  aux  pays 
d'Extrême-Orient.  On  remarquait  dans  son  beau  livre  «  L'Ame  du  Voyageur  »,  qui 
fut  le  dernier  en  date,  certaines  résonnances  un  peu  tristes.  L'Illustration  repro- 
duisit comme  autographe  de  lui,  au  moment  de  sa  mort,  la  phrase  célèbre  de 
rEcclésia.ste  qu'il  s'était  a])propriée  :  «  Vanité  des  vanités,  tout  est  vanité  »,  devise 
peu  géographique,  oserai-je  dire,  mais  bien  humaine,  et  qui  semblerait  montrer  en 
lui  le  nomade  désabusé  des  spectacles  du  monde,   ou  peut-ptre  d'une  gloire  impor- 


—  l'If)  — 

tune  —  sorte  de  Prince  Hamlet  usé  par  une  tâche  trop  lourde,  craignant  la  suspi- 
cion autour  de  lui,  sur  la  terre  où  on  lui  permettait  de  vivre,  se  renfermant  en 
lui-même,  ce  qui  ne  l'a  pas  emi)èché,  toujours  comme  son  prédécesseur  de  la 
légende,  de  dire  tout  haut  ce  qu'il  avait  à  dire,  et,  au  besoin,  de  le  répéter  coura- 
geusement devant  une  épée.  11  y  avait  en  lui  un  grand  charme  d'élégance,  de 
distinction  et  de  modestie. 

Le  Duc  Philipi)e  d'Orléans  n'a  pas  dans  l'âme  de  ces  nuances  et  de  ces  incerti- 
tudes. Son  livre  semblerait  le  prouver.  On  sait  qu'il  partit  pour  une  exploration 
polaire,  en  Mai  1905,  à  bord  de  la  Belgica,  avec  le  Commandant  de  Gerlache  et  un 
état-major  expérimenté.  Or,  il  nous  déplaît  un  peu,  je  le  dis  franchement,  de  le 
voir  au  début  donner  simplement  en  guise  de  préface  le  rôle  de  son  équipage,  pré- 
cédé de  son  nom  en  grosses  lettres  :  Monseigneur  le  Duc  d'Orléans.  On  lui  cherche- 
rait volontiers  querelle  de  s'être  fait,  tout  comme  un  petit  Guillaume  II,  protraiturer 
au  frontispice  du  livre,  en  casquette  d'amiral,  et  moustaches  retroussées.  Et  puis  il 
dit  tout  le  temps  :  Je  décidai  ceci,  —  j'ordonnai  au  commandant  telle  manoeuvre, 
—  tel  officier  me  dit  :  Monseigneur,  etc.  Éprouve-t-il  quelque  saute  de  vent,  quelque 
légère  déconvenue  de  chasse,  il  est  tantôt  «furieux»,  tantôt  «  résigné. ..  à  sa 
manière  ».  Au  docteur  qui  le  félicite  de  «  dominer  ses  impulsions  »,  il  avoue  qu'il 
songe  d'abord  à  répondre  par  l'allongement  de  quelques  coups  de  poing. 

On  relèverait  bien  des  anecdotes  semblables  dans  son  livre.  Et  puis,  comme  sans 
doute  les  hommes  de  son  équipage,  peu  à  peu,  à  le  mieux  connaître,  on  s'habitue  à 
ces  façons  impérieuses,  à  cette  brusquerie  d'allures.  Il  est  petit-fils  de  rois,  il  est 
jeune,  il  a  du  sang,  quelque  chose  de  chevaleresque,  une  fougue  naturelle  qu'il  lui 
faut  bien  dépenser.  Alors,  il  voudrait  commander.  11  a  lui  aussi  la  passion  des 
voyages,  —  bien  entendu.  Il  a  celle  de  la  chasse,  et  il  en  use  abondamment  :  son 
livre  est  plein  d'exploits  cynégétiques  de  toutes  sortes  ;  il  y  mentionne  même  la 
capture  assez  dangereuse,  a  deux  reprises,  d'ours  vivants,  dont  l'un  orne  actuelle- 
ment, à  Paris,  le  Muséum  d'histoire  naturelle. 

Il  y  a,  dans  tous  ces  récits  d'aventures,  un  entrain,  une  alacrité,  un  relief  d'e.x- 
pressions,  qui  feraient  plaisir  rien  que  par  eux-mêmes.  S'il  est  impatient,  d'iiumeur 
triste,  angoissé  parfois  au  milieu  des  ellroyal^les  solitudes  du  pôle,  devant  la  ban- 
quise, sous  la  brume,  la  moindre  chose  aussi,  un  rayon  de  soleil  inopiné,  luie 
course  rapide  dans  la  neige,  la  capture  d'une  proie  passionnante,  suffit  à  le  mettre 
(le  belle  humeur,  —  et  avec  lui  tout  l'équipage.  D'ailleurs,  il  aime  ses  compagnons, 
il  en  parle  avec  une  camaraderie  affectueuse,  il  signale  volontiers,  au  joiu*  le  jour, 
leurs  actes  d'endurance,  d'énergie,  de  dévouement.  Oh,  il  ne  les  flatte  pas,  mais  il 
ne  se  flatte  pas  lui-même  davantage.  S'il  parle  des  services,  très  réels  d'ailleurs, 
rendus  par  lui  à  la  science,  il  le  fait  simplement,  en  peu  de  mots,  comme  d'une 
chose  toute  naturelle,  et  sans  exagérer  son  rôle  aux  dépens  de  ses  collaborateurs. 
Et  puis,  il  n'aime  pas  les  abstractions.  La  science  pour  lui,  c'est  avant  tout  «  la 
science  de  son  pays  »,  la  seule  réalité  vivante,  c'est  la  Patrie,  et  il  a  ses  raisons, 
lui  l'exilé,  pour  en  parler  plus  qu'un  autre. 

Voici,  page  303  :  «  La  France  !  Pas  plus  que  les  sables  brûlants  de  l'Afrique,  ou  la 
jungle  de  l'Inde,  les  glaces  de  la  Banquise  n'ont  pu  chasser  un  instant  son  sou- 
venir ».  Et  ce  qu'il  écrit  quand,  à  vingt  milles  au  nord  du  cap  Bismarck,  sur  la 
côte  orientale  du  Groenland,  dans  des  parages  inexplorés  avant  lui,  il  vient  de 
découvrir  la  «  Terre  de  France  »,  les  «  lies  Françaises  »  et  le  cap  Philippe,  ainsi 
baptisé  par  ses  compagnons  ! 

«  Il  est  impossible  de  décrire  l'émotion  qui  m'a  étreint  le  cœur  à  ce  moment. 
Après  vingt  années  d'exil,  je  me  trouvais  sur  un  sol  où  j'avais  planté  moi-même  le 
drapeau  de  mon  pays.  Et  au  seuil  d'une  contrée  où  nul  n'a  encore  pénétré,  je  pou- 

10 


—  146  — 

vais  saluer  cette  terre  du  nom  de  «  Terre  de  France  ».  Je  m'imaginais  que  c'était 
vraiment  le  sol  français  que  je  foulais. ...  11  faut  avoir  subi  l'exil  et  savoir  ce  que 
coûtent  vingt  ans  de  cette  allreuse  torture  pour  comprendre  ce  que  peut  ressentir 
en  un  pareil  moment  un  cœur  d'où  rien  n'a  pu  chasser  la  hantise  de  la  patrie 
absente,  cette  éternelle  blessure  dont  chaque  jour  augmente  la  soull'rance.  Enfin,  je 
ne  puis  traduire  ce  que  je  ressentais  !  J'étais  ému  aux  larmes  en  regardant  flotter 
les  trois  couleurs  et  en  même  temps  j'étais  heureux  ». 

Qu'on  m'excuse  de  m'ètre  laissé  entraîner  à  ces  citations.  A  peine  ai-je  parlé  du 
voyage  lui-même,  encore  moins  des  documents  scientifiques  qui  en  ont  été  rap- 
portés. Après  avoir  commencé  par  un  autre  que  lui,  je  n'ai  pu  que  critiquer  assez 
sottement,  admirer  ou  plaindre  l'homme,  l'écrivain  ;  je  renverrai  au  livre  lui-même 
pour  l'instruction  des  lecteurs. 


A  TRAVERS  L'HINDO-KUSH,  par  le  Prince  Louis  d'Orléans  et 
HiiAGANCE.  Avec  cent  lUx-huit  illustrations  et  trois  cartes.  Paris,  Beauchesne, 
liJU6.  —  Envoi  de  l'Éditeur. 

«  En  avant  !»  —  «  Noblesse  oblige  »  —  et  «  Bon  sang  ne  peut  mentir  ».  Les 
princes  de  la  famille  d'Orléans  pourraient  revendiquer  pour  leur  compte  ces  vieilles 
devises  aristocratiques.  C'est  ainsi  qu'en  Septembre  l'J05,  au  moment  où  le  Duc 
Philippe  revenait  de  son  expédition  arctique,  son  frère  Louis  d'Orléans  et  Bra- 
gance  achevait,  sur  les  blanches  terrasses  du  château  d'Eu,  de  colliger  pour  la 
publication  les  manuscrits  d'un  voyage  en  Asie-Centrale,  et  songeait  sans  doute  à 
quelque  nouveau  départ.  En  efffet,  le  séjour  d'une  résidence  même  princière  doit 
mal  convenir  à  un  jeune  homme  vigoureux,  actif,  qui  Igoûte  peu  les  plaisirs  mon- 
dains, n'éprouve  pour  la  chasse  elle-même  qu'une  inclination  relative  (c'est  lui  qui 
nous  l'apprend)  et  a  connu  déjà  la  passion,  l'enivrement  des  grandes  aventures.  La 
mer  est  trop  près  d'ailleurs,  —  à  une  lieue  à  peine,  —  cette  mer  de  Normandie 
bien  connue  des  princes  dont  je  parle,  et  d'où  leurs  farouches  ancêtres,  les  Robert 
ou  les  Guillaume,  partirent  si  souvent  pour  des  expéditions,  vers  les  Iles  loin- 
taines. . . . 

Le  livre  que  nous  devons  à  l'obligeance  de  l'éditeur,  et  probablement  de  l'auteur 
lui-même,  est  de  la  fin  de  190(1  (j'aurais  dû  en  parler  plus  tôt).  Quant  au  voyage, 
il  a  été  effectué  voici  longtemps  déjà,  pendant  l'année  1902.  L'écrivain  a  donc  mis 
à  rédiger  ses  notes  et  à  se  relire  lui-même,  la  sage  lenteur  que  préconisait  Boileau. 
Il  y  paraît  à  l'élégance  littéraire  de  la  forme,  qui  n'est  pas  d'ailleurs  sa  seule  qua- 
lité, car  il  y  joint  des  dons  personnels  de  grâce,  d'observation  et  de  coloris. 
L'inconvénient  de  cette  publication  tardive,  c'est  que  certaines  pages  du  livre 
semblent  déjà  un  peu  démodées,  —  par  exemple  :  les  remarques  de  l'auteur  sur  les 
progrès  des  Russes  en  Afghanistan,  et  sa  prévision  d'un  duel  prochain,  inévitable, 
entre  l'ours  moscovite  et  le  léopard  britannique.  Mais,  comme  il  le  dit  lui-même, 
avec  Skobelefl"  :  «  Ce  qui  était  vérité  hier  peut  toujours  le  redevenir  demain  ».  Son 
livre  n'en  offi-e  pas  moins,  outre  le  pittoresque,  un  grand  nombre  d'observations 
personnelles,  dont  la  géographie  et  la  science  des  mœurs  comparées  peuvent  tirer 
profit.  La  région  décrite  est  grandiose,  variée  dans  ses  climats  et  dans  ses  aspects, 
et  les  races  qui  l'habitent,  juxtaposées  mais  sans  aucun  mélange  entre  elles,  en 
contact  parfois  hostile,  ne  s'y  resssemblent  pas  davantage  :  sorte   de  mosaïque  de 


—  147  — 

peuples,  un  peu  dure  à  l'œil,  en  quelque  sorte,  mais  des  plus  bizarres  et  des  plus 
intéressantes. 

L'auteur  quitta  les  Indes  le  [<''  Avril  l'J02,  en  prenant  comme  point  de  départ 
Srinagar,  capitale  du  Maharajah  de  Cachemire,  traversa  l'Himalaya  au  col  de 
Kilik  (altitude  de  -i.!X)0  mètres),  visita  Gilgit,  Hunza  et  le  Pamir  oriental,  atteignit 
Kashgar  dans  le  Tiu-kestan  chinois,  et  de  là,  par  des  routes  et  des  moyens  plus 
faciles,  gagna  les  avant-postes  russes,  traversa  le  Fergliana,  et  revint  en  Europe 
par  les  pays  transcaspiens.  Il  lui  fallut,  pour  ce  trajet  assez  long,  ne  pas  ménager 
ses  fatigues,  abandonner  tout  mode  de  transport  et  bientôt  le  cheval  lui-même, 
escalader  parfois,  comme  dans  le  val  de  Hunza,  d'arides  pentes  rocheuses,  sous 
une  température  d'étuve,  enfoncer  jusqu'aux  genoux  dans  la  neige  des  Pamirs  à 
().000  mètres  d'altitude,  traverser  des  rivières  à  gué,  loger  sous  des  yourtes  kir- 
ghizes  et,  une  fois  dans  les  villages,  subir  des  promiscuités  et  des  familiarités 
gênantes  de  la  part  de  populations  bien  intentionnées  sans  doute,  mais  sales, 
abruties  parfois,  et  volontiers  chapardeuses.  Il  eut  d'ailleurs  pour  lui  venir  en  aide, 
les  recommandations  et  les  protections  des  autorités  les  plus  hautes,  tant  du  côté 
anglais  que  du  côté  russe,  et  même  du  côté  chinois,  où  l'avaient  précédé  des  émis- 
saires indiens,  —  privilège  qu'il  devait  sans  aucun  doute  à  sa  qualité  de  voyageur 
princier,  et  que  le  commun  des  mortels  n'obtiendrait  que  fort  malaisément. 

Au  reste,  il  ne  faut  pas  se  figurer  poiu-  cela  que  la  traversée  de  l'Hindo-Kush 
présente  encore,  à  l'heure  qu'il  est,  de  bien  grosses  difficultés,  que  les  vallée?  y 
soient  le  repaire  de  brigands  farouches,  et  qu'on  ne  trouve  dans  les  Pamirs  que  des 
solitudes  glacées,  dénuées  de  communications  et  de  ressources.  On  peut  y  avoir  le 
choix  des  routes,  et  quelques-unes  sont  relativement  faciles,  décrites  déjà  par  des 
voyageurs,  et  suivies  chaque  été  par  des  caravanes.  Seulement,  au  moment  du 
départ  du  Prince,  les  Afghans  barraient  quelques-unes  de  ces  routés,  et  il  a  voulu 
d'ailleurs  n'explorer  que  les  sentiers  les  moins  battus,  jouer,  comme  l'on  dit,  les 
difiicultés.  L'établissement  —  possible  —  de  relations  meilleures  entre  les  popu- 
lations qui  l'habitent,  rendra  cette  abrupte  et  sévère  région  plus  accessible  aux 
voyageurs  de  l'avenir. 

G.  HOUBRON. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


P^  RANGE. 


A  l'Oh^ervatoire  du  Pic  du  Midi.  —  De  grands  travaux  d'installa- 
tion sont  eu  cours  d'exécution  en  ce  moment  même,  à,  rObservatoi«e  national  du 
pic   du    Midi,    dans   les    Pyrénées,    sentinelle  scientifique  vigilante  qui  guette  les 


—  I'i8  — 

intempéries  à  près  de  3.000  mètres  d'altitude.  L'œuvre  utile  de  son  fondateur,  le 
général  de  Nansouty,  a  porté  ses  fruits.  La  station  qui  lut  installée  si  haut,  avec 
autant  de  persévérance  et  de  désintéressement  que  de  coiu'age,  est  en  train  de 
devenir  une  véritable  petite  ville  scientifique.  Cet  établissement  si  remarquable- 
ment placé  fonctionna  pendant  longtemps  presque  uniquement  en  vue  des  observa- 
tions météorologiques.  Mais  il  était  à  prévoir  que  pour  utiliser  complètement  cette 
situation  exceptionnelle  au  sein  d'une  atmosphère  déjà  raréfiée,  exempte  surtout 
des  brumes  et  des  poussières  qui  opacient  les  couches  inférieures,  les  observations 
astronomiques  y  seraient  aussi  grandement  favorisées.  On  y  procède  en  effet  depuis 
nombre  d'années  déjà,  et  les  travaux  de  M.  Marchand,  directeur  de  l'Observatoire, 
et  de  ses  collaborateurs  ont  montré  tout  le  parti  ([ue  l'on  pouvait  en  tirer. 

Frappé  de  ces  avantages,  l'Observatoire  de  Toulouse  a  entrepris,  à  côté  des  bâti- 
ments du  jiremier- établissement,  la  création  d'une  lort  belle  installation  astrono- 
mique. Les  constructions  nouvelles  qui  étaient  nécessaires  sont  presque  terminées 
à  côté  de  l'ancien  Observatoire  météorologique.  Les  travaux  ont  été  pénibles  et 
coûteux,  étant  donné  les  circonstances.  Une  maison  d'habitation  a  été  construite 
pour  les  astronomes  de  Toulouse,  qui  auront  comme  instrument  un  magnifique 
étpiatorial  abrité  sous  une  grande  coupole  de  8  mètres  de  diamètre  —  dont  le  gros 
œuvre  est  achevé  depuis  le  mois  dernier  —  et  qui  sera  sans  doute  complètement 
aménngée  cette  année.  La  montée  des  matériaux  nécessaires  aux  constructions  est 
iléjà  particulièrement  pénible.  Que  penser  de  l'ascension  de  l'instrument  lui-même  ! 
Là  nous  nous  trouvons  en  présence  de  grosses  pièces  métalliques  qui  ne  peuvent 
se  morceler  à  la  convenance  du  transporteur,  et  qui,  avec  leur  emballage,  se  pré- 
sentent sous  forme  d'énormes  caisses,  dont  le  poids  est  considérable. 

Il  faut  hisser,  traîner  tout  cela,  par  la  montagne,  sur  des  sentiers  difficiles,  duni 
la  réfection  est  d'ailleurs  nécessaire  sur  de  longs  parcours,  car  ces  tracés  sillon- 
nant des  pentes  vertigineuses,  sont  à  peine  assez  larges  pour  le  passage  d'un 
homme  :  tels  quels  ils  conduisent  jusqu'au  sommet  du  pic  pour  la  commodité  des 
ravitailleurs  et  des  touristes.  Donc,  depuis  l'année  dernière,  ces  caisses  sont  en 
marche.  C'est  dire  que  pendant  le  mois  d'Août  lUOf)  on  a  pu  leur  faire  gravir  la 
moitié  du  chemin  ;  eJles  ont  passé  l'hiver  remisées  dans  la  GaJ)ane  du  Club  alpin, 
à  l'hôtellerie  du  col  de  Sencours,  et  depuis  le  milieu  d'Août  1U07  elles  sont  de  nou- 
veau en  ascension  avec  un  retard  qui  provient  de  la  grande  quantité  de  neiges 
amoncelées  encore  dans  les  hautes  régions.  Tout  ce  transport,  par  voie  de  traction 
humaine  ou  animale,  et  qui  demande  les  plus  grands  efforts,  combinés  avec  les 
plus  grands  soins,  s'effectue  sous  l'habile  direction  du  chef  d'escadron  d'artillerie 
Lallemand  et  du  capitaine  d'artillerie  Aubertin,  ayant  sous  leurs  ordres  une  sec- 
tion d'artillerie  du  régiment  de  Tarbes.  Un  campement  pittoresque  s'est  organisé 
sur  les  flancs  de  la  montagne  ;  les  conditions  de  l'existence  sont  difficiles  et  les 
fatigues  à  endurer  sont  rudes.  Aussi  ne  saurait-on  être  trop  reconnaissant  à  nos 
braves  soldats  du  service  qu'ils  rendent  à  la  science  en  amenant  à  bon  port  le  bel 
instrument  qui  couronnera  le  pic  du  Midi.  Les  pièces  seront  rendues  là-haut  à  la 
fin  de  cet  été,  et  il  faut  espérer  pour  l'année  prochaine  la  mise  en  place  définitive 
de  l'appareil,  composé  d'un  télescope  de  cinquante  centimètres  de  miroir,  accolé 
à  une  lunette  de  vingt-cinq  centimètres  d'objectif  dont  on  doit  attendre  les  meil- 
leurs résultats. 

AFRIQUE. 

Voyage  du  D'  ¥¥olla.*«tou  de  llonibaz  au  Congo.  —  Le  D*^  A. 

F.  R.  Wollaston,  qui  a  fait  partie  de  la  mission  du  British  Muséum  au  Rouwen- 


—  149  — 

zori,  est  récemment  revenu  de  l'Afrique  centrale  qu'il  a  traversée,  avec  M.  D. 
Carruthers,  de  Mombaz,  sur  l'océan  Indien,  jusqu'à  l'embouchure  du  (iongo,  en 
parcourant  sur  une  partie  du  trajet,  des  régions  inconinies. 

Tandis  qu'après  l'exploration  du  Rouwenzori,  les  autres  membres  de  la  mission 
revenaient  en  Angleterre  par  la  côte  orientale  d'Afrique,  MM.  WoUaston  et 
Carruthers  gagnèrent  le  lac  Albert-Edouard,  où  ils  passèrent  la  frontière  congolaise 
de  l'Ouganda. 

L'e.xpédition  pénétra  alors  dans  la  région  montagneuse  et  volcanique  du  Mfum- 
biro,  contrée  sauvage,  pénible  et  extrêmement  aride.  Lei  indigènes  de  cette  région 
n'avaient  jamais  vu  de  blancs;  M.  Grogan,  pendant  sa  traversée  africaine  du  Gap 
au  Caire,  n'avait  fait  que  passer  à  proximité.  Le  voyage  fut  rendu  très  difficile  jjar 
la  difficulté  d'obtenir  des  nègres  des  aliments  et  par  le  manque  d'eau. 

Les  volcans,  dont  le  plus  élevé  a  4.270  mètres,  sont  pour  la  plupart  éteints  ; 
néanmoins  l'expédition  put  voir  les  ravages  causés  par  l'éruption  de  l'un  d'entre 
eux,  qui  avait  eu  lieu  l'année  précédente.  Du  sommet  de  l'une  des  montagnes 
descendait  une  traînée  de  lave  qui  s'était  frayée  un  vaste  chemin  à  travers  la  forêt 
et  avait  tout  dévasté  sm-  son  passage. 

Sur  les  sommets,  couverts  de  forêts  de  bambous  très  denses,  vivent,  suppose- 
t-on,  des  pygmées  qui  passent  lem-  vie  à  piller  les  villages  situés  plus  bas.  L'expé- 
dition ne  parvint  pas  à  les  voir  pendant  les  cinq  semaines  de  son  séjom-  en  ces 
lieux.  On  pense  qu'ils  seraient  assez  différents  des  pygmées  des  forêts  congolaises 
et  qu'ils  formeraient  une  race  distincte. 

Les  pentes  des  volcans  éteints  sont  habitées  par  une  population  très  dense,  d'un 
physique  agréable,  qui  se  nourrit  principalement  de  lait  et  de  miel.  Dans  un  vil- 
lage, les  explorateurs  virent  trois  cents  ruches  d'abeilles. 

Le  D'  Wollaston  est  descendu  de  là  vers  le  lac  Kivou,  qui  est  rempli  d'îles  et 
entoiu'é  d'une  superbe  chaîne  de  montagnes.  La  population  est  nombreuse.  Là, 
entre  les  frontières  des  possessions  allemandes  de  l'î^st  et  l'État  indépendant  se 
trouve  une  bande  de  territoire  de  240  kilomètres  dont  la  possession  reste  à  débattre. 
Il  y  a  un  blockhaus  allemand  et  un  fort  belge  ;  Belge.s  et  Allemands  vivent  d'ail- 
leurs dans  les  meilleurs  termes. 

Du  Kivou  l'expédition  est  allée  au  lac  Tanganyika  par  la  vallée  inexplorée  du 
Russissi.  De  là  au  Manyema  s'étend  une  région  cruellement  désolée  par  la  maladie 
du  sommeil.  Les  gens  mouraient  par  milliers,  lors  du  passage  de  l'expédition, 
sans  aucun  secours  médical,  souvent  le  long  de  la  route.  Presque  tous  les  villages 
offraient  un  spectacle  révoltant,  celui  d'indigènes  chassant  les  malheureux  atteints 
par  le  mal.  Les  voyageurs  eurent  beaucoup  de  peine  à  se  procurer  des  vivres  dans 
le  Manyema. 

Après  des  difficultés  considérables,  l'expédition  atteignit  les  eaux  supérieures  du 
Congo  à  Kasongo,  en  Février,  et  descendit  le  fleuve  en  canot  jusqu'à  Ponthierville, 
en  haut  des  Stanley-Falls,  où  elle  rejoignit  le  train  pour  Stanleyville. 

Gustave  Regelsperger. 


lia  ini«!i»loii  du  Capitaine  .%rnaiid   à   traver.*»  le  Kaiiara.  — 

On  .sait  que  le  Capitaine  Arnaud  avait  été  chargé  d'aller  étudier,  dans  le  Sahara 
algérien,  l'organisation  des  compagnies  de  méharistes  qui  y  ont  ramené  une  sécu- 
rité à  peu  près  complète.  Parti  de  Coloinb-Bécliar  avec  un  détachement  de  spahis 
et  de  cavaliers  de  la  compagnie  saharienne,  le  capitaine  Arnaud  est  arrivé  au 
Dahomey  à  Cotonou  le  '23  Juin,  127  jours  après,  ayant  parcouru  4.200  kilomètres, 


—  150  — 

dont  1.200  par  un  itinéraire  nouveau.  Le  lieutenant  Cartier,  second  de  la  mission, 
avait  d'ailleurs  obtenu  de  prolonger  son  séjour  dans  l'Adrar  des  Iforas,  et  il  est 
arrivé  à  Gao  le  15  Juin. 

Partie  de  Colomb-Béchar,  la  mission  atteignit  Adrar  (Touat)  à  570  kilomètres,  le 
4  Mars,  par  la  Zousfana  et  la  Saoura.  Après  avoir  étudié  sur  place  le  fonctionne- 
ment des  compagnies  sahariennes,  ce  qui  constituait  l'objet  principal  de  la  mission, 
elle  quitta  In-Salah  (380  kilomètres  d'Adrar)  le  18  avec  un  détachement  de  méha- 
ristes,  commandé  par  le  Capitaine  Dinaux,  de  la  compagnie  du  Tidihelt,  qui  partait 
en  tournée  dans  le  Sud  de  l'Aunese,  de  l'autre  côté  du  Tanezroufte.  Le  3  Avril  elle 
atteignit  le  Hoggar  à  In-Amjel  et  y  séjourna  du  7  au  13  dans  la  région  de  Tis- 
Rudid-Abalessa,  ayant  parcouru  à  méhari  depuis  In-Salah  700  kilomètres,  dont  280 
par  un  itinéraire  nouveau  entre  Mâader-Arok  et  In-Amjel  par  le  puits  de  Oussader, 
non  encore  reconnu.  Le  28  Avril  elle  eliectua  sa  jonction  à  Timiaouine  avec  les 
deux  détachements  de  méharistes  soudanais  commandés  par  les  capitaines  Cauvin 
et  Pasquier  et  venus  de  Bamba  et  de  Gao  à  sa  rencontre.  Depuis  le  Hoggar  la  mis- 
sion avait  couvert  plus  de  5U0  kilomètres,  dont  350  d'un  itinéraire  nouveau  entre 
Silet  et  In-Ouzel  à  travers  le  Tauesrouft,  par  le  point  d'eau  permanent  d'Adjelman- 
Tamada,  non  encore  reconnu. 

Tandis  que  le  lieutenant  Carlier  séjournait  dans  l'Adrar  pour  y  étudier  à  fond  le 
pays  et  continuer  la  série  des  observations  astronomiques  commencées  au  Hoggar, 
le  capitaine  Arnaud  gagna  directement  le  Niger  à  Gao,  où  il  arriva  le  22  Mai,  avec 
le  capitaine  Pasquier  et  quelques  hommes,  ayant  parcouru  590  kilomètres  d'un 
itinéraire  nouveau  passant  par  le  mas.sif  de  Dorest  et  par  les  puits  d'Asnou-Mellen 
et  coupant  l'itinéraire  suivi  en  1905  par  M.  Gautier  au  point  de  Kidal. 

On  sait  la  température  du  mois  de  Mai  dans  ces  régions  :  45  à  48"  dès  une  heure 
du  matin  et  jusqu'à  trois  ou  quatre  heures.  Aussi  cette  partie  de  l'itinéraire  fut 
assez  pénible.  Toutefois  le  détachement  léger  put  s'abreuver  tous  les  quatre  ou 
cinq  jours,  bien  qu'on  fût  à  la  fin  de  la  saison  sèche,  et  on  atteignit  ScUis  difficultés 
le  Niger  à  Gao. 

De  Gao,  dans  une  pirogue  d'acier  d'abord,  puis  à  cheval,  le  capitaine  Arnaud 
gagna  par  Kondy  et  Parakou  le  point  terminus  actuel  du  chemin  de  fer  du  Daho- 
mey, qui  est  à  Agouagou,  sur  la  rive  droite  de  l'Ouémé,  à  520  kilomètres  du  Niger 
et  à  220  de  la  côte. 

C'est  à  Timiaouine  que  les  troupes  algériennes  qui  accompagnaient  la  mission 
Arnaud  rencontrèrent  celles  qui  dépendent  du  gouvernement  général  de  l'Afrique 
occidentale.  Le  spectacle  fut  une  compensation  suffisante  aux  fatigues  de  la  mis- 
sion. Cette  rencontre  de  la  plupart  des  races  de  notre  empire  africain  causa  à  nos 
soldats  indigènes  une  espèce  d'enthousiasme  mêlé  d'étonnement.  Les  Kabyles  venus 
d'Algérie  étaient  stupéfaits  d'entendre  parler  leur  langue  par  les  Touareg  du 
Niger. 

Les  gens  du  Tell  aussi  bien  que  les  Ghaambas  de  la  compagnie  saharienne 
unissent  leurs  lentes  et  monotones  chansons  aux  chants  bruyants  des  Bambaras  et 
des  Toucouleurs  ou  aux  cris  stridents  des  Monis  de  la  boucle.  Et  ce  fut  ce  jour-là 
un  peu  la  revanche  du  noir  qui  fut  traité  en  frère  d'armes  par  ces  mêmes  marchands 
d'esclaves  que  nous  avons  transformés  en  gendai'mes  et  qui  jadis  les  conduisaient 
à  la  suite  de  leurs  chameaux,  le  carcan  au  cou.  Mais  bien  des  illusions  également 
se  sont  envolées  quand  on  a  vu  le  gros  Moussa,  amenokal  des  Hoggar,  ou  Fir- 
houm,  le  chef  des  Oallimiden,  venir  s'incliner  en  signe  de  soumission  devant  le 
chef  d'annexé  ou  le  commandant  de  cercle.  Ce  n'était  pas  là  l'idée  qu'on  se  faisait 
de  ces  fiers  Touareg  ! 

Au  point  de  vue  géographique,  outre  les  études  militaires  dont  la  mission  était 


—  151  — 

chargée,  elle  a  pu  exécuter  de  nombreuses  observations  astronomiques,  non  seule- 
ment sur  les  itinéraires  noiiveaux  levés  et  parcourus,  mais  encore  sur  des  itiné- 
raires qui  n'avaient  été  levés  jusqu'ici  qu'à  la  boussole.  D'autre  part  le  séjour  du 
lieutenant  Cartier  dans  l'Adrar  lui  a  permis  de  compléter  et  de  recouper  de  nom- 
breux renseignements  qu'il  avait  déjà  recueillis  grâce  à  l'intermédiaire  du  père  de 
Foucault,  sur  les  Iforas.  11  a  également  pu  déterminer  astronomiquenient  la  posi- 
tion des  points  d'eaux  importants  et  lever  de  nombreux  itinéraires,  ce  qui,  avec  les 
itinéraires  antérieurs,  notamment  celui  de  M.  Gautier,  lui  permettra  d'établir  une 
carte  d'ensemble  précise  de  toute  cette  région  montagneuse. 

Ce  long  voyage  elFectué  sans  incidents  prouve  les  rapides  progrès  accomplis  par 
la  pacification  et  la  pénétration  au  Sahara.  Ces  résultats  sont  dus  à  la  création  de 
troupes  spéciales,  composées  de  nomades  et  adaptées  au  pays.  La  sécurité  sera 
complète  dans  notre  hinterland  saharien  le  jour  où  les  confins  du  désert,  de  la  baie 
du  Lévrier  au  Kanem,  seront  dotés  d'une  semblable  organisation. 


II.   —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  Statistiques. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


lie  Commerce  de.*  Colonies  en  1900.  —  Nous  ne  connaissons  pas 
encore"tous  les  résultats,  mais  grâce  aux  renseignements  que  nous  possédons  déjà, 
nous  pouvons  déjà  nous  faire  une  idée  de  ce  qu'a  été  l'année  1900  au  point  de  vue 
économique.  Nous  passerons  en  revue  nos  différentes  colonies. 

Gouvernement  général  de  l'Afrique  occidentale  (  Sénégal,  Haut-Sénégal  et 
Niger,  Guinée  française.  Côte  d'Ivoire  et  Dahomey). 

La  situation  se  présente  comme  suit  : 

Part  de  la  France. 

Importations 92 .  488 . 520  francs.  42,7  »/o 

Exportations 70.958.394      »  53,3  % 

Commerce  total 1()3.440.920      »  48     «/o 

Soit  une  augmentation  de  10.371.549  fr.  sur  1905  et  10.802.087  sur  la  moyenne 
quinquennale  1901-11:)05.  La  part  de  la  France  est  de  42,7  "/o  de  l'importation  et 
53,3  "/o  de  l'exportation. 

Exportations.  —  Au  Sénégal,  forte  augmentation  due  à  une  récolte  d'arachides 
supérieure  et  surtout  à  une  élévation  du  cours  de  ce  produit.  Dans  le  Haut-Sénégal 
et  Niger,  augmentation  régulière,  principalement  en  caoutchouc.  Même  progrès  en 


Guinée,  grâce  à  l'ouverture  du  chemin  de  fer,  actuellement  au  tiers  de  son  par- 
cours. Augmentation  encore  qui  porte  principalement  sur  le  caoutchouc  et  ensuite 
sur  l'huile  et  les  amandes  de  palme.  Au  Dahomey,  on  peut  considérer  le  léger 
progrès  obtenu  comme  satisfaisant  après  la  crise  grave  que  ce  pays  a  traversée 
pendant  trois  ans.  Dans  cette  progression  figurent  les  huiles  et  amandes  de  palme, 
le  maïs,'  le  coton  et  le  beurre  de  karité.  Ces  trois  derniers  produits  sont  d'une 
exploitation  nouvelle  et  sont  peut-être  destinés  à  sortir  le  pays  de  l'ornière  de  la 
monoculture. 

hnportaUo}\s.  —  Légère  augmentation  au  Sénégal.  Dans  le  Haut-Sénégal  et  le 
Niger,  par  suite  de  l'importation  considérable  de  matériel  pour  travaux  publics 
en  1905,  les  progrès  de  iyO()  sont  peu  apparents,  mais  ils  n'en  sont  jjas  moins  très 
réels.  Pour  la  même  raison,  la  légère  diminution  de  la  Côte  d'Ivoire  n'est  que 
purement  fictive.  Ici  comme  en  Guinée,  le  chemin  de  fer  ne  fera  qu'améliorer  la 
situation.  Au  Dahomey,  les  importations  ont  été  contrariées  par  les  mesures  quaran- 
tenaires  dues  à  la  fièvre  jaune. 


Gabon.  —  Nous  notons 


Importations. . . 
Exportations . . 

Total 


5.951.311  francs,  soit      759.459  fr.  en  plus  qu'en  1905 
7.642.714      »  »    1.876.279  »  » 


13.594.025      » 


2.635.7.38 


A  l'exportation.  Augmeiitation  considérable  pour  le  bois  d'Okoumé.  Les  autres 
articles  en  plus-value  sont  les  autres  bois,  l'acajou  excepté,  l'ivoire,  le  cacao  en 
fèves,  le  caoutchouc  et  le  piassava.  A  l'importation,  les  augmentations  les  plus 
notables  portent  sur  les  objets  d'alimentation,  la  parfumerie,  les  confections, 
les  tissus,  etc. 

Congo  français.  —  Les  résultats  ne  sont  pas  encore  exactement  connus.  On 
sait  seulement  que  les  progrès  sur  l'année  précédente  sont  des  plus  importants.  Les 
sorties  de  bois  et  de  caoutchouc  sont  en  hausse  constante.  On  paraît  en  avoir  fini 
avec  la  période  de  tâtonnement. 

Madagascar.  —  Rien  encore  de  précis.  Cependant  l'année  19()()  marquera  un 
progrès  et  une  nouvelle  étape  dans  l'exploitation  des  richesses  de  l'île.  La  colonie 
ne  fait  que  se  relever  de  la  crise  sérieuse  de  1901-1903,  due  à  l'importance  irrai- 
sonnée des  importations  hors  de  proportion  avec  ses  besoins.  Malgré  l'amélioration 
due  aux  exportations  et  aux  découvertes  minières,  il  convient  d'être  encore  prudent. 
Le  retard  apporté  à  la  législation  minière  a  nui  quelque  peu  au  développement  de 
cette  colonie. 

Mayoïte  et  dépendances.  —  Aucun  renseignement.  Peut-être  cette  colonie 
n'a-t-elle  pas  établi  plus  de  documents  que  l'année  précédente,  lacune  grave  à 
combler. 

•     CÔTE  DES  SoMALis.  —  Si  SOU  chemin  de  fer  nous  cause  des  soucis,  il  n'en  contri- 
bue pas  moins  à  son  essor  considérable.  En  1906  nous  avons  : 

Importations 13.976.829  francs. 

Exportations 20.272.714      » 

.  Total 34.249.543      » 


-  153 


Soit  4.100.598  fr.  en  plus  qu'en  1ÎM)5  et  13.020.2(11  fr.  en  plus  pnr  rapport  à  la 
période  quinquennale  1901-1905.  Ceci  est  dû  à  notre  chemin  de  fer  qui  drauie  vers 
notre  colonie  tout  le  trafic  de  l'AbySsinie.  Pour  conserver  notre  situation  acquise, 
il  faut  donc  que  la  question  du  chemin  de  fer  soit  soluliojmée  au  jilus  tôt,  de 
manière  à  le  faire  pénétrer  au  cœur  même  de  l'Ethiopie. 

RÉUNION,  Gu.\DELOUPE  ET  MARTINIQUE.  —  Ges  vieilles  colonies  sont  aujourd'hui 
ruinées  par  la  crise  sucrière  dont  elles  souffrent  depuis  vingt  ans.  Les  prix  de  vente 
du  sucre  de  betteraves  sont  devenus  inférieurs  au  prix  de  revient  actuel  du  sucre 
de  canne.  Le  seul  remède  serait  de  créer  d'autres  cultures  :  cacao,  café,  coton,  etc., 
comme  cultures  secondaires  et  continuer  à  fabriquer  le  sucre  de  canne  avec  un 
matériel  nouveau  qui  réduirait  sensiblement  son  prix  de  revient. 


Importations 
Exportations 

Commerce 
total  . . . 


RÉUNION. 


11.073.(5(35  f. 
12.547.972  » 


Part  de  la 
France. 

75,5  % 
9(),7  % 


24. 221. 037  f.     80,1  "jo 


Guadeloupe. 


12.807.009  f. 
15.434.009  » 


Part  de  la 
France. 

04,3  o/o 
98,8  °/o 


28.301.078  f.     81,0  o/o 


Martinique. 

Part  de  la 
France. 

10.907.852  f.     54,9% 
18.812.130  »     94.0  »/o 


33.720.012  »     74,8  "/o 


La  Réunion  perd  3.393.981  fr.  sur  1905  et  10.393.981  fr.  sur  la  périude  quinquennale. 
C'est  pour  elle  un  écroulement  considérable.  Son  commerce  général  montait  à 
m  millions  en  1800  ! 

Pour  la  ("luadeloupe,  c'est  une  perte  de  774.212  fr.  sur  1905  et  de  3.513.203  fr.  sur 
la  moyenne  quinquennale.  On  y  fait  toutefois  de  sérieux  elforts  pour  dévelopjier 
le  cacao  et  le  café. 

A  la  Martinique,  légère  augmentation  de  891.418  fr.,  mais  la  perte  sur  la  moyenne 
quinquennale  est  de  2.473.257  fr.  Le  léger  progrès  constaté  est  dû  au  relèvement 
du  cours  des  rhums. 

Saint- Piekre  et  Miquelon.  — •  Depuis  1898,  c'est  une  chute  régulière,  parti- 
culièrement accentuée  depuis  que  nous  avons  renoncé  au  French  Shore.  De  plus, 
les  habitants  -de  Terre-Neuve  refusent  de  vendre  à  nos  pécheurs  la  boëte  indis- 
pensable. 

Part  de  la  France. 


Importations 5 . 202. 439  francs. 

Exportations 7 .  080 .180      » 

Total....' 12.288.019      » 


49,2  °/o 
92,8  o/o 

71      °/o 


270.213  fr.  en  moins  qu'eu  1905  et  diininaiion  de  5.068.874  francs  sur  la  moyenne 
de  la  période  1901-1905. 


—  154  — 


Guyane.  —  Sa  situation  paraît  actuellement  sous  un  jour  favorable.  L'exploita- 
tion aurifère  est  sa  seule  richesse.  Les  chitl'res  officiels  du  commerce  sont  loin 
d'être  ceux  de  la  réalité,  par  suite  de  la  contrebande  qui  s'exerce  par  la  Guyane 
hollandaise.  Une  police  plus  sévère  s'impose.  D'autre  part,  l'introduction  de  dragues 
pour  l'exploitation  aurifère  pourra  augmenter  sensiblement  les  sorties  du  précieux 
métal. 


Établissement  français  de  l'Inde.  —  Le  commerce  de   1900  a  été  le  suivant  : 

Part  de  la  France. 

Importations 6.604,850  francs.  25,1  % 

Exportations 26 .  775 .  097      »  27,1  »/o 

Total 33.379.947      »  26,1  «/o 

162.257  fr.  de  diminution  sur  lt)05  et  329.942  fr.  d'augmentation  sur  la  période 
1901-1905.  La  situation  continue  à  être  dans  un  état  satisfaisant. 

Indo-Chine.  —  La  récolte  de  riz,  moins  forte  qu'en  1902,  a  été  cependant  moins 
mauvaise  qu'en  1904  et  1905.  Les  autres  cultures  progressent  et  les  recherches 
minières  se  poursuivent  activement.  L'ouverture  du  chemin  de  fer  jusqu'à  Laokay 
a  déjà  sensiblement  accru  le  transit  avec  le  Yunnan.  H  y  a  en  Indo-Chine  de  nom- 
breux éléments  de  progrès  qui  amèneront  fatalement  un  plus  grand  développement 
commercial.  Pour  1906,  nous  relevons  : 

Importations 220 .  6<S5 .  000  francs. 

Exportations 17().89().0()()      » 


Commerce  total 397. .582. 000      » 

Nouvelle-Calédonie.  —  Cette  colonie  traverse  une  crise  grave.  La  petite  colo- 
nisation est  très  éprouvée.  Les  bas  cours  des  marchés  d'Europe  ne  permettent  pas 
de  vendre  le  principal  produit  de  la  Nouvelle-Calédonie,  c'est-à-dire  le  café.  Beau- 
coup de  pieds  arrivés  à  la  septième  année  se  mettaient  à  dépérir,  d'où  diminution 
des  récoltes  en  quantité  et  en  qualité.  Les  mineurs  ont  d'autre  part  restreint  leur 
production  depuis  quelques  années.  On  peut  espérer  cependant  un  relèvement. 


Fin  1906,  nous"  avons 


Part  de  la  France. 


Importations 10.412.220  francs.  59     % 

Exportations 9.209.637      »  29     % 

Total 19.621.857      »  '  44     »/o 

Soit  2.175.178  fr.  de  moins  qu'en  1905  et  une  moins-value  de  4.062.202  fr.   sur  la 
moyenne  1901-1905. 


—  155  — 

Établissements  français  de  l'Ogéanie.  —  Les  chiffres  sont  les  suivants  : 

Part  de  la  France. 

Importations 2 .  746 .  283  francs.  13,6  «/o 

Exportations 3.716.801       »  12      "/o 


Total 6 .  463 .  084      »  12,8  -/o 

C'est  une  augmentation  de  372.354  fr.  sur  l'année  précédente  et  uue  diminution 
de  945.481  fr.  sur  la  période  1901-1905.  L'augmentation  porte  sur  les  exportations 
qui  ont  progressé  de  654. 2;32  fr.,  alors  que  les  exportations,  se  ressentant  de  l'ap- 
pauvrissemeut  dû  à  la  crise  des  années  précédentes,  diminuaient. 


Dans  l'ensemble,  il  y  a^lieu  d'espérer  que  le  commerce  de  nos  colonies  présen- 
tera un  notable  progrès  par  rapport  aux  années  précédentes.  Si  quelques-unes  ont 
subi  des  crises  fort  graves,  les  progrès  faits  dans  les  autres  compensent  largement 
les  pertes  subies. 


EjC  Riz  en  Indo-Cliiue.  —  La  très  intéressante  étude  qu'on  va  lire,  et 
qui,  en  quelques  pages,  résume  toutes  les  données  essentielles  relatives  à  la  pro- 
duction et  au  commerce  du  riz  en  Indo-Chine,  est  due  à  M.  Brenier,  le  distingué 
directeur  général  adjoint  de  l'Agriculture,  des  Forêts  et  du  Commerce  de  cette 
colonie. 

De  tous  les  produits  indo-chinois,  le  plus  important  de  beaucoup  est  le  riz,  qui 
forme  la  base  de  la  nourriture  des  KJ.OOO.OOO  d'habitants  de  l'Indo-Chine  française 
et  constitue  la  dominante  dans  l'exportation  de  la  colonie  (917.000  tonnes  comme 
moyenne  de  la  dernière  période  quadriennale,  1901-1904,  d'une  valeur,  moyenne 
aussi,  de  100  millions  de  francs)  (1). 

Le  riz  se  rencontre  dans  toute  l'Indo-Chine,  mais  ses  deux  centres  principaux 
de  culture  sont  le  delta  du  Mékong  (et  du  Donnai)  en  Cochinchine,  et  celui  du 
fleuve  Rouge  (et  du  Thai-biuh)  au  Tonkin.  Il  faut  encore  signaler  les  deltas  de 
Song-ma  (province  de  Thanh-lioa),  et  du  Song-ca  (provinces  de  Nhgè-an  et  de  Ha- 
tinh),  dans  le  Noi'd-Annam  ;  et,  dans  une  bien  moindre  mesure,  les  bords  du 
Mékong  (provinces  de  Takéo  et  de  Prey-veng,  surtout  au  Cambodge)  (2). 

Les  seuls  chiifres  —  suffisamment  approximatifs,  mais  inférieurs  à  la  réalité  — 
que^nousipossédions  sur  les  superficies  cultivées  en  riz,   nous   sont  fournis  par  les 


(1)  Il  s'agit  de  l'export  du  riz  .sous  toutes  ses  formes  :  paddy  (riz  non  décortiqué),  riz  cargo 
(mélange  do  balle  et  de  riz  décortiqué,  pour  assurer  la  conservation,  pendant  de  longs  transports, 
de  ce  dernier),  riz  blanc  (décortiqué),  brisures  de  riz  et  farines.  C'est  l'exportation  du  riz  blanc  qui 
domine.  Tous  les  chiffres  cités  sont  extraits  des  statistiques  officielles  des  douanes    de  l'Indo-Ghine. 

(2)  Les  provinces  de  Battambang  et  de  Siem-reap  sont  de  gros  centres  de  production  de  riz  qui 
vont  se  faire  traiter  à  Cbolon. 


—  15()  — 

registres  d'impôt  pour  le  Tonkin  et  pour  la  Gochinchine.    Les  statistiques  de  l'An- 
nam  et  du  Cambodge  sont  encore  trop  peu  sûres  pour  qu'on  puisse  les  citer  : 

Gocliinchine 1 .200.000  hectares  environ. 

Tonkin 900.000        —         — 

Il  faut  noter  que  l'avenir  se  présente  bien  différemment  dans  les  deux  deltas.  Un 
simple  coup  d'œil  sur  l'admirable  carte  au  1/25.000  du  service  géographique  de 
rindo-Ghine,  convainc  de  suite  le  plus  profane  qu'il  n'y  a  plus  grande  extension 
à  espérer  pour  la  culture  du  riz  dans  le  delta  tonkinois,  sauf  pour  quelques  assè- 
chements et  quelques  gains  sur  les  lais  de  mer.  Le  travail  qui  s'impose  est  un 
travail  de  régularisation  (construction,  consolidation  oii  rectification  de  digues, 
prises  d'eau  ou  barrages,  etc.)  pour  éviter  des  inondations,  ou  des  sécheresses, 
également  désastreuses.  Mais,  presque  toute  la  terre  disponible  est  déjà  utilisée, 
et  la  densité  de  la  population  est  telle  dans  le  bas  Tonkin  —  elle  dépasse,  dans 
certaines  provinces,  350  habitants  au  kilomètre  carré  —  (France,  76  habitants  au 
kilomètre  carré  en  moyenne),  que  le  disponible  pour  l'export  sera  toujours  relati- 
vement faible. 

p]n  Gochinchine,  au  contraire,  la  moitié  à  peine  du  delta  est  mise  en  valeur,  et 
si,  dans  la  plaine  des  Joncs  notamment,  les  travaux  d'aménagement  (drainages  sur- 
tout) seront  assez  coûteux,  il  reste  encore  dans  l'Ouest  (provinces  de  Rach-gia, 
Cantho  et  Baclièu  surtout)  d'immenses  superficies  facilement  exploitables.  Ce  qui 
manque  le  plus,  c'est  la  main-d'œuvre.  La  Gochinchine  est  actuellement,  après  la 
Birmanie,  le  plus  gros  pays  exportateur  du  nz  du  monde  entier  (plus  de  800.000 
tonnes  dalis  les  bonnes  années)  (1).  Mais  le  Siam  nous  suit  de  près  depuis  deux 
ans,  et  les  grands  travaux  d'aménagement  des  eaux  qui  vont  être  commencés  dans 
la  vallée  du  Ménam,  et  dont  l'etiet  se  fera  certainement  sentir  dans  quelques 
années,  nous  imposent  un  elibrt  sérieux  si  nous  voulons  maintenir  notre  rang. 

Les  indigènes  de  Gochinchine  ne  distinguent  pas  moins  de  350  variétés  de  riz,  à 
en  juger  par  les  différents  noms  qu'ils  leur  donnent.  Ge  critérium  est  évidemment 
tout  à  fait  insuffisant,  et  la  direction  de  l'Agriculture  et  du  Commerce,  ainsi  que 
les  services  locaux  d'Agriculture,  se  préoccupent  d'essayer  de  mettre  un  peu 
d'ordre  dans  cette  confusion  actuellement  inextricable.  Mais  le  nombre  de  facteurs 
dont  il  faut  tenir  compte  pour  une  classification  rationnelle  est  si  grand  et  quel- 
ques-uns sont  si  importants,  que  ce  sera  une  œuvre  de  longue  haleine.  Rien  ne 
serait  plus  dangereux,  par  exemple,  que  de  ne  pas  tenir  compte  des  ob.ervatiuns 
séculaires  des  indigènes  sur  la  hâtivité  ou  non  de  certaines  variétés  (riz  de  trois 
mois,  de  six  mui.s,  riz  dits  «  de  saison  »  en  Gochinchine,  et  riz  tardifs),  sur  leur 
convenance  pour  certains  sols  ou  certaines  dispositions  topograjdiiques  du  terrain 
(paddys  pour  rizières  inondées,  mi-inondées,  ou  complètement  sèches,  riz  flottants, 
etc.),  sur  leur  valeur  industrielle  et  commerciale  (couleur  naturelle  du  grain,  résis- 
tance à  la  meule,  forme  du  grain,  etc.).  La  composition  chimique  variable  est 
également  à  considérer  à  certains  points  de  vue. 

Au  point  de  vue  commercial  pratique,  on  distingue,  à  l'heure  actuelle,  sur  le 
marché  de  Gholon  (faubourg  industriel  de  Saigon),  trois  variétés  de  paddys  et  riz  : 
le  go-cong  (grain  rond,  demandé  surtout  en  Europe),  le  vhili-long  (grain  long,  le 
plus  abondant),  et  le  bai-xau  (demi-long,  très  demandé  en  Chine,  où  il  est  consi- 
déré, avec  raison,  l'analyse  chimique  l'a  prouvé,  comme  plus  nourrissant. 


(1)  Birmanie,  de  1.500.000  à  1.800.000  tonnes. 


—  157  — 

Les  rendements  d'un  hectare  de  rizière  sont  naturellement  excessivement 
variables  suivant  les  terrains,  les  saisons,  etc.  C'est  ainsi  qu'on  Cochinchine  cer- 
taines rizières  de  l'Est  ne  rendent  pas  plus  de  800  à  1.000  kilos  de  paddy  à  l'hec- 
tare, tandis  que  dans  certaines  terres  très  riches  de  l'Ouest,  le  rendement  peut 
atteindre  et  même  dépasser  3.500  à  4.000  kilos.  Une  moyenne  très  raisonnable, 
dans  une  bonne  terre  moyenne  de  Cochinchine,  est  de  2.000  à  2.200  kilos  à  l'hec- 
tare. Au  Tonkin,  il  serait  prudent  de  ne  pas  compter  sur  plus  de  1.500  à  1.800  kilos. 
11  est  vrai  que  beaucoup  de  rizières,  bien  placées,  au  Tonkin  (la  moitié  environ  du 
bas  delta),  peuvent  fournir  deux  récoltes  de  riz  :  une  au  cinquième  mois  (Mai)  et 
l'autre  au  dixième  mois  (Novembre)  ;  mais,  dans  ces  terrains  privilégiés;  le  sol, 
moins  fertile,  rend  moins,  en  fin  de  compte,  que  dans  les  belles  terres  vierges  de 
l'Ouest  de  la  Cochinchine.  Le  poids  moyen  d'un  hectolitre  de  paddy  est  de  (30  kilos 
(blé  marchand,  bien  pro])re  et  bien  sec  :  75  kilos). 

La  balle  de  paddy  —  qui  sert  de  combustible  dans  les  grandes  décortiqueries  de 
Cholon  —  représente  environ  20  %  du  poids  de  la  graine.  D'après  des  renseigne- 
ments fournis  par  les  propriétaires  de  ces  décortiqueries,  il  faudrait  environ 
1.300  kilos  de  paddy  pour  fournir  une  tonne  de  riz  «  cargo  »  20  %  (1),  forme  sous 
laquelle  a  lieu  la  majeure  partie  de  l'export,  et  1.666  kilos  de  paddy  pour  donner 
une  tonne  de  riz  blanc.  Les  huit  grandes  rizeries  de  Cholon  —  dont  six  appar- 
tiennent à  des  Chinois  et  deux  à  des  Sociétés  anonymes  dont  les  capitaux  sont, 
surtout  allemands  —  traitent,  dans  les  bonnes  années,  environ  1  million  de  tonnes 
de  paddy.  Elles  se  plaignent,  comme  nos  rizeries  françaises  d'ailleurs,  de  l'irrégu- 
larité des  grains,  de  leur  peu  de  résistance  à  la  meule  et  du  trop  grand  nombre  de 
grains  rouges.  Le  Service  de  l'Agriculture,  l'Administration  locale  et  la  Chaml)re 
de  Commerce  de  Saïgon  s'efforcent  de  remédier  à  ces  inconvénients  par  le  choix 
des  feemences  (concours  rizicoles),  l'introduction  d'engrais  phosphatés,  et  l'amé- 
lioration des  procédés  de  récolte  (épuisement  des  rizières  au  moment  de  la  maturité) 
et  de  magasinage  ;  mais  les  progrès  sont  lents. 

Ce  qui  n'empêche  pas  les  exportations  de  riz  de  progresser.  Nous  avons  cité  tout 
à  l'heure  le  chiffre  moyen  de  la  période  1001-04  :  917  tonnes  (riz  sous  toutes  ses 
formes).  Si  nous  prenons  le  détail  de  l'année  1904  (9(35.000  tonnes),  supérieure  à 
l'année  moyenne  par  conséquent,  mais  en  somme  normale  (2),  les  statistiques  du 
Service  des  Douanes  et  Régies  nous  fournissent  les  chiffres  suivants  pour  l'export 
global  : 

PROVENANCES. 

Cochinchine    (et    Cambodge  pour  une   part  indétermi- 
nable, ainsi  que  le  transit  venant  de  Battambang)  .  .  .  870.800  tonnes. 

Tonkin 92.7(K)      — 

Annam  (3) 2. 100      — 

Total 9(35.600      — 


(1)  Nous  nippeloiis  qu'on  iipiiellc  riz  «  cargo  ".iO  "/„  »  du  riz  décortiqué  mais  non  lilanchi  conlonanl 
iO  »/o  de  balle. 

(2)  Au  contraire,  les  exportations  do  11K)3  (.^)79.000  tonnes)  et  de  1!X)5  (518.000  tonnes)  sont  anorma- 
lement faibles  à  cause  de  mauvaises  récolte*.  L'exportation  maxima  a  été  de  1.11.5,500  tonnes 
on  1902.  , 

ut)  L'export  maximum  du  l'Aunam  (oxport  direct,  car  il  en  sort  en  cabotage),  a  été  de  7.500  tonnes 
ou  1900. 


—  158  — 
DESTINATIONS. 

France 224 .  000  tonnes. 

Colonies  françaises 11). 000  — 

Hong-Kong  (y  compris  l'export  du    Tonkin  et  celui  de 

l'Annam  qui  vont  exclusivement  à  Hong-Kong) .'Vi5.000  — 

Philippines '. 183.000  — 

Chine  (direct)  et  Japon 7().0()0  — 

Indes  néerlandaises 44.000  — 

Pays  d'Europe 34.000  — 

Singapour 10.000  — 

Autres  pays  (d'Asie  principalement) 30.000  — 

Total  égal 905.000      —(1) 

L'exportation  de  1904  vers  la  Métropole  a  été  anormalement  forte  (moyenne 
période  1901-1904  :  170.000  tonnes  ;  minimum  (1903)  :  89.700  tonnes  (2).  Gela  tenait 
à  la  fois  aux  faibles  envois  de  1903  et  à  la  hausse  du  maïs,  pour  certains  emplois, 
duquel  on  a  cherché  à  utiliser  le  riz.  Mais  il  est  certain  que  la  demande  métropo- 
■litaine  devient  de  plus  en  plus  régulière.  Nos  riz,  qui,  pour  la  consommation,  ne 
peuvent  malheureusement,  à  cause  de  leur  moins  belle  apparence  et  de  leur 
moindre  résistance  au  polissage,  lutter  que  très  difficilement  contre  les  belles  sortes 
d'Italie,  de  Java,  du  Japon,  de  Birmanie,  etc.,  trouvent  ou  trouveraient  leur  emploi 
dans  l'amidonnerie,  la  féculerie,  la  nourriture  des  volailles,  la  fabrication  de 
l'alcool  et  de  la  bière. 

Le  plus  fort  débouché  pour  nos  riz  est  l'Extrême-Orient  (voir  les  chiffres 
ci-dessus).  La  destination  principale  est  Hong-Kong,  où  vont  exclusivement  les  riz 
du  Tonkin  et  de  l'Annam.  Il  y  a  quelques  années,  ils  étaient  réexportés  de  ce  port 
vers  la  Chine  méridionale  :  Canton,  Amoy,  Souateou,  Fou-tchéou.  Depuis  deux  ans 
surtout,  ils  vont  principalement  au  Japon.  Le  marché  des  Philippines  ne  sera,  il 
faut  le  craindre,  que  temporaire  ;  les  Indes  néerlandaises  constituent  un  débouché 
beaucoup  plus  siàr,  —  la  Chine  aussi,  le  jour  où  sa  transformation  industrielle 
causera  une  augmentation  certaine  de  sa  population,  déjà  énorme  (3),  qu'il  faudra 
nourrir. 

De  même  que  les  rendements,  les  prix  sont  naturellement  trrs  variables,  suivant 
les  années  et  les  marchés.  Sur  le  marché  centralisateur  de  Cholon,  au  cours  de 
l'année  1905,  le  prix  du  picul  de  paddy  de  6S  kilos  (unité  de  vente)  a  varié  de 
2  piastres  02  en  Février  à  2  piastres  72  en  Septembre.  11  était  de  2  piastres  05  à  la 
fin  de  Décembre.  Il  est  nécessaire  de  rappeler  que  la  piastre  locale  est  soumise  aux 
fluctuations  du  change.  Elle  valait  2  fr.  30  en  Avril  1905,  et  2  fr.  60  (et  même 
2  fr.  65)  à  la  fin  de  l'année.  Aux  prix  de  change  moyens  de  1905,  les  100  kilos  de 
paddy  valaient  environ  8  francs  sur  le  marché  régulateur  de  Cholon.  On  voit  que 
c'est  une  matière  première  alimentaire  bien  meilleur  marché  que  le  blé,  qui  vaut 
environ  le  double,  sur  les  marchés  les  plus  libres. 


(1)  Les  dizaines  ont  élé    négligées  partout.    Il   est  probable  que  les  30.000  tonnes    de  la  rubrique 

autres  pays  «  étaient  surtout  destinées  au  Japon. 

{2)  1905  :  139. KX)  tonnes 

(3)  340  millions  d'iiommes,  au  bas  mol. 


—  159  — 

liCfi  Jardins  d'eittsais  de  la  Martini<|ue  —  Depuis  plusieurs 
années,  le  Conseil  général  de  la  Martinique,  admirablement  secondé  par  l'admi- 
nistration locale,  a  donné  une  orientation  nouvelle  à  l'agriculture  dans  cette 
colonie  si  belle  et  si  fertile.  Le  système  préconisé  et  appliqué  jadis  des  primes  aux 
cultures,  n'ayant  donné  aucun  résultat,  fut  supprimé  et  remplacé  par  des  Jardins 
d'Essais  situés  dans  les  centres  agricoles  et  sur  des  propriétés  domaniales. 

A  la  tète  de  chaque  jardin,  relevant  directement  du  chef  du  service  agricole,  se 
trouve  un  agent  de  culture  qui  est  logé  et  payé  par  le  service  local.  Il  a  pour 
mission,  avec  l'aide  d'ouvriers  des  champs,  de  constituer  des  pépinières  de  toutes 
sortes,  de  les  entretenir  et  de  tenir  une  comptabilité  très  simple  des  graines 
semées,  des  plantes  livrées  et  des  sommes  dépensées  à  cet  effet.  Les  semis  se  font 
soit  en  nœuds  de  bambous,  soit  en  caissettes,  soit  en  pleine  terre.  Et  quand  les 
plantes  sont  prêtes  à  être  transplantées,  elles  sont  livrées  gratuitement  à  tous 
ceux  qui  en  demandent  et  qui  justifient  de  leur  qualité  de  propriétaire  terrien. 

Ces  jardins  sont  au  nombre  de  trois,  et  tout  récemment  l'Assemblée  locale  a 
décidé  la  création  d'un  quatrième  à  _  Préfontaines,  dans  le  Sud  de  l'île.  L»  plus 
important  de  tous  est  incontestablement  le  Jardin  d'Essais  de  Tivoli.  Placé  à 
quatre  kilomètres  du  chef-lieu,  ayant  à  sa  tète  un  homme  laborieux  et  compétent, 
il  fait  l'admiration  de  tous  ceux,  et  ils  sont  nombreux,  qui  vont  le  visiter.  Ses 
nombreuses  pépinières  sont  constituées  avec  art  et  bon  goût.  Ici,  l'on  rencontre  des 
milliers  de  plants  de  cacaoyers  en  nœuds  de  bambous  prêts  à  être  livrés.  Là,  ce 
sont  des  caféiers  greffés  plantés  dans  des  caissettes  de  50  chacune.  Plus  loin,  des 
mahoganys,  des  canéficiers,  des  poivriers,  des  bois  d'Inde,  des  acajous.  Plus  loin 
encore,  se  trouvent  les  arbres  fruitiers  sélectionnés,  les  orangers,  les  manguiers 
greffés,  les  avocatiers,  les  pommiers,  les  pruniers,,  les  cerisiers,  les  châtaigniers. 
Enfip,  les  plantes  d'ornements  avec  une  variété  nombreuse  de  palmiers,  d'orchi- 
dées, de  rosiers,  de  bégonias,  etc.,  terminent  cette  nomenclature  un  peu  sèche  des 
plantes  que  contient  le  Jardin  d'Essais  de  Tivoli. 

Les  autres  jardins,  ceux  de  la  Tracée,  de  la  Montagne  du  Vauclin,  de  Préfon- 
taines, sont  moins  importants  parce  que  créés  après  celui  de  Tivoli,  mais  rendent 
aussi  de  grands  services.  Les  livraisons  annuelles  se  chiffrent  par  dix  et  quinze 
milliers  de  plants  environ  pour  chaque  jardin  —  et  nul  doute  que  ce  chiffre  ne  soit 
dépassé  d'ici  peu. 

Car  l'on  assiste  en  ce  moment,  à  la  Martinique,  à  un  retour  vers  la  campagne  si 
délaissée  jadis.  C'est  presque  de  l'engouement.  Tout  le  monde  veut  planter  et 
l'administration  locale,  d'accord  en  cela  avec  les  pouvoirs  publics,  profite  de  ce 
bon  mouvement.  Grâce  aux  plants  gratuitement  fournis  par  les  jardins,  des 
cacaoyères,  des  caféières  sont  constituées,  des  essences  de  rapport  sont  mises  en 
terre  et  la  monoculture  de  la  canne  semble  être  laissée  aux  grands  propriétaires  et 
aux  usiniers. 

Le  Département  lui-même  n'est  pas  resté  étranger  à  ce  mouvement.  En  accor- 
dant à  la  Martinique  une  subvention  de  5. 0(X)  francs,  qui  doit  être  renouvelée  chaque 
année,  il  a  prescrit  la  constitution  de  pépinières  de  caoutchouc.  Déjà,  avant  cette 
généreuse  libéralité,  des  essais  de  cette  culture  avaient  été  entrepris  et  avaient 
donné  d'excellents  résultats.  Ils  ont  pu  être  poursuivis  sur  une  échelle  plus  vaste, 
grâce  à  cette  augmentation  de  ressources.  Des  boutures  sont  mises  en  terre  dans 
toutes  les  forêts  domaniales,  et  les  particuliers  attendent  impatiemment  l'époque  à 
laquelle  il  leur  sera  possible  d'obtenir  des  plants  avec  lesquels  ils  se  proposent  de 
couvrir  le  sommet  des  mornes  et  les  gorges  fraîches  de  leurs  habitations.  Puisse  ce 
mouvement  vers  l'agriculture  augmenter.  Puissent  surtout  le  Conseil  général  et 
l'administration  locale  se  montrer  plus  généreux  dans  la  fixation  des  prévisions  de 


—  100  — 

dépenses  des  Jardins  d'essais  !    Et  ils  auront  bien  mérité  de  la  Martinique  agricole, 
pour  laquelle  on  ne  saurait  jamais  consentir  trop  de  sacrifices  ! 

J.    ACHARD. 

(Dépêclie  Coloniale). 


III.  —  Généralités. 


''oiliers. 

Tonnage. 

10.455 

10.055.670 

12.83() 

5.834  012 

» 

1.1)22.430 

5.355 

1.433.0!)4 

1.420 

I.IOT.OUO 

3.91»7 

1.034.458 

5.205 

1.018.807 

2.2U3 

8:33. 81!J 

2.o;j5 

()35.733 

» 

430.1)90 

» 

338.438 

» 

328.435 

l^n  ilariiie  iiiuroliaiide  eu  I9>04».  —  L'Office  de  statistique  univer- 
selle d'Anvers  publie  la  statistique  suivante  de  la  marine  marchande  du  monde 

Vapeurs. 

Grande-Bretagne 9.803 

Etats-Unis 8.054 

Allemagne 1 .545 

Norvège 1 .  3f  iO 

France 755 

Japon 1 .445 

Italie 4&5 

Russie 745 

Suède 952 

Espagne 440 

Pays-Bas 208 

Autriche-Hongrie 311 

liC  toiii*  du  iiiou«le  en  <|uai*ante  jour.v.  —  Le  lieutenant-colonel 
anglais  Burnley-Campbell  vient  d'établir  le  record  du  tour  du  monde  en  quarante 
jours  avec  l'horaire  suivant  :  départ  de  Liverpool  le  3  Mai  à  7  h.  20  du  soir,  arrivée 
à  Québec  le  10  Mai  à  3  heures  de  l'après-midi  et  départ  de  cette  ville  deux  heures 
après  pour  arriver  à  Vancouver  le  14  Mai  à  5  heures  du  matin.  A  midi  et  demi,  le 
bateau  pour  le  Japon  emportait  le  colonel  qui  débarquait  à  Yokohama  le  2(5  à 
l'aube.  Après  un  déjeuner  bien  gagné  et  paisible,  le  globe-trotter  se  remettait  en 
route,  passait  le  28  à  Tsaruga  et  arrivait  à  Vladivostok  le  30  Mai  à  9  h.  15  du  soir. 
Le  train  transsibérien  était  sous  pression  ;  il  le  prit,  et  se  trouvait  à  Irkoustk  le 
4  Juin.  Le  10  Juin,  Moscou  vit  le  voyageur  pendant  quelques  heures,  attendant 
avec  anxiété  le  départ  de  l'express  de  Berlin.  11  s'y  trouvait  le  12;  le  13,  à  11  h. 
il  quittait  Ostende,  et  le  même  jour,  à  2  h.  50,  arrivait  à  Douvres.  Il  avait  achevé 
sa  course  autour  du  monde,  n'ayant  qu'une  malle,  un  gladstone-bag,  s'étant  rasé 
tous  les  jours  avec  un  rasoir  mécanique,  et  ayant  dépjensé  3.750  francs. 

LK   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  ADJOINT,  LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


Lille  Imp.LDanel. 


—  llil 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L 

Séance  du  Dimanche  24  Février  1907. 


LE     CAUCASE 

Par  M.  YXhhé  Maurice  DAVID, 

Professeur   de    Rhétorique    à   l'Institution    Saint-Jean ,   à    Douai 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


La  crise  révolutionnaire  qui  a  secoué  l'Empire  des  Czars  après  les 
désastres  de  Mandcliourie  n'a  été  peut-être  nulle  part  plus  vive  que 
dans  la  grande  et  belle  province  du  Caucase.  De  l'Est  à  l'Ouest,  de 
Bakou  à  Batoum  se  sont  multipliés  les  pillages,  les  incendies,  les 
massacres,  suivis  de  représailles  et  de  répressions  sanglantes.  C'est 
dans  cette  région,  qui  commence  à  peine  à  se  relever  de  ses  ruines,  que 
nous  a  conduits  M.  l'abbé  David  ;  il  nous  l'a  montrée  telle  qu'elle  était, 
telle  qu'il  l'a  vue  avant  les  sinistres  événements  de  1905  ;  et  le  rappro- 
chement entre  les  prospérités  d'autrefois  et  les  catastrophes  actuelles 
donnaient  un  charme  de  plus  à  sa  très  intéressante  conférence. 

La  relation  du  voyage  de  M.  l'alîbé  David  peut  se  diviser  en  deux 
parties  :  1"  d'Odessa  à  Yladikavkas  par  Koutaïs,  Tiflis  et  le  Kasbek  ; 
2"  de  Tiflis  à  Bakou  par  l'Arménie  Russe. 

Sans  perdre  de  temps  aux  bagatelles  de  la  porte,  le  conférencier 
résume  les  détails  géographiques  indispensables,  et  nous  conduit  à 

11 


—  1()2  — 

Odessa,  le  grand  port  russe  construit  sur  la  mer  Noire  par  le  duc  de 
Richelieu.  R.apidement  il  nous  montre  la  ville,  les  bassins  immenses  et 
les  docks  —  incendiés  depuis  par  les  émeutiers.  Puis,  c'est  Sébastopol, 
attachante  à  la  fois  par  sa  situation  pittoresque  et  ses  glorieux  souve- 
nirs ;  et,  au  pied  du  Tchakyr-Dag,  la  côte  d'azur  criméenne.  D'escale, 
en  escale,  le  vapeur  qui  fait  le  service  de  la  mer  Noire  arrive  à  Novo- 
Rossysk,  entrepôt  des  blés  du  Caucase  et  de  la  Russie  méridionale. 
Plus  loin,  sur  le  littoral  qu'habitent  les  Abghases,  les  moines  de  Novi- 
z\fon  ont  bâti  une  succursale  du  mont  Athos,  monastère  immense  qui 
abrite  près  de  601)  moines. 

En  souvenir  des  Argonautes,  M.  David  débarque  à  Poti,  à  l'embou- 
chure du  Rioni.  La  ville  s'élève  en  plein  marécage  ;  les  maisons  sont 
construites  sur  pilotis,  des  piliers  de  briques  les  surélèvent  et  les  pré- 
servent des  inondations.  Le  port,  relié  à  Tiflis  par  une  voie  de  chemin 
de  fer,  a  beaucoup  perdu  de  son  importance  depuis  l'annexion  de  Batoum 
à  la  Russie  (1). 

Le  sol  est  très  fertile,  et  produit  en  al)ondance  le  maïs,  le  thé,  la  ramie, 
la  vigne.  L'eau  potable  y  est  assez  rare,  et  précieusement  conservée 
dans  des  bouteilles  ou  des  outres.  Le  vin  se  conserve  également  dans 
des  outres  faites  de  peau  dont  les  poils  sont  à  l'intérieur.  Aussi  les  caves 
de  marchands  de  vin  ont-elles  de  prime  abord  un  aspect  assez  répu- 
gnant. On  fait  assez  bien  devin  en  Kakhétie  et  en  Iméréthie  ;  comme  en 
Crimée,  on  emploie  des  étiquettes  sur  lesquelles  on  peut  lire  les  noms 
de  «  Bordeaux  »  et  de  «  Bourgogne  »,  suivis  il  est  vrai  de  ces  mots 
«  du  Caucase  »,  ou  «  de  Crimée  »,  mais  en  si  petites  lettres  qu'on 
pourrait  s'y  méprendre. 

Le  Rion  n'est  autre  que  le  Phase  des  anciens,  et  la  province  qu'il 
traverse  est  l'antique  Colchide.  La  Toison  d'Or  est-elle  un  mythe 
solaire  ou  la  transformation  légendaire  d'un  fait  ?  Toujours  est-il  que  le 
Rion  a  longtemps  roulé  des  paillettes  d'or  ;  pour  s'en  emparer,  les 
riverains  plongeaient,  dans  les  eaux  du  fleuve,  des  peaux  de  mouton 
garnies  de  leur  laine  qui  arrêtaient  les  paillettes  au  passage.  Entre 
ces  toisons  dorées  et  la  Toison  d'Or,  le  rapprochement  est  facile,  sinon 
permis. 


(1)  Batoum  devait  être  adjugé  aux  Russes  en  même  temps  que  le  Caucase  au 
traité  d'Andrinople.  Il  ne  le  fut  pas,  par  suite  d'une  erreur  —  une  faute  d'ortho- 
graphe plus  ou  moins  volontaire  —  dans  la  rédaction  de  ce  traité. 


4 


—  103  — 


I  a  ville  (le  Koutaïs,  capitale  de  la  province  du  même  nom,  occupe 
remplacement  d'un  des  châteaux  de  Jason  ;  elle  est  coquettement 
étagée  sur  les  rives  escarpées  du  Rion  ;  sa  population  oll're  un  curieux 


TYPES    DE    ROUTAIS. 


mélange  des  différentes  races  qui  occupent  cette  partie  du  Caucase  : 
Tcherkesses ,  Mingréliens  ,  Abghases ,  Imérétiens  ,  etc.  Ce  sont  les 
restes  des  populations,  en  grande  partie  remplacées  par  les  Cosaques  et 
les  fonctionnaires. 

On  sait,  en  elTet,  que  la  conquête  du  Caucase  fut  longue  et  sanglante  ; 
de  nombreuses  révoltes —  celle  de  Schamyl  surtout,  retardèrent  l'occu- 
pation russe.  Tcherkesses  et  Tchétchènes,  Adighés,  Lesghiens  défen- 
dirent leur  patrie  avec  l'énergie  que  donnent  le  désespoir  et  le 
fanatisme....  —  Insaisissables  dans  leurs  forêts  et  leurs  montagnes,  ils 
firent  aux  envahisseurs  une  terrible  guerre  d'escarmouches  et  de  sur- 
prises. Pour  en  finir,  A\'oronzo[f  et  Baratinsky  imaginèrent  d'enve- 
lopper les  rebelles  dans  un  réseau  de  blockhaus.  Ces  malheureux  se 
trouvèrent  peu  à  peu  resserrés  en  des  espaces  trop  restreints,  et  furent 
décimés  par  la  misère  et  les  maladies.  Défense  leur  était  faite  de  sortir, 
et  une  prime  par  tête  de  Circassien  fut  donnée  aux  Cosaques  pour 
encourager  leur  vigilance.  Après  30  ans  d'une  lutte  sans  merci,  les 
Tcherkesses,  décimés,  firent  leur  soumission,  et  demandèrent  pour  la 


—  UVi  — 

plupart  à  s'expatrier.    Plus  de  200.000    s'acheminèrent  vers  l'exil  ; 
100.000  environ  périrent  en  route  ;  le  reste  s'établit  en  Asie-Mineure. 

Les  autres  vécurent  côte  à  côte  avec  leurs  vainqueurs.  Ils  ont 
conservé  leur  costume  national,  adopté  d'ailleurs  par  le  Cosaque  : 
bottes  molles,  bonnet  en  peau  de  mouton  (j)apach),  tunique  de  dessous 
(bechmet),  grande  capote  garnie,  sur  la  poitrine,  de  cartouchières  ;  à  la 
ceinture,  kondjar. 

A  quelques  verstes  de  Koutaïs,  vers  le  Nord,  se  trouve  le  couvent  de 
Ghèlati,  perché  sur  une  hauteur  comme  la  plupart  des  couvents  ortho- 
doxes. C'est  un  lieu  de  pèlerinage  très  fréquenté.   On  y  remarque  de 


EGLISE    DE    GHELATI. 


vieilles  peintures  de  style  ])yzantin,  aux  couleurs  vives,  aux  détails 
scrupuleusement  étudiés,  mais  compassées  et  sans  vie  ;  de  riches  icônes, 
dont  l'une,  toute  en  or,  garnie  de  pierres  j)récieuses,  de  camées  et 
d'émaux,  est  estimée  deux  millions. 

Les  églises  du  couvent  de  Ghelati  sont  des  spécimens  un  peu  délabrés 
mais  très  intéressants  du  style  géorgien.  Ce  style,  dérivé  du  byzantin, 
comme  le  russe,  diffère  cependant  sensiblement  de  celui-ci.  Les  églises 
russes  ont  la  forme  d'une  croix  grecque,  aux  quatre  branches  égales, 
et  sont  surmontées  de  coupoles  arrondies  ou  de  dômes  bulbeux.  Le 
plan  des  é.ilises  géorgiennes  se  rapproche  davantage  dt^  la  croix  latine  ; 


—  1(55  — 


le  tnmscpt  ost  eu  outre  roui-ouué  d'uue  lautcrne  à  8  ou  l'J  pans  que 
recouvrt'  un  toit  (•oni([ut'. 


ïiflis,  capitale  de  la  Géorgie,  est  une  ville  très  pittor('S([ue  ;  elle  est 
bâtie  en  amphithéâtre  dans  un  cirque  de  collines  rocheuses  qui  atteignent 
3  et  400  mètres.  La  Koura,  ([ui  la  traverse,  s'est  creusé  un  lit  dans  le 
roc  entre  de  liantes  parois,  et  des  habitations  ont  été  construites  jus- 
qu'au/y/.s  de  cet  elTi-ayant  précipice.  De  la  Ko.ira,  les  maisons  à  toits 
plats,  en  terrasses,  dans  un  pdi  désoi-drc  UKjidi'ut  à  rassaut  des 
collines  (jne  domine  le  vieux  chàteau-l'ort.  C'est,  dit  la  légende,  la  rési- 
dence de  la  reine  Tamara,  la  souveraine  du  XII'-'  siècle,  restée  populaire 


VUE    DE    ROUTAIS. 


dans  tout  le  Caucase,  à  qui  l'on  attribue  tout  ce  qui,  pendant  4  ou 
•500  ans,  s'est  fait  de  grand,  de  noble  ou  d'utile  dans  la  province. 

La  population  est  composée  de  Russes,  Arméniens,  Géorgiens  et 
Persans  ou  Tartares,  qui  ont  leurs  quartiers  séparés  avec  leurs  églises, 
leurs  mosquées,  leurs  bazars....  Aucune  entente  n'est  possible  entre 
eux,  et  la  police  a  fort  à  l'aire  pour  maintenir  l'ordre.  Ici,  la  révolution 
ne  fut  pas  seulement  politique,  elle  eut  un  caractère  économique  et 
religieux.  Les  Arméniens  ont  accaparé  tout  le  commerce,  la  banque,  et 


—  im  — 

pratiquent  l'usure  ;  beaucoup  de  débiteurs  ont  vu,  dans  l'émeute,  un 
moyen  facile  d'annuler  les  créances,  en  supprimant  les  créanciers. 
D'autre  part,  le  fanatisme  des  Tartares  musulmans  les  précipite  contre 
les  Arméniens  orthodoxes,  et  transforme  en  guerre  sainte  ce  qui  ailleurs 
n'est  qu'une  révolution  politique  ou  sociale. 

De  Tiflis  à  Vladikawkas,  le  trajet  se  fait  en  voitures  de  poste.  Des 
relais  de  50  à  60  chevaux  se  trouvent  toutes  les  19  verstes.  Il  faut  être 
muni  d'une  'diûovisixiion  (podorojni)  pour  utiliser  ce  mode  de  locomo- 
tion, et  encore  faut-il  une  permission  spéciale  du  gouverneur  pour  être 
rapidement  servi. 

La  traversée  du  Caucase  est  des  plus  intéressantes....,  l'archéologue 
étudie  avec  plaisir  la  vieille  église  géorgienne  de  Nischket ,  ou  le 
monastère  fortifié  de  St-Georges-Anamour  ;  le  touriste  est  émerveillé 
par  les  beautés  grandioses  de  la  Chaîne  Caucasique.  La  route 
Grousine,  voie  militaire  construite  par  le  prince  Voronsof,  s'élève  jus- 
qu'à 2.432  mètres  d'altitude  au  col  de  la  Krestovaïa-Gora  ;  un  peu  plus 
loin,  elle  est  dominée  par  la  masse  sévère  et  imposante  du  Kasbek.  Ce 
sommet,  le  plus  élevé  de  la  chaîne  après  l'Elbrouz,  est  une  admirable 
pyramide  de  granit  (5.044  m)  qui  rappelle  le  mont  Cervin.  La  mytho- 
logie grecque  y  cloue  Prométhée,  la  légende  circassienne  y  place  le 
tombeau  de  la  reine  Tamara.  La  reine  Tamara,  dit-on,  y  fut  déposée, 
recouverte  d'un  blanc  linceul  de  neige,  et  fut  enlevée  au  ciel  par  les 
anges. 

La  route  suit  ensuite  la  vallée  du  Tcrck  et  le  paysage  devient,  pen- 
dant la  descente,  déplus  en  plus  sauvage.  Les  villages  (aouls)  sont 
formés  de  maisons  en  retrait  les  unes  sur  les  autres,  et  des  tours  les 
dominent  qui  en  font  de  véritables  forteresses.  Plus  loin,  enfin,  on 
entre  dans  les  fameuses  Gorges  de  Dariel,  les  Portes  Sarmates  des 
anciens,  si  resserrées  qu'il  n'y  a  place,  au  fond,  que  pour  le  Terck,  et 
la  route  suspendue  aux  flancs  mêmes  d'énormes  rochers  à  pic.  Rien 
de  plus  fantastique,  rien  de  plus  impressionnant  que  cette  traversée 
grandiose  à  la  sortie  du  Caucase,  après  laquelle  la  route  géorgienne 
semble  naturellement  avoir  perdu  tout  intérêt. 


Dans  une  seconde  partie  de  sa  conférence,  M.  David  nous  conduit  de 
Tiflis  à  la  Caspienne  par  le  chemin  des  écoliers,  c'est-à-dire  par  l'Ar- 
ménie russe.  C'est  un  pays  admirable  et  accidenté.  Les  maisons  établies 


1G7  — 


sur  les  flancs  des  hauteurs  ont  des  toits  en  terrasses  qui  continuent,  à 
s'y  méprendre,  les  terrains  cultivés  et  les  pâturages  auxquels  elles 
s'appuient;  il  n'est  point  rare  d'}^  voir  des  chèvres  et  des  vaches. 
Parfois,  il  arrive  au  voyageur  de  se  trouver,  sans  le  savoir,  au-dessus 
d'une  de  ces  maisons  troglodytes.  Près  d'elles,  ou  plutôt  sur  le  toit, 
.s'élève  un  tas  du  combustible  en  usage  dans  le  pays  :  de  la  bouse  de 
buffles  desséchée. 

Dans  les  plaines,  on  rencontre  des  Kurdes  nomades,  vivant  sous  la 
tente. 


CAMPEMENT  A  DELYAM  (ARMENIE  RUSSE). 

Le  voyageur  ne  trouve  pas,  dans  ces  régions,  à  se  loger  bien  confor- 
tablement ;  souvent,  dans  les  postes,  il  doit  se  contenter  d'un  lit  très 
élémentaire  :  c'est  une  sorte  de  plateforme  en  bois  ;  pour  matelas,  une 
couche  de  peinture,  parfois  un  tapis,  quand  il  y  en  a  dans  le  poste  ; 
l'oreiller  est  une  planchette  inclinée  à  45". 


Érivax,  la  capitale  de  l'Arménie  russe,  est  une  ville  orientale  très 
curieuse.  Une  végétation  assez  luxuriante  donne  quelque  fraîcheur  dans 
cet  endroit  exposé  aux  ardeurs  d'un  soleil  intense.  Erivan,  centre 
commercial  important,  est  sans  cesse  sillonné  de  caravanes  de  cha- 
meaux. Des  Persans  les  conduisent,   qui  ont  la  barbe  teinte  en  rouge  ; 


—  16S  — 

leur  crâne,  rasé  du  front  à  la  nuque,  avec  des  touffes  de  cheveux  sur  les 
tempes,  s'abrite  sous  un  énorme  papach  en  peau  d'agneau. 

La  principale  mosquée  offre  un  pi;  n  assez  original.  Autour  d'une 
cour  plantée  d'arbres,  rafraîchie  par  des  bassins  d'eau  limpide, 
s'élèvent  des  loges  pour  les  imc^ns.  Aux  extrémités  du  quadrilatère,  en 


MOSQUEE   A   ERIVAN. 


face  l'une  de  l'autre,  se  trouvent  deux  sortes  de  chapelles  surmontées 
d'une  coupole  persane.  Les  murs  extérieurs,  les  coupoles,  les  minarets, 
sont  couverts  de  tuiles  et  de  briques  vernissées,  aux  couleurs  variées  et 
chatoyantes. 

L'ancien  palais  des  Khans ,  aujourd'hui  a])andonné  et  en  ruines, 
laisse  encore  deviner  les  splendeurs  d'autrefois.  Il  possède,  en  parti- 
culier, une  salle  de  réception  ornée  de  peintures,  dont  le  plafond  est 
constellé  d'une  infinité  de  petits  miroirs. 

Non  loin  d'Erivan,  le  mont  Ararat  dresse,  sur  l'azur  du  ciel,  sa 
double  pyramide  neigeuse. 

Dans  les  environs  également  se  trouvent  le  pittoresque  lac  bleu  ou 
lac  Goktcha  et  le  couvent  iVEchtaiiaclzin,  où  réside  le  Cafholicos,. 
patriarche  universel  des  Arméniens. 


—  1()U  — 

Les  sources  de  naphte  de  la  presqu'île  d'Apchéron  ont  donné  à 
Bakou  son  importance  et  sa  fortune.  On  distingue  à  Bakou,  la  ville 
blanche,  habitée  par  les  Russes  et  les  Tartares,  et  la  ville  noire,  indus- 
trielle. 

Dans  la  ville  blanclie,  quelques  monuments  curieux  :  la  Cathédrale 
orthodoxe  (brûlée  en  1905),  la  Tour  de  la  Demoiselle,  sur  laquelle 
Dumas  a  brodé  une  légende  aussi  poétique  que  fantaisiste,  et  le  Palais 
des  Khans,  du  st3de  persan  le  plus  pur,  en  mauvais  état  malheureuse- 
ment. On  y  visite  la  salle  où  jadis  les  Khans  de  Bakou  rendaient  la 
justice  ;  au  milieu,  sous  une  dalle  de  marbre,  se  trouve  un  puits  profond 
où  l'on  précipitait  la  tête  et  le  corps  des  suppliciés....  Ce  puits  commu- 
nique, dit-on,  avec  la  mer. 

La  ville  noire,  qui  porte  bien  son  nom,  renferme  les  usines  où  l'on 
distille  le  naphte.  Les  plus  importantes  sont  celles  des  frères  Nobel. 

Les  puits  d'extraction,  qui  alimentent  ces  usines,  se  trouvent  à  .5  ou 
6  verstes  de  là,  à  Balakhomj.  Il  y  a  là  une  véritable  forêt  d'échafau- 
dages particuliers  (derricks)  recouvrant  chacun  un  puits  de  sondage  ou 
d'extraction.  Ici  la  révolution  a  fait  rage  pendant  six  mois,  et  plus  de 
400  puits  sur  600,  ont  été  incendiés  par  des  émeutiers  inconscients.  Il 
faudra  bien  du  temps  pour  tout  rétablir. 

Au  début  de  l'exploitation,  on  trouvait  le  pétrole  à  30  mètres  de  pro- 
fondeur, maintenant,  il  faut  aller  beaucoup  plus  bas,  à  2.50  et  300  mètres 
au  moins.  Autrefois,  il  fallait  transporter  le  pétrole  à  Batoum  au 
moyen  de  bêtes  de  somme,  actuellement  on  emploie  à  cet  usage  des 
wagons-citernes  ;  mais  il  y  a  mieux.  Une  ligne  de  tuyaux  (pipe-lines), 
avec  réservoirs  intermédiaires  et  pompes  de  refoulement,  relie  mainte- 
nant Bakou  à  Batoum  qui  se  trouve  à  une  distance  de  neuf  cents  kilo- 
mètres, et  permet  d'envoyer  directement  le  pétrole  aux  bateaux-citernes. 
Cette  nouvelle  installation  vient  d'être  terminée. 

Parfois,  le  pétrole  jaillit  lui-même  de  certains  puits  ;  il  est  alors 
prudent  d'éteindre  tous  les  feux,  car  les  incendies  sont  terribles  en  ces 
parages. 

Non  loin  de  Balakhany  s'élève  la  petite  ville  de  Sourakhany,  où 
l'activité  volcanique  est  encore  plus  manifeste.  Il  suffit  d'enfoncer 
quelque  peu  une  canne  dans  le  sol  pour  en  faire  sortir  des  gaz  inflam- 
mables. Ce  phénomène  étrange  n'avait  pas  échappé  aux  anciens,  mais 
ils  le  considéraient  avec  un  respect  mêlé  de  terreur,  comme  une 
manifestation  de  la  Divinité.  Un  temple  avait  été  érigé  en  cet  endroit  au 


—  170  — 


'dieu  du  Feu,  et,  habilement  captée  par  les  prêtres,  la  vapeur  mysté- 
rieuse s'échappait  en  mille  flammes,  tandis  que,  prostrés  la  face  contre 
lerre,  les  Guèbres,  accourus  en  pèlerinage,  adoraient  le  feu  sacré. 


LE   TEMPLE   DV   FEU   A   SOURAKHANY. 


Aujourd'hui  le  temple  existe  encore,  mais  il  a  bien  jK'rdu  de  son 
antique  splendeur.  Les  fidèles  ont  oublié  la  route  qui  y  conduit  ;  seules 
quelques  inscriptions,  des  Graffiti  sans  intérêt,  attestent  la  vénération 
dos  pèlerins  d'autrefois. 

Le  feu  sacré  s'est  éteint,  les  prêtres  ont  disparu,  et  les  vapeurs  mys- 
térieuses servent  à  alimenter  des  fours  à  chaux  et  une  fabrique  de 
l)Ougies.  Ceci  a  tué  cela. 

Et  le  touriste  passe  mélancolique  en  songeant  aux  grandeurs  déchues 

il  allume  sa  cigarette  au  feu  sacré  des  Parsis  et  se  hâte  de 

regagner  des  lieux  moins  désolés,  moins  déserts,  où  la  mort  et  l'oubli 
n'ont  pas  encore  fait  leur  œuvre. 


171 


II. 

Séance  du  Jeudi  7  Mars  1907. 


LA  RACE  NÉO-LATINE  ET  L'ALGÉRIE  EN  1 907 


Par  M.  Albert  de  POUYOURVILLE, 

Secrétaire  -  Général   des    Congres    Coloniaux    Français  , 
Membre  du  Conseil  Supérieur  des  Colonies. 


COMPTE    RENDU    ANALYTIQUE 


]\I."  Albert  de  Pouvourville  tient  tout  d'abord  à  nous  convaincre  que 
l'on  travaille  quelque  peu  dans  les  bureaux  des  Ministères.  Tous  nos 
lecteurs  ont  encore  présent  à  l'esprit  le  souvenir  de  son  intéressante 
conférence  de  l'an  passé  sur  «  la  Défense  de  l'Indo-Chine  ».  M.  de 
Pouvourville  nous  avait  entretenu  à  ce  sujet  du  projet  de  M.  le  Comte 
Récopé,  qui  se  faisait  fort  au  moj^en  de  vedettes  lance-torpilles  d'assurer 
rapidement -et  sans  grosses  dépenses  la  sécurité  de  cette  colonie  loin- 
taine. Ce  projet  n'est  point  resté  depuis  dans  les  cartons,  une  première 
vedette  lance-torpilles  a  été  construite  et  essayée  à  Rouen.  M.  de  Pou- 
vourville a  eu  la  satisfaction  de  monter  sur  ce  premier  exemplaire,  qui 
s'est  réellement  bien  comporté  sur  la  Seine.  D'autres  essais  auront  lieu 
ultérieurement  à  Cherbourg,  cette  fois  en  pleine  mer,  et  si  la  réussite  est 
complète,  nous  verrons  bientôt  notre  colonie  indo-chinoise  dotée  d'en- 
gins puissants  et  nous  serons  nous-mêmes  débarrassés  des  terribles 
soucis  que  nous  avons  à  son  sujet. 


Toute  proche  que  soit  l'Algérie  et  bien  qu'il  soit  plus  facile  par  suite 
de  la  défendre,  son  avenir  préoccupe  à  juste  titre  tous  ceux  qui  ont 


—  172  — 

quelque  peu  étudié  la  question  algérienne.  Devant  l'arrivée  incessante 
et  nécessaire  mallieureusement,  d'éléments  étrangers  dans  nos  posses- 
sions du  Nord  de  l'Afrique,  n'allons-nous  pas  y  voir  notre  influence 
diminuer  peu  à  peu  et  laisserons-nous  d'autres  récolter  ce  que  nous 
avons  semé  à  grand'peine  et  au  prix  des  plus  grands  sacrifices. 

A  quelles  conditions  peut-on  en  elîet  enrichir  un  pays  occupé?  Une 
colonie  ne  peut  rendre  tous  les  services  que  l'on  est  en  droit  d'en 
attendre  qu'après  avoir  été  peuplée  et  elle  ne  le  sera  que  si  elle  est 
convenablement  irriguée.  Le  peuplement  rapide  de  l'Algérie  et  sou 
irrigation  doivent  donc  être  l'objet  de  tous  nos  efforts. 

Or  l'Algérie  n'est  pas  convenablement  irriguée,  c'est  même  son 
défaut  foncier.  Les  Romains  l'avaient  parfaitement  compris.  Aussi 
n'avaient-ils  pas  manqué  de  faire  les  travaux  nécessaires  pour  y 
remédier.  Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  ces  aqueducs  dont  il  reste 
ici  et  là  de  notables  vestiges.  A  nous,  héritiers  des  Romains,  de  les 
imiter.  Sachons  capter  et  drainer  les  eaux  de  sources  et  de  pluies  pour 
les  distribuer  judicieusement  et  comme  ce  n'est  après  tout  ({u'une 
question  de  capitaux,  nous  pouvons,  si  nous  le  voulons,  arriver  au 
but  souhaité,  partout  où  ce  sera  nécessaire.  Rien  n'empêchera  plus 
alors  le  sol  de  produire  de  quoi  nourrir  de  nombreux  habitants.  Il  ne 
restera  plus  (ju'à  lui  fournir  une  population  adéquate  et  c'est  ici  que 
le  problème  devient  intéressant. 

Comment  pourrons-nous  peupler  notre  grande  colonie  africaine , 
provoquer  enfin  cette  expansion  nécessaire  à  la  prospérité  du  pays  ? 

Il  y  a  trois  manières  de  le  peupler  ou  de  susciter  son  effort  expansif  : 
1^  Augmenter  le  rendement  de  la  race  indigène  ;  2"  Faciliter  l'émi- 
gration de  la  race  métropolitaine  ;  3"  Favoriser  l'émigration  d'autres 
peuples. 

En  Algérie,  nous  ne  pouvons  pas  compter  sur  la  race  indigène.  C'est 
Il  conclusion  générale  de  tous  ceux  qui  ont  étudié  la  question.  Ni  les 
Berbères,  ni  les  Kabyles,  ni  les  Arabes  ne  sont  appelés  à  prendre  un 
grand  développement. 

Les  Berbères  qui  peuplent  les  plaines  sont  absolument  stationnaires  ; 
les  Kabyles  ont  une  légère  tendance  à  s'accroître  et  encore  ceci  n'a  lieu 
({ue  lorsque  le  mouton  se  vend  bien,  la  natalité  chez  eux  semble  se 
régler  sur  la  vente  ou  la  mévente  de  ces  moutons  ;  quant  aux  Arabes, 
ce  sont  les  conquérants.  Ils  ont  toujours  voulu  dominer  et  ils  ont  par- 
tagé le  sort  commun  à  tous  les  peuples  conquérants.  Les  Arabes,  qui 
ont  perdu  depuis  quatre-vingts  ans  leur  raison  d'existence,  sont  en 


—  173  — 

diminution  constante.  Que  ceci  nous  soit  une  leçon  !  Si  nous  aussi, 
nous  voulons  dominer,  nous  verrons  aussi  notre  prépondérance  dimi- 
nuer peu  à  peu.  Sachons  faire  de  ces  indigènes  des  coopérateurs  inté- 
ressés et  ne  les  traitons  pas  comme  des  esclaves,  mais  bien  comme  des 
dissociés  dévoués  à  notre  cause  et  à  la  leur  par  réciprocité. 

Pouvons-nous  compter  sur  nos  compatriotes  pour  peupler  la  colonie  ? 
Non,  malheureusement.  Les  Français  peuvent  être  d'excellents  colons, 
quoi  que  l'on  ait  dit,  la  preuve  en  a  été  suffisamment  faite,  mais  ils 
n'aiment  pas  émigrer.  Quand  on  habite  un  pays  doux  comme  le  nôtre, 
on  comprend  que  ses  habitants  n'aiment  guère  à  le  quitter.  S'il  en  est 
qui  s'y  décident,  ce  sera,  croyez-le  bien,  avec  la  ferme  intention  d'y 
revenir.  Interrogez  les  meilleurs  colons,  que  répondront-ils  à  peu  près 
généralement  ?  .le  m'y  trouve  bien  et  j'y  reste  parce  que  j'y  trouve  la 
vie  plus  facile,  mais  quand  j'aurai  fait  ma  petite  affaire,  je  rentrerai  en 
France,  mon  pays  natal.  Il  y  a  donc  des  Français  en  Algérie,  mais  pas 
assez  pour  le  bien.  Nous  ne  pouvons  faire  que  les  Français  quittent  la 
France,  il  faut  pour  cela  des  nécessités  historiques  ou  des  circonstances 
exceptionnelles,  aléatoires  eu  un  mot. 

On  est  bien  en  France,  on  y  reste.  Une  seule  contrée  chez  nous 
émigré,  c'est  la  Bretagne.  Le  Breton  émigré  surtout  vers  Paris,  à  tel 
point  que  l'on  a  cherché  à  empêcher  ce  mouvement.  D'autres  Bretons 
encore,  catlioliques  et  anti-anglais,  s'en  vont  au  Canada  quand  ils  se 
décident  à  émigrer.  Ils  y  vont  tout  simplement  parce  qu'un  de  leurs 
I)roches  parents  y  a  été  et  les  Compagnies  anglaises  les  transportent 
j)our  rien.  Peu  de  Compagnies  françaises  en  feraient  autant  pour  nos 
colonies  ! 

On  a  essayé,  quand  la  sardine  n'a  pas  donné,  de  diriger  l'émigration 
bretonne  vers  le  golfe  de  Gabès  en  Tunisie.  On  offrit  aux  émigrants 
bretons  le  transport,  l'outillage,  une  maison  et  un'  demi-hectare  par 
tête  d'enfant,  mais  tout  fut  inutile.  Ceux  qui  eurent  même  des  avances, 
s'empressèrent  de  les  boire. 

Aussi  le  rapporteur  chargé  de  cette  question  peut-il  ainsi  tirer  cette 
conclusion  :  Il  serait  plus  facile  de  faire  passer  les  sardines  en  Bre- 
tagne que  des  Bretons  en  Tunisie  ! 

Il  faut  vraiment  des  nécessités  historiques,  avons-nous  dit,  pour 
forcer  le  Français  à  émigrer.  C'est  ainsi  qu'après  la  conclusion  du 
traité  de  Francfort,  de  nombreux  Alsaciens-Lorrains  ont  pu  se  résoudre 
à  se  rendre  en  Algérie.  Ils  se  sont  établis  en  petite  Kabylie,  de  Palestro 


—  174  — 

à  Bougie.  Certains  de  leurs  villages,  tels  que  Colmar,  Mulhouse, 
Strasbourg,  etc.,  leur  rappellent  la  patrie  absente.  C'est  là  surtout 
qu'on  trouve  ainsi  au  milieu  de  populations  brunes,  les  blonds  cheveux 
et  les  yeux  bleus  qui  distinguent  leur  race. 

D'autres  de  leurs  compatriotes  qui  ne  veulent  point  servir  l'Alle- 
magne émigrent  encore.  Quand  ils  ont  fait  leur  service  dans  la  légion 
étrangère,  ils  n'ont  pas  d'autre  parti  à  prendre  qu'à  s'établir  en  Algérie. 
Ce  sont  des  excellents  colons,  mais  ils  sont  en  nombre  infime. 

Puis  nous  avons  encore  d'anciens  fonctionnaires  et  officiers  retraités 
qui  s'établissent  principalement  à  Blidah  et  à  Médéah.  Ce  n'est  point 
avec  cela  en  définitive  que  nous  pourrons  peupler  l'Algérie.  Reste  donc 
le  troisième  moyen,  faire  appel  aux  étrangers,  canaliser  en  les  favori- 
sant les  courants  d'émigration  qui  nous  viennent  de  l'Italie  et  de 
l'Espagne.  L'Espagnol  trop  à  l'étroit  chez  lui  émigré  volontiers  en 
Oranie.  L'Italien  se  trouve  mieux  en  son  pays,  mais  trop  surchargé 
d'impôts,  il  se  dirige  de  préférence  vers  la  Tunisie.  On  ne  peut  guère 
trouver  de  gens  plus  aptes  à  s'acclimater  en  Algérie.  Les  Italiens 
avaient  depuis  longtemps  jeté  les  yeux  sur  la  Tunisie,  heureusement 
nous  sommes  arrivés  avant  eux.  Quant  au  Maroc,  nous  avons  voulu 
secouer  l'arbre  trop  tôt. 

N'avons-nous  point  à  craindre  de  voir  l'Algérie  et  la  Tunisie  submer- 
gées par  ces  éléments  étrangers  ?  Nous  avons  songé  déjà  à  y  porter 
remède.  C'est  ainsi  qu'on  avait  pensé  à  y  attirer  des  Germains  et  des 
Anglo-Saxons  pour  contrebalancer  l'influence  des  Espagnols  et  des 
Italiens.  Heureusement  que  cela  n'a  pu  se  faire,  autrement  la  question 
marocaine  eut  été  plus  difficile  à  résoudre.  Un  peuple  s'adresse  surtout 
à  son  instinct  pour  émigrer.  Jamais  les  races  du  Nord  ne  pourront 
s'acclimater  en  Algérie.  Leur  existence  nationale  leur  interdit  absolu- 
ment de  vivre  en  un  pays  qui  n'a  rien  de  commun  avec  leur  origine. 
Sans  doute  il  nous  est  venu  des  gens  du  Nord  et  il  en  viendra  encore, 
mais  ce  ne  sera  qu'aléatoire,  parce  que  contre  nature.  Ils  sont  en  fort 
petit  nombre,  établis  dans  les  ports  ou  dans  des  usines. 

Seuls  ceux  de  race  néo-latine  qui  ont  bien  des  points  communs  avec 
nous,  pourront  donc  concourir  efficacement  au  peuplement  de  l'Algérie- 
Tunisie.  Que  nous  le  voulions  ou  non,  ils  n'en  viendront  pas  moins. 
Tout  ce  que  nous  pourrions  faire  contre  eux  n'aboutirait  qu'à  créer  des 
milieux  hostiles  et  ferait  de  chacun  d'eux  des  ennemis  irréconciliables. 
Soyons  prudents  avec  eux,  ils  arriveront  peu  à  peu  à  aimer  leur  patrie 
d'adoption ,  où  ils  trouveront  plus  de  facilités  d'existence  sous  un 


—  175 


gouvernement  en  définitive  plus  libéral.  La  chose  n'est  donc  pas  insur- 
montable. 


Pouvons-nous  espérer  avoir  avec  tous  ces  éléments  divers  une  race 
bien  française  ?  Non,  car  il  n'y  a  qu'une  seule  méthode  pour  atteindre 
ce  but,  le  mariage  entre  Français  et  Françaises.  Pour  avoir  en  effet  nos 
qualités  il  faut  s'y  frotter  tout  le  temps.  Il  est  impossible  à  des  étran- 
gers d'acquérir  la  qualité  de  Français  dans  un  pays  oîi  il  n'y  en  a  pas. 
beaucoup.  De  plus,  nous  ne  pourrons  y  avoir  une  race  latine  pure. 
L'élément  du  Nord,  si  petit  qu'il  soit,  empêchera  d'obtenir  ce  résultat. 
Nous  aurons  en  Algérie  une  race  algérienne,  française  par  création, 
latine  par  son  origine  et  africaine  par  ses  mœurs  et  ses  habitudes.  Ce 
sera  une  race  vraiment  originale,  et  ceci  n'est  point  une  simple  suppo- 
sition, car  cette  race  existe  déjà  et  peut  être  étudiée  sur  place.  Nou& 
avons  déjà  vu  à  l'œuvre  des  générations  nées  dans  le  pays  même.  La 
nouvelle  race,  troublée  dans  s,i  petite  enfance  commune,  commence 
enfin  à  s'assagir.  Depuis  quatre  ans  l'Algérie  est  indépendante  pour  son 
budget  local  et  toujours  il  y  a  eu  excédents  de  recettes,  et  ce  magnifique 
cadeau  de  l'indépendance  financière,  elle  le  doit  à  M.  Caillaux  !  Elle 
en  avait  exprimé  le  désir  par  ses  Conseils  généraux  et  méritait  d'ail- 
leurs d'avoir  enfin  son  autonomie.  Il  faut  que  l'Algérie  soit  indépen- 
dante, responsable,  mais  il  la  faut  toujours  respectueuse  de  la 
métropole. 

Nous  n'irons  pas  jusqu'à  dire  que  ce  sera  un  refuge  tout  trouvé  pour- 
nous  quand  viendra  l'Attila  jaune,  mais  nous  dirons  que  quand  une 
colonie  est  aussi  proche  de  la  métropole  que  l'Algérie,  leurs  battements 
respectifs  n'en  peuvent  être  que  plus  vifs  et  plus  en  harmonie  et  nous- 
ne  nous  trompons  pas  en  affirmant  que  l'Algérie  sera  notre  héritière  un 
jour  et  maintiendra  en  Afrique  l'hégémonie  française.  La  nouvelle  race- 
algérienne  sera  la  première  à  sortir  de  ses  limites  et  c'est  sur  les  enfants, 
de  cette  race  que  nous  devons  compter  pour  une  poussée  vers  le  Maroc, 
poussée  ethnique  cette  fois,  qu'aucune  puissance  ne  pourra  empêcher. 
Voilà  son  rôle  futur.  Facilitons  son  existence,  sachons  n'en  faire  qu'uri 
bloc  homogène  et  la  France  pourra  ainsi  présider  au  développement  de- 
ce  peuple  neuf.  L'Algérie  est  la  colonie  la  plus  douce,  la  plus  gracieuse 
et  la  plus  ardente  qui  soit  au  monde. 


ITC)  — 


III. 


Séance  du  Mercredi  13  Mars  1907, 

Sous  les  auspices  de  la  Section  lilloise  du  Club  Alpin  Français, 
Présidence  de  M.  A.  LEVÉ. 


AUTOUR    DU    MONT    BLANC 

Par    M.    CUËNOT, 

Membre  de  la  Direction  centrale  du  Club  Alpin  Français. 


Projetant  son  ombre  sur  trois  États,  visible  à  ])lus  de  soixante  lieues 
<le  circonférence,  on  peut  se  demander  pourquoi  le  Mont  Blanc  n'a  été 
connu  que  plus  de  dix-huit  siècles  après  notre  ère.  Il  est  vrai  que 
depuis,  le  Géant  de  nos  Alpes  a  fait  et  sans  tarder,  valoir  tous  ses 
droits  :  sa  beauté  a  inspiré  un  culte  profond,  enthousiaste  ;  sa  cime  fut 
le  temple  auguste  où  la  science  s'abrita  ;  ses  colères  ont  suscité  des 
actes  d'héroïsme,  de  dévouement  sublime. 

Le  Mont  Blanc,  celui  dont  le  poète  a  dit  : 

«  L'œil  ose  à  peine  atteindre  à  sa  cime  sereine, 
Tant  il  est  avant  dans  les  cieux  » 

le  Mont  Blanc  a  été  conquis  par  l'homme. 

L'homme  s'y  est  montré  grand,  généreux,  épris  d'art  et  de  science, 
dans  un  grand  élan  d'amour  vers  ce  ciel  plus  proche  que  la  Montagne 
fait  plus  beau.  Il  n'y  a  pas  encore  inscrit  ses  faiblesses  et  ses  vices.  Là 
haut  du  moins  !  Et  cependant  de  St-Gervais  à  Gliamonix,  sur  la  voie 
ferrée  nouvellement  établie,  les  trains  circulent  sans  cesse  ;  une  foule 
barriolée  cosmopolite  s'y  presse,  se  déversant ,  à  l'instigation  des 
agences  Cook,  comme  un  torrent  dévastateur  sur  l'ancien  Prieuré. 

Les  hôtels  se  multiplient,  ramenant  à  leur  mesure  cette  nature  gran- 
diose, avec  leurs  pierres  blanches,  leurs  titres  pompeux,  cette  valetaille 


—  177  — 

galonnée  et  obséquieuse,  ces  cellules  étroites  où  s'entassent  les  descen- 
dants de  Monsieur  Perrichon,  les  disciples  de  Tartarin. 

Saussure  ne  voit  plus  à  l'appel  de  Balmat,  la  coupole  radieuse  du 
Mont  Blanc,  cadre  nécessaire  à  ce  monument  de  bronze  :  une  bâtisse 
prétentieuse  s'interpose  entre  eux  et  la  Montagne  vaincue.  Un  Casino 
accompagne  les  somptueux  hôtels  ;  les  rues  sont  encombrées  de  mulets, 
de  bicyclettes,  d'automobiles  ;  des  lunettes  braquées  vers  les  cimes  per- 
mettent à  une  foule  avide  d'émotions  de  suivre  les  péripéties  d'une 
ascension  et  Dieu  sait  que  la  Montagne  enchaînée  a  parfois  de  terribles 
réveils  ! 

On  flirte  dans  toutes  les  langues,  on  joue  au  tennis,  on  se  rencontre 
dans  les  tea  roo'ms  ou  chez  le  confiseur  à  la  mode.  Le  Mont  Blanc  !  La 
Nature  !  On  n'y  pense  pas  mais  on  porte  des  souliers  ferrés  qui 
résonnent  haut  sur  les  trottoirs,  on  s'alïuble  de  lunettes  ou  de  voiles 
bleus,  d'alpenstocks  sur  lesquels  sont  gravés  de  mémorables  exploits  : 
la  Cascade  du  Dard,  la  Mer  de  Glace,  quelquefois  le  Chapeau  ou  la 
Flégère. . . .,  prétexte  à  pick-nicks. 

C'est  là  ce  que  l'on  appelle  aujourd'hui  aller  au  Mont  Blanc. 


Ma  première  visite  à  Chamonix  date  de  1876  ;  dans  ce  paisible  vil- 
lage on  pouvait ,  à  loisir ,  faire  ses  dévotions  à  la  Montagne.  Ma 
première  pensée  fut,  lorsque  j'y  arrivai,  au  mois  d'Août  1904,  de 
chercher,  au  delà  de  ce  tumulte  et  de  cette  foule,  un  gîte  plus  paisible. 

Le  courrier  d'Argentière  me  permit  de  quitter  Chamonix  le  soir 
même.  Sur  la  route  pittoresque  que  dominent  le  Brévenf,  V Aiguille  du 
Dru  et  V Aiguille  Ve^te,  que  déforment  déjà  les  travaux  du  chemin  de 
fer  en  construction  de  Chamonix  à  Martigny  (par  Salvan) ,  se  suc- 
cèdent ,  presque  sans  interruption,  des  stations  estivales  copieusement 
envahies  :  les  Praz,  les  Bois,  les  Tines,  Lavancher,  les  Iles,  Argen- 
tière  enfin,  où  plus  une  place  ne  reste  disponible. 

Le  Planet  nous  attire  perché  sur  un  monticule,  tel  un  château-fort 
qui  commande  la  vallée  de  l'Arve  ;  Trélechamp  nous  sourit  avec  la 
ceinture  de  ses  gazons,  le  rideau  dentelé,  plus  sombre,  de  ses  pins  et 
fièrement  étalée  cette  chaîne  du  Mont  Blanc  qui  s'avive  d'un  rayon  rose 
au-dessus  de  la  vallée  déjà  noyée  d'ombre.  Mais  là  aussi  les  touristes 
sont  en  ordre  serré  et  nous  parvenons  au  col  des  Montets  (1.462  m.), 

12 


178  — 


un  désert  encombré  de  rocs  erratiques  sur  lesquels  se  jouent  d'abon- 
dantes toufTes  de  rhododendrons. 


ARGENTIER  •;   :    VIE    l'KlSE    DU    l'LANET. 


Voici  enfin  Vallorcine  (1.212  m.),  la  dernière  commune  française 
sur  le  chemin  de  ^lartigny  —  un  peu  plus  de  .500  habitants  —  le  long  du 
torrent  de  l'Eau  Noire,  descendant  du  col  des  Montets  et  grossi  de  l'eau 
de  Bérard.  La  vallée  s'oriente  du  Sud  (Ghamonix)  au  Nord-Est  (Martigny) 
enseri'ée.  au  Sud  i)ar  le  col  des  Montets  —  au-dessus  duquel  on  aperçoit 
le  massif  du  Mont  Blanc  —  ;  au  Sud-Ouest  par  les  Aiguillei  Rouges, 
VOreb  et  V Aiguille  de  Loriiz  encadrant  la  vjllée  de  Bérard  que  pro- 
longent vers  le  Nord  le  Perron  et  le  Bel  Oiseau  ;  au  Nord-Est  par  la 
Beht  de  Mordes  dominant  la  A^allée  du  Rhône  ;  à  l'Est  par  les 
contreforts  boisés  masquant  le  col  de  Balme  et  enfin  par  les  Aiguilles 
Vertes  et  du  Dru  au  Sud-Est. 

A  l'Hôtel-Pension  Bellevue,  nouvellement  installé,  nous  recevons 
une  très  cordiale  hospitalité  qui  fait  oublier  les  salles  à  manger  dorées  et 
cosmopolites  de  Ghamonix. 


17<J 


Notre  première  excursion  sera  le  Buet  (3.109  m.).  De  Vallorcine  on 
ne  soupçonne  pas,  au  fond  de  la  vallée  étroite  de  Bérard,  les  formes 
caractéristiques  de  cette  montagne,  ses  assises  de  pierre  gigantesque, 
son  front  chauve. 


LE      BLET. 


Les  Frères  de  Luc,  le  20  Septembre  1770,  après  trois  tentatives  péril- 
leuses, en  prirent  possession  au  nom  de  la  science.  S'il  fut  le  second, 
sur  le  sommet  tant  convoité,  Bouriet  eut  du  moins  ce  mérite  de  montrer 
la  voie  la  plus  facile,  celle  qui  mettait,  par  Vallorcine,  Chamonix  en 
relations  avec  le  Buet  ;  il  lui  fallut  aussi  livrer  maints  assauts  et  la  Mon- 
tagne ne  se  rendit  qu'à  la  seconde  sommation. 

Le  10  Août,  à  .5  heures  du  matin,  je  remonte  la  rive  droite  de  YEaii 
cU  Bérard,  qui  ]?ondit  furieuse  et  d'un  saut  hardi,  le  long  d'une 
muraille  verticale,  se  laisse  tomber  tout  à  coup  avec  un  fracas  de  ton- 
nerre. Le  sentier  flâne  à  travers  la  forêt,  contourne  les  bases  tourmen- 
tées de  l'Oreb  (2.655  m.),  puis  conduit  (S.-O.)  à  une  vallée  sauvage 
encombrée  de  pierres,  taclietée  de  nevés,  à  l'extrémité  de  laquelle 
s'aperçoit  le  refuge  de  la  Pierre  à  Bérard.  Il  nous  a  fallu,  de  Vallor- 
cine, 1  h.  25  pour  atteindre  la  cabane;  deux  heures  suf6ront  pour 


—  180  — 

gagner  de  là  la  cime  du  Buet  par  la  Table  du  Chantre  et  le  Château 
Pictet^  abri  aujourd'hui  en  fort  mauvais  état. 

Des  nuages  se  sont  massés  à  l'Orient,  le  brouillard  flotte  autour  des 
cimes,  mais  le  soleil  plus  fort  parvient  à  le  déchirer,  le  panorama  est 
merveilleux  (montagnes  de  la  Savoie,  du  Dauphiné,  de  l'Oberland). 

Le  sommet  très  large,  dénudé,  surplombe  la  sauvage  et  profonde 
vallée  d'Entre-Ève  (E.).  A  l'Ouest  du  col  d'Anterne,  à  la  vallée  de 
Fonds,  la  brume  persiste,  les  sommets  bleus  surnagent  au-dessus  du 
moutonnement  des  vagues  grises.  Portée  par  les  nuages,  s'étale  fière- 
ment la  coupole  souveraine  du  Mont  Blanc. 

Nous  reviendrons  au  col  des  Montets  et  à  Vallorcine  par  le  Brévent 
(6  h.  de  la  Pierre  à  Bérard),  la  Flégère  (2  h.)  et  le  chemin  du  Plan  des 
Aiguilles  Rouges  (2  h.  1/2),  stations  classiques,  pour  contempler  le 
massif  du  Mont  Blanc. 

Mais  il  faut  nous  rapprocher  de  ces  glaciers  en  faisant  une  excursion 
sur  le  glacier  d'Argentière,  frayer  de  plus  près  avec  ces  Grandes 
Aiguilles  si  attirantes  par  la  hardiesse  de  leurs  lignes. 


A  travers  l'encadrement  d'un  rideau  de  sapins  où,  s'élevant  comme 
les  flèches  d'une  cathédrale  au-dessus  des  chalets  bruns,  apparaissent  à 
Vallorcine  les  Grandes  Aiguilles  ;  enveloppées  de  mystère,  au  matin, 
sous  le  voile  bleu  qui  doucement  les  noyé  d'ombre,  fières,  hautaines 
dans  l'azur  éclatant,  au  soleil  de  midi  ;  tragiques,  le  soir,  sous  la  robe 
d'or  et  de  pourpre  dont  les  revêt  le  couchant.  Mais  pour  comprendre 
tout  ce  jaillissement  de  pierres,  il  faut  aller  les  voir  au  col  des  Montets 
(1.462m.),  en  arrière  de  ce  premier  plan  sauvage  que  forment  des  blocs 
de  roches  étrangement  posés  par  l'avalanche. 

Depuis  les  Gharmoz,  elles  sont  là  toutes  étalées  :  le  Grépon,  les 
Blaitières,  l'Aiguille  du  Plan,  l'Aiguille  du  Midi,  un  hérissement  ver- 
tical de  pointes  avec  le  vertige  de  leurs  couleurs  et  le  défilé  de  leurs 
arêtes  où  la  neige  parfois  s'accroche  et  surplombe  l'abîme.  Une  colos- 
sale cristallisation  de  pierres  et  de  glaces,  comme  le  dit  Victor  Hugo, 
«  ville  d'obélisques,  de  colonnes,  de  pyramides,  bâtie  par  des  fées  pour 
des  âmes  et  des  esprits  ». 

Sans  perdre  de  sa  beauté,  le  spectacle  s'humanise,  quelques  mètres 
plus  bas,  à  Trelechamp  :  la  voûte  des  sapins,  les  tapis  de  gazon  et  de 
mousse,  les  eaux  murmurantes,  les  chalets  agrestement  posés,  font 


—  181  — 

valoir  encore  le  caractère  grandiose  de  ce  monde  titanesque  :  l'Ai- 
guille Verte  (4.127  m.),  l'Aiguille  du  Dru  (3.754  m.,  3.733  m.),  se 
déployent  majestueusement  au-dessus  du  glacier  d'Argentière  ;  le  gla- 
cier du  Tour  étincelle  à  travers  le  rideau  dentelé  des  conifères. 

On  compte  une  heure  et  quart  de  Vallorcine  à  Argentière  ;  de  là  on 
atteint  en  2  h.  1/4  sur  la  rive  gauche  du  glacier  le  Pavillon  de  Lognan 
(2.043  m.),  petite  auberge  (11  lits),  qui  constitue  un  merveilleux  centre 
d'excursion.  De  ce  point  de  départ  on  se  rend  au  Jardin  d' Argentière 
(2  h.  3/4),  une  pente  rocheuse  —  entre  le  glacier  du  Chardonnet  et  celui 
des  Améthystes  —  avec  quelques  plaques  de  gazon  qu'émaillent  des 
fleurs  alpines. 

La  vallée  de  glace  est  resserrée  sous  la  menace  proche  des  Aiguilles 
Vertes,  des  Courtes  (rive  gauche),  des  Triolets,  du  Mont  Dolent  et  des 
Aiguilles  Rouges  du  Mont  Dolent  (au  fond).  Entre  ces  Aiguilles  Rouges  ■ 
et  le  Tour  Noir  célébré  par  Javelle,  s'ouvre  sur  la  rive  droite  le  col 
d'Argentière  (3.516  m.),  permettant  d'aller  d'Argentière  à  Orsières 
(vallée  de  la  Dranse  sur  la  route  du  Grand  St-Bernard)  en  14  heures. 
Mais  un  autre  col,  d'un  trajet  un  peu  moins  long  (10  h.),  qui  prélude 
aussi  à  la  Haute  Route  entre  Chamonix  et  Zermatt,  le  col  du  Char- 
donnet (3.325  m.)  —  entre  l'Aiguille  du  Chardonnet  (3.822  m.)  et  l'Ai- 
guille d'Argentière  (3.907  m.)  —  donne  également  accès  à  Orsière,  par 
le  glacier  de  Sabinaz. 

Enfin  du  Pavillon  de  Lognan  on  gagne  le  col  du  Tour  par  le  col  du 
Passon,  le  Chapeau,  le  Montenvers,  par  le  col  des  Grands  Mulets 
(3.241  m.). 

Du  haut  de  l'Aiguille  de  Loriaz  (2.754  m.),  qui  par  sa  ligne  fière  nous 
appelle,  nous  détie,  nous  irons  encore  contempler  dans  toute  son  am- 
pleur le  massif  du  Mont  Blanc.  L'une  de  ses  pointes,  la  moins  haute 
(au  Sud)  fut  gravie,  pour  la  première  fois,  par  le  chasseur  Joseph 
Vouillat  en  1894,  suivant  dans  sa  course  un  chamois  le  long  de  rives 
vertigineuses. 

Par  un  matin  radieux,  le  13  Août,  nous  gravissons  vers  4  heures,  le 
sentier  des  Chalets  de  Loriaz  sous  la  forêt  profonde.  Du  côté  de  la 
Suisse  le  ciel  est  embrasé  :  des  bandes  carminées,  des  écliarpes  mauves, 
des  flèches  d'or  se  fondent  sur  un  ciel  vert  tendre,  qu'estompe  douce- 
ment la  ligne  dentelée  de  la  Montagne.  Et  près  des  Clialets  de  Loriaz 
(1  h.)  sur  l'Alpe  émaillée  d'arnicas  d'or,  de  gentianes,  cobalt  et  pourpre, 
où  paissent  plus  de  150  vaches,  nous  voyons  apparaître  tout  d'un  coup 
la  coupole  rose  du  Mont  Blanc. 


—  182  — 

Quel  magnifique  emplacement  pour  un  hôtel  avec  les  ascensions, 
proches  de  l'Aiguille  de  Loriaz,  du  Perron,  les  courses  faciles  à 
Emoison  et  à  Barhenne  par  le  col  du  Vieux,  à  Sint  par  le  col  du 
Genévrier. 

Cependant  sur  des  pentes  d'éboulis  assez  raides  et  sous  un  soleil 
déjà  ardent  nous  montons  jusqu'au  col  de  la  Terrasse  (2.63')  m.). 

Du  col  de  la  Terrasse  on  longe  avec  quelques  zigs-zags  (versant  0.) 
l'arête  N.-O.  de  l'Aiguille  de  Loriaz  jusqu'à  la  pointe  terminus  (2.7.54  m., 
3  h.  25  de  Vallorcine).  Le  panorama  se  déploie  dans  toute  son  ampleur 
et  c'est  un  contraste  saisissant  que  ce  hérissement  sombre  des  Aiguilles 
Rouges  au  premier  plan  (E.  S.-E.),  cet  entassement  chaotique  d'éhoulis 
dans  la  vallée  d'Entre-Eve,  dominé  par  le  front  sourcilleux  du  Buet 
(S.-O.)  et  le  sommet  de  ces  coupoles  de  glace,  la  grâce  jeune,  sous  la 
jeune  lumière,  de  ces  glaciers  du  Prieuré  !  si  longtemps  appelés  Monts- 
Maudits,  du  Valais,  de  l'Oberland  Bernois  ;  des  vagues  bleues  qui  se 
perdent  à  l'horizon  des  vallées  profondes  sillonnées  de  rubans  clairs  : 
toutes  les  montagnes  de  Fins-Hauts  et  de  Sixt  (N.-O.  et  0.)  d'un  gris 
d'argent  pailletées  çà  et  là  d'un  reflet  d'or. 

Nous  descendrons  à  peu  près  verticalement  dans  la  vallée  d'Entre- 
Ève  à  travers  des  éboulis  et  des  rochers  qu'il  faut  tourner  ou  le  long 
duquel  il  faut  se  laisser  glisser.  Une  rive  étroite  avec  quelques  mauvais 
pas  nous  élève  au-dessus  de  la  vallée  que  creuse  le  torrent  du  Nant  ; 
viennent  ensuite  les  pâturages  et  la  forêt  et  en  deux  heures  nous  nous 
trouvons  —  avant  le  déjeuner  —  à  l'Hôtel  de  Vallorcine. 

Le  15  Aoiit,  dès  5  h.  1/2,  la  cloche  de  l'église  paroissiale  (au  hameau 
de  Sizebais)  appelle  les  fidèles  à  la  première  messe.  La  plus  grande 
partie  se  rend  à  la  grand'messe  qui  doit  être  précédée  d'une  curieuse 
procession  autour  de  la  vieille  église,  bâtie  comme  une  forteresse  avec 
des  contreforts  massifs  et  le  versant  incliné  de  ses  toits  pour  résister 
aux  avalanches  qui,  depuis  1272,  plusieurs  fois,  la  menacèrent  et  même 
l'emportèrent. 

La  population  vit  de  la  culture  du  sol  —  malgré  les  périls  de  son 
exploitation,  de  l'industrie  forestière  ou  pastorale  — ,  de  vignes  situées 
sur  les  confins  de  Martigny,  de  la  confection  d'un  miel  réputé  ;  en  hiver 
quelques-uns  vont  à  la  Côte  d'Azur  contracter  un  engagement  dans  les 
hôtels,  d'autres  fabriquent  quelques  menus  objets  en  bois.  Ils  sont 
sobres,  réservés  et,  quoique  hospitaliers,  se  comportent,  néanmoins,  vis 
à  vis  de  l'étranger  avec  une  certaine  fierté.  Leurs  mœurs  sont  simples, 
les  vieilles  coutumes  tendent  à  disparaître,  à  peine  trouve-t-on  encore 


18:3  — 


la  survivance  de  quelques  pratiques  pittoresques  à  rôccasion  du  mariage^ 
lorsque  la  jeune  épousée  entre  clans  la  maison  conjugale  et  qu'elle  doit 


VALLORCINK  :  CHAPELLE  DES  NANT8. 


parlementer  avec  sa  belle-mère  avant  d'obtenir  la  louclie  {poche),  sym- 
bole d'autorité.  Des  barrières  de  rubans  qu'il  faut  franchir  en  payant 
d'un  cadeau  offert  aux  gars  du  pays,  son  passage  formant  ainsi  un 
pittoresque  obstacle  à  la  fiancée  qui  va  contracter  mariage  hors  de  la 
commune. 

Avec  la  civilisation,  dont  le  nouveau  chemin  de  fer  activera  les 
progrès,  il  ne  restera  bientôt  plus  rien  de  tout  ce  passé. 


184 


De  nombreuses  excursions  ou  promenades  nous  retiendraient  encore 
à  Vallorcine  :  au  col  de  Balme  (2.202  m.,  1  h.  3/4),  la  course  classique, 
à  la  Tête  Noire  (2  h.)  et  à  Trient  (2  h.  45),  au  col  de  la  Forclaz  (3  h.  30) 
et  à  Champex,  par  Bovines,  au  Ghatelard  (1  h.),  à  Fins-Hauts  (2 h.  1/2), 
à  Salvan  (4  ii.),  à  Barberine  (3/4  d'tieure),  avec  sa  cascade,  et  plus  haut 
sur  l'Alpe  célèbre,  le  cirque  sauvage  formé  par  les  parois  calcaires  et 
neigeuses  de  la  Tour  Sallières,  du  mont  Ruan,  du  pic  de  Tanneverge, 
de  la  pointe  de  Finivaz,  du  Perron  et  du  Beloiseau. 


MONT    BI.ANC   VU    DU    COL    DE    BALME. 


Mais  le  Souverain  nous  attend  :  depuis  le  col  de  Balme,  par  de  là  les 
créneaux  dentelés,  les  flèches  hardies  de  Gharmoz  et  du  Grepon,  des 
Aiguilles  de  Blaitiêres  et  du  Plan  au-dessus  des  glaciers  des  Bossons  et 
de  Taconnay  qui  le  prolongent  et  le  grandissent  jusqu'au  fond  de  la 
vallée,  soutenu  par  cet  arc-boutant  formidable  dont  les  reliefs  s'accusent 
aux  arêtes  du  Dôme  du  Goûter,  des  Bosses,  du  Mont-Maudit,  du  Mont 
Blanc  du  Tacul,  le  Mont  Blanc  a  développé  sa  taille  gigantesque.  Il 
s'est  étalé  si -fier,  si  provocant  ! 

Une  voiture  me  conduit  d'Argentière  à  Ghamonix  le  19  Août,  en 


—  185  — 

une  heure  et  demie.  Grâce  aux  soins  du  Docteur  Payât,  le  dévoué  Pré- 
sident de  la  section  de  Chamonix  du  Club  Alpin  Français,  un  guide  de 
premier  ordre,  le  bon  géant  Jules  Burnet,  qui  s'est  signalé  maintes  fois 
par  son  courage  et  son  sang-froid,  un  porteur  excellent,  son  beau-frère, 
Albert  Demarchi,  m'attendent.  Dès  1  h.  1/2  je  gravis  à  travers  les  Forêts 
des  Tissours  un  chemin  embaumé  qui  conduit  à  Pierre-Pointue  (2  h.  de 
Chamonix)  en  laissant,  à  travers  les  aiguilles  de  pin  d'un  vert  sombre, 
passer  la  vision  éblouissante  des  séracs  des  Bossons. 

Jusqu'aux  Grff^rAs-J/'^^/e/s  (5  h.  de  Chamonix),  après  la  halt€  tradi- 
tionnelle au  Pavillon  de  Pierre-Pointue,  le  passage  rapide  sous  le 
couloir  de  l'Aiguille  du  Midi  d'où  descendent  les  avalanclies,  la  tra- 
versée mouvementée  de  la  jonction  sillonnée  de  crevasses,  hérissée  de 
séracs  à  vif,  par  suite  d'un  soleil  dardant  et  prolongé,  enfin  l'escalade 
des  échelles,  la  route  est  trop  connue  pour  qu'il  soit  besoin  de  la 
décrire. 

Le  refuge  des  Grands-Mulets  (3.057  m.)  se  dresse  à  l'extrémité  d'un 
rocher  isolé  battu  par  une  mer  de  glace  dont  les  vagues  onduleuses  se 
redressent,  se  replient,  puis  montent  encore  à  l'assaut  de  la  forteresse 
imprenable. 

Sur  un  ciel  d'or  et  de  pourpre  dont  la  lueur  fulgurante  avive  les 
étoiles  de  neige  et  fait  flamboyer,  d'un  dernier  reflet,  les  parrois 
rocheuses  du  premier  plan,  les  Aiguilles  Rouges,  le  Brévent,  les  Fiz, 
s'enlèvent,  masse  violette,  tunique  améthyste  rayée  de  flammes  carmi- 
nées. La  Montagne  a  frémi  comme  au  passage  d'un  dieu. 

Cette  vision  ne  dure  qu'un  instant  ;  le  soir  a  déjà  mis  sur  la  vallée 
son  ombre  bleue  ;  ainsi  que  des  étoiles,  des  étoiles  terrestres,  appa- 
raissent au  fond  du  gouft're  les  lumières  de  Chamonix.  Et  tandis  qu'en 
bas,  dans  la  nuit,  tout  s'apaise  et  s'endort,  la  voix  de  la  Montagne  rugit 
là-Haut  ;  des  avalanches  de  neige  se  précipitent  du  Mont-Maudit  et  le 
vent  fait  rage  autour  de  la  Cabane. 

Un  excellent  repas  nous  prépare  à  un  sommeil  réparateur.  Mais  aux 
Grands-Mulets  le  sommeil  n'est  jamais  long  :  le  réveil  sonne  à  1  h.  1/4 
et  à  2  h.  1/4  ;  nous  montons  silencieusement  les  pentes  glacées  qui  con- 
duisent dans  la  direction  du  Dôme,  jusqu'au  grand  mur  de  glace  allant 
du  Rocher  Pitschna  aux  rochers  inférieurs  de  l'arête  Nord  du  Dôme. 

A  4  h.  10  nous  arrivons  au  Petit  Plateau  ;  le  jour  se  lève  et  fait  fris- 
sonner les  crêtes  vives  des  séracs  du  Dôme,  la  Montagne  tressaille, 
mais  il  fait  encore  très  froid  :  le  thermomètre  marque  —  4°  au  départ 
des  Grands-Mulets,  il  s'est  abaissé  jusqu'à  —  10"  au  sommet  du  Mont 


1S()  — 


Blanc.  A  5  h.  1/4  (3  h.  des  Grands-Mulets)  le  Grand  Plateau  est  atteint, 
cette  vaste  plaine  que  domine,  en  demi-cercle,  à  droite  le  Dôme  du 


CABANE  DES  GRANDS  MULETS. 


Goûter,  à  gauche  le  Mont-Maudit,  en  face  la  calotte  du  Mont  Blanc,  ce 
plateau  sinistre  qui  est  comme  le  cimetière  de  glace  du  Géant  de  nos 
Alpes.  La  Montagne  vaincue,  mais  jamais  soumise,  a  en  effet,  de  ter- 
ribles réveils  lorsque  le  brouillard  tourbillonne  au-dessus  de  la  cimaise 
fantastique,  ou  jusque  sur  les  arêtes  terminales  surplombant  le  gouffre 
immense,  frappées  par  la  foudre  et  balayées  par  l'ouragan. 

C'est  là  aussi  que  se  bifurquent  les  routes  de  Chamonix  par  les 
Grands-Mulets  :  au  centre  l'ancien  passage  par  les  Rochers  Rouges, 
celui  de  Jacques  Balmat  et  de  Saussure,  que  la  catastrophe  du  D'^Hamel 
en  1820  (un  missionnaire  de  la  science)  fit  bientôt  abandonner  ;  plus  à 
l'Est  la  route  du  Corridor  et  du  Mur  de  la  Côte,  qu'un  des  survivants 
de  ce  drame,  le  guide  Joseph-Marie  Coultet  suivit  pour  la  première  fois 
en  1827  ;  enfin,  vers  l'Ouest,  la  route  des  Bosses  du  Dromadaire.  Bal- 
mat  avait  reculé  devant  elle,  mais  découverte  vers  1847,  grâce  aux 
efforts  du  guide  Marie  Coultet  dit  Montelet,  elle  fut  inaugurée  en  1859 
par  la  caravane  du  Révérend  Charles  Hudson. 


—  187  — 

Cette  route  est  aujourd'hui  le  chemin  d'ascension  le  plus  fréquentée 
Du  Grand  Plateau,  après  une  pente  revôche,  ou  gagne,  par  la  selle  nei- 
geuse (col  du  Dôme),  qui  s'ouvre  au  Sud  du  Dôme  du  Goûter  et  en 
remontant  la  ligne  de  faîte,  l'Observatoire  Vallot  (4.362  m.),  la  Cabane 
des  Bosses  (6  h.  à  4  h.  des  Grands-Mulets)  ;  le  vent  y  souffle  avec  rage 
et  empêche  de  stationner  sur  la  terrasse  du  Refuge. 

Après  un  repos  d'une  heure  et  un  repas  réconfortant,  nous  prenons 
l'arête  qui  franchit  les  Bosses  du  Dromadaire  et  contourne  le  rocher.de 
Tournette  pour  atteindre  enfin  la  cime  (9  h.,  5  h.  1/2  des  Grands- 
Mulets,  haltes  déduites),  à  l'Observatoire  Janssen. 

A  la  suite  d'une  journée  orageuse,  le  ciel  est  sans  nuages,  et  le  mer- 
veilleux panorama  qu'a  dessiné  avec  précision  et  talent  mon  collègue 
et  ami  l'ingénieur  Imfeld,  se  décauvre  jusqu'à  l'extrême  horizon.  Le 
regard  plonge  sur  cinq  Etats,  tour  à  tour  baignés  de  lumière  ou  noyés- 
d'ombre.  C'est  un  entassement  de  pierres  écroulées  les  unes  sur  les. 
autres,  une  ondulation  de  glaciers  se  déroulant  en  une  masse  frisson- 
nante, une  mer  à  peine  hérissée  de  quelques  vagues  (du  N.  au  S.)  ;  la 
Dent  du  Midi,  la  Jungfrau,  le  Weisshorn,  le  Grand  Combin,  le  Cervin,. 
le  Mont-Rose,  la  Grivolée,  le  Grand  Paradis,  leLevanna,leMont-Yiso, 
la  Dept  Parrachée,  les  Ecrins,  le  Râteau. 

Il  n'y  a  plus  ni  mesures  ni  proportions,  la  ligne  la  plus  fière  s'étale,, 
le  relief  le  plus  accentué  s'écrase,  les  cimes  se  courbent,  les  gouffres- 
bleus  se  relèvent,  les  vallées  profondes  ressemblent  à  des  rubans  verts, 
les  fleuves  de  glace,  si  gigantesques  d'en  bas,  se  déroulent  comme  des- 
lacets d'argent  ;  les  villes  forment  des  taches  fuligineuses  qui  se  devinent 
à  peine  sur  le  vaste  damier. 

Et  de  tout  ce  tumulte  humain,  de  cette  vie  qui  nous  agite,  de  cet. 
effort  qui  nous  dresse,  de  ces  passions  qui  nous  soulèvent,  rien  ne 
monte  là-Haut  !  Dans  la  vallée  tout  évolue,  tout  se  transforme  en  un_ 
perpétuel  devenir.  Là-Haut,  tout  demeure,  tout  reste  immuable. 

Et  comme  Elisabeth,  l'héroïne  de  la  Mort  Blanche,  on  peut  dire  : 

«  Ici  s'arrondit,  au-dessus  des  églises  et  des  montagnes,  le  vrai 
temple  et  quand  nous  serons  descendus,  nous  saurons  que  nous  y  avons; 
été  et  que  nos  yeux  ont  contemplé  Dieu  !  » 

Encore  une  heure  d'admiration,  de  recueillement  et  nous  commen- 
çons la  descente  sur  Chamonix  ;  le  vent  oblige  à  prendre  quelques, 
précautions  le  long  de  l'arête  escarpée  des  Bossons.  A  10  heures,  départ 
du  sommet,  à  11  h..  Cabane  Vallot.  J'étais  tenté  de  suivre  la  route  de 
St-Gervais  (Col  de  Voza,  Glacier  de  Tête  Rouge,  Aiguille  et  Dôme  du. 


—  188  — 

Goûter),  mais  nous  avons  laissé  un  compte  à  régler  aux  Grands-Mulets 
et  il  faut  faire  honneur  à  sa  parole,  surtout  à  3.000  mètres.  Un  léger 
repas  (on  mange  souvent,  quoique  peu  aux  grandes  altitudes),  puis 
départ  de  la  Cabane  à  11  h.  1/2  ;  arrivée  aux  Grands-Mulets  à  midi  3/4. 
Par  suite  de  la  chaleur  nous  enfonçons  profondément. 

«  Le  soleil  ruisselant  en  lame  sur  la  neige 
A  changé  en  cratère  la  glacière  ». 

A  2  h.  15  nous  reprenons  la  descente  ;  à  4h.  1/2 le  Pavillon  de  Pierre- 
Pointue  nous  offrait  une  hospitalité  fort  appréciée  (pendant  3/4  d'heure), 
à  5  h.  45,  notre  gîte  d'étape,  Ghamonix,  était  atteint. 

Je  venais  à  peine  d'y  parvenir  que  les  nuages  montant  du  fond  de 
l'horizon  se  condensent  ;  les  brouillards  envahissent  le  Grand  Plateau 
et  bientôt,  sous  une  nuée  épaisse  disparaît  la  calotte  du  Mont  Blanc.  La 
foudre  éclate  et  presque  sans  répit,  durant  trois  jours,  tombe  une  pluie 
d'orage  ;  la  Montagne  est  ensevelie  sous  un  linceul  gris. 

Je  ne  devais  plus,  cette  année-là  du  moins,  revoir  le  Mont  Blanc 
qu'à  travers  un  rideau  de  nuages,  un  instant  déchiré  pour  laisser  passer 
la  vision  fantastique  agrandie  encore  par  le  mystère  qui  nous  dérobait 
les  assises  de  pierre,  les  contreforts  de  glace  de  la  cime  géante.  Et  sur 
le  chemin  du  retour,  aux  dernières  pentes  du  col  d'Anterne,  que  je 
traversais  pour  gagner  Sint,  je  songeais  à  cette  première  impression 
inaltérable  et  féconde  que  fit  le  Mont  Blanc  sur  l'âme  enthousiaste  de 
Durier,  son  historien  le  plus  écouté  : 

«  Un  sommet  d'un  blanc  rose  très  vif,  sur  un  fond  de  ciel  bleu  d'une 
douceur  infinie  ;  son  élévation,  sa  couleur  si  pure,  le  brouillard  qui 
l'encadrait  semblaient  le  détacher  entièrement  de  la  terre  ». 

Vision  de  poète,  dira-t-on,  et  cependant,  ce  n'est  pas  pour  sa  beauté 
que  le  Mont  Blanc  fut  désiré  et  voulu  ;  c'est  la  curiosité  scientifique, 
armant  ses  premiers  explorateurs,  qui  a  attiré  là-Haut,  Horace  Bene- 
dict  et  Saussure.  Par  une  suprême  coquetterie,  le  Mont  Blanc  n'a  voulu 
se  livrer  qu'à  un  savant.  C'est  au  nom  de  la  science  déjà,  que,  quelques 
années  auparavant,  les  frères  de  Luc,  bientôt  suivis  de  Pictet,  avaient 
pris  possession  du  Buet,  Dans  cette  main  mise ,  l'artiste ,  le  poète 
Bourrit  ne  fut  qu'au  second  plan. 

Tandis  qu'ailleurs  les  escalades  romantiques  et  enthousiastes 
marquent  la  première  période  de  l'alpinisme,  la  conquête  de  la  Mon- 
tagne n'est  d'abord,  à  Chamonix,   qu'un  moyen  de  lui  arracher  son 


189 


mystère  pour  reconstituer  un  fragment  de  l'histoire  des  mondes.  Après 
Saussure  qui  continua  ses  expériences,  grâce  à  un  séjour  prolongé  au 


VIEUX    CHEMIN    DU    COL   DES   MONTETS. 


Col  du  Géant,  Martin  Bravais  et  Le  Pileur  les  répètent  en  1844  au 
Grand  Plateau,  puis  au  sommet  même  du  Mont  Blanc,  Tyndall,  Pits- 
chner,  Violle,  Lortet  et  Marcel,  au  prix  de  quelles  difficultés  vaillam- 
ment supportées ,  enrichissent  le  domaine  de  la  science  par  leurs 
observations.  Ce  furent  les  grandes  expéditions,  mais  Rumfort,  Dolo- 
mieux,  Forbes,  Agassiz,  Elie  de  Beaumont,  Lory,  Daubrée,  Chauveau, 
Alphonse  Favre  et  tout  récemment,  Janssen  et  Joseph  Vallot  ont  aussi 
apporté  leur  contribution  —  et  la  moisson  fut  féconde  sur  les  routes 


—  100  — 

(glacées  du  Mont  Blanc  —  à  cet  extraordinaire  développement  scienti- 
fique qui  demeure  la  gloire  du  XIX*  siècle. 

De  par  sa  défaite,  la  Montagne-Roi  îu.i  consâCTée  Montagne-Science; 
Souverain,  les  hommages  de  ses  sujets  ne  montaient  pas  jusqu'à  lui  ; 
Temple,  les  savants  de  tous  les  peuples  sont  venus  y  célébrer  le  culte 
désintéressé  de  la  science.  Elle  est  comme  un  symbole,  comme  une 
.synthèse  des  temps  modernes. 

Ce  temple  de  la  science  sera  lui-même  profané.  En  terminant  sa 
4"  édition  du  «  Mont  Blanc  »,  Durier  ajoute  : 

«  Je  ne  crois  pas  que  le  Mont  Blanc  subisse  jamais  le  sort  dont  est 
menacée  la  Jungfrau.  Je  ne  crois  pas  qu'il  ait  à  redouter  la  profanation 
des  chemins  de  fer  à  crémaillère,  des  funiculaires  ou  des  ascenseurs. . . 
En  tous  cas  je  ne  pense  pas  que  le  moment  soit  proche  et  sans  doute  je 
ne  le  verrai  pas.  J'ai  dit  la  Montagne  qu'on  gravit  dans  le  péril  et  la 
peine,  je  ne  dirais  pas  celle  qu'on  fera,  et  c'est  assez  pour  moi,  que  le 
Mont  Blanc  ait  deux  Observatoires,  sans  qu'il  soit  doté  d'une  Gare- 
'Terminus  ». 

Hélas  le  moment  est  venu  où  la  profanation  va  s'accomplir  ! 

Nous  ne  sommes  pas  de  ceux  qui  entendent  réserver  la  Montagne  à 
une  élite  privilégiée.  Par  nos  elforts,  par  le  but  même  que  poursuit  cette 
puissante  association  du  Club  Alpin  Français,  nous  voulons  que  profite 
de  ses  bienfaits  une  clientèle  élargie,  mais  sans  insister  sur  les  diffi- 
cultés de  l'entreprise  ou  le  péril  de  son  exploitation  commerciale,  il 
nous  sera  permis  de  dire  que  l'on  s'abuse  singulièrement  à  croire  que  la 
Montagne  conservera  toute  sa  valeur,  pour  ceux  qui,  tout  d'un  coup, 
se  trouveront,  sans  préparation  et  sans  effort,  transportés  sur  les  plus 
hautes  cimes. 

J'admets  les  chemins  de  fer  pour  la  moyenne  montagne.  Mais,  ces 
-géants  de  pierre  et  de  glace  qu'on  voudrait  asservir  en  y  plantant, 
comme  des  crampons,  des  voies  ferrées,  ne  s'abandonnent  qu'à  ceux 
qui  savent  les  A'aincre  et  les  mériter  ;  l'effort  fait  leur  prix  plus  encore 
que  le  spectacle  qui  se  déroule  de  là-haut,  de  trop  haut  souvent  ! 

Nous  les  aimons,  ces  cimes  glorieuses,  parce  qu'elles  sont  la  meil- 
leure école  d'énergie  physique  et  morale  et  parce  qu'à  triompher  de 
Jeurs  difficultés,  à  tourner  leurs  obstacles,  nous  devenons  plus  forts, 
plus  dignes  du  nom  d'homme. 


—  lui  — 
IV. 

Séance  du  Duuanche  24  Mars  Î907 


I  M  PRESSIONS 

I)'UX  VOYAGE  D'ÉTUDE  EN  AUTRDlHE-flOXGRIE 

Par    M.    Gabriel  LOUIS-JARAY, 

De  l'Ecole  libre  des  Sciences  politiques, 
Auditeur  au  Conseil  d'Etat,  Lauréat  de  l'Académie  française. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


Il  se  passe  actuellement  en  Autriche-Hongrie  un  phénomène  bien 
digne  d'attirer  toute  notre  attention.  En  pleine  paix,  ce  pays  se  trans- 
forme peu  à  peu  et  l'on  peut  considérer  comme  terminée  la  première 
phase  de  cette  évolution  dont  la  portée  européenne  n'échappera  à 
personne.  Nous  allons  assister  bientôt  à  la  seconde  partie,  la  plus 
importante  et  la  plus  féconde  par  les  résultats  qu'elle  ne  peut  manquer 
de  produire.  Au  mois  de  ^lai  jjrochain  des  élections  vont  avoir  lieu  en 
Autriche  sous  une  forme  absolument  nouvelle  en  ce  pays.  Le  sulTrage, 
au  lieu  d'être  restreint  comme  il  l'a  toujours  été  jusqu'à  présent,  sera 
désormais  universel,  direct  et  secret.  C'est  une  transformation  complète 
et  grosse  de  conséquences. 

L'Autriche-Hongrie  n'est  pas  en  effet  un  pays  unitaire  comme  la 
France,  c'est  une  mosaïque  de  nations  diverses.  La  question  du  sulîrage 
universel  dans  ces  conditions  est  particulièrement  délicate. 

Voyons  d'abord  comment  est  constituée  l' Autriche-Hongrie,  en  un 
mot  dans  quel  milieu  va  se  faire  cette  prochaine  expérience.  Nous  dis- 
tinguerons en  Autric'.ie-Hongrie  quatre  régions  hautes  et  quatre  régions 
basses. 


—  192  — 

Régions  hautes  :  1°  A  l'Ouest,  entre  les  Alpes  et  la  ligne  de  Vienne 
à  Trieste,  s'étend  une  première  région  habitée  par  des  Slaves  et  des 
Allemands  ;  2°  Dans  l'arc  de  cercle  formé  par  les  Carpathes  se  trouvent 
des  Slaves  et  des  Roumains  ;  3°  Dans  les  Alpes  dinariques  et  jusqu'à  la 
Drave  habitent  des  Jougo-Slaves  ou  Slaves  du  Sud  (Slovènes,  Croates  (1) 
et  Serbes)  ;  4'^  Le  quadrilatère  de  Bohème  est  occupé  au  centre  par  les 
Tchèques  et  sur  le  pourtour  par  les  Allemands. 

Régions  basses  :  1°  Le  Nord  des  Alpes  (Allemands)  ;  2°  Le  Nord  des 
Carpathes  (Polonais  et  Ruthènes)  ;  La  plaine  Hongroise  (Hongrois, 
Serbes,  Bulgares)  et  4"  La  côte  de  Dalmatie  (Italiens  et  Slaves). 

Ceci  suffit  pour  donner  une  idée  de  l'extrême  complexité  que  pré- 
sente l'étude  des  problèmes  posés.  Il  n'y  a  pas  seulement  comme  chez 
nous  quelques  grands  partis  politiques  et  sociaux.  En  Autriche-Hongrie 
chaque  parti  se  subdivise  en  autant  de  fractions  distinctes  que  de  natio- 
nalités. Il  y  a  des  socialistes  allemands,  tchèques,  polonais,  ruthènes, 
roumains,  magyars,  italiens,  serbo-croates  par  exemple,  aux  aspira- 
tions diverses,  autrement  dit,  le  nombre  des  partis  que  l'on  pourrait 
rencontrer  dans  un  pays  unitaire  comme  le  nôtre  se  trouve  en  Autriche- 
Hongrie  multiplié  par  le  nombre  même  des  nationalités. 

En  ce  pays  il  faut  donc  étudier  une  à  une  chaque  province.  Les  deux 
Etats  même  qui  forment  l'Autriche-Hongrie  sont  tout  aussi  différents 
l'un  de  l'autre  que  l'Allemagne  et  la  France.  On  voit  comment  il  était 
difficile  d'y  introduire  quelque  chose.de  nouveau. 

Ainsi  les  Allemands,  quoique  moins  nombreux,  avaient  acquis  la 
prédominance  parce  qu'ils  étaient  de  beaucoup  les  plus  actifs  et  aussi 
les  plus  fortunés.  Ils  s'opposaient  naturellement  à  l'introduction  du 
suffrage  universel  qui  leur  fera  perdre  leur  situation  prépondérante. 
Egalement  les  aristocrates,  bien  qu'ils  aient  beaucoup  perdu  de  leur 
influence  depuis  dix  ans,  étaient  encore  assez  puissants  pour  s'opposer 
à  cette  innovation. 

Eh  bien  malgré  tout,  le  Parlement  autrichien  a  voté  le  suffrage  uni- 
versel direct  et  secret.  Pour  être  électeur  dans  une  localité,  il  sufHra 
désormais  d'y  être  domicilié  depuis  une  année  au  moins  avant  l'élection. 

Cette  transformation  est  due  à  l'action  lente  du  temps.  Depuis  dix  ans 


(1)  Serbes  et  Croates  ont  la  même  langue.  Les  premiers  se  servent  des  caractères 
russes  tandis  que  les  seconds  emploient  les  caractères  latins.  Les  Serbes  sont 
orthodoxes  et  les  Croates  catholiques. 


—  193  — 

surtout  Tchèques  et  socialistes  s'agitaient  et  réclamaient  le  suffrage 
universel,  voyant  en  lui  un  moyen  d'augmenter  leur  influence.  L'Em- 
pereur l'avait  promis  à  la  Hongrie  et  l'on  peut  même  dire  que  c'est  lui 
qui  a  le  plus  contribué  à  son  établissement  en  Autriche,  car  pour  des 
raisons  particulières  ce  suffrage  n'est  pas  encore  admis  en  Hongrie. 

Pourquoi  l'Empereur  l'a-t-il  voulu  ?  Parce  qu'il  a  vu  naître  et  se 
propager  les  troubles  causés  par  les  Slaves  ou  les  socialistes  et  qu'il  ne 
désire  rien  tant  que  d'achever  tranquillement  sa  carrière.  Puis  l'Empe- 
reur a  été  impressionné  en  voyant  le  plus  grand  autocrate  européen,  le 
Czar,  obligé  de  céder  aussi  rapidement  sous  la  menace  des  bombes  et 
des  attentats,  et  préféra  l'imiter  de  bonne  grâce.  Enfin,  il  a  cru  que  ce 
suffrage  universel  serait  un  élément  de  force  pour  l'Etat  et  un  moyen 
de  pacification  dans  les  querelles  nationales.  H  prévoit  ainsi  que 
socialistes  et  catholiques  y  gagneront  en  influence  sans  danger  pour 
l'Etat,  car  il  sait  qu'ils  ne  sont  point  révolutionnaires  et  compte  sur 
leur  loyalisme  éprouvé.  C'est  enfin  un  élément  pacificateur.  N'en  a-t-il 
pas  été  toujours  ainsi  ?  Partout  où  le  suffrage  universel  a  été  introduit, 
il  est  devenu  par  la  force  des  choses  un  élément  conservateur. 

Néanmoins  les  luttes  de  nationalité,  si  elles  perdent  par  ce  moyen  de 
leur  acuité,  n'en  subsistent  pas  moins.  Nous  en  avons  déjà  maintes 
preuves. 

Par  exemple,  le  socialisme  aurait  bien  voulu  se  former  en  Autriche 
en  dehors  de  toutes  nationalités  et  il  n'en  a  pas  moins  dû  céder  devant 
les  fortes  aspirations  nationales  de  ses  partisans  :  il  a  dû  finalement 
prendre  une  forme  fédérative  sous  laquelle  restent  bien  trancliées  les 
unions  des  socialistes  de  chaque  nationalité.  Le  même  phénomène  s'est 
présenté  dans  la  formation  des  syndicats. 

Le  judaïsme  est  encore  un  élément  certain  de  troubles  futurs.  On 
pouvait  se  demander  à  quelle  nationalité  allaient  se  rattacher  les  juifs 
autrichiens  ?  Leur  préférence  est  pour  l'Allemand  plus  cultivé  à  leurs 
yeux  et  dont  la  langue  a  beaucoup  d'analogie  avec  leur  jargon.  Ils  ont 
suivi  longtemps  leur  goût  pour  les  Allemands,  mais  depuis  quelques 
années  ce  sentiment  s'est  modifié.  Ils  ont  une  tendance  nationaliste  à 
leur  tour,  ils  rêvent  enfin  au  Sionisme,  c'est-à-dire  à  la  reconstitution 
d'un  nouveau  royaume  de  Sion  au  sein  même  de  l'Autriche.  lisse  disent 
hautement  de  la  nation  juive  avant  tout,  mais  de  culture  allemande, 
polonaise,  etc. 

Ce  mouvement  particulariste  se  constate  chez  les  Juifs  de  l'Est.  Sans 
doute  il  y  a  de  nombreux  Juifs  également  dans  l'Ouest,  mais  ce  ne  sont 

13 


—  194  — 

que  des  bourgeois  tandis  qu'en  Galicie  nous  trouvons  des  Juifs  de  toutes 
conditions,  riches,  de  moyenne  condition  ou  pauvres,  bourgeois  et  pro- 
létaires, une  masse  enfin  ayant  ses  pratiques,  ses  écoles,  sa  langue  et 
ses  traditions.  Avec  cette  tendance  au  Sionisme  nous  sommes  loin  de 
l'assimilation  rêvée.  En  résumé  le  nationalisme  s'est  plutôt  développé 
partout,  même  chez  les  Juifs. 
La  pacification  de  l'Autriche  ne  sera  donc  que  partielle. 


En  Hongrie,  le  suffrage  universel  ne  sera  pas  encore  introduit.  Les 
magyars  s'y  sont  opposés.  Ils  ont  jusqu'à  présent  la  majorité  et  ne 
tiennent  aucunement  à  être  éliminés.  En  Hongrie  tous  les  riches  sont 
magyars  ;  en  dessous  d'eux  il  n'y  a  que  des  paysans.  Or,  c'est  ici  qu'un 
problème  grave  se  pose.  Nous  ne  trouvons  pas  en  Hongrie  toute  la 
gamme  des  classes  sociales  comme  dans  l'Europe  occidentale.  En  haut 
se  trouve  l'aristocratie  magyare,  noblesse  terrienne  et,  uniquement 
au-dessous  d'elle,  une  masse  de  paysans  et  de  journaliers  agricoles  (ces 
derniers  au  nombre  de  plus  de  deux  millions).  A  part  quelques  excep- 
tions, les  paysans  possèdent  trop  peu  de  terre  pour  leur  suffisance  ; 
quant  aux  ouvriers  agricoles  ils  ne  possèdent  même  point  un  pouce  de 
terrain.  Tout  cela  constitue  une  masse  formidable  qui  a  vraiment 
faini  de  la  terre,  suivant  l'expression  consacrée. 

Puis  la  politique  est  entrée  en  jeu.  Los  nobles  magyars  (1)  veulent 
l'autonomie  absolue,  avoir  leur  armée  propre  ;  mais  l'Empereur,  en 
tant  ({ue  Roi  de  Hongrie,  ne  le  désire  pas.  Aussi  s'est-il  adressé  à  l'op- 
position, à  cette  masse  enfin.  Le  ministère  le  suivit  dans  cette  politique. 
Aux  uns,  on  promit  le  partage  de  toutes  les  terres  et  à  ceux  qui  en  pos- 
sédaient quelque  peu,  on  dit  :  vous  garderez  vos  biens  et  nous  ferons 
rendre  gorge  aux  autres.  Nous  n'en  voulons  qu'aux  gros  propriétaires. 
En  résumé,  pour  infirmer  les  magyars,  on  agit  par  en  bas  et  c'est  ainsi 
que  la  lutte  sociale  a  été  instaurée  en  Hongrie  par  le  trône  lui-même. 
C'est  une  partie  terrible  qui  va  se  jouer  prochainement  en  Hongrie. 
Elle  est  dangereuse  pour  les  uns  comme  pour  les  autres.  Qui  réussira  ? 


En  résumé,  dès  que  l'on  a  dépassé  Tienne  pour  se  rendre  vers  le 


(1)  Le  cumte  de  Zichy,  mort  récemment,  a  dépensé  la  plus  grande  partie  de  sa 
fortune  pour  faire  triompher  le  nationalisme  hongrois. 


—  19.")  — 

Nord,  le  Sud  ou  l'Est,  on  a  bien  vite  la  sensation  de  se  trouver  dans  un 
milieu  nouveau  à  dillerents  points  de  vue. 

Au  point  de  vue  social  :  on  trouve  diverses  nationalités  nettement 
caractérisées  et  opposées  les  unes  aux  autres  :  Roumains,  Serbes,  Hon- 
grois, Bulgares,  Tchèques,  etc. . . .  Dans  certaines  parties  de  l'Empire, 
en  Hongrie,  par  exemple,  une  structure  particulière,  c'est-à-dire  cette 
division  en  deux  classes  uniques  et  ennemies  :  les  riches  en  haut  et  les 
pauvres  en  bas,  source  de  graves  conflits  futurs.  Chez  les  Serbes  et  les 
Bulgares  au  contraire,  nous  ne  voyons  encore  qu'une  basse  classe,  une 
démocratie  naturelle  dont  ([uelques  individus  commencent  à  émerger. 

Au  point  de  vue  politique  :  la  liberté  n'est  pas  encore  sérieusement 
établie  dans  aucune  de  ces  régions  si  diverses. 

Enfin  au  point  de  vue  économique,  toutes  présentent  le  même  phéno- 
mène. Ces  populations  qui  étaient  surtout  agricoles  jusqu'à  présent, 
aspirent  à  créer  cliacune  une  industrie  nationale. 

Là,  où  toute  la  terre  est  accaparée  par  un  petit  nombre  de  gros  pro- 
priétaires, la  masse  des  petits  paysans  et  des  ouvriers  agricoles  se  voit 
forcée  ou  d'émigrer  sans  esprit  de  retour  ou  de  vivre  de  peu.  C'est  là 
l'origine  des  révoltes  agraires  dont  il  est  si  souvent  question  dans  les 
jourùaux  depuis  quelque  temps.  Il  en  est  résulté  une  hausse  formi- 
dable du  prix  des  terres  (elle  atteint  50  °lo),  parce  que  les  haljitants  de 
ces  pays  veulent  en  acheter  à  tout  prix. 

Que  nous  réserve  l'avenir  ?  Le  grand  problème  posé  est  de  savoir 
comment  les  classes  dirigeantes  sauront  résoudre  la  question  agraire. 


LE  TOMBEAU  DE  L'AMIRAL  COURBET 


Une  erreur  s'est  glissée  dans  le  compte  rendu  de  la  conférence  de 
M.  Réginald  Kann  (Bulletin  d'Août,  p.  113),  sur  Formose.  On  lui  fait 
dire  que  l'Amiral  Courbet  repose  dans  le  cimetière  français  des  Pesca- 
dores,  près  de  ses  compagnons  d'armes.  C'est  par  inadvertance  ; 
l'Amiral  Courbet  est  inlmmé  à  Abbeville,  son  pays  natal,  sous  un 
monument  remarquable  dû  au  talent  du  sculpteur  Fontaine. 

L'Amiral  allait  souvent  au  cimetière  des  Pescadores,  il  y  était  deux 
jours  avant  sa  mort. 

Ce  cimetière  est  confié  à  la  surveillance  et  à  l'entretien  des  Japonais 


—  196  — 

par  une  convention  internationale,  renouvelable  par  périodes.  Les 
Japonais  voulaient  la  dénoncer,  mais  on  s'est  arrangé. 

Les  Chinois  et  les  indigènes  respectent  beaucoup  ce  lieu  de  repos  de 
nos  compatriotes,  leurs  anciens  adversaires ,  parce  que ,  disent-ils , 
l'Amiral  Coupa  était  un  homme  juste. 

Cette  rectification  est  due  à  notre  excellent  collègue,  M.  Charles 
Lemire,  Résident  honoraire  de  France,  auteur  d'une  description  du 
cimetière  des  Pescadores  et  des  monuments  de  Courbet  à  Abbeville  et  à 
Paris,  sur  la  place  qui  porte  son  nom.  Ce  dernier  est  l'œuvre  de  Fal- 
guière  et  de  Mercier. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 
EN  1906  ET   1907 


I. 

EXCURSION  DANS  L  ISÈRE, 
LES   HAUTES   ALPES   ET   LA   SAVOIE 

DU  5  AU  22  AOUT  1906. 


Organisateurs  :  MM.  Henri  Beaufort  et  Xavier  Renouard. 


Suite  et  fin  (1). 


Mardi  14  Août.  —  Nous  visitons  Briançon,  place  forte  de  V^  classe, 
située  à  1.336  m.  d'aliitude  à  la  porte  de  Pignerol.  Avec  sa  triple  enceinte  et 
ses  nombreux  fo:ls,  elle  commande  la  loute  du  mont  Génèvre.  300  soldats  et 
250  douaniers  suffirent  à  la  défendre  en  1815  contre  les  Alliés.    Dans  la  basse 


(1)  Voir  Bulletin  d'Août,  page  118. 


—  1U7  — 

ville  et  au  faubourg  Ste-Catherine  sont  établies  plusieurs  industries,  dont  la 
plus  importante  est  le  peignag-e  des  déchets  de  soie.  Nous  voyons  dans  la 
haute  ville,  son  église  édifiée  sur  un  bastion,  ses  vastes  casernes  et  sa  vieille 
citadelle  à  la  Vauban.  De  la  place  de  la  Paix  qui  forme  un  angle  au-dessus 
de  la  vallée  de  la  Durance  on  jouit  d'une  vue  admirable.  La  grande  Gar- 
gouille, principale  artère  de  la  ville,  n'est  guère  plus  large  que  les  autres. 
Toutes  du  reste  sont  fortement  inclinées,  sans  trottoirs  et  pavées  de  simples 
cailloux.  L'aspect  en  est  très  original.  Remarqué  sur  une  maison  de  style 
Renaissance  les  inscriptions  :  «  Cherches  et  vos  troveres,  1575.  —  Entres  à 
la  petit  porte  (sic)  ».  D'un  bastion  nous  voyons  en  contre  bas  le  pont  d'Asfeld, 
d'une  seule  arche  de  40  mètres  d'ouverture  franchissant  la  Hurance  à 
56  mètres  de  hauteur.  Après  le  déjeuner,  nous  allons  en  voiture  au  col  du 
mont  Genève  en  compagnie  de  M.  le  capitaine  Mercier,  en  garnison  à 
Besançon  et  parent  de  M.  Beaufort.  Jusqu'au  village  des  Alberts,  nous  pas- 
sons dans  des  gorges  ou  défilés  pittoresques  entre  des  hauteurs  fortifiées,  puis 
nous  gravissons  une  rude  montée  aux  nombreux  lacets  par  un  soleil  brûlant. 
La  route  s'engage  ensuite  sur  l'autre  versant  et  nous  apercevons  à  un  tournant 
le  clocher  du  Mont  Génèvre,  village  de  293  habitants,  situé  à  L860  m.  d'al- 
titude sur  le  col  de  ce  nom  entre  le  Signal  de  Chenaillet  (2.634  m.)  et  le 
Rocher  de  l'Alpet  (2413  m.).  Il  y  règne  un  vent  froid,  d'autant  plus  sensible 
que  la  chaleiir  était  très  forte  sur  le  versant  que  nous  avions  quitté.  L'hospice 
est  en  partie  transformé  en  gendarmerie  et  le  reste  est  loué  à  un  hôtelier.  Le 
col  est  dominé  par  le  Mont  Janus  (2.514  m.)  et  son  fort,  dont  les  communi- 
cations avec  Briançon  doivent  être  en  hiver  bien  difficiles.  En  face  se  trouve  le 
fort  italien  du  Chaberton.  Nous  ne  pouvons  faire  moins  que  d'aller  en  Italie, 
elle  est  si  voisine  !  Sur  la  route  un  obélisque  nous  rappelle  que  la  route  suivie 
a  été  construite  sous  Napoléon  P"".  Le  capitaine  Mercier  qui  nous  accompagné 
depuis  Briançon  ne  peut  nous  suivre  au  delà  de  la  frontière.  Il  veut  bien  se 
charger  de  garder  nos  appareils  photographiques  qu'il  est  prudent  de  ne  pas 
emporter  en  Italie.  Dès  que  nous  avons  mis  les  pieds  dans  la  vallée  de  la 
Doire,  nous  sommes  surveillés  de  loin  et  bientôt  des  gendarmes  italiens  nous 
accostent  et  nous  font  subir  un  petit  interrogatoire.  On  nous  laisse  passer, 
mais  nous  n'en  sommes  pas  moins  surveillés.  Nous  arrivons  à  Clavières  où  se 
trouve  le  bureau  des  douanes  italiennes,  au  delà  la  vallée  de  la  Doire  prend 
une  pente  plus  accentuée,  mais  nous  ne  pouvons  songer  à  aller  jusqu'à 
Césanne,  distant  encore  de  6  kilomètres.  Le  retour  sur  Briançon  s'effectue 
rapidement  et  nous  rentrons  à  l'hôtel  où  nous  offrons  des  fleurs  à  M™-  B.,  à 
roccasion  de  sa  fête  et  M.  Renouard  lui  exprime  au  nom  de  tous  notre  grati- 
tude pour  la  sollicitude  avec  laquelle  elle  n'a  cessé  de  s'intéresser  au  bien-être 
de  chacun  depuis  que  nous  voyageons  de  concert. 

Mercredi  15  Août.  —  Nous   entrons  dans  la  fertile  vallée  de  la  Gui- 


—  198  — 


sanne  entre  la  Croix  de  Toulouse  et  le  Signal  de  Prorel.  Nous  passons  plus 
loin  au  pied  du  Signal  du  St-Chatïrey,  longeons  à  droite  les  pentes  du  Grand 
Arca  (2.869  m.).  Voici  maintenant  Chantemerle,  puis  la  Chirouze  et  Ville- 
neuve avec  le  hameau  de  la  Salle.  Au  delà  du  Guibertes  nous  apercevons  à 
rOuest  le  pic  central  de  la  Meije,  qui  se  penche  en  surplombant  au-dessus  du 
glacier  des  Étançons.  Nous  traversons  ensuite  Monetier-les-Bains  au  pied  de 
la  Croix  de  Ste-Marguerite.  A  gauche,  s'ouvre  une  jolie  vallée  et  l'on  aper- 
çoit le  Dôme  (3.200  m.)  et  le  glacier  de  Monetier.  Devant  nous  se  profile  au 
loin  dans  l'échancrure  du  Galibier  l'aiguille  méridionale  d'Arves.  La  route 
continue  au  pied  des  contreforts  du  Grand  Galibier  (3.242  m.)  au  milieu  d'un 
paysage  aride.  S'élevant  de  plus  en  plus  elle  s'engage  dans  deux  tunnels,  dont 
le  premier  de  400  mètres  est  éclairé  par  quatre  ouvertures  latérales.  Nous 
laissons  à  droite  la  route  du  col  du  Galibier,  la  plus  haute  de  France  (2.550  m.). 
Au  delà  du  torrent  de  la  Roche  Noire  descendu  du  Pic  des  Trois  Evêchés 
(3.120  m.)  nous  atteignons  le  col  du  Lautaret  (2.075  m.),  entre  les  vallées  de 
la  Guisanne  et  de  la  Romanche.  Le  site  est  imposant,  mais  le  froid  nous 
olilige  à  nous  couvrir,  bien  (jue  le  soleil  brille.  La  flore  du  Lautaret  est 
réputée  une  des  plus  riches  des  Alpes  et  depuis  1898  un  jardin  alpin  y  a  été 
créé  par  l'Université  de  Grenoble.  Du  col,  belle  vue  à  l'Ouest  sur  le  Pic 
Gaspard  (3.884  m.)  et  le  Pic  de  l'Homme.  La  route  descend  ensuite  dans  la 
vallée  de  la  Romanche.  La  vue  s'étend  sur  la  terrible  pente  nord'  de  la  Barre 
des  Ecrins,  point  culminant  du  Pelvoux  (4.103  m.),  sur  le  pic  de  Neige 
Cordier  et  la  grande  Ruine  (3.754  m.).  Après  avoir  traversé  le  tunnel  des 
Ardoisières,  long  de  700  m.,  éclairé  nuit  et  jour  à  l'électricité  et  un  autre  de 
280  m.,  nous  entrons  dans  la  Grave,  bâtie  en  amphithéâtre  contre  le  Signal 
de  même  nom  en  face  de  la  Meije.  Nous  contemplons  le  grandiose  spectacle 
qu'elle  nous  offre.  Elle  ressemljle  à  une  immense  muraille  crénelée,  aux 
parois  à  pic  formidables,  surmontée  de  trois  pics  dont  les  sommets  se  profilent 
au-dessus  des  immenses  glaciers  du  Tabuchet.  Après  le  déjeuner  visite  du  village 
et  de  sa  petite  église  et  de  l'ancienne  chapelle  voisine  des  Pénitents.  A  quatre 
heures  nous  partons  pour  Bourg-d'Oisans.  Laissant  à  droite  les  trois  aiguilles 
d'Arves,  nous  franchissons  le  torrent  du  Guâ,  au  pied  de  la  cascade  des 
Fréaux,  qui  tombe  de  80  m.  de  haut  et  nous  nous  engageons  dans  l'étroit  et 
sauvage  défilé  appelé  la  Combe  de  Malaval.  Puis  la  vallée  se  rétrécit  de  nou- 
veau, à  peine  assez  large  pour  la  route  et  le  torrent.  Nous  passons  devant  la 
cascade  de  la  Pisse,  qui  tombe  du  plateau  de  Paris  d'une  hauteur  de  200  m., 
puis  nous  franchissons  la  Romanche  et  au  delà  du  hameau  du  Dauphin,  le 
tunnel  du  Chambon  à  la  sortie  duquel  la  route  s'engage  dans  un  défilé  sau- 
vage aux  parois  rougeâtres  et  à  pic.  Au  sortir  de  cette  gorge,  on  laisse  à 
gauche  la  route  du  col  de  l'Alp  de  Venosc  et  on  traverse  le  tunnel  de  l'Infernet, 
un  peu  éclairé  par  trois  larges  ouvertures  latérales.  Puis  la  vallée  s'élargit  et 
Ja  route  contourne  le  plateau  de  la  Rivoire.  Sur   des  hauteurs   en  apparence 


—  199  — 

inaccessibles,  on  aperçoit  quelques  maisons  des  Balmes,  hameau  de  la  com- 
mune d'Aui'is,  rappelant  d'anciennes  mines  d'or.  Après  avoir  franchi  un 
tunnel,  nous  descendons  la  Rampe  des  Commères  el  arrivons  aux  Alberges, 
avant  laissé  sur  notre  g'auche  l'entrée  de  la  vallée  du  Vénéon.  Un  peu  plus 
tard  nous  entrons  à  Bourg-d'Oisans,  au  pied  du  Signal  de  Prégentel  (1.944  m.). 
Ce  bourg  d'Oisans  dut  à  sa  situation  plus  élevée  qu'aujourd'hui  de  n'être  pas 
submergé  en  1181  lors  de  la  formation  du  lac  St-Laurent,  à  la  suite  du  bar- 
rage accidentel  de  la  Romanche,  causé  alors  par  des  éboulements  subits.  En 
face  du  Bourg  d'Oisans  sont  les  '  cimes  neigeuses  des  grandes  Rousses 
(3.473  m.).  Après  le  dîner  nous  faisons  une  promenade  dans  les  rues  animées 
du  bourg  et  assistons  à  un  concert  donné  par  des  joueurs  de  cor. 

Jeudi  16  Août.  —  Par  le  chemin  suivi  la  veille,  nous  regagnons  l'entrée 
de  la  vallée  du  Vénéon  où  nous  nous  engageons.  Cette  vallée  s'élève  graduel- 
lement à  une  grande  hauteur  dans  le  massif  granitique  de  l'Oisans  ou  du 
Pelvoux.  Au  centre  de  ce  massif  se  trouve  la  Barre  des  Écrins,  sommet  le 
plus  élevé.  La  route  passe  au  hameau  des  Gauchoirs  sur  un  torrent  qui  des- 
cend du  lac  Lovitel.  A  droite  s'élève  le  grand  Rochail  (3.070  m.).  Au  delà 
du  hameau  des  Ougiers,  la  vallée  se  rétrécit  entre  des  pentes  escarpées.  On 
aperçoit  à  droite  l'Aiguille  de  Vénosc  qui  domine  le  village  du  même  nom, 
bâti  dans  un  cirque  abrité.  De  ce  petit  village  on  voit  aussi  les  neiges  et  les 
sommets  dénudés  de  la  Roche  de  la  Muzelle  (3.459  m.).  Un  peu  plus  loin,  au 
bourg  d'Arud,  la  cascade  de  la  Pisse  est  en  vue.  Après  quoi  le  paysage  change 
tout  à  fait  d'aspect,  la  vallée  se  rétrécit  et  toute  trace  de  végétation  disparaît. 
Les  voitures  passent  au  pied  d'énormes  blocs  inclinés  de  façon  inquiétante. 
Un  de  ces  blocs,  tombé  en  travers  du  torrent  et  appuyé  sur  un  autre,  forme  un 
pont  naturel  au-dessus  du  Vénéon.  11  y  a  là  un  entassement  de  débris  tita- 
niques  qui  forme  le  clapier  de  St-Christophe.  C'est  un  spectacle  d'une  gran- 
diose sauvagerie.  Au  sortir  du  Clapier,  les  voitures  s'arrêtent  pour  permettre 
de  jouir  du  spectacle  pittoresque  :  à  gauche  le  Vénéon  se  précipite  sur  les 
rocliers  ;  à  droite  le  plan  du  lac,  asséché  en  ce  moment  ;  au  fond  de  la  vallée, 
les  cimes  et  les  glaciers  des  Fétoules,  appartenant  au  massif  du  Pelvoux.  La 
route  s'élève  parmi  les  éboulis  jusqu'au  hameau  des  Puys,  près  de  la  cascade 
de  Lanchàtre,  entre  le  Soruller  et  l'Aiguille  de  Lan  châtre  (2.574  m.).  Puis 
elle  gravit  une  forte  rampe  d'où  l'on  aperçoit  les  Têtes  de  Laranoure  (3.326  et 
et  3.341  m.)  et  les  Aiguilles  du  Canard  et  des  Arias.  Plus  loin,  un  gronde- 
ment nous  annonce  l'approche  du  Torrent  du  Diable,  que  franchit  un  pont 
d'une  seule  arche.  Nous  contemplons  un  moment  le  spectacle  impressionnant 
de  ce  torrent  qui,  descendu  du  glacier  de  la  Selle  (3.602  m.),  se  jette  avec 
fracas  dans  une  gorge  étroite  et  profonde.  Puis  nous  arrivons  à  St-Christophe 
en  Oisans,  où  finit  la  route  carrossable.  St-Christophe  est  à  1.470  m.  d'alti- 
tude et  il  faut  encore  s'élever  de  268  m.  pour  atteindre  la  Bérarde,  où  se 


—  200  — 

rendent  après  le  déjeuner  la  plupart  des  excursionnistes  à  pied  ou  montés  sur 
des  mulets,  par  un  chemin  impossible,  aux  pentes  raides  entrecoupées  de 
paliers.  Dans  les  passages  difficiles,  il  leur  fallut  descendre  même  de  leur 
monture.  Ils  rencontrent  chemin  faisant  la  belle  cascade  de  la  Mariande, 
le  village  de  la  Lavey  dominé  par  l'Aiguille  d'Olan  (3.383  m.)  et  la  superbe 
cascade  de  la  Lavey,  la  Combe  des  Etages,  où  l'on  aperçoit  le  pic  Lory 
(4.083  m.),  le  second  sommet  des  Écrins  et  au  delà  de  deux  torrents  le  pauvre 
hameau  des  Étages,  au  milieu  d'un  paysage  encore  plus  sauvage.  Quatre 
heures  après  leur  départ  de  St-Christophe,  les  excursionnistes  atteignent  le 
petit  hameau  de  la  Bérarde,  au  confluent  du  torrent  des  Elançons  et  du 
Vénéon,  dans  un  site  grandiose.  C'est  le  dernier  hameau  de  la  vallée  et  l'on 
n'en  peut  sortir  qu'en  franchissant  l'un  des  cols  qui,  à  travers  les  glaciers, 
conduisent  aux  vallées  environnantes  :  Vallouise,  Romanche  ou  Valgaudemar 
ou  en  revenant  en  arrière,  ce  que  nous  avons  fait  d'ailleurs  le  jour  suivant. 

Vendredi  17  Août.  —  Ceux  qui  n'avaient  point  cru  devoir  suivre  jus- 
qu'au bout  les  plus  intrépides  avaient  passé  la  nuit  précédente  à  St-Chrislophe. 
En  attendant  le  retour  des  autres,  ils  s'élevèrent  au-dessus  de  la  route  du 
Bourg  d'Arud,  sur  une  terrasse  d'où  ils  jouirent  d'une  vue  superbe  sur  l'Alpe 
(lu  Pin,  dominée  par  la  grande  Tête  de  Loranoure  (3.341  m.)  et  l'Aiguille  des 
Arias  (3.401  m.).  De  retour  au  village  de  St-Christophe,  ils  vont  voir  au 
cimetière  qui  entoure  la  petite  église  les  tombes  de  deux  alpinistes,  morts 
victimes  de  \\  Meije  :  l'Autrichien  Szigmondy  et  le  Français  Ernest  Thorant. 
Un  peu  avant  midi  les  excursionnistes  qui  avaient  passé  la  nuit  à  la  Béra  de 
au  chalet-hôtel  Tairraz  rentrent  à  St-Christophe,  contents  de  leur  excursion, 
regrettant  seulement  que  le  brouillard  les  ait  empêchés  de  pousser  jusqu'au 
glacier  de  la  Pilatte,  dans  la  haute  vallée  du  Vénéon.  Après  le  déjeuner  nous 
regagnons  tous  ensemble  Bourg  d'Oisans,  ovi  nous  prenons  place  dans  un 
tramway.  Nous  suivons  avec  lui  la  Romanche,  passons  au  pied  du  massif  du 
Taillefer,  puis  atteignons  la  Roche-Taillée  près  Allemont,  Puis  la  vallée  se 
rétrécit.  Au  pont  de  l'Aveynat  débouchent  deux  ravins,  l'Infernet  à  gauche 
et  la  Vendène  à  droite  ;  ils  amènent  en  temps  d'orage  une  telle  quantité  d'eau 
dans  la  vallée  de  la  Romanche  qu'elle  a  souvent  occasionné  de  terribles  inon- 
dations. C'est  ici  qu'un  éboulement  survenu  au  XIP  siècle,  barra  la 
Romanche  et  forma  le  lac  de  S  -Laurent.  La  vallée  devient  plus  étroite  et  plus 
sauvage.  Nous  entrons  dans  la  pittoresque  gorge  du  Livet.  Le  village  de  ce 
nom  est  situé  au  pied  du  grand  Galbert  f2.543  m.).  On  y  aperçoit  l'usine  qui 
fournit  l'éclairage  électrique  à  Grenoble,  sis  à  36  kilomètres  de  là.  Jusqu'à 
Gavel  la  route  continue  dans  une  gorge  parsemée  d'énormes  rocs  éboulés. 
Nous  traversons  ensuite  la  Séchilienne,  qui  possède  un  vieux  château  flanqué 
de  deux  tours  en  face  de  la  Maladraie  (2.144  m.).  A  droite  on  aperçoit  la 
cime  de  la  montagne  de  Chamrousse  (2.255  m.).    Au  delà  des  hameaux  du 


—  201  — 

Péag'c  et  du  Chaudron,  nous  entrons  enfin  dans  la  ville  industrielle  de  Vizille. 
Le  château  de  Mzille  l'ut  bâti  par  le  Duc  de  Lesdiguières  au  XVIP  siècle  et 
devint  la  propriété  de  Claude  Périer,  l'ancêtre  des  Casimir  Périer.  Il  possède 
un  fort  beau  parc.  Un  peu  plus  loin,  nous  prenons  à  la  gare  de  Jarrie-Vizille 
le  train  qui  nous  ramène  à  Grenoble. 

Samedi  18  Août.  —  Bien  que  cette  journée  dût  être  consacrée  au  repos, 
nous  décidâmes  tous  de  nous  rendre  à  la  Grande  Chartreuse.  Depuis  l'expul- 
sion des  Chartreux,  le  monastère  a  perdu  son  principal  attrait.  Aussi  le 
nombre  des  visiteurs  partis  de  Grenoble  est-il  tombé  de  25.617  en  1901  avant 
le  départ  des  religieux  à  15.727  en  1905.  Néanmoins  la  beauté  du  site  m^Tile 
toujours  une  visite.  Nous  prenons  avec  un  car  alpin  la  route  de  Lyon,  lon- 
geons à  droite  le  Casque  de  Néron  et  gagnons  par  une  forte  pente  au  delà  de 
St-Martin-le-Vinoux.  St-Robert  et  de  Fonttinil  le  petit  bourg  de  Yoreppe.  Là 
nous  pénétrons  dans  la  vallée  de  la  Placelte.  La  route  s'élève  alors  présentant 
de  beaux  points  de  vue  sur  les  montagnes  de  Lans  et  la  vallée  de  l'Isère,  puis 
successivement  sur  la  grande  Aiguille  de  Chalais  et  la  grande  Sure.  Après  le 
col  de  la  Placette  la  route  descend  rapidement  jusqu'à  la  jonction  de  la  route 
de  Voiron  et  l'on  atteint  ensuite  St-Laurent  du  Pont  dans  la  vallée  du  Guiers 
mort.  L'église  et  l'hôpital  ont  été  construits  avec  des  dons  des  Chartreux. 
Nous  remontons  ensuite  le  Guiers  mort  et  traversons  Fourvoirie  où  les  Char- 
treux distillaient  leur  fameuse  liqueur  connue  depuis  1842.  Ils  en  fabriquaient 
en  dernier  lieu  1.900.000  litres  par  an.  Au  delà  d'une  fabiique  de  limes,  la 
voiture  s'engage  dans  une  gorge  entre  des  rochers  escarpés  garnis  de  sapins. 
C'est  l'entrée  du  désert,  ancien  domaine  des  Chartreux.  La  vedlée  était  si 
étroite  en  cet  endroit  que  le  général  des  Chartreux  fit  tailler  dans  les  rochers 
un  chemin  en  encorbellement,  élargi  depuis.  La  végétation  est  intense,  mal- 
heureusement des  usines  à  ciment  établies  à  droite  de  la  route  couvrent  partout 
les  arbres  de  poussière.  Nous  traversons  le  pont  St-Bruno,  dominant  le  Guiers 
de  42  m.  de  hauteur  et  le  franchissant  d'une  seule  arche  de  20  mètres  d'ou- 
verture. Au  delà  le  chemin  s'élève  à  une  grande  hauteur.  Nous  croisons  le 
pic  de  l'Aillette,  pyramide  isolée  surmontée  d'une  croix.  Après  avoir  passé 
trois  tunnels,  nous  pénétrons  dans  une  gorge  plus  large  mais  aussi  plus  sau- 
vage. L'horizon  est  borné  par  de  hautes  falaises  aux  formes  bizarres.  A  droite 
on  aperçoit  le  col  de  la  Cochette,  par  où  l'on  peut  descendre  dans  la  vallée  de 
l'Isère  par  le  village  de  la  Monta.  S'éloignant  alors  du  Guiers  mort  la  route 
traverse  une  belle  forêt  au  sortir  de  laquelle  on  aperçoit  le  grand  Som  (2.033  m.) 
surmonté  d'une  croix  qui  domine  la  Grande-Chartreuse.  Le  monastère  occupe 
une  superficie  de  cinq  hectares  renfermé  entièrement  dans  une  enceinte  emmu- 
raillée.  Il  se  compose  de  deux  corps  de  bâtiments,  dont  les  toitures  très  incli- 
nées ont  une  superficie  de  40.000  mètres  carrés.  Les  six  clochers  de  hauteur 
différente  produisent  un  effet  très  original.   Auprès  du   monastère   se   trouve 


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l'ancienne  hôtellerie  où  logeaient  les  dames  auxquelles  l'entrée  du  couvent 
était  interdite.  La  Grande-Chartreuse,  fondée  par  saint  Bruno  en  1085,  vint 
à  compter  jusqu'à  206  succursales.  Depuis  l'expulsion  des  religieux  elle  a 
perdu  son  principal  attrait.  Avec  eux  ont  disparu  la  bibliothèque,  les  plans  et 
vues  des  autres  monastères,  les  tableaux  de  la  vie  de  saint  Bruno,  les  portraits 
des  généraux  de  l'ordre  et  de  tant  d'autres  illustres  personnages,  la  statue  de 
saint  Bruno,  etc.,  si  bien  que  la  visite  de  ce  couvent  vide  et  dénudé  n'offre 
plus  qu'un  intérêt  rétrospectif.  La  Grande-Chartreuse  a  été  trop  souvent 
décrite  pour  que  nous  nous  y  arrêtions  ici.  Nous  l'avons  parcourue  rapide- 
ment sous  la  conduite  d'un  gardien  officiel  fort  pressé  de  réciter  la  leçon 
apprise  pour  en  finir  au  plus  vite.  Au  retour  nous  prenons  sous-bois  une  route 
qui  laisse  à  droite  la  route  de  St-Laurent  du  Pont,  nous  passons  à  la  ferme  du 
couvent  et  franchissons  le  Guiers  mort,  descendu  de  la  Dent  de  Crolles.  Puis 
nous  atteignons  le  Diat,  hameau  de  St-Pierre  de  Chartreuse,  bâti  en  espalier 
sur  les  pentes  du  col  du  Cucheron.  Au  delà  commence  une  montée  qui  con- 
tinue monotone  au  pas  des  chevaux  pendant  deux  heures.  En  face  de  nous, 
Chamechaude  (2.087  m.),  le  point  culminant  du  massif. 

Nous  traversons  ensuite  une  superbe  forêt  de  sapuis  avant  d'atteindre  le  col 
de  la  Porte  (1.352  m.),  entre  Chamecliaude  et  le  Charmant-Som.  Au  delà  du 
col  nous  descendons  rapidement  au  Sappey,  village  entouré  de  sapins  et  centre 
de  villégiature.  La  route  descend  dans  la  vallée  de  la  Vence  pour  remonter  à 
travers  une  gorge  boisée  au  col  de  Vence,  entre  le  St-Eynard  et  le  mont 
Pellioux,  l'un  des  sommets  du  Radiais.  Après  avoir  franchi  le  col.  nous 
découvrons  un  admirable  panorama  qui  nous  dédommage  amplement  de  la 
monotonie  du  retour  jusqu'ici.  La  vue  s'étend  sur  Grenoble,  la  vallée  de 
l'Isère  et  le  massif  de  Belle  donne,  au  delà  sur  les  sommets  du  Haut-Dauphiné, 
le  Pelvoux,  les  Grandes-Rousses,  les  montagnes  de  la  Maurienne  et  de  la  Ta- 
rentaise.  C'est  un  spectacle  inoubliable,  après  quoi  la  descente  vers  Grenoble, 
faite  d'ailleurs  à  une  allure  fort  rapide,  ne  présente  plus  qu'un  intérêt  secon- 
daire. Nous  y  rentrons  par  le  riant  village  de  Corenc  et  par  la  Tronche. 

Dimanche  19  Août.  — -  Nous  quittons  définitivement  Grenoble  à  8  h.  1/2 
du  matin  et  une  heure  et  quart  après  nous  descendons  dn  train  à  Pontcharra. 
Les  points  de  vue  ne  nous  manquèrent  point  pendant  le  trajet  :  les  massifs  de 
la  Grande-Chartreuse  et  de  Belledonne,  Gières  qui  dessert  Uriage-les-Bains, 
Domène  à  l'entrée  de  la  gorge  du  Doménon,  Lancey,  le  château  de  Yorze, 
Teucin  et  son  château,  Goncelin  avec  la  tour  carrée  de  Montpansard  et  sur 
une  hauteur  dominant  la  vallée  de  l'Isère  le  château  Bayard,  en  ruines,  où 
naquit  en  1476,  le  chevalier  Sans-Peur  et  Sans-Reproche.  A  Pontcharra  nous 
laissons  nos  bagages  à  la  consigne  pour  nous  rendre  en  tramwa}'  à  Allevard- 
les-Bains.  La  voie  s'engage  bientôt  dans  une  gorge  étroite  et  pittoresque,  où 
coule  le  Bréda.  A  Détrier  nous  prenons  au  Sud,  remontant  la  vallée  du  Bréda 


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au  pied  de  la  montao;ne  de  Brame-Farine  f  1.231  m.),  qui  sépare  cette  vallée 
de  l'Isère  et  nous  sommes  bientôt  à  Allevard,  ville  d'eaux  réputée  et  cité 
industrielle  (soieries,  hauts-fourneaux,  forges  et  aciéries  alimentées  par  les 
mines  de  fer  voisines  de  la  Taillât).  Son  principal  attrait  pour  le  touriste, 
c'est  sa  situation  qui  en  fait  un  centre  d'excursions  variées.  Le  vieux  bourg 
est  assez  délabré,  le  quartier  commerçant  près  de  l'église  a  déjà  un  aspect 
plus  propre  et  plus  moderne.  Les  hôtels  et  villas  sont  groupés  autour  de 
l'établissement  thermal  et  du  Casino.  Le  château  du  XVI IP  siècle  n'a  de 
remarquai  lie  que  son  parc.  Nous  nous  rendons  par  la  ville  au  pont  de  la  gorge 
du  Bréda  et  laissant  à  gauche  le  chemin  des  forges,  nous  montons  un  chemin 
pierreux  de  pente  très  prononcée  qui  mène  à  un  sentier  fermé  par  une  liar- 
rière.  Un  gardien  y  perçoit  un  droit  d'entrée.  Ce  sentier  descend  en  serpen- 
tant vers  le  torrent  que  l'on  suit  ensuite  quelque  temps  au  milieu  des  rochers. 
Franchissant  alors  le  Bréda  qui  se  précipite  en  cascade  sur  un  pont  fort  étroit, 
on  pénètre  dans  un  défilé  se  rétrécissant  entre  les  rochers  à  pic  et  les  eaux  du 
torrent.  Plus  avant  il  est  impossible  dé  pénétrer  plus  loin,  il  n'y  a  plus  place 
que  pour  le  torrent  lui-même.  On  y  aperçoit  de  loin  le  glacier  du  grand 
Gleyzin  (2.789  m.)  qui  l'alimente.  Cet  endroit  pittoresque  a  été  surnommé  le 
Bout  du  monde. 

En  revenant  de  là,  nous  profitons  de  notre  passage  devant  l'établissement 
thermal  pour  le  visiter.  Fondé  en  1837,  il  a  une  source  d'eau  sulfureuse  iodée 
et  gazeuse  qui  s'emploie  en  bains,  en  boisson  et  surtout  en  inhalations  pour  le 
traitement  des  maladies  de  l'appareil  respiratoire,  diathésiques  ou  inflamma- 
toires. Au  sortir  de  l'établissement  nous  traversons  le  parc  planté  de  beaux 
arbres  et  nous  allons  déjeuner  au  fond  du  parc  au  grand  hôtel  des  Plantes.  A 
quatre  heures  nous  étions  de  retour  à  Pontcharra  et  prenions  le  train  pour 
Chambéry.  Entrés  en  Savoie,  nous  avons  à  gauche  le  mont  Granier  et  au 
Nord  la  Dent  de  Nivolet,  surmontée  d'une  gigantesque  croix  dorée.  Nous 
atteignons  Ste-Hélène  du  Lac  au  bord  d'un  petit  lac  de  39  hectares,  en  face 
de  Chapareillan,  point  terminus  du  tramway  électrique  de  Grenoble.  Ensuite 
on  franchit  l'Isère  et  l'on  jouit  d'une  belle  vue  sur  sa  haute  vallée  et  le  Mont 
Blanc.  Puis  on  atteint  Montmélian,  jadis  fortifiée  et  on  arrive  à  Chambéry. 
Nous  laissons  là  nos  bagages  à  la  consigne  et  allons  rapidement  visiter  la  ville. 
L'ancienne  capitale  de  la  Savoie,  située  sur  les  rives  de  deux  petits  affluents 
du  lac  du  Bourget,  possède  outre  ses  vieux  quartiers  aux  rues  étroites,  d'autres 
percées  toutes  modernes  mais  manque  beaucoup  d'animation.  Nous  passons  au 
Palais  de  Justice  devant  lequel  se  trouve  la  statue  du  jurisconsulte  Antoine 
Fabre  (1557-1614),  le  Musée-Bibliothèque  en  face  et  le  Château,  ancienne 
résidence  des  ducs  de  Savoie.  Il  n'a  plus  guère  d'ancien  que  trois  tours,  la 
façade  sur  la  place  et  le  chevet  de  la  Ste-Chapelle.  C'est  aujourd'hui  la  Pré- 
fecture et  le  siège  de  la  division  militaire.  A  l'intérieur  de  l'enceinte  se  trouve 
une  terrasse  aux  arbres  séculaires.  Un   très   beau   portail   gothique   orne  le 


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sommet  du  grand  escalier  qui  en  permet  l'accès  aux  promeneurs.  En  face  du 
château  les  statues  des  deux  frères  Joseph  et  Xavier  de  Maistre.  Autres  curio- 
sités encore  :  la  rue  de  Boig^ne  avec  ses  maisons  à  hautes  arcades  comme  dans 
certaines  villes  d'Italie,  Turin  et  Bolog-ne  par  exemple,  l'Hôtel  de  Ville,  la 
Cathédrale  St-François,  du  XV*^  siècle,  avec  sa  crypte  du  XP  siècle.  Le  monu- 
ment de  Boigne  ou  fontaine  des  Éléphants,  colonne  en  marbre  surmontée  de 
la  statue  en  pied  du  g-énéral  de  Boigne  sur  un  piédestal  massif,  d'où  sortent 
à  demi  quatre  éléphants  en  bronze  qui  jettent  l'eau  par  leur  trompe.  Cham- 
béry  renferme  de  nombreux  établissements  de  bienfaisance  dûs  en  partie  à  la 
g-énérosité  de  ce  g'énéral  qui,  au  service  d'un  maharajah  s'était  acquis  aux  Indes 
une  fortune  considérable.  —  Retournant  vers  la  g'are  nous  pûmes  encore 
admirer  une  statue  de  jeune  savoyard,  serrant  dans  ses  bras  le  drapeau,  oeuvre 
de  Falguière.  A  6  h.  25  nous  partons  de  Chambérj  et  vingt  minutes  après 
nous  descendons  à  Aix-les-Bains.  Là,  par  une  allée  en  pente  très  accentuée 
nous  gagnons  le  grand  hôtel  des  Bergues  et  de  New-York  où  nous  logeons. 
Après  le  dîner,  nous  allons  écouter  la  musique  dans  le  beau  parc  du  grand 
Cercle.  Puis  nous  pénétrons  dans  l'intérieur  de  l'établissement  où  a  lieu,  dans 
un  immense  salon,  un  bal  très  animé,  tandis  que  dans  d'autres  tout  aussi 
luxueux  se  pressent  déjà  les  joueurs  autour  des  croupiers,  mais  pressés  de  nous 
reposer,  nous  ne  nous  y  attardons  pas. 

Lundi  20  Août.  —  Le  matin  promenade  en  ville.  Aix-les-Bains,  station 
balnéaire  et  centre  de  villégiature  mondaine  déjà  à  la  mode  au  XVIIP  siècle, 
est  située  dans  une  plaine  entourée  de  montagnes,  contreforts  du  Revard 
(1.545  m.),  en  face  du  lac  du  Bourget.  Abritée  par  la  muraille  du  Revard, 
elle  jouit  d'un  climat  généralement  chaud  tempéré  par  les  brises  du  lac.  La 
ville  s'est  beaucoup  développée.  Le  parc  est  bien  ombragé.  A  l'une  de  ses 
extrémités  se  trouve  la  gare  du  chemin  de  fer  de  Revard,  qui  fut  le  premier 
chemin  de  fer  à  crémaillère  de  France.  Cette  petite  ligne  conduit  au  sanato- 
rium de  Pugny-Corbières,  sur  un  petit  plateau  de  600  m.  d'altitude  et  plus 
haut  sur  le  plateau  du  Revard.  L'Hôtel  de  Ville  d'Aix-les-Bains  est  l'ancien 
château  du  marquis  d'Aix,  datant  du  XVI®  siècle.  Derrière  se  trouve  l'établis- 
sement thermal,  alimenté  par  deux  sources  de  45  à  47  degrés.  Elles  sont 
usitées  pour  le  traitement  des  rhumatismes  et  maladies  de  peau  et  des  suites 
de  fractures  ou  de  contusions.  Devant  l'établissement  thermal  s'élève  l'Arc  de 
Campanus,  de  l'époque  gallo-romaine,  de  9  mètres  de  haut  sur  7  de  large, 
ancienne  porte  d'un  monument  funèbre,  érigé  par  un  certain  Pompeius  Cam- 
panus à  sa  famille.  La  prospérité  d'Aix  tient  peut-être  plus  à  ses  cercles  où 
l'on  joue  beaucoup  qu'à  la  vieille  réputation  de  ses  eaux.  Aix  possède  deux 
Casinos  :  le  Grand  Cercle  et  la  Villa  des  Fleurs,  de  création  plus  récente. 

Parmi  les  excursions  nombreuses  que  l'on  peut  faire  dans  les  environs,  la 
principale  est  celle  du  lac  du  Bourget  et  à  l'Abbaye  d'Hautecombe.  Nous  par- 


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Ions  par  le  Iramwaj  à  air  comprimé  au  Grand  Port  où  se  trouve  l'embarcadère 
des  bateaux  à  vapeur.  De  là  on  aperçoit  au  Nord  du  lac  le  donjon  démantelé 
de  Chatillon  où  Lamartine  écrivit  «  Le  Lac  ».  A  l'extrémité  opposée  est  le 
villag'e  du  Bourg-et,  au  pied  du  Mont  du  Chat  (1.497  m.j  qui  borde  la  rive 
occidentale  du  lac.  —  Celui-ci  s'étend  sur  une  longueur  de  16  kilomètres  et 
une  larg-eur  de  3  à  5.  Le  bateau  s'en  va  directement  à  l'Abbaye  d'Haute- 
combe,  desservie  par  les  moines  Bernardins  de  l'Ordre  de  Cîteaux.  La  chapelle 
de  l'abbaje  a  servi  du  XIP  au  XVIIP  siècle  de  lieu  de  sépulture  aux  princes 
de  la  maison  de  Savoie  et  se  trouve  encore  sous  le  patronage  des  rois  d'Italie. 
Sa  décoration  est  lourde  et  sa  richesse  est  excessive.  Les  statues  et  monuments 
funèbres  du  pourtour  rappellent  le  Campo  Santo  de  Gênes  par  leur  beauté,  le 
fini  des  détails  et  aussi  parfois  leur  réalisme  d'un  goût  discutable  ;  c'est  ainsi 
qu'un  prince  mort  empoisonné  est  représenté  avec  le  visage  contracté  et  les 
mains  crispées  par  les  affres  de  l'agonie.  Tout  cela  est  vu  fort  hâtivement,  car 
le  bateau  ne  fait  escale  à  Hautecombe  que  pendant  trois  quarts  d'heure.  De  là 
le  bateau  nous  mène  à  l'extrémité  du  lac  et  par  le  canal  de  Savières  nous 
arrivons  à  Chanaz.  Après  nous  avoir  laissé  quelque  temps  contempler  le  cours 
impétueux  du  Rhône,  le  bateau  nous  ramène  à  Aix  où  nous  pouvons  encore 
assister  à  l'arrivée  d'une  cpui  se  d'automobiles.  Le  soir  nous  assistons  à  un 
magnifique  feu  d'artifice  au  parc  du  Casino  et  ensuite  à  un  acte  de  Carmen  à 
la  Villa  des  Fleurs. 

Mardi  21  Août.  —  A  7  h.  1/2  du  matin,  nous  prenons  le  train  pour 
Annecy.  La  voie  remonte  d'abord  la  vallée  du  Sierroz  et  dessert  Grisy-sur- 
Aix  où  il  y  a  u  le  cascade,  puis  Albens,  station  au  delà  de  laquelle  se  trouve  à' 
droite  le  Semnoz  (1.704  m.),  qui  s'étend  à  l'Ouest  du  lac  d'Annecy  et  la 
Tournette  (2.352  m.)  à  l'Est  de  ce  même  lac.  Après  Rumilly  la  ligne  tra- 
verse le  Chéron  sur  un  viaduc  et  s'engage  dans  le  pittores  [ue  difilé  du  Fier, 
dans  lequel  on  franchit  10  viaducs  et  2  tunnels.  —  Après  la  station  de  Lova- 
gny-Gorges  du  Fier,  point  de  dé;  art  pour  la  visite  de  ces  fameuses  gorges  où 
le  Fiei'  s'est  creusé  dans  une  faille  calcaire  un  long  et  étroit  passage  à  90  m. 
de  profondeur,  on  a  une  belle  vue  sur  les  montagnes  qui  englobent  Annecy, 
le  Semnoz,  la  Tournette  et  la  Tête  de  Parmelan  au  Nord  (1.855  m.)  Encore 
un  tunnel  de  1.200  m.  de  longueu  et  un  viaduc  sur  le  Fier  et  nous  sommes 
à  Ani.ecy.  Nous  nous  rendons  en  tramway  au  bord  du  lac  et  prenons  place 
sur  le  «  Mont  Blanc  »  pour  faire  le  tour  du  lac.  Son  aspect  est  ravissant  avec 
ses  eaux  d'un  bleu  intense  au  soleil  et  d'un  bleu  sombre  et  tirant  sur  le  vert  à 
l'omlire.  —  Avec  l'encadrement  de  ses  rives  verdoyantes  où  s'étagent  les 
villages  et  les  villas,  il  ressemble  à  un  miroir  liquide  de  saphir  et  d'émeraude. 
Sa  longueur,  14  kilomètres  sur  1  à  3  et  demi  de  large.  Nous  allons  d'abord 
vers  l'Est,  puis  ensuite  vers  le  Sud.  Derrière  nous,  nous  laissons  Annecy  avec 
son  jardin  public  et  l'île  des  Cygnes  ;   dans  le  lointain  la  gigantesque  muraille 


—  20(5  — 

du  Parm,elan.  Près  du  lac  on  voit  la  montagne  de  Veyrier,  les  Dents  de 
Lanfon  et  plus  avant  le  massif  de  la  Touinette  à  l'Est  ;  la  longue  croupe  du 
Semnoz  à  l'Ouest  et  la  montagne  du  Charbon  qui  encadrent  le  paysage  au 
Sud.  Le  bateau  fait  escale  à  Cliavoire,  hameau  près  duqne^  est  la  maison  en 
ruines  qu'habita  Jean-Jacques  Rousseau,  à  Vejrier,  à  Menthon-St-Bernard, 
où  se  trouvent  d'anciens  thermes  romains  transformés  en  établissement  de 
bcdns  et  non  loin  du  vieux  château  où  naquit  en  923  saint  Bernard  de  Men- 
thon,  fondateur  des  hospices  du  Grand  et  du  Petit  St-Bernard,  à  St-Jorioz  et 
à  Talloires,  la  plus  importante  des  localités  riveraines  du  lac,  patrie  de  Ber- 
thollet.  Talloires  est  séparé  de  Menthon  par  le  roc  de  Chères  sur  lequel  se 
trouve  le  tombeau  de  l'historien  Taine.  Puis  le  bateau  s'arrête  à  Duingt,  à 
l'entrée  de  la  seconde  partie  du  lac,  la  plus  petite,  que  nous  masquaient  aupa- 
ravant le  roc  de  Chères  et  la  presqu'île  de  Duingt.  Le  bateau  ne  s'arrête  plus 
qu'au  Bout  du  Lac,  petit  hameau  situé  près  de  la  gare  de  la  Thuile,  sur  la 
ligne  d'Annecy  à  Albertville,  après  quoi,  il  nous  ramène  à  Annecy  en  desser- 
vant les  mêmes  stations  qu'à  l'aller.  Après  le  déjeuner,  visite  rapide  de  la 
'  ville.  Entourée  de  ])elles  promenades,  elle  est  d'aspect  fort  attrayant.  La 
vieille  ville  a  des  rues  bordées  de  vieilles  maisons  à  arcades,  des  passages 
voûtés  et  des  canaux  qui  la  sillonnent  pittoresquement.  Le  monastère  de  la 
Visitation  renferme  les  châsses  de  saint  François  de  Sales  et  de  sainte  Jeanne 
de  Chantai.  L'église  N.-D.  de  Lusse  a  un  clocher  roman  garni  d'échauguettes. 
La  cathédrale  gothique,  St-Pierre-es-Liens  est  du  XVP  siècle.  Un  peu  plus 
loin  est  le  palais  de  l'Isle,  en  forme  de  proue,  ancienne  maison  fortifiée  des 
comtes  du  Genevois,  datant  du  XIIP  siècle.  Derrière  ce  palais,  une  rampe 
conduit  à  l'ancien  chàteau-fort,  avec  ses  tours  carrées  à  mâchicoulis  du  XIV^' 
et  du  XYP  siècles,  transformé  en  caserne.  L'église  St-Maurice,  l'Hôtel  de 
Ville  qui  renferme  un  musée  contenant  surtout  des  antiquités  et  une  biblio- 
thèque avec  des  manuscrits  et  des  autographes  de  saint  François  de  Sales,  de 
J.-J.  Rousseau,  du  jurisconsulte  Favre,  une  statue  du  président  Carnot,  le 
jardin  public  sur  une  presqu'île  entourée  par  le  lac,  la  petite  île  des  Cygnes, 
avec  la  statue  de  Berthollet,  la  magnifique  promenade  du  Paquier,  aux  arbres 
séculaires,  la  Préfecture  et  la  statue  de  Germain  Sommelier,  l'un  des  ingé- 
nieurs qui  percèrent  le  mont  Cenis  et  l'inventeur  de  la  machine  perforatrice 
à  air  comprimé.  Dans  les  environs  se  trouve  sur  une  colline  Annecy -le-Vieux, 
où  a  été  fondue  la  plus  grosse  cloche  qui  existe  en  Europe,  la  Russie  exceptée, 
«  La  Savoyarde  »,  bourdon  de  18.000  kilog.  destiné  à  la  Basilique  de  Mont- 
martre. Nous  ne  poussons  pas  ju&que-là  et  après  avoir  jeté  un  dernier  regard 
sur  le  lac,  nous  regagnons  Aix-les-Bains.  Avant  le  dîner,  les  excursionnistes 
se  réunirent  dans  un  salon  de  l'hôtel  pour  offrir  à  notre  directeur,  M.  Beau- 
fort,  un  petit  souvenir.  M.  Renouard  le  prie,  au  nom  de  tous,  d'agréer  tous 
nos  remerciements  pour  le  dévouement  avec  lequel  il  n'a  cessé  de  diriger 
l'excursion.   Après  le  dîner,  la  plupart  des  excursionnistes  vont  se  reposer  de 


—  207  — 

bonne  heure,  tandis  que  quelques  intrépides  vont  au  «i^rand  Cercle  assister  à 
une  représentation  d'opéra. 

Mercredi  22  Août.  —  Nous  partons  pour  Culoz  à  7  h.  20.  La  ligne 
passe  entre  la  rive  étroite  du  lac  du  Bourg-et  et  le  mont  Gigot.  Nous  revoyons 
à  g-auche  la  Dent  du  Chat  et  l'Abbaye  d'Hautecomlie.  Les  eaux  du  lac  sont 
aujourd'hui  trou])les  et  agitées  par  de  grosses  vagues.  Nous  traversons  plu- 
sieurs tunnels,  dont  l'un  de  1.300  m.  de  long.  La  voie  continue  à  longer  le 
lac  jusqu'à  Chatillon  et  atteint  Culoz  où  nous  changeons  de  train.  Cette  fois 
c'est  le  retour  définitif.  Nous  changeons  encore  à  Ambérieu,  déjeunons  au 
buffet  de  Mâcon,  restons  un  quart  d'heure  à  Dijon,  juste  le  temps  de  nous 
dégourdir  les  jambes  avant  de  monter  dans  l'express  de  1  h.  30  qui  doit  nous 
ramener  à  Lille  seulement  dix  heures  plus  tard.  A  partir  de  Dijon  nous 
n'avons  plus  à  descendre  en  cours  de  route  et  nous  soupons  dans  le  wagon- 
restaurant  entre  Châlons-sur-Marne  et  Reims.  Il  est  près  de  minuit  quand 
nous  entrons  en  gare  de  Lille  où  nous  prenons  congé  de  nos  compagnons  de 
route,  emportant  chacun  le  meilleur  souvenir  de  ce  voyage  en  tous  points 
réussi  et  dont  la  gaîté,  la  bonne  humeur  et  l'entente  qui  n'ont  cessé  de  régner 
parmi  nos  excursionnistes  ont  contribué  encore  à  en  augmenter  le  charme. 

G.  LESENS. 


IL 

EXCURSION  DES  LAURÉATS  DU  PRIX  DANEL  DE  1906 

A  CASSEL  ET  A  DUNKERQUE 

Le  Jeudi  27  Juin  1907. 

Directeurs  :    MM.    A.    Sghotsmans    et   E.    Cantineau. 


Les  lauréats  ont  eu  cette  année  l'avantage  de  faire  connaissance  avec  deux 
localités  particulièrement  intéressantes,  deux  villes  n'ayant  pas  leurs  pareilles 
dans  notre  département.  Pour  des  amateurs  de  géographie  ce  n'était  pas 
mince  chance  ! 


—  208  — 

Le  27  Juin,  partis  de  Lille  à  7  h.,  le  train  les  déposait  à  8  h.  dans  la  gare  de 
Cassai  située  sur  le  territoire  de  Bavinchove,  au  pied  du  Mont  qu'ils  avaient 
déjà  aperçu  un  instant  avant  d'arriver  à  Hazebrouck.  L'escale  ne  doit  pas  être 
de  longue  durée  et  on  se  hâte  de  partir  vers  la  ville  ;  on  y  monte  par  une 
route  ombragée  passant  près  du  village  d'Oxelaere,  côtoyant  prés  fleuris  ou 
moissons  verdoyantes  qui  séparent  les  parcs  des  quatre  châteaux  garnissant  ce 
côté  du  Mont.  C'est  allègrement,  avec  l'agilité  de  leurs  quinze  ans,  qu'ils 
grimpent  la  rampe  fort  raide  qui  conduit  à  l'extrémité  de  la  rue  de  Lille.  Par 
un  détour  de  trois  minutes,  ils  jettent  un  coup  d'oeil  sur  le  cimetière  pour 
observer  un  énorme  et  intéressant  monolithe  en  poudingue  ferrugineux  à 
silex,  variété  de  grés  tertiaire  sur  lequel  on  leur  donne  des  détails  intéressants. 
De  là  aussi,  ils  regardent  curieusement  le  Mont  des  Récollets,  avec  ses  flancs 
éventrés  par  une  vaste  sablière  dont  on  n'est  séparé,  de  là,  que  par  une  vallée 
d'à  peine  un  kilomètre,  mais  il  faudrait  disposer  d'une  heure  de  plus  pour 
pouvoir  aller  la  visiter.  Nous  gagnons  ensuite  le  centre  de  la  ville  par  un 
sentier  serpentant  sur  le  flanc  Nord  du  Mont  qui  est  d'un  pittoresque  accidenté 
tout  à  fait  ravissant.  Là,  il  faut  encore  grimper  avec  effort  le  raidillon  qui 
nous  mène  près  de  l'église  et  sur  la  grand'place  fort  encombrée  de  voitures 
et  de  boutiques  foraines,  le  jeudi  étant  jour  de  marché. 

Là  aussi  se  trouve  l'Hôtel  du  Sauvage  et  tous  les  yeux  en  cherchent  vive- 
ment l'enseigne  ;  c'est  qu'il  est  9  h.  1/2  et  le  déjeuner  de  5  1/2  ne  peut  plus 
être  chez  nos  jeunes  gens  qu'un  lointain  souvenir.  Quelques  pains  bien  fourrés 
de  viande  froide  et  arrosés  d'un  bon  petit  vin  blanc,  rendent  bien  vite  tout 
le  groupe  attentif  à  nos  explications,  après  toutefois  un  achat  de  postales 
illustrées. 

Nous  grimpons  d'abord  par  un  escalier  pittoresque  sur  la  butte  du  Castelhmi, 
le  point  culminant  du  Mont  que  les  Romains  avaient  fortifié  il  y  a  2.000  ans  et 
qui  resta  la  citadelle  si  disputée  jusqu'à  lapaix  de  Nimègue  (i()78)  où  elle  devint 
définitivement  française,  après  la  victoire  de  Monsieur,  Philippe  d'Orléans, 
sur  Guillaume  d'Orange,  stathouder  des  Pays-Bas  (1677).  Là  se  trouve  une 
pyramide  commémorative  des  trois  célèbres  batailles  historiques  de  Cassel,  de 
1071,  1326  et  1677  ;  nous  en  indiquons  les  faits  tout  en  montrant  les  endroits 
où  elles  furent  livrées.  Nous  sommes  ici  à  173  m.  50  d'altitude  et  non  158  m., 
suivant  la  rectification  opérée  en  1905,  d'après  les  observations  scientifiques 
d'un  membre  de  notre  Société  (voir  Bull.  Mai  1904). 

Après  avoir  aperçu  au  loin  les  tours  et  les  clochers  de  Dunkerque  (30  km), 
de  St-Omer  et  de  Bergues  (20  km),  de  Poperinghe,  d'Hazebrouck,  d'Aire- 
sur-la-Lys  (10  à  15  kml,  etc.,  etc.  ;  vu  l'horizon  au  N.  bordé  par  les  blanches 
dunes  de  la  Mer  du  Nord,  vu  l'énorme  panache  de  vapeur  et  de  fumée  des 
Aciéries  d'Isbergue  tout  au  S.  ;  et  le  Mont  des  Cattes  avec  son  monastère  vers 
l'Est,  tandis  que,  près  de  nous,  le  légendaire  moulin  de  la  butte  tourne  avec 
fracas  ses  grandes  ailes  activées  par  un  vent  violent,  nous  dégringolons'par  la 


—  209  — 

porte  voûtée  de  l'ancienne  citadelle  jusque  sur  la  Place,  en  face  de  la  porte 
■  d'Aire  encore  crénelée  et  armoriée.  A  notre  gauche  se  trouve  l'Hôtel  de  Ville 
de  1634,  où  se  trouve  le  musée  communal  ;  nous  jetons  un  coup  d'oeil  rapide 
sur  les  curiosités  locales  qu'il  renferme,  poteries  et  monnaies  romaines,  coquil- 
lages fossiles,  objets  se  rapportant  à  l'histoire  de  la  ville,  etc.,  etc.,  qui  inté- 
ressent assez  vivement  nos  jeunes  gens.  Nous  voyons  ensuite  la  Mairie,  l'Eglise, 
le  Collège,  etc.  Déjà  il  est  11  h.  10,  il  faut  partir  ;  un  chemin  raccourci  à  tra- 
vers jardins  et  pâtures  nous  descend  6n  une  course  rapide  vers  la  gare  et  à 
11  h.  47  nous  roulons  vers  Dunkerque. 

En  route,  nous  montrons  à  nos  compagnons,  comme  Cassel  domine  toute 
la  plaine,  toujours  visible  comme  repère  d'orientation,  même  de  Dunkerque. 
Ils  regardent  en  passant  la  vieille  tour  carrée  et  un  vaste  hospice  tout  neuf  à 
Arnèke,  puis  l'ancien  et  curieux  château  d'Esquelbecq  dont  on  aperçoit  la 
tourelle.  Bientôt,  voilà  Bergues,  dont  le  beffroi  magnifique  et  fort  ancien 
attire  les  regards  en  même  temps  que  la  tour  de  l'Eglise  dont  le  couronnement 
a  un  cachet  particulier.  Nous  faisons  alors  remarquer  aux  lauréats  de  géogra- 
phie le  changement  d'aspect  du  paysage,  le  sol  n'est  plus  le  même  ;  les  prai- 
ries abondent  davantage  et  les  champs  ont  en  partie  disparu  dans  la  plaine 
maritime  dont  les  cataclysmes  marins  ont  modifié  la  nature  et  la  forme  du 
sol.  Les  arbres  si  nombreux  jusqu'à  présent  deviennent  rares,  le  vent  de;  la 
mer  empêche  leur  croissance  et  ceux  qu'on  entretient  difficilement  le  long  des 
grandes  routes  témoignent  par  leur  cime  fortement  courbée  vers  le  S.-E.,  de 
la  direction  habituelle  des  rafales  qu'ils  ont  à  supporter. 

Enfin  voici  Dunkerque,  il  est  12  h.  17  et  nous  nous  dirigeons  hâtivement 
vers  l'hôtel  où  nous  devons  faire  une  sérieuse  provision  de  forces  pour  la 
seconde  partie  du  voyage.  Nous  voyons  en  passant  la  Sous-Préfecture,  les 
deux  flèches  de  l'église  St-Martin,  le  sombre  Palais  de  Justice  ;  puis  voilà  la 
commerçante  rue  Alexandre  III  ;  nous  sommes  arrivés. 

Le  repas  fut  d'autant  meilleur  que  l'on  avait  faim  ;  il  était  du  reste  copieux 
et  bien  servi  ;  au  Champagne  (oh  !  une  coupe  seulement),  on  leva  son  verre  à 
la  mémoire  vénérée  de  M.  Léonard  Danel,  le  Mécène  connu  de  tous  les 
Lillois,  le  fondateur  du  voyage  à  la  mer  annuel  pour  10  lauréats  de  notre 
Société  ;  puis  on  but  à  la  prospérité  de  la  Société  et  à  la  santé  de  son  dévoué 
et  si  estimé  Président.  Ensuite  les  10  lauréats  se  cotisèrent  pour  envoyer  à 
Madame  Paul  Crepy-Danel  un  télégramme  de  remerciements  et  de  recon- 
naissance. 

Nous  voilà  donc  tous  encore  prêts  et  dispos  pour  une  nouvelle  exploration. 
En  sortant  de  l'hôtel  nous  offrons  quelques  postales  illustrées  à  nos  jeunes 
convives,  qui,  sacrifiant  à  la  mode,  se  hâtent  de  les  expédier  à  leurs  parents 
et  amis  ;  puis  utilisant  la  vigueur  acquise  nous  gravissons  ra[)i(lement  les 
300  marches  qui  nous  mènent  au  sommet  du  beffroi.  Cette  ascension  est  bien 
le  clou  de  la  visite  de  Dunkerque  au  point  de  vue  géographique.   En  effet, 

14 


—  210  — 

nous  avons  là  sous  les  yeux  un  panorama  circulaire  qui  est  la  carte  en  relief 
naturelle,  du  port,  de  la  ville  et  des  environs,  c'est-à-dire  que  nous  prenons  la 
connaissance  générale  du  pays.  Vers  le  N.  la  vaste  plaine  liquide  miroite, 
teintée  d'un  beau  vert  émeraude  s'accentuant  jusqu'au  vert  sombre  à  l'horizon 
lointain,  c'est  la  mer  du  Nord  ;  vers  le  S.,  au  contraire,  il  y  a  un  océan  de 
prairies,  de  champs  et  de  bosquets,  panorama  pittoresque  que  décorent  au 
loin  les  clochers  de  Bergues  et  le  Mont  Cassel.  Près  de  nous,  nous  décrivons 
le  port  aux  jeunes  touristes,  le  chenal,  "les  bassins  et  les  darses  où  flottent  les 
grands  cargo-boats  en  chargement  ou  en  déchargement  ;  puis  les  môles  et  les 
quais  dont  les  8.000  mètres  sont  encombrés  de  marchandises,  de  grues,  de 
w^agons,  de  hangars  et  d'entrepôts  ;  là  s'effectue  chaque  année  un  trafic  de 
plus  de  3  millions  de  tonnes  de  marchandises  par  5  à  6.000  navires  d'un  ton- 
nage parfois  considérable,  avec  l'aide  de  40  kilom.  de  voies  ferrées  garnissant 
tous  les  quais  qu'ils  raccordent  à  la  gare  et  à  la  batellerie. 

Nous  montrons  une  vaste  construction  surmontée  d'un  campanile,  c'est  le 
Bâilment,  central  où  siège  la  Chambre  de  Commerce  et  où  sont  réunies  toutes 
les  administrations  qui  coopèrent  au  mouvement  du  port  ;  nous  expliquons 
l'importance  de  cette  centralisation  de  tous  les  services.  Sur  la  gauche  est  la 
Machinerie  hydraidique  qui  actionne  tout  l'outillage,  grues,  écluses,  etc.  A 
droite,  deux  grandes  cheminées  indiquant  la  machinerie  d'épuisement  des 
Cales  de  radouh,  les  plus  belles  de  France  ;  un  peu  plus  loin,  le  Phare  découpe 
sa  blanche  silhouette  sur  la  belle  couleur  verte  de  la  mer.  Enfin,  derrière  les  for- 
tifications apparaissent  les  dunes  qui  se  prolongent  vers  St-Pol  ;  nous  y  voyons 
circuler  les  wagons  occupés  sur  des  rails  volants  aux  premiers  travaux  du  nouvel 
agrandissement  projeté  du  port  qui,  après  leur  achèvement,  fera  de  Dun- 
kerque  le  Marseille  du  Nord  avec  15  à  18.000  mètres  de  quais.  Nous  repor- 
tant à  droite  vers  le  N.  nous  montrons  le  Chenal  qui  a  130  m.  de  lai'ge  entre 
les  estacades  et  210  m.  entre  les  talus  de  pierre  où  on  le  nomme  Avant-Port  ; 
la  longueur  totale  est  de  2.250  m.,  de  l'entrée  jusqu'au  Bassin  du  Commerce. 
Il  a  une  profondeur  d'environ  10  m.  entre  marées,  du  reste  la  grande  Ecluse 
du  Nord,  dite  écluse  Trystram,  que  nous  indiquons  à  l'entrée  de  l'avant-port 
a  210  m.  de  long  sur  25  de  large,  avec  la  côte  de  10  m.  90  de  hauteur  d'eau 
en  marée.  Les  plus  grands  navires  peuvent  donc  maintenant  accéder  facile- 
ment dans  le  port  de  Dunkerque,  pratiqué  seulement  il  y  a  un  siècle  par  les 
modestes  goélettes  de  pêche. 

Sur  la  droite  de  l'avant-port  on  voit  les  vastes  chantiers  de  constructions 
maritimes  de  la  Société  des  Chantiers  de  France,  qui  construit  des  navires  de 
150  m.  de  long  et  dont  l'outillage  permet  toutes  les  réparations.  Là,  les  forti- 
fications nous  séparent  de  la  plage  que  l'on  aperçoit  décorativement  garnie 
par  le  Knrsaal,  le  Casino  et  une  longue  suite  d'élégants  chalets  alignés  le 
long  du  quai-promenade.  C'est  Mulo,  c'est  Rosendael,  c'est  Zi^i/dcote,  eic, 
peuplant  le  vaste  désert  de  sable  où  Turenne  gagna  jadis  la  Bataille  des  Dunes 


—  :^ll  — 

(1658),  si  célèbre  par  ses  péripéties  militaires  et  par  ses  résultats  politiques 
qui  firent  de  Dunkerque  une  ville  espagnole,  puis  l'rançaise,  ensuite  anglaise 
le  même  jour. 

Mais  plus  près  de  nous,  à  portée  de  la  main,  nous  avons  le  campanile  élevé 
du  magnifique  Hôlel  de  Vide,  chef-d'œuvre  de  notre  concitoyen  L.  Cordon- 
nier ;  nous  en  disons  à  nos  jeunes  lauréats  les  beautés  intérieures  que  nous  ne 
verrons  pas.  Plus  près  encore,  nous  dominons  V Eglise  Si-Eloi  et  toute  la  ville 
avec  la  belle  statue  de  Jean-Barl,  à  l'allure  énergique  qui,  sur  la  place 
d'Armes,  est  pour  les  Dunkerquois  une  sorte  de  palladium  au  point  de  vue 
patriotique,  comme  la  statuette  de  N.-D.  des  Dunes  l'est  au  point  de  vue  reli- 
gieux. Cependant  nous  venons  d'apercevoir  dans  l'arrière-port  la  flottille  de  la 
défense  mobile  et  nos  jeunes  gens  demandent  pour  voir  de  près  les  torpilleurs, 
nous  accédons  volontiers  à  leur  désir  et  nous  descendons  les  longues  spires 
de  l'escalier  bien  plus  rapidement  que  nous  ne  les  avons  montées.  En  deux 
minutes  nous  sommes  au  quai  et  sous  la  conduite  d'un  fusilier  marin  détaché 
du  corps  de  garde  nous  visitons  dans  ses  détails  l'un  de  ces  petits  bâtiments, 
si  terribles  ailversaires  des  grands  cuirassés  par  l'engin  d'apparence  modeste 
et  bénigne  que  ce  David  porte  seulement  en  double  exemplaire  contre  Goliath. 

Mais  le  temps  s'écoule  avec  une  vitesse  désespérante  et  il  faut  rogner  sur  le 
programme  projeté  ;  nous  mettons  aux  voix  la  visite  pédestre  du  port,  avec 
celle  d'un  cargo-boat  ou  une  promenade  à  la  plage  pour  clôturer  la  journée  ; 
nous  pensons  bien  qu'on  voudra  gambader,  mais  nous  voulons  laisser  le 
plaisir  séduisant  de  pouvoir  choisir.  En  effet,  c'est  avec  une  joie  non  dissi- 
mulée que  tous  votent  pour  aller  à  la  plage.  On  veut  prendre  ses  ébats  sur  le 
sable  qu'on  a  vu  de  la  tour  et  toucher  la  mousse  blanche  qui  borde  la  plaine 
liquide,  si  imposante  dans  le  calme  d'aujourd'hui  par  son  immensité  et  parfois 
si  grandiose  dans  ses  irrésistibles  accès  de  fureur  ;  et  bientôt  le  tramway  nous 
emporte  vers  le  rivage. 

En  route  nous  montrons  la  façade  de  V Hôlel  de  Ville,  ornée  de  statues  his- 
toriques, la  Tour  du  Leughenaer,  dont  le  feu  éclaire  le  chenal,  puis  V Eglise 
anglicane,  la  Chapelle  des  Dunes,  dont  la  Vierge  est  si  vénérée  des  maiins,  le 
Monument  de  la  Victoire  (1893),  dont  l'allégorie  campée  au  sommet  a  une 
pose  d'une  étonnante  hardiesse  d'équilibre,  dans  un  geste  admirable  pour  rap- 
peler le  souvenir  de  la  levée  du  siège  de  Dunkerque  après  la  victoire  d'Honds- 
choote  en  1793.  Enfin  les  fortifications  franchies ,  nous  descendons  du 
tramway  presque  sur  la  plage.  Après  une  courte  minute  d'extase,  tout  le 
groupe  s'emballe  en  une  course  folle  que  l'eau  seule  peut  arrêter.  C'est  la  mer 
ignorée,  c'est  la  mer  désirée  !  La  grande  charmeuse  les  fascine,  ils  sont  heu- 
reux !  Et  l'on  joue  avec  la  vague  que  l'on  taquine,  avec  le  crabe  que  l'on 
captive  et  l'on  s'engage  dans  les  lagunes  et  si  loin  et  si  loin  que  la  mer  mon- 
tante emprisonne  presque  nos  imprudents  dans  dix  centimètres  de  profondeur 
d'eau.   Inquiets,  ils  s'arrêtent  et  nous  regardent  ;   nous  les  attendions  là.  Tout 


—  212  — 

à  coup  malgré  le  buiit  des  vagues,  ils  entendent  un  bref  commandement  :  otez 
tines  !  otez  settes  !  à  l'eau,  à  l'eau  !  Stupéfaits  une  seconde,  ils  comprennent 
vite,  poussent  un  hourrah,  et  en  un  clin  d'ceil  déchaussés,  les  plus  prompts 
traversent  à  pieds  mouillés  le  détroit  qui  nous  sépare  d'eux  ;  ils  le  passent, 
le  repassent,  tant  et  si  bien  avec  une  joie  délirante,  que  les  voir  nous  rend 
heureux.  Mais  rien  ne  peut  durer,  même  les  choses  les  plus  agréables  ;  cinq 
heures  sonnent  et  la  journée  de  plaisir  est  close  ;  on  se  souviendra  longtemps 
du  voyage  à  la  mer  de  la  Société  de  Géographie  !  Du  reste,  on  possède 
comme  souvenir  des  mouchoirs  mouillés,  du  sable  dans  les  bottines  et  des 
coquillages  péle-mèle  avec  des  petits  crabes  dans  les  poches  ;  c'est  la  plage 
tout  entière  qu'on  emporte. 

A  5  h.  40,  le  train  prend  sa  course  vers  Lille  et  nos  lauiéats,  joyeux  de  leur 
heureuse  journée,  n'ont  qu'un  désir,  la  recommencer  si  le  sort  et  leur  savoir 
le  permettent  encore  l'an  prochain. 

E.  CANTINEAU, 

Archiviste  de  la  Société. 


LA  SITUATION  AU  MAROC 


(1) 


Les  massacres  de  Casai  )lanca  n'auront  surpris  que  ceux  qui  s'obstinaient  à 
traiter  la  question  du  Maroc  comme  un  débat  entre  cliancelleries  européennes  : 
de  la  manière  la  plus  ])rutale,  la  plus  cruelle,  ils  ont  fait  la  preuve  éclatante 
que  «  l'empire  chérifien  »  n'est  pas  une  puissance  comparable  à  l'Allemagne 
ou  à  la  France.  Au  cours  de  la  Conférence  d'Algésiras,  déjà,  nous  avions 
relevé  plus  d'un  symptôme  de  cet  étonnement  des  diplomates  à  découvrir  un 
pays  et  un  état  social  dont  ils  ne  soupçonnaient  pas  auparavant  la  décevante 
complexité  ;  de  là  à  se  persuader  qu'il  faut,  au  traitement  de  convalescence  — 
ou  de  renaissance  —  du  Maroc,  une  formule  spéciale,  il  n'y  a  qu'un  pas  ; 
nous  croyons,  et  c'est  la  nouveauté  intéressante  de  ces  dernières  semaines,  que 
les  derniers  hésitants  ont  aujourd'hui  franchi  ce  pas. 

Nous  n'aurons  garde  d'insister  sur  le  passé,  jugeant  fort  inutile  de  dhiion- 
trer  et  de  crititpier  des  erreurs  qui  nous  semlilent  présentement  prescrites  : 
l'Acte   d'Algésiras,    en   entourant   l'action   française   au  Maroc  de  garanties 


(1)  Cet  article  constitue  la  suite  du  résumé  de  la  conférence  sur  le  Maroc  par 
M.  Henri  Lorin  analysée  dans  le  Bulletin  de  .Juillet  (p.  17). 


-  213  ~ 

internationales  qui  laissent  subsister  l'essentiel  de  nos  droits  particuliers,  ne 
pouvait  tenir  compte  que  des  situations  dont  il  fut  contemporain,  et  rien  n'est 
plus  mobile  que  la  situation  politique  du  Maroc  ;  suivant  que  le  sultan  est  plus 
ou  moins  fort,  question  de  caractère,  de  richesse  et.  .  .  .  de  chance,  le 
Maghzen  est  puissant  comme  la  monarchie  française  de  Louis  XI,  ou  débile 
comme  celle  de  Charles-le-Chauve  ;  il  y  a  là  un  élément  local,  extrêmement 
incertain,  en  face  duquel  une  diplomatie  avisée  doit  s'armer  surtout  de  patience 
et  de  souplesse.  Cette  vérité  objective  s'affirme  de  plus  en  plus  aux  yeux  de 
tous,  depuis  que  le  Maroc  retient  l'attention  des  chancelleries  et  s'empare  d'un 
rang-  éminent  dans  l'actualité. 

L'Europe  le  connaît  donc  aujourd'hui,  morcelé  entre  plusieurs  souverains 
rivaux,  Abd-ul-Aziz,  le  sultan  lég'itime,  à  peu  près  prisonnier  dans  Fez  de 
ministres  dont  il  n'est  pas  sûr,  Raisuli  et  le  Rogui  dans  le  Nord,  Moulay 
Hafid,  frère  d' Abd-ul-Aziz,  proclamé  sultan  dans  le  Sud,  à  Marrakech,  mais 
sans  que  l'on  sache  exactement  en  quelle  mesure  l'ont  aidé  et  le  soutiennent 
les  grands  caïds  des  alentours,  notamment  celui  de  Glaoui.  A  Tanger,  où  vit 
la  colonie  européenne  la  plus  nombreuse,  l'insécurité  ou  du  moins  l'inquié- 
tude sont  générales  :  vainement  les  habitants  demandent  aux  officiers  des 
troupes  marocaines  régulières,  puis  au  sultan  lui-même,  d'assurer  la  protec- 
tion de  leurs  personnes  et  de  leurs  biens  ;  le  Maghzen  n'a  plus  d'argent  pour 
payer  ses  agents  de  police,  il  n'a  littéralement  plus  d'armée  et,  quand  Aljd-ul- 
Aziz  requiert  son  représentant  à  Tanger  de  lui  envoyer  des  renforts  à  Fez, 
force  est  de  lui  avouer  que  les  mehallas  se  sont  fondues  et  qu'on  pourrait  à 
peine  réunir  quelques  douzaines  d'hommes  pour  les  lui  expédier. . . . 

Au  milieu  d'une  pareille  anarchie,  tous  les  ferments  de  désordre  s'épa- 
nouissent ;  le  Maroc  d'aujourd'hui  est  un  merveilleux  bouillon  de  culture  pour 
tous  les  excès  du  brigandage  et  du  fanatisme.  Un  jour  c'es'  le  docteur  Mau- 
champ  qui  succombe  à  Marrakech,  quelques  semaines  après  de  modestes 
travailleurs  qui  sont  lâchement  assassinés,  —  tous  soldats  tombés  sur  le  champ 
de  bataille ....  Et  vraiment,  quand  l'Europe  apprend,  un  peu  mieux  chaque 
jour,  que  ce  pays,  libéralement  doté  par  la  nature,  est  appelé  à  des  destinées 
économiques  brillantes,  elle  s'irrite  de  constater  aussi  que  tant  de  richesses 
demeurent  stériles,  du  fait  d'habitants  arrêtés  à  un  stade  de  notre  moyen  âge. 
Les  divisions  amorties  par  la  Conférence  d'Algésiras  ont  certainement  pro- 
longé l'anarchie  majocaine,  en  entretenant  les  espérances  de  ceux  qui  en 
vivent  ;  mais  elles  ne  sauraient  durer  sans  aggraver,  au  détriment  commun 
de  tous,  des  troubles  d'autant  plus  dangereux  que  tous  les  voisins  du  Maroc 
sont  plus  avancés  dans  la  civilisation  moderne.  Ce  nous  est  un  très  vif  plaisir 
de  constater  qu'elles  s'apaisent,  parce  que,  l'esprit  de  parti  s'effaçant  des  dis- 
cussions ouvertes,  les  réalités  marocaines  se  dégagent  des  nuées  adventices  qui 
les  avaient  naguère  oliscurcies. 

Irons-nous  jusqu'à  dire  que  la  phase  européenne  de  l'affaire  du  Maroc  soit 


—  214  — 

désonnais  close  ?  Ce  serait  dépasser  sensiblement  notre  pensée  ;  nous  estimons 
seulement  que  le  point  critique  en  est  franchi,  et  que  nous  sommes  maintenant 
dans  la  période  de  détente  ;  les  entrevues  de  souverains,  de  ministres,  d'am- 
bassadeurs qui  se  sont  multipliées  pendant  le  mois  d'Août  ont  précisé  les 
attitudes,  atténué  les  malentendus,  rapproché  les  bonnes  volontés.  Il  ne  nous 
appartient  pas  ici  de  rechercher  si  elles  seront  le  prélude  de  changements, 
plus  ou  moins  nuancés,  dans  les  relations  internationales  ;  mais  pour  l'objet 
précis  qui  nous  occupe,  c'est-à-dire  pour  le  Maroc,  on  n'en  peut  méconnaître 
la  très  haute  importance.  Une  note  officieuse  allemande,  à  la  suite  des  conver- 
sations du  chancelier  de  Bûlow  et  de  M.  Jules  Cambon,  à  Norderney,  a  dit 
en  propres  termes  :  «;  La  France  n'a  pas  besoin,  de  la  part  de  l'Allemagne, 
d'un  autre  appui  que  celui  que  nous  lui  donnons  actuellement,  en  lui  laissant, 
dans  un  sentiment  de  collègue  européen,  sa  liberté  d'action  ».  Voilà  certai- 
nement le  mot  le  plus  caractéristique  qui  ait  été  écrit  depuis  Algésiras  ;  il 
prouve  que  la  question  tend  à  se  poser  sur  le  terrain  marocain,  exclusivement. 

Là,  nous  devons  l'envisager  sous  deux  aspects,  règlement  pratique  de  notre 
coopération  avec  l'Espagne,  relations  à  établir  avec  le  Maghzen  ;  de  l'un  et  de 
l'autre  côté,  nous  avons  pour  guide  l'Acte  d'Algésiras.  En  ce  qui  concerne 
notre  action  commune  avec  l'Espagne,  les  assassinats  de  Casablanca  nous  ont 
forcés  à  compléter  des  arrangements  que  la  Conférence  n'avait  pas  prévus. 
Une  partie  de  la  presse  espagnole  a  vivement  déconseillé  au  gouvernement 
toute  démarche  vigoureuse,  et  démontré  le  péril  d'une  aventure  marocaine 
où  l'on  engagerait  l'Espagne  par  solidarité  avec  la  France  ;  c'est  là,  d'après 
nous,  le  fait  de  politiciens  à  courtes  vues,  qui  n'ont  pas  réussi  d'ailleurs  à 
convaincre  le  ministère  ni  le  souverain  :  l'Espagne  se  résignera-t-elle  à 
n'avoir  éternellement  que  des  présides,  en  marge  du  Maroc,  ou  voudra-t-elle 
jouer,  dans  les  régions  où  la  diplomatie  lui  a  ménagé  des  privilèges,  un  rôle 
moins  passif  et  plus  digne  de  son  ancien  renom  ?  C'est  ainsi  qu'il  convient 
de  poser  la  question  et,  en  conformant  leur  conduite  aux  stipulations  d'Algé- 
siras, Alphonse  XIII  et  ses  ministres  savent  saisir  au  passage  une  chance 
d'avenir  national. 

Quant  à  nous,  Français,  qui  avons  pris  à  Algésiras  l'engagement  de  res- 
pecter l'autorité  du  sultan  et  l'intégrité  de  ses  Etats,  nous  nous  trouvons, 
devant  l'incohérence  politique  du  Maroc  actuel,  en  présence  de  devoirs  extrê- 
mement délicats  ;  le  châtiment  des  tribus  voisines  de  Casablanca  n'est  qu'un 
épisode,  et  c'est  ainsi  que  l'opinion  doit  le  considérer  ;  les  assassins  de  nos 
ouvriers,  ceux  du  docteur  Mauchamp  sont  peut-être  des  adversaires  du  sultan 
de  Fez  autant  que  des  chrétiens  eux-mêmes.  On  dit  aujourd'hui  qu'Abd-ul- 
Aziz,  convaincu  qu'il  est  entouré  d'ennemis,  ne  verrait  de  salut  que  dans  une 
entente  cordiale  avec  la  France  et  tel  serait  bien,  à  notre  avis,  le  parti  le  plus 
sage  qu'il  pût  prendre.  Mais  il  est  fort  probable  que  ce  souverain,  qui  a 
toujours  été  dominé  par  des  influences  de  palais,  est  maintenant  ballotté  entre 


—  215  — 

des  cotteries  concurrentes  ;  sa  liberté,  sa  vie  même  seraient  menacées  qu'il 
n'en  faudrait  pas  s'étonner,  car  l'histoire  du  Maroc  fourmille  de  révolutions 
de  ce  g-enre.  Et  comment  respecterions-nous  l'autorité  du  sidtan,  le  jour  où 
de  fait  le  sultan  n'existerait  plus  ? 

Peut-être  nous  appartient-il  de  retarder  la  date  de  celte  déchéance  et  de 
sauver,  en  effet.  Abd-ul-Aziz  ;  puis,  d'accord  avec  lui,  nous  essaierions  de 
restaurer  prog-ressivement  l'autorité  du  Mayhzen  jusqu'aux  limites  diploma- 
tiques de  l'empire  chérifien.  Mais  il  faut  que  nous  ajons  dès  maintenant  une 
politique  marocaine  définie,  complète  et  dotée  des  moyens  financiers  qui  lui 
sont  indispensables  ;  il  ne  s'ag-it  pas  d'expédition  g-uerrière  ni  de  conquête  ; 
l'expérience  alg'érienne  nous  a  suffisamment  édifiés  sur  les  vices  de  cette 
méthode  ;  dans  le  cadre  g-jnéral  de  l'Acte  d'Alg:ésiras,  nous  pouvons  reprendre 
aujourd'hui  le  prog'ramme  de  la  «  pénétration  pacifi([ue  »,  étant  entendu 
qu'en  tous  les  pa^'s  du  monde  et  plus  qu'ailleurs  au  Maroc,  les  gendarmes  sont 
des  soldats  gardiens  de  la  paix. 

Henri  Lorin. 


LES  TRANSFORMATIONS 

DES  PORTS  MARITIMES  DE  LA  BELGiaUE 


Les  pouvoirs  puljlics  de  la  Belgique  ont,  en  ces  dernières  années,  entrepris 
de  grands  travaux,  en  vue  d'agrandir  les  ports  maritimes  du  royaume  et  d'y 
aménager  de  nouvelles  installations  mieux  appropriées  aux  besoins  de  la  navi- 
gation actuelle.  Ces  travaux  sont  en  voie  d'exécution  duns  certains  ports  et 
complètement  achevés  dans  d'autres. 

A  Anvers,  on  a  procédé  à  des  extensions.  Ce  port  se  compose  de  deux 
parties  :  1°  les  quais  de  la  rive  droite  de  l'Escaut  ;  2"  les  huit  bassins  situés 
au  Nord  de  la  ville.  Les  quais  du  fleuve,  grâce  à  des  travaux  récents,  ont 
aujourd'hui  un  développement  de  5.500  mètres.  Ils  sont  encore  prolongés  en 
amont  par  les  nouvelles  installations  pour  les  pétroles,  établies  au  Sud,  hors 
des  fortifications.  Autrefois,  c'était  sur  les  quais  de  l'un  des  bassins  que  les 
navires  pétroliers  déposaient  leurs  barils.  Depuis  que  le  transport  des  pétroles 
se  fait  en  vrac  dans  des  navires-citernes,  il  n'est  plus  nécessaire  de  disposer 
de  terxe-pleins  adjacents  aux  quais.  Aussi  a-t-on  construit  à  quelque  distance 
de  l'Escaut  six  tanks  rectangulaires,  et,  sur  le  fleuve  même,  un  simple  appon- 
tement  muni  de  conduits  par  lesquels  les  navires  peuvent  refouler  le  pétrole 
dans   les   réservoirs.    Ces   travaux   sont   entièrement   achevés.  —  Quant  aux 


—  210  — 

bassins,  leur  nombre  vient  d'être  porté  à  dix.  Deux  nouveaux  bassins,  qui 
auront  ensemble  une  superficie  de  28  hectares  et  un  mouillag-e  de  9  mètres, 
ont  été  creusés  au  Nord  de  ceux  déjà  existant,  liors  des  fortifications  et  sont 
sur  le  point  d'être  terminés.  L'un  d'eux  sera  prolongé  vers  le  Nord  et  trans- 
formé en  bassin-canal.  Sa  long-ueur  pourrait  atteindre,  au  besoin,  6  kilo- 
mètres et  neuf  darses  obliques  lui  seraient  adjointes  sur  la  rive  Est.  Déjà  le 
g-ouvernement  a  autorisé  le  creusement  des  deux  premières  darses  et  les  expro- 
priations des  terrains  nécessaiies  ont  commencé.  —  Ajoutons  que  le  fameux 
projet  de  la  «  grande  coupure  »,  c'est-à-dire  du  détournement  de  l'Escaut 
vers  l'Est  de  manière  à  couper  la  boucle  qu'il  forme  en  aval  de  la  ville,  n'est 
pas  abandonné.  Si  l'on  réalisait  toutes  ces  entreprises  grandioses,  la  longueur 
des  qu-iis  de  l'Escaut  atteindrait  14  kilomètres  et  la  surface  d'eau  des  bassins, 
qui  est  actuellement  de  92  hectares  couvrirait  493  hectares.  Il  n'est  pas  dit 
que  tous  ces  agrandissements  seront  superflus,  car  le  mouvement  maritime  du 
port  croît  sans  discontinuité  depuis  le  milieu  du  XIX*^  siècle.  En  1906,  Anvers 
a  été  visité  par  6.495  navires  de  mer  jaugeant  10.865.448  tonneaux;  c'est 
déjà  le  double  des  chiffres  de  1895  ! 

A  Ostende,  d'importants  travaux  d'extension  viennent  d'être  exécutés. 
Deux  nouveaux  bassins  ont  été  creusés  :  l'un  réservé  à  l'importation  des  bois 
du  Nord  et  spécialement  aménagé  pour  le  déchargement  de  cette  marchan- 
dise ;  l'autre  réservé  aux  navires  de  commerce  autres  que  ceux  chargés  de  bois 
et  ceux  des  services  réguliers.  Ils  ont  été  inaugurés  en  Septembre  1905. 
L'ancien  port  reste  toujours  réservé  aux  paquebots-poste.  Les  nouvelles 
créations  vont  être  complétées  par  l'établissement  de  cales  sèches,  gares,  voies 
ferrées,  grues,  hangars,  etc.  Ostende,  qui  depuis  quinze  ans  tend  à  capter  les 
relations  rapides  de  Londres  avec  une  bonne  partie  du  continent  et  l'Orient, 
sera  ainsi  en  mesure  de  réaliser  de  nouveaux,  progrès  (1).  En  1906,  ce  port  a 
reçu  1.803  navires  jaugeant  978.386  tonneaux. 

Le  petit  port  maritime  de  Gand  se  transforme  complètement.  Cette  ville  est 
reliée  à  la  mer  du  Nord  par  un  canal  de  32  kilomètres,  qui  débouche  à  Ter- 
■neuzen  ;  mais  ce  canal  est  divisé  en  deux  biefs  et  n'a  qu'un  mouillage  de 
6  m.  50.  Lorsque  les  travaux  en  cours  seront  terminés,  il  aura,  avec  une 
largeur  plus  grande,  un  mouillage  de  8  m.  75  et  un  seul  bief.  Il  sera  traversé 
par  des  ponts  mobiles  et  fermé,  à  Terneuzen,  par  une  écluse,  qui  seront 
manœuvres  par  l'électricité  ;  sur  toute  sa  longueur  il  sera  éclairé.  On  espère 
que  ces  travaux  seront  terminés  en  1908.   Il  faut  ajouter  que  la  ville  de  Gand 


(1)  Depuis  quelques  années,  Ostende  expédie  à  Londres  de  grandes  quantités 
d'œufs,  de  légumes,  de  volailles,  etc.  Les  denrées  quittent  le  port  à  deux  heures  du 
soir  et  sont  vendues  le  lendemain  à  quatre  heures  du  matin,  sur  les  marchés  de 
Billinosaate  et  de  Govent-Garden. 


a  fait  creuser  un  nouveau  bassin  sur  lequel  cinq  darses  obliques  viendront  se 
greffer.  Ce  bassin,  ainsi  que  l'une  des  darses  adjacentes,  sera  mis  à  la  dispo- 
sition du  commerce  à  la  fin  de  l'année.  Les  anciens  bassins  occupaient 
30  hectares  ;  quand  les  travaux  actuels  seront  achevés,  l'ensemble  des  darses 
et  des  bassins  aura  une  superficie  de  115  hectares.  Enfin,  on  perfectionne 
tout  l'outillage.  Ces  améliorations  semblent  déjà  produire  leur  effet  :  l'année 
1906  marque  un  progrès  sensible  du  port  de  Gand  :  1.167  navires  jaugeant 
827.481  tonneaux  ont  visité  les  bassins  au  lieu  de  1.047  unités  et  733.584  ton- 
neaux en  1905. 

A  Bruxelles,  on  opère  des  transformations  analogues.  Là  aussi,  l'ancien 
port  maritime  communique  avec  la  mer  par  un  long  canal,  le  canal  de 
Bruxelles  au  Rupel,  long  de  28  kilomètres,  coupé  par  cinq  écluses  et  possé- 
dant un  mouillage  de  3  m.  20.  Ce  canal,  comme  celui  de  Terneuzen,  va  se 
trouver  transformé  :  en  1909  il  n'aura  plus  que  trois  écluses  au  lieu  de  cinq, 
et  son  tirant  d'eau  sera  de  6  m.  50.  Le  nouveau  port  maritime,  auquel  il 
aboutit,  vient  d'être  creusé  au  Nord  de  la  capitale  entre  les  gares  de  Schaer- 
beek  et  de  Laeken.  Il  comprend  un  ])assin  maritime  long  de  900  mètres,  et 
un  avant  de  port  long  de  2  kilomètres.  En  outre,  deux  bassins  pour  la  batel- 
lerie ont  été  construits  et  l'un  d'eux  reliera  le  port  au  canal  de  Charleroi.  Ces 
travaux,  qui  sont  près  d'être  achevés,  ouvriront  plus  largement  Bruxelles  au 
cabotage  maritime.  Ils  sont  complétés  par  un  immense  entrepôt  public  à  cinq 
étages,  qui, est  entièrement  terminé.  Les  entrées  au  port  de  Bruxelles  se  sont 
chiffrées  en  1905  pour  1.993.155  tonneaux,  dont  103.010  représentaient  la 
part  de  la  navigation  maritime.  —  En  1825,  le  mouvement  total,  entrées  et 
sorties,  avait  été  de  8.407  tonneaux  seulement. 

A  Bruges,  un  port  maritime  a  été  entièrement  créé.  Il  y  avait  bien  déjà, 
dans  cette  ville,  un  port  en  relation  avec  la  mer  par  le  canal  de  Bruges  à 
Ostende  ;  mais  ce  port  n'avait  que  de  faibles  dimensions  et  le  canal,  long  de 
22  kilomètres,  n'avait  qu'un  mouillage  moyen  de  4  m.  40.  Le  port  actuel 
comprend  trois  bassins  ayant  une  profondeur  de  8  mètres  et  reliés,  d'une  part, 
par  une  écluse  à  l'ancien  canal  Bruges-Ostende  et,  de  l'autre,  directement  à 
la  mer  du  Nord  par  un  nouveau  canal,  qui  est  d'un  seul  bief,  long  de  10  km. 
et  qui  offre  aux  navires  un  mouillage  de  8  mètres.  A  son  embouchure,  à 
Zeebrugge,  a  été  enfin  construit  un  port  en  eau  profonde  formant  une  rade  de 
138  hectares,  accessible  à  toute  heure  de  la  marée  et  offrant  des  mouillaores 
de  11m.  50  (1).  Le  nouveau  port  de  Bruges  et  le  canal,  ont  été  livrés  à  la 
navigation  le  29  Mai  1905.   Aussitôt  le  commerce  maritime  international  de 


(1)  Le  Port  de  Zeebrugge  et  le  Canal  maritime  de  Bruges,  in  Le  Mouvement 
géographique,  Bruxelles,  n»  du  30  Juin  1907  (avec  un  plan  des  installations  du  port 
de  Zeebrugge  et  du  débouché  du  canal  maritime). 


218  — 


la  ville  est  accru,  passant  de  4.900.000  francs  en  1904  à  8.600.000  francs 
en  1905,  bien  que  durant  cette  dernière  année  le  nouveau  port  n'ait  servi  que 
pendant  sept  mois.  Cette  année  même,  tout  récemment,  la  ville  de  Bruges  a 
célébré  avec  magnificence  l'inauguration  définitive  de  l'ensemble  des  instal- 
lations. 

•  Cet  enseml)le  de  transformations,  auxquelles  il  sera  encore  possible  de 
donner  plus  d'envergure,  resserreront  les  relations  économiques  de  la  Belgique 
et  de  quelques-uns  de  ses  centres  industriels  avec  le  reste  du  monde.  Le  com- 
merce du  royaume,  qui  ne  cesse  de  croître  depuis  l'indépendance,  en  recevra 
encore  un  nouvel  élan. 

L.   Perrughot. 
fGeoffrapkieJ. 


La  Société  de  Géographie  de  Lille  ne  pouvait  rester  indifférente  à  ce  qui  se 
passait  si  près  d'elle,  aussi  un  groupe  important  de  ses  membres,  cinquante- 
cinq,  a-t-il  pris  part  aux  fêtes  de  l'inauguration  des  ports  de  Bruges,  le 
28  Juillet  dernier,  sous  la  direction  intelligente  et  dévouée  de  MM.  Van 
Troostenbererhe  el  Calonne. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


AFRIQUE 


Traversée    du    Sahara    par   la  iia3««ioii  Arnaud-Cortier.  — 

M.  R.  Chudeau,  lui-même  explorateur  du  Saliara,  publie  dans  la  Géographie,  une 
note  intéressante  sur  cette  nouvelle  traversée  accomplie  par  le  capitaine  Arnaud  et 
le  lieutenant  Cortier,  de  l'infanterie  coloniale.  Partis  d'In-Salah  le  18  Mars,  avec 
le  capitaine  Dinaux,  ces  officiers  arrivaient  le  28  Avril  à  Timiaouin,  dans  l'Adr'ar' 
des  Ifor'ass,  où  ils  rejoignaient  les  détachements  de  Gao  et  de  Bemba,  commandés 
par  le  capitaine  PasquJer  et  le  capitaine  Gauvin.  A  Timiaouin  la  mission  se  dislo- 
quait :  après  un  séjour  d'une  quinzaine  dans  la  région  pour  régler  quelques  affaires 
indigènes,  le  capitaine  Dinaux  rentrait  au  Tidikelt  ;  le  capitaine  Arnaud  gagnait 
rapidement  Gao,  où  il  parvenait  le  22  Mai,  et  rejoignait  Dakar  par  le  Niger  et  le 
Dahomey,  tandis  que  le  lieutenant  Cortier  s'arrêtait  dans  l'Adr'ar'. 


—  219  — 

Les  résultats  de  cette  nouvelle  exploration  sont  multiples.  Us  s'ajoutent  heureu- 
sement à  ceux  du  P.  de  Foucauld,  et  des  expéditions  du  colonel  Laperrine  et  de 
M.  Villate  en  1904,  du  capitaine  Dinaux  et  de  l'auteur  de  l'article  en  1905,  du  lieu- 
tenant Voinot  en  1906,  pour  la  connaissance  des  habitants  de  ces  régions  déser- 
tiques et  de  leurs  dialectes  et  comme  renseignements  géographiques  ei  géologiques. 

La  réunion  de  près  de  deux  cents  méharistes  à  Timiaouin,  en  montrant  une  fois 
de  plus  la  mobilité  de  nos  troupes  et  la  parfaite  entente  de  l'Algérie  et  de  l'Afrique 
occidentale  française,  a  été  d'un  puissant  effet  sur  les  nomades,  habitués  à  [iroliter 
des  désaccords  et  des  querelles  de  leurs  «  amenokal  ». 

L'organisation  des  méharistes  du  Sud  algérien,  résultat  de  longs  essais  et  de 
tâtonnements  parfois  pénibles,  est  actuellement  devenufe  excellente  ;  l'Afrique  occi- 
dentale n'a  pas  encore  la  même  pratique  du  désert  et  il  importe  de  lui  éviter  les 
erreurs  du  début.  Bien  que  les  méharistes  soudanais  aient  déjà  rendu  de  signalés 
services,  il  y  a  lieu  d'attendre  beaucoup  de  bien  de  la  mission  spéciale  que  M.  le 
gouverneur  général  Roume  avait  confié  au  capitaine  Arnaud,  et  qui  consistait  dans 
l'étude  détaillée  des  compagnies  montées  de  l'Extrême  Sud  Algérien.  Pour  les 
égaler,  les  difficultés  seront  grandes  :  les  méhara  du  Nord  du  Soudan  n'ont  ni 
l'énergie,  ni  l'endurance  de  ceux  de  l'Ahaggar  et  il  faudra  sans  doute  quelques 
années  encore  pour  que  l'on  soit  assez  sûr  de  la  fidélité  des  Maures  et  des  Berbères 
du  Sud  pour  oser  recruter  les  méharistes  uniquement  parmi  les  nomades.  Habitués 
dès  l'enfance  au  chameau,  animal  délicat  et  exigeant,  ils  sont  cependant  seuls  en 
état  d'en  tirer  un  bon  parti  sans  en  perdi'e  un  trop  grand  nombre  ;  en  même  temps 
leur  hérédité  et  leur  éducation  leur  permettent  de  supporter  sans  trouble  et  sans 
défaillance  des  incidents  souvent  pénibles,  parfois  inquiétants,  comme  la  perte  de 
la  piste  ou  le  manque  d'eau,  incidents  inévitables  dans  la  vie  au  désert. 


Uans  l'Ouadaï.  —  Nous  avons  reçu  la  nouvelle  du  raid  du  capitaine 
Devedeix,  dans  TOuadaï. 

L'intrépide  chef  d'escadron  de  spaliis,  à  la  tête  de  quarante-neuf  cavaliers  seule- 
ment s'est  avancé  jusqu'à  environ  220  kilomètres  de  la  capitale  des  Uuadaïens  qui, 
on  le  sait,  sont  pour  nous  et  les  Touareg,  nos  protégés,  de  dangereux  voisins. 

Le  capitaine  Devedeix  rapporte,  de  son  incursion  sur  la  terre  ennemie,  d'inté- 
ressants renseignements  ;  il  en  a  étudié  la  topographie  et  l'ethnographie.  Il  a  pu, 
en  outre,  constater  que  le  sultan  de  l'Ouadaï  devient  de  plus  en  plus  impopulaire 
parmi  ses  propres  sujets  ;  il  pourrait  bien  quelque  beau  jour  être  détrôné  au  profit 
du  prétendant  Acyl,  qui  a  l'appui  de  la  France. 

Ce  coup  d'État  nous  serait  particulièrement  favorable  —  si  toutefois  Acyl,  par- 
venu au  pouvoir,  conservait  à  notre  égard  les  mêmes  bons  sentiments  —  car 
l'agitation  constante  de  l'Ouadaï  est,  pour  nos  possessions  du  Tchad  et  du  Congo 
un  souci  d'autant  plus  grand  que  les  indigènes  de  cette  région  sont  de  courageux 
et  d'habiles  guerriers. 

Au  cours  de  sa  marche,  le  capitaine  Devedeix  a  infligé  aux  noirs  plusieurs 
défaites  dont  ils  garderont  le  souvenir. 


Séuégainbie-lilg^ci*.  —  M.  le  lieutenant  de  vaisseau  Millot,  chef  de  la 
mission  hydrogaphi([ue  du  Niger,  rentre  en  France  avec  ses  deux  collaborateurs, 
MM.  les  enseignes  de  vaisseau  Golay  et  Viort.  Ils  viennent  de  faire,  de  Tombouc- 
tou  à  Gao,  soit  un  parcours  de  400  kilomètres,  une  importante  reconnaissance  du 
grand  fleuve  de  l'Ouest-Africain  et  d'étudier  ses  conditions  de  navigabilité.  Le  Haut- 


—  220  — 

Niger  jusqu'à  Tombouctou  avait  été,  ces  dernières  années,  l'objet  de  semblables 
études,  qui  avaient  eu  pour  résultat  de  démontrer  que  cette  partie  du  fleuve  n'était 
accessible  qu'à  des  bateaux  d'un  très  faible  tirant  d'eau.  De  la  frontière  du  terri- 
toire militaire  à  Gao,  le  Niger  peut  livrer  passage  à  des  embarcations  plus  pro- 
fondes. 

La  mission  Millot  avait  commencé  ses  travaux  en  Janvier  dernier.  On  voit  qu'elle 
les  a  poussés  activement. 


REGIONS  POLAIRES. 


lia  recherche  du  Pôle  Mord  en  ballon.  —  L'explorateur  américain 
Wellman  abandonne,  pour  cette  année  du  moins,  le  projet  qu'il  avait  fait  d'aller 
au  pôle  Nord. 

Les  membres  de  l'expédition  Wellman  sont  arrivés  à  Tromsoe  à  bord  du  Frithjof. 
Tous  sont  en  bonne  santé. 

Ils  racontent  que  le  2  Septembre  dernier  ils  ont  fait  une  ascension  d'essai  avec 
leur  dirigeable  America^  mais  qu'une  suite  d'incidents  mit  le  ballon  hors  d'état  de 
service. 

M.  Wellman  avait  décidé  de  tenter  une  sortie  déjà  depuis  deux  jours.  A  six 
heures  du  matin  on  fit  des  préparatifs  de  départ.  Le  temps  était  calme,  mais  il 
tombait  un  peu  de  neige. 

On  devait  partir  à  midi,  ce  qui  fut  fait. 

Le  steamer  Express,  mouillé  près  du  port  d'attache  de  V America  et  qui  était 
sous  pression,  prit  le  dirigeable  à  la  remorque  et  à  deux  heures  de  l'après-midi,  le 
Smeerenberg  Sound  était  traversé.  On  coupa  alors  la  remorque  du  ballon  qui  se 
dirigeait  vers  le  Nord  et  dont  le  moteur  et  les  hélices  fonctionnaient  très  bien. 
D'après  le  New-York-IIerald,  il  paraît  même  que  V Express  ne  pouvait  suivre 
V  America. 

On  sait  que  c'est  à  l'industrie  française  que  Wellman  a  fait  appel  pour  la  partie 
mécanique  de  son  aérostat  et  que  le  moteur  a  été  fourni  par  la  Société  Lorraine  de 
Dietrich,  qui  a  construit  spécialement  pour  l'explorateur  américain  un  moteur  à 
4  cylindres  de  70  chevaux  très  régulier,  ne  tournant  pas  trop  vite,  pesant  400  kilos 
avec  toute  la  machinerie  et  l'outillage.  Les  hélices  actionnées  par  le  moteur  sont 
en  acier  et  donnent  380  tours  à  la  minute. 

Le  ballon  commençait  à  s'éloigner  lorsque  soudainement  un  coup  de  vent  arriva 
et  une  tempête  de  neige  entraîna  V America  vers  le  Sud-Est  dans  la  direction  de 
Foui  Bay.  Le  dirigeable  dont  l'équipage  n'était  plus  maître  et  donnait  des  signes 
de  détresse  disparut  aux  yeux  de  l'équipage  de  VExpress. 

Le  contingent  de  l'expédition  qui  était  resté  à  terre  au  hangar  de  V America  fut 
prévenu.  On  se  mit  à  la  recherche  du  ballon  que  l'on  parvint  à  retrouver  à  6  kil.  1/2 
du  port  et  qui  avait  difficilement  atterri  sur  le  haut  d'un  glacier. 

Aucun  des  passagers  heureusement  n'était  blessé.  On  mit  quatre  jours  pour 
ramener  au  hangar  le  ballon  dégonflé  et  très  endommagé,  ainsi  que  toute  la  méca- 
nique absolument  brisée. 

M.  Wellman  décida  alors  de  partir  pour  Tromsoe  avec  les  membres  de  son  expé- 
dition, laissant  à  son  hangar  seulement  quelques  hommes. 

M.  Wellman  a  déclaré  qu'il  ferait  encore  une  tentative  en  Août  prochain  avec 
un  nouveau  dirigeable,  qu'il  ferait  construire,  dit-on,  en  Allemagne. 


—  221  — 

L'Expédition  Arctique  H'illlaiu  Bruce.  —  Il  y  a  de  sérieuses 
raisons  de  craindre  que  l'exiDédition  arctique  sous  la  conduite  du  docteur  William 
Bruce,  l'océanographe  d'Edimbourg,  n'ait  été  victime  de  quelque  catastrophe. 

Le  docteur  Bruce  était  parti  en  compagnie  du  capitaine  Isachsen  et  de  plusieurs 
Ecossais  pour  faire  des  recherches  scientifiques  sur  la  Terre  du  Prince  Charles. 
Là,  il  avait  organisé  une  nouvelle  expédition  qui  devait  s'accomplir  partie  par  eau 
et  partie  par  terre. 

Ces  faits  ont  été  connus  à  Berlin  par  l'intermédiaire  de  VExpress,  le  navire  que 
le  Lokalanzeiger  avait  envoyé  au  secours  de  l'exiilorateur  Wellman.  Le  docteur 
Lerner,  chef  de  l'état-major  de  V Express^  a  reçu  une  lettre  du  capitaine  Isachsen, 
disant  que  le  docteur  Bruce,  en  compagnie  de  deux  hommes,  nommés  Garew  et 
Ross,  était  parti  en  bateau  pour  explorer  la  côte  Nord  de  la  Terre  du  Prince  Charles, 
et  qu'on  attendait  vainement  son  retour  depuis  le  28  Août. 

Craignant  un  malheur,  car  l'expédition  du  docteur  Bruce  n'avait  de  vivres  que 
pour  huit  jours,  le  docteur  Lerner  fouilla  avec  V Express  toute  la  côte  Nord  de  la 
Terre  du  Prince  Charles.  Arrivé  au  caj)  Sitol,  sur  la  côte  occidentale,  il  aperçut  au 
loin,  dans  l'intérieur  des  terres,  un  drapeau  rouge  qui  flottait  sur  la  pointe  d'un 
rocher.  S'étant  rendus  jusqu'à  cet  endroit,  les  Allemands  trouvèrent  un  traîneau, 
un  foyer  fait  de  quelques  pierres  et  des  restes  d'oiseaux  de  mer  qui  avaient  dû 
servir  à  la  nourriture  du  docteur  Bruce  et  de  ses  deux  compagnons.  Mais  il  fut 
impossible  de  découvrir  la  moindre  trace  des  explorateurs. 

Après  avoir  déposé  des  lettres  dans  une  bouteille,  près  du  drapeau,  les  Allemands 
rejoignirent  V Express.  On  craint  que  les  explorateurs  écossais  n'aient  été  victimes 
de  quelque  accident  de  bateau,  car  la  côte  rocheuse  est  très  dangereuse  pour  la 
navigation. 


Kxpéfiitiou  «lu  capStaiue  Hil^l^el^ieu.  —  Le  capitaine  Mikkelsen 
et  M.  Leflengwell,  qui  étaient  mardi  à  Dawson-Gity,  de  retour  de  l'exjiédition 
polaire  dans  laquelle  on  les  croyait  perdus,  ont  avisé  la  Société  américaine  de 
Géographie  que  l'exi^édition  a  parcouru  5(J0  milles  sur  la  mer  gelée,  au  Nord  de 
l'Alaska,  traversant  deux  fois  la  terre  ferme.  Différents  sondages  allant  jusqu'à 
2.000  pieds  ont  été  pris  au  cours  des  explorations,  mais  sans  révéler  aucun  indice 
de  l'existence  de  terres  non  découvertes  en  remontant  au  Nord.  Le  capitaine  Mik- 
kelsen et  ses  compagnons  feront  l'an  prochain  de  nouvelles  séries  d'explorations  et 
des  recherches  scientifiques  dans  la  mer  de  Beaufort. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  Statistiques. 


-       FRANCE  ET  COLONIES. 

Ei'exteiiiiiiou  du  port  de  Harseille.  —  Devant  les  besoins  toujours 
croissants  de  la  navigation,  la  Chambre  de  Commerce  avait  été  amenée  à  se  préoc- 


cupei"  d'une  nouvelle  extension  des  ports  de  Marseille.  A  cet  eft'et,  la  création  dans 
l'anse  de  la  Madrague  d'un  bassin  faisant  suite  à  celui  de  la  Pinède  et  où  viendrait 
aboutir  le  canal  de  onction  de  Marseille  au  Rhône  avait  été  envisagée.  Après 
entente  avec  M.  l'ingénieur  en  chef  du  service  spécial  maritime,  un  avant-projet  en 
ce  sens  a  été  dressé  par  ce  haut  fonctionnaire  et  soumis  par  lui,  le  4  Décembre 
1906,  à  M.  le  Ministre  des  Travaux  publics. 

Ce  projet  comporte  la  création  d'un  bassin  d'une  longueur  de  080  mètres,  d'une 
largeur  de  500  mètres  et  d'une  profondeur  de  11  m.  50,  permettant  ainsi  l'accès  de 
notre  port,  non  seulement  aux  navires  passant  par  le  canal  de  Suez,  mais  aussi  aux 
plus  grands  paquebots  naviguant  sur  toutes  les  mers  du  monde. 

Le  bassin  serait  limité  au  Sud  par  la  traversée  de  la  Pinède,  à  l'Ouest  par  la 
digue  du  large  se  prolongeant  de  300  mètres  au  delà  de  la  nouvelle  passe  d'entrée. 
11  s,  rait  pai"tagé  par  un  môle  d'une  longueur  de  275  mètres  et  d'une  largeur  de 
120  mètres,  appelé  môle  G. 

La  dépense  prévue  pour  l'exécution  de  ce  travail  est  de  32  millions,  dont  la  moitié 
serait  assumée  par  l'Etat,  l'autre  moitié  restant  à  la  charge  de  la  Chambre  de  Com- 
merce de  Marseille. 

Après  étude  de  la  question  par  le  Conseil  supérieur  des  Ponts  et  Chaussées,  M.  le 
Mini.stre  des  Travaux  publics,  par  une  décision  en  date  du  23  Août  1907,  vient  de 
prendre  en  considération  cet  avant-projet  et  l'a  soumis  à  l'examen  d'une  Commis- 
sion nautique.  M.  le  Ministre  pre.scrit  aussi  qu'en  vue  de  réduire  au  minimum  les 
délais  pour  l'accomplissement  des  formalités  administratives,  il  soit  procédé  simul- 
tanément à  des  conférences  mixtes  entre  les  divers  services  intéressés,  ainsi  qu'à 
l'enq^uète  d'utilité  publique. 

Ces  résultats  seront  a  :cueillis  avec  une  vive  satisfaction  par  le  commerce  marseil- 
lais, qui  attend  avec  impatience  la  création  d'un  nouveau  bassin,  dont  le  besoin  se 
fait,  depuis  quelques  années,  si  vivement  sentir. 


IjC  receusemeut  de  l'Algérie.  —  11  avait  été  publié  il  y  a  quelques 
mois  des  chillres  provisoires  sur  le  recensement  opéré  en  Algérie  le  4  Mars  190(). 
Les  résultats  complets  viennent  de  paraître  au  Bulletin  officiel  du  gouvernement 
général.  Nous  en  relevons  ci-après  les  détails  principaux. 

Le  total  des  habitants  a  été  trouvé  de  5.231.850,  population  comptée  à  part 
(armée,  prisons,  hospices,  etc.)  comprise.  L'augmentation  est  considérable  sur  le 
recensement  de  1901  qui  n'avait  donné  qu'un  total  de  4.739.331,  mais  elle  n'est  pas 
due  uniquement  à  l'excédent  des  naissances  et  aux  apports  de  l'émigration.  Pour  la 
première  fois  a  été  comprise  la  population  des  oasis  sahariennes  récemment 
annexées  et  qui  s'élève  à  59.72i)  âmes.  A  la  prendre  en  bloc  et  sans  distinguer  les 
causes  d'accroissement,  la  population  de  l'Algérie  a  plus  que  doublé  en  un  demi- 
siècle.  L'  premier  recensement  complet  avait  été  fait  en  185()  et  avait  donné 
2.495.7()1  habitants. 

On  sait  que  la  colonie  se  divise  administra tivement  en  deux  grandes  régions  : 
Territoire  du  Nord  comprenant  le  Tell  et  les  hauts  plateaux  ;  on  y  compte 
4.785.7.59  habitants.  Territoire  du  Sud  comprenant  tout  le  Sahara  algérien.  Ce  n'est 
pas  le  désert  absolu,  puisqu'on  y  compte  encore  44(5.091  liabitants.  Ceux-ci  sont 
presque  tous  indigènes.  11  n'y  a  en  effet  dans  les  territoires  du  Sud  que  5.333  Eu- 
ropéens. 

La  population  indigène  totale  est  de  4.501.990.  La  population  européenne,  non 
compris  l'armée  et  la  population  comptée  à  part,  est  de  680.203.  La  population 
urbaine  est  surtout  européenne.  On  ne  trouve  dans  les  chefs-lieux  des   communes 


—  223  — 

que  297.077  indigènes  contre  531.749  lùiropéens.  En  revanche  les  Européens  sont 
rares  dans  les  campagnes,  on  n'en  compte  que  148.514,  contre  4. 180. 111  indigènes. 
Il  s'agit  là  de  ce  que  le  recensement  appelle  la  population  éparse.  En  réalité,  le 
chiffre  de  148.514  ne  donne  pas  une  idée  de  la  population  agricole,  car  beaucoup 
de  colons  habitent  dans  les  chefs-lieux  des  communes  et  figurent  par  conséquent 
dans  la  population  agglomérée. 

Les  6  0.  223  Européens  se  partagent  en  514.005  Français  et  10(1198  étrangers. 
Les  recensements  antérieurs  présentaient  une  grave  lacune.  Les  Français  sont  de 
plusieurs  origines  ;  les  tableaux  ne  les  répartissaient  point  par  catégories,  en  sorte 
qu'on  ignorait  quelle  était  l'importance  exacte  des  diverses  provenances.  Une  loi  de 
1889  a  décidé  que  les  enfants  nés  de  parents  étrangers  sur  le  sol  national  devien- 
draient Français  à  l'âge  de  vingt  ans  s'ils  ne  revendiquaient  pas  expressément  leur 
nationalité.  C'est  ce  qu'on  a  appelé  la  naturalisation  automatique.  Le  nombre  des 
étrangers  étant  proportionnellement  très  grand  en  Algérie,  il  était  intéressant  de 
savoir  combien  il  y  avait  de  naturalisés  parmi  les  Français.  On  disait  que  cinq  mille 
étrangers  étaient  chaque  année  ainsi  francisés,  mais  on  ne  le  savait  pas  avec  préci- 
sion. On  le  saura  désormais.  Le  recensement  de  1900  a  en  ellet  enfin  distingué  les 
différentes  catégories  de  Français. 

Sur  les  614.005  personnes  qui  ont  été  recensées  comme  françaises,  278.970  sont 
d'origine  française  pure  nées  en  France  ou  en  Algérie,  64.645  sont  des  israélites 
naturalisés  par  le  décret  de  1870,  21.046  sont  des  étrangers  naturalisés  par  mesure 
particulière,  97.950  sont  des  étrangers  qui  ont  été  naturalisés  automatiquement  par 
l'eflèt  de  la  loi  di'  1889,  et  50.798  sont  des  étrangers  âgés  de  moins  de  vingt  ans, 
nés  en  Algérie,  qui  seront  donc  naturalisés  automatiquement  à  leur  tour  et  que  l'on 
peut  pa,r  conséquent  considérer  dès  maintenant  comme  faisant  partie  de  la  famille 
française. 

Les  l(5(j.l98  étrangers  comprennent  117.475  Espagnols,  33.1.53  Italiens  et  0.217 
Anglo-Maltais. 

Si  l'on  rapproche  le  recensement  fait  en  Tunisie  de  celui  de  l'Algérie,  ou  voit 
que  le  peuple  nouveau  qui  est  en  train  de  se  former  dans  l'Afrique  du  Nord  se 
compose  dès  maintenant  de  809.332  Européens,  sur  lesquels  313.580  Français  d'ori- 
gine, 2.35. 0-9  naturalisés  et  200. .5.57  étrangers.  Parmi  les  étrangers,  les  Espagnols 
et  les  Italiens  sont  en  proportions  presque  égales,  118.07.5  Espagnols  fixés  surtout 
dans  les  provinces  d'Oran  et  d'Alger,  114.483  Italiens  fixés  surtout  dans  la  province 
de  Gonstantine  et  en  Tunisie.  Après  eux  mais  bien  loin  derrière  viennent  les 
Maltais,  au  nombre  de  10.547  fixés  surtout,  eux  aussi,  dans  la  province  de  Gonstan- 
tine et  en  Tunisie. 

L'Algérie  compte  aujourd'hui  deux  villes  de  plus  de  100.000  âmes  :  Alger  qui  en 
a  145.280  et  Oran  qui  en  a  101.109.  A  Alger,  l'élément  français  domine  ;  il  compte 
pour  89.791  habitants  parmi  lesquels  .50.!:)96  Français  d'origine.  A  Oran,  les  Espa- 
gnols présentent  une  agglomération  de  23.071  personnes.  Les  Français  sont  57.447 
sur  lesquels  21.90()  seulement  sont  d'origine  française. 

Viennent  ensuite  comme  villes  ayant  plus  de  10.000  âmes  :  Gonstantine,  .57.247  ; 
Hône,  41.220;  Tlemcen,  .37..S98;  filida,  .31.193;  Sidi-Bel-Abbès,  20.401;  Philippe- 
ville,  24.775;  Mascara,  21. .587;  Mostaganem,  20.270;  Sétif,  19.941  ;  Bougie,  10.573; 
Médéa,  15.242  ;  Orléansville,  13.220. 


—  ?,l^,i  — 


III.  —  Généralités. 


liC  record  des  Transatlautiques.  —  Le  nouveau  grand  transatlan- 
tique anglais  Lusitania,  dont  le  voyage  devait  établir  le  record  de  la  vitesse  contre 
les  transatlantiques  allemands  et  passionne  tout  le  monde  en  Angleterre  et  aux 
États-Unis,  a  accompli  la  traversée  de  Liverpool  à  New-York,  soit  2.780  milles,  en 
5  jours  54  minutes. 

Il  a  donc  filé  en  moyenne  Zi  noeuds  01  à  l'heure,  contre  21  nœuds  81  par  le 
Lucania  (allemand)  et  2^3  nœuds  30  par  le  Deutscldand.  Ce  dernier  a  couvert  la 
distance  entre  Plymouth  et  New-York,  qui  est  de  2.973  milles  en  5  jours  7  heures 
38  minutes. 

Le  record  de  vitesse  reste  donc  encore  détenu  par  les  Allemands  avec  le  Deuts- 
chland,  mais  les  Anglais  comptent  bien  arriver  à  le  battre.  Dans  la  dernière  journée 
de  navigation  du  Lusitania,  en  efiet,  la  moyenne  de  vitesse  a  atteint  24  nœuds  7. 

A  son  arrivée  à  Sandy-Hook,  le  Lusitania  a  été  salué  par  tous  les  sémaphores  et 
]jar  les  sifflets  et  les  sirènes  de  tous  les  bâtiments  se  trouvant  dans  le  port  ;  il  a  été 
l'objet  d'une  magnifique  ovation  de  la  part  d'une  nuée  d'embarcations  pavoisées 
qui  l'ont  escorté. 

Le  Lusitania  est  jusqu'ici  le  dernier  mot  de  l'architecture  navale.  Il  dévore  à 
chaque  voyage,  aller  et  retour,  12.500  tonnes  de  charbon,  représentant  le  charge- 
ment de  vingt-cinq  trains  de  vingt  wagons  et  la  quantité  de  houille  que  consomme 
pour  se  chauiler  une  ville  de  100.000  habitants.  Ses  quatre  cheminées  de  48  mètres 
de  haut  sont  plus  larges  que  le  tube  du  Métropolitain  de  Paris. 

Ses  quatre  turbines  motrices  représentent  une  force  de  70.000  chevaux.  Le  Lusi- 
tania a  un  déplacement  de  45.000  tonnes.  Il  pourrait  transporter  sur  une  courte 
distance  une  armée  de  20.000  hommes,  et  chargé  complètement  de  farine,  il  pour- 
rait assurer  une  ration  d'une  livre  de  pain  à  toute  la  population  des  Iles  Britan- 
niques pendant  une  semaine.  Ce  bâtiment  pourrait  donc  être  d'un  grand  secours 
pour  le  ravitaillement  de  l'Angleterre  en  temps  de  guerre. 

Le  transatlantique  français  Provence,  parti  du  Havre  le  7  Septembre,  la  veille  du 
départ  du  Lusitania  de  Queenstown,  l'a  devancé  dans  le  port  de  New- York,  après 
une  traversée  qui  a  duré  5  jours  20  heures,  ayant  filé  22  nœuds  08  en  moyenne.  Il 
a  partagé,  avec  le  léviatlian  anglais,  les  honneurs  de  la  journée. 

Le  «  Charles-Roux  »,  récemment  livré  pour  la  Compagnie  transatlantique  à 
Saint-Nazaire,  navire  à  turbines,  dépassera  peut-être  ces  records. 

LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL   ADJOINT  ,  LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 

JuLE.s  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


Lille  Imp.LDanel. 


—  225 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


L 

Séance  du  Dimanche  10  Mars  1907, 
Présidée  par  S.  A.  S.  le  Prince  ALBERT  P^  de  Monaco. 


UNE  APPLICATION  DE  L'OCÉANOGRAPHIE 


L'INDUSTRIE  OSTREICOLE   EN    FRANCE 


Par  M.  le  D^  L.  JOUBIN, 

Professeur  au  Muséum  d'Histoire  naturelle 
et  à  l'Institut  océanographique  fondé  par  le  Prince  de  Monaco  à  Paris. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  Nicolle,  Président  de  la  Société  de  Géographie,  ouvre  la  séance 
en  souhaitant  d'abord  la  bienvenue  au  Prince  de  Monaco,  le' bienfaiteur 
de  la  science  océanographique,  le  maître  sous  lequel  elle  s'étend  par 
les  encouragements  donnés  aux  savants  les  plus  renommés  et  les 
recherches  personnelles  effectuées  au  cours  de  nombreux  voyages  à 
travers  les  mers.  Il  rappelle  ensuite,  au  milieu  des  applaudissements, 
(ue  le  2.5  Avril  1906  le  Prince  de  Monaco  a  fait  don  à  la  France  de 
l'Institut  océanographique  de  Paris,  avec  le  Musée  de  Monaco,  ses  labo- 
ratoires, ses  collections,  ses  aquariums  et  dépendances,  le  dotant  en 
outre  d'une  somme  de  quatre  millions  destinée  à  en  assurer  le  parfait 
fonctionnement,  ajoutant,  par  la  noblesse  des  termes  de  la  lettre  de 

15 


—  22<)  — 

donation,  plus  de  prix  encore  aux  quinze  millions  ainsi  consacrés  à 
une  science  dont  les  débuts  montrent  déjà  l'importance. 

Puis  il  présente  le  D''  Joubin,  collaborateur  du  Prince,  qui  jette  tant 
d'éclat  dans  son  œuvre  parisienne  et  qui  a  si  bien  rempli  les  inten- 
tions de  l'initiateur  dans  la  mise  eu  train  de  l'Institut  océanographique. 
S'excusant  alors  d'avoir  déjà  trop  empiété  sur  la  Présidence  du  Prince, 
il  termine  en  regrettant  de  ne  pouvoir  dire  tout  le  bien  qu'il  pense  de 
l'action  de  S.  A.  S.  envers  notre  pays  et  la  science  qui  en  profite  dans 
une  large  mesure. 

Puis,  sur  l'invitation  de  M.  Nicolle,  lecture  est  donnée  par  M.  le 
Docteur  Yermersch,  Vice-Président,  de  la  lettre  suivante  de  M.  le 
Baron  Jules  de  Guerne,  Président  de  la  Société  de  Géographie  de 
Paris  : 

Mon  cher  Président, 

Je  regrette  bien  de  ne  pouvoir  me  rendre  à  votre  aimable  invitation. 
La  grippe  me  retient  à  la  chambre  et  me  force  à  m'associer  seulement 
de  loin  à  la  solennité  scientifique  organisée  par  la  Société  de  Géogra- 
phie de  Lille. 

Avant  même  de  devenir  autonome,  le  groupe  géographique  lillois 
manifestait  déjà  sa  sympathie  aux  océanographes.  Et  je  n'en  veux  pour 
preuve  que  la  réception  si  cordiale  faite  en  Septembre  1881,  au  nom  de 
la  Société,  par  votre  regretté  prédécesseur,  à  deux  jeunes  naturalistes 
que  l'amour  désintéressé  de  la  science  avait  entraînés  dans  les  voies  de 
l'exploration. 

Notre  distingué  collègue,  Théodore  lîarrois  et  moi,  revenions  de 
La])onie  après  y  avoir  pratiqué  en  mer,  sur  le  «  CoUgnij  »,  en  compa- 
gnie du  Professeur  Georges  Pouchet,  de  nombreux  sondages,  dragages 
et  prises  de  températures.  Depuis  et  heureusement,  au  grand  profit  de 
la  science,  S.  A.  S.  le  Prince  de  Monaco  vint  fournir  à  quelques-uns  de 
nos  compatriotes,  et  à  beaucoup  d'étrangers,  le  moyen  de  continuer  et 
d'entreprendre  des  études  qu'il  est  extrêmement  difficile  de  poursuivre 
sans  de  puissants  moyens  d'action. 

Le  Prince,  auquel  la  Société  rend  aujourd'hui  l'hommage  le  plus 
mérité,  s'est  trouvé  entraîné  lui-même  aux  recherches  originales,  si 
pleines  d'attraits. 

On  l'a  vu  depuis  vingt  ans  persévérer  dans  cette  voie  féconde,  éten- 
dant ses  programmes  d'études  et  le  champ  de  ses  explorations  avec  une 


—  227  — 

amplour  qu'admirent  tous  les  hommes  de  science.  Aux  voyages,  aux 
instruments  nouveaux  de  recherche,  s'ajoutent  des  laboratoires  et  un 
musée  magnifique. 

Travailleur  convaincu  de  la  première  heure,  je  me  réjouis  aujour- 
<rhui  du  progrès  accompli  et  si  je  rappelle  maintenant  ces  souvenirs 
déjà  lointains,  c'est  pour  mieux  indiquer  la  valeur  de  l'hommage  rendu 
au  Prince  de  Monaco  par  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  Celle-ci  ne 
sacrifie  pas  en  effet  simplement  à  l'actualité,  mais  fidèle  à  son  but,  elle 
continue  d'encourager,  comme  elle  l'a  fait  dès  son  origine,  les  études 
géographiques  sous  toutes  leurs  formes,  s'efforçant  d'honorer  aujour- 
d'hui avec  le  plus  d'éclat  possible  la  science  de  la  mc^r  en  l'un  de  ses 
représentants  les  plus  autorisés. 

Veuillez  excuser  l'étendue  de  cette  lettre ,  mon  cher  Président. 
Retenu  au  coin  du  feu  par  la  gri])pe,  loin  des  cyclones  d'antan,  la  plume 
est  le  seul  moyen  dont  je  puisse  disposer  pour  prendre  part  à  votre  fête 
océanographique.  Mes  applaudissements  éants  se  joignent  à  ceux  de 
tous  nos  collègues  pour  saluer,  au  nom  de  la  Société  de  Géographie,  le 
Président  d'honneur  de  la  séance  du  10  Mars. 

Croyez,  mon  cher  Président,  à  mes  sentiments  Ijien  dévoués. 

Signe  :  Jules  de  GUERNE. 

Le  Prince  de  Monaco  se  lève  alors  et  commence  par  se  déclarer  très 
touché  de  l'accueil  chaleureux  qui  lui  est  fait,  puis  en  termes  éloquents, 
d'une  concision  remarquable  et  d'une  simplicité  charmante,  il  nous 
définit  l'océanographie,  le  but  qu'elle  poursuit,  ses  moyens  d'action, 
les  relations  étroites  qui  relient  cette  science  à  beaucoup  d'autres  et  le 
chemin  déjà  parcouru  par  elle  jusqu'à  l'heure  présente. 

Il  ne  put  taire  alors,  et  pour  cause,  ses  études  personnelles,  ses  divers 
voyages  à  travers  les  mers,  tout  ce  qu'il  fit  enfin  pour  le  développement 
de  cette  science  à  laquelle  il  consacre  tous  ses  instants  et  toute  son 
influence,  mais  ce  fut  dit  avec  une  modestie  qui  l'honore  encore  davan- 
tage. Il  remercie  tous  les  savants  collaborateurs  qui  l'ont,  dit-il,  puis- 
samment aidé  dans  l'exécution  de  sa  tâche  et  rejette  sur  eux  une  partie 
de  ses  propres  mérites.  Puis  il  termine  son  discours,  interrompu  plu- 
sieurs fois  par  les  applaudissements  nourris  de  l'assistance,  en  donnant 
la  parole  à  M.  le  D''  Joubin,  l'un  de  ses  plus  dévoués,  et  il  faut  l'ajouter 
aussi,  l'un  de  ses  plus  compétents  collaborateurs.  Nous  donnons  ci- 
dessous  le  résumé  de  sa  conférence  : 


--  228  — 


STATIONS   OSTRÉICOLES   DU  MORBIHAN   (1). 


(1)  Nous  devons  cette  carte  et  les  autres  illustrations  de  cette  conférence  à 
l'extrême  obligeance  de  M.  Ollivier,  Directeur  de  la  Revue  générale  des  Sciences, 
(jui  a  bien  voulu  nous  prêter  les  clichés  qui  ont  servi  à  illustrer  l'article  du 
f)"^  Joubin  paru  dans  cette  revue  au  commencement  de  l'année. 


—  229  — 

L'industrie  ostréicole  en  France  est  extrêmement  importante.  M.  le 
D''  Joubin  qui  a  dressé  la  carte  de  nos  côtes  à  ce  point  de  vue  évalue  à 
52.000  le  nombre  des  gisements.  On  a  beaucoup  médit  en  ces  derniers 
temps  de  ces  intéressants  mollusques,  mais  bien  à  tort  cependant, 
comme  il  est  démontré  plus  loin.  Ayons  au  moins  envers  eux  la  recon- 
naissance du  ventre. 

Nous  avons  sur  nos  côtes  deux  espèces  d'huîtres.  La  première,  la  plus 
estimée,  est  l'huître  dite  ordinaire  (ostrea  edulis)  ;  l'autre,  lapo?^tuffaise, 
est  de  moindre  qualité.  Quant  au  pied  de  cheval,  ce  n'est  qu'une  huître 
ordinaire  parvenue  à  un  âge  avancé.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  craindre  que  le 
voisinage  d'huîtres  portugaises  ait  une  intluence  néfaste  sur  les  ordi- 
naires. Il  est  en  effet  prouvé  qu'aucun  croisement  n'est  possible  entre 
les  deux  espèces  et  de  plus  elles  se  tiennent  à  des  niveaux  différents. 
Ainsi  l'huître  ordinaire  ne  se  trouve  qu'en  dessous  du  zéro  des  mers 
jusqu'à  30  et  40  mètres  de  profondeur  au  maximum,  tandis  (jue  les  por- 
tugaises vivent  à  un  niveau  plus  élevé. 

Les  huîtres  sont  très  prolifiques.  Chacune  d'elles  peut  en  produire 
entre  sa  première  et  deuxième  année,  de  1.500.000  à  2  millions,  et 
ceci  pendant  vingt  années  consécutives,  soit  au  total  quarante  millions 
d'individus. 

Les  huîtres  vivent  en  bancs.  Il  n'y  avait  même  autrefois  qu'un  seul  et 
unique  banc  (1)  du  Danemark  à  l'Espagne,  mais  on  a  tellement  dragué 
sans  discernement,  surtout  après  l'établissement  des  chemins  de  fer 
qu'il  n'en  reste  plus  que  de  maigres  fragments  épars  le  long  de  nos 
côtes. 

Aussi  fallut-il  songer  à  le  reconstituer.  Les  premiers  essais  ont  été 
très  coûteux  et  n'ont  donné  aucun  résultat  pratique.  Des  savants,  natu- 
ralistes et  océanographes,  ont  à  leur  tour  cherché  un  remède  à  la 
situation  et  ils  ont  trouvé  et  même  retrouvé,  pourrait-on  dire,  des 
procédés  connus  des  Romains,  il  y  a  dix-huit  cents  ans  et  dont  le  secret 
avait  été  perdu  depuis  lors. 

Une  nouvelle  industrie  a  remplacé  avantageusement  la  drague  et  on 
ne  procède  plus  guère  autrement  en  France.  Nos  principaux  centres 
d'exploitation  sont  :  Arcachon,  Marennes,  les  Sables  d'Olonne,  le  Mor- 
bihan, Tréguier,  Saint- Waast,  Gourseulles,  Étretat,  Boulogne,  etc. 
Rien  de  préférable  aux  rivières  à  marée  pour  la  culture  des  huîtres. 


(1)  Pareil  banc  existe  aux  États-Unis,  mais  une  législation  très  sévère  ayant 
veiUé  à  sa  conservation,  il  est  toujours  continu  le  long  des  côtes  américaines. 


—  230  — 


Ainsi  appelle-t-on  ces  estuaires  de  Bretagne,  véritables  petits  fjords  que 
les  eaux  de  l'Océan  viennent  immerger  et  abandonnent  successivement. 


VUE    P'UN    PARC   OSTREICOLE    DANS    LA    RIVIERE    I)  ETKL.     LES    l'UKMU;US    PLANS    SONT 

OCCUPÉS    PAR   DES    CA!SS:<;S    OSTRÉOPHILES  ;     DERRIERE     ET    AU-DESSUS    d'eLLE.S    EST    UN 

(4RAND    PARC   d'ÉTALAOE    CONTENANT    ENVIRON    DEUX    MILLIONS    d'hUÎTR-'IS. 

Quant  aux  petites  rivières  qui  s'y  déversent,  leur  débit  est  trop  maigre 
])Our  qu'elles  puissent  submerger  tous  ces  fjords.  Elles  apportent , 
j)araît-il,  l'eau  douce  en  proportion  voulue  et  font  de  ces  rivières  à 
marée  des  stations  ostréicoles  de  premier  ordre,  telles  sont  les  rivières 
d'Auray,  de  la  Trinité,  de  Tréguier,  etc. 

1  e  dragage  n'est  plus  autorisé  que  deux  jours  au  plus  par  an  et  pen- 
dant une  heure  seulement.  A  Tréguier  même,  on  ne  peut  draguer  qu'un 
seul  jour  de  l'année  et  seulement  pendant  quarante-cinq  minutes.  C'est 
un  curieux  spectacle  de  voir  ces  jours-là  la  flottille  rassemblée  de  ces 
innombrables  embarcations  (plus  de  huit  cents  à  Cancale)  qui  attendent 
le  signal  convenu,  un  coup  de  canon,  pour  profiter  de  la  permission. 
Un  autre  coup  et  c'est  fini  pour  l'année.  I  a  loi  est  stricte  à  cet  égard. 
Malgré  le  peu  de  temps  accordé  la  récolte  est  toujours  fructueuse,  à  en 


—  âîi  — 

juger  par  la  charge  excessive  de  beaucoup  de  ces  embarcations,  prêtes 
à  couler. 

Il  est  toujours  pei-mis  après  les  hautes  marées  de  recueillir  les  huîtres 
apportées  par  le  flot.  C'est  ainsi  que  les  Cancalaises  vont  de  temps  à 
autre  en  faire  une  maigre  récolte,  car  on  en  rencontre  ainsi  relative- 
ment peu. 

Vo3'ons  maintenant  comment  procède  l'industrie  ostréicole. 
'-  A  l'époque  où  les  huîtres  se  reproduisent,  elles  prennent  à  l'intérieur 
un  aspect  laiteux,  puis  le  liquide  blanchâtre  qui  lui  donne  cette  appa- 
rence, devient  gris  et  se  transforme  finalement  en  une  sorte  de  cendre 
constituée  par  une  infinité  de  petites  huîtres  (1).  A  un  moment  donné, 
par  un  effort  de  contraction,  l'huître  mère  rejette  violemment  hors  de 
ses  valves  tous  ces  embryons  qui,  munis  de  cils  vibratifs,  s'en  vont  à  la 
recherche  d'un  endroit  favorable  pour  se  fixer  à  leur  tour.  Tout  petits 
qu'ils  soient,  ils  n'en  sont  pas  moins  exigeants.  Il  leur  faut  un  endroit 
solide,f  propre,  sans  vase,  sans  parasites  et  calcaire.  C'est  ici  que  l'in- 
dustrie ostréicole  leur  vient  judicieusement  en  aide.  Il  a  fallu  faire  de 
nombreux  essais  pour  arriverjè  trouver  le  procédé  actuel. 
^  On  prend  et  juxtapose  des  tuiles  chaulées,  on  recouvre  cette  rangée 
d-'une  nouvelle  et  ainsi  de  suite,  de  façon  à  constituer  une  pile  de  20  à 
24  tuiles.  Un  gros  fil  de  fer  passé  successivement  dans  les  trous,  faits  à 
dessein  dans  chacune  d'elles,  permet  de  lier  fermement  la  pile  entière. 

Puis  profitant  d'une  marée  extrêmement  basse,  on  va  déposer  le  plus 
loin  possible  toutes  ces  piles  qui  forment  toutes  ensemble  des  sortes  de 
ruches.  Puis  des  grosses  pierres  sont  posées  par  devant  pour  qu'elles 
puissent  se  maintenir  en  place  pendant  tout  le  temps  de  l'immersion. 

La  pose  des  ruches  doit  être  faite  rapidement  et  en  temps  utile  : 
1°  rapidement,  car  on  ne  peut  disposer  que  de  deux  heures  tout  au  plus 
pendant  deux  ou  trois  jours  au  moment  des  syzygies  ;  2"  en  temps  utile, 
c'est-à-dire,  avant  le  moment  de  la  reproduction  des  huîtres,  cependant 
pas  trop  tôt,  car  les  tuiles  placées  dans  ces  conditions  seraient  vite 
occupées  par  des  animaux  parasitaires  ou  recouvertes  d'une  couche 
vaseuse.  L'expérience  a  démontré  que  ce  procédé  satisfait  pleinement 
à  toutes  les  exigences  des  jeunes  huîtres. 

Au  mois  de  Mars,  on  rentre  les  ruches  et  on  gratte  cha(iue  tuile  pour 


(1)  Ge.'i  se  passe  précisément  pendant  les  mois  sans  r.  Les  huîtres  sont  alors  pou 
agréables,  aussi  a-t-on  coutume  de  n'en  point  consommer  i)endant  cette  période. 


—  232  — 


en  détacher  les  huîtres  qui  peuvent  alors  avoir  au  plus  un  centimètre 
et  quart  de  diamètre.  On  en  a  compté,  par  exemple,  138  sur  un  déci- 
mètre carré. 


VUE  d'un  parc  dans  la  rivière  d'auray  contenant  des  collecteurs 

FORMÉS   de   tuiles   EN  TAS   OU   RUCHES. 

Ces  petites  huîtres  se  vendent  au  poids  aux  ostréiculteurs.  Comme 
elles  sont  encore  trop  faibles,  ceux-ci  les  mettent  dans  des  boîtes  grilla- 
gées (1)  pour  les  mettre  à  l'abri  de  leurs  ennemis,  dont  les  crabes  sont 
les  plus  sérieux.  Au  bout  d'un  an  il  n'y  a  plus  de  danger  à  les  aban- 
donner'dans  les  parcs  où  elles  continuent  à  se  développer. 

Un  fait  curieux  et  encore  inexpliqué  a  été  remarqué  par  les  ostréi- 
culteurs. Il  arrive  un  moment  oh  les  huîtres  s'arrêtent  dans  leur 
développement.  Pour  les  secouer  de  leur  torpeur,  il  faut  absolument 


(1)  Cela  demande  une  grande  mise  de  fonds,  car  il  en  faut  beaucoup   et  de  pi 
elles  se  détériorent  très  facilement  par  la  rouille. 


us 


—  233  — 

les  bousculer  en  les  remuant  violemment  et  ce  n'est  qu'après  cette  sorte 
de  coup  (le  fouet  que  la  croissance  continuera  à  se  faire. 

Les  huîtres  ont  des  ennemis.  Nous  avons  cité  le  crabe  très  expert  à 
les  vider  avec  ses  pinces.  Auti'es  ennemis  :  le  bigorneau  perceur  et  les 
étoiles  de  mer  leur  causent  beaucoup  de  tort.  Les  paysans  croyaient  en 
finir  avec  les  dernières  en  les  coupant  en  plusieurs  morceaux,  ils  les 
multipliaient  au  contraire.  Il  a  fallu  du  temps  pour  le  leur  faire  com- 
prendre. Il  faut  s'en  débarrasser  par  le  feu. 

Quand  les  parcs  s'envasent,  on  a  recours  à  quelques  bigorneaux  d'une 
espèce  particulière  qui  ont  vite  fait  de  nettoyer  les  huîtres.  Seulement 
quand  ce  résultat  est  acquis,  il  faut  s'empresser  de  les  retirer,  autre- 
ment nos  bigorneaux  n'ayant  plus  rien  à  faire  s'en  prendraient  aux 
huîtres  elles-mêmes. 

Dans  ces  parcs  les  huîtres  se  nourrissent  d'infusoires  à  en  gagner  une 
hypertrophie  du  foie.  Ceci  explique  les  malaises  d'estomac  que  peuvent 
causer  les  huîtres  absorbées  en  trop  grandes  quantités.  Ce  n'est  pas  un 
empoisonnement  comme  on  le  pourrait  croire,  le  pâté  de  foie  gras 
cause  les  mêmes  elTets. 

L(>s  huîtres  ne  sont  aucunement  dangereuses  par  elles-mêmes,  les 
acci(h:'nts  constatés  ne  sont  dus  qu'à  un  manque  de  soin  ou  parce  qu'elles 
ont  été  exposées  trop  longtemps  à  l'air  (1).  Il  faut  habituer  celles-ci  à 
rester  fermées  et  on  y  arrive  par  une  sorte  d'éducation.  Toutes  celles 
qui  veulent  s'ouvrir  sont  retirées  de  l'eau  quelques  instants  et  pareille- 
ment à  chaque  récidive.  Quand  elles  ont  constaté  à  leurs  dépens  l'incon- 
vénient de  rester  ouvertes,  elles  se  gardent  de  recommencer.  C'est  ce 
qui  se  fait  sur  toutes  les  côtes  de  la  Manche  et  de  l'Atlantique,  aussi  les 
huîtres  de  cette  provenance  savent-elles  voyager  constamment  fermées. 
Jamais  il  n'est  arrivé  quoi  que  ce  soit  avec  ces  huîtres  là. 

Ce  qui  a  motivé  la  campagne  menée  contre  les  huîtres  est  maintenant 
expliqué.  «Les  huîtres  ont  pullulé  en  ces  derniers  temps  dans  l'étang  de 
ïiiau.  Il  y  en  avait  des  épaisseurs  de  dix  à  douze  mètres.  On  a  dragué 
alors  avec  furie  et  les  sujets  pris  étaient  en  telle  quantité  qu'on  ne  savait 
les  écouler  assez  vite.  Des  huîtres  sont  restées  ainsi  assez  longtemps 
ouvertes  hors  de  l'eau,  d'autres  ont  été  mises  dans  le  port  de  Cette  où 


(1)  On  ne  devrait  point  non  plus  mettre  en  vente,  comme  cela  s'est  vu  quelquefois, 
des  huîtres  refusées  au  chemin  de  fer  par  le  destinataire  pour  cause  de  retard. 


2:34  — 


vient  déboucher  l'égout  collecteur  de  cette  ville.  Il  n'en  fallait  pas  tant 
pour  contaminer  les  huîtres,  et  c'est  ce  qui  a  causé  les  différents  cas 
obserA'és.  Il  ne  faut  pas  en  accuser  les  huîtres  (jui  n'ont  été  dans  le  cas 
que  les  véhicules  du  mal. 


VUE   D  UN   PARC   DE   LA   RIVIERE   D  AURAY   CONTENANT   DES   COLLECTEURS   A   PLATEAUX. 


Conclusion,  ne  mangez  des  huîtres  que  modérément  et  veillez  à  ce 
qu'elles  soient  toujours  bien  fraîches,  ce  sera  toujours  le  cas  des  huîtres 
qui  seront  restées  longtemps  fermées. 

Les  huîtres  vertes  sont  des  huîtres  ordinaires  soumises  à  un  engrais- 
sement spécial.  Cette  couleur  est  due  à  de  petites  diatomées  absorbées 
en  grande  quantité,  c'est  si  l'on  veut  une  marque  de  fabrique. 

Et  l'huître  d'Ostende  ?  Elle  n'existe  pas.  C'est  tout  simplement  une 
huître  de  Marennes,  d'Arcachon  ou  d'ailleurs  qui  a  séjourné  quelque 
temps  à  Ostende  dans  un  parc  quelconque.  Il  en  est  même  qui  n'ont  vu 
que  la  gare  d'Ostende.  L'huître  dite  d'Ostende  peut  se  préparer  partout. 


—  2:35  — 

Ses  valves  sont  jjolies  par  un  procédé  l)ion  simple  (jui  consiste  à  remuer 
souvent  à  la  pelle  les  huîtres  parquées.  Elles  s'usent  ainsi  par  frotte- 
ment les  unes  contre  les  autres  et  gagnent  ce  poli  qui  est  la  marque 
spéciale  de  ces  huîtres  de  provenance  française  tout  simplement. 

L'huître  portugaise  n'a  d'autre  valeur  que  celle  du  transport,  telle- 
ment cette  espèce  pullule.  Il  y  a  (juarante  ans,  il  n'}-  en  avait  point  sur 
nos  côtes.  Un  jour,  le  patron  d'un  bateau  qui  s'en  était  procuré  quel- 
ques-unes en  Portugal  les  rejeta  en  vue  de  nos  côtes  ne  les  trouvant 
plus  assez  fraîches  pour  sa  consommation.  Ces  quelques  huîtres  ont 
suffi  pour  donner  naissance  à  de  puissants  bancs  de  portugaises  sur  nos 
côtes.  Sans  doute  ,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  ces  huîtres 
médiocres  ne  peuvent  nuire  à  la  qualité  des  nôtres,  mais  elles  occupent 
inutilement  une  place  (jui  pourrait  être  mieux  utilisée.  Elles  empiètent 
par  ti'Oj)  sur  les  autres,  c'est  ce  qu'on  peut  leur  reprocher. 

M.  le  D""  Joubin  termine  eu  répétant  qu'il  y  a  en  France  52.000  conces- 
sions accordées  aux  veuves  d'inscrits  maritimes  ou  aux  marins  retraités 
et  déplore  à  ce  point  de  vue  la  campagne  injuste  menée  par  certains 
journaux.  Il  en  est  résulté  une  mévente  qui  a  nui  énormément  aux 
intérêts  de  tous  ces  braves  gens.  Leur  cause  méritait  d'être  défendue  et 
celte  réhabilitation  des  huîtres  par  M.  le  D*"  Joubin  a  été  hautement 
appréciée  et  saluée  par  de  nombreux  applaudissements. 

M.  Nicolle  termine  la  séance  par  ces  paroles  : 

Mesdames,  Messieurs, 

Vous  avez  entendu  ce  que  disait  S.  A.  S.  de  la  conférence  que  nous 
venons  d'entendre  et  du  talent  de  M.  Joubin. 

Je  ne  reviendrai  pas  sur  des  paroles  hautement  autorisées,  je  ne 
pourrais  que  les  affaiblir  en  tentant  d"y  ajouter  le  suffrage  d'un  profane. 

Je  demande  la  permission  à  notre  Président  de  ne  parler  encore  que 
dans  le  but  de  le  prier  d'accepter  un  témoignage  de  notre  reconnais- 
sance sous  la  forme  d'une  Médaille  qui,  par  la  date  qu'elle  porte,  le 
fera  se  souvenir  de  l'honneur  fait  par  lui  à  la  Société  de  Géographie  de 
Lille,  en  venant  prendre  la  première  place  dans  cette  séance  pour  nous 
mémorable. 


—  2:36  — 

IL 

Séance   du  Jeudi   14   Murs   1907. 


CALAIS 

SON  RÔLE  DANS  LES  RELATIONS  ÉCONOIYIIQUES  A  TRAVERS  LES  AGES 

Par  M.  LENNEL, 

Professeur  au  Collège  de  Calais. 


COMPTE     RENDU     ANALYTIQUE 


Calais  mérite  bien  toute  l'attention  des  personnes  qui  s'intéressent 
aux  questions  économiques.  Le  renouveau  d'entente  cordiale  remet  du 
reste  cette  ville  dans  l'actualité.  L'ancienne  pomme  de  discorde  est 
devenue  aujourd'hui  le  lien  des  deux  nations  voisines. 

Si  glorieux  que  fut  le  passé  de  Calais,  c'est  tout  de  même  le  passé  et 
nous  n'en  dirons  rien.  Nous  rappellerons  seulement  que  Calais  a 
d'abord  été  un  port  naturel.  Après  le  retrait  de  la  mer  quelques  lagunes 
restèrent  de  ce  côté  du  détroit,  quelques  pêcheurs,  disons  même  des 
pirates,  vinrent  s'établir  sur  les  bords  de  l'une  d'elles,  telle  est  l'origine 
de  Calais.  Ce  retrait  de  la  mer  est  dû  surtout  aux  ensablements  contre 
lesquels  les  Anglais  essayèrent  de  lutter  lors  de  leur  longue  occupation. 
A  notre  tour  nous  luttons  encore  pour  en  préserver  l'accès  du  port.  Les 
Anglais,  maîtres  de  Calais,  en  firent  un  grand  entrepôt  commercial. 
Toutes  les  laines  de  provenance  anglaise  y  passèrent.  Aussi,  vu  son 
importance,  avaient-ils  renforcé  notablement  les  premières  fortifications 
de  la  ville.  Ils  espéraient  la  conserver  à  jamais,  en  quoi  ils  furent  bien 
déçus  ! 

Au  XVIP  siècle  le  port  n'avait  guère  changé,  de  nouvelles  fortifica- 
tions remplaçaient  les  anciennes.  Il  existait  déjà  un  service  régulier 
pour  les  passagers  entre  la  France  et  l'Angleterre. 


237  — 


Au  cours  du  X VHP  siècle,  le  port  s'ensable  de  plus  en  plus,  mais 
Calais  fut  alors  négligé  pour  Dunkerque.  On  allongeait  toujours  les 
jetées  pour  parer  à  cet  inconvénient. 

A  la  Restauration,  le  port  était  toujours  exactement  le  même,  tou- 
jours la  même  crique  sans  eau  à  marée  basse.  Comme  le  trafic  s'accrois- 
sait sans  cesse,  on  songea  à  faire  de  nouveaux  bassins.  Vers  l'année 
1840,  on  divisa  à  cet  effet  la  crique  en  deux.  On  fit  en  outre  un  quai  de 
marée  pour  faciliter  à  toute  heure  l'embarquement  des  passagers  et 
marchandises  sur  les  paquebots. 


LA   GARS   MARITIME 


A  partir  de  18 i8,  le  nombre  des  passagers  commence  à  deveni'' 
mportant.  Déjà  le  port  paraissait  insuffisant.  C'est  en  181G  que  l'on  vit 
à  Calais  le  premier  bateau  à  vapeur  et  deux  ans  après,  il  y  eut  un 
service  régulier  assuré  par  les  nouveaux  paquebots  à  vapeur.  Plus  tard, 
on  voulut  rendre  la  traversés  confortable  et  l'on  songea  à  créer  de  nou- 
veaux types  contre  le  mal  de  mer.  Ou  vit  alors  des  paquebots  allongés 
et  surélevés  aves  salons  sas,)endiis  à  des  c'iaînes.  On  en  fit  màme  un 
ave3  deux  coques  accolées  et  des  salons  suspendus  entre  elles,  mais 
ces  systèmes^ n'ont  guère  eu  de  succès. 

VerSjl889  le  port  était  tellement  encombré,  de  bois  du  Nord  notam- 


—  2;is  — 

ment,  qu'il  fut  jugé  absolument  insuffisant.  Comme  le  tonnage  allait 
toujours  s'augmentant,  on  creusa  à  l'Est,  sur  l'ancien  front  des  fortifi- 
cations, après  déclassement,  un  port  magnifique  cette  fois.  Actuellement 
le  port  de  Calais  se  compose  d'un  chenal,  d'un  avant-port  divisé  en 
deux,  suivi  à  l'Est  par  le  bassin  Carnot  et  à  l'Ouest  par  l'ancien  que 
l'on  améliore  encore.  Quant  à  la  ville,  depuis  l'adjonction  de  Saint- 
Pierre,  elle  compte  aujourd'hui  65.000  habitants. 

L'accès  du  port  est  très  facile.  Il  n'y  a  pas  de  bancs  au  large  comme 
à  Dunkerque  ;  c'est  un  inconvénient,  car  de  pareils  bancs  détermine- 
raient une  rade  sûre  pour  les  navires.  C'est  d'autre  part  un  avantage 
puisqu'il  n'y  a  pas  de  détours  à  faire  j)0ur  éviter  ces  bancs  à  la  sortie  du 
chenal.  Il  existe  cependant  deux  seuils,  mais  il  y  a  toujours  assez  d'eau 
au-dessus,  six  à  huit  mètres,  pour  que  presque  tous  les  navires  puissent 
les  franchir  à  tout  moment.  Seuls  les  grands  steamers  doivent  ;  ttendre 
tout  au  plus  trois  heures.  Les  j^aquebots  n'ayant  qu'un  faible  tirant  d'eau 
n'ont  par  conséquent  pas  à  s'en  préoccuper.  En  somme,  ce  sont  des 
conditions  rem;irquables  pour  un  jiort  tel  que  Calais,  port  de  passage 
tout  indiqué  entre  la  France  et  l'Angleterre.  Calais  est  en  elfet  situé  à 
vingt-huit  kilomètres  de  Douvres  et,  comme  nous  l'avons  vu,  on  peut 
entrer  dans  son  port  à  toute  heure. 

Le  chenal  a  15')  mètres  de  largeur.  L'avant-port  a  le  long  de  la  gare 
maritime  570  mètres  de  quais  permettant  l'accès  des  paquebots,  quelle 
que  soit  la  hauteur  des  eaux.  Cinq  d'entre  eux  peuvent  donc  s'en  appro- 
cher en  même  temps.  La  Compagnie  du  Nord  en  possède  deux  «  Le 
Nord  »  et  le  «  Pas-de-Calais  ».  I  es  autres  sont  anglais  et  il  est 
reconnu  par  tous  les  passagers  que  les  paquebots  français  sont  les  plus 
réguliers.  Le  dernier  type  est  à  turbine.  Quant  à  la  durée  de  la  tra- 
versée, elle  a  été  notablement  abrégée.  Au  lieu  de  durer  sept  à  huit 
heures  comme  autrefois,  elle  n'est  plus  que  d'une  heure  en  moyenne 
(de  55  minutes  à  une  heure  10  minutes).  Ces  facilités  causèrent  une 
recrudescence  de  voyageurs.  On  en  voit  de  toutes  les  parties  du  monde. 
Les  Calaisiens  ne  purent-ils  pas  se  croire  un  jour  à  Bénarès  quand  ils 
virent  embarquer  une  longue  théorie  d'Hindous  se  faisant  suivre  de  leur 
Dieu  Bouddha  et  du  vase  de  cuivre  rempli  de  l'eau  du  Gange  ! 

Naturellement  le  confortable  ne  fut  pas  négligé  pour  satisfaire  les 
plus  difficiles.  Pour  accélérer  l'embarquement,  on  installa  une  grue 
électrique,  enlevant  d'un  coup  un  demi-wagon.  En  dix  minutes  tout 
est  prêt. 

En  somme,  Calais  est  un  port  naturel  de  passage,  «a  gare  maritime 


—  asu  — 


est  une  des  plus  confortables  qui  existent.  Si  les  percées  alpines  lui  on 
enlevé  la   malle  des  Indes  au  profit  d'Ostende,  ce  port  n'en  est  pa 


GRUE    DE   50   TONNES. 


moins  le  mieux  outillé  pour  le  service  des  voyageurs.  Des  voitures 
directes  pour  l'Espagne ,  Saint-Pétersbourg  et  Constantinople  s'y 
trouvent  toujours. 


Nombre  de  voyageurs  entre  Douvres  et  Calais  : 
En  1885  1890  1895  1900 


1906 


190.000        262.000        2.53.000        316.000        339.000 


Le  service  quotidien  entre  Douvres  et  Calais  est  souvent  dédoublé.  Il 
existe  encore  d'autres  services  réguliers  :  un  sur  Londres,  un  autre  sur 
HuU  et  enfin  un  dernier  sur  Leeds. 

Quelles  sont  surtout  les  marchandises  qui  passent  de  Calais  en  Angle- 
terre ?  Ce  sont  surtout  des  marchandises  de  luxe  ou  qui  exigent  un 
transport  rapide,  comme  par  exemple  les  primeurs,  les  fruits.  Or  toute 


—  240  — 

marchandise  de  ce  genre  qui  se  trouve  à  Calais  à  huit  heures  du  soir 
peut  être  vendue  le  lendemain  matin  sur  le  marché  de  Londres. 
On  expédie  ainsi  annuellement  en  Angleterre  par  le  port  de  Calais  : 

Volailles,  lapins,  etc 3.335.000  kilogs. 

Œufs 1.073.927      » 

Lait 1.000.000  litres. 

Légumes 630.000  kilogs. 

Fruits 5.243.000      » 

Vins  de  Champagne 2.000.000  bouteilles. 

En  outre  un  nombre  respectable  de  bouteilles  de  Bordeaux  et  de 
Bourgogne,  une  quantité  énorme  de  tissus  de  Roubaix  et  de  Tourcoing, 
des  dentelles  calaisiennes,  etc.  On  expédie  également  de  Calais  pour 
l'Angleterre  environ  40.000  tonnes  de  fourrage  chaque  année. 

Mentionnons  aussi  à  l'exportation  les  câbles  sous-marins  fabriqués  à 
Calais  même.  Cette  ville  possède  eu  effet  la  seule  usine  de  ce  genre  qui 
existe  en  France.  Le  procédé  d'embarquement  de  ces  câbles  est  assez 
original.  Ils  passent  directement  du  sous-sol  de  l'usine  voisine  à  la  cale 
du  navire  en  chargement  où  ils  s'enroulent  successivement. 

Pour  Liverpool  les  frets  sont  particulièrement  avantageux. 

Il  arrive  à  Calais  des  laines,  moins  cependant  qu'à  Dunkerque.  Ce 
sont  surtout  des  laines  qui  ont  été  vendues  aux  enchères  à  Londres.  Des 
lins  de  Russie  sont  parfois  arrivés  à  Calais. 

Pour  les  bois  du  Nord ,  c'est  au  contraire  le  premier  port  de 
France.  C'est  surtout  sur  le  quai  de  l'Est  qu'on  les  décharge.  On  importe 
ainsi  213.000  tonnes  de  bois,  dont  97.000  de  bois  régulier.  Or  Dun- 
kerque n'en  reçoit  en  tout  que  130.000  tonnes.  Tous  ces  bois  proviennent 
de  Russie,  de  Suède  et  de  Norvège. 

On  a  commencé  à  importer  les  pétroles  en  1904.  Quatre  réservoirs 
ont  été  construits  pour  les  recevoir.  Ces  tanks  peuvent  contenir 
ensemble  60.000  hectolitres. 

L'ancien  bassin,  celui  de  l'Ouest,  auquel  on  travaille  actuellement,; 
sera  essentiellement  réservé  pour  les  pétroles.  Dans  trois  mois  tout  sera 
en  état  et  une  usine  pour  le  traitement  de  ces  huiles  minérales  va  même 
être  créée  à  proximité. 

Le  nouveau  bassin  de  l'Est,  le  bassin  Carnot,  sera  donc  affecté  à 
presque  tout  le  trafic.  De  grandes  écluses  dont  les  lourdes  portes  sont 
mues  par  une  machinerie  hydraulique  spéciale,  y  donnent  accès.  Le  fait'; 


•^il 


que  le  croiseur  GiticJten  les  a  franchies  démontre  suffisamment  que  le 
bassin  Carnot  est  accessible  aux  grands  navires. 


||BBÎ)BI]BP53Pff^''?'*»'*"*'^""''J 


;  ttt 


LE    CROI.SKLK    GUICHKN    DANS    LKS    ECI.CSKS.    —    ARRIVEK    DK    M.    LOUBET. 

Le  bassin  Carnot  a  une  superficie  de  12  hectares  avec  1.500  mètres 
de  quais  et  60.000  mètres  carrés  de  terre-pleins.  L'outillage  est  un  des 
plus  modernes  et  des  meilleurs  qui  existent  en  France  ;  néanmoins 
malgré  toute  sa  perfection  il  est  encore  insuffisant.  La  plus  grande  grue 
est  de  40  tonnes.  Un  navire  de  3.300  tonnes  a  pu  être  déchargé  en 
93  heures,  ce  qui  est  déjà  remarquable. 

Calais  possède  une  belle  cale  de  radoub  qui  peut  satisfaire  les  plus 
difficiles. 

Pour  abriter  les  marchandises  de  toute  nature  qui  transitent-  par 
Calais  de  beaux  hangars  ont  été  construits  le  long  des  quais.  Le  liangar 
Fournier  est  fort  vaste,  il  a  une  superficie  de  8.000  mètres  carrés.  Il 
y  a  aussi  à  Calais  un  vaste  entrepôt  pour  les  sucres  qu'on  a  cherché  à 
grouper  là  surtout  pour  l'exportation.  Le  trafic  des  sucres  a  beaucoup 
baissé  par  suite  de  la  législation  nouvelle. 

Le  port  fluvial  est  aussi  de  quelque  importance.  On  y  embarque  des 
produits  agricoles,  des  bois,  des  charbons  de  Bruay,  de  Maries,  des 


16 


242 


matériaux  de  Lessines  et  de  Tournai,  etc.  En  somme  il  y  a  là  aussi  un 
trafic  très  important. 
Voici  le  mouvement  du  port  d'après  quelques  chiffres  officiels  : 


1895 


1900 


1906 


410.102      491.749      689.619  tonnes  (marchandises). 

2.111  2.188  2.267  navires. 

550.593      819.075      836.818  tonnage  des  navires. 

Eh  bien  !  Calais  n'est  pas  du  tout  ce  qu'il  devrait  être.  Trop  de 
préjugés  régnent  encore  sur  ce  port  !  Il  faudra  les  démolir  l'un  après 
l'autre. 


UN  DES  HANGARS.  —  ENTREPOT  DES  SUCRES. 


Nous  ajouterons  que  Calais  n'est  pas  un  grand  port  de  pêche.  C'est 
cependant  le  hareng  qui  fit  sa  fortune  première.  Calais  doit  cette  infé- 
riorité précisément  à  sa  grande  prospérité  industrielle.  On  y  gagne  à 
l'usine  de  si  beaux  salaires  que  la  pêche  est  jugée  fort  peu  rémunéra- 
trice. Il  faut  dire  aussi  que  le  prix  de  transport  du  poisson  sur  Paris  est 
trop  élevé.  Pour  une  mesure  de  harengs  valant  2  francs,  il  est  de 
0  îr.  95.  Dans  ces  conditions  il  est  impossible  de  lutter. 

De  Calais,  en  1905,  il  a  été  expédié  3.733.000  kilogs  de  poissons, 
dont  1.026.000  kilogs  sont  passés  par  le  minck. 


—  243  — 

La  ville  elle-même  se  divise  en  trois  parties  :  le  Courgain,  l'ancienne 
ville  et  la  nouvelle. 

Le  Courgain  est  le  quartier  des  pêcheurs  et  marins.  Sa  population  est 
vraiment  typique,  un  peu  rude,  mais  pourtant  très  honnête.  En  parcou- 
rant les  rues  de  ce  quartier  mal  odorant,  on  y  trouve  un  vague  air  de 
Marseille  ou  de  Naples. 

Quant  à  l'ancienne  ville,  elle  se  trouve  éclipsée  par  la  nouvelle,  dont 
la  renommée  est  légitimement  acquise.  Elle  la  doit  à  son  industrie  des 
tulles.  C'est  une  des  premières  villes  du  monde  sous  ce  rapport.  Il  en 
sort  des  produits  merveilleux  qui  rivalisent  avec  les  anciennes  dentelles 
à  la  main.  Les  machines  travaillent  rudement  mais  font  finement  les 
choses.  M.  Lennel  nous  donne  ici  d'intéressants  détails  sur  la  fabrica- 
tion des  tulles,  qu'à  regret  nous  sommes  forcés  d'écourter.  Nous  appre- 
nons ainsi  qu'un  bon  métier  vaut  de  25.000  à  30.000  francs  et,  détail 
curieux,  un  ouvrier  consciencieux  peut,  l'acquitter  en  trois  ans.  C'est 
que  les  salaires  sont  très  élevés  à  Calais.  Il  est  commun  de  gagner 
cinquante  francs  à  la  semaine.  Les  bons  ouvriers  vont  même  jusqu'à 
120  et  1.50  francs  par  semaine.  La  moyenne  journalière  est  de  10  francs 


ail£? 


.i^^Sc. ...  ■-■ .  -  -  ,-.^ 


LA   PLAGE   ET   LE   CASINO. 


à  Calais.  Il  n'est  pas  de  ville  où   il  soit  plus  facile  de  changer  de 
classe. 


—  244  — 

On  y  fait  pour  cent  millions  d'affaires  en  tulles.  On  en  a  exporté  en 
Amérique  pour  trente  millions  en  1905  et  quarante-cinq  millions  en 
1906.  Le  nombre  des  métiers  est  de  2.200,  des  ouvriers  30.000  et  des 
ouvrières  20.500,  tout  cela  réparti  en  59  usines  de  tulles  seulement.  Les 
propriétaires  d'usines  ne  sont  pas  eux-mêmes  fabricants,  ils  ne  font  que 
louer  des  places  et  la  force  motrice. 

Depuis  quelques  années  on  a  introduit  à  Calais  le  métier  à  broderies 
pour  concurrencer  Plauen  en  Allemagne  et  cela  a  déjà  donné  des  résul- 
tats très  appréciables. 

La  Maison  Yendroux,  de  Calais,  dont  les  biscuits  sont  si  estimés, 
confectionne  aussi  les  pâtes  alimentaires.  Elle  est  la  première  du  Nord 
pour  le  macaroni  et  le  vermicelle. 

De  la  plage,  située  près  de  l'ancien  fort  du  Risbau,  nous  dirons  peu 
de  chose.  Elle  manque  de  villas,  le  Génie  militaire  s'opposant  toujours 
aux  constructions  modernes,  comme  en  beaucoup  d'autres  endroits.  La 
plage  est  fréquentée  par  des  Anglais  et  les  Calaisiens  eux-mêmes. 
C'est  une  plage  de  famille  en  somme.  On  n'y  fait  point  de  luxe. 


Il  fallait  bien  dire  aussi  quelque  chose  de  la  grande  question  du  jour, 
du  tunnel  sous-marin.  Qu'en  pensent  les  Calaisiens  ?  Franchement  ils 
n'en  sont  pas  enthousiastes.  Ce  tunnel  ne  leur  dit  rien  qui  vaille  pour 
leur  port.  Cependant  ils  ne  sont  pas  assez  particularistes  pour  en 
empêcher  la  réalisation.  Ils  se  sacrifieront  au  besoin  pour  le  bien 
général. 

Les  Anglais  sont  loin  aussi  d'en  être  tous  partisans.  Certaines  de 
leurs  objections  sont  même  ridicules.  L'Angleterre  tient  à  sa  marine, 
elle  tient  à  sa  ceinture  d'argent.  Néanmoins  une  jonction  par  rails  ser- 
virait le  monde  entier.  Or  elle  peut  être  réalisée  aussi  par  les  Ferry- 
boats...  N'y  en  a-t-il  pas  qui  fonctionnent  parfaitement  sur  le  lac 
Michigan,  autrement  long  que  le  Pas-de-Calais.  Il  en  est  question  pour 
Calais,  non  pour  les  voyageurs  mais  pour  les  marchandises.  Toutes  les 
études  sont  faites,  les  capitaux  sont  réunis  et  les  Chambres  anglaises 
approuvent  ce  projet.  La  plus  grande  difriculté  réside  dans  l'embar- 
quement des  trains  sur  les  Ferry-boats.  Il  faut  qu'il  puisse  se  faire 
quel  que  soit  le  niveau  de  l'eau,  c'est-à-dire,  à  toute  heure  du  jour  ou 
de  la  nuit.  Or  il  existe  à  l'usine  de  Fives-Lille  un  projet  tout  préparé 


245  — 


qui  résoudrait  complètement  le  problème.  Le  tunnel  coûterait  quatre 
cents  millions  et  demanderait  plusieurs  années,  tandis  que  les  Ferry- 
boats  pourraient  fonctionner  dans  dix-huit  mois  et  à  moins  de  frais.  Ce 
système  serait  pour  le  port  préférable  au  tunnel  ;  c'est  le  sentiment  de 
la  Chambre  de  Commerce  de  Calais. 

Quel  que  soit  l'avenir,  nous  avons  tout  lieu  de  croire  qu'il  sera 
fécond  pour  Calais.  Son  rôle  historique  est  depuis  longtemps  terminé, 
il  est  maintenant  surtout  économique.  Il  y  a  là  pour  le  Nord  de  la 
France  un  grand  élément  de  prospérité  qu'il  suffit  seulement  d'utiliser. 


ECLUSES  DU  BASSIN  HE  BATELLERIE. 


La  conférence  de  M.  Lenuel  eut  ])eaucoup  de  succès.  Nul  mieux  que 
lui  ne  pouvait  traiter  ce  sujet,  car  nous  n'apprendrons  rien  à  personne 
en  disant  que  le  conférencier  a  fait  sur  ce  port  un  travail  important, 
hautement  apprécié  de  la  Chambre  de  Commerce  de  Cîalais. 


—  240  — 
III. 

Séance  du  Dimanche  i7  Mars  1907. 


m  VOÏAGE  AU  TRAVERS  DES  VOSGES  LORRAINES, 


'^"^'ENNES  ET  COMTOISES 


Par  M.  E.  COLUN, 

Secrétaire-Général  du  Syndicat  d'initiative  des  Vosges  et  de  Nancy. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


Les  Vosges  offrent  aux  touristes  les  plus  grandes  facilités.  Point  n'est 
besoin  de  guides  pour  les  visiter.  Partout  des  poteaux  indicateurs 
désignent  les  chemins  et  sentiers  à  suivre.  On  trouve  aux  meilleurs 
endroits  des  tables  d'orientation,  des  bancs,  des  chalets  forestiers  et  des 
belvédères.  x\ussi  les  Vosges  sont-elles  plus  hospitalières  que  jamais 
et,  à  cet  égard,  cette  région  aux  vieilles  mœurs  naïves  et  bonnes,  où  l'on 
sent  partout  le  bien-être  et  la  joie  de  vivre,  a  su  conserver  son  bon 
renom  d'autrefois. 

Avant  d'aborder  le  massif  vosgien  on  traverse  les  hauts  plateaux  de  la 
Faucille  et  du  Bassigny  dans  lesquels  se  creusent  de  verdoyantes 
vallées  et  d'où  jaillissent  les  sources  bienfaisantes  de  Vittel,  de  Gon- 
trexéville,  de  Martigny,  qui  donnent  des  eaux  minérales  froides,  de 
Bourbonne ,  de  Bains-les-Bains ,  de  Plombières ,  de  Luxeuil ,  qui 
donnent  des  eaux  minérales  d'une  température  variant  de  25  à  72°. 

Le  massif  vosgien  forme  un  immense  triangle.  Une  chaîne  de  granit 
à  l'Est  et  deux  chaînes  gréseuses  au  Sud  et  à  l'Ouest  en  dessinent  les 
trois  côtés.  Le  premier  s'étend  des  ballons  d'Alsace  et  de  Servance 
jusqu'au  Donon.  Sur  le  massif  des  Ballons  se  soude  le  deuxième  côté 
appelé  la  chaîne  des  Vosges  méridionales  ou  Grandes  Faucilles.  Quant 


247  — 


au  troisième  côté,  il  part  du  Donon  pour  aboutir  au  Noirmont,  un  des 
sommets  des  Grandes  Faucilles,  après  s'être  abaissé  et  relevé  successi- 


LK    PATINAGE    SUR   LE    LAC    DE    GERARDMKK. 


vement  pour  laisser  libre  passage  à  la  Meurthe,  à  la  Vulogne  et  à  la 
Moselle  qui  descendent  des  sommets  de  la  chaîne  de  l'Est. 

La  chaîne  granitique  est  la  plus  intéressante.  Ses  montagnes  sont  les 
plus  anciennes,  sinon  les  plus  belles  de  notre  chère  France.  Une  révo- 
lution unique  et  formidable  a  suffi  pour  les  former.  Elles  appartenaient 
au  même  massif  que  la  Forêt  Noire  avant  la  formidable  fracture  dans 
laquelle  la  large  vallée  du  Rhin  a  trouvé  place.  Le  versant  oriental  de 
la  chaîne  granitique  s'abaisse  subitement  en  pentes  abruptes  et  en 
escarpements  rocheux  qu'appuient  de  courts  contreforts,  tandis  que,  du 
côté  de  l'Ouest,  sur  le  versant  lorrain,  cène  sont  que  longs  contreforts, 
disposés  en  éventail  et  présentant  un  fouillis  de  sommets  et  de  vallées. 
Les  vallées  de  la  Meurthe,  de  la  Moselotte  et  de  la  Vologne,  affluents  de 
la  Moselle,  en  marquent  les  principales  divisions  comme  de  grandes 
artères  naturelles  où  viennent  encore  aboutir  d'autres  vallées  transver- 
sales. Aussi  monts  et  vallées  sont  tellement  enchevêtrés  sur  ce  versant 
lorrain  qu'il  y  a  là  pour  le  tourisme  un  champ  d'excursions  vraiment 
inépuisable.  Les  grandes  artères  étant  pourvues  de  bonnes  routes  et  de 
chemins  de  fer,  les  Vosges  sont  facilement  accessibles  en  toutes  leurs 
parties.  Le  relief  des  Vosges  est  profondément  accentué  et  de  vastes 
forêts  en  garnissent  les  pentes  tandis  que  les  crêtes  découvertes  et 
gazonnées  constituent,  au-dessus  des  forêts,  ce  que  l'on  appelle  la  zone 


—  248 


(les  Chaumes,  d'où  l'on  domine  et  découvre  le  massif  vosgien  vers  tous 
les  points  de  l'horizon. 

Suivons  d'ahord  la  vallée  de  la 
Meurthe  en  prenant  Nancy  comme 
point  de  départ.  La  capitale  de  la 
Lorraine  est  une  ville  de  science, 
d'art,  d'industrie  et  de  commerce; 
elle  est  une  des  plus  grandes  de 
France  et  passe  pour  une  des  plus 
jolies  de  l'Europe.  Elle  se  recom- 
mande assez  d'elle-même  sans  que 
nous  nous  y  arrêtions  davantage. 
Nous  allons  rencontrer  successive- 
ment a])rès  Lunéville rempli,  comme 
Nancy,  des  souvenirs  du  roi  Stanis- 
las de  Pologne  : 

Baccarat,  renommée  j)ar  sa  cris- 
t'illerie,  qu'il  n'est  malheureusement 
pas  permis  de  visiter. 

Raon-V Etape,  entre  les  côtes  de 
Repy  et  de  Beauregard  qui  marquent 
l'entrée  des  Hautes  A\)sges  et  du  bassin  supérieur  de  la  Meurthe.  Immé- 
diatement à  gauche  s'ouvre  la  belle  vallée  de  Celles,  arrosée  par  la 
Plaine,  affluent  de  la  Meurthe. 

Cette  admirable  vallée  est  bordée  à  l'Est  par  la  chaîne  du  Grand 
Brocart  et  à  l'Ouest  par  la  chaîne  de  Pierre  Percée.  Elle  se  termine  au 
massif  du  Donon.  Bientôt  un  chemin  de  fer ,  remplaçant  l'antique 
pa tache,  permettra  de  remonter  facilement  la  vallée  de  Celles  (1).  Bien 
qu'elle  ait  perdu  son  commerce  de  graines,  celui  des  bois  y  est  toujours 
fort  prospère.  Partout  de  nombreuses  scieries  débitent  les  arbres  des 
montagnes.  Quant  à  la  force  motrice  elle  ne  coûte  rien,  il  est  si  facile 
de  la  demander  aux  nombreux  cours  d'eau  qui  descendent  des  hauteurs  ! 
Remontant  le  cours  de  la  Plaine,  nous  rencontrons  : 

Celles-sur-Plaine,  d'où  l'on  va  voir  les  ruines  imposantes  d'une 
ancienne  forteresse,  Pierre  Percée,  ainsi  nommée  du  puits  profond  qui 


LE    LAC    DK    LA    MAIX. 


y  fut  creusé  dans  le  rocher. 


(1)  Le  chemin  de  fer,  d'une  longueur  de  25  kilomètres,  a  été  mis  en  exploitation 
eai  Juillet  1907. 


—  241)  — 

Allarmont,  Vexaincourt,  Liivigny,  aux  clochers  tous  construits 
sur  le  même  type  qui  caractérise  toute  la  vallée  de  Celles. 

Enfin  Raon-sur-Plahie  et  Raon-les-Léaii,  près  de  la  frontière  et  que 
nous  avons  pu  conserver,  non  sans  de  grands  efforts  de  diplomatie. 
L'exploitation  forestière  y  est  très  active. 

La  route  de  Raon-sur-Plaine  à  Schirmeck  en  Alsace,  par  le  col  du 
Donon,  a  été  en  1870  une  des  grandes  routes  de  l'invasion.  On  la  suit 
pour  faire  l'excursion  du  Donon.  Du  col  au  sommet  du  Donon  on  compte 
une  heure  de  marclie.  En  un  certain  endroit  avant  de  l'atteindre,  on 
peut  y  voir  Lien  tranché,  la  démarcation  entre  les  Vosges  granitiques  et 
les  A^osges  gréseuses. 

Les  Gaulois  ont  habité  de 
part  et  d'autre  du  Donon,  son 
nom  celtique  l'indique  suffi- 
samment. On  a  trouvé  sur  son 
sommet  des  restes  de  cons- 
tructions romaines,  dont  une 
partie  se  trouve  encore  réunie 
en  un  petit  temple  élevé  en  cet 
endroit,  tandis  que  le  reste  a 
AU  SOMMET  DU  DONON.  ^té  trausporté  au  musée  d'È- 

pinal. 
Pour  retourner  à  la  Meurthe,  prenons  la  vallée  du  Rabodeau,  qui 
est  aussi  un  de  ses  affluents.  Du  col  du  Donon  à  la  maison  forestière  du 
P)'ayè^  il  faut  marcher,  car  il  est  impossible  de  circuler  soit  en  voiture, 
soit  à  bicyclette  sur  le  chemin  abrupt  et  mauvais. 

De  Frayé,  il  n'y  a  plus  qu'à  descendre  le  cours  du  Rabodeau.  Non 
loin  de  Frayé  se  trouve  le  joli  petit  lac  de  la  Maix,  situé  au  milieu 
d'une  immense  forêt.  La  chapelle  élevée  sur  ces  rives  est  un  lieu  de 
pèlerinage  très  célèbre.  On  y  invoque  une  Vierge  noire  pour  en  obtenir 
la  pluie  en  temps  de  sécheresse  ou  du  soleil  en  remplacement  des  pluies 
diluviennes. 

Le  Rabodeau  passe  ensuite  à  Moiissey,  d'où  l'on  aperçoit  un  sommet 
isolé,  le  Mont,  rappelant  un  peu  les  dômes  d'Auvergne,  seul  exemple 
dans  les  Vosges. 

Flus  bas  se  trouvent  Sènones^  Moyenmoutier,  Étival,  dont  les  mo- 
nastères étaient  autrefois  célèbres.  Aujourd'hui,  sauf  les  églises  restées 
affectées  au  culte,  leurs  bâtiments  ont  été  transformés  en  établissements 
industriels.  On  y  travaille  la  laine  et  le  coton. 


250 


N'oublions  pas  de  mentionner  la  petite  vallée  des  Ravines,  entre 
celles  de  la  Plaine  et  du  Rabodeau.  Il  y  règne  une  solitude  profonde, 
le  silence  y  est  absolu  pour  peu  qu'on  s'éloigne  des  quelques  scieries 
établies  en  cette  vallée. 

Revenus  à  la  Meurthe  ,  nous  la  remonterons  jusqu'auprès  de  sa 
source. 


LK    CLOITRK    DK    SAINT-IllE. 


Saint-Dlé  se  pi'ésentera  tout  d'abord  à  nous.  C'est  un  joli  centre 
d'excursions.  Son  cloître  ogival,  sa  cathédrale  et  une  petite  église  de 
style  roman  méritent  une  visite.  Sur  la  place  principale  s'élève,  devant 
sa  maison  natale,  la  statue  de  Jules  Ferry. 

Fraize  est  un  centre  commercial  et  industriel  important  au  delà 
duquel  la  vallée  de  la  Meurthe  prend  le  nom  de  vallée  du  Valtin.  Ici 
se  terminent  les  Vosges  industrielles  et  commencent  les  Vosges 
agrestes  et  pastorales.  La  végétation  est  des  plus  luxuriantes  aux  alen- 
tours du  Valtin,  qui  réunit  tout  ce  qu'on  peut  désirer  dans  le  domaine 
de  la  nature  pour  devenir  une  station  estivale  de  cure  d'air. 

Au  Grand  Valtin  se  termine  la  vallée  de  la  Meurthe.  Il  n'y  a  plus 
qu'à  franchir  à  l'Ouest  la  crête  du  massif  de  Sérichamp  pour  descendre 
à  Gérardmer.  Pendant  la  descente  on  jouit  d'une  belle  vue  sur  le  lac 
de  Longemer  que  traverse  la  Vologne  venue  du  lac  de  Retournemer, 
en  aval  de  la  cascade  de  Charlemagne.  D'après  les  légendes  du  pays, 
le  grand  Empereur  aimait  beaucoup  à  chasser  et  à  pêcher  dans  ces 
parages. 

On  franchit  ensuite  le  Saut  des  Cuves  oîi  l'on  voit,  non  loin  de  la 
Pierre  de  Charlemagne,  la  Vologne  se  précipiter  en  mugissant  entre  de 


—  251  — 

sombres  rochers  et  l'on  arrive  en  remontant  la  Jamagne,  affluent  de  la 
Yologne,  à  Gérardmer  «  la  perle  des  Vosges  ». 


iEKAKUMKH. 


C'est  un  grand  centre  de  villégiature,  agréaljlement  situé  sur  le  lac 
du  même  nom.  De  nombreuses  villas  ont  été  élevées  sur  ses  rives.  Là 
.se  trouve  le  nouveau  Gérardmer  opposé  à  l'ancien.  Les  Géromois  des 
temps  passés  croyaient  beaucoup  aux  sorciers  et  jalousaient  quelque 
peu  leurs  voisins  les  Valtinais. 


LA  VOLOGNE   A   KICHOMPRE. 


Nombreuses  sont  les  excursions  à  faire  aux  environs. 

Ramberchamp ,  non  loin  du  lac ,  où  l'on  va  entendre  un  écho 
célèbre,  dont  on  apprit,  par  l'abbé  Grégoire,  le  célèbre  conventionnel, 
qu'il  savait  toutes  les  langues. 


252  — 


La  Bresse,  dans  la  vallée  de  la  Moselotte,  où  l'on  parvient  de 
Gérardmer  par  le  col  de  Grosse  Pierre.  Cette  localité  originale,  fort 
jalouse  autrefois  de  son  indépendance,  n'était  soumise  qu'à  la  juridic- 
tion de  sa  municipalité  qui  avait  le  droit  de  justice  sans  appel.  Ses 
juges-paysans  ne  manquaient  pas  d'à-propos.  Un  jour,  un  avocat  venu 
de  Remiremont  ayant  voulu  leur  en  imposer  en  multipliant  les  citations 
latines,  ils  le  frappèrent  d'une  amende  et  remirent  l'alïaire  à  huitaine 
pour  lui  donner  le  temps  d'apprendre  à  plaider  en  français. 

En  remontant  les  vallées  qui  aboutissent  à  la  Bresse  on  atteint  des 
gorges  profondes  entre  des  hauteurs  presque  inaccessibles.  Dans  une 
de  ces  gorges  se  trouve  le  joli  petit  lac  de  Lispach  ;  dans  une  autre,  le 
lac  de  Blanchemer.  Si  l'on  suit  en  amont  de  la  Bresse,  la  vallée  la 
plus  importante ,    qui  porte  le  nom   de  vallée  de  Vologne  et  dans 

kuiuelle  coule  la  Moselotte,  on 
rencontre  bientôt  un  ruisselot  qui 
estpe  déversoir  du]  lac  des  Cor- 
])eaux.  Un  chemin  forestier  con- 
duit à  travers  laiforêt  au  lac  des 
Corbeaux,  qui  est  le  plus  élevé 
(les\A^osges  et  qui  en  forme  un 
des  plus  beaux  sites.  De  là,  on 
peut  i)ar  la  Vieille  Montwjne 
et  le  col  de  P)ramont  atteindre  la 
ligne  des  crêtes  et  des  Hautes 
Chaumes  qui  conduit  au  Hoimeck 
et  à  la  Schlucht. 

Ce  Hohneck ,  s'il    n'est 
point  le  plus  haut  sommet 
des  Vosges,  en  est 
véritablement       le 
roi.    De  ses  vastes 
flancs    s'épanchent 
vers      les      quatre 
points  cardinaux  la 
Meurthe,  la  Mose- 
lotte, la  Vologne  et 
la  Fecht.  Son  sommet  domine  les  Hautes  Cfiaumes  situées  entre  le  Ro- 
tlienbach  et  le  col  de  la  Schlucht.  Il  ne  faut  pas  manquer  de  parcourir  au 
moins  en  partie  la  ligne  des  Chaumes,  région  sereine  par  excellence  où 


LE    TUNNKI>   DK    LA    ROCHE    DU    liL\BLE. 


—  2:y.^ 


—  254  — 

l'on  jouit  à  chaque  pas  de  toute  la  splendeur  des  horizons.  C'est  la  terre 
bénie  des  botanistes  qui  peuvent  y  faire  ample  moisson.  Les  Hautes 
Chaumes  sont  recouvertes  d'une  masse  spongieuse,  faite  de  mousses  et 
de  gazon,  toujours  imprégnée  d'eau.  On  y  enfonce  parfois  une  canne 
dans  toute  sa  longueur  sans  trouver  la  moindre  résistance.  De  Mai  à 
Septembre  les  Chaumes  sont  habitées  par  des  pâtres  chargés  d'y  sur- 
veiller les  troupeaux  qu'ils  y  ont  amenés.  Ces  pâtres  portent  le  nom  de 
marcaires.  Ils  logent  en  des  chalets  bas,  faits  de  planches,  où  ils 
confectionnent  les  fromages  de  Géronié  et  de  Munster.  En  hiver,  ces 
chalets  disparaissent  sous  des  amoncellements  de  neige  et  il  n'y  a  guère 
alors  de  lieux  plus  propices  pour  les  sports  usités  en  cette  époque  de 
l'année  :  le  ludje  et  le  ski. 

En  suivant  la  crête  vers  le  Nord  on  atteint  la  Schlucht,  ancien  col 
étroit  fréquenté  seulement  autrefois  par  les  contrebandiers  et  les 
schlitteurs.  Une  nouvelle  route  y  a  été  aménagée,  réunissant  les  deux 
versants,  et  parcourue  aujourd'hui  par  des  tramways  électriques  entre 
Gérardmer  et  Munster  en  Alsace. 

Au  delà  de  la  Sohlucht,  les  Chaumes  reprennent  pour  se  poursuivre 
jusqu'au  col  du  Bonliomme.  Le  Thanet  les  domine.  Par  elles,  on  se 
rendra  au  lac  Noir  et  à  son  voisin,  le  lac  Blanc,  si  joli  dans  son  enca- 
drement de  rochers. 

La  vallée  d'Orbey,  toute  proche,  mérite  également  une  visite.  Deux 
petites  villes  alsaciennes  très  curieuses  s'y  trouvent,  ce  sont  les  antiques 
cités  de  Kaisersberg  et  de  Ribeauvillé.  De  belles  ruines  témoignent  de 
leur  splendeur  passée.  Kaisersberg  fut  une  ville  libre  et  Ribeauvillé  au 
caractère  antique  si  caractérisé,  est  formé  de  trois  villes  voisines  ayant 
eu  chacune  leur  enceinte  particulière.  Les  seigneurs  de  Ribeauvillé 
possédaient  sur  les  hauteurs  voisines  les  trois  châteaux  de  Saint-Ulrich, 
de  Girsberg  et  de  Hohrappolstein,  dont  les  ruines  sont  remarquables. 
Les  deux  premiers  sont  séparés  par  un  précipice.  On  raconte  que  deux 
frères  habitaient  l'un  le  Girsberg  et  l'autre  le  Saint-Ulrich.  Ce  dernier^ 
pour  réveiller  son  frère  avait  coutume  de  lancer  une  flèche  dans  un 
volet  de  son  appartement.  Or  il  arriva  qu'un  jour  le  seigneur  de  Girs- 
berg, réveillé  de  bonne  heure,  eut  la  malencontreuse  idée  d'ouvrir  son 
volet  au  moment  où  la  flèche  y  parvenait  et  fut  tué  sous  le  coup. 

Allez  dans  les  Vosges  où  vous  attendent  des  spectacles  inoubliables 
et  parfois  grandioses.  Allez  vous  réjouir  de  la  vue  de  ces  beaux  lacs, 
de  ces  sombres  forêts,  de  ces  jolies  vallées  et  respirer  à  pleins  poumons 
sur  ces  hautes  Chaumes  qu'on  ne  saurait  trop  vanter.  Vous  vous  sen- 


—  255 


tirez  heureux  de  vivre  quelque  temps  au  milieu  de  ces  Lorrains  si 
fidèles  et  si  attacliés  au  sol  natal  et  il  vous  sera  en  même  temps,  comme 
vous  l'avez  vu,  fort  facile  d'aller  saluer  au  delà  de  la  frontière  d'autres^ 
amis  encore,  nos  frères  d'Alsace. 
A  eux,  notre  dernière  pensée  ! 


LE    THEATRE    PU    PEUPLE    A   BUSSANG. 


IV. 


Séance  du  Jeu'H  21  Mars  1907. 


A   TRAVERS    LA   CHINE 

MŒURS,  COUTUMES,  SITES  ET  MONUMENTS 

Par   M.    Lucien   TIGNOL, 

Chargé  de  Missions. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  Lucien  Tignol  prévient  tout  d'abord  son  nombreux  auditoire  qu'il 
n'eut  en  Chine  aucune  aventure  sensationnelle  et  se  demande  même  ce 


—  250 


qu'il  pourrait  bien  dire  de  ce  pays  si  souvent  découvert  et  si  remar- 
quable jusqu'à  présent  par  sa  fixité  et  son  inaltérable  immuabilité. 
Laissant  volontairement  de  côté  toute  question  politique,  il  se  contente 
de  nous  parler  de  la  Chine  au  point  de  vue  pittoresque.  Sa  conférence 
fut  goûtée  de  tous  et  trouvée  fort  intéressante. 

Sur  la  route  de  Chine,  de  Marseille  à  Chang-Haï,  M.  Lucien  Tignol 
passe  très  rapidement.  Quelques  escales  cependant  méritent  une  men- 
tion particulière  ;  ainsi  Sin!jax>ou)'  offre  déjà  au  voyageur  européen  un 
premier  aperçu  du  monde  chinois.  Beaucoup  de  Célestes  sont  venus  s'y 
fixer  et  l'on  peut  s'y  faire  une  iilée  juste  de  ce  qu'est  l'immigration 
chinoise. 

Hong-Kong,  ville  située  sur  un  îlot  rocheux  et  montagneux,  a  été 
totalement  transformée  par  les  Européens.  On  y  est  en  Extrême- 
Orient  et  cependant  on  se  croirait  encore  à  Londres.  Tout  le  confort 
moderne  existe  eu  cette  ville,  rien  n'y  manque. 

Remontant  ensuite  le  cours  du  Si-Kiang,  nous  arrivons  à  Canton, 
capitale  du  Kouang-Toung,  ville  qui  fut  longtemps  indépendante  et 
dont  l'aspect  est  extrêmement  original.  Dos  milliers  de  gens  naissent, 
vivent  et  meurent  sur  ces  bateaux  qui  encombrent  la  rivière  de  Canton. 


CNE   FABRIQL'K    HK    POTEUIKS    A    KINNTETCHKN. 


C'est  un  fouillis  inouï  de  sampans  au  travers  duquel  il  est  bien  difficile 
de  se  faire  un  passage.  La  concession  européenne  se  trouve  sur  l'île  de 


—  257  — 

Chamine.  Par  sa  propreté,  elle  forme  vraiment  contraste  avec  la  ville 
chinoise  aux  rues  étroites  et  tortueuses.  Les  étalages  n'y  sont  guère 
brillants.  Les  enseignes  constituent  le  seul  luxe  des  boutiques  de 
Canton.  Rien  qui  tente  les  acheteurs.  On  fait  dans  cette  ville  des  articles 
de  soie  et  toutes  sortes  de  bibelots.  Tout  cela  ne  sort  pas  de  grandes 
usines,  mais  de  simples  ateliers  familiaux.  Le  Chinois  est  actif  et  indus- 
trieux et  un  peu  de  riz  lui  suffit.  Quelques  fonderies  existent  à  Canton. 
Nos  compatriotes  y  sont  peu  nombreux,  sept  ou  huit  seulement;  tou- 
tefois ils  font  un  chiffre  d'affaires  fort  important.  L'école  Pichon  et  une 
mission  catholique  fi-ançaise  sont  aussi  installées  à  Canton.  Les  popu- 
lations du  Sud  de  la  Chine  sont  un  peu  bruyantes  et  la  ville  est  parfois 
visitée  par  d'audacieux  pirates.  Que  serait-ce  si  elle  n'avait  point  son 
vice-roi,  qui  sait  se  montrer  très  énergique  à  leur  égard  ! 

Nous' pénétrons  ensuite  dans  le  Fo-Kien,  province  la  plus  originale 
par  ses  mœurs.  Fou-Tchéou,  sa  capitale,  est  une  ville  moins  impor- 


VUE    DE    LA    I'AItUHE    de    L  arsenal    de    FOU-TCHEOU. 


tante  que  Canton.  Notre  commerce  n'y  est  aucunement  représenté. 
Cette  ville,  justement  renommée  pour  ses  laques,  possède  une  «îcole  de 
français  et  un  arsenal,  dit  l'arsenal  français  pour  la  part  que  nous 
avons  prise  à  son  érection.  A  Fou-Tchéou,  les  excursions  sont  nom- 
breuses. On  va  surtout  visiter  le  grand  couvent  boudhique  de  Kushan. 
Pour  s'y  rendre,  il  faut  suivre  des  talus  de  terre  gluante  élevés  entre  de 
nombreuses  rizières.  On  passe  parfois  sous  certains  portiques  élevés  en 

17 


—  258  — 

l'honneur  de  veuves  fidèles.  Elles  ne  sont  pas  rares  en  Chine.  L'ascen- 
sion de  la  montagne  sur  laquelle  s'élève  le  fameux  couvent  est  fort 
pénible  pour  les  porteurs  de  chaise  auxquels  ont  recours  les  Européens. 
Au  sommet  tout  y  respire  la  fraîcheur,  c'est  vraiment  un  endroit  propre 
à  la  méditation.  Les  bonzes  sont  des  plus  accueillants.  Après  avoir 
porté  quelque  attention  à  l'étang  sacré  du  monastère,  on  visite  surtout 
le  temple  où  l'on  peut  voir  un  Bouddha  gigantesque,  toute  une  kyrielle 
de  dieux  alignés  et  le  fameux  poisson  contre  les  femmes  stériles. 

Enfin  nous  voici  à  CJiang-Haï,  sur  la  large  rivière  de  ce  nom,  où  se 
renconti-ent  des  navires  de  toutes  les  nations.  La  ville  possède  plusieurs 
kilomètres  de  quais,  de  beaux  hôtels  modernes.  Rien  n'y  manque,  pas 
même  les  automobiles  qui  écrasent  tout  aussi  bien  que  chez  nous  de 
malheureux  mortels.  On  paie  78  francs  par  Chinois  écrasé,  c'est  le 
tarif  adopté  là-bas.  Ceux  qui  viennent  à  Chang-Haï  pour  voir  M  Chine 
sont  franchement  déçus.  De  riches  Chinois  ne  craignent  point  là  du 
moins  d'afficher  un  luxe  inouï.  Ils  ont  bâti  de  beaux  hôtels  sur  des 
terrains  qu'ils  se  sont  empressés  d'acquérir  à  cet  effet.  Cependant  la 
Chine  s'y  reconnaît  à  certains  détails.  On  peut  y  rencontrer  ainsi  la 
brouette  chinoise  et  les  chanteuses  de  rues  y  montrent  toujours  leurs 
petits  pieds.  Malgré  tous  les  édits  cette  mode  barbare  existe  encore  par- 
tout, sauf  à  Canton.  On  ressent  toujours  une  impression  douloureuse 
à  voir  marcher  les  victimes  de  cette  ancienne  coutume.  Les  pieds  ne 
sont  guère  changés  ainsi  en  lys  d'or,  comme  c'est  en  Chine  la  croyance 
populaire.  La  ville  chinoise  de  Chang-Haï  est  sale  et  repoussante.  Sur 
la  place  principale  se  trouve  une  mare  où  les  habitants  vont  puiser  leur 
eau  d'alimentation.  Près  de  ce  soi-disant  lac  se  trouve  une  célèbre 
maison  de  thé.  Il  règne  toujours  tout  autour  une  animation  de  véritable 
foire.  Chang-Haï  possède  un  collège  des  Jésuites,  un  observatoire  et  un 
champ  de  course  modèle. 

De  Chang-Haï  partent  de  nombreux  bateaux  pour  remonter  le  Yang- 
Tse-Kiang.  Plusieurs  Compagnies  chinoises ,  allemandes ,  anglaises, 
japonaises  et  une  française  desservent  une  partie  des  villes  baignées 
par  ce  fleuve,  qui  n'a  pas  moins  de  5.300  kilomètres  de  longueur,  dont 
3.000  sont  navigables.  Le  Yang-Tsé-Kiang  ou  fleuve  Bleu,  dessert  un 
riche  bassin.  Ses  bords  sont  fertiles.  Il  est  le  fleuve  bienfaisant,  tout 
l'opposé  du  Houang-Ho  (fleuve  Jaune),  le  dévastateur  par  excellence. 

En  remontant  le  Yang-Tsé-Kiang ,  nous  rencontrons  Nankin , 
ancienne  capitale  de  la  Chine,  bien  déchue  maintenant.  On  ne  sait  même 
plus  où  fut  l'emplacement  de  sa  fameuse  tour  de  porcelaine.  C'est  de  là 


—  251)  — 


que  l'on  se  rend  au  tombeau  des  Ming.  Un  chemin  étroit  et  dallé,  aux 
coudes  parfois  fort  brusques  y  conduit.  Une  tortue  symbolique  sur- 


SUR   LE    HOUANG-HO    (FLEUVE    JAUNE)    CONSTRUCTION    d'uN    PONT    DE    3   KILOMÈTRES 
PAR   LES   INGÉNIEURS   FRANÇAIS   DE    LA   LIGNE   FRANCO-BELGE. 


montée  d'une  stèle  en  marque  le  commencement.  Des  animaux  grossiè- 
rement taillés,  tels  que  lions,  dromadaires,  etc.,  se  trouvent  deux  par 
deux  et  se  faisant  face,  de  distance  en  distance,  le  long  de  cette  route.  A 
ces  animaux  font  suite  des  statues  géantes  de  guerriers.  Quant  au  tom- 
beau lui-même,  il  est  plutôt  en  ruine. 

Les  paysages  du  Yang-Tsé  sont  vraiment  merveilleux.  Parfois  des 
chaînes  de  montagnes  en  viennent  resserrer  les  rives.  Quelques  som- 
mets sont  couronnés  de  forts  modernes  munis  de  canons  Krupp.  Un 
peu  avant  d'atteindre  le  déversoir  du  lac  Poyang,  on  rencontre  le  Petit 
Orphelin,  aiguille  rocailleuse  très  pittoresque  de  60  mètres  d'élévation, 
fichée  au  milieu  du  fleuve.  Un  peu  plus  loin  sur  l'une  des  deux  rives,  en 
face  de  l'émissaire  du  lac  Poyang  se  trouve  le  Grand  Orphelin,  autre 
rocher  non  moins  curieux  à  contempler.  Un  peu  plus  en  amont  se 
trouve  Kiu-Kiang.  Le  lac  et  ses  affluents  amènent  au  Yang-Tsé  tous  les 
produits  de  la  riche  province  du  Kiang-Si. 

Nanchang,  capitale  de  cette  région,  est  une  ville  assez  propre,  entourée 
de  hautes  murailles.  Il  y  a  là  une  mission  des  Lazaristes  très  impor- 
tante. Elle  fut  très  durement  éprouvée  et  cela  d'une  façon  imprévue. 
Ses  relations  avec  les  autorités  étaient  excellentes  quand  tout  d'un  coup 


200  — 


un  revirement  se  produisit  et  des  massacres  s'ensuivirent.  Ce  peuple 
chinois  est  toujours  énigmatique.  La  Chine  ne  semble  désirer  ni  notre 
civilisation,  ni  nos  progrès.  La  force  seule  la  tient  en  respect  et  cepen- 


LES   MURS   DE   NANCHANG. 


dant  l'Allemagne  propose  le  retrait  des  troupes  européennes  !  Comme 
Nanchang,  King-te-tchin  est  en  communication  avec  le  Yang-Tsé  par  le 
lac  Poyang.  Cette  localité  est  le  centre  de  la  fabrication  de  la  porce- 
laine. Elle  n'occupe  plus  maintenant  que  300.000  ouvriers,  ce  qui  est 
encore  quelque  chose.  Il  régna  chez  eux  dernièrement  une  grande 
effervescence.  Ils  ne  se  plaignaient  pas  des  salaires,  mais  du  riz.  Ils 
brisaient  tout  et  c'est  alors  que  pour  faire  diversion  on  les  excita  contre 
les  étrangers.  Les  ateliers  n'ont  rien  de  luxueux. 

Le  rôle  de  la  femme  en  Chine  est  assez  difficile  et  présente  une  étrange 
contradiction.  Ainsi  le  fils  vénère  sa  mère,  mais  parlant  de  son  épouse 
il  dira  :  «  ma  puante  compagne  »,  ou  encore  :  «  il  faut  écouter  sa  femme 
et  ne  pas  la  croire  ».  Le  mari  peut  renvoyer  sa  moitié  pour  en  prendre 
une  autre.  Cependant  les  femmes  ne  sont  pas  malheureuses  et  il  n'est 
pas  rare  que  des  veuves  se  suicident.  Les  enfants  sont  gais  et  rieurs. 
Les  garçons  reçoivent  des  noms  de  ce  genre  :  Olivier  qui  va  fleurir, 
Mérite  naissant,  etc.  ;  les  filles  :  Parfum  rare,  Lune  argentée,  etc.  Ces 
dernières  ne  sont  pas  aussi  souvent  abandonnées  qu'on  veut  bien  le  dire. 
On  a  exagéré  et  les  nombreux  cadavres  trouvés  sur  les  routes  étaient 
simplement  les  dépouilles  de  filles  de  famille  pauvre  abandonnées  après 


—  mi  — 

leur  décès,  la  coutume  étant  chez  les  déshérités  de  la  vie  de  ne  pas 
enterrer  leurs  morts. 

Continuant  de  remonter  le  Yang-Tsé,  on  rencontre  le  centre  de  Han- 
kéou,  dont  l'importance  s'est  accrue  depuis  qu'un  chemin  de  fer  relie 
cette  ville  à  Pékin.  La  nouvelle  ligne  qui  s'étend  sur  1.200  kilomètres 
traverse  des  plaines  très  fertiles.  Les  Chinois  sont  vraiment  de  grands 
agriculteurs.  Ils  transforment  leurs  champs  presque  en  jardins.  Ils  ont 
vite  compris  l'utilité  d'un  chemin  de  fer  dans  un  pays  où  toutes  les 
routes  sont  en  mauvais  état.  Aussi  les  trains  franco-belges  sont-ils  tou- 
jours bondés.  Le  grand  obstacle  à  l'établissement  de  cette  ligne  fut  le 
capricieux  Hoang-Ho  qu'un  pont  de  3.100  mètres  franchit  maintenant. 
Des  cimetières  chinois  ont  souvent  obligé  la  voie  ferrée  à  des  détours. 
Elle  passe  près  d'un  parc  impérial  très  curieux.  C'est  là  que  l'on  voit  de 
ces  arbres  torturés  comme  les  aiment  les  Chinois  et  cçs  ponts  inutiles, 
simplement  édifiés  pour  l'ornementation,  et  autres  marques  d'un  goût 
particulier. 


UNE    DES    PORTES    DE    LA    VILLE    CHLNOLSE    A    PEK!N. 


Pékin,  la  capitale  de  l'empire,  se  compose  de  trois  villes  distinctes  : 
la  ville  chinoise,  la  ville  tartare  et  la  ville  impériale  absolument  inter- 
dite. De  hautes  murailles  les  limitent  chacune.  Comme  monuments  on 
y  voit  le  temple  du  Ciel  et  celui  de  la  Terre,  que  l'on  ne  peut  visiter 
que  depuis  1930.  Ces  monuments  seraient  beaux  si  les  jardins  étaient 
mieux  entretenus.  Ce  qu'il  y  a  de  réellement  remarquable,  c'est  la 


—  262  — 

cathédrale  de  Pétang  dans  la  ville  tartare.  De  la  ville  interdite  on  ne 
voit  que  ce  qui  émerge  au-dessus  des  murailles,  des  kiosques  divers 
entourés  de  verdure.  Les  rues  de  la  ville  tartare  sont  larges,  droites  et 
régulièrement  tracées.  Ce  qui  les  dépare  ce  sont  les  flaques  et  maré- 
cages que  l'on  rencontre  partout  au  milieu  de  ces  chaussées.  On  dit  que 
tout  cela  va  changer  bientôt.  Les  spectacles  de  la  rue  sont  curieux  à 
Pékin  :  ici  c'est  un  cortège  de  mandarins,  là  un  enterrement,  plus  loin 
un  cortège  nuptial.  Partout  des  vagabonds  dépenaillés,  affublés  d'ori- 
peaux, des  pousse-pousse  fort  exigeants  et  toujours  contents  finalement 
de  ce  qu'on  leur  donne,  des  mendiants,  misérables  lépreux,  sans  vête- 
ments (et  notez  que  le  thermomètre  descend  souvent  à  —  25"  en  hiver). 
Ils  forment  une  corporation  et  ont  chacun  leur  quartier  à  exploiter.  Des 
criminels  condamnés  à  la  cangue  sont  exposés  devant  le  lieu  de  leur 
crime.  D'autres  sont  dans  des  cages,  la  tête  dehors,  le  cou  passé  dans 
une  ouverture  juste  suffisante.  Sous  les  pieds  un  monticule  fait  de  cail- 
loux les  maintient  tout  d'abord  au  niveau  convenable.  Chaque  jour  on 
retire  quelques-unes  de  ces  petites  pierres  et  alors  commence  le  lent 
supplice  du  malheureux  qui  finit  par  périr  étranglé,  si  entre  temps  il  ne 
meurt  pas  de  faim.  Le  gouvernement  ne  veille  pas  à  la  noui-riture  des 
condamnés,  les  passants  peuvent  leur  donner  à  manger,  s'ils  le  veulent. 
Les  Chinois  se  sont  montrés  d'ailleurs  très  inventifs  pour  supplicier 
leurs  semblables.  Citons  quelques-uns  de  ces  supplices  qu'un  édit  impé- 
rial défend  maintenant  d'appliquer  :  l'huile  bouillante,  les  tenailles,  la 
cloche  qui  tinte  perpétuellement  sur  la  tête  et  ne  tarde  point  à  rendre 
fou  le  condamné.  Ceux  qui  portaient  la  main  sur  les  mandarins  étaient 
littéralement  découpés  en  morceaux. 

Il  y  a  encore  comme  curiosités  à  Pékin  la  tour  du  Tambour,  la  tour 
de  la  Cloche  au  son  si  parfait.  On  attribue  sa  vertu  au  sacrifice  d'une 
jeune  fille  qui  se  jeta  par  dévouement  dans  le  métal  en  fusion  lorsqu'on 
la  fit.  Le  temple  de  Confucius  avec  son  beau  portique  en  faïences  mul- 
ticolores. Rien  cependant  qui  sorte  de  l'ordinaire,  tout  obéit  en  Chine 
à  des  règles  invariables.  Par  exception  aucun  Boudha  à  l'intérieur,  rien 
que  des  tablettes  rappelant  le  plus  sage  des  philosophes. 

De  Pékin,  on  va  en  excursion  au  pont  de  Palikao  ou  encore  à  la 
montagne  aux  treize  collines  qui  abritent  les  tombeaux  des  Ming.  La 
route  qui  y  mène  est  en  sable  rouge,  elle  traverse  des  plaines  désertes 
et  infertiles.  On  pousse  en  même  temps  alors  jusqu'à  la  grande  muraille 
érigée  autrefois  pour  arrêter  les  invasions  de  l'extérieur.  Cette  immense 
muraille  a  8  mètres  de  hauteur  sur  G  de  largeur  et  suit  pendant  de  nom- 


—  263  — 

breux  kilomètres  toutes  les  sinuosités  du  sol.  Des  millions  d'ouvriers  y 
ont  travaillé. 

Revenons  à  Hankéou  et  reprenons  notre  navigation.  On  laisse  à 
gauche  une  région  minière  qui  va  bientôt  prendre  de  l'importance.  Le 
trajet  est  monotone,  le  fleuve  sans  être  étroit  n'est  déjà  plus  aussi  vaste. 
On  voit  au  passage  des  pêcheurs  avec  leurs  cormorans,  dont  l'éducation 


ALLEE   DU   TOMBEAU   IMPERIAL   A   xNANKIN. 


exige  beaucoup  de  patience.  —  A  Itchang  cesse  la  navigation  à  vapeur. 
Au  delà  se  trouvent  de  dangereux  rapides  enfermés  dans  d'étroits  et 
sombres  défilés.  On  les  passe  en  jonques  aux  basses  eaux.  Les  crues 
sont  excessivement  fortes  dans  les  gorges  du  Yang-Tsé.  Les  eaux 
s'élèvent  à  un  certain  moment  à  plusieurs  mètres  au-dessus  d'une  mai- 
sonnette bâtie  sur  un  pont  en  dos  d'âne,  que  M.  L.  Tignol  a  vu  en  cours 
de  route.  Les  naufrages  sont  fréquents.  Quand  les  sinistrés  ne  sont  pas 
assez  riches  pour  acheter  une  autre  embarcation,  ils  s'établissent  auber- 
gistes sur  les  lieux  mêmes  du  sinistre.  Là  viennent  se  rafraîchir  et 
fumer  leurs  confrères  plus  heureux  ou  ces  misérables  pouilleux,  véri- 
tables bêtes  de  somme  humaines  qui  hâlent  tout  le  jour  les  jonques 
sous  la  conduite  et  les  cris  de  leurs  chefs  qui  les  battent  impitoya- 
blement. 

A  la  sortie  des  gorges  le  Yang-Tsé  s'élargit.  Le  plus  grand  centre  du 
Yang-Tsé  supérieur  est  Tchoung-King  dans  la  province  du  Setchouen. 
Cette  dernière  était  autrefois  considérée  comme  devant  nous  revenir  de 


—  264  — 

plein  droit.  On  en  parla  beaucoup.  Nous  avons  fait  là  de  beaux  édifices: 
un  hôpital  immense,  un  bureau  de  poste,  une  école  et  un  consulat. 
L'administration  fit  grandement  les  choses,  mais  les  résultats  n'ont  pas 
couronné  ses  efforts.  Ils  sont  plutôt  maigres.  Quelques-uns  de  nos 
compatriotes  s'y  sont  rendus,  ils  ne  furent  guère  aidés.  Deux  maisons 
françaises  seules  prospèrent.  Quant  à  notre  école  elle  ne  compte  que 
7  élèves  au  lieu  de  150  qu'elle  pourrait  contenir.  Des  négociants  chinois 
sont  venus  à  leur  tour  et  ils  en  sortent  bien  avec  moins  de  frais  géné- 
raux. Ils  voient  qu'ils  peuvent  faire  sans  nous  et  que  point  n'est  besoin 
d'apprendre  le  français  dans  un  pays  où  nous  avons  si  peu  d'influence, 
de  là  l'abandon  de  notre  école. 

Le  péril  jaune,  qu'on  ne  l'oublie  pas,  sera  surtout  économique.  Notre 
situation  sans  être  prospère  peut  s'améliorer  si  nous  le  voulons.  Il  ne 
faut  pas  se  décourager  et  prendre  position  pendant  qu'il  en  est  temps 
encore. 


ERRATUM 


Une  erreur  s'est  glissée  dans  le  compte  rendu  de  la  Conférence  de 
Monsieur  Sauvage  sur  le  Ski  qui  a  paru  dans  le  Bulletin  du  mois  d'Août. 
A  la  page  117,  c'est  le  Capitaine  Rivaz  et  non  Riaz  qu'il  faut  lire. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN    1907 


EXCURSION  A  LONDRES 

Soî<s  la  Direclion  de  MM.  Van  Troostenberghe  et  Bonvalot. 


14,  15  ET  16  JUILLET  1907. 


Le  dimanche  14  Juillet,  jour  de  la  Fête  nationale,  la  Société  de  Géographie 
de  Lille  offrait  à  ses  membres  une  excursion  de  quelques  jours  à  Londres. 


—  2()o  — 

C'est  tout  joyeux  qu'au  nombre  de  70  nous  prenions  d'assaut  les  comparti- 
ments réservés  de  l'express  de  11  h.  30  du  matin.  Inutile  d'annoncer  que  le 
soleil  s'était  mis  de  la  partie,  puisqu'il  est  de  tradition  qu'il  favorise  toujours 
de  ses  gais  rayons  les  sorties  de  notre  Société.  Comme  un  g-énéral  attentif, 
M.  Van  Troostenberghe  avait  distribué  à  chacun  de  nous  son  livret  de  cou- 
pons. Aidé  de  l'aimable  M.  Bonvalot,  il  fut  pour  toute  la  compagnie  un 
bienveillant  Directeur  d'excursion,  que  jamais  ne  fatiguaient  les  multiples 
demandes  d'une  si  nombreuse  assistance. 

Le  trajet  jusque  Calais  parut  bien  court,  car  aux  membres  d'une  même 
Société,  il  était  agréable  de  converser  avec  des  voisins  qui,  pendant  plusieurs 
journées,  semblaient  ne  former  qu'une  seule  famille. 

Le  steamboat  «  Le  Nord»,  paquebot  à  aubes,  nous  attendait  pour  nous 
transporter  en  une  heure  et  demie,  par  une  mer  très  calme,  à  Douvres,  que 
nous  atteignîmes  presqu'en  même  temps  que  la  malle  d'Ostende.  Notre  train 
était  à  quai,  et  des  wagons  spéciaux  nous  avaient  encore  été  réservés.  Après 
une  attente  qui  parut  assez  longue,  car  nous  étions  le  long  du  Pier  sans 
pouvoir  rien  distinguer,  le  train  se  mit  en  route  pour  Folkestone,  Shomcliffe, 
Ashford  d'où,  d'une  seule  traite,  en  traversant  de  vertes  prairies  où  paissaient 
de  nombreux  moutons,  et  en  brûlant  la  gare  de  Chislehurst  où  mourut  Napo- 
léon m,  nous  gagnâmes  la  station  de  Cannon-Street  pour,  en  côtoyant 
l'immense  brasserie  de  Barclay  et  Perkin's,  descendre  enfin  à  Charing  Cross 
vers-5  h.  du  soir. 

Là  des  omnibus  nous  attendaient  pour  nous  transporter  à  St  Ermin's  hôtel, 
Caxton  Street,  où  se  fit  vivement  et  intelligemment  la  distribution  des 
chambres.  Partout  une  installation  pratique  procure  un  confort  réel,  et  pour 
nos  repas  une  grande  salle  nous  était  attribuée.  La  nourriture  y  était  préparée 
plutôt  à  la  française,  bien  qu'une  selle  d'agneau  sauce  menthe  nous  ait  donné 
un  spécimen  du  goût  des  insulaires  et  la  confirmation  de  la  supériorité  de 
notre  cuisine  nationale. 

Sitôt  le  dîner  terminé,  par  groupes,  et  pour  se  dégourdir  les  jambes,  nous 
nous  promenâmes  en  ville,  à  travers  les  rues  peu  éclairées,  car  à  cause  de 
l'observation  du  repos  dominical,  tous  les  magasins  sont  fermés.  Nous  passons 
donc  la  soirée  soit  à  Monico,  soit  à  la  brasserie  de  l'Europe,  soit  au  grand 
café  Royal  ou  encore  à  Frascati. 

Lundi  15  Juillet.  —  Comme  les  voitures  se  font  attendre  ,  nous  nous 
rendons  à  pied  à  la  Cathédrale  catholique  Westminster,  bâtie  dans  le  style 
byzantin.  Elle  est  imposante,  bien  que  la  nudité  de  ses  murs  intérieurs  vienne 
atténuer  l'impression  première  d'une  grandiose  structure .  Quelques  chapelles 
complètement  terminées  donnent  une  idée  de  ce  que  sera  l'édifice  quand  il  se:  a 
achevé  ;  les  murs  y  sont  recouverts  de  plaques  de  marbre,  les  colonnes  sont  en 
marbre  et  même  en  onyx,  tandis  que  la  voûte  est  ornée  de  mosaïques.  C'est  en 


—  266  — 

porphyre  que  sont  les  fonts  baptismaux,  mais  la  chaire  de  vérité  semble 
écrasée,  malgré  les  inscrustations  de  mosaïques  et  métaux  dans  le  marbre  qui 
la  compose. 

A  notre  retour  les  voitures  étaient  encore  absentes.  Enfin  vers  10  heures 
trois  grands  mail-coachs,  ayant  chacun  un  guide  nous  permettent  de  com- 
mencer notre  promenade  du  matin.  Nous  partons  par  Whitehall  pour  gagner 
le  Strand,  puis,  après  Fleet  Street,  nous  obliquons  par  Faringdon  vers  le 
marché  à  la  viande  de  Smithfield  où  nous  admirons  la  quantité  de  bœuf, 
mouton,  etc,  nécessaire  à  l'estomac  de  tout  bon  Anglais.  Nous  retournons  par 
le  Bartholomeus  hospital  (ancienne  et  riche  fondation  de  bienfaisance)  à  l'an- 
cienne Prison  de  Newgate,  dont  la  rue  du  même  nom  nous  amène  à  la  Poste 
Centrale.  Par  la  rue  Cheapside  où  le  terrain  coûte  jusque  6.200  fr.  le  mètre 
carré,  et  King  Street  nous  parvenons  au  Guildhall,  qui  est  l'Hôtel  de  Ville  de 
la  Cité.  Nous  en  visitons  la  grande  salle  avec  de  vieux  vitraux,  la  salle  des 
peintures  avec  des  tableaux  parmi  lesquels  l'un  représente  la  visite  du  roi 
Louis-Philippe  au  lord  maire  ;  puis  la  salle  du  conseil  municipal  richement 
décorée  avec  son  enceinte  circulaire,  où  nous  pénétrons,  ce  qui  nous  donne  le 
loisir  de  toucher  le  fameux  marteau  qui  rend  exécutoires  les  sentences  du 
lord  maire  ;  ensuite  le  bureau  particulier  de  celui-ci,  enfin  la  Bibliothèque  qui 
conduit  au  Musée. 


MANSION-HOUSE. 


Remontés  en  voiture,  nous  atteignons  rapidement  la  Banque  d'Angleterre, 
voyons  Mansion  House  où  réside  le  lord  maire  et  visitons  la  Bourse. 


—  267 


L'intérieur  se  compose  d'une  cour  rectangulaire,  entourée  d'arcades.  Les 
murs  sont  décorés  de  panneaux  rappelant  des  événements  relatifs  à  ce 
monument. 

Le  carrefour  du  boulevard  Montmartre  de  Paris  ne  donne  qu'une  pâle  idée 
de  l'intensité  du  va-et-vient  de  ce  quartier,  et  c'est  incompréhensible  qu'il  n'y 
survienne  aucun  accident. 

Par  King  William  Street  nous  arrivons  au  Pont  de  Londres,  d'où  l'on 
jouit  d'un  joli  point  de  vue  sur  la  Tamise,  le  Marché  aux  poissons,  la  Douane, 
tandis  que  de  nombreuses  et  hautes  mâtures  nous  indiquent  l'emplacement  de 
différents  dtocks.  Ici  la  circulation  est  inouïe  :  sur  ce  célèbre  pont  il  passe 
journellement,  paraît-il,   110.000  personnes  et  22.000  voilures  ! 

Tout  autre  est  le  quartier  que  nous  parcourons  sitôt  après.  Sur  la  rive 
gauche  ce  n'était  que  fastueux  hôtels,  brillants  magasins,  maisons  de  banque 
ou  de  corporation,  tandis  qu'ici  nous  ne  voyons  qu'entrepôts  et  maisons 
ouvrières.  Bientôt  nous  retraversons  la  Tamise  sur  le  non  moins  fameux  pont 
de  la  Tour,  avec  sa  passerelle  fixe  à  une  cinquantaine  de  mètres  au-dessus  de 
l'eau,  et  son  tablier  mobile  pour  laisser  passer  les  grands  navires.  Nous  attei- 
gnons enfin  la  fameuse  Tour  de  Londres,  qui,  première  demeure  des  rois 
normands,  devait  devenir  une  forteresse,  puis  une  prison. 

A  peine  entrés   nous   voyons  la   porle   des  traîtres,  par   où  passaient  les 


BUCKINGHAM-PALACE. 


condamnés  d'État  avant  l'exécution  ;  puis  nous  gagnons  la  Tour  Blanche,  où, 
par  la  chapelle  St  John,  nous  atteignons  les  salles  renfermant  la  collection 


—  268  — 

d'armes  et  d'armures  anciennes,  qui  est  vraiment  remarquable.  Nous  grim- 
pons ensuite  à  la  Tour  de  Beaucliamp,  dont  les  murs  ont  reçu  l'inscription 
d'illustres  prisonniers.  Enfin,  dans  la  Tour  de  Wakefield,  nous  admirons  les 
joyaux  de  la  Couronne,  avec  les  insignes  des  divers  ordres  honorifiques  de 
l'Angleterre. 

Mais  l'heure  du  déjeuner  avance,  et  nous  sommes  assez  loin  de  l'hôtel.  Nous 
y  parvenons  pourtant  assez  rapidement  par  Cannon  et  Queen  Victoria  Street, 
puis  en  longeant  la  Tamise  dans  le  joli  Victoria  Embrankment,  où  nous 
voyons  le  magnifique  Temple,  le  Somerset  House,  le  Cecil  Hôtel  et  l'Aiguille 
de  Cléopâtre.  Nous  retombons  au  Parlement,  proche  de  St  Ermin's  Hôtel. 

Sitôt  après  le  déjeuner  nos  voitures  nous  amènent  sur  la  belle  place  de 
Trafalgar,  à  la  National  Gallery.  Les  diverses  écoles  y  sont  représentées  par 
des  chefs-d'œuvre  qui  ont  pu  coûter  très  cher,  mais  qui  ne  peuvent  rivaliser 
avec  les  toiles  de  notre  Louvre.  Par  suite  de  l'humidité  du  climat,  nous 
devons  noter  que  dans  les  divers  Musées  visités  tous  les  tableaux  sont  protégés 
par  des  glaces. 

Nos  voitures,  par  le  Pall  Mail,  nous  conduisent  ensuite  au  Mail,  grande 
route  plantée  d'arbres  magnifiques,  qui  nous  mène  au  Palais  Buckingham, 
résidence  royale,  dont  nous  côtoyons  le  jardin  pour  atteindre  près  de  la  statue 


ARC   ET   STATUE   DE   \V1 


de  Wellington  la  gentille  entrée  de  Hydeparck,  immense  jardin,  genre  Bois 
de  Boulogne.  Nous  en   suivons  le   côté   Sud,   pour  descendre  au  splendide 


—  209  — 

monument  élevé  au  Prince  Albert,  époux  de  la  reine  Victoria.  De  loin  cet 
■édifice  ne  présente  pas  l'importance  que  de  près  il  ofïre  aux  regards  émer- 
veillés par  la  profusion  de  marbre,  de  bronze,  de  mosaïque  qui  y  ont  été 
prodigués.  Dans  le  soubassement  se  dressent  les  statues  en  marbre  des  artistes 
les  plus  renommés  du  monde  en  peinture,  en  architecture,  en  sculpture  et  en 
musique,  tandis  que  sous  un  dais,  les  dominant  tous,  trône  en  bronze  doré  le 
Prince  consort. 

De  là  nos  voitures  nous  mènent  par  Queen's  Gâte  au  Musée  d'Histoire  natu- 
relle, où  nous  fîmes  une  visite  très  intéressante,  et  qui  demanderait  plus  de 
temps  que  l'heure  unique  que  nous  y  passâmes,  car  tout  y  est  à  contempler, 
tant  est  bien  compris  chaque  classement  ;  ainsi  les  oiseaux  avec  leurs  nids, 
leurs  œufs,  ont  des  poses  caractéristiques.  Les  grands  carnivores  sont  recons- 
titués entièrement,  d'après  la  méthode  paléontologique  de  Cuvier,  selon  un 
fémur,  une  mâchoire  ou  tout  autre  organe  découvert  soit  dans  les  mines,  soit 
dans  les  océans.  A  noter  également  la  collection  complète  des  tortues  et  des 
éléphants. 

Puis  nos  voitures  nous  transportent  un  peu  plus  loin  à  l'église  catholique  de 
l'Oratoire,  rappelant  les  églises  d'Italie  par  la  disposition  de  ses  marbres  et  de 
ses  dorures  et  par  son  pavé  en  mosaïque. 

Enfin  nous  regagnons  l'hôtel  en  revenant  par  Piccadilly,  longue  rue 
sillonnée  au  moment  de  notre  passage  par  de  nombreuses  voilures  à  chevaux 
fringants.  Cette  jolie  artère,  où  s'élèvent  de  nombreux  et  riches  clubs,  et  de 
grands  magasins,  peut  être  comparée  aux  Champs-Elysées  de  Paris  à  l'heure 
du  Bois. 

Pour  beaucoup  d'entre  nous  la  soirée  se  passa  à  l'Alhambra,  à  l'Empire 
Théâtre  ou  au  Palais  des  Variétés. 

Mardi  16  Juillet.  —  A  l'heure  indiquée  nos  voitures  nous  attendent 
pour  nous  transporter  par  la  même  route  que  lundi  à  midi,  c'est-à-dire  le 
long  de  la  Tamise,  jusqu'à  la  Cathédrale  St-Paul.  C'est  une  imposante  cons- 
truction rappelant  St-Pierre  de  Rome,  mais  en  plus  petit,  et  servant  de 
Panthéon  à  d'illustres  Anglais,  dont  les  monuments  funéraires  décorent  cette 
église  protestante.  Parmi  ces  mausolées  nous  devons  surtout  citer  ceux  de 
l'Amiral  Nelson  et  du  Duc  de  Wellington.  Plus  modeste  est  celui  de  Gordon, 
mais  sur  son  sarcophage  s'étalent  des  fleurs  naturelles,  témoignage  d'un 
durable  souvenir,  puisqu'il  est  mort  en  1885.  Nous  sommes  bientôt  obligés  de 
cesser  notre  visite  car  des  offices  commencent,  et  nous  assistons  à  la  psalmodie 
en  anglais  du  Paster  noster. 

Nos  voitures  par  Holborn  viaduc,  qui  relie  la  Cité  à  Oxfort-Street  au-dessus 
d'un  vallon  de  8  mètres,  nous  mènent  ensuite  au  British  Muséum,  où  se 
trouve  une  très  intéressante  collection  de  manuscrits  (entre  autres  de  Napo- 
léon P'',  de  Marie- Antoinette,   de  Louis  XIV,  etc.).    C'est  avec   plaisir  que 


—  270 


nous  avons  parcouru  les  galeries  grecques  et  romaines,  et  admiré  la  reconsti- 
tution du  fameux  temple  de  Diane  à  Ephèse,'du  Parthénon  ^d'Athènes,  du 


CATHEDRALE   SAINT-PAUL. 


Mausolée  érigé  par  Artémise  à  son  époux  Mausole  ,  enfin  les  antiquités 
égyptiennes,  avec  de  nombreuses  momies,  parmi  lesquelles,  paraît-il,  serait  la 
fameuse  Cléopatre. 

En  remontant  Oxford  Street  nous  arrivons  bientôt  à  Hertford  House,  qui 
contient  la  fameuse  collection  Wallace.  L'on  sent  ici  le  triomphe  de  l'école 
française  et  nous  nous  intéressons  bien  mieux  qu'à  la  National  Galle ry.  C'est 
un  vrai  petit  Louvre,  et  les  jolis  meubles  Louis  XIV,  Louis  XV,  Louis  XVI, 
nous  font  regretter  la  perte  de  tant  de  merveilles  enlevées  à  la  France  pendant 
la  tourmente  révolutionnaire.  Ce  Musée  contient  également  une  galerie 
d'armes  vraiment  artistiques.  Notons  que  les  6  deniers  réclamés  à  l'entrée  sont 
versés  aux  œuvres  de  bienfaisance. 

Nous  retournons  à  l'hôtel  par  Régent  Street,  rue  très  animée  bornée  de 
brillants  magasins. 

Après  le  déjeuner  à  la  fourchette,  nous  allons  visiter  l'abbaye  de  West- 
minster, qui  contient  les  tombes  des  familles  royales  et  les  mausolées  des 
grands  hommes  non  enterrés  à  St  Paul.  C'est  le  Campo  Santo  de  Gênes,  mais 
les  monuments  sont  dans  une  église  au  lieu  d'être  sous  une  colonnade.  Mal- 
heureusement nous  n'avons  pu  que  traverser  rapidement  le  transept,  car  les 
offices  allaient  commencer.  Nous  nous  dirigeons  donc  de  suite  vers  le  cloître 


274 


pour  visiter  la  salle  du  Chapitre.  C'est  ici  que  du  XI II"  au  XVP  siècle  eurent 
lieu  les  séances  de  la  Chambre  des  Communes,  qui  depuis  siège  au  Parlement. 


ABBAYE    DE    WESTMINSTER. 


N'oublions  pas  les  pigeons,  qui  font  partie  intégrante  de  tout  monument 
public  à  Londres.  Nous  en  voyons  partout,  au  Guildhall,  à  St  Paul,  à 
"Westminster,  excepté  à  la  Bourse.  Là  sans  doute  se  font  plumer  des  pigeons 
d'autre  espèce. 

Chacun  profite  des  dernières  heures  à  passer  à  Londres,  pour  se  rendre  soit 
au  Jardin  zoologique,  à  Regent's  Park,  soit  pour  des  emplettes  chez  "VVhiteley, 
chez  Harrod  ou  Robuison.  A  6  h.  1/2  nous  étions  tous  réunis  à  St  Ermin's 
Hôtel  pour  notre  dernier  repas,  à  l'issue  duquel,  en  termes  choisis,  M.  Guil- 
luy  remercie  les  organisateurs  du  succès  de  l'excursion. 

Nous  nous  retrouvons  vers  9  heures  à  Charing  Cross,  en  majeure  partie, 
car  un  tiers  de  la  Société  préféra  revenir  un  autre  jour.  Notre  express  fila 
directement  jusque  Douvres,  où  le  steamboat  «  Pas-de-Calais  »  nous  atten- 
dait. Le  départ  eut  lieu  vers  11  h.  1/2  pour  n'arriver  à  Calais  qu'à  2  h.  1/4 
du  matin,  par  suite  d'une  avarie  à  la  machine.  Mais  le  temps  était  superbe,  le 
ciel  tout  étoile,  si  bien  que  ces  heures  nous  semblèrent  exquises,  les  yeux 
charmés  par  les  lumières  de  Folkestone,  Douvres  et  Calais,  tandis  que  les 
phares  du  cap  Gris-Nez  et  du  cap  Foreland  fouillaient  l'horizon  d'une  alter- 
nance rythmique.  Le  train  nous  attendait  à  Calais-marîtime  et  vers  4  heures 
nous  descendions  en  gare  à  Lille. 


—  272  — 


Cette  petite  excursion  ne  nous  a  donné  qu'un  aperçu  de  la  ville  de  Londres, 
mais  bien  plus  que  les  distractions  offertes  par  cette  ville  immense,  la  franche 


TOUR  DE  L  HORLOGE  AU  PARLEMENT. 


gaîté  de  g-entils  compagnons  et  l'aimable  sympathie  de  charmantes   dames 
nous  firent  trouver  trop  courtes  les  quelques  journées  de  notre  déplacement. 

J.  CLAEYS. 


GOLFE  PERSIQUE  ET  CHEMIN  DE  FER  DE  BAGDAD 


C'est  dans  un  étroit  rapport  avec  la  situation  politique  et  économique  du 
Golfe  Persique  qu'il  faut  envisager  la  question  du  chemin  de  fer  de  Bagdad. 
On  peut  même  dire  qu'elle  ne  saurait  être  tranchée  avant  que  la  maîtrise  du 
golfe  ne  soit  un  problème  résolu.  En  prenant  l'initiative  de  l'établissement 
d'une  grande  voie  ferrée  à  travers  l'Asie  Mineure,  l'Allemagne  avait  raison  de 
"Compter  sur  l'amitié  de  la  Sublime-Porte  et  sur  sa  situation  économique  crois-. 


—  27.)  — 

aante  en  Orient.  Mais  le  retard  apporté  à  la  réalisation  de  cette  gijjantesque 
entreprise  ne  peut  être  attribué  uniquement,  comme  beaucoup  l'ont  voulu 
faire,  à  la  difficulté  de  réunir  les  capitaux  énormes  qu'elle  nécessite  ;  il  tient 
plus  spécialement  et  plus  profondément  au  peu  d'action  que  les  Allemands 
exercent  sur  toute  la  partie  du  trajet  s' étendant  entre  Bagdad  et  la  mer 
indienne.  Et  l'importance  du  Golfe  Persique,  non  seulement  ne  pouvait  être 
dédai<J-née,  mais  devait  être  considérée  comme  le  principal  atout.  L'Angle- 
lerre,  en  occupant  Koweit  à  l'extrémité  du  tracé,  aU  point  même  où  le  chemin 
de  fer  germain  devait  rejoindre  les  eaux  d'Asie,  n'avait-elle  pas  renouvelé  le 
plus  simplement  du  monde  la  manœuvre  qui  lui  avait  si  bien  réussi  quand, 
nous  laissant  le  dur  labeur  du  percement  du  canal  de  Suez,  elle  s'était  contentée 
d'occiqier  les  points  stratégiques,  Aden  et  Périm,  préparant  ainsi  sans  effort 
notre  future  expropriation. 

Mais  bien  plus  que  la  possession  de  la  mer  Rouge  pour  le  canal  de  Suez,  la 
domination  du  Golfe  Persique  est  nécessaire  à  qui  veut  exercer  une  emprise 
économique  sur  l'Asie  Mineure. 

L'occupation  de  Périm  et  d'Aden  par  les  Anglais  ne  nous  a  pas  empêchés 
■de  faire  le  canal,  tandis  que  l'Allemagne  a  vu  ses  projets  tenus  en  échec  dès 
([u'elle  a  tenté  de  les  mettre  à  exécution. 

La  mer  Rouge,  en  efl'et,  n'a  en  soi  aucune  valeur,  au  lieu  que  placé  entre 
:trois  grands  empires  :  Inde,  Turquie,  Perse,  le  Golfe  Persique  est  le  lieu 
d'échanges  traditionnel  du  monde  occidenlal  et  du  monde  oriental.  C'est  la 
voie  histoiique  des  marchands  qui  trafiquent  des  épices,  de  l'or,  des  pierres, 
'des  parfums,  des  huiles  précieuses,  des  l)rocarts  d'argent  et  d'or,  c'est  aussi  la 
route  des  navigateurs,  celle  que  suivit  Marco-Polo. 

Mieux  que  la  Mer  Erythrée,  qui  baigne  des  côtes  arides,  au  dur  profil  gra- 
nitique, où  souffle  sans  cesse  un  khamsin  desséchant,  la  Mer  Persique,  avec 
ses  ports  nomljreux.  ses  terres  riches  où  règne  un  climat  voluptueux  et  où 
:s'élance  une  merveilleuse  végétation,  est  favorisée  par  les  éléments.  De  hautes 
•civilisations  ont  pris  naissance  et  se  sont  développées  sur  ses  bords,  des  races 
puissantes  y  ont  vécu,  <le  grandes  richesses  y  sont  accumulées.  Il  suffit  du 
coup  de  baguette  de  la  civilisation  occidentale  pour  que,  comme  en  Egypte, 
à  Constantinople.  en  Asie-Mineure,  en  Algérie,  les  vieilles  cités  secouent  la 
poussière  des  siècles,  les  hommes  viennent  au  progrès  et  à  la  civilisation.  Et 
alors  quelle  splendide  prospérité  sur  ces  rivages  encore  tout  vivants  de  l'épopée 
musulmane  et  bruissants  des  légendes  de  la  princes  e  Schéhérazade. 

L'effort  de  l'Allemagne  était  voué  aux  lenteurs,  aux  difficultés  de  toutes 
sortes,  tant  que  sur  les  bords  mêmes  du  golfe  la  puissance  germanique  serait 
re-tée  sans  action.  L'idée  de  réunir  l'Asie  Mineure  à  l'Asie  Majeure,  idée 
grandiose  et  d'une  réussite  cei laine,  si  toutes  les  nations  exerçant  une  part 
(l'influence  de  l'Est  à  l'Ouest  y  avaient  contribué,  devenait  une  entreprise  folle 
pour  une  nation  dont  l'emprise,  économique  et  politique  ne  dépassait  pas  les 

18 


—  274  — 

côtes  méditerranéennes.  Un  chemin  de  fer  ne  peut  devancer  l'œuvre  de  domi- 
nation ;  il  ne  la  précède  pas,  il  la  suit,  il  lui  aide.  L'exemple  récent  de  Casa- 
blanca n'est-il  pas  une  frappante  démonstration  de  ce  fait  ?  Et  le  Transsibérien 
aurait-il  pu  même  être  conçu,  s'il  ne  venait  pas  confirmer  une  dure  et  lente 
conquête  ?  Nos  chemins  de  fer  africains  suivent  nos  soldats  et  donnent  à  notre 
colonisation  un  caractère  de  permanence  et  de  solidité.  Mais  tenter  la  main- 
mise sur  un  pays  où  l'on  ne  possède  ni  nationaux,  ni  entreprises  commer- 
ciales, ni  banques,  vouloir  exercer  une  réelle  autorité  chez  un  peuple  dont 
tout  vous  est  étranger  et  inconnu,  croire  qu'il  suffira  d'arriver  avec  des  rails, 
pour  être  aussitôt  le  maître,  voilà  une  conception  entièrement  illusoire. 

L'échec  était  certain.  L'Allemagne  s'est  lieurtée  tout  de  suite  à  l'hostilité 
des  chancelleries,  et  à  la  méfiance  des  hommes  d'affaires  du  pays,  à  l'obstruc- 
tion indig'ène.  Et  forcément,  il  devait  venir  un  moment  où,  s'arrêtant  sur  les 
positions  conquises,  et  abandonnant  provisoirement  la  marche  en  avant,  elle 
allait  reprendre  les  choses  par  le  commencement,  gagner  du  temps,  beaucoup 
de  temps  pour  tâcher  de  faire  d'abord  la  conquête  économique,  à  tort  négligée 
par  sa  diplomatie.  Il  lui  fallait,  en  un  mot,  après  avoir  été  indifférente  à 
l'égard  des  éléments  indispensables  à  la  position  de  la  question,  en  arriver  à 
une  conception  moins  théori([ue,  moins  philosophique,  moins  nuageuse,  c'est- 
à-dire  plus  réelle  des  faits.  Elle  n'y  pouvait  manquer. 

Le  gouvernement  de  Berlin  a  fini  par  se  rendre  compte  que  ce  chemin  de 
fer  qu'il  voulait  sien  ne  peut  l'être,  ne  saurait  l'être,  si  d'abord  l'Allemagne 
ne  venait  à  exercer  en  Mésopotamie  et  sur  le  Golfe  Persique,  la  même  influence 
qu'elle  a  su  s'acquérir  sur  les  côtes  méditerranéennes  de  la  Turquie  d'Europe. 
C'est  cette  influence,  et  plus  exactement  cette  prépondérance  qu'il  lui  faut 
désormais  acquéri  •  et  le  plus  rapidement  possible.  Aussi  n'avons-nous  éprouvé 
nulle  surprise  à  la  lecture  des  télégrammes  annonçant  que  l'action  diploma- 
tique allemande,  en  vue  d'obtenir  du  chah  de  Perse  l'autorisation  pour  la 
Deutsche  National  Bank  de  créer  des  succursales  dans  les  principales  villes  de 
l'Empire  persan,  avait  abouti.  L'effort  de  la  Wilhelmstrasse  devait  être  en 
rappoit  avec  la  grandeur  du  projet.  Déjà  depuis  quelques  mois  l'attention  des 
milieux  informés  était  appelée  sur  le  voyage  de  M.  Guttmann  en  Perse  et  l'ar- 
rivée du  directeur  de  la  très  importante  banque  à  Téhéran. 

Ainsi,  du  jour  où  il  en  est  venu  à  comprendre  la  nécessité  d'agir  dans  le 
Golfe  Persique  même,  pour  réaliser  son  fameux  chemin  de  fer,  le  peuple 
allemand  a  aussitôt  manifesté  sa  volonté  méthodique  et  formelle  de  se  créer 
une  place  dans  une  mer  jusque-là  dédaignée.  Et  en  dépit  de  l'opposition  qu'il 
rencontre  de  la  part  des  maisons  russes  et  anglaises,  malgré  la  résistance  des 
milieux  indigènes,  l'agent  financier  allemand  aura  tôt  fait  de  fonder  les  suc- 
cursales projetées  à  Téhéran,  Hamadan,  Kermand-schah  et  dans  les  ports  du 
golfe,  à  Bouchir,  à  Bender-Abbas,  à  Bassorah.  Naturellement,  un  certain 
désarroi  s'est  manifesté  dans  le  monde  des  affaires,  non  seulement  en   Perse, 


—  275  — 

mais  en  Mésopotamie ,  et  tous  craignent  pour  les  situations  acquises  et 
redoutent  la  concurrence  allemande,  servie  par  une  décision  ferme  et  des 
moyens  d'action  puissants.  S'il  faut  en  croire  certaines  correspondances  de 
Bassorah  et  de  Bagdad  ,  les  établissements  de  crédit  de  ces  deux  villes 
s'émeuvent  de  la  fondation  de  banques  allemandes.  Le  plus  clair  de  leurs  béné- 
fices résulte  du  transit  important  qui  existe  entre  l'Irak-Arabi  et  Téhéran, 
Kermand-schah,  Hamadan  et  différentes  localités  du  Golfe  Persi(jue.  Or,  ils 
craignent  «  que  la  Deutsche  National  Bank,  qui  est  réputée  dans  l'Orient 
méditerranéen  pour  son  activité  et  son  esprit  d'entreprise,  ne  réussisse  à  les 
supplanter,  surtout  énergiquement  secondée  comme  elle  l'est  par  la  diplomatie 
allemande  ».  Ces  appréhensions,  il  faut  bien  le  reconnaître,  sont  très  fondées 
et  «  il  est  infiniment  probable,  déclarent  les  Débals,  que  le  nouvel  établisse- 
ment financier  s'élèvera  sur  les  ruines  de  ceux  qui  disposent  de  capitaux  moins 
importants  et  dont  l'initiative  est  moins  entreprenante  ». 

Pour  ma  part,  je  crois  M.  Guttmannplus  habile  :  il  fera  son  possible  pour 
ne  pas  entrer  avec  les  banques  locales  dans  un  conflit  qui  éterniserait  la 
lutte  et  retarderait  l'heure  où  l'influence  allemande  pourra  se  croire  suffi- 
samment assise  dans  le  Golfe  Persique  et  la  Mésopotamie  pour  ne  plus  rien 
redouter.  Et  son  but  semble  être  bien  plus  probablement  de  forcer  les  banques 
anglaises  et  russes  à  lier  partie  avec  lui. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  maintenant,  comme  on  l'a  dit,  un  facteur  nouveau 
dans  la  politique  p'^rsane.  Mais  il  était  bon  de  montrer  qu'il  y  avait  aussi  et 
surtout  un  élément  nouveau  dans  l'affaire  du  chemin  de  fer  de  Bagdad. 

Ch.    DE    MiLLON. 


LA  COLONISATION  ANNAMITE 


Sur  l'initiative  bien  inspirée  de  M.  l'inspecteur  des  services  civils  Outrej, 
il  vient  d'être  tenté  en  Cochinchine  un  essai  de  colonisation  par  des  Annamites. 

Jusqu'à  ce  joui-,  on  avait  préconisé  le  peuplement  des  terres  vierges  de 
rindo-Chine  par  les  Chinois,  les  Javanais  et  même  les  Hindous,  mais  per- 
sonne n'avait  parlé  de  la  possibilité  de  créer  un  mouvement  colonisateur  indi- 
gène. C'était  trop  simple,  ou  tout  au  moins  on  ne  croyait  pas  possible  la 
création  de  ce  mouvement. 

Bien  qu'étant  d'une  même  race  et  parlant  la  même  langue,  les  Tonkinois  et 
Cochinchinois   ne   sympathisent  pas   ensemble.   Ils  ont  pourtant   les   mêmes 


—  27«)  — 

mœurs,  les  mêmes  coutumes  et  les  mêmes  lois,  mais  cela  ne  les  empêche  pas 
de  vivre  en  frères  ennemis.  Il  faut  en  chercher  la  cause  dans  l'histoire  et  peut- 
être  même  remonter  plus  haut  que  l'ont  fait  certains  auteurs  qui  ont  vu,  dans 
cette  aversion,  la  conséquence  naturelle  des  luttes  séculaires  qui  divisèrent 
l'Empire  d'Annam  en  deux  royaumes. 

Les  querelles  intestines  qui  déchirèrent  l'Empire  y  sont  sans  aucun  doute 
pour  quelque  cliose,  mais  les  deux  dynasties,  celle  des  Nguyên  et  celle  des 
Lô,  se  disputant  l'hég'émonie  dans  l'Empire  et  se  considérant  mutuellement 
comme  des  usurpatrices,  ne  sont-elles  pas  plutôt  une  preuve  que  la  mésintelli- 
gence régnait  déjà  dans  la  grande  famille  annamite  et  que  le  peu  de  sympathie 
qui  existe  actuellement  n'est  que  l'atténuation  très  prononcée  des  rancunes 
d'autrefois  ? 

Les  provinces  du  Sud  furent  conquises  par  les  Annamites  sur  les  Chams  et 
sur  les  Khmers  ;  les  premiers  qui  habitèrent  ces  contrées  nouvellement 
conquises  furent  sans  aucun  doute  des  soldats  et  des  aventuriers.  Puis  on  en  fit 
un  lieu  de  déportation  et  d'exil,  de  sorte  que  le  noyau  de  la  population  de  la 
Cochincliine  fut,  très  probablement,  composé  d'individus  peu  estimés  de  leurs 
congénères.  Si  on  ajoute  à  cela  qu'il  y  eut  certainement  absorption  parle  vain- 
queur d'une  partie  des  populations  asservies,  on  comprendra  qu'il  y  ait  entre 
le  Nord  et  le  Siul  une  antipathie  aussi  marquée.  L'unification  nationale  est 
loin  d'être  complète,  et  la  protection  de  la  France  s'est  imposée  à  un  moment 
critique  pour  la  nation  annamite,  car  son  unité  était  alors  à  la  merci  du  pre- 
mier prince  débonnaire. 

Notre  intervention  a  eu  pour  résultat  d'éviter  un  nouv'eau  démembrement 
et  en  assurant  la  paix  intérieure  du  pays  nous  avons  resserré  les  liens  com- 
muns qui  unissent  chacune  des  parties  de  l'Empire.  Aujourd'hui,  il  n'y  a  plus 
de  Cochinchine,  pas  plus  qu'il  n'y  a  de  Tonkin,  il  n'y  a  que  l'Indo-Chine 
française.  Entre  cliacune  de  ces  parties,  certaines  formes  de  gouvernement 
diffèrent,  mais  le  fond  est  le  même.  Ensemble  elles  doivent  se  développer 
économiquement,  ensemble  elles  doivent  se  développer  moralement.  L'une 
d'elles  ne  doit  pas  être  en  retard  sur  les  autres,  et  l'instruction  doit  être 
donnée  aussi  liliéralement  à  l'une  qu'à  l'autre  comme  l'outillage  économique 
doit  être  réparti  entre  elles.  Que  ce  soit  le  Tonkin,  que  ce  soit  la  Cochinchine, 
c'est  la  terre  d'Annam,  dont  tous  les  habitants  doivent  se  considérer  comme 
les  fils  d'une  même  mère.  Mais  ceci,  les  Annamites  paraissent  l'oublier  trop 
facilement,  et  encore  aujourd'hui  les  différentes  parties  de  l'Indo-Chine  se 
boudent  entre  elles.  La  conséquence  est  que  le  Tonkin  surpeuplé  ne  peut 
plus  nourrir  ses  haljitants,  et  que  son  surcroît  de  population  ne  peut  pas  aller 
en  Cochinchine  apporter  le  concours  de  ses  bras  à  la  mise  en  valeur  du  Delta 
du  Mékong. 

Les  hautes  régions  du  Tonkin  et  de  l'Annam  ne  sont  pas  aimées  de  l'Anna- 
mite pour  d'autres  raisons.   Il  les  délaisse  et  se  ménage  ainsi  de  riches  réserves 


—  277  — 

pour  l'avenir  ;  le  ridicule  de  ses  peurs  et  de  ses  appréhensions  est  criliquibleT 
mais  pour  l'instant  il  est  inutile  de  discuter  son  aversion  pour  ces  rég'ions. 
Elle  existe,  c'est  un  fait  acquis,  et  les  raisons  données  par  intéressés,  sont 
plausililes.  Il  a  peur  des  fièvres,  il  ne  se  sent  pas  chez  lui  ;  poui-  tout  dire,  il 
n'est  pas  dans  son  élément. 

Mais  en  Cochinchine  ces  causes  n'existent  pas,  c'est  à  peu  près  le  même 
climat,  ce  sont  les  mêmes  cultures,  pratiquées  de  la  même  façon,  avec  cette 
différence  toutefois  que  l'elfort  exigé  est  beaucoup  moindre.  11  semble  donc 
que  ce  pays  aurait  diî  attirer  le  trop-plein  du  Tonkin.  Il  n'en  a  rien  été  jusqu'à 
présent. 

Le  peuple  annamite  a  à  sa  disposition  plus  déterres  qu'il  ne  peut  en  mettre  en 
culture  actuellement.  Mali^^^ré  cela,  il  souffre  des  mêmes  maux  que  son  parent 
le  Chinois,  et  le  Tonkin  lui  aussi  connaît  la  disette.  La  densité  de  sa  popu- 
lation annihile  la  fertilité  de  sa  terre,  les  récoltes  moyennes  suffisent  à  peine 
à  nourrir  ses  habitants,  et  quand  elles  viennent  à  être  mauvaises,  c'est  la 
famine. 

Cette  appréhension  n'a  pas  encoie  engendré  de  mouvement  d'émigration, 
et  la  perspective  de  la  vie  facile  et  assurée  du  Cochinchinois  n'a  pas  encore  pu 
décider  le  Tonkinois  à  essaimer  vers  des  terres  nouvelles  qui  n'attendent  que 
ses  bras  pour  lui  payer  au  centuple  l'effort  qu'il  fournira.  Actuellement,  on 
tente  officiellement  un  essai  de  colonisation  de  la  Cocliinchine  par  les  Anna- 
mites au  Nord.  Cette  transplantation  réussira-t-elle  ?  C'est  le  secret  de  l'avenir. 
Mais  cet  essai  doit  être  signalé  et  surtout  suivi  de  près  par  tous  ceux  qui  s'in- 
téressent au  développement  de  notre  colonie,  car  c'est  la  vraie  solution  pour 
la  mise  en  valeur  des  terres  incultes  de  l'Indo-Chine. 

Il  n'est  nullement  besoin  de  faire  appel  pour  cela  à  des  races  étrangères, 
d'amener  à  grands  frais  des  immigrants  chinois  ou  javanais  :  un  peu  de 
patience,  et  la  population  indigène  fourniia  tous  les  bras  dont  on  aura  besoin. 
Les  œuvres  d'assistance  médicale,  qui  se  fondent  un  peu  partout,  auront  pour 
résultat  le  développement  de  la  puériculture.  La  mortalité  infantile  diminuée 
chez  une  population  aussi  prolifique  que  l'est  celle  qui  nous  intéresse,  ce  sont 
les  dangers  de  la  surpopulation  à  brève  échéance.  Ces  dangers  ne  seront  pas 
à  craindre  d'ici  nombre  d'années  si  l'on  a  soin  de  conserver  à  nos  protégés 
leur  patrimoine  ;  mais  il  ne  faut  pas,  sous  prétexte  de  besoins  immédiats, 
le  diminuer.  Il  y  a  des  réserves  d'hommes  suffisantes  pour  nous  procurer  la 
main-d'œuvre  qui  est  nécessaire  au  développement  économique  du  pays. 
Il  n'est  besoin  que  de  la  réglementer,  et  de  décongestionner,  au  profit  des 
régions  qui  en  manquent,  celles  qui  souffrent  d'un  surcroît  de  population. 
Peu  à  peu  l'équilibre  s'établira  et  il  est  à  peu  près  certain  que  la  colonisation 
tonkinoise  prospérera  sur  les  rives  du  Mékong,  et  la  population  de  la  Cochin- 
chine doublera  en  quelques  années  sans  aucun  préjudice  pour  celle  du  Tonkin, 


—  L^78  — 

contribuant  ainsi  à  la  fusion  intime  de  la  race  en  une  seule  et  même  famille. 
Et  ce,  pour  le  plus  grand  profit  du  développement  économique  de  l'Indo- 
Chine  française. 

C.  M. 
(Dépêche  Coloniale). 


CARTE  DE  LA  RÉPUBLIQUE  DE  LËQUATEUR 


Nous  avons  reçu  pour  notre  Bibliothèque  du  R.  P.  Enrique  Vacas  Galindo, 
de  l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs,  une  Carte  fort  intéressante  de  la  République 
de  l'Equateur,  dressée  par  ses  soins  et  éditée  chez  M.  Henry  Barière,  Editeur 
g-éog-raphe  à  Paris. 

Cette  Carte  en  couleur  dressée  au  1/1.500.000"^^,  divisée  en  quatre  feuilles, 
donne  avec  autant  de  précision  que  de  détails  toutes  les  indications  concernant 
la  Géographie  physique  et  historique  de  ce  pays. 

■   Les  personnes  qui  s'intéressent  à  cette  région  pourront  se  la  procurer  au 
prix  de  20  francs  chez  M.  Henry  Barrère,  Editeur  géographe.  21.  rue  du  Bac. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE  ET  COLONIES. 


JL' Accord  Franco-Eiibérieu.  —  Le  récent  séjour  à  Paris  du  Président 
de  la  République  de  Libéi'ia  a  été  marqué  par  la  signature  d'un  ari'angement  destiné 
à  fixer,  d'une  façon  définitive,  les  limites  de  l'Afrique  occidentale  française  et  d 
territoire  libérien.  L'accord  du  8  Décembre  1892  portant  délimitation  de  ces  régions 
était  en  eflet  inapplicable  sur  le  terrain,  les  coordonnées  astronomiques  ne  coïnci- 
dant pas,  dans  la  réalité,  avec  les  accidents  géographiques  et  ne  pouvant  par  suite 
se  combiner  pour  former  la  ligne  frontière.  Les  négociateurs  français  et  libériens 


ont  cherché  à  utiliser,  dans  la  plus  large  mesure  possible,  les  lignes  topographi(jues 
naturelles  les  plus  propres  à  prévenir  toutes  contestations  possibles  dans  l'avenir 
et  à  assurer,  de  part  et  d'autre,  une  domination  effective  sur  les  régions  délimitées. 

Ce  résultat  a  été  heureusement  atteint  grâce  à  des  éclianges  de  territoires  au 
moyen  desquels  on  est  parvenu  à  prendre  presque  partout  des  cours  d'eau  comme 
ligne  frontière  ;  c'est  tout  au  jjIus  si,  sur  environ  900  kilomètres  de  frontière,  il  y  en 
aura  150  artificiellement  déterminés. 

L'esprit  de  conciliation  dont  se  sont  montrés  animés  les  négociateurs  a  été  pour 
beaucoup  dans  la  conclusion  d'un  arrangement  qui  ne  peut  qu'augmenter  les  senti- 
ments d'amitié  et  de  bon  voisinage  existant  entre  les  autorités  de  nos  possessions 
africaines  et  le  gouvernement  de  Monrovia. 

A  ce  résultat  n'a  pas  été  étrangère  l'intelligence  dont  a  fait  preuve  le  Président 
Barclay. 

Les  ratifications  de  l'arrangement  en  question  seront  échangées  à  bref  délai  et 
les  opérations  d'abornement  seront  entamées  dans  les  trois  mois  qui  suivront  cet 
échanue. 


AFRIQUE. 


Traversée  d'Afrique  par  II.  et  M'^-^  Cabra.  —  Il  n'y  a  plus 
aujourd'hui  en  général  un  mérite  exceptionnel  à  traverser  de  part  en  part  le  conti- 
nent africain  ;  le  voyage  a  été  souvent  accompli  et  il  existe  maintenant  des  facilités 
de  transport  qui  abrègent  beaucoup  la  route.  Mais  le  voyage  dont  nous  allons  parler 
se  recommande  surtout  par  ce  fait  qu'il  a  été  accompli  par  ime  femme,  M™«  Cabra, 
qui  accompagnait  son  mari,  commandant  de  l'état-major  belge.  Ainsi  qu'elle  l'a  dit 
dans  une  conférence  faite  devant  la  Société  royale  belge  de  Géographie,  son  entre- 
prise a  pu  s'exécuter  sans  danger  et,  a-t-elle  affirmé,  sans  grandes  difficultés. 

De  Mombasa  où  ils  ont  abordé  la  côte  africaine,  M.  et  M""*  Cabra  ont  gagné  le 
lac  Victoria  en  chemin  de  fer,  en  franchissant  les  montagnes  qui  s'étendent  entre  le 
Kilima  N'djaro  et  le  Kénia.  La  ligne  traverse  la  grande  réserve  de  chasse  anglaise, 
où  vivent  des  bandes  de  singes  et  d'autruches,  des  troupeaux  d'antilopes  et  de 
zèbres  qui  se  dérangent  à  peine  au  passage  du  train. 

A  partir  du  lac  Victoria,  le  voyage  s'est  poursuivi  à  pied  par  la  route  des  cara- 
vanes qui  gagne  le  lac  Albert  à  Mahagi,  point  où  le  Nil  sort  de  ce  lac. 

M.  et  M'"«  Cabra  se  sont  dirigés  alors  vers  le  Sud  par  la  forêt  de  l'Itouri  pour 
gagner  le  lac  Albert-Edouard.  Cette  partie  du  voyage  a  été  la  plus  difficile,  mais 
aussi  la  plus  pittoresque,  et  c'est  celle  (jui  s'est  effectuée  à  travers  les  régions  les 
moins  parcourues.  Par  la  région  des  volcans  du  M'foumbiro  et  par  le  lac  Kivou, 
les   voyageurs  sont  ensuite  descendus  sur  le  lac  Tanganyika. 

Après  un  séjour  de  quelques  mois  à  Ouvira,  au  bord  de  cette  grande  mer  inté- 
rieure, M.  et  M'"»  Cabra  ont  repris  la  route  de  l'Ouest  en  traversant  le  Manyema 
jusqu'à  Kasongo,  sur  le  fleuve  Congo.  Ils  ont  pu  constater  les  ravages  causés  dans 
toute  cette  région  par  la  maladie  du  sommeil  et  les  efforts  faits  par  l'administration 
de  l'Etat  Indépendant  pour  combattre  le  mal.  De  Kasongo  à  la  côte  occidentale,  le 
voyage  est  facile.  On  atteint  Stanleyville  en  pirogue  ou  en  petit  bateau  à  vapeur  ; 
un  bateau  aménagé  pour  voyageurs  conduit  de  Stanleyville  à  Léopoldville,  puis  le 
chemin  de  fer  des  Cataractes  amène  à  Banane.  Il  est  à  noter  qu'on  peut,  en  trois 
semaines,  franchir  dans  d'excellentes  conditions  de  confort  la  distance  entre  Stan- 


—  :^80  — 

leyville  et  Banane,  soit  plus  de  la  moitié  de  la  traversée  du  continent  à  hauteur  de 
l'Equateur. 

M"*  Cabra  a  insisté,  dans  sa  conférence,  sur  le  rôle  important,   indispensable  et 
bienfaisant  que  la  femme  européenne  peut  remidir  dans  TKtat  Indépendant. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  Statistiques. 


FRANCE  ET  COLONIES. 


l/iuclu«ti*le  des  Parfums  et  nos  Colouies.  —  Dans  le  magistral 
rapport  sur  le  Commerce  extérieur  de  la  France  en  1906  que  vient  de  publier 
M.  A.  Picard,  une  considération  générale  nous  a  frappés.  L'éminent  statisticien, 
qui  excelle  à  tirer  des  chittres  la  moralité  sociale  qu'ils  comportent,  fait  remarquer 
que  notre  grand  commerce  .d'exportation  consiste  surtout  en  produits  de  lu.xe.  Par 
atavisme  et  traditionnelle  honnêteté,  nos  industriels  et  nos  commerçants  ne  peuvent 
se  résoudre  à  fabriquer,  pour  vendre  bon  marché,  des  produits  inférieurs.  Et  cepen- 
dant la  caractéristique  nouvelle  de  l'industrie  du  XX«  s-iècle  doit  être  sa  démocra- 
tisation. Plus  que  jamais,  le  bien-être  et  le  luxe  d'apparence,  sinon  de  fond, 
pénètrent  jusqu'au  sein  des  classes  populaires;  et,  subissant  le  contre-coup  d'une 
excessive  production  à  bon  marché,  les  clients  riches,  eux-mêmes,  en  viennent  à  se 
désintéresser  des  produits  de  grand  luxe  et  de  goût  exquis,  se  contentant  trop 
souvent  de  ce  qui  satisfait  à  peine  l'employé,  le  petit  bourgeois  ou  même  l'ouvrier. 

S'il  est,  en  particulier,  une  industrie  où  les  errements  nouveaux  se  font  surtout 
sentir,  c'est  incontestablement  celle  de  la  parfumerie  et  des  essences  végétales  ; 
elle  répond  si  bien  aux  exigences  et  aux  faiblesses  de  la  vanité  et  de  la  coquetterie 
humaines,  qu'elle  voit  sans  cesse  croître  sa  clientèle  sinon  en  qualité,  du  moins  eu 
quantité.  Aussi  les  industriels  français  devraient-ils,  de  plus  en  plus,  tout  en  main- 
tenant leur  haute  réputation  de  goût  exquis,  s'ellorcer,  pour  garantir  leur  avenir 
commercial,  de  démocratiser,  à  leur  tour,  une  production  qui  fut  toujours  consi- 
dérée comme  de  grand  luxe.  Cette  tendance  nouvelle,  d'autre  part,  se  recommande 
à  leur  réflexion  d'autant  mieux  que  les  essences  et  parfums,  profitant  des  progrès 
de  l'hygiène,  ne  sont  plus  simplement  d'une  consommation  agréable,  mais  réelle- 
ment utile.  Il  serait  donc  intéressant  de  rechercher  si  les  fabricants  de  parfum 
français,  tout  en  maintenant  la  légitimé  renommée  dont  ils  jouissent,  grâce  aux 
fines  et  délicates  odeurs  qu'ils  excellent  à  extraire  des  fleurs  du  «  doux  pays  de 
France  »,  ne  pourraient  j  as  facilement  étendre  leur  commerce  et  développer  leur 
industrie  par  la  distillation  des  végétaux,  fleurs,  plantes  aromatiques  ou  racines  à 
huiles  essentielles,  que  leur  procurerait  notre  immense  empire  d'outre-mer  ? 

Nos  colonies,  en  eflet,  leur  fourniraient,  leur  fournissent  même  déjà,  en  abon- 
dance et  à  bon  compte,  la  matière  première  qu'ils  excellent  à  transformer  de  façon 
exquise  pour  satisfaire  aux  exigences  les  plus  délicates  du  sens  si  féminin  de 
l'odorat.  En  Afrique,  d'abord,  l'Algérie  leur  oflre    en   quantités   presque   toujours 


—  281  — 

grandes  le  gérauiiim,  reiicalyptus,  le  thym  et  la  mentlie  pouliot.  La  Réunion  leii 
donne  aussi,  et  même  avec  excès,  le  géranium  et,  par  surcroît,  le  vétiver,  l'ylang- 
ylang  et  la  vanille.  Mayotte,  les  Comores  et  enfin  Madagascar  produisent  encore  le 
vanillier.  Nos  vieilles  colonies  d'Amérique,  Martinique  et  Guadeloupe,  de  même 
que  Tahiti  en  Océanie,  possèdent  aussi  la  vaniUe.  La  Guyane,  d'autre  part,  dont 
l'exubérante  végétation,  si  mal  connue  et  si  peu  exploitée,  nous  ménage  les  plus 
agréables  et  enrichissantes  surprises,  a,  dans  ses  forêts,  un  bois  de  rose  dont  la 
chimie  contemporaine  saurait,  sans  peine,  tirer  le  meilleur  parti.  Enfin,  en  Asie, 
en  Indo-(<hine  et  surtout  au  Tonkin,  la  badiane,  qui  provient  de  l'arbre,  et  l'essence 
de  Lemon  grass  abondent  au  point  d'alimenter  déjà  un  réel  trafic  pour  les  distilleries 
et  la  pharmacie  européennes.  On  comprend  donc  facilement  que  la  mise  en  valeur 
de  ces  produits  végétaux  de  nos  colonies  pourraient  contribuer  au  développement 
de  notre  si  remarquable  industrie  des  parfums.  Et  ce  développement,  encore  une 
fois,  ne  ferait  point  concurrence  à  la  production  d'origine  française,  parce  que  les 
essences  et  parfums  qui  proviennent  des  fleurs  ou  plantes  de  notre  incomparable 
sol,  ont  toujours  une  finesse,  une  subtilité,  une  délicatesse  qui  en  font  des  produits 
de  grand  luxe  avec  lesquels  leurs  similaires  d'origine  coloniale  ne  peuvent  que 
difficilement  rivaliser.  Ainsi  en  mettant  en  valeur  ce  que  renferment  nos  colonies, 
les  industries  en  question  répondraient  à  ce  vigoureux  mouvement  de  «  démocra- 
tisation »  des  objets  de  luxe  que  constate  M.  A.  Picard.  Inférieurs  presque  toujours 
en  qualité  aux  nôtres,  les  végétaux  à  parfums  de  nos  colonies,  à  cause  aussi  de 
l'abondaiice  de  leur  production,  ne  peuvent  donc  que  contribuer  au  développement 
d'une  industrie  bien  française  sans  gêner  en  quoi  que  ce  soit  notre  agriculture 
nationale.  D'autre  part,  les  plantes  qui  donnent  les  parfums  d'origine  exotique  se 
trouvant  sur  nos  terres  coloniales  devraient  remplacer  leurs  congénères  provenant 
de  L'étranger,  qui  encombrent  nos  marcliés. 

Des  faits  précis  montreront  que  ces  considérations  sont  fondées  et  que  les  résul- 
tats heureux  qu'elles  font  entrevoir  pour  la  prospérité  de  l'industrie  nationale,  n'ont 
rien  de  problématique.  Le  géranium,  par  exemple,  croît  en  France,  mais  les  gelées 
obligent  à  le  renouveler  tous  les  ans,  chacun  sait  cela.  Cependant  le  Midi,  et  ea 
particulier  le  département  des  Alpes-Maritimes,  trouve  profit  à  cette  culture.  Elle 
se  chifl're,  bon  an  mal  an,  par  environ  2.000  ivilogrammes  d'essence  dont  la  qualité- 
est  si  supériuure  que  le  kilogramme  se  vend  en  moyenne  iK)  francs.  Dans  quelle 
mesure  la  production  coloniale  peut-elle  concurrencer  la  production  nationale  ?  Il 
est  facile  de  s'en  rendre  compte. 

L'Algérie,  tout  d'abord,  produit  beaucoup  plus  d'essence  de  géranium.  Dans  le 
Tell,  en  particulier,  où,  grâce  au  climat,  la  même  plante  vit  de  six  à  huit  ans,  on 
fait  trois  coupes  annuelles.  La  culture  du  géranium  y  est  donc  intensive  ;  elle 
s'élève,  en  effet,  à  35.(X)0  kilogrammes.  Mais  la  qualité  ne  correspond  pas  à  la 
quantité  et  la  surproduction  a  même  contraint  le  cidtivateur  à  ne  plus  guère  soigner 
son  produit,  parce  que  l'économie  de  main-d'œuvre,  ce  qui  est  profondément 
regrettable,  est  devenue  le  meilleur  procédé  pour  retirer  de  cette  culture  un  bénéfice 
appréciable.  Mêmes  causes  et  mêmes  effets  à  La  Réunion.  La  crise  des  sucres  y  a 
déterminé  une  soudaine  extension  de  la  culture  du  géranium.  Ainsi,  tandis  qu'en 
1900,  La  Réunion  produisait  à  peine  9.000  kilogrammes,  depuis  quelques  années, 
la  production  y  dépasse  45.000.  Mais  les  prix  de  vente  ont  baissé  de  35  à  24  et  même 
23  francs  le  kilogramme.  Or,  selon  la  finesse  du  produit,  le  taux  de  revient  brut  est 
de  23  à  27  francs.  La  culture  du  géranium,  difficilement  rémunératrice  en  Algérie,, 
ne  l'est  donc  presque  plus  à  La  Réunion  ;  et  la  prospérité  ne  peut  renaître  dans  ces 
colonies  que  par  un  accroissement  de  la  transformation  industrielle  et  de  la 
consommation  populaire  du  produit  naturel  ;    produit    qui,    ne   cessons   pas  de  le 


répéter,  ne  peut  guère  faire  concurrence  au  géranium  national  dont  la  qualité  est  si 
supérieure  que  les  prix  se  maintiennent. 

Le  thym,  d'autre  part,  est  cultivé  industriellement  dans  le  Midi  de  la  France,  en 
Algérie,  et  en  Espagne.  Quoique  moins  riche  que  les  autres  en  phénols,  l'essence 
française  reste  préférée  pour  les  usages  domestiques.  En  Algérie,  Oran  est  le  centre 
le  plus  important  de  distillation  de  cette  plante  ;  et  le  produit  algérien  est  plus 
recherché  encore  que  l'essence  espagnole. 

L'originalité  des  subtils  parfums  de  Grasse  et  de  Nice  n'est  donc  point  compro- 
mise par  la  concuiTence  coloniale  française.  Quant  aux  autres  plantes  à  essence  qui 
ne  poussent  pas  en  France,  nos  colonies  pourraient  les  fournir  à  la  métropole  en 
qualités  et  en  quantités  capables  de  subvenir  à  toutes  les  exigences  d'une  industrie 
en  constant  progrès.  Tout  d'abord,  l'Algérie  a  presque  le  monopole  de  la  culture  et 
de  la  distillation  de  la  menthe  pouliot.  De  UKune,  si  les  chimistes  algériens  s'ingé- 
niaient à  rechercher  de  bonnes  méthodes  de  distillation,  nul  doute  que  l'eucalyptus, 
de  plus  en  plus  planté  dans  notre  Afrique  du  Nord,  ne  rivalise  efficacement  avec 
l'eucalyptus  australien.  Toutefois,  jusqu'à  ce  jour,  l'Australie  possède  les  plus  belles 
plantations  de  cet  arbre  originaire  de  son  sol. 

Ensuite,  La  Réunion  voit  croître  le  vétiver,  une  herbacée  aux  racines  odorantes  ; 
elle  le  cultive,  le  distille  et  l'exporte  directement,  luttant  avec  profit  contre  la  pro- 
duction indienne.  Enfin,  bien  que  l'ylang-ylang  provienne  'surtout  de  Manille,  La 
Réunion  en  possède  une  espèce  dont  elle  néglige  la  culture  et  l'exploitation,  tandis 
que  des  essais  d'acclimatation  faits  au  Tonkin  laissent  concevoir  un  avenir  très 
bi'illant.  Ainsi  les  cultures  industrielles  de  ces  plantes  à  essences  ou  à  parfums  ne 
peuvent  pas  gêner  par  leur  extension  l'activité  de  la  métropole,  mais  leur  industria- 
lisation serait  une  nouvelle  source  de  prospérité  pour  nos  colonies  d'Alj,érie,  de 
La  Réunion  et  du  Tonkin. 

L'exploitation  bien  comprise  de  la  vanille  est  encore,  pour  notre  domaine  d'outre- 
mer, une  bi'anche  d'activité  commerciale  et  industrielle  ini  peu  tro^j  négligée.  La 
vanille  est,  en  eîl'et,  un  des  produits  odorants  les  plus  communs  de  nos  colonies. 
Cette  plante  grimpante,  portant  des  gousses  qui,  préparées,  deviennent  la  vanille, 
se  trouve  à  la  Martinique  et  plus  encore  à  la  Guadeloupe,  où  on  l'exploite  eu  grand. 
Il  en  est  de  même  à  La  Réunion,  à  Tahiti  et  aux  Mascareignes.  Enfin,  on  la  ren- 
contre encore  à  la  Guyane,  où  on  ne  l'exploite  pas,  et  au  Congo,  où  on  l'exporte  à 
peine.  Le  iiarfum  ne  se  développe  que  par  la  dessication  du  fruit  sur  la  liane  et  par 
une  préparation  spéciale  qui  concentre  l'arôme.  Tandis  qu'au  Mexique  on  sèche  la 
vanille  au  soleil  ou  même  au  four,  à  La  Réunion  on  l'immerge  plusieurs  fois  à  l'eau 
bouillante,  ou  on  la  passe  à  l'étuve.  Puis  on  étire  le  fruit  pour  lui  donner  sa  forme 
allongée  en  bâtons,  qu'on  enferme  par  paquets  de  50  dans  des  boîtes  en  fer  blanc 
pesant  10  à  12  kilogrammes. 

On  compte,  en  général,  que  800  fleurs  de  vanillier  fécondées  à  la  main  donnent 
3  kilogrammes  et  demi  de  vanille  vei'te,  et  2  kilogrammes  de  vanille  préparée.  Enfin, 
le  principe  odorant  de  la  vanille  est  la  vanilline  que,  malheureusement  comme  tout 
le  monde  sait,  on  contrefait  chimiquement.  C'est  cette  concurrence  scientifique  qui 
compromet  le  plus  la  sécurité  des  cultures  de  nos  colonies.  Ces  dernières,  en  eUet, 
peuvent  luttei'  sans  j  eine  contre  la  concurrence  naturelle  qui  vient  du  Mexique,  de 
l'île  Maurice,  des  Seychelles,  de  Ceylan  et  de  Java. 

En  somme,  nos  colonies  sont  en  bonne  posture  aussi  bien  pour  la  vanille  que 
pour  les  auti'es  essences  et  parfums  d'origine  végétale.  Si  l'industrie  métropolitaine 
savait  tirer  meilleur  parti  des  richesses  qu'elles  renferment  dans  cette  branche,  il 
est  certain  que  notre  commerce  eu  général  en  profiterait  notablement,  surtout  si, 
réservant  la  production  nationale,  qui  convient  aux  riches,  à  la  consommation  de 


—  2m  — 

luxe,  il  dirigeait  l'activité  iiiiiii^strielle  vei's  la  production  à  bon  marché,  qui  répond 
•à  cette  «  démocratisation  »  dont  nous  parlions  au  début.  Il  ne  sera  peut-être  pas 
.inutile  d'attirer  l'attention  des  intéressés  sur  cette  voie  nouvelle  qui  s'oflre  à 
J'exj^ansion  d'une  des  fabrications  françaises,  depuis  longtemps  réputée  et  lio- 
■rissante 

Paul  Pkli.khi.n. 


IjM  Ciiuyaue.  —  Cette  colonie  a  été  laissée  dans  un  abandon  ((ui  est  à  peine 
«croyable.  Et  si  l'on  n'y  porte  pas  remède,  un  danger  très  prochain  la  menace. 

Son  cas  est  un  bel  e.xemple  des  efléts  d'une  mauvaise  réputation.  Elle  est  la  plus 
Taste  de  nos  anciennes  possessions.  Sou  territoire  équivaut  à  une  vingtaine  de  nos 
•départements.  L'épaisse  forêt  qui  le  couvre  est  riche  en  caoutchouc,  en  balatta,  en 
fruits  oléagineux,  eu  bois  précieux.  Le  sol,  très  fertile,  est  propre  à  la  plupart  des 
cultures  tropicales.  Quoiqu'on  ait  déjà  tiré  plus  de  400  millions  de  ses  mines  d'or, 
•elles  paraissent  à  peine  eflleurées:  Elt  cependant  tant  de  conditions  de  succès  réu- 
jiies  ne  lui  ont  servi  à  rien  jusqu'à  présent.  Une  folie  de  Choiseul  y  a  fait  mourir 
quinze  mille  colons  au  X\'Iir'  siècle.  Le  Directoire  et  le  Consulat  y  ont  envoyé 
leurs  adversaires  comme  à  la  guillotine  sèche.  VA  plus  tard  on  y  a  installé  le  bagne. 
Tout  cela  a  créé  à  la  Guyane  le  renom  d'un  pays  sinistre  où  l'on  ne  peut  pas  vivre 
•et  qu'il  faut  fuir.  Elle  a  été  frappée  de  malédiction  par  cette  réclame  à  rebours.  Et 
jusqu'ici  elle  n'en  a  pas  appelé. 

Avec  le  temps,  sa  situation  devient  étrange.  Si  vous  regardez  au  Nord,  vous 
voyez  la  Guyane  hollandaise  et  la  Guyane  anglaise  qui  sont  d'une  activité  écono- 
mique intense  ;  aux  produits  miniers,  elles  joignent  de  grandes  cultures  qui  dans  la 
•colonie  anglaise  seulement  occupent  plus  de  150.000  ouvriers  ;  elles  sont  outillées  à  la 
moderne  et  ont  des  ports,  des  chemins  de  fer  et  des  routes.  Bien  loin  de  souscrire 
à  la  légende  d'insalubrité  que  l'on  a  faite  au  climat,  les  Anglais,  s'étant  aperçus 
que  l'hiver  est  délicieux  à  la  Guyane,  ont  adopté  Demerara  comme  station  de  plai- 
sance. Ils  y  ont  construit  de  grands  hôtels  aménagés  avec  les  derniers  raffinements 
du  confort.  Et  de  nombreux  touristes  y  vont  en  villégiature,  comme  d'autres  vont  à 
Nice.  D'autre  prart,  si  vous  regardez  au  Sud,  vous  voyez  les  provinces  voisines  du 
Brésil  dans  lesquelles  les  exjjloitations  forestières  ne  cessent  de  s'accroître.  Au 
milieu,  la  Guyane  française  paraît  ignorer  le  mouvement  contemporain.  C'est  une 
tâche  de  barbarie  que  nous  entretenons  sur  la  côte  d'Amérique.  Et  comme  cette 
tâche  est  une  preuve  d'incapacité,  l'expression  n'est  point  trop  forte  que  de  dire 
que  cette  colonie  nous  déshonore. 

Les  habitants,  enrichis  par  la  recherche  et  le  commerce  de  l'or,  sont  individuel- 
lement très  prospères  ;  sur  (3.000  familles  environ  que  compte  Cayenne,  on  estime 
que  3.(K)0  au  moins  ont  plus  de  4.000  francs  de  revenus.  Les  millionnaires  ne  sont 
pas  rares  parmi  elles.  Mais  l'aménagement  du  pays  ne  répond  en  aucune  manière  à 
cette  richesse.  Il  est  nid.  A  peu  de  chose  près,  lùen  n'a  été  changé  à  la  sauvagerie 
originelle  depuis  l'arrivée  des  premiers  navigateurs.  Les  millionnaires  font  venir  à 
grands  frais  des  automobiles  de  France,  parce  qu'il  est  convenu  que  c'est  le  signe 
de  l'opulence,  mais  il  n'y  a  point  de  routes  où  elles  puissent  circuler.  On  aborde  à 
Cayenne  sur  des  radeaux!  Dans  un  récent  discours,  le  secrétaire  général  de  la 
colonie  définissait  le  seul  ouvrage  qui  ait  jamais  été  construit  pour  aider  au  débar- 
quement :  «  Cette  ruine  informe  que  nous  appelons  notre  appontement  ».  Il  existe 
cependant  un  budget,  et  assez  élevé,  puisqu'il  dépasse  trois  millions.  A  quoi  sert-il? 
Depuis  bien  longtemps  on  ne  semble  pas  avoir  eu  dans  ce  bienheureux  pays  la 
moindre   idée    que   le   gouvernement   a   un  rôle  à  jouer  dans  une  société,  et  qu'à 


—  284  — 

mesure  que  des  intérêts  se  créent,  son  devoir  est  de  pourvoir  à  leurs  besoins  collec- 
tifs. Jusqu'à  une  date  très  récente,  l'autorité  ne  s'était  pas  même  préoccupée  de 
connaître  le  territoire  qu'elle  est  censée  administrer.  Point  de  carte.  Dès  que  l'on 
quitte  la  côte,  si  l'on  ne  suit  pas  les  rivières,  on  est  en  pays  inconnu.  L'unique 
production  est  l'or  (dix  millions  et  demi  sur  une  exportation  moyenne  de  onze 
millions).  Cet  or  est  recueilli  à  l'intérieur.  Mais  dans  quelles  conditions  ?  On  s'en 
souciait  si  peu  qu'alors  que  les  statistiques  officielles  prétendent  que  la  population 
de  la  colonie  est  de  32.908  âmes,  M.  Galmot  estime  à  plus  de  TO.fXK)  le  nombre  des 
personnes  vivant  sur  les  plaeers  et  qui  n'ont  pas  été  recensées. 

Cet  engourdissement  ne  saurait  être  plus  longtemps  toléré.  .Jusqu'ici  il  empêchait 
seulement  le  développement  de  la  colonie.  Si  l'on  n'y  prend  pas  garde,  il  va  la  tuer. 
Voici,  en  effet,  le  fait  nouveau  qui  va  changer  ses  conditions  d'existence.  Les  prin- 
cipaux gisements  aurifères  sont  à  100  kilomètres  dans  l'intérieur,  près  de  la  fron- 
tière. Or,  la  Guyane  hollandaise  a  entrepris  la  construction  d'un  chemin  de  fer 
dont  le  terminus  sera  dans  leur  voisinage.  En  partant  de  Cayenne,  il  faut  deux  ou 
trois  semaines  d'un  voyage  pénible  et  coûteux  à  travers  la  forêt  pour  y  accéder.  En 
prenant  le  chemin  de  fer  à  Paramaribo,  on  y  anùvera  en  trois  ou  quatre  jours.  Dès 
(jue  celui-ci  sera  ouvert,  on  peut  donc  s'attendre  à  ce  qu'une  grande  partie  de  l'in- 
térieur de  la  Guyane  française  n'emploiera  plus  d'autre  route.  Va  alors  il  arrivera 
fatalement  deux  choses  :  la  fraude  sur  l'or  deviendra  très  difficile  à  réprimer  et  le 
transit  dont  vit  Cayenne  se  transportera  à  Paramaribo.  La  colonie  sera  frappée  à  la 
fois  dans  son  budget  et  dans  son  commei'ce. 

Veut-on  la  préserver  de  cette  déchéance  ?  Veut-on  vou'  se  manifester  chez  elle  un 
peu  de  l'activité  qui  distingue  ses  voisines  ?  Veut-on  qu'elle  cesse  de  faire  une 
exception  lamentable  auprès  de  nos  autres  colonies  à  grands  territoires  qui  toutes 
sont  en  progrès  marqués  ?  Dans  ce  cas,  il  nous  semble  que  la  première  chose  à 
faire  serait  de  lui  donner  une  Constitution  rationnelle.  A  l'heure  actuelle,  ce  sont 
les  élus  des  38.000  habitants  des  statistiques  officielles  qui  disposent  de  son  budget. 
Cela  est  aussi  absurde  qui  si  les  élus  de  Dieppe  ou  de  la  Rochelle  décidaient  du 
sort  d'un  quart  de  la  France.  Cette  population,  dont  les  deux  tiers  sont  entassés  à 
Cayenne  et  dont  le  reste  est  égrené  le  long  de  la  côte,  ignore  tout  de  l'intérieur. 
Elle  n'a  aucun  titre  ni  aucune  capacité  à  en  régir  les  intérêts,  et  l'on  a  pu  voir  par 
ce  que  nous  venons  de  dire  combien  elle  les  néglige.  Il  serait  urgent,  imitant  à  la 
Guyane  ce  qu'on  a  fait  au  Sénégal,  de  restreindre  les  pouvoirs  du  conseil  général 
aux  territoires  qu'habitent  eirectivement  ses  électeurs.  Et  le  reste  du  pays  serait 
rendu  à  l'initiative  de  la  métropole. 

Cela  fait,  la  métropole  pourrait  au  moins  engager  ses  gouverneurs  à  exercer  cette 
initiative.  11  est  clair  qu'il  n'y  a  qu'un  moyen  de  défendre  l'intérieur  de  la  colonie 
contre  la  puissance  d'attraction  que  va  déployer  le  cliemin  de  fer  hollandais  :  c'est 
de  faire  desservir  les  plaeers  par  un  chemin  de  fer  français,  dont  le  tracé  a  été 
étudié  du  reste. 


Un  uouvel  arbre  à  caoutchouc.  —  M.  Gaston  Bonnier  a  présenté  à 
l'Académie  des  Sciences,  une  note  de  MM.  Dubard  et  Eberhardt  sur  un  nouvel 
arbre  à  caoutchouc  du  Tonkin  qui  fournit  un  produit  de  qualité  supérieure  et  qui 
est  très  abondant  dans  plusieurs  provinces  de  notre  colonie.  On  ne  connaissait  en 
Indo-Chine,  jusqu'ici,  que  des  lianes  à  caoutchouc  dont  l'exploitation  est  difficile  et 
peu  rémunératrice.  Cet  arbre  est  une  espèce  qui  n'avait  jamais  été  décrite  et  qui 
appartient  à  la  même  famille  que  le  mûrier  de  nos  pays. 


—  283  — 


AFRIQUE. 


■l'industrie  de«  TapK  au  llaroe.  —  Une  des  industrie.s  indigènes 
les  plus  répandues  au  Maroc  est  l'industrie  textile.  La  fabrication  des  tapis,  des 
couvertures,  des  tissus  pour  vêtements,  ceintures,  écharpes,  foulards  ;  la  vannerie 
de  jonc,  de  feuilles  de  palmiers  et  de  sparterie  ;  et  enfin  les  industries  connexes 
telles  que  la  teinturerie  ont  été  autrefois  très  prospères  au  Maroc  et  le  sont  restées 
dans  certains  centres,  malgré  la  concurrence  européenne. 

Rabat  et  Casablanca  sont  les  deux  villes  où  le  tissage  des  tapis  a  pris  le  plus 
d'extension  ;  leurs  produits  sont  les  j)lus  répandus,  les  plus  vulgarisés,  et  il  n'est 
pour  ainsi  dire  jjas  au  Maroc  une  famille  de  quelque  aisance  qui  n'ait  son  tapis 
bidliaoul  (de  Casablanca)  ou  rebâti  (de  Rabat).  A  côté  de  ces  deux  productions 
«  classiques  »  pour  ainsi  dire,  il  convient  de  noter  les  tapis  fabriqués  à  Fez,  à 
Tétouan,  à  Onezzan,  à  Meknès,  à  Saffi,  à  Marrakech  et  enfin  dans  les  bourgades 
des  régions  montagneuses,  entre  le  Rif  et  le  Haut-Atlas  :  les  tapis  de  la  montagne 
varient  suivant  la  province  où  ils  sont  tissés  ;  ils  ont  en  général  beaucoup  d'origi- 
nalité et  sont  d'une  solidité  à  toute  épreuve.  Les  plus  connus  sont  les  berberi^  qui 
proviennent  des  tribus  berbères  installées  au  Sud  de  Fez. 

Il  est  à  remarquer  que,  de  même  qu'en  Algérie  et  en  Tunisie,  il  n'y  a  pas  de 
«  manufactures  »  spéciales  de  tapis  au  Maroc.  Alors  qu'il  y  a  des  ateliers  de  tisse- 
rands en  soie,  de  tisserands  en  laines,  la  fabrication  des  tapis  n'est  pas  eu  quelque 
sorte  monopolisée  par  une  corporation  de  techniciens  ;  elle  est  exclusivement 
domestique  et  réservée  aux  femmes,  qui  emploient  leurs  loisirs  à  tisser  des  produits 
destinés  à  la  vente  hors  de  la  famille.  Suivant  la  ville,  suivant  la  localité,  la  tradi- 
tion veut  que  les  femmes  s'adonnent  activement,  médiocrement  ou  point  du  tout 
à  la  confection  des  tapis.  A  Rabat  et  à  Casablanca,  où  les  métiers  à  tapis  sont  très 
nombreux,  il  est  probable  que  le  développement  de  cette  industrie  est  dû  en  partie 
À\  la  facilité  avec  laquelle  on  pouvait  se  procurer  des  laines  d'excellente  qualité  et  à 
très  bon  compte. 


La  tapis>erie  est  l'occupation  favorite  des  femmes  indigènes  de  Rabat  et  de  Casa- 
blanca. Ces  femmes,  d'ailleurs,  lavent  et  filent  eiles-nirmes  les  laines  que  leurs 
maris  achètent  en  toison  sur  les  marcliés.  Certaines  d'entre  elles  teignent  les  fils 
■destinés  au  tis.sage  :  néanmoins  la  teinture  e.st  laissée  généralement  aux  soins  de 
professionnels  ayant  atelier  ouvert. 

A  cet  égard,  il  faut  regretter  sincèrement  que  les  teinturiers  de  ces  deux  ports 
n'aient  pas  su  mieux  résister  que  leurs  confrères  des  pays  voisins  à  l'introduction 
des  teintures  minérales  d'origine  européenne.  On  déplore  avec  raison,  en  Algérie  et 
Tunisie,  l'emploi  des  anilines  dans  la  teinture  des  laines  destinées  à  la  tapisserie  ; 
certains  économistes  font  même  allusion,  avec  amertume,  à  l'influence  nétaste 
des  anilines  allemandes.  Il  est  juste  de  remarquer  que  les  anilines  n'ont  pas  de 
patrie  et  qu'au  Maroc  comme  ailleurs,  elles  sont  françaises,  anglaises,  allemandes 
ou  italiennes. 

Les  teintures  végétales  employées  à  Rabat,  à  Casablanca  et  dans  toutes  les 
localités  marocaines  où  ou  fabrique  des  tapis,  sont  excellentes  ;  elles  sont  le 
itésultat  de  plusieurs  siècles  d'expérience  locale  et  routinière  et  donnent  des  produits 
pour  ainsi  liire  inaltérables.  Les  combinaisons  qui  président  à  leur  préparation  sont 


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encore  l'objet  des  plus  grandes  discrétions,,  et  ce'  n'est  qn'avec  beaucoup  de  diffi- 
cultés et  de  pourboires  qu'un  étranger  peut  obtenir  la  révélation  de  cei-taines 
lormules.  On  est  donc  surpris  de  constater,  d'une  part,  cette  réserve  des  indigènes 
pour  tout  ce  qui  touche  la  fabrication  de  leiu's  teintures  végétales  et,  d'autre  part,, 
la  facilité  avec  laquelle  ils  pratiquent  l'emploi  des  teintures  minérales. 

A  Casablanca,  l'usage  des  anilines  est  général  et  celui  des  produits  végétaux  a  à 
peu  près  complètement  disparu.  De  là  une  grande  dépréciation  sur  les  tapis  de- 
cette  ville  dont  les  teintes  trop  criardes  choq^ueni  souvent  l'œil  le  plus  complaisant 
et  dont  la  durée  est  passagère.  Ces  tapis  pâlissent  rapidement  et  sans  uniformité,, 
de  sorte  qu'au  bout  de  quelque  temps,  leur  coloris  éteint  se  complique  de  marbriu'es 
blafardes  du  plus  fâcheux  eHet. 


La  mauvaise  qualité  de  ces  tapis  rend  leur  prix  d'achat  des  plus  abordables,  de' 
sorte  que  les  produits  de  Casablanca  sont  les  plus  répandus  dans  les  villes  maro- 
caines. A  Rabat,  on  trouve  encore  des  teinturiers  qui  respectetit  la  tradition  et  qui. 
n'emploient  que  des  teintures  végétales  pour  colorer  leurs  fils.  Les  produits  fabri- 
(|ués  avec  ces  fils  continuent  à  être  fort  appréciés.  Les  autres  n'ont,  sur  ceux  de- 
Casablanca,  que  la  valeur  du  dessin  et  de  la  composition,  (jui  sont  certainement, 
plus  raffinés  et  plus  élégants  à  Rabat. 

Ailleurs,  les  couleurs  végétales  subsistent  eu  général.  Cependant,  les  anilines- 
commencent  à  pénétrer  à  Fez,  à  Tétouan,  à  Saffi.  II  n'y  a  guère  jusqu'ici  que  les 
villages  des  montagnes  qui  soient  indemnes  de  cette  désastreuse  invasion,  princi- 
pale cause  de  l'avilissement  de  l'industrie  tapissière  dans  l'Afrique  du  Nord. 

Il  est  à  remarquer  que  les  indigènes  n'emploient  pas,  —  probablement  parce- 
(Iti'ils  ne  les  connaissent  pas,  —  les  teintes  à  base  d\iltzarine,  d'origine  chimique- 
et  artificielle  comme  les  anilines,  plus  difficiles  à  employer,  mais  infiniment  plus 
durables  et  plus  douces  de  tons.  Les  aliinrines  sont  employées  en  France  pour  la. 
teinture  de  certains  draps,  notamment  ceux  destinés  à  l'habillement  des  troupes  et 
donnent  d'excellents  résultats.  S'il  est  vraiment  impossible  de  remonter  le  courant 
et  d'obtenir  des  indigènes  qu'ils  adoptent  à  nouveau  des  couleurs  végétales,  peut- 
être  pourrait-on  les  décider  à  user  des  alizarines. 


Mais  il  est  évident  que  seule  une  intervention  européenne  pourrait  guider  les 
tendances  et  les  habitudes  nouvelles  à  prendre  dans  la  fabrication  des  tapis  maro- 
cains ;  et  cette  intervention  pourrait  être  d'autant  plus  facilement  française  qu'il  y 
a  en  Algérie  et  en  Tunisie  de  nombreuses  personnes  au  courant  de  cette  question, 
des  tapis  indigènes  et  qui  s'en  occupent  avec  succès.  Dans  des  villes  ouvertes 
comme  Casablanca  ou  Rabat,  on  peut  être  persuadé  que  des  ouvroirs  organisés  par- 
des  dames  françaises  parlant  arabe  (ainsi  qu'il  en  existe  à  Alger,  à  Tlemceu,  à 
Kairouan)  réussiraient  d'autant  plus  facilement  que  les  habitants  des  villes  du. 
littoral,  au  Maroc,  s'accommodent  plus  volontiers  des  innovations  qu'en  Algérie  et. 
en  Tunisie  et  s'intéressent  sincèrement  aux  mesures  de  progrès.  Des  initiatives  pri- 
vées, à  condition  qu'elles  ofl'rent  des  garanties  nécessaires,  mériteraient  d'ètre- 
aidées  et  encouragées  dans  ce  sens. 

Ces  initiatives,  si  elles  arrivaient  à  bannir  l'aniline  de  la  teint, irerie  des  fils  des- 
tinés à  la  fabrication  des  tapis,  rendraient  de  grands  services  à  l'industrie  tapissière- 


—  ^7  — 

au  Maroc.  Actuellement,  lorsqu'on  fait  Tacquisiiion  d"un  tapis  neuf,  pour  recon- 
naître l'origine  de  la  couleur,  il  suffit  de  mouiller  légèrement  un  linge  blanc  et  de 
le  frotter  sur  le  tapis  ;  si  la  teinture  est  minérale,  elle  déteindra  sur  le  linge.  Les 
amateurs  européens,  les  touristes  préfèrent  les  tapis  anciens,  aux  couleurs  estom- 
pées, légèrement  fondues  (et  non  pas  déteintes).  Il  ne  faut  pas  confondre  les  vieux 
tapis  dont  le  temps,  eu  atténuant  la  vigueur  du  coloris,  n"a  fait  que  le  rendre  plus 
agréable  à  Fceil,  et  les  tapis  récemment  tissés  avec  des  laines  teintes  à  l'aniline,  que 
de  malins  couitiers  indigènes  ont  trempés  dans  l'eau  de  mer  puis  exposés  au  soleil 
pour  les  faire  pâlir.  Les  premiers  ont  une  réelle  valeur  artistique  et  marchande,  les 
seconds  ne  valent  que  par  la  spéculation  dont  ils  font  l'objet  au  détriment  de  col- 
lectionneurs inexpérimentés. 


Les  «  métiers  »  sont  partout  les  mêmes,  verticaux,  composés  de  poutres  gros- 
sières qui  occupent  le  milieu  de  la  principale  pièce  de  la  maison  arabe.  Ils  ne 
diffèrent  des  métiers  algériens  ou  tunisiens  que  par  les  dimensions,  D'ailleurs, 
ces  dimensions  ne  sont  pas  uniformes  au  Maroc  même  et  varient  suivant  la  tradition 
locale. 

La  femme  ou  la  jeune  fiUe  marocaine  qui  tisse  un  tapis  n'a  pas  de  modèles,  pas 
de  repères  sur  sa  chaîne,  «  elle  a  le  dessin  dans  l'œil  et  dans  la  main  »,  suivant 
l'expression  locale.  Ce  dessin  est  invariable  dans  chaque  famille,  où  il  se  perpétue 
de  mère  en  fille.  Il  n'est  pas  compliqué  à  obtenir,  néanmoins  ses  motifs  sont  assez^ 
heureusement  combinés  pour  donner  l'apparence  d'une  réelle  complication.  C'est 
surtout  à  Rabat  que  les  ouvrières  savent  pratiquer  renchevètrement  habile  des  cou- 
leurs-et  des  motifs.  Leurs  dessins  sont  parfois  aussi  délicats  que  ceux  que  l'on  peut 
rencontrer  à  Smyrne  ;  seul  le  mode  de  fabrication  plus  grossier  ne  leur  donne  pas 
le  «  fini  »  des  produits  de  l' Asie-Mineure. 

Le  tapis  dit  zerbia  est  le  modèle  le  plus  communément  répandu  au  Maroc;  Rabat 
et  Casablanca  ne  produisent  pour  ainsi  dire  que  celui-là.  C'est  le  tapis  à  laine 
«  près  rasée  »,  dont  la  largeur  varie  entre  1  mètre  et  2  m.  50,  et  dont  la  longueur 
atteint  parfois  6  mètres.  Le  rouge  vif  domine  dans  le  coloris  et  forme  généralement 
le  «  fond  »  au  milieu  duquel  s'éparpillent  les  lignes  enchevêtrées  et  en  entrelacs  des 
autres  couleurs. 

Les  qtifa  sont  des  tapis  du  même  genre  comme  dessin,  mais  «  à  longue  laine  »  ; 
ils  rappellent,  comme  procédé  de  fabrication,  les  tapis  veloutés  français  dits  «  de  la 
Savonnerie  ».  Le  Hembal  est  un  tapis  très  allongé  (long  de  sept  à  huit  mètres  par- 
fois), étroit,  à  laine  très  rase,  composé  de  raies  brunes,  rouges,  jaunes  et  blanches 
de  largeur  variable.  Il  se  fabrique  de  ftréférence  à  Oueïzan  et  à  Sale.  On  tisse  un 
peu  partout  des  petits  tapis  à  bon  marché,  rayés  orange  et  noir,  dans  le  genre  des 
hembal,  qui  prennent  le  nom  de  tellis. 

Les  tapis  berbères,  confectionnés  dans  les  montagnes,  sont  plus  généralement 
des  qti/'a,  ou  tapis  veloutés  de  haute  laine.  Leurs  dessins  et  leurs  coloris  sont  des 
plus  originaux. 

On  estime  à  4.000  la  quantité  de  tapis  annuellement  mise  en  vente  par  les  pro- 
ducteurs marocains.  Le  travail  de  tissage  est  d'une  extrême  lenteur.  Un  petit  tajus 
demande  au  moins  qu'ime  jours  ;  il  faut  trois  ou  quatre  mois  pour  finir  un  beau  et 
grand  tapis  de  Rabat.  Le  prix  se  détermine  à  forfait  dans  l'intérieur,  au  poids  dans 
les  villes  du  littoral.  Le  prix  du  kilogramme  oscille  entre  3  et  7  pesetas,  suivant  la 
valeur  de  la  pièce  et  aussi  parfois  suivant  la  naïveté  de  l'acheteur.  Les  tapis  maro- 
cains s'exportent  en  Egypte.  Il  s'en  exportait,   il  y  a  quelques  années,  de  grandes 


—  288  — 

•quantités  en  Algérie  par  la  voie  de  terre,  qui  les  exonérait  des  droits  de  douane  à 
l'importation.  La  révolte  du  Prétendant  ayant  intercepté  les  communications  entre 
Fez  et  Oudjda  a  arrêté  ce  commerce.  Par  mer,  les  tapis  marocains  paient  en  Algérie 
les  mêmes  droits  qu'en  France,  ce  qui,  grâce  à  des  taxes  très  élevées,  constitue  une 
véritable  prohibition.  Seuls  quelques  produits  achetés  très  bon  marché  }>ar  des 
courtiers  peuvent  braver  les  tarifs  prohibitifs. 

Gomme  je  l'indiquais  plus  haut,  l'industrie  tapissière  marocaine  peut  constituer 
pour  le  pays  une  source  intéressante  de  bénéfices  et  le  dédommager,  grâce  à  cette 
industrie  familiale,  des  progrès  que  fait  la  concurrence  européenne  j)ar  l'importation 
d'objets  manufacturés  fabriqués  auparavant  au  Maroc.  Mais  il  e.st  nécessaire,  pour 
cela,  que  les  ouvrières  en  tapis  réagissent  contre  leur  tendance  à  produire  du  bon 
marché  et  du  «  toc  »  et  que,  pour  en  favoriser  l'exportation,  nos  tarifs  douaniers  se 
•  départissent  des  rigueurs  qu'ils  opposent  aux  tapis  marocains. 

Ch.  René-Leclerg. 


AMERIQUE. 

lies  ■»orts  du  Brésil.  —  Les  travaux  du  port  de  Rio-de-Janeiro  se  pour- 
suivent régulièrement  et  devront  être  terminés  en  1910.  I*;n  Novembre  ItKKî,  le 
directeur  technique  évaluait  à  121. 000. (MK)  de  francs  la  dépense  des  travaux  restant 
à  eflectuer,  et,  à  cette  date,  le  solde  de  ressources  existant  était  de  91. 00». 000  de  fr., 
ce  qui  présentait  un  déficit  apparent  de  30.000.000  de  fr.  Celui-ci  pourra  être  comblé 
-au  cours  de  la  construction,  une  fois  couvert  le  service  des  emprunts  extérieur  et 
intérieur  du  port,  avec  le  produit  liquide  des  2  °/o  sur  l'importation  de  Rio-de- 
Janeiro,  la  recette  des  entrepôts,  des  propriétés,  des  sections  de  quais  livrés  au 
trafic,  et  enfin  avec  les  intérêts  payés  sur  les  dépôts  du  solde  de  l'emprunt  existant 
.à  Londres. 

Toutefois,  l'insuffisance  des  .3,500  mètres  de  quais  en  construction  devient  mani- 
feste, eu  égard  au  mouvement  du  port,  de  sorte  que  leur  prolongement  s'impose  et 
que  de  nouvelles  ressources  deviendront  nécessaires.  11  est  probable  que,  dans  le 
courant  de  cette  année,  la  premi  re  section  du  port  sera  livrée  au  trafic. 

Les  travaux  des  ports  de  Bahia  et  de  Para  sont  commencés  ellectivement  et  les 
études  et  devis  définitifs  approuvés.  Ceux  de  Pernambuco  seront  effectués  dès  les 
études  approuvées.  Enfin,  les  études  des  ports  de  Victoria  et  de  Rio  Grande  sont 
•en  voie  d'approbation. 

Le  gouvernement  se  préoccupe  en  même  temps  des  améliorations  des  rivières 
navigables,  tant  au  point  de  vue  des  communications  que  du  régime  des  ports.  Les 
■travaux  pour  prévenir  les  terribles  sécheresses  dans  les  États  de  Ceara,  de  Rio- 
■Grande  do  Norte,  de  Parahyba  et  de  T'iauhy  se  ])Oursuivent  activement. 

LE    SECRFTAIRE-GÉNÉR.\L  ADJOINT,  LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, 

ULEs  DUPONT.  A.  MERCHIER. 


Lille  ImplDanel. 


289  — 


PROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES. 


Assemblée  séuérale  du  Jeudi   17   Oetoltre  t907. 


Présidence  de  M.  Erxest  NICOLLE,  Président. 


La  séance  est  ouv'^erte  à  huit  heures  et  demie. 

Prennent  place  au  Bureau  :  MM.  Auguste  Crepy,  Eugène  "N'aillant  et  Auguste 
Schotsnians. 

Le  procès-verbal  de  la  précédente  Assemblée,  tenue  le  11  Avril  dernier,  ne  sou- 
lève pas  d'observations. 

Adhésions  nouvelles.  —  Le  Comité  d'Etudes  a  admis  22  membres  dans  ses 
séances  dernières.  Leur  liste  figure  à  la  suite  du  présent  procès-verbal. 

Démission  d'u-n  Membre  du  Conité  d'Etudes.  —  M.  Raymond  Tliéry,  dont  tous 
les  membres  se  rappellent  l'active  coopération  au  Bulletin  lorsqu'il  était  Secrétaire- 
Général  adjoint,  quittant  Lille,  a  donné  sa  démission  de  Membre  du  Comité 
d'Etudes.  Le  Président  dit  les  regrets  des  Membres  du  Comité  en  voyant  s'éloigner 
ce  collègue  éclairé.  Son  remplacement  comme  Membre  du  Comité  d'Etudes  aura 
lieu  à  l'Assemblée  généi'ale  de  fin  d'année. 

Nécrologie.  —  La  Société  a  perdu  les  Membres  suivants  : 

MM.  V.  Dujardin-Scrive. 
Aug.  Masquelier. 
F.  Rattel. 

Théodore  Rouselle. 
.Jules  Verroust. 

Elle  adresse  à  leur  famille  des  condoléances  sincères. 

M.  V.  Delahodde  a  fait  part  au  Comité  d'Études  de  la  mort  du  R.  P.  Bonvoisin, 
<jui  a  donné  une  conférence.  Le  Comité  a  exprimé  des  regrets,  auxquels  l'Assemblée 
joint  les  siens.  La  Bibliothèque  a  reçu  une  brochure  écrite  en  souvenir  et  à  l'éloge 
du  R.  P.  Bonvoisin. 

19 


—  290  — 

Distinctions  honorifiques.  —  Le  Président  cite  les  suivantes,  parvenues  à  sa 
connaissance,  et  invite  l'Assemblée  à  joindre  ses  félicitations  aux  siennes  pour  les 
titulaires.  Les  Membres  sont  unanimes  à  l'approuver. 

MM.  le  Lieutenant-Colonel  Duminy,  Officier  de  la  Légion  d'Honnenr. 

Marcel  Laurenge,  Chevalier  »  » 

Ledieu-Dupaix,  »  »  » 

Melle  Abrey,  Officier  de  l'Insirnction  publique. 
MM.  Delhaye,        »  » 

Demangeon,   »  » 

D''  Verdun,     »  » 

Delsarte,  Officier  d'Académie. 

Ém.  Leroy,      »  » 

Le  Général  Lebon,  Membre  du  Comité  d'Etudes,  a  été  appelé  au  Conseil  supérieur 
de  la  Guerre.  Tout  en  le  félicitant,  et  en  félicitant  le  pays,  de  le  voir  accéder  à 
cette  haute  position  militaire,  l'Assemblée  témoigne  son  regret  de  voir  s'éloigner 
'de  Lille  une  personnalité  si  sympathique. 

Concours.  —  Monographies.  —  Ce  prix  a  été  attribué  à  M.  Gaston  Baelen,  pour 
un  travail  sur  Wasquehal,  dont  le  résumé  a  été  publié  dans  le  Bulletin.  Le  Prési- 
dent fait  remarquer  que  cette  récompense,  malgré  son  importance,  n'attire  pas  assez 
les  concurrents.  Il  y  a  cependant  là  un  encoiu-agement  à  un  travail  intéressant  par 
lui-même. 

Concours  Paul  Crepy.  —  Le  Prix  a  été  attribué  à  M.  l'Abbé  Paul  Dussart, 
élève  des  Facultés  Catholiques,  qui  a  entrepris  un  voyage  en  Auvergne,  dont  il 
rendra  compte  dans  le  Bulletin. 

Le  Concours  général  s'est  accompli  le  20  Juin  dans  les  conditions  ordinaires.  La 
correction  des  travaux  sera  achevée  un  peu  plus  tai*d. 

Excursiotis.  —  Le  procès-verbal  du  11  Avril  annonçait  le  départ  prochain  d'une 
grande  et  nombreuse  excursion  qui  devait  emmener  un  groupe  de  20  personnes  à 
Constantinople  et  même  sur  la  côte  d'Asie,  sous  la  direction  de  MM.  Beaufort  et 
Vermersch.  Cet  important  voyage  s'est  heureusement  accompli,  avec  tout  le  succès 
dû  à  la  compétence  des  organisateurs  et  aux  concours  qu'ils  ont  su  attirer.  Une 
conférence  faite  à  Belgrade  par  M.  le  Vice-Président  Vermersch  a  eu  un  succès 
extraoï'dinaire  et  a  attiré  une  affluence  considérable.  Une  Médaille  d'honneur  a  été 
décernée  à  M.  Mourkidès,  de  Constantinople,  pour  l'aide  qu'il  a  donnée.  Un 
compte  rendu  dû  à  la  plume  de  M.  Vermersch,  paraîtra  dans  le  Bulletin.  On  remar- 
quera qu'aucune  excursion  jusqu'à  celle-là  n'avait  réuni  un  état-major  aussi 
complet  ;  le  Président  de  la  Commission  des  Excursions,  M.  Beaufort,  les  deux 
Vice-Présidents  de  la  Société,  MM.  Crepy  et  Vermersch,  et  un  Membre  du  Comité 
d'Etudes,  M.  Decramer.  C'est  un  fait  que  nous  nous  plaisons  à  signaler. 

Excursions.  —  Le  jeudi  20  Juin.  —  Visite  aux  Etablissements  Walker  et  à  l'In- 
dépendante. —  Directeurs  :  MM.  Maurice  Thieiiry  et  Calonne.  —  32  personnes. 

Le  jeudi  27  Juin.  —  Excursion  à  Cassel  et  à  Dunkerque  (lauréats  du  Prix  Danel). 
—  Directeurs  :  MM.  Cantineau  et  Auguste  Schotsmans. 


—  2<)1  — 

Le  dimanche  7  Juillet.  —  Excursion  à  Gassel.  —  Directeurs  :  MM.  Cantineau  et 
Henri  Beaufort.  —  10  personnes. 

Dimanche  14,  lundi  15  et  mardi  1()  .Juillet.  —  Excursion  à  Londres.  —  Directeurs  : 
MM.  Van  Troostenberghe  et  Bonvalot.  —  78  personnes. 

Dimanche  28  Juillet.  —  Excursion  à  Bruges.  —  Directeurs  :  MM.  Van  Troosten- 
berghe et  Galonné.  —  .32  personnes. 

Du  5  au  13  Septembre.  —  Excursion  à  Nancy,  St-Dié,  Gérardmer.  —  Directeur  : 
M.  Van  Troostenberghe.  —  1.5  personnes. 

Ligue  Coloniale  française.  —  Le  Président,  nommé  Vice-Président  de  cette 
Société,  du  (Conseil  de  Direction  de  laquelle  M.  le  Général  Lebon  a  accepté  de  faire 
partie,  attire  l'attention  de  ses  collègues  sur  cette  création.  Placée  sous  le  patro- 
nage de  M.  Eug.  Etienne,  elle  a  pour  but  principal  de  développer  le  sentiment 
colonial  en  France,  de  manière  à  lui  faire  produire  tous  les  résultats  dont  il  est 
susceptible  pour  la  prospérité  et  la  grandeur  du  pays. 

Les  statuts  et  autres  renseignements  sont  au  Secrétariat  à  la  disposition  des 
Sociétaires. 

La  Société  comprend  des  membres  et  des  adhérents  dont  la  cotisation  est  respec- 
tivement de  5  francs  et  de  1  franc  par  an.  Un  versement  de  500  francs  acquiert  à 
son  auteur  le  titre  de  bienfaiteur. 

Compte  rendu  du  28^  Congrès  national  des  Sociétés  de  Géographie  et  du 
Congrès  colonial  tenus  à  Bordeaux  du  28  Juillet  au  8  Août  de  l'année  courante. 

La  Société  était  représentée  à  ces  Congrès  par  M.  Emile  Bayard,  qui  y  a  tenu  une 
place  honorable,  et  nous  en  a  rapporté  un  compte  rendu  que  les  lecteurs  du  Bulletin 
y  trouveront  dans  une  des  prochaines  livraisons. 

Le  Président  paie  à  M.  Bayard  le  tribut  d'éloges  dû  à  son  dévouement  comme 
envoyé  de  la  Société,  et  à  son  talent  comme  narrateur,  car  il  a  su,  en  trois  quarts 
d'heure,  faire  passer  devant  l'Assemblée,  en  en  laissant  aux  assistants  une  idée  très 
nette,  les  nombreux  sujets  que  les  Congressistes  avaient  traités,  in-extenso,  pen- 
dant de  longues  séances.  Il  n'a  pas  négligé  non  plus  les  agréments  extérieurs  dont 
aucun  Congrès  ne  saurait  se  passer  et  qui  ont  le  privilège  d"y  attirer  beaucoup  de 
personnes. 

La  séance  est  levée  à  dix  heures. 


MEMBRES  NOUVEAUX  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE 
DU    II   AVRIL  1907. 


Nosd'ins-         MM. 
cripUon. 

4874.     DuTHY  (Charles),  greffier  de  paix,  31,  rue  du  Grand-Chemin,  Roubaix. 
Présentés  par  MM.  Boulenger  et  Cléty. 


292 

N"'  d'ins-        MM. 
cription. 

4875.  Haquet  (Georges),  propriétaire,  326,  rue  Solferino. 

A.  Haquet  et  Sebert. 

4876.  DiLLY  (Georges), 'dessinateur,  33,  rue  Nationale. 

Herteman  et  Ed.  Petit. 
^811 .     Fretix  (Louis),  fabricant  d'huile,  Quesnoy-sur-Deûle. 

Lesrige  et  Bonvnlot. 

4878.  Richard  (Georges),  ingénieur,  97),  avenue  de  Mons,  Valenciennes. 

Bonvalot  et  Van  Troostenherghe. 

4879.  ALBEGQ'^KLéandre),  commis  des  Postes,  Pont-à-Marcq. 

Colonne  et  Van  Troostenberghe . 

4880.  HovELAQUE  (Jules),  26,  place  aux  Bleuets. 

Convain  et  Bonvalot. 
4881. 'IVan  Grevelynghe,  104,  rue  de  l'Hôpital-Militaire. 

Van  Troostenberghe  et  Bonvalot. 

4882.  PiCHON  (Lieutenant),, État-major  du  \^'  corps  d'armée,  83  bis,   rue  St-André. 

Général  Lebon  et  Capitaine  Chassoux. 

4883.  Gréteur  (.Jean),  182,  rue  de  l'Épeule,  Roubaix. 

Dnmoidin  et  Duthy. 

4884.  Deswarte  (Albert),  rue  de  la  Gare,  Bailleul. 

Van  Troostetiber ghe  et  Wecxsteen. 

4885.  Freyberg  (Paul),]directeur  des  Elcoles  Berlitz  du  Nord,  5,  rue  Faidherbe. 

A.  Meyer  et  Andrieu. 

4886.  Lepage,  employé,  39,  rue  de  Lannoy. 

Loviny  et  Van  Troostenberghe. 

4887.  Onof  (.Jérôme),  23,  rue  des  Poissons,  Bailleul. 

Van  Troostenberghe  et  Wecxsteen. 

4888.  DosscHE  (Auguste),  constructeur,  53,  boulevard  Victor-Hugo. 

Van  Troostenberghe  et  /.  Mercier. 

4889.  Lemaire  (Meiie  Marthe),  26,  rue  Grande-Chaussée. 

Tl/mes  Pauris  et  Cojipin. 

4890.  Le^Philipponat  (Henri),  entrepreneur,  18,  rue  du  Marché. 

Maugrez  et  Bonvalot. 

4891.  Borrigite  (Arthur),  1,  rue  Denis-Godefroy. 

Cornille  et  Clôt. 

4892.  Opsomer  (Mono),  institutrice,  rue  du  Faubourg-d'Arras. 

Becaux  et  il/"^  Martin. 

4893.  Staub  (Rodolphe),  négociant,  rue  du  Bombardement. 

Merchier  et  E.  Nicolle. 

4894.  De  Cloquement,  dir.  de  l'Ag.  du  Crédit  Lyonnais,  140,  r.  du  Colb"'ge,  Roubaix. 

Boulenger  et  Cléty. 
48^.     Simon,  peintre,  152,  rue  Solferino. 

Vaillant  et  Henri  Beaufort. 


—  -^ds 


LIVRES    ET    CARTES 
REÇUS  OU  ACHETÉS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALEfOU    iT  AVRIL  1907. 


y.      J-,  I  V  R  ES, 

1°   DONS. 

72«  session  du  Congrès  archéologique  de  Keaiivais   1905.  —  Don  de  la  Société 

française  d'Archéologie  de  Caen. 
Livret  de  l'excursion  en  Orient  et  en  Gr.'  C3  1907.  —  Doti  de  M.  Henri  Beanfort. 
Statistiques  générales  de  Madagascar,  fin  1905.  —  Don  du'Goiiverne>nent  général 

de  Madagascar. 
Musée  des  Beaux-Arts  de  Budapest,  1C06  (catalogue  des  tableaux).  —  Don  de  M.  le 

D'  Vermersch. 
Jérusalem  et  les  sanctuaires  de  la  Judée,   par  Augustin  Albouy.   Paris,   Firniin 

Didot,  1894.  —  Don  de  M.  Qiiiévreux. 
Rouen  pittoresque,  par  Allais,  de  Beaurepaire,  etc.  Rouen,  Auge,  1886.  —  Don  de 

M.  Quiécreux. 
Notice  historique  sur  la  Guyane  française,  par  Henry  Richard,   1900.   —  \Don  du 

Commissaire  de  V Exposition  coloniale  de  Marseille  1906. 
Lot" de  Bulletins  de  la  Société.  —  Don  de  M^"  Dupont. 
Traité  franco-Siamois  du  23  Mars  19>)7,  par  J.  Joubert.   Paris,  Ghaix,  1907.   ^Don 

de  l'Auteur. 
La  Serbie  à  l'E-xposition  Universelle  de  Liège  de  1905.  Belgrade,]  1905.   —  Don  de 

MM.  Hetiri  Beaufort  et  le  D^  Vermersch. 
Four  national  exhibitions  in  London,  and  their  organiser  par  '^Ch.    Lowe.    Londres 

Fisher,  1892.  —  Don  de  M.  Decramer. 
Exposé  de  la  situation  générale  des  territoires  du   Sud  de  l'Algérie  présenté  par 

M.  Jonnart,  Gouverneur-général,  1906.  Al^^er,  1907.  —  Don  de  M.  le   Gouver- 
neur-général. 
Explorations  dans  l'Afrique  australe  de  Livingstone,  par  le   D'' ,  Livingstone.  'Paris, 

Hachette,  1881.  —  Don  de  M.  Quiévreuœ. 
Le  Mortain  pittoresque,  pjar.J.-L.  Talagrand.  Paris,  Quantain.  — 'Don  de  M.  Quié- 
creux. 
Le  premier  établissement  des  Néerlandais  à  Maurice,  par  le  Prince  Roland  Bona- 

pai-te.  Paris,  1890.  —  Don  de  M.  Quiévreuoa. 
Nouveaux  zigzags  en  France,  par  M.  Henri  Boland.  Paris,  Hachette,  1907.  —  Don 

de  M.  E.  Nicolle. 
Histoire  de  Wasquehal,  par  Gaston  Baelen.  Lille,  Danel,  1907.  —  Don  de  l'Auteur. 
Compte  rendu  de  la  campagne  UK)6-07  dans  le  Sud  algérien.  Alger,  Heintz,  1907. 

—  Don  du  Gouvernement  général  de  l'Algérie, 
Dix  années  du  Bulletin  de  la  Société,  1893-1902  et  un  autre  lot  de  1903  à  1907.  — 

Don  de  M.  Cornée. 
Le  Père  Honvoisin  des  Frères-Prêcheurs.  Notice  nécrologique.  —  Don  de  M.  Bon- 

voisin-Brame. 


—  294  — 

Bibliografjhie  des  travaux  historiques  et  archéologiques  publiés  par  les  Sociétés 

savantes  de  France.  Tome  V,  2™"  livraison.  Paris,  Imprimerie  Nationale,   1906. 

—  Don  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Bibliographie  annuelle  des  travaux  historiques  et  archéologiques  publiés  par  les 

Sociétés  savantes  de  France,  1903-1904.    Paris,  Imprimerie  Nationale,  1906.  — 

Don  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 


2"  A.CHA.TS.  i 

1 

La  Perse  en  automobile,  à  travers  la  Russie  et  le  Caucase,  par  Claude  Inet.  « 

L'Aurore  australe  (Société  australienne),  par  Biard  d'Aunet.  Paris,  Pion,  1907.  ; 

En  Allemagne,  Rhin  et  Westphalie,  par  Jules  Huret.  Paris,  Charpentier,  1907.  1, 

L'Afrique  romaine,  par  Gaston  Boissier.  Paris,  Hachette,  1907. 
Deux  années  au  Setchouen,  par  le  D""  Legendre.  Paris,  Pion,  1906. 
L'avenir  écoiiomique  du  Japon,  par  A.  Viallatte.  Paris,  Rivière,  1907. 


J  }.      —     Ç.A  RT  ES. 

DONS. 

Plan  de  Constantinople,  Galata,   Pera,  Pancaldi  et  Chichli   (1905-1910),  publié  par 

the  Annuaire  oriental  et  printing.  —  Don  de  M.  Mourkidés. 
Carte  de  Constantinople,  1903.  Échelle  1/33333  dressée  par  l'ingénieur  Sloniewski. 

—  Don  de  M.  Mourkidés. 
Carte  du  district  aurifère  du  AVitwatersrand.   Transvaal  et  Afrique  du  Sud,  par 
Goldmann.  Johannesburg,  Décembre,  1^94,  n"^  1  et  2.   —  Don  de  M.  Trannin. 
Deutsch-Ostafrica  redigirt  par  D'  Richard  Kiepert,  éclielle  1/2.000.000.  —  Id. 
Kaart  van  de  Zuid  Afrika  ansche  Republick  (Transvaal),  à  l'échelle  de  1/5.000.000. 

Uitgave  J.  Smulders  et  C'«.  La  Haye,  Janvier,  1896.  —  Id. 
Map  of  the  Transvaal  Goldfîelds,  publiée  par  E.  Stanford.  Londres,  189f).  —  Id. 
Stanford's  Map  of  British  South  Africa  au  1/6.000.000.  —  Id. 
Feuilles  de  la  Carte  de  l'Afrique  du  Sud  à  l'échelle  de  1/2.000.000. 

Mossamedes,  n°  48. 

Linyanti,  u°  49. 

Tête,  n°  .50. 

Quilimané,  n"  51. 

Windlioek,  n»  53.  \    ^^„  ^^^  ^^   Trannin. 

Vryburg,  n"  54. 

Pretoria,  n°  55. 

Port  Nolloth,  n»  58. 

Ville  du  Cap,  n»  59  (2  exemplaires). 

l'ietermaritzburg,  n°  60. 


2U.J  — 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


I. 

Séance  du  Jeudi  28  Fèviier  1907 


LA   MER    ROUGE 

ET  LES  PRINCIPALES  ROUTES  MARITIMES  VERS  I/EXÎRÈME- ORIENT 

Par  :\I.  Georges  RICHARD, 
Avocat  à  la  Cour  d'Appel  de  Paris,  ancien  chargé  de  Missions. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


M.  Georges  Richard  exprime  toute  la  joie  qu'il  ressent  de  se  retrouver 
apri'-s  vingt  ans  devant  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  dont  le 
Président  était,  à  cette  époque,  il  aime  à  s'en  souvenir,  M.  Crepj^  le 
père  do  l'honorable  Président  de  la  séance  de  ce  soir.  Il  nous  entretint 
alors  de  la  grande  île  de  Madagascar  où  il  a  fait  un  très  long  séjour 
(huit  années  exactement).  C'est  ainsi  que,  soit  pour  s'y  rendre,  soit 
pour  en  revenir,  il  eut  souvent  l'tjccasion  de  traverser  la  mer  Piouge, 
dont  il  a  surtout  parlé  dans  son  intéressante  conférence. 

L'intérêt  principal  de  la  mer  Rouge  réside  eu  ce  qu'elle  est  la  route 
de  cet  Extrême-Orient  où  se  pose  un  redoutable  problème,  d'une  gra- 
vité incommensurable.  Qui  eut  dit,  il  y  a  quelques  années,  qu'une 
nouvelle  puissance  avec  qui  il  faut  maintenant  compter,  surgirait  là-bas 


—  296  — 

presque  inopinément  !  Nous  avons  assisté  à  cette  transformation  inouïe 
du  Japon  et  à  ses  conséquences  vraiment  stupéfiantes. 

Plus  d'un  a  souri  en  voyant  le  pygmée  japonais  s'attaquer  au  colosse 
russe.  On  ne  mettait  généralement  pas  en  doute  le  succès  final  de  la 
Russie.  Aussi  la  victoire  du  Japon  jeta-t-elle  l'Europe  dans  une  pro- 
fonde stupéfaction.  Seuls,  ceux  qui  furent  à  Pékin,  lors  de  la  guerre 
sino-japonaise  ou  de  la  prise  de  cette  capitale  par  les  alliés,  n'en  furent 
aucunement  étonnés.  Ils  avaient,  seuls  aussi,  pu  apprécier  l'organisation 
de  l'armée  japonaise,  sou  esprit  de  discipline  et  son  admirable  abnéga- 
tion poussée  jusqu'au  délire,  à  tel  point  que  les  officiers  durent  souvent 
refréner  leurs  hommes.  Les  chefs  japonais  prêchaient  d'exemple.  A 
nous  d'en  tirer  profit  et  de  nous  préoccuper  maintenant  de  ce  qui 
pourra  advenir  demain.  De  grands  événements  se  préparent  encore 
en  Extrême-Orient.  La  Chine  elle-même  se  transforme  et  la  Chine, 
on  le  sait,  renferme  quatre  cent  millions  d'habitants  !  L'exemple  du 
Japon  a  plus  fait  en  ceci  que  toutes  nos.  guerres  injustes  après  tout. 
Rappelons  seulement  la  guerre  de  l'opium  et  comment  aussi  nous  avons 
froissé  souvent  l'âme  chinoise  en  nous  attaquant  aux  monuments  les 
plus  sacrés.  Les  Chinois  ont  compris  maintenant  que  nous  ne  sommes 
pas  toujours  invincibles.  La  Chine  se  militarise  et  voici  que  les  Japonais 
veulent  la  diriger,  c'est  là  le  danger  pour  nous.  Le  Jaj)onais,  a  dit  un 
savant  docteur  de  l'Institut  Pasteur,  est  la  diastase  du  moût  chinois. 

Or  nous  sommes  les  voisins  immédiats  de  la  Chine  ;  de  longues  fron- 
tières nous  sont  communes  et  plus  que  d'autres  nous  avons  à  craindre 
une  Chine  nouvelle.  Ne  lâchons  point  par  peur  ce  que  nous  possédons. 
Nous  pouvons  encore  nous  entendre  avec  notre  voisine.  Faisons  lui 
d'abord  comprendre  que  nous  ne  voulons  pas  nous  emparer  du  Yunnan 
et  du  Kouang-Si  et  surtout  que  nous  valons  mieux  comme  voisins  que 
les  Japonais.  Faisons  lui  remarquer  que  ceux-ci  ont  jeté  les  yeux  sur 
les  îles  Hawaï  et  les  Philippines,  clierchant  ainsi  à  cerner  la  Chine  et 
qu'elle  a  tout  intérêt  à  rester  en  bons  termes  avec  nous.  Les  Chinois  ont 
compris  la  né"cessité  de  ne  plus  rester  isolés  et  d'entrer,  au  contraire, 
dans  le  mouvement  mondial  ;  Madame  Massieu,  l'exploratrice  décorée 
l'année  dernière  de  la  Légion  d'Honneur,  dit  même  que  cela  va  très  vite. 
Elle  voyagea  en  Chine  à  plusieurs  reprises  et  doit  être  bien  ren- 
seignée. 

Nous  avons  donc  tout  intérêt  à  étudier  les  routes  qui  mènent  à  cet 
Extrême-Orient.  Laissant  volontairement  de  côté  les  routes  continen- 


—  2U7  — 

taies,  nous  passerons  seulement  en  revue;  les  routes  maritimes.  Nous  en 
comptons  cintj  : 

1"  L'ancienne  route  par  le  cap  des  Tempêîes  ou  de  Bonne-Espérance  ;. 

2*'  La  route  la  plus  suivie,  celle  de  la  mer  Rouge  ; 

3"  Celle  de  Panama,  qui  sera  ouverte  plus  tôt  qu'on  ne  le  pense  ; 

4"  La  route  du  cap  Horn  ; 

5"  Le  passage  du  Nord -Est. 

Celte  dernière  route,  presque  toujours  obstruée  par  les  glaces,  ne 
sera  jamais  pratique.  La  troisième  et  la  quatrième  sont  plutôt  longues, 
aussi  nous  ne  nous  arrêterons  que  sur  les  deux  premières. 


La  route  du  Cap  est  aussi  longi^e,  elle  n'est  pas  la  meilleure  assuré- 
ment pour  la  marine  marchande,  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  la 
marine  de  guerre.  Il  est  si  facile  d'obstruer  le  Canal  de  Suez  !  Cette 
route  a  été  suivie  dernièrement  par  la  flotte  russe  de  l'amiral  Rodjest- 
vensky,  qui  s'est  en  somme  assez  bien  comportée,  malgré  son  peu 
d'iiomogénéité.  Le  héi'os  a  (Ki  prévoir  ce  qui  devait  lui  arriver,  il  savait 
qu'il  allait  à  une  mort  certaine  et  cej)endnnt  il  n'a  pas  hésité.  Gloire  à 
celui  qui  sut  accomplir  cette  course  extraordinaire  pour  venir  suc- 
comber aussi  près  du  but.  Cette  entreprise  gigantesque  a  démontré  la 
possibilité  pour  une  marine  de  guerre  de  refaire  le  même  parcours.  Les 
Japonais  qui  ont  considérablement  augmenté  leurs  flottes  depuis  la  fin 
de  cette  guei  re,  ont  songé  à  étudier  cette  route  dans  le  sens  contraire. 
Une  escadre  japonaise  se  rendra  ainsi  prochainement  en  Angleterre. 
Est-ce  une  sim  de  visite  de  politesse  ?  N'est-ce  point  plutôt  une  sorte  de 
grande  manœuvre  préparatoire  ?  Qu'en  sorlira-t-il  ?  Ne  sommes-nous 
point  appelés  un  jour  à  voir  toutes  les  flottes  japonaises  s'avancer  sur 
nous  par  la  route  du  Cap  ! 

Et  nous,  nous  désarmons  Madagascar  !  Les  Anglais  ont  désarmé  l'île 
de  Ste-Hélène.  Nous  devrions  au  contraire  renforcer  Madagascar  et  la 
Réunion.  Il  faudrait  souhaiter  que  pour  le  bien  de  l'Europe,  il  y  ait 
dans  le  Sud  de  l'Afrique,  des  républiques  très  florissantes. 

Pour  nous,  veillons  surtout  Madagascar  où  la  colonisation  est  très 
possible,  quoi  qu'en  dise  l'Administration.   On  n'aurait  pas  dû  refuser 


—  :â)S  — 

les  colons  Boers,  comme  on  l'a  fait  pour  plaire  à  l'Angleterre.  Avec 
des  colons  attachés  au  sol  et  cent  mille  familles  françaises  établies  sur 
le  haut  plateau,  nous  aurions  là-bas  des  défenseurs.  L'ambition  japo- 
naise est,  ne  l'oublions  pas,  sans  limite.  Les  Malgaches  ont  entendu 
parler  des  Japonais  et  voient  en  eux  des  libérateurs  possibles.  (Il  en  est 
de  même  partout  en  Africfue  et  en  Asie).  Aussi  s'attendent-ils  à  les  voir 
arriver  un  jour  ou  l'autre  et  les  appellent-ils  peut-être  de  leurs  vœux. 
La  route  du  Cap  leui-  est  largement  ouverte.  A  Diégo-Suarez  il  n'y  a 
pas  le  dixième  de  ce  qui  est  nécessaire  pour  notre  défense  ;  à  Tuléar,  il 
n'y  a  rien  de  fait,  et  de  même  dans  toute  l'île. 

La  route  de  l'Extrême-Orient  par  le  Canal  de  Suez  et  la  Mer  Rouge 
est  pour  le  moment  la  ])lus  fréquentée  par  les  navires  de  commerce, 
cela  va  sans  dire,  et  i)ar  les  flottes  de  guerre.  Les  ])aquebots  y  luttent 
de  vitesse  et  de  confortable. 

Cette  route  peut  être  bloquée  facilement,  mais  c'est  un  moyen 
extrême.  Est-elle  fermée  pour  un  agresseur,  elle  le  sera  [)our  tous 
indistinctement. 

La  traversée  de  la  mer  Rouge,  bien  que  pénible,  est  excessivement 
intéressante.  Cette  mer  est  une  sorte  de  golfe  très  allongé  de  plus  de 
deux  mille  kilomètres.  Sa  plus  grande  largeur  est  de  36!)  kilomètres. 
Il  y  règne  une  température  de  fournaise  très  pénible  à  sujijiorter  de 
Juin  à  Octobre.  D'un  côté  elle  borne  l'Egypte  où  nous  avons  laissé  de 
grands  souvenirs  :  Kléber,  Cliamjtollion  s'y  sont  illustrés.  Le  Canal  de 
Suez  est  notre  œuvre.  Pas  un  de  ceux  qui  ont  l'occasion  de  passer  par 
la  mer  Rouge,  ne  manque  de  débarquer  à  Alexandrie  pour  pousser  une 
pohite  jusqu'au  Caire.  M.  G.  Richard  nous  en  montre  quelques  vues 
intéressantes,  mais  revenons  à  notre  traversée  et  voyons-en  les  princi- 
paux i)oints  : 

Port-Saïd.  On  y  voit  des  constructions  modernes  avec  leuj' char- 
pente tout  en  fer  et  formant  un  singulier  contraste  avec  les  vieilles 
constructions  égyptiennes.  Cette  ville  s'est  considérablement  développée 
depuis  trente  ans.  Elle  doit  son  importance  à  sa  position  au  débouché 
du  Canal  de  Suez  qui,  pour  son  entretien  constant,  exige  l'emploi  de 
bateaux-machines  extraordinaires. 

La  pre^quile  Sinaïtique.  En  la   côtoyant,  on  y  jouit  d'elTets  de 


lumière  très  curieux.  Les  montii^nes  rosées  ou  violacées  de  celle  partie 
des  côtes  de  la  mer  Rouge  se  protilent  en  un  ciel  merveilleux  d'éclat. 

DjeddaJi.  Sur  la  côte  de  l'Araljie  Pétrée  est  le  i)ort  de  La  Mecque. 
Tne  route  caillouteuse,  suicliauirée,  conduit  de  DjeddaJi  à  ce  célèbre 
lieu  de  pèlerinage  musulman.  Elle  est  parsemée  de  nombreux  cadavres 
de  pèlerins  morts  de  privations  ou  de  maladie  contractée  en  cours  de 
route.  Les  profanes  ne  sont  point  admis  à  La  Mecque,  deux  ou  trois 
Européens  à  peine  ont  osé  s'y  risquer  (Gervais-Courtellemont,  un  Anglais 
et  un  Autricliien  seuls  y  ont  été  jusqu'à  présent).  Djeddali  est  une  grande 
ville.  Ses  maisons  de  cinq  étages,  aux  Jiwucliartihiés  curieusement 
découpées,  forment  un  singulier  contraste  avec  les  maisons  ordinaires 
des  Arabes.  A  la  sortie  de  Djeddah,  sur  la  route  que  suivent  les  pèle- 
rins escortant  le  tapis  sacré  jusqu'à  la  kasba  de  La  Mecque,  se  trouve  le 
tombeau  d'Eve,  au  dire  des  musulmans.  A  en  juger  par  ses  dimensions, 
la  mère  du  genre  humain  devait  être  d'une  longueur  démesurée.  Les 
Yemens  de  l'Arabie  Heureuse  sont  les  types  les  plus  curieux  que  l'on 
puisse  rencontrer  dans  cette  partie  de  l'Asie.  On  en  voit  surtout  à  Moka, 
où,  soit  dit  en  passant,  il  n'existe  que  très  peu  de  café  de  ce  nom.  La 
plus-  grande  partie  du  café  portant  ce  nom  provenant  surtout  du  Harrar 
et  du  Kalfa  où  doit  aboutir  un  jour  le  chemin  de  fer  de  Djibouti.  Les 
Arabes  de  la  merRôuge  se  sont  beaucoup  croisés  avec  les  peuplades  de 
rAfri(|ue  orientale.  On  y  retrouve  partout  leur  type,  princii)alement 
aux  Comores,  au  Zanzibar  et  même  à  Madagascar. 

Souiikiiii,  ville  située  sur  un  îlot  à  l'intérieur  des  terres.  Elle  fut  le 
dernier  refuge  des  Anglais  lors  de  la  révolte  du  Soudan,  après  la  prise 
de  Khartoum  ])ar  le  Mahdi.  Aujourd'hui  les  Anglais  ont  repris  le  dessus. 
Ils  ont  créé  tout  auprès  un  nouveau  port,  appelé  Port-Soudan^  qu'ils 
ont  relié  par  une  voie  ferrée  à  Berber  où  se  centralisent  les  produits  du 
Soudan  égyptien.  Autrefois  ces  marchandises  suivaient  le  cours  du  Nil 
jusqu'à  la  mer  Méditerranée,  maintenant  elles  sont  dirigées  vers  Port- 
Soudan.  Comme  la  distance  de  ce  port  à  Berber  n'est  que  de  51)0  kilo- 
mètres, on  économise  ainsi  plus  de  1..50()  kilomètres,  tout  en  évitant  de 
nombreux  transbordements.  C'est  grâce  à  leur  opiniâtreté  que  les 
Anglais  sont  ainsi  j)arvenus  à  accai)arer  tout  le  commerce  du  Soudan. 
Les  fonds  ayant  servi  à  la  construction  du  chemin  de  fer  Berber-Port- 
Soudau,  proviennent  du  budget  de  l'Egypte  qui  a  ainsi  payé  l'instrument 


—  300  — 

de  sa  déchéance  commerciale  au  point  de  vue  des  produits  de  l'Afrique 
centrale. 

Si  les  Anglais  quittaient  l'Egypte  actuellement,  ils  n'en  auraient  pas 
moins  tout  le  commerce  du  Soudan  au  grand  profit  de  leur  marine 
marcliande.  Leur  plan  lentement  préparé,  sagement  conduit  et  opiniâ- 
trement poursuivi,  leur  a  valu  cet  avantage  extraordinaire. 

Massaouah,  également  sur  un  îlot,  est  avec  sou  territoire  une  colonie 
italienne.  Le  climat  de  Massaouah  est  excessivement  torride  (1).  Aussi 
quelques  instants  d'exposition  au  soleil  suffisent  à  déterminer  une  mort 
certaine.  Pour  s'en  préserver,  les  sentinelles,  quoique  couvertes  du 
khaki  colonial,  doivent  se  tenir  en  outre  sous  une  espèce  de  parasol 
fixe,  ce  qui  ne  contribue  guère  à  les  rendre  invisibles. 

Djibouti  est  déjà  mieux  partagé.  Ce  point  important  que  nous 
occupons  est  appelé  à  devenir  un  débouché  de  l'Abyssinie  quand  le 
chemin  de  fer  de  Djibouti  à  Addis-Ababa  sera  terminé. 

Nous  sommes  en  excellents  termes  avec  le  Négus.  Ménélik  est  un 
profond  politique,  il  a  eu  à  se  défendre  contre  tout  le  monde  et  il  a 
vaincu  toutes  les  difficultés.  Nous  n'en  voulons  point  à  son  indépen- 
dance et  tous  doivent  la  respecter,  car  l'Ethiopie  (2)  mérite  de  vivre. 
Son  peuple  est  après  dix  siècles  la  seule  race  chrétienne  qui  ait  résisté 
en  Afrique  aux  musulmans.  Toujours  depuis  leur  conversion  les  Ethio- 
piens ont  eu  à  lutter  pour  leur  indépendance.  Un  peuple,  quelle  que  soit 
sa  couleur,  qui  sait  se  comporter  comme  les  Ethiopiens  l'ont  fait, 
mérite  à  coup  sûr  de  vivre  et  d'être  respecté.  Ce  serait  un  crime  de 
s'unir  à  d'autres  pour  chercher  à  l'anéantir.  La  Suisse  Africaine  mérite 
mieux  que  cela  et  son  vaillant  peuple  a  toute  notre  sympathie. 


(1)  On  y  a  déjà  constaté  51  degrés  à  l'oriibre. 

(2)  Ethiopie.  Cette  dénomination  est  préférable  à  celle  d'Abyssinie,   terme  mépri- 
sant, employé  par  les  Turcs. 


—  301  — 

II. 

Séance   du   Dimanche   20    Octobre    1907. 


LA  FRANCE  AU  MAROC 


I.  DE  TANGER  A  ALGÉSIRAS.    —   II.  APRÈS  CASABLANCA 

Par  M.  Paul  BOURDARIE, 

Membre    de   la    Mission   hydrographique    du    Maroc , 
Directeur  de  la  «  lievue  [ndigène  ». 


COMPTE    RENDU    ANALYTIQUE 


M.  Ptiiil  Bourdarie  a  brillamment  inauguré  la  série  de  nos  confé- 
rences 1907-1)8.  Membre  de  la  mission  hydrographique,  il  eût  pu  nous 
parler  des  mœurs  et  coutumes  curieuses  des  Marocains,  qu'il  a  pu 
observer  tout  à  loisir,  mais  il  a  préféré  nous  montrer  les  dessous  de  la 
question  marocaine  et  mettre  à  nu  en  quelque  sorte  le  squelette  même 
de  cette  affaire,  qui  nous  préoccupe  à  juste  titre.  Ce  faisant,  il  a  donné 
à  sa  conférence  un  cachet  d'originalité  qui  l'a  différenciée  nettement  de 
celles  que  nous  eiîmes  précédemment  sur  ce  sujet,  aussi  a-t-elle  été 
vigoureusement  applaudie  par  le  nombreux  auditoire  qui  se  pressait 
dans  la  salle. 


Il  y  a  longtemps  que  la  France  s'occupe  du  Maroc.  Déjà,  du  temps 
de  Louis  XIV,  un  Sultan  de  ce  pays  avait  jeté  les  yeux  sur  une  princesse 
de  la  cour  du  grand  roi.  Aujourd'hui  il  ne  s'agit  plus  de  mariage,  mais 
d'une  union  intime  avec  nos  voisins  pour  le  plus  grand  bien  des  deux 
parties  contractantes. 


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L'accord  de  19()i  avec  l'Angleterre  se  trouvait  déjà  en  germe  en 
celui  qui  suivit  les  incidents  de  Fâchoda.  L'entente  était  décidée  dès 
cette  époque  et  ne  fit  que  croître  depuis,  à  chaque  voyage  en  France  du 
souverain  anglais.  L'empereur  Guillaume  vit  avec  inquiétude  les  pro- 
grès successifs  de  cette  entente,  qui  pouvait  réduire  à  néant  ses  propres 
visées.  Aussi  ne  devait-on  pas  tarder  à  le  voir  s'immiscer  dans  les  affaires 
du  Maroc.  Dans  la  question  marocaine,  il  n'y  a  pas  seulement  à  consi- 
dérer le  pays  en  lui-même,  mais  il  y  a  aussi  une  question  de  politique 
européenne,  on  pourrait  même  dire  mondiale,  provoquée  par  la  ren- 
contre de  deux  impérialismes. 


(Cliché  Dyé). 


UNE    PORTE    DE    MOGAHOR. 


Ce  qu'est  le  Maroc  ?  Ce  n'est  point  une  entité  au  point  de  vue  géo- 
graphique certainement.  Sa  population  n'est  pas  plus  homogène. 
Trois  races  en  effet  s'y  rencontrent  :  les  Arabes  et  les  Berbères,  unis 
quelque  peu  par  les  liens  d'une  religion  commune,  et  d'autre  part  les 
Juifs  qui  dépendent  étroitement  des  premiers  et  sont  astreints  à  vivre  en 
des  quartiers  séparés  appelés  tnellahs.  On  appelle  au  contraire  mé- 
dinas, les  quartiers  musulmans.  Des  portes,  que  l'on  peut  facilement 
fermer  en  temps  de  trouble,  permettent  d'accéder  de  l'une  dans  l'autre 
de  ces  divisions  urbaines. 

Au  point  de  vue  politique,  le  pays  est  pareillement  divisé.  Le  Sultan 


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Abd-el-Azis  se  ti'ouvo  on  présence  de  deux  proteudanls.  L'un  est  le- 
Roglii  (jui  se  fait  passer  jiour  1(^  frère  du  Sultan  et  se  ti'ouve  actuelle- 
ment dans  le  Rif.  L'autre  est  Mouley-Hafid,  ju-opre  frère  d'Abd-el- 
Azis,  en  ce  moment  à  Marrakech,  où  il  cherclie  à  gagner  le  plus  grand 
nombre  de  partisans  possible. 

Pour  l'Allemagne,  le  Maroc  fait  i)artie  du  marché  d'Orient,  àpi'oment 
défendu  par  l'Angleterre,  moins  vivement  par  nous-mêmes.  Guil- 
laume II  comptait  sur  les  Russes  pour  défendre  celui  d'Extrême-Orient. 
Par  contre,  il  aurait  bien  voulu  nous  voir  nous  engager  à  fond  au 
Maroc.  C'eut  été  affaiblir  d'autant  l'entente  cordiale.  Nous  avons  été 
assez  sages  pour  ne  vouloir  malgré  tout  (|U(^  la  pénétration  pacifique. 
Voyant  cela,  l'empereur  Guillaume,  profitant  des  revers  des  Russes  en 
Extrême-Orient,  voulut  éprouver  la  valeur  do  cette  entente  cordiale  qui 
l'inquiétait  tant,  nous  en  décourager  si  i)Ossible,  et  il  exécuta  son  pro- 
gramme avec  toute  la  mise  en  scène  dont  on  le  sait  coutumier.  C'est 
ainsi  que  nous  le  voyons  paraître  tout  à  coup  à  Tanger,  se  posant  en 
protecteur  de  l'Islam,  suivant  en  cela  sa  politique  d'un  panislamisme 
tout  spécial,  un  dos  leviers  de  la  politi({ue  allemande.  Il  en  fit  au  Maroc 
un  moyen  de  pression  (jui  aboutit  en  fin  de  compte  à  une  explosion  de 
fanatisme,  prélude  d'un  mouvement  xénophobe  général.  Les  Marocains 
encouragés,  réclamèrent  la  réunion  d'une  conférence  internationale. 
Pour  nous,  nous  restions  fidèles  à  notre  politique  de  pénétration  paci- 
fique, n'ayant  eu  que  le  tort.de  voter  une  somme  vraiment  insuffisante 
pour  la  mener  à  bien.  M.  Delcassé,  notre  Ministre,  qui  la  dirigeait, 
partisan  convaincu  de  l'entente  cordiale,  dut  ensuite,  sous  la  pression 
de  la  diplomatie  allemande,  quitter  le  ministère  et  les  choses  s'enveni- 
mèrent à  tel  point  ({u'une  catastroplie  était  imminente.  Des  deux  côtés, 
on  se  préparait  activement  à  la  guerre.  Une  fois  de  plus  on  réfléchit  et 
on  accepta  la  proposition  de  l'Allemagne  d'aller  à  Algésiras. 

Qu'avions-nous  besoin  de  nous  rendre  à  ce  Congrès  ?  disaient  ceux 
qui  n'en  étaient  pas  partisans.  N'étions-nous  point  d'accord  sur  le 
Maroc  avec  les  seules  nations  intéressées,  l'Angleterre  et  l'Espagne  ? 
Nous  n'en  avons  pas  moins  été  à  Algésiras  et  y  avons  obtenu  à  peu  près 
ce  que  nous  désirions,  seulement  nous  avons  eu  l'air  de  l'obtenir  par 
faveur  do  puissances  qui  n'avaient  rien  à  y  voir. 

Après  la  Conférence,  l'établissement  delà  Ranquo  et  l'organisation 
de  la  police  sont  à  ontreprondi'O,  mais  l'état  du  pays  rend  la  besogne 
bien  difficile.  Le  Maroc  n'est  pas  plus  sûr  qu'aupai"ivant.  Ainsi  eut  lieu 
l'assassinat  de  M.  Charbonnier  la  veille  même  du  débarquement  do  la 


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mission  h3'drogTapliique  dont  fit  partie  M.  Paul  Bo.urdarie  lui-même. 
L'acte  d'Algésiras  avait  reconnu  l'indépendance  du  Sultan  et  le  régime 
de  la  porte  ouverte.  L'Allemagne  montra  dès  lors  un  appétit  fort  dis- 
proportionné avec  ses  intérêts  i.u  Maroc.  Elle  envoya  au  Sultan  une 
mission  qui  fit  sensation  par  le  caractère  même  de  ceux  qui  la  comman- 
daient :  le  major  Tshudi  et  le  capitaine  Wolf. 

Partout  les  Allemands  allèrent  de  l'avant  et  ils  eurent  bientôt  à 
effectuer  des  travaux  dans  divers  ports,  Tanger,  Laraclie,  etc....  En 


(Cliché  Bourdarie). 
LE    PORT    DK    RABAT.    LA    GRLE    ALLEMANDK. 


même  temps,  ils  menaient  une  campagne  souterraine  pour  ruiner  par- 
tout notre  influence.  Sous  prétexte  de  protection  consulaire  et  agricole, 
ils  avaient  commencé  à  constituer  une  sorte  de  cadastre  qu'ils  auraient 
ensuite  cherché  à  faire  valoir.  A  Marrakech,  le  docteur  allemand 
Holzmaun  et  le  docteur  Mauchamp,  Français,  rivalisaient  d'influence, 
mais  ce  dernier  l'emportait  tellement  sur  son  adversaire  par  les  émi- 
nents  services  rendus  à  la  population  que  son  adversaire  chercha 
bientôt  à  l'évincer.  On  fit  courir  toutes  sortes  de  bruits  sur  son  compte 
pour  exciter  la  population.  11  était  alors  question  de  télégraphe  sans  fil. 
-On  fit  croire  au  peuple  crédule  que  par  ce  moyen  on  pouvait  faire  surgir 
instantanément  au  Maroc  tout  un  corj)S  d'armée  ennemi  et  il  n'en  fallut 
pas  plus  pour  soulever  une  partie  de  la  population  contre  l'innocent 


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docteur  Mauchamp  et  ce,  sur  la  simple  vue  d'un  piquet  quelconque 
planté  sur  la  terrasse  de  sa  maison.  Le  malheureux  docteur  fut  poi- 
gnardé, puis  lapidé  en  un  guet-apens  concerté. 

Pour  le  venger,  nous  décidions  d'occuper- Oudjda  jusqu'à  ce  que 
justice  fût  faite.  Ce  moyen  d'intimidation  était  par  trop  indirect  pour 
influencer  les  populations  insoumises  du  Sud  marocain  et  quelques  mois 
après  survenaient  les  graves  événements  de  Casablanca . 

Les  mêmes  menées  en  furent  la  cause  et  non  comme  on  l'a  dit  le 
sifflet  de  la  locomotive  de  la  Compagnie  marocaine  qui  avait  installé  un 
petit  chemin  de  fer  pour  faciliter  ses  travaux.  Les  Allemands  en  avaient 
établi  un  semblable  à  Rabat  pour  la  construction  d'un  fort.  La  brèche 
qu'il  fallut  faire  aux  murs  de  cette  ville  pour  le  laisser  passer  est  aujour- 
d'hui bouchée,  mais  n'empêche  que  de  part  et  d'autre  des  murs,  la 
ligne  existe  toujours  et  les  Marocains  la  foulent  aux  pieds  sans  en  être 
le  moins  du  monde  offusqués.  Le  gouverneur  de  Casablanca  eût  pu 
empêcher  à  temps  les  scènes  de  pillage  qui  s'y  succédèrent,  l'attitude 
des  Marocains  étant  alors  plus  significative  que  jamais.  Règle  générale, 
on  peut  à  certaines  manifestations  de  mépris  juger  du  changement  de  la 
mentalité  populaire.  Quand  Mouley-el-Amin  réclama  l'aide  des  marins 
du  Galilée  il  était  trop  tard.  L'enseigne  Bollande,  avec  une  poignée 
d'hommes,  débarqua  et  s'approcha  en  toute  confiance  de  la  porte 
marine.  Les  gardes  marocains  firent  traîtreusement  feu  sur  le  malheu- 
reux enseigne  qui  ne  s'y  attendait  guère,  appelé  qu'il  était  par  le 
gouverneur  lui-même.  Nos  marins  durent  se  frayer  un  chemin  jusqu'au 
Consulat  à  travers  ces  rues  marocaines  si  étroites  qu'il  faut  parfois  se 
garer  dans  l'encoignure  d'une  porte  pour  laisser  passer  des  chameaux 
avec  leur  charge.  Une  des  premières  choses  à  faire  en  ce  pays,  ce  sera 
de  donner  de  l'air  et  de  dégager  ces  villes  marocaines  qui  étouffent 
dans  leurs  murailles  de  construction  portugaise.  Nos  braves  marins  ne 
purent  bientôt  suffire  à  leur  tâche  et  le  général  Drude  débarquait 
bientôt  avec  un  corps  d'occupation  fort  de  500  hommes  et  porté  aujour- 
d'iiui  à  sept  mille.  La  ville  enfin  dégagée,  le  général  a  étendu  le  cercle 
de  ses  opérations  et  a  assaini  le  pays  dans  un  rayon  de  quinze  à  vingt 
kilomètres.  Notre  armée  a  fait  voir  en  ces  tristes  jours  que  la  campagne 
odieuse  menée  par  des  antimilitaristes  inconscients,  n'avait  pas  encore 
causé  tout  le  mal  que  l'on  pensait. 

Nous  sommes  aujourd'hui  en  présence  d'un  fait  et  d'une  situation 
'toute  spéciale.  Ce  qui  s'est  passé  à  Casablanca  peut  se  répéter  ailleurs, 
en  d'autres  ports  encore  plus  musulmans,  Safi,  Rabat,  etc.  Il  faudrait 

20 


30()  — 


donc  les  occuper  tous  dès  maintenant,  d'autant  plus  que  nos  navires  ne 
pourront  bientôt  plus  tenir  en  mauvaise  saison  dans  cette  mer  sans 


(Cliché  Dyé). 
BARCASSE    DANS   LIO    PORT   DE   SAFI. 

ports,  itiare  Iniportuosuin,  comme  disaient  les  anciens.  Nous  y  avons 
renoncé  devant  l'attitude  des  Espagnols,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin. 

Quelle  est  maintenant  notre  situation  ?  Où  en  sommes-nous  avec  les 
nations  étrangères,  puisqu'on  ne  peut  les  ignorer  dans  la  question 
marocaine  ? 

L'Angleterre  ?  Nous  n'avons  plus  à  nous  en  préoccuper.  Son  loya- 
lisme nous  est  maintenant  démontré  et  puis,  disons-le,  elle  est  aussi 
intéressée  que  nous  au  maintien  de  l'entente  cordiale. 

L'Espagne  ?  Notre  associée  depuis  1904.  Le  roi,  parent  d'Edouard  VII 
et  ami  de  notre  Président,  nous  est  tout  acquis. 

Beaucoup  pensent  comme  lui  et  le  soutiennent  contre  le  parti  de  ceux 
qui  voient  dans  le  Maroc  une  revanche  possible  de  Cuba.  Tout  en 
reconnaissant  les  droits  historiques  de  l'Espagne  sur  ses  Présidios,  il 
faut  bien  reconnaître  que  par  eux  elle  n'a  jamais  exercé  une  bien  grande 
influence.  Elle  n'y  avait  d'ailleurs  pas  l'élite  de  sa  population  :  des 
petits  commerçants  tout  au  plus,  bon  nombre  d'ouvriers  et  pas  mal  de 
gens  sans  aveu.  L'Espagne  a  de  toute  évidence  le  plus  grand  intérêt  à 


307 


suivre  la  politique  française  au  Maroc.  Les  nuages  qui  ont  pu  s'élever 
ne  tarderont  guère  à  se  dissiper. 

A  Casablanca,  tandis  que  les  nôtres  se  battaient  courageusement,  les 
Espagnols  se  sont  contentés  de  rester  l'arme  au  pied.  Ils  ne  s'y  occu- 
pèrent que  de  police  et  encore  l'exercèrent-ils  d'une  manière  fort 
étroite.  C'est  même  cette  attitude  qui  nous  a  dissuadé  d'occuper  les 
autres  ports  marocains. 


(Cliché  Buurdcirie!. 
OUVRIERS    CORROYKLRS    TEINTURIERS   A    RABAT. 


Et  l'Allemagne  ?  Nous  sommes  heureux  do  constater  aujourd'hui  sa 
grande  modération.  Déjà  les  journaux  officiels  reconnaissent  qu'il  y  a 
quelque  chose  de  changé,  que  l'acte  d'Algésiras  est  dans  le  cas  présent 
inefficace  et  laissent  entendre  que  la  seule  solution  admissible  ne  peut 
être  qu'un  protectorat  français  secret  et  même  franchement  avoué.  Il  y 
a  donc  de  la  part  de  l'Allemagne  un  changement  de  front  complet. 
Elle  n'a  rien  dit  à  l'occupation  d'Oudjda  et  n'a  fait  aucune  opposition 
aux  débarquements  et  opérations  de  Casablanca.  Elle  n'a  simplement 
parlé  que  pour  réclamer  une  indemnité  pour  ses  nationaux.  Comment 
expliquer  ce  revirement  subit  ?  Est-ce  le  sentiment  de  sa  responsabilité 
dans  les  événements  passés  ?  Est-ce  satisfaction  de  nous  voir  un  peu 


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plus  engagés  dans  l'affaire  du  Maroc,  toujours  pour  diminuer  la  valeup 
de  l'entente  cordiale  ?  Il  y  a  cela,  mais  il  y  a  surtout  autre  chose. 
Depuis  Algésiras  deux  années  se  sont  écoulées  et  depuis  l'industrie 
allemande  si  prospère,  a  subi  une  crise  violente.  L'or  s'est  raréfié } 
l'industrie  est  dans  le  marasme  par  suite  d'une  trop  grande  surproduc- 
tion et  les  Banques  en  profitent  pour  exiger  7,  8,  9  et  même  10  "/q.  L'Al- 
lemagne a  besoin  de  l'argent  français.  Aussi  a-t-elle  fait  taire  la  presse. 
Engagée  pour  480  millions  avec  son  chemin  de  fer  de  Bagdad,  il  lui 
faudrait  encore  800  millions  pour  le  terminer.  On  espère  bien  trouver 
120  millions  à  Vienne,  80  en  Suisse  et  200  sur  le  marché  allemand,, 
mais  le  reste,  oiî  le  trouver  tant  ({ue  les  marchés  de  Londres  et  de  Paris 
lui  restent  fermés  ?  Si  l'Allemagne  nous  déclarait  la  guerre,  elle  ne 
saurait  même  oii  emprunter.  Sans  doute  elle  a  d'importantes  valeurs 
en  portefeuille,  mais  encore  faut-il  trouver  des  acheteurs  !  L'Allemagne,, 
avec  toutes  ses  rodomontades,  nous  le  voyons  aujourd'hui,  a  tout  sim- 
plement voulu  sauver  la  face  et  ne  désire  rien  tant  que  de  faire  avec  le 
Maroc  et  son  chemin  de  fer  de  Bagdad  une  sorte  de  balance  commer- 
ciale. Elle  veut  que  nous  lui  achetions  son  sile.nce,  profitons-en  pour 
lui  tenir  la  dragée  haute. 

Il  y  a  donc  de  ce  côté  une  détente  ({ui  pourra  être  suivie  bientôt  d'une 
entente.  Nous  en  avons  là  de  nouvelles  preuves  dans  les  visites  à  Berlin 
de  MM.  Etienne  et  Hubert,  et  dans  celle  que  Ht  à  Paris  le  représentant 
de  la  Ligue  coloniale  allemande,  qui  compte  plus  de 2.50.000  adhérents. 
M.  L.  Hubert  voit  même  dans  toutes  ces  tentatives  successives  de  rap- 
prochement le  prélude  d'une  grande  entente  internationale  qui  se  fera 
plus  tard,  lorsque  s'élèvera  menaçant  le  fameux  péril  jaune  dont  il  est 
tant  parlé. 

Quant  au  Maroc,  c'est  la  bouteille  à  l'encre,  pourrait-on  dire.  Nous 
y  voyons  un  Sultan  presque  méconnu  en  présence  de  deux  prétendants 
qui  ne  demandent  qu'à  l'évincer.  Sans  pouvoir  aucun,  il  a  dû  même 
laisser  à  Baissouli,  véritable  chef  de  bandits,  le  soin  de  faire  la  police 
aux  portes  de  Tanger.  Ce  sont  de  ces  choses  qu'on  ne  voit  vraiment 
qu'au  Maroc  !  Bou  Amara,  le  roghi,  immobilise  de  son  côté  une  partie 
des  troupes  du  Sultan.  Mouley-Hafîd  a  réuni  autour  de  lui  de  puissants 
caïds  qui  lui  font  la  cour.  Il  semble  avoir  gagné  à  lui  Si  Aïssa  Ben 
Omar  en  se  l'attachant  comme  ministre  de  la  guerre,  mais  ce  dernier 
lui  restera-t-il  fidèle  ?  On  voit  aussi  auprès  de  Mouley-Hafid,  un  certain 
Ma-el-Ainin,  marabout  du  Sud,  sorcier  et  négrier  tout  à  la  fois,  qui 
le  flatte  et  vit  largement  à  ses  dépens  avec  toute  sa  suite.  Quant  au 


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Sultan,  réduit  aux  abois,  il  se  trouve  actuellement  à  Rabat  où  il  a 
demandé  une  entrevue  avec  M.  Régnault.  Sa  mahalla  et  celle  de  Mou- 
Îey-Hafîd  sont  en  marche  l'une  vers  l'autre  et  la  rencontre  pourrait  bien 
se  faire  sous  nos  yeux  devant  Casablanca.  Le  Général  Drude  a  même 
été  prié  par  les  intéressés  de  garder  la  plus  stricte  neutralité.  Qu'ad- 
viendra-t-il  de  cette  rencontre,  peut-être  bien  peu  de  chose.  Les  Maro- 
cains si  farouches  et  si  excités,  quand  ils  marchent  sur  des  étrangers, 
se  causent  souvent  entre  eux  fort  peu  de  dommage.  Au  surplus,  que 
l'un  ou  l'autre  l'emporte,  il  n'y  aura  encore  probablement  rien  de 
changé  au  Maroc  si  nous  n'y  mettons  bon  ordre.  —  Nous  aurions  tou- 
jours le  spectacle  des  grands  pressurant  les  petits  au  point  que  ceux-ci 
trouvent  tout  travail  inutile.  Les  gouvei-nants  de  là-bas  ont  tout  intérêt 
au  maintien  de  cet  état  de  choses  et  c'est  là  le  grand  obstacle  à  la  civi- 
lisation du  pays.  Pour  nous,  qui  avons  reconnu  officiellement  Abd-el- 
Azis  en  lui  conférant  h  Légion  d'Honneur,  il  nous  le  faut  soutenir 
malgré  tout.  Maintenant  que  nous  l'avons  entièrement  sous  la  main, 
profitons  de  ses  bonnes  dispositions,  poussons-le  dans  la  voie  des 
réformées  et  aidons-le  matériellement.  Bien  que  la  Banque  d'Etat  soit 
seule  chargée  des  emprunts,  qui  nous  empêche  de  prêter  au  Sultan  sur 
les  gages  qui  se  promènent  en  Europe  à  la  recherche  d'un  prêteur 
bénévole.  Le  Maroc  n'est-il  pas  libre  après  tout  ?  N'est-ce  point 
l'argument  que  l'Allemagne  nous  a  déjà  servi  ?  Nous  pouvons  le  lui 
retourner  à  notre  tour. 

L'acte  d'Algésiras  n'est  plus  qu'une  peau  de  chagrin  déchirée,  tous 
les  faits  l'annihilent.  C'est  à  la  France  qu'il  appartient  de  restaurer  le 
Maroc  et  non  à  une  Commission  internationale.  Nous  avons  vu  en 
Crète  et  en  Chine  ce  qu'ont  su  faire  les  concerts  des  diverses  puissances. 
Nous  sommes  libres  d'agir,  il  n'y  a  plus  de  danger  du  côté  de  l'Alle- 
magne et  il  n'y  a  plus  en  Espagne  qu'un  léger  nuage  qui  finira  bien  par 
se  dissiper.  Quand  nous  disons  qu'il  n'y  a  plus  rien  du  côté  de  l'Alle- 
magne, c'est  de  l'officielle,  entendons-nous,  que  nous  voulons  parler. 
De  la  part  de  certains  nationaux  allemands ,  il  existe  encore  une 
campagne  sourde  contre  la  légion  étrangère.  On  l'accuse  d'avoir  poussé 
aux  meurtres  par  ses  excitations  et  des  faits  répréhensibles.  On  n'a  eu 
en  somme  que  deux  seuls  faits  à  leur  reprocher  et  les  deux  coupables 
ont  été  sévèrement  punis.  On  reconnaîtra  que  c'est  peu  pour  la  façon 
dont  ce  corps  est  constitué.  Nous  ajouterons  de  plus  qu'un  tiers  de  nos 
légionnaires  est  d'origine  allemande. 

La  campagne  continue  toujours.  Nombre  de  légionnaires  reçoivent 


—  310  — 

encore  des  lettres  les  engageant,  moyennant  une  récompense  pécuniaire, 
à  révéler  tout  ce  qui  se  passe  d'anormal  parmi  eux,  ceci  pour  servir 
de  base  à  des  accusations  ultérieures.  Mais  enfin  dans  tout  ceci  l'Alle- 
,magne  officielle,  répétons-le,  n'est  pour  rien. 

Marchons  donc  délibérément  dans  la  voje  qui  nous  est  tracée,  sans; 
broncher  et  sans  soucis  de  certains  intérêts  électoraux.  Soyons  fermes 
et  il  se  pourrait  bien,  que  comme  les  Anglais  en  Egypte,  nous  soyious 
pour  toujours  implantés  au  Maroc  pour  notre  plus  grand  profit  et  le 
plus  grand  bien  de  l'humanité  tout  entière. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN    1907 


EXCURSION  EN  ORIENT 


DU  DIMANCHE  14  AVRIL  AU  VENDREDI  17  MAI  1907. 


Directeur  :  M.  Henri  Beaufort.  Président  du  Comité  des  Exctirsions. 


Le  grand  géographe  Elisée  Reclus,  par  ironie  sans  doute,  estimait  que  «  la 
meilleure  façon  de  voyager  »  était  de  rester  au  coin  de  son  feu,  les  pieds  sur 
les  chenets,  avec  un  livre  documenté  dans  les  mains. 

Mieux  vaut  certes  faire  ainsi  de  la  géographie  en  chambre  que  d'imiter 
cette  anglaise,  qui,  profondément  endormie  dans  son  compartiment,  se  réveil- 
lait un  peu  plus  loin  en  s'écriant  :  «  Aoh  !  je  n'ai  pas  vu  le  cascade,  mais  je 
peux  toujours  écrire  sur  mon  portefeuille  que  j'ai  passé  devant  ». 

Pour  être  à  même  d'apprécier  «  la  meilleure  façon  de  voyager  »  il  suffit 
d'entreprendre  avec  la  Société   de  Géographie   de  Lille  un  de  ces  longs  et 


—  311  — 

intéressants  voyages  que  les  Directeurs  ont  minutieusement  préparés  au  coin 
de  leur  feu  et  mûrement  étudiés  dans  les  soirées  d'hiver. 

Avec  un  programme  intelligemment  coordonné,  on  est  forcé  de  reconnaître 
que  rien  n'a  échappé  à  leur  œil  investigateur  ;  et  cette  manière  de  voyager 
laisse  des  impressions  durables  chez  ceux  qui  ont  eu  comme  nous  le  bonheur 
de  pouvoir  les  ressentir. 

La  grande  excursion  de  1907  s'est  faite  en  Orient.  Pour  une  telle  direction 
il  fallait  la  sage  expérience  et  la  grande  habileté  du  Président  du  Comité  des 
Excursions. 

M.  Henri  Beaufort  a  déjà,  inscrites  sur  ses  tablettes,  de  lointaines  randonnées. 
Sa  course  en  Orient  complète  sa  croisiè;e  de  1902  en  Russie;  et  dans  tous 
les  pays  visités,  du  Volga  aux  rives  enchanteresses  du  Bosphore,  partout  il 
met  en  lionneur  le  beau  renom  de  notre  chère  Société. 

Le  14  Avril  1907,  à  l'heure  où  notre  ville  fêle  avec  enthousiasme  l'arrivée 
d'une  musique  anglaise,  20  membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille, 
avec  un  peu  d'émotion  mêlée  à  beaucoup  de  joie,  serrent  la  main  aux  parents 
et  amis  venus  à  la  gare  souhaiter  un  heureux  voyage  à  ceux  que  le  train 
emporte  vers  l'attrait  de  l'inconnu  lointain,  vers  le  mystérieux  Orient. 

UOslende-Vienne  nous  avait  réservé  à  Bruxelles  des  places  occupées  déjà 
par  des  voyageurs  d'Outre-Manche.  Malgré  la  sympathie  engendrée  par  l'en- 
tente .cordiale,  nos  usurpateurs  doivent,  non  sans  maugréer,  plier  bagage  et 
nous  céder  leurs  compartiments. 

Ainsi  confortablement  installés  nous  arrivons  le  lendemain  à  5  heures  et 
demie  du  soir  à  Vienne,  où  nous  attend  à  la  gare,  le  sourire  aux  lèvres,  le 
très  aimable  guide,  M.  Koprivia,  heureux  de  revoir  quelques  membres  de  la 
Société  de  Géographie  de  Lille. 

M.  Koprivia  a  guidé,  en  effet,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  un  groupe  d'ex- 
cursionnisles  dirigés  également  par  M.  Henri  Beaufort. 

Vienne.  —  La  saison  n'est  guère  propice  pour  la  visite  de  la  capitale  de 
l'Autriche.  Les  rigueurs  de  l'hiver,  dont  les  morsures  cette  année  se  sont  fait 
sentir  dans  toute  l'Europe,  ont  retardé  les  parures  printanières  de  la  ville. 
Si  les  arbres  des  «  Ring  »  ne  sont  pas  encore  verts,  si  le  Prater  est  désert, 
l'impression  que  nous  ressentons  en  parcourant  la  ville  n'en  est  pas  moins 
excellente. 

Vienne  par  ses  monuments,  ses  grandes  artères,  ses  larges  boulevards  et 
l'élégance  de  ses  habitants,  nous  i  appelle  Paris  et  peut  être  placée  parmi  les 
plus  belles  capitales  de  l'Europe. 

Malheureusement  la  vie  s'éteint,  du  moins  à  cette  époque,  à  partir  de  9  h. 
et  demie  du  soir,  et  la  ville  s'endort  dans  des  vespers  mélancoliques.  Les  cafés 
se  vident  ;  seuls,  quelques  retardataires  restent  attablés  pour  lire  le  journal  et 
boire  leurs  deux  verres  d'eau  ou  le  kapuziner  traditionnel. 


—  312  — 

Le  progrès  sous  toutes  ses  formes  a  pénétré  au  cœur  de  cette  opulente  cité. 
De  nombreux  tramways  électriques  la  sillonnent  en  tous  sens  et  des  voies 
souterraines  transportent  également  les  voyageurs. 

Les  pompiers  pour  se  rendre  plus  vite  sur  les  lieux  de  l'incendie  ont  des 
automobiles  et  nous  avons  été  témoin  de  leur  course  vertigineuse. 

Les  deux  jours  passés  à  Vienne  sont  employés  à  visiter  les  principales 
curiosités. 

Il  y  a  peu  de  capitales  qui  réunissent  autant  de  beaux  édifices.  La  période 
brillante  de  son  développement  architectural  date  surtout  de  l'époque  de  son 
agrandissement,  c'est-à-dire  en  1859,  après  la  démolition  de  l'enceinte  et  des 
fossés  qui  entouraient  la  cité. 

Je  ne  m'étendrai  pas  longtemps  sur  la  description  des  monuments.  Mon 
excellent  confrère  et  ami  le  Docteur  Maurice  Dhalluin  a  fait,  il  y  a  quelques 
années,  une  conférence  très  applaudie  sur  l'Autriche  et  nous  a  parlé  longue- 
ment de  Vienne  (1). 

Notre  promenade  dans  la  ville  nous  permet  d'admirer,  non  loin  de  notre 
hôtel,  YEglise  votive^  bâtie  en  reconnaissance  de  la  protection  divine  qui  fit 
échapper  l'Empereur  à  la  main  d'un  meurtrier  en  1853.  Les  moindres  détails 
de  cette  église  gothique  sont  fouillés  avec  une  rare  précision  :  le  portail  est 
notamment  d'une  grande  richesse. 

Le  Balkans  (Hôtel  de  Ville)  est  un  chef-d'œuvre  d'art  gothique  avec  sa  tour 
haute  de  100  mètres  et  sa  grande  cour  des  Arcades.  Les  noctambules  viennois 
se  donnent  rendez-vous  aux  sous-sols  du  Rnthaus  après  la  fermeture  des  cafés. 
Dans  ces  galeries  souterraines,  richement  décorées  de  fresques,  circulent  les 
Viennois  et  les  Viennoises  en  quête  de  rafraîchissements  et  de  plaisirs. 

Au  moment  de  notre  passage  dans  une  des  grandes  cours  de  l'Hôtel  de 
Ville,  un  bataillon  de  sergents  de  ville  escorté  d'une  musique  municipale  se 
rend  à  la  Cathédrale  pour  assister  au  Te  Deum  chanté  en  l'iionneur  du  dixième 
anniversaire  de  l'élection  du  maire  de  Vienne. 

La  Cathédrale  St-Etienne^  un  des  plus  beaux  monuments  de  l'ancien  style 
allemand,  est  située  non  loin  du  Graben,  quartier  des  riches  magasins.  Elle  a 
la  forme  d'une  croix  latine  d'une  longueur  de  110  mètres;  elle  renferme  la 
crypte  impériale  dans  laquelle  on  dépose,  depuis  Ferdinand  II,  les  intestins 
des  membres  de  la  famille  impériale. 

YJEglise  des  Atignstins^  avec  sa  façade  modeste,  contient  le  magnifique 
mausolée  de  l'archiduchesse  Marie-Christine,  sculpté  par  Canova.  Une  des 
chapelles  de  cette  église  garde  dans  des  urnes  d'or  les  cœurs  des  membres 
défunts  de  la  famille  impériale.  Nous  avons  remarqué  dans  une  chapelle  mor- 
tuaire le  tombeau  du  célèbre  médecin  van  Swieten. 


(l)  Bulletin  de  la  Société  de  Géograiihie,  19C1  (S"»*  semestre),  page  77. 


—  313  — 

UEglise  des  Capucins  est  visitée  surtout  pour  le  caveau  sépulcral  des 
membres  des  familles  régnantes  d'Autriche.  Parmi  ces  92  tombeaux,  placés 
pêle-mêle  dans  ces  couloirs  étroits,  nous  remarquons  surtout  ceux  de  Marie- 
Louise  et  du  duc  de  Reichstadt. 

Cette  sépulture  est  moins  somptueuse  que  celle  des  rois  d'Espagne.  Dans  le 
Panthéon  de  l'Escurial.  des  escaliers  de  marbre  et  des  revêtements  de  por- 
phyre :  ici  de  la  pierre  et  des  dalles  humides  qui  glacent  les  visiteurs  et  leur 
font  peut-être  mieux  comprendre  le  néant  des  grandeurs  humaines. 

C'est  dans  la  crvpte  de  cette  église  qu'Edmond  Rostand  a  écrit  le  sonnet 
suivant  devant  la  tombe  de  l'Aiglon  : 

Dors  dans  cet  endroit  pauvre  où  les  archiducs  blonds 
Sont  vêtus  d'un  airain  que  le  temps  vert-de-grise. 
On  dirait  qu'un  départ  dont  l'instant  s'éternise 
Encombre  les  couloirs  de  bagages  oblongs. 

Des  touristes  anglais  traînent  là  leurs  talons. 
Puis  ils  vont  voir,  plus  loin,  ton  cœur  dans  une  église. 
Dors,  tu  fus  ce  jeune  homme  et  ce  fils,  quoi  qu'on  dise. 
Dors,  tu  fus  ce  martyr  :  du  moins  nous  le  voulons. 

Un  capucin  pressé  d'expédier  son  monde 
Frappe  avec  une  clef  sur  ton  cercueil  qui  gronde. 
Dit  un  nom,  une  date,  —  et  passe  en  abrégeant. 

Dors  !  Mais  rêve  en  dormant  que  l'on  t'a  fait  revivre. 
Et  que  laissant  ton  corps  dans  son  cercueil  de  cuivre 
J'ai  pu  voler  ton  cœur  dans  son  urne  d'argent. 

Le  père  Capucin  qui  guide  les  étrangers  dans  ces  sombres  galeries  est  cer- 
tainement très  érudit,  mais  il  a  la  tête  près  de  sa...  calotte.  Malheur  au 
touriste  qui  délie  sa  langue  !  11  lance  des  yeux  furibonds  et  ses  éclats  de  voix 
font  comprendre  qu'il  n'est  pas  content. 

Le  Parleiiienl  avec  ses  lignes  sévères  classiques  porte  de  riches  sculptures 
grecques.  Une  large  rampe  conduit  par  un  grand  propylée  aux  salles  des 
siances  et  devant  le  monument  s'élève  la  colossale  «  Fontaine  de  Minerve  », 
que  couronne  la  statue  de  cette  déesse  haute  de  3  à  4  mètres. 

La  BlhlioUirque  fidéicommissaire  de  la  famille  impériale,  dont  l'entrée  est 
permise  seulement  avec  une  autorisation  du  cabinet  de  l'Empereur,  est  ouverte 
sur  la  présentation  de  la  carte  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  Les 
80.000  volumes  sont  placés  dans  une  magnifique  salle  dépassant  en  richesse 
décorative  celle  de  l'Escurial. 

Le  Musée  Impérial  abrite  des  collections  splendides.  La  décoration  inté- 
rieure est  très  imposante  ;  et,  en  entrant,  les  visiteurs  sont  frappés  à  la  vue 
d'un  superlje  escalier  dominé  par  le  célèbre  Thésée  de  Canova. 


—  314  — 

Le  Palais  Lnpérial  (Hofburg)  développe  sur  la  place  St-Micliel  sa  longue 
façade  construite  en  1893  et  dont  l'ensemble  architectural  ne  plaît  pas,  dit-on^ 
à  l'Empereur  François-Joseph.   Il  est  question  de  la  démolir  à  bref  délai. 

C'est  dans  la  cour  du  palais  que  nous  avons  assisté  à  la  parade  militaire., 
beaucoup  moins  importante  qu'à  Madrid. 

Les  Viennois  sont  essentiellement  musiciens  et  leurs  nombreux  théâtres 
permettent  aux  amateurs  d'y  passer  de  délicieuses  soirées. 

UOpéra  Impérial^  superije  monument  de  style  Renaissance  française,  sur- 
passe toutes  les  scènes  lyriques  par  son  merveilleux  orchestre  et  ses  éminents. 
artistes.  Il  nous  a  été  donné  de  l'apprécier  dans  «  iI/a«ow  »,  régal  pour 
l'oreille  avec  cette  suave  musique  de  Massenet  et  régal  pour  les  yeux  avec  la 
fraîcheur  des  décors. 

De  superbes  statues  ornent  la  plupart  des  grandes  places  de  Vienne. 

La  plus  monumentale  et  la  plus  artistique  est  celle  de  Marie-Thérèse,  une 
des  plus  remarquables  œuvres  d'art  de  la  plastique  contemporaine. 

La  grande  Imp.iratrice  est  assise  sur  un  trône,  indiquant  de  la  main  droite 
le  château  impérial  qui  lui  fait  face,  la  main  gauche,  tenant  le  sceptre,  appuyée 
sur  le  parchemin  où  est  enregistrée  la  Pragmatique.  Des  hommes  d'Etat,  des 
généraux  et  des  savants  de  l'époque  figurent  sur  les  reliefs  du  piédestal. 

On  sait  que  ]\Iarie-Thérèse,  attaquée  par  toutes  les  puissances  de  l'Europe, 
fut  obligée  d'abandonner  sa  capitale,  emportant  avec  elle  l'archiduc  son  fils» 
La  reine,  tenant  entre  ses  bras  le  jeune  archiduc  âgé  de  quelques  mois» 
adressa  aux  Hongrois  ces  paroles  si  touchantes  :  «  Abandonnée  de  mes  amis, 
«  persécutée  par  mes  ennemis,  attaquée  par  mes  plus  proches  parents,  je  n'ai 
«  d'autre  ressource  que  dans  votre  fidélité,  dan;  votre  courage  et  dans  ma 
«  constance.  Je  mets  en  vos  mains  la  fille  et  le  fils  de  vos  maîtres  qui  attendent 
«  de  vous  leur  salut  ». 

Les  palatins  sont  attendris,  versent  des  larmes,  tirent  leurs  sabres  et 
s'écrient  ;  «  Moriamur  pro  rege  nostro  Maria-Theresia  ». 

En  face  du  palais  impérial  s'élève  le  monument  en  bronze  de  François  II. 
L'Empereur  figure  en  costume  romain. 

Mozart,  Beethoven,  Schiller,  Goethe  sont  aussi  glorifiés  à  Vienne.  La 
musique  et  la  poésie  sont  deux  fleurons  de  sa  couronne  artistique,  et,  en  élevant 
des  statues  à  ces  génies,  elle  a  voulu  leur  rendre  un  éclatant  hommage  en 
perpétuant  leur  souvenir. 

ScHÔNBRUNN.  —  Aucune  autre  grande  capitale  ne  possède  des  environs 
aussi  pittoresques  que  ceux  de  Vienne.  En  été  leMennois,  comme  le  Parisien, 
déserte  la  ville  le  dimanche  et  passe  la  journée  dans  les  allées  embaumées  de 
la  forêt  de  Vienne. 

A  cette  époque  de  l'année  on  se  sent  plutôt  attiré  vers  l'excursion  de  Schôn- 
brunn  où  un  tramway  vous  conduit.   Point  n'est  besoin  de  soleil  pour  accom- 


—  315  — 

plir  ce  pèlerinag-e.  Le  cadre  historique  dans  lequel  est  plongé  ce  joyau  impérial' 
s'illumine  lui-même  par  ces  souvenirs  que  Rostand  a  ravivés  dans  «  V Aiglon  ». 

A  l'entrée  du  château  se  tiennent  des  soldats  bosniens  coiffés  du  fez  rouge. 

Un  magnifique  jardin  avec  de  jolis  parterres  et  de  grands  bassins  encadre 
de  tous  côtés  cette  demeure  où  Napoléon  P''  eut  son  quartier  général  en  1805 
et  1809.  L'aigle  noir  à  deux  têtes,  en  fer  forgé,  semble  planer  sur  la  gloriette 
de  l'Aiglon  et  sur  ce  fameux  parc, 

Où  si  le  prisonnier  risquait  au  fond  un  pas 
r      II  fleurissait  de  suite  un  œil  sous  chaque  feuille. 

C'est  à  Schônbrunn  que  mourut  le  roi  de  Rome  en  1832.  Nous  visitons; 
successivement  les  appartements  impériaux,  le  salon  de  laque,  le  salon  des 
potiches,  la  chambre  à  coucher  du  roi  de  Rome,  la  fameuse  salle  en  bois  de 
rose  avec  ses  peintures  japonaises,  qui  a  coûté  plus  de  deux  millions.  Toutes- 
ces  reliques  sont  entourées  de  soins  religieux  ;  en  les  frôlant,  nous  feuilletons 
en  esprit  une  page  de  notre  histoire,  dont  l'évocation  dans  ce  palais  solitaire 
fait  penser  à  la  patrie  absente. 

Notre  itinéraire  étant  réglé,  nous  quittons  Vienne  le  jeudi  18  Avril,  à 
9  heures  du  matin  par  la  gare  de  Statsbahnhof. 

Bientôt  on  franchit  la  March  qui  sépare  l'Autriche  de  la  Hongrie. 

A  -Presbourg,  ancienne  capitale  de  la  Hongrie  et  ville  du  couronnement  des 
rois  hongrois,  descend  une  jeune  duchesse  de  Vienne  en  toilette  excessivement 
simple.   Les  honneurs  lui  sont  rendus  à  la  gare. 

Au  delà  de  Presbourg  on  remarque  de  vastes  vignobles.  Le  train  s'arrête 
quelques  instants  à  Ersek-Ujvar.  Un  orchestre  ambulant  s'installe  près  de 
notre  wagon-restaurant  et  joue  à  notre  grande  surprise  la  Marseillaise.  Il  est 
bien  difficile  aux  Français  de  cacher  leur  nationalité.  Leur  exubérance  sortant 
par  tous  les  pores  est  pour  les  étrangers  un  bon  signalement. 

Le  chemin  de  fer  se  rapproche  du  Danube  ;  dans  les  plaines  le  gibier  à  poil 
et  à  plumes  abonde  et  n'est  nullement  effaré  à  l'approche^du  train. 

A  1  h.  40  nous  arrivons  dans  la  capitale  de  la  Hongrie. 

Je  m'efforcerai  à  reproduire  aussi  fidèlement  que  possible  les  impressions 
ressenties  au  cours  de  notre  séjour  dans  cette  ville  si  intéressante  et  si  hospi- 
talière. 

BuDAPESTH.  —  Budapesth  reçoit  la  visite  de  nombreux  touristes.  Située 
sur  la  route  de  l'Orient,  ses  sites  pittoresques,  ses  monuments  grandioses,  ses 
sports  variés  et  ses  distractions  de  toute  espèce  ne  font  pas  mentir  son  surnom 
de  «  Petit  Paris  ». 

Budapesth  est  formée  par  la  réunion  de  deux  villes,  Bude,  rive  droite,  et 
Pesth,  rive  gauche.  Cette  fudon  date  de  1873.  La  population  totale  approche- 
de  720.000  habitants,  et  Pesth  figure  dans  ce  chiffre  pour  600.000. 


310  — 


Pesth,  la  ville  moderne,  commerçante  et  animée,  s'embellit  et  s'agrandit 
tous  les  jours. 

Bude,  au  contraire,  marque  le  pas  et  reste  l'antique  cité  aux  souvenirs 
Mstoriques. 

Le  Danube  sépare  les  deux  villes  et  roule  à  cette  saison  des  eaux  limoneuses 
.qui  nous  font  penser  au  bleu  chanté  par  Strauss  en  de  classiques  mélodies.  Ses 
quais  sont  très  animés.  De  nombreux  débarcadères  y  sont  installés  pour  les 
bateaux  qui  font  le  service  des  voyageurs  et  des  messageries  entre  Vienne  et 
Budapestb  et  entre  Budapesth  et  Belgrade.  De  gracieux  petits  bateaux 
sillonnent  le  Danube  en  tous  sens  et  transportent  les  touristes  aux  divers  centres 
d'excursion.  Quatre  magnifiques  ponts  sont  jetés  sur  le  fleuve  :  le  grand  pont 
suspendu,  avec  ses  trois  travées,  qui  a  coûté  deux  millons  ;  le  pont  Margue- 
rite en  fer,  construit  de  1872  à  1879  par  la  Compagnie  de  Fives-Lille  ;  le 
pont  François-Joseph  près  de  la  douane  ;  et  le  pont  de  jonction  du  chemin  de 
fer.  Un  pont  vient  d'être  construit  tout  récemment,  le  pont  Elisabeth. 


BUDA- PESTH. 


LE    PONT    ELISABETH. 


Les  beaux  hôtels  sont  situés  près  du  Danube  à  côté  de  l'Office  des  voyages 
où  les  étrangers  sont  cordialement  reçus  et  très  bien  i enseignés. 


—  317  — 

La  Société  de  Géographie  de  Lille  n'a  qu'à  se  louer  de  la  grand'e  amabilité' 
de  ses  agents  qui  ont  singulièrement  facilité  la  tâche  de  notre  Directeur.  Un 
journal  de  la  ville  signale  noire  passage  à  Budapesth  ;  le  même  soir,  à  l'hôtel 
Hungaria  plusieurs  d'entre  nous  subissent  très  courageusement  jusqu'à  une 
heure  avancée  de  la  nuit,  les  supplices  de  l'interview.  Le  lendemain,  des 
articles  intéressants  paraissent  sur  la  Société  de  Géographie  de  Lille  et  sur  les 
produits  manufacturiers  de  Lannoj. 

Notre  promenade  dans  la  ville  se  fait  en  voiture  ;  grâce  à  la  bonne  organi- 
sation toutes  les  curiosités  ont  pu  être  visitées  pendant  ces  trois  journées  bien 
employées. 

Pesth.  —  L'avenue  Andrâssy  tirée  au  cordeau  est  la  principale  artère  de- 
Pest.  C'est  dans  cette  longue  et  large  rue  que  se  concentrent  l'activrté  et  la  vie 
fébriles  de  la  ville.  Le  théâtre  hongrois,  l'opéra  royal,  les  musées  profilent 
sur  la  belle  avenue  leurs  él  gantes  silhouettes. 

U Opéra  Royal  nous  rappelle  un  agréable  souvenir.  Des  loges  ont  été  mises- 
gracieusement  à  notre  disposition  par  l'Office  des  v^oyages.  Inutile  de  dire  que- 
nous  avons  passé  une  soirée  délicieuse  en  savourant  le  grand  opéra  de  Aida. 
Une  petite  remarque  :   les  entr'actes  sont  très  courts  et  la  représentation  est 


BUDA-PESTH.    —    LE    PARLEMENT. 


terminée  à  11  heures.  A  signaler  aussi  une  innovation  dans  les  autres  théâtres; 
à  spectacles  variés.  Le  parterre  est  transformé  en  salle  à  manger.  Très  original 


—  318  — 

le  coup  d'œil  des  nombreuses  petites  tables  éclairées  par  des  lampes  élec- 
triques à  abat-jour  rouge  et  où  sont  installés  des  groupes  qui  se  restaurent  tout 
•en  s'amusant. 

Une  des  curiosités  de  la  ville  est  sans  contredit  le  Parlement,  qui  est  un 
bijou  d'architecture  gothique  de  proportions  imposantes. 

Bien  qu'il  y  eût  séance,  nous  avons  pu  le  visiter  après  avoir  été  reçus  très 
aimablement  par  le  premier  conseiller  du  président  de  la  Chambre. 

Les  salles  sont  aménagées  avec  luxe  et  partout  l'élégance  la  plus  raffinée 
rivalise  avec  le  goût  le  plus  artistique. 

La  salle  du  trône  est  de  toute  beauté  et  l'escalier  richement  décoré  de 
marbre  et  de  dorures  est  une  vraie  merveille. 

Comme  renseignements  communiqués,  je  puis  vous  dire  qu'il  y  a 
450  députés  et  que  la  gauche  domine,  c'est-à-dire  les  indépendants  qui  veulent 
la  séparation  de  l'Autriche.  Les  députés  touchent  20  couronnes  par  jour  et  ont 
50  "/o  de  réduction  sur  le  chemin  de  fer  et  sur  le.  .  .  buffet. 

Quant  aux  négociations  actuelles  de  la  Hongrie  avec  l'Autriche,  M.  Kos- 
suth,  Ministre  du  Commerce,  a  déclaré  que  leur  but  tendait  vers  la  conclusion 
non  d'une  union  commerciale  mais  d'un  traité  de  commerce  dont  l'échéance 
-est  fixée  à  1917,    traitîi  qui   assurera  à  la  Hongrie  une  plus  grande  indépen- 


BUL'A-PESTH.    LA    NOUVELLE    liUUUSE. 


'dance   économique  ;    et,    ainsi    à   partir  de   1917,   on   établirait  un  territoire 
-douanier  indépendant. 


—  319  — 

En  face  du  Parlement,  la  Cour  de  Cassation  et  à  droite  les  Minislères  de 
rAgricnlture  et  de  la  Justice. 

Non  loin  de  là  se  trouve  la  Place  de  la  Liberté.,  quartier  entièrement  neuf 
et  qu'occupait  jadis  une  caserne  de  sinistre  mémoire,  parce  que  c'est  entre  les 
murs  de  cette  bastille  hong'roise  que  furent  exécutés  un  grand  nombre  de 
héros  de  l'indépendance  nationale. 

Toutes  les  maisons  de  cette  place,  dit  notre  guide,  ont  été  dégrevées  des 
contributions  à  la  condition  qu'elles  fussent  bâties  en  cinq  ans.  C'était  un 
stimulant  pour  activer  la  construction  et  l'embellissement. 

Sur  le  pourtour  de  cette  place  se  trouvent  la  Banque.,  la  Caisse  d'épargne 
postale  et  la  nouvelle  Bourse. 

Le  Président  de  la  Chambre  de  Commerce  nous  fait  les  honneurs  de  ce 
dernier  et  vaste  édifice.   Toutes  les  dépendances  sont  visitées  sous  sa  direction. 

On  ne  peut  quitter  Pesth  sans  aller  admirer  le  monument  du  comte  Etienne 
Széchényi  qui  s'élève  devant  l'Académie  des  Sciences.  Notre  guide  le  salue  en 
l'appelant  «  le  plus  grand  Hongrois  ».  C'est  lui  en  effet  qui  a  le  plus  contribué 
à  l'embellissement  de  la  ville.  Il  a  abandonné  une  année  de  ses  revenus 
(60.000  florins)  —  c'est  toujours  le  guide  qui  parle  —  à  la  fondation  de  l'Aca- 
démie des  Sciences,  en  disant  à  ses  amis  :  «  Messieurs,  j'espère  avoir  365  amis 
et  je  compte  que  chacun  d'eux  m'assurera  l'existence  en  me  donnant  un  repas 
tous  les  jours  ». 

BuDE.  —  Bude,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  est  située  sur  la  rive  droite  du  Danube. 

Deux  monuments  frappent  la  vue  des  visiteur^  :  la  Citadelle  et  le  Palais 
du  Roi. 

La  CitadeUe  n'a  rien  de  remarquable.  On  l'escalade  pour  jouir  du  pano- 
rama. Mais  le  même  vue  se  dessine  peut-être  mieux  du  haut  des  jardins  du 
Palais  du  Roi. 

Le  Palais  du  Roi  que  nous  visitons  en  détail  est  de  toute  beauté.  C'est  une 
enfilade  de  salons  où  les  ors  se  jouent  à  travers  les  richesses  des  meubles  et  des 
tentures. 

Dans  une  des  salles  du  Palais  il  j  a  entre  autres  quatre  magnifiques  Gobe- 
lins  représentant  les  quatre  saisons,  d'une  valeur  de  60.000  florins  chaque. 

Dans  une  autre  salle  le  guide  nous  fait  remarquer  deux  autres  Gobelins  qui 
ont  coûté  un  million  et  qui  ont  été  donnés  par  la  France. 

A  deux  pas  de  l'Hôtel  de  Ville  et  du  monument  de  la  Défense  nationale, 
érigé  aux  héros  qui  tombèrent  en  1848  pour  l'indépendance  de  la  patrie,  se 
dresse  V Eglise  St-Mafhias,  construite  en  1236  par  le  roi  Bêla  IV,  dans  le 
style  roman  et  rebâtie  au  XV*  siècle  par  le  roi  Mathias  Corvin  dans  le  style 
gothique. 

Sous  les  Turcs  l'église  a  servi  de  mosquée  pendant  150  ans.  L'intérieur  est 
orné  de  peintures  polychromes. 


—  320  — 

C'est  dans  cette  église  qu'a  eu  lieu  en  1867  le  couronnement  du  roi  Fran- 
çois-Joseph et  de  la  reine  Elisabeth. 

Bude  est  célèbre  aussi  par  ses  sources  thermales  alcalines  et  sulfureuses. 
Avec  le  docteur  Bêla  Bosanyi  nous  visitons  celles  de  St-Lucasbad,  établisse- 
ment balnéaire  remarquablement  aménagé  et  admirablement  situé  au  bord  du 
majestueux  Danube  au  milieu  d'un  parc  splendide. 

Les  environs  de  Bude  sont  très  pittoresques  et  les  étrangers  ne  quittent  pa& 
la  ville  sans  faire  une  excursion  dans  les  ravissantes  montagnes  de  Buda  aux 
vallées  luxuriantes  de  verdure  et  aux  panoramas  splendides  sur  Buda-Pesth. 

L'excursion  la  plus  facile  et  la  plus  intéressante  est  celle  de  Széchenychegy 
(montagne  des  Souabes),  qui  doit  son  nom  aux  troupes  impériales  qui  y  cam- 
pèrent en  1685  lors  de  l'expulsion  des  Turcs.  Cette  promenade  dure  une  heure 
et  demie  environ  et  on  arrive  au  sommet  du  mont,  où  il  y  a  un  observatoire, 
en  chemin  de  fer  à  crémaillère.  Là  se  trouvent  aussi  des  villas  et  des  restau- 
rants très  fréquentés  en  été. 

Pour  cette  excursion  le  groupe  n'est  pas  complet.  Deux  d'entre  eux,  la 
médecine  et  la  pharmacie,  partisans  de  Vulile  dulci,  sont  allés  se  rendre  compte 
si  les  eaux  de  Hunjadi-Janos  ne  sont  pas  un  mythe  et  si  elles  existent  vrai- 
ment aux  environs  de  Budapesth. 

Cette  exploration  les  a  rassurés  pleinement  et  ils  ont  pu  constater  l'empla- 
cement des  sources  salines  en  même  temps  que  la  grande  urbanité  du 
propriétaire. 

L'heure  du  départ  a  sonné  et  nous  faisons  nos  adieux  à  Budapesth  le 
dimanche  21  Avril,  à  3  heures  de  l'après-midi,  non  sans  avoir  rempli  une 
feuille  où  les  touristes  étrangers  sont  priés  de  répondre  à  titre  d'orientation 
aux  questions  posées  par  le  Bureau  des  étrangers. 

Ce  référendum  fait  honneur  à  l'esprit  d'initiative  de  l'Office  des  voyages  et 
je  suis  persuadé  qu'ils  tiennent  compte  des  observations  consignées,  surtout  de 
celles  des  membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

Et  maintenant  en  route  pour  Belgrade  ! 

De  Budapesth  à  Belgrade  le  paysage  est  assez  monotone,  du  moins  jusqu'à 
la  tombée  de  la  nuit.  Le  train  traverse  des  plaines  basses  et  marécageuses,  en 
partie  inondées,  dans  lesquelles  barbotent  des  cigognes. 

Tantôt  il  se  rapproche  du  Danube,  tantôt  il  s'en  éloigne  pour  s'arrêter 
bientôt  à  Zimony  ou  Semlin,  station  frontière  autrichienne,  située  au  confluent 
du  Danube  et  de  la  Save. 

Enfin  à  10  h.  1/2  nous  arrivons  dans  la  capitale  de  la  Serbie.  Une  surprise 
nous  est  réservée.  Notre  collègue,  M.  Fernand  Legrand,  Consul  de  Serbie, 
est  à  la  gare,  entouré  de  tous  les  membres  de  la  Réunion  Française  et  de 
quelques  dames  intrépides  qui  n'ont  pas  reculé  devant  l'heure  avancée  de  la 
soirée. 

M.  le  Docteur  Markovitch,  Président  de  la  Société  d'Hygiène  scolaire  et 


—  321  — 

de  l'Instruction  populaire  gratuite,  nous  souhaite  la  bienvenue  en  manifestant 
dès  notre  arrivée  le  grand  amour  de  la  Serbie  pour  la  France. 

L'un  de  nous  répond  en  témoignant  la  réciprocité  de  sentiments  de  la 
France  pour  la  Serbie  et  le  hall  de  la  gare  retentit  de  cris  «  Vive  la  Serbie. 
Yive  la  France  ». 

Nos  aimables  guides  nous  conduisent  ensuite  en  voiture  à  notre  hôtel,  où  la 
connaissance  se  fait  plus  intimement  et  où  les  conversations  se  prolongent 
assez  tard  dans  la  soirée. 

Le  lendemain  matin  les  membres  de  la  R  iunion  Française  sont  à  l'hôtel  et 
avec  ces  amis  si  sympathiques  nous  visitons  Belgrade  toute  la  journée. 

Belgrade.  —  Vous  vous  demandez  sans  doute  le  pourquoi  de  cette  cordiale 
réception  des  membres  de  la  Société  de  Géographie  à  Belgrade. 

Nous  de  vous, >  laissez-moi  passer  le  mot,  ce  luxe  de  camaraderie  à  notre 
Consul  de  Serbie  qui,  nous  en  avons  été  témoins,  non  seulement  est  très  aimé 
à  Belgrade,  mais  aussi  très  écouté.  M.  Legrand  travaille  en  effet  de  toutes  ses 
forces  à  accroître  l'expansion  de  l'influence  française  en  Serbie. 

Il  existe  à  Belgrade  une  Société  <<  La  Réunion  Française  »,  dont  il  est  le 
discret  bienfaiteur,  composée  de  Français  résidant  dans  la  capitale  de  la 
Serbie  et  de  Serbes  parlant  couramment  notre  langue.  Ce  cercle  intime,  où  l'on 
vient'lire  les  journaux  et  les  périodiques  français  et  où  l'on  enseigne  notre 
langue,  comprend  environ  400  membres,  qui  sont  le  dévouement  et  l'amabilité 
personnifiés  ;  ils  nous  l'ont  bien  prouvé  lors  de  notre  séjour  à  Belgrade. 

Un  des  membres  les  plus  dévoués,  M.  Vaillant,  Conseiller  du  commerce 
extérieur,  a  demandé  très  instamment  à  l'un  de  nos  excursionnistes  de  faire 
une  conférence  au  profit  d'une  œuvre  naissante  :  l'Instruction  populaire  gra- 
tuite et  l'Hygiène  scolaire. 

Un  Français  ne  peut  refuser  le  concours  de  sa  parole,  surtout  dans  un  pays 
ami  et  on  a  répondu  à  M.  Vaillant  que  la  conférence  aurait  lieu. 

Cette  nouvelle  a  mis  au  comble  de  la  joie  les  Français  de  Belgrade.  Immé- 
diatement un  comité  s'est  formé  pour  noui  recevoir,  comité  composé  des  nota- 
bilités intellectuelles  de  la  ville  et  de  dames  très  distinguées. 

C'est  avec  ce  comité,  M.  Vaillant  en  tête,  que  nous  allons  parcourir  les 
curiosités  de  Belgrade. 

Le  programme  de  la  journée  est  tracé  d'avance  et  nous  n'avons  qu'à  suivre 
nos  guides. 

Belgrade  qui,  il  y  a  40  ans,  comptait  à  peine  25.000  habitants,  en  a  aujour- 
d'hui 80.000,  parmi  lesquels  5.000  juifs  environ.  La  domesticité  est  presque 
toute  autrichienne. 

Si  cette  ville  ne  se  transforme  que  très  lentement,  c'est  que  personne  ne 
travaille  à  son  embellissement  et  que  le  pays  ne  fait  rien  pour  la  capitale. 

Cependant   elle  est  située  dans  un   site  très  pittoresque  sur  une  langue  de 

21 


322  — 


terre  formée  par  le  Danube  et  la  Save.  Du  haut  de  la  citadelle  on  a  une  vue 
superbe  sur  le  Danul  e  qui,  à  ce  moment,  est  sorti  de  son  lit  et  inonde  tout  le 
pays  et  plus  loin  sur  Semlin. 

Dans  la  citadelle  se  trouve  la  prison  bondée  de  détenus,  de  forçats  qui  cir- 
culent les  fers  aux  pieds  et  dont  le  grincement  lugubre  des  chaînes  parvient 
jnsqu'à  nous.  Par  une  faveur  spéciale  il  nous  est  permis  de  les  voir,  du  haut 
des  remparts,  dans  le  bas  des  casemates  et  d'étudier  de  près  le  rictus  de  ces 
mines  patibulaires. 

Mais  les  yeux  se  détournent  vite  de  ce  triste  tableau,  et,  à  la  descente  de  la 
citadelle,  ils  sont  heureusement  charmés  par  la  vision  du  maiché. 


LE    MARCHE    DE    BELGRADE. 


Le  marché  est  toujours  dans  une  ville,  surtout  à  l'étranger,  la  première  des 
excursions  du  matin  et  ce  n'est  certes  pas  la  moins  intéressante.  C'est  là  en 
effet  que  l'on  saisit  sur  le  vif  le  côté  original  d'un  pays  et  que  l'on  peut 
admirer  les  jolis  costumes  des  paysans  et  des  paysannes. 

Sur  la  place  du  Marché  s'élève  rZ/w/pe;-*///,  qui  renferme  un  musée  assez; 
intéressant. 

Du  haut  du  belvédère  de  l'Université  la  vue  plonge  sur  Belgrade  et  ses  fau- 
bourgs et  donne  une  légère  illusion  d'une  ville  orientale.  Les  Turcs  ont  appelé 
Belgrade,  «  le  petit  Stamboul  ». 

M.  le  Recteur  de  l'Université,  M.  Schwiz,  nous  fait  visiter  la  maison  uni- 


—  323  — 

versitaire  et  se  trouve  très  flatté  de   recevoir  la  visite  de  g^éograplies  lillois. 
M.  le  Recteur  est  le  géog-raplie  le  plus  réputé  de  la  Serbie. 

Nous  continuons  notre  promenade  dans  la  capitale  par  la  visite  de  la  CalJié- 
drale  orlhodoxe,  qui  n'a  rien  de  remarcjuable. 


UN  KNTERREMENT  DANS  UNK  RUE  DE  BELGRADE. 


La  Banque  Nalionale  est  de  date  récente.  La  salle  du  conseil  attire  notre 
attention  par  ses  peintures  murales  serbes  représentant  la  reproduction  des 
tapis  qui  se  fabriquent  dans  le  pays,  à  Pirot  principalement. 

Ensuite  nous  nous  rendons  au  Palais  du  Roi.  Malgré  la  présence  de  Sa 
Majesté,  une  autorisation  spéciale  est  accordée  à  M.  F.  Legrand  et  avec  lui 
nous  entrons  dans  la  demeure  royale. 

Le  monument  est  d'une  extrême  simplicité,  tant  à  l'extérieur  qu'à  l'inté- 
rieur. Il  reflète  bien  les  mœars  familiales  des  Serbes  qui,  jadis,  un  peuple  de 
serfs  et  de  pâtres,  est  resté  un  peuple  de  paysans  et  un  peuple  sans  aristocratie, 
car  la  vie  économique  en  Serbie  ne  crée  pas  de  véritables  classes  sociales  ; 
naturellement  entre  le  paysan,  l'industriel  ou  le  professeur,  il  y  a  des  diffé- 
rences, mais  non  un  fossé. 


324 


La";  salle  du  trône  est  très  vaste,  sans  grande  richesse.  Il  en  est  de  même 
des  autres  salons  ;  dans  la  salle  à  mang-er  une  table  est  dressée  pour  le  roi 
Pierre  'P''.  Rien  dans  l'agencement  ne  présage  qu'il  va  se  livrer  à  un  repas  de 
Lucullus.  Le  menu,  détaillé  par  son  serviteur,  est  très  frugal. 


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ESCALIER   DU   PALAIS   ROYAL. 


Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  c'est  le  magnifique  escalier  en  bois,  sous 
lequel  est  placé  le  buste  du  roi  offert  par  ses  camarades  de  la  promotion  de 
Saint-Cyr. 

La  place  de  la  cour  du  palais,  où  joue  la  musique  pour  le  relèvement  de  la 
garde,  était  la  partie  du  Konak  oîi  s'est  accompli  en  Mai  1903,  le  drame 
nocturne  dans  lequel  le  roi  Alexandre  et  la  reine  Draga  ont  trouvé  la  mort. 
Afin  d'effacer  ce  tragique  souvenir,  l'aile  du  bâtiment  royal  a  été  rasée  et  il 
ne  reste  plus  rien. 

Peut-on  dire  qu'il  n'en  reste  plus  rien  dans  les  esprits  ?  Les  Serbes  éludent 
la  question  quand  elle  est  poussée  par  la  curiosité  des  étrangers  et  font  ainsi 
comprendre  qu'ils  préfèrent  «  imiter  de  Conrart  le  silence  prudent  ». 

Cette  matinée  favorisée  par  un  temps  splendide  se  termine  par  un  déjeuner 
offert  par  la  Réunion  Française  au  groupe  de  nos  excursionnistes,  ce  qui  nous 
permet  d'admirer  leur  local  et  une  fois  de  plus,  dans  une  plus  stricte  intimité, 
leur  exquise  affabilité.  A  ce  déjeuner  assiste  notre  chargé  d'affaires,  M.  Rogier 
Clauss. 


—  3^5  — 

La  Manufacture  des  Tahocs  est  visitée  l'après-midi  de  la  façon  la  plus  inté- 
ressante, sous  la  direction  du  Directeur  général  des  monopoles  du  tabac,  du 
sel  et  des  allumettes. 


BELGRADE. 


COtR  DU  PALAIS  ROYAL. 


Le  personnel  comprend  720  femmes  et  120  hommes,  dont  le  salaire  est  très 
mode4e.  On  fabrique  20.000  cigarettes  à  l'heure.  L'établissement  est  bien 
tenu  ;  les  machines  de  fabrication  ont  suivi  le  progrès. 

Les  cigarières  sont  moins  bruyantes  que  celles  de  Séville.  Ce  n'est  pas 
«  l'œil  noir  de  Carmen  qui  nous  regarde  »,  mais  l'œil  bleu  et  calme  de  la 
femme  serbe.  Le  prosaïque  mouchoir  en  fanchon  remplace  ici  la  fleur  de 
grenade  si  provocante  dans  les  cheveux  des  Sévillanes. 

La  cigarette  serbe  est  excellente  et  k  Directeur  nous  en  oll're  une  ample 
provision  pour  notre  long  voyage,  ce  qui  n'est  pas  déplaisant  aux  fumeurs  de 
notre  groupe. 

A  6  heures  du  soir  a  lieu  dans  la  salle  de  fêtes  de  l'Université  la  conférence 
faite  par  un  membre  de  notre  Société.  C'est  là  que,  s'est  donné  rendez-vous 
la  belle  société  de  Bel<rrade.   Les  dames  beluradoises  sont  nombreuses.  Les 


—  320  — 

Ministres  de  Tlnstruction  publique  et  de  la  Justice,  le  Métropolite,  le  Préfet^ 
les  Professeurs  de  l'Université  et  des  Officiers  honorent  de  leur  présence  cette 
réunion  très  brillante  et  très  distinguée. 

La  Société  de  Géographie  de  Lille  a  été  heureuse,  non  pas  du  succès  de  la 
conférence,  mais  de  sa  coopération  à  une  œuvre  humanifaire.  Le  produit  des 
entrées  permettra  au  Docteur  Markovitch  de  continuer  son  apostolat  en  faveur 
de  son  œuvre,  en  prenant  modèle  sur  celles  qui  fleurissent  en  France. 

Et  cette  inoubliable  journée  de  Belgrade  se  clôture  par  un  banquet  de  cent 
couverts  offerts  par  la  ville  et  la  Société  d'Hjgiène  scolaire  et  d'Instruction 
populaire  gratuite,  sous  la  Présidence  de  M.  le  Ministre  de  l'Instruction 
publique  de  Serbie. 

Nos  oreilles  sont  charmées  par  les  discours  vibrants  de  patriotisme  envers 
la  France  et  par  les  paroles  élogieuses  pour  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 
L'heure  avance  et  il  faut  songer,  à  notre  grand  regret,  à  quitter  nos  bons 
amis  de  Belgrade. 

Le  départ  est  triomphal,  le  mot  n'est  pas  exagéré.  Les  membres  de  la  Réu- 
nion Française,  hommes  et  femmes,  nous  conduisent  à  la  gare.  Des  mots 
aimables  sont  échangés  et  de  chaleureux  remercîments  leur  sont  adressés  par 
tous  les  excursionnistes. 

Et  tandis  que  le  train  de  nuit  nous  enlève  à  11  heures  pour  Sofia,  les  mou- 
choirs s'agitent  une  dernière  fois  et  des  au-revoir  sympathiques  et  bruyants  se 
confondent  avec  le  premier  roulement  de  la  machine. 

Cette  journée  si  bien  remplie  à  Belgrade  laisse  chez  chacun  de  nous  un 
souvenir  impérissable.  Elle  compte  parmi  les  plus  belles  du  voyage  et  augure 
bien  de  toutes  les  autres  qui  seront  également  pleines  d'agréables  surprises. 
Après  un  sommeil  bien  léger  et  très  peuplé  de  riantes  impressions,  le  réveil 
se  fait  insensiblement.  Nos  yeux  se  dessillent  et  la  première  ville  importante 
depuis  Belgrade  se  fait  apercevoir,  Nisch,  qui  a  une  population  de  22.000  ha- 
bitants. 

En  s'éloignant  de  Nisch,  on  voit  à  gauche  de  la  voie  une  tour  carrée.  C'est 
la  fameuse  tour  des  Crânes  qui  nous  rappelle  le  triste  souvenir  de  la  cruauté 
des  Turcs. 

Puis  le  train  s'engage  dans  les  gorges  de  Slouva-Panina.  Après  un  passage 
des  plus  pittoresques  on  arrive  à  la  frontière  bulgare,  à  Tzaribrod.  C'est  ici 
que  se  font  le  visa  des  passeports  et  la  visite  de  la  douane. 

Notre  groupe  est  dispensé  de  ces  deux  formalités ,  toujours  un  peu 
ennuyeuses.  Le  gouvernement  de  Bulgarie,  pour  nous  éviter  toutes  sortes 
d'impedimenta  et  nous  faciliter  l'exécution  du  voyage,  avait  envoyé  à  la  gare- 
frontière  une  délégation  officielle  composée  du  commissaire  de  police  ch  rgé 
du  service  des  passeports,  d'un  attaché  aux  affaires  étrangères  et  d'un  pro- 
fesseur de  l'Université,  parlant  tous  trois  admirablement  la  langue  française. 
Nous  sommes  ainsi  bien  entourés  et  bien  gardés.  Une  excursion  dans  ces 


—  327  — 

conditions  présente  de  sérieuses  g-aranties.  Afin  d'être  exacts  au  rendez-vous, 
les  délégués  bulgares  ont  dû  partir  de  Sofia  la  veille  et  passer  la  nuit  dans  un 
hôtel  près  de  la  gare  de  Tzaribrod,  où  ne  se  rendent  pas  précisément  des 
personnes  de  marque. 

Nos  mentors  deviennent  très  utiles.  Nous  les  assaillons  de  questions  aux- 
quelles ils  répondent  très  aimablement  et  leurs  documents  sont  pour  nous  très 
précieux. 

Ne  sommes-nous  pas  à  la  source  des  renseignements  ?  Aussi  nous  en  profi- 
tons largement. 

Tandis  que  notre  train  grimpe  dans  le  sauvage  défilé  de  Drag-onnan  pour 
descendre  ensuite  au  milieu  de  collines  arides,  où  nous  apercevons  encore  de 
la  neige,  ils  donnent  d'intéressants  détails  sur  leur  pajs,  deux  fois  plus  grand 
que  la  Suis  e. 

La  Bulgarie,  dont  Voltaire  a  parlé  avec  dédain  dans  son  roman  de  Candide, 
est  en  progrès  depuis  30  ans.  Le  budget  s'élève  à  125  millions,  dans  lesquels 
50  millions  sont  affectés  au  Département  de  la  guerre.  L'armée  peut  mettre 
300.000  hommes  sur  pied  de  guerre, 

La  Macédoine,  où  toute  la  population  parle  le  bulgare,  est  toujours  la  ques- 
tion brûlante  d'actualité. 

Les  Grecs  et  les  Serbes  veulent  son  partage  :  les  Bulgares  réclament  des 
réformes. 

Il  y  a  300.000  Macédoniens  en  Bulgarie  —  c'est  toujours  l'attaché  au 
Ministre  des  Affaires  étrangères  qui  parle  —  et  20.000  à  Sofia.  Les  meilleurs 
éléments  de  l'armée,  du  journalisme,  du  professorat,  en  un  mot,  des  profes- 
sions libérales  se  recrutent  parmi  les  Macédoniens, 

La  conviction  et  la  chaleur  de  ces  arguments  nous  laissent  deviner  la  natio- 
nalité de  notre  guide  très  érudit.  Macédonien,  il  ne  peut  rentrer  en  Macé- 
doine, et,  il  y  a  dix  ans  qu'il  n'a  vu  les  siens. 

Le  train  continue  à  nous  emporter  vers  Sofia  au  milieu  d'une  conversation 
intéressante  et  animée.  On  nous  fait  remarquer  une  grande  plaine  où  fut  livrée 
la  terrible  bataille  de  1885,  qui  décima  tant  de  vies  serbes  et  bulgares  et  qui 
décida  de  l'issue  de  cette  néfaste  guerre  entre  voisins. 

Bientôt  se  dessine  la  silhouette  du  mont  Vitos,  couvert  de  neige  (3.200  m.)  ; 
et  vers  11  heures  nous  descendons  à  Sofia,  où  nous  attendent  aussi  des 
membres  délégués  de  l'Alliance  Française. 

Avec  ces  aimables  compagnons  bulgares  nous  visitons  les  principales  curio- 
sités de  la  ville. 

Sofia.  —  Sofia,  capitale  de  la  Bulgarie,  est  une  ville  de  70.000  habitants. 
Comme  Belgrade,  elle  ne  présente  rien  de  remarquable  au  point  de  vue 
archéologique  et  architectural.  Néanmoins,  il  est  intéressant  de  la  parcourir, 
parce  qu'elle  marque  la  limite  du  monde  européen  et  du  monde  oriental. 


—  328  — 

Sofia  se  compose  de  deux  parties  bien  distinctes  :  la  vieille  ville  et  la 
nouvelle  ville. 

La  première  a  l'aspect  de  toutes  les  villes  turque-;;  des  rues  étroites,  tor- 
tueuses, sales,  encombrées  ;  des  maisons  basses  entassées  les  unes  sur  les 
autres,  où  fourmille  une  population  sordide. 

La  nouvelle  ville  est  en  voie  de  formation,  d'un  ensemble  un  peu  mélanco- 
lique. Des  monuments  surgissent  de  terre.  A  côté  de  l'Imprimerie  N  l'ionale 
on  bâtit  une  nouvelle  Cathédrale.  Dans  un  récent  concours  d'archiiecture 
ouvert  pour  le  projet  de  construction  du  Palais  de  Justice  de  Sofia,  c'est  un 
Français  qui  a  remporté  le  premier  prix  avec  un  projet  portant  l'inscription  : 
Lex.  Pâx.  Jus.  Les  deuxième  et  quatrième  prix  sont  également  échus  à  des 
Français.  C'est  donc  un  succès  pour  l'art  français. 

Dans  quelques  années  Sofia,  par  ses  embellissements,  sera  méconnaissable, 
ce  qui  lui  enlèvera  un  peu  de  sa  monotonie. 

Les  principales  curiosités  sont  le  Musée  Nalioyial,  musée  lapidaire  très 
remarquable,  qui  était  autrefois  la  plus  intéressante  des  mosquées  de  Sofia. 

Ij' Imprimerie  Nationale  que  nous  avons  visitée  également  est  un  des  plus 
beaux  édifices  actuels  de  la  capitale. 

Au  cours  de  notre  promenade  nous  pénétrons  dans  le  Jardin  Zoologique 
qui  appartient  au  prince  Ferdinand.  C'est  une  de  ses  propriétés  de  prédilec- 
tion. Aussi  le  jardin  est-il  bien  entretenu  et  renferme-t-il  de  belles  collections 
d'oiseaux,  le  prince  eiani  un  grand  amateur  ornithologiste  ! 

Les  ours  et  les  aigles  abondent.  Ils  proviennent  du  reste  des  montagnes  du 
pa^'S.  Les  vendeurs  d'oursons  viennent  souvent  assiéger  la  grille  du  jardin 
zoologique  pour  offrir  leurs  marchandises  ;  les  oursons  sont  vendus  à  des  prix 
dérisoires,  5  francs,  si  j'ai  bonne  mémoire. 

Le  Sobranie'  e?X  la  Chambre  des  Députés.  C'est  un  monument  d'architecture 
très  simple,  de  modeste  décoration  à  l'intérieur,  et  néanmoins  beaucoup  plus 
majestueux  que  la  Skouptchina  de  Belgrade. 

Dans  la  salle  des  Pas-Perdus  se  trouvent  les  bustes  des  présidents  de  la 
Chambre.  Celui  de  Petkoff  est  drapé  d'un  crêpe  noir  ;  quelques  jours  avant 
notre  arrivée,  le  Président  du  conseil  des  Ministres  venait  d'être  assassiné,  en 
sortant  d'une  séance,  non  loin  du  Sobranié. 

Devant  le  Sobranié  s'élève  un  grand  monument  à  la  mémoire  du  tzar 
Alexandre  IL  Les  grandes  lignes  de  cette  statue  monumentale  rappellent  la 
statue  du  Général  Faidherbe.  La  pose  du  Tzar  est  la  même  et  l'attitude  du 
cheval  sur  le  socle  est  presque  identique. 

Notre  course  dans  la  ville  est  un  peu  précipitée.  Cependant  nous  pouvons 
visiter,  grâce  à  l'obligeance  et  à  l'intelligence  de  nos  ciceroni ,  les  choses  les 
plus  intéressantes. 

Notre  soirée  se  termine  au  Théâtre  National^  récemment  construit,  un  vrai 
bijou  oriental. 


-  34(9  — 

On  n'y  joue  que  le  vaudeville.  Pas  d'opéra-comique,  ni  opérette.  Pas  de 
musique.  La  ville  de  Sofia  a  offert  rès  aimablement  des  loges  au  groupe  des 
excursionnistes.  Nous  en  avons  profité.  La  pièce  a  été  jouée  en  Imlgare.  Malgré 
toute  notre  attention  il  nous  a  été  l)ien  difficile  à  la  sortie  de  nous  communi- 
quer nos  impressions. 

Le  lendemain,  mercredi  24  Avril,  nous  quittons  Sofia  vers  11  heures  et 
demie  du  matin. 

Si  notre  réception  a  été  dans  la  capitale  de  la  Bulgarie  un  peu  moins  enthou- 
siaste que  dans  la  capitale  de  la  Serbie,  elle  n'en  a  pas  moins  été  cordiale  et 
ici  encore  nous  avons  emporté  un  excellent  souvenir  de  nos  amis  de  Sofia. 

De  Sofia  àConstantinople  le  train  marche  à  certains  endroits,  bien  qu'il  soit 
express,  à  une  allure  tellement  modérée  que  les  chiens  trottant  le  long  de  la 
voie  pour  manger  les  morceaux  qu'on  leur  jette  peuvent  le  suivre  à  la  course. 

Il  faut  signaler  aussi  le  primitif  des  gares  des  petites  localités  turques  où  il 
n'y  a  pas  de  quais  ni  de  barrières.  Tout  le  monde  a  libre  accès  près  du  train, 
même  les  bêtes.  Les  enfants  viennent  jusqu'aux  portières  tendre  la  main  pour 
recueillir  quelque  menue  monnaie. 

Quelques  villes  importantes  pendant  le  trajet  :  Sarambey,  où  le  train  stoppe 
assez  longtemps  pour  permettre  au  personnel  ottoman  de  reprendre  le  service. 
Nous  faisons  connaissance  à  la  gare  avec  les  petits  cireurs  turcs.  Philippopoli,. 
capitale  de  la  Roumélie  orientale,  sur  les  deux  rives  de  la  Maritza,  dont  la 
population  très  hétéroclite  se  compose  de  Bulgares,  de  Turcs  et  de  Grecs. 
Andrinople,  une  des  grandes  villes  de  la  Turquie  d'Europe,  assez  pittoresque- 
ment  située  sur  un  renflement  de  la  rive  droite  de  la  Maritza. 

De  cette  ville  à  Constantinople  le  trajet  se  fait  en  sept  heures  par  une  route 
monotone.  La  voie  décrit  des  courbes  interminables  sur  un  plateau  aride  et 
elle  descend  par  des  pentes  douces  jusqu'à  la  mer  de  Marmara. 

Nous  suivons  la  mer  assez  longtemps  pour  nous  engager  ensuite  dans  la 
banlieue  de  Constantinople.  Il  est  7  heures  du  matin.  L'animation  règne  sur 
les  routes  et  dans  les  faubourgs.  Des  chameaux  apportant  des  provisions  à  la 
ville  nous  donnent  la  vision  de  l'Orient. 

Nous  arrivons  enfin  au  principal  but  de  notre  voyage,  dans  cette  ville 
extraordinaire,  où  nous  attendent  à  la  gare  les  membres  de  la  Réunion  Fran- 
çaise ayant  à  leur  tête  M.' il!.  Giraud,  Président  de  la  Chambre  de  Commerce 
de  Constantinople,  Secrétaire  de  l'Union  Française,  entouré  de  M.  Marius 
Garnier,  Secrétaire  de  la  Société  de  Géographie,  et  du  très  sympathique 
M.  Léandre  Mourkidès,  sans  oublier  Georges  d'Andria,  qui  sera  notre  guide 
pendant  notre  séjour  à  Constantinople. 

La  douane  turque  —  dont  on  avait  fait  un  tableau  si  noir  —  qui  confisque 
journaux,  livres,  guides,  est  pour  nous  paternelle  et  débonnaire. 

Les  recommandations  de  M.  le  Préfet  du  Nord  et  du  Général  Lebon  auprès- 
de  notre  Ambassadeur  M.  Constans,  sans  oublier  celles  très  précieuses  de  mon. 


—  330  — 

sympathique  ami  M.  Crémont,  Consul  de  Turquie,  nous  avaient  déjà  précédés, 
^t  c'est  grâce  à  leur  appui  bienveillant  que  tout  s'est  passé  pour  le  mieux  dans 
le  meilleur  des  mondes. 

CoxsTANTiNOPLE.  —  Jeudi  25  Avril.  —  Nous  passons  sept  jours  à  Constan- 
tinople.  C'est  suffisant  pour  en  visiter  les  principales  curiosités,  observer  la 
population  et  se  familiariser  avec  cette  ville  dont  le  panorama  est  unique  au 
monde  et  qui  possède  tous  les  enchantements, 

Constantinople,  la  vieille  Bjzance,  est  une  reine  coquette  et  amoureuse  de 
sa  beauté  qui  échappe  à  toute  description. 

Par  sa  position  merveilleuse,  elle  semble  commander  à  tout  l'ancien  conti- 
nent. Au  Nord,  la  mer  Noire  lui  ouvre  la  voie  des  pajs  septentrionaux,  tandis 
•que  vers  le  Sud  la  mer  Méditerranée  la  rapproche  des  contrées  méridionales 
-et  occidentales. 

Constantinople  comprend  trois  villes  séparées  par  la  Corne  d'Or  et  le  Bos- 
phore :  Péra-Galata,  quartier  européen  ;  Stamboul,  quartier  turc  ;  et  Scutari, 
sur  la  rive  d'Asie,  qui  est  considéré  ainsi  comme  le  faubourg  asiatique  de 
Constantinople. 

Cette  triple  ville  étrange  a  environ  25  kilomètres  de  circonférence  et  sa 
population,  assez  difficile  à  préciser,  varie  de  1  million  à  1  million  200.000 
habitants  composés  de  quatre  peuples  différents,  turcs,  arméniens,  grecs 
et  juifs. 

Ainsi  que  la  Rome  antique,  elle  est  bâtie  sur  sept  collines,  dont  les  sommets 
se  mirent  dans  la  mer  d'azur  qui  lui  baigne  les  pieds  et  d'où  s'élancent  vers  le 
•ciel,  semblables  à  des  mâts  d'argent,  les  minarets  blancs  des  mosquées  aux 
dômes  étincelants  au  soleil. 

Elle  est  la  ville  la  plus  cosmopolite  du  globe  et  elle  doit  son  cosmopolitisme 
il  sa  situation  entre  l'Europe  et  l'Asie.  Cette  situation  a  fait  dire  à  un  spirituel 
voyageur  qu'à  Constantinople  on  peut  se  passer  tous  les  caprices  :  on  peut 
-allumer  son  cigare  en  Europe  et  aller  en  jeter  la  cendre  en  Asie. 

Le  Pont  de  Gulata,  qui  enjambe  la  Corne  d'Or,  est  l'endroit  le  plus  vivant, 
Je  plus  étourdissant  de  ce  grand  caravansérail  asiatico-européen.  Toutes  les 
races  de  l'Asie  et  de  l'Europe  s'y  coudoient;  toutes  les  langues  s'y  confondent; 
•toutes  les  classes  s'y  rencontrent,  depuis  le  hâve  mendiant  jusqu'au  riche 
pacha,  se  ruant  de  Fera  à  Stamboul  et  de  Stamboul  à  Péra.  Sur  ce  pont  où  il 
existe  un  droit  de  péage,  passent  plus  de  100.000  personnes  par  jour;  et, 
ajoute  un  voyageur,  il  n'y  passe  pas  une  idée  tous  les  dix  ans.  —  Il  est  divisé 
-en  trois  tronçons  ;  celui  du  milieu  est  mobile  et  se  déplace  pour  livrer  passage 
-aux  navires  du  Bosphore.  Cette  opération  se  fait  la  nuit  ou  le  matin  de  très 
bonne  heure,  jamais  le  jour. 

Il  est  question  de  démolir  ce  vieux  pont  de  Galata  tout  bosselé,  tout  rapiécé, 
iaisant  crier  ses  armatures  de  tôle  sous  les  sabots  des  chevaux,  et  de  le  rem- 


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placer  par  un  autre  plus  moderne.  On  nous  a  affirmé  que  c'est  une  Société 
allemande  qui  en  aura  l'entreprise. 

Avec  lui  disparaîtron'  peut-être  les  costumes  qui,  du  reste,  ont  déjà  une 
tendance  à  disparaître.  Tel  qui  a  foulé  le  pont  de  Galata  il  y  a  vingt  ans  peut 
•en  faire  la  constatation.  L'Orient  cessera  alors  d'être  l'Orient  et  le  spectacle 
■du  nouveau  pont  de  Galata  ressemblera  alors  à  celui  d'un  pont  sur  la  Seine. 

Hâtez-vous  donc,  mes  chers  lecteurs,  de  réaliser  le  plus  tôt  possible  votre 
rêve  qui  poursuit  tous  ceux  qui  aiment  les  voyages,  celui  de  voir  Constanti- 
nople  avant  que  le  modernisme  européen  vienne  lui  apporter  de  notables 
changements.  La  civilisation  y  gagnera  peut-être,  mais  l'originalité  y  perdra 
beaucoup. 

Pour  se  rendre  bien  compte  de  la  situation  des  trois  villes,  le  touriste  doit 
monter  à  la  Tour  de  Galata,  tour  ronde,  très  haute,  au  sommet  de  laquelle 
flotte  le  drapeau  turc  et  où  niche  un  gardien  chargé  de  signaler  les  incendies 
qui  sont  très  fréquents  dans  cette  cité,  beaucoup  de  maisons  étant  construites 
en  bois. 

Le  coup  d'oeil  est  vraiment  féerique  et  permet  ainsi  à  l'étranger  de  se  faire 
une  idée  bien  nette  de  la  topographie  du  pa^s.  Ainsi  orienté,  la  visite  de  la 
ville  s'opère  d'une  façon  plus  compréhensible. 

Péra.  —  Et  d'abord  faisons  connaissance  avec  Péra.  C'est  là  qu'il  faut 
aller  pour  prendre  langue  avec  les  Européens,  j'allais  dire  avec  les  Parisiens, 
car  la  grande  rue  ressemble  aux  rues  de  la  capitale,  dans  laquelle  circule  une 
foule  élégante  parlant  français.  Les  belles  maisons  de  pierre,  ses  riches  maga- 
sins, ses  beaux  cafés  ne  seraient  pas  déplacés  à  Marseille  et  même  à  Paris  ;  et 
sans  le  moutonnement  des  fez  et  le  yachmak  de  quelques  femmes  turques,  on 
se  troirait  en  France. 

Péra  est  donc  la  résidence  des  Européens  et  de  la  société  diplomatique. 
C'est  ici  que  s'alignent  les  palais  des  différentes  ambassades,  dont  l'entrée  est 
gardée  par  des  valets  assermentés  qui  ont  le  droit  d'être  armés. 

Chaque  nation  a  ses  cavas  —  c'est  ainsi  qu'on  appelle  ces  gardiens.  —  Ils 
ont  tous  un  costume  éblouissant,  chamarré  d'or  et  variant  de  couleurs  suivant 
la  nationalité.  La  ceinture  hérissée  de  revolvers  et  de  yatagans,  ils  ont  une 
attitude  belliqueuse. 

Le  cavas  de  l'Ambassade  de  France,  armé  lui  aussi  de  pied  en  cap,  quitte 
cet  air  un  peu  guerrier  à  la  vue  de  notre  carte  de  la  Société  de  Géographie, 
ce  qui  permet  de  présenter  nos  hommages  à  M.  Constans. 

Notre  visite  fait  grand  plaisir  à  M.  l'Ambassadeur  de  France.  M.  Constans 
nous  le  prouve  en  faisant  lui-même  une  démarche  personnelle  auprès  du 
Sultan,  pour  autoriser  les  20  membres  de  l'excursion  à  assister  à  l'imposante 
cérémonie  du  Selamlik. 

Quelques  jours  avant  notre  arrivée  à  Constantinople,  le  Sultan  avait  limité 


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à  huit  par  ambassade  le  nombre  de  personnes  pouvant  se  rendre  à  cette 
parade  ;  cet  ordre  a  été  signifié  à  toutes  les  ambassades.  Mais  avec  le  Sultan, 
comme  avec  le  Ciel,  il  j'  a  des  accommodements,  et  tout  notre  groupe  a  pu 
contempler  cette  fête  du  vendredi,  que  je  décris  plus  loin. 

C'est  à  Péra  aussi  que  se  trouve  le  siège  de  l'Union  Française,  où  les 
membres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille  reçoivent  durant  leur  séjour 
une  si  cordiale  hospitalité. 

Galata.  —  Galata  est  le  quartier  du  commerce  franc  et  levantin.  Dans  ses 
rues  étroites  la  foule  est  toujours  compacte  et  bruyante. 

Pour  se  rendre  de  Péra  à  Galata,  on  prend  généralement  «  la  Ficelle  », 
qui  pour  dix  centimes  transporte  en  trois  minutes  les  voyageurs  d'un  quartier 
à  l'autre. 

Dans  ce  faubourg  maritime  de  Constantinople,  c'est  la  vie  intense  et  fébrile 
qui  se  déverse  vers  les  quais.  La  Bourse,  la  Douane,  les  bureaux  du  Lloyd 
autrichien  et  des  Messageries  maritimes  y  sont  installés.  Dans  les  rues  qui 
avoisinent  le  port,  les  boutiques  des  changeurs  sont  encastrées  dans  les  devan- 
tures des  magasins.  Leur  spécialité  consiste  à  soutirer  le  plus  d'argent  possible 
aux  étrangers  qui  changent  leur  monnaie.  Nous  en  avons  fait  l'expérience. 

Sur  les  quais  une  cohue  pressée  et  affairée  va  et  vient,  s'ouvrant  sans  cesse 
pour  livrer  passage  aux  ânes,  aux  voitures,  et  aux  portefaix  qu'on  nomme 
là-bas  des  hammals.  Ces  portefaix  au  teint  bronzé,  aux  épaules  de  fer,  portent 
sur  leur  dos  des  charges  de  100,  à  150  kilos  sans  être  gênés.  Ils  sont  à  Cons- 
tantinople la  bête  de  somme  par  excellence  ;  et,  courbés  sous  le  poids  des 
objets  qu'ils  transportent,  ils  font  songer  au  vieil  Atlas  portant  le  Ciel.  Leurs 
cris  écartent  la  foule,  surtout  quand,  au  moyen  de  leurs  longues  perches 
flexibles,  ils  portent  à  quatre  d'immenses  barils  d'un  poids  considérable. 

Le  proverbe  n'a  pas  tort  quand  il  dit  «  fort  comme  un  Turc  ». 

Nous  traversons  le  fameux  pont  de  Galata  et  nous  sommes  dans  Stamboul, 
la  ville  turque  chantée  par  Loti. 

Stamboul.  —  Pour  décrire  ce  quartier  de  Constantinople  et  vous  le  faire 
connaître,  il  faudrait  la  plume  enchantée  de  cet  écrivain  charmeur  et  aussi 
tout  son  fatalisme  oriental. 

Rien  n'est  curieux  comme  ces  rues  étroites,  tortueuses,  mal  pavées,  dans 
lesquelles  grouille  une  étrange  population.  Autant  Constantinople  est  éblouis- 
sant au  dehors,  autant  il  est  malpropre  et  dégoûtant  dans  ce  coin  de  Stamboul. 
C'est  un  décor  de  théâtre  qu'il  faut  regarder  de  la  salle  sans  visiter  les 
coulisses. 

Et  pourtant  ces  coulisses  sont  mystérieuses  et  excitent  la  curiosité  de  tous 
les  étrangers.  Nous  allons  y  pénétrer. 

Original   spectacle  !    On  heurte  à  chaque  pas  de  grands  chiens  fauves  qui 


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sont  les  maîtres  des  rues  et  constituent  une  seconde  population  de  la  ville. 
Chez  nous  ce  sont  les  chiens  qui  se  dérangent  pour  laisser  passer  les  voitures 
et  les  gens  :  à  Constantinople,  on  fait  un  détour  pour  ne  pas  les  écraser. 

Les  cliiens  n'appartiennent  à  personne  ;  ils  font  tout  dans  la  rue.  Ils  y 
dorment,  ils  y  mangent,  ils  y  naissent,  ils  y  allaitent  leurs  petits  et  ils  y 
meurent. 

La  ville  est  ainsi  un  immense  chenil,  assez  calmé  le  jour,  mais  très  bruyant 
la  nuit.  Semblables  aux  tribus  arabes  du  désert  ils  sont  toujours  en  querelle 
avec  leurs  voisins.  Si  un  chien  sort  de  son  quartier  pour  s'engager  dans  un 
autre,  il  est  sûr  d'être  assailli  et  quelquefois  dévoré  par  ses  compagnons.  Aussi 
beaucoup  d'entre  eux  portent-ils  plaies  et  bosses  ! 

Les  chiens  de  Constantinople  sont  très  doux  et  se  laissent  caresser  par  les 
passants  ;  et,  chose  extraordinaire,  ils  ne  sont  presque  jamais  atteints  d'hydro- 
phobie.  Ils  se  rendent  utiles  en  ce  sens  qu'ils  sont  chargés  de  la  voirie,  en 
mangeant  les  détritus  abandonnés  le  soir  sur  la  voie  publique. 

Et  l'hygiène,  me  direz-vous  ?  L'hygiène  s'infiltre  lentement  dans  ce  pays 
réfractaire  aux  idées  nouvelles.  Il  y  a  pourtant  une  règle  que  les  Turcs 
observent  sans  s'en  rendre  compte,  c'est  celle  adoptée  dans  le  salut.  Jamais  le 
Turc  ne  donne  une  poignée  de  main,  mais  je  doute  fort  que  ce  soit  dans  un 
but  d'hvgiène  ou  pour  suivre  les  théories  des  impitoyables  hygiénistes  qui 
,déclarent  que  la  main  est  un  réceptacle  de  microljes.  Leur  salut  consiste  à 
porter  successivement  la  main  droite  sur  le  cœur,  les  lèvres  et  le  front.  Le 
symbole  en  est  au  moins  aussi  expressif  qu'une  pression  des  doigts.  11  signifie  : 
«  Ta  personne  est  dans  mon  cœur,  sur  mes  lèvres  et  dans  ma  pensée  ». 

Mosquées  de  Stamboul.  —  Stamboul  pullule  de  mosquées.  Il  y  en  a  près 
de  500,  et  100  seraient  d'anciennes  églises  byzantines.  Dans  ce  nombre  il  s'en 
trouve  qui  n'ont  jamais  servi  au  culte  chrétien. 

Là  Mosquée  de  la  Sultane  de  Validé  que  l'on  a  en  face  de  soi  en  débouchant 
du  pont  de  Galata  est  située  dans  un  coin  très  animé.  Elle  est  surtout  inté- 
ressante par  la  population  bariolée  qui  envahit  ses  larges  escaliers  et  s'y  étend 
pour  faire  la  sieste  dans  des  poses  à  la  turque,  c'est-à-dire  nonchalantes.  Les 
chiens  s'y  étalent  aussi  et  goûtent  un  repos  paisible.  Autour  des  parvis,  sur  les 
côtés  de  la  mosquée,  se  trouvent  de  nombreuses  fontaines  dont  l'eau  coule 
incessamment  dans  des  vasques  ou  dans  de  longues  rigoles.  Les  chevaux 
viennent  s'y  abreuver  et  le  Turc  vient  s'y  laver  et  faire  ses  ablutions.  Cette 
petite  opération  est  très  suivie  le  soir  au  coucher  du  soleil,  quand  le  muezzin, 
du  haut  du  minaret,  annonce  la  prière  en  mélopées  nasillardes.  Les  petites 
fontaines  sont  alors  envahies  et  les  Turcs  se  lavent  les  pieds,  la  figure,  le 
coude,  avant  de  pénétrer  dans  la  mosquée,  l'ablution  étant  le  principal  rite 
extérieur  des  mahométans. 

La  Mosquée  de  Ste-Sophie  n'a  rien  de  remarquable  à  l'extérieur.  Cet  édifice. 


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avec  son  immense  coupole,  a  été  bâti  sous  le  règne  de  Justinien  et  enlevé  aux 
chrétiens  par  Mahomet  II,  en  1453.  Le  croissant  a  remplacé  la  croix  et  les 
Turcs  n'ont  pas  changé  le  nom  de  la  vieille  basilique  chrétienne  en  la  conver- 
tissant en  mosquée. 

Au  premier  aspect  Ste-Sophie  ne  répond  pas  à  l'idée  grandiose  qu'on  s'en 
est  faite.  Entourée  de  bains,  d'écoles,  de  tombeaux,  d'échoppes,  qui  ont  été 
ajoutés  après  coup,  elle  ne  présente  d'abord  qu'une  masse  incohérente  de 
constructions  hétérogènes,  du  milieu  desquelles  s'élancent  ses  quatre  minarets 
«  doigts  qui  montrent  le  ciel  »,  suivant  l'expression  du  poète,  ou  «  chande- 
liers ornés  d'une  bobèche  d'où  émerge  une  bougie  couverte  par  un  éteignoir  ». 

Mais  à  l'intérieur  rien  n'interrompt  la  vue,  et  quoique  la  majeure  partie  des 
ornements,  frisures  et  mosaïques  à  fond  d'or,  ait  disparu  sous  une  épaisse 
couche  de  chaux,  c'est  encore  un  des  plus  magnifiques  temples  que  la  main  de 
l'homme  ait  jamais  élevés  à  Dieu. 

Nous  entrons  après  avoir  enfilé  les  pantoufles,  placées  à  l'entrée,  dont  le 
claquement  s'amortit  sur  les  riches  tapis  d'Orient  étendus  sur  le  parterre. 

Du  haut  des  tribunes,  qui  reposent  sur  de  nombreuses  colonnes  de  porphyre 
et  de  jaspe,  on  embrasse  admirablement  l'ensemble  de  cet  immense  vaisseau. 
Le  grand  dôme  aplati  qui,  dans  la  pensée  de  l'architecte,  devait  imiter  la 
voûte  des  cieux  est  soutenu  par  quatre  arceaux.  De  cette  coupole  cenlrale 
descendent  des  lampes  en  verre  de  diverses  couleurs,  entremêlées  de  globes 
de  cristal  et  soutenues  par  des  cercles  de  fil  de  fer  de  manière  à  former  lustre. 
Des  houppes  de  soie,  des  œufs  d'autiuche,  des  cassolettes  d'or  et  d'argent  y 
sont  également  suspendus. 

Cette  mosquée  est  illuminée  de  la  manière  la  plus  brillante  pendant  les  fêles 
de  nuit  du  Ram^zan,  auxquelles  le  Sultan  vient  assister  avec  sa  cour. 

Pour  enrichir  Ste-Sophie  on  a  dépouillé  les  vieux  temples  païens,  celui  du 
Soleil  à  Rome  et  celui  de  Diane  à  Éphèse. 

Le  Mihrab,  niche  qui  indique  la  direction  de  la  Mecque,  est  creusé  dans  un 
pilier  de  l'abside.  A  sa  droite,  en  haut,  est  accroché  un  des  quatre  tapis  sur 
lesquels  Mahomet  faisait  ses  prières.  A  côté  se  trouve  la  petite  terrasse  où  le 
prêtre  lit  le  Coran  en  face  de  la  tribune  du  Sultan. 

Nous  sommes  encore  dans  la  mosquée  quand  commence  la  prière.  Les 
étrangers  à  cette  heure  sont  obligés  de  l'évacuer.  Au  moyen  d'un  petit  strata- 
gème —  le  traditionnel  baschich  —  nous  regagnons  les  tribunes  et  nous  assis- 
tons alors  aux  dévotions  des  Turcs.  On  les  voit  agenouillés  sur  les  nattes  ou 
les  tapis,  les  uns  le  front  contre  terre,  les  autres  droits  comme  des  statues,  les 
mains  devant  le  visage,  comme  s'ils  lisaient  l'avenir,  et  quelques-uns  enfin, 
assis  les  jambes  croisées  au  pied  d'un  pilier.  Tous  sont  plongés  dans  la  médi- 
tation. Rien  ne  peut  les  distraire,  ni  les  regards  curieux  des  touristes,  ni  le 
vol  impétueux  des  pigeons  de  la  mosquée. 

La  Mosquée  de  Sttltan  Ahmed,  située  sur  l'un  des  côtés  de  l'At-Meïdan  est 


.'3:35  — 


dominée  par  six  ininarets  d'une  grande  beauté.  Elle  est,  après  Ste-Sophie,  la 
principale  mosquée  de  Constantinople  et  elle  a  coûté  des  sommes  inouïes,  au 
point  que  chaque  pierre,  dit-on,  revient  à  trois  aspres.  Les  murailles  sont 
revêtues  de  plaques  de  faïence  ;  et,  on  semlile  assister  à  une  véritable  exposi- 
tion de  tapis,  tant  est  varié  le  coloris  de  ceux  qui  recouvrent  le  sol  comme 
d'un  immense  damier.  Les  fenêtres,  faites  de  verres  colorés,  en  petits  compar- 
timents, sont  d'une  remarquable  richesse. 


MDSQUEE    DE    Sl.LIA.N    All.MKl' 


\SAt-Meïdati^  vaste  place  sur  laquelle  s'élève  majestueusement  la  mosquée- 
de  Sultan  Ahmed,  est  l'ancien  Hippodrome  des  Grecs.  C'est  en  cet  endroit 
que  se  donnaient  les  spectacles  publics,  les  combats  d'aildètes  et  les  courses. 

Il  reste  dans  l'At-Meïdan  trois  monuments  des  Grecs  :  l'Obélisque  de  Théo- 
dose, la  Colonne  Serpentine  et  la  Pyramide  Murée. 

Il  y  a  aussi  sur  cette  place  une  Fontaine  de  l'Empereur  Guillaume,  monu- 
ment en  style  byzantin,  donné  en  c:ideau  au  Sultan  à  la  suite  du  dernier  voyage 
de  l'Empereur  d'Allemagne. 

\j' Obélisque  de  TJie'odose  est  un  monolithe  rippelant  l'ObJlisque  de  Louqsor 
de  la  place  de  la  Concorde.  Il  a  été  apporté  de  Thèbes  et  érigé  par  Théodose, 
Son  piédestal  assez  dégradé  est  sculpté  en  bas-reliefs  d'un  style  barbare  qui 
témoigne  de  la  décadence  des  arts  dans  ce  siècle. 

La  Colonne  Serpentine  présente  l'aspect  d'une  colonne  torse  mutilée.  Un 


330  — 


«examen  plus  minutieux  fait  reconnaître  les  corps  de  trois  serpents  entrelacés 
dont  les  têtes,   dit-on,'  faisaient  chapiteau.    On    croit   qu'ils  proviennent   du 


FONTAINE    DE    L  EMPEREIR   GUILLAUME. 


temple  de  Delphes,  où  ils  soutenaient  le  tr  Jpied  d'or  que  la  Grèce  avait  voué 
à  Apollon.  S'il  faut  en  croire  la  tradition,  Mahomed  II,  pour  donner  une 
preuve  de  sa  force,  aurait  abattu  la  tête  de  l'un  d'eux  d'un  coup  de  hache.  Les 
deux  autres  ont  été  enlevées  en  1700  sans  que  les  Turcs  aient  fait  aucune 
recherche  pour  les  retrouver. 

La  Pyramide  de  Constanlin  PorpJiyrogrndle  n'est  plus  qu'une  abominable 
masse  de  pierres,  un  1  loc  de  maçonnerie  fendu  de  tous  côtés  et  qui  ne  subsis- 
tera plus  longtemps.  Elle  était  autrefois  recouverte  entièrement  de  bronze 
•doré,  mais  cette  riche  armature  tenta  la  cupidité  du  vainqueur  et  ne  tarda  pas 
à  disparaître. 

La  Mosquée  de  Bayazid  est  surtout  visitée  pour  sa  cour,  au  portique  de 
marbre  blanc,  dans  laquelle  voltigent  un  grand  nombre  de  pigeons,  d'où  son 
nom  de  Mosquée  aux  Pigeons.  Ils  nous  rappellent  ceux  de  la  place  St-Marc  à 
Venise.  Comme  à  leurs  fières  italiens,  les  touristes  leur  jettent  du  maïs,  et 


:«:  — 


quelques  coups  d'aile  viennent  délicieusement  vous  rarraîchir  en  j^-uise  d'éven- 
tail, ce  qui  ne  nuit  pas  en  voyage,  surtout  à  Constantinople. 


COLONNE   SERPENTINE. 


Ces  pigeons  proviennent,  dit-on,  de  deux  ramiers  achetés  à  un  pauvre  qui 
demanda  l'aumône  à  un  personnage  turc.  Celui-ci  en  fit  don  à  la  mosquée  qui, 
depuis  ce  temps,  est  transformée  en  vérital)le  colombier.  Une  dotation  spéciale 
est  affectée   à  la   nourriture   de   ces    oiseaux.    Les  pauvres  chiens   errants  y 

reçoivent  aussi  la  manne turque,  et,  le  vendredi,   des  cœurs  compatissants 

distribuent  du  pain  et  quelquefois  de  la  viande. 

La  Mosquée  de  SnleYidau  I*'^  a  été  construite  avec  les  matériaux  de  l'église 
de  Sainte-Eupliémie  de  Chalcédoine.  Cet  édifice  l'emporte  sur  les  autres  par 
la  symétrie  et  l'élégance  de  son  architecture.  Vue  de  profil,  elle  offre  un  coup 
d'œil  magnifique  avec  ses  galeries  superposées,  ses  hauts  minarets  et  ses 
dômes  polis. 

L'intérieur  est  d'une  grande  richesse  et  les  vitraux  sont  d'une  beauté 
incomparable. 

22 


—  338  — 

TuRBÉs.  —  Auprès  de  chaque  mosquée  est  le  turbé  ou  chapelle  sépulcrale 
de  son  fondateur,  dans  lequel  on  voit  le  tombeau  couvert  de  riches  tentures  et 
des  ornements  du  défunt.  A  la  tête  du  cercueil  est  placé  le  turban  du 
monarque,  à  ses  pieds  un  haut  chandelier  d'argent  et  au-dessus  un  cercle  de 
lampes. 

Nous  visitons  successivement  le  turbé  du  Sultan  Suleïman,  où  plusieurs 
cercueils  sont  recouverts  de  cachemires  de  valeur  ;  on  y  conserve  un  plan  en 
relief  de  la  Mecque  et  d'anciens  manuscrits  du  Coran  faits  à  la  Mecque  ;  le 
turbé  de  la  Sultane  Ro.\:elane  richement  décoré  de  faïences  ;  le  turbé  du 
Sultan  Mahmout  II,  avec  sa  balustrade  incrustée  de  nacre  et  les  cercueils  de 
la  Valide-Sultane,  sa  femme,  et  de  son  fils  Abdul-Haziz,  mort  en  1876,  ainsi 
que  ceux  de  deux  de  ses  sœurs  et  de  deux  de  ses  filles. 

Murs  de  Consïantinople.  —  L'étranger  qui  vient  à  Constantinople  doit 
inscrire  sur  son  carnet  de  voyage  la  promenade  autour  des  antiques  murailles 
de  Byzance. 

Rien  ne  peut  donner  l'idée  de  l'impression  que  l'on  ressent  à  la  vue  de  ces 
murs  gigantesques  et  de  ces  énormes  tours,  témoins  de  la  grandeur  des 
œuvres  de  l'homme. 

Pour  cette  excursion,  il  faut  y  consacrer  une  journée  entière  et  la  faire  à 
pied  et  à  cheval.  Notre  visite  s'est  effectuée  en  voiture  ;  dans  ces  conditions, 
on  est  plus  occupé  à  se  précautionner  contre  les  accidents  qu'à  admirer  un  des 
plus  saisissants  spectacles  qu'il  soit  possible  de  voir.  Les  cahots  des  véhicules 
s'enfonçant  dans  les  profondes  ornières  secouent  un  peu  trop  le  corps  des  excur- 
sionnistes et  nuisent  aux  émotions  de  l'âme. 

Cette  promenade  doit  être  solitaire  pour  le  rêveur  qui  s'extasie  devant  la 
solennité  de  ces  souvenirs  et  la  tristesse  de  ces  ruines. 

Les  remparts  de  Constantinople  sont  composés  de  deux  rangs  de  murailles, 
flanqués  de  tours  carrées  et  entourés  d'un  large  fossé  revêtu  lui-même  d'un 
parapet  de  pierre,  ce  qui  formait  trois  enceintes  à  franchir. 

Aujourd'hui  les  murs  sont  à  moitié  écroulés,  mais  superbes  encore  à  voir 
avec  l'épais  rideau  de  lierre  qui  les  recouvre  et  les  fleurs  champêtres  qui 
rampent  à  leurs  pieds.  Les  fossés  arrosés  jadis  de  tant  de  sang  humain  nour- 
rissent des  cressons  et  des  laitues  ;  sur  les  bords  paissent  des  troupeaux  de 
chèvres,  et  des  chiens  affamés  circulent  en  bandes  à  la  recherche  de  quelque 
nourriture.  Des  oiseaux  nichent  dans  les  brèches  faites  par  les  canons  et  volent 
de  temps  en  temps  entre  ces  murs  cyclopéens,  pour  animer,  eux  aussi,  ces 
lieux  remplis  d'admiration,  de  respect  et  de  terreur. 

Nous  continuons  notre  promenade  des  murs  environnant  la  ville  entre  la 
Mer  de  Marmara  et  la  Corne  d'Or,  et  dont  la  distance  est  de  7  kilomètres 
environ. 


—  339  — 

Nous  voyons  la  Porte  Dorée,  aujourd'hui  murée,  car,  selon  une  prophétie 
turque,  c'est  par  là  que  doit  entrer  le  futur  conquérant. 

Le  Yédi-Kouli  est  le  château  des  7  tours.  On  y  remarque  une  tour  dans 
laquelle  étaient  enfermés  les  ambassadeurs  des  pays  en  guerre  avec  la  Tur- 
quie ;  puis  la  Tour  des  Exécutions,  le  Puits  Sanglant  et  la  place  des  Têtes. 

Nous  passons  devant  le  Top-Kapou  (porte  du  Canon),  où  se  trouve  la  brèche 
où  pénétrèrent  les  premiers  musulmans  dans  Constantinople  et  nous  regagnons 
Stamboul  en  traversant  les  quartiers  excentiiques  des  Arméniens,  des  Israé- 
lites et  des  Grecs. 

Bazar.  —  C'est  à  Stamboul  que  se  trouve  le  fameux  bazar,  une  des  princi- 
pales curiosités  de  la  ville,  reconstruit  en  1894,  après  le  terrible  tremblement 
de  terre  qui  l'a  complètement  détruit. 

Toutes  les  corporations  y  sont  centralisées  et  forment  comme  une  ville  à 
part  dans  l'immence  cité.  Foire  perpétuelle  et  universelle  ! 

On  circule,  dans  le  dédale  des  ruelles,  harcelé  par  les  demandes  d'achat  des 
vendeurs.  C'est  d'al)ord  le  bazar  égyptien  où  se  vendent  les  essences  aroma- 
tiques, le  santal,  l'ambre  gris,  le  benjoin,  le  mastic,  l'opium,  la  muscade,  le 
gingembre,  sous  la  garde  de  marchands  accroupis. 

Plus  loin,  le  bazar  aux  babouches,  aux  étalages  encombrés  de  chaussures 
bizarres  et  richement  brodées,  le  bazar  des  joailliers,  des  selliers,  des  pipes, 
des  armes,  etc.,  etc. 

Ce  qui  retient  surtout  le  visiteur,  c'est  le  bazar  des  tapis  et  des  bibelots 
orientaux.  Fasciné  par  ces  ors  et  ces  couleurs,  on  ouvre  son  porte-monnaie. 
Par  expérience  n'hésitez  pas  à  offrir  la  moitié  du  prix  demandé  par  le  mar- 
chand. Il  se  regimbera  d'abord,  mais  finira  par  vous  concéder  sa  marchandise. 

Les  vendeurs  sont  généralement  des  Juifs,  des  Grecs,  des  Arméniens  et 
des  Turcs. 

Le  commerçant  turc  se  reconnaît  facilement  des  Juifs,  des  Grecs  et  des 
Arméniens  ;  tandis  que  les  Grecs,  criards  et  importuns,  font  l'article,  courent 
après  l'étranger,  les  Turcs  demeurent  assis  sur  leur  coussin,  les  jam])es  croi- 
sées, égrenant  leur  chapelet  ou  fumant  le  narghilé. 

Le  coup  d'oeil  est  vraiment  original  ;  et,  en  parcourant  ces  Ijruyants  carre- 
fours, on  se  sent  transporté  au  cœur  de  ce  mystique  Orient  de  nos  rêves. 

Les  journées  à  Constantinople  se  déroulent  merveilleusement  variées  et 
celle  de  la  promenade  sur  le  Bosphore  est  des  plus  reposantes. 

Le  Bosphore.  —  On  prend  un  bateau  à  vapeur  au  pont  de  Galata  et  on 
assiste  à  une  série  d'enchantements  et  de  tableaux  magiques. 

II  n'est  point  de  spectacle  comparable  à  celui  qu'offrent  les  rives  du  Bos- 
phore, qui  semble  un  fleuve  gigantesque  coulant  entre  une  ligne  de  palais,  de 
kiosques,  de  villages,  de  jardins  et  de  collines. 


—  340  — 


Après  avoir  quitté  le  grand  port  du  commerce,  le  bateau  ylisse  sur  les  eaux 
Lieues  dans  lesquelles  une  quantité  de  marsouins  se  livrent  à  des  él)ats  choré- 
graphiques. 


'''»'"i >iii»iiiiii»wiwi— wwwinpi 


n  0  LM  A  -B  A  G  I).I  E. 


On  laisse  à  droite  la  pointe  du  Serai  et  on  côtoie  le  Palais  de  Dolrnu-Bagdje 
qui  borde  le  Bosphore  d'une  longueur  de  700  mètres.  Ce  monument,  construit, 
en  1853  par  le  Sultan  Abdul-Medjid,  présente  une  série  de  petits  palais  de 
marbre  ajoutés  les  uns  au  bout  des  autres.  Ce  palais  a  servi  aussi  de  résidence 
au  Sultan  Abdul-Azis.  C'est  de  là  qu'il  fut  enlevé  en  Mai  1876  et  transporté 
avec  toutes  ses  femmes  au  vieux  sérail.  Plus  tard  il  fut  ramené  au  palais  de 
Tcheragan,  où  eut  lieu  sa  fin  tragique.  Ce  Sultan  était  un  homme  d'une  force 
peu  commune  et  avait  constamment  dans  son  palais  un  lutteur  à  son  service  ; 
presque  tous  les  jours  il  se  livrait  à  son  sport  favori. 

Depuis  1876  le  palais  de  Dolma-Bagdjé  n'est  plus  habité. 

Plus  loin,  le  Palais  de  Tcheragan  avec  sa  belle  façade  de  marbre  se  mire 
dans  les  flots  du  Bosphore.  Il  a  été  construit  par  le  Sultan  Abdul-Azis  à  la 
place  de  l'ancienne  demeure  de  Mahmout  II.  L'intérieur  qu'on  ne  peut  visiter 
est  décoré  dans  le  style  oriental. 

Le  bateau  dépasse  Orta-Keuï,  Kourou-ïcliesmé,  deux  villages  que  réunit 
une  file  non  interrompue  de  résidences  d'été  et  arrive  à  Arnaut-Keuï,  après 
avoir  traversé  un  de  ce>j  rapides  courants  si  nombreux  et  si  variés  dans  le 
Bosphore. 


—  :ui  — 

Sur  la  côte  d'Asie,  les  villages  et  les  palais  se  succèdent  à  des  intervalles 
un  peu  moins  rapprochés  et  se  détachent  sur  un  rideau  de  verdure  éclatante, 
harmonieusement   encadrés  par  des  collines  aux  pentes  douces  et  ménagées. 

Plus  loin,  se  déploie  le  liourg  de  Thérapia.  un  des  endroits  les  plus  ravis- 
sants du  Bosphore.  Les  Ambassades  de  France,  d'Italie,  d'Ang-leterre,  d'Alle- 
magne et  d'Autriche-Hongrie,  ont  leurs  palais  d'été  dans  ce  paradis  terrestre. 

Le  bateau  fait  une  dernière  escale  à  Yeni-Mahalle  et  à  Rouméli-lvavak  ;  et, 
devant  nous,  le  Bosphore  s'évase  et  se  perd  dans  la  Mer  Noire. 

Le  retour  se  lait  dans  la  même  contemplation.  Les  courbes  du  Bosphore  se 
déroulent  gracieuses  en  s'arrondissanl  à  Bouyouk-Déré.  Les  rives  s'animent 
de  plus  en  plus  à  cette  heure  de  la  journée  sous  les  derniers  rayons  d'un  soleil 
qui  se  couche  au  fond  de  ce  féerique  tableau,  véritable  nappe  d'or  en  fusion 
jetée  entre  les  deux  cités  de  Stamboul  et  de  Péra-Galata.  Le  ciel  dans  lequel 
pointent  les  nombreux  minai'ets  semble  s'enflammer  en  colorant  l'horizon  de 
teintes  étranges.  Puis  nous  assistons  à  une  rapide  succession  de  tonalités  d'une 
suavité  intinie. 

C'est  le  plus  beau  moment  pour  contempler  Constantinople  et  cette  vision 
laisse  dans  nos  esprits  un  souvenir  ineffaçable. 

Transportons-nous  maintenant  de  l'autre  côté  du  Bosphore,  en  prenant  au 
pont  de  (ialata  le  bateau  qui  fait  le  service  de  Scutari  et  qui  passe  devant  un 
îlot  (le  rochers  surmonté  d'une  tourelle  blanche  (Tour  de  Léandre). 

Sc:uTAi;i.  —  Scutari  est  la  ville  turque  par  excellence,  la  terre  d'origine  que 
le  musulman  contemple  avec  vénération.  Son  débarcadère  se  présente  sous 
l'aspect  le  plus  pittoresque.  Une  foule  bigarrée  y  circule  et  coudoie  les  nom- 
breux touristes  à  l'affût  de  voitures  pour  l'excursion  dans  l'ancienne  Chryso- 
polis.  Le  spectacle  est  varié  et  offre. les  contrastes  les  plus  saisissants.  À  côté 
de  la  calèche  qui  empoite  dans  son  vol  rapide  la  femme  voilée  de  quelque 
pacha,  on  aperçoit  l'antique  araba  doré,  sorte  de  tapissière,  traîné  par  des 
petits  chevaux  qui  remplacent  les  buffles  noirs  à  la  tête  ornée  de  miroirs  et  de 
g-lands  aux  vives  couleurs. 

Nous  réquisitionnons  tous  les  véhicules  modernes  et  anciens  pour  nous 
rendre  au  mont  Bout gou  lou.  Ici  encore,  à  travers  les  rues  tortueuses  et  mal 
pavées,  nous  faisons  des  prodiges  d'équilibre  pour  ne  pas  verser,  car  nous 
sommes  secoués  comme  des  sacs  de  noix. 

Du  haut  du  mont  l'œil  embrasse  l'ensemble  de  la  grande  ci'é,  la  mer  de 
Marmara,  étincelante  aux  rayons  du  soleil  et  le  Bosphore,  semblable  à  un 
immense  serpent  aux  nombreux  replis.  Ce  site  pittoresque  attire  aux  jours  de 
repos  une  foule  considéraljle  ;  les  femmes  surtout  s'y  rendent  en  grand  nombre 
et  rien  n'est  plus  gracieux  que  de  les  voir  assises  à  l'ombre  de  quelques  grands 
arbres,  par  groupes  étages  de  distance  en  distance,  le  long  des  flancs  ver- 
doyants de  la  montagne. 


•     —  342  — 

Scutari  n'a  de  remarquable  que  sa  grande  Mosquée  et  ses  Cimetières  aux 
allées  mystérieuses,  bordées  de  gigantesques  c^yprès. 

En  voyant  son  horizon  découpé  de  montagne^  bleuâtres  avec  les  ifs  de  ses- 
nécropoles,  on  se  rappelle  cette  phrase  de  Byron  :  «  0  Scutari  !  tes  maisons 
«  blanches  dominent  sur  des  milliers  de  tombes,  tandis  qu'au-dessus  d'elles  on 
«  voit  l'arbre  toujours  vert,  le  cyprès  élancé  et  sombre  dont  le  feuillage  est 
«  empreint  d'un  deuil  sans  fin,  comme  un  amour  qui  n'est  pas  partagé  ». 

Un  voyageur  a  dit  que  Constantinople  était  une  singulière  ville  ;  la  moitié 
appartient  aux  vivants,  l'autre  moitié  aux  morts.  En  etlét,  outre  les  petits, 
cimetières,  sans  murs,  qui  s'intercalent  entre  les  maisons,  on  compte  de  nom- 
breux champs  de  sépulture  dans  la  ville  ou  à  ses  portes. 

Le  cimetière  de  Scutari  est  peut-être  le  plus  vaste  de  l'Orient.  Il  commence- 
avec  les  dernières  maisons  du  faubourg  et  descend  par  une  pente  insensible 
jusqu'au  golfe  de  Nicomédie.  Les  Turcs  opulents  se  font  enterrer  dans  ce 
cimetière,  dans  la  terre  d'Asie  où  ils  croient  leurs  restes  plus  rapprochés  du 
Prophète  que  sur  la  rive  d'Europe. 

Toutes  les  tombes,  plantées  plus  ou  moins  verticalement,  sont  d'une  unifor- 
mité complète  et  consistent  en  cippes  de  marbre,  sobres  d'inscriptions,  coilïés 
chez  les  hommes  de  turbans  ou  de  fez.  Une  pierre  ornée  d'une  tige  de  lotus 
ou  d'un  cep  de  vigne  avec  pampres  et  grappes  sculptés  en  relief  indique  la 
tombe  des  femmes. 

Comme  les  autres  cimetières  turcs,  celui  de  Scutari  est  un  lieu  de  promenade 
et  de  réunion.  Les  oisifs  y  viennent  fumer  leur  cigarette  ;  les  femmes,  accou- 
dées aux  cippes  funéraires  ou  assises  sur  le  gazon,  y  passent  quelquefois  la 
journée  entière.  Les  enfants  jouent  dans  les  allées  à  côté  des  ânes  et  des 
chèvres  b'outant  l'herbe  du  cimetière;  les  colombes  elles-mêmes  viennent 
chercher  asile  dans  le  sombre  feuillage  des  cyprès  et  partager  la  paix  des 
morts. 

Derviches.  —  Sur  la  lisière  de  ce  grand  cliamp  des  morts  est  situé  le  tekké 
des  derviches  hurleurs,  qui  est  une  des  curiosités  de  Scutari. 

La  salle  basse  à  galeries  dans  laquelle  nous  nous  entassons  est  surchauffée  ; 
sur  les  murailles  sont  inscrits  les  versets  du  Coran.  Du  côté  du  mihrab  l'iman 
est  assis  sur  un  tapis,  entouré  de  ses  prêtres  ;  les  derviches  agenouillés  lui  font 
cercle. 

La  prière  commence  par  une  psalmodie  lente  s'accentuant  progressivement. 
L'exercice  physique  vient  ensuite  et  consiste  à  se  balancer  d'arrière  en  avant 
et  en  poussant  chaque  fois  une  clameur  profonde  et  prolongée  d'une  sonorité 
incroyable  et  surhumaine. 

Puis  la  frénésie  augmente  peu  à  peu  ;  les  mouvements  se  saccadent  de  plus 
en  plus  ;  les  vaisseaux  du  cou  se  gonflent  ;  et,  sans  arrêt,  ils  continuent  à  tirer 
de  leur  poitrine  avec  une  énergie  croissante  de  véritables  aboiements  jusqu'à 
ce  que  quelques-uns  tombent  à  terre  en  proie  à  des  accès  épileptiformes. 


—  343  — 

A  ce  moment  les  dames,  sous  la  pression  nerveuse,  se  voient  souvent  obli- 
gées de  quitter  la  salle  et  de  fuir  ce  spectacle  écœurant,  malgré  les  bonbons 
offerts  à  l'occasion  de  la  lete  du  Prophète. 

A  la  fin  de  la  cérémonie  l'iman,  soutenu  par  deux  aides,  marche  sur  les 
enfants  couchés  par  terre  et  apportés  dans  la  salle  pour  les  guérir  de  leurs 
maladies. 

Les  derviches  tourneurs  sont  des  religieux  musulmans  qui  vivent  en  com- 
munauté et  qui  valsent  par  dévotion.  Leur  couvent  est  situé  dans  la  grande 
rue  de  Péra.  Quand  nous  nous  sommes  présentés  pour  assister  à  leurs  exer- 
cices, la  porte  du  monastère  était  close.  On  ne  donnait  pas  de  séance  à  cause 
d'une  indisposition  du  grand  clief.  Les  mouvements  de  rotation  lui  avaient 
occasionné  du  vertige intestinal. 

Les  derviches  se  reconnaissent  dans  les  rues  à  leurs  robes  blanches,  leurs 
cafetans  bruns  et  leurs  chapeaux  pointus  en  feutre. 

Le  Sérail.  —  De  quelque  point  qu'on  découvre  Constantinople,  le  sérail  ou 
plus  régulièrement  serai,  est  le  premier  édifice  qui  se  présente  à  la  vue,  regar- 
dant l'Europe  et  l'Asie.  Il  occupe  la  pointe  du  promontoire  sur  laquelle  la 
ville  est  bâtie  et  les  eaux  du  Bosphore  viennent  briser  leurs  derniers  Ilots 
contre  sa  base  solide. 

Du  temps  du  Bas-Empire  cet  emplacement  appartenait  aux  prêtres  de 
Sainte-Sophie  qui  y  avaient  leurs  habitations  ;  mais  lorsque  la  guerre  eut 
donné  à  Mahomet  la  ville  des  Césars,  il  choisit  très  judicieusement  ce  terrain 
pour  y  élever  son  palais. 

Vu  du  côté  de  la  mer,  il  ne  présente  qu'une  longue  suite  de  murs  crénelés 
à  travers  lesquels  passe  actuellement  le  cliemin  de  fer. 

On  pénètre  ordinairement  dans  le  sérail  par  la  porte  du  Canon.  Un  grand 
incendie  a  détruit  en  1865  un  grand  nombre  de  ses  édifices.  Il  se  divise  en 
trois  parties  :  les  jardins  en  grande  partie  dévastés,  la  première  cour  ou  cour 
des  Janissaires  et  le  palais. 

De  la  terrasse  des  jardins  on  aperçoit  le  fameux  kiosque  de  Bagdad  où  se 
sont  tramés  tant  de  complots  et  se  sont  dénoués  trop  souvent  des  drames 
funestes  et  sanglants. 

Dans  la  cour  des  Janissaires  est  située  l'église  de  Sainte-Irène,  dans  laquelle 
il  est  impossible  d'entrer.  Fondée  par  Constantin-le-Grand,  elle  ressemble  à 
Sainte-Sophie  sur  une  plus  petite  échelle  et  elle  est  ornée  de  marbres  et  de 
mosaïques.  Sainte-Irène  n'a  jamais  été  convertie  en  mosquée.  Les  Turcs  l'ont 
transformée  en  arsenal  dans  lequel  se  trouve  le  sabre  de  Mahomet  II. 

C'est  dans  cette  partie  du  sérail  que  se  voit  l'énorme  platane  dit  des  Janis- 
saires, dont  dix  hommes  ne  pouvaient  embrasser  le  tronc  et  dans  lequel  les 
soldats  de  garde  faisaient  la  cuisine. 

La  visite  du  Palais  et  du  Trésor  du  Sultan  ne  se  fait  qu'avec  l'autorisation 
de  l'Ambassade. 


—  :î44  — 

Dans  des  armoires  vitrées,  ce  ne  sont  que  sabres,  jatag-ans,  poignards, 
pistolets  étincelants  de  perles  et  de  rubis,  robes  d'apparats  des  Sultans  de 
Mahomet  II  (1433)  à  Mahmout  (1839),  et  turbans  surmontés  d'aig-rettes  fixées 
par  des  joyaux.  On  montre  aussi  au  public  les  trois  plus  grosses  émeraudes 
connues. 

On  ne  peut  que  regretter  l'exiguïté  des  salles  dans  lesquelles  sont  exposées 
toutes  ces  richesses  et  le  manque  de  lumière  qui  ferait  ressortir  davantage  les 
brocarts  et  les  ors. 

La  salle  du  trône  du  Sultan  attire  l'attention  du  visiteur.  Le  trùne  est  en 
l'orme  de  divan  avec  baldaquin  soutenu  par  quatre  colonnettes  en  vermeil, 
semées  d'une  innombrable  quantité  de  pierres  précieuses  non  taillées  et  sur- 
montées par  des  boules  d'or  et  des  croissants. 

En  face  du  trône  s'ouvre  une  fenêtre  grillée  d'épais  ])arreaux  dorés.  C'était 
là  que  se  tenaient  jadis  les  pachas  et  les  ambassadeurs,  dont  les  paroles  étaient 
transmises  au  Sultan,  impassible  comme  une  idole  dans  une  châsse  de  pierre- 
ries ;  à  proximité,  la  fontaine  où  l'on  faisait  couler  de  l'eau  pour  que  leur 
conversation  ne  fût  pas  entendue. 

La  visite  se  termine  par  le  kiosque  d'Abdul-Medjid,  d'où  l'on  découvre  sur 
le  Bosphore  un  admirable  panorama.  Avant  le  départ,  des  gardiens  vous 
offrent  un  verre  d'eau  avec  de  la  confiture  de  roses  et  une  minuscule  tasse  de 
café  turc. 

Cette  promenade  dans  le  vieux  sérail  est  l)ien  faite  pour  tourmenter  l'imagina- 
tion et  éveiller  en  nous  un  monde  de  souvenirs.  Ses  murs  n'ont-ils  pas  été  des 
lieux  de  délices  et  des  lieux  d'horreurs?  Et  dans  leur  enceinte,  c'était  un 
épouvantable  mélange  de  fêtes,  de  massacres,  de  cérémonies  religieuses  et 
d'amours,  et  de  folies  indescriptibles.  C'est  là  que  Mahomet  II,  le  conquérant 
et  le  cruel  despote,  faisait  ouvrir  le  ventre  à  ses  pages  pour  savoir  lequel  lui 
avait  volé  et  mangé  un  melon.  Toutes  ces  images  nous  reviennent  à  l'esprit  et 
notre  curiosité  ne  peut  en  pénétrer  le  mystère. 

D^  A.  VERMERSCH, 

Mce-Président   de    la    Société. 
{A  suivre). 


LES  TRANSATLANTIQUES  DE  L'AVENIR 


S'il  est  discutable  (pie  l'Angleterre  ait  révolutionné  \sl  marine  militaire  par 
la  construction  de  ses  cuirassés  type  Dreadnovght,  il  est  .tout  autant  permis 
de  se  demander  si  les  deux  paquebots  géants  de  la  Compagnie  Cunard  sont 
destinés  à  créer  une  révolution  semblable  dans  l'art  de  la  construction  navale 
marchande.    Ou  bien,  au  contraire.  les  navires  de  ce   type  resteront-ils  des 


—  345  — 

exceptions,  sortes  de  réclames  monstres  que  les  Compagnies  construiront  pour 
•  attirer  la  clientèle  ? 

Il  nous  faut  tout  d'aljord  considérer  les  conditions  qui  ont  décidé  la  cons- 
truction de  ces  navires.  Depuis  une  dizaine  d'années,  les  Américains,  puis  les 
Allemands  avaient  ravi  aux  Anglais  le  record  de  la  rapidité  de  la  traversée  de 
l'Océan,  ce  qu'ils  appellent  le  «  blue  riband  ».  Malgré  cette  situation,  rien  ne 
semblait  indiquer  que  les  armateurs  britanniques  allaient  taire  de  leur  propre 
initiative,  l'effort  nécessaire  pour  reconquérir  ce  <.<  blue  riband  ».  Pour  qui 
connaît  l'orgueil  britannique,  il  est  facile  de  se  figurer  à  quel  point  une 
pareille  humiliation  le  vexait.  Sous  la  pression  sourde  de  l'opinion  publique, 
le  gouvernement  s'entendit  avec  la  Compagnie  Cunard  pour  la  construction 
de  deux  paquebots  géants  qui  devaient  éclipser,  et  de  loin,  tous  les  autres.  La 
Compagnie  recevait  du  gouvernement  anglais  une  avance  immédiate  de 
2(). 500. 000  francs  à  2  3/4  "/o  remboursable  en  vingt  ans  et,  de  plus,  une  sub- 
vention annuelle  de  3.750.000  fr..  à  laquelle  vient  s'ajouter  la  subvention 
ancienne  de  700.000  fr.  allouée  pour  assurer  un  service  hebdomadaire  dans 
chaque  sens  entre  les  États-Unis  et  l'Angleterre. 

En  échange  de  ces  avantages  pécuniaires,  la  Compagnie  devait  construire 
les  deux  navires  en  question  qui  devaient,  suivant  les  termes  du  contrat,  prou- 
ver être  capables  de  filer  plus  de24n.  1/2  par  mer  calme  pour  recevoir  la 
subvention  de  l'année  écoulée  ;  ils  sont  de  plus  disposés  pour  servir  en  temps 
de  guerre  comme  croiseurs  auxiliaires.  La  Compagnie  devait  en  plus  devenir 
•essentiellement  anglaise,  c'est-à-dire  que  tous  ses  employés,  quelle  que  soit 
leur  situation,  doivent  être  de  nationalité  anglaise  et  que  tous  ses  titres  doivent 
être  possédés  par  des  sujets  anglais.  Il  est  donc  bien  évident  que  l'aide  du 
gouvernement  n"a  été  accordée  que  pour  nationaliser  en  quelque  sorte  la 
Compagnie  Cunard  et  faire  de  sa  prospérité  une  question  nationale. 

Les  essais  de  la  Lusitanla  ont  été  un  grand  succès.  Il  est  à  peine  besoin  de 
rappeler  que  ce  navire  étant  muni  de  turbines,  ses  essais  étaient  doublement 
intéressants  et  l'on  peut  dire  qu'ils  ont  été  la  consécration  de  la  supériorité  de 
celles-ci  sur  les  machines  alternatives,  au  moins  autant  que  l'expérience  pré- 
sente nous  permet  de  porter  un  jugement.  Les  essais  se  firent  sur  une  distance 
de  300  milles,  de  l'embouchure  de  la  Clyde  au  cap  Land's  End,  au  tirant 
d'eau  moyen  de  9  m.  15,  sur  une  durée  de  12  heures,  afin  d'éliminer  l'action 
de  la  marée.  La  moyenne  o])tenue  sur  un  parcours  de  1.200  milles  lut  de 
25  n.  4  avec  un  maximum  de  'Zt  nœuds,  alors  que  le  contrat  porte  que,  dans 
la  durée  d'un  an  après  la  mise  en  service,  la  vitesse  moyenne  devra  être  de 
24  n.  5.  On  essaya  en  même  temps  les  facultés  giratoires  qui  furent  trouvées 
satisfaisantes,  et  le  rapport  dressé  à  la  suite  de  ces  essais  fut  des  plus  opti- 
mistes. Nous  verrons  tout  à  l'heure  qu'il  laissait  plusieurs  points  importants 
dans  l'ombre. 
.   Les   essais   préliminaires   de   la   Mauretania  viennent   de  se  terminer.   Ils 


—  346  — 

auraient  été  satisfaisants,  quoique  la  vérité  soit  bien  difficile  à  savoir,  les  arma- 
teurs restant  volontairement  muets  sur  leurs  résultats.  Néanmoins,  on  peut 
considérer  sans  crainte  comme  non  fondées  les  assertions  des  journaux  portant 
que  la  vitesse  aux  essais  fut  de  plus  de  27  n.  3/4.  Il  semble  bien  qu'elle  ait  été 
supérieure  à  celle  de  la  Lusitania,  mais  il  est  impossible  de  savoir  dans  quelles 
proportions.  Il  ne  faudrait  toutefois  pas  oublier  que  la  Mauretania  a  fait  ses 
essais  avec  une  coque  sale  et  non  complètement  délivrée  des  accessoires  de 
lancement  ;  on  peut  donc  dire  sans  exagération  qu'elle  atteindra  une  vitesse 
moyenne  de  25  à  25  n.  1/2,  supérieure  de  1/2  à  1  n.  à  celle  de  la  Lusitania. 
De  pareils  résultats  avaient  surexcité  l'orgueil  britannique  à  un  degré  qu'il 
est  difficile  de  concevoir  et  ce  fut  au  milieu  d'un  enthousiasme  délirant  que,  le 
7  Septembre,  à  9  h.  5  du  soir,  la  Lusitaiiia  quitta  Liverpool.  Elle  s'arrêta 
quelques  heures  à  Queenstown  pour  eml)arquer  les  émigrants  et  les  sacs  de 
dépêches  et  le  8  Septembre  1907,  à  12  h.  5,  elle  partit  pour  son  «  maiden 
voyage  ».  Tous  les  cinq  jours  que  dura  la  traversée,  les  journaux  furent  rem- 
plis de  marconigrammes  relatant  les  péripéties  du  voyage  et  jusqu'au  dernier 
jour,  les  Anglais  espérèrent  que  leur  navire  battrait  les  records  précédents.  La 
vitesse  moyenne  allait  en  augmentant  et  ce  premier  voyage  pouvait  être  un 
triomphe.  Les  distances  parcourues  furent  : 

Premier  jour 561  milles. 

Deuxième  jour 575     — 

Troisième  jour 570     — 

Quatrième  jour 583     — 

Cinquième  jour 483     — 

Le  \endredi  13  Septeml)re  1907,  à  neuf  heures  cinq  du  matin,  la  Liisilania 
airiva  à  Sandy-Hook,  après  une  traversée  de  cinq  jours  une  heure  cinquante- 
quatre  minutes  à  la  vitesse  moyenne  de  23  n.  01.  Elle  avait  battu  de  loin  les 
records  précédents  pour  les  premières  traversées,  elle  avait  aussi  traversé 
l'Atlantique  dans  le  plus  court  espace  de  temps,  mais  elle  n'avait  pas  battu  le 
record  de  la  vitesse  qui  restait  à  l'Allemagne  avec  les  23  n.  15  àuDeiitschland, 
et  les  23  n.  12  du  Kaiser  WUhehn  IL  La  nouvelle  fut  aussitôt  télégraphiée  en 
Angleterre  et  malgré  tous  les  efforts  faits  pour  cacher  ce  sentiment,  le  désap- 
pointement fut  grand.  On  a  invoqué  que  la  Lusitania  avait  été  retardée  dans 
sa  marche  pendant  six  heures  par  un  brouillard  qu'elle  avait  rencontré  au 
large  de  l'Irlande.  Pourtant  la  différence  entre  le  premier  et  le  second  jour  ne 
porte  que  sur  un  parcours  de  14  milles,  ce  qui  semble  prouver  que  la  gêne,  si 
tant  est  qu'il  y  en  ait  eu  une,  n'a  pas  été  bien  considérable.  D'ailleurs,  le 
meilleur  parcours  journalier,  les  583  milles  du  quatrième  jour,  reste  inférieur 
à  celui  du  Deuischland  de  601  milles  en  Septembre  1901.  Le  résultat  n'a  donc 
pas  été  celui  que  les  Anglais  avaient  attendu  avec  tant  d'impatience. 

Reste  une  question  qui  a  été  volontairement  laissée  dans  l'ombre  :  c'est  celle 


—  347  — 

de  la  consommation  du  charbon.  On  prétend  que  celle-ci  aurait  été  de 
1.300  tonnes  par  vingt-quatre  heures  aux  essais  et,  lors  de  la  première  tra- 
versée, aile  aurait  atteint  le  chiffre  plus  raisonnable,  mais  encore  très  élevé, 
de  1.000  tonnes  par  vingt-quatre  heures  ;  pour  la  troisième  traversée,  on  vient 
de  dire  que  cette  consommation  serait  de  1,100  tonnes  par  jour.  Il  est  bien 
évident  que  la  Compagnie  a  intérêt  à  ne  pas  divulguer  cette  consommation, 
mais  il  est  non  moins  certain  que  si  les  chiffres  ci-dessus  étaient  notablement 
supérieurs,  elles  les  auraient  démentis.  Nous  pouvons  donc  supposer  qu'ils 
sont  proches  de  la  réalité,  et  c'est  là  le  point  noir.  En  outre,  il  semble  que 
la  chaleur  qui  règne  dans  les  chambres  de  chauffe  soit  considérable,  car  les 
journaux  relatent  que.  lors  du  troisième  voyage,  la  chaleur  était  telle  que 
l'un  des  chauffeurs  devint  fou.  Si  l'on  rapproche  que  ce  défaut  est  aussi  l'un 
des  principaux  du  Dreadnought^  on  peut  se  demander  si  cela  tient  à  une  faute 
de  construction  ou  au  contraire  si, iinhérent  aux  turbines,  ce  fait  ne  peut  être 
atténué  actuellement. 

Il  ne  faut  pas  déduire  de  ce  qui  précède 'que  la  Lusitania  ait  été  un  échec. 
Loin  de  là,  elle  n'a  pas  justifié  l'orgueil  démesuré  des  Anglais,  mais  elle  a 
tenu  toutes  ses  promesses.  Il  est  sans  exemple  qu'un  paquebot  donne  dès  le 
début  sa  plus  grande  vitesse  ;  au  mois  dernier,  la  Provence  battait  son  propre 
record  plus  d'un  an  et  demi  après  sa  mise  en  service  ;  la  Campania  a  mis  plus 
de  sept  ans  pour  atteindre  sa  plus  grande  vitesse.  Ce  qui  est  vrai  des  navires, 
munis  de  machines  alternatives,  l'est  encore  plus  de  ceux  qui  comportent  des. 
turbines,  instruments  nouveaux,  peu  connus  des  mécaniciens  en  général.  On 
peut  donc  être  sûr  que  la  Lusitania  dépassera  cette  vitesse  et  qu'elle  rapportera 
tôt  ou  tard  en  Angletei're,  le  ruban  bleu  de  l'Atlantique  ;  1). 

Quels  sont  les  enseignements  que  l'on  peut  tirer  de  ce  premier  voyage  'i  A 
la  vérité,  il  est  bien  difficile  de  les  apprécier.  Il  est  certain  que  la  masse  consi- 
dérable du  navire  lui  assure  une  stabilité  que  l'on  n'avait  pas  encore  atteinte, 
que  les  turbines  ont  diminué  les  vibrations  dans  des  proportions  considérables, 
mais  ce  sont  des  résultats  que  l'on  connaissait  déjà  et  s'il  y  en  a  un  qui  serait 
intéressant  à  connaître,  celui  de  la  consommation  de  charbon,  nous  avons  vu 
qu'on  l'avait  volontairement  laissé  dans  l'omlire.    On  peut  se  demander  dès. 


(1)  Ces  lignes  étaient  écrites  avant  le  troisième  voyage  de  la  Lusitania^  qu'elle  a 
eôectué  à  la  vitesse  moyenne  de  24  n.  01  en  4  jours  19  heures  ;  c'est  un  argument 
en  faveur  de  ce  que  nous  disons.  Les  chauffeurs  étaient  cette  fois  choisis  avec  soin. 
Nous  devons  néanmoins  ajouter  que,  par  un  heureux  hasard,  un  beau  temps  remar- 
quable a  favorisé  le  record  et  qu'ainsi  la  tenue  du  navire  par  mer  houleuse  et  l'ac- 
tion de  celle-ci  sur  la  marche  moyenne,  est  encore  inconnue;  malgré  les  expé- 
riences précédentes,  on  n'est  donc  pas  fixé  d'une  façon  définitive  sur  les  qualités 
nautiques  de  la  Lusitania,  quoique  d'ailleurs,  elles  soient  certainement  supérieures, 
à  tout  ce  qui  a  été  produit  jusqu'à  ce  jour. 


—  348  — 

lors  quelles  sont  les  raisons,  autres  que  le  désir  d'aller  plus  vite,  qui  peuvent 
justifier  la  construction  de  tels  monstres. 

Pourtant,  il  semble  bien,  aux  yeux  de  plusieurs  jug'es  compétents,  que  la 
construction  de  la  Lusltania  sera  le  point  de  départ  d'une  ère  nouvelle  pour  la 
marine  marchande,  et  ils  appuient  leur  opinion  sur  ce  fait  que  des  commandes 
ont  été  faites  ou  vont  être  faites  de  paquebots  encore  plus  grands.  N'a-t-on 
pas  dit  que  le  Norddeutscher  Llojd  allait  commander  un  navire  de  28  nœuds 
eji  service  courant,  que  MM.  John  Brown,  de  Clydebank,  avaient  reçu  de  la 
Compagnie  Cunard  la  commande  d'un  nouveau  Lusltania  agrandi,  que 
MM.  Hariand  et  Wolff,  de  Belfast,  étudiaient,  pour  la  White  Star  Line,  les 
plans  d'un  navire  plus  grand  encore,  mù  par  des  turbines  combinées  avec  des 
machines  alternatives  ?  Un  constructeur  de  Belfast  aurait  dit  qu'il  était  pos- 
sible de  construire  un  navire  de  400  mètres  de  long  et  de  30  nœuds  de  vitesse. 
Tout  cela  est  très  possible,  mais  une  question  se  pose  dont  la  solution  a  plus 
d'importance  au  point  de  vue  de  la  construction  navale  que  tous  ces  on-dit  : 
Quelle  peut  être  l'utilité  de  pareils  navires  et  quels  en  seront  les  avantages 
financiers  V 

Ce  sont,  paraît-il,  de  puissants  mo^^ens  de  réclame  ([ue  de  tels  navires,  et 
une  fois  que  le  public  a  pris  une  coutume,  il  en  change  peu  aisément.  Par 
conséquent,  les  Compagnies  qui  les  construisent,  outre  qu'elles  accroissent 
leur  flotte,  attirent  vers  elles  une  clientèle  qui,  sans  cela,  ne  serait  pas  venue. 
Cette  proposition  est  vraie  en  partie.  Il  est  certain  que  bien  des  gens,  très 
pressés  ou  craignant  la  mer,  prendront  les  navires  les  plus  rapides,  mais  cette 
quantité  est  et  ne  peut  être  que  la  minorité.  Le  nombre  des  navires  extra- 
rapides est  limité,  par  suite,  celui  des  passagers  qui  peuvent  en  profiter  ;  la 
grande  masse  des  voyageurs  ne  craint  pas  un  jour  de  traversée  pour  payer 
moins  cher  et  beaucoup  prennent  les  paquebots  ordinaires  par  suite  du  manque 
de  place.  Les  vrais  éléments  de  succès  sont  la  régularité  des  services,  le  confor- 
table général  à  liord  et  la  sécurité.  Rien  ne  peut  mieux  illustrer  cette  assertion 
que  l'exemple  de  notre  Compagnie  Transatlantique.  Après  une  période  très 
prospère,  le  naufrage  de  la  Bourgogne  lui  a  porté  un  rude  coup  ;  à  ce  moment, 
ses  services  ont  été  distancés  pour  la  rapidité  moyenne  et  même  le  confortable 
par  les  Compagnies  allemandes  ;  la  clientèle  a  diminué  peu  à  peu  et  elle  n"a 
été  regagnée  que  par  la  mise  en  service  il'unités  plus  rapides  et  par  une  amé- 
lioration générale  du  confortable.  Grâce  à  ces  mesures,  jointes  à  d'autres 
d'ordre  financier  et  commercial,  la  Compagnie  Transatlantique  a  pu  se  sortir 
de  la  mauvaise  période  dans  laquelle  elle  se  trouvait. 

D'un  autre  côlé,  il  ne  suffit  pas  de  dire  que  ces  navires  sont  une  excellente 
réclame  ;  encore  faut-il  savoir  ce  que  cette  réclame  coûte  et  ce  qu'elle  rap- 
porte. On  nous  permettra  sur  ce  point  de  douter  de  l'excellence  des  résultats 
^t  de  croire  que  les  Compagnies  qui  voudraient  composer  leurs  flottes,  ne 
fût-ce  ([u'en  partie,  avec  de  tels  navires,   courraient  vile  à  leur  ruine.  Du  fait 


—  3'i'J  — 

même  ([ue  ce  sont  des  réclames  aux  yeux  de  leurs  partisans,  ceux-ci  admelienl 
qu'ils  constituent  une  perte.  Et  il  nous  faut  croire  que  cetle  peite  est  notable 
pour  que  la  Compagnie  Cunard,  qui  n'a  pas,  à  ce  que  nous  sachions,  une 
trésorerie  embarrassée,  ne  se  soit  décidée  à  entrer  dans  cette  voie  qu'avec 
l'aide  jusqu'alors  sans  exemple,  que  lui  a  apportée  le  gouvernement  anglais. 
On  peut  dire,  c'est  une  hypothèse  soutenable,  que  c'est  une  phase  nouvelle  de 
la  lutte  commerciale  qui  s'ouvre  et  que  nous  verrons  désormais  les  gouverne- 
ments soutenir  les  Compagnies  d'une  façon  qui,  d'ailleurs,  peut  aussi  bien  être 
apparente  que  cachée.  Mais  une  pareille  supposition,  ([uoiqu'elle  ne  soit  pas 
entièrement  fausse,  nous  semble  exagérée  à  l'heure  actuelle.  Si  les  gouverne- 
ments se  mettent  à  soutenir  ouvertement  leurs  Compagnies,  il  n'y  a  d'abord 
pas  de  raisons  pour  s'arrêter  en  chemin,  et  l'on  conçoit  sans  peine  les  propo- 
sitions extrêmes  qui  peuvent  se  présenter.  Et  ensuite,  les  gouvernements 
finiront  plus  ou  moins  lapidement  par  absorber  les  Compagnies  et  leurs  inté- 
rêts se  trouveront  en  conflit  ilirect  ;  nul  ne  peut  prévoir  les  conséquences  de 
pareils  faits.  Toutefois,  l'exemple  fourni  par  l'Angleterre,  la  nation  individua- 
liste par  excellence,  doit  être  noté  soit  comme  une  exception  remarquable, 
soit,  au  contraire,  comme  point  de  départ  d'une  ère  nouvelle  de  la  concur- 
rence commerciale. 

En  supposant  même  que  l'on  passe  outre  aux  deux  objections  précédentes, 
la  question  de  savoir  si  des  navires  d'un  aussi  gros  tonnage  que  la  LnùUmia 
demeureront  des  exceptions  ne  serait  pas  résolue.  Cette  dernière  a  un  tirant 
d'eau  de  10  m.  20  en  charge  complète  et  de  9  m.  15  comme  moyenne  cou- 
rante. Quels  sont  donc  les  porls  qui  peuvent  l'admettre  ?  Ils  ne  sont  pas  nom- 
breux et  le  décompte  en  serait  bientôt  fait.  Disons  seulement  qu'il  n'y  a  pas 
de  port  allemand  capable  de  la  recevoir,  qu'elle  ne  peut  pas  remonter  jusqu'à 
Londres  où  aucun  dock  ne  pourrait  la  recevoir,  ni  franchir  le  Canal  de  Suez, 
même  sans  charge  et  que  le  nouveau'canal  en  eau  profojide  de  New-York  est 
à  peine  suffisant  pour  lui  donner  passige.  Ajoutons  enfin  que  seul  le  trafic 
entre  l'Europe  et  les  États-Unis  peut  à  la  rigueur  s'imposer  ces  navires,  et  que 
les  mettre  en  service  sur  d'autres  lignes  serait  considéré  comme  une  folie, 
même  par  leurs  partisans  les  plus  enthousiastes.  On  voit  donc  combien  est 
restreinte  l'utilisation  des  bâtiments  de  ce  type,  à  moins  que  l'on  ne  consente 
à  les  voir  mouiller  au  large  comme  le  font  les  autres  navires  dans  les  ports  de 
médiocre  importance.  Pour  pouvoir  les  utiliser,  il  faudrait  des  dépenses  préli- 
minaires considérai )les  :  approfondissement  des  passes,  création  de  nouveaux 
bassins  et  de  nouvelles  cales  sèches,  bref  tout  un  renouvellement  de  matériel 
qui  n'irait  pas  sans  des  dépenses  impossibles  à  évaluer,  tant  au  point  de  vue 
pécuniaire  qu'au  point  de  vue  de  leur  durée. 

Mais  ce  n'est  pas  encore  tout.  Les  navires  d'un  tel  tonnage  ne  peuvent  se 
construire  qu'en  Angleterre  ;  il  n'y  a  que  ce  pays  au  monde  qui  dispose  des 
moyens  nécessaires  et  même  là,   le  nombre  des  chantiers  capables  d'entre- 


—  a50  — 

prendre  une  pareille  œuvre  est  limité.  Les  Anglais  estiment,  avec  juste  raison, 
que  seuls  les  chantiers  de  la  Cljde,  de  Belfast  et  de  la  T_yne  peuvent  le  faire. 
C'est  une  nouvelle  difficulté.  Il  est  bien  évident  que  les  Allemands  ou  les  Amé- 
ricains pourraient  arriver  à  construire  les  chantiers  nécessaires,  mais  que 
d'argent  dépensé  pour  un  tel  résultat,  que  de  temps  avant  de  l'avoir  obtenu. 

Nous  voyons  donc  que  les  raisons  qui  militent  en  faveur  de  la  construction 
•de  navires  au-dessus  de  20.000  tonneaux  ne  sont  pas  assez  puissantes  pour 
nous  faire  dire  qu'ils  ne  seront,  et  de  longtemps  encore,  que  des  exceptions  ? 
La  seule  raison  valable  pour^de  pareils  tonna  ge  est  le  désir  d'augmenter  la 
vitesse  ;  or,  nous  devons  répéter  ce  qui  pourtant  devrait  bien  être  connu, 
•c'est  que  la  vitesse  coûte  très  cher.  Au  delà  d'une  certaine  vitesse,  qui  est 
actuellement  aux  environs  de  22  nœuds,  les  dépenses  de  charbon  et  de  matières 
grasses  augmentent  dans  de  telles  proportions  que  le  bénéfice  de  temps  est 
largement  compensé.  Ce  n'est  pas  à  dire,  d'ailleurs,  que  les  vitesses  actuelles 
sont  des  maxima  intangibles.  Loin  de  là,  les  turbines  sont  à  peine  connues, 
-on  les  perfectionnera  rapidement  et  l'augmentation  de  vitesse  qu'elles  pour- 
ront apporter  est  considérable.  Ce  ne  sont  pas  les  seules  ressources  que  nous 
ayons.  Les  chaudières  dont  se  sert  la  m  n-ine  marchande  sont  des  chaudières 
■cylindriques,  même  sur  les  paquebots  les  plus  rapides  ;  c'est  ainsi  que  la 
Lnsitimia  est  munie  de  25  chaudières  cylindriques  doubles,  timbrées  à 
14  kilogrammes.  On  peut  donc  espérer  encore,  du  fait  de  l'adoption  des 
chaudières  à  tubes  d'eau,  une  plus  grande  production  de  vapeur  pour  une 
même  dépense  de  charbon  et,  partant,  un  accroissement  de  vitesse  sans  aug- 
mentation de  tonnage.  Nous  ne  parlons  là  que  des  faits  possibles  immédiate- 
ment et  non  pas  d'hypothèses  plus  ou  moins  hasardeuses  ;  la  question  de 
l'adoption  des  chaudières  à  tu])es  d'eau  est  en  particulier  considérée  par  les 
meilleurs  experts  comme  devant  être  résolue  favorablement  dans  un  délai 
très  court. 

A  notre  avis,  donc,  de  plus  grands  navires  que  ceux  de  25.000  tonneaux 
demeureront,  pendant  longtemps  encore,  l'exception.  Plusieurs  Compagnies, 
et  non  des  moindres,  partagent  cet  avis.  C'est  ainsi  que  la  Compagnie  Transa- 
tlantique, si  elle  parle  de  mettre  en  chantier  un  navire  plus  rapide,  ne  vise 
pas  à  un  de  ces  monstres  ;  M.  Ballin,  de  la  Hamburg  America  Linie,  disait 
récemment  qu'il  n'avait  nulle  envie  de  suivre  l'Angleterre  dans  la  voie  où 
elle  s'engageait.  Enfin,  remarquons  qu'aucune  des  fameuses  commandes  dont 
on  a  tant  parlé  n'a  été  approuvée  officiellement  et  que,  si  quelques-unes  sont 
probables,  la  plupart  ne  le  sont  pas.  La  construction  de  ces  navires  ne  répond 
•d'ailleurs  pas  aux  besoins  présents.  Loin  de  s'augmenter,  le  trafic  entre  le 
continent  et  les  Etats-Unis  décroit,  et  le  moment  serait  mal  choisi  pour  pou- 
voir les  utiliser. 

Que  de  pareils  bâtiments  existent,  c'est  fort  bien.  11  y  en  a  deux  à  flot  ;  nous 
•en  verrons  d'autres,  mais  c'est  là  luxe  de  nation  riche.   Ce  ne  sont  pas  ceux-là 


—  ;35i  — 

qu'il  nous  faut.  Que  nos  transatlantiques  jaugent  un  peu  plus  de  20.000  ton- 
neaux avec  une  vitesse  de  plus  de  22  nœuds,  et  nous  aurons  tout  lieu  d'être 
satisfaits  ;  la  chose  n'est  pas  impossible  d'ailleurs  et  nous  la  verrons  se  réaliser. 
Remarquons  en  plus  que  les  énormes  navires  e.vtra- rapides  sont  rares.  Voilà 
•des  années  que  les  navires  allemands,  les  mêmes,  détenaient  le  record  de  la 
vitesse.  Actuellement,  le  besoin  de  ces  bâtiments  ne  se  fait  pas  sentir;  ceux 
■dont  a  besoin  sont  des  navires  de  15  à  20  nœuds,  ayant  un  tonnage  brut  assez 
considérable  pour  pouvoir  prendre  des  marchandises  en  quantité  notable  ;  des 
navires  enfin,  comme  la  généralité  de  ceux  qui  ont  été  construits  ces  dernières 
années,  répondant  à  une  nécessité  bien  constatée  et  non  pas  ces  immenses 
■coques  dont  malgré  toute  notre  bonne  volonté  nous  ne  voyons  ni  l'utilisation, 
ni  même  l'exploitation  financière  rationnelle. 

Gabriel  Burdeau. 
(Dépêche  Coloniale). 


CARTE  DES  ENVIRONS  DE  CHAMONIX 


M.  Henry  Barrère,  Éditeur  géographe  à  Paris,  a  fait  don  à  la  Bibliothèque 
•de  notre  Société  d'un  exemplaire  de  la  Carte  des  environs  de  Chamonix 
extraite  de  la  Carte  du  massif  du  Mont  Blanc,  dressée  à  l'échelle  du  20.000'"'' 
par  MM.  Henri  et  Joseph  Vallot. 

Cette  Carte,  basée  sur  une  triangulation  et  des  levés  absolument  nouveaux 
et  très  précis,  auxquels  les  auteurs  travaillent  depuis  de  longues  années, 
constitue  un  document  scientifique  d'une  réelle  importance.  La  Carte  complète 
qui  comprendra  22  feuilles  sera  publiée  au  fur  et  à  mesure  que  les  travaux  sur 
le  terrain  seront  terminés. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


•Géographie  scientifique.  —   Explorations   et  Découvertes. 


FRANGE    ET   COLONIES. 

Une  fyolonie  neuve  :  le  llaut-^énégal  et  ^ig^er.  —  On  annonçait 

■dernièrement  que  la  colonie  du   Haut-Sénégal  et  Niger  venait  d'être  dotée  d'un 


—  352  — 

réseau  téléphonique  ouvert  aux  communications  privées.  Quand  on  pense  que  voici 
neuf  ans  seulement  que  les  habiles  manœuvres  du  capitaine  Gouraud  permettaient 
au  lieutenant  Wœlfel  et  au  sergent  Brotières  de  capturer  Samorysur  le  Haut- 
Gavally,  cette  rapidité  de  transformation  du  Soudan  ne  laisse  pas  d'être  assez 
frappante.  Le  rapport  d'ensemble  que  vient  de  publier  M.  Merleaux-Ponty,  lieute- 
nant-gouverneur du  Haut-Sénégal  et  Niger,  donne  de  précieux  détails  sur  cette 
évolution.  "*' 

Tout  d'abord,  une  sécurité  parfaite  règne  dans  cette  immense  région,  qui  pendant 
près  d'un  siècle  n'avait  connu  que  la  guerre.  Oa'peut  appliquer  à  tout  le  Soudan 
nigérien  cette  phrase  de  l'administrateur  du  cercTe  de  Segou-Segou,  où  le  lieutenant 
de  vaisseau  Mage  fut  si  longtemps  retenu  captif  :  «  Aucun  incident  n'est  venu 
troubler  le  calme  profond  dont  ma  circonscription  jouit  depuis  plusieurs  années  et 
à  la  faveur  duquel  la  situation  économique  va  .sans  cesse  s'améliorant  ».  Les  indi- 
gènes furent  d'abord  sensibles  à  l'empire  de  nos  armes.  Ils  ne  nous  accueillirent 
que  comme  ils  avaient  accueilli  auparavant  les  conquérants  noirs,  faiseurs  d'es- 
claves, parce  que  nous  étions  encore  plus  forts  que  ceux-ci.  11  leur  a  fallu  un 
certain  temps  pour  se  rendre  compte  «  que  ce  n'était  pas  la  même  chose  ».  Aujour- 
d'hui, dit  le  rapport,  «  la  frayeur  instinctive  que  leur  inspirait  jadis  notre  approche 
a  fait  place  à  une  reconnaissance  et  à  un  attachement  ([ui  deviennent  chaque  jour 
plus  vifs  et  plus  sincères  ». 

"Premier  signe  de  prospérité:  la  facilité  avec  laquelle  rentre  l'impôt* de  capitation. 
Dès  le  premier  semestre  de  1904  les  deux  tiers  du  total  en  étaient  recouvrés.  Ceci 
tient  d'ailleurs  peut-être  à  ce  que  l'indigène  ne  paye  plus  que  ce  qu'il  doit,  et  non 
pas  davantage.  Les  chefs  de  canton,  jadis  collecteurs,  s'attribuaient  une  petite 
commission.  Actuellement  ce  sont  les  chefs  de  village  (jui  apportent  au  cercle 
l'impôt  de  leurs  administrés,  et  ils  sont  accompagnés  par  leurs  notables  qui  cons- 
tatent s'ils  versent  bien  la  même  somme  qu'ils  ont  reçue.  Il  y  a  même  des  villages 
nombreux  où  chaque  propriétaire  tient  avenir  pa^^er  lui-même  sa  quote-part' au 
percepteur,  comme  en  France  1  II  faut  avoir  été  en  Afrique  pour  savoir  le  boulever- 
sement de  mentalité  que  ce  petit  fait  représente. 

Deuxième  signe  de  ces  temps  nouveaux  :  la  puissance  de  travail  augmente,  et 
aussi  l'initiative.  L'indigène  sème  de  l'arachide  le  long  de  la  voie  du  chemin  de  fer 
et  des  lianes  à  caoutchouc  autour  des  villages  ;  le  roi  Modemba  fait  planter  d'un 
coup  soixante-sept  hectares  de  coton  ;  les  écoles  fondées  sont  pour  ainsi  dire  enva- 
hies. De  toutes  parts  c'est  chez  l'indigène,  dit  le  rapport,  «  un  véritable  éveil 
d'énergie  ». 

On  se  demandera  si  cette  évolution  «  paye  »  l'Européen.  La  réponse  n'est  pas 
douteuse.  Le  chemin  de  fer  Kayes  au  Niger  ne  fut  ouvert  sur  ses  563  kilomètres 
jusqu'à  Koulikoro  qu'en  Décembre  1904.  Les  recettes  de  l'année  atteignirent  pour- 
tant 1.942.000  francs,  dont  1.400.000  fr.  étaient  dus  au  commerc    privé. 

Il  y  a  quelque  chose  de  changé  depuis  la  fin  de  Samory. 


LE   .SECRETAIRE-GENERAL   ADJOINT  ,  LE    SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL  , 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


LillelmplDanel 


—  353  — 


'ROCÈS-VERBAUX  DES  ASSEMBLÉES  GÉNÉRALES. 


A!!»Keitibi<''e  séiici'Hle  «lu  Jeudi    t9  lléccnibre   lfH>7. 


Présidence  de  M.  Ehnkst  XICOLLK,  Président. 


La  séance  est  Oîiverte  à  huit  heures  et  demie. 

Prennent  placo  au  Bureau  :  MM.  Auguste  Cre|iy,    Eugène  Vaillant,   Henri  Beau- 
fort,  Cantineau,  Eeckman.  Fiévet,  (iodin,  Levé. 
S'excuse  M.  Schoismans. 
Le  procès-verbal  de  la  séance  du  .Jeudi  17  OoKjbre  est  adopté. 

Adiif'-sions  /loitrelles.  —  La  li^ie  des  3U  membres  admis  par  le  Comité  d'Études 
dans  ses  séances  du  12  Novembre  et  du  6  Décembre  figure  à  la  suite  du  présent 
procès-verbal. 

NécffAoijie.  —  Les  décès  suivants  ont  été  signalés  : 

MM.  le  Lieutenant-Colonel  Duminy. 

le  D"^  Folet. 

Florian  (iennevoise. 

Frédéric  Reuflet. 

Jules  Romey. 

Emile  Rouzé. 

Désiré  Suin. 
M'""   Veuve  Sébert. 

Le  Président  exprime  ses  regrets,  ils  s'étendent  à  la  perte  de  M.  Turquan, 
conférencier,  dont  le  souvenir  est  resté  à  la  Société.  Les  membres  de  l'Assemblée 
s'unissent  aux  paroles  du  Président. 

Concours.  —  La  correction  des  travaux  a  eu  lieu,  et  de  nombreuses  récompenses 
sont  destinées  aux  lauréats  ;  elles  leur  seront  distribuées  en  Séance  solennelle  au 
mois  de  Janvier. 

2:i 


—  .>)4  — 

La  Commission  des  Goucoiirs  a  proposé  des  réformes  adoptées  par  le  Comité 
d'Etudes.  Celui-ci  a  décidé  la  suppression  du  Concours  de  géographie  militaire  par 
suite  du  changement  du  plan  des  études  pour  les  candidats  à  Saint-Cyr.  Il  a 
adopté  d'autre  part  une  organisation  nouvelle  du  Concours  de  géographie  commer- 
ciale pour  l'adapter  à  des  besoins  nouveaux.  Ce  dernier  comprendra  deu.x  séries, 
la  première  réservée  aux  employés  du  commerc  et  de  l'industrie  avec  un  prix  de 
cent  francs  et  une  Médaille  d'argent  ;  la  seconde  pour  les  élèves  des  écoles  profes- 
sionnelles, industrielles  et  commerciales,  avec  des  volumes  d'une  valeur  de  cent 
francs  au  choix  du  lauréat  et  une  Médaille  d'argent. 

Des  félicitations  et  des  remerciements  ont  été  votés  par  le  Comité  d'Études  pour 
le  zèle  et  le  talent  avec  lesquels  leur  mission  a  été  remplie,  à  M.  Godin,  Président, 
MAI.  Mercliier,  l'Abhé  Lesne  et  Demangeon,  correcteurs  des  copies  des  concur- 
rents, M.  A.  Levé,  qui  a  projxisé  les  changements  décrits  et  aux  autres  membres  de 
la  Commission  des  Concours. 

Ciinfi-rriices.  —  Eu  voiri  l'énumération  : 

Dimanche  20  Octobre.  —  M.  iJourdaric  :  La  Franci'  nu  Maroc. 

Jeudi  24  Octolire.  —  Mgr  Lavest  :  Le  Koiimui-Si. 

Dimanche  27  Octobre.  —  Mgr  Phares  :  L'i  Syrie,  h-  Liba/i,  les  Maronites,  la 
France  au  Liban. 

Jeudi  31  Octobre.  —  M.  E.  Gallois  :   C(>iij>  d'œil  .tiir  l' Amérique  du  Sud. 

.hMidi  7  Novembre.  —  M.  le  Lieutenant  Lanrezac  :  La  Normandie. 

Dimanche  10  Novemijre.  —  M.  l'Abbé  Auguste  Coupé  :  Le  long  de  In  Loire.  — 
La  rcnaissaiice  arcliilec(ur(de. 

Dimanclie  17  Novembre.  —  M.  Desdevises  du  Dézert  :  La  CaUdonne  acluelle. 

Jeudi  21  Novembre.  —  .M.  le  Commandant  Esperandieu  :  Alesia. 

Jeudi  28  Novembre.  —  M.  Bertier  :  L'éducation  nouvelle  en  Eurojje. 

Dimanclie  1'''  Décembre.  —  M.  le  D'  Rivet  :  Les  Tu/liens  de  la  llépubliqiie  de 
l'Equalrui-. 

Dimanclie  8  Déceml)re.  —  M.  le  Lieutenant-Colonel  Bernard  :  Les  origines  et  le 
règleiia-nf  de  la  question  siamoise. 

DiuiaïK'he  1")  Décembre. —  M.  le  Commnudantde  Lacoste  :  Autour  de  l'Afghanistan 
par  le  Karalioroum  et  le  petit  Tibet . 

Excursions.  —  M.  Cantineau,  secondé  par  M.  Decramer,  a  conduit  aujourd'hui 
même,  dans  l'ajirès-midi,  42  de  nos  collègues  visiter  l'École  des  Arts-et-Métiers, 
avec  son  entente  et  son  habituel  dévouement.  11  en  revient  avec  des  éloges  pour 
l'École  et  des  sentiments  reconnaissants  pour  l'accueil  réservé  à  l'excursion  par 
notre  collègue  M.  Corre.  L'éminent  Directeur  a  su  mettre  son  École,  la  plus  jeune 
parmi  les  cinq  de  France,  celle  d'Angers  datant  de  plus  d'un  siècle,  dans  la  voie  de 
la  prospérité.  Elle  fait  honneur  à  Lille  sous  tous  les  rapports,  grâce  à  la  compé- 
tence de  son  Directeur  dans  son  agencement  et  son  organisation. 

Concours  de  Ski.  —  Une  lettre  du  Club  Alpin  nous  a  annoncé  l'ouverture  de 
ces  épreuves  (|ui  ont  leur  but  utile  pour  animer  l'e.xistence  des  montagnards  pen- 


—  .iôô  

dant  l'hiver,  outre  le  nltUe  plaisir  qu'elles  procurent  aux  amateurs  de  ce  sport.    Le 
Comité  d'Etudes  a  voté  un  prix  de  30  francs  destiné  à  les  encourager. 

Loiis  à  la  Bibliotlièqiii-.  —  M.  le  (Colonel  de  Lartigues  lui  a  offert  un  exemplaire 
de  son  rapport  sur  les  opérations  qu'il  a  dirigées  au  Soudan  français  contre 
Samorv. 

MM.  Quarré  fils  nous  ont  fait  don  de  divers  ouvrages  provenant  du  respecté 
M.  Quarré-Reybourbon. 

Des  remerciements  ont  été  adressés  aux  donateurs. 

Voiuiiumicution.  —  Le  Congrès  Arcliéologique  d'Avallon  par  M.  All)ert  Levé, 
membre  du  Comité  d'Ktudes. 

M.  Lové  trace  avec  talent  un  tableau  séduisant  de  la  contrée  qu'il  a  visitée,  et  en 
particulier  de  ses  monuments.  C'est  de  la  géographie  très  détaillée,  que  cette  des- 
cription des  œuvres  de  la  construction  avec  les  applications  historiques  qui  s'y 
joignent.  Son  compte  rendu,  publié  prochainement  dans  le  Bulletin,  permettra 
d'apprécier  son  exposé  comme  il  le  mérite. 

M.  Levé  annonce  la  réunion  du  Congrès  en  Normandie,  dans  la  région  de  Caen, 
si  bien  partagée  en  curiosités  archéologiques. 

Le  Président,  en  le  remerciant,  exprime  l'espoir  que  la  Société  jouira  encore  des 
obseiTations  de  l'orateur  au  sujet  d'un  pays  qu'il  doit  connaître  et  estimer  à  sa 
ju.ste  valeur,  étant  Normand  d'origine. 

Elections.  —  Le  Président  annonce  qu'il  a  reçu  la  déniission  de  deux  membres 
du" Comité  d'Etudes  après  leur  départ  de  Lille.  Celle  du  Général  Lebon,  qui  avait 
bien  voulu  s'associer  aux  travaux  de  la  Société  et  y  apporter  sa  connaissance  des 
choses  géographiques  puisée  dans  sa  mission  au  Japon  et  cultivée  depuis  par  une 
attention  et  une  étude  constantes  et  qui  nous  a  témoigné  du  regret  de  nous  quitter. 
Celle  An  Docteur  Eustache,  notre  dévoué  collaborateur  pendant  longtemps.  Tous  se 
rappellent  ses  humoristiques  conférences  dont  nous  ne  serons  fias  totalement 
sevrés,  il  nous  en  donne  l'espoir.  L'un  et  l'autre  restent  membres  de  la  Société, 
nous  leur  avons  fait  savoir  combien  le  Comité  serait  privé  de  leur  collaboration  si 
entendue  et  si  précieuse  et  de  rapports  si  cordialement  courtois. 

Fm  joignant  à  ces  deux  vacances  la  place  laissée  par  M.  Raymond  Théry,  le 
noml)re  des  membres  du  Comité  à  élire  est  porté  à  trois,  outre  le  renouvellement 
triennal  de  dix  membres. 

Il  est  procédé  d'abord  aux  élections  de  trois  membres:  elles  donnent  les  résultats 
suivants  : 

M.  Douxami,  Professeur  de  Géologie  *à  la  Faculté  des  Sciences  et  M.  le  Docteur 
Desplats.  Professeur  à  l'Université  Catholique,  remplacent  M.  Raymond  Théry  et 
M.  le  Docteur  Eustache,  et  prenant  leur  tour  seront  soumis  à  la  réélection  au  mois 
de  Décembre  1908. 

M.  le  Général  Chamoin,  Commandant  la  première  division  d'infanterie  est  égale- 
ment élu  en  remplacement  du  Général  Lsbon,  et  ses  pouvoirs  vont  jusqu'en 
Décembre  1909. 

Vient  ensuite  le  renouvellement  triennal  de  dix  membres  : 

M.M.  H.  Beaufort,  Auguste  Boute,  Auguste  Crepy,  Decramer,  V.  Delahodde, 
Marcel  Delaune,  l'Abbé  Lesne,  Albert  Mercliier,  Ernest  NicoUe,  Eugène  Vaillant 
sont  réélus  jusqu'à  la  fin  de  1910. 

Le  Président  félicite  la  Société  d'élections  (jui  lui  assurent  le  concours  de  membi'es 


—  :35(>  — 

du  Comité  dont  let;  plus  nombreux  ont  fait  leurs  preuves  et  dont  les  trois  Uduveaux 
élus  sont  si  bien  qualifiés  pour  prendre  part  à  ses  travaux. 

La  séance  est  levée  à  neuf  lieures  et  demie. 


MEMBRES. NOUVEAUX  ADMIS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE 
DU   17  OCTOBRE   1907. 


N<«  dïns-         MM. 
cription. 

48U6.     Boussemart-Deffrknnks,  projiriétaire,  105,  rue  Blanchemaille,  Roubaix. 

Présentés  par  MM.  Boidetujer  et  Cléty. 
48! )7.     BoNNiKR  (Veuve  Paul),  12,  avenue  des  Lilas. 

3/mc  Alfred  Maqiiet  et  Ernesl  Xicol/c 
4898.     YouNn,  négociant,  10,  rue  du  Général  Béziat,  Lambersart. 

E.  Masse  et  3/oiio  Oxtoby. 
48ÎKJ.     S<;.\Mi's  (Charles),  41,  rue  de  la  Redoute,  Roubaix. 

_l/ine  É,)iif,>  Picavet  et  Léo)t  Goiibe. 
4UO0.     QuERLEU  (Kugéne),  employé,  10,  rue  d'Knnetièi"es. 

Jada  et  Pierre  Decroix. 
4001.     Der.nonc.ourt,  rentier,  115,  rue  Pierre-Legrand. 

.1.  Lelen  et  G.  Collette. 

4902.  Degcillaume,  prof,  à  l'École  nationale  des  Arts  et. Métiers,   43,   rue  Roland. 

1/mc  Hadu't  et  .1/°""  Six. 

4903.  Arthaid,  04,  rue  Roland. 

Pierre  Decroir  et  Vilain. 

4904.  Fi.ament  (Georges),  percepteur,  à  Cassel. 

Paul  Meyer  et  Adulplie  Meyer. 

4905.  Laisné,  18,  rue  Guillaume- Werniers. 

Auguste  Crepy  et  Alp/ionse  Tys. 
490(1.     BiYsE  (René),  employé,  3,  rue  Vernet,  La  Madeleine. 

3/1110  }£(frtinache  et  Gras. 

4907.  Versmée  (M"""),  55,  rue  Négrier. 

Coujjy  et  iW"»  Martinache. 

4908.  DE  Lavallée  (Joseph),  ingénieur  à  la  Société  Amylo,  60,  rue  du  lî  .Juillet, 

Seelin. 
li.  Collette  et  Henri  Bemifort. 

4909.  Laurent  (EugAne),  directeur  de  filature,  25,  rue  Chanzy,  Roubaix. 

Bipper  et  Grandsir. 

4910.  Couquerque  (Auguste),  24,  rue  Vauban,  Roubaix. 

Boule)iger  et  Craveri. 

4911.  i>E  Prat  (M"'«  Armand),  l(j7,  rue  Princesse, 

Arthur  Delerue  et  P.  Heiadrichx. 

4912.  Castel  (Arsène),  propriétaire,  Grande-Route  de  Béthune,  Loos. 

Decramer  et  Lepers. 


N«d'ins-         .\[\[. 
cription. 

4U1.).     griM  (Dm,  111,  n;o  ^(jlfôrino. 

Decroni'r  et  V/'/cnfùi. 

4914.  Lksl  R  (Kmile),  rue  des  Vosges,  Ruiibaix. 

7?.  Boaleiifjer  et  i'Ai-tij. 

4915.  Biiri'.iKz  (Albert),  expein  chimiste,  105,  rue  Jacquemars-Giélée. 

Ernest  Sicolle  et  Henri  Beanfurt. 
491().     L'ii  HKKT  (M'""),  (Jirei-irice  d'école,  1(5,  rue  Philippe-de-Gouiines. 

Melle  Oiisomer  et  J/"""  Martin. 

4917.  Fi.muin  (Charles),  négociant  en  tissus,  70,  rue  Inkennann,  Ruuijaix. 

lioiilea(jer  et  Louis  Lesar. 

4918.  Dliiulkmaht  (M""),  12,  place  de  Strasbourg. 

.l/™"^  Gossart  et  /c  D'  Yer>nersrh. 

4919.  Iin;:i;/.  (Paul),  employé,  41,  rue  DenCert-Rochereau. 

Kf'llcr  et  Boncqiieij. 

4920.  LwiHi.N  (D'j,  2*.*,  rue  Hrùle-Maisoii. 

lie)t<'i  Carton  et  Emile  Poil  et. 
\\yi\ .     F\i;(^ri:s  (Pierre),  employé,  13,  rue  des  Ponts-de-Coniines. 

Lichens  et  Merchier. 
'i\ysi.     LKni-:i4ut;  (Fernand),  étuduuit,  104,  rue  Boucher-de-Perthes. 

Momie  et  Pontkiea. 
49:^.}.     Paktiot  (le  Capitaine),  onicier  d'ordonnance  du  Général  gouverneur  de  Lille, 

51,  boulevard  Vauban. 

Général  liobert  et  Lieutenant  Le  Snr. 
V.L^i.     Mahkt  i.l.-B.),  instituteur  a  Péronne-en-Mélantois. 

Avili  Ile  Dnbrencq  et  Xiqnet. 
4925.     ANiiKii:r  (A.),  négociant  en  lers,  KiCi,  rue  Barthélémy-Delespaul. 

Watfel  et  Henri  Beanfort. 
492').     TiMMKHMAN.N.  aiuaclié  à  l'exploitation  du  chemin  de  fer  du  Nord,  à  Lille. 

.Klltintaz  et  Ainjnsle  Sclnifsnifins. 

4927.  ^Ai.K.  Pr.iviseiu'  du  Lycée  Faidherbe. 

Merchier  et  Prélat. 

4928.  BiidiTA  (Veuve),  102,  boulevard  de  la  Lii)ertj. 

0.  (îo  Un  et  D'  Hoci.sfetter. 

4929.  Dkshnoy-François  (Gérv),  projjriétaire,  14,  rue  (Tambetta,  Haubuurdin. 

Paul  d' Ha 'lui a  et  Henri  Beanfort. 

4930.  BfKEAU  (François),  projjriéiaire,  122  bis.  rue  de  Lille,  St-André-lez-Lille. 

Louis  De/iersin  et  Henri  Beanfort. 

4931.  O.AKiHiT  (.Iules),  111,  rue  Brûle-Maison. 

A.  I^egrain  et  Henri  Beanfort. 
49.'-î2.     m;  Fklix  (le  Golunel),  directeur  du  (i-nie  au  Fort  St-Sauveur. 

De  Laiinuy  et  Anguste  Bonté. 
49Î.3.     Martine  ((îaston),  négociant,  15,  rue  de  Roubaix. 

Ernes!  XicoUe  et  Henri  Beanfort. 
4'.i34.     .\fALAQriN,  Professeur  à  la  Faculté  des  Sciences,  218  ter.  rue  Solférin.o. 

Entjène  Vaillant  et  ('anlinean. 


—  .S58  — 


LIVRES    ET    CARTES 
REÇUS  OU  ACHETÉS  DEPUIS  L'ASSEMBLÉE  GÉNÉRALE   DU    17   OCTOBRE    1907. 


]^  I  V  R  ES. 


1°   DONS. 


Institution  St-Jude  à  Arm entières.  —  Vingt-cinq  ans  !  1882-lî)()7.  Annuaire-souvenir. 

Lille,  Miieght  et  C'^  1907,  2  exemplaires.  —  Bon  de  M.  l'Abbé  Lamoat. 
Rapport  du  chef  de  bataillon  de  Lartigue,  commandant  la  région  du   Sud,   sur  les 

opérations  qui  ont  amené  la  prise  de  Samory,  190."^.  —  Don  de  l'Auteur. 
Pasteur  (l'œuvre,  l'iiomnie,  le  savant),  par  Faidot.  Paris,  \"uibert  et  Nony.   —  Do>i 

des  Éditeurs. 
L'Océanographie,  par  le  D'  Richard.  Paris,  Vuibert  et  Nony.  —  Don  des  Editeurs. 
La  Côte  d'Argent  (partie  méridionale),  par  Maurice  Martin.  Bordeaux,  Gounouilhou, 

1907.  —  Don  de  l'Atileiir. 
Bruges  et  ses  environs.  Bruges,  Desclée  de  Brouwer,  1884.  —  Don.  de  MM.  Qiiarrê. 
Anvers  et  ses  faubourgs.  Bruges,  Desclée  de  Brouwer.  —  Id. 
Tournai  et  Tournaisis.  Bruges,  Desclée  de  Brouwer,  188'i.  —  Id.  ' 
Guide  descriptif  illustré  de  la  côte  de  Flandre  et  des  plages  de  la  mer  du  Nord,  par 

Jean  d'Ardenne.  Bruxelles,  Mertens,  1888.  —  Id. 
Guide  Joanne.  Lyon,  18S8-1889.  —  Id. 

La  Grande  Chartreuse,  par  un  Cliartreux.  Lyon,  1889.  —  Id. 
Autun  et  ses  monuments,  par  Harold  de  Fontenay.  Autun,  1889.  —  /(/. 
San  Sébastian.  Notes  de  voyage  par  Adrien  Planté.  Pau,  188^-  —  Id. 
Vichy  historique.  Vichy,  1869.  —  Id. 

L'île  St-Layare  et  le  couvent  arménien,  par  Issaverdenz.  Venise,  1879.  —  Id. 
Raulin,  médecin  ordinaire  du  Roi.  Extraits  réimprimés  d'après  les  premières  édi- 
tions par  la  maison  Quantin.  Paris.  —  Id. 
Histoire  du  château  de  Chàteaudun,  par  Coudray.  Chàleaudun,  1893.  —  Id. 
Légendes    et   nouvelles    bourbonnaises ,    par   Joseph    Bonneton.    Paris,    Lemerre, 

1877.  —  Id. 
Histoire  de  Saint-Point,  par  Lex.  Maçon,  1898.  —  Id. 
Notes  historiques  sur  le  vieux  Maçon,  par  Guerrie.  Maçon,  1896.  —  Id. 
Histoire  de  Wenduyne-sur-Mer,  par  Eug.  Roche.  Bruges,  Daveluy,  1892.  —  Id. 
Histoire  de  Gassel,  par  Fourneris.  Cassel.  —  Id. 
Les    Catacombes    romaines.    Cimetière    de    St-Galixle,    par  l'Abbé    Nortel.  Rome, 

1888.  —  Id. 
Louvain.  Guide.  Louvain,  1873.  —  Id. 
Guide  pittoresque  du  voyageur  'en  Touraine.  Tours.  —  /(/. 
Notice  sur  la  station  de  Chartres,  par  A.  Moutié.  Chartres,  1900.  —  Id. 
Cluny,  la  ville  et  l'abbaye,  par  Peujon.  Cluny,  1884.  —  Id. 


—  35!)  —     . 

Littoral  belge  de  Knooke  à  la  Panne,  par  Heiny.  Gand,  Hoste,  1(S87.  —  Id. 
Description   de  la   Gatliédrale,   des   vitraux   de  Rourges,   par  l'Abbé  Barreau,  (^hà- 

teauroux,  1885.  —  Id. 
Voyage  en  Bourbonnais,  Moidins,  Neris,  Vicliy,  par  L.  Nadeau.  Vicby,  INTO.  —  1,1. 


S»  ACHATS. 

Espagne  (Impressions  de  voyage  et  d'art),  par  Henri   Guerlin.   Tours,   Manie,  1!X)7. 


}  }.    —    Partes. 

DONS. 

L'Année    cartographique.    Supplément   annuel    (17"   année),    par    Schrader.  Paris, 

Hachette  et  G'"'.  —  Don  des  Editeurs. 
Environs  de  Ghamonix,  extraits  de  la  Garte  du  massif  du  Mont  Blanc  à  l'éclielle 

de  1/20. 000".  —  Feuille  provisoire  dressée  par  Henri  Vallot. —  Don  de  M.  Bar- 

rèi'e.  Editeur. 


GRANDES  CONFÉRENCES  DE  LILLE 


Séance  du  Dimanche  17  Nocenibre  1907. 


LA  CATALOGNE   ACTUELLE 

Par  M.  DESDEVISES  DU  DÉZERT, 

Doyen   de   la    Faculté    des    Lettres   de    Glermont-Ferrand. 


COMPTE  RENDU  ANALYTIQUE 


La  conférence  de  M.  Desdevises  du  Dézert  a  été  remarquable.  Le 
conférencier  s'est  révélé  successivement  avec  des  qualités  d'historien, 


.  _  :r,{)  — 

d'économiste,  d'arlisle,  et,  ce  (jui  ne  gâte  rien,  (riiomnie  de  cœur.  On 
nous  l'avait  présenté  comme  l'homme  à  la  parole  captivante,  titre  que 
lui  conféraient  volontiers  ses  camarades  de  la  Sorbonne.  Ce  titre  est 
justifié,  car  il  a  réellement  tenu  sous  le  charme  de  sa  parole  facile  et 
éloquent*' les, nombreux  auditeurs  (jui  l'ont  vigciui'cusemenl  applaudi. 


La  Catalogne  est  une  des  régions  les  plus  intéressantes  de  l'Espagne. 
Non  seulement  elle  est  notre  voisine  physiquement,  mais  la  race  cata- 
lane a  quelque  communauté  d'origine  avec  la  nôtre.  N'appelait-on  pas 
autrefois  ses  habitants  les  Celtibériens.  Ils  furent  soumis  de  bonne 
heure  par  les  Romains  qui  durent  céder  à  leur  tour  le  pays  aux  Wisi- 
gotiis.  Au  V*  siècle  Barcelone  en  était  la  capitale.  Aux  Wisigoths  succé- 
dèrent les  Maures  en  l'an  712.  Bientôt  après  la  Catalogne  en  fut 
débarrassée  par  Charleuiagne  qui  la  réunit  à  son  empire.  Sous  ses 
faibles  successeurs  cette  possession  voisine  de  la  Gaule  féodale  ne  tarda 
pas,  comme  elle,  à  se  diviser  en  })etits  fiefs  indépendants  dont  le  prin- 
cipal fut  le  comté  de  Barcelone. 

En  1137,1e  comte  Raymond  Béran^er  s'unit  à  l'iiérilièrc  del'Aragon 
et  quand  vers  la  fin  du  XV*  siècle  l'Aragon  échut  à  la  Castille,  la 
Catalogne  devint,  par  le  fait,  partie  intégrante  de  la  monarchie  espa- 
gnole. Seuleuient  si  les  Catalans  acceptèrent  facilement  leur  nouvelle 
situation,  ils  ne  voulurent  jamais  abandonner  aucun  de  leurs  privilèges 
[fueros]  dont  ils  se  montrèrent  toujours  très  jaloux.  C'est  pour  les 
défendre  qu'en  10 il,  ils  se  révoltèrent  contre  Philippe  IV.  La  Cata- 
logne exaspérée  se  (h)nna  alors  à  Louis  XIII  ({ui  la  tit  occuper  par  nos 
troupes  jusqu'en  16.50.  Sous  I  ouis  XIV,  de  1694  à  1697,  nouvelle 
occupation.par  les  armées  françaises.  Chose  curieuse,,  la  Catalogne  qui 
nous  avait  désirés  à  plusieurs  reprises  résista  à  Piiilippe  V,  petit-fils  ch' 
LoutsXIV.  Elle  se  battit  contre  la  République  française,  elle  lutta 
contre  Napoléon  !  Elle  résista  au  XIX*  siècle  à  Espartero,  le  champion 
de  la  monarchie,  même  quand  il  eut  reçu  le  titre  de  duc  de  la  Victoire  ! 
En  résumé,  la  Catalogne  est  restée  toujours  fidèle,  d'abord  à  elle-même, 
puis  à  la  Couronne  d'Espagne.  Elle  ne  s'est  soulevée  que  lorsqu'elle  se 
sentait  atteinte  (hins  ses  dr(Mts  et  ])rivilèges. 

La  Catalogne  était  autrefois  ch'jà  fort  florissante,  mais  elle  avait 
beaucoup  perdu  en  temps  de  troul)les  et  surtout  pendant  la  guerre  de  la 
Succession  d'Espagne.  Tout  parut  même  en  ce  mom(>nl  compromis, 


—  :m  — 

iiulis  lii'âco  i\  l'énergie  exceptionnelle  de  ses  lui])itants,  la  (l;iUilognt'  a 
rer()n([uis  sa  situation  j)rtMuière.  Elle  l'a  même  dépassée  de  beaucoup  à 
l'iK'ure  actuelle,  car  c'est  bien  la  région  la  plus  riche  et  la  plus  jxMiplée 
de  l'Espagne. 

1  a  langue  catalane  est  la  lleiKinti  leniosina.  dialecte  de  langue  d'oc, 
moins  sonore,  mais  moins  monotone  (pie  l'espagnol.  Au  lieu  d'avoir 
comme  celle-ci  ces  désinences  n,  a.  os.  as. ,  si  rréqu(?ntes  et  si  mono- 
tones, elle  possède  une  foule  de  terminaisons  variées  qui  en  l'ont  une 
langue  plus  agréable  à  écouter.  Aussi  ceux  qui  parlent  l'espagnol,  le 
madrilène  ou  le  castillan,  par  exemple,  comme  aussi  les  étrangers  qui 
ont  appris  l'espagnol  classique  ne  comprennent  pas  les  Catalans.  Au 
contraire,  un  paysan  du  Limousin  et  d'une  manière  générale  un  Lan- 
guedocien ou  un  Provençal,  mis  en  [)résence  d'un  Catalan,  se  com- 
prennent. C'est  qu'en  elFet  la  langue  est  plus  française  qu'espagnole, 
elle  dérive  en  un  mot  de  la  langue  d'oc  (|ui  est  parlée  couramment  dans 
le  Midi,  et  les  Catalans  appellent  eux-mêmes  leur  langue  la  limoumne. 

Voici  donc  encore  un  nouveau  point  de  commun  avec"  nous.  Egale- 
ment au  j)hysique  le  Catalan  nous  ressemble  quelque  peu. 

Comparons-le  par  exemple  à  un  Aragonais.  Ce  dernier  est  plutôt 
grand  pour  un  Espagnol.  Il  est  avec  cela  maigre,  osseux,  et  il  a  en 
outre  dans  les  traits  quelque  chose  qui  rappelle  l'Indien,  une  certaine 
raideur  et  une  impassibilité  enfin  ({ue  nous  ne  retrouvons  pas  chez  le 
Catalan.  En  tout  celui-ci  d'ailh'urs  lui  dilfère,  ce  (pii  le  rend  plus  sem- 
blable à  nous. 

Le  Catalan  est  plus  ouvert,  plus  li-availleur  ;  il  aime  la  richesse  et  la 
li])erlé  ;  il  est  moralement  l'antithèse  vivante  de  l'Espagnol  en  général. 
Comparons  seulement  à  ce  point  de  vue  le  Catalan  et  le  Castillan.  Que 
fait  ce  dernier  ?  Riche,  il  est  grand  seigneur,  possède  à  fond  l'art  de 
ne  rien  faire,  se  pavane  dans  les  rues,  fier  et  dédaigneux,  semblant 
semer  derrière  lui  la  noblesse  qui  émane  de  sa  personne.  Le  pauvre, 
lui.  ([ui  n'a  rien  à  dépenser,  ne  travaille  pas  davantage.  Il  vit  de  peu 
\)n\\v  III'  [las  dire  de  rien.  Il  n'est  pas  de  si  petit  personnage  qui  n'ait, 
aussi  bien  ((ue  les  grands,  cette  noble  fierté  qui  les  distingue  tous. 

S'il  faut  en  croire  les  C^latalans,  la  teri-e  catalane  comprend  le  Rous- 
sillon,  la  Catalogne,  Valence,  les  îles  Baléares  et  quelques  districts  de 
la  Sai'daigne.  En  réalité,  la  région  dénommée  Catalogne  est  divisée 
en  (piatre  provinces  :  Barcelone,  Tarragone,  Lerida  et  Girone.  Située 
au  Nord-Est  de  l'Espagne,  elle  a  pour  limites  au  Xord  les  Pyrénées,  à 
l'Ouest  r Aragon,  au  Sud  la  province  de  Valence  et  la  Méditerranée  à 


—  :îf)2  — 

l'Est.  Sa  l'orm»^  est  n  pou  près  celle  d'un  triangle  rectangle  dont  le 
littoral  méditerranéen  serait  l'hypoténuse.  Quant  à  la  race  catalane, 
elle  occupe  une  superficie  plus  grande  que  la  Catalogne.  Elle  déborde 
partout,  dans  les  régions  limitroplies,  en  France  même  dans  le  Rous- 
sillon  et  on  la  retrouve  encore  dans  les  îles  Baléares. 

La  Catalogne  est  couverte  de  montagnes  formant  un  ensemble  si 
complexe  que  les  armées  de  Napoléon  s'y  perdaient.  Elle  ne  présente 
des  plaines- qHp.],e  long  de  son  littoral  et  dans  les  étroites  vallées  de 
l'Ébre  et  de  ses  nombreux;  affluents.  Ces  cours  d'eau  gagneraient  à 
être  reliés  par  des  canaux.  Il  y  en  a  déjà  qui  sont  projetés  depuis  le 
règne  de  Charles-Quint  et  on  les  attend  encore.  La  question  est  toujours 
à  l'étude.  Laissons-là  mûrir,  disent  les  Espagnols.  Il  en  est  souvent 
ainsi  de  beaucoup  de  leurs  brillants  projets  ;  en  attendant  des  milliers 
d'hectares  scmt  perdus  pour  l'agriculture. 

Malgré  tout,  la  Catalogne  est  une  province  fort  riche.  Elle  fait  l'éle- 
vage des  moutons  et  des  chèvres  dans  les  Pyrénées,  des  bœufs  dans  ses 
plaines,  elle  cultive  les  céréales  (hins  les  plaines  d'Urgel  et  produit 
dans  le  Sud  des  fruits  du  Midi.  Il  y  a  en  somme  de  tout  sur  son  sol 
fertile,  il  y  a  même  encore  quelques  brigands  dans  ses  montagnes,  de 
quoi  donner  enfin  du  fil  à  retordre  à  la  gendarmerie,  la  bien  méritante, 
comme  on  l'appelle  là-bas  à  juste  titre.  La  Sierra  donne  aussi  asile  à 
quelques  âmes  pieuses.  On  y  trouve  des  couvents  retirés  comme  au 
Montserrat,  situé  à  l'Ouest  de  Barcelone.  C'est  une  des  excursions  qu'il 
ne  faut  pas  manquer  de  faire,  étant  à  Barcelone,  c'est  même  une  des 
plus  intéressantes  de  toute  l'Espagne. 

En  dehors  de  ses  richesses  naturelles,  la  Catalogne  a  voulu  encore 
s'en  créer  d'autres  par  son  activité.  De  vastes  usines  s'y  sont  éleA'ées. 

Barcelone  et  ses  faubourgs  sont  devenus  un  très  grand  centre  indus- 
triel. Il  est  renommé  par  ses  fonderies,  serrureries  d'art,  ferronneries 
merveilleuses,  sa  fine  carrosserie,  ses  filatures,  par  ses  habiles  cons- 
tructeurs, ses  admirables  mosaïstes,  ses  tissus,  son  ébénisterie,  ses 
chaussures,  ses  draps,  ses  soies  et  ses  dentelles.  Pas  moyen  presque 
pour  nos  voyageurs  d'y  placer  quelque  chose,  tout  y  est  à  meilleur 
marché  que  chez  nous.  Les  ouvriers,  encore  trop  nouveaux  venus  des 
campagnes  environnantes,  n'ont  pas  les  mœurs  des  nôtres  et  travaillent 
à  bon  marché.  Jamais  il  ne  leur  est  venu  à  l'idée  de  se  mettre  en  grève. 
Les  industriels  réalisent  de  fort  beaux  bénéfices  et  ne  se  contenteraient 
pas  de  gains  ordinaires  comme  beaucoup  chez  nous.  On  cite  là-bas  un 
industriel  qui  faisait  80.000  francs  de  bénéfices  nets  et  qui  préféra  cepen- 


—  3()::i  — 

(laiit  l'ermor  soii  usine,  ne  voulant  pas  travailler  poui-  si  peu.  Le  proci'-dé 
est  un  peu  barbare  pour  les  ouvriers,  nmis  il  nous  montre  quel  l'st 
l'état  d'esprit  des  patrons  catalans. 

liarcelom'  est  aussi  renommée  pour  ses  produits  alimentaires,  ses 
vins,  ses  alcools.  Elle  a  des  imprimeries  modèles,  des  ateliers  de  sculp- 
ture, fabrique  des  instruments  de  musique.  Rien  n'y  manque.  Elb^ 
voudrait  faire  chez  elle  une  exposition  que  ses  seuls  produits  y  suffi- 
raient largement,  tandis  que  quand  Madrid  voulut  avoir  son  exposition, 
son  industrie  locale  faisait  bien  peu  d'effet  et  s'est  trouvée  absolunKMit 
éclipsée  par  les  produits  des  exposants  français  et  allemands. 

Du  reste  Madrid,  située  au  milieu  d'un  véritable  désert  par  650  mètres 
d'altitude,  sans  eau  ni  houille,  ne  semblait  point  jirédestinée  à  devenir 
une  ville  industrielle.  Avec  sa  population  actuelle  elle  serait  vouée  à  la 
famine,  si  les  chemins  de  fer  n'étaient  pas  là  pour  la  ravitailler  sans 
cesse.  La  capitale  de  l'Espagne  compte  environ  510.000  habitants. 

Barcelone,  grâce  à  sa  situation  exceptionnelle  et  à  la  prodigieuse 
activité  de  ses  habitants,  dont  le  chiffre  officiel  de  population  est 
1.50.000  habitants,  ne  tardera  donc  pas  à  dépasser  Madrid.  L'agglomé- 
ration urbaine,  jointe  à  celle  des  faubourgs,  atteint  plus  de  600.000 
âmes. 

Barcelone  a  bien  les  allures  d'une  capitale.  11  suffit  pour  s'en  con- 
vaincre dé  parcourir  la  rmnbla,  ce  large  boulevard  qui  traverse  l'an- 
cienne ville  de  la  plaza  de  la  Paz,  ornée  du  monument  de  Christophe 
Colomb,  à  la  rambla  de  Cataluha.  Il  y  règne  une  animation  extraor- 
dinaire, surtout  le  dimanche.  C'est  un  va  et  vient  perpétuel,  on  dirait 
une  ville  en  fête.  Rien  n'y  manque  sur  cette  rambla,  pas  même  les 
bombes  !  C'est  le  progrès  qui  voudrait  cela,  il  faudra  s'y  habituer  ! 

L'ancienne  ville  possède  une  cathédrale  qui,  sans  être  de  style  fort 
recherché,  n'en  est  pas  moins  remarquable  par  la  noblesse  de  ses  lignes. 
Son  Palais  de  Justice  est  aussi  curieux  à  visiter.  On  remarque  dans  la 
cour  du  palais  des  colonnettes  si  grêles,  que  l'on  a  peine  à  croire 
qu'elles  ne  sont  pas  en  fer,  et  surtout  une  voûte  d'escalier  d'une  très 
grande  portée  et  cependant  d'une  solidité  à  toute  épreuve,  malgré  son 
apparente  légèreté.  C'est  une  spécialité  des  architectes  catalans. 

Un  joli  parc  remplace  l'ancienne  Citadelle. 

Autour  de  l'ancienne  ville  les  Rondas  marquent  l'emplacement  des 
anciennes  fortifications.  Barcelone  délivrée  à  jamais  de  cette  entrave 
aux  développements  des  villes,  a  pris  depuis  une  extension  considé- 
rable. La  nouvelle  ville  tracée  en  échiquier  occupe  un  emplacement 


—  mi  — 

<-iii(I  fois  plus  ^rjind  ([uo  runcionne  et  voici  (|iroll(>  monte  à  l'assaut  des 
hauteurs  environnantes. 

On  dirait  une  nouvelle  Syracuse,  rien  dt>  plus  gracieux  ({ue  de  voir 
des  hauteurs  du  Mouijuicli  ces  villas  roses,  jaunes,  oranges,  qui  s'étagent 
en  un  joli  pêle-mêle  sur  leur  coussin  de  verthirc 

L'ascension  du  Til)idabo  est  égalenit^it  à  recommander  à  ceux  ([ui 
veulent  avoir  une  vut'  d'ensemble  sur  celte  immense  agglomération. 

Dans  la  nouvelle  villo  nous  renutrquerons  la  rambla  de  (lataluna  (|ui 
l'ait  suite  à  l'ancienne  rambla.  On  y  voit  le  monument  de  Guell,  le 
gi'aud  économiste  national.  Parallèlement  à  1  l'ambla  de  Cataluna  et 
s'étendant  de  la  plaza  de  Cataluna  au  laul)ourg  de  (iracia  se  trouve  le 
paseo  de  (rracia,  magnifique  et  large  avenue  bordée  d'une  quadruple 
rangée  d'arbres.  C'est  surtout  dans  ces  avenues  que  Ton  peut  juger  de 
la  magnificence  des  constructions  ])articulières  où- l'on  a  prodigué  le 
marbre  et  le  granit  rose.  Barcelone  est  un  véritable  centre  artistique. 
Dans  quelques  paseos,  il  y  a  des  motifs  d'architecture  fort  ridicules,  de 
mauvais  goût,  invraiseml)lal)les  mènu',  mais  l'ensemble  n'en  est  pas 
moins  très  riche. 

L'Université  de  Bai'celone  compte  plus  d'un  millier  d'étudiants. 

Au  fauboui'g  de  Gracia  le  fils  du  bantiuier  Guell  a  aciieté  un  immense 
terrain  ({u'il  a  transformé  en  parc  entièrement  clos  d'une  enceinte  et 
placé  sous  la  surveillance  d'un  gérant.  Il  y  a  tracé  des  rues,  fait  exé- 
cuter des  viaducs  et  loules  sortes  de  travaux  d'art.  On  y  voit  la  repro- 
duction d'un  ihéâti-e  antique.  L'architecte  général  de  cette  création  est 
M.  Gaudi.  Les  gens  les  jilus  huppés  sont  admis  à  faire  construire  dans 
l'intérieur  du  parc  après  ap])robation  d'un  plan  qu'ils  doivent  soumettre 
au  préalable.  Ce  sera  un  des  coins  les  plus  riches  et  des  plus  pitto- 
resques du  nouveau  Barcelone. 

lie  ce  côté  la  nouvelle  ville  possède  une  jolie  église  qui  fait  j)artie  du 
monastère  de  hf.s  S'fk'sas  ou  des  Salésiennes  et  possédera  dans  un 
temps  donné  une  des  plus  grandes  merveilles,  l'église  de  la  Scf/raf/rr 
Fanulid  ou  de  la  Sainte  Famille.  L'architecte  est  encore  M.  Gaudi. 
Cette  église  ou  cathédrale  plutôt,  sera  en  granit  rose,  car  elle  n'est 
encore  exécutée  que  partiellement.  On  y  travaille  depuis  plusieurs 
années  et  bien  que  l'on  n'ait  fait  que  la  cinquième  partie,  elle  coûte  déjà 
trois  millions.  A  vrai  dire,  il  n'existe  pas  de  plan  général,  l'architecte 
qui  en  a  conçu  les  grandes  lignes,  ne  met  à  exécution  qu'une  partie  à 
la  fois  suivant  les  ressources  dont  il  dispose.  D'après  ce  qui  est  fait,  on 
peut  (l(''jà  juger  de  la  grandeur  de  l'entreprise.  '.  e  style  en  sei-a  gothique, 


—  ;^t)o  — 

miiis  d'un  guthi(jue  modernisé.  Ce  sera  d'un  mystique  absolument  pro- 
fond. En  voyant  certains  détails,  on  reste  d'abord  confondu  et  puis  à 
l'examen  tout  s'expli([ue  et  on  finit  j)ar  admirer  le  génie  qui  a  conçu  ce 
vérit  ible  poème  de  pierre.  Le  triple  portail  a  des  portes  par  exemple  à 
peu  près  aussi"  élevées  que  la  nef  principale.  Cela  ne  s'est  jamais  vu 
mais  on  devine  bientôt  la  pensée  de  l'auteur  :  l'église  voudrait  pouvoir 
embrasser  tout  le  genre  humain.  Par  place,  il  semble  aussi  au  premier 
abord  que  la  pierre  est  à  peine  dégrossie,  en  réalité  elle  représente,  ce 
(ju'on  ne  tarde  pas  à  reconnaître,  un  bloc  de  glace  en  fusion  sous  les 
chauds  rayons  de  l'amour  divin.  Rien  de  plus  émouvant  que  de  visiter 
ces  travaux,  surtout  quand  on  peut  le  faire  accompagné  de  M.  Gaudi, 
l'architecte.  Celui-ci  est  un  homme  simple  qui  ne  pense  nuit  et  jour 
(ju'à  sa  grande  œuvre,  ne  vit  que  pour  elle  et  cela  dans  la  plus  grande 
médiocrité,  bien  qu'il  n'ait  ({u'un  mot  à  dire  pour  obtenir  beaucoup, 
comme  chatte  fois  qu'il  le  fait  pour  son  église.  C'est  un  de  ces  grands 
artistes  de  la  Renaissance  revenu  parmi  nous,  semble-t-il.  Il  faut  aussi 
(>ntendre  avec  quel  enthousiasme  il  parle  de  Rome.  Cet  homme  qui  n'y 
a  jamais  mis  les  pieds,  peut  vous  en  causer  pendant  des  heures  entières 
comme  s'il  avait  tout  vu,  tout  étudié. 

Barcelone  est  aussi  un  centre  intellectuel  très  important.  Il  a  ses 
historiens,  tels  que  Boffarull,  Sampere  y  Miquel,  Pella  y  Forgas  ;  ses- 
romanciers,  comme  Victor  Cutula,  Joan  Rosello,  Iglesias;  de  fins 
poètes,  comme  Verdaguer.  —  Elle  a  surtout  des  auteurs  populaires 
comme  Russinol,  le  grand  auteur  dramatique  dont  le  conférencier  veut 
résumer  l'œuvre  : 

«Tout  entier  écrit  en  catalan,  .-o  théâtre  de  Russinol  apjtartient  exclu- 
sivement à  l'art  moderne,  sans  le  moindre  ressouvenir  de  l'art  classique 
espagnol  ou  de  l'art  romantique  français.  L'inspiration  en  est  absolu- 
ment libre,  et  l'observation  aiguë  de  la  réalité  s'y  allie  à  une  très  délicate 
et  poétique  fantaisie. 

C'est  par  là  même  que  ces  œuvres  nous  paraissent  le  plus  originales 
et  le  plus  attachantes. 

Rien  du  réalisme  grossier  qui  enchante  nos  auteurs  français  et  notre 
public  parisien.  Le  drame  catalan  se  passe  à  la  ville  ou  à  la  campagne, 
mais  jamais  en  un  lieu  absolument  précis  et  connu  ;  l'auteur  marque 
par  là  la  frontière  qui  existe  entre  la  banale  vie  quotidienne  et  la  vie 
de  l'imagination  ;  il  place  ses  personnages  dans  un  milieu  factice,  mais 
dont  tous  les  détails  sont  empruntés  à  la  réalité,  et  qui  vit  d'une  vie- 


—  :m  — 

fictive,  plus  puissante  et  plus  caractéristique  que  la  vie  ordinaire.  Ses 
acteurs  appartiennent  presque  toujours  aux  classes  populaires,  dont  il 
paraît  très  bien  connaître  les  idées  simples,  les  aspirations  confuses,  le 
langage  incorrect  et  pittoresque,  mais  jamais  sa  verve  ne  s'égare  jusqu'à 
la  brutalité  ou  à  l'ordure.  Il  ne  met  point  en  scène  que  de -petits  saints, 
il  présente  à  son  public  plus  d'un  type  vicieux  et  répugnant  ;  il  les 
peint,  sans  scrupuie,  tels  qu'ils  doivent  être  ;  mais  s'ils  vous  indignent, 
ils  ne  vous  dégoûtent  point.  Nous  ne  savons  si  la  bonne  éducation  géné- 
rale du  peuple  catalan  suffit  à  expliquer  ce  fait,  ou  s'il  faut  y  voir  un 
trait  du  goût  personnel  de  l'écrivain  ;  ce  qui  est  certain,  c'est  que  ce 
théâtre  populaire  et  réaliste  ne  s'encanaille  jamais. 

Il  est  probable  que  Russinol  n'est  pas  exempt  de  scepticisme  en  reli- 
gion ou  en  politique.  S<^s  pièces  ne  renferment,  pour  ainsi  dire,  aucune 
ïillusion  au  Gouvernement  ou  à  l'Eglise.  Le  mot  de  roi  n'y  est  pas 
prononcé  une  seule  fois.  Un  vicaire  de  paroisse  traverse  la  scène  dans 
Je  Malade  chronique;  c'est,  croyons-nous,  le  seul  prêtre  qui  figure 
parmi  les  personnages  de  l'œuvre. 

Les  questions  sociales  paraissent  intéresser  beaucoup  plus  vivement 
l'auteur  ;  mais  ses  pièces  ne  sont  jamais  des  pièces  à  thèses.  On  ne  le 
voit  ni  prêcher  ni  dogmatiser.  Il  touclie  à  beaucoup  de  problèmes 
sociaux  très  ardus  et  très  discutés,  il  les  présente  avec  une  telle  objec- 
tivité qu'il  est  impossible  de  connaître  i)ar  son  théâtre  ses  opinions  per- 
sonnelles en  matière  sociale. 

Homme  du  Midi,  il  fait  à  la  passion  une  large  place  dans  la  vie,  et 
sait  faire  parler  ses  femmes  de  façon  exquise  et  charmante  ;  cependant, 
l'amour  constitue  bien  rarement  le  fond  même  de  la  pièce  et  apparaît 
plutôt  comme  un  incident  dramatique  que  comme  le  principal  ressort 
de  l'action  théâtrale. 

Ce  (jui  fait,  à  notre  avis,  le  charme  j^articulier  de  l'œuvre  de  Rusinol, 
c'est  qu'on  se  sent  en  présence  d'un  art  absolument  sincère,  auquel  la 
rhétorique,  l'odieuse  rhétorique,  n'a  aucune  part.  C'est  la  Catalogne 
moderne  qu'il  fait  défiler  sous  nos  yeux,  telle  qu'elle  s'est  montrée  à 
lui,  ni  pire,  ni  meilleure,  ni  plus  ignare,  ni  plus  éclairée,  ni  plus  vicieuse, 
ni  plus  morale,  telle  qu'elle  est,  avec  ses  antiques  vertus,  ses  vieux 
défauts,  son  progrès  à  fleur  de  peau,  ses  vagues  aspirations,  ses  naï- 
vetés, son  honnêteté  foncière  et  le  manque  d'équilibre,  qui^  ne  la  tire 
souvent  de  la  routine  (lue  pour  la  jeter  aux  extrêmes.  Merveilleusement 
varié  et  vivant  est  le  peuple  mis  en  scène.  Paysans,  petits  bourgeois, 
soldats,  ouvriers,  fonctionnaires,  artisans,  tout  «  le  peuple  gris  »  qui 


—  -Mu   — 

représente  \n  moyenne  d'une  nation,  vient  flâner,  travailler,  s'agiter  et 
parler  devant  nos  yeux  ;  nous  entrons  avec  lui  dans  tous  ses  lieux  de 
réunion,  nous  le  suivons  jusqu'à  son  foyer,  nous  voyons  ce  (|ui  le  j)as- 
sionne,  comment  on  le  mène,  comment  on  le  trompe,  comment  se 
poursuit  d'épreuve  en  épreuve  et  d'expérience  en  expérience,  l'éduca- 
tion de  ce  peuple  enfant,  qui  s'ignorait. hier  et  qui  commence  à  [)rendre 
conscience  de  sa  force  et  de  sa  valeur  ». 

Il  nous  le  montre  dans  le  genre  gai,  avec  Jusejj/t  le  hon  Policier  : 

«''Joseph  est  un  brave  ouvrier,  veuf,  père  de  trois  jeunes  enfants,  et 
flan(iué  d'un  inséparable  ami  qui  lui  soigne  ses  enfants  pour  vivre  à  ses 
crochets.  A  force  de  démarches  et  de  patience,  il  a  obtenu  une  place 
d'agent  de  police.  Le  voilà  riche  désormais,  avec  une  haute-paie  de 
14  réaux  par  jour,  et  il  vivrait  heureux  entre  ses  trois  mioches  et  leur 
bonne  d'enfants  mâle,  si  les  besognes  spéciales  qui  l'attendent  n'étaient 
pour  lui  un  elfroi  et  un  dégoût  insurmontables.  Le  bon.  agent  a  la  violence 
en  horreur.  Il  comprend  bien  (jue  l'on  doit  arrêter  les  liions ,  les 
escai-pes  et  les  conspirateurs,  mais  il  ne  peut  se  résigner  à  les  arrêter 
lui-lnème.  Si,  par  hasard,  il  a  surj)ris  quelques  joueurs  susj)ects,  il 
pense  immédiatement  à  l'inquiétude  où  leur  arrestation  va  plonger 
leurs  femmes,  à  la  détresse  de  leurs  enfants  ;  son  cœur  se  fend  à  la 
pensée  qu'il  aura  mis  toute  une  famille  en  deuil.  Il  adresse  aux  joueurs 
un  sermon  si  ])atliéti({ue  qu'il  en  pleure  tout  le  premier  d'attendrisse- 
ment ;  les  joueurs  éclatent  en  sanglots  et  témoignent  une  telle  douleur 
de  leurs  égarements  passés,  un  si  ferme  j)ropos  de  ne  plus  y  retomber, 
que  Joseph  finit  par  leur  dire  :  «  Allez-vous-en  sans  que  je  vous  voie  et 
que  Dieu  vous  donne  bonne  chance  !  —  Merci,  répond  un  des  joueurs 
en  l'embrassant  ;  si  tous  les  agents  étaient  comme  vous  on  criei-ait  ])ien  : 
«  Mve  la  police  !  » 

L'inspecteur,  qui  lui  veut  du  bien,  le  charge  d'une  mission  de  confiance. 
Il  s'agit  d'arrêter  un  anarchiste  très  dangereux,  dont  on  lui  donne 
l'adresse,  en  le  prévenant  que  l'anarchiste  a  des  armes.  Le  pauvre 
Joseph  voit  sa  dernière  heure  arrivée  ;  il  recommande  ses  enfants  à  son 
ami  et  marche  héroïquement  à  son  calvaire.  Mais  il  se  trouve  que 
l'anarchiste  est  un  simple  journaliste,  qui  brûle  du  désir  d'être  arrêté 
pour  faire  de  la  réclame  à  sa  feuille  de  chou.  Il  guette  à  la  fenêtre  l'ar- 
rivée de  la  police  ;  il  tremble  de  n'être  pas  arrêté  et,  quand  Joseph  se 
présente,  timide  et  résigné,  un  dialogue  stupéfiant  s'engage  entre  le 


—  368  — 

roprésentant  de  la  force  publique  et  l'ennemi  de  la  société.  En  Tiberi  ne 
demande  qu'à  aller  en  prison  et  Joseph  le  trouve  si  bon,  si  honnête,  si 
distingué,  qu'il  se  refuse  absolument  à  le  conduire  au  commissariat  et 
lui  conseille  de  changer  d'étage  pour  pouvoir  dire  que  le  conspirateur 
est  parti  sans  laisser  d'adresse. 

Au  bout  d'un  mois,  Joseph  n'a  pas  encore  arrêté  un  seul  malfait<:'ur  ; 
l'inspecteur  se  fâche  et  lui  donne  vingt-quatre  heures  pour  opérer  une 
arrestation  ;  s'il  n'arrête  personne  dans  ce  délai,  il  est  révoqué.  Joseph, 
au  comble  de  l'angoisse,  décide  son  ami  à  jouer  le  rôle  de  criminel  : 
il  aura  fait  du  tapage  sur  la  voie  publique  et  Josepii  le  mettra  au  poste  ; 
il  en  sera  quitte  pour  une  amende  de  trois  douros  et,  moyennant  ce 
léger  sacrifice,  Joseph  gardera  sa  place  et  les  trois  petits  auront  à 
manger.  Anton  se  laisse  pei'suader  ;  Joseph  le  ligotte  et  le  mène  triom- 
phalement au  poste,  où  leur  arrivée  est  saluée  par  les  applaudisscmouls 
de  tous  les  sergents  :  Joseph  a  arrêté  un  malfaiteur  !  Mais  Anton  joue  si 
mal  son  rôle  que  l'inspecteur  s'imagine  être  en  présence  d'un  habile 
simulateur  et  ordonne  de  le  conduire  en  prison.  Pour  sauver  sou  ami, 
Joseph  avoue  la  supercherie.  L'histoire  paraît  si  invraisemblable  à  l'ins- 
pecteur qu'il  ordonne  d'arrêter  Joseph  à  son  tour,  et  l'on  ne  sait 
comment  finirait  l'histoire  si  une  vieille  (ille,  amie  d'Antoine  et  de 
Joseph,  ne  venait  attester  leur  véracité.  1 /inspecteur  décide  de  mettre 
Joseph  dans  ses  bureaux  et  la  vieille  fille  épousera  l'un  des  deux  amis  : 
«  Merci,  Paula,  merci  pour  tout  ce  que  vous  avez  fait.  Grâce  à  vous,  je 
garde  ma  place.  Le  mois  prochain  nous  vous  marierons  ;  je  ne  sais  pas 
encore  si  ce  sera  avec  Antoine  ou  avec  moi,  mais  je  ne  veux  pas  que 
vous  mourriez  vieille  fille  ».  Tout  est  bien  qui  finit  bien  ». 

Et  dans  le  genre  terrible  avec  la  Laide. 

«  La  Laide  est  une  créature  à  part,  qui  n'a  point  de  place  dans  la 
société  normale.  Toute  petite,  elle  s'est  trouvée  dédaignée  de  ses  parents 
et  oubliée  pour  sa  sœur  cadette,  câline  et  jolie.  Elle  s'est  consolée  en 
travaillant  ;  elle  a  beaucoup  appris,  elle  est  institutrice  adjointe  et  vient 
de  passer  un  examen  pour  obtenir  le  titre  d'institutrice  titulaire  [n/es- 
tressa  pi-oprietaj-ia).  L'(.'xamen  a  été  magnifique,  elle  en  attend  le 
résultat  avec  confiance  ;  elle  espère  que  celui  qu'elle  aime,  Julien, 
saisira  l'occasion  pour  fixer  le  jour  du  mariage.  Tout  lui  manque  à  la 
fois  !  Le  jury  l'a  trouvée  savante,  très  savante  ;  mais  il  a  donné  la  pré- 
férence  à  une  jolie  fille,  beaucoup  moins  ferrée  sur  le  système  mé- 


—  309  — 

trique  et  beaucoup  plus  «  sympathique  ».  Julien,  qm  a  jadis  aimé  la 
laide,  «  à  cet  âge  où  un  jeune  homme  aime  toutes  les  femmes  »,  lui 
préfère  maintenant  sa  sœur  Lluiseta  dans  toute  l'éclatante  beauté  de  ses 
dix-huit  ans. 

Refusée  par  le  jury  et  dédaignée  par  celui  qu'elle  aimait,  la  laide  a 
un  moment  de  désespoir  fou  ;  c'est  le  chant  de  mort  de  l'âme  à  qui  tout 
manque  à  la  fois  et  que  toutes  les  forces  malfaisantes  de  la  vie  se  réu- 
nissent pour  accabler. 

Dans  un  lugubre  éclair  lui  apparaît  l'égoïsme  de  tous  les  siens,  qu'elle 
n'avait  jamais  voulu  voir.  Son  père,  vieil  imbécile,  musard  et  vaniteux, 
sa  mère,  malade  imaginaire,  gémissante  et  tyrannique,  ne  l'aiment  que 
parce  qu'elle  les  fait  vivre  de  son  travail  ;  sa  sœur,  qu'elle  chérissait 
d'un  amour  presque  maternel,  lui  prend  son^ancé  ;  .Julien  l'abandonne 
pour  cette  jolie  poupée,  et  tous  les  deux  sont  si  égoïstes,  trouvent  leur 
trahison  chose  si  simple  et  si  naturelle  qu'ils  osent  encore  lui  offrir  leur 
amitié.  Et  le  jury  !  Que  dire  de  ces  autorités  académiques,  de  ces 
prêtres,  de  ces  pères  de  famille  incapables  d'apprécier  le  travail,  la 
science  et  le  dévouement,  et  assez  vils  pour  donner  leur  suffrage  à  une 
fille  sans  savoir  et  sans  cervelle  —  sans  pudeur  peut-être  —  pour  prix 
de  ses  beaux  yeux  ? 

Deux  influences  vont  se  disputer  la  malheureuse. 

En  Bielo,  bancal  et  manchot,  encore  plus  disgracié  qu'elle-même, 
s'est  jeté  dans  la  politique  ;  il  est  journaliste  et  sa  joie  est  de  tromper 
les  hommes,  d'aiguiser  leurs  passions,  d'envenimer  leurs  haines,  de  les 
pousser  les  uns  contre  les  autres.  Comme  il  n'y  a  pour  lui  ni  amour  ni 
sympathie  au  monde,  personne  ne  jouira  autour  de  lui  de  ces  biens 
dont  il  est  privé.  Puisque  le  bonheur  lui  est  refusé,  il  sera  le  trouble 
fête  éternel,  la  harpye  qui  vient  souiller  les  mets  du  banquet,  il  versera 
à  pleine  coupe  le  fiel  qui  remplit  son  âme.  «  La  méchanceté  est  la  con- 
solation des  désespérés  ». 

En  Matew  représente,  au  contraire,  la  bonté  active  et  féconde.  Il  s'est 
voué  au  salut  du  peuple,  il  le  veut  instruit,  laborieux,  juste  et  moral, 
et  il  convie  la  laide  à  se  consacrer  à  cette  grande  tâche  rédemptrice,  où 
elle  trouvera  l'oubli  et  le  bonheur  dans  le  sacrifice  et  le  dévouement. 

C'est  En  Matew  qui  l'emporte.  La  laide  se  met  à  la  tête  d'une  école 
socialiste  et  se  prodigue  avec  le  courage  du  désespéré  qui  cherche  la 
mort.  Mais,  dans  la  Catalogne  à  peine  éveillée  aux  idées  modernes,  les 
idées  ne  sont  encore  que  des  mots,  les  mouvements  sociaux  ne  sont 
enco'e  que  des  modes.  La  laide  a  un  instant  de  vogue,  puis  sa  vogue 

24 


—  370  — 

tombe  ;  on  la  trouve  trop  difficile,  trop  sévère,  on  la  trouve  laide  sur- 
tout, et  les  réactionnaires  organisent  sous  ses  fenêtres  d'odieux  chari- 
varis :  «  La  laide  que  nous  avons  ici  ressemble  à  un  notaire  ou  à  un 
médecin.  Nous  la  gardons  comme  un  phénomène  pour  la  montrer  aux 
étrangers  :  la  laide  !  la  laide. . .  Elle  est  verte  comme  un  cédrat  et  a  le 
nez  couleur  de  foie.  Elle  fait  pleurer  ceux  qui  la  voient  et  rire  ceux  qui 
la  regardent  :  la  laide  !  la  laide  !  » 

Elle  parle  dans  les  réunions  publiques,  elle  y  a  beaucoup  de  succès, 
mais,  comme  En  Matew,  elle  veut  le  peuple  juste  et  moral  ;  et  le  peuple, 
qui  l'applaudit  quand  elle  flatte  ses  haines,  deviend  froid  quand  il  voit 
en  elle  une  prêcheuse.  A  quoi  sert  de  ne  plus  aller  à  l'église  si  l'on 
retrouve  le  sermon  au  meeting  ? 

Elle  est  sur  le  point  d'être  abandonnée  par  ses  nouveaux  amis,  elle 
voit  le  vide  autour  d'elle  ;  son  beau-frère  lui  fait  proposer  un  arrange- 
ment :  si  elle  veut  cesser  de  tenir  école  et  de  parler  dans  les  réunions 
socialistes,  il  lui  donnera  un  logement  et  lui  fera  une  pension.  Elle  met 
ses  parents  à  la  porte  :  «  Je  vous  croyais  mécliants,  mais  vous  n'êtes 
même  pas  méchants,  vous  êtes  des  imbéciles  ». 

Le  chagrin,  l'abandon,  la  ruine  de  ses  dernières  espérances  la  pousse 
alors  vers  En  Bielo  ;  ce  n'est  plus  une  femme,  c'est  une  enragée  furie. 
Elle  a  poussé  à  la  grève  tous  les  ouvriers  de  son  beau-frère  Julien. 
Voilà  deux  mois  que  la  grève  dure,  les  ouvriers  sont  à  bout  de  res- 
sources et  de  courage.  Ils  savent  qu'il  va  falloir  rentrer  à  l'usine,  beau- 
coup voudraient  déjà  reprendre  le  travail.  La  laide,  qu'on  appelle  la 
Vierge  rouge,  veut  incendier  l'usine  où  elle  sait  son  beau-frère  enfermé 
avec  sa  femme  et  ses  enfants.  Lluiseta  veut  avoir  une  entrevue  suprême 
avec  sa  sœur,  elle  veut  faire  un  dernier  appel  à  son  cœur  ;  elle  ne 
trouve  en  elle  qu'une  haine  farouche  et  implacable,  la  liaine  de  l'amour 
dédaigné  et  trahi. 

Mais  là  où  échoue  toute  raison  réussit  la  grâce  de  l'enfance  :  la  fillette 
de  Lluiseta,  une  délicieuse  bambine  de  deux  ans,  lève  les  yeux  sur  sa 
tante,  et,  encouragée  par  sa  mère,  finit  par  lui  tendre  les  bras,  et  la 
laide  oublie  sa  douleur,  abdique  sa  haine,  pardonne  et  se  condamne. 
Elle  fait  ouvrir  toutes  grandes  les  portes  de  l'usine  ;  elle  engage  les 
ouvriers  à  reprendre  le  travail,  elle  s'accuse  de  les  avoir  trompés,  et, 
comme  on  lui  crie  qu'elle  a  trahi  et  qu'elle  s'est  vendue,  elle  se  jette 
par  la  fenêtre  et  vient  se  briser  sur  les  pavés  ;  «  C'était  une  folle,  dit  En 
Matew  ».  —  Non,  répond  En  Bielo,  c'était  une  laide  !  » 


—  371  — 

En  résumé,  Barcelone  qui  ne  doit  sa  grandeur  commerciale,  indus- 
trielle et  intellectuelle  qu'au  seul  et  patient  labeur  de  ses  habitants,  est 
la  première  ville  de  l'Espagne.  Les  Catalans  qui  ont  conscience  de  leur 
valeur  en  ont  assez  d'être  dirigés  par  l'administration  castillane  et  ne 
veulent  point  que  la  Catalogne  soit  toujours  réduite  au  rôle  de  la  vache 
à  lait  des  Castillans  fainéants.  Certains  ont  même  rêvé  d'une  Cata- 
logne indépendante  formant  une  nouvelle  nation,  mais  dans  ce  siècle 
de  concentration  à  outrance  les  petits  Etats  sont  appelés  à  disparaître. 

Vouloir  en  établir,  ce  serait  vouloir  faire  un  pas  en  arrière,  les  gens 
sensés  de  la  Catalogne  en  conviennent  du  reste.  Ce  que  les  Catalans 
voudraient  surtout  ce  serait  de  diriger  eux-mêmes  l'Espagne  et  de  pré- 
sider aux  destinées  du  pays  avec  Barcelone  pour  capitale.  Sont-ils 
mûrs  pour  ce  rôle  ?  Feraient-ils  mieux  que  les  Castillans  ?  Nous  avons 
quelque  doute  à  cet  égard.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  Castille  représente  le 
passé,  la  Catalogne  l'avenir. 


LES  EXCURSIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  DE  LILLE 

EN    1907 


EXCURSION  EN  ORIENT 


DU  DIMANCHE  14  AVRIL  AU  VENDREDI  17  MAI  1907, 


Direrkur  :  M.  Henri  Beaufort,  Président  du  Comité  des  Excursions. 


Suite  et  fin  (1). 


Musée  Impérial.  —    Le   Musée   Impérial   ottoman   situé   dans  le   vieux 
Sérail  excite  également  notre  intérêt.    Il  renfeime  une  collection  unique  au 


(l)  Voir  Bulletin  de  Novembre  1907,  page  310. 


—  :m  — 

monde  de  monuments  funéraires  g-recs  et  romains  et  d'antiquités  orientales. 

La  «  Salle  des  Sarcophages  »  renferme  les  sarcophages  découverts  à  Saïda, 
l'ancienne  Sidon,  sur  la  côte  de  Phénicie.  Celui  d'Alexandre-le-Grand  est 
exposé  dans  une  vitrine  en  verre  depuis  certains  actes  de  vandalisme  dont  il  a 
été  l'objet. 

Tandis  que  nous  examinons  la  décoration  des  faces  de  cet  incomparable 
monument  d'une  architecture  aux  lig-nes  impeccables,  les  explications  du 
Directeur  du  Musée  données  à  un  g-roupe  étranger  au  nôtre  parviennent  jus- 
qu'à'nous  et  nous  en  profitons  indirectement  mais  non  indiscrètement. 

Le  Directeur  raconte  qu'une  tête  d'un  des  combattants  qui  ornent  le  sarco- 
phage a  été  dérobée,  croit-on,  par  le  fds  d'un  Consul  de  France.  Une  plainte 
a  été  adressée  et  des  poursuites  allaient  commencer,  lorsqu'un  soir,  dans  un 
dîner  à  l'Ambassade,  la  tête  a  été  retrouvée  dans  une  serviette  de  l'un  des 
.convives. 

Je  répète  fidèlement  ce  que  j'ai  entendu  sans  y  ajouter  une  parfaite  créance. 

C'est  depuis  ce  moment  que  ce  monument  dit  d'Alexandre-le-Grand  est 
l'ecouvert  d'une  carcasse  vitrée.  On  prétend  que  ce  fameux  sarcophage  aurait 
contenu  simplement  les  restes  d'un  roitelet  de  Sidon. 

En  face  du  Musée  Impérial  se  trouve  l'ancien  Musée  qui  date  de  Maho- 
met II.  Il  est  décoré  à  l'intérieur  comme  à  l'extérieur  de  magnifiques  faïences 
bleues  et  vertes.  Outre  les  statuettes  de  bronze  que  l'on  admire  dans  les  vitrines 
et  la  collection  de  marbres  byzantins,  notre  regard  est  arrêté  à  la  vue  des 
bijoux  de  tous  genres  et  de  toute  nature  trouvés  dans  les  fouilles  des  divers 
pays,  bracelets,  boucles  d'oreilles,  colliers  en  perles,  bagues,  etc.,  etc.  Cette 
visite  intéresse  vivement  les  dames  de  l'excursion. 

Selamlik.  —  Les  membres  de  l'excursion,  grâce  à  l'aimable  intervention 
de  M.  l'Ambassadeur  de  France  —  ainsi  que  je  le  dis  plus  haut  —  peuvent 
assister  en  groupe  à  cette  cérémonie  qui  a  lieu  le  vendredi,  ce  jour-là  étant  le 
dimanche  des  Mahométans. 

En  compagnie  de  quelques  Français  et  sous  la  garde  du  cavas  de  l'Ambas- 
sade de  France,  nous  quittons  tous  ensemble  en  voiture,  vers  10  h.  1/2,  le 
palais  de  M.  Constans,  heureux  d'être  honorés  d'une  pareille  faveur,  car, 
pour  cette  curieuse  solennité,  il  y  a  beaucoup  d'appelés,  mais  peu  d'élus, 

Le  Selamlik  est  une  obligation  actuelle  acceptée  par  le  Sultan  et  dont  il 
ne  peut  se  dégager  sans  une  irréparable  déchéance.  Il  consent  à  cette  sortie 
hebdomadaire,  sur  les  instances  des  autorités  religieuses,  estimant  que  le 
Commandeur  des  Croyants  donne  à  ses  sujets  l'exemple  public  de  la  piété. 

A  l'époque  de  la  splendeur  de  la  Turquie  le  Sultan  se  rendait  aux  grandes 
mosquées  de  la  cité.  Aujourd'hui  le  Sultan  actuel  Abdul-Hamid,  très  craintif, 
s'est  fait  construire  à  trois  cents  mètres  de  son  palais  (TYldiz  une  mosquée  dite 
Jlamidu'. 


r 

—  373  — 

C'est  à  cette  mosquée  que  tous  les  vendiedis  le  Sultan  va  faire  sa  prière 
officielle  au  milieu  d'une  grande  pompe  et  d'un  riche  apparat. 

Ce  jour-là  la  foule  ne  peut  approcher  du  parcours  allant  de  la  porte  d'Yldiz 
à  celle  de  la  mosquôe.  Elle  est  contenue  par  un  rempart  de  baïonnettes.  Seuls, 
les  privilégiés  passent,  avec  les  cavas  de  leurs  ambassades,  à  travers  une  triple 
haie  de  troupes  ])arrant  toutes  les  routes. 

Depuis  la  bombe  lancée  il  y  a  quelques  années  dans  le  cortège  et  qui  a  fait 
une  cinquantaine  de  victimes,  dix  mille  soldats  sont  sur  pied  et  entourent  dès 
le  matin  le  palais  et  la  mosquée  ;  dans  leurs  rangs  passera  tout  à  l'iieure  Abdul- 
Hamid. 

Il  est  onze  heures.  Nous  sommes  rangés  sur  une  terrasse  d'où  nous  assistons 
debout  à  la  cérémonie.  Le  corps  diplomatique  prend  place  dans  un  pavillon 
spécial  et  les  préparatifs  commencent. 

Des  cantonniers  ramassent  les  cailloux,  balaient  la  chaussée  et  jettent  du 
sable  dans  l'allée  principale.  Un  va-et-vient  incessant  amène  les  curieux 
retardataires.   Le  spectacle  devient  intéressant, 

Le  chef  des  eunuques,  à  la  peau  d'ébène,  sanglé  dans  sa  redingote  noire  et 
le  fez  rouge  sur  le  crâne,  promène  son  dos  voûte  dans  l'allée  où"  devra  passer 
le  cortège  impérial.  Etrange  physionomie  et  non  moins  étrange  ".ossature  !  Des 
loHg's  bras  ballants,  des  pieds  de  géant  sur  des  jambes  d'échassier,  le  buste 
couit,  une  petite  tête,  le  visage  imberbe  et  flétri,  la  démarche  nonchalante, 
telles  sont  les  grandes  lignes  du  portrait  de  cet  important  personnage. 

Les  uns  après  les  autres  arrivent  alors  les  hauts  dignitaires  de  l'Empire 
Ottoman,  suivis  de  serviteurs  portant  dans  leurs  valises  leurs  insignes  et  leurs 
uniformes  de  rechange,  ainsi  que  l'exige  le  cérémonial. 

Pendant  ce  temps  des  agents  secrets  inspectent  la  tenue  des  étrangers, 
ainsi  que  les  objets  débordant  de  leurs  poches.  Une  dame  à  côté  de  nous  est 
priée  de  rentrer  dans  son  corsage  les  1  reloques  qui  pendent  à  sa  chaîne  ;  un 
spectateur  se  voit  confisquer  un  étui  de  pipe  qui  sort  légèrement  de  la  poche 
de  son  pardessus,  l'agent  pensant  sans  doute  à  un  étui  de  revolver.  Il  est 
absolument  interdit  d'avoir  à  la  main  une  lorgnette  ou  un  appareil  photo- 
graphique. 

A  midi,  heure  à  la  franque,  les  portes  du  palais  s'ouvrent  et  les  musiques 
jouent  riiymne  national.  Le  défilé  des  vizirs,  des  chambellans  et  des  pachas, 
la  poitrine  couverte  d'insignes  et  de  décorations,  a  lieu  dans  un  profond 
silence. 

Les  voitures  des  sultanes  gardées  par  des  eunuques  se  mêlent  au  cortège  et 
viennent  se  ranger  près  de  la  mosquée  ;  leurs  chevaux  sont  dételés  et  les  oda- 
lisques restent  dans  leurs  carrosses  pendant  la  durée  de  la  cérémonie. 

Un  vivat  guttural  d'un  grand  effet  part  de  la  première  colonne  de  troupes 
et  se  répercute  dans  les  rangs  des  soldats,   tel  un  écho  répétant  un  son  dans  le 


—  374  — 

lointain.  La  calèche  du  SultHn  débouche  du  palais  et  le  souverain  passe  devant 
son  armée. 

A  ce  moment  le  muezzin,  penché  sur  la  balustrade  du  minaret  de  la  mos- 
quée, psalmodie  d'une  voix  plaintive  et  rauque  réternelle  litanie  :  «  Dieu  seul 
est  Dieu  et  Mahomet  est  son  prophète  ». 

Le  Sultan,  coiffé  du  fez,  vêtu  d'une  simple  redingote  noire,  se  rend  direc- 
tement à  la  mosquée,  sur  les  marches  de  laquelle  l'attendent  les  dignitaires  de 
la  Cour,  et  se  recueille  pendant  une  demi-heure. 

La  prière  terminée,  il  repasse  une  seconde  fois  au  milieu  de  ses  troupes  et 
reg'agne  son  palais  pour  n'en  sortir  que  le  vendredi  suivant  et  à  la  même  heure. 

Cette  parade  très  brillante  et  très  originale  est  très  curieuse  et  réjouit  vive- 
ment tous  ceux  qui  ont  le  plaisir  d'y  assister. 

La  dislocation  des  troupes  se  fait  dans  toutes  les  directions,  et  c'est  à  tra- 
vers les  tronçons  de  l'armée  ottomane  que  nous  effectuons  notre  retour. 

Nous  quittons  la  voilure  pour  le  caïque  et  nous  passons  l'après-midi  aux 
Eaux-Douces  d'Europe,  situées  au  fond  de  la  Corne  d'Or,  près  de  l'embouchure 
des  petites  rivières  de  Kiat-Kané  et  d'Ali-Bej-Kenï,  et  rendez-vous  de  la  belle 
société  turque  le  vendredi. 

Eaux-Douces  d'Europe.  —  Délicieuse  promenade  sur  la  Corne  d'Or 
sillonnée  d'une  variété  d'embarcations  ! 

Les  bateliers  sont  aussi  habiles  que  les  gondoliers  de  Venise  et  les  caïques 
semblent  une  nuée  de  mouettes,  glissent  sur  la  surface,  bondissent  sur  les 
vagues  et  filent  comme  une  flèche. 

Nous  nous  engageons  dans  le  port  de  guerre  où  mouillent  les  navires  le 
lono-  du  rivao-e.  Successivement  l'Arsenal,  la  Manufacture  des  Tabacs  otto- 
nians,  attirent  nos  regards.  Eyoub  avec  sa  mosquée  étale  devant  nous  son 
rideau  de  verdure,  d'où  émergent  les  sombres  cyprès  de  son  beau  cimetière 
poétisé  par  Pierre  Loti. 

Les  rives  de  la  Corne  d'Or  se  rétrécissent.  Nous  côtoyons  de  belles  prairies 
traversées  par  un  filet  d'eau  qu'on  prendrait  pour  une  rivière  artificielle  des 
parcs  anglais.  Ces  paisibles  solitudes  se  peuplent  en  ce  jour  de  repos  d'une 
foule  de  promeneurs  et  la  vallée  s'anime.  Sur  les  flancs  des  verdoyantes  col- 
lines paissent  des  chameaux  et  sur  le  gazon  sont  mollement  couchées  les 
femmes  turques. 

La  promenade  des  Eaux-Douces  d'Europe  si  fréquentée  le  vendredi  est  un 
lieu  propice  pour  voir  les  costumes  et  étudier  les  mœurs  de  l'Orient.  Ce  qui 
attire  aussi  l'étranger,  c'est  la  perspective  de  voir  quelques  femmes  du  Sultan 
en...  liberté.  Et  pourtant  ce  mot  est  impropre,  puisqu'elles  ne  sortent  pas 
de  leurs  voitures  et  qu'elles  sont  sous  la  surveillance  de  leurs  eunuques. 
Cependant  vues  ainsi  dans  leurs  calèches,  elles  paraissent  jouir  d'un  peu  d'in- 
dépendance. Au  Selamlik  leur  attitude  est  compassée   et  jamais  de   regards 


—  375  — 

obliques  ;  ici,  au  contraire,  le  visage  est  mobile  ;  on  les  devine  heureuses 
d'échapper  un  instant  à  cette  vie  domestique  si  mystérieusement  murée.  Leur 
voile  (yachmak)  qui  couvre  la  figure  est  tellement  transparent  que  loin  de 
cacher  leur  beauté  il  ne  peut  que  la  faire  ressortir. 

Les  voitures  sont  si  nombreuses  aux  Eaux-Douces  d'Europe  qu'on  se  croit 
à  une  réunion  de  courses.  C'est  une  vraie  foire  aux  plaisirs  en  plein  vent.  Le 
phonographe  nasille  à  côté  du  grincement  de  la  mandoline  ;  les  gitanes 
exécutent  leurs  danses  favorites  ;  les  marchands  de  rafraîchissements  sont  hyp- 
notisés devant  leurs  éventaires;  et,  dans  ce  tohu-bohu  chevauchent  les  eunuques 
et  les  dandys. 

Comme  cadre  à  cet  oriental  tableau,  les  femmes  turques  se  promènent  dans 
la  foule  vêtues  du  feiedjé,  espèce  de  domino  de  couleur,  l'ombrelle  à  la  main, 
et  toujouis  voilées,  voile  fin  chez  les  jolies,  voile  épais  chez  les  vieilles  et  les 
laides. 

Et  quand  l'horizon  se  pourpre  des  feux  du  soleil  couchant,  les  promeneurs 
regagnent  leurs  caïques  sous  le  murmure  radieux  de  la  Corne  d'Or  scintillant 
aux  dernières  caresses  de  Phoelnis. 

Iles  des  Princes.  —  Prinkipo.  —  Constantinople  offre  aux  touristes 
une  série  d'excursions  très  faciles  et  très  intéressantes  qii'ils  peuvent  effectuer 
aux  environs. 

Celle  des  Iles  des  Princes  peut  se  faire  en  une  journée  si  on  se  contente  de 
visiter  Prinkipo  seulement. 

On  prend  un  bateau  de  la  Compagnie  Mahsoussé  qui  est  amarré  au  quai  de 
Galata.  En  un  clin  d'oeil  le  pont  se  remplit  de  voyageurs  et  de  marchands 
de  produits  orientaux  qui  viennent  vous  offrir  des  bibelots  avant  le  départ. 

Une  première  escale  a  lieu  à  Kadi-Kenï,  bourg  de  la  rive  d'Asie,  bâti  sur 
les  ruines  très  apparentes  encore  de  l'antique  Chalcédoine  et  situé  en  face  de 
la  pointe  du  Serai.   Kadi-Kenï  est  un  lieu  de  promenade  très  fréquenté. 

Le  navire  se  dirige  ensuite  sur  la  première  des  Iles  des  Princes,  petit 
archipel  senié  dans  la  mer  de  Marmara  à  l'entrée  du  Bosphore  et  composé  de 
sept  îles  :  Proti,  Antigonl,  Halki,  Prink'qio,  Nihandro,  Oxeia  et  Plata. 

Proti  est  surtout  habité  par  des  Arméniens  qui  y  ont  consacré  une  église  à 
St-Georges. 

Une  troisième  escale  se  fait  à  l'île  d'Antigoni,  dont  on  peut  admirer  les 
jolies  villas  occupées  surtout  par  les  Grecs  ;  dans  l'île  existent  deux  monas- 
tères grecs. 

Le  navire  s'arrête  aussi  à  l'île  d'Halki,  coquette  'et  séduisante.  Ses  quais 
se  reflètent  dans  une  eau  bleue  et  transparente.  La  température  y  est  très 
douce. 

En  quittant  Halki  le  bateau  traverse  une  magnifique  baie  au  fond  de  laquelle 


—  37(5  — 

se  dresse  Prinkipo^  la  plus  importante  des  Iles  des  Princes  et  le  but  de  notre 
excursion. 

Pi'inkipo  est  un  séjour  très  salubre  et  en  grande  faveur  auprès  de  la  fashion 
constantinopolitaine.  La  ville  bâtie  en  amphithéâtre,  rappelant  un  peu  la  baie 
de  Naples,  a  huit  kilomètres  de  circonférence. 

Généralement  on  effectue  le  tour  de  Tile  à  cheval,  à  baudet  ou  en  voiture. 
Cette  équipée  ne  se  fait  pas  toujours  sans  incident  tragi-comique.  Dans  notre 
caravane  se  trouve  un  g-ai  compagnon,  qui  a  perdu  l'habitude  de  caracoler. 
Il  lutte  en  de  suprêmes  efforts  pour  suivre  ses  amis,  se  voit  forcé  d'abandonner 
sa  monture,  et  jure  un  peu  tard  qu'on  ne  l'y  prendra  plus  sur.  .  .  une  petite 
selle  turque. 

Prinkipo,  bordé  de  gracieuses  villas,  est  une  résidence  d'été  idéale.  L'air 
y  est  d'une  pureté  extrême  et  embaumé  de  l'odeur  des  myrthes  et  des  térébin- 
th  cées.  Par  des  sentiers  très  pittoresques  on  arrive  au  sommet  de  l'île,  d'où 
l'on  domine  la  mer  d'un  bleu  indescriptible.  Le  spectacle  est  ravissant  et 
reposant.  A  200  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  se  trouve  un  couvent 
grec  consacré  à  saint  Georges,  où  les  Grecs  de  Constantinople  viennent  en 
pèlerinage  pour  obtenir  une  guérison  miraculeuse. 

Quand  nous  retournons  à  Constantinople  nous  avons  la  bonne  fortune  d'as- 
sister à  nouveau  sur  le  Bosphore  au  coucher  du  soleil,  dont  les  flèches  d'or 
viennent  enflammer  les  coupoles  des  mosquées,  ce  qui  complète  la  poésie  de 
notre  excursion. 

Brousse.  —  L'excursion  à  Brousse,  dans  ce  délicieux  coin  d'Orient,  est  à 
recommander  aux  touristes. 

Elle  peut  se  faire  en  trois  jours,  aller  et  retour.  Pour  ce  voyage,  il  est 
nécessaire  de  se  munir  d'un  passeport  particulier  (teskéré).  Toutes  les  fois 
qu'un  voyageur  quitte  Constantinople  pour  se  rendre  à  l'intérieur  de  l'empire 
ottoman,  cette  formalité  est  obligatoire.  Avant  le  départ  il  faut  faire  viser  son 
teskéré  et  dans  chaque  ville  renouveler  sa  déclaration. 

M.  Mourkidès.  membre  de  l'Union  Française  et  de  la  Chambre  de  Com- 
merce française  de  Constantinople  est  spécialement  délégué  pour  nous  accom- 
pagner dans  cette  excursion.  Avec  un  guide  aimable  autant  qu'expérimenté 
elle  est  assurée  d'un  grand  succès. 

C'est  encore  au  pont  de  Galata  que  l'on  prend  le  bateau  pour  Mondania, 
vieux  sabot  de  mer  où  le  confortable  est  loin  d'exister.  La  négligence  turque 
est  telle  que  les  réparations  du  navire  se  font  en  cours  de  route.  Ainsi,  pen- 
dant notre  trajet,  il  est  resté  en  panne  à  cause  d'une  avarie  survenue  à  la 
machine.  Celle-ci  étant  en  mauvais  état,  le  mécanicien  aurait  pu  la  réparer 
tandis  que  le  bateau  était  amarré  au  port  de  Constantinople.  Advienne  que 
pourra,  dit  le  Turc,  il  sera  temps  d'y  remédier  quand  l'accident  se  présentera. 

Pendant  une  heure,  le  navire  n'avançant  plus  est  un  peu  secoué  et  em- 


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brouille  les  estomacs  de  nos  charmantes  excursionnistes.  Le  soleil  darde- 
peipendiculairement  ses  rayons;  bien  qu'en  première  classe,  aucune  toile  ne 
nous  abrite  et  la  plupart  d'entre  nous  sont  gratifiés  d'une  légère  insolation. 

Enfin  il  se  remet  en  route  et  pénètre  dans  le  golfe  de  Mondania,  après  avoir 
doublé  le  cap  Boz-Bouroun. 

Devant  nous  se  dresse  la  cime  neigeuse  du  mont  Olympe  de  Béthynie.  Vu 
de  la  mer  le  panorama  du  «  mont  du  Moine  »  est  de  toute  beauté.  Le  navire 
accoste  à  Mondania  le  long  d'un  appontement  de  bois  sur  lequel  on  débarque. 

Au  sortir  du  déltarcadère  les  commissionnaires  et  les  porteurs,  au  teint 
basané  et  au  costume  oriental,  oll'rent  leurs  bras  et  leur  cou.  Nous  traversons, 
protégés  par  des  barrières,  cette  haie  vivante  pour  prendre  place  dans  nos 
comparlimenls  de  chemin  de  fer  retenus  d'avance  et  ouverts  à  tous  les  vents. 
Fort  heureusement  la  température  est  chaude  et  le  temps  est  merveilleux. 

A  la  gare  nous  attend  M.  Lacaze,  Chancelier  du  Vice-Consul  de  France 
de  Brousse.  Il  est  chargé  avec  M.  Mourkidès  de  nous  piloter  dans  la  ville. 

De  Mondania  à  Brousse  le  trajet  est  ravissant.  Le  train  s'engage  dans  un 
col  accidenté.  La  végétation  n'est  guère  avancée  :  l'hiver  a  été  également  très 
rigoureux  ici.  Après  avoir  décrit  quelques  lacets,  on  arrive  au  point  culmi- 
nant de  la  colline  qui  sépare  Mondania  de  la  plaine  de  Brousse.  Le  spectacle 
est  grandiose  par  les  horizons  que  l'œil  embrasse.  Le  train  descend  l'autre 
versant  de  la  colline  et  le  panorama  change  continuellement  à  la  satisfaction 
de  nos  compagnons  de  route. 

Les  membres  de  l'excursion  descendent  à  la  gare  de  Tchékirgué,  pittoresque 
village  perché  au  sommet  d'un  des  flancs  de  l'Olympe.  M'"''  A.  Brotte,  pro- 
priétaire de  l'Hôtel  d'Anatolie  à  Brousse,  n'ayant  jamais  répondu  aux  lettres 
de  notre  dévoué  Directeur,  M.  Beaufort  s'est  vu  forcé  de  prendre  logement 
dans  les  environs. 

Nous  ne  pouvons  regretter  ce  contre-temps,  car  de  Tchékirgué  à  Brousse  la 
route  est  bordée  de  tous  côtés  par  une  végétation  luxuriante  avec  des  échappées 
superbes  sur  la  plaine.  Cette  promenade  en  voiture  qui  nous  ramène  deux  fois 
par  jour  à  notre  hôtel  est  délicieuse  et  nous  met  en  contact  avec  les  indigènes 
des  villages  environnants  se  rendant  à  la  ville  de  Brousse. 

Brousse  est  l'ancienne  Pruse,  capitale  de  la  Bithynie.  Elle  demeura  la 
capitale  de  l'empire  ottoman  jusqu'à  la  prise  de  Constantinople.  Sa  population 
s'est  considérablement  accrue  dans  ces  derniers  temps  par  suite  de  l'immigra- 
tion des  Musulmans  de  Roumélie  et  du  Caucase.  Aujourd'hui  sa  population 
est  de  85.000  habitants  (Musulmans,  50.000),  (Arméniens,  8.000),  (Grecs, 
18.000),  (Juifs,  4.000). 

Brousse,  suspendue  au  pied  de  l'Olympe  au  milieu  d'un  fouillis  de  verdure, 
est  une  des  plus  coquettes  et  des  plus  gracieuses  villes  d'Asie  vue  à  distance. 
L'illusion  disparaît  quand  on  pénètre  dans  la  ville.  Les  rues  où  les  chiens 
pullulent  sont  sales  et  tortueuses,  étroites  et  mal  alignées.   Malgré  cela  le  tou- 


—  378  — 

riste  l'aime  pour  son  cachet  oriental  et  son  originalité  dans  le-;  constructions 
des  maisons  avec  leurs  fenêtres  grillées,  d'où  s'échappent  les  regards  des 
femmes. 

Combien  d'impressions  nous  restent  de  ces  allées  et  venues  à  travers  ces 
rues  étranges  !  C'est  ici  que  l'on  répète,  en  altérant  un  peu  le  texte,  le  vers 
mélancolique  de  la  «  Tristesse  d'Olyynpio  »  ; 

«  La  maison  me  regarde  et  ne  me  connaît  pas  ». 

Brou  se  possède  certains  monuments  célèbres  qui  font  aflluer  chaque  année 
une  foule  innombrable  de  voyageurs. 

Parmi  ces  curiosités  sont  les  mosquées,  les  tombeaux  et  les  bains  thermaux. 

Les  mosquées  dont  le  stjle  arabe  et  persan  s'affirme  sont  citées  comme  les 
types  les  plus  parfaits  du  genre. 

La  Mosquée  Veiie  est  un  bijou  de  l'art  ottoman  primitif;  c'est  le  monument 
le  plus-remanjuable  de  Brousse.  Elle  est  revêtue  de  faïences  émaillées  vert 
émeraude,  d'où  son  nom  de  mosquée  verte. 

On  pénèti'e  dans  la  mosquée  par  un  vestibule,  dont  les  parois  comme  celles 
de  la  nef,  sont  recouvertes  de  très  belles  faïences.  Les  rosaces  se  détachent  sur 
un  fond  vert  d'une  douce  nuance.  Le  vert  un  peu  criard  chez  nous  est  sous  le 
ciel  de  l'Orient  une  admirai )le  couleur. 

Au  fond  se  détache,  entièrement  en  faïence,  le  Mihrab  d'un  grand  effet 
décoratif,  avec  ses  carreaux  de  fleurs  et  d'arabesques  formant  des  encadre- 
ments du  plus  charmant  aspect.  Malgré  les  tremblements  de  terre  la  mosquée 
verte  est  assez  bien  conservée. 

A  droite  de  la  Mosquée  Verte  est  le  Turljé  vert,  édifice  octogonal  où  repose 
la  dépouille  du  Sultan  Mohemed  I'-''"  (1421).  Le  haut  des  fenêtres  est  occupé 
par  une  énorme  rosace  polychrome  en  faïence  cloisonnée  d'un  véritable  dessin 
de  châle  persan.  Les  petits  vitraux  sont  lemarqualiles  de  coloris. 

Nous  visitons  aussi  la  Grande  Mosque'e,  qui  ne  manque  pas  d'intérêt  au  point 
de  vue  architectural. 

Au  centre  se  trouve  une  immense  coupole  vitrée  ;  en  dessous  un  grand 
bassin  de  marbre  blanc  alimenté  par  une  source  perpétuelle  et  rafraîchie  par 
un  jet  d'eau.  Ce  bassin  contient  des. . .  .  poissons  rouges. 

Aux  côtés  de  la  porte  d'entrée  principale  sont  érigées  deux  grandes  fon- 
taines en  marbre  où  les  Musulmans  viennent  faire  leurs  ablutions.  Au  moment 
de  notre  visite,  les  Musulmans  entourent  les  fontaines,  c'est  l'heure  de  la 
prière.  Aux  coins  des  nombreux  piliers  de  la  mosquée  sont  accroupis  les  jeunes 
croyants  auxquels  les  prêtres  explicjuent  le  Coran.  Un  bruit  confus  court  dans 
l'immense  édifice  et  nous  avons  l'illusion  de  nous  trouver  dans  uu  marché 
couvert. 


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TuRBÉs  DE  Brousse.  —  Les  Turbés  de  Brousse  passent  à  juste  titre 
•coninie  les  plus  précieux  monuments  de  l'art  oriental  ;  celui  de  Mustapha 
vaut  à  lui  seul  le  voyag-e. 

En  le-;  visitant,  on  se  rappelle  les  phrases  écrites  par  Pierre  Loti  :  «  Parmi 
tant  de  lieux  de  paix  et  de  rêve  dont  l'ensendjle  forme  Brousse,  il  en  est  un 
particulièrement  exquis  :  le  bocage  funéraire  de  Mouradié.  Là  sous  des 
cyprès  hauts  comme  des  tours,  sous  des  platanes  centenaires  grands  comme 
des  naobabs  nubiens,  sont  ombragés  des  kiosques  qui  servent  de  dernière 
demeure  à  plusieurs  Sultans.  Des  rosiers,  comme  des  lianes,  courent  d'un 
arbre  à  l'autre,  fleurissent  avec  iine  étonnante  profusion  le  long  de  sentiers 
■envahis  d'herbes  folles.  De  l'eau  jaillit  partout  des  vieilles  fontaines  ;  des 
oiseaux  ont  des  nids  dans  toutes  les  branches.  C'est  le  bocage  de  l'omJjre  et 
surtout  le  bocage  des  roses  en  buissons  et  en  guirlandes.  Par  exception  on  n'y 
a  pas  de  vue.  On  y  devine  seulement,  sans  les  voir,  les  plaines  d'en  dessous. 
On  y  est  enfermé  sous  une  voûte  verte,  entre  des  murs  verts  qui  y  font  la  paix 
plus  inviolable  qu'ailleurs  ». 

Le  turbé  de  Moussa  (1413)  a  son  intérieur  revêtu  de  faïence  de  couleur 
verte'unie.   Le  tombeau  est  couvert  d'étendards  conquis  sur  l'ennemi. 

Le  turbé  de  Mourad  F^  mérite  une  visite.  Au  centre  de  l'édifice  se  voit  une 
longue  caisse  rectangulaire  formée  de  plaques  de  marbre  posées  de  champ  et 
remplie  de  terre.  Contrairement  aux  usages  suivis  pour  les  funérailles  des 
Sultans,  Mourad  P''  avait  désiré  être  enseveli  dans  la  terre  et  que  sa  tomlie  fût 
arrosée  par  l'eau  du  ciel.  C'est  pour  se  conformer  à  cette  volonté  que  l'on  a 
ménagé  au  sommet  de  la  coupole  du  turjjé  une  ouverture  assez  large  pour  que 
la  pluie  puisse  mouiller  le  monument  funéraire  placé  au-dessous. 

Dans  le  turbé  on  voit  sur  un  banc  quelques  pupitres  où  sont  rangés  d'an- 
ciens manuscrits  du  Coran  richement  enluminés. 

Les  turbés  du  prince  Mousfafa  et  du  prince  Djehi,  fils  du  Sultan  Maho- 
met II  le  Conquérant,  sont  décorés  tous  les  deux  d'un  revêtement  de  faïences 
artistiques  vert  de  mer. 

Notre  visite  se  termine  par  le  turbé  d'Osman,  le  fondateur  de  la  dynastie 
des  Osmaulis  (1326). 

Citadelle.  —  Un  des  plus  importants  monuments  de  la  ville  est  l'ancienne 
enceinte  byzantine  que  les  indigènes  appellent  Hissar  (citadelle) .  La  citadelle 
comprend  une  grande  terrasse  d'où  le  regard  plonge  à  pic  sur  la  ville.  Au 
milieu  se  trouve  une  petite  tour  de  construction  moderne.  Un  guetteur  veille 
jour  et  nuit,  et,  en  cas  d'incendie,  donne  immédiatement  l'alarme  par  trois 
coups  de  canon. 

Sur  l'emplacement  de  la  citadelle  s'élèvent  la  Caserne,  l'Hôpital  et  l'Ecole 
des  Arts-et-Métiers. 


—  380  — 

Bazar.  —  L'activité  commerciale  est  concentrée  au  bazar  qui  est  loin- 
d'être  aussi  vaste  que  celui  de  Constantinople. 

La  visite  est  peut-être  plus  intéressante,  car,  dans  le  dédale  de  ses  ruelles, 
on  peut  y  étudier  la  vie  en  Orient  sous  toutes  ses  formes  ;  c'est  le  vrai  bazar 
oriental  avec  sa  somptuosité  et  son  originalité. 

Brousse  fait  un  grand  commerce  de  soies.  Cette  ville  est  le  sièg-e  de  filatures 
qui  expédient  à  Lyon  la  majeure  partie  de  leurs  produits.  Le  sol  convient 
admirablement  au  mûrier.  L'industrie  des  soies  est  une  des  principales  res- 
sources du  pays.  Les  affaires  se  traitent  dans  l'Ipek-Han,  hall  des  soies,  sorte 
de  bourse  de  commerce  où  sont  situés  les  magasins  et  les  entrepôts  des  négo- 
ciants en  soie  et  des  filateurs.  Les  fabricants  sont  Grecs,  Turcs,  Arméniens  et 
Français. 

A  cette  époque  de  Tannée  les  établissements  industriels  sont  fermés.  La 
campagne  séricicole  qui  dure  trois  mois  s'ouvre  en  Juin  seulement  ;  la  cour  de 
l'Ipek-Han  si  calme  d'ordinaire  est  transformée  en  ruche  bourdonnante.  Par- 
tous  des  cocons  amoncelés,  apportés  de  loin  par  les  paysans,  autour  desquels. 
s'agitent  les  grands  commerçants  :  la  placidité  du  Turc  doit  y  subir  de  rudes- 
assauts. 

Bain*s  de  Brousse.  —  Brousse  est  célèbre  également  pour  ses  bains  turco- 
romans  situés  à  Tchekirgué. 

La  renommée  de  cette  station  thermale  était  déjà  grande  au  Moyen-Age. 
Les  eaux  sont  sulfuteuses  et  ferrugineuses  et  s'échappent  des  contreforts  du 
mont  Olympe  à  80°  centigrades. 

Quand  nous  visitons  ces  thermes,  ils  sont  à  peu  près  déserts,  ce  qui  nous- 
permet  de  circuler  dans  les  diverses  s  lies  et  de  nous  rendre  compte  comment 
les  Turcs  en  traitement  prennent  leur  bain.  A  la  sortie  du  bain  a  lieu  le 
massage  :  après  cette  opération  le  malade  est  amené  dans  une  petite  chambre 
meublée  à  l'orientale  ;  il  s'enroule  moelleusement  dans  des  couvertures  aux. 
vives  couleurs  ;  et,  dégustant  son  café,  il  se  plonge  dans  l'extase  somnolente 
du  rêve. 

Les  dames  de  l'excursion  sont  admises  à  voir  le  côté  «  femmes  »  et  sur- 
prennent les  baigneuses  «  dans  le  simple  appareil  d'une  beauté  qu'on  vient 
d'arracher  au  sommeil  ». 

Environs  de  Brousse.  —  Les  environs  de  Brousse  sont  un  Éden  merveil- 
leux aux  paysages  pittoresques,  aux  perspectives  inoubliables  qui  laissent  le 
souvenir  d'un  rêve  étrange  et  lointain. 

Au  fond  de  ce  riant  tableau  la  masse  imposante  du  mont  Olympe  domine 
les  sites  ombragés  et  hypnotise  les  alpinistes.  Avec  quel  regret  deux  sœurs  de 
notre  excursion  doivent  renoncer  à  l'ascension  du  colosse,  dont  le  point  le  plu;v 
élevé  est  à  2.500  mètres  d'altitude  ! 


—  381  — 

Si  le  mont  Olympe  n'a  ni  précipices,  ni  crevasses,  ni  g-laciers  dans  le  par- 
•cours  de  la  route  suivie  habituellement,  il  présente  d'autres  dangers.  Les 
chiens  de  berger  qui  sont  féroces  et  les  animaux  sauvages  abondent  dans 
■quelques  futaies  ;  et,  certains  coins  sont  le  repaire  de  brigands  fameux.  L'as- 
cension n'est  possible  qu'à  cheval  et  en  compagnie  de  gendarmes  du  paj's. 
Nos  aimables  compagnes  pour  toutes  ces  raisons  renoncent  à  aller  planter  au 
sommet  le  drapeau  de  la  vaillance  et  de  l'endurance  féminines. 

Nous  emportons  de  Brousse  un  excellent  souvenir,  enchantés  de  celte  petite 
excursion  de  trois  jours  et  nous  reprenons  à  Mondania  le  même  bateau  dont  la 
proue  est  encombrée  de  moutons.  Pendant  la  traversée  les  pauvres  animaux 
souffrent  du  manque  d'espace  qui  les  rend  immobiles  pendant  quatre  à  cinq 
heures.  Pour  débarquer,  les  passagers  se  voient  forcés  de  se  livrer  à  des  sauts 
de mouton  et  d'enjamber  ce  rempart  de  ruminants.  Plusieurs  de  ces  ani- 
maux paient  leur  tribut  à  l'emportement  de  la  foule  trop  pressée  de  mettre 
pied  à  terre. 

Notre  séjour  à  Constantinople  touche  à  sa  fin.  Au  cours  de  ce  compte  rendu, 
je  manquerais  à  tous  mes  devoirs  de  rapporteur  si  je  ne  signalais  les  marques 
de  vive  sympathie  qu'ont  reçues  nos  excursionnistes  de  l'Union  Française, 
de  la  Chambre  de  Commerce  française  et  de  la  Société  de  Géographie  de 
-Constantinople. 

A"  la  fin  de  chaque  journée,  les  salons  de  leur  magnifique  local  placé  au 
■centre  du  quartier  européen  de  Péra  sont  ouverts  aux  membres  de  la  Société 
de  Géographie  de  Lille,  bienfaisante  oasis  où  nous  venons  nous  rafraîchir  au 
contact  de  cette  cordiale  amitié.  Le  premier  soin  est  consacré  à  la  visite  de 
cet  immeuble  d'une  belle  allure  architecturale,  siège  de  toutes  les  Sociétés 
françaises  de  Constantinople  :  Alliance  française,  Socie'te'  de  Bienfaisance, 
Sociétés  de  Secours  mutuels,  Société  des  Vétérans  de  terre  et  de  mer.  Société  des 
Membres  de  l'Enseignement^  etc.,  etc.  M.  Constans,  Ambassadeur  de  France, 
•est  le  Président  d'honneur  de  la  Société  l'Union  Française,  reconnue  d'utilité 
publique,  et  en  est  aussi  le  grand  protecteur. 

Nous  parcourons  les  diverses  salles  sous  la  conduite  de  M.  E.  Giraud,  Pré- 
sident de  la  Chambre  de  Commerce  française  et  Secrétaire  de  l'Union  Fran- 
■çaise,  qui  tous  les  jours  donne  quelques  heures  de  son  temps  si  précieux  à 
fouinir  des  renseignements  aux  Français  de  passage. 

Notre  dévoué  mentor  nous  fait  descendre  à  la  salle  de  réception  ovi  un 
apéritif  d'honneur  nous  est  offert.  Il  nous  souhaite  officiellement  la  bienvenue 
■et  dit  combien  il  est  heureux  d'avoir  près  de  lui  d'aimables  Français.  Il  lève 
spécialement  son  verre  aux  gracieuses  dames  de  l'excursion  qui  lui  apportent 
«   un  sourire  de  la  France   ». 

Notre  sympathique  Vice-Président,  M.  Auguste  Crepy,  répond  en  excel- 
lents termes  improvisés.   Il  fait  l'éloge  de  l'Union  Française  et  de  la  Chambre 


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de  Commerce  et  se  dit  l'interprète   de   tous  ses  compagnons  de  voyage  pour 
remercier  M.  E.  Giraud  de  son  cordial  accueil. 

Là  ne  se  bornent  pas  les  prévenances  de  nos  amis  de  Constantinople.  Nous 
prenons  part,  dans  la  salle  réservée  de  l'Union  Française,  à  un  déjeuner  offert 
par  les  membres  des  Conseils  des  principales  Sociétés  françaises  de  la  ville,  et 
rehaussé  par  la  présence  de  M.  A.  Gazaj,  Ministre  plénipotentiaire  de  France. 

Ensuite  vient  le  tour  de  la  Société  de  Géographie  de  Constantinople  qui 
nous  invite,  un  autre  jour,  à  un  dîner  tout  intime  dans  la  même  salle. 

Les  deux  Vice-Présidents  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille  répondent 
au  toast  aimable  de  M.  Havard-Duclos,  Président  de  la  Société  de  Géographie 
de  Constantinople,  et,  la  coupe  en  main,  fraternisent  avec  leur  sœur  de 
l'Orient. 

Charmante  soirée  qui  se  termine  par  une  très  intéressante  conférence  faite 
par  M.  Bareilles  dans  l'immense  salle  des  fêtes  !  Cette  conférence,  à  laquelle 
assiste  l'élite  de  la  société  française  de  Péra,  est  toute  d'actualité  pour  nous. 
La  très  savante  élude  sur  «  les  églises  byzantines  de  Constantinople  »  est  de 
nature  à  nous  éclairer  et  à  compléter  les  notions  d'histoire  et  d'archéologie  de 
l'ancienne  Byzance.  Les  nombreuses  projections  du  reste  aident  les  auditeurs 
à  mieux  se  pénétrer  du  sujet. 

Disons  aussi  que  tous  les  journaux  français  de  Constantinople  ont  enregistré 
nos. . .  déplacements  et  publié  le  programme  de  nos  journées.  N'oublions  pas 
de  citer,  après  notre  départ,  l'article  très  aimable  de  M.  E.  Giraud  dans  le 
Bulletin  mensuel  de  la  «  Revue  commerciale  du  Levant  »  à  l'égard  des  excur- 
sionnistes de  la  Société  de  Géographie  de  Lille.  Si  les  diverses  Sociétés  fran- 
çaises de  Constantinople  «  gardent  un  excellent  souvenir  des  aimables  touristes 
lillois  et  désirent  être  souvent  l'objet  de  semblables  visites  »,  nous  pouvons 
assurer  à  nos  amis  de  l'Orient  que  «  leuis  compatriotes  du  Nord  emportent 
une  bonne  impression  de  l'antique  Byzance  et  des  Français  qui  y  résident  ». 

Oui  l'impression  reste  bonne  de  cette  ville  féerique  «  voluptueusement 
couchée  sur  le  divan  de  sept  collines,  laissant  tremper  ses  pieds  dans  une  eau 
de  saphir  et  d'émeraude  et  baignant  sa  tête  couronnée  de  coupoles  et  de 
minarets  dans  un  col  rose  et  ])leu  qui  semble  briller  derrière  une  gaze 
d'argent  ». 

Je  dois  donc  exprimer  mon  étonnement  à  la  lecture  de  la  fin  de  ce  passage 
du  livre  d'Edmond  About  «  De  Pontoise  à  Stamboul  »  :  «  Ce  qu'il  y  a  de  plus 
«  beau  dans  cette  ville  et  je  le  sais  par  expérience,  dit  Edmond  About,  c'est 
«  le  premier  coup  d'oeil,  le  profil  des  collines,  la  découpure  des  dômes  et  des 
«  minarets  sur  le  ciel,  la  couleur  chaude  et  variée  des  édifices  petits  et  grands, 
«  le  va-et-vient  des  navires  et  des  caïques  sur  le  Bosphore  et  dans  la  Corne 
«  d'Or,  la  merveilleuse  diversité  des  types  et  des  costumes.  Le  voyageur  assez 
«  heureux  ou  assez  courageux  pour  s'en  tenir  à  la  première  impression,  s'ex- 


—  383  — 

«  lasier  iranchement  un  quart  d'heure  et  retourner  chez  hii  sans  demander  soii 
«  reste,  ne  ferait  pas  un  mauvais  calcul  ». 

Nous  avons  le  rej^ret  de  ne  pas  épouser  le  concept  de  l'auteur  du  «  Roman 
ilun  brave  Homme  »  et  la  franchise  de  dire,  nous  le  savons  aussi  par  expé- 
rience, que  le  souvenir  qu'emportent  de  Constantinople  les  membres  de  la 
Société  de  Géographie  de  Lille  est  des  meilleurs  et  restera  longtemps  gravé 
dans  leurs  esprits. 

Constantinople  peut  s'eui'opéaniser.  Elle  conservera  toujours  sa  suprématie 
sur  tous  les  lieux  du  monde.  Il  lui  restera  toujours  son  Bosphore,  ses  mers, 
son  ])eau  ciel,  son  admiiahle  situation,  tout  ce  que  la  nature  lui  a  accordé  et 
que  les  générations  ne  pourront  lui  ravir. 

Les  marins  qui  ont  fait  le  tour  du  monde  disent  qu'ils  existe  trois  choses 
belles  entre  toutes  :  la  baie  de  Rio  Janeiro,  la  rade  de  Naples  et  l'entrée  de 
Constantinople,  en  donnant  la  préférence  à  cette  dernière. 

(J'est  aussi  l'avis  de  la  majorité  des  touiistes. 

Nous  quittons  cette  admirable  ville  le  samedi  4  Mai,  à  5  heures  du  soir. 

Près  du  «  Bagdad  »  qui  doit  nous  emporter  vers  Salonique  stationne  ^<  Vile 
de  France  »  de  la  Revue  générale  des  Sciences,  effectuant  une  croisière.  A  la 
vue  de  ce  paquebot-yacht  français,  notre  pensée  s'envole  vers  la  patrie  aljsente. 
Son  drapeau  tricolore,  qui  claque  sous  le  courant  d'air  du  Bosphore,  semble 
nous  saluer  au  passage  et  nous  réconforte  pour  faire  la  seconde  partie  de 
notre  voyage. 

Sur  le  quai,  les  membres  de  l'Union  Française  et  les  dames  françaises 
viennent  nous  donner  une  dernière  fois  une  chaude  et  cordiale  poignée  de 
main  et  les  mouchoirs  s'agitent  au  moment  du  départ. 

Le  «  Bagdad  »  évolue  lentement,  puis  file  en  ligne  droite  dans  la  mer  de 
Marmara.  Les  mouchoirs  deviennent  d'imperceptibles  points  blancs  ;  et  peu  à 
peu  disparaissent  en  ombres  fugitives  toutes  ces  formes  humaines  qui  s'éta- 
geaient  tout  à  l'heure  sur  les  quais  animés  de  Constantinople  à  qui  nous 
envoyons  un  dernier  salut. 

Le  navire  rase  la  pointe  du  sérail.  Les  minarets  élancés  de  Stamboul  et  les 
vieilles  murailles  crénelées  s'estompent  à  l'horizon.  On  voit  confusément  sur 
la  côte  d'Asie  Scutari,  dont  les  cyprès  se  détachent  en  noir  sur  le  ciel  limpide 
et  doré.  Pour  la  dernière  fois  on  se  retourne  et  on  dit  adieu  à  cette  belle  et 
immortelle  reine  de  l'Orient. 

Le  temps  est  admirable.  La  mer  est  calme.  Le  commandant  est  plein 
d'égards  pour  notre  groupe.  Tout  contribue  donc  à  rendre  la  traversée  très 
agréable. 

Navigation.  —  Le  dimanche  vers  .5  heures  du  matin  nous  nous  réveillons 
dans  le  détroit  des  Dardanelles,  en  face  de  la  ville  de  Dardanelle  ou  Tchanak- 


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Kah'ssi.  A  cet  endroit  la  larg-eur  du  détroit  est  de  deux  kilomètres  environ  et 
le  courant  des  eaux  est  d'une  grande  rapidité. 

On  distingue  très  bien  la  ville  dont  les  minarets  se  dressent  au-dessus  du 
détroit.  Le  «  Bagdad  »  fait  une  escale  d'une  heure  environ.  Pendant  ce  temps 
le  médecin  de  santé  descend  à  bord.  C'est  ici  que  généralement  les  navires  de 
la  Méditerranée  purgent  la  quarantaine. 

On  embarque  aussi  des  marchandises  et  les  indigènes  escaladent  le  bateau 
pour  vend.e  des  bibelots,  et  surtout  des  poteries  (Tchanak),  d'où  le  nom  donné 
à  la  ville  de  Dardanelle.  Le  bruit  de  la  grue  sert  ainsi  de  réveille-matin  aux 
passagers  qui  combattent  contre  leurs  draps  ;  depuis  longtemps  déjà  les 
femmes  turques  fument  la  cigarette  sous  la  tente  et  se  drapent  dans  leurs 
couvertures  bariol3es.  Bientôt  le  pont,  une  fois  la  toilette  terminée,  s'anime  et 
reprend  sa  physionomie  de  la  veille.  L'air  du  matin  est  si  pur  que  tout  le 
monde  fait  provision  d'effluves  salins. 

Le  navire  se  remet  en  marche  et  entre  dans  la  mer  Egée  d'un  bleu  d'azur. 
Au  loin  pointent  les  îles  de  Samothrace  et  à'Imbros.  11  se  rapproche  de 
l'île  de  Lemnos,  reconnaissable  à  son  double  sommet  volcanique  et  dans  laquelle 
la  mythologie  plaçait  les  forges  de  Vulcain.  Une  Société  allemande  y  exploite- 
actuellement  l'antimoine. 

Vers  6  heures  du  soir  le  mont  Alhos  dessine  dans  le  lointain  sa  lilanche  sil- 
houette. L'aimable  commandant  du  »  Bagdad  y>,  pour  nous  être  agréable, 
ralentit  la  marche  du  navire  et  se  rapproche  avec  prudence  du  promontoire 
rocheux.  La  distance  qui  nous  sépare  est  de  1  kilomètre  seulement,  ce  qui 
nous  pei met  de  distinguer  très  nettement  à  la  jumelle  les  nombreux  monas- 
tères et  ermitages  dans  lesquels  vivent  6.000  moines,  et  bâtis  comme  autant  de 
petites  forteresses  dans  les  situations  les  plus  pittoresques.  Le  mont  Athos 
compte  20  grands  couvents  (17  grecs,  2  serbes,  2  bulgares  et  1  russe).  Certains 
de  ces  religieux  vivent  en  pleine  retraite  et  ne  souffrent  autour  d'eux  aucune 
femme  ni  même  aucune  femelle  d'animal. 

On  contourne  cette  masse  hérissée  de  pics  aux  pentes  rapides  ;  puis  le  navire 
passe  devant  les  presqu'îles  à'Hgiou-Oros  et  de  Kassandra.  Le  soleil  se  couche 
sur  la  mer.  Le  crépuscule  naissant  bleuit  l'horizon  et  transforme  les  hublots 
de  notre  salle  à  manger  en  vraies  turquoises.  Tout  est  bleu,  la  mer,  le  ciel 
et  les  étoiles.  Le  spectacle  est  grandiose  et,  devant  cette  immensité,  émeut 
l'âme. 

Tandis  que  la  nuit  «  sur  nous  étend  ses  voiles  »  le  navire  continue  sa 
course,  s'enfonce  dans  le  golfe  de  Macédoine,  puis  s'arrête  le  lendemain  6  Mai 
vers  6  heures  du  matin  à  Salonique  qui,  après  Constantinople,  est  la  ville  la 
plus  importante  de  la  Turquie  d'Europe. 

Salonique.  —  Cette  cité  de  110.000  habitants,  située  au  fond  d'une  large 
baie  paisible  comme  un  lac,  s'élage  en  amphithéâtre.   Vu  du  «Bagdad»  le 


385  — 


coup  d'oeil  est  pittoresque.  Le  navire  n'accoste  pas  au  quai  et  les  passagers 
doivent  effectuer  le  débai-quement  en  petite  barque,  oblig-és  parfois  de  passer 
par  les  fourches  caudines  des  bateliers,  turcs,  dont  le  prix  n'est  pas  toujours 
uniforme. 

Salonique  est  en  fête  aujourd'hui  à  l'occasion  du  lundi  de  la  pâque  g'recque. 
Cette  coïncidence  n'est  pas  pour  nous  déplaire,  car  dans  les  rues  circulent  les 
costumes  les  plus  divers.  Les  «  cireurs  »  sont  lég-ion  ici;  ils  viennent  vous 
importuner  clans  les  cafés.  Les  cafetiers  sont  très  tolérants  et  autorisent  ces 
intéressants  personnages  à  se  livrer  à  leur  peu  lucrative  profession. 

Salonique  se  distingue  des  autres  villes  de  l'empire  ottoman  par  sa  propreté 
qui,  il  ne  faut  pas  s'y  méprendre,  n'a  pourtant  rien  de  hollandais.  Elle  est  en 
train  de  s'embellir  ;  et,  de  grandes  artères,  sur  lesquelles  s'élèvent  de  gigan- 
tesques maisons,  s'ouvrent  un  peu  partout.  Des  boulevards  plantés  d'arbres  lui 
donnent  le  cachet  de  nos  grandes  villes  de  province. 

Salonique  et  ses  environs  abondent  en  débris  de  l'anticjuité  et  en  inscrip- 
tions. C'est  par  un  soleil  de  plomb  et  un  peu  en  courant  que  nous  visitons 
l'ancienne  Thessalonique. 


MOSQUEE   SAINTE-SOPHIE. 


La  Cathédrale  Ste-Sophie,  convertie  en  mosquJe  et  bâtie  sur  le  même  plan 
que  la  mosquée  de  Ste-Sophie  de  Constantinople,  n'est   plus  livrée  au  culte 

25 


—  38()  — 

depuis  son  incendie.  Elle  n"a  pas  été  réparée.  On  ne  peut  que  le  regretter 
pour  l'art  byzantin. 

L'Arc  de  triomphe  de  Constantin  est  un  des  plus  remarquables  monuments 
de  l'Orient.  Heureusement  pour  l'archéolog'ue,  on  vient  de  le  restaurer  très 
intelligemment. 

La  Citadelle  occupe  l'emplacement  de  l'ancienne  Acropole.  Deux  de  nos 
plus  hardis  excursionnistes  en  font  l'ascension.  Ils  constatent  en  cours  de  route 
que  les  conseils  de  prudence  donnés  ne  sont  pas  exagérés.  Le  haut  de  la  cita- 
delle abrite  une  colonie  de  brigands,  dont  la  principale  occupation  est  de 
rançonner  les  étrangers  qui  s'aventurent  dans  leurs  plates-bandes.  Leurs 
mines  de  gibier  de  potence  font  tourner  les  talons  à  nos  ca-marades  qui 
échappent  à  ce  guet-apens  sans  demander  leur  reste. 

Quelques  jours  avant  notre  arrivée,  le  fils  d'un  riche  propriétaire  de  Salo- 
nique  venait  d'être  enlevé  à  une  quarantaine  de  mètres  d'un  poste  de  police  et 
non  loin  d'une  grande  avenue  très  animée.  Cet  acte  accompli  avec  une  rare 
audace,  dans  le  but  d'obtenir  une  rançon  très  élevée  du  père,  a  produit  ici  une 
vive  émotion. 

A  la  suite  de  celte  nouvelle  on  comprend  aisément  les  transes  de  notre  vigi- 
lant Directeur  quand  il  a  été  mis  au  courant  de  la  fugue  de  deux  membres  de 
l'excursion. 

Mais  nous  rassurons  M.  Beaufort.  Nos  amis  sont  taillés  en  hercule.  On 
n'enlève  pas  des  blocs  d'une  pareille  résistance.  En  cas  d'alerte  ils  sauront  se 
défendre  «  unguibus  et  roslro  » . 

Salonique  est  devenu  un  important  centie  industriel  et  un  grand  port  d'ex- 
portation. Son  port  qui  est  très  sûr  peut  contenir  300  bâtiments.  Sa  fortune 
grandissante  commence  à  menacer  celle  de  Constantinople. 

Navigation.  • —  Nous  quittons  Salonique  à  4  heures  du  soir.  Au  Sud-Ouest 
s'élève  le  majestueux  Olympe  (mont  Lâcha),  d'une  altitude  de  3.000  mètres, 
o\x  Homère  plaçait  le  séjour  des  dieux.  Sa  masse  imposante  est  coiffée  d'un 
immense  chapeau  de  neige. 

Puis  on  assiste  au  défilé  d'autres  montagnes  enveloppées  de  souvenirs  mytho- 
logiques. Les  monts  Pelion  et  Ossa^  moins  élevés  que  l'Olympe,  nous  rap- 
pellent l'équipée  des  géants  voulant  escalader  le  ciel.  Leurs  fantastiques 
silhouettes  s'enfoncent  insensiblement  dans  les  ombres  du  crépuscule.  Les 
derniers  feux  du  soleil  viennent  jeter  sur  la  cime  des  vagues  bleues  des  reflets 
de  pourpre  et  d'or,  donnant  l'illusion  d'un  de  ces  riches  tissus  d'Orient  sur 
lesquels  scintillent  les  rubis  et  les  émeraudes. 

Ensuite  l'astre  se  plonge  dans  les  eaux  et  tout  cet  éclat  s'évanouit.  Alors 
flotte  dans  la  voûte  azurée  le  manteau  bleu  de  la  nuit  parsemé  d'étoiles,  tandis 
que  les  voix  cristallines  de  deux  charmantes  passagères  arméniennes  se  mêlent 
harmonieusement  au  doux  susurrement  des  flots  argentés, 


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Et  Ton  descend  ensuite  dans  sa  cabine  pour  s'endormir,  mollement  bercé 
par  le  mouvement  cadencé  du  tangag'e. 

Le  lendemain  le  navire  se  trouve  en  face  de  l'île  i^iEtihée  (Négrepont)  qu'il 
longe  à  peu  de  distance,  passe  dans  le  canal  d'Oro  rssserré  entre  les  montagnes 
de  VEubée  et  de  l'île  CCAndros,  et  se  trouve  dans  le  rayon  des  Cyclades,  groupe 
central  des  îles  de  l'Archipel  dont  Syra  est  la  capitale. 

L'arrivée  à  Syra  est  admirable.  La  ville,  quand  on  la  voit  de  la  mer,  res- 
semble à  Alger-la- Blanche.  On  distingue  très  nettement  sa  division  en  trois 
quartiers.  Leur  ensemble  forme  géométriquement  trois  triangles.  Toutes  les 
maisons  sont  blanches  ou  bleues  et,  bâties  avec  terrasse,  s'étagent  assez  unifor- 
mément.  L'aspect  est  très  pittoresque. 

Syra.  —  Quand  nous  mettons  pied  à  terre,  vers  2  heures  de  l'après-midi, 
les  insulaires  font  la  méridienne.  La  chaleur  est  torride  et  les  rues  sont 
désertes.  Les  géographes  lillois,  très  endurants,  et  pressés  par  le  teiftps,  se 
voient  forcés  de. la  visiter  avec  35°  centigrades. 

La  ville  moderne  porte  le  nom  d'Hermopolis  (ville  d'Hermès).  On  doit 
signaler  comme  curiosité  la  place  où  se  trouve  la  Chambre  de  Commerce.  Ce 
vaste  emplacement  rectangulaire,  abrité  contre  le  soleil  ardent,  est  pavé 
entièrement  de  dalles  de  marbre  blanc,  ce  qui  augmente  encore  la  luminosité. 
Il  est  encadré  de  palmiers  alternant  avec  des  acacias  en  fleurs.  C'est  dans  ce 
petit  coin  de  TAlgérie  que  sont  situés  les  plus  beaux  cafés  ornés  d'arcades,  fort 
heureusement,  pour  se  mettre  à  l'ombre. 

Le  vieux  Syra  est  le  Syra  d'en  haut.  Sous  une  température  sénégalienne, 
par  un  large  escalier  brûlé  par  le  soleil  et  un  dédale  de  rues,  la  petite  caravane 
grimpe  en  s'épongeant  le  front.  Les  dames  alpinistes  entraînent  leurs  compa- 
gnons ;  tous  ensemble  enfin,  la  figure  rôtie,  nous  parvenons  au  sommet  de  la 
colline,  sur  la  plate-forme  de  l'église  St-Georges,  amplement  dédommagés  de 
nos  fatigues  par  le  magnifique  pano  ama  des  Cyclades. 

La  descente  se  fait  lentement  sur  des  pierres  polies  et  glissantes  et  nous 
retournons  chercher  la  fraîcheur  sur  notre  cher  «  Bagdad  ».  Sur  le  pont  se 
trouve  M.  Robin,  Consul  de  France  à  Syra,  allié  à  une  famille  lilloise,  et  qui 
vient  nous  saluer  au  départ. 

Il  fait  déjà  nuit  quand  le  navire  se  met  de  nouveau  en  marche.  Notre  pro- 
gramme subit  en  cours  de  route  un  complément  d'excursion  irçprévue,  car  le 
commandant  a  reçu  l'ordre  de  prendre  des  passagers  à  Kalamata.   , 

Navigation.  —  Nous  suivons  la  côte  de  Morée.  Après  avoir  traversé  le 
canal  de  Cervi  qui  sépare  l'île  Cervi  de  l'île  Cerigo  (l'antique  Cythère),  nous 
doublons  le  cap  Matapan.  ce  cap  Tenare  si  redouté  des  anciens  qu'ils  avaient 
placé  là  l'une  des  entrées  de  l'enfer. 

Vers  5  heures  du  matin  nous  entrons  dans  la  mer  Ionienne.  Nous  passons  en 


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vue  de  Navarin,  célèbre  par  sa  bataille  navale  qui  s'est  livrée  dans  sa  rade  et 
où  la  flotte  turque  fut  détruite  par  les  forces  coalisées  de  la  France,  de  la 
Russie  et  de  l'Angleterre  en  1827. 

En  face  de  nous,  le  mont  Taygète  (2.409  mètres)  se  h irisse  drapé  dans  son 
manteau  de  neige  et  insensiblement  le  «  Bagdad  »  arrive  à  10  heures  dans  le 
golfe  de  Kalamata. 

Comme  à  Salonique  et  à  Syra  on  n'accoste  pas  à  Kalamata  et  il  faut 
recourir  aux  bateliers  du  pays  pour  le  transbordement.  Nouvelle  difficulté 
pour  M.  Beaufort. 

Kalamata.  —  Kalamata  occupe  l'emplacement  de  l'antique  Phérœ,  qui 
fut  la  principale  ville  maritime  de  la  Messenie  du  Sud.  La  ville  n'est  guère 
intéressante. 

Située  à  deux  kilomètres  du  quai,  une  longue  allée,  poudreuse,  conduit  au 
centre  de  la  petite  cité  grecque.  Cette  avenue  est  bordée  de  haies  d'orangers 
en  fleurs  et  entourée  de  grands  jardins  plantés  de  cactus,  d'aloès  et  d'euca- 
Ijptus.  On  se  croit  transporté  en  Afrique.  Cette  végétation  ne  doit  pas  nous 
étonner.  Kalamata  est  bien  abritée  ;  et  l'été  y  est  très  chaud.  Aussi  est-elle 
renommée  par  ses  vergers  et  ses  jardins  ! 

Kalamata  fait  un  grand  commerce  d'huiles,  de  figues,  d'oranges,  de  melons 
et  surtout  de  raisins  de  Corinthe.  Ceux-ci  nuisent  considérablement  à  l'indus- 
trie des  cocons  jadis  très  prospère. 

Grâce  à  ses  exportations,  cette  petite  ville  jouit  d'une  certaine  aisance  et 
présente  assez  d'animation.  La  propreté  ne  brille  pas  sur  les  étalages,  mais  il 
faut  tenir  compte  du  soleil  tropical  qui  défraîchit  notoirement  les  denrées. 

Le  bazar  très  bien  approvisionné  —  sauf  de  cartes  postales  —  offre  un  coup 
d'œil  original  et  la  principale  rue,  assez  large,  construite  par  les  Français, 
conduit  du  bazar  à  la  rivière  Nedon. 

Ce  qui  nous  surprend,  c'est  qu'on  ne  parle  pas  la  langue  française  à  Kala- 
mata. Pour  nous  faire  comprendre  nous  devons  utiliser  nos  faibles  connais- 
sances de  la  langue  anglaise.  On  parle  anglais,  mais  nullement  français.  Nous 
en  demandons  —  toujours  en  anglais  —  la  raison.  On  nous  répond  que  beau- 
coup d'Anglais  s'arrêtent  à  Kalamata  avant  de  se  rendre  à  Sparte,  mais  qu'on 
y  voit  rarement  des  Français. 

Notre  promenade  est  donc  sensationnelle.  Notre  amour-propre  national  en 
est  flatté  et  je  suis  persuadé  que  le  soir,  dans  la  petite  ville,  le  bruit  se, colpor- 
tait que  20  Français,  memlres  de  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  étaient 
passés  à  Kalamata.  Et  nous  devons  cette  visite  et  ce  succès  au  commandant 
à\i«  Bagdad».  Sans  lui  Kalamata  serait  encore  pour  nous  dans  les  ténèbres 
de  la  géographie. 

Un  canot  nous  ramène  au  navire.  En  attendant  le  départ,  retardé  par  la 
quantité   considérable   de   marchandises  à  embarquer,  deux  de  nos  amis  ne 


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peuvent  résister  au  désir  (le  se  rafraîchir  .dans  Tonde  bleue.  La  température 
du  reste  est  délicieuse  et  la  mer  est  un  véritable  lac.  La  transparence  de  l'eau 
nous  permet  de  suivre  leurs  plongeons  et  leurs  évolutions. 

Combien  de  Français  se  sont  baig-nés  dans  le  golfe  de  Kalamata  ? 

Enfin  l'hélice  tourne  et  le  navire  vogue  vers  Patras,  où  nous  arrivons  le 
jeudi  9  Mai,  vetfr  9  heures  du  matin  au  milieu  d'un  décor  nové  dans  une 
lumière  d'une  tonalité  exquise. 

Patras.  —  Patras  n'a  pas  de  port.  On  jette  l'ancre  en  face  de  la  ville  et 
on  débarque  en  pleine  rade.  Des  barquettes  nous  déposent  sur  le  quai  en  face 
de  la  douane,  pleine  d'égards  ici  également  pour  les  membres  de  la  vSociété 
de  Géograpliie  de  Lille  ;  et  pourtant  on  nous  l'avait  signalée  comme  très 
vexaloire. 

Malgré  l'heure  matinale  les  terrasses  des  cafés  regorgent  de  monde,  mais 
vers  midi  elles  se  vident,  tellement  la  chaleur  est  torride,  pour  reprendre  leur 
animation  dans  la  soirée. 

Nous  parcourons  rapidement  la  ville  divisée  en  deux  quartiers  :  la  ville 
haute  et  la  ville  basse. 

La  ville  haute  renferme  un  château  vénitien  ;  la  ville  moderne  est  bâtie 
entre  la  mer  et  l'emplacement  de  la  cité  antique.  Les  rues  sont  larges  et  à 
trottoirs  de  marbre  ;  quelques-unes  sont  très  droites  et  bordées  de  maisons  à 
arcades. 

Certaines  rues  près  du  quai  sont  corporatives.  Dans  les  unes  se  trouvent 
tous  les  épiciers  et  les  magasins  de  primeurs  ;  dans  les  autres  se  voient  les 
marchands  de  nouveautés  et  les  tailleurs. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  intéressant  à  Patras,  c'est  le  coup  d'ceil  général  du 
quai.  Le  mouvement  est  incessant.  De  temps  en  temps  défilent  des  Grecs 
enjuponnés,  vêtus  de  la  fustanelle  ou  des  Albanais  en  costume  original  venus 
dans  le  pays  pour  travailler  dans  les  campagnes.  Ces  paysans  sont  très  sobres  ; 
végétariens  ils  ne  mangent  de  la  viande  qu'une  fois  par  semaine  ;  ce  sont 
d'excellents  travailleurs. 

Patras  est  la  première  ville  maritime  commerçante  de  la  Grèce.  On  exporte 
annuellement  20  millions  de  litres  de  raisins  de  Corinthe  ;  c'est  aussi  un  gi-and 
marché  d'huile,  de  coton,  de  figues  et  de  soie. 

La  station  du  chemin  de  fer  à  voie  étroite  est  située  au  bout  du  quai.  Les 
wagons,  dans  lesquels  les  gamins  du  pays  jouent  à  cache-cache,  sont  épar- 
pillés sur  la  voie,  jusqu'à  ce  qu'une  locomotive  vienne  les  rassembler.  Ils  sont 
déjà  bondés  de  voyageurs.  Aucune  police  de  surveillance,  aucun  employé  du 
train  ne  viennent  vous  renseigner.  Ils  montrent  le  bout  de  leur  nez  quand  la 
cloche  signale  le  moment  du  départ.  Et  quel  départ  ? 

Le  train  s'avance  le  long  du  quai  ;  pas  de  barrière  au  passage.  Aussi  les 
mêmes  gamins  se  soucient  du  conducteur  comme  de  Colin-Tampon,  sautent 


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sur  les  marches,  mendient  aux  portières  et  descendent  à la  prochaine 

station  ! 

Ces  petits  incidents  sont  vite  oubliés  devant  la  beauté  du  panorama  qui, 
pendant  tout  le  trajet  de  Patras  à  Athènes,  va  se  dérouler  à  nos  yeux. 

Je  ne  saurais  assez  recommander  aux  touristes  ce  mode  de  locomotion. 

Le  train  suit  constamment  la  côte  Sud  du  golfe  de  Patras  d'abord,  ensuite 
celle  du  ffolfe  de  Corinthe.  A  nos  pieds  la  mer  bleue,  sur  la  rive  opposée  les 
montagnes  avec  leurs  sommets  neigeux.  Quand  la  mer  s'esquive  à  nos  regards, 
ce  ne  .sont  que  pa^'sages  désolés,  plaines  stériles  et  fleuves  sans  eau  à  cette 
saison. 

Parfois  surgissent  les  murailles  crénelées  d'une  vieille  ville  telle  que  Lépanle, 
dont  la  célèbre  bataille  navale  eut  lieu,  non  par  ici,  mais  à  l'embouchure  du 
o-olfe  de  Patras.  Nos  souvenirs  classiques  affluent  à  la  vue  des  lignes  harmo- 
nieuses des  monts  Parnasse  et  Hélicon,  si  chers  à  nos  poètes. 

Le  train  s'arrête  quelques  instants  à  Corinthe,  une  des  cités  les  plus  floris- 
santes de  l'ancienne  Grèce,  aujourd'hui  déchue  de  sa  splendeur  et  souffrant  de 
la  concurrence  de  Patras  où  s'arrêtent  la  plupart  des  navires  d'Europe.  La 
«  nouvelle  Corinthe  »,  pour  reconquérir  sa  prospérité,  escompte  le  succès  du 
canal  de  Corinthe  ;  malheureusement  le  fameux  canal  maritime  sur  lequel  on 
fondait  tant  d'espérances  est  plutôt  délaissé  à  cause  de  sou  étroitesse.  Les 
t»-rands  navires  n'osent  s'y  engager.  La  longueur  du  canal  est  de  6.540  mètres 
et  la  largeur  de  22  mètres  ;  la  profondeur  d'eau  est  de  8  mètres.  A  l'endroit 
le  plus  élevé  la  tranchée  mesure  80  mètres  de  hauteur  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer. 

Les  touristes  descendent  surtout  a  Corinthe  pour  visiter  l'Acro-Corinthe, 
beau  rocher  se  dressant  à  600  mètres  au-dessus  de  la  ville.  Il  n'est  pas  au 
monde  un  lieu  comparable  à  cette  acropole  pour  réveiller  les  souvenirs 
antiques. 

En  route  pour  Athènes  !  La  voie  s'élève  très  lentement  sur  un  plateau  sépa- 
rant le  golfe  de  Corinthe  du  golfe  Saronique  et. franchit  le  canal  de  Corinthe 
sur  un  pont  de  92  mètres.  Elle  domine  les  flots  bleus  et  décrit  des  méandres 
qui  nous  font  découvrir  des  points  de  vue  nouveaux  et  des  perspectives  inat- 
tendues. 

Toutes  les  îles  passent  sous  nos  yeux.  Nous  longeons  toujours  la  mer  sur 
nne  route  taillée  à  vif  dans  le  roc  ;  les  courbes  sont  d'une  hardiesse  effrayante. 
A  mon  avis  cette  route  est  plus  belle  que  celle  de  la  Corniche  de  Nice.  Puis  la 
plaine  d'Athènes  commence,  plaine  aride  avec  des  arbres  rabougris,  rappelant 
un  peu  la  campagne  romaine. 

Il  est  7  heures  et  demie.  Nous  sommes  à  Athènes  et  descendons  à  la  gare  du 
Péloponèse,  qui  est  plutôt  une  gare  de  petite  ville  de  province  que  celle  d'une 
capitale. 

Le  roi  de  Grèce,  entouré  de  quelques  personnages  de  la  Cour,   est  sur  le 


—  391  — 

quai,  non  pour  nous  saluer,  mais  pour  recevoir  un  prince  de  Bavière  qui 
descend  de  notre  train. 

Nous  nous  dirig'eons  en  voiture  vers  notre  hôtel  par  des  chemins  poussié- 
reux et  des  rues  désertes,  ce  qui  nous  cause  une  certaine  déception  qui 
s'évanouit  dès  que  nous  pénétrons  dans  les  beaux  quartiers  très  anciens  el 
resplendissants  sous  les  feux  des  lumières  électriques. 

Le  lendemain  des  landaus  confortables  sont  alignés  devant  Thôtel.  La  visite 
de  la  ville  se  fait  ainsi  sans  fatig-ue. 

Athènes.  —  Avant  la  constitution  du  rovaume  de  Grèce  en  1834,  Athènes 
n'était  qu'une  bourg-ade  gréco-alianaise  de  300  maisons  groupées  au  Nord 
de  l'Acropole.  Sa  population  en  1870  s'élevait  à  50.000  habitants.  Aujour- 
d'hui Athènes  est  une  cité  opulente  et  compte  près  de  150.000  âmes. 

Les  quartiers  neufs  datent  de  la  fin  du  XIX®  siècle  et  actuellement  la  ville 
s'embellit  de  jour  en  jour,  g-râce  à  des  généreux  donateurs  enrichis  par  la 
banque  ou  le  commerce.  Malheureusement  elle  est  mal  défendue  contre 
l'aveuglante  réverjjération  produite  par  tous  les  marbres  blancs  des  façades  de 
ses  maisons  et  les  dalles  l>lanches  de  ses  immenses  ti'ottoirs. 

La  chaleur  extrême,  le  manque  de  pluie,  la  terrible  poussière,  l'abondance 
des  moustiques  ne  rendent  pas  son  séjour  très  agréable  en  été.  Aussi  beaucoup 
de  familles  athéniennes  s'expatrient  de  Mai  à  Octobre  ! 

Au  moment  de  notre  passage,  la  chaleur  est  déjà  insupportable  et  nous  force 
à  retarder  dans  l'après-midi  l'heure  du  départ  en  excursion. 

Le  soir  la  ville  renaît  à  la  vie  et  au  bruit.  Les  promeneurs  sont  noml  reux  ; 
les  terrasses  des  cafés  bourdonnent  sur  les  places  de  la  Concorde  et  de  la 
Constitution.  L'apéritif  grec  est  ordinairement  un  petit  verre  de  mastic,  liqueur 
assez  analogue  à  notre  anisette,  mais  beaucoup  plus  forte,  qui  doit  son  nom  et 
son  parfum  à  la  résine  d'un  lentisque,  terebinthus  leutescus,  que  l'on  recueille 
surtout  dans  l'île  de  Chio.  En  même  temps  que  le  petit  verre  de  mastic,  on 
vous  apporte  une  olive  et  un  verre  d'eau. 

Tous  les  soirs  sur  la  place  de  la  Constitution,  où  est  situé  notre  hôtel,  une 
foule  compacte  se  masse  pour  assister  à  un  concert  symphonique  qui  se  pro- 
longe jusqu'à  une  heure  avancée  de  la  nuit.  Les  excursionnistes  lillois,  malgré 
la  douceur  de  cette  musique  sous  le  ciel  attique,  préfèrent  à  la  Ivre  du  divin 
Orphée  le  pavot  du  grave  Morphée  et  se  trouvent  chaque  soir  dans  la  nécessité 
de  se  livrer  à  un  sommeil  réparateur. 

Athènes  vit  surtout  par  son  passé.  Les  détracteurs  disent  que  ses  temples 
ne^sont  plus  que  des  carrières  de  marbre  et  que  cette  viUe  est  en  dépérissement 
complet. 

De  l'avis  des  archéologues,  elle  peut  encore  être  considérée  comme  une  des 
plus  riches  villes  de  la  Grèce  et  tous  ses  monuments  évoquent  de  chers  souve- 
nirs de  l'hellénisme. 


—  392 


Les  touristes  qui  ne  conservent  pas  une  bonne  impression  d'Alhènes  sont 
ceux  qui  n'ont  pas  préparé  leur  vojage. 

Pour  que  cette  excursion  soit  profitable,  il  faut  faire  appel  à  ses  souvenirs 
classiques,  aimer  Tarchéolog-ie,  et  s'intéresser  à  ces  ruines  qui  renferment  toute 
riiisloire  de  ce  pays  qu'un  poète  ancien  appelait  si  justement  «  la  Grèce  de  la 
Grèce  ».  On  ne  visite  pas  la  Grèce  comme  on  visite  la  Suisse  et  l\  Norvège 
avec  les  seuls  yeux  du  corps,  mais  aussi  e!  surtout  avec  les  yeux  de  l'esprit.  • 

L'impression  très  vive  que  l'on  éprouve  à  la  vue  des  antiquités  d'Athènes 
ne  tient  pas  seulement  à  l'incomparable  beauté  de  ses  édifices,  mais  surtout  à 
la  façon  incomparable  avec  laquelle  ils  se  détachent  si  nettement  sur  le  fond 
uniforme  de  la  ville.  Lorsqu'on  est  sur  l'Acropole,  on  reg-arde  avec  les  monu- 
ments, le  cadre  merveilleux  qui  les  entoure.  Tout  ce  décor  est  illuminé  par  la 
lumière  grecque  et  la  pureté  de  l'atmosphère,  Le  bleu  du  ciel  se  répand  par- 
toat  :  l'ombre  là-bas  est  pleine  de  clarté. 

]\/[me  Séverin,  Directrice  du  Collège  de  jeunes  filles  de  Roubaix,  dans  une 
magistrale  et  inoubliable  conférence  à  la  Société  de  Géographie  de  Lille,  nous, 
a  fait  entrevoir  tente  la  richesse  archéologique   de  ce  pays,   dont  la  beauté  a 


L     ACROPOLE. 


exercé  sur  elle  une  sorte  de  puissant  sortilège,  et  nous  a  parlé  d'Athènes  avec 

une  allure  littéraire  remarquable  dont  nous  garderons  longtemps] le  souvenir. 

Moins  bien  que  notre  distinguée  collègue,  je  vais  très  rapidement  et  très; 


3U8 


simplement  sij^-nale]-  ce  que  nous  avons  vu  i»u  cours  de  noire  promenade  duns 
la  capitale  de  la  Grèce. 

Acropole.  —  Athènes  possède  une  chose  unicjue  au  monde,  V Acropole, 
rocher  isolé  aux  arêtes  vives,  élevé  de  150  mèlres  au-dessus  du  nivqau  de  la 
mer,  sur  lequel  hahitaient  ses  premiers  habitanis. 

Les  voitures  montent  à  mi-chemin  par  une  route  en  lacets.  On  entre  à 
V Acropole  par  la  porte  dite  Porte  Beidé,  du  nom  de  Charles  Beulé,  archéologue 
français  et  meml)re  de  l'Ecole  franc  lise  d'Athènes  en  1852,  dont  les  fouilles 
sont  restées  célèbres.  C'est  lui  qui  a  délilavé  le  versant  Ouest  et  qui  a  décou- 
vert ce  qu'il  a  appelé  les  fortifications  de  l'Acropole. 

Les  Propylées.  —  Les  premières  ruines  que  l'on  renconti'e  après  avoir 
franchi  le  seuil  de  l'Acropole  sont  celles  des  Propylées.  Ainsi  que  leur  nom. 


TEMPLE    DE    LA   VICTOIRE    AI'TEHE. 


l'indique  ils  forment  en  quelque  sorte  la  porte  d'honneur  ouvrant  le  sanctuaire. 


—  394  — 

La  toiture  est  tombée  ainsi  que  l'entablement  ;  il  ne  reste  plus  en  place  que 
des  pans  de  muraille  et  des  colonnes  de  marbre  à  la  cliaude  patine  d'une  teinte 
dorée  que  l'âge  donne  aux  édifices  dans  les  pays  où  l'humidité  est  inconnue. 
Dans  nos  pays,  au  contraire,  sous  une  atmosphère  chargée  de  fumée  et  de 
pluie,  la  pierre  du  blanc  le  plus  pur  devient  bientôt  noire  ou  verdâtre. 

Temple  de  la  Victoire  Aptère.  —  Le  Temple  de  la  Victoire  Aptère 
est  situé,  en  avant  des  Propylées,  sur  une  terrasse  haute  de  8  mètres.  Sur  un 
banc  de  la  plate-forme  se  repose  et  rêve  une  famille  lilloise  ;  cette  rencontre 
fortuite  réjouit  les  dames  de  l'excursion.  Pour  l'honneur  de  notre  patrie, 
j'eusse  désiré  que  cette  rencontre  se  fît  à  Kalamata  pour  prouver  aux  indigènes 
de  ce  pays  que  le  Français  voyage  autant  que  l'Anglais. 

De  la  terrasse,  derrière  le  temple,  on  a  sur  toute  la  contrée  une  vue  splen- 
dide.  C'est  là,  selon  la  légende  rapportée  par  Pausanias.  que  se  tenait  Egée 
attendant  le  retour  de  son  fils  Thésée.  C'est  là  qu'il  se  précipita  eu  voyant  la 
voile  noire  flotter  au  lieu  de  la  voile  blanche  (jui  devait  lui  annoncer  la  vic- 
toire sur  le  Minotaure. 

Le  Parthénon.  —  Le  Parthénon  dédié  à  Minerve  est  un  des  plus  élo- 
quents témoignages  de  l'architecture  antique.  Il  donne  bien  l'impression  de 
la  grandeur  et  de  la  force.  Il  n'est  pas  colossal  et,  comme  l'a  dit  un  archéologue, 
il  serait  à  l'aise  dans  la  nef  de  Saint-Pierre  de  Rome. 

«  Tout  se  tait,  a  dit  Lamartine,  devant  l'impression  incomparable  du  Par- 
thénon, ce  temple  des  temples,  décoré  par  Phidias,  espèce  de  révélation  divine 
de  la  beauté  idéale  reçue  un  jour  par  le  peuple  artiste  par  excellence  et  trans- 
mise par  lui  à  la  postérité  en  blocs  de  marbre  impérissable  et  en  sculptures 
qui  vivront  à  jamais  ». 

Malheureusement  une  explosion  survenue  pendant  le  siège  d'Athènes  par 
les  Vénitiens  et  les  dévastations  éhontées  commises  par  les  Anglais,  qui  se  sont 
empai  es  des  plus  belles  statues  et  des  frontons,  ont  complété  l'œuvre  destructive 
du  temps.  Tous  ces  produits  du  vandalisme  sont  au  British  Muséum  de 
Londres. 

Erechteïon.  —  \J Erechteïon  s'élève  près  du  Parthénon  et  attire  l'attention 
des  visiteurs  par  la  grâce  variée  de  ses  portiques  et  la  finesse  de  sa  décoration. 

Cet  édifice  d'ordre  Ionique  contient  de  beaux  morceaux  d'architecture, 
enir'SiXiires  le  Porlique  des  Cariatides  ;  c'est  bien  ici  l'art  grec,  idéal  et  clas- 
sique où  plane  partout  l'âme  légère  de  l'antiquité. 

Le  petit  musée  de  l'Acropole,  construit  en  1878,  est  exclusivement  destiné 
aux  antiquités  découvertes  sur  l'Acropole  même.  Il  contient  donc  les  frag- 
ments de  sculpture  tombés  des  temples  et  des  objets  trouvés  dans  les  remblais. 


—  395  — 

Les  fouilles  n'étant  pas  terminées,  ce  musée  peut  donc  s'enrichir  de  pièces 
intéressantes. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  ce  sont  les  bas-reliefs  du  Temple  de  la 
Yictoin'  Aptère  et  surtout  les  sculptures  des  frontons  et  de  la  frise  du  Par- 
thénon. 

Notre  visite  de  l'Acropole  et  de  ses  dépendances  est  terminée.  Si  l'Acropole 
n'est  qu'un  amas  de  ruines,  ce  sont  en  tous  cas  les  plus  belles  ruines  du  monde, 
et,  ce  qui  double  le  g'randiose  efïét  de  ces  nol)les  déliris,  c'est  leur  o-roupement 
au  sommet  de  ce  monticule  rocheux. 

Je  comprends  maintenant  le  rêve  caressé  par  les  artistes  de  visiter  ce  coin 
d'Athènes  par  un  clair  de  lune.  Quelle  magique  vision  sous  la  troublante 
lumière  de  l'astre  des  nuits  !  Quelle  impression  étrange  !  Quel  spectacle 
inoubliable  ! 

Continuons  notre  pèlerinage  sur  cette  terre  classique  et  évoquons  encore 
nos  souvenirs. 

Théâtre  de  Bacghus.  —  Le  Théâtre  de  Bacchus,  d'imposante  architec- 
ture, est  assez  bien  conservé. 

C'est  un  des  plus  beaux  vestiges  de  l'antiquité.  Il  pouvait  contenir  25.000 
spectateurs  et  était  construit  tout  en  marbre.  Il  servait  aussi  de  tribune  où 
plusieurs  philosophes  tenaient  école  et  venaient  développer  leurs  doctrines. 

Théâtre  de  l'Odéon.  —  Le  Théâtre  de  l'Odéon,  en  marbre  également, 
est  le  seul  théâtre  de  l'antiquité  qui  était  couvert  par  une  toile,  dit  notre  cicé- 
rone, ou  d'un  splendide  plafond  en  bois  de  cèdre,  dit  le  guide  Baedeker. 

Il  fut  construit  par  un  riche  Grec  en  mémoire  de  sa  femme  pour  servir  en 
toute  saison  aux  concerts  et  aux  représentations  dramatiques  des  Athéniens. 
Les  gradins  ont  été  retrouvés  presque  entiers  avec  leurs  escaliers  et  couloirs  de 
circulation.   Les  fouilles  continuent. 

AsKLAPïON.  —  Le  temple  d'Esculape  est  à  Épidaure,  mais  ici  se  trouve  la 
source  sacrée  de  l'Asklépïon  qui  suinte  d'un  rocher  et  se  déverse  dans  un 
réservoir  où  se  développent  des  myriades  de  bactéries.  C'est  dans  cette  eau 
saumâtre  que  les  malades  font  leurs  ablutions  et  c'est  devant  l'autel  à' Hygie 
qu'ils  viennent  demander  la  guérison  au  dieu  médecin. 

Le  culte  d'Asklépios  est  resté  en  honneur  à  Athènes  jusqu'à  la  fin  du 
Y"  siècle  de  notre  ère. 

Aréopage.  —  L'Aréopage  s'élève  entre  l'Acropole  et  la  colline  des 
Nymphes.  C'est  là  que  siégeait  le  célèbre  tril)unal  et  il  n'est  peut-être  pas 
d'endroit,  dans  l'antique  Athènes,  auquel  sont  attachés  de  si  redoutables  sou- 
venirs et  de  plus  terribles  légendes. 


—  396 


On  voit  l'emplacement  de  la  tribune  creusée  clans  le  roc,  tribune  où  Péri- 
clès,  Alcibiade  et  Démosthène  firent  entendre  leurs  voix  et  où  Socrate  parla 
au  «  peuple  le  plus  léger  et  le  plus  spirituel  de  la  terre  ».  Si  c'est  dans  cette 
enceinte  que  tant  de  décrets  iniques  ont  été  prononcés,  c'est  là  aussi  que 
d'éminents  citoyens  firent  éclater  leurs  généreux  accents  contre  les  tyrans  de 
leur  patrie. 

Maison  de  Socrate.  —  On  visite  aussi  les  chamlires  souterraines  connues 
sous  la  Maison  de  Socrale,  qui  sont  situées  en  face  du  Théâtie  de  l'Odéon. 

Rien  n'atteste  que  cette  demeure  ait  servi  de  pi-ison  à  Socrate.  Le  guide  dit 
aussi  que  c'est  là  qu'il  s'est  empoisonné  avec  la  ciguë.  Je  me  demande  si  ce 
n'est  pas  une  tradition  fantaisiste,  car  ces  explications  ne  reposent  sur  aucune 
donnée  positive. 

Arc  d'Hadrien.   —  L'Arc   d'Hadrien,    porte   très   décorative,    se   trouve- 


l'arc  d'hadrien. 


dans  un  état  satisfaisant  de  conservation.  Sur  les  frises  du  portique  se  lisent  les- 


—  397  — 

inscriptions  si  connues  :  «  C'est  ici  l'Athènes  de  Thésée,  l'ancienne  ville. 
C'est  ici  la  ville  d'Hadrien  et  non  celle  de  Thésée  ». 

Il  ne  résulte  pas  de  ces  attestations  que  le  monument  a  été  élevé  par  l'em- 
pereur Hadrien  lui-même.  Tout  porte  à  croire  qvi'il  fut  érig-é  par  les  Athéniens 
en  sig-ne  de  reconnaissance  pour  le  fondateur  de  la  nouvelle  Athènes. 

Après  avoir  passé  sous  l'Arc  d'Hadrien  on  entre  presque  immédiatement 
dans  l'enceinte  de  VOlympeïou. 

Temple  du  Jupiter  Olympien.  —  Le  Temple  de  Jupiter  Olympien  était 
le  plus  vaste  monument  d'Athènes. 

Il  contenait  la  statue  colossale  de  Jupiter,  une  des  œuvres  géniales  de  Phi- 
dias, et  s'élevait  ù  l'endroit  où,  selon  la  tradition,  s'étaient  écoulées  les  der- 
nières eaux  du  délug-e  et  où  Deucalion  reconnaissant  avait  fondé  le  premier 
temple  de  Jupiter. 

Des  120  colonnes  de  marbre  dont  se  composait  l'édifice,  il  n'en  reste  plus 
que  14.  Une  de  ces  colonnes  a  été  renversée  par  le  terrible  ouragan  de  1852. 
Les  morceaux  gisenl  par  terre,  séparés  en  disques  énormes,  non  abîmés.  On 
peut  ainsi  étudier  de  près  l'énorme  chapiteau  corinthien  qui  n'a  pas  moins 
de  trois  mètres  de  larg'e  à  la  partie  supérieure. 

La  vue  de  ces  majestueuses  ruines,  isolées  sur  une  esplanade  déserte,  pro- 
duit une  vive  impression. 

Monument  de  Lysigrate.  —  Le  monument  de  Lysicrate  est  un  très  gra- 
cieux édifice  qui  s'élève  sur  une  petite  place. 

Il  a  été  longtemps  connu  à  Athènes  sous  le  nom  de  Lanterne  de  De'inosthène 
•et  les  habitants  supposaient  assez  ridiculement  que  l'orateur  s'y  enfermait 
pour  préparer  ses  discours.  Le  peuple  l'appelle  encore  aujourd'hui  Lanterne 
de  Diogène. 

Le  monument  de  Burns  d'Edimbourg  est  la  copie  du  monument  de  Lysi- 
crate  d'Athènes.  Du  reste  quelques  édifices  de  la  capitale  de  l'Ecosse  rappellent 
ceux  de  l'Acropole. 

Temple  de  Thésée.  —  Le  Temple  de  Thésée  est  un  monument  d'ordre 
dorique  très  pur  et  très  bien  conservé.  Vu  à  distance  son  aspect  est  tout  à  fait 
majestueux.  Toutes  ses  formes  architecturales  se  détachent  bien  sur  le  ciel 
hleu  et  ne  sont  pas  écrasées  par  des  circumstructions. 

Le  Stade.  —  Le  Stade  que  nous  visitons  par  un  soleil  de  plomb  étend 
devant  nous  ses  gradins  de  marbre  blanc  sur  lesquels  peuvent  s'asseoir 
75.000  personnes. 

C'est  sur  le  même  emplacement  que,  350  ans  avant  J.-C,  les  Athéniens 
s'exerçaient  entre  eux  ù  la  course  et  comliattaient  sérieusement  pour  les  prix. 


—  398  — 

Les  Grecs  ne  concevaient  rien  de  comparable  à  la  victoire  qu'on  y  rempor- 
tait. C'était  le  comble  Je  la  gloire.  Horace  disait  qu'elle  élevait  les  vainqueurs 
au-dessus  de  la  condition  humaine  ;  ce  n'étaient  plus  des  hommes,  c'étaient 
des  dieux. 

A  l'époque  romaine,  des  combats  de  gladiateurs  et  des  grandes  chasses 
furent  donnés  dans  le  Stade.  Quand  Hadrien  présida  les  jeux  gymniques,  on 
y  chassa  1.000  bêtes  féroces  données  par  l'empereur. 

Aujourd'hui  les  sports  sont  un  peu  moins  sanguinaires.  Les  agiles  coureurs, 
les  nerveux  gjmnasiarques  et  les  adroits  discobales  se  livrent  à  leurs  jeux 
favoris  dans  cette  véritable  fournaise  où  leurs  muscles  surchauffés  sont  mis  à  la 
torture.  Quelle  leçon  d'endurance  !  Et  nous  ne  pouvons  que  rendre  hommage 
à  ce  peuple  énergique  qui  a  tant  lutté  pour  son  indépendance. 

Cimetière  du  Céramique.  —  Descendons  au  cœur  de  la  ville  et  visitons 
le  Cimetière  du  Céramique,  nécropole  découverte  en  1861  pendant  le  perce- 
ment de  la  route  du  Pire'e. 

Il  doit  son  nom  à  sa  situation  sur  un  territoire  appelé  Céramique  extérieur, 
à  cause  des  poteries  et  des  tuileries  installées  dans  ce  quartier.  D'après  Aris- 
tophane, un  marché  de  courtisanes  se  tenait  au  mur  du  Céramique,  comme  au 
mur  de  graffite. 

Au  cours  de  ces  travaux  on  a  mis  au  jour  quelques  lombes  athéniennes 
admirées  dans  l'antiquité. 

Notre  promenade  dans  ces  allées  désertes  est  fort  intéressante  et  nousperinet 
de  dégager  l'esprit  de  cette  époque.  Les  sculpteurs  athéniens  représentaient  de 
préférence  sur  les  monuments  funérairps  des  scènes  de  la  vie  domestique  et 
des  scènes  d'adieu.  Ici  la  morie  est  par  exemple  occupée  à  sa  toilette  ;  elle" 
reçoit  un  colfret  des  miins  de  sa  servante.  Là-bas  le  mort,  entouré  des  siens^ 
leur  presse  une  dernière  fois  la  main.  Quelquefois  des  animaux  sont  dressés  en 
grandeur  naturelle  sur  le  socle  des  tomljes  et  semblent  ainsi  en  être  les 
gardiens. 

Ce  que  nous  venons  de  parcourir  appartient  à  l'Athènes  antique.  Durant 
notre  court  séjour  beaucoup  de  curiosités  nous  ont  échappé,  mais  celles  que 
nous  avons  visitées  nous  ont  permis  d'apprécier  le  génie  grec.  L'amour  de  la 
patrie  et  de  la  liberté  n'était  pas  pour  les  Athéniens  un  instinct  aveugle,  mais 
un  sentiment  éclairé  et  fondé  sur  le  goût  du  beau. 

Musée  National.  —  Jetons  un  rapide  coup  d'oeil  sur  le  Musée  National, 
vaste  bâtiment  construit  en  1889.  Dans  ce  remarquable  Musée,  on  centralise 
les  antiquités  provenant  des  fouilles  faites  par  l'État.  Deux  séries  y  sont  parti- 
culièrement riches  :  la  série  des  œuvres  archaïques  et  la  série  des  reliefs  funé- 
raires. Cette  dernière,  par  son  impression  d'ensemble,  traduit  bien  les 
crovances  et  les  idées  des  anciens  Grecs. 


—  399  — 

Toutes  ces  œuvres  originales  sont  méthodiquement  classées  et  peuvent  être 
examinées  avec  fruit. 

Le  Palais  Royal.  —  Le  Palais  Royal  domine  la  place  de  la  Constitution. 
La  reine  d'Angleterre  est  actuellement  chez  le  roi  de  Grèce,  ce  qui  nous 
empêche  de  visiter  l'intérieur  du  palais,  qui  n'a  du  reste  rien  d'artistique. 
Quant  à  l'extérieur,  c'est  un  grand  édifice  quadrangulaire,  d'un  aspect  lourd 
et  monotone.  Il  a  plutôt  l'apparence  d'une  caserne  que  d'une  résidence  royale, 
et,  de  plus,  il  est  maladroitement  badigeonné  de  couleur  jaune  pour  imiter, 
dit-on,  la  patine  des  marbres  de  l'Acropole,  ce  qui  a  fait  dire  à  Edmond 
About  que  c'ost  «  une  insulte  à  Phidias  ». 

En  face  du'  Palais  Royal  se  trouve  la  Légation  de  France,  où  nous  sommes 
très  aimablement  reçus.  M.  l'Ambassadeur  est  très  heureux  de  notre  visite  et 
s'intéresse  beaucoup  à  l'excursion  que  nous  eft'ectuons  et  qui  se  termine  sous 
d'heureux  auspices. 

L'UNiVERsrrÉ .  —  L'Université  est  un  des  plus  beaux  monuments  de 
l'Athènes  grecque. 

Cet  établissement  a  été  fondé  par  souscription  et  organisé  à  la  manière  alle- 
mande. Le  nombre  des  étudiants  est  de  2.500,  dont  les  trois  quarts  pour  le 
droit  et  la  médecine. 

Parmi  les  professeurs,  l'Université  d'Athènes  compte  un  de  mes  anciens  et 
distingués  maîtres  de  l'Université  de  Lille.  Avec  M.  le  D""  Phocas,  plusieurs 
de  nos  membres  ont  passé  quelques  heures  charmantes  pendant  lesquelles  ils 
ont  pu  visiter  l'hpoital,  vieille  bâtisse  qui  disparaîtra  sous  peu,  et  sa  clinique 
privée,  vaste  hôtel  très  aéré  et  bien  aménagé  pour  l'usage  hospitalier. 

L'Académie  des  Sciences.  —  L'Académie  des  Sciences,  située  à  côté  de 
l'Université,  a  été  construite  aux  frais  du  baron  Sina  de  Vienne,  en  1885, 
dans  le  but  d'y  étalilir  l'Institut  de  Grèce  analogue  à  l'Institut  de  France. 

Cet  édifice  a  été  érigé  à  l'imitation  des  monuments  de  la  Grèce  ancienne 
aux  portiques  ioniens  ;  aux  frontons  décorés  de  statues,  et  rehaussé  de  vives 
couleurs  et  de  dorures. 

Phalère.  —  Les  excursions  dans  les  environs  d'Athènes  sont  également 
très  intéressantes. 

La  température  est  tellement  sénégalienne  que  nous  nous  sentons  le  besoin 
d'aller  une  après-midi  au  devant  de  la  ]»rise  marine  et  nos  voitures  nous  con- 
duisent à  Phalère,  plage  favorite  de  la  société  athénienne  qui  s'y  donne 
rendez-vous  pour  y  prendre  des  bains. 

Sillonnée  de  jolies  villas,  la  baie  de  Phalère  présente  un  coup  d'oeil  char- 
mant,  animée  souvent  par  la  présence  d'escadres  étrangères.    Dans   ses   eaux 


—  400  — 

bleues  sommeillent  actuellement  un  croiseur  anglais  et  un  croiseur  russe.  Sulà- 
tement  un  remous  se  produit  sur  le  navire  ang-lais  et  nous  assistons  de  loin  à 
une  baignade  générale  de>  marins  du  bord. 

Quelques  excursionnistes,  au  pied  alpin,  préfèrent  la  1  rise  de  la  montagne 
à  celle  de  la  mer,  et  s'en  vont  par  cette  chaleur  torride  escalader  le  mont 
escarpé  de  Lycabelie,  que  les  Grecs  modernes  appellent  Montagne  de  Saint- 
Georges,  du  nom  de  la  petite  chapelle  qu'ils  y  ont  élevée.  Nos  alpinistes  fémi- 
nins reviennent  enchantés  de  leur  excursion,  car  du  sommet  la  vue  embrasse 
une  grande  partie  de  l'Attique.  Le  Ljcabette  est  certainement  le  point  le 
plus  favorable  pour  étudier  la  topographie  d'Athènes  et  de  ses  environs. 

Le  Pirée.  —  Nous  quittons  Athènes  le  dimanche  12  Mai  par  le  même 
soleil  et  la  même  poussière  et  c'est  en  voiture  (jue  nous  arrivons  au  Pirée,  port 
d'Athènes  qui  en  est  éloigné  de  8  kilomètres. 

Cette  ville  moderne,  dont  l'accroissement  a  été  plus  rapide  que  la  capitale 
de  la  Grèce,  a  une  population  actuelle  de  55.000  habitants. 

Aujourd'hui  le  Pirée  a  beaucoup  dépassé  Patras  et  Syra.  La  ville  n'offre 
aucun  intérêt  ;  seul  son  quai  présente  de  l'animation.  Les  plus  gros  navires 
de  guerre  peuvent  y  mouiller  et  c'est  l'une  des  plus  importantes  escales  des 
grandes  Compagnies  de  navigation  française,  italienne,  autrichienne,  alle- 
mande et  roumaine. 

En  devenant  un  grand  entrepôt  de  denrées,  céréales,  charbons,  liois,  etc., 
le  Pirée  s'est  transformé  petit  à  petit  en  ville  industrielle  et  les  fal)riques  sur- 
gissent de  tous  côtés. 

Dans  le  port  les  navires  sont  nombreux  ;  un  mouvement  de  barques  le 
sillonne  en  tous  sens,  ramenant  les  passagers  à  leurs  navires  respectifs.  Le 
coup  d'oeil  est  vraiment  pittoresque. 

Le  «  Sénégal  »  est  sous  pression.  Les  passagers  sont  nombreux  à  bord. 
G'est  ce  paquebot  des  Messageries  Maritimes  qui  va  nous  ramener  dans  notre 
chère  patrie. 

Navigation.  —  Ail  heures  il  largue  ses  amarres.  Nous  faisons  nos  adieux 
à  cette  terre  classique,  chantée  par  Homère,  qui  n'existait  pour  nous  que  dans 
les  pays  du  rêve  et  que  nous  avons  touchée  du  doigt  de  la  réalité. 

Bientôt  le  sommet  déchiqueté  du  Lycalette  et  le  glorieux  rocher  de  l'Acro- 
pole disparaissent  à  nos  yeux. 

La  longue  traversée  commence. 

Nous  revenons  sur  nos  pas  en  contournant  de  nouveau  la  Morée.  Nous 
■avons  bien  le  temps  de  faire  connaissance  d'abord  avec  le  distingué  comman- 
dant du  «  Sénégal  »,  M.  Ristorcelli  et  ses  aimables  officiers,  ensuite  avec  les 
passagers  de  toute  nationalité.  L'intimité  est  vite  scellée. 

On   voit   passer   des   types   de   races    différentes.   On  entend   toute   espèce 


—  401  — 

d'idiomes.  A  côté  des  touristes  de  tous  pajs  se  rencontrent  des  riches  négo- 
ciants venant  faire  du  nég-oce  en  France  ou  des  industriels  français  revenant 
d'une  tournée  d'affaires  à  l'étranger.  Et,  si  l'on  se  sent  tant  soit  peu  moralis'.e, 
on  a  le  loisir  de  se  livrer  à  de  curieuses  études  de  moeurs,  au  milieu  de  cette 
foule  si  mélangée  que  l'on  coudoie,  comme  dans  une  rue  de  Lille. 

Là-bas,  à  l'avant  du  navire,  grouille  étendue  sur  des  lambeaux  de  tapis  une 
foule  d'émigrants  pour  les  deux  Amériques.  Les  femmes  sont  entassées  en  un 
monceau,  comme  des  ballots  de  marchandises,  entourées  de  leur  progéniture  ; 
les  hommes  fument  et  jouent  aux  cartes.  Ce  coin  tout  oriental  est  très  bruyant 
sous  ce  ciel  bleu  et  par  une  mer  si  clémente. 

C'est  ainsi  que  les  heures  fuient,  et,  insensiblement,  le  navire  poursuit  sa 
course. 

De  temps  en  ternps  pour  rompre  la  monotonie  de  la  traversée,  de  blanches 
mouettes  escortent  la  poupe^  en  quête  de  morceaux  de  pain  qu'on  leur  lance 
dans  l'eau  ;  ou  bien  encore  le  cri  de  la  sirène  avertit  un  ermite  niché  dans  une 
montagne  qu'un  bateau  p  isse  dans  ses  parages.  C'est  alors  un  échange  de 
saints.  Le  solitaire  répond  par  un  tintement  étouffé  de  cloche  et  agite  quelque 
chose  de  blanc.  J'ignore  si  c'est  son  mouchoir 

On  n'a  aucun  renseignement  sur  ce  bizarre  anachorète.  Le  commandant 
sait  qu'il  habite  là  depuis  une  douzaine  d'années.  Sa  retraite  est  vraiment 
mystérieuse.  Son  ermitage  paraît, microscopique  et  ne  semble  pas  très  éloigné 
de  la  mer,  ce  qui  lui  permet  de. . .  pêcher  à  la  ligne  pour  se  distraire  et  pour 
se  sustenter. 

Singulière  existence  !  Qui  connaîtra  jamais  un  jour  son  histoire  ou  son 
roman  ?  Amours,  religion,  politique  conduisent  quelquefois  à  l'exil  volon- 
taire, à  l'abnégation.  Peut-être  aussi  ce  reclus  est  simplement  un  détraqué, 
un  vain  chercheur  de  la  pierre  philosophale  dans  ces  montagnes  du  Pélo- 
ponèse  ! 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  vit  ici  avec  son  secret  et  personne  ne  songera  jamais  à 
troubler  sa  solitude.  Seul,  le  sifflet  des  navires  qui  sillent  dans  la  mer  Egée  le 
rappelle  à  .  la  réalité.  Quand  sa  clochette  ne  tintera  plus,  le  pauvre  ermite 
aura  déserté  sa  Thébaïde  pour  le . .  .  grand  voyage  probalDlement. 

Il  est  8  heures  du  soir.  Les  croupes  des  montagnes  se  noient  dans  des  (lots 
de  lumière  crépusculaire  et  présentent  des  nuances  bleues  rosacées  et  vio- 
lettes, qui,  fondues  ensemble,  forment  une  teinte  admirablement  douce  à 
l'œil.  On  se  promène  d'un  bout  à  l'autre  du  navire,  heureux  de  contempler  ce 
grandiose  spectacle  de  la  descente  de  la  nuit  sui'  la  plaine  liquide  dans  l'em- 
brasement du  firmament. 

Les  Caps  Malée  et.  Mnlupan  ne  troublent  pas  notre  sommeil.  Le  lendemain 
lundi  13  Mai  nous  sommes  dans  la  mer  Ionienne. 

Dès  le  potron-jaquet  tout  s'éveille  à  liord  et  se  ranime.   Les  matelots  font  la 

26 


—  402  — 

toiletle  du  bâtiment.  Les  passag'ers  viennent  par  petits  paquets  sur  le  pont 
respirer  l'air  salubre  du  matin  et  la  nouvelle  vie  recommence. 

Le  hasard  du  tourisme  nous  apprend  que  le  «  Sénégal  »  transporte  à  Mar- 
seille des  comédiens  revenant  d'Asie-Mineure.  L'un  de  nous,  avec  un  flair 
d'imprésario,  s'intéresse  au  sort  de  ces  artistes,  dig'ues  de  pitié,  et  organise 
pour  la  Caisse  des  Naufragés  et  pour  eux,  une  soirée  à  bord. 

Toute  la  journée  est  employée  aux  détails  de  la  fête  de  bienfaisance  qui 
promet  d'être  ravissante  et  surtout  fructueuse. 

Un  programme  est  imprimé  et  distribué  ;  les  matelots  improvisent  un 
théâtre  drapé  aux  couleurs  île  toutes  les  nations.  Le  soir  un  jet  de  lumière 
électrique  fait  ressortir  les  toilettes  légères  des  dames  et  à  8  heures  et  demie  la 
soirée  de  gala  ouvre  ses  portes  à  la. . .  .  charité.  Chansonnettes  comiques, 
monologues,  vers  de  Rostand,  comédie,  forment  un  répertoire  varié  à  même 
de  dérider  les  farouches  Américaines  et  les  pudibondes  Anglaises. 

La  soirée  est  délicieuse.  Les  vagues  accompagnent  en  sourdine  ce  concert 
en  pleine  mer  et  les  rayons  lunaires  déversent  leur  l)lanche  clarté  sur  cette 
élégante  assemblée..  Dans  l'escarcelle  tombe  une  pluie  de  piécettes  à  l'effigie 
de  presque  tous  les  souverains  d'Europe.  L'obole  de  la  charité  est  interna- 
tionale et  nous  avons  l'extrême  satisfaction  de  donner  au  commandant  du 
«  Sénégal  »  une  somme  assez  rondelette  pour  la  caisse  de  secours  des  marins 
naufragés  et  quelque  soulagement  à  l'infortune  de  nos  artistes  qui  rentraient 
en  France  pauvres  comme  Job. 

Comme  Titus,  nous  n'avons  perdu  notre  journée  ! 

La  nuit  nous  passons  dans  le  détroit  de  Messine  sans  tomber  de  Ckarybde  en 
Scylla.  Au  contraire,  après  un  doux  bercement,  le  lendemain  mardi  14  Mai, 
les  intrépides  de  notre  groupe  sont  à  4  heures  du  matin  sur  la  passerelle  du 
Commandant  pour  voir  le  panache  de  fumée  du  Stromboli,  volcan  très  actif 
de  l'archipel  des  Iles  Liparl. 

Nous  passons  à  quelques  kilomètres  du  géant  et  nous  recevons  à  cette  dis- 
tance une  pluie  de  cendre  qui  nous  remet  en  mémoire  «  que  nous  sommes 
poussière  et  que  nous  retourneron-;  en  poussière  ». 

Près  de  moi  se  trouve  un  touriste  écossais,  membre  de  la  Société  de  Géo- 
graphie d'Edimbourg,  très  vigoureux  malgré  ses  75  ans.  Il  est  venu  aussi 
pour  admiier  le  Stromboli  et  me  raconte  que  tous  les  matins  il  est  à  côté  de 
l'officier  de  service  pour  assister  au  lever  du  soleil. 

En  effet,  à  ce  moment,  l'astre  du  jour  commence  à  s'éclairer  et  le  bon  vieil- 
lard m'entraîne  vers  ce  spectacle  féerique.  Les  yeux  remplis  de  larmes,  il 
reste  en  extase  et  de  temps  en  temps  fait  entendre  ces  paroles  «  Beautiful  Sun  ! 
Beautiful  Sun  !  Ce  vaillant  vieillard  est  un  héliophile  enragé.  Son  tourisme 
consiste  dans  la  contemplation  des  levers  et  des  couchers  de  soleil  sur  la  mer. 
Le  voyage  qu'il  vient  de  faire  en  Egypte  n'avait  d'autre  but  «  Beautiful  Sun 
of  Œgypt  !  » 


—  403  — 

Nous  naviguons  toute  la  journée  sur  cette  admirable  mer  Tjirli '-nicnne  et 
le  long  de  ces  côtes  qu'a  fait  vibrer  la  lyre  de  Virgile. 

Salerne  apparaît  bientôt  au  fond  de  son  golfe  radieux.  Le  «  Sént'gal  »  passe 
entre  la  pointe  de  Campanella  et  l'île  Capri,  dont  nous  apercevons  nettement 
la  trouée  dans  le  rocher. 

Tous  les  passagers  sont  sur  le  pont  pour  admirer  le  féerique  panorama  qui 
va  se  dérouler  jusqu'à  Najdes. 

Sorrenle,  perchée  sur  une  falaise,  CasseJl'imare,  sur  les  rives  du  golfe  azuré, 
Torre-Ammnriatd ,  Beslna  et  Portici  sont  groupés  autour  des  flancs  décharnés 
du  Vésuve  qui  domine  ces  villes  ensoleillées  et  qui,  en  ce  moment,  semble 
plongé  dans  une  profonde  léthargie  préparant  peut-être  sournoisement  un 
prochain  rév^eil  terrible. 

Enfin  la  courlie  gracieuse  de  la  superbe  baie  de  Naples  s'étale  à  nos  yeux 
ravis,  et  la  ville  avec  ses  couleurs  variées  st?  détache  sur  le  l)leu  foncé  du  ciel. 
C'est  un  saisissant  spectacle. 

A  3  heures,  le  «  Sénégal»  arrête  sa  course  et  se  place  à  500  mètres  du  quai. 

Immédiatement  il  est  envahi  par  une  nuée  de  commissionnaires  et  de 
facchini  se  jetant  sur  nous,  comme  une  meute  affamée  sur  une  proie,  ce  qui 
retarde  un  peu  le  débarquement.  En  attendant,  des  plongeurs  napolitains 
guettent  les  pièces  de  monnaie  des  passagers  et  des  piferari  chantent  des  airs 
populaires. 

Une  chaloupe  à  vapeur  nous  transporte  à  terre.  Le  navire  ne  relâchant  que 
six  heures  à  Naples,  nous  utilisons  le  mieux  possible  ce  court  espace  de  temps. 

La  plupart  de  nos  excursionnistes  connaissent  déjà  du  reste  cette  ville 
joyeuse  et  folâtre  ;  mais  on  éprouve  toujours  le  même  plaisir  à  la  visiter.  Son 
aspect,  ses  hautes  maisons,  ses  rues  animées,  ses  voitures  pittoresques,  sa 
population  active  et  criarde  excitent  sans  la  fatiguer  la  curiosité  des  visiteurs. 

Ce  qui  ne  varie  pas  non  plus  à  Naples  c'est  l'insolence  des  cochers  quand 
arrive  le  quart  d'heure  de  Rabelais.  Malgré  les  précautions  prévues  et  prises 
d'une  convention  en  règle,  leur  mémoire  habile  fait  oublier  le  prix  arrêté, 
d'où  invectives  tapageuses  qui  finissent  par  énerver  les  natures  les  plus 
placides. 

Après  une  promenade  aussi  mouvementée,  on  retrouve  avec  satisfaction  le 
calme  à  bord  du  «  Sénégal  »  et  sous  la  chaude  couleur  de  ce  beau  ciel  d'Italie. 

La  mer  qui  baigne  Naples  a  des  images  si  douces  qu'elle  olfre  à  la  pensée 
un  espace  immense  où  l'imagination  s'égare  et  où  le  poète  sent  naître  en  lui 
les  rêveries  les  plus  suaves  et  les  conceptions  les  plus  puissantes. 

Quel  panorama  en  ellét  que  celui  que  nous  avons  devant  les  yeux  ? 

La  ville  vient  de  s'allumer  de  mille  feux,  illuminant  ses  rues  étagées  et  la 
ceinture  de  ses  immenses  quais  dont  la  réverbération  de  la  lumière  blanche 
donne  des  tons  arofentés  aux  eaux  du  o-olfe. 

Des  nacelles  éclairées  à  l'acétylène,   remplies  de  musiciens,   entourent  le 


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navire  ;  et,  jusqu'à  ce  qu'il  ait  levé  l'ancre,  nous  sommes  enveloppés  de  flots 
de  mélodie. 

A  10  heures  du  soir,  la  sirène  annonce  le  départ.  Les  passagers  ne  quittent 
pas  le  pont  et  ne  peuvent  s'arracher  à  toutes  ces  beautés.  Dans  la  mer  les 
masses  noires  des  îles  d'Ischia  et  de  Procida  semblent  d'immenses  géants 
accroupis  sur  les  eaux  ;  sur  le  continent  PonzzoJes  et  le  promontoire  de  Pmisi- 
lippe  profilent  sur  l'horizon  leur  ligne  sombre,  et,  plus  haut,  le  Château 
St-Elme  barre  le  ciel  de  ses  formes  fantastiques  dans  la  nuit. 

Puis  tout  s'éteint.  Naples  disparaît  et  les  ténèbres  s'épaisissent  conviant  les 
passagers  au  repos. 

C'est  le  retour  vers  la  France. 

Le  mercredi  15  Mai  le  «  Sénégal  »  passe  vers  2  heures  de  l'après-midi  à 
côté  de  l'île  à'Elie  et  s'engage  entre  le  cap  Corse  et  l'îlot  verdâtre  de  Gira- 
glia,  ne  suivant  pas  la  voie  habituelle  des  Bouches  de  Bonifacio. 

A  partir  de  ce  moment  la  mer  devient  houleuse  et  irascible  au  fur  et  à 
mesure  que  nous  approchons  de  notre  bien  aimé  pays,  et,  le  soir,  le  pont  est 
désert. 

Le  lendemain  matin  les  dames  de  l'excursion  se  racontent  leurs  mésaven- 
tures stomacales  qui  sont  vite  oubliées,  du  reste,  quand  on  leur  annonce  les- 
côtes  de  France. 

On  découvre  bientôt  l'île  de  Porquerolles,  la  première  des  îles  d'Hyères, 
puis  la  rade  de  Toi{lon,  au  fond  de  laquelle  le  mont  Faron  élève  son  chauve 
sommet. 

Au  large  on  aperçoit  l'île  et  le  phare  de  Planter,  sentinelle  avancée  du 
port  de  Marseille,  et  plus  loin,  debout,  sur  le  roc,  le  Château  (Tlf,  aux  vieux 
et  romanesques  souvenirs. 

Enfin  voici  Notre-Dame  de  la  Garde  !  Marseille  ne  tarde  pas  à  développer 
devant  nous  son  imposant  panorama. 

A  8  heures  le  <.<  Sénégal  «  entre  dans  le  port  de  la  Joliette,  et  vers  9  heures» 
nous  mettons  le  pied  sur  le  sol  français.  ' 

La  dislocation  du  groupe  se  fait  dans  la  ville  phocéenne.  Deux  de  nos  amis 
déjà  se  sont  laissé  séduire  par  la  beauté  de  Naples  et  ont  prolongé  leur  voyage 
dans  les  environs  de  cette  ville  enchanteresse.  Quelques-uns  restent  à  Marseille 
dans  leurs  familles  pour  se  reposer  des  fatigues  du  voyage  ;  d'autres  toujours 
intrépides  continuent  à  excursionner  dans  le  Midi  de  la  France.  Paris  retient 
aussi  des  membres  de  l'excursion  ;  de  sorte  que  la  rentrée  à  Lille  le  jeudi 
16  Mai  à  8  heures  et  demie  du  soir,  est  un  peu  moins  triomphale  que  le  départ, 
car  le  groupe  est  réduit  à  sa  plus  simple  expression. 

Tout  a  contribué  à  rentlre  ce  voyage  un  des  plus  intéressants  qu'ail  faits 
jusqu'à  ce  jour  la  Société  de  Géographie  de  Lille. 

La  santé  des  excursionnistes  a  été  parfaite  et  le  médecin  de  la  petite  cara- 
.vaiien^a  eu  à  rédiger  aucun  bulletin  de  maladie.   Le  temps  aussi  a  été  excep- 


—  405  — 

tiounellement  lieaii.  Lh  pluie  qui  a  arrosé  nos  deux  premiers  jours  s'est  vue 
■chassée  par  la  fée  qui  préside  aux  voja^es  de  la  Société  de  Géographie  de 
Lille  ;  et,  pendant  32  jours,  le  soleil  a  pris  sa  place  pour  nous  accompag-ner 
dans  tous  les  pajs  traversés.  Ce  n'est  que  sur  la  route  de  Marseille  à  Paris 
que  nous  l'avons  reti cuvée,  augmentant  ainsi  la  tristesse  du  retour. 

Pour  ce  beau  voyage  nous  avions  tous  indistinctement  emporté  avec  nous 
notre  petit  bagage  de  poésie,  de  gaieté  et  la  lumineuse  clarté  d'un  cœur 
ouvert  à  l'enthousiasme. 

Aussi  sommes-nous  tous  revenus  «  gais  et  contents  »  comme  dans  la  chanson 
de  Paulus. 

Nous  sommes  revenus .  surtout  l'esprit  réconforté.  Nous  , avons  py  nous 
rendre  compte  que  les  Français  sont  reçus  à  l'étranger  d'une  façon  cordiale  et 
sympathique.  Que  ces  pays  soient  l'Autriche,  la  Hongrie,  la  Serbie,  la  Bulgarie, 
la  Turquie  et  la  Grèce,  paitout  la  France  est  aimée,  partout  on  veut  l'imiter 
dans  ses  institutions. 

N'est-elle  pas  à  la  tète  des  nations  démocratiques  et  l'avant-garde  de  la 
civilisation?  N'est-elle  pas  aussi  l'exemple  et  l'idée  ?  Un  sait  au  dehors  .que 
ses  initiatives  sont  fécondes  et  que  ses  ressources  sont  grandes.  Elle  ne  s'en- 
ferme pas  dans  sa  tour  d'ivoire  ;  au  contraire,'  elle  communique  son  énergie, 
quand  elle  le  peut,  aux  nations  étrangères  et  étale  au  grand  jour  les  progrès 
de.  ses  lois  sociales  et  économiques. 

Telle  est  l'impression  générale  qui  se  dégage  à  la  suite  de  cet  exode  à 
l'étranger  et  sur  laquelle  je  termine  ce  trop  long  compte  rendu. 

Docteur  Albert  YERMERSCH, 
Vice-Président  de  la  Société, 
i"  Septembre  1907. 


FAITS  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES 


I.  —  Géographie  scientifique.  —  Explorations  et  Découvertes. 


FRANGE  ET  COLONIES. 

Coiiféreuce  de  II.  Josepli  Chailley  à  l'Huiou  C«>Iouiale  «m* 
l'Algérie. 

Son  voyage  a  été  rapide   —   un  mois   —    mais  il  a  pris  contact  avec  toutes  les 
couches  de  la  société. 


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Il  a  eu  la  joie  de  trouver  uue  Algérie  prospère,  vivante,  malgré  la  phase  difficile 
qu'elle  traverse.  Sur  son  admirable  littoral,  qu'il  a  parcouru  en  automobile  dans  le 
département  d'.\lger,  il  a  trouvé  un  vignoble  merveilleux.  Dans  la  Mitidja,  ces 
pays  anciens  se  sont  transformés  en  vergers  fertiles.  Blidah  est  le  pays  du  rêve,  de 
l'activité  et  du  repos  combinés.  Il  s'est  senti  fier  de  penser  qu'un  pareil  spectacle 
pouvait  lui  être  offert.  L'Algérie  est  pour  le  voyageur  d'aujourd'hui  une  véritable 
révélation.  Elle  présente  cette  particularité  qu'on  ne  rencontre  dans  aucune  colonie 
étrangère  que  colons  et  indigènes  y  vivent  et  travaillent  ensemble  et  s'y  disputent 
yjacifiquement  la  terre.  Prenant  en  exemple  l'Inde  anglaise  qu'il  connaît  bien, 
M.  Chailley  montre  qu'il  n'y  a  pas  de  colons  ou  fort  peu.  C'est  le  mérite  de  la 
colonisation  française  d'avoir  su  faire  vivre  ensemble,  en  communauté  de  travail  et 
d'intérêts,  l'indigène  et  le  colon. 

Elle  suffit  aujourd'hui  à  elle  seule  à  ses  dépenses  civiles  ;  les  dépenses  militaires 
restent  à  peu  près  seules  à  la  charge  de  la  métropole  et  nous  y  entretenons  une 
armée  magnifique  bien  supérieure  à  ses  besoins.  Les  résultats  de  l'autonomie  de 
ses  services  :  agriculture,  forôts,  postes  et  télégraphes  sont  admirables.  Grâce  à  ses 
emprunts  —  et  à  celui  de  160  millions  que  le  Parlement  ne  lui  marchandera  pas  — 
elle  a  pu  les  doter,  ces  services,  de  telle  façon  que  le  pays  a  pu  être  admirablement 
mis.  en  valeur.  Les  dépenses  de  chacun  d'eux  ont  augmenté,  mais  les  recettes 
couvrent  déjà  le.s  frais  et  les  dépasseront  sans  tarder. 

On  a  élargi  le  champ  de  la  colonisation  ;  elle  n'est  plus  limitée  au  littoral,  elle 
fait  l'ascension  des  Hauts-Plateaux  et  c'est  même  là  qu'est  son  terrain  d'action  le 
plus  vaste. 

M.  Chailley  est  allé  visiter  ces  régions  où  ne  passaient  pas  d'habitude  les  rap- 
porteurs du  budget  :  Bel-Abbès,  Tiaret  et  certains  centres  nouveoux  lui  ont  paru 
en  pleine  prospérité  ;  les  colons  sont  nombreux,  ils  travaillent  et  s'enrichilssent. 
Dans  une  commune  où  600  enfants  fréquentent  les  écoles,  20  familles  seulement  ont 
demandé  l'assistance  et  pas  une  de  celles-ci  n'est  française. 

En  réalité  il  n'y  a  presque  plus  de  petite  colonisation,  rien  que  de  la  moyenne  et 
de  la  grande. 

Pendant  longtemps  on  a  donné  la  terre.  On  a  ainsi  attiré  beaucoup  de  monde  ; 
mais  quand  on  a  vu  des  domaines  vendus  jusqu'à  six  fois  de  suite  par  autorité  de 
justice,  il  a  bien  fallu  se  rendre  compte  qu'il  y  avait  un  vice  initial.  On  ne  trouve 
plus  en  Algérie  de  domaines  de  20  hectares.  Les  familles  s'arrondissent,  achètent 
des  terres  aux  indigènes  autour  de  leurs  concessions  et  la  natalité  augmente  :  elle 
est  de  trois  enfants  chez  les  Français  et  de  3  1/2  en  moyenne  chez  les  Espagnols. 
Les  colons  font  de  véritables  fortunes  malgré  les  difficultés  avec  lesquelles  ils  se 
trouvent  aux  prises  et  qui  sont  souvent  la  conséquence  du  climat-  irrégulier.  L'ora- 
teur, prenant  au  hasard  parmi  les  nombreuses  monographies  qu'il  a  rapportées,  cite 
des  exemples  de  l'ingéniosité  des  colons  à  parer  à  ces  difficultés  naturelles  et  à 
augmenter  le  rendement  de  leurs  terres. 

Quant  aux  indigènes  eux-mêmes,  ils  cessent  peu  à  peu  d'être  les  misérables  qu'on 
croyait.  En  Kabylie,  leur  condition  devient  excellente.  Non  seulement  ils  ont  pu 
racheter  tous  les  terres  confisquées  en  71,  mais  encore  ils  ont  créé  de  nouveaux 
villages,  ils  possèdent  des  immeubles  sur  le  littoral,  c'est  la  prospérité.  Les  Arabes 
eux  aussi  arrivent  à  acheter  des  terres  ;  ils  commencent  à  comprendre  quelque 
chose  au  travail, 'à  remploi  des  capitaux,  leurs  progrès  sont  marqués.  L'orateur 
raconte,  de  façon  humoristique  et  suggestive,  une  conférence  qu'il  eût  au  cours  de 
son  voyage,  avec  des  colons  et  des  administrateurs.  11  avait  tenu  à    les  interroger 


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ensemble,  sur  la  condition  actuelle  des  indigènes.  Les  colons  les  divisaient  en  denx 
catégories  :  les  riches,  qui  ne  le  seraient  pas  longtemps,  parce  que  vaniteux  et 
paresseux  ne  voulant  ni  travailler,  ni  économiser  et  n'y  arrivant  que  lorsque, 
dépouillés  de  tout,  ils  y  sont  contraints  ;  les  pauvres,  commençant  par  où  finissent 
les  riches,  vivant  chez  l'Européen  et  comprenant  à  la  longue  le  jjarti  qu'ils  peuvent 
tirer  du  travail  et  du  progrès,  devenant  ensuite  valets  de  ferme,  gagnant  et  faisant 
gagner  pour  revenir  ensuite  raclieter  les  terres  dont  ils  s'étaient  eux-mêmes 
dépossédés. 

Les  administrateurs  aflirmaient,  au  contraire,  qu'il  n'était  pas  nécessaire  que  les 
Arabes  fussent  d'abord  ruinés  et  qu'ils  profitaient  de  la  leçon,  de  l'exemple,  qu'ils 
avaient  sous  les  yeux.  L'un  d'eux  conta  que,  grâce  à  la  Caisse  de  prévoyance,  il 
avait  pu  vendre  dans  son  cercle  plus  de  160  charrues  françaises  aux  indigènes  et 
M.  Chailley  ajoute  :  «  Quand  ou  vient  aujourd'hui  du  fond  de  l'Oranie,  le  spectacle 
est  comparable  à  celui  que  nous  voyons  en  France  et  qui  faisait  dire  aux  caïds  tuni- 
siens venus  à  Paris  pour  l'arrivée  du  tsar  :  Où  est  donc  le  désert  ?  » 

L'esprit  des  colons  est  d'ailleurs  meilleur.  Ils  savent  que  l'administration  protège 
les  indigènes  contre  ceux  (pii  voudraient  les  exploiter  et  s'efforcent  de  pratiquer  la 
politique  d'association. 

Chez  les  administrateurs  il  y  a  également  de  grands  progrès.  Ils  jjarlent  arabe  et 
c'est  là  une  obligation  qu'il  ne  faut  pas  cesser  de  leur  imposer.  Il  est  désolant  de 
voir  que  le  personnel  de  la  justice  échappe  à  cette  nécessité.  Sur  105  juges  de  paix, 
cinq  seulement  ont  passé  l'examen  de  deuxième  catégorie,  qui  est  déjà  à  peu  près 
insignifiant  ;  les  autres  ne  savent  pas  un  mot  d'arabe.  Déplorable  état  de  choses, 
qui  tient  à  ce  que  les  nominations  dépendent  de  la  place  Vendôme  et  non  du  Gou- 
verneur Général. 

L'orateur  aborde  ensuite  une  question  brûlante.  La  querelle  latente  entre  l'Al- 
gérie et  la  France. 

L'Algérie  est-elle  séparatiste  ?  Non.  Parmi  les  Algériens  il  n'y  a  que  des  patriotes 
et  pas  un  séparatiste.  Ou  cite  quelques  instituteurs  hervéistes  ;  mais  cela  ne 
compte  pas.  Aucun  Algérien  ne  veut  rompre  le  lien  qui  unit  l'Algérie  à  la  métro- 
pole, cela  est  certain.  Maintenant  ce  lien  tend-il  à  se  rompre  tout  seul,  c'est  une 
autre  affaire  :  à  vingt-cinq  heures,  vingt  heures  bientôt  des  côtes  de  France,  on 
n'est  pas  séparatiste.  Mais  il  peut  se  développer  un  esprit  particulariste  qui  est 
déjà  en  puissance  en  Algérie.  Là-bas  comme  en  France  existe  l'esprit  de  clocher. 
Il  existe  de  ville  à  ville,  il  existe  pour  l'Algérie  toute  entière.  Il  y  a  rivalité  par 
exemple  entre  Alger,  Oran  et  Constantine.  Alger  est  le  deuxième  port  de  France  — 
le  sait-on  ?  —  il  a  grandi  comme  charbonnier  au  détriment  de  Gibraltar  et  de 
Malte.  Oran  est  jaloux.  On  va  dépenser  Ki  millions  pour  faire  un  port  concurrent 
qui,  probablement  ne  réussira  pas. 

Comment  se  manifeste  l'esprit  particulariste  algérien  qui  ne  ressemble  en  rien  à 
l'esprit  séparatiste  ?  La  population  algérienne  est  faite  d'anciens  colons,  fils  de 
colons  et  de  leurs  enfants,  trois  ou  quatre  générations  ayant  vécu  en  Algérie  par 
l'Algérie,  faisant  maintenant  leur  éducation  au  collège,  au  lycée  en  Algérie,  leurs 
études  de  droit  ou  de  médecine  en  Algérie,  leur  service  militaire  en  Algérie,  éprou- 
vant de  moins  en  moins  le  besoin,  sauf  pour  certains  examens,  de  venir  en  France 
et  n'y  venant  guère  que  pour  s'amuser. . .  mauvaise  leçon  !  A  côté  de  cela  des  élé- 
ments ethniques.  A  six  heures  de  l'Espagne,  l'Algérie  de  l'Ouest  est  peuplée 
d'Espagnols  qui  s'y  marient  et  s'y  créent  une  famille.  Par  la  loi  de  89,  à  vingt  et 
un  ans,  les  fils  d'Espagnols  nés  en  Algérie  sont  Français.  Le  sont-ils  de  cœur  ?  Aux 
élections  de  1908  un  grand  nombre  de  municipalités  vont  tomber  aux  mains  de  ces 
Espagnols  francisés  ;    ils  auront  des  candidats  à  la  députation  ;    ils  ont  leurs  jour- 


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naux  ;  ils  continuent  de  parler  l'espagnol.  Y  a-t-il  là  un  danger  possible  ou  est-ce 
un  très  grand  danger  ? 

M.  Chailley  fait  de  cette  population  espagnole  un  très  grand  éloge  en  tant  que 
travailleuse,  sobre  et  imbue  de  qualités  morales  enviables.  Ils  ont  défriché  le  sol  et 
c'est  à  eux  que  l'Orani.^  doit  sa  prospérité. 

Faut-il  suspendre  la  loi  de  1889  et  ne  faire  Français  que  ceux  qui  voudront  l'être 
ou  adopter  le  système  anglais  :  leur  donner  tous  les  droits  civils  et  pas  de  droits 
politiques?....  Mais,  ils  n'ont  pas  fait  acte  d'hostilité.  Prenons  garde  d'en  faire 
des  adversaires.  Ne  vaudrait-il  pas  mieux  essayer  de  les  transformer  en  bons  Fran- 
çais par  l'éducation  ?   ' 

Selon  que  l'on  emploiera  l'un  ou  l'autre  système  les  résultats  peuvent  être  diftë- 
rents.'  Quant  à  l'orateur,  il  serait  assez  partisan  de  la  liberté.  Les  Espagnols  soïit 
venus  de  leur  plein  gré  parce  qu'ils  ont  trouvé  une  tei-re  accueillante  et  fertile,  sur 
laquelle  ils  s'enrichissent  ;  les  liens  entre  eux  et  leur  pays  d'origine  se  distendent 
peu  à  peu  ;  ils  y  vont,  mais  ils  reviennent  avec  joie,  certains  deviennent  institu- 
teurs, facteurs,  coures,  ils  arborent  parfois  le  drapeau  espagnol  ;  certains  croient 
que  le  roi  d'Espagne  a  prêté  l'Algérie  à  la  France  et  qu'il  la  reprendra  un  jour. . . . 
Tout  cela  n'est  pas  grave  :  laissons-les  libres  et  instruisons-les  ! 

La  Commission  du  budget  paraît  hostile  à  un  projet  de  loi  qui  prévoit  la  création 
d'une  sorte  d'Université  algérienne.  Il  est  à  craindre  que  cette  hostilité  ne  soit  mal 
vue  là-bas.  L'Algérie  veut  avoir  des  Instituts  techniques  qui  lui  fabriquent  sur 
place  des  jeunes  gens  se  destinant  à  l'agriculture,  aux  sciences  mécaniques,  poli- 
tiques, écononiiques,  avec  certificats  spéciaux. . ..  On  pourrait  se  demander  :  Après 
tout,  pdnrquoi  pas  ? 

Paul  Bert  a,  en  1879,  motivé  la  création  des  Ecoles  supérieures  d'Algérie  dans 
un  rapport  admirable.  Cependant,' elles  ne  donnent  pas  à  la  colonie  tout  ce  qu'elle 
se  croyait  en  droit  d'en  attendre.  Elle  veut  une  Université  et  des  Instituts  tech- 
niques...  C'est  ici  qu'intervient  la  crainte  de  l'esprit  particulariste.  L'Algérie 
va-t-elle  se  recruter  absolum  nt  et  uniquement  par  ses  propres  moyens  ?  La  colo- 
nisation y  attire  déjà  moins  de  Français,  puisqu'il  reste  moins  de  place  à  prendre  ; 
allons-nous  nous'  trouver  en  présence  de  la  mentalité  algérienne  seule,  avec  des 
éléments  ethniques  —  maltais,  italiens,  espagnols  —  très  importants  ? 

Les  Anglais  ont  une  théorie  très  vieille  et  très  juste  :  ce  n'est  pas  le  sang  qui 
fait  la  nationalité.  Pour  être  Anglais  il  faut  être  élevé  avec  des  Anglais,  vivre  avec 
des  Anglais,  penser  comme  eux,  avoir  même  leurs  préjugés. . .  Il  en  est  de  même 
pour  les  Français  et  de  même  pour  les  Algériens.  Ils  feront  des  Français  d'une  qua- 
lité moins  pure  et  alors  que  ne  pas  craindre  pour  les  Italiens,  les  Espagnols,  les 
Maltais  devenus  Français  d'Algérie. 

C'est  ce  que  pense  la  Commission  du  budget  quand  elle  repousse  le  projet  de 
création  de  ces  Universités. 

Les  maîtres,  les  instituteurs,  les  universitaires  algériens  ont  au  contraire  une 
autre  manière  de  voir.  Ils  estiment,  eux,  que  leur  enseignement,  même  donné  là- 
bas,  sera  plus  efficace,  pour  la  préparation  des  cerveaux  algériens  «  à  la  française  », 
que  la  fréquentation  des  écoles  de  France  si  elle  est  imposée  aux  élèves  de  certaines 
coûditions,  et  ils  disent  :  laissez-nous  agir  ! 

Entre  ces  diverses  opinions  il  faut  prendre  un  parti  et  M.  Chailley,  en  tant  que 
rapporteur  du  budget  de  l'Algérie,  se  demande  quel  sera  le  sien. 

Les  Algériens  sont  très  émus.  Ils  le  supplient  de  marcher  contre  la  Commission, 
il  reçoit  à  ce  sujet  de  nombreux  télégrammes. . .  que  faire  ?  Il  lui  est  venu  une 
idée  :  les  arguments  sont  également  forts  de  part  et  d'autre  et  c'est  courir  gros 
risques  que  de  prendre  seul  une  décision  dans  un  cas  si  grave.  Pourquoi  ne  ferait- 


—  409  — 

■011  jias  une  enquête  sur  place  ?  On  en  a  fait  une  récemment  sur  un  cas  identique  : 
MM.  Moissan  et  Bouchard  sont  revenus  avec  un  rapport  remarquable.  Si  l'on 
envoyait  en  Algérie  des  hommes  pris  un  peu  dans  tous  les  milieux  comiiétents, 
mêlés  à  la  cause  coloniale,  à  l'administration,  à  l'instruction  publique,  etc. . .,  et  si 
on  les  chargeait  de  voir  les  représentants  de  toutes  les  races,  de  tous  les  intérêts, 
jicut-être  reviendraient-ils  avec  un  travail  qui  fixerait  tous  les  points  obscurs  et  per- 
mettrait de  prendre  une  décision  en  connaissance  de  cause. 

C;"esi  à  cette  proposition  que  s'arrête  M.  Ghailley.  11  y  a  dans  l'assistance  de 
savants  professeurs,  des  universitaires  qui  connaissent  l'Algérie,  il  leur  demande 
leur  avis. 

Quand  les  applaudissements  qui  ont  accueilli  cette  belle  conférence  se  sont  tus, 
M.  Augustin  Bernard,  professeur  en  Sorbonne,  prend  la  parole.  Il  s'associe  aux 
conclusions  de  l'éminent  orateur  :  A  son  avis,  il  est  impossible  de  revenir  sur  la 
loi  de  89.  Quant  à  l'enseignement,  c'est  un  service  public  comme  un  autre  ;  il  fau- 
drait que  le  choix  des  instituteurs  et  des  maîtres  dépendît  du  gouverneur,  lùivoyer 
les  élèves  en  France  présente  des  avantages  et  des  inconvénients.  N'y  a-t-il  pas  à 
craindre  qu'ils  n'y  restent  comme  les  paysans  se  fixent  à  la  ville  quand  ils  ont  passé 
par  le  régiment  ?  Quant  à  l'enseignement  en  Algérie,  celui  des  Ecoles  supérieures 
est  donné  par  des  professeurs  empruntés  à  la  métropole,  ce  qui  est  déjà  une 
garantie  ;  mais  les  étrangers  ne  les  suivent  guère.  Peut-être  faudrait-il,  en  eflet, 
qu'elles  soient  plus  appropriées  au  pays.  Le  mot  Université  n'est  qu'un  titre  der- 
rière lequel  on  peut  mettre  ce  qu'on  veut.  Dans  tous  les  cas  il  faut  souhaiter  que 
les  Gouverneurs  Généraux  aient  sur  les  Ecoles  supérieures  un  droit  de  regard  et  de 
contrôle. 

M.  Gautier,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  d'Alger,  fait  une  déclaration  à  peu 
près  identique.  Quel  que  soit  le  sang  qu'on  infuse  à  l'Algérie,  on  fera  toujours  de 
l'Algérien  avec  sa  mentalité  algérienne,  un  particulariste,  mais  non  séparatiste.  Il 
ne  paraît  pas  croire  que  l'enseignement  donné  dans  les  Écoles  supérieures  puisse 
exercer  une  influence  quelconque  sur  cette  mentalité.  Le  rectorat  poursuit  dans  la 
réforme  proposée  le  moyen  d'obtenir  un  peu  plus  d'élasticité  dans  ses  finances. 
Pour  les  délégations  financières,  auprès  desquelles  l'Ecole  des  lettres  est  impopulaire, 
elles  cherchent  à  obtenir  un  enseignement  plus  en  rapport  avec  l'évolution  écono- 
mique du  pays.  Telle  est  la  situation. 

Les  deux  savants  professeurs  ont  été  d'autant  plus  applaudis  qu'ils  s'associaient, 
au  fond,  aux  conclusions  de  l'éminent  conférencier  qui  avait  tenu  pendant  une 
heure  son  auditoire  sous  le  charme. 

BOULLAND  DE   l'EsC.\LE. 


II.  —  Géographie  commerciale.  —  Faits  économiques 
et  Statistiques. 


AFRIQUE. 

L'Hydraulique  agricole  eu  Algérie.  —   La  direction  des  travaux 
publics  et  des  mines  près  le  gouvernement  général  de  l'Algérie  vient  de  publier  le 


—  410  — 

compte  rendu  des  travaux  et  dépenses  de  l'hydraulique  agricole  pendant  l'année- 
1905-  Ce  fascicule  de  près  de  400  pages.  (Alger,  impr.  Léon,  1907),  ne  contient 
guère  que  des  statistiques,  dont  la  lecture  est  fort  austère  ;  les  tableaux  sont  pré- 
cédés d'un  simple  exposé  récapitulatif,  et  l'on  pourrait  souhaiter  que  les  lignes 
directrices  de  l'action  d'un  aussi  important  service  fussent  dégagées  en  quelques 
pages  d'un  accent  plus  personnel.  Nous  sommes  donc  réduits  à  des  fouilles 
patientes  à  travers  ces  colonnes  de  noms  et  de  chiffres  et,  si  le  travail  est  un  peu 
ingrat,  nous  avons  du  moins  la  satisfaction  d'observer  qu'il  n'est  pas  inutile. 
Aussi  bien  avons-nous,  pour  nous  guider,  les  indications  du  «  projet  d'emprunt  de 
1907  »,  qui  a  été  rédigé  sous  l'inspiration  directe  de  M.  Jonnart  lui-même. 

Sur  cet  emprunt,  dont  l'émission  va  être  demandée  ces  jours  prochains  au  Par- 
lement, une  somme  de  10.667.000  francs  est  prévue  pour  l'hydraulique  agricole, 
mais  il  est  certain  que  ce  service  absorbera,  en  fait,  beaucoup  plus,  car  nombre  de 
travaux  sont  portés  au  compte  du  budget  de  la  colonisation  —  les  deux  services 
sont  intimement  associés  —  et  des  fonds  de  concours  viennent  grossir  les 
ressources  du  budget  spécial.  En  190<i,  le  crédit  de  l'hydraulique  agricole  était  ua 
peu  inférieur  à  600.000  francs,  dont  108.000  furent  employés  à  des  dépenses  d'études, 
de  gardes  de  canaux,  etc. . .  et  le  reste  en  travaux,  neufs  ou  d'entretien  ;  les  crédits 
ouverts  sur  fonds  d'emprunt,  de  concours  et  divers  ont  fait  monter  à  2  millions 
environ  les  dépenses  autorisées.  C'est  là  presque  exactement  le  total  de  1905, 
2.008.700  francs,  dont  485.500  sur  fonds  d'emprunt,  350.800  sur  divers  chapitres  du 
budget  de  l'Algérie,  275.500  sur  fonds  communaux  ou  départementaux,  .'310. (MX) 
enfin,  provenant  de  contributions  de  particuliers  ou  de  Syndicats.  On  voit  par 
cette  simple  énumération  quel  est  le  caractère  particulier  de  ces  tr!''''aux,  pour 
lesquels  tant  d'efforts  s'associent  et  se  disciplinent  sous  la  direction  technique  des 
Ponts  et  Chaussées. 

Le  bon  aménagement  des  eaux  est  une  préoccupation  capitale  des  pouvoirs 
publics,  en  un  pays  surtout  agricole,  où  la  nature  est  si  vivement  capricieuse  ;  la  • 
fortune  de  rAfri([ue  romaine  a  été  due  à  ces  travaux  hydrauliques  que  nous 
n'avons  parfois  qu'à  relever  pour  rendre  la  vie  à  des  districts  retournés  au  désert 
depuis  les  invasions  arabes.  Le  service  de  l'hydraulique  est  donc  un  de  ceux  qui 
doivent  prêter  l'attention  la  plus  éveillée  aux  découvertes  de  l'archéologie  ;  le 
relevé  topographique  des  ouvrages  hydrauliques  des  Romains  sera  utilement 
consulté  à  côté  des  statistiques  pluviométriques  et  des  tableaux  de  jaugeage  des 
fleuves  et  des  sources.  Ces  tableaux  et  statistiques  se  précisent  très  heureusement 
depuis  quelques  années  ;  les  stations  d'observation  ont  été  multipliées  et  l'étude 
des  sources  est  poursuivie  de  concert  par  les  agents  des  ponts  et  chaussées,  ceux 
du  service  vicinal,  distinct  du  précédent  dans  les  provinces  d'Oran  et  d'Alger  seu- 
lement, et  ceux  des  eaux  et  forêts.  Ainsi  est  établi  pièce  à  pièce  un  inventaire  des 
ressources  hydrauliques  de  l'Algérie,  qui  permettra  de  ne  plus  pousser  des  travaux 
sans  ordre,  au  hasard  des  préférences  de  tel  ou  tel  ingénieur. 

Notons  en  passant  le  fait  climatique  qu'expriment,  en  concordance  avec  ceux 
d'années  antérieures,  les  tableaux  pluviométriques  de  1905  :  les  observ^atoires 
côtiers  de  la  province  de  Constantine  recueillent  des  quantités  d'eau  relativement 
considérables,  supérieures  à  celles  que  l'on  relève  en  France  sur  le  littoral  atlan- 
tique ;  1.575  millimèti'es  à  Bougie,  1.621  à  Bugeaud,  au  pied  des  pentes  de  l'Edough, 
978  à  la  lisière  maritime  de  la  plaine  de  Bône,  1.200  à  la  (Galle.  On  retrouverait  des 
chiffres  analogues  dans  la  Kroumirie  tunisienne,  à  Tabarca  et  à  Aïn  Draham.  Péné- 
trons cependant  à  l'intérieur  :  Souk  Ahras  n'a  plus  que  642  millimètres,  Constan- 
tine, 700,  Sétif,  430  ;  Tébessa  plus  au  Sud,  sur  les  steppes  des  hauts  plateaux,  802. 
Ainsi  s'explique  la  présence  sur  la  côte  de  forêts  puissantes,   encore  respectées  par 


—  'ill  — 

les  déboiseurs,  tandis  que  le  revers  intérieur  du  Tell,  moins  arrosé,  n'a  de  bou- 
quets d'arbres  naturels  que  sur  les  sommets  que  baignent  les  nuages,  ou  dans  des 
fonds  abrités,  réceptacles  d'alluvions  des  hauts.  L'aménagement  des  eaux  pluviales 
dans  l'intérieur  apparaît  d'autant  plus  indispensable  que  la  hauteur  annuelle  des 
précipitations  est  moindre  et  que  la  saison  pluvieuse  est  davantage  resserrée  en 
quelques  mois  d'hiver. 

Le  système  jadis  préféré  était  celui  des  barrages  ;  des  travaux  de  ce  genre 
remarquables  comme  succès  d'ingénieurs,  ont  été  échelonnés,  dans  l'Oranie,  aux 
débouchés  septentrionaux  des  rivières  qui  tombent  dans  la  plaine  de  l'Habra.  En 
1902  encore,  on  étudiait  de  nouveaux  barrages,  celui,  par  exemple,  de  l'oued  Fodda, 
affluent  de  gauche  du  bas  ChéliH",  dont  le  coût  était  estimé  2.200.000  francs.  Le 
rapport  sur  11X)5  se  borne  à  propos  de  ce  projet,  à  la  mention  :  «  Réalisation  parti- 
culièrement délicate  »,  formule  qui  est,  en  style  administratif,  d'une  discrète  mais 
décisive  éloquence.  Le  rapport  sur  le  projet  d'emprunt  1907  est  plus  explicite  :  il 
dit  très  carrément  que,  sauf  circonstances  tout  à  fait  exceptionnelles,  on  doit 
renoncer  à  construire  de  grands  barrages  :  ce  sont  des  frais  disproportionnés,  eu 
égard  à  la  superficie  qui  peut  bénéficier  des  irrigations,  et  l'on  est  toujours  exjjosé 
à  des  catastrophes  en  cas  de  crues  extraordinaires.  De  plus,  l'hygiène  prescrit  de 
ne  pas  créer  artificiellement  des  lacs  toujours  plus  ou  moins  vaseux,  qui  sont  des 
foyers  de  culture  pour  les  moustiques  et  le  paludisme.  Les  barrages-réservoirs 
sont  donc  condamnés  ;  on  avait  d'abord  pensé  en  élever  un  pour  protéger  Batna 
contre  les  fantaisies  de  l'oued  Azeb  ;  on  s'est  décidé  depuis  à  creuser  plus  profon- 
dément un  cinal  ouvert  jadis  par  le  génie  ;  il  en  coûtera  quatre  fois  moins  et  l'on 
aura  moins  de  surprises  à  craindre. 

Au  dangereux  barrage-réservoir,  en  ellet,  on  tend  à  substituer  maintenant  le 
barrage-dérivation,  qui  n'emprisonne  pas  l'eau  des  crues,  mais  lui  ouvre  des  che- 
mins agrandis  et  régularisés  :  tel  est  le  procédé  adopté  pour  la  vallée  du  Chéliff, 
dont  le  climat,  abrité  du  vent  de  mer  et  du  sirocco  saharien,  est  si  particulier  dans 
le  Tell  qu'il  permet  tout  au  moins  des  essais  —  n'affirmons  pas  plus  pour  le 
moment  —  de  cultures  tropicales.  Une  autre  conséquence  de  la  suppressicm  des 
barrages-réservoirs  est  l'adduction  d'eau  potable  en  divers  centres  par  des  canali- 
sations spéciales  ;  ainsi  Perrégaux  et  des  villages  voisins  empruntaient  jusqu'ici 
leurs  eaux  d'alimentation  au  grand  réservoir  de  l'Habra  et,  malgré  des  filtrages 
répétés,  ils  n'arrivaient  pas  à  les  débarrasser  absolument  de  leurs  impuretés  ;  vou- 
lait-on, de  temps  en  temps  dévaser  le  bassin,  il  fallait  suspendre  temporairement  la 
distribution  de  l'eau  dans  les  villages.  Aujourd'hui,  des  sources  vont  être  captées 
dans  des  douars  voisins  de  Perrégaux  ;  on  est  sûr  de  leur  abondance  et  de  leur 
qualité  -,  tout  un  district,  peupilé  de  colons  laborieux,  en  profitera. 

D'autres  travaux  concourent  au  même  objet  d'hygiène  :  on  sait  que  la  Metidja  du 
temps  de  la  conquête,  composée  de  halliers  et  de  marécages,  était  très  malsaine  ; 
elle  a  été  transformée  par  des  drainages  et  des  plantations  et  l'on  ne  se  douterait 
guère,  en  traversant  aujourd'hui  les  merveilleuses  cultures  de  Boufarik  qu'il  y  eût 
là  naguère  un  véritable  cimetière  d'Européens.  Aujourd'hui,  le  service  de  l'hydrau- 
lique poursuit,  dans  toutes  les  plaines  littorales  le  dessèchement  des  eaux  sta- 
gnantes :  les  environs  de  Bône  verront,  avant  peu  d'années,  disparaître  le  lac 
Tazzara,  dont  les  alluvions  seront  livrées  à  la  culture  ;  des  ouvrages  du  même 
ordre  ont  assaini  les  alentours  de  Philippeville  et  de  Bougie.  Les  ingénieurs  ont 
soin,  partout  où  ils  rencontrent  des  arbres,  de  les  respecter,  parce  qu'ils  contri- 
buent à  la  solidité  de  la  terre  végétale  et  à  la  salubrité  de  l'atmosphère  ;  tel  est  le 
cas,  spécifié  au  rapport  de  1905,  jirès  des  cours  d'eau  de  la  région  de  Jemmapes  et 
Philippeville. 


—  412  — 

Enfin  il  est  intéressant  de  remarquer  que  les  subsides  des  pouvoirs  publics  vont 
ici  à  des  groupements  privés,  dont  le  service  des  ponts  et  chaussées  s'efforce  de 
hâter  la  formation  ;  le  concours  des  finances  de  la  colonie  est  assuré  lorsque  les 
intéressés  ont  garanti  une  participation  montant  à  un  certain  chiffre  ;  ainsi  sur  le 
bas  Sébnou,  après  deux  tentatives  infructueuses,  on  a  enfin  réuni  des  propriétaires 
possédant  les  GOO  hectares  fixés  comme  minimum  pour  déterminer  une  subvention 
.des  deux  tiers  aux  frais  d'un  barrage  de  dérivation.  Sur  18()  entreprises  du  service 
de  l'hydraulique  en  1905,  trois  montent  à  plus  de  100.000  francs,  24  dépassent 
20.000  fr.  et,  pour  les  159  autres,  la  dépense  moyenne  est  de  3.643  fr.  seulement  ; 
on  voit  qu'il  s'agit  surtout  de  petits  travaux,  c'est-à-dire  d'une  association  plus 
intime  des  services  publics  à  la  très  grande  diversité  des  conditions  locales.  S'il  est 
vrai  que,  pour  les  travaux  de  ports,  il  faut  concentrer  les  frais,  en  matière  d'hy- 
draulique au  contraire,  la  division  est  féconde,  car  elle  s'assouplit  à  la  dispersion 
et  à  la  variété  de  la  vie  agricole  elle-même. 

Hknki   LORIN. 


liC  Coiiiiiiere*'  ex.t*'i*ieui*  «lu  Maroc  eu  tOO(».  —  D'après  les 
rapports  consulaires  anglais  tout  récemment  distribués,  en  1906  le  commerce  exté- 
rieur du  Maroc  s'est  élevé  à  118.300.000  fr.,  eu  progrès  de  7.500.000  fr.  sur  1905. 
Ces  118.300.000  fr.  représentent  la  valeiu-  des  transactions  dans  les  huit  ports  de 
Tanger,  Tetouan,  Larache,  Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Saf.''-  et  Mogador,  puis  à 
Melilla  et  dans  les  établissements  espagnols  du  Rif,  enfin  sur  la  frontière  algérienne. 

Dans  ce  total,  la  France  et  ses  colonies  tiennent  la  tète  avec  un  chifire  de 
47.300.000  fr.,  représentant  40  %  de  l'ensemble  du  trafic.  La  Grande-Bretagne  vient 
ensuite  avec  37.900.000  fr.,  soit  32,1  %  du  total  du  commerce  extérieur.  Au  troisième 
rang,  çt  très  loin  en  arrière,  se  place  l'Allemagne  avec  13.400.000  fr.  ;  sa  part,  dans 
l'ensemble  des  transactions,  n'est  que  de  11,4  %•  L'Espagne  arrive  ensuite  avec 
seulement  5.600.000  fr. 

Si  dans  les  ports  du  Nord  —  Tanger,  Tetouan  et  Larache,  —  ainsi  qu'à  Mazagan, 
nous  sommes  inférieurs  à  l'Angleterre,  à  Rabat,  Casablanca,  Saffi  et  Mogador, 
notre  commerce  est  prépondérant. 

A  Casablanca,  la  valeur  de  nos  importations  s'est  élevée  en  1906,  à  7.500.000  fr., 
sur  un  ensemble  de  18.200.000  fr.  L'Angleterre  vient  ensuite  avec  5.100. (X)0  fr., 
puis  l'Allemagne  avec  seulement  2.700.000  fr.,  enfin  l'P^spagne  avec  470.000  fr. 
Dans  le  mouvement  des  ports,  le  pavillon  français  se  place  également  en  tète  avec 
93  navires  et  83.973  tonnes  ;  ensuite  viennent  le  pavillon  anglais  (92  navires  et 
58.849  tonnes),  puis  le  pavillon  allemand  (51  navires  et  50.948  tonnes). 

Par  MeliUa,  les  transactions  n'ont  pas  dépassé  4.400.000  fr. 

Sur  la  frontière  algérienne,  les  échanges  deviennent  de  plus  en  plus  actifs.  En 
1906,  ils  se  sont  élevés  à  10.700.000  fr.,  en  progrès  de  1.700. 0(XJfr.  sur  l'année  précé- 
dente. Dans  son  rapport  de  cette  année,  le  consul  anglais  à  Tanger  attire,  comme 
il  l'avait  fait  en  1905,  l'attention  de  ses  compatriotes  sur  l'importance  commerciale 
de  cette  voie  de  pénétration  au  Maroc.  Dans  son  opinion,  c'est  la  route  de  l'avenir  ; 
et  très  prochainement,  elle  deviendra  le  principal  chemin  d'importation  vers  le  Sud 
marocain. 

LE   SECRÉTAmE-GÉNÉR.\L  ADJOINT,  LE   SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL, 

Jules  DUPONT.  A.  MERGHIER. 


^13 


TABLE     DES     MATIERES 


DU    SECOND    SEMESTRE   DE    1907. 


Craudew  Coiiféreuces. 

PAOKS. 

Liste  des  Conférences  de  la  Société  de  1900  à  1907 • 50' 

R.  P.  Trilles.  —  Un  peuple  du  Congo  français  :  les  Fang  (compte  rendu)..  . .  5 

René  Henry.  —  La  Crise  serbe  (compte  rendu) 9 

Henri  Lorin.  —  La  Question  marocaine  après  Algésiras  (compte  rendu) 17 

Abbé  Gaétan  Taquet.  —  Quatre  cents  jours  en  Palestine  (compte  rendu)  ....  97 
Réginald  Kann.  —    Deux    Colonies   nouvelles  :    les    Philippines  ;    Formose 

(compte  rendu) 10() 

Ed.  Sauvage.  —  Le  Ski 114 

Abbé  Maurice  David.  —  Le  Caucase  (compte  rendu) 161 

Albert  de  Pouvourville.  —  La  race  néo-latine  et  l'Algérie  en  1907(compt.  r.).  171 

GuÉNOT.  —  Autour  du  Mont  Blanc 176 

Gabriel  Louis-Jaray.  —  Impressions  d'un  voyage  d'étude  en  Autriche-Hon- 
grie (compte  rendu) 191 

D^  L.  JouBiN.  —  L'Industrie  ostréicole  en  France  (compte  renduj 225 

Lennel.  —  Calais  (compte  rendu) 2.36 

E.  Collin.  —  Un  Voyage  au  travers  des  Vosges  lorraines,  alsaciennes  et  Com- 
toises (compte  rendu) 246 

Lucien  Tignol.  —  A  travers  la  Chine  (compte  rendu) 255 

G-iORGES  Richard.  —  La  Mer  Rouge  et  les  principales  routes  maritimes  vers 

l'Extrême-Orient  (compte  rendu) 295 

Paul  Bourdarie.  —  La  France  au  Maroc  (compte  rendu) 301 

Desdevises  du  Dézert.  —  La  Catalogne  actuelle  (compte  rendu) 359 


ConiiiiuiiieatioiiK». 


Eugène  Gallois.  -^  Voyage  dans  l'Amérique  du  Sud 23 

Maurice  Hamelin.  —  L'émigration  officielle  en  Fi*ance .....  .''.•  'i '.'.  ; 25 

Ed;  BlChére.  —  La  Colonisation  sur  les  Hauts-Plateaux  algériens 27 


il^ 


414 


TAGES. 

1)'  Ghakcot.  —  Expédition  française  au  Pôle  Sud 31 

Ligue  Coloniale  française 37 

Ch.  René-Leclerg.  —  La  Population  israélite  du  Maroc 133 

Jean  Rodes.  —  La  Chine  nouvelle 137 

X.  —  Le  Tombeau  de  l'Amiral  Courbet 195 

Henri  Lorin.  —  La  Situation  au  Maroc 212 

L.  Perrlchoï.  —  Les  Transformations  des  ports  maritimes  de  la  Belgique .  . .  215 

Gh.  de  MiLLON.  —  (lolfe  Persique  et  Chemin  de  fer  de  Bagdad 272 

C.  M.  —  La  Colonisation  annamite 275 

Carte  de  la  République  de  TP^quateur. 278 

Gabriel  Burdeau.  —  Les  Transatlantiques  de  l'avenir 344 

Carte  des  environs  de  Chamonix 351 


ft^x.ciii*«ioiis. 


Liste  des  Excursions  de  la  Société  de  1900  à  1907 87 

Lesens.  —  Excursion  dans  l'Isère,  les  Hautes-Alpes  et  la  Savoie 118,  196 

E.  AN'icARï.  —  E:;{cursion  à  Cassel 129 

K.  Cantineau.  —  p]xcursioii  des  Lauréats  du  Prix  Danel  en  1906  à  Cassel  et 

à  Dunkerque 207 

J .  Glaeys.  —  Excursion  à  Londres 264 

D'  Vermersch.  —  Excursion  en  Orient 310,  371 


l*r  o  c  è«- V  e  l'Iia  II  ^ . 


Assemblée  générale  du  Jeudi  17  Octobre  1907 289 

Assemblée  générale  du  Jeudi  19  Décembre  1907 353 


Cons'i'cs. 


46<'  Congrès  des  Sociétés  savantes 1 44 


Ribliog;r»pliie. 


'G.  HouBRON.  —  L'Aurore  australe,  par  M.  Biard  d'Aunet 40 

»  A  travers  la  Banquise,  du  Spitzberg  au  Cap   Philippe,   par  le 

Duc  d'Orléans 144 

»  A  travers  l'Hindo-Kush,    par   le    Prince    Louis    d'Orléans    et 

Bragance 146 


—  415  — 
l.<'aitii  et  r\ouvelle«  g'éog'i*a|»lii«|iiew. 

I.   —   GÉOGRAPHIE   SCIENTIFIQUE.    —   EXPLORATIONS   ET    DÉCOUVERTES. 

France. 

PAGES. 

A  l'Observatoire  du  Pic  du  Midi 147 

France  et  Colonies. 

Développement  de  la  politique  indigène 41 

Une  Conséquence  du  traité  franco-siamois 43 

L'Accord  Franco-Libérien 278 

Une  Colonie  neuve  :  le  Haut-Sénégal  et  le  Niger 351 

■Conférence  de  M.  Joseph  Chailiey  à  l'Union  Coloniale  sur  l'Algérie 405 

Afrique. 

Voyage  du  D'  WoUaston  de  Monbaz  au  Congo 148 

La  Mission  du  Capitaine  Arnaud  à  travers  le  Sahara , 140,  218 

Dans  rOuadaï -. 219 

Sénégambie-Niger 219 

Traversée  d'Afrique  par  M.  et  M™«  Cabra .' 279 


Régions  polaires. 

La  Recherche  du  Pôle  Nord  en  ballon 220 

L'Expédition  arctique  William  Bruce : 221 

Expédition  du  Capitaine  Mikkelsen 221 


II.    GÉOGRAPHIE    COMMERCIALE.   —   FaiTS   ÉCONOMIQUES   ET    STATISTIQUES. 


France  et  Colonies. 

Compagnie  générale  transatlantique 44 

Chemins  de  fer  de  l'Indo-Chine  et  du  Yunnan 45 

La  Richesse  minière  du  Tonkin 47 

Le  Commerce  des  Colonies  en  1906 151 


—  41Ô  — 

PAGES. 

Le  Riz  en  Indo-Chine 155 

Les  Jardins  d'essais  de  la  Martinique 159 

L'Extension  du  Port  de  Marseille 221 

Le  Recensement  de  l'Algérie 222 

L'Industrie  des  Parfums  et  nos  Colonies 280 

La  (niyane  : 283 

Un  nouvel  arbre  à  Caoutchouc 284 


Asie. 


Le  Chemin  de  fer  de  F'ékin  à  Hankou 49- 


Afrique. 


L'Industrie  des  Tapis  au  Maroc 285 

L'Hydraulique  agi'icole  en  Algérie 409* 

Le  Commerce  extérieur  du  Maroc  en  190(3 412 


Amérique. 


Le  Commerce  des  Bananes  au  Costa-Rica 49' 

Les  Ports  du  Brésil 288 


m.    —    GÉNÉRALITÉS. 


La  Marine  marchande  en  190<) 100 

Le  Tour  du  Monde  en  quarante  jours KiO' 

Le  Record  des  Transatlantiques 224 


-<i=g=^5Sg=D==£>- 


LiJlelmp.LDanel: 


SOCIÉTÉ   DE   GÉOGRAPHIE 


DE    LILLE 


(LIIJ.K,  HOLfLiAlX,   l'OUHC.iOlN*  Il 


SOCIÉTK    DE    \ALENCIENNES 


LISTE  DES  MEMBRES 


ANNÉE    1907 


SOCIETE 

DE    GÉOGRAPHIE 

DE  LILLE 

RECONNUE  D'UTILITÉ   PUBLIQUE  PAR  DÉCRET  DU  21    DÉCEMBRE    1895. 


M.  Paul  GREPY,  décédé  le  11  décembre  181)1), 
était  Président  de  la  Société  depuis  sa  fonda  lion  le  14  juin  1880. 


MEMBRES    D'HONNEUR 

avec  l'année  de  leur  nomination. 

Années    MM. 

1892..  Bayet,  g.  5^,  I.  y^,  $,  Directeur  de  l'Enseignement  Supérieur  au  Ministère 

de  l'Instruction  publique,  Présidenc  du  Congrès  des  Sociétés  françaises 

de  Géographie  à  Lille  en  1892,  rue  Gay-Lussac,  24. 
1890.    BiNGER  (Louis)  (le  Colonel),  C.  ^,  I.  %^,  Directeur  au  Ministère  des  Colonies, 

rue  de  Prony,  15,  Paris. 
1903.     Charles-Roux  (Jules),  A.^, C.  »î**J",  ancien  Député,  Président  du  Comité  de 

Madagascar,    Vice  -  Président  de  la    Cie  Universelle  du  Canal  de  Suez, 

rue  Pierre  Charron,  l:i,  Paris. 
1886.     Debidour,  ^,  I.  ^,  Inspecteur  général  de  l'Instruction  publique.   Président 

d'Honneur  de  la  Société  de  géographie  de  l'Est.,  7,  rue  Nicole,   Paris  V«. 
1905.     De  Guerne    (Le    baron  .Iules),    ^,  A.  Q,  Bibliothécaire   de  la  Société  de 

Géographie  de  Paris,  rue  de  Tournon,  (3,  Paris. 

18il9.     De  Prat  (Oscar),  îi^,  @,  »î<>f<>î*,  Membre  de  la  Mission  jdu  Commandant 

Marchand,  Percepteur  de  Mor])ecque,  à  Hazebrouck  (Nord). 
1883.     Dupuis,  G.  G.  ►J*,  Explorateur  du  Tonkin,  rue  Saint  Georges,  43,  Pans. 

1882.  FoNCiN   (Pierre),  5!^,  I.  IJ;,    Inspecteur    général    de    l'Instruction   publique. 

Fondateur  et  ancien  Président  de  l'Union  Géographique  du  Nord,   rue  de 
Grenelle,  45,  Paris.  Alliance  française  Domicile,  1,  rue  Michelet. 

1883.  GuiLLOT  (E),  I.  Q,  Professeur  agrégé  d'histoire  au  lycée  Charlemagnc  et  à 

l'Ecole  supérieure  de  Commerce,  ancien  Secrétaire  général  do  la  Société, 

Secrétaire  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  de  Paris,  rue  Cardinal 

Lemoine,  4. 
1882.     Harmand  (docteur),  ^,  ►f».  Ministre  plénipotentiaire  au  Japon,  à  Tokio. 
190.3.     Haumant,  l.%).  Chargé  do  Cours  à  la  Sorbonne,  i»,  rue  Campagne-Première, 

Paris. 


Ani.......     J\li\I. 

19()5.     Labbé  (t'aiil;,  Secrétaire  général  lie  l;i  Soiiété  de  (iéographie  (lommeiviale 

de  Paris,  rue  du  Tournon,  8. 
1881.     LÉGER  (Louis),  îfe,  L  IJ,  ►f""^.  Professeur  au  Collège  de  France,   Professeur 

honoraire  à  l'Ecole  des  Langues  orientales.  Professeur  à  l'Ecole  supérieure 

de  Guerre. 
1886.     Levasseur,  G.  ^,  l.  y,  C.»^»î«,  Membre  de  l'Institut,  Professeur  au  Collège 

de  France  et  au  Conservatoire  des   Arts    et   Métiers,    rue    Monsie>ir-le- 

Prince,  2(5,  Paris. 
1892.     MoNTEiL,  0.  îi^,  A.yf,  Lieutenant-Colonel  d'infanterie  de  marine.  Explorateur, 

rue  d'Aumale,  10. 
1888.     Perrot  (Georges),   C.  ^î^,   I.  ^,    Membre   de   l'Institut,   rue   Cassini ,    1, 

Paris  (XIV'';. 
1881.     SuÉRUS,  ^,  1.  y.  Proviseur  (lu,  Lycée  Henri  IV,  à   Paris,  ancien   Secrétair.^- 

général  de  la  Société. 
1800.     Trivier  (Ernest),   ^,    Capitaine   an   long  cours.  Explorateur  de  l'Afrique 

centrale,  Rochefort. 
1883.     Wiener,  0.  ^,  Ministre  plénipotentiaire  de  France,  rue   Margueritte,  6, 

Paris  17'. 


MEMBRES   CORRESPONDANTS   (1) 
avec  rari'iice  de  leur  nomination. 

Années     MM. 

1905.    Ardaili.on,  5^,  Recteur  de  l'Académie  de  Besançon. 

1902.     Berindei  (C.  A),    ingénieur-chimiste,  Precupctii    Noni    19  &/.9,  à  Bucharest 

(Roumanie). 
1904.    Berret,  Professeur  au  Lycée  Hoche,  Avenue  de  Sceaux,  i,  Versailles. 
1902.     Carton  (D'),  i^--,  I-  '^■,  *!*■>   membre  non  résidant  du  Comité  des  travaux 

historiques  et  scientifiques,  Médecin-Major  de  1'^  classe  au  4*  régiment  de 

tirailleurs,  Villa  Stella,  à  Khereddine  (Tunisie). 
1880.     Delamare,   0.  îfe,  I.  IJf,  C.  «î*.    Colonel  en  retraite,  rue    Ste-Marthe,  24, 

Toulouse. 
1895.     Delessert  de  Moi.ijns  (Eugène),  ancien  Professeur,  ancien  Archiviste  de  la 

section  de  Roubaix,  villa  Ma  Retraite,  à  Lutry,  canton  de  Vaud  (Suisse). 
188;}.     Des  Chesnais  (le  R.  P.  René  Le  Menant),  Missionnaire  apostolique,  31,  rue 

Dombasle,  Paris-Vaugirard. 


(1)  N.  B.  —  Les  Membres  correspondants  jouissent  gratuitement  des  avantages  réservés  aux  Membres 
titulaires.  S'ils  cessent  pendant  plus  do  18  mois  leurs  rapports  avec  la  Société,  leur  silence  est 
considéré  comme  u^o  démission  tacite  de  leur  part. 


Années.   ^IM. 

1891.  Du  FiKK,  ^,  ProfessciH'  honoraire  à  rAthénée  royal,  SecrcHaire-gcncral  de 
la  Société  royale  belge  de  Géographie  de  Bruxelles,  rue  de  la  Limite,  116. 

1898.  Lacan,  5^,  1.  «ys,  ►J*,  Secrétaire  de  la  G'e  du  Chemin  de  1er  du  Nord,  rue  de 
Dunkerque,  Paris. 

189'i.  Lemire  (Charles),  C.  ►f»,  Résident  honoraire  de  France,  rue  de  Condé,  15, 
Amiens. 

1894.     LoiSEAu  (Paul),  Président  de  la  Société  de  Géographie  commerciale  du  Havre. 

1903.  Mathuisieulx  (Vicomte  Méhior  de),    explorateur,    chargé  di;   mission  des 

Artaires  étrangères,  boulevard  Maillot,  40,  Neuilly-sur-Seinc 
189.3.     Pkisïku,  #;,  \.%},  Professeur  à  la  Sorbonnc,  Paris. 
liKll.     PiLLET  (Mgr.  A.),  Prélat  romain,  à  Grésy-sur-Aix  (Savoie). 
18(X).     Renouard  (Alfred),  I.^,  ancien  SecréUiinvgénéral  de  la  Société,  rue  Mo/.art, 

49,  Paris. 
1891.     Salone  (Emile),  1.  ^,  Professeur  agrégé    d'histoire   au   lycée    Gondorcet, 

rue  Jouffroy,  68,  Paris. 
190.").     Six  (Georges),  Inspecteur  d'Académie  à  Bourges. 

1904.  SoiL  DE  M0RIAMÉ  (E.-J.),  ^,  1.  i^,    C.  ►î*.    Vice  -  Président   du    Tribunal 

civil  et  Président  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Tournai, 
rue  Royale,  45,  Tournai. 


BUREAU   DE   LA   SOCIÉTÉ. 


Président 

Vice-Présidents . 


Secrétaire   Général . 

Secr.  général  adj. . . 
Secrétaire 

Trésorier 

Trésorier  adjoint . . . 
Bibliothécaire 

Archiviste 


MM.    NicoLLE  (Krnest),  5!^,  A.  y;,  0.  ►J»»^,  Ancien  Lieu- 
tenant de  vaisseau.  Manufacturier. 
BouLENGER  (Ed.),  A.^,  0.»^,  Négociant  à  Roubaix. 
Grepy  (Auguste),  ►J*,  Négociant. 
Lefebvre  (Georges),  A. y;,  Négociant,  à  Tourcoing. 
Vermersch  (Albert),  A.  Q,   Docteur  en  Médecine, 

Pharmacien  honoraire. 
Merchier  (A.),  ^,  1.  y;,  Professeur  agrégé  d'histoire 

au  Lycée. 
Dupont  (.Jules),  Avocat. 
Vaillant  (Eugène),  îiSf,  I.  y,  0.  ►î*,  ►î*,  Vice-  Consul 

de  Perse,  à  Lille. 
Beaueort  (Henri),  A  %},  Négociant. 
Schotsmans  (Auguste),  Négociant. 
HouBRON  (Georges),  A.y,  Licencié  en  droit.  Membre 

de  la  Commission  de  la  Bibliothèque  de  la  Ville. 
Cantineau  (E.),  l.y.  Membre    de  la  Commission 

historique  du  Nord, Membre  honoraire  de  l'Institut 

Royal  de  Lisbonne. 


-  4  - 


COMITÉ   D'ÉTUDES. 

MM.  Bonté  (Auguste),  Maire  de  Lambersart,  Conseiller  d'aiTondissement. 

Gléty,  avocat,  à  Roubaix. 

Craveri  (Annibal),  Propriétaire  à  Roubaix. 

l)i;r,i'vAMEiî,  l'harmacicn,  à  Lille. 

I)e[,ahoiide  (Victor),  Négociant,  à  Lille. 

Delaune  (Marcel),  Député  du  Nord,  industriel. 

Delebecque,  Ingénieiu",  Directeur  des  Sociétés  gazières  de  Lille. 

Demanoeon,  Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lille. 

Destomhes  (Paul),»^,  Architecte,  à  Roubaix. 

DuviLLiKR  (Georges),  Filateur  de  coton,  à  Tourcoing. 

Eeckman  (Alex.),  I.  %},  0.  »Jf,  Conseiller  du  Commerce  extérieur,  Secrétaire 
Général  honoraire,  Membre  de  la  Commission  historique  du  Nord;  Corres- 
pondant de  Sociétés  de  Géographie. 

EusTACHE  (G.),  ►!«,  Docteur,  Professeur  à  la  Faculté  libre  de  Médecine  de  Lille. 

FiÉvET  (Félix).  Propriétaire,  à  Lille. 

GoDiN  (Oscar),  A.  i}^  G.  ►J*,  Industriel,  Membre  correspondant  des  Sociétés  de 
Géographie  de  Madrid,  de  Lisbonne  et  de  la  Suisse  orientale,  à  Lille. 

GossELET,  0.  ^,  I.  IJi,  ►J',  Doyen  honoraire  de  la  Faculté  des  Sciences,  Corres- 
pondant de  l'Institut,  à  Lille. 

JuNKER  (Ch.\  I.  y;,  Filateur  de  soie,  à  Roubaix. 

Lebon  (Général),  G.  ^,  I.  %},  Commandant  le  1»^  Corps  d'Armée. 

Lesne  (l'Abbé),  Professeur  à  la  Faculté  libre  des  Lettres. 

Levé  (Albert),  4*,  Juge  honoraire,  à  Lille. 

Masuke-Six,  I.  sy:.  Propriétaire  à  Tourcoing. 

Masurei,  (Edmond),  A.  i|.  Industriel  à  Tourcoing. 

Pajot  (Henri),  Noùtire  honoraire,  à  Lille. 

Paixiez  (Alexandre),  G  4*,  Consul  de  Suède,  à  Lille. 

Petit-Leduc  (Joseph),  A.  4|,  Publicist(!  à  Tourcoing. 

Prouvost  (Amédée),  »î*,  Industriel  à  Roubaix. 

Théry  (Raymond),  (m),  A.  Q,  0.  ►f'.  Ancien  notaire,  Secrétaire-Général  adjoint 
honoraire. 

Thieffry  (Maurice),  Négociant,  à  Lille. 

Van  Troostenberghe  (Théophile),  Représentant,  à  Lille. 

Vice-Présidents  honoraires.  —  MM.  Vert.y  (Hippolyte),  i^.  Homme  de  Lettres. 

Masurel  (François),  ^,A.y!,  Ancien  Président 
du  Tribunal  de  Commerce  de  Tourcoing. 
Secrétaire-Général  honoraire.  —  M.  Eecrman  (Alex.),  I.  %},  0.  >>. 

Secrétaire-Gc)iéral  adjoint  honoraire.  —  M.  ThÉry  (Raymond),  ^,  A.  %^,  0.  ►J-, 

Ancien  notaire. 

Trésorier-honoraire.  —  M.  FernauxDefran(;e,  \.%}. 

AGENT-SECRÉTAIRE. 

L'agent  de  la  Société  se  tient  au  Secrétariat,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  116,  chaque 
JfMM'  non  férii-,  h^  matin,  de  7  h.  .'î/'i  à  S  h.  .3/.'i  ;  le  soir,  de  \  h.  à  8  heures. 


COMMISSIONS. 


Le  Président  de  la  Société,  le  Secrétaire  -  Créuéral  et  le 
Secrétaire  •  Général  •  Adjoint  Tout  de  droit  partie  de 
toutes  les  (Join missions. 


r»  COMMISSION:  BULLETIN  ET  NOUVELLES  GÉOGRAPHIQUES. 

MM.  Mekchier,  î^,  I.  y^,  président.  MM.  EeckiMAn  (Alex.),  I.  tj,  0.  >>. 

Dupont,  rapporteur.  Houbron  (G.),  A.  Q. 

GaNTINEAU,  I.  %}.  FlÉVET. 

Graveri.  Pajot  (Henri). 

Grepy  (Auguste),  ►f-.  Petit-Leduc,  A.  Q. 

Demangeon.  Théry  (R.),(m),  A.  i|,  0.  t^. 

2"  COMMISSION  :  CONCOURS. 

MM.  GoDiN  (0.),  A.%},  G.»J«,  président.  MM.  Lepebvre  (Georges),  A. y;. 

L'abbé  Lesne,  rapporteur.  Levé,  ►î*. 

Gantineau,  l.  y.  Petit-Leduc,  A.  %}. 

Glety.  Théry  (R.),  @,  A.  ^,  0.  .^. 

Delahodde.  Thieffry  (Maurice). 

Demangeon.  Vaillant,  -^,  L^,  0.  *i*,  ►!•. 

Eeckman,  L  ij,  0.  >;«.  Vermersch  (D'),  A.  %}.    ■ 

FiÉvET.  .     Thomas  (Lieutenant),  adj. 

Houbron  (G.),  A.%}.  Poncelet  (Lieutenant),  id. 

3'  COMMISSION  :  BIBLIOTHÈQUE,  CARTES  ET  COLLECTIONS. 

MM.  I^]eckman,  1. y,  ().v,  président.  MM.  Destombes  (i'aiiJ),  4^. 

DEMAN(iEON,  rapporteur.  GouiN,  A.  %},  G.  >^. 

Gantineau  (R.),  L  ij.  Houbron  (G.),  A.  ij. 

Delebecque  (K.).  Pa.iot  (Henri). 

Dervaux  (F..),  4-.  Théky  (R.),  (g),  A.  y,  'l-. 


r  COMMISSION:   FINANCES. 

MM.  Pajot,  président.  MM.  Lefebvre  (Georges),  A.  y. 

Godin,  a.  y,  g.  ►î^,  rapporteur.  Levé,  ^. 

Beaukort  (Henri),  A.  y.  Palliez  (A),  G  4*. 

Gantineau,  L  y.  Schotsmans  (Auguste). 

Gléty.  Théry  (R.),  (S),  A.  y,  0.  ►f.. 

Grepy  (Auguste),  ^x.  Vailjant,  ifi;,  L  y,  U.»^,»^. 

Delebecque  (K.).  Rouille,  A.  y,  a.ljoint. 
Eeckman,  L  y,  0.  >"». 


—  fi 


5'  COMMISSION  :  EXCURSIONS  ET  VOYAGES. 


MM.  Heaufort  (Henri),  A.  %p,  prcsid. 
I)"^  Vekmkrsch,  A.%^,  rapporteur. 
Cantinkau,  I.  %}. 
C.KEHY  (Auguste),  ►J*- 
Decramek  (Louis). 
Dupont  (-Iules). 

P'iÉVKT. 

GoDiN  (0.),  A.  %},  C.  >J<. 
Palmez  (A),  G  »^. 
Schoïsmans  (Aug.) 
Thiekkry  (Maurice). 
Vaillant  (E.),î(^,t.i|,0.4-,4-. 
Van  troostenberghe. 
BoNVALOT,  A.  %}.     adjoint. 
Deleplanque  (Remy)    id. 


MM.  Galonné  (Albert),  adjoint. 

Dhalluin  (Paul),  id. 

Ferraille  (Albert),  id. 

D'  Gaudier,  a.  y;,  id. 

GouBE  (Léon),  id. 

Mullier  (Albert),  id. 

MuLLiER  (André),  id. 

Odoux,  id. 
I'rouvost  (Ainédée  fils),    id. 

Ravet  (Pi'osper),  id. 

Renouard  (Xavier),  id. 

ROLLIER,  id. 

Savary,  id. 

Thiébaut  (Raymond),  id. 
Vanderhaeghen,  (Henri),  id. 


6'  COMMISSION: 

MM.  Beaukorï  (Henri),  A.  y.',  présid. 
Houbron  (G.),  A.  <j!,  rapporteur. 
Dechamer  (Louis). 
Schotsmans  (Auguste). 
Thiekfrv  (Maurice). 
Van  Troostenherghe. 
BoNVM.oT,  A.  \^,  adjoint. 


FETES  ET  RECEPTIONS. 

MM.  Galonné  (Albert), 
GouBE  (Léon), 
Odoux  (Ernest), 
Ravet  (Prosper), 
Renouard  (Xavier), 
Thiébaut  (Raymond), 


adjoint, 
'id. 
id. 
id. 
id. 
id. 


SECTION    DE  ROUBAIX. 

Chargée  de  l'organisation  des  Cours  et  Conférences  dans  cette  Ville. 
MM.  BouLENGER(Edm.),A.ij|^n.»J., présid.       MM.  .Junrer  (Gh.),  I.  Q. 


Prouvost  (Amédée),  ^,  vice-pr. 
Cléty  (Jules),  secrétaire. 
Craveri  (A.),  archiv. 
Faidherbe  (Alex.),  I.  i^,  t^. 


Destombes  (P.),  »î«. 
Rousseau  (A.),  I.  Q. 
Droulers  (Gh.,  fils). 
Champier  (Victor),  ^. 


SECTION   DE  TOURCOING. 

Chargée  de  l'vrgainsalion  des  Cours  el  Conférences  dans  cette   Ville. 
Président  d'Honneur  :  M.  Masubel  (F.),  ijô;,  A.  %^. 


MM.  Lekebvre(G.),  A.  i^;,  président. 
Duvili,ier  (G.),  vice-président. 
Petit-Leduc,  A.  IJf,  secrétaire. 
Masurel  (Edmond),  A.  Q. 
Masure-Six,  I.  ^. 


MM.  Lahousse  (.)ules). 

Legrand-Joire  (Ludovic). 
Salembier  (Léon). 
Robbe  (Urbain). 
.Jourdain  (Eugène). 


—  7  — 


MEMBRES    FONDATEURS. 

N^d'iDS- 

criptJOQ.       MM. 

308.  f  Barattk  (.hilos),  Officiel'  d'Ailministration  du  croiseur  Le  Renard. 

544.     BÉTHUNE  (Clément),  Propriétaire,  rue  St-Jacques,  2.5,  à  Lille. 
lt)84.     Rlondeau  (M"e  Louise),  Propriétaire,  rue  Royale,  118,  à  Lille. 

1.58.  f  BossuT  (Henry),  Vice-Président  de  la  Société,  à  Roubaix. 
145>0.     CoQUELLE  (Félix),   A.   %},  ^,   4*^  ►J»,  Consul   du  Pérou,  Juge  au   Tribunal 
de  Commerce  de  Dunkerque. 
.5().tCREPY  (Paul),  ^,  A.  i},  C.  Hh,  ^,  Nég.,  Président  de  la  Société,  à  Lille. 
1491.     Grepy  (Auguste),  >{<,  Négociant,  rue  des  Jardins,  28,  Lille. 

17.5.  f  Dassonville- Leroux,  Négociant  en  laines,  à  Tourcoing. 

302.  f  d'Audiffret  (marquis),  0.  ;^,  Trésorier-payeur  général  du  Nord,  à  Lille, 
1177.  f  Debruyn,  Notaire  honoraire,  Lille. 

971.     Delattre-Parnot  (M"®),  Propriétaire,  rue  d'Inkermann,  18,  à  Lille. 

613.     Eeckman  (Alex.),  I,  %},  0  »;«,  Secrétaire  Général  honoraire,  rue  Jean-sans- 

Peur,  48,  à  Lille. 
1478.     FoRSTER  (J,),  Doct.  en  médec,  10,  S' George's  Road  Eceleston  Square,  Londres. 

60.  f  Fromont  (Auguste),  I.  %},  Propriétaire,  à  Lille. 
2862.     Gallois  (Eugène),  Explorateur,  rue  de  Méziéres,  6,  à  Paris. 
2954.  f  Kuhlmann-Agache  (M""  F".),  Propriétaire,  à  Lille. 

4.54.     Lorent-Lescornez,  Filateur  de  lin,  rue  Inkermann,  30,  à  Lille. 

184.f  Mahieu  (Auguste),  ^,  Filateur  de  lin,  ancien  Maire  d'Armentières. 
1153."f  Maracci  (M'ns),  Propriétaire,  à  Lille. 

350.     NicoLLE  (Ernest),  ^,  A.  %},  O.^^,  4*,  Président  de  la  Société,  sq.  Rameau,  11. 
1741.     Phalempin  (Charles),  C.  ►J»,  70,  avenue  des  Ternes,  Paris. 

211.     PoTiÉ  (Jules),  A.  %}^  rue  Mercier,  2,  Lille. 
96.    Renouard  (Alfred),  I.  ^y;,  ancien  Secrétaire-général  de  la  Société,  à  Paris, 

138.  f  ScHOTSMANS  (Emile),  Négociant,  à  Lille. 

356.  f  ScRivE-DE  Negri  (Jules),  C.  ►î*,  manufacturier,  à  Lille. 
2395.     Wallaert  (Georges),  Manuf.,  Juge  au  Tr.  de  Comm.,  pi.  de  Tourcoing,  6 
à  Lille. 


LISTE  GENERALE  DES  MEMBRES  DE  LA  SOCIÉTÉ  O. 

.% i re-Kii r-lH-liyN  (Pas-rle-ddais) . 

N"'  d'iiis- 
criplioii.        MM. 

2796.  Demeure  (Léon),  industriel. 
2775.  Houcke  (Maurice),  brasseur. 
2648.     ScHOTSMANS  (Henri),  industriel. 


(I)  Les  Membres  de  la  Société  peuvent  se  procurer  au  Secrétariat  le  Diplôme  de  la  Société  contre  le 
versement  de  cinq  francs. 
Les  noms  des  membres  protecteurs  sont  précédés  d'un  astérisque  (*). 
Ceux  des  membres  fondateurs  sont  rappelés  par  deux  astérisques  (**). 


N«'d'ins-  MM. 

cripfion. 


-  S  — 


Anuappes. 


3740.     Haute  (Jules),  propriétaire. 

1731.    Lemaire  (Alfred),  propriétaire,  près  la  gare  d'Ascq. 


Apinentlère». 

284.  Badart  (M™"),  directrice  du  Collège  de  jeunes  Filles. 

4271.  BiEBUYCK  (Arnold),  ingénieur,  rue  Marie,  4. 

2263.  Bloem,  industriel,  rue  Sadi-Carnot,  6. 

3897.*  Bocquet  (Honoré),  gérant  de  la  Maison  Mahieu. 

1973.  Boyer  (Edouard),  propriétaire,  rue  Bayard,  36. 

912.  Gado  (Edmond),  propriétaire,  rue  Sadi-Carnot,  22. 

3829.  Cardon  (Maurice),  brasseur,  rue  St-Roch,  1. 

4481  Cardon-Masson,  industriel. 

3147.  Charvet-Locoge,  fabricant,  rue  Nationale,  132. 

186.  Chas,  négociant  en  toiles,  rue  de  la  Gare,  1. 

3.563.*  GuvELiER,  Directeur  d'assurances,  boulevard  Faidherbe,  4, 

2061.  Dancoisne  (Henri),  propriétaire,  rue  du  Moulin,  1. 

189.  Dansette  (Jules),  député,  rue  Nationale,  27. 

3775.  Debosque  (Emile),  ^,  (m^,  industriel,  rue  Bayard,  5. 

2992.  DuFOUR  (Etienne),  chez  M.  Dufour-Lescornez,  rue  Lamartine,  29. 

3718  *  HtiHOT  frères,  industriels,  rue  de  Strasbourg,  3. 

4029.*  Feinte  (Gon':tant),  industriel,  rue  Nationale,  38. 

1998.  HÉNAux  (Victor),  propriétaire,  rue  Sadi-Carnot,  12, 

4755.*  Jeanson  (Ch.),  fabricant,  rue  Naiioiiale,  74. 

4517.  Labbé,  -;^,  directeur  de  l'Elcole  professionnelle. 

4257.  Lambert  (F*aul),  manufacturier,  rue  Bayard,  43. 

825.  Lescornez  (Paul),  brasseur,  rue  de  Flandre,  25. 

3521.  Mamet,  manufacturier,  rue  du  Faubourg-de-Lille,  1. 

7.55.  Martin  (Jules),  négociant,  rue  du  Faubourg-de-Lille,  Xj. 

942.  MiELLEZ,  ^,  fabricant  de  toiles,  rue  de  Strasbourg,  1. 

4448.*  QuENSON  DE  LA  Hennerie    (Augustin),    fondé    de    pouvoirs    de    la    Banque 

Devilder. 

2972.  RoGEAU  (Paul),  manufacturier,  rue  Denis-Papin,  6. 

2278.  Salmon  (René),  industriel,  place  de  la  République,  7. 

3013.  ScHULz  (Constant),  fabricant  de  toiles,  rue  Nationale,  L 

2767.  Thilleur,  filateur,  rue  des  Retours,  17. 

1607.  TuRPiN  (Louis),  fabricant  de  toiles,  rue  Nationale,  5. 

4221.  Verbrugghe  (Henri),  représentant  de  la  filature  Dansette  frères. 

940,  ViLLARD,  fabricant  de  toiles,  rue  de  Strasbourg,  2. 


Ai'ra«s. 


674.     BouTHORs,  ^.  Directeuf  des  Contributions  directes 
.572.     Gronier  jeune,  Boulevard  Crespel,  22. 


\)  — 


N»"d'in»-  MM. 

cription. 


Audreguic»»  {Belgique). 
2032.    Madame  la  Supérieure  du  Pensionnat  St-Bernard. 

Aveliu  {Nord) 

.3101.    MouTiEZ  (Madame  Charles). 

Bailleul. 

919.*  Hie-Delemer,  maire,  fabricant  «le  toiles, 
3773.     Wecxsteen  (Remy),  fabricant  de  toiles,  rue  du  Poisson,  9. 

Baisieiix. 

3489.    Paternoster-Scol  (Arthur),  industriel. 

Barr.T-lIaulde  près  Toiiruai  {Belgique}. 
224.    Madame  la  Supérieure  des  Dames  Bernardines. 

Beauvols  (yonl). 
4440.*  Delétang,  directeur  de  la  Maison  Michau. 

Billy-Moutisuy. 

3229.     Lavaurs,  î^,  directeur  du  la  Gonipaguio  des  Mines  de  Courrières. 

Bouwecours.  //<■«/•  Pf'ntwelz  {Belgique). 
4230.*  Thery  (Alban),  rentier,  avenue  de  la  Drève. 

Calais. 

470.     Becquart  (Henri),  négociant,  rue  du  Vauxhall,  ^38. 

109.     Breton  (Ludovic),  ingénieur,  directeur  du  tunnel  sous-marin,  directeur- 
propriétaire  des  Mines  d'Hardinghen,  17,  rue  St-Michel. 

Caiiteleu-lianiberwart. 

47!rj.     Hknmon  (Madame),  avenue  des  Magnolias. 

Cantelcu-Iiille. 

.'^'»2.*  MuLLiEZ,  brasseur,  rue  de  Dunkerquc. 

3744.     Tournemine  (Edouard),  caissier  comptable,  quai  de  l'Ouest,  3(3. 

Cap«leua4î  (^a  Gare). 
3573.     LouBET,  représentant. 


10 


N'^  d'ins-  MM  . 

cription. 


1654.     Amat  (Gaston),  A.  %},  propriétaire,  au  château  de  l'Hutseval 
1807.    LooRius  (Kmile),  Hôtel  du  Sauvage,  Grande-Place. 
2077.     MœneclAey,  A.  y;.  Conseiller  général,  maire. 

C'Iiaville  (Scinc-et-Oise.) 
412i).     Tviinu.E  (.1.),  docteur  en  pharmacie,  Villa  des  Merisiers. 

Coiiiiue.K. 

4070.*  Cousin  frères,  industriels. 

3426.*  Duriez-Lambin,  industriel. 

3058.     Gallant,  manufacturier. 

4239.*  Hassebrougq  (Liévin  fils),  industriel. 

1470.     Vandewynckele  fils  (Auguste),  manufacturier. 

4071.*  Verhaeghe,  industriel. 

Coudé-sur-l'Eficaiit. 

1239.     Beaumont-Gousin  (Louis),  entrepreneur  de  travaux  publics. 
1831.     Pureur  (Pierre),  A%},  brasseur. 

CoMrrlères  (Pcis-de-Calais). 
2.590.    Bernard  (André),  industriel. 

Oroix-U'astquehal. 

2142.  Balcaen,  fabricant  de  biscuits,  rue  de  la  Gare. 

4814.  Cheminade,  rentier,  avenue  des  Marronniers. 

4558.  Clarisse  (Emile),  rue  de  Roubaix,  49. 

42.54.  Defontaine  (Henry),  avenue  des  Marronniers,  29. 

4707.  Faulkner  (Angus). 

2802.  Germain  (Léon),  comptable,  rue  du  Trocadéro. 

250.  Mathieu,  \.^,  instituteur,  place  St-Martin. 

2082.  Makille  (Auguste),  employé  chez  M.  Holden,  boulevard  de  la  Chapelle, 

2785.  Petit-Dupir,  négociant,  rue  de  Roubaix. 

'i056.  Plateau  (Alfred),  industriel. 

4698.  Ramsden  (M"«  Marion),  Professeur  d  anglais.  Place  St-Martin,  5. 

2891.*  Seynave-Dubocage,  industriel,  47,  rue  de  Roubaix. 

24{)6.  Toussaint  (Alphonse),  pharmacien,  place  St-Martin. 

I>eualu. 

2707.     Verlev  (Gaston),  rue  du  Quesnoy. 


N"''.riii,s-  MM, 

cription. 


IICiil<'itioiit  (Mord). 


2845.    Claro  (Lucien),  lissage  nu-caniquo. 
1551.     Fupo  (Louis),  rentier. 

Ulekireli  (Grand  Duché  de  Luxembour;/). 
3S>(F).     Neu.ks  (Alfred),  directeur  do  riiùtcl  des  Ardennes. 

Douai. 

4078.  Bar,  docteur  en  droit,  rue  Cauipion,  7. 

CkV».  Joppk  (Kd.),  U.  ►i*'  A.  y,  (Ions,  à  la  Cour  d'vVppel,  r.  de  l'Abbaye  des  l'rés  4'(. 

2884.  Thirv  (Gh.j,  Directeur  des  Mines  de  THscarpelle,  rue  de  L<'\varde,  11. 

3427.  Verley  (René),  rue  des  Glacis,  8. 

Diinkerqiie. 

32(i8.     Bernard  (Carlos),  négociant,  14,  rue  du  Sud. 

14V»().**GoQiiELi,E  (Félix),  A.<!j:,>^,»î*,»î*,Considdu  Pérou, jugeau  Trib.  de  Commerce. 

4743.    Jannin  (Albert),  1.^,  (Consul  du  Chili,  Juge  au  Tribunal  de  Commerce,  rue 

Royale,  38. 
3332.  •  Smagghe,  conducteur  des  Watteringues,  rue  de  la  Gare,  23. 
2386.*  Tresca-Coquelle  (H.),  malteur,  rue  deJCalais,  33. 

Kuiictlères-Aveliu. 

2'M.    Robert  (Madame),  propriétaire. 

Esta  ire  j». 

1472.     Ernout  (François),  propriétaire. 

1710.     Lefrancq  (Auguste),  fabricant  de  toiles. 

3130.     DupiRE  (Edouard),  entrepreneur  de  peinture. 
3785.     Lepers  (Louis),  brasseur  au  Rreucq. 
47 II").     Lepers  (Pierre),  brasseur. 

Forest  p«/'  Ascq. 
36.*  Lerailler  (G),  fabricant, 

FounieN. 

404.     GoMUERT,  A.  y!,  chef  d'institution. 


N»«  d'ins-  MM . 

cription. 


-  12  - 


Goiidecourt  (Nord) 


lâ2A.     Bauduin  (Arthur),  brasseur. 

3599.    Storme  (Georges). 

4571.     Thomas  Marquant,  fabricant  d'huiles. 

Hallenuei«-lez-l1aubourdlii. 

3968.     Platel  (Amédée).  étudiant. 

Halluin. 

a320.*  Defretin  (E.),  fabricant  de  toiles. 

3()08.*  Delattre,  frères,  manufacturiers. 

4004.*  Demeester  (Alfred),  industriel. 

4065.*  Demeester  (Jules),  brasseur. 

4219*.  DuvERDYN,  brasseur,  rue  de  Lille,  193. 

3422.     Hennion  (Jules),  filateur. 

l'iSB.     Lefebvke-Hoij.evoet  (Léon),  représentant,  me  de  Lille,  li>!^. 

4069.*  Lemaitre-Demeester,  fils,  industriels. 

3314.     LoRroANT-DuPONT,  fabricant  de  linge  de  table.  ' 

3579.     Poi-let  (Charles),  comptable. 

2295.     Rabier  (René),  percepteur  des  Finances. 

3310.     Van  Heddeghem,  fabricant  de  chaises,  rue  de  Lille,  58. 

4620.    Vercia'Tte,  pharmacien. 

Hauboiirdin. 

77.  Bonzel  (Arthur),  A.  y:,  distillateur. 

4790.  C4OLLET,  Commis  principal  des  contrib.  ind.,  rue  Sadi-Carnot,  159. 

1714.  Cordonnier  (Célestin),  brasseur. 

2309.  Cousin-Devos,  maire. 

4223*.  Cuvelier-Boutry,  propriétaire,  rue  de  Béthnne,  104. 

3089.  Cuvelier-Verley  (Albert),  négociant  en  vins. 

1225.  Defretin,  architecte. 

2925.  FicHAux,  manufacturier. 

4139.  Flourens  (Madame),  rué  du  Rivage,  26. 

3588.*  Gagedois,  industriel,  rue  Potié. 

4220.  Lefebvre  (Alfred),  tanneur. 

470.  Loridan  (Victor),  1.  y^,  directeur  de  l'école  primaire  supérieure. 

726.  Nicole,  architecte,  bibliothécaire  du  Comice  agricole  do  Lille. 

1467.*  Rose  (Maurice),  brasseur. 

738.  Sander  (Ad.),  blanchisseur  de  fils  et  tissus. 

949.  Verley  (André),  propriétaire. 

4403.  Verley-Galloo  (Pierre),  rue  de  la  Gare,  35. 

4671.  Waymel  (M"^),  rue  de  la  Deûle,  14. 

Ilautiiiuiit. 

3777.     Barbet-Massin  (Madame),  rue  des  Bateliers,  32. 


NOS  iins.  ^j^j 

cription. 


—  13  - 


llaxelirouck. 


2959*  Chamonin  (Ernest),  propriëtairo,  rue  de  la  Clef. 
4516.     HoucKE  (Henri),  rue  du  Font,  1. 
3888.     PouPART,  docteur  en  médecine. 

Helicninies  {près  Lille). 

4804.  Agaghk  (Emile),  brasseur,  rue  Raspail. 

2650.  Basselart,  propriétaire,  rue  Chanzy,  .51. 

2300.  GuiLLEMAUD,  filateur. 

3401.  Lefebvre-Coupij;t,  brasseur. 

100.  Lemaire,  a.  y^,  instituteur  retraité,  rue  Sadi-Carnot,  03. 

2831.  Stermann  (K.),  directeur  delà  filature  Lorent-Lescornez, 

Hem. 

1120.     Mulaton-Leborgne  (Jean),  assurances  Victoria. 
2.130.     Mui.ATON  (François),  industriel. 

Héulii-Uétarcl  {Fas-de-Catatsj. 

1193.  .  Caullet  (Edouard),  négociant,  rue  de  la  Place. 
234.     Desmars  (Alfred),  ingénieur-chimiste. 

Iloupllii  (Nord). 
2^)95.     Delaune-Tili-OY  (Madame  AlIVod),  propriétaire. 

Houplines  (Nord). 
1(506.     Becquart  (Lucien),  fabricant  de  toiles. 

keniiiicl  (Belgique). 
4618.     Legrand  (M""  Juliette),  hôtel  Petit  Ypres. 

lia  lladeleine-lez-Lillle. 

3151.  Beeli,  propriétaire,  rue  du  Pré-Gatelan,  il  bis. 

1688.  Belin  (.Jules),  propriétaire,  rue  Gambetta,  44. 

4359.  Benoit,  docteur  en  médecine,  rue  de  Lille,  59. 

4414.  Bocquet  (M"''  Gabrielle),  employée,  rue  de  Lille,  244. 

4834.  Carême  (Lucien),  prof,  au  Lycée  Faidherbe,  rue  de  Lille,  197. 

2101.  Choqlel  (Gustave),  fabricant  de  fours,  rue  de  Lille,  181. 

811.  Crépelle-Fontaine,  ^,  chaudronnier-constructeur,  rue  de  Lille,  152. 


-   14  - 

N"' il'iii.s-  MM. 

oription. 

3920.  Desrumaux-Lehembre,  propriéUiire,  rue  de  Lille,  103. 

4027.  Fleuuy-LeCtRAnd,  industriel,  rue  de  Lille,  102. 

1253.  Fontaine  (Georges),  propriétaire,  ancien  maire,  rue  de  Lille,  184. 

2764.  Fontaine  (Maurice),  négociant,  rue  de  Lille,  199. 

2212.  Hespel  (Ernest),  négociant  en  vins. 

1709.  Hochstetter  (Jules),  A.^,  directeur  des  Usines  de  Protluits  ohiniiq.  du  Nord. 

3139.  Jean  (Fernand),  employé,  rue  du  Chaufour,  1. 

3774.*  Lemetter(G.),  négociant  en  bois,  rue  du  Quai,  160. 

4588.  Malagié  (Georges),  Président  de  la  Société  des  voyageurs,  rue  Thiers, 

4781.  Masurel  (Edmond),  sous-chef  de  bureau,  rue  du  ehanl'uur,  8. 

.3iK)7.*  MoRREEL  (Georges),  négociant,  rue  Thiers,  12. 

'ii25.  MuLUEZ  (Jean),  rue  de  Lille,  188. 

457().  Nys  (Félix),  représentant,  rue  des  Gantois,  75. 

\:XM).  Vi.ytKh  (Charl(!s),  propriétaire,  l'ue  Faidherbe,  51. 

4289.  Sai.kmhier-Dklkbarrk,  négociant,  rue  de  Lille,  118. 

3966.  Thumassin  (Madame),  rue  de  Lille,  117. 

4;357.  Verrotist  (Jules),  propriétaire,  rue  Faidherbe,  78. 

MM.  GooEZ  (Henri),  rentier. 

28()8.  Grepy  (Fernand),  filateur  de  coton,  rue  Flament-Reboux. 

2514.  Crepv  (Maurice),  filateur  de  coton,  rue  Flament-Reboux. 

739.  De  Gagny  (Edm.),  courtier,  rue  des  Ecoles. 

1597.  Delcourt  (A.)  fils,  teinturier. 

27()2.  Drieix  (Achille),  villa  Marie,  avenue  de  l'Hippodrome. 

2501.  Durand  (Fernand),  négociant,  villa  Souvenir,  rue  du  Bois. 

4Ki8.  FOURMER  (Achille),  rue  de  la  Gnrndve. 

2109.  Grimonprez  (Léon),  propriétaire. 

4165.  Hainez,  %)  I.,  architecte  départemental,  villa  Regina. 

4126.  Lagaghe  (M"'«),  villa  Antonia,  avenue  de  l'Hippodrome. 

3813.  Leroy  (Albert),  représentant,  rue  Quecq,  61. 

1037.  Nuytten,  négociant. 

.3791.  Plancq,  boucher,  rue  de  l'Abbé-Deleplanque. 

3418.  Vaillant-Desruelle,  industriel. 

.568.  Wannebroucq  (Paul),  rue  de  Lille,  59. 

3455.  Wgeux,  propri(Haire,  villa  Van  Dyck,  avenue  de  l'Amiral-Gourbet. 

liMiinoy. 

4751.  Deffrennes  (Anselme),' industriel. 

2483.  DuJARDiN  (Pierre),  pharmacien. 

2332.  Leborgne  (Ferdinand),  fabricant  de  tapis. 

4454,  Parent  (Albert),  filateur. 

l<eu(i  {Pas-de-Calais). 

4105.     Ghantreau,  pharmacien.  Avenue  St-Edouard. 
42.38.     Nieuviarts  (Fernand),  pharmaci<*n. 


1.11.1,1':.  lo 

N»'d'ins-  MM. 

cription. 

2169.     RiNCHEVAL-P.\RissK,  bras.seiii'. 
2.36.     StiÉ  YEN  ART  (Arthur),  fabricant  do  câbles,  'iS,  nuMlc  Douai. 

liesqiiiii. 

1720.     De.Iaeghkre  (Kdoiiard),  br.isseur. 

LILLE. 

317.  Abrev  (Miss),  A.y,professeur  de  langue  anglaise,  r.  de  rtlôpital-Militairè,  .33 

2356.  Abry  (Georges),  négociant  en  bois,  rue  de  Faubourg-de-Béthune,  4(). 

1708.  Aert.s-Becquart  (Henri),  ancien  brasseur,  rue  Malus,  14. 

1826.  Aerts-Debaisieux,  négociant,  rue  à  Fiens,  8. 

2821.*  Agache  (Edmond),  propriétaire,  rue  Delezeniie,  3. 

48.  Agache  (Edouard),  j|s,  président  honoraire  de  la  Société  industrielle,  rue  d 
Tenremonde,  18. 

3()46.  Aguii-ar  (Ferdinand),  commis-négociant,  rue  Brûle-Maison,  31. 

.537.  Ai..\voiNE  (M«iie  Berthe),  A.  Q,  institutrice,  place  Philippe-de-Girard,  10 

1031.  Alavoine,  sous-chef  de  section  des  Postes  et  Télégraphes,  rue  du  Moliuel.  74. 

4706.  Ali^antaz,  inspecteur  ;iu  Chemin  de  1er  du  .Nord,  rue  de  Loos,   IH. 

257.  Allard  (M"*"),  propriéùdre,  rue  Royale,  lO'i. 

3767.  Amei-IX  (Alfred),  repn'-sent-int,  place  <ie  la  Ki'publiqiie,  'i. 

3795.  A.MEUN  (Maurice),  S.  Directeur  du  ih'pùi  des   Furges  de  la  Providence,  rue 

•     Nicolas- l^eblaTic,  5.3. 

A213.  Andrieiix  (Etienne),  place  Sinion-N'uliaMi,  17. 

3.3.5().  Angelo  (Alfred),  négociant,  rue  de  Tiirenne,  (IT. 

47!)5.  Ai'.UDiN  (Madame),  rue  de  Thion\ille,  .36. 

4547.  Aknacdon  (Camille),  entrepreneur,  rue  .laïquemar.i-Giélée,  22. 

2400.  Arqiiembouug,  ingénieur,  boulevard  Bigo-Danel,  113. 

230;î.  Artau  (Louis),  tailleur,  rue  Nationale,  110. 

3270.  Artaud  (Charles),  représentant,  rue  Jacquemars-Giélée,  76. 

4C)30.  AsEBROUCQ  (Henri),  représentant,  rue  Nationale,  288. 

4339.  AuBERT,  officier  d'administration  de  1'"  cl.  du  génie,  fort  St-Sauveur. 

4691.  AuBERT  (docteur),  rue  Thiers,  5. 

4696.  AuBRY  (Commandant),  rue  Colbert,  139. 

4714.  AuLA,  libraire,  Place  du  Lion  d"Or,  12. 

3444.  AussET  (DO,  A.  y^,  boul.  delà  Liberté,  1.53. 

48.58.  AussiNE,  directeur  de  l'École  Ozanain,  rue  St-Gabriel. 
4672.  Avon,  capitaine,  attaché  à  l'arsenal,  rue  de  Leiis,  53. 

39.59.  Bach  (Charles),  employé  à  la  Préfecture,  place  llichebé,  4  his. 
4764.     Bacqukt-Chevallay  (M.idame),  rue  d'inkermann,  l'i. 

2308.  Badts  (MUeEmma),  négociante,  boulevard  bigo-Danel,  8. 

3237.  Baelde  docteur  en  médecine,  boulevard  de  la  Liberté,  43. 

4627.  Baer  (Bernard),  rue  du  Lombard,  5. 

2451.  Baggio-Duverdyn  (M"'« .].),  propriétaire,  rue  de  la  Barre,  29. 

1018.  Baiixeux  (Edmond),  propriétaire,  rue  de  Toul,  1. 

14.56.  Bahxiard  (Victor),  négociant,  rue  du  Fauboiirg-de-Roubaix,  199. 

4722.  Bailue  (Henri)  fondé  de  pouvoirs,  rue  de  la  Louvière,  82. 

3111.  BAiLi-Œi'n--BAUDON  (M"ie),  propriétaire,  boulevard  Vauban.  7. 


I()  i,n,i,E. 

N-M'in^-  MM. 

ciiplion. 

i83(3.     Bai,  (t'ei-nand),  négociaut,  rue  de  Taris,  2H. 
1519.*  Baratte  fils,  négociant,  rue  Gombert,  20. 

2698.     Bakrois  (Auguste),  industriel,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  124. 
21.     Barrois  (Ch.),  0.  ^^  I.  %},  ►î*.  Prof,  à  la  Faculté  des  Sciences,  rue  Pascal,  37. 

784.     Barrois  (Henri),  propriétaire,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  135. 

326.     Barrois  (Théodore),  député,    1.  41,  D%  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine, 
rue  Nicolas-Leblanc,  7A. 

507.     Barrois  (M""=  V*«  Théodore),  rue  de  Lannoy,  (J3. 
4685.     Bassot-Féron,  ingénieur  des  mines,  Place  du  Goneert,  10. 
3921.    Bastide-Herland  (M-no  V»«),  rue  d'Isly,  60. 
1286.     Basuyau,  receveur  de  l'Enregistrement,  rue  Gaumartin,  32. 
3615.*  Bataille  (Georges),  industriel,  boulevard  de  la  Liberté,  177 
4829.     Bataille,  Agent  Général  d'Assurauces,  rue  Masséna,  28. 
1080.     Batteur,  directeur  d'assurances,  rue  Ghevreul,  2. 
1622.     Batteur  (Garlos),  ^,  L  ^,  architecte,  rue  Jean-sans-Peur,  9. 
1670.     Batteur- Vanuxem,  vérificateur,  rued'Antin,  19, 
4100.     Baiidin  (A.),  ^,  Commandant  en  retraite,  rue  Blanche,  18. 
4435.     Baudou,  directeur  de  l'octroi,  rue  Flanien,  14. 
4281.     Baiimgartner,  rue  Nationale,  126. 
4680.     Bauvin  (Armand),  ingénieur,  rue  Bourjcmbois,  13. 
4425.     Bavard  (Emile),  lieutenant  au  43""  Régiment  d'infanterie,  rue  d'Isly,  61. 
4451.     Bayart  (le  Chanoine),  boulevard  Vauban,  60. 

3448.*  Bayart  (Henri),  sous-directeur  général  d'assurances,  rue  de  Bourgogne,  28. 
4057.     Beal  (D'),  square  Jussieu,  5&tA-. 
1.566.*  Beaufort  (Henri),  A.  ij,  négociant,  rue  de  Lens,  63. 
2.592.     Beaueort-Rigot.,  négociant,  rue  Saint-Pierre,  27. 
3786.*  Beaurepaire,  peintre,  boulevard  de  la  Liberté,  60. 
1009.     BÉGHiN  (Auguste),  négociant,  rue  Solférino,  40. 
4104.     BÉGHIN  (Théodore),  représentant,  rue  de  Loos,  6. 
4228.     Beirnaert,  commerçant,  rue  Faidherbe,  44, 
1628,    Belval,  commissionnaire  en  douanes,  rue  des  Buisses,  11. 
1227.*  Bériot  (Madame  Y«  Camille),  fabricant  de  chicorée,  rue  de  Douai,  69. 
1836.     Bernard  (Achille),  architecte,  rue  du  Quai,  12. 
3395.*  Bernard  (Benjamin),  propriétaire,  rue  de  Thionville,  31, 
2776.    Bernard  (Etienne),  industriel,  rue  de  Courtrai,  22. 
2469.     Bernard  (Eugène),  chirurgien-dentiste,  rue  des  Poissonceaux,  31. 
1072,*  Bernard  (Jean),  raffineur,  rue  de  Courtrai,  20, 

2124.    Bernard  (Maurice),  membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  r,  de  Courtrai,  14. 
2228.     Bernard  (M">«  Georges),  propriétaire,  rue  des  Canonniers,  17. 
4042.    Bernard,  étudiant,  place  Sébastopol,  2. 
2774.    Bernard  (M""®  V«  Benjamin),  propriétaire,  place  aux  Bleuets,  7. 

606.    Bernard-Wallaert  (M™"  Y'"j,  rue  Jacquemars-Giélée,  36. 
4298.     Bernheim,  négociant,  rue  Jeanne-d'Arc,  11. 
1279.     Berteloot,  propriétaire,  rue  du  Marché,  38. 
1841.     Bertherand  (M""^  V^e),  propriétaire,  rue  des  Jardins-Gaulier,  2. 
3031.     Bertin  (B.),  négociant,  rue  de  Paris,  246. 

4648.     Bertin  (Armand),  receveur  de  l'enregistrement,  rue  Henri  Kolb,  'i8. 
4737,     BertoUT  (Auguste),  négociant,  rue  Gambetta,  98  bh. 

544.**BÉTHUNE  (Clément),  propriétaire,  rue  Saint-Jacques,  25, 
3169,    Bettmann,  chirurgien-dentiste,  boulevard  de  la  Liberté,  38. 


].UA.K.  17 

N»»  d'ins-  MM . 

criptioo. 

43'i2.  Rein,  négocijtiit,  rue  (\(\  RuiiJ)ai\,  2'i. 

3939.  Beuque  (Louis),  négociant,  bonlevard  de  la  Liij('rt(',  80. 

47(î0.  ISkyi.kmans,  cncrepreneur  de  transports,  rut.'  Pierre  Legrand,  [i'J. 
4713.*  RicHOFFE,  directeur  de  la  Ranque  Générale  française,  rue  Jean  Koisin,  13. 

4353.  RiDAHT  (Mrae  Vve),  rue  Jacqneniars-Giélée,  09. 

47(i2.  BiENAiMÉ,  ingénieur,  rue  Fénélon,  18. 

2144.  Bienvenu,  percepteur  des  contributions  direetcp,  rue  d'Anjou,  21. 

27.  BiGO-D.iNEL  (Emile),  ^,  I.  y^,  »J«,  imprimeur,  rue  Royale,  ^G. 

520.  BiGO  (Louis),  représenUtut  des  Mines  de  Lens,  boulevard  Vauban,  9."». 

2240.  BiGO  (Auguste),  propriétaire,  rue  Watteau,  3. 

2349.  BiGO  (Orner),  A.  ï^/,  imprimeur,  boulevard  de  la  Liberté,  95. 

4249.  Rigo-Dejardin,  industriel,  rue  d'Ksquenues,  122. 

3883.  Bigot,  capitaine  au  10"  bataillon  de  chasseurs,  rue  Barthélémy-Delespaul,  114. 

1901.  Bigotïe  (François),  négociant,  rue  d'Amiens,  19. 

2298.  BiGOTTE  (.-Ubert),  négociant,  rue  Solfériuo,  3J'i. 

4135.  BiNAULD  (Florent),  Conseiller  général,  brasseur,  rue  d'Arcole,  11. 
215'».*  BiNET  (Adolphe),  industriel,  rue  Inkermann,  30. 

4090.  BizARD  (M"'"  Vve),  boulevard  de  la  Liberté,  121. 

3804.  BizAKD  (Général),  0  %:,  Commandant  la  2-  brigade  d'Infanterie,    rue  Solfé 

rino,  38. 

2924.  Blanchet  (Gabriel),  ('lève  de  l'i^eole  de  Coiumerce,  place  (]ornioiit;iign<',  4, 

2588.  Blanquarï  (Aimable),  propriétaire,  rue  Rrùle-Maison,  101. 

4015.  Rlanqiart  (M"""),  reniit-re,  rue  de  Paris,  14, 
1ô84.**Blondeau  (Meiie  Louise),  propriétaire,  rue  Royale,  118. 

1220.  Blondin,  j^,  juge  honoraire,  place  de  la  Gare,  11. 

4160.  Blot  (Léon),  négociant,  boulevard  Bigo-Danel,  2  bis. 

3843.  Blum  (Félix),  négociant,  rue  des  Ponts-de-Gomines,  .50. 

957.  Blu.\i  (Pierre),  gérant,  rue  Saint-Augustin,  29. 

3669.  BocQUET  (Alfred),  négociant,  rue  Solférino,  17."). 

4585.  BocQUET,  ingénieur,  rue  des  Ponts-de-Gomines,  61. 

1907.  BocQUET  (M""*  Edmond),  propriétaire,  rue  Royale,  114. 

4040.  Bœuf  (Kmile),  courtier,  rue  André,  9. 

4741.  Bohem  (.Jules),  reniier,  rue  Thiers,  40. 

3730.  BoissARD  (Adéodat),  docteur  en  droit,  boulevard  Vauban,  09. 

1796.  Boisse-Scrépel  (J.),  fabricant  de  toiles,  place  de  Tourcoing,  2. 

1608.  BoiTEL  (Georges),  négociant,  rue  d'Angleterre,  .53. 

900.  Boittiaux,  négociant  en  lins,  rue  du  Molinel,  iS5. 

2242.  Boittiaux  (Jérôme),  boulevard  des  Ecoles,  .56. 

1937.  Boli.aert    (Félix),    administrateur   des    Mines    de    Leus,    boulevard  de  la 

Liberté,  133. 

4484.  Bonduelle  (Joseph),  industriel,  rue  Véronése,  2. 

3770.  Bo.net  (P.),  ■^,  ingénieur,  rue  Solférino,  248. 

4545.  Bonnet  (J.-B.),  représentant,  rue  des  Postes,  169. 

262.  Bonté  (Auguste),  juge  au  Tribunal  de  commerce,  rue  des  Trois-.Mollettes,  5. 

4231.  BoNVALOT,  A.  y,  opticien,  rue  Esquermoise,  79. 

3598.  BooNE  (Lucien),  étudiant,  rue  Solférino,  298. 

4152.  BooNE  (E.),  ingénieur  civil,  boulevard  Victor  Hugo,  28. 

4241.  Borel,  agent  général  de  la  Grande-Chartreuse,  rue  Nationale,  2îX). 

4816.  Boucher  (Madame),  rue  de  la  Bassée,  21. 

4592.  BoucHERY  (Georges),  négociant,    l)OuIevarJ  Victor  Hugo,  .'î». 


18  LUXE. 

N»"  d'ins-  MM. 

cription. 

2038.  Bouchez  (M'""  Vve),  rentière,  rue  Solférino,  153. 

245.5.  Bouchez  (Alfred),  fabricant  de  toiles,  rue  de  Paris,  14().  . 

3279.  BouDiGMÊ  (Jules),  propriétaire,  141,  rue  Solférino. 

4367,  BouDRY  (Emile),  propriétaire,  rue  Durnerin,  7. 

3400.  BouiLLET-BiGO,  brasseur,  rue  Belle-Vue,  71. 

4723.*  Boulanger,  tanneur,  faubourg  de  Douai,  1. 

4000.  BouLY,  directeur  du  Comptoir  d'escompte,  rue  Nationale,  96. 

47()5.  Bourgeois  (M"*"  Renée),  employée  des  télégraphes,  place  de  la  République,  1. 

2970.  Bourse  (Charles),  propriétaire,  rue  Virginie-Ghesquière,  13. 

4033.*  BoiissEMART,  négociant,  rue  Jeanne-d'Arc,  72. 

.500.  BouTEMY  (Madanu'),  boulevard  de  la  Liberté,  1.59. 

3708.*  BouTRY  (I^Idouard),  filateur,  rue  du  Long-Pot,  80. 

2672.  BouTRY  (Léon),  bijoutier,  rue  des  Manneliers,  10-12. 

2708.  BouTRY  (Madame  Henry),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  17. 

3144.  BouTRY  (Léon),  filateur,  rue  du  Long-Pot,  07.     . 

2701.  Bouïrv-Bramk  (.1.),  étudiant,  rue  de  Douai,  5. 

2.53.  Brabant  (^Paul),  fabricant  de  céruse,  boulevard  Louis  XIV,  4. 

2391.  Brame  (Auguste),  pharmacien,  rue  Gambetta,  250. 

481.  Brame  (Madame  Max),  rue  Royale,  83. 

3224.  Brasseur  (M'"»  .leanne),  propriétaire,  rue  Nationale,  324. 

4683.  Brasseur  (.Iules),  représentant,  rue  Dupleix,  16. 

4580.  Brisy  (Marcel),  employé,  place  Richebé,  15. 

2834.  Brossard  (M"'»  V^e),  rue  Faidherbe,  7. 

4014.  Broutin  (Eugène),  représeiit;uit,  rue  Galel-Béghin,  2. ,_ 

1842.  Rrulk  (!<;.),  Hôtel  de  la  Paix,  rue  de  Paris,  40.  ' 

3251.  Hrumn  (Henri),  Agent  de  Charbonnages,  rue  des  Stations,  21. 

3666.  BuissET-DuinR,  négociant,  .rue  Masurel,  1.'?. 
2145.  BulteAU  (.M"'"  V^«),    boulevard  de  la  I,iberté,  47. 

628.  Bureau  (Ernest),  négociant  en  (ils,  rue  de  la  Bassée,  46. 

4354.  BuTZRACH  (Eugène),  ingénieur,  nie  Aul)er,  03. 

4658.  Buysschaert,  appareils  de  chauffage,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  99. 

2979.  Caille  (.Iules), 'instituteur,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  79. 

269(5.  C.'\LMETTE(Docteur),0.j|^,  1. ^, directeur  de  l'Institut  Pasteur,  boul.  LouisXlV. 

1442.  Callens  (Henri),  négociant,  rue  Fontaine-del-Saiilx,  1  bis. 

4040.  Caloine  (M'ie),  rentière,  rue  André,  3. 

1812.*  Calonne  (Albert),  commis  des  postes  et  télégraphes,  r.  du  F.-deRoubaix,  IXi. 

3402.  Cambier-Dufour  (Georges),  rue  Jean-sans-Peur,  4. 

2221.  Camus  (Félix),  avocat,  rue  de  Bourgogne,  15. 

867.  Cannissié  (Emile),  banquier,  boulevard  de  la  Liberté,  93. 

2272.  Cannissié  (Maurice),  représentant  de  Commerce,  rue  Manuel,  81. 

3362.  Canonne  (MUe),  institutrice,  rue  Esquermoise,  23. 

1071.  Cantineau-Cortyl,  l.%}i  membre  de  la  Comm.  historique,  rue  Colbert,  176. 

4248.  Cardinal-Thiriez,  propriétaire,  rue  Duhem,  22. 

3667.  Carlier,  employé,  rue  Caumartin,  42. 

2039.  Carlier  (Edouard),  négociant,  rue  Caumartin,  24. 
4499.  G.VRLiER  (Georges),  rue  Gauthier-de-Chatillon,  10. 

196;3.  Carlier  (Victor),  I.^,  docteur  en  médecine,  rue  des  .Jardins,  16. 

4503.  Carmikr-Rosk  (Madame  V*«),  boulevard  de  la  Liberté,  471. 


I 


N'^d'ins-  MM. 

cription. 

1I7M.  Carmn,  négociant,  i-iic  .I;iOf[iicm;irs-(iiôU'i',  l."). 

2l.T(.  Cakon  (Meiic  (lontlio),  propriétaire,  rue  Houcher-de-Perthet;,  '«7. 

4859.  (]ahu\v  (Kdouard),  rue  Manuel,  08. 

•4055.  Garpentier,  rue  d'Angleterre,  16. 

2544.  Garpentier  (Madame  V^e  Auguste),  rue  de  Puébla,  14. 

3441.  Garpentier  (Meiie  Louise),  artiste-peintre,  rue  Nationale,  95. 

3871.  Garpentier  (Gaston),  rue  de  Roubaix,  .30. 

4784.  Garpentier  (Henri),  ingénieur,  rue  du  Sec-Arenibault,  12. 

1799.  Garpentier  (Paul),  A.  ^,  avocat,  rue  Jacquemars-Giélée,  35. 

4174.  Gakpentier-Gousseaume  (Docteur),  rue  deTurenne,  33. 

2319.  Garrè  (Lucien),  employé  à  la  f*réfecturc  du  Nord,  place  Gormontaigne,  10. 

418().  Garré  de  Malberg,  juge  au  tribunal  civil,  boulevard  de  la  Liberté,  121. 

2838.  Garrette  (Alphonse),  rentier,  rue  Jeanne-d'Arc,  70. 

3072.  Garron-Flament,  négociant,  boulevard  Yictor-Hugo,  46-48. 

1.52,5.  Garron-Villers,  négociant,  rue  de  Bruxolles,  15. 

1870.  Garton  (René),  courtier,  rue  Nationale,  53. 

210.  Castelain  (F.),  I.  ^,  docteur  en  médecine,  rue  Négrier,  28. 

3{ÏÏ5.  Gastelot  (Henri),  rue  Brule-Maison,  110. 

1682.  Gastiaux  (Eug.),  propriétaire,  rue  Desmazières,  7. 

2036.*  Gâteaux  (Edmond),  rue  Ratisbonne,  10. 

3070.  Gatel-Bêghin,  filateur,  boulevard  de  la  Liberté,  21. 

2620.  Gatoire  (M™®  Victor),   rue  de  Bourgogne,  7, 

3661.  Gauchie,  ancien  notaire,  rue  de  Tenremonde,  11, 

4098.  Gaudrelier  (J.),  propriétaire,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  6. 
1077.*"Gauluez  (Henri),  nég.  en  laines,  consul  de  la  Rép.  Argent.,  r.  Desmazières,  14. 

2786.*  Gauluez  (Alexandre),  négociant  en  laines,  rue  de  Bétluine,.5(). 

107.  Gavro,  I.  IJf,  directeur  de  Técole  primaire,  square  Ruault,  12. 

.522.  Gazier,  a.  IJ,  commis-négociant,  rue  Durnerin,  10. 

1390.  Ghalant  (Armand),  propriétaire.  Parc  Monceaux. 

4718.  Ghamoin  (Général),  Gommandant  la  ['"  division,  rue  des  Stations,  92. 

4220.  Ghampionnet  (G.),  représentant  des  forges,  rue  Nationale,  9. 

4462.  Gharbonneaux  (M"*"),  rue  Inkermanu,  5. 

782.  Gharbonnet  (Paul),  professeur,  rue  du  Vieux  Marché  aux  Moutons,  10. 

4395.  Gharles  (MUe  Marguerite),  rue  du  Port,  88. 

4016.  Gharmeil,  I.  %),  professeur  à  la  Faculté  de  médecine,  boni,  de  la  Liberté,  134. 

4179.  Gharpentier,  ingénieur  des  Mines,  rue  Golbert,   119. 

4.'î81.  Ghariias  (M"""  V^e),  rentière,  rue  des  Fossés,  0. 

3280.  Gharruey  (Madame  Veuve),  propriétaire,  rue  André,  4. 

4747.  Ghassuux,  capitaine  breveté,  rue  Voltaire,  33. 

4808.  Ghatelain  (M""  Marie),  rentière,  rue  St-Étieiine,  74. 

4309.  Ghatteleyn,  constructeur,  boulevard  de  la  Liberté,  .55. 

4218.  Ghauvel,  négociant,  rue  de  Turennc,  17. 

28()'i.  Ghesnelong,  j^,  avocat,  rue  Royale,  99. 

4788.  Ghevrel,  élève  à  l'Institut  Industriel,  rue  des  Postes.  4. 

427.5.  Ghevresson-Ledug,  boulevard  Vaul)an,  .52. 

3302.  Chollet  (l'abbé),  rued'Isly,  3. 

1098.  Ghombart  de  Lauwe  (Pierre),  avocat,  boulevarà  Vauban,  1 

3047.  Ghoquereaux  (.Iules),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  151. 

1817.  Ghoquet  (Louis)  père,  négociant,  rue  Solférino,  110. 

4815.  Ghoqiet  (Raoul),  ingénieur,  rue  de  Ganteleu,  48. 


20  LILLE 

NO'd'ins  MM. 

cription 

dG^.  Ghuïin  (L.),  docteur  en  médecine,  boulevard  de  la  Liberté,  215  Ois. 

3895.  Chrétien  (G.),  employé,  rue  d'Lsly,  54. 

3255.  CLAEYAr.VN,  entrepreneur  de  peinture,  .3'i,  rue  Négrier. 

liJOO.  Claini'Anain  (Th.),  propriétaire,  rue  de  Puébla,  9. 

2.570.  Clément  (Victor),  I.^i,  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce,  r.  Solférino,  14. 

3950.  Clerc,  0  e^,  intendant  militaire,  rue  de  la  Chambre-des-Comptes,  4. 

40G2.  Clot-Mathieu,  rue  d'Isly,  82. 

4107.  Cluzet,  ingénieur,  place  Simon- Voilant,  10. 

2.5.33.  Gof.Auo  (.Iules),  A.  %},  fondeur,  rue  de  Valenciennes,  13. 

2704.  Cochez,  A.  ^,  professeur,  avenue  des  Lilas,  9. 

3141.  Cocquerez-Dimiez,  bonneterie,  rue  des  Sept-Agaches,  4. 

.3754.  CoDVELLE  (Paul),  A.^l,  directeur  d'École,  rue  de  .Juliers,  73. 

3707.  Coevœt-Renouard,  négociant,  boulevard  des  Écoles,  1. 

4279.  Colbrant  (Georges),  directeur  de  tissage,  rue  Barthelemy-Delcspaul,  80. 

4097.  Collardet,  pharmacien,  ru«  de  Béthune,  51. 

4.397.  Collette  (Georges),  négociant,  rue  des  Manneliers,  8. 

4024.  Collette  (Henri),  ingénieur,  rue  Brtàle-Maison,  9.5. 

47.58.  CoMBEMALE,  îi^,I.y:,Doyen  de  la  Faculté  de  Médecine,  boul.  de  la  Liberté,  128. 

140.  COMÈUE  (L.),  fabricant  de  plâtre,  rue  de  la  Halle,  9. 

4.5^32.  Compagnon,  représentant,  rue  Jean  Bart,  0. 

1.510.  Constant  (Victor),  employé  de  Commerce,  rue  de  Loos,  27. 

3343.  CoNTAL,  ►!<,  architecte-paysagiste,  9,  rue  St-Firmin. 

1785.  Convain-Minet,  propriétaire,  boulevard  delà  Liberté,  34. 

2132.  CoNVAiN  (Léon),  commerçant,  rue  Neuve,  21. 

4483.  CoppENS,  (Docteur),  rue  du  Molinel,  13. 

2554.  CoppiN  (M"'*  Charles),  rentière,  placée  Philippe-Lebon,  28. 

288.  GoQUELLE  (p]dmond),  A.  y;,  négociant,  rue  .Jacquemars-Giéléc,  22. 

4466.  CoRDiER,  pharmacien  major,  place  Sébastopol,  32. 

546.  Cordonnier  (L.),  <^,  architecte,  rue  Marais,  8. 

2235.  Cornée  (Ferd.)  chef  de  division  de  Préfecture  en  retraite,  rue  Solférino,  310. 

2510.  CoRNiLLE,    négociant  envins,  rue  de  Douai,  83. 

'1002.  Cornille-Legrand,  rentier,  boulevard  de  la  Liberté,  140. 

4402.  Cornillot  (Louis),  confiseur,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  7. 

4577.*  Corre,  ^,  directeur  de  rp]cole  des  Arts  et  Métiers,  boulevard  Louis  XIV,  0. 

32.  Cosset,  A.  l|i,  négociant,  rue  Turgot,  45. 

4273.*  CoTTiGNiES  (Alban),  5S;,  propriétaire,  rue  de  la  Halle,  43. 

'i6()().  Cnupv  (Edmond),  ("lectricîen,  rue  des  Bouchers.  8. 

793.  GouRMONT  (Léon),  négociant,  rue  Bnîle-Maison,  75. 

4022.  G0URTECUISSE  (Victor),  A.  ^J:,  rue  Nationale  101. 

38.54.  GouRTiN,  Lieutenant  au  43»  de  ligne,  rue  Fontaine-del-Saulx,  23. 

2130.  Couturier  (Emile),  rentier,  rue  Jeanne-d'Arc,  74. 

1044.  Cox-Gappelle  (E.),  propriétaire,  rue  de  Fleurus,  30. 

4787.  Cremer,  rue  Catel-Bégiiin,  10. 

344.  Crémont,  ►J«,  distillateur,  boulevard  de  la  Liberté,  219. 

807.  Crepelle  (,Iean),  :|f,  constructeur,  rue  de  Valenciennes,  .50. 

4720.  Grepin  (Léandre),  rue  tlu  Priez,  9. 

1301.  Grépin  (Horimond-Henri),  industriel,  rue  Nationale,  247. 

280.  Crepv  (Mme  Vve  Adolphe),  propriétaire,  rue  de  Cauteleu,  39. 
1491.**Crepv  (7\uguste),  ^,  négociant,  rue  des  .lardins,  28. 

20.').  •CiiEPV  (Ernest),  fiiateur  de  lin,  rue  de  la  Bassée,  .T). 


LILLE  -il 

NO'd'ins-  MM. 

cnptioD. 

293.  Crei>y  (Eugone),  filatcur  de  colon,  boulevard  de  la  Liberti',  11). 

4523.  Cbef'Y  (Eugène),  vue  d'isly,  88. 

474.*  GREin-  (M"'"  Paul),  propriétaire,  boulevard  Vauban,  29. 

266.  Grespel  (Albert),  %,  fabricant  de  fils  retors,  rue  des  Jardins,  18. 

670.  Gresf'el  (R.),  négociant  en  cires,  rue  Léon  Gambctta,  50. 

3360.  Chevaux,  ?i^,  1.%},  proviseur  au  Lycée  Faidherbe. 

4847.  Crevel,  boulevard  Louis  XIV,  9. 

4854.  Cristin  (Henri),  couunereant,  rue  de  la  Harre,  IKi. 

1692.  Groin  (Paul),  rentier,  rue  du  Buisson,  63. 

1453.  Grouan  (Alexandre),  agent  de  change,  rue  d'Angleterre,  71. 

2433.  Guvelier  (Lucien),  filatcur,  rue  de  Bouvines,  12. 

1769.  Damide-Lemaire,  propriétiiire,  Grand'Place,  i). 

493.  Danchin  (F.),  A.  C|,  4*7  'avocat,  Membre  de  la  Commission  Historique,  quai 
de  la  Basse-Deûle,  34. 

026.  Danel  (Louis),  A.  ^1,  ►J»,  imprimeur,  rue  .lean-sans-Peur,  17. 

2373.  Danel  (Georges),  notjiire,  rue  de  FHôpital-Militaire,  02. 

3252.  Danna  (Georges),  négociant,  rue  Princesse,  61. 

4034.  Darnoux,  ingénieur,  rue  Pierre  Legrand,  143. 

48;W.  Darkas  (Emilo),-négociant  en  fourrures,  rue  Grande  Chaussée,  22. 

1032.  Dauchez  (René),  rue  .lacquemars-Giélée,  00. 

3501.  Dauthuile,  lieutenant,  rue  Jacquemars-Giélée,  45. 

2853.  David-Wiart  (Madame),  fabricante  de  tulle,  boulevard  Montebello,  14. 

3Î500.*  Dawson  (Albert),  négociant,  rue  de  la  Louvière,  32. 
3499.*"  Dawson  (George),  négociant,  rue  de  la  Louvière,  30. 

4413.  Debachy,  fabricant  de  corsets,  boulevard  de  la  Liberté,  91. 

3857,*  Debailleul  (Armand),  rue  du  Vieux-Faubourg,  5*'*'. 

4083.  Debailleux  (Bernard),  rentier,  rue  des  Meuniers,  27. 

2002.  Debayser  (Camille),  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  152. 

320.  Debayser  (Edouard),  courtier,  rue  de  la  Chambre-des-Comptes,  3. 

1982.  De  Beugny  u'Hagerue  (Aniédée),  père,  propriétaire,  rue  Royale,  134. 

704.  Debièvre  (E.),  I.  %},  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  201. 

1501.  Debièvre-Fournier,  négociant,  rue  d'Artois,  24. 

4079.  Debiévre-Labbé,  représentant,  rue  de  Lannoy,  98. 

3592.  Deblock  (Veuve),  rentière,  rue  Jacquemars-Giélée,  110. 

.502.  Debon,  1.%}^  professeur  de  philosophie  au  lycée,  boulevard  de  la  Liberté,  00. 

005.  De  Boubers  (Julien),  propriétaire,  rue  Négrier,  5. 

3912.  Debrauwère,  huissier,  rue  Jacquemars  Giélée,  45. 

4583.  Debreu  (Henri),  négociant,  rue  Pierre  Legrand,  180. 

2345.  De  Bruyn,  industriel,  rue  de  l'Espérance,  22. 

2855.  Debuchy  (Maurice),  fabricant  de  tissus,  rue  des  Stations,  12. 

4090.*  Debuchy  (René),  industriel,  rue  Nationale,  220. 

1889.  Décale  (Gaston),  directeur  de  tissage  mécanique,  avenue  de  Dunkerque,  233. 

4.'r)2.  DE  Callenstein  (Paul),  bijoutier,  rue  Esquermoise,  28. 

.T/iO.  Decamps-Bassez,  (M"""  V^")  rue  Blanche,  08, 

1850.  Decarne  (Gustave),  négociant,  rue  des  Buisses,  2. 

4777.  DÊGATOiRE,  rue  StFiimin,  24. 

4140.  Degaux,  instituteur,  rue  Brûle-Maison,  155. 

4542.  Declercq,  directeur  de  tissage,  rue  d'Angleterre,  69. 

4149.  Declerc(^  (Gustave),  fabricant  de  tulle,  boulevard  Bigo-Danel,  21. 


cription. 

4K35.  Dkci.ercq  (Mailaïue  veuve),  boulevard  l-iij^fi-Dauel,  2. 

330'.).  Decosteh  (l'Abbo  P.),  rue  des  Stations,  7.3. 

.32.7).  De'jostkr-Hukt  (l'Edouard),  négociant,  rue  de  la  Louvière,  128. 

2372.  Decoster-Nicolle,  négociant,  ruo  Blanche,  16. 

2907.  Iecourchelle  (Gustave),  étudiant,  rue  Nationale,  29U. 

2704.  Decramer  (Louis),  pharmacien,  rue  de  Juliers,  10.5.     . 

1.5.38.  Decroix  (Madame  Charles),  propriétaire,  rue  Barthélemy-Delespaul,  138. 

2001.  Decroix  (Jules),  avocat,  place  de  la  République,  10. 

2002.  Decroix  (Henri),  banquier,  rue  Royale,  42. 
2074.  Decroix  (Georges),  industriel,  rue  de  Paris,  .52. 
2.5'il.  Decroix  (Pierre),  A.|J:,  banquier,  rue  Royale,  42. 
4.540.  Decroix  (M"""  Pierre),  propriétaire,  rue  Royale,  99. 
28.50.  Decroix-Guvelier  (M"'«),  propriétaire,  rue  Mehl,  1. 
3258.  Decroix,  pharmacien,  rue  d'Esquermes,  45. 

4809.  Decroix  (B.),  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  84. 

4196.  Deffontaine  (Madame  Veuve),  propriétaire,  rue  Jules-de-Vicq,  20. 

4549.  Deffrennes  (Adolphe),  marbrier,  rue  des  Fossés-Neufs,  57-59. 

1630.  Defives,  négociant,  boulevard  Victor  Hugo,  .51  bis. 

3.342.  Defives  (Charles,  fils),  négociant,  rue  Gantois,  77. 

237.  Defrenne,  propriétaire,  rue  Nationale,  295. 

78S.  De  Germiny  (le  C<omte  Auguste),  rue  St-André,  6. 

h534.  De  GiGORi),  capitaine  d'artillerie,  rue  Royale,  iiS  1er. 

1803.  ,De  Graeve-Cabv,  dentiste,  rue  des  Fossés,  23. 

3519.  Deheule,  négociant,  place  de  Tourcoing,  15. 

4426.  Dehove  (Commandant)  5^,  rue  Denfert-Rochereau,  27. 

2809.  De  Jaghere  (P.),  rentier,  rue  de  Toul,  14 

3671.  De  Kerarmel,  receveur  de  l'enregistrement,  rue  Malus,  15. 

,3685.  De  Kynut,  rue  Nationale,  145. 

476(i.  Dei.acuuiît  (Madame  Gustave),  boulevard  de  la  Liberté,  10. 

2442.  De  L.\fosse  (Victor),  propriétaire,  rue  St-André,  23. 

30'i2.  Del.vhwe  (Emile),  représentant,  boulevard  Victor-IIugo,  2.50. 

644.  Delahodue  (Victor),  négociant,  rue  Gauthier-de-Chàtillon,  17. 

2.573.  Delahousse  (Léon),  rue  des  Chats-Bossus,  23. 

1740.-  Del.\m.\re  (H.),  négociant,  rue  des  Stations,  1. 

4551.  De  Lanauze  (Frédéric),  représentant,  rue  Nationale,  124. 

'i704.  Delannov-Six,  paveur,  rue  de  Fleurus,  15. 

40.32.  Delannov,  ingénieur,  rue  Barthelemy-Delesp.iul,  KiO. 

4250.  Delannov-Agache,  propriétaire,  boulevard  de  la  l^iberté,   122. 

3107.  Del;\ttre,  professeur,  rue  Barthélemy-Delespaul,  126. 

4603.  Dei.attre,  A.  %}.,  courtier,  boulevard  Montebello,  49. 

892.  Delattre-Carette,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  192. 

971.**Delatïre-Parnot  (M'"»),  propriétaire,  rue  Inkermann,  18. 

•2694.  Delaune  (Marcel),  député  du  Nord,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  120. 

3463.  Delaunoy,  commandant,  r.  d'Angleterre,  32. 

4728.  Delh.vere  (M"'^),  institutrice,  rue  Brûle-Maison,  23. 

4()25.  Dei.broucq  (l'abbé),  directeur  de  St-.loseph,  rue  SoUërino,  92. 

4518.  Dei.cuurt-Decosïer,  directeur  d'assurances,  rue  Jacquemars-(iiélée,  133. 

4629.  Delcourt,  rue  de  Paris,  89. 

3465.  Deléarde,  rue  de  Fleurus,  20. 

3007.  Dei.ebarre  (Charles),  négociant,  boulevard  des  Ecoles,  18. 


lALhE.  23 

N-^d'ins-  MM. 

crjption. 

43T7.*  Dki.kbaure  (M""=  V^''  Loon),  propriétaire,  rue  C.aumartiii,  20, 

1874.  Dei.ebkc.que  (F]mile),  directeur  des  Sociétés  gazières,  rue  Saint-Sébastien,  2."}. 

2271.  Delebecque,  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  105. 

3760.  Delecroix  (Km.),  rue  de  Lannoy,  20. 

487.  Deledicque  (Paul),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  101. 

1207.  Delefils  (Eugène),  agent  d'assurances,  boulevard  delà  Liberté,  11. 

2799.  Delefortky  (Paul),  représi-iitant  de  commerce,  rue  Jacquemars-Giéléc,  IXî. 

4070.  Dei.emar  (Louis),  étudiant,  rue  de  la  Petite-Allée,  18. 

619.  Delemer  (M"""  V^«  H.),  rue  Brûle-Maison,  .">. 

2394.  Delemer  (Eug.),  avocat,  rue  Jean-sans-Pcnn-,  10. 

42GI.  Delepine  (l'Abbé),  professeur  de  Géographie  à  la  Faculté  libre  des  Sciences, 

rue  du  Porl,  41. 

1492.  Deleplanque  (Georges),  notaire,  rue  de  l'Hôpital-Militairc,  .58. 

3808.  Deleplanque  (Rémy),  directeur  d'assurances,  boulevard  delà  Liberté,  110. 

2051.  Delepoulle  (Edouard),  brasseur,  rue  de  la  Fontaine-Delsaux,  41. 

3341.  Delepoulle  (Louis),  entrepreneur,  38,  rue  d'Arras. 

4063.  Delerive-Delannoy  (Madame),  boulevard  Vauban,  3. 

787.  Delerue  (Arthur),  filateur  de  lin,  rue  des  Fossés-Neufs,  53. 

42.3.5*.  Delesalle  (André),  négociant,  rue  des  Jardins,  ll*'-« 

4443.*  Delesalle  (Charles),  Maire  de  Lille,  rue  Brùle-Maison,  '.»(>. 

2678.  Delesalle  (Emile),  rue  de  Jemmapes,  71. 

2463.  Delesalle  (Maurice),  filateur,  rue  du  Pont-Neuf,  13. 

1151.  Delesalle-Van  de  Weghe  (Louis),  filateur  de  lin,  rue  F'ierre-Legrand,  204. 

2412.  Delesalle  (Henri),  rue  des  Fossés,  27, 

3677.  Delesalle-Legrand  (M""*),  rue  du  Vieux-Marché-aux-Poulets,  24 

3023.  Delesalle  (M^e  Marie),  propriétaire,  rue  de  Bourgogne,  9. 

3789.  Delestraint  (Charles),  lieutenant  au  16»  Chasseurs,  rue  Colbert,  5'i. 

1297,  Delestré  (Albert),  fabricant  de  toiles,  rue  Colbrant,  10. 

220.  Delettré  (Henri),  propriétaire,  rue  de  Turenne,  72. 

20iX).  Delevar  (Alfred),  négociant,  rue  Pierre-Legrand,  302. 

3445.  DelkoritE  (Gaston),  étudiant,  rue  Colbrant,  20. 

427.  Delhaye  (Mlle),  A.  y;,  institutrice,  boulevard  de  la  Liberté,  97. 

4686.  Delmoitiez,  rentier,  rue  de  la  Chambre  des  Gompte.s,  7. 

47()9.  Delmotte  (Alfred),  négociant,  boulevard  de  la  Liberté,  43. 

2461.  Delobel  (Eugène),  facteur  aux  Halles  centrales,  rue  Ratisbonnc,  65. 

3548.  Delotte  (H.),  rentier,  rue  des  Pyramides,  12. 

4216.*  Deli'LAn<^ue  (Gustave),  industriel,  place  «h;  Tourcoing,  22. 

4657.  Delrue  (Eugène),  représenUint,  rue  d'Artois,  I9i 

4675.  Delsart,  substitut,  rue  Henri  Kolb,  .50. 

3223.  Deman,  libraire,  rue  Esquermoise,  69. 

4535.  Demangeon,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres,  rue  Denis-Godefroy,  3. 

4761.  Dematcq,  ])àussier,  place  du  Théâtre,  'l'i. 

4405.  Demarc.y  (.Mphonsc),  employé,  rue  Lamarck,  1. 

37(i.  De  Mo.ntigny  (Alfred),  ^,  directeur  d'assurances,  rue  de  Héihune,  .5'.). 

.577.  De  MoMKJNY  (M""'  Philippe),  propriiHain^,  rue  Royale,  87. 

'10(15.  De  Monti.ebert,  contrôleur  à  la  Banque  de  F"rance,  rue  Royale,  7.5. 

828.  Demotier,  inspecteur  des  biens  des  Hospices,  rue  Boileux,  7. 

4075.  De  Myttenaere  (Maurice),  négociant,  place  de  la  Nouvelle-Aventure,  14. 

743.  Deneck  (M""*  ¥''<'  Gustave),  négociant,  rue  Solférino,  289  bis. 

3471.  Denis  du  Péage  (Henri),  étudiant,  rue  Royale,  94. 


24  LILLE. 

NO'd'ins-  MM. 

cription. 

4391.  Denis-Pollet,  nogociaiil,  me  Nationale,  12.'5. 

2897.  Deny  (Arthur),  comptable,  rue  Voltaire,  25. 

1389.  De  Parades,  négociant,  rue  Brùle-Maison,  (34. 

4632.  Deherne-Meurisse  (Madame),  me  Jean-Peur,  25. 

4237.  Depersin  (Louis),  représentant,  rue  de  Pari.s,  105. 

2384.  Deprieck,      (Arthur),     Inspecteur     général     d'Assurances,     rue     Baptiste 
Monnoyer,  9. 

4.34.  Derache  (Ch.),  >"«,  courtier,  rue  Molière,  3. 

4855,  Deraet,  (César),  A.  4|,  négociant  rue  des  Chats  Bossus,  24. 

4406.  Deram,  pharmacien,  rue  Nationale,  269. 

4390.  DÉRÉMAUx  (Emile),  rue  Gaumarlin,  23. 

1695.  Derieppe  (Maurice),  brasseur,  place  Sébastopol,  29. 

3145.  Dernoncourt  (.Jules),  représentant,  rue  Barthéléniy-Delespaul,  40. 

902.  Derœux  (Eugène),  pharmacien,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  1.54. 

4631.  Deroubaix  (Madame  Victor),  me  de  Paris,  5.3. 

3841.  Derrevaux  (H.),  A.  %},  négociant,  rue  Gambetta,  219. 

4401.  DE  RuYVER  (Victor),  constructeur,  me  d'Artois,  (38. 

1854.  Derville,  marbrier,  rue  des  Pyramides,  30. 

4473.  Derville-Delespierre,  propriétaire,  square  Dutilleul,  13. 

4507.  Derycke,  tailleur,  rue  Nationale,  84. 

2934.  Derycker,  propriétaire,  rue  Basse,  33. 

2398.  De  Saint-Légek,  prof,  à  la  Faculté  des  Lettres^  rue  de  Paris,  (30. 

4840.  DE  Sainte  Clauie,  (^.apilaine  au  1(3''  chasseurs,  rue  de  Turenne,  37. 

3096.  Desbonnets  (Jules),  fabricant  de  toiles,  rue  Lafontaine,  28. 

4154.*  Desbordes,  ^,  directeur  des  Douanes,  rue  des  Jardins,  9  bis. 

4210.*  Desgamps-Agache  (Maxime),  négociant,  boulevard  de  la  Liberté,  140. 

122.  Desgamps  (Madame  Anatole),  boulevard  de  la  Liberté,  .36. 

1128.  Descamps  (Kdouard),  filateurde  lin,  boulevard  Vauban,  15. 

1677.  Descamps  (Krnest),  industriel,  rue  J.-J. -Rousseau,  38. 

42U.  Descamps  (l'Abbé),  rue  de  Turenne,  64. 

2354,  Descatoires,  propriétaire,  rue  Jean-Jacques-Rousseau,  23. 

3576.  Deschildre  (M"»  V^e),  rue  Princesse,  27. 

994.  Deschins  (Léon),  négociant,  10,  boulevard  des  Ecoles. 

3901.  Desfontaines  (Henri),  entrepreneur,  rue  Pierre-Legrand,  161. 

1103.  Desmazières  (E.),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  165. 

1809.  Desmazières  (Maurice),  négociant,  me  des  Arts,  34. 

2387.  Desma/iIîres  (Alfred),  avoué,  rue  de  Puébla,  5. 

45(3.3.  DESMAZii>;RES-DEGOLV,  propriétaire,  rue  Nationale,  208. 

3410.  De  Smet,  employé,  rue  de  Loos,  24. 

2495.  Desmettre-Strat  (M"'"),  négociante,  rue  des  Meuniers,  24. 

4323.  Desmidt,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  118. 

25(38.  Desnoulez  (Gustave),  propriétaire,  rue  d'Anjou,  19. 

2251.  Desplats    (D')  ,  ►f«,    professeur   à  ki  Faculté  libre    de  médecine,  boulevard 

Vauban,  .5(3. 

.3494.  Desplindue  (Désire),  fabricant,  passage  N.-D.-de-la-Tiville,  IL 

3019.  Despretz  (Eugène),  géomètre-expert,  rue  de  l'IIôpital-Militaire,  60. 

1913.  Despretz  (Henri),  négociant,  rue  Alexandre-Leleux,  46. 

4103.  Desreumaux-Vanderhaghen,  négociant,  rue  Malus,  17. 

446'i.  Desreumealix,  A.  ^,  expert  et  liquidateur,  rue  du  Sec-Arembault,  12. 

2840.*  Desrousseaux  (Paul),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  143. 


ur.i.E.  25 

N-'d'ins-  MM. 

cnption. 

4308.  Dkstaii.lkuks  (M"'"  J'^milc),  placo  dv  Tourcoing,  18. 

46;?^.  Destaii.i.eurs  (Madame  Charles),  charbons,  place  Cormontaigne,  36. 

2700.  Destomhes  (Dolphin),  courtier,  rue  Desmazièrcs,  12. 

023.  De  Swarte  (Kdouard),  ^,  propriétaire,  rue  des  Stations,  181. 

4131.  Dewaima-Nicolas,  rue  iSolférino,  2.'il. 

3872.  Devau,  employé,  rue  de  Pas,  .5. 

4.388.  Devenne  (Georges),  capitaine  du  génie,  rue  de  Fleurus,  2(). 

4208.  Devey  (Albert),  notaire,  rue  Tenremonde,  I"). 

10{)5.  Devilder  (Henri),    banquier,   admin.  de  la    banque   de    France,    rue  du 

Priez,  2. 

1432.  Deviixers  (M'"«),  boulevard  Vauban,  68. 

4.385.  Devos-Vallois  (1\I™«),  rue  Jacquemars-Giélée,  5. 

2.382.  Devos-Durdan,  représentant,  rue  Nationale,  113. 

47.'ÎO.  Dewailly  (Georges),  employé,  rue  du  Curé  St-Etieime,  21. 

2494.  Dewaleyne  (Victor),  A.  y;,  rentier,  rue  Barthélemy-Delespaul,  .32. 

4412.  Dewas  (Alphonse),  ingénieur,  rue  de  l'Arbrisseau,  50. 

4191.  Dewas  (Paul),  fermier,  rue  du  Faubourg-des-Postcs. 

810.  Dewatines  (Félix),  relieur,  rue  St-Etiennc  06  bis. 

4044.  Dewez,  négociant,  rue  de  Paris,  49. 

4818.  Dewiloe  (Emile)    rue  du  Faubourg  de  Roui)aix.  120. 

4270.  Dewilde  (Paul),  industriel,  rue  de  Roubaix,  .3^^. 

1186.  Deworst  (F.),  fabricant  de  lainages,  rue  de  Roubaix,  11. 

4487.  Deydier,  rentier,  place  Cormontaigne,  6. 

2773.  Dhainaut,  négociant,  rue  Jacquemars-Giélée,  125. 

1592.  D'halluin-Verbiest  (Paul),  agent  de  change  honoraire,  rue  Jean-Bart,  38. 

485.  D'halluin,  (M"«  Marie),  rue  St-André,  .52. 

1816.  D'halluin-Ghesquier,  filateur  de  lin,  boulevard  de  la  Liberté  (5. 

2818.  D'Hour  (L.),  docteur  en  médecine,  rue  d'Arras,  72. 

4.500.  Dilues  (Louis),  représentant,  rue  du  Sec  Arembault,  12. 

1273.  Dolez  (Jules),  4*1  avocat,  rue  Patou,  22. 

1933.  DoNY  (A.),  contrôleur  des  contributions  indirectes,  .56,  rue  Jean-Kart. 

3496.*  DouMER  (DO,    I.  il,   professeur  à    la    Faculté  de    Médecine,   rue   Nicolas^- 

Leblanc,57, 

2661.  DouRiEZ  (M"®),  propriétaire,  place  de  Tourcoing,  5. 

4757.  D0UXAM1,  maître  de  Conférences,  rue  Brûle-Maison,  159. 

1493.*  Doyen  (M™"),  boulevard  de  la  Liberté,  25. 

3.337.  Dramaix  (Adolphe),  voyageur  de  commerce,  15,  rue  St-F'irmiu. 

730.  Drieux  (Victor),  fîlateur  de  lin,  rue  de  Fontenoy,  31. 

3529.  Drieux-Dukour,  filateur,  boulevard  Vauban,  44. 

4242.  Druez  (Ch.),  négociant,  rue  Coquerez,  11. 

392.  DuBAR  (Gustave),  0.  ^,  t^,  directeur  de  VÉcho  du  Nord,  rue  de  Pas,  9. 

3262.  Dubois  (M""!),  propriétaire,  rue  Brûle-Maison,  90. 

1130.  Dubois  (Auguste),  propriétjùre,  boulevard  Vauban,  98. 

3123.  Dubois  (Henri),  négociant,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  (56. 

1847.  Dubois-Lefebvre  (Joseph),  négociant,  rue  Solférino,  2.54. 

1397.  DuBREUCQ  (Horace),  fabricant  d'amidon,  rue  Pierre-Legrand,  2(J8. 

1738.  DuBUissoN  (Alphonse),  I.  ^,  architecte,  rue  des  Stations,  93  bis. 

104.  DuBus,  1.  ^,  instituteur,  rue  Colbert,  134. 

340.  DucASTEi-  (M'"''  Pauline),  institutrice,  rue  Nationale,  61. 

4568.  Duc.iMic.Q  (Maxime),  A.  S^|,  *{■»,  notaire,  boulevard  <le  la  Liberté,  (i-'i. 


26  LILLE. 

N»»  d'ins-  MM  . 

cription. 

2447.  DuGRdCQ  (Meiie),  A-tJ,  prof,  à  l'Ecole  Floriaii,  i-uc  Harthékîmy-Delespaiil,  03. 

4.'501.  DuKOUR,  pharmacien,  rue  des  Postes,  .'")i. 

Wi6.  DuFOUii  (Henri),  directeur  d'école,  rue  Dunierin,  o((. 

4778.  DuFouR,  directeur  de  la  Compagnie  Lilloise,  rue  d'Angleterre,  10. 

3470.  DuFOUR-RouzÉ  (Paul),  filateur,  rue  Inkermann,  31. 

1212.  DuHKM  (Arthur),  fabricant  de  toiles,  rue  St-Genois,  18. 

988.  DuHEM-PoissoNNiER  (Antoine),  propriétaire,  rue  do  Pucbla,  37. 

.578.  DuJARDiN  (Armand),  propriétaire,  boulevard  Vauban,  27. 

(562.  DuJARDiN  (Victor),  notaire  honoraire,  boulevard  de  la  Liberté,  125. 

2425.  DuJARDiN  (Louis)  propriétaire,  rue  Inkermann,  40. 

4.")89.  DuMiNY,  lieutenant-colonel  d'artillerie,  rue  de  Gondè,  117. 

4739.  DuMONT,  inspecteur  au  chemin  de  fer,  rue  André,  49  bis. 

4480.  Dumoulin  (Victor),  confectionneur,  boulevard  des  Ecoles,  54. 

4857,  Dumoulin,  calandreur,  rue  du  Gard,  11. 

4562.  DupLEix  (Pierre),  propriétaire,  rue  Patou,  5. 

4296.  Dupont,  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  227. 

3415.  Dupont  (Augustin),  industriel,  rue  de  Bourgogue,  39. 

3732.  Dupont  (Jules),  avocat,  rue  Jacquemars-Giélée,  42. 
3233.*  Dupont  (Louis),  propriétaire,  rue  de  Canteleu,  6. 

2607.  Dupont  (Madame),  rue  d'Anjou,  4. 

697.  Dupont  (Meiie)^  institutrice,  rue  du  Court-Debout,  IL 

3881.  Dupont  (Pierre),  propriétaire,  avenue  des  Lilas,  21. 

213.  Dupret  (Arsène),  l.  41,  maître  élémentaire,  au  lycée. 

3212.  DuPRET-LoRTHiois,  négociant,  rue  Masurel,  11. 

2522.  DuQUESNAY  (Albert)  fils,  négociant  en  vins,  rue  Nicolas-Leblanc,  19. 

2822.  DuQUESNE  (Georges),  rue  Jacquemars  Giélée,  102. 

4687.  DuQUESNE  (Paul),  instituteur,  rue  des  Processions,  11. 

2477.  DuRET  (H.),  docteur  en  médecine,  boulevard  Vauban,  21. 

2584.  DuTOiT  (.Iules),  comptable,  rue  Meurein,  14. 

808.  Duval-Laloux  (Madame  Veuve),  boulevard  de  la  Liberté,  103; 
24.50.*  DuvERUYN  (Eugène),  manufacturier,  rue  Royale,  ii5. 

1578.  Egrohart,  entrepreneur  de  maçonnerie,  rue  des  Augustins,  .3. 
613.**Eeckman  (Alex.),  1.%},  0.»>,Secr.  gén.  honoraire,  r.  Jean-Sans-Peur,  48. 

4833.  Ego,  fabricant  de  pain  d'épices,  rue  de  Paris,  259. 

1616.  Eloir  (Achille),  A.  tjf,  profess.  à  l'école  primaire  supérieure,  boni.  Louis  XIV. 

2961.  Eperin,  directeur  mécanicien,  rue  de  Lens,  26. 

4049.  Ernegq,  propriétaire,  rue  du  Faubourg-de-Douai,  ll'i. 

4600.  Ernegq  (Edouard),  commis  négociant,  rue  d'Artois,  136. 

2931.  Ernoult  (Emile),  représentant  de  Commerce,  rue  des  Stations,  147. 

3941.  Etienne  (Emile),  employé,  rue  de  Belle-Vue,  38. 

1052.  EusTACHE  (G.),  4*-  flocf,  prof'  à  la  Fac.  libre  de  méd.,  rue  Nationale,  237. 

2468.  EvGKEN  (Raphaël),  ingénieur,  place  Sébastopol,  18. 

1002.  Eysenbout  (I^>.),  changeur,  rue  Brûle-Maison,  44. 

2795.  Faghe  (Charles),  pharmacien,  rue  Pierre-Legrand,  1.57. 

4356.  Fagq  (Louis),  négociant,  rue  Esquesmoisc,  .55. 

228.  Fagq  (Paul),  fabricant  de  mobilier,  rue  Royale,  10. 

1927.  Farinaux  (Albert),  négociant,  rue  des  Augustins,  7. 

448.  Faucheur  (Edmond),  ^,  prés,  de  la  Chambre  de  Commerce,  square  Rameau,  13 


N"*d'ins-  MM. 

cription. 

946.  Fauchkiir  (Félix),  filateiir  de  lin,  boulevard  Vaubaii,  Ki. 

947.  Fauchkur  (Albert),  fijateur  de  lin,  rue  Nationale  281. 
2448.  Faucheur  (René),  lllateur,  boulevard  Vauban, "93. 
1790.*  Fauchille  (Auguste),  avocat,  rue  Royale,  50. 

3779.*  Fauchili.e  (Charlemagne),  agent  de  change,  rue  Basse,  28. 

4282.*  Fauchillk  (M.),  rue  (lauthier-de-Ghàtillon,  28. 

4453.     Faurk  (M""  B),  rue  Masséna,  17  bis. 

42ÎX).     Faure  (Pierre),  industriel,  rue  .Jean  Levasseur,  18. 

3531.    Faure  de  la  Vaulx,  propriétaire,  place  de  Tourcoing,  19. 

2.344.     Fauvarque-Picavet,  propriétaire,  .rue  Négrier,  13. 

2644.     Fauveau  (Arthur),  propriétaire,  rue  Jean-Bart,  10. 

3845.     Fauvergue  (Napoléon),  négociant,  rue  du  faubourg  de  Roiibaix,  223. 

3876.     Favier  (Edmond),  A.  %}^  licencié  en  droit,  rue  de  Loos,  3. 

2233,     Favrelle,  représentant  de  commerce,  rue  des  Pyramides,  14. 

4843.     Feldmann,  Général,  hôtel  militaire,  place  aux  Bleuets. 

3575.     Fera  (Oscar),  propriétaire,  rue  Princesse,  29. 

252.*  Fernaux-Defrance,  I.  %}^  trésorier  honoraire,  rue  du  Dragon,  14. 
3433.     Feuillet  (l'Abbé),  professeur  au  Collège  St-Joseph,  rue  Solférinu,  92. 
4302.     Fighelle  (M«"<'),  A.  %}^  professeur,  rue  du  Bas-Jardin,  9. 
2411.     FiÉVET  (Albert),  propriétaire,  rue  de  Turenne,  49. 
4533.    Fiêvet-Maquet,  propriétaire,  rue  St-Jacques,  21. 
2070.    FiNOT,  ^,  l.CJî,  archiviste  du  département  du  Nord,  rue  du  Pont-Neuf,  1. 

401.     Flamant  (Meiie  Adelina),  I.  %}.,  directrice  de  l'Ecole  Florian,  rue  Gombert,  1 1 . 
4684..    Fleurvnck  (Charles),  employé,  rue  Bichat,  4. 
4.509,     Flodin  (Axel),  masseur,  rue  Jean-Sans-Peur,  3. 

1703.     Florin-Debaysek  (Paul),  propriétaire,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  184. 
3880.*  Florin-Herbaux,  industriel,  rue  de  Douai,  9G6ts. 
32.34.     FoGKEDEY,  négociant,  square  Rameau,  15. 

597.  .  FoLET,  ^,  I.  %}^  docteur,  doyen  honoraire  de  la  Fté  de  méd.,  r.  Solférino,  232. 

243.     Fontaine-Flament,  fllateur  de  coton,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  41. 
2381.*  Fontaine  (Louis),  greffier  en  ciief  du  Trib.  de  Commerce,  boulev.  Vauban,  10. 
2986.     Fontaine-Goblet,  Hôtel  Moderne,  parvis  Saint-Maurice,  7. 
4046.     FoNTAiNE-MoREL,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  157. 

2534.     FouQUES  (Augustin),  direct,  partie,  de  la  C'^  d'assur.  générales,  r.  Patou,  30. 
1588.     FouRNiER  (A.),  propriétaire,  rue  de  la  Bassée,  29. 
4123.     Franchomme  (Marcel),  boulevard  do  la  Liberté,  203. 
2792.     Franghon,  rentier,  rue  d'Artois,  22. 
4841.     Franck,  Colonel,  directeur  du  Génie,  square  Ruault,  20. 

1234.  François  (Paul),  équipements  militaires,  rue  de  Paris,  2()4. 
4193.     François  (Madame  Henri),  rue  de  Denain,  1. 

4415.    François  (Louis),  directeur  d'assurances,  rue  Charles-dc-Muyssart,  28. 
1978.     Fremaux  (Albert),  négociant  en  toiles,  rue  Nicolas-Leblanc,  38. 

1235.  Fremaux  (Henri),  propriétaire,  rue  Négrier,  23. 

187.  Fremaux  (Léon),  A.  %}.,  négociant  en  toiles,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  29. 

2244.  Fremaux  (Paul),  industriel,  rue  Nicolas-Leblanc,  38. 

658.  Frœlich,  professeur,  rue  Gambetta,  58. 

324.  Froment  (Meiie)^  professeur,  rue  Nicolas  Leblanc,  5. 

4694.     Gachie,  libraire,  place  du  Lion-d'Or,  12. 
4841.     Gadknne  (Paul),  .square  Morisson,  4. 


28  i.rt.t,E. 

N<"  d'ins-  MM  . 

criptiou. 

42G5.  Gadenne  (Paul),  propriétaire,  rue  de  Valeuciennes,  42. 

1069.  Gaillet  (Paul),  ingénieur  civil,  rue  d'Artois,  19.. 

4085.*  Galle  (Louis),  rédacteur  au  journal  «  la  Dépèche  »,  rue  Nationale,  7. 

2937.  Galley-Butin,  représentant  de  commerce,  rue  de  Fleurus,  38. 

4019.  Gamby  (Francis),  négociant  en  soieries,  rue  Basse,  54. 

3657.  Gamot,  négociant,  rue  de  Béthuue,  .'38. 

2807.  Gand  (M'""  A.),  propriétaire,  rue  du  Pont-Neuf,  44. 

4748.  Garmer  (Alphonse),  sous-directeur  dos  Ateliers  de  Fives-Lille,  r.  dos  Ateliers. 

2815.  Garrigoux,  négociant  on  métaux,  rue  Barthélémy-Delespaul,  134  bis. 

43:30.  Gasser,  ingénieur,  boulevard  des  écoles,  2. 

2839.  Gaudier,  A.  %},  docteur  en  médecine,  rue  Inkermann,  25. 

4772.  Gaudin,  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  148. 

1509.  Gavelle-Briere,  ^,  A.  y,  filateur,  rue  des  Stations,  80. 

3653.  Geeraert  (Auguste),  négociant,  rue  de  la  Vieille-Comédie,  10. 

4161.  Geneau  (.1.  B.),  négociant,  rue  de  Valmy,  40. 

1539.  Gennevoise  (Florian),  ancien  avoué,  rue  Jacqueniars-Giélée,  54. 

091.  Gennevoise,  ancien  notaire,  rue  Gambetta,  35. 

4759.  Gennevoise,  fabricant,  rue  du  Sec-Arembault,  10. 

1187.  Genoux-Roux  (Adolphe),  anc.  directeur  du  Crédit  du  Nord,  bd  de  la  Liberté,  29. 

3507.  Gérard,  agent  commercial,  place  Simon  Voilant,  11. 

2552.  Ghesquier  (Désiré),  arch.,  aquar.,  prof,  à  THcole  des  B.-Arts,  r.  St-André,  104. 

4410.  Ghillain  (A.),  employé,  rue  St-Gabriel,  11. 

4311.  GiARD,  libraire,  ex-élève  de  l'École  des  Chartes,  rue    Royale,  2. 

4441.  GiLLKT,  Docteur  en  Médecine,  rue  Nicolas-Leblanc,  8. 

4638.  GiLSON  (Camille),  square  Jussieu,  2. 

3511.  GiRAUD  (Paul),  négociant,  rue  St-André,  87. 

897.  GoBERT,  pharmacien,  rue  Esquermoise,  20. 

4783.  GoDEKROY  (Madame),  façade  de  l'Esplanade,  0. 

1572.*  Godin(0.),  A-yiC.»!*,  industriel, corresp.  de  Sociétés  de  Géog.r.  St-Nicolas,  18. 

1023.  GoDRON  (Emile),  avoué,  boulevard  de  la  Liberté,  \03  bis. 

4303.  GoLDBERG,  négociant,  rue  de  la  Chambre  des  Comptes,  12. 

2401.  GoNNET  (M™"  Aimé),  propriétaire,  rue  Royale,  89. 

1503.  GoREZ,  A. 41,  docteur  en  médecine,  rue  Jean-sans-Peur,  12. 

2340.  GossART  (Albert),  conseiller  général,  ingénieur  des  arts  et  manufactures,  rue 

St-Gabriel,  105. 

2297.  GossART  (Madame  PMmond),  rue  Jacquemars-Giélée,  129. 

8.  GosSELET,  0.^,  1.%},  ►!<,  doyen  honor.  de  la  Fac.  des  Sciences,  rue  d'Antin,  18. 

4504.  GouBE  (Charles),  rentier,  rue  Barthelemy-Delespaul,  88. 

4245.  GouBE  (Léon),  industriel,  rue  du  Marché,  8(). 

4240.  GouBE  (Louis),  industriel,  rue  Gantois,  79. 

3501.  GouBE  (René),  voyageur,  rue  Barthélémy-Delespaul,  112. 

2771.  GouBET  (Alphonse),  agent  général  d'assurances,  boulevard  Vauban,  20. 

1789.  GouDAERT,  pâtissier-confiseur,  rue  des  Chats-Bossus,  8. 

4'i68.  .  Graer  (Edouard),  commerçant,  rue  de  la  Monnaie,  89. 

1959.  Grandel  (Charles),  propriétaire,  place  Richebé,  4  bis. 

3652.  Grandel  (Edouard),  courtier,  rue  de  Loos,  58. 

757.  Grard  (Auguste),  propriétaire,  rue  d'Isly,  108. 

.  126.  Gratry  (Jules),  manufacturier,  rue  de  Pas,  11. 

2176.  Griaux  (M'"«  L.),  propriétaire,  rue  Jean-sans-Peur,  (Vi. 

S932.  Grimonprez  (Paul),  avenue  de  Dunkerque,  42. 


i.n,i,K.  âO 

N'i'd'ius-  MM. 

cription. 

483.     Oroi-k/.-Leman,  boulevard  dos  Kcoles,  '.)'S. 
4471.     Gros  (Julien),  négociant,  rue  du  Vieux-Marché-aux-Poiilets,  12. 
4526.     Grouzet,  rue  du  Marché-aiix-Hètes,  13. 
3655.     Gruson  (Alfred),  employé,  rub  de  la  Louviére. 
1902.     Gruson,^,  1.%},  inspecteur  général  des  Ponts  et  Chaussées,  directeur  de 

l'Institut  industriel  du  Nord,  rue  de  Bruxelles,  4. 
4060.     Gruyelle  (Jules),  imprimeur,  rue  de  la  Louvièie,  68. 
4050.     Gruyelle  (Victor),  imprimeur,  rue  de  la  Louvièrc,  68. 

4789.     GuELOi{GET,repr.des  H. -Fourneaux de  Pont-à-Mousson,  pi.  (lormoiitaigne,  12. 
4082.*  Guelton  (Fernand),  place  de  la  Nouvelle-Aventure,  14. 
2224.     Guérin,  directeur  de  l'Industrie  linière,  rue  des  Stations,  75. 
4055.     GuERMONPREZ  (Romaiu),  étudiant,  rue  Princesse,  17. 
4797.     GuiFFRAY,  chef  de  bataillon  au  43»  Rég.  d'infanterie,  rue  Henri  Loyer,  9. 
4498.     GuiHENEUF  (Auguste),  receveur  principal  des  Contributions  indirectes,  rue 

Gauthier-de-Chàtillon,  5. 
3464.*  GuiLBAUT  (Georges),  membre  de  la  Chambre  de  Commerce,  rue  Basse,  45. 
3421.     GuiLMiY  (Maurice),  commissairc-priseur,  rue  Jean-Bart,  24. 
3245.     GuYOT  (Alfred),  industriel,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  207. 


3138.  Hachet  (M"'"),  professeur,  rue  André,  20. 

2444.  Hacquin,  ^,  I.  Q,  prof,  de  langues,  traducteur  juré,  boul,  de  la  Liberté,  69. 

2772.  Hagelstein  (Iwan),  ingénieur,  rue  des  Sept-Agaches,  6. 

1701..  Hallez  (Gaston),  ingénieur,  place  Simon- Voilant,  11. 

1920.  Hallez  (Paul),  I.  %}^  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences,  rue  Jean-Bart,  52. 

3894.  Hamy  (Henri),  rue  Meurein,  10. 

1667.  Hamy  (Léon),  confectionneur,  rue  Meurein,  10. 

2178.  Hanus  Brielman,  propriétaire,  rue  Colson,  6. 

4554.  Haquet,  Administrateur  du  Bureau  de  Bienfaisance,  rue  Jean  Bart,  62. 

3249.  Harlée,  voyageur  de  commerce,  rue  d'Artois,  .30. 

2867.  Hautecœur-Bouchart,  négociant,  rue  Neuve,  8. 

4581.  Hauttecœur-Blondel  (Charles),  quincaillier,  rue  des  Jardins,  13. 

2610.  Hauwelle  (C),  facteur  assermenté  près  le  Trib.  de  Commerce,  rue  Puébla,  43. 

4439.*  Hayem,  voyageur,  rue  Golbrant,  19. 

3059.  HÉAULME,  fabricant  d'ornements  d'église,  rue  Faidherde,  33. 

93.  Helluy,  professeur,  rue  Boileux,  24. 

4452.  Henneton  (Alfred),  ingénieur-électricien,  rue  Colson,  5. 

455.  Henry  (Charles),  propriétaire,  rue  Denis-Godefroy,  7. 

3618.  Herbeau-Lemaire  (V»«),  rue  Caumartin,  2. 

464.  Herland  {M.""^  V^^e  Alphonse),  propriétaire,  rue  des  Fossés,  41. 

2473.  Herland  (Alphonse),  î^,  propriétaire,  square  Rameau,  4. 

92.  Herlemont,  professeur  àl'P^cole  supérieure,  rue  St-Firmin,8. 

1418.  Herlin  (Georges),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  22. 

2895.  Herpin  (MUe  J.),  square  Rameau,  2. 

4812.  Herreman  (Élie),  huissier  de  la  Banque  de  France,  rue  de  la  Barre,  31. 

3461.  Herteman  (Paul),  employé,  rue  Bernos,  10. 

1529.  Heymann-Lévy  (Alex.),  bijoutier,  Grande-Place,  46. 

899.  Heyndryckx  (Paul),  fîlateur  lin,  rue  des  Processions,  67. 

3937.  HiRGH  D'AtiBYN,  A.%^,  professeur  au  Lycée  Faidherbe,  rue  de  Bruxelles,  20. 

822.  HocHSTETTER  (Paul),  docteur  en  médecine,  rue  de  Paris,  137. 


30  LILLE. 

N<"  d'ins-  -.-, 

cription.  MM. 

4839.  HoGQUE  (Firmin),  ingénieur,  rue  Slappaerl,  X). 

255.  HocQUET,  pharmacien,  rue  Léon-Gaïubetla,  64. 

4508.  Hofman-Bang  (Docteur),  rue  Jeanne-d'Arc,  7  bis. 

1148.*  HouBRON  (G.),  A.  Q,  homme  de  lettres,  rue  Brûle-Maison,  34. 

1770.  HouBRON  (Maurice),  négociant  en  vins,  boulevard  de  la  Liberté,  132. 

1737.  HouDOY  (Armand),  A.  y«,  avocat,  square  Jussieu,  8. 

380.  HouzÉ  DE  l'Aulnoit  (M^e  V^«),  rue  Royale,  61. 

2828.  HouzÉ  DE  l'Aulnoit  (Paul),  avocat,  rue  Royale,  .53. 

453.  HouzÉ  (M'""  Léon),  square  Jussieu,  IL 

4044.  HouzET  (Albert),  négociant,  rue  des  Ponts-de-Gomines,  26. 

845.  HuET  {M.'°^  Charles),  propriétaire,  rue  des  Jardins,  9. 

4742.  HuET  (Eugène),  pharmacien,  place  de  Strasbourg,  4. 

40^)6.*  HuET  (André),  industriel,  boulevard  de  la  Liberté,  20. 

4817.  HuGOT  (Louis),  rue  d'Holbach,  1. 

3274.  HuMBERT  (M™«  Emile),  propriétaire,  boulevard  de  la  Liberté,  5b. 

1697.  Humbert-Delobel,  industriel,  rue  de  Dunkerque,  40. 

4138.  HuvELiN,  conservateur  des  hypothèques,  rue  Rrùle-Maison,  89, 

124.  Ibled  (Henry),  ingénieur,  rue  d'Isly,  2. 

3741.  Jacquart  (M»es),  rue  de  Gand,  32. 

4.T)5.  Jacquey,  professeur  à  la  Faculté  de  Droit,  rue  de  Valmy,  .36. 

.Si)24.  Jada,  employé,  rue  Ste-Anne,  5. 

1124.  Jansens  (Victor),  négociant  en  vins,  square  Ruault,  10. 

2.532.  Jaumard  (Améd('^e),  place  Richebé,  15. 

4049.  Joire-Veknikr  (Madame),  boulevard  de  la  Liberté,  129. 

4115.  Jombart  (M"'«  V^**),  rue  de  Toul,  20. 

24.5(5.  Jombard-Guillemaiid  (M"»"  V^''),  imprimeur,  rue  Solférino,  !»8. 

460.  JoNCRÉERE,  négociant  en  produits  chimiques,  rue  Baptisto-Monnoyer,  'i. 

48'i2.  JoNCQiEZ,  négociant,  rua  de  Valmy,  1  bi.s. 

3349.  JoNGH-CoRNELis,  employé,  rue  St-André,  38. 

322(5.  JouNiAux  (Alcide),  A.  |J,  préparateur  de  chimie  à  la  Faculté  des  Scienœs, 

rue  Barlhélémy-Delespaul,  87. 

3171.  Jourdain,  instituteur,  rue  de  La  Madeleine,  35. 

2237.  JouvENEL  (Fernand),  rentier,  rue  des  Stations,  10  bis. 

4813.  Juin  (Théodore),  tailleur,  rue  de  Pas,  3. 

477.5.  Jungeblodt,  ingénieur  civil,  boulevard  de  la  Liberté,  54  bis. 

.3425.*  Kauffmann  (G.),  courtier,  rue  Alexandre- Leleux,  34. 

3260.  Keller. (Victor),  ^,  officier  d'administr.  principal,  en  retraite,  r.  Xi-grier,  .35. 

3474.  Kestner,  ingénieur,  boulevard  Vauban,  22. 

2112.  Ketelair,  escompteur,  rue  St-André,  21. 

4826.*  KiNG,  Consul  d'Amérique,  rue  des  Stations,  i»7  bis. 

35.35.  KiPS-MoRivAL,  mécanicien,  rue  des  Tours,  i. 

301.  Labbe  (Henri),  artiste  peintre,  rue  du  Metz,  6. 

3586.  Labenne,  négociant,  rue  du  Vieux-Marché-aux-Moutons,  45. 

2750.  Lacombe,  ingénieur-chimiste,  rue  de  Bourgogne,  41. 


LILLE.  31 

NO'd'ins-  ]\I>I. 

cription. 

102.     Ladrière,  I.  ^,  directeur  honoraire,  rue  de  l'Hôpital-Militairc,  83. 

4155.     Lafourgade,  négociant,  rue  des  Tanneurs,  18  et  20. 

4021.     Lagaisse,  ►J»,  propriétaire,  rue  de  Bourgogne,  45. 

4573.    Lagoutte.  employé,  rue  de  l'Arc,  21. 

4018.     Laixement,  officier  d'administration  principal,  Bureau  de  l'Intendance,  place 
aux  Bleuets,  28. 

3558.     Lamare,  Magasin  St-Jacques,  rue  des  Suaires,'  19-23. 

4090.     Lambert  (.M""  Louise),  rue  Virginie  Ghesquière,  lô. 

3743.     Lambrecq  (François),  timbrophile,  rue  Neuve,  9. 

37.35.     Lambret  (docteur),  A.  ^,   Professeur  Agrégé  à    la    Faculté  do   Médecine, 
boulevard  de  la  Liberté,  229. 

3477.     Lancl\ux,  employé,  rue  Bernes,  30. 
840.     Lancien,  A.  %},  juge  de  paix,  rue  des  Pyramides,  .3i). 

3219.     Langlais  (Emile),  prop.  d^^s  Grands  magasins  du  Bon  Marché,  r.  National 

419G.     Langlois  (Jules),  ingénieur,  place  Cormontaigne,  18. 

2G0G.     La  Rivière  (G.),  0.  ■^,  ingénieur  en  chef  de  la  navigation,  rue  Royaio,  79. 
208.     Laroche  (.Jules),  négociant,  Grande-Place,  13. 

IGGO.     Larue  (Paul),  de  la  Maison  Fichet,  rue  Nationale,  13. 

289G.     Laschamp  (Joseph),  ^^  capitaine  en  retraite,  rue  Jacquemars-Giclée,  7,7)  bis, 

1457.     Laurenge  (Marcel),  entrepreneur,  boulevard  Vauban,  110. 

1.561.     Laurenge  (Eugène),  entrepreneur,  rue  Pierre-Martel,  (i. 
.365.     IjAurent  (Adolphe),  négociant  en  lins,  rue  du  Faubourg-de-Ro  ibaix,  225. 

3'il7.     Laurent  (Auguste),  employé,  rue  Mourmant,  9. 
711.  .  Laurent  (Julien),  négociant  en  rouenneries,  rue  à  Fiens,  5. 

3030.     Lebas  (Julien),  ingénieur,  rue  de  Trévise,  37. 

27.57.     Lebecq  (A.),  directeur  des  Entrepôts,  rue  Golbcrt,  201. 

4773.     Le  Bigot,  imprimeur,  rue  Nicolas  Leblanc.  25. 
274.     Le  Blan  (Paul),  ^,  filataur  de  lin,  rue  Gauthier-de-Châtdlon,  2'i. 
24G0.     Le  Blan-Delesalle  (M"'"  Julien),  propriétaire,  rue  des  Fleurs,  11. 
3283.     Leblan  (M"-®  V^e),  rue  des  Pyramides,  35. 
4108.     Leblond,  receveur  de  rentes,  rue  Marais,  4. 

4G41.     Lebon  (Général),  C.  ^.  I.  ^,  commandant  le  1""  Corps  d'armée,  rue  Né^^ricr. 
4203.     Le  Breton  (Emile),  directeur  du  Crédit  Foncier,  rue  Inkermaun,  2. 
4Ni5.     Lebrun  (M'ie),  rue  du  Faubourg  de  Douai,  lOG. 
4673.     Lecasse,  Inspecteur  des  Postes  et  Télégraphes,  rue  Faidherbc,  37. 

855.     Lecat  (Léon),  A.^,  sous-ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  rue  des  Foysés- 
Neufs,  69. 

'iN()2.     Lechien  ;  Alfr.NT,  imprimeur,  rue  des  Sla'.ions,  97. 

4074.*  Lechien,  Pattyn,  Lefort,  industriels,  rue  du  Molirel,  'il. 

4274.     Leclair  (Edmond),  docteur  en  pharmacie,  rue  Puébla,  35. 

3G;38.     Leclercq,  pharmacien,  rue  Colbert,  107. 

2342.     LÉCLUSELLE,  transports,  boulevard  des  Ecoles,  G. 

1245.     Lecocq  (Alphonse),  rentier,  rue  Colbert,  25. 

2470.     Lecocq  (Adolphe),  rentier,  rue  St-Etiennc,  39. 

2C11.     Lecocq  (Ernest),  propriétaire,  quai  Vauban,  3. 

437'i.     Lecœuvre  (Madame),  institutrice,  avenue  des  Lillas,  \. 

32.54.     Lecointe  des  Iles  (C),  propriétaire,  rue  d'Artois,  4'i. 

2205.     Lecomte-Gernez  (Paul),  négociant,  place  Sébastopol,  26. 

2.542.     Leconte  (Adolphe),  fabricant,  rue  Neuvt?,  10. 

39.5'i.     Lecroart  (Charles),  négociant  en  houblons,  rue  Manuel,  97. 


.32  LILLE. 

N»»d'ins-  MM. 

criptioD. 

1G46.  Ledieu  (Achille),  C.»J<»î"J<,  consul  des  Pays-Bas,  rue  Négrier,  111. 

3762.  Lees-Lautlvux,  négociant,  bouleviu-d  Bigo-Danel,  17. 

4372..  Lefebvre  (docteur  en  médecine),  rue  St-Andrë,  28. 

2440.  Lefebvre  (Achille),  filateur  de  coton,  rue  Léon-Gambetta,  290. 
1604.  Lefebvre  (Charles),  changeur,  rue  Nationale,  69  bis. 

869.  Lefebvre  (Désiré),  représentant,  rue  du  Faubourg  de  Roubaix,  170. 

2423.  Lefebvre  (Emile),  avocat,  rue  Basse,  44. 

4031.  Lefebvre  (Gaston),  employé,  rue  Voltaire,  5. 

3840.  Lefebvre  (Louis,  iils),  rue  de  Bourgogne,  35. 

4,51KI.  Lefebvre  (Louis  fils),  rue  du  faubourg-de-Roubaix,  190. 

1698.  Lefebvre  (Paul),  artiste-peintre,  boulevard  de  la  Liberté,  209. 

3363.  Lefebvre    (Victor),  A.  y^,  professeur  à  l'École  supérieure,  rue   des  Pyra- 
mides, 40. 

2480.  Lefebvre  (M'""),  professeur  de  musique,  rue  Patou,  15. 

1791.  Lefebvre-Goustenoble  (Th.),  fîibricant  de  céruse,  rue  de  Douai,  105. 

2441.  Lefebvve-Faure  (François),  filateur  de  coton,  rue  Nationale,  320. 
3839.  Lefebvre-Lenglart  (Louis),  rue  de  Bourgogne,  35. 

4668.  Lefebvre  (Lucien),  imprimeur,  rue  André,  30. 

3112.  Lefebvre  (Léon),  imprimeur,  rue  de  Tournai,  88. 

2844.  Lefévre  (Adolphe),  négociant,  rue  Gambetta,  78  bis. 

593.  Le  Fort  (Hector),  ►J<,  médecin,  rue  Colbert,  44. 

4291.  Le  Fort  (DO,  chirurgien  des  hôpitaux,  rue  André,  34. 

4602.  Le  Gall,  îi^,  L  Q,  Trésorier  Payeur-général,  rue  d'Anjou,  2. 

1954.  Legay-Masse,  propriétaire,  rue  Nationale,  147. 

2088.  Legay  (Gh.),  docteur  en  médecine,  place  aux  Bleuets,  22-24. 

390.  LÉGEREAU,  instituteur  en  retraite,  rue  de  Lannoy,  92. 

2612.  Legrain  (André),  négociant,  rue  André,  43. 

4695.  Legrand  (l'abbé),  maison  St-Lonis,  rue  du  Port,  60. 

4519.  Legrand  (Albert),  employé,  avenue  St-Maur,  12. 

4803.  Legrand  (François),  négociant,  rue  de  Fives,  .")7 

3.551.  Legrand  (Madame  veuve  Albert),  rue  de  l'Arc,  10. 

3118.  Legrand  (Iv),  peintre,  rue  de  la  Piquerie,  16  b>s. 

4548.  Lehembre  (Gustave),  huissier,  rue  Basse,  7. 

3293.  Lehembre-Leruste  (Henri),  fabricant,  rue  du  Vieux- Marché-aux-PouIets,  22 

2392,*  Leleu  (Adolphe),  négociant,  parvis  St-Maurice,  6. 

4286.  Leleu  f Benjamin),  receveur  des  hospices,  rue  de  la  Barre,  41. 

4799.  Leleu '.'AiiEMiN  (-Jules),  nég-ociant,  rue  des  Snaires,  12. 

2385.  Leloir-Delannoy  (Henri),  négociant  en  grains,  rue  Esqucrmoiso,  12. 

2.527.  Lelong  (Louis),  propriétaire,  rue  Solfcrino,  'l'i. 

2034.  LENfAiiîE  (M.),  rentier,  rue  Colbert,  70. 

.'J^j'iO.  LE.\Lvnia:-l^iGo,  rue  SoHcriuo,  2()7. 

2147.  Lkmav,  ancien  notaire,  rue  Solférino,  H. 

4492.  Lemkrlk,  inspecteur  dos  douanes  en  retraite,  rue  Solférino,  29. 

18.53.  Le.moine  (D'),  L  ij^,  profosscur  à  la  Facid té  de  .Médecine,  rue  Inkermann,  34. 

()85.  Lemoimhr  (Haynioiid),  A.^,  propriétaire,  rue  de  la  Louvière,  25. 

41.58.  Lemoyne,  employé,  rue  du  Gros-Gérard,  27. 

4200.  Lengi,\ut  (Alphonse),  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  2.57. 

4177.  Len';i.kt  (Louis),  vérificateur  des  douanes,  rue  Thicrs,  42. 

3C).56.  Lepék-Guichard,  propriétaire,  rue  (\c  Valmy,  41. 

4159.  Leper,  négociant,  rac  Lafonlaine  31. 


LILLE.  ;}?, 

NO'd'ins-  MM. 

cnpbOD. 

3479.  Lepercq  (Alexandro).  rue  dlsly,  77. 

1923.  Lepez  (André),  entrepreneur,  rue  .Jacqucmars-Giêlêe,  131. 

3134.  LÉpiNE  (Edouard),  $,  directeur  de  brasserie,  rue  Inkermann,  41. 

3660.  Lepot  (Clément),  .\AJ,  pharmacien,  rue  de  Roubaix,  27. 

2622.  Lernoclu  (Alphonse),  boulevard  de  la  Liberté,  32. 

2673.  Lernould  (Léonce),  négociant,  rue  Gambetta,  30. 

584.  Le  Roy  (Félix),  J^,anc.  député,  anc.  président,  du  tribunal  civil,  r.  Royale.  105 

3940.  Leroy,  négociant,  avenue  Butin,  32. 

2882.  Leroy  (Gélestin),  entrepreneur,  rue  de  la  Plaine,  ."38. 

4156.  Leroy  (Emile),  représentant,  rue  Mirabeau,  14. 

1711.  Leroy  (Louis),  fabricant  de  toiles,  rue  du  Dragon,  8. 

664.  Leroy-Delesalle  (Paul),  négociant  en  lins,  boulevard  delà  Liberté,  139. 

4292.  Lesage,  capitaine  au  43*  régiment  d'infanterie,  rue  Roland,  ()(3. 

154'i.  Lesay  (Auguste),  propriétaire,  rue  d'Isly,  5. 

4541.  Lesay-Liagre,  négociant,  rue  de  Paris,  33. 

33.  Lesert,  géomètre,  rue  Brùle-Maison,  ,">3. 

3721.  Lesne  (l'Abbé),  professeur  à  la  Faculté  libre  des  Lettres,  r.  de  Canteleu,  10. 

2768.  Lesnes  (Aimé),  1.^, directeur  d'école  primaire  supérieure,  boulev.  Louis  XIV. 

4844.  Lestien.ne  (Alfred),  négociani,  rue  d'Arras  121. 

116.  Lesuk,  L  %}^  directeur  honoraire,  rue  Jeanne-d'Arc,  78. 

4575.  Le  Sur,  lieutenant  au  16"  chasseurs,  rue  Basse,  22. 

3647.  Le  Thierry  (Meiie  Glotilde),  boulevard  de  la  Liberté,  42. 

3836.  Leulieux,  négociant  en  soines,  Marché-aux-Fromages,  1 1'. 

3678.  Leuridan  (l'abbé),  bibliothécaire  diocésain,  boulevard  Vauban,  00. 

4317.  Leuridan  (Emile),  rue  de  Loos,  20. 

2663.  Levé  (Albert),  ►J»,  juge  au  tribunal  civil,  rue  des  Pyramides,  0. 

2808.  Levèque  (Glément),  négociant,  rue  Esquermoise,  24  ter. 

4283.  Leverd,  industriel,  rue  de  Wazemmes,  174. 

1924.  Lévi  (Otto),  négociant  en  lins,  rue  des  Augustins,  7. 
4733.  LÉVY.  négociant,  place  Sebastopol,  2.3. 

4378.*  Leys  (Léon),  agent  de  change,  rue  Puebla,  18. 

4457.  Leys(M"«  Léonie),  rue  des  Postes,  i02  bit>. 

1211.  LÉziEs,  négociant  en  tapis,  rue  des  Postes,  18. 

887.  Lheureux,  ^,  inspecteur  des  Postes  et  Télég.,  rue  Barthélemy-Delespaul,  70. 

1961.  Liagre  (Achille),  architecte,  rue  de  Bruxelles,  11. 

2374.  Liagre  (Paul),  agent  de  change,  rue  du  Palais,  13. 

4476.  LiBEii  (Adolphe),  professeur,  rue  Nationale,  2'J5. 

40.3!).  LiBERT  (Madame  Veuve),  parvis  Si-Michel,  10. 

23 'il.  LiÉGEOis-Six,  A.l^,  imprimeur,  rue  Gambetta,  244. 

3453.  LiEKENS  (Georges),  employé,  rue  du  Met/,  28. 

1570.  LiEM  (Eugène),  négociant,  rue  Solférino,  .'OS. 

381M).  Liénarï-Delesali.e,  rue  de  Bourgogne,  .52. 

40'J7.  LiÉNAur  (Louis),  propriétaire,  rue  Rocroy,  4. 

415.3.  LiRO.NDEi.i.E,  maître  de  Conférences  à  la  Fac.  dci  Lettres,  boul.  des  Ecoles,  2. 

443(5.  LoBRY  (Lo'jis),  pharmacien,  rue  du  Priez,  .30. 

4531.  LoizoN,  négociant,  rue  Golson,  2, 

374.  LoNCKE  (.M""®  1*].),  propriétaire,  boulevard  de  la  L'.bcrté,  13. 

330.  LoxGHAYE  (M'»«  Edouard),  propriétaire,  loule/ard  de  la  Liberté,  161. 

1210.  LoxGRÊ  (Georges),  entrepreneur  de  pavage--,  rue  Solféiino,  2(yi. 

1020.  LooTE.N,  l^,  docteur  en  médecine,  rue  de  Tonrenioude,  2. 


criptioQ. 

454.**Lorext-Lescûknez,  filateur  de  lin,  rue  de  Thionville,  11. 
2646.  LoRETTE  (M"^''),  professeur  de  chant,  place  Sébastopol,  2,1. 
4146.     Lotte  (Eugène),  rue  Stappaert,  h. 

3609.*  LouBRY,  directeur  de -la  Banque  de  France,  rue.  Royale,  73. 
3435.     Louis  (Georges),  X.%},  pharmacien,  rue  Froissart,  11. 
3995.*  LoviNY,  pharmacien,  rue  Pierre-Legrand,  50. 

382.     Loyer  (Madame  ¥<=  Ernest),  filateur  de  coton,  place  de  Tourcoing. 
2256.*  LuNEAu,  ►J",  négociant,  rue  Nationale,  19.  ■ 

4295.*  Lyon  (Georges),  0.  %:,  L  ^  recteur  de  rAcadémie,   rue  Saint-Jacques,  22. 
1949.     Lys-Tangké,  entrepreneur,  rue  des  Postes,  191. 

23()9.  Mabille  de  Ponchkville  (Albert),  notaire,  rue'de  Pas,  18. 

4463.  Macaigne  (Pierre),  officier  d'Administration,  rue  du  Port,  ^ibis. 

843.  Mac  Lachlan, (Georges),  commissionnaire,  rue  des  Fossés,  34. 

2.948.  Mahieu  (Julien),  rentier,  boulevard  de  la  Liberté,  121. 

46S1.  Mahieu  (Adonis),  propriétaire,  rue  Jacquemars-riiélée,  110. 

.1704.  Mailliez  (Jules),  propriétaire,  rue  Nationale,  106. 

3625.  Mairesse,  négociant,  rue  des  Ponts-de-Comines,  11. 

1090.  Mallet  (Désiré),  ^,  sous-ing-énieur  des  ponts  et  chauss.,  r.  Brûle-Maison,  36, 

3917.  Malvault,  rentier,  square  Jussieu,  18. 

4614.  Manso  (M""),  directrice  d'École,  square  Ruault,  26. 

4217.  Mantel,  pharmacien,  ti\q.  de  Douai,  13'''»'. 

3140.  Mantez,  propriétaire,  rue  de  Fives,24. 

3002.  Maquart,  pharmacien,  me  de  Turenne;  30. 

3919.  Maquet  (Emile),  négociant,, rue  Solférino,  8. 

240.  Maquet  (Ernest),  négociant  eu  lins,  place  aux  Bleuets,  11.  '■ '• 

523.*  Maquet  (M">«  Alfred),  propriétaire,  boulevard  Vauban,  31.  ' 

2645.  Maquet  (Maurice),  A.  %},  négoc.  en  lins,  Secret,  du  Club  alpin  français,  rue 
Patou,  25. 

352.  Marchant-De  Pachtère  (M""^),  propriétaire,  rue  Ste-Gatherine,  82. 

4384.  Marlier-Lambilliotte,  courtier,  rue  Solférino,  290;-;^ 

3094.  Marquis  (H.),  bandagiste,  place  du  Lion-d'Or,  17. 

2964.  Martel  (A.),  négociant,  rue  de  Thionville,  .33. 

4003.  Martin  (Paul),  A.  %},  négociant,  rue  de  Paris,  76. 

1298.  Martin  (Edouard),  notaire,  rue  Jacquemars-Giélée,  11. 

419.  Martin  (M™"),  I.  %},  directrice  de  l'Ecole  primaire,  place  Philippe-lo-Bon,  23. 

4613.  Martinache  (Madame),  quai  de  la  Basse-Deûle,  48  bis.  ^'i- 

1840.  Marie-Broudehoux  (M°'eV«),  rentière,  rue  Blanche,  45.  "  '' 

3493.  Masingue,  peintre-décorateur,  nie  de  Roubai.x,  43. 

39i).  Masquelier  (Auguste),  •^,  négociant- en  cotons,  vue  de  Courtr'hi,'5. 

3158.  Masquelier  (Georges),  négociant,  boulevard  du  la  Liberté,  &!•!.'       ■  ■•  ■ 

3157.  Masquelier  (Valéry),  directeur  d'assurances,  façade  de  l'I3^fjlanade,  20.   '  '■ 

198(5.  Masse  (Edmond),  propriétaire,  rue  Nationale,  53.         :-:;;  i        *'•  ^^■''■ 

4')50.  Masse.-Pollet  (Madame),  rue  Nationale,  2I(). 

4334.  Masselot  (M^e  Clara),  employée  des  postes,  rue  Parrayon,  7. 

4:3<">5.  Massin,  directeur  de  la  halle  aux  cuirs,  boulevard 'de  lâ''Libe'rté.-  171. 

43;35.  Masure  (L'abbé  Emile),  archiviste^diocésain,  Tue.de  *Turenne,  34. 

1.571.  Mathon  (Madame  Achille),  ►J",  propriétaire,  rue  Jàcquemars-Gielée,  125  Ws. 

1625.  MAUGRtefc  (Jules),  propriétaire,  rue  du  Faubourg-de-Rbtibàix,  176. 

2351.  Maurois  (Edouard),  représentant,  rue  Manuel,  4. 


MLLE.  â5 

Nf'd'ins-  MM. 

cription. 

4118.  Meesemaeker  (M'ie),  me  des  Brigiiincs,  22. 

2898.  Melchior  (Pu'Vre),  propriétaire  de  rAiiimaire,  rue  Pierre-Legrand, 

4285.  Meneboode  (Lucien),  pharmacien,  rue  du  Long-Pot,  124. 

4746.  Menro  (Naihaniel),  négociant  de  déchets,  jila  -e  de  Strasbourg,  7. 

3103.  MÉRAT,  propriétaire  rue  Solférino,  257. 

1270.  Merchier,  ^,  ly^,  professeur  Agrégéd'histoireau  Lycée,  rue  Charles-Quint,  7. 

3442.  Mercier  (Jules),  A.  %},  commis-négociant,  rue  Virginie-Ghesquière,  17. 

4472.  Mertl^n  de  Muller  (M""'),  rue  Masséna,  77. 

2119.  Merveille  (Paul),  constructeur,  rue  du  Marché,  96. 

2084.  Meunier,  directeur  de  l'Union  générale  du  Nord,  boulevard  de  la  Liberté,  35. 

4701.  Meunier  (Victor),  charbons,  quai  du  Wault,  19  et  21. 

4190.  Meurice,  tanneur,  rue  du  Faubourg-des-Postes,  119. 

2143.  Meurillon,  architecte,  rue  de  Thionville,  30. 

134.  Meurisse  (Paul),  négociant  en  bois,  rue  des  Meuniers,  4. 

1473.  Meyer  (Adolphe),  représentant,  rue  Solférino,  299. 

2208.  Meyer  (Paul),  commis-négociant,  rue  d'Isly,  83. 

4341.  MiLLiEZ  (Lucien),  négociant,  rue  des  Sarrazins,  19. 

2671.  Minet  (Siméon),  tailleur,  rue  des  Manneliere,  G. 

3796.  MiNiscLOUX  (Colonel),  rue  du  Faubourg-dc-Roubaix,  114. 

3250.  MiQUET-PoTTiER,  rentier,  rue  Solférino,  243. 

3142.  Moisseron  (Jules),  ingénieur,  rue  de  Jemmapes,  20. 

3619.  Mollet  (l'abbé  E.),  supérieur  de  l'École  Jeanne-d'Arc,  rue  Colbert,  25  bis. 

2910.  MbNOT  (Adolphe),  employé  de  commerce,  façade  de  l'Esplanade,  60. 

1005.  MÔNTAiGNE-BÉRiOT  (Alphonse),  banquier,  boulevard;de  la  Liberté,  195. 

1800.  Montaigne  (Léon),  receveur  de  rentes,  rue  Solférino,  310  bis. 

4609.  Montaigne  (Paul),  appareils  de  chauffage,  rue  Gambetta,  213. 

4674.  Montpellier  (Albert),  industriel,  quai  de  l'Ouest,  46. 

3997.  Moreau  (Gaston),  rue  Louis  Faure,  7. 

3703.  Morel  (MUe),  rue  Blanche,  49. 

1243.  Morel  (Alfi'ed),  tapissier,  rue  Esquennoise,  29. 

4490.  Morel  (F.),  directeur  de  filature,  rue  delà  Basse"?,  11. 

2099.  Morel,  imprimeur,  rue  Ste-Catherine,  13. 
3028.  Morel  (Joseph),  négociant,  place  du  Théâtre,  31. 

4780.  Morel  (Victor),  représentant,  rue  d'Enfert-Rochereau,  13. 

4711.  Moreuval  (Abel),  rue  Nicolas-Leblanc,  39. 

1918.  Morival  (Paul),  fabricant  de  bascules,  place  du  Théâtre,  .54, 

4429.  Mornie  (Edouard),  employé,  rue  Masséna,  22  bis. 

2474.  MoRONVAL  (Léon),  huissier,  rue  Basse,  7. 

1293.*  Motte  (Pierre),  notaire,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  .37. 

3307.  MoTTEZ  (Madame  Paul),  rue  des  Fleurs,  18. 

1657.  'MouLAN  (Charles),  négociant,  rue  Patou,  37. 

'iSiiO.  MouQUET  (Charles\  lîoulevard  Vauban,  28. 

99.  MouRCOu,  architecte,  rue  Manuel,  103. 

2108.  MouRCOU  (Maurice),  propriétaire,  rue  de  Thionville,  32. 

4467.  Mourez,  (Arthur),  rue  des  Suaires,  4. 

2100.  MouRMANT  (Narcisse),  négociant,  ru<'  du  Vieux-Marché-aux-Moutons,  18. 
1952.  MuLiÉ  (Charles),  négociant,  rue  du  Vieux-Faubourg,  .50. 

4692.  Mbller,  tailleur,  rue  des  Ponts-de-Gomines,  24. 

204.  Muluer  (Albert),  négociant  en  lins,  boulevard  de  la  Liberté,  142, 

3999.  MuLLiER  (André),  négociant,  rue  Jean-Bart,  43. 


36  LUXE. 

?r»  d'ins-  MM . 

eription. 

3853.  MuLNER  (Albert),  négociant,  rue  Lepelletier,  18. 

1663.  MuYLAERT    Kugène),  A.Q,  sellier,  rue  des  Chats-Bossus,  i. 

2315.  Navarre,  notaire,  rue  Ganibetta,  23. 

536.  Neut  (M">«  Emile),  propriétaire,  rue  Desmazières,  5. 

3865.  Newnham  (Alfred),  A.  y;,  architecte,  rue  de  Valmy,  5. 

466.  Nicodème,  ingénieur,  boulevard  de  la  Liberté,  1.38. 

4734.  Nicolas  (Gaslon),  représentant,  place  de  la  Gare,  11. 

350.**NicoLLE  (Krnest),  ^,  A.  y^,  0.  «i*,*!*,  nianufacturier,  square  Rameau,  11. 

254.  NoQUET,  j|j,  docteur  en  médecine,  rue  de  Puébla,  33. 


1834.  Obin  (Emile),  propriétaire,  rue  Jacquemars-Giélée,  67. 

377.  Obin  (Jules),  teinturier,  rue  des  Stations,  101. 

4438.  Odoux  (Ernest),  représentant,  rue  Rocroy,  2. 

2402.  Olivier  (Auguste),  négociant  en  toiles,  rue  Basse,  42. 

3296.  Oranie-L'Host,  entrepreneur,  rue  des  Jardins-Gaulier,  9. 

319.  OviGNEUR  (Emile),  0  ^^  I.  y,  avocat,  rue  Jacquemars-Giélée,  37. 

4418.  OviGNEUR  (M""=  Gustave),  rue  Nicolas-Leblanc,  8. 

4173.  OxTOBV  (Meiie)^  professeur  de  chant,  rue  Nationale,  282. 


3284.  Paillot  (R.),  I.  Q,  0.  •^,  ►J",  Docteur  es  Sciences,  boulevard  Montebello,  35. 

4373.  Painblan,  Docteur  en  médecine,  rue  Jacquemars-Giélée,  26. 

2149.  Paindavoine  (Gustave),  constructeur,  boulevard  Victor-Hugo,  79. 

1603.  Pajot  (André),  ^,  changeur,  rue  Patou,  9. 

1837.  Pajot  (Paul),  négociant,  rue  Grande-Chaussée,  .38. 

2407.  Pajot  (Henri),  notaire  honoraire,  rue  Patou,  28. 

4474.  Pajot  (l'Abbé),  professeur  au  Collège  St-Joseph,  rue  Solférino,  92. 

4383.  Pajot  (Maurice),  boulevard  Vauban,  34. 

2915.  Palliez  (A.),  C.  ►J^,  Consul  de  Suède  et  de  Norvège,  rue  Solférino,  187. 

3407.  Palliez  (Ed.t  négociant,  rue  de  Ban-de-Wedde,  20-22. 

1271.  Pannier  (Paul),  propriétaire,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  15. 

1846.  Paquet  (M™*  A.),  propriétaire,  rue  Solférino,  104. 

4185.  Parance  (Henri),  employé,  rue  Gustave-Joncquet,  17. 

3397.  Parée  (Marcel),  étudiant,  rue  de  Tournai,  43. 

3071.  Parent  (Gaston),  représentant,  rue  de  la  Clef,  25. 

1419.  Parent  (Henri),  fabricant  de  brosses,  rue  Nationale,  161. 

2990.  Parent-Hoing  (M™»  V^e),  fabricante,  rue  des  Tours,  34. 

4041.*  Parent-Breuvart,  représentant,  rue  Vantroyen,  24. 

4727.  Parenty,  directeur  de  la  Manufacture  de  tabacs,  rue  du  Pont-Neuf,  39. 

1719.  Parsy  (Jules),  négociant  en  toiles,  rue  des  Augustins,  1  bis. 

2123.  Pasteau,  notaire,  rue  Tenremonde,  6. 

2956.  Pauris  (Fernand),  négociant,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  40. 

1075.  Payen  (Frédéric),  ancien  greffier,  boulevard  Bigo-Danel,  21  bis. 

2280.  Peçqueur,  négociant  en  huiles,  rue  de  Lannoy,  14. 

2647.  Pecqueur-Carré  (L.),  négociant,  rue  du  Molinel,  37. 

4147.  Pelletier  (Madame),  boulevard  de  la  Liberté,  60. 

4399.  Peltikr  (Paul),  employé,  rue  Denfert-Rochereau,  69. 

1940.  Pennequin  (L.),  architecte,  place  Sébastopol,  19. 


LILLE.  37 

l'jo' d'ins-  MM. 

cription. 

3347.  Pennequin,  rentier,  rue  Caumartin,  27. 

4622.  Pers\n  (M"«5),  rentières,  rue  Virginie  Cihcsquièro,  8. 

462i.  Petit,  docteur,  rue  Jean-sans-Peur,  6. 

4850.  Petit  (Charles),  A.  %},  propriétaire,  rue  do  Tureruie  5. 

4851.  Petit  (Georges),  A.  ij,  jiropriétaire,  rue  de  Turenne.  2S. 
4837.  Petitprez,  dessinateur  en  tissus,  rue  Neuve,  20. 

4350.  Petyt,  employé,  rue  du  Bas-.]ardin,  11. 

3328.  Peucelle  (Jules),  négociant,  rue  du  Faubourg-de-Roubaix,  126. 

3938.  Phalempin-Grolez  (Madame  V^e),  rue  du  Château,  2. 

3673.  PiAT  (Madame),  propriétaire,  square  .Jussieu,  10. 

439.  PiCAVET-QuEF,  (M"»®  Vve  Léon),  filateur  de  lin,  boulevard  Louis  XIV,  3. 

769.  Picavet-Fays  (Louis),  rue  Charles-de-Muyssart,  13. 

4482.  PiEDANNA  (Paul),  Quai  de  la  Basse-Deûle,  66. 

4493.  PiERRA  (M'"«),  rus  Roland,  67. 

3305.  PiGACHE,   I.  ^,  chef  de  bureau  de  l'Ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées 

rue  du  Marché-aux-Bètes,  21. 

4736.  PiGON  (Arthur),  fabricant  de  toiles,  rue  d'Isly,  73. 

4825.  PiHEN,  industriel,  passage  Fontaine  del  Sault,  1, 

1105.  Pilate  (Auguste),  chef  d'institution,  rue  Négrier,  26. 

3457.  Pilate  (Victor),  représentant,  rue  du  Quai,  12. 

3606.  Piton  (Alfred),  ingénieur,  rue  Nationale,  222. 

2951.  Plaideau  (Fernand),  propriétaire,  rue  Puébla,  15. 

4431.  Plaideau-Delegroix,  propriétaire,  rue  des  Fossés,  17. 

4805.  Plaisant-Minet  (Adolphe),  Gérant,  rue  Bartheleniy-Delespaul,  129. 

2741.  Plancke  (Henri),  manufacturier,  rue  du  Molinel,  78. 

4424.  Plateaux  (Victor),  entrepreneur,  rue  de  Canteleu,  50. 

385.  Platel  (Albert),  négociant  en  bois,  rue  de  la  Préfecture,  2. 

2410.  Playoust  (Paul),  négociant  en  toiles,  rue  à  Fiens,  6. 

3911.  Plouvier  (Fernand),  négociant,  rue  des  Augustins,  23. 

2465.  PoiLLON-Six,  propriétaire,  rue  Alexandre-Leleux,  36. 

3424.  Poissonnier  (Louis),  négociant,  rue  Basse,  36. 

2()49.  Pollet  (Emile),  comptable,  rue  Baptiste  Monnoyer,  8. 

3449.*  Pollet  (Jules)  fils,  fabricant,  rue  Pierrc-Legrand,  288. 

4306.  Pollet-Legrand  (M"»»),  mercerie  en  gros,  rue  des  Arts,  62. 

3113.  PoNCELET,  lieutenant  au  43®  de  ligne,  quai  du  Wault,  10. 

4396.  PoNTHiEU  (Auguste),  fabricant,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  35. 

2H.**PoTiÉ  (Jules),  A.  ^,  propriétaire,  rue  Mercier,  2. 

4703.  PoccHAiN  (Henri),  employé,  rue  Mirabeau,  25. 

452.  PouiLLE  (Emile),  A.  %},  propriétaire,  rue  Fontaine-del-Saulx,  22. 

2752.  PouivrAERE  (Albert),  professeur,  rue  de  Fives,  96. 

2136.  Prate  (Louis),  négociant,  rue  Nationale,  74. 

4700.  Prélat,  I.^,  directeur  de  l'Enseignement  primaire  duNord,  rue  d'Antin,  ^. 
3847.*  Prévost  (Charles),  rue  Patou,  12. 

2691.  Prévost  (Ernest),  directeur  de  filature,  rue  des  Stations,  147. 

698.  Prévost  (François),  commis-négociant,  rue  Denis-Godefroy,  3, 

2277.  Preys  (Hippolyte),  courtier  de  commerce,  rue  Desmazières,  8. 

2982.  Pronau  (Élie),  instituteur,  impasse  Scalbert,  12. 

2121.  Prouvost  (Adolphe),  fabricant,  rue  du  Vieux-Marché-aux-Chevaux,  10. 

2083.  Prouvost  (Gustave),  greffier  de  justice  de  paix,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  74. 

4371.  Prud'homme,  juge  au  tribunal,  rue  Solférino,  234. 


38  LILLE. 

N<"d'ins-  MM. 

cription. 

328i.  Pruvost  (Emmanuel),  étudiant,  rue  de  la  Préfecture,  1. 

409.  Pruvot  (Achille),  représentant  de  commerce,  rue  Henri-Kolb,  61, 

735.  Quarré-Prévost,  rue  Boueher-de-Perthes,  78. 

4360.  QuEMBRE,  contrôleur  des  mines,  rue  d'Isly,  1.58. 

1221.  QuÉNET  (Edouard),  propriétaire,  rue  Brùle-Maison,  69. 

2728.  Rafin  (Eugène),  employé  à  la  Banque  do  France,  rue  Royale,  73. 

3704.  Ragot  (Ed.),  négociant,  rue  Grande-Chaussée,  6-8. 

858.  Rajat  (R.),  avocat,  rue  rue  Nationale,  116. 

3165.  Rambure    (Chanoine),    Pro  -  Recteur    des  Facultés    catholiques  de  Lille 
boulevard  Vauban,  60. 

86.  Raquet  (Désiré),  changeur,  rue  Nationale,  91. 
2098.*  Rattel  (Félix),  propriétaire,  rue  Solférino,  241. 

881.  Raux  (M""»  Emile),  négociant  en  charbons,  place  delà  République,  3. 

1869.  Ravet-de-Monteville  (G.),  courtier,  rue  Nationale,  83. 

2851.  Ravet  (Prosper),  courtier,  rue  Inkermann,  2. 

2540.  RÉGENT  (Ernest),  négociant,  place  Sébastopol,  23. 

2991.  Regnart  (Paul),  rue  Brùle-Maison,  93. 

678.  Remy(M'»«  Emile),  propriétaire,  rue  des  Arts,  16. 

2290.  Rem  Y  (Charles),  négociant  en  fers,  rue  des  Jardins,  5. 

1739.  Renard  (Henri),  ingénieur-chimiste.  Usine  à  gaz  de  Vauban. 

2000.  Renaut  (Charles),  propriétaire,  rue  André,  49. 

4333.  Rénaux  (Georges),  commerçant,  rue  de  Paris,  72. 

681.  Renouard  (Emile),  filateur  et  fabricant  de  toiles,  rue  Jeanne-d'Arc,  13. 

4145.  Renvoisé  (Adrien),  receveur  principal  des  Postes,  Hôtel  des  Postes. 

292.  Reuflet  (Frédéric),  avocat,  rue  Nationale,  104. 

2842.  Ricard,  conseiller  de  Préfecture,  rue  Jacquemars-Giélée,  61. 

2875.  Richebé  (Emile),  brasseur,  rue  Pierre-Legrand,  56. 

169.  RiCHEZ,  1.  ^,  directeur  de  l'Ecole  primaire,  rue  Fabricy. 

1093.  RiCHMOND  (Julien),  rue  Henri-Loyer,  1. 

2389.*  Richter  (Frédéric),  fabricant  de  bleus,  boulevard  Vauban,  67. 

4763.  Riez  (Léon),  vétérinaire,  rue  Jeanne-Maillotte,  20. 

3211.  RiGAUx  (Gustave),  rue  de  l'Arc,  14. 

72.  RiGAux  (H.),  A.  y:,  archéologue,  rue  du  Chaufour,  14. 

2449.  Rigot-Dubar,  propriétaire,  rue  de  Thionville,  40. 

765.  Rigot-Lefebvre,  négociant  en  vins,  place  aux  Bleuets,  13. 

2262.  RiGOT-SuiN,  négociant,  place  aux  Bleuets,  19. 

4510.  Rob.\ut  (l'Abbé),  professeur  au  Collège  St-Joseph,  rue  Solférino,  92. 

4693.  Robert,  Général  commandant  la  subdivision  de  Lille,  rue  Meurein,  18. 

2985.  Robillart  (Jean),  masseur,  rue  Basse,  8. 

3649.  Roblot-Deléarde,  négociant,  rue  Jean-sans-Peur,  16  bis. 

1659.  Roche  (Madame  Eugène),  rue  delà  Vieille-Comédie,  iGbis. 

4310.  Rogeau-Lepers,  négociant,  rue  de  Paris,  160. 

3658.  Roger-Aerts  (M"»  Veuve),  rue  de  Turenne,  59. 

1176.  RoGEZ  (Louis),  fabricant  de  fils  à  coudre,  rue  de  la  Justice,  23. 

2119.  RoGEz  (Edouard),  propriétaire,  boulevard  Victor-Hugo,  .55. 

1795.  RoGiE,  tanneur,  rue  des  Stations,  64. 

1179.  RoGiE  (Docteur),  professeur  à  la  Faculté  catholique,  rue  du  Port,  56. 


ULLE.  39 

N»«(i'ins-  ]\IM.  ■       •  , 

cription.  '  '  : 

'i827.  RoGiER.  (iaiiiiaiiK'  au  -l'.V  Ri'j^'.,  rue  ]-!i  ùli -Maison,  'S). 

2047.  RoLANTS  (Edmond),  A.  Ç|,  i^.  phannacieii  suix'ricur.  rue  Brùle-Maison,  G7. 

602.  RoLLEî;  (Arthur),  dirocleur  d'assurances,  boulevard  de, la  Liberté,  48. 

1835.  RoLLiER  (Théopliile),  rentier,  rue  des  Poissonceaux,,  10. 

4642.  RoLLiN  (Madame),  instiUitrice,  avenue  des  Lillas,  2.,. 

4304.  Rossignol  (Aug.),  industriel,  rue  Nicolas-Leblanp,  12. 

3238.  RouGÉE,  fabricant,  boulevar,d/de  la  Liberté,  99. 

3860.  RouRE  (Auguste),  notaii'e,  rue  de  Pas,  13. 

1047.  RouRE  (Ernest),  négociant,  rue  Merçjer,  7. 

4738.  Rousseau,  juge,  rue  Nicolas-Leblanc,  2;^. 

4376.  Roussel  (Alfred),  constructeur,  rue  Alexandre-Leleux,   W. 

3742.  Roussel  (Gh.),  notaire,  rue  de  la  Barre,  37. 

3908.  Rousselle  (Emile),  constructeur,  rue  Pierre- Le  grand,  170.    , 

203.  Rousselle  (Théodore),  agent  général  d'assurances,  rue  de  Bourgogne,  .56. 

239.  RouzÉ  (Emile),  #,  A.  ^f,  juge  au  Trib.  de  comm.,  r.  Gauthicr-de-Ç,l)âtillon,  20 

653.  RouzÉ  (Léon),  brasseur,  boulevard  de  Montebello,  48. 

4164.  Rouzé-Steverlyngk  (Paul),  entrepreneur,  rue  Brùle-Maison,  84. 

4753.  Rozendaal  (Jules),  rue  Puébla,  25,    r 

665.  Ryckewaert,  fabricant  de  sacs  en  papier,  rue  d'Arras,  84. 


4702.  Sacré-Dekrenne  (Madame  Maurice),  rue  de  Turenne.  01. 

3581.  Sailly  (Paul),  négociant  en  houblons,  rue  du  Chevalier-Français,  6. 

2211.  .Saint-Léger  (M"'«  Georges),  fabricant  de  fils  à  coudre,  rue  des  Fossés-Neufs,  2. 

3221.  Saint-Martin  (de),  caissier  de  la  Bifrquc  de  France,  rue  Royale,  3. 

2920.  Saint- Victor  (de),  inspecteur  divisicOnn.  d'assurances,  rue  Jean-sans-Peur,  62. 

3106.  Salembier  (l'abbé),  professeur  aux  Facultés  Catholiques,  boulev.  Vauban,  60. 

1932.  Salembier-Dubkeucq  (L.).  i§i,  brasseur,  rue  Gantois,  28. 

4682.  Salez  (Madame  veuve),  rue  Henri  Kolb,  45. 

2709.  Salle  (Victor),  négociant,  rue  Henri-Loyer,  20. 

4729.  Salmon  (Honoré),    Ingénieur-directeur  des  ateliers    de  Fives-Lille,   rue  des 
Ateliers,  2. 

48.32.  Salomé,  Capiia  ne  du  Génie  à  la  Citadelle. 
3577.  Salomez  (Victor),  représentant,  rue  Mercier,  70. 

1811.  Salomon  (dit  Chevalier),  carrossier,  boulevard  Vauban,  24. 

2255.  Sanders  (F.),  courtier,  rue  Gantois,  47. 

2009.  Sanxenaire-Dufour  (Emile),  négociant,  rue  St-Gabriel,  55. 

4225.  Sauvaige  (Gaston),  boulevard  de  la  Liberté,  51. 

1416.  Savary  (Gustave),  rentier,  rue  Denfert-Rochereau,  19. 

44.33.  Savoye  (M""=  E.),  rue  Solférino,  193. 

763.  ScALBERT-BERNARD,banquier,jugeauTribunaldeCommerce,  r.  deCourtrai,  17. 

4423.  ScALBERT  (Henri),  rue  St-Pierre,  2. 

961.  ScHEiBi(Frédéric)f  jôkce  Richebé,2. 

1883.  ScHEPENS,  négociant  en  vins  et  spiritueux,  place  de  Tourcoing,  11. 

-4819.  ScHiLLEMANS  (Lieuteuant-Coloncl)  sous-clief  d'État-Major,  rue  St-Martin,  3. 

2843.*  ScHOTSMANS  (Auguste),  négociant,  boulevard  Vauban,  9. 

2282.  ScHOTSMANS  (Jules),  négociant,  rue  du  Metz.  10. 

447.  ScHUBART,  (M"'«  Vve),  rue  St-Jacques,  19. 

3412.*  ScHULZ,  représentant,  boulevard  des  Écoles,  12. 

4229.*  Scorssery-Lepers  (M'"«),  rue  de  Loos,  60. 


40  LILLE. 

NO'd'ins-  MM. 

cription. 

1999.  ScRivE  (André),  manufacturier,  nie  de  Tarcnne,  ."33. 

'i861.  ScRiVF.  (Gustave),  fils,  assurances,  rue  de  l'Arc,  2i!. 

609.  ScRivE  (M""»  Albert),  fabricant  de  cardes,  rue  des  Buissos,  13. 

3942,  ScRivE  (Olivié),  rue  du  Lombard,  1. 

3961.*  ScRivE-LoYER,  rue  Gambetla,  294. 

356.**ScRiVE-DE-NÉGRi  (Madame  veuve),  rue  Léon-Gambetta,  292. 

S65.  ScRiVE  (Gustave),  propriétaire,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  99. 

4386.  Sebert  (Emile),  administrateur  du  bureau  de  l)ienfaisance,  r.  St-Firmin,  1. 

2577.  SÉBERT  (M'""),  propriétaire,  rue  des  Arts,  3. 

479().  Secret  (Amédéc),  boulevard  Vauban,  Ci). 

1517.  SÉE  (Paul),  ingénieur,  rue  Brûle-Maison,  .")8. 

3787.  Seitert,  Directeur  du  Crédit  du  Nord,  rue  Jean  Roisin,  4,  6,  8. 

2457,  Selosse  (Louis),  avocat,  rue  St-Pierre,  5. 

4348.  SÉNÉCHAL  (l'Abbé  René),  rue  Nationale,  210. 

4744.  Sergent  (Gaston),  ingénieur,  quai  du  Wault,  27». 

3372.  Six  (Henri),  négociant,  rue  Grande-Chaussée,  52. 

4398,  Six  (M""*  Vve),  propriétaire,  rue  Alexandre-Leleux,  38. 

4364.  Six  (Henri),  industriel,  rue  Golbert,  148.. 

4848.  Six  (Jules),  notaire,  rue  Royale,  41. 

1696.  Smith  (Alfred),  négociant,  rue  Arnould-de-Vuez,  4. 

3459.  Smits  (Albert),  ingénieur,  rue  Golbrant,  23. 

2296.  Snowden  (Robert),  filateur,  boulevard  Bigo-Danel,  26. 

1637.  Sockeel  (D^  Arthur),  0.  If,  4^,  rue  Charies-Quint,  9. 

4612.  SouLissE,  directeur  d'assurances,  rue  Solférino,  30. 

3922.  Spinaert,  chef  de  gare  St-Sauveur,  boulevard  des  Écoles,  25. 

3859.  Spire,  receveur  des  finances  honoraire,  rue  des  Postes,  11. 

1257.  Spriet  (Alphonse),  fabricant  de  toiles,  rue  Léon-Gambetta,  289. 

3828.  Staels  (J.),  négociant,  rue  Charles-de-Muyssaert,  43. 

967.  Stalars  (Cari),  ►J*,  teinturier,  rue  Jacquemars-Giélée,  100. 

4536.  Sthal  (Paul),  directeur  des  Etablissements  Kuhlman,  pi.  de  Tourcoing.  14. 

3578.  Ster,  négociant,  rue  de  Wattignies,  1. 

4456.  Steverlynck-Lefebvre  (Eugène),  manufacturier,  rue  de  Roubaix,  26. 

4539.  Steverlynck  (Amaury),  négociant,  rue  de  la  Digue,  17. 

707.  Steverlynck  (Gustave),  négociant  en  savons,  rue  Deschodt,  5. 

4073,  Stien  (Edmond),  propriétaire,  rue  de  la  Louvière,  7. 

1302,  Stiévenard  (Henri),  fabricant  de  couvertures,  rue  du  Pont-à-Raisnes,  1. 

3107.  Stoffaes  (chanoine),  professeur  à  la  Faculté  libre  des  Sciences,  directeur  de 

l'Institut  catholique  des  Arts  et  Métiers,  rue  Auber,  6. 

4091.  SuBRA  (Bernard),  ingénieur,  rue  des  Frères- Vaillant,  10. 

4470.*  Supérieure  (M"""  la),  des  Filles  de  la  Charité,  rue  de  la  Barre,  16. 

2375.  SuRMONT  (DO,  1.  i}  prof,  à  la  Faculté  de  Médecine,  rue  du  Dragon,  10. 

2758.  Swynghedauw  (Constant),  négociant,  avenue  des  Lilas,  48. 

231.  Swynghedauw,  1.  %}^  professeur  au  lycée  Faidherbe,  rue  Roland,  74. 

2359.  Taillie  (Th.),  commerçant,  place  du  Lion-d'Or,  10. 

2261.  Tancrez  (Gustave),  négociant,  rue  des  Jardins-Caulier,  42. 

977.  Tanguy  (J.-B.),  filateur,  rue  de  la  Louvière,  33. 

4420.  Tavernier  (Albert),  quincaillier,  rue  Gambetta,  242. 

4732.  Tellier  (Louis),  serrurier  d'art,  rue  Gambetta,  177. 


lALXM.  41 

NO'd'ins-  MiM. 

criptiOD. 

4258.  Teniérk,  archiU'cle  export  agréé,  rue  de  Bourgogne,  13. 

2352.  Tesmoi.ngt  (Albert),  industriel,  rue  Pascal,  20. 

1829.  Tesse  (Edouard),  négociant  en  huiles,  rue  Solférino,  318. 

3323.  Tesse  (Victor),  négociant,  place  Richebé,  0. 

32277  Tksteun  (J.),  fondeur  en  cuivre,  rue  dos  Bouchers,  12  B. 

283.  Thelukr  de  la  Neuville  (Paul),  avocat,  rue  des  .Jardins,  20. 

1(^.  Théodore  (Alphonse),  propriétaire,  rue  Solférino,  i\)~. 

4059.  Théodore  (lùnile),  rue  Solférino,  220. 

1256.  Thérv  (Gustave),  >^,  avocat,  square  Dutilleul,  33. 

1403.*  Théry  (Raymond),  ^,   A.  tj^   0.»fi,  Secrétaire-Général  adjoint  honoraire, 

rue  Faidherbe,  11). 

2008.  Théry-Baroux  (Georges),  négociant,  rue  desArls,  2i. 

3051.  Thibaut  (Alfred),  entrepreneur,  rue  de  Paris,  25G. 

^K)08.  Thibaut  (Henri),  entrepreneur,  rue  des  Postes,  lO'é. 

2650.  Thiébaut  (Raymond),  négociant,  rue  des  Suaires,  15. 

954.  Thiei-'fry  (Maurice),  fabricant  de  toiles,  boulevard  de  la  Liberté,  207. 

3825.  Thiétart,  négociant,  rue  du  Dragon,  8. 

4591.  Thieullet,  pharmacien,  rue  Golbert,  101. 

127.  Thiriez  (M™*  Vve  Alfred),  rue  Nationale,  308. 

1150.  Thiriez  (Julien),  manufacturier,  rue  du  Faubourg-do-Béthune,  .lO. 

3^2.  Thomas,  lieutenant  au  lO»  Bataillon  de  chas.soiirs,  rue  de  Valmy,  .38. 

4617.  Thomas,  (M"""),  place  de  Tourcoing,  3. 

1926*  Thomas  (Pierre),  négociant  en  papiers,  rue  des  Arts,  47. 

991.  ¥ttOMAS-LESAY,  propriétiiire,  rue  Nationale,  279. 

3651.  "Thomassin  (Fernand),  fondé  de  pouvoirs,  rue  Çatou,  13. 

4320.  Tilloy  (M""  Ernest),  propriétaire,  rue  Nationale,  163. 

95.  TiLMANT  (Lucien),  boulevard  des  Ecoles,  20. 

2658.  TiPREZ  (Auguste),  sjndiedes  f;iillite.%  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  89. 

3391.*  TiTREN  (Théop.),  5^, A. ^, Vice-Prés,  du  Bur.  de  bienf.,  pi.  Gormont('iigne,24. 

409.  ToussiN  (Georges),  filateur  de  coton,  rue  Royale,  55. 

2152.  Tranmn  (Henri),  I.  ^,  rue  de  Loos,  13. 

1162.  Trisbourg  (Ernest),  rue  St- André,  48. 

4489.  Trochon,  directeur  de  l'Union  Industrielle  du  Nord,  b''  de  la  Liberté,  50. 

4721.  Tronquez  (Anatole),  employé,  rue  du  Molinel,  53. 

2404.  TuRCK  (Georges),  A.  ys,  sculpteur,  rue  Solférino,  283. 

202.  Thys  (Alphonse),  fondé  de  pouvoirs  de  la  maison  A.  Grepy,  r.  des  Jardins,  24. 

2133.  Uhlig  (Henri),  négociant  en  vins,  rue  Solférino,  229. 


4485.  Vacossin-Decaux,  propriétaire,  rue  Blanche,  .'')7, 

3034.  Vahé,  ancien  notaire,  rue  Royale,  9(3. 

3903.  Vaillant,  répétiteur  général  au  Lycée  Faidherbe,  pi.  du  Lion-d'Or,  14  bis. 

1898.  Vaillant  (M""*),  propriétaire,  rue  Colbrant,  8. 

3168.  Vaillant-Deschins,  entrepreneur,  rue  Inkermann,  49. 

1082.  Vaillant-Herl.and  (E.),  î^,I.fy:,0.»Ji,0.<<,»î<,  vice-consul  de  Perse,  place  de 
Béthune,  7. 

387.  Vaille  (Mi'e),  A.  tj,  institutrice,  rue  des  Tours,  14. 

437.  Valenducq  (Jean),  propriétaire,  rue  de  la  Préfecture,  I  ter. 

3075.  Valentin  (A.),  pharmacien,  rue  do  Wazemraes,  79. 


42  LILLE. 

NO^d'ins-  MM. 

cription.  *  .    . 

32G3.  Valin  (G.),  bandagiste,  me  Esquermoisc,  3G. 

3084.  Vallet  (Léon),  lioulevard  de  la  Liberté,  223. 

708.  Van  Butséle  (Edmond),  courtier,  rue  Louis  Faure,  8. 

1463.  Van  Butsèle  (Louis),  apprèteur,  rue  d'Arras,  00. 

4678.  Vancostenobel  (Albert),  rue  ^Molière,  8. 

4712.  Vandaele  (Louis),  rue  Esquerraoise,  05. 

4810.  Vandame  (André),  nie  St-Gabriel,  50). 

1088.*  Vandame  (Emile),  brasseur,  rue  Royale,  102. 

1089.  Vandame  (Georges),  brasseur,  conseiller  général,  rue  de  la  Vignette,  65.. 

2063.  Vandame  (Joseph),  brasseur,  eue  de  Tenremonde,  10. 

4849.  Vandamme  (Paul),  rue  du  Gros-Gérard,  23. 

3898.  Vandamme-Bkoutin,  rue  des  Postes,  14. 

2137.  Van  den  Baviiîre,  principal  clerc  de  notaire,  rue  de  Torphéon,  22. 

1559.*  Vandenbergh,  1.  %},  architecte,  boulevard  de  la  Liberté,  40. 

3584.  Vandenbeusch  (Ferdinand),  sculpteur,  rue  St-Étienne,  06. 

2330.  Van  den  Bulcke,  architecte,  rue  de  Valmy,  30. 

2537.  Vandenbussche  (Gaston),  négociant,  place  Philippe-de-Girard,  17. 

3358.  Van  den  Driessche,  représentant,  rue  d'Artois,  52. 

412.  Van  den  Heede  (Adolphe),  0.  ^,  ►J',  ancien  horticulteur,  rue  St-Firniin,  18. 

1055.  Vandenhende  (Jules),  négociant  en  épiceries,  rue  des  Guinguettess,-  79.     ' 

4315.  ;Vandervinck  (Léon),  rue  Nationale,  218.  •' •  '    • 

2065.  Van  de  Walle  (M"*"),  propriétaire,  rue  Nationale,  270.  ' 

783.  Vandeweghe  (Albert),  filateur,  rue  Patou,  1.  ' 

2763.  Vaneste  (Auguste),  bijoutier,  rue  Nationale,  90. 

4270.  Van  Eycke  (François),. tailleur,  boulevard  de  la  Liberté,  7A)  bis. 

2664.  Van  Grevelynghe  (Ernest),  chimiste,  place  de  Tourcoing,  7. 

4623.  Vangrevenynge,  instituteur,  avenue  des  Lilas,  4. 

2281.  Vanlaer  (Emile),  notaire,  boulevard  de  la  Liberté,  84. 

2260.  Van  Mansart,  propriétaire,  rue  de  l'Hôpital-Militaire,  108.  '■^^ 

4011.  Van  Peteghem  (Albert),  négociant,  rue  de  Tui^enne,  .52.     '  >•  ' 

1094.  Van  Remcortère,  ancien  magistrat,  rue  Solférino,  288.  '■'■  ■ 

3831.  Van  Ryswyck  (Marcel),  rue  Jean-Barf,  32.  •'' 

4717.  Vansteenberghe  (Madame  veuve)^  rentière,  rue  Henri-Kolb,  41. 

314(J.  Vantourout,  propriétaire,  rue  Jeanne-d'Arc,  21. 

2509.  Van  Troostenberghé  (Théophile),  courtier  en  fils,  rue  Jean-Bart,'20. 

1085.  VÀNTERTS,  pharmacien,  nie  de  Paris,  199. 

2811.  Varaigne  (Louis),  propriétaire,  rue  de  la  Bassée,  54. 

3835.  'S'asse  (Joseph),  percepteur  eii  retraite,  riu^  Brûle-|Maison,  7.3. 

121.  Vatlnelle  (Jules),  représentant,  rue  Barthélemy-Delespaul,  ISS. 

47.50.  Vauban  (Jules),  négociant,  boulevard  de  la  Liberté,  235. 
3900.*   Veilletet  (Madame),  hôtel  Terminus,  gare  de  Lille. 

2062.  Vercoustre  (M""=  Léon),  rue  Ste-Catherine,  7.   . 

2493.  Verdier  (Jean),  négociant,  en  charbons,  rue  Solférino,!  225. 

4023.  Verdun,  A.  tj,  professeur  à  la  Faculté  de  Médecine,  rue  du  Palais,  0.   .' 

4782.  Verhaeghe  (Madame),  rue  Colbert,  29.  .: 

3154.  Vérin  (Emile),  négociant,  boulevard  Vauban,  90.  .  .' '  • 

1702.  Verlé,  chef  du  service  extérieur  du  Gaz  de  Wazemmes,  rue  d'Iéna,  66  bis. 

.563.  Verley  (Charles),  G.  ►J",  ancien  prés,  du  Trib.  de  Com.,  rue  de  Voltaire,  ,40. 

2885.  Verley  (Madame  Benjamin),  propriétaire,  rue  Marais,  13. 

1793.  Verley-Bigo  (Pierre),  banquier,  rue  Royale,  49.  ..    v     ,. 


43 


NOS  d'ins-  j^j^j_ 

cription. 

1145.  Verley-Bollakrt,  banquier,  boulevard  île  la  Liberté,  i). 

2900.  Verley  (Georges),  négociant,  rue  Royale,  103. 

2526.  Verlinde  (Auguste),  A.  %},  constructeur,  boulevard  Papin,  4. 

15.  Verly,  ^,  liomnie  de  lettres,  vice-président  honoraire,  rue  Solférino,  7. 

2428.  Vermersch  (Albert),  A.  %},  docteur  en  médecine,  ru«  des  Postes,  95. 

737.  Vermesch,  représentant,  rue  Grande-Chaussée,  26.  . 

4110.  VÉRON",  capitaine  rapporteur,  rue  Blanche,  62 

4628.  Verschlkre-Hricqiet,  rentier,  rue  du  Château,  26. 

3803.  Verstr.vete  (Docteur),  rue  Solférino,  190. 

3509.  Vienne  (D-),  rue  Nationale,  320. 

3935.  Vienne-Bar.vtte,  bouh'vard  de  la  Liberté,  3. 

3468.  ViFQUAiN  (Léon),  fabricant,  rue  Pierre-Lcgrand,  331. 

3725.  Vigin-Warambourg,  négociant,  rue  du  Vieux-Faubourg,  18. 

44.32.  ViGNOL  (Madame),  rue  St-Genois,  12. 

2408.  Vilain  (Paul),  architecte,  rue  Petite-Allée,  16-18. 

2232.  ViLLAiN  (Roméo),  constructeur,  rue  des  Rogations,  18. 

3093.  ViLLETTE  (Eugène),  A.  ^,  industriel,  rue  Jean-Levasseur,  4. 

854.  ViLLETTE  (Paul),  propriétaire,  place  SéBastobol,  32. 

4419.  ViLLETTE,  rentier,  rue  Fabricy,  2. 

3683.  Vincent,  0.  ^,  1.  ij,  ().  §,  préfet  du  Nord. 

402.  Vincent  (Georges),  agent  d'assurances,  rue  Dcsmazières. 

.594.  ViRNOT  (Urbain),  propriétaire,  rue  de  Thionville,  .5. 

785.  ViRNOT  (Victor),  négociant,  rue  de  Gand,  2. 

4434.  .  ViSTE,  entrepreneur,  rue  Gambette,  8. 

4853.  ViTTU  (Lueieu),  rue  Gounud.  Ki. 

4236.  VoiTURiEZ  (Docteur),  rue  Jacquemar.'^-Giélée,  .5.3. 

3440.  VoiTURiEZ,  industriel,  rue  .Jacquemars-Giélée,  135. 

4182.  VoREUX  (Joseph),  fabricant,  rue  de  Rocroy,  4. 

4677.  VyvLSTEKE  (Madame),  rue  Colson,  10. 


3346.     Wagnier  (Charles),  huissier,  rue  de  Bourgogne,  16. 

.3335.     Walbecq,  ►J»,  négociant,  16,  rue  de  l'Hôpital-St-Roch. 

3927.     Walker  (.James),  Vice-Consul  d'Angleterre,  rue  des  Stations,  95. 

3967.     Walker  (Henry),  industriel,  rue  de  Turenne,  44. 

312.     Wallaert  (M"'«  Auguste),  boulevard  de  la  Liberté,  23. 

969.*  Wallaert-Barrois  (Maurice),  manufacturier,  boulev.  de  la  Liberté,  44. 
2.395. **Wallaert  (Georges),  manufacturier,  place  de  Tourcoing,  0. 
4802.     ^^'ANNEBROL■CQ  (Maurice),  rue  de  Bourgogne,  20. 
1828.     "NVarein  (Henri),  ^,  constructeur,  boulevard  Montcbello,  .54. 

27S.     Wargny,  fondeur  en  cuivre,  juge  au  Tribunal  (le  Commerce,  boulevard  de  la 

Liberté,  18.5. 
4752.     Wargny-Caron,  négociant,  rui'  Nationale,  100. 
3295.     Waterlot-Lambelin  (Henri),  propriétaire,  9,  place  de  Tourcoing. 
3918.     Watrelot  (Eugène),  rue  d'Angleterre,  39. 
2740.     Watrelot  (Henri),  propriétaire,  rue  du  Palais,  2. 

803.     Watteau  (E.),  négociant  en  charbons,  rue  Jeah-sans-Peur,  44. 
4807.     Wattel  (Floris),  représentant,  rue  d'Artois,  04. 
4370.     Wattinne-Vandamme  )M'""),  rue  Nationale,  232. 


N"d'ins-  I\IM. 

criptioti. 

4828.  Wauquier  (Georg's),  constructeur,  rue  de  W;i7,emmes,  07. 

575.  Wkber  (M"'»  veuve),  rentière,  rue  des  Fosses-Neufs,  <«. 

4326.  Weiss  (Edmond),  négociant,  rue  André,  17. 

4327.  Weiss  (Y.vsn),  A.^,  négociant,  boulevard  de  la  Lil)erté,  l.'J7. 
2104.  Wemaere  (Constant),  négociant,  rue  Solférino,  222. 

827.  Weuquin  (Edouard),  A.  tj,  avocat,  rue  des  Fossés,  8. 

42.50.  Werquin,  propriétaire,  rue  Lequeux,  3. 

3840.  WiART  (Georges),  tapissier-décorateur,  rue  Nationale. 

848.  WiCART  (Alphonse),  fabricant,  rue  Tenremonde,  7. 

2958.  WiLLM  (Edmond),  prof,  lionoraire,  à  la  Faculté  des  Sciences,  rue  Barthélémy' 

Delespaul,  87. 

4392.  WoLFK  (Colonel),  C  î^,  rue  Baptiste-Monnoyer,  17. 


lioniiiic. 

1251.    JoLivET  (G.),  propriétaire. 
1878.     NicOLLE  (Louis),  manufacturier. 
307.     Verstraete  (Madame  Eugène),  propriéUiire. 


liOinpret  {Xord), 
3547.     Marescaux  (Plorimond),  horticulteur. 

lioudreii». 

58.     Cambox  (Paul),  C%,  IQ,  G  G  «^,  ambassadeur  de  France. 
1478.**J.  FoRSTER,  docteur  en  médecine,  10,  Sl-George's  Road  Eccleston  Square. 

liOOS  (Nord), 

1Ô93.  Arnould  (Colonel),  j^,  ►{-.,  rue  Ganil)eita,  24. 

3419.  Cousin  (Paul),  grande  route  de  Béthune,  174. 

4070.  Designolle  (Emile),  chef  du  bureau  à  la  Préfeciurc,  rue  de  la  Deùle,  10. 

4408.  Dewaii.ly  (Henri),  pharmacien,  Grande  route  de  Béthune,  141. 

3808.  Grandel  (Paulin),  ingénieur,  directeur  technique  des  usines  Kuhlmann. 

4170.  Jacqmarcq  (Docteur),  grande  route  de  Béthune,  82. 

802.  Laine  (M""-  Veuve),  distillateur. 

40(j8.  Lepers  (Louis),  propriétaire,  grande  route  de  Béthune,  21. 

4555.  Lezaire  (Denis),  brasseur,  rue  d"Ennequin,  07. 

4578.  Lezaire  (Camille),  brasseur,  rue  d'Enneqtiin,  ()7. 

4.572.  Ramon,  cultivateur. 

2040.  Rossignol  (Emile),  rue  d'Enncquin,  4. 


liOii|;-wy-llaii(  {Mt'i(rtln'-e(-M()Sello). 
4189.     d'Hespel  (Adalberi),  clief  de  bataillon  au  102e  régiment  d"infanterie. 


N»«  d'ins-  MM . 

criptioD. 


llnrcq-eit-Barocal. 


1958.  Catry-Desprktz,  industriel. 

4520.  CoPi'iN  (Maurice),  rue  Nationale,  113. 

2005.  DucKOCQ  (M'"'^  Paul). 

2852.  Franchomme-Descamps,  château  du  Lazaro. 

4fô2.  Lamblin  (Victor),  propriétaire. 

4253.  Lesaffre  (Emile),  industriel. 

1945.  Muluez-Samin,  propriétaire. 

2253.  Vanderha«hen  (M"»«  Georges),  brasseur. 

Marquette. 

2G68.     Laritière  (René),  de  la  maison  J.  Scrivcet  fils. 

Marqulllles. 

3532.     Boulanger  (M"""),  propriétaire. 

.Henlu  (Belfjique). 
3738.*  Michel-Jackson,  industriel. 

llerville. 

3928.    Duhamel  (Léon),  industriel. 

Meureliiii. 

'iSOl.     Tacqiet,  directeur  des  Mines. 

Moiidrepuis  (Aisne). 
407.     Lkkkkvre  (l'>nest],  propriétaire. 

SIou«»-eu-]larœiiI. 

4120.  Barbe  (Madame),  route  de  Roubaix,  74. 

2214.  Boucquey-Richard,  route  de  Roubaix,  41. 

41G2.  Coisne-Mauviez  (Madame),  route  do  Roubaix,  01. 

4092.  Daubresse-Mauviez,  propriétaire,  route  de  Roubaix, 

1581.  Delespaul-Gardon,  propriétaire,  route  de  Roubaix,  iô. 

4215.  Devernay  (Félix),  propriétaire,  rue  de  Roubaix,  97. 

4745.  Druksnes,  Professeur  au  Lycée  Faidherbe,  rue  de  Roubaix.  187. 

4811.  DuTREcti  (M"e  .Jeanne),  rue  de  Roubaix,  230. 

4010.  Ferraiu.e,  ancien  pharmacien,  route  de  Roubaix,  3(Xj. 

480>i.  Ghémar  (Georges),  étudiant,  rue  Désiré  Courcol,  ."i. 


No^d'ins-  MM. 

cription. 

3993.*  Gras-Copie,  rue  Mirabeau,  34. 

3088.  Ley-Gaudoux,  boucher,  rue  Yictor-Hugo,  7. 

4624.  Manier,  iostituteur. 

4664.  Mayette,  rue  Chateaubriand,  I. 

4538.  Michaux  (Paul),  employé,  rue  de  Roubaix,  127. 

4005.  Pagnerre,  architecte,  route  de  Roubaix.,  261. 

4610.  Potïier,  filateur,  rue  Pasteur,  13. 

4651.  Solbreux  (Henri). 

4719.  Thuvien,  ingénieur,  rue  Chateaubriand,  7. 

1819.  Vandorpe-Grillet,  négociant,  route  de  Roubaix,  3. 

784.  ViRNOT  (A.),  négociant. 

4491.  Waymel  (Paul),  brasseur. 

Moueliin  (Nord). 
2260.     \arlet  (Pierre),  propriétaire. 

.Uousȕ'i*ou. 

2765.    De  Geyter,  ingénieur. 

llouvaux  {prés  Roubaix). 
•963.    Masurel-Jonglez  (M™«  V^<=),  propriétaire,  route  de  Lille. 

Mice. 

2832.    Delannoy  (Clotaire),  rue  ÎNIacaragni,  12. 

IV3clle»i-lcz-Bléqiiiii  (Pas-de-Calais). 
4455.*  QuENSoN  DE  LA  Hennerie,  ÏMaire. 

OIg'Mic!«  {P.-dv-C). 

2582.    Boulanger  (Charles). 

4247.     Buchet  (Henri),  agent  général  des  mines  d'Ostricourt. 

2.323.     Savary  (.I.-B.).  brasseur. 

OreliiC5i. 

3970.     Cochet,  propriétaire.  Grande  Plac.^. 

Parifs. 

4051.     Boudât  (Gaston),  conférencier,  avenue  de  la  Grande-Armée,  22. 
1086.     CRiiPY  (Auguste),  rue  de  Flandre,  123. 
477(i.     Delsart,  rue  Murillo,  (i. 


—  M  — 

N»'d'ltis-  MM. 

cription. 

2523.     Descamps  (Auguste),  boulevard  Beauséjour,  1,  Passy. 
2847.     DoiiY,  négociant,  me  Michel-Auge,  \)his  (XVI«).  . 

863.     DuBAR  (Paul),  rue  Pierre-le-Grand,  9. 

766.     Du  Bousquet,  ^,  ►J',  S,  ingénu  en  chef  de  la  Traction  au  chem.  de  fer  du  Nord 
2862.**Gallois  (Eugène),  explorateur,  rue  de  Mézières,  6. 

570.    Jacquin  (E.),  insp.-chef  de  service  au  Gh.  de  fer  du  Nord,  rue  de  Chabrol,  12. 
3U)0.    JuNOT,  directeur  de  l'agence  des  Voyages  Pratiques,  rue  de  Rome,  !). 
i74i.**PHALEMPiN,  G.  4*1  avenue  des  Ternes,  70. 

96.**REN0UARn  (Alfred),  I.  %},  adm'' gênai  des  S^és  techniques,  rue  Mozart,  4!). 
28.33.     Sautai  (Charles),  propriétaire,  avenue  de  Friedland,  6. 

2259.     BoucHERY  (Henri),  directeur  de  peignage. 

■*erii^vel«. 

4.'")93.     Lksens  ((ieorges), ancien  juge  de  paix. 

Plialeiii|)lu. 

1420      Kaboisson,"  rentier. 
4099.     S  ANTRE,  directeur  d'école. 

I*«»ii  t-à-ila  rc«| . 

4798.     DiSTiNGHiN  (François),  propriétaire. 

Pont-de-nfie|>|»e  {Nord). 
2(584.     Ghieus-Ernout,  brasseur. 

f|uesuoy-j8ui*  DeùRe. 

2817.  Dervaux  (Maurice),  filateur. 

3613.  Dervaux  (Victor,  fils),  filateur. 

1655,  Lepergq-Gruyelle  (Madame  Paul),  fabricant  d'huiles 

46;^7.  Pasquesoone,  assurances. 

4.521.  Vandermersch  (Albert),  fabricant  d'huiles. 

Roncq. 

2030.    Delahousse  (Lucien),  fabricant. 

Roiicliiii. 

3Î)64.  -  Decourrière  (Th.),  route  de  Douai,  l.iO,  au  Petit-Ronchin. 

10î)l.     Grolez  (Jules),  pépiniériste. 

1674.     Tagquet-Decrombecque,  route  de  Douai,  108,  au  Petit-Ronchin. 


N°'  d'ins-  MM . 

crlptlon. 


-48- 


Roubalx. 


2042.    Allard  (Alphonse),  entrepreneur,  rue  Notre-Dame,  24. 

2706.*  Allarï,  ancien  maire,  Grande-Rue,  144. 

3782*  Arnould-Delcourt  directeur  d'assurances,  boulevard  de  Paris,  51. 

20G7.*  Bastin  (Alexandre),  négociant,  boulevard  d'Armentières,  108. 
2G80.    Bavard  (Alfred),  propriétaire,  rue  Boucher-de-Perthes,  89. 

775.     Bayart  (Charles),  fabricant  de  tissus,  rue  de  la  Fosse-aux-Chênes,  33. 

891.     Bayart  (Alexandre),  commis-négociant,  boulevard  de  Strasbourg,  86. 
466().     BÉRAT  (M"*'),  fleuriste,  rue  de  la  (iare,  5. 
4477,     Bernaert,  rue  de  l'Espérance,  1. 
1216.     Bernard,  docteur  en  médecine,  rue  Pierre-Motte,  .55. 
3129.     Bernard,  bois  de  teinture,  rue  des  Longues-Haies,  23. 
4119.     Bettremieux  (Paul),  docteur  en  médecine,  rue  St- Vincent-de-Paul,  30. 
3456.     Bipper,  A.^,  directeur  du  conditionnement,  boulevard  d'Halluin,  3."). 
3189.*  Bossut-Sgrepel,  fabricant,  boulevard  de  Paris,  108. 

773.*  Boulenger  (E.),  A%),  O.  ►J»,  négociant  en  tissus,  place  Chevreuil,  14. 
478.').     Buulenger  (H.  V.),  nie  Colberl,  (S. 
4()5(j.     BouvRY  (Albert),  architecte,  rue  Neuve,  48. 
1167.     BracivERS-d'Hugo,  fabricant,  rue  de  Moiivaux,  26. 
2476.     Broquet-Francho.mmk,  négociant,  rue  du  Vieil-Abreuvoir,' 39. 
3292.     Buns,  huissier,  rue  du  Vieil-Abreuvoir,  31. 
'i'i9().     HiJHKARD,  ingénieur,  rue  du  (Iraud-Ghemin,  01. 
131fâ.     Bhtruillk  (le  docteur),  A.  y:,  rur  du  CliàUsHu,  13. 

4.'313.     (<AKiAGE,  directeur  de  filature,  rue  Chanzy,  61. 
'i'i27.     Carissimo  (Feruand),  négociant,  rue  de  l'Industrie,  ."il. 
142.5.     Carissimo  (Florent),  fabricuit,  rue  N.-iiu,  17. 
772.     Carissimo  (Madame  Henri),  rue  «lu  (ir.uid-Chemin,  68. 
3201.*  Cateau-Hannart  (Alexandre),  rue  Dammartin,  20. 
1900.     (^ATTEAu  (.1.),  employé-  de  commerce,  rue  Sainte-Thérèse*,  67. 
41 IC).     ('<HAMPiK  (Victor),  #;,  .idiuinist.  «le  l'Ecole   iiat.   des   Arts   industriels,  place 

Chevreul. 
2489.     Chattelevn  (Fédix),  avocat,  rue  Mimerel,  1.5. 
4.5il.     Clacdk,  notaire,  rue  Neuve,  43. 
3178.     Clétv,  avocat,  rue  St-Georges,  40. 
43<)1.     CLiiVE,  directeur,  boulevard  de  la  République,  29. 
1575.*  Constant,  pharmacien,  boulevard  de  Paris,  1. 
18.57.     Craveri  (Annibal),  boulevard  de  Cambrai,  40. 

4195.  Damez  (Alfred),  rédacteur  en  chef  du  Nord-Touriste,  r.  du  Général  Chanzy,  29. 

4.52 'i.  Danset  (Camille),  Agent  d'Assurances,  rue  Notre-Dame,  30. 

3820.  Daiitremkr  (Paul),  représentant,  rue  du  Coq-Français,  123. 

3818.  Dazin  (Meiie  Louise),  propriétaire,  rue  Neuve,  .54. 

.3953.*  Dazin  (Victor),  rue  Neuves,  49. 

4321.  Dazin-Fijpo  (M""'  veuve),  propriétaire.  Grande  rue,  105. 

4198.  De  Bkoker  (.Jules),  teinturier,  boulevard  de  Cambrai,  12. 


KOl'BAIX  49 

Nadine-  IVIM 

cripfion. 

3271.  Dehi.ock  (Albert),  pharmacien,  rue  do  l'Kptnile,  178. 

'i'i78.  Dekiichy  (Docteur),  (îraiide-Hue,  2'ii. 

4.T)3.  1)K  CvLi.ENsTEiN  (Augustu),  bijoutior,  (irainrUiic,  18. 

'i7y12.  De  Cuabert  (Docteur),  rue  des  Arts,  57. 

866.  Dechenaux  (Edouard),  courtier,  rue  de  Lille,  7A. 

'i708.  Dkfrenne  (Edouard),  boulevard  de  Cambrai,  :J0. 

3131.  Dkgraeve  (Emile),  manufacture  de  caoutchouc,  rnv  du  Coq- Français. 

3044.  De  Lanoë,  ingénieur,  rue  Vauban,  25. 

3960.*  Delattrk-Varleï  (Achille),  rue  Neuve,  40. 

2639.  Delesau.e  (Gh.),  agent  d'assurances,  rue  Dauimartin,  '^i. 

338(5.*  Delescluse  (Félix),  industriel,  boulevard  de  Belfort,  74. 

3378.*  Delescluse  (Louis),  industriel,  rue  du  Coq-Français,  108. 

4486.  Delest.\i<g,  rue  Nain,  .53. 

4794.  Delmasure  (Paul),  négociant  en  laines,  rue  du  collège,  150. 

2781.*  Delvas,  négociant,  boulevard  d'Arinenùères,  119. 

21570.  Demilly  (Arthur),  négociant,  rue  Pauvrée,  19. 

4020.  Dernoncourt  (Jules),  représ,  de  la  C'e  des  Mines  d'Anzin,  rue  d'Alsace,  70 

4325.  Derville,  docteur,  rue  du  Grand  chemin,  ,58. 

3819.  Derville  (Eloy),  entrepreneur,  rue  Saint- Vincent-de-Paul,  20. 

3794.  Derville-Wibaux  (Louis),  entrepreneur,  rue  Saint-Vincent-de-Paul,  Ki. 

864.  Desbonnets  (Alfred,  fils),  négociant,  rue  Mimerai,  4. 

4768.  Descat  (Georges),  négociant,  rue  de  l'Epeule,  177. 

2814.  Deschodt  (Georges),  pharmacien,  Grande-Rue,  26. 

4205.  Desmarchelier  (Georges),  fabricant,  rue  Nain,  .30. 

2499.*  De"spatuke-Grymonprez  ,    membre    de    la    Commission   administrative    des 

Hospices,  rue  d'Inkermann,  32. 

4479.  Desrousseaux  (Aristide),  négociai: L,  b''  d'Armentières,  115. 

4646.  De.srousseaux  (Hector),  employé,  1  oulevard  de  la  Répulilique,  35. 

2035.*  Destcmbes  (Louis),  entrepreneur,  rue  Neuve,  21. 

2041.  Destombes  (Paul),  «J*,  architecte,  rue  de  Lille,  61. 

3032,  Destombes  (Pierre),  propriéfeiire,  boni  'vard  de  Cambrai,  33. 

3037  Devkugle-Quint,  industriel,  rue  de  Lill  ;,  178. 

3240.*  Dewaeghenaere  (Oscar),  marchand  tjtilltur,  rue  de  la  Gare,  '^i. 

882.*  Dhalluin-Lepers  frères,  fabricants,  rue  de  la  Fosse-aux-Chênes,  21  bi'- 

4411.  D'Halluin  (Jean),  clerc  de  notaire,  rue  de  Lille. 

3038,  Dhalluin  (Paul),  entrepreneur,  rue  du  Moulin,  50. 

2679.  Didry  (Fidèle),  pharmacien  de  l'«  classe,  rue  Notre-Dame,  32. 

.3947.  DisPA  (Jules),  fondeur,  rue  de  Lommelet,  31. 

.■i2l0.*  Droulers  (Charles),  rue  de  Dammartin,  46. 

.3.569.  Dubar-Pennel  (Firmin),  rue  de  Lille,  20. 

2141.*  DuBURCQ,  pharmacien,  contour  St-Martin,  10. 

4793.  Ducatteau  (Paul),  rue  Richard  Lenoir,  35. 

3715.  DucouLOMBiER  (Victor),  négociant,  boulevard  de  la  République,  65. 

3726.  DuFOSSEz,  comptable,  rue  de  la  Gare,  72  bis. 

3949.  DuJARDix  (Eugène),  négociant,  Grande-Place,  6. 

3405.*  Duj.VRDiN  (Jean),  représentant,  rue  de  l'Industrie,  47. 

4089.  Dumoulin  (Arnould),  industriel,  rue  Descaries,  67. 

911.  DupiN  (Eugène),  négociant,  rue  Charles-Quint,  .32. 

890.  Durant  (Clément),  A.  ij^  publiciste,  rue  des  Champs,  7. 


50  KOUBAIX. 

N'o^d'ins-  MM. 

cription. 

3948.  Durant  (Emile),  commerçant,  rue  de  la  Gare,  115. 

4288.  D'UssEL  (Guy),  négociant,  hôtel  Ferraille. 

652.  Duthoit-Delaoutre,  propriétaire,  rue  Saint-Georges,  35. 

4550.  DuviLLiER  (Jules),  courtier-juré,  rue  Pellart,  82 


1116.  Eeckman  (Henri),  agent  général  d'assurances,  rue  de  Lannoy,  93. 

424.*  Eloy-Duvillier,  fabricant,  boulevard  de  Paris,  67. 

3405.*  Eloy-Lecomte  (Emile),  fabricant,  boulevard  de  Paris,  135. 

4122.  Ernoult  (.lulers),  filateur,  rue  du  Grand-Chemin,  72. 

163.  Faidherbe  (Alexandre),  1.^:,  ►J<,  professeur,  rue  Isabeau-de-Roubaix,  17 

164.  Faidherbe  (Aristide),  instituteur,  rue  Krézin,  48. 
349.     Ferlié  (Cyrille),  négociant,  rue  Neuve,  27. 

3033.     FÈVRE  (V.),  banquier,  rue  du  Pays,  16. 

4652.  Figuier  (Julien),  employé,  rue  de  Gassel,  29. 
4322.     Flipo-Cousin,  propriétaire,  Gramie-rue,  159. 

4786.  FoHLEN  (Désiré),  négociant,  rue  du  Chemin  de  Fer,  25. 

1882.  Fontaine,  notaire,  rue  Saint-Georges,  25. 

861.  Fort  (J.),  négociant  en  tissus,  rue  de  Lille,  41, 

4791.  FouRNiEZ-DELAHaYE  (César),  négociant  eu  laines,  rue  des  Arts,  17. 

2486.*  Gambart  (René),  docteur  en  droit,  rue  Nain,  16. 
3179.*  Gaydet  (Paul),  teinturier,  rue  du  Grand-Chemin,  48. 
3383.*  Glorieux  (Henri),  fabricant,  rue  Charles-Quint,  44. 
3914.     Goupil  (Jules),  expéditeur,  rue  du  Grand-Chemin,  6'i. 
4643.     Goupil  (Pierre),  expéditeur,  rue  des  Arts,  63. 
4387.     Grandsir  (Edmond),  négociant,  boulevard  Gambetta,  96. 
4422.     Grandvarlet  (Paul),  rue  du  Grand-Chemin,  .33. 
3184.     Grimonprez  (Paul),  négociant,  rue  du  Chemin-de-Fer,  9. 
4497.     Gruaux  (Achille),  négociant,  rue  Blanchemaille,  29. 
2801.     Grymonpré-Destombes,  rue  des  F;d)ricants,  10. 

4035.*  Hannart  (M"»  V^«  Georges),  rue  de  Barbieux,  30. 
3267.     Hannotte-Demanne  (M'"«),  propriétaire,  rue  Notre-Dame,  43. 
4556.     Heyndrickx  (Pierre),  manufacturier,  rue  Dammartin,  39. 
4421.     HuBAUX  (Arthur),  teinturier,  rue  Inkermann,  94  biù. 
4444.    Huvenne,  entrepreneur,  rue  Fontenoy,  84. 

1119.*  Izart  (Jules),  négociant  en  tissus,  rue  d'Isly,  19. 

4117.    Janssens-Deroubaix,  négociant,  rue  du  Chemin-de-Fer,  27. 

4653.  Jonniaux  (N'alery),  employé,  rue  d'Alsace,  34. 
4337.    Jonville  (Paul),  négociant,  rue  St-Georges,  45. 
3181.*  Jourdain  (Albert),  négociant,  boulevard  de  Cambrai.  65. 
2066.*  JouRDiN  (Aug.),  négociant,  rue  Vauban,  14, 

161,    JuNKER  (Ch.),  1.  ij,  filateur  de  soie,  rue  d'Avelghem,  58. 


ROUBAIX  51 

cription. 

248'i.     Koszri,  (Julien),  (lircclcur  do  l'Ecole  iiatioii.ilc  i\v  musique,  r.  Charles  Quint. 

3372.*  Lavage  (César),  ni'fçociant,  rue  l'ierre-Motte,  .").'?. 
2581.     Lai;bier  (Jules),  employé,  rue  Golbert,  4. 

640.*  Leburque  (Oscar),  A.  tj^  négociant  en  tissus,  rue  de  la  Gare,  !M. 
4277.     Lechanueliek  (Augusle),  directeur  de  filature,  rue  Chanzy,  4G. 
1024.*  Leclercq-Hi;et,  fabricant,  boulevard  de  Paris,  74. 
3392.*  Leclercq-Muliez,  industriel,  rue  St-(îeorges,  42. 
4610.     Leduc  (Octave),  négociant,  rue  Pellart,  73. 
3720.     Lefebvre  (Jean),  négociant,  rue  de  Lille, '.»'.i. 
4665.  .  Lemaire-Duvillier  (Madame),  boulevard  de  Paris,  123. 
3946.     Lepers  (Georges),  docteur  en  médecine,  rue  du  Trichon,  (35. 
1641.*  Leplat  (César),  propriétaire,  rue  Inkermann,  94  ter. 
4495.     Lei'OUTRe  (A'""),  manufacturier,  rue  Pellart,  .'36. 
451 'i.     Lei'outre  (Louis),  manufacturier,  rue  du  Pays,  21. 
3822.     Léser  (Emile),  rue  des  Longues-Haies,  8. 
4800.     Lessens-Dautremer,  boulevard  riambett;i,  38. 
■3208.*  Lestienne  (Waldcmar),  négociant,  rue  Neuve,  60. 
3525.     Lesur,  représentant,  rue  Vauban,  57. 
3083.     Levelgle,  commerçant,  Grande-Rue,  262. 
4709.     Leveugle,  rue  d'Alma,  22. 

3374.*  LoRTHiois  (Joseph),  négociant,  rue  Inkermann,  87. 
2475.     Loucheur-Facques,  négociant,  Grande-Rue,  10. 
4368.     Lussiez  (Charles),  représentant  des  mines  d'Aniche,  rue  du  Guroir,  59. 

3485.     Martin-Fjie.mont,  comptable,  rue  de  Lannoy,  .58. 
4206.     Masson  (Madame  Armand),  propriétaire,  rue  Neuve,  SJ. 
3390.*  Masurel  (Emile),  propriétaire,  rue  de  Barbieux. 
2488.    Masurel  (Madame  Veuve  Eugène),  rue  du  Manège,  .3. 
3391.*  Masurel  (Georges),  boulevard  de  Cambrai. 

.552.     Masurel  (Paul),  propriétaire,  négociant,  à  Barbieux. 

1.56.    Masurel-Wattine  (J.),  négociant,  rue  du  Chemin-de-Fer,  48. 
3177.*  Mathon  (Eugène),  boulevard  d'Armentières,  114. 

860.     Meillassoux,  teinturier,  rue  Saint-Jean,  30. 
3164.*  Meillassoux  (Albert),  industriel,  rue  Saint-Jean,  30. 
3053.     Messelin  (H.),  rue  Dammartin,  75. 
4515.    Motte  (V^«  Georges),  boulevard  (îambetta,  27. 

327.    Motte- Vernier  (M"'^  V'''^),  négociante,  rue  Neuve,  56. 

451.     Motte  (Albert),  manufacturier,  boulevard  Gambetta,  23. 
4404.    Motte  (Etienne),  manufacturier,  Grande-Rue,  393. 
2491.*  Motte  (Eugène),  industriel,  rue  Saint-Jean,  .36. 
3185.     MousSET,  négociant,  rue  de  Lille,  15. 

3990.     Natalis  (Edouard),  négociant,  rue  Blanchemaillc,  .35. 

3192.*  Noblet  (A.),  fabricant,  rue  de  la  Gare,  20. 

4(379.     NuvTS  (Albert),  constructeur-mécanicien,  rue  d'Inkermann,  .53. 

3387,*  (Jlivier  (Léon),  ^^  membre  de  la  Chaiiilirc  du  Commerce,  rue  Daubenlon,  48. 


52  ROUBAIX. 

NO'd'ins-  MM. 

cription. 

153'i.*  r)ut)AR  (Achille),  négociant,  rue  de  l'Industrie,  59. 

4312.     Odtters-Eloy,  directeur  d'assurances,  rue  Fosse-aux-Chênes,  67. 


30.3!).  Parent  (D.),  bonnetier,  rue  S1-\'incent-de-Paul,  II"). 

30.36.  Pennel  (Auguste),  entrepreneur,  rue  du  Guroir,  (i3. 

3264.  Piat-Agaghe,  fabricant,  place  de  la  Liberté,  28. 

3929.  Picavet(M"'«  Kmile),  rue  Blanchcmaille,  118. 

2722.*  PiLLoT  (René),  courtier-juré,  boulevard  de  Paris,  4(1. 

4661.  Poissonnier,  employé,  rue  de  Valmy,  6i). 

1410.*  Pollet  (César),  fabricant,  rue  Nain,  38. 

3.393.  Pollet  (César  fils),  fabricant,  rue  du  Curoir,  .56. 

1437.  PoLLET-MoTTE  (Joscpli),  fabricauL,  boulevard  Ganibetta,  25. 

4266.  Pouille-Decressonniïire      (Avit) ,     agent     de     charbonnages,     boulevai 

d'Arni  entières,  40. 

3194.*  Poutrain  (Edouard),  assurances,  rue  Hlanchemaille,  61 

3222.*  Président  de  la  Chambre  de  Commerce. 

1039.  Prouvost  (Amédée),  ►p,  peigneurde  laines,  boulevard  de  Paris,  113. 

4207.  Prouvost  (Amédée)  fils,  manufacturier,  boulevard  de  Paris,  73. 

3389.*  Prouvost  (Albert),  industriel,  boulevard  de  Paris,  .50. 

3382.*  Prouvosï-Fauchille  (Edouard),  propriét;iire,  boulevard  de  Paris,  121. 

2881.  Prouvost-Masurel  (Paul),  fabricant,  rue  des  Fabricants,  58. 


2632.  Rasson  (Edouard),  industriel,  boulevard  de  Paris,  'i7. 

.3889.  Rasson,  entrepreneur,  boulevard  (ki  Strasbourg,  62. 

157.  Reboux  (Alfnvl),  ►J-«,  rédact.  en  chef  du /owr/(a^  de  Roubaix,  Grande-Rue,  71 

4287.  Requillaut  (Alexandre),  négociant,  boulevard  de  Paris,  82. 

4127.  Requillart  (Paul),  négociant,  rue  des  Fabricants,  7. 

3171.*  Requillart  (Victor),  propriétaire,  place  Chevreul,  8. 
3.371.*  RiBEAucouRT  (Edouard),  industriel,  rue  du  Grand-Chemiu,  .37, 

39.30.  RoBYN  (Albert),  avocat,  docteur  en  droit,  rue  de  l'Alouette,  4!». 

3.33.  RoGiER  (Moïse),  entrepreneur,  rue  de  LoiTaine,  10. 

4437.  RoMEY  (Jules),  ingénieur,  boulevard  de  Cambrai,  6. 

4101.  Rose  (l'abbé),  vicaire,  contour  St-Martin,  21. 

4500.  RossEL,  rue  d'isly,  H8. 

889.  Rousseau  (Achille),  A.  %},  maisou  Allart-Rousseau,  (ininde-Une,  142. 

607.  Roussel  (Emile),  teinturier,  rue  de  l'Epeule,  151. 

746.  Roussel  (François)  fils,  industriel,  boulevard  de  Paris,  .T). 


3153.  SegArd-Demanne,  fabricant  de  harnais,  rue  de  l'Ermitage,  21. 

3085.  Selosse  (H.),  négociant,  rue  du  Château,  15. 

3484.  Selosse  (Praxille),  négociant,  rue  du  Collège,  101. 

3348.  Selosse  (Théophile),  négociant,  rue  de  Cassel,  7. 

4635.  Seutin  (Alphonse),  professeur  de  musique,  rue  de  Lannoy,  129. 

2987.  Severin  (Madame),  A.  d,  directrice  du  Collège  de  jeunes  filles,  boulevard 

de  Douai,  4. 

4446.  Six  (Paul),  rue  du  Collège,  29. 

172.  Skène  et  Devallée,  constructeurs,  rue  Watt,  fiO. 


-  53  - 

NO'd'ins-  MM. 

cription. 

762.     Strat  (Jules),  négociant  en  tissus,  rue  Fosse-aux-Ghènes,  2'i. 
4076.     Struf  (Charles),  négociant,  boulevard  de  Cambrai,  35. 


1496.*  Ternynck  (p]dmond),  fabricant,  le  Huchoii,  rue  Barbieux. 
3126.     Ternynck  (Félix),  pyopriétaire,  rue  de  Lille,  W. 
788.*  Ternynck  (Henri),  filateur  et  fabricant,  rue  de  Lille,  25. 
4212.     Thibeau  (Ernest),  A.  %},  architecte,  boulevard  Gambetta,  19-21. 
3231.     Thieuleux-Broux  (Emile),  propriétaire,  rue  Blanchemaillc,  51. 
1213.*  Thoyer,  ^,  direcf  de  la  succursale  de  la  banque  de  France,  rue  de  Tourcoing. 
3386.*  Toulemonde  (Emile  et  Paul),  fabricants,  rue  du  Pays,  23. 
3197.*  Troller  (Léon),  négociant,  rue  de  Cassel,  3'.l. 
4557.     Turbelin  (M"*»  Arthur),  rue  du  Trichon. 

4366.  Vandamme  (Louis),  négociant  en  laines,  rue  Pellard,  162. 

4705.  Vandenbehghe-Lepol:t!?e,  industriel,  rue  Neuve,  .50. 

3373.  Vanoutryve  (Félix),  industriel,  boulevard  de  la  République,  'Jl. 

2880.  Vanoutryve  (Auguste),  fils,  industriel,  boulevard  de  la  République,  89. 

723.  Verspieren  (A.),  assureur,  rue  Dammartin,  8. 

3543.  ViLLALARD  (Louis),  agent d'affaires,  rue  delà  gare,  64. 

3530.  Waeles  (Albert),  employé,  rue  du  Collège,  95. 

4669.  Watine  (Louis),  fabricant,  Grande  Place,  49. 

745.  Watine  (Paul),  C.  <^^  propriétaire,  rue  Pauvrée,  5. 

6.30.  Wattine-Hovelacque,  propriétaire,  boulevard  de  Paris,  43. 

3388.*  Wattinne  fils  (Auguste),  rue  de  Lille,  15. 

3203.*  Wryer  (Georges),  rue  Nain,  8. 

46.5'i.  Whîaux  (Alphonse),  avocat,  rue  du  Grand  Chemin,  41. 

3022.  Wicart,  pharmacien,  rue  Blanchemaille,  134. 

2952.     Yager  (Léon),  employé,  rue  de  Lorraine,  18. 


I^aiut-Aiidré-Iez-Iiillc. 

4731.  Applincourt  (Léon),  rue  Pasteur,  2. 

48.56.  Boulanger  (M""),  rue  de  Lille,  98. 

4771.  BouR  (Camille),  rue  Ste-Hélène. 

4579.  Causaert  (Louis),  conseiller  municipal,  rue  Ste-Hélène. 

3159.  Féron,  secrétaire  de  Mairie. 

3026.  Freteur-Parent  (Albert),  rue  de  Ste-Hélène. 

3398.  HovELAQUE  (L.),  rue  de  Lanibersart,  l'i. 

4080.  Leclkrcq-Doignon,  relieur,  rue  do  Lille,  51. 

47.'35.  MoNNiER- Bride,  conseiller  municipal,  rue  de  Lille,  'lO. 

45.59.  Parent  (Alphonse),  rue  de  I^ille,  33. 

3021.  Parent-Choqukt,  rue  Sadi-Carnot,  H. 

4749.  Thomas  (.1.),  propriétaire,  rue  Faidherbo. 

4770.  Van  Asten,  cbevilleur,  rue  de  Lille,  65, 


—  f>'<  — 

N»»  d'iiis-  !>.  », 

cription.  iviui  . 

4756.  Bathiat,  docteur  en  médecine. 

4()11.  BouTRON  (Maurice),  receveur  de  l'enregistrement. 

333(3.  Glaey  (Arthur),  voyageur  de  commerce, 

4525.  Collette  (Albert),  notaire. 

3512.  Delattre-Dewaleyne,  rue  d'Arras. 

4168.  Delecambre  (Paul),  rue  Notre  Dame. 

4442.  Descamps  (M""'  V^«  Emile;. 

378.  Desurmont  (Achille),  filateur  dv  lin. 

1012.  Desurmont  (Edouard),  A.  %,},  maire,  filateur. 

3816.  DuJARDiN  (l'abbé  Achille). 

4530.  Duriez  (Henri),  filateur. 

2285.  Gruson  (Théodore),  négociant  eu  graiu.s. 

403.  Guihemaui)  (Claude),  filateur  de  lin. 

252!).  Leclercq  (Auguste),  brasseur. 

1590.  Thuet,  farinier,  7,  rue  de  Lille. 


Tciii|>|«u«e  (Nord) 

2530.  Baratte  (Paul),  A  y  maire, 

4012.  Bataille  (Alphonse),  uc-gociant. 

3057,  DoRCHiES  (FL),  nolairc 

.3048,  DuBREucQ  (Achille),  brasseur. 

2172,  Hazard-Thiekkry,  propriéUiire, 

3024.  JouNiAux,  instituteur. 

333S.  Leboucq  (Paul),  adjoiut  au  maire 

4724,  NiQUET,  directeur  de  rÉcole  des  garçons. 

3462.  ScHULZ  (Edgard),  entrepreneur. 

42.52,  Tison,  docteur  en  mi'decinr. 


TliiiiiioKiiil. 

391(i.     Damiens  (Charles),  eniployi-,  ru(-  Pasteur,  110, 
386!».     Merveille  (Alfred),  niatcnr. 


Toiil. 

248.     Bardel,  Officier  au  3<J«  régiment  d'artillerie. 

Toiireoiiiir. 


2275.     Barbenson,  A.  y^,  directeur  d'Ecole  municipale,  rue  du  Calvaire. 
3988.     Bellamv,  négociant,  rue  de  l'I'^pidème,  7, 
1360.*  Bernard-F'upo  (Louis),  filateur,  rue  de  Lille,  68. 
1240.     BiGO  (Madame  Vve),  ,-ue  de  Ouisnes,  50, 
2193.*  Binet  (Hilaire),  industriel,  rue  Cariiot,  82. 


TOURCOnsT,. 

N"»  d'ins-  MM . 

cnption. 

2274.  BiNET  (Arthur),  employé  de  commerce,  rue  de  Turenne,  14. 

4520.  l^iTTKBiKRE  (Léon),  omployé,  rue  Wiiioc-Chocqueel,  3S. 

3214.  Bon  (Théodore),  directeur  de  ri*]cole  industrielle,  rue  du  Casino,  68. 

3161.  BouRGOis  (Gustave),  entrepreneur,  rue  de  la  Croix-Rouge,  lf>5. 

1324.  Bourgols-Lemaire,  commis-négociant,  rue  Corneille,  15. 

'1.597.  Bourgois-Wattel,  brasseur,  rue  Winoc-Choqueel,  38. 

2643.  Brunkau  (Henri),  pharmacien,  rue  de  Lille,  2. 

130t).  BuLTÉ  (Eloi),  reci'veur  municipal,  rue  d'Havre,  23. 

3605.  BurtMS-DKMAY,  entrepreneur,  rue  de  Oand,  34. 


271.5.  Gallens-Boussemaert,  commis-négociant,  rue  du  Calvaire,  17. 

020.  Caulliez-Leurent  (Maurice),  industriel,-  rue  du  Dragon,  13. 

.37(56.  Chantry  (Léon),  entrepreneur,  rue  Nationale,  110. 

KWl.  Glaevs  (Jules),  pharmacnMi,  rue  Delobel,  20. 

3087.  Cordiek-Mel'risse,  A.^,  négociant,  rue  St-.Iacqucs,  40. 


lfi"34.  Da.ndoy  (Célestin),  négociant,  boulevard  (jambetta,  5. 

.3087.  Dassonville  (Victor),  filateur,  rue  de  (îand.  15. 

2824.*  Debisschop-Desïo.mues,  industriel,  rue  Desiirmont,  53. 

i'iO.i.  Deconinck-Dumortiër  (Louis),  représentant,  rue  de  la  Latte,  51. 

21iA*."  Delahols.se-Bouchart,  représentant  de  commerce,  rue  de  Gand,  25. 

2713.  Delahoisse  (Jean),  eommis-négocianl,  rue  Ste-Barbe,  22. 

.'5031.  Dei..vh(u  ssk-Leveugi.e  (Henri),  négneianl,  rue  des  Carliers,  22. 

4343.  Delannoy  (Mi-i'e  Élise),  rue  Nationale,  121. 
3620.  Delegrange  (le  Doeteur),  rue  de  Gand,  2(i. 

1205.*  Delemasuke-Flayeij.e  (Franeoi.s),  bonnetier,  rue  de  Tournai,  80. 

1!¥)8.*  Delepoi  Li,E-JoiRE,  jiégociaiit,  rue  F.everrier,  10. 

17;^.  Delepoi:lle-Jombari)  (Paul),  négociant,  rue  des  Ursulines,  30. 

.'3.5.53.  •Delehue  (Eugène),  greffier  au  Tribunal  de  Commerce,  rue  de  Houbaix,  06. 

2170.  DelescltjSE  (Edouard),  employé  d'administration,  rue  de  la  Blanche-Porte. 

4.599.  Dei.masure  (Jean),  industriel,  rue  de  Tournai,  77. 

3215.  Delrelx  (Auguste),  employé,  rue  de  l'Abattoir,  27, 

1803.  Deluue  (Louis),  repré.sentant  de  commerce,  rue  Motte,  22. 

3430.  Reprez  (Georges),  industriel,  rue  Nationale,  70. 

3368.  Dervaux  (Charles),  représentant,  rue  St-Jacques. 

16.32.*  Dervaux  (Eugène),  «f",  propriétaire,  rue  St-Jacques,  Cà). 

263.'i.  Dervaux  (Paul),  industriel,  rue  d'Anvers,  74. 

4344.  Derveaux  (Paul),  négociant,  rue  du  Midi,  43. 

2081.  Deschemakek  (Camille),  fabricant,  rue  de  Roubaix,  2(K). 

2710.  Deskerret  (Charles)  E«  de  Cc«,  rue  de  Chantilly,  2'j. 

1802.  Desnoyettes  (Charles),  représentant  de  commerce,  rur  de  la  CInelie,  (i7. 

2203.  Despinoy.  pharmacien,  rue  de  Lille,  ^34. 

1258.*  Destombes  (Emile),  courtier  juré,  rue  Jacquart,  28. 

2597.  Destrebegq  (B.),  marbrier,  me  Nationale. 

3'<2î.).*  Desurmont-Bossut  (P.nil),  industriel,  rue  Winoc-Chocqiieel,  .'{«i 

1401.*  Desurmont-Jonglez  (Théodore),  filateur,  rue  de  Gand,  4. 


56  TOURCOING. 

N'^d'ins-  MM. 

cription. 

1289.*  Desurmont-Joire  (Paul),  négociant,  rue  de  Gand,  23. 
2087.    Desurmont-Motte  (Jules),  boulevard  Gambetta,  62. 
2633.     Dewavrin-Deletombe  (Fernand),  rue  Ghanzy,  2. 
4598.     Dubrulle-Lekebvre,  constructeur,  rue  du  Collecteur,  64. 
4699.     DucouLOMBiER  (Henri),  négociant,  rue  du  Blanc-Seau.  20. 
3438.     DuJARDiN  (Auguste),  représentant,  rue  de  Roubaix,  31. 
2928.     DuMONT,  docteur  en  médecine,  rue  Fidèle-Lehoucq,  34. 
3697,     DuMORTiER  (J.),  propriétaire,  rue  Nationale,  107. 
.3063.     DuM0RTiER-WiTTEMBER<4,  ingénieur,  rue  Winoc-Chocqueel,  116. 
3064.     DuMORTiER-MouRAux  (M™®  V^e),  ruc  des  Piats,  16. 
4710.     DuMORTiER-pRUvosT,  négociant,  rue  des  Orphelines,  33. 
1051.     Dupas,  directeur  de  récol(>  communale  du  Pont-de-Neuville. 
4561.     Dupont  (docteur),  rue  de  Mouvaux,  147. 
1378.     Dupont  (Jules),  commis-négociant,  rue  de  la  Cloche,  78. 
1318.*  Duprez-Lepers  (Louis),  ►J-,  filateur,  rue  des  Piats,  74. 
2,504.     Duterte  (Adolphe),  représentant  de  commerce,  ruc  de  Lille,  1.50. 
4037.     Duterte  (Victor),  filateur,  rue  du  Haze,  69. 
2927.     DuviLLiER  (Edouard),  filateur  de  laines,  rue  d'Havre,  16. 
296.     Duvillier  (Joseph),  filateur  de  laines,  rue  du  Tilleul,  62. 
1308.*  Duvillier-Labbe  (Emile),  avocat,  rue  de  l'Industrie,  3. 
1%9.*  Duvillier-Motte  (Georges),  filateur  de  coton,  rue  Dervaux. 


1367.     FiCHAux,  ►J",  docteur  on  médecine,  rue  Faidhcrbe,  31. 
3932.     Flipo-Lekebvbe  (François),  filateur,  rue  de  Tournai,  91. 
1.396.*  Fupo-Prouvost  (Charles),  filateur,  rue  de  Tournri,  115. 
^5501.*  Fupo-Segard,  négociant,  boulevard  Gambetta,  69. 
1288.*  Fouan-Leman  (V<^),  peigncur  (h;  laines,  rue  do  Roubaix,  65. 
2812.     FouRMENTiN  (L.),  employé  de  commerce,  rue  do  Wailly,  U. 


182.5.     Gadenne  (Henri),  employé  de  commerce,  rue  des  Ursnlines,  7 

1372.*  Glorieux-Flament  (Alphonse),  fabricant,  rue  des  Orphelins,  18. 

2602.*  Grau  (Denis),  bijoutier,  Grande-Place. 

1.334.*  Grau  (Henri),  courtier  juré,  rue  de  l'Abbé-de-l'Epée,  13. 

2890.     Grimonprez  (Ernest),  commerçant.  Hôtel  du  Cygne. 

3(399,     GuENOT  (Albert),  directeur  de  filature,  rue  Winoc-Chocqueel,  122. 

2361.*  GuTKiND  (Gu.stave),  négociant  en  laines,  rue  des  Ursnlines,  39. 

i 

251.    Jean,  instituteur,  ruc  (h's  Cinq- Voies. 
2.547.*  Joire-Desurmont  (Georges),  banquier,  ruc  de  Lille,  .53. 
2014.*  Joire-Wattinne  (Jules),  banquier,  rue  de  Lille. 

927.  Jonglez  (Charles),  propriétaire,  rue  des  Anges,  18. 

928.  JoNGLEZ-Ei.oi  (P.),  filateur  de  laines,  rue  des  Ursulines,  25. 
1386.*  Jourdain  (Eugène),  0.  j^,  A.  y-',  C.  •^,  ►J*,  fabricant,  rue  île  la  Gan>,  17. 
4823,    Jourdain  (Eugène),  fabricant,  rue  des  Piats,  71, 


TOTlRCOINfî. 

N"»  d'iDs-  MM  . 

cription. 

I2''il.     Lahousse-Bigo,  entrepreneur,  rue  H  es  Garliers,  37. 

4379.     Lamon-Veil  (Alfred),  pi-igneiir,  boulevard  (lanibetta,  187. 

1)30.     Lamouketïe-Deiannoy  (Ph.),  filateur  do  laines,  rue  Blanche-Porte,  58. 
3698.     Lavolke  (G.),  directeur  do  filature,  rue  de  (îuisncs,  47. 
3700.     Leblanc-I.eclercq  (Paul),  négociant,  rue  do  Roubaix,  15. 
175ti.     Lecat  (Madame  Emile),  négociant,  Grande-Place,  3. 
1313.     Leclercq  (Gustave),  entrepreneur,  rue  de  Is  Boule-d'Or,  21. 
2902.     Leclercq  (H.),  employé  de  commerce,  rue  .lacquart,  34. 
2031.     Leconte  (Me"e  E.),  directrire  do  l'iustitui  Sévigné,  rue  des  Orphelins. 
3983.     Leduc  (.Iules),  nc-gociant,  rue  de  Roubaix,  fit). 
4347.     Lekervre  (Emile),  rentier,  rue  des  Ursulines,  17. 
4132.*  Lekebvke  (G.),  A.%},  uégociaut,  ru<>  Nationale,  9,5. 
45f"i<").     Lekervre  d'Hali,uin,  brasseur,  rue  Nationale.  131. 
3900.     Lefebvrk-Watine  (René),  rue  Leverrier,  19. 
45'i'i.     Legrand  (Ludovic),  avocat,  rue  Leverrier,  8. 
1485.     Legrand  (René),  avocat,  rue  d'Havre,  22. 
1781.*  Legrand-Desurmont,  industriel,  rue  Nationale,  71. 
3520.     Lelong-Wali.erand,  propriétaire,  rue  du  Calvaire,  15. 
1348.    'Lemaire  (Henri),  libraire,  Grand'Place,  28. 
4507.     Leman-Vandekerkhove  (Paul),  rue  de  l'Epidéme,  5. 
1745.*  Leplat  (Emile),  filateur,  rue  de  (îuisnes,  198. 

3:i5.     Leroux-Brame  (Gh.),  négociant  en  laines,  rue  Delnbel,  26. 
3626.     Leroy  (Hippolyte),  comptable,  rue  Winoc-Choequeol,  15:^. 
4'i'i5.     Lesage-Suin,  pharmacien,  rue  de  Roubaix,  123. 
3867.     Lesekre  (MeUe  Gabrielle),  rue  de  la  Latte,  5. 
1361.*  Leurent  (Jean),  filateur,  rue  du  Tilleul,  .5!). 
2631.*  Leurent  Lekort,  industriel,  rue  du  Conditionnement,  45. 
4222.*  Leurent-Heghin,  industriel,  rue  du  Condiiionnemeut,  30. 
4389.*  Leurent-Hassebhoucq,  industriel,  rue* du  Conditionnement,  43. 
2823.*  Leurent-Nicolle  (Edouard),  industriel,  rue  Gambetta,  48. 
3862.*  Levin  (Alidor),  pharmacien,  rue  de  Gand,  53. 
1323.*  Lombard  (Henri),  négociant,  rue  de  Roubaix,  116. 

1821.*  Lorthiiiis-Delobel  (.Iules),  iK-gociaut,  rue  de  Lille,  72, 
4522.*  LoRTHiois-Six,  industriel,  boulevard  (lambotta. 


4774.  Maillard  (.I.-B.),  architecte,  rue  Nationale,  3'i. 

2601.*  Malakd  (Georges),  industriel,  rue  de  Guisnes,  75. 

4527.  Malfait-Duque.snoy,  industriel,  rue  de  Gand,  29. 

2651.  M ARESCAUx  (Madame  Floris),  rue  Sainte-Barbe,  30. 

4346.  Masquelier-Dewavrin,  entrepreneur,  quai  du  Canal,  10. 

768.  Masure  Van  Elslande  (Eugène),  febricant  de  tapis,  rue  de  Gand,  42. 

1284.*  Masure-,Six  (P'rançois),  I.  ^|,  propriétaire,  rue  de  Lille,   iO(). 

1282.*  Masukkl  (Edmond),  A.^,  filateur,  rue  Nationale,  (ySbis. 

.32.5.  Masurki,  (François),  ^:,  A.SJf,  [iropriétain-,  rue  de  Lille,  83. 

722.  Masurel  (Albert),  A.  %},  manulacturier,  rue  du  Bois,  144. 

1^5.37.*  Masurkl-Tiberghien  (Félix),  fabricant,  rue  de  Lille,  l.'>5. 

923.  Motte-.! ACQU ART  (A.),  filateur  de  laines,  rue  Fidèle-Lehoucq,  28. 

4345.  Moulin  (Emile),  fabricant,  rue  Nationale,  140. 

1673.*  Muller  (Félix),  représentant,  rue  du  Haze,  SSbis. 


.57 


r)S  TOURCOFNG. 

NO*  d'ins-  MM. 

criptions. 

2055.     Odoux  (François),  négociant,  place  de  la  République,  2. 

2202.     Omez-Leblanc  (Aug.),  employé  de  commerce,  rue  des  Poulraius,  122. 

3866.     Orélio,  commerçant,  rue  St-.Tacques,  ."îS. 

2181.  Pennequin-Desmettre  (M"""  V^"),  rue  de  Guisnes,  109. 

1619.  Petit- Leduc  (Joseph),  A.^l,  rédacteur  au  Journal  de  Roubaix,  rue  Louis 

Leloir,  78. 

3696.  Petitot-Robbe,  filateur,  rue  de  la  Malsence,  4. 

4688.  Piot,  directeur  de  tissage,  buulevard  Gambetta,  341. 

4565.  Playoust-Lefebvbe,  industriel,  rue  Nationale,  112. 

1346.*  Pollet-Gauli.iez,  négociant,  square  Hôtel-de- Ville,  2. 

2226.  Rasson-Valentin  (Joseph),  négociant,  rue  de  Roubaix,  140. 

932.  Rasson-Wattinne  (E.),  industriel,  rue  Nationale,  67. 

4604.  RoBBE,  iilateur,  rue  de  la  Malcense,  29. 

4822.  RoBBE  (Urbain),  fllateur,  rue  Verte-Feuille. 

4824.  RoGiSTER  (M'"«  V'*),  boulevard  Gambotta,  28. 

2549.*  Rousseau- Lien  ART,  industriel,  rue  Verte,  27. 

2198.  RuFPiN  (A.),  chimiste,  rue  W^inoc-Chocqueel,  IT). 

4821.  Salembier  (Léon),  négociant,  rue  de  Guisnes,  79. 

4233.*  Samyn  (Achille),  expéditeur,  rue  de  la  Gare,  10. 

2080.  Scrbpel-Joire  (Louis),  fabricant,  rue  de  Lille. 

4502.*  Segard-Garissimo,  négociant,  boulevard  Gambetta,  84. 

1801.  Sevin-Hennion  (Adolphe),  courtier-juré,  rue  des  Ursulines,  44. 

1357.  SiMOENSiPiLLE  (Léon),  commis-négociant,  rue  du  Château,  26. 

4267.*  SiON  (Louis),  filateur,  rue  du  Général  Drouot,  248. 

921.  Six  (Auguste),  filateur  de  laines,  rue  du  Château,  62. 

3611.  Spinnevin,  carrossier,  rue  de  Lille,  158-174. 

2595.  Steinbach  (Jean),  rue  Motte,  5. 

2201.  Stupuy  (Paul),  fils,  professeur  de  musique,  rue  des  Poutrains. 

1322.*  SuiN  (Philippe),  rentier,  rue  de  Roubaix,  128. 

3253.  SuiN  (Désiré),  négociant,  rue  Nationale,  153. 

915.     Taffin-Binauli),  brasseur,  rue  du  Tilleul,  30. 
3437.    Tharin-Callens,  représentant,  rue  des  Poutrains,  42, 
1970.*  Tiberghien-Desurmont,  fabricant,  rue  de  Lille. 
1971.*  Tibepghien-Lepoutre,  fabricant,  rue  du  Dragon. 
3394.*  Tiberghien-Motte,  rue  de  Lille,  87. 
4594.     TiBERGHiEN-TouuEMONDE,  industriel,  rue  Leverrier,  20. 
.3600.     Tiers  (Louis),  représentant,  rue  Winoc-Chocqueel,  .8 
39.33.    Tgnnel-Equinet,  entrepreneur,  rue  Martine,  3. 
2;3()0.*  Trentesaux-Destombes,  négociant  en  laines,  rue  de  Lille,  1 12. 
3552.     Trigai.lez,  rentier,  boulevard  Gambetta. 

2746.     Vandererkove-Boussemart,  négociant;  rue  de  Lille,  i;38. 
1311.*  Van  Klsi.andk  (Josepli),  négociant,  rue  du  Flasc,  27. 
4()01.     Van  Hecre  (Joseph),  employé,  rue  du  Calvaire,  47. 


—  m  - 

N»»  d'ins-  MM. 

criplioiis. 

4000.  Vanzrvrren  (Alphonse),  teinturier,  rue  Belle- Vue,  47. 

548.  Vasseur  (Victor),  A.  %^,  bibliot.-archiv.  de  la  Ville,  r.  d»^  l'Amiral-Courbet,  18. 

4820.  Vermersch  (Docteur),  rue  de  l'Abattoir,  29. 

2245.  Vienne-Flipo,  industriel,  rue  Ghanzy,  43. 

3160.  Vienne,  docteur  en  médecine,  rue  d'Austerlitz,  25. 


4608.  Wai.ter  (Madame),  directrice  des  Cours  secondaires,  rue  de  làlle,  8(). 

4681).  Wattel-Dewever  (Madame),  propriétaire,  rue  Nationale,  82. 

2019.*  Wattel-Gimmig  (Auguste),  négociant,  rue  de  Roubaix,  100. 

2234.  'Wattel(M"'«),  propriétaire,  rue  du  Sacré-Cœur,  17. 

1976.  Watteeuw,  A.  ij,  publiciste,  rue  St-Jacques,  39. 

4584.  Wauquiez-Robbe,  lllateur,  rue  de  la  Malcense,  27. 

1356.  Werbroucq-Besème  (Victor),  représentant,  rue  de  l'Hôtel-de-Ville,  13. 

2551.  Wittemberghe-Oger,  représentant  de  commerce,  rue  de  la  Malsence. 


Waleucieunes. 

4504.    QuiÈvREUx  (Charles-Joseph),  place  Verte,  2. 

Versailles. 

27.32.     BiDART   (le   capitaine),   professeur-adjoint   à    l'Ecole  militaire   de    St-Gyr, 

boulevard  du  Roi,  32. 
2250.     Grousseau,  4^,  député  du  Nord,  avocat,  rue  St-Louis,  20. 
2364.     Rogie  (M""*),  boulevard  du  Roi,  1. 
1074.     Wannebroucq-Dutilleul  (M'"''  V^"),  propr.,  aven,  de  Villeneuve-l'Étang,  5. 

^Vani  b  r  ec  II  i  es . 

4142.  Becquart-Grespel  (M'"»  V^«),  filateur. 

4()63.  Lelong,  pharmacien. 

3770.  SÊNÉLAR  (Géry),  négociant. 

4460.  Vallois,  notaire. 

3238.  Vandenbosch  (Jean),  filateur. 

Wattrelos. 

4113.    Briet  (Adolphe),  rue  Carnet,  270. 
4299.     Leman-Leruste,  place  du  Sapin  vert. 


VALBNCIENNES.  61 


SOCIÉTÉ   DE   VALENCIENNES 


BUREAU  : 


MM. 

Président Uoutriaux,  I.^,  .me.  bâtonnier  <le  l'ordre  des  Avocats. 

Secrétaire-Général Damien,  I.^,§,ilireeteui'deri''coloprimaire supérieure. 

Secrétaire Giard  (Pierre),  imprimeur-libraire. 

Trésorier Desruelles,  A.  %},  liquidateur-syndic. 

Commissioti  administrative  Boutry,  avoué. 

BuLTÔT  (Edouard),  A.  \}^  avocat,  Valcnciennes. 

Cellier,  avocat. 

GouviON  (Albert),  ingénieur,  Anzin. 

Lamendin,  k.i}^  directeur  d'école,  à  Valcnciennes. 

St-Quentin  (Fénelon),  l.'Q,  avocat. 

Varlet,  notaire  à  Bouchain. 


MEMBRES  ORDINAIRES. 

M"""   Veuve  Acremant,  propriétaire,  Valenciennes. 
MM.  Amand  (Victor),  suppléant  du  Juge  de  paix,  Gondé. 

André,  notaire,  Mortagne. 

Anht  (le  docteur),  A.  ^,  pharmacien,  Valenciennes. 

Bailly,  avocat,  Valenciennes. 

Baron  fils,  marchand  boucher,  Valenciennes. 

Baroi',  I.  %}^  proviseur  du  lycée,  Valenciennes. 

Bataille  (Jules),  rue  Capron,  Valenciennes. 

Batigny,  entrepreneur  de  peinture,  à  Valenciennes. 

Beck,  pharmacien,  Valenciennes. 

Bertau  (Efîgard),  propriétaire,  Valenciennes. 

Billet  (François),  5^,  distillateur,  Marly. 

BiNOis  (Alhert),  rue  du  Quesnoy,  Valenciennes. 

Blary,  I.  ^y:,  instituteur,  Raismes. 

Boucher,  brasseur,  Valenciennes. 

BouRLON,  docteur  en  médecine,  à  Valenciennes. 

Boutry,  avoué,  rue  Capron,  Valenciennes. 

Brabant  (Edmond),  fabricant  de  sucre.  Maire,  Onnaing 

BuGNOT,  négociant,  Valenciennes. 

Bultot  (Paul),  ancien  notaire,  Anzin. 

BuLTOT  (Edouard),  A.  %},  avocat,  Valenciennei». 

BuRTH  (J.),  tailleur,  Valenciennes. 


62  VXLENCIENNES. 

MM.  Carpentier,  ancien  commissaire-priseur,  Valenciennes. 
Cartigny,  notaire,  Valenciennes. 
Gastiau,  notaire,  Gondé. 

Gastiau,  ^,  docteur  en  médecine,  député,  Vieux-Gondé. 
Gaullet,  j^,  conseiller  général,  Haspres. 
Gellier  (Eugène),  avocat,  Valenciennes. 
Ghamfort,  notaire,  Valenciennes. 
Ghampagne,  directeur  de  l'École  supérieure,  Denain. 
Ghampy,  direcieur-géuéral-adjoint,  Gie  de.s  Mines,  Anzin. 
Ghesnel,  pharmacien,  Valenciennes. 
Gloart,  I.  y^,  instituteur,  Maing. 
GOHEN,  dentiste,  Valenciennes. 

GopiN  (Léon),  A. 41,  professeur  de  piano,  Valenciennes. 
GouLON  (Hector),  lAJ,  (m),  huissier,  Valenciennes. 
GouRTiN,  industriel,  Raismes. 


Damien,  I.  y,  $,  directeur  de  l'école  supérieure,  Valenciennes. 

Davaine  (Kniile),  ^,  conseiller  général,  St-Amand. 

Defune,  ingénieur  des  mines,  Valenciennes. 

DÉFOSSEZ,  docteur  en  médecine,  Abscon. 

Dehon  et  Seulin,  imprimeurs,  Valenciennes. 

Delame  (Maurice),  juge  au  Tribunal  de  Gommerce,  Valenciennes. 

Uelcourt  (Th.),  notaire,  Valenciennes. 
M""^    Delgourt  (Paul),  propriétaire,  Valenciennes. 
MM.  Delhayk  (Jules),  propriét;iire,  Valenciennes. 

Deprez  (Joseph),  ingénieui-,  Anzin. 

Deromby,  l.lil,  juge  de  paix  honoraire,  Valenciennes. 

Dervaux,  %:,  industriel,  Gondé. 

Descamps,  docteur  en  médecine,  Raismes. 

Desorbaix  (Victor),  avocat,  Valenciennes. 

Desruelles,  A.  %^,  liquidateur  et  syndic,  Valenciennes. 

Devillers  (Gharles),  -^,  1.  4|,  avoué.  Maire  de  Valenciennes. 

Dewalle,  propriétaire,  Valenciennes. 

DouAY,  avocat,  Valenciennes. 

Douchy  (Georges),  avocat,  Valenciennes. 

Douïriaux  (Auguste),  I.  tj,  avocat,  Valenciennes. 

Doutriaux  (André),  avocat,  Valenciennes. 

Dreyfus  (Madame  Veuve  Léopold),  Valenciennes. 

Dreyfus  (Madame  Veuve  Salomon),  Valenciennes. 

Dreyfuss  (Louis),  A.  y^,  huissier,  Valenciennes. 

Dubiez  (Jules),  juge  de  paix,  Valenciennes. 

DuBois-RiSBOURG,  constructeur,  Anzin. 

Ducatez,  avoué,  Valenciennes. 

Dupas-Brasme,  négociant,  Valenciennes. 

Dupont  (Paul)  fils,  banquier,  Valenciennes. 

Dupont  (Paul)  père,  *^^  banquier,  Valenciennes. 


EwBANK  (Georges),  avocat,  Valenciennes. 


< 


VALENCIENNES.  (i3 

MM.  Fau.y  (Emile),  brasseur.  Gondé. 
Fally,  notaire,  Valenciennes. 
FiKVET,  huissier,  Valenciennes. 

François,  j^,  directeur  général  de  la  G'e  des  mines,  Anzin. 
Frappart,  entrepreneur.  Saint- Saulve. 
Froment  (M"»  Veuve  Jules),  propriétaire,  Valenciennes. 

GuRD  (Georges),  imprimeur-libraire,  Valenciennes. 
GiARD  (Pierre),  imprimeur-libraire,  Valenciennes. 
GouvioN  (Albert),  ingénieur,  Anzin,  mehibve  fo)idateur. 
Grimonprez  (Eugène),  propriétaii-e,  Valenciennes. 

Har-megnies,  fabricant  de  cordages,  Anzin. 

Hauville,  iSf:.  directeur  des  douanes,  Valenciennes. 

Henry  (Victor),  \.%},  secrétaire  de  la  Chambre  de  Commerce,  Valenciennes. 

Herbet,  négociant,  Valenciennes. 

Huart.  imprimeur,  Valenciennes. 

lÉNART  (Jules),  négociant,  Anzin. 

Jacob  (André),  négociant.  Valenciennes. 

Lacroix,  fabricant  de  produits  chimiques,  Valenciennes. 

Laloux,  ingénieur  à  la  Compagnie  des  mines  d'Anzin, 

Lambert,  L!^,  inspecteur  primaire  honoraire,  Raismes. 

Lamendin,  a. y:,  directeur  d'école  municipale,  Valenciennes. 

Lapchin  (Ch.).  propriétaire,  Valenciennes. 

Lebacqz  (Charles),  A..%}.  Valenciennes. 

Lecat  (Julien).  ^,  A.^,  $.  ancien   président   du    Tribunal    de    commerce, 

Valenciennes. 
Lecerf  (M™^  V'^e),  Valenciennes. 
Ledieu  (Adhémar),  commissionnaire,  Valenciennes. 
Lefebvre  (Emile),  propriétaire,  Valenciennes. 
Lefrancq-Claisse,  négociant,  Valenciennes. 
Lemaire,  architecte,  Valenciennes, 
LE.MAIRE.  notaire,  Valenciennes. 
Lepez,  maire,  conseiller  d'arrond.,  Raismes. 

Leroy  (Edmond),  greffier  du  Tribunal  de  commerce,  Valenciennes. 
Lobert  (Albert),  négociant,  Valenciennes. 
Lossignol  (Lionidus),  Denain. 

Mabille  de  Poncheviij,e  (Henri),  banquier,  Valenciennes. 
Mailliet,  constructeur,  Anzin. 
Malissart-Tazza.  ^,  constructeur,  Anzin. 
M.alotet,  A.^.  professeur  d'histoire  au  lycée. 
Manouvrier.  ^,  docteur  en  médecine.  Valenciennes. 
Marbotin,  avoui'.  Valenciennes. 


64  VALENCIKNNES. 

Margerin,  docteur  en  médecine,  Valenciennos. 

MARr4ERiN  frères,  négociants,  Valenciennes. 

Mariage,*"*,  docteur  en  médecine,  Valenciennes. 

Martin  (Mi'e),  I.  ^,  directrice  du  Collège  de  jeunes  filles,  Valenciennes. 

Mascart,  I.^,  §,  professeur,  Valenciennes. 

Masingue,  négociant,  Mortagne. 

Matharel  (de),  receveur  des  finances,  Valenciennes. 

Membre,  (m),  caissier,  Valenciennes. 

Mention  (Alfred),  St-Aniand. 

Mer  (Gustave),,  rue  du  Grand-Fossart,  14,  Valenciennes. 

Mestreit,  directeur  de  la  Compagnie  des  Tramways,  Anzin. 

Michel,  juge  au  tribunal  civil,  Valenciennes. 

Moreaux-Sturbois,  La  Sentinelle. 

Namur,  ►f",  (m),  notaire  honoraire,  Valoneiennes. 

Patoir-Lionne,  I.  %},  maire,  Wallers. 

Petiïprez,  .supérieur  du  collège  Notre-Dame,  Videnciennes. 

PiÉRAuij  (I^ouis),  >J<,  consul  de  Belgique,  Valenciennes. 

PiKRAHD  (Georges),  banquier. 

PiÉRARD-DupONT,  négociant,  Valenciennes. 

Puchun-Havez,  Saint- Amand. 

Pollet.  négociant  à  Denain. 

Prévost  (le  Comte  Henri),  i^,  Brebière,  St-Lucien 

RÉsiMONT,  J^,  administ.-directeur  des  forges  du  Nord  et  de  l'Est,  Valencienn. 
Roger,  notaire,  Valenciennes. 
RoGuiN,  avocat,  Valenciennes. 
RiCHEZ  (M°«),  Valenciennes. 

Saclier,  ^,  ingénieur  en  chef  à  la  Compagnie  des  Mines,  Anzin. 
Saint-Quentin  (Fénelon),  1.%}.,  avocat,  Valenciennes. 
ScHRYVER  (de),  directeur  de  la  Société  franco-belge,  Raismes. 
La  Société  d'Agriculture,  Sciences  et  Arts,  Valenciennes. 
Stiévenard  (François),  marchand  épicier,  Valenciennes. 

Tassin  (Victorien),  ancien  maire,  Crespin. 
Tauchon,  ►J",  lAJ-,  docteur  en  médecine,  Valenciennes. 
Thellier  de  Poncheville,  ►î^,  avocat,  Valenciennes. 
Thierky,  Directeur  des  Mines  de  Douchy. 
Truc,  ^,  I.  C/,  sous-préfet,  Valenciennes. 
Turbot,  ^,  industriel,  conseiller  général,  Anzin. 

Vaillant,  A.  4/,  ancien  fabricant  de  sucre,  Raismes. 
Van-de-Velde,  avoué,  Valenciennes. 
Varlet,  notaire,  Bouchain. 
Venot,  industriel,  Onnaing. 

WiLLOT,  docteur  en  médecine,  Valenciennes. 


^■j  Lille 'mp.L.Dsnel 


BINDING  SECT.  JUL  nm 


G 

11 

S56 

t. 47-43 


Société  de  géographie 


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