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Full text of "Collection des meilleurs dissertations, notices et traités particuliers relatifs à l'histoire de France .."

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COLLECTION 

DE  PIÈCES 


KBLATITIS 


A  L'HISTOIRE  DE  FRANCE. 


I.  9«  LIV. 


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IMPRIMERIE  DE  G.-A.  DENTU, 

nie  des  Beaux-Arts,  n9*  3  et  5. 


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COLLECTION 


DES 


MEILLEURS  DISSERTATIONS, 
NOTICES 

ET  TRAITÉS  PARTICULIERS 

■■LATIV* 

A  L'HISTOIRE  DE  FRANCE, 

.  COMPOSéE,  EK   GRANDE   PARTIE, 
DE    PIÈGES   RARES, 

OU   QUI  n'ont  jamais  ETE   PUBLIÉES  SÉPARÉMENT; 


POVn   IIRTIK    A    COMPLiriR 
TOOTKS   IBS    COLLICTIOMS    VB    MiKOIKBS   SOB    CITTI    NATIKIIR. 


lûav  €.  tebn, 

^  »> 

TOME  VINGTIÈME. 


PARIS. 


CHEZ  G.-A.  DENTU,  IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 

rue  des  Beaux- Arts,  no«  3  et  5; 
XT  PALAI8-R0TAL ,  GALERIE  VITRÉE;  N»  l3. 

M  D  CGC  XXXVIII. 


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COLLECTION     ^J^ 

MEILLEURS    NOTICES   ET   TRAITÉS   PARTICULIERSf* 

RELATIFS 

A  L^HISTOIRE  DE  FRANCE. 


<v»/yttwii%.^0¥vti%n0vmiww*iti¥tiw%Mww*tv%ni 


QUATRIEME  PARTIE. 

ADDITIONS  AU  CHAPITRE  PREMIER,  S  ///  (i). 


ORIGINES  DES   COMMUNES 

ET  DES  BOURGEOISIES. 
OBSERVATIONS  DE  L'ÉDITEUR  CL., 

SVB.    LES    RECHERCHES    DE    M.    DE    BRÉQUIGKT, 

relatives  à  rétablissement  des  Communes  et  des  Bourgeoisies. 


L'affranchissemekt  des  communes  n'est,  au  fond, 
91e  la  révolte  des  peuples  contre  les  souverains. 
On  s'en  occupe  beaucoup  depuis  quelque  temps  ; 


(i)  Tome  5  de  la  Golloction 
L  9«  Liv. 


524 

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mais  les  esprits  qui  jugent  à  froid,  et  sans  préoccupa- 
tion politique,  les  monumens  de  notre  vieille  histoire, 
n'y  chercheront  point  des  argumens  en  faveur  du  fait 
^ntre  le  droit,  ou  du  droit  contre  le  fait  :  ils  ne  con- 
clueront  rien  d'une  émancipation  violente ,  mais  né- 
cessaire, mais  réglée,  à  l'exercice  d'un  pouvoir  assis 
sur  des  bases  séculaires,  étayé  du  consentement  de 
trente  générations ,  et  fort  d'une  durée  que  n'égale 
celle  d'aucune  loi  de  la  société  qui  le  reconnaît  :  ils 
ne  verront,  dans  l'établissement  des  communes,  que 
le  droit  du  plus  fort  passant  des  mains  de  l'oppresseur 
dans  celles  de  l'opprimé;  avec  cette  différence,  pour- 
tant, que  l'action  de  l'oppresseur,  née  de  la  féodalité, 
n'avait  abouti  qu'à  l'usurpation ,  tandis  que  la  réac- 
tion du  servage,  fruit  de  l'oppression,  ne  fit  que 
rétablir  le  droit  usurpé.  En  un  mot,  les  libertés  mu- 
nicipales conslituaient  le  droit  le  plus  ancien  du  pays; 
et  dans  le  pacte  social ,  la  légitimité  n'est  qti'un  fait 
de  priorité  sanctionné  par  le  temps. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  on  travaille  plus  sérieusement 
que  jamais  à  recueillir  les  chartes  de  communes  et  de 
bourgeoisies  de  l'âge  où  s'accomplit  cette  première  re- 
naissance :  il  résultera  au  moins  de  leur  ensemble  la 
connaissance  d'un  assez  grand  nombre  de  faits  bons  à 
constater,  si  ce  n'est  un  tableau  absolument  nouveau 
de  la  régénération  municipale.  Jusqu'à  ce  que  ce  pro- 
duit d'une  longue  et  laborieuse  exploration  des  dépôis 
publics  et  des  cabinets  particuliers  ait  été  livré  h  la 
presse,  les  Dissertations  de  M.  de  Bréquigny,  qui  for- 
ment lès  préfaces*  des  tomes  xi  et  xii  de  la  Collection 


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en 


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(6) 

Uabitiir  (  i  ).  Le  serment  devait  être  prête  par  tous  ceux 
qui  formaient  le  corps  de  la  commune  ;  mais  ni  tous 
les  habitans  d'une  ville  de  commune  n'étaient  obligés 
de  le  prêter,  ni  tous  ceux  qui  le  prêtaient  n'étaient 
pour  cela  membres  de  la  commune.  Cies  habitans  de 
condition  serve  n'y  étaient  point  assujettis.  C'est  ce 
que  ne  dit  pas  M.  de  Bréquigny.  Cette  omission,  qui 
ne  peut  être  qu'une  inadvertance,  laisse  un  vide  sen- 
sible, et  répand  même  une  certaine  obscurité  dans 
ses  distinctions.  En  effet,  après  avoir  fait  observer  que 
tous  les  habitans  d'une  ville  ne  prêtaient  pas  le  ser- 
ment, et  que  tous  ceux  qui  le  prêtaient  n'étaient  pas 
membres  de  la  commune,  il  cite ,  dans  l'explication  de 
cette  circonstance,  l'exemple  de  Soissons,  dont  tous 
les  habitans  sans  exception  furent  tenus  de  jurer  la 
commune;  il  fait  remarquer  ensuite  que  les  ecclésias- 
tiques et  les  nobles  qui  la  juraient,  n'étaient  pour- 
tant pas  réputés  en  faire  partie.  Cela  explique  bien 
comment  tous  les  jureurs  n'étaient  pas  communistes, 
mais  on  n'y  voit  pas  quels  habitans  n'étaient -pas  obli- 
gés de  jurer,  et  l'exemple  de  Soissons  paraîtrait  exclure 
toute  exception.  Or,  c'était  les  serfs  qu'on  exceptait; 
et  parce  qu'ils  n'étaient  comptés  pour  rien  dans  l'or- 
dre civil, la  commune,  bien  cpie  jurée  sans  eux,  pou- 
vait être  réputée  jurée  sans  exception.  Alors,  tout  est 
clair  dans  l'explication  de  M.  de  Bréquigny.  Les  ec- 
clésiastiques et  les  nobles  juraient,  quoiqu'ils  ne  fus- 

(i)  Charte  de  Sens,  t.  1 1  du  Recueil  des  Ordonnances  du  Lou- 
\^rcy  p.  262;  autre  charte  de  ViUeneiive-le-Roi ,  ibîd,  p.  278. 


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(7) 
sait  pas  r^Mitës  membres  de  la  commune;  mais  ils 
âaient  partie  au  contrat  qui  limitait  leur  puissance, 
et  c^est  à  raison  de  cette  opposition  d^intërét,  quV 
jffès  avoir  consenti  le  pacte,  ils  devaient  s'obliger 
sous  la  foi  du  serment  à  en  respecter  les  conditions. 
La  conmiune  ëtant  établie  dans  Tintérét  de  la  bour- 
geoisie contre  Tusiupation  de  la  noblesse  et  du  clergé, 
les  bourgeois  seuls  en  composaient  le  corps  ;  et  de  la 
l'exemption  du  serment  pour  tous  ceux  qui  n'appar- 
tenaient ni  à  la  bourgeoisie,  ni  à  la  noblesse,  ni  à 
Téglise ,  c'est-à-dire  les  serfs. 

AV^rd  de  la  seconde  partie  du  pacte,  contenant 
la  rédaction  des  coutumes ,  on  désignait  sous  ce  titre 
de  coutumes,  non  seulement  les  lois  municipales  qu'un 
long  usage  avait  fait  nommer  ainsi,  mais  encore  celles 
que  la  commune  adoptait  en  se  formant,  et  qui  acqué- 
raient par-là  autant  de  force  que  les  premières.  Les 
coutumes  telles  qu'elles  sont  rédigées  dans  les  chartes, 
comprenaient  cinq  objets  principaux  ;  savoir  : 

Les  Jois  qui  réglaient  les  contrats  civils  et  la  pmii- 
tion  des  crimes; 

La  juridiction  municipale; 

Les  franchises  et  les  privilèges ,  qui  n'étaient ,  en 
grande  partie,  qu'une  conséquence  de  la  liberté  ren-  . 
due  aux  bourgeois  ;  « 

Les  réserves  apportées  à  l'exercice  de  ces  facultés  '' 
dans  l'intérêt  de  ceux  dont  elles  modifiaient  le  droit  i 
et  le  pouvoir  ; 

Et  enfm  les  charges. 

Nous  reviendrons  sur  ces  conditions,  qui  sont  toutes 


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.   % 


(8) 
plus  ou  moins  importantes,  curieuses,  essentielles  au 
pacte  de  la  communiaj  qui  constituent  bien  la  com- 
mune telle  (ju'on  doit  la  concevoir,  telle  que  Tentend 
M.  de  Brëquigny;  mais  comment  y  reconnaître  une 
création  de  Louis  VI  ? 

Le  savant  académicien  convient  d'abord  que  l'acte 
du  serment,  ou  de  la  confédération  jurée,  formait  le 
caractère  distinctif  du  pacte.  Or,  le  serment,  condition 
principale  de  l'acte,  ne  touche  pourtant  que  la  forme; 
il  est  étranger  au  fond  des  choses ,  qui  peuvent  être 
convenues,  sans  être  jurées,  sous  la  garantie  ordinaire 
des  contrats  :  comme  forme ,  il  n'avait  rien  de  nou- 
veau, car  le  serment  ne  fut  jamais  plus  commun  que 
dans  les  siècles  d'ignorance  et  de  barbarie.  On  ne  peut 
donc  voir,  dans  cette  circonstance  caractéristique  du 
pacte,  une  institution  nouvelle,  ni  pour  le  fond  des 
choses  qu'elle  ne  touche  point ,  ni  dans  sa  forme ,  qui 
était  le  mode  le  plus  commim  des  jugemens  et  des 
contrats  (i),  sous  les  deux  premières  races. 

D'un  autre  côté,  l'opinion  de  M.  de  Bréquigny  ne 


(i)  Jamais  les  sermens  ne  furent  plus  communs  qœ  sous 
la  seconde  race ,  et  par  conséquent  plus  mal  observés.  Nos 
rois  les  faisaient  réitérer  à  une  même  personne  en  diverses 
occasions.  Alors ,  dit  l'abbé  de  Yertot,  on  ne  voyait  plus 
que  sermens,  que  parjures,  que  révoltes,  que  guerres  civiles. 
(  Dissert,  sur  les  sêrmens.  )  Tous  les  traités ,  les  engagemens , 
les  promesses  de  faire  ou  de  s'abstenir,  étaient  placés  sous 
Ja  foi  du  serment,  dans  les  affaires  pidiiliques  et  le  règlemçn^ 
des  droits  privés. 


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(9) 


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(   .o  ) 

caMtés  qui  jouisâ^t ,  qui  n'ont  jamais  cessé  àp  jooir, 
c^pais  les  temps  les  plus  reculés ,  de  facultés  et  de 
franchises  telles  que  celles  qui  nous  paraissent  avoir 
été  créées  par  les  chutes  de  communes.  C'est  qu'en 
effet  les  chartes  n'étaient  qu'une  œuvre  de  restaura- 
tion, et  que  la  plupart  des  droits  qu'elles  restituaient 
pouvaient  subsister  sans  elles  là  où  la  possession  n'en 
avait  pas  été  sensiblement  troublée. 

A  l'égard  des  franchises  et  des  privilèges  qui  au- 
raient pu  sembler  nouveaux ,  ils  consistaient  princi- 
palement dans  l'abolition  ou  la  restriction  des  droits 
envahis  par  la  féodalité.  Ce   n'était,  à  proprement 
parler,  qu'une  transaction  faite  avec  le  seigneur,  qui 
cédait  une  partie  de  ses  prétentions  pour  assurer  le 
reste.  Ce  qu'il  conservait  du  drt)it  usUrpé  formait  les 
réseJrves,  et  les  charges  étaient  le  prix  ou  Tindeni- 
nité  de  ce  qu'il  relâchait.  Qu'on  se  figure  la  féoda- 
lité comme  un  établissement  moyen  qui,  s'interpo- 
sanl  entre  deux  âges ,  et  corrompant  le  cœur  de  la 
monarchie,  en  a  suspendu,  pendant  quelques  siècles, 
le  mouvement  naturel ,  et  dérangé  tous  les  ressorts  ; 
qu'on  fasse  ensuite  abstraction  de  l'état  violent  où  il 
a  jeté  le  royaume,  et  qu'on  réunisse  les  âges  qu'il  a 
séparés,  on  trouvera  entre  l'état  le  plus  ancien,  des 
.villes  de  France  et  les  communes  des  derniers  siècles , 
une' conformité  si  frappante  dans  le  fond  des  choses, 
qti'il  ne  sera  plus  possible  de  penser  ni  de  répéter 
que  les  communes  sont  une  institution  du  règne  de! 
Louis  y  I .  Nous  conviendrons  que  cette  dénomination  de 
commune  ne  date  que  du  douzième  siècle.  Mais  qu^^inxi 


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(  i6  )  .♦ 

les  habitans  d*iin  territoire  qui  s'ërigeait  en  com- 
mune n'ëtaient  pas  libres  de  se  soumettre  ou  de  se 
soustraire  à  la  résolution  de  la  majorité.  La  charte  les 
obligeait  tous  au  serment.  Tous  étaient  également 
tenus  d'en  remplir  les  conditions  à  charge  et  à  profit, 
et  les  jureurs  avaient  le  droit  de  se  faire  justice  par  la 
.  confiscation  de  la  maison  et  de  l'argent  de  celui  qui 
refusait  de  jui*er  (i).  Cette  circonstance  remarquable 
est  du  nombre  de  celles  qui  ont  échappé  aux  recher- 
ches ou  à  l'attention  de  M.  de  Bréquigny. 

Comme  le  pacte  de  communion  supposait  une  con- 
cession faite  à  titre  onéreux ,  et  conséquemment  un 
contrat  synallagmatique,  on  ne  pouvait  s'en  prévaloir 
.  qu'autant  qu'on  en  produisait  le  titre j  s'il  était  perdu, 
il  fallait  justifier  de  sa  préexistence,  et,  au  besoin,  le 
faire  renouveler. 

Les  chartes  de  commmies  afiranchissaient  les  vas- 
saux ou  sujets  des  seigneurs ,  de  toute  taille  injuste  , 
de  prise,  de  prêt  forcé ,  d'exigences  déraisonnables,  etc. 
C'est  ce  que  les  seigneurs  redoutaient  le  plus.  C'est 
cette  garantie  donnée  au  repos  et  à  la  propriété  des 


(i)  C'est  ce  qui  résulte  du  texte  suivant  : 

Unii^ersi  homines  inter QÎÎlqs'suprà  dictas  œmmorantes,  in  cU- 
jmcwnque  terra  morentur,  commumam  jurent.  Qui  çerà  jurare 
noîueritf  illi  gi4  juraçerirU  de  domo  ipsàis  et  de  pecuniâ  fàcièid 
jmHdam.  (Art.  12  de  la  charte  de  Yiilli,  Condé,  etc.,  déjà 
citée,  Sfddleg*  ) 

La  même  disposition  se  retrouve  dans  plusieurs  autres 
chartes,. notamment  dans  celle  de  Soîssons,  art.  i5. 


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(17) 
sujets  qoi  in^râ  âii  trop  irritable  abbé  de  Nogeht  te 
mouvement  d'indignation,  plus  d'une  fois  cité,  et  qui 
n'avait  rien  alors  d'extraordinaire  :  (c  Commune  !  nom 
((nouveau^  ncmi  détestable (i),  par  toi  les  censitaires 
«sont  affrancbis  de  tout  servage,  moyennant  une 
((Simple  redeyance  annuelle.  Tu  n'imposes  d'autre 
(T  punition  ptmr  l'infraction  des  lois  qu'une  amende 
((déterminée,  et  tu  interdis  toutes  les  autres  charges 
((pécnniakes  auxquelles  les  serfs  sont  ordinairement 
«  assujettis.  »  Telle  était,  en  effet,  la  condition  géné- 
rale ,  celle  qui  servit  de  ba^  au  plus  grand  nombre 
des  chartes. 

Le  règlement  des  coutumes  en  formait  la  partie  là 
plus  importante.  Toutes  ces  coutumes,  si  différentes 
entre  elles,  étaient  déjà  consacrées  par  une  longue 
pratique  dans  les  villes  anciennes ,  lorsque  les  com- 
munes les  réunirent  en  corps  de  lois,  avec  de  nou- 
velles dispositions.  Les  villes  récemment  fondées,  ou 
qui  n'avaient  point  encore  de  coutumes  propres,  adop- 
tèrent celles  de  leurs  voisins,  ou  se  conformèrent  aux 
statuts  de  la  cité  principale  de  leur  territoire. 

Ces  coutumes,  comme  on  Ta  déjà  m,  embrassaient 
fcs  lois  civiles  et  pénales  et  la  juridiction  municipale. 
C'est  cette  juridiction ,  plus  ou  moins  étendue  ou  res- 
trdiiLte  au  civil  et  au  criminel,  qui  distinguait  essen* 
tiellement  la  commune,  des  villes  régies  en  prévôtés, 
c'est-à-dire  soumises  à  l'administration  d'un  prévôt 

(i)  Commumo  noçum  acpessimum  nomenîifixkih.^  de  Vitâ  sud, 
I.  3,  c.  7.) 

I.  9«  trv.  a 


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(  i8) 

nommé  par  lé  roi,  et  qui  le  représentait  dans  ses 
fonctions. 

Le  nom,  le  rang  et  les  pouvoirs  des  magistrats  mu- 
nicipaux rétablis  par  les  chartes,  varièrent  beaucoup 
selon  les  temps  et  les  lieux.  J'ai  donné  sur  ce  person- 
nel quelques  détails  curieux  qui  rentrent  dans  un 
autre  plan;  j'évite  de  parler  ici  des  personnes,  pour 
ne  m'occuper  que  des  institutions. 

Les  franchises  et  privilèges  accordés  par  les  chartes 
se  renfermaient  quelquefois  dans  des  termes  géné- 
raux, tels  que  la  formule  que  les-  hommes  de  la 
commune  soient  libres  eux  et  leurs  biens  (i);  car 
la  liberté  était  le  premier  bienfait  inséparable  de  cette 
confédération.  Elle  rendit  aux  peuples  les  facultés  les 
plus  chères  parmi  celles  dont  la  féodalité  les  avait 
dépouillés.  Le  père  de  famille  y  retrouva  le  droit  de 
marier  son  fils  et  sa  fille ,  en  ne  prenant  conseil  que 
de  leur  inclination  ou  de  sa  propre  sagesse;  de  les 
retenir  sous  sa  tutelle  quand  ils  étaient  mineurs ,  et 
d'exprimer  dans  son  testament  des  volontés  qui  étaient 
respectées  après  sa  mort.  La  veuve  y  recouvrait  aussi 
le  droit  de  disposer  de  sa  personne  après  le  décès  de 
son  mari,  ce  qui  ne  lui  était  pas  toujours  permis 
avant  les  chartes.  Indépendamment  des  franchises 
absolues  ou  générales ,  il  y  avait  des  privilèges  dont 
la  nature  et  l'étendue  variaient  selon  les  besoins  par- 

(i)  Quo'l  liofnines  communice ,  cum  omnibus  rehus  suis  ,  liberi 
permaneatU.  (^  Charte  des  communes  de  Roye  et  de  Saint- 
Quentin.  ) 


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(  ï9) 
ticoliers  de  la  commune,  ou  les  circonslances  de  son 
Glissement.  Par  exemple  y  des  abonnemens  étaient 
fixés  pour  les  redevances  qui  pouvaient  engendrer  des 
abus.  La  charte  de  Laon  porte  que  les  tailles  dues  par 
]a  commune  seront  acquittées  sur  le  pied  de  quatre 
deniers  par  terme  (i).  Dans  la  charte  de  Montolieu, 
donnée  en  i3i2,  le  roi  déclare  les  bourgeois  exempts 
de  tous  dons  gratuits,  prêts  forcés,  corvées  d'hommes 
et  de  bétes  de  somme,  excepté  dans  les  cas  de  néces- 
sité et  d'un  subside  général  (2).  Il  leur  laisse  la  li- 
berté de  transporter  leur  domicile  où  bon  leur  sem- 
blera, de  disposer  de  leurs  biens  entre -vifs  ou  par 
testament,  de  marier  leurs  enfans,  de  faire  entrer 
leiu^  fils  dans  les  ordres  ecclésiastiques. 

M.  de  Bréqûigny  pense  que  si  ces  droits  ne  sont 
pas  énoncés  dans  toutes  les  chartes  de  commune, 
c'est  peut-être  parce  que  les  habit  ans  des  villes  con^ 
sidéraUes  et  anciennes  eii'jouissaient  de  temps  immé- 
morial ,  ou  par  des  privilèges  déjà  obtenus.  Il  n'est 
pas  douteux  que  plusieurs  cités  anciennes  ne  fussent 
dans  ce  cas ,  mais  non  pas  relativement  à  tous  les  droits 
accordés  par  la  charte  de  Montolieu.  Sans  entrer  ici 
dans  des  distinctions  qui  me  mèneraient  trop  loin ,  je 
me  bornerai  à  faire  observer  que  quelques-uns  de  ces 
droits,  tels  que  la  librç  translation  du  domicile,  pou- 

V 

(^i^Singuiis  terndrds quatuor  denarîos  sohat  (Et  on  Ht 

ensuite)  :  Ultra  autem  nullam  aliam  persolçat  (Ordon.  du 
Louvre,  t.  ii,  p.  187,  art.  18,) 

(2)  Ibid.,  t.  7,  p.  5oo,  art.  6. 


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(   20) 

vaient  n'exister  pour  aucune  ville ,  avant  les  affranchis- 
semens;  et  que  d'autres,  tels  que  l'exemption  du  d(Mi 
gratuit ,  ont  pu  se  trouver  également  en  péril  après 
comme  avant  les  chartes. 

On  remarque ,  surtout ,  parmi  les  privil^es  octroyés 
aux  conamunes,  le  droit  de  se  fOTtifier  et  de  se  défen- 
dre. Une  des  dispositions  de  la  charte  de  Crespy,  au- 
torise la  communauté  à  se  fortifier  sur  le  terrain  de 
qui  que  ce  soit  (i).  Celle  deCorbié  porte  que,  dans  la 
banlieue ,  nul  ne  pourra  bâtir  de  forteresses  sans  \at 
permission  du  roi  et  de  la  commune.  Philippe  IV  ne 
permet  pas  seulement  aux  habitans  de  Saint- Jean- 
d'Angély,  il  leur  ordonne  d'employer  toutes  leurs 
forces  pour  défendre  leurs  droits  et  ceux  de  l'Eglise, 
contre  toutespersonnes,  sauf  la  fidélité  due  au  roi  (2). 
D'après  la  charte  de  Rouen,  dans  les  cas  pressans,  et 
stir  l'ordre  des  magistrats,  tous  les  bourgeois  devaient 
sortir  en  armes ,  à  la  réserve  de  ceux  que  le  maire  et 
les  échevins  désignaient  pour  garder  la  ville;  et  ceux 
qui  n'obéissaient  point  à  l'heure  fixée  denieuràient  à 
la  merci  de  la  commune,  qui  pouvait  les  punir,  ou 
p^r  une  amende,  ou  par  la  démolition  de  leur  maison.. 
0n  aura  plus  d'une  occasion  de  reconnaître  que  les 
obligations  imposées  aux  bourgeois  et  la  resporfsabilité 
de  leurs  magistrats ,  ont  toujours  été  proportionnées 

(1)  Vbicumque  major  etjuraU  nllam  Qvis^isxX  foinare  vobie" 
rinU  (  Ordonn.  dtf  Louvre,  t.  n,  p.  807,  art.  2Ô.  ) 

(2)  Totam  çim...,.  contra  omnem  hominem,,..,  sabâ  fidelitate 
nostrâ.  (Ibid.,  t.  5,  p.  671.) 


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(21    ) 

mK  libertés  des  uns  et  aux  pouvoirs  des  autres.  En 
voici  unjs  {H*eniière  fMreuve.  Les  citoyens  de  Rouen 
pouvaient  se  défendre;  mais  ils  couraient  le  riscjuc 
d*étr^  ruinés  par  le  simple  refus  d'user  de  ce  droit, 
qfù  ileven^ilt  alors  une  chaire.  La  plupart  des  chartes 
consacrent  ce  droit  de  guerre ,  dont  la  <xniservati<»i 
éiait  commise  aux  soins  et  placée  sous  la  responsabilité 
du  maire.  Lcnrisque  la  mili(se  de  Beauvais  était  en 
marche  pour  la  défense  de  la  commune ,  sa  charte 
Im  défendait  de  parler  à  aucun  /ennemi  sans  la  per- 
mission du  maire  et  des  échevins  (i)*  A  Roye,  si  un 
étranger,  noble  ou  roturier,  coupable  de  douunages 
causés  à  Ja  commune,  n'obéissait  pas  à  la  sonunation 
que  Je  maire  lui  faisait  de  les  réparer,  ce  magistrat 
était  tenu  de  marcher  à  la  tête  des  habitans  pour  dé- 
truira rhaUtation  du  délinquant;  et  si  c'était  un  lieu 
fortifié  dont  ils  ne  pussent  se  rendre  maîtres ,  leur 
charte  leur  permettait  d'invoquer  Taide  du  roi ,  qui 
Jeur  devait  main-forte  en  pareil  cas. 

Qumque  le  droit  de  battre  monnaie  et  de  régler  le 
titre  et  le  poids  des  espèces  n'appartienne  qu'au  sou- 
verain, plusieurs  villes,  au  nombre  desquelles  on 
compte  Saint -Quentii^  et  Crespy,  obtinrent  par  une 
clause  de  leurs  chartes,  que  la  monnaie  n'éprouverait 
pour  elles  aucune  mutation ,  sinon  du  consentement 
de  leurs  maires  et  des  autres  officiers  municipaux. 
"■  'i  — — — . 

(i)  Nisl  majoris  etparùun  licfntiâ.  Les  échevins  de  Beau- 
veaîs  avaient  pris  le  nom  de  pairs,  (  Voyez  notre  Hist.  du 
pouçoîr  municipal,  p.  223  et  sulv.  ) 


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(22) 

D*autres  droits  moins  essentiels ,  mais  plus  parti* 
culiers  aux  communes,  parce  qu'ils  formaient  une 
dépendance  de  la  juridiction  municipale,  consistaient 
dans  la  possession  d'un  hôtel  commun,  depuis  h6tel- 
de-ville,  pour  la  réunion  des  magistrats  ;d^une  cloche 
pour  en  indiquer  l'heure;  de  la  tour  où  cette  cloche 
était  suspendue,  et  qu'on  désignait  aloi*s  sous  le  nom 
de  beffroi  (i)  ;  du  sceau  pour  sceller  les  délibérations, 
et  d'autres  objets  semblables.  Quelque  simple  que  nous 
paraisse  l'établissement  d'une  cloche ,  comme  objet 
d'utilité  publique,  c'était  dans  ce  temps -là  un  droit 
propre  aux  villes  érigées  en  communes. 

La  charte  de  Laon  ayant  été  révoquée,  Philippe  de 
Valois  fît  un  règlement  où  il  était  ordonné  «  que  les 
((  cloches  qui  furent  de  la  commune  jadis  de  Laon, 
((  les  deux  qui  sont  en  la  tour  que  l'on  suelt  dire  le 
((beffroi....,  »  seraient  confisquées  au  profit  du  roi,  et 
qui  défendait  que  cette  tour  fût  jamais  appelée  bef- 
froi (2).  De  là  vient  aussi  (ju'après  l'érection  de  la 
commune  de  Compiègne ,  il  fallut  des  lettres  particu-, 


(i)  Prœterea  iisdem  hominihus  cq/ficessimus  ut  campanam  ha-- 
béant  in  cwitate,  in  loco  idoneo,  ad  pulsandum  ad  ooluntatem  eo- 
mm  pro  negotiis  villce.  (Charte  de  Tournay,  art.  82,  ap»  d'A~ 
chéry,  Spic,  t.  a,  p.  i52,  in-f>.  ) 

(2)  Ordon.  du  Lom>re,  t  2,  p.  79,  art.  9. 

La  tour  du  beffroi  servait  ordinairement  de  prison  pour 
la  justice  criminelle.  Des  lettres  du  roi  Jean ,  à  la  date  de 
1 363,  permettent  à  la  commune  deDourlens  de  garder  la  tour 
de  Beauval ,  pour  y  faire  leffroi  et  y  tenir  prison. 


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(23) 

lières  du  sori^erain  pour  autoriser  les  habhans  à  sonner 
les  doches  du  beffiroi ,  comme  signal  de  meurtre  ou 
d'incendie  (i).  En  y  rëflëchissant,  on  trouve  que  ces 
précautions  étaient  fcnrt  sages ,  relativement  à  d*autres 
institutions  dont  elles  écartaient  le  danger.  Ijorsqu^une 
multitude  de  petites  populations  années ,  et  autorisées 
à  repousser  la  force  par  la  force ,  pouvaient  être  mises 
en  mouvement  au  bruit  d^tme  dodie^  la  faculté  d'u- 
ser de  ce  moyen  d'alarmes  ne  devait  pas  sembler  si 
indifférente  qu'elle  ne  dût  être  soumise  à  de  certaines 
restrictions. 

Mais  les  chartes  de  ccMumimes  ne  contenaient- 
elles  aucune  disposition  qui  tendît  à  maintenir  ou  à 
fortifier  les  droits  d'usages  dans  les  campagnes  et  la 
jouissance  des  commtmaux  ?  M.  de  Bréquigny,  qui  a 
fait  une  récapitulation  si  exacte  des  privilèges  qu'elles 
accordaient,  passe  entièrement  sous  silence  tout  ce 
qui  appartient  au  régime  rural.  Il  est  vrai  que,  dans 
un  recueil  où  il  n'entre  que  des  actes  de  nos  rois,  le 
consciencieux  éditeur  semble  n'avoir  dû  s'occuper  que 
des  règlemens  royaux;  et  qu'en  général  les  chartes  de 
communes  qui  sont  émanées  de  l'autorité  royale,  ne 


(i)  Ce  qu'on  appelle  proprement  tocsin ,  équivalent  de 
soime-cloche^  parce  que  la  cloche  commune  recevait  aussi  le 
nom  de  saint,  ou  stUn,  dans  le  sens  de  signum.  «  Pour  que 
«  cousons  (consuls)  puissent  être  plas  legierement  et  plus- 
«tost  assemblés,  ils  auront  un  saint  ou  campant  commune, 
i(  qui  sera  au-dedans  de  leur  consulat.  »  (  Article  i6  des 
priyili^ges  de  Peyruse,  octroyés  par  Charles  V,  en  mai  iSyi.) 


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(H) 

i&tratîoii  imë- 
villes  qn^elles 
[s,  des  chaortes 
plmAt  à  Taf- 
aoipatiôn   des 
la  campagne , 
s  besoins  par- 
yeux  de  vëri- 
)ar'des  grands 
vdssaux  9  et  qui  n'ont  pas  été  toutes  Isoiinptises  à  la  con- 
fimiation  du  roi.  Il  est  à  regretter  que  M.  dcBréquigny 
uç  lés  ^it  point  examinées,  ou  que  les  connaissant,  il 
ait  négligé  d'en  rapporter  quelques*  dispositions  dans 
une  analyse,  d'ailleurs  si  fidèle,  dont  le  but  mani- 
fe$te  est  de  donner  l'idée  la  plus  complète  de  l'institu- 
tion des  communes.  Il  y  aurait  trouvé  des  clauses  rdia- 
tivQS  aux  usager  ruraux,  doni  il  n'a  point  parlé,  parce 
qu'il  n'en,  0stpas  question  dans  les  actes  de  l'autorité 
royale  auxquels  il  s'est  exclusivement  attaché.  Par 
exemple,  la  charte  donnée  à  la  ville  d'Arras  par  le 
comte  de  Flandre,  au  retour  de  la  croisade,  en  1187, 
contient  un  article  des  plus  intéressans  sur  les  pâtu- 
rages  (i),  et  l'on  peut  citer  plusieurs  autresî  titres  de 


(i)Les  actes  de  con£édëration  des  communes  furent  auss^ 
qualifiés  pactes  d'amitié  ou  de  paix. 

Telle  est  la  charte  d'Arras  :  Cornes  confirmai  leges  et  con- 
suetudines  amicîtîse  Ariensium  in  Artesià. 

Elle  établit  douze  juges  choisis  dans  Vamitié,  qui  doivent 
jurer  de  rendre  exactement  la  justice  à  chacun,  sans  acc^p- 


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(a5) 

crnsemom  semblables,  du  même  temps.  Mais  il  est 
juste  de  reeolmaitre  <fae  Fédiieiir  des  ordomianoes  de 
aos  tm  n'avait  point  à  s'oàcnper  nëœssairement  des 
actes  des  autres  princes  souverains,  sauf  le  cas  de 
oonfirmaticm  royale. 

Nops  av(ND[s  vu  en  quoi  eonsistaieiit  les  privilèges 
des  communes  urbaines*  Ces  bénéfices  û-étinent  pas 
saos  réserve^,  'et  surtout  sans  ebai|;es. 

Gomme  nniemion  du  monan^  n'albit  pas  jus- 
qu^àvouloir  dépouiller  l^seignéurs  de  tous  leurs  droits, 
et  parce  qu'il  ne  s'agissait  que  de  les  restreindre  dans 
de  justes  bornes,  les  lEvantages  devaient  être  assez  ba^ 
lanciîsdes  deux  parts,  ^ur  empêcher  qu'un  contre» 
poids  trop  puissant  ne  fit  passer  F^Jitis,  de  la  classe  de 
l'oppresseur  dans  celle  de  l'opprimé*  C'est  pourquoi 
le  dernier  article  des  chartes  coiltient  ordinairement 
cette  clause  .*  Sauf  notre  droit  j  celui  des  évêqueSj 
du  ciergéj  des  seigneurtj  des  nobles ^  des  mgénus. 


tion  de  pauvres  ni  de  riches ,  de  petits  ni  de  grands.  Tons 
les  cantons  qui  font  partie  de  Vandtié  sont  tenus  aussi  de 
s'engager  par  serfnent  à  se  prêter  matuellement  secQurs. 

In  anûcitiâ  i^tur  siaU  duodecim  electijudioef,  qidji^  etju- 
ramento  firmaçerunt  quoniam  in  judicio  non  acdpieni  personam 
pauperis  vel  dlçitis,  nohîUs  çel  ignobilis,  projdmi  oel  exirand. 

Omnes  amian  ad  amicitiam  pertinerUes  inlke  per  fidem  et 
sacrameittum  firmwermU  guàd  unus  suboeniet  alteri  tanquam 
fratri  suo  in  udH  et  hônesto.  (Art.  i,  Spicileg,  d'Achery,  t,  a^ 
ifl-f%  p.  a53.) 


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(26) 

lyautres  di^Kisitions  défendaient  à  rautoriië  munici- 
pale de  s^immiscer  dans  la  connaissance  des  droits  féo- 
daux. Le  serment  même  de  la  commune  était  réputé 
fait,  sauf  la  foi  due  au  seigneur  {\\  Ces  réserves 
protégeaient  le  faible  dans  le  système  des  chartes,  qui 
donnaient  la  force  aux  bourgeois  ;  et  relativement  au 
siècle,  il  eût  été  sage  de  les  prescrire,  quand  bien 
même  on  ne  les  aurait  pas  exigées.  Je  h*en  citerai  plus 
qu'une,  à  laquelle  les  possesseurs  de  fiefs  attachaient 
beaucoup  de  prix.  (Tétait  celle  qui  défendait  d'ad- 
mettre dans  la  commune ,  les  vassaux  des  seigneurs 
voisins,  ou  qui  ne  le  permettait  qu*à  des  conditions 
\  ces  derniers.  }l  était  surtout  interdit 
es  de  recevoir  les  hommes  de  corps  du 
[omaines.  Si  quelqu'un  d'eux  y  avait  été 
t  forcé  d'en  sortir,  et  par-là  on  conser- 
eigneurial  qui  portait  sur  les  personnes. 
Ces  clauses  s'étendaient  aux  hommes  des  abbayes 
royales ,  et  à  ceux  des  auires  communes  (2).  Si  les 
habitans  libres  de  la  campagne  pouvaient  être  agrégés 
à  une  commune  voisine,  c'était  sous  la  condition 
qu'ils  abandonneraient  à  leur  seigneur  les  terres  qu'ils 
possédaient  dans  son  territoire.  Il  ne  letir  était  permis 
de  retenir  à  la  ville  que  ce  qu'ils  pouvaient  y  trans- 
porter avec  eux  (3). 

(i)  Sahàfidditate  dominorum.  (  Charte  de  Bray.) 
(2) Charte  de  Saint-Quentin,  art  S;  de  Bray,  art  i3. 
(3)  Si  rusticus  extraneus  causa  intranâi  commumam  in  villam 
venerit,  de  quocumquc  districto  sit,  qmdquid  secum  adduxerit  sal-^ 


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(37) 

Viennent  ensuite  les  chaînes,  dont  les  plus  pe- 
santes résultaient  de  la  mise  à  prix  de  raffranchisse- 
ment.  Les  TiUes  étaient  tenues  de  payer  une  rançon , 
pour  se  racheter  de  la  servitude  d*où  elles  étaient  ti- 
rées par  la  charte  de  commune,  et  pour  indemniser  le 
seigneur  de  la  p^te  de  droits  et  de  pouvoirs  qu^il  en 
é{Ht)uyait.  N^examinons  pas  si  cette  condition  était 
digne  du  trône  y  mais  rappelon»*nous  que  les  seigneurs 
y  étaient  les  premiers  intéressés,  et  que  la  concession 
de  la  charte  rendait  leur  consentement  nécessai^ 

Indépendamment  de  For  que  Ton  prodiguait^k 
clergé  et  aux  nobles  pour  neutraliser  leur  opposition, 
nos  rois  percevaient  d*ahord  une  somme  plus  ou 
moins  forte ,  qui  formait  un  secours  ffcésent  ;  ils  im« 
poAient  ensuite  des  redevances  pécuniaires  annuelles, 
qni  grossissaient  leurs  revenus,  et  ils  tiraient  d^autres 
avantages  du  service  militaire ,  qui  était  encore  une 
charge  de  conunmies. 

Les  habi tans  deLaon  avaient  fait  des  sacrifices  con- 
sidérables d'argent  pour  obtenir  le  droit  de  conmiune: 
Louis  YI  en  profita.  La  conmiune  d'Amiens  fut  aussi 
achetée  à  prix  d'argent  (i).  Les  grands  vassaux  se  fai- 
saient payer  de  même  les  concessions  de  communes , 
dans  les  domaines  dont  ils  avaient  la  souveraineté  ; 
et,  à  leur  exemple,  les  seigneurs  particuliers  ven- 

wm  ent,  et  hoc  quod  sub  districto  domini  sut  remanehit  domiru 
erit  (Charte  de  Roye,  art  19.) 

(f)  Ambiard,  rege  illecto  pecuniis  ^  feccre  communiam,  (Gui^' 
bcrt.  ) 


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(  ^) 

daien},  aussi'  leur  consentement ,  quand  on  le  croyait 
nëcessaire  ou  simplement  utile.  Ce  n'est  pas  tout,  il 
ne  suffisait  pas  de  payeip  ce  droit  pour  l'obtenir ,  il 
fallait  faire  encore  de  nouveaux  sacrifioe^  de  deniers 
pour  le  conserver}  l'exemple  de  Laoù,  qui  obtint, 
perdit  et  ressaisit  sa  ccnnmuue  à  force  d^ai^^t,  eu  est 
une  preuve  remarquable. 

Le  poids  des  redevances  était  proportkmné  à  la  ri- 
chesse des  villes  afiranchies.  Qa  en  vit  même  qui, 
prdjfepttant  plus  qu'elles  ne  pouvaifânt  tenir,  furent 

Éigëes  de  renoncer  au  bënéfice  dont  liss  charges  les 
usaient.  La  ville  de  Roye ,  qui  ^'ët^t  engagiée  à  payer 
au  prince  cent  onze  livres  dix  sow  parisi^  par  an ,  fut 
supprimée  sous  Charles  V(ï),  Hiilippe  Auguste  n'ac- 
coorda  le  droit  de  commune  à  diverses  villes  du  L»n- 
nmf  que  moyennapt  le  doublement  des  redevances 
annuelles  dont  elles  étaient  déjà  grevées  (s).  Crespy 


(i)  L'ordonnance  est  de  janvier  iSyS. 

K  Nous  ayioos,  dît  le  roi ,  plusieurs  hommes  yassaux,  cens, 
t<  revenus  et  autres  possessions  de  nostre  domaine  et  grands 
m  prooffits  et  émolumens,  tant  en  justice  comme  es  aydes, 
«  ordonnez  en  la  dicte  chastellenie  et  ailleurs,  avec  cent  onze 
«  livres  dix  sous  parisis  de  rente,  etc*»  La  ville  de  Roye,  rui- 
née par  les  dernières  guerres  et  abandonnée  par  ses  habi- 
tans ,  ne  pouvant  plus  supporter  ces  charges ,  on  supprima 
la  commune  dont  elles  étaient  la  condition.  (  Ordon.  du  Lou- 
çre,  t.  5,  p.  662.) 

(2)  Nohis  omnâs  redditus  nostros  denanorum,  tam  in  placi- 
tis  quàm  in  aliis  rébus,  armuatim  dupKcabunt  (Ibid.,  t.  11, 
p.  a34.) 


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(29) 

ne  robtini  du  même  pr mce  qu'en  s'obligeam  au  ser- 
vice d'une  renie  considérable  (i).  Sens  lut  imposé  à 
six  cents  livres  pàrisis  de  rente,  non  compris  de  fortes 
redevances  en  grains  (:i).  Les  redeyances  annuelles 
entraient  aus^  dans  le  prix  que  les  seigneurs  particu- 
liers m^^iai^itàleui'  consentement,  lorsqu'il  s'agissait 
d'établir  des  Communes  dans  leurs  mouvances;  mais 
ils  étaient  censés  les  recevoir  à  titre  d'indemnités  ré- 
^éfô  par  le  souverain ,  et  ntm  comme  un  droit  qu'ils 
eussent  iïnp<9sé. 

lie  «er vice  niilitâîre,  bien  qu'il  fôt  utile  aux  commu- 
nes, format  ei^ore  l'objet  d'une  obligation  envers  le 
prinee  et  ttne  condition  principale  des  chartes.  Toutes 
les  viUe^  communes  y  étaient  assujetties.  Les  habitans 
des  autres  villes^  étaient  tenus  de  suivre  leur  seigneur  à 
la  guerre,  et  Celui-èi,  selon  le  devoir  de  son  fief,  mar- 
chait âveo  ses  vassaux  aux  ordres  du  roi  :  mais  quand 
des  bourgeois  avaient  obtenu  une  commune ,  c'était 
au  mr  qUrHls  devaient  immédiatement  ce  service,  et 
le  seigneur  était  alors  dispensé  de  fournir  le  nombre 
d'hommes  dont  il  aurait  été  tenu  dans  le  premier 
cas  (3).  Cependant ,  l'obligation  du  service  militaire 


»*+-^ 


'(i)  Tenettirreddere,  singUiîs  annis  Baîlii^is  nostris,  trecentas  et 
teptuQ^fOa  Ubras.  (  Ibid.,  ibid.,  art.  3i.  ) 
(a)C3iarte  dé  Sens,  art.  23. 

(3>De  eocercitu  et  de  eqidiatîonef  prœfàtam  ecclesiam  (l'ab- 
baye d€  Saint -Jean- de -Laon  ),  quantum  ad  has  quatuor  cil- 
las ^  reïaxamus  et  absolvimus;  eo  quàd  prœfatœ  QiUœ  exercitum 
et  eqtdtationem  nobis  debent,  sicut  alîœ  communias  nostrœ.  (  C)r- 
donn.  du  Louvre,  t.  ii,  p.  271.V 


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(3o) 

n^était  pas  la  même  pour  umtes  les  communes.  Saint- 
Quentin  devait  le  service d'o.<rt  et  de  chevauchée (^i)^ 
toutes  les  fois  qu*il  plaisait  au  roi  de  le  conunander. 
Bray,  au  contraire,  ne  marchait  qu'en  cas  de  convo- 
cation pour  une  guerre  générale ,  et  on  ne  pouvmt 
mener  sa  milice  au-delà  de  certaines  limites  assez  res- 
serrées, à  moins  que  ce  ne  fût  aux  frais  du  monarque. 
Telle  était  aussi  la  condition  des  bourgeois  deMâcon  : 
ils  devaient  suivre  le  roi  à  leurs  dépens,  en  quelque 
lieu  que  ce  fut ,  pourvu  qu'ils  pussent  rentrer  chez 
eux  le  soir.  Dans  le  cas  contraire,  ils  n'en  étaient  pas 
moins  tenus  de  marcher;  mais  le  roi  les  défrayait (2). 
Tournay  était  obligé  de  fournir  au  roi  trois  cents 
hommes  de  pied  bien  équipés ,  lorsqu'il  faisait  mar- 
cher ses  communes;  et  s'il  s'avançait  avec  son  armée 
jusqu'aux  murs  d'Arras,  toute  la  commune  de  Tour- 
nay devait  venir  le  joindre ,  sauf  le  cas  où  les  com- 
mimications  auraient  été  coupées  (3).  On  voit,  par  un 
rôle  de  I253,  que  le  service  militaire  des  communes 

(i)  Osty  du  mot  hostis*  Le  service  à!ost  ou  de  che^aucliée, 
était  proprement  celui  des  chevaliers  et  des  hommes  d'ar- 
mes à  cheval  ;  c'était  le  service  militaire  par  excellence , 
dans  un  temps  où  les  hommes  de  pied  étaient  comptés  pour 
peu  de  chose.  Mais  le  terme  S'est  s'étendit  à  signifier  toute 
espèce  de  troupes  ;  et ,  à  l'égard  des  communes ,  il  ne  peut 
être  pris  que  dans  le  sens  de  fantassins ,  ou  milice  à  pied. 

(a)  Ordonn.  du  roi  Jean,  de  février  i35o,  art.  19,  t.  2  du 
Rec.  du  Lowre,  p.  348* 

(3)  An.  34  et  35  de  la  charte  de  Tournay.  (  Ibid.,  t.  1 1 , 

p.  25l.  ) 


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(3.  ) 

avait  été  ré^é  long-temps  ayant  cette  époque.  Chaque 
conunune  était  taxée  à  raison  de  sa  pc^ulation,  et  son 
contingent  se  composait  d'un  certain  nombre  de  ser-^ 
gens  de  pied;  car  les  milices  communales  ne  ser* 
yaient  qu'^à  pied,  comme  les  vélites  chez  les  Romains. 
On  sait  que  la  force  principale  des  armées  françaises 
ne  consistait  alors  que  dans  le  corps  des  chevaliars 
et  des  hommes  d'armes  qu'ils  menaient  avec  eux.  Les 
villes  les  plus  considérables  fournissaient  à  peine 
quatre  ou  cinq  cents  hommes  ;  et  leurs  milices  ne 
firent  corps  avec  l'armée,  que  long-temps  après  l'ins- 
titution des  communes.  Rigord  et  Guillaume -le - 
Breton,  écrirains  contemporains  de  Philippe  Auguste, 
leur  donnent  le  nom  de  lésons  (i)  :  chaque  légion 
portait  le  nom  de  sa  commune. 

Les  bourgeois  étaient ,  enfin ,  obligés  par  les  chartes , 
à  divers  services  d'intérêt  local  qui  constituaient  bien 
une  charge  pour  les  individus,  mais  dont  la  masse  ti- 
rait tout  le  profit.  C'étaient  eux  qui  devaient  pourvoir 
à  la  garde  de  la  ville,  à  l'entretien  et  aux  réparations 
des  murs ,  des  ponts ,  des  rues  et  places  publiques. 
Telles  sont  les  obligations  imposées  aux  habitans  de 
Montaubanpar  létir  charte,  datée  de  janvier  ï323  (2). 
A  Noyon,  il  n'y  avait  que  les  possesseurs  de  maisons 
qui  devaient  guet  et  garde,  et  qui  étaient  tenus  de  con* 
tribuer  aux  frais  des  affaires  de  la  commune  ;  encore 

(1)  Rîg.,  Gesta  PhiL  Aug,-^  Guil.  Brit.,  PlUlippidos. 

(2)  En  comménçaot  l^attnée  à  Pâques,  ou  i323  en  comp- 
tant du  1^^  janvier. 


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(32) 

le  clergé  et  les  nobles  éiaient-Us  exceptés  de  cette 
obligation,  hes  bourgeois  de  Pontoise  devaient  tous 
contribuer,  à  proportion  de  leurs  facultés^  aux  dé- 
penses qu'entraînaient  la  défense  et  la  sûreté  de  la 
ville.  Quelquefois  même  on  obligeait  les  possesseurs 
de  fonds ,  dans  le  territoire  de  la  commune ,  à  supporter 
leur  part  des  frais  de  son  administration  ^  quoiquHls 
n'en  fissent  point  partie.  C'est  ainsi  que  les  seigneui^ 
des  eniârons  d'Angouléme  et  leurs  homilies,  dans  un 
rayon  diei  deux  lieues^  contribuaient  au  gnetet  garde 
et  à  l'entretien  du  château,  (c  II  est  bien  cbose  rai- 
((  sonnable,  dit  le  roi ,  que  eux,  leurs  honunes  et  su- 
ce jets  contribuent  au  guet ,  garde  et  réparations  d'i- 
((  celle  ville,  car  c'est  pour  garder  le  leur  même  (i).  » 

Voilà  quelle  était,  en  général,  la  conditicm  des 
communes  sous  le  régime  des  chartes ,  sauf  la  dififé- 
rence  des  proportions  entre  le  bénéfice  et  la  charge^ 

M.  de  Bréquigny  devait  apprécier  mieux  que  per- 
sonne le  but  politique  de  ces  institutions.  On  en  est 
d'autant  plus  étonné  de  ne  pas  trouver  dans  son  cha^ 
pitre  des  Motifs  de  rétablissement  des  communes 
en  France j  \me  seule  réflexion  qui  s'élève  à  la  bau- 
leur  de  ce  sujet. 

L'hcmoraUe  académicien  réduit  les  avantages  que 
nos  rois  tirèrent  de  Ja  concession  des  chartes,  à  ces 
trois  chefs  :  la  somme  une  fois  payée ,  les  redevances 
annuelles  et  le  service  militaire. 

(i)  Lettres  de  Charles  V,  t.  5  des  Ordonnances  du  Lcmvre, 
p.  679. 


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(33) 

Sans  doute  Fai'gent  doit  être  compte  pour  quelque 
chose  ;  le  monarque  en  avait  besoin  :  la  milice  des  villes 
lui  devint  aussi  d'un  très^and  secours  ;  elle  donna 
une  armëe  nationale  à  la  France,  qui  n^en  aVait  point  : 
mais  nous  ne  voyons  là  que  des  avantages  secondaires,  et 
non  pas  le  motif  principal ,  la  pensée  qui  devait  dominer 
toutes  les  autres  dans  Tesprit  du  monarque.  Il  suffit  de 
se  rappeler  Tëtat  de  désordre  et  de  dissolution  où  tomba 
le  royaume  sous  le  despotisme  féodal,  pour  sentir 
combien  il  importait  au  souverain  d'en  réprimer  les 
excès;  de  quel  intérêt  il  était  pour  lui  de  saisir,  de 
fortifier,  de  diriger  lui-même  le  contre-poids  que  Té- 
nergie  des  villes  venait  d'y  opposer.Cest  à  cet  intérêt 
tout  puissant,  bien  plus  qu'à  leur  détresse,  que  des 
factieux  durent  la  protection  du  trône.  Les  cités  qui 
ont  le  plus  contribué  à  l'établissement  du  régime  des 
chartes ,  étaient  en  révolte  ouverte  contre  des  seigneurs 
auxquels  on  reconnaissait  un  droit  de  souveraineté 
bien  ou  mal  fondé  qui  pesait  sur  elles.  Cette  circons- 
tance-là seule  prouverait  que  l'avantage  des  villes  n'é- 
tait pas  le  motif  déterminant  des  concessions  qu'elles 
obtinrent  en  pareille  position.  Si  le  prince  n'avait  eu 
en  vue  que  l'intérêt  des  révoltés,  il  n'eût  pas  choisi 
ce  moment  pour  les  aider  :  il  n'aurait  pas  commis 
l'imprudence  d'autoriser  la  rébellion  par  sa  compli- 
cité. Cest  parce  qu'il  agissait  dans  des  vues  plus  éle- 
vées ;  c'est  parce  qu'il  y  allait  du  salut  de  la  monar- 
chie ,  qu'il  dut  saisir  l'instant  où  l'hydre  affaiblie  par 
de  vives  résistances  lui  offrait  une  victoire  plus  facile, 
jet  d'un  effet  plus  sûr.  Il  lui  importait  de  ne  pas  laisser 
1       I.  9«  uv.  3 


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(  34  ) 

échapper  une  oc(;asion  aussi  favorable  pout^  en  triom- 
pher, maigre  rincoâvënient  de  «ervir  des  rebelles.  Le 
besoin  le  plus  pressant  du  trône  ëtait  alors  de  se  rap- 
procher d'uii  peuple  dont  il  ëtàit  séparé  dépuis  des 
siècles,  et  de  s'aider  de  ses  efforts  coiltre  Tennemi 
commim.  Cet  ennemi  c'était  la  féodalité,  dont  la 
^lissance  fondée  sur  Tesclavage  des  sujets  ne  pou- 
vait se  soutenir  avec  l'afiTranchissement.  Ainsi  TafiFran- 
chissement  armait  les  villes  en  faveur  du  trône.  Le 
monarque  avaittout  à  gagner,  et  rien  à  perdre  dans  ce 
grand  déplacement  de  pouvoirs.  Ce  qu'il  accordait 
lui  était  chèi:ement  payé  et  ne  lui  coûtait  rien;  c'était 
aux  dépens  de  son  enrlemi  qu'il  dotait  ses  défenseurs; 
il  profitait  également  de  ce  qu'il  retirait  à  Tûn , .  et  de 
ce  qu'il  dpnhait  à  l'autre.  Plus  il  étendait  les  libertés 
dès  villes,  plus  il  acquérait  dé  force  pour  les  limiter 
ùii  lés  reprendre,  si  jamais  on  en  abusait  contre  lui: 
c'est  ce  qui  est  arrivé;  et  l'évènènient  a  confirmé  ceue 
vérité  déjà  manifeste ,  que,  sous  la  pleine  et  libre  puis- 
sance du  trône,  les  libertés  municipales  ont  toujours 
été  su)>ordonnées  à  son  intérêt  où  à  ses  droits. 

De  l'éssehce  même  du  pacte  de  commune  naissait 
encore  iiu  avantage  immense  pour  l'autorité  royale. 

Les  divers  térrit6ii*es  dont  la  France  se  com 
étaient  deïneutés  comme  isolés  les  uns  des  autreis, 
la  différence  des  lois  et  des  usages  qui  rendaient  l'h^ 
bitant  d'uilé  cité  étranger  au  àtoit  et  à  la  conditid 
d'une  autre  tité.  Chaque  contre  avait,  pour  aiflj 
dire,  là  propriété  et  la  disposition  de  son  code,  e 
ce  sens  qu'il  n'intére^it  que  le  pays,  et  qu'il  n'ava 


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(35) 

d'effet  nécessaire  que  celui  qu'il  recevait  des  décisions 
du  pays,  par  l'organe  de  ses  magistrats.  La  féodalité 
n'avait  pas  Seulement  aggravé  les  inconvéniens  de 
cette  po^itionf^  elle  l'avait  rendue  intolérable  en  s*in- 
terposant  entre  la  loi  méconnue  et  la  justice  suprême 
qui  l'eût  fait  respecter.  Les  seigneurs  étaient  à  la  fois 
jugés  et  législateurs  dans  leurs  domaines. Leur  intérêt, 
armé  de  ces  deux  pouvoirs ,  avait  corrompu  toutes 
les  institutions  pour  s^asspijettlr  tons  les  droits  ;  et  les 
victimes  dé  ce  despotisme  étaient  d'autant  plus  à 
plaindre,  qUe  le  défaut  de  liens  et  de  rapports  entre 
plusieurs  coutumes,  ne  leur  permettait  d'invoquer  ni 
raut«rilé  ni  la  faveur  des  exemples  étrangers  à  leur 
territoire. 

L'établissement  des  communes  ne  changea  rieh  au 
fond  des  usagés  locaux  ;  mais  il  leur  donna  une  base 
toute  Nouvelle ,  et  devint  la  garantie  la  plus  sûre  de 
leur  conservation. 

On  n'a  pas  oublié  que  le  corps  principal  de  la 
cliirte  se  formait  du  règlement  des  coutumes,  c'est-à- 
dire  du  di-ôit  criminel,  civil  et  de  police  par  lequel 
la  commune  avait  été  ou  devait  être  régie.  Le  roi,  en 
accordant  ou  confirmant  une  charte,  is'apprbpriait  par- 
là  l'institution  ouïe  renouvellement  de  la  coutume 
dont  elle  fixait  ou  tnédifiait  les  dispositions.  En  y 
imprimant  le  sceau  de  son  autorité  J  il  lui  donnait  le 
carabtère,  la  fipfce  et  la  stabilité  de  la  loi.  Il  s'en , cons- 
tituait le  conservateur  et  l'arbitre.  Il  la  faisait  dépendre 
uniquement  de  la  volonté  du  Irène  dans  son  existence 
légale,  et  de  sa  suprêine  jù^iièe  dans  soii  exécution  , 


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(3<i) 

parce  qu^une  des  conditions  essentielles  des  chartes 
était  de  réserver  la  haute  juridiction  des  villes  de  com- 
munes aux  juges  royaux.  Dès-lors ,  la  coutume  n'ap- 
partenait plus  au  pays  qui  la  suivait,  que  par  son  ap- 
plication ;  elle  n'existait  plus  que  par  la  puissance  du 
trône.  Si  les  parties  d'un  même  empire  continuaient 
d'être  régies  par  tant  de  droits  différons ,  tous  ces  droits 
du  moins  demeuraient  soumis  à  un  régulateur  unique^ 
à  là  volonté  du  monarque  qui  fusait  la  loi  ;  et  c'est, 
peut-être,  le  plus  grand  pas  que  le  siècle  ait  fait  dans 
les  voies  de  la  civilisation.  Voilà  pourquoi  les  villes  ne 
pouvaient  renoncer  au  bénéfice  de  leurs  chartes,  sans 
l'agrément  du  prince.  Ces  actes  étaient  des  lois  :  elles 
ne  pouvaient  donc  être  retirées  que  par  le  pouvoir 
qui  les  avait  données. 

M.  de  Bréquigny  n'a  pas  jugé  à  propos  d'entrer 
dans  ces  considérations,  sans. doute  parce  qu'il  avait 
plus  à  s'occuper  des  faits  que  de  leurs  conséquences. 
Il  semble,  néanmoins,  qu'en  rendant  compte  des  mo- 
tifs de  l'établissement  des  communes,  il  n'aurait  pas 
dû  négliger  le  premier,  le  plus  puissant  de  tous,  l'in- 
térêt de  la  société  générale  et  le  salut  de  l'Etat.* 

Je  suis  loin  de  prétendre  que  le  cœi^r  de  nos  rois 
soit  demeuré  insensible  aux  gémissemens  de  leurs  peu- 
ples; qu'ils  n'aient  donné  aucune  attention  .à  l'état 
déplorable  où  languissaient  les  campagnes  et  les  villes, 
quand  l'heure  de  l'affranchissement  a  sonné 'pour 
elles  :  les  chartes  qui  sont  lem*  ouvrage  portent  l'em- 
preinte de  sentimens  plus  honorables  pour  leur  iné- 
moirp.  Onjit  dans  quelques-unes,  qu'elles  ont  élë 


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(  37  ) 

données,  entre  autres  motifs ,  pour  délivrer  les  pau- 
vres (c'est-à-dire  les  faibles)  d'une  trop  grande  op- 
[Nression,  prb  ninUd  oppressione  pauperum  (i);  ou 
pour  réprimer  les  excès  du  clergé,  ob  enormitates 
clericorum  (2)^  ou  simplement  pour  le  maintien  de 
la  paix,  habeant  communiam  prb  pace  conser- 
çandà  (3).  Mais  qu'est-ce  que  cela  prouve  ?  que  Tin- 
térét  qu'avaient  nos  rois  à  accorder  des  chartes  de 
commune  se  fortifiait  de  celui  que  les  villes  avaient 
à  les  recevoir,  et  rien  de  plus  (4). 

C'est  aussi  dans  leur  intérêt  que  les  seigneurs,  à 
l'exemple  des  évêques  et  du  souverain,  établirent  des 
communes  dans  les  villes  de  leur  mouvance.  Par-là  ils 
prévenaient,  ou  des  rebellions  ouvertes,  ou  la  déser- 
tions des  hommes  de  leurs  terres,  qui ,  pour  éviter  les 
vexations ,  se  réfugiaient  dans  les  communes  voisines 
ou  dans  les  domaines  royaux,  avec  le  titre  de  bour- 
geois du  roi-  Mais  il  y  avait  cette  différence  entre 


Ti)  Confirmation  des  privilèges  de  la  ville  de  Mante,  par 
Louis- le- Jeune,  en  ii5o ,  t.  11,  p.  297  du  Rec.  des  Ordorm. 
Ju  Loue. 

(2)  Confirmation  de  la  charte  de  Compiègne,  par  Philippe 
Auguste,  en  1186.  lbid.9  p.  24.0. 

(3)  Charte  de  divers  lieux  dépendans  de  l'ahhaye  d'Âuri- 
gny,  accordée  par  Philippe  Auguste,  en  12 16.  Ibid.,  p.  3o8. 

(4)  M.  de  Bréquigny  convient  lui-même  que  «  l'intérêt 
«  que  ceux  qui  accordaient  les  communes  avaient  coutume 
«  d'en  tirer,  contribua  souvent  plus  à  ces  concessions  que 
«  l'intérêt  de  ceux  à  qui  elles  étaient  accordées.  1» 


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(38) 

•le  monsrque  et  les  seigneurs ,  que  le  monarque  aug- 
mentait sa  force  en  autoï*isant  des  communes ,  avi  lieu 
que  leà  seigneurs  ne  faisaient  que  modél'er  Tafiaiblis- 
sèment  dVne  puissance  qui  kur  échappait. 

La  plupcirt  des  villes  du  Languadoc  ont  reçu  leurs 
chartes  des  sei^eurs,  et  quelques-unes  de  ces  conces- 
sions $ont  des  plus  anciennes.  Suivant  domYaissette, 
rémanpipation  de  Carcas$onn€)  se  serait  effectuée  en 
1 107,  époque  antérieure  aux  premières  charte  con- 
firmées par  Louisrle*Gros.  Gell^  de  Mtotpelli^  est 
rapportée  à  Tannée  ur3;  celle  de  Béners  à  iiai; 
celle  de  Wîmesà  u44î  celle  deNarbonnêàM48,  et 
Taffranchissem^t  de  Castres,  à  Tan  1 160.  Le  rétabli»- 
sepient  de .  l'adwinistration  municipale  de  Toulouse 
remonte  aussi  v^rs  le  milieu  du  dôu^ièmç  siècle  (r). 

Jl  y  a  cependant,  ajoute  le  cftêmp  auteur,  quelque 
différence  entre  Tprigine  des  communes  de  Langue- 
doc et  celles  de  France,  La  plupart  de  ces  dernières 
lurent  établies  par  l'autorité  de  nos  rois ,  indépen- 
damment des  seigneurs  qui  avaient  le  domaine  des 
villesj  au  lieu  que  les  bourgeoisies  et  les  communes 
des  villes  du  Languedoc  furent  instituées  par  les  sei- 
gneurs immédiats,  qui  leur  accordèrent  divers  jaivi- 
léges,  firent  ériger  leurs  coutumes  particulières,  et 
leur  donnèrent  des  lois  de  police  et  de  gouvernement. 
C'est  ce  qui  résulte,  entre  autres  chartes,  des  cou- 
tumes que  les  vicomtçs  de  Saint-Antonin  en  Rouergue 


(1)  Histoire  du  Languedoc,  par  les  Bénédictins )  t.  3,  p.  5i5^ 


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(39) 
dopi^reût  v^s  Tan  1 136  aux  h^^itans  de  cette  ville. 
Ces  règlemens  permettem  le  duel  et  Tëpreuve  du  fer 
chaud  y  autcmt  que  les  parties  y  consentent;  ils  abo- 
lissent les  quespM  et  toutes  les  autres  impositions  for- 
cées; ilfii  accordant  uiie  pleine  franchise  et  sûreté  à 
tous  ceux  qui  viendraient  à  la  fête  de  Saint-A>it(win 
duncK)^de  septqui})]^^,  huit  jours  avant  et  après  (i)« 
Il  semblerait  que  ces  diverses  chartes  ^  du  moins  les 
plus  anciennes ,  auraientëtë  accordées  par  les  seigneurs, 
s^ois  la  partidpation  du  monarque.  Cette  circonstance 
n*  aurait'  rien  d'^txtraordinaire  pour  le  temps  où  le  rôi 
de  Franpe  n'avait  pae;  encore  la  propriété ,  pwis  seide- 
ment  la  souver^ilieté  des  principales  villes  du  Lan- 
guedoc,  que  Char^emagne  avait  réduites  sous  son 
obéiss^ce..Qi|  convint  d'aill^nrs  que,  dans  U  rigueur 
du  droit  fèodal ,  les  ducs  et  \es^  comtes  souverains 
poi:^vaienjt  ^  croire  fondés,  jusqu'à  un  certain  point, 
à  s'absienir  de.  consvdter  le  tfône,  quoiqu'il  ne  soit 
pas  sans  exemple  que  de  grands  vassaux  aient  recher- 
ché sa  garantie,  en  soumettant  leurs  actes  à  la  confir- 
mation royale.  Mais  cette  indépendance*  a  toujours  été 
considérée  comme  un  des  plus  grands  abus  de  la  féo- 
dalité. Dès.  l'instant  où  le  monarque  eut  commencé  à 
ressaisir  Tempire  dont  elle  s'était  emparé ,  il  ne  fut 
plus  permis  de  contester  ces  maximes,  conséquence 
inévitable  du  droit  de  souveraineté  ;  qu'au  roi  seul  ap- 
partenait le  pouvoir  de  créer  des  communes,  oudç  les 


(i)  HisL  du  Long.  (  Ub.  sup.) 


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(  4o  ) 

autoriser,  ou  de  les  défendre  ;  que  les  villes  de  France 
étaient  ses  villes,  et  non  celles  des  seigneurs;  qu'çUes 
lui  étaient  immédiatement  soumises;  que  lui  seul 
avait  le  droit  de  les  régler,  et  d'apporter  dans  leur 
administration  les  changemcns  qu^il  jugeait  néces- 
saires (i).  Si  quelqu'un  osait  contester  V autorité  r/e 
la  commune  de  Beauvais ,  dit  Louis  VU ,  dans  ^s 
lettres  de  confirmation,  on  est  dispensé  de  lui  ré- 
pondréj  parce  que  le  roi  Va  garantie j  confirmée^ 
et  voulue  ainsi  (2).  C'est  encore  parla  force  du  même 
droit  qu'il  a  été  déclaré  que  les  juridictions  des  villes 
de  communes  dépendaient  exclusivement  du  monar- 
que, non  comme  seigneur  des  fiefs  qu'il  aurait  acquis  i' 
mais  comme  souverain  du  royaume.  Par  le  règlement 
de  la  juridiction  de  Lautrec,  il  fut  ordonné  que  tous 
les  consuls  et  autres  magistrats  municipaux  de  ces 
lieux  reconnaîtraient  solidairement  tenir  leur  con- 
sulat du  roi,  non  à  droit  féodal  comme  seigneur, 
mais  à  droit  de  sous^erdinetéj  et  comme  roi  (3).  En 


(i)Ordonn.  de  Philip,  de  Val.,  i338;  du  roi  Jean,  i35a; 
de  Charles,  régent,  i35ft;  t.  a,  3  et  4  des  Orâoru  du  Lowre^ 
et  passim. 

(2)  Qidcumque  contra  ilh^nk  ^f^  çob^erity  quoniam  ilkmi  con- 
firmaçimus  et  securaQÎmus  nequaquant  ilH  respqndebitui\  (T.  j  dçs 

Ordonn,  du  Lom?,,  p.  625.  ) 

(3)  OrdinaQit  qubd  dicU  consutes*...  ac  consîHarii..*.  eorumdem 
recognoscant  ipsum  consulatum  tenere  in.  solidum  à  Domim)  nos- 
tro  rege,  ut  rege.  ( Réglem.  de  Charles  VI,déceinb.  i^io,  t.  a 
àt%  Ordon.  du  Louo.y  p.  SSj.  ) 


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(  4i  ) 

eSet^  le  roi  seul  exei:çaitla  puissance  législative.  ( 
conditioii  des  villes  ne  pouvait  être  ehangëe  que 
une  loi ,  de  même  (pic^Ia  justice  municipale  ne  pou 
y  être  rendue  qu'au  ncnn  et  sous  Tautorité  du  prince 
qui  faisait  la  lo'u 


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(  40 

RECHERCHES 

SUR  LES  COMMUNES. 

PAR  M.  DE  BRÉQUIGNY  (i). 


Pour  traiter  avec  quelque  ordre  cette  portion  im- 
portante de  notre  droit  public,  jusqu'à  présent  peu 
ëclaircie,  nous  diviserons  en  plusieurs  articles  le  sujet 
que  nous  nous  proposons  de  discuter,  i**  Nous  déter- 
minerons ce  que  nous  entendons  ici  par  le  mot  com- 
munes ;  2*^  nous  fixerons  Tëpoque  de  Fëtablissement 
des  communes  en  France,  et  nous  en  développerons 
rapidement  les  premiers  progrès;  3**  nous  recherche- 
rons quels  furent  les  motifs  de  cet  établissement; 
4*  nous  examinerons  quel  devait  être  le  titre  qui 
donnait  le  droit  de  communes;  nous  ferons  voir  quel 
était  Tobjeldes  principales  claucesque  ce  titre  renfer- 
mait; nous  exposerons  enfin  comment,  par  qui  et  par 
quelles  raisons,  les  communes  ont  été  quelquefois 
modifiées,  abolies  ou  rétablies. 


(i). Extrait  de  la  préface  du  lome  ii  des  Ordonnances  du 
JjQwre. 


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(43) 
I. 

Ce  que  nous  entendons  par  le  mot  Communes, 

Ce  terme ,  employa  dans  racception  la  plus  éten- 
due, désigne  tout  c(»rps  d^babitans  réunis  pour  vivre  en 
sociéié  sous  des  lois  conmiunes;  en  ce  sens,  les  conmiu- 
nés  sont  sans  doute  plus  anciennes  que  les  monarchies- 

Mais  nous  n*entendons  ici  par  ce  mot  que  les 
corps  municipaux  qui  s'établirent  en  France  pour  ga- 
rantir de  l'oppression  les  habitans  des  villes ,  soit  que 
ces  corps  se  soient  forages  d'abord  par  des  confédéra- 
tions lumultuaires,  autorisées  ensuite  par  le  souverain , 
soit  qu'ils  aient  été  établis  à  l'imitation  de  ces  pre- 
mières confédérations,  en  vertu  de  concessions  au- 
thentiques préalablement  obtenues. 

Comme  le  but  de  cette  sorte  d'associations  était  de 
se  d^endye  de  la  tyrannie  des  seigneurs,  les  mem- 
bres de  la  commune  se  juraient  respectivement  de 
s'ehtre-secourir  les  uns  les  autres,  et  de  maintenir 
leurs  communes.  Ces  sermens  étaient  exprimés  dans 
l'acte  même  d'association  :  les  coutumes  anciennes  y 
étai^it  rédigées ,  ainsi  que  celles  qui  étaient  nouvel- 
lement établies  ;  on  y  fixait  les  formes  de  l'élection , 
et  l'étendue  du  pouvoir  des  magistrats  chargés  de  les 
faire  observer;  enfin,  on  y  stipulait  les  franchises ^ 
les  droits  et  les  obligations  de  la  commune. 

On  verra,  dans  les  articles  suivans,  le  développe- 
ment et  la  preuve  de  tout  ceci  :  il  ne  s'agit ,  quant  à 


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(44) 

présont  9  que  de  faire  apercevoir  les  caractères  distinc- 
tifs  de  ce  <jue  nous  nommons  communes.  Ils  peuvent 
se  réduire  à  trois  :  Tassociation  jurée  et  autorisée  par 
titre  authentique  ;  la  rédaction  et  la  confirmation  des 
usages  et  coutumes  ;  l'attribution  de  droits  et  privilè- 
ges, du  nombre  desquels  était  toujours  une  juridic- 
tion plus  ou  moins  étendue ,  confiée  à  des  magisti^ats 
de  la  commune  et  choisis  par  elle. 

Ces  caractères  suffisent  pour  faire  sentir  en  quoi 
les  droits  de  commune  diffèrent  d'autres  privilèges, 
qui  y  ressemblent  à  quelques  égards  ;  tels  que  les  af- 
fi:*anchissemens  ou  abonnemens  de  redevances  féoda- 
les ^  les  concessions  ou  confirmations  de  coutumes, 
les  droits  qu'on  nommait  bourgeoisies;  enfin  la  juri- 
diction municipale,  dont  plusieurs  de  nos  grandes 
villes  paraissent  incontestablement  avoir  joui  dans  les 
temps  les  plus  reculés  (i). 

Les  villes  de  commune  réunissaient  ces  divers  pri- 
vilèges. En  payant  des  redevances  fixes,  elles  étaient 
af&anchies  de  ces  droits  arbitraires  et  odieux  que  les 
seigneurs  se  croyaient  les  mahres  d'en  exiger  ;  elles 


n'ont  été  que  trop  souvent  confondus  par 

Q  ont  parlé  en  passant  ;  entre  autres  par  rao- 

!  remplie  d'ailleurs  de  recherches  curieuse^ 

les  droits  de  la  noblesse ,  insérée  dans  le 

nres  âe  littérature,  p.  107  et  suiv.  Du  Cange« 

la  liste  qu'il  donne  des  chartes  de  com- 

mune,  a  souvent  confondu  les  droits  de  commune  avec  le& 

couiufi^es. 


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(45) 

étaient  régies  par  les  coutumes  qui  y  avaient  été  de 
tout  temps  observées,  ou  par  celles  qu'elles  décla- 
raient vouloir  adopter;  leurs  habitans  étaient  ordinai- 
rement désignés  sous  le  nom  de  bourgeois;  les  affaires 
publiques  étaient  confiées  à  des  magistrats  élus  par 
eux  et  tires  de  leur  corçs  :  mais  d'autres  villes  pou- 
vaient jouir  de  ces  mêmes  privil^es ,  sans  être  ville 
de  commune ,  parce  que  ces  privilèges  réunis  ne  ras- 
semblaient pas  encore  tous  les  caractères  de  la  com- 
mune. 

£n  e£Fet ,  les  af&anchissemens  et  les  abonnemens 
de  redevances  féodales  n'attribuaient  point  de  juri- 
diction (i).  L'usage  d*être  régi  selon  certaines  cou- 
tumes ne  supposait  point  le  droit  de  se  choisir  des 
magistrats  pour  les  faire  observer  ;  il  imposait  seule- 
ment au  juge  royal  ou  seigneurial  l'obligation  de  s'y 


(i)  Voyez  la  charte  d'affranchissement  et  d'abonnement  de 
redevances,  accordée  aux  habitans  de  Peyrusses  en  i347 
par  leur  seigneur,  ccmfirmée  par  Charles  YI  en  i383  :  le  pre- 
mier article  porte  c[ue  considérani  être  cJiose  pieuse  et  cowena- 
hle  de  ramener  en  liberté  et  francidse  les  hommes  et  femmes  qui 
de  leur  première  création  furent  créés  et  formés  francs  9  etc.  Il 
est  dit  ailleurs  qu'ils  étaient  ^tmciermeté  taillables  et  exploi- 
tables à  colonie,  et  de  serve  condition.  Après  les  avoir  affran- 
dûs,  et  avoir  fixé  pour  l'avenir  leurs  redevances,  la  charte 
ajoute  pour  ce  dernier  article  :  demeureront  lesdits  hommes  et 
femmes,  justiciables  à  moi  et  à  mes  hoirs,  en  tous  cas.  (  T.  7  de 
ce  Rec,  p.  3i  et  suiv.— (Du  Recueil  des  Ordon.  Toutes  ces  no- 
tes étant  dé  l'éditeur  des  Ordonn»,  c'est  toujours  ainsi  qu'on 
devra  entendre  les  mots  ce  Recueil.)  (^Edit,  C.  L.) 


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(46) 

Conformer  dans  Tadministralion  de  la  justice  (i).  Le 
titxe  de  bourgeois  se  donnait  quelquefois  aux  hati- 
tans  des  villes  qui  n'ëtaient  point  gouvernées  en  com- 
mune. Pour  n'en  citer  ici  qu'un  seul  exemple,  la 
commune  d'Auxerre  ne  fut  établie  qu'en  1194;  ce- 
pendant on  trouve  dans  une  charte  de  Tan  1 188  (2), 
le  nom  de  bourgeois  donné  aux  habitans  de  cette 
ville.  Brussel  (3)  ,  en  interprétant  le  premier  article 
de  l'ordonnance  de  Philippe-le-Bel  en  1287,  au  sujet 
des  bourgeoisies  (4),  dit  que  celui  qui  veut  être  reçu 
bourgeois  doit  se  présenter  au  maire  de  la  ville ,  s'il  y 
a  une  commuhe  ;  et  s'il  n'y  a  point  de  commune,  au 
prévôt. 

Le  privilège  qui  ressemblait  beaucoup  plus  au  droit 
de  commune  était  la  juridiction  municipale ,  qui  en 
formait  effectivement  lin  des  caractèi'es  principaux  ; 
aussi  a-t-on  presque  toujours  confondu  les  villes  de 

(1)  L*artîcle  3i  des  coutumes  Ae  Mailly  -  le  -  Château , 
où  il  n'y  avait  point  de  commune,  porte  que  le  prévôt 
ou  juge  sera  tenu  de  jurer  l'observation  de  ces  coutumes 
(t.  5  de  ce  Recueil,  p.  717).  Il  y  avait  à   Péronne  àes 
coutumes  long-temps  avant  qu'il  y  eût  une  commune.  Il  est 
dit  dans  l'article  28  des  lettres  qui  établissent  la  commune 
de  cette  ville,  en  1207,  que  les  bourgeois  continueront  d'ob- 
server les  coutumes  dont  ils  ont  joui  jusqu'alors  :  Omnes  in- 
\as  burgenses  Peronae  kacienus  tenue- 
seroent,  (Ibid.,  p.  162.) 
xerre,  t.  2,  Preuv.,  p.  3i,  n«  64. 
,  p.  903. 
dans  le  t.  i  de  ce  Rec,  p.  3i4. 


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! 

'  (  47  ) 

comimine  avec  eelks  qui  jouissaient  de  cette  juridîc- 
j      tion.  il  &ut  donc,  avant  d'aller  plus  loin,  nous  arré* 
I      ter  un  peu  stdr  ce  point  essentiel ,  et  prouver  que  le 
droit  d^avôir  des  officiers  municipaux  ne  suf^se  point 
essetitie|)ement  Tétablisseinent  d'une  commune. 
\  Il  suffit  pout»  cela  de  faire  voir  qu'il  y  a  des  villes 

qui,  long-temps  avant  d'avoir  une  commune,  ont  eu 
dès  officiers  municipaux.  Le  savant  auteul*(i)  de  la 
Dissertation  sur  FHôtel-de-Ville  de  Paris,  placée  à  la 
tête  de  rHiôtoire  de  cette  ville  par  D.  Félibien,  a 
fait  VOIT  que  la  juridiction  municipale  de  Paris  était 
différente  du  droit  de  commune ,  dont  Paris  n'a  ja- 
mais joui.  La  ville  de. Lyon,  qui  fait  remonter  l'ori- 
gine de  son  corps  municipal  jusqu'au  temps  des  em- 
pereurs romains  (a),  n'a  jamais  joui  non  plus  du  droit 
de  commune,  ainsi  qil'il  lut  jugé  par  arrêt  du  parle- 
mètii,  en  tn'jS  :  Càrt^  apud  Lugdunum  non  esset 
nec  cotHmUriia  nec  unwersitasj  nec  umguâm  fuis- 
set  (3). 

La  Ville  de  Reims  est,  de  temps  immémorial,  en 
possession  d'une  juridiction  municipale.  Sous  les  rois 
de  nos  deux  premières  races ,  elle  était  gouvernée  par 
ses  propres  magistrats ,  qui  portaient  le  nom  àiéche- 
vinsj  et  qui  étaient  élus  par  le  peuple.  Dans  le  neu- 

(i)  M.  le  RouVoy.  la  première  partie  de  sa  ï)îssert.,  §  5, 
et  h  seconde  partie,  §  i. 

(a)  Fby.  Dubos,  Etabiîss.  de  la  monarchie  française,  t.  4, 
p.  3o2. 

(3)  Registres  oKm,  t.  2,  sous  Tan  1273. 


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(48) 

vième  siècle,  le  cëlèbre  archevêque  Hincmar  eut  re- 
cours à  leur  tribunal  (i);  cependant,  au  commence- 
ment du  douzième ,  elle  n'avait  pas  encore  le  droit 
de  commune  ;  elle  le  reconnut  elle-même,  lorsqu'elle 
sollicita  ce  droit  auprès  de  Louis  VIL  Et  qu'on  ne 
dise  pas  qu'elle  ne  sollicitait  que  la  confirmaticm  de 
ses  droits  anciens ,  sous  le  nom  nouveau  de  commune^ 
elle  demandait  une  commune  semblable  à  celle  qui 
ëtait  établie  à  Laon  depuis  environ  dix  ans  (2). 

Louis  VII  accorda  aux  Rémois  la  grâce  qu'ils  dési- 
raient. Nous  n'avons  point  le  titre  même  de  la  con- 
ceission  j  mais  nous  avons  deux  lettres  de  ce  prince  où 
il  en  est  fait  une  mention  expresse^  Elles  sont  rap- 
portées par  Marlot  (3) ,  qui  les  a  tirées  d'un  ancien 
manuscrit  de  l'abbaye  de  Saint-Thierry*  Tout^es  deux 
ont  pom*  but  de  reprocher  aux  Rémois  ^  à  qui  elles 
sont  adressées  ^  l'iabus  qu'ils  faisaient  du  droit  de  eoin- 
mune  qu'ils  Venaient  d'obtenir.  Dans  la  première,  le 
prince  leur  rappelle  les  conditions  auxquelles  il  leur 
a  octroyé  ce  droit.  «Vous  savez,  leur  dit- il ,  que  sur 
((  votre  humble  demande ,  et  condescendant  à  vos  priè- 
è  res ,  nous  vous  avons  accordé  une  commune  sur 


(i)  Voyez  Marlot ,  Hist  ecclés.  Rem.^  t.  a ,  p.  824  et  suiv. 
— Bergier,  de  VAntiq.  de  VécheQÎnage  de  Reims,  p.  7  ;  et  ie  Mé- 
ii  bailliage  de  Reims,  en  1766,  p.  8. 
e  de  Laon  fut  établie  par  Louis  VI ,  vers 
nous  le  dirons  plus  bas  (art.  2) ;  cell^  de 
[  Marlot,  ubisuprà,  p.  827.  ) 
et  suiv. 


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(49) 
((  le  modèle  de  celle  de  Laon^  sauf  le  droit  de  Tar- 
«chevéque  et  des  ëglises,  voulant  que  vous  en  rcti- 
((  riez  avantage  y  mais  sans  faire  préjudice  à  autrui  (  i  )•  » 
Il  leur  marque  ensuite  son  mécontentement  de  ce  qu'ils 
abusent  de  cette  concession  pour  usurper  les  droits 
des  églises.  Il  leur  fait  à  peu  près  les  mêmes  reproches 
dans  la  seconde  lettre ,  où  il  dit  expressément  qu'ils 
ont  outrer-passé  les  droits  de  la  commune  de  Laon , 
qui  leur  avait  été  donnée  pour  re^e{^.  La  com- 
mune qu'ils  obtinrent  de  Louis  VII  n'était  donc  point 
la  coniirmalion  d'un  droit  qui  leur  était  déjà  propre  ; 
c'était,  au  coniraire,  la  concession  d'un  droit  qui  leur 
était  absolument  étranger.  La  ville  de  Reims  n'avait 
donc  pas  une  commune  avant  le  règne  de  Louis  VIF, 
quoiqu'elle  eût  de  toute  ancienneté  une  juridiction 
municipale.  Il  ne  faut  donc  pas  confondre  la  juridic- 
tion municipale  avec  le  droit  de  commune. 

Ce  droit  de  commune  ajoutait  encore  à  tous  les 
privilèges  dont  nous  venons  de  parler  :  le  serf  deve- 
nait libre  par  le  simple  afirancbissement  j  l'homme 
libre  devenait  bourgeois  par  son  association  aux  ci- 
toyens d'une  ville  qui  avait  des  franchises  et  des  pri- 
vilèges; mais  quels  que  fussent  ces  franchises  et  ces 
privilèges,  il  ne  devenait  homme  de  commune  que 
, .-^P 

{i)Scids  quia  nos  humiii petitiom  et  predbus  vestris  assenswn 
praèenies,  ad  modum  communiœ  Laudunensis  communiam  Qohis 
indulsimus,  etc.  (  Marlot,  vbi  suprà,  p.  326.  ) 

(2)  Modum  Laudunensis  communiœ,  qui  çobis  propositus  est, 
cmnino  e(Lceditis.  (lbid.,,p.  827.  ) 

I.  9«  Liv.  4 


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(  5o  ) 

lorsque  cette  ville ,  outre  ses  cputumes  particulières , 
outre  sesfrandiises,  outre  sa  juridiction  propre ,  jouis- 
sait de  Tavantage  d^avoir  des  citoyens  unis  en  un 
corps  par  une  confédération  jurée  ,  soutenue  d^une 
concession  expresse  et  authentique  du  souverain.  Telle 
est  ridée  que  nous  attachons  au  mot  commune/  et 
cette  idée  sera  justifiée  par  tout  ce  que  nous  allons 
dire  de  rétablissement  des  communes,  de  leur  objet 

et  de  leurs  fermes. 

IL 

Epoque  de  rétablissement  des  communes  en-France, 
et  leurs  premiers  progrès. 

De  ce  que  nos  rois  de  la  seconde  race  ont  accordé 
quelques  privilèges  à  divers  lieux ,  il  n'en  fiiut  pas 
conclure  avec  Brussel(i)  qu'ils  ont  institué  des  com- 
munes ,  parce  qu'aucun  de  ces  privilèges  n'avait  les 
caractères  que  nous  venons  d'assigner  aux  communes. 
Les  chartes  de  franchises  accordées  aux  villes  et  vil- 
lages de  France  avant  le  douzième  siècle ,  dit  un  au- 
teur étranger  fort  versé  dans  notre  histoire  (2) ,  ne 
contenaient  ni  établissement  de  corporation ,  ni  gou- 
vernement municipal,  ni  droit  de  guerre  privée,  mais 

(i)  Usage  desjlefs,  te  i,  p.  180. 

(2)  Robertson ,  Etai  de  l'Europe,  depuis  la  destruction  de 
Vempire  romain  jusqu'au  quinzième  siècle,  à  la  tête  de  VHis^ 
toire  de  l'empereur  Charles  V,  t  1,  note  16  ^  p.  25i.  Cet 
excellent  ouvrage  vient  de  paraître  en  anglais ,  à  Londres.  ^ 
en  trois  vol.  in-4.**.  » 


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(5.  ) 

seulement  des  afliranchissemens ,  des  abonnemens  de 
redevances ,  des  exemptions  de  serrices.  Les  com- 
munes ne  se  fonnèrent,  en  France,  que  plus  d'un 
siècle  après  le  commencement  de  la  troisième  race  de 
nos  rois. 

Dans  les  temps  d'anarchie  et  de  désordres ,  pen- 
dant lesquels  on  avait  vu  cette  race  s'ëlever,  les  comtes 
et  gouverneurs  des  villes  s'ëtaient  approprie  les  droits 
attachés  à  leur  charge.  De  quelque  façon  que  leur 
pouvoir  ait  commencé ,  ils  étaient  venus  à  bout  de  le 
rendre  héréditaire.  Bientôt^usant  arbitrairement  d'une 
autorité  usurpée,  ils  en  avaient  fait  sentir  tout  le  poids 
à  leurs  sujets  (car  c'est  ainsi  qu'ils  appelaient  leurs 
justeciables);  et  sans  ^ard  pour  les  anciennes  lois, 
ils  les  avaient  accablés  de  toutes  les  vexations  qu'a- 
vait pu  leur  su^érer  l'avidité  ou  le  caprice. 

Les  villes  les  plus  opprimées  ou  les  plus  puissantes 
se  soulevèrent  enfin  contre  ce  joug  intolérable  ;  leurs 
habitans  formèrent  ces  confédérations  dont  nous  ve- 
nons de  tracer  les  caractères ,  et  auxquelles  ils  don- 
nèrent le  n<mi  de  communes.  Ce  fut  sous  le  r^ne 
de  Louis  VI  qu'elles  prirent  naissance.  Nous  avons , 
sur  leur  origine ,  des  détails  curieux  dans  les  Mé- 
moires (i)  de  Guibert,  abbé  de  Nogeiit,  témoin  ocu- 
laire (2)  des  troubles  dont  elles  furent  l'eflet  ou  la 
cause» 


(1)  Gnibert.,  de  Vitâ  suâ,  1.  3. 

(2)  Le  nécrologe  de  Téglise  de  Laon  s*expriine  ainsi  en 
parlant  du  récit  que  Guibert  a  fait  des  troubles  causés  par 


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(  5a  ) 

Une  des  premières  qui  se  forma  fut  celle  de  Noyon  : 
Guiben  atteste  qu'elle  lut  le  modèle  de  celle  de  Laon. 
Les  lettres  de  Philippe  Auguste,  qui  confirmèrent  la 
commune  de  Noyon  en  1 1 8 1 ,  nous  apprennent  qu'elle 
avait  ^té  établie  par  Louis  VI  (i).  Le  titre  de  réta- 
blissement s'est  perdu  ;  mais  il  nous  reste  une  charte 
de  Baudri(2),  évêque  et  comte  de  cette  ville,  qui 
nous  instruit  des  principales  circonstances.  Les  habi- 
tans  de  Noyon ,  consternés  des  vexations  étrangères 
et  domestiques  qu'ils  éprouvaient,  cherchèrent  à  s'as- 
surer un  protecteur  en  élisant  poitr  leur  évêqûe  Bau- 
dri ,  leur  compatriote,  archidiacre  de  leur  église  (3). 
Ce  prélat,  ami  des  lettres  et  des  hommes,  plein  de 
vertus  dans  un  siècle  qui  en  fournissait  peu  d'exem- 
ples ,  répondit  à  leurs  espérances  et  combla  leurs  vœux , 
en  leur  procurant  l'établissement  d'une  commune.  Il 
en  rédigea  lui-même  l'acte  dans  une  assemblée  géné- 
rale du  clergé,  des  nobles  et  des  bourgeois;  il  fit  ju- 

l'élâblissemeut  de  la  commune  de  Laon  :  Hœc  et  aUa  quam- 
plurima  memoratus  Abbas,  qui  his  diebus  prœsens  aderat,  plenâ 
fide  etoeritate  consaipsit;  not  Dacherii  ad  Guibertom,  p.  85a. 

(i)  Philippe  Â.ogusle  parle  ainsi  dans  ses  lettres  :  Commu- 
mam  Nwîomensem,  quant  avus  noster  instUuit.,,.  et  postmodiim 
paier  noster.».,*  manutenuit  (Ordonnances,  p.  224  de  ce  vol.  ) 
(Du  t.  II  des  Ordonn.) 

(a)  Elle  a  été  publiée  par  le  Vasseur,  Annales  de  FégUse  de 
Noyon,  p.  8o5.  Il  Ta  tirée  d'un  cartulaire  de  cette  église. 

(3)  Il  fut  élu  en  1098.  Voy.  sur  cet  évêque,  GalL  Christ,  t  g, 
P-  998-—  jHw«.  Utt.  de  la  Fr.,  t  9,  p.  579.— Baluze,  MiscelL, 
t.  4)  P-  3o8  et  suiv. 


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(53) 

rer  d'en  oliseryer  les  articles;  enfin,  il  obtint  du  roi 
des  lettres  de  concession  revêtues  de  leurs  formes  (i). 
Ces  lettres  de  Louis  VI  n'existent  plus  ;  mais  il  est 
aisé  de  voir  c{u*elles  doivent  a[^)artenir  aux  premières 
années  du  règne  de  ce  prince ,  car  Baudri  mourut  en 
II  i3.  D^ailleurs,  la  commune  de  Noyon  subsistait 
avant  celle  de  Laon,  à  qui  elle  servit  de  modèle  (2)  : 
or,  nous  allons  voir  que  TcMÎgine  de  la  commune  de 
Laon  remonte  jusque  vers  Tan  1110. 

Guïbert  nous  a  transmis  toute  l'histoire  de  réta- 
blissement de  la  commune  de  Laon.  L'évéque ,  loin 
d'y  contribuer,  s'y  o{^)osa  de  toutes  ses  fcarces.  Ce 
prélat,  bien  différent  de  l'évéque  de  Noyon,  avait 
été  élu  à  la  recommandation  du  roi  d'Angleterre,  dont 
il  était  référendaire.  Plus  propre  à  aggraver  les  maux 
de  son  diocèse  qu'à  les  calmer,  il  en  fomenta  les  trou- 
bles, il  en  augmenta  les  désordres.  Trois  ans  après 
^n  élection ,  il  eut  part  à  l'assassinat  de  Gérard  de 
Crecy,  bomme  respectable  par  son  rang  et  par  ses 
vertus^  qui  fut  massacré  dans  une  église.  Laon  était 


(i)  Voici  ses  termes  dans  la  charte  rapportée  par  le  Vas- 
senr  :  Communionem  in  nooiomo  concUto  elericorum  ac  miUtum, 
nec  non  et  Burgensium  mefecisse,  et  sacramento,  pontifleaU  auc- 
toriiate,  aique  anathemùtis  çinado  confirmasse  f  et  à  dominù  Ludo- 
oico  rege  ut  ipsum  concederet  et  regali  signo  corrohoraret  impe- 
trasse,  etc.  (  Annal,  de  Fégl.  de  Noyon ,  M  suprà.) 

(2)  Guibert  dit  de  la  commune  de  Laon  :  Jurmit  communion 
nis  ilHus  se  jura  tenturum,  eo  quod  (lisez  qud)  apud  Nwiomagensem 
urbem*,*.»  ordine  scripta  existerant.  (De  Yitâ  snâ,  1.  3,  p.  5o4.) 


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(  54  ) 

alors  le  théâtre  de  tous  les  crioies  :  les  étrangers  y 
étaient  impunément  pillés  et  outragés^  Jes  domesti- 
ques du  roi  même  n'étaient  pas  à  Tahri  des  insultes; 
les  nobles  y  exerçaient  des  yiolence»  et  dei|  cruatités 
dont  Guil)ert  trace  un  tableau  qui  fait  frémir  (i):  Les 
habitans  n'envisagèrent  de  ressources  que  daos  Téta- 
Uissement  d'une  comnnme  :  ils  {«'ofitèrent  de  l'ab- 
sence de  leur  évéque  po^r  obtenir  le  consentement 
des  ecclésiastiques;  ils  achetèrent  à  prix  d'argent  ce- 
lui 4es  nobles,  et  la  commune  fut  jurée (2).  L'évê- 
que  y  à  son  retour,  fut  fort  irrité  ;  on  l'apaisa  avec  de 
l'argent.  La  concession  du  roi  manquait  ;  on  l'obtint 
en  payant  de  HouveUes  sommes  :  mais  les  habitans 
ne  Jouirent  pas  long-temps  d'un  privilège  qu'on  leur 
^vait  vendu  si  cher.  L'évêque,  impérieux  et  violent, 
ne  pouvait  s'accommoder  d'une  administration  qui  ré- 
tablissait l'ordre  dans  la  ville,  et  ne  lui  permettait 
plus  d'abiiser  de  son  autorité  ;  il  employa  tous  $es  ef- 
forts pour  faire  abolir  la  commune.  Les  bourgeois 
alarmés  offrirent  400  liv.  au  roi  pour  qu'elle  fiit  main- 
tenue ;  l'évêque  en  offrit  700 ,  et  la  commime  fut 
supprimée. 

.Les  uoble^  s'étaient  joints  à  l'évêque,  qui  avait  fai^ 


(0  Guibert.,  4e yUâ  sn4, 1.  3,  p.  ^o3.  Çrbi  ilU  tarda  ab  ai^ 
iiquo  a^ersitas  inoleçerai^  ut  rieque  J^eus,  T»eqm  Dominas  quis-^ 
fdam  inihi  timeretur,  sed  adppsse  et  IMUun  cujusque,  rapims  e$ 
cauKbus  rtspublica,  misceretur,  etc.  {Voyez  aussi  le  chapitre  ii|^ 
p.  509.) 

(2)  Toat  ce  r^cit  est  tiré  de  Guibert ,  vhi  suprày 


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{55) 

venir  des  gens  de  ses  terres ,  et  en  avait  rempli  sa  mai- 
son et  les  tours  de  son  église.  Les  habitans  au  déses- 
poir prirent  les  armies  contre  lui.  Après  avoir  tenté 
de  se  défendre  y  il  fut  réduit  à  se  cacher  ;  mais  il  fut 
bientôt  découvert  et  mis  en  pièces  (i).  Les  désordres 
forent  extrêmes ,  son  palais  brûlé ,  diip  églises,  quan- 
tité de  maisons  réduites  en  cendres  ^a).  La  ville  pres- 
que détruite,  ^abandonnée  de  ^es  citoyens ,  dont  les 
uns  cherchaient  à  se  soustraire  aux  fureurs  du  peu- 
ple, les  autres  au  châtiment  de  leurs  excès,  fut  pillée 
par  les  habiians  des  villages  voisins  :  il  fallut  plu- 
sieurs années  pour  réparer  tant  de  désastres.  Les  cho- 
ses se  pacifièrent  peu  à  peu  ;  et  ce  ne  fiit  qu^au  bout 
de  seize  ans  (3)  que  la  commune  deLaon  fut  rétablie. 
Il  y  avait  eu  une  concession  primordiale  ;  de  là  les 
lettres  de  rétablissement  semblent  annoncées  comme 


(i)Le  aS  avril  II  i9f  ftelon  Goibert,  uèisuprà,  c.  8,  p.  5o6. 
Bob.  de  Momit^ApperuL  adSigibert,  ann.  m.  cxj,adcala  Gmà., 
p.  74.7, ^'exprime  ainsi  :  Ferid  V  Hebdomadœ  PasduUù  VU 
eoL  maii,  in  litaniâ  majore.  Nous  remarquerons  eu  passant 
que  le  nécrologe  deTéglise  de  Laon  jJace  la  mort  de  Vévè^ 
que  on  jour  plus  lard.  VI  kal*  maii,  obiius  Waidrid  episc^pi, 
etc.,  ad  cale.  Guib.,  p.  65a  ;  mais  les  caractères  cbronologi- 
qpies  donnés  par  Gâibert ,  et  Rob,  de  MàrUe,  ferid  V,et  in  li- 
iamà  majore,  désignent  incontestablement  le  jeudi,  jour  de 
Saint-Marc ,  aS  ayril. 

(a)  Voyez  )es  auteurs  cités  d^essus,  et  Hermann.  Monach. 
de  Mime.  S.  Marim  Laudun.  ;  ad  cale.  Guib.,  p.  SaS. 

(3)  En  iiaS.  Voyez  les  lettres  de  Louis  VI,  p.  iS5  de  ce 
ToL  (Du  t*  1 1  de»  Ord^) 


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(56) 

un  traité  de  pacification,  înstitutio  pacis  (i).  Tous 
leB  droits  de  la  commune  y  furent  confirmés ,  et  Ton 
y  ajouta  im  pardon  général  pour  tout  ce  qui  s^était 
passé ,  dont  treize  personnes  seulement  furent  excep- 
tées (2), 

Ce  fut  au  milieu  de  désordres  à  peu  près  sembla- 
bles, et  peu  de  temps  après  la  première  époque  de  la 
conunune  deLaon,  que  s'établit  celle  d'Amiens.  L'ë- 
vêque  Geoflfroy,  qui  en  était  aussi  le  seigneur,  prélat 
recommandable  par  sa  piété ,  et  qui  fut  mis  depuis  au 
non^)re  des  saints,  Pavait  accordée  aux  bourgeois,  et 
leur  en  avait  obtenu  des  lettres  du  roi  (3).  Le  comte 
d'Amiens ,  Ingelran  de  Bove ,  qui  relevait  de  Tévê- 
que(4),  prétendit  que  l'établissement  de  cette  corn- 


(i)  Nous  n'ignorons  pas  que  le  mot  pax  s'emploie  sou- 
vent dans  nos  anciennes  chartes  pour  désigner  la  banlieue, 
le  territoire  de  la  juridiction  municipale  :  mais  les  circons- 
tances de  l'établissement  de  la  commune  dé  Laon  paraissent 
indiquer  en  cet  endroit  l'acception  que  nous  donnons  à  l'ex- 
pression pacis  institutà),  quoique  daps  plusieurs  autres  let- 
tres elle  ne  signifie  que  l'attribution  d'un  territoire^  (  Voyez 
dans  ce  vol.  les  lettres  de  commune  de  Grespy,  p.  ^36 ,  de 
Bruyères ,  p.  245 ,  etc.  ) 

(2)  Art.  8  de  la  charte  de  commune  de  Laotu,  p.  186  de 
ce  vol. 

(3)Guîb.,  ubi  suprày  p.  5i5. 

(J^Gall  Christ,  t.  10,  p.  ii48.--  Longuerue,  Descr.  de  ta 
Fr,,  part  i,  p.  54,  s'exprime  ainsi  :  «  La  seigneurie  tempo» 
<t  relie  de  la  rille  (  d'Amiens  )  fut  donnée  par  les  rois  de 
«  France  aux  évéques  d'Amiens;  et  ce  sont  ces  prélats  qui 


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(57  ) 

miine  prëjudiciait  à  ses  droits (i),  et  youlut  Tabolir  à 
main  armée.  Il  ftit  chassé  de  la  ville  par  Tévéque  et 
les  bourgeois.  Ses  partisans  réfugiés  dans  une  tour,  au 
milieu  de  la  ville  même,  y  soutinrent,  contre  le  roi 
en  personne,  un  siège  de  deux  ans  :  la  famine  les 
força  de  capituler;  la  tour  fut  rasée  (2);  et  la  com- 
mune fut  maintenue  en  vertu  de  nouvelles  lettres  de 
Louis  VI,  sollicitées  par  Yves,  évêque  de  Chartres; 
car  il  paraît  que  c'est  l'objet  d'une  lettre  que  cet  évê^ 
que  écrivit  à  ce  prince,  et  qui  a  passé  jusqu'à  nous  (3). 
11  semble  y  désigner  la  confirmation  de  la  commune 


«  donnèrent  le  comté  d'Amiens  aux  seigneurs  de  la  maison 
«  de  Bove ,  qui  en  furent  dépossédés  par  Raoul ,  comte  de 
«  Veraiândois ,  dont  la  fille  Isabelle  épousa  Philippe  d'Aï- 
«  sace ,  comte  de  Flandre ,  qui  céda  en  ii85  le  comté  d^A- 
«  mieus  au  roi  Philippe  Auguste.  »  La  chronique  de  Trîvet 
]^ace  cette  cession  en  ii83,  et  ajoute  que  la  ville  d'Amien» 
resta  à  l'éyèqiie,  aux  charges  de  la  tenir  du  roi  :  Cwitas  Am- 
bianensis,  concessîone  régis  Franœrum  remansit  episcopo  Ambia- 
nensif  de  ipso  rege  tenenda,  (Dachery,  SpiciL^  t.  8,  p.  4^6.) 

{i)Ex  conjuraHone  Burgensiwn,  Condtatûs  sièijuta  oetusta 
imdi''.  (Guib.,  ubi  sup,,  p.  5i5.) 

(2)  Guib.,  îbid.,  p.  517.  Vita  S^  Geqffiiài  Ambkm,  Episc; 
apvdSurmm, 

(3)  Yçonis  CamoL  Epistokz,  p.  446,  epist  253.  Après  avoir 
exposé  la  douleur  que  l'évéque  d'Amiens  ressentait  des  trou- 
Mes  qui  agitaient  la  ville,  Yves  supplie  le  roi  d'avoir  égard 
aux  plaintes  de  ce  prélat  :  Didt  emm  regiam  ma/estaiem  çes^ 
tram^  ut  pactum  facis  quod,  deo  inspirante,  in  regno  çestro  con- 
famari  fecistis,  nullâ  lenadtante  amicitiâ  Qel  f attente  desidià 
nolari  permittatis. 


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(58) 

d' Amieiis  par  ^expression  de  pactum  pacis^  de  même 
que  la  confirmation  de  la  commune  de  Laon  est  aussi 
désignée  par  Texpréssion  institutio  pacis  dans  les  let- 
tres de  Louis  YI.  Il  est  assez  probable  que  cette  con- 
firmation eut  peu  d^effet,  car  les  habitans  demandè- 
rent de  nouveau  le  droit  de  commune  a  Hnlippe 
Auguste  j  qui  le  leur  accorda  en  i  igo  par  les  lettrea 
que  nous  publions  dans  ce  volume  (i). 

Quelques  écrivains,  qui  n'ont  connu^e  cette  der- 
nière concession,  ont  supposé  qu'Amiens  avait  eu 
une  commune  avant  que  nos  rois  lui  en  eussent  oc- 
troyé le  droit  :  ils  se  sont  fondés  sur  le  témoignage 
d'Etienne  de  Tournai ,  qui  parle  d'une  commune  éta- 
blie de  son  temps  à  Amiens ,  dans  une  lettre  dont  on 
ne  peut  rapporter  la  date  au-delà  de  1 164  (2).  A  la 
vérité,  cette  date  est  antérieure  à  la  concession  de  la 
commune  d'Amiens  par  Philippe  Auguste,  en  1 190 ; 
mais  elle  est  postérieure  de  plus  de  cinquante  ans  à 
la  première  concession  de  liOuisVI,  qu'ils  n'ont  pas 


(^i)  Ad petitionem  ipsorum  (ciçàtm  Ambîanensium) communfam 
eis  concessimusy  p.  264.  de  ce  vol. 

.  {7L)Steph,  Tornac.  Epist,  p.  i64,  t^t.  ii3.  Communiai  Am- 
bianensi  ad  quam  judidum  sangidnis  speciat,  etc.  L'anteur  dit 
plus  haut  qfue  la  ville  d'Amiens  était  alors  sous  ta  domina- 
tion du  comte  de  Flandre.  Elle  n'y  passa  qu'en  1164,  par 
Isabelle,  liéritière  en  partie  de  Raoul,  comte  de  Yerman- 
dois,  et  femme  du  com(e  de  Flandre,  Philippe  d'Alsace. 
Nous  ayons  dit  ci-dessus  (p.  56,  note  4))  <iae  ce  comte  de 
Flandre  céda  Amiens  à  Philippe  Auguste,  environ  vingt  an& 
^près. 


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(59) 

connue  :  ainsi ,  elle  u^e  prouve  point  qu* Amiens  eût 
eu  une  commune  avant  de  Tavoir  obtenue  du  roi. 

La  commune  de  Saint-Quentin ,  antérieure  à  celle 
d'Amiens ,  est  à  peu  près  du  même  temps  que  celle 
de  Noyon;  car  Guibert  dit  que  Tëvêque  de  Laon 
consentit  à  rétablissement  d'une  commune  dans  sa 
ville,. sur  le  modèle  des  conmiunes  de  Noyon  et  de 
Saint-Quentin  (i).  En  associant  ainsi  ces  deux  der- 
nières communes ,  il  sembla  annoncer  qu'elles  étaient 
à  peu  près  du  même  temps.  S'il  fallait  attribuer  quel- 
que antériorité  à  l'une  des  deux,  ce  devrait  même 
être  à  celle  de  Noyon,  qui  est  nommée  la  première  : 
or,  nous  avons  fait  voir  que  la  commune  de  Noyon 
ne  fut  établie  que  vers  l'an  1 1  lo. 

Cependant,  quelques  écrivains  font  remonter  beau- 
coup plus  haut  l'établissement  de  la  commune  de 
Saint-Quentin ,  et  voici  sur  quoi  ils  s'appuient.  Cette 
commune  fut  confirmée  par  Philippe  Auguste  en 
1 195  (2).  Cç  prince  s'oblige ,'  par  la  charte  de  confir- 
mation ,  de  maintenir  les  habitans  de  Saint-Quentin 
dans  la  jouissance  des  coutumes  observées  du  temps  de 
leur  comte  Raoul  et  des  prédécesseurs  de  ce  comte  (3)  i 
or,  disent-ils,  ce  Raoul  étftit  Raoul  I",  qui  fut  comte 
de  Vermandois;  en  xiig;  par  conséquent  ses  prédé- 

(i)  Eo  qm  apud  Nwiomagensem  vrhem  et  Sanquindnense  op^ 
pidusm  orêaie  scripta  exdteranL  (  Goib.,  M  fup*,  p.  5o4*  ) 

(a)  Voy.  ces  lettres,  p.  270  de  ce  roi. 

(3)  Usus  et  consuetudines  qùas  in  tempore  Radulfi  comitis  et 
0fiiecessonim  suorum,  Burgenses  S,  QidrUini  tenerunt  (  {bid,  ) 


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(6o) 

cesseurs  vivaient  long-temps  avant  le  douzième  siècle: 
d'où  ils  concluent  que  cette  commune  ayant  existé 
sous  les  prédécesseurs  de  Raoul  I*%  avait  par  consé- 
quent été  établie  bien  avant  le  règne  de  Louis  VI. 

Mais  9  i"*  il  est  probable  que  Philippe  Auguste,  en 
confirmant  les  communes  de  Saint-Quentin ,  avait  en 
vue  celles  dont  cette  ville  était  alors  en  possession , 
sans  renvoyer  à  des  temps  anciens  dont  il  eût  été  dif- 
ficile de  constater  les  usages.  Ainsi  lorsque,  dans  Tar- 
ticle  23,  Philippe  dit  que  tous  les  procès,  hors  les 
causes  réservées ,  seront  portés  par  les  hommes  de  la 
commune  devant  le  vicomte  royal  pour  y  être  jugés 
par  les  échevins ,  comme  du  temps  du  comte  Raoul  (  i  ) , 
il  y  a  tout  lieu  de  croire  qu'il  entend  parler,  non  de 
Raoul  I*',  mais  du  dernier  comte  de  ce  nom ,  c'est-à- 
dire  de  Raoul  II,  mort  en  ii64?  dont  la  succession 
fut  cédée  à  Philippe  Auguste  par  Eléonor,  fille  de  ce 
comte ,  et  devenue  sa  seule  héritière. 

2**  Quand  on  supposerait  que  Philippe  a  entendu 
parler  de  Raoul  I"  et  des  prédécesseurs  de  ce  prince, 
il  ne  dit  point  que  Raoul  et  ses  ancêtres  eussent  éta- 
bli une  commune  à  Saint-Quentin ,  mais  que  de  leur 
temps  il  y  avait  des  coutumes  dans  cette  ville.  Or, 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  il  ne  faut  pas  confondre 
les  coutumes  avec  les  communes;  car  il  y  avait  des 
coutumes  sans  commune,  puisqu'un  des  objets  des 
chartes  de  commune  était  de  confirmer  les  coutumes^ 


{i)Ib{d,,  p.  272. 


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(6i) 

déjà  subsistantes.  Les  coutumes ,  par  leur  nature,  n*ë* 
tant  fbndëes  que  sur  un  usage  immëmorial,  ne  con- 
naissent point  de  date ,  et  $ont  nécessairement  anté- 
rieures aux  communes,  puisqu'elles  y  sont  ordinaire- 
ment rappelées.  Donc,  quand  Raoul  I*'  aurait  autre- 
fois ratifié  les  coutumes  de  Saint-Quentin ,  il  ne  s'en- 
suivrait pas  qu'il  eût  accordé  une  commune  à  cette 
ville.  On  n'a  donc  aucune  raison  de  croire  que  cette 
commune  soit  antérieure  à  celle  de  Noyon ,  avec  la- 
quelle Guibert  semble  la  lier.  Certainement  elle  n'é- 
tait pas  antérieure  au  siècle  de  Guibert ,  puisque  cet 
auteur,  qui  la  connaissait  et  qui  en  parle,  ne  laisse 
pas  d'assurer  que  toutes  les  communes  en  général 
étaient^  de  son  temps,  un  établissement  nouveau (i). 
Guibert  écriv|iit  vers  la  fin  du  règne  de  Louis  VI. 

Parcourons  plus  rapidement  les  époques  de  nos  au- 
tres communes  les  plus  anciennes;  nous  n'en  trouve- 
rons aucune  établie  avant  le  règne  de  ce  prince.  Ce 
fut  lui  qui  accorda  celle  dfi  Soissons ,  maintenue  en- 
suite par  Louis  VII,  comme  nous  l'apprennent  les 
lettres  de  confirmation  de  Philippe  Auguste  (o).  Un 
ancien  catalogue  des  évéques  de  Soissons,  cité  par 


(i)  Conùmmiœ  nooum,...  nomen.  (Guîb.,  de  Vitâ  suâ,  1.  3, 
cy.y 

(a)  Voici  les  termes  de  Philippe  Auguste  :  Ams  noster  Lu- 
doçîcus  Burgensibus  Suessionensibus  Communiam  inter  se  haben- 
dam  concessU,  et  si^iH  sui  auctorltat  eœnfimumt  ;  post  cujus  de- 
cessum,  poier  noster  Ludwicus,,*  eis  eam  manuteradt  et  custodiçit. 
(P.  219  de  ce  Tol.) 


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(  62  ) 

Dormay  (i),  en  place  l'origine  sous  T^piscopat  de 
Liziardy  qui  ne  commença  qu'en  1109  et  finit  en 
1 126.  Louis  yi  établit  aussi  celle  de  Saint*Riquier  ^ 
comme  il  est  dit  dans  un  règlement  qu'il  fit  sur  quel- 
ques articles  de  celte  commune ,  et  que  nous  avons 
publie  (2).  La  dommune  d'Abbeville,  que  quelques- 
uns  (3)  ont  cru  antërieure  à  toutes  les  communes  du 
royaume ,  est  au  contraire  postjérîeure  à  toutes  <îelles 
dont  nous  venons  de  parler  ;  car  les  habitans  d'Ab- 
beville achetèrent  originairement  le  droit  de  com- 
mune de  Guillaume  Talevas,  comte  de  Ponthieu, 
selon  le  témoignage  des  lettres  de  confirmation  (4) 
accordées  en  xi84  par  Jean,  comte  de  Ponthieu, 
!!•  du  nom  t  or,  Guillaume  Talevas  ne  devint  comte 
de  Ponthieu  que  du  chef  de  sa  mère ,  qui  n^  mourut 
qu'en  ii3o. 

Si  quelque  commune  pouvait  faire  remonter  son 
Origine  avant  le  règne  de  Louis  VI ,  ce  serait  celle  de 


(i)  Histde  Soiss.f  t.  a,  p.  81. 

(2)  Page  184  ie  ce  voL  Rex  Ludo^icus  apud  S*  Richanum, 
et  causa  uUUtatis  nostrœ,  inter  homines  nostros  commiudam  Ibi 
statuit  La  charte  est  de  fabbé  de  Saint  -  Rlquier.  La  date 
est  de  1126;  ainsi  le  roi  qui  y  est  nommé  est  Loals  VL 

(3)  Voy.  la  NoU  hist  du  comté  de  Ponthieu,  publiée  en  1769, 
t.  I,  p.  96.  Au  reste,  l'auteur  ne  prétend  pas  placer  l'établis^ 
sèment  de  la  commune  d'Abbeville  avant  l'an  ii3o,  quoi- 
qu'il la  suppose  ie  premier  exemple  des  communes. 

(4)  Ord.,  t.  4»  P»  55.  Cum,»,  cornes  Willelmus  Talevas,,.  Bùr- 
gensihus  de  Abbatis-çillâ...  Communiam  pendidisset,  etc» 


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(63) 

Beauyais  (i);  mais  nous  allons  prouver  qu^elle  doit 
aussi  son  établissement  à  ce  prince.  Il  est  vrai  qu^il 
e$t  fait  mention  de  cette  commmie  dans  mie  lettre 
écrite  par  Yves  de  Chartres  (i»)  à  Hugues ,  doyen  de 
relise  de  Beauvais,  qui  ne  Tétait  plus  en  iio3  (3)  ; 
mais  Louis VI  régnait  d^  depuis  plusieurs  années; 
il  avait  été  associé  au  trftne  par  son  père  Philippe  V% 
dès  Fan  1099  (4) ,  et  il  exerça  le  pouvok  souverain, 
conjointement  ai^ec  Philippe ,  jusqu'à  la  mort  de  ce 
pnnce  (5). 

Ce  &Lt  précisémem  vers  le  temps  de  Passociation 
de  Louis  TI  que  les  habitans  de  Beauvids  jettent  les 
premiers  {ooàemens  de  leur  conunune.Yves  de  Char- 
tres ^danâ  sa  lettre  que  Ton  cite,  ne  parle  de  cette 
commune  naissante  que  comme  d'une  confiédération 
tmmiltuaire  qui  était  encore  sans  autorisation  ;^^r^- 


(i)   Voyez  Simon,  sapplément  à  V Histoire  du  Beawoisis, 
p.  26. 
(2)Epist  JJyl^»  i56* 

(3)  GalL  Christ,  t.  9,  p.  770. 

(4)  On  troave  dans  la  bibliothèque  de  Qnny,  uoe  charte 
de  Louis  Vl,  datée  du  mois  d'octobre  iioS,  et  de  la  cin- 
quième année  du  règne  de  ce  prince.  (  Art  fie  oérifier  les  da- 
tesy  p,  498O  (  J'en  possède  une  semblable.  Edit.  C  L) 

(5)  Philippe  continua  d'exercer  la  souveraineté  durant 
loQt  le  temps  de  son  excommunication,  eomme  Ta  démon- 
tré Blondel,  d»is  son  Traité  sur  la  formule  Régnante  Chnsto. 
(  Voyez  aussi  le  rapport  fait  à  l'assemblée  du  clergé  de 
France,  par  M.  de  Choiseul,  évêque  de  Tournay,  le  17 
mars  1682.) 


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(64) 

lenta  conjuratio  factœ  communiorUs  (i),  comme 
d*une  conyenuon  privée  qui,  malgré  le  lien  du  ser- 
ment, était  sans  force  contre  les  dispositions  positives 
du  droit  cancmique  (2).  Il  fait  entendre  qu'elle  était 
accordée  par  Tévêque ,  puisqu'il  dit  que  ce  prélat  s'é- 
tait obligé  d'en  observer  les  règlemens;  maid  il  ne 
dit  point  qu'il  en  eût  obtenu  la  concession  du  roi , 
qui  seul  pouvait  donner  force  de  loi  aux  articles  des 
communes,  comme  nous  le  prouverons  plus  bas. 

Voyons  maintenant  dans  quel  temps  Yves  de  Char- 
tres écrivit  la  lettre  dont  il  s'agit.  Il  y  est  question 
d'un  procès  pour  un  droit  de  moulin  que  les  bour- 
geois prétendaient  devoir  leur  être  garanti  par  leur 
évêque.  Nous  apprenons,  par  la. sentence (3)  interve- 
nue sur  ce  procès ,  que  cet  évêque  se  nommait  An- 
sel;  or,  Ansel  n'avait  été  élu  évêque  de  Beauvais 
qu'au  mois  de  juillet  1096  (4)  :  ainsi  la  lettre  d'Yves 
de  Chartres  est  postérieure  à  cette  date.  Ansel  ne  fut 
sacré  que  la  troisième  année  après  son  élection  :  ce 
fut  l'année  même  de  sa  mon ,  car  il  mourut  le  3 1 


(i)Epist.  77,  p.  i56. 

(2)  Pacta  enùn  et  consuetudines  oel  eUam  juramenta  quœ  suni 
contra  leges  canonicas,  nulUus  sunt  momenii.  (  Ibid.  ) 

(3)  Elle  est  imprimée  dans  les  Mémoires  de  Beauvais , 
par  Loisel,  p.  226,  et  commence  ainsi  :  Hœc  sunt  oerbaju- 
dieu  quodprotuUt  Adans^rin  presentiâ  Anselli  BeUoçends  épis- 
copi. 

{i)Gall.  Christ,  t.  9,  col.  714. 


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(65) 

novembre  1099  (i),  et  Fëpoque  de  rassociation  de 
Louis  y  I  à  la  couronne. 

Ansel  ëtait  un  prélat  plein  de  douceur  et  de  piëtë  (2), 
caractère  ordinaire  des  ëvêques  qui  favorisèrent  les 
communes  y  conune  on  a  pu  le  remarquer  dans  ce  que 
nous  avons  dit  prëcëdenunent.  On  a  pu  observer  aussi 
^e  les  évêques  seigneurs  de  leurs  villes  se  chai^eaient 
d'obtenir  du  roi  les  lettres  de  concession  des  com- 
munes qui  se  formaient  sous  leurs  auspices  :  la  mort 
trop  prompte  d' Ansel  ne  lui  permit  pas  sans  doute 
de  rendre  ce  service  aux  babitans  de  Beauvais*  Après 
lui,  deux  prétendans  se  disputèrent  son  siëge(3),  et 
remplirent  Beauvai^  de  troubles  et  de  désordres: 
Yves  de  Chartres  en  fait ,  dans  plusieurs  de  ses  let- 
tres (4),  la  peinture  la  plus  toucbante.  «Nous  n'a- 
((  vons  pu  (dit-il  au  clergé  de  cette  ville  malbeureuse) 
«  lire  d'un  œil  sec  le  récit  des  maux  que  vous  souf- 
«  frez  ;  vos  maisons  pillées^  vos  terres  envabies,  etc.  (5).  » 
Louis  YI  fiit  contraint  de  se  transporter  à  Beauvais 
pour  j  rétablir  l'ordre  et  la  paix  :  il  y  était  au  mois 
de  février  iio3/4;  il  y  confirma  les  privilèges  du 


(0  Obituar.y  S.  Pétri,  citât  Ibid.,  col.  715. 

(2)Loayet,  Hist  de  Béarnais,  t  a,  p.  217  ;  «<  ibi  chrordq, 

{S)Gall.  Christ,  t.  9,  col.  ji5  et  suiy. 

(i)Yçonis  Camot,  ejdst  187,  a63,  a64,  etc. 

(5)  Siccis  oculis  légère  non  potuimus  infestaUones  Burgentium, 
domorum  spoliationem ,  terrarum  inffosionem,  in  quibus  omnibus 
fiât  impetus,  non  ratio,  et  praçahdt  œmuia  cierîcorum  làicalis 
ffrœsump/io.  (  Epîst.  a63 ,  p.  462*  ) 

I.  9»  uv,  5* 


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(66) 

clei^ë  par  des  lettres  que  Loîsel  a  publiées  (i),  et 
qu*on  trouvera  aussi  dans  ce  volume  de  notre  Recueil: 
ce  fut  probablement  dans  ce  même  temps  qu*il  rati- 
fia, par  une  concession  en  forme ,  la  commune  qu*Ân« 
sel  avait  commence  d^y  établir,  mais  tpi,  de  scm  temps, 
n^était  encore  qu^une  confédération  dénuée  du  sceau 
de  Tautorité  souveraine,  turbulenta  conjuratio. 

Tlous  n'avons  plus  les  lettres  de  concessicm  de 
Louis  yi,  mais  nous  avons  celles  de  confirmation  de 
Louis  VII,  en  1 144'  Elles  portent  expressément  que 
le  droit  de  commune  avait  été  accordé  aux  habitans 
de  Beauvais  par  Louis  VI.  «  Nous  confirmons ,  dit 
«  Louis  VII  dans  ces  lettres  (2) ,  la  commune  que 
<(  Louis  notre  père  avait  accordée  il  y  a  déjà  long- 
er temps  (3),  et  nous  la  confirmons  telle  qu'elle  fut 
((  instituée  et  jurée  dans  sa  première  origine  (4).  » 
Quand  nous  n'aurions  pas  toutes  les  raisons  que  nous 
avons  exposées  pour  croite  que  la  -commune  de  Beau- 
vais fut  l'ouvrage  de  Louis  VI ,  le  témoignage  exprès  de 

(i)  Mémoires  de  Beawais,  p.  a6S.  —  Ordoïouy  p.  i  j6  de  ce 
volume. 

(2)  Commimiam  illam  quam  à  pâtre  nostro  Ludoçico  permuHa 
arite  tempora  homines  Belimcenses  hahuerunt,  p.  198  de  ce  vol 
Dans  la  confirmation  de  PhiUppe  Ângnste  en  1 181  (  t.  a  de  ce 
Rec,  p.  63a),  Philippe  dit  :  A  pâtre  nostro  Ludoçico  et  anteces-  \ 
soribus  nostris*  U  faut  lire  on  entendre  :  A  pâtre  etapoLudwU» 
antecessorihus  nûstris. 

(3)  Selon  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  y  avait  au  moinft 
quarante  ans.  j 

(4)  SicutprUiS  instituta  etjurata,  p.  198  de  ce  vol.  j 


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(67) 

Louis  VII 9  son  fils  et  son  successeur  immédiat,  ne  per^ 
metu^t  pas  d'en  douter.  Cest  do^c  encore  à  Louis  VI 
qu'il  faut  reporter  rétablissement  de  la  conuntLne  de 
Beauyais. 

Partout  on  voit  les  ccHnmunes  se  former  dans  le 
cours  du  «douzième  siècle.  La  chronique  de  Saint- 
Bertin  (i)  semble  attribuer  presque  toutes  celles  des 
villes  de  Flandre  à  leur  comte  Philippe  d'Alsace, 
contemporain  de  Philippe  Auguste.  Il  est  vrai  que 
l'historien  des  comtes  d'Ardi^es  fait  remonter  l'origine 
de  la  commune  d'Ardres  presque  au  milieu  du  on- 
zième siècle,  en  l'attribuant  au  comte  d'Ardres  Ar- 
nouj^  I*'  du  nomj  mais  il  se  trompe;  car  il  ajoute 
qu'eljle  fut  établie  gjûr  le  modèle  de  celle  de  Saint- 
0mer(2)  :  or,  Ja  commune  de  Saint -Omer  doit  son 
origine  à  Thierry  d'Alsace  (3) ,  comte  de  Flandre , 


(i)  Cbron.  S.  Berlini,  c.  45,  p.  3,  apud  Martenîum,  Thés. 
Anecd.,  t  3^  p.  666  :  Hidc  çillct  (^nomne  Dam)  prÎQilegium  de- 
dit  (  PhiKppus  )  ut  Uberi  sînt  per  Handriam  ab  omni  exactione. 
Datum  anno  i  i8o.  Iste  cornes  quasi  omnes  Flandriœ  ieges  dédit 
amio  ii8i. 

(a)  Et  scaèinos  eidem  loco  (^Ardeœ)  ordinaçit,  et  eorumjudi" 
da  secundian  juridictionem  et  institutionem  Audomarensium  sca- 
èinontm  et  bwgensium  tenenda  et  in  perpétuant  seroanda.,,  jura- 
çit  et  confirmamt  (Lamb.  Ard.  Comit  Ardcns. ,  1. 1 1 ,  Hist.  Fr. , 
1^  3a5.— /d^m^  cap.  ïii,  apud  Ludwig.  fteliquîse  Mss.  diplo- 
aatnm.  Francof.  et  Lips.  1727,  in-8®,  t.  8,  p.  Bao.  ) 

(3)  Philippe  I^',  comte  de  Flaadre^  qui  confirma  la  corn- 
nrane  de  Saint-Omer,  était  fils  de  Thierry  d'Alsace  ;  et  dans 
les  lettres  de  confirmation,  il  atteste  expressément  que  cette 


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(68) 

qui  ne  put  prétendre  à  ce  comté  qu'après  la  mort  du 
comte  Charles  de  Danemarck,  dit  le  Bon ,  en  1 127  : 
la  commune  d'Ardres  ne  fut  donc  établie  qu'après 
cette  époque,  probablement  par  Amoul  III,  petit-fils 
d'Amoul  I"  ;  et  en  effet,  on  voit  jusque-là  les  habi- 
tans  de  la  ville  d'Ardres  exposés  à  des  vexations  con- 
tinuelles ^i) ,  dont  l'établissement  d'une  commune 
les  aurait  préservés.  Arnoul  III  avait  épousé  la  nièce 
de  ce  même  Thierry  d'Alsace ,  qui  avait  établi  la 
commune  de  Saint-Omer  ;  est  celte  circonstance  ajoute 
un  nouveau  degré  de  probabilité  à  notre  opinion. 

Le  comte  de  Boulainvilliers  (2)  a  cité  une  charte 
de  commune,  accordée  selon  lui  aux  habitans  de 
Vervins,  vers  le  milieu  du  onzième  siècle,  sous  le 
règne  de  Henri  I*',  par  Thomas  de  Coucy,  seigneur 
de  Vervins  ;  mais  le  premier  du  nom  de  Thomas  de 
la  maison  de  Coucy  qui  ait  été  seigneur  de  Vervins, 
est  le  second  fils  de  Raoul  de  Coucy,  premier  du 
nom,  qui  lui  laissa  par  son  testament  la  seigneurie  de 
Vervins  en  11 90  :  ainsi  la  charte  de  commune  de 
Vervins  assignée  par  le  comte  de  Boulainvilliers,  et 
que  nous  ne  connaissons  point,  ne  peut  être  que  pos- 


commune  avait  été  accordée  par  son  père  :  Sicut  pater  nuus 
concessit  (Voyez  ces  lettres,  t.  4  de  ce  Rec,  p.  247.  ) 

(i)  Voyez  sur  ces  vexations,  THistoire  de  Lambert  d'Ar- 
dres, soit  dans  le  recueil  de  Ludwig,  cité  pias  haot,  soît 
parmi  les  preuves  de  la  maison  de  Gaines,  par  Da  Chesne, 
p.  161  et  suiv. 

(9)Hîst  de  V ancien  gow.  de  la  France,  U  i,  p.  3io. 


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(69) 
térieure  de  près  dW  siècle  à  Tépoque  que  nous  assi^ 
gnons  aiix  plus  anciennes  communes. 

Nous  n^avons  encore  parle  que  des  communes  de 
laFrance  septentrionale  ;  celles  du  reste  de  ce  royaume 
ne  sont  pas  plus  anciennes  :  qu^il  nous  suffise ,  pour 
abroger,  de  renvoyer  sur  ce  sujet  au  témoignage  de 
D.  Yaissette  (i),  qui  a  examine  ayec  autant  d'exac- 
titude que  de  discernement  les  mcmumens  de  Fhis- 
toire  de  nos  provinces  méridionales.  On  pourrait  bous 
opposer  des  lettres  accordées  aux  habitans  d'Aiguës- 
mortes,  si  ces  lettres  étaient  effectivement  de  Tan 
ïO'jg  y  date  sous  laquelle  elles  ont  été  imprimées. dans  • 
le  quatrième  tome  de  ce  Recueil  (a),  sur  la  foi  du 
registre  80  du  Trésor  des  Chartes  :  mais  i""  ces  lettres 
ne  sont  point  proprement  une  concession  de  com- 
mune; ce  sont  des  franchises  que  Ton  y  accorde, 
quelques-unes  même  pour  un  temps  limité;  c^  sont 
des  règlement  que  Ton  prescrit  sous  le  nom  de  cou- 
tumes :  Libertates  et  consuetudines  concessimus. 
Or,  ces  concessions  ne  suffisent  point  pour  caracté- 
riser une  commune.  2""  Il  y  a  erreur  dans  la  date  des 
lettres  dont  il  s'agit;  il  faut  lire  1 379  au  lieu  de  1079  : 
ainsi  ces  lettres  sont  de  Philippe  III ,  et  non  de  Phi- 
^àpçe  I*'.  D.  Vaissette  Ta  déjà  prouvé  dans  son  His- 
toire du  Languedoc  (3);  M.  Secousse  lui-même  a  eu 
soin  d'avertir  de  la  méprise  par  un  carton  annoncé 

(1)  HîsL  de  Langued.,  t.  2,  p.  5i4  et  5i5. 
(a)  Page  4*4  ^t  saiv. 
(3)  Tome  3,  noie  36. 


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(70) 
dans  le  sixième  rolume  de  ce  Recueil ,  et  dam  une 
note  du  septième  (i)  :  mais  ni  les  précautions  de 
M.  Secousse  ni  la  critique  de  D.  Yaissette  n^ont  pu 
empêcher  qu'on  n*ait  continue  j  dan$  pltii^0urs  ou- 
vrages cëlèbres  (2) ,  d'sAtriliâer  à  Philippxe  I*'  réta- 
blissement d'tme  cominune  à  Aigiies- mortels  :  tant 
rerrettr  s*afccrédite  aisément  et  se  détiliit  oteo  peine. 
Nous  crcfyons  donc  devoir  nous  arrêter  ici  un  mo- 
ment pour  la  combattre  de  nouveau. 

L'historien  du  Languedoc  a  prouvé  (3)  non  seule- 
ment que  Philippe  1*'  ne  possédait  rien  dans  le  Lan- 
guedoc, mais  que  le  port  et  la  ville  d'Aigues-mortes 
ne  subsistaient  point  encore  du  temps  de  ce  prince  : 
Tun  et  l'autre  doivent  leur  origine  k  saint  Louis , 
aussi  bien  que  les  franchises  qu'il  y  établit  en  i  a43  (4)  • 
Les  lettreis  attribuées  à  Philippe  !•'  ne  sont  qu'une 
confirmation  de  celles  4^  saint  Louis,  avec  quelques 
lehàngemens  par  Philippe  III  son  fds.  Elles  sont  da- 


(i)VoyezX,%  doRec.  des  Ordonn.,  préface;  et  t.  7,  p.  iS^» 
notes. 

(a)  Tels  que  le  Noweau  Traité  de  diplomatique ,  1 4  )  P*  ^  74-. 
-—  ilémoires  de  l'atadémie  des  Beiies  -  leUres,  t  sS,  Hi9i.f, 
P>  âSg. 

(3)  Tome  3^  de  ï Histoire  du  Languedoc,  par  ^  Yaissette  ^ 
p.  598. 

(4)  Les  lettres  de  Saint-Loais ,  qu'on  avait  prises  pour  la    , 
confirmation  de  celles  de  Philippe ,  auxquelles  au  contraire 
elles  ont  servi  de  modèle ,  sont  imprimées  dans  le  Traité  du 
Franc- Alleu  9  par  Galland,  p.  365  de  Pédit.  de  1637,  in  -  4"-. 


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(  7»  ) 

l4es  de  la  neuyième  année  du  règne  du  prince  qui 
kf  accorde  ;  et  la  neurième  année  de  Philif^  III 
indique  Fan  12799  au  lieu  que  la  neuvième  année  de 
Philippe  P'  ne  peiit  jamais  indiquer  Fan  1079.  Ajou- 
tons à  cet  preuves  alléguées  par  D.  Yaisseue  un'  ar* 
giunent  sans  relique  :  aucun  des  grands^ffiders  qui 
existakm  en  1079  n'a  signé  les  lettres  dont  il  s'agit , 
et  tous  ceux  qui  les  ont  signées  existaient  &ï  i^9* 

En  effets  éeux  qui  les  ont  signées  sont(i}  Ymbert 
onHumbert,  connétable;  Jean,  bouteiller;  Robert,  duc 
de  Boui^ogne ,  camerier  :  or,  on  trouve  les  noms  de 
ces  mêmes  officiers  dans  diverses  lettres  de  Tan  1279 
et  des  années  voisines.  Uo&fie  de  grand-sénéchal  était 
vacant  en  1279,  comme  on  le  dit  dans  les  lettres  en 
question;  il  Tétait  dès  1 191 ,  et  ne  fut  jamais  rempli 
depuis.  Au  contraire,  en  10791e  grand-sénéchal Thi- 
baud  vivait  encore,  le  connétable  se  nommait  j4 dam j 
le  nom  du  bouteiller  était  Hervé j  celui  du  camerier 
était  fVderan^^). 

Il  est  donc  évident  que  la  date  des  lettres  dont  il 
s'agit  n'est  pas  exacte  dans  le  registre  80  du  Trésor 
des  Chartes;  et  il  est  aisé  d'imaginer  la  source  de  la 
méprise  du  copiste.  Cette  date  est  écrite  tout  au  long 
dans  ee  registre,  millesimo  et  septuagesimo  nono;  il 
bUait  éiH^ire  millesimo  ducerUesimo  et  septuagesimo 
nono.  Le  copiste  a  omis  le  mot  ducentesimOj  qu'on 

(i)  Ord.,  t.  4,  p.  ^47. 

(a)  Voyez-en  les  preuves  dans  les  diverses  histoires  des 
grands-officiers  de  la  couronne. 


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(7») 
trouve  en  effet  dans  la  date  de  cette  même  ordon* 
nance  transcrite  dans  un  autre  registre  du  Trésor  des 
Chartes,  coté  129  (1),  ce  qui  achève  de  lever  tout 
doute  sur  ce  sujet.  Donc,  quand  hien  même  les  let^ 
très  dont  nous  venons  de  discuter  la  date  pourraient 
être  regardées  comme  des  lettres  de  commune ,  elles 
ne  prouveraient  pas  quHl  y  ait  eu  de  commune  à 
Aiguës -mortes  avant  1279,  c'est-à-dire  plus  d'un 
siècle  et  demi  après  rétablissement  des  premières 
communes  dont  nous  avons  parlé.  !Nous  n'en  avons 
trouvé  aucune  qui  soit  antérieure  au  douzième  siècle; 
aucune  qui  ait  été  accordée  par  quelqu'un  de  nos  rois 
avant  Louis  VI  :  c'est  donc  au  règne  de  ce  prince 
qu'il  faut  fixer  l'origine  des  communes  en  France. 
Après  en  avoir  ainsi  déterminé  l'époque ,  examinons- 
en  les  motifs. 

III. 

Motifs  de  rétablissement  des  communes. 

Nous  les  avons  déjà  indiqués  dans  ce  que  nous  avons 
dit  jusqu'ici  :  i""  l'avantage  des  habitans  qui  deman- 
daient le  droit  de  commune  ;  2**  l'intérêt  des  souve- 
rains qui  l'accordaient.  Quoique  ces  deux  motifs  aient 
presque  toujours  agi  concurremment,  nous  les  exami- 
nerons cependant  l'un  après  ra.utre. 

I.  Le  besoin  de  se  réunir  pour  se  défendre  contre 
la  tyrannie  des  seigneurs ,  dont  les  vexations  multi-^ 

(i)  Voyez  la  note  (d)  de  la  p.  iS/J  du  t.  7  de  ce  Rec^ 


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(73) 
pliëes  étaient  portées  aux  excès  les  plus  inouïs,  fut 
la  première  cause  qui  porta  les  habitans  des  villes  de 
France  à  se  former  en  communes.  La  nécessité  de 
mettre  fin  aux  troubles  et  aux  guerres  domestiques 
que  ces  vexations  occasionnaient,  fut  souvent  le  mo- 
tif qui  détermina  à  leur  en  accorder  le  droit.  On  en 
a  déjà  vu  quelques  exemples;  rapportons -en  de  nou- 
veaux, et  joignons-y  les  termes  mêmes  des  chartes. 

Louis  VII,  dans  les  lettres  par  lesquelles  il  confirma 
en  1  i5o  la  conmiune  que  Louis  VI  avait  accordée  aux 
habitans  de  Mante ,  donne  pour  la  cause  de  cette  con- 
cession l'oppression  excessive  sous  laquelle  les  faibles 
gémissaient  :  Pro  nimiâoppressione  pauperum{i). 

Ce  même  prince  accordant  une  commune  aux  ha- 
bitans de  Compiègne  en  1 153 ,  allègue  pour  motif  les 
excès  auxquels  le  clergé  de  cette  ville  s'était  porté, 
oh  enormitates  clericorum  (a). 

Philippe  Auguste ,  dans  la  charte  de  commune  de 
la  ville  de  Sens,  en  1 189,  dit  qu'il  s'est  déterminé  à 
accorder  cette  commune  dans  la  vue  de  rétablir  la 
paix  et  l'union  parmi  les  habitans;  intuitu  pietatis  et 
pacis  in  posterum  conservandœ  (3).  Le  même  mo- 
tif est  exprimé  en  mêmes  termes ,  dans  la  charte  de 
commune  accordée  en  1200  aux  habitans  de  Neu- 
ville-le-Roi  en  Beauvoisis  (4),  et  dans  celle  qui  fut 


(i)  Voyez  p.  197  de  ce  vol. 
(pL)IbitL  p.  24^. 

(3)  Ibid.  p.  262. 

(4)  Ibid,  p.  278. 


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(74) 
pareilkmeni  àctatAée  âcnt  haUtam  de  Creq>y  eaVin 
lois,  en  iâi5  (i).  Le  bien  de  la  pm  fut  enooce  le 
motif  qui  fit  accorder  k  dfoit  de  commune  en  I3i6, 
à  diyers  lieu^  d^>ettdws  de  l'abbaye  d'Amigny;  ha^ 
beànt  ôommuniam  ffto  pace  cwuefvandd  (pi). 

Les  méme^  considérations  engagèarcsit  les  grands 
vassaux  de  la  couronne  à  établir  des  eonucnunes  dois 
les  tilles  où  ils  élerçsdem  les  droits  de  sonteraineté. 
Les  babitans  de  1$  Rocbelle  obtinrent  du  roi  d^  Angle^ 
t^rré,  Henri  II,  comme  duc  de  Guigne,  au  nom 
d'Eléonor,  sa  femme,  les  droits  de  commune,  afin 
qu'ils  pussent  jouir  plus  pleinement  de  leurs  biens 
et  défendre  mieux  leurs  possessions  (3);  ui  sua  prth 
pria  jura  meliàs  defenderé  pùssùttj  et  ma^is  inté- 
gré cuHodire.  Eleonor  elle-même  leur  confirma  ces 
mêmes  droits  par  les  mêmes  raisons  (4),  ^n  1 199. 

Les  comtes  de  Ponthieu  accordèrent  au  commen- 
cement du  douzième  siècle,  une  commun^  aux  ba- 
bitans  d'Abbeville  (5)  et  à  ceux  de  Dourlens  (6), 
pour  les  mettre  à  T^abri  àes  dommages  et  des  vexa- 
tions qu'ils  ne  cessaient  d'éprouver  de  la  part  des  sei- 
gneurs particuliers  du  paysj  proptet  injuHas  et  mo^ 


(i)  Voyez  p.  3q5  de  ce  voL 

(a)Z^Mf.  p.  3o8. 

(3)  Ibid.  p.  320. 

{i)Ièid.  p.  319. 

(5)T.  4deceRec,,  p.  55. 

(6)  Voyez  p.  3ii  de  ce  voK 


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(75) 

lesdas  à  potentibus  terrœ  bw^ensibut  fréquenter 
illatas. 

Aussi  le  premier  artide  des  charte  de  ocmoeasion 
de  cmnmiine  porte^t-il  ardinairement  :  ijue  les 
boiu^eois  se  préteroni  un  secoors  mutuel  pour  em- 
pé^^T  qfOLim  ne  leur  fasse  auonn  tort,  qu*on  ne  les 
assujettisse  à  des  tailles  arbitraires;  qubd  aUer  al-^ 
teri....é.  auxUiabiturj  et  quhd  milfatefuês  patieniur 
qubd  alUjuis  alicui  aliqmd  auferàtj  vel  ei  taUiatam 
fûdat,  etCi  (i). 

Gel  aTautage  général  que  procurait  le  droit  de  eom" 
mune  en  entraînait  beaucoup  d^autres,  ou  comme 
siiites  eu  comme  doyens.  Un  des  principaux  était  la 
fixation  des  redeyances  féodales,  afin  <jue  les  seigneurs 
n'eussent  pli:»  occasion  d'abuser  de  celles  qu'ils  pou* 
yaient  exiger  légitimement.  Les  vassaux  étaient  af- 
firancbis  de  toute  exaction  injuste,  sous  quelque  titre 
que  ce  £(it,  de  taille,  de  prise,  de  prêt  forcé,  etc.;  ab 
omni  iêdUatd  injuste ^  captionej  creditionej  et  ab 
omni  irtaticfriabilt  ea:acticne  (2).  Ces  franchises,  ou 
plutôt  ces  précautions  contre  les  vexations  les  plus 
odieuses  étaient  ce  qui  excitait  le  plus  les  clameurs  et 
les  o{^Kisitions  des  seigneurs  particuliers,  surtout  des 
ecclésiastiques ,  qui  semblaient  ménager  d'autant  moins 


(1)  Voyez  dans  ce  vollune  les  chartes  de  commune  de 
Gimpiègne,  de  Soissotis,  de  Vaiôly,  de  Crespy,  etc.,  etc. 

(2)  Voyez  dans  ce  volume  les  chartes  de  commune  de 
liante,  de  Chaumont,  de  Château-Neuf,  etc.,  etc. 


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(76) 
leurs  vassaux  qu^ils  leur  étaient  en  quelque  sorte  plus 
étrangers.  Ecoutons  à  ce  sujet  Tabbé  de  Nogent ,  <{ue 
nous  avons  souvent  cité  :  a  La  commune  (  i) ,  dit-il  y 
c(  nom  nouveau,  nom  funestei  a  pour  but  d'afiranchir 
c(  les  censitaires  de  tout  servage,  au  moyen  d'une  re- 
cc  devance  annuelle  ;  n'imposant  d'autre  punition  pour 
«  l'infraction  de  la  loi,  qu'une  amende  fixée,  et  déli^ 
(cvrée  de  toutes  les  autres  exactions  auxquelles  les 
c(  ser&  sont  ordinairement  assujettis.  » 

Un  second  avantage  que  procurait  lé  droit  de  com- 
mune était  d'avoir  des  lois  fixes,  et  des  magistrats 
chargés  de  les  faire  observer.  C'était  le  frein  le  plus 
puissant  contre  les  entreprises  despotiques  des  sei- 
gneurs. Nous  en  parlerons  avec  quelque  détail,  ainsi 
que  de  divers  autres  avantages  particuliers,  lorsque 
nous  examinerons  les  clauses  les  plus  ordinaires  des 
chartes  de  commune.  Tous  ces  avantages  étaient  payés 
chèrement;  et  l'intérêt  que  ceux  qui  accordaient  les 
communes  avaient  coutume  d'en  tirer,  contribua  sou- 
vent plus  à  ces  concessions  que  l'intérêt  de  ceux  à 
qui  elles  étaient  accordées. 

II.  Nos  rois  tiraient  de  la  concession  des  commu- 
nes trois,  sortes  de  secours  :  une  somme  plus  ou  moins 


(i)  Communia,  nomm  ac  pessîmum  mmen,  sic  se  Jtahet,  ut  ca- 
pite  cend  omnes  soUtum  servitutis  debitum  dominis  semel  inanno 
sohanti  et  si  quid  contra  jura  deUquerirUy  pensiùne  legaK  emen- 
dent  ;  cœterœ  censuum  exactiones  quœ  servis  injligi  soient  omni- 
modis  vacent  (Guib.,  de  Vitâ  suâ,  I.  3,  c.  7,  p.  5a3.  ) 


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(77) 
forte,  qui  leur  était  payée  d'abord,  et  qui  formait  un 
secours  présent;  des  redevances  pécuniaires  annuel- 
les qui  grossissaient  leurs  revenus;  un  service  mili- 
taire qui  augmenta  considérablement  la  puissance, 
long-temps  faible ,  des  premiers  successeurs  de  Hugues 
Capet. 

I .  Nous  avons  déjà  vu  que  les  habitans  de  Laon 
avaient  donné  beaucoup  d^ai^ent  à  Louis  VI,  pour  en 
obtenir  le  droit  de  commune  (i),  indépendamment 
des  grosses  sommes  qu'ils  avaient  payées  au  clei^é  et 
aux  nobles,  afin  qu'ils  leur  fussent  favorables;  car  ces 
babitans  malheureux  prodiguaient  l'argent  pour  se  ra- 
cheter en  quelque  sorte ,  en  rassasiant  l'avidité  de  leurs 
oppresseurs  (2),  qui  ne  s'adoucissaient  qu'à  force  de 
dons.  La  commime  d'Amiens  fut  aussi  achetée  du 
roi,  à  prix  d'argent  :  ^iii6<Vim^  rege  Ulecto  pecunUSj 
fecere  communiam  (3).  Les  grands  vassaux  se  fai- 
saient payer  de  même  les  concessions  des  communes 


(i)  Compulsas  et  re%  est  largithne  pleheiâ.  (Goib.,  uhl  suprà, 
p.  5o4*  )  Homines  de  Laudunesio*....  data  régi  Ludowco  astima- 
tione  pecuniœ ,  communiam  ordinaçerunt  hahere.  (  Chroii.  de 
Laon],  citée  par  D.  Molinet,  sur  la  lettre  Sg  d'Etienne  de 
Toiimay,p.  54;  et  par  d'Acherysnr  Guibert,  p.  660.) 

(2)  Hâc  se  redimendi  popubis  occasione  susceptâ,  maximos,  tôt 
açarorum  hiatibus  obstruendis,  argenti  aggeres  obdidenmi;  qui 
tanto  imbre  fuso  sereniores  redditl,  sefidem  eis  super  isto  negotio 
savaturos  sacram^tnJds  prœstitis  firmaçerunt  (  cleri  et  proceres  ). 
(  Guib.,  ubi  suprà,  p.  5o3«  ) 

(3)Guib.,  p.  3i5. 


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(78) 

dans  les  parties  de  la  France  cju^ils  occupaient.  Enfia 
les  seigneurs  particuliers  vendaient  aussi  leur  consen- 
tement,  lorsqu'on  le  croyait  nécessaire  ou  même  seu* 
)ement  utile.  Ainsi  les  comtes  de  Ponthieu  avaient 
déjà  vendu  à  deniers  comptans  le  droit  de  commune 
aux  habitans  d'Abbeville  (i)  et  de  Dourlens  (2);  les 
habitans  de  Roye  Pavaient  acheté  des  comtes  deYer- 
mandois  (3).  Dans  les  premiers  temps  de  rétablisse-^ 
ment  des  communes  ^  tout  ceux  qui  croyaient  avoir 
le  droit,  et  qui  sous  des  règnes  mal  affermis,  avaient 
souvent  le  pouvoir  de  s'y  opposer,  ne  s'apaisaient  qu'a- 
vec de  l'argent;  nous  en  avons  cité  des  exemples.  Ce 
n'était  pas  seulement  pour  obtenir  le  droit  qu'il  en 
coûtait  de  grosses  sommes  aux  habitans*,  c'était  aussi 
pour  le  conserver.  Les  habitans  de  la  ville  de  Laon 
éuîentve^ius  à  bout,  à  force  d'argent,  d'être  en  pleine 
possession  de  leur  droit  de  conunune  en  1 128;  cinq 
ans  après,  l'évêque  tenta  de  les  y  troubler.  Ce  ne  fiit 
qu'en  donnant  à  diverses  reprises  de  nouvelles  som- 
mes au  roi,  qu'ils  parvinrent  enfin  à  s'y  maintenii^(^). 
Ceux  de  Dourlens  n'obtinrent,  dans  des  temps^beau- 


(i)  Càm.»..  amies  Willelmus  Taiepos*,.,  burgemibus  de  Abba- 
iis-oilla,»,.  communiam  çendidissei,  (Ordopa.,  t.  4)  F*  ^^} 

{a)  Càm.,::,  Giddo  cornes  Pontwi..,,*.  burgensibus  DullendU»»**»' 
commumam  çenâidisset*  (P.  3ii  de  ce  yol. ) 

(3)  Cùm  prima  communia  acgîsisita  Jidt  (Ibîd.,  p«  anS.  ) 

(4)  Rex sponsioni  pecuniœ  harens ,  episcopum  et  suos  non 

auâwit  (Chroniq.  de  Laon,  dans  tes  notes  de  d'Achery  sur 
Gaibert,  p.  660.  ) 


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(79) 
coup  {4u6.  récens ,  la  çonfinnation  de  divers  privilè- 
ges,  dcmt  le  droit  de  eommune  fais^t  partie,  cp^en 
payant  cinq  cents  francs  d'or  à  Charles  Vj  medianti- 
bus  quingertfis/rémcis  auri,  quQS  nobis  propter  hoc 
Uèeraliter  deàerunù,  et  quos  confitemur  récépissé 
in  pecmùd  numeratos  {i). 

2.Ces  secours  passagers  9  quoique  considérables  pour 
ces  filèclesi  étalent  moins  importons  que  les  redevan* 
ces  annuelles.  Quelque  faibles  qu'elles  nous  parais*» 
sent  an^ourd'hui)  elles  deyinrenjL)  dans  certaines  cir- 
constances ,  teJAement  à  cbarge  aux  villes  y  que  plusieurs 
aimèrent  mieux  renoncer  à  leur  commune,  que  de 
continuel:  à  porter  un  fardeau  qui  leur  paraissait  si 
pesant,  comme  nous  le  dirons  p^  la  suite. 

JLes  babitans  -de  Neuville -le -Roi  en  Beauvoisis, 
s'étaient  obligés  en  lâoo,  pour  obtenir  leur  droit  de 
commune,  de  payer  au  roi  tous  les  ans,  cent  livres 
parisis  (a).  Outre  l'argent  comptant  que  les  habitans 
de  Laon  avaient  payé  à  l'évêque  et  aux  nobles,  pour 
les  faire  consentir  à  la  commune,  ils  s'obligèrent  en- 
vers le  roi ,  dans  les  lettres  mêmes  de  concession  qu'ils 
en  obtinrent  en  1128  (3),  à  une  redevance  annuelle 


(i)  Fofe&  les  lMve$  4e  Cbarles  Y,  en  sept.  i366vp.  ^9  ^u 
1 4  de  ce  Rec. 

(a)  Oi  istàis  eamnmUm  co7^(ssiQnetn,Bwgens^,.  ViUœ'noçœ 
whe^noàis  singulk  annis  cejifimUbras  parisîenses.  (lettres  de 
Philippe  Auguste,  p.  279  de  ce  vol.,  art.  a6.  ) 

(3)  Trihvfi  oidbus  in  onm  sfyigulas  procuraiiones ,  «  in  c&ête- 
tem  çenerimusf  nobis  prceparabunt  :  quàd  si  non  çenerinms,  pro 


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(8o) 

de  trois  droits  de  gîte  chaque  année,  évalués  à  vingt 
livres.  La  ville  de  Roye  s^obligea ,  pour  le  droit  de 
commune,  de  payer  au  roi  cent  onze  livres  dix  sous 
parisis  par  an,  comme  nous  Tapprenons  par  les  let- 
tres de  suppression  de  cette  même  commune,  en 
1873  (1).  Philippe  Auguste  n^accorda  le  droit  de 
commune  à  diverses  villes  du  Laonnois,  qu'aux  con- 
ditions qu'elles  lui  paieraient  le  double  des  redevan- 
ces annuelles  dont  elles  étaient  chargées  avant  la 
concession  de  ce  nouveau  droit  (a).  Il  ne  l'accorda 
aux  habitans  de  Grespy,  en  Valois ,  qu'en  les  obli- 
geant à  une  rente  annuelle  fort  considérable  pour  ce 
siècle  (3).  Ceux  de  Vassy  n'étaient  obligés  de  lui 
payer  que  cent  sous  par  an  (4).  Par  le  vingt-troisième 
article  de  la  charte  de  commune  de  Sens,  ce  prince 
déclare  que,  tant  pour  la  concession  de  cette  com- 


eis  çiginti  libras  nobis  persoloent,  (  P.  187  de  ce  voL^  art^  a2.  ) 

(i)  «  Nous  ayions cent  onze  liyres  dix  sons  parisîs  de 

«  rente  sur  ladite  commime ,  dès  sa  fondation.  »  (  Lettres  de 
Charles  Y ,  portant  suppression  de  la  commune  de  Roye,  t.  5 
de  ceReCf  p.  66a.) 

(a)  Sciendum  quoniam  7iomines>.„  qmbus  hanc  commumam  in- 
dulgemus,  nobis  omnes  redditus  nostros  denarîorum,  tam  in  pia- 
citis  quàm  in  aliis  rébus,  annuatim  dupUcahunt.  (  P.  a34  de  ce 
vo^.,  art.  3o.  ) 

(3)  Dicta  çero  communia. tenetur  reddere  bmlU^is  nostris 

apud  Crispiacum,  singulis  arniis,  trecentas  et  septuaginta  libras. 
(P.  307  de  ce  vol.,  art.  3i.) 

ii)  Sciendum  est  etiam  quàd  hac  communia  annuatim  nobis 
àabitcentum  soiidos,  (  P.  a39  de  ce  vol.,  art.  ao.  ) 


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(  8i  ) 

isune  que  pour  quelques  autres  dr<Mts^  les  bourgems 
de  Sens  lui  paieront  par  a^i  aix-ceuts  livres  parisis, 
outre  de  grosses  redevances  en  gpdns  (i).  On  trou-* 
vera  dans  Bmssel  les  rentes  dont  quelques  autres  com- 
mnaes  étaient  chaînées  (s). 

Quand  le  seigneiar  de  Poix  accorda  aux  habitant 
de  sa  viUe  la  permission  de  se  former  en  conmiune^ 
il  les  char^  d'une  rente  de  cent-quarante  livres  en- 
vers lui;  et  pour  obtenir  la  ratification  de  Philippe- 
Auguste  (3),  il  les  obligea  de  payer  à  ce  prince  une 
redevance  annuelle  de  dix  livres.  Les  comtes  de  Chant- 
pagne  et  de  Brie,  lorsqu'ils  permirent  à  la  viUe  de 
Meaux  d'établir  une  ccmunune,  Fd^ligèrent,  entre 
autres  redevances,  à  une  rente  annuelle  de  cent-qua- 
rante livres  (4)-  Les  seigpeurs  particuliers ,  pour  c(m- 
sentir  à  rétablissement  des  communes  dans  leurs 
mouvances,  obtenaient  aussi  des  redevances,  non 
comme  droits  imposés  par  eux ,  mais  comme  indem- 
nités procurées  par  le  souverain  :  ainsi ,  par  la  charte 
de  commune  de  Bruyère,  la  redevance  annuelle  de 


(i)  Ob  Istùis  autem  communias  concessionem, Jabunt  nobis 

ches  commumœ  Semnensis,  armuaiim,  sexcentas  Hbras  parisien- 
sis  monetœ,  et  sexties  oiginti  moàsos  bladi,  P.  a63  de  ce  vol., 
art.  23.  (  du  t.  1 1  des  Ordonn.) 

(a)  Vsage  desjiefs,  t.  i,  p.  ^09- 

(3)  Voyez  Ji^'  606  du  t.  7  de  ce  Rec 

{i)  Pro  permissione  cwmumiœ  reddent  mihi. centum  ^ua- 

draginia  Kbras  annuatim.  {Voyez  les  le'ures  de  concession  dans 
Bnissel,  de  VUsage  desfi^s,  t.  i,  p.  i83  et  suïv,,  art.  33.) 
I.  9«  tiv.  »    *  G 


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(80 

Yingt  livres  y  dont  lés  hàbitana  {arent  changés»  dèyiât 
sé  psrtàger  t>âr  tiers  entre  le  roi,  révéqœ  ^  Laon  et 
im  autre  sdigneor  (ï). 

3.  Mais  un  avantage  bien  pins  grand,  et  qne  le  roi 
seul  tirait  de  cet  établissement,  fiit  le  service  nûK^ 
ttire.  Ôrderic  Vital  (îî),  qui  vécut  dans  le  temps  oà  les 
premières  communes  se  fbrmèrent,  et  t{Ui  en  attribue 
avec  raison  Torigine  à  Louis  VI,  stippose  que  Tobli- 
gation  de  ce  service  ^t  Tobjet  unique  des  commn^ 
»e».  Après  le  r^e  àt  Philippe  I**,  qui ,  si  nous  l'en 
croyons,  mourut  accablé  de  vieillesse  (3)  et  d'infir- 
mités, Louis  VI  fut  obligé  d'implorer  le  secours  è^ 
vtsm  les  évéques  de  France  pour  arrêter  les  mutine- 
ries et  les  brigandages  qui  désolaient  son  royaume. 
H  Ce  iut  alors,  dit-il,  que  ks  communes  lurent  ëta- 
«(  blies  par  les  évêques ,  afin  que  les  prêtres  accompa- 
«  gnassem  le  roi  à  la  guerre,  suivis  de  tous  leurs  pae 
aroissiens  rassemblés  sous  leurs  bannières  (4).  >'  Il 


(i)  Pro  henefido  pads  hujus  quœ  instUuta  est,  ipsius  pacis  ho- 
mitées  oigiatî  Ubras  hoiUM  moneiœ  per  sîngulas  annas  persoipere 
pepigerunt,  quas  ita  distribuerunt  prasdecessores  nostri,  ut  sîbi  ip- 
sis  inde  tetHam  partem  retinefent,  etc.  (  P.  947  de  ce  roiotne, 

art  riaO 

(a)  Dmè  la  Collection  des  Histoires  de  Nonn^die ,  par 
Du  Chesne. 

(3)  Quia  senio  et  infirmitaie  rex  Philippus  à  rêgalifastigio  de- 
dderat.  (Order.  Vital.,  p.  836.)  On  sait  cependant  que  PU- 
Uppe  l*'  mourat  dans  la  cinquante-septième  année  de  son 

^'        ^ 

(4)  Tune  ccmmwùtas  in  Frandâ  popuiaris  statuta  est  à  prœ^ 


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est  aisé  de  )Uger  par  ce  réét,  qu'Orderic  ne  voyait  que 

him.  eonfiisénient,  du  fond  de  8on  clotire,  ce  qui  se 

passait  au  dehors.  Loin  que  Louis  TI  se  soit  adresse 

aux  évêques  pour  instituer  les  communes,  les  ëvé- 

^les  s^y  oppc6èrent  presque  toujours.  Nous  ayons  vu 

^e  celui  de  Lami  se  fit  tuer  plutôt  que  de  souffrir 

une  commune  dans  sa  rille»  L^ardievéqUe  de  Reims 

ne  cessa  <k  dëdbmer  coratre  les  communes  en  toute 

occasion,  surtout  à  la  oour  du  roi^  il  prêcha  même 

pubUquement  contre  cet  ëtahlissement,  odieux  au 

clergé  {}).  On  peut  voir  dans  les  lettres  d^Yves  de 

Chartres,  de  Jean  de  iSalid;»xry,  d'Etienne  de  Tour* 

nai,  Je»  dëcIamatioDS  des  ecdësiastiques  contre  les 

premiers  ëtahlissemens  des  communes.  Orderic  ne  se 

trompb  pas  moins,  &i  nous  présentant  le  service  mi* 

litaire  des  communes  comme  le  seul  fruit  et  le  hut 

unique  de  leur  étahlisaemem.  !rrinsistx>ns  donc  point 

mr  le  tâoioignage  d*un  écrivain  de  si  peu  de  poids  en 

eette  matière,  et  cherchons  dans  les  titres  mêmes  des 

communes,  les  preuves  du  service  miUtaire  qu'elles 

devaient  au  rm. 

Toutes  j  étaient  assujetties.  Philippe  Auguste,  dans 
ses  lettrea  qui  accordèrent  en  121 5  la  commune  de 


suEbus,  vtpreshyten  comitarentur  régi  ad  ohsidioneih  çel  pugnam, 
aon  çexiilis  et  parochiams  omnibus.  (Order.  y  ital.,  vbi  suprà^  ) 
(i)  VemtrmbUis  tt  êapiem  arduepke^pus,...  inUr  missas  sermo- 
mm  héÊbM^d£€3DecmàiMbm  camnmmis  UHs,  tic.,,  de  fu4  te  eUam 
mÊÊkodens  in  reg^  mnâ,  sœpiàs  aUàs  m  diverm  œtwehiibm  dis- 
pattmt  (  (^ihB.,  p.  509.  ) 


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(^4) 

u^elle  sera  obligëe  envers  lui 
oume  les  autres  communes  r 
:ercUus  et  eqtdiaUones  sicut 

KO; 

s  qui  n'avaient  point  de  eom- 

ie  suivre  leur  seigneur  à  la 
selon  le  devoir  de  son  fief , 
LX  aux  ordres  du  roi.  Quand 
>tenu  une  commune,  ils  de- 
nmédiat^nent  au  roi  le  ser- 
vice militaire;  et  le  seigneur  était  alors  dispensé  de 
fournir  le  nombre  d'honnnes  qu'il  était  auparavant 
obligé  de  faire  marcher.  Ainsi ,  lorsque  l'abbé  de  Saint- 
Jean  de  Laon  consentit  au  droit  de  conunune  pour 
lieux  dépendans  de  son  abbaye,  Philippe 
ratifiant  ce  droit  par  ses  lettres  de  1 1 96 , 
le  cette  abbaye  serait  dorénavant  dispensée 
militaire,  auquel  elle  était  obligée  à  raison 
de  sa  dépendance,  où  la  commune  devait 
e ,  parce  que  ces  lieux  devraient  désormais 
ce  service  au  roi  comme  les  autres  communes  (2)* 

L'obligation  du  service  militaire  de  la  part  des  vil- 
les de  commune,  n'était  pas  la  même  pour  toutes. 
Lorsqu'il  y  avait  à  cet  égard  quelque  dérogation  par- 

■    ■     ■    ■         ■. "»»- ''        ■    i.i»i.    .        «       

(i)P.  3o8  de  ce  vol.,  art.  3a. 

(2  /  de  e^iattone  prC^foUan  eccksiam,  quaniàm 

ad  h  is,  relaxamus  et  dèsohùmis;  eo  quàd  prcefaiot 

(fuat  îtum  et  eguiiationem  nobis  tkàent,  skut  aBm 

communiœ  nostrœ,  (P.  217  de  ce  vol.  ) 


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ùcoKàre  à  Tasage  ordiiiaîre)  let  chartes  de  oommune 
ayaient  soin  d*en  faite  iMiitioo.  La  commune  de 
Saut-Quemin  éuâl  obligée-  au  service,  d*o^  et  de  ehe- 
SHtuchée^  toale^  les  feis  qu'il  plaisait  au  roi  (i);  mais 
oeilede  Btay  tie  mardbait  qoe  4^uis  le  cas  d'une  con^^ 
Yoeadtion  pour  une  guerre  générale,  et  <m  ne  pouvait 
la  mener  aurdelà  de  certaines  linûte»  asses.  resserrées^ 
à  meus  que  ce  né  fàt  aux  dépens  du  rç  (3).  Phi- 
lippe Augusifr  dûpmse  les  hiedntnis  :de  Ghailnumt^ 
psat  leur  dbarte  decomnwine  en  ii&i,  de  marcher  en 
armes  au^elà  de  la  Seine  ou  de  lîOise  (3).  Six  ans  vpcèsy' 
û  octroya  un  privilège  semblable  à  la  commune  de 
Pontoise  (4).  La  ville  de  Tburnai,  par  les  lettres  de 
commune  qu'il  lui  accorda,  était  obligée  de  fournir  au 
roi  trois  cents  lK»n»es  depi^  bi^  armés,  toutes  les 
fois  qu'il  ferait  marfeheir  ses't^ommFunes;  et  dans  le  cas 
où  le  roi  s'avancerait  avec  son  armée  jusqu'à  Arras , 
ou  à  paveiDe  distança ideToomai,  toute  la  commune 

(i)  Quotitscumque  communiam  sulmonatnmus ,  commuma  in 
êXerdûis  et  equUatlones  noktrasoerdèt  (Charte  de  commune  dé 

Sïînt-Quetrtîn,  p.  iyS,  art  3i.)-  '      ^ 

(a)  Ntàpte  in  eûbereèSiak'lèêque  ih  ëtfwtationemnosfrémi  Hunt,' 
f^fiftènossubmmitioaem  m$trfimfacerarm,  nomine  beUi^  9et 
p&pt^  €hristianUatfm  ;  et  tufiC'^  eifam  fion  trm^sù^nt  metas  consU-r 
tvtas,  Rmos  et  Katalamàpn  ex  ma  parte^  Tamaatm  ex  aliâ  et 
Parisios.^.,  Si  autem  iîlos  ultra  metas  illas,  ad  denarios  nostros 
ducere  çellemus,  ipsi  vernre  tenerentur.  (  Page  297  de  ce  volume 
art.  38.  ) 
(3) Page  ia6  au  ce  vol.,  art.  i3. 
(4)  Page  255  de  ce  vol.,  art.  i3. 


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(86) 

de  Tournai  derak  Ttmr  le  joindie,  à  moins  que  Ia 
Qcmimunioalioii  ne  &A:ooiajpêe  (i). 

Ne  pouMons  pas  phisJoin  ces  dëtûls.  Us  suflisent 
pour  montra  ^pals  ibiait  les  ymciping  avtntagc» 
qui  ponèrem  les  pei^les  à  soBtoiter  rëiablisi«iieart 
des  oammiuic$yetle8»Kbàracocvder.Oixtmles  waii^ 
tages  généraux,  ou  verra» dans FarticlesiûvaD^  quel-* 
ques  privil^s  partioulieis  ju^oerdéi  aux  o^mmimes^ 
et  quelques  droits  acquis  suc  elles  aux  simvwrains  par 
les  lettres  de  leur  ëtaUissenwnt,  demi  il  est  tM(i|iSt 
d'examiner  les  fqxmts.^ 


ÏV. 


Quei  dwait  être  te  Utre  fonim^nuU  du  dfok 
de  cQmmuf^? 

Qudquefi>is  la  CQmnmnè  était  aoeoidée  long^mpa 
avant  d'être  rédigée  par  écrit.  Les  habitans  d'Ab- 
beville  n'avaiem  point  de  lettres  de  commune  avant 
II 84»  Ils  n'çn  obtinrent  que  cette  année  de  Jçajptj^ 
comte  de  Ponthieu,  quoiqu'ils  eussent  :^^qbeté  Ç0 
droit,  il  y  avait  envk'Q»  ciuquaw^  ans,  4e  Guil- 
laume, grand  <-pèi^  d^  Jean  (â).  Jusqu'à  l'exp^^^ 
tion  de  ces  lettres,  la  commune  était  en  quelque 
sorte  plutôt  tolérée  qu'accordée.   Cet  état  de  plê-^ 

-— — ■*       *  '       i'  I      '  ■■■    I  j»  H  I    I    I    II     ■     t  t  I  I  Itfl  I  I  ,1 

(i)  Page  25i  de  ce  vol.,  art.  34  et  35. 
(2)  Cùm  sitper  iîlâ  penditiom  ifurgenses  scripàsm  autheHtkitm  non 
haherent  (T. 4  de  ce  Ree.»  p«  56.) 


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(«7) 

de  caP4?es»Qn  jNK^ppwimiL  dite,  dw«  jiliHieu»  cbsiv 
\m  relatives  wx  cammutie^  Âm^i  >  diuE^le»  leure»  ^ 
avfprîwwt.  U  <«)iimime  4e  Roye  (i)|  U  eM  dit ^pie 
k»  fabitanfl  damemetoipit  comne  U$  étakot  a¥«m  U 
cpéatiou  ou  Cû2miMtf  de  la  coosumme.  La  owunwie 
a'éUH  donc  regardée  cooMoe  ayant  reçu  toute»  aea 
iforiMa^  que  lerBcju'il  y  eu  arait  «a  thre  autlieatûpi^ 
Quel  <kyaîl  èbne  m  ûtre?  q'ett  ce  i^ne  noua  aUoI» 
diboitèi:;^  et,  pour  le  &îre  :a[ree  quekjuç  méthode, 
nous  e¥aiyiiiMntms,t  i^  en  quoi  conabtffit  ««entielle*- 
mem  Tacte  foBdamental  de  la  commune;  3^  quellea 
jMsnKxuM^  devaiem  y  intorvaidr  ;  3""  quddk  autorité 
devait  le  oonfinuer;  If  eufiu,  ce  qm  pouvait  an|qilâBr 
à  ce  titre,  lorsquUl  n'était  pas  possible  de  le  repré- 
senter. 

I.  L'acte  fi»damemal  de  la  commune  était'  la 
confédération  des  habitans  unis  ensemHe  par  ser- 
ment, pour  se  défendre  contre  les  vexations  des  sei- 
gneurs qui  les.  opprimaient  Nous  ne  répéterons,  point 
^  que  nous  avow  déjà,  dit  à  ce  sujet;  nous  çjjseryr- 
ron*  se^leme^xt  que  cette  coufédération  ^:ffm\  pi^Qr 
fteme^t  qu'une  révolte,  t«Qt  qu'dile  n'était  pas  ainor 
risée.  C'était  ce  qui  iâdsMt  nommer'  ptt^  Yves  dé 
Chartres  (i),  ccîlé  de  Bèauvais,  avant  que  Louis/  VI 
l'eôit  confînn^e ,  turbulentà  confuratio.  Le  même 
mot  cônjUratio  est  employé  par  Guibert,  en  parlant 

(1)  Foje*  t.  S  des  Ord.,  p.  66a. 

{2)Efdst  77,  p.  i54. 


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(88) 

êé  la  coâilmUie  d'Amiens,  contre  laquelle  ie  comte 
Ingelran  réclamait  (i).*Àùreéte,  quoique  cette  e]»:- 
IMssion  emportât  quelqnefiiid  une  idée  odieuse, 
é&t  n^ëtait  cependant  sourent  appliquée  aux  commiib- 
nes  qu^à  cause  du  serment  qui  eu  unissait  les  mem- 
bres, af^lés  furés  par  oeite  même  raison  (a).  La 
«(Hnmune  de  Trêves  est  appelée  con/uratiù  dans  une 
<k^ne  de  Frédéric  l^^  (3),  en  i  i6i«  La  ocmammé  de 
Roye  est  nommée  jur^e  dans  les  lettres  de  Char^ 
les  y  (4),  qm  la  suppirîment  en  IStS.  Les  aapeilihlëes 
^é  la  commune  ont  été  nommées  conjure,  eonfure^ 
ment  (5). 

3.  Examin<ms  les  £»mes  de  cet  acte  fondamental, 
et  d'aibord,  quelles  étaient  les  personnes  qm  devaieilc 


;  -  (i)  Videm  hgekamm  cames,  ex  e$njumiiome  hurgendum^ 
siU  jum  QetHsta  recedi,  ( Gnib»,  p.  5i5.  ) 

(a)  C'est  en  ce  sens  que  le  mot  juré  est  employé  dans  les 
chartes  de  commime  d'AbbevilLe,  t  4?  P*  5^«  d'Amiens , 
p.  264., du  présent  volume;  de  Dourlens,  ièid.,  p.  3n,  etc. 
TLinsi  an  Gange  a  eu  raison  de  dire  (  Glbss,  lat,  lom.  3^, 
toi.  i633)^  :  Jurati  plemmque  ékunlur  qtdMet  oppidàni  qm 
ùete^  à  rege  pei  domino  eommunim  jutiius  ne  pH^ikgUtf  rm^ 
tifom  s9>{Ji4em  jmuInmL  Nous  remarierons  cependapt  que 
ce  mot  a  été  du  moins  aussi  souvient  employé  pour  désigpier 
les  magbtrats  municipaux  que  pour  désigneras  bourgeois*. 

(3)  Voyez  la  charte  dans  Brower.  (  Annal.  Treoir,,  édit  i^ 
1.  i4,  p.  801.  ) 

(4.)  Tome  5  de  ce  Rec,  p.  662. 

(5)  Carpent.  n.  supp.  au  Gloss.  de  du  Cs^e,  au  mot 
Conjuratio. 


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(«») 


Le  seigneur  particulier  accédait  plus  nécessaire- 
ment encore  à  la  formation  de  la  commune  établie 
dans  soQ  fief ^  et  ^devait  aussi  la  garantir  pat  serment. 
[     Nous  ayons  vu  que  pour  obtenir  son  consentement, 


(i)  Page  197  die  ce  vol. 
(2)Giiib.,  p.5d3. 

(3)  Omnes  cierkl omnèsque  milites  firmiter  juraçenïht 


(Page  2a8  de  ce  roi:) 


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es  séaam»»  Uifêr 
met  ywώ  d^aboni 
ille  (i).  La  nosm 
attira  celle  qnekt 
meé  ëe  fonner/ik 
Em  fik  :  Thomam, 
m,  ad  comnumii 
smtmfh 


ieiks  à  t^ssanstm 
fieignsi^  £Ù0ai«i( 
^^y  eus.,  ^«to.  Lofr 
lerpoKpt  d'ébserw 
dcttwaiexit  àm^ 
tau  de  Saint-^Ri* 
dàgnè  ittt  jurées 
te,  au  Bcu(ii  du  roi 
%  à^xoL  autres  wr 

c  autres  ae^peu^ 
pt<dè  la  vaie  (4)- 


>(i)  Oblata  repeiàk  sedaçit  ami  afTgaitàfuê  cQUgarim^-  Jmmà 

iUfque  eamnmnÎQm  iOfu^  sej^  fen^ffutrii  (  Çt1*^>  Ft  ^<>4*  ) 

(a)  Ibid,,  p.  5i5. 

(3)  Burgenses  fide  et  sacramento  se  eocequi  promiserunt,  etînàe 
nobis  obsides  donwerunU  (  Page  i84  4^  ce  VjOl.  )  .-    - 

(4)//i  paîatio  Compendii,  ex  pracepto  nQ^M,  Qt^dlpi  Sitti^ula" 
rius,  Triais, i}aseranm,  Jtmib^^^de  Inmlâ;  «<  ^km4fi€$>  pra- 
cepto  regînœ,  Ludoçicus  de  Clioisiaco,  PtfgaHus^dc  BesUsi  4^'^% 


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C90 


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(  9^:}) 

ordrabia. 
>itan$:^ 

^mmune 
LSftôn  èm 
co«Hr  du- 
a  de  Pë- 
liiq[àéli- 

iiem  de« 

ktjtillon- 

si  cette: 

5nm  de: 
>diîc^ 

Brussèl  a  cru  ^  qUô  le  poi  5exfetçàt^  qUet^efoi»  ip 

(i)  y^/mo//M  ^ontf/ï.,  1.  5,  c.  56,  p.  Syg.—  Labbe,  BièL  MS., 
t.  I,  p.  379. 

'  (2)Labbe,  BihlMS.,  t  i^  ^  B^UêpUc.  AutUs(ùd.^4::>'^ ^^ 
p.  466.  —  (5ttl/.  a«^.,  t.  d,*^dî4i i.~I^ebeuf,  Hist.  d*Jk^ 
xerre,  t.  2,  p.  109.  ; ,     •>  -  . 

(3)Brnssel,  Umge  des  fiefs,  t,  i ,  p.  fcret 'i  32f.  ' 

(4)  B/W.,  p.  188,  Yiotes.  r  : 


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<&3) 


(3)  Voye^  Und,  Commune  de  Soissons,  art.  1,2,10  et  20. 


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(94) 

le  de  Lomift  YI  il  y  eut 
eommime  de  SMso&â^ 
rt  de  ce  <{ii*eUe  violait 
s  de  son  dioeè^  :  IM 
Bommune^  et  confirmés 
)  de  Look  YI,  où  oe 
qui  a  acoordë  la  com- 
but  dcmc  pas  s*^umner 
rvient  en  auotme  façon 
lime  de  cette  ville.  Cetf 
t  de  ce  que  rapporte  Re^ 
iistoire  de  Soissons  (3), 
sbarte  de  ccifiiiùuiie  âe- 
se  trouve  répété  dam 
^s  de  la  eoutonne  (4)* 
Ai  sur  aucune  autorité 
le  quelcpies  ooucessions 
ssons  à  divers  liewf  àû 
Soissounaia^  mais  ce  sont  aeuleâieiit  des  franchises  et 

■ Il    ■iniiiiMii       iii.iimii      ■«!«■    iiiniiiar       <  ■  r»  w      Tian'in       mir  *  t  n  i  t  f        ** 

(i)  Elles  ont  été  publiées  par  D.  Martène  (Ampliss.  ColL, 
1. 1,  p.  74-^ )•  Brnssel  les  a  insérées  dans  son  TraM  âe  l^usage 
àesfiêfi  (p.  179,  notes). 

munt  jçamm 

dimh  is  avoir 

expo  \DeKs 

omnii  nos  dé- 

posai 

(3)  Page  98. 

(4) Tome  d,  p.  498. 


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i9S) 

iittnrcmités  qui  ne  sont  mètne  aéônrdëM  <|tt*avéc  la    ^ 
oonfirnialioti  dé  Yétêcpe  y  pat  scft  cùfiSÉtttêfnêni  et 
M  n)oUmtéj  en  teccmnais^ant  tenit  dt  lui  lesdils  lieux 

3.  Si  le  seignettf  iminédiftt  M  prifioi|)al  défait  ton- 
trilnier  à  rétablissetnem  de  k  commune,  et  hii  don^ 
ner  en  quelque  sorte  une  première  forme,  le  roi  de- 
ywx  Pamoriser  par  une  ^^oneeasion  spéciale.  Ainsi  nous 
avons  vu  que  les  ëvéques  de  Noyon  «t  d'Amiens, 
comme  seigneurs  de  ces  villes,  «vàient  en  quelque 
sorte  pvésidé  à  la  formation  de  leur^  cmnmuues,  et  en 
avaient  ensuite  obtenu  du  roi  k  ccmcession.  Dans  les 
lettres  du  32  avril  1423  (2),  on  reoemnaît  que  de 
tout  temps  les  évéques  de  Beauvtds  ëtaiant  les  seuls 
seigftettfs  spirituels  et  temporels  des  ville  et  comte  de 
Beauvais,  dont  te  gouvernement  ^néral  appartenait 
à  eux  seuls,  sauf  la  souveraineté  du  roi.  Cependant 
nous  avons  les  lettres  de  confirmation  de  la  ccHAmune 
de  Beauvais  par  Loms  YII  et  ses  successeurs  :  elles 
rappellent  la  concession  originaire  émanée  de  Louis  YI; 
cUcs  contiennent  d*aillem^  pour  dernier  article ,  une 


(i)P^  4ia  ic  ce  vol.  , 

(a)  Page  160  àt  ce  vol.  «  Comme  (l'évéque  et  comte  de 
«fieaayais)  à  cause  de  ses  dits  éyéché  et  comtés  soit  sei- 
«  gneor  temporel  et  spirituel  de  la  dite  ville  et  comté  de 
«Beauvais,  et  y  ait  toute  juridiction,  justice  et  seigneurie.... 
0  et  à  lui  appartient  le  générai  gouvernement  d^icelle  ville 
«et  cité,  réservé  notre  souveraineté,  etc.  >» 


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<96) 
clause  qui  fait  seatir  de  quelle  nécessité  était  la  con- 
firmation du  roi.  L'article  dit  que  si  quelqu'un  vou- 
lait contester  Tautorité  de  cette  conu^une,  oa  était 
dispensé  de  lui  répondre,  parce  que  le  roi  Tarait  ga- 
rantie et  confirmée  :  qilteuinque  contra  illam  loqui 
vohierit,  quoniam  illam  confirmwimus  et  secura- 
vimusj  nequaquam  iUi  respondebitur  (i). 

Gautier  Tyrel,  sixième  du  nom^  seigneur  de  Poix , 

confirma  en  1007  la  comipune  des  bourgeois  de  Poix, 

accordée  par  son  père;  et  par  ces  mêmes  lettres,  il 

déclara  que,  sur  sa  demande,  le  roi  l'avait  agréée  et 

prise  sous  sa  protection.  En  i353,  Jean  Tjrel,  des- 

tier,  reiH)uvela  les  lettres  de  la  com- 

dont  l'original  avait  péri  sous  les  tui- 

détruite  par  les  Anglais.  Il  fait  men- 

duvelles  let^es,  de  la  concession  de 

née  non  seulement  des  seigneurs  de 

[^esseurs,  mais  des  rois  de  France  : 

perjkndatixme,  instUiUione  et  dùtd" 

œ  dicùB  *t}illœ'^  tam  eisdem  et  suis 

:oncessd  et  donatd  ab  UlustrUsiam 

ibus  FrancicBj  guàm  à  nostris  prœ- 

decessoribus  et  progenitoribus  domSms  dictœ  i/iUœ 


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(  97  ) 
€i  de  nostris  auetofpxite  nfegid  et  speciali  gratid  cort'- 

Les  grands  vassaux  eux-mêmes  obtenaient  quelque-- 
fois  d€  a  roi ,  pour  les  communes 

qu^ik  i  leurs  Etats;  au  moins  pou- 

vons-n  s:emple$  que  nous  allons  ci- 

ter. Lf  II,  comte  de  Pondiieu,  eut 

£ât  qi]  is  à  un  des  articles  de  la 

ooilmaïune'^de  Dourlens,  les  maire  et  ëchevins  en  ob- 
tinrent, ei;&  lasi,  la  ooiifirmation  de  Philippe  Au*« 
gosie  (2);  et  cse  prince,  en  les  confirmant,  ajoute  de 
sa  propre  autorité ,  que  les  bourgeois  ne  pourront  re-' 
ceyoir  ni  retenir  aucun  de  9es  vassaux  dans  leur  com-  ' 
innne  sans  sa  permission  (3).  Ce  j^  fut  cependant 
qa^en  I2;>5,  que  Dourlens  ftit  cédé  au  roi  de  France, 
par  Marie  ^  comtesse  de  Ponthieu,  fille  et  héritière  de 
Guillaume  (4).  Le  duc  de  Bourgogne  obtint  ert  1 1 83 , 
de  Philippe  Auguste,  la  garantie  de  la  commune  de 
Dijon ,  qu%l  venait  d'établir  (5)  ;  des  lettres  semblables 


(i)i^à?.,  p.607.  ^ 

(2)  Voyelles  Aex\s^s  de  confirmation  dans  le  "présent  vo- 


I.  g«  uv. 


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(9«) 
forent  de  nouveau  demandées  à  Philippe  par  le  duc 
de  Bourgogne,  en  1 187;  et  le  terme  exprès  de  confir- 
mation j  qui  n'avait  pas  été  employé  dans  les  premiè- 
res, ftit  inséré  dans  celles-ci  (i). 

Nous  né  voudrions  cependant  pas  conclure  de  ces 
esempIiBs,  que  les  grands  vassaux,  qui  dans  lews  do- 
maines exerçaient  tous  les  droits  de  la  souveraineté , 
ne  fussent  pas  en  droit  d^y  établir  des  communes,  dé 
leur  seule  autorité.  Nous  pensons  au  contraire  quMls 
regardaient  les  lettres  du  roi  pltitôt  comtné  une  ga- 
rantie que  conune  une  confirmation  d^entiellé.  Mais 
les  rois  p^étéAdaient  avoir  seiils  le  pouvoir  d^autorl*^ 
ser  véritablement  les  commîmes,  dans  toutes  les  par- 
ties du  royaume  soumises  h  leur  domination  immé- 
diate; c'est  en  ce  sens  qu'il  ftut  entendre  ce  que 
Beaunianoir  écrivait  en  1284)  ^<xii  royaume  as 
France  nul  ne  pouvait  faire  mUe  de  commune j  si- 
non le  roij  ou  avec  le  consentement  du  roi  (2);  et 
ce  que  rapporte  Thistorien  des  évéques  d*  Auxerre ,  au 
sujet  de  l'opposition  que  Vun  de  ces  évêques^'forma  à 
l'établissement  d'une  commune  dans  Auxerre ,  sous 
le  règne  de  Louis  VII.  Ce  prince,  dit  l'historien,,  sut 


2m  de- 


:cRe- 


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(99) 
ftfl  iB£HiTais  grc  à  réyéque,  comme  s'il  eût  voulu  lui 
enlever  la  ville  d*Auxerre;  eau*,  ajoute-t-il,  le  roi  re- 
gardât.  toutes  les  villes  de  commune  comme  sien^ 
nés  (i),"c'estï%^ire  comme  faisant  partie  de  ses  Etats 
dcmûhiaux.  C'est  encore  selon  le  même  sens  qu'il  fut 
pigé  ea  131:89  par  un  arrêt  du  Parlement,  que  la 
Goinmtàte^^  dë'^ChelIes  serait  suf^rimëe,  parce  qu'une 
ville  ée  pouvait  avoir  de  commune  sans  lettres  du 
roi  (2)4 jle  même  enfin  Charles  V,  n'étant  alors  que 
régent^  d^ait  dans  ses  lettres  du  mois  de  novembre 
i358 ,  qu'à  lui  seul  en  cette  qualité  de  régent,  et  so- 
^lidair^Qiem  avec  le  roi  son  père ,  appartenait  le  droit 
d'âafclîr  de$  coiiiéiunes  :  càm  ad  dictum  dominum 
^^^W^  0  ^^s  fe  solpium^  pertineat  creare  et 
constSuere  comulaUêS  et  œmmunUates  (3). 

4.  C^ïime  tout  df oit  de  commune  devait  être  fondé 
sur  une  coneession  spéciale,  lo^^e  ce  droit  était 
dk^esté,  qn  ne^'Jxmvait  le  just^er  que  par  la  repré- 
sea^^  du  titi^e  original,  ou.  de  quelque  autre  litre 
qiâ  le  si^léât.Nolls  venons  de  dîreque  la  commune 
de^Chelles  fut  déclarée  supprimée  par  un  arrêt  du 
Pfilement^  ei^i3i8,  parce  qu'elle  ne  put  représenter 
oe' lettres  daroi  qui  l'eussent  accordée.  Les  habitans 


4    (i)  S^eputabat  doitaiès  ùpnes  suas  esse  in  qtdbus  communia 

'Jj^(a]^  etjuratoset  commit" 

iuifrày  t.  3 ,  m  Parlam.  oc- 


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(    lOO    ) 

Kl  ia83^  d'usiu^r  les  droilb 
lisaient-ils,  sur  I9  possession 
^age  des  bonnes  villes*  d'Aii* 
in  devait  être'  maintenu  dans 
(juoiqu'on  n'eût  point  de  ti- 
j'ëglise  collégiale  de  Brioude 
îs  haLitans  n'ayant  pu  établir 
i  (2),  Philippe  III,  par  ses 
5  1282,  les  débouta  de  leurs 
>a  dans  le  tome  septième  de 
rincipales  de  cette  affaire, 
pas  aux  villes,  lorsqu'ellegj 
stater  le  <lroit  de  commune^ 


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(  'oi  ) 

Ordinairement  les  babitans  n 
r^il  cas,   quelques  copies  de  1 
auxquelles  ils  demandaient  qu'o 
cité  suffisante ,  pour  suppléer  Toi 
très  de  la  ville  de  Poix  furent  br 
dans  Tincendie  qui  la  réduisit  e 
légua  point,  en  1 353 ,  une  possession  de  plus  dW  siè- 
cle et  demi,  pour  justifier  son  droit  de  commune  (r). 
Elle  soutint  que  ce  droit  lui  avait  été  concédé  par 
des  lettres  dont  il  lui  restait  des  copies;  elle  prouva, 
•par Je  témoignage  de  ses  magistrats  et  de  ses  bour- 
.  geois,  que  ces  copies  méritaient  qu'on  y  ajoutât  foi , 
et  demanda  qu'on  expédiât  des  lettres  qui  y  fussent 
conformes. 

Cette  nécessité  de  représenter  le  titre  de  conces^ 
fion  du  droit  de  commune ,  ou  un  titre  équivalent, 
démontre  ce  que  nous  avons  avancé,  en  déterminant 
la  notion  de  ce  que  nous  nonunons  commune;  que  la 
commune  n'est  point  l'ancien  droit  dont  jouissaient 
de  temps  inunémorial  les  principales  villes  des  Gau- 
les, mais  un  privilège  spécial,  un  droit  introduit  con- 


(i)  In  cujus  QÎUœ  eçersione,  ndnà  hosUK  et  incendio^..  omise' 
ruad,*»,,  carias,  Ktteras,  acta,  instrumenta  et  nmmmenta,  guas 
d,  (jm  penès  se  habehant,  de  et  super  fundatione,  instituHone  et 
àotaUone  communiœ  dicUe  çilice....  prout  pbtres  ipsorum  habitan- 
tàan  et  Burgensium,  et  prœcipuè  major  et  phares  scabîm  retuie- 

Tuat  honâjide;.,.*  et  înier  cetera,  quasdam  copias, ^iiia5«.*.« 

originalium  veras  essê  copias  afferabant ,  nobis  ecoibisemnt,  etc. 
(T.  7  de  ce  Rec,  p.  fto2.  ) 


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[    103    ) 

et  qui  par  cela  seul  a  besoin 
«se. 

18  que  prenaient  les  villes  de 
ires  de  leur  commune  ^  lors- 
par  quelque  accident,  et  sans 
iées  par  aucune  contestation, 
nunune  des  villes  du  G*otûi  et 
1  1209,  ayant  été  brûlées  par 
Taoût  i346,  les  habitans  sup- 
lire  chercher  rentegistrement 
dans  les  registres  du  comté  de  Ponthieu,  et  de  leur 
en  faire  donner  une  expédition^  pour  tenir  lieu  de. 
Toriginal  (i)  ;  ce  qui  leur  fut  accordé  par  des  lettres 
de  Philippe  VI,  du  mois  de  décembre  de  la  même 
année.  De  là  encore  l'attention  d'obtenir  de  règne  en 
règne  des  confirmations  nouvelles;  notre  Recueil  en 
fournit  tant  d'exemples ,  qu'il  serait  superflu  d'en  ci- 
~  ^  là  enfin  ^  les  soins  qu'on  prenait  pour 
n  de  ces  titres.  Un  des  articles  de  la 
unuoe  de  Beauvais  défendait  que ,  sous 
Le,  cette  charte  ftil  transportée  hors  des 
lie  (2). 
On  ne  doit  pas  être  étonné  que  ces  chartes  fussent 
si  précieuses  aux  villes  qui  les  obtenaient;  elles  con- 
tenaient la  partie  la  plus  essentielle  de  leur  droit  pu- 


(i)  Voyez  t.  5  de  ce  Rec.,  p.  180. 

(piyQuàd  prœsens  charta,  propter  nuttam  causam,  extra  dd- 
iatem  portahitur.  (Art.  21  de  la  charte^e  commune  de  Beau- 
veais,  t.  7  de  ce  Rec,  p.  G2S.  ) 


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(  »o3) 

blic  et  privé,  leur  juridiction  municipe 
chises  et  pririlëges,  leurs  droits  utile 
([«es  9  comme  nous  Talions  voir  en  ] 
danses  principales  qu'elles  renfermaiei 
nairement» 

V. 

Quel  était  r objet  des  principales  clauses  des 
chartes  de  commune- 

Dans  ces  chartes  on  aperçoit  deux  parties  al)solu- 
ment  distinctes  :  i°  Pacte  ou  l'obligation  de  la  confé- 
dération et  du  serment;  2*  la  rédaction  des  coutu- 
mes, c'est-à-dire  des  lois  municipales  anciennes  ou 
nouvelles,  confirmées  ou  adoptées.  La  première  par- 
tie, qui  caractérise  essentiellement  la  commune,  est 
ordjbiairement  à  la  tête  de  la  charte,  et  renfermée  en 
un  ou  deux  articles  :  tout  le  reste  contient  ce  que  Ton 
nomune  les  communes.  Cette  division ,  toujours  sensi- 
ble, est  spécialement  indiquée  dans  les  lettres  de  con- 
firmation de  la  commune  de  Soissons,  par  Philippe 
Auguste;  elles  distinguent  l'acte  de  commune  et  la 
rédaction  des  coutumes  :  chartam  super  communia 
et  communiœ  consuetùdines  (i).  Les  lettres  de 
commune  de  la  ville  de  Poix,  après  avoir,  dans  les 
deux  premiers  articles,  donné  acte  de  la  confédéra- 
tion et  du  serment,  passent  ensuite  à  la  rédaction 
des   coutumes ,  et  emploient    cette   transition    re- 

(i)  Page  219  de  ce  vol. 


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(  M) 


es 

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lit 
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W^age  Jn  de  ce  voL 


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•   ^^^^       (  ^07  )-      _ 

bilans  â^ûne  viUl  de  commtme  n^ëtaient  ablié»^  de 
le  prêtée,  ni  tous  ceux  qui  le  prêtaient  n'étaient  pour 
cda  membx^es  de  la  commune.  Expliquons  ceci  par 
des  exemples  qui  enTeront  en  même  temps  la  preuve. 

On  fixait  d'ordinipre ,  par  la  charte  de  commune,  ^ 
ks  blutes  du  témtojûre,  qu'on  nommait  la  banlieue. 
On  d^gnàit  ensuite  ceux  qui,  dans  Tëtendue  de  ce 
tcrritoîçe^iieTaiént  jurei*la  commune, et  ceux  qui  en 
étaiétftls^^^^.  Tous  les  habitans  de  Soissons,  sam 
exéfeplion,  soit  dans  la  ville,  soit  dans  les  faubourgs, 
quel  que  ftlt  té^fief  sur  lequel  ils  avaient  leur  dcmii- 
dle^  dôva^jl  jurer  la  commune  : 
infra  mumm  ckniatis  et  extra  in 
ranées,  in  àttfttsctmujue  terrd 
Mais  à'CoBi^iègne  il  y  avait  des  e 
bitaîÀ'db  territoire  de  la  commun 
dés  murs,  soit  au-dehors^  devaien 
méfait  ceux  qui  se  trouveraient  co 
croissemens  futurs  de  la  ville ,  à  là 
des  vassaux  dHia  fief  désigné  :  i 
Droconis  de  Petra-fonte  ^  et  hominibus  suis  capt- 
taUbus{^). 

Nous  avons  dit  de  plus  que  tous  ceux  qui  faisaient 
le  serment  ne  devenaient  pas  pour  cela  membres  de- 
la  commune. Ce  p'était  proprement  qu'aux  bourgeois, 
et  en  leur  faveur,  que  la  commune  était  accordée. 

En  effet,  il  ne  faut  jamais  perdre  de  vue  que  le 

— r-^ ;; '    .'-'      y  ,-^ 

(1)  Page  220  die  ce  vol,'  art  if,  '  J- 

(2)  Page  241  de  ce  vol.  -  /% 


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(  "o  ) 

PcnOus  extra  camnmni(»m 
et  ijubd  nullus  principum 
assensu  régis  et  npsUro 
Richarii)  in  commHf^am 
lela  signifie -t -il  ^ulaiiient 
aient  entrer  3uir  lt|  territoire 

ésiastiques  ne  pouvaâbat  en 

parfaitement  membres  de  la 

tur  naissance  leur  donnaient 

avec  les  charges  et  les  obli- 

commune  imposaient;,  et  ces 

soin  de  le^  réserver  ex|)ras- 

tle  sentent  de  se  cmiforin^ 

établissait  :  omnes  clericij 

)\,  omnesque  nUliteSj  salçd 

fiiklitatè  nùstrd  et  jure  sUOjfimUter  futmerunt  (a).* 

Mais  insensiblement  ces  détails   nous  conduisent  a 

Texameri  de  la  seconde  partie  des  chartes  de  coiaou- 

mune,  c'est-à-dire  aux  règlemens'  particuliers  qui  y 

sont  compris  sous  la  dénomination  de  coi^^me.^^ 

a.  Nous  avons^  observé  ci  ^dessus  qu'on  désignait 
sous  cette  dénomination,  non  seulement  les  lois  mu- 
nicipales qu^un  long  usage  avait  fait  nommer  ainsi , 
mais  celles  que  la  conunune  adoptait  en  se,  formant, 

*  (i)Pagc  i84  de  ce  voh 

(2)  Voy^  la  commune  de  Roye,  p.  228;  celle  de  Sàinl- 
Qtieniin,  p.  270,  etc.  %. 


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(    UI    ) 

et  Iteqaellés  IHisage  h  venir 
nom.  Les  coutumes  ancienn< 
conservées  que  dans  la  mém 
'  éternelle  d^al>us,  parce  qae  V 
nit  à  la  fois  rdceaskm  et  le  moyen  de  les  violer.  Les 
chartes  <fe  commune  fixèrent  cette  incertitude, en  ré^ 
digeant  par  écfrit  les  coutumes  des  villes  (.rie);  mais  quel» 
quefeis  on  y  stipulait  qu'outre  les  articles  qui  y  étaient 
expressément  rédigés  (i),  on  continuerait  d'observer 
ceax  que  le  témoignage  des  magistrats  de  la  com-* 
m^uney  ou  une  information  juridique  attesterait  avoir 
été  en  tiÉige.  Ainsi  les  citoyens ,  par  un  excès  d'atta- 
cheil^eât  pour  leurs  coutumes  anciennes,  et  dans  la 
<yy[me  cPy  porter  la  phis  légère  atteinte,  perdaient 
ime  partie  dli  fruit  qu'ils  devaient  tirer  de  la  fixation 
de  leur  dr<Sl  coutumier. 

An  cémmencement  de  la  troisième  race  de  nos 
rois,  chaque  district  avait  ses  coutumes.  Nous  n'entre- 
rons pokit  dans  l'examen  de.  ce  qui  les  avait  ainsi 
mtlllîjdiées^  il  faudrait  remonter  aux  mélanges  des 
diverses  natiolts  qui  s'établirent  dans  les  Gaules,  vers 
le  temps  de  la  formation  de  notre  monarchie.  Ges  mé* 
.  langes  confondant  les  lois  comme  les  peuplés  qu'elles 
r^^sssûéht,  fonnèrent  insensiblement  mille  C(mibi- 

(tX  J^^^  co]aimmie  d'Athyes,  art.  a8,  p.  3oi  de  ce  vol. 
OïïiAts  imuper'  légitimas  et  rationahiîes  cansuetudùêes  tfuas  ipti 
軧enses..^,  kactenus  iermerunt,  eis  concedimus..*.  per  iegitimofn 
recorîiàiionem  majoris  et  juratorum»{\ oyez  aussi  commune  de 
T<iarûay,  ibùi,,  p.  25 1',  art  33.  ) 


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es;  et  le  nbsdbre'  s^éa  acfSnit 
jolies  que  les^  circoiïstancès^ 
ÎUps  de  troublés ,  t>u  la  plu-" 
in  maître  particulier  qui^'éii- 
ite  reèohnaisàLientpoiiït  dè^ 
les  rappeler  à  lin  droit  cdhs-  '^ 

jfiffér^ntes  étaient  déjà  t&n- 
les  villes  anciennes,  lor^iju#  \ 
|£lirent^  les  rédigèrent  et  y    '^ 
articles,  hek  villes  de  *aâda-^ 
iprf conséquent  ne  ^outai^t  * 
s'y  adoptèrent  celles  âfes  villes^ 
feint  à  la  ville  priB^ipËé^ou 
^situées ;  de  là  xSfttte  clauisè  sî^^ 
Jjps  de  commoiié,  sefidà  lé 
disposithrij  selon  le  modèle  des  coutumes  de'tèÙe^ 
ou  de  telle  "ville (i).  ^  *^^ 

Nous  distinguons  dans  lés  coutumes,  telles  qu'elles!^ 
sont  rédigées  dans  les  cliartes  de  cônmiùne,  cinq  ob-  ** 
jets  principaux  :  les  lois  concernant  les^ontrats  civiW 
et  la  punition  des  crimes,  la  juridiction  mimicipaJe,* 
les  franchises  et  privilèges,  les  reserves,   enfin    les  f 
charges.  Il  ne  fiiut  pas  Vàttendjfe  à^'irôuver  fees  cinq 


(i)  Ad  piùicta  commumœ  Pèronoh, (Commune  d'Athyés,- '  ' 
p.  2g8.^  Ad  punc^m^ et  ad  modumlVernoliL\CoïAm'&Xïé  àe^ 
!N6nancouct,  p.  289*)  Ad  punctâ  et  consv^tadines  comri^àda* 
Rûthomage^sîs.  (^Commjime^àe  jNiort,  p.  287.)  Ad  piàicttmf 
commumœ  Bruerensis.xGomtanne  deGf^spy,  p.  a'SS,  etc.,  etc., 


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(ii3) 

cinq  articles  riangë»  avec  inéthode  dans  les  chartes 
mêmes.  Il  semble  quellfoefois  que  le  rang  dès  articlos 
soit  réglépar  leur  importance;  mais  cette  impcMtance,  « 
toujours  relatire,  Vâi^  autsmt  que  les  causes  et  les 
circonstftnces  de  la  ccaqicessicm  des  lettres  de  com-* 
amte  :  le  plus  souvent  ils  sont  places  au  hasard  ;  de 
kle  désordre,  la  coniusion ,  les  redites  qui  se  trou- 
vent dans  ces  lettres,  et  que  nous  tâchons  d'éviter 
dans  le  compte  que  nous  en  rendons. 

1 .  Tïous  ne  lîous  étendrons  point  sur  les  règlemens  . 
civils  et  c|p9Ùpels  renfermés  dans  ce  qu'on  nomme 
leB^coiOumes  rfej  communes^  Nous  observerons  seu- 
lement^ avec  les  savais  auteurs  de  la  Bibliothèque^ 
des  coutumes {i) y  que  ce  sont  les  véritables  source^  * 
ée  nptre  àtxkt  privé  j  que  c'est  là  qu'on  trouve  les 
premi^s.jiTaQes  de  no|  coutumes  générales  ou  parti- 
culières; que  dans  ce  qu'on  appelle  la  France  coutu^ 
mière^  ces  anciens. r^lemens  ne  peuvent  servir  qu'à 
llustpire  pu.  quelquefois  à  l'éclaircissement  des  cou- 
tumes qui  sont  aujourd'hui  en  vigueur;  mais  que 
dans  les  pays  de  droit  écrij,  ce  sont  des  lois  muni^ 
ei^es  auxquelles  il  faut  se  conformer,  lorsqu'elles  ne 
smn  point  abolies  par  d'autres  lois  ou  par  des  usages 
contraires. 

Plus  les  chartes  de  commune  sont  anciennes,  plus 
les  lois  qu'elles  contiennent  se  rapprochent  des  pre- 
mières lois  des  Francs.  Parmi  les  traces  d'ignorance, 

(i)  Berroycr^et  Laurière  ;  Bihl.  des  coût,  Conjectures  $ur 
l'origine  du  droit  frakiçais ,  p.  35.      ^    ^       w         :, 
I.  9«  Liv.  8 


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(ïi4) 

de  superstition ,  de  férocité  même ,  pn  y  découvre 
ejicore  des  restes  de  cette  écjuité  sim^^le  let  franche, 
.et  de  cette  honnêteté . de  mœurs,  qui  ont  prescpe 
toujours  distingué  les  peuples  que  nous  appelons  6ar- 
ôore^.  L'horreur  pour  le  parjure  les  portait  .à;déférer 
presque  en  tout  au  sCTmcnt,  en  matière   civile  et  u 
même  criminelle  :  la  vie  des  hommes  leur  était;  sa- 
crée; la  plupart  des  crimes  n'étaient  punis  que  par, 
'des  amendes;  ils  employaient  quelquefois  la  honte  au 
lieu  du  suppUce,  même  dans  le  cas  de  crimes  graves; 
selon  quelques  anciennes  coutumes,  la  p^e  de  l'a- 
dultère (i)  était  de  courir  nu  par  la  ville,  si  Ton 
p'aimait  mieux  payer  une  amende  de  soixante  sous, 
ou  de  cent  sous,  au  plus.  Ce  ne  serait  pas  sans  plaisir 
.  et  sans  fruit  qu'on  entrerait  danjS  les  .détsâU  de.  nos 
lois   anciennes,  qu'on    les   combinerait  .ensg^mble, 
qu'on  en  observerait  les  progrès  et  les  chan^emens, 
qu'on  en  développerait  les  causes  morjdi^  et  politi- 
ques. Ce  Recueil  contient  des , matériaux  abondaiïs 
pour  un  pareil  ouvrage;  rii;^is  nous  ne  ^pouvons  ici 
>    qu'en  indiquer  le  sujet. 

3.  Nous  devons  nous  arrêter  davantage  sur  les  arti- 
cles de  ces  coutumes  qui  sont  relatilfe  à  la  juridiction 


in  adulfenp,  çeU* 

'onem  delinquttttis* 
art.  \2.— Voyez 
99,  art '21;  et  de 


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.  (  "è  ) 

vemés  en  prévôté  au  lieu  d'être  gouveméa  en  com- 
mune; et  qu'en  la  place  de  maire  et  de  jurés  qui  n'a- 
vaient plus^eu,  il  députerait  un  prévôt  pour  régir 

en  son  nom. 

Il  ne*  nous  est  pas  possible  d'entrer  ici  dans  les  dé- 
tails de  l'administration   municipale  des  villes  de 
commune.  Les  noms,  les  raiigs,  les  pouvoirs  des  ma^ 
gistrats  qui  eu  étaient  chargés,  variaient  à Jinfini. On 
les  appelait  plus  ordinairement  maires  échevins  et 
jurés  dans   les  villes  de  la  France  septentrionale  ; 
syndics  et  consuls  dans  la  partie  méridionale,  tés 
droits  attachés  aux  mêmes  n6ms  n'étaient  pé  tou- 
jours de  la  même  étendue.  Les  consuls  de  la  ville  (Sk 
Montauban  obtinrent  une  ^ugmentâùoa  de  poiivoir 
en  1828  (i).  On  regardait  ce  titre  decorisuls  cOmme 
le  plus  éminent  des  titres  de  la  jup<iiction  munici- 
pale, dans  les  pays  où  iî  était  en  usage.  Les  hsÛMxas 
de  iMarvejols,  qui  avaient  depuis  long-tenips  dès  syn- 
dics, demandèrent  en  i366,  à  Charles  y,d;accarder 
à  ces  magistrats  le  titre  de  consuls,  comme  un  tiwe 
plus  honorable  et  plus  révéré  des  peuples  (2). 


*  slon  de  la  ëomnmiie  de  Roye,  t.,5  de  ce  Rec.,  p.  66o;%e 
.  -  '  Neuville-le-Roi ,  ibid.,  p.  333  ;  et  le  règlement  pour  l'a^- 
♦*  /       nistration  de  la -viUédeLaôfav depuis  la  sappression  de  la 

t.    ^commune,  i.  a,  p.  78.       -"    '      T     ?      '        '    * 
■  ^,'       .(i)Page64dcce.vol.,  /•-:  '  :     v.    %,,     '.,; 

»      ^         (2)  TtOioii  ac  homtrabiUoji  lamine^...^. ^ffAemareniur. « 

*- ,  constdari  mhùfUJ et  consulaids  £gn&aU  mmm-etoffdo. 

V«-«'WCTjfttf't.rJCome4deceReç.,p^  '. 


•  f  ■ 
% 


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("7) 

Quoiqu'il  ftCtt  ordinaire^  dans  les  chartes  de  com- 
mune 7  de  laisser  aux  bourgeois  le  droit  d'élire  leurs 
officiers  municipaux,  ce  droit  ne  leur  ëtait  pas  tou- 
jours attnbuë  sans  restriction.  Ainsi ,  dans  les  com- 
munes de  Rouen  et  de  Falaise  (i),  les  cent  pairs  de 
la  ville  avaient  seulement  le  droit  de  présenter  trois 
notables  au  roi,  qui  s'était  réservé  de  choisir^  parmi 
ces  trois,  celui  qui  devait  être  maire  de  la  ville. 

Une  question  intéressante  à  examiner  au  sujet  de 
la  juridiction  municipale,  est  celle  qui  concerne  les 
droits  des  seigneurs  hauts-justiciers  des  villes  de  com- 
mune, sur  la  jm^idiction  municipale  de  ces  villes* 
Nous  n'entreprendrons  point  dé  discuter  ici  cette 
question ,  somnise  actuellement  à  la  décision  de  la 
cour,  à  l'occasion  delà  juridiction  municipale  de  Reims. 
Mous  nous  contenterons  de  rappeler  deux  principes 
généraux,  sans  prétendre  les  appliquer  à  l'espèce  par- 
ticulière. Le  premier,  que  nous  ne  nous  lassons  point 
de  répéter,  c'est  que  les  conununes  sont  instituées 
poiir  mettre  les  bourgeois  à  l'abri  des  entreprises  des 
seigneurs,'  ce  qui  suf^se  qu'elles  laissent  peu  de 
droits  aux  seigneurs,  relativement  à  la  juridiction  de. 
ces  mêmes  conununes.  Le  second,  c'est  que  les  lettres 
qui  établissent  les  juridictions  municipales,  sont  des 
lais,  et  que  par  conséquent  ce  qui  les  concerne,  sem- 


(i)  Si  opporteatmajorem  in  Rotomagensi  oel  in  Phalesîâ  JUHy 
ilU  centum  qui  pares  constituti  sunt,  eUgent  très  proborum  homi- 
num  ciintatisy  quos  Domino  régi  prasentabunt,  ut  de  quo  iHi  pla- 
cuerit,  majorem  faciat  (Tome  5  de  ce  Rcc,  p.  671.  ) 


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(n8) 

ble  dépendre  exclusivement  de  celui  qui  a  la  pcds- 
sance  législative.  Sans  doute,  c^est  des  hauts  seigneurs  ^ 
de  ceux  qui  exerçaient  les  droits  régaliens,  que  Beau- 
manoir  a  entendu  parler,  lorsqu'il  a  dit  (i)  :  Ouïs- 
cun  sire  qui  a  bonnes  viles  desous  U  esqueles  il 
a  quemuneSj  doit  sasH>ir  chascun  testât  de  le  vile, 
et  comment  ele  est  démenée  et  gouvernée  par  les 
majeurs j  etc.  Nos  rois  eux-mêmes  ont  déclaré  que 
les  juridictions  des  villes  de  conunune  dépendaient 
d'eux,  non  comme  seigneurs  de  quelque  fief  qu'ils 
auraient  acquis,  mais  connue  souverains.  Ils  avaient 
acquis  une  grande  partie  de  la  vicomte  de  Lautrec, 
dès  le  commencement  du  quatorzième  siècle  (2).  En- 
viron cent  après,  il  y  eut  un  règlement  foit  étendu 
sur  la  juridiction  des  consuls  de  Lautrec,  qui  fat 
confirmé  par  Charles  VI,  en  i4io  (3).  Le  principal 
objet  de  ce  règlement  était  de  distraire  de  cette  juri- 
diction quelques  lieux  de  son  territoire ,,  et  d'y  éta- 
blir des  consuls  particuliers.  Par  le  quatrième  article, 
il  fat  ordonné  que  tous  les  consuls  et  autres  magis- 
trats municipaux  de  ces  lieux ,  reconnaîtraient  soh- 
dairement  tenir  leur  consulat,  du  roi,  non  à  droit 
féodal  et  comme  seigneur,  mais  à  droit  de  souverai- 
neté et  comme  roi  :  ordinasfit  quod  dicti  consules^... 
ac  consUiarii....*  eorumdemj  recognoscant  ipswn 
consulatum  tenere  in  solidum  à  domino  nostro  rege 

(i)  Coutumes  de  Beauvoisîs,  c.  5o,  p.  a68. 
(a)  Voyez  HisU  du  Langued  .,  t.  4i  P-  i34- 
(3)  Koyez  t.  9  de  ce  Rec,  p.  557. 


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(  119  ) 
Ut  rege  i^.^JiL)g(i^  les  juridictions  muAicipales  sem- 
blent ^vÂîi^^ë  regardées  comme  étrangères  à  la  sim- 

^,^6  .féodalité. 

3*  Outre  la  juridiction  municipale ,  les  villes^  de 
coTBT^UTie^  jouissaient  de  plusieurs  autres  privilèges  et 
femchises  exprimées  dans  leurs  chartes.  Ces  jfran- 
chises,  quelquefois  octroyées  avant  l'établissement  de 
commune 9  recevaient  alora  une  nouvelle  sanction, 
qui  les  rendait  plus  respectables  aux  seigneurs,  tou- 
jours disposa  à  les  enfreindre.  Quelquefois  elles 
étaient  exprimées  par  cette  formule  générale,  que  les 
hémn^  de  la  comn^une  fussent  libres  eux  et  leurs 
biens  ;  qubd  hamines  communicBj  cum  omnibus  re- 

jbus  suis  Uberi  permaneàrU  (2)  ;  clause  dans  laquelle 

'^u^eurs  villes  de  commune  ont  cru  apercevoir  le 
franc-alléu  (3).  Quelquefois,  expliquant  avec  plus  de 
détail  ces  privilèges,  la  charte  portait  que  les  gens  de 
la  GomçQune  demeureraient  à  perpétuité  exempts  de 

..  toiiys.^its  de  prise,  tailles  injustes,  prêts  forcés  et 


(i)  Voyez  t.  9  de  ce  Rec,  p.  SSy. 

(2)  CeUe  clause  est  fréquente  dans  les  chartes  de  com- 
Bume,  et  fonne  d^ordinaire  le  premier  article  des  coutnmesi 
(  Vt^ez,  dans  ce  volume,  la  commune  de  Roye,  p«  aa8  ;  celle 
de  Saint^Qnenjtîn,  p.  270,  etc.,  etc.  ) 

(3)  Ce  système  a  été  fortement  combattu  par  les  inspec- 
teurs du  domaine  du  roi.  (  Voyez,  sur  cette  question,  les 
Mémoires  imprimés  soumis  au  procès  pendant  encore  au 
Conseil,  entre  la  ville  de  Saint-Quentin  et  le  receveur  gé- 
néral des  domaines  et  bois  de  Picardie.)  ^ 


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(  i^o  ) 

exaciioQs  :  &b  omni  êalUMA  imjuBldj  ùa0ime,  ett- 
dUknej  et  unwersd  irratàcmabiU exactiane{i).  Scm- 
vent  le  droit  de  main-morte  ëtait  spécialement  ahçii^ 
mortuas  autem  manus  omnino  exctudimus  {2). 
Quelquefois  aussi  Tabolition  n'était  pas  eï^iniëé:  ce 
fut  par  une  enquête  qu'on  justifia  qu'il  n'y  avait  poiat 
eu  de  droit  de  main-mc^rte  dans  Beauvais,  d^uis, 
rétablissement  de  la  commune  (3).  Cependant  Tabo- 
liti<Hi  de  ce  droit  n'était  pas  essentîellembent  liée  à  la 
concession  de  commune  ;  comme  on  le  v<rit  paa:  la 
charte  de  commune  de  Bray,  où  il  e^  dit  quet  nul 
seigneur,  autre  <pie  le  roi,  ne  pourra  lever  le  droit 
de  main -morte  sur  les  honmies  de  la  commune: 
nullus  dommusj  nisi  noSj.....  moftuam  manum  cà- 
piat  in  villd  ab  homine  de  communia {^).IJexms^ 
tionde  droit  de  main-^norte  n'avait  point  été  accordée 
aux  habitans  de  Soissons,  par  la  charte  de  LooisYI^ 
qui  leur  octxoysL  le  droit  de  commune  ;  cette  fran- 
chise fait  partie  des  articles   accordés  par  Philippe 

(i)  Voyez  commune  de  Mantes  ,  p.  197  de  ce  vol.;  com- 
mane  de  Chaumont,  p.  aaS,  etc. 

(2)  Voyez,  dans  ce  Yolume,  les  commîmes  de  Laon,  art.  12  ^ 
p.  186  ;  -de  Bmyères ,  art  1 3^  p.  s46  ;  de  Gre^py  en  Val^ 
art.  i5o,  p.  3o6,  etc. 

(3)  Homines  commumoms  Behaçams^  quaUter  mmamioiiiGa^ 
suam  Unuerimt  à  miie  iBtermgaU,  léiJ^rmt  (piàd,  e^  ^  corn- 
nuiidamJuMivenmtp  mmquam  mamm  motitutm  Beifiaco  ^kai  ^ 
éknmt  (Art.  2a  de  la  commune  de  Compièijne,  p.  2^%  de 
ce  vol.) 

^    (4)  Page  396,  art.  a. 


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(  lai:  > 


Us  étaient'  mineurs  ;  ce  <iroit  par  lequel  on  se  survit  : 
en  cpidkfûe  sorte,  celui  de  prescrire  par  son  testament  ^. 
rexécutigax  de  ses  volontés  après  la  mort  j  enfin  la  > 
liberté  qu'une  veuve  acquiert  par  la  mort  de  son 


(tJPrœierJias  consuetudines  à  patnbus  nostris  concessas  et  in- 
âubtUf  concedîmus  vt,  etc..  nec  cuiquam  Ucehlt  ab  aliguo  oelali- 
"  quà  de  communia,  manum  mortuam  exigere,  (  Art.  20  de  la  com-  ^ 
mime  de  Soissons,  p.  221  de  ce  vol.  ) 

(2)  Cofisuetuâinarias  autem  talUas  ita  reparaQÎmvs,  ut  unus- 
qmsquê  hominum  ipsas  talUas  deèentium,  sînguUs  termini^  qmbus 
ialUas  débet,  quatuor  denariios  sobat;  ultra  auteinnuUam  aliam 
talliam  persohat  (Page  187  de  ce  vol.,  art  18.) 

(3)  Voyez  Guibert,  ubi  suprà,  p.  5o3. 


'> 


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X^aa) 


Dïur- 
om- 
tous 

y 

ac- 
,  en 
sèn 
tires 

^- 

tans 


•'  yées 

e  la 

Lj^ar 
itrer 
i  ces^ 
3sde 
5  des 

i  ^\     (i)  Concedimus  etiam  ut  eis...  ad  libitum  sïàintpuellàs  etçiduas 

'  uxorareyet  bàllia  juoenum  et  pud- 
vtradictiàne,  libéré  liceat  et  Ssoitè,  ' 
)rout  0obierint  ordinare.  (Tome  5* 
aussi,  dans  le  présent  y<Jame^ 
I  Laon,  art  lo,  p.  i86;  de  Senst 
,  art.  5,  p.  219,  etc.,  etcO 
p.  5oo,.  art.  7. 

*  (4)*lWf.,  art.  10. 


{S)tb{d.,  art.  îa. 


f: 


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(  "5  ) 

it  prin* 
<  iste  dë- 

^  me  uûe 

'  fournit 

i  ntes,  et 

ie  cette 

aelque- 

nmune. 

oye,  dé 

chartes 

^  lit  chez 

>   .  aent  de 

,    i  lement, 

le  droit 
ids  que 
t  cours 

"^V^lprés  droite  moins  essentiels,  mais  à  quelques 

égards  j^u»  particuliers  aux.  communes,  parce  qu'ils 

^Sù^ent  d'ordinaire  les  attributs  de  la  juridiction  mu- 

nicîpalei,  étaient  l'hôtel  cx)mmun  pour  les  assem- 

-^i&ÊSy  la  cloché  pour  les  indiquer;  le  beffroi  où  celte 

I  '   x^Iochë  ëtait  suspendue;  le  sceau  pour  sceller  les  dé- 

^    -  ^  ^^^v/ :;,_i — ^ '• 

j      ^-  (i)JPage  aa8  de  ce  vol,  art.  ii. 

{ij.Voyez,  à^s  ce  vol-vles  p-aSo,  art,  35;  a/S,  art.  38; 
et  367,  art.  ai). 


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(  1^6  ) 
libëri  ■  -  -    -  j^jj^ 

les  cl  ef  qui 

les  SI  t.  txop    , 

long  Ibuts. 

Nous  te^i^*: 

qu'ui  W^9^  *' 

dans  ,        ,  ^,  .  --.ii|fe^^ 

lëge  qu'a  désigne.  ^       #j,W^.^^  '^ 

Le  beffroi,  selon  lui,  est  uiie  ms^phii^e  de^^^ôinçé, 
une  toi^r  d^bois  à  plusieurs  étages,  que  Ton  {appro- 
chait des  murs  pour  attaquer  ou  défendre  la  ville  ; 
d'où  il  conclut  que  le  droit  d^  beffroi  n'^bitp^s.  un 
des  moindres  privilèges  des  commùneç.  Mais  Je  Jbeflfçpr 
des  communes  n'était  aui  e  ** 

clocher,  qui  par  son  éleva  is  , 

machines  de  guerre  dont  p  ',  ^ 

à  cause  de  cette  ressemblai  e 

que.de  renfermeçjla  cloch  r^ 

geois,  et  quelquefois  desservir  i|<5  prison  pour  Texer- .: 
cice  delà  justice»  orijûânelle>  de  la  conunuiïë.  T^Ue 
est  l'idée  que  nous  en  donnent  les  .lettres  qui  con^ 
cernent  les  communes  méin^s  (a).       .1     • ..  ^ 

Celles  par  lesquellesPhilippe  VI,  en  i33i,  règlè% 

l'administration  de  là  ville  de  ^iaon.  dont  il  avait  sup^ 

pimé  la  commune  j  portent  :  j^X^É^S?  cloches  qu^ 

'     '         "*'       î    • 

(i)  Le  Roi,  Dissertation  sur^'Hôtel^-Ville  4e  Paris,  ' 
/oc.  at,  p.  10  et  II.  '      j    ' 

(2)  Ajpntez  qu^o^  s'en  servait 'aussi  comm^  d'eschanjgiiietle  « . 
pour  découvrir  ce  qui  se  passait  dans  la  campagne. 


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(  i^z) 


léiïré,  mais  une  tour  ordinairer, ^*on 
froi  que  parce  qu'elle  ^rvait  à  ren- 
phes  de  la  commune. 
Fo^  dit  que  le  beffroi  servait  aussi,4e  prison 
poW^'çi^érèicé  de  la  justice  criminelle  de  la  corn- 
mune.^Qpdes  lettres  du  roi  Jean,  en  i363,  au  mois 
(3),  il  est  permis  à  lt|l  commune  de 
[igarder  la  tour  de  Beatival,  pour  y  faire 
prison.De  là,  lorsque  la  commune 
fiinée/'et  c^'ony  eut  établi  un  pré- 
caire, ilfut  dit  que  le  beffroi  serait 
t  la  prison  du prév6t{Z\  Au. reste, 
du  beffroi  étaient  tellement  un  attribut  de 


jl% 


f  que  lorsque  la  commune  de  Compiègne 


les  çlbd 
la  cou 

fut  ^fablie^l  fallut  des  lettres  particulières  du  pi 
pour'  aptorîsjer  les  hiabitws  à  sonn^  les  clpcbes  4u 
beffroi,  en  cas  de  meurtre  ou  d'incendie  (4)- 
4*  Ap^ès  avoir  parlé  des  clauses  qui  contiennent 


(1)  Tome  2  de  ce  Rec.;  p.  79,  art.  9. 

(3)  Elles  fiireiit  produhes  en  1 7 19^  au  procès  entre  la  cpm- 
mnne  dé  JDourlens  et  le  prévôt  de  cette  ville.  (  Voyez  le  Mé- 
moire qui  liit  alors  imprimé  pour  la  commune,  p.  7.) 

(3)  Tome  2  de  ce  Rec,  p.  79,  ^rt  9. 

(4)  Voyez  p.  5i4  de  ce  vôL 


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.<  I^  ) 

h»  pritUëgc^  des  communes,  nous  devons  .dire  quel- 
,  que  chose  des  ré^erres  qui  restreignaieixt  ces  privi- 
lèges. Tîous  avons  déjà  remarqué  que  Tc^et  de  la 
concession  des  communes  n'était  pas  de  dépouiller  le$, 
seigneurs  de  leurs  droits,  mais  de  les  empêcher  a'en 
abuseir.  Les  hourgecns  opprin^  avaient  droit  4'exiger 
dé  Jeur.  souverain  secours  et  protection  y  mais  il  de- 
vait cette  même  protectjion  aux  droi^  l^itîm^èdà 
sei^eurê  4  au^i  dans  les  chartes  de  ÇjÇ»nmtuie ,  ces 
droits  sont-ils  toujours  expressément  réservés: 

Le  dernier  article  de  ces  chartes  contient;  ordinai- 
rement la  clauJl  suivante  :  sauf  noire  droit,  acides 
é^êques,  du  clergé,  des  seigneurs j  des  nobie^ydes 
ingénus  {i).  Outre  cette  réserve  général^  ^ 41^  jf  «n 
avait  souvent  de  particulières,  Ainsi,  par  l'artide  xix 
de  la  comnaune  d'Amiens,  il  est  dit  que  cette  ccmu- 
mune  ne  se  mêlera  point  de  ce  qui  concerne  les  droits 
féodaux  (3).  Ces  droits  féodaux  étaient  si  r^^peciés, 
que  la  charte  de  coinmui|e  d'Abheville,  en  supprimant 


(i')  Charte  de  eommime  de  Laon  :  Saipo  nostro  panter  et 
episcopaU  jure  et  ecclesiastico^  nec  non  et  procerum  ^  intra 
terminas  pacis  districta  sua  et  légitima  jura  habent  (p.  âSy  de  ce 
vol.)  Saloo  jure  ecciesiarum,  miUium  et^^^t^^nuorum'^honiiiaim 
concessimus  communiamy  etc.  (CommOQe  de  quelque^  lieox 
du  Laonnois,  p.  aSa  de  ce  vol.;  çoyez-y  aussi  le^^liartes  de 
Crespy,  p.  287;  de  Vaissy,  p.  aSg;  de  Soissons,  p,  221  ;  de 
Compiègne,  p.  243^  etc.',  etc.) 

(2)  Commurda  de  terris  m^  feoâis  domirtorum  non  débet  se  in- 
trotnittere.  (  Page  265  de  ce  vol.  )' 


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(  »29  ) 

rexaction  ^Ju  (çrét  forcé  et  sans  gage,  excepte  cepen- 
dâût  le  cas  où  le  vassal  serait  expressément  obligé,  à 
cause  de  son  tenement,  au  prêt  d'une  somme  fixe  (i). 
Le  serinent  n^ême   des  membres  de   la   commune 

Slât  être  fait  sauf  la  foi  due  aux  seigneurs  (3).  ^ 
ad  liOm^  VII  accorda  le  droit  de  commune  aux" 
habitaoôsdeCxmpiègne,  les  droits  seigneuriaux  de  Fabbé   **  » 
furent  exj^imés  et  conservés  (3).  Nous  avons  vu  que    * 
le  paiçme^t  du  cens  était  ordonné ,  même  sur  peine 
d'aînende.  ^  * 

Une  (5es  rServes  les  plus  importantes,  était  celle 
qui  d^endâit  d'filmettre  dans  la  commune  les  vas- 
;^saux^/^  s^neurs  voisins,  ou  qtii  rie  le  permettait     .* 
gu'à^  des  conditions   avantageuses  aux  seigneurs.  Il-* 
'  é^i^^cialement  défendu  aux  communes  de  rece-  .     , 
voir  lë^iiqinines  de  corps  du  roi  et  de  ses  domai-  *  \ 
nes|[À:si  mielqu'un  d'eux  y  avait  été  admis,  il  était  '** 


(t^iHd  iale  fuerit  Unementum,  cujus  possessor  certam  5ii/w-« 
Inam  jkimmi^jpio  ex  debito  credere  teheatur.  (^Tome  4  àe^ce' 
R|c.,  p.  S6,  art  i5.)  .  '     ♦ 

(pk),.Omnes  communiant  jifabunt,  salçâ  JideUtaie  dominorum> 
-^(Oiartç  dejccmmune  de  Bray,  p.  296  de  ce  vol.,  art  i."^ 
Sabâi^fi^itaU  coj^V.  ( Commune  de  Sainl-Quentîn ,  p.  270  * 

{^Eoûcepto  hoc,  qubd  homines  villœ  abhailpi^  très  mensesàe 

*^ptmM  came  et  piscihu^  creâtUones  facient. piscatores  ^erK,  " 

JormseSy  no^,  idsl  per  qtdndecim  dies  piscationem  Jacjj^t  {P.  2^1 
dece  vol.,  art.  I  et  a.)  .  /  -  '' 

^  li)  De  hpminibus  nostris  de  corpore... muititm  récipient, 

(Commune  de  Saînt-Qqentin^  art.  5,. p.. 27b  de  ce  yol^;»    .' 
k  9«  Liv.  '  ^  ^9* 


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,  '      (  i33  )    ^    • 

des  maisons,  excepte  les  nobles  et  le  clergé,  devaient 
^t  et  garde ,  et  contribution  aux  frais  pour  les  af- 
faires de  la  commune  (i).  Par  l'article  viii  de  celle 
dePontoise,  les  bpui^eois  devaient  tous  contribuer,  h 
proportion  de  leurs  facultés,  aux  dépenses  nécessaires 
pour  là  défense  et  la  sûreté  de  la  ville  (2).  Les  com- 

Jmunes  d'Aiguës  -  mortes  (3)  et  de  Marvejols  (4) 
étaient  obligées  au  guet  et  garde,  à  la  volonté  des.  » 
consuls.  Quelquefois  on  obligeait  les  possesseurs  de 
fonds  dans  le  territoire  de  la  commune,  de  contri- 
buer aux  dépenses  de  cette  commune,  quoiqu'ils  n'en 
fussent  pas  membres.  Ainsi  les  seigneurs  et  leurs 
hommes  des  environs  d' Angoulême ,  dans  l'étendue  de 
deux  lieues,  contribuaient  au  guet  et  garde  et  à  l'en- 
tretien du  château,  a  En  effet  (disent  les  lettres  de 
((  Charles  V  ),  il  est  bien  chose  raisonnable  que  eux, 
<t  leurs  hommes  et  sujets  contribuent  aux  guets,  gardes 
<ï  et  réparations  d'icelle  ville;  car  c'est  pour  gardtr  le 
<f  leur  même  (5).  »  Qu'il  nous  suffise  d'indiquer  ces  * 
objets  généraux;  et  après  avoir  vu  quand,  pourquoi, 
par  qui  et  à  quelles  conditions  les  communes  ont  été 

•  établies ,  terminons  nos  recherches  en  examinant  de 


(i)  Behent  excubias  et  adjutorium  cwUatis,  et  œnsuetudines 
tommumonis.  (Pag.  aa4-  ^e  ce  vol.) 

(a)  Ibîd*,  p.  254.  Voyez  aussi  l'art.  7  de  la  charle  de  com- 
mime  de  Pôissy.  lôid.,  p.  3 16. 

(à)  Tome  4  de  ce  Recueil,  p.  461  art.  5. 

(4)  Koyez  ibid.,  p.  677,  ^rl.  12. 

(5)  Tome  5  de  ce  Recueil,  p.  G79,  art  1". 


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* 


•    •       (  i34)    * 

qoelie  façon  et  par  quelles  raisons  ei^  ont  éié  quel- 
(^efois  modifiées ,  supprimées  ou  rétablies. 


VL 


Par  qui  et  pour  quelles  causes  les  communes 
étaient  modifiées^  supprimées  ou  rétablies. 

La  même  autorité  qui  avait  établi  les  communes, 
pouvait  seule  les  modifier,  les  supprimer  ou  les  rétâ- 
Uir.  Des  lettres  émanées  du  souverain  avaient  donné 
aux  communes  le  degré  d'authenticité  suffisant  :  des 
lettres  semblables  étaient  nécessaires  pour  les  révo- 
quer ou  les  faire  revivre.  Il  ne  suflSsait  pas  aux  bour- 
geois de  renoncer  à  la  concession  qui  leur  était  &ite 
du  droit  de  commune,  comme  on  renonce  à  un  pri- 
vilège de  pure  faveur,  quand  il  devient  onéreux, 
parée  que  le  droit  de  commune  n'était  pas  un  single 
privilège.  Les  chartes  de  commune,  à  certains  égards, 
étaient  des  lois,  des  ordonnances;  et  c'est  à  ce  titre 
qu'elles  entrent  dans  ce  Recueil  :  le  droit  de  les  abolir 
ou  de  les  renouveler  appartenait  au  législateur,  comme- 
celui  de  les  créer.  -  ♦ 

Les  circonstances  politiques  avaient  fait  ériger  les 
communes;  le  changement  de  ces  circonstances  les 
fit  tantôt  modifier,  tantôt  supprimer,  tantôt  rétablir. 

1.  Les  souverains  qui  accordaient  les  communes 
n'épuisaient  pas  leur  autorité  à  cet  égard  par  une  pre- 
mière concession;  ils  demeuraient  toujours  les  maîtres 
d'y  faire  les  changemens  qu'ils  croyaient  convena- 


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de  lëgislateiirs  attachait  à  leur  per-/ 
le  ]^btip^  inaliénable  d'exercer  leur  autorité 
portion  du  droit  public  de  leur  royaume. 
a^Bûs  publié  dans  ce  volume  les  changemens  * 
yrfit  au  premier  établissement  de  la  çpm-  # 
^de:Sàint-Riquier(i).On  trouvera  dans  le  tome* 
prenoierjo^^^^   Recueil  (2)  plusieurs  ordonnances  de 

et  de  Philippe-le-Bel ,  contenant  des  règle-     < 
iârmi^  pour  les  communes,  indépendamment 

{^rticulièresqui  les  avaient  accordées.  Ces  ^  * 
aMpctttent  principalement  sur  l'élection  des  «* 
^^X  siatUs  comptes  qu'ils  devaient  rendre,  sur  la    * 
sâr<^  d^  Hêniers  communs,  sur  le  retranchement  * 
dtii^^^genses  p^  les  affaires  de  la  ville,  etc.  Quand    ,  ' 

[es y  rétablit,  en  i368,  les  habitans  dFPéronne 
.daibols  droits  anciens  de  leur  commune  (3) ,  ce  fut   ^ 
^^  grand  nombre  de  modifications.  Il  en  mit  k 


lus  à  la  charte  de  commune  de  Tourna^(4), 
fia  renouvela  en  1370.  On  peut  regarder  aussi 
coimme  une  modification  du  droit  de  coiomune,  1,'ar- 
ticîie  LXîti  de  l'édit  de  Moulins,  en  février  i566,  qui 
laissant  l'exercice  du  criminel  et  de  la  police,  aux 
maire,  échèvins  et  autres  administrateurs  des  corps 
de  villes,  leur  interdit  la  connaissance  des  instances 


(t)  Page  î84  de  ce  vol. 

(2)  Tome  !«'  de  ce  Recaeii,  p.  8a  et  3i5. 

(3)  Voyez  t.  5,  p.  i63. 
(tt^oy^^t.  5,  p.  374. 


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(  i36  )     .  f 

La  ville  de  Reims  J^iiit 
et  article,  dans  la  jouis- 


:  mais  elle  y  fiit  ,^_   ^ 
e  prouva  que  k|ustice 
mémorial ,  long'  *  '^P^P^ 
•  oaune  (2) ,  et  qu'pi  tes-  * 

ssions  des  communes  ^ 

suppressions  momeàà- 

nées  que  quelques  communes  éprouvèrent  dans  lés 

«  premiers  instans  de  leur  formation  ;  suspensions , 
plutôt  que  suppressions  réelles,  obtenues  à  force  de 
brigues  et  d'argent,  par  les  seigneurs  qui  avaient  in- 
térêt de  s'opposer  à  ces  établissemens.  Ils  employé* 
rent  m Jne  les  armes.  Nous  en  avons  rapporta  des 
exemples,  en  parlant  de   l'établissement  des'  com- 

,,  munes  de  Laon,  d'Amiens  et  de  quelques  autres; 

'  mai^il  n'est  ici  question  que  des  suppressions  revê- 
tues de  formes  légales,  et  fondées  sur  des  causes  juétes 
avouées  par  le  souverain* 

Elles  avaient  d'ordinaire  l'un  de  ces  deux  motifs  : 
ou  l'intérêt  même  des  bourgeois  qui  demandaient  la 
suppression  de  la  commune,  devenue  pour  eux  une 


(i)  Recueil  d'ordonnances,  par  Néron  et  6irard,  t.  i» 
p.  483. 

(a)  Voyez  le  Discours  de  l'antiq.  de  l'écheQinage  de  Reims, 
par  Bçrgier,  produit  au  procès  de  la  ville  de  Reims  contre 
les  officiers  de  rarcheyêque,  en  1628,  et  les  arrêts  qui  y  sont 
joints. 


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I 

î 

i    in 


lé.  Les  ma- 
taient poftës 
règlemenS; 
e  du  roi  (i). 
$2,  priva  les 
.  Cette  ville 

I  ir,  en  fut  de 

efelles  qu'ils 

j  t  plutôt  une 

nt  dite;  car 

i  leur  fut  ren- 

dait ôtée  que 
ue  les  trou- 


vas toujours 
;  charges  que 

1  Lance  qui  fut 

DU  de  la  ville 
»mmune  (3), 

f  bonnes  cou- 

fussent  con- 

....,.^      .  ^    , .     ^  ...    ... 

suppression  de  la  commune  de  Toumay  ' 


''  (^1  ^^^^  ^^^  lettres  4e  Charles  ,  fil3  aîné  et  ^eutenant  du 
roi^ean,  en  novembre  i3â6,  t.  3  de  ce  Recueil,  p.  92  ;  et  à 
ia  6q  du  volume  ,  p.  189,  additions  et  corrections  pour  la 

'  {%Xy&^ez\t^  leyres  de  Charles  V,  du  6  février  iS;®^, 
p.  372  du  t.  5  d^ce  Recueil.  >  -i- 

■'   (3)  Tome  2  de  ce  R«:ueii,  p.  78.^ 


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(143), 


r 

en 

0, 

iUe 

tat. 
oc, 
lui' 


idu 
diè<t 
la 
^u 
•en 
iter 
[ue 
em 
ges 


ëiirJ[]mj)osâl[4)'  ^ 
ps(^d|i  îrétaMissëmçnt  dés  communes 

mes, que  celles  de  leiir  établissement: 


"  *•  Ç>  P:^9*  '^<>^^2  aussi  les  lettres  déjà  citées 
M/i  1  p.  37a^^du  tome.  5  de  ce  RecueiL 


fâiyÊ^  letVç|^*i^?  I^yî^r  1,36%,  t.  &  de  ce  I^ec. 


^.^,.-.• 


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(  '44  ) 

Fimërét  des  habitons  qoi  le  deman^biîipnt;  |J 
du  sopiverain  qui  en  tirait  avantage.  ^ 

Les  formes  étaient  aussi  à  peu  près  ,sembl|ibles 
Comme  il  fallait  des  lettres  émanées  du  sk>uvç^ 
pour  fonder  le  droit  de  commune,  Jl  enfaÛaitpQur  ' 
le  rétablir;  d'autaiit  plus  que  ce  rétaJïUssemen^JOL^^tait 
pas  toujours  pur  et  simple,  {misque  souvent  ^  piodi- 
fiait  l'ancien  droit,  ou  y  ajoutait.  Mais^  les  lettres^  de  > 
rétablissement  des  communes  rappel^çet'f  toujours 
les  concessions  premières;  et  par-là  elles  unissaient,  à 
la  confirmation  du  droit,  les  avantages' qu^Taiic^eu- 
gieté  pouvait  y  joindre.  ^^^^^   , 

Terminons  ici  nos  recherches  sur  les  cohununQSf. 
Un  traité  complet  sur.  cette  matière  dem^dérai^  un 
voluûie  entier  ;  et  les  bornes  que  nous  devons ^us 
prescrire  ici,  nous  obligent  de  passer  àjjx  autres  objfts 
que  nous  nous  sommes  proposé  d'y  trait(^<f         '^ 


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¥ 


RECHERCHES 


^^  aPRJLES  BOURGEOISIES. 


.^>- 


v. 


.^*  _^,^pfe^    PAR  M.  DE  BRÉQDIGÎÏY. 

Koiàs  ^c^'lbiiimes  aperçus  plus  d'une  fois  que  les 
aiî|eur9^  cm  parle  des  bourgeoisies,  ont  été  induits 
m  e^ix^lwr  la  multiplicité  des  acceptions  de   ce    ^ 
moC%Jrûlîr  (^f iter  cette  erreur  trop  ordinaire,  nous  * 
(Ji^rvef ^is!^<îae  le  mot  bourgeoisie j  comme  celui  de  ' 
bmtg^isj^p^'ûàétïyej  et  celui  de  ^owrg"^  d'où  sont 
deux  autres,  ont  eu  chacun  plusieurs  si- 
fiju'il  est  nécessaire  de  distinguer. 

1j^  moiâhourg  est- il  originairement  celtique  ou 
grcd?  On' a  souvent  disputé  siur  ce  point,-  mais  écar-^^ 
tons  oçtte  question  frivole,  ou  du  moins  superflue  re- 
ktivenienf  à  notre  objet.  Remarquons  seulement  que 
daiijs^lietdi^iènîe  siècle  on  appelait  bourgs  les  simples  > 
idBa^s  qui  n'étaient  point  fermés  de  murs  (i),  selon  "^ . 
le  !]témoignage  d'un  écrivain  de  ce  siècle  même.  Les  ^ 
maÙ^tfr^  des  temps  ayant  obligé  de  clorre  de  murail^ 


*  (i)  jt^hgrvgationemdomorum  quœ  muro  non  clay^ditw^  Luit- 
pra^i^  lib.  3,  cap.  la.  '  *. 

!•  g^  uv.  '  10  . 


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^ 


ïî 


(  '46) 
'     les  ces  habitalions,  elles  conUnuèreni  de  porter  le 
nom  de  bourgs  (»).  Enfin,  ce  nom  insensiblement 
'     ne  fut  plus  donné  qu'aux  lieux  fermés  de  murs,  et 
X     s'éloigna  ainsi  de  la  signification  primitive.  * 

Il  en  fiit  de  même  du  mot  bourgeois.  Sans  pléten- 
dre  en  rappeler  ici  toutes  les  acceptions  (a),  ^ous 
nous  contenterons  de  dire  qu'il  fiit  d'abord'^mployé 
pour  désigner,  en  général,  les  habitans  d^^m-ês/)u 
villages,  soit  ouverts,  soit  fermés.  Lorsqùe^fes  bourgs 
fermés  s'âevèrent  au  titre  de  vUle,  les  hj^itans  con- 
:     servèrentlenomde6oKrg-eow.Enfm,lorsqiieces  lieux 
obtinrent  des  privilèges  pour  leurs  habitans  réunis  en 
«         corps,  le  nom  de  bourgeois  devint  propre  aux  indivi- 
■■   .,  dus  de  ce  corps,  à  l'exclusion  non  seulei^ett^jies  ha- 
'•  bitans  des  lieux  non  privilégiés,  mais  mên^fràe^ççux 
•  des  habitans  du  heu  privilégié  qui  n'avaieni  |>as  *été 
V  associés  »u  corps  pour  lequel  le  pivilégç  avaitj  #é  a^ 
'  cordé  (3).  ï»ar-là  on  restreignit  l'accep^tibn  ,J)remière 

(i)  Voyez  du  Gange,  Gloss.  lat,  au  mot  BurgusJ      ,  /; 
"      (a)  Du  Gange,  au  lieu  cité  ci-deissus,  définit  le  mo^*>iir- 
geoîs  :  burgorum  seu  Qitlarum  incolœ;  vel  qid  tcneinénta  iri,iis 

'um  domino  bwr^^pças&^mt» 

[ans  les  bourgs  ^^f»0^é- 

%  ils  payïiient  lairejteyiU^ 

4  is  porté  ie  .ideiaide  ^ar* 

i   ./'  our  eux  un  titre  m  pii^- 

îls  n'étaient  bourgeoîs'fttc 

'ut  aussi  quelquefois  nom- 

es(2)et(3),p.  li;.^;-/ 

(3)  Tout  habitant  d>n  lieu  où  il  y  avait  bourgeoisj^è  n'é- 


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•       (i47) 

du  mcA  èoiageois;  il  avait  d'abord  désigné  en  géné>«> 
r^l^  tout  habitant  des  lieux  auxquels  on  donnait  le 
nom  de  bout^;  il  désigna  par  la  suite  Thabitant  as- 
socié aux  privilèges  de  ces  lieux.  11  n'avait  çxprimé 
origiÉairement  qu'une  idée  de  position,  l'on  y  joignit  ♦ 
une  idée  i^e  privilège  (i).  '* 

Ék  ce  j^  bourgeois  se  forma  celui  de  bourgeoisie j 
dont  la  agnification  éprouva  encore  plus  de  variations  : 
oDt  iK)niina  bourgeoisie j  tantôt  le  territoire  (2)  dont  les 
habitans,.sbus  le  nom  de  bourgeois j  avaient  des  privi-r  , 
1^^  en  iranmun  ;  tantôt  la  redevance  annuelle  dont  les 
boû^îdisélJ&nt  chargés  pourprix de  ces  priviléges(3). . 


tài^t  p^  baàrgebis  par  cela  seul.  Pour  le  devenir,  il  devaîl 
être  abfibmé  àacoq)S  des  autres  bourgeois,  comme  on  le 
verra ^dat^^  j^ônde  partie  de  ces  recherches. 
.  .0^  M^gr^e'préteiidons  pas  que  le  mot  bourgeois  aiC  cessé* 
d'avoir  en  même  temps  d'autres  acceptions  ;  par  exemple , 
celle  ig[i:^^^^ait  une  classe  d'hommes  différente  de  celle 
jftlie^^^bËÈi^ei  des  paysans.  Fbyez  ci-dessous  la  note  (1), 

;   ^YjK  est^pris  en  ce*  sens  dans  une  charte  de  i284i  ci^ée  « 
contîauatenr  du  Gloss.  lat^àe  du  Can^e^au  mol  Bur- 
l5i  àUqid  infra.:*  Burgesiafn  villœ  ArvUaci  de  nooo  çemre''^ 
,>/i^  Deméme,  dans  l'arrêt  des  grands -jours  de 
:^il^j^87,  cité  par  Brussel,  on  lit  :  Bwgenses  venien-.- 
^rgéndis  sms,  etcVsai^e  des  fiefs,  t.  2,  p.  go3.  Il  serait 
lià'dié  iÂultipUer  les  preuves. 
1{3^  O^lit  dans  une  charte  de  Philippe  Auguste,  en  1200, 
citée  ^ar  dif  Xan|;e ,  au  mot  Burgesia  :  De  sementibus  laids    . 

schokmum  qtdmrtdebenfVUfiQZmim  nobis;Ht  dans  une  charte 

■  *  '  ■        '-      ^-    .  ■  -       *        a  ^  -    ,. 

\  î         ,        ».**"'  •    n 


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4 


(  ï48  •)  • 
Tantôt  ce  mot,  comme  collecûf,  servit  à  draguer  la 
classe  des  habitans  des  villes,  par  opposition  à  la  classe 
des  habitans  de  la  campagne  j  ou  la  dassc  des  rotu- 
rière, par  opposition  à  la  classe  des  nobles  (i).  Enfin 
il  signifia  le  droit  accordé  aux  habitans  d'ifn  lieu 
au  à  ceux  qui  leur  étaient  associés j  de  jotm",  à 
certaines  conditions,  de  privilèges  communs- Vm»- 
sel  soutient  qu'il  ne  fut  en  usage  que  sur  la  fin  du 
treizième  siècle  (a),  quoiqu'on  se  servît  dep^iis  long- 

d'un  comte  de  Bloîs,  en  1277  :  J'ai  donné  en  f4pétuelle  m- 
mène...  à  prendre  sur  mes  BOURGEOISIES  de  Guyse,  parla  mam 
de  celi  qidjiour  Uns  recepora  ïesdUes  BOURGEOISIES;  Du  Cauge, 
îbîd.  Il  faut  observer  qu'on  a  aussi  compris,  sous  Je  nom  de 
iourgeoisiesy  de  simples  redevances  féodales  appartenantes 
aux  seigneurs  sur  les  fiefs  qu'ils  avaient  dans  lesbourgs  ou 
villes,  et  qu'on  appelait  plus  communément  ^owigrû^ ,  4^ît 
réel  dû  par  le  terrain;  au  lieu  que  la  redevance. dont|ious 
^parl<ms  ici  éuit  un  droit  personnel  dû  par  lé  bom^doîs. 
,;  Voyez  là  Thaumass.,  Covt.  de  Berry.i^.  ;i3  ;  et  ci  -  dessus  la 

note  (2),  p.  i46-  ^    ^  jdfr 

.       (i)  Le  mot  bourgeois  fut  aussi  employé  en  ce  s^s,  i^mT^ 
anciennement.  Foye^  du  Cange ,  sous  le  mot  Burgèràes,  W^s 
nous  ferons  vpir,  dans  la  seconde  partie,  que  l'haWialioii 
dans  les  villes  ne  fut  pas  toujours  essentielle  à  If  iKip^êoi- 
sie,  et  que  la  bourgeoisie  ne  fut  jamais  încompa^ble  Ai^c 
la^oblesse,  quoique  ces;  deux  cpnditiojas  aient  toujours  pu, 
fk  divers  égards;  être  naîses  en  opposition.^     >,  -."     > 
(2)  Brussel,  Usage  desfiefs^  t.  2,  p.  940  :  «  1.1  est  remar- 
ie quablè  que  le  mot  ^iir^^owiVr  ne  se  rencontre  dans  aucone 
«ordonnance  qui  précède  celle  de  1287...   H  n'en  est  pas 
*     «  ain^i  du  mot  bourgeois,  car  il  se  trouve  dans  quelques  char- 
ge tes  fort  ancîenfies,  etc.»        ^„^    "    ,7'    ^    '    " 


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(  «49  ) 

temps  du  mot  bourgeois.  Cependant  le  mot  baur-- 
geoisie  existait  dès  le  temps  de  Philippe  Auguste , 
dans  un  sens  différent,  à  la  vérité,  de  celui  dont  il 
s*2Égit  (i)  ;  mais  il  n'est  guère  probable  ,au'il  n'ait 
pas  éié  dèâ^lors  employé  dans  ce  sens  mraie,  qu'il 
offirait  si  naturellement,  et  qu'on  avait  si  frâjuem- 
ment  bescûn  d'exprimer,  puisque  ce  fut  surtout  alors 
que  les  bourgeoisies,  prises  en  ce  sens,  se  multipliè- 
rent. Quoi  qu'il  en  soit,  et  sans  nous  livrer  à  ces 
discuSsiom,  il  nous  suffira  de  dire  que  c'est  seton 
cette  dernière  acception  que  nous  nous  servirons  de 
ce  mot  dans!  le  cours  de  nos  recherches. 

Fous  y  considérerons  les  bourgeoisies,  i**  en  elles^ 
mêmes,  et  relativement  aux  privilèges  qu'elles  jffo- 
curent;'  2**  relativement  aux  personnes  qui  peuvent 
les  accorder  ou  les  obtenir.  Dans  la  première  partie, 
nous  remontions  à  rétablissement  des  bourgeoisies, 
et  nous  développerons  les  objets  des  privilèges  qui  y 
ont  été  attachés.  Dans  la  seconde,  nous  examinerons 
par  qui  ces  privilèges  peuvent  être  accordés,  à  qui 
ilpjpeuvent  être  accordés,  et  par  quelles  formes.  Ce 
p)^  nous  paraît  propre  à  présenter  avec  clarté  les 
iK>tiûfts  les  plus  importantes  sur  la  matière  que  nous 
nous  proposons  de  traiter. 


(i)  Voyez^  la  charte  de  Philippe  Auguste,  en  laoo,   citée 
ci-dessus,  note  (3),  p.  14.7- 


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ï 


(  i5o  ) 

PREMIERE  PARTIE.  :.'^^ 

Des  bourgeoisies  considérées  en  elles-mêmes j  et  ré^  * 
lativement  aux  privilèges  qu^ elles  procurent.     ^ 

Le3  bourgeoisies  considërëes  en  eUes-mémes^  nous 
ofirent  deux  questions  que  nous  discuterons  successi- 
vement :  i**  quelle  filt  l'origine,  quelles  ont  été  les 
progrès  de  rétablissement  des  bourgeoisies;  2""  quels 
en  sont  les  caractères  et  les  objets. 


I. 


De  V origine  et  des  progrès  de  rétablissement  des 
bourgeoisies, 

• 
L'établissement  des  bourgeoisies  fut  un  des  effets 
de  Tabua  de  la  féodalité.  On  sait  qu'au  commence- 
ment de  la  troisième  race  de  nos  rois,  tout  en  France 
était  devenu  fief.  Le  système  de  la  féodalité  aurait  pu 
être  un  système  d'union ,  par  lès  ri^ports  de  service 
et  de  protection  qu'il  mettait  entre  les  puissans  et  les 
faibles;  mais  il  était  devenu  un  système  d'oppression, 
parce  que  le  pouvoir  que  rien  ne  balance  franchit 
insensiblement  toutes  bornes,  et  que  l'état  d'anarchie 
où  le  royaume  était  tombé  à  la  fin  de  la  seconde  race, 
avait  persuadé  à  chaque  seigneur  d'un  territoire  que 
ses  vassaux  étaient  ses  sujets;  il  les  nommait  de  ce 


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-    •   (  i5i  )  •     ^ 

nom^  et  les  traitait  comme  s^i)  eût  eu  sur  eux  un 
poQTok:  de  propriété  aussi  absolu*  que  sur  le  territoire 
même. 

La  puissance  publique,  qui,  possédée  à  titre  privé, 
avait  ccmstitué  la  seigneurie  ou  la  puissance  féodale, 
se  trouvait  morcelée  en  une  infinité  de  parties,  et  dis- 
tribuée en  une  nuiltitude  de  mains,  soit  par  l'abandon 
volontaire  du  souverain,  soit  par  l\isurpation  des 
grands.  La  portion  de  cette  piùssance  publique  qui 
restadt  entre  les  n^ns  du  monarque,  lorsque  Hugues 
Capet  en  recueillit  les  débris,  ne  le  mettait  pas  en 
état  d'y  réunir  par  la  force  ce  qui  en  avait  été  dé- 
m^njbré.  Il  fut  réduit  à  légitimer  des  droits  qu'il  eût 
été  dangereux  pour  hù  de  vouloir  détruire.  Son  c(m- 
sentement,  exprès  ou  tacite,  ratifia  toutes  les  prétentions 
de  la  féodalité;  et  il  fut  content  d'être  reconnu  pour  k 
seigneur  dominant,  médiat  ou  immédiat,  de  cette  foule 
de  sei^etus  dépendans  la  plupart  les  uns  des  autres. 
Sa  souveraii^eté  n'était  presque  qu'une  suzeraineté; 
mais  l'hommage  que  tous  ces  fie&  lui  devaient  et  lui 
reportaient,  était  un  fi)  qui  liait  ensemble  et  attachait 
à  sa  omnx)nne,  ce  nombre  prodigieux  de  parties  di- 
visé^; et  ce  fil,  tout  faible  qu'il  paraissait,  fut  si  ha- 
bilement ménagé  par  Hugues  et  ses  successeurs,  qu'il 
devint  entre  leurs  mains  le  principal  moyen  dont  ils  se 
servirent  pour  ramener  à  eux  la  plénitude  de  l'autorité , 
par  un  mouvement  uniforme  et  sans  effort.  Nous  ne 
nous  occuperons  point  à  suivre  pas  à  pas  ces  opérations 
de  leur  adroite  politique;  nous  devons  nçus  bornei'  a 
ce  qui  concerne  les  bougeoisies. 


^ 


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(  ï^a  )    ^    • 

Nos  rois,  qui  surent  s'en  servir  si  efficacement  pour 
l'abaissement  de  la  puissance  féodale,  ne  les  imagi- 
nèrent point,  mais  ils  les  tournèrent  à  leur  avantage. 
Les  premiers  privilèges  qui  ont  fonde  le  droit  des 
bourgeoisies  ne  furent  que  la  confirmation'des  asso- 
ciations formées  sous  le  nom  de  communes  par  1^  ha- 
bitans  des  villes  contre  la  tyrannie  féodale,  ou  le  re- 
nouvellement d'anciens  droits  municipaux  réclamés 
vers  le  même  temps  par  plusieurs  cités. 

Nous  ne  répéterons  point  ici  ce  que  nous  avons  dit 
ailleurs  (i)  sur  l'origine  des  conamunes.  On  peut  se 
rappeler  qu'au  commencement  du  douzième  siècle, 
diverses  villes  opprimées  par  leurs  seigneurs  opposè- 
rent la  force  à  l'injustice.  Leurs  confédérations  tu- 
multu^ires  furent  approuvées  dif  souverain  leur  pre- 
mier seigneur,  et  qui  était  leur  protecteur-né,  pr 
l'essence  même  de  la  souveraineté.  Il  vint  à  leur  se- 
cours, et  légitima  les  communes  en  y  imprimant  le 
sceau  de  son  autorité.  Vers  le  même  temps  (2),  d'au- 
tres villes,  surtout  dans  les  provinces  méridionales, 
rentrèrent  dans  l'usage  des  droits  municipaux  dont 
elles  avaient  joui  avant  la  fondation  de  notre  monar- 
chie; et  nos  rois  les  y  confirmèrent,  donnant  en  quel- 
que sorte  aux  anciens  privilèges  une  seconde  origine  ,^ 


(i)  Voyeznos  Recherches  sur  les  communes,  dans  la  pré- 
face du  tome  1 1  de  ce  Recueil  (  c'est-à-dire  du  Recueil  des 
ordonn,  ).  Cette  observation  est  commune  à  toutes  les  notes 
où  la  même  citation  se  représentera.  {Edit  CL.) 

(2)  D.  VaisseUe,  Hist  de  Languedoc,  t.  2,  p.  5i5* 


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(i53) 

i  deveiiaient 

L  qu'on  peut 

it  des  bour- 

e  douzième 

des  ^droits 

«.  Car  quoi- 

)s  privilëges 

eus  munici- 

LUifes  (2),  cepepdant  les,  concessions 

lëges  étaient  proprement  des  conces- 

loisti^e  avec  plus  ou  moins  de  préroga^ 


en  Tairait  un  double, avantage,  i**  la 
diiâjUQQtion  dii^pôuvoir  féodal,  ai;i  joug  duquel  on  était 
soustrait  en  receyant  du  roi  la  bpurfi^eoisie;  2°  Tac- 
<Toi^^p!nent  <4^  ^  W^l^»-^  laquelle  le  bour- 

geoiÉfeveha^ soumis  immédiatement. 'Nous  ne  par- 
loiàsTOpit  ici  des  redevances  pécuniaires,  pjrix  ordi- 
nài^œ.  ces  concessions.  ^ 

feasTl,  qui  paraît  avoir  le  premier  tenté  cette 
S^ ressource,  et  ses  successeurs, à  son  exemple, 
né  ni^ligèrçht  aucune  occasion  d'en  faire  usage.  Non 
se^enient  ils  renouvelèrent  les  privilèges  réclamés 
pâi*  1^  ]x)Xirgeois  des  anciennes  cités,  ou  légitimèTent 
les  privilèges  dont  plusieurs  autres  villes  s'étaient  mi- 


(1)  De  l'Usage  des  fiefs  y  t.  2,  p.  902. 
(a;  Nous  expliquerons  ces  diffîreiic$5  au  commencenïfent 
de  l'ariîclc  suivant.  „ 


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(  »54  ) 


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(155) 


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(  i56  ) 

objet»  (jue  nous  flétaillcrons  dans  notre  sec^de  par- 
tie. Suivons  le  plan  que  nous  nous  sononnes  proposé 
pour  celle-ci,  et  après  avoir  exposé  quelle  fiit  Tctt-iginé 
et  quels  fiirent  les  progrès  des  bourgeoisies,  voyons 
quels  sont  les  caractères  et  les  objets  des  prml^es 
qu^elles  pro<îtiraient.  ^^     . 

II.  .      ^^ 


.-'t 


Caractères  et  objets  des  privilèges  atiat^éis  aux 
.  bourgeoisies.  ?,        ^ 

Les  caractères  généraux  des  bourgeoisies  scmt  : 
1*  quelles  ne  peuvent  être  conférées  qu'à  des  person- 
nés  de  condition  libre  (i);  2**  qu'elles  supposent' lin 
corps  auquel  ces  personnes  sont  associées;  S'*  quelles 
exigent  la  réunion  de  ces  mêmes  personnes  dans  tm 
lieu  détermine,  pour  y  jouir  en  conunun  de  leur 
droit,  soit  que  cette  réunion  soit  réelle  ou ^ç^iye.  Dé- 
veloppons ces  trois  caractères. 

!*•  La  bourgeoisie  ne  pouvait  être  accordée  qu'à  des 
personnes  libres  (2).  Si  on  voulait  l'accorder  à  des 
serfs,  on  avait  soin  de  les  affranchir  préalablement; 
Je  là ,  tant  de  lettres  de  bourgeoisie  à  la  tête  desquel- 
les ceux  à  qui  on  les  accorde  sont  affranchis.  L'homme 

(i)  Nous  entendons  ici  par  condition  libre,  celle  dans  la- 
quelle on  n'était  point  assujetti  à  rasservissement  propre- 
ment" dit,  celle  q^  était  opposée  à  la  condition  serve. 

(2)  Voyez  là  2«  part,  de  ces  Recherches,  arU  i ,  àts  per- 
sonnes qui  potivaient' acquérir  la  bourgeoisie. 


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C  i5*7.> 


làk         \         A^. 

^  geois 

:oire; 
pour 
rocur 

•e  as- 
(érent 
mplê 
acieçL 
i  atiel- 

e,  re- 
es  de 

atUTQ 


.  Lçs 
^.  ou 
jugesT 
faire 
villes 
lois , 
tous^ilei^  règlemens,  du  roi  ou  de  leurs  seigneurs.* 
Tpttfë,  coBganune^  tout  muni<;ipe  jouis^it  des  droits 
de  Ii^urgepisie  ;.  mais  toute  ville  de  bourgeoisie  ne  jouis- 
saiti^as  des  droits  de  commune  ou  de  municipe,  ce 
cpé  cei^x  qui  ont  écrit  sur  ces  matières  n'ont  pas  tou- 
jtRura  assez  distingué. 

i^L'obligatibti  du  domicile  dans  le  lieu  priyilé- 

''' -/^^ — .'','.  ■'■ : .   ..\  •     ■■    '"  '   ■  ^T"  ■ 

*(i).  ro^e^h  a«wp^rt.  de  ces  Recherches,  arti  2,  des  formes 
par  lesquelles  on  acquérait  la  bourgeoisie. 


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.C:i58,> 


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^  ûit.qugn- 

la^  partie 
ars  cour- 
i  les  restes 

«  îs  exemp- 

tasse des 

•.  Piédroit 

1  levées  de 

questesj 

*  bourgeoi- 

î  xeinption 

■^  semblait 

^  iplier  les 

^  mune,  et 

i  es  Fescla- 

;,  la  liberté 

f,  ercice  du 

îpï^l^lcs  droite  de  Tautoritë  paternelle,  celui  de 
poicrvoif  aji  sort  de  leurs  enfans.  Les  bourgeoisies  ren- 
dpent  aux^yeuves  ia^liberté  de  se  marier  à  leur  gré  (2)  ; 


!,  ^. ... 


^âiallia,  albergûta,  tpiœsta;  nec  re- 
um  nid  gratis^  mutuan  sibi  çohenrd 
oL  et  ailleurs*  Abomrd  toltà  et  tal- 
m  exactione  ommnb  Kberi  et  quicU 
îind.\  p.  ^08,  ciç.  ) 
ie  nostrâ  et  prœpositi  nostri  licentîà , 
nùbere  de  se  matitare  poterunU  (  ÏOBfi.  11,  p.  22a,  art.  8.) 


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(  '«O 

qti^elles  conféraient.  Nous  n'en  devons  {Mrésenter  ici 
((u'une  idée  générale;  les  sommaires  de»  chafr^  de 
bomçeoisie,  que  nous  avons  donnés  dans  nyps  ttèles, 
peuvent  suppléer  aux  détails. 

Les  bourgeois  sousUnaits  à  la  juridictîoidj^i}^  ou, 
pour  mieux  dire,  à  la  l^slation  arbitraîfeCdb.  leuats 
seigneurs,  avaient  besoin  d'une  l^slatMm  â».$t  ia* 
variable;  et  le  premier  acte  de  la  juridiction  n<meUe 
sous  laquelle  ils  passaient  devait  être  de  leur  .pres- 
crire la  loi  par  laquelle  ils  seraient  désoi^cq^obs  régis. 
Le  but  était  de  les  attacher  par  une  législaiif^  qui 
pût  le}ir  plaire;  ainsi  loi'squ'il  s'agissait  d'un  i^  déjà 
habité  (2)  y  et  qm  avait  des  coutumeîs  que  Jkssi  habi- 
tans  désiraient  de  conserver,  on  leur  en  msaém.  Tu- 
sage,  on  les  rendait  plus  avantageuses  encore^  et  s'il 
s'agissait  d'ime  habitation  nouvelle ,  m  :^fflgruniait 
souvent  les  coutumes  précédemment  aisé;»rdées  auK 
lieux  voisina,  dont  les  habitans  devaient ^natureBe- 
ment  contribuer  à  la  peupler  (3).  • 


(i)  <?était  seulement  quant  à  la  juridiction  ponKmn^te 
que  les  bourgeois  étaient  soustraits  à  la  juridictiôo  de  leurs 
seigneurs;  ils  y  restaient  soumis  quant  à  la  juridiction  réeÛe. 
Voyez  cetie  distinction  clairement  établie  dansi'<Nrdonfiaiice 
du  27  août  1876,  t.  6  de  ce  Rec,  p.  217, 

(2)  Usus  H  consuètudines  quas  in  tempore  Radulfi  eomiiU  €t 
prœâecessorum  suorum».  temerunt,  concessimus,  ^."(Tom.  u, 
p.  270.  )  ^ 

{3)  PeiOûme  Iia^iiantium ,  L(Hnad  consuetisdmes  ipme  éen^es- 
simus.  (ïom.  11,  p.  204.)  11  s'agit  des  habilâns  dii  Helmei , 


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r"  (  v^3  ) 

Gé9  edouimes  insërëés  dans  les  chiHies  de  bôur- 
gçoî^e,  dont  elles  remplissent  d'ordinaire  la  plus 
grttide  pajrtie^  y  acquéraient  la  force  de  loi;  et  c'est 
là  cpïe  sont  consignes  les  droits  que  la  bourgeoisie 
confiait.  Les  objets  gënëraux  sont  la  sûreté  des  par- 
ticuliers^ procurée  par  la  punition  des  crimes  et  de$ 
dâi|$,  l'ordre  des  successions^  les  conditions  des  ma- 
riages y  la  protection  accordée  au  débiteur  contre  les 
▼exaticms  du  créancier,  au  créancier  contre  la  mau- 
Taise  foi  ou  la  négligence  du  débiteur,  la  liberté  du 
CQSÉmeree^  enfin  les  formes  de  procéder  que,  dans 
tous  les  temps,  l'injustice  obligea  de  jH'escrire  pour 
assuter  robservation  de  la  loi. 

Toutes  ces  coutumes  variées  à  l'infini,  quant  aux 
détails,  ofirent,  quant  au  fond,  une  ressemblance 
dont  on  est  fi*appé,  et  qui  indique  manifestement 
qu'elles  ont  une  source  commune,  qu'elles  repré- 
sexgient  les  usages  généraux  d'une  même  nation  (i). 
Mais  lesp^  usages  ne  cons^vent  entre  eux  i|he  par- 


prti  èe  Lorris.  Dafnus  habiiaiorièus  no9œ  bastidœ  de  Peym- 
ié.^.  Ubarêates  eà  amsuetuéHBês^..  juooia  Unarem  coasuetudiman 
b^m»  Mardad.  (  Tom.  |3 ,  p.  SjG,  H  sùmUa  passim. } 

<i)  Gest  $iirtoul  dans  les  bour^oisies  d'iine^méme  pro- 
vince f»e  cette  miifpnnité  se  fiait  sentir  ;  et  en  les  considé- 
raiit>eû  général ,  on  aperçoit  aisément  des  différences  re- 
marqjubfes  entre  les  bourgeoisies  d'une  province  et  celles 
d'une  anitre.  H  serait  à  sonhaiter  que  les  historiens  des  pro- 
vinces s'atiacbassent  à  développer  ce  qui  caractérise  spécia- 
leneBf  les  bom^oisies  de  la  province  dont  îlir  écrivent 


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(  »64  )  fr. 

fiàié  tini&raûté^  qu^autaBt  qu'elle  y  est  mamiènue 
par  Funité  de  puissance.  Il  était  donc  impossible  qoe 
cette  uniformité  ne  fût  altérée  par  les  .démemhre- 
mens  arrivés  dans  les  temps  d'anarchie  et  de  trou- 
bles ^  par  les  secousses  qui  brisèrent  les  Iiens.de 
toutes  les  parties  de  la  monarchie,  par  le  bouleverse- 
ment de  tout  droit  sous  le  despotisme  féodaL  De  M 
naquit  la  diversité  de  cette  foule  de  coutumi^  parti- 
culières qui  s'établirent  dans  les  heux  distribués  sous 
tant  de  pouvoirs  isolés,  à  l'époque  de  l'origine  des 
bourgeoisies.  De  là  cette  foule  de  coutumes  loiââi^ 
qui  subsistent  encore  malgré  la  réunion  du  pouvoir  en 
une  même  main,  malgré  l'ouvrage  du  temps,  qui  af- 
faiblit insensiUement  toute  espèce  de  nuances,  mal- 
gré les  efibrts  réitéra  du  législateur  pour  rapprocher 
de  l'uniformité  ta^t  de  coutumes  disparates,  monu- 
ment trop  durable  de  l'empire  de  l'habitude  sur  les 
hommes. 

U  serait^  sans  doute,  intéressant  pour  l!faistoire  de 
notre  gouvernement,  pour  l'histoire  de  nos'.^œurs^ 
pour  l'histoire  de  l'humanité ,  de  rapprocher  les 
divers  tableaux  de  ces  lois;  de  comparer  les  articles 
des  anciennes  coutumes  qui  ne  subsistent  plus^  avçc 
les  Ibis  correspondantes  qui  y  ont  été  substituées  ; 
d'en  combiner  les  changemens  avec  les  circonstan- 
ces qui  ont  pu  les  produire  :  maïs  une  pareille  ma- 
tière ne  peut  être  traitée  en  passant ,  ni  en  ""peu 

l'histoire,  et  ce  qui  les  distingue  des  autres.  Noos  ne  pou- 
vons iippVofondir  ici  c^s  ressemblances  et  ces  diffêrences. 


*•.••» 


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(  i65) 

de  imyts;  et  elle  n'appartient  point  essenûeUement 
au  sujet  dont  il  est  ici  question.  IVous  nous  borne- 
rons donc  à  rapporter  quelques  diqx)sition5  de  ces 
Coutumes  y  et  nous  les  choisirons  parmi  les  articlesqui 
concernent  les  délits  et  les  peines,  comme  les  plus 
propres  à  caractériser  Tesprit  de  législation  qui  r^nait 
dans  Iç  temps  ou  les  bourgeoisies  s'établirent. 

En  effet,  on  peut  remarquer  que  parmi  les  lois  ré- 
digées dans  les  anciennes  chartes  de  bourgeoisie,  lés 
lois  pénales  sont  en  généraL  celles  qui  occupent  rela- 
tivement le  plus  de  place;  caractère  distinctif  des  corps 
de  lois  des  peuples  qu'on  n(»nme  barbares;  car  leur 
législation  doit  principalement  être  dirigée  contre  la 
violence  ,  comme  celle  des  nations  policées  doit 
J'être  contre  l'astuce  et  la  mauvaise  foi.  A  Fépoque 
dont  il  s'agit,  notre  nation  était  encore,  à  divers 
égards  ,  presque  aussi  barbare  que  du  temps  oii  la  loi 
saliqu^^çuWt  tous  les  degrés  du  crime,  et  les  éva- 
luait en  ar^nt.  C'est  une  chose  digne  d'être  observée, 
que  plus  nos  mœurs  ont  été  barbares^,  plus  les  peines 
ont  été  légères. 

Cependant  la  peine  du  talion,  celle  que  la  nature 
semble  jindiquer,  et  que  la  justice  semble  prescrire^ 
se  trouve  souvent  ordonnée  dbns  les  chartes  de  bour- 
geoisie :  vie  pour  vie,  membre  pour  membre.  C'é- 
tait une  des  coutumes  des  bourgeois  de  Cerni,  de 
Roye,  deTournay,  de  PéronnCj-^de  Montdidier  (i), 

__ __ . ;  •    .    ^■♦rl 

(i)  A  Monldidier  :  Capui  pro  capHg,  membrum  prô  mem- 
bro  reddat  (T.  la  ,  p.  289.)  Voyezlts  autres  coutume»  citées. 


^i 


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(  î66  ) 

etc.,  etc«  Mais  dans  quelqaes-unes  de  ces  vilfes,  les 
juges  étaient  autorisés  à  convertir  ces  peines  en  sim- 
ple amende;  dans  d'autres^  Tamende  était  la  seule  pu- 
nition <]u*on  pût  infliger  à  celui  qui  avait  coupé  un 
membre  à  son  ennemi  (i). 

Le  meurtrier  était  conununément  puni  de  mofti;  sa 
maison  élait  abattue ,  ses  biens  étaient  confis<]ués (a); 
les  églises,  asiles  respectés  où  se  réfugiaient  alors^s 
coupables,  ne  sauvaient  point  le  meurtrier  (3).  11  y 
avait  Cendant  des  lieux  .où  il  n'était  puni  qqe  parle 
bannissement  et  la  confiscation  des  biens  (4)*  Obser- 
vons une  opposition  singulière  dans  la  distribution 
des  peines  selon  les  diverses  coutumes»  Tandis  que 
rbomicide  n'était  puni  à  Boye  (5)  par  aucmipe  peine 


(i)  Si  mutilaUo  membii  întejvenerit ,  in  seocaginia  solidis  IV 
losanis,  oel  ampUiis^  condemnetur.  (Coutume  de  Atandac,  arti- 
cle 3o,  t.  12,  p.  a43*) 

(a)  Q^ite  plectetur,  domus  ejus...  diruetur;  qmdqmdresiduum 
habet  intafector  débet  communia  hahere.  (Coutume  de  Toornay, 
art.  I,  t.  II,  p.  248.)  ' 

(3)  Qmcumque  honUnem  occident ,  et  ad  ecclesiam  co/^tg^t, 
tccî^da  ei  garandiam  cmfem  mn patent,  (  Ib,,  art.  siij  P«  sBo.) 
Mais  à  Péroime,  le  meurtrier  qui  se  réfutait  dans  une 
église  avait  la  vie  sauve.  Capite  plectetur,  nisi  captas  Juerit  w 
eçclesiéL  (Tom.5,  p.  iSg,  art.  i.)  Il  en  était  de  même  dans  la 
cotttume  d'Athyi^,  p.  298,  an.  i. 

(J^iaUquis  aHum,.^  interficiat,,  à  çillâ  banmetur  in  œtantan^ 
et  ^aomwn  habitent,  dimetur,  et  aUa  bona  ejus  nostra  enaU^ 
(Coutume  de  Roye,  ^.  11,  t.  12,  p.  228.) 

(5)  Voyez  fa  note  précédente.. 

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mont  en  Ai^onè  (i),  et  en  1376,  ceux  desr  Imbitaiis 
d^Ervy  en  Champagne,  non  seulement  autorise  le  duel 
judiciaire,  mais  condanme  à  ime  amende  les  parties 
quii^  après  le  duel  ordonné,  voudraient  s'en  dispenser 
par  un  accommodement.il  est  vrai  qu'on  avait  quelque- 
fois le  droit  de  faire  combattre  pour  soi  un  champion 
à  gages.  Les  communes  mêmes,  comme  les  particu- 
liers^ avaient  aussi  des  champions  qui  s'engageaient  à 
soutenir  leurs  droits  par  le  duel;  et  ce  titre  de  cham- 
pion d'une  commune,  ou  la  pension  qui  y  était  atta- 
chée ,  était  quelquefois  tenu  de  la  commime  par 
hommage  :  car  il  fut  un  temps  où  tout  en  France 
avait  pris  les  formes  féodales.  Je  citerai  pour  exemple 
l'acte  d'engagement  du  champion  de  la  commune  de 
Beauvais  en  1*336;  cet  acte  est  très-curieux,  et  je  le 
rapporterai  tout  entier  ci -dessous  (2).  Celui  dont  le 


art.  II.  Les  mêmes  dispositions  se  trouvent  dans  les  confir- 
mations de  diverses  coutumes  dans  le  quinzième  siècle,  par 
Charles  VI.  Voyez  le  t  9  de  ce  Rec,  p.  161,  art.  9;  p.  S78, 
art.  16,  etc.,  etc. 

(i)  Cette  ville  est  nommée,  dans  les  lettres  de  137a, 
Ckmiont  en  Bassîgny- 

(a^  ^o  Gaufridus  ^  àictus  Blondel,  Pugiï,  mtumfacio  ommr 
èm  présentes  îitteras  inspectmis,  qubd  ego  sum  homo  majonsm  et 
parium  communie  Bebacin»  et  tocius  communie  ejusdem,  pro 
QÎginti  soiid.  Par.  quolibet  anno  ndJd  reddendis^  nomine  pensio- 
msy  oel  certo  manda to  meo ,  infesta  Sancii-Petri  ad  çincula,  in 

*  Cette  pièce  a  été  copiée  sur  Tonginal  dans  les  archives  de  la  ville  de 
BeauTais,  et  nous  a  été  cçmmuniquée  par  M.  de  Fôncemagne. 


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(  Ï74) 


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(176) 


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(  Ï77  ) 
droit  de  fëodalité.  Les  seigneurs  de  fief  faisaient  dé 
leurs  serfs  des  sujets  libres,  et  de  leurs  sujets  libres 
ik  faisaient  des  boiirgeois;  c'est-à-dire  qu'ils  les  réu- 
nissaient en  corps,  leur  accordaient  des  exemptions, 
riaient  leur  administration,  rédigeaient,   confir^ 
maieiit  leurs  coutumes.  Cela  ne  paraissait  point  excé^ 
der  lés  bornes  de  la  puissance  féodale,  dans  un  temps 
où  les  seigneurs  se  prétendaient  les  législateurs  inuné' 
diats  de  leurs  vassaux,  conune  ils  en  étaient  les  juges. 
Tïos  rois ,  forcés  de  souffrir  les  abus  de  cette  puis^ 
sance  rivale  de  la  leur,  et  réduits  à  chei*cher  les 
moyens  d'en  tirer  quelque  avantage,  se  bornèrent  d'a- 
bord au  droit  de  confirmer  les  bourgeoisies  accordées 
par  les  seigneurs  de  fiefs.  C'était  reconnaître  la  pré- 
tenticm  des  seigneurs;  et  la  confirmation  du  roi  sem- 
blait n'être  qu'un  acte  de  suzeraineté.  Un  seigneur  ne 
pouvait  abréger  son  fief  (c'est  -  à*-  dire  en  diminuer 
les  redevances,  les  prérogatives)  sans  la  permission 
de  son  suzerain,  qui  avait  intérêt  de  conserver  dans 
toute  son  étendue  le  fief  relevant  de  lui  ;  ainsi  les 
bourgeoisies  qui  diminuaient  les  droits  du  seigneur 
inmiédiât  sur  ses  vassaux,  devaient  être  confirmées 
par  le  suzerain;  et  la  confirmation  du  souverain,  en- 
visagée sous  ce  point  de  vue,  émanait  plutôt  de  sa  su- 
zeraineté que  de  sa  souveraineté.  Les  archivés  de  nos 
villes  sont  remplies  de  concessions  de  bourgeoisies  par 
les  seigneur^  inunédiats;  et  notre  Recueil  (i)  offre  une 


(i)  Voyez  8urt<mt  les  tomes  ii  ef  12. 

I.  9«  Liv.  la 


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(  '78) 
multitude  d^exemples  de  confirmations  par  nos  rois. 
Il  y  eut  donc  des  bourgeoisies  royales  et  des  bour- 
geoisies seigneuriales',  mais  il  y  avait  entre  les  unes 
et  les  autres  des  différences  essentielles;  il  y  en  avait 
dans  le  motif  qm  les  faisait  établir,  il  y  en  avait  dans 
la  faculté  de  les  accorder.  Le  souverain  accordait  des 
bourgeoisies  pour  accroître  sa  puissance,  en  ofirant 
aux  vassaux  opprimés  des  asiles  contre  les  vexations 
de  leurs  seigneurs.  Les  seigneurs  cherchaient  à  se 
conserver  ces  mêmes  vassaux,  en  leur  offrant  des 
concessions  semblables  à  celles  dont  Fattrait  les  invi- 
tait à  changer  de  maîtres.  Mais  les  seigneurs  ne  pou- 
vaient communiquer  qu*aux  hommes  de  leur  fief  les 
bourgeoisies  qu'ils  accordaient,  parce  que  leur  pou- 
voir ne  s'étendait  point  au  -  delà  de  leur  fief;  le  roi , 
au  contraire^  qui,  soit  comme  souverain,  soit  comme 
suzerain,  étendait  son  pouvoir  sur  tpu^  les  fiefs,  com- 
muniquait les  bourgeoisies  aux  vassaux  des  seigneurs, 
lorsque  ces  vassaux  se  réfugiaient  dans  ses  villes. 
Ainsi  le  sçigneur  ne  pouvait  réclamer  ses  honunes , 
devenus  bovurgc^ois  du  roi  C*)>  ^*  ^^  ^^  pouvait  récla- 
mer les  siens,  s'ils  avaient  tenté  de  se  faire  bourgeois 
d'un  seigneur  particulier.  Enfin  les  bourgeoisies  sei- 
gneuri^ll^s  n'étaient  accordées  qu'en  vertu  de  la  féo- 
dalité ;  msùs  dans  la  concession  des  bourgeoisies  royales, 
la  suzeraineté  se  combinait  avec  la  souveraineté ,  et 

(i)  Le  seigneur  pouvait  cependant  réclamer  ses  serfs; 
maïs  c'était  parce  que  les  serfs  n'étaient  pas  susceptibles  du 
droit  de  bourgeoisie,  comme  nous  le  dirons  plus  bas. 


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(  179  ) 
dsflïs  h  concours  de  ces  deux  pouvoirs,  celui  de  la 
souveraineté  prévalut. 

Ce  fut  un  des  plus  grands  pas  que  firent  nos  rois 
pour  recouvrer  leur  autorité»  Ils  accoutumèrent  les 
peuples  à  ne  plus  voir  que  l'exercice  de  la  souverain 
netédans  la  concession  des  bourgeoisies.  Dès  le  temps 
de  luouis  yil,  le  roi  regardait  les  villes  de  commune 
comme  siennes(i);  en  i3i8,  il  fut  jugé  <ju*il  ne  pou- 
vait y  avoir  de  communes  sans  lettres  du  rm;  trente 
ans  après,  il  fat  déclaré  que  le  roi  seul  pouvait  éta- 
blir des  communes.  Ces  principes  furent  appliqués 
aux  bourgeoisies  en  général,  et  c'était  ainsi  que  nos 
rcHS  se  ressaisissaient  insensiblement  de  tous  les  droits 
qui  avaient  rapport  à  la  législation,  attribut  essentiel 
de  leur  souveraineté.  Le  droit  d'accorder  des  bourgeoi- 
sies est  expressément  mis  au  nombre  des  droits  attachés 
exclusivement  à  leur  couronne,  dans  une  instruction 
que  OiarlesY  fit  rédiger  à  lV)ccasion  de  la  cession  de  la 
baronnie  de  Montpellier,  faite  au  roi  de  Navarre  en 
1373 ,  en  échange  de  diverses  villes.  Le  roi  y  expose 
qu'U  se  réserve  toidS  les  droits  et  souverainetés j  les* 
quels  sont  toujours  appartenant  au  roij  en  tout  son 
royaume  (2).  Il  entre  ensuite  dans  le  détail  de  ces 


(i)  Voyez  nos  Recherches  sur  les  communes,  à  la  tête  da 
lome  3  de  ce  Rec,  p.  a8  et  39.  (Ici,  p*  98  et  99.) 

(a)  Tom<  5 ,  p*  4-77  •  «  C'est  l'avis  et  instruction  faîte  sur 
u  la  conservation  des  souverainetés  et  ressorts ,  et  autres 
«  droits  royaux...  lesquels  sont  toujours  appartenans  au  roi 


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(i8o) 

droits;  et  parlant  en  particulier  de  celui  des  bour- 
geoisies, il  déclare  eic[n«ssëment  que  ce  droit  appar- 
tient au  roi  seul,  et  pour  le  tout  (i).  Uinstrucuon 
dont  il  s'agit  est  imprimée  dans  le  tome  5  de  ce  Re- 
cueil (2). 

Nous  Tenons  de  &tre  voir  quelles  personnes  avaient 
le  droit  d'accorder  la  bourgeoisie  :  mais  en  &yeur  de 
qui  ce  droit  pouvait-il  être  exercé?  quelles  étaient  les 
personnes  susceptibles  de  la  bom^eoisie?  (Test  ce  qui 
nous  reste  à  examiner  dans  cet  article. 

En  concédant  les  bou^eoisies,  nos  rois  respec- 
taient toujours  les  projHriétés  des  sujets;  de  là  cette 
clause  ordinaire  dans  ces  concessions  :  Sauf  les  droits 
des  seigneurs  j  ou  sauf  les  droits  des  clercs^  des  sei- 
gneurs de  fiefs  et  des  ingénus  (3).  Cet  esprit  de  jus- 
tice qui  s'accordait  avec  la  politique ,  caractérisa  le 
gouvernement  de  Hugues-Capet,  dont  il  affermit  le 
trône;  et  ce  principe  adopté  par  ses  descendans,  qui 
ne  s'en  sont  jamais  écartés,  éternisera  leur  puis- 
sance. On  le  retrouve  dans  la  formule  toujours  em- 
ployée par  nos  rois ,  lorsqu'ils  fi)nt  quelque  conces- 


«  en  tout  son  royaame laquelle  instmction  a  été  baillé  le 

«  8  mai  187^.  » 

(i)  Tom.  5,  p.  480,  art  10. 

(a)  Pag.  4-77  et  soiv. 

(3)  Je  traduis  par  seigneur  de  fief  le  mot  ndUium ,  parce 
qa'en  cet  endroit  il  me  paraît  mis  en  opposition  arec  les  in- 
génus, qui  n'avaient  point  de  vassanx  et  qai  n'étaient  vas- 
sanx  de  personne. 


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(  i8i  ) 

sion  :  Sauf  notre  droit  en  autre  chose  j  et  celui 
â^  autrui  en  toutes. 

La  formule  usitëe  firëcpiemment  dans  les  chartes 
de  ])oa^eoisie ,  nous  présente  trois  sortes  de  person* 
nés  {ormdJit  deux  ordres  privilégiés  par  leur  état,  et 
distingués  des  habitans  qui  n'étaient  que  boui^ems  > 
IVdre  des  ecclésiastiques  ei  Tordre  des  seigneurs  de 
fief  et  des  ingénus,  salw.  jure  clericorumj  militum 
et  ingenuorum.  Quels  étaient  les  droits  qu'on  leur 
réservait?  Ces  détails  nous  conduiraient  à  Texamen 
de  Tétat  des  personnes,  et  nous  entradueraieut  trop 
loin*  fiomons-nous  aux  objets  indiqués  dans  notre  plan. 

Quand  le  nom  de  bourgeois  ne  fut  employé  que 
comme  un  titre  de  distinction  et  de  privilège ,  il  ne 
fut'  au-dessous  de  personne;  quand  il  fut  employé 
pour  désigner  une  classe  de  citoyens  subordonnée,  il 
fut  dédaigné  des  classes  supérieures;  nous  ne  nous 
servons  ici  de  ce  nom  que  selon  la  première  de  ces 
deux  accq)tions. 

En  ce  sens, le  noble,  comme  le  roturier, fut  suscep- 
tible de  la  bourgeoisie.  Rien  n'est  plus  commun  que 
les  chartes  où  Ton  voit  des  noms  considérables  avec 
la  qualification  de  bourgeois*  Le  continuateur  du 
Glossaire  de  du  Gange  cite  des  lettres  de  iinô ,  qui 
sont  au  Trésor  des  chartes^  dans  lesquelles  Richard 
des  Costes  est  qualifié  à  la  fois  écujrer  et  bourgeois  de 
Lyon  (i).  Il  en  cite  d'autres  de  i474î  P^^  lesquelles 
Jeanne  de  Grournay,  veuve  d'Aimery  de  Duras,  che- 

(i)  Don  Carpentier,  Ghss,  ^  t.  i<p.  676. 


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(  i8a) 

yalier,  obtient  du  roi ,  pour  elle  et  ses  hoirs,  le  titre 
et  les  privilèges  de  bouf^eoîs  de  Bordeaux  (i).  A  la 
tête  d'une  requête  présentée  au  roi  par  les  boui^eois 
de  Bëziers ,  vers  Tan  1 260 ,  on  trouve  le  nom  d*un 
bourgeois  issu  d*un  père  qui  portait  le  titre  de  cAa-* 
valier  (a).  En  1298,  un  acte  de  notoriété  atteste  que 
dans  toute  la  Provence  et  dans  la  sénéchaussée  de 
Beaucaire ,  les  bourgeois  avaient  le  droit  d*être  armés 
dievaliers ,  sans  être  obligés  d*en  obtenir  la  permis- 
sion du  prince ,  de  porter  les  marques  et  d*us^  des 
prérogaùves  de  la  chevalerie  (3).  Joignez  à  ces  preu- 
ves une  foule  d'exemples  de  personnes  nobles,  qua- 
lifiées bourgeois  de  telle  ou  telle  ville ,  ra[^rtës 
dans  le  Traité  de  la  Roque  sur  la  noblesse  (4)-  Un 
bourgeois  d'Auxerre  ayant  été  anobli  y  et  se  croyant 
par-là  exempt  de  la  çontributicm  qu'il  payait  comme 
bourgeois,  des  lettres  de  Philippe  YI,  en  i34i,  dé- 
clarèrent que  son  anoblissement  ne  changeait  rien  à 
sa  bourgeoisie  (5).  Enfin,  on  sait  que  dans  les  plus 
anciens  temps,  il  y  a  eu  des  villes  qui  ont  joui  du 
privilège  d'anoblir  ceux  de  leurs  bourgeois  qu'elles 


(i)DoB  Garpentier^  Gbss.,  t.  i,  p.  676. 

(a)  Sidsubjecti fidèles  BUJaGENSES^.  Joannes  de  Bojano,filim 
(psondam  Joanrds  de  Bojano  MIUTIS.  (D.Vaissette^  Hist  de  Lan- 
gued.,  t.  3,  pr.  coL  Sij.) 

(3)/dl,«^iVf.,  p.  607. 

(4.)  Pag.  33 1  et  suiv. 

(5)  Lettres  du  3i  août  i34i,  rapportées  par  Lebeuf^  HisU 
d'Auxerre,  t  a,  pr.  p.  3oo. 


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(  '83) 

jugeaient  à  propos  (  i  ).  U  n'y  avait  donc  point  d'incom- 
patibilité entre  les  titres  de  bourgeois  et  de  nobles; 
et  les  nobles,  par  conséquent,  ont  toujours  été  sus- 
ceptibles de  la  bourgeoisie. 

Le  statut  fait  en  1480 ,  au  sujet  des  tournois,  con- 
firme encore  ce  que  nous  Tenons  de  dire.  Il  défend 
aux  nobles,  sous  peine  d'être  exclus  àes  tournois,  de 
se  faire  bouigeois  d'une  ville  (3).  Cette  défeme  sup- 
pose que  les  noUes  étaient  dans  l'usage  d'obtenir  les 
droits  de  bourgeoisie. 

A  la  vérité ,  il  j  avait  des  villes  où  les  nobles  étaient 
exempts  de  certaines  contributions  auxquelles  les 
autres  bourgeois  étaient  sujets.  Dans  la  ville  de  Char- 
roux  (3),  les  nobles  ne  contribuaient  aux  dépenses 
c<Anmunes  que  pour  l'entretien  des  ponts ,  des  tues , 
des  murs  et  des  fontaines.  C'était  la  même  choàe  (4) 
k  Mont-Chabrier  et  à  Gardemont  :  nouvelle  preuve 
que  les  nobles  étaient  admis  dans  les  corps  de  bour- 
geois des  villes. 

Ce  n'Aait  qu'aux  conditions  de  conserver  leurs  pré- 
r(^atives  personnelles,  que  les  ecclésiastiques  pou- 
vaient désirer  d'entrer  dans  les  bourgeoisies.  Nous  les 
en  voyons  quelquefois  formellement  exclus.  Tous  les 


(i)  Barcelonne,  Perpignan.  Voye^lts  Rechercltes  sur  la  no- 
blesse  ife»  citoyens  de  Pajdgnan  et  de  jBûr^&nyï^,  par  M.  l'abbé 
Xaupi,  1763. 

(2)  De  la  Roque,  Traité  de  la  noblesse,  p.  335. 

(3)  Ordonn.f  t.  11,  p.  5o8,  art.  i4. 

(4)  Ibid.,  p.  364,  art  i5,  et  p.  384,  art.  i5. 


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(184) 

habitans  de  la  ville  de  Bray,  lors  de  la  conotsôon  de 
ccmimune  qui  leur  fut  faite  en  isio^  furent  décla- 
ra bourgeois  de  cette  commune,  à  Texoeption  des 
ecclésiastiques  (i).  Par  les  coutumes  deVemeuil-sur- 
Oise,  ils  ne  pouvaient  même  acquérir  ni  posséder 
d^immeubles  dans  cette  ville  (a)  y  ocnnme  on  le  voit 
par  les  lettres  du  mois  d^août  i3 18,  qui  levèrent  cette 
exclusicm.  Mais  la  \(À  n^était  point  générale,  et  ils 
étai^t  susceptibles  de  la  boiirgecÂsie^  puisque  ncHJs 
les  y  voyons  admis  à  Douay  (3),  et  qu'ils  y  pouvaient 
même  parvenir  à  l'échevinage.  Ce  n'était  que  par  une 
exception  formelle  qu'ils  étaient  quelquefois  exclus 
de  la  boui^eoisie.  Elle  leur  était  absolument  interdite 
à  Lille,  et  Ton  disait  au  nouveau  bourgeois  qu'on  y 

recevait  (4)  :  Si  "vous  étiez  bâtard  ou  clerc ne 

seriez  mie  bourgeois;  si  perdriez  votre  argent.  ^ 

Bouteiller  (5)  faisant  l'émimération  des  personnes 
qui  ne  sont  pas  susceptibles  de  la  boui^eoi^e,  nonmie 
aussi  les  bâtards,  les  serfs  et  les  criminels  bannis  par 
jugement.  La  coutmne  de  Lille  y  ajoutait  les  enne- 


(i)  Orâoruu,  %.  11,  p.  296,  art.  i. 

(a)  Ordorm.,  ibid.,  p.  4-65. 

(3)  Avec  ceue  distinction,  que  le  nombre  des  ecclésiasti- 
ques admis  à  Péclieyinage  dievait  être  au-dessous  4ii  tiers  du 
nombre  total  des  échevins^  {Ordonn.9 1  5,  p.  i32,  art  &) 

(Ji)  Yander  Haër,  Châtelains  de  Lille,  p.  181. 

(5)  Somme  rurale,  p^  793  :  «Si  ainsi  est  ÇEi'Il  soit  recevable 
m  de  bourgeoisie ,  c*est  à  savoir  qu'il  ne  seit  serf,  ne  bâ- 
«  tard...  ne  banni  de  sa  juridiction  pour  cas  de  crime,  etc.  «k 


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(  i85) 

mis  du  roi  et  de  la  ville  (i).  Celle  de  Calais  (2)  exi- 
geait u£Le  attestation  de  vie  et  mœurs  ^  et  cpi'on  ne 
fût  point  is$u  de  famille  de  lépreux  (3). 

Ces  diverses  inçap$icit^  étaient  de  d^ix  espèces 
difôrentes.  Les  unes  étaient  en  quelque  sorte  indé- 
léHles  ;  les  autres  pouvaient  s^effacer.  Ainsi  Thomme 
devenu  inÊme  par  les  condamnations  que  ses  cri- 
mes avaient  attirées,  était  pour  jamais  exclu  de  la 
bourgeoisie  ;  mais  le  bâtard  pouvait  ep.  avenir  sus- 
ceptible par  la  Intimation ,  le  serf  par  TsiSraBelùsse» 
ment. 

C'était  une  maxime  reconnue  (4),  que  nul  serf 
ne  pouvait  être  bourgeois.  Si  on  lit  dans  les  lettres 
de  1313,  en  faveur  des  bourgeois  de  Coucy,  que 
ces  bourgeois  étaient  de  plusieurs  serves  condi- 
tions (5),  cette  expression  ne  désigne  que  des  servi- 
tudes féodales  y  et  non  Tétat  de  serf  proprement  dit. 
Lorsqu'un  serf  se  réfugiait  dans  les  villes  qui  commu- 
niquaientle  droit  de  bourgeoise ,  si ,  dissimulant  sa  con- 


(i)  Vander  Haër,  vhi  suprà. 
(3)  Cbiit^ieik,  t.  If  p.  iii5. 

(3)  Nous  ne  parlerons  point  d'aatres  exclusions  arbitrai- 
res portées  dans  diverses  chartes  de  commune.  Ainsi ,  Phi- 
lippe Auguste  excluait  de  la  commune  de  Chamblî,  les  hom- 
mes àes  abbayes  ou  des  autres  communes  dont  les  vassaux 
devaient  au  roi  ost  etcheoauchée.  {Ordonn,,\.  ia,p  3o3.)  Nous 
n*accamulerons  point  les  exemples. 

(4)  Brussel,  Usage  des^fs,  t.  a,  p.  904. 

(5)  Ordonn.,  l.  12,  p.  4o4* 


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(  186) 
dition,  il  s^y  fidsait  recevoir  bourgeois ,  son  seigneur 
avait  le  droit  de  le  réclamer;  et  ipiand  Philippe  ^le- 
Bel,  en  1 287,  fit  on  règlement  sor  le  droit  des  bour- 
gemûes,  il  déclara  que  son  intuition  n'était  point  que 
ses  sujets  ne  pussent  poursuhre  h  retraire  de  hour- 
geùisie  leurs  hommes  de  corps  (  i).  Les  serfi  ou  hom- 
mes de  corps  (s),  disent  nos  coutumes^  sont  censés 
réputés  du  pied  et  partie  de  la  terre.  Il  fallait  donc 
affitinchir  le  serf  avant  de  Padmettre  à  la  bourgeoisie. 
On  a  vu  que  lorsqu*(m  accordait  les  droits  de  bour- 
geoisie à  des  lieux  dont  tous  les  habitans  étaient  serfs, 
Partide  préliminaire  contenait  raffiranchissement  gé- 
néral de  ces  habitant.  Les  preuves  en  sont  si  multi- 
pliées dans  les  deux  derniers  volumes  de  notre  Recueil, 
que  nous  croyons  superflu  de  les  indiquer. 

Cette  précaution  cessa  d'être  nécessaire  lorsque  la 
sarvitude  n'eut  plus  lieu  en  France.  Philippe-le-Bel 
avait  donné  Texemple  de  l'abolir,  ayant  nommé  en 
i3o3  (3)  des  commissaires  en  Languedoc ,  avec  de 
pleins-pouvoirs  pour  affranchir  les  serfe  en  tel  nom- 
bre qu'il  leur  plairait.  Louis  X  rendit  une  loi  géné- 
rale pour  Tafiranchissement  de  tous  les  ser&  de  son 
royaume.  Nous  n'avons  point  l'ordonnance  même 


(1)  Ordorni,,  U  i,  p.  3i6,  art.  9.  Nous  parierons  ao  long 
de  ce  règlement  dans  rarticle  suivant. 

(2)  Voyez  la  Thaumassière,  Coutume  de  Berry,  p.  8;  dm- 
iume  de  Vitry,  art.  i45. 

(3)  Voyez  les  lettres  imprimées  dans  ï  Histoire  de  Langue- 
doc, par  D.  Vaisseite,  t.  4»  pr.  p.  127. 


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(  »87) 
pour  cet  affiranchissement  général;  mais  nous  avons 
les  ooiiuiiissions(i)  données  pour  exécuter.  Rien  n*é- 
tait  plus  beau  que  le  naotif  dont  le  prince  paraissait 
animé.  ccConune  selon  le  droit  de  nature^  disait -^îl, 
((chacim  dmt  naître  franc...  Nous,  considérant  que 
(iUGtxe  nrjraume  est  dit  et  nommé  le  royaume  de 
(f  France j  et  voulant  que  la  chose  en  vérité  soit  ae- 
((  cordante  au  nom^  et  que  la  conditiofi  des  gents 
«  amende  de  nous,  en  la  venue  de  notre  nouvd  9011^ 
((  vem^nent*..  avons  ordonné...  que  géhéraument  parr 
il  tout  notre  royaume...  servitudes  soient  ramenées  \ 
<rirancluses...y  pour  que  les  autres  seigneurs  qui  (mt 
«liommes  de  corps  preignent  exemple  à  nous,  etc.  n 
Mais  ce  motif  apparent  n'était  qu'un  prétexte  pour 
voiler  le  vrai  motif,  qu'on  aperçoit  aisément  sous  ces 
paroles  adressées  aux  commissaires  :  (cYousmandcms,.. 
((que...  à  tous  les  lieux,  villes  et  communautés,  ou 
a  à  toutes  personnes  singulières  qui  ladite  franchise 
rrrequéreront,  traitiez  et  accordiez  de  certaines  corn- 
et positkms  par  lesquelles  sofiSsapt  recompeQsation  nous 
«soit  faite  des  émolumens  qui  désditas  servitudes 
((  pourraient  venir  à  nous,  etc.  (a).  »  Ainsi  cette  vo- 


(i)  Voyei  dans  notre  Recaeil ,  t.  i ,  p.  583 ,  les  lettres  du 
3  juillet  i3i5,  et  celles  qui  sont  indiquées  dans  la  note  sur 
ces  lettres.  On  en  trouvera  d'autres  semblables,  ihid,,  p.  653; 
d'autres  encore  dans  les  mss.  de  Brienne  (à  la  Bibliothèque 
du  Boi),  vol.  ii58;  et  même  des  ai&anchissemens  accordés 
en  conséquence,  et  confirmés  par  le  roi. 

(a)Tom.  i,p.  583. 


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(  i88) 

lonté  du  prince,  de  procurer  à  ses  sujets  serfi  un  af- 
franchissement général ,  se  réduisait  à  la  promulgar 
tion  d*une  vente  de  cet  aflranchissement  à  ceux  qui 
se  présenteraient  pour  Tacheter. 

Cétait  encore  un  grand  bienfait;  et  les  servitudes 
étant  un  des  revenus  de  la  couronne,  on  ne  pouvait 
trouver  injuste  que  le  roi,  en  les  éteignant,  exigeât 
quelque  dédommagement  :  mais  le  prétendu  bienfait 
n*en  était  plus  un,  si  le  dédommagement  était  exces- 
sif, si  le  prix  de  Tachât  était  au-dessus  de  Tavantage 
que  Tacheteur  en  retirait  :  or,  ce  prix  était  tel,  qii*on 
s^empressa  peu  de  profiter  de  la  grâce.  Le  roi  le  pré- 
voyait sans  doute;  car,  deux  jours  après  la  commis* 
sion  que  nous  venons  de  citer  (i),  il  adressa  aux  com- 
missaires un  mandement  dans  lequel  il  s^exprimait 
ainsi  :  (c  Pourroit  estre  que  aucuns...  charroit  en  des- 
uconessance  de  si  grant  bénéfice...  que  il  voudroit 
((  mieux  demourer  en  chetiveté  de  servitute ,  que  ve- 
«  nir  à  estât  de  franchise...;  vous  mandons...  que  vous, 
fc  de  telles  personnes,  pour  Taide  de  nostre  présente 
(c  guerre ,  considérée  la  quantité  de  leurs  biens  (s) , 
<c  et  les  conditions  de  la  servitute  de  chascun,  vous  en 


(i)  La  commission  adressée  à  Saince  de  Chaumont  et 
Nicolle  de  Braye  est  du  3  juillet  i3i5.  (Onfonw.,  1. 1,  p.  58i.) 
Le  mandement  est  da  5  du  même  mois.  Il  est  imprimé  dans 
le  tome  ii  an Spidlége  ded'Acheiy,  p.  887  (édît.  in-4^),  et 
danslaThaumassière,  Coutume  de  Berry,  p.  aSi. 

(2)  Les  serfs  avaient  des  biens  -  meubles  qu'il  leur  élail 
permis  d^acquérir. 


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(  ï89  ) 

((  leviez  si  souffisamment  et  si  grandement  comme  la 
«  condition  et  la  richesse  des  personnes  pourront  bon- 
<(  nement  souf&ir,  et  la  nécessité  de  nostre  guerre  le 
«  requiert.  »  Cette  grâce,  qu'il  n'était  plus  permis  de 
refuser,  n'était  donc  que  le  prétexte  caché  d'une  taxe 
ibrcée,  portée  aussi  haut  qu'il  était  possible,  et  qui 
parut  à  plusieurs  plus  dure  que  la  servitude  même. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ce  moyen ,  il  réussit  peu  à 
peu.  Les  seigneurs  imitèrent  le  [nrince ,  en  tirant  de 
l'affranchissement  de  leurs  serfs  le  même*  avantage 
que  lui.  Les  rois  ne  se  bornèrent  pas  à  affranchir  les 
serfs  de  leurs  domaines;  ils  affranchirent  ceux  des 
domaines  des  seigneurs  (i).  Par-là  insensiblement  il 
ne  se  trouva  plus  de  serfi  en  France  (2),  et  la  servi- 
tude ne  fut  plus  au  nombre  des  causes  qui  excluaient 
de  la  bourgeoisie. 

Résumons  ce  que  nous  venons  de  dire,  touchant  le 
droit  d'accorder  la  bourgeoisie  et  la  faculté  de  l'ob- 
tenir. Le  dr<Ht  de  l'accorder  fut  d'abord  considéré 
conune  ym  droit  féodal ,  et  ce  fut  à  ce  titre  qu'il  fut 


(i)  Ce  fut  aux  charges  d'indemniser  les  seigneurs;  mais 
l'indemitilé  était  payée  par  l'affrâUDchi.  (Voyiez  Boachel  ^  au 
mot  Affranchissêïïnent) 

(a)  11  reste  cependant  encore  en  quelques  lieux  des  traces 
profondes  de  l'ancienne  servitude.  C'est  de  là,  par  exemple, 
qu'on  voit ,  dans  presque  tout  le  parlement  de  Besançon , 
les  colons  tellement  attachés  à  la  glèbe,  qu'ils  ne  peuvent  la 
quitter  sans  l'aveu  du  seigneur,  et  que  le  seigneur  hérite 
d'eux  quelquefois  au  préjudice  des  héritiers  du  sang. 


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(  ^90  ) 
acocnrdë  dsois  les  premiers  temps,  non  seulement  par 
les  seigneurs  dans  lenrs  fiefe ,  mais  par  le  roi  dans  ses 
domaines.  La  chaîne  féodale  exigeant  que  le  suze- 
rain confirmât  ces  concessions,  les  seigneurs  qui  ac- 
cordaient des  droits  de  bourgeoisie  étaient  oUigës  de 
les  fiôre  confirmer  par  le  roi,  suzerain  de  tons  les 
fie&  de  son  royaume.  Bient6t  ce  ne  ^t  plus  seule- 
ment à  titre  de  suzeraineté  que  les  rois  pétendirent 
leulr  autorité  nécessaire  à  ces  concessions;  ce  ne  fiit 
plus  même  à  de  simples  ccmfirmations  qu^ils  se  bor- 
nèrent. Les  bourgeoisies  tenaient  à  la  l^islation, 
droit  inaliénaUe  de  la  souveraineté.  Plus  instruits  de 
leurs  prérogatives ,  ou  plus  en  état  de  les  faire  valoir, 
ils  (  les  rois  )  déclarèrent  que  le  droit  d'accorder  les 
bourgeoisies  était  attaché  à  leur  puissance  souveraine, 
et  ils  se  réservèrent  à  eux  seuls  l'exercice  de  ce  droit. 
Quant  à  la  faculté  d'obtenir  les  boui^eoisies,  deux 
sortes  de  personnes  n'en  étaient  point  su^eptibles: 
ou  ceux  qui  étaient  exclus  de  la  société  comme  pou- 
vant y  être  nuisibles,  les  lépreux  ou  de  race  lépreuse, 
les  gens  déclarés  infâmes,  les  ennemis  de  la  patrie; 
ou  ceux  qui,  sans  l'avoir  mérité,  se  trouvaient  placés 
hor^  de  la  société  par  des  conventions  faites  sans  eux, 
les  bâtards  et  les  serfe.  La  loi  qui  excluait  les  bâtards 
ne  nous  paraît  que  locale,  et  nous  ne  trouvons  point 
de  loi  formelle  et  générale  qui  les  exclue  de  toute 
bourgeoisie  (i)  :  la  servitude  s'est  abolie  insensible- 


(i)  11  semble  qae  les  bâtards  n'étaient  point  exclus  de  la 


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(  '9'  ) 
ment;  il  ne  reste  plus  de  traces  de  la  lèpre,  aâb^use 
maladie  qui  semblait  retrancher  du  nombre  deg  hom- 
mes ceux  qu'elle  attaquait  :  ainsi  la  boui^eoisie  pa- 
raît n'être  plus  interdite  qu'à  ceux  qui,  par  leurs 
a*imes,  se  sont  rendus  indignes  de  l'obtenir  ou  ont 
mérité  de  la  perdre.  Telle  a  été  la  marche  de  notre 
droit  public  à  l'égard  des  privilèges  de  boui^eoisie , 
relativement  aux  personnes  qui  pouvaient  les  accor- 
der ou  les  acquérir.  Il  nous  reste  à  rechercher  pur 
quelles  ùmoBS,  à  quelles  conditions  on  pouvait  les 
acquérir  et  les  conserver. 

IL 

Par  quelles  formes  et  h  quelles  conditions  pouvait- 
on  acquérir  et  conserver  la  bourgeoisie. 

La  bourgeoisie  s'acquérait  ou  en  vertu  d'une  con- 
ces^on  générale  et  primordiale,  ou  en  vertu  d'une 
concession  spéciale.  La  boai^oisie  accordée  par  une 
concession  générale  à  tous  les  habitans  d'un  lieu, 
passait  aux  héritiers  de  ces  premiers  habitans  par  la 

bourgeoisie  à  Douai ,  car  ils  y  étaient  spécialement  exclus 
de  l'éehevinage  {prdonn.y  t.  5,  p.  i3a,  art  8);  ce  qui  donne 
lieu  de  conclure  qu'ils  étaient  au  moins  admis  à  la  bour* 
geoisie.  Il  est  dit,  dans  la  couiume  d'Oudenarde,  que  les  bâ- 
tards étaient  bourgeois  du  chef  de  leur  père,  comme  les  en- 
bas  légitimes.  {Naweau  Coutumier  général  f  t  i,  p.  io65.)  La 
coutume  de  Bruxelles  porte  qu'ils  peuvent  être  admis  à  la 
bourgeoisie,  à  certaines  conditions.  (JbitLf  p.  i^Si.) 


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(  Ï92  ) 

naissance ,  se  communiquait  par  les  mariages  (i)^  se 
prescrivait  quelquefois  par  le  domicile  d'un  an  (2). 
La  concession  spéciale  s'obtenait  par  Tagrégation  for- 
melle d'une  personne  à  un  corps  de  boui^eoisie.  Ces 
diverses  manières  d'aoquërir  la  boui^eoisie  n'avaient 
pas  Ueu  toutes  indistinctement  dans  toutes  les  cou- 
tumes (3).  Quelques-unes  ne  connaissaient  que  trois 
manières  de  l'acquérir  :  la  naissance^  le  mariage,  l'a- 
chat ;  d'autres  y  ajoutaient  le  domicile  et  la  conces- 
sion du  prince.  U  y  avait  des  villes  où  le  simple  do- 
micile ,  quoique  continué  pendant  un  an  et  un  jour, 
ne  procurait  que  le  titre  d^habitarUj  et  non  les  droits 
de  bourgeois  ;  car  tout  habitant  n'était  pas  bourgeois, 
comme  l'a  remarqué  Bouteiller  (4)  dans  sa  Somme 
rurale  :  Manans  sont  ceux  qui  demeurent  es  villes 
et  cités jetn' ont  point  franchise  delabourgeoisie{Sy 


(i)  A  Bfècoii ,  lorsqo'on  y  devenait  propriétaire  d^ime 
maison  par  mariage,  on  devenait  boiu^eob.  (T.  a,  p.  349, 
art  i4  et  i5.) 

(a)  A  Prissey  :  Si  aliquis  aliundè  oeniens,  moramfecerit  in 
dicta  çiilâper  armum  sine  reclamatione  alicujus  domim,  habebi- 
tur  pro  Burgense,  rT.3,  p.  697,  art.  10.)  A  Nevers,  il  fallait  un 
domicile  d'an  an  et  un  jour.  (JbitL,  p.  118,  art  8  et  9.) 

(3)  Nous  n'entrerons  point  dans  ces  distinctions,  qui  nous 
mèneraient  trop  loin  ;  il  sera  aisé  de  les  apercevoir  dans  les 
Recueils  des  coutumes. 

(4)  Pag.  395. 

(5)  Us  n'étaient  tenus  qu'aux  aides  de  la  ville,  et  non  aux 
redeyances  particulières  des  bourg«>b,  dont  ils  ne  parta- 
geaient point  les  avantages.  (Bouteiller^  ibid.) 


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(  '93) 

De  tout  cela  résulte  une  nouvelle  division  de  la 
bourgeoisie  en  deux  espèces  :  la  boiu-geoisie  acquise 
de  droit,  et  qui  émane  directement  du  titre  primor-- 
dial;  la  bourgeoisie  par  aveu,  et  qui  est  conféi^e  par 
un  titre  particulier  en  vertu  duquel  on  participe  aux 
privilèges  que  le  titre  pîmordial  accorde.  La  pre- 
mière de  ces  bourgeoisies,  primitivement  concédée  à 
tous  ceux  qui  habiteront  à  l'avenir  un  territoire  cir- 
conscrit, semble  attachée  au  territoire ,  et  à  cet  égard 
on  peut  la  nommer  réelle;  l'autre  peut  être  regardée 
comme  personnelle  j  lorsqu'elle  n'impose  point  l'o- 
bligation d'un  domicile  fixe  et  continu  dans  un  lieu 
déterminé,  et  qu'elle  est,  pour  ainsi  dire ,  inhérente 
à  la  personne. 

C'est  cette  bourgeoisie  qu'on  nomme  conununé^ 
ment  bourgeoisie  du  roi{i).  Sur  quoi  il  faut  remar- 
quer que  le  nom  de  bourgeoisie  du  roi  peut  s'em- 
ployer sous  deux  rapports  :  ou  relativenïent  à  la  bour- 
geoisie seigneuriale;  c'était  la  bourgeoisie  accordée 
par  le  roi,  considérée  en  opposition  avec  la  bourgeoi- 


(i)  Noos  ne  disconvenons  pas  que  le  litre  de  bourgeois  au 
roi  n'appartienne  aussi ,  à  divers  égards  ,  à  ceux  qui  étaient 
sAtm^  aux  bourgeoisies  établies  par  le  roi  dans  les  villes, 
avec  l'obligation  d'y  résider  habituellement  ;  mais  on  enten- 
dait communément  et  spécialement ,  par  cette  dénomina- 
tion, les  bourgeois  qui  n'étaient  assujettis  qu'à  un  domicile 
ûcûî  dans  les  villes  de  bourgeoisie  ,  ou  à  une  résidence  de 
peu  de  jours ,  dont  il  leur  était  même  permis  de  se  racheter 
en  payant  une  somme  fixée ,  comme  on  le  verra  ci-après. 
I.  9«  Liv.  i3 


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.  (  194  )^ 
$ie  accordée  par  les  seigneurs  ;  ou  relativemeilt  à  la 
bourgeoisie  des  villes  ;  c'était  la  bourgeoisie  accordée 
par  le  roi,  considérée  en  opposition  avec  celle  qui 
était  eft  quelque  sorte  communiquée  par  le  territoire. 
C'est  selon  ce  second  rapport  que  nous  parlerons  ici 
de  la  bourgeoisie  du  roi.  Sous  ce  point  de  vue  ,  son 
principal  effet  était  de  mettre  sous  la  juridiction  im- 
médiate du  roi  ou  de  ses  officiers,  la  personne  de  celui 
à  qui  elle  était  accordée ,  et  qui ,  n'étant  point  assu- 
jetti à  fixer  sa  demeure  dans  un  lieu  certain ,  était 
pour  cela  nommé ,  en  général ,  bourgeois  du  roi  ou 
bourgeois  du  royaume  (  i  ). 

Ces  bourgeois  du  roi  sont  ceux  qui,  dans  certaine» 
coutumes,  sont  nommés  bourgeois  du  dehors  ou 
bourgeois  forains  (2),  par  opposition  aux  bourgeois 
du  dedans.  Ceux-ci  étaient  proprement  les  bourgeois 
de  la  ville,  ceux  qui  y  étaient  nés,  ou  qui,  y  étant 
venus  à  dessein  d'y  résider,  y  avaient  acquis  un  do- 
micile. Les  autres ,  sans  être  astreints  à  une  résidence 


(1)  Voyez  du  Cange/G/055.  laty  t.  i,  col.  i3S8.  Il  y  défi- 
nit ainsi  les  •bourgeois  du  roi  :  Qui  Hcet  in  alterius  jundic- 
tîone  maneatf  ah  îllâ  tamen  eximitur,  et  jurisdictiom  regiœ  tan- 
tum  subest,  rdsi  daminus  juribus  regiis  gaudeat 

(2)  Voyez  par  exemple  les  coutumes  d'Alost  et  de  Gram- 
mont,  NouQ.  Côut,  ge'n.,  t.  7,  p.  1109.  La  Thaumassière 
nomme  aussi  bourgeois  forains  les  bourgeois  qui,  étajit  venus 
se  domicilier  dans  un  lieu  de  franchise,  açaientfait  aoeude 
leur  bourgeoisie  dans  l'an  de  leur  demeure ^  après  quoi  ils  étaient 
ternis  et  réputés  bourgeois.  Il  oppose  ces  bourgeois  forains  aux 
bourgeois  originaires.  (Coût  de  Berry,  p.  19.) 


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(  195  )      . 

fixe ,  étaient  seulement  inscrits  sur  les  registres  des 
bourgeois  :  ils  avaient  prêté  serment  de  fidélité,  et  ils 
payaient  à  la  ville  un  droit  annuel ,  dont  les  bour- 
geois du  dedans  étaient  aSranchis  ;  ce  qui  faisait  nom^ 
mer  oeux  -  ci  francs  *  bourgeois  (  i  ).  Chacune  de  ces 
bom*geoîsies  avait  des  formes  et  des  conditions  essen- 
tielles. Celles  de  la  bourgeoisie  des  villes,  de  la  bour« 
geoisie  réelle ,  consistaient  à  fixer  son  domicile  réel 
dans  îa  ville  dont  on  prétendait  être  bourgeois,  à  être 
agrégé  au  corps  des  bourgeois  de  la  même  ville,  à  en 
partager  les  charges  comme  on  en  partageait  les  pri- 
vilèges. Les  formes  et  les  conditions  essentielles  de  la 
boujgeoisie  du  roi,  de  la  bourgeoisie  personnelle,  con- 
sistaient (2)  à  se  soumettre  immédiatement  au  roi, 

{%)  La  Thaumassière ,  ubi  smj^  et  p.  a!i3.  Coût.  d'AloH  et 
de  Grammont,  ubi  suprà,  Voy.  aussi  le  règlement  de  1287, 
analysé  ci-après,  art  i  du  Règlement.  • 

(2)  Ces  formes  sont  expliquées  bien  clairement  dans  les 
lettres  de  translation  en  la  ville  d'Àigue-mortes ,  des  bour- 
geoisies du  roi  précédemment  établies  â  Montpellier  et  ii 
Sommières.  Quicumque,..  âirrdssâ  sui  immédiate  domini  subjec- 
tione,  fubjectionem  nostram  ingredi,  et  nostri  burgenses  effici  ^ 
passant... y  admitterentur  libéré,  prœsiito  per  eos  juramento ,  quàd 
mm  dolo  facerent ,  çelinfraudem  sui  domini supradictL..  hoc  ad* 
J£cto,  quàd^qiiiUbet  dictontm  burgensium  unam  domum  oaloris 
h&  soKdorum.,.  acquirere  ieneretur  if^fra  armum  à  die  ma^recep" 
tionis  in  burgensem,  in  qud,  in  fesUçitatibus  Nftalis  et  Paschœ 
donurdy  pet  tresdies  CQnUnuùs  facerent  residentiam  personalemy 
aUàs  unam  marcham  àrgenti  (re^*)**'*  sobduri.  (Ordonn.,  t.  S, 
p.  627.)  Ces  lettres  de  translation  sont  de  1378;  mais  les 
formes  qu'elles  rappellent  étaient  plus  anciennes. 


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(  196  ) 

quant  à  la  juridiction  personnelle ,  quoiqu*on  ne  fut 
pas  habitant  d'un  lieu  relevant  du  roi  ;  mais  il  fallait 
affirmer  avec  serment,  qu'en  reconnaissant  le  roi  pour 
seigneur  immédiat,  on  n'avait  point  pour  objet  de  dé- 
pouiller le  seigneur  dont  on  habitait  le  territoire; 
serment  suspect,  et  qui  supposait  une  distinction  bien 
délicate  et  bien  abstraite  entre  le  but  de  la  demande 
et  l'effet  nécessaire  et  connu  de  la  chose  demandée. 
On  était  agrégé  au  corps  des  bourgeois,  mais  sans 
être  astreint  à  habiter  constamment  parmi  eux;  et 
pour  suppléer  au  domicile  réel  par  un  domicile  fictif, 
il  fallait  acheter  une  maison  dans  le  lieu  qui  était  dé- 
signé pour  obtenir  ces  bourgeoisies  (  i  )  ;  il  fallait  même 
y  habiter  trois  jours  de  suite  dans  chaque  année,  à 
Pâques  et  à  Noël,  ou  payer  au  roi  une  redevance. 
Nous  détaillerons  bientôt  plus  au  long  toutes  ces  for- 
mes ,  en  analysant  le  règlement  qui  les  rendit  fixes  et 
invariables. 

Les  seigneurs  qui  avaient  les  droits  régaliens  étar 
blirent,  conune  nous  l'avons  dit,  des  bourgeoisies  per- 
sonnelles et  indépendantes  du  domicile,  à  l'imitation 
^  des  bourgeoisies  du  roi  (2),  qui  ne  s'étendaient  point 
sur  le  territoire  de  ces  hauts^eigneurs,  comme  l'a  re- 
marqué du  Gange  (3).  Les  bourgeoisies  du  roi  n'eu- 

(i)  Ce  lien  fat,  pour  le  Languedoc,  d'abord  Montpellier, 
puis  Sommière^ ,  puis  Aigue-mortes.  Voyez  ci-après ,  n"  4 1 
des  formes  pour  acquérir  la  bourgeoisie. 

(2)  Brussel  en  a  cité  des  exemples.  Voy.  Usage  des  fiefe, 
t.  2,  p.  917  et  suiv. 

(3).  Voyek  le  passage  dans  la  note  (i)  ci-dessus,  p.  194* 


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(  197  ) 
rent  lieu  en  Champagne  (i)  qu'après  la  réunion  de 
cette  province  à  la  couronne,  en  1285.  Sitôt  qu'elle 
y  fut  réunie ,  les  bourgeoisies  du  roi  s'y  introduisi- 
rent; non  cependant  avec  une  parfaite  uniformité, 
car  pour  être  boui^eois  du  roi  dans  le  comté  de  Joi- 
gny,  on  était  obligé  d'avoir  des  lettres  de  bourgeoisie 
obtenues  du  bailli  de  Troyes  (2)  ;  au  lieu  que ,  dans 
le  reste  de  la  Champagne ,  il  s^fldsait  de  désavouer 
son  seigneur  et  de  s'avouer  boui^eqj|s  du  roi  :  ce  qui 
s'appelait  acquérir  la  bourgeoisie  du  roi  par  simple 
as^eu. 

Les  bourgeoisies,  cette  dernière  espèce  surtout, 
âaient  infiniment  préjudiciables  aux  seigneurs  parti- 
culiers ,  et  le  devinrent  bien  davantage  par  les  abus 
dont  elles  étaient  susceptibles.  Ces  abus  excitèrent 
des  plaintes  générales,*  et  Philippe-le-Bel,  obligé  d'y 
remédier,  fit  en  1287  ^^  règlement  par  lequel  il  fixa 
les  formes  et  les  conditions  des  bourgeoisies  en  géné- 
ral. C'est  d'après  ce  règlement  que  nous  allons  les 
tracer. 

L'objet  était ,  pour  nous  servir  des  termes  du  rè- 
^ement  même ,  iiôter  les  fraudes  et  malices  dont 
les  sujets  étaient  durement  grés^és  et  durement  plai- 
gnans(3l).  Ceux  qui  se  plaignaient  n'étaient  pas  seu- 


(i)  Pasqaîer,  Rechercltest  1. 1,  p.  38i. 

(a)  léLy  ibiéU;  Coutume  de  Troyes,  art.  i  ;  Ckmt,  gen.,  t  i, 
p.  4^3*  Voyez  aussi  Coût  de  Sens,  ibid.,  p.  i^g. 

(3)  Voyez  le  Bèglemem,  1. 1  de  ce  Req. ,  p.  3i4  et  suir. , 
art.  1. 


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(  19») 
lement  les  seigneurs  ;  c^étaiem  aussi  les  villes  dont  les 
bourgeois,  sous  prétexte  d'avoir  passé  dans  une  bour- 
geoisie différente  de  celle,  à  lacpielle  ils  avaient  été 
auparavant  admis,  éludaient  les  anci^ines  diJ^atioiB 
auxquelles  ils  étaient  assujettis.  Voici  les  firmes  qu.e 
le  r^ement  prescrivit  pour  obvier  aux  inconvâiiens 
qu'on  éprouvait. 

I .  Il  fut  statué  qu'à  l'avenir  celui  qui  voudrait  en- 
trer en  bourgeoise  se  présenterait,  soit  déliant  le 
maire  ou  juge  municipal,  s'il  s'agissait  d'une  viUe 
municipale  ou  d'une  commune  ;  soit  devant  le  prévôt 
ou  juge  royal,  s'il  s'agissait  d'une  ville  qui  n'était 
point  administrée  par  ses  propres  magistrats.  Il  devait 
déclarer  au  juge  qu'il  requérait  la  bourgeoisie ,  et  se 
soumettait  aux  obligations  qu'elle  iihposait(i). 

Ces  obligations  variaient  selon  les  diverses  bour*  ' 
^isies  (2)  :  elles  consistaient  en  redevances,  soit  en 
argent,  soit  en  services.  Les  unes  étaient  au  profit  de 
celui  qui  avait  accordé  la  boui^eoiâe,  les  autres  au 
profit  conunun  des  bourgeois  même ,  pour  subvenir 
aux  fixais  de  l'administration  et  peur  acquitter  les 
autres  charges  de  la  corporation.  Les  redevances,  ainsi 
qiie  les  privilèges  dcmt  elles  étaient  le  prix ,  ont  été 


(i)  Voyez  le  Règlement ,  1. 1  de  ce  Recaeil ,  p,  3ï4  et  soir.^ 
art.  X. 

(2)  On  peut  consulter,  sur  les  variétés  de  ces  obligations^ 
les  diverses  chartes  delïourgeoisie  insérées  dans  notre  Re- 
cueil :  rénun^ération  en  serait  infinie. 


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(  »99  ) 
quelquefois  dësignëes  sous  le  nc»n  de  beourgeohies  (  i  )y 
comme  nous  Tayons  observe  plus  haut  :  elles  étaient 
souyem  inégalement  reparties  ;  et  on  sqypelait^raniii^ 
bourgeois  ou  petits -bourgeois  ceux  qui  payaient  une 
redevance  plus  ou  moins  forte,  et  francs -bourgeois 
ceux  qui  étaient  dispensés  d*en  payer  aucune  (s). 

a.  Une  obligation  dW  autre  genre  que  le  nouveau 
boui^epis  devait  contracter  expressément  lorsquUl  se 
présentait  devant  le  jyge,  en  conséquence  du  nou- 
veau règlement ,  c^était  d'acquérir  ou  de  bâtir  dans  la 
ville  ou  il  demandait  d*être  admis  à  la  bourgeoisie, 
une  maison  du  prix  de  60  sous  au  moins.  Il  en  faisait 
semfênt  entre  les  mains  du  juge,  en  présence  d^  deux 
ou  trois  bourgeois  du  lieu,  et  il  devait  exécuter  sa 
pnnnesse  dans  Fan  et  jour.  Tout  ce  que  nous  venons 
de  dire  était  enregistré ,  et  on  en  expédiait  lettre  au 
nouveau  boui^eois(3). 

L'obligation  dcmt  nous  venons  de  parler  est  expri- 
mée dans  la  plupart  des  chartes  de  bourgeoisie  anté- 
ri^ires  (4)  au  règlement;  nuôs  le  règlement  la  rend 


(i)  Voyez  ce  qoe  nous  avons  dit,  au  eommencement  de 
ces  Recbercbet ,  sur  les  diverses  acceptions  du  mot  hour^ 
geoide. 

(3)  La*Thaumassière,  Cbu^  de  Berry,  p.  ao.  Voyez  aussi 
dans  le  Now*  Coût  gén.,  t  i,  p.  iiog,  les  coutumes  d'Âlost 
et  de  Grammont  sur  les/ra/ic5  bourgeois,  citées  ci-dessus. 

<3)  Règlement  de  1187,  art.  i. 

(4)  On  en  trouvera  des  preuves  dans  la  plupart  des  an- 
ciennes chartes  de  bourgeoisie  que  nous  avons  publiées. 


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(  aoo  ) 

gënërale.  La  maison  qu*on  était  obligé  d*aoquédr, 
pour  obtenir  la  boui^eoisie,  répondait  en  quelque 
sorte  de  Inexactitude  du  nouveau  bourgeois  à  remj^ 
8e&  engagemens.  On  la  saisissait,  on  la  amfisquait,  on 
la  démolissait ,  selon  le  degré  où  par  la  suite  il  pou- 
vait devenir  coupable  (i)-  Il  semble  dcmc  que  le  prix 
^e  cette  maison  aurait  dû  être  fixé  selon  les  temps, 
de  manière  qu*il  fut  toujours  proportionné  aux  amen- 
des que  le  bourgeois  pouvait  encourir  ;  cependant  réé- 
valuation qui  s*en  trouve  dans  les  plus  anei^mes 
chartes  de  boui^eoisie ,  u*e^  augmentée  ni  dans  le 
r^lement  ni  dans  les  confirmations  postérieures ,  quoi- 
que les  augmentations  successives  du  prix  du  marc 
dWgent  eussent  dû  donner  lieu  à  une  augmentation 
proportionnelle  de  cette  évaluation.  Au  reste,  ce  dé- 
&ut  d'évaluation  proportionnelle  n'est  point  particu- 
lier à  cet  objet  ;  il  se  retrouve  dans  presque  toutes  les 
anci^mes  redevances  pécuniaires  représentatives  des 
fimds.        *  ^  . 

3.  Immédiatement  après  la  lettre  de  bourgeo^ie 
obtenue,  le  juge  qui  avait  reçu  le  serment  du  nouveau 
bourgeois  lui  donnait^  un  sergent  pour  la  notifier  au 
seigneur  qu'il  venait  de  désavouer  (3).  Cette  lettre 
marquait  Tan  et  le  jour  où  il  était  entré  en  bourgeoi- 
sie ,  et  les  noms  des  bourgeois  qui  en  avaient  éié  té- 
moins. Par-là,  le  seigneur  connaissait  le  vassal  qui  lui 

(i)  !Nous  en  avons  cité  des  exemples  en  parlant  de  la  pu- 
nition des  crimes. 
(2.)  Règlement,  ¥ài  $\iprk< 


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(   ^01    ) 

échappait^  et  était  en  état  de  le  réclameri  s'il  y  avait 
lieu.  Il  ëtait  instruit  de  Fëpoque  précise  où  ce  vassal 
avait  cessé  d'étré  son  homme  ;  ce  qu'il  lui  était  im- 
portant de  savoir^  parce  que  (i)  ^  connoîssance  et 
V exécution  des  querelles  mues  contre  ce  vdssal^  et 
des  méfaits  wenus  trois  mois  aidant  la  réception  en 
bourgeoisie^  appartenaient  à  Tancien  seigneur.  Enfin 
ce  seigneur  était  à  portée  de  juger  si  les  formes  pour 
acc{aërir  la  bourgeoisie  avaient  été  remplies  exacte- 
ment^ car  la  bourçeoi^ie  n'était  acquise  (2)  que  lors- 
que tout  ce  que  nous  venons  de  dire  avait  été  fait,  et 
qu«  sûreté  avait  été  donnée  de  remplir  les  engagemens 
auxquels  la  bourgeoisie  obligeait. 

4«  Après  avoir  prescrit  les  formes  pour  acquérir 
la  bourgeoisie,  le  règlement  en  prescrit  pour  la  con- 
server, et  elles  consistent  principalement  dans  la  con- 
tinuation du  domicile  (3).  Le  nouveau  bourgeois  ou 
sa  %n|^e  doit  résidei^  de  fait  et  continuellement  dans 
le  lieu  de  sa  bourgeoisie,  depuis  la  veille  de  la  Tous- 
saint jusqu'à  la  veille  de  la  Saint-Jean,  à  moins  d'ex- 
cases  légitimes,  qui  sont  spécifiées  par  la  loi.  S'il  n'a 
point  de  femme ,  ou  s'il  s'agit  d'une  femme  qui  n'a 
fkas  de  mari ,  le  domicile  personnel  peut  être  sup 
pléé  par  celui  d'un  valet  ou  d'une  servante ,  excepté 
les  jours  de  fêtes  annueUes.  On  pouvait  cependant  en- 
core être  dispensé  du  domicile  pour  ces  jours  même, 

(i)  Règlement  de  1287,  p.  3i6,  art.  7*. 

(a)  Ibid. ,  p.  3i4i  art.  2. 

(3)  Jbid,,  p.  3i5,  art.  3,  4  et  5« 


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(  ao2  .) 

soit  lorsqu^on  ëtâit  hors  du  pays ,  soit  lorsqa^on  atait 
une  permission  du  roi  (i). 

Au  reste,  la  nëcesÀtë  du  domicile  imposée  par  k 
règlement  regardait  spécialement  les  bourgeoisies  que 
nous  nommons  réelles;  le  caractère  des  bourgeoisies 
personnelles  était  y  au  contraire ,  de  ne  point  exiger 
.  de  domicile  continu.  Il  est  certain ,  par  exemple,  que 
dans  les  sénéchaussées  de  Toulouse,  de  Carcassonne, 
dé  Beaucaire  (3) ,  ceux  qui  youlaient  être  bourgeois 
dv  roi  obtenaient  des  lettres  de  bourgeoùde  de*  Mont- 
pellier, ou  de  Sommières,  ou  d*Aigues- mortes,  car 
ce  droit  fut  successivement  attaché  à  ces  trois  dififô- 
rentes  villes;  et  pour  jouir  de  cette  bourgeoisie,  il 
leur  sufiBisait,  conmie  nous  l'avons  dit,  de  résider  trois 
jours  de  suite,  aux  fêtes  de  Pâques  et  de  j^oël,  ou 
même,  s'ils  Taimaient  mieux,  ils  éuient  quittes  de 
cette  courte  résidence  au  moyen  d'un  marc  d'argent 
qu'ils  payaient  au  roi  tous  les  ans  (3).  Ainsi  ^^li^ 


(i)  Le  Règlement  ne  parle  point  de  la  permission  que  le 
roi  peal  donner  ;  mais  D.  Carpoitier  cite  des  lettres  de 
Philippe-le-Long,  en  s3i7^  qoî  dispensent  un  bourgeob  de 
Mâcon  de  résider  dans  cette  ville  aux  fêtes  de  la  Toussaint, 
de  Noël  et  de  la  Pentecôte,  sans  être  privé  pour  cela  ni  du 
titre  ni  des  privilèges  des  autres  bourgeois  domiciliés.  (Sqppl- 
au  Gïoss.  lai.  de  du  Gange,  t.  i,  p.  676.)  Ces  lettres,  en  prou- 
vant l'exception  «  confirment  la  règle. 

(a)  Voyez  les  lettres  du  29  juillet  1873,  t.  5  deceRecveif, 
p-  627. 

(3)  Voyez  Ordonn.,  t.  5,  p.  627. 


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(ao3) 

tk>B  di^  domicile  devenait  mille  pour  les  bourgeois 
du  Foi,  et  était  convertie  en  une  redevance  pécu-^ 
nimre  ;  mais  ce  qui  semblait  r^résenter  davantage  le 
domicile,  c'était  la  maison  qu'ils  étaient  tenus,  de- 
même  que  les  bourgeois  vraiment  domiciliés,  d'ac- 
quérir dans  le  lieu  où  ils  obtenaient  des  lettres  -de 
bourgeoisie  (i),  c(»nme  on  Ta  vu  ci-devant. 

5^  Nous  avons  dit  comment  on  pouvait  acquâ*ir  et 
conserver  la  bourgeoisie,  disons  aussi  comment  on 
potivak  la  perdre.  On  la  perdait  de  deux  façons  :  ou 
l'on  en  était  privé  par  pimition,  ou  l'on  y  renonçait 
de  sa  propre  vdionté.  On  en  était  dépouillé ,  ou  pbur 
crime,  ou  pour  désobéiss^ce  aux  ordres  de  la  corpo- 
ration, ou  faute  de  remplir  les  (J^ligatîons  imposées 
par  le  règlement  (i).  Si  <m  y  voulait  renoncer  (3) ,  le 
règlement  j^esorivait  des  formes  pour  cette  renoncia- 
yon,  surtout  quand  on  se  départait  d'une  bouigeoi* 
sie  pour  passer  dans  une  aut]re(4)*  H  fallait  alors  dé* 


(r)  Foyez  Orddû.,  t.  5,  p.  6iV  ;  t  6,  p.  ai^  et  suiv. 

(je)  Les  privil^es  accordés  àut  villes  sont  remplis  de 
danses  qui  portent  la  peine  de  perdre  la  bourgeoisie.  Le  dé- 
faut de  résidence  dans  le  lieu  de  la  bourgeoisie^  à  certaines 
époques ,  emportait  la  perte  de  la  boui^eoisie ,  selon  l'or- 
donnance du  27  août  iS^G,  t.  6,  p.  218. 

(3)  L'ordonnance  du  27  août  1376  maintient  les  bourgeois 
dans  le  droit  de  renoncer  volontairement  à  la  bourgeoisie  : 
Possint  remmdare  burgesiœ,  si  et  ^uandù  ooiuerint,  dum  tamm 
hoc  fiât  Uherè..,  ac  sine  fraude  ^  t.  6,  p.  618. 

(4)  Règlement,  p.  5i5  et  5 16,  art.  6  et  8. 


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(ao4) 

darer  qu'on  abandonnait  la  bourgeoisie  où  r<m  avait 
é\é  admis,  acquitter  ce  qui  restait  dû  de  toutes  les 
redevances  auxquelles  on  avait  étë  oblige  comme 
bourgeois  y  et  payer  les  droits  de  sortie ,  tels  qu'ils 
étaient  fixés  dans  la  boui^eoisie  que  Ton  quittait  (i). 
Ce  n'était  qu'après  avoir  rempli  ces  formes,  qu'on 
pouvait  être  admis  dans  une  autre  bourgeoisie.  Cet  ar- 
ticle du  r^lement  ayait  pour  objet  d'obvier  aux  firau- 
des  que  Tancienne  botu^eoisie  aurait  eu  à  craindre, 
si  (m  avait  pu  se  soustraire  à  sa  juridiction  avant  d'a- 
v<Hr  satisfait  à  toutes  les  obligations  auxquelles  on 
était  tenu  envers  elle. 

6.  Le  règlement  que  nous  analysons  n'aurait  re- 
médié qu'impar&itement  aux  abus  des  bourgeoisies , 
si  les  fcarmes  auxquelles  il  les  assujettissait  n'eussent 
eu  lieu  que  pour  l'avenir.  Il  obligea  dond  non  seule- 
ment ceux  qui  par  la  suite  voudraient  être  admis  au^ 
boui^eoisies  de  se  soumettre  à  ces  formes  (s) ,  maïs  il 
enjoignit  à  ceux  qui  jouissaient  déjà  des  bourgeoisies 
de  les  obtenir  de  nouveau,  selon  les  formes  prescri- 
tes, dans  l'espace  d'un  mois,  à  compter  du  jour  de 
la  publication  de  la  loi,  sur  peine  de  perdre  leurs  pri- 
vilèges. Observons  que  ce  règlement  ne  fat  pas  d'a- 
bord une  loi  générale  :  au  contraire,  lorsque  Phî- 


(i)  Ces  droits  de  sortie  (oa  à^îssue,  comme  les  cootomes 
les  appellent)  étaient  dus  ,  même  dans  le  cas  où  l'on  était 
malgré  soi  dépooillé  de  la  bourgeoisie.  (Foyez  le  Now.  Coût. 
gén.y  1. 1,  p.  887,  904,  96S,  etc.,  etc.) 

(a)  Règlement,  p.  3 16,  art.  10. 


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byGpogle 


(  2o5  ) 

lippe-le-Bel  le  publia  pour  la  première  fois,  en  1827, 
il  déclara  que  son  intention  n^ëtait  point  qu^il  eût 
lieu  dans  la  partie  de  ses  Etats  qui  confinait  à  l'Al- 
lemagne (1);  mais  six  ans  après ,  il  en  enjoignit  Texë- 
cution  par  toute  la  France;  et  en  i3o2  (2),  il  le  fit 
entrer  dans  sa  grande  ordonnance  pour  la  rëforma- 
tion  du  royaume.  Lorsquiè  les  nêbles  de  Champagne 
se  plaignirent,  en  i3i5,  à  Louis  X,  que  ce  règle- 
ment n'était  point  observe ,  ce  prince ,  faisant  droit 
sur  leorâ  griefi ,  ordonna  qu'il  serait  exécute  (3) ,  et 
le  renouvela  peu  de  temps  après  (4)«  Enfin ,  l'obser- 
vation en  fiit  enjointe  de  nouveau,  en  i35i,  par  le 
roi  Jean  (5) ,  et  le  fut  encore  depuis ,  à  plusieurs  re- 
prises, par  Charles  V  (6). 

Les  abus  que  l'on  fit  des  boui^eoisies,  surtout  dans 
le  Languedoc ,  obligèrent  ce  {M^nce  à  publier  une 
dernière  wdonnance  pour  les  réprimer.  Ils  y  sont  dé- 
taillés fiofct  au  long.  Les  plus  considérables  étaient  que 
ceux  qui  se  nommaient  bourrais  du  roi  se  dispen- 
saient de  résider  en  aucun  temps  dans  le  lieu  de  leur 
bourgeoisie,  et  négligeaient  d'y  acquérir  une  maison, 


(i)  Ordomu,  1. 1, p.  3i6,  note. 

(2)  Eln  1293.  Voyez  le  t.  1,  p.  367. 

(3)  Lettres  do  mois  de  mai  i3i5.  Recueil  des  ordonn.,  1. 1, 
p.  575,  art,  8. 

(4)  Lettres  du  mois  de  décembre  i3i5,  ièid.,  p.6i3. 

(5)  Lettres  du  mois  d'octobre  i35i,  t.  2,  p.  461. 

(6)  Lettres  du  20  juillet  1367,  t.  5,  p.  22,  art.  i3;  du  24 
aoât  1371,  t.  6,  p.  70;  27  août  1376,  ibid,  p.  214  et  suîy. 


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■       (   206   ) 

comme  ils  y  éuient  obligés  par  le  règlement  de  ¥tà- 
Iippe4e-Bel.  Sur  les  plaintes  que  les  seigneurs  portée 
rent  au  parlement,  il  y  eut  arrêt  qui  ordonna  que  le 
règlement  serait  exécuté  ;  et  en  conséquence  de  Tar- 
rét ,  le  roi  rendit  une  ordonnance ,  le  27  août  1 376  (  i  ) , 
qui  rappela  les  droits  et  les  obligations  des  bourgeois 
du  roi  9  conformémUnt  au  règlement  dont  il  s^agit, 
ayec  quelques  cbangemens  cependant  en  faveur  des 
seigneurs  qui  se  .plaignaient  à  juste  titre,  car  ils 
étaient  continuellement  dons  Tincertitude  si  le  yassal 
denieurant  sur  leurs  terres  n^était  pas  bourgeois  du 
roi;  et  ils  n^osaient  exercer  contre  lui  la  justice,  de 
peur  d'être  poursuivis  comme  infracteurs  de  la  sgtiVe^ 
garde  du  roi,  sous  laquelle  étaient  tous  les  bourgeois. 
Le  roi  ordonna  donc  que  les  bourgeois  seraient  tenus 
dorénavant  à  une  résidence  personnelle  et  continue 
dans  le  lieu  de  leur  bourgeoisie ,  durant  huit  jours , 
n^i  seulement  à  Pâques  et  à  Noël ,  mais  à  la  Saint-- 
Jean  et  à  la  Toussaint,'  confirmant  d'ailleurs  le  rè^ 
glement  de  Pbilippe-le-Bel ,  regardé  c(nnme  la  base 
et  lé  Ibndement  de  tout  le  droit  des  boui^eoi»es. 
Quelques  personnes,  sous  le  règne  suivant,  voulurent 
se  pourvoir  contre  cette  ordonnance  par  appel  au 
parlement;  mais  leur  aj^l  fut  rejeté  par  arrêt  du  20 
novembre  iSga  (2). 

Nou§  n'avons  considéré  les  bourgeoisies  que  sous 


(1)  Imprimée  dans  ce  Rec.^  t.  6,  p.  214  et  saiv. 

(2)  Voyez  cet  arrêt,  i.  6,  p.  21 5,  note. 


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byGo.ogle 


(  307  ) 
des  points  de  vue  généraux  ;  on  trouvera  des  détails  ^ 
des  exceptiiMQfi  et  d^  singularités  sans  nombre,  si  on 
veut  parcourir  dans  nos  Tables  les  sommaires  qu# 
nous  y  avons  donnes  de  cette  quantité  prodigieuse  de 
chartes  de  bourgeoisie  (i)  répandues  dans  notre  Re-*- 
cueil.  rtous  terminerons  ici  nos  recherches  sur  cet 
objet  par  quelques  réflexions  sur  les  avantages  infinis 
qui  ont  résulté  cbe  rétablissement  des  bourgeoisies. 

Nous  avons  vu  qu'il  contribua  beaucoup  à  faire 
rentrer  dans  les  mains  du  souverain  la  portion  de  la 
puissance  publique  usurpée  par  les  seigneurs  particu* 
liers,  qui  ai  avaient  fait  Tusage  le  plus  oppressif; 
nous  avons  vu  que  cet  établissement  ferça  les  sei* 
gneurs  d'adoucir  tellement  le  joug  sous  lequel  ils  fai- 
saient gémir  leurs  vassaux,  que  les  serfs  même  pous- 
serait quelquefois  Tindifférence  jusqu'à  refuser  de  se 
racheter  pour  le  prix  auquel  on  avait  évalué  leur  af-* 
franchissement  :  mais  un  autre  avantage,  et  peut^ 
être  le  plus  grand  de  ceux  que  procurèrent^les  bour- 
geoisies, fut  de  peupler  les  villes  et  de  les  multiplier; 
objet  aussi  utile  dans  le  temps  où  les  bourgeoises  fii^ 
rent  élabHes,  qu'il  paraîtrait  peut-être  nuisible  au- 
jourd'hui. En  effet ,  dans  VétM  actuel  de  la  France , 
il  semblerait  avantageux  de  repei^ler  «nos  campagnes 
du  superflu  des  habitans  de  nos  viUes;  mais  dans  le 
douzième  siècle ,  et  même  long-temps  après ,  il  fallait 

(i)  Noas  nomiDons  aîtisi  les  lettres  de  commraie  ou  de 
privilèges  par  lesquelles  sont  coûcédés  ou  confirmés  les  droits 
des  bourgeoisies. 


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(    208  ) 

des  villes  pour  la  sûretë  des  agriculteurs  y  il  fidlait 
des  villes  pour  rencouragement  des  agriculteurs. 
*  Dans  des  siècles  où  régnait  en  France  la  pr^nière 
et  presque  la  seule  loi  des  peuples  barbares ,  la  loi  du 
plus  fort;  où  Fëpreuve  par  le  duel  l'avait  introduite 
jusque  dans  Tordre  judiciaire;  où  Tabus  énorme  des 
guerres  privées  avait  fait  du  royaume  entier  un  théâ- 
tre dliostilitës  perpétuelles;  où  Tautorité  ecclésiasti^ 
que  avait  été  contrainte  de  venir  au  secours  de  Tau- 
torité  séculière,  pour  fixer  dans  le  cours  de  Tannée 
des  jours  de  trêve  forcée,  afin  dé  donn^  la  liberté  de 
se  livrer  au  SQÎn  des  moissons ,  la  moitié  des  terres 
restait  en  firiche.  Et  comment  s'occuper  à  défiricher 
de  nouveaux  terrains ,  quand  les  incursions  et  les  ra- 
vages faisaient  trembler  sans  cesse  pour  les  produc- 
tions des  terrains  mis  en  valeur  ?  Il  était  donc  néces- 
saire alors  de  multiplier  les  villes,  pour  servir  d'asiles 
aux  personnes  et  aux  fi:uits  de  leurs  travaux  (i). 

Les  aiAsieimes  s'agrandirent,  et  on  en  fonda  de 
nouvelles.  On  invita,  par  des  privilèges,  les  hommes 
épars  à  venir  s'y  réfiigier.  On  sut  même  quelquefois 
les  amener  au  point  de  les  construire  à  leurs  propres 
frais;  car  la  nécessité  d'acquérir  ou  de  bâtir  une  mai- 
son dans  la  ville  nouvelle,  pour  y  obtenir  le  droit 
de  bourgeoisie,  obligem  les  nouveaux  habitans  de 


(i)  Beaucoup  d'agriculteurs  étaient  bourgeois  des  villes  : 
oii  en  trouve  la  preuve  dans  les  chartes  de  bourgeoisie ,  où 
on  leur  accorde  des  exemptions  de  droits  d'entrée  sur  les 
vins  de  leur  crû,  sur  les  grains  de  leurs  récoltes,  etc. 


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(    209    )  ^ 

ccmstruire  insensiblement  la  ville  presque  entière  à 
leurs  dépens. 

11  fallait  des  villes  pour  rencouragement  des  agri- 
culteurs, dont  la  classe  était  dans  une  proportion 
beaucoup  trop  forte ,  reladvement  à  la  classe  des  con- 
sonunateui^  ;  et  c'était  encore  une  des  raisons  pour 
lesquelles  la  moitié  de  Ja  France  restait  en  friche. 
L'anarchie  et  les  troubles  intérieurs  excluaient  le 
commerce;  par  conséquent,  peu  de  consonunation 
extérieure.  La  servitude ,  les  guerres  appauvrissaient 
la  population;  par  conséquent,  peu  de  consommation 
intérieure.  La  France  n'était  presque  peuplée  que 
d'agricoles,  serfs  ou  presque  serfs,  peu  dififérens  des 
animaux  qui  leur  étaient  associés  pour  le  labourage , 
et  traités  à  peu  près  de  même  ;  sans  émulation,  parce 
qu'ils  étaient  sans  espoir;  sans  courage,  parce  qu'ils 
étaient  sans  ressources  ;  fuyant  comme  un  travail  «ans 
fhiit  celui  qui  leur  aurait  produit  des  récoltes  au- 
delà  de  ce  qui  suffisait  à  leur  nourriture  et  au  paie- 
ment de  leurs  redevances  féodales. 

Mais  ceux  d'entre  eux  qui  se  réunirent  dans  les 
villes  où  les  privilèges  de  la  bourgeoisie  les  attiraient, 
affiranchis  des  servitudes  décourageantes ,  tranquilles 
et  maîtres  d'améliorer  leur  sort  en  se  livrant  à  des 
métiers  utiles,  déployèrent  lein*  industrie  et  ouvri- 
rent de  nouvelles  somxes  de  richesses  qui  se  répan- 
dirent sur  les  campagnes  et  y  excitèrent  la  culture. 
Des  honunes  s'appliquèrent  aux  arts,  et  le  commerce 
naquit.  Ces  hommes  formèrent  une  classe  de  consom- 
mateurs opulens,  dont  les  besoins  occasionnèrent  les 
I.  9«  uv.  i4 


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(  2ÎO  ) 

défrichemens,  qu'on  multiplia  à  proportion  de  la  po- 
pulation, augmentée  elle-même  chaque  jour  par  IV 
bondance  :  ainsi  j  par  Faction  et  la  réaction  conti- 
nuelle de  ces  causes,  et  de  ces  effets  devenus  causes  à 
leur  tour,  bientôt  la  France  se  trouva  couyerte  à  la 
lois  de  campagnes  fertiles  et  de  vill^  puissantes  et 
riches. 

Les  sciences  et  les  lettres  ne  profitèrent  pas  moins 
que  les  arts  de  la  réunion  des  hommes  dans  les  villes. 
Là,  rapprochés  les  uns  des  autres,  les  citoyens  dis- 
pensés des  travaux  pénibles,  jouissant  d'une  aisance 
qui  met  à  Tabri  du  besoin  journalier,  sentirent  naître 
insensiblement  le  premier  iet  le  plus  précieux  fruit  du 
loisir,  le  désir  de  conns^tre  et  de  s'instruire.  A  portée 
de  se  communiquer  leurs  vues,  de  s'exciter  aux  dé- 
couvertes, de  s'entr'aider  dans  leurs  recherches,  leur 
esprit  s'agrandit ,  leur  goût  se  foïma ,  l'avidité  d'ap- 
prendre s*accrut  par  la  honte  d'ignorer,  la  rivalité 
produisit  l'émulation- et  hâta  le  [HX^ès  de  tous  les 
genres  de  connaissances. 

Tels  furent  lies  principaux  avantages  que  l'établis- 
seïnem  des  boujqgeoisies  produisit,  soit  pour  les  rois 
dont  il  rétablit  l'autorité ,  soit  potirles  sujets  qu'il  af- 
franchit de  l'oppression,  soit  pour  le  royaume,  en 
général ,  qu'il  rendit  le  plus  florissant  ,état  de  l'Eu- 
rope 5  mais  il  est  (te  la  natuf  e  dés  privilèges  de  devoir 
être  modifiés  selon  les  circonstances.  Le  nombre,  la 
variété,  l'étendue  des  privilèges  dés  bouj^eoisies,  en- 
traînèrent des  incc»[ivéniens  auxquels  il  fallut  remté- 
dier,  surtout  l<»squ'ils  ne  furent  plus  ccmipensës  par 


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(211) 

les  avantages,  lorsque  la  puissance  féodale  n'alarma 
plus  le  pouvoir  souverain,  lorsque  Féquilibre  parut 
établi  entre  le  nombre  des  consommateurs  et  celui 
des  cultivateurs ,  lorsqu'il  y  eut  lieu  d'appréhender 
qu'une  plus  abondante  population  des  villes  ne  fît  dé- 
serter les  campagnes,  et  que  la  classe  des  hommes 
qui  rendent  un  Etat  florissant  n'épuisât  celle  des 
hommes  qui  le  nourrissent. 

Alors  nos  rois  crurent  devoir  réduire  dans  de  justes 
bornes  les  privilèges  des  bourgeoisies.  De  là ,  tantôt 
ils  ont  diminué  la  quantité  des  exemptions  trop  mul- 
tipliées, et  qui  redoublaient  les  charges  des  sujets  qui 
n'y  étaient  point  compris  ;  tantôt  ils  aùl  restreint  des 
privilèges  qu'il  leur  a  paru  convenable  de  rapprocher 
de  l'ordre  commun  ;  tantôt  enfin  ils  ont  ramené^  au- 
tant qu'il  leur  a  été  possible ,  à  l'unifcHraaité ,  cette  va- 
riété prodigieuse  de  coutumes  locales  qui  faisait  dire 
à  Beaumanqir,  en  laôS  (i)  i  qu'on  ne  poussait  trou- 
s^er  en  France  deux  chastellenies  qui  de  tout  usas- 
sent d'une  mesme  coutume.  . 

Mais  nous  ne  ferons  point  aujourd'hui  l'histoire  de 
ees  changemens,  postérieurs  aux  époques  qu'embrasse 
jusqu'ici  ûotre  Recueil;  et  nous  nous  resservons  à  les 
indiquer,  à  mesure  que  l'ordre  des  temps  les  consi- 
gnera dans  la  suite  de  la  Collection  des  ordonnances' 
de  nos  rois  (2). 


(i)  Beaumanoir^  Cknd,  de  BeaweisiSy  p.  2. 
(a)  Fioyw  cette  Collection.^  -.      -  ^ 


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(    212   ) 


»^»»w^^»M»»»MMmi»mw«iw)iixiww>mwww^ 


i^^w*i¥wi*itnnMMMvtm¥*nmMwtnnn^mnni»iy*niinnm 


QUATRIÈME  PARTIE. 

ADDITIONS  AU  CHAPITRE  III,  %  1  (i). 


RECHERCHES  HISTORIQUES 


SUR  LBS 


ROUTIERS  ET  LA  JACQUERIE  W. 


Que  des  monarques  puissans  et  courageux  subju- 
guent par  la  force  de  leurs  armes. les  peuples^qui  les 

(i)  Tome  7  de  la  CoUect. 

(a)  Ces  carieuses  Recherches  ont  été  imprimées  par  par- 
ties dans  le  Journal  de  Verdun,  mois  de  mai ,  juin,  juil^ 
et  octobre  1761.  Les  quatre  articles  ont  été  ensuite  réiuiis 
dans  un  tirage  particulier,  dont  il  n'existe  qu'un  très -petit 
nomBre  d'exemplaires,  et  c'est  d'après  le  texte  revu  de  l'on 
de  ces  exemplaires  que  nous  les  donnons  ici.  Le  nom  de  l'au- 
teur ne  s'y  trouve  point  ;  mais  voici  ce  que  nous  lisons  à  ce 
sujet  dans  le  préambule  du  premier  article  du  Journal  de  Ver- 
dun: «  Une  personne  studieuse  et  versée  dans  notre  histoire, 
«  dont  elle  fait  ses  principales  occupations,  nous  a  remis  un 
«  manuscrit  rempli  de  recherches  qu'elle  a  faites  sur  les 


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(  ^»3  ) 

ravironnent  ;  qu*ils  aillent  même  p(»ter  dans  les  ré- 
gions les  plus  éloignées  Tefiroi  et  Tëpouyante,  ce  n^est 
pas, après  tout,  un  prodige  bien  rare;  mais  que  des 
aventuriers  sans  nom,  sans  autorité,  et  sans  autres 
ressources  que  leurs  brigandages,  aient  pu,  pendant  un 
temps  considérable,  ravager  presque  toutes  les  parties 
de  TEurc^ ,  se  rendre  la  terreur  des  princes  les  plus 
puissans,  et  soutenir  contre  eux,  et  souvent  avec 
succès,  des  guerres  longues  et  meurtrières,  c^est  un 
pbéHomène  dont  l'histoire  ne  fournit  guère  d'exemples. 
Tel  est  pourtant  celui qu'ofire  à  nos  yeux  les  routiers, 
qui  vont  faire  la  mati^e  de  ce  Mémoire. 

Il  nous  paraît  surprenant  que  des  hommes  si  fa- 
meux, dont  l'existence  fait  une  époque  aussi  frap- 
pante dans  nos  annales,  n'aient  trouvé  jusqu'à  présent 


«Touders,  ces  brigands  si  fameux  autrefois,  dont  tout  le 
«  monde  parle  ou  a  entendu  parler,  sans  pent-étre  les  trop 
«  connaître  encore.  Cet  homme  de  lettres  a  para  désirer 
«  qu'on  déposât  ce  fruit  de  son  travail  dans  ce  journal;  nous 
«  avons  cru  qu'en  lui  accordant  cette  satisfaction ,  nous  ne 
«  déplairions  pas  au  Idoins  à  un  certain  ordre  de  lecteurs. 
«Gomme  le  Mémoire  dont  il  s'agit  est  assez  long,  nous 
«  le  partagerons  en  plusieurs  morceaux,  qui  paraîtront  suc- 
«  cessivement  et  sans  aucune  interruption.  » 

On  voit  cependant  que  le  dernier  article  s'est  fait  atten- 
dre de  juillet  à  octobre. 

Consulter  sur  ce  sujet  les  savantes  Dissertations  de  Secousse , 
recueillies  avec  les  preuves,  en  deux  vol.  in-4",  sous  le  titre 
de  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  Charles  II,  roi  de  Na^ 
i>arre..»,  surnommé  le  Mauvais.  Paris,  ijSS.     {Edit  C.  L.) 


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persoane  qui  ait  entrepris  de  nous  donner  leur  hi£h 
toire  en  particulier.  Notre  intention  n'a  point  été  ^  à 
beaucoup  près,  de  supi^er  à  ce  dé&ut.  Ce  que  nom 
pourrions  tout  au  plus  nous  pnnnettre  de  notre  tra^ 
Tail  y  serait  petit  -éire  de  &ire  naître  à  quelqu'mi  IV 
dëe  de  traiter  ce  sujet  avec  tout  Tintérét  dont  il  est 
susceptible,  et  de  lui  ëpai^er,  au  moins  ^i  pmrtie,  la 
peine  des  recherches,  en  lui  indiquant  la  plupart  des 
sources  où  il  pourrait  puiser.  Cest  dans  ce  dessein  que 
nous  avons  rapporté  scrupuleusement  les  ciutions. 

Donner  une  définitiou  juste  et  exacte  des  routiers, 
en  marquer  les  différentes  espèces,  en  fixer  Torigine, 
raf^iorter  leurs  actions  les  plus  remarquables,  et  in- 
diquer, à  peu  près,  le  tenips  où  l'Europe  eut  le  bon- 
heur d*étre  délivrée  de  ces  brigands,  tel  est,  en  deux 
mots,  le  but  que  nous  nous  proposons  ici. 

Le  nom  de  routier  est  un  nom  générique  donné  à 
plusieurs  espèces  de  brigands  qui,  sans  aucun  ordre 
ni  discipline  militsûre,  prenaient  les  armes,  formaient 
des  compagnies  sous  un  chef  qu'ils  se  donnaient  eux- 
mêmes,  et  ravageaient  la  campagne  et  tous  les  en- 
droits par  où  ils  passaient.  Du  Caflge  (i)  prétend  que 
c'étaient  pour  la  plupart  des  paysans  qui  dévastaient 
les  provinces ,  et  s'enrôlaient  de  temps  en  temps  au 
service  des  princes  (2).  Ces  sortes  de  gens  venaient 


(i)  Ghss*  de  du  Cange,  sur,  VUIehardouîn,  p.  368. 

(2)  Prœdones  ex  rusUcis  patissimhm  coUecti  ac  œnstati,  gui 
prù^incias  populabantur,  et  interdùm  miliUœ  principum  sese  arf- 
dlcebant  (  Ghss.  de  du  Cftiige,  t.  6,  p.  i544*  ) 


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(a.5) 

4e  différ^l^.  endroiu,  et  ne  se  rëunissaiem  que  pour 
ff^^  ëcJUter  toute  leur  fureur,  comme  ces  nuag^  qui 
ue  ^  ras^mblem  que  pour  lancer  avec  plus  de  vio- 
l^jce  k^  foudre  qu'ils  patent  dans  leur  sein. 

On  Je$  aj^lait  routiers j  selon  Borel  (i)  et  Fure- 
tièr^  (a), parce  qu'ils  brisaient  tout  ce  qu'ils  rencon- 
traiblit ,  et  5  selon  du  Gange  (3) ,  popce  qu'ils  labouraient 
I4  terre.  Cette  deir^ière  ëtymc^o^e  dénote  bien  leur 
^Xtr^tiou,  mais  ne  désigne  pas  leurs  ravages.  Cer- 
taim  wtçnrs  finit  dériver  le  nom  de  routier  du  mot 
iipglais  routte  (ou  rqut^^  qui,  selon  Rymer,  se  prend  in- 
^flTéremiiient  pour  trahison,  révolte,  cons[ùration  (4)9 
ejisqiyantMeursius,  si^ifieune  troupe  de  soldats  (5). 
Aussi  M.  de  Marca,  dans  son  Histoire  de  Béarn^  en 
s'attachant  au  Glossaire  de  Meursius,  dit  que  le^ 
]|^utiers  ét^ent  des  gens  de  guerre  anployés  par  les 
seigneurs,  qui  vivaient  s^ns  solde  et  discipline  mili- 
taire, pillant  et  ravageant  le  plat  pays,  et  qu'ils  avaient 
pris  leur  nom  de  l'^cienne  diction  gauloise  rupta  ou 
route j  qui  si^iâe  une  bande  et  une  compagnie  de 
soldats  (6). 

(i)  Borei,  Àotiii'  gasl-,  iii-*4<'«  jk  ioi. 

(2)  Furelière^  Dictionn.  in-f»,  t.  2,  p.  626. 

(3)  Quod  terram  aratro  pmscinderent  seu  dirumperent.  (  Gloss. 
de  du  Cange,  t  5,  p.  i543.) 

(4.)  Pro  cpdbmcumque  proditiombus,  rehelliomhus  y  routis , 
cfmqftgaÉiombus  f  canspimtionibm. 

(5)  Me^sios,  Gless-  ia-4°t  ?•  478. 

(G)Hîst.deBéam,  in-f«,  p.  5io.(iîoa/,  tfl  anglais,  signifie 
cohue  y  foule ,  attroupement,  bande.)  {Edit,  G*  L.) 


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(ai6) 

D*autres  auteurs  pensent  qu^on  nommait  ces  bri- 
gands routiers j  parce  qu^ils  abîmaient  et  ravageaient 
tout(i),  ou  parce  qvU'ûs  pillaient  les  voyageurs ,  et 
dëvastaient  les  «chemins  (;^|t  Ce  sentiment  est  con- 
tredit par  M.  dé  la  Cite.  Cet  auteur,  en  parlant  des 
Albigeois,  qui  furent  appelés  nmtierSj  parce  qu'ils 
étaient  associés  ayeo  ces  brigands,  dit  formellement, 
sur  le  rapport  de  Trithème,  qu'ils  ne  furent  pas  ain«i 
nommés  parce  qu'ils  brisai^it  et  pillaient  tout  ce 
qui  se  trouvait  sur  leur  passage,  mais  parce  qu'ik 
étaient  imis  avec  les  soldats  routiers  (3).  Par-là,  M.  de 
la  Côte,  sans  nous  donner  la  propre  signification  du 
mot  routier j  nous  fait  néanmoins  entendre  que  ce 
nom  ne  tire  pas  son  origine  des  excès  que  commet- 
taient ceux  à  qui  on  Pavait  donné. 

L'qpinion  d'Innocent  Ciron  et  de  ses  partisans  est 
aussi  combattue  par  plusieurs  auteurs  célèbres,  qiii 
disent  que  le  mot  routier  a  la  même  signification, 
quant  à  l'origine,  que  celui  de  roturier.  Jean  Be^, 
dans  la  lettre  qu'il  envoya  à  M.  Dupuy,  sur  l'ori- 
gine des  mots  roture  et  roturier,  prétend  que  du 
mot  route,  [nroprement  dit  pour  terre  rompue  et  Ja- 
bourée ,  fut  fait  routier  pour  labourem*,  et  que  les 

(i)  IrmocenL  Cyron.  Paratitia,  in  quint.  Lib.  D,  in-folio, 

p.  4^4* 

(3)  Ritjfnaidi  Annales ,  primas  iomus,  p,  196.  Ratami^no- 
men  ab  infestandis  obsidendisque  inis  ac  expUandis  ciatoribus. 
traxerant. 

(3)  Ménage,  Dict.  étymoLy  p.  637. 


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(    217    ) 

cooDipagnies  de  soldats  qtii  ottt  eu  le  nom  de  rùutîerj 
étaient  tirées  des  ccnnmunes  du  pays,  et  vrais  roturiers. 
De  là  il  conclut  que  roupie j  roupUer^  ropture  et  rop- 
turierSj  viennent  du  même  mot;  que  dans  leur  pre- 
mière origine,  ils  ne  dénotent  qu'une  même  chose; 
que  route  était  rotui\e,  routier  roturier,  et  que  ce 
n'est  que  Fusage  qui  les  a  variés ,  et  leur  a  donné 
différentes  significations  (i).  M.  Ménage  est  du  même 
sentiment.  Les  routiers,  dit  M.  de  Gyves,  avocat  du 
roi  au  pfésidial  d'Orléans,  sont  des  soldats  et  gens  de 
pied  tirés  de  la  campagne,  gens  agrestes  et  accou- 
tumés à  rompre  la  terre  (2).  Enfin,  D.  Lobineau  pré- 
tend que  les  routiers  se  nommaièm  ainsi ,  à  cause  de 
leur  mianière  de  vivre ,  qui  les  mettait  toujours:  en 
route,  pour  aller  tuer  et  piller  selon  qu'ils  étaient 
commandés  (3).  Ce  sentiment  est  aussi  celui  du  Père 
Barthélémy  Piachinat.  Les  routiers,  dit-il,  se  nom- 
maient corriers  ou  coursiers j  parce  qu'ils  couraient 
le  monde  pour  favoriser  les  entreprises  dés  héréti- 
ques, et  se  servaient  de  ce  prétexte  pour  piller  les 
églises  et  les  maisons  des  catholiques  (4)-  D-  Lobi- 
neau paraît  suivre,  dans  son  ex]:dication,le  sentiment 


(i)  Hisù  des  comtes  de  Poitou,  in-f*,  par  Jean  Beli.  Voyez 
la  fin  du  Yol. 

(2)  Ménage,  Dict  étymol,  p.  ôSg,  Suetî  terram  rwnpere, 
vndè  Ruptuaru, 

(3)  Hist.de  Bretagne,  t.  i»  p.  iSg. 

(4)  Pînchinat,  Dict  des  hérésies,  in-4%  ?•  i3a  et  43o. 


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(  ai«  ) 

de  Jean  &cimpton(f  ),  historien  smgUis,  qui  4ési§^^ 
les  rouiier$  p^r  le  mot  ruchcis,  qui,  selon  à\^ Cange, 
signifie  rue,  chemin,  vias,  platées  (9).  Néaimpi^s, 
Guillaume  Sommerez  qui  a  4anné  im  Glo^^aire  pour 
rinteUigâUce  dea  term^  extruordinsiires  qiii  se  trpu- 
Tent  dans  son  B^eueil  des  historiem  angbhj  f^t 
dârirer  le  mot  ruca  de  reuten^  ou  mptotij  ^^  m 
allemand ,  signifie  piller,  saccager,  prœdoHr  popW- 

Ces  diffëcenies  opuions  sur  rëtymoiogie  du  mot 
routier,  peuy^it  se  réduire  à  quatre.  Les  uns  dis^t 
que  les  routier»  étaient  des  paysans  ou  rotupejr^,  ^ 
qu^ils  se  nommaient  ainsi,  parce  qu'ils  ayaient  labouré 
la  terre.  Ijqs  autres  assurent  qu'oJi  leur  ayfùt  dc^oné  ç^ 
BCMn ,  parce  qu'ils  ravageaient  tcwut  ce  qu'ils  rençMir. 
traient*  Ceux-ci  fcwit  dériver  le  mot  routier  de  r^ça^ 
qui  signi&  rue,  et  prétendent  que  les  revers  n'a- 
vaient eu  ce  nom  que  parce  qu'ils  étaient  toujours,  m 
rottte  et  sar  les  chemins,  pour  massacrer  et  piller* 
Ceux-l^  ^ifin  font  venir  le  mot  routier  de.  mtta,  qui 
désigne  une  troc^  de  soldats  qui  se  liguent  (4)*  Ce 
dernier  sentiment  est  celui  de  Gérard  Yossius  (5),  de 


(1)  Recueil  des  JUst  angl.,  t.  1,  p.  1268. 

(2)  Du  Gange,  Ghss.,  t.  6,  p.  i532. 

(3)  Gloss.  de  Somineré,  t.  2  du  Recueil  des  Jdst  angl. 

(4)  Gloss.  de  du  Gange,  t.  5,  p.  i64o.— Galepiu,  Dicty  t.  2^ 
p.  497- 

(5)  Vassitts,  in-4®î  ^^  Fitiis  sernionis,  lib.  2,  p.  267  et  268. 


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(  ^J9  ) 
Gesarius,  de  PTiceias,  et  d'autrps  auteur^:  c'est  au^i,  à 
ce  qu'il  parsdtt,  çehii  de  M.  Ihiniay  (i). 

Comme  ces  opinions  sont  appuyé^  sur  des  preuToa 
qui  ne  spnt  pas  sans  fondemen);^  nous  croyons  qu'il 
est  permis  d'être  indifférent  sur  le  qboi^f  cependant- 
la  dernière  nous  paraît  la  plm  naturelle ,  et  mîeu^ 
repadre  la  propre  siguific^tioU  <lu  mot  rouUeir*  Cai? 
dans  cette  opinipu  on  expriuie  directement  les  0:^^  . 
de  ces  brigands ,  qui  ëtaientde^  Ugueur^qul  n^psspb 
craient  et  pillaieiit  ce  qu'ils  trouvaient  9ur  leur  pas^ 
sage,  et  Ift  dë%itiou  qu'on  neu^  en  donne  convient 
en  niémetemf^  ^  toute  espèce  4e  routiers,  qui,  quoi- 
que pour  la  plupart  paysans,  et  par  consi^ueut  rott^ 
riers,  ne  l'étaient  pas  tQu^,  jnai$  ét^eut  tpu$  des  soldats 
factieux  et  ^es  brigands.  jLa  première  n'ap^  cet  av^-^ 
tage;  car  non  seulement  elle  ne  nous  fait  pas  con^ 
naître  les  routiers  par  les  brigandage^  qu'ils  exerçfiûent , 
mais  l'explicaticm  qu'elle  nous  en  donne  no  peuts'^ç)* 
pliquer  à  toutes  les  espèce^  d^.routiers,  puisK|u'il  y  en 
av^t  beaucoup  parmi  eujç  qui  n'^t^ient  pas  payssin^ , 
mais  de  sin^pl^s  soldats,, qui,  faute  de  s^de,  quittaient 
le  service  des  prinpes  pour  s'abandonner  au  pill?^^ 
La  sieconde  opinion  nous  laii^  à  la  vérité,  d|q^s  Xesr 
prit,  une  idée  ju§te  des  excès  qu^  conxmettaieilt  les 
routiers;  mais  la  manière  dont  elle  en  explique  le 
nom,  loin  de  la  distinguer  de  la  {Mremière,  semble, 

(i)  Dumay,  Noiœ  in  epistoias  Irmoœntii  terdi,  p.  238,  à 
rotâ  oeteri  Qocabuio  cujus  nominepars  eooerdtâs  intelligebaiur,  jRo- 
tarlos  dicimus. 


Digitfzed  by  VjOOQ  IC 


(   230   ) 

quant  aux  termes ,  Tunir  avec  elle,  et  prescpie  l'iden- 
tifier. La  troisième  paraît  confondre  nos  brigands  avec 
ces  voyageurs  qui  connaissent  les  chemins ,  et  qm  y 
pour  cette  raison ,  sont  appelés  routiers.  Mais  on  dira 
peut-être  que  dans  notre  opinion  la  définition  que 
nous  y  donnons  du  nom  routier^  est  si  vague,  qu*elle 
les  confond  avec  tous  les  brigands.  A  cela  nous  ré- 
.  pondons  que  nous  ne  les  appelons  pas  routiers^  pré- 
cisément parce  qu'ils  étaient  des  brigands,  mais  parce 
que  c'étaient  des  soldats  qui  s'attroupaient  pour  Sac- 
cager tout  ce  qu'ils  rencontraient.  Par-lk,  nous  les 
distinguons  des  autres  fectieux  qui  n'avaient  pas  été 
dans  les  troupes. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  il  est  certsdn  qu'il  y  eut  diffé- 
rentes espèces  de  routiers  qui  eurent  plusieurs  sur* 
noms.  Les  uns  se  nommaient  cotterauXj  les  autres 
brabançons j  ceux-ci  les  compc^iesj  ceux-là  les 
tard- ^enus.  Tues  cotteraux,  vulgairement  nommés 
routiers  (i),  se  louaient  à  tous  ceux  qui  avaient  be- 
soin d'eux  pour  se  venger  de  leurs  etmemis,  et  rava- 
geaient eux-niémes  le  pays.  On  les  appelait  cotte- 
rauXj  parce  que,  pour  saccager  les  maisons,  ils 
marchaient  la  nuit,  armés  de  grands  couteaux  que  les 
Toulousains  nommaient  vulgairement  cotterels  (2). 
C'étaient,  dit  Borel,  des  paysans  assemblés  et  armés 
de  bâtmis  ferrés  et  de  cotterets,  d'où  letup  fut  donné 

(i)  Chroniques  d'Abérîc  des  Trois-Fontaines,  sons  l'an- 
née 1 185.  CoUerelU  quI^  dkuntur  ruptuam. 

(2)  Hist.  de  Béarn,  de  M.  de  Marca,  liv.  6,  ch.  i4»  P-  5n* 


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(    221    ) 

ce  nom  (i).  Suivant  le  Père  Pinchinat  (2)  et  M.  le 
Carpentierl[3),  les  ootteraux  furent  nommés  ainsi  du 
mot  cotteriej  qui  signifie  assemblage,  parce  quHls^ 
réunissaient  pour  exerçai  leurs  brig^dages. 

Les  cotteraux  étaient  la  plupart  fantassins  ^  et  les 
routiers  cavaliers  (4).  C'est  ce  qui  fait  dire  à  Gérard 
Yossius,  que  ruptuarius  vient  de  reuter,  qui,  selon 
les  Allemands  et  les  Flamands ,  signifie  cas^aUer  (5). 
Les  Brabançons  étaient  destroiq>es  sorties  duBrabant 
pour  se  joindre  aux  routiers,  et  ne  former  qu'un  corps 
avec  eux.  Les  compagnies  (6)  étaient  des  soldats 
qui,  voyant  qu'ils  étaient  mal  payés,  s'atlroupaieni» 
sous  un  (Ak'^f  nommé  Armuild  de  Cervolej  dit  Varchi- 
prétrej  homme  distingué  par  sa  naissance  (7).  On  les 
appela  d'abord,  selon  Yalsingham,  gens  sans  chef; 
mais  peu  après ,  ils  en  élurent  plusieurs  dont  la  plu- 
part étaient  Anglais  (8);  les  compagnies  prirent  aussi 
le  nom  de  compagnies  blanches.  Ce  fiit  Cervole 
qui  rassembla  ces  troupes  licenciées,  qui  ne  pouvaient 
rester  dans  l'inaction ,  et  en  forma  lui-même  un  corps 


(i)  Andq.  gaul,,  p.  112. 

(2)  Pinchinat,  Dict  des  Iiérésies,  in-4^,  p.  i32. 

(3)  Jean  le  Carpentier,  Hist  de  Cambrai,  in -4^,  t.  2, 
p.  43i. 

(4)  Abrégé  chronol  de  Mézerai,  in-12,  t.  3,  p.  85. 

(5)  Gérard  Yossius,  de  Vitlis  sermoms,  lib.  2,  p.  168. 

(6)  Froissard^t  i,  p.  2o5. 

(7)  Balnze,  Hist  des  papes  d'Açignon,  notes,  t.  i,  p.  946* 

(8)  Hist.  anglf  p.  178  et  522. 


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(    222    ) 

à  qui  on  donna  .ce  nom  (i).  Les  tard -venus  étaient 
une  espèce  de  routiers  qui,  selon  Mëzerai,  aimaient 
à  être  nommés  ainsi ,  parce  que,  disaient-ils^  ceux  qili 
les  avaient  précédés ,  avaient  mois^Uné  la  France, 
€t  qu'ib  ne  feraient  plus  que  la  glaner  (2).  Les  routiers 
eurent  encore  plusieurs  noms  ou  surnoms  qu^il  serait 
trop  long  de  rapp(»*ter  ici.  Comme  ils  venaient  de 
diflférens  pays,  le  nomi  de  la  nation  où  ils  avaient  pris 
naissance  était  ordinairement  celui  qui  leur  était 
donné. 

Quant  à  leur  origine ,  les  uns  en  fixent  Fépoque 
dans  Tonzième  siècle,  les  autres  dans  le  douzième.  Ils 
ravageaient,  dit  du  Gange  (3),  les  provinces  Vers  l'on- 
zième siècle.  Du  temps  de  saint  Fulcran,  évéqué  de 
Lodève,  qui  vivait  dans  le  même  siècle,  les  routiers 
exerçaient  leurs  bri^ndages,  et  ils  s'emparèrent  du 
château  de  Gibret  pour  s'y  retrancher  et  y  conserver 
leur  butiti.  C'est  ce  que  nous  rapporte  Bernard  Gui- 
don, daris  la  Vie  de  saint  Fulcran  (4)*  Baillet  néan- 
moins, dans  laYie  du  même  saint,  ne  fait  aucune 
mention  de  ces  routiers  dont  parle  Bernard  Guidon. 
D.Vaissette  parle,  à  la  vérité,  du  château  de  Gibret, 


(t)  Baluze^  Histoire  des  papes  d'Aoignon,  notes,  U  i, 
p.  947. 

(2)  Mézerai,  Hist  de  France,  în-P>,  t  i,  p.  846. 

(3)  Gloss>  de  duCaDge,  t  5,  p*  i544* 

(4)  Acta  sanctorum,  Feèruarii,  t  â,  p.  716.  Quidam  rup- 
tuarii  miUtes  i^  rapinam  rerum  pessimè  inhianies  inbrà  foriem 
mumtionem  ejusdem  castri  chm  rapiâ  prœdà  se  receperunU 


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(  "3  ) 

mais  il  ne  dësigiie  pas  sous  le  nom  de  sùldats  rou* 
tiers  \es  brigands  qui  s*én  emparèi%in(i). 

En  1160,  ajoute  Mëzerai,  la  maudite  engeanee 
des  routiers  et  des  cotteraux  con^nença  à  se  faire 
connaître  par  ses  cruautés  et  ses  brigandages  (2).  Le 
concile  de  Làtran,  tenu  en  117g,  lés  excommunia , 
défendit  de  les  inhumer  en  terre  sainte,  exhorta  les 
<^dioliques  de  se  saisir  de  leurs  biens ,  et  accorda  des 
indulgences  à  ceux  qui  prendraient  les  armes  pour 
les  exterminer (3).  En  i:îoa,  Jean  saûs  Terre  Tint,  h 
la  tété  d'une  multitude  innombrable  de  cotteraux, 
pour  suiprendre  Artur,  qui  assiégeait  le  château  de 
Mirebeau  (4).  Le  légat  du  concile  de  Monteil  (5), 
«ônu  en  1209,  ordonna  au  ccmtte  de  Toulouse  de  hé 
{dus  employer  à  son  Service  ses  Inrigands  diffamés 
sous  les  noms  de  routiers  et  de  cotteraux.  En  I3!2i8, 
saint  Louis  donna  un  édit  en  faveur  des  églises  et 
contre  les  hérédiques  du  Languedoc,  par  lequel  il  or- 
donna que  les  routiers  seraient  chassés  de  cette  pro* 
vinoe^  afin  que  leut  absence  procurât  une  paix  per* 
pétuelle  que  chacun  aurait  soin  dç  conserver  (6). 

De  là,  il  paraît  qu'on  ne  peut  fix^  l'origine  des 
routiers  que  dans  le  douzième  siècle,  et  que  ce  n'est 


(i)  Hist  de  Languedoc^  t.  3,  p.  i4-3.  , 

(a)  Mëzerai,  Abrégé  chronol  y  in- 12,  t.  3,  p.  85. 

(3)  Ibi(Lf  p.  174. 

(4)  HisU  de  Bretagne  deB.  Lobîneau,  t  2,  preuves  SSj. 

(5)  Hist  de  VEgUse gallicane 9  t.  10,  p.  332. 

(6)  Orêonn*  des  rois,  de  Secousise,  t.  i,  p.  5f. 


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("4) 

que  dans  ce  temps  qu^ils  commencèrent  à  être  connus 
sous  ce  ncHn.  Car,  quoique  du  Gange  les  fasse  remonter 
jusque  dans  l'onzième  âède,  il  n'appuie  son  senti- 
ment que  sur  ce  que  nous  rapports  Bernard  Guidon, 
dans  laYie  de  saint  Fulcran,  tandis  que  tous  les  autres 
auteurs  qu'il  cite  pour  confirmer  la  dëfinitiœi  qu'il 
donne  de  ces  brigands,  n'en  parlent,  selon  lui,  que 
dans  le  douzième  ou  le  treizième  siècle  (i).  De  plus, 
nous  ne  voyons  dans  les  hist(n*iens  les  plus  connus, 
aucune  mention  des  routiers  dans  l'onzième. 

La  première  ordonnance  qui  fut  donnée  contre  ces 
brigands,  fut  celle  de  saint  Louis^  en  1228.  L'histo- 
rien de  Languedoc,  en  parlant  de  ces  brigands,  qui 
vivaient  du  temps  de  ^nt  Fulcran ,  ne  les  désigne 
pas  sous  le  nom  de  routiers,  et  M ëzem  n'hésite  point 
à  placer  leur  cnrigine  en  11 60.  Or,  s'ils  eussent  com- 
mencé à  exercer  leurs  brigandages  dans  l'onzième  siè- 
cle, et  eussent  été  connus  dans  ce  temp-là,  comment 
celte  connaissance  aurait-elle  pu  échapper  à  nos  his- 
toriens ,  surtout  à  ceux  qui  nous  ont  parlé  si  souvent  de 
ces  brigands  ?  Pourquoi  les  rois ,  si  exacts  à  former  (sic) 
des  (Mrdonnances  contre  eux,  pour  réprimer  leurs  dé- 
sordres, auraient-ils  été  si  long-temps  sans  en  donner? 
G)mment  Mézerai,  auteur  fidèle  et  exact  dans  ses 
recherches,  aurait  -  il  pu  assurer  que  les  routiers  ont 
coBûEmencé  à  exercer  leurs  brigandages  dans  le  dou- 
zième siècle?  Pourquoi  enfin  don  Yaisseite,  à  qui  le 
nom  de  routier  n'était  pas  certainement  inconnu, 

(i)  Gloss.  de  du  Caoge,  t.  5,  p.  i544i  ^^  mot  Bx^taru. 


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(    225    ) 

puiflqu''il  s^est  applique  en  quelque  » 
les  ûâts,  aurait-il  oublié  d'appelei 
lërats  dont  il  fait  mention  dans  la 
cran  ?  Il  est  donc  hors  de  doute  qu'il  n*y  eut  des 
routiers  que  dans  le  douzième  siècle,  et  qu'ils  com- 
mencèrent alors  à  exercer  leurs  brigandages;  mais 
tous  les  brigands  connus  sous  ce  nom  ne  parurent 
pas  en  même  temps.  Les  cotteraux  et  les  Brabançons 
se  signalèrent  les  premiers,  frayèrent  la  route «^tux 
autres,  et  ce  ne  fut  que  dans  le  quatorzième  siècle 
que  les  compagnies  et  les  tard -venus  commencèrent 
à  déployer  leur  fureur,  les  unes  en  i356,  les   autres 
en  i358- 

Différentes  expéditions  des  premiers  Routiers. 

î^ous  allons  actuellement  examiner  les  actions  que 
firent  les  premiers  routiers,  noys  arrêtant  seulement 
à  celles  qui  nous  paraîtront  les  plus  frappantes.  On 
sait  que  Henri  second,  roi  d'Angleterre,  essuya  bien 
des  disgrâces,  surtout  sur  les  dernières  années  de  son 
règne  ;  le  flambeau  de  la  discorde  et  de  la  division 
était  allumé  dans  toutes  les  provinces  de  sa  monar- 
chie, et  tous  ses  sujets  semblaient  avoir  conspiré  sa 
perte;  sa  femme  et  ses  enfans  se  révoltèrent  contre 
lui.  Le  roi  de  France  appuyait  cette  révolte,  et  levait 
des  troupes  pour  soutenir  le  jeune  Henri  dans  les 
entreprises  qu'il  formait  contre  son  père.  Henri  se- 
cond se  voyant  ainsi  attaqué  par  ses  propres  enfans, 
et  ne  trouvant  aucune  ressource  dans  ses  sujets,  fut 
l.  9«  Liv.  i5 


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(    226    ) 

loyer  à  son  service  des  troupes  étran-* 

s  Brabançons.  Cei 
de  routiers,  gagna  d^abord  un< 
Bretons  y  et  CQtte  défaite  les  ren 
qu'ils  deraient  à  leur  prince.  Lu 
aussi  lever  le  siëge  de  Rouen ,  < 
de  France  et  les  jeunes  princes  anglais  (i);  ils  taillè- 
rent en  pièces  une  grande  partie  des  ennonis,  batti- 
rent^^le  comte  de  Leycestre ,  et  le  firent  prisonnier  (2). 
Ces  soldats   mercenaires,  qui,  selon  M.  de  Larrey, 
n'étaient  pas  des  troupe»  sûres,  parurent  cependant 
assez  modérés  dans  cette  guerre.  Mais  ils  surent  bien, 
dans  des  occasions  plus  favorables,  se  dédommager  de 
la  modération  qu'ils  avaient  gardée  dans   celle  -  ci. 
Quelque  temps  après,  ils  s'associèrent  avec  les  héré- 
tiques de  leur  siècle,  non  pas  tant  pour  appuyer 
leurs  hérésies  que  pour  avoir  un  moyen  plus  fecile 
de  piller  les  clercs  et^  de  saccager  les  églises  (3).  On 
eût  Mit,  remarque  M.  de  Marca,  qu'ils  eussent  été  des 
païens  par  les  cruautés  qu'ils  exerçaient  sur  les  chré- 
tiens. Ils  pillaient,  ruinaient  tout  ce  qu'ils  rencon- 
traient, n'épargnaient  ni  les  veuves,  ni  lespupîles, 
ni  les  églises,  ni  les  monastères  (4). 

Le  Languedoc  et  la  Gascogne  lurent  le  tbéWe  où 


(i)  RapinThoiras  ,  HisU  d'Angiet.,  t.  a,  p.  i85  et  sui?. 
-  Larrey,  Hist  d'Angiet,  in-f«,  t.  i,  p.  389  et  suîv. 
(a)  Matthieu  Paris,  Histangl.,  t.  i,  p.  lag. 
(3)  Mëzerai,  Abrégé  chronoL,  în-is,  t.  3,  p.  374* 
{^)  Hist  de  Béant  y  p.  5 10. 


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(  3^7  ) 
ils  ccxniBencerent  leurs  premiers  excès.  Comme  les 
guerres  étaient  commmies  dans  ces  provinces,  et  que 
souvent  elles  se  faisaient  sans  ordre  et  sans  sujet , 
outre  les  soldats  que  fournissait  Je  pays  et  les  voleurs 
qui  s'attroupaient  d'eux-mêmes,  on  employait  ordi- 
nairement ces  sortes  d'aventuriers.  On  ne  smirait  se 
représenter  les  excès  où  les  portèrent  leur  cupidité 
et  leur  I>arbarie.  Les  temples  ne  furent  pas  à  Tabri  de 
leurs  violences,  ni  un  refuge  assuri|K)ur  les  ministres 
du  Seigneur.  Etant  entrés  dans  l'église  cathédrale  d'O- 
leron,  ils  coupèrent  la  corde  qui  tenait  su^ndu  le 
saint  ciboire,  et  renversèrent  les  saintes  hosties  qui  y 
étaient  renfermées.  Un  d'entre  eux,  plus  im{Me  que 
les  autres ,  pour  insulter  le  clergé  et  tourner  en  dérision 
les  cérémonies  de  l'église ,  se  revêtit  des  omemens 
pontificaux,  voulant  représenter  l'évêque  pendant 
qu'il  eélèl»:^  les  saints  Mystères.  On  dit  même  qu'il 
fît  une  espèce  d'exhoi^tion  aux  routiers,  qui  applau- 
dissaient à  cet  in&me  sacril^e,et  qu'il  reçut  leurs 
offrandes.  Ensuite ,  pour  amsommer  son  impiété  et 
signaler  sa  fureur,  il  osa  porter  ses  mains  sur  les  clercs , 
n'ayant  aucun  ^ard  au  serment  qu'il  avait  fait  de  ne 
leur  fitire  aucun  mal(i);  mais  les  routiers  étaient 
accoutumés  à  manquer  à  leur  parole.  Nous  en  avons 
un  exemple  bien  frappant  dans  la  mort  tragique  de 
Baudouin ,  frère  de  Raymond ,  comte  de  Toulouse. 
Malgré  les  lois  de  l'amitié  et  de  l'hospialitë ,  qui 
semblaient  lui  promettre  un  asiie  assuré  dans  le  châ- 

(i)  Annal  dcRaynauld,  t.  i,  p.  343,  à  l'année  i2i3. 


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(    228    ) 

teau  de  TOlme ,  il  y  fut  surpris  dans  son  Ut  par  une 
troupe  de  routiers  ^  conduits  par  Ratier  de  Castél  et  le 
seigneur  de  TOlme ,  où  il  s*ëtait  retiré.  Ces  brigands 
se  yoyant  maîtres  de  ce  prince,  lui  demandèrent  la 
tour  de  son  château,  où  il  y  avait  une  garnison  fran- 
çaise. Baudouin  y  loin  d^acquiescer  à  leur  demande, 
fit  défense  à  la  garnison  de  se  rendre.  Pour  se  venger 
de  ce  refus,  les  routiers  le  firent  jeûner  pendant  deux 
jours.  La  gamisoci^^ependant  se  rendit  à  eux,  à  con- 
dition qu^ils  lui  accorderaient  la  vie ,  ce  qu'ils  lui 
promirent;  mais  par  une  perfidie  abominable, à  peine 
en  furent -ils  les  maîtres,  qu'ils  firent  pendre  tous 
ceux  qui  la  composaient.  Ils  emmenèrent  ensuite  Bau- 
douin à  Montauban,  où  ils  le  tinrent  enfermé  dans 
xme  étroite  prison ,  jusqu'à  l'arrivée  du  comte  de  Tou- 
louse, qui  le  condamna  à  perdre  la  vie.  Ce  jugement 
barbare  fut  exécuté  par  le  comte  de  Foix,  par  soïi 
fils  Roger  Bernard,  et  par  Bernard  de  Porelles,  qui 
se  saisirent  de  ce  prince,  et  eurent  la  cruauté  de 4e 
pendre  à  un  noyer  (i).  C'est  ainsi  que  les  routiers 
joignirent  la  mauvaise  foi  à  la  barbarie;  mais  que 
devait- on  attendre  de  gens  sans  honneur,  sans  reli- 
gion ,  et  que  les  plus  grands  prodiges  ne  purent  pas 
même  arrêter  dans  leurs  désordres  ! 

Etant  entré,  nous  dit  Matthieu  Paris  (a),  dans  l'é- 
glise du  bienheureux  Amphibale,  où  Dieu  faisait 
éclater  sa  puissance  par  un  nombre  infini  de  miracles, 

{îy  Hist.de  ÏMnguedoc  de  D.  VaisseUe,  t.  3,  p.  258. 
(2)  JBf4^..  a]tigL , .  t  ^ ,  P-  >94- 


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(   239  )      ' 

ils  dépouillèrent  les  moines /prirent  les  reliques  qui 
ââient  sur  Fautel ,  et  les  {»rofànèrent.Uh  (f  entre  eux , 
si  nous  en  croyons  l'historien,  cacha  dans  son  sein, 
à  Tinsu  de  ses  con^agncms ,  une  croix  d'or  et  d'ar- 
gent dans  laquelle  ëtait  renfermée  une  portion  de  la 
n'aie  croix;  ce  sacrilège  ne  demeura  pas  impuni.  Le 
démon  se  saisit  à  l'instant  du  profanateur,  et  lui  causa 
de  telles  agitations,  qu'il  voulait  immoler  à  sa  fureur 
t(His  ceux  qui  l'environnaient.  Ce  que  voyant  ses  ca- 
marades,  ils  le  conduisent  dans  une  autre  église,  à 
dessein  de  la  ravager;  mais  ils  n'y  furent  pas  plutôt 
arrivés  ;  qu'un  prêtre,  vêtu  de  blanc,  se  présenta  à 
eux  pour  s'opposer  à  leur  profanation.  Ce  spectacle 
les  interdit,  et  les  surprit  au  point  qu'ils  ne  firent 
aucun  dégât  dans  cette  église*  A  l'instant,  on  vit  sortir 
du  sein  du  routier  la  croix  qu'il  y  avait  cachée.  Le 
prêtre  la  ramassa,  Téleva  en  l'air,  et  s'informa  de 
toutes  les  circonstances  du  crime  que  ces  brigands 
venaient  de  commettre. 

Tels  étaient  les  excès  des  {nremiers  routiers,  sur- 
tout des  cotteraux.  Us  dépouillaient,  dit  saint  Anto- 
nin  (i),  les  églises,  enlevaient  les  vases  sacrés,  fpu- 
laient  aux  pieds  le  corps  de  Jésus- Christ,  donnaient 
à  leurs  concubines  les  corporaux  pour  s'en  faire  des 
voiles^  emportaient  les  calices,  les  Incisaient  avec  des 
n^arteaux  ou  des  pierres,  et  les  partageaient  en  mille 
pièces.  Nous  ne  donnons  ici  qu'un  léger  détail  de 
leurs  désordres.  Conune  les  princes  les  incorporaient 

(O  Saînt-Antonîn,  Hist  ecclés»,  t.  2,  p.  769. 


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(a3o) 

dans  leurs  iroi^>eSy  pour  les  aider  dans  leurs  expëâi- 
lions  mililaires,  les  historiens  ont  ctmîondxxy  à  ee 
qu^il  parait^  leurs  actions  avec  celles  des  soldats  des 
souverains  au  serviœ  desquels  ils  s'étaient  attaches. 
Cest  ce  qui  fit  que  les  Brabançons  et  les  coiteraux 
cessèrent  de  nous  être  connus  sous  le  nom  de  routiers. 
Ils  furent  cependant  assez  long-t^Dips  connus  sous  ce 
nom,  s'il  en  faut  croire MatthieuParis. Car,  en  laJo^ 
cet  historien  rapporte  qu'un  certain  Olivier  de  Termes 
përit  dans  les  croisades  avec  une  troupe  de  routi^s  (i). 
Ce  fait  néanmoins  ne  se  trouve  point  dans  les  auteurs 
qui  nous  ont  donné  Y  Histoire  des  Croisades  j  et  nous 
n'en  voyons  aucune  mention  dans  Larrey  ni  dans 
Rapin  Thoyras. 

De  plus,  on  sait  (a)  qu'en  il  83,  Philippe  Auguste 
en  défit  un  grand  nombre.  Sur  la  plainte  que  lui  fi- 
rent les  habitans  duBerri,  des  ravages  qu'ils  com-< 
mettaient,  il  envoya  une  année  qui  en  tailla  en  pièces 
une  grande  partie.  La  noblesse  du  Berri.fit  une  ligue 
contre  eux,  aj^lée  la  ligue  des  pa€ifiques.\aL  no- 
blesse d'Auvergne  se  réunit  aussi  pour  délivrer  le 
pays  de  ces  monstres.  Elle  en  tua  jusqu'à  trois  mille: 
ces  sortes  d'exécuticms  les  réduisirent  à  un  petit  nona- 
bre,  et  Içs  dissipèrent  (3). 

Cette  (^faiie  des  routiers,  qui  ne  fut  pas  néanmoins 

(i)  Matthieu  Paris,  Hist  angi.,  t.  2,  p.  795. 

(2)  Daniel,  Hist.  de  Frante,  t.  i,  p.  128.  —  Hist.  ecciés.  de 
Saiiit-Ântonin,  t.  a,  p«  ySg. 

(3)  Saint- Antonin,  Hist  ecciés.,  t.  a,  p.  jSg. 


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(  ^3,  ) 

^nérale,  semblait  annoncer  à  FEurope  qu'elle  aUait 
entièrement  être  dëlivrëe  de  cette  pe$te  qui  Tinfectait 
depob  Iong-temp9  et  désolait  ses  provinces;  mais  elle 
était  destinée  à  éprouver  de  plus  grands  malheurs.  Ce 
qu'elle  avait  enduré  jusqu^alors  n'était  que  le  pré^ 
lude  des  maux  qu'elle  devait  encore  souffirir.En  eOei, 
dans  le  quatorzième  siècle  elle  eut  à  combattre  d'au« 
très  brigai^b  pour  le  moins  aussi  terribles  que  les 
premiers.^nPprison  du  roi  Jean ,  l'esprit  de  revente 
que  8oi]^aient  partout  les  émissaires  du  roi  de  Na- 
varre^ et  l'épuisement  des  peuples ,  donnèrent  naissance 
à  une  nouvelle  troupe  de  &ctieux.  connus  sous  le 
nom  de Cfmtpagnies.Gétaient  des  soldats  qui^  voyant 
qu'ils  n'éuient  plus  payés,  se  débandèrent  et  rava- 
gèrent, sous  différens  che&,  la  France  et  snrftut  le  * 
Languedoc.  On  leur  dcmna  aussi  le  nom  de  routiers j 
quoiqu'ils  ne  fussent  pas  de  la  faaion  de  ceux  dont 
nous  v^Qons  de  parler,  parce  mi'ils  exei*caient  les 
mêmes  brigandages;  car  il  n'est  fas  vraisemblable  que 
la  £ietio9i  qui  commença  en  i  i5o  à  se  iâfre  redouter, 
ait  pu  subsister  sans  interruption  jusque  daifô  le  qua- 
tm'zième  siècle.  Des  hommes  rassembla  de  différentes 
nations,  qui  ne  sont  attadiés  à  aucune ,  dispersés  de 
côtés  et  d'autres,  souvent  divisés  d'intârét,  harcelés 
par  des  guerres  continuelles,  et  nullement  assujettis 
aux  lois,  peuvent-ils  former  un  corps  fixe,  permanent 
et  inaccessible  aux  révolutions  des  temps?  Une  telle 
faction  ne  doit-elle  pas  se  détruire  par  elle-même,  et 
éprouver  le  sort  de  tous  les  brigands,  qui  se  dissipent 
après  ajFoir  salisfait  leur  cupidité  et  épuisé  leur  fureur? 


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(a3a) 

Qum  qu^il  en  soit,  il  est  certain  que  les  compagnies 
firent  beaucoup  de  tort  aux  provinces  où  elles  se  rë- 
pandirent.  On  peut  juger  de  leurs  excès  par  la  lettre 
d^Innocent  yi  au  roi  de  France.  Pïous  a{^renons  avec 
douleur,  s'écrie-t-il,  qu*il  y  a  dans  nos  Etats  des  bri- 
gands qui  corrcHiq>ent  les  vierges,  enlèvent  les  fënunes 
à  leurs  maris,  pour  satisfaire  leur  brutalité;  fimt  vio- 
lence aux  veuves,  violent  les  religieu^.  saccagent 
les  églises  et  les  mcmastères,  dépouilleiflls  clercs  de 
leurs  biens,  font  souffinr  aux  chrétiens  des  tourmens 
inouis,  o|4igent  les  mères  d'abandonner  leurs  enfans 
à  leur  aruauté  «pour  sauver  leur  vie,  et  les  enfans 
d'abandonner  leurs  parens  pour  se  soustraire  à  leur 
iureur(i)! 

D'Aord,  les  compagnies  vinrent  en  Provence,  y 
prirent  plusieurs  villes  et  châteaux,  et  ravagèrent  tout 
le  pays  jusques  à  Avignon  (3).  Le  pape  Innocent  VI, 
qui  y  Êdsait  alors  son  séjour,  fîit  épouvanté ,  et  quelque 
assurance  que  lui  4onna  Cervole  de  rejeter  ses 
terres,  il  fît  lever  des  troupes  et  tracer  des  fortifica^ 
tiens,  ne  croyant  pas  devoir  se  fier  à  un  honune  sans 
foi  et  sans  probité.  Ces  sages  précautions  n'empêchè- 
rent pas  les  routiers  de  prendre  plusieurs  châteaux 
.  et  d'exercer  leurs  brigandages.  Le  pape ,  craignant  dès 
suites  plus  fâcheuses,  fit  venir.  Cervole  à  Avignon 


(i)  Annales  de  Raynauld,  t.  7,  p.  25  et  a6. 

(a)  Froissart,  t.  i,  p^  2o5.  —  Gaufrîdy,  Hîst  de  Prooence^ 
t.  I,  p.  223. —  Dom  Vaissetle,  Histoire  de  Languedoc,  t.  4  > 
p.  29a. 


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(  233  )  ^ 

pour  traiter  avec  lui.  11  lui  fit  très-bon  accueil,  aussi 
bien  qu*à  ses  gens.  Il  lui  pardonna  ses  crimes;  et  pour 
l'engager  à  se  retirer,  il  se  vit  obligé  de  lui  faire  li- 
vrer quarante  mille  ëcus.  Froissait  raj^rte  que  Cer- 
vole  dîna  avec  le  pape  et  les  cardinaux  (i). 

On  peut  dire  en  général ,  que  tant  que  les  papes 
siégèrent  à  Avignon,  les  routiers  leur  firent  beaucoup 
de  tort  dans  le  Comtat-Venaissin,  et  surtout  dans 
ritali  (s).  C'est  ce  qui  obligea  les  Florentins  de  se 
réunir  sous  Malatesta  (3) ,  pour  les  chassepr  et  les  forcer 
de  se  retirer  en  Lombardie.  Les  mêmes  motifs  enga- 
gèrent les  princes  d'Italie  à  s'allier  ensemble  pour 
éloigner  de  leurs  provinces  ces  brigands  qui  les  dé- 
solaient continuellenaent  (4);  et  le  légat  se  vit  obligé 
de  poursuivre  avec  vigueur  cette  année  de  factieux, 
commandée  alors  par  le  comte  de  Landon  (5).  Mais 
Cervole  ne  se  contenta  pa3  d'avoir  rançonné  le  pape, 
il  passa  en  Bourgogne ,  où  il  continua  les  mêmes  bri- 
gandages :  il  rentra  ensuite  en  Provence,  où  il  assiégea 
la  ville  d'Aix;  mais  il  en  fut  bientôt  repoussé  par 
Jean  Simeonis,  jurisconsulte  de  Vence,  et  ses  troupes 


(i)  Froissait,  t.  i,  p.  ao5. 

(2)  Muratori,  t.  i4i  aux  Annales  de  Césène',  p.  ii8a 
et  ii83. 

(3)  Malatesta,  seigneur  de  Rimini,  qui  défit  ce  fameux 
Antonio  Ordelaffi,  seigneur  de  Forli,  dont  on  voit  la  gé- 
néalogie dans  Chazot,  t.  2,  p.  546. 

(4)  Annales  àe  Raynauld,  t.  7,  p.  11 3. 

(5)  Matthieu  Villani,  Hi^t  de  Florence,  lir.  6,  ch,  46  et  56, 


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(a34) 

furent  battues  en  différentes  rencontres.  La  Provence 
ne  fîit  pas  pour  cela  délivrée  des  rootiers^  :  quel({tie 
temps  après,  il  en  vint  une  nouvelle  trot^  dans  les 
terres  de  Marseille,  qui  se  firent  appeler  tuchinSj 
c'est-à-dire  coquins  ou  rebelles  (i);  mais  ils  n^  firent 
pas  un  grand  dégât,  ni  même  un  long  séjour;  car 
les  Marseillais  abattir^it  leurs  pr(^)re$  maisons  pour 
empéoher  qu'ils  ne  s'y  fortifiassent  avec  ceux  qui 
viendraient  à  leur  secours ,  et  par  ce  stratag^ne ,  la 
Provence  se  trouva  débarrassée  de  ces  factieux  (2). 

On  peut  dire  à  la  louange  des  Provençaux ,  que 
dans  les  guerres  qu'ils  eurent  à  soutenir  contre  les 
routiers,  ils  joignirent  au  courage  la  prudence  et  la 
politique;  ce  qui  ne  put  cependant  les  mettre  à  l'abri 
de  leurs  incursions  et  de  leurs  ravages.  Le  Berri 
éprouva  le  même  sort.  En  iSSg,  Cervole  y  entra  à 
la  tête  de  trois  mille  combattans,  dévasta  le  pays,  et 
prit  tout  ce  qu'il  trouva  sur  son  chemin  ;  il  porta  en- 
suite ses  pas  vers  l'Auvergne  :  mais  la  noblesse  de  ce 
pays  le  voyant  aux  portes  de  la  province,  rassembla 
des  troupes  pour  s'o[^>oser  à  son  passage.  Les  deux 
arxpées  campèrent  sur  deux  montagnes  élevées.  Le 
camp  des  routiers  était  fort  avantageux  ;  c'est  ce  qui 
les  engagea  à  s'y  retrancher,  parce  qu'ils  étaient  les 
plus  faibles  :  les  Auvergnats  ne  voulurent  pas  non 
plus  abandonner  le  leur  ;  mais  ils  convinrent  d'aller 

(i)  Ghss,  de  du  Gange^  t.  6,  p.  i332« 
(2)  Gaufrîdy,  Hist  de  Provence,   t.  i ,  p.  224;  et  Ruffi  > 
HisU  de  Marseille,  t.  i,  p.  197. 


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(a35) 

sur  le  minuit  fi 
reusement  pou 
de  ce  projet.  € 
minuit,  et  se 
g^s  du  pays  qu^il  avait  fait  prisonniers. 

L'Alsace  et  laL{H*raine  ne  furent  pas  à  couvert  des 
insultes  des  routiers  (i  ).  j^près  la  paix  de  Brétigni. 
coi^due  en  i3ôo,  entre  le  roi  de  France  et  le  roi 
d Angleterre^  les  troupes  des  deux  armées  ayant 
été  congédiées,  quinze  ou  seize  mille  soldats  (^Toa-- 
ûed)  de  différentes  nations  se /oignirent  ensemble j 
formèrent  un  corps  d'armée,  et  vinrent  fondre  -sur 
le  Barrois  et  la  Lorraine.  Robert,  comte  de  Bar, 
pria  Vévêque  Adémar  de  lui  ensH>yer  de  ses  troupes, 
pour  V aider  à  s'opposer  à  ce  torrent.  Adémar  y  alla 
lui-même  à  la  tête  de  quinze  cents  hommes,  et 
rendit  de  très -grands  sen^ices  à  Robert.  Ces  sortes 
de  guerres  procurèrent  un  bien  à  la  Lorraine  ^  en  ce 
qu'elles  engagèrent  les  ducs  de  Luxembourg ,  de  Lor- 
raine et  plusieurs  autres  seigneurs,  à  faire  alliance 
entre  eux ,  afin  d'être  en  état  de  s'opposer  aux  efforts 
de  ces  brigands  (3). 

Les  seigneurs  d^Âlsace  (3)  ayant  appris  les  ravages 
qu'ils  venaient  de  faire  sur  les  terres  du  pays  de 
Trêves^  pour  se  précautionner  contre  l'orage  qui  les 
menaçait,  conclurent  entre  eux  un  traité  à  Cplmar, 

(it)  Dom  Calmet,  Hist.  de  Lorraine,  t.  2,  p.  609. 
(s)  Preu^s  de  VHist.  de  Lcnraine,  t.  4f  P-  ^^^ 
C3^  Laguiile,  HisU  d'Alsace,  t.  i,  p.  3o3  et  3o4. 


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(a36) 

et  s*unirent  pour  leur  défense  commune.  Malgré  cette 
imion,  les  routiers  vinrent,  en  i365,  au  nombre  de 
quarante  mille ,  près  de  Savefne ,  ayant  à  leur  tête 
Cervole,  surnommé  Yarchiprétre.  La  plupart  étaient 
armés  de  cuirasse,,  et  portaient  de  riches  habits,  finiits 
de  leurs  rapines.  Ils  s'approchèrent  de  Strasbourg ,  y 
^ent  beaucoup  de  prisonniers,  égoi^èrent  ou  mmait 
à  la  tCMTture  ceux  qui  ne  voulaient  pas  se  racheft  à 
prix  d*ai^ent ,  enlevèrent  les  enfanspour  les  employer 
à  leur  service,  forcèrent  les  fenunes  d'être  les  victimes 
de  leur  infème  brutalité.  G)nune  ils  ne  pouvaient 
fkire  de  siège ,  ils  portèrent  le  fer  et  le  feu  dans  les 
villages  et  les  bourgs,  et  partout  ce  n'était  que  vol  et 
carnage.  L'empereur,  indigné  de  tels  forfaits,  se  dé- 
termina à  combattre  ces  brigands,  et  s'avança  jusqu'à 
Colmar^^mais  ils  ne  l'attendirent  pas,  et  leur  retraite 
fat  si  précipitée,  qu'ils  firent  plus  de  chemin  en  un 
jour  que  les  impériaux  n'en  faisaient  en  quatre.D'ail- 
leurs,  l'Alsace  était  ruinée,  et  la  crainte  de  perdre 
leur  butin  le^  fît  hâter  leur  marche. 

Jusqu'à  présent  nous  n'avons  pas  vu  les  routiers 
aux  mains  les  uns  contre  les  autres.  Quoique  distin- 
gués entre  eux ,  et  souvent  divisés  d'intérêt,  ils  ne  se 
faisaient  pas  la  guerre.  La  conformité  des  s^Eitimens 
et  des  inclinations  semblait  les  réunir,  et  ils  réser- 
vaient* toutes  leurs  forces  pour  se  défendre  contre  des 
ennemis  communs.  Actuellement,  ils  vont  combattre 
les  uns  contre  les  autres;  mais  ils  n'en  seront  pas  pour 
cela  anéantis.  Ils  sauront,  comme  le  polype,  trouver 
leur  vie  dans  ce  qui  pai^aîtra  la  détruire  j  en  sorte  que 


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(a37 

chaque  membre  s^Murë  du 
par  lui-même,  pour  ainsi  <j 
Cervole ,  qui  fut  toujours  à  1 

au  combat ,  va  tourner  ses  armes  contre  ceux  qui  ra- 
vageaient la  France. 

En  effet,  Charles,  dauphin  et  rëgent  du  royaume, 
fatigué  des  brigandages  que  les  tard -venus  commet- 
taient dans  le  Lyonnais  et  la  Bourgogne ,  attira  dans 
son  parti  Cervole ,  pour,  employer  sa  valeur  dans  les 
guerres  qu'il  avait  à  soutenir  contre  ces  brigands  et 
contre  le  roi  de  Navarre ,  qui  aspirait  à  la  couronne 
de  France.  Il  envoya  Jacques  de  Bourbon  avec  lui 
pour  exterminer  cette  nouvelle  espèce  de  routiers, 
qui  (i),  sous  des  che&  vieux  et  méchans,  pillaient 
la  Champagne  et  la  Bourgc^e,  prenaient  dans  leurs 
troupes  les  gens  dut  pays,  qui,  pour  se  venger  de  leurs 
compatriotes,  les  conduisaient  et  leur  montraient  ce 
quHl  fallait  saccager.  Le  comte  de  la  Marche ,  à  la  tête 
d'une  armée  de  douze  mille  hommes,  ne  tarda  pas  à 
joindre  celle  des  tard -venus  (3),  qui  avaient  alors 
pour  chef  un  chevalier  gascon  nommé  A^e^m  de 
Badesol  (3).  Elle  était  campée  près  de  la  petite  ville 


(i)  Paradin,  Annales  de  Bourgogne,  liv.  a,  p.  3^6  et  34.7. 

(2)  Daniel,  Hist.  de  France^  în-f»,  t.  i,  p.  601;  etChoîsy, 
Hist.  du  roi  Jean,  p.  137  et  i38. 

(3)  On  lit  dans  VHist.  du  comté  d'Eçreux,  de  le  Brasseur, 
P*  9^9  preuves,  qu'après  la  bataille  de  Cocherel,  le  roi  de 
Navarre  promit  à  Badesol  mille  livres  pour  l'engager  à 
faire  la  guerre  au  roi  de  France  j  et  comme  il  demandait 


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(  238  ) 

de  Brignaïs;  elle  s^ëiait  postée  sur  une  colline  située 
entre  deux  mcmtagnes  fort  élevées,  et  s'y  était  retran* 
chée.  Jacques  de  Bourbon,  malgré  leurs  retranche- 
mens,  voulut  les  forcer  dans  leur  camp,  parce  qu'il 
avait  appris  qu'ils  étaient  en  petit  nombre.  Les  enne- 
mis le  reçurent  avec  fermeté ,  et ,  dès  le  {nremier  assaut , 
ils  lui  tuèrent  beaucoup  de  monde.  Cet  échec  irrita 
.  la  noblesse,  qui  redoubla  ses  eficnrts  ;  mais  ils  furent 
inutiles,  car  on  vit  tout-à-coup  s'avancer  en  bataille 
tin  gros  corps  de  troupes  fraîches,  qui  f<Hidit  avec  im- 
pétuosité sur  les  Français,  et  mit  l'armée  en  déroute. 
Cette  action  fut  très- vive,  et  il  y  eut  beaucoup  de 
seigneurs  de  tués.  Jacques  de  Bourbon  y  fut  blessé 
dangereusement,  et  trois *jours  après  il  mourut  à  Lyon 
de  ses  blessures.  Froissart  (i)  dit  que  Cervole  montra 
beaucoup  de  valeur  dans  cette  bataille,  et  qu'il  y  fut 
blessé  et  pris  avec  plusieurs  chevaliers  de  sa  compa- 
gnie. Cette  victoire  mit  les  tard-venus  en  état  de  tout 
entreprendre.  Ils  se  séparèrent  en  deux  corps.  Les  uns 
restèrent  près  de  la  Saône,  les  autres  marchèrent  du 
côté  d'Avignon ,  et  arrivèrent  au  pont  Saint-Esprit, 
qu'ils  surprirent.  Ils  y  commirent  des  désordres  eJp- 
froyables,  et  y  laissèrent  une  forte  garnison ,  dont  le 
chef  prit  de  lui-même  l«  nom  d*ami  de  Dieu  et 
d'ennemi  de  tout  le  monde.  Le  pape  et  les  cardi- 

■      I  n        I  '■   I  '  I        I       >..  Il     I    I ,1  1 1     .1  .     ■     ■ 

qu'elles  fassent  placées  sur  les  terres  du  royaume  de  Na- 
varre, le  roi  fut  tellement  irrité  de  sa  demande,  quMl  le  fit 
empoisonner. 

(i)  Froîssârt,  t.  2,  p.  257. 


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(  339) 

11  aux  se  virent,  pcMir  la  seconde  fois,  à  la  merci  des 
routiers.  Pour  les  ëloignar  de  5es  terres,  le  Saint-Père 
publia  une  croisade  contre  eux;  pinceurs  s*y  enga- 
gerait ;,  et  Pierre  duMoutier^  cardinal  d^Osiie ,  fut  le 
chef  des  croises  :  mais  comme  ils  n'âaient  pas  bien 
payés,  et  qu^ils  Q^avaient  pour  sdide  que  de»  indul- 
gences (i),  ils  quittèrent  le  serricc,  et  désertèrent 
pour  la  [^upart. 

Les  tard-venus  ne  le  cédèrent  pas  en  cruauté  aux 
compagnies  que  commandait  Cervole*  Après  avoir 
déployé  leur  fureur  sux  les  Etats  du  pape,  ils  se  je-^ 
tèrent  sur  TAuvei^e  et  le  Languedoc,  où  ils  exer- 
cèrem  toutes  sortes  d'excès.  Ce  fut  à  peu  près  daujf 
le  niéme  temps  qu'ils  vinr^it  dans  la  Champagne. 
Philippe-le-Hardi ,  duc  de  Bourgogne,  vola,  à  la  sol- 
licitation du  roi  de  France,  au  secours  dé  cette  pro- 
vince. U  ocHBomença  par  faire  le  si^e  ée  Nogent*«ur- 
Seine,  que  les  routiers  avaient  pris;  il  leur  enleva 
cette  ville,  fit  prisonnier  plusieurs  de  leurs  chefs, 
dispersa  leur  armée ,  et  les  obligea  à  se  séparer  les 
uns  des  auu*es ,  et  à  se  retirer  dans  divers  endroits. 
Cette  séparation  ne  fut  pas  avantageuse  à  Philippe. 
Ces  bngands,  chassés  de  la  Champagne,  se  j^èrent 
sur  la  Bourgogne,  et  se  joignir^it  aux  Comtois  (2), 


(i)  Daniel,  Hist  de  France ,  in-f»,  t  2,  p.  6o3. 

(2)  On  les  nommait  Comtois,  parce  qu'ils  étaient  fâchés 
de  voir  Pbilippe  se  dire  duc  et  comte  de  Bourgogne,  au  pré- 
judice de  Maiig;iierite  de  France  ,  ^'ik  regardaient  comme 
leur  souveraine  et  la  seule  héritière  de  la  Comté. 


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(34o) 

qui  continuaient  leurs  hostilités  contre  le  duc  et  ses 
sujets  9  n'ayant  aucun  égard  à  la  trèvé  ordonnée  par 
le  roi,  du  consentement  de  la  comtesse  Marguerite. 
Par-là, Philippe  se  vit  dans  la  nécessité  de  concentrer 
ses  forces  dans  ses  propres  Etats,  et  de  se  défendre 
lui-même  contre  les  routiers.  Ces  brigands,  après  s*étre 
emparés  de  Pesmes,  détachèrent  des  troupes  pour 
enlever  le  duc,  qui  était  à  Vesvre  :  cette  démarche  fat 
sans  succès;  car  les  seignoirs  de  Vaudenay  et  d'Ai- 
gremont  en  donnèrent  avis  à  Philippe,  qui  prit  les 
moyens  nécessaires  pour  faire  avorter  leur  entreprise. 
Irrités  de  n'avoir  pas  réussi,  ils  augmentèrent  leurs 
\excès  dans  le  duché  de  Bourgogne;  et  malgré  les 
mesures  sages  et  prudentes  que  prit  le  duc  pour  les 
en  chasser,  ils  continuèrent  à  y  exercer  leurs  brigan- 
dages. Le  butin  qu'ils  disaient  dans  cette  province  et 
dans  la  Champagne,  les  rendait  comme  des  lions  fa- 
rieux  sans  cesse  acharnés  à  leurs  proies.  Le  fort  de 
Vesvre,  dont  ils  s'étaient  emparés ,  en  leUr  procurant 
les  moyens  de  rafraîchir  leurs  troupes,  les  mettait  en 
état  de  faire  leurs  incursions  avec  plus  de  force  et  de 
vigueur.  . 

Fatigués  de  ces  ravages  fréquens,  les  habitans  du 
pays  n'eurent  d'autre  ressource  que  d'aller  exposer  au 
duc  leur  misère.  Philippe  fat  touché  de  leur  désastre, 
et  leur  fit  remettre  le  fort  de  Vesvre,  en  donnant  une 
somme  d'argeilt  au  chef  des  routiers,  pour  l'engager 
à  évacuer  le  fort  et  en  retirer  la  garnison.  Ce  fat 
Arnauld  de  Cervole  qui  lui  prêta  cette  somme;  il  était 
alors  fort  lié  avec  le  duc,  et  il  l'avait  servi  très-avan- 


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(  Hi  ) 

t^eusement  dans  les  guerres  quHl  eut  à  soutenir  contre 
le  comtedeMontbeliardy  qui  prenait  le  parti  de  Mar- 
guerite de  France.  On  peut  dire  aussi  qu'il  rendit  de 
gnmds  services  au  roi  de  Fràûce ,  et  que  ce  monanjue 
doit  en  partie  à  la  valeur  de  Cervole  les  avantages 
qu'il  eut  en  diffërens  temps  sur  ses  ennemis  et  sur  les 
brigands  qui  rav^^ient  son  royat^ne.  Il  est  vrai  que 
Corvole  ne  lui  fut  pas  toujours  attaché  ;  car  Froissart 
nous  apprend  qu'il  fut  chef  des  gens  du  prince  dé 
Galles,  et  qu'il  assiégea  les  compagnies  françaises  au 
fort  de  Durnel  (i);  mais  tant  qu'il  commanda  dans 
les  armées  du  roi  de  France  ^  il  est  certain  qu'il  se 
distingua  par  sa  valeur,  voulant  r^>arer  le  tort  qu'il 
avait  fait  à  son  prince  par  ses  brigandages.  Aussi 
choisit -il  ce  royaume  pour  le  lieu  d^  son  refuge  et 
de  spn  repos.  Fatigué  de  toutes  les  expéditions  qu'il 
avait  faites  dans  l'Alsace  et  dans  la  Suisse,  il  vint  se 
reûrer  en  France,  renonça  pour  toujours  à  la  qualité 
de  chef  des  routiers,  et  termina  p^iblement  ses  jours 
dans  un  lieu  où  il  avait  mis  autrefois  le  trouUe  et  la 
confusion.  Cependant  M.  Baluze  (2)  assure  que  Cer- 
vole fiit  tué  en  i365  par  les  siens,  après  avoir  été 
repoussé  de  l'Alsace  par  les  Allemands  :  mais  nous 
ne  croyons  pas  devmr  ajouter  foi  à  ce  fait,  car  La- 
guille,  en  nous  raccmtant  la  défaite  de  Cervole  en 
Alsace,  ne  dit  rien  de  sa  mort  (3),  etDuchesn^  as- 

(i)  Froissart,  1. 1,  p.  362. 

(2)  Baluze,  Vies  des  pûpes  d'Avignon ,  t,  i,  p.^  3j^,o  et  87 1 . 

(3)  Laguille,  Hist,  d'Alsace,  t.  1,  p.  3o4. 

h  9«  uv.        ,  16 


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(  a42  ) 

sure  qœ  Cervole  ae  pot  exécuter  le  des^em  quHl  eut 
de  conduire  au-delà  dea  mers  le$  compagnies  9  et  qu^il 
mourut  en  i366  dans  la  Provence,  après  avoir  pris 
la  qualité  de  seigneur  de  Château -Yillûn  (1).  Ain^ 
finit  ce  fameux  capitaine  des  compares  1  bomoKe 
belliqueux  à  la  vérité,  mais  de  mauvaise  réputation , 
et  aimant  le  pillag^  (3). 

Mais  la  faction  des  routiers  ne  fut  pas  détruite  par 
la  mort  de  Cervole;  elle  survécut  à  son  chef;  et  si , 
pendant  jdusieurs  années ,  elle  parut  rester  dana  Vi-* 
nacticoi,  ce  ne  fut  en  quelque  sorte  que  pour  méditer 
ses  projets  et  ranimi^  ses  forces.  En  effet,  dès  que 
Cervole  se  fut  séparé  des  routiers,  et  même  après  sa 
mort,  ces  hrjigands  dirent  plusieurs  chefs  qui  sai- 
rirent  les  traces  de  leur  ancien  capitaine;  et  sous  la 
conduite  d'Ës^guerrand  de  Goucy,  on  les  vit  presque 
aussi  furieux  qu^ils  avaient  été  jusqu^alcnrs.  Ce  sei- 
gneuTi  issu  du  sang  des  ix>is,  devait  hériter  de  son 
grand«père  plusieurs  terres  situées  en  Alsace,  comme 
le  Brisgaw,  le  Sunt^w  et  le  comté  de  Ferrite  (3). 
Il  entreprit  de  les  répéter  et  de  reimeiUir  la  ^looes-- 
sion  de  son  aïeul  le  duc  Léopold,  que  les  diio»  à'Avic 
triche  Albert  et  Léopold  retenaient  contre  t^ote  jm^ 
tice.  U  éc^dvit  à  ce  sujet  aux  maçftstmts  de&trasbouurg 


(i)  Duchesne,  Généalogie  de  la  maison  de  Château-Villain, 
p.  54.  (  C'est  aussi  le  sentiment  de  Zarlauben.  Foy,  son  Mé- 
moire sur  Cervole,  t.  18,  p.  455  de  celle  Colk)   (EditCL.) 

(2)  Mpratori,  t.  14.,  p,  ÎS6. 

(3)  Laguille,  Hist.  d'Abacx,  t.  i,  p.  Sog. 


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(^43) 

evm  Colmar,  mai&sa  lettre  fk  peu  (fimpresâicm  sw 
leiB*  esprit.     •  ^ 

Ëmgaefrand  sévit  par-là  oblige  d'avoir  recours  à  la 

Toie  désarmes;  ai  pourmi^x  réussir  dans  son  pm^et; 

il  Rengagea  ditnâ  son  parti  les  lymtiers  r^apdus  ((i^nà 

la  France  et  lafoetagoe,  en  sorte  qn*tl  fiit  en  peu  dé 

temps  \  la  tel»  d'une  nombreuse  armée.  Les  routierf 

emarèrçnt  d'ahord  dans  TAlsace  m  gnoid  nombre  ^  et 

se  rendirent  aux  entrons  de  Strasbourg^  où  ils  mirem 

tout  à  feu  et  à  sang ,  tirèrent  de  fertes  contributions, 

fbr<^rent  les    pay^uQs  de  s'enfuir  et  d'abandonner 

leurs  mâsons  à  la  fureur  dès  soldats ,  cpii  exerçaient 

partout  d'horribles  eruauAés.  Engi^errand^  qui  n'étoil 

pas  encoife  réuni  aux  routiers,  apprenant  ces  succès, 

ne  tarda  pas  à  les  joindre.  {1  canduîsit  ^on  armée  à 

Brisach  ;  mais  ne  tcouyant  pas  dana  ce  Heu^  ni  dam 

les  confins  de  l'Alsace,  de  qucii  feiffe   8tl>sister  ses 

troupes^  il  fut  c^ligé  d'avanper  jusqu'à  Berne,  où'les 

ffoutiiers  s'eviparàrent  d^un  monastère  potir  s'y  retira: 

mais  les  brares  du  pays  s'étamt  rassemblés ,  fondirent 

sor  eux  avec  impétuosité,  et  ^  tuèrent  jusqu*à  trois 

miUedaas  le  lieu  même  où  ils  s'étaient  réfugiés;  enfin, 

pressés  par  la  faim  ^  £itigu^  d'une  expédition  où  il 

n'jr  aurait  fdos  rien  à  gagner,  les  routiers  se  retirèrent, 

et  Ëngiierrand  n'e^t  d'autus  fruit  ée  son  entreprise , 

^le  d'aycâr  rédmt  à'  la  dernière  misère  un  pays  qui 

n'avait  pris  aucune  part  dans  sa  querelle. 

Les  routiers  coximir^^t  ^rucQxe^  en  4i^6ntçs  an- 
nées, plusieurs  autres  excès,  surtout  dans  le  Lfitigue^ 
doc,  le  Gévaudan,  à  Bézi^^s,  outils  xs'empopèrent  de 


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(^44) 

dîveis  diàtoant  >  dans  la  Guj^ectQe.  et  dans  les  séné- 
chaussées*  de  Toulouse ,  de  Carcassoitne ,  de  Beau-  . 
caire  et  de  Rouergue.  Nous  ne  noos  arrêterons  pas  à  I 
^£aâre  le  détail ,  d'autant  qu^ils  nous  paraissent  moins 
frappans<{ue  ceux  dont  nous  venons  de  parler.  D^ml- 
leurs  t  rhbtorien  de  Languedoc  a  eu  soin  de  ks  rap 
pcn^ter  tous  exactaoaent.  On  peut  le  considt^  (i). 

U  ne  nous  re^e  plus<{CL^à  fixer  li  pea  près  le  temps 
oà  lafaction  des  routiers  fut  anéantie^  ou,  pour  mieux 
dire,  ne  fîit  plus  ccumue  sous  ce  nom;  car  on  mt 
trouve  pas  dans  Thistoire  une  époque  fixe  de  leur 
destruction»  Le  silence  iies  historiens  sur  les  routiers 
peut  être  la  seule  preuve  que  nous  puissions  apporter 
de  leur  extincti(m. 

On  sait  qu'on  tenta  plusiem^s  Ibis  en  France  de 
vider  le  pays  de  ces  sortes  de  brigands ,  et  qu'on  £>rma 
même  le  dessein  de  les  mener  contii'e  les  Turcs;  maïs 
ces  tentatives  n'eurent  pas  tout  le  succès  cp'on  mi 
attendait.  En  i36o,  le  roi  d'Angleterre,  parle  traité 
de  paiic  qu'il  fit  avec  le  roi  de  France,  promit  de Tai- 
der  à  chasser  de  son  œ^aume  ks  cpmpa^ies;  mais^ 
à  ce  qu'on  prétend,  u  leur  fournissait  seerètenUâm 
des  secour^.  C'est  ce  qui  engagea  Charles  Y  k  lui 
4éclarer  la  guerre;  et  dès  qu'elle  fut  ctnmnencéë^ 
quelques-unes  ées  [  compagnies,  pirent  le  parti  de 
la  France,  les  atitres  celui  de  l'An^eten%(3).  Ëp 

(i)  Dëm  Vaîssette,  Histl'ik  Langueéjic,  t.'  4,  p.  367,  3^6, 
43*^,493- 
.  (a)  Ordoroh  des  rois  i  France,  t.  3^  p.  43&- 


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(a45) 

j362  (1)9  le  roi  Jeaa  a^engagea,  à  la  sollicitation  du 
roi  de  Cîhypre  et  de  Pierre  de  Lusignan,  dans  la  croi- 
sade que  publia  Urbain  V  contre  les  infîd^esy  afili  de 
purger  la  France  des  compagnies  de  brigands  qui  la 
ravageaient,  en  les  emmenant  arec  lui  au-delà  des 
mers. 

En  i365,  Bertrand  Dugueàdtîn  et  Pierre  de  Bomv 
bon  (s)  profitèrent  d^une  guerre  qui  était  entré  le 
roi  don  Pierre  de  Castille  et  Henri  son  frère,  pour 
£sôre  passer  en  Espace  les  compagnies  de  routiers* 
Elles  y  passèrent  efieçtivement ,  parce  qu^on  leur  fit 
espétex  qu'il  y  avait  beaucoup  de-  butin  à  faire  dans  ce 
pays,  et  que  le  pape  leur  fit  donner  200  mille  firancs 
d'or,  dont  il  se  dédommagea  par  une  décime  qu'ail 
imposa  sur  le  clergé  de  France  :  cependant  il  est  bon 
de  remiarquer  qu'il  ne  donna  cette  somme  que  malgré 
lin,  parce  qu'il  s'y  vil  forcé  par  les  courses  conti- 
nuelles que  les  routiers  faisaient  sur  ses  terres.  Ber- 
trand Duguesclin  avait  engagé  les  routiers  dans  la 
croisade  qu'il  avait  publiée  contre  les  Turcs,  en  le«r 
promettant  de  leur  &ire  livrer  par  le  pape'deitx;  cents 
mille  ilorins,  avec  l'absolution  des  censures  qu'ils 
avaient  encourues.  Urbain  Y  doxma  pouvoir  àson  légat 
d'absoudre  les  routiers,  mais  il  m  voulut  pas  con- 
sentir à  leur  donner  la  somme  qu*ils  demandaient, 

I  i>i    '  I  II       III I      II  '1    I       I  il  I  I     II      1  «É     I  mi    .)i  II  II      ■'  ■!  "    ■■'i    _    '■ 

(i)  Duhailian,  Hîst  de  France ^  p.  SSy.  —  Daniel,  lîdtL, 
în-f»,  t.  2,  p.  606. 

(2)  Froissart ,  t.  i ,  p.  294.  —  D.  Vai^iette,  Hist  de  Lan- 
guedoc^  t.  4,  p.  32J  et  33o.  ,  ^    = 


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(  346  ) 
fA  que  DiigèéicUn  leur  avai^  iait  espër^.Ce  refus  la 
itidigiia  et  les  aninu  au  peim  qu'ils  se-  {étirent  sur 
les  terres  du  pape,  et  y  commirent  de  grands  idësoi^ 
^es^  Urbain  royant  qu'il  ne  pouTiut  iqpaiser  leur  ti- 
reur qu'en  satisfaisant  à  leur  demande,  et  que  le  dâsd 
ne  pouvait  qu'augmenter  et  multiplier  leurs  excès, 
Wa^  sur  les  habitons  'd'Avignon,  la  somme  que  les 
Derniers  exigeaknt  de  lui ,  ella  leur  £t  remettre  pat 
ton  légati  Bertcand  U  refusa  ^  parce  qu'il  Bppnx  que 
c'étaÎA  l'argent  du  peiq)le;  et  il  répondit  à  celui  qm 
ht  lui  apporta,  que  c'ëtsôt  au  pape  et  au  clergé  à 
loiH^nir  cette  soimiie ,  et  qn'îl  ëtait  en  état  de  aou- 
tenîr  cette  dépense. 

Ce  £it  alors  une  néeeamé  pour  la  cour  de  Rome, 
de  s'accommoder  au  temps,  et  tout  fut  exécuté  sdea 
les  intenUons  de  Dugueselin.  On  kd  apporta  deim 
4ientM  mille  francs  tirés  de  la  bourse  du  ps^  et  des 
cardinaux,  avec  l'absolution  par  écrit  et  scellée  dn 
sbeau  de  Sa  Sainteté ,  et  Ton  rendit  au  peuple  l'ar* 
geiltqni  avait  été  levé  sur  liii(i).Du^esclin,  cocon- 
lÀlié  âarec  le  |yq)e ,  proposa  à  ses  troupes  d'aller  atta- 
quer les  Sarraains  de  Grssnade,  dans  le  dessein  de  les 
empêcher  de  retourner  de  sit6t  en  France.  Si  toos^ 
les  ohe&  des  aroutiers  se  lussent  conformés  à  ce  fo^ojet, 
lik  France  eût  été  entièrement  délivrée  ^e  ces  bri- 
gands;  mais  plusieurs,  pour  venger  la  mort  de  la  reine 


(i)  Bataid  ,  Hist.  de  Fyknce,  iâ^f%  t.  a ,  p.  63B  e«  €3a  — 
Du  Ch^stelet,  Hist  de  Dugueselin,  haf-f»,  f.  88  «l  *uiv. 


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(  ^47  ) 

de  Gasiille ,  se  sëpûi*èreiit  ei  retournèrent  en  France 
avec  leurs  compagnies. 

Bfi  1439(0?  Louis,  dauphin  de  Fratice^  fit  un 
trmé  avec  les  rcmtiers  pour  les  engager  à  sortir  de 
la  province  de  Touloitoe;  ik  Fëvaçuèrent  en  effet, 
moyennant  la  somme  de  deux  mille  ëcus  d^or,  xpé 
les  haliitâns  de  Totiiouse  leur  donnèrent  en  diffiàrens 
templs^  :  m^  après  le  dëpart^du  dauphin ,  ils  rentré- 
IP6I11  dân«  cette  province,  et  ravagèrent  le  Louraguaié 
|t  1^  èirvirtmà  de  Montréal*  Eri  i444  ip)i  ^P^  ^^ 
le  dauphin  se  fiit  saisi  des  biens  du  comte  d'Arma- 
gnac, qui  ravageait  la  province  de  Languedoc  avec 
hé  routiers,  et  qu'il  l'eut  fait  prisonnier,  lés  commis- 
saires  qui  |H'ësidai€nt  aux  Etats  de  Montpellier  pro- 
mirent aux  habitons  que  le  roi  ÏFerait  incessamment 
retirer  ces  gens  d'armes  et  les  brigands  qui  dés(^aient 
la  province. 

On  voit  par  toutes  ces  démarches  que  fit  la  France 
poin*  chasser  entièrement  dé  ses  Etais  les  routiers, 
qu'elle  en  diminua  le  nombre ,  mais  qu'elle  ne  put 
en  venir  à  une  destruction  totale.  Cependant ,  après 
Tannée  i444,  l'historien  de  Langtiedoc,  qui  a  suivi 
les  routiers, pour  ainsi  dire, dans  toutes  leiu-s  courses, 
cefise  de  nous  en  parler  et  de  nous  les  désignerions 
le  nom  de  routiers.TJ^  semblent  ici  se  confondre  avec 
les  bandolièrs  et  les  arbàlétrim,  qui  étia^nt  d'autres 


{%)  lUst  de  tanguedoc,  t.  4^  P-  ^S^* 
(2)  Ibid.,  t.  5,  p.  4  el  5. 


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(  ^48  ) 

ac&émtB  qm  les  siûvirent  et  marchèrent  sur  lairs 
traces. 

Cependant  Almergarde  ^  prêtre  de  Li^e,  dams  sa 
G>llection  des  actions  de  Louis  XI  (ï) ,  parle  <îe  plur 
si^irs  brigandages  cdmmis  en  i48i  dans  les  Pro- 
yincçs-Unies^par  des  ^ns  nonnnés  ru^erij  c'est-à" 
^Q.rcmiev$;'caxle  moi  de  mptHoriuse^àeruiheruSj 
suivant  du  Capge,  ont  ]fL  même  sigpûfication  (3).  Ces 
I^rigandsy  si  Ton  ^1  croit  Xlmargacde,  s*unirent  afec 
les  Trajectîns  ou  habitans  d^Utrecht,  dépeuplèrent  les 
villes  et  les  campagnes^  mkent  tout  à  feu  et  à  sang, 
et  ravagèrent  presque  toute  la  Hollande  (3). 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  nous  en  tenons,  sinr  les 
rouûars,  an  silence  de  Thistorien  de  Languedoc,  qui 
,  n'est  point  coAtredit  en  ce  point  par  les  bîstœiens  les 
nûeux  accrédités,  et  nous  croyons  que  ce  fiit  vers  le 
milieu  du  quinzième  siècle  que  casèrent  de  nous 
éu'e  connus  ces  fameux  brigands  qui  fw^it  si  long* 
t^Enps  le  fléau  de  l'Europe  et  la  terreur  des  princest 
les  plus  puissans. 

Recherches  sur  la  jacquerie. 

Après  la  bataille  de  Poitiers,  la  France  se  vit  dans 

(0  Bom  Msotenne,  AmpUss.  colkct ,  t  4y  P*  799  et  suiv. 
*(a)  Du  Qinge,  Gioss.,  t»  5,  p.  j545. 

.    ^3)  Hollandîam  incursantes incendiis,  cœdibus  ac  mpini^ 

postalam,  ^rasMm,  desertamque  fécenmt.  (  Dom  A|arten<i«  ^ 
AmpUss.  coUect.y  t.  4»  p-  804.) 


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(^49) 

le  tiodbte  et  la  confasicm,.  L'épuisemem  des- finances, 
le  feu.  de  la  discorde  allumé  de  toutes  parts  par  les 
émksaires  du  roi  de  NaTarre,  les  gij^rres  intestines 
répandues  dans  le  royaume ,  la  piâson  du  roi  Jean , 
les  ravages  des  brigands  atu*otQ)és,  tout  semblait  alors 
annoncer  la  destruction  entière  de  la  monarcbie. 
Paris  même 9  le  centre  de  la  nation,  était  devenu 
celui  du  tumulte  et  de  la  divifflon.  Livrée  à  la  con-^ 
fiiston  qu'entr^nent  ^aleii^nt  et  Fanardiie  etla  j^ 
ralité  des  chets,  cette  ville  paraissait  concourir  avec 
les  ennemis  du  dehors  pour  hâter  la  ruine  de  TEtat. 
Pour  mettre  le  comble  aux  maux  de  la  nation,  il  s'é- 
leva au  milieu  d'eUe  une  nouveUe  faction  composée 
de  paysans  qui  sortsàent  de  la  Brie  et  de  la  Picardie. 
On  r^^^la  la  jacquerie,  sehm  les  uns,  parce  qu'ils 
portaient  de  longues  casaques  de  toile  qu'on  nommait 
Jacques j  et,  selon  les  autres,  parce  qu'ils  avaient  à 
kiur  tête  un  nommé  Jacques  ^o7uAa/7i^(i).Plusieurs 
pensent  que  le  n^m  de  Jacquerie  tire  son  origine 
d'une  raillerie  que  les  seigneurs  avaient  alors  cou- 
tume 'de  faire  pour  se  moquer  de  leurs  paysans  et 
vassaux.  Lorsqu'ils  les  avaient  dépouillés  impitoya- 
blem^it  et  que  ces  malheureux  osaient  se  plaindre, 
ils  insultaient  à  leur  misère ,  en  disant  qu'il  fidlait 
bien  que  Jacques  Bonhomme  payât  tout.  Ils  a.}ou- 
tent  que  les  paysans,  pour  répondre  à  la  raillerie 
des  nobles,  appelèrent  le  chef  qu'ils  se  donnèrent 
Jacques  Bonhomme. 

(i)  Daniel,  Hisi*  de  France^  in-P»,  t.  à,  p.  582. 


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(250) 

Quoi  qu*il  en  toit,  ks  pajmii» cpiî  formatent  k 
}tte<]tterie 9  opprimes  de  tous  c&tës, sans  recours  et saits 
ressource,  yejma  leub  rnsôsons  an  pillage,  et  la  cam- 
pagne abandonna  à  là  fnreur  des  éoUsEts  et  des  w^ 
leurs,  s'unirent  entre  eux  et  résolurent,  pour  se  cU- 
dodmiager  des  pertes  ^*ils  essuyaient,  de  ravager  ei 
de  piUer  tout  ce  quUls  renconu;eraient«  lia  se  îetèrent 
d'abord  nyec  .violenoe  sur  les  biens  des  genùlslumi- 
mès,  brûlènmt  leurs  cbàteaux,  pour  user  en  œ^a» 
occasion  de  représailles^  et  pour,  se  v^g^  de  T^tat 
de  la  noblesse,  qu'ils  regardaient  ooiiime  la  aomroedes 
maux  qui  accablaient  le  royaume ,  et  comme  Yep* 
proJwe  et  l'ignominie  de  la  France.  Hésolua  d'exter- 
miner les  nobles ,  ils  s'asàemblècent  dans  le  Baau^ 
¥oisia  au  nombre  de  eent^  et  ils  se  multiplient  h 
meexxte  qu'ils  se  répandirent  dans  les  campagnea. 
Pour  mieua:  signaler  leur  haine  irréconciliable  contre 
les  gentilshommes,  et  ccxnme  pour  insulter  à  la  dou- 
ceur et  à  l'humanité  de  lacheralei^,  ili  érigèrent  en 
vertu  la  Sérocité  la  fiu9  brutale..  Semblables  à  des 
Uon»  &rieux  à  la  vue  de  jLeur  proie^  ils  firesl  msîn 
basse  sur  le&  dbevaliers , .  n'^ar^ndnt  ni  les  fenmies 
ni  les  en&ns;  On  ne  peut  s'imaginer  les  cruautés 
qu'ils  exercèrent  conu*e  les  gentilshommes  qm  tmn<* 
bèrent  entre  leurs  msâns;  ils  en  embrochèrent  plu- 
sieurs, les  firent  rôtir  à  petit  feu,  violèrent  le»  dames 
et  les  d^noiselles,  et  les  massacrèrent  ensuite.  Ce 
n'était  partout  qu'incendies  et  ravages  dans  les  pays 
deLaon,  de  Soissons,  sur  les  bords  de  la  Marne  et  de 
rOise ,  et  le  mal  s'étendit  jusque  dans  le  pays  d'Ar- 


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(a5i  ) 

1015(1).  Froissart  (2)  rapporte  qu'après  avoir  assouvi 
kor  bmtâlité  sur  une  dame ,  en  présence  de  90a  mari  ^ 
ik'k  forcèrent  de  manger  de  la  eh^r  de  cet  éfoax 
'lùkritmé  qu'ils  venaient  de  &ire  rôtir  à  ses  yeux,  et 
qa'eùaaite  ils  la  fii*ent  mourir  cruelkment  ^  déchirant 
smi  corps  en  mille  pièces ,  et  le  livrant  amx  d^iens 
pôttt-  leur  servir  de  pâture. 

Les  gentilshommes^  attàqi»^de  toutespart^par  ces 
brigands;  se  virent  titMgés  dé  se  réunir  entre  eux 
plus létrottement  que  jamais paor  se  défendre,  eux, 
ledrs  femmes  et  leuifs  ènfans,^  dissiper  ces  sc^léraïui* 
Ils  mirent  des  troupes  sur  pied,  courcoreUt  sur  les 
jac^érs,  en  défirent  pluneurs  handes,  et  lespen-^ 
dirent  par  doU2aine  aux  arinres  qu'ils  trouvèrent  sur 
les  grands  chemins.  Le  nombre  n'en  diminuait  pa^ 
pcmr  cela;  ils  étaient  alors  plus  de  cent' mille  répan- 
dus en  divers  ^adroits,  et  la  bourgeoisie  des  villes  où 
ils  se  retiraient  leur  était  favorable.  Dix  ou  doui;e  mille 
de  ces  brigands  se  rendirent  aux  environ^  de  Paris 
pour  y  feire  une  espèce  de  recrue ,  et  ils  se  joignh'cnt 
à  une  troupe  de  bandits  tirés  du  menu  peuple*  ïh 
allèrent  d'abwd  (3)  à  Gompiègne  pour  dévaster  oôtic 
viSé^  Éitôs  en  ayant  été  r^^Kiussés,  ils  outrèrent  dans 
S^œlîs,  où  ils  abattirent  le  château  d'Aïmenonville  et 
f^tiâeurs  autres;  ils  obligèrent  les  seigneurs  de  è^en-- 

(i)  Daaiel ,  Htst.  de  France,  in-f«,  t.  2,  p.  583.  —  Mëzeray^ 
ibid.,  t.  I,  p.  832. 

(2)  Froifsart,  t.  i,  p.  308. 

(3)  Belleforét,  Annales  de  France,  t.  2,  p.  890. 


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(aSa) 

ibir  avec  leur  famille ,  et  de  leur  aband(»mer  ^irs 

lûens  pour  ae  soustraire  à  leur  fiireur Après  avoir 

abattu  une  partie  du  château  deBeai!uiiont*sur-rCI^, 
ils  marchèrent  vers  la  ville  de  Meaux ,  où  le  duc 
d'Orléans  s*était  retiré  avec  la  duchesse  sa  femme  et 
la  dauphine.  Plus  de  trois  cents  dames  et  demoiselles 
de  qualité  s'étaient  réfugiées  dans  le  même  lieu  pour 
éviter  ime  nuMri  certaine  et  échapper  à  la  cruauté  de 
ces  infâmes  brigands.  Les  jacquiers,  à  la  vue  de  tant 
de  noblesse  rassemblée  dans  un  même  endroit,  senti- 
*  rent  redoubler  jleur  courage ,  ou  {dutôt  leur  brutalité, 
et  ils  paraissaient  dans  la  résolution  de  mettre  tout  à 
feu  et  à  sang(i);  mais  ils  furent  trompés  dans  leur 
errance. Le  dauphin,  avant  son  départ^  avait  laissé 
dans  la  ville  de  Meaux  le  comte  de  Foix  et  le  Captai 
de  Buch,  pour  commander  en  son  absence.  Ces  deux 
braves. capitaines,  qui  n^avaient  que  soixante  lances, 
s'unirent  au  petit  nombre  de  ceux  qui  défendaient 
la  forteresse  de  Meaux.  L'honneur  des  dames  qu'il 
fallait  mettre  à  l'abri  des  insultes  des  jacquia:s,  joint 
à  la  nécessité  où  les  nobles  se  trouvaient  de  défendre 
leur  vie,  ne  permit  pas  au  comte  de  Foix  de  réfléchir 
sur  les  dangers,  ni  au  Captai  de  Buch  de  pei^  ^pi'il 
était  Anglais.  Ce  dernier  profita  avec  empressen^nt 
de  la  liberté  que  la  trêve  entre  la  France  et  l' Ajigle- 
teire  lui  laissait  de  suivre  des  sentimens  plus  forts 
dans  le  cœur  des  nobles  que  toutes  les  inimitiés  na- 

(i)  Dom  Tonssainct  Duplessis,  Hist.  de  Meaux,  tom.  i^ 
p.  374. 


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(^3) 

iimâlés.  De  pltis ,  le  danger  était  pesaant,  et  il  &Uait 
un  pron^t  secows.  Les  habitans  étaient  d'intelligence 
a?ec  les  iactieux.  Jacques  Soûlas/  maire  de  la  ville, 
avait  £dt  venir  de  Paris,  par  l'entremise  d'un  nommé 
GtUles^  épicier,  un  corps  de  troupes  assez  considéra- 
ble; mais  ce  n'étaient  que  des  artisans,  honmies  [dus 
propres  a  garder  une  boutique  qu'à  nianier  les  armes* 
Ces  rebelles  ouvrirent  les  portes  aux  jacquiers.  Les 
dames  se  virent  obligées  de  se  retrancher  dans  le 
terrain  appelé  le  marché  de  Meaux^  poste  séparé 
du  reste  de  k  ville  par  la  rivière  de  Marne.  Les  no- 
bles eurent  alors  deux  assauts  à  soutenir,  l'un  contre 
le  maire  et  ceux  de  son  parti,  l'autre  contre  les  jac- 
quiers. Mais  le  comte  de  Foix  et  le  Captai  de  Buch,' 
à  la  tête  de  la  noblesse ,  firent  face  à  ces  deux  corps 
de  brigands.  Us  repoussèrent  ceux  qui  se  présentèrent 
à  eux  à  la  porte  du  pont ,  avec  tant  de  vigueur,  que 
la  plupart  furent  précijÂtés  dans  la  rivière,  ou  passés 
au  fil  de  l'épée,  et  qu'il  s'en  sauva  à  peine  deux  mille. 
Le  maire  de  la  ville  se  battit  pendant  quelques  temps 
avec  assez  de  courage  ;  mais  la  victoire  demeura  à  la 
noblesse ,  qui  n'épargna  ni  les  hommes  ni  les  édifices 
pour  exterminer  les  rebelles.  Jacques  Soûlas,  avec 
ses  complices  et  plusieurs  principaux  de  la  ville  de 
Meaux,  forent  pris  et  décapités  pour  expier  leur  tra- 
hison. Ensuite,  pour  se  délivrer  du  reste  des  jacquiers 
qui  s'étaient  retirés  dans  un  canton  de  la  ville,  on  y 
mit  le  fçu,  et  il  n'y  eut  dans  cet  incendia  quç  la 
seule  cathédrale  qui  fut  épargnée.  Toutes  leS:  maisons 
des  faubourgs  et  celles  des.  chanoines  furent  consu- 


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(   354   ) 

mëes  par  les  flammes.  Dan»  cette  occasion,  U^fiéril 
plusde  sept  mille  jaoqixîers,  sans  eonuplar  les  r'ekelleat> 
qui  fbrent  brûiëa  dana  k  ville.  Le  xé^wx{i)f  daou» 
la  guerre  qa*il  fit  à  la  jacqiieriey  en  tw  en  mi  jxnm 
plus  de  vingt  mille^  et  le  rot  de  Navarre  ^  fit  un 
graqid  carnage.  IL  se  saisit  de.GuîUftame  GaiUet,  %ta 
de  leurs  principaux  cheb,  à  qm  il  fit  trancher  latiête) 
Quoique  ce  prince  parût  être  intéressé  à  favoriser  la 
rëvoke  des  jacquiers,  il  se  déclara  néanmoins  coalire 
eux  avec  beaucoup  àt  (âiakiir,  sans  doute  dansVea^ 
pérance  de  se  conoilicar  la  n€3>lesse9  et  de  la  faire  enr 
tner  plus  aisément  dans  aas  vues*  Ce  fut  ^i  Picardie 
que  Charles  V  poursuivit  Vigoureusement  les  jacquiers , 
et  le  jour  de  Saint- Jean  -Bsç^tiste  fut  presque  l'épo- 
que de  leur  entière  extinction.  Enguerrand  de  Coucy 
achevade  dÂss^)er  les  restes  éparsde  cette  canaiJie(3). 
Ainsi  finit  cette  nombreuse  fiicdon  qui  fit  tant  de 
progrès  en  ji  peu  de  i^mps*  L'attaque  du  mdrdbhé  de 
Meaux  fiit  son  dieriùer  offort  ^  et  «celte  viU^  devint  scoi 
tombesm*  £Ue  fît  beauccmp  de  mal  à  la  Franoe;  ear 
non  senlament  ^e  mit  le  trouble  et  la  confiisiscm 
dans  une  partie  du  royaume,  mais  elle  &Lt  une  des 
causes  qui  empêchèrent  Charles  Y  de  peendre  des 
mesures  pour  s'oj^ipser  i  rinvasùm  dont  les  Anglais 
menaçaient  la  Brance,  aussitôt  que  la  tnève  serait 


(i)  Belleforét^AnnnïeyS France /i.  i,p.  ^90;  ètduHaîl- 
lan,  p.  828.  '  '  i    '       :  ,. 

'  (a)  Mëxersrjr,  Hisi.  dd  France)  p.  85^,    ; 


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(  355  ) 

expira (i). Si  nous  comptons  ces brigamlsanx  rmi* 
tîecs  dont  noos  avcms  parlé,  ils  nous  paraîtrom  moins 
eGtarageux  etWÊoms  puissans^mais  nous  les  trouverons 
plus  nx^ans  et  plus  cruels.  La  mulii{âicitë  de  leurs 
exoès  leur  &t  tellement  nuisible ,  qu'Us  ne  subsistè- 
rem  pas  lpng<«»Mps.  Lamine  année  qui  les  vit  naître, 
les  vit  aussi  se  dissiper.  Ce  qui  aotélëra  leur  ruine,  ce 
hi  leur  acharnement  à  massacrer  la  noblesse,  et  leur 
pea  d'expâience  dans  le  métier  de  la  p^erék. 


DE  lA  MILICE  DES  HEISTRES  ET  LkVSKETHEJS  DU  RHI19GRAVE, 
DtJ  C0L0I9EL  CHRISTOPHLE  HE  BASSOMPIERRE  (a). 

Pour  continuer  l'ordre  que  j'ai  tenu  dans  le  volume 
précédent,  je  prendrai  occasion  de  parler  des  reistrés 
et  des  lanskenets,  dont  il  est  fait  mention ,  aussi  bien 
que  de  Cbristophle  de  Bassompierre ,  lors  lieule- 
nant-colonel ,  et  depuis  colonel  en  chef,  au  récit  de 
l'escarmourche  de  Graville ,  fait  par  Michel  de  Cas- 
telnau  dans  le  premier  chapitre  du  livre  quatrième  de 
ses  Mémoires,  où  je  commence  le  «econd  tome  de 
mes  Commentaires  historiques.  Tout  le  monde  sait, 
aux  dépens  de  la  ruine  de  tous  les  Etats  de  FEtn 
rope,   que  les  nations  du  Nord   que  nous  appelons 


(i)  Rapin  Tfaoyras,  Kst  d'Angleterre,  t.  3,  p.  179. 
(a)  Actions  aux  Mémoires  de  Castelnau,  par  le  Ld>oune«rv 
m-f<',  t  a,  f»  I  4e  Téâit  4e  iGSg. 


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(  256  ) 

aUemandes,  étant  fort  fécondes  en  peuples,  la  né- 
cessité d'occuper  de  nouvelles  terres  plutât  que  Tam- 
bition  de  dominer,  à  laqueUe  ils  sont  moins  semiHes 
qu*à  leur  intérêt  et  à  leur  profit ,  les  a  haUtués  aux 
armes ,  et  qu'ils  y  ont  été  entretenus  par  la  divisian 
de  rXllemagne  en  diverses  principautés,  qui  ne  lair 
a  rien  laissé  de  consanun  que  la  langue ,  et  qui  a  &it 
que  chaque  seigneurie  est  un  membre  mort  à  k  pa- 
trie, dojA  Fâme  n*est  autre  chose /pie  l'union  et  Ta- 
mour  et  la  communion  d'intérêts.  Le  schisme  et  l'hé- 
résie sont  venus  ensuite ,  qui  ont  accru  le  désordre,  et 
qui  ont  achevé  de  miner  les  restes  de  la  fraternité  de 
ces  anciens  Germains,  par  les  guerres  de  la  religion; 
et  la  raison  d'Etat  y  fit  prendre  parti  à  nos  rois  Fran- 
çois I"  et  Henri  II  pour  les  luthériens,  sous  prétexte 
de  défendre  et  de  protéger  les  princes  et  les  commu- 
nautés protestantes  dans  leurs  principes  impériaux. 
Mais  la  justice  de  Dieu ,  qui  se  plaît  à  confondre  les 
conseils  des  hommes  et  à  ruiner  les  entreprises  qu'ils 
font  sur  l'avenir,  fît  bien  voir  tôt  après,  que  les  plus 
grands  héros  en  politique,  ne  méritent  bien  souvent 
d'autre  estime  que  celle  d'avoir  été  les  ministres  de 
sa  vengeance ,  et  que  leur  mémoire  ne  doit  subsister 
qu'avec  le  reproche  d'avoir  inunolé  à  sa  colère  des 
millions  d'hommes  qu'ils  croyaient  sacrifier  à  la  gloire 
de  leur  patrie ,  pour  des  desseins  dont  l'événement 
est  dans  ses  mains,  et  qu'il  ne  souffire  point  qu'on  lui 
arrache,  qu'on  ne  tombe  de  la  violçn^^e  qu'on  veut 
faire  à  ses  décrets. 

Après  les  troubles  d'Allemagne,  survinrent  ceux 


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(  ^5^  ) 

de  France  pour  le  même  sujet  de  religion  ;  et  les 
princes  de  l'empire ,  tant  catholiques  que  protestans^ 
ne  manquèrent  pas  de  se  servir  d'une  si  belle  occa- 
sion de  se  défaire  avec  avantage  du  poids  de  leurs 
armëes,  et  d'avoir  une  milice  toute  prête  pour  leurs 
desseins,  qui  s'aguerrît  à  nos  dépens,  et  qui  enrichît 
leurs  Etats  du  pillage  de  ce  royaume,  qui  la  soùdoye^ 
rait  pour  sa  ruine.  Les  huguenots  leur  demandèrent 
secours  et  l'obtinrent  aisément,   et  ou  en  fit  aussi 
venir  contre  eux  pour  diverses  considérations.  La 
principale  fut  que  la  reine  Catherine,  quoique  mère 
du  roi,  se  souvenait  toujours  qu'elle  était  étrangère , 
et  que  les  dangers  qu'elle  avait  courus  l'entretenant 
dans  la  défiance  des  grands  de  l'un  et  de  l'autre  parti, 
elle  crut  qu'il  était  important  d'avoir  un   corps  de 
troupes  étrangères  aussi,  qui  la  servirait  aveuglément 
dans  tous  ses  besoins  ;  car  sans  faire  tort  aux  reistres 
et  aux  lanskenets,  on  les  peut  comparer  à  des  che- 
Taux  de  service  à  la  guerre ,  qu'ils  [professent  sans 
affection  et  sans  réfléchir  sur  le  parti  qu'ils  tiennent. 
Comme  tels,  ils  se  vendaient  à  leurs  chefs,  qui  les  re- 
vendaient aux  princes,  et  ils  ne  se  conservaient  de 
liberté  que  celle  de  se  racheter  de  prison  en  tour- 
nant du  côté  du  victorieux.  Par  ce  moyen ,  ils  subsis- 
taient toujours;  c'était  im  fardeau  qui  ne  diminuait 
point ,  et  on  pouvait  dire  qu'ils  n'étaient  véritable- 
nnent  ennemis  que  du  pays  où  ils  étaient  employés. 
L'autre  raison  plus  favorable  de  Catherine  était  qu'il 
fallait  puiser  dans  la  même  source  d'où  les  hérétiques 
tiraient   toute  leur  assistance,  soit  pour  la  tarir  ou 
I*  9«  Liv.  17 


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(  »58) 

poar  en  divertir  le  cours ,  ou  bien  enccMre  afin  «{u^oc- 
cupant  ainsi  cette  nation  belliqueuse,  on  romfât  les 
desseins  qu^elle  pourrait  faire  de  son  chef  sur  la  iâi- 
blesse  de  la  France ,  parce  que  les  grands  Etats  cmt 
toujours  quelque  chose  a  s*entre*demander,  et  TEn^ 
pire  principalement  a  toujours  sujet  de  se  plaindre  de 
ses  voisins  9  qui  ne  r^ident  point  de  civilité  à  sa 
vieillesse,  et  qui  même  ne  se  réconcilient  pcnnt  avec 
luiquUl  ne  lui  en  coûte  quelque  province  ou  quel^ 
place. 

Ainsi  y  la  nécessité  du  côté  des  huguenots ,  et  la 
politique  de  la  part  de  la  reine,  attirèrent  sur  ce 
royaume  ce  peuple  que  nous  avions  soulevé  et  sou- 
doyé contre  la  maison  d'Autriche ,  et  nous  achetâmes 
encore  bien  cher  cette  alliance  ruineuse ,  qui  tint  les 
affaires  de  France  en  équilibre ,  qui  maintint  Théré- 
sie,  et  qui  entretint  la  guerre  civile.  Philippe,  comte 
du  Rhin,  autrement  appelé  le  Bfiingnwej  servit  avec 
plus  d'affection  qu'aucun  autre  colonel  de  reistres, 
comme  celui  qui  était  tout  Français  d'mclination,  et 
qui  pour  s'être  attaché  aux  intérêts  de  cette  cou- 
ronne ,  encourut  le  ban  de  l'Empire,  c(»nme  fit  aussi 
le  comte  de  Rokendolf.\  Il  se  maria  en  France  avec 
Jeaime  Ricarde  Galliot,  dite àeGenouiilaCj  veuve  de 
Charles  de  Crussol,  vicomte  d'Uzès,  grand-panetier 
de  Frâilce^  et  eut  pom*  imitateur  de  sa  conduite, 
comme  pour  successeur  en  sa  charge,  Christophle  de 
BassomjHerre,  baron  de  Haroel,  fils  de  François  de  Bas* 
sompierre  et  dé  Marguerite  de  Dompmàrti^,  et  petit- 
fils  de  Qirisiophle^  mari  de  Jeanne  de  Ville.  Ces  deux 


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(  ^59  )         ' 

adlknces  les  attirèrent  des  frontières  d* Allemagne  à 
h  cour  de  LcHraine ,  et  cela  ne  fut  pas  inutile  à'  ce 
second  ClttÎ8tq>lile  pour  scm  établissement  en  France^ 
et  ponr  y  tirer  âveur  de  la  maison  de  Guise.  Il  se 
maria  avec  Louise  le  Picard ,  fille  de  Georges  s.  de 
Hadeval  et  de  Louise  de  la  Motte ,  qui  lui  apporta  dHl« 
bstres  parentés^,  car  de  la  même  maison  des  le  Picard 
étaient,  en  scm  temps,  la  maréchale  de  Brissac  et  la 
dame  de  Pompadour,  mère  de  Madeleine  de  Pompa- 
deur,  comtesse  de Tillières,  etaïeulede  MarieleVeneiidr 
de  Tillières,  qui  de  Paul ,  comte  de  Salmes ,  1  JTssa 
Ghrestienne  de  Salmes;  de  laquelle  et  de  François  de 
Lorraiiie ,  comte  de  Vaudemont ,  sont  nés  les  ducs 
Obrles  et  François  de  Lorraine,  Mai^erite  de  Lor- 
raine, duchesse  d'Orléans,  etc.  Louise  de  la  Mot^ 
avait  pour  mère  Anne  de  Montmorency,  fille  de  Ro- 
land, haron  de  Fopeux,  et  de  Louise  d'Orgemont,  et 
par  ce  moyen  elle  était  alliée  des  deux  côtés  ati  con- 
nétable de  Montmorency.  De  ce  mariage  naquit  Fran- 
*  cois  de  Bassompi^re ,  colonel* général  des  Suisses  et 
maréchal  de  France ,  aussi  illustre  par  ses  disgrâces 
que  par  tant  de  belles  qualités  d'esprit  et  de  géné- 
rosité, qui  ont  intéressé  tout  le  public  dans  le  mal- 
h^ir  et  dan^  la  rigueur  de  sa  longue  prison. 

Entre  plusieurs  traités  faits  arec  les  colonels  des 
reistres ,  il  y  en  a  un  du  i8  juin  i5j4j  avec  Chris- 
tophle  de  Bassompierre ,  par  lequel  il  s*obligea  d V 
mener  d*  Allemagne  six  cents  chevaux  pistolliers,  sous 
deux  capitaines  et  deux  cornettes  de  trois  cents 
homnies  chacune;  et  les  conditimis  principales  qu'il 


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(  a6o  ) 

est  à  jHTopôs  de  remarquer,  pour  faire^voir  combien 
celte  milice  étrangère  vendait  son  service ,  furent 
que  lui ,  en  qualité  de  colonel,  aurait  six  cents  florins 
par  mois,  le  lieutenant-colonel  et  les  deux  capitaines 
chacun  trois  cents,  et  les  autres  officiers  à  proportion. 
Outre  lesquels,  il  aurait  encore  six  cents  autres  florins 
par  mois  pour  appointer  les  plus  a{q)arens  et  suffisans 
de  son  régiment,  ce  sont  les  propres  termes  :  de  plus, 
on  lui  devait  passer  à  la  montre  trente  six  payes  à 
raison  de  douze  pour  cent  en  chacune  cornette ,  et 
on  fti  accordait  encore  quatre  cents  florins  par  mois 
pour  davantage  aider  à  sa  subsistance.  On  lui  donna 
pour  les  frais  de  la  levée  sept  mille  deux  cents  florins, 
à  raison  de  douze  florins  pour  cheval  ;  on  promit  douze 
montres  dont  le  retardement  courait  aux  dépens  du 
roi,  et  que  le  roi  gagnant  une  bataille  où  ils  auraient 
combattu,  leur  montre  leur  serait  acquise  dès  le  jour, 
et  qu'ils  en  commenceraient  une  autre.  Par  ce  traité, 
ils  étaient  obligés  à  servir  le  roi  et  sa  couronne  envers 
et  contre  tous,  excepté  le  saint  Empire  et  leurs  sei- 
gneurs féodaux,  avec  serment  de  n'abandonner  le 
régiment  pour  révocation  qui  put  être  faite  par  Tem- 
pQreur,  la  chambre  impériale  ou  lem^  dits  seigneurs 
féodaux  ;  d*chéir  aux  ordres  pour  leur  marche ,  soit 
par  régiment  ou  par  compagnies  détachées;  de  ne 
rien  prendre  sur  les  sujets  du  roi  saas  payer;  et  en 
cas  de  mort  de  leur  colonel,  de  recevoir  celui  de 
leur  nation  que  sa  majesté  voudrait  choisir,  sans  de- 
mander pour  ce  nouvelle  capitulation;  et  enfin  de 
mettre  entre  ses  ntains  ou  de  son  lieutenant  -  gâiéral 


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(  a6i  ) 

tous  leinrs  prisonniers  de  guerre^  en  recevant  pour  le 
plus  six  mille  ëcus.  Il  était  aussi  porte  expressément 
que  ces  troupes  s^emploieraient  partout  où  il  serait 
commandé  au  sieur  de  Bassompierre  par  le  roi  et  la 
reine  sa  mère,  qui  fit  ce  traité ,  et  qui  y  fit  couler  cette 
marque  d^autorité  assez  extraordinaire.  Depuis  le  sieur 
de  Bassompierre  continua  à  faire  des  levées ,  et  fit 
monter  son  régiment  jusqu'au  nombre  de  quinze  cents 
reisires.  Pour  dire  la  vérité  de  cette  milice ,  comme 
elle  était  fort  mêlée  de  bons  et  mauvais  soldats  par 
Tint^êt  qu'avaient  les  cbefc  d'en  amener  grand  nom- 
bre, on  ne  s'en  pouvait  guère  assurer,  et  (m  y  fut 
trompé  de  part  et  d'autre  en  beaucoup  d'occasions  qui 
faisaient  assez  regretter  le  butin  et  la  solde  qu'ils  em- 
portaient de  France.  C'était  toujours  aux  rois  à  les 
payer,  tant  amis  qu'ennemis,  pour  les  mettre  hors  du 
royaume  j  et  c'était  l'emploi  ordinaire  de  Michel  de 
Castelnau  de  négocier  avec  eux  pouc  leur  sortie, 
comme  nous  verrons  en  plusieurs  endroits  de  cette 
histoire.. 


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(36a) 
QNQUJÈME  PARTIE. 

ADDITION  AU  CHAPITRE  PREMIER  (i). 


DE  E'INTÉBIEUR  DE  LA  CHAMBRE  A  COUCHER 

D*UNE  REINE  DE  FRANCE, 

àMJ  liOlIBin^  Oà  ELLE  DONVE  UN  nÉaiTIER  kV  TRÔNE. 

Chapitre  cnrieiw  des  Mémoires  de  Loaise  Bowgeois ,  dite  Boursier,. 
sage-femme  de  Marie  de  Mëdîcîs  (a). 


Comment  j'ay  eu  l'honneur  de  parvenir  anservice  de  larcyncy 

où  il  est  traité  en  snlte  des  coaches  de  la  royne 

et  des  naissances  des^enfans  de  France, 

Ayant  été  receue  (  sage  femme  jurée  )  fe  conti- 
nuois  de  practiquer  où  je  servis  graml  nombre  de 


(i)  Tome  8  de  la  Collect. 

(a)  Extrait  textuel  de  la  seconde  partie  du  livre  intitulé  ; 
Obsavations  dloerses  sur  la  sténllté,  perte  defrmct,fœcondité, 
accouchements,  et  maladies  des  femmes  et  enfants  nouçeatàs 
naU;  amplement  traittées,  et  Jieureusement  practîquées  peur  L. 
BoimcEOis^  dite  Boursier,  sa^e  femme  de  la  Rotne....^ 
Rouen,  V«  Thomas  Daré,  1626,  in-S**,  port. 

Le  volume  que  nous  revoyons  en  ce  mioment  était  cooi- 


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.     (263  ) 

femmes  ià»t  pamrrea  que  mëdioones ,  dames  <pie  dhe- 
moiselles,  et  jusques  h  des  princesses^  il  ne  se  parldit 
par  la  ville  que  de  la  grossesse  de  la  royne  (i),  et 
que  le  roy  lui  donnoit  madame  Dupuis  pour  sage 
fenune^qui  avait  sarvy  madame  la  duchesse,  ce  qu'elle 
n'avoit  gueres  agréable,  parce  que  madame  la  mam* 
quise  de  Guercheville,  damed'homieur  de  la  royne, 
sW  estoit  servie  aussi.  Elle  la  présenta  à  Sa  Majesté 
|>ar  plusieurs  fois,  qui  n'en  fit  point  d'estat,  et  ne  lui 
dit  aucune  chose  :  iamais  il  n'entra  en  mon  entende- 
ment de  penser  à  l'accoucher,  sinon  qile  i'estimois 
hien^èheureuse  celle  qui  en  auroit  l'honneto,  et  pén*^ 

posé  depuis  loDg-temps,  lorsque  nous  apprîmes  que  le  frag- 
ment ci -dessus  annoncé  des  Mémoires  de  la  dame  Bour- 
geois venait  de  reparaître  dans  le  tome  i4  des  Archives  cu- 
rieuses de  l'histoire  de  France.  Notre  première  pensée  fut  de 
le  supprimer  et  de  Iç^  i*emplaeer,  chose  très-facile,  par  quel-- 
qu'autre  pièce  plus  ou  moins  piquante  :  nous  aiHÎons  vo[ulu 
éviter  le  concours ,  jusqu'à  présent  sans  exvnple ,  de  deux 
réimpressions  d'un  même  document  dans  deux  Collections 
qui  concourent  elles-mêmes  à  un  but  commun  d'instruction 
historique  ;  mais  le  récit  edt  curieux ,  et  d'un  intérêt  tout  spé- 
cial qui  n'a  $09  équivalent  dans  aucun  autre  livre  de  cette 
classe»  Apirèsi'^voîr  relu,  nous  avons  fini  par  nous  persuaiâer 
q«e  nos  so^scripte^rs  seraient  ipoins  disposés  à  partager  nos 
sçmpules  qu'à  nou3  féliciter  de  n'y  avojr  pas  cédé.  Au  reste, 
le  yolume  qui  nous  fourait  ce  singulier  épisode  n'est  rien 
moins  que  commun,  et  l'on  peut  douter  qu'il  ait  jamais  les 
honneurs  d'une  réimpression  complète.         (  Edit  C.  JL.  ) 

(i)  Vers  le  milieu  de  l'année  1602.  La  rcîne  accoucha  fc 
aa  novembre  smvant  {EâH,  C.  L.)  . 


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(264) 

\  au  mal  que  madame  DupuU  m^aooit  fiât;  à  la  vé- 
rité ie  Teosse  [dustost  desirë  à  vne  autre  qu^  elle.  Il 
arriua  que  la  première  femme  de  monsieur  le  preâ- 
dent  de  Thou  lut  malade  dont  elle  mourut;  elle 
m^aimoit  et  cognoissoit  dés  long-temps,  me«ne  m*auoit 
tenu  vne  fille  'sur  les  fonds.  Apres  que  la  consulta- 
tion de  la  maladie  de  madame  de  Thou  fut  faite,  elle 
dtmanda  à  monsieur  du  Laurens  comment  il  alloit  de 
la  santé  de  la  royne,  il  luy  dit  que  fort  bien  grâces  à 
Dieu,  mais  qu^ils  èstoient  en  g^tnd  peine,  monsieur 
de  la  Riuiere  et  luy,  touchant  la  sage  femme  que  le 
roy  desiroit  qui  accouchast  la  royne;  quHls  sçauoient 
que  la  royne  ne  Tanoit  nullement  agrea})le,  et  que 
néantmoins  c^est  la  principale  pièce  de  Taccouche- 
ment,  que  la  sage  femme  agrée  à  la  femme  qui  ac- 
couche ;  qu^ils  auoyent  résolu  de  sHnicmner  de  quel- 
quVne  qui  fut  plus  ieune,  qui  entendit  Inen  son 
estât,  et  fut  pour  patir  avec  madame  Dupuis,  qui  es- 
toit  grandement  fascfaeuse,  afin  que  venant  la  royne 
à  accoucher/ et  continuant  à  ne  vouloir  madame  Du- 
puis, que  la  seconde  Taccouchast.  Il  pria  les  médecins 
qui  ne  bougeoient  de  Paris  luy  en  vouloir  enseigner 
vne  propre  àcela  :  ils  èstoient  cinq  doncques,  monsieur 
dm  Laurens,  messieurs  Malescot,  Hautin,  de  la  Yio^ 
lette  et  Ponçon  :  monsieur  Hautin  demanda  à  la  com- 
pagnie si  Ton  auroit  agréable  qu'il  en  proposast  vne , 
il  me  nomma,  et  dit  que  i'auois  plusieurs  fois  accou- 
ché sa  fille  ^  d'accouchements  fort  difficiles  et  en  sa 
présence  :  monsieur  Malescot  dit  qu'il  Tauoit  preuenu 
en  me  nommant  ;  monsieur  de  la  Violette  dit,'ie  ne 


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(  26S  ) 

la  cogQois  point,  mais  Ten  ay  entendu  dire  du  bien  : 
monsieur  Pcmçon  dit,  ie  la  cognois  fort  bien,  il  ne  se 
peut  faire  meilleure  ellection.  Monsieur  du  Laurens 
leur  dit  quHl  me  desiroit  voir  :  monsieur  Ponçon  s'of- 
frit de  raccompagner  cbés  nous,  en  leur  retournant. 
Madame  de  Thou  me  recommanda  à  lûy  de  tout  son 
eœur  en  faneur  de  leur  alliance.  Ils  prirent  la  peine 
de  venir  cbés  nous  :  monsieur  du  Laurens  me  dit  ce 
qui  s'estoit  passé  entre  luy  et  ces  messieurs,  et  qu'ils 
feroient  auoir  agréable  au  roy  (s*il  leur  estoit  possi- 
ble^ monsieur  de  la  Riuiere  et  luy,  d'auoir  vne  se« 
conde  sage  femme  pour  les  causes  susdites,  et  qu'il 
me  ]»rometoit  que  s'il  y  en  auoit  vne  seconde,  que  ce 
seroit  moy,  qui  en  aurois  grand  profit  et  bonneur. 
Quand  la  royne  se  laisserok  acccnicfaer  par  madame 
Dupuis,  qu'elle  estoit  vieille^  q^c  i^  ^^y  succederois; 
maisque  l'on  la  tenoit  pour  mauuaise,  qu'il  fallait  que 
i'en  endurasse.  le  luy  dis  que  pour  le  service  du  roy 
et  de  la  royne  ie  luy  seruirois  de  marcbe-pied,  le  re- 
mercie ,  et  le  suj^lie  de  me  continuer  l'bonneur  de 
sa  bienveillance;  il  me  dit  que  le  seruice  qu'il  de- 
uoït  à  la  royne  lui  obligeoit  à  cause  du  bon  récit 
qu'il  auoit  entendu  de  moy,  auec  l'instante  recom- 
mandation dé  madame  de  Thou.  Quand  ie  vis  que 
sans  iamais  y  auoir  pensé  vn  tel  honneur  se  juré- 
sentoit  à  moy,  ie  creuque  cela  venoit  fliê  Dieu,  le-' 
quel  dit,  ayd^  toy  et  je  t'ayderay,  et  pensay  devoir 
auec  mes  amis  faire  ce  que  ie  pourrois  pour  faire 
agréer  à  monsieur  de  la  Riuiere,  que  si  le  roy  auoit 
agréable  qu'il  y  eust  vne  seconde,  que  ce  fut  moy. 


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(.66) 

le  prie  vne  dame  de  mes  amis  de  prier  pcmr  m<^ 
madame  dé  Lon^nie,  qu^elle  en  voulut  prier  mon* 
sieur  de  la  Biuiere  qui  logeoit  deuant  sa  pcxte,  ce 
qu*elle  fit  de  bon  cœur.  U  s^y  employa  au  t^oqis  qu'il 
fidloit.  Ayant  asseùrë  mon  affaire  de  ce  oosté-là,  fat 
lay  trouuer  madame  la  duchesse  d^Elboeuf ,  que  iV 
uois  eu  rhonneur  d'accoucher ,  à  qui  ie  dis  comme 
le  tout  s'estoit  passe,  elle  en  eu^  une  très -grande 
ioye,  et  me  dit  qu'elle  s'emj^oyeroit  poi^  moy  de  toat 
son  cœur  en  cet  affaire  -  là,  et  qu'elle  le  desiroit  aœc 
passion,  mais  qu^elle  n'en  n'eust  ose  parler  que  se- 
crettement,  craignant  de  &scher  le  roy,  qui  ne  vou- 
loit  point  que  la  royne  en  vist  ny  entendist  parkr 
d'auU'e  que  madame  Dupms.  Gratienne ,  qui  auoit 
esté  à  feu  madame  la  <jbdhiesse,  en  parla  va  iour  au 
roy,  attribuant  la  faute  à  madkme  Dupuis  de  som 
dernier  accouchement;  il  s'en  fascha  ej:  dit  que  la 
première  personne  qui  en  parleroit  à  la  royne ,  qu'il 
luymonstreroit  qu'il  luyen  desplairoit.  Madame  d'El- 
bœuf  m'enuoya  présenter  par  vn  de  ses  geniils-iom- 
mes  à  madame  de  Nemours,  sa  tante,  lequel  auoit 
charge  d'elle  de  la  supplier,  si  l'occasion  se  preseri^oit 
de  feire  pour  moy,  auprès  de  la  royne,  qu'elle  l'en 
supplioit  de  tout  son  cœur,  et  que  sur  le  IxMi  seruîce 
que  ie  luy  auois  rendu,  elle  luy  asseuroit  qu'elle  au- 
roit  honneû:^  de  s'en  estre  meslée.  Madame  de  Ne- 
mours me  reçeut  fort  Ken,  et  pria  le  gentil -homme 
d'asseurer  madame  qu'elle  ne  perdroit  l'occasion,  poi»- 
ueu  que  la  rôyne  en  ouurit  le  propos,  mais  que  per- 
sonne ne  l'osoit  ouurir.  Madame  d'Elbeuf  voyant  la 


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(  a67  ) 

refl|)ODse  de  madame  de  INemours,  se  hasarda  allant 
voir  la  royne  qui  luy  demanda  de  sa  couche  comme 
elle  s'en  estoit  trouuee^  elle  luy  dit<{ue  fort  hien, 
et  se  loiîa  surtout  de  sa  sage  femme,  à  quoy  la  royne 
presta  roreUle,  et  tesmoigna  prendre  plaisir  d^en 
entendre  parler,  luy  demanda  qui   elle  estoit,  de 
quel  aage,  et  de  quelle  façon,  à  quoy  elle  luy  satisfît, 
et  me  conseilla  de  penser  par  qui  ie  pourrois  estre 
présentée,  etqu^elle  feroit  tout  ce  qu^elle  pourroit  au 
reste.  Le  roy  et  la.  royne  alloient  ordinairement  vne 
fois  ou  deux  la  sepmaine  manger  au  logb  de  monsieur 
de  Gondy,  où  ils  se  retiroient  de  Timportunité  du 
peuple  et  des  courtisansyct  menoyent  personnes  fa- 
miliers.  le  pensay  que  monsieur  de  Helly,  parrin  dVn^ 
de  mes  filles,  àuoit  despuis  trois  mois  espousë  la  ieune 
filk  de  monsieur  de  Gondy,  et  que  par  son  moyen  ie 
p(HUTois  paruenir  k  ce  que  ie  desirois.  le  le  suppliay 
donc  de  u*ouuer  bon  que  ie  fusse  allée  saluer  madame 
sa  femme,  cequ'fl  eust  fort  agréable;  i'y  fus  donc,  et 
trouuay  vne  dame  grandement  ccmrtoise,  qui  me  fit 
toutes  sentes  d'o£Sices  en  faueur  de  monsieur  son  mary . 
A  huict  iours  de  là,  ie  retourne  la  voir,  ou  ie  m'en- 
hardis de  la  supplier  de  me  vouloir  tant  faire  de  bien 
que  par  son  moyen  ie  pousse  estre  présentée  à  la  royne , 
lors  que  elle  nlangeroit  à  Fhostel  de  Gondy;  elle  me 
dit  qu'elle  estoit  extrêmement  marrie  de  ne  me  pour- 
voir promettre  cela,  d'autant  qu*elle  estoit  mariée     * 
seulement  despuis  trois  mois ,  et  que  cela  seroit  trouué 
mauuais,  qu'elle  prist  la  hardiesse  de  présenter  vne 
sage  femme  à  la  royne,  au  veu  et  au  sçeu  de  tant  de 


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(26«) 

daines  aagëes  et  qui  auoient  eu  plusieurs  eii&ns;  mais 
que  pour  m^enuoyer  quérir  lors  que  la  royne  iroit , 
qu^elle  le  feroit  bien^  et  que  lors  que  ie  serois  entrée^ 
que  ie  ferois  ce  que  ie  pourrois.  Yne  mieime  amie 
qui  auoit  fort  long  temps  logé  monsieur  de  Helly  ch& 
elle,  qui  estoit  auec  moy,  luy  dit,  madame  vous  estes 
bien  aymëe  de  la  seignora  Leonor  que  la  royne  ayme 
tant,  vous  ferés  bien  cela  auec  elle  :  il  est  vray,  dit- 
elle,  que  la  seigneur  Conchine  m^aime  voirement; 
mais  elle  est  aussi  nouuelle  mariëe  que  moy,  ie  crains 
qu^elle  n'en  oze  parler  ;  mais  Dieu  vous  aydera,  à  h 
première  veuë  de  la  royne  vous  verres  ce  qui  se  pourra 
faire.  Il  arriua  que  la  royne  ayant  accoustumé  d*j  al- 
\e£  souuent  fut  bien  quinze  iours  sans  y  aller.  Ma- 
dame de  Helly  lut  doncques  aduertie  comme  le  roy 
et  la  royne  y  deuoyent  aller  soupper,  qui  estoit*vn 
vendredy,  elle  me  le  fit  scauoir,  afin  d*y  aller  dès  le 
matin.  le  prie  donc  ma  dite  amie  de  m'y  accompa- 
gner, nous  demeurasjpes  tout  le  iour,  c'estoit  enuiron 
le  mois  d'aoust;  la  royne  y  arriua  la  première  sur  les 
quatre  beures,  accompagnée  de  madame  la  ducbesse 
de  Bar,  sœur  du  roy,  auec  mes  dames  les  princesses , 
.  dames  d'honneur  et  d'atour.  La  royne  se  promena 
dans  les  jardins  iusques  à  sept  heures  du  soir  que  le 
roy  arriua  auec  monsieur  le  duc  de  Bar  et  autres 
{^rinces.  Testois  dans  la  chambre  du  sieur  de  Helly. 
le  h'auois  eu  moyen  de  voir  la  royne,  d'autant  que 
madame  la  marquise  de  Guercheville  sa  dame  d'hon- 
neur estoit  tousiours  proche  d'elle,  laquelle  s^es- 
toit  seruie  de  la  dame  Dupuis  sage  femme,  et  tenoit 


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(  a69  )       ■ 

son  party  proche  de  la  royne ,  pour  le  roy,  que  per- 
sonne, bien  quil  sçeui  que  la  royne  ne  Tavoit-pas 
agréable,  n'en  eust  osé  parler.  Ayant  veu  le  roy  et  la 
royne  entrer  en  la  salle  pour  souper,  estant  assk  à  table, 
ma  dite  aniîe  et  moy  y  enstrasmes  auee  Tvn  des  gens 
de  monsieur  de  ^Uy;  la  table  estoit  dressée  en  po- 
tence, au  bout  d'en  haut  le  roy  et  la  royne  y  estoient, 
pois  les  princes  et  {princesses  chacun  selon  leur  rang, 
et  surtout  ceux  de  la  maison  de  Guise ,  les  seigneurs 
et  dames  après.  A  Fissuë  du  souper  la  rome  fut  con- 
duite par  le  roy  sur  le  lict  verd  pour  se^eposer,  ac- 
compagnée de  madame  sa  so^ur.  Le  roy  demeura  au 
milieu  de  la  salle  auec  les  princes  et  seigneurs  à  ra^ 
conter  de  plusieurs  faits  d'armes  :  cependant  nous  ap- 
prochâmes de  madame  Conchine  et  de  Helly,  laquelle 
parla  à  la  dite  dame  Conchine  de  moy,  comme  i'es- 
tois  elevatrice ,  qui  est  à  dire ,  elle  me  regarda  et  fit 
plusieurs  demandes ,  lesquelles  me  furent  interprétées  . 
par  la  dame  de  Helly,  et  de  mesme  elle  luy  dit  en  ita- 
lien mes  responces.  Ëpuiron  les  onze  heures  du  soir 
venues,  le  roy  fut  prendre  la  royne  par  la  main  et 
luy  dit,  mamie  allons-nous  retirer  il  est  bien  tard,  et 
la  conduit  hors  de  la  salle,  suiuis  4^  tous  les  princes 
et  seigneurs,  princesses  et  dames,  de  sorte  que  ceste 
mienne  amie  et  moy  demeurasmes  seules  dans  la  salle 
nous  regaçdans;  ie  luy  dis  allons-nous  en  aussi,  puis- 
que le  bonheur  ne  m'a  tant  voulu  fauoriser  que  i'aye 
peu  estre  yueë  de  la  royne,  cela  a  esté  du  tout  impos- 
sible. Sortons  nous  vismes  la  royne  qui  s'asseioit  dans 
sa  chaise  sur  le  perron,  à  l'entour  de  laquelle  estoient 


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(  ^7^  ) 
six  pages  de  la  chtfnbre  tenans  des  flambeaux  auec 
six  -eatafiers  qui  auoient  accoustumë  de  la  porter,  et 
les  dames  de  Conchine  et  de  Helly  qui  accomodoiem 
sa  robbe  dans  sa  chaise.  le  jH'iay  madite  amie  de  par^ 
1er  à  madame  Helly,  à  ce  qu^elle  ramenteut  à  ma- 
dame de  Conchine  de  parler  à  la  i^ne  de  moy,  veu 
que  le  roy,  [Nonces  et  princesses,  seigneurs  et  dames 
estoient  tous  entrés  en  carrosse ,  et  que  pas  yn  d^eux 
n^  me  pouuoit  voir,  ce  quelles  firent  :  La  royne  dit  à 
madame  C^Achine ,  à  ce  qui  me  fut  dit,  que  veux-tu 
que  ie  fac^WLe  roy  m'en  veut  donner  vne  qui  ne  me 
fdaist  pas,  mais  il  faut,t[ue  ie  passe  par-là.  Madame 
Conchine  luy  dit,  madame  Yoslre  Majesté  la  peut 
voir  que  le  roy  ne  le  scaura  pas,  vous  n'auez  veu  (jue 
ceste  vieille  qui  ne  vous  agrée  pas  :  il  me  fut  donc 
commandé  d'aj^rocher  que  la  royne  me  vouloit  voir, 
ie  fis  la  reuerence  à  la  royne,  qui  me  regarda  enuiron 
la  longueur  d'vn  Pater j  puis  commanda  k  ses  esta- 
fiers  de  marcher,  tous  les  carosses  estans  sortis  qui 
pouuoient  estre  douze  ou  quinze,  Ton  portoit  la 
royne.  Apres  madame  Conchine  entra  dans  le  dernier 
carrosse,  et  madan^e^de  Helly  costoya  la  royne  par- 
lant à  elle  iusqiles  à  la  porte  :  et  moi  apre$>  ie  deman- 
day  à  madame  de  Helly  si  la  royn^  luy  auoit  point 
parlé  de  moy,  elle  me  dit  que  non.  Le  lendemain 
enuiron  vne  hem'e  après  midy,  madame  ^de  Helly 
print  la  peine  de  passer  deuani  nostre  logis  et  me  fit 
appeller,  et  me  dit  courage  madame  Boursier,  il  7  a 
de  bonnes  nouuelles  pour  vous,  je  viens  de  preq^cka 
congé  de  là  royne  pour  aller  en  mon  mèsnage ,  oà  ie 


?» 


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1 271  ) 

n'i^  pas  encor  esté.  D'aussi  loing  qn^elle  m'a  venë 
elle  m^a  demandé  <|u'est  il  de  Teleuatrice  que  tu  me 
montras  hier?  Que  fait- elle?  le  luyrespondis^  ma- 
dame dJe  est  en  ceste  ville  en  sa  maison,  qui  attend 
de  recevoir  Thonneur  de  vos  cpmrnandemens  :  asseu^ 
rës-là  que  iamais  autre  qu'elle  ne  me  touchera^  le  A» 
le  leiKlemain  prendre  congé  de  madame  de  Helly^ 
qui  m'asseoira  de  rechef  de  la  bonne  voloI^)é  de  1^ 
royne*  Monsieur  de  Helly  me  faisoit  l'honneur  de 
me  v(Hr  souuent,  et  me  demandoit  si  ie  n'auois  pcûnt 
rien  appris  touchant  mon  affaire.  Enuiron  quinze 
iours  afH^es  le  partement  de  madame  de  Helly,  il  me 
vînt  voir  et  me  dit  qu'il  estoit  infiniment  fasché  dont 
iô ne  seruirois  point  laroyne.  le  demeure  fort eston^ 
née^t  luy  demanday  comment  il  le  seauoit;  il  me  dit 
qu'il  ne  le  seauoit  point  autrement,  sinon  qu'il  luy 
semblait  que  si  ie  l'eusse  deu  seruir  que  i'en  eusse 
entendu  d'autres  nouuelles*  le  repris  coura^  et  Juy 
àks,  que  s'il  n'y  aiK>it  que  cela ,  ie  n'en  desesperois 
points  que  l'on  tenoit  que  le  roy  alloit  faire  quelque 
Yoyage,  que  peut-estre  la  roy  ne  attendoit  qu'il*  fust 
pttrty,  à  cause  qu'elle  sçatfôit  Ken  qu'il  eust  tousiours 
de^ré  que  ç'eust  esté  madame  Dixpuis  qui  l'eust  ac- 
couchée, le  n'entendois  parler  partout  où  i'sdlois  qitô 
du  part^nent  de  la  royne.qui  deuoit  aller  à  Fontaine 
Ubau faire  ses  couches,  que  le  roy  luy  laissok  madame 
sa  sœur  pour  vDte  bonne  et  gaye  compagnie  attendant 
son  retour,  lequel  deuoit  estre  auant  son  aooouche^ 
ment.  L'on  parloit  aussi  de  l'appareil  de  madame 
Dupuis,  laquelle  tenoit  son  voyage  tout  asseuré  en 


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(  ^72  ) 
ayant  eu  parolle  du  roy  et  de  madame  la  mar- 
quise de  Guercheville  :  madame  du  But  esp^oit  que 
par  ses  amis  la  i^yne  ne  voulant  madame  Dupuis,  elle 
pourroit  entrer  en  la  place.  le  ne  disois  mot  de  ce 
que  i'auoiseu  Phonneur  d'auoir  ëtë  veuë  de  la  royne, 
de  ce  qu*elle  auoit  dit  à  madame  de  Helly .  Tauois  tout 
remis  TaSaire  à  la  volonté  de  Dieu.  La  veille  dont 
le  roy  partit,  il  dit  à  la  royne,  et  bjen  mamie,  vous 
sçauez  où  ie  vois  demain,  ie  retourneray  Dieu  aydant 
assez  à  temps  pour  vos  couches.  Vous  partirez  après 
moy  pour  aller  à  Fontaine  bleau,  vous  ne  manque- 
rez de  rien  qui  vous  soit  nécessaire,  vous  aurez  nsia- 
dame  ma  sœur  qui  est  de  la  meilleure  compagnie  du 
monde,  qui  recherchera  tous  les  moyens  qu'elle 
pourra  pour  vous  faire  passer  le  temps,  vous  auez 
madame  la  duchesse  de  Nemours,  grande  princesse  su- 
perintendante de  vostre  maison,  madame  la  marquise 
de  •Guercheville  vostre  dame  d'honnetœ,  madame 
Con  chine  vostre  d'ame  d'atour,  madame  de  Monglas 
qui  sera  gouuernante  de  l'enfant  que  Dieu  vpus  don- 
nera, vos  femmes  de  chambre  ordinaires.  le  ne  veux 
point  qu'il  y  ait  ne  princesse  ni  dame  autres  que 
celles-là  à  vostre  accouchement,  de  peur  de  faire  nai- 
stre  des  ialousies,  aussi  que  ce  sont  tant  d'aduis  que 
cela  trouble  ceux  qui  serùent.  Vous  aués  monsieur 
du  LaurensTOstre  premier  médecin ,  le  seigneur  Guide 
vostre  mededn  ordinaire,  madame  Dupuis  vostre  sa- 
ge femme  :  la  royne  commença  à  branler  la  teste,  et 
dit ,  la  Dupuis ,  ie  ne  veux  me  seruir  d'elle.  Le  roy 
demeura  fort  estonnë,  comment  mamie  auës-vous  at- 


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(  =«73  ) 

ien^  mon  despartcment  pour  me  dire  que  vg&s  ne 
vouliës  pas  madame  Dupuis,  et  qui  voulés-vous  donc? 
Je  veuxvne  femme  encor  assés  ieune,  grande  et  aile-- 
gre,  qui  a  accouché  madame  d'Eibœuf,  laquelle  j'ay 
veuë  à  rhostel  de  Gondy .  Comment  mamie ,  qui  vous 
I    Ta  faict  voir?  est-ce  madame  d'Elbœuf?  Non,  elle  est 
,   venue  de  soy.  le  vous  asseure  que  mon  voyage  ny  af- 
^   faire  que  i'aye  ne  me  mettent  tant  en  peine  comme  cela  ; 
^   que  Fon  m'aille  chercher  monsieur  du  Laurens.  Ar- 
^  riué/le  roy  luy  dit  ce  que  la  royne  luy  auoit  dit,  et 
la  peine  où  il  en  estoit  :  monsieur  du  Laurens  luy  dit, 
j   Sire,  ie  la  cognois  bien,  elle  sçait  quelque  chose,  elle 
i  est  femme  dVn  chirurgien.  Il  y  a  long  temps  que 
1,  chacun  sait  que  la  royne  n'a  pas  agréable  de  se  seruir 
de  madame  Dupuis,  et,mesnie5  ie  m'estois  informé 
.  des  bons  médecins  de  ceste  ville,  s'il  arriuoit  que  la^ 
.  royne  continuast  à  ne  vouloir  madame  Dupuis,  quelle 
femme  nous  luy  pourrions  bailler  auec  elle,  afin  que 
:  venant  au  poinct,  la  seconde  seruistde  première,  n'o- 
^  zant  dire  à  Votre  Majesté  ce  cpie  nous  sçavions  de  la 
volonté  de  la  royne,  veu  que  vous  desiriez  que  ma- 
dame Dupuis  la  seruist ,  ils  m'ont  nommé  celle-là.  Qui 
sont  les  médecins  qull'ont  nommée  ?  C'a  esté  monsieur 
Malescot  qui  est  le  plus  ancien  de  cestg  ville ,  monsieur 
,  Hautin  qui  a  l'honneur  d'estre  à  Votre  Majesté,  mon- 
,    sieurdelaVioletteetmonsieurPoinçon:  Le  roi  demanda 
où  estie^votis  tous  ?  en  viie  consultation  que  nous  auons 
£dcte  pour  la  femme  de  monsieur  le  président  de  Thou, 
jsfcâ  est  fort  malade.  Ce  n'est  pas  assez,  dit  le  roy,  al- 
lez promptement  la  trouuer,  et  qu'elle  vous  nomm.6 
1.  9«  Liv.  i8 


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(=»74) 

▼ne  deusaîoe  de  femme»  de  qualité  qu^elle  aiis^nûes, 
sçauoir  si  elles  s'en  eonientent.  Monsieur  dd  Lauren» 
vint  donc  Aez  nmm  dû?e  le  couifloândemem  ^UI 
v^Qoit  de  reeenoîr  du  roy .  le  lay  eserivîs  enuiiroa  vne 
tremeûiie  de  femmes  de»  dernières  que  i'auoiâ  âcocK^ 
cibéeç^  et  les  plus  proches  de  nostre  logis.  le  le  fis 
conduire  paryn  de  noftseiruiteiirsi  dbez  six  ou  sep%  ^pû 
ealoient  en  coucbe,  donc  il  y  auoic  madame  Arnaud 
Tintendanle  ^  madam<nselle  Perrot  la  conseillère , 
nîepce  de  monsieur  de  Fresne  secrétaire  d'estat,  mar 
damoiselle  le  Meam^  femme  de  Tintendant  de  mon- 
âeur  de  Kheimsi)  madamoiseUe  de  Pousse -molÊe, 
feoimet  dVn  secrétaire  du  roy,  madame  Freeard, 
une  riche  mitf obande*  U  fut  ausn  parler  à  madame 
la  duchesse  d'Elbœuf  ,  puis  retournai  me  dire  quHl  es- 
tait deuëment  informé ,  et  qu'il  alloit  bien  réioiàir  le 
roy  ei  la  royne;  et  me  dili  ce  qub  s'estoit  passé  entre 
lerroy et  eUe  sur  ee  sujet:  si  tostque  le  roy  fut  purly, 
la  royne  Iny  coimnaiida  de  me  Tenir  troouer  le  len- 
demain  matin ,  pour  me  oommander  d'estre  à  son  lé- 
guer. U  m'auoit  dit  qu'estant  à  k  pente  de  la  cham- 
bre de  lar^ne,  ie  deasnandasse  la  piremiere  femme  de 
ohambre  de  la  royne  nommée  madamoi^elle  de  la 
MenomUiere,  qpe  ie  luy  disse  que  i'allois.  là  de  sa 
part;  elle  me  regarda,  et  me  dit,  mamie  vous  estas 
ImB  faemseuse  d'anon:  gagné  les  bonnes  grâces  de  la 
TOjmSy  SUES  les  auoic  méritées  :  la  n>yne  est^  leuée 
<pd  YkppAàf  Renoiiilliere  qui  a  il  là?  Mad|g»e,  c'est 
vostre  S9ge  fe^^lle  que  vous  auez  choisie;  ouy  ie  l'ay 
^oisie^  ie  k  vénx,  ie  ne  me  trwipay  iamaâs  en  chose 


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(  275  )      • 

(jtie  i'aye  choisie ,  qu'elle  s'approche.  Elle  me  regarde 
et  fie  prh  à  rire  âuec  Viic  couleur  vermeille  qui  luy 
vim  aux  ioues;  elle  tne  dh  que  le  lendemain  ie  Tal* 
la^se  voir  tiïe  heure  plus  matin ,  p<>ur  là  toir  au  fect  ;  et 
craignant  que  ie  ne  l'eusse  entendue  )uy  Commanda  de 
me  le  dire,  et  tfussi  que  Ton  altàst  commefndêt  au  ta^ 
ijÂâsier  de  tenir  vn  lict  pre^i  pour  moy ,  et  qu'elle  me  dit 
qnefe  tinsse  mon  eofire  prëstpotn*  partir  àueé  elle  dans 
trofe  ou  quatre^  ioui^s  ;  et  cependant  que  ie  ne  manquasse 
tous  le^  matins  de  l'aller  voir  attant  son  leue^.  Feus 
ausâ  charge  de  ladite  damoiselte  de  tenir  un  garçon 
prest  pottr  mè  seruir,  et  qu'ayant  appresté  mon  cofee, 
je  Tenuoyasse  à  la  garderolAe  de  la  royne,  pour  le 
faire  charge  avec  l'autre  hagagé.  l'y  fus  donc  le  len- 
demain, selcHi  le  commandemem  qui  m'en  auait  esté 
•foict,  où  i'eus  Phonnèur  dé  voir  la  royn^  an  lict,  et 
parler  à  elle,  et  lui  dit^  mon  aldnis  de  l^enfant  que  ie 
eroyois  quf  elle  àuroit ,  à  cause  que  elle  me  le  demanda  : 
elle  desitoit  âe  m'énhardir  auprès  de  sa  Maiesté,  et 
faire  que  ie  la  peosse  entendre,  car  elle  ni'entèndoît 
fert  bien  :  ie  fus  àduettie  pafi^  madamoiselle  de  la 
Renoîxilliere ,  la  veille  du  partemem ,  d'aller  le  len- 
demain li  telle  béare.  le  fus  mise  dans  le  carrosse  de 
la  royne ,  dans  lequel  èstoient  madame  k  marquise 
de  Guerchéville ,  anec  madamfeCon chine,  chacune 
à  vne  portière ,  et  maistre  Guillaume  le  fol  du  roy, 
qne  l'on  Mit  du  Cost^  dn  cocher,  l'on  me  commanda 
de  me  mettre  au  derrière.  A  la  disnée  l'on  me  fit 
aHer.trbuuer  la  royne  dans  sa  éhambre,  iusqnes  à  ce 
<|u'elle  dkst  dîsner  ;  Ton  me  lAéna  disner  auec  les 


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*    (  276  ) 

femmes  de  chambre  ^  puis  Tapres-disnëe  Ton  me  ra- 
mena dans  la  chambre  de  la  royne  où  Ton  me  dit  que 
ie  fisse  tousiours  ainsi.  Le  voyage  de  Fontainebleau  se 
fit  en  deux  iours;  la  x^ouchëe  du  premier  iour  fut  à 
Corbeil  en  vne  hostellerie,  où  il  n'y  auait  quVne 
P  meschante  petite  chambre  basse  de  plancher,  bien 
estouffëe  pour  la  royne.  L'on  mit  coucher  les  femmes 
de  chambre  et  moy  dans  ce  qui  estoit  marqué  pour 
cabinet  de  la  rpyne  ;  il  n'y  auoit  entre  son  lict  et  le 
mien  9  qu'vne  petite  cloison  de  torchis.  Le  matin  l'eus 
l'honneur  d'estre  à  son  resueil ,  le  disner  fut  à  Melun , 
au  logis  de  monsieur  de  la  Grange-le-roy,  où  il  n'y 
auoit  aucuns  meubles,  et  sur  txmt  il  n'y  auoit  que  de 
grosses  [ûerres  au  lieu  de  chenets.  L'on  auoit  faict  du 
feu^  encor  que  ce  fust  vers  la  tin  d'aoust,  il  ne  faisoit 
pas  trop  chaud,  il  auoit  esté  mis  trois  grosses  bus-« 
ches  au  feu  ;  la  royne  qui  y  auoit  le  dos  tourné  estant 
debout ,  ces  busches  yindrent  à  ébouler  qui  estoient 
extrêmement  grosses  :  i'estois  au  costé  du  iambage  de 
la  cheminée  ,  ie  me  iette  à  bas ,  pour  arresler  vne 
grosse  busche  ronde  qui  alloit  tomber  sur  les  talons 
de  la  royne,  qui  IJeust  infailliblement  faict  tomber  en 
arrière  :  Voilà  le  premier  seruice  que  i'eus  l'honneur 
le  hiy  rendre ,  et  au  roy  qu'elle  portoit.  Arriuant  à 
Fontaine-bleau,  ie  suiuis  la  royne  en  sa  chambre,  d'où 
ie  ne  bougeois  que  pour  manger  et  dormir.  Mada- 
moisêlle  de  la  Renoiiilliere  me  dit  de  la  part  de  Sa 
Maiesté,  qu'ârriuant  son  accouchement,  ie  rie  m'es- 
tonnasse  d'aucune  chose  que  le  pusse  voirj  qu'il  se 
pourrpit  faire  que  quelques  personnes  faschées  de  ce 


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*  (  277  ) 

qu'elle  m^auoit  pise ,  me  pourroient  dire  ou  faire 
qnelqtie  chose  pour  me  fascher  ou  intimider;  cela 
arrivant 9  que  ie  ne  me  souciasse  nullement,  que  ie 
n'anois  affaire  qu'à  elle,  et  qu'elle  n'entreroit  iamais 
en  doute, de  ma  capacité;  que  ie  fisse  d'elle,  ainsi 
que  de  la  plus  pauure  fenune  de  son  royaume ,  et  de 
son  entant ,  ainsi  que  du  plus  pauure  enfant.  Soutient 
la  royne  me  demandoit  ce  que  ie  pensais  qu'elle 
deust  auoir,  ie  l'asseurois  que  ie  croyois  qu'elle  auroit 
vn  fils,  et  véritablement  ie  diray  ce  qui  me  le  faisoit 
croire. 

levoyoislaroyne  si  belle,  et  auec  vn  si  bon  teinct, 
l'œil  si  bon  que  selon  les  préceptes  que  tiennent  les 
femmes,  ce  deuoit  estre  vn  fils;  mais  le  plus  fiirt  et 
asseurë  iugepaent  que  i'en  auois  estoit,  que  Dieu  nous 
monstroit  qu'il  vouloit  restaurer  la  France,  ayant 
rendu  bon  catholique  nostre  roy,  le  maistre,  marié, 
et  la  royne  grosse ,  auant  que  personne  eust  eu  le 
temps  de  le  désirer  ;  voyant  que  tout  cela  estoit  de 
grands  œuures  de  ses  mains,  ie  croyois  qu'il  les  par- 
fèroit ,  nous  donnant  vn  dauphin.  La  royne  dememra 
enuiron  vn  mois  à  Fontaine  -bleau ,  auant  le  retour 
du  roy,  pendant  lequel  temps  Madame  sœur  du  roy, 
faisoit  tout  ce  qui  luy  estoit  possible  pour  desennuyer 
la  roy  rie ,  et  luy  faire  passer  le  temps  :  elle  faisoit  des 
ballets ,  elle  accompagnoit  la  royne  à  la  chasse ,  s'en- 
tend pour  la  voir;  elle  estoit  dans  ^a  littière  j  et  Ma- 
dame dans  son  carrosse.  Le  premier  iour  qu  elles  y 
furent ,  Madame  voulut  que  i'entrasse  dans  son  •  car- 
rosse auec  elle,  de  peur  que  la  royne  qui  estoit  sur 


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(  278  )  9 

SOU  i^oie  VLexm  besom  d^  moy,  ce  que  ne  vauloit 
permettre  ipadaii^  la  marquise  de  GuercheviUe^ 
t^Uemen^  qi:^  T^tois  )à  aiteudftut  qiie  ce)a  fu«t  ao* 
cprdé  entre' dlea.  Ma4am6  me  c^mmandoit  d'emier, 
madame  de  Gueroheyille  me  dîacût)  ne  le  faictes 
{i9s;  enfin  Madame  le  gaigna^  ^t  me  fit  dire  par  ma* 
dame  de  Gt^cherille  qu^  Tobeysse  à  Madame ,  rà 
tout  le  long  du  chemin  elle  me  parloit  du  deaîr 
quVle  auoit  de  voir  la  xojm  lieiireu3emiait  aeco^H 
i;hëe ,  me  demfmdant  cie  que  l'en  pensois;  quel  mifant 
ie  croyois  qu'elle  auroit ,  bien  qu'elle  eust  bien  désiré 
TU  dauphin.  U^^r^ace  qu^elle  auioit  que  IHea  en 
donneroit  plusieurs  au  roy  et  à  elle  ^  faisoit  que  la 
Tpyapt  bien  accouchée ,  elle  seroit  extrêmement  con- 
tentai quoy  que  cefii3t,  car  elle  T^ymoit  parfaitement. 
•le  redoutois  en  moy  mesmç  que  la  royne  n'eu$t  des 
odiiques  en  accouchât;  à  cause  que  Ton  m^woit  dit 
qu'elle  auoit  mangé  umte  v»e  quantité  de  glace, 
melons I  raisins,  alberges  et  panis.  le  supplie  Sa  Ma- 
iesté  d^  ne  plus  manger  de  melons,  elle  me  promit, 
pourae.^  que  Ton  ^eluy  en  sejruist  plus.  Fen  prie  son 
inai^il^  d'hostel,  et  mesme  ie  luy  ranienteus  scmuent. 
Htnqt  iours  auant  raccouchement ,  le  roy  wrioa  de 
Cal^^s  où  il  estoit  allé ,  dont  la  royne ,  Madame ,  et 
toute  la  co4ir  finr^at  grandement  resiiE»iys.  Fen  auois 
vue  ioye  itieslée  dVne  crainte,  à  cause  que  ie  n'auois 
point  eu  rbonneur  d'auoir  esté  veuë  de  Sa  Maiesté, 
et  que  ie  sçauois  que  tout  çç  qui  est  du  monde  est 
incertain;  bien  est  vray,  que  i'aueôs  ime  grande  con- 
fiance en  la  royne,  qui  me  faisoit  l'honneur  de  me 


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(  ^79  ) 
tt»ioîgzier  de  sa  bien-veillance.  Pour  ce  iour,  ie  ne 
fas  point  Tapred-disnëe  en  la  cbambre  de  la  royne  à 
eaoïse  de  Tamuëe  du  roy.  Le  lendemain  mon  deuoir 
fat  de  me  Iroui 
mnstume,  où  ^ 
à  quartier.  Le  ] 
mamie  emrce  c} 
Le  roy  me  voul 
TtMifr  seruitlai  bic 

point ,  ce  dit  la  royne  :  madamoiselle  de  la  Renouil- 
liere  dit  au  roy,  la  royne  la  ehois  ie;  ouy  dit  la  royné, 
ie  Fay  choisie ,  et  diray  que  ie  ne  me  trompay  iamaés 
en  chose  que  i*aye  choisie,  ainsi  qu'elle  auoit  des-ja 
dit  auLouure.  Le  roi  me  dit,  ma  mamie,  il  faut  bien 
laite,  c'est  vne  chose  de  grande  importance  que  vous 
aués  à  maniar  :  ie  luy  dis,  inespéré ,  Sire ,  que  Dieu 
m'en  fera  la  grâce.  le  te  croy,  dit  le  roy,  et  s'appro- 
chant  de  moy,  me  dit  tout  plain  de  mots  de  gausserie, 
à  qnoy  ie  ne  luy  fis  aucune  response  :  il  me  toucha 
sur  les  nudns,  me  disant,  vous  ne  me  re^xmdés  rien  ? 
le  Juy  dis,  ie  ne  doute  nullement  de  tout  ce  que  vous 
me  dites,  Sire.  Cestoit  qu'estant  aux  couches  d^  ma- 
dame la  duchesse,  madame  Dupuis  viuoit  auec  vne 
grande  liberté  auprc 
toutes  celles  de  cet  < 
disnëe  ie  retournay 
comme  ie  soulois  £a 
quelle  fut  incontine 
cesses,  des  seigneurs 
sieur  l^uc  d'Elbœu 


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(  !i8o  ) 

et  me  dit  ma  bomie  amie  i'ay  vne  grande  ioye  de 
vous  voir  icy  ;  le  roy  luy  dit,  comment  mon  cousin, 
vous  connoissez  donc  la  sagç  femme  de  ma  femme? 
Ouy^Sire,  elle  a  relcué  ma  femme  dont  elle  s*est  bien 
trouuiée.  Le  roy  fut  à  l'instant  dire  à  la  royne,  ma- 
mie ,  voila  mon  cousin  d^EUxBuf  qui  cognoist  vostre 
sage  femme,  il  en  faict  estât,  cela  meresioiiit,  et  m*en 
donne  de  Tasseurance  grande.  Le  lendemain  fes  au 
resueil  de  la  royne,écomme  de  coustume,  laquelle 
me  dit  qu^elle  croyoit  auoir  vne  fille,  à  cause  que 
Ton  tient  que  les  femmes  grosses  dVn  fils  amaigris- 
sent sur  la  fin  de  leur  grossesse.  le  luy  dis  quHl  n'y 
auoit  règle  si  estroitte  où  il  n^y  eust  exception,  et  que 
cela  ne  me  feroit  point  changer  d'aduis;  elle  me  dit 
si  tost  que  ie  seray  accouchée,  ie  cognoistray  bien  en 
vous  voyant,  quel  enfant  ce  sera.  le  suppliay  Sa  Ma- 
iesté  de  croire  que  en  me  voyant  il  ne  s'y  pourroit 
rien  recc^oistre ,  quoy  que  ce  fiist ,  d'autant  qu'il  estoit 
grandement  dangereux  à  vne  femme  venant  d'accou- 
cher, d'auoir  ioye  ni  desplaisir,  qu'elle  ne  fust  bien 
deliurée ,  et  que  la  ioye  et  la  tristesse  auoient  vn 
mesme  eflfect,  qui  estoit  capable  d'empescher  vne 
femme  de  deliurer;  que  ie  la  suppliois  de  ne  s'en 
point  informer,  que  ie  ferois  triste  mine  encor  que 
ce  fiist  vn  fils ,  afin  qu  elle  ne  s'en  estonnast.  Le  roy 
entra  nûnl  sçavoir  dequoy  nous 

parlio:  >  dequoy.  Le  roy  respondk 

que  si  ie  ne  le  dirois  pas  douce- 

ment, s  tant  que  ie  pourrois,  et 

qu'il  me  au  monde  qui^en  vae 


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(  a8i  ) 

telle  affaire  eust  pouuoir  se  taire.  le  suppliay  Sa  Ma- 
iestë  de  croire  que  ie  mç  sçaurois  taire,  puis  qu'il  y 
alloit  de  la  vie  de  la  royne,  qui  estoit  la  chose  prin- 
cipale, et  qu'outre  ce  il  y  alloit  de  Thonneur  des 
femmes,  que  i'estois  obligée  de  soustenir,  et  qu'à  Tef- 
ièct  Sa  Maiesté  le  cognoistroit^  Madamoiselle  de  la 
Renoiîilliere,  première  femme  de  chambre  de  la  royne, 
dont  i*ay  cy  deuant  parlé,  me  demandant  que  ie  luy 
fisse  vn  signal ,  si  tost  que  la  royne  seroit  accouchée, 
afin  d'auoir  l'honneur  de  le  dire  la  première  au  roy, 
le  signal  fut  que  la  royne  estant  accouchée  d'vn  fils, 
iedeuois baisser  la  teste  en  signe  que  tout  alloit  bien; 
si  ç'eust  esté  vne  fille  ie  la  deuois  renverser  en  arrière. 
Gratienne  qui  estoit  vne  femme  de  chambre  de  la 
royne,  me  demanda  aussi  vn  signal,  à  laquelle  ie  dis 
que  ie  l'aubis  promis  à  madamoiselle  de  la  Renoiiil- 
liere ,  qui  si  elle  sçauoit  que  ie  l'eusse  donné  à  un 
autre ,  ne  me  le  pardonneroit  iamais  :  elle  maymoit, 
et  me  parloit  librement ,  comment  dit-elle ,  serois-tu 
bien  si  beste  de  ne  r  deux  de  tes 

amies  à  la  fois  ?  le  s<  e  l'hoiôieur  à 

madamoiselle  de  la  R  se  de  son  aage 

et  de  sa  qualité ,  et  i  *,  à  cause  de 

celuy  que  ie  te  porte  ;  fais  au  nom  de  Dieu  que  i'aye 
le  premier  signal ,  afin  que  ie  l'aille  dire  au  roy.  le 
luy  dis  que  ie  ne  Sçauois  de  quelle  façon  i'en  pourrois 
venir  à  bout ,  sans  estre  apperçeuë  de  madamoiselle 
de  la  Renoiîilliere ,  elle  me  dit  qu'elle  ne  vouloit 
point  que  ie  reçeussc  de  déplaisir  en  l'obligeant,  et 
pour    faire  qu'elle  ne  s'en' apperçeut,   que   ie    luy 


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(    282    ) 

disse  tout  haut  y  à  u»t  que  la  royne  seroit  acooucl^ 
dVn  fils,  ma  fille  chauffe  moy  vn  linge.  Le  lende- 
maiti  estant  au  resneil  de  la  ro jne ,  Sa  Maiestë  me  fit 
rhonneur  de  me  dire  elle  mesme,  ce  cp'elle  m^âuoh 
fait  dire  par  niadanioiselle  de  la  Renoûilliem  ^  il  y 
auoit  desja  quelque  temps ,  touchant  la  confiance 
qu'elle  auoit  en  moy,  et  que  ie  ne  m'estoimasdê  dW- 
cune  chose  que  Ton  me  peust  dire^  ny  quelque  mine 
que  Ton  me  fist,  dautant  que  ie  n'auois  affaire  qu% 
elle. 

Commeut  et  en  qael  temps  la  royne  acconcha. 

La  nuict  du  Tingt-^xiesme  septembre  k  minitict  y 
le  roy  m'enuoya  appeller,  pour  aller  Toir  la  rojrne 
qui  se  trouuoit  mal  :  i'estois  couchée  dans  la  garde- 
robbe  de  la  royne  où  estoient  les  femmes  de  chambre, 
où  souuent  pour  rire  on  me  donnoit  de  fausdes  allar- 
mes^me  trouus  ent  que  ie  croyois 

que  ce  fiist  de  it  appeller  par  m 

nonun^  Pierrot  lambre  ;  il  ne  me 

donna  pas  le  1<  :ant  il  ^  has«oit. 

Entrant  en  la  (  ^      9  ^^  ^^y  <iemaada 

est-ce  p^s  la  sage  femine?  On  luy  dit  qu'ouy  :  il  me 
dit,  venez.,  vene^  ^age  fenune,  m^  femme  est  ina- 
lade,  recognoissez  si  c'est  pour  accoucher^  elle  a  de 
grande?  douleurs;  ce  qu'ayant  recogneu,  ie  Fasseuray 
qu'ouy.  A  l'instant  le  roy  dit  à  la  royne,  mamie, 
vous  sçauez  que  ic  vous  ay  dit  par  plusieurs  fws,  le 
besoin  qu'il  y  a  que  les  ptinces  du  sang  soient  à  vostrc 


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(383) 

accoutument.  le  vous  supplie  de  vous  y  vouloir  re- 
emdrey  c'est  h.  grandeur  de  vous  et  de  vostre  enfant; 
à  ipioy  la  royne  luy  respondit,  qu'elle  auoit  esté 
lonâours  résolue  de  faire  tout  ce  cp'il  luj  pbiroit.  le 
sçay  bien  mamie  que  vous  voulës  tout  ce  que  ie  veux , 
mis  ie  cogaois  vostre  naturel  'qui  est  timide  et  bon*  , 
VWfif  que  ie  crains  que  si  vous  ne  prenez  vne  grande 
rasolution  les  voyant,  cela  ne  vous  empesdie  d*ao- 
ocMieher  :  c'est  pourquoy  derechef,  ie  vous  prie  de  ne 
Voi|j  estonner  point  y  puis  que  c'est  la  forme  que  l'on 
tient  au  premier  accouchement  des  royues. 

Les  doulecu^  pressoient  la  royne,  à  chacune  des- 
quelles le  roy  la  tenoit,  et  me  demandoit  s'il  e^oit 
tomps  qu'il  fit  Tenir  les  princes  ;  que  i'eusse  à  l'en 
adoertir^  d'autant  que  ceste  affîdre  là  estoit  de  grande 
importance  qu'ils  y  fiissent  :  ie  luy  dis  que  ie  ny 
inmiquerois  pas  lors  qu'il  en  seroit  temps.  Ënuiron 
vQe  heure  après  minuict ,  le  roy  vaincu  d'impatience 
de  voir  souffrir  la  roy]  '  "         sou- 

cheroity  et  que  les  pin  i  d'y 

veair,  il  les  enuoy  a  qu<  rs  le 

prince  de  Conty,  de  S  ;  le 

roy  disoit  les  attendant ,  si  îaniais  l'on  a  veu  trois 
princes  en  grand  peine,  l'on  enverra  tantost;  ce  sont 
trois  princes  grandement  pitoyables  et  de  bon  na- 
turel, qui  voyant  sonffirir  ma  femme,  voudroient  pour 
beaucoup  de  leur  bien  estre  bien  loing  d'icy.  Mon 
cousin  le  prince  de  G)nty  ne  pouuant  aisément  en- 
tendre  ce  qui  se  dira ,  voyant  tourmenter  ma  femme , 
crmra  que  c^est  la  sage -femme  qui  luy  faict  du  mal^ 


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(a84) 

Mon  cousin  le  comte  de  Soiss(His  voyant  soi^Brir  ma 
femme,  aura  de  merueiUeoses  inquiétudes,  se  voyant 
réduit  à  demeurer  là.  Pour  mon  cousin  de  Mcmtpen- 
sier,  ie  crains  qu'il  ne  tombe  en  finblesse,  car  il  n^e$t 
pas  profHre  à  voir  souffirir  du  mal.  Ils  arriuerent  tous 
trois  auant  les  deux  heures,  et  furent  enuiron  demye 
heure  là.  Le  roy  ayant  sçeu  de  moy  que  Taccouche- 
ment  n^estoit  pas  si  proche,  les  enuoya  chez  eux,  et 
leur  dit  qu'ils  se  tinssent  prests  quand  il  les  enuoye^ 
roit  aj^Uer.  Monsieur  de  la  Riuiere  premier  médecin 
du  roy,  monsieur  du  Laurens  premier  de  la  royne , 
monsieur  Heroiiard  aussi  médecin  du  roy,  le  seigneur 
Guide,  second  médecin  de  la  royne,  auec  monsieur 
Guillemeau  chirurgien  dtr  roy,  furent  appeliez  pour 
voir  la  royne ,  et  aussi  tost  se  retirèrent  en  vn  lieu 
proche.  Cependant  la  grand  chambre  en  Oualle  de 
Fontaine-bleau,  qui  estoit  proche  de  la  chambre  du 
roy,  qui  estoit  préparée  pour  les  couches  de  la  royne, 
où  estoient  vn  grand  lict  de  velours  cramoisy  rouge , 
accommodé  d'or,  estoit  prés  le  lict  de  trauail ,  aussi 
les  pauillons,  le  grand  et  le  petit,  qui  estoient  atta- 
chés au  plancher  et  troussés,  furent  destroussez.  Le 
grand  pauillon  fut  tendu  ainsi  qu'^vne  tente  par  les 
quatre  coings  auec  gros  cordons;  il  estoit  d'vne  belle 
toille  d'Hollande ,  et  auoit  bien  vingt  aulnes  de  tour, 
au  milieu  duquel  y  en  auoit  un  petit  de  pareille  toille, 
sous  lequel  fut  mis  le  lict  de  u*auail  où  la  royne  fust 
couchée  au  sortir  de  sa  chambre.  Les  dames  que  le 
roy  auoit  résolu  qui  seroient  appellées  à  Taccouche- 
menl  de  la  royne,  comme  i^ay  dit  cy-deuant  furent 


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^0  m. 


(  285  ) 

mandées.  Il  fut  apporté  sous  le  pauillon  vne  chaise^ 
des  sièges  plians  et  des  tabourets  pour  asseoir  le  roy, 
Madame  sa  sœur  et  madame  de  Nemours  :  la  chaise 
pour  accoucher  fut  aussi  apportée,  qui  estoit  couuerte 
de  velours  cramoisy  rouge.  Sur  les  quatre  heures  du 
matin  vne  grande  colique  se  mesla  ^army  le  trauail 
de  la  royne,  qui  luy  donna  d'extresmes  douleurs, 
sans  auancement.  De  fois  à  autres  le  roy  faisoit  venir 
les  médecins  voir  la  royne ,  et  me  parler,  ausquels  ie 
rendois  compte  de  ce  qui  se  passoit.  La  colique  tra- 
uailloit  plus  la  joyne  que  le  mal  d^enfant ,  et  mesme 
Fempeschoit.  Les  médecins  me  demandèrent,  si  c'es-^ 
toit  vne  femme  où  n'y  eust  que  vous  pour  la  gouuer- 
ner  que  luy  feriez-vous.  le  leur  jMroposay  des  remèdes 
qu'ils  ordonnèrent  à  l'instant  à  Fapothiquaire ,  lequel 
leur  en  proposa  d'autres  à  la  façon  d'Italie ,  qu'il  di- 
soît  qu'en  pareil  cas  faisoient  grand  bien.  Eux  sça- 
chant  raffection  qu'il  auoit  au  service  de  Sa  Maiesté , 
et  que  si  le  remède  ne  faisoit  tout  le  bien  que  l'on 
en  esperoit,  qu'il  ne  pouuoit  faire  aucun  mal,  le 
firent  donner.  Il  y  auoit  deux  anciennes  et  sages 
damoi^lles  Italiennes ,  qui  estoient  à  la  royne,' 
lesquelles  auoient  eu  plusieurs  enfans,  et  s'estoient 
trouuées  à  plusieurs  accouchemens  en  le^ur  pays  :  la 
royne  auoit  eu  pour  aggreable  qu'elles  se  trouuassent 
à  son  trauail ,  polir  hiy  servir  comme  ses  femmes  de 
chambre.  Les  reliques  de  madame  saincte  Margue- 
rite estoient  sur  vne  table  dains  la  chambre,  et. deux 

iainct  Germain  des  Prez  ,  qui  prioi^at 

ser. 


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(  386  ) 

Le  roy  dit  mCil  ne  vouloit  que  personne  donnaat 
son  adub  qae  les  médecins ,  selcm  que  ie  leur  atmâs 
TBppOTtéy  et  qoe  nous  en  serions  comtônos  ensemble  ; 
tellement  qoe  ie  peux  dire  qn^en  lieu  du  rtumde  ie 
n*ay  en  telle  iranquillitë  d'e^KÎt,  pour  le  bo»  ordre 
que  le  roy  y  anlit  apporte,  et  Tasseur^nce  que  inV 
um  donnée  la  royne.  Il  aarriua  que  pour  cooibattre 
ceste  insujqportable  e<dique ,  il  &llut  pinceurs  grand» 
remèdes,  à  qooy  la  royne  ne  résista  nullement;  car 
anssi  tost  que  le  roy  ou  lesn^edeoim  lui  en  parlaient, 
die  en  estoit  contente,  ponr  désagréables  qu^ik 
ftfisent ,  ne  Toulam  en  rien  se  rendre  coulpable  de 
mal.  Cesc  ponrquoy  pluÂenfs  femmes  sont  souvent 
cause  par  leur  <^nniastrete ,  que  les  cboses  leur  suo^ 
cèdent  mal ,  pour  eut  et  pour  Iem*s  enfens.  Le  mal 
de  la  royne  dura  vingt  et  deux  heures  et  vn  quart  : 
elle  auoit  vue  telle  vertu,  que  c'esioif  chose  admira- 
ble :  elle  discerna  bien  ses  doideurs  premières ,  et  les 
derai^es  d'auec  les  autres  où  estoit  ceste  mauuaâse 
colique,  selon  que  ie  luy  fis  entendre.  Petfdant  vn  ss 
long  temps  qu^elle  demeura  en  trauail,  le  roy  ne 
r^dMindonna  nullement;  que  s*il  ssortoit  pour  mâoiger, 
il  enuoyoit  sans  cesse  sçauoir  de  ses  nouoeU»;  Ma- 
dame sa  SGSur  en  faisoitde  m^me.  La  royne  craigm>it 
detumi  que  d'accouoher,  que  monsieur  de  Ysmdosme 
nVntrasi  en  sa  dMpiloe  pendant  son  maï,  à  cause  de 
son  bas  âge;  mais  elle  sentant  le  mal  ny  prit  p» 
ganrde.  Il  me  demanddEt  à  toute  heure  si  la  royne  ac- 
coQcheroit  hiea  tost,  et  de  quel  enfimt  ce  seroît;pour 
le  contenter  ie  luy  dis  qu'ouy  :  il  me  demanda  à^jp^ 


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^:  ^' 


.  (   3«7    ) 

el^f  ({«el  enfiuit  ce  serok ,  îe  luy  dis  que  ce  serok.  ce 
(foe  ie  voiMbeîs  :  et  qnoy  dit  il,  n^est-il  pas  &it?  Je 
liiy  dîsqu^ouy,  qu'il  estoit  en&nt,  mais  que  i*ea  ferois 
va  fik  «n  vne  fille ,  ainsi  qu'il  nie  plsorok.  Il  medôt, 
sage  feniHie,  puis  que  cela  dépend  de  tous^  meitez-y 
les.  pieiee(Si^vi!i  fils.  le  lui  dis,  si  ie  Êùs  irn  fils  (Mon- 
sâeur)  quelle  domieres  vous?  le  tousi  donneray  tout 
ce  que  vous  voudrez ,  {dustosi  tout  ce  que  i'ay.  le 
femy  VA  fils ,  et  ne  vous  demande  que  rhonneur  de 
VQStze  bien  '  veillance ,  et  que  vous  me  vouliez  tous^ 
iours  d^  bien  ;  il  me  le  pcooiit  et  Ta  tenu.  Il  arrina 
bien  p^^dant  ceste  longueur  de  temps,  que  ceux  que. 
la  royne  aooit  iugë  qui  deâroient  de  me  troi^bler, 
dirent  quelcpie  chose,  e%  firent  quelque  mine,  dont 
ie  ne  m'eslonnay  non  plus  que  de  rieH ,  d'autant  que 
ie  voyois  que  veu  le  bon  courage  de  la  royne  tout 
saccedeiroit  à  bien ,  et  qu'elle  se  fioii  du  tout  en  moy, 
comme  elle  ui'ailoit  dit.  Lors  que  les  remèdes  eurent 
dissipé  la  colique ,  el  que  la  royne  alknt  accoucher^ 
ie  vàyois  qu'eUe  se  retenoit  de  crier,  ie  la  supfdîay 
de  J3te  s'en  retenir  de  peur  cpe  sa  gorge  ne  s'enflast.  Le 
I  roy  lixy  dit^  mamie  faites  ee  que  vosire  sage  femme 
vous  dit,  ciriez  de  peur  que  vostre  ^orge  ne  s'enâer 
elle  auoit  desîr  dTa.ceouaher  dans  sa  (biaise,  où  estant 
assise,  les  princes  estaient  dessous  le  9Dand.pauillon, 
visi  à  vis  d^elle.  l'estois  scer  vn  petit  sie^  denant  la 

«e ,  laquelle  ^ànl  accouchée,  ie  mis  monsieur  le 
hia  dans  d^  linges  et  langes  daiis  mon  gii)Qn> 
aan»  que  p^cscmne  sçeut  que  moy  quel  en&nt  estoit^. 
^le  Fenuelopay  bien ,  sânsi  que  i'entendois  à  ce  que 


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(  288  ) 

Tauois  à  faire.  Le  roy  vint  auprès  de  moy  ;  ie  regarde 
Tenfant  an  visage,  que  ie  vis  en  vue  grande  foiblesse 
de  la  peine  qu^il  auoit  endurée.  le  demande  du  vin 
à  monsienr  de  Lozeray,  Fvn  des  premiers  valets  de 
chambre  du  roy  ;  il  apporta  vne  bouteille  ;  ie  luy  de- 
mande vue  cuillier  ;  le  roy  print  la  b(»|||ille  quUl 
tenoit;  ie  luy  dis,  Sire,  si  c'estoit  vu  au^^enfànt  ie 
mettrois  du  vin  dans  ma  bouche,  et  luy  en  donnerois^ 
de  peur  que  la  foiblesse  ne  dure  trop.  Lie  roy  me 
mit  la  bouteille  contre  la  bouche ,  et  me  dit,  faicies 
ccMume  à  vn  autre.  I^^nplis  ma  bouche  de  vin  et  luy 
en  soufflay  ;  à  Theure  mesme  il  reuint,  et  sauoura  le 
vin  que  ie  luy  auois  donne.  le  vis  le  roy  triste  et 
change,  s^estant  retiré  d*aupr^  de  moy,  d'autant qu^il 
ne  sçauoit  quel  enfant  c'estoit ,  il  n'auoit  veu  que  le 
visage  ;  il  alla  vcts  Tonuerture  du  pauillon  du  costé 
du  feu,  et  commanda  aux  femmes  de  chambre  de 
tenir  force  linges ,  et  le  lict  prest.  le  r^arday  si  ie 
verrois  madamoiselle  de  la  Renoiiilliere  pour  luy 
donner  le  signal ,  afin  qu'elle  allast  oster  le  roy  de 
peine  j  elle  bassinoit  le  grand  lict.  le  vis  Gratienne 
à  qui  ie  dis,  ma  fille  chauffez  moy  vn  linge  :  alors  ie 
la  vis  aller  gaye  au  roy,  lequel  la  repoussoit,  et  ne  la 
vouloit  pas  croire ,  à  ce  qu'elle  me  dit  depuis  ;  il  luy 
disoit  que .c*estoit  vne  fille,  qu'il  le  cognoissoit  bien  à 
ma  mine  :  elle  l'asseuroit  bien  que  c'estoit  vn  fils, 
que  ie  luy  en  auois  donné  le  signai;  il  luy  disoit, 
'fait  trop  msuiuaise  mine,  ^re,  elle  vous  a  dit  qu*l 
le  feroit;  il  luy  dit  qu'il  estcwitvçiy,  mais  qu'il  n'estoit 
pas  possible  qu'ayant  vn  fils ,  ie  la  peusse  faire  telle  : 


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(  389  ) 

elle  luy  respondit ,  il  est  bien  pos^ble ,  puis  qu'elle 
l'a  faict.  Madamoiselle  de  la  Renoiiilliere  entra,  qui* 
vit  le  roy  se  faucher  auec  Gratienne  ;  elle  vint  à  moy, 
ie  luy  fis  le  signal ,  elle  me  demanda  à  Toreille ,  ie 
luy  dis  à  la  sienne  que  ouy.  Elle  détroussa  son  chap- 
peron ,  et  alla  faire  la  reuerence  au  roy,  et  luy  dit 
que  ie  luy  auois  faict  le  signal ,  et  mesme  luy  auois 
dit  à  l'oreille.  La  coukair  reuint  au  roy,  et  vint  à  moy 
à  costé  de  la  royne ,  et  se  baissa ,  et  mit  la  bouche 
contre  mon  oreille,  et  me  demanda,  sage  femme  est^ 
ce  vn  fils?  le  luy  dis  qu'ouy.  le  vous  jme  ne  me 
donnés  point  de  courte  ioye ,  cela  me  feroit  mourir, 
le  desuelope  vn  petit  monsi«fir  le  dauphin  j  et  luy 
fis  voir  que  c^estfrât  vn  fils ,  que  la  royne  n'en  vid 
rien;  il  leua  les  yeux  au  Gel  ayant  les  mains  iointes, 
et  rendit  gracçs  àlHeu.  Les  larmes  luy  couloyent  sur 
la  face ,  aussi  grosses  que  de  gros  poids.  Il  me  de- 
manda si  i'auois  fait  à  la  royné,  et  s'il  n'y  auoit 
point  de  danger  de  luy  dire.  le  luy  dis  que  non , 
mais  que  ie  supjdiois  Sa  Maiestë  que  ce  fiit  auec  le 
moins  d'émotion  qu'il  luy  seroit  possible»  Il  alla  bai- 
ser la  royné  et  luy  dit,  mamie  vous.aués  eu  beaucoup 
de  mal ,  mais  Dieu  nous  a  fait  vue  grande  grâce  de 
nous  auoir  donné  ce  que  nous  luy  auions  demandé  : 
nous  avons  vn  beau  fils.  La  royne  à  l'instant  ioignit 
les  mains,  et  les  leuant  auec  les  yeux  vers  le  Ciel,  jetta 
quantité  de  grotôes  larmes ,  et  à  l'instant  tomba  en 
foiblesse^  le  demanday  au  roy  à  qui.  il  luy  platsoit 
que  ie  baillasse  monsieur  le  dauphin ,  il  me  dit  à 
madamoiselle  de  Montglas,  qui  sera  sa  gouuernante. 
1.  gf»  uv.  19 


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(  ^9o  > 

l^damniselle  d#^la  RenouilUere  le  prit  et  le  bailla 
^  madame  de  Montas.  Le  roy  alla  embrasser  les 
prinœa,  ne  s*estant  apperçeo  de  la  foiblesse  dé  k 
royne ,  et  alla  ouurir  la  porté  de  la  chambre ,  et  fit 
emrer  tontes  les  personnes  qu^il  trouua  dans  Tumî- 
chambre  et  grand  cabinet*  le  oroy  qu'il yauoit deux 
cens  personnes  y  de  sorte  que  Ton  ne  poouoit  se  re« 
muer  dans  la  chambre  pour  porter  la  royne  dans  son 
lîct- 

l'estois  infiniment  faschée  de  la  voir  ainsi,  le  dis    , 
quHl  n*y  acioit  aucune  apparence  de  faire  entrer  ce    :< 
monde  i^,  que  la  royne  ne  fust  couchée  :  le  nvf    ^ 
m^entendit  qui  me  viii^firapper  sur  Fespaule^  et  me    ^^ 
dit,   tais-^toy,  tais^^toy^  «âge  femme,  ne  le  fàsche    j^ 
point,  cet  enfant  est  h  tout  le  monde,  il  faut  que    ^ 
chacun  s^en  resioiiisse  (il  estoit  dix  hc^ures  et  demie    ^ 
du  soir,  le  ieudy  27  septembre  mil  six  cens  vn,  iour   ^ 
de  &  Co^tie  et  S.  Datnian ,  neuf  mois  et  qoatorae  ^ 
iours  après  le  mariaf^  de  la  royne)*  Les  valets  de  ^^ 
chambre  du  roy  et  de  la  royne  furent  ^peliez  qui  ^ 
porteroient  la  chaiae  prës  de  son  tict,  auquel  elle  £ai    , 
mise,  et  alors  Ton  remédia  à  sa  foiblesse;  et  luy  ayant 
rendu  le  seruice  que  ie  deuoisy  ie  fiis  accommoder 
monsieur  le  dauphin,  que  miadame  de  Monglas  me  . 
remit  entre  les  maii^,  où  monsieur  Ed<m«rd  se 
trouua,  et  commenj^  de  là  à  le  seruir;  il  me  le  fit   p 
lauer  entîexiement  de  vin  et  d'eau,  et  le  r^arda  par 
tout  auant  que  ie  Femmaillotasse.  Le  roy  amena  ks  . 
princes  et  plu^urs  seigneurs  le  voir.  Pour  tous  ce«^ 
de  la  maison  du  roy  et  de  la  royne ,  le  roy  Iwr  faisoi^    / 


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(  291  ) 
vmr,  et  puis  les  enuoyoit^  poar  faire  place  Mxx  atiireâ* 
ChiENTan  estoît  si  resîouy  qu'il  ne  se  peut  exprhner  ; 
tous  ceux  qui  se  renoontrbi^t  s^entr'embiassoi^Eit^ 
sans  auoir  égard  à  ce  qui  estmt  du  plus  ou  du  tnoiiiSé 
Tay  entendu  dire  qu'il  y  eust  des  dames  qui  rencon* 
trant  de  leurs  gens;  les  embrassèrent,  estant  si  trans* 
pestez  de  ioye  qu'elles  ne  sçauoient  ce  qu'elles  faî- 
m^at.  Ayant  acheué  d'accommoder  moudit  seigneur, 
ie  le  rendis  à  madame  de  Monglas,  qui  Talla  monstrer 
à  la  royne ,  qui  le  vit  de  bon  œil ,  et  par  son  corn- 
Bouoidement  fiit  conduit  en  sa  chambre  par  madite 
dame  de  Monglas,  monsieur  Ëdoiiard  et  toutes  les 
£nnnies  qui  deument  estre  à  luy  ;  où  aus^  tost  qu'il 
y  fasty  sa  chaml^e  ne  desemplissoit  nullement  >  n'^- 
toit  qu'il  estoit  sous  vn  grand  pauillon  où  l'on  n'en- 
troit  pas  sans  l'adueii  de  madite  dame  de  Monglas. 
le  ne  sçay  comment  Ton  eust  peu  faire,  le  roy  n'y 
auoit  ]^  si  tost  amen^  vne  bande  de  pér^nnes,  qu'il 
en  nanenoit  vné  autre.  L'on  me  dit  que  pat  le  bourg , 
tqute  la  nuict  ce  ne  furent  que  feux  dé  ioye ,  que 
tambours  et  Irompettes,  que  tonneaux  de  vin  def- 
fonces  pour  boire  à  la  santé  du  roy,  de  la-  royne,  et 
de  mon^ur  le  dauphnié  Ce  ne  iurent  que  personnes 
qm  prkent  la  poste  pour  aller  en  diuers  païs  en  porter 
la  noiKielle,  et  par  toutes  les  prouînces  et  bonnes  villes 
de  France/A  l'instant  que  la  royne  fut  accoi:|çbée,  le 
roy  fit  dresser  son  lict  attenant  du  sien,  où  il  coucha 
tant  qu'elle  ^e  pœia  bien.  La  royne  craignoii  qu'il 
n'en  reçcusi  de  l'incommodité,  mais  il  ne  ,1a  voulut* 
iamais  abandonner.  le  tafeuuay.le  lend^siain  apvesr 


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(  29^  ) 
disner  monsieur  de  Vendosme  qui  esloit  seul  à  la  porte 
de  Fanû-chambre^qui  tenoit  la  taqpisserie  pour  passer 
dans  le  cabinet  par  oà  Ton  passoit  pour  aller  dbés 
monsieur  le  dauphin,  et  estoit  arresté  fort  estonnë.  le 
luy  demanday,  hé  qooy  !  monsieur,  que  faites  vous 
là?  11  me  dit  ie  ne  sçay,  il  n^  a  gueres  que  chacun 
parloit  à  moy,  personne  ne  me  dit  plus  rien.  C*est, 
monsieur ,  que  chacun  va  yoir  monsieuJr  le  dauphin 
qui  est  arriué  despuis  vu  peu,  quand  chacun  Taura 
^uë ,  Ton  vous  parlera  comme  auparauant.  le  le  dis 
à  la  royne  qui  en  eust  grand  pitië,  et  dit,  vrâla  pour 
fabe  mourir  ce  pauure  enfant,  et  conmiandaque  Fou 
le  caressast  autant  ou  plus  que  de  coustume;  c^est 
que  chacun  s'annise  à  mon  fils,  et  que  Ton  ne  pense 
pas  à  luy,  cela  est  bien  estrange  à  cet  enfant.  La  bonté 
de  la  royne  a  tousiours  esté  merueilleusement  grande. 
Le  vingt-neufiesme  dudit  mois,  ie  fus  pour  voir  moo- 
sieur  le  daufdiin,son  huissier  Bira  m'(»iurit  la  porte, 
ie  vis  la  chambre  pleine;  le  roy,  madame  sa  sœur,  les 
princes  et  les  princesses  y.estoient,  à  cause  que  Vqa 
vouloit  ondoyer  mcmâeur  le  dauphin;  fe  me  retiray; 
le  roy  m^apperçeust ,  et  me  dit,  entrez,  entrent,  ce 
n*est  pas  à  vous  à  n'ozer  entrer.  11  dit  à  Madame  et 
aux  princes,  comment!  i-ay  bien  veu  des  personnes , 
mais  ié  n'ay  iamais  rien  veu  de  si  résolu^  soit  homme 
soit  femme,  ny  à  la  guerre  ny  aillettrs',  que  ceste 
fenune  là;  elle  tenoit  mon  fils  dans  son  giron ,  et  re- 
gsufdoit  le  monde  auec  vne  mine  aussi  froide  que  à 
elle  n*eust  rien  tenu;  c'est  vn  dauphin  qu'il  y  a 
quai^- vingts  ans  quMl  ïÈ*ea  eswit  nay  en  France. 


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(  393  ) 
(Siw  ce  ie  li;^  r«pli({uay)  Tauoisdit  àYostneMajeslëy 
Sire,  qcCil  j  alloit  beaucoup  de  la  santë  de  la  royne; 
il  est  vray  ce  dit  le  roy ,  ie  ne  Tay  aurà  dit  à  ma 
femme  qu^^^ës  que  tout  a  esté  faict,  et  si  la  ioye  Ta 
iàtct  èsuaiioîur,  iamais  femme  ne  fit  mieux  qu^elle  a 
£iict;  si  eBe  eut  faict  autrement,  c'estoit  pour  faire 
mourir  ma  femme.  le  veux  d'oresnavant  vous  nom- 
mer ma  résolue.  Le  roy  me  fît  l'honneur  de  me  fâflfc 
demai\46r  si  ie  voulois  estre  la  remueuse  de  mon- 
sieur le  daupbin,  et  que  i'aurois  pareils  gages  que  la 
nourrice  ;  ie  fis  supplier  Sa  Majesté  d'auoir  agréable 
que  ie  ne  quittasse  point  Texercice  ordinaire  de  sage 
femme  9  pour  me  rendre  tousiours  plus  capable  de 
seruir  la  royne ,  qu'il  y  auoit-là  vne  honneste  femm» 
qui  Fèntendoit  fort  bien.  le  demeuray  auprès  de  la 
royne  pour  la  seruk  en  ses  couches  enuinm  vn  moi», 
puis  huict  iours  après,  attendant  le  retour  deSaMa-r 
jesté  à  Paris ,  qui  m'auoit  fsiit  commander  de  l'at- 
tendre. 

Des  eonehes  de  la  rDyne  de  madame  EUzabeth, 
première  fille  de  France. 

La  royne  estant  grosse  de  madame  sa  fille  aisnée, 
aDa  à  Fontaine  bleau,  pour  faife  ses  couches,  et  partit 
en  octobre ,  de  Paris,  après  la  moitié  du  mois  ;  où  es- 
tant arriuée  Ton  auoit  veu  quantité  de  nourrices  qui 
importunoyent  tellement  le  roy  et  la  royne,  et  tout 
le  monde,  que  leurs  Majestés  en  remirent  Feslection 
à  Fontaine  bleau,  où  il  ne  manqua  d'en  venir  de  tous 


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(  594  ) 
coûtes;  Ton  attendit  prodie  de  FacocNidieiiient  de  la 
*  royne  à  en  faire  Tesleeticm.  Il  vint  vn  homme  ^  lequel 
anoit  ennoyé  sa  femme  pour  estre  nourrice,  laquelle 
auoit  vne  petite  fille  fort  délicate  et  moiuë;  la  fi»mne 
esUHt  bien  honneste  et  de  gens  de  bien  j  en  faueitf 
dequoy  il  se  trouua  des  phs  signalés  seigneurs  det  la 
cour  qui  en  parlèrent  dWection  aux  médecins;  ce 
lÊk  yn Waire  qui  me  donna  l»en  de  la  peine  ;  elle 
logea  chës  yne  de  mes  amies,  laquelle  s'emplpya  de 
bon  cœur  pour  elle  ;  elle  me  prioit  aussi  d^  &ire  ce 
que  ie  pourrois  ;  ie  voyois  son  enfant  extrem^nn^t 
menue ,  mais  elle  estoit  apprc^ée  à  son  aduantage, 
de  sorte  que  le  hart  paroit  le  fagot.  Quand  Ton  m'en 
|tarloit,  ie  ne  pouuais  respondre  gavement,  à  cause 
que  sa  nourriture  ne  m^agreoit  gueres.  le  fus  tu  iour, 
comme  i'avms  de  coustume,  la  joir,  où  ^entendis 
nommer  ceste  nourrice  du  nom  de  son  mary.  le  me 
ressouuins  que  c'estoit  le  nom  d'vn  ieune  homme  que 
mon  mary  auoit  Iraiië  de  la  veroUe,  lequel  auoit  voulu 
sortir  sans  attendre  qu'il  eust  esté  guary.  l'en  auois 
,  entendu  parler  que  iamais  l'on  ne  le  peut  empescher 
de  sortir,  quelque  chose  que  l'on  luy  peut  dire.  H'dit 
à  mon  mary  qu'il  estoit  guary, qu'il  se  sentoit  bien, 
et  qu'il  vouloit  prendre  l'air,  et  se  fortifier  pour  se 
marier.  Mon  mary  luy  resmonpra  ce  qui  en  pourrut 
arriuer  ;  il  s'en  mooqua  et  Iviy  dit ,  ie  suis  œnteni  de 
vo^.  A  trois  ou  quatre  années  de-là,  ie  vis  quelqu'?n 
de  la  ville  d'où  il  estoit ,  i'en  demanday  des  nouuelles^ 
sçauôir  s'il  estoit  marié;  l'on  me  dit  qu'il  y  aiKHt  long 
temps  aés  son  retour  de  Paris,  mais  qu'il  y  auoit  vu 


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(395)    . 

mi 
eu 
fon 

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an 

ne 

çev 

de 

fer 

n» 

hiê 

qan 

toit  retenue,  ie  n'en  parlerois  point ,  et  la  laisserois 
retourner  en  son  pays.  Elle  (fut  retenue,  et  aussi  t6$t 
on  fit  estât  de  renuoyer  toutes  les  autres  :  c'estoit 
Vheure  du  disner.  le  fis  chercher  monaieur  du  Lau*- 
rens,  lequel  estoit  dlé  disner  en  compagnie.  Comme 
ie  vis  qu'il  ne  se  trouuoit  point ,  et  qu'il  n'eusit  pas 
este  à  propos  de  le  dire ,  quand  les  autres  nourrices 
eussent  este  renuojées,  ie  priay  madamoiselle  de  Cer- 
uage,  femme  de  chambre  de  la  royne,  de  luy  aller 
dire  de  ma  part  :  ce  qu'elle  fit,  laquelle  luy  dit,  allés 
dire  à  la  sage  &] 
vnbon  seruîce,  i 
sonne  qi^e  d'elle 
que  ie  luy  en  sç 
La  royne  le  c 
haut,  que  des  ] 
tromper,  devant 


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•     (396) 

monsieur  du Laureos  et  les  autres  médecins,  lesquels 
me  vindrent  trouuer  pour  sçauoir  la  vérité ,  et  coœ- 

oaiy  et  que 

re  de  moii- 

lostre  logis 

;  la  vérité, 

^,qui  auoit 

ela  fut  ve- 

rices.  Tes- 

it  de  ceste 

leurs  Ma- 

rla  pasteà 

mon  mary,  comment  cela  s'estpit  passé.  Le  marj  de 

ceste  femme  qui  n*auoit  ozë  aller  à  Fontaine  bleau , 

d'autant  que  trois  ou  quatre  oflkiers  du  toy,  de  la 

ville  d'où  elle  estoit,  Festoyent  venus  voir  ct^  nous 

qui  sçauoyent  son  mal  ^  lesquels  attendoyent  à  ce  que 

Ton  dit,  si  ie  ne  IVus&e  dit,  pour  le  dire.  Il  craignoit 

qu'ils  en  parlassent  auant  l'affaire  faite.  Il  s'estoit  tenu 

autour  de  Fontaine  bleau;  il  ftist  aussi  tost  à  Paris, 

où  il  alla  essayer  de  surprendre  m<m  mary;  il  l'alla 

saluer  et  caresser;  mon  mary  s'estonnoit  de  cela,  veu 

que  ie  luy  auois  mandé.   Il  luy  dit,  monsieur,  i'ay 

us  sçaues  comme  u  y  a 
se  chés  vous  ;  il  y  a  vn 
lie  qui  m'a  appelé  ve- 
ous  plaidons  ensemble, 
ie  le  ruine;  si  votis  me 
n  rapport  comment  ie 
que  d'vn  petit  vlcere 


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(  m  ) 

noa  malin  que  Tauioîs  ii  la  iambe ,  ie  tous  donneray 
ce  qu'il  tous  plaira.  Mon  mary  luy  dit  qu'il  sçauoit 
bien  que  cela  n'estoit  pas  ainsi ,  que  pour  rien  il  ne 
ftxoit  vne  fausseté.  Il  le  fit  prier,  puis  menacer,  e^fin 
le  fit  assigner  deuant  le  lieutenant  ciuil  Miron,  pour 
luy  deliurer  rapport.  Mon  mary  ne  croyant  pas  qu'il 
deust  insister,  ne  comparut  point  suj 
mieres  asâgnations  :  il  fit  dire  qu'il  y  s 
par  corps ,  et  mené  sans  scandale.  Il 
par  deux  sergens,  où  il  fut  fort  tance 
rapport  k  cet  homme,  qui  disoit  estre  icy  retenu  pour 
cela,: protestant  tous  despens,  dommages  et  intérêt^ 
contre  luy.  Monsieur  le  lieutenant  ciuil  donna  du 
papier  et  de  l'encre,  et  commanda  à  mon  mary  de 
luy  deliurer  sur  l'heure  vn  rapport.  B(on  mary  de- 
manda s'il  n'entendoit^>as  vn  rapport  véritable  ;  mon- 
sieur le  lieutenant  luy  dit  qu'ouy.  Mon  mary  luy  en 
d(;»mayn  tout  cachette;  il  demanda  à  l'autre  s'il  ter 
uoit  mon  mary  pou  et  s'il  le 

croiroit  pas  en  son  r  3  pouuai^t 

faire  autrement  :  il  J  r  le  lieu- 

tenant vid  le  mal ,  it  s'estoit 

passé.  Monsieur  le  ite,  et  le 

força  de  signer  le  rapport  de  mon  mary  à  cause  de 
sa  témérité  :  nous  le  regardons.  Il  ne  se  peut  dire  les 
mesdisances  et  meschancetés  qu'eux  et  les  leurs  nous 
ont  faictes,  et  font  tous  les  ioinrs  à  ce  sujet  :  il  vaut 
bien  mieux  que  nous  en  ayons  du  mal,  qu'il  fiist  ar- 
riué  mal  de  madlme.  L'on  n'a  pas  tousiours  du  bien 
pour  bien  faire  sur  l'heure,  le  temps  amené  tout. 


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Sa  Majesté  accoucha  le  yendredy  vingt  «deuxiesme 
nouembre ,  mil  six  cens  deux,  à  neuf  heures  et  demie 
du  matin  :  elle  croyoit  auoir  yn  fils,  tellement  que 
quand  elle  sçeut  que  c^esioit  vue  fille,  elle  fost  estcm- 
nëe,  à  cause  qu^elle  pensoit  que  le  roy  en  seroit  fas* 
^hë,  mais  il  n^en  fit  aucune  mine,  tant  s*en  faut  il 
colisoloit  la  royne ,  et  lui  disoit  que  Dieu  seauoit 
bien  ce  qui  leur  falloit,  qu'il  estoit  nécessaire  de  fidre 
des  alliances  en  Espagne  et  en  Angleterre. 

La  ro^ne  accoucha  heureusement  sans  colique  :ci|r 
elle  s'estoit  empeschée  estant  grosse,  de  manger  chose 
qui  luy  peut  faire  mal  ny  à  Tenfant,  à  cause  de  son 
premier  accouchement  qui  auoit  esté  si  rude.  La  royne 
accoucha  dans  son  lict  de  trauail,  dans  sa  chambre, 
qui  regardoiuson  petit  iardin ,  à  costé  de  la  chambre 
en  oualle ,  comme  i'ai  dit ,  parlant  de  là  naissance  du 
roy.  Cont  toûsi^ours  esté  les  mesme  lùeubles  de  cou- 
ine que 
^,  Con- 
nbre.  le 
cotHîhe 
au  train 


lenne. 


oucfaes, 
1er  d'al- 
ler coucher  au  Louure  bien  cinq  sepmaines  avant  s<m 


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(  ^9  ) 

accmichement^qui  fiist  le  vendredy  dixiesme  feburier 
mil  six  cens  six,  à  deux  heures  après  midy,  et  qui 
fut  dan$  sa  chambre  odinaire  du  Louure.  La  royne  a 
accouche  de  tous  ses  enfaus,  commençant  mi  roy^ 
d'vn  §ros  et  d'vn  menu.  Le  roy  estoit  assës  puxssant| 
madame  fille  aisnëe  estmt  menue,  et  madame  Ghre^^ 
tienne  e^oit  puissante;  la  royne  en  fut  plus  malade, 
elle  en  accoucha  dans  sa  chaise,  ainsi  qu'elle  auoit 
&it  du  roy.  Plusieurs  personnes  croioyent  que  ce  se-^ 
roît  vn  fils,  à  cause  quWle  auoit  demeuré  quatre  ans 
saas  auoir  d'ei^ians.  le  diray  auec  vëritë,  que  le  roy 
ecmsola  encor  la  royne  sur  les  alliances,  et  ne  tesmoi^ 
ffxa  iamais  d'ea  estre  fisohé;  iljalloit  souuent  voîv 
madame,  tdut  de  mesme  que  si  c*eust  esté  vn  fils,  et 
n'en  pouuoit  parler  auec  trop  d'affection  à  la  royne, 
à  son  gré,  comment  il  la  trouuoit  belle.  Les  couches 
de  la  royne  se  passèrent  heureusement,  pendant  les- 
quelles ie  receu#vn  honneur  de  Sa  Majesté.  Un  ioui| 
que  madame  C    '  '  * 
cbay  pourluy  r< 
iour  là  vn  man 
dît  :  hé,  sage  & 
Madite  dame  h 
agréable  de  la  V 
Oui,  mats  ie  vc 
la  fit  recognois 
n'osass^t  porb 
porter  le  chape 
rices  ;  pas  vue 
ce  dit  la  royne,  i'ay  regret  que  ie  ne  m'en  suis  adui-» 


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(  3oo  ) 

sée  plustost,  et  sur  Fheure  commanda  k  monsiem* 
Zocoly,  son  tailleur,  d'aller  à  l'argenterie  quërir  du 
velours,  pour  me  faire  des  chapenms.  Voilà  com- 
ment i'ay  este  la  prenûere  sage  femme  qui  Ta  iamais 
porte;  elles  portoient,  à  ce  que  m'ont  dit  perionnes 
qui  ont  cogneu  celles  de  la  royne ,  mère  du  roy  Henry 
troisie^ne,  le  coletde  velours  et  la  grosse  chaisne  d'or 
au  col.  La  royne  dont  je  viens  de  parler  en  a  eu  deux; 
sa  première  mourut,  ^le  en  reprît  vn  autre ^  j'ay  eu 
l'honneur  que  femme  du  monde  n'a  touché  la  royne 
que  moy,  pour  l'accoucher,  ny  pour  la  garder  ;  s'il  eust 
pieu  à  Dieu  nous  garder  nostre  hon  roy,  j'eusse  es* 
perë  la  seruir  de  tout  ce  qui  YUy  eust  pieu  luy  donner. 


De  l'accoachement  de  la  royne  de  Monsieur  le  doc 
d'Orléans. 


La  royne  partit  de  ceste  ville  enniron  la  my  Mars, 
pour  ail  lu  faire  ses  couches.  Ainsi 

qu'elle  i  sa  belle  gallerie,  enuiron 

sur  les  c  elle  sentit  vne  grande  dou- 

leuT)  qu  it  retourner  dsais  sa  cham- 

bre, d'où  grandes  douleurs  la  prirent  sans  qu'elle 
peut  permettre  qu'on  l'eust  déshabillée;  elle  en  eust 
enuiron  quatre  presque  insuppcntables;  l'on  appela 
les  tapiders  et  femmes  de  chambre,  qui  acheverem  de 
tout  accommoder.  La  royne  fut  mise  dans  son  lîct  de 
trauail  à  la  manière  accoustumée,  duquel  elle  se  le- 
uoit  quand  il  luy  plaisoit,  après  ces  pénétrantes  dou- 


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*  (  3oi  ) 

• 

leurs,  elle  demeura  bien  trois  heures  sans  douleurs. 
Le  roy  se  trouuait  mal,  qui  se  couoha  dans  le  graiid 
lict  de  la  rcmie,  et  m'appela  pour  sauoir  comment  il 
alloit  de  son  trauail;  ie  luy  dis  que  ie  ne  Tauais  pas 
encor  recogneu,  que  lors  que  ie  le  scaurois  ie  luy 
dirois  ce  qui  en  seroit  lors  que  les  douleurs  Tauroycoi^ 
reprise,  que  c'estoit  bien  pour  accoucher,  mais  qui^ 
ie  ne  pouuois  dire  si  Tenfant  alloit  bien  encore.  Lors 
qu'il  sceut  que  les  douleurs  eurent  repris  à  la  royne, 
il  m'appeUa  et  m'en  demanda  des  nouuelles.  Monsieur 
du  Laurens  estoit  auprès  de  luy,  ie  snppliay  Sa  Ma^ 
jesté  de  ne  se  point  estonner,  que  tout  reiissiroit  à 
Ymn,  que  véritablement  l'enfant^venoit  les  pieds  der- 
vaut  ^  mais  qu'il  estoit  menu ,  que  la  royne  estoit  pleine 
de  courage,, et  auoit  de  bonnes  douleurs.  Le  roy  me 
dit  sage  femme,  ie  scay  que  vous  aués  la  vie  de  ma 
femm^  et  de  son  enfant  plus  chère  que  la  vostrej  fai- 
tes ce  qui  sera  de  vous ,  si  vous  voyés  qu'il  y  ait  du 
danger,  vous  scauës  qu'il  y  a  i  ^  '    '^    *s 

qui  accouche  les  fenunes,.?  e 

grand  cabiqet;  ie  redouterois  f  , 

que  la  peur  qu'en  auroit  ma  i 

danger  de  sa  vie,  ioint  qu'il  i  s 

.  plus  honteuse  s'il  f^lloit  qu'on  l'eust  veuë.  Allés  vers 
elle  ;  i'y  ftis  wm  tost  qu'il  luy  prist  vne  doulepr,  auec 
peu  d'ayde  que  ie  luy  j5s,  elle  accoucha  heureuse- 
ment d'vn  aussi  bel  enfant  qui  s'en  vit  iamais^  qui  es- 
Vdit  grand  et  menu.  La  ioye  en  fiist  si  grande  que 
l'on  la  sauroit  dire.  Le  roy  se  leua  gay  pour  s'en  res- 
iouir  aueç  tout  le  monde.  lamais  monsieur  Honcnré 


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(   303    )  * 

n^imoit  este  à  la  cour  ny  à  Fontaine  bleau  poiBr  les 
couche»  de  la  royne,  que  œste  fois  là^  lequel  n^entrâ 
iamais  ny  pendant  ny  après  raeccmcli^^nt  dans  la 
chambre  de  la  royne.  Ce  fîit  quelqn^un  qui  le  y<mlui 
gratiâer,  desiraoït  qu'il  enst  Thonneur  et  le  profit  d^es^ 
ëre  pour  vn  besoin;  encor  M.  du  Lanrens  me  pria  de 
le  trouuer  bon  pouf  subuenir^  s'il  arriuoit  quelque 
ehose  d'estrange,  à  cause  que  la  royne  estoit  beau- 
coup plus  grosse  qu'elle  n'auoit  encore  esté.  le  liiy 
dis  que  ie  ne  trouuerois  iamais  rien  de  maunais,  qui 
peust  seruir  à  la  royne  ma  maistresse.  Nous  auiona 
souuent  mangé  ensemble  dans  ma  chambre  :  ie  le 
faisoîs  à,  cause  que  i'estois  bien  aise  que  Ton  oqgne«8t 
comme  quoy  nous  estions  en  bonne  imelHgeaee  luy 
et  moy.  La  royne  accoucha  le  lundy  seizième  auril 
mil  six  cens  sept^  à  dix  heures  et  demie  du  soir. 

De  raccouchement  de  la  royne  âe  Monsieur  le  duc 
d'Anjo«. 

La  royne  partit  de  ceste  ville  vers  la  fin  de  mars, 
pour  Alet  faire  ses  couches  à  Fontainebleau;  elle  ac* 
coucha  le  vendredy  vingt-séptiesme  auril  mil  six  cens 
huict,  iour  de  saint  Marc  euangeliste,  à  neuf  heures 
et  demie  du  matin  :  le  mal  la  prit  le  matin  que  le  rdy 
esloit  allé  voir  le  grand  canal  qull  fiiisoîl  foire  à  Fon^ 
taine  bleau,  de  sorte  que  Sa  Majesté  ac€k>iicha  que  le 
roy  n'y  estoit  pas.  Le  ieune  Ldmenie ,  qui  est  à  présent 
tbresorier  de  Monsieur,  en  porta  la  nouuelle  au  roy, 
qui  retourna  à  grande  diligence  voir  la  royne  et  Mon- 


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(  3o3  ) 

^ur.  11  les  vist  aiiec  vii  contentement  extresme;  il 
embrassa  tant  la  royne  de  luy  auoir  faict  m  si  beaa 
fils  :  o'estoit  vn  gros  et  gras  enfant,  qui  auoit  demeuré 
peu  à  naistre  ^  de  sorte  (juHl  sembloit  le  regardant 
qu*il  auoit  vn  mois.  La  royne  en  accoucha  dans  son 
lict  de  travail.  Il  estià  remarquer  qu'il  est  venu  au 
mondô  r^ardant  le  ciel,  qui  n'est  pas yne  c)iose  com- 
mune ;  de  cpm  enfans  il  n'y  en  vient  quelquefois  pas  vn, 
qaoy  que  l'on  die  que  les  fîUes  y  viennent,  chose  qui 
n'est  point  :  en  tous  les  enfans  cpe  j'aye  Jamais  recens,  ie 
ne  croy  pas  en  auoir  receu  trente.Venant  ain^i ,  ie  oreus 
que  c'estoit  vn  si  bon  augure  pour  luy,  et  pour  toute  la 
France,  que  i'en  estois  rauie  ;  et  de  fait  toutes  les  person- 
nes de  iugement  qui  l'ont  sceu ,  l'ont  aturihué  à  tant  de 
bénédictions^  de  générosités,  d'obeïssance  et  conten-' 
tement  poin:  le  roy  et  pour  la  royne,  qu'il  ne  se  peut 
dire  d'auantage,  à  cause  que  tout  ce  qui  regarde  le 
ciel  n'a  rien  de  tep^estre*  U  y  eust  vne  grand  ioye  en 
tenue  1^  cour,  chascun  s'entre^«mbrassoit.  Il  me  sou- 
uient  enire  autre  chose,  que  tnadamoiaelle  de  la  Re- 
noiiîUiere,  première  femme  de  chambre  de  la  foyne, 
dont  t'ay  cy  deuant  parle,  reigioontra  un  des  valets  de 
chambre  du  roy  qui  la  baisa  de  si  bon  cOurage  qu'elle 
n'auoit  plus  qu'une  dent  pour  la  décoration  de  sa 
bouche  qu'il  luy  mit  dedans;  chacun  loiia  Diei(  et  se 
re^oiiit*  Monsieur  d'Argouie,  tbrevsoriér  de  la  royne, 
me  vint  embrasser  comme  ie  venoîs  de  remuer  Mon- 
sieur; la  royne  le  sceut  et  me  le  dit;  ie  }uy  dis  il  est 
vray  madame,  il  ne  paroissoit  non  plus  à  mon. col, 
qu'une  souris  feroit  à  vn  quartier  de  laird.  Les  cou- 


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(3o4)        ^ 

ches  de  la  royne  furent  heureuses^  où  i^eus  l^honneur 
de  la  seniir  comme  danois  tousioiirs  fait;. 

L'accoachement  ^e  la  royne  de  Madame , 
troisiesme  fille  de  Fraûce. 

Madame,  troisiesme  fille,  nasquit  h  Paris  dans  le 
Louure,  le  ieudy  vingt  six  nouembre  mil  six  cens 
neuf,  à  dix  heures  et  demie  du  soir  :  lé  mal  d*en&nt 
jnrit  la  royne  sur  les  cinq  heures  du  soir.  Madame  de 
Guise,  la  douairière  5  et  madame  la  princesse  de  Conty 
estoient  alors  proches  de  Sa  Majesté,  lesquelles  se  vou- 
loient  retirer  à  cause  qu'elles  scaupient  comment  aux 
autres  couches  cela  s^estoit  passé  :  la  royne  le  permit 
à  madame  la  jMrincesse  de  Conty,  à  cause  qu'elle  es- 
toit  indisposée;  pour  madame  sa  mère,  la  royne  la  re- 
tint auprès  d'elle.  Il  y  auoit  quelque  temps  que  la 
royne  auoit  fait  venir  vn  loumeUr  dans  son  cabinet, 
qui  faisoit  des  chappelets  du  bois  de  saint  François, 
dont  elle  en  donna  aux  princesses  et  à  quelques  da- 
mes. Il  falloit  oster  le  tour,  et  tout  l'équipage  du  &iseur 
de  chappelets.  La  royne  £t  ses  couches  dans  son  grand 
cabinet  :  ce  fut  pendant  ces  coaches-13i  que  ie  represen- 
tay  à  madame  Conchine,  la  perte  que  ie  faisois  pen- 
dant deux  mois  que  ie  demeiu^ois  proche  de  Sa  Ma- 
iesté^  pour  les  bonnes  maisons  de  ceste  ville,  qui  leur 
ayant  manqué  vne  fois,  ne  me  redemandoient  iamais, 
s'estant  servies d'vne  autre,  et  que  n'ayant  autre  chose 
que  mes  récompenses,  vieillissant,  ie  demeurerois  à 
ceste  occasion  auec  peu  de  practiques  et  detnoyens. 


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(  3o5  )       • 

Elle  me  fit  tanif  de  ^ace  que  de  le  faire  entendre  à  la 
roy ne,  laquelle  pria  le  roy  me  donner  six  censescus  de 
pension  en  cette  considération.  Le  roy  ne  m'en  vou- 
lut donner  que  trois.  Il  me  dit  :  ie  vous  donne  trois 
cens  escus  de  pension  que  vous  aurez  tousiours,  et 
tous  les  ans  ma  femme  accouchera;  si  c'est  vn  fils  vous 
aurez  cinq  cens  escus  de  mes  coffres,  de  recompense, 
auec  vos  cinq  cens  escus  de  pension,' ce  ^nt  huict 
cens  'escus  que  vous  aurez ,  auec  ce  que  vous  gagne- 
rez auec  les  princes  et  autres  dames.  Si  ma  femme  ne 
fait  qu'vne  fille,  vous  aurez  trois  cens  escus  de  ré- 
compense, et  trois  cens  de  pension;  il  faut  plus  faire     * 
de  recompense  des  fils  que  des  filles.  Des  la  naissance 
du  roy,  il  ordonna  cinq  cens  escus  du  fils,  et  trois 
des  filles.  La  royne  me  donnoit  encor  deux  cens  es- 
cus quelquefois.  Le  roy  me  dit ,  mon  fils  sera  incon- 
tinent grand,  qui  vous  fera  du  bien  outre  tout  cela,  et 
à  tous  les  vostres;  vous  ne  manquerez  iamais,  ayant 
si  bien  seruy  ma  femme.  le  fixs  donc  mise  sur  Testât 
des*  pensions,  ayant  eu  le  breuet  du  roy;  ce  fut  en 
décembre ,  et  le  roy  mourut  en   may,  où  ie  perdis 
tout  à  la  fois  ;  car  depuis  ie  n'ay  eu  que  la  pension. 
le  n'ay  pas  sujet  de  me  plaindre ,  car  ie  n'ay  rien 
ozé  demander.  Madame  la  mareschale  d'Ancre  m'a 
fait  donner  de  sa  grâce  vn  des  estats  de  porte  manteau 
de  Monsieur  pour  mon  fils ,  qui  a  eu  l'honneur  d'en 
ioiiir;  et  à  l'heure  qjie  i'y  songeois  le  moins^  elle 
m*enuoya  quérir  pour  le  me  donner. 

1. 9«  Liv.  ♦  ao 


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.       (  3o6  ) 

CINQUIÈME  PARTIE. 

ADDITION  AU  CHAPITRE  II,  %  I  (i). 


DU  MOT  BIGRE. 

TERME  EMPLOTÉ  BANS  LES  CHARTES,  DOm*  OH   DEMAiinE 
LA  SIGNIFICATIOH  (2>  * 


J'ai  cru  jusqu'ici  que  le  mot  bigre  était  ua 
terme  bas ,  ridioule ,  injurieux ,  fabriqué  dans  quel- 
que halle,  etc.  Cependant  il  se  trouve  employé  dans 
les  chartes  latines  et  françaises  depuis  le  douzième 
siècle.  En  voici  deux  preuves  ; 

Et  habebit  Domina  Abbatlissa  sancti  Salvatoris 
duos  bigros  inforesta  domini  régis j  etc. 

J'ai  droit  d'envoyer  mon  bigre  dans  les  forêts 
du  rojTj  avec  les  bigres  dudit  seigneur  roy. 

On  ne  doute  pas  que  les  experts  dans  la  diplomatie 
{sic)  ne  donnent  la  vraie  signification  de  ce  terme  par  le 
moyen  du  Mercure  j  qui  en  a  déjà  proposé  dVutres. 

(0  Tome  8  de  la  Collecta 
V  (a)  ExtraH.d^  Mercure  de  s^tembre  17x8. 


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M.  duCange,  dont  j'ai  eossulvé \eGlossaire,  s'est  con- 
tenté de  pn^>oser  ce  m^me  terme  y  mais  il  ne  Ta  pas 
expliqué.  • 

*     Explication  du  mat  bigre  (i). 

Ce  mot,  qui  est  injurieux  parmi  la  populace ,  n'est 
ri^  moins  que  cela  chez  les  gens  éclairés.  C'est  un 
lerme  français  dont  Tétymologie  vient  d'un  très-bon 
mot  latin,  lequel  mot  latin ,  aboli  ou  oublié  dans  les 
temps  d'ignorance ,  a  donné  lieu  de  latiniser  le  mot 
français,  et  du  mot  bigre  on  a  fait  le  mot  biger  ou 
bigrus^  comme  du.  mot  quille  on  a  faài  quitta j  dumc^ 
coin  on  a  fait  quengnum^  du  met  voûte  on  a  fait 
vokaj  et  da  mot  bigre  on  a  fait  bignis^ 

Ce  terme  français  vient  originairement  ibl  terme 
laiin  apigerj  c'est-à-dire  qui  gouverne  les  mouches  à 
miel  :  quigerit,  qui  régit  apes;  à^apicurus^  quicu^ 
rat  apeSj  qui  a  soin  des  abeilles.  De  l'un  et  de  l'autre 
<le  ces  deux  mots  latins  on  a  retranché  Va;  reste  donc 
piger^  dont  on  a  changé  le  p  en  bj  ou  picurus^  dont 
on  a  fait  picrus^  en  changeant  lepen  b  dans  le  second 
crâmde  dans  le  premier.  Biger j  bigrus.  ^JpicuruSj 
qui  curât  apes ,^  comme  mocuruSj  qui' curât  vias'* 
(Varron.) 

(i)  Extrait  dû  l.  2 ,  p.  ioZ  des  Variétés  historiques,  ou  Re- 
cherches d'un  saçant.  On  a  fondu  dans  cet  article  diyerses 
lettres  tirées  du  Mercure,  en  ce  qu'eltes  ont  de  {Jus  substan- 
iîeL 


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(  3o^) 

Cette  ëtymologie  ainsi  dérivëe ,  il  est  juste  d^en 
donner  les  preaves  :  les  yoici^  tirées  de  chartes  et  de 
titres  latins  et  français  ignorée  par  du  Cange ,  qui 
ù^a  point  donné  la  vraie  explication  de  ce  mot  y  non 
plus  que  dom  Bessin  dans  ses  G)ncilês  de  fïoi^tiandie, 
à  la  fin  desquels  il  donne  une  explication  des  termes 
barbares  qui  se  trouvent  dans  les  chartes  norman- 
des citées  dans  Fouvrage  y  quoique  cette  explication 
intéresse  et  la  province  de  Normandie  et  tout  le 
royaume. 

I*  Une  charte  de  R(^er  de  Tony,  ccunte  de  Con- 
ches,  dans  le  chartrier  de  Tabbaye  de  TEstrée,  ordre 
de  Citeaux ,  diocèse  d^Evreux,  suffit  seule  pour  {mx>u- 
ver  évidemment  Texplication  en  question.  Novertnt 
untversij  {jubd  ego  Rogerius  dedi  et  concessi  reli- 
giosisvhiSj  abbaiiei  moniachis  abbadœ  de  strataor- 
dinis  cisterciensiSjdiœcesis.Ebroic.j  unum  bigrum, 
id  est^  acquisitiones  apum  inforesta  mea  de  Chon- 
chis  in  ministerio  de  Champignoles. 

a**  Aveu  du  prieuré  de  Lierru ,  ordre  de  Saint- 
Augustin,  dans  le  même  diocèse,  rendu  au  comte  de 
Couches  par  les  religieux  de  la  maison.  Item,  ai^ns 
droit  d'awir  et  tenir  en  ladite  forest  (de  Conches) 
ung  bigre,  lequel  peut  prendre  mouches  j  miel  et 
cire  pour  le  luminaire  de  notre  ditte  église^  mar^ 
cher  (marquer),  couper  et  abatre  les  arbres^  ou 
ettes  seront  sans  aucun  dangier  ne  reprinse^  etc. 
Cet  aveu  est  de  1462. 

3**  Aveu  de  la  seigneurie  de  Beinécourt,  rendu  au 
comte  de  Breteuil.  Itemjàidroitde  trois  ans ^  quand 


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(3o9) 

on  met  les  mouches  en  laditte  forest  (  de  Breietfil  ), 
Jt envoyer  mon  bigre  avec  les  bigres  du  rôj-j  lequel 
doit  être  juré  devant  le  chastelain  de 

bien  et  fidèlement  querre  (quaerere  et 

le  miel  pour  en  faire  mon  besoing.  de 

i479- 

4**  Aveu  de  la  seigneurie  de  Ncaupble ,  au  même 
comte  de  Breteuil  :  et  duditfiefétAuçergny  dépend 
ung  hostel  appelle  la  Bigrerie ,  ou  Fhostel  aux  mou- 
ches.  Aveu  de  i465. 

5®  Chartes  de  la  fondation  de  l'abbaye  Saint-Sau- 
veur d'Evreux  :  dedi  decimam  mollis  ipsius  forestœ 
meœ  :\  la  vërilé  le  mot  bigre  ne  s'y  trouve  pas,  mais 
on  doit  le  supposer  de  droit  à  cette  abbaye,  puisque 
c'était  aux  bigres  à  dimer  J^^ 

6*  Charte  de  la  foimatioii  de  l'abbaye  de  Bonport, 
ordre  de  Cileaux,  diocèse  d'Evreux.  Richard  II,  roi 
d'Angleterre,  fondateur  de  cette  abbaye,  y  donne  in 
forresta  de  Bord  (la  forêt  du  pont  de  l'Arche)  unum 
bigrum  ad  luminare  ecùlesiœ  (i). 


(i)  C'est  dans  cette  explication  que  les  bénédictins  ont 
pmsé  leurs  articles  Kgrus  et  Bigre  du  Glossaire  de  du  Caiige 
eudu  Supplément  donné  par  Carpentier. 


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(3.0) 


AV«A<W«^A/«^^A«/M»«A*««'V*<MV 


CINQUIEME  PARTIE. 

ADDITION  AU  CHAPITRE  II,  %  II  (i). 


REMARQUES 

SUR  QUELQUES  PIÈGES  CURIEUSES  DES  MERGURES  DE    1736^ 

Aa  sujet  4*an  ancien  Missorium, 
dû  l'usage  de  la  Verdure  et  de  la  plantation  du  Mai. 

PAR  L'ABBÊ  LEBEUF  (2). 


i-. 


Je  reconnais,  messieurs,  cpie  pour  la  première  iois 
que  j'ai  Thonneur  de  vous  écrire  en  cette  nouvelle 
année,  je  vous  dois  quelques  étrennes;  cela' est  trop 
juste  ;  mais  j^'ai^cru  que  yous  agréeriez  que  ces  étrennes 
consistassem  simplement  en  des  remarques  que  j*ai 
faites  sur  quelques  endroits  de  vos  journaux  de  Tan- 
née dernière.  La  j»:emière  qui  m^Qst  venue  est  à  Foc- 
casion  de  oe  que  j^ai  dit  dans  une  lettre  imprimée  au 
premier  volume ,  en  parlant  des  vases  profanes  Adai 
,  les  an^ens  évéques  faisaient  quelquefois  hotnmage  à 
Dieu^ï*y  marque ,  en.  faisant  le  détail  de  ceux  que 


(i)  Tome  8  de  la  CoUect. 

(2)  Extrait  du  Mercure  dé  mars  1727,  p*  4-83L 


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(3ii  )  "    •/       /•    " 


de  lui  donner  en  réconnaissanee;  un^e  f^le  d^or  du 

trésor  des  Goths.  L'historien  appelle  cette  table  m£y- 

soriunni  de  inaêpie  que  Tinventaire  du  irësor  de  l'évê- 

cpie  Didier.  Sisnand^  qui  était?  ven^  à  bout  de  son 

entreprise  par  le 

tenir  sa  parole  ; 

table  dW  aux  ài 

bonheur  de  Tap) 

de  passer  par  le 

leur  fiit  enlevé. 

France  de  cette 

deux  cents  mill 

Téglise  de  Saint 

était  celle-là  m^ 


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(  3ia  ) 


la  différence  d^unel  lettre  ou  deux^  papce  que  les  an- 
ciens ëcmaîds  qui ^t  parle  de  ce  roi;  Font  nommé 
tantôt  ThorismûduSj  conmie  saint  Grégoire  de  Tours  ^ 
lib.  2,n.7;  tsuaiàiThursemodus,  comme  Freiegaire 
à  Tan  63o,  n.  78.  Dans  d'autres  fragmens  du  ;néme 
historien,  puises  dans  la  Chronique  d'Idacê^  il  est 
appelé  Thoresmodusj  Thutesmodus  et  Thursimo- 

\  voir  dans  A.imoin 
^.  Cest  pourquoi ,  • 
Lotre  manuscrit  du 
iforme  à  celui  da 
5  j  pour  une  si  le- 
nier  que  cette  ta- 
irgile  était  repré- 
Lorismode^  et' que 


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(  3i3  ) 

qui 

goûu 

prësc 

et  qi 

thëd] 

mém 

tioD  i 

ne  \ii 

que  i 

pius 

detu 

fert 

aide 

sensus-  Sapiens  verhis  irmotescit  pai4fiis^  Didier 


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(3i4) 

férence  aux  vases  de  saint  Didier  de  Cahors  (i),  en 
*  disant  comme  il  se  trouve  dans  une  des  lettres  de  ce 

savant  évêque  de  Clermont  :  Non  hic  per  nudam 
.   pictorum  corporum  pulcritudinem  Hirpis  prostat 

tem  deçejmstat  artifi- 
rt  vestibus  histfiones.... 
iigillatu  et  nexibus^pa^ 
îs  m'ont  prescjué  ^x\é  à 
t  cet  évêque  des  Gaules 
int  Grégoire  -  le  -  Grand 
j[isërée  dans^  le  droit  ca- 
me de  ce  qu'il  se  mêlait 
nés  et  la  grammau^,  ce 

qui  l'obligeait  d'annoncer  de  la   même  bouche  les 

louanges  de  Jésus -Christ  et  celles  dé  Jupiter.  Mais 
'  une  époque  qui  est  dans  la  même  lettre  fait  toiDnber 


(2)  Sîdon.  ApolL,  lib.  2,  epist.  2. 

(3)  Dist.  86,  cap.  mm  multa. 


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(3i5) 

c<»nmanëment  sur  saku  Didier,  archeyécpie  de  Viaoïne , 
ces  reproches,  qû  ne  regaWie 
auteurs  païens  que  la  manièi 
que  ce  saint  pape  relève  ail|j 
^ramniaire  et  des  autres  aru 
très -utile  pour  Tintelligençe 
reste,  je  ne  prétends  point  i 
ma  première  conjecture  sur 
Hi  dire  qu'il  soit  impossible  a 
même  nom  quelle  roi  des  ( 
raient  souvent  leurs  noms  su 
ici,  au  dixième  siècle,  des  ce 

k  reine  Emme,  épouse  du  roi  Raoul,  attacha  au 
tombeau  de  saint  Germain,  sur  lesquels  on  lisait  en- 
core le  nom  d'Ëloi,  qui  les  avait  autrefois  fabriques, 
et  qui  n'était  autre  que  celui  qui  devint  dans  la  suite 
évéque  de  Tïoyon,  et  tm  des  plus  gi'ands  saints  de  la 


les  manuscrits  des  épitres  de  saint  Grégoire  ^IteUent  sim- 
pleiynt  Desiderio  episcopo  Galliamm. 


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(  3i6  ) 

France.  Je  m^ëtais  proposé  de  vqtis  parler,  à  cette  occa- 
sion,  de  la  célèbre  table  d'A  de  FésUse  de  Sens,  dont 
le  fond  représente  à  la  vérité  quelques  endroits  de 
rhistoire  sainte ,  mais  dont  les  accompagnemens  con- 
ivent  en  figures  profanes  presque  imper- 
gravées  sur  des  pierres  précieuses.  Quelque 
de* la  ville  de  Sens  ne  manquera  pas,  avant 
table  soit  changée  de  nature,  de  rendre 
1  public  de  son  antiquité  et  de  toutes  les- 
inscriptioitk  qui  s'y  lisent,   aussi  ifteu  que  du  ju-* 
gement  qu^en  a  porté  le  plus  grand  connaisseur  du 
royaume ,  c'est-à-dire  le  père  Mabillon.  M.  le  doyen 
de  Sens,  qui  a  composé  une  histoire  exacte  et  détaillée 
de  Téglise  métropolitaine ,  n'y  a  pas  oublié  la  des- 
cription de  cette  pièce  curieuse. 

Une  seconde  remarque  qu'on  a  faite  ici  regarde 
ce  que  vous  avez  publié  touchant  une  ancienne  céré- 
monie d'Evreux.  On.  trouve  que  la  coutume  de  couper 
des  ai  'avril ,  ou  au  comnien- 

ceihe]  isser  pour  singulière  à 

cette  rs-ci,  de  même  qiât 

Evrei  ambulantes,  surtout  à 

des  pi  n'entends  point  parler 

ici  de  lis  de.  certaines  autres 

qui ,  selon  la  louable  coutume  de  plusieurs  pays  de 
vignobles,  se  font  tous  les  matins  des  jours  non 
chômés  qui  sont  entre  Pâques  et  l'Ascension,  où 
Ton  a  vu  et  l'on  voit  encore  souvent  la  jeunesse  pré- 
céder le  retour  da  la  procession ,  à  peu  près  comme 
le  marque  la  relation  d'Evreux.  Tout  le  monde  sait 


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.  (  3i7  ) 

que  porter  en  cette  occasion  des  branches  cTarlifc» 
•'appelle  porter  un  mai.  C'est  ai 
commune  de  planter  le  mai  le  joi 
et  de  saint  Jacques.  Couper  et  p 
premier  jour  du  mois  de  mai,  é 
universelle  dans  le  Milanès,  du  te 
Borromëe,  que  le  cinquième  conèi 
num.  3,  fit  un  règlement  à  ce  suje 
quait  avec  grande  cërëmonie,  suiv 
par  le  statut  du  saint  ëvéque.  L' 
partie,  et  il  y  avait  de  somptueux 
cérémonie.  Saint  Charles  fit  tous  s 
cette  coutume ,  qu'il  disait  être  un  reste  des  supers- 
titions du  paganisnie,  tanquhm  Gentilitia  supersti-- 
Uonis  specient  qudndam  exhibet;  et  il  ordonna  qu'à 
la  place  on  ai'hcH'ât  des  croix ,  et  qu'à  toutes  les  grandes 
fêtes,  sans  excepter  celles  de  l'hiver,  on  ornât  de  ver- 
Hurp  les  portes  des  églises,   selon  l'ancien  usage: 
^ xjuemadniodimi  veteris  instituti  est  usuque  romano 
comprobaUj  et  à  ^oit 

par-là  que  les  lam  titrél^ 

arbrisseaux  qui  c(  it  les 

plus  grands  fi:oid  smps 

dans  la  province  é  tel 

qu'il  est  dans  ces  pays-ci.  Cet  usage,  qui  était  ancien, 
et  péUt-être  autrefois  imiversel  (i),  subsiste  encore 

—  ^ 

(i)  Voyez  notre  Notice  sur  VOriginede  Vusage  de  planter  ie 
mai,  t.  8 ,  p.  356  de  U  CoUect. ,  et  ci-après ,  les  Additions 
aux  Remarques  de  lebeuf.  (  Edit  G  là.  ) 


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(3i8), 

dans  nos  cantons ,  am  moins  aux  fêtes  patronales  et 
aux  dédicaces  des  églises,  qui  n'arrivent  point  en  hji^ 
ver;  çt  j*ai  des  preuves  qu^il  n*y  a  pas  cent  ans  que 
notre  ^lise  cathédrale  était  parée  de  verdure  à  la 
grande  fête  particulière  ou  patronale  d'été.  Je  ne  dis 
point  de  verdures  représentées  sur  la  toile,  ni  de  ver- 
dures en  tapisseries;  mais  des  verdures  réelles,  for- 
mées par  des  branches  d'ormes ,  de  chênes  et  de 
vernes, ce  qu'on  s^pellaitde ht  ramée.Yous  n'ignorez 
pas,  messieurs,  la  surprise  qu'affecta  autrefois  un 
gascon  qui  entra  dans  une  église  ainsi  ornée  de  tous 
côtés ,  le  jour  qu'on  y  solennisait  la  fêle  de  saint  Yves, 
ni  la  naïveté  qui  lui  échappa  lorsqu'il  prit  le  parti 
d'en  sortir  promptement.  Ce  n'est  qu'à  cause  de  cer- 
tains inconvéniens  et  parce  que  l'usage  des  tapisseries 
est  .devenu  commun,  qu'on  a  cessé  dans  les  éj^lises 
ces  sortes  de  décorations ,  et  Ton  se  contente  mainte- 
nant d'orner  de  branchages  les  frontispices  des  églfsesf, 
de  même  que  saint  Charles  l'ordonnait,  ou  bien  le^ 
'faite  dés  ou  tout  au  plus  d'ar- 

Êorer  le  i  'église.  Permettez  que 

je  vous  n  et  article,  que  le  dic- 

tionnaire »  exact,  lorsqu'il  dit 

eii  parlant  des  ip£^s,  qu'il  n'y  a  que  les. petites  gens  à 
(pu  on  en  présente  (i).  J'ai  vu  bien  des  grandes  villes 


(i)  Il  eût  fallu  dire  tout  le  contraire  ;  on  en  ofïiraît  à 
Dieu  et  à  la  Vierge;  ^'étaît  uû  hèmmage  àû  serviteur  au 
maître ,  de  Tinférieur  an  supérieur,  de  Tamant  à  celle  qiiî 
régnait  sur  lui.  Voyez  Tes  Additions  éè-après.       (  E^t  C  L.) 


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(  3i9) 
oàTon  en  offre  aux  principaux  du  lieu  en  grande 
cérémonie;  et  pour  peu  qli^on  voyagi 
enc(»re  ces  mais  à  leur  porte,  où  ils 
tout  le  cours  de  Tannée*  Cela  se  pratii 
gard  des  premiers  dans  plusieurs  petite 
vent^  comme  lesbâtimens  n'y  sont  pas 
on  reconnaît ,  sans  entrer  dans  ces  villi 
monie  y  est  en  vigueur,  parce  que  Y 
choisir  les  vernes  les  plus  élevés  qui 
pays ,  et  qu'il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  qui  surpas- 
sent la  hauteur  ordinaire  des  maisons  de  province. 

Vous  m'avez  fait  le  plaisir  de  me  témoigner  que 
rhistoire  de  la  pelotte  d'Auxerre ,  publiée  dans  le 

Mercure  de ,  avait  été  trouvée  fort  divertissante. 

J'ai  bien  eu  raison  de  dire  que  cette  ridicule  céré- 
mcmie  n'avait  pas  été  particulière  à  notre  église,  mais 
qu'il  paraissait  seulement  qu'Auxerre  avait  été  là  der- 
nière église  qui  l'eût  conservée  avec  opiniâtreté.  On 
m'a  écrit  qu'autrefois,  .à  Vienne  en  Dauphihé,  le  jet 
de  la  pelotte  était  usité  pendant  les  fêtes  de  Pâques  ; 
mais  ce  n'était  point  à  l'église  que  cela  se  faisait, 
c'était  daiis  une  salle  de  l'archevêché  que  tout  le 
clergé  de  la  cathédrale  s^assemblait  le  lundi  de  Pâ- 
ques, pendant  qu'on  sonnait  les  vêpres.  La  sonnerie 
n'étak  pas  de  peu  de  durée  à  ces  jours  de  solennité, 
et  le  temps  qui  y  était  eipployé  fixait  l'espace  pen- 
dwtt  lequel  on  prenait  la  collation  dans  la  maison  de 
Tarchevêque;  après  quoi  le  prélat  s'amusait  à  jeter  la 
pelotte. Un  manuscrit  de  cinq  cents  ans,  à  l'usage  de 
cette  église ,  renferme  cette  rubrique  au  lundi  de 


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(3ao) 

Pâques  :  Ad  vesperns  dum  signa  puhantur^  totiis 
conçentus  cons^eniat  in  domo  archiepiscopi;  ibi  de- 
beniur  mensœ  apponi,  et  mimstri  archiepiscopi  de- 
berU  apponere  pigmentum  cum  aliisj  et  postea  vi- 
num.Postea  arçhiepiscopus  jactet  pelotam.  Il  pandt 
que  ce  jeu  de  la  pelotte  a  subsisté  à  Vienne  au  moins 
durant  trois  siècles ,  puisqu'on  lit  en  marge  de  ce 
manuscrit,  d'une  écriture  de  deux  cents  ans,  ce  qui 
suit  :  Et  est  sciendum  quod  mistralis  débet  provi- 
dere  de  pelotd,  et  débet  eam  jactare  Domino  archie- 
piscopo  absente.  On  croit  que  par  mistralis  il  faut 
entendre  un  oiEcier  de  Févêque,  ou  peut-être  son 
maître -d'hôtel,  que  Jean  le  Lièvre  appelle  moisirai 
dans  ses  Antiquités  de  Vienne.  Au  reste,  ce  mot  pa- 
raît avoir  été  employé  par  contraction pouri7uh£^^/^ 
ou  ministerialis.  L'ordinaire  de  l'église  de  Nevers  de 
trois  cents  ans  ne  parle  aucunement  de  la  pelotte, 
mais  il  n'oublie  pas  la  digression  que  faisait  la  pro- 
cession des  chanoines  pour  aller  sç  rafraîchir  au  cha- 
pitre, au  isortir  des  fonts.  Feria  secunda  Paschœ  ad 
^espéras j  pro  ut  in  die  Paschœ j  in  reditu  procès- 
sionis  ad  fontes  cantatur  prosa  :  Die  nobis  Maria; 
et  si  sint  canonici  stagiarii^  debent  vinum  bonum  et 
chenetellos  in  capitulo  omnibus  de  choro,  et  tune 
'vadit  ibi  processio.  Ce  mot  chenetellos  est  pour  le 
moins  d'aussi  basse  latinité  que  mistralis.  Il  a  autant 
de  droit  que  l'autre  de  faire  figure  dans  le  Glossaire 
qu'on  attend  depuis  ta»t  d'années.  J'entrevois  qu'il 
s'agit  là  de  quelques  friandises ,  comme  des  oublies 
ou  des  gaufres  qui  avaient  la  forme  de  ces  gouttières, 


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(    321    ) 

qn*eii  plusieurs  endroits  on  s^pelie  échenUs  ou  échc- 
nez.  Les  statuts  du  chapitre  de  Toul  qui  font  une 
ënumétation  des  collations  que  les  chanoines  pre- 
naient encore  en  commun  au  quinzième  siècle ,  n^en 
marquent  aucune  aux  fêtes  de  Pâques  ;  mais  en  rap- 
portant celle  qu'on  prenait  à  Tévêchë  lé  jour  de  l'As- 
cension, ils  ajoutent  :  Ibi  olim  bibebatur  in  scyphis 
madrinisj  et  comedebantur  hostiœ  magncCj  chêne- 
trelli  et  poma.  Vous  ave^  dû  remarquer  la  différence 
qu'il  y  avait  entre  ce  qui  se  pratiquait  à  Vienne  et  ce 
qui  se  Élisait  chez  nous  :  différences  de  lieu  et  de 
jour,* et,  outre  cela,  qu'il  n'y   avait  aucune  danse 
dans  cette  première  Eglise*  C'est  ainsi  qu'on  respectait 
le  saint  jour  de  Pâques,  et  les  temples  àxi  Seigneur  en 
certains  pays  plus  qu'en  d'autres.  On  est  maintenant 
assez  uniforme  en  France  sur  le  retranchement  de 
ces  ancieimes  manières  gothiques.  On  n'y  prend  plus 
YexuUemus  et  lœtemur  de  Yhœc  dies  dans  un  sens 
si  grossier;  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  craindre  que  jamais, 
en  ce  royaume,  la  mode  s'introduise  que  la  prédica- 
tion serve  ce  jour-là  de  spectacle,  comme  en  Cata- 
logne, où  celui-là  est  sensé  avoir  prêché  le  mieux 
qui  a  fait  le  plus  rire  son  auditoire.  Quant  au  jeu  de 
la  paume ,  c'était  de  toute  la  cérémonie  ce  qu'il  y 
avait  de  moins  indigpe  des  ecclésiastiques,  pourvu 
que  cet  exercice  fût  fait  dans  un  autre  jour  que  celui 
de  Pâques,  et  non  en  pubhc.  Ofa  remarque  que  le 
chapitre  ctënèi  du  droit  canon  ée  le  défend  pas. 
C'est,  dit-on , d'ailleurs  un  exercice  corporel  qui  peut 
servir  de  récréation  innocente  lorsqu'il  est  pris  dans 

!•  9*LIV.  *  31 


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(3") 
an  temps  et  un  lieu  convenaUes  et  ayec  modéraiioii. 
Ce  qui  parait  resseml^er,  de  nos  jours*,  h.  ces  anciens 
îeox  de  paume,  est  le  jeu  de  ballon ,  auquel  les  éta- 
dîans  se  divertissent  dans  les  collèges  de  P^a-is.  Il 
semble,  en  le  voyant,  qu*(m  aperçoive  ces  balles  aa 
boules  enfl^  dont  Martial  et  d*autres  anciens  tom 
mention ,  et  par  ccmsëquent ,  que  ce  soit  le  même  jeu 
auquel  des  empereurs  très- graves,  tels  qu'Auguste  ^ 
Antonin-le-Philosc^he,   se  dëlass»ent;  j'ajouterai 
même,  et  des  magbtrais  du  premier  rang  parmi  les 
chrëtiais.  Je  trouve  en  effet  dans  la  même  leure  que 
je  vous  ai  dëjà  cilëe  de  saint  Sidmne,  qu'ëtant  fils  des 
préfets  du  [nrëtmre  et  de  rang  à  devenir  patrioe,  ainsi 
qu'il  le  lut  ayant  son  élévation  à  Tëpiscc^t,  il  se 
retirait  souventàsa  maison  de  campa^ote,  qui  lui  émt 
échue  du  eAié  de  Papianille  sa  femme,  fille  d'Avît, 
depuis  fait  empereur,  et  que  là  il  se  divertissait  avec 
Ëcdice,  sûtt  beau-fi:^e,  à  jouer  à  la  paume  dans  une 
allée  de  tilleuls,  jusqu'à  ce  cpie  la  pelotte  filt  osée  et 
bots  d'état  de  servir  :  Ingénies  tHiœ.^.  unam  umbram 
mm  una  mdice  conficîufUf  in  eu  jus  opacUate  cwu 
me  meus  hecdicius  illustrât  j  pihe  ^acamus^  sed 
hoc  eo  usque  donec  tutb&rum  imago  €ontractior.^... 
IlUcale&torium  lassis  cùnsnmpto  sphœnsteriofacitU. 
Je  v^us  fés^rve  pour  un  autre  envoi  ce  qui  m'a  été 
côefununiqué  sur  les  fêtages  d'Angers  (i) ,  en  vons 
priant  de  vous  infcHiner  en  particulier,  ou  psor  la  voie 
,  ^      .  .  ',    _ 

(i)  Vnyez  ceWe  pièce,  t.  9,  p.  ^02,  de  la  GoUect. 

(BAV.  CL.) 


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(  323  ) 

àxkikrcurej  d^une  eqpèce  de  phénomène  qui  a  quel- 
que ressemUance  avec  eelui  du  port  de  Marseille, 
dont  tous  les  journaux  ont  tant  parle.  Je  suis,  mesr 
mxm^  ete. 

A  Amenrey  ce  i  jaiivier  1727* 


ADDITIONS  DE  L'EDITEUR 

AUX  REMARQUES   PRÉCÉDENTES. 

I**  Sur  V usage  de  la  verdure. 

L'us|ige  de  la  paille  et  de  la  verdure ,  comme  objet 
de  commodité  ou  de  décoration  dariS  l'intérieur  des 
maisons  et  des  temples ,  a  long  -  temps  subsisté  en 
France ,  et  l'histoire  du  seizième  siècle  en  fournit 
beaucoup  d'exemples.  On  en  trouve  même  des  traces 
plus  récentes  dont  quelques-unes  sont  encore  faciles 
à  reconnaître. 

A  la  messe  de  minuit  y  le  jour  de  Noël ,  on  j<m- 
chait  de  paille  l'église.  Les  écoliers ,  dans  les  classes 
des  collèges ,  n'étaient  assis  que  sur  de  la  paille.  Il  y 
avait  même  à  Paris  une  rue  particulière  où  se  vendait 
toutes  celles  qu'ils  consommaient  pour  cet  usagé.  Elle 
portait  le  nona  du  Jbuare;  nom  qu'elle  conserve 
encore  ^  et  que  lui  avait  fait  donner  cette  marchan- 
dise,.<{m  en  vieux  langage  s'appelait  ainsi.  Les  licen- 

■I        "  L     I  -111  I Il         .Il       II  I .^  I  ,   , pi 

(1)  Vie  fvwie  des  Français  y  t.  3,  p.  i34  et  suiv.  k 


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(  3^4  ) 

ciës  en  philosoj^ie  étaient  obligés  d*en  entretenir  le 
chancelier  de  TUniversité;  et  chacun  d'eux  lui  payait 
pour  cela  yingt-cinq  sous. 

Gomme  en  hiver  on  avait  cherché  à  se  tenir  chau- 

» 

dément  avec  de  la  paille ,  en  été  on  tâchait  de  se 
procurer  de  la  fraîcheur  avec  de  Fherbe  et  de  la 
fouillée.  On  garnissait  aussi  de  rameaux  yerds  les  murs 
et  les  cheminées  des  appartemens.  cr  Le  comte  de 
((  Foix  )  dit  Froissart ,  entra  dans  sa  chambre  quHl 
((  trouva  toute  jonchée  et  pleine  de  verdure  fresche  et 
«  nouvelle ,  et  les  parois  d'envbon  toutes  couvertes  de 
«  rameaux  tous  verds  pour  y  faire  plus  frais  et  odorant, 
«  car  le  tems  et  Tair  du  dehors  estoit  merveilleuse- 
ce  ment  chaud.  ^  • 

Brantôme  raconte  queBonnivet  étant  couché,  une 
certaine  nuit,  avec  Tune  des  maîtresses  de  François  1'% 
tout-à-coup  le  roi,  qu'on  n'attendait  pas,  vint  frapper 
à  la  porte  et  alarmer  nos  deux  amans.  Alors,  «  ce  ftit 
«  à  s'adviser  là  où  le  galand  se  cacheroit  pour  plus 
«  grande  sûreté.  Par  cas,  c'étoit  en  esté,  où  l'on  avoit 
«  mis  des  branches  et  feuilles  eh  la  cheminée,  ainsi 
((  qu'est  la  coutume  en  France.  Par  quoy  la  dame  lui 
((  conseilla  de  se  jeiier  dans  la  cheminée,  et  se  ca- 
((  cher  dans  ces  feuillages  tout  en  chemise.  » 

Les  cabaretiers  eux-mêmes,  poup  l'agrément  des 
personnes  qui  venaient  boire  chez  eux ,  gs^jnissaient 
ainsi  les  différentes  salles  de  leur  taverne  ;  ersouvent 
les  corps  municipaux  se  sont  occupés  dû  maintien^de 
cette  couttyne.  Parmi  les  statuts  divers  de  la  vOle  de 
Bordeaux^,  il  en  est  un,  donné  en  ï55o  aux  taver- 


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(  3.5  ) 

niersi  par  lequel  il  leur  est  enjoint  exfMressëmem  àe 
fournir  aux  buveurs  fierbe  et  jonchée. 

Enfin,  de  même  qu^au  jour  de  Noâ  le  sot ^ 
Téglise  ëtait  couvert  de  paille,  on  le  jonchait  d'herbes 
odo|ifârantes  le  jour  de  TAssomption.  JJakhé  Ij^ 
beuf  {Histoire  du  diocèse  de  Paris\  nous  apprend 
qu'au  treizième  siècle ,  c'étaient  les  prieurs  dé  l'ar* 
chidiaconé,  nommé  JosaSj  qui,  ce  jour -là,  étaient 
obligés  tour-à-tour  de  fournir  les  herbes  et  les  fleurs. 
Au  quatorzième,  on  n'exigea  plus  d'eux  cette  rede- 
vance, et  l'on  se  contenta  d'herbe  ordinaire,  tirée  des 
prés!  de  Gentilli.  Jean,  duc  de  Berri,  oncle  de  Charr- 
ies yi,  étant  tombé nudade  à  Paris,  il  donna  au  cha- 
pitre de  Notre-Dame  son  hôtel  de  Nêle,  à  condition 
que,  tous  les  ans,  le  premier  jour  de  mai,  les  cha- 
noines feraient  une  procession  avec  un  rameau  verd 
à  la  main ,  et  que  Téglise  ^rait  jonchée  d'herbe 
verte.  (^Vojrez  le  Grand,  Fie  privée  des  Fr.^  t.  ^^ 
p.  334  et  suiv.  ) 

2*  Sur  ht  plantation  du  mat 
Mîii  de  Nostre-Dame  de  Paris  (i).  , 

L'an  1449  auctms  notables  personnages,  maistres 
orphpures  de  Paris  eurent  -  déuotion  de  présenter  le 
pren^ier  iouy  de  mai,  à  heui*e  de  jgaii;iuici,  tous  les  ans, 
deuant  le  maistre  portail  de  l'église  Nostre-Dame, 

(i)  Extrait  des  Antiquités  fie  la  Me  de  Parier  par  Glâurfe 
Malingre^  in^f»,  p.  16.        ' 


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*"- 


(326) 

m  Mai  ;  et  esleurent  yn  prince ,  pour  vn  an  seule- 
ment, qui  auroit  la  charge  de  faire  les  frais  dudit 
mai  :  et  consecutiuement  tous  les  ans  il  s'en  feroit 
eslection  dVn  autre.  Fut  aussi  erigëe ,  du  consente- 
ment de  monsieur  Teuesque  de  Paris,  vne  confrjdrie' 
de  satûcie  Anne  en  ladite  église ,  et  quatre  confrères 
ordonnez  pour  la  régir.  Le  temps  de  Peslectioià  du 
maistre  ou  prince  est  le  iour  de  l'Ascension,  et 
neantmoins  il  n'entre  en  chaîne  que  le  iour  de  saincte 
Anne  etisuiuant. 

Depuis  (  c'est  à  sçauoir  Tan  15^5)  fut  oi^onnë  que 
les  quatre  maistres  auroient  la  charge  et  ^uuerne- 
ment  dudit  mai.  Et  aussi  que  ceux  qui  poudroient 
estre  de  la  communauté  dudit  mai ,  mettrôient  leirï^ 
noms  par  escrit,  signez  de  leurs  seings  manuels,  pour 
contribuer  aux  frais. 

O  est-il  que  ledit  mai  posé  sur  vn  pilier  en  foatne 
de  tabernacle  à  diuerses  faces ,  esquelles  on  voyoit  de 
petites  niches  remplies  et  ornées  de  diuerses  figures 
de  soye ,  or  et  argent,  representans  certaines  histoires. 
Et  au  bas  d'icelles  pendoient  de  petits  tableaux,  où 
pstoient  escrits  certains  vers  françois,  pour  l'expli- 
quations  d'icelles.  Ce  mai  ainsi  (comme  dit-est)  posé 
au  grand  portail  à  l'heure  de  minuict,  y  demeuroit 
iusqu'au  lendemain  après  vespres,  que  l'on  le  trans- 
portoit  auec  le  utOMie  pilier,  deuant  limage  de  la 
Vierge  TSferie,  qui  est  4essous  le  long  pulpitre,  fai- 
sant de  ce  costé  la'  ^lostwe  du  chœiu:.  Et  le  vieil  mai 
de  l'année^  précédente  .estoi«r  ixansporté  en  la  chapelle 
saincte  Anne,  poiu*  y  esu-e  gardé  vn  an. Ce  qui  a  êslé 


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(3a8) 


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(0^ 


4ARTIN, 


A  l'OOCASION  D'UlirB  MÉDAILLE  CUftlEU^, 
PARA.L.MTI1LIN. 
Avec  des  notes  critiques  de  l'Editeiir  CL.  ^ 

La  petite  médaille  qui  fait  le  sujet  de  cette  Disser- 
tation est  d'argent.  On  y  reconnaît  d'abord  l'oiseau 
qui  figure  le  plus  habituellement  dans  le  repas  de  la 
fête  qu'on  célèbre  le  li  de  novembre,  fête  qui  porte, 
Sans  tous  les  calendriers  du  culte  catholique,  le  nom 
de  Saint-Martin. 


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(3^9) 

on  voit  sur  plusieurs,  des  prêtres  cpli  ofirent  une  oie 
en  sacrifice;  et  ils  faisaient  Certainement  servir  c^t 
oiseau  à  leuj 
était,  avec  le 
rois(i). 

Les  Grecs 
saient  aussi  p 
per^nne  qui 
des  Romains 
qu'on  pourrai 
puis  ({ue  par: 
prérogatives  -^ 

inviolable  :  cependant  on  le  servait,  cdinme  les  autreîs 
animaux,  sur  les  tables;  mais  il  n'avai|  pas  dans  Iqs 
cuisines  la  même  renommée  que  d|jps  ]^  temples. 

Sa  chair  n'était  eependant  pas  absolui|||nt  àban- 


(4)  W.,  Alexand,  Sever.,  t.  37. 


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(  33o  ) 

éayeiir  de  cet  oiseau,  le»  Bcxnaiiift  le  fercissaienl  de 
chaif*  de  poulet  et  d*autres  animaux  (i). 

Ken  ayant  qne  Touloase  et  Strasbourg  eoasent  ac- 
quis une  juste  rencMnmée  parleurs  pâtés,  on  savait  ù^ 
accroître  le  Tolume  du  foie  de  Toie  en  engraissant  IV 
uimal  avec  des  figues.  Ce  volume  devenait  encore  plus 
Pline ,  en  plongeant  le  viscère  dans 
et  de  lait  (2).  Si  Ton  en  crmt  M^' 
»n  le  rendait  plus  gros  que  Fanimal 
ouve  cette  invention  si  belle,  qu^il 
que  Ton  mette  eji  question  si  on 
onneur  à  Scipion  MéteB^s,  honupe 
consulaire,  ou  à  M.  Seîus,  chevalier  romain^  coniem- 
porain  de  Mélellus  (4)«  Yarron  n  parlé  des  grands 

(t)  Veùit  poeta  de  wiciaOs.  (Voyez  An$hoL  Y,  i53,  édit. 
Bonnanni.) 

(3)  Pinguibui  etjiciè  pastum  jecur  anseris  albi. 

rers  88.) 


rs  ii4.) 
iratîon  ne 
daas  une 
lèbres  en- 


58.)   u 
lotum  bo- 
num  rrwenerit,  Scipio  ne  Metellus  oir  consularis,   an  M,  Séius 
eadem  œtate  eques  Romanus,  (Plîn.,  Hist  naf>,  X,  22^ 


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(  33i  ) 

troupeaux  d^oies  que  ces  deux  patriciens  ncmrris-^ 
salent.  La  reconnaissance  de  la  postérité  peut  donc  se 
parta^r  entre  eux;  mais  Thommage  qu'elle  doit  of- 
frir à  Messalinus  Cotta,  fils  de  Torateur  Messala,  n*a 
rien  d'incertain.  Il  est  avéré  qu'il  fut  Theureux  in- 
Tenteur  de  la  méthode  de  faire  griller  les  palmes  d'oie, 
et  de  les  mettre  en  ragoût  avec  des  crêtes  de  coq  (i). 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  l'oie  ait  aussi  été 
d'un  grand  usage  dans  les  Gaules.  Mais  quel  rapport 
peut-^Ue  avoir  avec  le  saint  évoque  de  Tours?  Plu- 
sieurs saints  ont  un  oiseau  pour  attribut  :  l'aigle  ac*- 
oompagne  saint  Jfean,  le  corbeau  saint  Benoit,  le 
cygne  ssànt  Hugues.  Aucune  antique  image  de  sfednt 
Martin  ne  nous  le  représente  avec  une  oié,  quoique 
Hospinian  (2)  dise  le  contraire,  sans  en  rapporter 
d'exemples.  L'oie  n'est  point  citée  dans  les  hymnes 
religieux  que  les  Francs  et  les  Lombards,  chez  le»- 


iius,  palmas  pmbim  ex  his  torrere,  atque  patims  cum  gaUînaceQ" 
rum  cristîs  condire  reperit.  (Plin.,  X,  a 2.) 
(a)  De  tempKs,  p.  aa4- 


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(330 

des  cavernes  profinides  pour  se  soustraire  aux  ponces 
da  monde  et  aux  honneor»  de  Tëpiscopat,  que  les 
duréûens  francs  (i)  yoolaient  lui  décerner,  et  qo'iine 
oie  dëcéla  sa  retraite,  n*est  pas  plos  fondée,  quoique 
Jean  Bloy  Tait  répétée^  d*après  Bartholin,  dans  de 
mauvais  vers  (2).  Rien  ne  prouve  qoe  le  sanvenr  dH 
Cspitole  ait  trahi  par  ses  cris  le  pins  grand  évéqœ  des 
Gaules;  et  il  est  encore  mràis  croyable  qae  le  bon 
saint  Martin  ait,  pour  un  pareil  délit,  maudit  cet  oi- 
seau à  perpétuité,  et  qu'il  Tait  à  jamais  livré,  comme 
ajoute  encore  Bloy,  à  la  chaleur  des  fours,  à  Tardeur 
des  brasiers,  et  aux  broches  acérées  de  fer  ou  de  bois, 
pour  être  mangé  dans  les  familles  en  redisant,  dans 
des  chœurs  joyeux,  le  sujet  âe  la  solennité  (3). 

(i)  Ponrqaoî  chrétiens yr£i/u;5  ?  Mieux  vandrait  Gaubis.  Les 
Francs  n'étaient  pas  encore  établis  dans  les  Gaules  da  temps 
de  S.  Mardn ,  qoi  appartient  an  quatrième  siècle.  (  EdU.  C.  L.) 

(?)  re  caçernas  \- 

msœpm  esse  ' 

us  honores, 
lenteîs. 
ula  w$$rL 
fis  irdquiSf 
À^fidmsque  sonis  rauci  stridoris  obJdscit, 
Et  misemm  ansereo  latitantem  culmine  tigni, 
^Prodidii  infandum  infiàus  Martùmm,  et  honores 
ConUûit  inoito  ;  nom  sic  jfrotractus  ah  Qniro]; 
Anserum  et  ex  olidis  estfactus  prœsui  oietis. 

(3)  Hinc  pia  suscipiens  Martinus  oota  quotantàsi 
Perfidus  anser,  ait,  gùrritus  crimen  inertis 


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(  333  ) 

Si  nous  n'acfoptons  pas,  avecFrëcîéric  JNausëa,  éwè- 
que  4e  Vienne  (i) ,  que  l'oie  a  été  consacrée  au  re- 
pas de  la  Saint-Martin,  parce  qu'elle  veille  et  crie 
pendant  la  nuit,  comme  le  saint  éeéque  veillait  sou- 
vent pour  rappeler  aux  fidèles  leurs  devoirs  dans  de 
vives  prédications,  nous  croirons  encore  moins  ce 
que  dit  Bartholin ,  qui  lui  -  même  montre  un  grand 
doute  dans  son  récit,  que  les  chrétiens  mangent  Foie 
dans  leurs  festins  du  ii  de  novembre  ,||)arce  que  sa 
cbair  trop  pesante  avai)^  occasionné  des  désordres  da|}s 
restomac  du  saint,  et  avait  causé  sa  fin.  Son  ami  Sul- 
pice  Sévère ,  qui  a  fait  de  sa  mort  un  récit  noble  et 
touchant,  ne  dit  rien  de  ces  contes,  répétés  par  l'ii 
gnorance  et  accueillis  par  la  crédulité. 

U  faut  tlonc  attribuer  Fuisage  de  manger,  le  1 1  de 
nov^olire,  une  oie,  qu'on  appelle  pour  cette  raison 
oie  de  la  Samt-Martin ,  à  des  causes  absolument 
étrangères  à  la  vie  du  saint  évéque. 

Selon  l'opinion  du  père  Carinéli  (2),  cet  usage  dé- 

■^  .  fc    '  ■ 

Suf^UeiQ  htet  ceterno,  populosque  per  omnes 

Occidetet  ieretes  sendscèt  çertice  cultros 

Damnatus  fijÊrno ,  çerubusjfixusque  colurnis 

Neqidtiœ  in  pœnam  ad  lealÊs  torrehitur  ignés, 

Quem  bonus  ingbme  vidnus  degulet  amplâ  f 

Lœtitiœ  causant  repeiens  et  nominafesU, 

(  Johan  Christ  Frojpnann ,  Anser  Martimanus , .  1 683, 
pars  la.) 

(i)  Gué  par  Lamar>re,  Tmiié  de  la  police ,  t*  a,  p.  735. 
(a)  Bella  festa  di  S.  Martino.  (V.  Storia  di  tHtri  çostumi 
sacri  e  profard,  t.  a,  p.  79.) 


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(  334  ) 

riyeraît  des  Grecs.  Ils  célébraient  tous  les  ans,  en 
rhonnenr  de  Bacdbius,  selon  Plutarque  (i),  le  ii 
du  mois  Anthfisterîon,  une  filte  qu'ils  appelai^it  P£- 
thœgia  (a),  c'est-à-dire  de  Fouiferéure  des  vases  à 
mettre  le  vin^  parce  (ju'cm  ouvrait,  à  cette  époque, 
ceux  qui  contenaient  le  vin  nouveau  (3).  Henri 
Etienne  dit  aussi  que  cette  fète  était  semblable  à 
celle  que  nous  célébrons  en  Thonnenr  de  saint  Mai^ 
tin  (4).        , 

L'époque  des  vendanges,  œlle  de  Fouverture  des 
tcMmeaux,  ont  dû  être  en  effet,  chez  tous  les  peuples, 
des  occasions  de  réjouissance.  Les  Romains  avaient 
leurs  VinaUaj  leurs  BrumaUaj  conmie  la  Grèce  avait 
sa  Pithoegia  :  mais  la  joie  qui  se  manifeste  à  cette 
époque  dans  nos  ctmtrées  peut  être  relative  au  plaisir 
que  causent  l'abondance  de  la  récolte  et  la  bonté  du 
vin,  sans  avoir  aucun  rapport  avec  la  fête  que  l'on 
célèbre  il  de  novembre  en  l'honneur  du  saint  évé- 
que  de  Tours. 

D'ailleurs  les  Vinalia  des  Romains  avaient  lieu 
dans  les  mois  de  février,  d'avril  ou  d'août ,  selon  les 


(i)  Sympos.  IX. 
■     (a)  Ilc^tyea. 

(3)  Tou  v/oti  o7vou  M-hi^^i  fA^v  h^txjSfi  tou  ÂvOto7npccSvoç  pcvoç 
xa7clp)(dv7a( ,  IlcOoty/ocv  tiqv  ^pov  xSXouv7cç.  (Plut.,  Sympos,  DL, 
ta) 

(4)  Doiiofmm  aperUo  festum  erat  BaccMmm  apud  Gnecas 
quale  est  tfuod  in  l^norem  samU  Mardm  celedranais,  çoce 
USoiyta. 


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(  335  ) 

elimals;  Tëpoque  des  Bnimalia  devait  varier  aussi 
par  ie6  mêmes  causes.  Il  est  difficile  de  croire  <yue 
dans  ritalie  elles  se  fissent  au  ci 
vembre,  puisque,  même  dans  ] 
nales  y  le  temps  s'adoucit  à  cett 
quel<pies  beaux  jours,  qu'on  ap] 
Tété  de  la  Saintr-MarUn.  Quas 
mens,  comment  {Mrouver  qtie  le  1 1  du  mois  Anthes- 
terion  répondait  à  notre  1 1  de  novembre,  puisqu'on 
n'est  pas  même  d'accord  sur  la  division  de  l'année 
qui  portait  ce  nom,  et  que  les  uns  disent  que  ce  mois 
répondait  à  la  fin  de  novembre  et  au  commencement 
de  décembre  (i),  et  d'autres  à  la  fin  de  février  et  au 
commencement  de  mars  (a)  ?  Il  est  donc  impossible 
d'assigner  d'une  manière  précise ,  dans  notre  calen- 
drier, une  place  correspondante  aux  premiers  jours 
de  la  fête  des  Anthesteria  ou  de  la  Pithoegia  (3). 


Çi)  Pouer,  Archaol,  II,  !i6. 

(2)  Poniederae  AnUq.  aai. 

(3)  Dans  nos  Obseurations  sur  la  Saint -Martin  (tome 
g,  page  IfiS  et  soivantes),  nous  avons  supposé,  suivant 
l'opinion  la  plus  générale  et  d'après  l'autorité  du  savant 
Ganneli^  q^  notre  mois  de  novembre  répondait  à  i'Anthes- 
tâion  des  Grecs  :  nous  avons  pu  mal  choisir  entre  plu- 
sieurs hypothèses  ;  mais  l'erreur  serait  sans  importance  dans 
la  question  de  l'origine  des  réjouissances  de  la  Saint-Martin, 
que  n^is  rapportons  aux  Grecs.  Quel  que  fik  le  temps  plus 
onmoms  rapproché  de  novembre,  auquel  la  Pithoegia  y  ou 
féie  de  VOwertun  des  oases  à  meUre  le  tdn,  était  célébrée 
chez  les  Grecs,  il  était  naturdi  que  les  Gairiois,  en  adop*- 


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(  336  ) 

Ceû^ëié  une  chose  irès*inconvenantede  mêler  dés 
usages  d^une  mperstition  grosûère  à  la  fête  «d'un  saint 
qui  faisait  profession  de  la  plus  austère  abstinence  (i). 

tant  la  féie  païenne  du  diea  du  yin  y  la  célébrassent  eux- 
mêmes  à  l'époque  où  ils  en  recevaient  les  dons,  c'est-à-dire 
dans  le  temps  de  leurs  rendanges ,  qui  étaient  un  peu  plus 
tardives  alors,  parce  que  le  climat  de  la  Gaule,  couverte  de 
forêts,  était  plus  froid  qu'il  n'est  aujourd'hui  :  et  comme  il 
est  hors  de  doute  que  ces  réjouissances^  s'y  sont  introduites 
long-temps  avant  l'institution  canonique  de  la  Saint-Martin, 
et  même  antérieurement  au  culte  spontané  que  les  premiers 
chrétiens  des  Gaules  vouèrent  à  saint  Martin ,  on  peut  être 
fondé  à  soutenir  que  les  réjouissances  qui  concourent  avec 
la  célébration  de  la  fête  chrétienne  de  la  Saint-Martin,  eu- 
rent une  existence  indépendante  de  cette  fête.  D'abord  pra- 
tiquées au  nom  de  Bacchus,  elles  ont  pu,  depuis  la  mort  de 
saint  Martin,  que  l'Eglise  place  à  la  fin  du  quatrième  siècle, 
se  mêler  au  culte  de  ce  saint  et  en  prendre  le  nom^  comme 
aussi  elles  ont  pu  se  confondre  plus  tard  dans  les  divertis- 
semens  qui  précédaient  le  petit  carême  dont  Millin  va  par- 
ler :  mais  la  question  porte  sur  l'origine  de  ces  pratiqués  ; 
et  quels  que  puissent  être  les  changemens  qu^elles  ont  subis  en 
traversant  les  siècles,  on  les  retrouve  toujours  avec  le  même 
caractère  et  les  mêmes  moyens  de  divertissement  dans  un 
temps  bien  antérieur  à  la  fête  consacrée  par  l'Eglise. 

(EdiL  G.  L.) 
(i)  Inconvenante .  soit ,  mais  on  a  cent  exemples  de  ces 
sortes  d'inconvenances,  que  nous  appellerons  des  scandales, 
et  qui  se  sont  perpétuées  jusque  dans  les  derniers  siècles. 
(  Foyezles  Dîssert.  réunies  dans  le  t.  9  de  b  Coliect.ytfilliB 
ne  pouvait  pas  ne  pas  connaître  les  Sermons  de  saint  Ei»j 
et  la  Vie  de  ce  grand  homme  par  saint  Ouen  :  il  savait  doic 
de  quoi  étaient  capables  des  hommes  simples,  ignorans  ti 


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(337) 

Ce  yoor  /était  si  sacré  p^rmi  les  chrétiens,  qu'il  avait 
une  octave,  honneur  singulier  rendu  à  un  confest 


crédules  «  i|ai  n'avaient  du  chrétieP  ipe  le  bapjéme;  des  fi- 
dèles qu'on  ministre  de  l'Evangile  conjurait  de  n'obseroer  au- 
cune des  coutumes  saciiliges  des  Gentils..*.;  de  ne  point  iwoquer 
Neptune,  Pbiton,  Diane,  Minerve,  Junon,  ni  d'autres  sembla- 
bles diçimiisi..f  de  ne  pas  mettre  au  rang  des  dieux  k  soleil  ni 
la  hmeé...,  et  surtout  dç  ne  pas  célébrer  les  (îles  des  saints 
par  des  dâbancbes  ^  des  danses ,  des  châSts  diaboliqpM  et 
àe&  excès  de  toutes  içspèces.  (Trad.  àe^  Serm.  de  saint  Eloy, 
par  Levesque ,  p%  90.  )  Saint  Martin  fut  sans  doute  un  objet 
de  grande  vénération  ;  mais  il  n'est  pas  vraisemblable  que 
son  culte  inspirât  plus  de  i^spect  que  le  cuke  de  Diei^  mâuu^ 
Or,  il  suffit  de  se  rappeler  les  orgies  de  la  Nativité,  de  l'E- 
j^^^iîe ,  les  fittes  des  Innocens  et  des  Sous-Diacres,  pour 
douter  que  U%  cbrétifsns  des  preioiers  siècles  aient  pu  même 
coiicev«>ir  les  scrupules  pu  Millin  pnise  ^on  argument  con- 
tre U  poissibiyté  de  la  confusion  d'une  pratique  p^'ennç 
a^ee  le  ^eux  bommage  rendu  à  saint  Martin* 

lies  miracles  attribués  à  ce  saint,  par  Grégoire  de  Tours, 
n'ont  pas  peu  contribué,  s^ins  doute,  à  maintenir  le  culte  ba- 
chique 50«s  une  invocation  nouvelle  et  dans  mie  intention 
devenue  cbrétienne.  Quelques-uns  de  ces  n^iracles,  et  ce  sont 
les  ptus  remarquable»,  révèlent  une  protecti^u  spéciale  pour 
la  conservation  de  la  vigne  et  de  son  précieux  pis*  Ici  le  saint 
a  pitié  d'ins  pauvre  luarioi^  des  bords  de  la  J^oire,  qui  n'a 
pas  de  qiioi  ae  réjouir  avec  ses  camarades  le  jour  de  l'Epi- 
plumie;  et  il  attire  àw^  se%  fileis  un  énorme  poisson  ,  dont 
le  prî»  a^  à  aebpter  un  muid  de  vin  (De  Mirac*  D,  Martini, 
\xh.  ^  C9p»  7  )  5  là  c'*st  un  moiiic  d«  Saint- Julien  de'J'ours^^ 
qui,  le  |our  de  fa fôle  de  Saiut-Marjtîn ,  reU-Q}iiVé*plein  Jus- 
qu'à la  bowde,  un  tonneau  qu'il  •J^^à-àoitié  yidé  la  yçiUe 
I.  9»  Liv.  '  21a 


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(  338  ) 

seur  (i).  Mais  saint  Martin  ëtait  comparé  aux  apô- 
tres; il  a  été  le  premier  sous  Tinvocation  de  qui  l'E- 
glise, au  moins  celle  d'Occident,  ait  élevé  des  au- 
tels, tandis  que  cet  honneur  ne  s'accordait  encore 
qu'aux  reliques  des  martyrs.  Enfin  son  culte  a  été  si 
répandu  qu'il  n'y  a  presque  point  de  pays  où.  ce  saint 
n'ait  des  églises  et  des  oratoires.  Il  faut  donc  auribuer 
la  joyeuse  fête  du  ii  novembre  ^  une  eause  autre 
qu'à  celle  d'honorer  le  saint  dont  ce  jour  porte  le 
nom,  et  cette  cause,  le  savant  rehgieux  camaldule 
Anselmo  Costadini  me  paraît  l'avoir  trouvée  (2)  (3). 


avec  ses  confrères,  à  l'honneur  du  saint  (^De  Glon  Martyr,, 
cap*  35)  :  ailleurs  une  goutte  d'eau  bénite,  recueillie  sur  le 
tombeau  de  saint  Martin ,  renouvelle  le  miracle  des  noces 
de  Cana*  Ces  traditions,  accréditées  dans  le  sixième  siècle  , 
suffiraient  seules  pour  expliquer  comment  le  culte  de  Bac- 
chus,  déjà  et  depuis  long-temps  introduit  dans  les  Gaules,  a 
dû  s'y  conserver  et  se  perpétuer  jusqu'à  nous ,  sons  le  nom 
de  la  Saint-Martin.  {^Eâit.  C.  L.) 

(i)  Durand.  De  âkin.  ofûciis,  III,  37. 

(a)  Ragionamento  sopra  la  ricreazione  di  santo  Martino.  (Ca- 
logera,  Nuo^a  Raccolta,  XX,  i4-30 

(3)  Cette  assertion  n'est  pas  exacte.  Quand  bien  même  on 
s'accorderait  avec  l'auteur  à  reconnaître  dans  le  peUt  carême 
de  la  Saint -Martin  V  origine  àes  réjouissances  qui  se  mê- 
lent à  la  célébration  de  la  fête  de  ce  saint,  Millin  ne  s'en 
serait  pas  moins  trompé  en  attribuant  à  son  camaldule  k 
mérite  de  la  découverte  de  ce  fait  :  c'est  aller  chercher  trop 
loin  ce  qu'on  a  sous  la  main«  Il  y  a  cent  quarante  ans  qu'un 
moine  français  a  écrit  littéralement  ce  qu'on  suppose  avoir 
été  trouvé  par  le  moine  italien ,  mort  à  la  fin  do  dernier 

■•  r^  ;•, '    '        '      .     ■  ■■  ' 


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(339) 

ii^Eglise  grecque  avait  d'abord  quatre  carêmes; 
TEgiise  latiBe  eu  eut  trois  ^  et  ils  furent  réduits  à 
deux,  dont  Tun,  appelé  le  grand  carême ^  [Nrécédait 
la  Pâque,  et  l'autre,  nonuné  le  petit  carême ^  précé- 
dait Noël  :  Celui-ci  reçut  aussi  le  nom  de  carême  de 


siède.  On  appelait  icommiDDément  Carême  de  Smtd-Mardn  le 
grand  jeâne  institué  par  saint  Perpéte,  dont  il  est  fait  aien> 
tion  dans  le  premier  concile  de  Mâcon ,  et  cpii  se  prolon- 
geait depuis  la  Saint  -  Martin  jusqu'à  Noël»  Il  fut  introduit 
dans  l'Eglise  de  Milan  et  dans  quelques  autres.  «  Il  y  a  lieu 
«  de  croire,  dit  (^enraise  dans  son  Histoire  française  de  saint 
«  Martin,  que  ce  carékne  fut  l'occasion  des  réjouissances  qui 
ce  se  font  encore  à  la  fête  de  saint  Martin  ,  autant  que  les 
«  miracles  qui  se  faisaient  sur  son  tombeau  ,  où ,  comme  le 
«rrappçMTte  Grégoire  de  Tours  (JFfi!s#.  Franc ,  1.  5,  c.  ax)^  te 
«  vin  qu'on  y  apportait  croissait  vbiblement ,  lorsqu'on  y 
«  avait  mêlé  une  seule  goutte  d'eau  du  puits  qui  était  auprès. 
«  Cependant  le  cardinal  Baronius  les  attribue  à  ces  miracles, 
H  et  prétend  que  ,  dans  la  suite  ,  ils  donnèrent  occasion  au 
«  peuple  d'avoir  recours  à  saint  Martin  pour  la  conservation 
«  des  biens  de  la  terre ,  et  particulièrement  pour  celle  du 
«  yin.  »  (  Vie  de  saint  Martin,  açea  l'Histoire  de  la  fondation  de 
son  égKse^  par  N»  Grenraise,  p.  262,  édition  in-4-®  de  Tours, 

D'après  ces  témoignages  et  ceux  que  n( 
tés  daus  nos  précédentes  Observations,  c 
reproches  Millin  pourrait  faire  aux  poèt< 
des  fragmens,  si  ce  n'est  d'avoir  brodé 
fournissait  Grégoire  de  Tours,  et  nâs  en  \ 
vais^  ce  que  le  père  de  notre  histoire  ava 
vraie  ou  douteuse.  ( 


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(34o) 

Saint-Martin ,  parce  qa*il  ctmiinaÉçaH  le  la  de  &o- 
tembfe,  qui  ëtaît  le  lendemain  de  la  féie  du  saint.  La 
Teille,  qui  était  le  jour  de  la  fôte  même,  était  ccmsa* 
crée,  comme  k  veille  des  eendrea,  c'est-à-dire  du 
grand  carême,  à  des  plaimrs  et  à  des  festins. 

L*usage  du  premier  carême  a  cessé  au  conmience- 
ment  du  treizième  siècle,  et  ne  s^est  plus  conservé 
que  dans  qodques  cloîtres.  Il  dure  encore  parmi  les 
caonldules;  et  ces  solitaires  en  consacrent  la  veille, 
le  1 1  de  notembre,  jour  de  Saint-Martift,  a  d'inno- 
centes récréations,  telles  qu^une  promenade  corn* 
mune  au-dehors  de  leur  monastère,  pendant  laquelle 
ils  pouvaient  rompre  le  silence  rigoureux  qui  leur  est 
habituellement  imposé,  tandis  que  des  mets  moins 
grossiers  et  plus  substantiels qu*à  r(^inaire,des  vianr 
des  même,  qui,  dans  d'autres  temps,  s(mt  toiqoors 
proscrites,  les  attendent  au  r^ectoice. 

Personne  n'ignore  que  les  émissions  de^ang  pério- 
diques étaient  en  usage  dans  les  monastères  ;  mais  il 
y  avait  des  différences  dans  leur  nombre  et  dans  leurs 
époques.  Elles  avaient  Heu  au  moins  deux  fois,  et  au 
l^us  cinq,  par  an.  On  dit  dans  les  c<mstitutions  des 
caimaldules  de  Padoue,  faites  dans  le  douzième  siècle, 
que  la  cinquième  se  faisait  avant  la  fête  de  Saun- 
Martin.  Ces  saignées,  qu^on  appelait  minutiones^  di- 
nUnutiones^  etphlebotomiœ,  devaient  affaiblir  beau- 
coup ceux  sur  qui  o^^  pratiquait  :  aussi  abrégeait- 
on,  à  ces  époques,  SRée  des  offices  au  chœur;  ob 
augmentait  les  portS|r  pour  la  nourrituro,  et  elle 
était  composée  de  mets  plus  substantiels.  Il  était  en^ 


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(  34t  ) 

i^re  naturel  de  donner  ce»  rëerëationsj^ès  une  sem- 
blable diminuiion,  et  à  la  veille  d^une  longue  absit* 
nence. 

Quoique  le  carême  de  la  Saint-Martin  eûtëtërëuni 
à  celui  de  Pâques,  et  quHl  n'existât  [dus,  le  jour  de 
réjouissance  a  subside.  En  rejetant  une  incommode 
abstinence,  on  a  conserva  la  fête  joyeuse  qui  la  pré- 
cédait; et  comme  elle  se  lie,  en  quelques  lieux,  aux 
opérations  de  la  vendange,  ou  plttiôt  de  la  tnanipula- 
tion  du  vin ,  on  Ta  regardée  comme  une  fête  bachi- 
que,  et  on  en  a  cherché  Torigine  dans  les  orgies  païen- 
nes et  dans  les  bac^ohanales. 

CTest  surtoiu  ce  qu'cmt  fait  les  écrivain»  du  culte 
protestant ,  ei  les  sreiteurs  eaiholiqiies  ont  eux-mêmes 
donné  lieu  à  cette  erreur,  en  Tadc^tant  (i).  Ambroi- 
sio  Novidio  Fracci,  de  Ferentino,^ne  craint  pas  de  la 
répéter  :  il  parle  des  pronostics  que  présente  Tétat  du 
ciel  le  jour  de  Saint-Mairtin  (2);  il  croit  que  le  saint 
a  la  puissance  de  changer  Feau  en  viq,  (3)  ;  il  intro- 

(i)  Hac  est  leta  âUs  :  istd  popubisipie  patrestpie 
Luce  cados  relimtat,  et  defecata  per  onrnes 
Vinajermd  mensas,  ac  libéra  oerba  loquuntut* 
TaUs  ap¥4  9^res  oUm  sacrata  hyœo 
Tmx  erat  à  priscis  çocUata  Pithœgia  GrajiSf 
Quàd  ^ignata  dtes  ùperint  âoUa  feHk> 

(  MaittuaBus,  dté  par  Voet  iti  Fast) 

(a)  Saai  Fasti.  Antverp  ,  iSSg,  îà-12,  XI,  i52. 

(3)  Sunt  qm  i>ina  dari  credani  :  mihi  praoUma  finsio^ 
Çuod  defecandi  iempora  Quigus  habet, 


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(  34i  ) 

doit  enfin  saint  Martin,  se  comparant  lui-même  à 
Bacchus  (i).  Mais,  ajoute-t-il,  le  saint  inspire  bien 
mieux  que  lui  ses  poètes  (2). 


Parsque,  guod  Ismario  çerteham  flundna  succq: 
Hacfieri  turbœ  quod  quoque  nocte  piUanL 

.       (Ibîd.) 

(i)  Quœque  dabanf  Btucho,  ndhi  pnzket  gtatiei  wigi; 

Quœque  ilU  ratio  est,  non  minus  Uia  mi'AiV 
Miles  enim  Bacchus,  miks  sum  âictus  et  ipse: 

Bii  genâus  Jiierat ,  bis  genitusque  oocor. 
Ule  coUt  Thebas,  est  et  mihi  GalHa  curas; 

Vins  açidum  quœso  quem  magis  esse  putes?" 
Nominor  ante  Uuus,  clamaban$  ante  Lyœum. 

nu  adnis  thyrius,  cruon  nuhiptcta  datur» 
'  Inâos  ille  domat,  domvi  persœpf  tyrannos; 

Nec  miner  iste  mihi  quàm  labor  iUe  Juit* 
Tempora  cingebartt  edizre  jw^eniUs  JmcU  : 

Has  noQa  dot  nostro  ferre  iaberna  mero. 
Stulta  clioros  medUs  ducebat  famina  sihis  : 

Ad  (pathos  saitat  pota  puella  meos, 
Bacchus  habet  Cereris  <ommercia  muaus  tt  hujus, 

MolUtian  nostro  nomine  crescit  opus» 
Beperit  ille  w>am,  leoo  oinum  sordibus  wœ  : 
Me  duce  et  ut  cédai  oertitur  unda  mero, 

Cftîd.,  154.) 

(a)  Si  Qacàt,  adpm^iarias  e  cœh  làbere  laudes  : 
Quœque  damus  faciles  9  ad  tua  vina  oevi, 
•    Proque  tuis  Baccho  façeas ,  adsis  poetis  ; 
Sed  ndhi  préeçipuè,  quifua  festa  cano. 
Nam  si  Qera  licet  manifesta  oocefateri. 
Et  sequimur  certa  nrnnina  nostrafide  : 


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(  343  )  ' 

Le  célèbre  Pontanus  ne  parle  pas  avec  plus  de  res- 
pect du  saint,  dont  il  avoue  que  l'Italie  devait  le 
culte  à  la  Gaule;  il  le  fait  entrer  lui-même  dans  un 
festin,  et  lui  demande  d^apaiser  la  giierre  que  la 
France  fait  au  royaume  de  Naples ,  puisque  toute  la 
Fraince  obëit  à  ses  lois  (i). 

FertiUor  Musis  es  tu,  quam  Bacchus  et  Eçan 
Ingenium  ex  çero  oatUnts  ipse  fads. 

Curque  fads  causa  4$i,  cujus  tu  cura  putaris ,. 

Quoque  cales,  et  quo  tu  tibi  numem  luibes. 

(Ibid.»  i52.) 

(i)  Martinum  conçioa  saturque,  et  potus  adoret: 
Hune  nohîs  rltum  Gallia  prima  deéUt, 
Hune  patres  tenuere,  tenent  nunc  Itala  régna»  ' 

Ipuer,  et  muHo  pocuia  tinge  mero. 
Diçefaçe  :  nunc  te  coUmus,  tua  templa  çeremuv. 

Et  numenfelix  dudmus  esse  tuum. 
Vice  adsis,  Calahros ,  famuU ,  geminate  trientes» 

Instaurent  positas  fercula  crehra  dopes. 
Nianen  adest  :  geminas  ddeo  splendere  hicernas; 

Intueor  triplid  tempora  cincta  face. 
Diçe  parens  Martine  ades,  et  tua  pocuia  me. 

Te  cyatJdy  et  calices ,  te  tua  musta  oocant. 
FMge  pater,  bibit  ipse  pater,  calicemque  supinat. 

Quisquis  adest,  cyathos  sumite,  adeste  Deo. 
Dicamus  bona  oerba,  precemur  et  où'a  pacis. 

pace  penus  graçida  est^  çinea  pace  nitef. 
Face  ftuunt  tua  çina,  pater.  Tu  Gallica  s/eda 

Prœlia,-  nam  servit  Gallia  cuncta  tibi.  ,^ 

Annuit  ipse  Deus,  pueri  noQa  dna  ministrent 
j.,    Vos  mecum  alternas  continmte  v^es. 

(Eridan.  I^  de  Fest.  Marliual) 


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(344) 

Bfalgrë  ces  liceaces  poétiques,  le  nMÛf  du  repas 
joyeux  du  1 1  de  novembre  n^est  pas  domeux  :  bous 
▼oyons  qu*U  avait  Ueu  le  jour  de  Saint^Martiu,  mus 
non  pas  cn^  rfaonneur  du  saint*  Mais  pourquoi  Voie 
en  est -telle  la  base?  I7ous  avons  dëjà  vu  qu'elle  n^a 
aucun  rapport  à  Thistoire  du  saint  :  la  cause  <{ui  ed 
fait  le  principal  mets  de  ce  banquet^oit  donc  aussi 
lui  être  étrangère. 

Uoie  est  un  des  oiseauit  domestiques  1^  {ilm  com- 
muns dam  les  Gaules;  cMtait  aussi  le  plus  gros  que 
Ton  connût  dans  le  moyen-âge.  Ses  nombreux  usages 
le  font  recbercher  dans  tous  les  pays  :  ses  plumes  sont 
employées  dans  les  arts;  sa  graisse  même  est  préférée 
au  beurre  pour  plusieurs  préparations  culinaires,  et 
sa  chair  se  sale  et  se  conserve  dans  divers  pays  comme 
celle  du  bœuf.  TI  n'est  donc  pas  étonnant  que  nos 
pères  en  aient  fait  tant  de  cas;  peut-être  même  est-ce 
par  honneur  et  à  raison  de  son  utilité  qu'ils  <mt  re- 
présenté avec  lin  pied  d'oie  celle  de  nos  r^nes  qui 
est  connue  sous  le  nom  de  la  reine  Pédauque.  L'oie  a 
été  en  faveur  dans  leurs  festins  :  ce  fut  pendant  pla* 
sieurs  années  (i)  la  pièce  de  volaille  la  plus  estimée. 

(i)  Plusieurs  années.  Nou$  croyons  qn^il  fktit  Kre  plusieurs 
siècles;  car  à  quelle  époqtie  placerait  <^  on  ces  quelques  an- 
nées d^  la  haute  faveur  de  Toie  dans  les  tuisîués  féodales 
du  moyen-âge  ?  La  vérité  est  que  cette  rolâtîlle  fut  pendant 
des  siècles  un  mets  de  pfédîlectièn,  et  qu'il  n'y  avait  que  le 
paon  qui  lui  disputât  là  préséance  dans  un  banquet  solennel^ 
notamment  au  repas  de  ta  fête  à  laquelle  il  donna  son  nooi. 
Quoi  qu'on  ait  pu  dire  des  nombreux  troupeaux  que  les  au- 


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(345) 

Cbarlamagne  ordonna  que  tout^  ses  maisons  en  f^&^ 
«eni  fournies.  Il  paraît  que  cet  usage  s'e^  conse^é 
loog-^empa  dans  les  maisons  royales,  el  on  regardait 
comme  un  péché  sans  rémission,  de  voler  ces  oks. 
Cette  irrévérence  insijgne  a  donoé  lieu  au  proverbe  : 
Qui  mange  foie  du  roi,  cent  ans  après  il  en  rend 
la  plume*  Une  oie  apprêtée  par  sa  femme  est  le  r^àl 
^  promet  maître  Patelin  à  M.  Guillaume  pour  Ta- 
madouer  et  emporter  son  drap  (i)»  Les  premiers  r0tîjft- 

^«"l«l      I I».    HIH  )"*"■    *'H«  ■■*  >i     M.  I.    ...  I    ^  .>».»     «■     ■■    >n  ■  ■I...I.II        .   i   ■■ 

tMiis]Vloritis(LaIii«àDS  du  Calaii 
«aient}»  et  dont  ils  pourvoyaient  i 
tout  |jen  de  penser  que  cet  oisea 
mun  et  relativement  beaucoup 
France  depuis  lé  seizième  siècle 
rifés  du  moyen-âge,  le  prix  d'an< 
Iplitô  belles,  ne  descend  guère  ai 
H  l'on  en  pourrait  citer  où  cep 

<»b)ets.  Par  exemple,  dans  le  tarif  rég^  par  le  conècil  de  Ghar- 
lesYl,  en  mars  i48o,  VFoccasion  de  la  disette  qui  désolait  la 
France,  une  oie  figure  pour  xvj  sous  parisis,  prix  d'un  faisande 
l'épofue,.et  un  porc  pour  une  même  somme  de  xvj  sous  pari- 
sis.  Quelqu'abondante  et  commune  que  fiit  la  cbair  de  porc 
au  temps  dont  il  s^agît,  la  disproportion  est  si  grande  entre 
le  profit  qu'on  tirait  d'un  porc  entier  et  celui  que  rapportait 
«M  oie  dans  là  vie  domestiqué^  qu'il  faltsAt  hien^que  Toié 
flt^  relativement  an  poro,  un  meii  4'one  certainii^  rareté»  pour 
valpirdix  fpis  autant  foele  ppt^  à  supposer  que  ledernierx 
^txmt  moyen  ^  ne  pesât  que  dix  fois  autant  que  l'autre*  ^ 

V  {EditC.L.y 
(i)  Et  si  mangerez  de  mon  oye, 
Par  Dleul  que  ma  femme  rôlîst. 

{Farce  âe  maître  Patelin,  p.  j'S.)  ' 


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(34d) 

setirs  et  marchands  de  volaille  ont  pris  leur  nom  de 
Foie,  parce  qu'elle  ëtait  le  principal  objet  de  leur 
commerce  :  on  les  appelait  oyers.  La  rue  où  ils  étaient 
rëuôis,  selon  Tusage  du  temps,  se  nommait  la  rue 
aux  Oyers;  et  comme  l'origine  et  la  tradition  se 
sont  perdues,  le  peuple  Ta  nommée  la  rue  auxOuac^^ 
dëndmination  aujourd'hui  consacrée  par  Tusage. 

L'oie  est  figurée  comme  le  prix  du  suooès  stnr  le 
tableau  d'un  jeu  innocent  que  nos  pères  ont  dit  avoir 
éxé  renouvelé  des  Grecs  j  pour  annoncer  sans  doiHe 
que  son  antiquité  se  perd  dans  nos  plus  vieilles  annA- 
\es.  Mais  pourquoi,  dans  les  fêtes  publiques,  daiis  les 
jeux  de  village ,  ctet  oiseau  si  utile  est-il  livré  à  d'hor- 
ribles tortures  availt  dé  servir  au  repas  de  celui  qui, 
j>our  montrer  son  adresse,  a  fait  preuve  de  la  plus 
atrçce  cruauté!  Le  pauvre  animal  es.t  su3pendu  par  la 
tête  à  "ua  pieuf  un  autre  pieu  plus  court  que  le  pre- 
mier, et,  planté  devant  lui,  ne  laisse  qu'un  éitbix  pas- 
sage aux  bâtons  que  des  bras  robustes  laâicent  succès^ 
siveiherit  vers  ce*  malheureiix  but.  Il  faut  que  leurs 
atteintes,  rédoublées  séparent  lé  larynx,  l'œisophage, 
les  muscles  jf  et  tous  les  liens  qi4  attachent  le  tronc  au 
cou.  Celui  qjoîlç^  ^p^^  par  vça  dernier  caup  termine 
ainsi  le  supplice  de  rànin^l;  et,  proclame  vainqueur, 
il  emporte  pourprix  uite  béte  défigurée,  et  dont  là  chair 
meurtrie  ne  peut  plus  oSrir  qu'un  mets  dégoÀtant. 

Qui  peut  donc  avoir  introduit  parmi  nous  un  amu- 
sement si  cruel?  S'il  remonte  à  nos  origines  gauloi- 
ses, on  pourrait  regarder  ce  supplice  comme  une  pu- 
nition de  Favis  qui  priva  les  vainqueurs  de  .Rome  de 


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(347) 

leur  Tictoire.  Mais  n^en  cherchons  pas  ]a  oau$e  dans 
rhistoire;  trouvoiis-la  dans  le  malheureux  penchanit 
de  rhomme  pour  faire  du  mal  et  pour, détruire  :  ce 
qui  le  rend  naturellement  chasseur,  naturellement 
guerrier,  et  lui  fait  trouver  du  plaisir  dans  des  exerci- 
ces harbares  et  des  devoirs  meurtriers. 

L'ëpoque  de  la  Saint-Martin  est  celle  où  cet  oiseau 
est  plus  gras  et  plus  commun.  Il  est  tout  simple  qu'elle 
ait  été  adoptée  pour  les  repas  qui  ont  lieu  à  cette  épon 
que  :  aussi  cet  oiseau  est  *  il  cëlëhré  toutes  les  foi^ 
qu'il  est  quesÛGji^  du  festin  du  ii  de  novembre;  e^ 
on  rappelle  Yoiseau  de  la  SaînirMartinj  Voie  de  la 
Saint' Marim  (i).  Ce  n'est  donc  pas  une  supersiitioA 
qui  le  fait  préférer  :  on  peut  s'en  nourrir  le  joue  de 
Saint-Martin  sans  offenser  la  religion ,  quoiqu'on,  e» 
ait  fait  un  cas  de  conseillée  ;  et  Martin  Schook^  qui 
a  examiné  ce  cas^  et  l'a  disctué  avec  un  grand  scru^ 
pule  (a),  n'hésite  point  à  donner  cette  décision.. Là 
superstition  des  hommes  qui,  nouveaux  aruspices^ 
interrogent  l'état  des  viscères  dp  l'oie ,  et  examinent 
le  degré  de* transparence  de  ses  os  pour  savoir  si 
l'hiver  sera  doux  ou  rigoureux  (3),  est  contraire 
seulement  à  la  physique,  et  ne  touche  point  à  la  reli- 
gion. Il  n'en  est  pas  de  même  de  celle  d'après  laquelle 


[t)  Anser  Martinianus. 

(a)  An  Uceat  McartinaUbus  anserem  eohiedere-  (Eocerc.XWl^ 
p.  ao5.)  f  .-'"'"' 

(3)  BarlhoL,  hco  citato. 


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(348) 

on  croît  que  le  ^aim  change  l*eau  en  vin  dan«  la  non 
de  sa  fôte  (i). 

Nous  voyons  donc  comment  Foie  est  devenne  la 
(>ariie  la  plus  essentielle  du  repas  de  la  Saînt-Martin. 
Mai»  tout  est  sujet  dans  ce  monde  à  Tempire  du  goàl 
et  de  la  mode  :  un  outre  oiseau  moins  mile,  mais 
qui,  par  sa  grosseur  et  sa  succulence ,  peut ^aleni^nt 
servir  à  des  repas  de  Êimille,  est  venu  de  TAsie  (a) 
ou  de  rAmërique  septentrionale,  partager  le  goûi  que 
les  Français  avaiesit  pour  Foie.  On  attnbue  Fintrô- 
ducdon  dn  dindon  à  Jacques  Gbu%(3),  au  bon  roi 
Renë(4).  Cependant  Aldrovande  le  décrit  comme  tni 
étseau  rare  (5),  et  Cbâmjner  (&)  en  parle  comme  d'un 
mets  nouvellement  introduit.  Il  fallait  qu^il  tàn  enc<»re 
rare  au  temps  de  Cbarles  IX,  piusqu'en  i566  les  ha- 
bifans  d^ Amiens  lui  en  offrirem  douze  en  présent  (7), 
et  qu'enfin  Linoeier  (6)  <Mt  que  oW  un  msâiger  dé- 
licieux, digne  d\m  seigneter.  On  ne  peut  donc  croira 
qu'il  a  éié  introdmt  en  Europe  par  les  jésuites^  Ce» 


.  :(i) Qi(od Urfuuia  Ç0rtebam  Jbimtèa  s^cco* 

;    .  ^  .  (Ainl>ro$.  Novidii,  Fast  ^Aqr.  XI,  jk  iSça-) 

'  (^)  ^érrhigl^tt,  ÉÊisceUaiu,  1 78s ,  p.  1 97. 

(3)  Legrand,  Vie  prwée  des  Français,  ëdil.  nouv.  de  M.  Ro- 
quefort, 1. 1 ,  p.  358^ 

(4)  Bouche,  HisU  de  Prooence^  U  a,  p.  478. 

(5)  OmithoL  XIV.  ' 

(6)  De  re  dbana,  XY ,  LXXJ,  p.  83i. 

(7)  Daire,  Hist  d* Amiens,  I,  p.  90. 

(8)  Traité  des  plantes  et  des  animau»,^  4619. 


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(349) 
pères  ont  bien  pu  en  ëlev 
jvaî^  on  ne  leur  en  doit  pas 
que  c^est  seulement  vers  i6 
venu  coomsun.  Depuis  ice^ 
ÊonilJe  et  populaire  dont  i 
distrihue  surtout  dans  les  v\ 

c^est  parce  qu^il  n^y  a  pas  de  fête  sans  dindon^  <jp|e 
ToQ  dît  p(^;>ulairement  d*un  homme  aux  dépens  de 
qui  on  rii,  on  boit  et  on  mange  :  Cest  le  dindon  de 
la  fête.  £nfin  il  s^est  introduit  jusque  dons  le  repas 
du  f  I  de  novembre;  et  Ton  dit  le  iU^dan^  comme  on 
disait  Voie  de  la  SaintrMartin. 

Cette  usorpatipn  n^a  pas  été  si  entité  etsî  soleur 
uellemeiBt  consacrée  dans  les  villes  du  nord  que  dans 
celles  du  midi.  Quoique  le  rit  luthérien  ait  aboli  le 
culte  de  saint  Martin ,  qui  était  cependant  le  patron 
du  chef  de  la  rëformei  la  solennité  du  repas  du  1 1  de 
novembre  s'est  conservée  comme  fête  populaire ,  et 
parce  que ,  comme  nous  1  avons  dit ,  elle  n'a  aucune 
relation  avec  le  saint  qui  lui  donne  son  nom- 

Beaucoup  de  rapports  de  famille,  d'affaires  fiscales , 
d'intérêts  ruraux,  se  règlent  au  renouvellement  des 
saisons,  et  chacun  de  ces  renouveltemens  est  indiqué 
par  la  principale  fête  qu^on  célèbre  à  cette  époque. 
Celle  de  la  Saint-Martin  est  surtout  précieuse,  parce 
qu'elle  arrive  presque  à  la  fin  des  travaux  agraires  : 
c'est  celle  de  la  recette  des  revenus,  du  renouvelle-, 
ment  des  baux;  et  c'est  pourquoi  la  fin  dés  vacances 
judiciaires  et  scholastiques  est  fixée,  dans  plusieurs 
pays,  à  la  Saint  Martin. 


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(  35o  ) 

Ce  jour  est  donc  consacre  à  des  r^onissances  de  fa- 
•  mille  ;  certaines  corporations  se  réunissent  pour  y  pren- 
dre port.  C'est  pour  une  semblable  réunion  qu'aura 
été  hsiffpée  la  petite  pièc§  qui  a  donné  lieu  à  cette 
Dissertation.  L'oie,  qui  est  la  base  de  la  fête,  j 
figure  d'un  c6té;  et  le  mot  Martinalia,  inscrit  de 
liautre,  exprime  l'objet  de  la  réunion.  Ce  mot  Marti' 
HaUa  a  été  reçu  dans  l'Eglise  pour  désigner  la  fête 
de  Saint-Martin,  comme  on  dit  Paschalîaj  Natalia^ 
parce  qu'elle  avait  une  octave.  Dans  les  pays  où  Ton 
suit  la  religion  réformée,  ce  mot  a  été  conservé  en 
même  temps  qu'on  a  gardé  l'usage  du  repas.  La  cour 
tume  de  distribuer  des  tessères  ou  des  jetons  d'argent 
parmi  ceux  qui  forment  des  associations  pour  célébrer 
celte  fête,  paraît  aussi  fort  ancienne. 

Cette  petite  médaille  vient  du  Danemarck  ou  du 
Holstein;  du  moins  elle  s'est  trouvée  avec  quelques 
pièces  modernes  ou  du  moyen -âge  qui  y  avaient  été 
recueillies  :  d'après  la  forme  des  caractères,  elle  pa- 
raît avoir  élé  fi*appée  au  commencement  de  l'avant- 
dernier  siècle. 


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(  35i  ) 
CÉRÉMONIE  SINGULIÈRE 

DES    COl^FR^ES    BE    LA    CHAaiTÉ,    OU    POfiTE  -  M OftTS , 

Qiir  se  fabait  cha^e  année ,  le  jour  de  la  Fète-Dien , 
à  Yemoii  en  Normandie  (i). 


YoiGi,  monsieur,  un  narré  fidèle  de  la  cérémonie 
qui  se  fait  tous  les  ans  dans  cette  ville ,  et  dont  vous 
n'avez  entendu  parler  que  confusément.  Nous  avons 
ici  9  comme  dans  presq\;te  toutes  les  villes  de  cette 
province ,  une  confrérie ,  dite  de  la  Charité j  dont 
les  membres,  au  nombre  de  treize,  s'engagent  à  por- 
ter et  à  enterrer  les  morts  gratuitement.  Le  chef  de 
cette  société  est  tiré  au  sort  et  nommé  le  roi  ;  il  y  a 
aussi  deux  officiers  nommés  sénéchaux ^  lesquels, 
avec  le  roi,  ne  servent  que  durant  une  année;  les 
autres  servent  deux  ans  entiers  ;  en  sorte  qu'il  faut 
tontes  les  années  procéder  a  une  nouvelle  élection, 
tant  pour  les  trois  personnes  dont  on  vient  de  parler, 
que  pour  remplir  le  nofnbre  des  confrères  qui  peu- 
vent décéder  pqndant  leur  exercice  :  c'est  ce  qui  se 
fait  dans  l'octave  du  saint  Sacrement ,  ordinairement 


(i)  Lettre  écrite  de  Verdun,  le  20  juia  1732  ,  et  insérée 
dans  le  Mercure  du  mois  de  juillet  suivant 


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(35a) 

le  vendredi.  On  enregistre  d'abord  les  noms  de  ceux  I 
qui  se  présentent  pour  entrer  dans  la  confrérie ,  et  le 
lundi  suivant  ils  voM  tous  en  pèlerinage  à  Notre- 
Dame-de-Grâce,  dévotion  célèbre,  à  deux  lieues  de  la 
ville  :  c'est  Jà  qu'aprè»  la  mes9i^  entendue,  le  roi  est 
tiré  au  sort  :  pour  les  sénéchaux ,  c'est  un  ofScier  qui 
s'achète  au  profit  de  la  confrérie.  Le  jour  suivant  ils 
s'assemblent  tous,  et  le  curé  de  Notre-Dame,  ou  son 
vicaire,  leur  fait  une  exhortation  au  sujet  de  leurs 
obligations,  de  leurs  fonctions,  etc. 

Les  officiers  en  charge  vont  tous  les  ans  en  céré- 
n^onie^  la  veille  de  la  Fête-Dieu^  prendre  un  des 
anciens  confrères,  selon  son  tour  et  son  rang,  qu'on 
appelle  le  Roi  des  rois^  ou  le  roi  des  anciens  rois;  et 
ils  le  conduisent  de  son  logis  à  l'église  de  Notre- 
Dame,  où  il  assiste  avec  eux  aux  premières  vêpres, 
et  à  matines,  et  le  lendemain  à  la  grand'-messe ,  et 
tout  de  suite  à  la  procession  solennelle  du  saint  Sa* 
cremént^  suivant  inunédiatement  le  diiis,  et  portant 
une  couronne  à  la  main.  Ceux  qui  l'accon^pagnent  et 
le3  anciens  rois ,  c'est-à-dire  tous  ceux  qui  ont  porté 
le  chaperon,  marque  de  cette  dignité,  portent  des 
flambeaux  ornés  de  fleurs,  et  sont  en  habit  ordinaire, 
il  n'y  a  que  ceux  qui  servent  actuellement  qui  por- 
tent la  robe  longue  de  la  confrérie. 

La  jH*ocession  finie,  et  la  messe,  qui  se  célèbre  au 
retour,  étant  dite ,  on  reconduit  le  roi  des  rois  chez 
lui ,  où  toute  la  confi-érie  dîne. 

Mais  avant  que  de  se  mettre  à  table,  ils  sont  obli- 
gés d'aller  servir  douze  pauvres,  dont  le  couvert  est 


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(  353  ) 

mis  sur  une  table  dressée  c 

la  maison  du  roi.  Ce  repas  < 

bouilli,  en  rôti,  avec  îine  i 

que  pauvre ,  qui  leur  est 

Ceux  -  ci  sont  debout  autoi 

viette  sur  le  bras ,  et  le  roi  est  au  bout  de  la  même 

table ,  aussi  debout,  la  couronne  sur  la  tête. 

Le  jeudi,  jour  de  l'octave,  on  distribue  encore  un 
gros  pain  à  douze  autres  pauvres,  chàciin  le  sien;  ce 
sont  les  fières  en^exercice  qui  font  cette  dernière  dis- 
tribution, le  tout  aux  dépens  d'une  fondation,  dont 
je  ne  sais  ni  Tépoque  ni  le  nom  de  Fauteur. 

Ne  vous  attendez  pas  non  plus ,  monsieur,  que  je 
vous  dise  ici  quel<Jue  cbose  sur  la  première  institu- 
tion de  cette  pieuse  confrérie,*  nous  ne  sommes  pas  si 
savans  dans  ce  canton.  Je  crois  qu'on  peut  la  faire 
remonter  aussi  haut  que  l'on  voudra  •  et  lui  dcmner 
même  pour  instituteur,  du  tnoins  poït  premier  mo- 
dèle et  pour  patron,  le  saint  homme  Tobie.  Le  peintre 
du  grand  tableau  dont  vous  nk  parlez,  qui  se  voit 
dans  l'ëglise  paroissiale  de  Louviers,  à  quatre  lieues 
d'ici,  était  bien  persuadé  de  son  antiquité,  puisqu'il 
fait  assister  des  confrères  de  la  Charité,  à  genoux ,  en 
habit  de  cérémonie,  autour  du  lit  de  la  Sainte-Vierge, 
dont  il  a  prétendu  repirésenier  le  trépas  et  les  obsè- 
cpies  avec  \m  bénitier  aux  pieds,  etc. 

J'ajouterai  à  cela,  puisque  vous  êtes  curieux  de  nos 
cérémonies,  que  les  chanoines  de  notre  collégiale  ont 
choisi  pour  patron  saint  Barnabe.  Un  chante  le  jour» 
de  k  fêle  une  messe  des  plus  solennelles ,  à  Ia<{ueUe 
I.  tf  Liv.  i3        • 


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(354) 

aosisient  lous  les  ofliders,  tant  ecelésiastiqpcies  que  kï- 
^foes.  A  roffertoire,  les  bnuts  vicaires  présentent  i 
chacon  de  ces  officiers  tme  couronne  et  un  bouquet 
da  fleurs.  Le  diacre  m^e  et  le  sous-- diacre  quittent 
Fautel  pour  satisfaire  à  cette  obligation.  Je  dis  obli- 
gation, car  ces  meaneurs  ayant  Toula  se  dispenser^  il 
y  a  quelque  temps,  de  la  cérémonie ,  et  iistmé  poor 
cela  une  insunce  au  Parlement,  les  officiers  ont  été 
maintenus  dans  la  possession  de  ce  droit  par  un  arrêt 
contradictoire. 


• 


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(  355  ) 


CINQUIÈME  PARTIE. 


ADDÈTimi  AU  CHAMTRE  11^  %  ni  [i). 


DES  CLERGS  IvfARIÉS 


DAÎîS  LE  MOtEîî-AGE  (2). 


l/ËGLiBE  d'Occident  a  toujours  regar^  le  célibat 
comme  une  obligation  indispensable  des  prêtlïss;  ce- 
ti|>endait,  sur  la  fin  de  lapremiène  race,  c'ëjtait  un  dé- 
sordre extrêmement  ccknmun  parmi  eux'que  dVntte- 
teuîr  des  femmes.  On  peut  juger  de  l'effet  qiieproflaisit 
lijèe  dî^ordre  sur  les  p^||^es  barbares  qui  embrsfâsèrent 
-W^bristianâsme.  Ils  connaissaient  peu ,  par  leurs  mœurs 
précédentes ,%  vertu  de  la  cooitinence  ;  et  ceux  d'entre 
eux,  gm  prirent  les  ordres  sacrés ,  crurent  approcher 
pïûs^  l^  de  la  perfection  que  leurs  maîtres  en  fait 


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(356) 

papes  employèreiit  toutes  sortes  de  n^yens  ptipr  le 
faire  cesser.  Ils  privèrent  les  prêtres  mariés  de Jttb 
bénéfices ,  ils  les  excommunièrent  ^  et  ééfeniânSit 
d^entendre  leurs  messes;  ils  déclarèrent  1^9|s  e^^ 
bâtards;  ils  réduisirent  même  à  la  servitude  4es  sei- 
gneurs les  firuits  innocens  de  ces  mariages  iUégitiitîïÊS; 
et  malgré  tous  ces  moyens  y  ce  ne  fut  que  dansTle 
onzième  siècle  qua^  Saint-Siège  et  les  conciles  par- 
vinrent enfin  à  assujettir  les  prêtres  au  célibat.  T^ous 
avons  la  preuve  quMndépendamment>,de  leur  lépu- 
gnânce  à  la  soumission  sur  ce  points  ils  étaient  con- 
firmés dans  leur  libertinage  par  la  tolérance  des  évé-i 
ques.  Elle  résulte  d*un  des  articles  du  concile  ^tenti  11  ^ 
Lillebonne  en  Tannée  1080,  en  présence  de  Gml- 
laume-le-G)nquérant9  roi  d* Angleterre  et  duc  de 
Normandie.  En  voici  les  termes: 


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:      .%  (  357  ) 

:||est  ai|é  de  concevcnr  <jue  cet  article  blessaii  m»- 
nmH^meDt  les  droits  de  la  juridicticm  ecclésiastique 
siûri^<^ux  qui  avaient  pris  les  ordres  sacrée,  aussi  le 
même  article  en  i%nd-t-il  la  raison  immédiatement 

«J^(BC  (U^em  prœdictus  rex  statuit,  non  peren- 
<^^^pr  episcopis  suis  debitam  auferendù  juMiUanij 
(I  sèd  quia  ea  tempope  minus  quàm  convenisset  indè 
((fecissent;  donec  ipse  eorum  emendationem  m- 
«  dendoj  eis  reddiderit  pm  henefacto  quod  tune  de 
^mûïÊU  eorum  iemporalUen tulerii pro  comndsso.» 
pBelle  leçon  pour  apprendre  aux  ëvéques  quels  sont 
^  sur  eux  les  droits  de  Ta  royaut;é  lorsquUls  manquent 
aux  devoirs  de  l'Eut. 

Il  resta  cependant  de  cet  aD^cien  abus  que  le  ma- 
riage n'était  pas  interdit  aux  clercs  portant  la  tonsure 
\  et  servant  l'Eglise.  Cette  licence  était  encore  tolérée 
dai^k  quatorzième  siècle^  comme  on  le  verra  par  la 
l^suite  \  et  comme  l'a  remarqué  M.  Meury  dans  son 
^sèpèième  discours  sur  V Histoire  ecclésiastique ^  n*  8, 
où  il  dit  : 

Que  comme  les  ordres  mineurs  sont  compatibles 
^âvecle  mariage,  tout  était  plein  de  clercs  mariés  qui, 
sans  rendre  aucun  service  à  l'EgUse^  s'occupaient  du 
trafic  et  des  métiers,  même  les  plusindécens,  jusque- 
%  que  le  concile  de  Vienne  se  crut  obligé  de  leur 
àé^sxà)^  d'être  bouchers  et  de  tenir  cabaret,  et  aupa- 
ravant on  leur  avait  défendu  d'être  jongleurs  ou  bouf- 
fons de  profession.  ^  - 
Les  familles  y  trouvaient  leur  avantagé,  mais  les 


^-^ 


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(â58) 

prinoes  et  les  M^ieiurs  ea  aoaffrak&t ,  pif|0e 
cleros  mariés  ne  cosmlMiaiem  point  f  ux  i 
et  qa^ils  se  prétencUîem  exen^ts  de  toute 
par  Tsqpport  à  leurs  héritages. 

Sur  ce  fondement  ,Jes  pères  et  les  mères 
tout  le  patrimoine  de  leurs  familles  S|ir  la 
celui  de  leurs  enfans  qui  était  clerc,  an  mo; 
quM  ils  se  croyaient  exemptés  de  tous  service^ 
vers  les  seigneurs  dont  ils  étaient  les  vassaux.  Le  nui 
s^acorut  àu^xMUt  qu^il  fallut  y  remédier,  et  ce  fid:  ce 
qui  dimua  lieu  à  Tun  des  articles  du  conc(N*4at  tpB 
VhiMppe  Augure  et  les  barcms  du  royaume  passèreaM 
avec  le  dergé  pour  Téfxixner  tes  enU:  epÂes  des  êcdé-^  i 
siastiques  sur  l'autorité  royale. 

«  Quartum  capitulrim  est  qubd  nullus  burgensis 
icvel  villanus  potestfillo  suo  clerico  medietatem  i 
(iterrce  suce  vel  plusquam  medietatem  donare  :  si\ 
<ic  hahueritfilium  vel  fittos^et  si  décrit  ^^HâÉÊÊ^  j 
((  tertœ  citrh  mediam,  clericus  débet  red&cMie 
(¥  servitium  et  auxilium  quale  terra  debebatéumtnis 
aquibus  debebatuT;  sed  non  potetit  4aWaîi^  nisi 
((Juerit  usurarius  vel  mercator;  eé'pa^  deeéssum^ 
Ksuunij  terra  redîbit  ad  proxîmos  parétUesi  e( 
«  nullus  clêmcus  potest  emere  terram  qud^Êeddat 
^domino  taie  servitium^quaïe  terra  àeb^^\(0k^ 
des  comptes  de.  Paris,  Terrier^.  Cartel,  de  Norriti 
foL  iaô.) 

£ies  évêqiies  el^s  barons  de. J^orti^^xi^e^^issèi^ 
à  |)éu  près  dans  le  même  tém{i| ,  c^t^yîrf»iHrc'  ytv^ 


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(3%) 

Paa  I3I9»  un  $c(md  semkààAe  en  T^çli^piicr;  ^n 
voici  Je*  termes: 

{Scacdrium  sancti  Mîchaelis  apud  Falesîam. 
Jn.T>.M.CCXIX.) 

«  jiocorxUaum  est  pet  tpiseopos  et  bartmes  quàd 
(i  sialùfuiscormam  habem  vei  kabèum  deric^iem^ 
«  duxerit  uxor^m,  de  feudo  iaico  quod  tenet/hçi^ 
^Âommù  régi  et  ihminis  aliïs  quod  feudwn  debeh 
(i^  de  burgap&  hoc  quod  alii  àu^emes /adutitj 
ii€tm  bwgafpù  fiet  justitàst  et  m  feudo  Imoo  pn 
^cgmieoquoddebéu  super  ommia  <melh(iîmùAe$) 
H  q&m  Hi ^frverUentur*  Siveroj  postquàmMcoasm 
a  duxm-Uj  coronam  acceperit  et  habimm  eierici^  de 
<«  bm^agto  et  feudo  faciet  tatufunm  taicus  fwmop  et 
uedmmUimlmcUéUHr.y^ilh.^  liv-5t.  Just.,  fol.  ib.  8^) 

La  phâwpagoQ  éprouva  aussi  le^  mêmes  abus,  et 
Tlubaiu  le  posthume,  oomle  de  Champagne  et  roi  de 
ItaTsrre,  en  ayant  porte  ses  plaintes  au  pape  Inno^ 
cent  IV,  en  obtint  une  bulle  portant  injonction  au» 
évêijues  de  les  faire  cesser.  Cette  bvdle  étant  demeurée 
aaal  effi^t,  le  même  prince  s^'adr^ssa  d^  nouveau  au 
même  pape,  qui  pour  lors  était  à  Lyon,  et  eu  fit  ren* 
diye  une  seconde,  datée  du  5  des  calendes  d'ami 
Vm  viu  du  pontificat >^uiant  ^  qui  r^>ond  à  Tan  i  ^49  > 
puiique  Innoccim  occupa  le  $aint^  Siège  dqmis  1341 
jusqu'en  laâ^.  {CartuL  de  Champagne j  delà  bibl. 
(hroij/oLS%) 

,    Nonobstant  ce  règlement,  le  fcandale  continu^  en 
Normandie,  puisque  le  concile  de  la  province  de 


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(36o) 

Rou^i,  asaemUé  au  Pont*Audauer,  le  kaidemain  de 
la  fête  de  la  décollation  de  saint  Jean  ^Baptiste  de 
Fannëe  13&79  fit  un  décret  à  ce  sujet.  Il  enjoignit  à 
tous  les  curés  d^averur  leurs  parois^ens  pendant  trois 
dimanches  ou  fêtes  solennelles^  <{ue  les  clercs  non 
mariés  et  ceux  d*entre  eux  qui  Tétaient  eussent  à 
s'abstenir  de  tout  trafic,  et  principalement  de  tous 
emplois  indécens,  et  à  porter  la  tonsure  et  Thabit  con- 
venaHe.  Le  concile  déclare  que  si  à  la  troisième  tno- 
nition  ils  ne  viennent  point  à  résipiscence,  Fl^^se 
ne. s'entremettra  en  aucune  manière  pour  les  proté* 
ger;  qu'elle  tolérera  même,  à  l^égard  des  clercs  ma- 
riés, que  les  seigneurs  séculiers  exigent  d'çux  les 
mêmes  services  que  des  laïcs;  qu'enfin  si,  aq^r^  les 
mcmitions ,  quelques  clercs  persistent  dans  leur  abdi- 
cation  de  Piiakit  clérical  et  la  tcm^nre,  et  commettent 
des  délits  graves  pour  lesquels  les  juges  sécflpbrs  les 
fassent  emprisonner,  les  Pères  du  concile  n'emploie- 
ront pdint  les  censures  pour  leur  procurer  la  liberté. 
(  Chambre  des  comptes  de  Paris,  Terrier.  Cartul. 
de  Normandie,^/.  3.) 

Enfin,  nous  avons  la  preuve  qu'en  l'annéç  r^ao^ 
l'abus  sub^ait  encore, puisqu'en  cette  année  la  com- 
mun^ de  Meaux  ayant  prétendu  que  les  clercs  mariés 
de  cette  ville  devaient  contribua,  tant  de  leur  cbef 
que  de  celui  de  leurs  femmes,  aux  tailles  et  aux  autres 
impositions,  il  fiit  réglé  que  les  clercs  mariés  demeu- 
rant dans  la  ville  ou  dans  les  limites  de  sa  commune, 
ne  pourraient  être  mis  à  la  taille  de  leur  chef;  mais 
qu'ils  y  contribueraient  seulement  du  chef  de  leurs 


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(  36i  ) 

feimioies,  de  même  qu^aux  impositions  ordinaires  et 
extraordinaires,  en  sorte  cependant qu*mi  clerc  marié 
ne  pourrait  être  tenu  de  payer,  pour  raison  de  isa 
femme ,  que  la  moitié  de  la  taxe  qui  serait  faite  sur  un 
bourgeois  de  la  viUe 9  qui  lui  serait  ^al  en  faculté,  et 
que  pour  cet  effet  Tassiette  des  tailles  et  des  autres 
impositions  serait  faite  à  Fayenir  par  le  maire  et  ses 
bourgeois,  et  par  quatre  ou  âx  clercs  conjointement. 
L*aae  de  cette  convention  et  les  lettres  de  confir- 
maiion  de  Guillaume,  évêque  de  Meaux,  du  mardi 
après  la  fête  de  saint  Pierre  de  Vannée  i330,  sont 
dans  le  CartuL  de  Meaux,  gardé  en  la  Chambre  des 
comptes  de  Paris. 

Je  crois  que  Ton  peut  attribua  à  cet  abus,  qjki  ne 
sqbsiste  plus  en  France ,  Uusage  qui  se  pratique  en 
Italie  des  permissions  que  le  Saint-Siège  accorde  & 
des  gens  mari^,  de  porter  la  tonsure  et  Thabit  clé- 
rical. J*ai  traité  avec  le  ministre  d'un  soutarain,  qui 
était  vêtu  de  la  sorte,  quoiqu'il  eût  fenune  et  enfans. 
11  regardait  cette  permission  comme  une  distinc^on, 
par  le  respea  qu'on  porte  en  ce  pays,  plus  qu'en  ténit 
autre,  aux  ecclésiastiques^  et  comme  une  grande  com- 
modité ;  il  aurait  pu  dire  aussi  comme  une  épargne. 
Je  n'ai  point  ouï  dire  qu'il  y  eût  aucune  exemption 
en  faveur  de  ces  clercs  mariés;  inais  il  est  sûr  que  le 
pape  tire  un  droit  modique  des  permissions  qui  leur 
sont  expédiées  en  sa  chancellerie.  Je  ne  crois  pas  que 
ce  droit  excède  de  25  ou  3o  francs  de  notre  monnaie 
pour  chaque  permission. 


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(  362  ) 


<^^^;yWVV»W»/»%»%^>»^%^^M%»^^/V 


iVWIA^^>rt<V»VVV>ftlV>VV>V>'i^">*^^***^**'^**^**^**^'**'^^ 


PARTICULARITÉS  CURIEUSES 

DE  l'hISTOIM  GAUITTE  X  QOTLQUB$-OïïS  M  TïOS  *OIS. 
ANCIENΌ  LEGENDE 

9SS  AMOURS  DB  G9IABI.B1IA0IÎB  (l). 

Quiconque  prend  garde  aux  extraordinaires  cl  wir- 
natiJfelFeffe^s  des  dainaons  en  toutes  leur»  malices,  et 
q>éçialement  en  <^ste  cy,  est  soudain  conune  fercé  4e 
recognoistre  (m^lgr^  soy  )  iju'il  y  a  quelque  j^ssance 
motriice  qui  faict  jouer  des  ressorts  secrets  et  cacl^és 
aux  sens  et  à  la  nçiture.  Et  que  comme  ces  m^Bn» 
esprits  ne  font  jamai^Jparoistreleur,  estre  et  leuir  fSrce 
que  pour  ynal  faire,  et  après  avoir  faict  autant  d« 
9ia>ux  q^Hls  ont  peu  selon  la  permis^ioi^pi  leur  a 
este  donnée,  aus^  sont -ils  cwtraincts  de  céder  et 
d'obéir  k  quelque  feutre  cause  première  et  ^uteraiiw 


(i)  Extrait  àe  V Examen  des  Aîmanachz,  prédictions,, 
philtres,  charmes,  etc.,  par  Antoine  de  Laval,  p.  S^t  et  suiv.  de 
son  Recueil  intitulé  :  Desseins  de  professions  nobles  et  publi- 
ques, contenant  plusieurs  traiez  divers  et  rares.^i  avec  autres  beaux 
secrets  histoiiques,  exiraîcts  de  bons  et  authentiques  Mémoires  et 
manuscrits,..  Paris,  Abel  Langelîer , *  i^bS^  in-4'*«  (  Edit.  G.  L.) 


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"*   ^        (363  ) 

qui  leur  commande ,  et  ]eur  a  donné  Testre  ei  la  sub- 
sistance simple  et  séparée  de  matière  aussi  bien  qu^aux 
aiues.  Qui  est  justement  pour  revenii*  au  premier 
poinct  de  ce  traicté^  qu^il  y  a  une  malice  extresiiie  à 
ne  vouloir  confesser  Testre  de  Dieu  et  de  nos  âmes  qw 
par  le  moyen  de  celui  du  diable.  AinsiSàdian  se  pror 
duisani  par  ses  effects  magues,  par  les  prestiges,  sorti-  ' 
léges  et  Êiscinaitions,  fait  comme  la  souris  qui  se  trahit 
elle  mesme,  suo  périt  indicio  sorex^  il  porte  en  des-, 
pit  de  ses  dents,  les  esprits  infidelles  et  athées  à  re- 
eognoistra  la  cause  souveraine  du  tout  estre  Dieu  très  . 
"grand,  tiAs  bon  et  très  puissant*  Ne  trouvons  donc 
pas  esirange  si  par  la  permission  de  cette  cause  sou*- 
ver^e^de  cet  estre  premier  infini  et  incompréhen- 
sible (que  la  faiblesse  humaine  recognoist  plustost  par 
ce  qui  se  dictde  luy  au  non  estre  qu^en  Testre  j^esme) 
les  effets  pernicieux  de  cet  imposteur  Sathan  sont  ai 
firéque^s  au  numde.  Nous  voicy  sur  nostre  matière /et 
premièrement  sur  le  compte  du  roy  Charleimagne  eu^ 
sorcelé  d^amour. 

Pétrarque ,  aùtheur  des  plus  fameux  et  célèbres  de 
s(m  temps,  duquel  les  oeuvres,  tant  latines  que  vul- 
gaires, se  recommandent  assez  déciles  -  mêmes  sans 
autre  préface  de  louange ,  escrit  au  premier  livre  de 
ses  Ëpistres,  en  la  troisiesme  à  Jean  Colonne  Romain, 
luy  rend  compte  d'un  voyage  qu'il  a  faict  en  France 
et  en  Allemagne;  et  entr'autres  choses  remarquables 
de  sa  pérégrination,  raconte  ceste  cy,  qu'il  affirme 
avoir  veue  «scripte  aux  registres  anciens  gardés  dans 
h  thrésor  et  archives  de  l'église  d' A  ix-la-Chapelïe  en 


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(  364  )        ^    '  ^ 

Allemagne,  et  dict  encores  qu^il  Ta  leue  depuis  en 
autres  autheurs  plus  modernes.  Mais  avant  de  mons- 
trer  si  tout  ce  qu*il  çn  dict  est  du  rang  des  choses 
faisables,  je  veux  représenter  simplement  ce  qu*il  en 
escript,  sans  y  rien  adjouster  du  imen.  Ycncy  ^qu^il 
dict  ensuitte  de  ce  qu'il  a  veu.  ^ 

«  J*ay  aussi  este  à  Âix,  où  Ton  m'a  faict  Votr  un. 
compte  qui  af^roche  de  la  fable.  L'histoire  .portçt^ue 
-ce  roy  Charles  (Charlemagne),  lequel  cette  nation' 
ose  égaler  à  Pompée  ou  Alexandre  et  le  sumcmune 
.  Grand j  ayma  ^rdument  une  dame,  et  sellonna  te}<- 
lement  en  proye  à  cet  amour,  qu'il  en  A  vint  tout 
hors  de  soy  mesme,  négligeant  et  sa  réputation  (dont 
il  avait  toujours  esté  très-soigae^ix)  et  le  bien  de;  son^ 
Estât,  n'ayant  flm  d'autre  soin  de  mémoire  nj  de 
pensée  que  de  servir  et  caresser  ceste  nouvelle  maisr" 
tresse ,  au  grand  regret  et  extresme  déplaisir  de  tous 
ses  meilleurs  et  plus  loyaux  serviteurs.  Finalement, 
comme  il  n'y  avoit  plus  aucune  espérance  de  guéri- 
son  (ce  fol  amour  ayant  bouché  les  oreilles  de  ce 
fnrince  devenu  du  ^out  incapable  de  tout  salutaire  con- 
seil), la  mort  de  ceste  dame  survint  inopinément, 
dont  toute  la  cour  se  resjouist  bien  fort  et  en  cachette 
toutes  fois.  Cette  joie  ne  dura  guères  sans  estre  suivie 
d'une  plus  grande  tristesse ,  d'autant  que  l'esprit  de 
l'empereur  se  trouva  saisi  d'une  plus  salle  et  moins 
excusable  passion,  sa  fureur  amoureuse  n'estant  nul- 
lement amoindrie  par  la  mort  de  celle  qui  l'avoit  al- 
lumée, ains  se  trouvant  ceste  aflFection  première  du 
tout  transférée  en  ce  corps  inort  quelque  puant  ci 


HV.  ^ 


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.    .  (  365  ) 

infect  qu  il  peust  estre,  Ap-ès  avoir  faict  embasmer 
et  parer  le  plus  richement  qui  se  pouvrât  <5este  orde 
et  immobile  charoigue,  ce  pauvre  prince  y  demieipa 
si  assiduement   attaché,  qu'il  y  perdoit  et  repos  et 
repas  ^  se  consommant  jour  et  nuict  aux  £roids  et  fur 
nestes  emhrassements  de  ce  tronc  remplyde  puanteur 
et  de  vers.  Et  non  seulement  se  rendoit  inaccessi- 
ble aux  ambassadeurs  des  princes  estrangers  qui  accou-^ 
roient  de  toutes  parts  à  luy  pour  les  aflFaires  de  la 
chrestienté,  mais  ne  permettoit  Tentrëe  de  sa  cham^ 
bre  à  ses  plus  particuliers  serviteurs  et  prives  doioes- 
tiques  ;  affligés  du  deuil  delà  maladie  et  transport 
*  d*eaprit  d'un  prince  si  grand  en  toute  autre  chose. 
Au  mesme  temps  se  trouvoit  en  la  cour  de  l'emne- 
reur  un  grand  prélat^  archevesque  deColoigne,  aussi 
recoinmandaUe  pour  sa  doctrine,  qu'illustre  pour  sa 
preud'homie  et  grande  saincteté  de  vie,  qui  luy  avoit 
acquis  tant  de  créance  et  d'authorité  qu'il  cstoit  le 
chef  du  conseil  et  fort  familier  de  l'empereur.  A  l'af- 
fliction et  transport  duquel  ce  bon  archevesque  com- 
patissant comme  les  autres  loyaux  sujets,  eut  recours 
à  Dieu  après  avoir  recogneu  combien  tous  les  moyens 
humains  y  estoient  inutiles.  Il  commence  à  prier  Dieu 
avec  larmes,  aumosnes  et  jeunes  à  ce  qu'il  pleust  à  sa 
divine  bonté  délivrer  ce  grand  empereur  d'une  fu- 
reur si  violemment  desreiglée.  Ainsi  continuant  ses 
oraisons,  il  se  trouve  consolé  miraculeusement:  il  luy 
arrive  en  célébrant  la  saincte  messe  (comme  il  avoit 
de  coustume  de  faire  tous  les  jours),  ayant  baigné  sa 
poictrine  et  l'autel  sacré  d'un  torrent  de  pleurs,  es- 


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(  366  ) 

paada  infinies  ardentes  prières,  que  scnidain  tme  voix. 
luy  révèle  qae  la  cause  du  tran^rt  ^rieux^^  ce 
pfînce  estoil  caclié  sous  la  langue  du  corps  vèàft^ 
près  duquel  il  dHoit  languissant.  Ce  sainct  i^xuooe  in- 
finiment  eajouy,  son  office  a^evé,  ascourt  ^pt  corps^ 
ft  le  plus  secrettemcnt  qu^l  peust  luj  met  la  mam 
en  la  bouche,  arrache  de  dessous  la  langue  une  pierre 
enchâssée  ^  un  petit  anneau.  Là  tout  à  Tinstant  ar- 
rive Charles  Tempereurponr  y  continuer  son^exercice 
%DCOiistumé;  mais  à  peine  estril  entré  qu^une  horreur 
extcesme  de  ceste  charoigne  puante  le  0&it,  de  sorte 
que  tout  frémissant  il  la  fàict  à  grande  haste  enlever 
pour  l'aDer  jetier  en  terre,  et  en  son  lieu  court  à  ce 
b^  prélat  envers  lequel  toute  ceste  foreur  d*amour 
s^estoit  jà  convertie;  il  Tayme,  il  le  chérit,  il  Fem- 
hrasse ,  il  ne  dépend  plus  que  de  luy  et  lie  s'^Dbjpeut 
séparer.  Ce  que  recognoissant  ausisitdst  ce  sage  arche- 
vesque  et  -soigneux  pasteur,  résolut  de  se  deffaîre  de 
ce  que  plusieurs  autres  moins  preud*hommes  eussent 
tenu  et  serré  bien  chèrement  comme  quelque  bonne 
fortune.  Et  consultant  sur  le  moyen  de  perdre  ce  qtHj| 
perdoit  son  prince ,  craignit  que  cette  bague  ne  rhit 
(la  jettant  à  Tadventure)  en  la  possession  de  qnel- 
qu'autre  qui  en  abusast,  ou  que  la  mettant  au  feu  il 
n*en  si}rvînt  quelque  désastre  à  Feiïqigreur,  partant 
jette  ce  maudict  anneau  dans  le  ^us  creux  des  ma- 
rests  de  ce  lieu  d'Aix,  où  lors  estoit  la  court.  L'em- 
p^^!ur  à  Tinstant  chârit  ce  maresèageux  séjour,  le 
f«Gonmiande  pour  tme  beauté  particuUère  oue  Ipy 
seul  y  recognoist,  en  devient  si  amoureux,  qu*ij^esta- 


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blit  là  $on  séjour  principal ,  et  en  faict  le  chef  de 
Tempire^  y  faict  ba$tir  un  beau  et  somptueux  palais 
avec  une  grande  et  riche  église^  poin*  n'obmeture  au* 
cun  ornement  et  lustre  tempcnrel  ou  ecclésiastique  qui 
le  peusit  décorer^  y  achève  le  reste  de  ses  jours ^  et 
cnrdonne  d'y  estre  enterré  y  après  avoir  tcmtes  lois  faict 
une  loy  fort  solennelle  que  la  couronne  et  les  autres 
enseignes  de  l'empire  romain  seront  à  ^usjours  con- 
servées au  thrésor  de  ceste  église  d'Aix.  ^e  la  mesme 
tous  les  empereurs  s'en  viendront  revestir,  y  seront 
sacrez  et  non  ailleurs,  ce  qui  durera  (dict  le  statut) 
tant  que  l'empire  de  Rome  sera  au  pouvoir  des  G^- 
mains  ou  Allemands.  » 

Cette  histoire  ne  se  trouvant  escripie  en  aucun 
autheurdu  tempsdeCharlemaigne,  sembleroit  appro- 
cher de  la  fable  el  de  quelque  compte  faict  à  plaisir 
si  nous  n'en  avions  leu  d'aussi  estranges.  Je  ne  fay 
point  de  doubte  que  Pétrarque  ne  l'ait  trouvée  dans 
les  archives  de  ceste  grande  et  belle  église  d'Aix-la- 
Chapelle  ,  et  qu'elle  n'y  ait  esté  mise  de  quelque 
bonne  main.  Mais  ce;  qui  fejt  que  Pétrarque  ne  Tosa 
pas  donner  pour  véritable,  fut  le  doubte  où  il  estoit 
que  cela  se  peust  faire ,  bien  qu'il  assure  l'avoir  en- 
core leue  ailleurs.  Il  y  a  de  quoy  s'estonner  que  ceux 
qui  ont  escript  ^histoire  de  France  ou  d'Allemaigne 
dès  ce  temps -là  n'en  disent  mot.  Mais  nous  recog- 
noissons  bien  par  les  Mémoires  qui  se  trouvent  tous 
les  jours,  que  c'est  dequoy  nos  vieux  historiographes 
seront  les  moins  souciez  que  de  nous  laisser  la  mé- 
moire des  actions  particulières  de  nos  rois,  et  n'ont 


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(  368  ) 

pour  la  plus  part  remply  leurs  histoires  que  de  gestes 
seignalez,  d'effeds  puUics,  d'alliances ,  conquestes^ 
guerres,  batailles ^  journées,  victoires,  abonchemens^ 
entreveues,  trefVes,  paix,  traict&,  entrées,  trionaphes 
et  autres  pompeuses  et  esclattantes  actions  dofii  le 
narré  faict  bruict ,  ravit  l'esprit  et  Toreille ,  pare  et 
enfle  le  stile  et  peut  acquérir  de  l'honneur  à  traie- 


ter ^ 


DE  LA  CONCUBINE 
DE  CHMU^S  VII,  APPELÉE  LA  PETITE  REINE. 

((  Les  amours  de  Charles  YI,  dit  Sauvai  (i) ,  sont 
«  moins  à  condamner  par  la  licence  que  par  leur  sin- 
<(  gularité,  puisque  Isabeau  de  Bavière,  sa  femme, 
«n'y  consentit  pas  seulement,  mais  encore  y  aida 
((  elle-même  :  car,  comme  ce  prince,  durant  les  accès 
K  de  sa  folie ,  la  battait  quelquefois,  craignsmt  pis,  la 
((fille  d'un  marchand  de  chevaux,  par  son, moyen, 
«  tenait  sa  place  la  nuit.  Cette  fille,  au  reste,  était  et 
((belle  et  jeune,  et  d'une  humeur  agréable f  si  bien 
((  que  depuis,  tant  à  Paris  qu'à  la  cour,  on  ne  l'appelait 
((point  autrement  que  la petùe  reine.  Elle  eut  une 
((  fille  de  lui  et  deux  maisons  avec  leurs  dépendances, 
((  l'une  à  Bagnolet,  à  une  lieue  de  la  ville ,  Tautre  à 
«  Creteil ,  qui^  en  est  à  trois  (3).  » 

(i)  Extrait  des  Amours  des  rois  de  France,  p.  17  de  Fédit 
de  HoIL,  1789,  petit  in-ia. 

(2)  Sauvai  ajoute  :  «  Or,  le  brait  courait  qét  cette  liHe  si 


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(  369  ) 

Cette  anecdote  est  tirée  d'une  ancienne  chronique 
rédigée  en  latin,  faisant  partie  d'un  recueil  de  pièces 
manuscrites  de  Du  Puy,  et  dont  voici  le  texte  : 

Eo^  historié  wtœ  Caroli  FI.  M.  S.  Cap,  vltimo. 

Qsna  tamen  occasione  suce  infirmitatis  {^sciUcet 

régis)  dubitabatur  non  modicum  ne  in  personam 

régime  aliquid  sinistrum  committeretj  secum  dor- 

mire  non  sinebatur;  sedj  sibi  dataficit  in  concubi- 

nam  quœdam  pulcherrima  delectabiliSj  et  placens 

fuçenisj  Jilia  cujusdam  mercatoris  equorùm  j  de 

ccnsensu  tamen  reginœ^  quod^aldè  videbatur  ah- 

sonum.Sed  considerans  mala^quœ  sibi  imminebant 

propter  verberationes  et  oppressiones  qUas  secum 

pertuleratj  et  etiam  qubd  duobus  malis  propositis 

minm  est  eligendumj  iUud  tolerabat.  Quœquidem 

filia  competenter  fiiit  remunerata^  quia  sibi  fue- 

runt  data  duo  maneriq.  pulchra  cum  suis  omnibus 

pertinentiis  j  siiuata^  vnum  h.  Creteil,  et  aliud  à 

Bagnolet  :  et  ipsa  vulganter  vocabatur  paJdm  et^ 

publicè  parva  regina;  et  secum  dià  ^tit^  Susce- 

pitque  ab  eo  'unamjiliam  quam  ipse  rex  matrimo- 

nialUer  copulavvt  cuidam  nuncupato  Harpedenne, 

belle,  sans  se  soucier  d'être  battue ,  tenait  ainsi  compagnie 
au  roi  ;  la  reine,  de  son  côté,  tenait  aussi  bonne  compagnie 
à  un  grand  prince  dont  elle  ne  craignait  point  les  coups.  La 
Chronique  scandaleuse  assure  que  ic'était  le  duc  d'Orléans  y 
frère  da  roi,  de  son  mari,  etc..  » 

I.  9«  Liv.  '  ♦  ^4 


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(370) 

cmi  dédit  dmnmium  de  BeUeville  in  fèGtwia^fiKa- 
^ae  vocabaiur  domiceUa  de  Belleville. 

Cette  femme  se  Aomntiait  OdeUe  de  Champdè^^s^ 
La  fille  qu'elle  eut  de  Charles  VI  fut  reconnue  et 
mariée  sous  le  nom  de  Marguerite  de  Faims.  (EàM) 


LES  REGRETS  ET  VIE 

DE  LA  DUCHESSE  DE  BEAUFORT, 

DiTulgoex  en  l*an  1597,  lors  de  la  ptlse  d^Amîeas  (i). 

Ceux  qui  jugent  par  £^parence ,  qui  préfèrent  les 
richesses  au  repos,  les  grandeurs  à  rhonneur,  etk 
vanité  à  la  vertu ,  admireront  ma  bo^ne  £>rtune;  car 


(i)  Extrait  4'uD  Recaeil  de  pièces  manuscntcs  relatives  à 
l'histoire  de  France ,  provenant  de  la  Collection  de  Fevret 
de  Fontette,  et  qoi  fait  maintenant  partie  de  notre  cabinet. 
La  belle  Gabrielle  n'avait  pas  moins  d'ambition  qœ  de 
tendresse.  II  ne  Ini  suffisait  pas  de  régner  également  sur 
^l'esprit  et  sur  le  cœur  de  son  royal  amant,  elle  aspirait  en- 
core à  ligner  sur  la  France;  elle  convoltâdt  nue  ronronne  ; 
et  Henri  IV,  ivre  d'amour,  pensait  déjà  à  Im  sacrifier  Mar* 
guérite  de  yak)ii5,  lorsque  la  surprise  d'Amiens  par  un  parti 
espagnol  arracha  le  roi  des  bras  de  cette  dangereuse  beauté. 
La  nouvelle  en  était  parvenue  à  la  cour  le  12  mars^  veiik 
de  la  mi-*- carême  iSgj^  et  les  plus  rives  larmes  y  avaienl 
succédé  tout  à  coup  aux  plaisirs  ^n  bal,  <ie  la  taUe,  ée  la 
galanterie  svrknM,  q«i  semblaient  seuls  alors  captiver  le 
coeur  éa  monarque»  Mais  la  France ,  sa  plus  noble  «•■- 
qpéte,  était  menacée;  le  héros  s'était  réveillé  au  coàp  ptftî 


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.        (  371  ) 

leurs  âmes  ambitieuses,  qui  font  leur  souveiain  bien 
dés  Irësors,  n'ont  aucune  connoissance  d'autre  bon* 
beiir;  mais  les  yeux  clairvoyans,  qui  postposent  ce 
Détail  trompeur  dont  la  jaune  couleur  aveugle  les 
plus  simples^  à  mes  ennuys  prësens  et  à  nigs  appré-. 
bensions  futures,  au  lieu  de  priser  mes  conteptemens, 
m'ayderont  à  plexnrer  mes  peynes.  Il  n'y  a  à  la  vérité, 
celuy  qui  me  voyant  belle  et  en  fleur  d'aage,  et  amie  ' 
d'un  grand  iroy,  n'estime  ma  condition  fort  beureuse^  . 
un  chacun  court  poar  me  veoir,  pour  me  liuer,  pour  mé 


d'ÂraieBs,  en  s' écriant  :  «  Ce  coup  est  du  CieL  Ces  pcuwres  gens^ 
pour  amir  refusé  une  petite  §armson  que  je  lew^  ai  çoulu  bail/er, 
se  sent  perdus.  Puis  (  ajoute  l'Estoile  qui  rapporte  ce  fait  )y  . 
songeant  un  peu,  dit  :  C'est  assez  fait  le  roy  de  France ,  il  est 
temps  defmre  le  roy  de  Naçafre;  €t  se  tournant  vers  sa  mai- 
tresse  qui  pleurait,  lui  dit  :  Ma  maîtresse,  il  faut  quitter  nos 
armes,  et  monter  à  cheoiU pour  faire  une  autre  guerre,-  comme  U  , 
fit  dès  le  jour  même,  marchant  à  la  tête  des  siens  et  lepre- 

^  ^^  cette  circonstance  de  la  surprise  d' Amiens  que 
fait  âl/tfêîon  le  titre  de  Regrets,  supposés,  de  la  duchesse  de 
\Be0i^rt,  qualité  qu'on  donnait  alors  à  Gabrîelle  d'Estrées. 
jQuoiqfué  cette  pièce  ne  soit  qu'une  iMitire^  où  le  roi  n'est 
pas  iplés  épargné  que  sa  maîtresse,  elle  ne  nous  a  point  paru 
înIdfffîDe  de  l'histoire ,  parce  qu'elle  tendait  à  prévenir  une 
h^ffke  folie,  parce  que  le  thème  en  est  vrai,  et  que ,  dans 
IPaiciiertome  d'un  repentir  réel ,  la  duchesse  aurait  pu  dire  ou 
{>en^r,  à  peu  de  chose  près,  tout  ce  qu'on  lui  fait  dire  ici. 

\li^S  notes  sont  de  l'éditeur  C.  L. 

yi^ournal  de  Henri  ly,  par  l'Estoile,  mars  iSgy,  t.  a,-  p.  3^9  de  IVdit. 
difci  Haye,  1741.  *         '^      -      -      •     * 


t.  «; 


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(370 

reipierir  àe  grâces.  Les  grands  me  désirait,!^ 
m*envtent,  et  tous  ensemble  me  repaient  bi 
mise.  Je  suis  le  but  vers  qui  tous  les  jeux  pi 
^^miour  se  dédient,  mesme  celles  dont 
les  actions  sont  plus  honorées.  Mais  o  cid 
Cuit!  do]|^  les  événemens  inconnus  sont  à 
les  justes  jugements  infaillibles,  tu  sçais  en.j 
de  sortes  ces  prospérités  me  sôivt  traversée^ 
bien  si  le  temps  présent  me  contente^  la  mé 
passé  me  ti^waille ,  et  Tincertitude  dé  Tad 
tourmente  :  le  jour  dont  tu  nlanifestes  à  tm:^i 
rite  de  mon  crédit  ne  sert  que  d'esclairw 
et  la  nuict  dont  tu  satisfaits  à  quelques  ^ 
remémorer  les  offenses  faites  a  la  vertu;  ^j 
ibrmer  un  tesmoignage  de  la  vie  de  ma.  m 
avaUture  de  sa  fin ,  la  quelle,  ainsy  qu'on 
laissa  joiiir  au  plus  ofirant  et  dernier   eft^Bâci 
,  convenant  à  mon  pucelage ,  que  j'avûb  à  soi 
regret  gardé  l'espace  de  quinze  années  avei 
nombre  de  mil  escus  dont  le  roy  Henry  d 
cédé  fit  porteur  le  sieur  du  Bouchage,  m 
France ,  que  je  n'oserois  regarder  sans 
chant  le  tennoin  et  le  spectateur  de 
mes  fautes  continues  n'âvoient  aCcreu  l^ii 
Mais  on  ne  peut  contrevenir  aux  deftinéés^  Ï4Î 
la  jeunesse  et  l'exeiAple  de  nies  plus  proches 
çoient,  incitoient ,  faisoient  résoudre  :  ^ussy 
je  de  telle  façon  qu'à  mon  intérest  j'  tout, 
s'entretient  de  mes  folies,  et  ii'aj  eu  en  p(Bu 
rien  à  peproctenl  n^  mère  y  tante  p  sijëiirs, 


;^ 


W 

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,      (  373  ) 

les  unes  et  les  an^QS  en  divêr^lé  de  «objets  aifem 
prodigalement  dèparty  leur  courtoisie,  et  glorieuse* 
ment  excellé  en  leur  art  ;  si  bien  qae  de  main'  en 
main  je  suis  parvenue  en  celle  de  ce  grand  roy,  tant 
faTOfisée  et  aymée,  qu'il  semble  que  le  Ciel,  pour 
piim^  me§  erreurs,  m*ait  expressément  eslevèe  en 
cette  Iiauteur  pour  rendre  ma  chutte  plus  remarqua- 
ble» Car  de  m'y  conserver  plus  longuement  est  hqrs 
d'espérance,  ayant  failly  tant  de  belles  occasions,  et 
ne  me  pouvant  persuader,  tant  mon  ame  craintive 
augure  plustost  le  mal  que  le  bien ,  qu'un  roy  dont 
les  subjets  propres'  controllent  les  actions  et  du  quel 
la  soldatte  humeur  n'est  gueres  propre  aux  délices  «^ 
d'amour,  je  le  puisse  longtemps  maintenir  en  upe  vie 
oysive,  et  telle  que  le  bien  et  advancement  de  mes 
affaires  le  requerroient.  Je  scay  d'autre  costé  le  mau-- 
vais  dessein  de  plusieurs  pour  le  destourner,  s'ils  ap- 
perçoivent  tant  soit  peu  de  son  consentement,  ou  bien 
qu'ils  trouvent  qui  veuille  porter  la  parole  comme  le&  . 
ambassadeurs  de  cette  vieille  reyne  (i)  notre  vdisine, 
la  quelle  blasmant  en  autruy  ce  quelle  approuve  en . 
elle  mesme,  en  a  fait  toucher  quelques  mots  tcmchant 


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(  374  )       . 

qoi  n*e9l  pais  fort  fwptwwhk  à  sai  eouyoïce.  Car  de 
ine  praoKCtre  oq  cTeapérer  une  lëgkikne  isaae  de  c^ 
anour,  et  Teoîr  ooaYert  im  ooi]qple  si  dissemblablçTcfe 
flenr  de  Ijs,  aoroit  ae flatter  et  iromper  tout  enaemnle^ 
Le  rojr  auquel  mqa  flatteoses  dcœpdoiis  fittt  tout  ap^ 
|Koiivery  ne  IV  aaë  proposer  en  eette  assemblée,  âî^P^^ 
qa*il  Fenst  priiM^qialenMmt  cofiY(Mxpée  pour  ce  w^Bt., 
m'estant  à  demy  persuadée  qiie  le  desùr  nniyeisel'tttt 
lojamne  aooepteroîi  plos volontiers  mon  Caesar  (i)^  ja 
grand,  qo*nn  qui  fbsl  à  concevoir,  et  dont  Va^tente 
poDiToît  canser  de  noayelles  prétentkHis  entre  cet  op- 
dre  de  princes  tant  désireux' de  r^ner,  ne  considé^ 
rant  et  n'ayant  esgard  qœ  mon  paternel  UsayenI  es- 
toit  procorear  deMonstreoil,  et  que  du  costé  maternel 
Foiigine  de  ma  noblesse  seroit  pins  difficile  à  proaver; 
sins  me  semMoit  qœ  l'amoar  esgaloit  toutes  dboses^ 
Je  me  fiçoroîs  un  Henry  VIII,  roy  d'Angletene^ 
amoureux  d'Anne  de  Boolen  marquise  de  Rockefbrt^ 
•  non  Baoîns  belle  que  moy  et  aussy  débordée,  pour  la 
quelle  il  répudia  Catherine  d' Arra^cm ,  en  ayant  une 
^fiUe  ;  et  ne  me  semblent  du  tout  inqMSsible  et  hors 
de  r^san  que  Henry  lY,  roy  de  France,  se  sé^Murant 
de  Marguerite  de  YiJcms,  qui  est  stérile,  n'eqpousast 
Gabrielle  d^Sstrée,  qui  est  enceinte  et  portant  im 
dauphin  sons  son  griffon.  Aussi  me  vois  je  traîlrlée  de 
mesme  qu'une  reyne  épousa/^  soliditm,  me  levant  e^^ 


-^ 


tr 

(i)  César,  doc  àe  V^  ea  ii» 

roi.  11  avait  alors  deux  ai 


*.    nigitizedbyLjOO^l^ 


« 


(  3:5  ) 

couchant^  huy S  ouiierts,  dans  fes  litjs  où  les  lé^timas 

embrassemen^  som  sailement  permis^  ne  manquant 

qu^uQ^   bieA  petite   oérëmoBia  d'uni   prestre  pmur 

l^c^ndbee  mon  contememeiift  cai  perfections  Mais  je 

n^ay  d*av^^  eosiiâ  €%ard  que  ce  garçon^  sur  le  ijnel 

repose  le  plus  solide  fondement  de  ma  i^auté,  est 

fiils  ppësomptif  de  plusieurs  pères  dont  Tombrage  cet 

parvenu  jusques  au  rojr  et  son  ^fpcéimaskoJk  juagnes  à 

nu>y>  lorsque  le  jpur  du  baptefinoe  il  fil  refiosale  nom 

d' Alexandre  (l)r  de  peur  que  le  so^om,  de  Grand 

ne  confirmast  Topinion  qu'on  ai?oit  de  la  véritëi;  et* 

]yf adanie (2) ,  qui  né  taist  que  fert  peu  ie  diesq,  en 

le  ctmtemplant  ai  ^m  ibrmé  pour  le  temps  ^  pto^ 

no(Qiça  qu'il  vivroit ,.  <^r  sans  donte  il  estoit  à  tenne^) 

et  plusieurs  antres  railleries  qui  pQurroient  abbaîsser 

ma  présmnptiou  si  li^  imaginées  grandeinrs  ne  m'ei:^ 

sont  osté  dtt  tout  la  raî$on  et  le  jugemexit.  Mais  qm 

s'en)f>e$Qheroit  de  se  mëcomioistrey  si;  quel  eourage 

n'esleveroit  son  ambition  pour  se  veoir  flattée  et  avoir 

pouvoir  sur  toutes  sortes  de  personnes  de  toutes  qua- 

litez  et  dignitez;  un  roy  ei^  public  et  en  particulier 

ordinairement  près  de  moy,  plus  soigneux  de  me  sa-r 

tis&ore  que  de  préveoir  à  consçirver  son  royaume  ^  le 

•  î^    ■         .         .    *  " 

(ï)  U  k  donfîd^  am^bi^vj^r  de  Ve«4ôwft  ♦  frèçe  pu|oé:d«t 
César^ 

(2)  Cathierine  de  Bdurboû^,  princesse  de  .Navarre,  iomit 
de  Henri  ly ,  qa'^A  appielait  alors  M^4^ie^  et  qui  fut  depuia 
doiçhea^e  de  Bar^  par  $oa  mariage  arec  Henri  de  Lorraine, 
duc  de  Bar,  en  janvier  iSgg. 


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«.376) 
WÊOj  et  pour  les  miais  que    ce 
';  un   chancelier  (i)  dont  les 
ii^  sc^Uest  que  ce  qu'il  plaisi  à  madame   de 
^   ,4  ai*  taBAe;  ud  mareschal  de  France  mon  beau 
^  ^  ^i)^  attBoit  heureux  en  sestftutres  exjdmts  qu^en 
>^^  ntfâige;  un  duc  d'Eq>emon  autant  mon  amy 
,^:i  ht  hast  jamais  de  ma  sœur  Diane;  un  seigueur 
j#  Aoqaelaure  mon  [Nroehe  allié  (3)  du  costé  de  maf 
9i«yr  Fabbesse.^ref  tous  ceux  qui  peuvent  faToris^r 
fifcedever  mon  «dessein  en  sa  splendeur  so^t  mes  af* 
fecti(mneE  en  effet  ou  bien  en  semblât,  excepté  ceux 
^  pour  eux  ou  leurs  parens  hument  Tair  de  cettQ 
eonronne ,  voire  mesme  les  huguenots  sont  h  teloj, 
tam  ils  craignent  Tinfante  pour  reyne,  et  l'inquisi- 
tion pour  dot ,  dont,  je  me  -  suis  longuement  et  viye- 
nient  entretenue  en  cette  espëraoïce,  scachant  aussy 
qu'une  petite  batteirie  feroit  grande  hresdie  k  sa  fer« 
metë  se  je  luy  iaissois  par  trop  approcher  cette  nou- 


(i)  Ptiilippe  Hnrault  de  Cheremî. 

(a)  Jça»  de  Montluc,  seifueor  de  Balagny,  comte  d^Or- 
bec,  prince  de  Cambray  et  maréchal  de  France ,  qai  avait 
époosé  Diane  d'Ëstrées,  sœur  de  Gabrielle,  laquelle,  parsôn 
avarice,  causa  la  perte  de  Cambray,  et  en  mourat  de  dépit. 

^3)  Vraisemblablement  Antoine  de  Kotpielaure ,  bon  ca- 
pitaine, fin  cwrtisan,  qni,  après  avoir  gagné  les  bonnes 
grâces  de  Jeanne  d' Albret,  devînt  le  compagnon  d'armes  de 
son  fils ,  et  jouit  de  sa  confiance,  qu'il  mérita.  Henri  IV  le 
fit  maitre  de  sa  gaoderobe,  maire  perpétuel  de  Bordeaux^  et 
lieutenant  -  générait  en  Guyemie  ;  mais  il  ne  fut  marécbàt 
qu'en  i6i5^ 


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(  377  ) 
vdle  connestable,  dont  je  scay  qu'il  a  le  cœur 
chaud,  et  le  compère  froid  aux  pieds j  j'y  ay  pour- 
veu  si  accortement  que  je  n'ay  à  douter  de  ce  costé 
là.  Mais  l'exemple  de  la  Fosseuse  et  de  la  comtesse 
dëlaGuiche  qui  l'ont  autant  et  si  longuement  possédé 
comme  moy,  des  quelles  maintenant,  pour  me  penset 
obliger,  il  n'a  souvenir  que  pour  se  mocquer,  faire 
des  contes  pour  récompense ,  me  l'a  fait  appréhender 
pareille  en  mon  endroit,  et  que  sans  doute  il  me 
rendra Ja  risée  du  peuple  et  de  mes  envieux,  non 
sans  me  procurer  comme  elles  prou  de  larmes,  si 
cette  vertu  martialie  qui  le  fait  régner  s'^nveillit  plus 
lojQguement  par  mes  in^diques  volupiez.  Le  roy, 
pour  parler  sainement  et  sans  mon  préjudice  particu^ 
lier,  ne  doit  plus  mener  une  vie  si  reprouvée.  Dieu 
le  défiend  et  les  hommes  l'ont  en  horreur,  et  je  ne 
doihs  servir  d'obstacle  à  son  salut  et  au  bien  de  l'Es- 
tat  qui  languit  ppur  notre  pechè.  Je  juge  beaucoup  * 
mieux  maintenant  des  yeux  de  l'esprit,  que  la  sen^ 
sualité  ^gloit  aveugler,  combien  est  mieux  le  dessin 
fondé  sur  l'opinion  ;  je  vois  prophétiquement  le  peu- 
I^e  animé  conjurer  ma  ruine,  ma  gloire  ravalée, 
mon  crédit  fàilly,  ma  beauté  méprisée,  mes  partisans 
honteux,  sans  le  regret  que  j'auray  de  me  veoir  attri- 
buer tous  les  desastres  advenus  à  la  France ,  depuis 
mes  adultères  amours.  Ceux  qui  m^tenant  sur  mes 
actions  fondent  la  bienséance,  me^gnaleront  pour 
un  monstre  et  pour  le  patron  de  la  difformité.  Il  faut 
que  le  roy  se  ravise ,  el  que  cette  profonde  létargie 
qui  luy  a  diverses  années  fait  oublier  et  mépriser  ce 


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(378) 

qu'il  doh  à  sa  renommée ,  ne  retienne  plus  ses  sm 
eagoordis ,  ny  la  8up{Jicauon  de  ses  misérables  suints 
sans  effet ,  les  <}uels  tous  les  jours  kijr  désirent  ^ 
aicoesseur»,  dont  Die»  bénisse  lu  nussance  et  la 
ooneeptioQ  y  et  dont  les  vertus  de  la  M3re  soient  di- 
gnes de  leuv  grandeur;  soit  de  celle  (i)  qui^  pcvrle 
DiaUieur  de  k  France  ou  quelque  aatipathie  »iw«e 
de  leurs  ekesira^  la  tenae  quel(pe  temps  aépaiée^o» 
*  bien  de  telle  autre  cpa*il  semblera  bon  au  saint  Ȏffi 
de  hiy permettre  :  à  quoy  donc,  durant  ees  tempesieSf 
auray  )e  recours?  Celuy  qm  maintenant;  ésoeM 
mieiix  percbre  .la  Picardie  qne  note  fausser,  aifli^ 
mieux  tout  autre  compagnie  que  mcTenit'veoirv^ 
la  mémoire  de  sa  vergongne  peinte  en  ma  60^  % 
aura  par  trop  en  horreur,  et  son  premier  coa^  de- 
Teloppèdes  moyens  de  la  volupté  craindra  de  lecfcôoir 
es  prisons  d'où  il  sera  sorty.  Mon  père  est  jaito,^* 
son  iftcapacàtéde  jugement  assés  remaïqnaUe  en  b 
nourriture  (a)  de  ses  enfants*  Ma  mère  n'est  pte?  ^ 
sa  fin  a  couronné  sa  vie^  et  le  peuple  éSlf^^^^  ^ 
vangé  sur  elle  le  tcart  quelle  fàisoit  à  sovrmnevt. 
MonGoesar  est  petit;  mon  frère  est  «fc  sot;  mes  *^^^"^ 
sont  au  bordeau;  nos  obligez  seront  ingrats,  et»^ 
deux  tantes  qui  suivent  ma  bonne  fortune,  doB»*"^ 
a  gouverné  la  principauté,  la  ncdîlesse  et  le  tiers  estalr 

(i)  De  Marguerite  de  Valois.  Le  reste  de  la  phrase  pa- 
raît avoir  été  tconcpié  ;  maïs  nous  ne  changeons  rien  aa 
noscrit. 

(2)  Uéducation; 


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(  379  ) 
et  l'autre  la  justice,  suivant  ladëcadence  de  leur  em- 
pire, se  retireront  et  me  laisseront  du  costé  du  vent, 
qui,  retirée  en  mon  marquisat  avec  mon  fils  de  pu- 
tain ,  auray  prou  de  loisir  pour  entretenir  mes  pen- 
sées et  veoir  esvanouir  ma  beauté ,  visitant  mes  cabi- 
nets es  longues  allées  que  j'ay  maintes  fois  [N:omeuèe& 
dans  un  cbariot  découvert,  le  roy  àmon  costé  et  loule 
la  noblesse  de  la  cour  teste  niie  après.  Cette  souve- 
nance sera  suffisante  pour  me  phastier  de  mes  démé- 
rites, et  cette  cbeute  de  mes  premières  prétentions,  im 
condigne  chastiment  à  mes  folies.  Je  coiinois  Thu- 
meur  du  roy,  mesconnoissante  s'il  en  fîist  oncques,  le 
quel  me  laisse  faire  pour  un  temps,  sachant  bien  que 
j'auray  à  soufirir  si  sa  fin  me  trouve  dépourveue,  qui 
seroit  le  comble  de  tous  mes  malheurs,  et  d'autre 
costé  que  l'absence  est  le  vray  remède  de  son  amour. 
Aussy  Dieu  m'est  tesmoing  si  je  Tay  tant  aymé  dV 
mour,  que  pour  l'espérance  des  biens  et  des  honneurs 
de  mon  fils,  du  quel  je  prevoy  aussy  bien  que  de  moy 
la  fortune  mal  appuyée ,  si  monsieur  le  connestable  (  i  ) , 
du  quel  la  race  est  ^i  possession  d'espouser  les  bas- 


Ci)  H^ri  de  Montmorency^  second  fils  d'Avvie  y  4onl 
Henri  IV  acheta  la  soumission  au  prix  de  l'épée  de  conné- 
table, qaHl  lai  donna  en  iSqS.  Ce  fut  lui  qui  reprit  Amiens 
sur  les  Espagnols,  dans  la  circonstance  dont  il  s'agit  ici.  On 
a  prétendu  qu'il  ne  savait  ni»lire  ni  écrire  ;  mais  il  sut  gou- 
verner en  souverain  la  province  de  Languedoc,  où  il  exerça 
pendant  vingt  ans  une  autorité  plus  puissante  que  celle  du 
roi  mêmev 


"•  „     '.  ,,,^^      t.     •         *  ■       j.    '         «*     Digitizedb^VjOOQlC 


(  38o  ) 

tards  de  France  (i),  ne  persiste  en  l'opinion  qu'il  a 
de  mon  alliance.  Aussy  ne  veux  je  rien  laisser  es- 
chapper  tandis  que  le  vent  me  dure  à  tout  rompre; 
et  tandis  que  je  flotte  à  souffrir,  j'am^y  chèrement 
vendu  mon  honneur,  acquérant  de  quoy  faire  une 
retraite  assez  helle,  et  de  quoy  causer  plus  d'envie 
que  de  pitié. 

DB  lA  C0NSPIRATI0T9 

DE  LA  DUCHESSE  DE  VERNEUIL, 

HArTRESSE  DB  HENRI  IT, 

el  de  la  soustraction  de  la  promesse  de  mariage  qae  ce  prince 
lui  ayait  faite  (a). 

François  de  Balsâg,  l'un  des  chefs  du  premier 
^ëge  de  Sancerre,  et  connu  à  la  cour  sous  le  nom  de 
^ieur  d* Entragues  j  n'en  possédoit  pourtant  pas  la 
terre,  qui  fut  portëeen  mariage  par  Jeanne  deBalsac, 
sa  tante ,  à  Claude  d'Urfé ,  bailly  de  Forest  ;  mais  il  Faf- 


(i)  Allusion  au  mariage  de  François  de  Montmorency, 
frère  aîné  de  Henri  ^  qui  avait  épousé  Diane  lëgîtiniéc  de 
France,  fille  naturelle  de  Henri  II  et  de  Philippe  Doc,  de- 
moiselle piémontaise.  Elle  avait  été  mariée  en  premières 
noces  au  duc  de  Castres. 

(2)  Extrait  des  Additions  de  le  Laboureur  aux  Mémoires  de 
Castelnau,  t.  2 ,  p.  65i ,  édît  in-f^de  iGSg.  La  conspiration  de 
la  marquise  de  Vemeuil  eut  lieu  dans  les  derniers  mois  de 
l'ai^née  iSgg,  par  suite  de  la  négociation  du  second  mariage 
du  roi  avec  Marie  de  Médicis.  {Eâît  C.  L.) 


(  38i  ) 

fecta  en  mémoire  de  ses  ancesires  qui  Tavoieni  rendu 
illustre ,  et  le  préféra  à  celuy  de  Marcoussis  et  d'au- 
tres plus  grandes  seigneuries.  Guillaume  de  Balsac  son 
père  s'estant  attaché  à  la  maison  de  Lorraine,  à  cause 
de  la  charge  de  lieutenant  de  la  compagnie  de  gen- 
darmes de  François  duc  de  Guise,  il  suivit  la  mesme 
inclination  envers  le  duc  Henry  son  fils,  et  il  s'y  en- 
gagea d'autant  plus  qu'il  n'estoit  que  d'avoir  un  patron 
de  sa  vigueur,  dans  un  temps  auquel  un  mérite  sans 
fsLCÛon  esloit  sans  lustre  et  sans  estime  j  et  que  par  ce 
moyen  il  parvint  aux  premiers  honneurs,  ayant  esté 
fait  chevalier  du  Saint-Esprit  dès  la  première  création. 
Estant  revenu  à  l'obéissance  du  roy  Henry  IV,  il  der 
vint  encore  plus  puissant  et  plus  considéré  par:  k 
moyen  de  la  marquise  de  Verneuil  sa  fille  ;  mais  comme   * 
il  n'avoit  souffert  les  amours  du  roy  avec  elle  que  sur 
l'espérance  d'im  mariage  dont  Henry  luy  donna  Im 
promesse  par  escrit,  s'en  estant  voulu  prévaloir  contre 
la  puissance  d'un  prince  qui  n'avoit  eu  autre  intention 
que  de  flatter  l'ambition  du  père  et  de  faaroriser  1^ 
bonne  foy  de  la  fille,  il  se  laissa  enfin  persuada  de 
jfàire  im  1)arty  d'Estat  sous  le  nom  du  fils  qu'elle  avoit 
eu  du  roy.  Les  avis  que  ce  prince  en  eut,  ne  le  nàr 
rent  pas  tant  en  peine  que  les'  re&s  dédaigneux  de  tâ^ 
marquise,  etil  ne  s'en  servit  que  pour  soimiettre  cet 
esprit  alti^r  par  la  néçesâté  de  sauver  son  père  et  sa 
maison  d'une  ruine  inévitable.  C'estoit  une  quereUe 
d'amour  déguisée  en  affaire  d'Estat,  et  poussée  de   * 
toute  l'authorité  d'un  roy  qui  ne  çroyoit  pas  estre^si 
heureux  dans  le  dessein  qu'il  avoit  de  trouver  quelque 


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(  382  ) 

crime  sous  la  poursuite  duquel  il  se  put  faire  rendre 
sa  promesse  et  rëduire  cetiè  famille ,  mais  principa- 
lement la  marquise ,  à  sa  discrétion.  Il  communiqua 
secrettement  cette  affaire  au  prévost  Defunctis  avec 
des  tesmoîgnages  d'une  passion  extrême  de  pouvoir 
perdre  le  sieur  d'Entragues,  lors  relire  dans  sa  maisan 
-deMarcouœis  où  il  se  tenoit  sur  ses  gardes,  mais  qui 
n'estoit  pas  tm^lieu  pour  estre  à  l'abri  d'une  si  grande 
puissance  9  ni  pour  receler  des  thresors  de  l'impor- 
tance de  ceux  qui  s'y  trouvèrent.  Il  luy  ofiirit  dans  la 
chaleur  de  son  dessein  dix  canons  et  cinq  régimens 
pour  emporter  cette  place  de  force;  mais  le  prévost 
plus  prudent  en  ce  qui  regardoit  la  fonction  de  sa 
charge,  luy  fit  entendre  qu'il  falloit  plus  d'adresse 
que  de  force,  et  que  croyant  opprimer  un  coupable, 
il  le  rendroit  innocent  en  luy  donnant  du  temps  pour 
jn>endre  résolution  sur  le  sujet  dusiége,  et  pour brusler 
tout  ce  qui  pourroit  servir  à  sa  condamnaUtm,  et  ex- 
cuser la  violence  qu*on  luy  auroit  faite. 
^  Le  roy  contraint  d'advouer  qu'il  n'estoit  pas  si  ha- 
bile au  mestier  de  prévost  qu'en  celuy  de  conquérant, 
luy  laisse  la  conduite  de  toute  l'affaire,  luy  accorde 
quinze  jours  pour  l'exécution  de  ses  ordres,  et  luy 
,|romet  ne  n'en  parler  à  personne ,  non  pas  mesme  à 
la  reine.  Pendant  ce  temps- là  le  prévost  însiruit  un 
archer,  qui  fait  le  soldat  estropié,  et  qui  s0us  le  mas- 
<fùe  d'une  fmisse  jaunisse,  gueuse  huit  jours  au  village 
de  Marcoussis,  espie  ce  qui  s'y  passe,  void  les  trois 
ponts  tous  jours  levez,  et  observe  qu'aux  jours  maigres 
QliiNlLbatioit  la  planchette  pour  prendre  du  beurre  irais 


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(  383  ) 

et'defs  (toés  de  qttelques  f(^atïiies  qui  en  apporiedent. 
Sur  œfe  Defunctis  fait  son  dessein;  il  envoyé  tjuerir 
à  Jouy  ehez  le  marquis  de  Sourdis,  qu£rïi«  habits  de 
villageoises;  il  vient  après  luy  même  à  Jouy  avec 
quarante  ardbers ,  <et  y  prend  un  ^de  qui  le  .mené 
droit  au  lK>is  qui  joint  le  paro  <ie  Marcoussis ,  où  il 
dresse  une  l»nbtiseade,  et  pour  plus  grande  sûreté  y 
retieiELi  le  guidé  ^  et  fait  partir  quatre  archers  d^uisés 
en  paysannes,  qui  vienhent  de  gl^and  matin  au  premier 
p&nt  avec  leur  heurre  et  leurs  œu&.Ije  cuisinier  leur 
abat,  les  planchettes;  mais  avec  le  beurre  quV>n  luy 
ntontre  y  on  luy  présente  aussi  le  pistollet  à  la  ^(^e 
a>~ec  menftoe  de  le  tuer  :s'il  ose  dire  un  mot»  La  porte 
ainsi  saisie  ^ans  bvuk^  le  prévoit  arrive  avec  partie 
de  ses  gens,  se  coule  de  la  cour  à  la  montée ,  oii  il 
ameste  le  valet  de  chambre  qui  descendoit,  «t  ^|ui 
av;oit  kiss^la  chambre  ouverte.  Il  luy  defTend  sur  la 
vie  de  parler,  «t  le  mène  avec  luy  suivi  de  quatre  ar^ 
chers^  a^^rès  ten  avoir  mis  huit  dans  ia  salle  et  quatre 
autres  dans  Tieatichambre.  Il  laisse  les  quatre  icy^  à 
la  porte  de  la  (^xaml^e  où  il  entre  seul  avec  k  valet, 
et  attend  une  het&e  que  le  sieur  d'Entr^^es  s'4veiUe; 
lequel  criant  qui  est*là?  il  repond,  et  en  métâe  temps 
tkre  le  rideau.  Si  jamais  prisonnier  d'Esté  fut  cons- 
terne, ce  fm  ce  seignem*^  qui  crut  que  le  roy  avoit 
résolu  sa  perte ,  et  qui  fit  tout  ce  qu'il  put  pour  gai- 
^w  le  prérost,  qui,  de  sa  part,  fit  ce  qu'il  put  aussi 
pour  le  oon$oler,  le  priant  nëantmoins  de  se  vouloir  ha«« 
bilfer,  et  ayant  fait  vuider  les  podbes  de  Thabitqui  hiy 
estoit  préparé ,  retint  les  papiers  et  luy  rendit  ses  cfefi. 


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(384) 

Le  neur d'Entragues  ëtant  levé,  voulut  fouiller  àsa& 
une  armoire  qui  estoit  dans  Fespaisseur  du  mur  der- 
rière la  tapisserie  vis  à  vis  de  son  lit,  et  en  estant  re- 
fusé ,  il  dit  avec  mille  instances  que  c'estoit  pour  en 
tirer  un  bail  de  bois  qui  luy  importoit  de  vingt  mille 
escus  s'il  ne  le  délivroit  dans  trois  jours ,  et  qu'il  l'a- 
voit  destiné  au  mariage  de  sa  fille.  Il  luy  déclara  enfin 
que  la  fortune  luy  avoit  ce  jour  là  mis  en  main  son 
honneur  et  sa  vie  et  le  salut  de  toute  sa  maison  y  et 
qu'il  trouveroit  dans  une  cassette  qui  estoit  sur  sa  table 
pour  cinquante  mille  escus  de  pieiTeries  appartenantes 
à  sa  fille  ;  qu'il  luy  donneroit  de  grand  cœur  avec 
serment  qu'âme  vivante  n'en  sauroit  jamais  rien,  et 
de  luy  en  cstre  toute  sa  vie  intiment  obligé,  pour 
la  seule  grâce  de  luy  laisser  prendre  le  papier  qu'il 
demandoit.  Le  prévost  inflexible  s'en  estant  excusé 
sur  son  devoir,  y  mit  le  scellé,  laissa  garnison  au 
chasteau,  et  le. conduisant  à  Paris,  envoya  en  poste 
advertir  le  roy,  qui  luy  manda  de  le  mener  droit  à  la 
Conciergerie  duYalais,  et  ensuite  luy  ordonna  d'aller 
prendre  les  papiers.  Comme  il  en  avoit  laissé  les  clefs 
au  sieur  d'Entragues,  il  les  luy  alla  demander,*  mais 
pour  éviter  le  reproche  d'avoir  rien  supposé,  il  voulust 
encOTe  obtenir  de  luy  qu'il  luy  nommast  un  des  siens 
en  présence  duquel  il  pust  faire  l'ouverture  de  Tar- 
moire  et  la  description  des  papiers,  comme  il  fit  en 
présence  de  Gautier,  secrétaire  du  dit  sieur  d'Elntra- 
gues.  Il  y  en  avoit  de  diverses  scMtes;  mais  la  première 
liasse  sur  laquelle  il  mil  la  main,  estoit  la  plus  imipor- 
tante,  qui  eontenoit  cinq  pièces,  sçavoir  le  chiSre  du 


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(  385  ) 

Toj  d'Espagne^  une  lettre  du  mesme  roy  en  firtnçais 
adressante  à  M»  d'Entragues,  signée  jro  il  Rej-j  une 
autre  toute  pareille  à  la  marquise  de  Vemeuil ,  et  une 
troisième  au  comte  d'Auvergne.  La  dernière  signëe 
tout  de  mesme  estoit  une  promesse  de  ce  roy  en  fran* 
çais^avec  serment  solennel  qu'en  luy  remettant  entre 
les  mains  la  personne  de  M.  de  Verneuil ,  il  le  feroît 
reconnoistre  pour  dauphin,  vray  et  légitime  succes- 
seur de  la  couronne  de  France ,  luy  donneroit  cinq 
fwteresses  en  Portugal  avec  une  administration  ho^ 
norable,  et  cinquante  mille  ducats  de  pension^  qu'il 
donneroit  aussi  aux  dits  sieurs  d'Entragues  et  comte 
d'Auvergne  deux  places  fortes,  et  à  chacun  vingt 
mille  ducats  de  pension,  et  les  assisteroit  de  toutes  ses 
forces  quand  l'occasion  s'en  présenteroit» 

Tout  cela  paraphé  de  la  main  de  Gautier  et  porté 
au  roy,  qui  reconnut  d'ahord  les  chiffres  d'Espagne: 
il  tressaillit  de  joie,  embrassa  par  cinq  fois  le  prévost, 
comme  celuy  qui  luy  avoit  rendu  le  plus  signalé  ser- 
vice qu'il  pouvoit  souhaiter,  et  envoya  les  pièces  4iu 
procureur-général  pour  haster  ce  procez.  Cependant 
le  sieur  d'Entragues,  qui  sceut  que  tout  estoit  décou- 
vert, tomha  dans  le  dernier  désespoir,  et  ayant  mandé 
Deiunctis,  qui  y  vint  avec  permission,  il  luy  dit  qu'il 
estoit  perdu  si  le  roy  ne  se  vouloit  contenter  du  pa- 
pier qu'il  avoit  tant  eu  d'envie  de  tirer  de  ses  mains, 
et  qu'il  luy  rendroit  enfin  sur  la  seule  assurance  de 
sa  vie.  Le  roy  l'ayant  plis  au  mot ,  et  averti  du  lieu 
où  il  estoit,  y  envoya  sur  le  champ  le  sieur  de  JLo- 
ménie,  secrétaire  d'Estât,  qui  tiîbuva  ïâ'promesse  de 
I.  9«  Liv.  •  2  5 


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(  386  ) 

niariage  dans  une  bouteine  de  verre  enfermée  d^tme 
outre  bouteille  aussi  de  varre  sur  du  coton ,  le  tout 
bien  bouché  et  muré  dans  une  chambre  de  Mar- 
coussis.  Après  cda  ce  prince,  satisfait  d'ayoir  ce  qti^il 
demandoit  et  de  voir  à  sa  mercy  la  marcjuise  qu^il 
aim<Ht  encore,  voulut  assoupir  Fafiaire;  et  le  parle- 
ment au  contraire  voulant,  sous  prétexte  de  punir  un 
crime  d'Estat,  rom[»^  cette  amitié  qui  se  renouott, 
s^o[Hniastra  juscjues  à  donner  arrest  de  m<n:t  contre  le 
sieur  d'Entragues  et  ses  complices,  et  à  ordonner  que 
la  marquise  seroit  rasée  et  confinée  entre  quatre  mu-^ 
railles;  mais  il  n'en  fut  autre  chose,  et 41  nVn  cousta 
à  cette  dame  qu^une  rousée  de  larmes  au  lieu  du  sang 
de  son  père ,  qui  furent  bientost  ressuyées  du  soleil  de 
la  cour,  et  toute  cette  tragédie  se  termina  par  un 
incident  tr^comique. 

Peu  avant  la  mort  du  roy,  la  marquise  deVemeuil 
ayant  besoin  de  protecticm  contre  les  ressentimesos  de 
la  reihe  pour  demeurer  à  la  cour  en  quelque  consi* 
dératicm ,  elle  écouta  les  propositionis  de  maidi^e  que 
luy  fît  le  duc  de  Chevreuse,  qui  la  payade  son  incons- 
tance ordindbre.Le  duc  de  Guise  son  frère  vint  après  ^ 
et  la  chose  alla  jusques  au  cpntract  de  mariage.  D 
prétendit  depuisf  qu^U  estoit  faux^  mais  le  1 5  de  a^ 
tembre  i6io,  elle  le  représenta  enorigmal  chez  le 
comte  de  SoLssons,  en  présence  du  cardinal  de  Joyeuse 
et  du  duc  d'Espemon,  signé  de  deux  notaires,  d*uii 
pi«8ti9e  et  des  parties*  Il  est  Vtay  ipie  les  deux  notaires 
estoient  fort  vieux,  sQitqu*(ni  les  eust  choisis  à  dessein 
ait  z^,\quel<an  estoit  inort;  mais  que  Tautre  encore 


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(387) 

vivant ,  mais  moribond ,  désavouoit  d'y  avoir  assiste. 
Quoy  qu'il  en  soit,  la  marquise  réclamoit  sa  bonne 
foy,  et  troubloit  le    traite  de  son  mariage  avec  la 
douairière  de  Montpensier,  qu'il  ëpousa  néanmoins, 
après  qu'on  eut  assoupi  ce  différend  par  Iqs  remons- 
Iran  ces  qu'on  fit  à  cette  dame^de  ne  se  point  com- 
mettre à  l'extrémité  avec  un  prince  qu'Ole  pourroit 
conserver  pour  d'autres  intérests ,  et  qui  estoit  assez 
puissant  pour  disputer  ce  parti  contre  le  comte  de 
Soissons,  qui  s'y  opposoit  dans  la  crainte  qu'il  ne  tra- 
versast  en  faveur  du  comte  de Vaudemont  son  parent, 
l'alliance  qu'il  méditoit  entre  son  fils  e|»  l'héritière  du 
duc  de  Montpensier.  La  reine ,  qui  n'aimoit  pas  le 
comte  de  Soissons ,  et  qui  appréhendoit  la  grandeur 
de  sa  maison ,  portoit  de  toute  son  authorité  la  re- 
cherche du  duc ,  jusques  à  dire  tout  haut  que  M.  le 
comte  avoit  tort  de  vc^oir  oster  à  M.  d'Orléans  sa 
femme ,  après  luy  avoir  osté  son  gouvernement.  Pour 
cette  raison  elle  menaçoit  la  marquise,  et  elle  mania 
tellement  l'affaire  par  l'adresse  du  président  Janin ,  qui 
s'en  entremit,  qu'elle  l'obligea  de  s< 
de  cesser  ses  instances  sur  im  droit  ( 
maintenir  avec  si  peu  de  crédit.  Bie 
Guise  de  ce  que  le  procès  se  vuida  , 
car  le  roy  Henry  IV  n'eust  pas  n 
pour  rendre  valide  un   mariage  .s 
pour  les  biens,  él  pour  abattre  par  le 
(f  une  maison  <pi'il  n'avoit  pu  détri 
et  de  laquelle  il  avoit  de  faucheux  ressouvenirs. 


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(  388) 


DES  REIATlOnS  SUPPOSÉES  GALAlinrES 
D*ANI!ÏE  D'AUTRICHE  AVEC  LE  ÎDUC  DE  BUGKINGHAM, 


KkClT  DES  INCIDSNS  &ECaKTS 
facililèreat  U  prise  de  la  Rochelle  par  le  cardiflS  de  Riclielieu  (i). 


qui 


Jt 


Le  comte  de  Hollande  eût  été  rhomme*  de  son 

temps  le  mieux  fait ,  si  le  duc  de  Buckingham  n^eût 

pas  vécu.  Ce  dernier,  avait  dans  la  mine  et  dans  les 

manières  (juelque  chose  de  plus  grand ,  et  l'autre  quel- 

ipie  chose  de  plus  doux.  La  faveur  du  roi  Charles  I" 

avait  joint  à  la  grande  naissance  de  Buckingham,  les 

biens,  les  charges  et  toutes  l,es  distinctions  quun  sor 

jet  favori  peut  espérer  d'un  maître  magnifique; il  était 

amiral   d'Angleterre,  premier   gentilhomme  de  la 

chambre,  premier  ministre, et  fort  jeune  :  son^naître 

l'aimait  tendrement,  et  le  comte  de  Hollande,  qui 
*  "1 

ité  le  cœur  de  la  comtesse  de  Clarik, 

ime  ami,  par  la  manière  dont  il  sut  lui 

nquête  ,  non  comme  un  rival  faâ>le  et 

is  comme  un  homme  plus  sen^ble  au 

mi,  piquë  d'une  véritable  pa^ion^  qu'à 

li  disputer  une  maîtresse,  qui  en. savait 

:  pour  lui  donner  alternativement  bien 


(i)  Extrait  du  Recueil  A,  i'«  pièce. 

/  . 


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(389) 

0 

des  espëran^  j  beaucoup  d'amour  et  encore  plus  de 
jalousie. 

La  France  et  TAn^eterre  avaient  eu  bien  des  de* 
mélës;  ces  deux  royaumes  avaient  essuyé  de  longues 
gucOTes^  et  pour  cimenter  Tanion  que  Ton  croit,  mal- 
gré Tusage  du  contraire  y  que  les  mariages  devraient 
mettre  entre  de^x  couronnes,  celui  de  Henriette  dç 
France  ftit  proposé ,  et  le  comte  de  Hollande  nommé 
pour  le  venir  négocier.  Il  eut  Tobligation  de  ce  choix 
au  duc  de  BucLin|;ham.  Cet  ambassadeur  parut  à  la 
cour  avec  toute  la  magnificence  convenable  à  sa  nais- 
sance, à  la  dignité  de  son  emploi  et  à  l'importance 
dufaitidont  il  était  chargé. 

M"*  de  Chevreuse  avait  pour  lors  sur  l'esprit  d'Anne 
d'Autriche, .reine  de  France,  un  pouvoir  absolu;  elle 
était  surintendante  de  sa  maison  et  sa  favorite  d^la- 
rée.  Le  comte  de  Hollande  gavait  trop  le  manège 
des  cours  pour  ne  pas  essayer,  par  toutes  sortes  de 
moyens,  de  se  faire  ime  entrée  chez  M"*  de  Che- 
vreuse; il  en  vint  à  bout.  C'est  un  merveilleux  appât 
pour  tffie  dame  affamée 'd'afiFaires,  et  nourrie  dans  les 
intrigues ,  que  le  secret  d'un  ministre  qui  fait  confi- 
dence de  partie  du  sien , "qui  veut  plaire,  et  qui  sait 
mêler  le  jargon  d'un  homme  galant  avec^l'importance 
d'aune  grande  négociation. 

Le  comte  de  Hollande  traitait  publiquemeni  avec 
le  cardinal  d^  Richelieu,  et  voyait  secrètement  M"*'  de 
Chevreuse;  par  elle,  il  était  informé  d'une  infinité  de 
choses  relatives  au  succès  de  son  emploi;  et  il  ne  fut 
pas  long-temps  sans  découvrir  que  l'extrême  poids  du 


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C  390  ) 

gouvernenent  de  VEtM^  dont  le  cardi||j||  de  Ricbe- 
Ueu  ëtait  chargé,  avi 
ce  grand  hon^tie  le 
table  et  malhenreusi 
poQYait  soafiBrir.  Le  c 
par  les  dépêches  du 
ment  de  ce  qui  r^ 
panieolier  des  intri^ 
avec  M"*  de  Chèvre 
son  anû.  La  comtes8< 
de  la  reine,  fort  atti 
aucun  des  mojens  p 
chait  de  cette  prina 

tesse  de  Lanoy  le  commerce  intime  du  onme  de  Hol- 
lande et  de  M*"*  de  Qievreuse,  et  ne  songea  qu'à  finir 
la  négociation,  afin  df  renvoyer  promptement  le  né-- 
gociateur;  mais  Tamoq^  a  ses  martyrs  comme  les  ai]^ 
très  divinités;  et  quand  Fambiticm,  la  vanité  et  le 
goût  pour  les  femmes  se  fi)urrent  ensemble  dans  les 
suaires,  les  resscxrts  de  la  politique  lajmieux  arrangée 
sont  souvent  déconcertés. 

Le  mariage  d'Henriette  de  France  et  le  traité  ep- 
tre  les  deux  couronnes  aliment  être  signés,  et,  par 
conséquent,  Je  comte  de  Hollande  était  prêt  à  repas- 
ser en  Angleterre,  quand  le  cardinal iiit  informé,  par 
cet  ambassadeur,  que  le  duc  de  Buckingham  se  pré- 
parait à  venir  lui-même  recueillir  l'honneur  de  la  né- 
gociation qu'il  avait  fidte,  et  que  le  roi  son  maître  avait 
cru  qu'il  était  de  sa  dignité  et  de  celle  d'un  traité 
aussi  solennel,  d'envoyer  son  favori,  le  p^tis  grand  sà-^ 


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(  391  ) 
gn^ircTAngleianne  et  sou  prenùèrimiiiftre^poorscel-- 
1er  par  lu  magnificence  d^une  ambassade  extraerdmairey 
le  noeud  de  son  mariage  et  d*un  traité  qui  devùem 
m^tre  à  jamais  Tunion  entre  dmx  si  grands  rois. 

Le  c<mite  de  Hollande  avait  su  par  M""^  de  Cbe* 
vreuse,  que  la  reine  s^ennuyait  mortellement ,  quV 
vec  toute  la  vertu  du  monde,  son  cœur  naturellemem 
porté  à  la  galanterie ,  eût  voulu  quelque  chose  d'agréa- 
ble qui  pût  Toccuper;  le  cardinal  lui  était  insuppor* 
table,  sa  passioi  ^*  '**  '  ;;  le  roi  n^était  guère  aima- 
ble«  Le  coeur  <  sxe^  dans  quelqu'âévation 

qpi'elle  soit,  ne  [ue  trop  su^^ceptible  des  oc- 

cupations qui  p  muser  ^agréablement  toutes 

les  dames  d^ipie  cour  galante  qui  Tenvironne. 

Le  comte  de  Hollande  se  mit  en  tète  que  la  vanité 
du  duc  de  Buckingbam  se  trouverait  flattée  du  projet 
de  plaire  à  la  reine,  et  qu'étant  liiomme  de  TAngle^ 
terre  le  mieux  fait,  il  ne  serait  pas  impossible  qu'il 
réussîli^uprès  d'elle.  M"**  de  Chevreuse  avait  avancé 
des  propos  qui  avaiept  au  moins  évefllé  dans  la  reine 
quelque  curiosité  de  voir  un  homme  dont  la  réputa- 
tion était  si  parfaitement  établie.  Ce  furent  le  comte 
de  Hollande  et  M""*  de  Chevreuse  qui  firent  le  pro- 
jet de  faire  venir  le  duc  de  Buckingbam,  qui  trou- 
vait dans  ce  voyage  toi;it  ce  que  l'amour  propre  et  la 
vanité  peuvent  mettre  dans  l'esprit  d'un  counisan  ai- 
mable, d'u^  ministre  qui  recueille  glorieusement 
l'honneur  d'ûjae  gprande  négociation,  et  qui  trouve 
Toccasion  d^  servir  #on  maître  et  celle  de  faire  pa- 
rattre  en  France  sa  magnificence. 


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(390 

Le  duc  de  Buokingbam  arriva  à  Paris,  suivi  de  tout 
ce  qui  peut  accompagner  la  pompe  d*une  ambassade 
extraordinaire.  Le  comte  de  Hollande  alla  le  recevoir 
sur  le  chemin  de  Calais;  et  tandis  que  M"*  de  Che- 
vreuse  préparait  la  reine  à  l'arrivée  de  Thomme  du 
monde  le  plus  aimable ,  Tambassadeur  d'Angleterre 
instruisait. le  duo  de  Bi:(ckingham  de  tout  ce  oui  était 
relatif  aux  afiaires ,  et  flattait  son  cœur  du  dé^  et 
presque  de  la  certitude  de  plaire  à  la  reine. 

La  cour  était  à  Paris  :  it  à  Tau- 

dience  du  roi  le  matin ,  i  d'aller  à 

ceUe  de  la  reine  le  soir,  à  ]  •  ^^  7  ^^^ 

paré  de  sa  bonne  mine,  d  de  plaire, 

et  d'un  habit  de  velours  gris,  en  broderies  de  perles 
mal  attachées  :  quand  je  dis  mal  attachées,  ce  n'est  pas 
que  le  dessin  en  lût  mal  disposé;  au  contraire,  tout  ce 
que  l'art  peut  de  mieux  y  était  employé;  mais  les  per- 
les  étaient  si  peu  cousues,  qu'à  tous  momens  il  en  tom- 
bait quelques-unes;  et  quand  il  eut  fait  son  com^ment 
à  la  reine ,  et  qa*avec  les  révérences  ordinaires  et  res- 
pectueuses, il  se  tirait  vers  la  porte  de  la  chambre,  en 
passant  au  milieu  des  dames  qui  étaient  à  l'audience ,  les 
perles^tombaient  en  plus  grande  abondance  qu'elles 
n'avaient  fait  quand  il  était  entré.  Ce  spectacle  d'une 
magnificence  nouvelle,  fit  naître  une  espèce  de  désor- 
dre et  de  murmuré  pour  ramasser  ce  que  l'on  pou- 
vait Croire  que  cet  ambassadeur  ne  voulait  pas  perdre. 
On  lui  rapportait  ses  perles,  et  les  mains  qui  les  lui 
présentaient  avec  empressement  ne  pouvaient  s'em- 
pêcher de  ne  les  pas  prendre,  par  la  manière  noble, 


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(393) 

gracieuse  et  persu»îye  dont  il  imposâiià  chacun,  pour 
Fanfeourde  lui ,  la  nécessité  de  les  garder.  Les  domesti- 
(jues  de  la  reine  en  profitèrent,  et  ceux  qui  Tacccnn- 
pagnèrent  lEvec  des  flambeaux  pour  le  ramener  à  ses 
caoTosses,  reçurent  le  soir  un  présent  chacun  de  cent 
pistoles. 

La  magnificence  d'un  honune  fait,  dans  le  cœur 
d'une  femme,  le  même  effet  que  la  valeur.  Telle  n'a 
besoin  ni  du  courage  d'un  homme  de  guerre,  ni  des 
présens  d'un  homme  riche,  qui  se  laisse  séduire  par 
la  réputation  de  son  courage  et  par  ceUe  de  son  opu- 
lence, dont  elle  ne  fait  jamais  d'usage.  Quel  moyen 
y  avait-il  que  la  reine  ne  trouvât  pas  aimable  l'homme 
du  monde  qui  l'était  le  plus,  euqui  Sfrait  le  plus  d'en- 
vie de  lui  plaire?  M"'  de  Chevreuse  l'entretenait  en 
particulier  de  tout  ce  que  le  duc  de  Buckingham  fai- 
sait en  public,  et  disait  secrètement  au  comte  de 
Hollande  :  ce  En  vérité ,  tout  ce  que  la  vertu  la  phis 
austère  peut  ||^re,  dans  ces  sortes  d'épreuves,  c'est 
de  combattre.»  La  reine  combattit  certainement  avec 
succès  l'inclination  qu'elle  se  trouva  pour  Bucking- 
ham, mais  elle  succomba  au  désir  de  s'en  faire  aimer. 

Quand  j'ai  parlé  de  l'habit  de  Buckingham  à  sa 
première  audience,  je  devais  peut-être  aussi  parler  de 
celui  de  la  reine.  Il  suffit  cependant  de  ne  pas  omet- 
tre qu'elle  portait  des  ferrets  d'aiguillettes  de  diamans 
dont  le  roi  lui  avait  fait  présent  quelques  jours  aupa- 
ravant, ce  qui  pour  lors  passait  pour  la  plus  nouvelle 
et  la  plus  agréable  parure  qu'on  pût  avoir. 

11  y  eut  à  la  cour  quantité  de  fêtes;  le  cardinal  de 


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(394) 
Richelkn  €ii  doma  une  magnîfiyi&  dans  aes  jacdim 
de  Had,  qui  pftwaieQt  alors  potàr  les  plu»  beamr  ou 
royiniiie:  uns  les  seigneurs  qui  se  i»(piaieiitde Jkmne 
dbbre  ou  de  poUtesse  doanèrentdes  soupegj^  des  loidby 
des  musiques  et  des  mascarades  ;  il  y  en  eox  dbbes  le 
roi  et  cliez  la  reine.  M.  de  Buckingham  dansait  aussi 
Ubeo  qu^homme  du  monde;  la  reine  lui  fit  Thoim^ur 
de  le  prendre  pour  danjSer  lés  contredanses;  et  coonme 
à  cette  danse  anglaise^  Toccasion  de  s^aj^rocher^  de 
donner  la  main  et  de  passer  souyent  Tun  auprès  de 
Tautre^  setriHive  à  tous  momens,  les^yeux^  le  ^este» 
la  crainte  et  mille  autres  choses  inexplicables,  quoi- 
qu^intelligibles,  parlent  et  tiennent  lieu  des  discoiiors^ 
que  le  respect  et  les  spectacles  interdisent  :  c^en  ^tait 
un  trop  sensible  au  csordianl  de  Richelieu,  pourn^éise 
pas  inquiet.de  ce  qu'il  voyait  et  de  tout  ce  qu'il  en- 
tendait dire*  La  comtesse  de  Ijanoy  lui  rendait  compte 
de  tout  ce  qu'elle  pouvait  découvrir;  car  sous  le  spë- 
cieti^  titre'de  dame  d" honneur,  les  rok  ont  trouvé  le 
moyen  de  mettre  auprès  des  reines  une  Surveillante 
continuelle.  Mais  comme  la  surintendante  de  la  mai- 
son a  quelques  entrées  du  cabinet  encore^us  psrti- 
culièi:es  que  la  dame  d'honhem-,  M""'  de  Chevreuse 
passait  des  heures  entières  avec  la  reine;  et  le  cardi- 
nal, informé  de  tout  ce  qui  était  extérieur,  ne  le  pou- 
vait être  de  tout  ce  qui  se  disait  entre  la  reine  ei 
M"*  de  Chevreuse.  Ce  ministre  pressait  la  négociation, 
et  le  duc  de  Bucldngham  1  Voulait;  enfin  le  jour 
arriva  que  les  affaires  d'Etat  finies,  le  duc  de  Buc- 
lûngham  eut  rhonneur  d'épouser,  au  nom  du  roi  sm 


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échappaà  la  reine ,  qui  &t  de  lui  envoyer  secrèlemeht , 

la  veille  de  son  départ,  par  M"**  de  Chevreuse,  le» 

fe^ets  d'aiguillettes  de  diam^ps  dont  elle  était  parée 

le  j<iU||d$$  sa  première  audience;  et  ce  présent ,  qui 

pouvait  être  un  témoignage  de  la  magnificence  de  la 

reine,  devint,  par  les  circonstances  du  don  et  par  IV 

grémçnt  du  mystère ,  une  galanterie  dont  Bucking-^ 

haxn  fiit  charmé. 

Cependant  le  roi  d'Angleterre  s'avança  à  Douvres, 
il  y  donna  rendez -vous  à  son  favori,  il  lui  envoya 
un  yacht  k  Boulogne,  et  la  cour  d,e  France  partit 
pour  se  rendre  à  Calais ,  où  la  nouvelle  reine  devait 
s'embarquer.  Buckingham  arriva  à  Boulogne  le  même 
-  jour  que  le  roi  et  1^  reines  devaient  séjpurner  à 
Amiens. 

Entre  toutes  le|,volujAés,  la  plus  dangereuse  es| 
celle  qui  nous  vient  de  notre  amour  propre  et  de  l'o- 
fHpion  d'autrui.  Baçkingham  crut  qu'il  n'avait  man-* 


é^  f 


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y  ^/>A  ^ 


r 
pour  entretenir  la  reine  en  p^ticulier;  et  chercher,  à 
(pielquc  prix  que  ce  fât,  ce  que  jusque-là  Foccasion 
n'avait  pu  lui  présenter.  M'"*  de  Chevreuse,  inform^ 
de  tout,  reçut  chez  elle  Buckingham  ;  mais^CMUDie  il 
fut  jugé  impossible  de  cacher  son  arrivée,  il  ûtoire  au 
cardinal  de  Richelieu  qu'il  avait  reçu  des  ordres  du 
roi  son  maatre,  pour  régler  encore  quelques  détails  de 
cérémonies  pour  le  passage  de  la  reine  d'Angleterre, 
et  vit  le  cardinal.  Ce  retour  inopiné  ne  laissa  pas  de 
réveiller  l'attention  des  courtisans,  et  particulière- 
ment celle  du  cardinal;  mais  les  règles  de  Famour 
déconcertent  ordinairement  celles  de  la  poUtique  la 
jJus  raffinée. 

;Le  roi  logeait  à  l'évéché,  dont  le  jardin  était  de 
plain-pied  à  l'appartement  de  la  reine.  Le  soir,  après 
qu'elle  eut  congédié  ses  femmes  et  qu'elle  fut  désha- 
billée, cette  princesse,  en  robe  de  chambre,  ayant 
pris  sous  le  bras  M"'  de  Chevreuse,  et  suivie  <fc 


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'      *  f   3Q7   ) 

M"*  de  Beaw 
promenait  9  qi 
roiscurité  de 
sade  de  chanî 
tre  entendu  i 
à  M-'  de  Che 

de  rhomme  du  monde  le  plus  amoureux,  et  qui  ha- 
sardait de  plus  sa  vie  pour  Tentretenir,  la  supplia  de 
Fécouter  un  moment.  La  reine  fit  le  cri  d'une  femme 
surprise,  au  point  que  M""'  de  Beauvais  lui  dit  :  a  Ma- 
dame, j'entends  que  Ton  vient  au  bruit  que  vous  fai- 
tes, je  vais  au  devant,  dire  que  ce  n'est  rien,  et  que 
votre  majesté  a  eu  peur.  En  effet,  elle  s'éloigna,  la 
reine  s'apaisa;  et,  sans  rien  répéter  d'une  conversation 
dont  on  ne  peut  rendre  compte  qu'incertainement 
et  sans  (sic)  faire  infiniment  perdre  de  la  grâce  que 
de  tels  entretiens  mystérieux  doivent  avoir,  il  est  cer- 
tain que  la  reine  eut  besoin  de  toute  sa  vertu  pour 
se  défendre  dé  l'occasion  et  des  engagemens  où  son 
cœur  l'avait  conduite,  au-delà  peut  être  de  ce  que  la 
bienséance  et  la  majesté  royale  le  permettaient.  L'em- 
portement d'un  homme  amoureux  est,  pendant  la 
nuit,  la  seule  éloquence  qui  persuade  :  Buckingham 
n'oubliait  rien   pour  être  heureux  ;   et  dans  telle 
circonstance,  où  le  sceptre  etfta  l^oulette  doivent  al- 
ler de  niveau,  il  n'y  a  que  la  fuite  qui  puisse  empê- 
cher que  la  dernière  ne  soumette  le  premier.  La  reine 
cria  d'un  ton  à  vouloir  être  effectivement  secourue  : 
M"**  de  Chevreuse  et  M"'  de  Beauvais  accoururent, 
et  ayant  retiré  la  reine  de  cette  aventinre,  qui  deve- 


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(398) 

naît  quelque  cliose  de  plus  fort  qn^une  conversation , 
elles  la  conduisirent  à  son  a(^>artement.  Buckin^iam 
désespéré  9  cliercha  les  moyens  de  sortir  du  jardin;  et 
ëprès  une  infinité  d'agitations  et  une  cobyersation 
tendre  sur  les  malheurs  qu'il  eut,  avec  M**  de  Che- 
vreuse,  au  logis  de  laquelle  il  se  retira,  peu  d'heures 
de  la  même  nmt  le  ramenèrent  à  Boult^e ,  pour  re* 
passer  en  Angleterre,  outre  des  refus  de  la  reine,  et 
peut-être  d'une  passion  qui  ne  finit  qu'avec  sa  vie. 

Deux  jours  après,  la  cour  continua  son  voyage  jus- 
qu'à la  mer.  Henriette  de  France,  devenue  reine 
d'Angleterre,  y  passa,  et  fiit  reçue  de  Charles  I*'  avec 
toutes  les  démonstrations  possibles  de  joie,  et  les  aj^ 
rences  d'une  intelligence  parfaite  entre  les  deux  royau- 
mes que  ce  mariage  unissait.  La  cour  de  France  re- 
vint à  Paris,  et  celle  d'Angleterre  prit  le  chemin  de 
Lfondres. 

Pendant  le  voyage  de  Buckîngham,  la  comtesse  de 
Clarick,  piquée  de  tout  ce  qu'elle  avait  entendu  dire 
de  son  infidèle,  avait  trouvé  le  secret  de  lier  nh  com- 
merce de  lettres  avec  le  cardinal  de  Richelieu,  qui^ 
de  son  côté,  n'avait  rien  oublié  pour  augmenter  le 
dépit  de  la  comtesse;  c'était  le  premier  homme  du 
monde  pour  multiplier,  par  toutes  sortes  de  moyens, 
les  intelligences  <pi'il  «pouvait  entretenir  dans  toutes 
les  cours  de  l'Europe;  il  mettait  à  cet  usage  beaucoup 
lA'industrie  et  beaucoup  d'argent.  Le  don  que  la  reine 
avait  fiût  de  sa  panure  de  ferrets  de  diamans,  n'avait 
pu  être  m.  secret  que  la  comtesse  de  Lanoy,  sa  dame 
d'honneur,  n'^  eût  eu  quelque  connaissance^  et  qu'il 


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(  399  ) 
n'en  fàl  revemi  quelque  chose  au  cardinal  de  Ridie* 
lieu.  Ce  ministre  charchait  les  moyens  de  perdre  la 
reine  dans  Tesprit  du  roi,  sur  lequel  il  symt  wofi  àor^ 
tonte  à  la  yërité  très -grande ,  mais  quelquefois  Jba* 
kncëe  par  la  reine.  Il  ëa*ivit  à  la  comtesse  de  Cla* 
cick  de  mettre  tout  en  usage  pour  se  raccommoder 
arec  Buékingham ,  et  qu'au  cas  qu'à  quelqu'une  des 
fêtes  qui  se  deraient  faire  à  Londrea^  au  carnaval  pro- 
chain ,  ils  se  parât  des  ferrets  d'aiguillettes  de  diamans  ^ 
elle  n'oubliât  rien  pour  en  couper  adroitement  quel- 
qu'un^ et  les  lui  envoyer.  EiTectivement,  la  comtesse 
se  raccommoda^  avec  Buckingham;  les  hommes  sont 
faibles ,  et  les  agrëmen^  jd'une  femme  que  l'on  a  £on 
aimée,  séduisent  encore  quand  on  la  retrpuve  douce, 
etqu'elleveut  absolument  se  faire  aimer.  Un  soir  qu'il 
y  avait  un  grand  bal  k  Windsor,  Buckingham  parut 
avec  un  pourpoint  de  velours  noir  en  broderie  d'or,  sur 
l'épatile  duquel,  pour  tenir  le  baudrier,  il  y  avait  un 
gros  ncBudde  ruban  bleu  d'où  pendaient  douze  ferrets 
d'ai^iiUettes  de  diamansL  Quand  le  bal  ftit  fini,  et  que 
Buckingham  fut  retiré,  ses  valets  de  chambre  s'aper- 
çurent qu'il  lui  manquait  deux  aiguillettes,  et  on  lui 
fit  vcnr  qu^elles  avaient  été  coupées;  il  ne  s'était  point 
aperçu  de  ce  vol,  et  il  crut  bien  que  ceux  qui  l'avaient 
ùàx  n'étaient  pas  d'une  condition  à  l'avouer  ni  à  le 
restituer.  Dès  le  lendemain  matin,  il  dépécha  des 
courriers  à  tous  1^  ccmunandans  des  ports  d'An^- 
terne  pour  les  iaiye  fermer,  avec  ordre  de  ne  laisser 
psràr  ni  le  paquebot  ordinaire  des  lettres ,  ni  aucun 
^tzmem  chargé  pour  laFranee.  C'était  dms  mie  con^ 


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<  4oo  ) 

}6Cttire  oà  les  religionnaires  du  royaume  avaient  de- 
mande la  protection  d'Angleterre  y  et  où  les  Roche- 
lois  révoltes  attendaient  des  secours  que  le  Parlement 
leur  avait  promis ,  et  que  le  roi  Charles  I*'  aurait  eu 
hien  de  la  peine  à  empêcher.  La  nouvelle  de  cette 
cessation  de  conounerce  et  de  lettres  fit  en  France  un 
grand  éclat,  et  donna  heu  à  mille  hruits,  que  la  guerre 
allait  se  déclarer%ntre  les  deux  royaumes.  Cependant 
le  duc  de  Buckingham  employait  secrètement  tout 
son  crédit  et  le  savoir-faire  du  meilleur  joaillier  de 
Londres  pour  trouver  des  pierreries  si  semblables  aux 
dix  ferrets  d'aiguillettes  qui  lui  restaient,  que  Ton  put 
refaire  les  deux  qui  lui  manquaient,  tout-à-fait  con- 
formes aux  autres.  En  effet ,  dès  que  cet  ouvrage  fut 
achevé,  il  renvoya  des  courriers  pour  faire  rouvrir  les 
ports  d'Angleterre,  en  dépécha  secrètement  un  çn 
France,  qui  porta  à  Madame  de  Chevreuse  les  douze 
ferrets  de  diamans;  il  l'instruisit  de  son  aventure,  lui 
faisait  part  des  soupçons  qu'il  avait  jetés  sur  la  com- 
tesse de  Clarick,  auprès  de  qui  il  avait  été  au  bal,  et 
avec  laquelle  il  avait  dansé;  et  qu'enfin  la  priant  de 
rendre  à  la  reine  le  présent  qu'il  avait  reçu  de  sa  ma- 
gnificence ,  il  suppliait  S.  M.  de  croire  qu'il  ne  s'en 
détachait  que  par  la  crainte  qu'il  n'y  eût  en  cela 
quelque  mystère  caché  nuisible  à  la  reine.  Cette  pré- 
caution ne  fiit  pas  inutile;  car,  dès  que  le  cardinal 
eut  reçu  les  deux  aiguillettes  de  diamans  que  la  com- 
tesse de  Clarick  lui   avait  envoyées,  ce  ministre, 
qui  cherchait  en  tout  les  moyens  de  perdre  la  reine 
au{Mrès  du  roi,  dont  la  jalousie  n'avait  déjà  que  trop 


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(401)- 

éclate  à  roccasion  de  BucLingham^  lui  mit  en  tête  de 
prier  la  reine  de  se  parer  des  fi^rets  de  diamans  qu'il 
lui  avait  donna,  ajoutant  qu'il  avait  eu  des  avis  se- 
crets qu'elle  en  avait  fait  assez  peu  de  .cas  pour  les 
avoir  ou  donnas  ou  fait  vendre,  et  qu'un  joaillier  an- 
glais lui  avait  fait  offrir  de  lui  en  vendre  deux*  C'était 
un  terrible  assassinat  qui  retomba  sur  lui,  puisque  le . 
roi  ayant  exigé  avec  empressement  de  la  reine  de  lui 
faire^evoir  les  mêmes  douze  ferrets  d'aiguillettes  dont 
il  la  pria  de  se  parer,  la  reine,  sans  nulle  affectation 
et  naïvement,  fit  rapporter  sa  cassette ,  que  le  roi  ouvrit 
lui-même ,  et  revit  la  parure  entière  que  la  reine  mit 
ce  jour-là;  elle  eut  même  Insatisfaction  de  savoir  que 
le  roi  avait  fait  des  reproches  au  cardinal  de  ses  dé- 
fiances^ 

Cependant  l'union  des  couronnes  renouvelée  par  le 
mariage  d'Henriette,  ne  put  durer  longnemps.  Les  re* 
ligionnaires  de  France  formaient  un  parti  considéra- 
ble, et  denoandaient  en  Angkt^re  des  secours,  que 
Charles  I"  eût  bien  voulu  reftiser,  et  que  le  Parle- 
ment y  oïdait  accorder.  Us  tenaient  la  Rochelle  et  quel- 
ques places  en  Poitou,  dans  les  Cévennes  et  en  Viva- 
rais.  Le  roi  prit  le  dessein  de  réduire  la  Rochelle, 
et  de  commencer  cette  entreprise  par  un  Uocus^ 
afin  de  donner  le  loisir  à  ses  sujets  huguenots  et 
révoltés  de  se  soumettre  sans  en  venir  aux  dernières 
rigueurs.  Cette  bonté  n'eut  pas  l'effet  que  la  cour  en 
espérait;  aux  premières  nouvelles  de  la  marche  des 
troupes  fi*ançaises  vers  le  pays  d'Aunis,  l'Angleterre  * 
déclara  la  guerre,  disant  qu'elle  ne  pouvait  souffrir 
I.  9«  Liv.  16 


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'   (4o2) 

que  lës'ireJigiGbnaifsd^de  Vrànte  fbtôêm^tiAdtés^dè!  re- 
belles :  «me  ptdss^nte  flotte  |ctfinue  à  h  mer^^éosia 
conduite  du'méftie  duc  de'Buckingbwi,  'qiii  M  fiit- 
tidtide  la  ^crète  joiede^otirtbenter  le  cattdUi^ 
-  RidiMièfu,  pour<(ui  il  atait  pris  y  en*  Frâwee ,  une  avm*- 
sibn  aussi  implacable  qu^étàitcèUe' du) cardinal  péUr 
lui.  CéS'dettx  hiMitkiêa^àilaitête  desacffai^êS)  1^  tÊi- 
^ 'âkient  «me  iMaire  ^pànicaliève  et  petsômiélk  '  âe  ' la 
'  (querelle  de  lenrs  Maitres.'La  flotte  anglaise  vint  npoml- 
ler  deVimt  I^le  de  Rbé;  dont  elle  entrcj^itile  aiége; 
Thcii^as^  se  j^ta  dedans  èi  la  dé^dit  si  bien  y  que  Bnc- 
'kingbam  fUt  oblige,  après  tm^  ti*ès-long  âi^e,«deie<le- 
ter  ét'de  se  ï-etit^réansi  aucun  fimit  de  celte  entre- 
priëe'.  Chacun  stit  (fùe  Tliôiras  n's^knt  plus  de  pondre, 
fît  battre  la  cbamade,  et  signa  la  capitulation  portant 
<]U*il  rendrait  la  pli^ee  s'il  n'était  secouru  dans  èinq 
|oûrs,-pèftid2nt  lesquels  ayant  fait  «  passer  par  des  na- 
geurs et  pkmgeurs  F^aTis  de  rextrémité  dans^  laqueUe 
il  ét^t^lifu'corinnaixdatfi^de  Marennèsyetfqu^  quelque 
prii^  qàe  'te  fta  il  iui  fallait^ envoyer?  "un  secdurs  de 
'  poudre  la  :Éruit'dd  quatre  aiu  dinqùièmer  jchir^  quelques 
Imrques'  hasardées  passerait' au  traiv^:»  lie  l'annëean- 
^aise,  et  appot^lèoent  le  seodurs  qui;doana  lieu,  à 
Thoiras  de  rompit' la  capitulation ^et  de* reconimen- 
.  cer  sa  défehse;  qui  £it  récompensée  dur  bâton  de  ma- 
réchal de  France. 

L'Angleterre /piquée  du  mauYais^  succès  deses^ar- 
ines,  prit  la  résolution  de  faire  d^assezr  grands  efforts 
pour  remettre*  à  la  mer  une  armée  ^navale  qui  pftt, 
non  senlemj^iit  réussir  à  l'entreprise  de  Rhé,  mais  en- 


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(4o3) 

core  à  «ecourir  la  Bx>ehdle, dont  le  Uocus  contmuiat. 
lie  eardinal  de  Richelieu ,  parfailemeni  averti,  faisail 
titrraiUer  avec  diligence  et  industrie  à  celte  grande  di- 
gue dont  on  voit  encore  les  ¥e$tiges  ^  et  qui  4eVait  ren-** 
dre  rentrée  du  port  et  par  Conséquent  le  secours  diffir 
cile^  ce  travail  était  soiKvent  comibattu  et  détruit  par 
la  fi^eur  de  k  mer,  au  point  que  les  connaisseurs  et  les 
ingénieurs  croyaient  que  ce  grand  ouvrage,  et  d'une 
dépense  immense,  ne  pourrait  avoir  le  succès  certain 
que  le  cardinal  espérait.  L'entreprise  de  la  Rochelle 
était  Taffaire  du  jour,  et  la  plus  importante  de  TEtat. 
L'Angleterre  n'oubliait  rien  pousse  prépai*er  à  secmi^ 
r ir  cette  ville ,  dont  la  réduction  anéantissait  en  France 
le  parti  hugjienot;  enfin  voici  ce  4fu^  les  hommes  peu- 
vent ailler  les  effets  du  hasard,  ou,  pour  mieux 
dire,  une  disposition  souveraine  et  impénétrable,  qui 
Êât  une  liaison  d'incidens  si  heureusement  enchaînés 
que  Ton  peut  y  reconnaître  les  effets  de  la  Providence. 
M.  de  Baumi  avait  une  sorte  d'enjoûment  dans  l'es- 
prit, qui  le  rendait  non  seulement  très-^milieravec  le 
cardinal,  mais  encore  avee  le  roi,  et  oet  enjoûmem  le 
mettait  à  portée  de  dire  hardwient  bien  d^  choses  que 
d'autres  n'auraient  pu  hasarder^  Toute  la  pour  était  oc- 
cupée  dçs  préparatifs  de  l'Angleterre  pour  secourir  la 
Rochelle,  et  le  cardin 
Cet  événement.  Bautrt 
«  seigneur,  avouez  la  v< 
((  ne  suis  pas  trop  sage 

((  je  le  suis  infiniment  r 

«  antichambre  est  pie  I 


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(4o4) 

«  n*y  en  a  ancun  qui  puisse  imaginer  (fit  c^est  Ban- 
«  tru  qui  va  vous  proposer  un  moyen   certain  pour 
u  empêcher  que  les  Anglais  ne  secourent  la  Rochelle; 
(c  mais  donnes^vous  patience ,  car  du  premier  coup-* 
(c  d^œil  de  raorn  idée  votre  éminenoe  dira  que  je  sois 
«  £>ii;  un  peu  d'attention  vous  fera  connaître  ensuite 
H  que  je  ne  le  suis  pas  tant  qu'on  le  croit,  et  vous 
«(  verrez,  dans  la  troisième  partie  de  mon  discoure,  que 
a  Bautru  pense,  et  pense  justel— Je  me  tiens  au  pre- 
cv  mier,  interrompit  le  cardinal  ;  mais  venons  au  fait. 
«  — N'est-il  pas  vrai ,  monseigneur,  reprit  Bautru,  que 
(C  ce  serait  rendre  tA  service  important  au  roi,  à  l'E- 
(t  tat  et  à  votre  éminence ,  que  d'empêcher  que  les 
c(  Anglais  ne  secourussent  la  Rochelle? — ^3^rès-grand, 
(C  répondit  le  cardinal. — N'est-il  pas  vrai,  reprit  Bau- 
u  tru ,  que  toutes  les  femmes  sont  coquettes ,  et  que 
«Ja  reine,  avec  toute  la  vertu  du  monde,  l'a  été  assez 
w  pour  avoir  voulu  plaire  àBuckingham?  —  JEh  bien^ 
a  interrompit  le  cardinal. — Et  n'est-il  pas  vrai ,  con- 
((  tinua  Bauu*u,  que  Buckingham  doit  commander  la 
<(  flotte  anglaise;  qu'il  est  le  premier  ministie  d' An- 
ce  gleterre  ;  que  c'est  l'homme  de  l'Europe  dont  on 
((  peut  le  plus  flatter  la  vanité;  et  n'est -il  pas  vrai 
((  qu'il  a  repassé  en  Angleterre  le  cœur  plein  d'une 
((  indicible  passion  pour  la  reine? — Eh  bien,  inter- 
«, rompit  encore  le  cardinal,  à  quoi  tout  cela  peut-il 
((aboutir?  car  jusqu'ici  je  me  tiens  au  premier  coup- 
((  d'œil  de  votre  idée.  —  Tout  cela,  reprit  Bai^tru, 
((  aboutit  à  croirç  (jue  lorsque  la  sagesse  est  épuisée, 
«  il  faut  trouver  des  ressources  même  dans  l'impru- 


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(4ô5) 

«  dence...;  qu'un  héros  n'a  qu'un 
u  de  la  guerre ,  et  qu'un  grand  '. 
«  et  comme  moi  les  a  tous,  et  q 
«  écrive  une  lettj^  à  Buckinglu 
a  vanitë  ;  qu'elle  se  serve  de  tous  les  termes  les  plus 
^  persuasifs  pour  l'empêcher  de  secourir  la  Rochelle; 
((  qu'elle  l'en  prie  si  cela  est  nécessaire ,  et  que  je  me 
((  déguise  pour  porter  moi  -  même  •  cette  lettre ,  et 
«  achever  pour  votre  gloire  particulière  et  pour  celle 
<<  du  roi,  ce  grand  ouvrage  qui  fait  penser  présente- 
ce  ment  à  votre  éminence  que  Bautru  est  unfou,  et 
«  qui  fera  qu'un  jour  vous  le  remercierez  d'une  cx- 
((  travagance  qui  aura  réussi.  —  Etes-vous  tout-à-fait 
«  fou?  lui  répliqua  le  cardinal  j  est-ce  pour  rire  ou 
((  pour  vous  moquer  de  moi?  La  reine  voudrait -elle 
«  écouter  seulement  cette  extravagance  ?  et  quand 
«  elle  le  voudrait,  quel  effet  pourrait  avoir  cette  let- 
«  tre,  et  qui  lui  proposera  de  l'écrire?  —  Moi,  re- 
<(  prit  hrusquement  Bautru.  — Et  qui  le  proposera  au 
<(  roi?  —  Moi  encore,  monseigneur,  répliqua  Bautru; 
«  mais  laissez -moi  achever  mon  projet;  et  si  je  vous 
<(  sauve  l{i Rochelle,  peut-être  direz-vous  un  jour  que 
(t  Bautru  n'est  pas  si  fou  que  vous  l'avez  souvent  dit. 
«  Je  voudrais,  continua-t-il,  demander  une  audience 
(f  particulière  au  roi ,  et  concerter  que  vous  entrassiez 
M  dans  son  cabinet  un  quart  d'heure  après  moi;  j'au- 
«  rai  fait  ma  propositioïi  dans  les  mêmes  termes,  et 
<(  dans  le  même  temp  à  peu  presque  je  vous  l'ai  faite; 
«  le  roi  me  traitera  comme  vous  m'avez  traité,  d'extra- 
«  vagaiit;  j'essaierai  de  lui  faire  comprendre  qu'il  est 


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(4o6) 

a  untquenent  question  de  prendre  la  Rochelle ,  et 
u  d*emp4iDher  le  seoours  des  Anglais  ;  j^exagei^rai  la 
(«  yanité  de  Buckingham ,  âauë  de  rendre  on  grand 
i<  serviψla  reine, pour latjiielle,  i^Koutdaccm^^e, 
c(  il  a  remporte  de  France  une  grande  et  infrucmei^fôe 
«  passion.  Croyez*moi,  monseîgnew,  le  oodur  des 
«c  hommes  se  oondmt  tout  autrement  tpe  les  affsures 
fc  d^tât;  fiet-vous  à  moi;  Tenez  quand  j'avurai  eu  le 
H  loisir  d'entamer  la  matière  ;  il  faudra  que  votre  ëmi- 
<(  nence  soit  d'abord  du  même  avis  que  le  roi,  qui  me 
«  traitera  d'impeitinent;  et  puis  insensiblement  écou- 
te tant  mes  raisons ,  vous  reviendrez  à  convenir  que 
<(  si  cela  ne  réussit  pas,  «i  moins  cette  lettre  de  la 
K  reine  ne  blessera  ni  son  honneur  ni  sa  r^Hit^^on, 
t<  ni  les  affaires  du  roi ,  et  je  concluerai  que  Bocidn- 
«  gham  est  trop  honnête  homme  pour  faire  auoux 
i(  usage  d^siçréable  d'une  lettre,  que  m^e  )'essaîe- 
a  rai,  si  Ton  me  chaire  de  cette  oommissiop ,  <k  ne  lui 
«r  pas  laisser;  et  si  préalablement  je  puis  ei^er,  avant 
(r  que  de  la  lui  remettre,  qu'il  me  la  rende  après  l'a- 
«  voir  lue,  je  me  mangerai  suivant  les  con^ctnres, 
H  et  n'oublierai  rien  pour  rapporter  c^te  pièce  d'é- 
a  criture  qui  s^nHe  tant  vous  ÙKpaiéVdtj  et  laquelle 
K  au  fond  doit  être  en  ceci  regardée  loomme  une 
Ai  chose  totalement  indiffému»,  quoi  qu'il  en  arrive. 
a  Car  à  l'égasd  d'obliger  la  reine  à  l'écrire ,  yd  aie 
it  changerai  de  lui  en  &ipe  ia  piiqgpositian ,  si  votre 
«  éminence  le  juge  à  propos  ;  mais  il  vaudrait  mieux 
«qàe  ce  fût  le  roi  qui  exigeât  d'eHe,  comme  une 
w  vithise  d^Etat^  T^béiissanoe  de  Pécrire;  et  fi#K-vou» 


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(4P7;) 

<€  à^ippî,  modsçi^eur;  elle  aur^  peut-étr^  i^oi^s  dç 

€i  poîn^  ettd^  r^pugiiance  quç  npus  ne  cAyons  à  fajuri^ 

<c  œj  pUipT  à, s^  mf^ jeslé.  » 

Tout  G^la ,  quoique  vagi^e ,  parut  au  c^4în^  un, 

pitojiçt  bharre  qigi  pouvait  avoir  q^^elque.  succès.,  et  ce 

nMiï|it,  pji»;  poHTi  iwe,  a^air^,  dq.la  çon&éqYiençe  dff 

prendre  1»  Bwhelk ,  risquer  ^and  chose  qu'uiiç;  lettre. 

qU!à  tout^h 

iiséfl^iond^ 

port/qr,  et  l 

s^il  était  m 

aussi  plus  s 

se  rendit, 

eheUe.  Bap 

iriw)nndi^< 

convèjftu;  en  uj^  mot,  apirès  bien  de$<  cont^sta]tjions, 
des  contredits,  des  répliquas, et  des  çoptre-jéplique^^. 
le  roi  et  le  cardinal  se  rendirent;  la  lettre  Jfot  écrite 
par  la  reine,  et  par  Tordre  du  roi  et  à  sa  prière,  dans 

le»  teqnes  qi;te  le  çaK4wal  et  Bau 
lia  reine  tvouva  o^émequ^il  y  a 
grand  pour  elle  de  rendre  au  r( 
service  A  monde ,  et  que  ce  fi 
dé  sa  résistance  et  de  l'amour  qu'elle  avait  fait  nmtre 
dans  le  cœur  de  Buckingham.  Quoiqu'il  en  soit,  Buc- 
kingham  reçut  la  lettre  à  Londres ,  dan»  le  temps 
qu'il  faisait  préparer  à  Portsmouth ,  où  il  devait  s'em- 
barquer, tout  ce  qui  était  nécessaire  au  secours  des 
Rochelois. 

Je  ne  dirai  point  l'impression  ni  la  surprise  que  la 


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(4o8) 

réception  de  cette  lettre ,  dont  les  termes  me  sont  m- 
connos,  fit  ÊLv  le  cœur  de  ce  galant  homme;  J'igncH^ 
même  la  réponse  qa^il  fit  j  ni  (sic)  s*il  en  fit  ;  mais  aa  re- 
tour du  courrier,  la  cour  de  France  partit  pour  mettre 
la  dernière  main  au  si^e  de  la  Rochelle.  Ea  flotte 
anglaise  s'équipa ,  on  embarqua  les  préparati&  pbur 
le  secours  ;  le  duc  de  Buckingham  se  rendit  à  Ports- 
mputh  y  et  u  lutre  fois 

le«*e$te  de  V  envoyait 

des  firégates  [uelqaes- 

unes  rapport  Qn ,  le  roi 

prît  la  Rochi  re  se  pré- 

para toujours,  et  n'arriva  jamais.  Toutes  les  histoires 
sont  pleines  des  extrémités  que  cette  ville  souffrit 
avant  que  de  se  rendre.  Quelque  temps  après,  le  duc 
de  Buckingham  fiit  malheureusement  assassiné,  au 
même  lieu  de  Portsmouth  (i). 


(i)  L'anecdote  est  cnrieuse;  on  i'attribneà  M.  le  M.  de  T. 
(le  marëchal  de  Tessé);  mais  cette  origine  nous  parait  plus 
que  suspecte;  et,  quant  an  fait  en  lui  -  même ,  nous  atteU'r 
drons,  pour  y  croire,  d'autres  preuves  que  le  ténJKgnage  dç 
l'éditeur  du  recueil  A.  (  EdiL  C.  L.  ) 


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(  4o9  ) 
CINQUIÈME  PARTIE. 

^PDITION  AU  CHAPITRE  III,  %  I  (i). 
.LES  • 

PARALLÈLES  DE  LA  NOBLESSE, 

PAR  LE  SIEUR  CATHERINOT  (a). 


1e  prëtends  faire  voir  icy,  comme  je  le  fis  le  9  de 
novenibre  i685,  à  rouverture  de  uostre  bailliage  de^ 
Bourges,  que  la  noblesse  moderne  vaut  bien  l'an- 
cienne, que  la  noblesse  des  loix  vaut  celle  des  armes, 
et  enfin  que  la  noblesse  de  ville  vaut  bien  celle  de 
campagne.  Je  commence  par  la  noblesse  moderne, 
depuis  TaniSbo,  que  j'oppose  à  la  noblesse  ancienne, 
qui  précède  l'an  i3ooj  car  depuis  ce  temps  les  anno- 
blissemens,  les  parlemens  et  les  universitez  ont  com- 
mence. H  me  sufBroit  d'allëguer  en  faveur  de  la  no- 
blesse moderne  ïa  parabole  des  vignerons  de  l'Evan- 
gile. Les  ims  avoient  travaillé  dez  le  grand  matin ,  et 

(1)  Tome  1 1  de  h  CoUect. 

(2)  Bourges,  1688,  îii-4^.  Pièce  peu  commune,  et  Tunê  des 
plus  curieuses  du  Recueil  àts  Opuscules  de  Nicolas  Cathe- 
rinot.  •  (iSAV,  CL.) 


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(  4iQ  ). 
les  autres  un  peu  avant  midy  ;  les  uns  depuis  midj, 
et  les  autres  sur  le  soir  seulaiient;  et  néanmoins  ils 
furent  tous  tcaiteiB  égalemenit,  et  veçilûreut  un  même 
salaire.  En  effet,  certaips  nobles  ont  plus  mérite  en 
cent  ans  que  plusieurs  autres  en  quatre  ou  cinq  cents. 
On  ne  mérite  que  par  les  lidles  actions.  Il  en  est  de 
la  noblesse  connue  de  la  foy  ;  et  souvent  il  faut  avoir 
la  foy  pour  croire  la  nobles  ancienne.  Discms  donc  : 
NoèUitassine  operibus  mortua  est.  EHsons^ussi:  Os- 
tende  mihi  nobilUatem  tuam  ex  operibus  tiUs.  Mais 
je  vais  faire  Fanatomie  de  cette  ap^ienne  noblesse  ^ 
dans  laquelle  je  n'entends  point  comprendre  les  mai- 
sons royales  ni  les  têtes  couronnées  ;  car  quœ  suprà 
nos,  mhil  ad  ms..  . 

Les  anciens  nob^  étoiept  si  igporaps  ^'ils  ne 
sçavoi^m  ni  lire  pi  écrire  ;  ils  ne  sçayoiept  pas  m^mé 
sji^er  lew*  nom  ^  et  pprtpiçnt  tQ%prs  lemç  sce^i^  ou 
Ifur  çacl^et  dapç  ^a  pqobe»  I^  pol)les^  n'étoit  çpiij,t 
epcorc;  guérie  4e  oett^  malsidie  ^  tpms  de  Fi^^cpisl; 
car  pow  lors  eUe  $e  faisoiv  epcçre  bpnneji|jr  d^  sqh 
ignorançq^  JL^  conn^^le  de  M^ti^ji^o^epcy  ne  3ça- 
ypit  sîg^qr  qu'w^  partiç  de  §op  nppi,  et  il  achevpii 
V^utire  eu  pe^apt  df?  sa'plunf^e  c|^elqiçes  vaits  xs^ 
fpjrméî^  qui  ^vpiçp^  dp  rsipport  hf  àfis  h^^ard^s.  ^b 
avoiept  ^eu^s  WP^e^yoc^li^i  Jeprs  apn^oiries  parlantes, 
et  quelquefois  ridicules,  qui  leur  tenoient  lieu  de  mo- 
no^amme  et  de  chifre.  ,    .    ^ 

On  a  depuis  ipventé  1^  devise§j^  qui  sont  infini- 
ment pjp5  ^iiritpeUf^.  Jlies  gent^ifhopjme^  avoi^t 
droit  jpottr  lors  d'être  ignorans  j  car  en  ce  même  t^ips 


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(4") 

les  gens  d'Eglise  n'ëtoient  pas  fort  d 
voient  ni  ^ec,  ni  latin  ^  ni  prose ,  ni 
ni  géographiç,  etc.  ;  mais  surtout  il 
de  critique,  point  de  discernement,  ] 
point  de  pierre  de  touche  :  tout  leur 
lirtea  de  ^ntroverse  remplissoient  toutes  leurs  bi** 
Uiodièques.    Le  siècle  di^ème  étoit  un  siècle  de 
ffnûâés  ;  mais  ceux  d'Alexandre  et  d'Auguste  étoieni 
des  siècles  d'aigles.  Il  ne  faut  que  voir  les  légendes  ^ 
les  décrétales,  lesexplicaitions  théologiques  et  les  cour» 
ciles  provinciaux;  car  pour  les  généraux,  ils  sont  ir-^ 
réiragables.  Quant  aux  légendes,  elles  sont  presque 
toutes  &rcies  de  fables. 

Je  ne  dis  rien  du  stile,  qui  est  mêlé  de  rimes ,  et 
des  chmes  de  vers.  Quant  aux  décrétales,  Burcard , 
Yves  et  Gratien  les  ont  toutes  reçues  aveuglément , 
C(Hiime  canoniques,  sans  les  examiner,. et  il  y  en  a 
Hen  cent  d^apocryphes.  Quant  aux  explications  thé»- 
logiques,  ûk  ne  sont  point  litéraux,  et  ils  se  jettent  à 
corps  perdu  dans  des  lallégcnries  outrées.  Quant  aux 
conciles  provinciaux,  celui  de  Tours,, en  -56%  cite 
Sénèqiie  au  canon  XIY;  celui  de  Limoges,  assemblé 
en  I022  par  Gauslen,  archevêque  de  Bourges,  éta*^ 
blit  Tapostolat  de  saint  Malrtial  contre  la  foy  de  Thi^ 
ttâre.  • 

Àdjoûtez  ïes  inscriptions  depuis  huit  ou  neuf  sièr- 
des  jusques  à  celui  de  rïicolasY  et  de  Pie  II,  restau* 
rsEl^eurs  des  bonnes  et  belles  lettres  en  Italie,  et  de 
Fr^GcÂs  I  en  France,  est -il  rien  de  plus  gaufe  ?  Il» 
seavoient  Tart  de  faire  de$  solépismes ,  ils  avoient  le 


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(  4«0 

secret  des  fautes.  Les  auteurs,  veré  800,  ne  Ëùsoiem 
que  des  centons  et  des  rapsôdies  ;  témoin  Jonas, 
ëvéque  d'Orl&ns. 

Les  juges  et  les  docteurs  n'étoient  pas  aus»  fbi:t 
savans.  Non  erant  uniçersitates,  sed  asinhersiiate^K, 
comme  disoit  un  certain.  Jaques  Faher  dJEstaples  a 
étë  k  I.  savant  de  Paris,  André  Alciat  le  i.  savant 
de  Bombés  ;  Tun  et  Tautre  ont  livré  ou  rendu  plu- 
sieurs combats  contre   les  vieux  Barbares,   qui  ne 
voyoient  dans  les  sciences  qu'entre  chien  et  loup.  Le 
1.  auroit  été  brûlé  sans  la  protection  de  la  duchesse 
de  Berry,  et  le  2,  souffrit  beaucoup ,  aussi  bien  que 
Duaren  son  successeur.  Celui  cy  s'en  plaint  souvent 
dans  ses  ouvrages  imprimez  :  Tantœ  molis  erat  ju- 
venesque  senesque  docere.  Quant  aux  juges,  Fran- 
çois L  leur  défendit  de  mettre  leurs  jugemens  en  la- 
tin, et  de  plus  prononcer  Curîa  debotavUj  et  deholM. 
Jacques  Colin,  abbé  de  Saint- Ambroise  de  Bourges, 
et  fort  connu  de  ce  prince ,  ayant  été  con*danmé  sous 
cette  formule  le  matin  au  Parlement,  en  fit  une  rail- 
lerie à  François  I. ,  et  dédit  caussam  edicto.  Comme 
les  trois  états  du  royaume  nesavoient  presque  rien, 
aussi  les  f»:édicateurs  les  traittoient  en  eûfans ,  et  ne 
leurs  comptoient  que  des  fid)les.  Les  peintres  étoient 
pareillement   abysmez   dans  l'ignorance.  Voyez  en 
cette  ville  les  vitres  de  Saint-Ëtieime  :  ils  ont  pris  le 
monogramme  de  Christ,  qui  est  le  rho  enté  sur  k 
chij  avec  une  barre  au  milieu,  pour  des  fleurs  de  lis, 
et  en  voilà  l'cKrigine.  Les  architectes  n'avoient  que 
leur  méchante  gothique.  Enfin ,  omnis  lingua  cor- 


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■   (4i3) 

rupertU  viam  suam.  Âio 
rants  n'ëtoient  que  des  al 
dé  corps,  et  des  coupeur 
En  !i.  lieu ,  les  ancien 
au  roy .  Ils  balançoient  se 

avec  luy,  comme  s^ils  eussent  é\é  pairs  et  compagnons. 
La  France  Aoit  pour  lors  une  anarchie  plutôt  qu'une 
monarchie.  En  certains  tems^  rien  n'est  permis;  en 
ce  tems,  tout  ^toit  permis.  Le  mal  avoit  commence 
4e  Fan  900.,  sous  Charle~s-le-Simple  :  ilssedonnoient 
dëja  des  grands  airs;  ils  se  qualifioient  princes,  et 
même  par  la  grâce  de  Dieu.  Charles  VU  fit  citer  à 
Paris yi Bernard,  qui  se  qualifioit  par  la  grâce  de  Dieu 
comte  d'Armaignac.  Aldebert,  comte  de  la  Marche, 
se  révolta  <;ontre  Hugues  Capet  ;  Bouchard  de  Mont- 
morency prit  les  armes  contre  Philippe  L  ;  Thibaud, 
comte  de  Champagne,  se  gendarma  et  dragona  contre 
saint  Loiiis.  Ils  avoient  leurs  chanceliers,  leurs  con- 
nétables ou  maréchaux  de  la  principautë  ;  ils  frap- 
poient  monnoyes,  et  il  falloit  de  4*  en  4«  lieues  avoir 
recours  aux  changeurs.  Ils  étoient  des  singes,  mais  ils 
étoient  aussi  des  loups.  Qui  pourroit  facoonter  les 
cruautés  de  Foulques^  comte  d'Anjou,  sous. Robert; 
de  Jean -sans -Terre,  duc  de  Normandie ,  sous  Phi- 
lippe Auguste;  de  Raimond  III.,  comte  de  Toulouse, 
et  de  Guillaume  9  nostre  duc  d'Aquitaine,  au  tems  de 
saint  Bernard? 

Ces  cruels  seigneurs  usurpèrent  plusieurs  droits 
exorbitans  sur  le  peuple  :  de  là  nous  restent  tant  de 
coutumes  sales  ^t  bursales.  Ils  avaient  droit  de  pillage 


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(4i4)   ■ 

et  de  volage ,  droil  de  battage  et  de  tosge,  droit  de 
pocellage  et  de  eoncnbinage,  dr<Ht  de  duellage  et  de 
guerrage  ^  droit  de  jurage  et  de  blaqpheniage,  e%e* 

lU  6e  fdsoient  des  guerres  contmuelles,  comine  les 
comtes  de  Bombes  et  les  seigneurs  du  bas  Berrj,  les 
aeîgneurs  de  Vierw)!!  et  ceux  de  Meuxii  les  sei^ears 
de  Dun4e^oj  et  ceux  de  Culimt,  etc«. 

Ils  fusoîent  ausai  la  guerre  au  roy,  et  del^  sent  re- 
tms  tant  de  ocmfiseations  ;  car  les  roys  de  France  u*om 
auf^nenté  leur  domaine  et  arrondy  leur  co\uroiuQ(f 
que  par  conquêtes,  acqmsitions,  donations ,  traittek, 
mariages, et  enfin  par  ces  ccimmises^Pourrëpriinâr  ces 
guerres  intestines,  on  inventa  les  trêves.  Trêve*  yî«it 
de  triga^  comme  guerre  de  cura.  La  trêve  ^toit  tou- 
jours de  quelques  ternaires  de  jours,  de  semaioea,  de 
miois  on  d*ann^.  Voyez  les  Décrétales  de  Gr^oire  IX  ; 
voyez  M^  Dominici  en  son  Traittë  de  cette  matii^e, 
M.  de  la  Thamnassi^e  ega  ses  Coutumes  locales, 
M.  du  Cange  en  son  Glossaire  laiin*4>e  là  on  a  bàii 
tant  de  chiteàux ,  on  a  établi  tant  de  drcÂts  de  guel 
et  de  gardes  ;  de  là  les  villes  et  Jes  paroisses  ont  ob- 
tenu droit  de  commune  et  d'arborer  les  bannières, 
pour  courir  sur  les  infiracteurs  de  trêves.  Voyez  Gàl- 
lus  en  ses  Questioas  177*  et  a5;2. ,  et  Pape  en  sa  Ques- 
tion 437.  Louis4e-Gros  réprima  ces  désordres;  Saint 
Louis  fit  son  ordonnanoei  de  la  quarantaine.  Salis- 
sons Dieu  qui  nous  a  fait  naître  en  ce  siècle,  '^om 
sommes  plus  heureux  sous  LOUlSnLE-GR  AJND  que 
nos  ancêtres n'étCHent  sous  Louis-le- Jeune,  quand  les 
seigneurs  se  faisoient  des  guerres  privées. 


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(  4t5  ) 

^^i3*JfeU)  lésiinbien  nobkB'ëtmem  dea  rebellés 
à  Dieu;  ils  faisoient  la  guerre  an  Roy  des  roys.  Ils 
ne  fse  <eoii^elitriem>pia8'4lfé09e  acHmhii^^  d^  'lèse  ma- 
rjèitélMimaik^,  il&¥OulèKiit(auisi  ITétredeleze^niajastë 
divine.  PUute  disott  de  «cm  «ems  :  Se  scslere  fieri 
polum  ftoÀâéx/\et  saint >J^fAme.:.iV^»éa&  fêtctus  est 
seelere.  Les  ènnamlès  fiBrent\d!un  grand  seccfars  pour 
r|yi»r|ger^la>Ffance'de'toii8'€es  iridents. 

Le^  roy  R<^xt  ckâtia>Renaud)  4x>mte  de  Sens,  qui 
aEVoit  es;ercédegrj|ndes  yioleilces  contre  les  églises, 
et  Ireunit  son  dom^iâe  au  sien. 

Un  4:iDaite  de  MâCon  iut  aussi  un.grtmd  persëca- 
Agsstf  d'ég^iaès,  sous  Philippe  I.  L'histoire  dit  ^eks 
dâmms^  remportèrent  veisFân  1169  (^iç). 

Les  eoiuKs^  de  Glermont  et  du  Puy^.et  le  vicomie 
d^*P4di^3MM:y<c(iii  désolèrent  les  élises  et  les  monas- 
tçr^^par  lettff»i:^iiies ,'  lurent. contraints  de  restituer, 
par-LoiUs-^le-Jewae^-sur  les  plaiiiites  des  ëvéques  de 
Gli^niiimt  ^  du  Puy . 

Sans  sortir  de  cette  province  de  Berry,  Ebhe  de 
Çhjavent<Ai,{im])ert;dQ<Bea^eu:et'le(>G<m^  de  Gha- 
lonâp  i^p44ierêm<€pi^}£[tiej»  abhayes  de  leurs  biens  ;  mads 
^faiUppe^^^iigiA^e^c'i'^i^  ve|igeaalce.:$ans«sortâr  méiâe 
de-^ett^ ville  de3oUrge$,  J)3s  comte5^4e  Boliiges,  sous 
1er jr9y  Robert,  restituèrent  à<yj^lise'iesiahhayesrde 
Saint-And)rpÎ6i9r<^  jSainç^Ur4in  ^i  posent)  çoU^ale , 
de  Saint-»tOoi|dQmà  présent, {xrieutfé)  qu'iU.aymont 
usurpées.  Lerey  {Vo}>ert  donna  cçr|>ieux  exempi^ , 
car  il  restitua  aiftssi  les  abbayes  de  Saint-D^rnsen 
France ,  deSûint4iennain-des-Pre2  ei  de.  Sai^t-Mâr- 


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(  4*6  ) 

tin  de  Tours,  en  la  possession  desqudles  Hugues  Ca- 
pet  s'étoit  mis. 

Les  critiijues  médisans  disent  que  le  démon  épousa 
Proserpine,  et  qvH'û  en  procréa  ces  24»  ûUes,  mariées 
en  cet  ordre  :  Superbiam  FlaminibuSj  Simùniam 
Clericisj  Hjrpocrisim  ReligiosUj  jimbitionem  Con- 
cionatdtibusj  Superstitionem  Monachisj  CuriosUa'' 
temMonialibuSj  TyrarmidemPrincipibiiSjKk'^iJxiM 
NoBiLiBus,  Blaspkemiam  MUitibusj  InjusUUamJu" 
dicihus,  Perfidiam  Procuratorihus  j  Duritiam  Do- 
minis  j  Inobedientiam  Subdids  j  Usuram  Ci^ibus, 
Fraudem  Mercatoribus  j  Seditionem  RusttciSj  In- 
fidelitatem  Minis  tris  j  Luxuriam  Divitibus  j  Imd- 
diam  PàuperibuSj  jàvaritiam  SenibuSj  InZempe- 
rantiam  JuvenibuSj  Zelotypiam  M^iritisj  Susfricio- 
nem  FemimSj  Lêi^itatem  Puellis.  Mais  ces  alliances 
morales  ne  sont  pas  toujours  conformes  a  la  vérité; 
elles  ressentent  bien  fort  la  calomnie,  ei;  les  excep- 
tions en  sont  souvent  plus  nombreuses  que  les  induc- 
tions. 

Contre  ces  déprédateurs  sacrilèges,  TEglise  assem- 
bla le  concile  de  Toul  en  Lorraine  en  859,  de  Douiy 
sur  €her  en  874?  ^^  Reims  contre  Baudouin ,  comte 
de  Flandre,  en  892;  de  Chalons  en  Cham^^iagne 
contre  Rodolphe,  comte  de  Mâcon ,  en  9 15  f  de  Trosly 
c  en  Soissonois  contre  Erlebaud,  comitem  Castricenr 
sent  y  en  921  ;  de  Charlieu  en  Charolois  en  926;  de 
Fîsmês  en  Champagne  en  93€l;  de  Saint -Tiiierry  en 
Remois,  contre  le  comte  Ragenald,  en  953,*  de  Poi- 
tiers vers' 1025,  de  Bourges  en  io34?  d*Autun  contre 


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(4i7) 
Bobert,  duc  de  Bourgogne,  en  io55;  de  Beauvaîs^ 
contre  TKomas  de  Marne,  en   iii4;    de  Soissons 
en  ii55,  etc. 

L'Eglise,  pour  se  parer  de  ces  usurpations ,  inventa 
lesavoyers  (avoués)  et  les  vidâmes,  advocatos  et  vice- 
dominos.  Tels  ëtoient  lesvidames d'Amiens, de  Char- 
tres ,  de  Reims  et  de  Gerberoy  ;  mais  ces  prétendus  pro- 
tecteurs devinrent  souvent  sesvexateurs.  Il  ne  %it<jue 
lire  les  Annales  des  bénédictins  pour  en  être  plus  que 
persuadé.  Ils  ont  presque  autant  souffert  par-là  que 
par  les  Goths,  Longbards,  Vandales  et  Wormans,  que 
par  les  hérétiques  et  schismatiques ,  que  par  les  in- 
cendies ,  et  enfin  par  certains  abbés  commandatàires, 
qui  vivent  dans  leurs  abbayes  comme  ez  pais  en- 
nemis. 

L'Elise  inventa  aussi  les  pariages  à  même  fin. 
Ainsi  les  anciens  empereurs  romains  associèrent  à 
l'empire  des  espèces  de  coadjuteurs,  pour  se  déchar- 
ger d'une  partie  des  affaires  de  l'Etat.  Le  père  asso- 
cioit  son  fils,  le  frère  son  fi:ere,  et  quelquefois  un 
Aranger.  Notre  Aubigny  sur  Nerre  étoit  un  pariage. 
Le  chapitre  de  Saint-Martin  de  Tours  y  associa 
Louis  VI  en  1108. 

Les  nobles  modernes  différent  bien  de  ces  anciens. 
En  I-  lieu,  ils  sont  sav ans  tous  en  latin,  et  plusieurs 
en  grec;  ilssçavent  l'histoire,  la  géographie,  la  phi- 
losc^hie  et  les  mathématiques  ;  plusieurs  ont  écrit  des 
xnëmoriaux  historiques,  comme  messieurs  de  Comi- 
nes,  du  Bellay,  de  Montluc,  de  Castelnau,  de  Ville-  ' 
roy,  de  Sully,  de  Nevers,  de  Rohan,  de  Gruise,  de  la 
Lg«Liv.  37  ■' 


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(  4i8  ) 

Châtre  9  etc.  Le  Roy  a  traduit  le$  Comrnentdres  de 
César  y  Monsieur  THistoire  de  Florus,  monsieur  le 
duc  de  Luynes  les  OEuvres  de  S.  Grégoire,  pape,  etc. 
En  3.  lieu,  ils  sont  fort  sonmis  au  roy.  En  3.  îicu, 
ils  sont  encore  plus  soumis  à  Dieu,  qui  est  le  Roy 
des  roys. 

LA  SECONDE  PARTIE. 

Je  soutiens  aussi  que  la  noblesse  des  loix  vaut  lùen 
celle  des  armes.  Je  le  prouve  par  autorités,  par  exem- 
ples et  par  raisons.  Justinien  dit,  à  la  tète  de  ses 
Institutions  de  droit,  que  l'empereur  doit  faire  sa  pro- 
vision d'armes  et  de  loix ,  d'armes  pour  le  tems  de 
guerre,  et  de  loix  pour  le  tems  de  paix;  il  doit  se 
munir  leg^hus  et  legionibuSj  comme  dit  M.  Cuj^. 
Léon  et  Àntheme,  dans  la  loy  i4>  au  code;^  Ad- 
wc.j  comparent  les  avocats  aux  soldats  et  aux  captr 
taines,  et  leur  collège  à  une  armée;  ils  nonmient  leur 
employ  une  milice.  Claudien  met  souvent  en  para- 
lelle  les  armes  et  les  loix  ;  Claudien  sllie  souv^it  les 
sennes  et  les  loix  ;  il  dit  :  Ârmorum  legumçue  pth- 
tensi  et  en  outre  :  jirmorum  procêres  legumque 
potentes;  et  ailleurs  :  Justitid  pacem^  vntôusnrma 
reguM. 

Maiiile,  au  3.  livre  de  son  Astronomie,  fait  une 
milice  civile  :  Hoc  quoque  militiœ  genus  et  diàU- 
bus  actis  compositum.  Horace,  écrivant  à  Auguste, 
luy  dit  :  Res  Italas  armis  tuteriSj  Tmmbxis  ornes j  le- 
gibus  emendas.  Virgile,  enfin,  dans  le  livre  ii.  de 
son  Eneïde,  commence  ainsi  un  éloge  :  JusUthene 


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(  4^9  ) 
pHàs  mirer  belUne  laborum?  Mais  Ckéron  passe 
bien  plus  avant  ;  il  préfère  la  noblesse  des  loix  à  celle 
des  armes ,  et  s'ëcrie  de  tonte  sa  force  :  Cédant  arma 
togCBj  concédât  laurea  linguœ.  Aussi  les  sénateurs 
précédoient-ils  les  chevaliers  à  Rome  ;  les  empereur» 
même  ëtoient  plus  jmidiquement  élus  par  le  sénat 
cfue  par  Tarmée.  Le  grand  sceau  de  France,  decu- 
manum  sigillumj  représente  le  roy  dans  son  thrône 
comme  un  magistrat.  Aussi  M.  le  chancelier  est -il 
nommé  altéra  rege;  au  lieu  que  Monseigneur  n'est 
nommé  que  secundus  à  regCj  comme  m'apprend  le 
révérend  P.  Hommey,  savant  augustin. 

Et  qui  ne  voudrôit  préférer  un  Ulisse  à  trois  cens 
et  à  six  cens  Aiax?  La  noblesse  prudente,  sage  et  in- 
génieuse, vaut  incomparablement  plus  que  la  no- 
blesse brutale  et  furibonde.  Aucuns  même  ont  osé 
dire  que  Miles  a  été  nommé  parce  qu'il  en  faut  choi- 
sir un  bon  entre  mille  ;  mais  pour  moy  je  suis  dans 
un  autre  sentiment.  Je  respecte  l'espée;  mais  enfin: 
Noh  n)irum  facili  redimit  ^ui  sanguine  vitamj 
comme  dit  Martial.  Aucuns  ont  bien  autant  estimé 
tto  confesseur  de  80.  ans      '  "  ~ 

titer  ille  facitj  qui  mise 
quelquefois  de  sa  vie ,  et 
est  noyé  et  abysmé  dam 
jeûne  et  trois  palette  de 
£h6  toute  la  brav<mre  de 
ces  capitans,  matamores 
ferrées.  Pallas  étoit  autan 
que  celle  des  armes. 


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(  4^0  ) 

Nous  ne  manquons  point  aussi  d'exemples.  Aiexaui- 
dre-le-Grand  ëtoit  aussi  ^vant  que  vaillant.  Aristoie 
avoit  été  son  précepteur,  et  le  père  de  ce  prince  esti- 
moit  son  fils  heureux  de  ce  qu'il  étoit  né  au  tems  de 
ce  grand  philosophe.  Voyez  aussi  l'Eloge  de  Scipi<m  ' 
chez  Patercule.  Jule  C^sar  suhjugua  les  Gaules,  et  il 
fut  luy-même  l'historien  de  ses  conquêtes.  Traversant 
une  rivière  à  la  nage ,  il  nageoit  d'une  main ,  et  de 
l'autre  il  élevoit  des  cahiers,  crainte  de  les  mouiller. 
Le  même,  étant  dans  son  camp,  prit  le  loisir  de  com- 
poser un  ouvrage  de  Grammaire  qui  traittoit  de  l'a- 
nalogie. On  le  représente  même  en  devise  avec  un 
livre  et  une  épée ,  et  ce  mot  pour  ame  :  Ex  utroque 
Cœsar.  Charlemagne  fit  de  longues  guerres,  et  néan- 
moins il  fonda  l'Université  de  Paris ,  y  évoqua  le  cé- 
lèbre Alcuin,  et  luy  même  composa  un  Eloge  sur  le 
décez  du  pape  Hadrien.  François  I. ,  nonobstant  ses 
emplois  militaires,  rétablit  cette  Université  de  Paris, 
y  fonda  de  nouvelles  régences ,  et  y  évoqua  d'excd- 
lens  professeurs.  Notre  invincible  monarque  se  scwi- 
vient  aussi  des  études  et  des  studieux.  Sa  bibliothè- 
que, qui  n'étoit  ep  i65o  que  de  quatre  mille  volu- 
mes, est  à  présent  de  soixante  mille.  Son  médailler 
est  incomparable ,  et  pour  comble  il  assigne  de  gros- 
ses pensions  à  tous  lés  grands  studieux  de  l'Europe. 
Charles  VIII  regrèttoit  d'avoir  été  élevé  sans  étude; 
et  on  l'avoit  ainsi  traitté,  parce  qu'il  étoit  infirme. 
Henri  III  voulut  sçavoir  la  langue  latine,  pour  lire 
Tacite  en  original. 

Mais  voicy  les  raisons  sur  lesquelles  je  me  fende. 


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(  4ai  ) 

En  I.  lieu,  FEtat  a  besoin  de  loix  en  tout  tems;  il 
en  faut  poiu*  la  paix ,  et,  ce  qui  est  surprenant,  il  en 
fsMU  même  pour  la  guerre,  car  la  gueixe  doit  être  en- 
core plus  policée  que  la  paix.-  Cicëron  passe  bien  plus 
outre  :  il  observe  que  les  voleurs  et  les  pirates  ne 
sont  point  sans  loix  ;  ils  ont  de  certains  traittez  entre 
etçL  qu'ils  observent  fort  religieusement,  quand  il 

s'agit  prœdœ  ereiscundœj raptoncm  re- 

gundorum.  Au  reste,  Arrius  Menander  avoit  écrit 
4*  livres  des  loix  de  la  guerre;  Tarrutenus  Paternus 
en  avoit  écrit  autant  ;  mais  Maeer  n'en  avoit  écrit 
que  deux  du  même  sujet,  et  Paul  un  livre  entier  des 
Peines  militaires.  Voyez  le  titre  4e  re  MUitarij  ad 
Digeste.  Nous  avons  encore  en  gred  les  Loix  militai* 
res  de  Rufus,  qu'aucuns  attribuent  à  Justinien. 

£n  :2.  lieu,  la  milice  n'est  que  la  succursale  de  la 
justice,  comme  la  justice  l'est  de  FEglîse;  car  pour 
refréner  les  scélérats,  on  commence  par  l'intérêt  de 
la  conscience ,  de  là  on  passe  à  la  force  de  la  justice , 
et  enfin  on  finit  par  la  violence  de  la  guerre.  On  em- 
ploie l'artiUerie ,  qui  est  ratio  ukima  regum;  on  fait 
toôEiner  les  canons;  et  avec  ces  longues  clefs  on  ouvre , 
à  la  distance  d'im  quart  de  lieuë,  les  portes  des  villes 
les  plus  rebelles.  Nous  pouvons  dire  que  les  loix  ont 
aussi  leurs  guerres.  Il  y  a  des  antinomies  ou  du  moins 
des  enantiophanes  dans  le  droit  romain.  Les  magis- 
trats fcmt  aussi  une  espèce  de  guerre  à  toute  outrance 
et  irréconciliable  contre  les  scélérats.  Peut  être  que 
par  ce  motif  l'empereur  Charles  IV.  annoblit  Bar- 
thole,  ct^luy  permit  de  porter  ses  armes,  qui  étoient 


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d*or  à  un  lion  de  goenle  à  Li  douUe  qneoë  :  de  J^  ce 
docteur  prit  le  ma^  de  oomposer  mt  livre  du  ULascHi. 
Uempcreur  Qiaiie&-Qiiint  portoît  pour  devise  :  Phu 
legibiis  quhm  armis.  Hiilippe  II.  son  fils,  roy  d'Esr 
{MÉgne,  ooiupiit  IneiL  plus  dans  son  cabinet  ([ue  dans 
le  camp^  Salicet  dit  hardiment  qa*nne  comtesse  é^fifaor 
sant  on  docteur  ne  se  mésalieroit  poinu  Boërins,  an- 
cien avocat  de  notre  siège  y  et  depuis  antéœssenr  de 
noire  université ,  et  pois  présidem  à  Boordeanx,  dit, 
msKt  Fart.  33.  du  vieux  Bory,  que  les  sçavans  vont  de 
pas  ^al  avec  les  nddes. 

En  3.  lieu,  comme  le  maître  est  plus  que  le  ser- 
viteur, le  prince  que  le  vassal ,  le  députant  plus  qœ 
le  d^uté,  le  commandant  que  Tobeissant,  T^itre- 
preneur  que  Texécuteur,  IWcbitecte  que  le  masson, 
le  pilote  que  le  rameur;  de  même  le  politique,  rhomiDe 
de  cabinet,  le  conseiller  d*Etat,  en  un  mot  le  cl|e?a- 
lier  des  loix  est  {dus  que  le  soldat,  et  du  moins  au- 
tant que  le  capitaine.  Tel  étoit  cet  illustre  Berru^er 
Mre  Pierre  Salât,  chevalier  des  loix,  docteur  et  pro- 
fesseur en  Tuniv^rsité  d'Orléans.  Il  est  employé  pour 
sa  pension  dans  un  registre  de  la  chambre  des  comp- 
tes de  1466,  et  y  est  qualifie  chevalier  des  loix« 

Aucuns  passent  outre  et  soutiennent,  par  mâoaeté 
de  raison,  que  ccworne  nous  avons  des  chevajiers  des 
surmes  et  des  loix,  nous  devons  aussi  avoir  des  che- 
valiers de  la  langue  et  de  la  rime,  comme  Babac  et 
Corneille  ;  du  globe  et  de  la  sphère ,  ccnnme  Cluvier 
et  Cassini  ;  de  la  colomne  et  de  la  voûte,  comme  Mi- 
chel-Ange et  Mansard;  du  pinceau  et  du  burin, 


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(4a3) 

comme  le  BruB  et  Nanteuil.  Les  anciens  Romains 
r^peetoiem  si  fcMrt  le  mérite ,  même  dans  les  serfs , 
qu*ils  les  affranchissoient  volontiers  :  tels  ont  ëtë  Tc- 
reaiioe^  Epictete  et  Phèdre.  La  loy  de  bestus  épargne 
les  industrieux.  M.  le  président  de  Thou  fait  l'éloge 
àes,  professeurs  et  des  imprimeurs ,  plutôt  que  celui 
des  généraux  d'armée  j  et  Séneque  en  auroit  bien  fait 
autant  en  son  siècle ,  car  il  dit  au  3.  livre  de  ses  Bé^ 
néfices  :  Nemo  altero  nobiliorj,  nisi  cui  recdàs  in- 
genium  et  artibus  bonis  aptiàs. 

TROISIÈME  PARTIE. 

11  me  reste  à  faire  voir  que  la  noblesse  de  ville 
vaut  bien  celle  de  campagne.  La  question  n'est  pas 
sans  difficulté.  En  i .  lieu ,  nous  voyons  que  les  Ro- 
mains, qui  ont  été  les  plus  rafinés  politiques  du 
monde,  ayant  partagé  leur  ville  en  plusieurs  tribus, 
partie  urbaines  et  partie  suburbicaires,  donnèrent  le 
pas  à  celles  cy.  Eux-mêmes  ne  portoient,  pour  la 
plus  grande  partie,  que  des  noms  de  campague, 
comme  ArboriuSj  jésina^  Brutusj  Bestia  et  Bubur 
leusj  Cœpio  et  CicerOj  Capra  et  Caprarius  ei  Car 
preolusj  CaudeXj  Fabius^  Frugij  Floru^j  Hortefh 
siusj  LentiduSj  Laçtucinusj  LaureUj  Oviniusj.  Pi- 
SQj  PitumnuSj  Porcius^  Serranusj  Stohj  Scrofuj 
TauTus^  Vitelhis  et  FUellius^  etc.  Souvent  même 
ils  ont  nommé  des  laboureurs  pour  leurs  magistrat^. 
Gincinnatus  fut  tiré  de  la  charrue  pour  êire  dictar 
tfiur,  tant  ils  étoient  fortement  persuadez  que  l'agri*- 


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culture  est  la  baze  d*un  Etat.  Tout  vient  de  la  ^sam- 
pagne,  bled,  vin,  huile,  laine,  bois,  et  tout  ce  qui 
meuble  une  boucherie;  aussi  estimoient  ils  plus  Prœ- 
tUa  rusticaj  quàm  prœdia  urbana.  Ils  préfëroient  les 
fonds,  ubi  plus  aratur,  quàm  venrUur. 

Eu  2.  lieu,  Pline  dans  son  Histoire,  liy.  i8.  ch.5> 
et  Vegece,  liv.  i.  chap.  3.  de  TArt  militaire,  observe 
que  la  campagne  fournit  de  meilleurs  soldats  que  la 
ville  ;  ils  sont  plus  laborieux  et  moins  délicieux  :  c*ë- 
toit  même  une  grosse  inîure  de  traiter  un  soldat  du 
nom  de  bourgeois.  César,  chez  Lucain,  parle  ainsi 
avec  indignation  :  Tradite  vestra  viris  ignavi  signa 
Quirites. 

En  3.  lieu,  la  chasse,  qui  est  Poccupation  ordi- 
naire des  nobles  de  campagne,  est  un  crayon  de  la 
guerre.  Voyez  sur  ce  sujet  Jean  de  Salisbury,  évéqœ 
de  Chartres,  en  son  Polycrate,  liv.  i.  chap.  4«  H  emt- 
prunte  d*une  Menippëe  de  Varronj  intitulée  les  Mé- 
lëagres ,  une  partie  de  èe  qu'il  y  dit  de  la  chasse. 

Enfin  Joseph  Scaliger  disoit  qu'il  y  avoit  plus  de 
rapport  d'un  laboureur  à  un  gentilhomme  que  d'un 
marchand.  Un  noble  peut  labourer  luy-méme  soa 
champ,  sans  déroger  à  sa  noblesse;  mais  il  ne  peut 
feire  le  marchand,  acheter  pour  vendre  et  vendre 
pour  acheter,  sans  dérogeance. 

Nonobstant  toutes  ces  difficultés,  j'ose  soutenir 
que  la  noblesse  de  ville  vaut  celle  de  campagne.  Je 
me  fonde  premièrement  sur  ce  motif  :  l'homjne  est 
composé  de  deux  parties,  Tame  et  le  corps.  La  cam- 
pagne est  bonne  poui'  fortifier  le  corps;  mais  l'ame 


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X425) 

ne  peut  s'instruire  que  dans  la  ville.  Il  faut  lire,  oiîir, 
converser,  spéculer  et  composer,  pour  perfectionner 
son  ame;  et  tous  ces  avantages  sont  plus  frécpiens  et 
plus  achevés  dans  la  ville  que  d^s  la  campagne.  On 
n'apprend  rien  à  voir  des  plantes,  des  animaux  et  des 
bétes  chassées;  il  faut  demeurer  dans  les  villes,  et 
dans  les  grandes  plutôt  que  dans  les  petites,  et  dans 
les  métropoles  plutôt  que  dans  les  micropoles.  On 
n'en  est  pas  plus  noble  pour  demeurer  à  la  campagne, 
ni  plus  roturier  pour  demeurer  à  la  ville;  de  même 
<jue  Ton  ne  devient  pas  plus  noble  pour  tirer  son 
origine  d'un  lieu  éloigné,  et  se  mettre  dans  le  prédi- 
cament  de  la  no1;)lesse  débarquée.  Toute  la  campagne 
vient  de  la  ville,  et  toute  la  ville  vient  à  la  cam- 
pagne. 

Je  me  fonde  secondement  sur  cet  autre  motif  :  des 
22obles  de  campagne,  les  uns  sont  dans  Pemploy,  les 
autres  non  :  ceux-ci,  qui  ne  sont  que  des  casaniers^ 
sont  indignes  de  leur  qualité.  Etre  noble  et  casanier, 
cîest  comm^  être  juge  et  concussionnaire,  avocat  et 
prévaricateur,  notaire  et  faussaire.  Le  noble  doit  pen- 
ser comme  Caton  chez  Lucain  :  No?i  sibi  sed  toti 
genitum  se  credere  mundo;  autrement  je  luy  diray  : 
Ostende  mïhi  nobilàatem  tuam  ex  openbus  tuis. 
Quant  aux  nobles  de  campagne  q  rs  ca- 

ravanes et  qui  ont  plusieurs  anné  je  ne 

leur  oppose  pas  les  nobles  de  ville  nême 

passe;  mais  je  leur  oppose  une  fo  li  ont 

bien  mérité  du  roy,  de  l'Etat  et  s  uns 

sont  dans  l'Eglise,  comme  les  abbés,  prieurs  et  cha- 


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(4^6) 

Aoines;  les  autres  dans  la  robbe,  comme  les  juges  ^ 
le»  avocats;  les  autres  dans  les  finances,  comme  les 
chambres  des  comptes  et  les  bureaux  ;  les  autres  dam 
les  universités,  comme  les  théologiens,  juriscoasiit- 
ted,  médecins  et  autres  professeurs  des  langues  et  des 
mathématiques;  les  auuw  dans  la  police,  comme  les 
maires ,  capitoux ,  échevins  et  autres  officiers  des  hâtek 
de  ville;  les  autres  sont  gouverneurs  d'bôtels-Dieu 
et  d'hôpitaux  :  enfin,  personne  ne  croise  les  bras. 

Mais  il  y  a  un  mojen  pour  concilier  les  deux  parw 
tis.  Il  faut  ({ue  les  nobles  de  ville  et  de  campagne 
soient  amphibies,  et  qu'ils  coupent  leur  domicile;  il 
£wt  qu'ils  imitent  le  jurisconsulte  ,Labeon,  duqu^ 
parle  Pompone  dans  la  loy  De  origine  /uns  :  il  pas- 
soit  six  mo^s  à  Rome  dans  les  conversations,  et  six 
mois  à  la  campagne  dans  les  compositions  de  livres. 
Ainsi  Proserpine  donnoit  six  mois  à  son  mary  Phir 
ton,  six  mois  à  Gérés  sa  mère  ;  ainsi  Apollon  demea- 
roit  six  mois  en  Délos,  et  six  mois  en  Syrie;  ainsi 
certains  oyseaux  sont  semestres;  ainsi  les  Romaias 
délicats  avoient  leurs  maisons  d'été  et  d'hyver,  leurç 
^es  aussi  d'été  et  d'hy ver,  et  enfin  les  anneaux  d'été 
et  d'hy  ver. 

.  Nous  savons  même  que  pluâeurs  nobles  de  Berry 
avoient  leurs  hôtels  à  Bourges,  comme  les  comtes  de 
Sancerre,  où  est  à  présent  la  trésorerie;  les  d'Ai»- 

boise,  rue  Jacques-G]Bur  ;  les  d'Etampe,  rue  de ; 

les  de  Bar,  rue  Narrette;  les  de  Bre viande,  rue  de 
Sainte-Claire  ;  les  de  Monchevry,  rue  de  Saim-Sul- 
pice,  etc. 


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(4^7) 

On  observe  encore  une 

fondée  non  sur  la  demeur 

mais  sur  le  {»rivilége  des  â 

maires  et  ëcbevins  en  certa 

n^esi  point  si  méprisable,  comme  aucuns  se  persua- 
dent. En  I.  lieu,  ce  privilège  n^est  pas  toujours  la 
peuve  dWe  roture  précédente;  en  a.  lieu,  il  vaut 
ipîeux  avoir  un  vray  titre  que  de  n*en  avoir  point  du 
tout,  ou  n'en  avoir  qu'un  faux  comme  plusieurs  no- 
bles de  campagne.  Enfin,  quand  cette  noblesse  est 
revêtue  de  services,  elle  me  paroit  aussi  bonne  que 
toute  autre.  On  traite  quelquefois  la  seconde  noblesse 
de  clocbe  ;  mais  c'est  faire  un  mauvais  usage  des  noms. 
Noblesse  de  cloche  n'est  pas  la  noblesse  de  mairie , 
mais  c'est  la  noblesse  qui  n'est  que  du  côté  paternel; 
c'est  une  noblesse  de  cloche  ou  clocheante. 


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(  4^8  ) 
HUITIÈME  PARTIE 

ADDITIONS  AUX  MÉLANGES  (i). 


REMARQUES 

^a  UlïE  MÉDAILLE  I»  FRANÇOIS  I«',  ET  SÙA  LA  SALAMAKDBE^ 

qu'il  avait  adoptée  pour  DETISB  (a); 


Je  croyais,  monsieur,  qu'il  suffisait  <jue  la  mëdailie 
de  François  I*',  encore  enfant,  au  revers  de  la  Sala- 
mandre dont  je  conserve  Foriginal,  et  dont  je  vous 
envoyai  le  dessin  avec  ma  seconde  lettre  sur  le 
voyage  de  Basse-Normandie,  eût  paru  gravée  dans  le 
Mercure  pour  m'exempter  de  faire  là^dessus  aucune 
recherche,  persuadé  que  vous  prendriez  soin  de  nous 
•  expliquer  cette  espèce  d'énigme,  du  moins  qu'elle  ré- 
veillerait l'attention  de  quelque  homme  de  lettres  qui 
pourrait  instruire  le  public^  Ennuyé  de  ne  rien  voir 
paraître  sur  ce  sujet,  j'ai  employé  quelque  petit  loisir 
pour  l'examiner,  et  voici  à  quoi  se  réduit  tout  ce  que 
j'ai  trouvé  qu'on  peut  dire  sur  cette  médaille. 

La  prévention  générale  veut  que  la  salamandre  ne 

(OTome  i8  de  la  GoUect. 

(2)  Extrait  du  Mercure  Ae  juin  lySo. 


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(4^9  ) 
lut  le  symbole  ou  la  devise  de  François  I"  que  de- 
puis que  ce  prince  parvint  à  la  couronne  de  France  ; 
on  voit  efiiecti^vement  ce  symbole  sur  la  plupart  des 
grands  édifices  construits  par  ses  ordres  durant  son 
règne,  et  sur  plusieurs  de  ses  médailles.  Je  ne  me 
souviens  pas  de  l'avoir  vu  employée  sur  aucun  monu- 
ment avant  cette  époque /à  Texception  de  notre  mé- 
daille frappée  en  l'année  m  d  iv,  qui  était  la  dixième 
de  la  vie  de  ce  même  prince,  nommé  alors  François^ 
duc  de  Valois j  comte  d'Angouléme* 

Le  premier  auteur  que  j'ai  consulté  pour  savoir  si 
cette  prétention  était  bien  fondée,  est  Mézeray^et  j'ai 
trouvé  qu'elle  ne  peut  pas  subsister  avec  le  témoi- 
gnage de  cet  historien. 

«François  I"  n'étant  encore  que  duc  de  Valois, 
((dit  Mézeray,  t.  2,  p.  1042,  le  roi  Louis  XII  lui 
<(  donna  Artus.de  Gouffier  pour  son  gouverneur.  Ce- 
<(  tait  le  seigneur  le  plus  sage  et  le  plus  chrétien  de 
((toute  la  cour,  qui,  reconnaissant  que  le  naturel  de 
<(Son  nourrisson  était  excellent,  mais  semblable  aux 
((  terres  franches  (jui  produisent  bientôt  des  orties  et 
((  des  chardons  si  elles  ne  sont  point  cultivées,  n'omit 
((  aucim  soin  pour  planter  dans  un  si  bon  fonds  tou^ 
((  tes  les  vertus  (jue  doit  avoir  un  grand  prince.  Or, 
((pour  lui  faire  connaître  qu'il  devait  appliquer  la 
((  vivacité  de  son  génie  aux  bonnes  choses,  non  pas  à 
((  la  vanité,  ni  à  la  violence  où  elle  eût  pu  se  porter, 
((  aussi  bien  qu'aux  belles  actions,  il  lui  choisit  la  de- 
((  vise  de  la  salamandre,  qui  se  nourrit  dans  les  flam- 
((  mes,  mais  qui  tempère  sa  trop  grande  activité  par 


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(  43o  ) 

^«a  fimdeor,  comme  le  signifient  ces  paroles  qiii  Tac- 
ce  compagnent  :  Woraisco  m.  buono  stîitgiïo  et  reo 
it  (pour  EL  RBo)^  An  resle ,  il  n*est  pas  ^rai  que  la  sala- 
«  mandre  cherciie  le  fen  pour  s'en  nourrir,  ni  même 
H  4pLelle  puisse  durer  longtemps  dans  un  grand  brasier  ; 
il  maïs  il  est  constant  <[u*elle  est  si  fioide  y  qu'elle  peut 
<(  éteindre  un  petit  feu.  » 

Mézeray  ne  se  contente  pas  de  rapporter  ce  lait ,  il  le 
prouve  et  le  rend  certain  y  en  rapportant  aussi  à  la  fin  du 
règne  de  François  P'  toutes  les  médailles  frappées  pour 
ee  grand  prince  qui  sont  venues  à  sa  connaissance.  Elles 
sont  au  nombre  de  vingt-sept»  La  première  est  juste- 
ment celle  dont  il  s'agit  ici,  au  revers  de  la  salamandre 
dans  le  feu  ^  avec  une  pareille  légende  pour  le  sens  (i), 
car  le  ^veur  a  manqué  d'exactitude  dans  quelques 
lettres;  il  s'est  beaucoup  plus  mépris  dans  l'année, 
<pii  ne  peut  pas  être  mgccgiiii,  comme  il  le  marque, 
mais  MGCCCciin.  Au  surplus,  Afézeuay  n'a  point  fait 
^aver  la  tête  éo.  prince,  alors  duc  de  Valois,  et  âgé 
^eolem^it  de  dix  ans,  ce  qui  était  le  plus  curieux.  Il 
n'avait  apparemment  pas  vu  la  médaille  en  original. 
Ainsi,  monsieur,  la  mienzie,  qui  sert  d'ailleurs  à  cor- 
riger les  fautes  du  graveur,  en  devient  plus  cemsidé- 
rable;  et  c'est,  comme  vous  voye«,  la  premi^  qui 
flât  été  frappée  pour  ce  prince,  avec  le  symbdie  in- 
venté (  selon  Mézeray  )  par  le  sei^eur  de  Gouffier, 
plus  de  dix  ans  avant  qu'il  montât  sur  le  trône. 

'  Ce  n'est  dqpc  pas  en  quîaiité  de  roi  de  France  que 

(i)  Notrf^co  e  boeuo  sirîngo  cl  reo.  M.  CCCG  IIII. 


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(43.  ) 

ce  symbole  a  été  donné  d'abord  à  François  V\  Il  y  a 
plus  (1)9  Parâdtn  veat  qu'il  ait  appartenu  auparavant 
à  Charles,  oomte  d'Angouléme,«)n  père,  mais  il  nVn 
donne  aucune  prenre.  Il  me  souvient^  ajoute -t*- il, 
avoir  vu  une  médaille  en  bronze  dudit  feu  roi  Fran- 
çois, peint  en  jeune  adolescent,  au  revers  de  laquelle 
était  cette  dei^ise  de  )a  salamandre  enflammée ,  avec 
ce  mot  italien  :  Nodrisco  il  buono  et  spengo  il  reo. 
Voilà ,  monsieur,  encore  notre  médaille  du  jeune 
duc  de  Valois,  comted'Angouléme,  que  Paradin  ne  cite 
que  de  mémoire,  et  dont  il  rapporte  la  devise  à  sa  ma- 
nière. Cette  pièce,  con^ne  Ton  voit,  était  déjà  rare  en 
1633,  temps  de  rimpreasion  dû  livre  de  cet  auteur  (de 
Tune  des  dernières  éditions),  qui  cite  aussi  une  riche 
tapisserie  de  Fontainebleau ,  chargée  du  même  symbole 
de  la  salamandre,  et  accompagnée  de  ce  distique  : 

Ursus  atrox,  Â<}uike<pie  levés,  et  tortllis  Âoguîs 
Cessenmt  flammae  jam,  Salamandra,  tuœ. 

C'est  une  allusion  aux  expéditions  glorieuses  de 
François  I*'  en  Suisse,  en  Allemagne  et  dans  le  Mi- 
lanais. Au  reste ,  Paradin  n'est  pas  le  seul  qui  fait  re- 
monter ce  fameux  symbole  jusqu'au  père  de  Fran- 


(i)  La  salamandre,  avec  des  flammes  de  feu,  était  la  de- 
vise du  feu  noble  et  magnifique  roi  François ,  et  aussi  au- 
paravant de  Charles,  comte  d'Angouléme,  son  père.  Je 
MOiJRBis  BT  j'ÉTBiNS.  (Paradin,  Bmses  herdù/ues,  elc«  Paris, 
i6a2,  in-8«.) 


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(43a) 

çois  T'.  Jean  le  Labonreur,  dans  ses  Tombeauœ  iU 
luslreSj  après  avoir  parle  de  la  cërémcmie  du  trans-- 
port  du  cœur  de  ce  {urince  (i)  aux  cëlestins  de  PariS| 
ajoute  :  a  Le  sieur  d^Hemery  d^Amboise  lui  donne  la 
a  salamandre  pour  devise,  et  dit  que  le  roi  François, 
(c  son  fils,  la* porta  après  lui.  »     ' 

Le  même  le  Laboureur,  en  rapportant  aussi  ce  qui 
se  passa  le  sa  mai  1547?  lorsque  le  cœur  de  ce  mo- 
narque fut  pareillement  porté  aux  cëlestins,  observe 
que  ((  sa  devise  fut  une  salamandre  dans  les  flammes, 
«  avec  ce  mot,  nutrisco  et  extinguo.  Quelques-uns 
ii  Font,  dit-il,  interprète  avoir  ét^  le  symbole  de  vertu 
M  et  gënërositë  de  ce  roi  en  quelque  entreprise  que  ce 
{(fût;  d^autres,  entre  lesquels  est  Paul  Jove,  disent 
«  que  ce  fut  une  devise  amoureuse  pour  montrer  qu'il 

((  brûlait  du  feu  d'amour et  qu'il  se  nourrissait  du 

((  feu  de  cet  amour.  »  Le  même  auteur  dit  aussi  qu^il 
y  ajouta  ce  mot  italien,  mi  nutrisco. 

Il  y  a  lieu  d'être  surpris  que  le  P.  Daniel ,  qui  a  pu 
être  instruit  de  toutes  ces  choses,  qui  cite  même  Pa- 
radin  sur  ce  sujet ,  ait  écrit  si  affirmativement  que 
Franco^  !•'  a  prit  pour  symbole  une  salamandre,  avec 
((  CCS  mots  de  son  invention  :  Nutrisco  et  extin- 
Guo.  »  Deux  choses  extrêmement  douteuses,  savoir  : 
que  ce  prince  ait  choisi  lui-même  ce  symbole,  et 
qu'il  soit  aussi  l'inventeur  de  la  devise ,  comme  le  veut 


(i)  Charles  de  Valois,  due  d'Orléans,  comte  d'Angou- 
léme. 


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(433) 

« 

le  P.  D^el.  La  médaille  qui  donne  Heu  à  mes  re^ 
mirques  détruit  absolument  cette  idée  ;  elle  est  frappée 
pour  ce  méme|H*ince,  elle  contient  le  même  symbole; 
mais  1q  prince  a^avait  alors ^  comme  on  Ta  déjà  dit, 
(pe  dix  ans;  il  n'était  pas  en  &ge  de  se  choisir  un 
symbole,  encore  moins  d'inventer  là -dessus  des  pa- 
roles, conirenables;  la  devise  est  d'ailleurs  différente 
sur  ce  monument  incontestable,  de  celle  dont  parle  le 
P.Daniel. 

Côt  auteur  ajoute  qu'il  a  peine  à  pénétrer  le  îi^is 
et  la  finesse  des  deux  mots  de  la  devise  &n  question  ; 
il  croit  cepend*nt  que  ale'jMfihtf©  vouloitfaire  côm- 
(f prendre  que'  comme  cet  animal,  ainsi  qu'on  l^it, 
«  vit  ^u  milieu  du  feu ,  de  même  il  étoit  à  l'épreuve 
i(  des  plus  rudes  revers  de  la  ibitune.  » 

Enfib  le  P*  Daniel,  qui  avait  vu  dans  Paradin  ce 
qui  est  dit  d^ila  médaille  du  jeune  duc  de  Valois,  au 
revers  de  la;  salamandre,  avec  la  devise  italienne: 
NotDitiSGo  II.  BUONo  ET  SPENGO  IL  AEO,  explique  ainsi 
cette  jautre  devise  :  «  Par  oà  il  marquoi^,  dit -il  ^  sa 
(tbotnté  et  son  équité  qnifierjTe^doîent  libéral  envers 
(des  gete  de  bien,  et  lui  >faisôien#\  punir  les  mé- 
Y^chaiist)) 

MasiH|)dse  augmentera  cette  autre  interprétation; 
qui  prCKUve  aa moins  que^le  P. 'Daniel  n'a  pas  fait  at- 
tention aux  paroles  expresses  de  l'auteur  qu'il  cite, 
que  j'ai  rapportées  ci-devant,  et  que  je  suis  obligé  d^ 
r^)éter  ici  :  (c  II  me  souvient  avoir  vu  une  médaille 
«en  bronze  di;^it  roy  François  peint  en  jeune  ado- 
«  lescent,  au  revers  de  laquelle,  etc.  »  Je  vous  laisse^ 
I.  9*  LIV.  28 


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(  434  ) 

moosîear,  joger  »  ce  jeune  adoleseeat ,  dont  je  voug 
ai  nudrqué  Tâge  prëois  par  ma  médaille  ^  i^it  ea  ém 
dé  ponir  k»  médiam  ei  de  marquer  sa  libëtialhë  ea^ 
vers  les  gens  de  Uen/  La  même  raison  vait  q^'û 
notait  pas  plus  capable  alors  de  donner  à  cet  emblème 
une  devise  italienne  qu*nne  devise  latine.  Csff  le  Père 
Daniel  ajoute  <|ue  a  Tune  latine  (l)  fut  apparemment 
K  faite  d'après  Titalienne^  qui  &tt  abbi^ée  par  oe 
(( prince  même,  ou  par  quelqu^autre  qui  ne  sçavdt 
i<  pas  mieux  le  latin  ^pe  lui;  car  le nutri^t^  n'est  pas 
«  \m  mot  latin,  i^  ^ 

C'est)  ce  me  semble^  tout  ce  qu'on  peut  accorder 
là-oessus  :  mUrisco  n'est  pas  un  mot  latîn  >  cda  est 
certain;  mais  tout  le  reste  paraît  un  peu  hasardé.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  doit  du  moins  résulter  de  ces  obser- 
vaticms,  que  ce  n'est  pc»nt  Branç^  l!%  soit  comme 
duc  de  TaUns,  soit  comme  roi  de  France ,  qui  a  in- 
venté le  symbole  et  la  dévise  de  la  sàhnriandre  ;  que 
ce  symbole  paraît  pour  la  première  fois  sur  une  mé- 
daille de  ce  prince ,  frappée  dans  son  bas  âge ,  et  dix 
ou  douze  d30&  avant  scm  avènement  à  la  couronne^  et 
en£n  qu'à  moii^  qu'on  ne  produise  une  médaille  ou 
quelqu'autre  monum^t  incontestable  qui  porte  k 
nitéme  symbole^  ait  pour  Charles  de  Yali^,  csomte 
dTAngouléme^  ceique  Paralia^  leLd»uremr  et  â'Hé- 
m^y  o^t  avimcé  là^ckssus,  se  trouve  dénué  ife  preuves, 
i?t  avaticé  sons  fondement.» 


(t)  Il  faut  emeâdre  ceile  dont  parle  Pàtd  Jove  ,  èti^  p^^ 
ParadJn. 


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(435) 

£)ian$  ces  circonstances)  je  ne  vois,  monsieur^  am- 
cun  inconvénient  de  nous  en  ra^K»rter  à  Méz^Tay^ 
auteur  plus  exact  y  et  d^un  plus  grand  poids  que  les 
trois  dont  je  Tiens  de  parler,  et  de  donner  rinvenûon 
de  ce  symbole  et  des  paroles  qui  raccompagnent  à 
Artus  de  Grouffier,  gouyemeur  du  prince,  dans  Tin- 
tention  et  par  les  raisons  marquées  dans  Thistoire. 
C'est  sans  doute  œ  sage  gouvarneuir  qui  a  £dt  fir^ 
p^  la  m^flaiUe  que  je  possède,  dont  l'époque  et  Tâge 
du  prince  démontrent  que  c'est  la  première  qui  ait 
été  faite  pour  Hii  :  elle  con&rme  ausâ  mes  remarques 
à  ce  sujet. 

Il  paraît  par  plusieurs  autres  médailles  Irappées 
dc|)iiis  que,  ce  prince  fut  monté  sur  le  trône ,  qu'il 
aima  particulièrement  ce  symbole^  qui  lui  vei^t  d'une 
personne  <di^e  et  respectaUe.  J'en  rappcnrta^  seu'* 
lement. quatre,  du  nombre  de  tselles  que  j'ai  déjà  dit 
acvjtnt  été  gmyées  et  expliquées  dails  Mé^aray,  savoir: 
la  6.,  sur  le  revers  de  laquelle  est  une  salamandre 
couronnée  dans  les  flammes ,  Nutrisca  et  extinguo^je 
m'/noums  et/e  Vétems*  I««a  aS-^  une  F  couronnée, 
la  salamandge-au  pied,  de  cette  lettre,  et  pqur  deviset 
Opéra  Domùn  magna  j  firappée  par  ks  ^beVins  de 
Paris,  itm  mémoire  du  bâtiment  de  rHôtel'4e^yille* 
La  34'9  ^  salamandre  dans  le  feu,  et  ccHircomée  ;  le 
champ  de  la  médaille  est  É/^mé  de  la  lettre  F  et  de 
fleurs  de  lys,  aveu  ces  mots  :  Extinguo,  mOrior.  El 
la  a5.,  la  ^amandre  couché»  au  milieu  des  ilammes^ 
les  dissi^  ou  les  auKntit  par  son  baleine,  tcmrnant 
la  tête  vers  une  couronne  qui  est  au-dessus,  pour 


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(436) 

marquer  la  grandeur  du  courage  du  roi;  pour  légende 
ces  deux  vers  autour  : 

Dîscolil  li»c  flammaoi  :  Fnncisciis  robore  mentis 
Omnia  penricit,  renun  immersabilis  nadis. 

Ces  quatre  médailles  ont  été  frappées  en  or,  et  se 
trouvent  encore  en  certains  cabinets;  elles  prouvent 
la  variation  quHly  a  eu  dans  Tapplication  dji  symbc^e 
de  la  $alamandre,  et  dans  les  paroles  qui  Tont  accom- 
pa^é  j  suivant  les  temps  et  les  difféfentes  vues  des 
personnes  qui  Font  employé  depuis  le  premier  inven- 
teur. Au  surplus  j  ne  faiscms  point  de  procès  ou  de 
mauvaise,  chicane  à  ceux  qui  ont  estropié  quelque 
nK>t  italien ,  en  gravant  ou  en  im|»imant  la  devise  en 
question,'  comme  je  Tai  remarqué  au  conanence- 
metft  ;  on  n'était  pas  si  exact  en  ce  temps4k.  Cela  ne 
fait  rien  au  fond  du  sujet ,  et  lie  dinûnue  en  rien  le 
mérite  du  monument  mginal  qui  est  gravé  dans  le 
Mercure. 

Peut-être ,  monsieur,  ne  serez-vous  pas  fèché  qu**en 
finissant  j'ajoute  un  mot  en  faveur  du  personnage  à 
qui  Afézeray  en  attribue  l'invention^  Artos  de  Gouf- 
fier-,  comte  d'Estampes  et  de  iCaravas ,  sdgiïeur  de 
Boisy,  etc.,  était  issu  d'une  illustre  etanciemfie  maison 
de  la  province  de  Poitou,  laquelle  a  été  féconde  &l 
grands  hommes.  Il  était  fils  de  Gtdllaume  de  Goufller, 
seigneur  de  Boisy,  baron  de  Roanés,  de  Maulevrier, 
de  fionnivet,  etc. ,  premier  chambellan  du  roi ,  gou- 
verneur de  Languedoc  et  de  Touraine,  etc.,  gouwr- 


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(43?) 

neur  du  roi  Charles  YIII  et  de  Philippe  de  Mcmt- 
morency. 

Frsmçois  P',  dont  il  fut  gouverneur,  le  comhla  de 
biens  et  d^honneurs;  il  lui  donna  la  charge  de  grand- 
maître  de  France ,  et  le  gouv^mement  de  Dauphin^, 
le  fit  son  principal  ministre,  et  Thonora  de  plusieurs 
ambassades  importantes ,  dont  la  principale  fut  vers 
les  électeurs  de  TËmpire ,  après  la  mort  de  Tempe- 
reur  Maximilien,  pour  déterminer  leurs  suffrages  en 
£iveur  du  roi  son  maître.  Quelque  temps  auparavant, 
Charles  Y,  roi  d'Espagne,  qui  fut  depuis  empereur, 
ayant  pmposé  un  accommodement,  le  roi  n(»nma  de 
sa  part,  pour  chef  de  la  négociation,  Artud  deCroc^ 
fier,  et  le  roi  d'Espagne  Antoine  de  Croiiy,  seigneur 
de  Chierres ,  qui  avait  aussi  été  son  gouverneur;  Ces 
seigneurs  s'assemblèrent  à  Noyon ,  et  firent  le  traité 
qui  porte  ce  nom  dans  Thistoire,  leqi^l  fut  ratifié  par 
les  deux  rois.  La  France  ne  profita  pas  long -temps 
du  ministère  d'un  homme  si  sage ,  et  Axtus  de  Gouf- 
fier  n'eut  pas  le  déplaisîir  de  voir  les  dis^ces  de 
TEtat.  Il  mourut  en  Pan  i5i^ ,  lai^saAt  un  fils  um? 
que,  Claude  de  Gouffier,qui  fiit  duc  de  Roanés,  pais 
de  France,  par  érection  de  i566,  comte  de  Cara- 
vas,  etc.,  grand-écuyer  de  France,  et  dont  la  postérité 
a  formé  plusieurs  branches,  etc. 

Deux  fi'ères  d'Artus  de  Gouffier,  Adrien  et  Guil- 
laume de  Gouffier,  fiirent  élevés  à  des  charges  et  à 
des  dignités  considérables  :  le  premier  fut  évêque 
d'Alby,  puis  cardinal ,  légat  en  France ,  et  grand- 
aumônier  :  le  second  est  célèbre  dans  rbisloire  sous 


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(433) 

le  nom  à^anUral  de  Btmnivetj  s*ëunt  fort  signalé 
par  mer  et  par  terre.  Il  fut  aussi  gouverneur  de  Dau- 
l^nnë  et  de  Guyenne. 

Deux  autres  frères  furent  distingues  dans  TEglise^ 
savoir,  Pierre  (i)  de  Gfouffier,  abbë  de  Saint-Denis 
et  de  Saint-Pierre-sur^Dive,  et  Aimar,  qui  fat  évêque 
de  CoutanceSy  puis  d'Alby,  ahhé  de  Lagny,  et  enfin 
suecesseur  de  son  frère  en.  Tabbaye  de  Saint-Denis. 

Un  cinquiëne  frère ,  Guillaume  de  Gouffier,  sei- 
gneur de  Bonnivet ,  puis  de  Thoy,  par  son  second 
mariage  fait  la  branolie  âea  seigneurs  et  marquis  de 
B<mmTet.  II  se  distingua  dans  les  guerres  d'Italie,  et 
fut  ttK  à  k  jonmëe  de  Pavie  en  iSù^. 

Je  passe  les  autres  iUustrati<ms  et  les  grancfes  al-^ 
Uanoes  de  cette  maison ,  qui  subsiste  encore  au^ur- 
d'kui  dans  les  personnes  du  marquis  (s)  de  Thoy, 
père  du  marquis  de  Goufl^er,  du  comte  de  Roanés,  et 
du  marquis  de  Bonnivet.  Je  ne  dirai  rien  non  plus 
de  ses  différentes  branches  de  Caravas ,  d'Espagny,  de 
Brazeux,  de  Heilly,  etc.,  me  contentant  de  remar- 
quer que  le  duéhé  de  Roanës  est  s<»rti  de  cette  illustre 
maison  par  le  mariage  de  Cbariotte  de  Gouffier,  du- 


(i)  Doublet,  dit  le  noorel  Idstorieii  de  Smnt-Deiûs,  nous 
a  Gonserré  Tépitaphe  de  Pierre  de  GoofSer,  mort  en  i5i6, 
gravée  sur  une  tombe  d'ardpîse  qui  se  voyait  autrefois  dans 
le  chœur  de  Saint  -  Denis  »  avec  ses  armes  ^  qui  sont  d'or  à 
trois  jumelles  de  sahle, 

(a)  Le  marqnîis  de  Thoy  est  depuis  d^édé  le  a  mars 
1739. 


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(  439  ) 
ehesse  de  Roanés,  oui   épousa   en  1667,  François 
d^Aubusson  de  la  Feuillade,  pair  et   maréchal  de 
France  )  etc. 

Je  suis,  monsieur,  etc. 

A  Paris,  le  a  janvier  1739. 


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(44o) 
TRAITÉ 

DES  EOIS  DE  FHANCE  AVEC  LES  ARCHEVESQUES  DE  ROOEII , 

Par  lesqueb  îli  les  oUigeni  de  Tcalr  mne  fois  Tan  à  leur  cour,  à  la  charge 

qa*ils  les  en  feront  convenablement  semondre ,  et  qa'ils  envoyeroot 

an- devant  d*eaz  un  honorable  convoy..^ — L*an  Ma.xxzxi  (i). 

(3)  Av  nom  de  la  saincte  et  indiuiducTrinité.  le  Phi- 
lippe,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  de  France,  octroyé 

(i)  Cette  pièce  et  celle  dont  elle  est  suivie  sont  tirées 
d'un  Recueil  fort  rare ,  intitule  le  Mercure  isGaillon,  oa 
Recudi  de  pièc€9  curieuses,  iani  Mérarchiques  <^  poSUgues. 
A  Gaiilon,  de  l'imprimerie  du  Chasteau  archiépiscopal  (de 
Rouen),  i644-«  in-4'*.  Ce  livre ,  dont  il  n'existe  qu'on  très- 
petit  nombre  d'exemplaires,  fut  publié  par  les  soins  de 
François  de  Harlay,  archevêque  de  Rouen,  qui  traduisit  ou 
analysa  lui-même  les  pièces  les  plus  anciennes  rédigées  en 
latin  ,  et  «pii  se  qualifiait  le  reUgfomsime  François ,  etc....  II 
em  pom*  successeur  le  célèbre  François  de  Harlay,  son  ne- 
veu, qui  occupa  ensuite  le  siège  archiépiscopal  de  Paris,'niaîs 
qui  était  un  peu  moins  que  reUgiogissime,  (JS£^  CL.) 

(2)  In  nomîne  sommet  et  indimàuœ  Trinitatis.  Ego  PhH^prn, 
J)ei  gralià  Francomm  Rex,  concedo  Abiatiam  Sancd  MeUoms 
de  Ponte-Isarœ  Domno  VçUelmo  Rotomagensi .  archiepiscopo , 
et  omnibus  Successoribus  suis,  et  dono  infedium,  Qt  eam  de  me 
et  de  Successoribus  imis  perpétua  teneant  ad  honarem  et  exalta- 
tionem  Sanctœ  Botomagensis  Ecclesiœ.  Sed  et  de  EcdesOs  atqm 
Altaribus  quœ  sunt  in  Vikassino,  de  quibus  prœfatus  Archiepis- 
çQp\tS  monstrare  patent  rectitudinem  Ecciesiœ  suœ,   concedo  ei 


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(  440       . 

Tabbaye  de  sainct  Mellon  de  Pont-Oyse  à  messire 
Guillaume,  archeuesque  de  Rouen,  et  à  tous  ses  suc- 


auxiUum  meum,  fordtudinemf  atque  consiUum  secundàm  justi- 
tlam.  Prœter  hœc  eUam  conceâo  et  confirmo  redditîonem  illam, 
qua  Gualierim  Cornes  fiHus  Drogonis  Condtis  redàiâît  Maunlîo 
Rotomagensi  Archiepiscopo  et  ommBus  Successonèus  suis  totum 
iUud  quûd  pertinet  ûd  Archidiacona^im  de  Vileassînù ,  suie  in 
Castelh  de  Ponte*Isarœ,  siue  extra,  et  quodcumque  ipst  ante  hœc 
in  manu  sua  detinehat,  oel  aUquis  per  eum  habehatetpossidebat» 
SimiUter  et  in  Caluomonte,  et  reliquis  siue  burgis,  siue  çillis. 
Hanc,  inquam,  redditionem  tali  raiîone  cof^rmo ,  çt  si  est  de 
fedio  meOf  de  me  ilhid  habeat  Rotomagensis  Archiepiscopus  :  si 
oerà  est  de  Archiepiscopatu ,  de  Comité  Normanorum  teneat, 
cuùis  est  Archiepiscopus.  Hoc  autem  erit  sendtium  quodpro  prœ- 
fatofediôfadet  mihi  Rotomagensis  Archiepiscopus  :  Per  singulos 
annos  çeniet  ad  çnam  ex  CurOs  meis,  siue  Beluacum,  siue  Pûri^ 
SUIS,  due  Sihanectum,  si  fecero  eum  conuenienter  submoneri , 
nisi  ipse  iegitimam  excusaUonem  Jtabuent  Cùm  autem  ad  Cu-- 
riam  meam  0enerit,  imittam  ei  Conductum  tut  Caàmmmontem  , 
siue  ad  Pontem-Isarœ.  Sed  et  ad  pîacita  mea  çeniet  pèr  VUcassi- 
num,  si  et  ego  eum  inde  fecero  conùenienter  submoneri,  Vt  autem 
hcec  ratio  omnibus  tam  prœsentihus  quàm  futuris  fiât  cogmta ,  et 
Caria  hœcfimdtatem  obtineat,  Nominis  mei  inscriptione  et  Si-- 
gilU  mei  impressiorie  corrobprari  fed  et  prasmunin,  Anno  Mp, 
X&.  V*.  ab  Incamatione  DominL  Huic  œrà  Donatiord  interfuej 
runt  ex  mea  quidem  parte,  V^ido  Dapifer  de  Rochefort,  et  Adel" 
mus  de  Lusarces,  et  Galterus  Tyt^l,  et  Pagamis  de  Nielfa,  et 
OdofiJiiês  V^alonis ,  et  Hubertus  Canceîlarius  meus  :  Ex  parte 
çerà  Archiepiscopi,  Odmvndus  de  Caluomonte,  et  Drogo  fiUus 
Gualonis  et  Rîcardus  de  Pormort,  et  Fhibertus  Archidiacon^s , 
et  Bicardus  Capdlanus,  et  Herbertus  de  Cahiomonte,  et  Vrssf 
Canonicus ,  et  Rogerus  de  ConstanUis  et  Vvibertus  Canomçi,  &'^ 


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.         (  44a  ) 

Casseurs ,  et  la  leur  àatme  en  fief  ^  afin  qu*ils  la  tien- 
nent de  moy  et  de  mes  saeeeaseurs  pour  toujours , 
pour  rhonneur  et  exaltation  de  la  saincte  église  de 
Rouen  :  comme  aussi  pour  le  regard  des  ^lises  et 
autels  qui  sont  au  Yexin,  desquels  ledit  archeuesque 
pourra  monstrer  la  droicture  de  son  ëglise,  ie  lui  ac- 
ccnrde  mon  ayde,  force  ^  et  conseil  selon  iustice.  De 
jAuBy  i'octroye  et  ccmfirme  la  restitution  par  laquelle 
le  comte  Gautier,  fili  du  comte  Druon ,  a  rendu  à 
Maurilles,  archeuesque  de  Rouen ,  et  à  tous  ses  suc* 
cesseurs ,  tout  ce  qui  af^>artient  à  Tarchidiaconë  du 
Vexin ,  soit  au  chasteau  de  Pont-Oise ,  soit  hors  d*ice- 
luy,  et  tout  ce  qu^il  detenoi)  en  sa  main  auparauant, 
ou  que  quelquVn  auoit  et  possédoit  par  luy.  Sembla- 
blement  à  Cliaumont  et  aux  autres  bourgist  ou  villes. 


gnum  ^  PhiUpfA  RâgiSf  signum  ^  V^alten  TircUip  signum  *  Pu- 
gani  dé  Nielfa ,  dgmm  f  Adelelmi  de  Lusarces,  signum  V^ido- 
ms  Dafdferi  *•  de  Rocefort  SigUlatum  sigiilo  antique  m  mas* 
tice  in  i{uo  effigies  Régis  sedentis  conspicitur. 

Ego  Joannes  le  Preuostpresbyier  sancUe  R^omagenâs  eccledm 
sanotticus  et  MbUoÈecarius,  in  duttaUM  dioced  Raiomagensi  noia- 
rius  ûpostolicuÈy  transumptum  superiàs  descriptum  cum  autographe 
in  membrana  vetustis  characterièusexarafo,  in  archiau  arckiepisah 
paH  Rutomagensi  studiosè  asseruato,  sincère  et  seduid  contuU,  ip- 
sumque  oidographum  ibidem  reposai,  de  mandaéo  reiigiosissimi  et 
iihtstrissimi  dondni  mei,  dffmini  arckiepiscopi  Rotomagensis  Ner- 
maniœ  primfltis.  Anno  DomM  millesimo  sexceniesimoquadragesin» 
tertio,  pridie  kaiendas  Augustin 


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{  443  )     ' 

le  coiifinne,  dîs-Je,  celte  n 
que  si  elle  est  de  mon  fief, 
l'aye  de  moy  :  que  si  c'est 
tienne  du  comte  de  Norman 
uesque.  Or  ce  sera  là  le  seru 
Rouen  me  fera  pour  ledit  fie 

nu  à  vue  de  mes  cours,  soit  à  Beauuais,  soit  à  Paris,' 
soit  à  Senlis,  si  ie  le  fais  c<muenablement  semondre  j 
si  ce  n'est  qu'il  aye  excuse  légitime.  Or  quand  i) 
Tiendra  en  ma  cour,  ie  luy  enuoyeray  tu  ccMiuoy  à 
Chaumont  ou  à  Pont-Oyse.  Il  viendra  aussi  à  ta^ 
pieds  ^ar  le  Yexin ,  si  ie  l'en  fais  conuenablemeni 
semondre.  Or  afin  que  ce  u^ittë  soit  conilu  à  tous, 
tant  prësens  qu'à  l'aduenir,  et  que  cette  chartre  de- 
meure inuiolable,  ie  luy  ay  voulu  donner  force  et 
vertu  par  l'inscription  de  mon  nom  et  l'apposition  de 
mon  sceau,  l'an  de  l'Incarnation  de  Nostre  Seigneur 
mil  quatre-vingt-onze.  Or  à  cette  donation  ont  esté 
présents  de  ma  part ,  Guy  seneschal  de  Rochefort , 
et  Adelme  de  Lusarches,  et  Gautier  Tirel,  et  Payen 
de  Neaufle,  et  Eudes  fils  de  Valon,  et  Hubert  mon 
chancelier;  et  de  la  part  de  l'archeuesque,  Osmond 
de  Chaumont,  et  Druon  fils  de  Galon,  et  Richard  de 
Pormort ,  et  Fulbert  archidiacre ,  et  Richard  chap- 
pelain,  et  Herbert  de  Chaumont,  et  Ourson  cha- 
noine, et  Roger  de  Coutances  et  Vvibert  chanoines. 
Lie  seing  du  roy  *  Philippe,  le  seing  de  *  Gautier 
Tirel,  le  seing  de  ^  Payen  de  Neaufle,  le  seing  -f 
d' Adelme  de  Lusardies ,  le  seing  *  de  Guy  senes- 
chal de  Rochefort.  Sceellé  d'vn  ancien  sceau  en 


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»     (444) 

mastic  j  auquel  est  représentée  r image  d'^^yn  Roy 
assis  en  son  thrône. 

le  lean  le  Preuost  presire  chanoine  et  bibliotjie'- 
Caire  de  la  saincte  église  de  Rouen,  notaire  apostoli- 
que en  la  ville  et  diocèse  de  Rouen ,  ay  collationnë 
sincèrement  et  soigneusanent  Fextraict  cy-<lessus  co- 
pié, auec  son  original ,  écrit  de  vieux  characteres  en 
parchemin ,  (jui  est  diligemment  gardé  dans  les  ar- 
chiues  du  palais  archiépiscopal  de  Rouen,  et  j  slj  re^ 
lîj^  ledit  original ,  et  ce  par  le  commandement  de 
monseigneur  le  religiosissime  et  illustrissime  turche- 
uesque  de  Rouen  primat  de  Normandie,  Tan  de  nos- 
tre  Seigneur  l643,  le  dconier  iour  de  iuillet. 

Signé  i-E  PREVOST. 


TRAITÉ 

DE  RICHARD  (CŒUR  DE  UOK),   ROI  d'âIïGLETERRE, 
aVeC  l'aRCHEVESQUE  de  ROUEN, 

d'Eschange  des  miles  d'Aadely,  aux  comUt  de  Dieppe  et  BmiidUes, 
de  JjQwiers,  d'Alliermont ,  etc. 

(i)RiCHARD,  par  la  grâce  de  Dieu,  roy  d'Angleterre, 
duc  de  Normandie,  Aquiuûne,  comte  d'Anjou  :  aux 


(i)  Bicatidçsy  Bei  Gratia  BexAngliœ,  Dux  NoFmamœ,  A^- 
taniœ,  Cornes  Andegauiçe  ;  Anhiepiscopis ,  Episcopis,  Abbad" 


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(445) 

arolMuesques,  eiiesques,  abbez,  prieurs,  comtes,  ba* 
Fons,  iusticiers,  s^Qeschaux,  vicomtes,  preuosts,  mi- 


àtis,  Prianbm,  Comitibus,  Bawmbus ,  Justitiarijs,'Senescha^ 
Hs,  Vîceœmitibus,  Prœpositis,  Ministris,  et  omnibus  Batllhds, 
et  fideUbii$  suis,  SahOem.  Cùm  Sacrosancta  Ecckuee  Sponsa 
sit  E£gis  Bêgum,  eêQtdca  DUecta^iHus  per  quem  Reges  régnant 
et  Principes  gubernacula  possidenf,  tantà  ampUorem  à  oolumas 
DeuatSanem  a  JReuerenti^m  eaûdbere,  quanta  certiàs  non  Re- 
giam  ianiian,  sed  omnem  à  Domino  Deo  esse  eredimus  Potesta- 
tem.  Vnde  sicut  VenerabUis  Bothomagensis  Ecclesia,  quœ  inter 
çnàser^as  terranmi  nostrarum  pbtrima  cekbritate  dignoscitur  em- 
tere,  pro  retum  necessitate  ^el  temporum,  nostris  àuxit  çtilitati- 
bus  opportuna  HUgenÈia  consulendum;  sic  nos  eiusdem  Matns 
nostrœ  commuais  et  augmentas  digna  compensatione  dignum  du- 
dmus  respondere.  Sanè  Villa  AndèUad,  et  quibusdam  aUjs  adia-- 
ceniibm  lods,  quœ  erant  Bfithomagensis  Ecclesiœ,  ndtm  si^[fi^ 
dettier  firmatis,  immids  nostris  in  terram  nostram  Normaniœ 
per  eadem  hca  patebdtingrwus,  per  quœ  incendijs  etrapiniSf 
nec  mnk  et  aUjs.  hostiKUffy  $amtijs  in  eamdem  terram  nonnum- 
quam  Hceniiùs  grassùbantur.  Qaomca ,  çen^rabili  Pâtre  Vutd^ 
tero  ArchiepisiX^  et  Capituio  Rûtnomagensi  debitum  Ju^bentibus 
ad  nostra  et  prcsdictce  terrm  nostrœ  damna  respectum,  facta  e^t 
}u»c  Pemxutatiù  inter  Ecclesiam  Rothomagensem  et  Arcfuepisoo- 
punh  Rothomagensem  Fualtertm  eso  çna  parte,  efmos  ea^  altéra 
parie,  deManerio  de  Andeliia  hac  forma,,  SeiKcet  quùd  idâm 
Archiepiscopus  de  consçientia  et  çobmtaie  Bomini  Papm  Cœles^ 
Uni  Teri^,  et  de  assensu  CapituU  Rothoma^mis  Eeclesiœ  ,  et 
c^iscoporumsuonan,  et  cleri  eiusdem  Archiepiscopatus ,  conces- 
mt  et  m  p&petuum  qùietum  clamamt  nobis  et  hceredibus  nostris 
prœdktmn  Maneriikn  de  AnâeU  cum  noua  Castello  de  Rupe,  et 
cum  Foresta,  etcum  ùmmbus  alijs  pertinehtijs\et^Ubertatibm 
SUIS,  exceptis  Ecùlesiis,.et  Prœbendis,  et  Feodis  MiUtumy  et  «qp- 


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(446)    • 

nistres,  et  h  tous  baiUifs  et  ses  femix,  salut.  Onnooe 
amsi  soit  que  la  ^cre  -  saûicte  E^ise  est  Tepoose  du 


cepio  Manaio  de  Fraadnis  mm  pertineatijs  suis.  Quœ  omma 
iâem  Archiejfdscopm  EccUsùz  Boihomagensi  et  sibi  et  successori" 
hus  suis  retimdt,  cum  omnilnis  îihertaUbus  et  liberis  consuetudim- 
hus  suis,  et  cum  omm  integritate  sua  in  perpetuum,  Ita  qubd  tam 
MUUes  quàm  Clerid,  et  omnes  homines  tam  de  Feodis  MiUit^n 
iptàm  de  PhJtBendis,  sequentur  molen^na  de  AndeU ,  skut  cdr^ 
sueuéruntet  debait,  etmoltura  erit  nostra.  ArcMepiscopas  aatem 
et  homines  sui  de  Frasùims  molent  çbi  idem  Archiepiscopus  polei, 
et  si  0oiuerint  molere  apud  Andèli,  daînmt  molturas  suas,  sicut 
aKj  ibidem  moîentes.  In  Escanèium  autem  prœdicti  Manerij  de 
AndeU  cum  pertinentijs ,  concessimus  et  in  perpetuum  quieta  éla-* 
mamrrmaJEcàiesiœ  Rothomagensi  etprœdicto  ArcTdefdscopo  et  suc- 
cessorihus  suis,  omma  moiendina  qwt  nos  haimmus  Rolhomagi, 
quando  hoec  permutaUofactaJidt,  intégré  cumomni  sequda  et 
tnokura  sua,  sine  aUquo  retinemento  eOfum  qucs  ad  moiendina 
pertinent,  çei  ad  moHumm»  et  cum  omnibus  Uiertatibus  et  libé- 
rés coniuetudinibus ,  quas  soient  et  debent  habere.  Ifec  aUad  alij' 
ficebit  fnolendinum  faca^  iàUem  ad  detrimenÉam  prœdictomm 
molendinorum  :  et  débet  Archiepiscopus  sobsere  eïeemosynas  Oft^ 
'Hquitùs  staùdas  4»  eisdem  molènMms,  Concessimus  etiameis  Vil* 
iam  de  Diepa  et  Villam  de  Boieilles,  cum  omnibus  perO^Èenim, 
et  UhertatUnà,  et  liberis  consuetudirdbus  suis ,  exc^pUs  eteemosy- 
M&  constitutis  in  Manerio  de  Diepa  à  nùbis  et  antecessoribus  m$^ 
tr^ ,  qûàrum  summa  esttrecentâs  et  septuaginia  àum  Ùhrœ,  qua 
debent  sobd  per  maman  pra^cU  Archiejdscopi  et  successorum 
suûrum  bis  qmèus  assignatce  swvt.  Concessimus  etiam  eisdem  Ma' 
àèrium  de  Lmiiers  cum  omnièus  pertùftentiis ,  et^HèertatOfus,  et 
Hheris  consuetudinOus  sah;  cum  Minesterio  de  Louiaps^  saàais  ad 
Ofus'mstrtuà  pemOùme  nostnt  et  desiructione  Forestm,  iia  tamen 
quàd  non  sii  in  reuuardo,  Coficessimm  etiam  eis  iotam  Forestam 


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(  447  ) 

m    fi^  d0»Toy&,  et  IViiique  bien  -aymée  de  cekiy  par 
K    lequel  les  roy^  regaent  et  les  princes  possèdent  les 


de  Altermontmm  feris,  et  omnibus  alljs  periinentijs,  et  Hberta- 
lihus  suis,  sicut  eam  habuimus,  Hœc  autem  omrda  in  Escamhîum 
prœdicti  Manerlj  de  Andeli  çum  prœâicHs  peHinenûjs  data  lia- 
bêbunt  Ecclesia  Roihomagensis  et  prœdîùtus  Aràdepiscopus  et 
successm^s  sui  in  pérpetuum  cum  omnibus  libertatibus ,  et  îibens 
ooi^sueàsdinibus  sm ,  dcat  prœdicimi  est*  HonUn^s  mUm  f^w^ 
dicti^Archiefdseopi,  de}pt?€$dicto  Escambio,  habebunt  omnes  liber- 
iates  et  libéras  consuetudines  quas  habuerunt  homines  de  An- 
deli, dian  Manerium  illud  esset  in  manu  ipsius  Archiepiscopî, 
Hœc  etiam  omrda  quœ  idem  Archiepisàopus  in  hoc  Escambio  re- 
cepit,  vuarantîzabimus  Nos  et  Hœredes  nostri  Ecclesiœ  Rotho^ 
magensi  etprœdicto  ArcUejdscopo  et  Successoribus  suis  in  perpe^ 
tmtm  coiUra  omries  homines,  ita  quàd  si  aliquis^  Esmmbium  ali^ 
^pmd  est  rec^tufus  pro  aUifuo  pAediciœitm  quas  memoratus  Ar-- 
(^pisùo^m  hic  recepit,  Nos  çel  Hœredes  nostri  faciemus  illud 
Escambium,  et  Ecclesia  Rotlwmagensis  hœc  prœdicta  in  pérpe- 
tuum pacifich  potsidebit.  Nos  autem,  quantum  Rex  )[>otest,  ex- 
Gommunicamus ,  et  concedimus  qu6d  incurrat  Indîgnatîo- 
neiù  Omnîpotentîs  Dei ,  quicumque  contra  hoc  £àctiim  ve- 
nerit.  Té^tibus  his  Huberto  Cantuariensi  Arçhiepiscopo ,  Joarme 
Vwgomiensi,  Hugone  Couentrensi,  Sauariço  Battoniensi,  Hen- 
,  riço  J^^jo^ensi,  Garino  Ebroicensi,  lisiardo  Sagiensi ,  Vuillelnm 
kemuiemi,^    Fuillelmo   Constantiensi  i    Episcùpis.   .....'  Abbai^ 

Sançtœ  Trinitatis  de  Monie  Rothomagiensi ,  Reginal^  sancti 
VmndregisiU,  Viciore  Sancti  Geargij,  .„.  Vlterioris  Portus,  Os- 
het^  de  PratelUs,  ..♦•  de  AugO,  ,....  de  Corneuilla,  Aftbatibus, 

hgme  Comiie  MoreUmiî,  Othone  Comité  Pictauiensi,  Balduiff^ 
Comité  de  Albemarla,  Bâukl/o.Qnmie  Augi^  Fuiltelmo  Maresr- 
^  CmitedeiStrig^,  FmllalmojfiJio  Raduffi  $enescM>  Nor- 
mmd<e,  Roberto  de  Tumdu^n  Sgnescallo  Andegauiœ,  Vuilkltuo 


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(448) 

gouuememenui  ;  nous  voulons  luy  rendre  autant  jAm 
de  deuodon  et  reuerence^  que  nous  croyons  certaine^' 
ment  que  non  seulement  la  puissance  royalle ,  mais 
toute  autre  est  de  Dieu.  Partant  comme  la  venerabk 
église  de  Rouen,  laquelle,  connneron  sçait,  est  gran- 
dement célèbre  entre  toutes  celles  des  terres  de  nosire 
obéissance ,  a  trouué  bon ,  selon  la  nécessité  des  af- 
faires et  des  temps,  de  pouruoir  à  propos  à  nos  inte- 
rests  ;  ains  nous  iugeons  raisoniiable  de  re^^ndre  par 
vne  digne  compensation  aux  commodités  et  aduanta- 
ges  de  nostredite  mère.  La  ville  d'Andely  et  quel- 
ques autres  lieux  adjacens  qui  appartenoient  à  Te- 
glise  de  Roiien,  n'estant  pas  suffisamment  fortifiez, 
nos  ennemis  pouuoient  aisément  entrer  dans  nostre 
pais  de  Normandie  par  lesdits  endroits  par  lesquels  ils 
se  iettoient  plus  licentieusement  sur  ledit  païs,  le  brus- 
lant  et  rauageant,  et  y  exerçant  d'autres  actes  d'bosti- 
lité.  Ce  qui  ayant  porté  nostre  vénérable  père  Vvau- 
tier,  archeuesque,  et  le  chapitre  de  Roiien  à  considérer 
deuëment  les  dommages  que  nous  et  nostredit  païs 


de  Humeto  Constabl.  Normanim,  GitbertoJiUo  Rdtfiedi,  flii- 
goneBrun,  Garfrlâo  de  Ledmaco ,  Fmilelmo  de  Rupièus,  iia- 
du^o  Camerano  de  Tancandlia,  Vidllelmo  Martel  y  Radulfû 
Teissun,  Gaufrido  de  Saî,  Bbbertà  de  Harecort,  et  mitlds  aEJs. 
Daium  per  mamm  Eustacfâj  EleeU  EUensUy  tune  agentis  oices 
Cancellarij ,  apud  Rùiliomagum ,  Anno  ah  Incamatione  Dondm 
MC.  XCVIL  XVL  die  Octobns,  Aano  Btgni  nostn  octouo. 

Si^latum  sigîllo  magno  in  cera  YÎridi ,  cui  appensos  est 
Annulas  aureus  corn  lapide  pretioso» 


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(  449  ) 

en  reeeuîons;  il  s  est  fait  cet  eschange  entre  Feglise 
de  Rouen  et  Yvautier  arcfaeues(]ue  de  Rouen  d'vne 
party  et  nous  d'autre  part 9  du  maiu>ir  d'Andely,  en  la 
forme  qui  &*en$uit.  CW  à  ^ucûr  que  ledit  arcâieues- 
que,  de  Tadueu  et  volonté  de  notre  sainct  pare  le 
pap#  C!elestin  III,  et  du  consentement  du  chapitre 
de  relise  de  Rouen  et  de  ses  éuesques  soHrsil^sGii ,  et 
du  clergé  dudit  archeueschë,  a  cédé  et  délaie  à  peF-" 
petuitë  à  nous  ^t  à  nos  hoirs;  ledit  manoir  d'Andely> 
âuec  lenouueau  chasteau  de  la  Roche,  et  auec  la  fo^ 
rest,  et  auec  toutes  ses  autres  appartenances  et  liber- 
tés, excepte  les  églises  et  les  prébendes,  et  les  fie^ 
des  cheualieirs,  et  excepté  le  manoir  de  Fresne  auec 
ses  appartenances.  Toutes  lesquelles-  choses  ledit  ar* 
cheuesque  a  reserué  à  perpétuité  à  Feglise  de  Roiien, 
tant  pour  luy  que  peur  ses  successeurs,  auec  toutes 
les  franchises  et  libres  çoustumes  dHcelles,  et  tout 
leur  entier.  De  sorte  que  tant  les  chçualiers  que  les 
ecclésiastiques  et  tous  les  tenans,  tant  des  ûefà  des 
cheualiers  que  des  prébendes,  moudrpnt  leurs  grains 
$ux  moulins  d'Andely,  comme  ils  ont  accouslumé  et 
doivent,  Qij^la  mouture  nous  apparti^jlydra  :  et  Farcbe- 
uesque  et  ses  sujets  de  Freaies  mtouklront  oi^  voudra 
ledit  archeuesquej  et  s'ils  veulent  moudre  à  Andely, 
ils  payeront  leurs  moutures  comme  les  autres  qui  y 
meulènt.  Et  pour  eschange  dudit  manoir  d' Andely 
auec  ses  appartenances,  nous  auons  cédé  et  délaissé  h^ 
perpétuité  à  Teglise  de  Rouen  et  audit  archeuesque  et 
à  ses  successem^s,  tous  les  moulins  que  nous  auons  eus 
à  Roiien  lors  que  cet  eschange  a  esté  fait,  entière- 
!•  9*  uv,  ag 


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(  45o) 

• 

ment  avec  foule  leur  sequele  et  mouture  ^  sans  mictine 
reserua  des  choses  qui  appartiennent  aux  moulins  eu 
à  la  mouture,  et  auec  touteé  leurs  francinaes  et  libre; 
ooustumes  qu^ils  ont  accoustumë  et  doiuent  auoir.  £t 
ne  sera  permis  à  aucun  auure  d*y  bastir  aucun  mou- 
lin, au  pr^udice  desdits  moulins  :  et  doit  1  arclteues 
que  (A^rles  aumosnes  afiectëesd*aniiquité  surlesdits 
moulins.  Nous  leur  auons  aussi  cedë  et  délaisse  la 
ville  de  Dieppe  et  la  ville  de  Bouteilles,  auec  toutes 
leurs  appartenances  et  franchises  et  libres  coustumes, 
excepte  les  aumosnes  affectées  sur  le  manoir  de  Dieppe 
Ipar  nous  et  nos  prédécesseurs ,  desquelles  la  somme 
monte  à  urois  cens  soixan^te  et  douze  liures,  qui  doi- 
uent  estre  payées  par  la  main  dudit  archeuesque  et 
de  ses  successeurs ,  à  ceux  ausquels  elles  ont  esté  as- 
assignées.  De  plus  nous  leur  auons  cédé  le  manoir  de 
Louuiers  auec  toutes  ses  appartenances  et  franchises 
et  libres  coustumes,  auec  le  ministère  de  Louuiers, 
sauf  pour  nostre  personne  le  drcâct  de  chasse  et  de 
route  en  ladite  ibrest,  en  sorte  toutes  fois  qu'elle  ne 
soit  point  en  nostre  garde.  En  outre  nous  leur  auons 
oédé  toute  la  for^t  d*Alieimont  auec  les  Ji»estes  sau- 
nages at  toutes  ses  autres  appartenances  et  libertez^ 
comme  nous  Tavons  eue.  Toutes  lesquelles  cKoses 
données  en  eschange  du  susdit  manoir  d'Andely,  auec 
les  susdites  appartenances,  Téglise  de  Rouen  et  le  sus- 
dit archeuesque  et  ses  successeurs  aurcmt  à  perpétui- 
té, avec  toutes  leurs  franchises  et  libres  coustumes, 
comme  dit  est.  Et  les  gens  dudit  archeuesque  dudit 
eschange  auront  toutes  les  franchises  et  libres  eoos- 


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(  45i  ) 

ivams  qu^ont  eu  les  gens  d^Andely^^lônque  ledit  ma^ 
noir  cMott  en  la  main  dndit  arckeoeaque*  Et  nous  et 
nos  hoifs  pirantùvns  tontes  ces  choses  que  ledit  ar-^ 
di«T^K]ue  a  recéuës  en  cet  escfaange,  à  l'élise  de 
Roiien  et  andii  archeuesqne et  à  ses successenrsà  per- 
pétuité ccMitre  tontes  perac»uies  :  De  sorte  que  si  quelr 
quVn  doit  receuoir  quelqu'escbange  pour  quelqo'vne 
d€i8  choses  dessusdites  que, ledit  arcbeuesqué.a  icy  re- 
ciîes,  nous  ou  nos  hoirs  ferons  cet  eschange-là,  et  Té- 
glise  de  Roiien  possédera  paisiblement  à  perpetiiité 
les  choses  susdites.  Or  nousj  entant  qu'vn  rojr  le 
peutj  excommunions  et  consentons  qiC encoure 
V indignation  du  Dieu  tout- puissant ^  quiconque 
contreuiendra  à  ce  fait.  A  ce  presens  Hubert  arche- 
uesque  de  Cantorbery,  lean  euesque  de  Vvig(Mrne, 
Hugues  ëuesque  de  Coùentre,  Sauaric  euesque  de  Bat- 
tone,  Henry  euesque  de  Bayeux ,  Garin  euesque  d'Eu-  ^ 
reux,  Lisiard  euesque  de  Sées,  Guillaume  euesque 
de  Lisieux^  Guillaume  euesque  de  G)utances; .... 
Abbé  de  la  Saincte  Trinitë-du^Mont  de  Rpiien,  Re- 
naud abbé  de  Sainct-Vvandrille ,  Victor  abbé  de  Sainct- 
George, ....  Abbédu  Tresport,  Osbert  abbé  de  Préaux , 
....  Abbé  d'Eu,  ....  Abbé  de  G)rnemlle;  lean  comte 
de  Mortain,  Othon  comte  de  Poicliers,  Baudoiiin 
comte  d'Aumale,  Raoul  comte  d'Eu,  Guillaume  Ma- 
reschal  comte  de  Strigoil,  Guillaume  fils  de  Raou> 
seneschal  de  Normandie,  Robert  de  Toui'nehan  se- 
neschal  d'Anjou ,  Guillaume»  de  Houmet  connestable 
de  Normandie,  GiHebert  fils  de  Reinfi'oy,  Hugues 
Brun,  GeojBfroy  de  Lesignjr,  Guillaume  des  Roches., 


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(  45a  ) 

Raoul  chambellan  de  Tancaruille  j  Guillauine  Mar- 
tel,  Raoul  TeisieB^  ^Geofiroy  de  Say,  Robert  de  Har- 
court,  et  plosieœra  autres.  Donné  par  la  mam  d*Eus- 
tache  Esleu  d*Ely,pour  lors  vtce^luuicelîer^  k  Rouen, 
Tan  de  Tlncamation  de  nostre  Seigneur  me.  xcrli.  le 
XYi^iour  d^octobre,  Tan  hoicttème  de  nostre  règne. 

Scellé  S  DU  grand  sceau  en  cire  v.erde, 
auquel  pend  m  anneau  d'or,  auec  vne 
pierre  précieuse. 


C\ 


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(453) 
TRAICTÉ  DE  L'OftIGINE 

DES  AMCnSCà  ASSikSm$-9CmTil-COI^IàIDXt 

Avec  quelques  eienplea  de  leurs  attentats  et  botmcîdes  é$  j^rsoanes    . 
d^aucuns  rois ,  princes  eé  seigneurs  de  la  chrestîlk^é. 

■H 

PàR  M.  J}1£»\&  LEBST-pC^^BAXILUr, 

Conseiller  da  roi  (■). 

AU  LECTEUR,  . 

Il  y  a  quelque  temps,  vers  le  oommeDcem^t  d/Q 
cette  année  i5g5^  qu*estant  visité  par  aucuns  de  m^ 
amis  y  comme  en  nos  discours  et  dems  familiers  ;qou| 
n^eussions  propos  plus  communs  que  sur  le  suject  plus 
coinmun  que  le  temps  mesme  nous  doftnoit,  ^  .^* 
voir  des  assasinements  tant  de  fois  attentez  contre  la 
roy ,  après  celuy  commis  à  la  personne  du'roy  Henry  III 
par  vn  religieux  assasin-porte-couteau,  nous  tombas- 
mes  finalement  sur  la  recherche  de  rpri^tne  c|e  ji^ 
mot5  assasinsj  assasinements j^  assasihatSj^  a^s^r^ 
sinefj  qu^aàcuns  prenoient  pour  mots  naturels  ita- 
liens, autres  pour  espagnols,  iusques  à  ce  que  ia  leur 
fis  entendre,  par  ce  qui  s^en  trouue-  par  k^  histoi^, 


(i)  Sans  indic.  de  K ,  i6o3 ,  pet  iii-8o.  Li^et  peu  com- 
inun ,  et  des  plus  curieux. 


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(454) 

quelle  en  esloit  la  vrayè  source,  y  adioustant  (  selon 
que  ie  m^ea  pouudis  alors  seuueuir  )  quelques  exem- 
ples des^^K)fi<ic|^  0t  âiteiittls  é4  perêdones  d^aucuns 
rois ,  princes  et  seigneurs  chrestiens,  par  les  premiers 
et  ancien»  ^iiwiint  d^cntre  ies  Sarrasins  et  Mahome- 
tans,  desquels  non  seulement  le  nom  est  depuis  àè- 
meure  en  la  chrestieni^  y  a  enuiroii  4^o  ans,  en  h 
signification  qu^il  se  prend  ordinairement,  mais  aussi 
les.  effets,  p>ifltta<tente»  déotrine  et  religion  renouuel- 
lee,  principalement  en  ce  misérable  siècle,  par  ceux 
qui  plus  se  veulent  parer  du  nom  et  du  manteau  de 
sainctelë  et  pieté,  comme  s*il  ne  restoit  plus  en  eux 
«au  lieu  d^aciions  de  dbtestien^,  qûVn  effort  entresuiuj 
et  perpétuel  de  surmonter  éz  plus  grandes  impietez 
lès  plus  meschahs  d^entre  les  payeus  et  infidèles.  Ce 
m'a  esté  depuis  vne  occasion  d*en  dresser  ce  petit 
(raicté,  pour  le  contentement  de  ceux  qui  n'en  auoient 
éncôce  la  cognoissance  :  et  auec  les  bons  François  qui 
ûiit'eii  horreur  tels  assasins,  leurs  conseils  et  conseil- 
lers, quelque  prétexte  ou  coulein*  qulls  se  puisse  don- 
ner sUr  la  -conseruation  -miracideuse  de  nostre  roy, 
nTescrier  et  coiisblér  ^e  mesme  que  firent  les  soldats 
i'omalns',  après  que  le  roy  ]!)ecebalus  eut  failly  de 
faii;e ''ainsi  traîstreusément  tuer  le  bon'emperein*  Tra- 


"'i^i/  eràs  îlamnûsiaj  vU  eras?  àuantuin  abfuh 
fieùàWa  liigèret?  seét  \^kiit  jËenriovs. 


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(  455  ) 


ha»  sMmm  emoîent  «Qotemicni0m  rue  manière 
ê0  pmifie  d'entre  las  Sairasns,  d'vite  aeeiç  particu* 
Uere  de  la  reli^»»  de  Mahomet,  habitanf  en  laPhco^ 
nicie  maritinie  at  praniaoe  de.  Tyr,  mv  les  Énwebes 
des  villes  de  Tortose,  Damaa,^  Aàtinchè  -^  de  Haïr 
lape^  en  lieux  montagneux  et  inaccessibles ,  oà  ils 
posSedûUsii  c{uelqiies  villes  ou  chasteanx  très  fiirts^ 
auec  leurs  villages,  ]M)ai^  et  vallées,  autant  abon* 
dantrs  en  tontes  sorte»  de  fruits,  comme  plaisantes 
Qt  agreaUes,  Et  faite -on  esut  qu'ils  estoîent  plus  de 
quarante  ou  cinquante  mil  h<mimes  :  gens  qui  n'auoient 
autre  foy  uy  loy  que  celle  que  vouldltleur.priixG^  el 
.  s^igMur,  qui  estok  comme,  le  grand  maistre  de  leS 
«Nrdre,  qu'ils  souloiçnt  eslire^  consiiuibr  sur  eux, 
non  f&t  droi^  de  successicai  de  père  «i  fils ,  ou  di*- 
gnît^  desang  de  noblesse,  mais  par,  prérogative  seu- 
lement de  a^s  mérites,  prud^ace  et  valeur,  Tappellans 
par  excdleace  sur  tout  auu^e  tiltr^  d'honneur,  le  FmL 
im  }e  p^ieiUandj  qu'aucuns  escriuent  le  Vau  de  lamm^ 
taigne,  ou  des  montaî^es,  non  tant  pource  qu'il  fust 
vieil  ify  ancien ,  que  poiir  la  dextérité  et  subtilité  de 
son  esprit ,  et  qui  se  trouue  aussi  à|)pellé  le  prince 
des  six  montaignesj  prince  craint  et  redouté  des 
autres  prince^  prochains  et  loingtains  tant  Chrestiens 
que  Sarrasins,  qu'il  faisoit  souuen^fois  Jud^erem- 
ment  occire  par  ses  messagers  qu'il  aUoit  tqus  ppests, 
comme  nourris  de  ieunesse  en  ses* palais  à  cet  effet, 


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(456) 

et  {lersuadez  par  ce  moyen  de  pcmuoir  paraenir  aux 
ioyes  de  paradùi,  ainsi  (ju'il  sera  déduit  plus  particu- 
lièrement cy  après  (i)-     •  ) 

Us  estc»ent  pcemierement  descendus  des  riions 
plus  esloignees  de  TOiient  deuen  la  cioé'de  Bdbyione 
ou  Baldac,  0t  de  œlle  partie  del^erse  qui  abouût  au 
âeuve  Indus,  non  loing  des  oonfitts  ck  la  prouinoe 
Arriane  soubs  le  mcmt  Cauca&us,  laquelle  contrée  «est 
preamtement  iq^Uee  par  les  BÈxhaate$,  MuletlCj  ou 
Muleketj  en  laquelle  iadts  furent  les  Asiaoeus,  ^dont 
est  fait  mention  es  gestes  dWexandre  le  grand,  et 
de  leur  demeure  enti^  le  mesme  fleu¥e  Indus,  et  le 
fleuve  G)phe ,  que  Tautheur  dp'  Tbisitoire  des  Sanra- 
sins  estime  estre  cèl^y  que  Joseph  <en  ses  antiquitez 
tudûïques  noxnme  Cutk^s^  et  auquel  pays  les  dix 
tributs  d'Israël  furent  transportées  (a).  Et  furenoient  • 
telle  (Mrigine  dVn  Sam^n^ppellé  jihadin  onjélaedin 
(mot  qui  signifie  diuin)  qui  fut  comme  le  premier 
abbé  de  leur  malheureuse  religicMi  (ain^  qu'en  parle 
•  lacques  de  Victry)  et  qui  par  ses  prestiges,  enchante- 
-mens,  ou  subtilitez  (comme  on  les  voudra  nommer) 
speut  trouuérmoyendese  mettre  en  réputation  pajcmj 
les  siens  :  qu'il  estoit  com^^uoÀ  àe  Mahomet,  et 

(i)  Jae.  de  Vîtriaç,,  Hist  orienft,  cap.  i4»."-Raphaçi  Vo- 
laler.,  La.  — -«(^tltchi.  Caméra.,  în  Narn^Turcî.  —  Petr.  Ve- 
ner.,  1.  i*,  tap.  aS.  — Hayt.,  cap.  24. — Math.  Paris,  sous 
Tan  1160. «^ÂmAufô  Anton.,  1.  3,  tîl.  17,  cap.  9,  §  7. — 
P.  ^miKiis,  en  la  Fie  du  roy  Loys,  7. 

(i)  Aag.  OiFÎo^^Saracenicde  Hkt.,  1.  i  et  3. 


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(457) 
n^auoit  -moindre  pouuoir  que  luy  de  donner  la  vie 
Iden-Jbieureuse  à  qui  croiroit  en  ses  promesses,  et 
obeyroit  à  ses  QOinmandemeiis(i}.yoi^  que,  çoi^me 
Mah(U9et  preschaqt  et  ^omettaçt  à  ses  Ajrahes  gens 
grossiers,  rustiques  et  luscessiteux ,  va  paradis,  Qt  v^e 
))eatitude  dVutre  vie,  aiiec  abcmdaixce  perp^tiielle  de 
tous  viures  exquis  $  de  vesiements  et  d'habits  de  saye, 
abandon  et  -  iouyjssance  de$^  plus,  b^les  femnies,  et 
toutes  autres  dëlices  et  voluptez  qui  leur  viendrofeut 
à  souhait  parmy  des  plaisans  vei^rs  etiardinc^es  ai:* 
rousez.de  fontaine^  et  oruisseaux  (jsxi  quoy  les  Arabes 
se  deleaént  natureUemefit  )  s'ils  mouroieivt  en  la 
guerre  contre  le  roy  de  Perse,  sceiit  tellement  leflapiv 
mer  et  encourager,  qu'ils  s'exposoient  yolontairenîeitit 
à  tous  dangers,  mesqie  à  la  inort  pour  son  seruice  ^ 
dont  enfin  il  demeura  victorieux.  Aussi  cet  Al^din 
pour  paruenir  à  ce  qu'il  preteindoit ,  vsa  de  ces  ruses 
et  impostures  qu'il  ^enseigna  alix  autres  qui  après  luy 
commandèrent,  à  ceux  de  cette  secte  :  C'est  qù^en 
certaine,  grande  yaJlée  entre  deux  montagnes  très 
hautes ,  et  ai4  pied  de  deux  forts  chastea^x  qu'il  y 
aupit,  il  fît  dresser  vii  iardin  et  lieu  de  plaisance  le 
plus  beau  qu'on  eut  sceu  voir  au. monde,  plein  de 
toutes  sortes  de  fleurs  odoriférantes,  de  fi^icts  sauou-r 
reux,  et  de  .toutes  autres  choses  qui  peuuent  apporte^* 
délectation,  où  il  mit  des  pl^is  belles  damoiselles  qu'il 
peiist  trouuer,  y  faisant  aussi  bastir  nombre  de  ma- 

(i)  Joan.  L%on.  Pand.  Hist.  Tare.  —  Jac.  de  Vîtriac.,  c.  i4- 
•—  Cospin.  Rîeh.  Dominic.  L.  Confutat.  legis  iSahom. 


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(458), 

gtiîficfues  maisons,  senrichies  de  rares  et  excellentes 
peintures,  et  tons  autres  tels  ornements,  de  façon qne 
ce  sembloit  estre  le  vray  paradis  promis  par  Mahomet, 
comme  aussi  il  le  nommoit  paradis  (ainsi  que  les 
Hebrieuic  appellent  tels  iardins,neantmoin$queqci:eI* 
ques  authenr^  grecs  (i)  font  ce  mot  estre  per^si^e) 
est^t  ce  lieu  arronsë  de  plusieurs  fentainés  et  rnisr 
seaux  tant  d*eàux  de  senteurs,  que  coulans  quand  il 
vouloit  par  certains  conduits  dessous  terre  propres  à 
tet  effet ,  le  vin ,  le  miel  et  le  laict  :  et  parmy  les 
danses,  esjsats,  et  exercices  de  ceux  qui  y  estoiem 
enfermez  j  y  résonants  perpétuellement  toutes  sortes 
d*iiAruments  de  musique  et  mélodie  de  diuers  oy- 
seabx,  de  mesme  quasi  qu'vn  poëte  latin  (3)  descrit 
les  Champs  elysiens ,  le  paradis  des  payens. 

.  Là  danses  et  chansons  :  là  partout  roletans 
Les  oi$eaax  à  Tenui  degoisent  leurs  doux  chants^, 
La  terre  sans  labeur  y  produit  ses  dëlices, 
Les  chants  y  sont  musquez  de  roses  et  d'espices  : 
Les  ieunes  gens  ensemble  y  prennent  leurs  esbats^ 
Et  y  exerte^Amour  sans  cesse  ses  cotnlats. 

^  V^ntree  de  cç  iardin  estoit  p^  Fvu  de  ses  chas- 
teaux,  QÙ  y  avoit  grosse  ^de  san;»  que  par  autre  en- 
droit on  y  peut  entrer  n^y  sortir  :  hors  lequel  lieu  ce 
Sarrasin  nourrisspit  certains  ieunes  hommes  des  plus 
robustes  et  asseurez  qu'il  pouuoit  trouver,  qu'il  iugeoit 


(i)  XenopK. 
(a)  TUwiin 


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(459) 

deuoir  eaite  les  pli»  {»t>pi?es  atix  armes,  an  dessus  de 
dMse  0»  quatone  ana,  à  auciina  desquda  dom  il  se 
Toulon  setttif  à  Teffect  et  exécmioti  de  aes  dessin^^ 
IciBsqii'il  M  Tojroit  en  aage  capable ,  il  âdsoit'  boice 
cenam  Iweiioage  mhctâoaoïé  qui  ba  rendoit.  crainM^ 
rmm  en.  extate  hors  de  leurs  aena  et  tout  emibrmîs. 
Et  hsMr  iUea  fiôsoit  «importer  en  ce  l>aau  iardin^  où 
({Qefa{i|e^leaipaa{«ei  îrenaiu  à  se  reaueiller^^et  ae  troa<^ 
aaoa  au  milieu  de  tant  de'4^cesy  ih  se  pensoieul 
pvopremem  eatre  au  patadia  de  Mahomet,  tirez  des 
aûsârea  deroe  .monde,  pour, iouyr  des  bi^i»,  ioyes  et 
lifase  par  luy  promises ,  et  dont  iq)re  sauob  esté  deux 
w  tipoiii  iouffs  amn  participans,  le  Sfam»in  les'faisoit 
4ei$9ab^f,myur«r  d^  ce  premier  lreuuage/|>ms  ainsi 
e«4ûriiiis^*ila  eatoi^it ,  les  mettre  Jboi«  le  iardin  (i)v 
De  meani/^  qua^  qu^il  ^  troouie  esorii  ipie  Philippe^ 
doc  4e  Bws^o^o^y  aumom'mé  le  J7oif  >  pour  pirenie 
de  TestrA^ge  et  variable  condition dj&laviade  Tbomnie, 
se^i^o^ut'  io«er  de  Fini  de  ses  àubieiïts  ^  de  la^  riUe  (te 
Bfiips  esk  Flan^reis  (lieantmoins  que  d'autres  font  œ 
qmte  de  Vempereur  Charles  Y,  et  dVn  manait  da* 
QaiiA)  ^il  trouuft  vn  boï^  yure  et  dormant  proli»^. 
ckttieiit  au  milieu  de  la  plâœ,  auquel  e^tat  ii  le  «fît 
dQ|io9WepH  ^fiportfcr  w  sou  palais^. et  coudber  dans 
99i  cWmbi^iet  ^m  son  juropo  liot ,  luy  ûisanlc^ettre 


(i)'lFrèrc  Odric,de  Foro  Julii,  en  soii  livre  des  Pérégrî- 
aaliom  de  l'aua  i33o,  ck  3f.-«-Arnold.,Chftm.SclavM  I.  3v 
cap.  ult  '        - 


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(46o) 

en  la  teste  Tn  de  ses  bonnes  de.iraict,^et  vestir  Pvne 
de  ses  chemises ,  auac  ^gsm  ordonaez  à  r^atomrxle  lay 
pour  prendre  ^trdeiqnaiMi  il  s*esaeiS[eroit.Qarne  Ait 
point  qu*au  lendemùn  matin ,  que  cest  famnme  de- 
meura tout  esmeraeillé.  en  <faid  lieu  il  pOQnoiteMre, 
voyant  tant  de  gens  près  de  son  lïcty  gentik^homnies, 
pages  et  valkts  de  chambre,  dont  tattost  se^  pei»oit 
encore  resuer  on  songer  en  veiHant^  tantost  (pie  ce 
lassent  iUusioià  de  mnnuais  esprits ,  qu^il  coimn^aça 
de  vouloir  adiinrer  et  chasser  çn  se  seigôant  de  k 
croix  (^).  'Et  comme  eux  fissent  bovme  mine,  et  ainsi 
qu'ils  auoient  accoustumé  de  ^te  euaers  le  duc,  loy 
eussenr  demande  s'il  luy  pknsoit'  se  *  leuer ,  et  qués 
habits  il  vouloit  prehdi^  ce  iour,  tl  «e  trouua  ^cor 
plus  estonnëf  et  ne  ^caehant  que  respond»,;  cepen- 
dant on  Thabille,  il  sort  de  Ib  chambre,  et  éM;  cotn^duit 
àTeglife  par  les  principaux  de  la  suUte  ordinaire  do 
duc ,  il'oyt  la  messe  où  on  kiy donne  le  liure  à  bs^isery- 
et  vse  on  entiers  luy,  comme»  si  c^ëust  ^stsè  le  priiic^ 
mesme  :4e  la  meas^  on  vient  ak^disner^  après  lequ^ 
se  mettent  cartes  et.dez,  et  argent. sur  table  péùr 
ioner  :  il  ioue  auec  les  alignons  du^duc^  àÀ  h  meiae 
pourmener  mi  laxdin,  chasser  en  la  ^garenne  et  voiler 
yn  oiseau.  Le  souper  suit  de  mesme,  on  ^^^port^le^ 
flambeîjkx.,  la  musique  commence  à:  se  faire  ouyr,  le 
•bal  et  les  danses  à^ec  les  dames  et  damoiselles  vien« 


(i)  ThckMh  Zaîiig^i ,  Tfaeal.  vilae'hlnn. ,  part  2  ,  yoL  ir, 
1.  4;  et  voL  21, 1.  2. 


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(  46i  ) 

nent  après  ^  pvis  quelques  conunedies  et  plaisanteries , 
finalement'la  cdOia^on,  qui.  se  cbutûme  bieu  auant 
dans  la  nuict  en  récréations  y  et  à  bœre  d'amant  j 
principallexB^^t  de  la  part  de  ce  vilain  ;  lequel  s'es- 
tant  en  juré  ev  endottni ,  le  duc  le  fit  quelque  temps, 
après  T^abiller  de  ^es  premiers  habits^  et  remporter 
au  mesme  lieu  où  il  TauDÎt  fait  prendre  le.  soir  preœ- 
dent ,  QÙ  il  (kn^ora  dormant  iusquès  au  matin ,  qu'es- 
tant esueillë  et  venaiit  à.se  souuônir  de  cçste  vie  delir 
ciéuse.  et  boone  diece  qu'il  auoit  faicte,  il  ne  sçauoit 
que  .penser  de.  telle  /chose,  ne  sLc'estoit  chosp^vSiye 
ou  vision,  qu'il  eust  eue  en  dcnrmant.  Et  enfin  apA^ 
s'en  estre  bien  trauaiUé  en  soy  mesme,  se  résolut  et* 
conclut  que  c'estoit  vne  vision:  et  songe,  et  comine  tel 
le  conta.à  sa  fi^oome,  9l^^  enfains,  et  voisins. 

Ainsi  ces  ieunes  gens  mis  hors  de  ce  beau  iardin 
du  Sarrasin,  et  venans  à  penser  en  eux  ôombieir  peu 
de  temps  ils  auoient  esté  ÎQuyssans  de  si  grands  plai- 
sirs,^ plaignaient  et  àttristoient  extrêmement  de 
s'envcnr  si  tost  priuez.  Et  à  pli]|sieurs  eschappoit  sou« 
Uent  de  dire  qu'ils  mourroient  volontiers,  s'ils  sça- 
uoient  rentrer,  et  pouuoir  viure  tôusiottes  puis  après 
en  vne  si  heureuse  vie  qu'ils  auoient  si  peu  goustee. 
Alors  te, Sarrasin  se  présentant  à  eux  leur  disoit: 
Ëscoutez  moy  enfans,  et  ne  vousfaschez  point,  si 
vous. me  voulez  {»romettre  de:m'obeir,  et  bazarder 
vostxe  vie  pour  mon  seruice  quand  il  en  sera  besoin 
pour  faire  tout  ce  que  ie  vous  diray,  ie  vous  promets 
aussi  de  vous  rendre  contents  et  iojaissans  à  ian|iais 
de  ce  que  vous  desirez  et  regrettez  tant.  Ausquelles 


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promeases  ces  imaerables  repntans  h  mort  à  gain  et  à 
(uroffity  MDft  aucane  erainte  d^ioelle  'se  vosoioit  et 
abaodmnoîeiit  à  faire  incUflEiBreiiinieiit  tout  œ  ^'il 
leur  eoiiiiiiaiidm^t.Telleiiiemqa'àvn  dind^onl  qu'il 
feur  eusc  fait,  n'euMeat  fait  difficulté  de  se  précipiter 
du  plus  haut  d'rn  rodier  en  lias,  et  s'edanc^  mx 
milka  des  glaiues,  du  feu  et  de  Peau,  vmre  mec 
beaucoi^  fAas  d^affectioa  en  ceste  obéissance,  que  ce 
quon  lit  de  ceUe  d^  anciens  Perses (i),  non  seule- 
ment  en  gênerai  enuers  leurs  roys  (du  commmde- 
mtfir'desqnels  ils  jffenoient  à  grand  honneur  d'este 
Iftttus  et  guettez,  mesme  l'en  ikisoîent  remerder,  et 
.  s'estinuMeat  bien  heureux  que  le  roy  par  là  eust  rend» 
tesmoignage  qu'U  se  sounenoit  d'eux)  (a),  mais  par- 
ticulierement  de  ceux  qui  estant  portes  en  mesme 
nauire  auec  Xerxes,  ainsî  qu'il  se  retirait  en  Asie, 
comme  es^ntsomemieTne  furieuse -tempeste,  «tk 
vaisseau  en  danger  de  périr  pour  h  tiopgrande  dbarge 
et  grand  nombre  de  ceux  qui  y  ostoient,  XerUs  es- 
meu  de  crainte  eust  demande  au  comité  et  goauer- 
neur,  si  toute  espérance  de  saint  estoit  perdue,  et  que 
sar  la  resposise  4'icéluy  qu'il  ne  restoit  plus  que  ce 
seulmoyen,si  [diusieursd'entr'euxsei^toiempromp 
tementdanslamer,  s'adressafet  à  ses  Perses,  leur  eut 
parlé  en  ces  termes  :  Vous  Toyés,  mes  amis,  qu'il  est 
en  vous  de  sauuer  votre  roy  ;  U  est  temps  de  raons- 
trer  par  eflTet  combien  vous  l'aimer,  et  «ie»*s«n  de 


(i)  Stri>.,  Senn.  12. 
(2)  Hcrod.,  L  a 


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(  463  ) 

luy.  A  ce«  mots  après  Taiioir  adoré,  ils  se  lancèrent 
attwi'tost  dans  Teau^'et  ainsi  fut  la  nauire  deschargee; 
et  le  roy  deliurë  de  ce  péril  retourna  sain  et  sauf  en 
ses  pays.  Dont  tesmoigne  Ambroise  que  telle  obéissance 
des  Perses  duroit  encore  de  son  temps  (i)^  Auquel 
exemple  du  prince  Sarrasin  semble  que  se  voulut  con- 
former celuy  qui  fut  esleu  le  premier  Roy  des  Tartares, 
enuiron  Tan  1 303 ,  nommé  par  aucuns  Changis  ou 
Chmclàsj  par  autresi  Canguiste  ou  Gngiste  {cpl 
secoble  aussi  auoir  esté  quelque  grand  magicien  auec 
ses  visions  et  aduertissemens  quHl  disoit  auoir  de  Dieu, 
dei  grandes  choses  qui  deuoient  esûre  faites  soubs  sa 
ocmduite,  et  Topinion  qu^il  auoit  desia  donnée  que  sa 
mère  Teust  conceu  des  rais  du  soleil)  pour  s'asseurer 
si  ses  subiets  luyobeiroient  en  tout  ce  qu'il  leur  di- 
roit  suyuant  la  promesse  qu'ils  luyt&isoient,  com- 
manda entre  autres  choses  que'les  sept  princes  des 
sept  nati<ms  premières  de  ce  peuple/  qui  auparauant 
s'af^lloient  le^  Magies  ou  Mongalles^  eussent  en  sa 
présence  à  couper  la  teste  chacun  à  son  fils  aisné(a). 
Ce  que  ces  princes  firent  aussi  tost  sans  contredit,  et 
dont  estvraysemblableque  ceste  cérémonie  est  depuis 
demeurée  entre  les  Tartares  au  sacre  de  leurs  roys , 
•  qu'après  que  petits  et  grands  se  [urosternans  deuant 
ceUof  qui  doit  estre  roy^^i^y  ont  dit  dVne  commune 
voix  :  Nous  te  prions  et  voulons  que  tu  sois  nostre  roy, 
et  que  tu  ayes  puissance  et  seigneurie  sur  nous,  luy 

(i)  Ambr.  Hexam.,  1.  5,  cap.  ai. 
(a)  Sabel.,  Ennead.  9, 1.  6. 


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(  464  )  ' 

respond  en  ces  mots  :  Puis  que  vou$  voulez  que  ie  vous 
obéisse  en  cecy,  il  faut  aussi  que  vous  faciez  entière- 
ment, alliez^  veniez ,  et  tuez  tous  ceux  que  ie  voudray. 
'Aquoy  le  peuple  donnant  sa  promesse  et  consente- 
ment ^  le  roy  adioute  :  La  parolle  donc  de  ma  bouché 
d*oresnauant  sera  mon  glaiue.  Laquelle  condition  est 
aussi  tost  acceptée  par  le  peuple  auec  grande  applatt- 
sion  et  battement  de  mains. 

Ainsi  donc  le  tyran  Sarrasin  ayant  ses  honunes 
ainsi  persuadez  et  ensorcelez,  en  abusbit,  et  s^en  ser- 
uoit  principalement  à  faire  commettre  vne  infinité 
de  meurtres  et  d*homicides ,  dont  àrriuoit  que  plu- 
sieurs princes  et  grands  seigneurs  se  rendoient  ses 
tributaires  9  ny^yant  aucun  d^eux,  non  seulement 
en  ces  contrées-là ,  mais  par  tout  ailleurs -qui  se  peust 
garantir  du  danger  de  leurs  aguets,  ou  du  moins  qui 
n*en  fust  en  vne^  perpétuelle  crainte  et  frayeur  :  voire 
non  moindre  que  se  trouuerent  lesluifs  sous  l'em- 
pire de  Néron,  et  gonuernement  de  Félix,  et  deFestus 
en  la  ludee ,  de  certains  brigands  et  meurtriers  qui 
s'estoient  esleuez  au  pays ,  et  auec  telle  asseurânce 
qu*en  plein  iour  et  au  beau  milieu  de  Hierusalem  se 
fourrans  es  assemblées  et  festes  solennelles,  et  iusqaes 
dans  le  temple  parmy  la  presse  du  peuple,  tuoiënt* 
ceuk  qu'ils  vouloient  auec  des  petites  dagues  qu'ils 
cachoient  (recourbées  à  là  pointe  comme  des  espeqsde 
Perse)  sans  qu'on  s'en  peust  donner  garde  (i)  :  dont 


(i)  Joseph,  1.  20,  ch.  6,  7  et  8  des  Antlq.,  et  1.  2,  eh.  12 


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(  465  ) 

toute  la  ville  se  trouua  en  aussi  grand  estonnement  ^ 
que  pour  tout  autre  mal ,  calamité  ou  sortes  de  misères 
(jumelle  eut  peu  endurer,  le  plus  asseurë  n'attendant 
à  toute  heurQ  que  la  mort,  non  autrement  que  si  la 
ville  eut  esté  forcée  et  abandonnée  en  proye  aux  en- 
nemis, estant  les  vns  et  les  autres  en  tel  soupçon  entre 
eux,  qu'ils  se  tenoient  tousiours  sur  leurs  gardes  :  et 
voyans  quelqu'vn  marcher  ou  approcher  d'eux ,  n'or 
soient  ester  l'œil  de  dessus,  ne  se  fians  mesmes  à  leurs 
plus  grands  amis,  ny  plus  proches  parens.  Desquelles 
gens  aussi  on  tient  que  le  mesme  gouuerneur  Félix 
se  seruit  pour  se  despescher  du  grand  sacrificateur 
lonathan,  auec  lequel  il  auoit  inimitié;  et  en  la  place 
desquels  on  peut  adiou^tcr  estre  succédez  du  temps 
de  Domitian ,  ces  autres  garnements  qui  auec^des  ai- 
guilles empoisonnées  picquoient  ceux  que  bon  leur 
semLloit,  dmit  plusieurs  mouroient  sans  en  auoir 
quasi  le  sentiment  (i).  Ce  qui  ne  se  practiquoit  pas 
seulement  à  Rome,  mais  quasi  par  tout  le  monde. 

Mais  à  l'histoire  de  nos  assasins  certains  autfaeurs 
adioustent  cecy  de  plus  parlicuUer  :  Que  le  Sarrasin 
faisant  ainsi  enfermer  en  ses  chasteanx  nombre  d'en- 
fans  ses  sujects  dés  le  berceau,  il  leur  faisoit  aussi 
apprendre  diuerses  langues,  comme  la  latine,  la  grec- 
que, la  sarrasinesque,  et  autres,  en  toutes  lesquelles 
les  maistres  qu'il  leur  donnoit  ne  leur  chantoient^. 


de  la  Gaerre  des  Juifs.  —  Continu,  de  THist.  de  Gull.  de 
Tyr,  1.  23,  eh.  19.  —  Zonare. 
(1)  Xiphîl.  ep.  Dîon.  in  Domitian. 

I.  9«  Lîv.  3o 


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(466) 

aotre  leçon  y  sinon  Tobeyssance  qu^ils  deuoient  à  leur 
seigneur  (i).  Quoy  faisant  ils  se  deuoimt  asseùrer 
qu'il  les  rendnwi  bien-beureux  en  vn  paradis  de  tooie 
ioye  et  délices ,  selon  le  pouuoir  qu'il  en  auoit  par 
dessus  tous  les  dieu:{C  viuants  :  et  au  contraire,  qu'ils 
ne  pouuoient  estre  sauuez  si  en  aucune  cbose  ils  re- 
fusoient  de  faire  k  sa  volonté.  Tellement  que  depuis 
qu'ils  estoient  ainsi  serrez ,  on  ne  leur  laissoit  reoir 
autres  gens  que  leurs  maisties,  ny  ne  leur  donnoit-on 
autre  instruclicm,  iusques  à  ce  que  pour  se  seruir 
d'eux  à  tuer  quelqu'vn ,  on  les  faisoit  venir  deuant 
leur  seigneur,  qui  leur  demandoit  s'ils  estoient  dis* 
posez  d'obeyr  à  ses  commandemens,  à  fin  qu'il  leur 
donnast  son  paradis.  A  quoy  aussi  tost  ils  re^n- 
doient  îiardiment  qu'ouy.  Et  alors  le  tyran  leur  don- 
noit  à  cbacun  vn  petit  couteau  d'or  dedië  et  consacré 
i.  cet  vsage,  et  les  enuoyoit  où  bon  luy  sembloit  pour 
tuer  tel  prince  ou  seigneur  qu'il  vouloit,  soit  poi» 
haine  qu'il  leur  portast ,  ou  pource  qu'il  en  eut  esté 
prie  par  aucuns  ses  amis ,  ou  meu  et  corrompu  à  ce 
faire  à  force  d'argent.  Aussi  tost  ces  misérables  ieunes 
gens  ainsi  séduits  se  mettoient  en  chemin,  quitians 
,gayement  le  conuent  de  leurs  autres  frères,  ainsi 
qu'en  parle  le  mesme  lac.  de  Victry,  pour  parfabre 
leur  mortifère  légation,  n'ay^its  plus  grand  soiag 
qu'à  se  scauoir  accommoder  en  toutes  guises,  aux  ha- 
bits, mœurs  et  façons  des  autres  nations  (2)  :  dont  par 

(i)  Arnold.  Lubec,  1.  6,  c.  10,  et  1.  8,  c«  ult 
(2)  Jac.  deVifry,  ch.  i4. 


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(  46?  ) 

cc^ûoissance  des  langues  qu'ils  auoiejat  apprises,  irou- 
uoient  moyen  d'auoir  entrée  par  tput^  iusques  aux 
maisons  et  compagnies  de  ceux  sur  lesquels  il&auoient 
desseing ^  tamost  sedisans  estre  marchands^ ou  se  des^ 
guisants  en  clercs  ou  moynes,   tanlost  se  feignants 
estre  amis,  et  auoir  quelque  chose  de  secret  à  dire, 
ou  venir  comme  messagers  députez  :  et  ainsi  e^^ecu- 
toiçnt  ce  qu'ils  vouloient ,  sans  se  soucier  des  paines 
et  tourmeiis  qu'ils  se  doutoient  bien  qu'on  leur  ferolt 
souffrir,  tellement  qu'il  estoit  malaisé  qu'aucuns  se 
peussent  garantir  de  leurs  mains,  non  pas  mesmes  les 
plus  grands  seigneurs  du  monde  qu'ils  eussent  entre- 
prins  de  tuer,  sinon  qu'ils  sq  rachetassent  par  ^r  et 
argent,  ou  se  tinssent  tousiours  armez  et  accompagnez, 
demeurants  cependant  0n  pei^etuel  soupçon  et  crainte 
de  la  mocv  Yoire  at^pient  encor  ces  assassins  ceste 
opinion ,  que  comme  ils  estoient  estimez  les  [dus  dé- 
vots d'entre  tous  lesBarhares,  ne  faisants  cas  ny  de 
l'honneur  y  ny  des  autres  choses  plus  désirées  des 
hônptmes,  tous  les  autres  au  regard  d'eux  ne.  sem- 
bloient  que  preuaricateurs  (  i  ).  Aussi  que  suiuant  leurs 
vceux  en  tuant  quelcun,  mesmement  quelque  prince 
d'autre  reli^on  que  celle!  qu'ils  suiucHent,  ils  en  me- 
ritoient  plustost  ceste  céleste  éternité  et  vie  bien-heu^- 
reuse  <jui  leur  estoit  promise,  et  qu'après  leur  mort, 
ils  en  seroient  de  ceux  de  leur  secte  plw  estimez ,  et 
tenus  pour  saincts  et  martyrs,  outre  que  leurs  parens, 

(i)  Blond.,  1.  6,  dée.  2.  —  Math.  Paris,  sous  ran  ii5o. 
—  Suminà  Anton. 


* 


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(466) 

sHls  esioient  de  serve  condition ,  devoieni  estre  digne- 
ment reicompensez  par  le  prince,  et  mis  en  liberté.  Au- 
quel prc^pos  frère  Richard  lacopin  (i)  qui  a  escrit  de  la 
réfutation  de  T  Aleoran,  traictant  de  dix  raisons  qu'il  a 
pour  monstrer  que  la  loy  de  Mahomet  n'est  pas  loy  de 
Dieu,  allègue  pour  rvne  d'icelles,  que  c'est  vne  loy  de 
sang ,  de  meurtre  et  violence ,  pource ,  entr'autres  cho- 
ses, que  les  Sarrasins  nourrissent  et  entretiennent  tels 
assassins  pour  tueries  autres  hommes ,  leur  promettans 
pour  ce  fait  la  vie  éternelle ,  et  les  enuoyants  par  le 
monde  pour  se  défaire  ainsi  des  roys  et  prince^  par 
tous  moyens  et  ruses  qu'ils  pourront,  ne  les  appellent 
point  assassins j  mais  Ismaélites^  comme  estans  le 
tige  et  tronc  des  Sarrasins,  et  les  premiers  défenseurs 
de  la  loy  de  Mahomet,  instruits  et  nourris  principa- 
lement pour  fidre  tels  meurtres ,  suyuant  intention 
d'iceluy,  qui  a  voulu  par  sa  loy  que  tous  ceux  Ik  fus- 
sent tuez  qui  y  seroient  contraires  et  ny  voudroient 
croire,  ainsi  qu'il  se  trouue  par  tout  escrit  en  icelle, 
conune  vne  ordonnance  générale  rTuez,  tuez,  neant- 
moins  qu'il  appelle  nommément  sa  loy  Elesalem, 
qui  signifie  loy  de  salut  (à  laquelle  aussi  on  tient  que 
par  telle  force  et  crainte  il  fit  ranger  vn  sien  oncle  et 
autres ,  sur  lesquels  il  eut  puissance).  A  quoy  se  peut 
rapporter  ce  qui  se  lit  en  la  vie  du'  roy  S.  Loys,  que 
l'vn  des  admiraux  Sarrasins  qui  le  tenoient  pri»»- 
nier  après  la  bataille  qu'ils  gagnèrent  sur  luy  Tan  ' 


(i)  Frère  Richard,  jacob.,  ch.  lo.  — r  Jac.  de  Viiry.  — 
Aug.  Cur.,  1.  i. 


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(469) 

isSo,  prist  cest  ai^ment  pour  persuader  à  ses  c(hii« 
pagnons  de  le  faire  mourir  nonobstant  la  foy  qu^cm 
hiy  auoit  donnée,  que  Mahomet  commandoit  bien 
de  garder  le  serment  comme  la.  prunelle  dç  Toeil, 
mais  aussi  auoit  il  donné  vn  autre  commandement , 
qu'en  F^bseurement  de  sa  foy  on  deuoit  tuer  len- 
nemy  de  la  loy  (i). 

Or  accreut  tellement  la  puissance  de  cest  Alaedin 
et  de  ses  successeurs  ^quHls  auoient  instituez  ce  memie 
ordre  en  la  Syrie ,  et  auoient  vn  lieutenant  de*  leur 
profession  en  la  ville  de  Damas ,  et  diuers  autres  lieux. 
Aussi  commencèrent  les  assassins  à  nous  estre  çogneus 
seulement  du  règne  du  roy  Loys  dit  le  leune  ou  le 
Piteux j  VII  du  nom,  aux  premières  guerres  de  nos 
roy  s  contre  les  infidelles  outre  mer,  où  ce  roy  se  trouua 
enijuron  l'an  1 147,  et  le  bruit  et  renommée  d'eux  fat 
Tvne  des  choses  dont  les  princes  chrestiens  en  Asie 
se  trouuerent  les  plus  émpescfaez ,  ne  se  craignants 
point  tant  des  roys  ou  {pinces  barbares"  ausquels  ils 
faisoient  guerre  ouuerte,  que  des  menées  de  tels  meur- 
triers couuerts  (2). 

Ils  s'appelloient  en  leur  langue  heissessim,  d'où  il 
semble  plustost  auoir  retenu  ce  nom  d'assassins  que 
de  ces  assacens  dont  cy  dessus  est  parlé.  Et  se  trouue 
qu'ils  ont  aussi  esté  diuersement  appeliez  assisins  ou 
assesinsj  asininSj  asismeSj  hassatutSj  hartarsisj  or- 
guasins^  accideSj  et  plus  commtmement  arsacidesj 

■   Il  ■ .111  ■!       Il  I       ■  I  I  *  ■  I    -■      I        I    I  ■  I        I  < I         Ml  I  ,  ^ 

(i)  Chron.  du  roy  S.  Loys,  ch.  48. 
(2)  Aug.  Cur.,  L  3, 


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(470) 

chasiens  ou  chasisiens  par  quelques  amheurs  grecs 
(qu^aucunsde  nos  historiens  modernes  on  voulu  tour- 
ner en  chasidresj  Beduins  et  Esseens),  desquels  du 
moins  ils  estoient  reputez  prendre  leur  commence- 
ment, et  retenir  en  partie  leur  escriture,  ayants  leurs 
lettres  meslees  d'hébraïques  et  chalda'iquel.  Neant^ 
moins  que  pour  le  regard  des  Beduins  le  sire  de  loin- 
uille ,  en  la  Tie  du  roy  S,  Loys,  en  parlç  yu  peu  autre- 
ment, comme  des  gens' qui  viuoient  bien,  et  habi- 
toienl  auec  les  Sarrasins,  maïs  qui  toutefois  tenoient 
vne  autre  manière  et  façon  de  viure,  et  ne  croioient 
p(Hnt  en  Mahomet,  comme  font  lesWtres  Ss^asins, 
mais  gardoient  la  loy  d'Hely  son  onde ,  par  lequel 
il  f^'«.  misen  honneur  en  ce  monde;  puis  ayant  acquis 
la  seigneurie  et  prééminence  du  peuple ,  il  se  despita 
et  s*esloigna  d'iccluy  Hely,  qui  ne  pouuant  supporter 
d'estre  ainsi  supedité,  tira  à  soy  du  peuple  ce  qu*il 
en  peut  auoir,  et  le  mena  habiter  à  part  es  déserts  et 
montagnes  d'Egypte ,  et  leur  conunença  à  bailler  vne 
autre  loy  que  celle  de  Mahomet:  dont  depuis  les  vns 
jom  appelle  les  autres  mescreans.  De  laquelle  loy 
d'Hely  IVn  des  principaux  poincts  et  commande- 
mens  est  tel,  que  quand  aucun  homme  se  fait  tuer 
poiar  Êûre  et  accomplir  le  commandement  de  son 
se^néur,  ou  pour  quelque  autre  bonne  intention, 
Tttne  de  celuy  qui  est  ainsi  mort  va  en  vn  autre 
meilleur  corps,  plus  beau,  plus  fort  et  plus  parfait 
que  le  premier,  et  dans  lequel  est  à  plus  grand'aise 
qu'elle  n'estoit  auparauânt.  Au  moyen  de  quoy  ils  ne 
ne  font  compte  de  s'ofirir  à  la  mort,  et  se  faire  tuer 


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(47»  ) 
pour  Famour  de  leur  seigneur.  Yn  autre  poinct  est 
que  nul  homme  ne  peut  mourir  quVn  certain  ioiir 
qui  luy  est  déterminé  ^  et  pour  ceste  raison  ils  ne  se 
veulent  point  armer  quand  ils  vcmt  à  la  guerre ,  et 
s^ils  faisoient  autrement  ce  seroit  coUtrai^r  à  leur 
foj.  Et  quand  ils  maudissent  leurs  enfans ,  ils  leur 
disent  en  ceste  manière  :  maudit  soiMu  conmie  eeluy 
qui  s^arme  dé  peur  de  la  mort  (i). 

Le  premier  d^entre  les  princes  chrestiens  sur  les* 
quels  ils  attentèrent ,  futRaimond^  comte  de  Tripoly, 
de  la  maison  des  comtes  de  Tholose ,  et  petit^fils  de 
Bertrand,  qui  le  premier  fut  inuesty  de  cette  comté> 
après  la  prise  de  la  ville  Tan  1 109.  Car  comme  il  ne 
cessast  de  guerroyer  les  infidelles  (lesquels  dés  Faage 
de  dixhuict  ans  auant  que  son  père  fut  inhumé  il 
estoit  allé  rencontrer  vers  le  mont  Liban,  et  en  auoit 
{m  vne  grande  boucherie ,  ainsi  que  remarque  frère 
Estienne  de  Lusignan)  il  fut  en  cette  viUe-là  trais-^ 
treusement  assasiné,  enuiron  Fan  ii5o  ou  ii5i,  par 
deux  de  ces  assasins  qui  s'estoient  cachez  en  la  porte 
d*icelle,:  et  dont  les  habitans  furent  tellement  esmeus, 
que  courans  incontinant  aux  armes,  autant  qu'ails  en 
trouuerent  qui  parloient  auu-e  langage  que  oeluy  des 

(1)  Arnold.,  1.  6,  cap.  io« — Reinec.  I 
Hayth.  —  Mer  des  histoires,  1. 1,  fol.  aoi. 
sous  l'an  1272.  —  Gnil.  de  Mangis.  -^  J.  ( 
des  Ghron.  de  Fr.  —  Nicetas  Chroniates,  < 
et  Ange,  I.  2,  — ^  Vign.  en  sa  Bible  histor.  a 
Jac.  de  Vitriac.  —  Chron.  du  roy  S.  Loys,  ch.  3o  et  56. 


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(470 

nostires,  ou  portoient  autre  habit  que  le  leur^  pensans 
rencontrer  les  meurtriers  de  leur  seigneur,  les  firent 
tous  passer  au  fil  de  Fespee.  Depuis  lequel  temps  aussi 
les  autres  seigneurs  chrestiens  prindrent  occasion  de 
se  tenir  phis  sur  leurs  gardes  (i). 

I<eantm(Hns  qu'aucunes  histoires  tesmoignent  qu*^i- 
ttiron  aioaan  ans  après, et  Fan  117:2  oui  173, il  prit 
yolonté  au  prince  des  assasins  qui  estoit  alors,  de  se 
faire  chrestien  aueo  tout  son  peuple ,  tellement  que 
cœnme  il  estoit  naturellement  doué  d*vn  bon  esprit, 
etprenoit  plaisir  et  s*addonnoit  aux  lettres,  aussi  vou- 
lut il  sçauoir  que  c*estoit  delà  religion  chrèstienne, 
et  des  esmptures  sainctes  :  lesquelles  après  auoir  leuees 
et  esplucbees  diligemment  admirant  la  pureté  de  la 
doctrine  et  la  vertu  des  miracles,  et  conuoençant  à 
iuger  des  abus  et  fausse  loy  de  Mahomet,  petit  à  petit 
vint  à  la  condamner,  et  reiecter  partie  des  supersti- 
tions introduictes  en  icelle,  fit  desmolir  ses  oratoires, 
defiendre  Tobseruation  de  leur  ieusne^  rabstinence 
de  boire  vin,  manger  chair  de  porc,  et  autres  telles 
dioses  (a) ,  voire  mesmes  qu*a,ucuns  escriuent  qu'il 
auoit  ia  receu  la  baptesme  aueo  toute  sa  gent,  per- 
suadé par  ce  moyen  debuoir  au  moins  demeurer  en 
pareille  condition  et  liberté  que  les  chrestiens,  et  estre 
descharge9  de  la  somme  de  deux  mil  escus,  ou  deux 


(i)  Math.  Paris.  —  P.  Estienpe  de  Lusignan,  en  ses  Gré- 
néalog.  des  roys  de  HiérusaL,  de  Cyprc  et  d'Arménie. 

(a)  Guil.  de  Tyr,  I.  ï4,  —  Jac.  de  Vitrlac.  ~  Math.  Pa- 
ris, sous  Pan  ïi5o. 


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(473) 

mil  besans  que  les  Templiers  qui  tenoient  quelques 
forts  chasteaux  et  places  voisines  de  leur  région^ 
auoient  accoustiuné  de  prendre  et  leuer  sur  eux  par 
forme  de  tribut  (i).  Pour  dequoy  résoudre  et  sçauoir 
au  surplus  ce  qui  luy  restoit  à  faire  pour  le  &ict  de 
la  religion  et  foy  chrestienne,  il  enuoya  «xpres  vn 
grand  personnage  d^entre  les  siens  nommé  Bohadeile 
en  ambassade  tant  vers  le  patriarcbe  de.  Hierusalem 
que  vers  le  roy  Almaric  de  Hierusalem ,  iusques  en 
la  ville  d'Acre ,  dite  anciennement  Piolemaîde^  où 
cest  ambassadeur  fut  tresbien  veu,  ouy,  et  rççeu  du 
roy,  qui  loua  Dieu  d'auoir  eu  pitié  de  si  grand  peuple 
qi^  audit  attiré  à  sa  cognc^ssance,  puis  le  renvoyant 
auec  grand  honneur  afin  qu'il  tesmoignast  à  ^n  maistre 
la  bonne  volonté  en  laquelle  il  auoit  trouué  les  ohres- 
tiensy  le  fit  conduire  iusques  près  de  la  terre  des  assa- 
sinSy  approchant  de  laquelle^  et  comme  il  eust  desia 
passé  la  ville  de  Tripoly,  ne  se  deffiant  d'aucune 
chose,  pour  Fasseuï^ance  qu'il  auoit  en  la  fay  et  sauf 
conduict  du  roy,  fut  luy  mesme  malheureusaneut 
assasiné  par  l'vn  des  Templiers,  sans  que  depuis  le 
roy,  qui  sentoit  le  premier  l'outrage  luy  estre  fait,  en 
peust  auoir  aucune  raison,  pour  l'authorité  dû  pape 
(de  la  sauuegarde  duquel  «Othon  de  Sainct  Amand 
\ùs^  grsoxd  maistre  des  Teitxpliers,  se  targuoit,  et  me- 
naçoit  de  l'indignation  du,  S.  Père  si  on  entreprenait 
"(dus  auant.  contre  le  frère  qui  audit  cc»nmis  ce  meut- 
»        .        -,      ^  .       ^ 

(i)  LudoY.  Viv. ,  de  Veritale  fideî  Christ. ,  h  4»  "*  J<>ai^ 
CaïQ.fîn  narra*  Tull. 


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(  474  ) 

tre)  sinrni  qu^apres  aaoir  seulement  fait  prendre  pri- 
sannier  le  meurtrier,  il  luy  en  demeura  vn  r^ret  et 
maladie,  de  laquelle  il  mourut  bien  tost  après.  Ce  qui 
fut  cause  que  le  prince  infidelle  iustemem  indigne 
contre  les  chrestiens,  comme  vne  noauelle  plante  non 
encor  bien  en  racinee  en  la  fby,  rompit  ce  bon  des- 
seing ,  reiectant  et  nostre  reUgton  et  nostre  accoinc- 
tance;  et  depuis  ce  temps, se  monstrerent  les  assasins 
plus  crttds  ennemis  des  chrèstiens  qu'ils  n^aiK»ient 
esté,  reprenans  leurs  mesmes  erres  soubs  leur  pre- 
mière loy,  vœn  et  obéissance  entiers  leinr  seigneur. 
Dequoy  Henry,  comte  de  Troyes,  fils  de  Tfaibam, 
comte  de  Champagne,  qui  en  Tan  1 178  estoit  all^fcn 
Syrie  auec  grande  suitte  de  noblesse  irançoise  au  se- 
cours des  cfaresti.ens  contre  le  soiddan  Saladin,  vid 
faire  vne  {ureune  estrangetleuant  ses  yeux,  estant  allë 
voir  le  prince  des  assasins  d'al(»*s,  sur  le  chemin  de 
la  ville  d*Antioche  à  celle  de  Tyr,  sous  le  sauf  con- 
duit et  asseurailce  qu^il  reûeut  de  luy.  Car  comme  ce 
(nince  luy  eust  voulu  faire  cbgnoistre  l'obéissance 
que  luy  rendoient  ses  subiets,  et  luy  ayant  monstre  au 
doigt  au  plus  haut  dVne  tour  certain  nombre  d'hom- 
mes, il  en  appella  vn  d'entre  eux  par  son  nom, lequel 
aussi  tost  et  sans  marchander,  se  ietta  de  là  tour  en 
bas,  de  laquelle  cheute  il  mourut,  sur  l'heure  tout 
froissé  et  brise.  Et  voulant  encore  eu  appeller  d'au- 
tres pour  faire  le  memie  essay,  il  en  fut  destoumë  par 
les  prières  du  comte,  autant  e^ahy  *que  plein  d'ef- 
froy  et  d'horreur  en  soy  mesme  ^  pour  la  hardiesse 
de  telles  gens  prodigeans  ainsi  leurs  corps  et  leur 


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(  475  ) 
vie  au  simple  commandement  de  leur  maistre  (i). 
Quelque  temps  après  et  Tan  1192^,  Gonrard,  mar- 
quis de  Montferrat,  qui  tenoit  la  principauté  de'  la 
ville  de  Tyr,  laquelle  Tan  it88  il  auoil  si  vaillam- 
ment deâenduë  contre  le  mesme  soldan  Saladin  y  et 
outre  portoit  le  tillre  de  wy  de  Hierusakmj  à  cause 
d'Isabelle  sa  femme,  sœur  de  la  defTuncte  royne  Si- 
bylle femme  de  Quy  de  Lusignan ,  sœur  du  roy  Bau- 
douyn  IIII,  conïme  il  se  pourmenoit  par  la  place  de 
Tyr,  fut  massacré  par  deux  de  ce$  assassins  baptisez 
qu'il  auoit  long  temps  âourris  en  sa  maison ,  et  qui 
âpres  le  coup  se  pensèrent  sauuer  à  la  fiiitey  mais 
estatis  pris  iurent  cruellement  exécutez,  endurans 
neantmoins  le  supplice  fort  allègrement ,  comme  s'ils 
eussent  commis  quelque  digne  chef  d'œuure  :  et  ont 
voulu  dire  quelques  vns  que  Hemfroy  ou  Emlrede, 
seigneur  deThoron,  fit  faire  ce  meurtre,  ayant  donné 
ou  promis  bonne  somme  d'argent  à  ces  Sarrasins 
(desquels  il  receut  depuis  pareil  seruice  ayant  esté 
tué  d'eux  en  trahison)  en  haine  de  ce  que  le  marquis 
dés  l'an  1 189,  luy  auoit  desbauché  ceste  Isabelle  qui 
estoit  «a  femme,  et  fait  qu'elle  le  quittast  pour  pren- 
dre iceluy  marquis  pour  mary.  Quoyque  d'autres  tes- 
joignent  que  le  prince  Sarrasin  d.e  son  propre  mou- 
laiement  auoit  enuoyé  les  deux  assasins  à  cest  eflFet, 
pour  se  venger  de  ce  que  le  marquis  auoit  fait  tuer 
secrettement  quelques  marchands  de  sa  terre  près  de 

■  I  ■!■■■     ■  ■  !■■>■     iM^    I  m*)  «IIP  >     ■■■iMi.    N    * 

(i)  Fulg,,  1.  I,  cap.  I.  — Bapt.  Ëgnat,  de  Exempl.  illust, 
vlror.,  1.  5,  c.  6. 


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(  476  ) 
Tyr  :  autres  en  gênerai  pour  la  conspiraïkm  faite  p»r 
le  Sarrasin  auec  les  siens  de  faire  mourir  tous  les 
princes  latins  qui  estoient  en  la  Palestine  (i).  Voire 
qu'aucuns  ont  passé  iusques  là  de  dire  que  le  Sarrasin 
auoit  esté  induict  et  gagné  de  présents  par  les  chres- 
tiens  mesmes,  et  que  les  Templiers  en  furent  chargez^ 
comme  semblablement  le  roy  Richard  d'Angleterre 
surnommé  Cœur  de  Uon^  indigné  ^e  ce  que  le  mar- 
quis n'auoit  voulu  espouser  sa  sœur.  Qui  fut  aussi 
IVne  des  choses  que  l'empereur  Henry,  fils  de  Barbe- 
rousse,  reprocha  depuis  au  roy  Richard,  après  qu'il 
l'eust  retiré  des  mains  du  duo  Lui^ld  d'Autriche 
(qui  l'auoit  fidt  son  j»risonnier  pour  iniures  qu'il 
pretendoit  aurâr  receuës  de  luy  en  Palestine)  Le- 
quel soi:q>çon  contre  le  roy  Richard  pourroit  estre 
d'autant  plus  confirmé,  s'il  est  vray  ce  dont  on  l'a-: 
uoit  voulu  taxer  auparauant,  qu'il  eust  pris  argent  des 
fils  de  SalacÈn.  pour  se  faire  par  eux  deliurer  le  mesme 
marquis  de  Montferrat..Semblablemenj:  ce  mespie  roy 
Richard  est  accusé  en  aucunes  de  nos  histoires  d'a- 
uoir  essayé  de  faire  tuer  de  mesme  façon  le  roy  Phi- 
li^)e  Auguste ,  auec  lequel  il  auoit  eu  quelque  dif- 
férent après  la  prise  de  la  ville  d'Acre ,  dont  le  roy 
Philippe  prit  occasion  de  s'en  reuenir  en  France,  où 


(i)  Jac.  de  Vîtriac,  cap.  loa.  —  Math.  Paris.  —  Arnold. 
Chron.  —  Blond.  -  Fulg,,  1.  5,  c  6.  -  P.  iiEmiL  —  BeUc- 
forest  es  grandes  Gbron.  4e  Fr.  —  Lusignan  en  ses  Généal. 
et  en  son  Hist  de  Cypre.  —  Ger.  Fabriclus  en  sts  Origines 
d«  Saxe.  ~  Albertus  abb.  Sud. 


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(  477  ) 
peu  de  te;mps  après  qu'il  fut  arriué,  il  eut  aduis  que 
TAnglois,  qui  estoit  demeure  là^  aùoit  enuoyë  vn 
assasin  par  deçà  pour  le  surprendre ,  dont  il  fut  en 
telle  peine  quHl  se  faisoit  garder  iour  et  nuÎQjt.  Et  de- 
quoy  la  vieille  Chron.  S.  Denys ,  et  lean  Charlier, 
mojnê  du  mesme  lieu,  en  ses  grandes  Chron.  de 
France ,  vol  2 ,  parle  en  ceste  sorte  :  Vn  iour  estoit  le 
roy  à  Pontoise,  là  luy  furent  nouuelles  apportées  des 
parties  d'outre  mer,  et  lettres  d'aucuns  de  ses  amis, 
qui  contenoient  que  le  Vieil  de  la  Biontaigne  auoit 
cnuoyë  en  France  vn  hartarsis  à  la  prière  et  au  com-  * 
mandement  du  roy  Richard.  Car  il  anoit  occis  nou- 
uellement  le  marquis,  qui  estoit «cheuallier  nohle  et 
puissant  en  armes,  et  qui  puissamment  et  vertueuse- 
ment gouuemoit  la  terre  auant  Tadiiftnement  des  deux 
roy  s;  De  ces  nouuelles  le  roy  moult  trouhlé  et  esmeu, 
tantost  se  partit  de  Pontoise ,  et  depuis  celle  heure , 
fiit  moult  curieux  et  moult  soigneux  de  son  corps 
garder,  pource  que  son  cœur  estoit  en  efiroy.de  ces 
nouuelles.  Et  pource  que  la  peur  et  la  double  luy 
croissoient  de  iour  en  iour,  se  conseilla  il  à  ses  fami- 
liers qu'il  feroit  de  cette  chose.  Paf  leur  conseil  en- 
voya au  Vieil  de  la  montaigne  qui  est  roy  des  Accîdes, 
pour  en  auoir  plainement  la  certaineté.  Et  tandis 
comme  ses  messagers  estoîent  encor  en  ses  messages, 
il  establit  sergens,  qui  tousiours  portoient  de  grandes 
masses  de  cuiure  pardeuant  luy,  pour  son  corps  gar- 
der, et  par  nuict  veilloient  deuant  luy  les  vns  après 
les  autres  par  diuerses  heures  de  la  nuict.  A  quoy  on 
peut  adiouster  ce  qui  en  a  esté  touche  par  Math,  de 


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(478) 

Westmontier  escriuant  en  ces  mots  :  Le  roy  Richard 
fut  aussi  chargé  par  le  mesme  empereur  Henry,  dV 
uoir  enuoyé  des  assasins  pour  tuer  son  seigneur  le 
TOj  de  Crante.  Sur  toutes  lesquelles  choses  il  res- 
pondit  fint  Hen  qu*il  en  deuoit  estre  excusé  enuers 
tous  :  et  sur  ce  enuoya  yne  solemnelle  ambassade  uers 
le  Vieil  de  la  montaigne ,  le  {priant  et  ses  assasins  de 
vouloir  par  leur  escrit  le  iustifier  de  ce  qu'on  hiy 
mettoit  à  sus.  Ce  qui  fut  faict  Tan  en  suiuant;  et  ainâ 
tfi  demeura  le  %t>y  Richard  entièrement  deschai^é, 
Bspres  la  lettre  qu'enuoy  a  le  Vieil  de  la  montaigne  tant 
à  Tempereur  qu'au  duc  d'Autriche  Tau  1 198  (1). 

Alexis  l'Ange  G^mnene ,  empereur  de  Constanti- 
nople,  se  trouue  aussi  accusé  d'auoir  attitré  un  assasin 
pour  tuer  Rucraiin  souldan  ou  satrape  d'Aminze  et 
d'Iconie,  auec  lequel  toutesfois  il  estoit  confédéré  (a). 
Ce  qui  fut  cause  de  la  rupture  de  laipaix  et  de  grands 
maux  qui  s'en  suiuirent  enuiron  l'anr  120a,  le  Turc 
s^estant  mis  à  courir  les  prouinces  d'Orient  qui  aj^par- 
tenoient  aux  Grecs. 

L'an  I  ai  â ,  les  petits enfans  du  royaume  de  France, 
en  nombre  d'enuiron  20  mille,  prirent  la  croix,  disans 
vouloir  aller  au  secours  de  la  terre  saincte..  Et  ainsi  diui- 
sez  par  troupes,  vindrent  en  diuers  ports  pour  s'embar- 
qner,  les vns  à  Marseille,  les  autres  à  Brunduse  (Brin- 
des),  les  autres  à  Grenues;  mais  d'où  neantmoins  ils 


(i)  Math.  Westm.  abb.  Vesper.  —  Rîgord ,  en  la  Vie  du 
roy  Philippe  Angnste. 
(2)  Niceias  Chromâtes. 


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(  479  ) 
retournèrent  comme  ils  estoient  allez  sans  passer  plus 
auant  :  et  disoit-on  que  le  Vieil  de  la  montaigne  te- 
noit  prisonniers  deux  clers  des  pays  de  deçà  la  mar, 
msquels  omnme  il  les  eut  reoogneus  estre  grandement 
sçauants  et  grands  uegromantiens,  il  auoit  proteste 
de  ne  les  mettre  iamais  en  liberté  sinon  qu^iU  Iny 
fissent  venir  ces  enfans ,  qu'on  estima  partant  auoir 
este  indiiits  par  faulses  visions,  illusions  et  |5romesses 
de  se  croiser  comme  (^la^.et  entreprendre  ce  voyage* 
Qui  fiit  en  la  mesme  année  que  la  guerre  commença 
entre  les  roys  de  France  et  d'Angleterre  (i). 

Vincent  de  Beauuais  en  son  miroir  bistorial  (a) 
parlant  de  ceste  sorte  de  peuple  en  Orient  qu'on  ncmi- 
moit  Géorgiens,  soiuans  la  doctrine  et  façon  de  faire 
des  Grecs  en  la  religion  chrestienne  ^  et  des  lettres 
qu'ils  enuoyerent  aux  nostres  après  la  pîse  de  la  ville 
deDami^te  sur  les  Sarrasins  en  Fan  1219,  compte 
à  grand  grâce  que  Dieu  fit  au  roy  de  Hierusalem  et 
aux  princes  chresti^is,  de  les  auoir  preseruez  tout  du 
long  du  siège  de  ceste  ville  là^  qui  dora  quinze  moys, 
des  embusches  des  assasins,  et  de  leurYnaistre  le  Vieil- 
lard de  la  montaigne,  qui  auoient  (dit-il) accoustume 
de  faire  uotter  les  petiis  cousteaux  pour  tuer  ceux  qm 
plus  se  trauailloient  pour  la  cause  de  la  chrestientë , 
comme  pendant  les  tréues  entre  les  cbrestiens  et  Sar- 
rasins, qui  expirèrent  en  Tan  1317,  ils  auoient  mal*- 
heureusement  ma^acrë  le  fils  du  comte  de  Tripoly 

(i)  Anton.,  archev.  de  Fior.,  t  3,  til,  19,  ch.  2  et  4. 
(2)  Liv.  3i,  ch.  gS. 


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(48o) 

ea  la  ville  de  Tortose  ^  ainsi  qu^il  esunt  en  Feglise  à 
genoux  deuant  Fautel  de  la  Vierge  Marie,  dont  pour 
vne  telle  irreligieuse  violation,  les  Templiers  ne  ces- 
sèrent de  les  poursuiure^  et  les  humilier  iusques  à  la 
seruitude  d'vn  grand  tribut,  comme  de  trois  mille 
besanspar  an. 

Les  historiens  sont  en  différent  de  la  mort  deLojs  i , 
duo  de  Bauieres  :  les  vns  escriuans  qu'il  fut  tuë  Tan 
133 1,  à  vn  soir  après  souper,  comme  il  se  pourmenoit 
sur  le  pont  de  Relhain,  par  vn  sien  fol ,  auec  lequel 
il  se  ioiîoit  et  Tagassoiv,  qui  luy  donna  vn  coup  de 
Cousteau,  dont  il  mourut  sur  le  chan^  en  la  présence 
des  siens  :  les  autres  que  ce  fut  par  deux  ieunes  gar- 
çons délibérez  soUicitez  à  ce  Ëdre  par  vn  quidan, 
pour  se  venger  de  Toprobre  et  iniure  que  le  duc  luy 
auoit  faite  en  violant  sa  femme.  Et  lesquels  ieunes 
gens  ce  personnage  offencë  auoit  nourris  e^  préparez 
quelque  temps  auparauant  à  s^en  hardir  à  vn  tel  faict, 
les  exerceant  et  accoustumant  à  s'attaquer  et  se  ietter 
à  corps  perdu  contre  les  bestes  mesmes  et  les  deschi- 
rer,  et  se  ietter  à  tout  autre  chose  qu'il  leur  eust 
monstree  au  doigt.  Mais  quelques  autres  recitent  que 
ce  duc  Loys  estant  de  retour  des  pays  d'oultre  mer 
(oii  nantmoins  Auentin  escrit  qu'il  ne  fut  iamais), 
fut  au  milieu  des  siens  tuë  par  vn  assasin  (qui  fiit 
aussi  tost  haché  en  pièces  par  les  seruiteurs  du  duc) 
ayant  este  enuoyë  à  cest  effect  par  le  prince  des  as- 
sasins  auec  lequel  l'empereur  Frédéric  II  avoit  alors 
alliance.  De  laquelle  mon  aussi  les  malueillans  de 
l'empereur  le  voulurent  soupçonner,  pource  que  quel- 


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(  48i  ) 

^     que  temps  auparauant  pour  quelques  iniures  et  des^ 
^     [daisÎFS  qu'il  aucHt  receus  de  ce  duc,  il  luy  auoit  fait 
denoncar  la  guerm  et  le  defiBer  en  ses  biens  et  en  sa 
»     personne,  ainsi  qu'en  parlent  les  Annales  du  moyne 
Godefiroy,  àdioustant  le  mesme  autheur  qu'en  Tan 
suiuant  l!i32,  Fempereur  estant  en  Italie,  et  le  soul-^ 
dan  de  Babylone  luy  ayant  enuoyé  en  présent  vu 
pauillon  d\n  merueilleux  artifice,  le  ioùr  de  la  Mag- 
delaine  il  traicta  en  festin  les  messagers  du  souldan  et 
r     ceu>t  du  Vieil  de  la  montaioie  en  la  compagnie  de 
l^usieurs  euesques  et  autres  personnes  signalées  (i)  :• 
:     soubs  laquelle  mesme  année  1^.  Yigniér  en  sa  Biblio- 
^     theque  historiale  fait  mention  qu'à  Fempereul:  auoient 
esté  amenées  par  les  ambassadeurs  de  ces  deux  princes 
Sarrasins,  plusieurs  bestes  rares  et  non  accoustumees 
d'estre  veuës.  A  quoy  se  pourroit  adioùster  ce  qui  se 
[     lit  en  la  teneur  de  la  déposition  de  cest  empereur 
(qui  est  rapportée  toute  tronquée  au  6.  liure  des  De- 
creiales),  comme  le  pape  le  taxe  d'auoir  fait  hono- 
rablement receuoir  par  toute  la  Sicile  les  ménagers 
été  ce  souldan ,  et  pour  complaire  à  d'autres  infidelles , 
et  se  vouloir  procurer  Talliance  et  ramitié  dé  ceux 
<xui  mesprisant  le  siège  apostolique  se  3ont  retirez  de 
^    IVnionde  l'Eglise  au  mespris  de  la  religion  cbres- 
.   tienne ,  auoit  fait  tuer  par  des  assasins  le  duc  de  Ba- 

(i)  Aventin ,  L  7.  —  Hier  Zicgler. ,  in  Hist.  illust.  Virer. 
4^^Tm.  —  Chron.  Hirsaugieiise.  —  Annal.  Dominican.  Col- 
^g^SLT.  —  Auclor  compilatioiiîs  chronologîcae.  —  Gaill.  de 

I.  9«  Liv.  3i 


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(  4«»  ) 

uîeres  deuotieux  de  tout  enuers  TEglise  romaine  (i). 
Comme  semblablementce  mesme  empereur  e^tdiaï^ 
par  aucans  historiens  d'auoir  fait  oœire  par  telles  gens 
le  père  d*Tn  duc  de  Hongrie  ^  vers  quel  toutesfè»  en 
Tan  ia46,  Conrard^  roy  des  Romains,  fils  dHcelt^ 
empereur  se  retira,  après  auoir  perdu  la  bataille  ccmtre 
Henry  Lantgraue  de  Thueinguie ,  eslu  roy  des  Ro- 
mains dontre  luy  à  la  suscitation  du  pape  par  les  princes 
et  singnlieron^it  par  les  prélats  de  la  basse  Allema- 
gne (dont  ses  aduersaires  Tappellment  rof  de9  cletùà 
et  des  prestres),  et  fut  le  duc  blasmë  d'auoir.  ainsi 
retire  le  roy  Conrard,  ne  se  souuenant  de  la  mon  de 
son  père.  Ce  que  neantmoins  seroit  contraire  au  tes* 
moignage  qu'autres  rendent  de  cest  empereur,  comme 
que  luy  estans  Tenues  nouuelles  que  Côradin  d'aucuns 
appelle  Caradinagius  j  fils  de  Saphadin  souldan  de 
Damas  et  de  la  basse  Syrie  s'estoit  déclaré  ennemy 
ouuertdes  chrestiens,  et  àuoit  suscité  de  tels  assasins, 
pour  se  deffaire  des  roys  et  {HÎilces  de  cbrestientë,  ce 
fat  IVne  des  choses  qui  plus  Tincita  d'entreprendre 
le  toya^  d'outre  mer  pour*  en  auôlr  la  raison  (3).  Ce 
que  sentaût  et  preuoyant  Céradin  le  rechercha  de 
paix  par  ambassadeters  qu'il  luy  enuoya,  et  moixrot 
auant  que  l'empereur  àrrivast  en  Asie  Van  i!i26. 
Aussi  que  par  l'vne  de  ses  epistres  au  roy  de  Bo- 
hême contre  Henry,  duc  d'Austriche,  il  se  void  comme 


'(i)  Smi.  Schai^ns.  —  Pétru^  de  Vinciâ. 
(2)  Monac  Paâuao,  1.  3. 


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(4S3> 

entre  autres  choses  il  se  plaint  de  luy  de  ce  que  tion 
seullement  il  s'estoit  ioinct  et  aitoit  machiné  auec  les 
Milanois  et  autres  ses  ennemis  et  de  l'empire  contre 
sa  personne^  mais  encor  potar  mesme  efFcct  auoit  en* 
ïfôyé  vers  le  Vieil  de  la  montaigne  et  luy  jfaire  oftir 
or  et  argent,  pour  y  employer  ses  assasins  (i). 

le  trouue  aussi  qu*enuiron  l'an  1286,  le  Vieil  de 
h  montaigne,  qui  estent  lors,  ayant ouyrenoïumej^la' 
prud'homie  et  zèle 
tienne  par  dessus  to 
fot  esmeu  de  le  fair 
France  deux  de  ses 
fiirent  pris>  enuers 
telle  démence,  que 
se  contenta  de  leur  £ 
les  ayant  honorez  d 
seuretë  auee  lettres 
v^dncude  »  grande 
dit,  d'auoir  toi^  at 
Voire  qu'aucuns  autl 
desia  enuoyé  ces  det 
ayant  change  le  dot 

pour  aduertir  le  roy,  qu'il  se  dbnnast  garde  des  pre- 
miers :  dont  le  roy  prit  oc<;asîon  de  s'accompagner  de 
sergens  à  m£»ses ,  et  autres,  pour  là  gardé  de  sa  per- 
sonneiour  et  nuict.  Et  leà  premiers  assasins  estans 
ainsi  trouuez,  le  roy  les  traicta  et  renuoya  aussi  dou- 


(i)  Pet.  de  Viiicis,  1.  3,  epîst.  3- 


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(  484  ) 

cemenl  que  les  deroiers  (i).Qui  pourroient  estre  les 
mesmes  qu^on  a  voulu  dire  auoir  este  attireE  en  France 
pour  mesme  effect  contre  le  roy,  par  Isabelle,  fenune 
de  Hugues  ou  Huon ,  comte  de  la  Marche ,  aupara- 
uant  femme  du  roy  lean  d* Angleterre  et  mère  du  roy 
Henry  3  (qui  alors  regnoit)^,  après  quelle  eust  failly 
de  faire  empoisonner  le  roy  Loys,  pour  ne  pouuoir 
suDDorter  que  le  comie  Hugues  son  mary,  beau  père 
'd'raroy,  et  elle  qu*on  appelloit  encor  ro/zie^sedeus- 
sent  tant  humilier  enuers  Alphonse  y  comte  de  Poic- 
tou ,  frère  d'iceluy  roy  Loys,  que  de  luy  faire  les  foy 
et  honunage ,  et  prester  le  serment  de  fidélité ,  pour 
la  reprise  de  la  terre  et  comté  de  la  Marche ,    pour 
laquelle  cause  estoient  en  guerre  auec  le  roy,  auquel 
depuis  le  prince  des  assasins  auroit  faict  entendre  qu^il 
3  de  ceux  qu'il  auoit  enuoyez  pom-  le 
is  que  rhistorien  Paul  iEmille  ne  se 
elle  chose,  ny  que  tel  prince  Sarrasin 
s  chi*estiens  eust  voulJTcontre  les  sta- 
tuts de  sa  profession  et  sanguinaire  r^hgion,  reuoc- 
quer  ce  qu*il  auoit  faict  :  et  plustost  Veut  croire  que 
d'où  le  poison  et  le  venin, de  là  aussi  tout  le  reste  de 
la  meschanceté  estoit  sorti  (a). 

En  laquelle  mesme  année  ia36  ou  1 288,  se  lit  cjue 
le  mesmie  roy  d'Angleterre  Henry  Hl  eschappa  des 
mains  dVn  qui  eust  la  hardiesse  de  l'aller  chercher 

(i)  Chron.  de  S,  Denis.  —  Chron.  de  J.  Chartier.  —  GkiilJ. 
de  Nangîs.  -  P.  iffimil. 

(a)  Chron.  du  roy  S.  Loys,  ch.  la  et  t3. 


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(4«5) 

iusques  dans  sa  chambre  ^  suscité  pai^  vn  gemil-homme 
du  pap,  pour  le  tuer  à  la  façon  des  assûsins  (i).  La 
crainte  descjuels  croissoit  lors  telle  entre  les  princes 
cfarestiens,  qu'aucui^  furent  contraincts  de  recher- 
dier  la  protection  du  prince  assasin ,  et  comme  ra- 
chepter  de  luy  leur  yie,  au  grand  opprobre  et  mespris 
de  la  dignité  chrestienne ,  selon  le  propre  tesmoignage 
an  pape  Innocent  4  9  par  la  constitution  et  decretalle 
^ui  se  trouue  émanée  de  luy,  au  concile  de  Lyon  en 
Tan  1245(2). 

Et  le  mesme  roy  S.  Loys  tomba  de  recb^en  pareil 
danger  de  telles  gens,  en  Tan  12  49  9  estant  lors  en 
Cypre  pour  aller  en  la  terre  saincte.  Car  comme  le 
flôuldan  d'Egypte  qui  estoit  en  querelle  auec  celuy  de 
Hallapé,  craignant  d*auôir  le  premier  les  François 
sur  les  bras,  eust  enuoyé  prier  le  prince  assasin  pour 
s^employer  h  les  mettre  d'accord ,  affin  de  se  fortifier 
d'auantage  de  secours  contre  les  chrestiens,  à  quoy 
neantmoings  l'autre  souldan  ne  voulut  nullement  en^ 
tendre ,  le  roy  est^mt  prest  de  partir  de  Cjrpre  pour 
paracbeuer  son  voyage,  ^Uit  d'estre  tué  par  deux  as- 
sasins  enuoyez  par  leur  maistre,  lesquels  toutesfois 
estans  pris  et  mis  à  la  question ,  comme  on  a  voubi 
dire ,  confessèrent  que  le  souldan  d'Egypte  et  les  Tem- 
pliers, qui  en  ce  temps  là  se  monstroient  plus  amis 
des  Turcs  que  des  nostres ,  les  auoient  sollicitez  à  ce 
faire.  Et  quant  aux  Templiers,  il  est  certain  que  le 

(i)  Polyd.  Virg.,  L  16. 
(2)  Tit.  4-7  !•  5,  in  sexto. 


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ray  leur  fit  de&nies  mr  peine  <le  la  vie,  de  receuoir 
wcim  aiBbaisade ,  ny  traioter  au^memoH  mee  ks 
Turoi  (i> 

A  quoy  fiiui  adiowter  œ  qu^etoit  en  oe»  termes 
le  sire  de  Joinuille  (2)  de  Tambassade  de  oe  prince 
des  assaaîn»  vers  le  nk^voe  xoy  S.  Loya,  estant  en  3a 
yijyie  d'Acre  «fures  qu'il  fut  deliurë«de  sa  captiuiië, 
fiWf  reuenir  en  France.  Encor  le  roy  aeioQrnanjt  en 
Acre  luy  vint  vue  autre  ambassade  du  prince  des 
Beduins  qui  s'appelloit  le  Fieil  de  la  Montaigne. 
£t  YB  iota*  après  que  l»  roy  eust  ouy  messe  il  fit  ve-* 
iMr  deuai^  luy  ces  ainbassadeurs  pour  dire  leur  mes- 
sage* Et  alcnrs  eonunenfa  à  parler  vn  admirai  qui  estok 
le  chef  de  Tambassiide,  et  demanda  au  roy  s^il  ne 
cogooissoit  point  Jeur  seigneur  le  prince  de  la  Mon- 
tai^è.  lie  roy  luy  req[K»)dit  que  non ,  car  il  ne  Va- 
uoit  iamais  yeu,  mais  bien  auoit  ouy  parler  de  luy. 
Et  Tadmiral  dit  au  roy  ^  Ske ,  puisque  vous  auez  01:^ 
parlçir  de  «aonseigueur,  ie  jn'esmerueiUe  moult  que  ne 
lliy  ^uess  epuoyë  tai^t  du  vosti^e,  que  vous  dissiez  feit 
dç  luy  lyostre  an^y*  ainsi  que  font  rempereur  d* Alle- 
magne^ le  roy  de  Hoj^gi^jij^,,  Ijs  ^uldau  de  Babylcme, 
et  autres  roy^  ^t  princes  qui  fay  euuoyent  Soie»  les 
affs  de  b^^auç.  présents,  pource  qu'iU  fH^^isaeiit  bien 
que  sau$  l^f  as  ne  fiourroieni  «e  Tiune  ne  durer  tant 

*"'    '       ^1    '  t  ■    ■  1  '  .1  '"  ■*  M       ■  M  ■  'I I  »  1  )1i    I  I  I     IL M  ;i    I ■      Il      » 

(1)  If  inc.  de  Beanvais ,  1-  3a ,  e.  gS.  --  Guill.  de  Nangb , 
Chron.  du  roy  S.  Loys^  ek  19.  —  Belkforesl,  en  sa  Ces- 
mogra. 

(3)  Ch.  56, 


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(  48?  ) 

qu'il  leur  f^airoit.  Et  pource  nom  enuoye  il  pat  4e« 
uerë  vow  pour  Vous  dire  et  aduertir  que  vouliez  aimi 
£iire  oomme  les  autres:  ou  tout  le  m<Hiis  que  vous  le 
&sciez  tenir  quiue  de  ce  quHl  paye  chacun  an  aux 
grands  maistres  du  Temple  et  de  THospitali  et  en  ce 
faisant  il  se  tiendra  content  de  tous»  Bien  dit  mcm* 
seigneur,  que  s'il  faisojt  tuer  }e  mais^re  du  Temple  et 
de  THo^ital  ce  qu'il  pourroit  aisément  fake,  il  ny 
gaigneroit  rien,  c^  il  y  en  ^uroit  incontin^ent  vjGt 
autre  en  sa  |^e.  Et  pource  jg^  veut  il  pas  mettre 
ses  gens  en  péril  en  vn  lieu  dont  il  ne  pourrdlt  tirer 
aucun  prc^t,  I^e  roy  ayant  entendu  parler  l'admirai, 
luy  respondit  qu'il  se  conseilleroit  sur  ce  qu'il  Iwy 
dit,  et  qu'il  reuint  du  soir  par  deuers  luy  pour  m 
aupir  re$ponce,  et  quant  ce  uijnt  au  ve^re  qu'ils  fu- 
rent renenus  deuant  le  roy,  ils  tr<mum*ent  le  maistre 
de  THo^ital  d'vne  part  et  celuy  du  Temple  d'ai^tre, 
et  lors  leur  dit  le  roy,  que  derechef  ils  luy  dissent 
ce  qu'ils  auoieût  dit  au  mâtin  p  et  ils  iuy  respondirent 
qu'ils  n'estcoent  pas  conseillez  de  le  dire  encor  vn(ç 
fois  deuaut  ceux  qui  estaient  présents  au  matin.  Ado^/Q 
les  maistres  du  Temple  et  de  l'Ho^itaJ  cc^^nmatode^ 
reat  qu'ils  h  <lisse»t  encOr  vne  fcâs.  Et  T^SK^miral  qi» 
l'aonit  dit  au  matin ,  dfjuant  le  roy,  le  4it  w^  qu'il 
esi  contenu  cydessu^  Et  apr^  que  Tadutiri^  eut  mjis 
fin  h  smi  paarler,  les  maisUres  l^eur  direut  e:^  ^a^asi^ 
nois,  qu*ils  vinssent  demain  a^  matin  à  eux^  ,^t  qu'Us 
leurs  diroient  Ja  responce  du  roy.  Au  mal|n  qu^md 
ils  furent  d'entre  eux,  ils  leur  dii^nt,  que  trop  fol- 
lemeot  leur  seigneur  auoit  mandé  telles  parolles  au 


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roy  de  France,  et  que  si  n'estoit  pour  rhonneur  du 
roy,  et  qu'ils  estoient  venus  deuers  luy  comme  mes- 
sagers, qu'ils  les  ferment  tous  ietter  et  noyer  dans  la 
mer  d'Acre  en  despit  de  leur  seigneur  :  et  adciisez 
que  dans  quinze  iours  tous  apportiez  lettres  au  roy  de 
vostre  prince  par  lesquelles  il  sq>paise  le  roy,  ^tant 
qu'il  soit  satisfaict  de  luy  et  de  tous.  Auant  que  les 
quinze  iours  fussent  passez,  ces  mesmes  messagers  ne 
fidllirent  de  reuenir  au  roy  et  luy  dire ,  Sire ,  nous 
sonunes  reuenus  à  tops  de  par  nostre  seigneur  lequel 
TOUS  mande  que  tout  ainsi  que  la  chemise  est  habil- 
lement le  plus  près  du  corps,  aussi  tous  enuoye  il  sa 
chemise,  que  Toicy  dont  il  vous  fait  présent,  en  si- 
gnifiant que  vous  estes  celuy  roy  seul  lequel  il  aime 
et  désire  à  vous  voir,  et  pour  plu3  grande  asseuranoe 
de  ce,  voicy  son  anneau  qu'il  vous  enuoye,  qui  est 
de  fin  or  pur,  et  auquel  est  son  nom  escrit,  et  de  cest 
anneau  vous  espouse  nostre  seigneur,  et  entend  que 
descHinais  vous  Juy  soyez  tout  vn  comme  les  doigts 
de  la  main  :  et  entre  autres  choses  enuoya  iceluy 
prince  de  la  Montaigne  vn  olifant  de  cristal  au  roy, 
et  plusieurs  et  diuerses  figures  d'hommes,  tables  et 
eschets  aussi  de  cristal ,  le  tout  fait  à  belle  fleurette 
d'ambre  liée  par  dessus  et  à  belles  vignettes  de  fin  cwr, 
dont  aussi  tbst  que  l'estuy  fiit  ouuert  toute  la  cham- 
bre fiit  incontinent  embasmee  de  la  grande  et  suaue 
odeur  que  ces  choses  rendoient.  Le  roy  qui  vouloit 
guerdoniier  le  présent  que  luy  avoit  fait  et  enuoye  le 
Vieil  prince  de  la  Monuigne,  luy  enuoya  par  ses 
ipessagers  et  par  fi:«re  Yues  le  Breton  qui  entendoit 


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(489) 

sarrasinois,  grand  ({uantité  deyestemens  d'escarlatte, 
coupes  d'or  et  d'argent ,  lecjuel  F.  Yues  estant  de  re- 
tour raconta  au  roy  entre  autres  choses^  qu'estant  de- 
uers  le  prince  de  la  Montaigne  trouua  au  cheuet  de 
son  lict  vn  liuret  auquel  y  audit  en  escrit  plusieurs 
belles  paroUes  que  nostre  seigneur  auoit  autresfois 
dictes  à  S.  Pierre,  auquel  liure  ce  prince  des  Bedmns 
disoit  qu'il  lisoit  souuent  et  qu'il  auoit  moult  grande 
fiance  en  S,  Pierre,  croyant  qu'au  commencement  du 
monde  l'ame  d'Abel,  quand  son  frère  CalmTeust  tué, 
entra  depuis  au  corps  de  ]Npel ,  et  que  de  Noël  aptes 
qu'il  fut  mort  reuint  au  corps  d'Abraham,  et  depuis 
Famé  d'Abraham  estoit  au  corps  de  S.  Pierre ,  laquelle 
est  encore  auec  le  corps  en  tare.  Sur  laquelle  folle 
créance,  le  moyne  luy  voulut  prescher  la  foy  cvan- 
gelique  :  mais  onc  n'y  voulut  entendre. 

Mais  ce  qu'il  recitoitdeplus,  et  plus* remarquable, 
est  du  subiect  particulier  de  nostre  discours,  des  qus^ 
litez  et  affections  des  assasins  au  meurtre  :  que  quand 
celuy  pince  des  Beduins  cheua:uchoit  aux  champs 
il  auoit  toustours  vn  honune  deuant  luy  qui^portoit 
sa  hache  d'armes ,  laquelle  auoit  le  manche  couuert 
d'argent,  et  y  auoit  au  manche  toutjJein  de  cous- 
teaux  trandbans,  et  crioit  à  haute  voix  celuy  qui  la 
portait  en  son  langage  :  Tournez  vous  arrière^  fuyez 
TOUS  de  deuant  celuy  qui  porte  la  mort  des  roy  s  entre  ses 
mains.  Aussi  me  souuiens  ie  auoir  remarqué  ailleurs 
que  leur  terre  estoit  séparée  de  celle  des  chrestiens 
par  certaines  pierres  seruans  de  bornes  et  limites^ 
esquelles  du  costé  des  chrestiens  estoit  entaillée  vné 


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oroix  j  et  du  ocmé  des  assaôns  la  marque  et 
d*vn  Cousteau. 

Maû  quelques  années  après,  et  selwt  aueuoa  Ym 
1358^  ou  selon  d'autres  Vm  1260,  ce  pmee  et  m 
gtm  pcMTte^^XMasteaux  lurent  de«Uruits  par  Haolou  (m 
Alku  frère  de  Mango  ou  ManguCham,  roy  desTaiv 
tares^  fait  chrestian  dés  Tau  1346,  à  Hiistaïu^e  eit 
suaskm  soît  de  sa  mère  qui  estoit  cbresftieime ,  sc«t 
d*Hayum,  roy  d'Arménie  :  Lequel  Allau  ayant  snb* 
iu^é  le  royaume  de  Perse,  et  paruezui  iusques  ca 
la  icontree  de  ces  assasins,  les  deffit  entièrement,  s*e- 
taiis  le  reste  d'iceux  laissez  assiéger  dans  IVu  de  leurs 
pliffi  f<»*ts  chasteaux  is^^ellé  Tidago  ou  Fidago,  Tes- 
paœ  de  tt^tns  ans,  ou  comme  aucuns  esoriuent  vingt- 
sept  ans  qu'ils  furent  enfin  contraincls  se  rendra  uon 
par  deffaut  de  yûires  ou  autres  munitions  v  mais  d'ha- 
bits et  Testemens  seulement;  dont  depuis  ce  pays  là 
demeura  .  en  la  ptûasance  às^  princes  des  Tartares 
d'Asie,  iosques  à  ce  qu'après  le  decés  du  prince  Cas^ 
San ,  qui  mourm  l'an  i3o4 ,  et  que  son  firere  ou  son 
fils  noinnié  Ceanbagad  tsùax  aUuié  la  religion  dires- 
tieinie  pour  prendre  celle  de  Mahomet  que  ses  ^ic- 
cesseurs  ont  teusîours  de^mis  ceteaatuë,  ac^uans  auoc 
la  religion  de  perdre  ee  qu'ils  auoient  en  Asie ,  Meleo- 
Naser  souldan  d'Egypte  demeura  tnaistre  entieremem 
de  la  Syrie ,  et  par  conséquent  les  assasins  souhs  sa 
siid)iection  :  desquels  aussi  il  se  seru(»t  en  ses  guerres 
ecnnme  de  bons  archers  et  gens  propres  prind|>al^ 
ment  pour  assiegar  des  places ,  doilt  ils  sçanoient  venir 
à  bout,  à  force  de  machines,  feux  artificiels,  nwnes 


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> 


(  49»  ) 
et  mitrisa  mojrms,  (»ifere  cpi^il  1^  scmpit  iestredu  i^m 
fti>fff!ynis  des<îhresrians(i), 

le  Ijub^ray  à  chacun  ii:^er  ^i  ce  powroît  ^a%re  le 
llIesm^  prince  de  iadia,  k  we^me  geut^  et  le  ra^me 
paradis  ou  lieux  de  pl^saacei  que  leau  d0  Maiide- 
ijûlje  cHçuailiçr  angld^  de^nrit  <ijp^  tout  de  meime 
iiu  Uure  de  se$  pi^egniiàtions,  appiêUant  ce  prino^  ?ii 
^rlclie  luMi^iaibe  qu'où  uoiAiaoit  Gectonalables  ou  60^ 
^^lan^besj  deuieuraiat.  en  Tisle  Macborat  cm  Melr 
ichoracl^e  6oid>a  la  piaîâsanee  du  presti^  leau ,  et  ^a^ 
moiguant  le  me^ue  autheur^  cpi^au  tempe  ^qu'il  7  fut 
(et  %ofk  y<>y0g^  9e  rsqipQite  à  Tau  14^3)  les  fi^KtaûiiSB 
4u  paradis  et  iardîu  y  estoiem  eneores^  et  n'y  aiftcàt 
|>as  long  temps  que  fe  lieu  auoît  esté  dettihiict.-  Et 
^Cy  comme  il  en  parie  :^ttie  isle  de  Machorat  eft 
Jl[^en]£illeusemem  longue  et  large ,  dans  laquelle  y  a 
moult  ^and  planté  de  tienS)  et  y  ^ouiott  d^mexvrer 
v^  riç^  }]U9nuîi^qu*o0  4^)eUoit^6(?/Q7ii9£ri^ 
quel  estoiti^esr  cauteleux,  et  raoit  vu  naouk  be«i 
db^st^au  dessYis  yae  niontaig^^  v^  £^^  ^^  ^  très  uipMe 
<]^e  c'estoit  gramd  merueiUe  :  et  àsAmx^  k  closture 
des  mpiF^  dç  ^oq  bo^el,  il  auoit  arbres  dans  le  {^us 
b^  et  n^}leiir  liurdw  qu'au  npkpndie  iut  après  paradis 
ten^estrcr  Clevs  arbres  po^texit  £nû^(s  ^'oa  ue  sçauroit 
deuiser  de  n^^iilleurS)  autres  bien  odcœaaa,  et  autres 
pprm^s  d0  très -belles  fleurs ,  et  y  a  de  tresn  belles 

■^M      Ul     II  I  il       ■!  ■  ■  IllMI    ■     ■■'■  >M<<   *         ■!■  ■■■!     I  ■  ii»|       ■    ■•  ■>  '     ,  " 

(i)  Madi.  Paris,  sous  l'an  1257.  —  P.  Veneius.  1.  i,  cap. 
a^.*-  Haydionos ,  cap.  â4..  —  SâbcHkas,  Ennead.  9,  1.  .7. 
<«^  Aag*  Giirio«  -  Joach.  Camer,  Narrât  Turck. 


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(490 

fontaines,  empres  lesquelles  a  des  belles  cliainKres  et 
belles  salles  peintxes  d'or  et  d*azur,  auec  belles  his- 
toires d'oiseaux  et  de  bestes  saunages,  qui  chantoient 
et  mounoient  d'eux  mesmes  par  engin ,  comme  s'ils 
fussent  vifs.  Et  auoit  mis  en  ce  iardin  toutes  maniées 
d'oiseaux  qu'il  pouuoit  trouuer,  et  esquels  il  pouuoit 
prendre  son  déduit,  et  y  auoit  des  plus  belles  damoi- 
selles  de  l'aage  de  quinze  ans  toutes  vestuës  de  drap 
d'or,  et  disoit  que  c'estoiem  anges  :  et  si  auoit  fait 
fiôre  trois  fontaines  toutes  enuironnees  de  iaspe  et 
<aistal,  ouur^  d'm*  et  de  pierres  précieuses,  et  auoît 
faict  fidre  conduicts  par  dessous  terre ,  que  quand  il 
Touloit  l'vne  de  ses  fontaines  estoit  de  vin,  l'autre  de 
laict,  l'autre  de  miel,  et  appelloit  ce  lien  paradis:  Et 
quand  aucun  venoit ,  qui  estoit  preux  et  hardy,  il  le 
menoit  en  paradis,  et  luy  monstroit  les  choses  di- 
uèrses,  et  son  deduict,  et  le  chant  des  oiseaux,  et 
faisoit  sonner  plusieurs  instmmens  de  musicjue ,  en 
vne  haute  tour  san^  le  veoir,  disant,  que  c'estoient 
anges  de  Dieu ,  et  qu'au  iardin  estoit  le  paradis  que 
Dieu  auoit  {Mx>mis  à  ses  amys,  dissmt  :  Dabo  notis 
terram  fluentem  lac  et  meL  Et  puis  leur  Ëdsoit  vn 
Iweuuage  qui  les  enyurôit^  et  leur  disoit:  Il  vous  faut 
mourir  pour  l'amour  de  Dieu,  et  îl  vous  mettra  en 
ce  beau  paradis  après  vostre  mort,  et  serez  en  l'aage 
de  quinze  ans  conime  sont  ces  beaux  iouuencéaux'  et 
ces  damoiselleç ,  et  prendrez  vostre  déduit  auec  ces 
belles  pucelles.  Et  puis  après  il  leur  sembloit  qu'il 
les  mettoit  en  vn  plus  beau  paradis ,  où  ils  voyoient 
visiblement ,  ce  leur  estoit  aduis ,  la  face  de  Dieu  de 


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(493) 

natuce  en  yn  plus  bel  paradis  et  en  sa  gloire  :  Et  Ws 
le  cheualier  se  presenioit  à  sa  volonté, ^^Dieu  lay 
commandoit  d'aller  tuer  tel  seigneur  qu'il  nommoit 
estre  contraire  *x  seigneur  du  chastel ,  et  (ju'il  n'eust 
pas  peur  de  ce  faire ,  et  de  se  faire  tuer  pour  Fajtnour 
de  Dieu«  Car  il  le  mettroit  en  vn  paradis  apces  sa  mort, 
cent  fois  plus  beau  que  cestuy.  Et  ainsi  ces  eheualiets 
alloient  tuer  ceux  qu'il  leur  estoit  aduis  qu'on  leur 
auoit  nommez ,  et  eux  mesmes  se  faisoient  tuer  en 
espérance  d'aller  en  paradb,  et  ainsi  ce  Vieillar4  se 
'  yengeoit  de  ses  ennemis  par  telle  cautelk;  Et  {[puid 
les  seigneurs.du  pays  appercèurent  cette  fauceté ,  ils 
allèr^t  assiéger  le  chastel,  et  prindrent  et  tuèrent 
le  Vieillard ,  et  destruisirent  les  nobles  du  chastel, 
dont  y  auoit  encor  des  fontaines  et  autres  choses: 
mais  tout  estoit  quasi  abattu. 

,  Or  auec  la  ruine  des  chasteaux  et  paradis  des  assa- 
sins,  et  la  subiection  de  leur  pays,  ne  fut  pas  toutes- 
fois  du  tout  esteinte  en  ceux  qui  restèrent  et  qui  yin- 
drent  sqpres,  œste  mesme  meschante  yolonté  et  cous- 
ttune  de  faire  de  leurs  prédécesseurs.  Tesmoin  ce 
qu'escrit  le  moyne  padouan  soubs  l'an  i  :265,  lorsque 
Ghiqrles,  eomfe  de  Prouence,  frère  du  roy  S.  Louys, 
fut  mandé  à  Rome  par  le  pape  pour  estre  inuesti  du 
royaume  de  Naples  contre  le  bastard  Manfrede  ou 
Mainfroy,  ccnnme  iceluy  Manfrede  rechercha  tous 
moyens  d^  faire  mourir  le  j^ince  françois,  tant  par 
a«sasins  que  par  autres ,  par  fer  ou  par  poison.  Tes^ 
jnoin  ce  qui  se  lit  qu'en  l'im  1269  ou  ^^7^  ^^  ^^7^7 
qu^anfres  ont  youlu  dire  I273>  Edouard  aux  longtt^â 


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nmbesj  fils  aîsné  dudit  roy  Henri  III  d^An^eterre, 
estam  en  Iff^^  d^Acre  pour  la  deffimcbre  cMitre  le» 
Sarranns,  en  attendait  lai  venue  du  roj  &  Lcmys  de 
France^  faillit  d^estre  tué  à  la  mscitatlbn  de  Bendecar 
dît  Melecdeerj  aouldan  d'Egypte  ou  de  BabylaDe> 
par  m  assasin  noorry  soûl»  terre  (comme  il  est  <puh 
Tàûé  en  Thisloire)  qui  aoaît  ec^noiasance  et  familia^ 
rîtë  aoec  iceluy  f^mee  Edouard,  et  auoit  aasoustomé 
le  venir  voir  souuent  soobs  [nretexte  des  addresses  eu 
pays  qu'il  scanoit,  ou  quelquefois  de  luy  port^  des 
lettres  d'vn  adnural  de  I(^pe  :  dcmt  vn  iom*  &igsa»t 
anoir  quelque  chose  de  secna  à  kiy  dnpe,  cocaïne  le 
prince  pour  ceslB  occasion  eust  £adt  retôer  vn  dacujft 
et  fut  demeuré  seul  en  sa.  chambre  appuyé  et  regar- 
dant à  vne  fcBesire,  ce  paillard  tire  oonœrtementvn 
Cousteau  eiâpoisonné  qu'il  auoit  caché  ^  dc^ifêl  il  hay 
baiUa  deux  coups  en  Fvn  des  bras  et  vn  troiâesme 
sottbs  laîsaelle  au  coalé)   et  iadoiNitablement  Teust 
tué  9  ainon  qve  le  prince  ieune,  §om  et  vigooreux  le 
poussast  du  pied ,  le  ietta  par  terre>  et  luy  osca  ées 
mains  le  cousiean  dont  il  le  tua.  Enquoy  fàisani  il 
se  blessa  tellem^xt  de  ce  coosleaa  en  k  main ,  que 
la  pmson  s'estant  descouuerte  |MP6n<ke  et  monter  plus 
hauta»x  autres  membres,  on  eust  bien  de  la  pebie  h 
le  sauuer  à  force  de  bons  remèdes  et  appareils.  Au- 
cxnm  toutefois  ont  escrit  qoe  le  pri<nce  se  semant 
fir^pé,  et  n'ayaiit  autre  c^ose  pour  se  d^ffendre, 
prînt  le  pied  de  k  lable^  duqud  il  rompit  la  tesce  à 
ce  meurtrier.  Autres  que  luy  ayant  saisi  la  meàn  de 
laqnaeUe  il  tenoit  le  Cousteau  etf  crié  »  Taide,  ses  gens 


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(495) 

aussi  tosi  enirerânt  en  la  chambre  et  assommèrent  de . 
coups  Tassasin ,  le  ca^  duquel  on  fit  depuis  pendre 
auec  yn  chien  vif  sur  les  murailles  de  la  yille^  pour 
donner  terreur  à  ses  compagnons.  Neantmoins  que 
P.  iEmile  parlant  de  ce  fait  en  la  vie  àa  roy  S.  Loojs 
estime  au  contraire  de  ce  qu^on  a  esorit  de  cest  assflh 
sin ,  que  le  prince  Edouard  tomba  en  œ  danger  ^ptat 
les  menées  de  Guy,  Gis  de  Simon,  comte  de  Mom&rt 
et  de  Leicestre  (et  petitrfils  de  ce  Simon  qui  mounU; 
en  la  guerre  des  Albigeois)  pour  venger  la  mort  de 
s6n  père ,  lequel  en  Tannée  1 164  comme  chef  de  la 
faction  àes  barons  et  populace  d'Angleterre  esleuez 
ecAltre  le  roy  Henry,  ayant  deflaict  Farmee  du  roy 
et  iceluy  prins  prisonnier  auec  Richard,  duc  de  Cor- 
nouaille  esleu  roy  des  Romains  son  firere,  ensemble 
le  prince  Edouard ,  Tannée  ensuyuant  1365,  Edouard 
tronua  moyen  d'escapper,  et  ayant  ramassé  vne  puis- 
sante afmee  donna  bataille  au  amite  Simon ,  qid  de- 
meura mort  sur  le  diamp  auec  vn  autre  sien  fils 
nomme  lean,  luy  rêvant  ce  Guy  qui  se  retira  vers 
Charles,  roy  de IXaples,  d'où  il  peut  dresser  eeste  en* 
treprise  contre  le  prince  Edouard,  sans  qu'il  la^&ille 
rapporter  aux  assasins.  Ce  qui  semble  à  noure  histo* 
rien  d'autant  plus  vtay  semblable,  que  depuis  ce 
Dn^me  Guy  ainsi  animé  contre  la  race  royale  d'Ain- 
gleterre,  se.  vengea  enco#  sur  Henry,  ^  dû  roy  Ri- 
chard d'Allemagne ,  qu'il  fit  tuer,  ou  tua  luy  mesme 
au  retour  de  la  terre  saincte^  dans  la  grande  église 
de  Viterbe  en  Itfljlie,  où  estait  le  roy  Philippes,  fils 
du  roy  &  Louys  :  ioint  que  desia  (dit  ce  mesme  au- 


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(  496  ) 
theor)  c^estok  vne  chose  commune  d'appeler  tous 
meurtriers  assasins.  Aussi  qi^  cela  luy  semble  es- 
trange  à  croire ^qu'yn  barbare  comme  cela,  quoy  que 
desguisë  et  parlant  nostre  langue ,  eust  pense  se  faire 
entrée  ou  de  finrce  ou  par  autre  moyen  en  la  chambre 
Jla  prince  Edouard  à  la  suite  de  la  cour,  au  milieu 
de  tant  de  gens  de  gardes ,  portiers  et  seruiteurs  de 
la  maison ,  et  autres  qm  ont  accoustumé  d'estre  près 
la  personne  du  prince  ou  (A^  de  guerre ,  mesme  en 
pays  estranger.  Depuis  lequel  temps,  suiuant  la  re- 
marque du  mesme  historien  cy  dessus,  et  principale- 
ment entre  les  Italiens  et  nous,  on  a  commence  dVser 
de  ce  nom  barbare  ^assasiner  pour  tuerj  et  appeller 
assasins  meurtriers  de  propos  délibéré  et  guet  à  pens 
(de  me^ne  qu'anciennement  le  mot  de  bruUens  fut 
pris  pom*  serfë,  rebelles  et  fugitifs,  et  encor,  avàour- 
d'hui  celuy  ^esclaues  pour  ser&,  ceux  d* arabes  et 
brigands  pour  voleurs  et  pillards,  et  autres  d'vn  nom 
gênerai  dVn  peuple,  comme  il  a|^rt  aussi  par  la 
mesme  susdicte  constitution  du  pape  Innocent  IIII, 
par  laquelle  il  foudroyé  contre  ceux  des  chrestieus 
qui  se  seruiront  d'assasins,  et  autres  telles  gens  à  tels 
effects  :  et  non  seulement  il  excommunie  tous  c&iXy 
soient  princes  ou  prélats,  ou  d'autre  qualité,  qui  fe- 
ront, procureront,  solliciteront,  ou  porteront  faueur 
à  telle  chose  ^#nais  aussi  les  déclare  prii^ez  de  leurs 
dignitez,  honneurs,  o£^ces  et  bénéfices,  et  veut  qu'ils 
soient  tenuz  et  reput^z  perpétuellement  deffiez  pour 
leur  estre  couru  sus  par  tout  le  peuple  chrestien, 
comme  ennemis  de  la  religion  chrestienne,  sans  qu'il 


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(  497  ) 
soit  besoin  à  iamais  oontre  ceux  qui  seront  prob^tble- 
rmm  c<muaincu$  de  jejle  meschanceté,  d'autre  et 
nouueUe  sentence  d'excommunication ,  de  priu^tion 
de  Imrs  biens  et  honneurs,  ou  de  deffi  à  Taduenir. 
Laquelle   constitution   fut  aUeguee   jau   concile    de 
Constance,  par  le  docteur  leî^n  Ger^n.,  çhanceljier 
de  rJEglise  de  Paris ,  pour  réprobation  des  prc^sitions 
qui  y  furent  faites  par  frère  lean  Parui,  ou  Petit, 
raoyne  iacobin,  pour  la  deffej^e  du  meufire  commis 
par  le  dujc  lean  de  Bourgogo 
Louys  d'Qrleans,  frare  du 
lesquelles  propositions  p^r  $ 
Paris,  et  de  Tinquisiteur  d 
pleine  a^sepxblee  deiS  euesq 
aM^tres  notables  personnes,  fui 
'  iniquiss  et  imustes,et  comm^E 
lees  :  interu6U^M:its  sur  icelles  les  lettres  patenies  du 
roy  Charles,  du  i5de  mars  i^l^y  pour  la  faire  publier 
et  obseruer  sur  peine  de  confiscation  de  corps  et.de 
biens  ;  et  depuis  Tarre^t  de  lia  cour  du  paiement  du 
19  septembre  i4i6,  donné  .à  Tâ^sitance  de  rvniuer- 
^Hé ,  p^  lequel  estoit  dépendu  ^ur  peine  de  tout  ce 


(j)  Vieille  Çhron.  dej^.  Denis*  —  Chron.  de  Monlfort." 
—  Pol.  Virg. ,  !•  16  et  17.  —  Plat. ,  en  la  Vie  du  pape  Gré- 
goire X.  —  Guill.  de  Nangis,  an  1270.  —  Math.  Paris,  sous^ 
l'an  1272.  —  Hayt.,  c.  53.  —  BIod.,  Décad.  2 , 1. 8-  —  Sa- 
|>el)^  ,  Enwad.  9 ,  1.  7.  —  P.  iSE^miliiis.  —  Nie.  Gilfes  ,  es 
Annal.  deFr.  —  Fulg,,  I.  5,  c,  6^.etl.  9,  c.  10.  — Duïillet, 
au  Recueil  des  traitez. 

I.  9«  Liv.  32 


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(  498  ) 

qu'on  pouuoil  commeure  contre  le  roy  y  de  dire ,  pu- 
blier ou  enseigner  <ju*il  fust  permis  de  tuer  aucun, 
en  quelque  sorte  que  ce  ftist,  sans  jnrealaUe  sentence 
de  iuge  competani,  ny  d^auoir,  transcrire ,  copier  ou 
tenir  semblables  escrits  et  propositions  que  celles 
dHcelny  maistre  lehan  Petit  (i). 

Ne  se  doit  obmettre  pour  fin  des  exemples  d'atten- 
tats de  ces  derniers  assasins  y  ce  qu'esorit  Folgose  (â) 
de  celuy  qui  enuoyé  par  vn  souldan^  pour  tuer  lac- 
ques  de  Lusignan,  roy  de  Chypre,  soubs  prétexte  de 
luy  porter  et  présenter  des  lettres ,  s'en  mit  bien  en 
deuoir,  mais  dont  le  coup  neantmoins  ne  passa  qu'en 
Tespaule  du  roy,  et  estant  pris  et  exposé  à  vue  cruelle 
mort,  Fendura  auec  vn  grand  courage,  <x>mme  ayant 
entrepris  ce  faict  pour  le  bien  de  son  pays.  Comme 
aussi  se  trouua  vn  Maure  ny  a  pas  long  temps  que 
ayant  à  desseing  de  se  defiaire  des  roys  Facdinand  et 
Elisabeth  de  Castille ,  estans  au  siège  d'vne  certaine 
ville  occupée  par  les  Maures ,  venu  en  leur  camp  soubs 
prétexte  d'auoir  à  proposer  quelqu^es  moyens  et  con- 
ditions d'^pointement,  et  ne  sçachant  pas  bien  les 
addresses,  entra  dans  la  tente  dVn  grand  sei^eur  4e 
Tarmeequi  estoit  lors  couché  auec  sa  femme,  sur  les- 
quels se  ietta  aussi  tost,  pensant  que  ce  fust  le  roy  et 
la  royne,  tellement  qu'ils  furent  grandement  ofFencez 
et  en  danger  d'estre  tuez,  sans  le  secours  de  leurs 

(i)  Extrait  du  livre  des  Ordomi.  royaux  ,  communément 
appelé  le  lâore  croisé,  au  greffe  du  Parlem.  de  Paris. 
(2)  Liv.  5,  ch.  6. 


^        Digitizedby  Google 


^  (  499  ) 

0as  et  seruiteurs  qui  estoient  là  :  Surquoy  s'e^fcirie 
Tvn  des  aiuheurs  qui  en  font  le  conte  ^  quel  zèle  et 
religion  de  cette  Taine  nation  de  s'estre  ainsi  per- 
suadée,, en  tuant  par  quelque  moyen  que  ce  soit  les 
plus  appa^g^mts  d'entre  les  chrestiens,  que  tela  leur 
doibt  tourner  à  grand  louange ,  et  que  si  pour  cela  il 
leur  faut  mourir,  ils  passeront  bienheureux  à  leur 
dieu  Mahomet  (]). 

Qui  est  tout  ce  que  i'aypeu  remarquer  proprement 
de  rorj!gine  des  assasins 
attentats  et  homicides,  p 
des  roys,  princes  et  seigi 
sera  à  vn  chacun  de  les  aj 
occurrences  de  nostre  ten 
nous  en  auons  veuz  depui 
rechercher  iusques  à  Fred  _ 

practiquer  les  deux  clercs  jju'elle  enuoya  pour  tuer 
le  roy  Sigisbert  à  Vitry  près  Tournay  Tan  578 ,  les 
ayant  premièrement  enchantez  et  endurez  d'vn  cer- 
tain hreuuage  pour  les  encourager)(2)  s'estans  trouuez 
parlai  nos  ordres  de  religions  d^aussi  malheureux  et 
enragez  assasins  porte-cousteaux  comme  Vouez  et  ser- 
mentez  à  vn  autte  Aloadin  vn  Yieil  de^  montaignes 
(desquels  au  moins  on  peut  dire  que  la  main  d'Ab- 
salon  est  tousiours  auec  eux)  à  la  ruine  des  roys  et 
princes  qui  ne  sont  de  leur  secte ,  ou  qu'ils  pensent 

(i)  Bapt.  EgDati.  —  Fulgos. 

J[2)  ^ég.  de  Tours,  1.  8,  c.  29., —  C.  Fauchet^  es  Antiq. 
gauL,  1.  3,  c.  17. 


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(  5oo  ) 

leui*  estre  en  quelcpie  obstacle  (i).  Plus  malbeurei^ 
et  encouragez  que  cette  autre  sorte  de  moyne  et  reli- 
gieux mandians  qui  se  trouuent  encore  amourd'faui 
parmy  les  Turcs,  de  Tordre  de  Deruis  ou  Deruislar, 
et  de  TolPlaqui  ouTorlaclar  (car  ainsi  àluei^ement 
sont  ils  nommez)  Pvn  desquels  en  Tan  i^^f,  fei- 
gnant de  demander  Pausmone  au  sultan  B«azetII  du 
nom  (pour  lequel  aucuns  ont  pris  Mehemetll)  qu?îl 
trouua  à  clieual  par  les  champs  au  voy^  qui^il  fai- 
ruyner  les  montagnard^  de  la 
sultan  se  fîist  arresté,  comme  il 
r,  faillit  à  le  tu^  dVn  coustelas 
lé  sous  son  manteau  ou  gahbe- 
crédit  d'approcher  iusques  à  la 
ir,  pour  le  respect  de  son  habit; 
nu  à  bout  de  son  entreprise^ 
sinon  que  le  cheual  de  l^nipereur  efifraié  se  fust  re- 
culé ,  et  quVn  des  baschats  donna  sur  la\este  de  ce 
moyne  assasin  tel  coup  de  son  busdogan  ou  masse 
de  fer  qu'ils  ont  accoustumé  de  porter,  qu'il  le  ietta 
demy  mort  par  terre ,  où  il  fut  incontinent  acbeué 
par  les  autres  qui  estoient  fite&  du  sultan,  qui  en  fat 
quitte  pour  Tne  légère  playe»  Mais  dont  dépuis  ces 
Inms  religieux  ne  furent  trop  bien  vernis  à  Ctmstan- 
tinople ,  mesme  que  Baîazet  les  bannit  vn  long  temps 
de  son  empire  ,^  et  depuis  luy  le  sultan  Selim  les 
chastia  fort  rudement  (2). 

(i)  Greg.  NdziaD.,  Orat.  in  laudem  Athanasîi. 

(2)  Thi?bfl.  Spaiid.  ,  en  son  Hisl.  et  orig.  des  Turcs..  *  - 


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(Soi) 

Et  au  coinmencelnelit  de  Tannée   iSSq  (neant- 
moins  qu'aucuns  marquent  le  xi  d'octobre  1579), 
Mehemet  Bassa ,  gendre  du  sultan  Selim  i j ,  homme 
aagë  d'enuiron  80  ans,  tenant  le  second  rang  entre 
les  Turcs,  et  qui  estoit  grand  vesir  ou  lieutenant  gê- 
nerai de  trois  empereurs,  comme  il  donnoit  audience 
au  diuan.de  sa  maison ,  selon  la  coustume  à  ceux  qui 
auoient  affaire  à  luy,  il  entra  vn  de  ses  deruiz,  lequel 
à  la  faueur  de  son  liaLit  et  pi*ofession  ayant  irauersé 
parmi  laptéâ^  hisquéâ  fltfptôs  de  luy,  tir 
teau  duquel  il  luy  bailla  dans  le  seing  et  1 
roide  sans' craindre  ce  qui  luy  en  pouuo 
comme  au^i  sur  Theure  il  fut  haché  en 
ceux  qui  se  trcmtiei*ént  là  (i  ).  On  tient  aiisfi 
mesme  année  iSgS»,  le  sultan  Mehemet  a  £ 
tue  de  mesme  par  vn  qui  sçpres^ità  à  luy  habille  eu 
moyne,  mais  dont  ne  sont  encore  les  nouuelles  bien 
asseurees.  "  * 


Hist.  rauselm.,  11$^  16.  -  ^aniA, ,  Hîst  tiirc-  ~  Tî.  Nicoï. , 
J.  3  des  Pérégrlm^ieB»)  c*  17*  —  Boîfi»»^  in  ïronib.  —  Ma- 
rlnus  Barloti,  des  Gestes  de  Scanderb.  —  Auctor  lib.  ïur- 
cîcœ  spurcîtias  ef  pel-iSdiâô  àilggellatio^â  «t  eoisfetatiouis, 
cap.  22. 

(i)  Pand..,  Hist  turc.  —  Boiss. ,  ip  Tronîb»  —  Joa.  Rps, 
in  appen»  Ghroià<ti»nfe^  ^»u  Ghroiii  W^l. — Gab*^  Ghap^^  en 
VHist.  de  ce  temps.  * 

FIN    DU    VOLUME. 


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TABLE 

DES    MATIÈRES 

CONTENUES  DANS  GB  VOLUME. 


SUPPLEMENT. 


QUATRIÈME  PARTIE. 

ADDITIONS  AU  CHAPITRE  PREMIER,  %  III. 


DES  COMMUNES  ET  DES  BOURGEOISIES. 

^tdiU  G.  L.  fur  les  Recherches  de  M.  de  Bréqui- 

^tabibsement  des  Gommanes  et  des  Bourgeoisies.  i 

Recherches  sur  les  Goi|imanes ,  par  Mi,  de  BrÉQUIGNT 4^ 

Recherches  sur  les  Bourgçoisies ,  par  le  même,  ..•••......  if^ 

ADDITION  AU  CHAPITRE  III,  S  I- 

Recherches  historiques  sur  les  Routiers  et*  la  Jacquerie aia 

I>e  la  milice  àes  Reistres  et  Lanskenets,  du  Rhingrave,  du  colo- 
nel Ghristophle  de  Çassompierre.  .......  „_^ ^55 

%CINQUIÈME  PARTIE 

ADDITIONS  AU  CHAPITRE  PREMIER. 

De  l'intërieur  de  la  chambre  à  coucher  d*une  reine  de  France , 
au  moment  où  elle  donne  un  héritier  au  trâne.  Ghapitre  cu- 
rieux des  Mémoires  de  Louise  Bourgeois,  dite  Boursier,  sage* 
femme  de  Marie  de  Médicis.  .••^.••..» 16» 

ADDITION  AU  CHAPITRE  II,  S  /• 

Du  mot  BIGRE,  terme  employé  dans  les  chartes,  dont  on  de- 
mande la  signification 3oi> 


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(  5o3  ) 
§11. 

Puces 

Bemarqiiei  sur  quelques  pièces  curieuses  des  Matures  <le  1736 ,  aa 
sajet  d*im  ancien  MUsorium,  de  Tusage  de  la  Verdure  et  de  la 
plantation  du  BCai.  Par  Tabb^  Lsbeuf » 3io 

Addition  de  VE^L  G.  L.  aox  remarques  prëci^dentes* 3a3 

§m. 

Les  Martinales,  on  Dissertation  sut  Poie  de  la  Saint -Martin,  à 
roccasion  d*une  médaille  curîetue.  Par  A.  L.  Millin,  a^ee  des 
notes  critiques  de  VEdit.  G.  L .    3a8 

Cërëmonie  singulière  des  confrères  de  la  charité ,  ou  Porte-morts , 
qui  se  faisait  chaque  ann^e,  le  jour  de  la  Fête-Dieu,  à  Yemon 
en-  Normandie •  •  , .    35i 

§VII 

Des  clercs  rnari^  dans  le  moyen  -  Ige 355 

Particularité  curieuses  de  l'histoire  galante  de  quelques  -  uns  de 

nos  rois.  —  Ancienne  légende  des  amours  de  CWlemagne.  •  .  36a 
De  la  concubine  de  Gliarles  TU,  appelle  la  petite  Reine»  ....  368 
Les  regrets  et  vie  de  la  duchesse  de  Beaufort,  divulguas  en  Tan 

i5g7,  lors  de  la  prise  d'Amiens • 370 

De  la  conspiration  de  la  duchesse  deYemenil  ,maitrcsse  d'Henri  lY, 
et  de  la  soustraction  de  la  promesse  de  mariage  que  ce  prince 

lui  avait  faite 38o 

Des  relations  supposées  galantes  d'Anne  d'Autriche  avec  le  duc 
de  Bucldngham ,  ou  récit  des  incidens  secrets  qui  facilitèrent 
la  prise  de  U  Rochelle  par  le  cardinal  de  Richelieu 388 

CHAPITRE  m. 

§.. 

Les  parallèles  de  la  Noblesse.  Par  le  sieur  DE  Gatherinot.  .  . 

HUITIÈME  PARTIE. 

ADDITIONS  AUX  MÉLANGES. 

Remarques  sur  une  médaille  de  François  I^r,  et  sur  la  Salaman- 
dre qu'il  avait  adoptée  pour  devise 


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(5o4) 

Pages 
Traité  des  rois  de  France  avec  les  «rchevesques  de  Rouen,   par 

'lesquels  ils  les  obligent- de  venir  une  fois  Tan  à  leur  cour,  à 

la  cliarge  qu'ils  les  en  feront  convenaUeinent  semondre,  et 

qu'ils  envoyeront  au^de^ant  d*eux  un  honorable  convoi ^^o 

Traite  de  Rirhard  ((^Jcur-de-Lion),  roi  d'Angleterre,  avec  IVr- 
cbevesque  dé  Rouen,  d'escbange  des  vHles  d*Andely,  aux  com- 
tés de  Dieppe  et  Bouteilles;  de  Ix>uvicrs,  d*Aliermont,  etc.  .     444 

Traité  de  Torigine  des  anciens  Assasins- porte -couteaux,  avec 
quelques  «xem^llcs  de  leurs  altenltts  et  lionaiddes  4s  j^^ft^fma 
d'aucuns  rois»  princes  el  seigneurs  ^  U  fihacêidmïfi'  P^T  M.  De- 
nis Lbbbt-db-Batili.y  ,  conseiller  du  m 4^i 


FIN   DE    LA   TABLE. 


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