This is a digital copy of a book that was preserved for générations on library shelves before it was carefully scanned by Google as part of a project
to make the world's books discoverable online.
It bas survived long enough for the copyright to expire and the book to enter the public domain. A public domain book is one that was never subject
to copyright or whose légal copyright term has expired. Whether a book is in the public domain may vary country to country. Public domain books
are our gateways to the past, representing a wealth of history, culture and knowledge that 's often difficult to discover.
Marks, notations and other marginalia présent in the original volume will appear in this file - a reminder of this book' s long journey from the
publisher to a library and finally to y ou.
Usage guidelines
Google is proud to partner with libraries to digitize public domain materials and make them widely accessible. Public domain books belong to the
public and we are merely their custodians. Nevertheless, this work is expensive, so in order to keep providing this resource, we hâve taken steps to
prevent abuse by commercial parties, including placing technical restrictions on automated querying.
We also ask that y ou:
+ Make non-commercial use of the files We designed Google Book Search for use by individuals, and we request that you use thèse files for
Personal, non-commercial purposes.
+ Refrain from automated querying Do not send automated queries of any sort to Google's System: If you are conducting research on machine
translation, optical character récognition or other areas where access to a large amount of text is helpful, please contact us. We encourage the
use of public domain materials for thèse purposes and may be able to help.
+ Maintain attribution The Google "watermark" you see on each file is essential for informing people about this project and helping them find
additional materials through Google Book Search. Please do not remove it.
+ Keep it légal Whatever your use, remember that you are responsible for ensuring that what you are doing is légal. Do not assume that just
because we believe a book is in the public domain for users in the United States, that the work is also in the public domain for users in other
countries. Whether a book is still in copyright varies from country to country, and we can't offer guidance on whether any spécifie use of
any spécifie book is allowed. Please do not assume that a book's appearance in Google Book Search means it can be used in any manner
any where in the world. Copyright infringement liability can be quite severe.
About Google Book Search
Google's mission is to organize the world's information and to make it universally accessible and useful. Google Book Search helps readers
discover the world's books while helping authors and publishers reach new audiences. You can search through the full text of this book on the web
at http : //books . google . com/|
dby Google
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized byLjOO^lC
COLLECTION
DE PIÈCES
KBLATITIS
A L'HISTOIRE DE FRANCE.
I. 9« LIV.
Digitized by VjOOQ IC
IMPRIMERIE DE G.-A. DENTU,
nie des Beaux-Arts, n9* 3 et 5.
Digitized by VjOOQ IC
COLLECTION
DES
MEILLEURS DISSERTATIONS,
NOTICES
ET TRAITÉS PARTICULIERS
■■LATIV*
A L'HISTOIRE DE FRANCE,
. COMPOSéE, EK GRANDE PARTIE,
DE PIÈGES RARES,
OU QUI n'ont jamais ETE PUBLIÉES SÉPARÉMENT;
POVn IIRTIK A COMPLiriR
TOOTKS IBS COLLICTIOMS VB MiKOIKBS SOB CITTI NATIKIIR.
lûav €. tebn,
^ »>
TOME VINGTIÈME.
PARIS.
CHEZ G.-A. DENTU, IMPRIMEUR-LIBRAIRE,
rue des Beaux- Arts, no« 3 et 5;
XT PALAI8-R0TAL , GALERIE VITRÉE; N» l3.
M D CGC XXXVIII.
Digitized by VjOOQ IC
Digitized
by Google
COLLECTION ^J^
MEILLEURS NOTICES ET TRAITÉS PARTICULIERSf*
RELATIFS
A L^HISTOIRE DE FRANCE.
<v»/yttwii%.^0¥vti%n0vmiww*iti¥tiw%Mww*tv%ni
QUATRIEME PARTIE.
ADDITIONS AU CHAPITRE PREMIER, S /// (i).
ORIGINES DES COMMUNES
ET DES BOURGEOISIES.
OBSERVATIONS DE L'ÉDITEUR CL.,
SVB. LES RECHERCHES DE M. DE BRÉQUIGKT,
relatives à rétablissement des Communes et des Bourgeoisies.
L'affranchissemekt des communes n'est, au fond,
91e la révolte des peuples contre les souverains.
On s'en occupe beaucoup depuis quelque temps ;
(i) Tome 5 de la Golloction
L 9« Liv.
524
Digitized by VjOOQIC
mais les esprits qui jugent à froid, et sans préoccupa-
tion politique, les monumens de notre vieille histoire,
n'y chercheront point des argumens en faveur du fait
^ntre le droit, ou du droit contre le fait : ils ne con-
clueront rien d'une émancipation violente , mais né-
cessaire, mais réglée, à l'exercice d'un pouvoir assis
sur des bases séculaires, étayé du consentement de
trente générations , et fort d'une durée que n'égale
celle d'aucune loi de la société qui le reconnaît : ils
ne verront, dans l'établissement des communes, que
le droit du plus fort passant des mains de l'oppresseur
dans celles de l'opprimé; avec cette différence, pour-
tant, que l'action de l'oppresseur, née de la féodalité,
n'avait abouti qu'à l'usurpation , tandis que la réac-
tion du servage, fruit de l'oppression, ne fit que
rétablir le droit usurpé. En un mot, les libertés mu-
nicipales conslituaient le droit le plus ancien du pays;
et dans le pacte social , la légitimité n'est qti'un fait
de priorité sanctionné par le temps.
Quoi qu'il en soit , on travaille plus sérieusement
que jamais à recueillir les chartes de communes et de
bourgeoisies de l'âge où s'accomplit cette première re-
naissance : il résultera au moins de leur ensemble la
connaissance d'un assez grand nombre de faits bons à
constater, si ce n'est un tableau absolument nouveau
de la régénération municipale. Jusqu'à ce que ce pro-
duit d'une longue et laborieuse exploration des dépôis
publics et des cabinets particuliers ait été livré h la
presse, les Dissertations de M. de Bréquigny, qui for-
ment lès préfaces* des tomes xi et xii de la Collection
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
en
Digitized by VjOOQ IC
(6)
Uabitiir ( i ). Le serment devait être prête par tous ceux
qui formaient le corps de la commune ; mais ni tous
les habitans d'une ville de commune n'étaient obligés
de le prêter, ni tous ceux qui le prêtaient n'étaient
pour cela membres de la commune. Cies habitans de
condition serve n'y étaient point assujettis. C'est ce
que ne dit pas M. de Bréquigny. Cette omission, qui
ne peut être qu'une inadvertance, laisse un vide sen-
sible, et répand même une certaine obscurité dans
ses distinctions. En effet, après avoir fait observer que
tous les habitans d'une ville ne prêtaient pas le ser-
ment, et que tous ceux qui le prêtaient n'étaient pas
membres de la commune, il cite , dans l'explication de
cette circonstance, l'exemple de Soissons, dont tous
les habitans sans exception furent tenus de jurer la
commune; il fait remarquer ensuite que les ecclésias-
tiques et les nobles qui la juraient, n'étaient pour-
tant pas réputés en faire partie. Cela explique bien
comment tous les jureurs n'étaient pas communistes,
mais on n'y voit pas quels habitans n'étaient -pas obli-
gés de jurer, et l'exemple de Soissons paraîtrait exclure
toute exception. Or, c'était les serfs qu'on exceptait;
et parce qu'ils n'étaient comptés pour rien dans l'or-
dre civil, la commune, bien cpie jurée sans eux, pou-
vait être réputée jurée sans exception. Alors, tout est
clair dans l'explication de M. de Bréquigny. Les ec-
clésiastiques et les nobles juraient, quoiqu'ils ne fus-
(i) Charte de Sens, t. 1 1 du Recueil des Ordonnances du Lou-
\^rcy p. 262; autre charte de ViUeneiive-le-Roi , ibîd, p. 278.
Digitized
by Google
(7)
sait pas r^Mitës membres de la commune; mais ils
âaient partie au contrat qui limitait leur puissance,
et c^est à raison de cette opposition d^intërét, quV
jffès avoir consenti le pacte, ils devaient s'obliger
sous la foi du serment à en respecter les conditions.
La conmiune ëtant établie dans Tintérét de la bour-
geoisie contre Tusiupation de la noblesse et du clergé,
les bourgeois seuls en composaient le corps ; et de la
l'exemption du serment pour tous ceux qui n'appar-
tenaient ni à la bourgeoisie, ni à la noblesse, ni à
Téglise , c'est-à-dire les serfs.
AV^rd de la seconde partie du pacte, contenant
la rédaction des coutumes , on désignait sous ce titre
de coutumes, non seulement les lois municipales qu'un
long usage avait fait nommer ainsi, mais encore celles
que la commune adoptait en se formant, et qui acqué-
raient par-là autant de force que les premières. Les
coutumes telles qu'elles sont rédigées dans les chartes,
comprenaient cinq objets principaux ; savoir :
Les Jois qui réglaient les contrats civils et la pmii-
tion des crimes;
La juridiction municipale;
Les franchises et les privilèges , qui n'étaient , en
grande partie, qu'une conséquence de la liberté ren- .
due aux bourgeois ; «
Les réserves apportées à l'exercice de ces facultés ''
dans l'intérêt de ceux dont elles modifiaient le droit i
et le pouvoir ;
Et enfm les charges.
Nous reviendrons sur ces conditions, qui sont toutes
Digitized
by Google
. %
(8)
plus ou moins importantes, curieuses, essentielles au
pacte de la communiaj qui constituent bien la com-
mune telle (ju'on doit la concevoir, telle que Tentend
M. de Brëquigny; mais comment y reconnaître une
création de Louis VI ?
Le savant académicien convient d'abord que l'acte
du serment, ou de la confédération jurée, formait le
caractère distinctif du pacte. Or, le serment, condition
principale de l'acte, ne touche pourtant que la forme;
il est étranger au fond des choses , qui peuvent être
convenues, sans être jurées, sous la garantie ordinaire
des contrats : comme forme , il n'avait rien de nou-
veau, car le serment ne fut jamais plus commun que
dans les siècles d'ignorance et de barbarie. On ne peut
donc voir, dans cette circonstance caractéristique du
pacte, une institution nouvelle, ni pour le fond des
choses qu'elle ne touche point , ni dans sa forme , qui
était le mode le plus commim des jugemens et des
contrats (i), sous les deux premières races.
D'un autre côté, l'opinion de M. de Bréquigny ne
(i) Jamais les sermens ne furent plus communs qœ sous
la seconde race , et par conséquent plus mal observés. Nos
rois les faisaient réitérer à une même personne en diverses
occasions. Alors , dit l'abbé de Yertot, on ne voyait plus
que sermens, que parjures, que révoltes, que guerres civiles.
( Dissert, sur les sêrmens. ) Tous les traités , les engagemens ,
les promesses de faire ou de s'abstenir, étaient placés sous
Ja foi du serment, dans les affaires pidiiliques et le règlemçn^
des droits privés.
Digitized
by Google
(9)
Digitized
by Google
( .o )
caMtés qui jouisâ^t , qui n'ont jamais cessé àp jooir,
c^pais les temps les plus reculés , de facultés et de
franchises telles que celles qui nous paraissent avoir
été créées par les chutes de communes. C'est qu'en
effet les chartes n'étaient qu'une œuvre de restaura-
tion, et que la plupart des droits qu'elles restituaient
pouvaient subsister sans elles là où la possession n'en
avait pas été sensiblement troublée.
A l'égard des franchises et des privilèges qui au-
raient pu sembler nouveaux , ils consistaient princi-
palement dans l'abolition ou la restriction des droits
envahis par la féodalité. Ce n'était, à proprement
parler, qu'une transaction faite avec le seigneur, qui
cédait une partie de ses prétentions pour assurer le
reste. Ce qu'il conservait du drt)it usUrpé formait les
réseJrves, et les charges étaient le prix ou Tindeni-
nité de ce qu'il relâchait. Qu'on se figure la féoda-
lité comme un établissement moyen qui, s'interpo-
sanl entre deux âges , et corrompant le cœur de la
monarchie, en a suspendu, pendant quelques siècles,
le mouvement naturel , et dérangé tous les ressorts ;
qu'on fasse ensuite abstraction de l'état violent où il
a jeté le royaume, et qu'on réunisse les âges qu'il a
séparés, on trouvera entre l'état le plus ancien, des
.villes de France et les communes des derniers siècles ,
une' conformité si frappante dans le fond des choses,
qti'il ne sera plus possible de penser ni de répéter
que les communes sont une institution du règne de!
Louis y I . Nous conviendrons que cette dénomination de
commune ne date que du douzième siècle. Mais qu^^inxi
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
Digitized
by Google
>%
Digitized by VjOOQIC
Digitized by LjOO^IC
( i6 ) .♦
les habitans d*iin territoire qui s'ërigeait en com-
mune n'ëtaient pas libres de se soumettre ou de se
soustraire à la résolution de la majorité. La charte les
obligeait tous au serment. Tous étaient également
tenus d'en remplir les conditions à charge et à profit,
et les jureurs avaient le droit de se faire justice par la
. confiscation de la maison et de l'argent de celui qui
refusait de jui*er (i). Cette circonstance remarquable
est du nombre de celles qui ont échappé aux recher-
ches ou à l'attention de M. de Bréquigny.
Comme le pacte de communion supposait une con-
cession faite à titre onéreux , et conséquemment un
contrat synallagmatique, on ne pouvait s'en prévaloir
. qu'autant qu'on en produisait le titre j s'il était perdu,
il fallait justifier de sa préexistence, et, au besoin, le
faire renouveler.
Les chartes de commmies afiranchissaient les vas-
saux ou sujets des seigneurs , de toute taille injuste ,
de prise, de prêt forcé , d'exigences déraisonnables, etc.
C'est ce que les seigneurs redoutaient le plus. C'est
cette garantie donnée au repos et à la propriété des
(i) C'est ce qui résulte du texte suivant :
Unii^ersi homines inter QÎÎlqs'suprà dictas œmmorantes, in cU-
jmcwnque terra morentur, commumam jurent. Qui çerà jurare
noîueritf illi gi4 juraçerirU de domo ipsàis et de pecuniâ fàcièid
jmHdam. (Art. 12 de la charte de Yiilli, Condé, etc., déjà
citée, Sfddleg* )
La même disposition se retrouve dans plusieurs autres
chartes,. notamment dans celle de Soîssons, art. i5.
Digitized
by Google
(17)
sujets qoi in^râ âii trop irritable abbé de Nogeht te
mouvement d'indignation, plus d'une fois cité, et qui
n'avait rien alors d'extraordinaire : (c Commune ! nom
((nouveau^ ncmi détestable (i), par toi les censitaires
«sont affrancbis de tout servage, moyennant une
((Simple redeyance annuelle. Tu n'imposes d'autre
(T punition ptmr l'infraction des lois qu'une amende
((déterminée, et tu interdis toutes les autres charges
((pécnniakes auxquelles les serfs sont ordinairement
« assujettis. » Telle était, en effet, la condition géné-
rale , celle qui servit de ba^ au plus grand nombre
des chartes.
Le règlement des coutumes en formait la partie là
plus importante. Toutes ces coutumes, si différentes
entre elles, étaient déjà consacrées par une longue
pratique dans les villes anciennes , lorsque les com-
munes les réunirent en corps de lois, avec de nou-
velles dispositions. Les villes récemment fondées, ou
qui n'avaient point encore de coutumes propres, adop-
tèrent celles de leurs voisins, ou se conformèrent aux
statuts de la cité principale de leur territoire.
Ces coutumes, comme on Ta déjà m, embrassaient
fcs lois civiles et pénales et la juridiction municipale.
C'est cette juridiction , plus ou moins étendue ou res-
trdiiLte au civil et au criminel, qui distinguait essen*
tiellement la commune, des villes régies en prévôtés,
c'est-à-dire soumises à l'administration d'un prévôt
(i) Commumo noçum acpessimum nomenîifixkih.^ de Vitâ sud,
I. 3, c. 7.)
I. 9« trv. a
Digitized
by Google
( i8)
nommé par lé roi, et qui le représentait dans ses
fonctions.
Le nom, le rang et les pouvoirs des magistrats mu-
nicipaux rétablis par les chartes, varièrent beaucoup
selon les temps et les lieux. J'ai donné sur ce person-
nel quelques détails curieux qui rentrent dans un
autre plan; j'évite de parler ici des personnes, pour
ne m'occuper que des institutions.
Les franchises et privilèges accordés par les chartes
se renfermaient quelquefois dans des termes géné-
raux, tels que la formule que les- hommes de la
commune soient libres eux et leurs biens (i); car
la liberté était le premier bienfait inséparable de cette
confédération. Elle rendit aux peuples les facultés les
plus chères parmi celles dont la féodalité les avait
dépouillés. Le père de famille y retrouva le droit de
marier son fils et sa fille , en ne prenant conseil que
de leur inclination ou de sa propre sagesse; de les
retenir sous sa tutelle quand ils étaient mineurs , et
d'exprimer dans son testament des volontés qui étaient
respectées après sa mort. La veuve y recouvrait aussi
le droit de disposer de sa personne après le décès de
son mari, ce qui ne lui était pas toujours permis
avant les chartes. Indépendamment des franchises
absolues ou générales , il y avait des privilèges dont
la nature et l'étendue variaient selon les besoins par-
(i) Quo'l liofnines communice , cum omnibus rehus suis , liberi
permaneatU. (^ Charte des communes de Roye et de Saint-
Quentin. )
Digitized
by Google
( ï9)
ticoliers de la commune, ou les circonslances de son
Glissement. Par exemple y des abonnemens étaient
fixés pour les redevances qui pouvaient engendrer des
abus. La charte de Laon porte que les tailles dues par
]a commune seront acquittées sur le pied de quatre
deniers par terme (i). Dans la charte de Montolieu,
donnée en i3i2, le roi déclare les bourgeois exempts
de tous dons gratuits, prêts forcés, corvées d'hommes
et de bétes de somme, excepté dans les cas de néces-
sité et d'un subside général (2). Il leur laisse la li-
berté de transporter leur domicile où bon leur sem-
blera, de disposer de leurs biens entre -vifs ou par
testament, de marier leurs enfans, de faire entrer
leiu^ fils dans les ordres ecclésiastiques.
M. de Bréqûigny pense que si ces droits ne sont
pas énoncés dans toutes les chartes de commune,
c'est peut-être parce que les habit ans des villes con^
sidéraUes et anciennes eii'jouissaient de temps immé-
morial , ou par des privilèges déjà obtenus. Il n'est
pas douteux que plusieurs cités anciennes ne fussent
dans ce cas , mais non pas relativement à tous les droits
accordés par la charte de Montolieu. Sans entrer ici
dans des distinctions qui me mèneraient trop loin , je
me bornerai à faire observer que quelques-uns de ces
droits, tels que la librç translation du domicile, pou-
V
(^i^Singuiis terndrds quatuor denarîos sohat (Et on Ht
ensuite) : Ultra autem nullam aliam persolçat (Ordon. du
Louvre, t. ii, p. 187, art. 18,)
(2) Ibid., t. 7, p. 5oo, art. 6.
Digitized
by Google
( 20)
vaient n'exister pour aucune ville , avant les affranchis-
semens; et que d'autres, tels que l'exemption du d(Mi
gratuit , ont pu se trouver également en péril après
comme avant les chartes.
On remarque , surtout , parmi les privil^es octroyés
aux conamunes, le droit de se fOTtifier et de se défen-
dre. Une des dispositions de la charte de Crespy, au-
torise la communauté à se fortifier sur le terrain de
qui que ce soit (i). Celle deCorbié porte que, dans la
banlieue , nul ne pourra bâtir de forteresses sans \at
permission du roi et de la commune. Philippe IV ne
permet pas seulement aux habitans de Saint- Jean-
d'Angély, il leur ordonne d'employer toutes leurs
forces pour défendre leurs droits et ceux de l'Eglise,
contre toutespersonnes, sauf la fidélité due au roi (2).
D'après la charte de Rouen, dans les cas pressans, et
stir l'ordre des magistrats, tous les bourgeois devaient
sortir en armes , à la réserve de ceux que le maire et
les échevins désignaient pour garder la ville; et ceux
qui n'obéissaient point à l'heure fixée denieuràient à
la merci de la commune, qui pouvait les punir, ou
p^r une amende, ou par la démolition de leur maison..
0n aura plus d'une occasion de reconnaître que les
obligations imposées aux bourgeois et la resporfsabilité
de leurs magistrats , ont toujours été proportionnées
(1) Vbicumque major etjuraU nllam Qvis^isxX foinare vobie"
rinU ( Ordonn. dtf Louvre, t. n, p. 807, art. 2Ô. )
(2) Totam çim...,. contra omnem hominem,,.., sabâ fidelitate
nostrâ. (Ibid., t. 5, p. 671.)
Digitized
by Google
(21 )
mK libertés des uns et aux pouvoirs des autres. En
voici unjs {H*eniière fMreuve. Les citoyens de Rouen
pouvaient se défendre; mais ils couraient le riscjuc
d*étr^ ruinés par le simple refus d'user de ce droit,
qfù ileven^ilt alors une chaire. La plupart des chartes
consacrent ce droit de guerre , dont la <xniservati<»i
éiait commise aux soins et placée sous la responsabilité
du maire. Lcnrisque la mili(se de Beauvais était en
marche pour la défense de la commune , sa charte
Im défendait de parler à aucun /ennemi sans la per-
mission du maire et des échevins (i)* A Roye, si un
étranger, noble ou roturier, coupable de douunages
causés à Ja commune, n'obéissait pas à la sonunation
que Je maire lui faisait de les réparer, ce magistrat
était tenu de marcher à la tête des habitans pour dé-
truira rhaUtation du délinquant; et si c'était un lieu
fortifié dont ils ne pussent se rendre maîtres , leur
charte leur permettait d'invoquer Taide du roi , qui
Jeur devait main-forte en pareil cas.
Qumque le droit de battre monnaie et de régler le
titre et le poids des espèces n'appartienne qu'au sou-
verain, plusieurs villes, au nombre desquelles on
compte Saint -Quentii^ et Crespy, obtinrent par une
clause de leurs chartes, que la monnaie n'éprouverait
pour elles aucune mutation , sinon du consentement
de leurs maires et des autres officiers municipaux.
"■ 'i — — — .
(i) Nisl majoris etparùun licfntiâ. Les échevins de Beau-
veaîs avaient pris le nom de pairs, ( Voyez notre Hist. du
pouçoîr municipal, p. 223 et sulv. )
Digitized
by Google
(22)
D*autres droits moins essentiels , mais plus parti*
culiers aux communes, parce qu'ils formaient une
dépendance de la juridiction municipale, consistaient
dans la possession d'un hôtel commun, depuis h6tel-
de-ville, pour la réunion des magistrats ;d^une cloche
pour en indiquer l'heure; de la tour où cette cloche
était suspendue, et qu'on désignait aloi*s sous le nom
de beffroi (i) ; du sceau pour sceller les délibérations,
et d'autres objets semblables. Quelque simple que nous
paraisse l'établissement d'une cloche , comme objet
d'utilité publique, c'était dans ce temps -là un droit
propre aux villes érigées en communes.
La charte de Laon ayant été révoquée, Philippe de
Valois fît un règlement où il était ordonné « que les
(( cloches qui furent de la commune jadis de Laon,
(( les deux qui sont en la tour que l'on suelt dire le
((beffroi...., » seraient confisquées au profit du roi, et
qui défendait que cette tour fût jamais appelée bef-
froi (2). De là vient aussi (ju'après l'érection de la
commune de Compiègne , il fallut des lettres particu-,
(i) Prœterea iisdem hominihus cq/ficessimus ut campanam ha--
béant in cwitate, in loco idoneo, ad pulsandum ad ooluntatem eo-
mm pro negotiis villce. (Charte de Tournay, art. 82, ap» d'A~
chéry, Spic, t. a, p. i52, in-f>. )
(2) Ordon. du Lom>re, t 2, p. 79, art. 9.
La tour du beffroi servait ordinairement de prison pour
la justice criminelle. Des lettres du roi Jean , à la date de
1 363, permettent à la commune deDourlens de garder la tour
de Beauval , pour y faire leffroi et y tenir prison.
Digitized
by Google
(23)
lières du sori^erain pour autoriser les habhans à sonner
les doches du beffiroi , comme signal de meurtre ou
d'incendie (i). En y rëflëchissant, on trouve que ces
précautions étaient fcnrt sages , relativement à d*autres
institutions dont elles écartaient le danger. Ijorsqu^une
multitude de petites populations années , et autorisées
à repousser la force par la force , pouvaient être mises
en mouvement au bruit d^tme dodie^ la faculté d'u-
ser de ce moyen d'alarmes ne devait pas sembler si
indifférente qu'elle ne dût être soumise à de certaines
restrictions.
Mais les chartes de ccMumimes ne contenaient-
elles aucune disposition qui tendît à maintenir ou à
fortifier les droits d'usages dans les campagnes et la
jouissance des commtmaux ? M. de Bréquigny, qui a
fait une récapitulation si exacte des privilèges qu'elles
accordaient, passe entièrement sous silence tout ce
qui appartient au régime rural. Il est vrai que, dans
un recueil où il n'entre que des actes de nos rois, le
consciencieux éditeur semble n'avoir dû s'occuper que
des règlemens royaux; et qu'en général les chartes de
communes qui sont émanées de l'autorité royale, ne
(i) Ce qu'on appelle proprement tocsin , équivalent de
soime-cloche^ parce que la cloche commune recevait aussi le
nom de saint, ou stUn, dans le sens de signum. « Pour que
« cousons (consuls) puissent être plas legierement et plus-
«tost assemblés, ils auront un saint ou campant commune,
i( qui sera au-dedans de leur consulat. » ( Article i6 des
priyili^ges de Peyruse, octroyés par Charles V, en mai iSyi.)
Digitized
by Google
(H)
i&tratîoii imë-
villes qn^elles
[s, des chaortes
plmAt à Taf-
aoipatiôn des
la campagne ,
s besoins par-
yeux de vëri-
)ar'des grands
vdssaux 9 et qui n'ont pas été toutes Isoiinptises à la con-
fimiation du roi. Il est à regretter que M. dcBréquigny
uç lés ^it point examinées, ou que les connaissant, il
ait négligé d'en rapporter quelques* dispositions dans
une analyse, d'ailleurs si fidèle, dont le but mani-
fe$te est de donner l'idée la plus complète de l'institu-
tion des communes. Il y aurait trouvé des clauses rdia-
tivQS aux usager ruraux, doni il n'a point parlé, parce
qu'il n'en, 0stpas question dans les actes de l'autorité
royale auxquels il s'est exclusivement attaché. Par
exemple, la charte donnée à la ville d'Arras par le
comte de Flandre, au retour de la croisade, en 1187,
contient un article des plus intéressans sur les pâtu-
rages (i), et l'on peut citer plusieurs autresî titres de
(i)Les actes de con£édëration des communes furent auss^
qualifiés pactes d'amitié ou de paix.
Telle est la charte d'Arras : Cornes confirmai leges et con-
suetudines amicîtîse Ariensium in Artesià.
Elle établit douze juges choisis dans Vamitié, qui doivent
jurer de rendre exactement la justice à chacun, sans acc^p-
Digitized
by Google
(a5)
crnsemom semblables, du même temps. Mais il est
juste de reeolmaitre <fae Fédiieiir des ordomianoes de
aos tm n'avait point à s'oàcnper nëœssairement des
actes des autres princes souverains, sauf le cas de
oonfirmaticm royale.
Nops av(ND[s vu en quoi eonsistaieiit les privilèges
des communes urbaines* Ces bénéfices û-étinent pas
saos réserve^, 'et surtout sans ebai|;es.
Gomme nniemion du monan^ n'albit pas jus-
qu^àvouloir dépouiller l^seignéurs de tous leurs droits,
et parce qu'il ne s'agissait que de les restreindre dans
de justes bornes, les lEvantages devaient être assez ba^
lanciîsdes deux parts, ^ur empêcher qu'un contre»
poids trop puissant ne fit passer F^Jitis, de la classe de
l'oppresseur dans celle de l'opprimé* C'est pourquoi
le dernier article des chartes coiltient ordinairement
cette clause .* Sauf notre droit j celui des évêqueSj
du ciergéj des seigneurtj des nobles ^ des mgénus.
tion de pauvres ni de riches , de petits ni de grands. Tons
les cantons qui font partie de Vandtié sont tenus aussi de
s'engager par serfnent à se prêter matuellement secQurs.
In anûcitiâ i^tur siaU duodecim electijudioef, qidji^ etju-
ramento firmaçerunt quoniam in judicio non acdpieni personam
pauperis vel dlçitis, nohîUs çel ignobilis, projdmi oel exirand.
Omnes amian ad amicitiam pertinerUes inlke per fidem et
sacrameittum firmwermU guàd unus suboeniet alteri tanquam
fratri suo in udH et hônesto. (Art. i, Spicileg, d'Achery, t, a^
ifl-f% p. a53.)
Digitized
by Google
(26)
lyautres di^Kisitions défendaient à rautoriië munici-
pale de s^immiscer dans la connaissance des droits féo-
daux. Le serment même de la commune était réputé
fait, sauf la foi due au seigneur {\\ Ces réserves
protégeaient le faible dans le système des chartes, qui
donnaient la force aux bourgeois ; et relativement au
siècle, il eût été sage de les prescrire, quand bien
même on ne les aurait pas exigées. Je h*en citerai plus
qu'une, à laquelle les possesseurs de fiefs attachaient
beaucoup de prix. (Tétait celle qui défendait d'ad-
mettre dans la commune , les vassaux des seigneurs
voisins, ou qui ne le permettait qu*à des conditions
\ ces derniers. }l était surtout interdit
es de recevoir les hommes de corps du
[omaines. Si quelqu'un d'eux y avait été
t forcé d'en sortir, et par-là on conser-
eigneurial qui portait sur les personnes.
Ces clauses s'étendaient aux hommes des abbayes
royales , et à ceux des auires communes (2). Si les
habitans libres de la campagne pouvaient être agrégés
à une commune voisine, c'était sous la condition
qu'ils abandonneraient à leur seigneur les terres qu'ils
possédaient dans son territoire. Il ne letir était permis
de retenir à la ville que ce qu'ils pouvaient y trans-
porter avec eux (3).
(i) Sahàfidditate dominorum. ( Charte de Bray.)
(2) Charte de Saint-Quentin, art S; de Bray, art i3.
(3) Si rusticus extraneus causa intranâi commumam in villam
venerit, de quocumquc districto sit, qmdquid secum adduxerit sal-^
Digitized
by Google
(37)
Viennent ensuite les chaînes, dont les plus pe-
santes résultaient de la mise à prix de raffranchisse-
ment. Les TiUes étaient tenues de payer une rançon ,
pour se racheter de la servitude d*où elles étaient ti-
rées par la charte de commune, et pour indemniser le
seigneur de la p^te de droits et de pouvoirs qu^il en
é{Ht)uyait. N^examinons pas si cette condition était
digne du trône y mais rappelon»*nous que les seigneurs
y étaient les premiers intéressés, et que la concession
de la charte rendait leur consentement nécessai^
Indépendamment de For que Ton prodiguait^k
clergé et aux nobles pour neutraliser leur opposition,
nos rois percevaient d*ahord une somme plus ou
moins forte , qui formait un secours ffcésent ; ils im«
poAient ensuite des redevances pécuniaires annuelles,
qni grossissaient leurs revenus, et ils tiraient d^autres
avantages du service militaire , qui était encore une
charge de conunmies.
Les habi tans deLaon avaient fait des sacrifices con-
sidérables d'argent pour obtenir le droit de conmiune:
Louis YI en profita. La conmiune d'Amiens fut aussi
achetée à prix d'argent (i). Les grands vassaux se fai-
saient payer de même les concessions de communes ,
dans les domaines dont ils avaient la souveraineté ;
et, à leur exemple, les seigneurs particuliers ven-
wm ent, et hoc quod sub districto domini sut remanehit domiru
erit (Charte de Roye, art 19.)
(f) Ambiard, rege illecto pecuniis ^ feccre communiam, (Gui^'
bcrt. )
Digitized by VjOOQ IC
( ^)
daien}, aussi' leur consentement , quand on le croyait
nëcessaire ou simplement utile. Ce n'est pas tout, il
ne suffisait pas de payeip ce droit pour l'obtenir , il
fallait faire encore de nouveaux sacrifioe^ de deniers
pour le conserver} l'exemple de Laoù, qui obtint,
perdit et ressaisit sa ccnnmuue à force d^ai^^t, eu est
une preuve remarquable.
Le poids des redevances était proportkmné à la ri-
chesse des villes afiranchies. Qa en vit même qui,
prdjfepttant plus qu'elles ne pouvaifânt tenir, furent
Éigëes de renoncer au bënéfice dont liss charges les
usaient. La ville de Roye , qui ^'ët^t engagiée à payer
au prince cent onze livres dix sow parisi^ par an , fut
supprimée sous Charles V(ï), Hiilippe Auguste n'ac-
coorda le droit de commune à diverses villes du L»n-
nmf que moyennapt le doublement des redevances
annuelles dont elles étaient déjà grevées (s). Crespy
(i) L'ordonnance est de janvier iSyS.
K Nous ayioos, dît le roi , plusieurs hommes yassaux, cens,
t< revenus et autres possessions de nostre domaine et grands
m prooffits et émolumens, tant en justice comme es aydes,
« ordonnez en la dicte chastellenie et ailleurs, avec cent onze
« livres dix sous parisis de rente, etc*» La ville de Roye, rui-
née par les dernières guerres et abandonnée par ses habi-
tans , ne pouvant plus supporter ces charges , on supprima
la commune dont elles étaient la condition. ( Ordon. du Lou-
çre, t. 5, p. 662.)
(2) Nohis omnâs redditus nostros denanorum, tam in placi-
tis quàm in aliis rébus, armuatim dupKcabunt (Ibid., t. 11,
p. a34.)
Digitized
by Google
(29)
ne robtini du même pr mce qu'en s'obligeam au ser-
vice d'une renie considérable (i). Sens lut imposé à
six cents livres pàrisis de rente, non compris de fortes
redevances en grains (:i). Les redeyances annuelles
entraient aus^ dans le prix que les seigneurs particu-
liers m^^iai^itàleui' consentement, lorsqu'il s'agissait
d'établir des Communes dans leurs mouvances; mais
ils étaient censés les recevoir à titre d'indemnités ré-
^éfô par le souverain , et ntm comme un droit qu'ils
eussent iïnp<9sé.
lie «er vice niilitâîre, bien qu'il fôt utile aux commu-
nes, format ei^ore l'objet d'une obligation envers le
prinee et ttne condition principale des chartes. Toutes
les viUe^ communes y étaient assujetties. Les habitans
des autres villes^ étaient tenus de suivre leur seigneur à
la guerre, et Celui-èi, selon le devoir de son fief, mar-
chait âveo ses vassaux aux ordres du roi : mais quand
des bourgeois avaient obtenu une commune , c'était
au mr qUrHls devaient immédiatement ce service, et
le seigneur était alors dispensé de fournir le nombre
d'hommes dont il aurait été tenu dans le premier
cas (3). Cependant , l'obligation du service militaire
»*+-^
'(i) Tenettirreddere, singUiîs annis Baîlii^is nostris, trecentas et
teptuQ^fOa Ubras. ( Ibid., ibid., art. 3i. )
(a)C3iarte dé Sens, art. 23.
(3>De eocercitu et de eqidiatîonef prœfàtam ecclesiam (l'ab-
baye d€ Saint -Jean- de -Laon ), quantum ad has quatuor cil-
las ^ reïaxamus et absolvimus; eo quàd prœfatœ QiUœ exercitum
et eqtdtationem nobis debent, sicut alîœ communias nostrœ. ( C)r-
donn. du Louvre, t. ii, p. 271.V
Digitized
by Google
(3o)
n^était pas la même pour umtes les communes. Saint-
Quentin devait le service d'o.<rt et de chevauchée (^i)^
toutes les fois qu*il plaisait au roi de le conunander.
Bray, au contraire, ne marchait qu'en cas de convo-
cation pour une guerre générale , et on ne pouvmt
mener sa milice au-delà de certaines limites assez res-
serrées, à moins que ce ne fût aux frais du monarque.
Telle était aussi la condition des bourgeois deMâcon :
ils devaient suivre le roi à leurs dépens, en quelque
lieu que ce fut , pourvu qu'ils pussent rentrer chez
eux le soir. Dans le cas contraire, ils n'en étaient pas
moins tenus de marcher; mais le roi les défrayait (2).
Tournay était obligé de fournir au roi trois cents
hommes de pied bien équipés , lorsqu'il faisait mar-
cher ses communes; et s'il s'avançait avec son armée
jusqu'aux murs d'Arras, toute la commune de Tour-
nay devait venir le joindre , sauf le cas où les com-
mimications auraient été coupées (3). On voit, par un
rôle de I253, que le service militaire des communes
(i) Osty du mot hostis* Le service à!ost ou de che^aucliée,
était proprement celui des chevaliers et des hommes d'ar-
mes à cheval ; c'était le service militaire par excellence ,
dans un temps où les hommes de pied étaient comptés pour
peu de chose. Mais le terme S'est s'étendit à signifier toute
espèce de troupes ; et , à l'égard des communes , il ne peut
être pris que dans le sens de fantassins , ou milice à pied.
(a) Ordonn. du roi Jean, de février i35o, art. 19, t. 2 du
Rec. du Lowre, p. 348*
(3) An. 34 et 35 de la charte de Tournay. ( Ibid., t. 1 1 ,
p. 25l. )
Digitized
by Google
(3. )
avait été ré^é long-temps ayant cette époque. Chaque
conunune était taxée à raison de sa pc^ulation, et son
contingent se composait d'un certain nombre de ser-^
gens de pied; car les milices communales ne ser*
yaient qu'^à pied, comme les vélites chez les Romains.
On sait que la force principale des armées françaises
ne consistait alors que dans le corps des chevaliars
et des hommes d'armes qu'ils menaient avec eux. Les
villes les plus considérables fournissaient à peine
quatre ou cinq cents hommes ; et leurs milices ne
firent corps avec l'armée, que long-temps après l'ins-
titution des communes. Rigord et Guillaume -le -
Breton, écrirains contemporains de Philippe Auguste,
leur donnent le nom de lésons (i) : chaque légion
portait le nom de sa commune.
Les bourgeois étaient , enfin , obligés par les chartes ,
à divers services d'intérêt local qui constituaient bien
une charge pour les individus, mais dont la masse ti-
rait tout le profit. C'étaient eux qui devaient pourvoir
à la garde de la ville, à l'entretien et aux réparations
des murs , des ponts , des rues et places publiques.
Telles sont les obligations imposées aux habitans de
Montaubanpar létir charte, datée de janvier ï323 (2).
A Noyon, il n'y avait que les possesseurs de maisons
qui devaient guet et garde, et qui étaient tenus de con*
tribuer aux frais des affaires de la commune ; encore
(1) Rîg., Gesta PhiL Aug,-^ Guil. Brit., PlUlippidos.
(2) En comménçaot l^attnée à Pâques, ou i323 en comp-
tant du 1^^ janvier.
Digitized
by Google
(32)
le clergé et les nobles éiaient-Us exceptés de cette
obligation, hes bourgeois de Pontoise devaient tous
contribuer, à proportion de leurs facultés^ aux dé-
penses qu'entraînaient la défense et la sûreté de la
ville. Quelquefois même on obligeait les possesseurs
de fonds , dans le territoire de la commune , à supporter
leur part des frais de son administration ^ quoiquHls
n'en fissent point partie. C'est ainsi que les seigneui^
des eniârons d'Angouléme et leurs homilies, dans un
rayon diei deux lieues^ contribuaient au gnetet garde
et à l'entretien du château, (c II est bien cbose rai-
(( sonnable, dit le roi , que eux, leurs honunes et su-
ce jets contribuent au guet , garde et réparations d'i-
(( celle ville, car c'est pour garder le leur même (i). »
Voilà quelle était, en général, la conditicm des
communes sous le régime des chartes , sauf la dififé-
rence des proportions entre le bénéfice et la charge^
M. de Bréquigny devait apprécier mieux que per-
sonne le but politique de ces institutions. On en est
d'autant plus étonné de ne pas trouver dans son cha^
pitre des Motifs de rétablissement des communes
en France j \me seule réflexion qui s'élève à la bau-
leur de ce sujet.
L'hcmoraUe académicien réduit les avantages que
nos rois tirèrent de Ja concession des chartes, à ces
trois chefs : la somme une fois payée , les redevances
annuelles et le service militaire.
(i) Lettres de Charles V, t. 5 des Ordonnances du Lcmvre,
p. 679.
Digitized
by Google
(33)
Sans doute Fai'gent doit être compte pour quelque
chose ; le monarque en avait besoin : la milice des villes
lui devint aussi d'un très^and secours ; elle donna
une armëe nationale à la France, qui n^en aVait point :
mais nous ne voyons là que des avantages secondaires, et
non pas le motif principal , la pensée qui devait dominer
toutes les autres dans Tesprit du monarque. Il suffit de
se rappeler Tëtat de désordre et de dissolution où tomba
le royaume sous le despotisme féodal, pour sentir
combien il importait au souverain d'en réprimer les
excès; de quel intérêt il était pour lui de saisir, de
fortifier, de diriger lui-même le contre-poids que Té-
nergie des villes venait d'y opposer.Cest à cet intérêt
tout puissant, bien plus qu'à leur détresse, que des
factieux durent la protection du trône. Les cités qui
ont le plus contribué à l'établissement du régime des
chartes , étaient en révolte ouverte contre des seigneurs
auxquels on reconnaissait un droit de souveraineté
bien ou mal fondé qui pesait sur elles. Cette circons-
tance-là seule prouverait que l'avantage des villes n'é-
tait pas le motif déterminant des concessions qu'elles
obtinrent en pareille position. Si le prince n'avait eu
en vue que l'intérêt des révoltés, il n'eût pas choisi
ce moment pour les aider : il n'aurait pas commis
l'imprudence d'autoriser la rébellion par sa compli-
cité. Cest parce qu'il agissait dans des vues plus éle-
vées ; c'est parce qu'il y allait du salut de la monar-
chie , qu'il dut saisir l'instant où l'hydre affaiblie par
de vives résistances lui offrait une victoire plus facile,
jet d'un effet plus sûr. Il lui importait de ne pas laisser
1 I. 9« uv. 3
Digitized
by Google
( 34 )
échapper une oc(;asion aussi favorable pout^ en triom-
pher, maigre rincoâvënient de «ervir des rebelles. Le
besoin le plus pressant du trône ëtait alors de se rap-
procher d'uii peuple dont il ëtàit séparé dépuis des
siècles, et de s'aider de ses efforts coiltre Tennemi
commim. Cet ennemi c'était la féodalité, dont la
^lissance fondée sur Tesclavage des sujets ne pou-
vait se soutenir avec l'afiTranchissement. Ainsi TafiFran-
chissement armait les villes en faveur du trône. Le
monarque avaittout à gagner, et rien à perdre dans ce
grand déplacement de pouvoirs. Ce qu'il accordait
lui était chèi:ement payé et ne lui coûtait rien; c'était
aux dépens de son enrlemi qu'il dotait ses défenseurs;
il profitait également de ce qu'il retirait à Tûn , . et de
ce qu'il dpnhait à l'autre. Plus il étendait les libertés
dès villes, plus il acquérait dé force pour les limiter
ùii lés reprendre, si jamais on en abusait contre lui:
c'est ce qui est arrivé; et l'évènènient a confirmé ceue
vérité déjà manifeste , que, sous la pleine et libre puis-
sance du trône, les libertés municipales ont toujours
été su)>ordonnées à son intérêt où à ses droits.
De l'éssehce même du pacte de commune naissait
encore iiu avantage immense pour l'autorité royale.
Les divers térrit6ii*es dont la France se com
étaient deïneutés comme isolés les uns des autreis,
la différence des lois et des usages qui rendaient l'h^
bitant d'uilé cité étranger au àtoit et à la conditid
d'une autre tité. Chaque contre avait, pour aiflj
dire, là propriété et la disposition de son code, e
ce sens qu'il n'intére^it que le pays, et qu'il n'ava
Digitized
by Google
(35)
d'effet nécessaire que celui qu'il recevait des décisions
du pays, par l'organe de ses magistrats. La féodalité
n'avait pas Seulement aggravé les inconvéniens de
cette po^itionf^ elle l'avait rendue intolérable en s*in-
terposant entre la loi méconnue et la justice suprême
qui l'eût fait respecter. Les seigneurs étaient à la fois
jugés et législateurs dans leurs domaines. Leur intérêt,
armé de ces deux pouvoirs , avait corrompu toutes
les institutions pour s^asspijettlr tons les droits ; et les
victimes dé ce despotisme étaient d'autant plus à
plaindre, qUe le défaut de liens et de rapports entre
plusieurs coutumes, ne leur permettait d'invoquer ni
raut«rilé ni la faveur des exemples étrangers à leur
territoire.
L'établissement des communes ne changea rieh au
fond des usagés locaux ; mais il leur donna une base
toute Nouvelle , et devint la garantie la plus sûre de
leur conservation.
On n'a pas oublié que le corps principal de la
cliirte se formait du règlement des coutumes, c'est-à-
dire du di-ôit criminel, civil et de police par lequel
la commune avait été ou devait être régie. Le roi, en
accordant ou confirmant une charte, is'apprbpriait par-
là l'institution ouïe renouvellement de la coutume
dont elle fixait ou tnédifiait les dispositions. En y
imprimant le sceau de son autorité J il lui donnait le
carabtère, la fipfce et la stabilité de la loi. Il s'en , cons-
tituait le conservateur et l'arbitre. Il la faisait dépendre
uniquement de la volonté du Irène dans son existence
légale, et de sa suprêine jù^iièe dans soii exécution ,
Digitized
by Google
(3<i)
parce qu^une des conditions essentielles des chartes
était de réserver la haute juridiction des villes de com-
munes aux juges royaux. Dès-lors , la coutume n'ap-
partenait plus au pays qui la suivait, que par son ap-
plication ; elle n'existait plus que par la puissance du
trône. Si les parties d'un même empire continuaient
d'être régies par tant de droits différons , tous ces droits
du moins demeuraient soumis à un régulateur unique^
à là volonté du monarque qui fusait la loi ; et c'est,
peut-être, le plus grand pas que le siècle ait fait dans
les voies de la civilisation. Voilà pourquoi les villes ne
pouvaient renoncer au bénéfice de leurs chartes, sans
l'agrément du prince. Ces actes étaient des lois : elles
ne pouvaient donc être retirées que par le pouvoir
qui les avait données.
M. de Bréquigny n'a pas jugé à propos d'entrer
dans ces considérations, sans. doute parce qu'il avait
plus à s'occuper des faits que de leurs conséquences.
Il semble, néanmoins, qu'en rendant compte des mo-
tifs de l'établissement des communes, il n'aurait pas
dû négliger le premier, le plus puissant de tous, l'in-
térêt de la société générale et le salut de l'Etat.*
Je suis loin de prétendre que le cœi^r de nos rois
soit demeuré insensible aux gémissemens de leurs peu-
ples; qu'ils n'aient donné aucune attention .à l'état
déplorable où languissaient les campagnes et les villes,
quand l'heure de l'affranchissement a sonné 'pour
elles : les chartes qui sont lem* ouvrage portent l'em-
preinte de sentimens plus honorables pour leur iné-
moirp. Onjit dans quelques-unes, qu'elles ont élë
Digitized
by Google
( 37 )
données, entre autres motifs , pour délivrer les pau-
vres (c'est-à-dire les faibles) d'une trop grande op-
[Nression, prb ninUd oppressione pauperum (i); ou
pour réprimer les excès du clergé, ob enormitates
clericorum (2)^ ou simplement pour le maintien de
la paix, habeant communiam prb pace conser-
çandà (3). Mais qu'est-ce que cela prouve ? que Tin-
térét qu'avaient nos rois à accorder des chartes de
commune se fortifiait de celui que les villes avaient
à les recevoir, et rien de plus (4).
C'est aussi dans leur intérêt que les seigneurs, à
l'exemple des évêques et du souverain, établirent des
communes dans les villes de leur mouvance. Par-là ils
prévenaient, ou des rebellions ouvertes, ou la déser-
tions des hommes de leurs terres, qui , pour éviter les
vexations , se réfugiaient dans les communes voisines
ou dans les domaines royaux, avec le titre de bour-
geois du roi- Mais il y avait cette différence entre
Ti) Confirmation des privilèges de la ville de Mante, par
Louis- le- Jeune, en ii5o , t. 11, p. 297 du Rec. des Ordorm.
Ju Loue.
(2) Confirmation de la charte de Compiègne, par Philippe
Auguste, en 1186. lbid.9 p. 24.0.
(3) Charte de divers lieux dépendans de l'ahhaye d'Âuri-
gny, accordée par Philippe Auguste, en 12 16. Ibid., p. 3o8.
(4) M. de Bréquigny convient lui-même que « l'intérêt
« que ceux qui accordaient les communes avaient coutume
« d'en tirer, contribua souvent plus à ces concessions que
« l'intérêt de ceux à qui elles étaient accordées. 1»
Digitized
by Google
(38)
•le monsrque et les seigneurs , que le monarque aug-
mentait sa force en autoï*isant des communes , avi lieu
que leà seigneurs ne faisaient que modél'er Tafiaiblis-
sèment dVne puissance qui kur échappait.
La plupcirt des villes du Languadoc ont reçu leurs
chartes des sei^eurs, et quelques-unes de ces conces-
sions $ont des plus anciennes. Suivant domYaissette,
rémanpipation de Carcas$onn€) se serait effectuée en
1 107, époque antérieure aux premières charte con-
firmées par Louisrle*Gros. Gell^ de Mtotpelli^ est
rapportée à Tannée ur3; celle de Béners à iiai;
celle de Wîmesà u44î celle deNarbonnêàM48, et
Taffranchissem^t de Castres, à Tan 1 160. Le rétabli»-
sepient de . l'adwinistration municipale de Toulouse
remonte aussi v^rs le milieu du dôu^ièmç siècle (r).
Jl y a cependant, ajoute le cftêmp auteur, quelque
différence entre Tprigine des communes de Langue-
doc et celles de France, La plupart de ces dernières
lurent établies par l'autorité de nos rois , indépen-
damment des seigneurs qui avaient le domaine des
villesj au lieu que les bourgeoisies et les communes
des villes du Languedoc furent instituées par les sei-
gneurs immédiats, qui leur accordèrent divers jaivi-
léges, firent ériger leurs coutumes particulières, et
leur donnèrent des lois de police et de gouvernement.
C'est ce qui résulte, entre autres chartes, des cou-
tumes que les vicomtçs de Saint-Antonin en Rouergue
(1) Histoire du Languedoc, par les Bénédictins ) t. 3, p. 5i5^
Digitized
by Google .
(39)
dopi^reût v^s Tan 1 136 aux h^^itans de cette ville.
Ces règlemens permettem le duel et Tëpreuve du fer
chaud y autcmt que les parties y consentent; ils abo-
lissent les quespM et toutes les autres impositions for-
cées; ilfii accordant uiie pleine franchise et sûreté à
tous ceux qui viendraient à la fête de Saint-A>it(win
duncK)^de septqui})]^^, huit jours avant et après (i)«
Il semblerait que ces diverses chartes ^ du moins les
plus anciennes , auraientëtë accordées par les seigneurs,
s^ois la partidpation du monarque. Cette circonstance
n* aurait' rien d'^txtraordinaire pour le temps où le rôi
de Franpe n'avait pae; encore la propriété , pwis seide-
ment la souver^ilieté des principales villes du Lan-
guedoc, que Char^emagne avait réduites sous son
obéiss^ce..Qi| convint d'aill^nrs que, dans U rigueur
du droit fèodal , les ducs et \es^ comtes souverains
poi:^vaienjt ^ croire fondés, jusqu'à un certain point,
à s'absienir de. consvdter le tfône, quoiqu'il ne soit
pas sans exemple que de grands vassaux aient recher-
ché sa garantie, en soumettant leurs actes à la confir-
mation royale. Mais cette indépendance* a toujours été
considérée comme un des plus grands abus de la féo-
dalité. Dès. l'instant où le monarque eut commencé à
ressaisir Tempire dont elle s'était emparé , il ne fut
plus permis de contester ces maximes, conséquence
inévitable du droit de souveraineté ; qu'au roi seul ap-
partenait le pouvoir de créer des communes, oudç les
(i) HisL du Long. ( Ub. sup.)
Digitized
by Google
( 4o )
autoriser, ou de les défendre ; que les villes de France
étaient ses villes, et non celles des seigneurs; qu'çUes
lui étaient immédiatement soumises; que lui seul
avait le droit de les régler, et d'apporter dans leur
administration les changemcns qu^il jugeait néces-
saires (i). Si quelqu'un osait contester V autorité r/e
la commune de Beauvais , dit Louis VU , dans ^s
lettres de confirmation, on est dispensé de lui ré-
pondréj parce que le roi Va garantie j confirmée^
et voulue ainsi (2). C'est encore parla force du même
droit qu'il a été déclaré que les juridictions des villes
de communes dépendaient exclusivement du monar-
que, non comme seigneur des fiefs qu'il aurait acquis i'
mais comme souverain du royaume. Par le règlement
de la juridiction de Lautrec, il fut ordonné que tous
les consuls et autres magistrats municipaux de ces
lieux reconnaîtraient solidairement tenir leur con-
sulat du roi, non à droit féodal comme seigneur,
mais à droit de sous^erdinetéj et comme roi (3). En
(i)Ordonn. de Philip, de Val., i338; du roi Jean, i35a;
de Charles, régent, i35ft; t. a, 3 et 4 des Orâoru du Lowre^
et passim.
(2) Qidcumque contra ilh^nk ^f^ çob^erity quoniam ilkmi con-
firmaçimus et securaQÎmus nequaquant ilH respqndebitui\ (T. j dçs
Ordonn, du Lom?,, p. 625. )
(3) OrdinaQit qubd dicU consutes*... ac consîHarii..*. eorumdem
recognoscant ipsum consulatum tenere in. solidum à Domim) nos-
tro rege, ut rege. ( Réglem. de Charles VI,déceinb. i^io, t. a
àt% Ordon. du Louo.y p. SSj. )
Digitized
by Google
( 4i )
eSet^ le roi seul exei:çaitla puissance législative. (
conditioii des villes ne pouvait être ehangëe que
une loi , de même (pic^Ia justice municipale ne pou
y être rendue qu'au ncnn et sous Tautorité du prince
qui faisait la lo'u
Digitized by VjOOQ IC
( 40
RECHERCHES
SUR LES COMMUNES.
PAR M. DE BRÉQUIGNY (i).
Pour traiter avec quelque ordre cette portion im-
portante de notre droit public, jusqu'à présent peu
ëclaircie, nous diviserons en plusieurs articles le sujet
que nous nous proposons de discuter, i** Nous déter-
minerons ce que nous entendons ici par le mot com-
munes ; 2*^ nous fixerons Tëpoque de Fëtablissement
des communes en France, et nous en développerons
rapidement les premiers progrès; 3** nous recherche-
rons quels furent les motifs de cet établissement;
4* nous examinerons quel devait être le titre qui
donnait le droit de communes; nous ferons voir quel
était Tobjeldes principales claucesque ce titre renfer-
mait; nous exposerons enfin comment, par qui et par
quelles raisons, les communes ont été quelquefois
modifiées, abolies ou rétablies.
(i). Extrait de la préface du lome ii des Ordonnances du
JjQwre.
Digitized
by Google
(43)
I.
Ce que nous entendons par le mot Communes,
Ce terme , employa dans racception la plus éten-
due, désigne tout c(»rps d^babitans réunis pour vivre en
sociéié sous des lois conmiunes; en ce sens, les conmiu-
nés sont sans doute plus anciennes que les monarchies-
Mais nous n*entendons ici par ce mot que les
corps municipaux qui s'établirent en France pour ga-
rantir de l'oppression les habitans des villes , soit que
ces corps se soient forages d'abord par des confédéra-
tions lumultuaires, autorisées ensuite par le souverain ,
soit qu'ils aient été établis à l'imitation de ces pre-
mières confédérations, en vertu de concessions au-
thentiques préalablement obtenues.
Comme le but de cette sorte d'associations était de
se d^endye de la tyrannie des seigneurs, les mem-
bres de la commune se juraient respectivement de
s'ehtre-secourir les uns les autres, et de maintenir
leurs communes. Ces sermens étaient exprimés dans
l'acte même d'association : les coutumes anciennes y
étai^it rédigées , ainsi que celles qui étaient nouvel-
lement établies ; on y fixait les formes de l'élection ,
et l'étendue du pouvoir des magistrats chargés de les
faire observer; enfin, on y stipulait les franchises ^
les droits et les obligations de la commune.
On verra, dans les articles suivans, le développe-
ment et la preuve de tout ceci : il ne s'agit , quant à
Digitized
by Google
(44)
présont 9 que de faire apercevoir les caractères distinc-
tifs de ce <jue nous nommons communes. Ils peuvent
se réduire à trois : Tassociation jurée et autorisée par
titre authentique ; la rédaction et la confirmation des
usages et coutumes ; l'attribution de droits et privilè-
ges, du nombre desquels était toujours une juridic-
tion plus ou moins étendue , confiée à des magisti^ats
de la commune et choisis par elle.
Ces caractères suffisent pour faire sentir en quoi
les droits de commune diffèrent d'autres privilèges,
qui y ressemblent à quelques égards ; tels que les af-
fi:*anchissemens ou abonnemens de redevances féoda-
les ^ les concessions ou confirmations de coutumes,
les droits qu'on nommait bourgeoisies; enfin la juri-
diction municipale, dont plusieurs de nos grandes
villes paraissent incontestablement avoir joui dans les
temps les plus reculés (i).
Les villes de commune réunissaient ces divers pri-
vilèges. En payant des redevances fixes, elles étaient
af&anchies de ces droits arbitraires et odieux que les
seigneurs se croyaient les mahres d'en exiger ; elles
n'ont été que trop souvent confondus par
Q ont parlé en passant ; entre autres par rao-
! remplie d'ailleurs de recherches curieuse^
les droits de la noblesse , insérée dans le
nres âe littérature, p. 107 et suiv. Du Cange«
la liste qu'il donne des chartes de com-
mune, a souvent confondu les droits de commune avec le&
couiufi^es.
Digitized
by Google
(45)
étaient régies par les coutumes qui y avaient été de
tout temps observées, ou par celles qu'elles décla-
raient vouloir adopter; leurs habitans étaient ordinai-
rement désignés sous le nom de bourgeois; les affaires
publiques étaient confiées à des magistrats élus par
eux et tires de leur corçs : mais d'autres villes pou-
vaient jouir de ces mêmes privil^es , sans être ville
de commune , parce que ces privilèges réunis ne ras-
semblaient pas encore tous les caractères de la com-
mune.
£n e£Fet , les af&anchissemens et les abonnemens
de redevances féodales n'attribuaient point de juri-
diction (i). L'usage d*être régi selon certaines cou-
tumes ne supposait point le droit de se choisir des
magistrats pour les faire observer ; il imposait seule-
ment au juge royal ou seigneurial l'obligation de s'y
(i) Voyez la charte d'affranchissement et d'abonnement de
redevances, accordée aux habitans de Peyrusses en i347
par leur seigneur, ccmfirmée par Charles YI en i383 : le pre-
mier article porte c[ue considérani être cJiose pieuse et cowena-
hle de ramener en liberté et francidse les hommes et femmes qui
de leur première création furent créés et formés francs 9 etc. Il
est dit ailleurs qu'ils étaient ^tmciermeté taillables et exploi-
tables à colonie, et de serve condition. Après les avoir affran-
dûs, et avoir fixé pour l'avenir leurs redevances, la charte
ajoute pour ce dernier article : demeureront lesdits hommes et
femmes, justiciables à moi et à mes hoirs, en tous cas. ( T. 7 de
ce Rec, p. 3i et suiv.— (Du Recueil des Ordon. Toutes ces no-
tes étant dé l'éditeur des Ordonn», c'est toujours ainsi qu'on
devra entendre les mots ce Recueil.) (^Edit, C. L.)
Digitized
by Google
(46)
Conformer dans Tadministralion de la justice (i). Le
titxe de bourgeois se donnait quelquefois aux hati-
tans des villes qui n'ëtaient point gouvernées en com-
mune. Pour n'en citer ici qu'un seul exemple, la
commune d'Auxerre ne fut établie qu'en 1194; ce-
pendant on trouve dans une charte de Tan 1 188 (2),
le nom de bourgeois donné aux habitans de cette
ville. Brussel (3) , en interprétant le premier article
de l'ordonnance de Philippe-le-Bel en 1287, au sujet
des bourgeoisies (4), dit que celui qui veut être reçu
bourgeois doit se présenter au maire de la ville , s'il y
a une commuhe ; et s'il n'y a point de commune, au
prévôt.
Le privilège qui ressemblait beaucoup plus au droit
de commune était la juridiction municipale , qui en
formait effectivement lin des caractèi'es principaux ;
aussi a-t-on presque toujours confondu les villes de
(1) L*artîcle 3i des coutumes Ae Mailly - le - Château ,
où il n'y avait point de commune, porte que le prévôt
ou juge sera tenu de jurer l'observation de ces coutumes
(t. 5 de ce Recueil, p. 717). Il y avait à Péronne àes
coutumes long-temps avant qu'il y eût une commune. Il est
dit dans l'article 28 des lettres qui établissent la commune
de cette ville, en 1207, que les bourgeois continueront d'ob-
server les coutumes dont ils ont joui jusqu'alors : Omnes in-
\as burgenses Peronae kacienus tenue-
seroent, (Ibid., p. 162.)
xerre, t. 2, Preuv., p. 3i, n« 64.
, p. 903.
dans le t. i de ce Rec, p. 3i4.
Digitized
by Google
!
' ( 47 )
comimine avec eelks qui jouissaient de cette juridîc-
j tion. il &ut donc, avant d'aller plus loin, nous arré*
I ter un peu stdr ce point essentiel , et prouver que le
droit d^avôir des officiers municipaux ne suf^se point
essetitie|)ement Tétablisseinent d'une commune.
\ Il suffit pout» cela de faire voir qu'il y a des villes
qui, long-temps avant d'avoir une commune, ont eu
dès officiers municipaux. Le savant auteul*(i) de la
Dissertation sur FHôtel-de-Ville de Paris, placée à la
tête de rHiôtoire de cette ville par D. Félibien, a
fait VOIT que la juridiction municipale de Paris était
différente du droit de commune , dont Paris n'a ja-
mais joui. La ville de. Lyon, qui fait remonter l'ori-
gine de son corps municipal jusqu'au temps des em-
pereurs romains (a), n'a jamais joui non plus du droit
de commune, ainsi qil'il lut jugé par arrêt du parle-
mètii, en tn'jS : Càrt^ apud Lugdunum non esset
nec cotHmUriia nec unwersitasj nec umguâm fuis-
set (3).
La Ville de Reims est, de temps immémorial, en
possession d'une juridiction municipale. Sous les rois
de nos deux premières races , elle était gouvernée par
ses propres magistrats , qui portaient le nom àiéche-
vinsj et qui étaient élus par le peuple. Dans le neu-
(i) M. le RouVoy. la première partie de sa ï)îssert., § 5,
et h seconde partie, § i.
(a) Fby. Dubos, Etabiîss. de la monarchie française, t. 4,
p. 3o2.
(3) Registres oKm, t. 2, sous Tan 1273.
Digitized
by Google
(48)
vième siècle, le cëlèbre archevêque Hincmar eut re-
cours à leur tribunal (i); cependant, au commence-
ment du douzième , elle n'avait pas encore le droit
de commune ; elle le reconnut elle-même, lorsqu'elle
sollicita ce droit auprès de Louis VIL Et qu'on ne
dise pas qu'elle ne sollicitait que la confirmaticm de
ses droits anciens , sous le nom nouveau de commune^
elle demandait une commune semblable à celle qui
ëtait établie à Laon depuis environ dix ans (2).
Louis VII accorda aux Rémois la grâce qu'ils dési-
raient. Nous n'avons point le titre même de la con-
ceission j mais nous avons deux lettres de ce prince où
il en est fait une mention expresse^ Elles sont rap-
portées par Marlot (3) , qui les a tirées d'un ancien
manuscrit de l'abbaye de Saint-Thierry* Tout^es deux
ont pom* but de reprocher aux Rémois ^ à qui elles
sont adressées ^ l'iabus qu'ils faisaient du droit de eoin-
mune qu'ils Venaient d'obtenir. Dans la première, le
prince leur rappelle les conditions auxquelles il leur
a octroyé ce droit. «Vous savez, leur dit- il , que sur
(( votre humble demande , et condescendant à vos priè-
è res , nous vous avons accordé une commune sur
(i) Voyez Marlot , Hist ecclés. Rem.^ t. a , p. 824 et suiv.
— Bergier, de VAntiq. de VécheQÎnage de Reims, p. 7 ; et ie Mé-
ii bailliage de Reims, en 1766, p. 8.
e de Laon fut établie par Louis VI , vers
nous le dirons plus bas (art. 2) ; cell^ de
[ Marlot, ubisuprà, p. 827. )
et suiv.
Digitized
by Google
(49)
(( le modèle de celle de Laon^ sauf le droit de Tar-
«chevéque et des ëglises, voulant que vous en rcti-
(( riez avantage y mais sans faire préjudice à autrui ( i )• »
Il leur marque ensuite son mécontentement de ce qu'ils
abusent de cette concession pour usurper les droits
des églises. Il leur fait à peu près les mêmes reproches
dans la seconde lettre , où il dit expressément qu'ils
ont outrer-passé les droits de la commune de Laon ,
qui leur avait été donnée pour re^e{^. La com-
mune qu'ils obtinrent de Louis VII n'était donc point
la coniirmalion d'un droit qui leur était déjà propre ;
c'était, au coniraire, la concession d'un droit qui leur
était absolument étranger. La ville de Reims n'avait
donc pas une commune avant le règne de Louis VIF,
quoiqu'elle eût de toute ancienneté une juridiction
municipale. Il ne faut donc pas confondre la juridic-
tion municipale avec le droit de commune.
Ce droit de commune ajoutait encore à tous les
privilèges dont nous venons de parler : le serf deve-
nait libre par le simple afirancbissement j l'homme
libre devenait bourgeois par son association aux ci-
toyens d'une ville qui avait des franchises et des pri-
vilèges; mais quels que fussent ces franchises et ces
privilèges, il ne devenait homme de commune que
, .-^P
{i)Scids quia nos humiii petitiom et predbus vestris assenswn
praèenies, ad modum communiœ Laudunensis communiam Qohis
indulsimus, etc. ( Marlot, vbi suprà, p. 326. )
(2) Modum Laudunensis communiœ, qui çobis propositus est,
cmnino e(Lceditis. (lbid.,,p. 827. )
I. 9« Liv. 4
Digitized
by Google
( 5o )
lorsque cette ville , outre ses cputumes particulières ,
outre sesfrandiises, outre sa juridiction propre , jouis-
sait de Tavantage d^avoir des citoyens unis en un
corps par une confédération jurée , soutenue d^une
concession expresse et authentique du souverain. Telle
est ridée que nous attachons au mot commune/ et
cette idée sera justifiée par tout ce que nous allons
dire de rétablissement des communes, de leur objet
et de leurs fermes.
IL
Epoque de rétablissement des communes en-France,
et leurs premiers progrès.
De ce que nos rois de la seconde race ont accordé
quelques privilèges à divers lieux , il n'en fiiut pas
conclure avec Brussel(i) qu'ils ont institué des com-
munes , parce qu'aucun de ces privilèges n'avait les
caractères que nous venons d'assigner aux communes.
Les chartes de franchises accordées aux villes et vil-
lages de France avant le douzième siècle , dit un au-
teur étranger fort versé dans notre histoire (2) , ne
contenaient ni établissement de corporation , ni gou-
vernement municipal, ni droit de guerre privée, mais
(i) Usage desjlefs, te i, p. 180.
(2) Robertson , Etai de l'Europe, depuis la destruction de
Vempire romain jusqu'au quinzième siècle, à la tête de VHis^
toire de l'empereur Charles V, t 1, note 16 ^ p. 25i. Cet
excellent ouvrage vient de paraître en anglais , à Londres. ^
en trois vol. in-4.**. »
Digitized
by Google
(5. )
seulement des afliranchissemens , des abonnemens de
redevances , des exemptions de serrices. Les com-
munes ne se fonnèrent, en France, que plus d'un
siècle après le commencement de la troisième race de
nos rois.
Dans les temps d'anarchie et de désordres , pen-
dant lesquels on avait vu cette race s'ëlever, les comtes
et gouverneurs des villes s'ëtaient approprie les droits
attachés à leur charge. De quelque façon que leur
pouvoir ait commencé , ils étaient venus à bout de le
rendre héréditaire. Bientôt^usant arbitrairement d'une
autorité usurpée, ils en avaient fait sentir tout le poids
à leurs sujets (car c'est ainsi qu'ils appelaient leurs
justeciables); et sans ^ard pour les anciennes lois,
ils les avaient accablés de toutes les vexations qu'a-
vait pu leur su^érer l'avidité ou le caprice.
Les villes les plus opprimées ou les plus puissantes
se soulevèrent enfin contre ce joug intolérable ; leurs
habitans formèrent ces confédérations dont nous ve-
nons de tracer les caractères , et auxquelles ils don-
nèrent le n<mi de communes. Ce fut sous le r^ne
de Louis VI qu'elles prirent naissance. Nous avons ,
sur leur origine , des détails curieux dans les Mé-
moires (i) de Guibert, abbé de Nogeiit, témoin ocu-
laire (2) des troubles dont elles furent l'eflet ou la
cause»
(1) Gnibert., de Vitâ suâ, 1. 3.
(2) Le nécrologe de Téglise de Laon s*expriine ainsi en
parlant du récit que Guibert a fait des troubles causés par
Digitized
by Google
( 5a )
Une des premières qui se forma fut celle de Noyon :
Guiben atteste qu'elle lut le modèle de celle de Laon.
Les lettres de Philippe Auguste, qui confirmèrent la
commune de Noyon en 1 1 8 1 , nous apprennent qu'elle
avait ^té établie par Louis VI (i). Le titre de réta-
blissement s'est perdu ; mais il nous reste une charte
de Baudri(2), évêque et comte de cette ville, qui
nous instruit des principales circonstances. Les habi-
tans de Noyon , consternés des vexations étrangères
et domestiques qu'ils éprouvaient, cherchèrent à s'as-
surer un protecteur en élisant poitr leur évêqûe Bau-
dri , leur compatriote, archidiacre de leur église (3).
Ce prélat, ami des lettres et des hommes, plein de
vertus dans un siècle qui en fournissait peu d'exem-
ples , répondit à leurs espérances et combla leurs vœux ,
en leur procurant l'établissement d'une commune. Il
en rédigea lui-même l'acte dans une assemblée géné-
rale du clergé, des nobles et des bourgeois; il fit ju-
l'élâblissemeut de la commune de Laon : Hœc et aUa quam-
plurima memoratus Abbas, qui his diebus prœsens aderat, plenâ
fide etoeritate consaipsit; not Dacherii ad Guibertom, p. 85a.
(i) Philippe Â.ogusle parle ainsi dans ses lettres : Commu-
mam Nwîomensem, quant avus noster instUuit.,,. et postmodiim
paier noster.».,* manutenuit (Ordonnances, p. 224 de ce vol. )
(Du t. II des Ordonn.)
(a) Elle a été publiée par le Vasseur, Annales de FégUse de
Noyon, p. 8o5. Il Ta tirée d'un cartulaire de cette église.
(3) Il fut élu en 1098. Voy. sur cet évêque, GalL Christ, t g,
P- 998-— jHw«. Utt. de la Fr., t 9, p. 579.— Baluze, MiscelL,
t. 4) P- 3o8 et suiv.
Digitized
by Google
(53)
rer d'en oliseryer les articles; enfin, il obtint du roi
des lettres de concession revêtues de leurs formes (i).
Ces lettres de Louis VI n'existent plus ; mais il est
aisé de voir c{u*elles doivent a[^)artenir aux premières
années du règne de ce prince , car Baudri mourut en
II i3. D^ailleurs, la commune de Noyon subsistait
avant celle de Laon, à qui elle servit de modèle (2) :
or, nous allons voir que TcMÎgine de la commune de
Laon remonte jusque vers Tan 1110.
Guïbert nous a transmis toute l'histoire de réta-
blissement de la commune de Laon. L'évéque , loin
d'y contribuer, s'y o{^)osa de toutes ses fcarces. Ce
prélat, bien différent de l'évéque de Noyon, avait
été élu à la recommandation du roi d'Angleterre, dont
il était référendaire. Plus propre à aggraver les maux
de son diocèse qu'à les calmer, il en fomenta les trou-
bles, il en augmenta les désordres. Trois ans après
^n élection , il eut part à l'assassinat de Gérard de
Crecy, bomme respectable par son rang et par ses
vertus^ qui fut massacré dans une église. Laon était
(i) Voici ses termes dans la charte rapportée par le Vas-
senr : Communionem in nooiomo concUto elericorum ac miUtum,
nec non et Burgensium mefecisse, et sacramento, pontifleaU auc-
toriiate, aique anathemùtis çinado confirmasse f et à dominù Ludo-
oico rege ut ipsum concederet et regali signo corrohoraret impe-
trasse, etc. ( Annal, de Fégl. de Noyon , M suprà.)
(2) Guibert dit de la commune de Laon : Jurmit communion
nis ilHus se jura tenturum, eo quod (lisez qud) apud Nwiomagensem
urbem*,*.» ordine scripta existerant. (De Yitâ snâ, 1. 3, p. 5o4.)
Digitized by VjOOQ IC
( 54 )
alors le théâtre de tous les crioies : les étrangers y
étaient impunément pillés et outragés^ Jes domesti-
ques du roi même n'étaient pas à Tahri des insultes;
les nobles y exerçaient des yiolence» et dei| cruatités
dont Guil)ert trace un tableau qui fait frémir (i): Les
habitans n'envisagèrent de ressources que daos Téta-
Uissement d'une comnnme : ils {«'ofitèrent de l'ab-
sence de leur évéque po^r obtenir le consentement
des ecclésiastiques; ils achetèrent à prix d'argent ce-
lui 4es nobles, et la commune fut jurée (2). L'évê-
que y à son retour, fut fort irrité ; on l'apaisa avec de
l'argent. La concession du roi manquait ; on l'obtint
en payant de HouveUes sommes : mais les habitans
ne Jouirent pas long-temps d'un privilège qu'on leur
^vait vendu si cher. L'évêque, impérieux et violent,
ne pouvait s'accommoder d'une administration qui ré-
tablissait l'ordre dans la ville, et ne lui permettait
plus d'abiiser de son autorité ; il employa tous $es ef-
forts pour faire abolir la commune. Les bourgeois
alarmés offrirent 400 liv. au roi pour qu'elle fiit main-
tenue ; l'évêque en offrit 700 , et la commime fut
supprimée.
.Les uoble^ s'étaient joints à l'évêque, qui avait fai^
(0 Guibert., 4e yUâ sn4, 1. 3, p. ^o3. Çrbi ilU tarda ab ai^
iiquo a^ersitas inoleçerai^ ut rieque J^eus, T»eqm Dominas quis-^
fdam inihi timeretur, sed adppsse et IMUun cujusque, rapims e$
cauKbus rtspublica, misceretur, etc. {Voyez aussi le chapitre ii|^
p. 509.)
(2) Toat ce r^cit est tiré de Guibert , vhi suprày
Digitized
by Google
{55)
venir des gens de ses terres , et en avait rempli sa mai-
son et les tours de son église. Les habitans au déses-
poir prirent les armies contre lui. Après avoir tenté
de se défendre y il fut réduit à se cacher ; mais il fut
bientôt découvert et mis en pièces (i). Les désordres
forent extrêmes , son palais brûlé , diip églises, quan-
tité de maisons réduites en cendres ^a). La ville pres-
que détruite, ^abandonnée de ^es citoyens , dont les
uns cherchaient à se soustraire aux fureurs du peu-
ple, les autres au châtiment de leurs excès, fut pillée
par les habiians des villages voisins : il fallut plu-
sieurs années pour réparer tant de désastres. Les cho-
ses se pacifièrent peu à peu ; et ce ne fiit qu^au bout
de seize ans (3) que la commune deLaon fut rétablie.
Il y avait eu une concession primordiale ; de là les
lettres de rétablissement semblent annoncées comme
(i)Le aS avril II i9f ftelon Goibert, uèisuprà, c. 8, p. 5o6.
Bob. de Momit^ApperuL adSigibert, ann. m. cxj,adcala Gmà.,
p. 74.7, ^'exprime ainsi : Ferid V Hebdomadœ PasduUù VU
eoL maii, in litaniâ majore. Nous remarquerons eu passant
que le nécrologe deTéglise de Laon jJace la mort de Vévè^
que on jour plus lard. VI kal* maii, obiius Waidrid episc^pi,
etc., ad cale. Guib., p. 65a ; mais les caractères cbronologi-
qpies donnés par Gâibert , et Rob, de MàrUe, ferid V,et in li-
iamà majore, désignent incontestablement le jeudi, jour de
Saint-Marc , aS ayril.
(a) Voyez )es auteurs cités d^essus, et Hermann. Monach.
de Mime. S. Marim Laudun. ; ad cale. Guib., p. SaS.
(3) En iiaS. Voyez les lettres de Louis VI, p. iS5 de ce
ToL (Du t* 1 1 de» Ord^)
Digitized
by Google
(56)
un traité de pacification, înstitutio pacis (i). Tous
leB droits de la commune y furent confirmés , et Ton
y ajouta im pardon général pour tout ce qui s^était
passé , dont treize personnes seulement furent excep-
tées (2),
Ce fut au milieu de désordres à peu près sembla-
bles, et peu de temps après la première époque de la
conunune deLaon, que s'établit celle d'Amiens. L'ë-
vêque Geoflfroy, qui en était aussi le seigneur, prélat
recommandable par sa piété , et qui fut mis depuis au
non^)re des saints, Pavait accordée aux bourgeois, et
leur en avait obtenu des lettres du roi (3). Le comte
d'Amiens , Ingelran de Bove , qui relevait de Tévê-
que(4), prétendit que l'établissement de cette corn-
(i) Nous n'ignorons pas que le mot pax s'emploie sou-
vent dans nos anciennes chartes pour désigner la banlieue,
le territoire de la juridiction municipale : mais les circons-
tances de l'établissement de la commune dé Laon paraissent
indiquer en cet endroit l'acception que nous donnons à l'ex-
pression pacis institutà), quoique daps plusieurs autres let-
tres elle ne signifie que l'attribution d'un territoire^ ( Voyez
dans ce vol. les lettres de commune de Grespy, p. ^36 , de
Bruyères , p. 245 , etc. )
(2) Art. 8 de la charte de commune de Laotu, p. 186 de
ce vol.
(3)Guîb., ubi suprày p. 5i5.
(J^Gall Christ, t. 10, p. ii48.-- Longuerue, Descr. de ta
Fr,, part i, p. 54, s'exprime ainsi : « La seigneurie tempo»
<t relie de la rille ( d'Amiens ) fut donnée par les rois de
« France aux évéques d'Amiens; et ce sont ces prélats qui
Digitized
by Google
(57 )
miine prëjudiciait à ses droits (i), et youlut Tabolir à
main armée. Il ftit chassé de la ville par Tévéque et
les bourgeois. Ses partisans réfugiés dans une tour, au
milieu de la ville même, y soutinrent, contre le roi
en personne, un siège de deux ans : la famine les
força de capituler; la tour fut rasée (2); et la com-
mune fut maintenue en vertu de nouvelles lettres de
Louis VI, sollicitées par Yves, évêque de Chartres;
car il paraît que c'est l'objet d'une lettre que cet évê^
que écrivit à ce prince, et qui a passé jusqu'à nous (3).
11 semble y désigner la confirmation de la commune
« donnèrent le comté d'Amiens aux seigneurs de la maison
« de Bove , qui en furent dépossédés par Raoul , comte de
« Veraiândois , dont la fille Isabelle épousa Philippe d'Aï-
« sace , comte de Flandre , qui céda en ii85 le comté d^A-
« mieus au roi Philippe Auguste. » La chronique de Trîvet
]^ace cette cession en ii83, et ajoute que la ville d'Amien»
resta à l'éyèqiie, aux charges de la tenir du roi : Cwitas Am-
bianensis, concessîone régis Franœrum remansit episcopo Ambia-
nensif de ipso rege tenenda, (Dachery, SpiciL^ t. 8, p. 4^6.)
{i)Ex conjuraHone Burgensiwn, Condtatûs sièijuta oetusta
imdi''. (Guib., ubi sup,, p. 5i5.)
(2) Guib., îbid., p. 517. Vita S^ Geqffiiài Ambkm, Episc;
apvdSurmm,
(3) Yçonis CamoL Epistokz, p. 446, epist 253. Après avoir
exposé la douleur que l'évéque d'Amiens ressentait des trou-
Mes qui agitaient la ville, Yves supplie le roi d'avoir égard
aux plaintes de ce prélat : Didt emm regiam ma/estaiem çes^
tram^ ut pactum facis quod, deo inspirante, in regno çestro con-
famari fecistis, nullâ lenadtante amicitiâ Qel f attente desidià
nolari permittatis.
Digitized
by Google
(58)
d' Amieiis par ^expression de pactum pacis^ de même
que la confirmation de la commune de Laon est aussi
désignée par Texpréssion institutio pacis dans les let-
tres de Louis YI. Il est assez probable que cette con-
firmation eut peu d^effet, car les habitans demandè-
rent de nouveau le droit de commune a Hnlippe
Auguste j qui le leur accorda en i igo par les lettrea
que nous publions dans ce volume (i).
Quelques écrivains, qui n'ont connu^e cette der-
nière concession, ont supposé qu'Amiens avait eu
une commune avant que nos rois lui en eussent oc-
troyé le droit : ils se sont fondés sur le témoignage
d'Etienne de Tournai , qui parle d'une commune éta-
blie de son temps à Amiens , dans une lettre dont on
ne peut rapporter la date au-delà de 1 164 (2). A la
vérité, cette date est antérieure à la concession de la
commune d'Amiens par Philippe Auguste, en 1 190 ;
mais elle est postérieure de plus de cinquante ans à
la première concession de liOuisVI, qu'ils n'ont pas
(^i) Ad petitionem ipsorum (ciçàtm Ambîanensium) communfam
eis concessimusy p. 264. de ce vol.
. {7L)Steph, Tornac. Epist, p. i64, t^t. ii3. Communiai Am-
bianensi ad quam judidum sangidnis speciat, etc. L'anteur dit
plus haut qfue la ville d'Amiens était alors sous ta domina-
tion du comte de Flandre. Elle n'y passa qu'en 1164, par
Isabelle, liéritière en partie de Raoul, comte de Yerman-
dois, et femme du com(e de Flandre, Philippe d'Alsace.
Nous ayons dit ci-dessus (p. 56, note 4)) <iae ce comte de
Flandre céda Amiens à Philippe Auguste, environ vingt an&
^près.
Digitized
by Google
(59)
connue : ainsi , elle u^e prouve point qu* Amiens eût
eu une commune avant de Tavoir obtenue du roi.
La commune de Saint-Quentin , antérieure à celle
d'Amiens , est à peu près du même temps que celle
de Noyon; car Guibert dit que Tëvêque de Laon
consentit à rétablissement d'une commune dans sa
ville,. sur le modèle des conmiunes de Noyon et de
Saint-Quentin (i). En associant ainsi ces deux der-
nières communes , il sembla annoncer qu'elles étaient
à peu près du même temps. S'il fallait attribuer quel-
que antériorité à l'une des deux, ce devrait même
être à celle de Noyon, qui est nommée la première :
or, nous avons fait voir que la commune de Noyon
ne fut établie que vers l'an 1 1 lo.
Cependant, quelques écrivains font remonter beau-
coup plus haut l'établissement de la commune de
Saint-Quentin , et voici sur quoi ils s'appuient. Cette
commune fut confirmée par Philippe Auguste en
1 195 (2). Cç prince s'oblige ,' par la charte de confir-
mation , de maintenir les habitans de Saint-Quentin
dans la jouissance des coutumes observées du temps de
leur comte Raoul et des prédécesseurs de ce comte (3) i
or, disent-ils, ce Raoul étftit Raoul I", qui fut comte
de Vermandois; en xiig; par conséquent ses prédé-
(i) Eo qm apud Nwiomagensem vrhem et Sanquindnense op^
pidusm orêaie scripta exdteranL ( Goib., M fup*, p. 5o4* )
(a) Voy. ces lettres, p. 270 de ce roi.
(3) Usus et consuetudines qùas in tempore Radulfi comitis et
0fiiecessonim suorum, Burgenses S, QidrUini tenerunt ( {bid, )
Digitized
by Google
(6o)
cesseurs vivaient long-temps avant le douzième siècle:
d'où ils concluent que cette commune ayant existé
sous les prédécesseurs de Raoul I*% avait par consé-
quent été établie bien avant le règne de Louis VI.
Mais 9 i"* il est probable que Philippe Auguste, en
confirmant les communes de Saint-Quentin , avait en
vue celles dont cette ville était alors en possession ,
sans renvoyer à des temps anciens dont il eût été dif-
ficile de constater les usages. Ainsi lorsque, dans Tar-
ticle 23, Philippe dit que tous les procès, hors les
causes réservées , seront portés par les hommes de la
commune devant le vicomte royal pour y être jugés
par les échevins , comme du temps du comte Raoul ( i ) ,
il y a tout lieu de croire qu'il entend parler, non de
Raoul I*', mais du dernier comte de ce nom , c'est-à-
dire de Raoul II, mort en ii64? dont la succession
fut cédée à Philippe Auguste par Eléonor, fille de ce
comte , et devenue sa seule héritière.
2** Quand on supposerait que Philippe a entendu
parler de Raoul I" et des prédécesseurs de ce prince,
il ne dit point que Raoul et ses ancêtres eussent éta-
bli une commune à Saint-Quentin , mais que de leur
temps il y avait des coutumes dans cette ville. Or,
comme nous l'avons déjà dit, il ne faut pas confondre
les coutumes avec les communes; car il y avait des
coutumes sans commune, puisqu'un des objets des
chartes de commune était de confirmer les coutumes^
{i)Ib{d,, p. 272.
Digitized
by Google
(6i)
déjà subsistantes. Les coutumes , par leur nature, n*ë*
tant fbndëes que sur un usage immëmorial, ne con-
naissent point de date , et $ont nécessairement anté-
rieures aux communes, puisqu'elles y sont ordinaire-
ment rappelées. Donc, quand Raoul I*' aurait autre-
fois ratifié les coutumes de Saint-Quentin , il ne s'en-
suivrait pas qu'il eût accordé une commune à cette
ville. On n'a donc aucune raison de croire que cette
commune soit antérieure à celle de Noyon , avec la-
quelle Guibert semble la lier. Certainement elle n'é-
tait pas antérieure au siècle de Guibert , puisque cet
auteur, qui la connaissait et qui en parle, ne laisse
pas d'assurer que toutes les communes en général
étaient^ de son temps, un établissement nouveau (i).
Guibert écriv|iit vers la fin du règne de Louis VI.
Parcourons plus rapidement les époques de nos au-
tres communes les plus anciennes; nous n'en trouve-
rons aucune établie avant le règne de ce prince. Ce
fut lui qui accorda celle dfi Soissons , maintenue en-
suite par Louis VII, comme nous l'apprennent les
lettres de confirmation de Philippe Auguste (o). Un
ancien catalogue des évéques de Soissons, cité par
(i) Conùmmiœ nooum,... nomen. (Guîb., de Vitâ suâ, 1. 3,
cy.y
(a) Voici les termes de Philippe Auguste : Ams noster Lu-
doçîcus Burgensibus Suessionensibus Communiam inter se haben-
dam concessU, et si^iH sui auctorltat eœnfimumt ; post cujus de-
cessum, poier noster Ludwicus,,* eis eam manuteradt et custodiçit.
(P. 219 de ce Tol.)
Digitized
by Google
( 62 )
Dormay (i), en place l'origine sous T^piscopat de
Liziardy qui ne commença qu'en 1109 et finit en
1 126. Louis yi établit aussi celle de Saint*Riquier ^
comme il est dit dans un règlement qu'il fit sur quel-
ques articles de celte commune , et que nous avons
publie (2). La dommune d'Abbeville, que quelques-
uns (3) ont cru antërieure à toutes les communes du
royaume , est au contraire postjérîeure à toutes <îelles
dont nous venons de parler ; car les habitans d'Ab-
beville achetèrent originairement le droit de com-
mune de Guillaume Talevas, comte de Ponthieu,
selon le témoignage des lettres de confirmation (4)
accordées en xi84 par Jean, comte de Ponthieu,
!!• du nom t or, Guillaume Talevas ne devint comte
de Ponthieu que du chef de sa mère , qui n^ mourut
qu'en ii3o.
Si quelque commune pouvait faire remonter son
Origine avant le règne de Louis VI , ce serait celle de
(i) Histde Soiss.f t. a, p. 81.
(2) Page 184 ie ce voL Rex Ludo^icus apud S* Richanum,
et causa uUUtatis nostrœ, inter homines nostros commiudam Ibi
statuit La charte est de fabbé de Saint - Rlquier. La date
est de 1126; ainsi le roi qui y est nommé est Loals VL
(3) Voy. la NoU hist du comté de Ponthieu, publiée en 1769,
t. I, p. 96. Au reste, l'auteur ne prétend pas placer l'établis^
sèment de la commune d'Abbeville avant l'an ii3o, quoi-
qu'il la suppose ie premier exemple des communes.
(4) Ord., t. 4» P» 55. Cum,», cornes Willelmus Talevas,,. Bùr-
gensihus de Abbatis-çillâ... Communiam pendidisset, etc»
Digitized
by Google
(63)
Beauyais (i); mais nous allons prouver qu^elle doit
aussi son établissement à ce prince. Il est vrai qu^il
e$t fait mention de cette commmie dans mie lettre
écrite par Yves de Chartres (i») à Hugues , doyen de
relise de Beauvais, qui ne Tétait plus en iio3 (3) ;
mais Louis VI régnait d^ depuis plusieurs années;
il avait été associé au trftne par son père Philippe V%
dès Fan 1099 (4) , et il exerça le pouvok souverain,
conjointement ai^ec Philippe , jusqu'à la mort de ce
pnnce (5).
Ce &Lt précisémem vers le temps de Passociation
de Louis TI que les habitans de Beauvids jettent les
premiers {ooàemens de leur conunune.Yves de Char-
tres ^danâ sa lettre que Ton cite, ne parle de cette
commune naissante que comme d'une confiédération
tmmiltuaire qui était encore sans autorisation ;^^r^-
(i) Voyez Simon, sapplément à V Histoire du Beawoisis,
p. 26.
(2)Epist JJyl^» i56*
(3) GalL Christ, t. 9, p. 770.
(4) On troave dans la bibliothèque de Qnny, uoe charte
de Louis Vl, datée du mois d'octobre iioS, et de la cin-
quième année du règne de ce prince. ( Art fie oérifier les da-
tesy p, 498O ( J'en possède une semblable. Edit. C L)
(5) Philippe continua d'exercer la souveraineté durant
loQt le temps de son excommunication, eomme Ta démon-
tré Blondel, d»is son Traité sur la formule Régnante Chnsto.
( Voyez aussi le rapport fait à l'assemblée du clergé de
France, par M. de Choiseul, évêque de Tournay, le 17
mars 1682.)
Digitized
by Google
(64)
lenta conjuratio factœ communiorUs (i), comme
d*une conyenuon privée qui, malgré le lien du ser-
ment, était sans force contre les dispositions positives
du droit cancmique (2). Il fait entendre qu'elle était
accordée par Tévêque , puisqu'il dit que ce prélat s'é-
tait obligé d'en observer les règlemens; maid il ne
dit point qu'il en eût obtenu la concession du roi ,
qui seul pouvait donner force de loi aux articles des
communes, comme nous le prouverons plus bas.
Voyons maintenant dans quel temps Yves de Char-
tres écrivit la lettre dont il s'agit. Il y est question
d'un procès pour un droit de moulin que les bour-
geois prétendaient devoir leur être garanti par leur
évêque. Nous apprenons, par la. sentence (3) interve-
nue sur ce procès , que cet évêque se nommait An-
sel; or, Ansel n'avait été élu évêque de Beauvais
qu'au mois de juillet 1096 (4) : ainsi la lettre d'Yves
de Chartres est postérieure à cette date. Ansel ne fut
sacré que la troisième année après son élection : ce
fut l'année même de sa mon , car il mourut le 3 1
(i)Epist. 77, p. i56.
(2) Pacta enùn et consuetudines oel eUam juramenta quœ suni
contra leges canonicas, nulUus sunt momenii. ( Ibid. )
(3) Elle est imprimée dans les Mémoires de Beauvais ,
par Loisel, p. 226, et commence ainsi : Hœc sunt oerbaju-
dieu quodprotuUt Adans^rin presentiâ Anselli BeUoçends épis-
copi.
{i)Gall. Christ, t. 9, col. 714.
Digitized
by Google
(65)
novembre 1099 (i), et Fëpoque de rassociation de
Louis y I à la couronne.
Ansel ëtait un prélat plein de douceur et de piëtë (2),
caractère ordinaire des ëvêques qui favorisèrent les
communes y conune on a pu le remarquer dans ce que
nous avons dit prëcëdenunent. On a pu observer aussi
^e les évêques seigneurs de leurs villes se chai^eaient
d'obtenir du roi les lettres de concession des com-
munes qui se formaient sous leurs auspices : la mort
trop prompte d' Ansel ne lui permit pas sans doute
de rendre ce service aux babitans de Beauvais* Après
lui, deux prétendans se disputèrent son siëge(3), et
remplirent Beauvai^ de troubles et de désordres:
Yves de Chartres en fait , dans plusieurs de ses let-
tres (4), la peinture la plus toucbante. «Nous n'a-
(( vons pu (dit-il au clergé de cette ville malbeureuse)
« lire d'un œil sec le récit des maux que vous souf-
« frez ; vos maisons pillées^ vos terres envabies, etc. (5). »
Louis YI fiit contraint de se transporter à Beauvais
pour j rétablir l'ordre et la paix : il y était au mois
de février iio3/4; il y confirma les privilèges du
(0 Obituar.y S. Pétri, citât Ibid., col. 715.
(2)Loayet, Hist de Béarnais, t a, p. 217 ; «< ibi chrordq,
{S)Gall. Christ, t. 9, col. ji5 et suiy.
(i)Yçonis Camot, ejdst 187, a63, a64, etc.
(5) Siccis oculis légère non potuimus infestaUones Burgentium,
domorum spoliationem , terrarum inffosionem, in quibus omnibus
fiât impetus, non ratio, et praçahdt œmuia cierîcorum làicalis
ffrœsump/io. ( Epîst. a63 , p. 462* )
I. 9» uv, 5*
Digitized
by Google
(66)
clei^ë par des lettres que Loîsel a publiées (i), et
qu*on trouvera aussi dans ce volume de notre Recueil:
ce fut probablement dans ce même temps qu*il rati-
fia, par une concession en forme , la commune qu*Ân«
sel avait commence d^y établir, mais tpi, de scm temps,
n^était encore qu^une confédération dénuée du sceau
de Tautorité souveraine, turbulenta conjuratio.
Tlous n'avons plus les lettres de concessicm de
Louis yi, mais nous avons celles de confirmation de
Louis VII, en 1 144' Elles portent expressément que
le droit de commune avait été accordé aux habitans
de Beauvais par Louis VI. « Nous confirmons , dit
« Louis VII dans ces lettres (2) , la commune que
<( Louis notre père avait accordée il y a déjà long-
er temps (3), et nous la confirmons telle qu'elle fut
(( instituée et jurée dans sa première origine (4). »
Quand nous n'aurions pas toutes les raisons que nous
avons exposées pour croite que la -commune de Beau-
vais fut l'ouvrage de Louis VI , le témoignage exprès de
(i) Mémoires de Beawais, p. a6S. — Ordoïouy p. i j6 de ce
volume.
(2) Commimiam illam quam à pâtre nostro Ludoçico permuHa
arite tempora homines Belimcenses hahuerunt, p. 198 de ce vol
Dans la confirmation de PhiUppe Ângnste en 1 181 ( t. a de ce
Rec, p. 63a), Philippe dit : A pâtre nostro Ludoçico et anteces- \
soribus nostris* U faut lire on entendre : A pâtre etapoLudwU»
antecessorihus nûstris.
(3) Selon ce que nous venons de dire, il y avait au moinft
quarante ans. j
(4) SicutprUiS instituta etjurata, p. 198 de ce vol. j
Digitized
by Google
(67)
Louis VII 9 son fils et son successeur immédiat, ne per^
metu^t pas d'en douter. Cest do^c encore à Louis VI
qu'il faut reporter rétablissement de la conuntLne de
Beauyais.
Partout on voit les ccHnmunes se former dans le
cours du «douzième siècle. La chronique de Saint-
Bertin (i) semble attribuer presque toutes celles des
villes de Flandre à leur comte Philippe d'Alsace,
contemporain de Philippe Auguste. Il est vrai que
l'historien des comtes d'Ardi^es fait remonter l'origine
de la commune d'Ardres presque au milieu du on-
zième siècle, en l'attribuant au comte d'Ardres Ar-
nouj^ I*' du nomj mais il se trompe; car il ajoute
qu'eljle fut établie gjûr le modèle de celle de Saint-
0mer(2) : or, Ja commune de Saint -Omer doit son
origine à Thierry d'Alsace (3) , comte de Flandre ,
(i) Cbron. S. Berlini, c. 45, p. 3, apud Martenîum, Thés.
Anecd., t 3^ p. 666 : Hidc çillct (^nomne Dam) prÎQilegium de-
dit ( PhiKppus ) ut Uberi sînt per Handriam ab omni exactione.
Datum anno i i8o. Iste cornes quasi omnes Flandriœ ieges dédit
amio ii8i.
(a) Et scaèinos eidem loco (^Ardeœ) ordinaçit, et eorumjudi"
da secundian juridictionem et institutionem Audomarensium sca-
èinontm et bwgensium tenenda et in perpétuant seroanda.,, jura-
çit et confirmamt (Lamb. Ard. Comit Ardcns. , 1. 1 1 , Hist. Fr. ,
1^ 3a5.— /d^m^ cap. ïii, apud Ludwig. fteliquîse Mss. diplo-
aatnm. Francof. et Lips. 1727, in-8®, t. 8, p. Bao. )
(3) Philippe I^', comte de Flaadre^ qui confirma la corn-
nrane de Saint-Omer, était fils de Thierry d'Alsace ; et dans
les lettres de confirmation, il atteste expressément que cette
Digitized
by Google
(68)
qui ne put prétendre à ce comté qu'après la mort du
comte Charles de Danemarck, dit le Bon , en 1 127 :
la commune d'Ardres ne fut donc établie qu'après
cette époque, probablement par Amoul III, petit-fils
d'Amoul I" ; et en effet, on voit jusque-là les habi-
tans de la ville d'Ardres exposés à des vexations con-
tinuelles ^i) , dont l'établissement d'une commune
les aurait préservés. Arnoul III avait épousé la nièce
de ce même Thierry d'Alsace , qui avait établi la
commune de Saint-Omer ; est celte circonstance ajoute
un nouveau degré de probabilité à notre opinion.
Le comte de Boulainvilliers (2) a cité une charte
de commune, accordée selon lui aux habitans de
Vervins, vers le milieu du onzième siècle, sous le
règne de Henri I*', par Thomas de Coucy, seigneur
de Vervins ; mais le premier du nom de Thomas de
la maison de Coucy qui ait été seigneur de Vervins,
est le second fils de Raoul de Coucy, premier du
nom, qui lui laissa par son testament la seigneurie de
Vervins en 11 90 : ainsi la charte de commune de
Vervins assignée par le comte de Boulainvilliers, et
que nous ne connaissons point, ne peut être que pos-
commune avait été accordée par son père : Sicut pater nuus
concessit (Voyez ces lettres, t. 4 de ce Rec, p. 247. )
(i) Voyez sur ces vexations, THistoire de Lambert d'Ar-
dres, soit dans le recueil de Ludwig, cité pias haot, soît
parmi les preuves de la maison de Gaines, par Da Chesne,
p. 161 et suiv.
(9)Hîst de V ancien gow. de la France, U i, p. 3io.
Digitized
by Google
(69)
térieure de près dW siècle à Tépoque que nous assi^
gnons aiix plus anciennes communes.
Nous n^avons encore parle que des communes de
laFrance septentrionale ; celles du reste de ce royaume
ne sont pas plus anciennes : qu^il nous suffise , pour
abroger, de renvoyer sur ce sujet au témoignage de
D. Yaissette (i), qui a examine ayec autant d'exac-
titude que de discernement les mcmumens de Fhis-
toire de nos provinces méridionales. On pourrait bous
opposer des lettres accordées aux habitans d'Aiguës-
mortes, si ces lettres étaient effectivement de Tan
ïO'jg y date sous laquelle elles ont été imprimées. dans •
le quatrième tome de ce Recueil (a), sur la foi du
registre 80 du Trésor des Chartes : mais i"" ces lettres
ne sont point proprement une concession de com-
mune; ce sont des franchises que Ton y accorde,
quelques-unes même pour un temps limité; c^ sont
des règlement que Ton prescrit sous le nom de cou-
tumes : Libertates et consuetudines concessimus.
Or, ces concessions ne suffisent point pour caracté-
riser une commune. 2"" Il y a erreur dans la date des
lettres dont il s'agit; il faut lire 1 379 au lieu de 1079 :
ainsi ces lettres sont de Philippe III , et non de Phi-
^àpçe I*'. D. Vaissette Ta déjà prouvé dans son His-
toire du Languedoc (3); M. Secousse lui-même a eu
soin d'avertir de la méprise par un carton annoncé
(1) HîsL de Langued., t. 2, p. 5i4 et 5i5.
(a) Page 4*4 ^t saiv.
(3) Tome 3, noie 36.
Digitized
by Google
(70)
dans le sixième rolume de ce Recueil , et dam une
note du septième (i) : mais ni les précautions de
M. Secousse ni la critique de D. Yaissette n^ont pu
empêcher qu'on n*ait continue j dan$ pltii^0urs ou-
vrages cëlèbres (2) , d'sAtriliâer à Philippxe I*' réta-
blissement d'tme cominune à Aigiies- mortels : tant
rerrettr s*afccrédite aisément et se détiliit oteo peine.
Nous crcfyons donc devoir nous arrêter ici un mo-
ment pour la combattre de nouveau.
L'historien du Languedoc a prouvé (3) non seule-
ment que Philippe 1*' ne possédait rien dans le Lan-
guedoc, mais que le port et la ville d'Aigues-mortes
ne subsistaient point encore du temps de ce prince :
Tun et l'autre doivent leur origine k saint Louis ,
aussi bien que les franchises qu'il y établit en i a43 (4) •
Les lettreis attribuées à Philippe !•' ne sont qu'une
confirmation de celles 4^ saint Louis, avec quelques
lehàngemens par Philippe III son fds. Elles sont da-
(i)VoyezX,% doRec. des Ordonn., préface; et t. 7, p. iS^»
notes.
(a) Tels que le Noweau Traité de diplomatique , 1 4 ) P* ^ 74-.
-— ilémoires de l'atadémie des Beiies - leUres, t sS, Hi9i.f,
P> âSg.
(3) Tome 3^ de ï Histoire du Languedoc, par ^ Yaissette ^
p. 598.
(4) Les lettres de Saint-Loais , qu'on avait prises pour la ,
confirmation de celles de Philippe , auxquelles au contraire
elles ont servi de modèle , sont imprimées dans le Traité du
Franc- Alleu 9 par Galland, p. 365 de Pédit. de 1637, in - 4"-.
Digitized
by Google
( 7» )
l4es de la neuyième année du règne du prince qui
kf accorde ; et la neurième année de Philif^ III
indique Fan 12799 au lieu que la neuvième année de
Philippe P' ne peiit jamais indiquer Fan 1079. Ajou-
tons à cet preuves alléguées par D. Yaisseue un' ar*
giunent sans relique : aucun des grands^ffiders qui
existakm en 1079 n'a signé les lettres dont il s'agit ,
et tous ceux qui les ont signées existaient &ï i^9*
En effets éeux qui les ont signées sont(i} Ymbert
onHumbert, connétable; Jean, bouteiller; Robert, duc
de Boui^ogne , camerier : or, on trouve les noms de
ces mêmes officiers dans diverses lettres de Tan 1279
et des années voisines. Uo&fie de grand-sénéchal était
vacant en 1279, comme on le dit dans les lettres en
question; il Tétait dès 1 191 , et ne fut jamais rempli
depuis. Au contraire, en 10791e grand-sénéchal Thi-
baud vivait encore, le connétable se nommait j4 dam j
le nom du bouteiller était Hervé j celui du camerier
était fVderan^^).
Il est donc évident que la date des lettres dont il
s'agit n'est pas exacte dans le registre 80 du Trésor
des Chartes; et il est aisé d'imaginer la source de la
méprise du copiste. Cette date est écrite tout au long
dans ee registre, millesimo et septuagesimo nono; il
bUait éiH^ire millesimo ducerUesimo et septuagesimo
nono. Le copiste a omis le mot ducentesimOj qu'on
(i) Ord., t. 4, p. ^47.
(a) Voyez-en les preuves dans les diverses histoires des
grands-officiers de la couronne.
Digitized
by Google
(7»)
trouve en effet dans la date de cette même ordon*
nance transcrite dans un autre registre du Trésor des
Chartes, coté 129 (1), ce qui achève de lever tout
doute sur ce sujet. Donc, quand hien même les let^
très dont nous venons de discuter la date pourraient
être regardées comme des lettres de commune , elles
ne prouveraient pas quHl y ait eu de commune à
Aiguës -mortes avant 1279, c'est-à-dire plus d'un
siècle et demi après rétablissement des premières
communes dont nous avons parlé. !Nous n'en avons
trouvé aucune qui soit antérieure au douzième siècle;
aucune qui ait été accordée par quelqu'un de nos rois
avant Louis VI : c'est donc au règne de ce prince
qu'il faut fixer l'origine des communes en France.
Après en avoir ainsi déterminé l'époque , examinons-
en les motifs.
III.
Motifs de rétablissement des communes.
Nous les avons déjà indiqués dans ce que nous avons
dit jusqu'ici : i"" l'avantage des habitans qui deman-
daient le droit de commune ; 2** l'intérêt des souve-
rains qui l'accordaient. Quoique ces deux motifs aient
presque toujours agi concurremment, nous les exami-
nerons cependant l'un après ra.utre.
I. Le besoin de se réunir pour se défendre contre
la tyrannie des seigneurs , dont les vexations multi-^
(i) Voyez la note (d) de la p. iS/J du t. 7 de ce Rec^
Digitized
by Google
(73)
pliëes étaient portées aux excès les plus inouïs, fut
la première cause qui porta les habitans des villes de
France à se former en communes. La nécessité de
mettre fin aux troubles et aux guerres domestiques
que ces vexations occasionnaient, fut souvent le mo-
tif qui détermina à leur en accorder le droit. On en
a déjà vu quelques exemples; rapportons -en de nou-
veaux, et joignons-y les termes mêmes des chartes.
Louis VII, dans les lettres par lesquelles il confirma
en 1 i5o la conmiune que Louis VI avait accordée aux
habitans de Mante , donne pour la cause de cette con-
cession l'oppression excessive sous laquelle les faibles
gémissaient : Pro nimiâoppressione pauperum{i).
Ce même prince accordant une commune aux ha-
bitans de Compiègne en 1 153 , allègue pour motif les
excès auxquels le clergé de cette ville s'était porté,
oh enormitates clericorum (a).
Philippe Auguste , dans la charte de commune de
la ville de Sens, en 1 189, dit qu'il s'est déterminé à
accorder cette commune dans la vue de rétablir la
paix et l'union parmi les habitans; intuitu pietatis et
pacis in posterum conservandœ (3). Le même mo-
tif est exprimé en mêmes termes , dans la charte de
commune accordée en 1200 aux habitans de Neu-
ville-le-Roi en Beauvoisis (4), et dans celle qui fut
(i) Voyez p. 197 de ce vol.
(pL)IbitL p. 24^.
(3) Ibid. p. 262.
(4) Ibid, p. 278.
Digitized
by Google
(74)
pareilkmeni àctatAée âcnt haUtam de Creq>y eaVin
lois, en iâi5 (i). Le bien de la pm fut enooce le
motif qui fit accorder k dfoit de commune en I3i6,
à diyers lieu^ d^>ettdws de l'abbaye d'Amigny; ha^
beànt ôommuniam ffto pace cwuefvandd (pi).
Les méme^ considérations engagèarcsit les grands
vassaux de la couronne à établir des eonucnunes dois
les tilles où ils élerçsdem les droits de sonteraineté.
Les babitans de 1$ Rocbelle obtinrent du roi d^ Angle^
t^rré, Henri II, comme duc de Guigne, au nom
d'Eléonor, sa femme, les droits de commune, afin
qu'ils pussent jouir plus pleinement de leurs biens
et défendre mieux leurs possessions (3); ui sua prth
pria jura meliàs defenderé pùssùttj et ma^is inté-
gré cuHodire. Eleonor elle-même leur confirma ces
mêmes droits par les mêmes raisons (4), ^n 1 199.
Les comtes de Ponthieu accordèrent au commen-
cement du douzième siècle, une commun^ aux ba-
bitans d'Abbeville (5) et à ceux de Dourlens (6),
pour les mettre à T^abri àes dommages et des vexa-
tions qu'ils ne cessaient d'éprouver de la part des sei-
gneurs particuliers du paysj proptet injuHas et mo^
(i) Voyez p. 3q5 de ce voL
(a)Z^Mf. p. 3o8.
(3) Ibid. p. 320.
{i)Ièid. p. 319.
(5)T. 4deceRec,, p. 55.
(6) Voyez p. 3ii de ce voK
Digitized
by Google
(75)
lesdas à potentibus terrœ bw^ensibut fréquenter
illatas.
Aussi le premier artide des charte de ocmoeasion
de cmnmiine porte^t-il ardinairement : ijue les
boiu^eois se préteroni un secoors mutuel pour em-
pé^^T qfOLim ne leur fasse auonn tort, qu*on ne les
assujettisse à des tailles arbitraires; qubd aUer al-^
teri....é. auxUiabiturj et quhd milfatefuês patieniur
qubd alUjuis alicui aliqmd auferàtj vel ei taUiatam
fûdat, etCi (i).
Gel aTautage général que procurait le droit de eom"
mune en entraînait beaucoup d^autres, ou comme
siiites eu comme doyens. Un des principaux était la
fixation des redeyances féodales, afin <jue les seigneurs
n'eussent pli:» occasion d'abuser de celles qu'ils pou*
yaient exiger légitimement. Les vassaux étaient af-
firancbis de toute exaction injuste, sous quelque titre
que ce £(it, de taille, de prise, de prêt forcé, etc.; ab
omni iêdUatd injuste ^ captionej creditionej et ab
omni irtaticfriabilt ea:acticne (2). Ces franchises, ou
plutôt ces précautions contre les vexations les plus
odieuses étaient ce qui excitait le plus les clameurs et
les o{^Kisitions des seigneurs particuliers, surtout des
ecclésiastiques , qui semblaient ménager d'autant moins
(1) Voyez dans ce vollune les chartes de commune de
Gimpiègne, de Soissotis, de Vaiôly, de Crespy, etc., etc.
(2) Voyez dans ce volume les chartes de commune de
liante, de Chaumont, de Château-Neuf, etc., etc.
Digitized
by Google
(76)
leurs vassaux qu^ils leur étaient en quelque sorte plus
étrangers. Ecoutons à ce sujet Tabbé de Nogent , <{ue
nous avons souvent cité : a La commune ( i) , dit-il y
c( nom nouveau, nom funestei a pour but d'afiranchir
c( les censitaires de tout servage, au moyen d'une re-
cc devance annuelle ; n'imposant d'autre punition pour
« l'infraction de la loi, qu'une amende fixée, et déli^
(cvrée de toutes les autres exactions auxquelles les
c( ser& sont ordinairement assujettis. »
Un second avantage que procurait lé droit de com-
mune était d'avoir des lois fixes, et des magistrats
chargés de les faire observer. C'était le frein le plus
puissant contre les entreprises despotiques des sei-
gneurs. Nous en parlerons avec quelque détail, ainsi
que de divers autres avantages particuliers, lorsque
nous examinerons les clauses les plus ordinaires des
chartes de commune. Tous ces avantages étaient payés
chèrement; et l'intérêt que ceux qui accordaient les
communes avaient coutume d'en tirer, contribua sou-
vent plus à ces concessions que l'intérêt de ceux à
qui elles étaient accordées.
II. Nos rois tiraient de la concession des commu-
nes trois, sortes de secours : une somme plus ou moins
(i) Communia, nomm ac pessîmum mmen, sic se Jtahet, ut ca-
pite cend omnes soUtum servitutis debitum dominis semel inanno
sohanti et si quid contra jura deUquerirUy pensiùne legaK emen-
dent ; cœterœ censuum exactiones quœ servis injligi soient omni-
modis vacent (Guib., de Vitâ suâ, I. 3, c. 7, p. 5a3. )
Digitized
by Google
(77)
forte, qui leur était payée d'abord, et qui formait un
secours présent; des redevances pécuniaires annuel-
les qui grossissaient leurs revenus; un service mili-
taire qui augmenta considérablement la puissance,
long-temps faible , des premiers successeurs de Hugues
Capet.
I . Nous avons déjà vu que les habitans de Laon
avaient donné beaucoup d^ai^ent à Louis VI, pour en
obtenir le droit de commune (i), indépendamment
des grosses sommes qu'ils avaient payées au clei^é et
aux nobles, afin qu'ils leur fussent favorables; car ces
babitans malheureux prodiguaient l'argent pour se ra-
cheter en quelque sorte , en rassasiant l'avidité de leurs
oppresseurs (2), qui ne s'adoucissaient qu'à force de
dons. La commime d'Amiens fut aussi achetée du
roi, à prix d'argent : ^iii6<Vim^ rege Ulecto pecunUSj
fecere communiam (3). Les grands vassaux se fai-
saient payer de même les concessions des communes
(i) Compulsas et re% est largithne pleheiâ. (Goib., uhl suprà,
p. 5o4* ) Homines de Laudunesio*.... data régi Ludowco astima-
tione pecuniœ , communiam ordinaçerunt hahere. ( Chroii. de
Laon], citée par D. Molinet, sur la lettre Sg d'Etienne de
Toiimay,p. 54; et par d'Acherysnr Guibert, p. 660.)
(2) Hâc se redimendi popubis occasione susceptâ, maximos, tôt
açarorum hiatibus obstruendis, argenti aggeres obdidenmi; qui
tanto imbre fuso sereniores redditl, sefidem eis super isto negotio
savaturos sacram^tnJds prœstitis firmaçerunt ( cleri et proceres ).
( Guib., ubi suprà, p. 5o3« )
(3)Guib., p. 3i5.
Digitized
by Google
(78)
dans les parties de la France cju^ils occupaient. Enfia
les seigneurs particuliers vendaient aussi leur consen-
tement, lorsqu'on le croyait nécessaire ou même seu*
)ement utile. Ainsi les comtes de Ponthieu avaient
déjà vendu à deniers comptans le droit de commune
aux habitans d'Abbeville (i) et de Dourlens (2); les
habitans de Roye Pavaient acheté des comtes deYer-
mandois (3). Dans les premiers temps de rétablisse-^
ment des communes ^ tout ceux qui croyaient avoir
le droit, et qui sous des règnes mal affermis, avaient
souvent le pouvoir de s'y opposer, ne s'apaisaient qu'a-
vec de l'argent; nous en avons cité des exemples. Ce
n'était pas seulement pour obtenir le droit qu'il en
coûtait de grosses sommes aux habitans*, c'était aussi
pour le conserver. Les habitans de la ville de Laon
éuîentve^ius à bout, à force d'argent, d'être en pleine
possession de leur droit de conunune en 1 128; cinq
ans après, l'évêque tenta de les y troubler. Ce ne fiit
qu'en donnant à diverses reprises de nouvelles som-
mes au roi, qu'ils parvinrent enfin à s'y maintenii^(^).
Ceux de Dourlens n'obtinrent, dans des temps^beau-
(i) Càm.».. amies Willelmus Taiepos*,., burgemibus de Abba-
iis-oilla,»,. communiam çendidissei, (Ordopa., t. 4) F* ^^}
{a) Càm.,::, Giddo cornes Pontwi..,,*. burgensibus DullendU»»**»'
commumam çenâidisset* (P. 3ii de ce yol. )
(3) Cùm prima communia acgîsisita Jidt (Ibîd., p« anS. )
(4) Rex sponsioni pecuniœ harens , episcopum et suos non
auâwit (Chroniq. de Laon, dans tes notes de d'Achery sur
Gaibert, p. 660. )
Digitized
by Google
(79)
coup {4u6. récens , la çonfinnation de divers privilè-
ges, dcmt le droit de eommune fais^t partie, cp^en
payant cinq cents francs d'or à Charles Vj medianti-
bus quingertfis/rémcis auri, quQS nobis propter hoc
Uèeraliter deàerunù, et quos confitemur récépissé
in pecmùd numeratos {i).
2.Ces secours passagers 9 quoique considérables pour
ces filèclesi étalent moins importons que les redevan*
ces annuelles. Quelque faibles qu'elles nous parais*»
sent an^ourd'hui) elles deyinrenjL) dans certaines cir-
constances , teJAement à cbarge aux villes y que plusieurs
aimèrent mieux renoncer à leur commune, que de
continuel: à porter un fardeau qui leur paraissait si
pesant, comme nous le dirons p^ la suite.
JLes babitans -de Neuville -le -Roi en Beauvoisis,
s'étaient obligés en lâoo, pour obtenir leur droit de
commune, de payer au roi tous les ans, cent livres
parisis (a). Outre l'argent comptant que les habitans
de Laon avaient payé à l'évêque et aux nobles, pour
les faire consentir à la commune, ils s'obligèrent en-
vers le roi , dans les lettres mêmes de concession qu'ils
en obtinrent en 1128 (3), à une redevance annuelle
(i) Fofe& les lMve$ 4e Cbarles Y, en sept. i366vp. ^9 ^u
1 4 de ce Rec.
(a) Oi istàis eamnmUm co7^(ssiQnetn,Bwgens^,. ViUœ'noçœ
whe^noàis singulk annis cejifimUbras parisîenses. (lettres de
Philippe Auguste, p. 279 de ce vol., art. a6. )
(3) Trihvfi oidbus in onm sfyigulas procuraiiones , « in c&ête-
tem çenerimusf nobis prceparabunt : quàd si non çenerinms, pro
Digitized
by Google
(8o)
de trois droits de gîte chaque année, évalués à vingt
livres. La ville de Roye s^obligea , pour le droit de
commune, de payer au roi cent onze livres dix sous
parisis par an, comme nous Tapprenons par les let-
tres de suppression de cette même commune, en
1873 (1). Philippe Auguste n^accorda le droit de
commune à diverses villes du Laonnois, qu'aux con-
ditions qu'elles lui paieraient le double des redevan-
ces annuelles dont elles étaient chargées avant la
concession de ce nouveau droit (a). Il ne l'accorda
aux habitans de Grespy, en Valois , qu'en les obli-
geant à une rente annuelle fort considérable pour ce
siècle (3). Ceux de Vassy n'étaient obligés de lui
payer que cent sous par an (4). Par le vingt-troisième
article de la charte de commune de Sens, ce prince
déclare que, tant pour la concession de cette com-
eis çiginti libras nobis persoloent, ( P. 187 de ce voL^ art^ a2. )
(i) « Nous ayions cent onze liyres dix sons parisîs de
« rente sur ladite commime , dès sa fondation. » ( Lettres de
Charles Y , portant suppression de la commune de Roye, t. 5
de ceReCf p. 66a.)
(a) Sciendum quoniam 7iomines>.„ qmbus hanc commumam in-
dulgemus, nobis omnes redditus nostros denarîorum, tam in pia-
citis quàm in aliis rébus, annuatim dupUcahunt. ( P. a34 de ce
vo^., art. 3o. )
(3) Dicta çero communia. tenetur reddere bmlU^is nostris
apud Crispiacum, singulis arniis, trecentas et septuaginta libras.
(P. 307 de ce vol., art. 3i.)
ii) Sciendum est etiam quàd hac communia annuatim nobis
àabitcentum soiidos, ( P. a39 de ce vol., art. ao. )
Digitized
by Google
( 8i )
isune que pour quelques autres dr<Mts^ les bourgems
de Sens lui paieront par a^i aix-ceuts livres parisis,
outre de grosses redevances en gpdns (i). On trou-*
vera dans Bmssel les rentes dont quelques autres com-
mnaes étaient chaînées (s).
Quand le seigneiar de Poix accorda aux habitant
de sa viUe la permission de se former en conmiune^
il les char^ d'une rente de cent-quarante livres en-
vers lui; et pour obtenir la ratification de Philippe-
Auguste (3), il les obligea de payer à ce prince une
redevance annuelle de dix livres. Les comtes de Chant-
pagne et de Brie, lorsqu'ils permirent à la viUe de
Meaux d'établir une ccmunune, Fd^ligèrent, entre
autres redevances, à une rente annuelle de cent-qua-
rante livres (4)- Les seigpeurs particuliers , pour c(m-
sentir à rétablissement des communes dans leurs
mouvances, obtenaient aussi des redevances, non
comme droits imposés par eux , mais comme indem-
nités procurées par le souverain : ainsi , par la charte
de commune de Bruyère, la redevance annuelle de
(i) Ob Istùis autem communias concessionem, Jabunt nobis
ches commumœ Semnensis, armuaiim, sexcentas Hbras parisien-
sis monetœ, et sexties oiginti moàsos bladi, P. a63 de ce vol.,
art. 23. ( du t. 1 1 des Ordonn.)
(a) Vsage desjiefs, t. i, p. ^09-
(3) Voyez Ji^' 606 du t. 7 de ce Rec
{i) Pro permissione cwmumiœ reddent mihi. centum ^ua-
draginia Kbras annuatim. {Voyez les le'ures de concession dans
Bnissel, de VUsage desfi^s, t. i, p. i83 et suïv,, art. 33.)
I. 9« tiv. » * G
Digitized
by Google
(80
Yingt livres y dont lés hàbitana {arent changés» dèyiât
sé psrtàger t>âr tiers entre le roi, révéqœ ^ Laon et
im autre sdigneor (ï).
3. Mais un avantage bien pins grand, et qne le roi
seul tirait de cet établissement, fiit le service nûK^
ttire. Ôrderic Vital (îî), qui vécut dans le temps oà les
premières communes se fbrmèrent, et t{Ui en attribue
avec raison Torigine à Louis VI, stippose que Tobli-
gation de ce service ^t Tobjet unique des commn^
»e». Après le r^e àt Philippe I**, qui , si nous l'en
croyons, mourut accablé de vieillesse (3) et d'infir-
mités, Louis VI fut obligé d'implorer le secours è^
vtsm les évéques de France pour arrêter les mutine-
ries et les brigandages qui désolaient son royaume.
H Ce iut alors, dit-il, que ks communes lurent ëta-
«( blies par les évêques , afin que les prêtres accompa-
« gnassem le roi à la guerre, suivis de tous leurs pae
aroissiens rassemblés sous leurs bannières (4). >' Il
(i) Pro henefido pads hujus quœ instUuta est, ipsius pacis ho-
mitées oigiatî Ubras hoiUM moneiœ per sîngulas annas persoipere
pepigerunt, quas ita distribuerunt prasdecessores nostri, ut sîbi ip-
sis inde tetHam partem retinefent, etc. ( P. 947 de ce roiotne,
art riaO
(a) Dmè la Collection des Histoires de Nonn^die , par
Du Chesne.
(3) Quia senio et infirmitaie rex Philippus à rêgalifastigio de-
dderat. (Order. Vital., p. 836.) On sait cependant que PU-
Uppe l*' mourat dans la cinquante-septième année de son
^' ^
(4) Tune ccmmwùtas in Frandâ popuiaris statuta est à prœ^
Digitized
by Google
est aisé de )Uger par ce réét, qu'Orderic ne voyait que
him. eonfiisénient, du fond de 8on clotire, ce qui se
passait au dehors. Loin que Louis TI se soit adresse
aux évêques pour instituer les communes, les ëvé-
^les s^y oppc6èrent presque toujours. Nous ayons vu
^e celui de Lami se fit tuer plutôt que de souffrir
une commune dans sa rille» L^ardievéqUe de Reims
ne cessa <k dëdbmer coratre les communes en toute
occasion, surtout à la oour du roi^ il prêcha même
pubUquement contre cet ëtahlissement, odieux au
clergé {}). On peut voir dans les lettres d^Yves de
Chartres, de Jean de iSalid;»xry, d'Etienne de Tour*
nai, Je» dëcIamatioDS des ecdësiastiques contre les
premiers ëtahlissemens des communes. Orderic ne se
trompb pas moins, &i nous présentant le service mi*
litaire des communes comme le seul fruit et le hut
unique de leur étahlisaemem. !rrinsistx>ns donc point
mr le tâoioignage d*un écrivain de si peu de poids en
eette matière, et cherchons dans les titres mêmes des
communes, les preuves du service miUtaire qu'elles
devaient au rm.
Toutes j étaient assujetties. Philippe Auguste, dans
ses lettrea qui accordèrent en 121 5 la commune de
suEbus, vtpreshyten comitarentur régi ad ohsidioneih çel pugnam,
aon çexiilis et parochiams omnibus. (Order. y ital., vbi suprà^ )
(i) VemtrmbUis tt êapiem arduepke^pus,... inUr missas sermo-
mm héÊbM^d£€3DecmàiMbm camnmmis UHs, tic.,, de fu4 te eUam
mÊÊkodens in reg^ mnâ, sœpiàs aUàs m diverm œtwehiibm dis-
pattmt ( (^ihB., p. 509. )
Digitized
by Google
(^4)
u^elle sera obligëe envers lui
oume les autres communes r
:ercUus et eqtdiaUones sicut
KO;
s qui n'avaient point de eom-
ie suivre leur seigneur à la
selon le devoir de son fief ,
LX aux ordres du roi. Quand
>tenu une commune, ils de-
nmédiat^nent au roi le ser-
vice militaire; et le seigneur était alors dispensé de
fournir le nombre d'honnnes qu'il était auparavant
obligé de faire marcher. Ainsi , lorsque l'abbé de Saint-
Jean de Laon consentit au droit de conunune pour
lieux dépendans de son abbaye, Philippe
ratifiant ce droit par ses lettres de 1 1 96 ,
le cette abbaye serait dorénavant dispensée
militaire, auquel elle était obligée à raison
de sa dépendance, où la commune devait
e , parce que ces lieux devraient désormais
ce service au roi comme les autres communes (2)*
L'obligation du service militaire de la part des vil-
les de commune, n'était pas la même pour toutes.
Lorsqu'il y avait à cet égard quelque dérogation par-
■ ■ ■ ■ ■. "»»- '' ■ i.i»i. . «
(i)P. 3o8 de ce vol., art. 3a.
(2 / de e^iattone prC^foUan eccksiam, quaniàm
ad h is, relaxamus et dèsohùmis; eo quàd prcefaiot
(fuat îtum et eguiiationem nobis tkàent, skut aBm
communiœ nostrœ, (P. 217 de ce vol. )
Digitized
by Google
ùcoKàre à Tasage ordiiiaîre) let chartes de oommune
ayaient soin d*en faite iMiitioo. La commune de
Saut-Quemin éuâl obligée- au service, d*o^ et de ehe-
SHtuchée^ toale^ les feis qu'il plaisait au roi (i); mais
oeilede Btay tie mardbait qoe 4^uis le cas d'une con^^
Yoeadtion pour une guerre générale, et <m ne pouvait
la mener aurdelà de certaines linûte» asses. resserrées^
à meus que ce né fàt aux dépens du rç (3). Phi-
lippe Augusifr dûpmse les hiedntnis :de Ghailnumt^
psat leur dbarte decomnwine en ii&i, de marcher en
armes au^elà de la Seine ou de lîOise (3). Six ans vpcèsy'
û octroya un privilège semblable à la commune de
Pontoise (4). La ville de Tburnai, par les lettres de
commune qu'il lui accorda, était obligée de fournir au
roi trois cents lK»n»es depi^ bi^ armés, toutes les
fois qu'il ferait marfeheir ses't^ommFunes; et dans le cas
où le roi s'avancerait avec son armée jusqu'à Arras ,
ou à paveiDe distança ideToomai, toute la commune
(i) Quotitscumque communiam sulmonatnmus , commuma in
êXerdûis et equUatlones noktrasoerdèt (Charte de commune dé
Sïînt-Quetrtîn, p. iyS, art 3i.)- ' ^
(a) Ntàpte in eûbereèSiak'lèêque ih ëtfwtationemnosfrémi Hunt,'
f^fiftènossubmmitioaem m$trfimfacerarm, nomine beUi^ 9et
p&pt^ €hristianUatfm ; et tufiC'^ eifam fion trm^sù^nt metas consU-r
tvtas, Rmos et Katalamàpn ex ma parte^ Tamaatm ex aliâ et
Parisios.^., Si autem iîlos ultra metas illas, ad denarios nostros
ducere çellemus, ipsi vernre tenerentur. ( Page 297 de ce volume
art. 38. )
(3) Page ia6 au ce vol., art. i3.
(4) Page 255 de ce vol., art. i3.
Digitized
by Google
(86)
de Tournai derak Ttmr le joindie, à moins que Ia
Qcmimunioalioii ne &A:ooiajpêe (i).
Ne pouMons pas phisJoin ces dëtûls. Us suflisent
pour montra ^pals ibiait les ymciping avtntagc»
qui ponèrem les pei^les à soBtoiter rëiablisi«iieart
des oammiuic$yetle8»Kbàracocvder.Oixtmles waii^
tages généraux, ou verra» dans FarticlesiûvaD^ quel-*
ques privil^s partioulieis ju^oerdéi aux o^mmimes^
et quelques droits acquis suc elles aux simvwrains par
les lettres de leur ëtaUissenwnt, demi il est tM(i|iSt
d'examiner les fqxmts.^
ÏV.
Quei dwait être te Utre fonim^nuU du dfok
de cQmmuf^?
Qudquefi>is la CQmnmnè était aoeoidée long^mpa
avant d'être rédigée par écrit. Les habitans d'Ab-
beville n'avaiem point de lettres de commune avant
II 84» Ils n'çn obtinrent que cette année de Jçajptj^
comte de Ponthieu, quoiqu'ils eussent :^^qbeté Ç0
droit, il y avait envk'Q» ciuquaw^ ans, 4e Guil-
laume, grand <-pèi^ d^ Jean (â). Jusqu'à l'exp^^^
tion de ces lettres, la commune était en quelque
sorte plutôt tolérée qu'accordée. Cet état de plê-^
-— — ■* * ' i' I ' ■■■ I j» H I I I II ■ t t I I Itfl I I ,1
(i) Page 25i de ce vol., art. 34 et 35.
(2) Cùm sitper iîlâ penditiom ifurgenses scripàsm autheHtkitm non
haherent (T. 4 de ce Ree.» p« 56.)
Digitized
by Google
(«7)
de caP4?es»Qn jNK^ppwimiL dite, dw« jiliHieu» cbsiv
\m relatives wx cammutie^ Âm^i > diuE^le» leure» ^
avfprîwwt. U <«)iimime 4e Roye (i)| U eM dit ^pie
k» fabitanfl damemetoipit comne U$ étakot a¥«m U
cpéatiou ou Cû2miMtf de la coosumme. La owunwie
a'éUH donc regardée cooMoe ayant reçu toute» aea
iforiMa^ que lerBcju'il y eu arait «a thre autlieatûpi^
Quel <kyaîl èbne m ûtre? q'ett ce i^ne noua aUoI»
diboitèi:;^ et, pour le &îre :a[ree quekjuç méthode,
nous e¥aiyiiiMntms,t i^ en quoi conabtffit ««entielle*-
mem Tacte foBdamental de la commune; 3^ quellea
jMsnKxuM^ devaiem y intorvaidr ; 3"" quddk autorité
devait le oonfinuer; If eufiu, ce qm pouvait an|qilâBr
à ce titre, lorsquUl n'était pas possible de le repré-
senter.
I. L'acte fi»damemal de la commune était' la
confédération des habitans unis ensemHe par ser-
ment, pour se défendre contre les vexations des sei-
gneurs qui les. opprimaient Nous ne répéterons, point
^ que nous avow déjà, dit à ce sujet; nous çjjseryr-
ron* se^leme^xt que cette coufédération ^:ffm\ pi^Qr
fteme^t qu'une révolte, t«Qt qu'dile n'était pas ainor
risée. C'était ce qui iâdsMt nommer' ptt^ Yves dé
Chartres (i), ccîlé de Bèauvais, avant que Louis/ VI
l'eôit confînn^e , turbulentà confuratio. Le même
mot cônjUratio est employé par Guibert, en parlant
(1) Foje* t. S des Ord., p. 66a.
{2)Efdst 77, p. i54.
Digitized
by Google
(88)
êé la coâilmUie d'Amiens, contre laquelle ie comte
Ingelran réclamait (i).*Àùreéte, quoique cette e]»:-
IMssion emportât quelqnefiiid une idée odieuse,
é&t n^ëtait cependant sourent appliquée aux commiib-
nes qu^à cause du serment qui eu unissait les mem-
bres, af^lés furés par oeite même raison (a). La
«(Hnmune de Trêves est appelée con/uratiù dans une
<k^ne de Frédéric l^^ (3), en i i6i« La ocmammé de
Roye est nommée jur^e dans les lettres de Char^
les y (4), qm la suppirîment en IStS. Les aapeilihlëes
^é la commune ont été nommées conjure, eonfure^
ment (5).
3. Examin<ms les £»mes de cet acte fondamental,
et d'aibord, quelles étaient les personnes qm devaieilc
; - (i) Videm hgekamm cames, ex e$njumiiome hurgendum^
siU jum QetHsta recedi, ( Gnib», p. 5i5. )
(a) C'est en ce sens que le mot juré est employé dans les
chartes de commime d'AbbevilLe, t 4? P* 5^« d'Amiens ,
p. 264., du présent volume; de Dourlens, ièid., p. 3n, etc.
TLinsi an Gange a eu raison de dire ( Glbss, lat, lom. 3^,
toi. i633)^ : Jurati plemmque ékunlur qtdMet oppidàni qm
ùete^ à rege pei domino eommunim jutiius ne pH^ikgUtf rm^
tifom s9>{Ji4em jmuInmL Nous remarierons cependapt que
ce mot a été du moins aussi souvient employé pour désigpier
les magbtrats municipaux que pour désigneras bourgeois*.
(3) Voyez la charte dans Brower. ( Annal. Treoir,, édit i^
1. i4, p. 801. )
(4.) Tome 5 de ce Rec, p. 662.
(5) Carpent. n. supp. au Gloss. de du Cs^e, au mot
Conjuratio.
Digitized
by Google
(«»)
Le seigneur particulier accédait plus nécessaire-
ment encore à la formation de la commune établie
dans soQ fief ^ et ^devait aussi la garantir pat serment.
[ Nous ayons vu que pour obtenir son consentement,
(i) Page 197 die ce vol.
(2)Giiib., p.5d3.
(3) Omnes cierkl omnèsque milites firmiter juraçenïht
(Page 2a8 de ce roi:)
Digitized
by Google
es séaam»» Uifêr
met ywώ d^aboni
ille (i). La nosm
attira celle qnekt
meé ëe fonner/ik
Em fik : Thomam,
m, ad comnumii
smtmfh
ieiks à t^ssanstm
fieignsi^ £Ù0ai«i(
^^y eus., ^«to. Lofr
lerpoKpt d'ébserw
dcttwaiexit àm^
tau de Saint-^Ri*
dàgnè ittt jurées
te, au Bcu(ii du roi
% à^xoL autres wr
c autres ae^peu^
pt<dè la vaie (4)-
>(i) Oblata repeiàk sedaçit ami afTgaitàfuê cQUgarim^- Jmmà
iUfque eamnmnÎQm iOfu^ sej^ fen^ffutrii ( Çt1*^> Ft ^<>4* )
(a) Ibid,, p. 5i5.
(3) Burgenses fide et sacramento se eocequi promiserunt, etînàe
nobis obsides donwerunU ( Page i84 4^ ce VjOl. ) .- -
(4)//i paîatio Compendii, ex pracepto nQ^M, Qt^dlpi Sitti^ula"
rius, Triais, i}aseranm, Jtmib^^^de Inmlâ; «< ^km4fi€$> pra-
cepto regînœ, Ludoçicus de Clioisiaco, PtfgaHus^dc BesUsi 4^'^%
Digitized
by Google
C90
Digitized by VjOOQ IC
( 9^:})
ordrabia.
>itan$:^
^mmune
LSftôn èm
co«Hr du-
a de Pë-
liiq[àéli-
iiem de«
ktjtillon-
si cette:
5nm de:
>diîc^
Brussèl a cru ^ qUô le poi 5exfetçàt^ qUet^efoi» ip
(i) y^/mo//M ^ontf/ï., 1. 5, c. 56, p. Syg.— Labbe, BièL MS.,
t. I, p. 379.
' (2)Labbe, BihlMS., t i^ ^ B^UêpUc. AutUs(ùd.^4::>'^ ^^
p. 466. — (5ttl/. a«^., t. d,*^dî4i i.~I^ebeuf, Hist. d*Jk^
xerre, t. 2, p. 109. ; , •> - .
(3)Brnssel, Umge des fiefs, t, i , p. fcret 'i 32f. '
(4) B/W., p. 188, Yiotes. r :
Digitized
by Google
<&3)
(3) Voye^ Und, Commune de Soissons, art. 1,2,10 et 20.
Digitized by VjOOQ IC
(94)
le de Lomift YI il y eut
eommime de SMso&â^
rt de ce <{ii*eUe violait
s de son dioeè^ : IM
Bommune^ et confirmés
) de Look YI, où oe
qui a acoordë la com-
but dcmc pas s*^umner
rvient en auotme façon
lime de cette ville. Cetf
t de ce que rapporte Re^
iistoire de Soissons (3),
sbarte de ccifiiiùuiie âe-
se trouve répété dam
^s de la eoutonne (4)*
Ai sur aucune autorité
le quelcpies ooucessions
ssons à divers liewf àû
Soissounaia^ mais ce sont aeuleâieiit des franchises et
■ Il ■iniiiiMii iii.iimii ■«!«■ iiiniiiar < ■ r» w Tian'in mir * t n i t f **
(i) Elles ont été publiées par D. Martène (Ampliss. ColL,
1. 1, p. 74-^ )• Brnssel les a insérées dans son TraM âe l^usage
àesfiêfi (p. 179, notes).
munt jçamm
dimh is avoir
expo \DeKs
omnii nos dé-
posai
(3) Page 98.
(4) Tome d, p. 498.
Digitized
by Google
i9S)
iittnrcmités qui ne sont mètne aéônrdëM <|tt*avéc la ^
oonfirnialioti dé Yétêcpe y pat scft cùfiSÉtttêfnêni et
M n)oUmtéj en teccmnais^ant tenit dt lui lesdils lieux
3. Si le seignettf iminédiftt M prifioi|)al défait ton-
trilnier à rétablissetnem de k commune, et hii don^
ner en quelque sorte une première forme, le roi de-
ywx Pamoriser par une ^^oneeasion spéciale. Ainsi nous
avons vu que les ëvéques de Noyon «t d'Amiens,
comme seigneurs de ces villes, «vàient en quelque
sorte pvésidé à la formation de leur^ cmnmuues, et en
avaient ensuite obtenu du roi k ccmcession. Dans les
lettres du 32 avril 1423 (2), on reoemnaît que de
tout temps les évéques de Beauvtds ëtaiant les seuls
seigftettfs spirituels et temporels des ville et comte de
Beauvais, dont te gouvernement ^néral appartenait
à eux seuls, sauf la souveraineté du roi. Cependant
nous avons les lettres de confirmation de la ccHAmune
de Beauvais par Loms YII et ses successeurs : elles
rappellent la concession originaire émanée de Louis YI;
cUcs contiennent d*aillem^ pour dernier article , une
(i)P^ 4ia ic ce vol. ,
(a) Page 160 àt ce vol. « Comme (l'évéque et comte de
«fieaayais) à cause de ses dits éyéché et comtés soit sei-
« gneor temporel et spirituel de la dite ville et comté de
«Beauvais, et y ait toute juridiction, justice et seigneurie....
0 et à lui appartient le générai gouvernement d^icelle ville
«et cité, réservé notre souveraineté, etc. >»
Digitized
by Google
<96)
clause qui fait seatir de quelle nécessité était la con-
firmation du roi. L'article dit que si quelqu'un vou-
lait contester Tautorité de cette conu^une, oa était
dispensé de lui répondre, parce que le roi Tarait ga-
rantie et confirmée : qilteuinque contra illam loqui
vohierit, quoniam illam confirmwimus et secura-
vimusj nequaquam iUi respondebitur (i).
Gautier Tyrel, sixième du nom^ seigneur de Poix ,
confirma en 1007 la comipune des bourgeois de Poix,
accordée par son père; et par ces mêmes lettres, il
déclara que, sur sa demande, le roi l'avait agréée et
prise sous sa protection. En i353, Jean Tjrel, des-
tier, reiH)uvela les lettres de la com-
dont l'original avait péri sous les tui-
détruite par les Anglais. Il fait men-
duvelles let^es, de la concession de
née non seulement des seigneurs de
[^esseurs, mais des rois de France :
perjkndatixme, instUiUione et dùtd"
œ dicùB *t}illœ'^ tam eisdem et suis
:oncessd et donatd ab UlustrUsiam
ibus FrancicBj guàm à nostris prœ-
decessoribus et progenitoribus domSms dictœ i/iUœ
Digitized by LjOOQ IC
( 97 )
€i de nostris auetofpxite nfegid et speciali gratid cort'-
Les grands vassaux eux-mêmes obtenaient quelque--
fois d€ a roi , pour les communes
qu^ik i leurs Etats; au moins pou-
vons-n s:emple$ que nous allons ci-
ter. Lf II, comte de Pondiieu, eut
£ât qi] is à un des articles de la
ooilmaïune'^de Dourlens, les maire et ëchevins en ob-
tinrent, ei;& lasi, la ooiifirmation de Philippe Au*«
gosie (2); et cse prince, en les confirmant, ajoute de
sa propre autorité , que les bourgeois ne pourront re-'
ceyoir ni retenir aucun de 9es vassaux dans leur com- '
innne sans sa permission (3). Ce j^ fut cependant
qa^en I2;>5, que Dourlens ftit cédé au roi de France,
par Marie ^ comtesse de Ponthieu, fille et héritière de
Guillaume (4). Le duc de Bourgogne obtint ert 1 1 83 ,
de Philippe Auguste, la garantie de la commune de
Dijon , qu%l venait d'établir (5) ; des lettres semblables
(i)i^à?., p.607. ^
(2) Voyelles Aex\s^s de confirmation dans le "présent vo-
I. g« uv.
Digitized
by Google
(9«)
forent de nouveau demandées à Philippe par le duc
de Bourgogne, en 1 187; et le terme exprès de confir-
mation j qui n'avait pas été employé dans les premiè-
res, ftit inséré dans celles-ci (i).
Nous né voudrions cependant pas conclure de ces
esempIiBs, que les grands vassaux, qui dans lews do-
maines exerçaient tous les droits de la souveraineté ,
ne fussent pas en droit d^y établir des communes, dé
leur seule autorité. Nous pensons au contraire quMls
regardaient les lettres du roi pltitôt comtné une ga-
rantie que conune une confirmation d^entiellé. Mais
les rois p^étéAdaient avoir seiils le pouvoir d^autorl*^
ser véritablement les commîmes, dans toutes les par-
ties du royaume soumises h leur domination immé-
diate; c'est en ce sens qu'il ftut entendre ce que
Beaunianoir écrivait en 1284) ^<xii royaume as
France nul ne pouvait faire mUe de commune j si-
non le roij ou avec le consentement du roi (2); et
ce que rapporte Thistorien des évéques d* Auxerre , au
sujet de l'opposition que Vun de ces évêques^'forma à
l'établissement d'une commune dans Auxerre , sous
le règne de Louis VII. Ce prince, dit l'historien,, sut
2m de-
:cRe-
Digitized
by Google
(99)
ftfl iB£HiTais grc à réyéque, comme s'il eût voulu lui
enlever la ville d*Auxerre; eau*, ajoute-t-il, le roi re-
gardât. toutes les villes de commune comme sien^
nés (i),"c'estï%^ire comme faisant partie de ses Etats
dcmûhiaux. C'est encore selon le même sens qu'il fut
pigé ea 131:89 par un arrêt du Parlement, que la
Goinmtàte^^ dë'^ChelIes serait suf^rimëe, parce qu'une
ville ée pouvait avoir de commune sans lettres du
roi (2)4 jle même enfin Charles V, n'étant alors que
régent^ d^ait dans ses lettres du mois de novembre
i358 , qu'à lui seul en cette qualité de régent, et so-
^lidair^Qiem avec le roi son père , appartenait le droit
d'âafclîr de$ coiiiéiunes : càm ad dictum dominum
^^^W^ 0 ^^s fe solpium^ pertineat creare et
constSuere comulaUêS et œmmunUates (3).
4. C^ïime tout df oit de commune devait être fondé
sur une coneession spéciale, lo^^e ce droit était
dk^esté, qn ne^'Jxmvait le just^er que par la repré-
sea^^ du titi^e original, ou. de quelque autre litre
qiâ le si^léât.Nolls venons de dîreque la commune
de^Chelles fut déclarée supprimée par un arrêt du
Pfilement^ ei^i3i8, parce qu'elle ne put représenter
oe' lettres daroi qui l'eussent accordée. Les habitans
4 (i) S^eputabat doitaiès ùpnes suas esse in qtdbus communia
'Jj^(a]^ etjuratoset commit"
iuifrày t. 3 , m Parlam. oc-
Digitized
by Google
( lOO )
Kl ia83^ d'usiu^r les droilb
lisaient-ils, sur I9 possession
^age des bonnes villes* d'Aii*
in devait être' maintenu dans
(juoiqu'on n'eût point de ti-
j'ëglise collégiale de Brioude
îs haLitans n'ayant pu établir
i (2), Philippe III, par ses
5 1282, les débouta de leurs
>a dans le tome septième de
rincipales de cette affaire,
pas aux villes, lorsqu'ellegj
stater le <lroit de commune^
Digitized
by Google
( 'oi )
Ordinairement les babitans n
r^il cas, quelques copies de 1
auxquelles ils demandaient qu'o
cité suffisante , pour suppléer Toi
très de la ville de Poix furent br
dans Tincendie qui la réduisit e
légua point, en 1 353 , une possession de plus dW siè-
cle et demi, pour justifier son droit de commune (r).
Elle soutint que ce droit lui avait été concédé par
des lettres dont il lui restait des copies; elle prouva,
•par Je témoignage de ses magistrats et de ses bour-
. geois, que ces copies méritaient qu'on y ajoutât foi ,
et demanda qu'on expédiât des lettres qui y fussent
conformes.
Cette nécessité de représenter le titre de conces^
fion du droit de commune , ou un titre équivalent,
démontre ce que nous avons avancé, en déterminant
la notion de ce que nous nonunons commune; que la
commune n'est point l'ancien droit dont jouissaient
de temps inunémorial les principales villes des Gau-
les, mais un privilège spécial, un droit introduit con-
(i) In cujus QÎUœ eçersione, ndnà hosUK et incendio^.. omise'
ruad,*»,, carias, Ktteras, acta, instrumenta et nmmmenta, guas
d, (jm penès se habehant, de et super fundatione, instituHone et
àotaUone communiœ dicUe çilice.... prout pbtres ipsorum habitan-
tàan et Burgensium, et prœcipuè major et phares scabîm retuie-
Tuat honâjide;.,.* et înier cetera, quasdam copias, ^iiia5«.*.«
originalium veras essê copias afferabant , nobis ecoibisemnt, etc.
(T. 7 de ce Rec, p. fto2. )
Digitized
by Google
[ 103 )
et qui par cela seul a besoin
«se.
18 que prenaient les villes de
ires de leur commune ^ lors-
par quelque accident, et sans
iées par aucune contestation,
nunune des villes du G*otûi et
1 1209, ayant été brûlées par
Taoût i346, les habitans sup-
lire chercher rentegistrement
dans les registres du comté de Ponthieu, et de leur
en faire donner une expédition^ pour tenir lieu de.
Toriginal (i) ; ce qui leur fut accordé par des lettres
de Philippe VI, du mois de décembre de la même
année. De là encore l'attention d'obtenir de règne en
règne des confirmations nouvelles; notre Recueil en
fournit tant d'exemples , qu'il serait superflu d'en ci-
~ ^ là enfin ^ les soins qu'on prenait pour
n de ces titres. Un des articles de la
unuoe de Beauvais défendait que , sous
Le, cette charte ftil transportée hors des
lie (2).
On ne doit pas être étonné que ces chartes fussent
si précieuses aux villes qui les obtenaient; elles con-
tenaient la partie la plus essentielle de leur droit pu-
(i) Voyez t. 5 de ce Rec., p. 180.
(piyQuàd prœsens charta, propter nuttam causam, extra dd-
iatem portahitur. (Art. 21 de la charte^e commune de Beau-
veais, t. 7 de ce Rec, p. G2S. )
Digitized
by Google
( »o3)
blic et privé, leur juridiction municipe
chises et pririlëges, leurs droits utile
([«es 9 comme nous Talions voir en ]
danses principales qu'elles renfermaiei
nairement»
V.
Quel était r objet des principales clauses des
chartes de commune-
Dans ces chartes on aperçoit deux parties al)solu-
ment distinctes : i° Pacte ou l'obligation de la confé-
dération et du serment; 2* la rédaction des coutu-
mes, c'est-à-dire des lois municipales anciennes ou
nouvelles, confirmées ou adoptées. La première par-
tie, qui caractérise essentiellement la commune, est
ordjbiairement à la tête de la charte, et renfermée en
un ou deux articles : tout le reste contient ce que Ton
nomune les communes. Cette division , toujours sensi-
ble, est spécialement indiquée dans les lettres de con-
firmation de la commune de Soissons, par Philippe
Auguste; elles distinguent l'acte de commune et la
rédaction des coutumes : chartam super communia
et communiœ consuetùdines (i). Les lettres de
commune de la ville de Poix, après avoir, dans les
deux premiers articles, donné acte de la confédéra-
tion et du serment, passent ensuite à la rédaction
des coutumes , et emploient cette transition re-
(i) Page 219 de ce vol.
Digitized
by Google
( M)
es
es
lit
se
e-
es
la
le
»_
j^
it
DL
a
5-
e
t
1
i
W^age Jn de ce voL
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
• ^^^^ ( ^07 )- _
bilans â^ûne viUl de commtme n^ëtaient ablié»^ de
le prêtée, ni tous ceux qui le prêtaient n'étaient pour
cda membx^es de la commune. Expliquons ceci par
des exemples qui enTeront en même temps la preuve.
On fixait d'ordinipre , par la charte de commune, ^
ks blutes du témtojûre, qu'on nommait la banlieue.
On d^gnàit ensuite ceux qui, dans Tëtendue de ce
tcrritoîçe^iieTaiént jurei*la commune, et ceux qui en
étaiétftls^^^^. Tous les habitans de Soissons, sam
exéfeplion, soit dans la ville, soit dans les faubourgs,
quel que ftlt té^fief sur lequel ils avaient leur dcmii-
dle^ dôva^jl jurer la commune :
infra mumm ckniatis et extra in
ranées, in àttfttsctmujue terrd
Mais à'CoBi^iègne il y avait des e
bitaîÀ'db territoire de la commun
dés murs, soit au-dehors^ devaien
méfait ceux qui se trouveraient co
croissemens futurs de la ville , à là
des vassaux dHia fief désigné : i
Droconis de Petra-fonte ^ et hominibus suis capt-
taUbus{^).
Nous avons dit de plus que tous ceux qui faisaient
le serment ne devenaient pas pour cela membres de-
la commune. Ce p'était proprement qu'aux bourgeois,
et en leur faveur, que la commune était accordée.
En effet, il ne faut jamais perdre de vue que le
— r-^ ;; ' .'-' y ,-^
(1) Page 220 die ce vol,' art if, ' J-
(2) Page 241 de ce vol. - /%
Digitized
by Google
Digitized by V^OOQIC
Digitized by VjOOQ IC
( "o )
PcnOus extra camnmni(»m
et ijubd nullus principum
assensu régis et npsUro
Richarii) in commHf^am
lela signifie -t -il ^ulaiiient
aient entrer 3uir lt| territoire
ésiastiques ne pouvaâbat en
parfaitement membres de la
tur naissance leur donnaient
avec les charges et les obli-
commune imposaient;, et ces
soin de le^ réserver ex|)ras-
tle sentent de se cmiforin^
établissait : omnes clericij
)\, omnesque nUliteSj salçd
fiiklitatè nùstrd et jure sUOjfimUter futmerunt (a).*
Mais insensiblement ces détails nous conduisent a
Texameri de la seconde partie des chartes de coiaou-
mune, c'est-à-dire aux règlemens' particuliers qui y
sont compris sous la dénomination de coi^^me.^^
a. Nous avons^ observé ci ^dessus qu'on désignait
sous cette dénomination, non seulement les lois mu-
nicipales qu^un long usage avait fait nommer ainsi ,
mais celles que la conunune adoptait en se, formant,
* (i)Pagc i84 de ce voh
(2) Voy^ la commune de Roye, p. 228; celle de Sàinl-
Qtieniin, p. 270, etc. %.
Digitized
by Google
( UI )
et Iteqaellés IHisage h venir
nom. Les coutumes ancienn<
conservées que dans la mém
' éternelle d^al>us, parce qae V
nit à la fois rdceaskm et le moyen de les violer. Les
chartes <fe commune fixèrent cette incertitude, en ré^
digeant par écfrit les coutumes des villes (.rie); mais quel»
quefeis on y stipulait qu'outre les articles qui y étaient
expressément rédigés (i), on continuerait d'observer
ceax que le témoignage des magistrats de la com-*
m^uney ou une information juridique attesterait avoir
été en tiÉige. Ainsi les citoyens , par un excès d'atta-
cheil^eât pour leurs coutumes anciennes, et dans la
<yy[me cPy porter la phis légère atteinte, perdaient
ime partie dli fruit qu'ils devaient tirer de la fixation
de leur dr<Sl coutumier.
An cémmencement de la troisième race de nos
rois, chaque district avait ses coutumes. Nous n'entre-
rons pokit dans l'examen de. ce qui les avait ainsi
mtlllîjdiées^ il faudrait remonter aux mélanges des
diverses natiolts qui s'établirent dans les Gaules, vers
le temps de la formation de notre monarchie. Ges mé*
. langes confondant les lois comme les peuplés qu'elles
r^^sssûéht, fonnèrent insensiblement mille C(mibi-
(tX J^^^ co]aimmie d'Athyes, art. a8, p. 3oi de ce vol.
OïïiAts imuper' légitimas et rationahiîes cansuetudùêes tfuas ipti
軧enses..^, kactenus iermerunt, eis concedimus..*. per iegitimofn
recorîiàiionem majoris et juratorum»{\ oyez aussi commune de
T<iarûay, ibùi,, p. 25 1', art 33. )
Digitized by VjOOQ IC
es; et le nbsdbre' s^éa acfSnit
jolies que les^ circoiïstancès^
ÎUps de troublés , t>u la plu-"
in maître particulier qui^'éii-
ite reèohnaisàLientpoiiït dè^
les rappeler à lin droit cdhs- '^
jfiffér^ntes étaient déjà t&n-
les villes anciennes, lor^iju# \
|£lirent^ les rédigèrent et y '^
articles, hek villes de *aâda-^
iprf conséquent ne ^outai^t *
s'y adoptèrent celles âfes villes^
feint à la ville priB^ipËé^ou
^situées ; de là xSfttte clauisè sî^^
Jjps de commoiié, sefidà lé
disposithrij selon le modèle des coutumes de'tèÙe^
ou de telle "ville (i). ^ *^^
Nous distinguons dans lés coutumes, telles qu'elles!^
sont rédigées dans les cliartes de cônmiùne, cinq ob- **
jets principaux : les lois concernant les^ontrats civiW
et la punition des crimes, la juridiction mimicipaJe,*
les franchises et privilèges, les reserves, enfin les f
charges. Il ne fiiut pas Vàttendjfe à^'irôuver fees cinq
(i) Ad piùicta commumœ Pèronoh, (Commune d'Athyés,- ' '
p. 2g8.^ Ad punc^m^ et ad modumlVernoliL\CoïAm'&Xïé àe^
!N6nancouct, p. 289*) Ad punctâ et consv^tadines comri^àda*
Rûthomage^sîs. (^Commjime^àe jNiort, p. 287.) Ad piàicttmf
commumœ Bruerensis.xGomtanne deGf^spy, p. a'SS, etc., etc.,
Digitized
by Google
(ii3)
cinq articles riangë» avec inéthode dans les chartes
mêmes. Il semble quellfoefois que le rang dès articlos
soit réglépar leur importance; mais cette impcMtance, «
toujours relatire, Vâi^ autsmt que les causes et les
circonstftnces de la ccaqicessicm des lettres de com-*
amte : le plus souvent ils sont places au hasard ; de
kle désordre, la coniusion , les redites qui se trou-
vent dans ces lettres, et que nous tâchons d'éviter
dans le compte que nous en rendons.
1 . Tïous ne lîous étendrons point sur les règlemens .
civils et c|p9Ùpels renfermés dans ce qu'on nomme
leB^coiOumes rfej communes^ Nous observerons seu-
lement^ avec les savais auteurs de la Bibliothèque^
des coutumes {i) y que ce sont les véritables source^ *
ée nptre àtxkt privé j que c'est là qu'on trouve les
premi^s.jiTaQes de no| coutumes générales ou parti-
culières; que dans ce qu'on appelle la France coutu^
mière^ ces anciens. r^lemens ne peuvent servir qu'à
llustpire pu. quelquefois à l'éclaircissement des cou-
tumes qui sont aujourd'hui en vigueur; mais que
dans les pays de droit écrij, ce sont des lois muni^
ei^es auxquelles il faut se conformer, lorsqu'elles ne
smn point abolies par d'autres lois ou par des usages
contraires.
Plus les chartes de commune sont anciennes, plus
les lois qu'elles contiennent se rapprochent des pre-
mières lois des Francs. Parmi les traces d'ignorance,
(i) Berroycr^et Laurière ; Bihl. des coût, Conjectures $ur
l'origine du droit frakiçais , p. 35. ^ ^ w :,
I. 9« Liv. 8
Digitized
by Google
(ïi4)
de superstition , de férocité même , pn y découvre
ejicore des restes de cette écjuité sim^^le let franche,
.et de cette honnêteté . de mœurs, qui ont prescpe
toujours distingué les peuples que nous appelons 6ar-
ôore^. L'horreur pour le parjure les portait .à;déférer
presque en tout au sCTmcnt, en matière civile et u
même criminelle : la vie des hommes leur était; sa-
crée; la plupart des crimes n'étaient punis que par,
'des amendes; ils employaient quelquefois la honte au
lieu du suppUce, même dans le cas de crimes graves;
selon quelques anciennes coutumes, la p^e de l'a-
dultère (i) était de courir nu par la ville, si Ton
p'aimait mieux payer une amende de soixante sous,
ou de cent sous, au plus. Ce ne serait pas sans plaisir
. et sans fruit qu'on entrerait danjS les .détsâU de. nos
lois anciennes, qu'on les combinerait .ensg^mble,
qu'on en observerait les progrès et les chan^emens,
qu'on en développerait les causes morjdi^ et politi-
ques. Ce Recueil contient des , matériaux abondaiïs
pour un pareil ouvrage; rii;^is nous ne ^pouvons ici
> qu'en indiquer le sujet.
3. Nous devons nous arrêter davantage sur les arti-
cles de ces coutumes qui sont relatilfe à la juridiction
in adulfenp, çeU*
'onem delinquttttis*
art. \2.— Voyez
99, art '21; et de
Digitized
by'Google
Digitized by VjOOQI€
. ( "è )
vemés en prévôté au lieu d'être gouveméa en com-
mune; et qu'en la place de maire et de jurés qui n'a-
vaient plus^eu, il députerait un prévôt pour régir
en son nom.
Il ne* nous est pas possible d'entrer ici dans les dé-
tails de l'administration municipale des villes de
commune. Les noms, les raiigs, les pouvoirs des ma^
gistrats qui eu étaient chargés, variaient à Jinfini. On
les appelait plus ordinairement maires échevins et
jurés dans les villes de la France septentrionale ;
syndics et consuls dans la partie méridionale, tés
droits attachés aux mêmes n6ms n'étaient pé tou-
jours de la même étendue. Les consuls de la ville (Sk
Montauban obtinrent une ^ugmentâùoa de poiivoir
en 1828 (i). On regardait ce titre decorisuls cOmme
le plus éminent des titres de la jup<iiction munici-
pale, dans les pays où iî était en usage. Les hsÛMxas
de iMarvejols, qui avaient depuis long-tenips dès syn-
dics, demandèrent en i366, à Charles y,d;accarder
à ces magistrats le titre de consuls, comme un tiwe
plus honorable et plus révéré des peuples (2).
* slon de la ëomnmiie de Roye, t.,5 de ce Rec., p. 66o;%e
. - ' Neuville-le-Roi , ibid., p. 333 ; et le règlement pour l'a^-
♦* / nistration de la -viUédeLaôfav depuis la sappression de la
t. ^commune, i. a, p. 78. -" ' T ? ' ' *
■ ^,' .(i)Page64dcce.vol., /•-: ' : v. %,, '.,;
» ^ (2) TtOioii ac homtrabiUoji lamine^...^. ^ffAemareniur. «
*- , constdari mhùfUJ et consulaids £gn&aU mmm-etoffdo.
V«-«'WCTjfttf't.rJCome4deceReç.,p^ '.
• f ■
%
Digitized by VjOOQ IC
("7)
Quoiqu'il ftCtt ordinaire^ dans les chartes de com-
mune 7 de laisser aux bourgeois le droit d'élire leurs
officiers municipaux, ce droit ne leur ëtait pas tou-
jours attnbuë sans restriction. Ainsi , dans les com-
munes de Rouen et de Falaise (i), les cent pairs de
la ville avaient seulement le droit de présenter trois
notables au roi, qui s'était réservé de choisir^ parmi
ces trois, celui qui devait être maire de la ville.
Une question intéressante à examiner au sujet de
la juridiction municipale, est celle qui concerne les
droits des seigneurs hauts-justiciers des villes de com-
mune, sur la jm^idiction municipale de ces villes*
Nous n'entreprendrons point dé discuter ici cette
question , somnise actuellement à la décision de la
cour, à l'occasion delà juridiction municipale de Reims.
Mous nous contenterons de rappeler deux principes
généraux, sans prétendre les appliquer à l'espèce par-
ticulière. Le premier, que nous ne nous lassons point
de répéter, c'est que les conununes sont instituées
poiir mettre les bourgeois à l'abri des entreprises des
seigneurs,' ce qui suf^se qu'elles laissent peu de
droits aux seigneurs, relativement à la juridiction de.
ces mêmes conununes. Le second, c'est que les lettres
qui établissent les juridictions municipales, sont des
lais, et que par conséquent ce qui les concerne, sem-
(i) Si opporteatmajorem in Rotomagensi oel in Phalesîâ JUHy
ilU centum qui pares constituti sunt, eUgent très proborum homi-
num ciintatisy quos Domino régi prasentabunt, ut de quo iHi pla-
cuerit, majorem faciat (Tome 5 de ce Rcc, p. 671. )
Digitized
by Google
(n8)
ble dépendre exclusivement de celui qui a la pcds-
sance législative. Sans doute, c^est des hauts seigneurs ^
de ceux qui exerçaient les droits régaliens, que Beau-
manoir a entendu parler, lorsqu'il a dit (i) : Ouïs-
cun sire qui a bonnes viles desous U esqueles il
a quemuneSj doit sasH>ir chascun testât de le vile,
et comment ele est démenée et gouvernée par les
majeurs j etc. Nos rois eux-mêmes ont déclaré que
les juridictions des villes de conunune dépendaient
d'eux, non comme seigneurs de quelque fief qu'ils
auraient acquis, mais connue souverains. Ils avaient
acquis une grande partie de la vicomte de Lautrec,
dès le commencement du quatorzième siècle (2). En-
viron cent après, il y eut un règlement foit étendu
sur la juridiction des consuls de Lautrec, qui fat
confirmé par Charles VI, en i4io (3). Le principal
objet de ce règlement était de distraire de cette juri-
diction quelques lieux de son territoire ,, et d'y éta-
blir des consuls particuliers. Par le quatrième article,
il fat ordonné que tous les consuls et autres magis-
trats municipaux de ces lieux , reconnaîtraient soh-
dairement tenir leur consulat, du roi, non à droit
féodal et comme seigneur, mais à droit de souverai-
neté et comme roi : ordinasfit quod dicti consules^...
ac consUiarii....* eorumdemj recognoscant ipswn
consulatum tenere in solidum à domino nostro rege
(i) Coutumes de Beauvoisîs, c. 5o, p. a68.
(a) Voyez HisU du Langued ., t. 4i P- i34-
(3) Koyez t. 9 de ce Rec, p. 557.
Digitized
by Google
( 119 )
Ut rege i^.^JiL)g(i^ les juridictions muAicipales sem-
blent ^vÂîi^^ë regardées comme étrangères à la sim-
^,^6 .féodalité.
3* Outre la juridiction municipale , les villes^ de
coTBT^UTie^ jouissaient de plusieurs autres privilèges et
femchises exprimées dans leurs chartes. Ces jfran-
chises, quelquefois octroyées avant l'établissement de
commune 9 recevaient alora une nouvelle sanction,
qui les rendait plus respectables aux seigneurs, tou-
jours disposa à les enfreindre. Quelquefois elles
étaient exprimées par cette formule générale, que les
hémn^ de la comn^une fussent libres eux et leurs
biens ; qubd hamines communicBj cum omnibus re-
jbus suis Uberi permaneàrU (2) ; clause dans laquelle
'^u^eurs villes de commune ont cru apercevoir le
franc-alléu (3). Quelquefois, expliquant avec plus de
détail ces privilèges, la charte portait que les gens de
la GomçQune demeureraient à perpétuité exempts de
.. toiiys.^its de prise, tailles injustes, prêts forcés et
(i) Voyez t. 9 de ce Rec, p. SSy.
(2) CeUe clause est fréquente dans les chartes de com-
Bume, et fonne d^ordinaire le premier article des coutnmesi
( Vt^ez, dans ce volume, la commune de Roye, p« aa8 ; celle
de Saint^Qnenjtîn, p. 270, etc., etc. )
(3) Ce système a été fortement combattu par les inspec-
teurs du domaine du roi. ( Voyez, sur cette question, les
Mémoires imprimés soumis au procès pendant encore au
Conseil, entre la ville de Saint-Quentin et le receveur gé-
néral des domaines et bois de Picardie.) ^
Digitized
by Google
( i^o )
exaciioQs : &b omni êalUMA imjuBldj ùa0ime, ett-
dUknej et unwersd irratàcmabiU exactiane{i). Scm-
vent le droit de main-morte ëtait spécialement ahçii^
mortuas autem manus omnino exctudimus {2).
Quelquefois aussi Tabolition n'était pas eï^iniëé: ce
fut par une enquête qu'on justifia qu'il n'y avait poiat
eu de droit de main-mc^rte dans Beauvais, d^uis,
rétablissement de la commune (3). Cependant Tabo-
liti<Hi de ce droit n'était pas essentîellembent liée à la
concession de commune ; comme on le v<rit paa: la
charte de commune de Bray, où il e^ dit quet nul
seigneur, autre <pie le roi, ne pourra lever le droit
de main -morte sur les honmies de la commune:
nullus dommusj nisi noSj..... moftuam manum cà-
piat in villd ab homine de communia {^).IJexms^
tionde droit de main-^norte n'avait point été accordée
aux habitans de Soissons, par la charte de LooisYI^
qui leur octxoysL le droit de commune ; cette fran-
chise fait partie des articles accordés par Philippe
(i) Voyez commune de Mantes , p. 197 de ce vol.; com-
mane de Chaumont, p. aaS, etc.
(2) Voyez, dans ce Yolume, les commîmes de Laon, art. 12 ^
p. 186 ; -de Bmyères , art 1 3^ p. s46 ; de Gre^py en Val^
art. i5o, p. 3o6, etc.
(3) Homines commumoms Behaçams^ quaUter mmamioiiiGa^
suam Unuerimt à miie iBtermgaU, léiJ^rmt (piàd, e^ ^ corn-
nuiidamJuMivenmtp mmquam mamm motitutm Beifiaco ^kai ^
éknmt (Art. 2a de la commune de Compièijne, p. 2^% de
ce vol.)
^ (4) Page 396, art. a.
Digitized
by Google
( lai: >
Us étaient' mineurs ; ce <iroit par lequel on se survit :
en cpidkfûe sorte, celui de prescrire par son testament ^.
rexécutigax de ses volontés après la mort j enfin la >
liberté qu'une veuve acquiert par la mort de son
(tJPrœierJias consuetudines à patnbus nostris concessas et in-
âubtUf concedîmus vt, etc.. nec cuiquam Ucehlt ab aliguo oelali-
" quà de communia, manum mortuam exigere, ( Art. 20 de la com- ^
mime de Soissons, p. 221 de ce vol. )
(2) Cofisuetuâinarias autem talUas ita reparaQÎmvs, ut unus-
qmsquê hominum ipsas talUas deèentium, sînguUs termini^ qmbus
ialUas débet, quatuor denariios sobat; ultra auteinnuUam aliam
talliam persohat (Page 187 de ce vol., art 18.)
(3) Voyez Guibert, ubi suprà, p. 5o3.
'>
Digitized by VjOOQ IC
X^aa)
Dïur-
om-
tous
y
ac-
, en
sèn
tires
^-
tans
•' yées
e la
Lj^ar
itrer
i ces^
3sde
5 des
i ^\ (i) Concedimus etiam ut eis... ad libitum sïàintpuellàs etçiduas
' uxorareyet bàllia juoenum et pud-
vtradictiàne, libéré liceat et Ssoitè, '
)rout 0obierint ordinare. (Tome 5*
aussi, dans le présent y<Jame^
I Laon, art lo, p. i86; de Senst
, art. 5, p. 219, etc., etcO
p. 5oo,. art. 7.
* (4)*lWf., art. 10.
{S)tb{d., art. îa.
f:
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
( "5 )
it prin*
< iste dë-
^ me uûe
' fournit
i ntes, et
ie cette
aelque-
nmune.
oye, dé
chartes
^ lit chez
> . aent de
, i lement,
le droit
ids que
t cours
"^V^lprés droite moins essentiels, mais à quelques
égards j^u» particuliers aux. communes, parce qu'ils
^Sù^ent d'ordinaire les attributs de la juridiction mu-
nicîpalei, étaient l'hôtel cx)mmun pour les assem-
-^i&ÊSy la cloché pour les indiquer; le beffroi où celte
I ' x^Iochë ëtait suspendue; le sceau pour sceller les dé-
^ - ^ ^^^v/ :;,_i — ^ '•
j ^- (i)JPage aa8 de ce vol, art. ii.
{ij.Voyez, à^s ce vol-vles p-aSo, art, 35; a/S, art. 38;
et 367, art. ai).
Digitized
by Google
( 1^6 )
libëri ■ - - - j^jj^
les cl ef qui
les SI t. txop ,
long Ibuts.
Nous te^i^*:
qu'ui W^9^ *'
dans , , ^, . --.ii|fe^^
lëge qu'a désigne. ^ #j,W^.^^ '^
Le beffroi, selon lui, est uiie ms^phii^e de^^^ôinçé,
une toi^r d^bois à plusieurs étages, que Ton {appro-
chait des murs pour attaquer ou défendre la ville ;
d'où il conclut que le droit d^ beffroi n'^bitp^s. un
des moindres privilèges des commùneç. Mais Je Jbeflfçpr
des communes n'était aui e **
clocher, qui par son éleva is ,
machines de guerre dont p ', ^
à cause de cette ressemblai e
que.de renfermeçjla cloch r^
geois, et quelquefois desservir i|<5 prison pour Texer- .:
cice delà justice» orijûânelle> de la conunuiïë. T^Ue
est l'idée que nous en donnent les .lettres qui con^
cernent les communes méin^s (a). .1 • .. ^
Celles par lesquellesPhilippe VI, en i33i, règlè%
l'administration de là ville de ^iaon. dont il avait sup^
pimé la commune j portent : j^X^É^S? cloches qu^
' ' "*' î •
(i) Le Roi, Dissertation sur^'Hôtel^-Ville 4e Paris, '
/oc. at, p. 10 et II. ' j '
(2) Ajpntez qu^o^ s'en servait 'aussi comm^ d'eschanjgiiietle « .
pour découvrir ce qui se passait dans la campagne.
Digitized
by Google
( i^z)
léiïré, mais une tour ordinairer, ^*on
froi que parce qu'elle ^rvait à ren-
phes de la commune.
Fo^ dit que le beffroi servait aussi,4e prison
poW^'çi^érèicé de la justice criminelle de la corn-
mune.^Qpdes lettres du roi Jean, en i363, au mois
(3), il est permis à lt|l commune de
[igarder la tour de Beatival, pour y faire
prison.De là, lorsque la commune
fiinée/'et c^'ony eut établi un pré-
caire, ilfut dit que le beffroi serait
t la prison du prév6t{Z\ Au. reste,
du beffroi étaient tellement un attribut de
jl%
f que lorsque la commune de Compiègne
les çlbd
la cou
fut ^fablie^l fallut des lettres particulières du pi
pour' aptorîsjer les hiabitws à sonn^ les clpcbes 4u
beffroi, en cas de meurtre ou d'incendie (4)-
4* Ap^ès avoir parlé des clauses qui contiennent
(1) Tome 2 de ce Rec.; p. 79, art. 9.
(3) Elles fiireiit produhes en 1 7 19^ au procès entre la cpm-
mnne dé JDourlens et le prévôt de cette ville. ( Voyez le Mé-
moire qui liit alors imprimé pour la commune, p. 7.)
(3) Tome 2 de ce Rec, p. 79, ^rt 9.
(4) Voyez p. 5i4 de ce vôL
Digitized
by Google
.< I^ )
h» pritUëgc^ des communes, nous devons .dire quel-
, que chose des ré^erres qui restreignaieixt ces privi-
lèges. Tîous avons déjà remarqué que Tc^et de la
concession des communes n'était pas de dépouiller le$,
seigneurs de leurs droits, mais de les empêcher a'en
abuseir. Les hourgecns opprin^ avaient droit 4'exiger
dé Jeur. souverain secours et protection y mais il de-
vait cette même protectjion aux droi^ l^itîm^èdà
sei^eurê 4 au^i dans les chartes de ÇjÇ»nmtuie , ces
droits sont-ils toujours expressément réservés:
Le dernier article de ces chartes contient; ordinai-
rement la clauJl suivante : sauf noire droit, acides
é^êques, du clergé, des seigneurs j des nobie^ydes
ingénus {i). Outre cette réserve général^ ^ 41^ jf «n
avait souvent de particulières, Ainsi, par l'artide xix
de la comnaune d'Amiens, il est dit que cette ccmu-
mune ne se mêlera point de ce qui concerne les droits
féodaux (3). Ces droits féodaux étaient si r^^peciés,
que la charte de coinmui|e d'Abheville, en supprimant
(i') Charte de eommime de Laon : Saipo nostro panter et
episcopaU jure et ecclesiastico^ nec non et procerum ^ intra
terminas pacis districta sua et légitima jura habent (p. âSy de ce
vol.) Saloo jure ecciesiarum, miUium et^^^t^^nuorum'^honiiiaim
concessimus communiamy etc. (CommOQe de quelque^ lieox
du Laonnois, p. aSa de ce vol.; çoyez-y aussi le^^liartes de
Crespy, p. 287; de Vaissy, p. aSg; de Soissons, p, 221 ; de
Compiègne, p. 243^ etc.', etc.)
(2) Commurda de terris m^ feoâis domirtorum non débet se in-
trotnittere. ( Page 265 de ce vol. )'
Digitized
by Google
( »29 )
rexaction ^Ju (çrét forcé et sans gage, excepte cepen-
dâût le cas où le vassal serait expressément obligé, à
cause de son tenement, au prêt d'une somme fixe (i).
Le serinent n^ême des membres de la commune
Slât être fait sauf la foi due aux seigneurs (3). ^
ad liOm^ VII accorda le droit de commune aux"
habitaoôsdeCxmpiègne, les droits seigneuriaux de Fabbé ** »
furent exj^imés et conservés (3). Nous avons vu que *
le paiçme^t du cens était ordonné , même sur peine
d'aînende. ^ *
Une (5es rServes les plus importantes, était celle
qui d^endâit d'filmettre dans la commune les vas-
;^saux^/^ s^neurs voisins, ou qtii rie le permettait .*
gu'à^ des conditions avantageuses aux seigneurs. Il-*
' é^i^^cialement défendu aux communes de rece- . ,
voir lë^iiqinines de corps du roi et de ses domai- * \
nes|[À:si mielqu'un d'eux y avait été admis, il était '**
(t^iHd iale fuerit Unementum, cujus possessor certam 5ii/w-«
Inam jkimmi^jpio ex debito credere teheatur. (^Tome 4 àe^ce'
R|c., p. S6, art i5.) . ' ♦
(pk),.Omnes communiant jifabunt, salçâ JideUtaie dominorum>
-^(Oiartç dejccmmune de Bray, p. 296 de ce vol., art i."^
Sabâi^fi^itaU coj^V. ( Commune de Sainl-Quentîn , p. 270 *
{^Eoûcepto hoc, qubd homines villœ abhailpi^ très mensesàe
*^ptmM came et piscihu^ creâtUones facient. piscatores ^erK, "
JormseSy no^, idsl per qtdndecim dies piscationem Jacjj^t {P. 2^1
dece vol., art. I et a.) . / - ''
^ li) De hpminibus nostris de corpore... muititm récipient,
(Commune de Saînt-Qqentin^ art. 5,. p.. 27b de ce yol^;» .'
k 9« Liv. ' ^ ^9*
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
u
^ {*
Digitized by VjOOQ IC
*"(P
* '^>
I
Digitized byVjOOQlC
, ' ( i33 ) ^ •
des maisons, excepte les nobles et le clergé, devaient
^t et garde , et contribution aux frais pour les af-
faires de la commune (i). Par l'article viii de celle
dePontoise, les bpui^eois devaient tous contribuer, h
proportion de leurs facultés, aux dépenses nécessaires
pour là défense et la sûreté de la ville (2). Les com-
Jmunes d'Aiguës - mortes (3) et de Marvejols (4)
étaient obligées au guet et garde, à la volonté des. »
consuls. Quelquefois on obligeait les possesseurs de
fonds dans le territoire de la commune, de contri-
buer aux dépenses de cette commune, quoiqu'ils n'en
fussent pas membres. Ainsi les seigneurs et leurs
hommes des environs d' Angoulême , dans l'étendue de
deux lieues, contribuaient au guet et garde et à l'en-
tretien du château, a En effet (disent les lettres de
(( Charles V ), il est bien chose raisonnable que eux,
<t leurs hommes et sujets contribuent aux guets, gardes
<ï et réparations d'icelle ville; car c'est pour gardtr le
<f leur même (5). » Qu'il nous suffise d'indiquer ces *
objets généraux; et après avoir vu quand, pourquoi,
par qui et à quelles conditions les communes ont été
• établies , terminons nos recherches en examinant de
(i) Behent excubias et adjutorium cwUatis, et œnsuetudines
tommumonis. (Pag. aa4- ^e ce vol.)
(a) Ibîd*, p. 254. Voyez aussi l'art. 7 de la charle de com-
mime de Pôissy. lôid., p. 3 16.
(à) Tome 4 de ce Recueil, p. 461 art. 5.
(4) Koyez ibid., p. 677, ^rl. 12.
(5) Tome 5 de ce Recueil, p. G79, art 1".
Digitized
by Google
*
• • ( i34) *
qoelie façon et par quelles raisons ei^ ont éié quel-
(^efois modifiées , supprimées ou rétablies.
VL
Par qui et pour quelles causes les communes
étaient modifiées^ supprimées ou rétablies.
La même autorité qui avait établi les communes,
pouvait seule les modifier, les supprimer ou les rétâ-
Uir. Des lettres émanées du souverain avaient donné
aux communes le degré d'authenticité suffisant : des
lettres semblables étaient nécessaires pour les révo-
quer ou les faire revivre. Il ne suflSsait pas aux bour-
geois de renoncer à la concession qui leur était &ite
du droit de commune, comme on renonce à un pri-
vilège de pure faveur, quand il devient onéreux,
parée que le droit de commune n'était pas un single
privilège. Les chartes de commune, à certains égards,
étaient des lois, des ordonnances; et c'est à ce titre
qu'elles entrent dans ce Recueil : le droit de les abolir
ou de les renouveler appartenait au législateur, comme-
celui de les créer. - ♦
Les circonstances politiques avaient fait ériger les
communes; le changement de ces circonstances les
fit tantôt modifier, tantôt supprimer, tantôt rétablir.
1. Les souverains qui accordaient les communes
n'épuisaient pas leur autorité à cet égard par une pre-
mière concession; ils demeuraient toujours les maîtres
d'y faire les changemens qu'ils croyaient convena-
Digitized
by Google
de lëgislateiirs attachait à leur per-/
le ]^btip^ inaliénable d'exercer leur autorité
portion du droit public de leur royaume.
a^Bûs publié dans ce volume les changemens *
yrfit au premier établissement de la çpm- #
^de:Sàint-Riquier(i).On trouvera dans le tome*
prenoierjo^^^^ Recueil (2) plusieurs ordonnances de
et de Philippe-le-Bel , contenant des règle- <
iârmi^ pour les communes, indépendamment
{^rticulièresqui les avaient accordées. Ces ^ *
aMpctttent principalement sur l'élection des «*
^^X siatUs comptes qu'ils devaient rendre, sur la *
sâr<^ d^ Hêniers communs, sur le retranchement *
dtii^^^genses p^ les affaires de la ville, etc. Quand , '
[es y rétablit, en i368, les habitans dFPéronne
.daibols droits anciens de leur commune (3) , ce fut ^
^^ grand nombre de modifications. Il en mit k
lus à la charte de commune de Tourna^(4),
fia renouvela en 1370. On peut regarder aussi
coimme une modification du droit de coiomune, 1,'ar-
ticîie LXîti de l'édit de Moulins, en février i566, qui
laissant l'exercice du criminel et de la police, aux
maire, échèvins et autres administrateurs des corps
de villes, leur interdit la connaissance des instances
(t) Page î84 de ce vol.
(2) Tome !«' de ce Recaeii, p. 8a et 3i5.
(3) Voyez t. 5, p. i63.
(tt^oy^^t. 5, p. 374.
Digitized
by Google
( i36 ) . f
La ville de Reims J^iiit
et article, dans la jouis-
: mais elle y fiit ,^_ ^
e prouva que k|ustice
mémorial , long' * '^P^P^
• oaune (2) , et qu'pi tes- *
ssions des communes ^
suppressions momeàà-
nées que quelques communes éprouvèrent dans lés
« premiers instans de leur formation ; suspensions ,
plutôt que suppressions réelles, obtenues à force de
brigues et d'argent, par les seigneurs qui avaient in-
térêt de s'opposer à ces établissemens. Ils employé*
rent m Jne les armes. Nous en avons rapporta des
exemples, en parlant de l'établissement des' com-
,, munes de Laon, d'Amiens et de quelques autres;
' mai^il n'est ici question que des suppressions revê-
tues de formes légales, et fondées sur des causes juétes
avouées par le souverain*
Elles avaient d'ordinaire l'un de ces deux motifs :
ou l'intérêt même des bourgeois qui demandaient la
suppression de la commune, devenue pour eux une
(i) Recueil d'ordonnances, par Néron et 6irard, t. i»
p. 483.
(a) Voyez le Discours de l'antiq. de l'écheQinage de Reims,
par Bçrgier, produit au procès de la ville de Reims contre
les officiers de rarcheyêque, en 1628, et les arrêts qui y sont
joints.
Digitized
by Google
Digitized by VaOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ le
I
î
i in
lé. Les ma-
taient poftës
règlemenS;
e du roi (i).
$2, priva les
. Cette ville
I ir, en fut de
efelles qu'ils
j t plutôt une
nt dite; car
i leur fut ren-
dait ôtée que
ue les trou-
vas toujours
; charges que
1 Lance qui fut
DU de la ville
»mmune (3),
f bonnes cou-
fussent con-
....,.^ . ^ , . ^ ... ...
suppression de la commune de Toumay '
'' (^1 ^^^^ ^^^ lettres 4e Charles , fil3 aîné et ^eutenant du
roi^ean, en novembre i3â6, t. 3 de ce Recueil, p. 92 ; et à
ia 6q du volume , p. 189, additions et corrections pour la
' {%Xy&^ez\t^ leyres de Charles V, du 6 février iS;®^,
p. 372 du t. 5 d^ce Recueil. > -i-
■' (3) Tome 2 de ce R«:ueii, p. 78.^
Digitized
by Google
Digitized by CjOOQfC
(143),
r
en
0,
iUe
tat.
oc,
lui'
idu
diè<t
la
^u
•en
iter
[ue
em
ges
ëiirJ[]mj)osâl[4)' ^
ps(^d|i îrétaMissëmçnt dés communes
mes, que celles de leiir établissement:
" *• Ç> P:^9* '^<>^^2 aussi les lettres déjà citées
M/i 1 p. 37a^^du tome. 5 de ce RecueiL
fâiyÊ^ letVç|^*i^? I^yî^r 1,36%, t. & de ce I^ec.
^.^,.-.•
Digitized by VjOOQ IC
( '44 )
Fimërét des habitons qoi le deman^biîipnt; |J
du sopiverain qui en tirait avantage. ^
Les formes étaient aussi à peu près ,sembl|ibles
Comme il fallait des lettres émanées du sk>uvç^
pour fonder le droit de commune, Jl enfaÛaitpQur '
le rétablir; d'autaiit plus que ce rétaJïUssemen^JOL^^tait
pas toujours pur et simple, {misque souvent ^ piodi-
fiait l'ancien droit, ou y ajoutait. Mais^ les lettres^ de >
rétablissement des communes rappel^çet'f toujours
les concessions premières; et par-là elles unissaient, à
la confirmation du droit, les avantages' qu^Taiic^eu-
gieté pouvait y joindre. ^^^^^ ,
Terminons ici nos recherches sur les cohununQSf.
Un traité complet sur. cette matière dem^dérai^ un
voluûie entier ; et les bornes que nous devons ^us
prescrire ici, nous obligent de passer àjjx autres objfts
que nous nous sommes proposé d'y trait(^<f '^
Digitized
by Google
¥
RECHERCHES
^^ aPRJLES BOURGEOISIES.
.^>-
v.
.^* _^,^pfe^ PAR M. DE BRÉQDIGÎÏY.
Koiàs ^c^'lbiiimes aperçus plus d'une fois que les
aiî|eur9^ cm parle des bourgeoisies, ont été induits
m e^ix^lwr la multiplicité des acceptions de ce ^
moC%Jrûlîr (^f iter cette erreur trop ordinaire, nous *
(Ji^rvef ^is!^<îae le mot bourgeoisie j comme celui de '
bmtg^isj^p^'ûàétïyej et celui de ^owrg"^ d'où sont
deux autres, ont eu chacun plusieurs si-
fiju'il est nécessaire de distinguer.
1j^ moiâhourg est- il originairement celtique ou
grcd? On' a souvent disputé siur ce point,- mais écar-^^
tons oçtte question frivole, ou du moins superflue re-
ktivenienf à notre objet. Remarquons seulement que
daiijs^lietdi^iènîe siècle on appelait bourgs les simples >
idBa^s qui n'étaient point fermés de murs (i), selon "^ .
le !]témoignage d'un écrivain de ce siècle même. Les ^
maÙ^tfr^ des temps ayant obligé de clorre de murail^
* (i) jt^hgrvgationemdomorum quœ muro non clay^ditw^ Luit-
pra^i^ lib. 3, cap. la. ' *.
!• g^ uv. ' 10 .
Digitized
by Google
^
ïî
( '46)
' les ces habitalions, elles conUnuèreni de porter le
nom de bourgs (»). Enfin, ce nom insensiblement
' ne fut plus donné qu'aux lieux fermés de murs, et
X s'éloigna ainsi de la signification primitive. *
Il en fiit de même du mot bourgeois. Sans pléten-
dre en rappeler ici toutes les acceptions (a), ^ous
nous contenterons de dire qu'il fiit d'abord'^mployé
pour désigner, en général, les habitans d^^m-ês/)u
villages, soit ouverts, soit fermés. Lorsqùe^fes bourgs
fermés s'âevèrent au titre de vUle, les hj^itans con-
: servèrentlenomde6oKrg-eow.Enfm,lorsqiieces lieux
obtinrent des privilèges pour leurs habitans réunis en
« corps, le nom de bourgeois devint propre aux indivi-
■■ ., dus de ce corps, à l'exclusion non seulei^ett^jies ha-
'• bitans des lieux non privilégiés, mais mên^fràe^ççux
• des habitans du heu privilégié qui n'avaieni |>as *été
V associés »u corps pour lequel le pivilégç avaitj #é a^
' cordé (3). ï»ar-là on restreignit l'accep^tibn ,J)remière
(i) Voyez du Gange, Gloss. lat, au mot BurgusJ , /;
" (a) Du Gange, au lieu cité ci-deissus, définit le mo^*>iir-
geoîs : burgorum seu Qitlarum incolœ; vel qid tcneinénta iri,iis
'um domino bwr^^pças&^mt»
[ans les bourgs ^^f»0^é-
% ils payïiient lairejteyiU^
4 is porté ie .ideiaide ^ar*
i ./' our eux un titre m pii^-
îls n'étaient bourgeoîs'fttc
'ut aussi quelquefois nom-
es(2)et(3),p. li;.^;-/
(3) Tout habitant d>n lieu où il y avait bourgeoisj^è n'é-
Digitized
by Google
• (i47)
du mcA èoiageois; il avait d'abord désigné en géné>«>
r^l^ tout habitant des lieux auxquels on donnait le
nom de bout^; il désigna par la suite Thabitant as-
socié aux privilèges de ces lieux. 11 n'avait çxprimé
origiÉairement qu'une idée de position, l'on y joignit ♦
une idée i^e privilège (i). '*
Ék ce j^ bourgeois se forma celui de bourgeoisie j
dont la agnification éprouva encore plus de variations :
oDt iK)niina bourgeoisie j tantôt le territoire (2) dont les
habitans,.sbus le nom de bourgeois j avaient des privi-r ,
1^^ en iranmun ; tantôt la redevance annuelle dont les
boû^îdisélJ&nt chargés pourprix de ces priviléges(3). .
tài^t p^ baàrgebis par cela seul. Pour le devenir, il devaîl
être abfibmé àacoq)S des autres bourgeois, comme on le
verra ^dat^^ j^ônde partie de ces recherches.
. .0^ M^gr^e'préteiidons pas que le mot bourgeois aiC cessé*
d'avoir en même temps d'autres acceptions ; par exemple ,
celle ig[i:^^^^ait une classe d'hommes différente de celle
jftlie^^^bËÈi^ei des paysans. Fbyez ci-dessous la note (1),
; ^YjK est^pris en ce* sens dans une charte de i284i ci^ée «
contîauatenr du Gloss. lat^àe du Can^e^au mol Bur-
l5i àUqid infra.:* Burgesiafn villœ ArvUaci de nooo çemre''^
,>/i^ Deméme, dans l'arrêt des grands -jours de
:^il^j^87, cité par Brussel, on lit : Bwgenses venien-.-
^rgéndis sms, etcVsai^e des fiefs, t. 2, p. go3. Il serait
lià'dié iÂultipUer les preuves.
1{3^ O^lit dans une charte de Philippe Auguste, en 1200,
citée ^ar dif Xan|;e , au mot Burgesia : De sementibus laids .
schokmum qtdmrtdebenfVUfiQZmim nobis;Ht dans une charte
■ * ' ■ '- ^- . ■ - * a ^ - ,.
\ î , ».**"' • n
Digitized
by Google
4
( ï48 •) •
Tantôt ce mot, comme collecûf, servit à draguer la
classe des habitans des villes, par opposition à la classe
des habitans de la campagne j ou la dassc des rotu-
rière, par opposition à la classe des nobles (i). Enfin
il signifia le droit accordé aux habitans d'ifn lieu
au à ceux qui leur étaient associés j de jotm", à
certaines conditions, de privilèges communs- Vm»-
sel soutient qu'il ne fut en usage que sur la fin du
treizième siècle (a), quoiqu'on se servît dep^iis long-
d'un comte de Bloîs, en 1277 : J'ai donné en f4pétuelle m-
mène... à prendre sur mes BOURGEOISIES de Guyse, parla mam
de celi qidjiour Uns recepora ïesdUes BOURGEOISIES; Du Cauge,
îbîd. Il faut observer qu'on a aussi compris, sous Je nom de
iourgeoisiesy de simples redevances féodales appartenantes
aux seigneurs sur les fiefs qu'ils avaient dans lesbourgs ou
villes, et qu'on appelait plus communément ^owigrû^ , 4^ît
réel dû par le terrain; au lieu que la redevance. dont|ious
^parl<ms ici éuit un droit personnel dû par lé bom^doîs.
,; Voyez là Thaumass., Covt. de Berry.i^. ;i3 ; et ci - dessus la
note (2), p. i46- ^ ^ jdfr
. (i) Le mot bourgeois fut aussi employé en ce s^s, i^mT^
anciennement. Foye^ du Cange , sous le mot Burgèràes, W^s
nous ferons vpir, dans la seconde partie, que l'haWialioii
dans les villes ne fut pas toujours essentielle à If iKip^êoi-
sie, et que la bourgeoisie ne fut jamais încompa^ble Ai^c
la^oblesse, quoique ces; deux cpnditiojas aient toujours pu,
fk divers égards; être naîses en opposition.^ >, -." >
(2) Brussel, Usage desfiefs^ t. 2, p. 940 : « 1.1 est remar-
ie quablè que le mot ^iir^^owiVr ne se rencontre dans aucone
«ordonnance qui précède celle de 1287... H n'en est pas
* « ain^i du mot bourgeois, car il se trouve dans quelques char-
ge tes fort ancîenfies, etc.» ^„^ " ,7' ^ ' "
Digitized
by Google
( «49 )
temps du mot bourgeois. Cependant le mot baur--
geoisie existait dès le temps de Philippe Auguste ,
dans un sens différent, à la vérité, de celui dont il
s*2Égit (i) ; mais il n'est guère probable ,au'il n'ait
pas éié dèâ^lors employé dans ce sens mraie, qu'il
offirait si naturellement, et qu'on avait si frâjuem-
ment bescûn d'exprimer, puisque ce fut surtout alors
que les bourgeoisies, prises en ce sens, se multipliè-
rent. Quoi qu'il en soit, et sans nous livrer à ces
discuSsiom, il nous suffira de dire que c'est seton
cette dernière acception que nous nous servirons de
ce mot dans! le cours de nos recherches.
Fous y considérerons les bourgeoisies, i** en elles^
mêmes, et relativement aux privilèges qu'elles jffo-
curent;' 2** relativement aux personnes qui peuvent
les accorder ou les obtenir. Dans la première partie,
nous remontions à rétablissement des bourgeoisies,
et nous développerons les objets des privilèges qui y
ont été attachés. Dans la seconde, nous examinerons
par qui ces privilèges peuvent être accordés, à qui
ilpjpeuvent être accordés, et par quelles formes. Ce
p)^ nous paraît propre à présenter avec clarté les
iK>tiûfts les plus importantes sur la matière que nous
nous proposons de traiter.
(i) Voyez^ la charte de Philippe Auguste, en laoo, citée
ci-dessus, note (3), p. 14.7-
Digitized
by Google
ï
( i5o )
PREMIERE PARTIE. :.'^^
Des bourgeoisies considérées en elles-mêmes j et ré^ *
lativement aux privilèges qu^ elles procurent. ^
Le3 bourgeoisies considërëes en eUes-mémes^ nous
ofirent deux questions que nous discuterons successi-
vement : i** quelle filt l'origine, quelles ont été les
progrès de rétablissement des bourgeoisies; 2"" quels
en sont les caractères et les objets.
I.
De V origine et des progrès de rétablissement des
bourgeoisies,
•
L'établissement des bourgeoisies fut un des effets
de Tabua de la féodalité. On sait qu'au commence-
ment de la troisième race de nos rois, tout en France
était devenu fief. Le système de la féodalité aurait pu
être un système d'union , par lès ri^ports de service
et de protection qu'il mettait entre les puissans et les
faibles; mais il était devenu un système d'oppression,
parce que le pouvoir que rien ne balance franchit
insensiblement toutes bornes, et que l'état d'anarchie
où le royaume était tombé à la fin de la seconde race,
avait persuadé à chaque seigneur d'un territoire que
ses vassaux étaient ses sujets; il les nommait de ce
Digitized
by Google
- • ( i5i ) • ^
nom^ et les traitait comme s^i) eût eu sur eux un
poQTok: de propriété aussi absolu* que sur le territoire
même.
La puissance publique, qui, possédée à titre privé,
avait ccmstitué la seigneurie ou la puissance féodale,
se trouvait morcelée en une infinité de parties, et dis-
tribuée en une nuiltitude de mains, soit par l'abandon
volontaire du souverain, soit par l\isurpation des
grands. La portion de cette piùssance publique qui
restadt entre les n^ns du monarque, lorsque Hugues
Capet en recueillit les débris, ne le mettait pas en
état d'y réunir par la force ce qui en avait été dé-
m^njbré. Il fut réduit à légitimer des droits qu'il eût
été dangereux pour hù de vouloir détruire. Son c(m-
sentement, exprès ou tacite, ratifia toutes les prétentions
de la féodalité; et il fut content d'être reconnu pour k
seigneur dominant, médiat ou immédiat, de cette foule
de sei^etus dépendans la plupart les uns des autres.
Sa souveraii^eté n'était presque qu'une suzeraineté;
mais l'hommage que tous ces fie& lui devaient et lui
reportaient, était un fi) qui liait ensemble et attachait
à sa omnx)nne, ce nombre prodigieux de parties di-
visé^; et ce fil, tout faible qu'il paraissait, fut si ha-
bilement ménagé par Hugues et ses successeurs, qu'il
devint entre leurs mains le principal moyen dont ils se
servirent pour ramener à eux la plénitude de l'autorité ,
par un mouvement uniforme et sans effort. Nous ne
nous occuperons point à suivre pas à pas ces opérations
de leur adroite politique; nous devons nçus bornei' a
ce qui concerne les bougeoisies.
^
Digitized
by Google
( ï^a ) ^ •
Nos rois, qui surent s'en servir si efficacement pour
l'abaissement de la puissance féodale, ne les imagi-
nèrent point, mais ils les tournèrent à leur avantage.
Les premiers privilèges qui ont fonde le droit des
bourgeoisies ne furent que la confirmation'des asso-
ciations formées sous le nom de communes par 1^ ha-
bitans des villes contre la tyrannie féodale, ou le re-
nouvellement d'anciens droits municipaux réclamés
vers le même temps par plusieurs cités.
Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit
ailleurs (i) sur l'origine des conamunes. On peut se
rappeler qu'au commencement du douzième siècle,
diverses villes opprimées par leurs seigneurs opposè-
rent la force à l'injustice. Leurs confédérations tu-
multu^ires furent approuvées dif souverain leur pre-
mier seigneur, et qui était leur protecteur-né, pr
l'essence même de la souveraineté. Il vint à leur se-
cours, et légitima les communes en y imprimant le
sceau de son autorité. Vers le même temps (2), d'au-
tres villes, surtout dans les provinces méridionales,
rentrèrent dans l'usage des droits municipaux dont
elles avaient joui avant la fondation de notre monar-
chie; et nos rois les y confirmèrent, donnant en quel-
que sorte aux anciens privilèges une seconde origine ,^
(i) Voyeznos Recherches sur les communes, dans la pré-
face du tome 1 1 de ce Recueil ( c'est-à-dire du Recueil des
ordonn, ). Cette observation est commune à toutes les notes
où la même citation se représentera. {Edit CL.)
(2) D. VaisseUe, Hist de Languedoc, t. 2, p. 5i5*
Digitized
by Google
(i53)
i deveiiaient
L qu'on peut
it des bour-
e douzième
des ^droits
«. Car quoi-
)s privilëges
eus munici-
LUifes (2), cepepdant les, concessions
lëges étaient proprement des conces-
loisti^e avec plus ou moins de préroga^
en Tairait un double, avantage, i** la
diiâjUQQtion dii^pôuvoir féodal, ai;i joug duquel on était
soustrait en receyant du roi la bpurfi^eoisie; 2° Tac-
<Toi^^p!nent <4^ ^ W^l^»-^ laquelle le bour-
geoiÉfeveha^ soumis immédiatement. 'Nous ne par-
loiàsTOpit ici des redevances pécuniaires, pjrix ordi-
nài^œ. ces concessions. ^
feasTl, qui paraît avoir le premier tenté cette
S^ ressource, et ses successeurs, à son exemple,
né ni^ligèrçht aucune occasion d'en faire usage. Non
se^enient ils renouvelèrent les privilèges réclamés
pâi* 1^ ]x)Xirgeois des anciennes cités, ou légitimèTent
les privilèges dont plusieurs autres villes s'étaient mi-
(1) De l'Usage des fiefs y t. 2, p. 902.
(a; Nous expliquerons ces diffîreiic$5 au commencenïfent
de l'ariîclc suivant. „
Digitized
by Google
( »54 )
Digitized by VjOOQ IC
(155)
Digitized by VjOOQ IC
( i56 )
objet» (jue nous flétaillcrons dans notre sec^de par-
tie. Suivons le plan que nous nous sononnes proposé
pour celle-ci, et après avoir exposé quelle fiit Tctt-iginé
et quels fiirent les progrès des bourgeoisies, voyons
quels sont les caractères et les objets des prml^es
qu^elles pro<îtiraient. ^^ .
II. . ^^
.-'t
Caractères et objets des privilèges atiat^éis aux
. bourgeoisies. ?, ^
Les caractères généraux des bourgeoisies scmt :
1* quelles ne peuvent être conférées qu'à des person-
nés de condition libre (i); 2** qu'elles supposent' lin
corps auquel ces personnes sont associées; S'* quelles
exigent la réunion de ces mêmes personnes dans tm
lieu détermine, pour y jouir en conunun de leur
droit, soit que cette réunion soit réelle ou ^ç^iye. Dé-
veloppons ces trois caractères.
!*• La bourgeoisie ne pouvait être accordée qu'à des
personnes libres (2). Si on voulait l'accorder à des
serfs, on avait soin de les affranchir préalablement;
Je là , tant de lettres de bourgeoisie à la tête desquel-
les ceux à qui on les accorde sont affranchis. L'homme
(i) Nous entendons ici par condition libre, celle dans la-
quelle on n'était point assujetti à rasservissement propre-
ment" dit, celle q^ était opposée à la condition serve.
(2) Voyez là 2« part, de ces Recherches, arU i , àts per-
sonnes qui potivaient' acquérir la bourgeoisie.
Digitized
by Google
C i5*7.>
làk \ A^.
^ geois
:oire;
pour
rocur
•e as-
(érent
mplê
acieçL
i atiel-
e, re-
es de
atUTQ
. Lçs
^. ou
jugesT
faire
villes
lois ,
tous^ilei^ règlemens, du roi ou de leurs seigneurs.*
Tpttfë, coBganune^ tout muni<;ipe jouis^it des droits
de Ii^urgepisie ;. mais toute ville de bourgeoisie ne jouis-
saiti^as des droits de commune ou de municipe, ce
cpé cei^x qui ont écrit sur ces matières n'ont pas tou-
jtRura assez distingué.
i^L'obligatibti du domicile dans le lieu priyilé-
''' -/^^ — .'','. ■'■ : . ..\ • ■■ '" ' ■ ^T" ■
*(i). ro^e^h a«wp^rt. de ces Recherches, arti 2, des formes
par lesquelles on acquérait la bourgeoisie.
Digitized
by Google
.C:i58,>
Digitized by VjOOQIC
^ ûit.qugn-
la^ partie
ars cour-
i les restes
« îs exemp-
tasse des
•. Piédroit
1 levées de
questesj
* bourgeoi-
î xeinption
■^ semblait
^ iplier les
^ mune, et
i es Fescla-
;, la liberté
f, ercice du
îpï^l^lcs droite de Tautoritë paternelle, celui de
poicrvoif aji sort de leurs enfans. Les bourgeoisies ren-
dpent aux^yeuves ia^liberté de se marier à leur gré (2) ;
!, ^. ...
^âiallia, albergûta, tpiœsta; nec re-
um nid gratis^ mutuan sibi çohenrd
oL et ailleurs* Abomrd toltà et tal-
m exactione ommnb Kberi et quicU
îind.\ p. ^08, ciç. )
ie nostrâ et prœpositi nostri licentîà ,
nùbere de se matitare poterunU ( ÏOBfi. 11, p. 22a, art. 8.)
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQIC
DigitizedbyGiOGiQlC
( '«O
qti^elles conféraient. Nous n'en devons {Mrésenter ici
((u'une idée générale; les sommaires de» chafr^ de
bomçeoisie, que nous avons donnés dans nyps ttèles,
peuvent suppléer aux détails.
Les bourgeois sousUnaits à la juridictîoidj^i}^ ou,
pour mieux dire, à la l^slation arbitraîfeCdb. leuats
seigneurs, avaient besoin d'une l^slatMm â».$t ia*
variable; et le premier acte de la juridiction n<meUe
sous laquelle ils passaient devait être de leur .pres-
crire la loi par laquelle ils seraient désoi^cq^obs régis.
Le but était de les attacher par une législaiif^ qui
pût le}ir plaire; ainsi loi'squ'il s'agissait d'un i^ déjà
habité (2) y et qm avait des coutumeîs que Jkssi habi-
tans désiraient de conserver, on leur en msaém. Tu-
sage, on les rendait plus avantageuses encore^ et s'il
s'agissait d'ime habitation nouvelle , m :^fflgruniait
souvent les coutumes précédemment aisé;»rdées auK
lieux voisina, dont les habitans devaient ^natureBe-
ment contribuer à la peupler (3). •
(i) <?était seulement quant à la juridiction ponKmn^te
que les bourgeois étaient soustraits à la juridictiôo de leurs
seigneurs; ils y restaient soumis quant à la juridiction réeÛe.
Voyez cetie distinction clairement établie dansi'<Nrdonfiaiice
du 27 août 1876, t. 6 de ce Rec, p. 217,
(2) Usus H consuètudines quas in tempore Radulfi eomiiU €t
prœâecessorum suorum». temerunt, concessimus, ^."(Tom. u,
p. 270. ) ^
{3) PeiOûme Iia^iiantium , L(Hnad consuetisdmes ipme éen^es-
simus. (ïom. 11, p. 204.) 11 s'agit des habilâns dii Helmei ,
Digitized
by Google
r" ( v^3 )
Gé9 edouimes insërëés dans les chiHies de bôur-
gçoî^e, dont elles remplissent d'ordinaire la plus
grttide pajrtie^ y acquéraient la force de loi; et c'est
là cpïe sont consignes les droits que la bourgeoisie
confiait. Les objets gënëraux sont la sûreté des par-
ticuliers^ procurée par la punition des crimes et de$
dâi|$, l'ordre des successions^ les conditions des ma-
riages y la protection accordée au débiteur contre les
▼exaticms du créancier, au créancier contre la mau-
Taise foi ou la négligence du débiteur, la liberté du
CQSÉmeree^ enfin les formes de procéder que, dans
tous les temps, l'injustice obligea de jH'escrire pour
assuter robservation de la loi.
Toutes ces coutumes variées à l'infini, quant aux
détails, ofirent, quant au fond, une ressemblance
dont on est fi*appé, et qui indique manifestement
qu'elles ont une source commune, qu'elles repré-
sexgient les usages généraux d'une même nation (i).
Mais lesp^ usages ne cons^vent entre eux i|he par-
prti èe Lorris. Dafnus habiiaiorièus no9œ bastidœ de Peym-
ié.^. Ubarêates eà amsuetuéHBês^.. juooia Unarem coasuetudiman
b^m» Mardad. ( Tom. |3 , p. SjG, H sùmUa passim. }
<i) Gest $iirtoul dans les bour^oisies d'iine^méme pro-
vince f»e cette miifpnnité se fiait sentir ; et en les considé-
raiit>eû général , on aperçoit aisément des différences re-
marqjubfes entre les bourgeoisies d'une province et celles
d'une anitre. H serait à sonhaiter que les historiens des pro-
vinces s'atiacbassent à développer ce qui caractérise spécia-
leneBf les bom^oisies de la province dont îlir écrivent
Digitized by VjOOQ IC
( »64 ) fr.
fiàié tini&raûté^ qu^autaBt qu'elle y est mamiènue
par Funité de puissance. Il était donc impossible qoe
cette uniformité ne fût altérée par les .démemhre-
mens arrivés dans les temps d'anarchie et de trou-
bles ^ par les secousses qui brisèrent les Iiens.de
toutes les parties de la monarchie, par le bouleverse-
ment de tout droit sous le despotisme féodaL De M
naquit la diversité de cette foule de coutumi^ parti-
culières qui s'établirent dans les heux distribués sous
tant de pouvoirs isolés, à l'époque de l'origine des
bourgeoisies. De là cette foule de coutumes loiââi^
qui subsistent encore malgré la réunion du pouvoir en
une même main, malgré l'ouvrage du temps, qui af-
faiblit insensiUement toute espèce de nuances, mal-
gré les efibrts réitéra du législateur pour rapprocher
de l'uniformité ta^t de coutumes disparates, monu-
ment trop durable de l'empire de l'habitude sur les
hommes.
U serait^ sans doute, intéressant pour l!faistoire de
notre gouvernement, pour l'histoire de nos'.^œurs^
pour l'histoire de l'humanité , de rapprocher les
divers tableaux de ces lois; de comparer les articles
des anciennes coutumes qui ne subsistent plus^ avçc
les Ibis correspondantes qui y ont été substituées ;
d'en combiner les changemens avec les circonstan-
ces qui ont pu les produire : maïs une pareille ma-
tière ne peut être traitée en passant , ni en ""peu
l'histoire, et ce qui les distingue des autres. Noos ne pou-
vons iippVofondir ici c^s ressemblances et ces diffêrences.
*•.••»
Digitized
by Google
( i65)
de imyts; et elle n'appartient point essenûeUement
au sujet dont il est ici question. IVous nous borne-
rons donc à rapporter quelques diqx)sition5 de ces
Coutumes y et nous les choisirons parmi les articlesqui
concernent les délits et les peines, comme les plus
propres à caractériser Tesprit de législation qui r^nait
dans Iç temps ou les bourgeoisies s'établirent.
En effet, on peut remarquer que parmi les lois ré-
digées dans les anciennes chartes de bourgeoisie, lés
lois pénales sont en généraL celles qui occupent rela-
tivement le plus de place; caractère distinctif des corps
de lois des peuples qu'on n(»nme barbares; car leur
législation doit principalement être dirigée contre la
violence , comme celle des nations policées doit
J'être contre l'astuce et la mauvaise foi. A Fépoque
dont il s'agit, notre nation était encore, à divers
égards , presque aussi barbare que du temps oii la loi
saliqu^^çuWt tous les degrés du crime, et les éva-
luait en ar^nt. C'est une chose digne d'être observée,
que plus nos mœurs ont été barbares^, plus les peines
ont été légères.
Cependant la peine du talion, celle que la nature
semble jindiquer, et que la justice semble prescrire^
se trouve souvent ordonnée dbns les chartes de bour-
geoisie : vie pour vie, membre pour membre. C'é-
tait une des coutumes des bourgeois de Cerni, de
Roye, deTournay, de PéronnCj-^de Montdidier (i),
__ __ . ; • . ^■♦rl
(i) A Monldidier : Capui pro capHg, membrum prô mem-
bro reddat (T. la , p. 289.) Voyezlts autres coutume» citées.
^i
Digitized
by Google
( î66 )
etc., etc« Mais dans quelqaes-unes de ces vilfes, les
juges étaient autorisés à convertir ces peines en sim-
ple amende; dans d'autres^ Tamende était la seule pu-
nition <]u*on pût infliger à celui qui avait coupé un
membre à son ennemi (i).
Le meurtrier était conununément puni de mofti; sa
maison élait abattue , ses biens étaient confis<]ués (a);
les églises, asiles respectés où se réfugiaient alors^s
coupables, ne sauvaient point le meurtrier (3). 11 y
avait Cendant des lieux .où il n'était puni qqe parle
bannissement et la confiscation des biens (4)* Obser-
vons une opposition singulière dans la distribution
des peines selon les diverses coutumes» Tandis que
rbomicide n'était puni à Boye (5) par aucmipe peine
(i) Si mutilaUo membii întejvenerit , in seocaginia solidis IV
losanis, oel ampUiis^ condemnetur. (Coutume de Atandac, arti-
cle 3o, t. 12, p. a43*)
(a) Q^ite plectetur, domus ejus... diruetur; qmdqmdresiduum
habet intafector débet communia hahere. (Coutume de Toornay,
art. I, t. II, p. 248.) '
(3) Qmcumque honUnem occident , et ad ecclesiam co/^tg^t,
tccî^da ei garandiam cmfem mn patent, ( Ib,, art. siij P« sBo.)
Mais à Péroime, le meurtrier qui se réfutait dans une
église avait la vie sauve. Capite plectetur, nisi captas Juerit w
eçclesiéL (Tom.5, p. iSg, art. i.) Il en était de même dans la
cotttume d'Athyi^, p. 298, an. i.
(J^iaUquis aHum,.^ interficiat,, à çillâ banmetur in œtantan^
et ^aomwn habitent, dimetur, et aUa bona ejus nostra enaU^
(Coutume de Roye, ^. 11, t. 12, p. 228.)
(5) Voyez fa note précédente..
Digitized by VjOOQ le
Digitized by VjOOQIC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized by VjOOQ IC
Digitized
byGoogle
Digitized by VjOO^ IC
Digitized by VjOOQIC
mont en Ai^onè (i), et en 1376, ceux desr Imbitaiis
d^Ervy en Champagne, non seulement autorise le duel
judiciaire, mais condanme à ime amende les parties
quii^ après le duel ordonné, voudraient s'en dispenser
par un accommodement.il est vrai qu'on avait quelque-
fois le droit de faire combattre pour soi un champion
à gages. Les communes mêmes, comme les particu-
liers^ avaient aussi des champions qui s'engageaient à
soutenir leurs droits par le duel; et ce titre de cham-
pion d'une commune, ou la pension qui y était atta-
chée , était quelquefois tenu de la commime par
hommage : car il fut un temps où tout en France
avait pris les formes féodales. Je citerai pour exemple
l'acte d'engagement du champion de la commune de
Beauvais en 1*336; cet acte est très-curieux, et je le
rapporterai tout entier ci -dessous (2). Celui dont le
art. II. Les mêmes dispositions se trouvent dans les confir-
mations de diverses coutumes dans le quinzième siècle, par
Charles VI. Voyez le t 9 de ce Rec, p. 161, art. 9; p. S78,
art. 16, etc., etc.
(i) Cette ville est nommée, dans les lettres de 137a,
Ckmiont en Bassîgny-
(a^ ^o Gaufridus ^ àictus Blondel, Pugiï, mtumfacio ommr
èm présentes îitteras inspectmis, qubd ego sum homo majonsm et
parium communie Bebacin» et tocius communie ejusdem, pro
QÎginti soiid. Par. quolibet anno ndJd reddendis^ nomine pensio-
msy oel certo manda to meo , infesta Sancii-Petri ad çincula, in
* Cette pièce a été copiée sur Tonginal dans les archives de la ville de
BeauTais, et nous a été cçmmuniquée par M. de Fôncemagne.
Digitized
by Google
( Ï74)
Digitized
by Google
Digitized by VjOOQ IC
(176)
Digitized by VjOOQ IC
( Ï77 )
droit de fëodalité. Les seigneurs de fief faisaient dé
leurs serfs des sujets libres, et de leurs sujets libres
ik faisaient des boiirgeois; c'est-à-dire qu'ils les réu-
nissaient en corps, leur accordaient des exemptions,
riaient leur administration, rédigeaient, confir^
maieiit leurs coutumes. Cela ne paraissait point excé^
der lés bornes de la puissance féodale, dans un temps
où les seigneurs se prétendaient les législateurs inuné'
diats de leurs vassaux, conune ils en étaient les juges.
Tïos rois , forcés de souffrir les abus de cette puis^
sance rivale de la leur, et réduits à chei*cher les
moyens d'en tirer quelque avantage, se bornèrent d'a-
bord au droit de confirmer les bourgeoisies accordées
par les seigneurs de fiefs. C'était reconnaître la pré-
tenticm des seigneurs; et la confirmation du roi sem-
blait n'être qu'un acte de suzeraineté. Un seigneur ne
pouvait abréger son fief (c'est - à*- dire en diminuer
les redevances, les prérogatives) sans la permission
de son suzerain, qui avait intérêt de conserver dans
toute son étendue le fief relevant de lui ; ainsi les
bourgeoisies qui diminuaient les droits du seigneur
inmiédiât sur ses vassaux, devaient être confirmées
par le suzerain; et la confirmation du souverain, en-
visagée sous ce point de vue, émanait plutôt de sa su-
zeraineté que de sa souveraineté. Les archivés de nos
villes sont remplies de concessions de bourgeoisies par
les seigneur^ inunédiats; et notre Recueil (i) offre une
(i) Voyez 8urt<mt les tomes ii ef 12.
I. 9« Liv. la
Digitized by
Goo.^le
( '78)
multitude d^exemples de confirmations par nos rois.
Il y eut donc des bourgeoisies royales et des bour-
geoisies seigneuriales', mais il y avait entre les unes
et les autres des différences essentielles; il y en avait
dans le motif qm les faisait établir, il y en avait dans
la faculté de les accorder. Le souverain accordait des
bourgeoisies pour accroître sa puissance, en ofirant
aux vassaux opprimés des asiles contre les vexations
de leurs seigneurs. Les seigneurs cherchaient à se
conserver ces mêmes vassaux, en leur offrant des
concessions semblables à celles dont Fattrait les invi-
tait à changer de maîtres. Mais les seigneurs ne pou-
vaient communiquer qu*aux hommes de leur fief les
bourgeoisies qu'ils accordaient, parce que leur pou-
voir ne s'étendait point au - delà de leur fief; le roi ,
au contraire^ qui, soit comme souverain, soit comme
suzerain, étendait son pouvoir sur tpu^ les fiefs, com-
muniquait les bourgeoisies aux vassaux des seigneurs,
lorsque ces vassaux se réfugiaient dans ses villes.
Ainsi le sçigneur ne pouvait réclamer ses honunes ,
devenus bovurgc^ois du roi C*)> ^* ^^ ^^ pouvait récla-
mer les siens, s'ils avaient tenté de se faire bourgeois
d'un seigneur particulier. Enfin les bourgeoisies sei-
gneuri^ll^s n'étaient accordées qu'en vertu de la féo-
dalité ; msùs dans la concession des bourgeoisies royales,
la suzeraineté se combinait avec la souveraineté , et
(i) Le seigneur pouvait cependant réclamer ses serfs;
maïs c'était parce que les serfs n'étaient pas susceptibles du
droit de bourgeoisie, comme nous le dirons plus bas.
Digitized
by Google
( 179 )
dsflïs h concours de ces deux pouvoirs, celui de la
souveraineté prévalut.
Ce fut un des plus grands pas que firent nos rois
pour recouvrer leur autorité» Ils accoutumèrent les
peuples à ne plus voir que l'exercice de la souverain
netédans la concession des bourgeoisies. Dès le temps
de luouis yil, le roi regardait les villes de commune
comme siennes(i); en i3i8, il fut jugé <ju*il ne pou-
vait y avoir de communes sans lettres du rm; trente
ans après, il fat déclaré que le roi seul pouvait éta-
blir des communes. Ces principes furent appliqués
aux bourgeoisies en général, et c'était ainsi que nos
rcHS se ressaisissaient insensiblement de tous les droits
qui avaient rapport à la législation, attribut essentiel
de leur souveraineté. Le droit d'accorder des bourgeoi-
sies est expressément mis au nombre des droits attachés
exclusivement à leur couronne, dans une instruction
que OiarlesY fit rédiger à lV)ccasion de la cession de la
baronnie de Montpellier, faite au roi de Navarre en
1373 , en échange de diverses villes. Le roi y expose
qu'U se réserve toidS les droits et souverainetés j les*
quels sont toujours appartenant au roij en tout son
royaume (2). Il entre ensuite dans le détail de ces
(i) Voyez nos Recherches sur les communes, à la tête da
lome 3 de ce Rec, p. a8 et 39. (Ici, p* 98 et 99.)
(a) Tom< 5 , p* 4-77 • « C'est l'avis et instruction faîte sur
u la conservation des souverainetés et ressorts , et autres
« droits royaux... lesquels sont toujours appartenans au roi
Digitized
by Google
(i8o)
droits; et parlant en particulier de celui des bour-
geoisies, il déclare eic[n«ssëment que ce droit appar-
tient au roi seul, et pour le tout (i). Uinstrucuon
dont il s'agit est imprimée dans le tome 5 de ce Re-
cueil (2).
Nous Tenons de &tre voir quelles personnes avaient
le droit d'accorder la bourgeoisie : mais en &yeur de
qui ce droit pouvait-il être exercé? quelles étaient les
personnes susceptibles de la bom^eoisie? (Test ce qui
nous reste à examiner dans cet article.
En concédant les bou^eoisies, nos rois respec-
taient toujours les projHriétés des sujets; de là cette
clause ordinaire dans ces concessions : Sauf les droits
des seigneurs j ou sauf les droits des clercs^ des sei-
gneurs de fiefs et des ingénus (3). Cet esprit de jus-
tice qui s'accordait avec la politique , caractérisa le
gouvernement de Hugues-Capet, dont il affermit le
trône; et ce principe adopté par ses descendans, qui
ne s'en sont jamais écartés, éternisera leur puis-
sance. On le retrouve dans la formule toujours em-
ployée par nos rois , lorsqu'ils fi)nt quelque conces-
« en tout son royaame laquelle instmction a été baillé le
« 8 mai 187^. »
(i) Tom. 5, p. 480, art 10.
(a) Pag. 4-77 et soiv.
(3) Je traduis par seigneur de fief le mot ndUium , parce
qa'en cet endroit il me paraît mis en opposition arec les in-
génus, qui n'avaient point de vassanx et qai n'étaient vas-
sanx de personne.
Digitized
by Google
( i8i )
sion : Sauf notre droit en autre chose j et celui
â^ autrui en toutes.
La formule usitëe firëcpiemment dans les chartes
de ])oa^eoisie , nous présente trois sortes de person*
nés {ormdJit deux ordres privilégiés par leur état, et
distingués des habitans qui n'étaient que boui^ems >
IVdre des ecclésiastiques ei Tordre des seigneurs de
fief et des ingénus, salw. jure clericorumj militum
et ingenuorum. Quels étaient les droits qu'on leur
réservait? Ces détails nous conduiraient à Texamen
de Tétat des personnes, et nous entradueraieut trop
loin* fiomons-nous aux objets indiqués dans notre plan.
Quand le nom de bourgeois ne fut employé que
comme un titre de distinction et de privilège , il ne
fut' au-dessous de personne; quand il fut employé
pour désigner une classe de citoyens subordonnée, il
fut dédaigné des classes supérieures; nous ne nous
servons ici de ce nom que selon la première de ces
deux accq)tions.
En ce sens, le noble, comme le roturier, fut suscep-
tible de la bourgeoisie. Rien n'est plus commun que
les chartes où Ton voit des noms considérables avec
la qualification de bourgeois* Le continuateur du
Glossaire de du Gange cite des lettres de iinô , qui
sont au Trésor des chartes^ dans lesquelles Richard
des Costes est qualifié à la fois écujrer et bourgeois de
Lyon (i). Il en cite d'autres de i474î P^^ lesquelles
Jeanne de Grournay, veuve d'Aimery de Duras, che-
(i) Don Carpentier, Ghss, ^ t. i<p. 676.
Digitized
by Google
( i8a)
yalier, obtient du roi , pour elle et ses hoirs, le titre
et les privilèges de bouf^eoîs de Bordeaux (i). A la
tête d'une requête présentée au roi par les boui^eois
de Bëziers , vers Tan 1 260 , on trouve le nom d*un
bourgeois issu d*un père qui portait le titre de cAa-*
valier (a). En 1298, un acte de notoriété atteste que
dans toute la Provence et dans la sénéchaussée de
Beaucaire , les bourgeois avaient le droit d*être armés
dievaliers , sans être obligés d*en obtenir la permis-
sion du prince , de porter les marques et d*us^ des
prérogaùves de la chevalerie (3). Joignez à ces preu-
ves une foule d'exemples de personnes nobles, qua-
lifiées bourgeois de telle ou telle ville , ra[^rtës
dans le Traité de la Roque sur la noblesse (4)- Un
bourgeois d'Auxerre ayant été anobli y et se croyant
par-là exempt de la çontributicm qu'il payait comme
bourgeois, des lettres de Philippe YI, en i34i, dé-
clarèrent que son anoblissement ne changeait rien à
sa bourgeoisie (5). Enfin, on sait que dans les plus
anciens temps, il y a eu des villes qui ont joui du
privilège d'anoblir ceux de leurs bourgeois qu'elles
(i)DoB Garpentier^ Gbss., t. i, p. 676.
(a) Sidsubjecti fidèles BUJaGENSES^. Joannes de Bojano,filim
(psondam Joanrds de Bojano MIUTIS. (D.Vaissette^ Hist de Lan-
gued., t. 3, pr. coL Sij.)
(3)/dl,«^iVf., p. 607.
(4.) Pag. 33 1 et suiv.
(5) Lettres du 3i août i34i, rapportées par Lebeuf^ HisU
d'Auxerre, t a, pr. p. 3oo.
Digitized
by Google
( '83)
jugeaient à propos ( i ). U n'y avait donc point d'incom-
patibilité entre les titres de bourgeois et de nobles;
et les nobles, par conséquent, ont toujours été sus-
ceptibles de la bourgeoisie.
Le statut fait en 1480 , au sujet des tournois, con-
firme encore ce que nous Tenons de dire. Il défend
aux nobles, sous peine d'être exclus àes tournois, de
se faire bouigeois d'une ville (3). Cette défeme sup-
pose que les noUes étaient dans l'usage d'obtenir les
droits de bourgeoisie.
A la vérité , il j avait des villes où les nobles étaient
exempts de certaines contributions auxquelles les
autres bourgeois étaient sujets. Dans la ville de Char-
roux (3), les nobles ne contribuaient aux dépenses
c<Anmunes que pour l'entretien des ponts , des tues ,
des murs et des fontaines. C'était la même choàe (4)
k Mont-Chabrier et à Gardemont : nouvelle preuve
que les nobles étaient admis dans les corps de bour-
geois des villes.
Ce n'Aait qu'aux conditions de conserver leurs pré-
r(^atives personnelles, que les ecclésiastiques pou-
vaient désirer d'entrer dans les bourgeoisies. Nous les
en voyons quelquefois formellement exclus. Tous les
(i) Barcelonne, Perpignan. Voye^lts Rechercltes sur la no-
blesse ife» citoyens de Pajdgnan et de jBûr^&nyï^, par M. l'abbé
Xaupi, 1763.
(2) De la Roque, Traité de la noblesse, p. 335.
(3) Ordonn.f t. 11, p. 5o8, art. i4.
(4) Ibid., p. 364, art i5, et p. 384, art. i5.
Digitized
by Google
(184)
habitans de la ville de Bray, lors de la conotsôon de
ccmimune qui leur fut faite en isio^ furent décla-
ra bourgeois de cette commune, à Texoeption des
ecclésiastiques (i). Par les coutumes deVemeuil-sur-
Oise, ils ne pouvaient même acquérir ni posséder
d^immeubles dans cette ville (a) y ocnnme on le voit
par les lettres du mois d^août i3 18, qui levèrent cette
exclusicm. Mais la \(À n^était point générale, et ils
étai^t susceptibles de la boiirgecÂsie^ puisque ncHJs
les y voyons admis à Douay (3), et qu'ils y pouvaient
même parvenir à l'échevinage. Ce n'était que par une
exception formelle qu'ils étaient quelquefois exclus
de la boui^eoisie. Elle leur était absolument interdite
à Lille, et Ton disait au nouveau bourgeois qu'on y
recevait (4) : Si "vous étiez bâtard ou clerc ne
seriez mie bourgeois; si perdriez votre argent. ^
Bouteiller (5) faisant l'émimération des personnes
qui ne sont pas susceptibles de la boui^eoi^e, nonmie
aussi les bâtards, les serfs et les criminels bannis par
jugement. La coutmne de Lille y ajoutait les enne-
(i) Orâoruu, %. 11, p. 296, art. i.
(a) Ordorm., ibid., p. 4-65.
(3) Avec ceue distinction, que le nombre des ecclésiasti-
ques admis à Péclieyinage dievait être au-dessous 4ii tiers du
nombre total des échevins^ {Ordonn.9 1 5, p. i32, art &)
(Ji) Yander Haër, Châtelains de Lille, p. 181.
(5) Somme rurale, p^ 793 : «Si ainsi est ÇEi'Il soit recevable
m de bourgeoisie , c*est à savoir qu'il ne seit serf, ne bâ-
« tard... ne banni de sa juridiction pour cas de crime, etc. «k
Digitized
by Google
( i85)
mis du roi et de la ville (i). Celle de Calais (2) exi-
geait u£Le attestation de vie et mœurs ^ et cpi'on ne
fût point is$u de famille de lépreux (3).
Ces diverses inçap$icit^ étaient de d^ix espèces
difôrentes. Les unes étaient en quelque sorte indé-
léHles ; les autres pouvaient s^effacer. Ainsi Thomme
devenu inÊme par les condamnations que ses cri-
mes avaient attirées, était pour jamais exclu de la
bourgeoisie ; mais le bâtard pouvait ep. avenir sus-
ceptible par la Intimation , le serf par TsiSraBelùsse»
ment.
C'était une maxime reconnue (4), que nul serf
ne pouvait être bourgeois. Si on lit dans les lettres
de 1313, en faveur des bourgeois de Coucy, que
ces bourgeois étaient de plusieurs serves condi-
tions (5), cette expression ne désigne que des servi-
tudes féodales y et non Tétat de serf proprement dit.
Lorsqu'un serf se réfugiait dans les villes qui commu-
niquaientle droit de bourgeoise , si , dissimulant sa con-
(i) Vander Haër, vhi suprà.
(3) Cbiit^ieik, t. If p. iii5.
(3) Nous ne parlerons point d'aatres exclusions arbitrai-
res portées dans diverses chartes de commune. Ainsi , Phi-
lippe Auguste excluait de la commune de Chamblî, les hom-
mes àes abbayes ou des autres communes dont les vassaux
devaient au roi ost etcheoauchée. {Ordonn,,\. ia,p 3o3.) Nous
n*accamulerons point les exemples.
(4) Brussel, Usage des^fs, t. a, p. 904.
(5) Ordonn., l. 12, p. 4o4*
Digitized
by Google
( 186)
dition, il s^y fidsait recevoir bourgeois , son seigneur
avait le droit de le réclamer; et ipiand Philippe ^le-
Bel, en 1 287, fit on règlement sor le droit des bour-
gemûes, il déclara que son intuition n'était point que
ses sujets ne pussent poursuhre h retraire de hour-
geùisie leurs hommes de corps ( i). Les serfi ou hom-
mes de corps (s), disent nos coutumes^ sont censés
réputés du pied et partie de la terre. Il fallait donc
affitinchir le serf avant de Padmettre à la bourgeoisie.
On a vu que lorsqu*(m accordait les droits de bour-
geoisie à des lieux dont tous les habitans étaient serfs,
Partide préliminaire contenait raffiranchissement gé-
néral de ces habitant. Les preuves en sont si multi-
pliées dans les deux derniers volumes de notre Recueil,
que nous croyons superflu de les indiquer.
Cette précaution cessa d'être nécessaire lorsque la
sarvitude n'eut plus lieu en France. Philippe-le-Bel
avait donné Texemple de l'abolir, ayant nommé en
i3o3 (3) des commissaires en Languedoc , avec de
pleins-pouvoirs pour affranchir les serfe en tel nom-
bre qu'il leur plairait. Louis X rendit une loi géné-
rale pour Tafiranchissement de tous les ser& de son
royaume. Nous n'avons point l'ordonnance même
(1) Ordorni,, U i, p. 3i6, art. 9. Nous parierons ao long
de ce règlement dans rarticle suivant.
(2) Voyez la Thaumassière, Coutume de Berry, p. 8; dm-
iume de Vitry, art. i45.
(3) Voyez les lettres imprimées dans ï Histoire de Langue-
doc, par D. Vaisseite, t. 4» pr. p. 127.
Digitized
by Google
( »87)
pour cet affiranchissement général; mais nous avons
les ooiiuiiissions(i) données pour exécuter. Rien n*é-
tait plus beau que le naotif dont le prince paraissait
animé. ccConune selon le droit de nature^ disait -^îl,
((chacim dmt naître franc... Nous, considérant que
(iUGtxe nrjraume est dit et nommé le royaume de
(f France j et voulant que la chose en vérité soit ae-
(( cordante au nom^ et que la conditiofi des gents
« amende de nous, en la venue de notre nouvd 9011^
(( vem^nent*.. avons ordonné... que géhéraument parr
il tout notre royaume... servitudes soient ramenées \
<rirancluses...y pour que les autres seigneurs qui (mt
«liommes de corps preignent exemple à nous, etc. n
Mais ce motif apparent n'était qu'un prétexte pour
voiler le vrai motif, qu'on aperçoit aisément sous ces
paroles adressées aux commissaires : (cYousmandcms,..
((que... à tous les lieux, villes et communautés, ou
a à toutes personnes singulières qui ladite franchise
rrrequéreront, traitiez et accordiez de certaines corn-
et positkms par lesquelles sofiSsapt recompeQsation nous
«soit faite des émolumens qui désditas servitudes
(( pourraient venir à nous, etc. (a). » Ainsi cette vo-
(i) Voyei dans notre Recaeil , t. i , p. 583 , les lettres du
3 juillet i3i5, et celles qui sont indiquées dans la note sur
ces lettres. On en trouvera d'autres semblables, ihid,, p. 653;
d'autres encore dans les mss. de Brienne (à la Bibliothèque
du Boi), vol. ii58; et même des ai&anchissemens accordés
en conséquence, et confirmés par le roi.
(a)Tom. i,p. 583.
Digitized
by Google
( i88)
lonté du prince, de procurer à ses sujets serfi un af-
franchissement général , se réduisait à la promulgar
tion d*une vente de cet aflranchissement à ceux qui
se présenteraient pour Tacheter.
Cétait encore un grand bienfait; et les servitudes
étant un des revenus de la couronne, on ne pouvait
trouver injuste que le roi, en les éteignant, exigeât
quelque dédommagement : mais le prétendu bienfait
n*en était plus un, si le dédommagement était exces-
sif, si le prix de Tachât était au-dessus de Tavantage
que Tacheteur en retirait : or, ce prix était tel, qii*on
s^empressa peu de profiter de la grâce. Le roi le pré-
voyait sans doute; car, deux jours après la commis*
sion que nous venons de citer (i), il adressa aux com-
missaires un mandement dans lequel il s^exprimait
ainsi : (c Pourroit estre que aucuns... charroit en des-
uconessance de si grant bénéfice... que il voudroit
(( mieux demourer en chetiveté de servitute , que ve-
« nir à estât de franchise...; vous mandons... que vous,
fc de telles personnes, pour Taide de nostre présente
(c guerre , considérée la quantité de leurs biens (s) ,
<c et les conditions de la servitute de chascun, vous en
(i) La commission adressée à Saince de Chaumont et
Nicolle de Braye est du 3 juillet i3i5. (Onfonw., 1. 1, p. 58i.)
Le mandement est da 5 du même mois. Il est imprimé dans
le tome ii an Spidlége ded'Acheiy, p. 887 (édît. in-4^), et
danslaThaumassière, Coutume de Berry, p. aSi.
(2) Les serfs avaient des biens - meubles qu'il leur élail
permis d^acquérir.
Digitized
by Google
( ï89 )
(( leviez si souffisamment et si grandement comme la
« condition et la richesse des personnes pourront bon-
<( nement souf&ir, et la nécessité de nostre guerre le
« requiert. » Cette grâce, qu'il n'était plus permis de
refuser, n'était donc que le prétexte caché d'une taxe
ibrcée, portée aussi haut qu'il était possible, et qui
parut à plusieurs plus dure que la servitude même.
Quoi qu'il en soit de ce moyen , il réussit peu à
peu. Les seigneurs imitèrent le [nrince , en tirant de
l'affranchissement de leurs serfs le même* avantage
que lui. Les rois ne se bornèrent pas à affranchir les
serfs de leurs domaines; ils affranchirent ceux des
domaines des seigneurs (i). Par-là insensiblement il
ne se trouva plus de serfi en France (2), et la servi-
tude ne fut plus au nombre des causes qui excluaient
de la bourgeoisie.
Résumons ce que nous venons de dire, touchant le
droit d'accorder la bourgeoisie et la faculté de l'ob-
tenir. Le dr<Ht de l'accorder fut d'abord considéré
conune ym droit féodal , et ce fut à ce titre qu'il fut
(i) Ce fut aux charges d'indemniser les seigneurs; mais
l'indemitilé était payée par l'affrâUDchi. (Voyiez Boachel ^ au
mot Affranchissêïïnent)
(a) 11 reste cependant encore en quelques lieux des traces
profondes de l'ancienne servitude. C'est de là, par exemple,
qu'on voit , dans presque tout le parlement de Besançon ,
les colons tellement attachés à la glèbe, qu'ils ne peuvent la
quitter sans l'aveu du seigneur, et que le seigneur hérite
d'eux quelquefois au préjudice des héritiers du sang.
Digitized
by Google
( ^90 )
acocnrdë dsois les premiers temps, non seulement par
les seigneurs dans lenrs fiefe , mais par le roi dans ses
domaines. La chaîne féodale exigeant que le suze-
rain confirmât ces concessions, les seigneurs qui ac-
cordaient des droits de bourgeoisie étaient oUigës de
les fiôre confirmer par le roi, suzerain de tons les
fie& de son royaume. Bient6t ce ne ^t plus seule-
ment à titre de suzeraineté que les rois pétendirent
leulr autorité nécessaire à ces concessions; ce ne fiit
plus même à de simples ccmfirmations qu^ils se bor-
nèrent. Les bourgeoisies tenaient à la l^islation,
droit inaliénaUe de la souveraineté. Plus instruits de
leurs prérogatives , ou plus en état de les faire valoir,
ils ( les rois ) déclarèrent que le droit d'accorder les
bourgeoisies était attaché à leur puissance souveraine,
et ils se réservèrent à eux seuls l'exercice de ce droit.
Quant à la faculté d'obtenir les boui^eoisies, deux
sortes de personnes n'en étaient point su^eptibles:
ou ceux qui étaient exclus de la société comme pou-
vant y être nuisibles, les lépreux ou de race lépreuse,
les gens déclarés infâmes, les ennemis de la patrie;
ou ceux qui, sans l'avoir mérité, se trouvaient placés
hor^ de la société par des conventions faites sans eux,
les bâtards et les serfe. La loi qui excluait les bâtards
ne nous paraît que locale, et nous ne trouvons point
de loi formelle et générale qui les exclue de toute
bourgeoisie (i) : la servitude s'est abolie insensible-
(i) 11 semble qae les bâtards n'étaient point exclus de la
Digitized
by Google
( '9' )
ment; il ne reste plus de traces de la lèpre, aâb^use
maladie qui semblait retrancher du nombre deg hom-
mes ceux qu'elle attaquait : ainsi la boui^eoisie pa-
raît n'être plus interdite qu'à ceux qui, par leurs
a*imes, se sont rendus indignes de l'obtenir ou ont
mérité de la perdre. Telle a été la marche de notre
droit public à l'égard des privilèges de boui^eoisie ,
relativement aux personnes qui pouvaient les accor-
der ou les acquérir. Il nous reste à rechercher pur
quelles ùmoBS, à quelles conditions on pouvait les
acquérir et les conserver.
IL
Par quelles formes et h quelles conditions pouvait-
on acquérir et conserver la bourgeoisie.
La bourgeoisie s'acquérait ou en vertu d'une con-
ces^on générale et primordiale, ou en vertu d'une
concession spéciale. La boai^oisie accordée par une
concession générale à tous les habitans d'un lieu,
passait aux héritiers de ces premiers habitans par la
bourgeoisie à Douai , car ils y étaient spécialement exclus
de l'éehevinage {prdonn.y t. 5, p. i3a, art 8); ce qui donne
lieu de conclure qu'ils étaient au moins admis à la bour*
geoisie. Il est dit, dans la couiume d'Oudenarde, que les bâ-
tards étaient bourgeois du chef de leur père, comme les en-
bas légitimes. {Naweau Coutumier général f t i, p. io65.) La
coutume de Bruxelles porte qu'ils peuvent être admis à la
bourgeoisie, à certaines conditions. (JbitLf p. i^Si.)
Digitized
by Google
( Ï92 )
naissance , se communiquait par les mariages (i)^ se
prescrivait quelquefois par le domicile d'un an (2).
La concession spéciale s'obtenait par Tagrégation for-
melle d'une personne à un corps de boui^eoisie. Ces
diverses manières d'aoquërir la boui^eoisie n'avaient
pas Ueu toutes indistinctement dans toutes les cou-
tumes (3). Quelques-unes ne connaissaient que trois
manières de l'acquérir : la naissance^ le mariage, l'a-
chat ; d'autres y ajoutaient le domicile et la conces-
sion du prince. U y avait des villes où le simple do-
micile , quoique continué pendant un an et un jour,
ne procurait que le titre d^habitarUj et non les droits
de bourgeois ; car tout habitant n'était pas bourgeois,
comme l'a remarqué Bouteiller (4) dans sa Somme
rurale : Manans sont ceux qui demeurent es villes
et cités jetn' ont point franchise delabourgeoisie{Sy
(i) A Bfècoii , lorsqo'on y devenait propriétaire d^ime
maison par mariage, on devenait boiu^eob. (T. a, p. 349,
art i4 et i5.)
(a) A Prissey : Si aliquis aliundè oeniens, moramfecerit in
dicta çiilâper armum sine reclamatione alicujus domim, habebi-
tur pro Burgense, rT.3, p. 697, art. 10.) A Nevers, il fallait un
domicile d'an an et un jour. (JbitL, p. 118, art 8 et 9.)
(3) Nous n'entrerons point dans ces distinctions, qui nous
mèneraient trop loin ; il sera aisé de les apercevoir dans les
Recueils des coutumes.
(4) Pag. 395.
(5) Us n'étaient tenus qu'aux aides de la ville, et non aux
redeyances particulières des bourg«>b, dont ils ne parta-
geaient point les avantages. (Bouteiller^ ibid.)
Digitized
by Google
( '93)
De tout cela résulte une nouvelle division de la
bourgeoisie en deux espèces : la boiu-geoisie acquise
de droit, et qui émane directement du titre primor--
dial; la bourgeoisie par aveu, et qui est conféi^e par
un titre particulier en vertu duquel on participe aux
privilèges que le titre pîmordial accorde. La pre-
mière de ces bourgeoisies, primitivement concédée à
tous ceux qui habiteront à l'avenir un territoire cir-
conscrit, semble attachée au territoire , et à cet égard
on peut la nommer réelle; l'autre peut être regardée
comme personnelle j lorsqu'elle n'impose point l'o-
bligation d'un domicile fixe et continu dans un lieu
déterminé, et qu'elle est, pour ainsi dire , inhérente
à la personne.
C'est cette bourgeoisie qu'on nomme conununé^
ment bourgeoisie du roi{i). Sur quoi il faut remar-
quer que le nom de bourgeoisie du roi peut s'em-
ployer sous deux rapports : ou relativenïent à la bour-
geoisie seigneuriale; c'était la bourgeoisie accordée
par le roi, considérée en opposition avec la bourgeoi-
(i) Noos ne disconvenons pas que le litre de bourgeois au
roi n'appartienne aussi , à divers égards , à ceux qui étaient
sAtm^ aux bourgeoisies établies par le roi dans les villes,
avec l'obligation d'y résider habituellement ; mais on enten-
dait communément et spécialement , par cette dénomina-
tion, les bourgeois qui n'étaient assujettis qu'à un domicile
ûcûî dans les villes de bourgeoisie , ou à une résidence de
peu de jours , dont il leur était même permis de se racheter
en payant une somme fixée , comme on le verra ci-après.
I. 9« Liv. i3
Digitized by
Google
. ( 194 )^
$ie accordée par les seigneurs ; ou relativemeilt à la
bourgeoisie des villes ; c'était la bourgeoisie accordée
par le roi, considérée en opposition avec celle qui
était eft quelque sorte communiquée par le territoire.
C'est selon ce second rapport que nous parlerons ici
de la bourgeoisie du roi. Sous ce point de vue , son
principal effet était de mettre sous la juridiction im-
médiate du roi ou de ses officiers, la personne de celui
à qui elle était accordée , et qui , n'étant point assu-
jetti à fixer sa demeure dans un lieu certain , était
pour cela nommé , en général , bourgeois du roi ou
bourgeois du royaume ( i ).
Ces bourgeois du roi sont ceux qui, dans certaine»
coutumes, sont nommés bourgeois du dehors ou
bourgeois forains (2), par opposition aux bourgeois
du dedans. Ceux-ci étaient proprement les bourgeois
de la ville, ceux qui y étaient nés, ou qui, y étant
venus à dessein d'y résider, y avaient acquis un do-
micile. Les autres , sans être astreints à une résidence
(1) Voyez du Cange/G/055. laty t. i, col. i3S8. Il y défi-
nit ainsi les •bourgeois du roi : Qui Hcet in alterius jundic-
tîone maneatf ah îllâ tamen eximitur, et jurisdictiom regiœ tan-
tum subest, rdsi daminus juribus regiis gaudeat
(2) Voyez par exemple les coutumes d'Alost et de Gram-
mont, NouQ. Côut, ge'n., t. 7, p. 1109. La Thaumassière
nomme aussi bourgeois forains les bourgeois qui, étajit venus
se domicilier dans un lieu de franchise, açaientfait aoeude
leur bourgeoisie dans l'an de leur demeure ^ après quoi ils étaient
ternis et réputés bourgeois. Il oppose ces bourgeois forains aux
bourgeois originaires. (Coût de Berry, p. 19.)
Digitized by VjOOQ IC
( 195 ) .
fixe , étaient seulement inscrits sur les registres des
bourgeois : ils avaient prêté serment de fidélité, et ils
payaient à la ville un droit annuel , dont les bour-
geois du dedans étaient aSranchis ; ce qui faisait nom^
mer oeux - ci francs * bourgeois ( i ). Chacune de ces
bom*geoîsies avait des formes et des conditions essen-
tielles. Celles de la bourgeoisie des villes, de la bour«
geoisie réelle , consistaient à fixer son domicile réel
dans îa ville dont on prétendait être bourgeois, à être
agrégé au corps des bourgeois de la même ville, à en
partager les charges comme on en partageait les pri-
vilèges. Les formes et les conditions essentielles de la
boujgeoisie du roi, de la bourgeoisie personnelle, con-
sistaient (2) à se soumettre immédiatement au roi,
{%) La Thaumassière , ubi smj^ et p. a!i3. Coût. d'AloH et
de Grammont, ubi suprà, Voy. aussi le règlement de 1287,
analysé ci-après, art i du Règlement. •
(2) Ces formes sont expliquées bien clairement dans les
lettres de translation en la ville d'Àigue-mortes , des bour-
geoisies du roi précédemment établies â Montpellier et ii
Sommières. Quicumque,.. âirrdssâ sui immédiate domini subjec-
tione, fubjectionem nostram ingredi, et nostri burgenses effici ^
passant... y admitterentur libéré, prœsiito per eos juramento , quàd
mm dolo facerent , çelinfraudem sui domini supradictL.. hoc ad*
J£cto, quàd^qiiiUbet dictontm burgensium unam domum oaloris
h& soKdorum.,. acquirere ieneretur if^fra armum à die ma^recep"
tionis in burgensem, in qud, in fesUçitatibus Nftalis et Paschœ
donurdy pet tresdies CQnUnuùs facerent residentiam personalemy
aUàs unam marcham àrgenti (re^*)**'* sobduri. (Ordonn., t. S,
p. 627.) Ces lettres de translation sont de 1378; mais les
formes qu'elles rappellent étaient plus anciennes.
Digitized
by Google
( 196 )
quant à la juridiction personnelle , quoiqu*on ne fut
pas habitant d'un lieu relevant du roi ; mais il fallait
affirmer avec serment, qu'en reconnaissant le roi pour
seigneur immédiat, on n'avait point pour objet de dé-
pouiller le seigneur dont on habitait le territoire;
serment suspect, et qui supposait une distinction bien
délicate et bien abstraite entre le but de la demande
et l'effet nécessaire et connu de la chose demandée.
On était agrégé au corps des bourgeois, mais sans
être astreint à habiter constamment parmi eux; et
pour suppléer au domicile réel par un domicile fictif,
il fallait acheter une maison dans le lieu qui était dé-
signé pour obtenir ces bourgeoisies ( i ) ; il fallait même
y habiter trois jours de suite dans chaque année, à
Pâques et à Noël, ou payer au roi une redevance.
Nous détaillerons bientôt plus au long toutes ces for-
mes , en analysant le règlement qui les rendit fixes et
invariables.
Les seigneurs qui avaient les droits régaliens étar
blirent, conune nous l'avons dit, des bourgeoisies per-
sonnelles et indépendantes du domicile, à l'imitation
^ des bourgeoisies du roi (2), qui ne s'étendaient point
sur le territoire de ces hauts^eigneurs, comme l'a re-
marqué du Gange (3). Les bourgeoisies du roi n'eu-
(i) Ce lien fat, pour le Languedoc, d'abord Montpellier,
puis Sommière^ , puis Aigue-mortes. Voyez ci-après , n" 4 1
des formes pour acquérir la bourgeoisie.
(2) Brussel en a cité des exemples. Voy. Usage des fiefe,
t. 2, p. 917 et suiv.
(3). Voyek le passage dans la note (i) ci-dessus, p. 194*
Digitized
by Google
( 197 )
rent lieu en Champagne (i) qu'après la réunion de
cette province à la couronne, en 1285. Sitôt qu'elle
y fut réunie , les bourgeoisies du roi s'y introduisi-
rent; non cependant avec une parfaite uniformité,
car pour être boui^eois du roi dans le comté de Joi-
gny, on était obligé d'avoir des lettres de bourgeoisie
obtenues du bailli de Troyes (2) ; au lieu que , dans
le reste de la Champagne , il s^fldsait de désavouer
son seigneur et de s'avouer boui^eqj|s du roi : ce qui
s'appelait acquérir la bourgeoisie du roi par simple
as^eu.
Les bourgeoisies, cette dernière espèce surtout,
âaient infiniment préjudiciables aux seigneurs parti-
culiers , et le devinrent bien davantage par les abus
dont elles étaient susceptibles. Ces abus excitèrent
des plaintes générales,* et Philippe-le-Bel, obligé d'y
remédier, fit en 1287 ^^ règlement par lequel il fixa
les formes et les conditions des bourgeoisies en géné-
ral. C'est d'après ce règlement que nous allons les
tracer.
L'objet était , pour nous servir des termes du rè-
^ement même , iiôter les fraudes et malices dont
les sujets étaient durement grés^és et durement plai-
gnans(3l). Ceux qui se plaignaient n'étaient pas seu-
(i) Pasqaîer, Rechercltest 1. 1, p. 38i.
(a) léLy ibiéU; Coutume de Troyes, art. i ; Ckmt, gen., t i,
p. 4^3* Voyez aussi Coût de Sens, ibid., p. i^g.
(3) Voyez le Bèglemem, 1. 1 de ce Req. , p. 3i4 et suir. ,
art. 1.
Digitized
by Google
( 19»)
lement les seigneurs ; c^étaiem aussi les villes dont les
bourgeois, sous prétexte d'avoir passé dans une bour-
geoisie différente de celle, à lacpielle ils avaient été
auparavant admis, éludaient les anci^ines diJ^atioiB
auxquelles ils étaient assujettis. Voici les firmes qu.e
le r^ement prescrivit pour obvier aux inconvâiiens
qu'on éprouvait.
I . Il fut statué qu'à l'avenir celui qui voudrait en-
trer en bourgeoise se présenterait, soit déliant le
maire ou juge municipal, s'il s'agissait d'une viUe
municipale ou d'une commune ; soit devant le prévôt
ou juge royal, s'il s'agissait d'une ville qui n'était
point administrée par ses propres magistrats. Il devait
déclarer au juge qu'il requérait la bourgeoisie , et se
soumettait aux obligations qu'elle iihposait(i).
Ces obligations variaient selon les diverses bour* '
^isies (2) : elles consistaient en redevances, soit en
argent, soit en services. Les unes étaient au profit de
celui qui avait accordé la boui^eoiâe, les autres au
profit conunun des bourgeois même , pour subvenir
aux fixais de l'administration et peur acquitter les
autres charges de la corporation. Les redevances, ainsi
qiie les privilèges dcmt elles étaient le prix , ont été
(i) Voyez le Règlement , 1. 1 de ce Recaeil , p, 3ï4 et soir.^
art. X.
(2) On peut consulter, sur les variétés de ces obligations^
les diverses chartes delïourgeoisie insérées dans notre Re-
cueil : rénun^ération en serait infinie.
Digitized
by Google
( »99 )
quelquefois dësignëes sous le nc»n de beourgeohies ( i )y
comme nous Tayons observe plus haut : elles étaient
souyem inégalement reparties ; et on sqypelait^raniii^
bourgeois ou petits -bourgeois ceux qui payaient une
redevance plus ou moins forte, et francs -bourgeois
ceux qui étaient dispensés d*en payer aucune (s).
a. Une obligation dW autre genre que le nouveau
boui^epis devait contracter expressément lorsquUl se
présentait devant le jyge, en conséquence du nou-
veau règlement , c^était d'acquérir ou de bâtir dans la
ville ou il demandait d*être admis à la bourgeoisie,
une maison du prix de 60 sous au moins. Il en faisait
semfênt entre les mains du juge, en présence d^ deux
ou trois bourgeois du lieu, et il devait exécuter sa
pnnnesse dans Fan et jour. Tout ce que nous venons
de dire était enregistré , et on en expédiait lettre au
nouveau boui^eois(3).
L'obligation dcmt nous venons de parler est expri-
mée dans la plupart des chartes de bourgeoisie anté-
ri^ires (4) au règlement; nuôs le règlement la rend
(i) Voyez ce qoe nous avons dit, au eommencement de
ces Recbercbet , sur les diverses acceptions du mot hour^
geoide.
(3) La*Thaumassière, Cbu^ de Berry, p. ao. Voyez aussi
dans le Now* Coût gén., t i, p. iiog, les coutumes d'Âlost
et de Grammont sur les/ra/ic5 bourgeois, citées ci-dessus.
<3) Règlement de 1187, art. i.
(4) On en trouvera des preuves dans la plupart des an-
ciennes chartes de bourgeoisie que nous avons publiées.
Digitized
by Google
( aoo )
gënërale. La maison qu*on était obligé d*aoquédr,
pour obtenir la boui^eoisie, répondait en quelque
sorte de Inexactitude du nouveau bourgeois à remj^
8e& engagemens. On la saisissait, on la amfisquait, on
la démolissait , selon le degré où par la suite il pou-
vait devenir coupable (i)- Il semble dcmc que le prix
^e cette maison aurait dû être fixé selon les temps,
de manière qu*il fut toujours proportionné aux amen-
des que le bourgeois pouvait encourir ; cependant réé-
valuation qui s*en trouve dans les plus anei^mes
chartes de boui^eoisie , u*e^ augmentée ni dans le
r^lement ni dans les confirmations postérieures , quoi-
que les augmentations successives du prix du marc
dWgent eussent dû donner lieu à une augmentation
proportionnelle de cette évaluation. Au reste, ce dé-
&ut d'évaluation proportionnelle n'est point particu-
lier à cet objet ; il se retrouve dans presque toutes les
anci^mes redevances pécuniaires représentatives des
fimds. * ^ .
3. Immédiatement après la lettre de bourgeo^ie
obtenue, le juge qui avait reçu le serment du nouveau
bourgeois lui donnait^ un sergent pour la notifier au
seigneur qu'il venait de désavouer (3). Cette lettre
marquait Tan et le jour où il était entré en bourgeoi-
sie , et les noms des bourgeois qui en avaient éié té-
moins. Par-là, le seigneur connaissait le vassal qui lui
(i) !Nous en avons cité des exemples en parlant de la pu-
nition des crimes.
(2.) Règlement, ¥ài $\iprk<
Digitized
by Google
( ^01 )
échappait^ et était en état de le réclameri s'il y avait
lieu. Il ëtait instruit de Fëpoque précise où ce vassal
avait cessé d'étré son homme ; ce qu'il lui était im-
portant de savoir^ parce que (i) ^ connoîssance et
V exécution des querelles mues contre ce vdssal^ et
des méfaits wenus trois mois aidant la réception en
bourgeoisie^ appartenaient à Tancien seigneur. Enfin
ce seigneur était à portée de juger si les formes pour
acc{aërir la bourgeoisie avaient été remplies exacte-
ment^ car la bourçeoi^ie n'était acquise (2) que lors-
que tout ce que nous venons de dire avait été fait, et
qu« sûreté avait été donnée de remplir les engagemens
auxquels la bourgeoisie obligeait.
4« Après avoir prescrit les formes pour acquérir
la bourgeoisie, le règlement en prescrit pour la con-
server, et elles consistent principalement dans la con-
tinuation du domicile (3). Le nouveau bourgeois ou
sa %n|^e doit résidei^ de fait et continuellement dans
le lieu de sa bourgeoisie, depuis la veille de la Tous-
saint jusqu'à la veille de la Saint-Jean, à moins d'ex-
cases légitimes, qui sont spécifiées par la loi. S'il n'a
point de femme , ou s'il s'agit d'une femme qui n'a
fkas de mari , le domicile personnel peut être sup
pléé par celui d'un valet ou d'une servante , excepté
les jours de fêtes annueUes. On pouvait cependant en-
core être dispensé du domicile pour ces jours même,
(i) Règlement de 1287, p. 3i6, art. 7*.
(a) Ibid. , p. 3i4i art. 2.
(3) Jbid,, p. 3i5, art. 3, 4 et 5«
Digitized
by Google
( ao2 .)
soit lorsqu^on ëtâit hors du pays , soit lorsqa^on atait
une permission du roi (i).
Au reste, la nëcesÀtë du domicile imposée par k
règlement regardait spécialement les bourgeoisies que
nous nommons réelles; le caractère des bourgeoisies
personnelles était y au contraire , de ne point exiger
. de domicile continu. Il est certain , par exemple, que
dans les sénéchaussées de Toulouse, de Carcassonne,
dé Beaucaire (3) , ceux qui youlaient être bourgeois
dv roi obtenaient des lettres de bourgeoùde de* Mont-
pellier, ou de Sommières, ou d*Aigues- mortes, car
ce droit fut successivement attaché à ces trois dififô-
rentes villes; et pour jouir de cette bourgeoisie, il
leur sufiBisait, conmie nous l'avons dit, de résider trois
jours de suite, aux fêtes de Pâques et de j^oël, ou
même, s'ils Taimaient mieux, ils éuient quittes de
cette courte résidence au moyen d'un marc d'argent
qu'ils payaient au roi tous les ans (3). Ainsi ^^li^
(i) Le Règlement ne parle point de la permission que le
roi peal donner ; mais D. Carpoitier cite des lettres de
Philippe-le-Long, en s3i7^ qoî dispensent un bourgeob de
Mâcon de résider dans cette ville aux fêtes de la Toussaint,
de Noël et de la Pentecôte, sans être privé pour cela ni du
titre ni des privilèges des autres bourgeois domiciliés. (Sqppl-
au Gïoss. lai. de du Gange, t. i, p. 676.) Ces lettres, en prou-
vant l'exception « confirment la règle.
(a) Voyez les lettres du 29 juillet 1873, t. 5 deceRecveif,
p- 627.
(3) Voyez Ordonn., t. 5, p. 627.
Digitized
by Google
(ao3)
tk>B di^ domicile devenait mille pour les bourgeois
du Foi, et était convertie en une redevance pécu-^
nimre ; mais ce qui semblait r^résenter davantage le
domicile, c'était la maison qu'ils étaient tenus, de-
même que les bourgeois vraiment domiciliés, d'ac-
quérir dans le lieu où ils obtenaient des lettres -de
bourgeoisie (i), c(»nme on Ta vu ci-devant.
5^ Nous avons dit comment on pouvait acquâ*ir et
conserver la bourgeoisie, disons aussi comment on
potivak la perdre. On la perdait de deux façons : ou
l'on en était privé par pimition, ou l'on y renonçait
de sa propre vdionté. On en était dépouillé , ou pbur
crime, ou pour désobéiss^ce aux ordres de la corpo-
ration, ou faute de remplir les (J^ligatîons imposées
par le règlement (i). Si <m y voulait renoncer (3) , le
règlement j^esorivait des formes pour cette renoncia-
yon, surtout quand on se départait d'une bouigeoi*
sie pour passer dans une aut]re(4)* H fallait alors dé*
(r) Foyez Orddû., t. 5, p. 6iV ; t 6, p. ai^ et suiv.
(je) Les privil^es accordés àut villes sont remplis de
danses qui portent la peine de perdre la bourgeoisie. Le dé-
faut de résidence dans le lieu de la bourgeoisie^ à certaines
époques , emportait la perte de la boui^eoisie , selon l'or-
donnance du 27 août iS^G, t. 6, p. 218.
(3) L'ordonnance du 27 août 1376 maintient les bourgeois
dans le droit de renoncer volontairement à la bourgeoisie :
Possint remmdare burgesiœ, si et ^uandù ooiuerint, dum tamm
hoc fiât Uherè.., ac sine fraude ^ t. 6, p. 618.
(4) Règlement, p. 5i5 et 5 16, art. 6 et 8.
Digitized
by Google
(ao4)
darer qu'on abandonnait la bourgeoisie où r<m avait
é\é admis, acquitter ce qui restait dû de toutes les
redevances auxquelles on avait étë oblige comme
bourgeois y et payer les droits de sortie , tels qu'ils
étaient fixés dans la boui^eoisie que Ton quittait (i).
Ce n'était qu'après avoir rempli ces formes, qu'on
pouvait être admis dans une autre bourgeoisie. Cet ar-
ticle du r^lement ayait pour objet d'obvier aux firau-
des que Tancienne botu^eoisie aurait eu à craindre,
si (m avait pu se soustraire à sa juridiction avant d'a-
v<Hr satisfait à toutes les obligations auxquelles on
était tenu envers elle.
6. Le règlement que nous analysons n'aurait re-
médié qu'impar&itement aux abus des bourgeoisies ,
si les fcarmes auxquelles il les assujettissait n'eussent
eu lieu que pour l'avenir. Il obligea dond non seule-
ment ceux qui par la suite voudraient être admis au^
boui^eoisies de se soumettre à ces formes (s) , maïs il
enjoignit à ceux qui jouissaient déjà des bourgeoisies
de les obtenir de nouveau, selon les formes prescri-
tes, dans l'espace d'un mois, à compter du jour de
la publication de la loi, sur peine de perdre leurs pri-
vilèges. Observons que ce règlement ne fat pas d'a-
bord une loi générale : au contraire, lorsque Phî-
(i) Ces droits de sortie (oa à^îssue, comme les cootomes
les appellent) étaient dus , même dans le cas où l'on était
malgré soi dépooillé de la bourgeoisie. (Foyez le Now. Coût.
gén.y 1. 1, p. 887, 904, 96S, etc., etc.)
(a) Règlement, p. 3 16, art. 10.
Digitized
byGpogle
( 2o5 )
lippe-le-Bel le publia pour la première fois, en 1827,
il déclara que son intention n^ëtait point qu^il eût
lieu dans la partie de ses Etats qui confinait à l'Al-
lemagne (1); mais six ans après , il en enjoignit Texë-
cution par toute la France; et en i3o2 (2), il le fit
entrer dans sa grande ordonnance pour la rëforma-
tion du royaume. Lorsquiè les nêbles de Champagne
se plaignirent, en i3i5, à Louis X, que ce règle-
ment n'était point observe , ce prince , faisant droit
sur leorâ griefi , ordonna qu'il serait exécute (3) , et
le renouvela peu de temps après (4)« Enfin , l'obser-
vation en fiit enjointe de nouveau, en i35i, par le
roi Jean (5) , et le fut encore depuis , à plusieurs re-
prises, par Charles V (6).
Les abus que l'on fit des boui^eoisies, surtout dans
le Languedoc , obligèrent ce {M^nce à publier une
dernière wdonnance pour les réprimer. Ils y sont dé-
taillés fiofct au long. Les plus considérables étaient que
ceux qui se nommaient bourrais du roi se dispen-
saient de résider en aucun temps dans le lieu de leur
bourgeoisie, et négligeaient d'y acquérir une maison,
(i) Ordomu, 1. 1, p. 3i6, note.
(2) Eln 1293. Voyez le t. 1, p. 367.
(3) Lettres do mois de mai i3i5. Recueil des ordonn., 1. 1,
p. 575, art, 8.
(4) Lettres du mois de décembre i3i5, ièid., p.6i3.
(5) Lettres du mois d'octobre i35i, t. 2, p. 461.
(6) Lettres du 20 juillet 1367, t. 5, p. 22, art. i3; du 24
aoât 1371, t. 6, p. 70; 27 août 1376, ibid, p. 214 et suîy.
Digitized
by Google
■ ( 206 )
comme ils y éuient obligés par le règlement de ¥tà-
Iippe4e-Bel. Sur les plaintes que les seigneurs portée
rent au parlement, il y eut arrêt qui ordonna que le
règlement serait exécuté ; et en conséquence de Tar-
rét , le roi rendit une ordonnance , le 27 août 1 376 ( i ) ,
qui rappela les droits et les obligations des bourgeois
du roi 9 conformémUnt au règlement dont il s^agit,
ayec quelques cbangemens cependant en faveur des
seigneurs qui se .plaignaient à juste titre, car ils
étaient continuellement dons Tincertitude si le yassal
denieurant sur leurs terres n^était pas bourgeois du
roi; et ils n^osaient exercer contre lui la justice, de
peur d'être poursuivis comme infracteurs de la sgtiVe^
garde du roi, sous laquelle étaient tous les bourgeois.
Le roi ordonna donc que les bourgeois seraient tenus
dorénavant à une résidence personnelle et continue
dans le lieu de leur bourgeoisie , durant huit jours ,
n^i seulement à Pâques et à Noël , mais à la Saint--
Jean et à la Toussaint,' confirmant d'ailleurs le rè^
glement de Pbilippe-le-Bel , regardé c(nnme la base
et lé Ibndement de tout le droit des boui^eoi»es.
Quelques personnes, sous le règne suivant, voulurent
se pourvoir contre cette ordonnance par appel au
parlement; mais leur aj^l fut rejeté par arrêt du 20
novembre iSga (2).
Nou§ n'avons considéré les bourgeoisies que sous
(1) Imprimée dans ce Rec.^ t. 6, p. 214 et saiv.
(2) Voyez cet arrêt, i. 6, p. 21 5, note.
Digitized
byGo.ogle
( 307 )
des points de vue généraux ; on trouvera des détails ^
des exceptiiMQfi et d^ singularités sans nombre, si on
veut parcourir dans nos Tables les sommaires qu#
nous y avons donnes de cette quantité prodigieuse de
chartes de bourgeoisie (i) répandues dans notre Re-*-
cueil. rtous terminerons ici nos recherches sur cet
objet par quelques réflexions sur les avantages infinis
qui ont résulté cbe rétablissement des bourgeoisies.
Nous avons vu qu'il contribua beaucoup à faire
rentrer dans les mains du souverain la portion de la
puissance publique usurpée par les seigneurs particu*
liers, qui ai avaient fait Tusage le plus oppressif;
nous avons vu que cet établissement ferça les sei*
gneurs d'adoucir tellement le joug sous lequel ils fai-
saient gémir leurs vassaux, que les serfs même pous-
serait quelquefois Tindifférence jusqu'à refuser de se
racheter pour le prix auquel on avait évalué leur af-*
franchissement : mais un autre avantage, et peut^
être le plus grand de ceux que procurèrent^les bour-
geoisies, fut de peupler les villes et de les multiplier;
objet aussi utile dans le temps où les bourgeoises fii^
rent élabHes, qu'il paraîtrait peut-être nuisible au-
jourd'hui. En effet , dans VétM actuel de la France ,
il semblerait avantageux de repei^ler «nos campagnes
du superflu des habitans de nos viUes; mais dans le
douzième siècle , et même long-temps après , il fallait
(i) Noas nomiDons aîtisi les lettres de commraie ou de
privilèges par lesquelles sont coûcédés ou confirmés les droits
des bourgeoisies.
Digitized
by Google
( 208 )
des villes pour la sûretë des agriculteurs y il fidlait
des villes pour rencouragement des agriculteurs.
* Dans des siècles où régnait en France la pr^nière
et presque la seule loi des peuples barbares , la loi du
plus fort; où Fëpreuve par le duel l'avait introduite
jusque dans Tordre judiciaire; où Tabus énorme des
guerres privées avait fait du royaume entier un théâ-
tre dliostilitës perpétuelles; où Tautorité ecclésiasti^
que avait été contrainte de venir au secours de Tau-
torité séculière, pour fixer dans le cours de Tannée
des jours de trêve forcée, afin dé donn^ la liberté de
se livrer au SQÎn des moissons , la moitié des terres
restait en firiche. Et comment s'occuper à défiricher
de nouveaux terrains , quand les incursions et les ra-
vages faisaient trembler sans cesse pour les produc-
tions des terrains mis en valeur ? Il était donc néces-
saire alors de multiplier les villes, pour servir d'asiles
aux personnes et aux fi:uits de leurs travaux (i).
Les aiAsieimes s'agrandirent, et on en fonda de
nouvelles. On invita, par des privilèges, les hommes
épars à venir s'y réfiigier. On sut même quelquefois
les amener au point de les construire à leurs propres
frais; car la nécessité d'acquérir ou de bâtir une mai-
son dans la ville nouvelle, pour y obtenir le droit
de bourgeoisie, obligem les nouveaux habitans de
(i) Beaucoup d'agriculteurs étaient bourgeois des villes :
oii en trouve la preuve dans les chartes de bourgeoisie , où
on leur accorde des exemptions de droits d'entrée sur les
vins de leur crû, sur les grains de leurs récoltes, etc.
Digitized
by Google
( 209 ) ^
ccmstruire insensiblement la ville presque entière à
leurs dépens.
11 fallait des villes pour rencouragement des agri-
culteurs, dont la classe était dans une proportion
beaucoup trop forte , reladvement à la classe des con-
sonunateui^ ; et c'était encore une des raisons pour
lesquelles la moitié de Ja France restait en friche.
L'anarchie et les troubles intérieurs excluaient le
commerce; par conséquent, peu de consonunation
extérieure. La servitude , les guerres appauvrissaient
la population; par conséquent, peu de consommation
intérieure. La France n'était presque peuplée que
d'agricoles, serfs ou presque serfs, peu dififérens des
animaux qui leur étaient associés pour le labourage ,
et traités à peu près de même ; sans émulation, parce
qu'ils étaient sans espoir; sans courage, parce qu'ils
étaient sans ressources ; fuyant comme un travail «ans
fhiit celui qui leur aurait produit des récoltes au-
delà de ce qui suffisait à leur nourriture et au paie-
ment de leurs redevances féodales.
Mais ceux d'entre eux qui se réunirent dans les
villes où les privilèges de la bourgeoisie les attiraient,
affiranchis des servitudes décourageantes , tranquilles
et maîtres d'améliorer leur sort en se livrant à des
métiers utiles, déployèrent lein* industrie et ouvri-
rent de nouvelles somxes de richesses qui se répan-
dirent sur les campagnes et y excitèrent la culture.
Des honunes s'appliquèrent aux arts, et le commerce
naquit. Ces hommes formèrent une classe de consom-
mateurs opulens, dont les besoins occasionnèrent les
I. 9« uv. i4
Digitized
by Google
( 2ÎO )
défrichemens, qu'on multiplia à proportion de la po-
pulation, augmentée elle-même chaque jour par IV
bondance : ainsi j par Faction et la réaction conti-
nuelle de ces causes, et de ces effets devenus causes à
leur tour, bientôt la France se trouva couyerte à la
lois de campagnes fertiles et de vill^ puissantes et
riches.
Les sciences et les lettres ne profitèrent pas moins
que les arts de la réunion des hommes dans les villes.
Là, rapprochés les uns des autres, les citoyens dis-
pensés des travaux pénibles, jouissant d'une aisance
qui met à Tabri du besoin journalier, sentirent naître
insensiblement le premier iet le plus précieux fruit du
loisir, le désir de conns^tre et de s'instruire. A portée
de se communiquer leurs vues, de s'exciter aux dé-
couvertes, de s'entr'aider dans leurs recherches, leur
esprit s'agrandit , leur goût se foïma , l'avidité d'ap-
prendre s*accrut par la honte d'ignorer, la rivalité
produisit l'émulation- et hâta le [HX^ès de tous les
genres de connaissances.
Tels furent lies principaux avantages que l'établis-
seïnem des boujqgeoisies produisit, soit pour les rois
dont il rétablit l'autorité , soit potirles sujets qu'il af-
franchit de l'oppression, soit pour le royaume, en
général , qu'il rendit le plus florissant ,état de l'Eu-
rope 5 mais il est (te la natuf e dés privilèges de devoir
être modifiés selon les circonstances. Le nombre, la
variété, l'étendue des privilèges dés bouj^eoisies, en-
traînèrent des incc»[ivéniens auxquels il fallut remté-
dier, surtout l<»squ'ils ne furent plus ccmipensës par
Digitized
by Google
(211)
les avantages, lorsque la puissance féodale n'alarma
plus le pouvoir souverain, lorsque Féquilibre parut
établi entre le nombre des consommateurs et celui
des cultivateurs , lorsqu'il y eut lieu d'appréhender
qu'une plus abondante population des villes ne fît dé-
serter les campagnes, et que la classe des hommes
qui rendent un Etat florissant n'épuisât celle des
hommes qui le nourrissent.
Alors nos rois crurent devoir réduire dans de justes
bornes les privilèges des bourgeoisies. De là , tantôt
ils ont diminué la quantité des exemptions trop mul-
tipliées, et qui redoublaient les charges des sujets qui
n'y étaient point compris ; tantôt ils aùl restreint des
privilèges qu'il leur a paru convenable de rapprocher
de l'ordre commun ; tantôt enfin ils ont ramené^ au-
tant qu'il leur a été possible , à l'unifcHraaité , cette va-
riété prodigieuse de coutumes locales qui faisait dire
à Beaumanqir, en laôS (i) i qu'on ne poussait trou-
s^er en France deux chastellenies qui de tout usas-
sent d'une mesme coutume. .
Mais nous ne ferons point aujourd'hui l'histoire de
ees changemens, postérieurs aux époques qu'embrasse
jusqu'ici ûotre Recueil; et nous nous resservons à les
indiquer, à mesure que l'ordre des temps les consi-
gnera dans la suite de la Collection des ordonnances'
de nos rois (2).
(i) Beaumanoir^ Cknd, de BeaweisiSy p. 2.
(a) Fioyw cette Collection.^ -. - ^
Digitized
by Google
( 212 )
»^»»w^^»M»»»MMmi»mw«iw)iixiww>mwww^
i^^w*i¥wi*itnnMMMvtm¥*nmMwtnnn^mnni»iy*niinnm
QUATRIÈME PARTIE.
ADDITIONS AU CHAPITRE III, % 1 (i).
RECHERCHES HISTORIQUES
SUR LBS
ROUTIERS ET LA JACQUERIE W.
Que des monarques puissans et courageux subju-
guent par la force de leurs armes. les peuples^qui les
(i) Tome 7 de la CoUect.
(a) Ces carieuses Recherches ont été imprimées par par-
ties dans le Journal de Verdun, mois de mai , juin, juil^
et octobre 1761. Les quatre articles ont été ensuite réiuiis
dans un tirage particulier, dont il n'existe qu'un très -petit
nomBre d'exemplaires, et c'est d'après le texte revu de l'on
de ces exemplaires que nous les donnons ici. Le nom de l'au-
teur ne s'y trouve point ; mais voici ce que nous lisons à ce
sujet dans le préambule du premier article du Journal de Ver-
dun: « Une personne studieuse et versée dans notre histoire,
« dont elle fait ses principales occupations, nous a remis un
« manuscrit rempli de recherches qu'elle a faites sur les
Digitized
by Google
( ^»3 )
ravironnent ; qu*ils aillent même p(»ter dans les ré-
gions les plus éloignées Tefiroi et Tëpouyante, ce n^est
pas, après tout, un prodige bien rare; mais que des
aventuriers sans nom, sans autorité, et sans autres
ressources que leurs brigandages, aient pu, pendant un
temps considérable, ravager presque toutes les parties
de TEurc^ , se rendre la terreur des princes les plus
puissans, et soutenir contre eux, et souvent avec
succès, des guerres longues et meurtrières, c^est un
pbéHomène dont l'histoire ne fournit guère d'exemples.
Tel est pourtant celui qu'ofire à nos yeux les routiers,
qui vont faire la mati^e de ce Mémoire.
Il nous paraît surprenant que des hommes si fa-
meux, dont l'existence fait une époque aussi frap-
pante dans nos annales, n'aient trouvé jusqu'à présent
«Touders, ces brigands si fameux autrefois, dont tout le
« monde parle ou a entendu parler, sans pent-étre les trop
« connaître encore. Cet homme de lettres a para désirer
« qu'on déposât ce fruit de son travail dans ce journal; nous
« avons cru qu'en lui accordant cette satisfaction , nous ne
« déplairions pas au Idoins à un certain ordre de lecteurs.
«Gomme le Mémoire dont il s'agit est assez long, nous
« le partagerons en plusieurs morceaux, qui paraîtront suc-
« cessivement et sans aucune interruption. »
On voit cependant que le dernier article s'est fait atten-
dre de juillet à octobre.
Consulter sur ce sujet les savantes Dissertations de Secousse ,
recueillies avec les preuves, en deux vol. in-4", sous le titre
de Mémoires pour servir à l'histoire de Charles II, roi de Na^
i>arre..», surnommé le Mauvais. Paris, ijSS. {Edit C. L.)
Digitized
by Google
persoane qui ait entrepris de nous donner leur hi£h
toire en particulier. Notre intention n'a point été ^ à
beaucoup près, de supi^er à ce dé&ut. Ce que nom
pourrions tout au plus nous pnnnettre de notre tra^
Tail y serait petit -éire de &ire naître à quelqu'mi IV
dëe de traiter ce sujet avec tout Tintérét dont il est
susceptible, et de lui ëpai^er, au moins ^i pmrtie, la
peine des recherches, en lui indiquant la plupart des
sources où il pourrait puiser. Cest dans ce dessein que
nous avons rapporté scrupuleusement les ciutions.
Donner une définitiou juste et exacte des routiers,
en marquer les différentes espèces, en fixer Torigine,
raf^iorter leurs actions les plus remarquables, et in-
diquer, à peu près, le tenips où l'Europe eut le bon-
heur d*étre délivrée de ces brigands, tel est, en deux
mots, le but que nous nous proposons ici.
Le nom de routier est un nom générique donné à
plusieurs espèces de brigands qui, sans aucun ordre
ni discipline militsûre, prenaient les armes, formaient
des compagnies sous un chef qu'ils se donnaient eux-
mêmes, et ravageaient la campagne et tous les en-
droits par où ils passaient. Du Caflge (i) prétend que
c'étaient pour la plupart des paysans qui dévastaient
les provinces , et s'enrôlaient de temps en temps au
service des princes (2). Ces sortes de gens venaient
(i) Ghss* de du Cange, sur, VUIehardouîn, p. 368.
(2) Prœdones ex rusUcis patissimhm coUecti ac œnstati, gui
prù^incias populabantur, et interdùm miliUœ principum sese arf-
dlcebant ( Ghss. de du Cftiige, t. 6, p. i544* )
Digitized
by Google
(a.5)
4e différ^l^. endroiu, et ne se rëunissaiem que pour
ff^^ ëcJUter toute leur fureur, comme ces nuag^ qui
ue ^ ras^mblem que pour lancer avec plus de vio-
l^jce k^ foudre qu'ils patent dans leur sein.
On Je$ aj^lait routiers j selon Borel (i) et Fure-
tièr^ (a), parce qu'ils brisaient tout ce qu'ils rencon-
traiblit , et 5 selon du Gange (3) , popce qu'ils labouraient
I4 terre. Cette deir^ière ëtymc^o^e dénote bien leur
^Xtr^tiou, mais ne désigne pas leurs ravages. Cer-
taim wtçnrs finit dériver le nom de routier du mot
iipglais routte (ou rqut^^ qui, selon Rymer, se prend in-
^flTéremiiient pour trahison, révolte, cons[ùration (4)9
ejisqiyantMeursius, si^ifieune troupe de soldats (5).
Aussi M. de Marca, dans son Histoire de Béarn^ en
s'attachant au Glossaire de Meursius, dit que le^
]|^utiers ét^ent des gens de guerre anployés par les
seigneurs, qui vivaient s^ns solde et discipline mili-
taire, pillant et ravageant le plat pays, et qu'ils avaient
pris leur nom de l'^cienne diction gauloise rupta ou
route j qui si^iâe une bande et une compagnie de
soldats (6).
(i) Borei, Àotiii' gasl-, iii-*4<'« jk ioi.
(2) Furelière^ Dictionn. in-f», t. 2, p. 626.
(3) Quod terram aratro pmscinderent seu dirumperent. ( Gloss.
de du Cange, t 5, p. i543.)
(4.) Pro cpdbmcumque proditiombus, rehelliomhus y routis ,
cfmqftgaÉiombus f canspimtionibm.
(5) Me^sios, Gless- ia-4°t ?• 478.
(G)Hîst.deBéam, in-f«, p. 5io.(iîoa/, tfl anglais, signifie
cohue y foule , attroupement, bande.) {Edit, G* L.)
DigitizSd
by Google
(ai6)
D*autres auteurs pensent qu^on nommait ces bri-
gands routiers j parce qu^ils abîmaient et ravageaient
tout(i), ou parce qvU'ûs pillaient les voyageurs , et
dëvastaient les «chemins (;^|t Ce sentiment est con-
tredit par M. dé la Cite. Cet auteur, en parlant des
Albigeois, qui furent appelés nmtierSj parce qu'ils
étaient associés ayeo ces brigands, dit formellement,
sur le rapport de Trithème, qu'ils ne furent pas ain«i
nommés parce qu'ils brisai^it et pillaient tout ce
qui se trouvait sur leur passage, mais parce qu'ik
étaient imis avec les soldats routiers (3). Par-là, M. de
la Côte, sans nous donner la propre signification du
mot routier j nous fait néanmoins entendre que ce
nom ne tire pas son origine des excès que commet-
taient ceux à qui on Pavait donné.
L'qpinion d'Innocent Ciron et de ses partisans est
aussi combattue par plusieurs auteurs célèbres, qiii
disent que le mot routier a la même signification,
quant à l'origine, que celui de roturier. Jean Be^,
dans la lettre qu'il envoya à M. Dupuy, sur l'ori-
gine des mots roture et roturier, prétend que du
mot route, [nroprement dit pour terre rompue et Ja-
bourée , fut fait routier pour labourem*, et que les
(i) IrmocenL Cyron. Paratitia, in quint. Lib. D, in-folio,
p. 4^4*
(3) Ritjfnaidi Annales , primas iomus, p, 196. Ratami^no-
men ab infestandis obsidendisque inis ac expUandis ciatoribus.
traxerant.
(3) Ménage, Dict. étymoLy p. 637.
Digitized
by Google
( 217 )
cooDipagnies de soldats qtii ottt eu le nom de rùutîerj
étaient tirées des ccnnmunes du pays, et vrais roturiers.
De là il conclut que roupie j roupUer^ ropture et rop-
turierSj viennent du même mot; que dans leur pre-
mière origine, ils ne dénotent qu'une même chose;
que route était rotui\e, routier roturier, et que ce
n'est que Fusage qui les a variés , et leur a donné
différentes significations (i). M. Ménage est du même
sentiment. Les routiers, dit M. de Gyves, avocat du
roi au pfésidial d'Orléans, sont des soldats et gens de
pied tirés de la campagne, gens agrestes et accou-
tumés à rompre la terre (2). Enfin, D. Lobineau pré-
tend que les routiers se nommaièm ainsi , à cause de
leur mianière de vivre , qui les mettait toujours: en
route, pour aller tuer et piller selon qu'ils étaient
commandés (3). Ce sentiment est aussi celui du Père
Barthélémy Piachinat. Les routiers, dit-il, se nom-
maient corriers ou coursiers j parce qu'ils couraient
le monde pour favoriser les entreprises dés héréti-
ques, et se servaient de ce prétexte pour piller les
églises et les maisons des catholiques (4)- D- Lobi-
neau paraît suivre, dans son ex]:dication,le sentiment
(i) Hisù des comtes de Poitou, in-f*, par Jean Beli. Voyez
la fin du Yol.
(2) Ménage, Dict étymol, p. ôSg, Suetî terram rwnpere,
vndè Ruptuaru,
(3) Hist.de Bretagne, t. i» p. iSg.
(4) Pînchinat, Dict des hérésies, in-4% ?• i3a et 43o.
Digitized
by Google
( ai« )
de Jean &cimpton(f ), historien smgUis, qui 4ési§^^
les rouiier$ p^r le mot ruchcis, qui, selon à\^ Cange,
signifie rue, chemin, vias, platées (9). Néaimpi^s,
Guillaume Sommerez qui a 4anné im Glo^^aire pour
rinteUigâUce dea term^ extruordinsiires qiii se trpu-
Tent dans son B^eueil des historiem angbhj f^t
dârirer le mot ruca de reuten^ ou mptotij ^^ m
allemand , signifie piller, saccager, prœdoHr popW-
Ces diffëcenies opuions sur rëtymoiogie du mot
routier, peuy^it se réduire à quatre. Les uns dis^t
que les routier» étaient des paysans ou rotupejr^, ^
qu^ils se nommaient ainsi, parce qu'ils ayaient labouré
la terre. Ijqs autres assurent qu'oJi leur ayfùt dc^oné ç^
BCMn , parce qu'ils ravageaient tcwut ce qu'ils rençMir.
traient* Ceux-ci fcwit dériver le mot routier de r^ça^
qui signi& rue, et prétendent que les revers n'a-
vaient eu ce nom que parce qu'ils étaient toujours, m
rottte et sar les chemins, pour massacrer et piller*
Ceux-l^ ^ifin font venir le mot routier de. mtta, qui
désigne une troc^ de soldats qui se liguent (4)* Ce
dernier sentiment est celui de Gérard Yossius (5), de
(1) Recueil des JUst angl., t. 1, p. 1268.
(2) Du Gange, Ghss., t. 6, p. i532.
(3) Gloss. de Somineré, t. 2 du Recueil des Jdst angl.
(4) Gloss. de du Gange, t. 5, p. i64o.— Galepiu, Dicty t. 2^
p. 497-
(5) Vassitts, in-4®î ^^ Fitiis sernionis, lib. 2, p. 267 et 268.
Digitized
by Google
( ^J9 )
Gesarius, de PTiceias, et d'autrps auteur^: c'est au^i, à
ce qu'il parsdtt, çehii de M. Ihiniay (i).
Comme ces opinions sont appuyé^ sur des preuToa
qui ne spnt pas sans fondemen);^ nous croyons qu'il
est permis d'être indifférent sur le qboi^f cependant-
la dernière nous paraît la plm naturelle , et mîeu^
repadre la propre siguific^tioU <lu mot rouUeir* Cai?
dans cette opinipu on expriuie directement les 0:^^ .
de ces brigands , qui ëtaientde^ Ugueur^qul n^psspb
craient et pillaieiit ce qu'ils trouvaient 9ur leur pas^
sage, et Ift dë%itiou qu'on neu^ en donne convient
en niémetemf^ ^ toute espèce 4e routiers, qui, quoi-
que pour la plupart paysans, et par consi^ueut rott^
riers, ne l'étaient pas tQu^, jnai$ ét^eut tpu$ des soldats
factieux et ^es brigands. jLa première n'ap^ cet av^-^
tage; car non seulement elle ne nous fait pas con^
naître les routiers par les brigandage^ qu'ils exerçfiûent ,
mais l'explicaticm qu'elle nous en donne no peuts'^ç)*
pliquer à toutes les espèce^ d^.routiers, puisK|u'il y en
av^t beaucoup parmi eujç qui n'^t^ient pas payssin^ ,
mais de sin^pl^s soldats,, qui, faute de s^de, quittaient
le service des prinpes pour s'abandonner au pill?^^
La sieconde opinion nous laii^ à la vérité, d|q^s Xesr
prit, une idée ju§te des excès qu^ conxmettaieilt les
routiers; mais la manière dont elle en explique le
nom, loin de la distinguer de la {Mremière, semble,
(i) Dumay, Noiœ in epistoias Irmoœntii terdi, p. 238, à
rotâ oeteri Qocabuio cujus nominepars eooerdtâs intelligebaiur, jRo-
tarlos dicimus.
Digitfzed by VjOOQ IC
( 230 )
quant aux termes , Tunir avec elle, et prescpie l'iden-
tifier. La troisième paraît confondre nos brigands avec
ces voyageurs qui connaissent les chemins , et qm y
pour cette raison , sont appelés routiers. Mais on dira
peut-être que dans notre opinion la définition que
nous y donnons du nom routier^ est si vague, qu*elle
les confond avec tous les brigands. A cela nous ré-
. pondons que nous ne les appelons pas routiers^ pré-
cisément parce qu'ils étaient des brigands, mais parce
que c'étaient des soldats qui s'attroupaient pour Sac-
cager tout ce qu'ils rencontraient. Par-lk, nous les
distinguons des autres fectieux qui n'avaient pas été
dans les troupes.
Quoi qu'il en soit , il est certsdn qu'il y eut diffé-
rentes espèces de routiers qui eurent plusieurs sur*
noms. Les uns se nommaient cotterauXj les autres
brabançons j ceux-ci les compc^iesj ceux-là les
tard- ^enus. Tues cotteraux, vulgairement nommés
routiers (i), se louaient à tous ceux qui avaient be-
soin d'eux pour se venger de leurs etmemis, et rava-
geaient eux-niémes le pays. On les appelait cotte-
rauXj parce que, pour saccager les maisons, ils
marchaient la nuit, armés de grands couteaux que les
Toulousains nommaient vulgairement cotterels (2).
C'étaient, dit Borel, des paysans assemblés et armés
de bâtmis ferrés et de cotterets, d'où letup fut donné
(i) Chroniques d'Abérîc des Trois-Fontaines, sons l'an-
née 1 185. CoUerelU quI^ dkuntur ruptuam.
(2) Hist. de Béarn, de M. de Marca, liv. 6, ch. i4» P- 5n*
Digitized
by Google
( 221 )
ce nom (i). Suivant le Père Pinchinat (2) et M. le
Carpentierl[3), les ootteraux furent nommés ainsi du
mot cotteriej qui signifie assemblage, parce quHls^
réunissaient pour exerçai leurs brig^dages.
Les cotteraux étaient la plupart fantassins ^ et les
routiers cavaliers (4). C'est ce qui fait dire à Gérard
Yossius, que ruptuarius vient de reuter, qui, selon
les Allemands et les Flamands , signifie cas^aUer (5).
Les Brabançons étaient destroiq>es sorties duBrabant
pour se joindre aux routiers, et ne former qu'un corps
avec eux. Les compagnies (6) étaient des soldats
qui, voyant qu'ils étaient mal payés, s'atlroupaieni»
sous un (Ak'^f nommé Armuild de Cervolej dit Varchi-
prétrej homme distingué par sa naissance (7). On les
appela d'abord, selon Yalsingham, gens sans chef;
mais peu après , ils en élurent plusieurs dont la plu-
part étaient Anglais (8); les compagnies prirent aussi
le nom de compagnies blanches. Ce fiit Cervole
qui rassembla ces troupes licenciées, qui ne pouvaient
rester dans l'inaction , et en forma lui-même un corps
(i) Andq. gaul,, p. 112.
(2) Pinchinat, Dict des Iiérésies, in-4^, p. i32.
(3) Jean le Carpentier, Hist de Cambrai, in -4^, t. 2,
p. 43i.
(4) Abrégé chronol de Mézerai, in-12, t. 3, p. 85.
(5) Gérard Yossius, de Vitlis sermoms, lib. 2, p. 168.
(6) Froissard^t i, p. 2o5.
(7) Balnze, Hist des papes d'Açignon, notes, t. i, p. 946*
(8) Hist. anglf p. 178 et 522.
Digitized
by Google
( 222 )
à qui on donna .ce nom (i). Les tard -venus étaient
une espèce de routiers qui, selon Mëzerai, aimaient
à être nommés ainsi , parce que, disaient-ils^ ceux qili
les avaient précédés , avaient mois^Uné la France,
€t qu'ib ne feraient plus que la glaner (2). Les routiers
eurent encore plusieurs noms ou surnoms qu^il serait
trop long de rapp(»*ter ici. Comme ils venaient de
diflférens pays, le nomi de la nation où ils avaient pris
naissance était ordinairement celui qui leur était
donné.
Quant à leur origine , les uns en fixent Fépoque
dans Tonzième siècle, les autres dans le douzième. Ils
ravageaient, dit du Gange (3), les provinces Vers l'on-
zième siècle. Du temps de saint Fulcran, évéqué de
Lodève, qui vivait dans le même siècle, les routiers
exerçaient leurs bri^ndages, et ils s'emparèrent du
château de Gibret pour s'y retrancher et y conserver
leur butiti. C'est ce que nous rapporte Bernard Gui-
don, daris la Vie de saint Fulcran (4)* Baillet néan-
moins, dans laYie du même saint, ne fait aucune
mention de ces routiers dont parle Bernard Guidon.
D.Vaissette parle, à la vérité, du château de Gibret,
(t) Baluze^ Histoire des papes d'Aoignon, notes, U i,
p. 947.
(2) Mézerai, Hist de France, în-P>, t i, p. 846.
(3) Gloss> de duCaDge, t 5, p* i544*
(4) Acta sanctorum, Feèruarii, t â, p. 716. Quidam rup-
tuarii miUtes i^ rapinam rerum pessimè inhianies inbrà foriem
mumtionem ejusdem castri chm rapiâ prœdà se receperunU
Digitized
by Google
( "3 )
mais il ne dësigiie pas sous le nom de sùldats rou*
tiers \es brigands qui s*én emparèi%in(i).
En 1160, ajoute Mëzerai, la maudite engeanee
des routiers et des cotteraux con^nença à se faire
connaître par ses cruautés et ses brigandages (2). Le
concile de Làtran, tenu en 117g, lés excommunia ,
défendit de les inhumer en terre sainte, exhorta les
<^dioliques de se saisir de leurs biens , et accorda des
indulgences à ceux qui prendraient les armes pour
les exterminer (3). En i:îoa, Jean saûs Terre Tint, h
la tété d'une multitude innombrable de cotteraux,
pour suiprendre Artur, qui assiégeait le château de
Mirebeau (4). Le légat du concile de Monteil (5),
«ônu en 1209, ordonna au ccmtte de Toulouse de hé
{dus employer à son Service ses Inrigands diffamés
sous les noms de routiers et de cotteraux. En I3!2i8,
saint Louis donna un édit en faveur des églises et
contre les hérédiques du Languedoc, par lequel il or-
donna que les routiers seraient chassés de cette pro*
vinoe^ afin que leut absence procurât une paix per*
pétuelle que chacun aurait soin dç conserver (6).
De là, il paraît qu'on ne peut fix^ l'origine des
routiers que dans le douzième siècle, et que ce n'est
(i) Hist de Languedoc^ t. 3, p. i4-3. ,
(a) Mëzerai, Abrégé chronol y in- 12, t. 3, p. 85.
(3) Ibi(Lf p. 174.
(4) HisU de Bretagne deB. Lobîneau, t 2, preuves SSj.
(5) Hist de VEgUse gallicane 9 t. 10, p. 332.
(6) Orêonn* des rois, de Secousise, t. i, p. 5f.
Digitized
by Google
("4)
que dans ce temps qu^ils commencèrent à être connus
sous ce ncHn. Car, quoique du Gange les fasse remonter
jusque dans l'onzième âède, il n'appuie son senti-
ment que sur ce que nous rapports Bernard Guidon,
dans laYie de saint Fulcran, tandis que tous les autres
auteurs qu'il cite pour confirmer la dëfinitiœi qu'il
donne de ces brigands, n'en parlent, selon lui, que
dans le douzième ou le treizième siècle (i). De plus,
nous ne voyons dans les hist(n*iens les plus connus,
aucune mention des routiers dans l'onzième.
La première ordonnance qui fut donnée contre ces
brigands, fut celle de saint Louis^ en 1228. L'histo-
rien de Languedoc, en parlant de ces brigands, qui
vivaient du temps de ^nt Fulcran , ne les désigne
pas sous le nom de routiers, et M ëzem n'hésite point
à placer leur cnrigine en 11 60. Or, s'ils eussent com-
mencé à exercer leurs brigandages dans l'onzième siè-
cle, et eussent été connus dans ce temp-là, comment
celte connaissance aurait-elle pu échapper à nos his-
toriens , surtout à ceux qui nous ont parlé si souvent de
ces brigands ? Pourquoi les rois , si exacts à former (sic)
des (Mrdonnances contre eux, pour réprimer leurs dé-
sordres, auraient-ils été si long-temps sans en donner?
G)mment Mézerai, auteur fidèle et exact dans ses
recherches, aurait - il pu assurer que les routiers ont
coBûEmencé à exercer leurs brigandages dans le dou-
zième siècle? Pourquoi enfin don Yaisseite, à qui le
nom de routier n'était pas certainement inconnu,
(i) Gloss. de du Caoge, t. 5, p. i544i ^^ mot Bx^taru.
Digitized
by Google
( 225 )
puiflqu''il s^est applique en quelque »
les ûâts, aurait-il oublié d'appelei
lërats dont il fait mention dans la
cran ? Il est donc hors de doute qu'il n*y eut des
routiers que dans le douzième siècle, et qu'ils com-
mencèrent alors à exercer leurs brigandages; mais
tous les brigands connus sous ce nom ne parurent
pas en même temps. Les cotteraux et les Brabançons
se signalèrent les premiers, frayèrent la route «^tux
autres, et ce ne fut que dans le quatorzième siècle
que les compagnies et les tard -venus commencèrent
à déployer leur fureur, les unes en i356, les autres
en i358-
Différentes expéditions des premiers Routiers.
î^ous allons actuellement examiner les actions que
firent les premiers routiers, noys arrêtant seulement
à celles qui nous paraîtront les plus frappantes. On
sait que Henri second, roi d'Angleterre, essuya bien
des disgrâces, surtout sur les dernières années de son
règne ; le flambeau de la discorde et de la division
était allumé dans toutes les provinces de sa monar-
chie, et tous ses sujets semblaient avoir conspiré sa
perte; sa femme et ses enfans se révoltèrent contre
lui. Le roi de France appuyait cette révolte, et levait
des troupes pour soutenir le jeune Henri dans les
entreprises qu'il formait contre son père. Henri se-
cond se voyant ainsi attaqué par ses propres enfans,
et ne trouvant aucune ressource dans ses sujets, fut
l. 9« Liv. i5
Digitized
by Google
( 226 )
loyer à son service des troupes étran-*
s Brabançons. Cei
de routiers, gagna d^abord un<
Bretons y et CQtte défaite les ren
qu'ils deraient à leur prince. Lu
aussi lever le siëge de Rouen , <
de France et les jeunes princes anglais (i); ils taillè-
rent en pièces une grande partie des ennonis, batti-
rent^^le comte de Leycestre , et le firent prisonnier (2).
Ces soldats mercenaires, qui, selon M. de Larrey,
n'étaient pas des troupe» sûres, parurent cependant
assez modérés dans cette guerre. Mais ils surent bien,
dans des occasions plus favorables, se dédommager de
la modération qu'ils avaient gardée dans celle - ci.
Quelque temps après, ils s'associèrent avec les héré-
tiques de leur siècle, non pas tant pour appuyer
leurs hérésies que pour avoir un moyen plus fecile
de piller les clercs et^ de saccager les églises (3). On
eût Mit, remarque M. de Marca, qu'ils eussent été des
païens par les cruautés qu'ils exerçaient sur les chré-
tiens. Ils pillaient, ruinaient tout ce qu'ils rencon-
traient, n'épargnaient ni les veuves, ni lespupîles,
ni les églises, ni les monastères (4).
Le Languedoc et la Gascogne lurent le tbéWe où
(i) RapinThoiras , HisU d'Angiet., t. a, p. i85 et sui?.
- Larrey, Hist d'Angiet, in-f«, t. i, p. 389 et suîv.
(a) Matthieu Paris, Histangl., t. i, p. lag.
(3) Mëzerai, Abrégé chronoL, în-is, t. 3, p. 374*
{^) Hist de Béant y p. 5 10.
Digitized
by Google
( 3^7 )
ils ccxniBencerent leurs premiers excès. Comme les
guerres étaient commmies dans ces provinces, et que
souvent elles se faisaient sans ordre et sans sujet ,
outre les soldats que fournissait Je pays et les voleurs
qui s'attroupaient d'eux-mêmes, on employait ordi-
nairement ces sortes d'aventuriers. On ne smirait se
représenter les excès où les portèrent leur cupidité
et leur I>arbarie. Les temples ne furent pas à Tabri de
leurs violences, ni un refuge assuri|K)ur les ministres
du Seigneur. Etant entrés dans l'église cathédrale d'O-
leron, ils coupèrent la corde qui tenait su^ndu le
saint ciboire, et renversèrent les saintes hosties qui y
étaient renfermées. Un d'entre eux, plus im{Me que
les autres , pour insulter le clergé et tourner en dérision
les cérémonies de l'église , se revêtit des omemens
pontificaux, voulant représenter l'évêque pendant
qu'il eélèl»:^ les saints Mystères. On dit même qu'il
fît une espèce d'exhoi^tion aux routiers, qui applau-
dissaient à cet in&me sacril^e,et qu'il reçut leurs
offrandes. Ensuite , pour amsommer son impiété et
signaler sa fureur, il osa porter ses mains sur les clercs ,
n'ayant aucun ^ard au serment qu'il avait fait de ne
leur fitire aucun mal(i); mais les routiers étaient
accoutumés à manquer à leur parole. Nous en avons
un exemple bien frappant dans la mort tragique de
Baudouin , frère de Raymond , comte de Toulouse.
Malgré les lois de l'amitié et de l'hospialitë , qui
semblaient lui promettre un asiie assuré dans le châ-
(i) Annal dcRaynauld, t. i, p. 343, à l'année i2i3.
Digitized
by Google
( 228 )
teau de TOlme , il y fut surpris dans son Ut par une
troupe de routiers ^ conduits par Ratier de Castél et le
seigneur de TOlme , où il s*ëtait retiré. Ces brigands
se yoyant maîtres de ce prince, lui demandèrent la
tour de son château, où il y avait une garnison fran-
çaise. Baudouin y loin d^acquiescer à leur demande,
fit défense à la garnison de se rendre. Pour se venger
de ce refus, les routiers le firent jeûner pendant deux
jours. La gamisoci^^ependant se rendit à eux, à con-
dition qu^ils lui accorderaient la vie , ce qu'ils lui
promirent; mais par une perfidie abominable, à peine
en furent -ils les maîtres, qu'ils firent pendre tous
ceux qui la composaient. Ils emmenèrent ensuite Bau-
douin à Montauban, où ils le tinrent enfermé dans
xme étroite prison , jusqu'à l'arrivée du comte de Tou-
louse, qui le condamna à perdre la vie. Ce jugement
barbare fut exécuté par le comte de Foix, par soïi
fils Roger Bernard, et par Bernard de Porelles, qui
se saisirent de ce prince, et eurent la cruauté de 4e
pendre à un noyer (i). C'est ainsi que les routiers
joignirent la mauvaise foi à la barbarie; mais que
devait- on attendre de gens sans honneur, sans reli-
gion , et que les plus grands prodiges ne purent pas
même arrêter dans leurs désordres !
Etant entré, nous dit Matthieu Paris (a), dans l'é-
glise du bienheureux Amphibale, où Dieu faisait
éclater sa puissance par un nombre infini de miracles,
{îy Hist.de ÏMnguedoc de D. VaisseUe, t. 3, p. 258.
(2) JBf4^.. a]tigL , . t ^ , P- >94-
Digitized
by Google
( 239 ) '
ils dépouillèrent les moines /prirent les reliques qui
ââient sur Fautel , et les {»rofànèrent.Uh (f entre eux ,
si nous en croyons l'historien, cacha dans son sein,
à Tinsu de ses con^agncms , une croix d'or et d'ar-
gent dans laquelle ëtait renfermée une portion de la
n'aie croix; ce sacrilège ne demeura pas impuni. Le
démon se saisit à l'instant du profanateur, et lui causa
de telles agitations, qu'il voulait immoler à sa fureur
t(His ceux qui l'environnaient. Ce que voyant ses ca-
marades, ils le conduisent dans une autre église, à
dessein de la ravager; mais ils n'y furent pas plutôt
arrivés ; qu'un prêtre, vêtu de blanc, se présenta à
eux pour s'opposer à leur profanation. Ce spectacle
les interdit, et les surprit au point qu'ils ne firent
aucun dégât dans cette église* A l'instant, on vit sortir
du sein du routier la croix qu'il y avait cachée. Le
prêtre la ramassa, Téleva en l'air, et s'informa de
toutes les circonstances du crime que ces brigands
venaient de commettre.
Tels étaient les excès des {nremiers routiers, sur-
tout des cotteraux. Us dépouillaient, dit saint Anto-
nin (i), les églises, enlevaient les vases sacrés, fpu-
laient aux pieds le corps de Jésus- Christ, donnaient
à leurs concubines les corporaux pour s'en faire des
voiles^ emportaient les calices, les Incisaient avec des
n^arteaux ou des pierres, et les partageaient en mille
pièces. Nous ne donnons ici qu'un léger détail de
leurs désordres. Conune les princes les incorporaient
(O Saînt-Antonîn, Hist ecclés», t. 2, p. 769.
Digitized
by Google
(a3o)
dans leurs iroi^>eSy pour les aider dans leurs expëâi-
lions mililaires, les historiens ont ctmîondxxy à ee
qu^il parait^ leurs actions avec celles des soldats des
souverains au serviœ desquels ils s'étaient attaches.
Cest ce qui fit que les Brabançons et les coiteraux
cessèrent de nous être connus sous le nom de routiers.
Ils furent cependant assez long-t^Dips connus sous ce
nom, s'il en faut croire MatthieuParis. Car, en laJo^
cet historien rapporte qu'un certain Olivier de Termes
përit dans les croisades avec une troupe de routi^s (i).
Ce fait néanmoins ne se trouve point dans les auteurs
qui nous ont donné Y Histoire des Croisades j et nous
n'en voyons aucune mention dans Larrey ni dans
Rapin Thoyras.
De plus, on sait (a) qu'en il 83, Philippe Auguste
en défit un grand nombre. Sur la plainte que lui fi-
rent les habitans duBerri, des ravages qu'ils com-<
mettaient, il envoya une année qui en tailla en pièces
une grande partie. La noblesse du Berri.fit une ligue
contre eux, aj^lée la ligue des pa€ifiques.\aL no-
blesse d'Auvergne se réunit aussi pour délivrer le
pays de ces monstres. Elle en tua jusqu'à trois mille:
ces sortes d'exécuticms les réduisirent à un petit nona-
bre, et Içs dissipèrent (3).
Cette (^faiie des routiers, qui ne fut pas néanmoins
(i) Matthieu Paris, Hist angi., t. 2, p. 795.
(2) Daniel, Hist. de Frante, t. i, p. 128. — Hist. ecciés. de
Saiiit-Ântonin, t. a, p« ySg.
(3) Saint- Antonin, Hist ecciés., t. a, p. jSg.
Digitized by VjOOQ IC
( ^3, )
^nérale, semblait annoncer à FEurope qu'elle aUait
entièrement être dëlivrëe de cette pe$te qui Tinfectait
depob Iong-temp9 et désolait ses provinces; mais elle
était destinée à éprouver de plus grands malheurs. Ce
qu'elle avait enduré jusqu^alors n'était que le pré^
lude des maux qu'elle devait encore souffirir.En eOei,
dans le quatorzième siècle elle eut à combattre d'au«
très brigai^b pour le moins aussi terribles que les
premiers.^nPprison du roi Jean , l'esprit de revente
que 8oi]^aient partout les émissaires du roi de Na-
varre^ et l'épuisement des peuples , donnèrent naissance
à une nouvelle troupe de &ctieux. connus sous le
nom de Cfmtpagnies.Gétaient des soldats qui^ voyant
qu'ils n'éuient plus payés, se débandèrent et rava-
gèrent, sous différens che&, la France et snrftut le *
Languedoc. On leur dcmna aussi le nom de routiers j
quoiqu'ils ne fussent pas de la faaion de ceux dont
nous v^Qons de parler, parce mi'ils exei*caient les
mêmes brigandages; car il n'est fas vraisemblable que
la £ietio9i qui commença en i i5o à se iâfre redouter,
ait pu subsister sans interruption jusque daifô le qua-
tm'zième siècle. Des hommes rassembla de différentes
nations, qui ne sont attadiés à aucune , dispersés de
côtés et d'autres, souvent divisés d'intârét, harcelés
par des guerres continuelles, et nullement assujettis
aux lois, peuvent-ils former un corps fixe, permanent
et inaccessible aux révolutions des temps? Une telle
faction ne doit-elle pas se détruire par elle-même, et
éprouver le sort de tous les brigands, qui se dissipent
après ajFoir salisfait leur cupidité et épuisé leur fureur?
Digitized by LjOOQ IC
(a3a)
Qum qu^il en soit, il est certain que les compagnies
firent beaucoup de tort aux provinces où elles se rë-
pandirent. On peut juger de leurs excès par la lettre
d^Innocent yi au roi de France. Pïous a{^renons avec
douleur, s'écrie-t-il, qu*il y a dans nos Etats des bri-
gands qui corrcHiq>ent les vierges, enlèvent les fënunes
à leurs maris, pour satisfaire leur brutalité; fimt vio-
lence aux veuves, violent les religieu^. saccagent
les églises et les mcmastères, dépouilleiflls clercs de
leurs biens, font souffinr aux chrétiens des tourmens
inouis, o|4igent les mères d'abandonner leurs enfans
à leur aruauté «pour sauver leur vie, et les enfans
d'abandonner leurs parens pour se soustraire à leur
iureur(i)!
D'Aord, les compagnies vinrent en Provence, y
prirent plusieurs villes et châteaux, et ravagèrent tout
le pays jusques à Avignon (3). Le pape Innocent VI,
qui y Êdsait alors son séjour, fîit épouvanté , et quelque
assurance que lui 4onna Cervole de rejeter ses
terres, il fît lever des troupes et tracer des fortifica^
tiens, ne croyant pas devoir se fier à un honune sans
foi et sans probité. Ces sages précautions n'empêchè-
rent pas les routiers de prendre plusieurs châteaux
. et d'exercer leurs brigandages. Le pape , craignant dès
suites plus fâcheuses, fit venir. Cervole à Avignon
(i) Annales de Raynauld, t. 7, p. 25 et a6.
(a) Froissart, t. i, p^ 2o5. — Gaufrîdy, Hîst de Prooence^
t. I, p. 223. — Dom Vaissetle, Histoire de Languedoc, t. 4 >
p. 29a.
Digitized
by Google
( 233 ) ^
pour traiter avec lui. 11 lui fit très-bon accueil, aussi
bien qu*à ses gens. Il lui pardonna ses crimes; et pour
l'engager à se retirer, il se vit obligé de lui faire li-
vrer quarante mille ëcus. Froissait raj^rte que Cer-
vole dîna avec le pape et les cardinaux (i).
On peut dire en général , que tant que les papes
siégèrent à Avignon, les routiers leur firent beaucoup
de tort dans le Comtat-Venaissin, et surtout dans
ritali (s). C'est ce qui obligea les Florentins de se
réunir sous Malatesta (3) , pour les chassepr et les forcer
de se retirer en Lombardie. Les mêmes motifs enga-
gèrent les princes d'Italie à s'allier ensemble pour
éloigner de leurs provinces ces brigands qui les dé-
solaient continuellenaent (4); et le légat se vit obligé
de poursuivre avec vigueur cette année de factieux,
commandée alors par le comte de Landon (5). Mais
Cervole ne se contenta pa3 d'avoir rançonné le pape,
il passa en Bourgogne , où il continua les mêmes bri-
gandages : il rentra ensuite en Provence, où il assiégea
la ville d'Aix; mais il en fut bientôt repoussé par
Jean Simeonis, jurisconsulte de Vence, et ses troupes
(i) Froissait, t. i, p. ao5.
(2) Muratori, t. i4i aux Annales de Césène', p. ii8a
et ii83.
(3) Malatesta, seigneur de Rimini, qui défit ce fameux
Antonio Ordelaffi, seigneur de Forli, dont on voit la gé-
néalogie dans Chazot, t. 2, p. 546.
(4) Annales àe Raynauld, t. 7, p. 11 3.
(5) Matthieu Villani, Hi^t de Florence, lir. 6, ch, 46 et 56,
Digitized
by Google
(a34)
furent battues en différentes rencontres. La Provence
ne fîit pas pour cela délivrée des rootiers^ : quel({tie
temps après, il en vint une nouvelle trot^ dans les
terres de Marseille, qui se firent appeler tuchinSj
c'est-à-dire coquins ou rebelles (i); mais ils n^ firent
pas un grand dégât, ni même un long séjour; car
les Marseillais abattir^it leurs pr(^)re$ maisons pour
empéoher qu'ils ne s'y fortifiassent avec ceux qui
viendraient à leur secours , et par ce stratag^ne , la
Provence se trouva débarrassée de ces factieux (2).
On peut dire à la louange des Provençaux , que
dans les guerres qu'ils eurent à soutenir contre les
routiers, ils joignirent au courage la prudence et la
politique; ce qui ne put cependant les mettre à l'abri
de leurs incursions et de leurs ravages. Le Berri
éprouva le même sort. En iSSg, Cervole y entra à
la tête de trois mille combattans, dévasta le pays, et
prit tout ce qu'il trouva sur son chemin ; il porta en-
suite ses pas vers l'Auvergne : mais la noblesse de ce
pays le voyant aux portes de la province, rassembla
des troupes pour s'o[^>oser à son passage. Les deux
arxpées campèrent sur deux montagnes élevées. Le
camp des routiers était fort avantageux ; c'est ce qui
les engagea à s'y retrancher, parce qu'ils étaient les
plus faibles : les Auvergnats ne voulurent pas non
plus abandonner le leur ; mais ils convinrent d'aller
(i) Ghss, de du Gange^ t. 6, p. i332«
(2) Gaufrîdy, Hist de Provence, t. i , p. 224; et Ruffi >
HisU de Marseille, t. i, p. 197.
Digitized
by Google
(a35)
sur le minuit fi
reusement pou
de ce projet. €
minuit, et se
g^s du pays qu^il avait fait prisonniers.
L'Alsace et laL{H*raine ne furent pas à couvert des
insultes des routiers (i ). j^près la paix de Brétigni.
coi^due en i3ôo, entre le roi de France et le roi
d Angleterre^ les troupes des deux armées ayant
été congédiées, quinze ou seize mille soldats (^Toa--
ûed) de différentes nations se /oignirent ensemble j
formèrent un corps d'armée, et vinrent fondre -sur
le Barrois et la Lorraine. Robert, comte de Bar,
pria Vévêque Adémar de lui ensH>yer de ses troupes,
pour V aider à s'opposer à ce torrent. Adémar y alla
lui-même à la tête de quinze cents hommes, et
rendit de très -grands sen^ices à Robert. Ces sortes
de guerres procurèrent un bien à la Lorraine ^ en ce
qu'elles engagèrent les ducs de Luxembourg , de Lor-
raine et plusieurs autres seigneurs, à faire alliance
entre eux , afin d'être en état de s'opposer aux efforts
de ces brigands (3).
Les seigneurs d^Âlsace (3) ayant appris les ravages
qu'ils venaient de faire sur les terres du pays de
Trêves^ pour se précautionner contre l'orage qui les
menaçait, conclurent entre eux un traité à Cplmar,
(it) Dom Calmet, Hist. de Lorraine, t. 2, p. 609.
(s) Preu^s de VHist. de Lcnraine, t. 4f P- ^^^
C3^ Laguiile, HisU d'Alsace, t. i, p. 3o3 et 3o4.
Digitized by VjOOQ IC
(a36)
et s*unirent pour leur défense commune. Malgré cette
imion, les routiers vinrent, en i365, au nombre de
quarante mille , près de Savefne , ayant à leur tête
Cervole, surnommé Yarchiprétre. La plupart étaient
armés de cuirasse,, et portaient de riches habits, finiits
de leurs rapines. Ils s'approchèrent de Strasbourg , y
^ent beaucoup de prisonniers, égoi^èrent ou mmait
à la tCMTture ceux qui ne voulaient pas se racheft à
prix d*ai^ent , enlevèrent les enfanspour les employer
à leur service, forcèrent les fenunes d'être les victimes
de leur infème brutalité. G)nune ils ne pouvaient
fkire de siège , ils portèrent le fer et le feu dans les
villages et les bourgs, et partout ce n'était que vol et
carnage. L'empereur, indigné de tels forfaits, se dé-
termina à combattre ces brigands, et s'avança jusqu'à
Colmar^^mais ils ne l'attendirent pas, et leur retraite
fat si précipitée, qu'ils firent plus de chemin en un
jour que les impériaux n'en faisaient en quatre.D'ail-
leurs, l'Alsace était ruinée, et la crainte de perdre
leur butin le^ fît hâter leur marche.
Jusqu'à présent nous n'avons pas vu les routiers
aux mains les uns contre les autres. Quoique distin-
gués entre eux , et souvent divisés d'intérêt, ils ne se
faisaient pas la guerre. La conformité des s^Eitimens
et des inclinations semblait les réunir, et ils réser-
vaient* toutes leurs forces pour se défendre contre des
ennemis communs. Actuellement, ils vont combattre
les uns contre les autres; mais ils n'en seront pas pour
cela anéantis. Ils sauront, comme le polype, trouver
leur vie dans ce qui pai^aîtra la détruire j en sorte que
Digitized
by Google
(a37
chaque membre s^Murë du
par lui-même, pour ainsi <j
Cervole , qui fut toujours à 1
au combat , va tourner ses armes contre ceux qui ra-
vageaient la France.
En effet, Charles, dauphin et rëgent du royaume,
fatigué des brigandages que les tard -venus commet-
taient dans le Lyonnais et la Bourgogne , attira dans
son parti Cervole , pour, employer sa valeur dans les
guerres qu'il avait à soutenir contre ces brigands et
contre le roi de Navarre , qui aspirait à la couronne
de France. Il envoya Jacques de Bourbon avec lui
pour exterminer cette nouvelle espèce de routiers,
qui (i), sous des che& vieux et méchans, pillaient
la Champagne et la Bourgc^e, prenaient dans leurs
troupes les gens dut pays, qui, pour se venger de leurs
compatriotes, les conduisaient et leur montraient ce
quHl fallait saccager. Le comte de la Marche , à la tête
d'une armée de douze mille hommes, ne tarda pas à
joindre celle des tard -venus (3), qui avaient alors
pour chef un chevalier gascon nommé A^e^m de
Badesol (3). Elle était campée près de la petite ville
(i) Paradin, Annales de Bourgogne, liv. a, p. 3^6 et 34.7.
(2) Daniel, Hist. de France^ în-f», t. i, p. 601; etChoîsy,
Hist. du roi Jean, p. 137 et i38.
(3) On lit dans VHist. du comté d'Eçreux, de le Brasseur,
P* 9^9 preuves, qu'après la bataille de Cocherel, le roi de
Navarre promit à Badesol mille livres pour l'engager à
faire la guerre au roi de France j et comme il demandait
Digitized
by Google
( 238 )
de Brignaïs; elle s^ëiait postée sur une colline située
entre deux mcmtagnes fort élevées, et s'y était retran*
chée. Jacques de Bourbon, malgré leurs retranche-
mens, voulut les forcer dans leur camp, parce qu'il
avait appris qu'ils étaient en petit nombre. Les enne-
mis le reçurent avec fermeté , et , dès le {nremier assaut ,
ils lui tuèrent beaucoup de monde. Cet échec irrita
. la noblesse, qui redoubla ses eficnrts ; mais ils furent
inutiles, car on vit tout-à-coup s'avancer en bataille
tin gros corps de troupes fraîches, qui f<Hidit avec im-
pétuosité sur les Français, et mit l'armée en déroute.
Cette action fut très- vive, et il y eut beaucoup de
seigneurs de tués. Jacques de Bourbon y fut blessé
dangereusement, et trois *jours après il mourut à Lyon
de ses blessures. Froissart (i) dit que Cervole montra
beaucoup de valeur dans cette bataille, et qu'il y fut
blessé et pris avec plusieurs chevaliers de sa compa-
gnie. Cette victoire mit les tard-venus en état de tout
entreprendre. Ils se séparèrent en deux corps. Les uns
restèrent près de la Saône, les autres marchèrent du
côté d'Avignon , et arrivèrent au pont Saint-Esprit,
qu'ils surprirent. Ils y commirent des désordres eJp-
froyables, et y laissèrent une forte garnison , dont le
chef prit de lui-même l« nom d*ami de Dieu et
d'ennemi de tout le monde. Le pape et les cardi-
■ I n I '■ I ' I I >.. Il I I ,1 1 1 .1 . ■ ■
qu'elles fassent placées sur les terres du royaume de Na-
varre, le roi fut tellement irrité de sa demande, quMl le fit
empoisonner.
(i) Froîssârt, t. 2, p. 257.
Digitized
by Google
( 339)
11 aux se virent, pcMir la seconde fois, à la merci des
routiers. Pour les ëloignar de 5es terres, le Saint-Père
publia une croisade contre eux; pinceurs s*y enga-
gerait ;, et Pierre duMoutier^ cardinal d^Osiie , fut le
chef des croises : mais comme ils n'âaient pas bien
payés, et qu^ils Q^avaient pour sdide que de» indul-
gences (i), ils quittèrent le serricc, et désertèrent
pour la [^upart.
Les tard-venus ne le cédèrent pas en cruauté aux
compagnies que commandait Cervole* Après avoir
déployé leur fureur sux les Etats du pape, ils se je-^
tèrent sur TAuvei^e et le Languedoc, où ils exer-
cèrem toutes sortes d'excès. Ce fut à peu près daujf
le niéme temps qu'ils vinr^it dans la Champagne.
Philippe-le-Hardi , duc de Bourgogne, vola, à la sol-
licitation du roi de France, au secours dé cette pro-
vince. U ocHBomença par faire le si^e ée Nogent*«ur-
Seine, que les routiers avaient pris; il leur enleva
cette ville, fit prisonnier plusieurs de leurs chefs,
dispersa leur armée , et les obligea à se séparer les
uns des auu*es , et à se retirer dans divers endroits.
Cette séparation ne fut pas avantageuse à Philippe.
Ces bngands, chassés de la Champagne, se j^èrent
sur la Bourgogne, et se joignir^it aux Comtois (2),
(i) Daniel, Hist de France , in-f», t 2, p. 6o3.
(2) On les nommait Comtois, parce qu'ils étaient fâchés
de voir Pbilippe se dire duc et comte de Bourgogne, au pré-
judice de Maiig;iierite de France , ^'ik regardaient comme
leur souveraine et la seule héritière de la Comté.
Digitized by LjOOQ IC
(34o)
qui continuaient leurs hostilités contre le duc et ses
sujets 9 n'ayant aucun égard à la trèvé ordonnée par
le roi, du consentement de la comtesse Marguerite.
Par-là, Philippe se vit dans la nécessité de concentrer
ses forces dans ses propres Etats, et de se défendre
lui-même contre les routiers. Ces brigands, après s*étre
emparés de Pesmes, détachèrent des troupes pour
enlever le duc, qui était à Vesvre : cette démarche fat
sans succès; car les seignoirs de Vaudenay et d'Ai-
gremont en donnèrent avis à Philippe, qui prit les
moyens nécessaires pour faire avorter leur entreprise.
Irrités de n'avoir pas réussi, ils augmentèrent leurs
\excès dans le duché de Bourgogne; et malgré les
mesures sages et prudentes que prit le duc pour les
en chasser, ils continuèrent à y exercer leurs brigan-
dages. Le butin qu'ils disaient dans cette province et
dans la Champagne, les rendait comme des lions fa-
rieux sans cesse acharnés à leurs proies. Le fort de
Vesvre, dont ils s'étaient emparés , en leUr procurant
les moyens de rafraîchir leurs troupes, les mettait en
état de faire leurs incursions avec plus de force et de
vigueur. .
Fatigués de ces ravages fréquens, les habitans du
pays n'eurent d'autre ressource que d'aller exposer au
duc leur misère. Philippe fat touché de leur désastre,
et leur fit remettre le fort de Vesvre, en donnant une
somme d'argeilt au chef des routiers, pour l'engager
à évacuer le fort et en retirer la garnison. Ce fat
Arnauld de Cervole qui lui prêta cette somme; il était
alors fort lié avec le duc, et il l'avait servi très-avan-
Digitized
by Google
( Hi )
t^eusement dans les guerres quHl eut à soutenir contre
le comtedeMontbeliardy qui prenait le parti de Mar-
guerite de France. On peut dire aussi qu'il rendit de
gnmds services au roi de Fràûce , et que ce monanjue
doit en partie à la valeur de Cervole les avantages
qu'il eut en diffërens temps sur ses ennemis et sur les
brigands qui rav^^ient son royat^ne. Il est vrai que
Corvole ne lui fut pas toujours attaché ; car Froissart
nous apprend qu'il fut chef des gens du prince dé
Galles, et qu'il assiégea les compagnies françaises au
fort de Durnel (i); mais tant qu'il commanda dans
les armées du roi de France ^ il est certain qu'il se
distingua par sa valeur, voulant r^>arer le tort qu'il
avait fait à son prince par ses brigandages. Aussi
choisit -il ce royaume pour le lieu d^ son refuge et
de spn repos. Fatigué de toutes les expéditions qu'il
avait faites dans l'Alsace et dans la Suisse, il vint se
reûrer en France, renonça pour toujours à la qualité
de chef des routiers, et termina p^iblement ses jours
dans un lieu où il avait mis autrefois le trouUe et la
confusion. Cependant M. Baluze (2) assure que Cer-
vole fiit tué en i365 par les siens, après avoir été
repoussé de l'Alsace par les Allemands : mais nous
ne croyons pas devmr ajouter foi à ce fait, car La-
guille, en nous raccmtant la défaite de Cervole en
Alsace, ne dit rien de sa mort (3), etDuchesn^ as-
(i) Froissart, 1. 1, p. 362.
(2) Baluze, Vies des pûpes d'Avignon , t, i, p.^ 3j^,o et 87 1 .
(3) Laguille, Hist, d'Alsace, t. 1, p. 3o4.
h 9« uv. , 16
#
Digitized
by Google
( a42 )
sure qœ Cervole ae pot exécuter le des^em quHl eut
de conduire au-delà dea mers le$ compagnies 9 et qu^il
mourut en i366 dans la Provence, après avoir pris
la qualité de seigneur de Château -Yillûn (1). Ain^
finit ce fameux capitaine des compares 1 bomoKe
belliqueux à la vérité, mais de mauvaise réputation ,
et aimant le pillag^ (3).
Mais la faction des routiers ne fut pas détruite par
la mort de Cervole; elle survécut à son chef; et si ,
pendant jdusieurs années , elle parut rester dana Vi-*
nacticoi, ce ne fut en quelque sorte que pour méditer
ses projets et ranimi^ ses forces. En effet, dès que
Cervole se fut séparé des routiers, et même après sa
mort, ces hrjigands dirent plusieurs chefs qui sai-
rirent les traces de leur ancien capitaine; et sous la
conduite d'Ës^guerrand de Goucy, on les vit presque
aussi furieux qu^ils avaient été jusqu^alcnrs. Ce sei-
gneuTi issu du sang des ix>is, devait hériter de son
grand«père plusieurs terres situées en Alsace, comme
le Brisgaw, le Sunt^w et le comté de Ferrite (3).
Il entreprit de les répéter et de reimeiUir la ^looes--
sion de son aïeul le duc Léopold, que les diio» à'Avic
triche Albert et Léopold retenaient contre t^ote jm^
tice. U éc^dvit à ce sujet aux maçftstmts de&trasbouurg
(i) Duchesne, Généalogie de la maison de Château-Villain,
p. 54. ( C'est aussi le sentiment de Zarlauben. Foy, son Mé-
moire sur Cervole, t. 18, p. 455 de celle Colk) (EditCL.)
(2) Mpratori, t. 14., p, ÎS6.
(3) Laguille, Hist. d'Abacx, t. i, p. Sog.
Digitized
by Google
(^43)
evm Colmar, mai&sa lettre fk peu (fimpresâicm sw
leiB* esprit. • ^
Ëmgaefrand sévit par-là oblige d'avoir recours à la
Toie désarmes; ai pourmi^x réussir dans son pm^et;
il Rengagea ditnâ son parti les lymtiers r^apdus ((i^nà
la France et lafoetagoe, en sorte qn*tl fiit en peu dé
temps \ la tel» d'une nombreuse armée. Les routierf
emarèrçnt d'ahord dans TAlsace m gnoid nombre ^ et
se rendirent aux entrons de Strasbourg^ où ils mirem
tout à feu et à sang , tirèrent de fertes contributions,
fbr<^rent les pay^uQs de s'enfuir et d'abandonner
leurs mâsons à la fureur dès soldats , cpii exerçaient
partout d'horribles eruauAés. Engi^errand^ qui n'étoil
pas encoife réuni aux routiers, apprenant ces succès,
ne tarda pas à les joindre. {1 canduîsit ^on armée à
Brisach ; mais ne tcouyant pas dana ce Heu^ ni dam
les confins de l'Alsace, de qucii feiffe 8tl>sister ses
troupes^ il fut c^ligé d'avanper jusqu'à Berne, où'les
ffoutiiers s'eviparàrent d^un monastère potir s'y retira:
mais les brares du pays s'étamt rassemblés , fondirent
sor eux avec impétuosité, et ^ tuèrent jusqu*à trois
miUedaas le lieu même où ils s'étaient réfugiés; enfin,
pressés par la faim ^ £itigu^ d'une expédition où il
n'jr aurait fdos rien à gagner, les routiers se retirèrent,
et Ëngiierrand n'e^t d'autus fruit ée son entreprise ,
^le d'aycâr rédmt à' la dernière misère un pays qui
n'avait pris aucune part dans sa querelle.
Les routiers coximir^^t ^rucQxe^ en 4i^6ntçs an-
nées, plusieurs autres excès, surtout dans le Lfitigue^
doc, le Gévaudan, à Bézi^^s, outils xs'empopèrent de
Digitized
by Google
(^44)
dîveis diàtoant > dans la Guj^ectQe. et dans les séné-
chaussées* de Toulouse , de Carcassoitne , de Beau- .
caire et de Rouergue. Nous ne noos arrêterons pas à I
^£aâre le détail , d'autant qu^ils nous paraissent moins
frappans<{ue ceux dont nous venons de parler. D^ml-
leurs t rhbtorien de Languedoc a eu soin de ks rap
pcn^ter tous exactaoaent. On peut le considt^ (i).
U ne nous re^e plus<{CL^à fixer li pea près le temps
oà lafaction des routiers fut anéantie^ ou, pour mieux
dire, ne fîit plus ccumue sous ce nom; car on mt
trouve pas dans Thistoire une époque fixe de leur
destruction» Le silence iies historiens sur les routiers
peut être la seule preuve que nous puissions apporter
de leur extincti(m.
On sait qu'on tenta plusiem^s Ibis en France de
vider le pays de ces sortes de brigands , et qu'on £>rma
même le dessein de les mener contii'e les Turcs; maïs
ces tentatives n'eurent pas tout le succès cp'on mi
attendait. En i36o, le roi d'Angleterre, parle traité
de paiic qu'il fit avec le roi de France, promit de Tai-
der à chasser de son œ^aume ks cpmpa^ies; mais^
à ce qu'on prétend, u leur fournissait seerètenUâm
des secour^. C'est ce qui engagea Charles Y k lui
4éclarer la guerre; et dès qu'elle fut ctnmnencéë^
quelques-unes ées [ compagnies, pirent le parti de
la France, les atitres celui de l'An^eten%(3). Ëp
(i) Dëm Vaîssette, Histl'ik Langueéjic, t.' 4, p. 367, 3^6,
43*^,493-
. (a) Ordoroh des rois i France, t. 3^ p. 43&-
dby Google
(a45)
j362 (1)9 le roi Jeaa a^engagea, à la sollicitation du
roi de Cîhypre et de Pierre de Lusignan, dans la croi-
sade que publia Urbain V contre les infîd^esy afili de
purger la France des compagnies de brigands qui la
ravageaient, en les emmenant arec lui au-delà des
mers.
En i365, Bertrand Dugueàdtîn et Pierre de Bomv
bon (s) profitèrent d^une guerre qui était entré le
roi don Pierre de Castille et Henri son frère, pour
£sôre passer en Espace les compagnies de routiers*
Elles y passèrent efieçtivement , parce qu^on leur fit
espétex qu'il y avait beaucoup de- butin à faire dans ce
pays, et que le pape leur fit donner 200 mille firancs
d'or, dont il se dédommagea par une décime qu'ail
imposa sur le clergé de France : cependant il est bon
de remiarquer qu'il ne donna cette somme que malgré
lin, parce qu'il s'y vil forcé par les courses conti-
nuelles que les routiers faisaient sur ses terres. Ber-
trand Duguesclin avait engagé les routiers dans la
croisade qu'il avait publiée contre les Turcs, en le«r
promettant de leur &ire livrer par le pape'deitx; cents
mille ilorins, avec l'absolution des censures qu'ils
avaient encourues. Urbain Y doxma pouvoir àson légat
d'absoudre les routiers, mais il m voulut pas con-
sentir à leur donner la somme qu*ils demandaient,
I i>i ' I II III I II '1 I I il I I II 1 «É I mi .)i II II ■' ■! " ■■'i _ '■
(i) Duhailian, Hîst de France ^ p. SSy. — Daniel, lîdtL,
în-f», t. 2, p. 606.
(2) Froissart , t. i , p. 294. — D. Vai^iette, Hist de Lan-
guedoc^ t. 4, p. 32J et 33o. , ^ =
Digitized
by Google
( 346 )
fA que DiigèéicUn leur avai^ iait espër^.Ce refus la
itidigiia et les aninu au peim qu'ils se- {étirent sur
les terres du pape, et y commirent de grands idësoi^
^es^ Urbain royant qu'il ne pouTiut iqpaiser leur ti-
reur qu'en satisfaisant à leur demande, et que le dâsd
ne pouvait qu'augmenter et multiplier leurs excès,
Wa^ sur les habitons 'd'Avignon, la somme que les
Derniers exigeaknt de lui , ella leur £t remettre pat
ton légati Bertcand U refusa ^ parce qu'il Bppnx que
c'étaÎA l'argent du peiq)le; et il répondit à celui qm
ht lui apporta, que c'ëtsôt au pape et au clergé à
loiH^nir cette soimiie , et qn'îl ëtait en état de aou-
tenîr cette dépense.
Ce £it alors une néeeamé pour la cour de Rome,
de s'accommoder au temps, et tout fut exécuté sdea
les intenUons de Dugueselin. On kd apporta deim
4ientM mille francs tirés de la bourse du ps^ et des
cardinaux, avec l'absolution par écrit et scellée dn
sbeau de Sa Sainteté , et Ton rendit au peuple l'ar*
geiltqni avait été levé sur liii(i).Du^esclin, cocon-
lÀlié âarec le |yq)e , proposa à ses troupes d'aller atta-
quer les Sarraains de Grssnade, dans le dessein de les
empêcher de retourner de sit6t en France. Si toos^
les ohe& des aroutiers se lussent conformés à ce fo^ojet,
lik France eût été entièrement délivrée ^e ces bri-
gands; mais plusieurs, pour venger la mort de la reine
(i) Bataid , Hist. de Fyknce, iâ^f% t. a , p. 63B e« €3a —
Du Ch^stelet, Hist de Dugueselin, haf-f», f. 88 «l *uiv.
Digitized
by Google
( ^47 )
de Gasiille , se sëpûi*èreiit ei retournèrent en France
avec leurs compagnies.
Bfi 1439(0? Louis, dauphin de Fratice^ fit un
trmé avec les rcmtiers pour les engager à sortir de
la province de Touloitoe; ik Fëvaçuèrent en effet,
moyennant la somme de deux mille ëcus d^or, xpé
les haliitâns de Totiiouse leur donnèrent en diffiàrens
templs^ : m^ après le dëpart^du dauphin , ils rentré-
IP6I11 dân« cette province, et ravagèrent le Louraguaié
|t 1^ èirvirtmà de Montréal* Eri i444 ip)i ^P^ ^^
le dauphin se fiit saisi des biens du comte d'Arma-
gnac, qui ravageait la province de Languedoc avec
hé routiers, et qu'il l'eut fait prisonnier, lés commis-
saires qui |H'ësidai€nt aux Etats de Montpellier pro-
mirent aux habitons que le roi ÏFerait incessamment
retirer ces gens d'armes et les brigands qui dés(^aient
la province.
On voit par toutes ces démarches que fit la France
poin* chasser entièrement dé ses Etais les routiers,
qu'elle en diminua le nombre , mais qu'elle ne put
en venir à une destruction totale. Cependant , après
Tannée i444, l'historien de Langtiedoc, qui a suivi
les routiers, pour ainsi dire, dans toutes leiu-s courses,
cefise de nous en parler et de nous les désignerions
le nom de routiers.TJ^ semblent ici se confondre avec
les bandolièrs et les arbàlétrim, qui étia^nt d'autres
{%) lUst de tanguedoc, t. 4^ P- ^S^*
(2) Ibid., t. 5, p. 4 el 5.
Digitized
by Google
( ^48 )
ac&émtB qm les siûvirent et marchèrent sur lairs
traces.
Cependant Almergarde ^ prêtre de Li^e, dams sa
G>llection des actions de Louis XI (ï) , parle <îe plur
si^irs brigandages cdmmis en i48i dans les Pro-
yincçs-Unies^par des ^ns nonnnés ru^erij c'est-à"
^Q.rcmiev$;'caxle moi de mptHoriuse^àeruiheruSj
suivant du Capge, ont ]fL même sigpûfication (3). Ces
I^rigandsy si Ton ^1 croit Xlmargacde, s*unirent afec
les Trajectîns ou habitans d^Utrecht, dépeuplèrent les
villes et les campagnes^ mkent tout à feu et à sang,
et ravagèrent presque toute la Hollande (3).
Quoi qu'il en soit, nous nous en tenons, sinr les
rouûars, an silence de Thistorien de Languedoc, qui
, n'est point coAtredit en ce point par les bîstœiens les
nûeux accrédités, et nous croyons que ce fiit vers le
milieu du quinzième siècle que casèrent de nous
éu'e connus ces fameux brigands qui fw^it si long*
t^Enps le fléau de l'Europe et la terreur des princest
les plus puissans.
Recherches sur la jacquerie.
Après la bataille de Poitiers, la France se vit dans
(0 Bom Msotenne, AmpUss. colkct , t 4y P* 799 et suiv.
*(a) Du Qinge, Gioss., t» 5, p. j545.
. ^3) Hollandîam incursantes incendiis, cœdibus ac mpini^
postalam, ^rasMm, desertamque fécenmt. ( Dom A|arten<i« ^
AmpUss. coUect.y t. 4» p- 804.)
Digitized
by Google
(^49)
le tiodbte et la confasicm,. L'épuisemem des- finances,
le feu. de la discorde allumé de toutes parts par les
émksaires du roi de NaTarre, les gij^rres intestines
répandues dans le royaume , la piâson du roi Jean ,
les ravages des brigands atu*otQ)és, tout semblait alors
annoncer la destruction entière de la monarcbie.
Paris même 9 le centre de la nation, était devenu
celui du tumulte et de la divifflon. Livrée à la con-^
fiiston qu'entr^nent ^aleii^nt et Fanardiie etla j^
ralité des chets, cette ville paraissait concourir avec
les ennemis du dehors pour hâter la ruine de TEtat.
Pour mettre le comble aux maux de la nation, il s'é-
leva au milieu d'eUe une nouveUe faction composée
de paysans qui sortsàent de la Brie et de la Picardie.
On r^^^la la jacquerie, sehm les uns, parce qu'ils
portaient de longues casaques de toile qu'on nommait
Jacques j et, selon les autres, parce qu'ils avaient à
kiur tête un nommé Jacques ^o7uAa/7i^(i).Plusieurs
pensent que le n^m de Jacquerie tire son origine
d'une raillerie que les seigneurs avaient alors cou-
tume 'de faire pour se moquer de leurs paysans et
vassaux. Lorsqu'ils les avaient dépouillés impitoya-
blem^it et que ces malheureux osaient se plaindre,
ils insultaient à leur misère , en disant qu'il fidlait
bien que Jacques Bonhomme payât tout. Ils a.}ou-
tent que les paysans, pour répondre à la raillerie
des nobles, appelèrent le chef qu'ils se donnèrent
Jacques Bonhomme.
(i) Daniel, Hisi* de France^ in-P», t. à, p. 582.
Digitized
by Google
(250)
Quoi qu*il en toit, ks pajmii» cpiî formatent k
}tte<]tterie 9 opprimes de tous c&tës, sans recours et saits
ressource, yejma leub rnsôsons an pillage, et la cam-
pagne abandonna à là fnreur des éoUsEts et des w^
leurs, s'unirent entre eux et résolurent, pour se cU-
dodmiager des pertes ^*ils essuyaient, de ravager ei
de piUer tout ce quUls renconu;eraient« lia se îetèrent
d'abord nyec .violenoe sur les biens des genùlslumi-
mès, brûlènmt leurs cbàteaux, pour user en œ^a»
occasion de représailles^ et pour, se v^g^ de T^tat
de la noblesse, qu'ils regardaient ooiiime la aomroedes
maux qui accablaient le royaume , et comme Yep*
proJwe et l'ignominie de la France. Hésolua d'exter-
miner les nobles , ils s'asàemblècent dans le Baau^
¥oisia au nombre de eent^ et ils se multiplient h
meexxte qu'ils se répandirent dans les campagnea.
Pour mieua: signaler leur haine irréconciliable contre
les gentilshommes, et ccxnme pour insulter à la dou-
ceur et à l'humanité de lacheralei^, ili érigèrent en
vertu la Sérocité la fiu9 brutale.. Semblables à des
Uon» &rieux à la vue de jLeur proie^ ils firesl msîn
basse sur le& dbevaliers , . n'^ar^ndnt ni les fenmies
ni les en&ns; On ne peut s'imaginer les cruautés
qu'ils exercèrent conu*e les gentilshommes qm tmn<*
bèrent entre leurs msâns; ils en embrochèrent plu-
sieurs, les firent rôtir à petit feu, violèrent le» dames
et les d^noiselles, et les massacrèrent ensuite. Ce
n'était partout qu'incendies et ravages dans les pays
deLaon, de Soissons, sur les bords de la Marne et de
rOise , et le mal s'étendit jusque dans le pays d'Ar-
Digitized by VjOOQ IC
(a5i )
1015(1). Froissart (2) rapporte qu'après avoir assouvi
kor bmtâlité sur une dame , en présence de 90a mari ^
ik'k forcèrent de manger de la eh^r de cet éfoax
'lùkritmé qu'ils venaient de &ire rôtir à ses yeux, et
qa'eùaaite ils la fii*ent mourir cruelkment ^ déchirant
smi corps en mille pièces , et le livrant amx d^iens
pôttt- leur servir de pâture.
Les gentilshommes^ attàqi»^de toutespart^par ces
brigands; se virent titMgés dé se réunir entre eux
plus létrottement que jamais paor se défendre, eux,
ledrs femmes et leuifs ènfans,^ dissiper ces sc^léraïui*
Ils mirent des troupes sur pied, courcoreUt sur les
jac^érs, en défirent pluneurs handes, et lespen-^
dirent par doU2aine aux arinres qu'ils trouvèrent sur
les grands chemins. Le nombre n'en diminuait pa^
pcmr cela; ils étaient alors plus de cent' mille répan-
dus en divers ^adroits, et la bourgeoisie des villes où
ils se retiraient leur était favorable. Dix ou doui;e mille
de ces brigands se rendirent aux environ^ de Paris
pour y feire une espèce de recrue , et ils se joignh'cnt
à une troupe de bandits tirés du menu peuple* ïh
allèrent d'abwd (3) à Gompiègne pour dévaster oôtic
viSé^ Éitôs en ayant été r^^Kiussés, ils outrèrent dans
S^œlîs, où ils abattirent le château d'Aïmenonville et
f^tiâeurs autres; ils obligèrent les seigneurs de è^en--
(i) Daaiel , Htst. de France, in-f«, t. 2, p. 583. — Mëzeray^
ibid., t. I, p. 832.
(2) Froifsart, t. i, p. 308.
(3) Belleforét, Annales de France, t. 2, p. 890.
Digitized
by Google
(aSa)
ibir avec leur famille , et de leur aband(»mer ^irs
lûens pour ae soustraire à leur fiireur Après avoir
abattu une partie du château deBeai!uiiont*sur-rCI^,
ils marchèrent vers la ville de Meaux , où le duc
d'Orléans s*était retiré avec la duchesse sa femme et
la dauphine. Plus de trois cents dames et demoiselles
de qualité s'étaient réfugiées dans le même lieu pour
éviter ime nuMri certaine et échapper à la cruauté de
ces infâmes brigands. Les jacquiers, à la vue de tant
de noblesse rassemblée dans un même endroit, senti-
* rent redoubler jleur courage , ou {dutôt leur brutalité,
et ils paraissaient dans la résolution de mettre tout à
feu et à sang(i); mais ils furent trompés dans leur
errance. Le dauphin, avant son départ^ avait laissé
dans la ville de Meaux le comte de Foix et le Captai
de Buch, pour commander en son absence. Ces deux
braves. capitaines, qui n^avaient que soixante lances,
s'unirent au petit nombre de ceux qui défendaient
la forteresse de Meaux. L'honneur des dames qu'il
fallait mettre à l'abri des insultes des jacquia:s, joint
à la nécessité où les nobles se trouvaient de défendre
leur vie, ne permit pas au comte de Foix de réfléchir
sur les dangers, ni au Captai de Buch de pei^ ^pi'il
était Anglais. Ce dernier profita avec empressen^nt
de la liberté que la trêve entre la France et l' Ajigle-
teire lui laissait de suivre des sentimens plus forts
dans le cœur des nobles que toutes les inimitiés na-
(i) Dom Tonssainct Duplessis, Hist. de Meaux, tom. i^
p. 374.
Digitized by VjOOQ IC
(^3)
iimâlés. De pltis , le danger était pesaant, et il &Uait
un pron^t secows. Les habitans étaient d'intelligence
a?ec les iactieux. Jacques Soûlas/ maire de la ville,
avait £dt venir de Paris, par l'entremise d'un nommé
GtUles^ épicier, un corps de troupes assez considéra-
ble; mais ce n'étaient que des artisans, honmies [dus
propres a garder une boutique qu'à nianier les armes*
Ces rebelles ouvrirent les portes aux jacquiers. Les
dames se virent obligées de se retrancher dans le
terrain appelé le marché de Meaux^ poste séparé
du reste de k ville par la rivière de Marne. Les no-
bles eurent alors deux assauts à soutenir, l'un contre
le maire et ceux de son parti, l'autre contre les jac-
quiers. Mais le comte de Foix et le Captai de Buch,'
à la tête de la noblesse , firent face à ces deux corps
de brigands. Us repoussèrent ceux qui se présentèrent
à eux à la porte du pont , avec tant de vigueur, que
la plupart furent précijÂtés dans la rivière, ou passés
au fil de l'épée, et qu'il s'en sauva à peine deux mille.
Le maire de la ville se battit pendant quelques temps
avec assez de courage ; mais la victoire demeura à la
noblesse , qui n'épargna ni les hommes ni les édifices
pour exterminer les rebelles. Jacques Soûlas, avec
ses complices et plusieurs principaux de la ville de
Meaux, forent pris et décapités pour expier leur tra-
hison. Ensuite, pour se délivrer du reste des jacquiers
qui s'étaient retirés dans un canton de la ville, on y
mit le fçu, et il n'y eut dans cet incendia quç la
seule cathédrale qui fut épargnée. Toutes leS: maisons
des faubourgs et celles des. chanoines furent consu-
Digitized
by Google
( 354 )
mëes par les flammes. Dan» cette occasion, U^fiéril
plusde sept mille jaoqixîers, sans eonuplar les r'ekelleat>
qui fbrent brûiëa dana k ville. Le xé^wx{i)f daou»
la guerre qa*il fit à la jacqiieriey en tw en mi jxnm
plus de vingt mille^ et le rot de Navarre ^ fit un
graqid carnage. IL se saisit de.GuîUftame GaiUet, %ta
de leurs principaux cheb, à qm il fit trancher latiête)
Quoique ce prince parût être intéressé à favoriser la
rëvoke des jacquiers, il se déclara néanmoins coalire
eux avec beaucoup àt (âiakiir, sans doute dansVea^
pérance de se conoilicar la n€3>lesse9 et de la faire enr
tner plus aisément dans aas vues* Ce fut ^i Picardie
que Charles V poursuivit Vigoureusement les jacquiers ,
et le jour de Saint- Jean -Bsç^tiste fut presque l'épo-
que de leur entière extinction. Enguerrand de Coucy
achevade dÂss^)er les restes éparsde cette canaiJie(3).
Ainsi finit cette nombreuse fiicdon qui fit tant de
progrès en ji peu de i^mps* L'attaque du mdrdbhé de
Meaux fiit son dieriùer offort ^ et «celte viU^ devint scoi
tombesm* £Ue fît beauccmp de mal à la Franoe; ear
non senlament ^e mit le trouble et la confiisiscm
dans une partie du royaume, mais elle &Lt une des
causes qui empêchèrent Charles Y de peendre des
mesures pour s'oj^ipser i rinvasùm dont les Anglais
menaçaient la Brance, aussitôt que la tnève serait
(i) Belleforét^AnnnïeyS France /i. i,p. ^90; ètduHaîl-
lan, p. 828. ' ' i ' : ,.
' (a) Mëxersrjr, Hisi. dd France) p. 85^, ;
Digitized
by Google
( 355 )
expira (i). Si nous comptons ces brigamlsanx rmi*
tîecs dont noos avcms parlé, ils nous paraîtrom moins
eGtarageux etWÊoms puissans^mais nous les trouverons
plus nx^ans et plus cruels. La mulii{âicitë de leurs
exoès leur &t tellement nuisible , qu'Us ne subsistè-
rem pas lpng<«»Mps. Lamine année qui les vit naître,
les vit aussi se dissiper. Ce qui aotélëra leur ruine, ce
hi leur acharnement à massacrer la noblesse, et leur
pea d'expâience dans le métier de la p^erék.
DE lA MILICE DES HEISTRES ET LkVSKETHEJS DU RHI19GRAVE,
DtJ C0L0I9EL CHRISTOPHLE HE BASSOMPIERRE (a).
Pour continuer l'ordre que j'ai tenu dans le volume
précédent, je prendrai occasion de parler des reistrés
et des lanskenets, dont il est fait mention , aussi bien
que de Cbristophle de Bassompierre , lors lieule-
nant-colonel , et depuis colonel en chef, au récit de
l'escarmourche de Graville , fait par Michel de Cas-
telnau dans le premier chapitre du livre quatrième de
ses Mémoires, où je commence le «econd tome de
mes Commentaires historiques. Tout le monde sait,
aux dépens de la ruine de tous les Etats de FEtn
rope, que les nations du Nord que nous appelons
(i) Rapin Tfaoyras, Kst d'Angleterre, t. 3, p. 179.
(a) Actions aux Mémoires de Castelnau, par le Ld>oune«rv
m-f<', t a, f» I 4e Téâit 4e iGSg.
Digitized
by Google
( 256 )
aUemandes, étant fort fécondes en peuples, la né-
cessité d'occuper de nouvelles terres plutât que Tam-
bition de dominer, à laqueUe ils sont moins semiHes
qu*à leur intérêt et à leur profit , les a haUtués aux
armes , et qu'ils y ont été entretenus par la divisian
de rXllemagne en diverses principautés, qui ne lair
a rien laissé de consanun que la langue , et qui a &it
que chaque seigneurie est un membre mort à k pa-
trie, dojA Fâme n*est autre chose /pie l'union et Ta-
mour et la communion d'intérêts. Le schisme et l'hé-
résie sont venus ensuite , qui ont accru le désordre, et
qui ont achevé de miner les restes de la fraternité de
ces anciens Germains, par les guerres de la religion;
et la raison d'Etat y fit prendre parti à nos rois Fran-
çois I" et Henri II pour les luthériens, sous prétexte
de défendre et de protéger les princes et les commu-
nautés protestantes dans leurs principes impériaux.
Mais la justice de Dieu , qui se plaît à confondre les
conseils des hommes et à ruiner les entreprises qu'ils
font sur l'avenir, fît bien voir tôt après, que les plus
grands héros en politique, ne méritent bien souvent
d'autre estime que celle d'avoir été les ministres de
sa vengeance , et que leur mémoire ne doit subsister
qu'avec le reproche d'avoir inunolé à sa colère des
millions d'hommes qu'ils croyaient sacrifier à la gloire
de leur patrie , pour des desseins dont l'événement
est dans ses mains, et qu'il ne souffire point qu'on lui
arrache, qu'on ne tombe de la violçn^^e qu'on veut
faire à ses décrets.
Après les troubles d'Allemagne, survinrent ceux
Digitized
by Google
( ^5^ )
de France pour le même sujet de religion ; et les
princes de l'empire , tant catholiques que protestans^
ne manquèrent pas de se servir d'une si belle occa-
sion de se défaire avec avantage du poids de leurs
armëes, et d'avoir une milice toute prête pour leurs
desseins, qui s'aguerrît à nos dépens, et qui enrichît
leurs Etats du pillage de ce royaume, qui la soùdoye^
rait pour sa ruine. Les huguenots leur demandèrent
secours et l'obtinrent aisément, et ou en fit aussi
venir contre eux pour diverses considérations. La
principale fut que la reine Catherine, quoique mère
du roi, se souvenait toujours qu'elle était étrangère ,
et que les dangers qu'elle avait courus l'entretenant
dans la défiance des grands de l'un et de l'autre parti,
elle crut qu'il était important d'avoir un corps de
troupes étrangères aussi, qui la servirait aveuglément
dans tous ses besoins ; car sans faire tort aux reistres
et aux lanskenets, on les peut comparer à des che-
Taux de service à la guerre , qu'ils [professent sans
affection et sans réfléchir sur le parti qu'ils tiennent.
Comme tels, ils se vendaient à leurs chefs, qui les re-
vendaient aux princes, et ils ne se conservaient de
liberté que celle de se racheter de prison en tour-
nant du côté du victorieux. Par ce moyen , ils subsis-
taient toujours; c'était im fardeau qui ne diminuait
point , et on pouvait dire qu'ils n'étaient véritable-
nnent ennemis que du pays où ils étaient employés.
L'autre raison plus favorable de Catherine était qu'il
fallait puiser dans la même source d'où les hérétiques
tiraient toute leur assistance, soit pour la tarir ou
I* 9« Liv. 17
Digitized by
Google
( »58)
poar en divertir le cours , ou bien enccMre afin «{u^oc-
cupant ainsi cette nation belliqueuse, on romfât les
desseins qu^elle pourrait faire de son chef sur la iâi-
blesse de la France , parce que les grands Etats cmt
toujours quelque chose a s*entre*demander, et TEn^
pire principalement a toujours sujet de se plaindre de
ses voisins 9 qui ne r^ident point de civilité à sa
vieillesse, et qui même ne se réconcilient pcnnt avec
luiquUl ne lui en coûte quelque province ou quel^
place.
Ainsi y la nécessité du côté des huguenots , et la
politique de la part de la reine, attirèrent sur ce
royaume ce peuple que nous avions soulevé et sou-
doyé contre la maison d'Autriche , et nous achetâmes
encore bien cher cette alliance ruineuse , qui tint les
affaires de France en équilibre , qui maintint Théré-
sie, et qui entretint la guerre civile. Philippe, comte
du Rhin, autrement appelé le Bfiingnwej servit avec
plus d'affection qu'aucun autre colonel de reistres,
comme celui qui était tout Français d'mclination, et
qui pour s'être attaché aux intérêts de cette cou-
ronne , encourut le ban de l'Empire, c(»nme fit aussi
le comte de Rokendolf.\ Il se maria en France avec
Jeaime Ricarde Galliot, dite àeGenouiilaCj veuve de
Charles de Crussol, vicomte d'Uzès, grand-panetier
de Frâilce^ et eut pom* imitateur de sa conduite,
comme pour successeur en sa charge, Christophle de
BassomjHerre, baron de Haroel, fils de François de Bas*
sompierre et dé Marguerite de Dompmàrti^, et petit-
fils de Qirisiophle^ mari de Jeanne de Ville. Ces deux
Digitized
by Google
( ^59 ) '
adlknces les attirèrent des frontières d* Allemagne à
h cour de LcHraine , et cela ne fut pas inutile à' ce
second ClttÎ8tq>lile pour scm établissement en France^
et ponr y tirer âveur de la maison de Guise. Il se
maria avec Louise le Picard , fille de Georges s. de
Hadeval et de Louise de la Motte , qui lui apporta dHl«
bstres parentés^, car de la même maison des le Picard
étaient, en scm temps, la maréchale de Brissac et la
dame de Pompadour, mère de Madeleine de Pompa-
deur, comtesse de Tillières, etaïeulede MarieleVeneiidr
de Tillières, qui de Paul , comte de Salmes , 1 JTssa
Ghrestienne de Salmes; de laquelle et de François de
Lorraiiie , comte de Vaudemont , sont nés les ducs
Obrles et François de Lorraine, Mai^erite de Lor-
raine, duchesse d'Orléans, etc. Louise de la Mot^
avait pour mère Anne de Montmorency, fille de Ro-
land, haron de Fopeux, et de Louise d'Orgemont, et
par ce moyen elle était alliée des deux côtés ati con-
nétable de Montmorency. De ce mariage naquit Fran-
* cois de Bassompi^re , colonel* général des Suisses et
maréchal de France , aussi illustre par ses disgrâces
que par tant de belles qualités d'esprit et de géné-
rosité, qui ont intéressé tout le public dans le mal-
h^ir et dan^ la rigueur de sa longue prison.
Entre plusieurs traités faits arec les colonels des
reistres , il y en a un du i8 juin i5j4j avec Chris-
tophle de Bassompierre , par lequel il s*obligea d V
mener d* Allemagne six cents chevaux pistolliers, sous
deux capitaines et deux cornettes de trois cents
homnies chacune; et les conditimis principales qu'il
Digitized
by Google
( a6o )
est à jHTopôs de remarquer, pour faire^voir combien
celte milice étrangère vendait son service , furent
que lui , en qualité de colonel, aurait six cents florins
par mois, le lieutenant-colonel et les deux capitaines
chacun trois cents, et les autres officiers à proportion.
Outre lesquels, il aurait encore six cents autres florins
par mois pour appointer les plus a{q)arens et suffisans
de son régiment, ce sont les propres termes : de plus,
on lui devait passer à la montre trente six payes à
raison de douze pour cent en chacune cornette , et
on fti accordait encore quatre cents florins par mois
pour davantage aider à sa subsistance. On lui donna
pour les frais de la levée sept mille deux cents florins,
à raison de douze florins pour cheval ; on promit douze
montres dont le retardement courait aux dépens du
roi, et que le roi gagnant une bataille où ils auraient
combattu, leur montre leur serait acquise dès le jour,
et qu'ils en commenceraient une autre. Par ce traité,
ils étaient obligés à servir le roi et sa couronne envers
et contre tous, excepté le saint Empire et leurs sei-
gneurs féodaux, avec serment de n'abandonner le
régiment pour révocation qui put être faite par Tem-
pQreur, la chambre impériale ou lem^ dits seigneurs
féodaux ; d*chéir aux ordres pour leur marche , soit
par régiment ou par compagnies détachées; de ne
rien prendre sur les sujets du roi saas payer; et en
cas de mort de leur colonel, de recevoir celui de
leur nation que sa majesté voudrait choisir, sans de-
mander pour ce nouvelle capitulation; et enfin de
mettre entre ses ntains ou de son lieutenant - gâiéral
Digitized
by Google
( a6i )
tous leinrs prisonniers de guerre^ en recevant pour le
plus six mille ëcus. Il était aussi porte expressément
que ces troupes s^emploieraient partout où il serait
commandé au sieur de Bassompierre par le roi et la
reine sa mère, qui fit ce traité , et qui y fit couler cette
marque d^autorité assez extraordinaire. Depuis le sieur
de Bassompierre continua à faire des levées , et fit
monter son régiment jusqu'au nombre de quinze cents
reisires. Pour dire la vérité de cette milice , comme
elle était fort mêlée de bons et mauvais soldats par
Tint^êt qu'avaient les cbefc d'en amener grand nom-
bre, on ne s'en pouvait guère assurer, et (m y fut
trompé de part et d'autre en beaucoup d'occasions qui
faisaient assez regretter le butin et la solde qu'ils em-
portaient de France. C'était toujours aux rois à les
payer, tant amis qu'ennemis, pour les mettre hors du
royaume j et c'était l'emploi ordinaire de Michel de
Castelnau de négocier avec eux pouc leur sortie,
comme nous verrons en plusieurs endroits de cette
histoire..
Digitized
by Google
(36a)
QNQUJÈME PARTIE.
ADDITION AU CHAPITRE PREMIER (i).
DE E'INTÉBIEUR DE LA CHAMBRE A COUCHER
D*UNE REINE DE FRANCE,
àMJ liOlIBin^ Oà ELLE DONVE UN nÉaiTIER kV TRÔNE.
Chapitre cnrieiw des Mémoires de Loaise Bowgeois , dite Boursier,.
sage-femme de Marie de Mëdîcîs (a).
Comment j'ay eu l'honneur de parvenir anservice de larcyncy
où il est traité en snlte des coaches de la royne
et des naissances des^enfans de France,
Ayant été receue ( sage femme jurée ) fe conti-
nuois de practiquer où je servis graml nombre de
(i) Tome 8 de la Collect.
(a) Extrait textuel de la seconde partie du livre intitulé ;
Obsavations dloerses sur la sténllté, perte defrmct,fœcondité,
accouchements, et maladies des femmes et enfants nouçeatàs
naU; amplement traittées, et Jieureusement practîquées peur L.
BoimcEOis^ dite Boursier, sa^e femme de la Rotne....^
Rouen, V« Thomas Daré, 1626, in-S**, port.
Le volume que nous revoyons en ce mioment était cooi-
Digitized by VjOOQ IC
. (263 )
femmes ià»t pamrrea que mëdioones , dames <pie dhe-
moiselles, et jusques h des princesses^ il ne se parldit
par la ville que de la grossesse de la royne (i), et
que le roy lui donnoit madame Dupuis pour sage
fenune^qui avait sarvy madame la duchesse, ce qu'elle
n'avoit gueres agréable, parce que madame la mam*
quise de Guercheville, damed'homieur de la royne,
sW estoit servie aussi. Elle la présenta à Sa Majesté
|>ar plusieurs fois, qui n'en fit point d'estat, et ne lui
dit aucune chose : iamais il n'entra en mon entende-
ment de penser à l'accoucher, sinon qile i'estimois
hien^èheureuse celle qui en auroit l'honneto, et pén*^
posé depuis loDg-temps, lorsque nous apprîmes que le frag-
ment ci -dessus annoncé des Mémoires de la dame Bour-
geois venait de reparaître dans le tome i4 des Archives cu-
rieuses de l'histoire de France. Notre première pensée fut de
le supprimer et de Iç^ i*emplaeer, chose très-facile, par quel--
qu'autre pièce plus ou moins piquante : nous aiHÎons vo[ulu
éviter le concours , jusqu'à présent sans exvnple , de deux
réimpressions d'un même document dans deux Collections
qui concourent elles-mêmes à un but commun d'instruction
historique ; mais le récit edt curieux , et d'un intérêt tout spé-
cial qui n'a $09 équivalent dans aucun autre livre de cette
classe» Apirèsi'^voîr relu, nous avons fini par nous persuaiâer
q«e nos so^scripte^rs seraient ipoins disposés à partager nos
sçmpules qu'à nou3 féliciter de n'y avojr pas cédé. Au reste,
le yolume qui nous fourait ce singulier épisode n'est rien
moins que commun, et l'on peut douter qu'il ait jamais les
honneurs d'une réimpression complète. ( Edit C. JL. )
(i) Vers le milieu de l'année 1602. La rcîne accoucha fc
aa novembre smvant {EâH, C. L.) .
Digitized
by Google
(264)
\ au mal que madame DupuU m^aooit fiât; à la vé-
rité ie Teosse [dustost desirë à vne autre qu^ elle. Il
arriua que la première femme de monsieur le preâ-
dent de Thou lut malade dont elle mourut; elle
m^aimoit et cognoissoit dés long-temps, me«ne m*auoit
tenu vne fille 'sur les fonds. Apres que la consulta-
tion de la maladie de madame de Thou fut faite, elle
dtmanda à monsieur du Laurens comment il alloit de
la santé de la royne, il luy dit que fort bien grâces à
Dieu, mais qu^ils èstoient en g^tnd peine, monsieur
de la Riuiere et luy, touchant la sage femme que le
roy desiroit qui accouchast la royne; quHls sçauoient
que la royne ne Tanoit nullement agrea})le, et que
néantmoins c^est la principale pièce de Taccouche-
ment, que la sage femme agrée à la femme qui ac-
couche ; qu^ils auoyent résolu de sHnicmner de quel-
quVne qui fut plus ieune, qui entendit Inen son
estât, et fut pour patir avec madame Dupuis, qui es-
toit grandement fascfaeuse, afin que venant la royne
à accoucher/ et continuant à ne vouloir madame Du-
puis, que la seconde Taccouchast. Il pria les médecins
qui ne bougeoient de Paris luy en vouloir enseigner
vne propre àcela : ils èstoient cinq doncques, monsieur
dm Laurens, messieurs Malescot, Hautin, de la Yio^
lette et Ponçon : monsieur Hautin demanda à la com-
pagnie si Ton auroit agréable qu'il en proposast vne ,
il me nomma, et dit que i'auois plusieurs fois accou-
ché sa fille ^ d'accouchements fort difficiles et en sa
présence : monsieur Malescot dit qu'il Tauoit preuenu
en me nommant ; monsieur de la Violette dit,'ie ne
Digitized
byGoogk
( 26S )
la cogQois point, mais Ten ay entendu dire du bien :
monsieur Pcmçon dit, ie la cognois fort bien, il ne se
peut faire meilleure ellection. Monsieur du Laurens
leur dit quHl me desiroit voir : monsieur Ponçon s'of-
frit de raccompagner cbés nous, en leur retournant.
Madame de Thou me recommanda à lûy de tout son
eœur en faneur de leur alliance. Ils prirent la peine
de venir cbés nous : monsieur du Laurens me dit ce
qui s'estoit passé entre luy et ces messieurs, et qu'ils
feroient auoir agréable au roy (s*il leur estoit possi-
ble^ monsieur de la Riuiere et luy, d'auoir vne se«
conde sage femme pour les causes susdites, et qu'il
me ]»rometoit que s'il y en auoit vne seconde, que ce
seroit moy, qui en aurois grand profit et bonneur.
Quand la royne se laisserok acccnicfaer par madame
Dupuis, qu'elle estoit vieille^ q^c i^ ^^y succederois;
maisque l'on la tenoit pour mauuaise, qu'il fallait que
i'en endurasse. le luy dis que pour le service du roy
et de la royne ie luy seruirois de marcbe-pied, le re-
mercie , et le suj^lie de me continuer l'bonneur de
sa bienveillance; il me dit que le seruice qu'il de-
uoït à la royne lui obligeoit à cause du bon récit
qu'il auoit entendu de moy, auec l'instante recom-
mandation dé madame de Thou. Quand ie vis que
sans iamais y auoir pensé vn tel honneur se juré-
sentoit à moy, ie creuque cela venoit fliê Dieu, le-'
quel dit, ayd^ toy et je t'ayderay, et pensay devoir
auec mes amis faire ce que ie pourrois pour faire
agréer à monsieur de la Riuiere, que si le roy auoit
agréable qu'il y eust vne seconde, que ce fut moy.
Digitized
by Google
(.66)
le prie vne dame de mes amis de prier pcmr m<^
madame dé Lon^nie, qu^elle en voulut prier mon*
sieur de la Biuiere qui logeoit deuant sa pcxte, ce
qu*elle fit de bon cœur. U s^y employa au t^oqis qu'il
fidloit. Ayant asseùrë mon affaire de ce oosté-là, fat
lay trouuer madame la duchesse d^Elboeuf , que iV
uois eu rhonneur d'accoucher , à qui ie dis comme
le tout s'estoit passe, elle en eu^ une très -grande
ioye, et me dit qu'elle s'emj^oyeroit poi^ moy de toat
son cœur en cet affaire - là, et qu'elle le desiroit aœc
passion, mais qu^elle n'en n'eust ose parler que se-
crettement, craignant de &scher le roy, qui ne vou-
loit point que la royne en vist ny entendist parkr
d'auU'e que madame Dupms. Gratienne , qui auoit
esté à feu madame la <jbdhiesse, en parla va iour au
roy, attribuant la faute à madkme Dupuis de som
dernier accouchement; il s'en fascha ej: dit que la
première personne qui en parleroit à la royne , qu'il
luymonstreroit qu'il luyen desplairoit. Madame d'El-
bœuf m'enuoya présenter par vn de ses geniils-iom-
mes à madame de Nemours, sa tante, lequel auoit
charge d'elle de la supplier, si l'occasion se preseri^oit
de feire pour moy, auprès de la royne, qu'elle l'en
supplioit de tout son cœur, et que sur le IxMi seruîce
que ie luy auois rendu, elle luy asseuroit qu'elle au-
roit honneû:^ de s'en estre meslée. Madame de Ne-
mours me reçeut fort Ken, et pria le gentil -homme
d'asseurer madame qu'elle ne perdroit l'occasion, poi»-
ueu que la rôyne en ouurit le propos, mais que per-
sonne ne l'osoit ouurir. Madame d'Elbeuf voyant la
Digitized
by Google
( a67 )
refl|)ODse de madame de INemours, se hasarda allant
voir la royne qui luy demanda de sa couche comme
elle s'en estoit trouuee^ elle luy dit<{ue fort hien,
et se loiîa surtout de sa sage femme, à quoy la royne
presta roreUle, et tesmoigna prendre plaisir d^en
entendre parler, luy demanda qui elle estoit, de
quel aage, et de quelle façon, à quoy elle luy satisfît,
et me conseilla de penser par qui ie pourrois estre
présentée, etqu^elle feroit tout ce qu^elle pourroit au
reste. Le roy et la. royne alloient ordinairement vne
fois ou deux la sepmaine manger au logb de monsieur
de Gondy, où ils se retiroient de Timportunité du
peuple et des courtisansyct menoyent personnes fa-
miliers. le pensay que monsieur de Helly, parrin dVn^
de mes filles, àuoit despuis trois mois espousë la ieune
filk de monsieur de Gondy, et que par son moyen ie
p(HUTois paruenir k ce que ie desirois. le le suppliay
donc de u*ouuer bon que ie fusse allée saluer madame
sa femme, cequ'fl eust fort agréable; i'y fus donc, et
trouuay vne dame grandement ccmrtoise, qui me fit
toutes sentes d'o£Sices en faueur de monsieur son mary .
A huict iours de là, ie retourne la voir, ou ie m'en-
hardis de la supplier de me vouloir tant faire de bien
que par son moyen ie pousse estre présentée à la royne ,
lors que elle nlangeroit à Fhostel de Gondy; elle me
dit qu'elle estoit extrêmement marrie de ne me pour-
voir promettre cela, d'autant qu*elle estoit mariée *
seulement despuis trois mois , et que cela seroit trouué
mauuais, qu'elle prist la hardiesse de présenter vne
sage femme à la royne, au veu et au sçeu de tant de
Digitized
by Google
(26«)
daines aagëes et qui auoient eu plusieurs eii&ns; mais
que pour m^enuoyer quérir lors que la royne iroit ,
qu^elle le feroit bien^ et que lors que ie serois entrée^
que ie ferois ce que ie pourrois. Yne mieime amie
qui auoit fort long temps logé monsieur de Helly ch&
elle, qui estoit auec moy, luy dit, madame vous estes
bien aymëe de la seignora Leonor que la royne ayme
tant, vous ferés bien cela auec elle : il est vray, dit-
elle, que la seigneur Conchine m^aime voirement;
mais elle est aussi nouuelle mariëe que moy, ie crains
qu^elle n'en oze parler ; mais Dieu vous aydera, à h
première veuë de la royne vous verres ce qui se pourra
faire. Il arriua que la royne ayant accoustumé d*j al-
\e£ souuent fut bien quinze iours sans y aller. Ma-
dame de Helly lut doncques aduertie comme le roy
et la royne y deuoyent aller soupper, qui estoit*vn
vendredy, elle me le fit scauoir, afin d*y aller dès le
matin. le prie donc ma dite amie de m'y accompa-
gner, nous demeurasjpes tout le iour, c'estoit enuiron
le mois d'aoust; la royne y arriua la première sur les
quatre beures, accompagnée de madame la ducbesse
de Bar, sœur du roy, auec mes dames les princesses ,
. dames d'honneur et d'atour. La royne se promena
dans les jardins iusques à sept heures du soir que le
roy arriua auec monsieur le duc de Bar et autres
{^rinces. Testois dans la chambre du sieur de Helly.
le h'auois eu moyen de voir la royne, d'autant que
madame la marquise de Guercheville sa dame d'hon-
neur estoit tousiours proche d'elle, laquelle s^es-
toit seruie de la dame Dupuis sage femme, et tenoit
Digitized
by Google
( a69 ) ■
son party proche de la royne , pour le roy, que per-
sonne, bien quil sçeui que la royne ne Tavoit-pas
agréable, n'en eust osé parler. Ayant veu le roy et la
royne entrer en la salle pour souper, estant assk à table,
ma dite aniîe et moy y enstrasmes auee Tvn des gens
de monsieur de ^Uy; la table estoit dressée en po-
tence, au bout d'en haut le roy et la royne y estoient,
pois les princes et {princesses chacun selon leur rang,
et surtout ceux de la maison de Guise , les seigneurs
et dames après. A Fissuë du souper la rome fut con-
duite par le roy sur le lict verd pour se^eposer, ac-
compagnée de madame sa so^ur. Le roy demeura au
milieu de la salle auec les princes et seigneurs à ra^
conter de plusieurs faits d'armes : cependant nous ap-
prochâmes de madame Conchine et de Helly, laquelle
parla à la dite dame Conchine de moy, comme i'es-
tois elevatrice , qui est à dire , elle me regarda et fit
plusieurs demandes , lesquelles me furent interprétées .
par la dame de Helly, et de mesme elle luy dit en ita-
lien mes responces. Ëpuiron les onze heures du soir
venues, le roy fut prendre la royne par la main et
luy dit, mamie allons-nous retirer il est bien tard, et
la conduit hors de la salle, suiuis 4^ tous les princes
et seigneurs, princesses et dames, de sorte que ceste
mienne amie et moy demeurasmes seules dans la salle
nous regaçdans; ie luy dis allons-nous en aussi, puis-
que le bonheur ne m'a tant voulu fauoriser que i'aye
peu estre yueë de la royne, cela a esté du tout impos-
sible. Sortons nous vismes la royne qui s'asseioit dans
sa chaise sur le perron, à l'entour de laquelle estoient
Digitized
by Google
( ^7^ )
six pages de la chtfnbre tenans des flambeaux auec
six -eatafiers qui auoient accoustumë de la porter, et
les dames de Conchine et de Helly qui accomodoiem
sa robbe dans sa chaise. le jH'iay madite amie de par^
1er à madame Helly, à ce qu^elle ramenteut à ma-
dame de Conchine de parler à la i^ne de moy, veu
que le roy, [Nonces et princesses, seigneurs et dames
estoient tous entrés en carrosse , et que pas yn d^eux
n^ me pouuoit voir, ce quelles firent : La royne dit à
madame C^Achine , à ce qui me fut dit, que veux-tu
que ie fac^WLe roy m'en veut donner vne qui ne me
fdaist pas, mais il faut,t[ue ie passe par-là. Madame
Conchine luy dit, madame Yoslre Majesté la peut
voir que le roy ne le scaura pas, vous n'auez veu (jue
ceste vieille qui ne vous agrée pas : il me fut donc
commandé d'aj^rocher que la royne me vouloit voir,
ie fis la reuerence à la royne, qui me regarda enuiron
la longueur d'vn Pater j puis commanda k ses esta-
fiers de marcher, tous les carosses estans sortis qui
pouuoient estre douze ou quinze, Ton portoit la
royne. Apres madame Conchine entra dans le dernier
carrosse, et madan^e^de Helly costoya la royne par-
lant à elle iusqiles à la porte : et moi apre$> ie deman-
day à madame de Helly si la royn^ luy auoit point
parlé de moy, elle me dit que non. Le lendemain
enuiron vne hem'e après midy, madame ^de Helly
print la peine de passer deuani nostre logis et me fit
appeller, et me dit courage madame Boursier, il 7 a
de bonnes nouuelles pour vous, je viens de preq^cka
congé de là royne pour aller en mon mèsnage , oà ie
?»
Digitized
by Google
1 271 )
n'i^ pas encor esté. D'aussi loing qn^elle m'a venë
elle m^a demandé <|u'est il de Teleuatrice que tu me
montras hier? Que fait- elle? le luyrespondis^ ma-
dame dJe est en ceste ville en sa maison, qui attend
de recevoir Thonneur de vos cpmrnandemens : asseu^
rës-là que iamais autre qu'elle ne me touchera^ le A»
le leiKlemain prendre congé de madame de Helly^
qui m'asseoira de rechef de la bonne voloI^)é de 1^
royne* Monsieur de Helly me faisoit l'honneur de
me v(Hr souuent, et me demandoit si ie n'auois pcûnt
rien appris touchant mon affaire. Enuiron quinze
iours afH^es le partement de madame de Helly, il me
vînt voir et me dit qu'il estoit infiniment fasché dont
iô ne seruirois point laroyne. le demeure fort eston^
née^t luy demanday comment il le seauoit; il me dit
qu'il ne le seauoit point autrement, sinon qu'il luy
semblait que si ie l'eusse deu seruir que i'en eusse
entendu d'autres nouuelles* le repris coura^ et Juy
àks, que s'il n'y aiK>it que cela , ie n'en desesperois
points que l'on tenoit que le roy alloit faire quelque
Yoyage, que peut-estre la roy ne attendoit qu'il* fust
pttrty, à cause qu'elle sçatfôit Ken qu'il eust tousiours
de^ré que ç'eust esté madame Dixpuis qui l'eust ac-
couchée, le n'entendois parler partout où i'sdlois qitô
du part^nent de la royne.qui deuoit aller à Fontaine
Ubau faire ses couches, que le roy luy laissok madame
sa sœur pour vDte bonne et gaye compagnie attendant
son retour, lequel deuoit estre auant son aooouche^
ment. L'on parloit aussi de l'appareil de madame
Dupuis, laquelle tenoit son voyage tout asseuré en
Digitized
by Google
( ^72 )
ayant eu parolle du roy et de madame la mar-
quise de Guercheville : madame du But esp^oit que
par ses amis la i^yne ne voulant madame Dupuis, elle
pourroit entrer en la place. le ne disois mot de ce
que i'auoiseu Phonneur d'auoir ëtë veuë de la royne,
de ce qu*elle auoit dit à madame de Helly . Tauois tout
remis TaSaire à la volonté de Dieu. La veille dont
le roy partit, il dit à la royne, et bjen mamie, vous
sçauez où ie vois demain, ie retourneray Dieu aydant
assez à temps pour vos couches. Vous partirez après
moy pour aller à Fontaine bleau, vous ne manque-
rez de rien qui vous soit nécessaire, vous aurez nsia-
dame ma sœur qui est de la meilleure compagnie du
monde, qui recherchera tous les moyens qu'elle
pourra pour vous faire passer le temps, vous auez
madame la duchesse de Nemours, grande princesse su-
perintendante de vostre maison, madame la marquise
de •Guercheville vostre dame d'honnetœ, madame
Con chine vostre d'ame d'atour, madame de Monglas
qui sera gouuernante de l'enfant que Dieu vpus don-
nera, vos femmes de chambre ordinaires. le ne veux
point qu'il y ait ne princesse ni dame autres que
celles-là à vostre accouchement, de peur de faire nai-
stre des ialousies, aussi que ce sont tant d'aduis que
cela trouble ceux qui serùent. Vous aués monsieur
du LaurensTOstre premier médecin , le seigneur Guide
vostre mededn ordinaire, madame Dupuis vostre sa-
ge femme : la royne commença à branler la teste, et
dit , la Dupuis , ie ne veux me seruir d'elle. Le roy
demeura fort estonnë, comment mamie auës-vous at-
Digitized
by Google
( =«73 )
ien^ mon despartcment pour me dire que vg&s ne
vouliës pas madame Dupuis, et qui voulés-vous donc?
Je veuxvne femme encor assés ieune, grande et aile--
gre, qui a accouché madame d'Eibœuf, laquelle j'ay
veuë à rhostel de Gondy . Comment mamie , qui vous
I Ta faict voir? est-ce madame d'Elbœuf? Non, elle est
, venue de soy. le vous asseure que mon voyage ny af-
^ faire que i'aye ne me mettent tant en peine comme cela ;
^ que Fon m'aille chercher monsieur du Laurens. Ar-
^ riué/le roy luy dit ce que la royne luy auoit dit, et
la peine où il en estoit : monsieur du Laurens luy dit,
j Sire, ie la cognois bien, elle sçait quelque chose, elle
i est femme dVn chirurgien. Il y a long temps que
1, chacun sait que la royne n'a pas agréable de se seruir
de madame Dupuis, et,mesnie5 ie m'estois informé
. des bons médecins de ceste ville, s'il arriuoit que la^
. royne continuast à ne vouloir madame Dupuis, quelle
femme nous luy pourrions bailler auec elle, afin que
: venant au poinct, la seconde seruistde première, n'o-
^ zant dire à Votre Majesté ce cpie nous sçavions de la
volonté de la royne, veu que vous desiriez que ma-
dame Dupuis la seruist , ils m'ont nommé celle-là. Qui
sont les médecins qull'ont nommée ? C'a esté monsieur
Malescot qui est le plus ancien de cestg ville , monsieur
, Hautin qui a l'honneur d'estre à Votre Majesté, mon-
, sieurdelaVioletteetmonsieurPoinçon: Le roi demanda
où estie^votis tous ? en viie consultation que nous auons
£dcte pour la femme de monsieur le président de Thou,
jsfcâ est fort malade. Ce n'est pas assez, dit le roy, al-
lez promptement la trouuer, et qu'elle vous nomm.6
1. 9« Liv. i8
Digitized
by Google
(=»74)
▼ne deusaîoe de femme» de qualité qu^elle aiis^nûes,
sçauoir si elles s'en eonientent. Monsieur dd Lauren»
vint donc Aez nmm dû?e le couifloândemem ^UI
v^Qoit de reeenoîr du roy . le lay eserivîs enuiiroa vne
tremeûiie de femmes de» dernières que i'auoiâ âcocK^
cibéeç^ et les plus proches de nostre logis. le le fis
conduire paryn de noftseiruiteiirsi dbez six ou sep% ^pû
ealoient en coucbe, donc il y auoic madame Arnaud
Tintendanle ^ madam<nselle Perrot la conseillère ,
nîepce de monsieur de Fresne secrétaire d'estat, mar
damoiselle le Meam^ femme de Tintendant de mon-
âeur de Kheimsi) madamoiseUe de Pousse -molÊe,
feoimet dVn secrétaire du roy, madame Freeard,
une riche mitf obande* U fut ausn parler à madame
la duchesse d'Elbœuf , puis retournai me dire quHl es-
tait deuëment informé , et qu'il alloit bien réioiàir le
roy ei la royne; et me dili ce qub s'estoit passé entre
lerroy et eUe sur ee sujet: si tostque le roy fut purly,
la royne Iny coimnaiida de me Tenir troouer le len-
demain matin , pour me oommander d'estre à son lé-
guer. U m'auoit dit qu'estant à k pente de la cham-
bre de lar^ne, ie deasnandasse la piremiere femme de
ohambre de la royne nommée madamoi^elle de la
MenomUiere, qpe ie luy disse que i'allois. là de sa
part; elle me regarda, et me dit, mamie vous estas
ImB faemseuse d'anon: gagné les bonnes grâces de la
TOjmSy SUES les auoic méritées : la n>yne est^ leuée
<pd YkppAàf Renoiiilliere qui a il là? Mad|g»e, c'est
vostre S9ge fe^^lle que vous auez choisie; ouy ie l'ay
^oisie^ ie k vénx, ie ne me trwipay iamaâs en chose
Digitized
by Google
( 275 ) •
(jtie i'aye choisie , qu'elle s'approche. Elle me regarde
et fie prh à rire âuec Viic couleur vermeille qui luy
vim aux ioues; elle tne dh que le lendemain ie Tal*
la^se voir tiïe heure plus matin , p<>ur là toir au fect ; et
craignant que ie ne l'eusse entendue )uy Commanda de
me le dire, et tfussi que Ton altàst commefndêt au ta^
ijÂâsier de tenir vn lict pre^i pour moy , et qu'elle me dit
qnefe tinsse mon eofire prëstpotn* partir àueé elle dans
trofe ou quatre^ ioui^s ; et cependant que ie ne manquasse
tous le^ matins de l'aller voir attant son leue^. Feus
ausâ charge de ladite damoiselte de tenir un garçon
prest pottr mè seruir, et qu'ayant appresté mon cofee,
je Tenuoyasse à la garderolAe de la royne, pour le
faire charge avec l'autre hagagé. l'y fus donc le len-
demain, selcHi le commandemem qui m'en auait esté
•foict, où i'eus Phonnèur dé voir la royn^ an lict, et
parler à elle, et lui dit^ mon aldnis de l^enfant que ie
eroyois quf elle àuroit , à cause que elle me le demanda :
elle desitoit âe m'énhardir auprès de sa Maiesté, et
faire que ie la peosse entendre, car elle ni'entèndoît
fert bien : ie fus àduettie pafi^ madamoiselle de la
Renoîxilliere , la veille du partemem , d'aller le len-
demain li telle béare. le fus mise dans le carrosse de
la royne , dans lequel èstoient madame k marquise
de Guerchéville , anec madamfeCon chine, chacune
à vne portière , et maistre Guillaume le fol du roy,
qne l'on Mit du Cost^ dn cocher, l'on me commanda
de me mettre au derrière. A la disnée l'on me fit
aHer.trbuuer la royne dans sa éhambre, iusqnes à ce
<|u'elle dkst dîsner ; Ton me lAéna disner auec les
Digitized
by Google
* ( 276 )
femmes de chambre ^ puis Tapres-disnëe Ton me ra-
mena dans la chambre de la royne où Ton me dit que
ie fisse tousiours ainsi. Le voyage de Fontainebleau se
fit en deux iours; la x^ouchëe du premier iour fut à
Corbeil en vne hostellerie, où il n'y auait quVne
P meschante petite chambre basse de plancher, bien
estouffëe pour la royne. L'on mit coucher les femmes
de chambre et moy dans ce qui estoit marqué pour
cabinet de la rpyne ; il n'y auoit entre son lict et le
mien 9 qu'vne petite cloison de torchis. Le matin l'eus
l'honneur d'estre à son resueil , le disner fut à Melun ,
au logis de monsieur de la Grange-le-roy, où il n'y
auoit aucuns meubles, et sur txmt il n'y auoit que de
grosses [ûerres au lieu de chenets. L'on auoit faict du
feu^ encor que ce fust vers la tin d'aoust, il ne faisoit
pas trop chaud, il auoit esté mis trois grosses bus-«
ches au feu ; la royne qui y auoit le dos tourné estant
debout , ces busches yindrent à ébouler qui estoient
extrêmement grosses : i'estois au costé du iambage de
la cheminée , ie me iette à bas , pour arresler vne
grosse busche ronde qui alloit tomber sur les talons
de la royne, qui IJeust infailliblement faict tomber en
arrière : Voilà le premier seruice que i'eus l'honneur
le hiy rendre , et au roy qu'elle portoit. Arriuant à
Fontaine-bleau, ie suiuis la royne en sa chambre, d'où
ie ne bougeois que pour manger et dormir. Mada-
moisêlle de la Renoiiilliere me dit de la part de Sa
Maiesté, qu'ârriuant son accouchement, ie rie m'es-
tonnasse d'aucune chose que le pusse voirj qu'il se
pourrpit faire que quelques personnes faschées de ce
Digitized
by Google
* ( 277 )
qu'elle m^auoit pise , me pourroient dire ou faire
qnelqtie chose pour me fascher ou intimider; cela
arrivant 9 que ie ne me souciasse nullement, que ie
n'anois affaire qu'à elle, et qu'elle n'entreroit iamais
en doute, de ma capacité; que ie fisse d'elle, ainsi
que de la plus pauure fenune de son royaume , et de
son entant , ainsi que du plus pauure enfant. Soutient
la royne me demandoit ce que ie pensais qu'elle
deust auoir, ie l'asseurois que ie croyois qu'elle auroit
vn fils, et véritablement ie diray ce qui me le faisoit
croire.
levoyoislaroyne si belle, et auec vn si bon teinct,
l'œil si bon que selon les préceptes que tiennent les
femmes, ce deuoit estre vn fils; mais le plus fiirt et
asseurë iugepaent que i'en auois estoit, que Dieu nous
monstroit qu'il vouloit restaurer la France, ayant
rendu bon catholique nostre roy, le maistre, marié,
et la royne grosse , auant que personne eust eu le
temps de le désirer ; voyant que tout cela estoit de
grands œuures de ses mains, ie croyois qu'il les par-
fèroit , nous donnant vn dauphin. La royne dememra
enuiron vn mois à Fontaine -bleau , auant le retour
du roy, pendant lequel temps Madame sœur du roy,
faisoit tout ce qui luy estoit possible pour desennuyer
la roy rie , et luy faire passer le temps : elle faisoit des
ballets , elle accompagnoit la royne à la chasse , s'en-
tend pour la voir; elle estoit dans ^a littière j et Ma-
dame dans son carrosse. Le premier iour qu elles y
furent , Madame voulut que i'entrasse dans son • car-
rosse auec elle, de peur que la royne qui estoit sur
Digitized
by Google
( 278 ) 9
SOU i^oie VLexm besom d^ moy, ce que ne vauloit
permettre ipadaii^ la marquise de GuercheviUe^
t^Uemen^ qi:^ T^tois )à aiteudftut qiie ce)a fu«t ao*
cprdé entre' dlea. Ma4am6 me c^mmandoit d'emier,
madame de Gueroheyille me dîacût) ne le faictes
{i9s; enfin Madame le gaigna^ ^t me fit dire par ma*
dame de Gt^cherille qu^ Tobeysse à Madame , rà
tout le long du chemin elle me parloit du deaîr
quVle auoit de voir la xojm lieiireu3emiait aeco^H
i;hëe , me demfmdant cie que l'en pensois; quel mifant
ie croyois qu'elle auroit , bien qu'elle eust bien désiré
TU dauphin. U^^r^ace qu^elle auioit que IHea en
donneroit plusieurs au roy et à elle ^ faisoit que la
Tpyapt bien accouchée , elle seroit extrêmement con-
tentai quoy que cefii3t, car elle T^ymoit parfaitement.
•le redoutois en moy mesmç que la royne n'eu$t des
odiiques en accouchât; à cause que Ton m^woit dit
qu'elle auoit mangé umte v»e quantité de glace,
melons I raisins, alberges et panis. le supplie Sa Ma-
iesté d^ ne plus manger de melons, elle me promit,
pourae.^ que Ton ^eluy en sejruist plus. Fen prie son
inai^il^ d'hostel, et mesme ie luy ranienteus scmuent.
Htnqt iours auant raccouchement , le roy wrioa de
Cal^^s où il estoit allé , dont la royne , Madame , et
toute la co4ir finr^at grandement resiiE»iys. Fen auois
vue ioye itieslée dVne crainte, à cause que ie n'auois
point eu rbonneur d'auoir esté veuë de Sa Maiesté,
et que ie sçauois que tout çç qui est du monde est
incertain; bien est vray, que i'aueôs ime grande con-
fiance en la royne, qui me faisoit l'honneur de me
Digitized
by Google
( ^79 )
tt»ioîgzier de sa bien-veillance. Pour ce iour, ie ne
fas point Tapred-disnëe en la cbambre de la royne à
eaoïse de Tamuëe du roy. Le lendemain mon deuoir
fat de me Iroui
mnstume, où ^
à quartier. Le ]
mamie emrce c}
Le roy me voul
TtMifr seruitlai bic
point , ce dit la royne : madamoiselle de la Renouil-
liere dit au roy, la royne la ehois ie; ouy dit la royné,
ie Fay choisie , et diray que ie ne me trompay iamaés
en chose que i*aye choisie, ainsi qu'elle auoit des-ja
dit auLouure. Le roi me dit, ma mamie, il faut bien
laite, c'est vne chose de grande importance que vous
aués à maniar : ie luy dis, inespéré , Sire , que Dieu
m'en fera la grâce. le te croy, dit le roy, et s'appro-
chant de moy, me dit tout plain de mots de gausserie,
à qnoy ie ne luy fis aucune response : il me toucha
sur les nudns, me disant, vous ne me re^xmdés rien ?
le Juy dis, ie ne doute nullement de tout ce que vous
me dites, Sire. Cestoit qu'estant aux couches d^ ma-
dame la duchesse, madame Dupuis viuoit auec vne
grande liberté auprc
toutes celles de cet <
disnëe ie retournay
comme ie soulois £a
quelle fut incontine
cesses, des seigneurs
sieur l^uc d'Elbœu
Digitized by VjOOQ IC
( !i8o )
et me dit ma bomie amie i'ay vne grande ioye de
vous voir icy ; le roy luy dit, comment mon cousin,
vous connoissez donc la sagç femme de ma femme?
Ouy^Sire, elle a relcué ma femme dont elle s*est bien
trouuiée. Le roy fut à l'instant dire à la royne, ma-
mie , voila mon cousin d^EUxBuf qui cognoist vostre
sage femme, il en faict estât, cela meresioiiit, et m*en
donne de Tasseurance grande. Le lendemain fes au
resueil de la royne,écomme de coustume, laquelle
me dit qu^elle croyoit auoir vne fille, à cause que
Ton tient que les femmes grosses dVn fils amaigris-
sent sur la fin de leur grossesse. le luy dis quHl n'y
auoit règle si estroitte où il n^y eust exception, et que
cela ne me feroit point changer d'aduis; elle me dit
si tost que ie seray accouchée, ie cognoistray bien en
vous voyant, quel enfant ce sera. le suppliay Sa Ma-
iesté de croire que en me voyant il ne s'y pourroit
rien recc^oistre , quoy que ce fiist , d'autant qu'il estoit
grandement dangereux à vne femme venant d'accou-
cher, d'auoir ioye ni desplaisir, qu'elle ne fust bien
deliurée , et que la ioye et la tristesse auoient vn
mesme eflfect, qui estoit capable d'empescher vne
femme de deliurer; que ie la suppliois de ne s'en
point informer, que ie ferois triste mine encor que
ce fiist vn fils , afin qu elle ne s'en estonnast. Le roy
entra nûnl sçavoir dequoy nous
parlio: > dequoy. Le roy respondk
que si ie ne le dirois pas douce-
ment, s tant que ie pourrois, et
qu'il me au monde qui^en vae
Digitized
by Google
( a8i )
telle affaire eust pouuoir se taire. le suppliay Sa Ma-
iestë de croire que ie mç sçaurois taire, puis qu'il y
alloit de la vie de la royne, qui estoit la chose prin-
cipale, et qu'outre ce il y alloit de Thonneur des
femmes, que i'estois obligée de soustenir, et qu'à Tef-
ièct Sa Maiesté le cognoistroit^ Madamoiselle de la
Renoiîilliere, première femme de chambre de la royne,
dont i*ay cy deuant parlé, me demandant que ie luy
fisse vn signal , si tost que la royne seroit accouchée,
afin d'auoir l'honneur de le dire la première au roy,
le signal fut que la royne estant accouchée d'vn fils,
iedeuois baisser la teste en signe que tout alloit bien;
si ç'eust esté vne fille ie la deuois renverser en arrière.
Gratienne qui estoit vne femme de chambre de la
royne, me demanda aussi vn signal, à laquelle ie dis
que ie l'aubis promis à madamoiselle de la Renoiiil-
liere , qui si elle sçauoit que ie l'eusse donné à un
autre , ne me le pardonneroit iamais : elle maymoit,
et me parloit librement , comment dit-elle , serois-tu
bien si beste de ne r deux de tes
amies à la fois ? le s< e l'hoiôieur à
madamoiselle de la R se de son aage
et de sa qualité , et i *, à cause de
celuy que ie te porte ; fais au nom de Dieu que i'aye
le premier signal , afin que ie l'aille dire au roy. le
luy dis que ie ne Sçauois de quelle façon i'en pourrois
venir à bout , sans estre apperçeuë de madamoiselle
de la Renoiîilliere , elle me dit qu'elle ne vouloit
point que ie reçeussc de déplaisir en l'obligeant, et
pour faire qu'elle ne s'en' apperçeut, que ie luy
Digitized
by Google
( 282 )
disse tout haut y à u»t que la royne seroit acooucl^
dVn fils, ma fille chauffe moy vn linge. Le lende-
maiti estant au resneil de la ro jne , Sa Maiestë me fit
rhonneur de me dire elle mesme, ce cp'elle m^âuoh
fait dire par niadanioiselle de la Renoûilliem ^ il y
auoit desja quelque temps , touchant la confiance
qu'elle auoit en moy, et que ie ne m'estoimasdê dW-
cune chose que Ton me peust dire^ ny quelque mine
que Ton me fist, dautant que ie n'auois affaire qu%
elle.
Commeut et en qael temps la royne acconcha.
La nuict du Tingt-^xiesme septembre k minitict y
le roy m'enuoya appeller, pour aller Toir la rojrne
qui se trouuoit mal : i'estois couchée dans la garde-
robbe de la royne où estoient les femmes de chambre,
où souuent pour rire on me donnoit de fausdes allar-
mes^me trouus ent que ie croyois
que ce fiist de it appeller par m
nonun^ Pierrot lambre ; il ne me
donna pas le 1< :ant il ^ has«oit.
Entrant en la ( ^ 9 ^^ ^^y <iemaada
est-ce p^s la sage femine? On luy dit qu'ouy : il me
dit, venez., vene^ ^age fenune, m^ femme est ina-
lade, recognoissez si c'est pour accoucher^ elle a de
grande? douleurs; ce qu'ayant recogneu, ie Fasseuray
qu'ouy. A l'instant le roy dit à la royne, mamie,
vous sçauez que ic vous ay dit par plusieurs fws, le
besoin qu'il y a que les ptinces du sang soient à vostrc
Digitized
by Google
(383)
accoutument. le vous supplie de vous y vouloir re-
emdrey c'est h. grandeur de vous et de vostre enfant;
à ipioy la royne luy respondit, qu'elle auoit esté
lonâours résolue de faire tout ce cp'il luj pbiroit. le
sçay bien mamie que vous voulës tout ce que ie veux ,
mis ie cogaois vostre naturel 'qui est timide et bon* ,
VWfif que ie crains que si vous ne prenez vne grande
rasolution les voyant, cela ne vous empesdie d*ao-
ocMieher : c'est pourquoy derechef, ie vous prie de ne
Voi|j estonner point y puis que c'est la forme que l'on
tient au premier accouchement des royues.
Les doulecu^ pressoient la royne, à chacune des-
quelles le roy la tenoit, et me demandoit s'il e^oit
tomps qu'il fit Tenir les princes ; que i'eusse à l'en
adoertir^ d'autant que ceste affîdre là estoit de grande
importance qu'ils y fiissent : ie luy dis que ie ny
inmiquerois pas lors qu'il en seroit temps. Ënuiron
vQe heure après minuict , le roy vaincu d'impatience
de voir souffrir la roy] ' " sou-
cheroity et que les pin i d'y
veair, il les enuoy a qu< rs le
prince de Conty, de S ; le
roy disoit les attendant , si îaniais l'on a veu trois
princes en grand peine, l'on enverra tantost; ce sont
trois princes grandement pitoyables et de bon na-
turel, qui voyant sonffirir ma femme, voudroient pour
beaucoup de leur bien estre bien loing d'icy. Mon
cousin le prince de G)nty ne pouuant aisément en-
tendre ce qui se dira , voyant tourmenter ma femme ,
crmra que c^est la sage -femme qui luy faict du mal^
Digitized
by Google
(a84)
Mon cousin le comte de Soiss(His voyant soi^Brir ma
femme, aura de merueiUeoses inquiétudes, se voyant
réduit à demeurer là. Pour mon cousin de Mcmtpen-
sier, ie crains qu'il ne tombe en finblesse, car il n^e$t
pas profHre à voir souffirir du mal. Ils arriuerent tous
trois auant les deux heures, et furent enuiron demye
heure là. Le roy ayant sçeu de moy que Taccouche-
ment n^estoit pas si proche, les enuoya chez eux, et
leur dit qu'ils se tinssent prests quand il les enuoye^
roit aj^Uer. Monsieur de la Riuiere premier médecin
du roy, monsieur du Laurens premier de la royne ,
monsieur Heroiiard aussi médecin du roy, le seigneur
Guide, second médecin de la royne, auec monsieur
Guillemeau chirurgien dtr roy, furent appeliez pour
voir la royne , et aussi tost se retirèrent en vn lieu
proche. Cependant la grand chambre en Oualle de
Fontaine-bleau, qui estoit proche de la chambre du
roy, qui estoit préparée pour les couches de la royne,
où estoient vn grand lict de velours cramoisy rouge ,
accommodé d'or, estoit prés le lict de trauail , aussi
les pauillons, le grand et le petit, qui estoient atta-
chés au plancher et troussés, furent destroussez. Le
grand pauillon fut tendu ainsi qu'^vne tente par les
quatre coings auec gros cordons; il estoit d'vne belle
toille d'Hollande , et auoit bien vingt aulnes de tour,
au milieu duquel y en auoit un petit de pareille toille,
sous lequel fut mis le lict de u*auail où la royne fust
couchée au sortir de sa chambre. Les dames que le
roy auoit résolu qui seroient appellées à Taccouche-
menl de la royne, comme i^ay dit cy-deuant furent
Digitized by LjOOQ IC
^0 m.
( 285 )
mandées. Il fut apporté sous le pauillon vne chaise^
des sièges plians et des tabourets pour asseoir le roy,
Madame sa sœur et madame de Nemours : la chaise
pour accoucher fut aussi apportée, qui estoit couuerte
de velours cramoisy rouge. Sur les quatre heures du
matin vne grande colique se mesla ^army le trauail
de la royne, qui luy donna d'extresmes douleurs,
sans auancement. De fois à autres le roy faisoit venir
les médecins voir la royne , et me parler, ausquels ie
rendois compte de ce qui se passoit. La colique tra-
uailloit plus la joyne que le mal d^enfant , et mesme
Fempeschoit. Les médecins me demandèrent, si c'es-^
toit vne femme où n'y eust que vous pour la gouuer-
ner que luy feriez-vous. le leur jMroposay des remèdes
qu'ils ordonnèrent à l'instant à Fapothiquaire , lequel
leur en proposa d'autres à la façon d'Italie , qu'il di-
soît qu'en pareil cas faisoient grand bien. Eux sça-
chant raffection qu'il auoit au service de Sa Maiesté ,
et que si le remède ne faisoit tout le bien que l'on
en esperoit, qu'il ne pouuoit faire aucun mal, le
firent donner. Il y auoit deux anciennes et sages
damoi^lles Italiennes , qui estoient à la royne,'
lesquelles auoient eu plusieurs enfans, et s'estoient
trouuées à plusieurs accouchemens en le^ur pays : la
royne auoit eu pour aggreable qu'elles se trouuassent
à son trauail , polir hiy servir comme ses femmes de
chambre. Les reliques de madame saincte Margue-
rite estoient sur vne table dains la chambre, et. deux
iainct Germain des Prez , qui prioi^at
ser.
Digitized
by Google
( 386 )
Le roy dit mCil ne vouloit que personne donnaat
son adub qae les médecins , selcm que ie leur atmâs
TBppOTtéy et qoe nous en serions comtônos ensemble ;
tellement qoe ie peux dire qn^en lieu du rtumde ie
n*ay en telle iranquillitë d'e^KÎt, pour le bo» ordre
que le roy y anlit apporte, et Tasseur^nce que inV
um donnée la royne. Il aarriua que pour cooibattre
ceste insujqportable e<dique , il &llut pinceurs grand»
remèdes, à qooy la royne ne résista nullement; car
anssi tost que le roy ou lesn^edeoim lui en parlaient,
die en estoit contente, ponr désagréables qu^ik
ftfisent , ne Toulam en rien se rendre coulpable de
mal. Cesc ponrquoy pluÂenfs femmes sont souvent
cause par leur <^nniastrete , que les cboses leur suo^
cèdent mal , pour eut et pour Iem*s enfens. Le mal
de la royne dura vingt et deux heures et vn quart :
elle auoit vue telle vertu, que c'esioif chose admira-
ble : elle discerna bien ses doideurs premières , et les
derai^es d'auec les autres où estoit ceste mauuaâse
colique, selon que ie luy fis entendre. Petfdant vn ss
long temps qu^elle demeura en trauail, le roy ne
r^dMindonna nullement; que s*il ssortoit pour mâoiger,
il enuoyoit sans cesse sçauoir de ses nouoeU»; Ma-
dame sa SGSur en faisoitde m^me. La royne craigm>it
detumi que d'accouoher, que monsieur de Ysmdosme
nVntrasi en sa dMpiloe pendant son maï, à cause de
son bas âge; mais elle sentant le mal ny prit p»
ganrde. Il me demanddEt à toute heure si la royne ac-
coQcheroit hiea tost, et de quel enfimt ce seroît;pour
le contenter ie luy dis qu'ouy : il me demanda à^jp^
Digitized
by Google'^'"'
^: ^'
. ( 3«7 )
el^f ({«el enfiuit ce serok , îe luy dis que ce serok. ce
(foe ie voiMbeîs : et qnoy dit il, n^est-il pas &it? Je
liiy dîsqu^ouy, qu'il estoit en&nt, mais que i*ea ferois
va fik «n vne fille , ainsi qu'il nie plsorok. Il medôt,
sage feniHie, puis que cela dépend de tous^ meitez-y
les. pieiee(Si^vi!i fils. le lui dis, si ie Êùs irn fils (Mon-
sâeur) quelle domieres vous? le tousi donneray tout
ce que vous voudrez , {dustosi tout ce que i'ay. le
femy VA fils , et ne vous demande que rhonneur de
VQStze bien ' veillance , et que vous me vouliez tous^
iours d^ bien ; il me le pcooiit et Ta tenu. Il arrina
bien p^^dant ceste longueur de temps, que ceux que.
la royne aooit iugë qui deâroient de me troi^bler,
dirent quelcpie chose, e% firent quelque mine, dont
ie ne m'eslonnay non plus que de rieH , d'autant que
ie voyois que veu le bon courage de la royne tout
saccedeiroit à bien , et qu'elle se fioii du tout en moy,
comme elle ui'ailoit dit. Lors que les remèdes eurent
dissipé la colique , el que la royne alknt accoucher^
ie vàyois qu'eUe se retenoit de crier, ie la supfdîay
de J3te s'en retenir de peur cpe sa gorge ne s'enflast. Le
I roy lixy dit^ mamie faites ee que vosire sage femme
vous dit, ciriez de peur que vostre ^orge ne s'enâer
elle auoit desîr dTa.ceouaher dans sa (biaise, où estant
assise, les princes estaient dessous le 9Dand.pauillon,
visi à vis d^elle. l'estois scer vn petit sie^ denant la
«e , laquelle ^ànl accouchée, ie mis monsieur le
hia dans d^ linges et langes daiis mon gii)Qn>
aan» que p^cscmne sçeut que moy quel en&nt estoit^.
^le Fenuelopay bien , sânsi que i'entendois à ce que
Digitized
by Google
( 288 )
Tauois à faire. Le roy vint auprès de moy ; ie regarde
Tenfant an visage, que ie vis en vue grande foiblesse
de la peine qu^il auoit endurée. le demande du vin
à monsienr de Lozeray, Fvn des premiers valets de
chambre du roy ; il apporta vne bouteille ; ie luy de-
mande vue cuillier ; le roy print la b(»|||ille quUl
tenoit; ie luy dis, Sire, si c'estoit vu au^^enfànt ie
mettrois du vin dans ma bouche, et luy en donnerois^
de peur que la foiblesse ne dure trop. Lie roy me
mit la bouteille contre la bouche , et me dit, faicies
ccMume à vn autre. I^^nplis ma bouche de vin et luy
en soufflay ; à Theure mesme il reuint, et sauoura le
vin que ie luy auois donne. le vis le roy triste et
change, s^estant retiré d*aupr^ de moy, d'autant qu^il
ne sçauoit quel enfant c'estoit , il n'auoit veu que le
visage ; il alla vcts Tonuerture du pauillon du costé
du feu, et commanda aux femmes de chambre de
tenir force linges , et le lict prest. le r^arday si ie
verrois madamoiselle de la Renoiiilliere pour luy
donner le signal , afin qu'elle allast oster le roy de
peine j elle bassinoit le grand lict. le vis Gratienne
à qui ie dis, ma fille chauffez moy vn linge : alors ie
la vis aller gaye au roy, lequel la repoussoit, et ne la
vouloit pas croire , à ce qu'elle me dit depuis ; il luy
disoit que .c*estoit vne fille, qu'il le cognoissoit bien à
ma mine : elle l'asseuroit bien que c'estoit vn fils,
que ie luy en auois donné le signai; il luy disoit,
'fait trop msuiuaise mine, ^re, elle vous a dit qu*l
le feroit; il luy dit qu'il estcwitvçiy, mais qu'il n'estoit
pas possible qu'ayant vn fils , ie la peusse faire telle :
Digitized
by Google
( 389 )
elle luy respondit , il est bien pos^ble , puis qu'elle
l'a faict. Madamoiselle de la Renoiiilliere entra, qui*
vit le roy se faucher auec Gratienne ; elle vint à moy,
ie luy fis le signal , elle me demanda à Toreille , ie
luy dis à la sienne que ouy. Elle détroussa son chap-
peron , et alla faire la reuerence au roy, et luy dit
que ie luy auois faict le signal , et mesme luy auois
dit à l'oreille. La coukair reuint au roy, et vint à moy
à costé de la royne , et se baissa , et mit la bouche
contre mon oreille, et me demanda, sage femme est^
ce vn fils? le luy dis qu'ouy. le vous jme ne me
donnés point de courte ioye , cela me feroit mourir,
le desuelope vn petit monsi«fir le dauphin j et luy
fis voir que c^estfrât vn fils , que la royne n'en vid
rien; il leua les yeux au Gel ayant les mains iointes,
et rendit gracçs àlHeu. Les larmes luy couloyent sur
la face , aussi grosses que de gros poids. Il me de-
manda si i'auois fait à la royné, et s'il n'y auoit
point de danger de luy dire. le luy dis que non ,
mais que ie supjdiois Sa Maiestë que ce fiit auec le
moins d'émotion qu'il luy seroit possible» Il alla bai-
ser la royné et luy dit, mamie vous.aués eu beaucoup
de mal , mais Dieu nous a fait vue grande grâce de
nous auoir donné ce que nous luy auions demandé :
nous avons vn beau fils. La royne à l'instant ioignit
les mains, et les leuant auec les yeux vers le Ciel, jetta
quantité de grotôes larmes , et à l'instant tomba en
foiblesse^ le demanday au roy à qui. il luy platsoit
que ie baillasse monsieur le dauphin , il me dit à
madamoiselle de Montglas, qui sera sa gouuernante.
1. gf» uv. 19
Digitized
by Google
( ^9o >
l^damniselle d#^la RenouilUere le prit et le bailla
^ madame de Montas. Le roy alla embrasser les
prinœa, ne s*estant apperçeo de la foiblesse dé k
royne , et alla ouurir la porté de la chambre , et fit
emrer tontes les personnes qu^il trouua dans Tumî-
chambre et grand cabinet* le oroy qu'il yauoit deux
cens personnes y de sorte que Ton ne poouoit se re«
muer dans la chambre pour porter la royne dans son
lîct-
l'estois infiniment faschée de la voir ainsi, le dis ,
quHl n*y acioit aucune apparence de faire entrer ce :<
monde i^, que la royne ne fust couchée : le nvf ^
m^entendit qui me viii^firapper sur Fespaule^ et me ^^
dit, tais-^toy, tais^^toy^ «âge femme, ne le fàsche j^
point, cet enfant est h tout le monde, il faut que ^
chacun s^en resioiiisse (il estoit dix hc^ures et demie ^
du soir, le ieudy 27 septembre mil six cens vn, iour ^
de & Co^tie et S. Datnian , neuf mois et qoatorae ^
iours après le mariaf^ de la royne)* Les valets de ^^
chambre du roy et de la royne furent ^peliez qui ^
porteroient la chaiae prës de son tict, auquel elle £ai ,
mise, et alors Ton remédia à sa foiblesse; et luy ayant
rendu le seruice que ie deuoisy ie fiis accommoder
monsieur le dauphin, que miadame de Monglas me .
remit entre les maii^, où monsieur Ed<m«rd se
trouua, et commenj^ de là à le seruir; il me le fit p
lauer entîexiement de vin et d'eau, et le r^arda par
tout auant que ie Femmaillotasse. Le roy amena ks .
princes et plu^urs seigneurs le voir. Pour tous ce«^
de la maison du roy et de la royne , le roy Iwr faisoi^ /
Digitized
by Google
( 291 )
vmr, et puis les enuoyoit^ poar faire place Mxx atiireâ*
ChiENTan estoît si resîouy qu'il ne se peut exprhner ;
tous ceux qui se renoontrbi^t s^entr'embiassoi^Eit^
sans auoir égard à ce qui estmt du plus ou du tnoiiiSé
Tay entendu dire qu'il y eust des dames qui rencon*
trant de leurs gens; les embrassèrent, estant si trans*
pestez de ioye qu'elles ne sçauoient ce qu'elles faî-
m^at. Ayant acheué d'accommoder moudit seigneur,
ie le rendis à madame de Monglas, qui Talla monstrer
à la royne , qui le vit de bon œil , et par son corn-
Bouoidement fiit conduit en sa chambre par madite
dame de Monglas, monsieur Ëdoiiard et toutes les
£nnnies qui deument estre à luy ; où aus^ tost qu'il
y fasty sa chaml^e ne desemplissoit nullement > n'^-
toit qu'il estoit sous vn grand pauillon où l'on n'en-
troit pas sans l'adueii de madite dame de Monglas.
le ne sçay comment Ton eust peu faire, le roy n'y
auoit ]^ si tost amen^ vne bande de pér^nnes, qu'il
en nanenoit vné autre. L'on me dit que pat le bourg ,
tqute la nuict ce ne furent que feux dé ioye , que
tambours et Irompettes, que tonneaux de vin def-
fonces pour boire à la santé du roy, de la- royne, et
de mon^ur le dauphnié Ce ne iurent que personnes
qm prkent la poste pour aller en diuers païs en porter
la noiKielle, et par toutes les prouînces et bonnes villes
de France/A l'instant que la royne fut accoi:|çbée, le
roy fit dresser son lict attenant du sien, où il coucha
tant qu'elle ^e pœia bien. La royne craignoii qu'il
n'en reçcusi de l'incommodité, mais il ne ,1a voulut*
iamais abandonner. le tafeuuay.le lend^siain apvesr
Digitized
by Google
( 29^ )
disner monsieur de Vendosme qui esloit seul à la porte
de Fanû-chambre^qui tenoit la taqpisserie pour passer
dans le cabinet par oà Ton passoit pour aller dbés
monsieur le dauphin, et estoit arresté fort estonnë. le
luy demanday, hé qooy ! monsieur, que faites vous
là? 11 me dit ie ne sçay, il n^ a gueres que chacun
parloit à moy, personne ne me dit plus rien. C*est,
monsieur , que chacun va yoir monsieuJr le dauphin
qui est arriué despuis vu peu, quand chacun Taura
^uë , Ton vous parlera comme auparauant. le le dis
à la royne qui en eust grand pitië, et dit, vrâla pour
fabe mourir ce pauure enfant, et conmiandaque Fou
le caressast autant ou plus que de coustume; c^est
que chacun s'annise à mon fils, et que Ton ne pense
pas à luy, cela est bien estrange à cet enfant. La bonté
de la royne a tousiours esté merueilleusement grande.
Le vingt-neufiesme dudit mois, ie fus pour voir moo-
sieur le daufdiin,son huissier Bira m'(»iurit la porte,
ie vis la chambre pleine; le roy, madame sa sœur, les
princes et les princesses y.estoient, à cause que Vqa
vouloit ondoyer mcmâeur le dauphin; fe me retiray;
le roy m^apperçeust , et me dit, entrez, entrent, ce
n*est pas à vous à n'ozer entrer. 11 dit à Madame et
aux princes, comment! i-ay bien veu des personnes ,
mais ié n'ay iamais rien veu de si résolu^ soit homme
soit femme, ny à la guerre ny aillettrs', que ceste
fenune là; elle tenoit mon fils dans son giron , et re-
gsufdoit le monde auec vne mine aussi froide que à
elle n*eust rien tenu; c'est vn dauphin qu'il y a
quai^- vingts ans quMl ïÈ*ea eswit nay en France.
Digitized
by Google
( 393 )
(Siw ce ie li;^ r«pli({uay) Tauoisdit àYostneMajeslëy
Sire, qcCil j alloit beaucoup de la santë de la royne;
il est vray ce dit le roy , ie ne Tay aurà dit à ma
femme qu^^^ës que tout a esté faict, et si la ioye Ta
iàtct èsuaiioîur, iamais femme ne fit mieux qu^elle a
£iict; si eBe eut faict autrement, c'estoit pour faire
mourir ma femme. le veux d'oresnavant vous nom-
mer ma résolue. Le roy me fît l'honneur de me fâflfc
demai\46r si ie voulois estre la remueuse de mon-
sieur le daupbin, et que i'aurois pareils gages que la
nourrice ; ie fis supplier Sa Majesté d'auoir agréable
que ie ne quittasse point Texercice ordinaire de sage
femme 9 pour me rendre tousiours plus capable de
seruir la royne , qu'il y auoit-là vne honneste femm»
qui Fèntendoit fort bien. le demeuray auprès de la
royne pour la seruk en ses couches enuinm vn moi»,
puis huict iours après, attendant le retour deSaMa-r
jesté à Paris , qui m'auoit fsiit commander de l'at-
tendre.
Des eonehes de la rDyne de madame EUzabeth,
première fille de France.
La royne estant grosse de madame sa fille aisnée,
aDa à Fontaine bleau, pour faife ses couches, et partit
en octobre , de Paris, après la moitié du mois ; où es-
tant arriuée Ton auoit veu quantité de nourrices qui
importunoyent tellement le roy et la royne, et tout
le monde, que leurs Majestés en remirent Feslection
à Fontaine bleau, où il ne manqua d'en venir de tous
Digitized
by Google
( 594 )
coûtes; Ton attendit prodie de FacocNidieiiient de la
* royne à en faire Tesleeticm. Il vint vn homme ^ lequel
anoit ennoyé sa femme pour estre nourrice, laquelle
auoit vne petite fille fort délicate et moiuë; la fi»mne
esUHt bien honneste et de gens de bien j en faueitf
dequoy il se trouua des phs signalés seigneurs det la
cour qui en parlèrent dWection aux médecins; ce
lÊk yn Waire qui me donna l»en de la peine ; elle
logea chës yne de mes amies, laquelle s'emplpya de
bon cœur pour elle ; elle me prioit aussi d^ &ire ce
que ie pourrois ; ie voyois son enfant extrem^nn^t
menue , mais elle estoit apprc^ée à son aduantage,
de sorte que le hart paroit le fagot. Quand Ton m'en
|tarloit, ie ne pouuais respondre gavement, à cause
que sa nourriture ne m^agreoit gueres. le fus tu iour,
comme i'avms de coustume, la joir, où ^entendis
nommer ceste nourrice du nom de son mary. le me
ressouuins que c'estoit le nom d'vn ieune homme que
mon mary auoit Iraiië de la veroUe, lequel auoit voulu
sortir sans attendre qu'il eust esté guary. l'en auois
, entendu parler que iamais l'on ne le peut empescher
de sortir, quelque chose que l'on luy peut dire. H'dit
à mon mary qu'il estoit guary, qu'il se sentoit bien,
et qu'il vouloit prendre l'air, et se fortifier pour se
marier. Mon mary luy resmonpra ce qui en pourrut
arriuer ; il s'en mooqua et Iviy dit , ie suis œnteni de
vo^. A trois ou quatre années de-là, ie vis quelqu'?n
de la ville d'où il estoit , i'en demanday des nouuelles^
sçauôir s'il estoit marié; l'on me dit qu'il y aiKHt long
temps aés son retour de Paris, mais qu'il y auoit vu
Digitized
by Google
(395) .
mi
eu
fon
<F
an
ne
çev
de
fer
n»
hiê
qan
toit retenue, ie n'en parlerois point , et la laisserois
retourner en son pays. Elle (fut retenue, et aussi t6$t
on fit estât de renuoyer toutes les autres : c'estoit
Vheure du disner. le fis chercher monaieur du Lau*-
rens, lequel estoit dlé disner en compagnie. Comme
ie vis qu'il ne se trouuoit point , et qu'il n'eusit pas
este à propos de le dire , quand les autres nourrices
eussent este renuojées, ie priay madamoiselle de Cer-
uage, femme de chambre de la royne, de luy aller
dire de ma part : ce qu'elle fit, laquelle luy dit, allés
dire à la sage &]
vnbon seruîce, i
sonne qi^e d'elle
que ie luy en sç
La royne le c
haut, que des ]
tromper, devant
^Digitized by VjOOQ IC
• (396)
monsieur du Laureos et les autres médecins, lesquels
me vindrent trouuer pour sçauoir la vérité , et coœ-
oaiy et que
re de moii-
lostre logis
; la vérité,
^,qui auoit
ela fut ve-
rices. Tes-
it de ceste
leurs Ma-
rla pasteà
mon mary, comment cela s'estpit passé. Le marj de
ceste femme qui n*auoit ozë aller à Fontaine bleau ,
d'autant que trois ou quatre oflkiers du toy, de la
ville d'où elle estoit, Festoyent venus voir ct^ nous
qui sçauoyent son mal ^ lesquels attendoyent à ce que
Ton dit, si ie ne IVus&e dit, pour le dire. Il craignoit
qu'ils en parlassent auant l'affaire faite. Il s'estoit tenu
autour de Fontaine bleau; il ftist aussi tost à Paris,
où il alla essayer de surprendre m<m mary; il l'alla
saluer et caresser; mon mary s'estonnoit de cela, veu
que ie luy auois mandé. Il luy dit, monsieur, i'ay
us sçaues comme u y a
se chés vous ; il y a vn
lie qui m'a appelé ve-
ous plaidons ensemble,
ie le ruine; si votis me
n rapport comment ie
que d'vn petit vlcere
Digitized
by Google
( m )
noa malin que Tauioîs ii la iambe , ie tous donneray
ce qu'il tous plaira. Mon mary luy dit qu'il sçauoit
bien que cela n'estoit pas ainsi , que pour rien il ne
ftxoit vne fausseté. Il le fit prier, puis menacer, e^fin
le fit assigner deuant le lieutenant ciuil Miron, pour
luy deliurer rapport. Mon mary ne croyant pas qu'il
deust insister, ne comparut point suj
mieres asâgnations : il fit dire qu'il y s
par corps , et mené sans scandale. Il
par deux sergens, où il fut fort tance
rapport k cet homme, qui disoit estre icy retenu pour
cela,: protestant tous despens, dommages et intérêt^
contre luy. Monsieur le lieutenant ciuil donna du
papier et de l'encre, et commanda à mon mary de
luy deliurer sur l'heure vn rapport. B(on mary de-
manda s'il n'entendoit^>as vn rapport véritable ; mon-
sieur le lieutenant luy dit qu'ouy. Mon mary luy en
d(;»mayn tout cachette; il demanda à l'autre s'il ter
uoit mon mary pou et s'il le
croiroit pas en son r 3 pouuai^t
faire autrement : il J r le lieu-
tenant vid le mal , it s'estoit
passé. Monsieur le ite, et le
força de signer le rapport de mon mary à cause de
sa témérité : nous le regardons. Il ne se peut dire les
mesdisances et meschancetés qu'eux et les leurs nous
ont faictes, et font tous les ioinrs à ce sujet : il vaut
bien mieux que nous en ayons du mal, qu'il fiist ar-
riué mal de madlme. L'on n'a pas tousiours du bien
pour bien faire sur l'heure, le temps amené tout.
Digitized
by Google
Sa Majesté accoucha le yendredy vingt «deuxiesme
nouembre , mil six cens deux, à neuf heures et demie
du matin : elle croyoit auoir yn fils, tellement que
quand elle sçeut que c^esioit vue fille, elle fost estcm-
nëe, à cause qu^elle pensoit que le roy en seroit fas*
^hë, mais il n^en fit aucune mine, tant s*en faut il
colisoloit la royne , et lui disoit que Dieu seauoit
bien ce qui leur falloit, qu'il estoit nécessaire de fidre
des alliances en Espagne et en Angleterre.
La ro^ne accoucha heureusement sans colique :ci|r
elle s'estoit empeschée estant grosse, de manger chose
qui luy peut faire mal ny à Tenfant, à cause de son
premier accouchement qui auoit esté si rude. La royne
accoucha dans son lict de trauail, dans sa chambre,
qui regardoiuson petit iardin , à costé de la chambre
en oualle , comme i'ai dit , parlant de là naissance du
roy. Cont toûsi^ours esté les mesme lùeubles de cou-
ine que
^, Con-
nbre. le
cotHîhe
au train
lenne.
oucfaes,
1er d'al-
ler coucher au Louure bien cinq sepmaines avant s<m
Digitized
by Google
( ^9 )
accmichement^qui fiist le vendredy dixiesme feburier
mil six cens six, à deux heures après midy, et qui
fut dan$ sa chambre odinaire du Louure. La royne a
accouche de tous ses enfaus, commençant mi roy^
d'vn §ros et d'vn menu. Le roy estoit assës puxssant|
madame fille aisnëe estmt menue, et madame Ghre^^
tienne e^oit puissante; la royne en fut plus malade,
elle en accoucha dans sa chaise, ainsi qu'elle auoit
&it du roy. Plusieurs personnes croioyent que ce se-^
roît vn fils, à cause quWle auoit demeuré quatre ans
saas auoir d'ei^ians. le diray auec vëritë, que le roy
ecmsola encor la royne sur les alliances, et ne tesmoi^
ffxa iamais d'ea estre fisohé; iljalloit souuent voîv
madame, tdut de mesme que si c*eust esté vn fils, et
n'en pouuoit parler auec trop d'affection à la royne,
à son gré, comment il la trouuoit belle. Les couches
de la royne se passèrent heureusement, pendant les-
quelles ie receu#vn honneur de Sa Majesté. Un ioui|
que madame C ' ' *
cbay pourluy r<
iour là vn man
dît : hé, sage &
Madite dame h
agréable de la V
Oui, mats ie vc
la fit recognois
n'osass^t porb
porter le chape
rices ; pas vue
ce dit la royne, i'ay regret que ie ne m'en suis adui-»
Digitized
by Google
( 3oo )
sée plustost, et sur Fheure commanda k monsiem*
Zocoly, son tailleur, d'aller à l'argenterie quërir du
velours, pour me faire des chapenms. Voilà com-
ment i'ay este la prenûere sage femme qui Ta iamais
porte; elles portoient, à ce que m'ont dit perionnes
qui ont cogneu celles de la royne , mère du roy Henry
troisie^ne, le coletde velours et la grosse chaisne d'or
au col. La royne dont je viens de parler en a eu deux;
sa première mourut, ^le en reprît vn autre ^ j'ay eu
l'honneur que femme du monde n'a touché la royne
que moy, pour l'accoucher, ny pour la garder ; s'il eust
pieu à Dieu nous garder nostre hon roy, j'eusse es*
perë la seruir de tout ce qui YUy eust pieu luy donner.
De l'accoachement de la royne de Monsieur le doc
d'Orléans.
La royne partit de ceste ville enniron la my Mars,
pour ail lu faire ses couches. Ainsi
qu'elle i sa belle gallerie, enuiron
sur les c elle sentit vne grande dou-
leuT) qu it retourner dsais sa cham-
bre, d'où grandes douleurs la prirent sans qu'elle
peut permettre qu'on l'eust déshabillée; elle en eust
enuiron quatre presque insuppcntables; l'on appela
les tapiders et femmes de chambre, qui acheverem de
tout accommoder. La royne fut mise dans son lîct de
trauail à la manière accoustumée, duquel elle se le-
uoit quand il luy plaisoit, après ces pénétrantes dou-
Digitized
by Google
* ( 3oi )
•
leurs, elle demeura bien trois heures sans douleurs.
Le roy se trouuait mal, qui se couoha dans le graiid
lict de la rcmie, et m'appela pour sauoir comment il
alloit de son trauail; ie luy dis que ie ne Tauais pas
encor recogneu, que lors que ie le scaurois ie luy
dirois ce qui en seroit lors que les douleurs Tauroycoi^
reprise, que c'estoit bien pour accoucher, mais qui^
ie ne pouuois dire si Tenfant alloit bien encore. Lors
qu'il sceut que les douleurs eurent repris à la royne,
il m'appeUa et m'en demanda des nouuelles. Monsieur
du Laurens estoit auprès de luy, ie snppliay Sa Ma^
jesté de ne se point estonner, que tout reiissiroit à
Ymn, que véritablement l'enfant^venoit les pieds der-
vaut ^ mais qu'il estoit menu , que la royne estoit pleine
de courage,, et auoit de bonnes douleurs. Le roy me
dit sage femme, ie scay que vous aués la vie de ma
femm^ et de son enfant plus chère que la vostrej fai-
tes ce qui sera de vous , si vous voyés qu'il y ait du
danger, vous scauës qu'il y a i ^ ' '^ *s
qui accouche les fenunes,.? e
grand cabiqet; ie redouterois f ,
que la peur qu'en auroit ma i
danger de sa vie, ioint qu'il i s
. plus honteuse s'il f^lloit qu'on l'eust veuë. Allés vers
elle ; i'y ftis wm tost qu'il luy prist vne doulepr, auec
peu d'ayde que ie luy j5s, elle accoucha heureuse-
ment d'vn aussi bel enfant qui s'en vit iamais^ qui es-
Vdit grand et menu. La ioye en fiist si grande que
l'on la sauroit dire. Le roy se leua gay pour s'en res-
iouir aueç tout le monde. lamais monsieur Honcnré
Digitized
by Google
( 303 ) *
n^imoit este à la cour ny à Fontaine bleau poiBr les
couche» de la royne, que œste fois là^ lequel n^entrâ
iamais ny pendant ny après raeccmcli^^nt dans la
chambre de la royne. Ce fîit quelqn^un qui le y<mlui
gratiâer, desiraoït qu'il enst Thonneur et le profit d^es^
ëre pour vn besoin; encor M. du Lanrens me pria de
le trouuer bon pouf subuenir^ s'il arriuoit quelque
ehose d'estrange, à cause que la royne estoit beau-
coup plus grosse qu'elle n'auoit encore esté. le liiy
dis que ie ne trouuerois iamais rien de maunais, qui
peust seruir à la royne ma maistresse. Nous auiona
souuent mangé ensemble dans ma chambre : ie le
faisoîs à, cause que i'estois bien aise que Ton oqgne«8t
comme quoy nous estions en bonne imelHgeaee luy
et moy. La royne accoucha le lundy seizième auril
mil six cens sept^ à dix heures et demie du soir.
De raccouchement de la royne âe Monsieur le duc
d'Anjo«.
La royne partit de ceste ville vers la fin de mars,
pour Alet faire ses couches à Fontainebleau; elle ac*
coucha le vendredy vingt-séptiesme auril mil six cens
huict, iour de saint Marc euangeliste, à neuf heures
et demie du matin : le mal la prit le matin que le rdy
esloit allé voir le grand canal qull fiiisoîl foire à Fon^
taine bleau, de sorte que Sa Majesté ac€k>iicha que le
roy n'y estoit pas. Le ieune Ldmenie , qui est à présent
tbresorier de Monsieur, en porta la nouuelle au roy,
qui retourna à grande diligence voir la royne et Mon-
Digitized
by Google
( 3o3 )
^ur. 11 les vist aiiec vii contentement extresme; il
embrassa tant la royne de luy auoir faict m si beaa
fils : o'estoit vn gros et gras enfant, qui auoit demeuré
peu à naistre ^ de sorte (juHl sembloit le regardant
qu*il auoit vn mois. La royne en accoucha dans son
lict de travail. Il estià remarquer qu'il est venu au
mondô r^ardant le ciel, qui n'est pas yne c)iose com-
mune ; de cpm enfans il n'y en vient quelquefois pas vn,
qaoy que l'on die que les fîUes y viennent, chose qui
n'est point : en tous les enfans cpe j'aye Jamais recens, ie
ne croy pas en auoir receu trente.Venant ain^i , ie oreus
que c'estoit vn si bon augure pour luy, et pour toute la
France, que i'en estois rauie ; et de fait toutes les person-
nes de iugement qui l'ont sceu , l'ont aturihué à tant de
bénédictions^ de générosités, d'obeïssance et conten-'
tement poin: le roy et pour la royne, qu'il ne se peut
dire d'auantage, à cause que tout ce qui regarde le
ciel n'a rien de tep^estre* U y eust vne grand ioye en
tenue 1^ cour, chascun s'entre^«mbrassoit. Il me sou-
uient enire autre chose, que tnadamoiaelle de la Re-
noiiîUiere, première femme de chambre de la foyne,
dont t'ay cy deuant parle, reigioontra un des valets de
chambre du roy qui la baisa de si bon cOurage qu'elle
n'auoit plus qu'une dent pour la décoration de sa
bouche qu'il luy mit dedans; chacun loiia Diei( et se
re^oiiit* Monsieur d'Argouie, tbrevsoriér de la royne,
me vint embrasser comme ie venoîs de remuer Mon-
sieur; la royne le sceut et me le dit; ie }uy dis il est
vray madame, il ne paroissoit non plus à mon. col,
qu'une souris feroit à vn quartier de laird. Les cou-
Digitized
by Google
(3o4) ^
ches de la royne furent heureuses^ où i^eus l^honneur
de la seniir comme danois tousioiirs fait;.
L'accoachement ^e la royne de Madame ,
troisiesme fille de Fraûce.
Madame, troisiesme fille, nasquit h Paris dans le
Louure, le ieudy vingt six nouembre mil six cens
neuf, à dix heures et demie du soir : lé mal d*en&nt
jnrit la royne sur les cinq heures du soir. Madame de
Guise, la douairière 5 et madame la princesse de Conty
estoient alors proches de Sa Majesté, lesquelles se vou-
loient retirer à cause qu'elles scaupient comment aux
autres couches cela s^estoit passé : la royne le permit
à madame la jMrincesse de Conty, à cause qu'elle es-
toit indisposée; pour madame sa mère, la royne la re-
tint auprès d'elle. Il y auoit quelque temps que la
royne auoit fait venir vn loumeUr dans son cabinet,
qui faisoit des chappelets du bois de saint François,
dont elle en donna aux princesses et à quelques da-
mes. Il falloit oster le tour, et tout l'équipage du &iseur
de chappelets. La royne £t ses couches dans son grand
cabinet : ce fut pendant ces coaches-13i que ie represen-
tay à madame Conchine, la perte que ie faisois pen-
dant deux mois que ie demeiu^ois proche de Sa Ma-
iesté^ pour les bonnes maisons de ceste ville, qui leur
ayant manqué vne fois, ne me redemandoient iamais,
s'estant servies d'vne autre, et que n'ayant autre chose
que mes récompenses, vieillissant, ie demeurerois à
ceste occasion auec peu de practiques et detnoyens.
Digitized
by Google
( 3o5 ) •
Elle me fit tanif de ^ace que de le faire entendre à la
roy ne, laquelle pria le roy me donner six censescus de
pension en cette considération. Le roy ne m'en vou-
lut donner que trois. Il me dit : ie vous donne trois
cens escus de pension que vous aurez tousiours, et
tous les ans ma femme accouchera; si c'est vn fils vous
aurez cinq cens escus de mes coffres, de recompense,
auec vos cinq cens escus de pension,' ce ^nt huict
cens 'escus que vous aurez , auec ce que vous gagne-
rez auec les princes et autres dames. Si ma femme ne
fait qu'vne fille, vous aurez trois cens escus de ré-
compense, et trois cens de pension; il faut plus faire *
de recompense des fils que des filles. Des la naissance
du roy, il ordonna cinq cens escus du fils, et trois
des filles. La royne me donnoit encor deux cens es-
cus quelquefois. Le roy me dit , mon fils sera incon-
tinent grand, qui vous fera du bien outre tout cela, et
à tous les vostres; vous ne manquerez iamais, ayant
si bien seruy ma femme. le fixs donc mise sur Testât
des* pensions, ayant eu le breuet du roy; ce fut en
décembre , et le roy mourut en may, où ie perdis
tout à la fois ; car depuis ie n'ay eu que la pension.
le n'ay pas sujet de me plaindre , car ie n'ay rien
ozé demander. Madame la mareschale d'Ancre m'a
fait donner de sa grâce vn des estats de porte manteau
de Monsieur pour mon fils , qui a eu l'honneur d'en
ioiiir; et à l'heure qjie i'y songeois le moins^ elle
m*enuoya quérir pour le me donner.
1. 9« Liv. ♦ ao
Digitized
by Google'»
. ( 3o6 )
CINQUIÈME PARTIE.
ADDITION AU CHAPITRE II, % I (i).
DU MOT BIGRE.
TERME EMPLOTÉ BANS LES CHARTES, DOm* OH DEMAiinE
LA SIGNIFICATIOH (2> *
J'ai cru jusqu'ici que le mot bigre était ua
terme bas , ridioule , injurieux , fabriqué dans quel-
que halle, etc. Cependant il se trouve employé dans
les chartes latines et françaises depuis le douzième
siècle. En voici deux preuves ;
Et habebit Domina Abbatlissa sancti Salvatoris
duos bigros inforesta domini régis j etc.
J'ai droit d'envoyer mon bigre dans les forêts
du rojTj avec les bigres dudit seigneur roy.
On ne doute pas que les experts dans la diplomatie
{sic) ne donnent la vraie signification de ce terme par le
moyen du Mercure j qui en a déjà proposé dVutres.
(0 Tome 8 de la Collecta
V (a) ExtraH.d^ Mercure de s^tembre 17x8.
Digitized
by Google
M. duCange, dont j'ai eossulvé \eGlossaire, s'est con-
tenté de pn^>oser ce m^me terme y mais il ne Ta pas
expliqué. •
* Explication du mat bigre (i).
Ce mot, qui est injurieux parmi la populace , n'est
ri^ moins que cela chez les gens éclairés. C'est un
lerme français dont Tétymologie vient d'un très-bon
mot latin, lequel mot latin , aboli ou oublié dans les
temps d'ignorance , a donné lieu de latiniser le mot
français, et du mot bigre on a fait le mot biger ou
bigrus^ comme du. mot quille on a faài quitta j dumc^
coin on a fait quengnum^ du met voûte on a fait
vokaj et da mot bigre on a fait bignis^
Ce terme français vient originairement ibl terme
laiin apigerj c'est-à-dire qui gouverne les mouches à
miel : quigerit, qui régit apes; à^apicurus^ quicu^
rat apeSj qui a soin des abeilles. De l'un et de l'autre
<le ces deux mots latins on a retranché Va; reste donc
piger^ dont on a changé le p en bj ou picurus^ dont
on a fait picrus^ en changeant lepen b dans le second
crâmde dans le premier. Biger j bigrus. ^JpicuruSj
qui curât apes ,^ comme mocuruSj qui' curât vias'*
(Varron.)
(i) Extrait dû l. 2 , p. ioZ des Variétés historiques, ou Re-
cherches d'un saçant. On a fondu dans cet article diyerses
lettres tirées du Mercure, en ce qu'eltes ont de {Jus substan-
iîeL
Digitized
by Google
( 3o^)
Cette ëtymologie ainsi dérivëe , il est juste d^en
donner les preaves : les yoici^ tirées de chartes et de
titres latins et français ignorée par du Cange , qui
ù^a point donné la vraie explication de ce mot y non
plus que dom Bessin dans ses G)ncilês de fïoi^tiandie,
à la fin desquels il donne une explication des termes
barbares qui se trouvent dans les chartes norman-
des citées dans Fouvrage y quoique cette explication
intéresse et la province de Normandie et tout le
royaume.
I* Une charte de R(^er de Tony, ccunte de Con-
ches, dans le chartrier de Tabbaye de TEstrée, ordre
de Citeaux , diocèse d^Evreux, suffit seule pour {mx>u-
ver évidemment Texplication en question. Novertnt
untversij {jubd ego Rogerius dedi et concessi reli-
giosisvhiSj abbaiiei moniachis abbadœ de strataor-
dinis cisterciensiSjdiœcesis.Ebroic.j unum bigrum,
id est^ acquisitiones apum inforesta mea de Chon-
chis in ministerio de Champignoles.
a** Aveu du prieuré de Lierru , ordre de Saint-
Augustin, dans le même diocèse, rendu au comte de
Couches par les religieux de la maison. Item, ai^ns
droit d'awir et tenir en ladite forest (de Conches)
ung bigre, lequel peut prendre mouches j miel et
cire pour le luminaire de notre ditte église^ mar^
cher (marquer), couper et abatre les arbres^ ou
ettes seront sans aucun dangier ne reprinse^ etc.
Cet aveu est de 1462.
3** Aveu de la seigneurie de Beinécourt, rendu au
comte de Breteuil. Itemjàidroitde trois ans ^ quand
Digitized
by Google
(3o9)
on met les mouches en laditte forest ( de Breietfil ),
Jt envoyer mon bigre avec les bigres du rôj-j lequel
doit être juré devant le chastelain de
bien et fidèlement querre (quaerere et
le miel pour en faire mon besoing. de
i479-
4** Aveu de la seigneurie de Ncaupble , au même
comte de Breteuil : et duditfiefétAuçergny dépend
ung hostel appelle la Bigrerie , ou Fhostel aux mou-
ches. Aveu de i465.
5® Chartes de la fondation de l'abbaye Saint-Sau-
veur d'Evreux : dedi decimam mollis ipsius forestœ
meœ :\ la vërilé le mot bigre ne s'y trouve pas, mais
on doit le supposer de droit à cette abbaye, puisque
c'était aux bigres à dimer J^^
6* Charte de la foimatioii de l'abbaye de Bonport,
ordre de Cileaux, diocèse d'Evreux. Richard II, roi
d'Angleterre, fondateur de cette abbaye, y donne in
forresta de Bord (la forêt du pont de l'Arche) unum
bigrum ad luminare ecùlesiœ (i).
(i) C'est dans cette explication que les bénédictins ont
pmsé leurs articles Kgrus et Bigre du Glossaire de du Caiige
eudu Supplément donné par Carpentier.
Digitized
by Google
(3.0)
AV«A<W«^A/«^^A«/M»«A*««'V*<MV
CINQUIEME PARTIE.
ADDITION AU CHAPITRE II, % II (i).
REMARQUES
SUR QUELQUES PIÈGES CURIEUSES DES MERGURES DE 1736^
Aa sujet 4*an ancien Missorium,
dû l'usage de la Verdure et de la plantation du Mai.
PAR L'ABBÊ LEBEUF (2).
i-.
Je reconnais, messieurs, cpie pour la première iois
que j'ai Thonneur de vous écrire en cette nouvelle
année, je vous dois quelques étrennes; cela' est trop
juste ; mais j^'ai^cru que yous agréeriez que ces étrennes
consistassem simplement en des remarques que j*ai
faites sur quelques endroits de vos journaux de Tan-
née dernière. La j»:emière qui m^Qst venue est à Foc-
casion de oe que j^ai dit dans une lettre imprimée au
premier volume , en parlant des vases profanes Adai
, les an^ens évéques faisaient quelquefois hotnmage à
Dieu^ï*y marque , en. faisant le détail de ceux que
(i) Tome 8 de la CoUect.
(2) Extrait du Mercure dé mars 1727, p* 4-83L
Digitized
by Google
(3ii ) " •/ /• "
de lui donner en réconnaissanee; un^e f^le d^or du
trésor des Goths. L'historien appelle cette table m£y-
soriunni de inaêpie que Tinventaire du irësor de l'évê-
cpie Didier. Sisnand^ qui était? ven^ à bout de son
entreprise par le
tenir sa parole ;
table dW aux ài
bonheur de Tap)
de passer par le
leur fiit enlevé.
France de cette
deux cents mill
Téglise de Saint
était celle-là m^
Digitized
by Google
( 3ia )
la différence d^unel lettre ou deux^ papce que les an-
ciens ëcmaîds qui ^t parle de ce roi; Font nommé
tantôt ThorismûduSj conmie saint Grégoire de Tours ^
lib. 2,n.7; tsuaiàiThursemodus, comme Freiegaire
à Tan 63o, n. 78. Dans d'autres fragmens du ;néme
historien, puises dans la Chronique d'Idacê^ il est
appelé Thoresmodusj Thutesmodus et Thursimo-
\ voir dans A.imoin
^. Cest pourquoi , •
Lotre manuscrit du
iforme à celui da
5 j pour une si le-
nier que cette ta-
irgile était repré-
Lorismode^ et' que
Digitized byVjOOQlC
( 3i3 )
qui
goûu
prësc
et qi
thëd]
mém
tioD i
ne \ii
que i
pius
detu
fert
aide
sensus- Sapiens verhis irmotescit pai4fiis^ Didier
Digitized by LjOOQ IC
(3i4)
férence aux vases de saint Didier de Cahors (i), en
* disant comme il se trouve dans une des lettres de ce
savant évêque de Clermont : Non hic per nudam
. pictorum corporum pulcritudinem Hirpis prostat
tem deçejmstat artifi-
rt vestibus histfiones....
iigillatu et nexibus^pa^
îs m'ont prescjué ^x\é à
t cet évêque des Gaules
int Grégoire - le - Grand
j[isërée dans^ le droit ca-
me de ce qu'il se mêlait
nés et la grammau^, ce
qui l'obligeait d'annoncer de la même bouche les
louanges de Jésus -Christ et celles dé Jupiter. Mais
' une époque qui est dans la même lettre fait toiDnber
(2) Sîdon. ApolL, lib. 2, epist. 2.
(3) Dist. 86, cap. mm multa.
Digitized by VjOOQIC
(3i5)
c<»nmanëment sur saku Didier, archeyécpie de Viaoïne ,
ces reproches, qû ne regaWie
auteurs païens que la manièi
que ce saint pape relève ail|j
^ramniaire et des autres aru
très -utile pour Tintelligençe
reste, je ne prétends point i
ma première conjecture sur
Hi dire qu'il soit impossible a
même nom quelle roi des (
raient souvent leurs noms su
ici, au dixième siècle, des ce
k reine Emme, épouse du roi Raoul, attacha au
tombeau de saint Germain, sur lesquels on lisait en-
core le nom d'Ëloi, qui les avait autrefois fabriques,
et qui n'était autre que celui qui devint dans la suite
évéque de Tïoyon, et tm des plus gi'ands saints de la
les manuscrits des épitres de saint Grégoire ^IteUent sim-
pleiynt Desiderio episcopo Galliamm.
Digitized
by Google
( 3i6 )
France. Je m^ëtais proposé de vqtis parler, à cette occa-
sion, de la célèbre table d'A de FésUse de Sens, dont
le fond représente à la vérité quelques endroits de
rhistoire sainte , mais dont les accompagnemens con-
ivent en figures profanes presque imper-
gravées sur des pierres précieuses. Quelque
de* la ville de Sens ne manquera pas, avant
table soit changée de nature, de rendre
1 public de son antiquité et de toutes les-
inscriptioitk qui s'y lisent, aussi ifteu que du ju-*
gement qu^en a porté le plus grand connaisseur du
royaume , c'est-à-dire le père Mabillon. M. le doyen
de Sens, qui a composé une histoire exacte et détaillée
de Téglise métropolitaine , n'y a pas oublié la des-
cription de cette pièce curieuse.
Une seconde remarque qu'on a faite ici regarde
ce que vous avez publié touchant une ancienne céré-
monie d'Evreux. On. trouve que la coutume de couper
des ai 'avril , ou au comnien-
ceihe] isser pour singulière à
cette rs-ci, de même qiât
Evrei ambulantes, surtout à
des pi n'entends point parler
ici de lis de. certaines autres
qui , selon la louable coutume de plusieurs pays de
vignobles, se font tous les matins des jours non
chômés qui sont entre Pâques et l'Ascension, où
Ton a vu et l'on voit encore souvent la jeunesse pré-
céder le retour da la procession , à peu près comme
le marque la relation d'Evreux. Tout le monde sait
Digitized
by Google
. ( 3i7 )
que porter en cette occasion des branches cTarlifc»
•'appelle porter un mai. C'est ai
commune de planter le mai le joi
et de saint Jacques. Couper et p
premier jour du mois de mai, é
universelle dans le Milanès, du te
Borromëe, que le cinquième conèi
num. 3, fit un règlement à ce suje
quait avec grande cërëmonie, suiv
par le statut du saint ëvéque. L'
partie, et il y avait de somptueux
cérémonie. Saint Charles fit tous s
cette coutume , qu'il disait être un reste des supers-
titions du paganisnie, tanquhm Gentilitia supersti--
Uonis specient qudndam exhibet; et il ordonna qu'à
la place on ai'hcH'ât des croix , et qu'à toutes les grandes
fêtes, sans excepter celles de l'hiver, on ornât de ver-
Hurp les portes des églises, selon l'ancien usage:
^ xjuemadniodimi veteris instituti est usuque romano
comprobaUj et à ^oit
par-là que les lam titrél^
arbrisseaux qui c( it les
plus grands fi:oid smps
dans la province é tel
qu'il est dans ces pays-ci. Cet usage, qui était ancien,
et péUt-être autrefois imiversel (i), subsiste encore
— ^
(i) Voyez notre Notice sur VOriginede Vusage de planter ie
mai, t. 8 , p. 356 de U CoUect. , et ci-après , les Additions
aux Remarques de lebeuf. ( Edit G là. )
Digitized
by Google
(3i8),
dans nos cantons , am moins aux fêtes patronales et
aux dédicaces des églises, qui n'arrivent point en hji^
ver; çt j*ai des preuves qu^il n*y a pas cent ans que
notre ^lise cathédrale était parée de verdure à la
grande fête particulière ou patronale d'été. Je ne dis
point de verdures représentées sur la toile, ni de ver-
dures en tapisseries; mais des verdures réelles, for-
mées par des branches d'ormes , de chênes et de
vernes, ce qu'on s^pellaitde ht ramée.Yous n'ignorez
pas, messieurs, la surprise qu'affecta autrefois un
gascon qui entra dans une église ainsi ornée de tous
côtés , le jour qu'on y solennisait la fêle de saint Yves,
ni la naïveté qui lui échappa lorsqu'il prit le parti
d'en sortir promptement. Ce n'est qu'à cause de cer-
tains inconvéniens et parce que l'usage des tapisseries
est .devenu commun, qu'on a cessé dans les éj^lises
ces sortes de décorations , et Ton se contente mainte-
nant d'orner de branchages les frontispices des églfsesf,
de même que saint Charles l'ordonnait, ou bien le^
'faite dés ou tout au plus d'ar-
Êorer le i 'église. Permettez que
je vous n et article, que le dic-
tionnaire » exact, lorsqu'il dit
eii parlant des ip£^s, qu'il n'y a que les. petites gens à
(pu on en présente (i). J'ai vu bien des grandes villes
(i) Il eût fallu dire tout le contraire ; on en ofïiraît à
Dieu et à la Vierge; ^'étaît uû hèmmage àû serviteur au
maître , de Tinférieur an supérieur, de Tamant à celle qiiî
régnait sur lui. Voyez Tes Additions éè-après. ( E^t C L.)
Digitized
by Google
( 3i9)
oàTon en offre aux principaux du lieu en grande
cérémonie; et pour peu qli^on voyagi
enc(»re ces mais à leur porte, où ils
tout le cours de Tannée* Cela se pratii
gard des premiers dans plusieurs petite
vent^ comme lesbâtimens n'y sont pas
on reconnaît , sans entrer dans ces villi
monie y est en vigueur, parce que Y
choisir les vernes les plus élevés qui
pays , et qu'il n'est pas rare d'en trouver qui surpas-
sent la hauteur ordinaire des maisons de province.
Vous m'avez fait le plaisir de me témoigner que
rhistoire de la pelotte d'Auxerre , publiée dans le
Mercure de , avait été trouvée fort divertissante.
J'ai bien eu raison de dire que cette ridicule céré-
mcmie n'avait pas été particulière à notre église, mais
qu'il paraissait seulement qu'Auxerre avait été là der-
nière église qui l'eût conservée avec opiniâtreté. On
m'a écrit qu'autrefois, .à Vienne en Dauphihé, le jet
de la pelotte était usité pendant les fêtes de Pâques ;
mais ce n'était point à l'église que cela se faisait,
c'était daiis une salle de l'archevêché que tout le
clergé de la cathédrale s^assemblait le lundi de Pâ-
ques, pendant qu'on sonnait les vêpres. La sonnerie
n'étak pas de peu de durée à ces jours de solennité,
et le temps qui y était eipployé fixait l'espace pen-
dwtt lequel on prenait la collation dans la maison de
Tarchevêque; après quoi le prélat s'amusait à jeter la
pelotte. Un manuscrit de cinq cents ans, à l'usage de
cette église , renferme cette rubrique au lundi de
Digitized
by Google
(3ao)
Pâques : Ad vesperns dum signa puhantur^ totiis
conçentus cons^eniat in domo archiepiscopi; ibi de-
beniur mensœ apponi, et mimstri archiepiscopi de-
berU apponere pigmentum cum aliisj et postea vi-
num.Postea arçhiepiscopus jactet pelotam. Il pandt
que ce jeu de la pelotte a subsisté à Vienne au moins
durant trois siècles , puisqu'on lit en marge de ce
manuscrit, d'une écriture de deux cents ans, ce qui
suit : Et est sciendum quod mistralis débet provi-
dere de pelotd, et débet eam jactare Domino archie-
piscopo absente. On croit que par mistralis il faut
entendre un oiEcier de Févêque, ou peut-être son
maître -d'hôtel, que Jean le Lièvre appelle moisirai
dans ses Antiquités de Vienne. Au reste, ce mot pa-
raît avoir été employé par contraction pouri7uh£^^/^
ou ministerialis. L'ordinaire de l'église de Nevers de
trois cents ans ne parle aucunement de la pelotte,
mais il n'oublie pas la digression que faisait la pro-
cession des chanoines pour aller sç rafraîchir au cha-
pitre, au isortir des fonts. Feria secunda Paschœ ad
^espéras j pro ut in die Paschœ j in reditu procès-
sionis ad fontes cantatur prosa : Die nobis Maria;
et si sint canonici stagiarii^ debent vinum bonum et
chenetellos in capitulo omnibus de choro, et tune
'vadit ibi processio. Ce mot chenetellos est pour le
moins d'aussi basse latinité que mistralis. Il a autant
de droit que l'autre de faire figure dans le Glossaire
qu'on attend depuis ta»t d'années. J'entrevois qu'il
s'agit là de quelques friandises , comme des oublies
ou des gaufres qui avaient la forme de ces gouttières,
Digitized
by Google
( 321 )
qn*eii plusieurs endroits on s^pelie échenUs ou échc-
nez. Les statuts du chapitre de Toul qui font une
ënumétation des collations que les chanoines pre-
naient encore en commun au quinzième siècle , n^en
marquent aucune aux fêtes de Pâques ; mais en rap-
portant celle qu'on prenait à Tévêchë lé jour de l'As-
cension, ils ajoutent : Ibi olim bibebatur in scyphis
madrinisj et comedebantur hostiœ magncCj chêne-
trelli et poma. Vous ave^ dû remarquer la différence
qu'il y avait entre ce qui se pratiquait à Vienne et ce
qui se Élisait chez nous : différences de lieu et de
jour,* et, outre cela, qu'il n'y avait aucune danse
dans cette première Eglise* C'est ainsi qu'on respectait
le saint jour de Pâques, et les temples àxi Seigneur en
certains pays plus qu'en d'autres. On est maintenant
assez uniforme en France sur le retranchement de
ces ancieimes manières gothiques. On n'y prend plus
YexuUemus et lœtemur de Yhœc dies dans un sens
si grossier; et il n'y a pas lieu de craindre que jamais,
en ce royaume, la mode s'introduise que la prédica-
tion serve ce jour-là de spectacle, comme en Cata-
logne, où celui-là est sensé avoir prêché le mieux
qui a fait le plus rire son auditoire. Quant au jeu de
la paume , c'était de toute la cérémonie ce qu'il y
avait de moins indigpe des ecclésiastiques, pourvu
que cet exercice fût fait dans un autre jour que celui
de Pâques, et non en pubhc. Ofa remarque que le
chapitre ctënèi du droit canon ée le défend pas.
C'est, dit-on , d'ailleurs un exercice corporel qui peut
servir de récréation innocente lorsqu'il est pris dans
!• 9*LIV. * 31
Digitized by
Google
(3")
an temps et un lieu convenaUes et ayec modéraiioii.
Ce qui parait resseml^er, de nos jours*, h. ces anciens
îeox de paume, est le jeu de ballon , auquel les éta-
dîans se divertissent dans les collèges de P^a-is. Il
semble, en le voyant, qu*(m aperçoive ces balles aa
boules enfl^ dont Martial et d*autres anciens tom
mention , et par ccmsëquent , que ce soit le même jeu
auquel des empereurs très- graves, tels qu'Auguste ^
Antonin-le-Philosc^he, se dëlass»ent; j'ajouterai
même, et des magbtrais du premier rang parmi les
chrëtiais. Je trouve en effet dans la même leure que
je vous ai dëjà cilëe de saint Sidmne, qu'ëtant fils des
préfets du [nrëtmre et de rang à devenir patrioe, ainsi
qu'il le lut ayant son élévation à Tëpiscc^t, il se
retirait souventàsa maison de campa^ote, qui lui émt
échue du eAié de Papianille sa femme, fille d'Avît,
depuis fait empereur, et que là il se divertissait avec
Ëcdice, sûtt beau-fi:^e, à jouer à la paume dans une
allée de tilleuls, jusqu'à ce cpie la pelotte filt osée et
bots d'état de servir : Ingénies tHiœ.^. unam umbram
mm una mdice conficîufUf in eu jus opacUate cwu
me meus hecdicius illustrât j pihe ^acamus^ sed
hoc eo usque donec tutb&rum imago €ontractior.^...
IlUcale&torium lassis cùnsnmpto sphœnsteriofacitU.
Je v^us fés^rve pour un autre envoi ce qui m'a été
côefununiqué sur les fêtages d'Angers (i) , en vons
priant de vous infcHiner en particulier, ou psor la voie
, ^ . . ', _
(i) Vnyez ceWe pièce, t. 9, p. ^02, de la GoUect.
(BAV. CL.)
Digitized
by Google
( 323 )
àxkikrcurej d^une eqpèce de phénomène qui a quel-
que ressemUance avec eelui du port de Marseille,
dont tous les journaux ont tant parle. Je suis, mesr
mxm^ ete.
A Amenrey ce i jaiivier 1727*
ADDITIONS DE L'EDITEUR
AUX REMARQUES PRÉCÉDENTES.
I** Sur V usage de la verdure.
L'us|ige de la paille et de la verdure , comme objet
de commodité ou de décoration dariS l'intérieur des
maisons et des temples , a long - temps subsisté en
France , et l'histoire du seizième siècle en fournit
beaucoup d'exemples. On en trouve même des traces
plus récentes dont quelques-unes sont encore faciles
à reconnaître.
A la messe de minuit y le jour de Noël , on j<m-
chait de paille l'église. Les écoliers , dans les classes
des collèges , n'étaient assis que sur de la paille. Il y
avait même à Paris une rue particulière où se vendait
toutes celles qu'ils consommaient pour cet usagé. Elle
portait le nona du Jbuare; nom qu'elle conserve
encore ^ et que lui avait fait donner cette marchan-
dise,.<{m en vieux langage s'appelait ainsi. Les licen-
■I " L I -111 I Il .Il II I .^ I , , pi
(1) Vie fvwie des Français y t. 3, p. i34 et suiv. k
DigUized by LjOO^ IC
( 3^4 )
ciës en philosoj^ie étaient obligés d*en entretenir le
chancelier de TUniversité; et chacun d'eux lui payait
pour cela yingt-cinq sous.
Gomme en hiver on avait cherché à se tenir chau-
»
dément avec de la paille , en été on tâchait de se
procurer de la fraîcheur avec de Fherbe et de la
fouillée. On garnissait aussi de rameaux yerds les murs
et les cheminées des appartemens. cr Le comte de
(( Foix ) dit Froissart , entra dans sa chambre quHl
(( trouva toute jonchée et pleine de verdure fresche et
« nouvelle , et les parois d'envbon toutes couvertes de
« rameaux tous verds pour y faire plus frais et odorant,
« car le tems et Tair du dehors estoit merveilleuse-
ce ment chaud. ^ •
Brantôme raconte queBonnivet étant couché, une
certaine nuit, avec Tune des maîtresses de François 1'%
tout-à-coup le roi, qu'on n'attendait pas, vint frapper
à la porte et alarmer nos deux amans. Alors, « ce ftit
« à s'adviser là où le galand se cacheroit pour plus
« grande sûreté. Par cas, c'étoit en esté, où l'on avoit
« mis des branches et feuilles eh la cheminée, ainsi
(( qu'est la coutume en France. Par quoy la dame lui
(( conseilla de se jeiier dans la cheminée, et se ca-
(( cher dans ces feuillages tout en chemise. »
Les cabaretiers eux-mêmes, poup l'agrément des
personnes qui venaient boire chez eux , gs^jnissaient
ainsi les différentes salles de leur taverne ; ersouvent
les corps municipaux se sont occupés dû maintien^de
cette couttyne. Parmi les statuts divers de la vOle de
Bordeaux^, il en est un, donné en ï55o aux taver-
Digitized
by Google
( 3.5 )
niersi par lequel il leur est enjoint exfMressëmem àe
fournir aux buveurs fierbe et jonchée.
Enfin, de même qu^au jour de Noâ le sot ^
Téglise ëtait couvert de paille, on le jonchait d'herbes
odo|ifârantes le jour de TAssomption. JJakhé Ij^
beuf {Histoire du diocèse de Paris\ nous apprend
qu'au treizième siècle , c'étaient les prieurs dé l'ar*
chidiaconé, nommé JosaSj qui, ce jour -là, étaient
obligés tour-à-tour de fournir les herbes et les fleurs.
Au quatorzième, on n'exigea plus d'eux cette rede-
vance, et l'on se contenta d'herbe ordinaire, tirée des
prés! de Gentilli. Jean, duc de Berri, oncle de Charr-
ies yi, étant tombé nudade à Paris, il donna au cha-
pitre de Notre-Dame son hôtel de Nêle, à condition
que, tous les ans, le premier jour de mai, les cha-
noines feraient une procession avec un rameau verd
à la main , et que Téglise ^rait jonchée d'herbe
verte. (^Vojrez le Grand, Fie privée des Fr.^ t. ^^
p. 334 et suiv. )
2* Sur ht plantation du mat
Mîii de Nostre-Dame de Paris (i). ,
L'an 1449 auctms notables personnages, maistres
orphpures de Paris eurent - déuotion de présenter le
pren^ier iouy de mai, à heui*e de jgaii;iuici, tous les ans,
deuant le maistre portail de l'église Nostre-Dame,
(i) Extrait des Antiquités fie la Me de Parier par Glâurfe
Malingre^ in^f», p. 16. '
Digitized
by Google
*"-
(326)
m Mai ; et esleurent yn prince , pour vn an seule-
ment, qui auroit la charge de faire les frais dudit
mai : et consecutiuement tous les ans il s'en feroit
eslection dVn autre. Fut aussi erigëe , du consente-
ment de monsieur Teuesque de Paris, vne confrjdrie'
de satûcie Anne en ladite église , et quatre confrères
ordonnez pour la régir. Le temps de Peslectioià du
maistre ou prince est le iour de l'Ascension, et
neantmoins il n'entre en chaîne que le iour de saincte
Anne etisuiuant.
Depuis ( c'est à sçauoir Tan 15^5) fut oi^onnë que
les quatre maistres auroient la charge et ^uuerne-
ment dudit mai. Et aussi que ceux qui poudroient
estre de la communauté dudit mai , mettrôient leirï^
noms par escrit, signez de leurs seings manuels, pour
contribuer aux frais.
O est-il que ledit mai posé sur vn pilier en foatne
de tabernacle à diuerses faces , esquelles on voyoit de
petites niches remplies et ornées de diuerses figures
de soye , or et argent, representans certaines histoires.
Et au bas d'icelles pendoient de petits tableaux, où
pstoient escrits certains vers françois, pour l'expli-
quations d'icelles. Ce mai ainsi (comme dit-est) posé
au grand portail à l'heure de minuict, y demeuroit
iusqu'au lendemain après vespres, que l'on le trans-
portoit auec le utOMie pilier, deuant limage de la
Vierge TSferie, qui est 4essous le long pulpitre, fai-
sant de ce costé la' ^lostwe du chœiu:. Et le vieil mai
de l'année^ précédente .estoi«r ixansporté en la chapelle
saincte Anne, poiu* y esu-e gardé vn an. Ce qui a êslé
Digitized
by Google
tousf
orph
fort
où s
tous
saine
aatr<
frani
n'est
nacli
fort i
mass
sapir
toriq
de F
Digitized by VjOOQ IC
(3a8)
,um.lJUUWfrVinnrrf1^ ^— »..^^^»— «■— — .-■■■■■■■■■■■■■■■■■■ tm»mt»mmmmmmamÊÊm»mM»ittkM^
(0^
4ARTIN,
A l'OOCASION D'UlirB MÉDAILLE CUftlEU^,
PARA.L.MTI1LIN.
Avec des notes critiques de l'Editeiir CL. ^
La petite médaille qui fait le sujet de cette Disser-
tation est d'argent. On y reconnaît d'abord l'oiseau
qui figure le plus habituellement dans le repas de la
fête qu'on célèbre le li de novembre, fête qui porte,
Sans tous les calendriers du culte catholique, le nom
de Saint-Martin.
Digitized
by Google
(3^9)
on voit sur plusieurs, des prêtres cpli ofirent une oie
en sacrifice; et ils faisaient Certainement servir c^t
oiseau à leuj
était, avec le
rois(i).
Les Grecs
saient aussi p
per^nne qui
des Romains
qu'on pourrai
puis ({ue par:
prérogatives -^
inviolable : cependant on le servait, cdinme les autreîs
animaux, sur les tables; mais il n'avai| pas dans Iqs
cuisines la même renommée que d|jps ]^ temples.
Sa chair n'était eependant pas absolui|||nt àban-
(4) W., Alexand, Sever., t. 37.
Digitized by VjOOQ IC
( 33o )
éayeiir de cet oiseau, le» Bcxnaiiift le fercissaienl de
chaif* de poulet et d*autres animaux (i).
Ken ayant qne Touloase et Strasbourg eoasent ac-
quis une juste rencMnmée parleurs pâtés, on savait ù^
accroître le Tolume du foie de Toie en engraissant IV
uimal avec des figues. Ce volume devenait encore plus
Pline , en plongeant le viscère dans
et de lait (2). Si Ton en crmt M^'
»n le rendait plus gros que Fanimal
ouve cette invention si belle, qu^il
que Ton mette eji question si on
onneur à Scipion MéteB^s, honupe
consulaire, ou à M. Seîus, chevalier romain^ coniem-
porain de Mélellus (4)« Yarron n parlé des grands
(t) Veùit poeta de wiciaOs. (Voyez An$hoL Y, i53, édit.
Bonnanni.)
(3) Pinguibui etjiciè pastum jecur anseris albi.
rers 88.)
rs ii4.)
iratîon ne
daas une
lèbres en-
58.) u
lotum bo-
num rrwenerit, Scipio ne Metellus oir consularis, an M, Séius
eadem œtate eques Romanus, (Plîn., Hist naf>, X, 22^
Digitized
by Google
( 33i )
troupeaux d^oies que ces deux patriciens ncmrris-^
salent. La reconnaissance de la postérité peut donc se
parta^r entre eux; mais Thommage qu'elle doit of-
frir à Messalinus Cotta, fils de Torateur Messala, n*a
rien d'incertain. Il est avéré qu'il fut Theureux in-
Tenteur de la méthode de faire griller les palmes d'oie,
et de les mettre en ragoût avec des crêtes de coq (i).
Il n'est donc pas étonnant que l'oie ait aussi été
d'un grand usage dans les Gaules. Mais quel rapport
peut-^Ue avoir avec le saint évoque de Tours? Plu-
sieurs saints ont un oiseau pour attribut : l'aigle ac*-
oompagne saint Jfean, le corbeau saint Benoit, le
cygne ssànt Hugues. Aucune antique image de sfednt
Martin ne nous le représente avec une oié, quoique
Hospinian (2) dise le contraire, sans en rapporter
d'exemples. L'oie n'est point citée dans les hymnes
religieux que les Francs et les Lombards, chez le»-
iius, palmas pmbim ex his torrere, atque patims cum gaUînaceQ"
rum cristîs condire reperit. (Plin., X, a 2.)
(a) De tempKs, p. aa4-
Digitized
by Google
(330
des cavernes profinides pour se soustraire aux ponces
da monde et aux honneor» de Tëpiscopat, que les
duréûens francs (i) yoolaient lui décerner, et qo'iine
oie dëcéla sa retraite, n*est pas plos fondée, quoique
Jean Bloy Tait répétée^ d*après Bartholin, dans de
mauvais vers (2). Rien ne prouve qoe le sanvenr dH
Cspitole ait trahi par ses cris le pins grand évéqœ des
Gaules; et il est encore mràis croyable qae le bon
saint Martin ait, pour un pareil délit, maudit cet oi-
seau à perpétuité, et qu'il Tait à jamais livré, comme
ajoute encore Bloy, à la chaleur des fours, à Tardeur
des brasiers, et aux broches acérées de fer ou de bois,
pour être mangé dans les familles en redisant, dans
des chœurs joyeux, le sujet âe la solennité (3).
(i) Ponrqaoî chrétiens yr£i/u;5 ? Mieux vandrait Gaubis. Les
Francs n'étaient pas encore établis dans les Gaules da temps
de S. Mardn , qoi appartient an quatrième siècle. ( EdU. C. L.)
(?) re caçernas \-
msœpm esse '
us honores,
lenteîs.
ula w$$rL
fis irdquiSf
À^fidmsque sonis rauci stridoris obJdscit,
Et misemm ansereo latitantem culmine tigni,
^Prodidii infandum infiàus Martùmm, et honores
ConUûit inoito ; nom sic jfrotractus ah Qniro];
Anserum et ex olidis estfactus prœsui oietis.
(3) Hinc pia suscipiens Martinus oota quotantàsi
Perfidus anser, ait, gùrritus crimen inertis
Digitized
by Google
( 333 )
Si nous n'acfoptons pas, avecFrëcîéric JNausëa, éwè-
que 4e Vienne (i) , que l'oie a été consacrée au re-
pas de la Saint-Martin, parce qu'elle veille et crie
pendant la nuit, comme le saint éeéque veillait sou-
vent pour rappeler aux fidèles leurs devoirs dans de
vives prédications, nous croirons encore moins ce
que dit Bartholin , qui lui - même montre un grand
doute dans son récit, que les chrétiens mangent Foie
dans leurs festins du ii de novembre ,||)arce que sa
cbair trop pesante avai)^ occasionné des désordres da|}s
restomac du saint, et avait causé sa fin. Son ami Sul-
pice Sévère , qui a fait de sa mort un récit noble et
touchant, ne dit rien de ces contes, répétés par l'ii
gnorance et accueillis par la crédulité.
U faut tlonc attribuer Fuisage de manger, le 1 1 de
nov^olire, une oie, qu'on appelle pour cette raison
oie de la Samt-Martin , à des causes absolument
étrangères à la vie du saint évéque.
Selon l'opinion du père Carinéli (2), cet usage dé-
■^ . fc ' ■
Suf^UeiQ htet ceterno, populosque per omnes
Occidetet ieretes sendscèt çertice cultros
Damnatus fijÊrno , çerubusjfixusque colurnis
Neqidtiœ in pœnam ad lealÊs torrehitur ignés,
Quem bonus ingbme vidnus degulet amplâ f
Lœtitiœ causant repeiens et nominafesU,
( Johan Christ Frojpnann , Anser Martimanus , . 1 683,
pars la.)
(i) Gué par Lamar>re, Tmiié de la police , t* a, p. 735.
(a) Bella festa di S. Martino. (V. Storia di tHtri çostumi
sacri e profard, t. a, p. 79.)
Digitized
by Google
( 334 )
riyeraît des Grecs. Ils célébraient tous les ans, en
rhonnenr de Bacdbius, selon Plutarque (i), le ii
du mois Anthfisterîon, une filte qu'ils appelai^it P£-
thœgia (a), c'est-à-dire de Fouiferéure des vases à
mettre le vin^ parce (ju'cm ouvrait, à cette époque,
ceux qui contenaient le vin nouveau (3). Henri
Etienne dit aussi que cette fète était semblable à
celle que nous célébrons en Thonnenr de saint Mai^
tin (4). ,
L'époque des vendanges, œlle de Fouverture des
tcMmeaux, ont dû être en effet, chez tous les peuples,
des occasions de réjouissance. Les Romains avaient
leurs VinaUaj leurs BrumaUaj conmie la Grèce avait
sa Pithoegia : mais la joie qui se manifeste à cette
époque dans nos ctmtrées peut être relative au plaisir
que causent l'abondance de la récolte et la bonté du
vin, sans avoir aucun rapport avec la fête que l'on
célèbre il de novembre en l'honneur du saint évé-
que de Tours.
D'ailleurs les Vinalia des Romains avaient lieu
dans les mois de février, d'avril ou d'août , selon les
(i) Sympos. IX.
■ (a) Ilc^tyea.
(3) Tou v/oti o7vou M-hi^^i fA^v h^txjSfi tou ÂvOto7npccSvoç pcvoç
xa7clp)(dv7a( , IlcOoty/ocv tiqv ^pov xSXouv7cç. (Plut., Sympos, DL,
ta)
(4) Doiiofmm aperUo festum erat BaccMmm apud Gnecas
quale est tfuod in l^norem samU Mardm celedranais, çoce
USoiyta.
Digitized by LjOOQ IC -
( 335 )
elimals; Tëpoque des Bnimalia devait varier aussi
par ie6 mêmes causes. Il est difficile de croire <yue
dans ritalie elles se fissent au ci
vembre, puisque, même dans ]
nales y le temps s'adoucit à cett
quel<pies beaux jours, qu'on ap]
Tété de la Saintr-MarUn. Quas
mens, comment {Mrouver qtie le 1 1 du mois Anthes-
terion répondait à notre 1 1 de novembre, puisqu'on
n'est pas même d'accord sur la division de l'année
qui portait ce nom, et que les uns disent que ce mois
répondait à la fin de novembre et au commencement
de décembre (i), et d'autres à la fin de février et au
commencement de mars (a) ? Il est donc impossible
d'assigner d'une manière précise , dans notre calen-
drier, une place correspondante aux premiers jours
de la fête des Anthesteria ou de la Pithoegia (3).
Çi) Pouer, Archaol, II, !i6.
(2) Poniederae AnUq. aai.
(3) Dans nos Obseurations sur la Saint -Martin (tome
g, page IfiS et soivantes), nous avons supposé, suivant
l'opinion la plus générale et d'après l'autorité du savant
Ganneli^ q^ notre mois de novembre répondait à i'Anthes-
tâion des Grecs : nous avons pu mal choisir entre plu-
sieurs hypothèses ; mais l'erreur serait sans importance dans
la question de l'origine des réjouissances de la Saint-Martin,
que n^is rapportons aux Grecs. Quel que fik le temps plus
onmoms rapproché de novembre, auquel la Pithoegia y ou
féie de VOwertun des oases à meUre le tdn, était célébrée
chez les Grecs, il était naturdi que les Gairiois, en adop*-
Digitized
by Google
( 336 )
Ceû^ëié une chose irès*inconvenantede mêler dés
usages d^une mperstition grosûère à la fête «d'un saint
qui faisait profession de la plus austère abstinence (i).
tant la féie païenne du diea du yin y la célébrassent eux-
mêmes à l'époque où ils en recevaient les dons, c'est-à-dire
dans le temps de leurs rendanges , qui étaient un peu plus
tardives alors, parce que le climat de la Gaule, couverte de
forêts, était plus froid qu'il n'est aujourd'hui : et comme il
est hors de doute que ces réjouissances^ s'y sont introduites
long-temps avant l'institution canonique de la Saint-Martin,
et même antérieurement au culte spontané que les premiers
chrétiens des Gaules vouèrent à saint Martin , on peut être
fondé à soutenir que les réjouissances qui concourent avec
la célébration de la fête chrétienne de la Saint-Martin, eu-
rent une existence indépendante de cette fête. D'abord pra-
tiquées au nom de Bacchus, elles ont pu, depuis la mort de
saint Martin, que l'Eglise place à la fin du quatrième siècle,
se mêler au culte de ce saint et en prendre le nom^ comme
aussi elles ont pu se confondre plus tard dans les divertis-
semens qui précédaient le petit carême dont Millin va par-
ler : mais la question porte sur l'origine de ces pratiqués ;
et quels que puissent être les changemens qu^elles ont subis en
traversant les siècles, on les retrouve toujours avec le même
caractère et les mêmes moyens de divertissement dans un
temps bien antérieur à la fête consacrée par l'Eglise.
(EdiL G. L.)
(i) Inconvenante . soit , mais on a cent exemples de ces
sortes d'inconvenances, que nous appellerons des scandales,
et qui se sont perpétuées jusque dans les derniers siècles.
( Foyezles Dîssert. réunies dans le t. 9 de b Coliect.ytfilliB
ne pouvait pas ne pas connaître les Sermons de saint Ei»j
et la Vie de ce grand homme par saint Ouen : il savait doic
de quoi étaient capables des hommes simples, ignorans ti
Digitized
by Google
(337)
Ce yoor /était si sacré p^rmi les chrétiens, qu'il avait
une octave, honneur singulier rendu à un confest
crédules « i|ai n'avaient du chrétieP ipe le bapjéme; des fi-
dèles qu'on ministre de l'Evangile conjurait de n'obseroer au-
cune des coutumes saciiliges des Gentils..*.; de ne point iwoquer
Neptune, Pbiton, Diane, Minerve, Junon, ni d'autres sembla-
bles diçimiisi..f de ne pas mettre au rang des dieux k soleil ni
la hmeé..., et surtout dç ne pas célébrer les (îles des saints
par des dâbancbes ^ des danses , des châSts diaboliqpM et
àe& excès de toutes içspèces. (Trad. àe^ Serm. de saint Eloy,
par Levesque , p% 90. ) Saint Martin fut sans doute un objet
de grande vénération ; mais il n'est pas vraisemblable que
son culte inspirât plus de i^spect que le cuke de Diei^ mâuu^
Or, il suffit de se rappeler les orgies de la Nativité, de l'E-
j^^^iîe , les fittes des Innocens et des Sous-Diacres, pour
douter que U% cbrétifsns des preioiers siècles aient pu même
coiicev«>ir les scrupules pu Millin pnise ^on argument con-
tre U poissibiyté de la confusion d'une pratique p^'ennç
a^ee le ^eux bommage rendu à saint Martin*
lies miracles attribués à ce saint, par Grégoire de Tours,
n'ont pas peu contribué, s^ins doute, à maintenir le culte ba-
chique 50«s une invocation nouvelle et dans mie intention
devenue cbrétienne. Quelques-uns de ces n^iracles, et ce sont
les ptus remarquable», révèlent une protecti^u spéciale pour
la conservation de la vigne et de son précieux pis* Ici le saint
a pitié d'ins pauvre luarioi^ des bords de la J^oire, qui n'a
pas de qiioi ae réjouir avec ses camarades le jour de l'Epi-
plumie; et il attire àw^ se% fileis un énorme poisson , dont
le prî» a^ à aebpter un muid de vin (De Mirac* D, Martini,
\xh. ^ C9p» 7 ) 5 là c'*st un moiiic d« Saint- Julien de'J'ours^^
qui, le |our de fa fôle de Saiut-Marjtîn , reU-Q}iiVé*plein Jus-
qu'à la bowde, un tonneau qu'il •J^^à-àoitié yidé la yçiUe
I. 9» Liv. ' 21a
Digitized by
Google
( 338 )
seur (i). Mais saint Martin ëtait comparé aux apô-
tres; il a été le premier sous Tinvocation de qui l'E-
glise, au moins celle d'Occident, ait élevé des au-
tels, tandis que cet honneur ne s'accordait encore
qu'aux reliques des martyrs. Enfin son culte a été si
répandu qu'il n'y a presque point de pays où. ce saint
n'ait des églises et des oratoires. Il faut donc auribuer
la joyeuse fête du ii novembre ^ une eause autre
qu'à celle d'honorer le saint dont ce jour porte le
nom, et cette cause, le savant rehgieux camaldule
Anselmo Costadini me paraît l'avoir trouvée (2) (3).
avec ses confrères, à l'honneur du saint (^De Glon Martyr,,
cap* 35) : ailleurs une goutte d'eau bénite, recueillie sur le
tombeau de saint Martin , renouvelle le miracle des noces
de Cana* Ces traditions, accréditées dans le sixième siècle ,
suffiraient seules pour expliquer comment le culte de Bac-
chus, déjà et depuis long-temps introduit dans les Gaules, a
dû s'y conserver et se perpétuer jusqu'à nous , sons le nom
de la Saint-Martin. {^Eâit. C. L.)
(i) Durand. De âkin. ofûciis, III, 37.
(a) Ragionamento sopra la ricreazione di santo Martino. (Ca-
logera, Nuo^a Raccolta, XX, i4-30
(3) Cette assertion n'est pas exacte. Quand bien même on
s'accorderait avec l'auteur à reconnaître dans le peUt carême
de la Saint -Martin V origine àes réjouissances qui se mê-
lent à la célébration de la fête de ce saint, Millin ne s'en
serait pas moins trompé en attribuant à son camaldule k
mérite de la découverte de ce fait : c'est aller chercher trop
loin ce qu'on a sous la main« Il y a cent quarante ans qu'un
moine français a écrit littéralement ce qu'on suppose avoir
été trouvé par le moine italien , mort à la fin do dernier
■• r^ ;•, ' ' ' . ■ ■■ '
Digitizecl by vJOOQ IC
(339)
ii^Eglise grecque avait d'abord quatre carêmes;
TEgiise latiBe eu eut trois ^ et ils furent réduits à
deux, dont Tun, appelé le grand carême ^ [Nrécédait
la Pâque, et l'autre, nonuné le petit carême ^ précé-
dait Noël : Celui-ci reçut aussi le nom de carême de
siède. On appelait icommiDDément Carême de Smtd-Mardn le
grand jeâne institué par saint Perpéte, dont il est fait aien>
tion dans le premier concile de Mâcon , et cpii se prolon-
geait depuis la Saint - Martin jusqu'à Noël» Il fut introduit
dans l'Eglise de Milan et dans quelques autres. « Il y a lieu
« de croire, dit (^enraise dans son Histoire française de saint
« Martin, que ce carékne fut l'occasion des réjouissances qui
ce se font encore à la fête de saint Martin , autant que les
« miracles qui se faisaient sur son tombeau , où , comme le
«rrappçMTte Grégoire de Tours (JFfi!s#. Franc , 1. 5, c. ax)^ te
« vin qu'on y apportait croissait vbiblement , lorsqu'on y
« avait mêlé une seule goutte d'eau du puits qui était auprès.
« Cependant le cardinal Baronius les attribue à ces miracles,
H et prétend que , dans la suite , ils donnèrent occasion au
« peuple d'avoir recours à saint Martin pour la conservation
« des biens de la terre , et particulièrement pour celle du
« yin. » ( Vie de saint Martin, açea l'Histoire de la fondation de
son égKse^ par N» Grenraise, p. 262, édition in-4-® de Tours,
D'après ces témoignages et ceux que n(
tés daus nos précédentes Observations, c
reproches Millin pourrait faire aux poèt<
des fragmens, si ce n'est d'avoir brodé
fournissait Grégoire de Tours, et nâs en \
vais^ ce que le père de notre histoire ava
vraie ou douteuse. (
Digitized by
Google
(34o)
Saint-Martin , parce qa*il ctmiinaÉçaH le la de &o-
tembfe, qui ëtaît le lendemain de la féie du saint. La
Teille, qui était le jour de la fôte même, était ccmsa*
crée, comme k veille des eendrea, c'est-à-dire du
grand carême, à des plaimrs et à des festins.
L*usage du premier carême a cessé au conmience-
ment du treizième siècle, et ne s^est plus conservé
que dans qodques cloîtres. Il dure encore parmi les
caonldules; et ces solitaires en consacrent la veille,
le 1 1 de notembre, jour de Saint-Martift, a d'inno-
centes récréations, telles qu^une promenade corn*
mune au-dehors de leur monastère, pendant laquelle
ils pouvaient rompre le silence rigoureux qui leur est
habituellement imposé, tandis que des mets moins
grossiers et plus substantiels qu*à r(^inaire,des vianr
des même, qui, dans d'autres temps, s(mt toiqoors
proscrites, les attendent au r^ectoice.
Personne n'ignore que les émissions de^ang pério-
diques étaient en usage dans les monastères ; mais il
y avait des différences dans leur nombre et dans leurs
époques. Elles avaient Heu au moins deux fois, et au
l^us cinq, par an. On dit dans les c<mstitutions des
caimaldules de Padoue, faites dans le douzième siècle,
que la cinquième se faisait avant la fête de Saun-
Martin. Ces saignées, qu^on appelait minutiones^ di-
nUnutiones^ etphlebotomiœ, devaient affaiblir beau-
coup ceux sur qui o^^ pratiquait : aussi abrégeait-
on, à ces époques, SRée des offices au chœur; ob
augmentait les portS|r pour la nourrituro, et elle
était composée de mets plus substantiels. Il était en^
Digitized
by Google
( 34t )
i^re naturel de donner ce» rëerëationsj^ès une sem-
blable diminuiion, et à la veille d^une longue absit*
nence.
Quoique le carême de la Saint-Martin eûtëtërëuni
à celui de Pâques, et quHl n'existât [dus, le jour de
réjouissance a subside. En rejetant une incommode
abstinence, on a conserva la fête joyeuse qui la pré-
cédait; et comme elle se lie, en quelques lieux, aux
opérations de la vendange, ou plttiôt de la tnanipula-
tion du vin , on Ta regardée comme une fête bachi-
que, et on en a cherché Torigine dans les orgies païen-
nes et dans les bac^ohanales.
CTest surtoiu ce qu'cmt fait les écrivain» du culte
protestant , ei les sreiteurs eaiholiqiies ont eux-mêmes
donné lieu à cette erreur, en Tadc^tant (i). Ambroi-
sio Novidio Fracci, de Ferentino,^ne craint pas de la
répéter : il parle des pronostics que présente Tétat du
ciel le jour de Saint-Mairtin (2); il croit que le saint
a la puissance de changer Feau en viq, (3) ; il intro-
(i) Hac est leta âUs : istd popubisipie patrestpie
Luce cados relimtat, et defecata per onrnes
Vinajermd mensas, ac libéra oerba loquuntut*
TaUs ap¥4 9^res oUm sacrata hyœo
Tmx erat à priscis çocUata Pithœgia GrajiSf
Quàd ^ignata dtes ùperint âoUa feHk>
( MaittuaBus, dté par Voet iti Fast)
(a) Saai Fasti. Antverp , iSSg, îà-12, XI, i52.
(3) Sunt qm i>ina dari credani : mihi praoUma finsio^
Çuod defecandi iempora Quigus habet,
Digitized
by Google
( 34i )
doit enfin saint Martin, se comparant lui-même à
Bacchus (i). Mais, ajoute-t-il, le saint inspire bien
mieux que lui ses poètes (2).
Parsque, guod Ismario çerteham flundna succq:
Hacfieri turbœ quod quoque nocte piUanL
. (Ibîd.)
(i) Quœque dabanf Btucho, ndhi pnzket gtatiei wigi;
Quœque ilU ratio est, non minus Uia mi'AiV
Miles enim Bacchus, miks sum âictus et ipse:
Bii genâus Jiierat , bis genitusque oocor.
Ule coUt Thebas, est et mihi GalHa curas;
Vins açidum quœso quem magis esse putes?"
Nominor ante Uuus, clamaban$ ante Lyœum.
nu adnis thyrius, cruon nuhiptcta datur»
' Inâos ille domat, domvi persœpf tyrannos;
Nec miner iste mihi quàm labor iUe Juit*
Tempora cingebartt edizre jw^eniUs JmcU :
Has noQa dot nostro ferre iaberna mero.
Stulta clioros medUs ducebat famina sihis :
Ad (pathos saitat pota puella meos,
Bacchus habet Cereris <ommercia muaus tt hujus,
MolUtian nostro nomine crescit opus»
Beperit ille w>am, leoo oinum sordibus wœ :
Me duce et ut cédai oertitur unda mero,
Cftîd., 154.)
(a) Si Qacàt, adpm^iarias e cœh làbere laudes :
Quœque damus faciles 9 ad tua vina oevi,
• Proque tuis Baccho façeas , adsis poetis ;
Sed ndhi préeçipuè, quifua festa cano.
Nam si Qera licet manifesta oocefateri.
Et sequimur certa nrnnina nostrafide :
Digitized
by Google
( 343 ) '
Le célèbre Pontanus ne parle pas avec plus de res-
pect du saint, dont il avoue que l'Italie devait le
culte à la Gaule; il le fait entrer lui-même dans un
festin, et lui demande d^apaiser la giierre que la
France fait au royaume de Naples , puisque toute la
Fraince obëit à ses lois (i).
FertiUor Musis es tu, quam Bacchus et Eçan
Ingenium ex çero oatUnts ipse fads.
Curque fads causa 4$i, cujus tu cura putaris ,.
Quoque cales, et quo tu tibi numem luibes.
(Ibid.» i52.)
(i) Martinum conçioa saturque, et potus adoret:
Hune nohîs rltum Gallia prima deéUt,
Hune patres tenuere, tenent nunc Itala régna» '
Ipuer, et muHo pocuia tinge mero.
Diçefaçe : nunc te coUmus, tua templa çeremuv.
Et numenfelix dudmus esse tuum.
Vice adsis, Calahros , famuU , geminate trientes»
Instaurent positas fercula crehra dopes.
Nianen adest : geminas ddeo splendere hicernas;
Intueor triplid tempora cincta face.
Diçe parens Martine ades, et tua pocuia me.
Te cyatJdy et calices , te tua musta oocant.
FMge pater, bibit ipse pater, calicemque supinat.
Quisquis adest, cyathos sumite, adeste Deo.
Dicamus bona oerba, precemur et où'a pacis.
pace penus graçida est^ çinea pace nitef.
Face ftuunt tua çina, pater. Tu Gallica s/eda
Prœlia,- nam servit Gallia cuncta tibi. ,^
Annuit ipse Deus, pueri noQa dna ministrent
j., Vos mecum alternas continmte v^es.
(Eridan. I^ de Fest. Marliual)
Digitized
by Google
(344)
Bfalgrë ces liceaces poétiques, le nMÛf du repas
joyeux du 1 1 de novembre n^est pas domeux : bous
▼oyons qu*U avait Ueu le jour de Saint^Martiu, mus
non pas cn^ rfaonneur du saint* Mais pourquoi Voie
en est -telle la base? I7ous avons dëjà vu qu'elle n^a
aucun rapport à Thistoire du saint : la cause <{ui ed
fait le principal mets de ce banquet^oit donc aussi
lui être étrangère.
Uoie est un des oiseauit domestiques 1^ {ilm com-
muns dam les Gaules; cMtait aussi le plus gros que
Ton connût dans le moyen-âge. Ses nombreux usages
le font recbercher dans tous les pays : ses plumes sont
employées dans les arts; sa graisse même est préférée
au beurre pour plusieurs préparations culinaires, et
sa chair se sale et se conserve dans divers pays comme
celle du bœuf. TI n'est donc pas étonnant que nos
pères en aient fait tant de cas; peut-être même est-ce
par honneur et à raison de son utilité qu'ils <mt re-
présenté avec lin pied d'oie celle de nos r^nes qui
est connue sous le nom de la reine Pédauque. L'oie a
été en faveur dans leurs festins : ce fut pendant pla*
sieurs années (i) la pièce de volaille la plus estimée.
(i) Plusieurs années. Nou$ croyons qn^il fktit Kre plusieurs
siècles; car à quelle époqtie placerait <^ on ces quelques an-
nées d^ la haute faveur de Toie dans les tuisîués féodales
du moyen-âge ? La vérité est que cette rolâtîlle fut pendant
des siècles un mets de pfédîlectièn, et qu'il n'y avait que le
paon qui lui disputât là préséance dans un banquet solennel^
notamment au repas de ta fête à laquelle il donna son nooi.
Quoi qu'on ait pu dire des nombreux troupeaux que les au-
Digitized
by Google
(345)
Cbarlamagne ordonna que tout^ ses maisons en f^&^
«eni fournies. Il paraît que cet usage s'e^ conse^é
loog-^empa dans les maisons royales, el on regardait
comme un péché sans rémission, de voler ces oks.
Cette irrévérence insijgne a donoé lieu au proverbe :
Qui mange foie du roi, cent ans après il en rend
la plume* Une oie apprêtée par sa femme est le r^àl
^ promet maître Patelin à M. Guillaume pour Ta-
madouer et emporter son drap (i)» Les premiers r0tîjft-
^«"l«l I I». HIH )"*"■ *'H« ■■* >i M. I. ... I ^ .>».» «■ ■■ >n ■ ■I...I.II . i ■■
tMiis]Vloritis(LaIii«àDS du Calaii
«aient}» et dont ils pourvoyaient i
tout |jen de penser que cet oisea
mun et relativement beaucoup
France depuis lé seizième siècle
rifés du moyen-âge, le prix d'an<
Iplitô belles, ne descend guère ai
H l'on en pourrait citer où cep
<»b)ets. Par exemple, dans le tarif rég^ par le conècil de Ghar-
lesYl, en mars i48o, VFoccasion de la disette qui désolait la
France, une oie figure pour xvj sous parisis, prix d'un faisande
l'épofue,.et un porc pour une même somme de xvj sous pari-
sis. Quelqu'abondante et commune que fiit la cbair de porc
au temps dont il s^agît, la disproportion est si grande entre
le profit qu'on tirait d'un porc entier et celui que rapportait
«M oie dans là vie domestiqué^ qu'il faltsAt hien^que Toié
flt^ relativement an poro, un meii 4'one certainii^ rareté» pour
valpirdix fpis autant foele ppt^ à supposer que ledernierx
^txmt moyen ^ ne pesât que dix fois autant que l'autre* ^
V {EditC.L.y
(i) Et si mangerez de mon oye,
Par Dleul que ma femme rôlîst.
{Farce âe maître Patelin, p. j'S.) '
Digitized by'VjOOQlC
(34d)
setirs et marchands de volaille ont pris leur nom de
Foie, parce qu'elle ëtait le principal objet de leur
commerce : on les appelait oyers. La rue où ils étaient
rëuôis, selon Tusage du temps, se nommait la rue
aux Oyers; et comme l'origine et la tradition se
sont perdues, le peuple Ta nommée la rue auxOuac^^
dëndmination aujourd'hui consacrée par Tusage.
L'oie est figurée comme le prix du suooès stnr le
tableau d'un jeu innocent que nos pères ont dit avoir
éxé renouvelé des Grecs j pour annoncer sans doiHe
que son antiquité se perd dans nos plus vieilles annA-
\es. Mais pourquoi, dans les fêtes publiques, daiis les
jeux de village , ctet oiseau si utile est-il livré à d'hor-
ribles tortures availt dé servir au repas de celui qui,
j>our montrer son adresse, a fait preuve de la plus
atrçce cruauté! Le pauvre animal es.t su3pendu par la
tête à "ua pieuf un autre pieu plus court que le pre-
mier, et, planté devant lui, ne laisse qu'un éitbix pas-
sage aux bâtons que des bras robustes laâicent succès^
siveiherit vers ce* malheureiix but. Il faut que leurs
atteintes, rédoublées séparent lé larynx, l'œisophage,
les muscles jf et tous les liens qi4 attachent le tronc au
cou. Celui qjoîlç^ ^p^^ par vça dernier caup termine
ainsi le supplice de rànin^l; et, proclame vainqueur,
il emporte pourprix uite béte défigurée, et dont là chair
meurtrie ne peut plus oSrir qu'un mets dégoÀtant.
Qui peut donc avoir introduit parmi nous un amu-
sement si cruel? S'il remonte à nos origines gauloi-
ses, on pourrait regarder ce supplice comme une pu-
nition de Favis qui priva les vainqueurs de .Rome de
Digitized
by Google
(347)
leur Tictoire. Mais n^en cherchons pas ]a oau$e dans
rhistoire; trouvoiis-la dans le malheureux penchanit
de rhomme pour faire du mal et pour, détruire : ce
qui le rend naturellement chasseur, naturellement
guerrier, et lui fait trouver du plaisir dans des exerci-
ces harbares et des devoirs meurtriers.
L'ëpoque de la Saint-Martin est celle où cet oiseau
est plus gras et plus commun. Il est tout simple qu'elle
ait été adoptée pour les repas qui ont lieu à cette épon
que : aussi cet oiseau est * il cëlëhré toutes les foi^
qu'il est quesÛGji^ du festin du ii de novembre; e^
on rappelle Yoiseau de la SaînirMartinj Voie de la
Saint' Marim (i). Ce n'est donc pas une supersiitioA
qui le fait préférer : on peut s'en nourrir le joue de
Saint-Martin sans offenser la religion , quoiqu'on, e»
ait fait un cas de conseillée ; et Martin Schook^ qui
a examiné ce cas^ et l'a disctué avec un grand scru^
pule (a), n'hésite point à donner cette décision.. Là
superstition des hommes qui, nouveaux aruspices^
interrogent l'état des viscères dp l'oie , et examinent
le degré de* transparence de ses os pour savoir si
l'hiver sera doux ou rigoureux (3), est contraire
seulement à la physique, et ne touche point à la reli-
gion. Il n'en est pas de même de celle d'après laquelle
[t) Anser Martinianus.
(a) An Uceat McartinaUbus anserem eohiedere- (Eocerc.XWl^
p. ao5.) f .-'"'"'
(3) BarlhoL, hco citato.
Digitized
by Google
(348)
on croît que le ^aim change l*eau en vin dan« la non
de sa fôte (i).
Nous voyons donc comment Foie est devenne la
(>ariie la plus essentielle du repas de la Saînt-Martin.
Mai» tout est sujet dans ce monde à Tempire du goàl
et de la mode : un outre oiseau moins mile, mais
qui, par sa grosseur et sa succulence , peut ^aleni^nt
servir à des repas de Êimille, est venu de TAsie (a)
ou de rAmërique septentrionale, partager le goûi que
les Français avaiesit pour Foie. On attnbue Fintrô-
ducdon dn dindon à Jacques Gbu%(3), au bon roi
Renë(4). Cependant Aldrovande le décrit comme tni
étseau rare (5), et Cbâmjner (&) en parle comme d'un
mets nouvellement introduit. Il fallait qu^il tàn enc<»re
rare au temps de Cbarles IX, piusqu'en i566 les ha-
bifans d^ Amiens lui en offrirem douze en présent (7),
et qu'enfin Linoeier (6) <Mt que oW un msâiger dé-
licieux, digne d\m seigneter. On ne peut donc croira
qu'il a éié introdmt en Europe par les jésuites^ Ce»
. :(i) Qi(od Urfuuia Ç0rtebam Jbimtèa s^cco*
; . ^ . (Ainl>ro$. Novidii, Fast ^Aqr. XI, jk iSça-)
' (^) ^érrhigl^tt, ÉÊisceUaiu, 1 78s , p. 1 97.
(3) Legrand, Vie prwée des Français, ëdil. nouv. de M. Ro-
quefort, 1. 1 , p. 358^
(4) Bouche, HisU de Prooence^ U a, p. 478.
(5) OmithoL XIV. '
(6) De re dbana, XY , LXXJ, p. 83i.
(7) Daire, Hist d* Amiens, I, p. 90.
(8) Traité des plantes et des animau»,^ 4619.
Digitized
by Google
(349)
pères ont bien pu en ëlev
jvaî^ on ne leur en doit pas
que c^est seulement vers i6
venu coomsun. Depuis ice^
ÊonilJe et populaire dont i
distrihue surtout dans les v\
c^est parce qu^il n^y a pas de fête sans dindon^ <jp|e
ToQ dît p(^;>ulairement d*un homme aux dépens de
qui on rii, on boit et on mange : Cest le dindon de
la fête. £nfin il s^est introduit jusque dons le repas
du f I de novembre; et Ton dit le iU^dan^ comme on
disait Voie de la SaintrMartin.
Cette usorpatipn n^a pas été si entité etsî soleur
uellemeiBt consacrée dans les villes du nord que dans
celles du midi. Quoique le rit luthérien ait aboli le
culte de saint Martin , qui était cependant le patron
du chef de la rëformei la solennité du repas du 1 1 de
novembre s'est conservée comme fête populaire , et
parce que , comme nous 1 avons dit , elle n'a aucune
relation avec le saint qui lui donne son nom-
Beaucoup de rapports de famille, d'affaires fiscales ,
d'intérêts ruraux, se règlent au renouvellement des
saisons, et chacun de ces renouveltemens est indiqué
par la principale fête qu^on célèbre à cette époque.
Celle de la Saint-Martin est surtout précieuse, parce
qu'elle arrive presque à la fin des travaux agraires :
c'est celle de la recette des revenus, du renouvelle-,
ment des baux; et c'est pourquoi la fin dés vacances
judiciaires et scholastiques est fixée, dans plusieurs
pays, à la Saint Martin.
Digitized
by Google
( 35o )
Ce jour est donc consacre à des r^onissances de fa-
• mille ; certaines corporations se réunissent pour y pren-
dre port. C'est pour une semblable réunion qu'aura
été hsiffpée la petite pièc§ qui a donné lieu à cette
Dissertation. L'oie, qui est la base de la fête, j
figure d'un c6té; et le mot Martinalia, inscrit de
liautre, exprime l'objet de la réunion. Ce mot Marti'
HaUa a été reçu dans l'Eglise pour désigner la fête
de Saint-Martin, comme on dit Paschalîaj Natalia^
parce qu'elle avait une octave. Dans les pays où Ton
suit la religion réformée, ce mot a été conservé en
même temps qu'on a gardé l'usage du repas. La cour
tume de distribuer des tessères ou des jetons d'argent
parmi ceux qui forment des associations pour célébrer
celte fête, paraît aussi fort ancienne.
Cette petite médaille vient du Danemarck ou du
Holstein; du moins elle s'est trouvée avec quelques
pièces modernes ou du moyen -âge qui y avaient été
recueillies : d'après la forme des caractères, elle pa-
raît avoir élé fi*appée au commencement de l'avant-
dernier siècle.
Digitized
by Google
( 35i )
CÉRÉMONIE SINGULIÈRE
DES COl^FR^ES BE LA CHAaiTÉ, OU POfiTE - M OftTS ,
Qiir se fabait cha^e année , le jour de la Fète-Dien ,
à Yemoii en Normandie (i).
YoiGi, monsieur, un narré fidèle de la cérémonie
qui se fait tous les ans dans cette ville , et dont vous
n'avez entendu parler que confusément. Nous avons
ici 9 comme dans presq\;te toutes les villes de cette
province , une confrérie , dite de la Charité j dont
les membres, au nombre de treize, s'engagent à por-
ter et à enterrer les morts gratuitement. Le chef de
cette société est tiré au sort et nommé le roi ; il y a
aussi deux officiers nommés sénéchaux ^ lesquels,
avec le roi, ne servent que durant une année; les
autres servent deux ans entiers ; en sorte qu'il faut
tontes les années procéder a une nouvelle élection,
tant pour les trois personnes dont on vient de parler,
que pour remplir le nofnbre des confrères qui peu-
vent décéder pqndant leur exercice : c'est ce qui se
fait dans l'octave du saint Sacrement , ordinairement
(i) Lettre écrite de Verdun, le 20 juia 1732 , et insérée
dans le Mercure du mois de juillet suivant
Digitized
by Google
(35a)
le vendredi. On enregistre d'abord les noms de ceux I
qui se présentent pour entrer dans la confrérie , et le
lundi suivant ils voM tous en pèlerinage à Notre-
Dame-de-Grâce, dévotion célèbre, à deux lieues de la
ville : c'est Jà qu'aprè» la mes9i^ entendue, le roi est
tiré au sort : pour les sénéchaux , c'est un ofScier qui
s'achète au profit de la confrérie. Le jour suivant ils
s'assemblent tous, et le curé de Notre-Dame, ou son
vicaire, leur fait une exhortation au sujet de leurs
obligations, de leurs fonctions, etc.
Les officiers en charge vont tous les ans en céré-
n^onie^ la veille de la Fête-Dieu^ prendre un des
anciens confrères, selon son tour et son rang, qu'on
appelle le Roi des rois^ ou le roi des anciens rois; et
ils le conduisent de son logis à l'église de Notre-
Dame, où il assiste avec eux aux premières vêpres,
et à matines, et le lendemain à la grand'-messe , et
tout de suite à la procession solennelle du saint Sa*
cremént^ suivant inunédiatement le diiis, et portant
une couronne à la main. Ceux qui l'accon^pagnent et
le3 anciens rois , c'est-à-dire tous ceux qui ont porté
le chaperon, marque de cette dignité, portent des
flambeaux ornés de fleurs, et sont en habit ordinaire,
il n'y a que ceux qui servent actuellement qui por-
tent la robe longue de la confrérie.
La jH*ocession finie, et la messe, qui se célèbre au
retour, étant dite , on reconduit le roi des rois chez
lui , où toute la confi-érie dîne.
Mais avant que de se mettre à table, ils sont obli-
gés d'aller servir douze pauvres, dont le couvert est
Digitized
by Google
( 353 )
mis sur une table dressée c
la maison du roi. Ce repas <
bouilli, en rôti, avec îine i
que pauvre , qui leur est
Ceux - ci sont debout autoi
viette sur le bras , et le roi est au bout de la même
table , aussi debout, la couronne sur la tête.
Le jeudi, jour de l'octave, on distribue encore un
gros pain à douze autres pauvres, chàciin le sien; ce
sont les fières en^exercice qui font cette dernière dis-
tribution, le tout aux dépens d'une fondation, dont
je ne sais ni Tépoque ni le nom de Fauteur.
Ne vous attendez pas non plus , monsieur, que je
vous dise ici quel<Jue cbose sur la première institu-
tion de cette pieuse confrérie,* nous ne sommes pas si
savans dans ce canton. Je crois qu'on peut la faire
remonter aussi haut que l'on voudra • et lui dcmner
même pour instituteur, du tnoins poït premier mo-
dèle et pour patron, le saint homme Tobie. Le peintre
du grand tableau dont vous nk parlez, qui se voit
dans l'ëglise paroissiale de Louviers, à quatre lieues
d'ici, était bien persuadé de son antiquité, puisqu'il
fait assister des confrères de la Charité, à genoux , en
habit de cérémonie, autour du lit de la Sainte-Vierge,
dont il a prétendu repirésenier le trépas et les obsè-
cpies avec \m bénitier aux pieds, etc.
J'ajouterai à cela, puisque vous êtes curieux de nos
cérémonies, que les chanoines de notre collégiale ont
choisi pour patron saint Barnabe. Un chante le jour»
de k fêle une messe des plus solennelles , à Ia<{ueUe
I. tf Liv. i3 •
Digitized
by Google
(354)
aosisient lous les ofliders, tant ecelésiastiqpcies que kï-
^foes. A roffertoire, les bnuts vicaires présentent i
chacon de ces officiers tme couronne et un bouquet
da fleurs. Le diacre m^e et le sous-- diacre quittent
Fautel pour satisfaire à cette obligation. Je dis obli-
gation, car ces meaneurs ayant Toula se dispenser^ il
y a quelque temps, de la cérémonie , et iistmé poor
cela une insunce au Parlement, les officiers ont été
maintenus dans la possession de ce droit par un arrêt
contradictoire.
•
Digitized by VJOOQ IC
( 355 )
CINQUIÈME PARTIE.
ADDÈTimi AU CHAMTRE 11^ % ni [i).
DES CLERGS IvfARIÉS
DAÎîS LE MOtEîî-AGE (2).
l/ËGLiBE d'Occident a toujours regar^ le célibat
comme une obligation indispensable des prêtlïss; ce-
ti|>endait, sur la fin de lapremiène race, c'ëjtait un dé-
sordre extrêmement ccknmun parmi eux'que dVntte-
teuîr des femmes. On peut juger de l'effet qiieproflaisit
lijèe dî^ordre sur les p^||^es barbares qui embrsfâsèrent
-W^bristianâsme. Ils connaissaient peu , par leurs mœurs
précédentes ,% vertu de la cooitinence ; et ceux d'entre
eux, gm prirent les ordres sacrés , crurent approcher
pïûs^ l^ de la perfection que leurs maîtres en fait
Digitized by VjOOQ IC
(356)
papes employèreiit toutes sortes de n^yens ptipr le
faire cesser. Ils privèrent les prêtres mariés de Jttb
bénéfices , ils les excommunièrent ^ et ééfeniânSit
d^entendre leurs messes; ils déclarèrent 1^9|s e^^
bâtards; ils réduisirent même à la servitude 4es sei-
gneurs les firuits innocens de ces mariages iUégitiitîïÊS;
et malgré tous ces moyens y ce ne fut que dansTle
onzième siècle qua^ Saint-Siège et les conciles par-
vinrent enfin à assujettir les prêtres au célibat. T^ous
avons la preuve quMndépendamment>,de leur lépu-
gnânce à la soumission sur ce points ils étaient con-
firmés dans leur libertinage par la tolérance des évé-i
ques. Elle résulte d*un des articles du concile ^tenti 11 ^
Lillebonne en Tannée 1080, en présence de Gml-
laume-le-G)nquérant9 roi d* Angleterre et duc de
Normandie. En voici les termes:
Digitized by VjOOQ IC
: .% ( 357 )
:||est ai|é de concevcnr <jue cet article blessaii m»-
nmH^meDt les droits de la juridicticm ecclésiastique
siûri^<^ux qui avaient pris les ordres sacrée, aussi le
même article en i%nd-t-il la raison immédiatement
«J^(BC (U^em prœdictus rex statuit, non peren-
<^^^pr episcopis suis debitam auferendù juMiUanij
(I sèd quia ea tempope minus quàm convenisset indè
((fecissent; donec ipse eorum emendationem m-
« dendoj eis reddiderit pm henefacto quod tune de
^mûïÊU eorum iemporalUen tulerii pro comndsso.»
pBelle leçon pour apprendre aux ëvéques quels sont
^ sur eux les droits de Ta royaut;é lorsquUls manquent
aux devoirs de l'Eut.
Il resta cependant de cet aD^cien abus que le ma-
riage n'était pas interdit aux clercs portant la tonsure
\ et servant l'Eglise. Cette licence était encore tolérée
dai^k quatorzième siècle^ comme on le verra par la
l^suite \ et comme l'a remarqué M. Meury dans son
^sèpèième discours sur V Histoire ecclésiastique ^ n* 8,
où il dit :
Que comme les ordres mineurs sont compatibles
^âvecle mariage, tout était plein de clercs mariés qui,
sans rendre aucun service à l'EgUse^ s'occupaient du
trafic et des métiers, même les plusindécens, jusque-
% que le concile de Vienne se crut obligé de leur
àé^sxà)^ d'être bouchers et de tenir cabaret, et aupa-
ravant on leur avait défendu d'être jongleurs ou bouf-
fons de profession. ^ -
Les familles y trouvaient leur avantagé, mais les
^-^
Digitized
by Google
(â58)
prinoes et les M^ieiurs ea aoaffrak&t , pif|0e
cleros mariés ne cosmlMiaiem point f ux i
et qa^ils se prétencUîem exen^ts de toute
par Tsqpport à leurs héritages.
Sur ce fondement ,Jes pères et les mères
tout le patrimoine de leurs familles S|ir la
celui de leurs enfans qui était clerc, an mo;
quM ils se croyaient exemptés de tous service^
vers les seigneurs dont ils étaient les vassaux. Le nui
s^acorut àu^xMUt qu^il fallut y remédier, et ce fid: ce
qui dimua lieu à Tun des articles du conc(N*4at tpB
VhiMppe Augure et les barcms du royaume passèreaM
avec le dergé pour Téfxixner tes enU: epÂes des êcdé-^ i
siastiques sur l'autorité royale.
« Quartum capitulrim est qubd nullus burgensis
icvel villanus potestfillo suo clerico medietatem i
(iterrce suce vel plusquam medietatem donare : si\
<ic hahueritfilium vel fittos^et si décrit ^^HâÉÊÊ^ j
(( tertœ citrh mediam, clericus débet red&cMie
(¥ servitium et auxilium quale terra debebatéumtnis
aquibus debebatuT; sed non potetit 4aWaîi^ nisi
((Juerit usurarius vel mercator; eé'pa^ deeéssum^
Ksuunij terra redîbit ad proxîmos parétUesi e(
« nullus clêmcus potest emere terram qud^Êeddat
^domino taie servitium^quaïe terra àeb^^\(0k^
des comptes de. Paris, Terrier^. Cartel, de Norriti
foL iaô.)
£ies évêqiies el^s barons de. J^orti^^xi^e^^issèi^
à |)éu près dans le même tém{i| , c^t^yîrf»iHrc' ytv^
Digitized
by Google
(3%)
Paa I3I9» un $c(md semkààAe en T^çli^piicr; ^n
voici Je* termes:
{Scacdrium sancti Mîchaelis apud Falesîam.
Jn.T>.M.CCXIX.)
« jiocorxUaum est pet tpiseopos et bartmes quàd
(i sialùfuiscormam habem vei kabèum deric^iem^
« duxerit uxor^m, de feudo iaico quod tenet/hçi^
^Âommù régi et ihminis aliïs quod feudwn debeh
(i^ de burgap& hoc quod alii àu^emes /adutitj
ii€tm bwgafpù fiet justitàst et m feudo Imoo pn
^cgmieoquoddebéu super ommia <melh(iîmùAe$)
H q&m Hi ^frverUentur* Siveroj postquàmMcoasm
a duxm-Uj coronam acceperit et habimm eierici^ de
<« bm^agto et feudo faciet tatufunm taicus fwmop et
uedmmUimlmcUéUHr.y^ilh.^ liv-5t. Just., fol. ib. 8^)
La phâwpagoQ éprouva aussi le^ mêmes abus, et
Tlubaiu le posthume, oomle de Champagne et roi de
ItaTsrre, en ayant porte ses plaintes au pape Inno^
cent IV, en obtint une bulle portant injonction au»
évêijues de les faire cesser. Cette bvdle étant demeurée
aaal effi^t, le même prince s^'adr^ssa d^ nouveau au
même pape, qui pour lors était à Lyon, et eu fit ren*
diye une seconde, datée du 5 des calendes d'ami
Vm viu du pontificat >^uiant ^ qui r^>ond à Tan i ^49 >
puiique Innoccim occupa le $aint^ Siège dqmis 1341
jusqu'en laâ^. {CartuL de Champagne j delà bibl.
(hroij/oLS%)
, Nonobstant ce règlement, le fcandale continu^ en
Normandie, puisque le concile de la province de
Digitized
by Google
(36o)
Rou^i, asaemUé au Pont*Audauer, le kaidemain de
la fête de la décollation de saint Jean ^Baptiste de
Fannëe 13&79 fit un décret à ce sujet. Il enjoignit à
tous les curés d^averur leurs parois^ens pendant trois
dimanches ou fêtes solennelles^ <{ue les clercs non
mariés et ceux d*entre eux qui Tétaient eussent à
s'abstenir de tout trafic, et principalement de tous
emplois indécens, et à porter la tonsure et Thabit con-
venaHe. Le concile déclare que si à la troisième tno-
nition ils ne viennent point à résipiscence, Fl^^se
ne. s'entremettra en aucune manière pour les proté*
ger; qu'elle tolérera même, à l^égard des clercs ma-
riés, que les seigneurs séculiers exigent d'çux les
mêmes services que des laïcs; qu'enfin si, aq^r^ les
mcmitions , quelques clercs persistent dans leur abdi-
cation de Piiakit clérical et la tcm^nre, et commettent
des délits graves pour lesquels les juges sécflpbrs les
fassent emprisonner, les Pères du concile n'emploie-
ront pdint les censures pour leur procurer la liberté.
( Chambre des comptes de Paris, Terrier. Cartul.
de Normandie,^/. 3.)
Enfin, nous avons la preuve qu'en l'annéç r^ao^
l'abus sub^ait encore, puisqu'en cette année la com-
mun^ de Meaux ayant prétendu que les clercs mariés
de cette ville devaient contribua, tant de leur cbef
que de celui de leurs femmes, aux tailles et aux autres
impositions, il fiit réglé que les clercs mariés demeu-
rant dans la ville ou dans les limites de sa commune,
ne pourraient être mis à la taille de leur chef; mais
qu'ils y contribueraient seulement du chef de leurs
Digitized
by Google
( 36i )
feimioies, de même qu^aux impositions ordinaires et
extraordinaires, en sorte cependant qu*mi clerc marié
ne pourrait être tenu de payer, pour raison de isa
femme , que la moitié de la taxe qui serait faite sur un
bourgeois de la viUe 9 qui lui serait ^al en faculté, et
que pour cet effet Tassiette des tailles et des autres
impositions serait faite à Fayenir par le maire et ses
bourgeois, et par quatre ou âx clercs conjointement.
L*aae de cette convention et les lettres de confir-
maiion de Guillaume, évêque de Meaux, du mardi
après la fête de saint Pierre de Vannée i330, sont
dans le CartuL de Meaux, gardé en la Chambre des
comptes de Paris.
Je crois que Ton peut attribua à cet abus, qjki ne
sqbsiste plus en France , Uusage qui se pratique en
Italie des permissions que le Saint-Siège accorde &
des gens mari^, de porter la tonsure et Thabit clé-
rical. J*ai traité avec le ministre d'un soutarain, qui
était vêtu de la sorte, quoiqu'il eût fenune et enfans.
11 regardait cette permission comme une distinc^on,
par le respea qu'on porte en ce pays, plus qu'en ténit
autre, aux ecclésiastiques^ et comme une grande com-
modité ; il aurait pu dire aussi comme une épargne.
Je n'ai point ouï dire qu'il y eût aucune exemption
en faveur de ces clercs mariés; inais il est sûr que le
pape tire un droit modique des permissions qui leur
sont expédiées en sa chancellerie. Je ne crois pas que
ce droit excède de 25 ou 3o francs de notre monnaie
pour chaque permission.
Digitized
by Google
( 362 )
<^^^;yWVV»W»/»%»%^>»^%^^M%»^^/V
iVWIA^^>rt<V»VVV>ftlV>VV>V>'i^">*^^***^**'^**^**^**^'**'^^
PARTICULARITÉS CURIEUSES
DE l'hISTOIM GAUITTE X QOTLQUB$-OïïS M TïOS *OIS.
ANCIENΌ LEGENDE
9SS AMOURS DB G9IABI.B1IA0IÎB (l).
Quiconque prend garde aux extraordinaires cl wir-
natiJfelFeffe^s des dainaons en toutes leur» malices, et
q>éçialement en <^ste cy, est soudain conune fercé 4e
recognoistre (m^lgr^ soy ) iju'il y a quelque j^ssance
motriice qui faict jouer des ressorts secrets et cacl^és
aux sens et à la nçiture. Et que comme ces m^Bn»
esprits ne font jamai^Jparoistreleur, estre et leuir fSrce
que pour ynal faire, et après avoir faict autant d«
9ia>ux q^Hls ont peu selon la permis^ioi^pi leur a
este donnée, aus^ sont -ils cwtraincts de céder et
d'obéir k quelque feutre cause première et ^uteraiiw
(i) Extrait àe V Examen des Aîmanachz, prédictions,,
philtres, charmes, etc., par Antoine de Laval, p. S^t et suiv. de
son Recueil intitulé : Desseins de professions nobles et publi-
ques, contenant plusieurs traiez divers et rares.^i avec autres beaux
secrets histoiiques, exiraîcts de bons et authentiques Mémoires et
manuscrits,.. Paris, Abel Langelîer , * i^bS^ in-4'*« ( Edit. G. L.)
Digitized
by Google
"* ^ (363 )
qui leur commande , et ]eur a donné Testre ei la sub-
sistance simple et séparée de matière aussi bien qu^aux
aiues. Qui est justement pour revenii* au premier
poinct de ce traicté^ qu^il y a une malice extresiiie à
ne vouloir confesser Testre de Dieu et de nos âmes qw
par le moyen de celui du diable. AinsiSàdian se pror
duisani par ses effects magues, par les prestiges, sorti- '
léges et Êiscinaitions, fait comme la souris qui se trahit
elle mesme, suo périt indicio sorex^ il porte en des-,
pit de ses dents, les esprits infidelles et athées à re-
eognoistra la cause souveraine du tout estre Dieu très .
"grand, tiAs bon et très puissant* Ne trouvons donc
pas esirange si par la permission de cette cause sou*-
ver^e^de cet estre premier infini et incompréhen-
sible (que la faiblesse humaine recognoist plustost par
ce qui se dictde luy au non estre qu^en Testre j^esme)
les effets pernicieux de cet imposteur Sathan sont ai
firéque^s au numde. Nous voicy sur nostre matière /et
premièrement sur le compte du roy Charleimagne eu^
sorcelé d^amour.
Pétrarque , aùtheur des plus fameux et célèbres de
s(m temps, duquel les oeuvres, tant latines que vul-
gaires, se recommandent assez déciles - mêmes sans
autre préface de louange , escrit au premier livre de
ses Ëpistres, en la troisiesme à Jean Colonne Romain,
luy rend compte d'un voyage qu'il a faict en France
et en Allemagne; et entr'autres choses remarquables
de sa pérégrination, raconte ceste cy, qu'il affirme
avoir veue «scripte aux registres anciens gardés dans
h thrésor et archives de l'église d' A ix-la-Chapelïe en
Digitized
by Google
( 364 ) ^ ' ^
Allemagne, et dict encores qu^il Ta leue depuis en
autres autheurs plus modernes. Mais avant de mons-
trer si tout ce qu*il çn dict est du rang des choses
faisables, je veux représenter simplement ce qu*il en
escript, sans y rien adjouster du imen. Ycncy ^qu^il
dict ensuitte de ce qu'il a veu. ^
« J*ay aussi este à Âix, où Ton m'a faict Votr un.
compte qui af^roche de la fable. L'histoire .portçt^ue
-ce roy Charles (Charlemagne), lequel cette nation'
ose égaler à Pompée ou Alexandre et le sumcmune
. Grand j ayma ^rdument une dame, et sellonna te}<-
lement en proye à cet amour, qu'il en A vint tout
hors de soy mesme, négligeant et sa réputation (dont
il avait toujours esté très-soigae^ix) et le bien de; son^
Estât, n'ayant flm d'autre soin de mémoire nj de
pensée que de servir et caresser ceste nouvelle maisr"
tresse , au grand regret et extresme déplaisir de tous
ses meilleurs et plus loyaux serviteurs. Finalement,
comme il n'y avoit plus aucune espérance de guéri-
son (ce fol amour ayant bouché les oreilles de ce
fnrince devenu du ^out incapable de tout salutaire con-
seil), la mort de ceste dame survint inopinément,
dont toute la cour se resjouist bien fort et en cachette
toutes fois. Cette joie ne dura guères sans estre suivie
d'une plus grande tristesse , d'autant que l'esprit de
l'empereur se trouva saisi d'une plus salle et moins
excusable passion, sa fureur amoureuse n'estant nul-
lement amoindrie par la mort de celle qui l'avoit al-
lumée, ains se trouvant ceste aflFection première du
tout transférée en ce corps inort quelque puant ci
HV. ^
Digitized
by Google
. . ( 365 )
infect qu il peust estre, Ap-ès avoir faict embasmer
et parer le plus richement qui se pouvrât <5este orde
et immobile charoigue, ce pauvre prince y demieipa
si assiduement attaché, qu'il y perdoit et repos et
repas ^ se consommant jour et nuict aux £roids et fur
nestes emhrassements de ce tronc remplyde puanteur
et de vers. Et non seulement se rendoit inaccessi-
ble aux ambassadeurs des princes estrangers qui accou-^
roient de toutes parts à luy pour les aflFaires de la
chrestienté, mais ne permettoit Tentrëe de sa cham^
bre à ses plus particuliers serviteurs et prives doioes-
tiques ; affligés du deuil delà maladie et transport
* d*eaprit d'un prince si grand en toute autre chose.
Au mesme temps se trouvoit en la cour de l'emne-
reur un grand prélat^ archevesque deColoigne, aussi
recoinmandaUe pour sa doctrine, qu'illustre pour sa
preud'homie et grande saincteté de vie, qui luy avoit
acquis tant de créance et d'authorité qu'il cstoit le
chef du conseil et fort familier de l'empereur. A l'af-
fliction et transport duquel ce bon archevesque com-
patissant comme les autres loyaux sujets, eut recours
à Dieu après avoir recogneu combien tous les moyens
humains y estoient inutiles. Il commence à prier Dieu
avec larmes, aumosnes et jeunes à ce qu'il pleust à sa
divine bonté délivrer ce grand empereur d'une fu-
reur si violemment desreiglée. Ainsi continuant ses
oraisons, il se trouve consolé miraculeusement: il luy
arrive en célébrant la saincte messe (comme il avoit
de coustume de faire tous les jours), ayant baigné sa
poictrine et l'autel sacré d'un torrent de pleurs, es-
Digitized
by Google
( 366 )
paada infinies ardentes prières, que scnidain tme voix.
luy révèle qae la cause du tran^rt ^rieux^^ ce
pfînce estoil caclié sous la langue du corps vèàft^
près duquel il dHoit languissant. Ce sainct i^xuooe in-
finiment eajouy, son office a^evé, ascourt ^pt corps^
ft le plus secrettemcnt qu^l peust luj met la mam
en la bouche, arrache de dessous la langue une pierre
enchâssée ^ un petit anneau. Là tout à Tinstant ar-
rive Charles Tempereurponr y continuer son^exercice
%DCOiistumé; mais à peine estril entré qu^une horreur
extcesme de ceste charoigne puante le 0&it, de sorte
que tout frémissant il la fàict à grande haste enlever
pour l'aDer jetier en terre, et en son lieu court à ce
b^ prélat envers lequel toute ceste foreur d*amour
s^estoit jà convertie; il Tayme, il le chérit, il Fem-
hrasse , il ne dépend plus que de luy et lie s'^Dbjpeut
séparer. Ce que recognoissant ausisitdst ce sage arche-
vesque et -soigneux pasteur, résolut de se deffaîre de
ce que plusieurs autres moins preud*hommes eussent
tenu et serré bien chèrement comme quelque bonne
fortune. Et consultant sur le moyen de perdre ce qtHj|
perdoit son prince , craignit que cette bague ne rhit
(la jettant à Tadventure) en la possession de qnel-
qu'autre qui en abusast, ou que la mettant au feu il
n*en si}rvînt quelque désastre à Feiïqigreur, partant
jette ce maudict anneau dans le ^us creux des ma-
rests de ce lieu d'Aix, où lors estoit la court. L'em-
p^^!ur à Tinstant chârit ce maresèageux séjour, le
f«Gonmiande pour tme beauté particuUère oue Ipy
seul y recognoist, en devient si amoureux, qu*ij^esta-
Digitized
by Google
blit là $on séjour principal , et en faict le chef de
Tempire^ y faict ba$tir un beau et somptueux palais
avec une grande et riche église^ poin* n'obmeture au*
cun ornement et lustre tempcnrel ou ecclésiastique qui
le peusit décorer^ y achève le reste de ses jours ^ et
cnrdonne d'y estre enterré y après avoir tcmtes lois faict
une loy fort solennelle que la couronne et les autres
enseignes de l'empire romain seront à ^usjours con-
servées au thrésor de ceste église d'Aix. ^e la mesme
tous les empereurs s'en viendront revestir, y seront
sacrez et non ailleurs, ce qui durera (dict le statut)
tant que l'empire de Rome sera au pouvoir des G^-
mains ou Allemands. »
Cette histoire ne se trouvant escripie en aucun
autheurdu tempsdeCharlemaigne, sembleroit appro-
cher de la fable el de quelque compte faict à plaisir
si nous n'en avions leu d'aussi estranges. Je ne fay
point de doubte que Pétrarque ne l'ait trouvée dans
les archives de ceste grande et belle église d'Aix-la-
Chapelle , et qu'elle n'y ait esté mise de quelque
bonne main. Mais ce; qui fejt que Pétrarque ne Tosa
pas donner pour véritable, fut le doubte où il estoit
que cela se peust faire , bien qu'il assure l'avoir en-
core leue ailleurs. Il y a de quoy s'estonner que ceux
qui ont escript ^histoire de France ou d'Allemaigne
dès ce temps -là n'en disent mot. Mais nous recog-
noissons bien par les Mémoires qui se trouvent tous
les jours, que c'est dequoy nos vieux historiographes
seront les moins souciez que de nous laisser la mé-
moire des actions particulières de nos rois, et n'ont
Digitized
by Google
( 368 )
pour la plus part remply leurs histoires que de gestes
seignalez, d'effeds puUics, d'alliances , conquestes^
guerres, batailles ^ journées, victoires, abonchemens^
entreveues, trefVes, paix, traict&, entrées, trionaphes
et autres pompeuses et esclattantes actions dofii le
narré faict bruict , ravit l'esprit et Toreille , pare et
enfle le stile et peut acquérir de l'honneur à traie-
ter ^
DE LA CONCUBINE
DE CHMU^S VII, APPELÉE LA PETITE REINE.
(( Les amours de Charles YI, dit Sauvai (i) , sont
« moins à condamner par la licence que par leur sin-
<( gularité, puisque Isabeau de Bavière, sa femme,
«n'y consentit pas seulement, mais encore y aida
(( elle-même : car, comme ce prince, durant les accès
K de sa folie , la battait quelquefois, craignsmt pis, la
((fille d'un marchand de chevaux, par son, moyen,
« tenait sa place la nuit. Cette fille, au reste, était et
((belle et jeune, et d'une humeur agréable f si bien
(( que depuis, tant à Paris qu'à la cour, on ne l'appelait
((point autrement que la petùe reine. Elle eut une
(( fille de lui et deux maisons avec leurs dépendances,
(( l'une à Bagnolet, à une lieue de la ville , Tautre à
« Creteil , qui^ en est à trois (3). »
(i) Extrait des Amours des rois de France, p. 17 de Fédit
de HoIL, 1789, petit in-ia.
(2) Sauvai ajoute : « Or, le brait courait qét cette liHe si
Digitized
by Google
( 369 )
Cette anecdote est tirée d'une ancienne chronique
rédigée en latin, faisant partie d'un recueil de pièces
manuscrites de Du Puy, et dont voici le texte :
Eo^ historié wtœ Caroli FI. M. S. Cap, vltimo.
Qsna tamen occasione suce infirmitatis {^sciUcet
régis) dubitabatur non modicum ne in personam
régime aliquid sinistrum committeretj secum dor-
mire non sinebatur; sedj sibi dataficit in concubi-
nam quœdam pulcherrima delectabiliSj et placens
fuçenisj Jilia cujusdam mercatoris equorùm j de
ccnsensu tamen reginœ^ quod^aldè videbatur ah-
sonum.Sed considerans mala^quœ sibi imminebant
propter verberationes et oppressiones qUas secum
pertuleratj et etiam qubd duobus malis propositis
minm est eligendumj iUud tolerabat. Quœquidem
filia competenter fiiit remunerata^ quia sibi fue-
runt data duo maneriq. pulchra cum suis omnibus
pertinentiis j siiuata^ vnum h. Creteil, et aliud à
Bagnolet : et ipsa vulganter vocabatur paJdm et^
publicè parva regina; et secum dià ^tit^ Susce-
pitque ab eo 'unamjiliam quam ipse rex matrimo-
nialUer copulavvt cuidam nuncupato Harpedenne,
belle, sans se soucier d'être battue , tenait ainsi compagnie
au roi ; la reine, de son côté, tenait aussi bonne compagnie
à un grand prince dont elle ne craignait point les coups. La
Chronique scandaleuse assure que ic'était le duc d'Orléans y
frère da roi, de son mari, etc.. »
I. 9« Liv. ' ♦ ^4
Digitized by
Google
(370)
cmi dédit dmnmium de BeUeville in fèGtwia^fiKa-
^ae vocabaiur domiceUa de Belleville.
Cette femme se Aomntiait OdeUe de Champdè^^s^
La fille qu'elle eut de Charles VI fut reconnue et
mariée sous le nom de Marguerite de Faims. (EàM)
LES REGRETS ET VIE
DE LA DUCHESSE DE BEAUFORT,
DiTulgoex en l*an 1597, lors de la ptlse d^Amîeas (i).
Ceux qui jugent par £^parence , qui préfèrent les
richesses au repos, les grandeurs à rhonneur, etk
vanité à la vertu , admireront ma bo^ne £>rtune; car
(i) Extrait 4'uD Recaeil de pièces manuscntcs relatives à
l'histoire de France , provenant de la Collection de Fevret
de Fontette, et qoi fait maintenant partie de notre cabinet.
La belle Gabrielle n'avait pas moins d'ambition qœ de
tendresse. II ne Ini suffisait pas de régner également sur
^l'esprit et sur le cœur de son royal amant, elle aspirait en-
core à ligner sur la France; elle convoltâdt nue ronronne ;
et Henri IV, ivre d'amour, pensait déjà à Im sacrifier Mar*
guérite de yak)ii5, lorsque la surprise d'Amiens par un parti
espagnol arracha le roi des bras de cette dangereuse beauté.
La nouvelle en était parvenue à la cour le 12 mars^ veiik
de la mi-*- carême iSgj^ et les plus rives larmes y avaienl
succédé tout à coup aux plaisirs ^n bal, <ie la taUe, ée la
galanterie svrknM, q«i semblaient seuls alors captiver le
coeur éa monarque» Mais la France , sa plus noble «•■-
qpéte, était menacée; le héros s'était réveillé au coàp ptftî
Digitized
by Google
. ( 371 )
leurs âmes ambitieuses, qui font leur souveiain bien
dés Irësors, n'ont aucune connoissance d'autre bon*
beiir; mais les yeux clairvoyans, qui postposent ce
Détail trompeur dont la jaune couleur aveugle les
plus simples^ à mes ennuys prësens et à nigs appré-.
bensions futures, au lieu de priser mes conteptemens,
m'ayderont à plexnrer mes peynes. Il n'y a à la vérité,
celuy qui me voyant belle et en fleur d'aage, et amie '
d'un grand iroy, n'estime ma condition fort beureuse^ .
un chacun court poar me veoir, pour me liuer, pour mé
d'ÂraieBs, en s' écriant : « Ce coup est du CieL Ces pcuwres gens^
pour amir refusé une petite §armson que je lew^ ai çoulu bail/er,
se sent perdus. Puis ( ajoute l'Estoile qui rapporte ce fait )y .
songeant un peu, dit : C'est assez fait le roy de France , il est
temps defmre le roy de Naçafre; €t se tournant vers sa mai-
tresse qui pleurait, lui dit : Ma maîtresse, il faut quitter nos
armes, et monter à cheoiU pour faire une autre guerre,- comme U ,
fit dès le jour même, marchant à la tête des siens et lepre-
^ ^^ cette circonstance de la surprise d' Amiens que
fait âl/tfêîon le titre de Regrets, supposés, de la duchesse de
\Be0i^rt, qualité qu'on donnait alors à Gabrîelle d'Estrées.
jQuoiqfué cette pièce ne soit qu'une iMitire^ où le roi n'est
pas iplés épargné que sa maîtresse, elle ne nous a point paru
înIdfffîDe de l'histoire , parce qu'elle tendait à prévenir une
h^ffke folie, parce que le thème en est vrai, et que , dans
IPaiciiertome d'un repentir réel , la duchesse aurait pu dire ou
{>en^r, à peu de chose près, tout ce qu'on lui fait dire ici.
\li^S notes sont de l'éditeur C. L.
yi^ournal de Henri ly, par l'Estoile, mars iSgy, t. a,- p. 3^9 de IVdit.
difci Haye, 1741. * '^ - - • *
t. «;
Digitized byLjOO^lC
(370
reipierir àe grâces. Les grands me désirait,!^
m*envtent, et tous ensemble me repaient bi
mise. Je suis le but vers qui tous les jeux pi
^^miour se dédient, mesme celles dont
les actions sont plus honorées. Mais o cid
Cuit! do]|^ les événemens inconnus sont à
les justes jugements infaillibles, tu sçais en.j
de sortes ces prospérités me sôivt traversée^
bien si le temps présent me contente^ la mé
passé me ti^waille , et Tincertitude dé Tad
tourmente : le jour dont tu nlanifestes à tm:^i
rite de mon crédit ne sert que d'esclairw
et la nuict dont tu satisfaits à quelques ^
remémorer les offenses faites a la vertu; ^j
ibrmer un tesmoignage de la vie de ma. m
avaUture de sa fin , la quelle, ainsy qu'on
laissa joiiir au plus ofirant et dernier eft^Bâci
, convenant à mon pucelage , que j'avûb à soi
regret gardé l'espace de quinze années avei
nombre de mil escus dont le roy Henry d
cédé fit porteur le sieur du Bouchage, m
France , que je n'oserois regarder sans
chant le tennoin et le spectateur de
mes fautes continues n'âvoient aCcreu l^ii
Mais on ne peut contrevenir aux deftinéés^ Ï4Î
la jeunesse et l'exeiAple de nies plus proches
çoient, incitoient , faisoient résoudre : ^ussy
je de telle façon qu'à mon intérest j' tout,
s'entretient de mes folies, et ii'aj eu en p(Bu
rien à peproctenl n^ mère y tante p sijëiirs,
;^
W
'*i
Digitized by
Googre
, ( 373 )
les unes et les an^QS en divêr^lé de «objets aifem
prodigalement dèparty leur courtoisie, et glorieuse*
ment excellé en leur art ; si bien qae de main' en
main je suis parvenue en celle de ce grand roy, tant
faTOfisée et aymée, qu'il semble que le Ciel, pour
piim^ me§ erreurs, m*ait expressément eslevèe en
cette Iiauteur pour rendre ma chutte plus remarqua-
ble» Car de m'y conserver plus longuement est hqrs
d'espérance, ayant failly tant de belles occasions, et
ne me pouvant persuader, tant mon ame craintive
augure plustost le mal que le bien , qu'un roy dont
les subjets propres' controllent les actions et du quel
la soldatte humeur n'est gueres propre aux délices «^
d'amour, je le puisse longtemps maintenir en upe vie
oysive, et telle que le bien et advancement de mes
affaires le requerroient. Je scay d'autre costé le mau--
vais dessein de plusieurs pour le destourner, s'ils ap-
perçoivent tant soit peu de son consentement, ou bien
qu'ils trouvent qui veuille porter la parole comme le& .
ambassadeurs de cette vieille reyne (i) notre vdisine,
la quelle blasmant en autruy ce quelle approuve en .
elle mesme, en a fait toucher quelques mots tcmchant
Digitized
by Google
( 374 ) .
qoi n*e9l pais fort fwptwwhk à sai eouyoïce. Car de
ine praoKCtre oq cTeapérer une lëgkikne isaae de c^
anour, et Teoîr ooaYert im ooi]qple si dissemblablçTcfe
flenr de Ijs, aoroit ae flatter et iromper tout enaemnle^
Le rojr auquel mqa flatteoses dcœpdoiis fittt tout ap^
|Koiivery ne IV aaë proposer en eette assemblée, âî^P^^
qa*il Fenst priiM^qialenMmt cofiY(Mxpée pour ce w^Bt.,
m'estant à demy persuadée qiie le desùr nniyeisel'tttt
lojamne aooepteroîi plos volontiers mon Caesar (i)^ ja
grand, qo*nn qui fbsl à concevoir, et dont Va^tente
poDiToît canser de noayelles prétentkHis entre cet op-
dre de princes tant désireux' de r^ner, ne considé^
rant et n'ayant esgard qœ mon paternel UsayenI es-
toit procorear deMonstreoil, et que du costé maternel
Foiigine de ma noblesse seroit pins difficile à proaver;
sins me semMoit qœ l'amoar esgaloit toutes dboses^
Je me fiçoroîs un Henry VIII, roy d'Angletene^
amoureux d'Anne de Boolen marquise de Rockefbrt^
• non Baoîns belle que moy et aussy débordée, pour la
quelle il répudia Catherine d' Arra^cm , en ayant une
^fiUe ; et ne me semblent du tout inqMSsible et hors
de r^san que Henry lY, roy de France, se sé^Murant
de Marguerite de YiJcms, qui est stérile, n'eqpousast
Gabrielle d^Sstrée, qui est enceinte et portant im
dauphin sons son griffon. Aussi me vois je traîlrlée de
mesme qu'une reyne épousa/^ soliditm, me levant e^^
-^
tr
(i) César, doc àe V^ ea ii»
roi. 11 avait alors deux ai
*. nigitizedbyLjOO^l^
«
( 3:5 )
couchant^ huy S ouiierts, dans fes litjs où les lé^timas
embrassemen^ som sailement permis^ ne manquant
qu^uQ^ bieA petite oérëmoBia d'uni prestre pmur
l^c^ndbee mon contememeiift cai perfections Mais je
n^ay d*av^^ eosiiâ €%ard que ce garçon^ sur le ijnel
repose le plus solide fondement de ma i^auté, est
fiils ppësomptif de plusieurs pères dont Tombrage cet
parvenu jusques au rojr et son ^fpcéimaskoJk juagnes à
nu>y> lorsque le jpur du baptefinoe il fil refiosale nom
d' Alexandre (l)r de peur que le so^om, de Grand
ne confirmast Topinion qu'on ai?oit de la véritëi; et*
]yf adanie (2) , qui né taist que fert peu ie diesq, en
le ctmtemplant ai ^m ibrmé pour le temps ^ pto^
no(Qiça qu'il vivroit ,. <^r sans donte il estoit à tenne^)
et plusieurs antres railleries qui pQurroient abbaîsser
ma présmnptiou si li^ imaginées grandeinrs ne m'ei:^
sont osté dtt tout la raî$on et le jugemexit. Mais qm
s'en)f>e$Qheroit de se mëcomioistrey si; quel eourage
n'esleveroit son ambition pour se veoir flattée et avoir
pouvoir sur toutes sortes de personnes de toutes qua-
litez et dignitez; un roy ei^ public et en particulier
ordinairement près de moy, plus soigneux de me sa-r
tis&ore que de préveoir à consçirver son royaume ^ le
• î^ ■ . . * "
(ï) U k donfîd^ am^bi^vj^r de Ve«4ôwft ♦ frèçe pu|oé:d«t
César^
(2) Cathierine de Bdurboû^, princesse de .Navarre, iomit
de Henri ly , qa'^A appielait alors M^4^ie^ et qui fut depuia
doiçhea^e de Bar^ par $oa mariage arec Henri de Lorraine,
duc de Bar, en janvier iSgg.
Digitized by VjOOQ IC
«.376)
WÊOj et pour les miais que ce
'; un chancelier (i) dont les
ii^ sc^Uest que ce qu'il plaisi à madame de
^ ,4 ai* taBAe; ud mareschal de France mon beau
^ ^ ^i)^ attBoit heureux en sestftutres exjdmts qu^en
>^^ ntfâige; un duc d'Eq>emon autant mon amy
,^:i ht hast jamais de ma sœur Diane; un seigueur
j# Aoqaelaure mon [Nroehe allié (3) du costé de maf
9i«yr Fabbesse.^ref tous ceux qui peuvent faToris^r
fifcedever mon «dessein en sa splendeur so^t mes af*
fecti(mneE en effet ou bien en semblât, excepté ceux
^ pour eux ou leurs parens hument Tair de cettQ
eonronne , voire mesme les huguenots sont h teloj,
tam ils craignent Tinfante pour reyne, et l'inquisi-
tion pour dot , dont, je me - suis longuement et viye-
nient entretenue en cette espëraoïce, scachant aussy
qu'une petite batteirie feroit grande hresdie k sa fer«
metë se je luy iaissois par trop approcher cette nou-
(i) Ptiilippe Hnrault de Cheremî.
(a) Jça» de Montluc, seifueor de Balagny, comte d^Or-
bec, prince de Cambray et maréchal de France , qai avait
époosé Diane d'Ëstrées, sœur de Gabrielle, laquelle, parsôn
avarice, causa la perte de Cambray, et en mourat de dépit.
^3) Vraisemblablement Antoine de Kotpielaure , bon ca-
pitaine, fin cwrtisan, qni, après avoir gagné les bonnes
grâces de Jeanne d' Albret, devînt le compagnon d'armes de
son fils , et jouit de sa confiance, qu'il mérita. Henri IV le
fit maitre de sa gaoderobe, maire perpétuel de Bordeaux^ et
lieutenant - générait en Guyemie ; mais il ne fut marécbàt
qu'en i6i5^
Digitized
by Google
( 377 )
vdle connestable, dont je scay qu'il a le cœur
chaud, et le compère froid aux pieds j j'y ay pour-
veu si accortement que je n'ay à douter de ce costé
là. Mais l'exemple de la Fosseuse et de la comtesse
dëlaGuiche qui l'ont autant et si longuement possédé
comme moy, des quelles maintenant, pour me penset
obliger, il n'a souvenir que pour se mocquer, faire
des contes pour récompense , me l'a fait appréhender
pareille en mon endroit, et que sans doute il me
rendra Ja risée du peuple et de mes envieux, non
sans me procurer comme elles prou de larmes, si
cette vertu martialie qui le fait régner s'^nveillit plus
lojQguement par mes in^diques volupiez. Le roy,
pour parler sainement et sans mon préjudice particu^
lier, ne doit plus mener une vie si reprouvée. Dieu
le défiend et les hommes l'ont en horreur, et je ne
doihs servir d'obstacle à son salut et au bien de l'Es-
tat qui languit ppur notre pechè. Je juge beaucoup *
mieux maintenant des yeux de l'esprit, que la sen^
sualité ^gloit aveugler, combien est mieux le dessin
fondé sur l'opinion ; je vois prophétiquement le peu-
I^e animé conjurer ma ruine, ma gloire ravalée,
mon crédit fàilly, ma beauté méprisée, mes partisans
honteux, sans le regret que j'auray de me veoir attri-
buer tous les desastres advenus à la France , depuis
mes adultères amours. Ceux qui m^tenant sur mes
actions fondent la bienséance, me^gnaleront pour
un monstre et pour le patron de la difformité. Il faut
que le roy se ravise , el que cette profonde létargie
qui luy a diverses années fait oublier et mépriser ce
Digitized
by Google
(378)
qu'il doh à sa renommée , ne retienne plus ses sm
eagoordis , ny la 8up{Jicauon de ses misérables suints
sans effet , les <}uels tous les jours kijr désirent ^
aicoesseur», dont Die» bénisse lu nussance et la
ooneeptioQ y et dont les vertus de la M3re soient di-
gnes de leuv grandeur; soit de celle (i) qui^ pcvrle
DiaUieur de k France ou quelque aatipathie »iw«e
de leurs ekesira^ la tenae quel(pe temps aépaiée^o»
* bien de telle autre cpa*il semblera bon au saint Ȏffi
de hiy permettre : à quoy donc, durant ees tempesieSf
auray )e recours? Celuy qm maintenant; ésoeM
mieiix percbre .la Picardie qne note fausser, aifli^
mieux tout autre compagnie que mcTenit'veoirv^
la mémoire de sa vergongne peinte en ma 60^ %
aura par trop en horreur, et son premier coa^ de-
Teloppèdes moyens de la volupté craindra de lecfcôoir
es prisons d'où il sera sorty. Mon père est jaito,^*
son iftcapacàtéde jugement assés remaïqnaUe en b
nourriture (a) de ses enfants* Ma mère n'est pte? ^
sa fin a couronné sa vie^ et le peuple éSlf^^^^ ^
vangé sur elle le tcart quelle fàisoit à sovrmnevt.
MonGoesar est petit; mon frère est «fc sot; mes *^^^"^
sont au bordeau; nos obligez seront ingrats, et»^
deux tantes qui suivent ma bonne fortune, doB»*"^
a gouverné la principauté, la ncdîlesse et le tiers estalr
(i) De Marguerite de Valois. Le reste de la phrase pa-
raît avoir été tconcpié ; maïs nous ne changeons rien aa
noscrit.
(2) Uéducation;
Digitized
by Google
( 379 )
et l'autre la justice, suivant ladëcadence de leur em-
pire, se retireront et me laisseront du costé du vent,
qui, retirée en mon marquisat avec mon fils de pu-
tain , auray prou de loisir pour entretenir mes pen-
sées et veoir esvanouir ma beauté , visitant mes cabi-
nets es longues allées que j'ay maintes fois [N:omeuèe&
dans un cbariot découvert, le roy àmon costé et loule
la noblesse de la cour teste niie après. Cette souve-
nance sera suffisante pour me phastier de mes démé-
rites, et cette cbeute de mes premières prétentions, im
condigne chastiment à mes folies. Je coiinois Thu-
meur du roy, mesconnoissante s'il en fîist oncques, le
quel me laisse faire pour un temps, sachant bien que
j'auray à soufirir si sa fin me trouve dépourveue, qui
seroit le comble de tous mes malheurs, et d'autre
costé que l'absence est le vray remède de son amour.
Aussy Dieu m'est tesmoing si je Tay tant aymé dV
mour, que pour l'espérance des biens et des honneurs
de mon fils, du quel je prevoy aussy bien que de moy
la fortune mal appuyée , si monsieur le connestable ( i ) ,
du quel la race est ^i possession d'espouser les bas-
Ci) H^ri de Montmorency^ second fils d'Avvie y 4onl
Henri IV acheta la soumission au prix de l'épée de conné-
table, qaHl lai donna en iSqS. Ce fut lui qui reprit Amiens
sur les Espagnols, dans la circonstance dont il s'agit ici. On
a prétendu qu'il ne savait ni»lire ni écrire ; mais il sut gou-
verner en souverain la province de Languedoc, où il exerça
pendant vingt ans une autorité plus puissante que celle du
roi mêmev
"• „ '. ,,,^^ t. • * ■ j. ' «* Digitizedb^VjOOQlC
( 38o )
tards de France (i), ne persiste en l'opinion qu'il a
de mon alliance. Aussy ne veux je rien laisser es-
chapper tandis que le vent me dure à tout rompre;
et tandis que je flotte à souffrir, j'am^y chèrement
vendu mon honneur, acquérant de quoy faire une
retraite assez helle, et de quoy causer plus d'envie
que de pitié.
DB lA C0NSPIRATI0T9
DE LA DUCHESSE DE VERNEUIL,
HArTRESSE DB HENRI IT,
el de la soustraction de la promesse de mariage qae ce prince
lui ayait faite (a).
François de Balsâg, l'un des chefs du premier
^ëge de Sancerre, et connu à la cour sous le nom de
^ieur d* Entragues j n'en possédoit pourtant pas la
terre, qui fut portëeen mariage par Jeanne deBalsac,
sa tante , à Claude d'Urfé , bailly de Forest ; mais il Faf-
(i) Allusion au mariage de François de Montmorency,
frère aîné de Henri ^ qui avait épousé Diane lëgîtiniéc de
France, fille naturelle de Henri II et de Philippe Doc, de-
moiselle piémontaise. Elle avait été mariée en premières
noces au duc de Castres.
(2) Extrait des Additions de le Laboureur aux Mémoires de
Castelnau, t. 2 , p. 65i , édît in-f^de iGSg. La conspiration de
la marquise de Vemeuil eut lieu dans les derniers mois de
l'ai^née iSgg, par suite de la négociation du second mariage
du roi avec Marie de Médicis. {Eâît C. L.)
( 38i )
fecta en mémoire de ses ancesires qui Tavoieni rendu
illustre , et le préféra à celuy de Marcoussis et d'au-
tres plus grandes seigneuries. Guillaume de Balsac son
père s'estant attaché à la maison de Lorraine, à cause
de la charge de lieutenant de la compagnie de gen-
darmes de François duc de Guise, il suivit la mesme
inclination envers le duc Henry son fils, et il s'y en-
gagea d'autant plus qu'il n'estoit que d'avoir un patron
de sa vigueur, dans un temps auquel un mérite sans
fsLCÛon esloit sans lustre et sans estime j et que par ce
moyen il parvint aux premiers honneurs, ayant esté
fait chevalier du Saint-Esprit dès la première création.
Estant revenu à l'obéissance du roy Henry IV, il der
vint encore plus puissant et plus considéré par: k
moyen de la marquise de Verneuil sa fille ; mais comme *
il n'avoit souffert les amours du roy avec elle que sur
l'espérance d'im mariage dont Henry luy donna Im
promesse par escrit, s'en estant voulu prévaloir contre
la puissance d'un prince qui n'avoit eu autre intention
que de flatter l'ambition du père et de faaroriser 1^
bonne foy de la fille, il se laissa enfin persuada de
jfàire im 1)arty d'Estat sous le nom du fils qu'elle avoit
eu du roy. Les avis que ce prince en eut, ne le nàr
rent pas tant en peine que les' re&s dédaigneux de tâ^
marquise, etil ne s'en servit que pour soimiettre cet
esprit alti^r par la néçesâté de sauver son père et sa
maison d'une ruine inévitable. C'estoit une quereUe
d'amour déguisée en affaire d'Estat, et poussée de *
toute l'authorité d'un roy qui ne çroyoit pas estre^si
heureux dans le dessein qu'il avoit de trouver quelque
Digitized by VjOOQ IC
( 382 )
crime sous la poursuite duquel il se put faire rendre
sa promesse et rëduire cetiè famille , mais principa-
lement la marquise , à sa discrétion. Il communiqua
secrettement cette affaire au prévost Defunctis avec
des tesmoîgnages d'une passion extrême de pouvoir
perdre le sieur d'Entragues, lors relire dans sa maisan
-deMarcouœis où il se tenoit sur ses gardes, mais qui
n'estoit pas tm^lieu pour estre à l'abri d'une si grande
puissance 9 ni pour receler des thresors de l'impor-
tance de ceux qui s'y trouvèrent. Il luy ofiirit dans la
chaleur de son dessein dix canons et cinq régimens
pour emporter cette place de force; mais le prévost
plus prudent en ce qui regardoit la fonction de sa
charge, luy fit entendre qu'il falloit plus d'adresse
que de force, et que croyant opprimer un coupable,
il le rendroit innocent en luy donnant du temps pour
jn>endre résolution sur le sujet dusiége, et pour brusler
tout ce qui pourroit servir à sa condamnaUtm, et ex-
cuser la violence qu*on luy auroit faite.
^ Le roy contraint d'advouer qu'il n'estoit pas si ha-
bile au mestier de prévost qu'en celuy de conquérant,
luy laisse la conduite de toute l'affaire, luy accorde
quinze jours pour l'exécution de ses ordres, et luy
,|romet ne n'en parler à personne , non pas mesme à
la reine. Pendant ce temps- là le prévost însiruit un
archer, qui fait le soldat estropié, et qui s0us le mas-
<fùe d'une fmisse jaunisse, gueuse huit jours au village
de Marcoussis, espie ce qui s'y passe, void les trois
ponts tous jours levez, et observe qu'aux jours maigres
QliiNlLbatioit la planchette pour prendre du beurre irais
Digitized by VjOOQIC
( 383 )
et'defs (toés de qttelques f(^atïiies qui en apporiedent.
Sur œfe Defunctis fait son dessein; il envoyé tjuerir
à Jouy ehez le marquis de Sourdis, qu£rïi« habits de
villageoises; il vient après luy même à Jouy avec
quarante ardbers , <et y prend un ^de qui le .mené
droit au lK>is qui joint le paro <ie Marcoussis , où il
dresse une l»nbtiseade, et pour plus grande sûreté y
retieiELi le guidé ^ et fait partir quatre archers d^uisés
en paysannes, qui vienhent de gl^and matin au premier
p&nt avec leur heurre et leurs œu&.Ije cuisinier leur
abat, les planchettes; mais avec le beurre quV>n luy
ntontre y on luy présente aussi le pistollet à la ^(^e
a>~ec menftoe de le tuer :s'il ose dire un mot» La porte
ainsi saisie ^ans bvuk^ le prévoit arrive avec partie
de ses gens, se coule de la cour à la montée , oii il
ameste le valet de chambre qui descendoit, «t ^|ui
av;oit kiss^la chambre ouverte. Il luy defTend sur la
vie de parler, «t le mène avec luy suivi de quatre ar^
chers^ a^^rès ten avoir mis huit dans ia salle et quatre
autres dans Tieatichambre. Il laisse les quatre icy^ à
la porte de la (^xaml^e où il entre seul avec k valet,
et attend une het&e que le sieur d'Entr^^es s'4veiUe;
lequel criant qui est*là? il repond, et en métâe temps
tkre le rideau. Si jamais prisonnier d'Esté fut cons-
terne, ce fm ce seignem*^ qui crut que le roy avoit
résolu sa perte , et qui fit tout ce qu'il put pour gai-
^w le prérost, qui, de sa part, fit ce qu'il put aussi
pour le oon$oler, le priant nëantmoins de se vouloir ha««
bilfer, et ayant fait vuider les podbes de Thabitqui hiy
estoit préparé , retint les papiers et luy rendit ses cfefi.
Digitized
by Google
(384)
Le neur d'Entragues ëtant levé, voulut fouiller àsa&
une armoire qui estoit dans Fespaisseur du mur der-
rière la tapisserie vis à vis de son lit, et en estant re-
fusé , il dit avec mille instances que c'estoit pour en
tirer un bail de bois qui luy importoit de vingt mille
escus s'il ne le délivroit dans trois jours , et qu'il l'a-
voit destiné au mariage de sa fille. Il luy déclara enfin
que la fortune luy avoit ce jour là mis en main son
honneur et sa vie et le salut de toute sa maison y et
qu'il trouveroit dans une cassette qui estoit sur sa table
pour cinquante mille escus de pieiTeries appartenantes
à sa fille ; qu'il luy donneroit de grand cœur avec
serment qu'âme vivante n'en sauroit jamais rien, et
de luy en cstre toute sa vie intiment obligé, pour
la seule grâce de luy laisser prendre le papier qu'il
demandoit. Le prévost inflexible s'en estant excusé
sur son devoir, y mit le scellé, laissa garnison au
chasteau, et le. conduisant à Paris, envoya en poste
advertir le roy, qui luy manda de le mener droit à la
Conciergerie duYalais, et ensuite luy ordonna d'aller
prendre les papiers. Comme il en avoit laissé les clefs
au sieur d'Entragues, il les luy alla demander,* mais
pour éviter le reproche d'avoir rien supposé, il voulust
encOTe obtenir de luy qu'il luy nommast un des siens
en présence duquel il pust faire l'ouverture de Tar-
moire et la description des papiers, comme il fit en
présence de Gautier, secrétaire du dit sieur d'Elntra-
gues. Il y en avoit de diverses scMtes; mais la première
liasse sur laquelle il mil la main, estoit la plus imipor-
tante, qui eontenoit cinq pièces, sçavoir le chiSre du
Digitized
by Google
( 385 )
Toj d'Espagne^ une lettre du mesme roy en firtnçais
adressante à M» d'Entragues, signée jro il Rej-j une
autre toute pareille à la marquise de Vemeuil , et une
troisième au comte d'Auvergne. La dernière signëe
tout de mesme estoit une promesse de ce roy en fran*
çais^avec serment solennel qu'en luy remettant entre
les mains la personne de M. de Verneuil , il le feroît
reconnoistre pour dauphin, vray et légitime succes-
seur de la couronne de France , luy donneroit cinq
fwteresses en Portugal avec une administration ho^
norable, et cinquante mille ducats de pension^ qu'il
donneroit aussi aux dits sieurs d'Entragues et comte
d'Auvergne deux places fortes, et à chacun vingt
mille ducats de pension, et les assisteroit de toutes ses
forces quand l'occasion s'en présenteroit»
Tout cela paraphé de la main de Gautier et porté
au roy, qui reconnut d'ahord les chiffres d'Espagne:
il tressaillit de joie, embrassa par cinq fois le prévost,
comme celuy qui luy avoit rendu le plus signalé ser-
vice qu'il pouvoit souhaiter, et envoya les pièces 4iu
procureur-général pour haster ce procez. Cependant
le sieur d'Entragues, qui sceut que tout estoit décou-
vert, tomha dans le dernier désespoir, et ayant mandé
Deiunctis, qui y vint avec permission, il luy dit qu'il
estoit perdu si le roy ne se vouloit contenter du pa-
pier qu'il avoit tant eu d'envie de tirer de ses mains,
et qu'il luy rendroit enfin sur la seule assurance de
sa vie. Le roy l'ayant plis au mot , et averti du lieu
où il estoit, y envoya sur le champ le sieur de JLo-
ménie, secrétaire d'Estât, qui tiîbuva ïâ'promesse de
I. 9« Liv. • 2 5
Digitized
by Google
( 386 )
niariage dans une bouteine de verre enfermée d^tme
outre bouteille aussi de varre sur du coton , le tout
bien bouché et muré dans une chambre de Mar-
coussis. Après cda ce prince, satisfait d'ayoir ce qti^il
demandoit et de voir à sa mercy la marcjuise qu^il
aim<Ht encore, voulut assoupir Fafiaire; et le parle-
ment au contraire voulant, sous prétexte de punir un
crime d'Estat, rom[»^ cette amitié qui se renouott,
s^o[Hniastra juscjues à donner arrest de m<n:t contre le
sieur d'Entragues et ses complices, et à ordonner que
la marquise seroit rasée et confinée entre quatre mu-^
railles; mais il n'en fut autre chose, et 41 nVn cousta
à cette dame qu^une rousée de larmes au lieu du sang
de son père , qui furent bientost ressuyées du soleil de
la cour, et toute cette tragédie se termina par un
incident tr^comique.
Peu avant la mort du roy, la marquise deVemeuil
ayant besoin de protecticm contre les ressentimesos de
la reihe pour demeurer à la cour en quelque consi*
dératicm , elle écouta les propositionis de maidi^e que
luy fît le duc de Chevreuse, qui la payade son incons-
tance ordindbre.Le duc de Guise son frère vint après ^
et la chose alla jusques au cpntract de mariage. D
prétendit depuisf qu^U estoit faux^ mais le 1 5 de a^
tembre i6io, elle le représenta enorigmal chez le
comte de SoLssons, en présence du cardinal de Joyeuse
et du duc d'Espemon, signé de deux notaires, d*uii
pi«8ti9e et des parties* Il est Vtay ipie les deux notaires
estoient fort vieux, sQitqu*(ni les eust choisis à dessein
ait z^,\quel<an estoit inort; mais que Tautre encore
Digitized
by Google
(387)
vivant , mais moribond , désavouoit d'y avoir assiste.
Quoy qu'il en soit, la marquise réclamoit sa bonne
foy, et troubloit le traite de son mariage avec la
douairière de Montpensier, qu'il ëpousa néanmoins,
après qu'on eut assoupi ce différend par Iqs remons-
Iran ces qu'on fit à cette dame^de ne se point com-
mettre à l'extrémité avec un prince qu'Ole pourroit
conserver pour d'autres intérests , et qui estoit assez
puissant pour disputer ce parti contre le comte de
Soissons, qui s'y opposoit dans la crainte qu'il ne tra-
versast en faveur du comte de Vaudemont son parent,
l'alliance qu'il méditoit entre son fils e|» l'héritière du
duc de Montpensier. La reine , qui n'aimoit pas le
comte de Soissons , et qui appréhendoit la grandeur
de sa maison , portoit de toute son authorité la re-
cherche du duc , jusques à dire tout haut que M. le
comte avoit tort de vc^oir oster à M. d'Orléans sa
femme , après luy avoir osté son gouvernement. Pour
cette raison elle menaçoit la marquise, et elle mania
tellement l'affaire par l'adresse du président Janin , qui
s'en entremit, qu'elle l'obligea de s<
de cesser ses instances sur im droit (
maintenir avec si peu de crédit. Bie
Guise de ce que le procès se vuida ,
car le roy Henry IV n'eust pas n
pour rendre valide un mariage .s
pour les biens, él pour abattre par le
(f une maison <pi'il n'avoit pu détri
et de laquelle il avoit de faucheux ressouvenirs.
Digitized
by Google
( 388)
DES REIATlOnS SUPPOSÉES GALAlinrES
D*ANI!ÏE D'AUTRICHE AVEC LE ÎDUC DE BUGKINGHAM,
KkClT DES INCIDSNS &ECaKTS
facililèreat U prise de la Rochelle par le cardiflS de Riclielieu (i).
qui
Jt
Le comte de Hollande eût été rhomme* de son
temps le mieux fait , si le duc de Buckingham n^eût
pas vécu. Ce dernier, avait dans la mine et dans les
manières (juelque chose de plus grand , et l'autre quel-
ipie chose de plus doux. La faveur du roi Charles I"
avait joint à la grande naissance de Buckingham, les
biens, les charges et toutes l,es distinctions quun sor
jet favori peut espérer d'un maître magnifique; il était
amiral d'Angleterre, premier gentilhomme de la
chambre, premier ministre, et fort jeune : son^naître
l'aimait tendrement, et le comte de Hollande, qui
* "1
ité le cœur de la comtesse de Clarik,
ime ami, par la manière dont il sut lui
nquête , non comme un rival faâ>le et
is comme un homme plus sen^ble au
mi, piquë d'une véritable pa^ion^ qu'à
li disputer une maîtresse, qui en. savait
: pour lui donner alternativement bien
(i) Extrait du Recueil A, i'« pièce.
/ .
Digitized by VjOOQ IC
(389)
0
des espëran^ j beaucoup d'amour et encore plus de
jalousie.
La France et TAn^eterre avaient eu bien des de*
mélës; ces deux royaumes avaient essuyé de longues
gucOTes^ et pour cimenter Tanion que Ton croit, mal-
gré Tusage du contraire y que les mariages devraient
mettre entre de^x couronnes, celui de Henriette dç
France ftit proposé , et le comte de Hollande nommé
pour le venir négocier. Il eut Tobligation de ce choix
au duc de BucLin|;ham. Cet ambassadeur parut à la
cour avec toute la magnificence convenable à sa nais-
sance, à la dignité de son emploi et à l'importance
dufaitidont il était chargé.
M"* de Chevreuse avait pour lors sur l'esprit d'Anne
d'Autriche, .reine de France, un pouvoir absolu; elle
était surintendante de sa maison et sa favorite d^la-
rée. Le comte de Hollande gavait trop le manège
des cours pour ne pas essayer, par toutes sortes de
moyens, de se faire ime entrée chez M"* de Che-
vreuse; il en vint à bout. C'est un merveilleux appât
pour tffie dame affamée 'd'afiFaires, et nourrie dans les
intrigues , que le secret d'un ministre qui fait confi-
dence de partie du sien , "qui veut plaire, et qui sait
mêler le jargon d'un homme galant avec^l'importance
d'aune grande négociation.
Le comte de Hollande traitait publiquemeni avec
le cardinal d^ Richelieu, et voyait secrètement M"*' de
Chevreuse; par elle, il était informé d'une infinité de
choses relatives au succès de son emploi; et il ne fut
pas long-temps sans découvrir que l'extrême poids du
Digitized
by Google
C 390 )
gouvernenent de VEtM^ dont le cardi||j|| de Ricbe-
Ueu ëtait chargé, avi
ce grand hon^tie le
table et malhenreusi
poQYait soafiBrir. Le c
par les dépêches du
ment de ce qui r^
panieolier des intri^
avec M"* de Chèvre
son anû. La comtes8<
de la reine, fort atti
aucun des mojens p
chait de cette prina
tesse de Lanoy le commerce intime du onme de Hol-
lande et de M*"* de Qievreuse, et ne songea qu'à finir
la négociation, afin df renvoyer promptement le né--
gociateur; mais Tamoq^ a ses martyrs comme les ai]^
très divinités; et quand Fambiticm, la vanité et le
goût pour les femmes se fi)urrent ensemble dans les
suaires, les resscxrts de la politique lajmieux arrangée
sont souvent déconcertés.
Le mariage d'Henriette de France et le traité ep-
tre les deux couronnes aliment être signés, et, par
conséquent, Je comte de Hollande était prêt à repas-
ser en Angleterre, quand le cardinal iiit informé, par
cet ambassadeur, que le duc de Buckingham se pré-
parait à venir lui-même recueillir l'honneur de la né-
gociation qu'il avait fidte, et que le roi son maître avait
cru qu'il était de sa dignité et de celle d'un traité
aussi solennel, d'envoyer son favori, le p^tis grand sà-^
Digitized by VjOOQ IC
( 391 )
gn^ircTAngleianne et sou prenùèrimiiiftre^poorscel--
1er par lu magnificence d^une ambassade extraerdmairey
le noeud de son mariage et d*un traité qui devùem
m^tre à jamais Tunion entre dmx si grands rois.
Le c<mite de Hollande avait su par M""^ de Cbe*
vreuse, que la reine s^ennuyait mortellement , quV
vec toute la vertu du monde, son cœur naturellemem
porté à la galanterie , eût voulu quelque chose d'agréa-
ble qui pût Toccuper; le cardinal lui était insuppor*
table, sa passioi ^* '** ' ;; le roi n^était guère aima-
ble« Le coeur < sxe^ dans quelqu'âévation
qpi'elle soit, ne [ue trop su^^ceptible des oc-
cupations qui p muser ^agréablement toutes
les dames d^ipie cour galante qui Tenvironne.
Le comte de Hollande se mit en tète que la vanité
du duc de Buckingbam se trouverait flattée du projet
de plaire à la reine, et qu'étant liiomme de TAngle^
terre le mieux fait, il ne serait pas impossible qu'il
réussîli^uprès d'elle. M"** de Chevreuse avait avancé
des propos qui avaiept au moins évefllé dans la reine
quelque curiosité de voir un homme dont la réputa-
tion était si parfaitement établie. Ce furent le comte
de Hollande et M""* de Chevreuse qui firent le pro-
jet de faire venir le duc de Buckingbam, qui trou-
vait dans ce voyage toi;it ce que l'amour propre et la
vanité peuvent mettre dans l'esprit d'un counisan ai-
mable, d'u^ ministre qui recueille glorieusement
l'honneur d'ûjae gprande négociation, et qui trouve
Toccasion d^ servir #on maître et celle de faire pa-
rattre en France sa magnificence.
Digitized
by Google
(390
Le duc de Buokingbam arriva à Paris, suivi de tout
ce qui peut accompagner la pompe d*une ambassade
extraordinaire. Le comte de Hollande alla le recevoir
sur le chemin de Calais; et tandis que M"* de Che-
vreuse préparait la reine à l'arrivée de Thomme du
monde le plus aimable , Tambassadeur d'Angleterre
instruisait. le duo de Bi:(ckingham de tout ce oui était
relatif aux afiaires , et flattait son cœur du dé^ et
presque de la certitude de plaire à la reine.
La cour était à Paris : it à Tau-
dience du roi le matin , i d'aller à
ceUe de la reine le soir, à ] • ^^ 7 ^^^
paré de sa bonne mine, d de plaire,
et d'un habit de velours gris, en broderies de perles
mal attachées : quand je dis mal attachées, ce n'est pas
que le dessin en lût mal disposé; au contraire, tout ce
que l'art peut de mieux y était employé; mais les per-
les étaient si peu cousues, qu'à tous momens il en tom-
bait quelques-unes; et quand il eut fait son com^ment
à la reine , et qa*avec les révérences ordinaires et res-
pectueuses, il se tirait vers la porte de la chambre, en
passant au milieu des dames qui étaient à l'audience , les
perles^tombaient en plus grande abondance qu'elles
n'avaient fait quand il était entré. Ce spectacle d'une
magnificence nouvelle, fit naître une espèce de désor-
dre et de murmuré pour ramasser ce que l'on pou-
vait Croire que cet ambassadeur ne voulait pas perdre.
On lui rapportait ses perles, et les mains qui les lui
présentaient avec empressement ne pouvaient s'em-
pêcher de ne les pas prendre, par la manière noble,
Digitized
by Google
(393)
gracieuse et persu»îye dont il imposâiià chacun, pour
Fanfeourde lui , la nécessité de les garder. Les domesti-
(jues de la reine en profitèrent, et ceux qui Tacccnn-
pagnèrent lEvec des flambeaux pour le ramener à ses
caoTosses, reçurent le soir un présent chacun de cent
pistoles.
La magnificence d'un honune fait, dans le cœur
d'une femme, le même effet que la valeur. Telle n'a
besoin ni du courage d'un homme de guerre, ni des
présens d'un homme riche, qui se laisse séduire par
la réputation de son courage et par ceUe de son opu-
lence, dont elle ne fait jamais d'usage. Quel moyen
y avait-il que la reine ne trouvât pas aimable l'homme
du monde qui l'était le plus, euqui Sfrait le plus d'en-
vie de lui plaire? M"' de Chevreuse l'entretenait en
particulier de tout ce que le duc de Buckingham fai-
sait en public, et disait secrètement au comte de
Hollande : ce En vérité , tout ce que la vertu la phis
austère peut ||^re, dans ces sortes d'épreuves, c'est
de combattre.» La reine combattit certainement avec
succès l'inclination qu'elle se trouva pour Bucking-
ham, mais elle succomba au désir de s'en faire aimer.
Quand j'ai parlé de l'habit de Buckingham à sa
première audience, je devais peut-être aussi parler de
celui de la reine. Il suffit cependant de ne pas omet-
tre qu'elle portait des ferrets d'aiguillettes de diamans
dont le roi lui avait fait présent quelques jours aupa-
ravant, ce qui pour lors passait pour la plus nouvelle
et la plus agréable parure qu'on pût avoir.
11 y eut à la cour quantité de fêtes; le cardinal de
Digitized
by Google
(394)
Richelkn €ii doma une magnîfiyi& dans aes jacdim
de Had, qui pftwaieQt alors potàr les plu» beamr ou
royiniiie: uns les seigneurs qui se i»(piaieiitde Jkmne
dbbre ou de poUtesse doanèrentdes soupegj^ des loidby
des musiques et des mascarades ; il y en eox dbbes le
roi et cliez la reine. M. de Buckingham dansait aussi
Ubeo qu^homme du monde; la reine lui fit Thoim^ur
de le prendre pour danjSer lés contredanses; et coonme
à cette danse anglaise^ Toccasion de s^aj^rocher^ de
donner la main et de passer souyent Tun auprès de
Tautre^ setriHive à tous momens, les^yeux^ le ^este»
la crainte et mille autres choses inexplicables, quoi-
qu^intelligibles, parlent et tiennent lieu des discoiiors^
que le respect et les spectacles interdisent : c^en ^tait
un trop sensible au csordianl de Richelieu, pourn^éise
pas inquiet.de ce qu'il voyait et de tout ce qu'il en-
tendait dire* La comtesse de Ijanoy lui rendait compte
de tout ce qu'elle pouvait découvrir; car sous le spë-
cieti^ titre'de dame d" honneur, les rok ont trouvé le
moyen de mettre auprès des reines une Surveillante
continuelle. Mais comme la surintendante de la mai-
son a quelques entrées du cabinet encore^us psrti-
culièi:es que la dame d'honhem-, M""' de Chevreuse
passait des heures entières avec la reine; et le cardi-
nal, informé de tout ce qui était extérieur, ne le pou-
vait être de tout ce qui se disait entre la reine ei
M"* de Chevreuse. Ce ministre pressait la négociation,
et le duc de Bucldngham 1 Voulait; enfin le jour
arriva que les affaires d'Etat finies, le duc de Buc-
lûngham eut rhonneur d'épouser, au nom du roi sm
Digitized
by Google
ntaitr
et aœ
ayec
s'ypa
la pai
quel
et ^ (
scnitix
comb
peut ]
inent
qued
échappaà la reine , qui &t de lui envoyer secrèlemeht ,
la veille de son départ, par M"** de Chevreuse, le»
fe^ets d'aiguillettes de diam^ps dont elle était parée
le j<iU||d$$ sa première audience; et ce présent , qui
pouvait être un témoignage de la magnificence de la
reine, devint, par les circonstances du don et par IV
grémçnt du mystère , une galanterie dont Bucking-^
haxn fiit charmé.
Cependant le roi d'Angleterre s'avança à Douvres,
il y donna rendez -vous à son favori, il lui envoya
un yacht k Boulogne, et la cour d,e France partit
pour se rendre à Calais , où la nouvelle reine devait
s'embarquer. Buckingham arriva à Boulogne le même
- jour que le roi et 1^ reines devaient séjpurner à
Amiens.
Entre toutes le|,volujAés, la plus dangereuse es|
celle qui nous vient de notre amour propre et de l'o-
fHpion d'autrui. Baçkingham crut qu'il n'avait man-*
é^ f
Digitized
by Google
y ^/>A ^
r
pour entretenir la reine en p^ticulier; et chercher, à
(pielquc prix que ce fât, ce que jusque-là Foccasion
n'avait pu lui présenter. M'"* de Chevreuse, inform^
de tout, reçut chez elle Buckingham ; mais^CMUDie il
fut jugé impossible de cacher son arrivée, il ûtoire au
cardinal de Richelieu qu'il avait reçu des ordres du
roi son maatre, pour régler encore quelques détails de
cérémonies pour le passage de la reine d'Angleterre,
et vit le cardinal. Ce retour inopiné ne laissa pas de
réveiller l'attention des courtisans, et particulière-
ment celle du cardinal; mais les règles de Famour
déconcertent ordinairement celles de la poUtique la
jJus raffinée.
;Le roi logeait à l'évéché, dont le jardin était de
plain-pied à l'appartement de la reine. Le soir, après
qu'elle eut congédié ses femmes et qu'elle fut désha-
billée, cette princesse, en robe de chambre, ayant
pris sous le bras M"' de Chevreuse, et suivie <fc
Digitized
by Google
' * f 3Q7 )
M"* de Beaw
promenait 9 qi
roiscurité de
sade de chanî
tre entendu i
à M-' de Che
de rhomme du monde le plus amoureux, et qui ha-
sardait de plus sa vie pour Tentretenir, la supplia de
Fécouter un moment. La reine fit le cri d'une femme
surprise, au point que M""' de Beauvais lui dit : a Ma-
dame, j'entends que Ton vient au bruit que vous fai-
tes, je vais au devant, dire que ce n'est rien, et que
votre majesté a eu peur. En effet, elle s'éloigna, la
reine s'apaisa; et, sans rien répéter d'une conversation
dont on ne peut rendre compte qu'incertainement
et sans (sic) faire infiniment perdre de la grâce que
de tels entretiens mystérieux doivent avoir, il est cer-
tain que la reine eut besoin de toute sa vertu pour
se défendre dé l'occasion et des engagemens où son
cœur l'avait conduite, au-delà peut être de ce que la
bienséance et la majesté royale le permettaient. L'em-
portement d'un homme amoureux est, pendant la
nuit, la seule éloquence qui persuade : Buckingham
n'oubliait rien pour être heureux ; et dans telle
circonstance, où le sceptre etfta l^oulette doivent al-
ler de niveau, il n'y a que la fuite qui puisse empê-
cher que la dernière ne soumette le premier. La reine
cria d'un ton à vouloir être effectivement secourue :
M"** de Chevreuse et M"' de Beauvais accoururent,
et ayant retiré la reine de cette aventinre, qui deve-
Digitized
by Google
(398)
naît quelque cliose de plus fort qn^une conversation ,
elles la conduisirent à son a(^>artement. Buckin^iam
désespéré 9 cliercha les moyens de sortir du jardin; et
ëprès une infinité d'agitations et une cobyersation
tendre sur les malheurs qu'il eut, avec M** de Che-
vreuse, au logis de laquelle il se retira, peu d'heures
de la même nmt le ramenèrent à Boult^e , pour re*
passer en Angleterre, outre des refus de la reine, et
peut-être d'une passion qui ne finit qu'avec sa vie.
Deux jours après, la cour continua son voyage jus-
qu'à la mer. Henriette de France, devenue reine
d'Angleterre, y passa, et fiit reçue de Charles I*' avec
toutes les démonstrations possibles de joie, et les aj^
rences d'une intelligence parfaite entre les deux royau-
mes que ce mariage unissait. La cour de France re-
vint à Paris, et celle d'Angleterre prit le chemin de
Lfondres.
Pendant le voyage de Buckîngham, la comtesse de
Clarick, piquée de tout ce qu'elle avait entendu dire
de son infidèle, avait trouvé le secret de lier nh com-
merce de lettres avec le cardinal de Richelieu, qui^
de son côté, n'avait rien oublié pour augmenter le
dépit de la comtesse; c'était le premier homme du
monde pour multiplier, par toutes sortes de moyens,
les intelligences <pi'il «pouvait entretenir dans toutes
les cours de l'Europe; il mettait à cet usage beaucoup
lA'industrie et beaucoup d'argent. Le don que la reine
avait fiût de sa panure de ferrets de diamans, n'avait
pu être m. secret que la comtesse de Lanoy, sa dame
d'honneur, n'^ eût eu quelque connaissance^ et qu'il
Digitized
by Google ,
( 399 )
n'en fàl revemi quelque chose au cardinal de Ridie*
lieu. Ce ministre charchait les moyens de perdre la
reine dans Tesprit du roi, sur lequel il symt wofi àor^
tonte à la yërité très -grande , mais quelquefois Jba*
kncëe par la reine. Il ëa*ivit à la comtesse de Cla*
cick de mettre tout en usage pour se raccommoder
arec Buékingham , et qu'au cas qu'à quelqu'une des
fêtes qui se deraient faire à Londrea^ au carnaval pro-
chain , ils se parât des ferrets d'aiguillettes de diamans ^
elle n'oubliât rien pour en couper adroitement quel-
qu'un^ et les lui envoyer. EiTectivement, la comtesse
se raccommoda^ avec Buckingham; les hommes sont
faibles , et les agrëmen^ jd'une femme que l'on a £on
aimée, séduisent encore quand on la retrpuve douce,
etqu'elleveut absolument se faire aimer. Un soir qu'il
y avait un grand bal k Windsor, Buckingham parut
avec un pourpoint de velours noir en broderie d'or, sur
l'épatile duquel, pour tenir le baudrier, il y avait un
gros ncBudde ruban bleu d'où pendaient douze ferrets
d'ai^iiUettes de diamansL Quand le bal ftit fini, et que
Buckingham fut retiré, ses valets de chambre s'aper-
çurent qu'il lui manquait deux aiguillettes, et on lui
fit vcnr qu^elles avaient été coupées; il ne s'était point
aperçu de ce vol, et il crut bien que ceux qui l'avaient
ùàx n'étaient pas d'une condition à l'avouer ni à le
restituer. Dès le lendemain matin, il dépécha des
courriers à tous 1^ ccmunandans des ports d'An^-
terne pour les iaiye fermer, avec ordre de ne laisser
psràr ni le paquebot ordinaire des lettres , ni aucun
^tzmem chargé pour laFranee. C'était dms mie con^
Digitized
by Google
< 4oo )
}6Cttire oà les religionnaires du royaume avaient de-
mande la protection d'Angleterre y et où les Roche-
lois révoltes attendaient des secours que le Parlement
leur avait promis , et que le roi Charles I*' aurait eu
hien de la peine à empêcher. La nouvelle de cette
cessation de conounerce et de lettres fit en France un
grand éclat, et donna heu à mille hruits, que la guerre
allait se déclarer%ntre les deux royaumes. Cependant
le duc de Buckingham employait secrètement tout
son crédit et le savoir-faire du meilleur joaillier de
Londres pour trouver des pierreries si semblables aux
dix ferrets d'aiguillettes qui lui restaient, que Ton put
refaire les deux qui lui manquaient, tout-à-fait con-
formes aux autres. En effet , dès que cet ouvrage fut
achevé, il renvoya des courriers pour faire rouvrir les
ports d'Angleterre, en dépécha secrètement un çn
France, qui porta à Madame de Chevreuse les douze
ferrets de diamans; il l'instruisit de son aventure, lui
faisait part des soupçons qu'il avait jetés sur la com-
tesse de Clarick, auprès de qui il avait été au bal, et
avec laquelle il avait dansé; et qu'enfin la priant de
rendre à la reine le présent qu'il avait reçu de sa ma-
gnificence , il suppliait S. M. de croire qu'il ne s'en
détachait que par la crainte qu'il n'y eût en cela
quelque mystère caché nuisible à la reine. Cette pré-
caution ne fiit pas inutile; car, dès que le cardinal
eut reçu les deux aiguillettes de diamans que la com-
tesse de Clarick lui avait envoyées, ce ministre,
qui cherchait en tout les moyens de perdre la reine
au{Mrès du roi, dont la jalousie n'avait déjà que trop
Digitized
by Google
(401)-
éclate à roccasion de BucLingham^ lui mit en tête de
prier la reine de se parer des fi^rets de diamans qu'il
lui avait donna, ajoutant qu'il avait eu des avis se-
crets qu'elle en avait fait assez peu de .cas pour les
avoir ou donnas ou fait vendre, et qu'un joaillier an-
glais lui avait fait offrir de lui en vendre deux* C'était
un terrible assassinat qui retomba sur lui, puisque le .
roi ayant exigé avec empressement de la reine de lui
faire^evoir les mêmes douze ferrets d'aiguillettes dont
il la pria de se parer, la reine, sans nulle affectation
et naïvement, fit rapporter sa cassette , que le roi ouvrit
lui-même , et revit la parure entière que la reine mit
ce jour-là; elle eut même Insatisfaction de savoir que
le roi avait fait des reproches au cardinal de ses dé-
fiances^
Cependant l'union des couronnes renouvelée par le
mariage d'Henriette, ne put durer longnemps. Les re*
ligionnaires de France formaient un parti considéra-
ble, et denoandaient en Angkt^re des secours, que
Charles I" eût bien voulu reftiser, et que le Parle-
ment y oïdait accorder. Us tenaient la Rochelle et quel-
ques places en Poitou, dans les Cévennes et en Viva-
rais. Le roi prit le dessein de réduire la Rochelle,
et de commencer cette entreprise par un Uocus^
afin de donner le loisir à ses sujets huguenots et
révoltés de se soumettre sans en venir aux dernières
rigueurs. Cette bonté n'eut pas l'effet que la cour en
espérait; aux premières nouvelles de la marche des
troupes fi*ançaises vers le pays d'Aunis, l'Angleterre *
déclara la guerre, disant qu'elle ne pouvait souffrir
I. 9« Liv. 16
Digitized
by Google
' (4o2)
que lës'ireJigiGbnaifsd^de Vrànte fbtôêm^tiAdtés^dè! re-
belles : «me ptdss^nte flotte |ctfinue à h mer^^éosia
conduite du'méftie duc de'Buckingbwi, 'qiii M fiit-
tidtide la ^crète joiede^otirtbenter le cattdUi^
- RidiMièfu, pour<(ui il atait pris y en* Frâwee , une avm*-
sibn aussi implacable qu^étàitcèUe' du) cardinal péUr
lui. CéS'dettx hiMitkiêa^àilaitête desacffai^êS) 1^ tÊi-
^ 'âkient «me iMaire ^pànicaliève et petsômiélk ' âe ' la
' (querelle de lenrs Maitres.'La flotte anglaise vint npoml-
ler deVimt I^le de Rbé; dont elle entrcj^itile aiége;
Thcii^as^ se j^ta dedans èi la dé^dit si bien y que Bnc-
'kingbam fUt oblige, après tm^ ti*ès-long âi^e,«deie<le-
ter ét'de se ï-etit^réansi aucun fimit de celte entre-
priëe'. Chacun stit (fùe Tliôiras n's^knt plus de pondre,
fît battre la cbamade, et signa la capitulation portant
<]U*il rendrait la pli^ee s'il n'était secouru dans èinq
|oûrs,-pèftid2nt lesquels ayant fait « passer par des na-
geurs et pkmgeurs F^aTis de rextrémité dans^ laqueUe
il ét^t^lifu'corinnaixdatfi^de Marennèsyetfqu^ quelque
prii^ qàe 'te fta il iui fallait^ envoyer? "un secdurs de
' poudre la :Éruit'dd quatre aiu dinqùièmer jchir^ quelques
Imrques' hasardées passerait' au traiv^:» lie l'annëean-
^aise, et appot^lèoent le seodurs qui;doana lieu, à
Thoiras de rompit' la capitulation ^et de* reconimen-
. cer sa défehse; qui £it récompensée dur bâton de ma-
réchal de France.
L'Angleterre /piquée du mauYais^ succès deses^ar-
ines, prit la résolution de faire d^assezr grands efforts
pour remettre* à la mer une armée ^navale qui pftt,
non senlemj^iit réussir à l'entreprise de Rhé, mais en-
Digitized
by Google
(4o3)
core à «ecourir la Bx>ehdle, dont le Uocus contmuiat.
lie eardinal de Richelieu , parfailemeni averti, faisail
titrraiUer avec diligence et industrie à celte grande di-
gue dont on voit encore les ¥e$tiges ^ et qui 4eVait ren-**
dre rentrée du port et par Conséquent le secours diffir
cile^ ce travail était soiKvent comibattu et détruit par
la fi^eur de k mer, au point que les connaisseurs et les
ingénieurs croyaient que ce grand ouvrage, et d'une
dépense immense, ne pourrait avoir le succès certain
que le cardinal espérait. L'entreprise de la Rochelle
était Taffaire du jour, et la plus importante de TEtat.
L'Angleterre n'oubliait rien pousse prépai*er à secmi^
r ir cette ville , dont la réduction anéantissait en France
le parti hugjienot; enfin voici ce 4fu^ les hommes peu-
vent ailler les effets du hasard, ou, pour mieux
dire, une disposition souveraine et impénétrable, qui
Êât une liaison d'incidens si heureusement enchaînés
que Ton peut y reconnaître les effets de la Providence.
M. de Baumi avait une sorte d'enjoûment dans l'es-
prit, qui le rendait non seulement très-^milieravec le
cardinal, mais encore avee le roi, et oet enjoûmem le
mettait à portée de dire hardwient bien d^ choses que
d'autres n'auraient pu hasarder^ Toute la pour était oc-
cupée dçs préparatifs de l'Angleterre pour secourir la
Rochelle, et le cardin
Cet événement. Bautrt
« seigneur, avouez la v<
(( ne suis pas trop sage
(( je le suis infiniment r
« antichambre est pie I
Digitized
by Google
(4o4)
« n*y en a ancun qui puisse imaginer (fit c^est Ban-
« tru qui va vous proposer un moyen certain pour
u empêcher que les Anglais ne secourent la Rochelle;
(c mais donnes^vous patience , car du premier coup-*
(c d^œil de raorn idée votre éminenoe dira que je sois
« £>ii; un peu d'attention vous fera connaître ensuite
H que je ne le suis pas tant qu'on le croit, et vous
«( verrez, dans la troisième partie de mon discoure, que
a Bautru pense, et pense justel— Je me tiens au pre-
cv mier, interrompit le cardinal ; mais venons au fait.
« — N'est-il pas vrai , monseigneur, reprit Bautru, que
(C ce serait rendre tA service important au roi, à l'E-
(t tat et à votre éminence , que d'empêcher que les
c( Anglais ne secourussent la Rochelle? — ^3^rès-grand,
(C répondit le cardinal. — N'est-il pas vrai, reprit Bau-
u tru , que toutes les femmes sont coquettes , et que
«Ja reine, avec toute la vertu du monde, l'a été assez
w pour avoir voulu plaire àBuckingham? — JEh bien^
a interrompit le cardinal. — Et n'est-il pas vrai , con-
(( tinua Bauu*u, que Buckingham doit commander la
<( flotte anglaise; qu'il est le premier ministie d' An-
ce gleterre ; que c'est l'homme de l'Europe dont on
(( peut le plus flatter la vanité; et n'est -il pas vrai
(( qu'il a repassé en Angleterre le cœur plein d'une
(( indicible passion pour la reine? — Eh bien, inter-
«, rompit encore le cardinal, à quoi tout cela peut-il
((aboutir? car jusqu'ici je me tiens au premier coup-
(( d'œil de votre idée. — Tout cela, reprit Bai^tru,
(( aboutit à croirç (jue lorsque la sagesse est épuisée,
« il faut trouver des ressources même dans l'impru-
Digitized
by Google
(4ô5)
« dence...; qu'un héros n'a qu'un
u de la guerre , et qu'un grand '.
« et comme moi les a tous, et q
« écrive une lettj^ à Buckinglu
a vanitë ; qu'elle se serve de tous les termes les plus
^ persuasifs pour l'empêcher de secourir la Rochelle;
(( qu'elle l'en prie si cela est nécessaire , et que je me
(( déguise pour porter moi - même • cette lettre , et
« achever pour votre gloire particulière et pour celle
<< du roi, ce grand ouvrage qui fait penser présente-
ce ment à votre éminence que Bautru est unfou, et
« qui fera qu'un jour vous le remercierez d'une cx-
(( travagance qui aura réussi. — Etes-vous tout-à-fait
« fou? lui répliqua le cardinal j est-ce pour rire ou
(( pour vous moquer de moi? La reine voudrait -elle
« écouter seulement cette extravagance ? et quand
« elle le voudrait, quel effet pourrait avoir cette let-
« tre, et qui lui proposera de l'écrire? — Moi, re-
<( prit hrusquement Bautru. — Et qui le proposera au
<( roi? — Moi encore, monseigneur, répliqua Bautru;
« mais laissez -moi achever mon projet; et si je vous
<( sauve l{i Rochelle, peut-être direz-vous un jour que
(t Bautru n'est pas si fou que vous l'avez souvent dit.
« Je voudrais, continua-t-il, demander une audience
(f particulière au roi , et concerter que vous entrassiez
M dans son cabinet un quart d'heure après moi; j'au-
« rai fait ma propositioïi dans les mêmes termes, et
<( dans le même temp à peu presque je vous l'ai faite;
« le roi me traitera comme vous m'avez traité, d'extra-
« vagaiit; j'essaierai de lui faire comprendre qu'il est
Digitized
by Google
(4o6)
a untquenent question de prendre la Rochelle , et
u d*emp4iDher le seoours des Anglais ; j^exagei^rai la
(« yanité de Buckingham , âauë de rendre on grand
i< serviψla reine, pour latjiielle, i^Koutdaccm^^e,
c( il a remporte de France une grande et infrucmei^fôe
« passion. Croyez*moi, monseîgnew, le oodur des
«c hommes se oondmt tout autrement tpe les affsures
fc d^tât; fiet-vous à moi; Tenez quand j'avurai eu le
H loisir d'entamer la matière ; il faudra que votre ëmi-
<( nence soit d'abord du même avis que le roi, qui me
« traitera d'impeitinent; et puis insensiblement écou-
te tant mes raisons , vous reviendrez à convenir que
<( si cela ne réussit pas, «i moins cette lettre de la
K reine ne blessera ni son honneur ni sa r^Hit^^on,
t< ni les affaires du roi , et je concluerai que Bocidn-
« gham est trop honnête homme pour faire auoux
i( usage d^siçréable d'une lettre, que m^e )'essaîe-
a rai, si Ton me chaire de cette oommissiop , <k ne lui
«r pas laisser; et si préalablement je puis ei^er, avant
(r que de la lui remettre, qu'il me la rende après l'a-
« voir lue, je me mangerai suivant les con^ctnres,
H et n'oublierai rien pour rapporter c^te pièce d'é-
a criture qui s^nHe tant vous ÙKpaiéVdtj et laquelle
K au fond doit être en ceci regardée loomme une
Ai chose totalement indiffému», quoi qu'il en arrive.
a Car à l'égasd d'obliger la reine à l'écrire , yd aie
it changerai de lui en &ipe ia piiqgpositian , si votre
« éminence le juge à propos ; mais il vaudrait mieux
«qàe ce fût le roi qui exigeât d'eHe, comme une
w vithise d^Etat^ T^béiissanoe de Pécrire; et fi#K-vou»
Digitized
by Google
(4P7;)
<€ à^ippî, modsçi^eur; elle aur^ peut-étr^ i^oi^s dç
€i poîn^ ettd^ r^pugiiance quç npus ne cAyons à fajuri^
<c œj pUipT à, s^ mf^ jeslé. »
Tout G^la , quoique vagi^e , parut au c^4în^ un,
pitojiçt bharre qigi pouvait avoir q^^elque. succès., et ce
nMiï|it, pji»; poHTi iwe, a^air^, dq.la çon&éqYiençe dff
prendre 1» Bwhelk , risquer ^and chose qu'uiiç; lettre.
qU!à tout^h
iiséfl^iond^
port/qr, et l
s^il était m
aussi plus s
se rendit,
eheUe. Bap
iriw)nndi^<
convèjftu; en uj^ mot, apirès bien de$< cont^sta]tjions,
des contredits, des répliquas, et des çoptre-jéplique^^.
le roi et le cardinal se rendirent; la lettre Jfot écrite
par la reine, et par Tordre du roi et à sa prière, dans
le» teqnes qi;te le çaK4wal et Bau
lia reine tvouva o^émequ^il y a
grand pour elle de rendre au r(
service A monde , et que ce fi
dé sa résistance et de l'amour qu'elle avait fait nmtre
dans le cœur de Buckingham. Quoiqu'il en soit, Buc-
kingham reçut la lettre à Londres , dan» le temps
qu'il faisait préparer à Portsmouth , où il devait s'em-
barquer, tout ce qui était nécessaire au secours des
Rochelois.
Je ne dirai point l'impression ni la surprise que la
Digitized
by Google
(4o8)
réception de cette lettre , dont les termes me sont m-
connos, fit ÊLv le cœur de ce galant homme; J'igncH^
même la réponse qa^il fit j ni (sic) s*il en fit ; mais aa re-
tour du courrier, la cour de France partit pour mettre
la dernière main au si^e de la Rochelle. Ea flotte
anglaise s'équipa , on embarqua les préparati& pbur
le secours ; le duc de Buckingham se rendit à Ports-
mputh y et u lutre fois
le«*e$te de V envoyait
des firégates [uelqaes-
unes rapport Qn , le roi
prît la Rochi re se pré-
para toujours, et n'arriva jamais. Toutes les histoires
sont pleines des extrémités que cette ville souffrit
avant que de se rendre. Quelque temps après, le duc
de Buckingham fiit malheureusement assassiné, au
même lieu de Portsmouth (i).
(i) L'anecdote est cnrieuse; on i'attribneà M. le M. de T.
(le marëchal de Tessé); mais cette origine nous parait plus
que suspecte; et, quant an fait en lui - même , nous atteU'r
drons, pour y croire, d'autres preuves que le ténJKgnage dç
l'éditeur du recueil A. ( EdiL C. L. )
Digitized by VjOOQ IC
( 4o9 )
CINQUIÈME PARTIE.
^PDITION AU CHAPITRE III, % I (i).
.LES •
PARALLÈLES DE LA NOBLESSE,
PAR LE SIEUR CATHERINOT (a).
1e prëtends faire voir icy, comme je le fis le 9 de
novenibre i685, à rouverture de uostre bailliage de^
Bourges, que la noblesse moderne vaut bien l'an-
cienne, que la noblesse des loix vaut celle des armes,
et enfin que la noblesse de ville vaut bien celle de
campagne. Je commence par la noblesse moderne,
depuis TaniSbo, que j'oppose à la noblesse ancienne,
qui précède l'an i3ooj car depuis ce temps les anno-
blissemens, les parlemens et les universitez ont com-
mence. H me sufBroit d'allëguer en faveur de la no-
blesse moderne ïa parabole des vignerons de l'Evan-
gile. Les ims avoient travaillé dez le grand matin , et
(1) Tome 1 1 de h CoUect.
(2) Bourges, 1688, îii-4^. Pièce peu commune, et Tunê des
plus curieuses du Recueil àts Opuscules de Nicolas Cathe-
rinot. • (iSAV, CL.)
Digitized
by Google
( 4iQ ).
les autres un peu avant midy ; les uns depuis midj,
et les autres sur le soir seulaiient; et néanmoins ils
furent tous tcaiteiB égalemenit, et veçilûreut un même
salaire. En effet, certaips nobles ont plus mérite en
cent ans que plusieurs autres en quatre ou cinq cents.
On ne mérite que par les lidles actions. Il en est de
la noblesse connue de la foy ; et souvent il faut avoir
la foy pour croire la nobles ancienne. Discms donc :
NoèUitassine operibus mortua est. EHsons^ussi: Os-
tende mihi nobilUatem tuam ex operibus tiUs. Mais
je vais faire Fanatomie de cette ap^ienne noblesse ^
dans laquelle je n'entends point comprendre les mai-
sons royales ni les têtes couronnées ; car quœ suprà
nos, mhil ad ms.. .
Les anciens nob^ étoiept si igporaps ^'ils ne
sçavoi^m ni lire pi écrire ; ils ne sçayoiept pas m^mé
sji^er lew* nom ^ et pprtpiçnt tQ%prs lemç sce^i^ ou
Ifur çacl^et dapç ^a pqobe» I^ pol)les^ n'étoit çpiij,t
epcorc; guérie 4e oett^ malsidie ^ tpms de Fi^^cpisl;
car pow lors eUe $e faisoiv epcçre bpnneji|jr d^ sqh
ignorançq^ JL^ conn^^le de M^ti^ji^o^epcy ne 3ça-
ypit sîg^qr qu'w^ partiç de §op nppi, et il achevpii
V^utire eu pe^apt df? sa'plunf^e c|^elqiçes vaits xs^
fpjrméî^ qui ^vpiçp^ dp rsipport hf àfis h^^ard^s. ^b
avoiept ^eu^s WP^e^yoc^li^i Jeprs apn^oiries parlantes,
et quelquefois ridicules, qui leur tenoient lieu de mo-
no^amme et de chifre. , . ^
On a depuis ipventé 1^ devise§j^ qui sont infini-
ment pjp5 ^iiritpeUf^. Jlies gent^ifhopjme^ avoi^t
droit jpottr lors d'être ignorans j car en ce même t^ips
Digitized
by Google
(4")
les gens d'Eglise n'ëtoient pas fort d
voient ni ^ec, ni latin ^ ni prose , ni
ni géographiç, etc. ; mais surtout il
de critique, point de discernement, ]
point de pierre de touche : tout leur
lirtea de ^ntroverse remplissoient toutes leurs bi**
Uiodièques. Le siècle di^ème étoit un siècle de
ffnûâés ; mais ceux d'Alexandre et d'Auguste étoieni
des siècles d'aigles. Il ne faut que voir les légendes ^
les décrétales, lesexplicaitions théologiques et les cour»
ciles provinciaux; car pour les généraux, ils sont ir-^
réiragables. Quant aux légendes, elles sont presque
toutes &rcies de fables.
Je ne dis rien du stile, qui est mêlé de rimes , et
des chmes de vers. Quant aux décrétales, Burcard ,
Yves et Gratien les ont toutes reçues aveuglément ,
C(Hiime canoniques, sans les examiner,. et il y en a
Hen cent d^apocryphes. Quant aux explications thé»-
logiques, ûk ne sont point litéraux, et ils se jettent à
corps perdu dans des lallégcnries outrées. Quant aux
conciles provinciaux, celui de Tours,, en -56% cite
Sénèqiie au canon XIY; celui de Limoges, assemblé
en I022 par Gauslen, archevêque de Bourges, éta*^
blit Tapostolat de saint Malrtial contre la foy de Thi^
ttâre. •
Àdjoûtez ïes inscriptions depuis huit ou neuf sièr-
des jusques à celui de rïicolasY et de Pie II, restau*
rsEl^eurs des bonnes et belles lettres en Italie, et de
Fr^GcÂs I en France, est -il rien de plus gaufe ? Il»
seavoient Tart de faire de$ solépismes , ils avoient le
Digitized
by Google
( 4«0
secret des fautes. Les auteurs, veré 800, ne Ëùsoiem
que des centons et des rapsôdies ; témoin Jonas,
ëvéque d'Orl&ns.
Les juges et les docteurs n'étoient pas aus» fbi:t
savans. Non erant uniçersitates, sed asinhersiiate^K,
comme disoit un certain. Jaques Faher dJEstaples a
étë k I. savant de Paris, André Alciat le i. savant
de Bombés ; Tun et Tautre ont livré ou rendu plu-
sieurs combats contre les vieux Barbares, qui ne
voyoient dans les sciences qu'entre chien et loup. Le
1. auroit été brûlé sans la protection de la duchesse
de Berry, et le 2, souffrit beaucoup , aussi bien que
Duaren son successeur. Celui cy s'en plaint souvent
dans ses ouvrages imprimez : Tantœ molis erat ju-
venesque senesque docere. Quant aux juges, Fran-
çois L leur défendit de mettre leurs jugemens en la-
tin, et de plus prononcer Curîa debotavUj et deholM.
Jacques Colin, abbé de Saint- Ambroise de Bourges,
et fort connu de ce prince , ayant été con*danmé sous
cette formule le matin au Parlement, en fit une rail-
lerie à François I. , et dédit caussam edicto. Comme
les trois états du royaume nesavoient presque rien,
aussi les f»:édicateurs les traittoient en eûfans , et ne
leurs comptoient que des fid)les. Les peintres étoient
pareillement abysmez dans l'ignorance. Voyez en
cette ville les vitres de Saint-Ëtieime : ils ont pris le
monogramme de Christ, qui est le rho enté sur k
chij avec une barre au milieu, pour des fleurs de lis,
et en voilà l'cKrigine. Les architectes n'avoient que
leur méchante gothique. Enfin , omnis lingua cor-
Digitized
by Google
■ (4i3)
rupertU viam suam. Âio
rants n'ëtoient que des al
dé corps, et des coupeur
En !i. lieu , les ancien
au roy . Ils balançoient se
avec luy, comme s^ils eussent é\é pairs et compagnons.
La France Aoit pour lors une anarchie plutôt qu'une
monarchie. En certains tems^ rien n'est permis; en
ce tems, tout ^toit permis. Le mal avoit commence
4e Fan 900., sous Charle~s-le-Simple : ilssedonnoient
dëja des grands airs; ils se qualifioient princes, et
même par la grâce de Dieu. Charles VU fit citer à
Paris yi Bernard, qui se qualifioit par la grâce de Dieu
comte d'Armaignac. Aldebert, comte de la Marche,
se révolta <;ontre Hugues Capet ; Bouchard de Mont-
morency prit les armes contre Philippe L ; Thibaud,
comte de Champagne, se gendarma et dragona contre
saint Loiiis. Ils avoient leurs chanceliers, leurs con-
nétables ou maréchaux de la principautë ; ils frap-
poient monnoyes, et il falloit de 4* en 4« lieues avoir
recours aux changeurs. Ils étoient des singes, mais ils
étoient aussi des loups. Qui pourroit facoonter les
cruautés de Foulques^ comte d'Anjou, sous. Robert;
de Jean -sans -Terre, duc de Normandie , sous Phi-
lippe Auguste; de Raimond III., comte de Toulouse,
et de Guillaume 9 nostre duc d'Aquitaine, au tems de
saint Bernard?
Ces cruels seigneurs usurpèrent plusieurs droits
exorbitans sur le peuple : de là nous restent tant de
coutumes sales ^t bursales. Ils avaient droit de pillage
Digitized
by Google
(4i4) ■
et de volage , droil de battage et de tosge, droit de
pocellage et de eoncnbinage, dr<Ht de duellage et de
guerrage ^ droit de jurage et de blaqpheniage, e%e*
lU 6e fdsoient des guerres contmuelles, comine les
comtes de Bombes et les seigneurs du bas Berrj, les
aeîgneurs de Vierw)!! et ceux de Meuxii les sei^ears
de Dun4e^oj et ceux de Culimt, etc«.
Ils fusoîent ausai la guerre au roy, et del^ sent re-
tms tant de ocmfiseations ; car les roys de France u*om
auf^nenté leur domaine et arrondy leur co\uroiuQ(f
que par conquêtes, acqmsitions, donations , traittek,
mariages, et enfin par ces ccimmises^Pourrëpriinâr ces
guerres intestines, on inventa les trêves. Trêve* yî«it
de triga^ comme guerre de cura. La trêve ^toit tou-
jours de quelques ternaires de jours, de semaioea, de
miois on d*ann^. Voyez les Décrétales de Gr^oire IX ;
voyez M^ Dominici en son Traittë de cette matii^e,
M. de la Thamnassi^e ega ses Coutumes locales,
M. du Cange en son Glossaire laiin*4>e là on a bàii
tant de chiteàux , on a établi tant de drcÂts de guel
et de gardes ; de là les villes et Jes paroisses ont ob-
tenu droit de commune et d'arborer les bannières,
pour courir sur les infiracteurs de trêves. Voyez Gàl-
lus en ses Questioas 177* et a5;2. , et Pape en sa Ques-
tion 437. Louis4e-Gros réprima ces désordres; Saint
Louis fit son ordonnanoei de la quarantaine. Salis-
sons Dieu qui nous a fait naître en ce siècle, '^om
sommes plus heureux sous LOUlSnLE-GR AJND que
nos ancêtres n'étCHent sous Louis-le- Jeune, quand les
seigneurs se faisoient des guerres privées.
Digitized
byGoogk
( 4t5 )
^^i3*JfeU) lésiinbien nobkB'ëtmem dea rebellés
à Dieu; ils faisoient la guerre an Roy des roys. Ils
ne fse <eoii^elitriem>pia8'4lfé09e acHmhii^^ d^ 'lèse ma-
rjèitélMimaik^, il&¥OulèKiit(auisi ITétredeleze^niajastë
divine. PUute disott de «cm «ems : Se scslere fieri
polum ftoÀâéx/\et saint >J^fAme.:.iV^»éa& fêtctus est
seelere. Les ènnamlès fiBrent\d!un grand seccfars pour
r|yi»r|ger^la>Ffance'de'toii8'€es iridents.
Le^ roy R<^xt ckâtia>Renaud) 4x>mte de Sens, qui
aEVoit es;ercédegrj|ndes yioleilces contre les églises,
et Ireunit son dom^iâe au sien.
Un 4:iDaite de MâCon iut aussi un.grtmd persëca-
Agsstf d'ég^iaès, sous Philippe I. L'histoire dit ^eks
dâmms^ remportèrent veisFân 1169 (^iç).
Les eoiuKs^ de Glermont et du Puy^.et le vicomie
d^*P4di^3MM:y<c(iii désolèrent les élises et les monas-
tçr^^par lettff»i:^iiies ,' lurent. contraints de restituer,
par-LoiUs-^le-Jewae^-sur les plaiiiites des ëvéques de
Gli^niiimt ^ du Puy .
Sans sortir de cette province de Berry, Ebhe de
Çhjavent<Ai,{im])ert;dQ<Bea^eu:et'le(>G<m^ de Gha-
lonâp i^p44ierêm<€pi^}£[tiej» abhayes de leurs biens ; mads
^faiUppe^^^iigiA^e^c'i'^i^ ve|igeaalce.:$ans«sortâr méiâe
de-^ett^ ville de3oUrge$, J)3s comte5^4e Boliiges, sous
1er jr9y Robert, restituèrent à<yj^lise'iesiahhayesrde
Saint-And)rpÎ6i9r<^ jSainç^Ur4in ^i posent) çoU^ale ,
de Saint-»tOoi|dQmà présent, {xrieutfé) qu'iU.aymont
usurpées. Lerey {Vo}>ert donna cçr|>ieux exempi^ ,
car il restitua aiftssi les abbayes de Saint-D^rnsen
France , deSûint4iennain-des-Pre2 ei de. Sai^t-Mâr-
^ Digitized
by Google
( 4*6 )
tin de Tours, en la possession desqudles Hugues Ca-
pet s'étoit mis.
Les critiijues médisans disent que le démon épousa
Proserpine, et qvH'û en procréa ces 24» ûUes, mariées
en cet ordre : Superbiam FlaminibuSj Simùniam
Clericisj Hjrpocrisim ReligiosUj jimbitionem Con-
cionatdtibusj Superstitionem Monachisj CuriosUa''
temMonialibuSj TyrarmidemPrincipibiiSjKk'^iJxiM
NoBiLiBus, Blaspkemiam MUitibusj InjusUUamJu"
dicihus, Perfidiam Procuratorihus j Duritiam Do-
minis j Inobedientiam Subdids j Usuram Ci^ibus,
Fraudem Mercatoribus j Seditionem RusttciSj In-
fidelitatem Minis tris j Luxuriam Divitibus j Imd-
diam PàuperibuSj jàvaritiam SenibuSj InZempe-
rantiam JuvenibuSj Zelotypiam M^iritisj Susfricio-
nem FemimSj Lêi^itatem Puellis. Mais ces alliances
morales ne sont pas toujours conformes a la vérité;
elles ressentent bien fort la calomnie, ei; les excep-
tions en sont souvent plus nombreuses que les induc-
tions.
Contre ces déprédateurs sacrilèges, TEglise assem-
bla le concile de Toul en Lorraine en 859, de Douiy
sur €her en 874? ^^ Reims contre Baudouin , comte
de Flandre, en 892; de Chalons en Cham^^iagne
contre Rodolphe, comte de Mâcon , en 9 15 f de Trosly
c en Soissonois contre Erlebaud, comitem Castricenr
sent y en 921 ; de Charlieu en Charolois en 926; de
Fîsmês en Champagne en 93€l; de Saint -Tiiierry en
Remois, contre le comte Ragenald, en 953,* de Poi-
tiers vers' 1025, de Bourges en io34? d*Autun contre
Digitized by VjQOQIC
(4i7)
Bobert, duc de Bourgogne, en io55; de Beauvaîs^
contre TKomas de Marne, en iii4; de Soissons
en ii55, etc.
L'Eglise, pour se parer de ces usurpations , inventa
lesavoyers (avoués) et les vidâmes, advocatos et vice-
dominos. Tels ëtoient lesvidames d'Amiens, de Char-
tres , de Reims et de Gerberoy ; mais ces prétendus pro-
tecteurs devinrent souvent sesvexateurs. Il ne %it<jue
lire les Annales des bénédictins pour en être plus que
persuadé. Ils ont presque autant souffert par-là que
par les Goths, Longbards, Vandales et Wormans, que
par les hérétiques et schismatiques , que par les in-
cendies , et enfin par certains abbés commandatàires,
qui vivent dans leurs abbayes comme ez pais en-
nemis.
L'Elise inventa aussi les pariages à même fin.
Ainsi les anciens empereurs romains associèrent à
l'empire des espèces de coadjuteurs, pour se déchar-
ger d'une partie des affaires de l'Etat. Le père asso-
cioit son fils, le frère son fi:ere, et quelquefois un
Aranger. Notre Aubigny sur Nerre étoit un pariage.
Le chapitre de Saint-Martin de Tours y associa
Louis VI en 1108.
Les nobles modernes différent bien de ces anciens.
En I- lieu, ils sont sav ans tous en latin, et plusieurs
en grec; ilssçavent l'histoire, la géographie, la phi-
losc^hie et les mathématiques ; plusieurs ont écrit des
xnëmoriaux historiques, comme messieurs de Comi-
nes, du Bellay, de Montluc, de Castelnau, de Ville- '
roy, de Sully, de Nevers, de Rohan, de Gruise, de la
Lg«Liv. 37 ■'
Digitized by
Google
( 4i8 )
Châtre 9 etc. Le Roy a traduit le$ Comrnentdres de
César y Monsieur THistoire de Florus, monsieur le
duc de Luynes les OEuvres de S. Grégoire, pape, etc.
En 3. lieu, ils sont fort sonmis au roy. En 3. îicu,
ils sont encore plus soumis à Dieu, qui est le Roy
des roys.
LA SECONDE PARTIE.
Je soutiens aussi que la noblesse des loix vaut lùen
celle des armes. Je le prouve par autorités, par exem-
ples et par raisons. Justinien dit, à la tète de ses
Institutions de droit, que l'empereur doit faire sa pro-
vision d'armes et de loix , d'armes pour le tems de
guerre, et de loix pour le tems de paix; il doit se
munir leg^hus et legionibuSj comme dit M. Cuj^.
Léon et Àntheme, dans la loy i4> au code;^ Ad-
wc.j comparent les avocats aux soldats et aux captr
taines, et leur collège à une armée; ils nonmient leur
employ une milice. Claudien met souvent en para-
lelle les armes et les loix ; Claudien sllie souv^it les
sennes et les loix ; il dit : Ârmorum legumçue pth-
tensi et en outre : jirmorum procêres legumque
potentes; et ailleurs : Justitid pacem^ vntôusnrma
reguM.
Maiiile, au 3. livre de son Astronomie, fait une
milice civile : Hoc quoque militiœ genus et diàU-
bus actis compositum. Horace, écrivant à Auguste,
luy dit : Res Italas armis tuteriSj Tmmbxis ornes j le-
gibus emendas. Virgile, enfin, dans le livre ii. de
son Eneïde, commence ainsi un éloge : JusUthene
Diâtizedby Google
( 4^9 )
pHàs mirer belUne laborum? Mais Ckéron passe
bien plus avant ; il préfère la noblesse des loix à celle
des armes , et s'ëcrie de tonte sa force : Cédant arma
togCBj concédât laurea linguœ. Aussi les sénateurs
précédoient-ils les chevaliers à Rome ; les empereur»
même ëtoient plus jmidiquement élus par le sénat
cfue par Tarmée. Le grand sceau de France, decu-
manum sigillumj représente le roy dans son thrône
comme un magistrat. Aussi M. le chancelier est -il
nommé altéra rege; au lieu que Monseigneur n'est
nommé que secundus à regCj comme m'apprend le
révérend P. Hommey, savant augustin.
Et qui ne voudrôit préférer un Ulisse à trois cens
et à six cens Aiax? La noblesse prudente, sage et in-
génieuse, vaut incomparablement plus que la no-
blesse brutale et furibonde. Aucuns même ont osé
dire que Miles a été nommé parce qu'il en faut choi-
sir un bon entre mille ; mais pour moy je suis dans
un autre sentiment. Je respecte l'espée; mais enfin:
Noh n)irum facili redimit ^ui sanguine vitamj
comme dit Martial. Aucuns ont bien autant estimé
tto confesseur de 80. ans ' " ~
titer ille facitj qui mise
quelquefois de sa vie , et
est noyé et abysmé dam
jeûne et trois palette de
£h6 toute la brav<mre de
ces capitans, matamores
ferrées. Pallas étoit autan
que celle des armes.
Digitized by
Google
( 4^0 )
Nous ne manquons point aussi d'exemples. Aiexaui-
dre-le-Grand ëtoit aussi ^vant que vaillant. Aristoie
avoit été son précepteur, et le père de ce prince esti-
moit son fils heureux de ce qu'il étoit né au tems de
ce grand philosophe. Voyez aussi l'Eloge de Scipi<m '
chez Patercule. Jule C^sar suhjugua les Gaules, et il
fut luy-même l'historien de ses conquêtes. Traversant
une rivière à la nage , il nageoit d'une main , et de
l'autre il élevoit des cahiers, crainte de les mouiller.
Le même, étant dans son camp, prit le loisir de com-
poser un ouvrage de Grammaire qui traittoit de l'a-
nalogie. On le représente même en devise avec un
livre et une épée , et ce mot pour ame : Ex utroque
Cœsar. Charlemagne fit de longues guerres, et néan-
moins il fonda l'Université de Paris , y évoqua le cé-
lèbre Alcuin, et luy même composa un Eloge sur le
décez du pape Hadrien. François I. , nonobstant ses
emplois militaires, rétablit cette Université de Paris,
y fonda de nouvelles régences , et y évoqua d'excd-
lens professeurs. Notre invincible monarque se scwi-
vient aussi des études et des studieux. Sa bibliothè-
que, qui n'étoit ep i65o que de quatre mille volu-
mes, est à présent de soixante mille. Son médailler
est incomparable , et pour comble il assigne de gros-
ses pensions à tous lés grands studieux de l'Europe.
Charles VIII regrèttoit d'avoir été élevé sans étude;
et on l'avoit ainsi traitté, parce qu'il étoit infirme.
Henri III voulut sçavoir la langue latine, pour lire
Tacite en original.
Mais voicy les raisons sur lesquelles je me fende.
Digitized
by Google
( 4ai )
En I. lieu, FEtat a besoin de loix en tout tems; il
en faut poiu* la paix , et, ce qui est surprenant, il en
fsMU même pour la guerre, car la gueixe doit être en-
core plus policée que la paix.- Cicëron passe bien plus
outre : il observe que les voleurs et les pirates ne
sont point sans loix ; ils ont de certains traittez entre
etçL qu'ils observent fort religieusement, quand il
s'agit prœdœ ereiscundœj raptoncm re-
gundorum. Au reste, Arrius Menander avoit écrit
4* livres des loix de la guerre; Tarrutenus Paternus
en avoit écrit autant ; mais Maeer n'en avoit écrit
que deux du même sujet, et Paul un livre entier des
Peines militaires. Voyez le titre 4e re MUitarij ad
Digeste. Nous avons encore en gred les Loix militai*
res de Rufus, qu'aucuns attribuent à Justinien.
£n :2. lieu, la milice n'est que la succursale de la
justice, comme la justice l'est de FEglîse; car pour
refréner les scélérats, on commence par l'intérêt de
la conscience , de là on passe à la force de la justice ,
et enfin on finit par la violence de la guerre. On em-
ploie l'artiUerie , qui est ratio ukima regum; on fait
toôEiner les canons; et avec ces longues clefs on ouvre ,
à la distance d'im quart de lieuë, les portes des villes
les plus rebelles. Nous pouvons dire que les loix ont
aussi leurs guerres. Il y a des antinomies ou du moins
des enantiophanes dans le droit romain. Les magis-
trats fcmt aussi une espèce de guerre à toute outrance
et irréconciliable contre les scélérats. Peut être que
par ce motif l'empereur Charles IV. annoblit Bar-
thole, ct^luy permit de porter ses armes, qui étoient
Digitized
by Google
d*or à un lion de goenle à Li douUe qneoë : de J^ ce
docteur prit le ma^ de oomposer mt livre du ULascHi.
Uempcreur Qiaiie&-Qiiint portoît pour devise : Phu
legibiis quhm armis. Hiilippe II. son fils, roy d'Esr
{MÉgne, ooiupiit IneiL plus dans son cabinet ([ue dans
le camp^ Salicet dit hardiment qa*nne comtesse é^fifaor
sant on docteur ne se mésalieroit poinu Boërins, an-
cien avocat de notre siège y et depuis antéœssenr de
noire université , et pois présidem à Boordeanx, dit,
msKt Fart. 33. du vieux Bory, que les sçavans vont de
pas ^al avec les nddes.
En 3. lieu, comme le maître est plus que le ser-
viteur, le prince que le vassal , le députant plus qœ
le d^uté, le commandant que Tobeissant, T^itre-
preneur que Texécuteur, IWcbitecte que le masson,
le pilote que le rameur; de même le politique, rhomiDe
de cabinet, le conseiller d*Etat, en un mot le cl|e?a-
lier des loix est {dus que le soldat, et du moins au-
tant que le capitaine. Tel étoit cet illustre Berru^er
Mre Pierre Salât, chevalier des loix, docteur et pro-
fesseur en Tuniv^rsité d'Orléans. Il est employé pour
sa pension dans un registre de la chambre des comp-
tes de 1466, et y est qualifie chevalier des loix«
Aucuns passent outre et soutiennent, par mâoaeté
de raison, que ccworne nous avons des chevajiers des
surmes et des loix, nous devons aussi avoir des che-
valiers de la langue et de la rime, comme Babac et
Corneille ; du globe et de la sphère , ccnnme Cluvier
et Cassini ; de la colomne et de la voûte, comme Mi-
chel-Ange et Mansard; du pinceau et du burin,
Digitized
by Google
(4a3)
comme le BruB et Nanteuil. Les anciens Romains
r^peetoiem si fcMrt le mérite , même dans les serfs ,
qu*ils les affranchissoient volontiers : tels ont ëtë Tc-
reaiioe^ Epictete et Phèdre. La loy de bestus épargne
les industrieux. M. le président de Thou fait l'éloge
àes, professeurs et des imprimeurs , plutôt que celui
des généraux d'armée j et Séneque en auroit bien fait
autant en son siècle , car il dit au 3. livre de ses Bé^
néfices : Nemo altero nobiliorj, nisi cui recdàs in-
genium et artibus bonis aptiàs.
TROISIÈME PARTIE.
11 me reste à faire voir que la noblesse de ville
vaut bien celle de campagne. La question n'est pas
sans difficulté. En i . lieu , nous voyons que les Ro-
mains, qui ont été les plus rafinés politiques du
monde, ayant partagé leur ville en plusieurs tribus,
partie urbaines et partie suburbicaires, donnèrent le
pas à celles cy. Eux-mêmes ne portoient, pour la
plus grande partie, que des noms de campague,
comme ArboriuSj jésina^ Brutusj Bestia et Bubur
leusj Cœpio et CicerOj Capra et Caprarius ei Car
preolusj CaudeXj Fabius^ Frugij Floru^j Hortefh
siusj LentiduSj Laçtucinusj LaureUj Oviniusj. Pi-
SQj PitumnuSj Porcius^ Serranusj Stohj Scrofuj
TauTus^ Vitelhis et FUellius^ etc. Souvent même
ils ont nommé des laboureurs pour leurs magistrat^.
Gincinnatus fut tiré de la charrue pour êire dictar
tfiur, tant ils étoient fortement persuadez que l'agri*-
Digitized
by Google
culture est la baze d*un Etat. Tout vient de la ^sam-
pagne, bled, vin, huile, laine, bois, et tout ce qui
meuble une boucherie; aussi estimoient ils plus Prœ-
tUa rusticaj quàm prœdia urbana. Ils préfëroient les
fonds, ubi plus aratur, quàm venrUur.
Eu 2. lieu, Pline dans son Histoire, liy. i8. ch.5>
et Vegece, liv. i. chap. 3. de TArt militaire, observe
que la campagne fournit de meilleurs soldats que la
ville ; ils sont plus laborieux et moins délicieux : c*ë-
toit même une grosse inîure de traiter un soldat du
nom de bourgeois. César, chez Lucain, parle ainsi
avec indignation : Tradite vestra viris ignavi signa
Quirites.
En 3. lieu, la chasse, qui est Poccupation ordi-
naire des nobles de campagne, est un crayon de la
guerre. Voyez sur ce sujet Jean de Salisbury, évéqœ
de Chartres, en son Polycrate, liv. i. chap. 4« H emt-
prunte d*une Menippëe de Varronj intitulée les Mé-
lëagres , une partie de èe qu'il y dit de la chasse.
Enfin Joseph Scaliger disoit qu'il y avoit plus de
rapport d'un laboureur à un gentilhomme que d'un
marchand. Un noble peut labourer luy-méme soa
champ, sans déroger à sa noblesse; mais il ne peut
feire le marchand, acheter pour vendre et vendre
pour acheter, sans dérogeance.
Nonobstant toutes ces difficultés, j'ose soutenir
que la noblesse de ville vaut celle de campagne. Je
me fonde premièrement sur ce motif : l'homjne est
composé de deux parties, Tame et le corps. La cam-
pagne est bonne poui' fortifier le corps; mais l'ame
Digitized by LjOOQ IC
X425)
ne peut s'instruire que dans la ville. Il faut lire, oiîir,
converser, spéculer et composer, pour perfectionner
son ame; et tous ces avantages sont plus frécpiens et
plus achevés dans la ville que d^s la campagne. On
n'apprend rien à voir des plantes, des animaux et des
bétes chassées; il faut demeurer dans les villes, et
dans les grandes plutôt que dans les petites, et dans
les métropoles plutôt que dans les micropoles. On
n'en est pas plus noble pour demeurer à la campagne,
ni plus roturier pour demeurer à la ville; de même
<jue Ton ne devient pas plus noble pour tirer son
origine d'un lieu éloigné, et se mettre dans le prédi-
cament de la no1;)lesse débarquée. Toute la campagne
vient de la ville, et toute la ville vient à la cam-
pagne.
Je me fonde secondement sur cet autre motif : des
22obles de campagne, les uns sont dans Pemploy, les
autres non : ceux-ci, qui ne sont que des casaniers^
sont indignes de leur qualité. Etre noble et casanier,
cîest comm^ être juge et concussionnaire, avocat et
prévaricateur, notaire et faussaire. Le noble doit pen-
ser comme Caton chez Lucain : No?i sibi sed toti
genitum se credere mundo; autrement je luy diray :
Ostende mïhi nobilàatem tuam ex openbus tuis.
Quant aux nobles de campagne q rs ca-
ravanes et qui ont plusieurs anné je ne
leur oppose pas les nobles de ville nême
passe; mais je leur oppose une fo li ont
bien mérité du roy, de l'Etat et s uns
sont dans l'Eglise, comme les abbés, prieurs et cha-
Digitized
by Google
(4^6)
Aoines; les autres dans la robbe, comme les juges ^
le» avocats; les autres dans les finances, comme les
chambres des comptes et les bureaux ; les autres dam
les universités, comme les théologiens, juriscoasiit-
ted, médecins et autres professeurs des langues et des
mathématiques; les auuw dans la police, comme les
maires , capitoux , échevins et autres officiers des hâtek
de ville; les autres sont gouverneurs d'bôtels-Dieu
et d'hôpitaux : enfin, personne ne croise les bras.
Mais il y a un mojen pour concilier les deux parw
tis. Il faut ({ue les nobles de ville et de campagne
soient amphibies, et qu'ils coupent leur domicile; il
£wt qu'ils imitent le jurisconsulte ,Labeon, duqu^
parle Pompone dans la loy De origine /uns : il pas-
soit six mo^s à Rome dans les conversations, et six
mois à la campagne dans les compositions de livres.
Ainsi Proserpine donnoit six mois à son mary Phir
ton, six mois à Gérés sa mère ; ainsi Apollon demea-
roit six mois en Délos, et six mois en Syrie; ainsi
certains oyseaux sont semestres; ainsi les Romaias
délicats avoient leurs maisons d'été et d'hyver, leurç
^es aussi d'été et d'hy ver, et enfin les anneaux d'été
et d'hy ver.
. Nous savons même que pluâeurs nobles de Berry
avoient leurs hôtels à Bourges, comme les comtes de
Sancerre, où est à présent la trésorerie; les d'Ai»-
boise, rue Jacques-G]Bur ; les d'Etampe, rue de ;
les de Bar, rue Narrette; les de Bre viande, rue de
Sainte-Claire ; les de Monchevry, rue de Saim-Sul-
pice, etc.
Digitized
by Google
(4^7)
On observe encore une
fondée non sur la demeur
mais sur le {»rivilége des â
maires et ëcbevins en certa
n^esi point si méprisable, comme aucuns se persua-
dent. En I. lieu, ce privilège n^est pas toujours la
peuve dWe roture précédente; en a. lieu, il vaut
ipîeux avoir un vray titre que de n*en avoir point du
tout, ou n'en avoir qu'un faux comme plusieurs no-
bles de campagne. Enfin, quand cette noblesse est
revêtue de services, elle me paroit aussi bonne que
toute autre. On traite quelquefois la seconde noblesse
de clocbe ; mais c'est faire un mauvais usage des noms.
Noblesse de cloche n'est pas la noblesse de mairie ,
mais c'est la noblesse qui n'est que du côté paternel;
c'est une noblesse de cloche ou clocheante.
Digitized by
Google
( 4^8 )
HUITIÈME PARTIE
ADDITIONS AUX MÉLANGES (i).
REMARQUES
^a UlïE MÉDAILLE I» FRANÇOIS I«', ET SÙA LA SALAMAKDBE^
qu'il avait adoptée pour DETISB (a);
Je croyais, monsieur, qu'il suffisait <jue la mëdailie
de François I*', encore enfant, au revers de la Sala-
mandre dont je conserve Foriginal, et dont je vous
envoyai le dessin avec ma seconde lettre sur le
voyage de Basse-Normandie, eût paru gravée dans le
Mercure pour m'exempter de faire là^dessus aucune
recherche, persuadé que vous prendriez soin de nous
• expliquer cette espèce d'énigme, du moins qu'elle ré-
veillerait l'attention de quelque homme de lettres qui
pourrait instruire le public^ Ennuyé de ne rien voir
paraître sur ce sujet, j'ai employé quelque petit loisir
pour l'examiner, et voici à quoi se réduit tout ce que
j'ai trouvé qu'on peut dire sur cette médaille.
La prévention générale veut que la salamandre ne
(OTome i8 de la GoUect.
(2) Extrait du Mercure Ae juin lySo.
Digitized
by Google
(4^9 )
lut le symbole ou la devise de François I" que de-
puis que ce prince parvint à la couronne de France ;
on voit efiiecti^vement ce symbole sur la plupart des
grands édifices construits par ses ordres durant son
règne, et sur plusieurs de ses médailles. Je ne me
souviens pas de l'avoir vu employée sur aucun monu-
ment avant cette époque /à Texception de notre mé-
daille frappée en l'année m d iv, qui était la dixième
de la vie de ce même prince, nommé alors François^
duc de Valois j comte d'Angouléme*
Le premier auteur que j'ai consulté pour savoir si
cette prétention était bien fondée, est Mézeray^et j'ai
trouvé qu'elle ne peut pas subsister avec le témoi-
gnage de cet historien.
«François I" n'étant encore que duc de Valois,
((dit Mézeray, t. 2, p. 1042, le roi Louis XII lui
<( donna Artus.de Gouffier pour son gouverneur. Ce-
<( tait le seigneur le plus sage et le plus chrétien de
((toute la cour, qui, reconnaissant que le naturel de
<(Son nourrisson était excellent, mais semblable aux
(( terres franches (jui produisent bientôt des orties et
(( des chardons si elles ne sont point cultivées, n'omit
(( aucim soin pour planter dans un si bon fonds tou^
(( tes les vertus (jue doit avoir un grand prince. Or,
((pour lui faire connaître qu'il devait appliquer la
(( vivacité de son génie aux bonnes choses, non pas à
(( la vanité, ni à la violence où elle eût pu se porter,
(( aussi bien qu'aux belles actions, il lui choisit la de-
(( vise de la salamandre, qui se nourrit dans les flam-
(( mes, mais qui tempère sa trop grande activité par
Digitized
by Google
( 43o )
^«a fimdeor, comme le signifient ces paroles qiii Tac-
ce compagnent : Woraisco m. buono stîitgiïo et reo
it (pour EL RBo)^ An resle , il n*est pas ^rai que la sala-
« mandre cherciie le fen pour s'en nourrir, ni même
H 4pLelle puisse durer longtemps dans un grand brasier ;
il maïs il est constant <[u*elle est si fioide y qu'elle peut
<( éteindre un petit feu. »
Mézeray ne se contente pas de rapporter ce lait , il le
prouve et le rend certain y en rapportant aussi à la fin du
règne de François P' toutes les médailles frappées pour
ee grand prince qui sont venues à sa connaissance. Elles
sont au nombre de vingt-sept» La première est juste-
ment celle dont il s'agit ici, au revers de la salamandre
dans le feu ^ avec une pareille légende pour le sens (i),
car le ^veur a manqué d'exactitude dans quelques
lettres; il s'est beaucoup plus mépris dans l'année,
<pii ne peut pas être mgccgiiii, comme il le marque,
mais MGCCCciin. Au surplus, Afézeuay n'a point fait
^aver la tête éo. prince, alors duc de Valois, et âgé
^eolem^it de dix ans, ce qui était le plus curieux. Il
n'avait apparemment pas vu la médaille en original.
Ainsi, monsieur, la mienzie, qui sert d'ailleurs à cor-
riger les fautes du graveur, en devient plus cemsidé-
rable; et c'est, comme vous voye«, la premi^ qui
flât été frappée pour ce prince, avec le symbdie in-
venté ( selon Mézeray ) par le sei^eur de Gouffier,
plus de dix ans avant qu'il montât sur le trône.
' Ce n'est dqpc pas en quîaiité de roi de France que
(i) Notrf^co e boeuo sirîngo cl reo. M. CCCG IIII.
Digitized
by Google
(43. )
ce symbole a été donné d'abord à François V\ Il y a
plus (1)9 Parâdtn veat qu'il ait appartenu auparavant
à Charles, oomte d'Angouléme,«)n père, mais il nVn
donne aucune prenre. Il me souvient^ ajoute -t*- il,
avoir vu une médaille en bronze dudit feu roi Fran-
çois, peint en jeune adolescent, au revers de laquelle
était cette dei^ise de )a salamandre enflammée , avec
ce mot italien : Nodrisco il buono et spengo il reo.
Voilà , monsieur, encore notre médaille du jeune
duc de Valois, comted'Angouléme, que Paradin ne cite
que de mémoire, et dont il rapporte la devise à sa ma-
nière. Cette pièce, con^ne Ton voit, était déjà rare en
1633, temps de rimpreasion dû livre de cet auteur (de
Tune des dernières éditions), qui cite aussi une riche
tapisserie de Fontainebleau , chargée du même symbole
de la salamandre, et accompagnée de ce distique :
Ursus atrox, Â<}uike<pie levés, et tortllis Âoguîs
Cessenmt flammae jam, Salamandra, tuœ.
C'est une allusion aux expéditions glorieuses de
François I*' en Suisse, en Allemagne et dans le Mi-
lanais. Au reste , Paradin n'est pas le seul qui fait re-
monter ce fameux symbole jusqu'au père de Fran-
(i) La salamandre, avec des flammes de feu, était la de-
vise du feu noble et magnifique roi François , et aussi au-
paravant de Charles, comte d'Angouléme, son père. Je
MOiJRBis BT j'ÉTBiNS. (Paradin, Bmses herdù/ues, elc« Paris,
i6a2, in-8«.)
Digitized
byGoogk
(43a)
çois T'. Jean le Labonreur, dans ses Tombeauœ iU
luslreSj après avoir parle de la cërémcmie du trans--
port du cœur de ce {urince (i) aux cëlestins de PariS|
ajoute : a Le sieur d^Hemery d^Amboise lui donne la
a salamandre pour devise, et dit que le roi François,
(c son fils, la* porta après lui. » '
Le même le Laboureur, en rapportant aussi ce qui
se passa le sa mai 1547? lorsque le cœur de ce mo-
narque fut pareillement porté aux cëlestins, observe
que (( sa devise fut une salamandre dans les flammes,
« avec ce mot, nutrisco et extinguo. Quelques-uns
ii Font, dit-il, interprète avoir ét^ le symbole de vertu
M et gënërositë de ce roi en quelque entreprise que ce
{(fût; d^autres, entre lesquels est Paul Jove, disent
« que ce fut une devise amoureuse pour montrer qu'il
(( brûlait du feu d'amour et qu'il se nourrissait du
(( feu de cet amour. » Le même auteur dit aussi qu^il
y ajouta ce mot italien, mi nutrisco.
Il y a lieu d'être surpris que le P. Daniel , qui a pu
être instruit de toutes ces choses, qui cite même Pa-
radin sur ce sujet , ait écrit si affirmativement que
Franco^ !•' a prit pour symbole une salamandre, avec
(( CCS mots de son invention : Nutrisco et extin-
Guo. » Deux choses extrêmement douteuses, savoir :
que ce prince ait choisi lui-même ce symbole, et
qu'il soit aussi l'inventeur de la devise , comme le veut
(i) Charles de Valois, due d'Orléans, comte d'Angou-
léme.
Digitized
by Google
(433)
«
le P. D^el. La médaille qui donne Heu à mes re^
mirques détruit absolument cette idée ; elle est frappée
pour ce méme|H*ince, elle contient le même symbole;
mais 1q prince a^avait alors ^ comme on Ta déjà dit,
(pe dix ans; il n'était pas en &ge de se choisir un
symbole, encore moins d'inventer là -dessus des pa-
roles, conirenables; la devise est d'ailleurs différente
sur ce monument incontestable, de celle dont parle le
P.Daniel.
Côt auteur ajoute qu'il a peine à pénétrer le îi^is
et la finesse des deux mots de la devise &n question ;
il croit cepend*nt que ale'jMfihtf© vouloitfaire côm-
(f prendre que' comme cet animal, ainsi qu'on l^it,
« vit ^u milieu du feu , de même il étoit à l'épreuve
i( des plus rudes revers de la ibitune. »
Enfib le P* Daniel, qui avait vu dans Paradin ce
qui est dit d^ila médaille du jeune duc de Valois, au
revers de la; salamandre, avec la devise italienne:
NotDitiSGo II. BUONo ET SPENGO IL AEO, explique ainsi
cette jautre devise : « Par oà il marquoi^, dit -il ^ sa
(tbotnté et son équité qnifierjTe^doîent libéral envers
(des gete de bien, et lui >faisôien#\ punir les mé-
Y^chaiist))
MasiH|)dse augmentera cette autre interprétation;
qui prCKUve aa moins que^le P. 'Daniel n'a pas fait at-
tention aux paroles expresses de l'auteur qu'il cite,
que j'ai rapportées ci-devant, et que je suis obligé d^
r^)éter ici : (c II me souvient avoir vu une médaille
«en bronze di;^it roy François peint en jeune ado-
« lescent, au revers de laquelle, etc. » Je vous laisse^
I. 9* LIV. 28
Digitized
by Google
( 434 )
moosîear, joger » ce jeune adoleseeat , dont je voug
ai nudrqué Tâge prëois par ma médaille ^ i^it ea ém
dé ponir k» médiam ei de marquer sa libëtialhë ea^
vers les gens de Uen/ La même raison vait q^'û
notait pas plus capable alors de donner à cet emblème
une devise italienne qu*nne devise latine. Csff le Père
Daniel ajoute <|ue a Tune latine (l) fut apparemment
K faite d'après Titalienne^ qui &tt abbi^ée par oe
(( prince même, ou par quelqu^autre qui ne sçavdt
i< pas mieux le latin ^pe lui; car le nutri^t^ n'est pas
« \m mot latin, i^ ^
C'est) ce me semble^ tout ce qu'on peut accorder
là-oessus : mUrisco n'est pas un mot latîn > cda est
certain; mais tout le reste paraît un peu hasardé. Quoi
qu'il en soit, il doit du moins résulter de ces obser-
vaticms, que ce n'est pc»nt Branç^ l!% soit comme
duc de TaUns, soit comme roi de France , qui a in-
venté le symbole et la dévise de la sàhnriandre ; que
ce symbole paraît pour la première fois sur une mé-
daille de ce prince , frappée dans son bas âge , et dix
ou douze d30& avant scm avènement à la couronne^ et
en£n qu'à moii^ qu'on ne produise une médaille ou
quelqu'autre monum^t incontestable qui porte k
nitéme symbole^ ait pour Charles de Yali^, csomte
dTAngouléme^ ceique Paralia^ leLd»uremr et â'Hé-
m^y o^t avimcé là^ckssus, se trouve dénué ife preuves,
i?t avaticé sons fondement.»
(t) Il faut emeâdre ceile dont parle Pàtd Jove , èti^ p^^
ParadJn.
Digitized by VjOOQ IC
(435)
£)ian$ ces circonstances) je ne vois, monsieur^ am-
cun inconvénient de nous en ra^K»rter à Méz^Tay^
auteur plus exact y et d^un plus grand poids que les
trois dont je Tiens de parler, et de donner rinvenûon
de ce symbole et des paroles qui raccompagnent à
Artus de Grouffier, gouyemeur du prince, dans Tin-
tention et par les raisons marquées dans Thistoire.
C'est sans doute œ sage gouvarneuir qui a £dt fir^
p^ la m^flaiUe que je possède, dont l'époque et Tâge
du prince démontrent que c'est la première qui ait
été faite pour Hii : elle con&rme ausâ mes remarques
à ce sujet.
Il paraît par plusieurs autres médailles Irappées
dc|)iiis que, ce prince fut monté sur le trône , qu'il
aima particulièrement ce symbole^ qui lui vei^t d'une
personne <di^e et respectaUe. J'en rappcnrta^ seu'*
lement. quatre, du nombre de tselles que j'ai déjà dit
acvjtnt été gmyées et expliquées dails Mé^aray, savoir:
la 6., sur le revers de laquelle est une salamandre
couronnée dans les flammes , Nutrisca et extinguo^je
m'/noums et/e Vétems* I««a aS-^ une F couronnée,
la salamandge-au pied, de cette lettre, et pqur deviset
Opéra Domùn magna j firappée par ks ^beVins de
Paris, itm mémoire du bâtiment de rHôtel'4e^yille*
La 34'9 ^ salamandre dans le feu, et ccHircomée ; le
champ de la médaille est É/^mé de la lettre F et de
fleurs de lys, aveu ces mots : Extinguo, mOrior. El
la a5., la ^amandre couché» au milieu des ilammes^
les dissi^ ou les auKntit par son baleine, tcmrnant
la tête vers une couronne qui est au-dessus, pour
Digitized by VjOOQ IC
(436)
marquer la grandeur du courage du roi; pour légende
ces deux vers autour :
Dîscolil li»c flammaoi : Fnncisciis robore mentis
Omnia penricit, renun immersabilis nadis.
Ces quatre médailles ont été frappées en or, et se
trouvent encore en certains cabinets; elles prouvent
la variation quHly a eu dans Tapplication dji symbc^e
de la $alamandre, et dans les paroles qui Tont accom-
pa^é j suivant les temps et les difféfentes vues des
personnes qui Font employé depuis le premier inven-
teur. Au surplus j ne faiscms point de procès ou de
mauvaise, chicane à ceux qui ont estropié quelque
nK>t italien , en gravant ou en im|»imant la devise en
question,' comme je Tai remarqué au conanence-
metft ; on n'était pas si exact en ce temps4k. Cela ne
fait rien au fond du sujet , et lie dinûnue en rien le
mérite du monument mginal qui est gravé dans le
Mercure.
Peut-être , monsieur, ne serez-vous pas fèché qu**en
finissant j'ajoute un mot en faveur du personnage à
qui Afézeray en attribue l'invention^ Artos de Gouf-
fier-, comte d'Estampes et de iCaravas , sdgiïeur de
Boisy, etc., était issu d'une illustre etanciemfie maison
de la province de Poitou, laquelle a été féconde &l
grands hommes. Il était fils de Gtdllaume de Goufller,
seigneur de Boisy, baron de Roanés, de Maulevrier,
de fionnivet, etc. , premier chambellan du roi , gou-
verneur de Languedoc et de Touraine, etc., gouwr-
Digitized by VjOOQ IC
(43?)
neur du roi Charles YIII et de Philippe de Mcmt-
morency.
Frsmçois P', dont il fut gouverneur, le comhla de
biens et d^honneurs; il lui donna la charge de grand-
maître de France , et le gouv^mement de Dauphin^,
le fit son principal ministre, et Thonora de plusieurs
ambassades importantes , dont la principale fut vers
les électeurs de TËmpire , après la mort de Tempe-
reur Maximilien, pour déterminer leurs suffrages en
£iveur du roi son maître. Quelque temps auparavant,
Charles Y, roi d'Espagne, qui fut depuis empereur,
ayant pmposé un accommodement, le roi n(»nma de
sa part, pour chef de la négociation, Artud deCroc^
fier, et le roi d'Espagne Antoine de Croiiy, seigneur
de Chierres , qui avait aussi été son gouverneur; Ces
seigneurs s'assemblèrent à Noyon , et firent le traité
qui porte ce nom dans Thistoire, leqi^l fut ratifié par
les deux rois. La France ne profita pas long -temps
du ministère d'un homme si sage , et Axtus de Gouf-
fier n'eut pas le déplaisîir de voir les dis^ces de
TEtat. Il mourut en Pan i5i^ , lai^saAt un fils um?
que, Claude de Gouffier,qui fiit duc de Roanés, pais
de France, par érection de i566, comte de Cara-
vas, etc., grand-écuyer de France, et dont la postérité
a formé plusieurs branches, etc.
Deux fi'ères d'Artus de Gouffier, Adrien et Guil-
laume de Gouffier, fiirent élevés à des charges et à
des dignités considérables : le premier fut évêque
d'Alby, puis cardinal , légat en France , et grand-
aumônier : le second est célèbre dans rbisloire sous
Digitized
by Google
(433)
le nom à^anUral de Btmnivetj s*ëunt fort signalé
par mer et par terre. Il fut aussi gouverneur de Dau-
l^nnë et de Guyenne.
Deux autres frères furent distingues dans TEglise^
savoir, Pierre (i) de Gfouffier, abbë de Saint-Denis
et de Saint-Pierre-sur^Dive, et Aimar, qui fat évêque
de CoutanceSy puis d'Alby, ahhé de Lagny, et enfin
suecesseur de son frère en. Tabbaye de Saint-Denis.
Un cinquiëne frère , Guillaume de Gouffier, sei-
gneur de Bonnivet , puis de Thoy, par son second
mariage fait la branolie âea seigneurs et marquis de
B<mmTet. II se distingua dans les guerres d'Italie, et
fut ttK à k jonmëe de Pavie en iSù^.
Je passe les autres iUustrati<ms et les grancfes al-^
Uanoes de cette maison , qui subsiste encore au^ur-
d'kui dans les personnes du marquis (s) de Thoy,
père du marquis de Goufl^er, du comte de Roanés, et
du marquis de Bonnivet. Je ne dirai rien non plus
de ses différentes branches de Caravas , d'Espagny, de
Brazeux, de Heilly, etc., me contentant de remar-
quer que le duéhé de Roanës est s<»rti de cette illustre
maison par le mariage de Cbariotte de Gouffier, du-
(i) Doublet, dit le noorel Idstorieii de Smnt-Deiûs, nous
a Gonserré Tépitaphe de Pierre de GoofSer, mort en i5i6,
gravée sur une tombe d'ardpîse qui se voyait autrefois dans
le chœur de Saint - Denis » avec ses armes ^ qui sont d'or à
trois jumelles de sahle,
(a) Le marqnîis de Thoy est depuis d^édé le a mars
1739.
Digitized
by Google
( 439 )
ehesse de Roanés, oui épousa en 1667, François
d^Aubusson de la Feuillade, pair et maréchal de
France ) etc.
Je suis, monsieur, etc.
A Paris, le a janvier 1739.
Drgitized
by Google
(44o)
TRAITÉ
DES EOIS DE FHANCE AVEC LES ARCHEVESQUES DE ROOEII ,
Par lesqueb îli les oUigeni de Tcalr mne fois Tan à leur cour, à la charge
qa*ils les en feront convenablement semondre , et qa'ils envoyeroot
an- devant d*eaz un honorable convoy..^ — L*an Ma.xxzxi (i).
(3) Av nom de la saincte et indiuiducTrinité. le Phi-
lippe, par la grâce de Dieu, roy de France, octroyé
(i) Cette pièce et celle dont elle est suivie sont tirées
d'un Recueil fort rare , intitule le Mercure isGaillon, oa
Recudi de pièc€9 curieuses, iani Mérarchiques <^ poSUgues.
A Gaiilon, de l'imprimerie du Chasteau archiépiscopal (de
Rouen), i644-« in-4'*. Ce livre , dont il n'existe qu'on très-
petit nombre d'exemplaires, fut publié par les soins de
François de Harlay, archevêque de Rouen, qui traduisit ou
analysa lui-même les pièces les plus anciennes rédigées en
latin , et «pii se qualifiait le reUgfomsime François , etc.... II
em pom* successeur le célèbre François de Harlay, son ne-
veu, qui occupa ensuite le siège archiépiscopal de Paris,'niaîs
qui était un peu moins que reUgiogissime, (JS£^ CL.)
(2) In nomîne sommet et indimàuœ Trinitatis. Ego PhH^prn,
J)ei gralià Francomm Rex, concedo Abiatiam Sancd MeUoms
de Ponte-Isarœ Domno VçUelmo Rotomagensi . archiepiscopo ,
et omnibus Successoribus suis, et dono infedium, Qt eam de me
et de Successoribus imis perpétua teneant ad honarem et exalta-
tionem Sanctœ Botomagensis Ecclesiœ. Sed et de EcdesOs atqm
Altaribus quœ sunt in Vikassino, de quibus prœfatus Archiepis-
çQp\tS monstrare patent rectitudinem Ecciesiœ suœ, concedo ei
Digitized
by Google
( 440 .
Tabbaye de sainct Mellon de Pont-Oyse à messire
Guillaume, archeuesque de Rouen, et à tous ses suc-
auxiUum meum, fordtudinemf atque consiUum secundàm justi-
tlam. Prœter hœc eUam conceâo et confirmo redditîonem illam,
qua Gualierim Cornes fiHus Drogonis Condtis redàiâît Maunlîo
Rotomagensi Archiepiscopo et ommBus Successonèus suis totum
iUud quûd pertinet ûd Archidiacona^im de Vileassînù , suie in
Castelh de Ponte*Isarœ, siue extra, et quodcumque ipst ante hœc
in manu sua detinehat, oel aUquis per eum habehatetpossidebat»
SimiUter et in Caluomonte, et reliquis siue burgis, siue çillis.
Hanc, inquam, redditionem tali raiîone cof^rmo , çt si est de
fedio meOf de me ilhid habeat Rotomagensis Archiepiscopus : si
oerà est de Archiepiscopatu , de Comité Normanorum teneat,
cuùis est Archiepiscopus. Hoc autem erit sendtium quodpro prœ-
fatofediôfadet mihi Rotomagensis Archiepiscopus : Per singulos
annos çeniet ad çnam ex CurOs meis, siue Beluacum, siue Pûri^
SUIS, due Sihanectum, si fecero eum conuenienter submoneri ,
nisi ipse iegitimam excusaUonem Jtabuent Cùm autem ad Cu--
riam meam 0enerit, imittam ei Conductum tut Caàmmmontem ,
siue ad Pontem-Isarœ. Sed et ad pîacita mea çeniet pèr VUcassi-
num, si et ego eum inde fecero conùenienter submoneri, Vt autem
hcec ratio omnibus tam prœsentihus quàm futuris fiât cogmta , et
Caria hœcfimdtatem obtineat, Nominis mei inscriptione et Si--
gilU mei impressiorie corrobprari fed et prasmunin, Anno Mp,
X&. V*. ab Incamatione DominL Huic œrà Donatiord interfuej
runt ex mea quidem parte, V^ido Dapifer de Rochefort, et Adel"
mus de Lusarces, et Galterus Tyt^l, et Pagamis de Nielfa, et
OdofiJiiês V^alonis , et Hubertus Canceîlarius meus : Ex parte
çerà Archiepiscopi, Odmvndus de Caluomonte, et Drogo fiUus
Gualonis et Rîcardus de Pormort, et Fhibertus Archidiacon^s ,
et Bicardus Capdlanus, et Herbertus de Cahiomonte, et Vrssf
Canonicus , et Rogerus de ConstanUis et Vvibertus Canomçi, &'^
Digitized
by Google
. ( 44a )
Casseurs , et la leur àatme en fief ^ afin qu*ils la tien-
nent de moy et de mes saeeeaseurs pour toujours ,
pour rhonneur et exaltation de la saincte église de
Rouen : comme aussi pour le regard des ^lises et
autels qui sont au Yexin, desquels ledit archeuesque
pourra monstrer la droicture de son ëglise, ie lui ac-
ccnrde mon ayde, force ^ et conseil selon iustice. De
jAuBy i'octroye et ccmfirme la restitution par laquelle
le comte Gautier, fili du comte Druon , a rendu à
Maurilles, archeuesque de Rouen , et à tous ses suc*
cesseurs , tout ce qui af^>artient à Tarchidiaconë du
Vexin , soit au chasteau de Pont-Oise , soit hors d*ice-
luy, et tout ce qu^il detenoi) en sa main auparauant,
ou que quelquVn auoit et possédoit par luy. Sembla-
blement à Cliaumont et aux autres bourgist ou villes.
gnum ^ PhiUpfA RâgiSf signum ^ V^alten TircUip signum * Pu-
gani dé Nielfa , dgmm f Adelelmi de Lusarces, signum V^ido-
ms Dafdferi *• de Rocefort SigUlatum sigiilo antique m mas*
tice in i{uo effigies Régis sedentis conspicitur.
Ego Joannes le Preuostpresbyier sancUe R^omagenâs eccledm
sanotticus et MbUoÈecarius, in duttaUM dioced Raiomagensi noia-
rius ûpostolicuÈy transumptum superiàs descriptum cum autographe
in membrana vetustis characterièusexarafo, in archiau arckiepisah
paH Rutomagensi studiosè asseruato, sincère et seduid contuU, ip-
sumque oidographum ibidem reposai, de mandaéo reiigiosissimi et
iihtstrissimi dondni mei, dffmini arckiepiscopi Rotomagensis Ner-
maniœ primfltis. Anno DomM millesimo sexceniesimoquadragesin»
tertio, pridie kaiendas Augustin
Digitized
by Google
{ 443 ) '
le coiifinne, dîs-Je, celte n
que si elle est de mon fief,
l'aye de moy : que si c'est
tienne du comte de Norman
uesque. Or ce sera là le seru
Rouen me fera pour ledit fie
nu à vue de mes cours, soit à Beauuais, soit à Paris,'
soit à Senlis, si ie le fais c<muenablement semondre j
si ce n'est qu'il aye excuse légitime. Or quand i)
Tiendra en ma cour, ie luy enuoyeray tu ccMiuoy à
Chaumont ou à Pont-Oyse. Il viendra aussi à ta^
pieds ^ar le Yexin , si ie l'en fais conuenablemeni
semondre. Or afin que ce u^ittë soit conilu à tous,
tant prësens qu'à l'aduenir, et que cette chartre de-
meure inuiolable, ie luy ay voulu donner force et
vertu par l'inscription de mon nom et l'apposition de
mon sceau, l'an de l'Incarnation de Nostre Seigneur
mil quatre-vingt-onze. Or à cette donation ont esté
présents de ma part , Guy seneschal de Rochefort ,
et Adelme de Lusarches, et Gautier Tirel, et Payen
de Neaufle, et Eudes fils de Valon, et Hubert mon
chancelier; et de la part de l'archeuesque, Osmond
de Chaumont, et Druon fils de Galon, et Richard de
Pormort , et Fulbert archidiacre , et Richard chap-
pelain, et Herbert de Chaumont, et Ourson cha-
noine, et Roger de Coutances et Vvibert chanoines.
Lie seing du roy * Philippe, le seing de * Gautier
Tirel, le seing de ^ Payen de Neaufle, le seing -f
d' Adelme de Lusardies , le seing * de Guy senes-
chal de Rochefort. Sceellé d'vn ancien sceau en
Digitized
by Google
» (444)
mastic j auquel est représentée r image d'^^yn Roy
assis en son thrône.
le lean le Preuost presire chanoine et bibliotjie'-
Caire de la saincte église de Rouen, notaire apostoli-
que en la ville et diocèse de Rouen , ay collationnë
sincèrement et soigneusanent Fextraict cy-<lessus co-
pié, auec son original , écrit de vieux characteres en
parchemin , (jui est diligemment gardé dans les ar-
chiues du palais archiépiscopal de Rouen, et j slj re^
lîj^ ledit original , et ce par le commandement de
monseigneur le religiosissime et illustrissime turche-
uesque de Rouen primat de Normandie, Tan de nos-
tre Seigneur l643, le dconier iour de iuillet.
Signé i-E PREVOST.
TRAITÉ
DE RICHARD (CŒUR DE UOK), ROI d'âIïGLETERRE,
aVeC l'aRCHEVESQUE de ROUEN,
d'Eschange des miles d'Aadely, aux comUt de Dieppe et BmiidUes,
de JjQwiers, d'Alliermont , etc.
(i)RiCHARD, par la grâce de Dieu, roy d'Angleterre,
duc de Normandie, Aquiuûne, comte d'Anjou : aux
(i) Bicatidçsy Bei Gratia BexAngliœ, Dux NoFmamœ, A^-
taniœ, Cornes Andegauiçe ; Anhiepiscopis , Episcopis, Abbad"
Digitized
by Google
(445)
arolMuesques, eiiesques, abbez, prieurs, comtes, ba*
Fons, iusticiers, s^Qeschaux, vicomtes, preuosts, mi-
àtis, Prianbm, Comitibus, Bawmbus , Justitiarijs,'Senescha^
Hs, Vîceœmitibus, Prœpositis, Ministris, et omnibus Batllhds,
et fideUbii$ suis, SahOem. Cùm Sacrosancta Ecckuee Sponsa
sit E£gis Bêgum, eêQtdca DUecta^iHus per quem Reges régnant
et Principes gubernacula possidenf, tantà ampUorem à oolumas
DeuatSanem a JReuerenti^m eaûdbere, quanta certiàs non Re-
giam ianiian, sed omnem à Domino Deo esse eredimus Potesta-
tem. Vnde sicut VenerabUis Bothomagensis Ecclesia, quœ inter
çnàser^as terranmi nostrarum pbtrima cekbritate dignoscitur em-
tere, pro retum necessitate ^el temporum, nostris àuxit çtilitati-
bus opportuna HUgenÈia consulendum; sic nos eiusdem Matns
nostrœ commuais et augmentas digna compensatione dignum du-
dmus respondere. Sanè Villa AndèUad, et quibusdam aUjs adia--
ceniibm lods, quœ erant Bfithomagensis Ecclesiœ, ndtm si^[fi^
dettier firmatis, immids nostris in terram nostram Normaniœ
per eadem hca patebdtingrwus, per quœ incendijs etrapiniSf
nec mnk et aUjs. hostiKUffy $amtijs in eamdem terram nonnum-
quam Hceniiùs grassùbantur. Qaomca , çen^rabili Pâtre Vutd^
tero ArchiepisiX^ et Capituio Rûtnomagensi debitum Ju^bentibus
ad nostra et prcsdictce terrm nostrœ damna respectum, facta e^t
}u»c Pemxutatiù inter Ecclesiam Rothomagensem et Arcfuepisoo-
punh Rothomagensem Fualtertm eso çna parte, efmos ea^ altéra
parie, deManerio de Andeliia hac forma,, SeiKcet quùd idâm
Archiepiscopus de consçientia et çobmtaie Bomini Papm Cœles^
Uni Teri^, et de assensu CapituU Rothoma^mis Eeclesiœ , et
c^iscoporumsuonan, et cleri eiusdem Archiepiscopatus , conces-
mt et m p&petuum qùietum clamamt nobis et hceredibus nostris
prœdktmn Maneriikn de AnâeU cum noua Castello de Rupe, et
cum Foresta, etcum ùmmbus alijs pertinehtijs\et^Ubertatibm
SUIS, exceptis Ecùlesiis,.et Prœbendis, et Feodis MiUtumy et «qp-
Digitized
by Google
(446) •
nistres, et h tous baiUifs et ses femix, salut. Onnooe
amsi soit que la ^cre - saûicte E^ise est Tepoose du
cepio Manaio de Fraadnis mm pertineatijs suis. Quœ omma
iâem Archiejfdscopm EccUsùz Boihomagensi et sibi et successori"
hus suis retimdt, cum omnilnis îihertaUbus et liberis consuetudim-
hus suis, et cum omm integritate sua in perpetuum, Ita qubd tam
MUUes quàm Clerid, et omnes homines tam de Feodis MiUit^n
iptàm de PhJtBendis, sequentur molen^na de AndeU , skut cdr^
sueuéruntet debait, etmoltura erit nostra. ArcMepiscopas aatem
et homines sui de Frasùims molent çbi idem Archiepiscopus polei,
et si 0oiuerint molere apud Andèli, daînmt molturas suas, sicut
aKj ibidem moîentes. In Escanèium autem prœdicti Manerij de
AndeU cum pertinentijs , concessimus et in perpetuum quieta éla-*
mamrrmaJEcàiesiœ Rothomagensi etprœdicto ArcTdefdscopo et suc-
cessorihus suis, omma moiendina qwt nos haimmus Rolhomagi,
quando hoec permutaUofactaJidt, intégré cumomni sequda et
tnokura sua, sine aUquo retinemento eOfum qucs ad moiendina
pertinent, çei ad moHumm» et cum omnibus Uiertatibus et libé-
rés coniuetudinibus , quas soient et debent habere. Ifec aUad alij'
ficebit fnolendinum faca^ iàUem ad detrimenÉam prœdictomm
molendinorum : et débet Archiepiscopus sobsere eïeemosynas Oft^
'Hquitùs staùdas 4» eisdem molènMms, Concessimus etiameis Vil*
iam de Diepa et Villam de Boieilles, cum omnibus perO^Èenim,
et UhertatUnà, et liberis consuetudirdbus suis , exc^pUs eteemosy-
M& constitutis in Manerio de Diepa à nùbis et antecessoribus m$^
tr^ , qûàrum summa esttrecentâs et septuaginia àum Ùhrœ, qua
debent sobd per maman pra^cU Archiejdscopi et successorum
suûrum bis qmèus assignatce swvt. Concessimus etiam eisdem Ma'
àèrium de Lmiiers cum omnièus pertùftentiis , et^HèertatOfus, et
Hheris consuetudinOus sah; cum Minesterio de Louiaps^ saàais ad
Ofus'mstrtuà pemOùme nostnt et desiructione Forestm, iia tamen
quàd non sii in reuuardo, Coficessimm etiam eis iotam Forestam
Digitized
by Google
( 447 )
m fi^ d0»Toy&, et IViiique bien -aymée de cekiy par
K lequel les roy^ regaent et les princes possèdent les
de Altermontmm feris, et omnibus alljs periinentijs, et Hberta-
lihus suis, sicut eam habuimus, Hœc autem omrda in Escamhîum
prœdicti Manerlj de Andeli çum prœâicHs peHinenûjs data lia-
bêbunt Ecclesia Roihomagensis et prœdîùtus Aràdepiscopus et
successm^s sui in pérpetuum cum omnibus libertatibus , et îibens
ooi^sueàsdinibus sm , dcat prœdicimi est* HonUn^s mUm f^w^
dicti^Archiefdseopi, de}pt?€$dicto Escambio, habebunt omnes liber-
iates et libéras consuetudines quas habuerunt homines de An-
deli, dian Manerium illud esset in manu ipsius Archiepiscopî,
Hœc etiam omrda quœ idem Archiepisàopus in hoc Escambio re-
cepit, vuarantîzabimus Nos et Hœredes nostri Ecclesiœ Rotho^
magensi etprœdicto ArcUejdscopo et Successoribus suis in perpe^
tmtm coiUra omries homines, ita quàd si aliquis^ Esmmbium ali^
^pmd est rec^tufus pro aUifuo pAediciœitm quas memoratus Ar--
(^pisùo^m hic recepit, Nos çel Hœredes nostri faciemus illud
Escambium, et Ecclesia Rotlwmagensis hœc prœdicta in pérpe-
tuum pacifich potsidebit. Nos autem, quantum Rex )[>otest, ex-
Gommunicamus , et concedimus qu6d incurrat Indîgnatîo-
neiù Omnîpotentîs Dei , quicumque contra hoc £àctiim ve-
nerit. Té^tibus his Huberto Cantuariensi Arçhiepiscopo , Joarme
Vwgomiensi, Hugone Couentrensi, Sauariço Battoniensi, Hen-
, riço J^^jo^ensi, Garino Ebroicensi, lisiardo Sagiensi , Vuillelnm
kemuiemi,^ Fuillelmo Constantiensi i Episcùpis. .....' Abbai^
Sançtœ Trinitatis de Monie Rothomagiensi , Reginal^ sancti
VmndregisiU, Viciore Sancti Geargij, .„. Vlterioris Portus, Os-
het^ de PratelUs, ..♦• de AugO, ,.... de Corneuilla, Aftbatibus,
hgme Comiie MoreUmiî, Othone Comité Pictauiensi, Balduiff^
Comité de Albemarla, Bâukl/o.Qnmie Augi^ Fuiltelmo Maresr-
^ CmitedeiStrig^, FmllalmojfiJio Raduffi $enescM> Nor-
mmd<e, Roberto de Tumdu^n Sgnescallo Andegauiœ, Vuilkltuo
Digitized
by Google
(448)
gouuememenui ; nous voulons luy rendre autant jAm
de deuodon et reuerence^ que nous croyons certaine^'
ment que non seulement la puissance royalle , mais
toute autre est de Dieu. Partant comme la venerabk
église de Rouen, laquelle, connneron sçait, est gran-
dement célèbre entre toutes celles des terres de nosire
obéissance , a trouué bon , selon la nécessité des af-
faires et des temps, de pouruoir à propos à nos inte-
rests ; ains nous iugeons raisoniiable de re^^ndre par
vne digne compensation aux commodités et aduanta-
ges de nostredite mère. La ville d'Andely et quel-
ques autres lieux adjacens qui appartenoient à Te-
glise de Roiien, n'estant pas suffisamment fortifiez,
nos ennemis pouuoient aisément entrer dans nostre
pais de Normandie par lesdits endroits par lesquels ils
se iettoient plus licentieusement sur ledit païs, le brus-
lant et rauageant, et y exerçant d'autres actes d'bosti-
lité. Ce qui ayant porté nostre vénérable père Vvau-
tier, archeuesque, et le chapitre de Roiien à considérer
deuëment les dommages que nous et nostredit païs
de Humeto Constabl. Normanim, GitbertoJiUo Rdtfiedi, flii-
goneBrun, Garfrlâo de Ledmaco , Fmilelmo de Rupièus, iia-
du^o Camerano de Tancandlia, Vidllelmo Martel y Radulfû
Teissun, Gaufrido de Saî, Bbbertà de Harecort, et mitlds aEJs.
Daium per mamm Eustacfâj EleeU EUensUy tune agentis oices
Cancellarij , apud Rùiliomagum , Anno ah Incamatione Dondm
MC. XCVIL XVL die Octobns, Aano Btgni nostn octouo.
Si^latum sigîllo magno in cera YÎridi , cui appensos est
Annulas aureus corn lapide pretioso»
Digitized
by Google
( 449 )
en reeeuîons; il s est fait cet eschange entre Feglise
de Rouen et Yvautier arcfaeues(]ue de Rouen d'vne
party et nous d'autre part 9 du maiu>ir d'Andely, en la
forme qui &*en$uit. CW à ^ucûr que ledit arcâieues-
que, de Tadueu et volonté de notre sainct pare le
pap# C!elestin III, et du consentement du chapitre
de relise de Rouen et de ses éuesques soHrsil^sGii , et
du clergé dudit archeueschë, a cédé et délaie à peF-"
petuitë à nous ^t à nos hoirs; ledit manoir d'Andely>
âuec lenouueau chasteau de la Roche, et auec la fo^
rest, et auec toutes ses autres appartenances et liber-
tés, excepte les églises et les prébendes, et les fie^
des cheualieirs, et excepté le manoir de Fresne auec
ses appartenances. Toutes lesquelles- choses ledit ar*
cheuesque a reserué à perpétuité à Feglise de Roiien,
tant pour luy que peur ses successeurs, auec toutes
les franchises et libres çoustumes dHcelles, et tout
leur entier. De sorte que tant les chçualiers que les
ecclésiastiques et tous les tenans, tant des ûefà des
cheualiers que des prébendes, moudrpnt leurs grains
$ux moulins d'Andely, comme ils ont accouslumé et
doivent, Qij^la mouture nous apparti^jlydra : et Farcbe-
uesque et ses sujets de Freaies mtouklront oi^ voudra
ledit archeuesquej et s'ils veulent moudre à Andely,
ils payeront leurs moutures comme les autres qui y
meulènt. Et pour eschange dudit manoir d' Andely
auec ses appartenances, nous auons cédé et délaissé h^
perpétuité à Teglise de Rouen et audit archeuesque et
à ses successem^s, tous les moulins que nous auons eus
à Roiien lors que cet eschange a esté fait, entière-
!• 9* uv, ag
Digitized
by Google
( 45o)
•
ment avec foule leur sequele et mouture ^ sans mictine
reserua des choses qui appartiennent aux moulins eu
à la mouture, et auec touteé leurs francinaes et libre;
ooustumes qu^ils ont accoustumë et doiuent auoir. £t
ne sera permis à aucun auure d*y bastir aucun mou-
lin, au pr^udice desdits moulins : et doit 1 arclteues
que (A^rles aumosnes afiectëesd*aniiquité surlesdits
moulins. Nous leur auons aussi cedë et délaisse la
ville de Dieppe et la ville de Bouteilles, auec toutes
leurs appartenances et franchises et libres coustumes,
excepte les aumosnes affectées sur le manoir de Dieppe
Ipar nous et nos prédécesseurs , desquelles la somme
monte à urois cens soixan^te et douze liures, qui doi-
uent estre payées par la main dudit archeuesque et
de ses successeurs , à ceux ausquels elles ont esté as-
assignées. De plus nous leur auons cédé le manoir de
Louuiers auec toutes ses appartenances et franchises
et libres coustumes, auec le ministère de Louuiers,
sauf pour nostre personne le drcâct de chasse et de
route en ladite ibrest, en sorte toutes fois qu'elle ne
soit point en nostre garde. En outre nous leur auons
oédé toute la for^t d*Alieimont auec les Ji»estes sau-
nages at toutes ses autres appartenances et libertez^
comme nous Tavons eue. Toutes lesquelles cKoses
données en eschange du susdit manoir d'Andely, auec
les susdites appartenances, Téglise de Rouen et le sus-
dit archeuesque et ses successeurs aurcmt à perpétui-
té, avec toutes leurs franchises et libres coustumes,
comme dit est. Et les gens dudit archeuesque dudit
eschange auront toutes les franchises et libres eoos-
Digitized by VjOOQ IC
( 45i )
ivams qu^ont eu les gens d^Andely^^lônque ledit ma^
noir cMott en la main dndit arckeoeaque* Et nous et
nos hoifs pirantùvns tontes ces choses que ledit ar-^
di«T^K]ue a recéuës en cet escfaange, à l'élise de
Roiien et andii archeuesqne et à ses successenrsà per-
pétuité ccMitre tontes perac»uies : De sorte que si quelr
quVn doit receuoir quelqu'escbange pour quelqo'vne
d€i8 choses dessusdites que, ledit arcbeuesqué.a icy re-
ciîes, nous ou nos hoirs ferons cet eschange-là, et Té-
glise de Roiien possédera paisiblement à perpetiiité
les choses susdites. Or nousj entant qu'vn rojr le
peutj excommunions et consentons qiC encoure
V indignation du Dieu tout- puissant ^ quiconque
contreuiendra à ce fait. A ce presens Hubert arche-
uesque de Cantorbery, lean euesque de Vvig(Mrne,
Hugues ëuesque de Coùentre, Sauaric euesque de Bat-
tone, Henry euesque de Bayeux , Garin euesque d'Eu- ^
reux, Lisiard euesque de Sées, Guillaume euesque
de Lisieux^ Guillaume euesque de G)utances; ....
Abbé de la Saincte Trinitë-du^Mont de Rpiien, Re-
naud abbé de Sainct-Vvandrille , Victor abbé de Sainct-
George, .... Abbédu Tresport, Osbert abbé de Préaux ,
.... Abbé d'Eu, .... Abbé de G)rnemlle; lean comte
de Mortain, Othon comte de Poicliers, Baudoiiin
comte d'Aumale, Raoul comte d'Eu, Guillaume Ma-
reschal comte de Strigoil, Guillaume fils de Raou>
seneschal de Normandie, Robert de Toui'nehan se-
neschal d'Anjou , Guillaume» de Houmet connestable
de Normandie, GiHebert fils de Reinfi'oy, Hugues
Brun, GeojBfroy de Lesignjr, Guillaume des Roches.,
Digitized
by Google
( 45a )
Raoul chambellan de Tancaruille j Guillauine Mar-
tel, Raoul TeisieB^ ^Geofiroy de Say, Robert de Har-
court, et plosieœra autres. Donné par la mam d*Eus-
tache Esleu d*Ely,pour lors vtce^luuicelîer^ k Rouen,
Tan de Tlncamation de nostre Seigneur me. xcrli. le
XYi^iour d^octobre, Tan hoicttème de nostre règne.
Scellé S DU grand sceau en cire v.erde,
auquel pend m anneau d'or, auec vne
pierre précieuse.
C\
Digitized by VjOOQ IC
(453)
TRAICTÉ DE L'OftIGINE
DES AMCnSCà ASSikSm$-9CmTil-COI^IàIDXt
Avec quelques eienplea de leurs attentats et botmcîdes é$ j^rsoanes .
d^aucuns rois , princes eé seigneurs de la chrestîlk^é.
■H
PàR M. J}1£»\& LEBST-pC^^BAXILUr,
Conseiller da roi (■).
AU LECTEUR, .
Il y a quelque temps, vers le oommeDcem^t d/Q
cette année i5g5^ qu*estant visité par aucuns de m^
amis y comme en nos discours et dems familiers ;qou|
n^eussions propos plus communs que sur le suject plus
coinmun que le temps mesme nous doftnoit, ^ .^*
voir des assasinements tant de fois attentez contre la
roy , après celuy commis à la personne du'roy Henry III
par vn religieux assasin-porte-couteau, nous tombas-
mes finalement sur la recherche de rpri^tne c|e ji^
mot5 assasinsj assasinements j^ assasihatSj^ a^s^r^
sinefj qu^aàcuns prenoient pour mots naturels ita-
liens, autres pour espagnols, iusques à ce que ia leur
fis entendre, par ce qui s^en trouue- par k^ histoi^,
(i) Sans indic. de K , i6o3 , pet iii-8o. Li^et peu com-
inun , et des plus curieux.
Digitized
by Google
(454)
quelle en esloit la vrayè source, y adioustant ( selon
que ie m^ea pouudis alors seuueuir ) quelques exem-
ples des^^K)fi<ic|^ 0t âiteiittls é4 perêdones d^aucuns
rois , princes et seigneurs chrestiens, par les premiers
et ancien» ^iiwiint d^cntre ies Sarrasins et Mahome-
tans, desquels non seulement le nom est depuis àè-
meure en la chrestieni^ y a enuiroii 4^o ans, en h
signification qu^il se prend ordinairement, mais aussi
les. effets, p>ifltta<tente» déotrine et religion renouuel-
lee, principalement en ce misérable siècle, par ceux
qui plus se veulent parer du nom et du manteau de
sainctelë et pieté, comme s*il ne restoit plus en eux
«au lieu d^aciions de dbtestien^, qûVn effort entresuiuj
et perpétuel de surmonter éz plus grandes impietez
lès plus meschahs d^entre les payeus et infidèles. Ce
m'a esté depuis vne occasion d*en dresser ce petit
(raicté, pour le contentement de ceux qui n'en auoient
éncôce la cognoissance : et auec les bons François qui
ûiit'eii horreur tels assasins, leurs conseils et conseil-
lers, quelque prétexte ou coulein* qulls se puisse don-
ner sUr la -conseruation -miracideuse de nostre roy,
nTescrier et coiisblér ^e mesme que firent les soldats
i'omalns', après que le roy ]!)ecebalus eut failly de
faii;e ''ainsi traîstreusément tuer le bon'emperein* Tra-
"'i^i/ eràs îlamnûsiaj vU eras? àuantuin abfuh
fieùàWa liigèret? seét \^kiit jËenriovs.
Digitized
by Google
( 455 )
ha» sMmm emoîent «Qotemicni0m rue manière
ê0 pmifie d'entre las Sairasns, d'vite aeeiç particu*
Uere de la reli^»» de Mahomet, habitanf en laPhco^
nicie maritinie at praniaoe de. Tyr, mv les Énwebes
des villes de Tortose, Damaa,^ Aàtinchè -^ de Haïr
lape^ en lieux montagneux et inaccessibles , oà ils
posSedûUsii c{uelqiies villes ou chasteanx très fiirts^
auec leurs villages, ]M)ai^ et vallées, autant abon*
dantrs en tontes sorte» de fruits, comme plaisantes
Qt agreaUes, Et faite -on esut qu'ils estoîent plus de
quarante ou cinquante mil h<mimes : gens qui n'auoient
autre foy uy loy que celle que vouldltleur.priixG^ el
. s^igMur, qui estok comme, le grand maistre de leS
«Nrdre, qu'ils souloiçnt eslire^ consiiuibr sur eux,
non f&t droi^ de successicai de père «i fils , ou di*-
gnît^ desang de noblesse, mais par, prérogative seu-
lement de a^s mérites, prud^ace et valeur, Tappellans
par excdleace sur tout auu^e tiltr^ d'honneur, le FmL
im }e p^ieiUandj qu'aucuns escriuent le Vau de lamm^
taigne, ou des montaî^es, non tant pource qu'il fust
vieil ify ancien , que poiir la dextérité et subtilité de
son esprit , et qui se trouue aussi à|)pellé le prince
des six montaignesj prince craint et redouté des
autres prince^ prochains et loingtains tant Chrestiens
que Sarrasins, qu'il faisoit souuen^fois Jud^erem-
ment occire par ses messagers qu'il aUoit tqus ppests,
comme nourris de ieunesse en ses* palais à cet effet,
Digitized
by Google
(456)
et {lersuadez par ce moyen de pcmuoir paraenir aux
ioyes de paradùi, ainsi (ju'il sera déduit plus particu-
lièrement cy après (i)- • )
Us estc»ent pcemierement descendus des riions
plus esloignees de TOiient deuen la cioé'de Bdbyione
ou Baldac, 0t de œlle partie del^erse qui abouût au
âeuve Indus, non loing des oonfitts ck la prouinoe
Arriane soubs le mcmt Cauca&us, laquelle contrée «est
preamtement iq^Uee par les BÈxhaate$, MuletlCj ou
Muleketj en laquelle iadts furent les Asiaoeus, ^dont
est fait mention es gestes dWexandre le grand, et
de leur demeure enti^ le mesme fleu¥e Indus, et le
fleuve G)phe , que Tautheur dp' Tbisitoire des Sanra-
sins estime estre cèl^y que Joseph <en ses antiquitez
tudûïques noxnme Cutk^s^ et auquel pays les dix
tributs d'Israël furent transportées (a). Et furenoient •
telle (Mrigine dVn Sam^n^ppellé jihadin onjélaedin
(mot qui signifie diuin) qui fut comme le premier
abbé de leur malheureuse religicMi (ain^ qu'en parle
• lacques de Victry) et qui par ses prestiges, enchante-
-mens, ou subtilitez (comme on les voudra nommer)
speut trouuérmoyendese mettre en réputation pajcmj
les siens : qu'il estoit com^^uoÀ àe Mahomet, et
(i) Jae. de Vîtriaç,, Hist orienft, cap. i4»."-Raphaçi Vo-
laler., La. — -«(^tltchi. Caméra., în Narn^Turcî. — Petr. Ve-
ner., 1. i*, tap. aS. — Hayt., cap. 24. — Math. Paris, sous
Tan 1160. «^ÂmAufô Anton., 1. 3, tîl. 17, cap. 9, § 7. —
P. ^miKiis, en la Fie du roy Loys, 7.
(i) Aag. OiFÎo^^Saracenicde Hkt., 1. i et 3.
Digitized
by Google
(457)
n^auoit -moindre pouuoir que luy de donner la vie
Iden-Jbieureuse à qui croiroit en ses promesses, et
obeyroit à ses QOinmandemeiis(i}.yoi^ que, çoi^me
Mah(U9et preschaqt et ^omettaçt à ses Ajrahes gens
grossiers, rustiques et luscessiteux , va paradis, Qt v^e
))eatitude dVutre vie, aiiec abcmdaixce perp^tiielle de
tous viures exquis $ de vesiements et d'habits de saye,
abandon et - iouyjssance de$^ plus, b^les femnies, et
toutes autres dëlices et voluptez qui leur viendrofeut
à souhait parmy des plaisans vei^rs etiardinc^es ai:*
rousez.de fontaine^ et oruisseaux (jsxi quoy les Arabes
se deleaént natureUemefit ) s'ils mouroieivt en la
guerre contre le roy de Perse, sceiit tellement leflapiv
mer et encourager, qu'ils s'exposoient yolontairenîeitit
à tous dangers, mesqie à la inort pour son seruice ^
dont enfin il demeura victorieux. Aussi cet Al^din
pour paruenir à ce qu'il preteindoit , vsa de ces ruses
et impostures qu'il ^enseigna alix autres qui après luy
commandèrent, à ceux de cette secte : C'est qù^en
certaine, grande yaJlée entre deux montagnes très
hautes , et ai4 pied de deux forts chastea^x qu'il y
aupit, il fît dresser vii iardin et lieu de plaisance le
plus beau qu'on eut sceu voir au. monde, plein de
toutes sortes de fleurs odoriférantes, de fi^icts sauou-r
reux, et de .toutes autres choses qui peuuent apporte^*
délectation, où il mit des pl^is belles damoiselles qu'il
peiist trouuer, y faisant aussi bastir nombre de ma-
(i) Joan. L%on. Pand. Hist. Tare. — Jac. de Vîtriac., c. i4-
•— Cospin. Rîeh. Dominic. L. Confutat. legis iSahom.
Digitized
by Google
(458),
gtiîficfues maisons, senrichies de rares et excellentes
peintures, et tons autres tels ornements, de façon qne
ce sembloit estre le vray paradis promis par Mahomet,
comme aussi il le nommoit paradis (ainsi que les
Hebrieuic appellent tels iardins,neantmoin$queqci:eI*
ques authenr^ grecs (i) font ce mot estre per^si^e)
est^t ce lieu arronsë de plusieurs fentainés et rnisr
seaux tant d*eàux de senteurs, que coulans quand il
vouloit par certains conduits dessous terre propres à
tet effet , le vin , le miel et le laict : et parmy les
danses, esjsats, et exercices de ceux qui y estoiem
enfermez j y résonants perpétuellement toutes sortes
d*iiAruments de musique et mélodie de diuers oy-
seabx, de mesme quasi qu'vn poëte latin (3) descrit
les Champs elysiens , le paradis des payens.
. Là danses et chansons : là partout roletans
Les oi$eaax à Tenui degoisent leurs doux chants^,
La terre sans labeur y produit ses dëlices,
Les chants y sont musquez de roses et d'espices :
Les ieunes gens ensemble y prennent leurs esbats^
Et y exerte^Amour sans cesse ses cotnlats.
^ V^ntree de cç iardin estoit p^ Fvu de ses chas-
teaux, QÙ y avoit grosse ^de san;» que par autre en-
droit on y peut entrer n^y sortir : hors lequel lieu ce
Sarrasin nourrisspit certains ieunes hommes des plus
robustes et asseurez qu'il pouuoit trouver, qu'il iugeoit
(i) XenopK.
(a) TUwiin
Digitized
by Google
(459)
deuoir eaite les pli» {»t>pi?es atix armes, an dessus de
dMse 0» quatone ana, à auciina desquda dom il se
Toulon setttif à Teffect et exécmioti de aes dessin^^
IciBsqii'il M Tojroit en aage capable , il âdsoit' boice
cenam Iweiioage mhctâoaoïé qui ba rendoit. crainM^
rmm en. extate hors de leurs aena et tout emibrmîs.
Et hsMr iUea fiôsoit «importer en ce l>aau iardin^ où
({Qefa{i|e^leaipaa{«ei îrenaiu à se reaueiller^^et ae troa<^
aaoa au milieu de tant de'4^cesy ih se pensoieul
pvopremem eatre au patadia de Mahomet, tirez des
aûsârea deroe .monde, pour, iouyr des bi^i», ioyes et
lifase par luy promises , et dont iq)re sauob esté deux
w tipoiii iouffs amn participans, le Sfam»in les'faisoit
4ei$9ab^f,myur«r d^ ce premier lreuuage/|>ms ainsi
e«4ûriiiis^*ila eatoi^it , les mettre Jboi« le iardin (i)v
De meani/^ qua^ qu^il ^ troouie esorii ipie Philippe^
doc 4e Bws^o^o^y aumom'mé le J7oif > pour pirenie
de TestrA^ge et variable condition dj&laviade Tbomnie,
se^i^o^ut' io«er de Fini de ses àubieiïts ^ de la^ riUe (te
Bfiips esk Flan^reis (lieantmoins que d'autres font œ
qmte de Vempereur Charles Y, et dVn manait da*
QaiiA) ^il trouuft vn boï^ yure et dormant proli»^.
ckttieiit au milieu de la plâœ, auquel e^tat ii le «fît
dQ|io9WepH ^fiportfcr w sou palais^. et coudber dans
99i cWmbi^iet ^m son juropo liot , luy ûisanlc^ettre
(i)'lFrèrc Odric,de Foro Julii, en soii livre des Pérégrî-
aaliom de l'aua i33o, ck 3f.-«-Arnold.,Chftm.SclavM I. 3v
cap. ult ' -
Digitized
by Google
(46o)
en la teste Tn de ses bonnes de.iraict,^et vestir Pvne
de ses chemises , auac ^gsm ordonaez à r^atomrxle lay
pour prendre ^trdeiqnaiMi il s*esaeiS[eroit.Qarne Ait
point qu*au lendemùn matin , que cest famnme de-
meura tout esmeraeillé. en <faid lieu il pOQnoiteMre,
voyant tant de gens près de son lïcty gentik^homnies,
pages et valkts de chambre, dont tattost se^ pei»oit
encore resuer on songer en veiHant^ tantost (pie ce
lassent iUusioià de mnnuais esprits , qu^il coimn^aça
de vouloir adiinrer et chasser çn se seigôant de k
croix (^). 'Et comme eux fissent bovme mine, et ainsi
qu'ils auoient accoustumé de ^te euaers le duc, loy
eussenr demande s'il luy pknsoit' se * leuer , et qués
habits il vouloit prehdi^ ce iour, tl «e trouua ^cor
plus estonnëf et ne ^caehant que respond»,; cepen-
dant on Thabille, il sort de Ib chambre, et éM; cotn^duit
àTeglife par les principaux de la suUte ordinaire do
duc , il'oyt la messe où on kiy donne le liure à bs^isery-
et vse on entiers luy, comme» si c^ëust ^stsè le priiic^
mesme :4e la meas^ on vient ak^disner^ après lequ^
se mettent cartes et.dez, et argent. sur table péùr
ioner : il ioue auec les alignons du^duc^ àÀ h meiae
pourmener mi laxdin, chasser en la ^garenne et voiler
yn oiseau. Le souper suit de mesme, on ^^^port^le^
flambeîjkx., la musique commence à: se faire ouyr, le
•bal et les danses à^ec les dames et damoiselles vien«
(i) ThckMh Zaîiig^i , Tfaeal. vilae'hlnn. , part 2 , yoL ir,
1. 4; et voL 21, 1. 2.
Digitized
by Google
( 46i )
nent après ^ pvis quelques conunedies et plaisanteries ,
finalement'la cdOia^on, qui. se cbutûme bieu auant
dans la nuict en récréations y et à bœre d'amant j
principallexB^^t de la part de ce vilain ; lequel s'es-
tant en juré ev endottni , le duc le fit quelque temps,
après T^abiller de ^es premiers habits^ et remporter
au mesme lieu où il TauDÎt fait prendre le. soir preœ-
dent , QÙ il (kn^ora dormant iusquès au matin , qu'es-
tant esueillë et venaiit à.se souuônir de cçste vie delir
ciéuse. et boone diece qu'il auoit faicte, il ne sçauoit
que .penser de. telle /chose, ne sLc'estoit chosp^vSiye
ou vision, qu'il eust eue en dcnrmant. Et enfin apA^
s'en estre bien trauaiUé en soy mesme, se résolut et*
conclut que c'estoit vne vision: et songe, et comine tel
le conta.à sa fi^oome, 9l^^ enfains, et voisins.
Ainsi ces ieunes gens mis hors de ce beau iardin
du Sarrasin, et venans à penser en eux ôombieir peu
de temps ils auoient esté ÎQuyssans de si grands plai-
sirs,^ plaignaient et àttristoient extrêmement de
s'envcnr si tost priuez. Et à pli]|sieurs eschappoit sou«
Uent de dire qu'ils mourroient volontiers, s'ils sça-
uoient rentrer, et pouuoir viure tôusiottes puis après
en vne si heureuse vie qu'ils auoient si peu goustee.
Alors te, Sarrasin se présentant à eux leur disoit:
Ëscoutez moy enfans, et ne vousfaschez point, si
vous. me voulez {»romettre de:m'obeir, et bazarder
vostxe vie pour mon seruice quand il en sera besoin
pour faire tout ce que ie vous diray, ie vous promets
aussi de vous rendre contents et iojaissans à ian|iais
de ce que vous desirez et regrettez tant. Ausquelles
Digitized
by Google
promeases ces imaerables repntans h mort à gain et à
(uroffity MDft aucane erainte d^ioelle 'se vosoioit et
abaodmnoîeiit à faire incUflEiBreiiinieiit tout œ ^'il
leur eoiiiiiiaiidm^t.Telleiiiemqa'àvn dind^onl qu'il
feur eusc fait, n'euMeat fait difficulté de se précipiter
du plus haut d'rn rodier en lias, et s'edanc^ mx
milka des glaiues, du feu et de Peau, vmre mec
beaucoi^ fAas d^affectioa en ceste obéissance, que ce
quon lit de ceUe d^ anciens Perses (i), non seule-
ment en gênerai enuers leurs roys (du commmde-
mtfir'desqnels ils jffenoient à grand honneur d'este
Iftttus et guettez, mesme l'en ikisoîent remerder, et
. s'estinuMeat bien heureux que le roy par là eust rend»
tesmoignage qu'U se sounenoit d'eux) (a), mais par-
ticulierement de ceux qui estant portes en mesme
nauire auec Xerxes, ainsî qu'il se retirait en Asie,
comme es^ntsomemieTne furieuse -tempeste, «tk
vaisseau en danger de périr pour h tiopgrande dbarge
et grand nombre de ceux qui y ostoient, XerUs es-
meu de crainte eust demande au comité et goauer-
neur, si toute espérance de saint estoit perdue, et que
sar la resposise 4'icéluy qu'il ne restoit plus que ce
seulmoyen,si [diusieursd'entr'euxsei^toiempromp
tementdanslamer, s'adressafet à ses Perses, leur eut
parlé en ces termes : Vous Toyés, mes amis, qu'il est
en vous de sauuer votre roy ; U est temps de raons-
trer par eflTet combien vous l'aimer, et «ie»*s«n de
(i) Stri>., Senn. 12.
(2) Hcrod., L a
Digitized
by Google
( 463 )
luy. A ce« mots après Taiioir adoré, ils se lancèrent
attwi'tost dans Teau^'et ainsi fut la nauire deschargee;
et le roy deliurë de ce péril retourna sain et sauf en
ses pays. Dont tesmoigne Ambroise que telle obéissance
des Perses duroit encore de son temps (i)^ Auquel
exemple du prince Sarrasin semble que se voulut con-
former celuy qui fut esleu le premier Roy des Tartares,
enuiron Tan 1 303 , nommé par aucuns Changis ou
Chmclàsj par autresi Canguiste ou Gngiste {cpl
secoble aussi auoir esté quelque grand magicien auec
ses visions et aduertissemens quHl disoit auoir de Dieu,
dei grandes choses qui deuoient esûre faites soubs sa
ocmduite, et Topinion qu^il auoit desia donnée que sa
mère Teust conceu des rais du soleil) pour s'asseurer
si ses subiets luyobeiroient en tout ce qu'il leur di-
roit suyuant la promesse qu'ils luyt&isoient, com-
manda entre autres choses que'les sept princes des
sept nati<ms premières de ce peuple/ qui auparauant
s'af^lloient le^ Magies ou Mongalles^ eussent en sa
présence à couper la teste chacun à son fils aisné(a).
Ce que ces princes firent aussi tost sans contredit, et
dont estvraysemblableque ceste cérémonie est depuis
demeurée entre les Tartares au sacre de leurs roys ,
• qu'après que petits et grands se [urosternans deuant
ceUof qui doit estre roy^^i^y ont dit dVne commune
voix : Nous te prions et voulons que tu sois nostre roy,
et que tu ayes puissance et seigneurie sur nous, luy
(i) Ambr. Hexam., 1. 5, cap. ai.
(a) Sabel., Ennead. 9, 1. 6.
Digitized
by Google
( 464 ) '
respond en ces mots : Puis que vou$ voulez que ie vous
obéisse en cecy, il faut aussi que vous faciez entière-
ment, alliez^ veniez , et tuez tous ceux que ie voudray.
'Aquoy le peuple donnant sa promesse et consente-
ment ^ le roy adioute : La parolle donc de ma bouché
d*oresnauant sera mon glaiue. Laquelle condition est
aussi tost acceptée par le peuple auec grande applatt-
sion et battement de mains.
Ainsi donc le tyran Sarrasin ayant ses honunes
ainsi persuadez et ensorcelez, en abusbit, et s^en ser-
uoit principalement à faire commettre vne infinité
de meurtres et d*homicides , dont àrriuoit que plu-
sieurs princes et grands seigneurs se rendoient ses
tributaires 9 ny^yant aucun d^eux, non seulement
en ces contrées-là , mais par tout ailleurs -qui se peust
garantir du danger de leurs aguets, ou du moins qui
n*en fust en vne^ perpétuelle crainte et frayeur : voire
non moindre que se trouuerent lesluifs sous l'em-
pire de Néron, et gonuernement de Félix, et deFestus
en la ludee , de certains brigands et meurtriers qui
s'estoient esleuez au pays , et auec telle asseurânce
qu*en plein iour et au beau milieu de Hierusalem se
fourrans es assemblées et festes solennelles, et iusqaes
dans le temple parmy la presse du peuple, tuoiënt*
ceuk qu'ils vouloient auec des petites dagues qu'ils
cachoient (recourbées à là pointe comme des espeqsde
Perse) sans qu'on s'en peust donner garde (i) : dont
(i) Joseph, 1. 20, ch. 6, 7 et 8 des Antlq., et 1. 2, eh. 12
Digitized
by Google
( 465 )
toute la ville se trouua en aussi grand estonnement ^
que pour tout autre mal , calamité ou sortes de misères
(jumelle eut peu endurer, le plus asseurë n'attendant
à toute heurQ que la mort, non autrement que si la
ville eut esté forcée et abandonnée en proye aux en-
nemis, estant les vns et les autres en tel soupçon entre
eux, qu'ils se tenoient tousiours sur leurs gardes : et
voyans quelqu'vn marcher ou approcher d'eux , n'or
soient ester l'œil de dessus, ne se fians mesmes à leurs
plus grands amis, ny plus proches parens. Desquelles
gens aussi on tient que le mesme gouuerneur Félix
se seruit pour se despescher du grand sacrificateur
lonathan, auec lequel il auoit inimitié; et en la place
desquels on peut adiou^tcr estre succédez du temps
de Domitian , ces autres garnements qui auec^des ai-
guilles empoisonnées picquoient ceux que bon leur
semLloit, dmit plusieurs mouroient sans en auoir
quasi le sentiment (i). Ce qui ne se practiquoit pas
seulement à Rome, mais quasi par tout le monde.
Mais à l'histoire de nos assasins certains autfaeurs
adioustent cecy de plus parlicuUer : Que le Sarrasin
faisant ainsi enfermer en ses chasteanx nombre d'en-
fans ses sujects dés le berceau, il leur faisoit aussi
apprendre diuerses langues, comme la latine, la grec-
que, la sarrasinesque, et autres, en toutes lesquelles
les maistres qu'il leur donnoit ne leur chantoient^.
de la Gaerre des Juifs. — Continu, de THist. de Gull. de
Tyr, 1. 23, eh. 19. — Zonare.
(1) Xiphîl. ep. Dîon. in Domitian.
I. 9« Lîv. 3o
Digitized
by Google
(466)
aotre leçon y sinon Tobeyssance qu^ils deuoient à leur
seigneur (i). Quoy faisant ils se deuoimt asseùrer
qu'il les rendnwi bien-beureux en vn paradis de tooie
ioye et délices , selon le pouuoir qu'il en auoit par
dessus tous les dieu:{C viuants : et au contraire, qu'ils
ne pouuoient estre sauuez si en aucune cbose ils re-
fusoient de faire k sa volonté. Tellement que depuis
qu'ils estoient ainsi serrez , on ne leur laissoit reoir
autres gens que leurs maisties, ny ne leur donnoit-on
autre instruclicm, iusques à ce que pour se seruir
d'eux à tuer quelqu'vn , on les faisoit venir deuant
leur seigneur, qui leur demandoit s'ils estoient dis*
posez d'obeyr à ses commandemens, à fin qu'il leur
donnast son paradis. A quoy aussi tost ils re^n-
doient îiardiment qu'ouy. Et alors le tyran leur don-
noit à cbacun vn petit couteau d'or dedië et consacré
i. cet vsage, et les enuoyoit où bon luy sembloit pour
tuer tel prince ou seigneur qu'il vouloit, soit poi»
haine qu'il leur portast , ou pource qu'il en eut esté
prie par aucuns ses amis , ou meu et corrompu à ce
faire à force d'argent. Aussi tost ces misérables ieunes
gens ainsi séduits se mettoient en chemin, quitians
,gayement le conuent de leurs autres frères, ainsi
qu'en parle le mesme lac. de Victry, pour parfabre
leur mortifère légation, n'ay^its plus grand soiag
qu'à se scauoir accommoder en toutes guises, aux ha-
bits, mœurs et façons des autres nations (2) : dont par
(i) Arnold. Lubec, 1. 6, c. 10, et 1. 8, c« ult
(2) Jac. deVifry, ch. i4.
Digitized
by Google
( 46? )
cc^ûoissance des langues qu'ils auoiejat apprises, irou-
uoient moyen d'auoir entrée par tput^ iusques aux
maisons et compagnies de ceux sur lesquels il&auoient
desseing ^ tamost sedisans estre marchands^ ou se des^
guisants en clercs ou moynes, tanlost se feignants
estre amis, et auoir quelque chose de secret à dire,
ou venir comme messagers députez : et ainsi e^^ecu-
toiçnt ce qu'ils vouloient , sans se soucier des paines
et tourmeiis qu'ils se doutoient bien qu'on leur ferolt
souffrir, tellement qu'il estoit malaisé qu'aucuns se
peussent garantir de leurs mains, non pas mesmes les
plus grands seigneurs du monde qu'ils eussent entre-
prins de tuer, sinon qu'ils sq rachetassent par ^r et
argent, ou se tinssent tousiours armez et accompagnez,
demeurants cependant 0n pei^etuel soupçon et crainte
de la mocv Yoire at^pient encor ces assassins ceste
opinion , que comme ils estoient estimez les [dus dé-
vots d'entre tous lesBarhares, ne faisants cas ny de
l'honneur y ny des autres choses plus désirées des
hônptmes, tous les autres au regard d'eux ne. sem-
bloient que preuaricateurs ( i ). Aussi que suiuant leurs
vceux en tuant quelcun, mesmement quelque prince
d'autre reli^on que celle! qu'ils suiucHent, ils en me-
ritoient plustost ceste céleste éternité et vie bien-heu^-
reuse <jui leur estoit promise, et qu'après leur mort,
ils en seroient de ceux de leur secte plw estimez , et
tenus pour saincts et martyrs, outre que leurs parens,
(i) Blond., 1. 6, dée. 2. — Math. Paris, sous ran ii5o.
— Suminà Anton.
*
]
Digitizçd
by Google
(466)
sHls esioient de serve condition , devoieni estre digne-
ment reicompensez par le prince, et mis en liberté. Au-
quel prc^pos frère Richard lacopin (i) qui a escrit de la
réfutation de T Aleoran, traictant de dix raisons qu'il a
pour monstrer que la loy de Mahomet n'est pas loy de
Dieu, allègue pour rvne d'icelles, que c'est vne loy de
sang , de meurtre et violence , pource , entr'autres cho-
ses, que les Sarrasins nourrissent et entretiennent tels
assassins pour tueries autres hommes , leur promettans
pour ce fait la vie éternelle , et les enuoyants par le
monde pour se défaire ainsi des roys et prince^ par
tous moyens et ruses qu'ils pourront, ne les appellent
point assassins j mais Ismaélites^ comme estans le
tige et tronc des Sarrasins, et les premiers défenseurs
de la loy de Mahomet, instruits et nourris principa-
lement pour fidre tels meurtres , suyuant intention
d'iceluy, qui a voulu par sa loy que tous ceux Ik fus-
sent tuez qui y seroient contraires et ny voudroient
croire, ainsi qu'il se trouue par tout escrit en icelle,
conune vne ordonnance générale rTuez, tuez, neant-
moins qu'il appelle nommément sa loy Elesalem,
qui signifie loy de salut (à laquelle aussi on tient que
par telle force et crainte il fit ranger vn sien oncle et
autres , sur lesquels il eut puissance). A quoy se peut
rapporter ce qui se lit en la vie du' roy S. Loys, que
l'vn des admiraux Sarrasins qui le tenoient pri»»-
nier après la bataille qu'ils gagnèrent sur luy Tan '
(i) Frère Richard, jacob., ch. lo. — r Jac. de Viiry. —
Aug. Cur., 1. i.
Digitized
by Google
(469)
isSo, prist cest ai^ment pour persuader à ses c(hii«
pagnons de le faire mourir nonobstant la foy qu^cm
hiy auoit donnée, que Mahomet commandoit bien
de garder le serment comme la. prunelle dç Toeil,
mais aussi auoit il donné vn autre commandement ,
qu'en F^bseurement de sa foy on deuoit tuer len-
nemy de la loy (i).
Or accreut tellement la puissance de cest Alaedin
et de ses successeurs ^quHls auoient instituez ce memie
ordre en la Syrie , et auoient vn lieutenant de* leur
profession en la ville de Damas , et diuers autres lieux.
Aussi commencèrent les assassins à nous estre çogneus
seulement du règne du roy Loys dit le leune ou le
Piteux j VII du nom, aux premières guerres de nos
roy s contre les infidelles outre mer, où ce roy se trouua
enijuron l'an 1 147, et le bruit et renommée d'eux fat
Tvne des choses dont les princes chrestiens en Asie
se trouuerent les plus émpescfaez , ne se craignants
point tant des roys ou {pinces barbares" ausquels ils
faisoient guerre ouuerte, que des menées de tels meur-
triers couuerts (2).
Ils s'appelloient en leur langue heissessim, d'où il
semble plustost auoir retenu ce nom d'assassins que
de ces assacens dont cy dessus est parlé. Et se trouue
qu'ils ont aussi esté diuersement appeliez assisins ou
assesinsj asininSj asismeSj hassatutSj hartarsisj or-
guasins^ accideSj et plus commtmement arsacidesj
■ Il ■ .111 ■! Il I ■ I I * ■ I -■ I I I ■ I I < I Ml I , ^
(i) Chron. du roy S. Loys, ch. 48.
(2) Aug. Cur., L 3,
Digitized
by Google
(470)
chasiens ou chasisiens par quelques amheurs grecs
(qu^aucunsde nos historiens modernes on voulu tour-
ner en chasidresj Beduins et Esseens), desquels du
moins ils estoient reputez prendre leur commence-
ment, et retenir en partie leur escriture, ayants leurs
lettres meslees d'hébraïques et chalda'iquel. Neant^
moins que pour le regard des Beduins le sire de loin-
uille , en la Tie du roy S, Loys, en parlç yu peu autre-
ment, comme des gens' qui viuoient bien, et habi-
toienl auec les Sarrasins, maïs qui toutefois tenoient
vne autre manière et façon de viure, et ne croioient
p(Hnt en Mahomet, comme font lesWtres Ss^asins,
mais gardoient la loy d'Hely son onde , par lequel
il f^'«. misen honneur en ce monde; puis ayant acquis
la seigneurie et prééminence du peuple , il se despita
et s*esloigna d'iccluy Hely, qui ne pouuant supporter
d'estre ainsi supedité, tira à soy du peuple ce qu*il
en peut auoir, et le mena habiter à part es déserts et
montagnes d'Egypte , et leur conunença à bailler vne
autre loy que celle de Mahomet: dont depuis les vns
jom appelle les autres mescreans. De laquelle loy
d'Hely IVn des principaux poincts et commande-
mens est tel, que quand aucun homme se fait tuer
poiar Êûre et accomplir le commandement de son
se^néur, ou pour quelque autre bonne intention,
Tttne de celuy qui est ainsi mort va en vn autre
meilleur corps, plus beau, plus fort et plus parfait
que le premier, et dans lequel est à plus grand'aise
qu'elle n'estoit auparauânt. Au moyen de quoy ils ne
ne font compte de s'ofirir à la mort, et se faire tuer
Digitized
by Google
(47» )
pour Famour de leur seigneur. Yn autre poinct est
que nul homme ne peut mourir quVn certain ioiir
qui luy est déterminé ^ et pour ceste raison ils ne se
veulent point armer quand ils vcmt à la guerre , et
s^ils faisoient autrement ce seroit coUtrai^r à leur
foj. Et quand ils maudissent leurs enfans , ils leur
disent en ceste manière : maudit soiMu conmie eeluy
qui s^arme dé peur de la mort (i).
Le premier d^entre les princes chrestiens sur les*
quels ils attentèrent , futRaimond^ comte de Tripoly,
de la maison des comtes de Tholose , et petit^fils de
Bertrand, qui le premier fut inuesty de cette comté>
après la prise de la ville Tan 1 109. Car comme il ne
cessast de guerroyer les infidelles (lesquels dés Faage
de dixhuict ans auant que son père fut inhumé il
estoit allé rencontrer vers le mont Liban, et en auoit
{m vne grande boucherie , ainsi que remarque frère
Estienne de Lusignan) il fut en cette viUe-là trais-^
treusement assasiné, enuiron Fan ii5o ou ii5i, par
deux de ces assasins qui s'estoient cachez en la porte
d*icelle,: et dont les habitans furent tellement esmeus,
que courans incontinant aux armes, autant qu'ails en
trouuerent qui parloient auu-e langage que oeluy des
(1) Arnold., 1. 6, cap. io« — Reinec. I
Hayth. — Mer des histoires, 1. 1, fol. aoi.
sous l'an 1272. — Gnil. de Mangis. -^ J. (
des Ghron. de Fr. — Nicetas Chroniates, <
et Ange, I. 2, — ^ Vign. en sa Bible histor. a
Jac. de Vitriac. — Chron. du roy S. Loys, ch. 3o et 56.
Digitized
by Google
(470
nostires, ou portoient autre habit que le leur^ pensans
rencontrer les meurtriers de leur seigneur, les firent
tous passer au fil de Fespee. Depuis lequel temps aussi
les autres seigneurs chrestiens prindrent occasion de
se tenir phis sur leurs gardes (i).
I<eantm(Hns qu'aucunes histoires tesmoignent qu*^i-
ttiron aioaan ans après, et Fan 117:2 oui 173, il prit
yolonté au prince des assasins qui estoit alors, de se
faire chrestien aueo tout son peuple , tellement que
cœnme il estoit naturellement doué d*vn bon esprit,
etprenoit plaisir et s*addonnoit aux lettres, aussi vou-
lut il sçauoir que c*estoit delà religion chrèstienne,
et des esmptures sainctes : lesquelles après auoir leuees
et esplucbees diligemment admirant la pureté de la
doctrine et la vertu des miracles, et conuoençant à
iuger des abus et fausse loy de Mahomet, petit à petit
vint à la condamner, et reiecter partie des supersti-
tions introduictes en icelle, fit desmolir ses oratoires,
defiendre Tobseruation de leur ieusne^ rabstinence
de boire vin, manger chair de porc, et autres telles
dioses (a) , voire mesmes qu*a,ucuns escriuent qu'il
auoit ia receu la baptesme aueo toute sa gent, per-
suadé par ce moyen debuoir au moins demeurer en
pareille condition et liberté que les chrestiens, et estre
descharge9 de la somme de deux mil escus, ou deux
(i) Math. Paris. — P. Estienpe de Lusignan, en ses Gré-
néalog. des roys de HiérusaL, de Cyprc et d'Arménie.
(a) Guil. de Tyr, I. ï4, — Jac. de Vitrlac. ~ Math. Pa-
ris, sous Pan ïi5o.
Digitized
by Google
(473)
mil besans que les Templiers qui tenoient quelques
forts chasteaux et places voisines de leur région^
auoient accoustiuné de prendre et leuer sur eux par
forme de tribut (i). Pour dequoy résoudre et sçauoir
au surplus ce qui luy restoit à faire pour le &ict de
la religion et foy chrestienne, il enuoya «xpres vn
grand personnage d^entre les siens nommé Bohadeile
en ambassade tant vers le patriarcbe de. Hierusalem
que vers le roy Almaric de Hierusalem , iusques en
la ville d'Acre , dite anciennement Piolemaîde^ où
cest ambassadeur fut tresbien veu, ouy, et rççeu du
roy, qui loua Dieu d'auoir eu pitié de si grand peuple
qi^ audit attiré à sa cognc^ssance, puis le renvoyant
auec grand honneur afin qu'il tesmoignast à ^n maistre
la bonne volonté en laquelle il auoit trouué les ohres-
tiensy le fit conduire iusques près de la terre des assa-
sinSy approchant de laquelle^ et comme il eust desia
passé la ville de Tripoly, ne se deffiant d'aucune
chose, pour Fasseuï^ance qu'il auoit en la fay et sauf
conduict du roy, fut luy mesme malheureusaneut
assasiné par l'vn des Templiers, sans que depuis le
roy, qui sentoit le premier l'outrage luy estre fait, en
peust auoir aucune raison, pour l'authorité dû pape
(de la sauuegarde duquel «Othon de Sainct Amand
\ùs^ grsoxd maistre des Teitxpliers, se targuoit, et me-
naçoit de l'indignation du, S. Père si on entreprenait
"(dus auant. contre le frère qui audit cc»nmis ce meut-
» . -, ^ . ^
(i) LudoY. Viv. , de Veritale fideî Christ. , h 4» "* J<>ai^
CaïQ.fîn narra* Tull.
Digitized
by Google
( 474 )
tre) sinrni qu^apres aaoir seulement fait prendre pri-
sannier le meurtrier, il luy en demeura vn r^ret et
maladie, de laquelle il mourut bien tost après. Ce qui
fut cause que le prince infidelle iustemem indigne
contre les chrestiens, comme vne noauelle plante non
encor bien en racinee en la fby, rompit ce bon des-
seing , reiectant et nostre reUgton et nostre accoinc-
tance; et depuis ce temps, se monstrerent les assasins
plus crttds ennemis des chrèstiens qu'ils n^aiK»ient
esté, reprenans leurs mesmes erres soubs leur pre-
mière loy, vœn et obéissance entiers leinr seigneur.
Dequoy Henry, comte de Troyes, fils de Tfaibam,
comte de Champagne, qui en Tan 1 178 estoit all^fcn
Syrie auec grande suitte de noblesse irançoise au se-
cours des cfaresti.ens contre le soiddan Saladin, vid
faire vne {ureune estrangetleuant ses yeux, estant allë
voir le prince des assasins d'al(»*s, sur le chemin de
la ville d*Antioche à celle de Tyr, sous le sauf con-
duit et asseurailce qu^il reûeut de luy. Car comme ce
(nince luy eust voulu faire cbgnoistre l'obéissance
que luy rendoient ses subiets, et luy ayant monstre au
doigt au plus haut dVne tour certain nombre d'hom-
mes, il en appella vn d'entre eux par son nom, lequel
aussi tost et sans marchander, se ietta de là tour en
bas, de laquelle cheute il mourut, sur l'heure tout
froissé et brise. Et voulant encore eu appeller d'au-
tres pour faire le memie essay, il en fut destoumë par
les prières du comte, autant e^ahy *que plein d'ef-
froy et d'horreur en soy mesme ^ pour la hardiesse
de telles gens prodigeans ainsi leurs corps et leur
Digitized
by Google
( 475 )
vie au simple commandement de leur maistre (i).
Quelque temps après et Tan 1192^, Gonrard, mar-
quis de Montferrat, qui tenoit la principauté de' la
ville de Tyr, laquelle Tan it88 il auoil si vaillam-
ment deâenduë contre le mesme soldan Saladin y et
outre portoit le tillre de wy de Hierusakmj à cause
d'Isabelle sa femme, sœur de la defTuncte royne Si-
bylle femme de Quy de Lusignan , sœur du roy Bau-
douyn IIII, conïme il se pourmenoit par la place de
Tyr, fut massacré par deux de ce$ assassins baptisez
qu'il auoit long temps âourris en sa maison , et qui
âpres le coup se pensèrent sauuer à la fiiitey mais
estatis pris iurent cruellement exécutez, endurans
neantmoins le supplice fort allègrement , comme s'ils
eussent commis quelque digne chef d'œuure : et ont
voulu dire quelques vns que Hemfroy ou Emlrede,
seigneur deThoron, fit faire ce meurtre, ayant donné
ou promis bonne somme d'argent à ces Sarrasins
(desquels il receut depuis pareil seruice ayant esté
tué d'eux en trahison) en haine de ce que le marquis
dés l'an 1 189, luy auoit desbauché ceste Isabelle qui
estoit «a femme, et fait qu'elle le quittast pour pren-
dre iceluy marquis pour mary. Quoyque d'autres tes-
joignent que le prince Sarrasin d.e son propre mou-
laiement auoit enuoyé les deux assasins à cest eflFet,
pour se venger de ce que le marquis auoit fait tuer
secrettement quelques marchands de sa terre près de
■ I ■!■■■ ■ ■ !■■>■ iM^ I m*) «IIP > ■■■iMi. N *
(i) Fulg,, 1. I, cap. I. — Bapt. Ëgnat, de Exempl. illust,
vlror., 1. 5, c. 6.
Digitized by
Google
( 476 )
Tyr : autres en gênerai pour la conspiraïkm faite p»r
le Sarrasin auec les siens de faire mourir tous les
princes latins qui estoient en la Palestine (i). Voire
qu'aucuns ont passé iusques là de dire que le Sarrasin
auoit esté induict et gagné de présents par les chres-
tiens mesmes, et que les Templiers en furent chargez^
comme semblablement le roy Richard d'Angleterre
surnommé Cœur de Uon^ indigné ^e ce que le mar-
quis n'auoit voulu espouser sa sœur. Qui fut aussi
IVne des choses que l'empereur Henry, fils de Barbe-
rousse, reprocha depuis au roy Richard, après qu'il
l'eust retiré des mains du duo Lui^ld d'Autriche
(qui l'auoit fidt son j»risonnier pour iniures qu'il
pretendoit aurâr receuës de luy en Palestine) Le-
quel soi:q>çon contre le roy Richard pourroit estre
d'autant plus confirmé, s'il est vray ce dont on l'a-:
uoit voulu taxer auparauant, qu'il eust pris argent des
fils de SalacÈn. pour se faire par eux deliurer le mesme
marquis de Montferrat..Semblablemenj: ce mespie roy
Richard est accusé en aucunes de nos histoires d'a-
uoir essayé de faire tuer de mesme façon le roy Phi-
li^)e Auguste , auec lequel il auoit eu quelque dif-
férent après la prise de la ville d'Acre , dont le roy
Philippe prit occasion de s'en reuenir en France, où
(i) Jac. de Vîtriac, cap. loa. — Math. Paris. — Arnold.
Chron. — Blond. - Fulg,, 1. 5, c 6. - P. iiEmiL — BeUc-
forest es grandes Gbron. 4e Fr. — Lusignan en ses Généal.
et en son Hist de Cypre. — Ger. Fabriclus en sts Origines
d« Saxe. ~ Albertus abb. Sud.
Digitized
by Google
( 477 )
peu de te;mps après qu'il fut arriué, il eut aduis que
TAnglois, qui estoit demeure là^ aùoit enuoyë vn
assasin par deçà pour le surprendre , dont il fut en
telle peine quHl se faisoit garder iour et nuÎQjt. Et de-
quoy la vieille Chron. S. Denys , et lean Charlier,
mojnê du mesme lieu, en ses grandes Chron. de
France , vol 2 , parle en ceste sorte : Vn iour estoit le
roy à Pontoise, là luy furent nouuelles apportées des
parties d'outre mer, et lettres d'aucuns de ses amis,
qui contenoient que le Vieil de la Biontaigne auoit
cnuoyë en France vn hartarsis à la prière et au com- *
mandement du roy Richard. Car il anoit occis nou-
uellement le marquis, qui estoit «cheuallier nohle et
puissant en armes, et qui puissamment et vertueuse-
ment gouuemoit la terre auant Tadiiftnement des deux
roy s; De ces nouuelles le roy moult trouhlé et esmeu,
tantost se partit de Pontoise , et depuis celle heure ,
fiit moult curieux et moult soigneux de son corps
garder, pource que son cœur estoit en efiroy.de ces
nouuelles. Et pource que la peur et la double luy
croissoient de iour en iour, se conseilla il à ses fami-
liers qu'il feroit de cette chose. Paf leur conseil en-
voya au Vieil de la montaigne qui est roy des Accîdes,
pour en auoir plainement la certaineté. Et tandis
comme ses messagers estoîent encor en ses messages,
il establit sergens, qui tousiours portoient de grandes
masses de cuiure pardeuant luy, pour son corps gar-
der, et par nuict veilloient deuant luy les vns après
les autres par diuerses heures de la nuict. A quoy on
peut adiouster ce qui en a esté touche par Math, de
Digitized
by Google
(478)
Westmontier escriuant en ces mots : Le roy Richard
fut aussi chargé par le mesme empereur Henry, dV
uoir enuoyé des assasins pour tuer son seigneur le
TOj de Crante. Sur toutes lesquelles choses il res-
pondit fint Hen qu*il en deuoit estre excusé enuers
tous : et sur ce enuoya yne solemnelle ambassade uers
le Vieil de la montaigne , le {priant et ses assasins de
vouloir par leur escrit le iustifier de ce qu'on hiy
mettoit à sus. Ce qui fut faict Tan en suiuant; et ainâ
tfi demeura le %t>y Richard entièrement deschai^é,
Bspres la lettre qu'enuoy a le Vieil de la montaigne tant
à Tempereur qu'au duc d'Autriche Tau 1 198 (1).
Alexis l'Ange G^mnene , empereur de Constanti-
nople, se trouue aussi accusé d'auoir attitré un assasin
pour tuer Rucraiin souldan ou satrape d'Aminze et
d'Iconie, auec lequel toutesfois il estoit confédéré (a).
Ce qui fut cause de la rupture de laipaix et de grands
maux qui s'en suiuirent enuiron l'anr 120a, le Turc
s^estant mis à courir les prouinces d'Orient qui aj^par-
tenoient aux Grecs.
L'an I ai â , les petits enfans du royaume de France,
en nombre d'enuiron 20 mille, prirent la croix, disans
vouloir aller au secours de la terre saincte.. Et ainsi diui-
sez par troupes, vindrent en diuers ports pour s'embar-
qner, les vns à Marseille, les autres à Brunduse (Brin-
des), les autres à Grenues; mais d'où neantmoins ils
(i) Math. Westm. abb. Vesper. — Rîgord , en la Vie du
roy Philippe Angnste.
(2) Niceias Chromâtes.
Digitized
by Google
( 479 )
retournèrent comme ils estoient allez sans passer plus
auant : et disoit-on que le Vieil de la montaigne te-
noit prisonniers deux clers des pays de deçà la mar,
msquels omnme il les eut reoogneus estre grandement
sçauants et grands uegromantiens, il auoit proteste
de ne les mettre iamais en liberté sinon qu^iU Iny
fissent venir ces enfans , qu'on estima partant auoir
este indiiits par faulses visions, illusions et |5romesses
de se croiser comme (^la^.et entreprendre ce voyage*
Qui fiit en la mesme année que la guerre commença
entre les roys de France et d'Angleterre (i).
Vincent de Beauuais en son miroir bistorial (a)
parlant de ceste sorte de peuple en Orient qu'on ncmi-
moit Géorgiens, soiuans la doctrine et façon de faire
des Grecs en la religion chrestienne ^ et des lettres
qu'ils enuoyerent aux nostres après la pîse de la ville
deDami^te sur les Sarrasins en Fan 1219, compte
à grand grâce que Dieu fit au roy de Hierusalem et
aux princes chresti^is, de les auoir preseruez tout du
long du siège de ceste ville là^ qui dora quinze moys,
des embusches des assasins, et de leurYnaistre le Vieil-
lard de la montaigne, qui auoient (dit-il) accoustume
de faire uotter les petiis cousteaux pour tuer ceux qm
plus se trauailloient pour la cause de la chrestientë ,
comme pendant les tréues entre les cbrestiens et Sar-
rasins, qui expirèrent en Tan 1317, ils auoient mal*-
heureusement ma^acrë le fils du comte de Tripoly
(i) Anton., archev. de Fior., t 3, til, 19, ch. 2 et 4.
(2) Liv. 3i, ch. gS.
Digitized
by Google
(48o)
ea la ville de Tortose ^ ainsi qu^il esunt en Feglise à
genoux deuant Fautel de la Vierge Marie, dont pour
vne telle irreligieuse violation, les Templiers ne ces-
sèrent de les poursuiure^ et les humilier iusques à la
seruitude d'vn grand tribut, comme de trois mille
besanspar an.
Les historiens sont en différent de la mort deLojs i ,
duo de Bauieres : les vns escriuans qu'il fut tuë Tan
133 1, à vn soir après souper, comme il se pourmenoit
sur le pont de Relhain, par vn sien fol , auec lequel
il se ioiîoit et Tagassoiv, qui luy donna vn coup de
Cousteau, dont il mourut sur le chan^ en la présence
des siens : les autres que ce fut par deux ieunes gar-
çons délibérez soUicitez à ce Ëdre par vn quidan,
pour se venger de Toprobre et iniure que le duc luy
auoit faite en violant sa femme. Et lesquels ieunes
gens ce personnage offencë auoit nourris e^ préparez
quelque temps auparauant à s^en hardir à vn tel faict,
les exerceant et accoustumant à s'attaquer et se ietter
à corps perdu contre les bestes mesmes et les deschi-
rer, et se ietter à tout autre chose qu'il leur eust
monstree au doigt. Mais quelques autres recitent que
ce duc Loys estant de retour des pays d'oultre mer
(oii nantmoins Auentin escrit qu'il ne fut iamais),
fut au milieu des siens tuë par vn assasin (qui fiit
aussi tost haché en pièces par les seruiteurs du duc)
ayant este enuoyë à cest effect par le prince des as-
sasins auec lequel l'empereur Frédéric II avoit alors
alliance. De laquelle mon aussi les malueillans de
l'empereur le voulurent soupçonner, pource que quel-
Digitized
by Google
( 48i )
^ que temps auparauant pour quelques iniures et des^
^ [daisÎFS qu'il aucHt receus de ce duc, il luy auoit fait
denoncar la guerm et le defiBer en ses biens et en sa
» personne, ainsi qu'en parlent les Annales du moyne
Godefiroy, àdioustant le mesme autheur qu'en Tan
suiuant l!i32, Fempereur estant en Italie, et le soul-^
dan de Babylone luy ayant enuoyé en présent vu
pauillon d\n merueilleux artifice, le ioùr de la Mag-
delaine il traicta en festin les messagers du souldan et
r ceu>t du Vieil de la montaioie en la compagnie de
l^usieurs euesques et autres personnes signalées (i) :•
: soubs laquelle mesme année 1^. Yigniér en sa Biblio-
^ theque historiale fait mention qu'à Fempereul: auoient
esté amenées par les ambassadeurs de ces deux princes
Sarrasins, plusieurs bestes rares et non accoustumees
d'estre veuës. A quoy se pourroit adioùster ce qui se
[ lit en la teneur de la déposition de cest empereur
(qui est rapportée toute tronquée au 6. liure des De-
creiales), comme le pape le taxe d'auoir fait hono-
rablement receuoir par toute la Sicile les ménagers
été ce souldan , et pour complaire à d'autres infidelles ,
et se vouloir procurer Talliance et ramitié dé ceux
<xui mesprisant le siège apostolique se 3ont retirez de
^ IVnionde l'Eglise au mespris de la religion cbres-
. tienne , auoit fait tuer par des assasins le duc de Ba-
(i) Aventin , L 7. — Hier Zicgler. , in Hist. illust. Virer.
4^^Tm. — Chron. Hirsaugieiise. — Annal. Dominican. Col-
^g^SLT. — Auclor compilatioiiîs chronologîcae. — Gaill. de
I. 9« Liv. 3i
Digitized
by Google
( 4«» )
uîeres deuotieux de tout enuers TEglise romaine (i).
Comme semblablementce mesme empereur e^tdiaï^
par aucans historiens d'auoir fait oœire par telles gens
le père d*Tn duc de Hongrie ^ vers quel toutesfè» en
Tan ia46, Conrard^ roy des Romains, fils dHcelt^
empereur se retira, après auoir perdu la bataille ccmtre
Henry Lantgraue de Thueinguie , eslu roy des Ro-
mains dontre luy à la suscitation du pape par les princes
et singnlieron^it par les prélats de la basse Allema-
gne (dont ses aduersaires Tappellment rof de9 cletùà
et des prestres), et fut le duc blasmë d'auoir. ainsi
retire le roy Conrard, ne se souuenant de la mon de
son père. Ce que neantmoins seroit contraire au tes*
moignage qu'autres rendent de cest empereur, comme
que luy estans Tenues nouuelles que Côradin d'aucuns
appelle Caradinagius j fils de Saphadin souldan de
Damas et de la basse Syrie s'estoit déclaré ennemy
ouuertdes chrestiens, et àuoit suscité de tels assasins,
pour se deffaire des roys et {HÎilces de cbrestientë, ce
fat IVne des choses qui plus Tincita d'entreprendre
le toya^ d'outre mer pour* en auôlr la raison (3). Ce
que sentaût et preuoyant Céradin le rechercha de
paix par ambassadeters qu'il luy enuoya, et moixrot
auant que l'empereur àrrivast en Asie Van i!i26.
Aussi que par l'vne de ses epistres au roy de Bo-
hême contre Henry, duc d'Austriche, il se void comme
'(i) Smi. Schai^ns. — Pétru^ de Vinciâ.
(2) Monac Paâuao, 1. 3.
Digitized
by Google
(4S3>
entre autres choses il se plaint de luy de ce que tion
seullement il s'estoit ioinct et aitoit machiné auec les
Milanois et autres ses ennemis et de l'empire contre
sa personne^ mais encor potar mesme efFcct auoit en*
ïfôyé vers le Vieil de la montaigne et luy jfaire oftir
or et argent, pour y employer ses assasins (i).
le trouue aussi qu*enuiron l'an 1286, le Vieil de
h montaigne, qui estent lors, ayant ouyrenoïumej^la'
prud'homie et zèle
tienne par dessus to
fot esmeu de le fair
France deux de ses
fiirent pris> enuers
telle démence, que
se contenta de leur £
les ayant honorez d
seuretë auee lettres
v^dncude » grande
dit, d'auoir toi^ at
Voire qu'aucuns autl
desia enuoyé ces det
ayant change le dot
pour aduertir le roy, qu'il se dbnnast garde des pre-
miers : dont le roy prit oc<;asîon de s'accompagner de
sergens à m£»ses , et autres, pour là gardé de sa per-
sonneiour et nuict. Et leà premiers assasins estans
ainsi trouuez, le roy les traicta et renuoya aussi dou-
(i) Pet. de Viiicis, 1. 3, epîst. 3-
Digitized
by Google
( 484 )
cemenl que les deroiers (i).Qui pourroient estre les
mesmes qu^on a voulu dire auoir este attireE en France
pour mesme effect contre le roy, par Isabelle, fenune
de Hugues ou Huon , comte de la Marche , aupara-
uant femme du roy lean d* Angleterre et mère du roy
Henry 3 (qui alors regnoit)^, après quelle eust failly
de faire empoisonner le roy Loys, pour ne pouuoir
suDDorter que le comie Hugues son mary, beau père
'd'raroy, et elle qu*on appelloit encor ro/zie^sedeus-
sent tant humilier enuers Alphonse y comte de Poic-
tou , frère d'iceluy roy Loys, que de luy faire les foy
et honunage , et prester le serment de fidélité , pour
la reprise de la terre et comté de la Marche , pour
laquelle cause estoient en guerre auec le roy, auquel
depuis le prince des assasins auroit faict entendre qu^il
3 de ceux qu'il auoit enuoyez pom- le
is que rhistorien Paul iEmille ne se
elle chose, ny que tel prince Sarrasin
s chi*estiens eust voulJTcontre les sta-
tuts de sa profession et sanguinaire r^hgion, reuoc-
quer ce qu*il auoit faict : et plustost Veut croire que
d'où le poison et le venin, de là aussi tout le reste de
la meschanceté estoit sorti (a).
En laquelle mesme année ia36 ou 1 288, se lit cjue
le mesmie roy d'Angleterre Henry Hl eschappa des
mains dVn qui eust la hardiesse de l'aller chercher
(i) Chron. de S, Denis. — Chron. de J. Chartier. — GkiilJ.
de Nangîs. - P. iffimil.
(a) Chron. du roy S. Loys, ch. la et t3.
Digitized by VjOOQ IC
(4«5)
iusques dans sa chambre ^ suscité pai^ vn gemil-homme
du pap, pour le tuer à la façon des assûsins (i). La
crainte descjuels croissoit lors telle entre les princes
cfarestiens, qu'aucui^ furent contraincts de recher-
dier la protection du prince assasin , et comme ra-
chepter de luy leur yie, au grand opprobre et mespris
de la dignité chrestienne , selon le propre tesmoignage
an pape Innocent 4 9 par la constitution et decretalle
^ui se trouue émanée de luy, au concile de Lyon en
Tan 1245(2).
Et le mesme roy S. Loys tomba de recb^en pareil
danger de telles gens, en Tan 12 49 9 estant lors en
Cypre pour aller en la terre saincte. Car comme le
flôuldan d'Egypte qui estoit en querelle auec celuy de
Hallapé, craignant d*auôir le premier les François
sur les bras, eust enuoyé prier le prince assasin pour
s^employer h les mettre d'accord , affin de se fortifier
d'auantage de secours contre les chrestiens, à quoy
neantmoings l'autre souldan ne voulut nullement en^
tendre , le roy est^mt prest de partir de Cjrpre pour
paracbeuer son voyage, ^Uit d'estre tué par deux as-
sasins enuoyez par leur maistre, lesquels toutesfois
estans pris et mis à la question , comme on a voubi
dire , confessèrent que le souldan d'Egypte et les Tem-
pliers, qui en ce temps là se monstroient plus amis
des Turcs que des nostres , les auoient sollicitez à ce
faire. Et quant aux Templiers, il est certain que le
(i) Polyd. Virg., L 16.
(2) Tit. 4-7 !• 5, in sexto.
Digitized
by Google
ray leur fit de&nies mr peine <le la vie, de receuoir
wcim aiBbaisade , ny traioter au^memoH mee ks
Turoi (i>
A quoy fiiui adiowter œ qu^etoit en oe» termes
le sire de Joinuille (2) de Tambassade de oe prince
des assaaîn» vers le nk^voe xoy S. Loya, estant en 3a
yijyie d'Acre «fures qu'il fut deliurë«de sa captiuiië,
fiWf reuenir en France. Encor le roy aeioQrnanjt en
Acre luy vint vue autre ambassade du prince des
Beduins qui s'appelloit le Fieil de la Montaigne.
£t YB iota* après que l» roy eust ouy messe il fit ve-*
iMr deuai^ luy ces ainbassadeurs pour dire leur mes-
sage* Et alcnrs eonunenfa à parler vn admirai qui estok
le chef de Tambassiide, et demanda au roy s^il ne
cogooissoit point Jeur seigneur le prince de la Mon-
tai^è. lie roy luy req[K»)dit que non , car il ne Va-
uoit iamais yeu, mais bien auoit ouy parler de luy.
Et Tadmiral dit au roy ^ Ske , puisque vous auez 01:^
parlçir de «aonseigueur, ie jn'esmerueiUe moult que ne
lliy ^uess epuoyë tai^t du vosti^e, que vous dissiez feit
dç luy lyostre an^y* ainsi que font rempereur d* Alle-
magne^ le roy de Hoj^gi^jij^,, Ijs ^uldau de Babylcme,
et autres roy^ ^t princes qui fay euuoyent Soie» les
affs de b^^auç. présents, pource qu'iU fH^^isaeiit bien
que sau$ l^f as ne fiourroieni «e Tiune ne durer tant
*"' ' ^1 ' t ■ ■ 1 ' .1 '" ■* M ■ M ■ 'I I » 1 )1i I I I IL M ;i I ■ Il »
(1) If inc. de Beanvais , 1- 3a , e. gS. -- Guill. de Nangb ,
Chron. du roy S. Loys^ ek 19. — Belkforesl, en sa Ces-
mogra.
(3) Ch. 56,
Digitized
by Google
( 48? )
qu'il leur f^airoit. Et pource nom enuoye il pat 4e«
uerë vow pour Vous dire et aduertir que vouliez aimi
£iire oomme les autres: ou tout le m<Hiis que vous le
&sciez tenir quiue de ce quHl paye chacun an aux
grands maistres du Temple et de THospitali et en ce
faisant il se tiendra content de tous» Bien dit mcm*
seigneur, que s'il faisojt tuer }e mais^re du Temple et
de THo^ital ce qu'il pourroit aisément fake, il ny
gaigneroit rien, c^ il y en ^uroit incontin^ent vjGt
autre en sa |^e. Et pource jg^ veut il pas mettre
ses gens en péril en vn lieu dont il ne pourrdlt tirer
aucun prc^t, I^e roy ayant entendu parler l'admirai,
luy respondit qu'il se conseilleroit sur ce qu'il Iwy
dit, et qu'il reuint du soir par deuers luy pour m
aupir re$ponce, et quant ce uijnt au ve^re qu'ils fu-
rent renenus deuant le roy, ils tr<mum*ent le maistre
de THo^ital d'vne part et celuy du Temple d'ai^tre,
et lors leur dit le roy, que derechef ils luy dissent
ce qu'ils auoieût dit au mâtin p et ils iuy respondirent
qu'ils n'estcoent pas conseillez de le dire encor vn(ç
fois deuaut ceux qui estaient présents au matin. Ado^/Q
les maistres du Temple et de l'Ho^itaJ cc^^nmatode^
reat qu'ils h <lisse»t encOr vne fcâs. Et T^SK^miral qi»
l'aonit dit au matin , dfjuant le roy, le 4it w^ qu'il
esi contenu cydessu^ Et apr^ que Tadutiri^ eut mjis
fin h smi paarler, les maisUres l^eur direut e:^ ^a^asi^
nois, qu*ils vinssent demain a^ matin à eux^ ,^t qu'Us
leurs diroient Ja responce du roy. Au mal|n qu^md
ils furent d'entre eux, ils leur dii^nt, que trop fol-
lemeot leur seigneur auoit mandé telles parolles au
Digitized
by Google
roy de France, et que si n'estoit pour rhonneur du
roy, et qu'ils estoient venus deuers luy comme mes-
sagers, qu'ils les ferment tous ietter et noyer dans la
mer d'Acre en despit de leur seigneur : et adciisez
que dans quinze iours tous apportiez lettres au roy de
vostre prince par lesquelles il sq>paise le roy, ^tant
qu'il soit satisfaict de luy et de tous. Auant que les
quinze iours fussent passez, ces mesmes messagers ne
fidllirent de reuenir au roy et luy dire , Sire , nous
sonunes reuenus à tops de par nostre seigneur lequel
TOUS mande que tout ainsi que la chemise est habil-
lement le plus près du corps, aussi tous enuoye il sa
chemise, que Toicy dont il vous fait présent, en si-
gnifiant que vous estes celuy roy seul lequel il aime
et désire à vous voir, et pour plu3 grande asseuranoe
de ce, voicy son anneau qu'il vous enuoye, qui est
de fin or pur, et auquel est son nom escrit, et de cest
anneau vous espouse nostre seigneur, et entend que
descHinais vous Juy soyez tout vn comme les doigts
de la main : et entre autres choses enuoya iceluy
prince de la Montaigne vn olifant de cristal au roy,
et plusieurs et diuerses figures d'hommes, tables et
eschets aussi de cristal , le tout fait à belle fleurette
d'ambre liée par dessus et à belles vignettes de fin cwr,
dont aussi tbst que l'estuy fiit ouuert toute la cham-
bre fiit incontinent embasmee de la grande et suaue
odeur que ces choses rendoient. Le roy qui vouloit
guerdoniier le présent que luy avoit fait et enuoye le
Vieil prince de la Monuigne, luy enuoya par ses
ipessagers et par fi:«re Yues le Breton qui entendoit
Digitized
by Google
(489)
sarrasinois, grand ({uantité deyestemens d'escarlatte,
coupes d'or et d'argent , lecjuel F. Yues estant de re-
tour raconta au roy entre autres choses^ qu'estant de-
uers le prince de la Montaigne trouua au cheuet de
son lict vn liuret auquel y audit en escrit plusieurs
belles paroUes que nostre seigneur auoit autresfois
dictes à S. Pierre, auquel liure ce prince des Bedmns
disoit qu'il lisoit souuent et qu'il auoit moult grande
fiance en S, Pierre, croyant qu'au commencement du
monde l'ame d'Abel, quand son frère CalmTeust tué,
entra depuis au corps de ]Npel , et que de Noël aptes
qu'il fut mort reuint au corps d'Abraham, et depuis
Famé d'Abraham estoit au corps de S. Pierre , laquelle
est encore auec le corps en tare. Sur laquelle folle
créance, le moyne luy voulut prescher la foy cvan-
gelique : mais onc n'y voulut entendre.
Mais ce qu'il recitoitdeplus, et plus* remarquable,
est du subiect particulier de nostre discours, des qus^
litez et affections des assasins au meurtre : que quand
celuy pince des Beduins cheua:uchoit aux champs
il auoit toustours vn honune deuant luy qui^portoit
sa hache d'armes , laquelle auoit le manche couuert
d'argent, et y auoit au manche toutjJein de cous-
teaux trandbans, et crioit à haute voix celuy qui la
portait en son langage : Tournez vous arrière^ fuyez
TOUS de deuant celuy qui porte la mort des roy s entre ses
mains. Aussi me souuiens ie auoir remarqué ailleurs
que leur terre estoit séparée de celle des chrestiens
par certaines pierres seruans de bornes et limites^
esquelles du costé des chrestiens estoit entaillée vné
Digitized
by Google
oroix j et du ocmé des assaôns la marque et
d*vn Cousteau.
Maû quelques années après, et selwt aueuoa Ym
1358^ ou selon d'autres Vm 1260, ce pmee et m
gtm pcMTte^^XMasteaux lurent de«Uruits par Haolou (m
Alku frère de Mango ou ManguCham, roy desTaiv
tares^ fait chrestian dés Tau 1346, à Hiistaïu^e eit
suaskm soît de sa mère qui estoit cbresftieime , sc«t
d*Hayum, roy d'Arménie : Lequel Allau ayant snb*
iu^é le royaume de Perse, et paruezui iusques ca
la icontree de ces assasins, les deffit entièrement, s*e-
taiis le reste d'iceux laissez assiéger dans IVu de leurs
pliffi f<»*ts chasteaux is^^ellé Tidago ou Fidago, Tes-
paœ de tt^tns ans, ou comme aucuns esoriuent vingt-
sept ans qu'ils furent enfin contraincls se rendra uon
par deffaut de yûires ou autres munitions v mais d'ha-
bits et Testemens seulement; dont depuis ce pays là
demeura . en la ptûasance às^ princes des Tartares
d'Asie, iosques à ce qu'après le decés du prince Cas^
San , qui mourm l'an i3o4 , et que son firere ou son
fils noinnié Ceanbagad tsùax aUuié la religion dires-
tieinie pour prendre celle de Mahomet que ses ^ic-
cesseurs ont teusîours de^mis ceteaatuë, ac^uans auoc
la religion de perdre ee qu'ils auoient en Asie , Meleo-
Naser souldan d'Egypte demeura tnaistre entieremem
de la Syrie , et par conséquent les assasins souhs sa
siid)iection : desquels aussi il se seru(»t en ses guerres
ecnnme de bons archers et gens propres prind|>al^
ment pour assiegar des places , doilt ils sçanoient venir
à bout, à force de machines, feux artificiels, nwnes
Digitized
by Google
>
( 49» )
et mitrisa mojrms, (»ifere cpi^il 1^ scmpit iestredu i^m
fti>fff!ynis des<îhresrians(i),
le Ijub^ray à chacun ii:^er ^i ce powroît ^a%re le
llIesm^ prince de iadia, k we^me geut^ et le ra^me
paradis ou lieux de pl^saacei que leau d0 Maiide-
ijûlje cHçuailiçr angld^ de^nrit <ijp^ tout de meime
iiu Uure de se$ pi^egniiàtions, appiêUant ce prino^ ?ii
^rlclie luMi^iaibe qu'où uoiAiaoit Gectonalables ou 60^
^^lan^besj deuieuraiat. en Tisle Macborat cm Melr
ichoracl^e 6oid>a la piaîâsanee du presti^ leau , et ^a^
moiguant le me^ue autheur^ cpi^au tempe ^qu'il 7 fut
(et %ofk y<>y0g^ 9e rsqipQite à Tau 14^3) les fi^KtaûiiSB
4u paradis et iardîu y estoiem eneores^ et n'y aiftcàt
|>as long temps que fe lieu auoît esté dettihiict.- Et
^Cy comme il en parie :^ttie isle de Machorat eft
Jl[^en]£illeusemem longue et large , dans laquelle y a
moult ^and planté de tienS) et y ^ouiott d^mexvrer
v^ riç^ }]U9nuîi^qu*o0 4^)eUoit^6(?/Q7ii9£ri^
quel estoiti^esr cauteleux, et raoit vu naouk be«i
db^st^au dessYis yae niontaig^^ v^ £^^ ^^ ^ très uipMe
<]^e c'estoit gramd merueiUe : et àsAmx^ k closture
des mpiF^ dç ^oq bo^el, il auoit arbres dans le {^us
b^ et n^}leiir liurdw qu'au npkpndie iut après paradis
ten^estrcr Clevs arbres po^texit £nû^(s ^'oa ue sçauroit
deuiser de n^^iilleurS) autres bien odcœaaa, et autres
pprm^s d0 très -belles fleurs , et y a de tresn belles
■^M Ul II I il ■! ■ ■ IllMI ■ ■■'■ >M<< * ■!■ ■■■! I ■ ii»| ■ ■• ■> ' , "
(i) Madi. Paris, sous l'an 1257. — P. Veneius. 1. i, cap.
a^.*- Haydionos , cap. â4.. — SâbcHkas, Ennead. 9, 1. .7.
<«^ Aag* Giirio« - Joach. Camer, Narrât Turck.
Digitized
by Google
(490
fontaines, empres lesquelles a des belles cliainKres et
belles salles peintxes d'or et d*azur, auec belles his-
toires d'oiseaux et de bestes saunages, qui chantoient
et mounoient d'eux mesmes par engin , comme s'ils
fussent vifs. Et auoit mis en ce iardin toutes maniées
d'oiseaux qu'il pouuoit trouuer, et esquels il pouuoit
prendre son déduit, et y auoit des plus belles damoi-
selles de l'aage de quinze ans toutes vestuës de drap
d'or, et disoit que c'estoiem anges : et si auoit fait
fiôre trois fontaines toutes enuironnees de iaspe et
<aistal, ouur^ d'm* et de pierres précieuses, et auoît
faict fidre conduicts par dessous terre , que quand il
Touloit l'vne de ses fontaines estoit de vin, l'autre de
laict, l'autre de miel, et appelloit ce lien paradis: Et
quand aucun venoit , qui estoit preux et hardy, il le
menoit en paradis, et luy monstroit les choses di-
uèrses, et son deduict, et le chant des oiseaux, et
faisoit sonner plusieurs instmmens de musicjue , en
vne haute tour san^ le veoir, disant, que c'estoient
anges de Dieu , et qu'au iardin estoit le paradis que
Dieu auoit {Mx>mis à ses amys, dissmt : Dabo notis
terram fluentem lac et meL Et puis leur Ëdsoit vn
Iweuuage qui les enyurôit^ et leur disoit: Il vous faut
mourir pour l'amour de Dieu, et îl vous mettra en
ce beau paradis après vostre mort, et serez en l'aage
de quinze ans conime sont ces beaux iouuencéaux' et
ces damoiselleç , et prendrez vostre déduit auec ces
belles pucelles. Et puis après il leur sembloit qu'il
les mettoit en vn plus beau paradis , où ils voyoient
visiblement , ce leur estoit aduis , la face de Dieu de
Digitized
by Google
(493)
natuce en yn plus bel paradis et en sa gloire : Et Ws
le cheualier se presenioit à sa volonté, ^^Dieu lay
commandoit d'aller tuer tel seigneur qu'il nommoit
estre contraire *x seigneur du chastel , et (ju'il n'eust
pas peur de ce faire , et de se faire tuer pour Fajtnour
de Dieu« Car il le mettroit en vn paradis apces sa mort,
cent fois plus beau que cestuy. Et ainsi ces eheualiets
alloient tuer ceux qu'il leur estoit aduis qu'on leur
auoit nommez , et eux mesmes se faisoient tuer en
espérance d'aller en paradb, et ainsi ce Vieillar4 se
' yengeoit de ses ennemis par telle cautelk; Et {[puid
les seigneurs.du pays appercèurent cette fauceté , ils
allèr^t assiéger le chastel, et prindrent et tuèrent
le Vieillard , et destruisirent les nobles du chastel,
dont y auoit encor des fontaines et autres choses:
mais tout estoit quasi abattu.
, Or auec la ruine des chasteaux et paradis des assa-
sins, et la subiection de leur pays, ne fut pas toutes-
fois du tout esteinte en ceux qui restèrent et qui yin-
drent sqpres, œste mesme meschante yolonté et cous-
ttune de faire de leurs prédécesseurs. Tesmoin ce
qu'escrit le moyne padouan soubs l'an i :265, lorsque
Ghiqrles, eomfe de Prouence, frère du roy S. Louys,
fut mandé à Rome par le pape pour estre inuesti du
royaume de Naples contre le bastard Manfrede ou
Mainfroy, ccnnme iceluy Manfrede rechercha tous
moyens d^ faire mourir le j^ince françois, tant par
a«sasins que par autres , par fer ou par poison. Tes^
jnoin ce qui se lit qu'en l'im 1269 ou ^^7^ ^^ ^^7^7
qu^anfres ont youlu dire I273> Edouard aux longtt^â
, Digitized by
Google
nmbesj fils aîsné dudit roy Henri III d^An^eterre,
estam en Iff^^ d^Acre pour la deffimcbre cMitre le»
Sarranns, en attendait lai venue du roj & Lcmys de
France^ faillit d^estre tué à la mscitatlbn de Bendecar
dît Melecdeerj aouldan d'Egypte ou de BabylaDe>
par m assasin noorry soûl» terre (comme il est <puh
Tàûé en Thisloire) qui aoaît ec^noiasance et familia^
rîtë aoec iceluy f^mee Edouard, et auoit aasoustomé
le venir voir souuent soobs [nretexte des addresses eu
pays qu'il scanoit, ou quelquefois de luy port^ des
lettres d'vn adnural de I(^pe : dcmt vn iom* &igsa»t
anoir quelque chose de secna à kiy dnpe, cocaïne le
prince pour ceslB occasion eust £adt retôer vn dacujft
et fut demeuré seul en sa. chambre appuyé et regar-
dant à vne fcBesire, ce paillard tire oonœrtementvn
Cousteau eiâpoisonné qu'il auoit caché ^ dc^ifêl il hay
baiUa deux coups en Fvn des bras et vn troiâesme
sottbs laîsaelle au coalé) et iadoiNitablement Teust
tué 9 ainon qve le prince ieune, §om et vigooreux le
poussast du pied , le ietta par terre> et luy osca ées
mains le cousiean dont il le tua. Enquoy fàisani il
se blessa tellem^xt de ce coosleaa en k main , que
la pmson s'estant descouuerte |MP6n<ke et monter plus
hauta»x autres membres, on eust bien de la pebie h
le sauuer à force de bons remèdes et appareils. Au-
cxnm toutefois ont escrit qoe le pri<nce se semant
fir^pé, et n'ayaiit autre c^ose pour se d^ffendre,
prînt le pied de k lable^ duqud il rompit la tesce à
ce meurtrier. Autres que luy ayant saisi la meàn de
laqnaeUe il tenoit le Cousteau etf crié » Taide, ses gens
Digitized
by Google
(495)
aussi tosi enirerânt en la chambre et assommèrent de .
coups Tassasin , le ca^ duquel on fit depuis pendre
auec yn chien vif sur les murailles de la yille^ pour
donner terreur à ses compagnons. Neantmoins que
P. iEmile parlant de ce fait en la vie àa roy S. Loojs
estime au contraire de ce qu^on a esorit de cest assflh
sin , que le prince Edouard tomba en œ danger ^ptat
les menées de Guy, Gis de Simon, comte de Mom&rt
et de Leicestre (et petitrfils de ce Simon qui mounU;
en la guerre des Albigeois) pour venger la mort de
s6n père , lequel en Tannée 1 164 comme chef de la
faction àes barons et populace d'Angleterre esleuez
ecAltre le roy Henry, ayant deflaict Farmee du roy
et iceluy prins prisonnier auec Richard, duc de Cor-
nouaille esleu roy des Romains son firere, ensemble
le prince Edouard , Tannée ensuyuant 1365, Edouard
tronua moyen d'escapper, et ayant ramassé vne puis-
sante afmee donna bataille au amite Simon , qid de-
meura mort sur le diamp auec vn autre sien fils
nomme lean, luy rêvant ce Guy qui se retira vers
Charles, roy de IXaples, d'où il peut dresser eeste en*
treprise contre le prince Edouard, sans qu'il la^&ille
rapporter aux assasins. Ce qui semble à noure histo*
rien d'autant plus vtay semblable, que depuis ce
Dn^me Guy ainsi animé contre la race royale d'Ain-
gleterre, se. vengea enco# sur Henry, ^ dû roy Ri-
chard d'Allemagne , qu'il fit tuer, ou tua luy mesme
au retour de la terre saincte^ dans la grande église
de Viterbe en Itfljlie, où estait le roy Philippes, fils
du roy & Louys : ioint que desia (dit ce mesme au-
Digitized
by Google
( 496 )
theor) c^estok vne chose commune d'appeler tous
meurtriers assasins. Aussi qi^ cela luy semble es-
trange à croire ^qu'yn barbare comme cela, quoy que
desguisë et parlant nostre langue , eust pense se faire
entrée ou de finrce ou par autre moyen en la chambre
Jla prince Edouard à la suite de la cour, au milieu
de tant de gens de gardes , portiers et seruiteurs de
la maison , et autres qm ont accoustumé d'estre près
la personne du prince ou (A^ de guerre , mesme en
pays estranger. Depuis lequel temps, suiuant la re-
marque du mesme historien cy dessus, et principale-
ment entre les Italiens et nous, on a commence dVser
de ce nom barbare ^assasiner pour tuerj et appeller
assasins meurtriers de propos délibéré et guet à pens
(de me^ne qu'anciennement le mot de bruUens fut
pris pom* serfë, rebelles et fugitifs, et encor, avàour-
d'hui celuy ^esclaues pour ser&, ceux d* arabes et
brigands pour voleurs et pillards, et autres d'vn nom
gênerai dVn peuple, comme il a|^rt aussi par la
mesme susdicte constitution du pape Innocent IIII,
par laquelle il foudroyé contre ceux des chrestieus
qui se seruiront d'assasins, et autres telles gens à tels
effects : et non seulement il excommunie tous c&iXy
soient princes ou prélats, ou d'autre qualité, qui fe-
ront, procureront, solliciteront, ou porteront faueur
à telle chose ^#nais aussi les déclare prii^ez de leurs
dignitez, honneurs, o£^ces et bénéfices, et veut qu'ils
soient tenuz et reput^z perpétuellement deffiez pour
leur estre couru sus par tout le peuple chrestien,
comme ennemis de la religion chrestienne, sans qu'il
Digitized
by Google
( 497 )
soit besoin à iamais oontre ceux qui seront prob^tble-
rmm c<muaincu$ de jejle meschanceté, d'autre et
nouueUe sentence d'excommunication , de priu^tion
de Imrs biens et honneurs, ou de deffi à Taduenir.
Laquelle constitution fut aUeguee jau concile de
Constance, par le docteur leî^n Ger^n., çhanceljier
de rJEglise de Paris , pour réprobation des prc^sitions
qui y furent faites par frère lean Parui, ou Petit,
raoyne iacobin, pour la deffej^e du meufire commis
par le dujc lean de Bourgogo
Louys d'Qrleans, frare du
lesquelles propositions p^r $
Paris, et de Tinquisiteur d
pleine a^sepxblee deiS euesq
aM^tres notables personnes, fui
' iniquiss et imustes,et comm^E
lees : interu6U^M:its sur icelles les lettres patenies du
roy Charles, du i5de mars i^l^y pour la faire publier
et obseruer sur peine de confiscation de corps et.de
biens ; et depuis Tarre^t de lia cour du paiement du
19 septembre i4i6, donné .à Tâ^sitance de rvniuer-
^Hé , p^ lequel estoit dépendu ^ur peine de tout ce
(j) Vieille Çhron. dej^. Denis* — Chron. de Monlfort."
— Pol. Virg. , !• 16 et 17. — Plat. , en la Vie du pape Gré-
goire X. — Guill. de Nangis, an 1270. — Math. Paris, sous^
l'an 1272. — Hayt., c. 53. — BIod., Décad. 2 , 1. 8- — Sa-
|>el)^ , Enwad. 9 , 1. 7. — P. iSE^miliiis. — Nie. Gilfes , es
Annal. deFr. — Fulg,, I. 5, c, 6^.etl. 9, c. 10. — Duïillet,
au Recueil des traitez.
I. 9« Liv. 32
Digitized
by Google
( 498 )
qu'on pouuoil commeure contre le roy y de dire , pu-
blier ou enseigner <ju*il fust permis de tuer aucun,
en quelque sorte que ce ftist, sans jnrealaUe sentence
de iuge competani, ny d^auoir, transcrire , copier ou
tenir semblables escrits et propositions que celles
dHcelny maistre lehan Petit (i).
Ne se doit obmettre pour fin des exemples d'atten-
tats de ces derniers assasins y ce qu'esorit Folgose (â)
de celuy qui enuoyé par vn souldan^ pour tuer lac-
ques de Lusignan, roy de Chypre, soubs prétexte de
luy porter et présenter des lettres , s'en mit bien en
deuoir, mais dont le coup neantmoins ne passa qu'en
Tespaule du roy, et estant pris et exposé à vue cruelle
mort, Fendura auec vn grand courage, <x>mme ayant
entrepris ce faict pour le bien de son pays. Comme
aussi se trouua vn Maure ny a pas long temps que
ayant à desseing de se defiaire des roys Facdinand et
Elisabeth de Castille , estans au siège d'vne certaine
ville occupée par les Maures , venu en leur camp soubs
prétexte d'auoir à proposer quelqu^es moyens et con-
ditions d'^pointement, et ne sçachant pas bien les
addresses, entra dans la tente dVn grand sei^eur 4e
Tarmeequi estoit lors couché auec sa femme, sur les-
quels se ietta aussi tost, pensant que ce fust le roy et
la royne, tellement qu'ils furent grandement ofFencez
et en danger d'estre tuez, sans le secours de leurs
(i) Extrait du livre des Ordomi. royaux , communément
appelé le lâore croisé, au greffe du Parlem. de Paris.
(2) Liv. 5, ch. 6.
^ Digitizedby Google
^ ( 499 )
0as et seruiteurs qui estoient là : Surquoy s'e^fcirie
Tvn des aiuheurs qui en font le conte ^ quel zèle et
religion de cette Taine nation de s'estre ainsi per-
suadée,, en tuant par quelque moyen que ce soit les
plus appa^g^mts d'entre les chrestiens, que tela leur
doibt tourner à grand louange , et que si pour cela il
leur faut mourir, ils passeront bienheureux à leur
dieu Mahomet (]).
Qui est tout ce que i'aypeu remarquer proprement
de rorj!gine des assasins
attentats et homicides, p
des roys, princes et seigi
sera à vn chacun de les aj
occurrences de nostre ten
nous en auons veuz depui
rechercher iusques à Fred _
practiquer les deux clercs jju'elle enuoya pour tuer
le roy Sigisbert à Vitry près Tournay Tan 578 , les
ayant premièrement enchantez et endurez d'vn cer-
tain hreuuage pour les encourager)(2) s'estans trouuez
parlai nos ordres de religions d^aussi malheureux et
enragez assasins porte-cousteaux comme Vouez et ser-
mentez à vn autte Aloadin vn Yieil de^ montaignes
(desquels au moins on peut dire que la main d'Ab-
salon est tousiours auec eux) à la ruine des roys et
princes qui ne sont de leur secte , ou qu'ils pensent
(i) Bapt. EgDati. — Fulgos.
J[2) ^ég. de Tours, 1. 8, c. 29., — C. Fauchet^ es Antiq.
gauL, 1. 3, c. 17.
Digitized
byGçogle
( 5oo )
leui* estre en quelcpie obstacle (i). Plus malbeurei^
et encouragez que cette autre sorte de moyne et reli-
gieux mandians qui se trouuent encore amourd'faui
parmy les Turcs, de Tordre de Deruis ou Deruislar,
et de TolPlaqui ouTorlaclar (car ainsi àluei^ement
sont ils nommez) Pvn desquels en Tan i^^f, fei-
gnant de demander Pausmone au sultan B«azetII du
nom (pour lequel aucuns ont pris Mehemetll) qu?îl
trouua à clieual par les champs au voy^ qui^il fai-
ruyner les montagnard^ de la
sultan se fîist arresté, comme il
r, faillit à le tu^ dVn coustelas
lé sous son manteau ou gahbe-
crédit d'approcher iusques à la
ir, pour le respect de son habit;
nu à bout de son entreprise^
sinon que le cheual de l^nipereur efifraié se fust re-
culé , et quVn des baschats donna sur la\este de ce
moyne assasin tel coup de son busdogan ou masse
de fer qu'ils ont accoustumé de porter, qu'il le ietta
demy mort par terre , où il fut incontinent acbeué
par les autres qui estoient fite& du sultan, qui en fat
quitte pour Tne légère playe» Mais dont dépuis ces
Inms religieux ne furent trop bien vernis à Ctmstan-
tinople , mesme que Baîazet les bannit vn long temps
de son empire ,^ et depuis luy le sultan Selim les
chastia fort rudement (2).
(i) Greg. NdziaD., Orat. in laudem Athanasîi.
(2) Thi?bfl. Spaiid. , en son Hisl. et orig. des Turcs.. * -
Digitized
by Google
(Soi)
Et au coinmencelnelit de Tannée iSSq (neant-
moins qu'aucuns marquent le xi d'octobre 1579),
Mehemet Bassa , gendre du sultan Selim i j , homme
aagë d'enuiron 80 ans, tenant le second rang entre
les Turcs, et qui estoit grand vesir ou lieutenant gê-
nerai de trois empereurs, comme il donnoit audience
au diuan.de sa maison , selon la coustume à ceux qui
auoient affaire à luy, il entra vn de ses deruiz, lequel
à la faueur de son liaLit et pi*ofession ayant irauersé
parmi laptéâ^ hisquéâ fltfptôs de luy, tir
teau duquel il luy bailla dans le seing et 1
roide sans' craindre ce qui luy en pouuo
comme au^i sur Theure il fut haché en
ceux qui se trcmtiei*ént là (i ). On tient aiisfi
mesme année iSgS», le sultan Mehemet a £
tue de mesme par vn qui sçpres^ità à luy habille eu
moyne, mais dont ne sont encore les nouuelles bien
asseurees. " *
Hist. rauselm., 11$^ 16. - ^aniA, , Hîst tiirc- ~ Tî. Nicoï. ,
J. 3 des Pérégrlm^ieB») c* 17* — Boîfi»»^ in ïronib. — Ma-
rlnus Barloti, des Gestes de Scanderb. — Auctor lib. ïur-
cîcœ spurcîtias ef pel-iSdiâô àilggellatio^â «t eoisfetatiouis,
cap. 22.
(i) Pand.., Hist turc. — Boiss. , ip Tronîb» — Joa. Rps,
in appen» Ghroià<ti»nfe^ ^»u Ghroiii W^l. — Gab*^ Ghap^^ en
VHist. de ce temps. *
FIN DU VOLUME.
Digitized by
Google
TABLE
DES MATIÈRES
CONTENUES DANS GB VOLUME.
SUPPLEMENT.
QUATRIÈME PARTIE.
ADDITIONS AU CHAPITRE PREMIER, % III.
DES COMMUNES ET DES BOURGEOISIES.
^tdiU G. L. fur les Recherches de M. de Bréqui-
^tabibsement des Gommanes et des Bourgeoisies. i
Recherches sur les Goi|imanes , par Mi, de BrÉQUIGNT 4^
Recherches sur les Bourgçoisies , par le même, ..•••...... if^
ADDITION AU CHAPITRE III, S I-
Recherches historiques sur les Routiers et* la Jacquerie aia
I>e la milice àes Reistres et Lanskenets, du Rhingrave, du colo-
nel Ghristophle de Çassompierre. ....... „_^ ^55
%CINQUIÈME PARTIE
ADDITIONS AU CHAPITRE PREMIER.
De l'intërieur de la chambre à coucher d*une reine de France ,
au moment où elle donne un héritier au trâne. Ghapitre cu-
rieux des Mémoires de Louise Bourgeois, dite Boursier, sage*
femme de Marie de Médicis. .••^.••..» 16»
ADDITION AU CHAPITRE II, S /•
Du mot BIGRE, terme employé dans les chartes, dont on de-
mande la signification 3oi>
Digitized
by Google
( 5o3 )
§11.
Puces
Bemarqiiei sur quelques pièces curieuses des Matures <le 1736 , aa
sajet d*im ancien MUsorium, de Tusage de la Verdure et de la
plantation du BCai. Par Tabb^ Lsbeuf » 3io
Addition de VE^L G. L. aox remarques prëci^dentes* 3a3
§m.
Les Martinales, on Dissertation sut Poie de la Saint -Martin, à
roccasion d*une médaille curîetue. Par A. L. Millin, a^ee des
notes critiques de VEdit. G. L . 3a8
Cërëmonie singulière des confrères de la charité , ou Porte-morts ,
qui se faisait chaque ann^e, le jour de la Fête-Dieu, à Yemon
en- Normandie • • , . 35i
§VII
Des clercs rnari^ dans le moyen - Ige 355
Particularité curieuses de l'histoire galante de quelques - uns de
nos rois. — Ancienne légende des amours de CWlemagne. • . 36a
De la concubine de Gliarles TU, appelle la petite Reine» .... 368
Les regrets et vie de la duchesse de Beaufort, divulguas en Tan
i5g7, lors de la prise d'Amiens • 370
De la conspiration de la duchesse deYemenil ,maitrcsse d'Henri lY,
et de la soustraction de la promesse de mariage que ce prince
lui avait faite 38o
Des relations supposées galantes d'Anne d'Autriche avec le duc
de Bucldngham , ou récit des incidens secrets qui facilitèrent
la prise de U Rochelle par le cardinal de Richelieu 388
CHAPITRE m.
§..
Les parallèles de la Noblesse. Par le sieur DE Gatherinot. . .
HUITIÈME PARTIE.
ADDITIONS AUX MÉLANGES.
Remarques sur une médaille de François I^r, et sur la Salaman-
dre qu'il avait adoptée pour devise
Digitized
by Google
(5o4)
Pages
Traité des rois de France avec les «rchevesques de Rouen, par
'lesquels ils les obligent- de venir une fois Tan à leur cour, à
la cliarge qu'ils les en feront convenaUeinent semondre, et
qu'ils envoyeront au^de^ant d*eux un honorable convoi ^^o
Traite de Rirhard ((^Jcur-de-Lion), roi d'Angleterre, avec IVr-
cbevesque dé Rouen, d'escbange des vHles d*Andely, aux com-
tés de Dieppe et Bouteilles; de Ix>uvicrs, d*Aliermont, etc. . 444
Traité de Torigine des anciens Assasins- porte -couteaux, avec
quelques «xem^llcs de leurs altenltts et lionaiddes 4s j^^ft^fma
d'aucuns rois» princes el seigneurs ^ U fihacêidmïfi' P^T M. De-
nis Lbbbt-db-Batili.y , conseiller du m 4^i
FIN DE LA TABLE.
'^
Digitized by VjOO^C
Digitized by VjOOQ IC
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized
by Google
Digitized by
Google
Digitized
by Google
Digitized
by Google