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Full text of "Compte rendu de la ... session"

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HARVARD UNIVERSITY 




LIBRARY 

or THC 

PEABODY MUSEUM OF AMERICAN 
ARCHAEOLOGY AND ETHNOLOGY 

GIFT OF 

Henry W.Haynes 



Received 



1932 




CONGRÈS 

INTERNATIONAL 

D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE 
PRÉHISTORIQUES 



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CONGRES 

INTERNATIONAL 

D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE 
PRÉHISTORIQUES 



COMPTE RENDU 

DELA ^ / V 

4 

2"" SESSION, PARIS, 1867 



PARIS 

C. REINWALD, LIBRAIRE-ÉDITECR 

RUE DES SAINTS-PÏRBS, 15 

1868 



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CONGRES 

INTERNATIONAL 

D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE 
PRÉHISTORIQUES 



DEUXIÈME SESSION 

TENUE A PARIS, DU 17 AU 30 AOUT 1867. 



Acte de fondation du Congrès préhistorique international. 



La Société Italienne des Sciences naturelles, dans sa seconde 
réunion extraordinaire, à laSpezzia, sous la présidence de M. le 
professeur Giovanni Capellini , au mois de septembre 1865 , 
s'étant constituée en section spéciale préhistorique, a, d'après 
rinitiative d'un de ses membres, M. Gabriel de Mortillet, et sur 
la proposition de son Bureau, adopté la fondation d'un Congrès 
Paléoethnologique international. Cette fondation, soumise par 
la Présidence à la votation du Congrès, dans la séance géné- 
rale du 21 septembre, a été confirmée par acclamation. 

La Présidence ordinaire de la Société Italienne, chargée de 
l'exécution de tout ce qui a été établi dans la réunion extraor- 
dinaire de la Spezzia, se fait un devoir de vous communiquer 

4 



- 2 — 

TActe de fojidation du Congrès Paléoethnologique, en invitant 
tous ceux qui s'occupent d'études préhistoriques à faire par- 
venir leur adhésion de la manière indiquée dans TActe lui- 
même. 

Le premier Congrès Paléoethnologique aura donc lieu, cette 
année 1866, à Tépoque de la réunion de la Société Suisse des 
Sciences naturelles, à Neuchatel (Suisse). 

Le Président soussigné, d'accord avec M. le professeur 
Desor, qui a bien voulu accepter la présidence du Congrès 
Paléoethnologique, en fera connaître plus tard la date et le 
programme. 

Milan, 1«' janvier 1866. 

Prof. Emilio Cornalia, 
Président de la Société Italienne des Sciences natarelles. 

Prof. Antonio Stoppani, 

Secrétaire. 



Acte de fondation d'un Congrès Paléoethnologique international^ 
fait par la Société Italienne des Sciences naturelles dans 
sa réunion extraordinaire à la Spezzia. 

Sur la proposition de son Bureau, la Société Italienne des 
Sciences naturelles, réunie en section spéciale préhistorique ; 

Vu le développement toujours croissant des études qui ont 
pour but de nous faire connaître l'origine de l'humanité et les 
premières pages de l'histoire ; 

Vu l'importance de ces études et la nécessité de leur im- 
primer une bonne direction; 

Vu l'immense avantage qui résulte pour la science du rap- 
prochement entre eux de tous les hommes qui s'occupent des 
recherches préhistoriques ; 

A adopté à l'unanimité des membres présents les articles 
suivants : 

Article premier. — Il est créé un Congrès international 
pour les études préhistoriques. 



— 3 — 

Art. 2. — Ce Congrès se tiendra tous les ans dans un pays 
•différent. 

Art. 3. — La première réunion aura lieu dans le courant 
<ie 1866, à Neuchatel (Suis^ie), sous la présidence de M. le pro- 
fesseur E. Desor. 

Art. 4. — Il est à désirer que la seconde se tienne à Paris, 
pendant l'Exposition universelle de 1867. 

Art, 5. — Toutes les personnes qui s'occupent des ques- 
tions préhistoriques seront, au moyen d'une circulaire, invitées 
à donner, par écrit, leur adhésion au Congrès. 

Cette circulaire sera publiée dans les Atti délia Società 
Italiana di scienze naiuraliy dans les Matériaux pour VHis^ 
toire de V Homme et dans les principaux journaux des divers 
pays. 

Les adhésions pourront être adressées : à Milan, au Pré- 
sident de la Société Italienne des Sciences naturelles, M. le 
professeur Emilio Cornalia ; à Neuchatel (Suisse), au Président 
du premier Congrès, M. le professeur E. Desor; et, à Paris, 
au Directeur des Matériaux^ M. Gabriel de MortClet, rue de 
Vaugîrard, 35. 

Voté à la réunion extraordinaire de la Spezzia, le 20 sep- 
tembre 1865. 

Le Président de la réunion extraordinaire, professeur Giovanni 

Capbllini^ à Bologne. 
Le Secrétaire, professeur Giovanni Omboni, à Milan. 
Le Président ordinaire, professeur Emilio Cornalia, à Milan. 
Le Président de la section spéciale préhistorique, professeur 

Antonio Stoppani, à Milan. 
Le Secrétaire, Paolo Liot, à Yicence. 



CONGRÈS INTERNATIONAL 

D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE 

PRÉHISTORIQUES. 



RÈGLEMENT GÉNÉRAL. 



Article premier. — Un Congrès international et annuel 
d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques, faisant suite 
aux réunions qui ont eu lieu en 1865, à la Spezzia, et en 1866, 
à Neuchatel, est définitivement constitué. 

Art. 2. — Le Congrès ne pourra avoir lieu deux fois de 
suite dans le même pays. 

Art. 3. — Font partie du Congrès et ont droit à toutes ses 
publications les personnes qui en ont fait la demande et ont 
acquitté la cotisation annuelle. 

Art. a. — A la lin de chaque session, le Congrès désigne 
le lieu où se tiendra la session suivante ; il choisit en outre, 
parmi les savants résidant dans le pays désigné : 1° le Pré- 
sident de la session future, 2° plusieurs autres savants chargés 
de constituer, sous la direction du Président, un Comité d'or- 
ganisation. 

Art. 5. — Le Comité d'organisation peut s'adjoindre, sui- 
vant ses besoins, d'autres savants nationaux. Il demande en 
outre le concours des savants étrangers qui lui paraissent pou- 
voir recueillir le plus grand nombre d'adhésions en faveur du 
Congrès. Ceux-ci prennent le titre de Membres correspondants 
du comité. 

Art. 6. — Le Comité fixe l'époque de la session, le nombre 
des séances, le taux de la cotisation ; il envoie les lettres de 



— 5 — 



convocation, recueille et concentre les adhésions et délivre les 
cartes des membres. Il se charge de tous les soins matériels 
qui concernent Tinstallation du Congrès et la tenue de ses 



Abt. 7. — 11 prépare, publie et distribue, plusieurs mois 
il l'avance, le programme des séances; il peut fixer un certain 
nombre de questions; mais il devra toujours réserver une 
partie des séances pour toutes autres questions non comprises 
dans le programme, proposées par un membre du Congrus et 
approuvées par le Conseil. 

Art. 8. — Le Bureau du Comité remplit les fonctions de 
Bureau provisoire dans la première séance de la session. Les 
membres du Bureau définitif sont nommés dans cette première 
séance, à la majorité relative, à l'exception du Président, qui 
est élu depuis Tannée précédente, et du Trésorier déjà institué 
par le Comité d'organisation. 

Art. 9. — Le Bureau se compose : 1® d'un Président ; 2^ de 
«ix \ice-Presidents, dont deux au moins doivent être résidents; 
S*» d'un Secrétaire général; 4'' de quatre Secrétaires; 5« d'un 
Trésorier. 

Art. 10. — Le Conseil se compose : 1^ des membres du 
bureau définitif; 2<» de six membres nommés au scrutin de 
liste. Font en outre, de droit, partie du Conseil : 1" les quatre 
membres fondateurs du Congrès de la Spezzia; 2^ tous les 
anciens Présidents, qui conservent le titre de Présidents hono- 
raires. — Les membres du Comité d'organisation qui ne ren- 
treraient pas dans l'une des catégories précédentes, assistent 
aux séances du Conseil avec voix consultative. 

Art. H. — Toutes les demandes de communication surve- 
nues pendant la session et toutes les réclamations sont soumises 
au Conseil, qui statue définitivement. Le Conseil est en outre 
chargé de proposer au vote du Congrès, conformément à l'ar- 
ticle A : l"" la désignation du lieu où se tiendra la session sui- 
vante; 2^" la nomination du président et des membres du 
Comité d'organisation du futur Congrès. 

Art. 12. — Dans la seconde séance, le Congrès nomme, 
SUT la proposition du Conseil, une Commission de publication 
dont le Secrétaire général est président de droit, et dont le 
Trésorier fait également partie. Cette Commission, entièrement 



— 6 — 

composée de membres nationaux, sera en outre chargée d'apu- 
rer les comptes. 

Art. 13. — S'il y a un reliquat, il sera reporté à l'actif de 
la session suivante. 

Art. 14. — Les objets offerts au Congrès pendant la ses- 
sion et toutes les pièces de la correspondance, sont acquis au 
pays où la session a lieu. Leur destination est déterminée par 
le Conseil. 

Art. 15. — Le Comité de chaque session établit un règle- 
ment particulier concernant toutes les dispositions sur les- 
quelles il n'est pas statué dans le présent règlement général. 

Art. 16. — Toute proposition tendant à modifier le règle- 
ment général devra être signée de dix membres au moins, 
déposée sur le Bureau pendant le courant de la session, 
et soumise à l'examen du Conseil. Celui-ci, après en avoh- 
délibéré, prépare un rapport qui est inséré, ainsi que la 
proposition, dans les publications du Congrès, et qui est mis 
aux voix sans discussion, par oui ou par non, dans la première 
séance de la session suivante. 



COMITÉ D'ORGANISATION 

POUR LA SESSION DE 1867. 

Président, 

M. Édouaad Lartet, président sortant de la Société géologique ôer 
France, rue Lacépède, 45, Paris. 

Secrétaire. 

M. Gabriel de Mortillet, directeur des Matériaux pour l'histoire 
de VHommej l'un des quatre fondateurs du Congrès, rue de Vaugirard^ 
35, Paris. 

Trésorier, 

M. Edouard Collomb, trésorier de la Société géologique de France, 
rue de Madame, 26, Paris. 



Membre honoraire. 

M. Boucher de Crèvecoeur de Perthes, président de la Société 
d'émulation, Abbeville (Somme). 

Membres titulaires. 

' MM. 

Le vicomte d'Arghiac, membre de Flnstitut, professeur de paléontologie 

au Muséum d'histoire naturelle, rue Casimir-Périer, 3, Paris. 
Belgrand, inspecteur général des ponts et chaussées, Boulevard Saint- 

Grermaia, 400, Paris. 
Alexandre Bertrand, directeur du Musée de Saint-Germain et de la 

Revue archéologique, château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et- 

Oise). 
Le docteur Broca, membre de l'Académie de médecine, professeur à la 

Faculté, secrétaire général de la Société d'anthropologie, rue des Saints- 
Pères, 1, Paris. 
J. Desnoters, membre de Flnstitut, bibliothécaire au Muséum d'histoire 

naturelle, rue Cuvier, 57, Paris. 
A. DE LoNGPBRiBR, membre de l'Institut, conservateur des antiques au 

Musée du Louvre, rue de Londres, 50, Paris. 
Alfred Maurt, membre de l'Institut, professeur au Collège de France, 

rue de Seine, 4 , Paris. 
Le colonel Penguilly L'Haridon, directeur du Musée d'artillerie, placo 

SaintrThomas-d'Aquin, Paris. 
Le baron Charles Poisson, président de la Commission historique de la 

ville de Paris, avenue de l'Impératrice, 42, Paris. 
Le docteur Pruner-Bey, ancien président de la Société d'anthropologie, 

place Saint-Victor, 28, Paris. 
De Quatrefages, membre de l'Institut, professeur d'anthropologie au 

Muséum d'histoire naturelle, rue Geoffroy-Saint-Hilaire,-20, Paris. 
Le commandant de Rbffye, officier d'ordonnance de l'Empereur, au 

Haras, Meudon- (Seine-et-Oise). 
De Saulcy, sénateur, membre de l'Institut, président de la Commission 

delà topographie des Gaules, rue du Cirque, 17, Paris. 
Le marquis de Vibraye, correspondant de l'Institut, rue de Varennes, 56, 

Paris. 



— 8 — 



BUREAU DÉFINITIF 



DE LA SESSION DE 1867. 



Président. 
M. Edouard Lartet. 



Vice-Présidents. 



MM. A. W. Franks. 

A. DE LONGPÉRIER. 

NiLSSON. 

DE QUATREFAGES. 



MM. G. Squier. 
Carl Vogt. 
Worsaae. 



MM. A. Gaudry. 
Hamy. 



Secrétaire général. 
M. Gabriel de Mortillet. 

Secrétaires. 

MM. Louis Lartet. 
Arthur Rhoné. 



Secrétaires-adjoints. 



M. Gartailhac. 



M. H. DE LONGPERlER. 



Trésorier. 
M. Edouard Collomb. 

Trésorier-adjoint. 
M. Tardy. 

Membres du Conseil de droit. 
M. E. Cornalia. I M. E. Desor. 

Membres du Conseil élus. 



MM. Paul Broca. 
J. Desnoyers. 
Figari-Bey. 



MM. Alfred Maury. 

ViLANOVA. 

MoRiTz Wagner. 



— 9 — 



PROGRAMME DÉTAILLÉ 

DU CONGRÈS. 



SAMEDI 17 AOUT. 

A 2 heures, séance d'inauguration à l'École de médecine; 
— nomination du Bureau et du Conseil. 

DIMANCHE 18. 

Exposition universelle ; — de 10 heures à midi, visite de la 
Galerie de l'histoire du travail, avec des Commissaires spéciaux 
dans chaque salle; — à 2 heures, visite au Caravansérail 
égyptien : ouverture d'une momie. 

LUNDI 19. 

A 9 heures, visite au Muséum d'histoire naturelle, galerie 
paléontologique et anthropologique ; — à 7 heures 30 du soir, 
séance à l'École de médecine. 

Discussion de la première question du programme. 

Dans quelles conditions géologiques, au milieu de quelle faune et de 
queHe flore a-t-on constaté, dans les différentes contrées du globe, les 
traces les plus anciennes de Fexistence de l'homme? 

Quels sont les changements qui ont pu s'opérer, depuis lors, dans la 
distribution des terres et des mers? 

MARDI 20. 

A 2 heures, séance libre à l'École de médecine; questions 
proposées par l'initiative individuelle des membres du Congrès. 



— 10 — 



MERCREDI 21. 



Départ de la gare Saint-Lazare par le train de 9 heures 35; 
visite au Musée de Saint-Germain ; — à 7 heures 30 du soir, 
séance à l'École de médecine. 

Discussion de la deuxième question. 

L'habitation dans les cavernes a-t-elle été générale? 

Est-elle le fait d'une seule et même race, et se rapporte-t-elle à une 
seule et même époque? 

Dans le cas contraire, comment peut-on la subdiviser et quels sont ies 
caractères essentiels de chaque subdivision? 

JEUDI 22. 

A 2 heures, séance libre à l'École de médecine. 

VENDREDI 23. 

Départ de la gare Saint-Lazare par le train de 9 heures 5; 
visite au monument mégalithique d'Argenteuil ; — à 7 heures 
30 du soir, séance à l'École de médecine. 

Discussion de la troisième question. 

Les monuments mégalithiques sont-ils dus à une population qui aurait 
occupé successivement différents pays? 

Dans ce cas, quelle a été la marche de cette population? Quels ont été 
ses progrès successifs dans les arts et dans Tinduslrie? 

Enfin, quels rapports ont pu exister entre cette population et les habi- 
tations lacustres, dont l'industrie est analogue? 

SAMEDI 24. 

A 2 heures, séance libre à l'École de médecine^ 

DIMANCHE 25. 

Excursion à Saint-Acheul et visite du Musée d'Amiens. 
Départ à volonté; rendez-vous à Amiens, à midi, devant la 
gare du chemin de fer. Sur présentation des cartes on ne paye 
que demi-place. 



— 11 — 



LUNDI 2(5. 



A 10 heures, visite au Musée d'artillerie, place Saiot-Tho- 
mas-d'Aquin; — midi, visite à l'exposition mexicaine au 
Ministère de l'instruction publique; — à 7 heures 30 du soir, 
séance à TÉcole de médecine. 

Discussion de la quatrième question. 

L'apparition du bronze dans l'Occident est-elle le produit de l'industrie 
indigène, le résultat d'une conquête violente ou le fait de nouvelles rela- 
tions commerciales ? 

MARDI 27. 

A 2 heures, séance libre à l'École de médecine. 

MERCREDI 28. 

A 10 heures, visite au Musée de la Société d'anthropologie, 
3, rue de l'Abbaye; — à 7 heures 30 du soir, séance à l'École 
de médecine. 

Discussion de la cinquième question. 

Quels sont, dans les différents pays de l'Europe, les principaux carac- 
tères de la première époque du fer? Cette époque y est-elle antérieure aux 
temps historiques? 

JEUDI 29. 

A 2 heures, séance libre à T École de médecine. 

VENDREDI 30. 

Course aux sablières quaternaires de Levallois et Grenelle ; 
rendez-vous à 10 heures place de Courcelles; — à 7 heures 30 
du soir, séance à TÉcole de médecine. 

Discussion de la sixième et dernière question. 
Quelles sont les notions acquises sur les caractères anatomiques de 



— 12 — 

rbomme dans les temps préhistoriques, depuis les époques les plus recu- 
lées jusqu'à Tapparition du fer? 

Peut-on constater la succession, surtout dans l'Europe occidentale, de 
2)kisieurs races, et caractériser ces races ? 

Clôture du Congrès. 



NOTA. 

Le Musée de la Société d'anthropologie sera ouvert de 9 à ^ ^ heures 
<iu matin, les mardi 20, jeudi 23, samedi 24, mardi 27, jeudi 29 et samedi 
31 août. M. Hamy, membre de la Société d'anthropologie, remettra à 
MM. les membres du Congrès les pièces et les instruments dont ils auront 
-besoin pour leurs études. 



LISTE DES MEMBRES. 



Nota. — F indique les membres fondateurs; H les présidents honoraires 7 
O les membres du comité organisateur; G les membres correspondants, et B le» 
membres du bureau. 



Abdulft-Bey, docteur-médecin, àConstantinople (Turquie). 

Accadenii* PAlermitan* délie loiense, Palerme ( Sicile). 

AlgUve (Em.), directeur de la Revue des cours scientifiques, 7, rue du 

Cardinal-Lemoine, Paris. 
Alix (M.), doctewr-médecin, rue de Rivoli, 10, Paris. 
Allen (Edoardo - Auguste) , correspondant de rAcadémie de Lisbonne^ 

à Porto (Portugal). 

^Amerioan EUmologioal Sooîety, New-York (ÉtatS-Unis). 

Anea (le baron), à Palerme (Sicile). (G.) 

Anœlon, docteur-médecin , membre de plusieurs sociétés savantes, î» 

Dieuze (Meurthe). 
Angelttod (Angelo), capitaine d'artillerie, directeur du musée d'artillerie. 

à l'Arsenal, Turin (Italie). (C.) 
ArohîAo (vicomte d'),membrederinstitut,rueCasimir-Périer,3,Paris. (O.) 
Arendt, archiviste de l'État, Luxembourg (Grand-Duché ) . 
Arîa (Giuseppe), strada Stefano, Bologne (Italie). 
Arîa (Pompeo), strada Stefano, Bologne (Italie). 

Ault-Dumeinil (d'), cfonservateur-adjoint du musée de Vannes (Morbihan) • 
Aurès, ingénieur en chef des ponts et chaussées, à Nîmes (Gard). 

Baaieau, docteur, à Pierrefitte-sur-Loire (Allier). 
Baretti (Martine), professeur d'histoire naturelle, Bari (Italie). 
Bardin (J.), rue Singer, 3 bis, Passy-Paris. 

-Bartlett (John-R.),Esq., secrétaire de l'État de Rhode-Island (États-Unis). 
Bataillard (M"*), ruc Notre-Dame-des-Champs, 41, Paris. 
ButaUlard (Paul) , de la Société d'anthropologie , rue Notre-Dame -des- 

I Champs, 41, Paris. 
BajrMellanoe, sous-ingénieur de la marine, membre de la Société Ramond,. 
Toulon (Bouches-du-Rhône) . 



- u — 

Behr (baron Jacques de), à Louvain (Belgique). 

Belgrand! inspecteur général des ponts et chaussées, boulevard , Saint- 
Germain, ^00, Paris. (O.) 

Bennî (G.), docteur, 44, rue de l'École-de-rMédecine, Paris. 

Benoît (Emile), Faubourg-Saint-Martin, 188, Paris. 

Berohon (M"^«), à Pauillac (Gironde). 

Berohon (D*^), directeur du service sanitaire de la Gironde, à Pauillac. 

Berrent (H.), fabricant de produits chimiques, à Gracia, près Barcelone 
(Espagne). 

Berthoud (Henri) , rédacteur scientifique de la Patrie et de V Univers 
illustré, rue Larochefoucauld, 48, Paris. 

Bertîllon, docteur, trésorier de la Société d'anthropologie, 94 , rue Blan- 
che, Paris. 

Bertrand (Alexandre), directeur de la Revue archéologique , château 
de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) . (O.) 

Bertrand (Joseph), membre de l'Institut, rue de Rivoli, 82, Paris. 

Blaokmore (M""*), Salisbury (Grande-Bretagne). 

Blaokmore, Esq., fondateur du Blackmore Muséum, Salisbury (Grande- 
Bretagne). (C.) 
•~^-Blake (William-Phipps), San Francisco (États-Unis). 

Boch (Eug.), manufacturier, à Metlach, cercle de Saarbourg (Prusse). 

Bogdanow (Anatole), professeur à TUniversité de Moscou (Russie). 

Bombiooî (Luigi), professeur de minéralogie, à Bologne (Italie). 

Boucher de Grèveoœur de Pertket, président de la Société d'émulatioD» 
Abbeville (Somme). (O.) 

Bouhore, 42, rue de Lorraine, à Saint-Germain-en-Laye (Seino-et-Oise). 
' Bourgeois (l'abbé L.), professeur, à Pontlevoy (Loir-et-Cher). 

Bourjot (docteur), professeur d'histoire naturelle, Saint-Eugène^ près 
Alger (Algérie). 

Bourguignat, rue Béranger, 4, Paris. 

Bouvet (G. Louis), professeur, Paris. 

4|oy^/6fïWluni^ Jermyn-street, Londres (Grande-Bretagne). (C.) 

Boyer (Pierre), rédacteur scientifique du Figaro j Paris. 

Bréson Daumont, fabricant, à Roanne (Loire). 

Brian Hoùghton HodgM>n, the Rangers, Dursley, Glostèrshire (Graade- 
Bretagne). 

Briant (L.), 5, rue Bonaparte, Paris. 

Broca (M™« Paul), rue des Saints-Pères, 4, Paris. 

Brooa père, docteur, rue des Saints-Pères, 4, Paris. 

Broca (Paul), professeur à l'École-de-Médecine, rue des Saints- Pères, 4, 
Paris. (OB.) 

BrouUlet (Amédée), de la Société des antiquaires de TOuest, rue Saint- 
Savin, 44, Poitiers (Vienne). 

Brun (Victor), directeur du Musée, à Montauban (Tarn-et-Garonne). 

Busk (George), Esq., Londres (Grande-Bretagne). (C). 



— 15 — 

^Butler ( James-La wreQce), commissaire de l'État du Missouri à TExposi- 

tien (États-Unis). 

Gabanat (Manuel), propriétaire, Torrente de la Olla, n° 2^6, à Gracia, près 
Barcelone (Espagne). 

GaiUaux (Alfred),' ingénieur civil, rue de Fleurus, 18, Paris. 

Gaîx de Saînt-Aymour (de), de la Société d'anthropologie, rue de Gre- 
nelle-Saint-Germain, 20, Paris. 

Cambîaso, avocat à la cour, Santa Maria délia Sanita, 37, Gênes (Italie). 

Campagne (Alcide), quai de la Pêcherie, 37, à Corbeil (Seine-et-Oise). 

Camus (E.), membre de la Société d'anthropologie, rue Godot-de-Mau- 
roy, 34, Paris. 

Gapellîm (Giovanni), professeur de géologie à Tuniversité de Bologne 
(Italie). (F.) 

Gardenal (M"« de], château de Cardenal, par Villeréal (Lot-et-Garonne). 

Cardin (Julien de), docteur ès-lettres, rue de T Ancienne-Comédie, à 
Poitiers (Vienne). 

Carro (A.), correspondant du Ministère, membre de la Société impériale 
des antiquaires de France, vice-président de la Société d'archéologie 
de Seine-et-Marne, Meaux (Seine-et-Marne). 

Cartailhao (P.-Émile), de la Société archéologique du Midi de la France, 
de la Société zoologique, rue Valade, 36, Toulouse (Haute-Graronne). (B.) 

Carter Blake (G.), Esq. 4, S. Martin's place, W. G., Londres (Grande- 
Bretagne). (C). 

Caumont (de), correspondant de l'Institut, à Gaen (Galvados). 

Chabat (François), égyptologue, à Ghâlon-sur-Saône (Saône-et-Loire). 

Chantre (Emest) , de la Société géologique, de la Société des sciences 
industrielles de Lyon, cours Morand, 37, Lyon (Rhône). 

Charret, docteur, professeur à la faculté des sciences, rue La Fayette, S, 
Grenoble (Isère). 

Chatel (Victor), propriétaire à Valcongrain, par Aulnay-sur-Odon (Gal- 
vados) . 

Ghemboeeh (NicoIas) , étudiant en médecine, rue des Mathurins-Saint- 
Jacques, 43, Paris. 

ChnrohiU, docteur, rue Scribe, 7, Paris. 

Glairefond (Antoine-Marius), négociant, président de la Société de propa- 
gation des connaissances utiles, à Moulins (Allier). 

Clément, docteur, Saint-Aubin, canton de Neuchatel (Suisse). (C.) 

Gleoxîou (Henry de), homme de lettres, rue de l'Ouest, 76, Paris. 

Golani, pasteur, à Strasbourg (Bas-Rhin). 

Gollenot (J^-J.), ancien notaire, à Semur (Gôte-d'Or). 

Gollomb (Edouard), trésorier, rue de Madame, 26, Paris. (O.B.) 

Colnet d'Huart (de), directeur général des finances du Luxembourg 
(Grand-Duché). 

Gonestabile (le comte Jiancarlo) , professeur, à Perugia (Italie). (C.) 



— 16 — 

Gonneau, docteur, premier médecin de l'Empereur (Paris). 
Gomalîa (Emilio), directeur du musée civique, à Milan (Italie). (F.) 
Gotté-Brîsflae (le marquis de), chambellan de l'Impératrice, Paris. 
Costa de Beauregard (le marquis), château de La Motte, près Chambéry 

(Savoie). 
Costa de Beauregard (le comte Josselin), Chambéry (Savoie). 
Goste, docteur, professeur de sciences naturelles, à Constantine (Algérie). 
Gotteau (Gustave), juge au tribunal d'Auxerre (Yonne). 
Coudereau, directeur de la Pensée nouvelle , à Choisy-Ie-Roi (Seine). 
Goutînho (S.), ingénieur, membre de la Société d'anthropologie, Rio- 

Janéiro (Brésil). 
Cowell Stepney, propriétaire, William Terrace, 6, Palace-Road, Upper 

Norwood, London, S. (Grande-Bretagne). 
Gusfé (L. Davy de), conservateur du musée de Vannes (Mqrbihan). 

Daly (E.), docteur-médecin, ancien secrétaire de la Société d'anthro- 
pologie, rue Lavoisier, 23, Paris. 

Daily (César; , architecte, rue de la Sorbonne, 6, Paris. 

Damour (H.), correspondant de l'Institut, rue de la Ferme-des-Mathu- 
rins, 40, Paris. 

Dawson (George), membre de la Société d'anthropologie de Londres, à 
Birmingham (Grande-Bretagne) . 

Defert (Paul), docteur-médecin, vice-président de la Société parisienne 
d'archéologie et d'histoire, rue Caumartin, 54, Paris. 

Delàunay (l'abbé G.), professeur à Pontlevoy (Loir-et-Cher). 

Delaune (Jules), avoué à Romorantin (Loir-et-Cher). 

Delta Casa (Lorenzo), professeur de physique à l'université, Bologne 
(Italie). 

DelMarmol (Eugène), président de la Société archéologique, à Namur 
(Belgique). (C.) 

Deinilly, directeur des mines de Saint-Berain, par Saint-Léger-sur-Dheune 
(Saône-et-Loire). 

Des Gloizeauz, rue Oudinot, 20, Paris. 

Desnoyers (J,), membre de l'Institut, au Jardin des Plantes, Paris. (OB.) 

Desor (E.), professeur, président de la première session à Neuchatel, 
Neuchatel (Suisse). (H.) 

Destruges (Alcide), docteur, à Guayaquil, république de l'Equateur 
(Amérique du Sud). (C.) 

Déiaîn, ingénieur, chez M. Daly, rue de Sorbonne, 6, Paris. 

DoUfus Ausset (Daniel), à Mulhouse (Haut-Rhin). — Don de 4,000 francs. 

Dollfus (Charles), Directeur de la Revue Germanique ^ rue du Faubourg- 
Montmartre, 40, Paris. 

Dûoker (baron de), ingénieur des raines de Prusse, à FUrstenwalde (Prusse). 

Dupont (Edouard), correspondant de l'Académie de Belgique, à Dinant 
(Belgique). (C.) 



— 17 — 

Daquenelle, antiquaire, à Reims (Marne). 

Durand de Fontmagne (le baron), à Fleurières-suT-Saône (Rhône). 

Durantel (M"»), 36, boulevard de Clichy, Paris. 

Dareau, membre de la Société d'anthropologie, 40, rue de la Tour-d'Au- 
vergne, Paris. 

Duruy (S. Exc), ministre de l'instruction publique et des cultes , rue de 
Grenelle-Saint-Germain, Paris. — 10 souscriptions. 

Dntreuz (Auguste), propriétaire à Rockelscheuer, Luxembourg (Grand- 
Duché). 

Eoker (Alexandre), docteur, 'professeur d'anatomie à l'Université de 

Fribourg (Brisgau). (C.) . 
École d'applioation des îngémeun au Valentînoy Turin (Italie). 
Engling, professeur de philosophie, à Luxembourg (Grand-Duché). 
Evani (John), Nash Mills, Hemel Hempsted (Grande-Bretagne). (G.) 

Faîdherbe (le général), ancien gouverneur du Sénégal, commandant 
supérieur de la subdivision de Bône (Algérie). 

Faban, à Collonges-sur-Saône (Rhône). 

Favre (Henri), rédacteur de la France médicale, V^tx^, 

Feningre (A.), à Pierrefitte-sur-Loire (Allier). 

Figari-Bey, professeur au Caire (Egypte). (C B.) 

Figuier (Louis), rue Newton, 7, Paris. 

FUhol, maire de Toulouse, Toulouse (Haute-Garonne). 

Finsî (Felice), étudiant, à Correggio del Emilia (Italie). 

Fûchbaoher, commis négociant, Strasbourg (Bas-Rhin). 

Fleury (Hector), à Grigny (Rhône). 

Fonvielle (Wilfried de), rédacteur scientifique de la Liberté, rue Mont- 
martre, 123, Paris. 

Foretî (Raphaël), via Tornabuoni, Florence (Italie). 

Foreiiî ("Lodovico), adjoint de géologie, Bologne (Italie). 

Fouraîer (E.), notaire, à Bordeaux (Gironde). 

Franohet (Adrien) , membre de la Société botanique de France, 56, rue 
de Varenne, Paris. 

Franks (Augustus-W.), conservateur au Musée Britannique, Londres 
(Grande Bretagne). (G B.) 

Gaillard de la Dionnerie (Henri), procureurimpérial,Saint-Pon8 (Hérault). 

Galles (L.) conservateur adjoint du Musée, Vannes (Morbihan). 

Gambari (Luigi), docteur ès-sciences naturelles, Correggio, Emilie (Italie). 

Garrigou (Félix), docteur, à Tarascon (Ariége). 

Gaaâet, rue Croix-des-Petils-Champs, 25, Paris. 

Gattaldî (Barlolomeo), professeur à l'école d'application des ingénieurs, 

à Turin (Italie). (O.) 
Gandry (Albert), aide-naturalist6 au Muséum, rue Taranne, 12, Paris. (B.; 

% 



— 18 — 

Gaultier du Mottay (Joachîm), membre du conseil général des Gôtcs-dn- 
Nord, à Plerin, près Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord). 

Gayat (Joseph), étudiant en médecine, rue Racine, 22, Paris. 

Geînîtz (H.-B.), professeur à Dresde (Saxe). (C.) 

Giordano (Felice), inspecteur des mines, commissaire général de l'Italie 
à l'Exposition universelle (Italie). 

Gîraldèf, docteur, 41, rue des Beaux-Arts, Paris. 

Girard de Rialle (Julien), secrétaire de la Société parisienne d'archéo- 
logie et d'histoire , rue Vintimille, 20, Paris. 

Goeppert (H.-R.), professeur, vice-président de la Société pour les anti- 
quités historiques, à Breslau (Prusse). 

Gostelet (Jules), professeur à la faculté des- sciences, à Lille (Nord). 

Gourdon (J.), docteur, professeur à l'école impériale vétérinaire, à Tou- 
louse (Haute-Garonne). 

Gourguet (vicomte Alexis de), Lanquais, par la Linde (Dordogne). 

Gozzadini (comte), sénateur, Bologne (Italie). (C.) 

Grîesinger, professeur, à Berlin (Prusse). 

Guillard, avocat, 15, rue de Bruxelles, à Paris. 

Halléguen (Eugène), docteur, membre de la Société d'anthropologie, à 
Ghâteaulin (Finistère). 

Hamy (E.-T.), membre de la Société d'anthropologie, 11, rue Monsieur- 
le-Prince, Paris. (B.) 

Haring, pharmacien, à Barr (Bas-Rhin). 

Hébert (E.), professeur ^e géologie à la Sorbonne, rue Bréa, 25, Paris. 

Helmhoitz (H.), professeur à l'université de Heidelberg (Bade). 

Hentzlmanii (Éméric), docteur, membre de l'Académie des sciences de 
Peslh (Hongrie). 

Herpin de Metz, docteur-médecin, rue Taranne, 7, Paris. 

Houzeau de Lehaie (A.), secrétaire de la Société des sciences du Hainaul, 
à Hyon, près Mons (Belgique). 

Hovelaoque (Al.), rue Fléchier, 2, Paris. — Double souscription. 

Hû, membre de la Société asiatique, à Pontlevoy,'par Blois (Loir-et-Cher). 

Hunt (James), docteur, président de la Société anthropologique de Lon- 
dres, 4, Saint-Martin's place, W. C, Londres (Grande-Bretagne). (C.) 

Huxley (Thomas-Henry) , Jermyn-street, S. W., Londres (Grande-Bre- 
tagne). (O.) 

ImcI (Arthur), professeur, via Caffaro, 7, à Gênes (Italie). (C.) 

Jagor (F.), doct. phil., Leipziger Platz, 18, Berlin (Prusse). 
Jaroslaf de Downarowioc, docteur, à Saint-Pétersbourg (Russie). 
Jatropolo (P.), ex-député, médecin en chef à Bucharest (Valachie). 
Jeîttelet (L.-H.j, professeur à l'Imp. et Roy., Gymnase de Saint-Polten 
(Autriche inférieure). (C.) 



— 19 — 

Jouvenoel (de), à Pont-aux-Dames, parCouilly (Seine-et-Marne). 

Julien (Alph.), rue Jacob, 45, Paris. 

Jutîer (Prosper), ingénieur des mines, rue Bourdaloue, 9, Paris. 

Lagneau (G.), docteur médecin, membre de la Société d'anthropologie, 
Chaussée-d'Antin, 38, Paris. 

Lalande (Marcelin), rue Notre-Dame-de-Lorette, 15, Paris. 

Lalande (Philibert), archéologue, rue Haute, à Brives (Corrèze). 

LaiiQî* di Brolo (Frederich), secrétaire délégué de TAcadémie royale 
de Palerme (Sicile). 

Lartet (Edouard), président du Congrès, rue Lacépède, 15, Paris. (OB.) 

Lartet (Louis), rue Lacépède, 15, Paris. (B.) 

Lattio (vicomte de Lastic Saint-Jal), château de Salette (Tarn-et-Garonne). 

Laval (Edmond), rue Saint-Benoît, 3, à Clermonl-Ferrand (Puy-de-Dôme). 

Lebloif (Louis), pasteur, 2, rue du Dôme, à Strasbourg (Bas-Rhin). 

Le Foll, de la Société française d'archéologie, curé die Plésidy (Côtes-du- 
Nord). 

Lefroy, brigadier général, F. R. S. royal artillerie, Grosvenor House, 
Blackheath (Grande-Bretagne) . 

Leguay (Louis), architecte, président de la Société parisienne d'archéolo- 
gie et d'histoire, rue de la Sainte-Chapelle, 3, Paris. 

Le Guillott (Élie), docteur, 63, avenue des Ternes, Paris. 

Le Hon, major, à Bruxelles (Belgique). (C.) 

Letourneau, docteur, rue de l'Arcade, 33, Paris. 

Lîmur (le comte F. de), conseiller général, de l'Académie Delphinale, 
Vannes (Morbihan). , 

LombroM, 15, rue Montmartre, hôtel d'Aboukir, Paris. 

Longpérier (Adrien de), membre de l'Institut, rue de Londres, 50.(0 B.) 

Longpérier (Henri de) fils, rue de Londres, 50. \B.) 

LoDguemar (A. le Touzé de), de la Société des antiquaires de l'Ouest, 
rueBarbate, 5, à Poitiers (Vienne). 

LopesSeoane (don Victor), docteur médecin, au Ferrol (Espagne). 

Loven (S.), de l'Académie de Stockholm (Suède). 

Loydreau, docteur, maire de Chally (Saône-et-Loire). 

Labaoh (D.), docteur- médecin, inspecteur médical adjoint de la Hollande 
septentrionale, Harlem (Hollande) . (C.) 

Lubbook (sir John), Bart. Lamas, Chiseihursl, S.E., Londres (Grande-Bre- 
tagne). (C.) 

LycU (sir Charles), Bart., 53, Harley slreet W. Londres (Grande-Bre- 
tagne). (C.) 

Maffiotî, Santa-Cruz de Ténériffe (Iles Canaries). 

Magen (A.), secrétaire perpétuel de la Société d'agriculture, sciences et 

arts d'Agen (Lot-et-Garonne). 
Magîtot, docteur, 18, rue Taranne, Paris. 



— 20 — 

Maire (le), de la ville d'Aûch (Gers). 

Maître (Abel), au château de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) . 

Marchant (Louis), docteur, directeur du musée d'histoire naturelle, 

à Dijon (Gôte-d'Or). 
Maroou (Jules) , de la Société géologique de France, 44, rue Madame, Paris. 
Mares (Paul), docteur, rue du Faubourg-Poissonnière, 50, Paris. 
Marîon (A.-F.), préparateur de géologie à la faculté de Marseille, cours 
Sainte-Anne, à Aix (Bouches-du-Rhône) . 
-^ Marsh, professeur, laie Collège, New-Haven, Connecticut, au Smithsonian 
Institute, Washington (États-Unis). 
Martin (Dionisio), rue Grange-Batelière, 3, Paris. 
Martin (Emile), ingénieur, rue du Marché, 23, Grenelle-Paris. 
Martin (Henri), historien, rue du Ranelagh, 54, Passy-Paris. 
--* Martin (révérend Benjamin), n° 236, W. 4th street, New- York (États- 
Unis). 
Massenat (Élie), manufacturier, à Brives (Corrèze). 
Matheron (Philippe), boulevard Notre-Dame, 86, Marseille (Bouchës-du- 

Rhône). 
Maury (Alfred), membre de Tlnstitut, rue de Seine, 4, Paris. (O B.) 
Mayen (Hippolyte), négociant, 23, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, 

Strasbourg (Bas-Rhin). 
Méhédin (Léon), rue du Départ, 4 , à Meudon (Seine-et-Oise) . 
Meillet (A.), pharmacien des hospices, à Poitiers (Vienne). 
Meroey (Napoléon de), rue du Regard, 18, Paris. 
Merok (Louis), conservateur du musée, 34, rue des Bouchers, Strasbourg 

(Bas-Rhin). 
Millesoamps (Gustave), trésorier dé la Société parisienne d'archéologie et 

d'histoire, boulevard Malesherbes, 49, Paris. 
Millet, architecte dû château de Saint-Germain, rue Treilhard, 43, Paris. 
Mocqueris (Ed.), avenue de l'Observatoire, 48, Paris. 
Moreau de Tours, médecin de la Salpôtrière, 47, rue Bonaparte, Paris. 
Morel-Fatio, rue de Clichy, Paris. (C.) 
Morin (A.-S.), ancien sous-préfet, rue Bellechasse, 50, Paris. 
Morlet (colonel de), Strasbourg (Bas-Rhin). 
Mortillet (Adrien de), 35, rue de Vaugirard, Paris. 
MortîUet (G. de), secrétaire général du Congrès, rue de Vaugirard, 35, 

Paris. (FB.) 
Moutié (Auguste), secrétaire de la Société archéologique, à Rambouillet 

(Seinoyet-Oise) . 
Manohen (Charles), avocat, à Luxembourg (Grand-Duché). 
Mundy, docteur, à Vienne (Autriche). 

Murohison (sir Roderick), Bart., membre de la Société royale, Belgrave 
Square, 46, à Londres (Grande-Bretagne). 

Musée civique de Turin (Italie). 

Musée impérial de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise) . 



— 21 — 

Nadaillao (marquis de), propriétaire, à Rougemont (Loir-et-Cher) • 

Namur (docteur A.), professeur, bibliothécaire, secrétaire de la Société 
archéologique, à Luxembourg (Grand-Duché). (C.) 

Nîcklét (N.), àBenfeld (Bas-Rhin). 

Nioolacd (le cav. Giustiniano), médecin, Isola di Sora, par Naples (Ita- 
lie). (C.) 

NilMon, professeur, Stockholm (Suède). (G B.) 

Noguèf (A.-F.), professeur d'histoire naturelle à l'école centrale lyon- 
naise et à l'école Saint-Thomas-d'Aquin, Oullins, rue de la Sarra, tt • 
(Rhône). 

Noguét (Edmond), médecin-major de première classe du 93« d'infanterie, 
au fort de Romainville, près Paris. 

Noîril, libraire, à Strasbourg (Bas-Rhin). 

Nordensklold (A.-E.), à Stockholm (Suède). 

Noulet, professeur à l'école de médecine de Toulouse, rue du Lycée, 44, 
Toulouse (Haute-Garonne). 

OmaUua d'Halloy (d'), sénateut, à Halloy, près Giney (Belgique). (C.) 
Omboni (Giovanni), professeur, via del Circo, 42, Milan (Italie). (C.) 
Ou (H.-L.) , inspecteur du cadastre, à Corlaillod, canton de Neuchatel 

(Suisse). 

Ptujatt (René), étudiant, rue Soufflet, 46, Paris. 

PaMal, rédacteur du Mouvement médical, Paris. 

Peîgné-Delaoottrt (Achille), [docteur, membre de la Société des antiquai- 
res de Picardie, rue Demours, 16, Ternes-Paris. 

PenguUly rHaridon (le baron), lieutenant-colonel, directeur du musée 
d'Artillerie, place Saint-Thomas-d'Aquin, Paris. (O.) , 

Peteira da Costa (don Francisco Antonio), professeur, membre du con- 
seil général des travaux publics et des mines, rue Larga de S. Roque, 
Lisbonne (Portugal). (O.) 

Péreire (Emile), député de la Gironde, faubourg Saint-Honoré, 35, Paris. 

Péreîre (Henry), ingénieur civil, même adresse. 

Pireire (Isaac), directeur du Crédit Mobilier, même adresse. 

Perrault (Emesl), à Rully, par Chagny (Saône-et-Loire). 

Perrin (Eugène-René), secrétaire général de la Société médico-pratique 
de Paris, rue Turenne, 68, Paris. 

Peyre (Armand), chez M. J. Peyre» rue Deville, Toulouse (Haute-Garonne). 

Plorao (marquis de), chez M. de Limur, Vannes (Morbihan). 

Poinon (le baron Charles), avenue dej'impératrice, 42, Paris. (O.) 

Pommerol (B.), étudiant en droit, 58, rue des Écoles, Paris. 

Pommerol (Fr.), étudiant en médecine, rue Sainte-Placide, 58, Paris. 

Ponxi (Giuseppe), professeur de géologie, via Florida, 24, à Rome. (C.) 

Popfllon (Ernest), docteur, répétiteur à l'école du service de santé, 
à Strasbourg (Bas-Rhin). 



— 22 — 

Porquet, le docteur, à Viré (Calvados). 

Ponohet, docteqr, directeur du musée, à Rouen (Seine-Inférieure). 

Pouchet (Georges) , docteur, rédacteur scientifique de V Avenir Natio- 
nal j rue Hautefeuille, 1 , Paris. 

Pourtalèf (le comte Al. de), Versoix, canton de Genève (Suisse). 

Prettwioh (Joseph), membre de la Société géologique de Londres, 10, Kent 
Terrace, Regenfs Park, Londres (Grande-Bretagne). (C.) 

Prîmorel (de) , propriétaire, à Differdange, Luxembourg (Grand-Duché) . 

Pruner-Bey, docteur, place Saint-Victof, 28, Paris. (O.) 

Quatrefaget (de), membre de l'Institut, rue Geoffroy-Saint^Hilaire, 20, 

Paris. (OB.) 
Qnenehen, rue Buffault, 17, Paris. 

Rabat (Laurent), au Vernay, à Chambéry (Savoie). 

Ramon Pellîoo, inspecteur général des mines, Madrid (Espagne). 

Ramiauer, ingénieur des mines, Linz (Autriche). (C.) 

Reboux, de la société parisienne d'archéologie et d'histoire, rue de la 

Plaine, 3, Ternes-Paris. 
Reffye (le commandant de), officier d'ordonnance de l'Empereur, au Haras, 

à Meudon (Seine-et-Oise). (O.) 
Reînwald (G.), éditeur, rue des Saints-Pères, 15, Paris. 
Revon (Louis), conservateur du musée d'Annecy (Savoie). , 

Rey (Félix), docteur médecin, passage Saint-Philippe, 2, Paris. 
Rhdné (Arthur), rue des Pyramides, 2, Paris. (B.) 
Rhdné (Charles), du conseil général de la Gironde, rue du 'Faubourg- 

Saint-Honoré, 35, Paris. 
Rîohter (Eberhard), professeur, à Dresde (Saxe). 
Rîtter (Guillaume), ingénieur, Neuchatel (Suisse). 
Robert (Charles), secrétaire général du ministère de l'instruction publique 

et des cultes, rue de Grenelle-Saint-Germain, Paris. 
Romer (Florian), de l'Académie des sciences de Hongrie, professeur à 

l'Université de Pesth (Hongrie). 
Rotsi (le chevalier Michel-Etienne de) , place Jésus, 46, à Rome. 
Rougemont (Frédéric de), ancien conseiller d'État, Neuchatel (Suisse). 
Roujou (Anatole), membre de plusieurs sociétés savantes, rue Saint-Louis, 

21, à Choisy-le-Roi (Seine). 
Rouvière, capitaine d'état-major, aide de camp du général Faidherbe, 

à Bône (Algérie). 
Rouvîlle (Paul-Gervais de), professeur à la faculté des sciences de Mont- 
pellier (Hérault), 
Royer (M^** Clémence), à Florence (Italie). 
Ratimeyer, professeur, à Bâle (Suisse). (G.) 

Salmon (Philippe), de la Société des sciences de l'Yonne, à Beau regard, 
commune de Vaudeurs (Yonne). 



— 23 — 

Salomon, libraire, à Strasbourg (Bas-Rhin). 

Saporta (le comte Gaston de), à Aix (Bouches-du-Rhône). 

Sauloy (de), sénateur, membre de l'Inslilut, rue du Cirque, 47, Paris.(0.) 

Saum, bibliothécaire de la ville de Strasbourg (Bas-Rhin). 

Sauvage (Emile), de la Société d'anthropologie, boulevard Saint-Michel, 

46, Paris. 
SoarabelU, sénateur, à Imola (Italie). (C.) 
Sohaafhauien, professeur, à Bonn (Prusse rhénane). (G.) 
Sohlagîntweit (baron Hermann), château de Jaegersburg, station Forcb- 

heim (Bavière). 
Sohmldt (Oscar), docteur, professeur de zoologie à Gratz (Autriche). 
Schmidt (Valdemar), chargé de la direction de la section danoise de This- 

toire du travail à l'Exposition universelle, Copenhague (Danemarck). 
Sohrœder (K.), chef de la brigade topographique d'Egypte. 
Schaermant' (Henry), procureur du roi, à Liège (Belgique). 
Seoretan (Edouard), professeur de droit, à Lausanne (Suisse). 
Sella (Quintino), ancien ministre des finances, à Florence (Italie). 
Servait (E.), vice-présldent de la Cour supérieure de justice, Luxembourg 

(Grand-Duché). 
Seydewîtz (von), docteur, â1, Shadwell Road, Grove Road Upper Hol- 

loway, 42, Londres [Grande-Bretagne). 
Sîegen, conducteur des travaux publics, Luxembourg (Grand-Duché). 
Silva (don Miguel'Antonio da), capitaine du génie, professeur à Técole 

centrale, à Rio-Janeiro (Brésil). 
Simonot (Félix-Paul), docteur médecin, Faubourg-Saint-Denis, 50, Paris. 
Smîtt (F.-A.), à Stockholm (Suède). 
Soaplet, étudiant en médecine, rué Saint-Jacques, 423, Paris. 
Société d'anthropologie, rue de l'Abbaye, 3, Paris. 
Société des antiffumiret de l'Ouest, à Poitiers (Vienne). 
Société géologique de France, rue de Fleurus, 39, Paris. 
Société parisienne d'archéologie et d'histoire, rue de l'Abbaye, 3, Paris. 
«*-*Squier (E.-George), ancien ministre des États-Unis de l'Amérique cen- 
trale. (O B.) 
Steudel (Albert), pasteur, à Ravensbourg (Wurtemberg). 
Stoppant (Antonio), abbé, professeur au musée civique, Milan (Italie). (F.) 
Stoy (Volkmar), docteur, professeur à l'université de Heidelberg (Bade). 
Strobel (Pelegrino), professeur, à Parme (Italie). (C.) 
Stummer Ifolyi (Arnold de), chanoine de la métropole, à Erlau (Hongrie). 
Surell (Charles-Alexandre), ingénieur en chef du chemin de fer du Midi, 
rue d'Amsterdam, 84, Paris. 

Tahsyn Effendi> carrefour de l'Odéon, 9, Paris. 

Tardy (Charles), de la Société géologique de France, rue Portefoin, 44, 

au Marais, Paris. (B.) 
Thuillier, rédacteur du Courrier Français, Paris, 



— 2h- 

Toaraoufir (Raoul), rue de Lille, 43, Paris. 

Trémeau de Roohebnme (Alphonse) , correspondant de la carte des Gau 

les, rue Beaulieu, 65, Angoulême (Charente). 
Trugaet (Franck de), à Bevaix, canton doNeuchatel (Suisse). 
Trutat (Eugène), conservateur du musée de Toulouse (Haule-Garonne) . 
Turoo (Luigi), médecin à Roccasecca, par Naples (Italie). 

Uhlmann (Joh.), docteur médecin, à Miinchenbuchsee, près Berne (Suisse). 

(0.) 
Urioh (William), propriétaire, villa Bellevue, Courbevoie (Seine). 

Velazco (Gonzales), docteur, 90, Calle-Atocha, Madrid (Espagne). (C.) 
Verneuîl (Edouard de), membre de l'Institut, 76, rue de Varenne, Paris. 
Vibraye (marquis de), ,56, rue de Varenne, Paris. (O.) 
Vilanova y Piera (don Juan), professeur de géologie à Ist faculté des 

sciences de Madrid (Espagne). (C B.) 
Vîrohow (Rudolph), professeur, Schellingsstrasse, 1 0, Berlin (Prusse). (C.) 
Vogt (Cari), professeur à l'Académie de Genève (Suisse). (C B.) 
Vogué (de), membre de la Société française d'archéologie, rue de l'Uni- 
versité, 93, Paris. 

Wagner (Moritz), docteur, Munich (Bavière). (C B.) 

Wellenstein, conseiller honoraire à la Cour supérieur de justice, à Luxem- 
bourg (Grand-Duché). ^ 
-Winohell (Alexandre), professeur, Ann Arbor, Michigan (États-Unis). (C.) 
— Wodhouie (Samuel), docteur, membre de l'académie des sciences, à 
Philadelphie (États-Unis). " ' 

Wolf, avoué, à Strasbourg (Bas-Rhin). 

Wolfhagen (le chambellan), commissaire général danois à l'Exposition 
universelle (Danemark). 

Wortaae (J.-J.-A.), conseiller d'Étal, Copenhague (Danemark). (C B.) 

Warth-Paquet, président de la Cour supérieure de justice, Luxembourg 
(Grand-Duché). 

Zaletkî (Francis), docteur médecin, professeur agrégé à l'Université de 

Kasan (Russie). 
Ziegetar (le baron de), au château de Berg, Luxembourg (Grand-Duché). 



RÉSUMÉ STATISTIQUE. 

Souscriptoors. 

Total des souscripteurs 363 

M. Duruy ayant pris dix souscriptions et M. Hovelacque 
deux, total des souscriptions 373 

Sur les 363 souscripteurs il y a : • 

Dames 7 

Sociétés savantes 6 

Musées 8 

École 4 

Parmi les 429 savants désignés comme correspondants, 47 seulement 
ont souscrit, un peu plus d'un tiers. 

Les souscripteurs se répartissent ainsi : 

France tn 

Algérie 4 

Italie 34 

Rome 2 

Suisse 43 

Espagne 6 

Portugal 2 

Grande-Bretagne 48 

Belgique 7 

Grand-Duché de Luxembourg 42 

Hollande 4 

Danemark 3 

Suède 4 

Russie 3 

Prusse 7 

Saxe . . .^ 2 

Bade 2 

Wurtemberg 2 

Bavière 2 

Autriche. . . < 4 

Hongrie 3 

Valachie 4 

Turquie 2 

Egypte 2 

Iles Canaries 4 

États-Unis 9 

République de l'Equateur ....... ^ .. . 4 

Brésil 2 

363 



CONGRES 

INTERNATIONAL 

D'ANTHROPOLOGIE ET D'ARCHÉOLOGIE 
PRÉHISTORIQUES 



SEANCE DU SAMEDI 17 AOUT. 
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN DE LONGPERIER. 



La séance est ouverte à deux heures trente minutes, dans le 
grand amphithéâtre de l'École de médecine de Paris. 
Le Président prononce l'allocution suivante : 

« Messieurs, 

« Je vous prie d'avoir la bonté de comprimer, pour un 
instant, le sentiment bien naturel de surprise que doivent yous 
inspirer l'absence de M. Lartet et ma présence à ce Bureau. 

« Je vais vous en expliquer la cause. 

« Notre savant et cher Président, qui doit son titre à un 
vote du Congrès tenu l'année tlernière à Neuchatel, qui a pris 
une si grande part et un intérêt si vif à la formation de celui 
qui nous réunit aujourd'hui, est fort souffrant, presque malade 
et retenu loin de Paris. 

« Nous avons, à la vérité, l'espoir de le voir revenir bientôt 
près de nous; mais en ce moment ses forces le trahissent, et 
le Comité d'organisation a dû, avec bien du regret, lui chercher 
hier soir, parmi ses membres, un remplaçant provisoire. 



— 28 — 

« Pourquoi le Comité m'a-t-îl faitThonneur de me choisir? 
Je dois vous le déclarer avec toute franchise, je dirais même 
en toute humilit^. Ce n'est pas qu'il m'ait reconnu une subite 
compétence dans les questions difficiles et importantes que 
vous avez l'intention de traiter, questions qui sont toutes si 
familières à M. Lartet et à tant d'autres parmi vous, et que, 
jusqu'à présent, j'ai pu seulement apprécier piar la lecture de 
vos travaux. Ce n'est pas qu'il ait supposé que je tenais en 
réserve quelques brillantes solutions des problèmes que vous 
discutez depuis longtemps. 

« Assurément non. 

(( Si j'ai parfois été assez heureux pour servir l'étude de 
certaines branches de l'histoire de l'homme considéré dans ses 
œuvres; dans ses œuvres les plus avancées éclairées par de 
nombreux textes, d'un autre côté j'ai été contraint de négliger 
la géologie et l'anthropologie, sciences qui comptent des maî- 
tres dans vos rangs. 

« C'est donc à mon ignorance même qu'il me faut bien 
attribuer le choix dont j'ai été l'objet. Mes collègues ont pensé 
à l'impartialité qui en serait la conséquence nécessaire; ils 
auront surtout, je le crois, compté sur l'attention que mon 
désir de m'instruire me ferait apporter à toutes vos discussions. 

« En un mot, ils me placent au Bureau pour que je puisse 
mieux vous entendre. 11 y a là un trait d'amitié qui a droit à 
toute ma gratitude, et une bonne occasion dont je tâcherai de 
profiter. 

« J'ai dit une bonne occasion, et, en effet, votre programme 
contient une série d'énoncés des plus attrayants, 

« Si, comme je n'en doute pas, vous parvenez à éclaircir 
les questions qu'il propose, il en résultera une remarquable 
extension de nos connaissances, un .immense supplément à 
l'histoire, bien fait pour exciter la plus grande et la plus légi- 
time curiosité. 

« De toutes les parties de l'Europe, du monde transatlan- 
tique même, vous apportez dans la patrie de Bernard Palissy et 
de Cuvier la moisson que vous devez à vos patientes recher- 
ches. 

((' Des discussions multipliées et intimes que ne comportent 
pas les exposés écrits, l'examen de documents et de monu- 



— 29 — 

ments originaux fait en commun par des yeux exercés, par des 
intelligences éprouvées que le concours anime encore, la vue 
raisonnée des localités où quelques-uns de ces monuments sub- 
sistent, tout cela réuni doit amener la constatation de quelques 
bonnes vérités. 

« Hier soir, au moment où les membres du Comité d'orga- 
nisation allaient se séparer, un de nos savants collègues nous 
disait : « Une hache, c'est un homme. » 

(( Interrogeons donc les haches. Elle ne manquent pas 
maintenant. Interrogeons les roches d'où elles ont été déta- 
chées, les gisements où elles ont été recueillies après un si long 
repos. Il est vrai que les réponses des haches ont un peu, 
comme celles de la sibylle, besoin de quelques commentaires; 
mais jamais peut-être il ne s'est trouvé tant d'éminents inter- 
prètes pour nous faire profiter de leur mystérieux langage. 

« L'archéologue classique, habitué à vivre parmi les textes, 
les monuments iconographiques à dates certaines, les œuvres 
des races encore existantes, alors qu'il voit tout à coup se 
dérouler devant lui les horizons immenses que vous lui ouvrez, 
éprouve une impression timide que je me permettrai de com- 
parer à celle que ressent l'habitant des oasis au moment où il 
quitte son bois épais de palmiers pour aller conquérir des 
richesses aii delà de vastes solitudes. Ne trouvez donc pas 
mauvais que je rappelle ici textuellement les paroles que pro- 
nonce le chef d'une caravane arabe à l'heure du départ : 

(( mes enfants, c'est le Seigneur Dieu qui vous a réunis; 
(( avec sa grâce, nous arriverons heureusement au terme de 
« notre route. Vous voici frères, vivez en frères. Que toutes les 
(c chances bonnes ou mauvsdses soient mises en commun. 
« Aidez-vous les uns les autres et vous réussirez. » 



Délégations. 

Sont proclamés comme délégués messieurs : 

Moritz Wagner pour la Bavière, 

Schuermans et Edouard Dupont pour la Belgique, 

Worsaae pour le Danemark, 

Nilsson pour la Suède, 



- âo - 

Squier et John R. Bartlett pour la Société ethnologique de 
New-York, 

Lancia di Brolo pour l'Académie royale de Palerme. 

Don de 1)1. Dollfus-Ausset. 

M. LE Président annonce que M. Dollfus^Ausset, de Rie- 
disheim, près Mulhouse, si connu par ses beaux travaux sur 
les glaciers et ses recherches météorologiques, a fait don au 
Congrès d'une somme d^ mille francs. 

L'assemblée, au milieu des applaudissements, a voté par 
acclamation des remerctments à M. DoUfus-Ausset. 



Nomination du Bureau et du Conseil. 

Les fonctions actives du Comité d'organisation expirant 
le jour de l'ouverture du Congrès, on a procédé à la nomina- 
tion du Bureau définitif et du Conseil. 

Sur l'observation et la demande formelle de plusieurs mem- 
bres, le Comité a fait circuler une liste de présentation. 

M. de Longpérier a averti qu'en agissant ainsi le Comité 
n'a pas d'autre intention que de venir en aide à nos collègues, 
qui, réunis pour la première fois, ne se connaissent pas entre 
eux. Il reste bien établi que c'est une simple communication 
officieuse et que chacun conserve toute sa liberté de vote. 

M. Peigné-Delacourt propose de voter par acclamation la 
liste présentée. 

M. le Président s'y oppose, rappelant que l'article 8 du 
règlement dit que la nomination doit être faite à la majprité 
relative^ ce qui entraîne forcément le vote. 

Des billets blancs sont distribués à tous les membres du 
Congrès, et la séance est un moment suspendue pour l'inscrip- 
tion des noms et le dépôt des votes dans l'urne. 

M. LE Président désigne, pour dépouiller le scrutin, M. le 
D"^ Lagneau et M* Bataillard, qui veulent bien accepter cette 
charge de confiance. 

Pendant le dépouillement, la séance continue. 



— •31 — 



Lecture du programme. 

Le secrétaire du Comité d'organisation, M. Gabriel de Mor- 
tillet, remplissant provisoirement les fonctions de secrétaire du 
Congrès, donne lecture du programme, en complétant les ren- 
seignements qui concernent les visites d'établissements et les 
excursions ^ 

Observations sur le mot mégalithique. 

M. ScHUERMANS, à propos de la lecture du programme, 
demande si le terme monuments mégalithiques est imposé, ou 
si Ton pourra le discuter lorsque viendra la troisième question. 
11 trouve ce mot impropre. Les monuments cyclopéens et l'obé- 
lisque de Louqsor lui-même, étant des monuments en grandes 
pierres, méritent aussi le nom de mégalithiques. 

M. A. DE LoNGPÉRiER fait observer qu'à ce titre la halle aux 
blés de Paris, faite avec d'énormes matériaux, serait aussi 
un monument mégalithique, mais que ce nom est réservé 
pour les monuments en blocs énormes non taillés. 

M. ScHUERMANS voudrait alors qu'on ajoutât au mot méga- 
lithique Tépithète fruste ^ pour bien constater que les vrais 
monuments mégalithiques dont il est question dans la troisième 
question sont ceux en grandes pierres frustes. 

Objets préhistoriques de Portugal. 

M. G. DE MoRTiLLET, Secrétaire, fait la communication sui- 
vante : 

Le président de la commission géologique du Portugal, 
M. Pereira da Costa, a adressé au Congrès deux caisses con- 
tenant d'intéressants moulages d'ossements humains et de 
divers objets préhistoriques. 

Une tête et onze débris de mâchoires humaines proviennent 

4. Voir ce programme complet à Tlnti^oduction, p. 9. 



— 32.— 

de la grotte-de Gesareda, Casa da Moura : elles étaient accom- 
pagnées de deux marteaux ou polissoirs en pierre ayant la 
forme de pilons, plutôt piqués que polis. Les planches d'un 
mémoire que doit prochainement publier M. Pereira da Costa, 
jointes à l'envoi, montrent qu'il y avait aussi dans cette grotte 
des pointes de flèche en silex, en calcaire et en os; d'autres os 
travaillés, poinçons, lissoirs, manches d'outils, etc., parmi les- 
quels se trouve un fémur humain évidemment taillé ; de nom- 
breux fragments de poterie, ornés de combinaisons très-va- 
riées de lignes et impressions diverses en creux; enfin une 
lame de poignard en bronze, très-usée et très-réduite, avec 
une longue soie pour l'emmanchure. Cette station appartient 
donc très-certainement à l'époque de transition de la pierre au 
bronze. Comme débris animaux, il y avait des mâchoires de 
loup et d'un assez grand chat. 

C'est aussi probablement à la même époque que doivent se 
rapporter de grandes plaques de schiste, quadrangulaires, à 
sommet un peu moins large que la base, percé au milieu d'un 
petit trou de suspension. M. Pereira da Costa a envoyé le mou- 
lage de trois de ces plaques. La première provenant d'une 
sépulture de Mont-Réal, Leiria, est tout unie. Les deux autres 
ont été trouvées dans une sépulture près de Vianna d'Alemtejo. 
La plus grande mesure, longueur 0",170, largeur à la base 
0»,107, au sommet 0«»,078, épaisseur 0"»,012. Elle est ornée 
sur une face de bandes hachurées formant chevrons autour du 
trou de suspension et d'un damier à cases alternativement unies 
et hachurées couvrant le reste de ladite face. Le tout gravé au 
trait. La seconde des plaques de Vianna, un peu plus épaisse 
quoique plus petite, est aussi ornée sur une face. Il y a trois 
bandes de chevrons successifs, interrompues avant le sommet, 
vers lequel le trou de suspension se trouve, comme dans la 
précédente, au milieu d'un triangle tout uni. 

Des fragments de plaques semblables ont été rencontrés à 
Casa da Moura. 

M. Pereira da Costa ayant fouillé en 1861 des dolmens 
( Anta) à Alcugulo, près de Gastello de Vide, Alemtejo, a envoyé 
le moulage des objets rencontrés dans ses fouilles. 

Ce sont, pour le premier dolmen, quatre haches en schiste 
amphibolique vert, de grandeur moyenne, variant entre 0",115 



— 33 — 

et 0"",1&0, parfois très-épaisses, parfois assez minces, généra- 
lement peu larges, irrégulièrement et grossièrement taillées, 
polies seulement à la base ou tranchant. 

Pour le second dolmen, trois haches de même matière, 
dans les mêmes proportions, mais plus irréguliëres encore, et 
un broyeur ou polissoir, caillou presque cylindrique de quart- 
zite rouge, usé par le frottement aux deux bouts. 

Deux grosses et grandes haches de pierre polie, épais bour- 
relets ovoïdes allongés, de forme toute particulière, sont bien 
plus régulières et plus finies. Elles appartiennent à la biblio- 
thèque d'Évora, mais n'ont point d'indication de provenance. 
Le tranchant est petit et étroit. Une troisième pièce, de la 
même bibliothèque, analogue pour la forme générale, se ter- 
mine en gouge. 

Enfin signalons le moulage d'une grande hache de bronze, 
à douille carrée, assez ornementée, avec un anneau sur chaque 
face latérale. Elle est indiquée comme d'Escôto, Alemquer. Il 
est curieux de voir la hache en bronze de Portugal avoir dou- 
bles anneaux comme celles envoyées à l'Exposition par l'Es- 
pagne. 

Restent sept pièces humaines de Cabeço d' Arruda, indiquées 
comme provenant du diluviuniy sur lesquelles M. Pruner-Bey 
veut bien donner quelques explications, ainsi que sur celles de 
la grotte de Gesareda. 



Débris humains de Portugal. 

M. Prcner-Bëy donne les détails suivants sur les débris 
humains du Portugal, dont M. Pereira da Costa a bien voulu 
envoyer les moulages. 

Les trois moules de crânes anciens provenant du Portugal 
offrent un certain intérêt, malgré l'obscurité qui plane sur 
l'époque à laquelle ils appartiennent. L'un est malheureuse- 
ment trop écrasé pour en définir la forme primitive; mais les 
deux autres pourront être discutés quand on traitera la ques- 
tion des races humûnes préhistoriques de l'Europe occidentale. 

M. Worsaae demande quelques explications sur l'âge de 
ces crânes. 



- 34 - 

M. Pruner-Bey. — Où a d'abord pensé que ces crânes 
datent du diluvium; mais les recherches sont assez précises 
actuellement pour rejeter cette opinion, produit de la première 
impression. Et en effet, M. Pereira da Costa a traité cette ques- 
tion dans un mémorable travail sur la colline d'Aruda, dont 
provient une partie des ossements moulés qui sont sous nos 
yeux. Par les recherches les plus minutieuses faites sur Tâge 
d'une quarantaine de squelettes déposés dans cette sorte de 
kioekkenmoedding y Téminent savant ne put arriver qu'à une 
conclusion d'une valeur relative. M. Pereira da Costa croit que 
ces squelettes appartiennent à l'époque préceltique. Quoi qu'il 
en soit, le fait est que la faune associée (bœuf, cerf, porc) 
à l'homme nous autorise en tout cas à écarter l'idée d'une 
date quaternaire en ce qui concerne ces os humains. 

Quant à la forme des crânes, sans entrer déjà maintenant 
dans les développements réservés à nos dernières séances, je 
crois pouvoir faire une remarque dès aujourd'hui. Nous voyons 
en Portugal, à très-peu près, les deux formes du crâne préhis- 
torique de l'Europe occidentale, à savoir celui qu'on a généra- 
lement appelé le dolichocéphale, et l'autre le brachycéphale, 
comme on le retrouve jusque dans les monuments mégali- 
thiques du Danemark. 

De même en ce qui concerne la belle série de mandibules 
sous nos yeux, dont la plupart sont extraites de la caverne de 
Cesareda, je me tiendrai aux indications les plus générales. En 
dehors des différences d'âge et de sexe, il existe ici évidem- 
ment deux formes très- distinctes dont j'oserais rapporter l'une 
au crâne brachycéphale, et l'autre au dolichocéphale. Et en 
effet, au moins cinq de ces mandibules se font remarquer par 
le menton arrondi et sans saillie et par un prognatisme sym- 
physaire très-prononcé. Toutefois la hauteur de toute leur 
branche horizontale nous indique ici un âge moderne compa- 
rativement aux mandibules les plus anciennes que nous con- 
naissons. Il en est de même de la dentition qui est très-régu- 
lière, bien que l'usure des dents, là où elle existe, soit 
horizontale. D'ailleurs on remarque une grande ressemblance 
de famille dans cette série de maxillaires inférieurs. 

Le deuxième type que j'oserais rapporter au type crânien 
dolichocéphale est caractérisé par des contours plus anguleux. 



— 35 — 

par un menton carré et saillant et par Tabsence presque com- 
plète du prognathisme symphysaire. Enfin le rapprochement 
des branches horizontales de la mâchoire et des dernières dents 
molaires d'une mandibule massive provenant d*Aruda nous 
permet de la ranger dans la même catégorie. 

Une dernière remarque : — il y a quelques traits dans ces 
mandibules qui nous rappellent, involontairement il est vrai, 
mais très-vivement, ce qu'on voit dans cet os appartenant au 
crâne berbère de l'Afrique. 



Tranche-tête en pierre. 

M. Peigne -Delacourt fait une communication sur un gros 
bloc de grès qu'il considère comme un tranche-tête de l'époque 
de la pierre. Il provient de Lemé, canton de Sains (Aisne). 




Fig. 1. 
Tranche-tète en grès, de M. Peigné-Delacoart. 



C'est un grès d'un grain très-fin et trèsMîompacte, irrégulière- 
ment arrondi et aplati en forme de lentille. Ce bloc de grès. 



— 36 — 

épais de 20 centimètres au centre, a 60 centimètres environ 
suivant les deux lignes perpendiculaire et horizontale. Il est 
fracturé dans ce dernier sens, ce qui ne l'empêche pas de 
peser encore 97 kilogrammes. Ses faces se sont trouvées natu- 
rellement polies; mais ses bords ont été taillés et alBlés sur 
une partie de la circonférence. Au sommet existent deux lan- 
guettes proéminentes et amincies à leurs bords, qui forment 
bourrelet. Au-dessous est un trou qui traverse le bloc de grès, 
et se termine de chaque côté par un évasement circulaire. 




Fig. 2. 
Tranche-tête vu du côté opposé. 



Le poids de cet instrument est trop considérable pour qu'on 
puisse le manier sans le secours d'un appareil moteut-. La 
forme se rapporte parfaitement à ce qu'on peut imaginer de 
plus convenable pour armer l'extrémité d'un couteau-balan- 
cier, qui en passant tranchait la tête des victimes placées dans 
l'axe du cercle décrit. 

M. G. DE MoRTiLLET, qui ne croit pas à la date préhisto- 
rique du prétendu tranche - tête , demande quelles sont les 
preuves de son antiquité. 



— 37 — 

M. Peigné-Delacourt répond que cette pierre, qui lui a 
été donnée tout à fait gratuitement par son parent M. Sarrazin, 
maire de Lemé, avait été conservée pendant plusieurs années 
dans le jardin de ce dernier; mais que primitivement elle avait 
servi de borne à l'angle de deux rues du village de Lemé où 
sa forme singulière l'avait fait depuis longtemps remarquer. 
Des personnes notables de Soissons, parmi lesquelles on peut 
citer M. l'évéque du diocèse, et un grand nombre d'habitants 
de Vervins, ont vu la pierre avant qu'elle fût déplacée. 



Culte de la hache. ^^^ - '/^'-' \^^n^ r//f.* 



M. A. DE LoNGPERiEB prend à son tour la parole à propos 
du tranche-tête : 

Je ne m'attendais pas, dit-il, à entendre la communication 
que vient de nous faire M. Peigné-Delacourt. Cependant je ne 
saurais m'abstenir d'y répondre par quelques observations qui 
auraient pu être plus complètes et par conséquent plus utiles 
si j'avais su d'avance que l'usage attribué à la pierre de Lemé 
par mon savant confrère dût être aujourd'hui discuté devant 
le Congrès. 

Nous sommes en dissidence d'opinion, mais M. Peigné- 
Delacourt sait parfaitement bien que je n'éprouve aucun plaisir 
à le contredire. Je serais heureux de me trouver toujours d'ac- 
cord avec lui; cette fois ma conviction s'y oppose, et je le 
déclare franchement. 

Il ne sera pas question de l'authenticité du monument, je 
m'en rapporte là-dessus au témoignage de M. Peigné-Dela- 
court. Ce que j'ai à dire concerne d'abord l'usage de celte 
pierre, tel qu'il l'a indiqué, ensuite la destination qu'ont pu 
avoir en commun et cette pierre et d'autres objets de forme 
analogue, mais de dimensions fort différentes. 

Si la pierre de Lemé avait été employée comme instrument 
de supplice, il me semble qu'elle serait percée de façon à pou- 
voir être traversée par un lien solide. Tandis que le trou qui 
s'y voit est d'une extrême exiguïté. Il est foré avec beaucoup 
de régularité et de soin, et celui qui l'a pratiqué à l'aide 
d'un instrument de métal pouvait évidemment l'élargir à son 



/^.vJ 



— 38 — 

gré. Gomment expliquer la présence au-dessus de ce trou 
d'une imitation de ligature en fort relief et différente sur ses 
deux faces, laquelle constitue encore un obstacle à la fixation 
d'un agent de suspension? 

La pierre est bien certainement taillée et percée avec un 
outil de métal, et, puisqu'on se servait de métal à l'époque où 
elle a été préparée, il n'y a aucun motif pour supposer qu'on 
n'eût pas eu recours à un instrument de supplice beaucoup 
plus efficace qu'un grès fort peu tranchant. 

Quant à l'époque où les hommes qui ont habité le sol de 
la Gaule se servaient de pierres pour fabriquer leurs flèches, 
leurs grattoirs et leurs haches, il n'est pas probable qu'elle 
ait vu construire des instruments de supplice si ingénieuse- 
ment combinés. Je crois que, dans ces temps reculés, on se 
défaisait d'un homme en l'assommant avec moins de céré- 
monie. 

Un supplice appliqué au moyen d'une machine laisse entre- 
voir une sorte de législation qui n'est guère compatible avec 
l'état de l'humanité primitive. 

Si cette pierre a été taillée pendant l'âge des métaux, à 
quoi pouvait-elle servir? Pourquoi présente-t-elle une imita- 
tion de trou et une imitation de ligature? On sait qu'elle pèse 
encore 97 kilogrammes, quoiqu'elle soit altérée par une frac- 
ture. 

Ces divers détails s'expliqueraient, au contraire ^ si l'on 
admettait que la pierre de Lemé est un simulacre religieux. 

Nous voyons dans plusieurs collections diverses petites 
haches de pierre de dimensions tellement réduites qu'elles 
n'ont pu servir comme armes. A un bracelet de bronze trouvé 
à Chateaubleau (Seine-et-Marne) et exposé dans la galerie de 
l'histoire du travail français, sous le n* 505, sont suspendus 
quatre ornements en forme de hachettes; huit ornements 
presque semblables décorent une grande chaîne trouvée à 
l'ancienne poste de La Ferté (plaine des ÉcheroUes, Allier), 
même galerie, n° 537, et qui constituait peut-être un insigne 
sacerdotal analogue à ceux dont se surchargent les Ghamanes 
<de la Sibérie *. Deux ornements pareils se voient encore 

1. Un vêtement de cérémonie de Chamane ou prêtre de la Sibérie a été 



— 39 — 

parmi les bronzes réunis par M. Edouard Barry, de Toulouse 
(même galerie, n* 597). 

Or les dimensions colossales ou infiniment réduites qu'on 
ne saurait donner à des armes conviendraient parfaitement à 
des symboles religieux. C'est ainsi qu'aujourd'hui nous pour- 
rions montrer des croix infiniment plus grandes que le pati- 
bulum du Golgotha, et de toutes petites croix suspendues à des 
bracelets, à des colliers, etc. 

Je n'ai pas la prétention d'apprendre à nos collègues du 
Congrès que la hache a été un symbole religieux chez divers 
peuples de l'antiquité. Tous les archéologues connaissent main- 
tenant le bas-relief trouvé par M. Â. Layard dans le palais 
assyrien de Nemrod , et qui représente un dieu tenant une 
hache comme celui qui est décrit dans l'épitre de Jérémie. # 

Les monnaies de Ténédos au type de la double hache, 
celles de Mylasa de Carie qui représentent le Jupiter Labran- 
dien tenant une hache, sont aussi connues que le passage de 
Pl utarque relatif à ce dieu. Ce qui l'est un peu moins peut- . ,./ «-. * *^ 
être, c'est le fragment de Théopompe de Chio, suivant lequel Jif^ 

Alexandre, tyran de Phères en Thessalie, avait voué un culte 
particulier au Bacchus-AâcAe de Pagasà ^ J'ajoute que j'ai 
publié, il y a douze ans, un cylindre chaldéen d'agate sur 
lequel est gravé un prêtre faisant une offrande à une hache 
posée debout sur un trône , comme les dieux des bas-reliefs 
assyriens ^ Il est encore à noter que dans le système hiéro- 



placé dans l'Izba ou maison russe construite dans le parc de l'Exposition 
universelle. Ce vêtement est littéralement couvert de pendeloques de fer, 
en forme de hachettes, de crotales, de tubes, de feuilles de sauge, de 
disque?, d*anneaux, d'animaux, etc. Le tout extrêmement curieux pour 
l'explication d'objets de métal qu'on retrouve dans les fouilles de la Gaule 
et de la Germanie. Dans la section de l'industrie russe, on voit aussi des 
figurines de Chamanes parfaitement exécutées, dont les robes sont semées 
de petites plaques de fer triangulaires suspendues au moyen d'une bélière. 
Déjà Pal las, dans son Voyage de 4770, avait publié la 6gure de Kahms ou 
magiciens (artares de Kamaschinzi, lesquels sont vêtus de robes garnies de 
ces mêmes petites plaques, t. lY, pi. XXIX et p. 493. 

4. OiÔ9rou.irôç ^r.9tv À>i$fliv^pov ^•pcTcv Atcfvu^cv rbv h* Ooi-jfaoàî; 6; cxoiXuro 
^/ irfXwco;, t6<ritîv ^afo>*»c. Schol. ad. Hom. lliad. XXIV, v. 428. — C. Mul- 
ler, Fragm. hist. grœc, édit. Didot, vol. I, p. 332.,>',- ' . , v ' ./ ;^ 
2. Bulletin archéolog, de VAlhenœum français, 4855, p. 404. - > . 



~Û0 - 

glyphique égyptien le mot nouter^ dieu, s'exprime toujours par 
le signe ci-dessous, qui n'est autre que la figure d'une hache. 



1 



Fig. 3. 
Hiéroglyphe égyptien signifiant Dim. 

Soit donc que cette arme ait été considérée comme un symbole 
de la divinité, soit qu'elle ait été regardée comme étant le dieu 
même, il demeure constant qu'elle a été chez divers peuples 
de la haute antiquité l'objet d'un culte, et dès lors on peut 
admettre que dans la Gaule, aussi bien qu'en Egypte, en Asie 
et en Grèce, on aurait placé dans un sanctuaire un simulacre 
de hache et attaché à cette image une idée religieuse. C'est 
une hypothèse et pas autre chose, mais du moins elle n'est 
pas en contradiction avec les mœurs de l'antiquité. Qu'on en 
conteste l'application à la pierre de Lemé, c'est une affaire de 
sentiment ; toutefois l'observation relative au culte de la hache 
n'en subsistera pas moms comme document pouvant servir à 
l'interprétation de divers objets tout aussi intéressants. 



Allées couvertes des environs de Paris. 

M. Bertrand donne de curieux détails sur le monument 
d'Argenteuil que le Congrès doit visiter, et rapproche ce monu- 
ment de divers autres analogues découverts aux environs de 
Paris, entre autres de la pierre Turquaise (fig. A) et de l'allée 
couverte de Meudon. 

M. HÉBERT regrette que ce dernier monument, après avoir 
été rétabli sur la terrasse du château, ait été détruit, et met 
en garde les visiteurs contre l'amas informe de matériaux qui 
se trouve actuellement dans un des angles de la terrasse. 

M. VoGT demande s'il y avait à Argenteuil des murs en 
petites pierres. 

M. Bertrand explique que les petites pierres étaient comme 



- il - 

garniture et non comme partie essentielle de la construction. 
Il parle ensuite du monument analogue de Beaumont-sur- 










•* g* 



Oise dans lequel on a découvert tout à la fois des objets en 
pierre et du métal. Le mélange n'était qu'apparent. Une obser- 



- 42 - 

vation attentive des lieux a montré qu'il y avait là deux assises 
bien distinctes, une plus ancienne qui ne contenait que des 
objets de l'époque de la pierre et une plus récente, superposée 
à la précédente, renfermant le métal et même des monnaies 
romaines. Cette superposition dans un même monument s'est 
observée plusieurs fois. Ainsi au Manné-er-H'roek, le sommet 
du tumulus a aussi donné du métal, des monnaies romaines, 
tandis que le monument intérieur ne contenait que des instru- 
ments en pierre. 

M. DE LiMUR confirme que dans ce dernier cas, comme à 
Beaumont, le mélange n'était qu'apparent et non réel. 

M. Peigné-Delacourt cite plusieurs monuments des envi- 
rons de Paris analogues à celui d'Argenteuil. 

Utilisation des unios. 

M. G. DE MoRTiLLET fait remarquer qu'à Argenteuil on a 
trouvé de ces petites rondelles percées, en coquilles, si com- 
munes dans les dolmens et les grottes sépulcrales. Ce qu'il y 
a de particulier, c'est qu'au lieu d'être en coquilles marines, 
elles sont en nacre d'unio ou moule d'eau douce. 

L'unio était très-employé dans les temps préhistoriques. 
M. de Mortillet cite une coquille d'uniô percée trouvée dans 
une grotte des environs de Toul (Meuse). Dans les alluvions 
de la Seine, à Choisy-le-Roi, des foyers de l'époque de la pierre 
contiennent des débris très-abondants de coquilles d'unio 
brûlées, ce qui montre que les hommes de ces temps man- 
geaient ce mollusque après l'avoir fait passer au feu. Dans les 
terramares de l'Emilie (Italie), époque du bronze, les coquilles 
d'unio sont si abondantes qu'on est conduit aussi à admettre 
que ce sont des débris de repas. 

MM. HÉBERT, VOGT Ct DE QUATREFAGES ajOUtCUt qu'ils OUt 

vu de nos jours manger des unios et même qu'ils en ont 
goûté. 

Tumulus limites. 

M. Bertrand lit une lettre de M. Brunet de Presle, sur 
les tumulus limites, avec citations extraites de l'ouvrage inti- 



- 63 - 

tulé de Agrorum condiiionibus et comiiiuiionibus limiium^. 

M. DE LiMUR a vu dans le Morbihan des tumulus limites 
avec charbon. 

M. DE MoRTiLLET parle d'un autre genre de tumulus, avec 
débris d'animaux sauvages dans des foyers superposés, con- 
tenant des objets en fer. 

M. A. DE LoNGPÉRiER peuse que ce pourrait bien être de ces 
lieux de sacrifices autour desquels, d'après les auteurs, on ver- 
sait le sang des victimes. 

Saint-Acheul. 

M. HÉBERT, à propos des sépultures d'âge différent super- 
posées, rappelle que les lieux de sépultures se sont souvent 
continués au même endroit pendant des époques très-di- 
verses. Ainsi à Saint-Acheul (Somme), au-dessus des assises 
quaternaires, dans lesquelles les haches sont accumulées en si 
grand nombre qu'on ne peut expliquer cette accumulation que 
par une idée religieuse, il y a des tombes gallo-romaines, et 
le plateau renferme encore actuellement un cimetière. Les 
haches ne sont pas roulées. La faune a un caractère fort 
ancien, et certainement elle est antérieure au phénomène gla- 
ciaire du Nord. 

M. ViLANovA, vu l'importance du gisement de Saint-Acheul, 
demande qu'on y fasse la course du dimanche 25. 

MM. VoGT et HÉBERT appuient cette motion et désirent 
qu'on tente une démarche pour obtenir une diminution de 
prix sur le chemin de fer. 

M. Le Président croit que, vu l'heure avancée, nous ne 
sommes plus en nombre pour discuter cette question. De plus 
il est convenable qu'elle soit posée par le Bureau définitif. 11 
propose donc d'ajourner la discussion jusqu'à la séance du 
mardi 20. 

M. Gaudry réclame en faveur de Grenelle et Levalloîs, 
qui ont l'avantage de n'être pas aussi loin qu'Amiens et offri- 
ront les mêmes faits que Saint-Acheul. 

\. Cette lettre a été publiée dans la Revue archéologique de septem- 
bre 4867, p. 240 : Note sur la manière de marquer les limites lerrila- 
fioles à r époque gallo-romaine. 



-66- 



Proclamation du Bureau définitif. 

Le dépouillement du scrutin étant terminé, M. le Prési- 
dent proclame le résultat. Par suite le Bureau définitif se 
trouve ainsi constitué : 

Président, M. Edouard Lartet, désigné à la réunion de Neu- 
chatel. 

Vice-présidents, MM. A. W. Franks, A. de Longpérier, 
Nilsson, de Quatrefages, G. Squier, Cari Vogt et Worsaae. 

Secrétaire général, M. G. de Mortillet. 

Secrétaires, MM. A. Gaudry, Hamy, Louis Lartet, Arthur 
Rhoné. 

Secrétaires-adjoints, MM. Cartailhac et Henri de Long- 
périer. 

Trésorier, M. Edouard CoUomb. 

Trésorier-adjoint, M. Tardy. 

Membres du conseil, MM. Paul Broca, J. Desnoyers, Figari- 
Bey, Alfred Maury, Vilanova, Moritz Wagner. 

La séance est levée à A heures 35. 

Le secrétairey 
Gabriel de Mortillet. 



45 ^ 



DIMANCHE 18 AOUT. 

VISITE A L'EXPOSITION UNIVERSELLE. 
Galerie de l'histoire du trayail. 

FRANCE. 

Réunis à 10 heures dans la galerie d*honneur de l'Exposi- 
tion, les membres du Congrès ont commencé la revue qu'ils 
s'étaient proposé de faire des diverses collections relatives à 
l'histoire du travail^ en visitant d'abord la salle intitulée la 
Gaule avant T emploi des métaux. 

Dans cette partie de l'exposition française, on a, sur les 
indications de M. de Mortillet, examiné d'abord les vitrines 
verticales du côté gauche qui renferment les silex ouvrés et les 
ossements travaillés se rapportant à la première période de 
Fâge de la pierre. Â la partie supérieure de ces vitrines ont été 
placés des spécimens choisis des animaux aujourd'hui perdus 
ou émigrés qui servent à caractériser cette époque, et l'on a 
particulièrement remarqué le beau squelette d*Ursus spelœusy 
envoyé par M. Filhol, directeur du musée de Toulouse. Au-des- 
sous, on a pu suivre les premiers pas de l'industrie humaine, 
depuis les ébauches de haches du diluvium de la Somme et 
de celui de la Seine, jusqu'aux curieux instruments en os et 
aux objets d'art des cavernes du Périgord et des Pyrénées. 
Ces derniers sont groupés dans une vitrine horizontale autour 
de laquelle les membres du Congrès se sont longtemps arrêtés 
pour admirer les représentations si naïves et pourtant si 
vivantes de l'homme et des animaux qui foulaient notre sol à 
une époque sur laquelle nous ne possédons aucune donnée 
historique. 

On s'est ensuite porté vers les vitrines verticales du côté 
droit, dans lesquelles sont disposés les nombreux documents 
qui se rapportent à la seconde période de l'âge de la pierre 



- 40 — 

caractérisée par le polissage des haches, aussi bien que par la 
domestication d'une partie de la faune contemporaine. Là se 
voient d'abord les nuclei du Grand -Pressigny (fig. 6), des 
haches polies de diverse nature, recueillies dans les prin- 
cipales régions de la France, quelques-unes d'entre elles 
d'une dimension exceptionnelle. Puis viennent les grands et 




Fig. 5. 
Nucleus du Grand-Pressigny. 



beaux couteaux simplement taillés, les objets recueillis dans 
les sépultures des environs de Paris, des marteaux, emman- 
chures de haches et ornements en pierre ; enfin les dei*nières 
vitrines sont consacrées aux dolmens du centre, du sud-ouest 
et du nord-ouest de la France, où le bronze commence à faire 



- 17 - 

son apparition; ainsi qu'aux habitations lacustres de la Savoie 
qui se rapportent déjà entièrement à Tâge des métaux. Après 
avoir admiré les belle» haches et les ornements en pierre 
dure découverts dans le dolmen du Manné-er-H'roek qui sont 
réunis dans la seconde vitrine horizontale du centre, les mem- 
bres du Congrès ont passé quelques instants dans la seconde 
salle où se trouvent à la fois des objets en pierre et en bronze. 
Les savantes explications de M. A. de Longpérier ont servi à 
compléter les notions que Ton venait d'acquérir sur les vestiges 
que la période antéhistorique a laissés en France. 

GRANDE-BRETAGNE. 

On s'est ensuite rendu dans la section anglaise où se trouve 
un choix des spécimens qui représentent en Angleterre les 
âges de la pierre, du fer et du bronze. 

Après avoir fait l'histoire de la découverte des haches en 
silex sur le sol anglais, découverte qui remonte fort loin 
dans le passé, M. Franks, conservateur du Musée Britannique, 
établissement auquel appartiennent en grande partie les col- 
lections exposées. M, Franks a montré successivement des 
pierres travaillées, parmi lesquelles un poignard de forme 
danoise et des flèches en forme de feuilles de laurier, des 
haches polies, plus bombées et de nature moins variée que 
celles de France, enfin des poteries et des flèches provenant 
des tutnuli de l'Angleterre. 

Puis, suivant méthodiquement son exposition, M. Franks 
a complété ces notions intéressantes par Ténumération des 
objets se rapportant aux âges du bronze et du fer, qui nous 
conduisent aux temps historiques. 

ITALIE ET RUSSIE. 

Pressés par le temps, les membres du Congrès ont ensuite 
traversé les salles suivantes avec trop de rapidité pour pou- 
voir étudier en détail les collections qu'elles renferment. Ils 
ont regretté de n'avoir pas au milieu d'eux M. Gastaldi, Tor- 
ganisateur de l'exposition préhistorique italienne, qui les 
aurait retenus près des haches et des flèches de silex du musée 
d'imola, des poteries de la caverne de Telamone, des col- 
lections nombreuses recueillies à Pile d'Elbe par M. Foresi, 
' * ^ '- '^ " ... 

^€n,i^U ^ypéù, i^rCc Cl^.'^i ^r ' .^ '^ ^, ". ' -'y , ^ /*^ •'/< 

^f^uc eut o ..s :^.., ■. . . 



— ^8 - 

et enfin des objets si intéressants provenant des palafittes 
du Piémont. 

On ne s'est pas arrêté davantage dans la salle de la Russie 
où se trouvent cependant de nombreux types de bacbes, mar- 
teaux et autres outils en pierre dure et même en schiste 
argileux, ainsi que divers objets en bronze. 

DANEMARK. 

Les membres du Congrès sont enfin arrivés dans la salle 
réservée aux expositions du Danemark et de l'a Suède. Cette 
dernière nation n'ayant exposé que des objets du même type 
que ceux que renferment les collections danoises , toute l'at- 
tention du Congrès s'est portée sur celles-ci, dont MM. Worsaae 
et Valdemar Schmidt ont bien voulu montrer les principales 
pièces. M. Worsaae a d'abord appelé l'attention de ses con- 
frères sur les kioekkenmoeddingsj ces amas de coquilles épars 
sur les côtes du Danemark et au milieu desquels on trouve des 
objets d'industrie humaine qui constituent la manifestation la 
plus ancienne de Thabitation de l'homme dans cette contrée. A 
la suite des détails si intéressants et si instructifs dont M. Wor- 
saae a accompagné ses démonstrations, M. de Quatrefages a 
fait ressortir l'analogie qui paraît exister au premier abord 
entre ces kioekkenmoeddings et certaines accumulations de 
coquilles, marines que Ton rencontre sur le littoral occiden- 
tal de la France, notamment aux environs de Saint- Michel-en- 
Lherm. Ces derniers dépôts seraient néanmoins beaucoup 
plus récents, et ce sont peut-être des digues élevées pour se 
défendre contre les incursions des Normands, ces aventureux 
marins venus du Danemark lui-même. 

M. Worsaae a repris ensuite son exposé en mettant sous 
nos yeux les instruments si admirablement taillés de l'âge 
de la pierre polie, qu'aucun pays ne possède en aussi grand 
nombre que le Danemark. Ces outils sont façonnés en haches, 
marteaux, gouges, poignards, pointes de lances et de flèches. 

Les membres du Congrès ont ensuite jeté un rapide coup 
d'œil sur les armes de bronze qui, de même que les instru- 
ments de pierre, représentent une plus grande perfection dans 
le travail que les objets analogues des autres contrées. 



-49- 



ESPAGNE. 



Quelques membres ont ensuite visité Texposition préhisto- 
rique de l'Espagne, dans laquelle se trouvent représentées les 
principales époques de la pierre et du bronze : l'époque de la 
pierre taillée, par les haches du diluvium de Madrid et les 
grattoirs des cavernes delaVieille-Gastille qui recèlent tant de 
curieuses poteries; l'époque de la pierre polie, par les haches 
de l'Andalousie, et enfin les époques du bronze et du fer, par 
les instruments trouvés principalement dans les anciennes 
mines de la Péninsule. 

SUISSE. 

Avant de quitter la galerie de l'histoire du travail, les 
membres du Congrès se sont arrêtés dans la rue d'Espagne et 
de Suisse, le long de laquelle sont placées des vitrines pleines 
d'antiquités lacustres, ainsi que des trophées et des tableaux 
qui parlent aux yeux avec assez d'éloquence pour qu'on ait pu 
se dispenser de longues explications relativement à ces vestiges 
de l'habitation des lacs de la Suisse pendant trois époques suc- 
cessives, qui échappent eptièrement à la tradition par leur 
ancienneté. 

Les membres du Congrès se sont ensuite dirigés vers le 
caravansérail égyptien. 

L'un des secrétaires^ 
Louis Lartet. 

Ouverture d'une momie égyptienne de la XXII* djrnastie. 

Les membres du Congrès réunis à deux heures, dans la 
salle d'Anthropologie de l'exposition égyptienne , ont vi3ité la 
superbe collection de crânes de l'ancienne Egypte, recueillie 
sous la direction de M. Mariette-Bey et offerte par le vice-roi 
aux musées spéciaux de Paris. Cette collection est divisée en 
cinq séries. La première, dite de Vancien empire^ comprend 
73 crânes appartenant à la IV* et à la VI* dynastie. La seconde, 
iérie du moyen empire^ est formée d'une collection très-inté- 
ressante de crânes de la XI* dynastie : dans la troisième, qui 

4 



— 50 — 

porte le nom de série du nouvel empire ^ sont rangées les têtes 
des XVIIIS XX% XXII« et XXVP dynasties;' dans d'autres 
vitrines sont exposés les crânes de l'époque ptolémaïque, 
et un certain nombre de pièces dont il n'a pas été possible de 
préciser la date. 

A ce précieux envoi, M, Mariette-Bey a joint une dizaine de 
momies de diverses époques et de différentes classes. Une de ces 
momies avait été mise à la disposition de la Commission anthro- 
pologique, pour être ouverte devant les membres du Congrès, 
sous la direction de M. le D*" Broca, secrétaire général de la 
Société d'Anthropologie de Paris. 

Cette momie était celle d'un prêtre thébain de la XXIP dy- 
nastie, nommé Ankh-ef-en-Khons, fils de Nesramen et de 
Neskhons. 

Le suaire était de couleur pourpre, comme celui de tous 
les membres de la même famille. 

M. A. DE LoNGPÉRiER fait remarquer que les momies ouvertes 
au Louvre ne présentaient pas cette particularité : il voit dans 
ce détail une preuve de plus en faveur de l'attribution que fait 
M. Mariette-Bey des momies de. cette famille à la XXII^ dynastie, 
qui n'est à proprement parler que Tavénement au trône d'une 
de ces familles non égyptiennes qui peuplaient les frontières 
orientales du Delta*. 

Au-dessous de ce suaire se sont rencontrés plusieurs sys- 
tèmes de bandelettes, plus étroites qu'à l'ordinaire, et dispo- 
sées avec moins de soins que n'en mettaient souvent les embau- 
meurs. Ces bandelettes alternativement disposées en travers 
et en long, de manière à faire 176 fois le tour de la momie, 
recouvraient un second suaire d'étoffe plus grossière orné 
d'une inscription. Les égyptologues présents à la séance y ont 
reconnu une étiquette indiquant V emploi du linge sur lequel 
elle était inscrite. 

Une seconde série de bandes transversales formaient une 
quarantaine de tours en spirale , au-dessous desquels étaient 
disposées des compresses en très-grand nombre. Une troisième 
série de bandes transversales recouvraient la peau dont elles 
étaient séparées par une épaisse couche de bitume. Les seuls 

\ . A. Marielle-Bey, Aperçu de V histoire ancienne d'Egypte. Paris, 
Dentu, 4867, in-8% p. 47. 



— 51 — 

ornements qu'on ait découverts étaient un petit collier formé 
d'un seul rang de verroteries bleues de fabrication thébaine, et 
un fragment d'écorce placé devant le cou, portant deux petites 
figures à l'encre presque effacées représentant sans doute une 
scène du Rituel funéraire. Au-dessous de ce morceau d'écorce 
on a rencontré une fleur de nelombium. 

M. Chabas observe que le prophète de Mont-Seigneur -de- 
la-Thébaïde, nommé Onkhef-en-Khons, dont on vient de 
dérouler la momie n'a exercé que des fonctions secondaires 
dans le sacerdoce de Thèbes , qu'il en a été de même de son 
père Nasramen et de son grand-père maternel Djet-Khons-auf- 
Onkh, quatrième prophète d'Ammon. C'est ce qui explique la 
pauvreté de leurs sépultures en ce qui concerne les momies du 
moins, car les coffres sont beaux. Non-seulement la momie ne 
possède aucune des amulettes qu'on rencontre si souvent, non- 
seulement elle n'était recouverte d'aucune de ces grandes pièces 
de toile sur lesquelles sont parfois figurées les formes du dieu 
Osiris que le défunt est censé revêtir successivement dans ses 
évolutions vers la vie nouvelle, mais encore elle présentait ce 
fait particulier que l'on n'a retrouvé que des lambeaux de 
légendes sur deux des morceaux d'étoffe qui l'entouraient. 
L'une de ces légendes a déjà été expliquée ; l'autre donne la 
fin du titre sacerdotal de Djet-Khons-auf-Onkh, grand-père 
maternel du défunt. Assurément le commencement de cette 
légende a dû être tracé : sa disparition remonte à l'époque de 
la momification et témoigne, comme tout le reste, du peu de 
soin qui a été apporté à cette opération. 

M. Broca ajoute que le même fait a déjà été observé plu- 
sieurs fois par M. Mariette sur les autres membres de la même 
famille, dont les momies ont été déroulées. Des échantillons 
de bandelettes et de verroteries ont été distribués aux membres 
du Congrès. 

La séance a été levée à 5 heures. 

Lun des secrétaires. 
E. T. Hamy. 



— 52 — 



LUNDI 19 AOUT. 



VISITE AU MUSEUM. 



Galeries d'anthropologie. 

La visite au Muséum d'histoire naturelle a eu lieu à 9 heures 
conformément au programme. 

M. le D*^ Pruner-Bey, sur la demande de M. le professeur 
de Quatrefages, a bien voulu guider les membres du Congrès 
dans les galeries d'Anthropologie. 

La salle, dite de Guvier, la salle de Gall, les collections de 
MM. Schlagintweit, etc., ont été successivement examinées. La 
galerie de la paléontologie humaine a tout spécialement attiré 
l'attention des visiteurs. Dans une même vitrine sont disposés 
les moulages des crânes de Neanderthal et d'Engis, et des mâ- 
choires trouvées par M. Ed. Dupont dans les cavernes de Bel- 
gique, auprès desquelles on peut voir le célèbre maxillaire 
inférieur trouvé à Moulin-Quignon par M. Boucher de Perthes, 
et que M. Pruner-Bey rattache au type ligure. 

M. Pruner-Bey établit également un rapprochement entre 
le crâne d'Eagis et celui d'une femme de race celle qui se trouve 
dans la salle suivante. 

Les collections Dumont d'Urville, Bourgarel, etc., sont 
également l'objet d'un sérieux examen. M. Pruner-Bey ap- 
pelle particulièrement l'attention des membres du Congrès 
sur les pièces relatives aux Tasmaniens de Van Diémen 
dont la race est éteinte aujourd'hui. Un peu plus loin se trou- 
vent disposées les collections d'armes en pierre de diverses 
époques, formées par M. le professeur de Quatrefages, la série 
de moulages de M. Stahl, les photographies de M. Potteau, les 
collections si précieuses de Retzius et de Vrôlik, enfin celle 
qu'a formée dans son voyage du Nord le prince Napoléon. 

Après avoir parcouru ces galeries, les membres du Congrès 



- 53 — 

se sont rendus au laboratoire d'Anthropologie, où M. Pruner- 
Bey leur a présenté trois crânes d'Esthoniens, dont les deux 
premiers ont, suivant lui, la plus grande analogie avec les 
crânes les plus anciens de TEurope occidentale. 

M. DE QuATREFAGES a uiontré ensuite une collection d'in- 
struments de pierre polie qu'il a récemment reçue du Japon. 

M.Â.DELoNGPÉRiERafait observer, à ce sujet, que les flèches 
en pierre sont encore employées dans ce pays par raison d'éco- 
nomie, que les armes qui sont aujourd'hui en usage au Japon 
ont exactement la forme de celles qu'il a sous les yeux, et 
qu'il serait imprudent de se prononcer, quant à présent, sur 
l'âge des objets envoyés au Muséum, l'âge de pierre n'ayant 
pris fin ni au Japon, ni au Mexique, où les femmes, encore 
maintenant, coupent leur fil avec un outil d'obsidienne, en 
guise de ciseaux. 

L'un des secrétaires. 

E. T. Hamy. 



Laboratoire de paléoutologie. 

En sortant de la galerie d'anthropologie, les membres du 
Congrès se sont rendus dans l'une des annexes du laboratoire 
de paléontologie, où se trouvent réunis de nombreux spéci- 
mens de la faune quaternaire des environs de Paris sur les- 
quels M. Albert Gaudry, qui les a classés et déterminés avec 
som, a bien voulu fournir des explications détaillées. 

Cette collection est le fruit des recherches faites dans les 
sablières de Levallois par M. Reboux et surtout de celles que 
M. Martin poursuit à Grenelle avec tant de persévérance. 

Les espèces les mieux caractérisées sont, d'après M. Gaudry : 

Elephas primigeniuSy Blum. Éléphant primitif ou Mam- 
mouth. 

E. antiquusy Falc. Éléphant antique. 

Rhinocéros Merkiij Kaup. Rhinocéros de Merck. 

R.lichorhinus{?)Cu\. Rhinocéros à narines cloi- 

sonnées. 



Equus caballus^ Lin. 



Equus asinusi?) Lin. 
Hippopotamus amphibius^ 
Bos primigeniuSy Bojan. 
Dos 

Cervus tarandus^ Lin. 
C. caiiadensisj Briss. 
C, elaphusy Lin. 



- 51 - 

Cheval (la variété nommée 
equus pli€idenSyOvf{J)vL^^i 
pas rare). 

Ane(?). 
Lin. Hippopotame amphibie. 

Bœuf primitif. 

Bovidé de la taille de Tau- 
rochs européen. 

Renne. 

Cerf du Canada. 

Cerf commun de France. 



M. Albert Gaudry a appelé l'attention du Congrès sur la 
présence, parmi ces pièces, du Cervus canadensis, dont la ren- 
contre à Paris n'est pas sans importance pour la géographie 
zoologique. Il a insisté particulièrement sur ce fait que les 
pièces d'hippopotame indiquaient la taille de l'espèce qui vit 
actuellement en Afrique et non pas les proportions de V Hippo- 
potamus major. Enfin^ M. Gaudry a montré que les ossements 
de chevaux trouvés dans ces gisements indiquaient une taille 
supérieure à celle que l'on est habitué à voir dans nos équidés 
actuels restés à l'état sauvage. 

Cette collection met en outre en évidence la présence, dans 
les assises quaternaires les plus anciennes de Paris, du renne 
qui avait déjà été rencontré à ce même niveau à Saint-Acheul 
et en quelques autres points. 

La visite s'est terminée par l'étude des silex taillés recueillis 
dans les couches où ont été trouvés ces divers ossements, et 
parmi lesquels on reconnaît très-bien des haches du type de 
Saint-Acheul. 

L'un des secrétaires. 



Louis Lartet. 



— 55 — 



SÉANCE DU LUNDI 19 AOUT. 

>' ItBSlDENCE DE M. ADRIEN DE LONGPÉRIER 

L'un des vice-présidents. 

La séance est ouverte à sept heures quarante-cinq minutes 
du soir. 

Le secrétaire général donne lecture du procès-verbal de 
la séance d'inauguration du Congrès, dont la rédaction est 
adoptée. 

Le président invite ensuite les vice-présidents étrangers à 
prendre place au Bureau. 

Le secrétaire général donne connaissance des lettres 
d'excuses adressées au Congrès par un certain nombre de 
membres que des circonstances diverses tiennent éloignés de 
Paris. 

Discours de M. C. Togt. 

M. Carl Vogt, l'un des vice-présidents étrangers, pro- 
nonce le discours qui suit : 

Messieurs et chers Collègues, 

(( Il y a deux ans, un petit groupe d'hommes réunis à la 
Spezzia pour le Congrès des naturalistes italiens, fut inspiré par 
notre infatigable secrétaire, M. de Mortillet. On se réunit, on 
discuta (Quelques articles d'un règlement provisoire, et en choi- 
sissant la Suisse comme lieu d*une réunion prochaine, on se 
sépara dans l'espoir d'avoir fondé un Congrès utile pour une 
science dans l'enfance et dont l'avenir se présentait encore 
enveloppé de brouillards assez épais sur quelques points. L'an- 
née dernière, le Congrès se réunit à Neuchatel sous la prési- 
dence de notre amiDesor, dont les études ont signalé des pro- 



- 56 — 

grès si marqués dans le champ de dos recherches, et qui, au 
milieu de douleurs poignantes, ne soupire qu'après le moment 
où il pourra prendre part à nos travaux. Nous nous trouvions 
à Neuchatel, au bord du seul lac suisse dont les eaux couvrent 
des stations remarquables des trois âges de pierre, de bronze 
et de fer, au milieu d'hommes qui ont sondé chaque pied du 
sol pour l'interroger sur son passé historique; nous nous trou- 
vions en face de ces magnifiques collections retirées des pala- 
fittes neuchateloises, par MM. Clément, Desor, Schwab et tant 
d'autres, dont les richesses sont aujourd'hui un ornement de 
la galerie de l'histoire du travail, à l'Exposition, et nous pou- 
vions contrôler nous-même, dans une excursion sur le lac sous 
la direction intelligente de pêcheurs de nos amis, l'exactitude 
des faits qu'on nous avait présentés. C'est dans cette réunion 
pleine des charmes d'une vie pour ainsi dire passée en famille, 
qu'on réclama avec transport Paris comme centre de la pro- 
chaine réunion et M. E. Lartet comme président. Je n'ai pas 
besoin de vous énumérer les titres qui devaient nous engager 
à porter nos vues sur M. Lartet, — nous connaissons tous les 
travaux admirables de ce savant modeste, qui malheureuse- 
ment doit expier loin de nous, à Dieppe, l'excès d'ardeur qu'il 
a toujours prodigué aux études. Nous souhaitons qu'il puisse 
revenir bientôt prendre ce fauteuil que nous avons cru devoir 
lui réserver. 

« Aujourd'hui, Messieurs, en présence des nombreux adhé- 
rents de tous les pays qui se trouvent réunis à nos séances, 
nous pouvons dire que le germe si modeste semé à laSpezzia et 
transplanté à Neuchatel, a grandi au milieu de la lutte pour 
l'existence, qu'il a poussé de fortes racines, et qu'un tronc 
majestueux va élever sa couronne portant des feuilles et des 
fruits. Le Congrès international pour l'anthropologie et l'ar- 
chéologie préhistorique va se continuer, nous pouvons en être 
certains, pendant des années, en transportant sa demeure fugi- 
tive et momentanée de pays en pays et en discutant au milieu 
des faits accumulés dans chaque contrée les observations sur 
lesquelles doivent toujours se fonder les conséquences que 
nous tirons et les conclusions auxquelles nous arrivons. 

« La science à laquelle sont destinées nos séances est 
jeune, sans aucun doute, et quand même nous compterions 



— 57 — 

dans nos rangs des vétérans qui ont blanchi sous le harnais ou 
dont les formes crâniennes sont accessibles à tous les regards, 
nous pouvons dire que nous marchons sous une bannière nou- 
vellement confectionnée et dont l'emblème, pour l'avouer fran- 
chement, n'est pas encore définitivement fixé. 

« Or, Messieurs, si d'autres peuvent trouver une sorte de 
contentement dans la culture d'une science faite et dont les 
bases sont arrêtées définitivement, il y en a aussi (et il me 
semble que par votre adhésion vous vous rangez de ce parti), 
qui aiment à frayer des routes nouvelles et à suivre des sentiers 
peu battus où, à côté des jouissances que procure la recherche 
de l'inconnu, se trouve aussi souvent le danger de la lutte 
et la déception de l'erreur. Malheur à nous si nous croyons 
pouvoir sauter les obstacles à pieds joints et les yeux fermés, 
et si, entraînés par une imagination ardente ou par le désir d'ar- 
river au but, nous négligeons les bases de toute science positive 
en nous livrant à des conjectures hasardées! 

« Il ne faut pas nous dissimuler. Messieurs, que notre Con- 
grès est une innovation dans la vie scientifique européenne, et 
que partout où il y a innovation, il y a aussi lutte et combat; 
lutte pour l'existence actuelle, combat pour la conservation 
future des résultats acquis. Plus le champ que nous devons 
cultiver suivant notre programme est vaste, plus il touche à 
des domaines divers dont les marques de frontière doivent 
souvent être reculées ou élargies, opération qui ne se fait pas 
avec moins de peine dans les domaines scientifiques que dans 
les domaines ruraux, avec cette différence seulement que dans 
les anciens temps cet établissement des marques de frontières 
rurales faisait couler du sang, comme on nous Ta démontré 
dans notre dernière séance, tandis qu'aujourd'hui et dans les 
domaines scientifiques , il ne fait couler que de l'encre. 

« L'histoire de chaque science nouvelle montre des phases 
presque identiques dans son développement. On a trouvé des 
faits épars, isolés, qui se sont offerts spontanément à des obser- 
vateurs et dont la connaissance s'est propagée sans être avouée, 
aits qui ne cadrent pas avec les sciences admises ofliciellement 
et qu'on relègue souvent pendant longtemps dans un vieux 
bahut quelconque, portant l'inscription : Matériel estimable. 
Quelquefois ces faits isolés, épars et sans enchaînement avec 



— 58 — 

d'autres faits, heurtent de front les opinions admises ; raison 
de plus pour les mettre de côté, pour les ignorer ou pour les 
déclarer suspects dans leur authenticité. La science (pour n'en 
citer qu'un exemple) passe, comme elle a passé pendant long- 
temps, sur des faits connus et qui établissaient péremptoire- 
ment la contemporanéité niée de Thomme avec des espèces 
éteintes. Mais ces faits s'accumulent et deviennent plus pres- 
sants dans leur signification, malgré l'impossibilité scientifique 
qu'on leur oppose, et malgré l'anathème dont on les frappe. 
Des esprits hardis s'en emparent, les coordonnent, les enchaî- 
nent les uns aux autres, et on voit surgir avec étonnement un 
corps puissant et fort là où Ton n'apercevait auparavant que 
des membres épars et sans relations d'ensemble. On trouve 
alors la figure de cette science nouvellement née, très-repous- 
sante d'aspect, l'harmonie des membres mal établie, la beauté 
des formes négligée et les allures du nouveau-né détestables, 
même subversives. Il crie trop, il a une voix perçante qui 
éveille jusqu'à des personnes tranquilles dormant sur les deux 
oreilles et la tête enveloppée de lauriers. — Oh ! la gredine, il 
faut l'assommer! Mais on ne peut pas toujours ce que l'on 
voudrait bien. Ce bon public, qui aime les enfants, et quel- 
quefois d'autant plus qu'ils sont plus tapageurs, protège aussi 
celui-ci en disant : Il a pourtant du bon. La science nouvelle 
grandit par l'intérêt de tous; chacun s'empresse d'apporter son 
contingent de faits nouveaux, d'observations intéressantes, et 
les coups d'estoc et de taille sont souvent plus nuisibles à celui 
qui croit les porter qu'à celui qui doit les recevoir. L'enfant 
grandit par la lutte sans cesse renouvelée, ses formes s'har- 
monisent, ses membres s'arrondissent pleins de vie et de force. 

« Les adversaires restent les mêmes, mais la tactique 
change. Tout cela est connu d'ancienne date, nous savions cela 
depuis longtemps; pas n'est besoin de se remuer pour ces vieil- 
leries. Ce qu'il peut alors arriver de pire à une science bien 
née et bien développée, c'est d'être élevée au rang d'une 
science faite, arrêtée et reconnue. Aurions-nous le malheur 
d'être déjà arrivés, si jeunes encore, à cette dernière période 
de notre histoire? 

« Non, Messieurs. Rappelons- nous toujours que nous 
sommes encore dans la période de la lutte et du combat, et 



— 59 — 

que plus notre route est ardue, plus nous devons marcher avec 
prudence. Or, en science, la garantie de la victoire, c'est la 
plus grande^ exactitude dans l'observation, la plus grande véra- 
cité dans l'énoncé du fait observé, la plus rigoureuse logique 
dans l'enchaînement des raisonnements. 

<( Nous avons besoin du concours de tous pour éclairer le 
domaine que nous cultivons; le géologue doit nous renseigner 
sur la nature des terrains qui récèlent les anciennes traces de 
l'existence de l'homme, sur la succession de leurs couches, sur 
les conditions physiques sous lesquelles ces couches se sont 
déposées ; le zoologiste doit nous faire l'histoire des races d'ani- 
maux qui ont accompagné l'homme dans ses migrations et de 
celles qu'il a rencontrées sur leur sol naturel ; le botaniste doit 
nous montrer les plantes dont l'homme s'est nourri à l'état 
sauvage, comme celles qu'il a successivement cultivées pen- 
dant les phases progressives de sa civilisation; Tanatomiste 
reconstruira ces crânes, réceptacles précieux de l'organe de 
l'intelligence, et ces races dont les types se sont ou conservés 
depuis les temps les plus reculés ou anéantis par le mélange 
ou la destruction ; le paléontologiste, en remontant même au 
delà des terrains dits « diluviens , » doit nous montrer les 
espèces éteintes, émigréesou transformées, que l'homme a ren- 
contrées dans les premiers temps de son apparition ; le miné- 
ralogiste nous enseignera l'origine des pierres dont on faisait 
usage ; le chimiste par l'analyse des métaux nous indiquera 
les minerais que l'on fondait et les mines dont on faisait l'exploi- 
tation. Toutes les sciences naturelles doivent donc, pour nous, 
être des amies, chez lesquelles nous allons puiser continuelle- 
ment des lumières, et dont les méthodes exactes doivent nous 
être familières pour pouvoir les employer tour à tour dans nos 
propres recherches. 

« Et si les sciences exactes doivent nous apporter leur aide 
et appui, nous avons aussi à recueillir de riches moissons dans 
un autre domaine. Nous nous appelons préhistoriques. Mes- 
sieurs, mais nous ne répudions pas pour cela les enseigne- 
ments de l'histoire et des branches voisines. Nous recherchons 
partout et avec avidité les points de relation entre le domaine 
de notre science et celui des sciences historiques et litté- 
raires. 



— (ÎO — 

« La philologie comparée doit rétablir avec nous, par l'étude 
des langues, Thistoire des races et leur filiation; rien ne doit 
être négligé dans T étude des mœurs et des habitudes des peu- 
ples actuels; car tous ces faits, souvent en apparence si mini- 
mes et sans valeur aucune, gagnent une haute importance 
lorsqu'ils peuvent être mis en corrélation avec des faits datant 
de plus loin. Si les sciences exactes nous démontrent que la 
matière est aussi immortelle et aussi indestructible que la 
force, que tout, dans le jeu des choses physiques, n'est que 
transformation incessante d'un seul et même principe, il en 
est de même dans le domaine historique et philosophique. Les 
dieux ne meurent jamais d'apoplexie, il se transforment seu- 
lement, et leurs parties non employées dans la transformation 
se promènent pendant des siècles et des siècles, sous forme de 
spectres, de revenants, de feux follets ou de farfadets ; les habi- 
tudes du sauvage ne s'éteignent jamais entièrement dans la 
vie de civilisation ; elles se conservent plus ou moins intactes à 
travers de longues périodes, sous des formes diverses, mais 
reconnaissables à l'œil exercé. Rien n'est conservateur comme 
le foyer domestique, comme la tradition vivante des habitudes, 
de génération en génération ; on a dit avec raison qu'il était 
bien plus facile de changer la forme d'un gouvernement que la 
manière d'installer le foyer de la cuisine. 

« Maintenant, Messieurs, vous voyez le champ ouvert devant 
vous. Nos séances apporteront sans doute des lumières nou- 
velles sur beaucoup de points ; vos discussions s'étendront sur 
une foule de questions, et si le Bureau qu'il vous a plu de pla- 
cer à votre tête a accepté cette tâche difficile avec reconnais- 
sance, tout en avouant sa faiblesse, c'est qu'il est convaincu 
qu'au milieu d'un concours de savants et de travailleurs aussi 
distingués, la science ne peut que gagner et devenir de plus 
en plus le bien de tout le monde. » 



Ordre du jour. 

L'ordre du jour appelle la discussion de la première ques- 
tion du programme : 

« Dans quelles conditions géologiques, au milieu de quelle 



— 61 — 

faune et de quelle flore a-t-on constaté, dans les diflérentes 
contrées du globe, les traces les plus anciennes de l'existence 
deThomme? 

<c Quels sont les changements qui ont pu s'opérer depuis 
lors dans la distribution des terres et des mers? 

La période quaternaire dans la province de Namur. 

M. Edouard Dupont présente une coupe de la vallée de la 
Meuse, celle du Trou de la Naulette et celle du Trou du Fron- 
tal, et les accompagne des considérations suivantes : 

Les dépôts quaternaires de la province belge de Namur re- 
lèvent de phénomènes bien distincts par leurs effets et par 
leur âge. 

■ s _~Z. Z. "rAl"-!* IZ Z ^"•Terre à brique. j 

y/î.V.',-^; /.^ri^.TI ~.7r.~.I~ V Origine non 

•*Ô/I^^*J:^'N^ÎÏ^\f-^/^^^^ -^'^l* * cailloux anguleux renfermant la ( déterminée. 

I Vase fluviatile. \ 

f Ces dépôts renferment la faune du Mam- 
i mouth et sont d'origine fluviatile. 

-*••} *''Vtv '-iV-- '.**Ô^'N-. 

Fig. 6. 
Série stratigraphique quaternaire en Belgique. 

Le plus ancien est le grand phénomène fluviatile. Il creusa 
les vallées telles que nous les voyons aujourd'hui et déposa les 
cailloux roulés et la vase qui couvrent les flancs de ces vallées. 

Il est vraisemblablement dû à la cause qui développa sur 
une si grande échelle les glaciers dans les grands massifs mon- 
tagneux européens. La fusion de cçs glaciers eux-mêmes dut 
aussi agir pour la formation de plusieurs vallées, notamment 
de la vallée de la Meuse. 

Le second phénomène donna naissance à un dépôt de cail- 
loux anguleux et à la terre à brique. Aucune des tentatives 
faites pour l'expliquer n'est encore satisfaisante. Il caractérise 
une seconde époque. 



— 62 — 



ï^ 



t, ^ 



Comme les sédiments qui se 
trouvent dans les cavernes belges 
sont les mêmes que ceux de l'exté- 
rieur, nous pourrons, au moyen 
des débris organiques et artiGciels 
fournis par l'exploration de ces 
souterrains, savoir la faune et l'in- 
dustrie de chacun des âges déter- 
minés par les produits des actions 
physiques. 

Pendant le creusement des val- 
léesy la faune du mammouth habi- 
tait la contrée; elle se compose 
de près de cinquante espèces de 
mammifères, la plupart de grande 
taille, et elle peut se diviser en 
quatre groupes : le premier com- 
posé des espèces éteintes; le|second 
d'espèces émigrées (en latitude et 
en altitude, comme l'a si bien dit 
M. Lartet); le troisième d'espèces 
détruites récemment dans la con- 
trée par l'homme; le quatrième, 
des espèces vivant encore aujour- 
d'hui dans le pays. Les troisième et 
quatrième groupes constituent la 
faune de notre région tempérée 
septentrionale. 

L'homme habita les cavernes 
durant cet âge du mammouth. Ses 
seuls débris, rencontrés dans la 
province de Namur, consistent en 
une mâchoire et un cubitus qui 
ont été recueillis dans la caverne 
dite Trou de la Naulette. 

Il taillait le silex dans le type 
du Moustier et de Saint- AcheuL 

Fig. 7. 
Coupe d'une vaUée dans les terrains cohérents et; répartition de la. série stratigraphique 
quaternaire. — L. S. VaUée supérieure. — L. M. Vallée moyenne. — L. I. Vallé» 
inférieure.- P. Paille qui a déterminé la direction de la yallée.- C. C. Terrains anciens 



I 



— 63 — 

Mais, vers la fin du creusement des vallées^ nous voyons 
apparaître les objets gravés et sculptés rappelant ceux du Péri- 
gord. Les silex sont alors généralement taillés en couteaux; 
bon nombre le sont dans le type Laugerie-Haute. 

Après le creusement total des vallées^ quand le pays avait 
déjà son relief actuel, la faune du renne se développa. Elle ne 
diffère de la faune du mammouth que par Tabsence des espèces 




Fig. 8. 

Coupe géologique du trou du Frontal, à l'échelle de &■■ 1/2 par mètre pour les lon- 
gueurs et les hauteurs. 

a. Argile d'origine hydrotherinale produite par l'action qui a ezcayé la caverne. 
1. Sable et cailloux roulés, 
i. Limon fluTiatile et gravier. 
3. Argile à cailloux anguleux. 

A. Sépulture de l'âge du renne. 

D. Dalle destinée à fermer la sépulture. 

B. Restes des repas de l'homme de l'âge du renne, à la base de l'argile à cailloux an- 
guleux. Ces restes de repas s'expliquent de la même manière que ceux observés par 
M. Lartet à l'entrée de la grotte d'Aurignac. 

R. Rocher formant les parois de la caverne . 



éteintes ; elle est donc formée du groupe des espèces émigrées 
et du groupe des espèces de nos régions tempérées. 

L'art a disparu dans les œuvres de l'homme. Tous ses 
ustensiles en silex offrent sans exception la forme couteau. Ni 
les instruments des types Saint-Acheul, Le Moustier et Lau- 



- 64 - 

gerie-Haute, ni les silex polis, ni les pointes de flèche à aile- 
rons n* ont été observés au mUieu du nombre considérable 
d'instruments en silex de cet âge recueillis dans seize ca- 
vernes. 

Une sépulture des hommes de l'âge du renne a été décou- 
verte dans le Trou du Frontal à Furfooz, et plusieurs de leurs 
demeures souterraines, ayant été explorées, ont fourni de 
nombreux faits pour la déduction de leurs mœurs principales. 

L'âge du renne prit fin par le dépôt de l'argile à cailloux 
anguleux et de la terre à brique. 

liage de la pierre polie succéda à l'âge du renne. Il est 
par conséquent postérieur au dépôt de la terre à brique. La 
faune ne se compose plus que des espèces de la zone tempérée 
septentrionale, à l'exclusion des espèces éteintes et des espèces 
émigrées. Certaines chartes nous apprennent qu'au x® siècle 
de notre ère, elle, était encore à peu près complète en Bel- 
gique. Cette nouvelle époque commence donc avec l'âge dit de 
la pierre polie. 

L'homme de cet âge n'habita plus qu'accidentellement les 
cavernes, mais il construisit des enceintes formées de pierres 
brutes accumulées sans ordre. Ces enceintes étaient probable- 
ment destinées à la défense. 

Les dolmens manquent presque complètement et semblent 
remplacés par les cavernes sépulcrales. 

Discussion sur les animaux émigrés. 

M. Georges Pouchet, à l'occasion de la communication 
précédente, soumet au Congrès quelques observations sur la 
valeur du mot émigré appliqué à une partie de la faune des 
cavernes et au renne en particulier. Il fait remarquer que beau- 
coup d'animaux ont disparu ou disparaissent devant l'homme. 
L'hippopotame, par exemple, qui vivait dans le Delta du Nil â 
l'époque romaine, se rencontrait encore, il y a dix-sept ans, 
à Argo, en Nubie, et ne se trouve plus aujourd'hui que deux 
cents lieues plus haut; le lion n'existe plus dans la Macédoine, 
qu'il habitait au temps de Xerxès. Le renne aurait pu dispa- 
raître, comme ces deux animaux, par l'action de l'homme. 

M. DE MoRTiLLET croit dcvoir maintenir le mot émigré dans 



— 65 — 

le sens que lui donne M. Ed. Dupont. La disparition des espèces 
animales peut avoir lieu par deux causes bien différentes : par 
la lutte contre Thomme ou contre d'autres animaux, ou bien 
par le changement des conditions atmosphériques. En ce qui 
concerne les rennes, on sait qu'actuellement ils s'éteignent 
très-vite à Copenhague et Saint-Pétersbourg. Ils n'auraient 
certainement pas pu vivre en France, si le climat de notre pays 
n'avait pas été à celte époque très-différent de celui sous lequel 
nous vivons aujourd'hui. Quant au chamois et au bouquetin, 
qui habitaient autrefois le Périgord à 100 ou 150 mètres 
au-dessus de la mer, ils ne peuvent plus vivre à Chambéry ni 
à Annecy, dont l'altitude est cependant de 300 à &50 mètres. 
De nombreux estais ont été faits pour acclimater ces animaux 
dans ces deux villes; plusieurs fois on a tenté l'épreuve sur le 
chamois, même sur le bouquetin. Non-seulement ils ne s'y 
reproduisent que très- accidentellement, mais encore tous les 
sujets expérimentés périssent en peu de temps. Ces animaux 
ont donc quitté la plaine, parce que le climat a changé. C'est 
la même cause qui a chassé vers le nord le renard lagopède, le 
bœuf musqué, le glouton, etc. M. de Mortillet croit par con- 
séquent que l'épiihète émigré a été parfaitement appliquée et 
qu'on doit la maintenir. 

M. HÉBERT est convaincu que l'action de l'homme n'est pas 
la seule cause de la disparition des animaux : l'hippopotame et 
le rhinocéros vivaient en France à l'époque quaternaire comme 
ils vivent aujourd'hui en Afrique. Les conditions atmosphéri- 
ques sont donc toutes différentes maintenant qu'autrefois dans 
nos contrées. D'ailleurs, dans une question aussi difficile, on 
doit montrer une grande prudence, car les observations faites 
jusqu'ici ne concordent pas toutes entre elles. C'est ainsi que 
H. Nilsson a donné le renne fossile comme différent du renne 
de Laponie. M. Hébert serait heureux que M. Kilsson voulût 
bien fournir quelques renseignements à ce sujet. 

M. NiLssoN a remarqué que le renne des tourbières de Sca- 
nie et celui des Lapons ne sont pas de même race. Le renne qui 
vit dans le nord serait venu de la Finlande et non pas de la 
Scanie. Il ne sait pas si celui du Périgord est de même race 
que celui de Laponie; l'examen reste à faire. 

M. A. DE LoNGPERiER ospèro que la présence d'un certain 

5 



— 66 — 

nombre de savants du Nord à Paris, au moment où les collec- 
tions de débris de rennes trouvés dans les couches quaternaires 
sont réunies à l'exposition, fera bien avancer Tétude de cette 
question intéressante. 

M. Georges Pouchet fait observer qu'en soulevant ce débat 
il voulait seulement mettre en garde les membres du Congrès 
contre une expression qui lui semblait pouvoir être inexacte. 
Tout ce qu'on vient de dire lui semble de nature à conseiller 
la prudence. 

M. Ed. Dupont répète qu'il a considéré comme espèces émi- 
grées les espèces de la faune quaternaire belge qui vivent 
encore dans d'autres pays, mais qui n'existaient plus en Bel- 
gique pendant l'âge de la pierre polie. Il en cite cinq : le 
renne, le glouton, le chamois, le bouquetin et le saïga. Il 
n'ignore pas que l'action de l'homme a depuis lors appauvri 
la faune. On voit sur des chartes du x* siècle que le droit de 
poursuivre l'élan, le bœuf sauvage, l'ours, était accordé par les 
suzerains ; ces animaux, qui habitaient encore la Belgique il 
y a huit cents ans, en ont été chassés par la civilisation. 
Mais les animaux émigrés ont été chassés par des phénomèi^es 
naturels, et non pas par l'action directe de l'homme. 

M. VoGT. En appliquant le mot d'émigrés aux animaux, on 
ne fait que constater leur disparition successive, sans en indi- 
quer la cause. On dit aussi des plantes des Alpes qu'elles ont 
émigré de la plaine; chacun sait bien cependant que les plantes 
ne marchent pas. L'analyse des émigrations animales peut 
amener la découverte d'un certain nombre de lois. Il doit y 
avoir une corrélation intime entre ce phénomène et la distri- 
bution actuelle des espèces. Le Mus lemmus n'est jamais des- 
cendu aussi loin vers le sud que le renne, le lemmins à collier 
[M. torquatus) aussi loin que le lemmins ordinaire. Due quan- 
tité d'animaux se sont retirés dans le même ordre que celui qui 
préside à leur distribution actuelle par rapport aux limites des 
glaces polaires. Celles-ci avancent ou reculent avec la faune 
spéciale qui les peuple. On sait néanmoins (ju'il y a eu des 
espèces détruites par l'homme, VAlca impennis est du nombre. 

M. de Quatbefages. On peut encore invoquer d'autres cir- 
constances pour expliquer les émigrations animales. Au siècle 
dernier, par exemple, le renne, selon le témoignage de Pallas, 



— 67 — 

venait jusqu'aux bords de la mer Caspienne. Ses voyages au midi 
ont cessé lorsque les forêts qui s'étendaient entre les deux points 
extrêmes de sa course ont été détruites. A propos du renne, 
on a tout à l'heure parlé de race et d'espèce : Falconer disait 
que les paléontologistes n'avaient tenu compte jusqu'alors que 
des espèces, et qu'en abordant l'étude de la faune quaternaire, 
ils devraient nécessairement s'occuper des races. Je ne veux 
pas porter ici cette grave question ; mais il est un fait général, 
savoir que tous les animaux qui ont été domestiqués ont subi 
des modifications et donné naissance à des races distinctes. Le 
renne a-t-il fait exception à cet égard? C'est ce qu'il serait 
important de constater. 

M. VoGT. Le renne domestiqué qui vit aujourd'hui diffère 
notablement du renne sauvage. Celui-ci est plus petit, ses 
arêtes sont plus marquées, ses molaires s'usent plus vite. De 
plus la race domestique des Samoyèdes de la mer Blanche et 
celle des Lapons ne sont pas identiques : les rennes de la mer 
Blanche sont plus grands et ont un autre pelage. En ce qui con- 
• cerne les rennes de Scanie et de Laponie, M. Nilsson voudra 
bien indiquer les différences qu'ils présentent; jusqu'à présent 
il n'a été émis que des doutes à ce sujet. 

M. Nilsson répète qu'il y a des différences entre le renne 
fossile de la Scanie et le renne sauvage vivant aujourd'hui dans 
le nord. Il ajoute qu'entre ces deux régions, on ne rencontre 
aucun vestige de cet animal. 

Étude sur des silex travaillés 

trouvés dans les dépôts tertiaires de la commune de Thenay, 

près Pontlevôy (Loir-et-Cher). 

M. Bourgeois donne lecture du mémoire qui suit : 

J'ai signalé le 7 janvier 1867 [Comptes rendus de FAca^ IÇ, . .f.a^ 
demie des Sciences) l'existence de silex taillés dans le dépôt à ^/^^ " - J^ 
Elephas meridionalis de Saînt-Prest, là même où M. Desnoyers ) i; , 
avait déjà recueilli des ossements qui lui paraissaient avoir été '^^ " - • 

incisés par l'homme. Depuis j'ai dû naturellement porter mes ^^ <^ f^( ^' , 
investigations sur des terrains de date plus ancienne, et c'est ^ 

le résultat de ces recherches que je me propose de vous com- 
muniquer aujourd'hui. 



/ 



— 68 — 



Gomme il existe une liaison intime, nécessaire même, entre 
la géologie et Tarchéologie des premières époques préhisto- 




Fig9. 

Coupe prise à l'onlrée du chemin qui conduit à Choussy, commune de Thenay 
(Loir-et-Cher). 




Fig. 10. 

Coupe prise à la marnière de M. A. Chaumais sur la rive gauche du ruisseau, Thenay. 

9 Alluvion quaternaire avec silex polis et silex du type de Saint-Acheul. 

8 Faluns. — Silex taillés. 

7 Sables de l'Orléanais. — Silex taillés. 

fi B Calcaire de Beauce compacte. — Sans silex taillés. 

(5 A Calcaire de Beauce à l'état de marne. — Sans silex. 

.5 Marne argileuse avec Aerot/ieiium. — Silex taillés très-rares. 

4 Marne avec nodules de calcaire. — Silex taillés. 

3 Argile. — Principal gisement des silex taillés. 

2 Mélange de marne lacustre et d'argile. — Quelques silex taillés. 

1 Argile à silex. — Sans silex taillés. 



riques, je dois exposer d'abord en quelques mots la constitu- 
tion géologique du sol dans la commune de Thenay, près 



— 69 — 

• 

Pont-Levoy, où j'ai fait mes principales obsei^vations. Voici 
l'ordre des couches de haut en bas (flg. 9 et 10) : 

1^ AUuvion quaternaire des plateaux composée de limon et 
d'argile avec grains quartzeux et siliceux. 

â° Faluns de Touraine, c'est-à-dire sables ou grès avec 
coquilles marines très-nombreuses et ossements de mammi- 
fères. Les débris de mammifères proviennent pour la plupart 
des sables de l'Orléanais et ne sont là qu'en vertu d'un rema- 
niement, ainsi que je l'ai prouvé dans une note communiquée à 
l'Académie des Sciences le A mars 1867. 

S"" Sables flu^atiles de l'Orléanais avec ossements, princi- 
palement à la base {Pliopithecus antiquus^ Amphicyon gigan- 
teuSy Dinotherium Cuvieri^ Mastodon angustidens ^ Mastodon 
tapiroidesy Rhinocéros brackypusy etc.). 

A"" Calcaire de Beauce compacte à la partie supérieure et 
marneux à la partie inférieure. Je n'ai pu y recueillir que 
trois ossements d'un rhinocéros à quatre doigts [Acet^othe- 
rium). 

5^ Argile ou craie à silex (zone du Spondylm spinosus). 

Les nodules de l'argile et de la craie à silex sont générale- 
ment intacts, possèdent leur croûte primitive et ne présentent 
pas la moindre trace de l'action de l'homme. 

Mais je commence à trouver les silex travaillés dès la base 
du calcaire de Beauce, c'est-à-dire dans la partie marneuse. 
La couche qui les contient se décompose ainsi dans la marnière 
de M. Apollinaire Ghaumais, sur la rive gauche du ruisseau qui 
traverse le village (fig. 10) : 

6 A. Calcaire de Beauce lacustre à l'état de marne 
avec nodules de calcaire sans silex 0'",bO 

5. Marne plus argileuse où j'ai rencontré les osse- 
ments du rhinocéros à quatre doigts. Les silex travaillés 

y sont rares 0'»,15 

6. Marne renfermant des nodules de calcaire. Les 
silex travaillés se montrent quelquefob au sein même 

des nodules 0'»,80 

3. Argile jaune ou verdâtre contenant des nodules 
calcaires décomposés et de petits cdlloux roulés d'ori- 
^e crétacée. C'est le principal gisement des silex tra- 
vwUés 0",35 



— 70 — 

2. Marne offrant encore quelques silex travaillés à la 
partie supérieure et se confondant d'une manière insen- 
sible avec Fargile à silex S^jOO 

J'ai comparé minutieusement ces instruments tertiaires 
avec ceux que j'ai recueillis en si grand nombre à la surface 
du sol dans la même contrée, et je n'ai pas tardé à remarquer 
la complète identité des types fondamentaux. Comme partout 
ailleurs et comme à toutes les époques subséquentes, ce sont 
des outils pour couper, percer, racler ou frapper. Mais, de 
même qu'à Saint-Prest, je n'ai pas rencontré la forme clas- 
sique de Saint-Acheul. 

Quoique l'aspect général de ces instruments dénote un tra- 
vail' grossier, néanmoins on y observe des retouches fines et 
faites avec habileté. Pour apprécier le talent des ouvriers pri- 
mitifs qui les ont fabriqués, nous devons tenir compte de la 
nature des silex qu'ils avaient à leur disposition. C'étaient des 
nodules caverneux et à cassure esquilleuse, empruntés aux 
couches supérieures du terrain crétacé. Les silex à pâte fine et 
homogène de la craie turonienne à inocérames, qui furent si 
artistement travaillés pendant l'époque de la pierre polie et 
qui sont encore employés aujourd'hui pour la fabrication de la 
pierre à fusil, n'existaient p^ts alors dans le pays. C'est pendant 
la période quaternaire qu'ils ont été amenés sur nos plateaux 
par les eaux du Cher. 

Beaucoup de ces instruments ont été déformés par l'action 
du feu, et conséquemment il faut admettre que l'homme était 
en possession de cet élément. Je ne puis expliquer par la 
foudre un phénomène qui se présente avec les mêmes carac- 
tères et les mêmes circonstances dans plusieurs localités sépa- 
rées par une distance de 30 à 40 kilomètres. On dirait que des 
habitations lacustres semblables à celles de la Suisse ont été 
détruites par un incendie *. 

Ces sUex, qui ne sont plus dans leur position originelle 
puisqu'ils proviennent de la craie, ont été transportés là par 
une cause quelconque. Pour un grand nombre, on peut invo- 
quer l'action de l'eau, car on y remarque des traces d'érosion; 



1. C'est toujours sur les rivages de Tancien Jac de Beauce que je ren- 
contre ces débris de l'industrie humaine. 



— 71 — 

mais il en est aussi dont les arêtes sont vives et qui par consé- 
quent n'ont pas été roulés. Quelquefois les arêtes sont vives à 
la partie de l'instrument qui devait recevoir le manche, et la 
partie destinée à frapper ou à percer a été polie par l'usage* 
Enfin je trouve là presque tous les signes auxquels on 
reconnaît l'action de l'homme, savoir : les retouches, les 
entailles symétriques, les entailles artificielles produites pour 
corresponxlre à une entaille naturelle, les traces d'usure et 
surtout la reproduction multipliée de certaines formes* 

La présence des silex taillés à la base du calcaire de 
Beauce est un fait étrange, inouï, de haute gravité, mais un 
fait indubitable pour moi. Je n'ai point la prétention ni l'espé- 
rance de faire partager ma conviction personnelle à tous les 
savants illustres qui sont venus ici des régions les plus éloi- 
gnées pour étudier ces importantes questions, mais je les prie 
de considérer sérieusement les pièces que j'aurai l'honneur de 
tenir à leur disposition pendant plusieurs jours, et je les invite 
à venir faire un examen comparatif sur les lieux mêmes dans 
les collections que je n'ai pu apporter avec moi. . 

Les instruments que j'ai recueillis dans les sables de 1 Or- 
léanais confondus avec les ossements de nos grands probes "i- 
diens sont exactement semblables pour la forme et l'imperfec- 
tion du travail, mais quelques-uns ont été fabriqués avec le 
silex meulière du dépôt précédent. Je dois signaler ici un galet 
composé d'une pâte artificielle mélangée de charbon. Je l'ai 
trouvé avec des ossements de mastodonte et de dinothérium 
dans une assise qui évidemment n'avait pas été remaniée, 
mais à une profondeur moindre, parce que la partie supérieure 
a été enlevée. 

Les silex taillés des faluns sont mêlés à des coquilles per- 
forantes qui indiquent l'existence d'un ancien rivage et quel- 
quefois incrustés par des huîtres. Us sont en général plus 
roulés et paraissent provenir par voie de remaniement des 
dépôts antérieurs. 

En comparant entre eux les instruments de silex du calcaire 
de Beauce, des sables de l'Orléanais, des faluns et du dépôt 
présumé pliocène de Saint-Prest, je ne puis reconnaître un 
progrès dans le travail; mais quand nous arrivons à nos allu- 
vions quaternaires des plateaux, nous commençons à trouver 



— 12 — 

ces formes élégantes dont les plus beaux spécimens figurent à 
l'Exposition dans la galerie de Thistoire du travail. Puis vien- 
nent les instruments plus parfaits encore que nous considérons 
comme contemporains des monuments mégalithiques. L'homme 
de ces contrées possédait alors, ainsi que je l'ai dit plus haut, 
une matière première de meilleure qualité apportée par les 
courants diluviens et aussi sans doute une plus grande habileté. 

Tel est le résumé de mes observations dans la commune de 
Thenay. Je dois ajouter que j'ai constaté quelque chose d'ana- 
logue à Billy, près Selles-sur-Cher, dans le même département. 
Là il existe aussi vers la base du calcaire de Beauce une assise 
ossifère exploitée par M. le marquis de Vibraye, M. Fabbé 
Delaunay et moi. Nous y avons rencontré deux espèces de rhi- 
nocéros, dont Tune est petite comme celle de Thenay, un 
PalœochœruSy un tapir, deux espèces du genre amphicyon, 
plusieurs petits ruminants du genre Amphitragulm ou Dremo- 
therîuniy un crocodile, etc. Or il existe au milieu et au-dessous 
de ces ossements des silex noirs fendillés et craquelés comme 
ceux de Thenay, sur lesquels je crois apercevoir des traces de 
l'action de l'homme. 

Quand ces faits auront été constatés par d'autres plus auto- 
risés que moi, quelles conclusions devrons-nous en tirer rela- 
tivement à l'ancienneté de l'homme? Au point de vue purement 
scientifique, la question me paraît impliquer de nombreux 
mystères, et je crois que nous ne devons rien affirmer sans la 
plus grande réserve. En effet, je crois pouvoir dire que nous 
ne possédons pas encore de chronomètres certains. 

Si nous consultons le caractère archéologique, nous voyons 
que les silex travaillés de toutes les époques tertiaires parais- 
sent de même date. 

La stratigraphie ne fournit pas un meilleur critérium. Le 
calcaire de Beauce a pu se former rapidement comme les tra- 
vertins d'Italie. Si les sables de l'Orléanais s'étaient déposés 
lentement pendant une longue série de siècles, les ossements 
se présenteraient à des niveaux différents, tandis que nous les 
rencontrons toujours à la base. Les faluns ne disent rien non 
plus de précis sur la durée des époques géologiques. 

Les plus fortes preuves en faveur d'une prodigieuse anti- 
quité de l'homme sont tirées de la paléontologie. Sur les bords 



— 73 — 

du lac de Beauce, Thomme vit au milieu d'une faune qui dis- 
paraît presque totalement. Puis apparaissent tout à coup, avec 
les sables fluviatiles de l'Orléanais, le singe anthropomorphe 
Pliopithecus antiquuSy le Dinotherium Cuvieri y le Mastoidon 
angustidensy le Mastodon tapiroidesy le Mastodon pyrenai- 
oiSy etc. Ces espèces, qui persistent peut-être pendant l'époque 
des falnns, font ensuite place à la faune quaternaire que j'ai 
trouvée près de là dans la brèche osseuse de Vallières {Rhino- 
céros tichorhinuSy Hiœna spelœuy Félix spelœa^ etc.) Vient 
enfin la faune contemporaine. Mais pour calculer avec certitude 
le temps nécessaire à toutes ces substitutions ne devons-nous 
pas préalablement en connaître le mode et la cause? Or la 
naissance et la mort des espèces est encore plus mystérieuse 
pour nous que la naissance et la mort des individus. Quand 
nous voulons expliquer ce mystère qui projette son ombre sur 
toute la géologie, nous avons à choisir entre deux hypothèses. 

La première, l'hypothèse des créations successives, s'ac- 
corde bien avec la puissance de Dieu ; mais quand je cherche 
la raison de ces destructions et rénovations continuelles d'es- 
pèces dans un milieu qui ne parait pas avoir subi des modifi- 
cations profondes, j'avoue que je ne l'aperçois pas. 

La seconde, l'hypothèse du transformisme, a été posée et 
défendue avec une science incontestable; mais à chaque fait 
qui l'établit on pourrait peut-être opposer un fait qui la ren- 
verse. Pour ne pas sortir du cercle de mes observations, je 
citerai seulement l'apparition brusque du dinotherium et du 
mastodonte. On n'a jamais rencontré la moindre trace de ces 
grands proboscidiens parmi les nombreux ossements de rhino- 
céros trouvés dans le calcaire de Beauce à Billy (Loir-et-Cher). 
Us n'existaient pas non plus dans le calcaire de Montabuzard ^ 
Puis tout à coup les sables de l'Orléanais, qui se rattachent au 
calcaire de Beauce par leur faune malacologique % nous mon- 
trent partout leurs débris gigantesques. Où sont donc les 
formes intermédiaires qui les ont précédés? 

4 . Cuvier a soupçonné avec raison qu'il avait commis une erreur en 
citant, d'après Defay, le mastodonte dans ce csklcaïrel Ossements fossiles^ 
vol. II, 4" partie, p. 213. 

2. Voir ma note du 4 mars 4867, dans les comptes rendus de TAca- 
démie des sciences. 



- 74 - 

En résumé, nous sommes en présence de l'inconnu. Notre 
devoir est donc de recueillir consciencieusement les faits et de 
nous montrer sobres d'affirmations jusqu'à ce que la lumière 
soit faite. Nous devrons sans doute vieillir l'homme européen, 
mais nous devrons peut-être aussi rajeunir nos fossiles. 

Note additionnelle, — Je n'ai point signalé quelques 
ossements de ruminants présentant de légères incisions, parce 
qu'il ne m'est pas prouvé que ce soit l'œuvre de l'homme ; mais 




Fg. H. 




Fig. 12. 

Côtes d'Halitherium, des Faluns, de Pouancé, avec incisions. Coll. Bourgeois et Delaunay, 

gr. naturelle. 



M. l'abbé Delaunay, auquel j'avais communiqué mes décou- 
vertes, s'est empressé de les contrôler en faisant des recherches 
en dehors du département de Loir-et-Cher, et tout récemment 
il a trouvé dans les faluns des environs de Pouancé (Maine- 
et-Loire) des côtes et un humérus de Halitherium sur lesquels 



— 75 — 

on remarque des entailles profondes qui sont dues à l'action de 
l'homme. Si on considère que ces ossements sont d'une extrême 
dureté et qu'ils n'ont pu être incisés d'une manière aussi nette 
que lorsqu'ils étaient encore frais, on comprendra que la con- 
statation du gisement devient inutile, quoiqu'elle ait été faite 
avec le plus grand soin. 



Résumé des recherches concernant l'ancienneté de l'homme 

en Ligurie. 

M. Arthur Issel présente les débris humains et les objets 
préhistoriques qu'il a rencontrés en Ligurie, et accompagne 
cette présentation de la communication suivante : 

Les peuplades qui ont habité la Ligurie dans les temps pré- 
historiques ont laissé de nombreuses traces de leur passage. 

Ce sont des ossements, des armes et des outils d'un travail 
plus ou moins grossier, des rejets de cuisine, etc. 

Faute de meilleurs documents, c'est par l'examen de ces 
restes que l'on peut espérer d'arriver à connaître quelques- 
uns des traits principaux qui caractérisaient l'homme de ces 
temps reculés. 

Les recherches concernant les anciens Ligures offrent un 
intérêt tout particulier depuis que M. Nicolucci a avancé l'opi- 
nion que la race ligurienne est originaire du pays qu'elle 
habite et n'appartient pas à la grande famille aryenne comme 
la plupart des peuples européens. A ce titre, les faits que je 
me propose de signaler méritent de fixer l'attention de l'anthro- 
pologiste. 

L Fossiles humains. — Je commencerai par signaler une 
découverte qui appartient autant à la paléontologie qu'à l'an- 
thropologie : c'est celle de plusieurs fossiles humains trouvés, 
d'après des témoignages dignes dé foi , dans un gisement 
pliocène qui existe dans l'enceinte même de la ville de Savone. 

Ce terrain est parfaitement caractérisé par un grand nom- 
bre de coquilles marines fort bien conservées, et contient aussi 
par exception des fossiles terrestres, tels que des os de rhi- 
nocéros, des hélices, des fruits et des tiges de conifèresr à 



— 76 — 

moitié carbonisés, etc. 11 se présente le plus souvent sous la 
forme d'une argile très-fine, tendre, homogène et de couleur 
grise ou jaunâtre, qui est exploitée comme terre à briques ^ 
Mais quelquefois il offre une plus grande dureté et se trouve 
mêlé à du sable et à du gravier en proportion variable. 

J'ai visité à Zinola, près de Savone, une belle coupe de ce 
terrain qui a au moins 20 mètres de hauteur, et où Ton voit la 
variété la plus grossière superposée à l'autre. 

Parmi les nombreuses coquilles marines fossiles recueillies 
dans ce gisement, il y en a un peu plus de la moitié qui se 
rapportent à des espèces éteintes; c'est pourquoi il me semble 
juste de le considérer comme du pliocène inférieur. 

Les débris humains ont été trouvés sur le faîte d'une petite 
colline nommée Colle del Vento, dans une tranchée qu'on avait 
ouverte pour y poser les fondements d'une église *. 

D'après les renseignements pleins d'obligeance que j'ai 
reçus du révérend ecclésiastique, M. Pierre Perrando^ les 
ouvriers employés à ce travail mirent à découvert, à 3 mètres 
environ de profondeur, d'abord un crâne, puis les autres par- 
ties d'un squelette qui étaient, à peu près situées dans leurs 
connexions naturelles. Les os étaient enchâssés dans une 
marne pliocène compacte des plus caractéristiques, qui conte- 
nait aussi un grand nombre d'huîtres fossiles. J'ai examiné 
dernièrement quelques spécimens de ces coquilles et je les ai 
trouvés identiques à l'espèce la plus commune du pliocène 
ligurien ^. 

Malheureusement aucun naturaliste n'était présent pour 
constater par des observations précises et rigoureuses que le 
terrain n'était pas remanié et que les ossements avaient été 
enfouis en même temps que les huîtres. De plus, la majeure 
partie de ces précieuses dépouilles a été perdue pour la 
science. 

Les seuls os qui aient été conservés sont : un morceau de 

4 . Cette argile est connue dans le pays sous le nom de Tufo. 

2. C'est réglise des Suore délia Misericordia bâtie, je crois, en 4 856. 

3. M. Perrando vient de m'écrire que rarchitecte de la ville de Savone 
ainsi qu'un sculpteur et plusieurs ouvriers ont été témoins oculaires de la 
découverte et sont à même de fournir là-dessus les détails les i^us circon- 
stanciés. 



— 77 — 

pariétal droit, un fragment de maxillaire supérieur gauche 
avec une fausse molaire, une partie du maxillaire inférieur 
droit portant la dernière molaire ((ig. 13), un fragment d'humé- 
rus gauche, une clavicule, une tôte de fémur, le tiers inférieur 
d'un péroné gauche et enfin deux phalanges. Ils appartiennent 
maintenant à M. le curé Perrando et au R. P. Ighina de Gar- 
care, qui ont bien voulu me permettre de les étudier et de les 
décrire. Il est juste de dire que ces deux ecclésiastiques, ama- 
teurs des sciences naturelles, aussi zélés qu'intelligents, ont 







Fig. 13. 

Fragment de maxillaire inférieur des marnes pliocènes de Colle del Vente, à Savone. 

été les premiers à considérer ces débris comme des objets d'un 
véritable intérêt scientifique. 

Les os humains que je viens de nommer, quoique en bon 
état de conservation, présentent tous les caractères d'une haute 
antiquité. Us sont fragiles, légers, luisants sur leurs sur- 
faces naturelles et happent à la langue; ils ont pris en outre 
la couleur grisâtre du terrain où ils étaient enfouis. Les mor- 
ceaux qui n'ont pas été nettoyés contiennent encore dans leurs 
anfractuosités des parcelles d'argile pliocène, parfaitement 
reconnaissable à sa finesse et à sa couleur caractéristique. 



— 78 — 

Le morceau de pariétal droit n'a que 6 centimètres de long 
et présente le bord antérieur et le bord latéral gauche; il me 
semble un peu aplati et d'épaisseur moyenne. 

Le fragment de maxillaire gauche appartenait évidemment 
à un homme adulte et de très-petite taille; il est long de 
33 millimètres et sa plus grande épaisseur est de 15 milli- 
mètres. On y voit la première fausse molaire en place et les 
alvéoles de la seconde fausse molau-e, de la canine et de deux 
incisives. Le bord inférieur de l'os est beaucoup plus étroit 
que sur les maxillaires récents que j'ai examinés, et par suite 
les alvéoles sont aussi plus étroites. Les deux surfaces, exté- 
rieure et intérieure de l'os, se trouvent dans une position telle, 
l'une par rapport à l'autre, que si elles étaient continuées, 
elles se rencontreraient à un centimètre environ plus bas. 

La dent qui est encore en place présente une double racine. 
Elle est dirigée d'arrière en avant, ce qui serait, je crois, un 
indice de prognathisme; les alvéoles vides présentent la même 
direction. La même dent est fortement usée, de sorte que les 
deux tubercules de la couronne sont à peine distincts* l'un de 
l'autre. La surface de la cpuronne est un peu oblique du haut 
en bas et d'avant en arrière. 

En comparant le morceau de maxillaire inférieur droit avec 
un os analogue appartenant à un ligurien moderne, on y 
observe des différences notables. Ce fossile consiste en une 
petite partie horizontale de mâchoire portant la dernière mo- 
laire et l'apophyse coronoïde (fig. 13). 

La dent molaire est d'un tiers plus petite que celles de 

dimensions moyennes et me semble placée un peu plus posté- 

.rieurement qu'à l'ordinaire. Sa surface d'usure est presque 

entièrement aplatie et dirigée obliquement vers l'intérieur. 

Dans sa partie centrale, la dent est profondément cariée. 

L'apophyse coronoïde est très-courte et fort inclinée en 
arrière. Elle forme un angle très-ouvert avec la partie horizon- 
tale de l'os. 

Enfin le corps.de la mâchoire est relativement fort petit et 
épais. 

Le fragment d'humérus que j'ai mentionné se rapporte au 
membre gauche ; il m'a semblé plus petit et plus droit que la 
partie correspondante d'un humérus normal. 



— 79 — 

La tête du fémur et le péroné n'offrent rien de remarquable 
si ce n'est leurs dimensions réduites. 

Quant aux phalanges, elles sont tout à fait différentes de 
celles qu'on voit sur un squelette récent, à tel point que je 
suis incertain au sujet de leur détermination. 

Je n'ai pas pu en faire encore une étude approfondie, 
n'ayant pas à ma disposition les éléments nécessaires. 

II. Grotte de Vereazi. — Il y a deux ans, les ouvriers qui 
travaillaient au chemin de fer du littoral ligurien mirent à dé- 
couvert dans la commune de Verezzi, près du rivage de la mer, 
une petite caverne qui n'avait auparavant aucune issue. 

La partie la plus profonde de la cavité, que de récents tra- 
vaux ont fait entièrement disparaître, était remplie par un ter- 
reau rougeâtre mêlé d'une grande quantité d'ossements fossiles 
et de coquilles terrestres. 

M. le docteur Ramorino, actuellement professeur à l'univer- 
sité de Buenos-Ayres, explora le premier cette caverne et 
exploita par des fouilles bien entendues le précieux gisement 
qu'elle contenait. Après avoir déterminé les nombreux restes 
de mammifères qu'il avait recueillis, M. Ramorino consigna le 
résultat de ses observations dans un intéressant mémoire qui 
vient d'être publié par l'Académie royale des sciences de 
Turin K 

Les mammifères dont on a trouvé les débris dans la grotte 
de Verezzi se rapportent à vingt genres dont voici la liste : 

Rhynolophus .... (1 espèce) 

Talpa (1 esp. ) 

Erinaceus (1 esp. ) 

Ursus (l esp. ) 

Mêles (1 esp. ) 

Mustela (1 esp. ) 

Putorius. , . . . (1 esp. ) 

Canis (1 esp. ) 

Vulpes (1 esp. ) 

Hyaena (1 esp. ) 

Felis (2 esp. ) 

1. G. Ramorino, Sopra le caverne délia Liguria e specialmente so- 
pra ma recenlemente scoperta a Verezzi pressa Finale. Turin, 4866. 



— 80 — 

Arctomys (1 espèce) 

Mus (1 esp. 

Arvicola (2 esp. 

Lepus (2 ou 3 esp.) 

Cervus (3 esp. 

Antilopes (1 esp. 

Bos (1 ou 2 esp.) 

SuSi' (1 esp. 

Equus (1 esp. 

Les genres hyène, ours, cerf et antilope n'existent plus en 
Ligurie depuis une longue période de temps. A ces espèces ou 
variétés éteintes il faut en ajouter d'autres appartenant aux 
oiseaux et aux mollusques. 

Les restes d'oiseaux exhumés du même gisement ont été 
déterminés par M. Alphonse-Milne Edwards, et se rapportent 
à une quinzaine d'espèces, dont quatre n'habitent plus la 
Ligurie. Ces dernières sont : le Tetrao albus, le Tetrao urogal- 
lusy YAthene passerina^ assez communs dans TEurope septen- 
trionale, et le Turdus migratorius^ vivant aujourd'hui dans 
l'Amérique du Nord. 

Les coquilles de la caverne de Verezzi ne sont pas moins 
remarquables que les ossements. Sur une dizaine d'espèces, il 
y en a trois qui n'ont pas été observées ailleurs, soit à l'état 
vivant, soit fossiles. Je les ai nommées: Zonites spelœus, 
Hélix Paretianay Hélix Ramoriniana, Cette dernière se rat- 
tache au groupe des hélices alpines qui vivent sur de hautes 
montagnes et dans des régions très-froides *. 

La faune aussi riche que variée de la grotte permet de fixer 
avec un certain degré de certitude l'ancienneté du gisement. 
Il est hors de doute pour moi qu'il remonte à la fin de la pé- 
riode post- pliocène, à cette époque où les grands glaciers 
quaternaires, bien qu'à leur déclin, faisaient encore sentir leur 
influence. 

Ce qu'il importe de constater ici, c'est que la Ligurie était 
déjà peuplée à cette époque. En effet, on a recueilli dans le ter- 

1. Voyez sur ce sujet ma noie intitulée : Délie Conchiglie raccoUe 
nelle Breccie e nette caverne ossifere delta Liguria occidentale. Turin, 
4867. 



— 81 — 

reau de la caverne des os longs d'herbivores brisés ou sciés 
pour en extraire la moelle, des parcelles de charbon, et enfin 
deux valves de moule qui n'ont pas pu y être déposées par 
la mer. 

Cependant la cavité, vu ses proportions exiguës, n'a cer- 
tainement pas été habitée par l'homme et a pu seulement ser- 
vir de refuge aux carnassiers et aux rongeurs. 

Le remplissage du souterrain se serait effectué, à mon avis, 
par une ouverture supérieure qui aurait livré passage à des 
courants d'eau chargés de terre et de débris, provenant en 
partie des rejets d'anciens habitants établis sur le versant de la 
montagne nommée la Caprazoppa. 

III. Grottes de Menton. — Elles sont bien connues par la 
description qu'en a donnée en 1858 M. Forel *. Ce savant y a 
découvert un grand nombre d'objets ouvrés par l'homme, ainsi 
que des os d'animaux. Ces derniers appartiennent presque tous 
à des espèces encore vivantes dans le pays, et on peut en infé- 
rer que l'accumulation de ces débris a dû s'effectuer beaucoup 
plus tard que le remplissage de la grotte de Yerezzi. 

Dernièrement M; le professeur Ferez, ayant exploré les 
grottes de Menton, n'a pas été moins heureux que son prédé- 
cesseur : il y a recueilli une belle série d'armes et d'outils en 
pierre de formes très-variées, ainsi que plusieurs objets en 
terre cuite et en os. Le tout était aggloméré par un ciment 
rougeâtre avec des os d'herbivores, des hures de sanglier, des 
coquilles terrestres et marines, et avec une énorme quantité 
d'éclats de silex et de jaspe. 

Je citerai brièvement les objets les plus remarquables pro- 
venant de Menton, dont M. Ferez a enrichi la collection paléo- 
ethnologique du muséum de Gènes. 

Ce sont d'abord plusieurs hachettes en diorite, en afanite 
et en serpentine de dimensions variables. Il y en a trois de 6 à 
7 centimètres de long et d'une forme assez semblable au type 
d'Imola. Elles sont évidemment fabriquées avec des cailloux 
dont on a seulement poli et aiguisé une des extrémités. 

Une autre hachette en pierre verte n'a que 8 centimètres 1/2 

4 . Forel , Notice sur les instruments en silex et les ossements trou- 
vés dans les cavernes de Menton. 4858, 

6 



-Sa- 
de long et autant de large; elle offre uft tranchant effilé, pres- 
que droit et fort bien conservé; le côté opposé est régulière- 
ment arrondi. 

Les pointes de flèche provenant de Menton offrent trcûs 
types bien distincts. 11 y en a d'abord en forme d'amande plus 
ou moins finement taillées à coups de marteau ; une de leurs 
faces est généralement convexe et l'autre est plate. Le musée 
de Gênes en possède une vingtaine environ soit en jaspe» soit 
en silex. 

Le second type est représenté par plusieurs pointes en 
jaspe beaucoup plus allongées que les autres, travaillées à 
petits éclats, et dont l'extrémité est aussi beaucoup plus aiguë. 

Le troisième type est celui des silex à ailettes divergentes. 
Ils sont plus petits et moins communs que les autres. Je n'en 
ai vu que deux ou trois dont la forme soit vraiment caractéris- 
tique. Le plus souvent ils sont à peine ébauchés, et l'on peut 
voir dans quelques spécimens le défaut de la pierre qui a obligé 
l'ouvrier à abandonner son travail inachevé. 

Faut-il ranger dans la même catégorie des pointes de flèche 
ces petits éclats de silex en forme de prismes triangulaires 
aigus à une de leurs extrémités, si communs dans les cavernes 
de Menton? 

Les lames plates à un ou deux tranchants, décrites dans les 
ouvrages de paléoethnologie sous le nom de couteaux et de 
grattoirs, ne sont pas rares parmi les objets rapportés par 
M. Perez. J'en ai vu de plusieurs formes et de dimensions va- 
riables, en jaspe, en silex et même en calcaire quaftzeux. Le 
type le plus commun présente un côté plat, et l'autre a deux ou 
trois Hxces. Leurs bords, ébréchés par l'usage ou dentelés arti- 
Ticiellement, peuvent servir à scier le bois et l'os. Entre les cou- 
teaux et les scies proprement dites, il existe tous les degrés 
intermédiaires possibles. 

Dans le choix des matériaux destinés à la fabrication des 
armes et des outils, l'ouvrier a donné la préférence non-seule- 
ment aux pierres les plus propres à son travail par leur téna- 
cité et leur dureté, mais aussi à celles qui frappaient son regard 
par la disposition et l'éclat des couleurs. En effet, on observe 
dans la collection des pierres travaillées de Menton des jaspes 
aux couleurs vives, rouges, vertes ou jaunes, des cornalines 



— 83 — 

diaphanes du plus bel effet et d'autres variétés de silex non 
moitis remarquables. 

Parmi les outils de la même provenance, je citerai en pre- 
mière ligne deux belles pierres à aiguiser en calcaire très-dur, 
ayant la forme de prisme à quatre faces. On voit à une de leurs 
extrémités une rainure, qui devait servir à les suspendre au 
moyen d'une attache. 

Je ne connais qu'un seul instrument en os recueilli à Men- 
ton; c'est une aiguille de 9 centimètres de long, taillée à ce 
qu'il parait dans un métacarpien de ruminant. Cet objet était 
accompagné d'une fusaïole en terre cuite semblable à celles 
des habitations lacustres de la Suisse, et de plusieurs disques 
de la même matière, grossièrement façonnés, et percés d'un 
trou au milieu. Ces derniers n'étaient vraisemblablement que 
des poids de filets. 

IV. Ctreraes de Finale et de Toirano. — La première est 
une vaste cavité qui s'ouvre dans les flancs abruptes du mont 
de la Caprazoppa, près du village de Final-Marina. Le sol en 
est formé par une couche de terre brune mêlée d'ossements, 
de morceaux de poterie, de charbon et de détritus organi- 
ques, témoignages évidents du séjour de l'homme. 

La description détaillée de cette grotte et des débris qu'on 
y a découverts a été l'objet d'une communication que j'ai faite, 
en 1864, à la Société italienne des sciences naturelles *. Je me 
bornerai ici à indiquer le plus brièvement possible les résultats 
de mes recherches. 

La faune de la caverne est représentée par un certain 
nombre d'espèces des genres : Bos^ Capra^ CervuSy CaniSy 
Sus y Lepusy etc., et se rapproche de celle des grottes de 
Menton. La proportion des os de cerf et de sanglier étant plus 
forte dans cette dernière qu'à Finale, j'en conclus que celle-ci 
a servi d'habitation à l'homme dans une époque moins reculée. 

Gomme dans presque toutes les cavernes qui ont servi jadis 
de refuge à l'homme, il s'y est trouvé des os d'herbivores tou- 
jours brisés et fendus de la même façon et raclés avec des 
outils tranchants. 

Les débris d'animaux étaient associés à des os humains qui 

4. A. Issel, Di una cavema omfera di Finale. Milan, 4865. 



- 8Zi - 

s'y trouvaient dans les mêmes conditions et qui doivent y 
avoir été déposés en même temps. Je citerai parmi ces der- 
niers deux fémurs, deux tibias, un calcanéum et un astragale 
ayant appartenu selon toute apparence à un seul individu 
adulte. 

Ces ossements offrent des particularités dignes de remarque. 
Ils sont fragiles, légers, blanchâtres, profondément calcinés 
par l'action du feu et sur quelques points ils sont couverts 
d'incrustations terreuses contenant des fragments de charbon. 
On observe sur leur surface des entailles parallèles plus ou 
moins profondes faites au moyen d'instruments tranchants et 
de petites cavités irrégulières qui pourraient bien avoir été 
produites par la dent d'un carnassier. Il suffit d'examiner 
attentivement ces marques pour s'assurer qu'elles sont très- 
anciennes. 

Les fémurs et les tibias sont cassés en plusieurs morceaux, 
mais dans le sens transversal et d'une façon toute différente 
que ceux des herbivores. 

Les caractères ostéologiques des os de Finale sont assez 
saillants et se rapprochent beaucoup de ceux que M. Pruner- 
Bey a constatés sur les squelettes trouvés à Hyères par M. le 
duc de Luynes*. 

Les fémurs sont petits, grêles, presque droits, et pré- 
sentent un col très-court et peu incliné ; le grand trochanter 
est rapproché du col ; le petit trochanter est épais, solide et 
porté un peu supérieurement ; la cavité digitale est beaucoup 
plus resserrée que chez le ligurien moderne. 

Les dimensions des tibias sont proportionnées à celles des 
fémurs ; le corps de l'os est à peu près droit et offre une crête 
plus aiguë que dans la plupart des cas. 

Le calcanéum présente la grande et la petite apophyse 
assez développées. Son côté postérieur dormant attaché au 
tendon d'Achille est rugueux et couvert d'aspérités. 

Trois dents (dont une incisive, une molaire et une prémo- 
laire) que j'ai également extraites du sol de la caverne sont 
usées à plat et obliquement. 

L'existence d'ossements humains dans de telles conditions 

4 . Bulletin de la Société d'Anthropologie, t. VI, Paris. 



— 85 — 

est un fait singulier d'autant plus que la grotte de Finale, vu 
son étendue et son accès facile, semble avoir été plus propre 
à l'usage de demeure qu*à celui de caveau sépulcral, et que le 
grand nombre de poteries cassées et d'os d'animaux qu'on y a 
recueillis témoigne du long séjour de l'homme. Cependant il 
n'est pas impossible qu'elle ait servi successivement aux deux 
usages. 

Il resterait à discuter l'hypothèse qui considérerait ces os 
comme les débris d'un repas d'anthropophages. Celle-ci n'offre 
à mon avis qu'une lointaine apparence de probabilité; d'abord 
parce qu'elle repose sur l'observation d'un seul fait isolé, et 
puis parce que la calcination des os peut s'expliquer comme 
provenant de l'accomplissement d'un rite funèbre. D'ailleurs 
les ossements sont trop profondément calcinés pour avoir subi 
une simple cuisson. 

Quand aux entailles, je renonce à les expliquer d'une façon 
satisfaisante. 

Les objets ouvrés extraits du sol de la grotte sont, la pote- 
rie non comprise, quatre poinçons en os soigneusement appoin- 
tés. L'un d'eux est identique à un instrument des habitations 
lacustres de la Suisse, figuré dans l'ouvrage de M. Le Hon^ 

A peu de distance dé l'endroit où se trouvèrent les poin- 
çons, on exhuma un morceau de pierre ponce, gros comme le 
poing, sillonné dans tous les sens de rainures droites et pro- 
fondes qui s'adaptent parfaitement à la forme des poinçons et 
qui était destiné]sans doute à aiguiser la pointe de ces instru- 
ments. 

Les vases dont j'ai trouvé les débris étaient évidemment 
fabriqués sans l'aide du tour et ne présentaient aucune espèce 
d'ornement. Il y en avait certainement de plusieurs formes 
différentes avec ou sans anses. Les plus communs étaient for- 
més de terre rougeâtre mal cuite et contenant des grains de 
sable ; d'autres étaient faits avec une pâte plus fine et de cou- 
leur plus foncée. 

La grotte de Toirano est située non loin du village du 
même nom, au fond d'une vallée qui aboutit à Borghetto (Li- 
gurie occidentale). C'est un souterrain d'une étendue consi- 

I. Le lion, U Homme fossile en Europe j p. 462. 



— 86 — 

dérable, qui se prolonge presque en droite ligne et horizonta- 
lement dans le flanc d'une haute montagne. 

J'ai pu constater dans l'exploration d'ailleors trop superfi- 
cielle que j'ai faite de la caverne en 1865, que le sol en est 
formé par une couche très -épaisse de stalagmite, sous 
laquelle existe une terre noirâtre, riche en débris organiques 
et contenant des os brisés de mammifères ainsi que des tes- 
sons de poteries. Parmi les objets que j'y ai recueillis se 
trouve une incisive d'ours. 

Ces débris étaient dans le même état de conservation que 
ceux de Finale, et c'est également à l'intervention de l'homme 
qu'est due leur accumulation. 

V. Armes de pierre trouvées en Ligurie. — Dernièrement 
on a découvert dans cette province des instruments et des 
armes en pierre des temps préhistoriques dans les champs 
labourés, dans les bois, au fond des ravins. 

Je rappellerai d'abord comme une des plus intéressantes 
trouvailles qu'on ait faites dans cette branche de l'archéologie, 
la magnifique hache à deux tranchants (bipenne) en porphyre 
vert trouvée sur une montagne des environs de Nice et décrite 
par M. le capitaine Angelucci^ Celle-ci est tout à fait sem- 
blable à trois haches du Danemark appartenant h M. Worsaae, 
que j'ai vues dans la galerie de l'histoire du travail à l'Expo- 
sition universelle de Paris. 

Je citerai également la pointe de flèche en jaspe rouge et 
les éclats de la même pierre recueillis par M. le professeur 
Capellini à l'autre extrémité de la Ligurie, c'est-à-dire sur la 
montagne de la Gastellana, près de la Spezia*. 

Mais en Ligurie la collection la plus riche d'artnes de 
pierre a été faite dans une région intermédiaire entre Içs deux 
points que j'ai cités , c'est-à-dire au nord de la ville de Sa- 
vone, sur les deux versants de cette branche des Apennins qui 
sépare la Ligurie proprement dite de la grande vallée du Pô. 
C'est encore à MM. Ighina et Perrando que je dois la com- 
munication des nombreux objets de cette provenance. 

^ . Le armi di pielra donate da S. M. il Re ViUorio E?nantiele IL al 
Museo Nazionale d*Ariiglieria. Torino, i865. 

2. G. Capellini', Le scheggie di diaspro dei monti délia Spezia e 
l'elà délia pietra, Bologne, \ 865. 



— S7 — 

Le premier de ces naturalistes a réuni une collection d'une 
cinquantaine environ de haches en pierre de formes et de 
dimensions très-variées. Elles ont été recueillies presque 
toutes par les paysans dans la terre labourée. Il y en a de 
Carcare, Dego, Piana, Murialdo, Mombaldone, Pallare, Car- 
retto, Bardinetto, Pareto, Gosseria, Montforte, etc. 

Toutes celles que j'ai vues sont évidemment fabriquées 
avec des cailloux pris dans le pays et notamment dans le lit de 
la Bormida. Il faut cependant en excepter une provenant de Piana, 
qui est en jadéite, minéral dont le gisement est sans doute 
étranger à l'Italie du nord et peut-être même à l'Europe. 

Les matériaux le plus fréquemment employés dans la 
fabrication des haches étaient, à ce qu'il paraît, les serpen- 
tines et toutes leurs variétés, les diorites, les afanites, les sans- 
sjirites. J'ai vu aussi un spécimen de hache façonné en schiste 
chloritique. 

Quant à la forme de ces instruments, elle est excessivement 
variable ; mais à mon avis cette diversité est, dans la plupart des 
cas, une conséquence naturelle de l'emploi des cailloux bruts, 
et ne doit pas être attribuée à l'intention de l'ouvrier. 

Toutefois on reconnaît parmi ces instruments plusieurs 
types assez tranchés dont la forme était probablement en rap- 
port avec la destination. Il y a, par exemple, une forme plate 
et mince bien distincte qui devait servir à l'usage d'arme de 
chasse ; tandis que d'autres plus grosses et massives étaient 
vraisemblablement employées à couper et à équarrir le bois. 

La forme la plus commune est sans contredit celle qu'on 
trouve si souvent dans les palafittes des lacs suisses. J'ai vu 
aussi une hache de Dego entièrement identique aux spécimens 
si fréquents en Danemark, et dont la forme est à peu près rec- 
tangulaire. Le type des grands couteaux-haches des terra- 
mares est également représenté dans la collection du R. P. 
Ighina par quelques échantillons de Piana et de Pareto. Mais 
les grands instruments sont beaucoup plus rares que les petits, 
ainsi qu'on l'a remarqué pour les armes des cités lacustres. 

La plupart des haches de pierre liguriennes présentent 
leur tranchant ébréché par l'usage. Sur l'une d'elles l'arête 
émoùssée a été visiblement taillée en surface plane, de sorte 
que l'instrument a pu être employé comme marteau. 



— 88 — 

Une des plus belles hachettes qae je connaisse a été trou- 
vée par M. P. Perrando sur la niontagne nommée Giovo^ à mi- 
chemin, entre les villages de Santa-Giustina et de Sassello. Elle 
a 7 centimètres 1/2 de long et à peu près à de large ; sa forme 
est celle d'un triangle isocèle dont les angles seraient arron- 
dis. Son tranchant en demi-cercle est parfaitement intact et 
apte à couper les corps durs. 

Cette arme (elle est trop soigneusement travaillée pour lui 
donner le nom d'outil) a été confectionnée avec un caillou de 
serpentine verte très-homogène et très-dure. 

Dans la même localité on a découvert une magnifique pointe 




Fig. 14. 

Pointé de flèche en siles do Monte 
Giovo. Gr. nat. 




Fig. 15. 

Pointe de flèche en silex de 
Miolia. Gr. nat. 



de flèche (fig. 14) en silex jaunâtre, taillée à petits éclats avec 
une régularité surprenante. Elle ressemble un peu à celle de 
Val d' Ambra (Toscane), qui a été illustrée par M. le professeur 
Igino Gocchi * ; mais elle est plus élancée et offre un pédoncule 
proportionnellement plus long. 



4. Igino Gocchi, Di alcuni resti umani, ecc. Milano, 1865. 



— 89 — 

One autre pointe de flèche (fig. 15) fabriquée avec la même 
variété de silex a été recueillie à Miolia. Celle-ci est d'un travail 
un peu moins achevé et présente un pédoncule très-court. Elle 
m'a été communiquée ainsi que la première par M. Perrando, 
qui a bien voulu me permettre d'en donner la figure et la des- 
cription. 

Je crois que la pierre qui a servi à la fabrication de ces 
deux belles armes n'existe pas dans les environs; mais il est 
possible qu'on l'ait tirée des Alpes maritimes, où le silex est 
assez abondant. 

On n'a jamais trouvé en Ligurie, à ma connaissance, un 
seul objet en métal qui remontât aux âges préhistoriques. Le 
plus grand nombre des armes et des ustensiles en fer et en 
bronze que l'on a découverts dans plusieurs localités se rappor- 
tent évidemment à l'époque romaine, d'autres, beaucoup moins 
communs, peuvent être attribués aux Étrusques et aux Gau- 
lois, et rentrent également dans le cadre des temps histo- 
riques. 

D'après toutes les apparences, l'emploi des instruments en 
pierre s'est conservé fort tard en Ligurie, et cela probable- 
ment à cause de la pauvreté des gisements métallifères du pays 
et de la difficulté que présentait leur exploitation. L'usage des 
métaux doit y avoir été introduit fort tard par les étrangers, 
vraisemblablement par les Gaulois, les Étrusques et les Ro- 
mains. En Ligurie l'âge de la pierre aurait donc immédiate- 
ment précédé les temps historiques. 



Sur les mammifères plèistocènes que l'on a trouvés 
associés à Thomme dans la Grande-Bretagne. 



M. W. BoYD Dav^kins, membre correspondant à Londres, 
envoie un mémoire dont M. Hamy, l'un des secrétaires, donne 
lecture : 

Les restes de l'homme ont été trouvés dans plusieurs par- 
ties de la Grande-Bretagne associés aux restes fossiles de 
beaucoup de mammifères du groupe post-glaciaire, dans les 
cavernes à ossements et les dépôts fluviatiles. Les silex trou- 



— 90 — 

vés dans ces derniers sont précisément de la même espèce 
que ceux des rives de la Somme, tandis que ceux des cavernes 
sont moins grands et ressemblent surtout aux silex trouvés 
dans la caverne dû Mousiier. Nous examinerons d'abord 
les mammifères dont on peut prouver la coexistence avec 
l'homme pendant que les anciens lits de sables, de graviers et 
d'argiles étaient enlevés par les rivières qui coulent mainte- 
nant à un niveau plus bas. 

Depuis ce temps jusqu'à celui où les découvertes de M. Bou- 
cher de Perthes appelèrent l'attention des savants anglais sur 
l'existence de l'homme pendant l'époque post-glaciaire, aucune 
attention ne fut donnée aux premières pièces connues, que 
l'homme primitif avait abandonnées au milieu des graviers. 
En 1861, M. Wyatt trouva, dans les graviers de Bedford, 
associés aux restes de l'homme, les ossements fossiles de l'ours 
des cavernes {Ursus spelœus), du bison [Bison priscus), du cerf 
(Cervus elaphm\ du renne (C. tarartdus), deYElepkasantiquus^ 
de V Hippopotamus major et d\i Rhinocéros tivhorhinus^ .Vivrai 
les coquilles fluviatiles , il y en avait une qui n'existait plus 
dans la Grande-Bretagne [Unio batavus) , mais qui vit encore 
dans l'Oise. Les restes trouvés par le D"" Blackmore à Salisbury, 
et décrits* par M. Évans dans son essai sur les instruments en 
silex, en 1864, ne viennent pas du même gisement que ces silex, 
mais d'un lit différent situé à un niveau plus bas. Ils ne peu- 
vent donc pas être cités comme preuve de la coexistence de 
rhomme avec les mammifères éteints dans le Wiltshire. Trois 
endroits seulement dans la Grande-Bretagne ont fourni les 
outils de l'homme associés avec les mammifères éteints, dans 
les dépôts post-glaciaires des rivières. 

Dans l'année 1715 ^ une tête de lance en silex fut découverte 
avec les restes fossiles d'un mammouth dans le gravier de la 
Tamise, près de la rue Grayes Inn, à Londres, et elle fut placée 
dans le Musée britannique. On ne fit pas beaucoup d'attention 
à cette découverte jusqu'à l'an 1860. Vers la fin du dernier 
siècle, on trouva des instruments de la même espèce à Hoxne, 



\, Quarterly Geological Journal, vol. XIX, XX. 

2. Ibid,, vol. XX. 

3. Archeologia, 1860-62. 



— 91 — 

dans le comté de SuffolkS et depuis ce temps jusqu'à ce jour, 
des traces nombreuses de l'homme y ont été trouvées avec les 
restes fossiles du mammouth, du cerf et du cheval. 

Nous arrivons maintenant aux documents fournis par les 
cavernes, qui prouvent que l'homme formait essentiellement un 
des groupes de mammifères existants à l'époque post-glaciaire. 
En 1832, le révérend M. Énery commença son exploration de 
Kents-Hole,près deTorquay (Devonshire), et découvrit de nom- 
breux couteaux en silex, et des têtes de lance du type aplati et 
petit, trouvé dans la caverne du Moustier. 11 y avait aussi des 
fragments de silex, rudement taillés, minces et ovales, du type 
appelé ordinairement « sling stones » (pierres de fronde). Ils 
étaient sous la stalagmite, associés avec les restes fossiles des 
animaux qui suivent : le lion fossile, le Felis machairodusj 
l'hyène des cavernes, le loup, le renard, la marte hermine, la 
taupe, l'ours des cavernes, l'ours brun, la loutre commune, le 
Bas primigeniwiy le Megaceros hibemicusy le cerf, le renne, le 
mammouth, le sanglier, V Hippopotamus major y le Rhinocéros 
iichorhinuSy le Lagomys spelitus^ YArvieola amphibia^ YArvi- 
cola praien$isy YArvieola agrestis^ le lièvre et le lapin. La 
découverte du grand Machairodus dans cette couche est si 
remarquable que le D' Falconer ne pouvait pas croire que cet 
animal pliocène eût été véritablement trouvé dans cette ca- 
verne; il supposait qu'il avait été mêlé par accident avec 
les restes fossiles de Kents-Hole, dans la collection de M, Énery. 
Cependant l'écriture de M. Énery aussi bien que l'état de leur 
gangue prouve que les trois canines sur lesquelles la détermi- 
nation de ce mammifère a été faite ont bien été trouvées dans 
le Kents-Hole. M. Énery les décrit ainsi que d'autres animaux 
comme provenant d'une partie de la caverne qu'il nomme le 
passage du loup^ et comme ayant été trouvés sous la sta- 
lagmite avec des milliers de dents d'hyène, de cheval et de 
rongeurs^. Malheureusement, le récit de l'exploration de cette 

4. Archeelogia, 4800. 

2. Cavem Researches by the Rev. J. Mac Enery, édit. E. Vivian, oc- 
tobre 4859, p. 32. a To enumerate the amount of fossils coilected from 
this spot ( Wolfs Passage ) would be tO'give the inventory of half my col- 
lection, comprising ail the gênera and Iheir species, including cullridens 
(machairodus). The jaws of the elk, horse, and hyena were taken out 



— 92 — 

caverne ne fut publié qu'en 1859, et par suite Vidée de l'asso- 
ciation des œuvres de Thomme avec les restes fossiles des 
mammifères pléistocènes, dans des circonstances prouvant qu'il 
était leur contemporain, ne fut reconnue par les savants an- 
glais que près de trente ans après la découverte. En 1840 S 
M. Goodvin Austen fit connaître qu'il avait observé dans la 
même caverne, sous la stalagmite et dans une couche de terre 
non remaniée, des débris d'industrie humaine mélangés à des 
restes de mammifères éteints. L'attention publique ne fut appe- 
lée sur la présence des instruments en silex, dans les cavernes, 
qu'en 1858, lorsque la Société royale, encouragée par les fruits 
des travaux de M. Boucher de Perthes, entreprit l'exploration 
de la caverne de Brixham, près de Torquay (Devonshire). Le 
D' Falconer et M. Prestwich faisaient partie de la commission 
chargée de ces recherches. 

Leurs travaux amenèrent la découverte de couteaux en 
silex, associés avec les restes fossiles des animaux suivants, 
dont la détermination est due à M. Busk : le lion fossile, l'hyène 
des cavernes, le renard, le loup. Tours des cavernes, l'ours 
brun, l'ours gris, le cerf, le chevreuil, le renne, le mammouth, 
le cheval, le Rhinocéros tichorhinus^ le Lagomys spelœus et 
des dents d*Arvicola. M. Busk vient de prouver que VUrsîis 
priscus de Goldfuss, cité par Smerling, dans les cavernes de 
Liège, est le même que Tours gris des Montagnes- Rocheuses, 
Ursus ferox. Nous avons ainsi un autre mammifère à ajouter 
au groupe d'animaux américains qui vivaient avec l'homme en 
France, en. Allemagne et dans la Grande-Bretagne. Vers 1858% 
le docteur Falconer et le colonel Nord ont exploré les cavernes 
de Gower, près de Siransea dans le sud du pays de Galle. 
Ils découvrirent beaucoup de couteaux de silex associés avec 
les restes du lion fossile, de Thyène des cavernes, du renard, 
de la taupe, de Tours des cavernes, de Tours brun, de Tours 
gris, de l'aurochs, du Megaceros hibernicus^ du cerf, du renne 
[Cervus Guettardi et Cervus Bucklandi)^ des Rhitwceros iicho- 
rhinus et leptorhinus d'Owen (Rh. hemitœchus^Y^c). L'asso- 

vvhole, Ihe teelh of the two last were galhered in Ihousands, and in the 
midsl of ail were myriads of rodentia. » 

4 . Tram, Geol. Soc, sér. ii, vol. LI, p. 433. 

2. Quart. Geol. Journ., vol. XVf, p. 489. 



— 93 — 

dation de ces deux derniers dans le même limon non remanié, 
prouve qu'ils ne peuvent être considérés comme caractérisant 
deux différentes époques géologiques. En 1859 S M.Williamson 
et moi, nous eûmes le bonheur d'explorer une caverne à 
Wookey, village près de Wells, en Somersetshire, qui four- 
nit des traces abondantes de l'homme associé à beaucoup de 
restes de mammifères. La caverne s'ouvrait sur la berge d'un 
ravin, et lorsque nous commençâmes notre excavation, elle était 
complètement bouchée par de la terre. A l'entrée de la caverne, 
qui avait huit pieds de hauteur, trente pieds de largeur et qui 
était très-bien éclairée, gisaient par terre les restes des foyers 
et des festins d'une ancienne race. Parmi les os calcinés, il en 
était un de rhinocéros, qui, à en juger par son aspect sombre 
et carbonisé, a dû être brûlé alors qu'il contenait encore de 
la gélatine. Nous trouvâmes, en trois groupes distincts, les 
instruments abandonnés qui consistaient en couteaux en 
silex, en têtes de lance du même type que celles trouvées 
auMoustier, en sling slones (pierres de fronde), et plusieurs 
fragments de silex qui avaient servi comme instruments tran- 
chants. 

La présence de plusieurs nucléus en silex prouve que les 
couteaux avaient été fabriqués dans la caverne. On trouva aussi 
deux flèches sans barbelures, l'une en silex et l'autre en os. Les 
deux angles inférieurs de cette dernière étaient aplanis. 

Malheureusement toutes les deux furent perdues, avant qu'on 
eût pu les dessiner. 11 y avait aussi un instrument de forme py- 
ramidale, avec une face plate et le bord coupé, ressemblant 
au moulage, que je possède, d'un instrument de la caverne d'An- 
rignac. Tous ces objets furent trouvés par terre dans la caverne 
ou tout au plus à deux pieds de distance. Ils étaient entourés de 
terre rouge contenant de grandes pierres et une quantité énorme 
de restes fossiles de mammifères. Au-dessus des instruments 
en silex, se trouvaient, en quelques points, des couches d'os 
brisés et des coprolithes d'hyènes; autour de ceux-ci gisaient 
une grande quantité d'os. Ces couches indiquaient un sol an- 
cien. J'ai continué les fouilles jusqu'à l'année 1866, et la 
liste des mammifères que j'ai déterminés est plus grande que 

i. Quart, Geol. Journ,, voK XVIII, XIX. 



— 94 - 

celle d'aucune autre caverne. Elle contient : le lion fossile, 
rhyène des cavernes, le loup, le renard, la taupe, Tours des 
cavernes, Tours brun. Tours gris, Turus, Taurochs, le Megace- 
vos hibernicusy le cerf, le renne, le mammouth, le cheval, le 
Rhinocéros tichorhinuSy Rh.leptorhinm (de Owen), VArvicola 
amphibia, et le Lemmus. 

11 y avait des preuves que la caverne avait été habitée par 
des hyènes et que les animaux dont les restes fossiles furent 
trouvés étaient devenus leur proie. Les traces des sols à hyènes 
au-dessus des instruments en silex prouvent que ces animaux 
ont succédé à Thomme. 

Telles sont les preuves de la coexistence de Thomme avec 
les mammifères pléistocènesy telles qu'elles sont fournies par 
les cavernes de la Grande-Bretagne. Le nombre des grottes qui 
contiennent les traces de Thomme est très-restreint relative- 
ment .à celles qui n'en contiennent pas, et cela montre qu'il 
était représenté par un petit nombre d'individus proportion- 
nellement à la plupart des autres animaux. 

J'ai classé les objets contenus dans les trente cavernes 
explorées dans la Grande-Bretagne, et quatre d'entre elles 
seulement m'ont fourni des restes humains; et de quarante 
dépôts de rivières contenant des mammifères, trois seulement 
recelaient des traces de Thomme. Si à cette époque Thomme 
eût été très-multiplié, nous aurions pu espérer de trouver ses 
instruments en plus grande quantité et plus répandus sur- 
tout puisqu'ils étaient faits avec une matière difficile à dé- 
truire. La table suivante prouve que Thomme constitue bien 
un élément de la faune post-glaciaire de Tépoque pleistocène. 
Dans cette table j'ai groupé par ordre les animaux trouvés avec 
Thomme dans les vieux lits des rivières et dans les cavernes, 
ainsi que les animaux des lits des rivières et des cavernes 
dans lesquelles il n'a pas été rencontré. La correspondance de 
ces' quatre colonnes montre que les dépôts d'où ces animaux 
ont été extraits, sont de la même époque géologique. Le Bas 
longifrons * qui a été classé parmi les mammifères fossiles bri- 
tanniques par le professeur Owen, a été omis à dessein parce 
qu'il n'y a aucune preuve que cet animal ait vécu à cette épo- 
que dans la Grande-Bretagne. 

1. quart, GeoL Joum., vol. XXIII, 4867. Brxt. vos, oxen, PL II. 

% 



95 — 



Tableau des animaux associés à l'homme dans (es cavernes et les 
dépôts des rivières de la Grande-Bretagne pendant V époque 
post-glaciaire. 



Homo, L '. . . 

Rhinolophas ferrum-eqainum, Leach. 

Vespertilio noctula, Sekreh 

Serez moschatus, Pall 

S. vulgaris, L 

Talpa Bttropaea, L 

Uraus arctos, L 

U. spelœus , Gold 

Uraus .ferox 

Gulo luscos, Fah 

Mêles taxas, L 

Mastela erminea, L 

M. patorius, L 

M. martes. L 

Latra vulgarif , Erxl 

Canis Yulpes, L 

C. lupus, L 

Hyœna spela?a, Gold 

Felis catus, L 

F. antiqua, Cuv 

F. spelaaa, Gold 

Machairodus latidens, Own 

Megaceros Hibernicus, Owtn 

Akes maichis, Gray 

Renne (Cervus tarandus), L 

Chevreuil (C. capreolus), L 

C. elaphus, L 

ÛTibos moschatus, Be 

Bos primigenius, Boj 

Bison priscus, Owen 

Hippopotamns major, Desm. 

Sus scrofa, L 

Equu^ fossilis, Owen 

Rhinocéros leptorhinus, Ovoen 

R. tichorhinus, Cuv 

Blephas antiquus, Faïc 

Mammouth, E. primigenius, Blum.. 

Lemming (Lemmus sp.), Link 

Lepus cuniculus, Pall 

L. timidus, Erxl. 

Lagomys spelœus, Otoen 

Spermophilus erythrogenoides, Falc. 

S. citiUus, Pall 

Arvicola pratensis, Bell 

A. agrestis, Flem 

A. amphibia, Detm 

Mus mosculus, L 



& ^ 



— 96 -- 

Tels étaient les animaux qui entouraient le premier homme: 
le mammouth, le cheval et le bison étaient les plus abondants, 
le renne était plus commun que le cerf et celui-ci plus com- 
mun que le chevreuil. Le Rhinocéros tichorhinus était plus lar- 
gement répandu que le Rh. leptorhinus^ et Thippopotame plus 
que le sanglier. Le lion des cavernes et l'hyène des cavernes, 
le loup et le renard étaient assez communs, tandis que la taupe 
et Tours brun étaient rares. 

C'est parmi ces animaux que l'homme apparaît pour la pre- 
mière fois dans l'histoire du monde, peu armé et en petit nom- 
bre et que, par l'exercice de cette intelligence qui le sépare du 
reste du monde animal, il se déclare le roi de la nature. Sa 
finesse était plus grande que la force des plus terribles ani- 
maux, et sa ruse l'emportait sur la puissance de leurs griffes 
et de leurs dents. 

A cette époque, la Grande-Bretagne faisait partie du 
continent, et la Tamise coulait au nord pour joindre l'Elbe et 
le Rhin, et former un estuaire à la latitude de Berwick ; le cli- 
mat était si rigoureux, que les glaciers descendaient des mon- 
tagnes de Cumbria, de l'Ecosse et du pays de Galle, de sorte 
que le renne et le bœuf musqué pouvaient vivre dans les Pays- 
Bas. Puis tout changea, le sol de la Grande-Bretagne s'affaissa, 
la terre ferme devint une île, et les vagues de la Manche en- 
vahirent les grands pâturages où paissaient auparavant les her- 
bivores de l'époque pléistocène; le climat fut plus chaud et les 
mammifères arctiques durent se retirer vers le nord. En même 
temps eut lieu la disparition des m^xùxmikvQ^pléistocènes ivoç 
resserrés dans l'étendue restreinte de la Grande-Bretagne; et 
avec eux disparurent aussi les traces du premier homme, qui 
s'en fut porter dans la France et l'Italie, ses anciens instruments 
et ses vieilles habitudes. 



Note sur la faune quaternaire en Provence. 

M. A. F. Marion lit la note suivante : 
Grâce aux diverses conditions climatériques qui semblent 
avoir caractérisé, dans notre région méditerranéenne, les débuts 



— 97 — 

de r époque quartenaire S la faune de cet âge revêt un aspect 
spécial dont l'examen n'est pas sans intérêt. 

Les espèces les plus fréquentes dans les dépôts du nord 
manquent ici complètement, et celles' qui les remplacent déno- 
tent un climat relativement chaud. Le renne en effet n'a jamais 
été observé en Provence et les dents d'éléphant trouvées dans 
les tufs des environs de Marseille doivent être rapportées à 
VElephas antiquus. 

Une caverne à ossements des environs de Rians (Var), m'a 
présenté une association d'espèces assez remarquable. Cette 
caverne, connue dans le pays sous le nom de Rigabe, s'ouvre 
sur les flancs de la vallée de Rians à Esparron, au milieu des 
dolomies jurassiques et à une hauteur assez considérable au- 
dessus du fond de la vallée. 

Les ossements étaient dispersés pêle-mêle au milieu des 
stalagmites nombreux et assez variés. Plusieurs mammifères 
étaient représentés; l'hyène tachetée [H. crocuia)^ le Rhi- 
nocéros Merkiiy le grand chat des cavernes (F. spelœà)^ le 
sanglier (5. scrofa), le Bos primigeniusy le cerf commun, le 
cheval et le lapin. 

Si l'on ajoute à cette liste les deux rongeurs des brèches 
de l'île de Ratoneau, le iMgomys et VHystrixniajor décrits par 
M. Gervais, et l'ours de petite taille (ours brun des Alpes) que 
j'ai observé dans ces mêmes brèches, l'on aura un ensemble 
d'animaux qui me paraît constituer la partie la plus ancienne 
de la faune quaternaire provençale. 

L'homme lui-même a laissé dans les couches du sol de 
cette caverne des environs de Rians, des traces bien évidentes 
de son existence ; j'ai pu recueillir un rocher de bœuf percé 
d'un large trou de suspension et plusieurs os longs de rumi- 
nants présentaient de nombreuses et profondes entailles. 

C'est à un âge postérieur correspondant à celui du renne 
qu'appartiennent les diverses stations humaines que j'ai signa- 
lées dans les Bouches-du-Rhône. — L'hyène, le rhinocéros, le 
grand chat et le bœuf ont quitté la contrée ; la nouvelle faune 



4 . De Saporta, Flore des tufs quaternaires en France, — Marion, 
Premières observations sur l'ancienneté de l'homme dans les Bouches- 
dur-Rhône. 



— 98 — 

se compose surtout du lapin, du cerf et du cheval ; le blaireau 
et le sanglier existaient aussi, quoique plus rares. 

Les hommes de cette époque ne devaient être que peu nom- 
breux et vivaient probablement par groupes isolés ou par 
couples, à en juger par les cavités si peu spacieuses qui leur 
servaient d'abris. 

L'absence, dans nos régions, de ces grands troupeaux de 
ruminants qui à la même époque habitaient les contrées plus 
au nord, entraînait de grandes difficultés de vie. — Les hommes 
de le station du Colombier, près Aîx, se nourrissaient presque 
exclusivement de lapins; le cheval, le cerf, le sanglier et le 
blaireau, plus rares, sont pourtant représentés dans les foyers 
par diverses pièces bien caractérisées. 

Une station des environs d'Aix (Saint-Marc), m'a offert une 
quantité très-considérable d'ossements humains associés à des 
débris grossiers de poteries et à des silex taillés. Ces divers 
objets gisaient sans ordre dans une couche de terre alluviale 
de 60 centimètres, reposant sur les assises marneuses du ter- 
rain oxfordien et recouverte par une autre couche peu épaisse 
(2 décimètres) de très-petits cailloux roulés. Le grès supérieur 
qui formait le toit du refuge, s'était anciennement écroulé, et il 
a été nécessaire d'en soulever les débris pour arriver au sol de 
la grotte. J'ai recueilli en outre, dans la même station, une 
molaire de lait de cochon et quelques os d'oiseaux indétermi- 
nables. 

De nouvelles recherches viendront probablement accroître 
l'intérêt de ces premières observations. 



Débris d'éléphant et d'industrie humaine dans les alluvions 
de la Louisiane. 

M. J. Desnoyers communique au Congrès une photogra- 
phie représentant un fragment de natte ou de panier en canne, 
découvert avec d'autres débris de l'industrie humaine à la 
Louisiane, dans un terrain d'alluvion au-dessous d'ossements 
fossiles d'éléphant. 

Le fait, dit-il, de la contemporanéité de l'homme et des 
grands pachidermes, mastodonte et éléphant, dans l'Amérique 



— 99 — 

septentrionale, a déjà été plusieurs fois signalé, mais avec des 
circonstances qui, tout en donnant une grande probabilité à ces 
découvertes, n'étaient cependant pas assez rigoureusement 
vérifiées pour qu'il ne restât pas encore quelque incertitude à 
cet égard. 

Les découvertes les plus importantes et les plus célèbres 
sont celles que M. le docteur Koch a fait connaître en 1857 
dans des dépôts de vase et de tourbe du Missouri, d'un sque- 
lette de mastodonte qui aurait été brûlé, et dont les ossements 
portant des traces d'incisions étaient mêlés avec des haches 
de pierre, des pointes de flèche et d'autres objets fabriqués 
de main d'homme; et celle d'un autre squelette du même 
pachyderme près duquel on découvrit pareillement plusieurs 
pointes de flèche en pierre, dont l'une se trouvait sous un des 
fémurs de l'animal. 

Ces deux faits et quelques autres moins précis de décou- 
vertes analogues, dans la vallée du Mississipi et près de la 
Nouvelle -Orléans, ont été souvent cités; ils l'ont été par 
M. Lyell, dans ses Voyages en Amérique (18A5), ainsi que 
dans son ouvrage, Antiquity of Man (1863, p. 354), et en 
dernier lieu par M. Lûbbock, dans son ouvrage intitulé : Pre- 
historié Times (1865, p. 234). 

Un fait nouveau a été signalé dès l'année 1864 par M. Owen 
à l'Académie des Sciences de Saint-Louis, puis en 1866 par 
M. Gleu à l'Institution Smitbsonienne. M. le comte Ferdinand 
de Lasteyrie, mon collègue à l'Académie des Inscriptions, m'a 
autorisé à communiquer au Congrès cette découverte dont il a 
vu les principaux objets et dont il a déjà fait part à la Société 
des antiquaires de France. Le lieu de la découverte est situé 
sur les côtes de la Louisiane , dans Ftle ou presqu'île dite 
Petite-Anse, ou Vermillion-Bay, à 120 milles environ de la 
Nouvelle-Orléans, à 12 milles de la petite ville de New-Iberia, 
et à 2 ou 3 milles seulement du golfe du Mexique. Cette loca- 
lité a acquis depuis quelques années, et surtout pendant la 
dernière guerre de l'insurrection, une certaine célébrité à 
cause de l'exploitation d'un amas considérable de sel cristallisé 
qui s'étend sur une grande partie de l'île, dans une épaisseur 
de 26 pieds au moins, et qui est recouverte par un terrain de 
transport formé d'argile, de sable et de gravier, comme une 



— 100 — 

grande partie du littoral de la Louisiane et le delta du Mis- 
sissipi. 

C'est dans ce dernier dépôt , qui présente à Petite-Anse 
une épaisseur moyenne de 15 à 20 pieds, mais qui forme par- 
fois des dunes atteignant jusqu'à 150 pieds d'élévation, qu'ont 
été trouvés plusieurs objets de l'industrie humaine, tels que 
des haches de pierre, des crochets de bois, des débris de corde 
et des fragments très-bien conservés d'une sorte de natte ou 
panier en canne {Arundinaria macrospermum)^ dont la repré- 
sentation photographique a été faite par les soins de M. J.Henry, 
secrétaire de la Smithsonian Institution. Cette découverte doit 
faire remonter très-probablement l'exploitation de cette mme 
de sel à une époque fort reculée, quoiqu'elle n'ait été signalée 
que très-récemment ^ Ces objets étaient enfouis à ik pieds 
au-dessous de la surface du sol et à 2 pieds plus bas que des 
ossements d'éléphants et d'autres mammifères. 

L'absence de désignation plus précise de ces ossements 
laisse encore quelque incertitude sur la valeur entière de la 
découverte. On sait que plusieurs espèces d'éléphants fossiles 
ont été déjà reconnues dans l'Amérique septentrionale et au 
Mexique : on les a désignées sous les noms à'Elephas Colombie 
EL americanusy EL imperator^ sans que les rapports de ces 
différentes espèces entre elles aient été bien complètement 
fixés par M. Falconer et par M. Lévy, qui les ont reconnues*. 
A quelle espèce appartenaient les ossements découverts dans ce 
nouveau gisement, auquel le mélange d'objets de l'industrie 
humaine donne un intérêt tout particulier? C'est ce qui n'a 
point été dit. Aussi, tout en appelant, d'après le désir de M. de 
Lasteyrie, l'attention du Congrès sur ce fait intéressant, je 

1. Feu M. R. Thomassy, auteur d'une Géologie pratiqua de la Loui- 
siane, a fait connaître en 1863, à la Société géologique, l'existence de 
cette mine de sel gemme et a donné une carte de l'Ile Petite-Anse. {Bulle- 
tin de la $oc. géol. France, 2« série, tome XX, p. 542 et pi. VIII.) — 
M. Lyell (Antiquity of Man, p. 43), en faisant connaître l'étendue et 
l'épaisseur considérables des alluvions du delta du Mississipi y a signalé, 
d'après M. Bowler, la découverte d'ossements humains et de charbons au- 
dessous des vestiges de quatre forêts successives enfoncées. 

%, Des débris de mastodontes et d*éléphants fossiles du Mexique ont été 
Ggurés et décrits par M. Milne Edwards dans les Archives de la Com- 
mission scientifique du Mexique, t. II. p. 212 et pi. 4 et 2. 



— 101 — 

pense qu'une description plus complète serait sans doute dési- 
rable. Il ne serait pas moins utile de rechercher les relations 
qui peuvent exister entre ce dépôt d'objets antiques et cer- 
taines découvertes d'instruments de pierre indiquées sur un 
assez grand nombre de points des États-Unis, et dont M. Mar- 
cou a signalé récemment un exemple très -remarquable à la 
Société géologique. 



Instruments en pierre de la Californie. 

M. William P. Blake, professeur de minéralogie et de 
géologie, département des sciences, collège de Californie, pré- 
sente la note suivante. 

On trouve souvent, dans les dépôts aurifères de la Califor- 
nie, des instruments de pierre travaillés par l'homme, associés 
à des restes de mammouths et de mastodontes : ce sont des mor- 
tiers et des pilons, des vases de stéatite en forme de grandes 
cuillers avec manche grossier, des pointes de lance et de 
flèche, des anneaux de pierre e't autres objets dont l'usage 
est incertain. C'est dans lé comté de Tuolumne, près du vil- 
lage de Sonora, que ces débris de l'industrie humaine sont le 
plus abondants. Le docteur Snell, de cette localité, en possède 
une grande et riche* collection. 

Quelques-uns de ces objets, qui peut-être ne proviennent 
pas des assises les plus anciennes, sont travaillés avec beau- 
coup de soin et peuvent être considérés comme étant polis. 
J'ai vu des têtes de lance longues de 0"* 25, parfaitement 
lisses, ainsi qu'une aiguille de pierre à peu près de la même 
longueur, et d'un diamètre moindre de 0" 02, nettement per- 
forée à l'un des bouts. Cet objet indique un développement 
^ industriel bien supérieur à celui des aborigènes actuels de la 
même région. 

Les plus anciens de ces objets se trouvent sous une épaisse 
accumulation d'aHuvions quaternaires ou drift(fig. 16), com- 
posées de dépôts tufacés et de sable ; le tout recouvert par une 
couche de lave compacte. De très-grands changements dans la 
topographie de la contrée ont eulieu depuis l'ensevelissement de 



— 102 — 



ces objets. L'ancien lit des rivières a été comblé, il s'est formé 
une large plaine dans laquelle les rivières actuelles ont profon- 




Fig. .16. 
Coupe du terrain quaternaire dans le comté de Tuolumne, Californie. 

/. Couche de lave qui couvre le plateau. 

q. Assises quaternaires qui atteignent jusqu'à 50 mètres, dépôt tufier et sableux, avec de 
rares couches de cailloux disséminés. 

q*. Partie inférieure où sont surtout accumulés l'or, les ossements de grands mammi- 
fères et les objets d'industrie humaine. 

r. Roches anciennes presque verticales. 

f. Vallées des fleuves actuels profondément creusées depuis le dépôt du diluvium et de 
la lave. 

dément creusé leur lit. L'homme doit avoir existé là avant 
l'époque de la grande activité volcanique qui paraît avoir suc- 
cédé à la période glaciaire. . 

La séance est levée à 10 heures. 

L'un des secrétaires , 

E. T. Hamy. 



— 103 



SÉANCE DO MARDI 20 AOUT. 



PRESIDENCE DE M. ED. LARTET. 



La séance est ouverte à deux heures et un quart. 

La présence inespérée de M. Edouard Lartet au sein du 
Congrès est accueillie par les témoignages de la sympathie la 
plus vive. 

M. Lartet exprime à l'assemblée la satisfaction intime qu'il 
éprouve de pouvoir prendre part à ses travaux, et tout lui fait 
espérer que le mauvais état de sa santé ne l'empêchera pas 
de remplir quelquefois les fonctions de président qu'il avait 
acceptées avec tant de plaisir. 

M. Hamy, secrétaire, rend compte de la visite au Muséum 
et de la deuxième séance du Congrès; les procès-verbaux sont 
adoptés. 

Sur la proposition du Président et après délibération, 
on arrête définitivement le plan de deux excursions déjà pro- 
jetées. 

La première, aux sablières de Saint-Acheul , se fera le di- 
manche 25 ; la seconde, aux sablières des environs de Paris, 
aura lieu le vendredi 30 août. 

On passe à l'ordre du jour. 



Silex taillés associés à des ossements fossiles dans les 
terrains quaternaires des environs de Paris.' 

M. Reboux fait la communication suivante : 

Depuis plusieurs années, j'étudie avec soin les carrières de 

sable et de gravier de Paris, surtout celles de Levallois-Perret, 

Clichy, BatignoUes et Neuilly. Il ne se passe pas de semaine 

que je ne fasse la tournée complète de ces dernières carrières; 



— 104 — 
j'ai dont pu recueillir de nombreux échantillons et des obser- 
vations très-précises. 

Il m'a passé entre les mains plus de mille silex travaillés 
qui m'ont permis de reconnaître trois modes très-différents de 
travail, ce sont les silex simplement éclatés (fig. 17), les silex 
taillés (fig. 18) et les silex polis. 




Fig. 17. 

Silex éclaté, des sablières de Levallois, cédé par M. Reboux au Musée de Saint-Germain 

Grand, nat. 

Ces silex ne se trouvent pas confondus ensemble pêle-mêle, 
mais bien régulièrement distribués à des niveaux différents, 
toujours à peu près dans le même ordre. Les silex éclatés à 
la base, les taillés dans les couches intermédiaires, et les 
polis tout à fait à la surface. Je n'ai janiais trouvé de silex 
taillés avec ceux éclatés, ni de silex polis avec les taillés. 

D'après les renseignements qui m'ont obligeamment été 
fournis par plusieurs savants, j'ai cru pouvoir établir la liste 
suivante des animaux vivant à Paris, avec l'homme, à l'époque 
où se déposaient les graviers : 



— 105 — 



Trois espèces d'éléphant : Elephas antiquuSy Elephas pri- 
migenius ou mammouth et Elephas melitensis ; 

Trois espèces de rhinocéros : Rhinocéros tichorhinusy Rhi- 
nocéros Merkii et Rhinocéros hemithechus; 

Un hippopotame, probablement l'amphibie; 




Fig. 18. 

Silex taillé, carrières de Levallois, coUectioa Reboux. 
Grand, nat 

Le porc ou sanglier; 
Deux espèces de cheval ; 
Trois espèces de cerf, plus le renne et un daim ; 
Trois espèces de bœuf et deux ruminants de moyenne taille 
non déterminés; 



— 106 — 

Un rongeur du genre castor et un grand carnassier. 

La plus grande partie de ces animaux a été trouvée dans 
Paris ou aux portes, principalement entre la grande avenue 
de Neuilly et l'avenue de Glichy, associés à ime très-grande 
quantité de silex éclatés, taillés ou polis. 

Ces silex affectent des formes très-variées : il y en avait 
pour tous les usages de la vie. 

Leur abondance sur ce point et leur association avec des 
matrices ou nucléus me font croire que ces silex ont été. taillés 
sur place. 

On peut donc supposer, avec beaucoup de vraisemblance, 
qu'il existait, dans ces temps reculés, une bourgade ou station 
humaine sur l'emplacement occupé aujourd'hui par la portion 
des fortifications de Paris qui va du sud-ouest au nord-est 
et qui limite le Perret- Vallois. 

Dans beaucoup de localités de Paris on trouve les mêmes 
espèces d'animaux. Mais les œuvres de l'homme ne se ren- 
contrent que dans très-peu d'endroits. D'après M. Belgrand, on 
n'en a pas recueilli à Montreuil. Je n'en ai pas trouvé à Reuilly 
ni à Vaugirard. 

A Grenelle, que j'explorais avant d'avoir l'avantage de con- 
naître M. Martin, je n'ai jamais trouvé aucun silex travaillé 
dans les carrières les plus éloignées de la Seine. 

De cette distribution des silex travaillés je conclus que les 
peuples primitifs n'habitaient que les bords des fleuves. 

M. Reboux, comme pièces à l'appui, présente des ossements 
fossiles et des silex éclatés, taillés et polis, trouvés par lui ; 
il y joint des coupes géologiques des terrains de Levallois et 
Glichy. 



Discussion sur les silex éclatés et taillés , et sur la faune 

quaternaire. 

Sur la demande de MM. Vogt et Worsaae, M. Reboux 
désigne la faune afférente à chaque espèce de silex qu'il dis- 
tingue dans le terrain quaternaire. D'après lui, le cheval et 
l'éléphant se sont trouvés associés au silex éclaté dans les 
couches inférieures ; au-dessus, le bœuf associé au silex taillé ; 



— /107 — 

à différentes hauteurs, le cerf; et enfin près de la surface, le 
renne et les silex polis. 

M. Roujou qui n'admet pas les théories de M. Reboux, lui 
fait la réponse suivante : 

M. Reboux nous a dit que ses haches polies provenaient 
de la partie supérieure des couches quaternaires de Levallois ; 
ce fait me paraît plus que douteux. M. Reboux n'a pas vu ces 
haches en place, il les a achetées aux ouvriers, et, par consé- 
quent, il ne peut rien affirmer sur la position qu'elles occu- 
paient. La présence de ces objets dans une formation quater- 
naire serait un fait nouveau et en contradiction avec tout ce 
que l'on a observé jusqu'à ce jour. J'ai étudié avec soin, depuis 
huit années, les formations quaternaires des environs de Paris, 
j'y ai recueilli de grossiers et très-rares instruments de silex 
taillés par percussion, mais jamais de pierres polies; ce résultat 
concorde parfaitement avec celui obtenu par tous les géologues 
et les archéologues qui se sont occupés de cette question. 

Les silex et les autres roches polies appartiennent à un âge 
bien plus récent et sont peut-être l'œuvre d'une race diffé- 
rente; on les rencontre, soit dans des tombeaux, soit à la sur- 
face du sol, soit dans des alluvions postérieures à l'époque 
quaternaire et ordinairement peu éloignées des fleuves. Cette 
période de la pierre polie est caractérisée par sa faune ac- 
tuelle, parla domestication des animaux, par la prédominance 
des poteries, etc. ; il est donc impossible de la confondre avec 
l'époque précédente. 

M. Reboux a ajouté que la couche qui contenait les haches 
polies renfermait aussi des ossements de renne; c'est encore 
là une affirmation que l'on ne saurait accepter sans preuves 
positives. Le renne ne vivait plus à l'âge de la pierre polie, 
c'est ce que les archéologues ont constaté en France, partout 
et toujours. J'ai étudié, dans les environs de Paris, plusieurs 
. anciens gisements de l'âge de la pierre polie, et j'ai montré 
; les ossements qui en provenaient à notre éminent président, 
M. Lartet, qui a eu la bonté de les déterminer. Or, parmi tous 
ces os, il n'y avait pas trace du renne. 

En résumé, je pense que les silex éclatés présentés par 
H. Reboux sont bien quaternaires : ils sont analogues à ceux 
que MM. Pommerol et moi, nous avons vu extraire par les 



— 108 — 

ouvriers dans les sablières de Levalloîs ; je pense aussi que le 
renne se trouve dans cette formation. Quant aux haches polies, 
elles sont bien postérieures et proviennent probablement de la 
terre végétale ou de quelque couche limoneuse. 

M. Leguay ne partage pas l'opinion émise par M. Reboux, 
opinion qui ferait des silex éclatés et des silex taillés deux 
produits d'indu3tries séparées, venues en des temps différents. 

En effet, tout silex travaillé doit commencer par être un 
éclat; donc toutes les époques de F âge de pierre ont eu le 
silex éclaté : de fait, il n'appartient donc pas plus à Vune qu'à 
l'autre, et, comme il ne porte aucun signe qui permette de le 
ranger dans l'une d'elles, c'est seulement dans le gisement 
qu'il faut chercher la preuve d'une antiquité plus ou moins 
reculée. 

M. WoRSAAE ajoute : La science ne saurait accepter une dis- 
tinction aussi profonde entre des produits aussi voisins d'une 
même industrie. 11 convient donc de n'admettre que deux dis- 
tinctions : 

!*• Les silex taillés et éclatés; 

2° Les silex polis. 

M. DE MoRTiLLET, après une savante démonstration sur les 
pièces mêmes présentées au Congrès, conclut dans le même 
sens ; en pratique, il faut, dit-il, se défier par-dessus tout des 
faits rapportés par les ouvriers des carrières et n'en croire que 
ses propres yeux. Pour fixer l'âge d'un silex, il faut faire plus 
attention à la faune qui l'accompagne qu'à la forme même de 
l'objet. M. Reboux a-t-il extrait lui-même les^silex qu'il attribue 
à des bancs différents ? 

M. Reboux dit être parfaitement sûr des ouvriers qu'il 
emploie; il affirme encore avoir trouvé les deux premières 
catégories de silex superposées et occupant des bancs différents; 
au surplus on en jugera lors de l'exploration des sablières. 

M. Ed. Lartet ne peut accepter la liste des animaux telle 
que l'a donnée M. Reboux; il n'a jamais reconnu dans le qua- 
ternaire de Paris que deux éléphants : 

Elephas primigenius et E. antïquus. 

Par contre il y a trouvé trois Rhinocéros^ tous bien carac- 
térisés : le tickorhinus, le Merkii et Yetruscus. 

Quant aux cervidés, ils ne sont point suffisamment étudiés 



— 109 — 

encore ; pourtant le renne, Cervus taranduSy se rencontre cer- 
tainement, mais à quels niveaux ? 

Un animal fort intéressant, dont la présence aussi est incon- 
testable, est le Trogontheriurriy espèce de grand castor. 

M. Martin dit avoir la preuve que certaines pièces en silex 
n'étaient détachées qu'après la taille : on les préparait, on les 
dégrossissait sur le nucléus même avant de les en séparer. 

M. Leguay a observé le même fait : des haches, des cou- 
teaux, des pointes de flèche, ont été taillés sur nucléus avant 
d'être éclatés. Aux mêmes endroits, il a aussi trouvé des silex 
tout à fait semblables, taillés par le procédé ordinaire. Voilà 
donc deux genres de taille qui sembleraient avoir été laissés 
au choix ou à l'initiative de l'ouvrier. 



Paléoethnologie de la campagne romaine. 

M. Etienne de Rossi, très-zélé et très-sagace explorateur 
de la campagne de Rome, n'ayant pu se rendre à Paris pour 
assister au Congrès, a voulu du moins y prendre part en 
envoyant quelques notes sur les découvertes les plus récentes 
effectuées dans les plaines du Latium. Ce travail vient com- 
pléter de la manière la plus satisfaisante le mémoire très-inté- 
ressant publié par M. de Rossi dans VInstituto délia corrispon- 
denza archeologica, et dont la Revue archéologique a donné 
une analyse en juillet 1867. 

Nous renverrons donc à ce premier travail que l'auteur 
résume ici en quelques pages et nous entrerons avec lui dans 
l'examen des faits nouveaux qu'il veut bien nous signaler : 

De mes études topographiques, dit M. de Rossi, j'avais 
conclu que l'homme de la période quaternaire habitait dans 
le voisinage des montagnes et ne s'établissait pas dans les 
plaines. Sur ce point je répondrai à une question posée par 
M. A. Rhoné [BevuCy ibid.) dans l'analyse consciencieuse qu'il 
a faite de mon travail. Non-seulement j'ai observé que tous les 
objets trouvés dans le diluvium sont plus ou moins roulés, 
mais encore que les plus près des montagnes comme ceux du 
Posso del Cupo le sont moins que les plus éloignés. 

En fait de découvertes nouvelles,je citerai celles de M. Indes, 



— 110 — 

qui a eu le bonheur de trouver à Ponte-Molle de nouvelles 
armes archéolithiques plus perfectionnées que les précédentes; 
elles marquent le commencement du passage aux temps néoli- 
thiques ou époque de la pierre polie. 

Grâce à de continuelles recherches, j'ai augmenté la liste 
de mes découvertes : aux gisements déjà cités de Cantalupo 
des Equicoles, de Monticelli, des monts Gorniculari, de Rocca 
di Papa, d'Ardée, je joindrai ceux du mont \irginio en Étrurie 
et des environs de Viterbe, qui nous ont fourni des armes néo- 
lithiques. 

Je ne parle pas des autres localités où le gisement est trop 
insignifiant pour pouvoir indiquer un centre d'habitation antique. 

C'est dans le voisinage de la pierre polie bien plus que dans 
celui de la pierre taillée que j'ai trouvé de ces dents de squales 
que les anciens appelaient glossopetrœ. 

Une découverte des plus intéressantes est celle d'une 
grande quantité de monnaies et de vases précieux, faite à 
l'entrée de la source thermale de Vicarello, près le lac Saba- 
tino et que les Romains appelaient Apollinari : ces objets y 
avaient été jetés comme ex-votos, de sorte que les couches 
qui les contenaient indiquaient rigoureusement Tordre chro- 
nologique. 

En premier lieu, on vit apparaître des monnaies et des 
vases de l'époque impériale, puis des monnaies de la république 
et des peuples conquis du voisinage; graduellement on passa 
de Yaes signatum à Yaes rude : comme là cessait le métal, là 
s'arrêta aussi l'ardeur des fouilleurs. Sous le métal cependant 
il y avait une brèche sur laquelle M. Tongiorgi, directeur du 
musée Kircher, appela mon attention : je reconnus qu'elle 
était composée de silex, pierre tout à fait étrangère à la loca- 
lité, et dans tous les débris j'ai pu reconnaître des traces 
visibles de tranchants artificiels. Ce sont évidemment des 
couteaux, des grattoirs, de petites flèches de L'époque archéo- 
lithique. 

Fait extraordinaire et nouveau que celui d'une série non 
interrompue de monuments s'étendant de l'époque impériale 
romaine aux temps les plus reculés de la présence de l'homme! 
Une particularité curieuse, et qui sera à examiner, est que 
parmi tous ces fragments il ne s'en est trouvé aucun qui puisse 



— 111 — 

se rapporter à Tépoque néolithique. Je n'ai pu rassembler 
encore des notes suffisantes pour en composer une publication 
régulière, mais l'importance de la découverte ne me permet- 
tait pas de la taire au Congrès paléoethnologique. 

Dans mon rapport sur l'époque du bronze à Rome, j'ai 
montré quo l'on trouvait des souvenirs de cette époque dans 
les rites de la religion des anciens ; mais je disais aussi que 
j'ignorais si les armes de bronze ayant des formes préhisto- 
riques étaient de simples instruments religieux, malgré la tra- 
dition quelque peu incertaine qui attribue à des sépultures 
étrusques des armes semblables placées au musée. 

J'ai su d'une manière positive que tout dernièrement 
M. Bruschi a trouvé auprès de Gorneto, dans deux tombeaux 
étrusques, des paalstab ou haches en bronze à ailerons tout 
pareils. 

Il y a trois ou quatre mois il fut trouvé aussi àValentano un 
tombeau couvert de grandes dalles de terre cuite, dont on tira 
une lance et un miroir étrusques, deux ornements en bronze 
et deux paalstab de la forme préhistorique la plus pure. Du 
fait de cette découverte il ressort clairement que nos armes 
en bronze, de la forme préhistorique, peuvent avoir appartenu 
aux Étrusques, qui les employaient et les déposaient dans leurs 
tombeaux. M. Micali en a trouvé en effet une cmquantaine 
environ à Chianciano, dans un gabion, entourées de paille et 
de foin et recouvertes de bitume. 

C'était peut-être une antique cachette comme celles que 
l'on rencontre en France. 

Outre cela on a trouvé au lac Trasimène des paalstab et 
des couteaux-haches pareils à ceux du musée de Pérouse. De 
là on doit conclure que les celtSj les paalstab et les couteaux- 
haches furent des armes en usage chez les Étrusques, ou bien 
alors qu'elles n'ont été que des réminiscences des temps anté- 
rieurs et ne servaient qu'aux usages religieux. 

Mais là où l'influence étrusque se manifeste surtout, c'est 
dans les monuments que Ton retrouve sous les cendres volca- 
niques des monts Albains et qui sont de l'époque du fer. 

Depuis mon premier Rapport, par suite de la mise en cul- 
ture du mont Crescenzio, on a trouvé, en détruisant une nou- 
velle couche de pépérin, d'autres urnes sépulcrales de la plus 



- 112 — 

ancienne nécropole, placées sur une ligne, espacées de cinq à 
huit mètres les unes des autres. Les vases contenus dans ces 
urnes [dolii) étaient peu nombreux. Le plus grand nombre est 
étrusque : il y en a de très-finement faits en terre blanche, 
décorés de bandes et d'ornements sans figures; d'autres sont 
déterre noire, rayés par le frottement et excessivement luisants. 

En étudiant sur les lieux la position et la série des décou- 
vertes faites dans les nécropoles du mont Gucco et du mont 
Crescenzio en 1817, on peut voir aujourd'hui que les diffé- 
rents dolii étaient placés à une distance d'au moins cinq à six 
mètres et qu'un certain ordre régnait dans leur disposition. 
Tous étaient tournés vers le nord de la nécropole, contenaient 
une grande quantité de vases et avaient le vase cinéraire en 
forme de cabanne, fait d'argile, selon la fabrication indigène. 

Enfin en avançant vers le sud, commencèrent à apparaître 
des vases d'industrie latine, mais imitant les formes et l'orne- 
mentation étrusques ; dans la même direction on trouva ensuite 
près des dolii un moins grand nombre de vases, plus de ca- 
bannes cinéraires et un mélange de coupes étrusques et de vases 
latins. Les découvertes postérieures à mon premier Rapport ont 
toujours eu lieu vers le sud, le nombre des vases a toujours été 
en diminuant; tous étrusques, plus finement travaillés et 
ornés de peintures. Là donc apparaît clairement l'influence du 
commerce avec l'Étrurie : d'abord il n'y a aucun principe, 
puis vient l'imitation, ensuite se glisse quelque importation 
qui finit par absorber et détrôner l'industrie indigène ; il y a là, 
on le voit, une source de lumières pour la connaissance des 
relations primitives des habitants de notre sol. 

Je finirai en rapportant un fait qui pourra étendre l'idée 
que Ton se fait du nombre et de l'importance de ces peuples 
inconnus du Latium , contemporains des volcans. 

J'avais entendu dire qu'à la fin de 1814, en desséchant la 
Valle Marcianuy on avait trouvé, sur les confins du ^lac, des 
objets qui devaient avoir appartenu à d'anciennes habitations; 
je me mis alors en recherche et j'acquis la certitude que, sur 
un autre point du bassin, dans un lieu formant presqu'île et 
portant le nom de Borghetto, on avait trouvé des restes de 
foyer, des poteries latines et d'anciens lits de ruisseaux enfouis 
sous le pépérin ;^ non loin de là on trouva plusieurs autres dé- 



— 113 — 

bris informes qui certainement n'appartenaient à aucun genre 
de poterie et qui, d'un côté, portaient l'empreinte d'une sur- 
face ligneuse. Ces empreintes établissent une grande analogie 
entre ces matériaux et ceux des revêtements de cabane trouvés 
dans les stations lacustres de Robenhausen et de Wangen et 
dans les terramares. Que la cuisson de ces revêtements d'ar- 
gile, très-analogue à celle des poteries, soit le fait d'un incendie 
ou d'un procédé de construction, le résultat important de mes 
recherches est la découverte d'une troisième fetation littorale de 
l'époque du fer, détruite par l'éruption du mont Albains, dé- 
couverte qui jette une lumière nouvelle sur l'existence des 
peuples primitifs du Latium. 



Silex taillés de la Sjrrie. 

M. DE Vogué communique au Congrès des objets de l'âge de 
la pierre provenant de Palestine. Ce sont: l^une hache en silex, 
type dit de Saint-Acheul , de 0'»,08 de diamètre, la longueur 
actuelle est de 0",10, mais le petit bout a été cassé; — 2** un 
marteau sphérique en silex de 0°',07 de diamètre, avec une 
dépression pour le pouce, comme sur les marteaux analogues 
trouvés en Danemark et en Suède; — 3*» une petite coquille du 
genre pecteriy percée par la main de l'homme ; plusieurs de ces 
coquilles ont été trouvées ensemble, elles faisaient partie d'un 
collier. 

Ces objets ont été recueillis par M. l'abbé Moretain, curé 
de Beit-Sahour, près de Bethléem. M. de Vogué les a reçus de 
lui en 1862 et a vu en outre, dans la collection de cet ecclésias- 
tique, des couteaux en silex : ces couteaux ont été rapportés 
par M. de Saulcy, qui les a donnés au musée du Louvre. Quant 
au lieu de provenance de ces objets et aux conditions dans les- 
quelles ils ont été trouvés, M. de Vogué n'a pu obtenir que des 
renseignements vagues. On lui a bien montré des grottes si- 
tuées près du village ; mais ces excavations, faites de main 
d'homme, portaient les traces d'habitation relativement mo- 
derne. 11 rappelle à ce sujet qu'en Syrie les grottes ont toujours 
été habitées : elles le sont encore; c'est là que les troupeaux et 
leurs bergers passent les nuits pendant la mauvaise saison. 

8 



— lU — 

La question de provenance a été élucidée par M. Louis Lartet, 
qui depuis a visité le pays et aux observations duquel M. de 
Vogué fait appel. 

La découverte d'objets de pierre en Palestine est un fait 
très-curieux : ce pays se trouve dans des conditions historiques 
bien différentes de celles des contrées qui ont fourni jusqu'à 
présent de ces objets. En Orient, la civilisation historiquement 
constatée date de vingt ou trente siècles avant notre ère. Néan- 
moins, quoique l'usage des métaux remonte à une très-haute 
antiquité, on trouve dans les traditions et dans les usages reli- 
gieux des habitants du pays le souvenir des époques où la 
pierre seule était employée. L'instrument de pierre consacré 
aux cérémonies religieuses, alors qu'il était le seul connu, a été 
conservé par une sorte de fidélité rituelle, quand bien même il 
avait disparu des habitudes de la vie civile ou militaire. Ainsi, 
en Palestine, le rite fondamental du judaïsme, la circoncision, 
était pratiqué à l'aide d'un silex tranchant. En Egypte, l'in- 
cision faite dans le flanc des cadavres pour l'enbaumement, 
incision que le Congrès a constatée lui même dans le caravan- 
sérail égyptien, était faite avec un couteau de pierre nommé, 
suivant Hérodote, « pierre éthiopienne. » En Assyrie, dans les 
fondations du palais de Korsabad, on a trouvé des couteaux 
de silex déposés avec une foule d'autres amulettes, par suite 
d'une sorte de consécration. Enfin, en Judée, ces monuments 
de pierres brutes élevés par les Hébreux, ces autels construits 
à l'aide de pierres qu'aucun métal n'avait touchées, paraissent 
avoir été inspirés par un ordre d'idées ou de souvenirs ana- 
logues. 

. Il résulte de cet ensemble d'observations qu'on ne doit 
pas, suivant M. de Vogué, se hâter de tirer une conclusion ab- 
solue du fait de la trouvaille en Palestine d'ustensiles de pierre. 
Ce qu'il dit de l'Orient s'applique également à l'Occident : il a 
écouté avec d'autant plus d'impartialité qu'il est plus étranger 
aux études paléoethnologiques, les opinions émises devant le 
Congrès et les discussions auxquelles elles ont donné lieu ; elles 
lui ont prouvé que l'heure des conclusions était loin d'être 
venue, et que d'ici à longtemps le seul rôle de la science serait 
de recueillir des faits, de les constater et de les coordonner 
avec discernement et bonne foi. Pour sa part, M. de Vogué n'a 



— 115 — 

pas voulu faire autre chose, et c'est un simple fait qu'il est 
venu soumettre à Tappréciatioa des membres du Congrès. 

M. Chabas dit avoir vu à Leyde un spécimen de la pierre 
éthiopienne ; cette pierre est polie et a la forme d'un croissant. 

M. A. DE LoNGPÉRiER a VU, aux environs de Rouen, kEnver- 
meuy extraire de la superficie du sol des balles de pierre et 
des haches en partie polies ressemblant aux objets dont parle 
M. de Vogué ; la plupart sont au musée de Saint-Germain. 
Quant aux couteaux de Beth-Saour, rapportés par M. de Saulcy, 
ils sont de silex blanc et de forme allongée; on peut les voir 
dans la première salle du musée Napoléon III , au Louvre. 



Sur les découvertes relatives aux temps préhistoriques, 
faites en Palestine. 

M. Louis Lartet fait la communication suivante : 
Je demande au Congrès la permission de profiter de l'occa- 
sion qui m'est offerte par l'intéressante communication que l'on 
vient d'entendre, pour lui rappeler brièvement les faits de 
même nature que nous avons eu la bonne fortune d'observer, 
M. le duc de Luynes et moi, en Syrie, pendant l'hiver de Tan- 
née 1864. Bien que ces observations aient déjà été publiées S 
je crois devoir les mentionner de nouveau, afin de compléter les 
notions que M. de Vogué vient de nous donner avec l'autorité 
que lui confèrent ses beaux travaux archéologiques sur la 
Palestine. 

Avant d'entreprendre notre voyage en Syrie, nous savions 
que Ton avait rapporté des silex taillés du Sinaï, et M. de Vogué 
nous avait montré la hache grossièrement taillée qu'il avait 
recueillie chez M. l'abbé Moretain et qu'il vient de mettre sous 
vos yeux. J'avais surtout été frappé par un passage de Botta • 
dans lequel ce consciencieux auteur mentionne les grottes ossi- 

^. Comptes rendus de V Académie des sciences, séance du 24 mars 
4864.— Bull, de la Soc, géolog. de France, 2« série, t. XXIÏ, p. 537. 
4865. 

1 Observations sur le Liban et VAntiliban; Mém. de la Soc. gëoL 
de France, 4'* série, 1. 1, p. 435. 



— 116 — 

fères du Liban que lui ou son ami, le D'' Hedenborg, avait 
explorées, s' attachant plus particulièrement à décrire celles du 
Nahr-el-Kelle (Lycus), où il avait observé dans une brèche une 
très-grande quantité d'os, des coquilles, et même, paraît-il, des 
fragments de poteries. 

Aussi, à peine débarqués à Beyrouth, nous poussions im- 
médiatement jusqu'aux grottes du Nahr-el-Kelle, avec Tespoir 
d'y découvrir quelques reliques des temps préhistoriques qui 
pouvaient avoir échappé aux regards de Botta à une époque 
où l'attention n'était pas encore éveillée sur ce sujet. 

C'est ainsi que nous avons été amenés à découvrir près de 
ces grottes les vestiges d'une ancienne station humaine carac- 
térisée par un abri orienté au sud-est, au pied duquel étaient 
accumulées des cendres renfermant des ossements brisés et 
calcinés, des charbons et des silex parfaitement taillés confor- 
mément aux types dits grattoirs et couteaux que l'on trouve en 
si grande abondance dans nos cavernes du Périgord et des 
Pyrénées. Les fouilles exécutées en cet endroit sous la direc- 
tion de M. le duc de Luynes ne tardèrent pas à amener la dé- 
couverte, au milieu de ces cendres, de débris d'animaux ap- 
partenant, non plus à des espèces perdues comme dans les 
stations analogues d'Europe, mais à des espèces existant dans 
le pays même ou dans des régions peu éloignées. Tels sont 
le daim, qui, très-répandu autrefois en Asie Mineure, comme 
le prouvent les médailles de ce pays sur lesquelles il est 
fréquemment figuré, a presque disparu aujourd'hui delà Syrie; 
un bouquetin^ qui n'est sans doute autre chose que le bouque- 
tin du Sinaï, connu des Arabes sous le nom de Bederiy et qui 
vit encore, paraît-il, dans le Liban ; une petite antilope et enfin 
une chèvre se rapprochant par ses caractères dentaires de la 
chèvre sauvage de l'île de Crète. 

A cinq ou six mètres au-dessous de cet amas de cendres 
meubles qui forme le sol d'une plate-forme abritée des vents du 
nord par un rocher coupé à pic, se trouve une brèche ossifère 
constituée par les débris de cette plate-forme entraînés et ci- 
mentés par des eaux calcarifères et qui pourrait bien être la 
même que la brèche observée par Botta. 

Tel est le premier jalon bien positif qui nous est fourni dans 
l'Asie occidentale sur une période humaine comparable par les 



— 117 — 

conditions d'habitat et d'existence à celle de Tâge du renne 
dans nos contrées européennes; et ce que ce gisement offre de 
remarquable, c'est que dans une contrée où la civilisation et 
Tusage des métaux ont dû pénétrer plus tôt que sur notre sol, 
les dépouilles des animaux qui s'y trouvent associées à des 
instruments de pierre éclatée, appartiennent à des espèces 
vivant dans le voisinage. 

Je citerai encore, mais non plus avec les mêmes garanties 
de certitude, quelques autres indices de l'âge de la pierre 
éclatée que nous avons observés dans le cours de ce même 
voyage. 

Sur les côtes de la Phénicie, entre Tyr et Sidon et à l'entrée 
d'une grotte naturelle située au milieu de la nécropole 
d'Adloun, il y a une brèche calcaire empâtant de nombreux 
éclats de silex dont un certain nombre paraissent taillés inten- 
tionnellement *. 

Bien au sud et à l'est de ce point, près du rivage oriental 
de la mer Morte, nous avons recueilli, au milieu des dolmens 
de Manfoumich, vers la limite commune des pays d'Âmmon 
et de Moab, un silex qui paraît également travaillé et se rap- 
porterait au type dit couteau *. 

Enfin, je dois encore signaler à l'attention de ceux que ce 
sujet intéresse plus particulièrement, à celle des voyageurs qui 
exploreront cette contrée, un troisième gisement de silex 
taillés dont la découverte a été plus récemment faite par 
un archéologue et géologue distingué, M. Cazalis de Fondouce, 
près de la source d'Aïn-el-Emir,à une heure environ au sud de 
îiazareth. Dans la lettre par laquelle il a bien voulu me commu- 
niquer sa découverte, M. Cazalis de Fondouce émet, à ce sujet, 
les mêmes réserves que nous avons faites nous-mêmes pour les 
deux gisements précédents, et il ne la donne également que 
comme un indice complétant les documents fournis par les 
grottes du Nahr-el-Kelle dont l'authenticité et les conditions 
de gisement ont pu être mieux établies. 

Quant aux silex taillés coUigés à Beth-Saour par M. l'abbé 
Moretain, et donnés par lui à MM. de Vogtié et de Saulcy, je 



1. BulLSoc.géol. de France, 2* série, t. XXII. Voy. pi. VI, fig. U. 
1 /rfm, fig. -15. 



— 118 — 

crois pouvoir ajouter encore quelques détails à ceux qui vién- 
viennent d'être fournis à leur sujet. 

Désireux de s'assurer par lui-même des conditions au milieu 
desquelles avait été faite la découverte de ces débris d'indus- 
trie primitive, M. le duc de Luynes nous conduisit à Beth- 
Saour, à son retour de l'Arabah , et nous pûmes voir chez 
M. l'abbé Moretain, outre les couteaux de silex identiques à 
ceux que M. de Saulcy a donnés au musée du Louvre, une 
petite aiguille en os, finement travaillée et petcée d'un chas; 
une pointe de flèche en os de la forme de celles trouvées dans 
la caverne sépulcrale d'Aurignac, près des objets d'âges in- 
contestablement différents. Malheureusement les circonstances 
de gisement de ces diverses pièces restent ignorées, recueillies 
qu'elles sont par les Arabes chrétiens, à la surface de leurs 
champs. On nous conduisit cependant dans une excavation 
creusée dans le calcaire crétacé et rempli à moitié de terres au 
milieu desquelles se trouvaient des poteries ; mais ces poteries 
sont relativement modernes et la terre qui remplit l'excavation 
porte trop de traces de remaniement pour que l'on puisse la 
regarder un seul instant comme un gisement normal de ces 
silex taillés. Il y aurait donc lieu d'encourager M. l'abbé More- 
tain à faire de nouvelles recherches par lui-même, en se 
préoccupant surtout d'observer la position normale de ces 
anciens vestiges de l'industrie humaine. Nous ne doutons pas, 
pour notre compte, que des recherches méthodiques et scru- 
puleuses entreprises aux environs de Beth-Saour n'amenassent 
des révélations curieuses sur la période de l'âge de pierre en 
Palestine et ne servissent à relier ces premiers pas de l'huma- 
nité aux traditions dont ce pays a été le berceau. 

M. Ed. Lartet signale une belle hache du type de Saint- 
Acheul, rapportée de Babylone par M. Taylor, voyageur anglais. 
On peut en voir le moulage au musée d'artillerie ; des éclats 
d'obsidienne trouvés au même endroit ont été déposés' au 
Louvre. 

M. Adrien de Longpérier cite les découvertes faites par 
M. Victor Place en 1852 au palais de Korsabad, édifice con- 
struit tout entier au viii* siècle avant notre ère, ainsi que le 
témoigne le nom du roi Sargou inscrit sur toutes les pierres. 

En enlevant les grands taureaux de pierre qui pèsent 



— 119 — 

15,000 kilog. et qui jamais n'avaient été déplacés, M. Place trouva 
dans leurs fondations une quantité d'objets précieux : des 
bracelets et des colliers de cornaline, d'émeraude, d'améthyste 
et d'autres pierres dures parfaitement polies et taillées en 
forme de grains ou de têtes d'animaux. Parmi ces objets, pro- 
duis d'une civilisation avancée, puisque deux d'entre eux (des 
scarabées) étaient couverts d'inscriptions phéniciennes, on 
trouva deux couteaux de silex noir semblables à ceux du ^ 
Mexique et surtout de Bethiéem, dont ils ont toute la forme, 
mais mieux travaillés que ceux des dolmens. 

Gomme ces objets n'ont été trouvés que sous le socle des 
taureaux, il demeure évident qu'on les y a déposés intention- 
nellement et probablement à l'occasion d'un sacrifice propitia- 
toire offert par le roi Sargou. 

M. WoRSAAE mentionne un fait peu connu : c'est que dans 
le Sahara, vers les frontières d'Egypte, des voyageurs ont 
trouvé sous le sable des haches de silex et de bronze remon- 
tant aux temps les^plus reculés et semblables à celles d'Europe. 
M. Lepsius a commencé des études comparatives entre ces 
antiquités et celles du Nord. 

M. DE MoRTiLLET rappelle que, dans la collection Foresi à 
l'Exposition, on voit des pointes de flèches en silex, montées en 
argent, qui servent d'amulettes aux habitants de l'Ile d'Elbe. Les 
Romains eux-mêmes connurent cette superstition. 

Dans un tumulus ouvert en Flandre par M. Joly, on trouva 
six haches plantées debout et formant un cercle autour de 
la sépulture. La diversité de leurs patines montrait qu'elles 
étaient d'âges différents et avaient été recueillies à la surface 
du sol pour être placées comme amulettes. 



Priorité de Fhomme dans la caverne de Brnniqnel. 

M. DE Lastic lit la comm'unication suivante : ;'.. v ^ ' 
Je ne veux pas anticiper aujourd'hui sur la discussion de la ■ 
deuxième question. J'ai simplement pour but de vous exposer 
très-sommairement les bases de ma conviction, que l'homme 
a paru dans la caverne de Bruniquel longtemps avant que le 
renne y soit signalé. 

^ ^^^ ;^*vfw^ "- ^^ ^'^ ^ "' < •-' ' "^''^ 



^7 f rr~ 



— 120 — 

En effet, les trois couches inférieures, ensemble d'une hau- 
heur de 4*", 30 environ, et que j'appellerai, la première, la 
couche noire, la deuxième, la couche bigarrée, la troisième, 
la couche rouge, sont composées uniquement soit des débris 
delà roche elle-même, soit de matériaux apportés par Thomme. 
Des spécimens de son industrie et des restes humains reposaient 
presque sur le plancher de la caverne. 

Ces trois couches étaient scellées par une couche stalagmi- 
tique de 20 cent, de hauteur, qui supportait à son tour une 
dernière couche ossifère de 1",50. Ce dernier dépôt n'existait 
plus en place quand j'ai exploré la caverne, mais il avait laissé 
des traces certaines sur les parois dans les agglomérations rete- 
nues par la stalagmite. 

La couche noire, la plus supérieure, offrait ce caractère 
unique, je le crois, que sur toute la hauteur, 86 cent, environ, 
existait un foyer d'une largeur moyenne de 2 mètres, d'un poids 
évalué approximativement à 80 quintaux et que plusieurs 
notabilités du Congrès ont vu in situ. 

J'ai l'honneur de vous présenter une des mâchoires hu- 
maines trouvées dans ce foyer, au milieu de tant d'autres 
débris de mes prédécesseurs dans la propriété et l'habita- 
tioii de la caverne. 

La couche noire était formée d'ossements, de poussières 
animales ou végétales, d'instruments en silex et en os. Des 
galets de l'Aveyron et des pierres plates de la vallée s'y trou- 
vaient en assez grand nombre, mais évidemment apportés par 
l'homme et employés ou destinés à divers usages. 

A mesure que le foyer s'élevait, les débris rejetés de la 
nourriture et du travail élevaient le terrain. J'ai trouvé au 
milieu de cette couche la mâchoire d'un Felis spelœa^ le renne 
et l'aurochs en nombre immense, le chamois et beaucoup d'au- 
tres animaux. 

A* cette couche appartient la plus grande partie des dessins 
de ma collection, le dessin de figure humaine et les instruments 
les plus délicatement ouvrés, je crois, que l'âge de pierre ait 
fournis jusqu'à ce jour. Enfin j'ai eu la bonne fortune d'y 
trouver quelques spécimens de bois appartenant, je le pense, 
aux conifères. 

Là, au milieu des matériaux innombrables fournis par la 



— 121 ~ 

présence continue d'une population, travnillant, se nourrissant 
autour d'un immense foyer, l'action des éléments climatériques 
sur la caverne disparaît presque entièrement. 

Mais elle reprend le rôle important dans la seconde couche, 
la couche bigarrée, d'une hauteur de 1",50. L'on y trouve sans 
doute encore une grande richesse d'objets de l'industrie humaine, 
des sculptures, des restea humains dont je vous soumets aussi, 
messieurs, un spécimen resté dans la gangue. L'on y voit 
diverses traces de foyers placés tantôt à l'entrée, tantôt 
dans les réduits latéraux de la caverne, mais l'homme n'y a 
point constamment habité; aussi les poussières animale ou 
végétale ne jouent-elles qu'un rôle secondaire dans la formation 
du terrain, pour la plus grande partie composé des débris du 
rocher. 

Ces dél)ris forment presque entièrement la dernière couche, 
en allant de haut en bas, la couche rouge, d'une hauteur de 
2 mètres environ. L'on reconnaît encore l'action de l'homme 
sur le plancher même de la caverne. J'ai recueilli à 15 cent, du 
plancher un morceau de crâne humain, resté dans sa gangue, 
et que je place sous vos yeux. L'on a rencontré partout de rares 
silex. Dans le bas de la couche, l'on trouve seulement le Bos 
primigenius ou aurochs, le cheval, le mammouth et YUrsus 
spelœus; et vers le milieu ont été trouvés les deux instruments 
déterminés par le British Muséum « os de mammouth » et 
exposés avec ces trois mots pour inscription. A environ 1",60 
du plancher apparaissent de magnifiques cornes de renne, 
très-espacées, et bientôt après des instruments dont plusieurs 
ébauchés, puis de plus parfaits, puis les premières sculp- 
tures. 

Ainsi se trouve reliée aux couches supérieures cette couche 
où la couleur même des débris calcaires n'est point altérée par 
le rare passage de l'homme. 

Cette couche ne renferme point de galets, et ne présente 
aucune trace de foyer. 

Messieurs, il me semblerait que ces faits pourraient conduire 
à penser : 1** que ni les eaux pluviales ni les eaux de la mer 
n'ont pris aucune part à la formation de ces trois couches; 
2° que le terrain composant la couche rouge a dû commencer 
à se former avant l'apparition du renne; 3** que l'homme a 



— 122 — 



paru dans la caverne à l'époque où se sont formés les premiers 
dépôts qui en remplissent le fond. 



Communications de M. Schlagintweit 

M. Schlagintweit-Sakunlunski fait au Congrès trois com- 
munications sur des sujets différents, 

/. Remarque sur les races aborigènes de V Inde. 

Au point de vue de la civilisation, les races aborigènes de 
rinde semblent aujourd'hui encore avoir des ressemblances 
frappantes avec les races préhistoriques de TEurope, et lorsque 
les recherches seront poussées plus avant on leur en trouvera 
sans doute bien d'autres encore sous le rapport de la struc- 
ture physique ; du moins les différences que l'on trouve entre 
elles et les races aryennes et mongoles qui les entourent, 
semblent le faire présumer. 

Les races asiatiques dont je veux parler ici sont celles des 
Gonds, des Bhils, des Toudas habitant les parties centrales et 
méridionales de la péninsule; puis celles des Garros, des 
Nogas, des Khassias dans les régions montagneuses qui sépa- 
rent la vallée du Brahmapoutra des dépendances du royaume 
de Burma; un troisième groupe de ces races, très-variées entre 
elles, habite le versant méridional de l'Himalaya, 

J'ai l'honneur de communiquer à l'assemblée quelques 
représentations photographiques et galvanoplastiques de ces 
races, tirées de ma collection. 

Ce qui frappe tout d'abord dans ces types sauvages, c'est 
le manque de symétrie des contours et des parties centrales 
du visage ; si je ne craignais de ti*op m' engager dans les détails, 
je pourrais ajouter à ces remarques quelques mesures curieuses 
prises sur les différentes parties du corps d'individus de ces 
races. On trouvera tous ces renseignements dans le VII* vol. 
des Results of a scientific mission to India and High-Asiay 
dont quatre vol. et 42 pi. ont déjà paru. 

Quant à nos reproductions plastiques, elles ont été déjà 



— 123 — 

publiées : on les trouvera dans la galerie anthropologique du 
Muséum de Paris. 

//• Sur les carrières de jade ou néphrite oriental dans Kiinlitn, 

Jusqu'à ce jour, dans l'Inde comme en Europe, on pensait 
que le jade ne se trouvait qu'en Chine et provenait de l'intérieur 
de l'empire : je déclare cependant en avoir trouvé des carrières 
dans la troisième des chaînes de la haute Asie, dans le Kûnlun. 
Ce minéral, dans l'état de pureté où il s'y présente, est si 
rare et si estimé que, malgré la longueur et les périls du voyage, 
on vient l'exploiter chaque année, dès que la saison permet de , 
séjourner dans ces déserts élevés. \ 

Les carrières les plus riches, et nous les avons visitées, i 
sont celles de Goulbagashen, à 36*» 9' lat. N. et 77« 45' long. E. 1 
(Greenwich) et à 12,252 pieds anglais d'élévation. Cette pierre 1 
est appelée Yashem par les Tourkezas. 

Un fait surprenant est que ce jade est si tendre en sortant 
de la carrière qu'on le raye avec la pointe d'im couteau et qu'on 
peut le façonner et le polir avec un autre morceau de jade déjà 
exposé à l'air depuis quelque temps; mais il durcit rapide- 
ment ; quelques semaines suffisent à le changer presque com- 
plètement. La pièce que je présente a maintenant la dureté du 
quartz. 

Le tableau de ces régions que j'expose fait partie de l'Atlas 
des Results ; c'est la vue du lac salé Kiuk Kiol en Tourverran 
à 35^ 40' lat. N. et 77« 56' long. E. de Greenwich et à 15,460 
pieds anglais d'élévation ; cef te vue nous montre le mieux de 
toutes le caractère des roches serpentineuses dans lesquelles 
se trouvent placés les dépôts de jade : ce sont des couches len- 
ticulaires occupant une position presque horizontale. 

///. Sur les limites inférieures des glaciers les plus bas 
dans la haute Asie, 

En terminant, je crois bien faire en mentionnant un mé- 
moire présenté par moi à l'Académie sur les points les plus 
bas où puissent descendre les glaciers. Ce mémoire présente 
comme résultat un fait assez remarquable : c'est que non-seu- 



— 124 — 

lement les glaciers de la haute Asie ne montrent pas de pé- 
riodes glaciaires précédentes, mais que les plus bas atteignent 
actuellement encore une élévation où les isothermes ont une 
valeur de 8 à 9*», comme à Fribourg en Suisse, etc. ; tandis que 
les glaciers les plus bas des Alpes, même les plus exception- 
nels, tels que ceux des Bossons et de Grindelwald ne descendent 
que jusqu à des isothermes de 6** 1/2. 

La séance est levée à quatre heures et un quart. 

Lun des secrétaires ^ 
A. Rhoné. 



— 125 



MERCREDI 21 AOUT. 



VISITE AU MUSEE DE SAINT-GERMAIN. 



Vers dix heures et demie du matin, les membres du Congrès 
étaient reçus au château de Saint-Germain par M. Alexandre 
Bertrand, conservateur du Musée des antiquités nationales, et 
par M. de Mortillet, secrétaire général du Congrès. 

L'état de transformation où se trouve le château a d'abord 
attiré l'attention des visiteurs : aujourd'hui ce n'est plus cette 
masse de constructions démantelées dont l'aspect lugubre ré- 
pandait une sorte de tristesse et semblait avoir gardé quelque 
chose des mélancolies de Louis XIII ou des ennuis de Jacques IL 

La savante restauration de M. Millet a déjà rendu en 
partie son élégance première à cette création favorite de 
François ^^ Les murs, débarrassés de leur badigeon de deuil, 
ont repris les nuances vives et claires de la pierre encadrée 
par la brique, et leurs faites, maintenant relevés, se dessinent 
en balustres à jour, en clochetons, en campaniles élégants, 
reproduits d'après les dessins originaux du temps. Enfin les 
lourds pavillons d'angle ajoutés sous Louis XIV, après le retrait 
de la cour, à seule fin, dit-on, de donner le change aux popu- 
lations environnantes, sont en voie de disparaître. Bientôt la 
charmante chapelle gothique de Saint-Louis, si dénaturée et si 
délabrée, aura repris ses grands combles, sa flèche élancée, et 
formera un heureux pendant au donjon de Charles V, dégagé 
lui-même depuis peu. 

Après avoir traversé la cour d'honneur, dont l'aspect pit- 
toresque et les perspectives heureuses expliquent suffisamment 
le tracé bizarre, on gravit l'escalier principal, élégant ouvrage 
où l'art gothique se mêle encore à celui du xvi* siècle. 

Au premier étage s'ouvre d'abord la salle principale de la 
partie préhistorique du Musée : c'est une pièce inunense dont 



— 126 — 

la décoration à la fois élégante et simple s'harmonise admira- 
blement avec le mobilier. 

C'est là que sont classés les premiers produits de l'ijadus- 
trie humaine. Toute l'histoire de la première période de l'âge 
de la pierre ou pierre taillée à éclats^ se trouve dans cette 
salle. La première moitié est consacrée aux silex des alluvions 
quaternaires et des plateaux, la seconde au produit des ca- 
vernes. 

Tout d'abord nous voyons les collections données au 
Musée par M. Boucher de Perthes, et contemplons les pre- 
mières pièces recueillies par l'actif et énergique investigateur, 
pièces qui, on se le rappelle, soulevèrent tant de discussions et 
de contradictions. Puis ce sont les échantillons divers offerts 
par MM. Rigolot, Gaudry, de Nadaillac, Watelet, Bourgeois, 
Beaune. 

Au centre de la salle, une haute et grande vitrine à jour 
contient les plus beaux spécimens d'animaux disparus contem- 
porains de l'homme primitif : l'aurochs ou Bos primigenitiSj 
le grand ours des cavernes, le Rhinocéros tichorhynuSj le 
mammouth. Au sommet se dresse une de ces têtes géantes de 
cerf fossile {Cervus megaceros) dont l'Irlande a fourni tant de 
restes; les bois ont, dans cet échantillon, une forme qu'on ne 
leur voit pas toujours ; les andouillers qui garnissent le bord 
des grandes palmes osseuses sont recourbés en arrière comme 
de puissantes griffes; l'ensemble mesure l'envergure énorme 
de 2'»,60. 

De grands échantillons de la brèche osseuse qui couvre le 
sol des grottes habitées par l'homme de l'époque du renne 
nous annoncent la partie consacrée aux cavernes ; on voit alors 
se dérouler les belles séries d'objets découverts dans le midi 
de la France par MM. Lartet et Ghristy : os de rennes gravés, 
sculptés, transformés en flèche et harpons barbelés, bâtons de 
commandement, poignards, poinçons, aiguilles, rien n'y 
manque, les pièces importantes dont le Musée ne possède pas 
les originaux étant représentées par des moulages parfaitement 
exécutés. A côté de la collection fondamentale de MM. Lartet 
et Ghristy, on remarque les dons de MM. Bourgeois, de Breu- 
very, maire de Saint-Germain , Brun, Lalande, de Longuemar, 
Massénat, Peccadeau de Tlsle. 



— 127 — 

Le fond de la salle est occupé par une immense vitrine 
renfermant une collection complète des outils et armes de 
pierre du Danemark, depuis l'humble débris du kioekkenmœd- 
ding ou amas de rejets de repas des temps primitifs, jusqu'au 
superbe échantillon de silex admirablement taillé en fine lame 
et à la hache parfaitement polie. Cette collection, une des plus 
belles en son genre et que l'on ne pourrait refaire aujourd'hui, 
a été offerte à l'empereur par le feu roi Frédéric VIL 

On a beaucoup remarqué la méthode excellente, Tordre 
minutieux qui ont présidé au rangement et à l'exposition des 
collections. 

Dans les séries françaises, l'ordre chronologique a été main- 
tenu de la manière la plus scrupuleuse. Seulement pour les 
objets étrangers, qui ne sont là que comme terme de compa- 
raison, les nécessités du local ont forcé d'intervertir parfois un 
peu cet ordre. C'est ce qui fait que la magnifique série du 
Danemark se trouve dans la première salle, où elle occupe du 
reste une place d'honneur qui lui était bien due. 

Pour la pierre simplement taillée, les diverses vitrines sont 
datées paléontologiquement. On voit au centre quelques débris 
des animaux caractéristiques de l'époque. La liste de ces ani- 
maux, en partie éteints, en partie émigrés dans d'autres régions, 
est inscrite dans des tableaux sur les piliers de droite de la 
salle, contre les piliers de la partie opposée et faisant face aux 
inscriptions, des vitrines droites renferment les types les plus 
purs de chaque série d'objets, de façon à présenter l'ensemble 
complet des formes. On a ainsi comme un résumé de chaque 
époque, très-utile pour l'étude et le classement. Chacune de 
ces vitrines-type est surmontée des échantillons de la faune 
correspondante. 

Enfin de grandes coupes géologiques d'Abbeville et de 
Saînt-Âcheul, la carte de France à une grande échelle pour la 
topographie des cavernes, complètent cet ensemble auquel rien 
d'essentiel ne manque. 

Après l'âge de la pierre taillée à éclats, où nul monument 
façonné ne se montre encore, vient celui de la pierre polie et 
des monuments grossiers appelés mégalithiques. Les salles 
suivantes renferment son histoire. De nombreux modèles en 
relief reproduisent exactement à l'échelle d'un vingtième les 



— 128 — 

dolmens, allées couvertes, menhirs les plos intéressants. Au 
centre, une vitrine montre les divers produits d'industrie trou- 
vés dans ces monuments. Chaque compartiment renferme une 
fouille spéciale : ce sont des poteries non tournées, de grandes 
haches polies en belle pierre dure, des colliers, des couteaux de 
silex, des disques en pierre. Citons surtout les beaux couteaux 
et les haches polies emmanchées dans de la corne de cerf, 
trouvés récemment par M. Leguay dans l'allée couverte d'Ar- 
genteuil. D'autres vitrines renferment les produits de l'époque 
de la pierre polie, classés par département, ou bien les types 
divers de cette époque et les échantillons de toutes les ma- 
tières premières employées pour la fabrication des haches, 
échantillons que M. Damour a bien voulu détermmer. 

Dans la salle voisine se trouve la reproduction du tu- 
mulus de l'fle de Gavr'Inis (Morbihan), monument auquel des 
gravures mystérieuses et encore indéchiffrables donnent un 
intérêt tout particulier. Ces gravures, qui recouvrent les pierres 
formant à l'intérieur du tumulus une allée couverte, sont 
reproduites de grandeur naturelle, l'administration du Musée 
les ayant toutes fait mouler. 

Au fond de cette salle on trouve, pratiqué à travers une 
épaisseur de mur vraiment formidable, le passage qui conduit 
à l'intérieur de la vieille tour carrée de Charles V. C'est là, 
dans une salle élégante, à hautes et profondes embrasures de 
fenêtre, à cheminée monumentale, que la numismatique et 
l'épigraphie gauloises ont élu domicile. Les collections de mé- 
dailles, déjà très-complètes, contiennent quelques pièces 
uniques et, parmi les pièces rares et intéressantes, deux Ver- 
cingétorix d'or. Grâce aux bons soins et aux connaissances spé- 
ciales de M. Anatole de Barthélémy, on peut étudier la numis- 
matique de tous les peuples de la Gaule indépendante et de 
tous les ateliers monétaires établis dans ce pays, depuis la 
conquête jusqu'à l'époque mérovingienne. Le long des murs 
des fac-similé de toutes les inscriptions gauloises connues 
attendent encore leur Champollion. 

C'est dans cette salle qu'est aussi placée la vitrine des 
bijoux en métal précieux. Il s'y trouve, entre autres choses, deux 
de ces bracelets d'or massif qui, vu leur poids considérable et 
leur extrême simplicité, semblent avoir été des lingots porta- 



— 129 — 

tifs, une sorte de trésor-vade-meciim pour les voyages, 
plutôt que des ornements de luxe. L'un de ces objets a été 
trouvé dans la Loire-Inférieure et fut donné par Tempereur ; 
l'autre vient des Landes, où on le rencontra à quelques centi- 
mètres seulement de la surface du sol, et il a été offert au Musée 
par M. Emile Péreire. On voit encore dans cette vitrine deux 
larges anneaut plats pour le bras et une belle paire de boucles 
d'oreilles, le tout en or, provenant d'un tumulus ; des torques 
d'or gaulois façonnés en torsade, des pendants d'oreilles 
mérovingiens et surtout le fameux vase grec d'argent ciselé 
trouvé dans les contrevallations de César, à Alesia. 

De la salle de numismatique on passe dans la magnifique 
salle de Marsy haute, longue, vaste, voûtée en arcs d'ogive 
comme le vaisseau d'une église; à l'une de ses extrémités, une 
cheminée monumentale, encore intacte et armée de la sala- 
mandre et de la couronne de François I", se dresse jusqu'aux 
voûtes et domine avec majesté ce vieux théâtre des anciennes 
fêtes. 

On y a placé provisoirement tous les objets qui se rap- 
portent aux campagnes de César dans les Gaules : collections 
complètes des épées, débris de pilums , pointes et bases de 
lance, casques, ceinturons et autres objets trouvés dans les 
fossés d' Alesia ; nombreux modèles en relief donnant l'idée la 
plus précise du mode de retranchement et d'attaque des Ro- 
mains et reproduisant les épisodes les plus célèbres des sièges 
de villes et d'oppida, tels que ceux d'Avaricum, d' Alesia, 
d'Dxellodunum. 

Bientôt un immense plan en relief d* Alesia, construit sous 
la direction de M. Maître, chef des ateliers de moulage et de 
réparation du Musée, viendra compléter cet ensemble vrai- 
ment unique. 

L'intention de M. Alexandre Bertrand est d'établir dans 
cette salle, après sa restauration, des séries d'objets-types de 
toutes les époques, de façon à présenter un tableau parlant de 
l'histoire du monde ancien, depuis les temps les plus reculés 
jusqu'à l'empire de Charlemagne. Ce sera tout à la fois le ré- 
sumé et la conclusion du Musée préhistorique, gaulois, gallo- 
romain, mérovingien et ethnographique de Saint-Germain. 

Les étages supérieurs du château, auxquels on parvient par 

9 



— 130 — 

un élégant escalier avis placé dans un angle rentrant des bâti- 
ments, renferment les salles consacrées aux époques du bronze 
et du fer : le même ordre de classement que nous avons vu au 
premier se poursuit ici; les divers objets, haches, lances, 
épées, n'y sont séparés par catégorie d'objets que dans la 
vitrine des types ; dang les autres, ils sont placés par départe- 
ment. 

La salle du bronze, outre de nombreux objets en métal 
caractéristiques de cette époque et forts variés, contient une col- 
lection d'objets lacustres provenant du lac du Bourjet (Savoie), 
qui offre d'autant plus d'intérêt qu'elle est rapprochée des séries 
lacustres de la Suisse, rangées dans l'embrasure des fenêtres et 
dans une petite salle voisine. 

En entrant dans la salle du fer, on voit dans une suite de 
vitrines plates, adroite, le produit des fouilles de vingt-trois tu- 
mulus de l'Alsace, de la Champagne, de la Bourgogne et de la 
Bresse, explorés par M. de Ring et surtout par M. de Saulcy. 
Ces tumulus paraissent remonter à la première époque du fer 
ou époque d'Hallstatt. Dans la première vitrine on remarque, 
provenant des tunaulus de Cormoz (Ainj, deux épées de formes 
identiques, dont Tune est de fer, l'autre de bronze, fait très- 
important au point de vue de l'étude des transitions. 

Le reste de la salle est consacré à l'époque gauloise propre- 
ment dite, la Gaule avant les Romains. Grâce à divers cime- 
tières du département de la Marne, fouillés par ordre de 
l'empereur, cette époque est admirablement représentée. La 
série des poteries est surtout très-curieuse et unique dans son 
genre. 

Vers la porte de sortie, donnant sur l'escalier d'honneur, 
on a groupé dans un même compartiment les pièces gauloises 
les plus belles : poignards, torques, bracelets, boutons-orne- 
ments, boucles d'oreilles, chaînes, ceintures, fibules diverses 
dont deux accouplées par une chaînette, et surtout un ombo 
fort remarquable, en tout semblable à celui qui garnit le 
bouclier du soldat gaulois du musée Calvet à Avignon. Afin 
de mieux faire saisir ce rapprochement, le moulage de cette 
statue est placé au milieu de la salle. 

Les membres du Congrès ont aussi visité la grande salle du 
donjon gothique , haut voûtée , dans laquelle jadis était la 



— 131 — 

librairie du vieux château et où bientôt, par un singulier re- 
tour, sera installée la bibliothèque archéologique du Musée, 
bibliothèque toute spéciale. 

Ils ont terminé leur excursion par les salles du rez-de- 
chaussée, où se trouvent les moulages des bas-reliefs de Tare 
de Constantin à Rome, et les restitutions des machines de 
guerre romaines : les catapultes et l'onagre. M. le capitaine de 
Reffye, qui les a restituées, a bien voulu essayer devant les mem- 
bres du Congrès la catapulte de campagne. Tireur habile, 
d'un bout à l'autre de la cour, les traits allaient s'implanter 
profondément dans une poutre servant de cible et large seu- 
lement de trente centimètres. 

L'un des secrétaires^ 

Arthur Rhoné. 



132 



SÉANCE DU MERCREDI 21 AOUT. 



PRESIDENCE DE M. ED. LARTET. 



Le procès- verbal de la précédente séance est lu et adopté. 

Le Président donne ensuite lecture de la seconde question 
du programme, qui est à Tordre du jour de cette séance : 

L'habitation dans les cavernes a-t-elle été générale? 

Est-elle le fait d'une seule et même race, et se rapporte- 
t-elle à une seule et même époque? 

Dans le cas contraire, comment peut-on la subdiviser et 
quels sont les caractères essentiels de chaque subdivision? 



Aperçu général sur les cavernes. 

M. Ed. Lartet expose rapidement l'état actuel de la ques- 
tion. Il rappelle qu'il a été possible d'établir, d'après les 
débris d'animaux qu'on retrouve dans les cavernes, un ordi'e 
chronologique qu'il résume de la manière suivante. Il y a, à 
ce point de vue, trois sortes de cavernes. Dans les premières 
se rencontre toute la faune diluvienne : l'éléphant, le grand 
ours, le grand chat, etc. ; dans les secondes, cette faune dimi- 
nue ; il y a des espèces qui disparaissent, et le renne abonde 
d'une manière toute particulière; en même temps se manifes- 
tent dans les produits de l'industrie humaine des progrès con- 
sidérables. Quelques-uns des instruments qu'on y découvre 
sont de véritables objets d'art. 

Les cavernes du troisième groupe sont bien différentes des 
précédentes; elles ne renferment plus d'espèces perdues; on y 
trouve, au contraire, des ossements d'animaux domestiques, 
qui faisaient complètement défaut précédemment ; les poteries 



— 133 — 

y sont fort abondantes, les haches en pierre ont subi le polis- 
sage. 

Peut-être serait-il possible d'établir dans les deux premiers 
groupes quelques subdivisions; mais M. Lartet ne croit pas devoir 
entretenir le Congrès de ces subdivisions trop peu étudiées. 

L'habitation dans les cavernes s'est continuée fort long- 
temps, et les premiers historiens de l'humanité, Homère, par 
exemple, nous montrent les grottes servant de refuge aux 
hommes. Les traditions Scandinaves nous parlent des mortels 
gémissant à l'entrée de leurs cavernes, pendant les guerres des 
dieux. C'étaient, en effet, des abris tout préparés pour servir 
de refuges aux premiers habitants du sol. 

Si dans les vitrines consacrées à l'histoire du travail à 
l'Exposition universelle, on a placé avant les objets recueillis 
dans les cavernes ceux qui proviennent des alluvions quater- 
naires, c'est qu'on avait à l'égard de ces derniers des rensei- 
gnements plus précis. Mais l'analogie de certains types de 
silex taillés des cavernes avec ceux du diluvium peut être 
invoquée, à l'appui de leur doctrine, par les anthropologistes 
qui croient que les hommes qui utilisaient ces instruments 
sur le bord des rivières habitaient également les cavernes. 

Quelques grottes ont été utilisées jusqu'au moyen âge. 
M. Lartet cite, entre autres, celle du fort de Tayac, qui a sou- 
vent servi de refuge dans les moments de guerre. 

Il est bon de faire remarquer que le remplissage des 
cavernes a pu être antérieur à la période glaciaire. Ainsi la 
caverne de la Baume, près Lons-le-Saulnier, contient des 
restes d'une faune tertiaire qui correspond à celle du Val 
d'Amo. On y a trouvé un grand chat ou Felis et un petit 
ours très-caractéristiques. Il n'y a pas de traces d'industrie 
humaine dans cette couche, mais immédiatement au-dessus 
se sont rencontrés des débris relativement récents : ossements 
calcinés, cendres, poteries, etc. 

11 n'y a pas de caverne habitée avant l'époque glaciaire. 
Mais peu après, en France et en Italie, à Telamone, par 
exemple, dans la grotte fouillée par M. Zucchi, apparaissent 
des traces évidentes de la présence de l'homme. 

En ce qui concerne la succession des races humaines dans 
les cavernes, les documents sont peut-être insuffisants encore 



— 134 — 

pour juger la question, et les solutions proposées sont loin 
d'être définitives. 

M. Lartet souhaiterait que M. Desnoyers, dont les travaux 
sur les cavernes sont demeurés célèbres, voulût bien com- 
pléter les renseignements qu'il vient de fournir sur l'état actuel 
de cette intéressante question. 

M. Desnoyers doute qu'il soit possible de rien ajouter d'es- 
sentiel à la communication que le Président vient de faire. 
Quant à lui, il s'est surtout occupé du mode de formation et de 
remplissage des cavernes, et il a constaté que la plupart de ces 
anfractuosîtés ont été produites par des dislocations du sol. On 
les rencontre surtout dans les terrains calcaires; ce sont des 
lignes de fractures agrandies par les eaux, tandis que les brè- 
ches osseuses sont de véritables remplissages. M. Desnoyers 
cite comme exemples les cavernes de la Bourgogne et de la 
Franche-Comté. Les cavernes sont primitivement des couloirs 
étroits et anfractueux; les eaux courantes y ont pénétré, les 
ont agrandis, et sous leur influence, le remplissage s'est ensuite 
effectué. 

Il y a plusieurs modes de remplissage. En première ligne 
vient Vliabitation humaine^ qui n'était jusqu'ici connue de nous 
que par la tradition, mais dont ne permettent plus de douter 
les beaux travaux qu'on a publiés sur ce sujet depuis quelque 
temps. Buckland et Constant Prévost ont été les principaux 
défenseurs de deux autres opinions qui avaient surtout cours 
il y a quelques années. Le remplissage était attribué , par 
Buckland, à des animaux carnassiers ^ et particulièrement à 
l'hyène, qui apportaient les ossements dans leurs retraites. 
Pour Constant Prévost, \ action torrentielle avait eu la plus 
grande part dans la formation des couches ossifères. Il est cer- 
tain que, de nos jours encore, dans certaines cavernes à pui- 
sard, les eaux entrent troubles et sortent presque pures ; les 
graviers, les végétaux, les ossements qu'elles entraînent sont 
arrêtés en route et les eaux sont comme filtrées. M. Desnoyers 
rappelle les hésitations par lesquelles il a passé, et les objec- 
tions qu'il adressait à une époque déjà éloignée à Tournai, à 
Christel et à Schmerling. On tirait alors un argument très- 
puissant contre l'ancienneté de l'habitation humaine dans les 
•grottes du mélange de débris de l'époque romaine avec des 



— 135 — 

ossements d'espèces aujourd'hui perdues : les découvertes 
faites depuis lors ont confirmé les premières, mais il n'en est 
pas moins certain que des restes d'éléphants et des instru- 
ments de pierre avaient été trouvés avec des objets d'origme 
romaine. Cette confusion existait dans deux ou trois dépôts. 

Le mode de remplissage par Y habitation humainey qui 
fait aujourd'hui l'objet prmcipal des recherches paléoethno- 
logiques est tout différent des précédents. Ce ne sont plus 
les eaux, ce ne sont plus les animaux qui ont accumulé 
les débris dans les cavernes, c'est l'homme lui-même. Des 
lieux d'habitation ont été découverts jusqu'à 100 mètres au- 
dessus du fond des vallées, et on y a trouvé des cailloux 
roulés du cours d'eau qui coule au bas de la montagne. On n'a 
pu expliquer la présence de ces galets que par l'action de 
l'homme, et l'on croit volontiers qu'il les destinait à faire 
chauffer l'eau, comme le font encore aujourd'hui quelques 
tribus sauvages. 

Dans certains abris, l'action fluviatile se joint à celle de 
l'homme. A Bruniquel, par exemple, on voit des traces d'action 
torrentielle, et au-dessous des dépôts analogues à ceux des 
autres cavernes. Les mêmes phénomènes ont été observés sur 
les bords de la Vézère par Christy et M. Ed. Lartet. De nos jours 
encore, on peut, aux abords de Salins, prendre une idée fort 
exacte de ce mode de formation. Au-dessus d'une couche qui 
contient toute une faune, les eaux amassent aujourd'hui un 
dépôt analogue à ceux dont il vient d'être parlé. 



Étude anatomique des os découverts dans une des grottes 
de la Buisse. 



L'un des Secrétaires donne lecture du travail suivant, 
adressé de Grenoble par le D' Gharvet, professeur à la Faculté 
des Sciences de cette ville. 

En 1841, on fit d'intéressantes découvertes dans une des 
grottes de la Buisse, près deVoreppe (Isère). Cette station, con- 
tenant des débris humains, est jusqu'à ce jour la seule connue 
dans les environs de Grenoble, appartenant à l'âge de la 



— 136 — 

pierre. Je la signalai à Tépoque même de sa découverte dans 
le Bulletin de la Société de statistique de l'Isère y t. II, p. 191, 
en faisant connaître quelques-unes des circonstances qui s'y 
rattachaient; mais la publication d'une étude plus complète 
des os que j'ai recueillis dans la grotte de La Buisse pourra 
aujourd'hui offrir quelque intérêt en raison de découvertes 
analogues qui se sont multipliées dans un grand nombre de 
localités depuis une vingtaine d'années. 

Les objets trouvés à la Buisse furent extraits du sol par un 
cultivateur qui mit en réserve ce qui lui paraissait avoir une 
valeur quelconque, sans se préoccuper de la position relative 
des divers objets ; et quand je visitai la grotte quelques jours 
après, le sol ayant été entièrement fouillé et bouleversé, on 
ne voyait plus çà et là que de petits fragments de silex tra- 
vaillés, un amas de cendres mélangées de menus charbons, de 
petits éclats d'une poterie tout à fait grossière et surtout des 
os brisés, amoncelés dans un coin de la grotte où on les 
avait réunis tout récemment. C'était exclusivement des os 
d'hommes et quelques portions de défenses de sanglier, plus 
une tête de blaireau qui ne présentait pas les caractères d'an- 
tiquité des ossements humains. 

Parmi les objets en la possession du cultivateur de qui 
j'en fis l'acquisition, j'indiquerai d'abord la belle pierre dure, 
taillée en croissant, polie et percée, que je remis ultérieure- 
ment à M. de Galbert, et qui figure à l'Exposition universelle 
de cette année. Quelques lames en silex et fragments de lames, 
et des grattoirs en silex, que je déposai dans la collection 
archéologique de la ville de Grenoble, ou ils sont conservés ; et 
aussi un tronçon de bois de cerf percé d'un trou ovale perpen- 
diculairement à l'axe du tronçon et près de la portion basi- 
laire dont le renflement représente la tête d'un marteau ; l'autre 
extrémité est taillée en coin. Le trou ovale a son grand axe 
suivant l'axe de l'outil; il recevait évidemment un manche en 
bois ou en os S et le tout avait du constituer ou un bâton de 
commandement, suivant plusieurs archéologues, ou un outil 
médiocre pour gratter le sol ou pour tout autre usage. Si 

4 . Longueur totale du tronçon 22 centimètres. Trou ovale grand dia- 
mètre 3 centimètres. Plus grand diamètre transversal 23 millimètres. 



— 137 — 

c'était une arme, elle était certainement peu offensive. Je le 
déposai, avec les couteaux de silex, au Musée archéologique. 
De son côté, M. Repellin fit don à la même collection d'une 
petite coupe faite avec un fragment de crâne humain et res- 
semblant assez bien par la forme et les dimensions à une cuil- 
ler ordinaire, moins le manche. 

Ces divers objets et les os trouvés dans la grotte de la 
Buisse sont sans aucun doute contemporains et appartiennent 
à Tâge de la pierre. Or, voici ce que j'ai constaté concer- 
nant les os. 

Le plus grand nombre provenait de jeunes sujets de dix à 
quinze ans; une partie pourtant était d'adultes, mais jeunes 
encore ; car chez tous les sutures crâniennes sont apparentes 
même sur la table interne, et chez la plupart les troisièmes 
dents molaires sont encore dans leurs alvéoles. 

Pour les formes, les dimensions et l'ensemble, la plupart 
des crânes ne diffèrent pas sensiblement de ceux de notre 
temps. Peut-être le frontal est-il en moyenne un peu moins 
élevé que dans les crânes actuels, quoique la partie anté- 
rieure soit aussi proéminente, et par conséquent l'angle facial 
aussi ouvert que dans la moyenne des têtes européennes. Les 
mesures que je donnai, en 1841, dans le Bulletin de la Société 
de statistique de V Isère furent prises sur là tête la plus com- 
plète de la Buisse *, en comparaison avec une tête des temps 
actuels, dans les formes les plus ordinaires, et je constatai que 
les différences étaient dans les limites ordinaires que l'on 
trouve en comparant entre elles des têtes de notre époque. 
L'une de celles de la Buisse est remarquable par la très-forte 
saillie des arcades sourcillières et des rebords susorbitaires; 
mais j'en ai une très-semblable sous ce rapport, qui est tout à 
fait moderne, et ainsi de quelques autres particularités qui 
sont dès lors sans importance. 

Cependant parmi les pièces toutes plus ou moins endom- 
magées qui restent dans la collection de notre Faculté, je 
signalerai diverses particularités qui ne paraissent pas dépour- 
vues d'intérêt. 

4. Je renvoyai avec quelques auires au savant professeur de Blainyille 
pour la collection du Muséum. 



-^ 138 — 

I. La grande épaisseur de la plupart des os du crâne, sur- 
tout dans les portions formant la voûte sincipitale, y compris 
la région frontale. Des fragments recueillis en même temps 
que les crânes présentent aussi cette particularité, qui est la 
règle, mais avec quelques exceptions. Ainsi un des crânes les 
moins endommagés ne dépasse point en épaisseur les crânes 
les plus ordinaires que Ton voit dans nos amphithéâtres. Il 
faut ajouter que sur les crânes épais les lames susorbitaires du 
frontal , quoique non exposées aux chocs directs , sont plus 
épaisses aussi que dans les crânes des temps modernes ; con- 
dition nécessaire pour prévenir les fractures par contre-coup 
et complémentaire de la grande solidité des portions super- 
ficielles de la boîte crânienne. 

IL Un crâne brachycéphale du type le plus prononcé. 
L'absence de la face et de la portion susorbitaire du frontal ne 
permet pas de mesurer le diamètre antéro-postérieur, et l'ab- 
sence des rochers rend impossible la mesure du diamètre 
transverse au-dessus de leurs bases. Mais j*ai pu mesurer le 
plus grand diamètre transverse pris intérieurement d'une fosse 
pariétale à l'autre ; il est de 143 millimètres. Sur un crâne de 
la même provenance et de forme ordinaire, je trouve le même 
grand diamètre un peu moindre, 138 millimètres. 

J'ai mesuré aussi extérieurement la plus grande saillie du 
renflement postérieur de l'occipital sur la ligne médiane, en 
prenant pour point fixe le bord postérieur du trou occipital, et 
je trouve sur le crâne brachycéphale 15 millimètres seulement. 
Sur deux autres crânes de la Buisse, la même saillie est pour 
l'un de 33 millimètres, et pour l'autre de 40 millimètres, toujours 
par rapport au bord postérieur du trou occipital. La considé- 
ration de la position plus ou moins reculée du trou occipital 
dans les diverses classes de vertébrés perd ici une partie de 
sa signification : dans tous les cas, cette ouverture n'est pas, 
comme dans les têtes européennes, vers le tiers postérieur de la 
longueur de la base du crâne. 

Vu dans son ensemble, le crâne brachycéphale présente un 
aplatissement considérable de la région occipitale qui forme 
la base d'un cône assez régulier, dont le sommet devait se 
trouver, quand la tête était entière, sur la région frontale anté- 
rieure. Notons aussi que le tiers postérieur environ de chaque 



— 139 — 

pariétal fait partie de la base du cône et appartient à la région 
postérieure du crâne ; que les arêtes, saillies et empreintes mus- 
culaires de la surface externe sont peu marquées, condition 
qui se retrouve sur tous les autres crânes de la Buisse ; et que 
la grande épaisseur de ces os déjà signalés se voit sur la tête 
brachycéphale comme sur la plupart des autres. 

III. Rien de spécial sur le peu que nous avons du squelette 
de la face. Une seule tête a conservé un maxillaire supérieur. 
L'angle facial ne présente rien de particulier,' il est dans la 
moyenne ordinaire de la race blanche. 

De quatre maxillaires inférieurs deux proviennent d'en- 
fants de 10 et 15 ans,* un autre est un peu plus âgé, un seul 
est adulte. Chez celui-ci, l'os est fort et robuste, les couronnes 
des dents sont aplaties, il ne reste plus de tubercules sur la 
surface triturante des molaires qui sont usées en biseau de 
telle sorte que le bord interne de chaque couronne présente 
une saillie tranchante plus haute que le bord externe, qui est 
rongé presque jusqu'au collet. Les molaires supérieures de- 
vaient être usées en sens inverse. • 

L'éminence mentonnière et tous les autres caractères pro- 
pres à la race blanche se retrouvent sur ces maxillaires. L'im- 
plantation des dents incisives n'est point proclive. 

Sur un assez grand nombre de dents isolées ou en place, 
une seule est atteinte d'un commencement de carie. 

Dans la grotte de la Buisse se trouvaient aussi des os de 
membres, mais tous très-endommagés; je ne réservai que -les 
pièces €n petit nombre qui l'étaient le moins. 

IV. Tous ces os sont caractérisés par les fortes empreintes 
des insertions musculaires, saillies et aspérités, sans dépasser 
toutefois ce que nous voyons sur les os de notre époque pro- 
venant de sujets très-vigoureux. Mais cette conformation est 
remarquable ici en raison des dimensions à peine moyennes de 
ces os adultes comparés aux os des temps actuels. Ces fortes 
empreintes sont remarquables aussi comparées aux empreintes 
à peine apparentes sur les crânes de la même grotte. L'éminence 
occipitale externe si fortement saillante chez beaucoup d'Eu- 
ropéens manque totalement sur tous les crânes de la Buisse. 
Il est vrai que cette saillie n'appartient pas aux insertions mus- 
culaires; mais les lignes courbes occipitales et les inégalités 



— uo — 

intermédiaires, qui sont essentiellement des empreintes d*in- 
sériions, sont très-peu marquées quand elles le sont. 

Parmi les fragments d'os longs des membres, je n'en vois 
que deux présentant des particularités à signaler. 

Vr Une moitié inférieure d'humérus gauchequi a dû apparte- 
nir à un sujet de petite taille ou à peine de taille moyenne, pré- 
sente l'empreinte deltoïdienne tellement saillante, qu'au pre- 
mier coup d'œil on croirait voir le cal d'une fracture mal 
réduite. La gouttière de torsion où sont abrités le nerf radial 
et l'artère humérale externe se trouve approfondie d'autant et 
comme creusée à la gouge. Ce fragment osseux ^ésente une 
autre particularité : le fond de laTossë olécrânienne est percé à 
jour et communique avec la fosse coronoïde par une ouverture 
de 5 millimètres. Est-ce simplement une anomalie individuelle 
comme elle peut se rencontrer, quoique très-rarement, dans la 
race blanche, ou bien serait-ce une condition de race, un peu 
comme chez les nègres, où cette perforation bien plus fréquente 
que* chez le blanc est considéré ecomme un caractère d'infé- 
riorité* ? En l'état n'ayatit pas d'autre humérus de l'âge de la 
pierre, je'ne puis qu'appeler l'attention sur cette question qui 
sera facilement résolue. par la comparaison avec d'autres humé- 
rus des âges antéhistoriques. 

VI. Je possède de la Buisse la portion supérieure de deux 
os radius ; l'un d'un enfant de neuf à dix ans n'a rien de par- 
ticulier. L'autre est d'un adulte vigoureux et offre quislque 
chose de très-remarquable. 

Rappelons d'abord que dans la race blanche, la cupule ou 
fossette creusée sur laxpartie la plus élevée de l'os radius est 
régulièrement circulaire, pour l'étendue des mouvements de 
rotation de l'avant-bras — pronation et supination. Tous les 
traités d'anatomie descriptive indiquent la forme circulaire de 
la cupule du radius ; mais ce qu'ils ne disent pas, c'est que le 
centre de la cupule ne coïncide pas avec le centre du plateau 
qui la supporte. Le centre de la cupule est un peu en arrière 

4 . La perforation de la fosse olécrânienne est indiquée dans les traités 
modernes d'anatomie, sans distinction de races, comme se voyant quelque 
fois (Cruveilhier), assez souvent (J.^F. Meckel), souvent (Sappey, édi- 
tion 4847). Je ne nie pas la possibilité de cette perforation comme ano- 
malie dans la race blanche, mais je ne Tai jamais vue. 



— lui — 

et un peu en dehors du centre du plateau. Comme consé- 
quence, le rebord de la cupule n*a pas d'épaisseur sensible en 
arrière et en dehors, et présente en avant et en dedans une 
épaisseur plus ou moins prononcée suivant les sujets, mais 
constante chez tous. Or cette conformation ne se voit pas sur 
l'adulte de la Buisse, Taxe de la fossette coïncide avec Taxe de 
la tête du radius dans laquelle elle est creusée, et il en résulte 
que la fossette ou cupule radiale, au lieu d'être circulaire, est 
sensiblement ovalaire : 17 millimètres dans un sens, 19 milli- 
mètres dans l'autre sens, les deux axes se coupant à angle 
droit. 

Ici encore comme pour l'humérus, je ne possède qu'une 
seule pièce adulte ; mais si la forme ovalaire de la fossette 
radiale se rencontre sur d'autres radius de la même époque, 
c'est une mfériorité de race et bien plus caractéristique que la 
perforation olécrânienne de l'humérus. 

En effet, chez les singes anthropomorphes, la fossette du 
radius n'est pas circulaire mais ovalaire, et la forme ovale de- 
vient de plus en plus oblongue, le grand diamètre prédomi- 
nant de plus en plus sur le petit diamètre en descendant dans 
la série des mammifères, en même temps que, comme consé- 
quence, la rotation de l' avant-bras sur le bras devient de moins 
en moins libre et de moins en moins étendue. 

C'est cette diff'érence delà forme circulaire à la forme ovale 
allongée qui règle en partie l'emploi du membre thoracique 
chez les mammifères. Instrument chez l'homme; outil pour se 
cramponner, saish*, porter à la bouche, etc., chez le quadru- 
mane, il arrive graduellement à n'être plus qu'un support chez 
les animaux à sabot, à mesure que l'articulation du radius sur 
l'humérus prend de l'étendue transversale et empiète sur la 
portion articulaire du cubitus. Or c'est le premier degré de 
cette extension de l'articulation radiohumérale que nous voyons 
sur le radius de la Buisse. 

En considérant l'ensemble des faits qui précèdent, nous 
croyons pouvoir affirmer ^que les os de la Buisse sont contem- 
porains des objets fabriqués de main d'homme qui ont été 
trouvés avec eux et remontent à l'époque antéhistorique, dite 
âge de la pierre. 

Ces os ne diffèrent pas essentiellement de ceux de notre 



race blanche actuelle; néanmoins, soit générales, soit- acciden- 
telles et individuelles, plusieurs des différences remarquées 
indiquent, les unes une plus grande force de résistance aux 
violences extérieures en raison de l'épaisseur des os du crâne ; 
d'autres une contractilité musculaire plus énergique pour des 
masses de tissu contractile égales ou même moindres, relati- 
vement à ce que nous voyons de nos jours, telles sont les fortes 
empreintes musculaires sur des os de taille moyenne ; d'autres 
enfin la tendance à une infériorité organique. 

Au point de vue de l'histoire de l'espèce humaine et des 
habitudes, les hommes de la Buisse ont dû fréquenter les 
grottes pendant de longues séries d'années, caries objets fabri- 
qués présentent des spécimens de toutes les phases de l'âge de 
la j)ierre, depuis le grattoir de silex brut et mal ébauché, jus- 
qu'aux belles lames tranchantes de silex et jusqu'au croissant 
en pierre polie, chef-d'œuvre de patience et d'adresse de ces 
ouvriers primitifs. 

Cependant l'ancienneté de la station pourrait bien ne pas 
remonter au delà de la pierre polie, car l'usage de la pierre 
taillée s'était encore prolongé dans la deuxième période. 

Les hommes de ces localités avaient des relations lointaines 
pour se procurer les lames de silex dont la matière première 
manque totalement dans nos contrées. 

Remarquons aussi que les grottes ne présentent ici aucun des 
indices reconnus en d'autres lieux, de résidents ayant établi là 
leur domicile ou d'ateliers de fabrication : point d'os longs de 
grands mammifères fracturés pour en extraire la moelle, point 
d'outils inachevés ou de résidus de fabrication : c'était exclusi- 
vement un lieu de sépulture. Au delà de ces données tout 
devient conjectures et incertitudes. Était-ce une sépulture 
commune ou un lieu réservé pour les victimes des sacrifices, 
comme on peut le supposer? Des enfants, de jeunes sujets, 
quelques adultes dans la force de l'âge ; pas un os caractéristi- 
que d'enfant en bas âge ou de vieillard, on pourrait ajouter 
pas un os de femme quoiqu'il soit moins facile de les distinguer 
et par conséquent moins possible de s'en assurer. 

Les objets fabriqués et les autres accessoires ne démentent 
point la supposition d'une sépulture réservée. Le bois de cerf 
taillé et la pierre en croissant trouvés à la Buisse sont très- 



semblables à ceux que Ton a trouvés ailleurs et que les archéo- 
logues s'accordent généralement à considérer comme des insi- 
gnes de commandement. Ceux de la Buisse indiqueraient que là 
aussi ont été ensevelis des chefs de la tribu ou peut-être que 
là ont été immolés après leur défaite et ensevelis avec leurs 
attributs distinctifs des chefs de tribus hostiles. 

La coupe en forme de cuiler taillée sur un fragment d'os 
de crâne humain de la race locale, car elle a aussi l'épaisseur 
caractéristique, n'est point un produit accidentel. Contour ré- 
gulier, coupe nette et vive, sauf quelques dentelures, bords en 
biseau aux dépens de la table externe ou convexe de l'os, pour 
faciliter l'introduction du liquide épanché sur une surface ; cet 
ustensile n'était certainement pas employé à des usages 
vulgaires et habituels, à en juger par la matière composante 
et surtout par la rareté de l'objet, car cette pièce est peut-être 
unique dans les collections. Elle a dû servir probablement à 
quelque pratique ou cérémonie, soit dans les sacrifices, soit 
dans les funérailles. 

Les cendres et les charbons évidemment produits sur place 
seraient aussi les témoignages de cérémonies se rattachant aux 
funérailles, s'ils ne sont pas des traces d'anthropophagie. 



Discussion sur les cavernes et la perforation 
de la fosse olécrânienne. 



M. Maury, à propos des observations faites à la Buisse par 
M. Charvet, remarque qu'il ne faut pas confondre dans la période 
humaine de l'histoire des cavernes ce qu'il considère comme 
deux phases bien distinctes. Dans la première, elles ont été 
l'habitation dés vivants, dans la seconde, la demeure des morts. 
11 s'explique, par l'horreur qu'inspirent toujours à l'homme les 
restes humains, l'absence presque complète de débris de ce 
genre dans des couches où Ton trouve tant de milliers de silex 
travaillés. Les habitants des cavernes n'enterraient pas leurs 
morts sous leurs pieds, ils les portaient dans quelque endroit 
éloigné de leur demeure. Plus tard, les cavernes abandonnées 
ont servi de lieu de sépulture; la grotte de la Buisse appartient 



— ikk — 

à cette seconde catégorie, les débris qu'on y a trouvés sont 
par conséquent de date relativement récente. 

M. VoGT. On doit toujours se garder de tirer des conclu- 
sions de faits incomplètement observés. Le travail fort inté- 
ressant dont on vient d'entendre la lecture est malheureuse- 
ment aussi fort incomplet; son auteur n'a vu en place aucun 
des objets qu'il décrit. M. Charvet ne dit rien des rapports des 
couches entre elles ; il est impossible d'accepter une observa- 
tion aussi dénuée de précision. Quant à la remarque faite par 
M. Maury sur les relations des vivants avec les défunts, je ne 
la crois pas exacte. Il ne faut pas oublier qu'il est encore des 
peuplades qui habitent avec leurs morts, mangent et couchent 
avec eux, les portent partout avec eux. 

Au sujet des observations générales qui ont ouvert cette 
séance, M. Vogt fait observer qu'il est d'autres causes encore 
de remplissage qu'on a omis d'indiquer. A Barentraup, par 
exemple, on a trouvé des squelettes enfouis à un mètre de pro- 
fondeur dans un dépôt formé par les eaux de neige. Il ne faut 
pas se hâter de généraliser les faits isolés qu'on a pu observer; 
la nature arrive à des résultats semblables par des moyens 
très-divers. On peut invoquer, dans le cas présent, bien des 
causes différentes : sépulture, anthropophagie, etc. 

M. DE MoRTiLLET a visité la grotte de la Buisse. 11 est diffi- 
cile d'admettre qu'elle ait pu servir d'habitation : elle s'ouvre 
dans une paroi verticale de rocher, à 6 ou 8 mètres du fond de 
la vallée ; de plus, une grande pierre en fermait l'entrée. 

Quant aux objets, ils sont tous contemporains, ils appar- 
tiennent à la belle époque de la pierre polie. Le morceau de 
crâne en forme de coupe semble avoir été scié avec le silex; 
les bords ont été ensuite polis au grès. Il servait à un usage 
inconnu. 

M. Broca, Les observations que je veux présenter à cette 
assemblée ont principalement rapport aux faits anatomiques 
exposés par M. Charvet. Quant à Fâge des débris qu'il nous a 
décrits, je m'associe aux réserves de M. Vogt, tout en faisant 
observer, à la décharge de M. Charvet, qu'il s'agit ici de 
fouilles qui remontent à l'année 18il, et qu'à cette époque on 
manquait absolument de notions précises sur ce sujet. 

En ce qui concerne les restes humains, je dois relever dans 



— 145 — 

le travail qu'on vient de lire quelques propositions contradic- 
toires. M. Charvet dit, par exemple, que les ossements de la 
Buisse ne diffèrent pas de ceux de nos contemporains, et plus 
loin il parle d'une grande épaisseur de la voûte et des lames 
sus-orbitaires. Nous savons aujourd'hui que, dans les crânes 
anciens, dans ceux des dolmens, par exemple, l'épaisseur des 
os est plus considérable, ce qui diminue la capacité cérébrale. 
M. Charvet nous parle aussi de la perforation olécrânienne, 
qu'il considère comme un caractère d'infériorité, sans songer 
qu'il suffit seulement d'allonger d'un millimètre le bec de l'olé- 
crâne pour la produire. J'ai depuis longtemps établi sur des 
faits nombreux l'existence fréquente de ce fait anatomique 
dans les temps anciens. J'ai recueilli avec M. Bataillard, 
dans le cimetière du Sud à Paris, 130 humérus choisis au 
hasard; la proportion des humérus perforés était de 41/2 
pour 100. Dans la grotte d'Orrouy, qui semble appartenir au 
commencement de l'âge du bronze, il y en avait 8 sur 32 ; la 
grotte d'Orrouy était une sépulture de famille; il pourrait 
donc se faire que la perforation soit, dans ce cas spécial, un 
caractère de famille, et non pas un caractère de race. 

M. Charvet croit la perforation olécrânienne commune chez 
le nègre : la collection du Muséum ne contient pas un seul 
squelette de nègre qui la présente. Mais elle est commune chez 
les Hottentots et les Guanches. On voit que ce caractère ana- 
tomique n'a aucune connexion avec le rang plus ou moins élevé 
qu'un peuple peut occuper dans l'échelle des races humaines. 
On se rappelle d'ailleurs qu'il y a des singes qui la présentent 
et d'autres qui ne la présentent pas. 

Il me reste à dire quelques mots de la différence qu'il y a 
lieu d'établir entre les cavernes sépulcrales et les cavernes 
qui ont servi d'habitation; elles diffèrent complètement les 
unes des autres. On se rappelle la description d'Aurignac, par 
M. Lartet. La grotte d'Orrouy, dont je viens de parler, n'a 
jamais pu servir à autre chose qu'à l'ensevelissement. C'est une 
cavité cubique ; à l'entrée était un squelette orienté dans la 
direction de la vallée ; plus loin, un amas d'ossements pêle- 
mêle dans une cavité, où l'on précipitait sans doute le mort 
couché près de l'entrée, chaque fois qu'un autre mort venait 
prendre sa place. 



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— U6 — 

M. Hamy. J'ai fait, pour en saisir le Congrès, la statistique 
des perforations olécrâniennes observées sur un certain nombre 
de séries d'humérus. Cette communication serait peut-être 
mieux placée au moment où Ton traitera la sixième question 
du programme. Cependant, comme M. Broca vient d'attirer 
l'attention de l'assemblée sur ce caractère anatomique, je crois 
devoir exposer maintenant le résultat de mes recherches. Une 
première statistique sur ce sujet a été dressée par M. Edouard 
Dupont. D'après les nombreuses pièces qu'il a recueillies dans 
les gisements de l'âge du renne de la vallée de la Lesse, la 
proportion des humérus perforés est considérable, elle atteint 
30 pour 100. Sur 7 humérus. recueillis par M. Martin dans 
les alluvions de Grenelle, qui semblent appartenir à une 
période de transition, entre le premier et le second âge de 
la pierre, il s'en est trouvé deux dont la perforation était bien 
naturelle ; un troisième avait la fosse olécrânienne également 
ouverte, mais artificiellement. La proportion à Grenelle attei- 
gnait donc 28 pour 100. Dans la remarquable série d'osse- 
ments trouvés dans l'allée couverte d'Argenteuil, par M. Louis 
Leguay, elle monte, d'après mes calculs, à 25 pour 100. 
M. Pruner-Bey a trouvé un chiffre à peu près semblable sur les 
ossements du même âge de Vauréa l (26 pour 100). La même 
proportion existait, suivant M. Broca, dansja^grotte d'Orrouy t 
(âge du bronze). Les renseignements font défaut pour les 
âges postérieurs, et il n'existe, pour les temps modernes, que 
deux statistiques, dont les chiffres sont très-inférieurs aux 
précédents. Une, celle de MM. Broca et Bataillard, a donné 
4 1/2 pour 100; l'autre, que j'ai dressée en compagnie de mon 
ami,' M. Sauvage, portait sur 150 humérus exhumés de la rue 
des Innocents, et antérieurs au xvii® siècle; 7 seulement ont pré- 
senté cette particularité; ce qui donne le rapport de 4,66 pour 
100. Il résulte de cet exposé que la disposition anatomique dont 
il s'agit est devenue de plus en plus rare depuis les temps 
antéhistoriques jusqu'à nos jours, sans qu'on puisse trouver 
à cette diminution des olécrânes perforés une explication 
satisfaisante. En ce qui concerne la race nègre , à laquelle 
M. Charvet attribue plus spécialement ce caractère, je ji'en 
connais qu'un se id.^cas : le nègre tout exceptionnel dont je 
parle a les deux humérus largement perforés. Il appartient 



.6v, 






— U7 — 

♦ 

à la Faculté de médecine, et on peut le voir au musée Orfila, 
dans la huitième vitrine, sous le numéro 510 de la série A . 

M. Franks, revenant sur la question de l'habitation de quel- 
ques cavernes, à une époque relativement récente, fait remar- 
quer qu'en Angleterre, à côté des cavernes habitées, comme le 
Kent's Hole à Tépoque quaternaire, il en est d'autres qui ont 
servi de refuge au moment de l'invasion des Saxons; on y 
trouve des débris caractéristiques de cette* époque. 

M. DE Lastic a trouvé dans une caverne des bords de 
TAveyron une couche de matière pulvérulente blanchâtre, 
mélangée d'un peu de charbon. Il a soumis cette matière à 
un chimiste, qui y a reconnu du carbonate et du phosphate 
de chaux , résidu de la combustion d'une certaine quantité 
d'ossements. Cette couche est inférieure à celle qui contient 
le renne. L'homnïe, à cette époque reculée, brûlait-il déjà ses 
morts? Cela donnerait l'explication de la rareté des ossements 
humains de cet âge. 

M. WoRSAAE. La question de l'anthropophagie antéhisto- 
rique a été touchée tout à l'heure; il serait bien intéressant 
de l'aborder ici dans ses détails. 

M. YoGT prie le Président de vouloir bien porter à l'ordre 
, du jour de la séance libre de demain cette question, qui 
se rattache très-étroitement à l'étude des cavernes que l'on 
traite en ce moment. 

Le Président consulte l'assemblée sur cette proposition. 
11 n'y a pas d'opposition; la question de l'anthropophagie en 
Europe avant l'histoire est mise h l'ordre du jour de la séance 
du jeudi 22. 



Notice sur les débris de renne trouvés avec des instruments 
près de Schussenried. ^ ' 

M. Albert Sf eudel, de Ravensburg, communique les détails 
qui suivent sur le gisement de Schussenried, royaume de Wur- /.. 
temberg: ^^ 

Je regrette bien que ce ne soit pas mon ami, M. Fraas, de i 
Stuttgart, qui vous entretienne d'une découverte bien impor- '*'^^ 
tante qu'on a faîte dans mon pays, il y a deux ans, et dans 






— 148 — 

laquelle ce géologue bien connu a joué un des principaux 
rôles. C'est donc à sa place que je vous conduirai dans la partie 
méridionale du royaume de Wurtemberg, sur ce plateau de 
la haute Souabe qui s'étend entre le lac de Constance et 
le cours supérieur du Danube. Parmi les rivières qui se ren- 
dent dans le lac, en coulant du nord au sud, la plus importante 
est la Schussen, dont la source se trouve justement sur la 
ligne de démarcation qui sépare les deux bassins du lac et du 
Danube, et à peu près à moitié route du chemin de fer qui va 
de Friedrichshafen à la ville d'Dlm. 

Tout près de la source de cette rivière, et cependant déjà 
sur le versant danubien se trouve une tourbière immense, qui 
appartient au gouvernement wurtembergeois et dont le pro- 
duit suffirait, à ce que Ton a calculé, pour chauffer pendant 
près d'un siècle toutes les locomotives de mon pays. Cette 
tourbière cependant n*a été exploitée que depuis ces dernières 
années et dans le but de l'exploitation, on en a entrepris le drai- 
nage. Les eaux commençant à se diriger par Jes fossés delà 
tourbière vers le nord, la source de la Schussen elle-même en 
a souffert, et le meunier de Schussenried s'est aperçu, avec 
beaucoup de regret, que son moulin ne marchait plus bien 
depuis que le gouvernement avait commencé ses travaux de 
l'autre côté. Notre homme ne se découragea pas. Il se fit ce 
raisonnement : « Si vous m'enlevez mon eau en creusant plus 
(( profondément, je peux bien la ravoir en en faisant autant 
« de mon côté, » et il obtint la permission de faire un canal 
bien profond depuis la source de la Schussen jusqu'à son 
moulin. Eh bien, messieurs, ces travaux entrepris dans un 
simple but d'utilité privée ont abouti en même temps à servir 
la science et ont amené une découverte des plus intéressantes 
pour l'histoire primitive de l'homme. 

Tout près de la source, les ouvriers de ce meunier ont tiré 
du sol un certain nombre d'ossements et de cornes semblables 
à celles de cerf. Les enfants s'emparèrent de ces dernières 
pour jouer, et quelques-uns de ces débris furent portés auprès 
de M. Valet, pharmacien dans le village de Schussenried. Ce 
monsieur, membre très-zélé de la Société d'histoire naturelle 
du Wurtemberg et bien connu dans les environs comme ama- 
teur d'objets ciirieux, ne fit cependant pas grand cas de ces 



— m — 

trouvailles. Il croyait avoir affaire à des restes de daims, et cela 
d'autant plus qu'il existe aujourd'hui tout près de son pays 
un parc avec une centaine de daims vivants, possession du 
comte d'Aulendorf. 

Heuteusement, dans ces jours-là, M. le professeur Krauss 
de Stuttgart était venu dans cette contrée pour herboriser dans 
les étangs du voisinage, et c'est en visitant son ami, M. Valet, à 
Schussenried, qu'il aperçut une de ces pièces provenant des 
travaux de la source de la Schussen. 

(( Qu'est-ce que tu as là? demanda M. Krauss. — Oh ! ce 
(i sont probablenaent des restes de daims, qui autrefois ont 
« peuplé nos forêts. — Mais non, cher ami, répliqua M. Krauss, 
« ce ne sont pas des daims, ce sont des- rennes. » 

Et, ne voulant pas s'appuyer seulement sur son propre juge- 
ment, il prit quelques spécimens avec lui, les porta à Stutt- 
gart et les montra à ses amis. 

Par suite, M* Fraas, muni des pouvoirs de l'autorité gouverne- 
mentale, se mit aussitôt en route pour Schussenried, et c'est 
sous sa surveillance et celle de M. Hassler, conservateur royal 
pour les antiquités du royaume, que s'exécutèrent dès lors les 
travaux. , 

On ne négligea aucune mesure de prévoyance et de circon- 
spection dans l'intérêt de la science; M. Fraas resta sur les 
lieux du matin jusqu'au soir, et, pendant la nuit ou les jours 
de dimanche, on plaça des sentinelles afin que rien ne fût 
enlevé ou éparpillé par des mains profanes. C'est ainsi qu'on 
parvint à mettre au jour toute une couche de débris de rennes, 
large à peu près de vingt pieds, ensevelie environ à vingt 
pieds aussi au-dessous de la surface du sol. 

La plupart des ossements sont cassés et l'on voit bien que 
c'est dans le but d'en retirer la moelle qu'on les a ouverts. 
Les crânes sont brisés avec des instruments qui se trouvent 
tout près et qui ne sont autre chose que des pierres erratiques 
ou cailloux roulés de mon pays qui, à ce qu'on sait, ressem- 
blent bien souvent à des haches de la période de la pierre polie. 
Il doit y avoir eu tout un troupeau de rennes, et en outre on a 
trouvé un grand nombre d'autres animaux, dont quelques-uns 
ne vivent aujourd'hui que dans le cercle polaire, tels que le 
glouton, le renard glaciaire, etc. A côté de ces restes d'ani- 



— 150 — 

maux, on a trouvé grand nombre d'outils humains travaillés de 
la manière la plus primitive- Ainsi par exemple des sifflets for- 
més tout simplement avec les os des phalanges percés d'un trou. 

Ce que les restes d'animaux semblent indiquer a été 
confirmé d'une manière tout à fait incontestable par les 
mousses, dans lesquelles toute la couche a été trouvée comme 
emballée. Ces mousses, très-bien conservées, ont montré dès le 
premier moment aux savants qui les ont aperçues un caractère 
tout à fait particulier. M. Fraas s'est empressé d'en envoyer 
des échantillons à M. le professeur Schimper, de Strasbourg, 
qui, à ce qu'on sait, est de nos jours celui qui connaît le mieux 
les mousses. M. Schimper les a reconnues comme étant des 
mousses arctiques et a déterminé deux espèces, l'une appelée 
Hypnum sarmentosum^ et l'autre Hypnum aduncum (Var: 
groenlandicum Kneifii). 

Messieurs, j'ai examiné moi-même l'exemplaire original 
de V Hypnum sarmentosum^ que M. Schimper a cueilli de sa 
main, près des glaciers de la haute Norwége, et en le compa- 
rant avec la même espèce trouvée à Schussenried, je dois avouer 
que ces deuxmousseâ se ressemblent comme un œuf ressemble 
à un autre œuf. Aujourd'hui toutes ces mousses, dont une ou 
deux espèces ne sont pas encore déterminées, n'existent plus 
dans l'Europe tempérée, ni en Allemagne, ni en France, ni en 
Suisse. Elles ne se trouvent que dans les hauts parages de la 
xone glaciale, elles supposent un climat froid; voilà donc la 
botanique qui confirme ce qui avait déjà été établi par les débris 
animaux de la même période, au sud de l'Allemagne, à savoir 
que les plus anciens habitants dont nous ayons trouvé les traces 
dans notre pays, ont vécu dans un climat glacial. 

Messieurs, il a été question déjà plusieurs fois dans cette 
salle d'une époque glaciaire, mais vous savez bien que quelques 
savants suisses, parmi lesquels M. Heer, de Zurich, ont rendu 
très-probable qu'il y a eu deux époques glaciaires, séparées 
par un temps de repos qui a duré assez longtemps. Or il est 
bien remarquable que la couche à rennes de Schussenried se 
trouve placée au-dessus d'un terrain qui montre déjà l'action 
des glaciers, parce qu'il y a beaucoup de cailloux polis et de 
pierres striées, tandis qu'au-dessus de la couche de rennes, il se 
trouve une formation de tuf épaisse d'un pied et demi, et qui 



— 151 — 

certainement indique un temps de repos, et plus haut vient le 
limon du terrain supérieur, mêlé encore avec des pierres erra- 
tiques. Serait-il d'après cela trop hasardé de supposer que les 
hommes qui ont laissé leurs traces sur notre terrain, aient vécu 
justement entre les deux époques glaciaires dont la Suisse 
montre tant de preuves ? 

Je citerai encore deux choses bien remarquables qui se 
sont rencontrées à Schussenried ; la première, des globules 
d'une matière rouge, semblable à de l'ocre et qui a évidem- 
ment servi pour teindre la peau et rehausser la beauté à 
l'instar de ce que font aujourd'hui les peuples sauvages de 
l'Amérique ; la seconde est une espèce de vase qui se trouve 
en la possession de M. Valet, de Schussenried. 

M. Valet a d'abord cru avoir trouvé une pièce de poterie 
artificielle, et c'était pour lui un sujet de joie d'autant plus 
grande, qu'à côté d'un grand nombre d'ossements travaillés et 
d'instruments humains faits avec de la corne, on n'avait pas 
trouvé d'autres poteries. Mais l'examen critique auquel M.Fraas 
a soumis la pièce en question ayant démontré qu'elle est tout 
simplement un spongite ou polypier infondibuliforme, tel qu'on 
en trouve dans l'étage corallien du Jura, on peut bien se per- 
mettre de supposer que les hommes primitifs de notre pays, 
en parcourant la partie du Jura wurtembergeois nommée le 
Heuberg, où les champs sont remplis de ces spongites, en 
ont ramassé pour s'en servir comme vases culinaires. 

Pour plus de détails, messieurs, je vous renvoie aux rapports 
de M. Fraas dans les Naturwissemchaftliche Jahrbûcher von 
Wfirltembergj et dans les Archives de la Bibliothèque Uîtiver- 
«e/fe(1867, p. 31). . 

Je termine en invitant bien cordialement les membres hono- 
rés de cette respectable assemblée, de vouloir bien se rendre 
dans mon pays pour voir, dans la magnifique collection de 
Stuttgart, un squelette de renne qui provient de Schussenried, 
et qui est aussi complet que pourrait l'être celui d'un animal 
vivant. Il est placé à côté de l'ours des cavernes et des magni- 
fiques restes de mammouth, qui forment l'ornement de la re- 
marquable collection arrangée tout récemment par M. Fraas. 



— 152 — 



Complément de la communication précédente. 



M. Desor ajoute à la communication de M. Steudel les 
observations suivantes : 

Le gisement de Schussenried n'est pas seulement impor- 
tant comme nouvelle station de l'époque du renne. Jusqu'ici 
l'âge du renne n'était connu que par des débris de cavernes. 
A Schussenried, nous le trouvons dans des conditions nouvelles, 
au milieu de la grande plaine de la Souabe, occupant une place 
déterminée dans la série des terrains. C'est, comme l'a dit 
M. Steudel, au milieu des terrains glaciaires, que se trouve le 
dépôt argileux qui renferme les débris du renne» les mousses 
du nord et ces autres ossements attestant un climat plus ou 
moins boréal. 

La station de Schussenried est d'un intérêt tout particulier 
pour la connaissance de l'âge relatif de ce dépôt. C'est un jalon 
chronologique d'une haute importance. En effet, le terrain 
dont il s'agit n'est autre que la moraine terminale du grand 
glacier du Rhin, dont le caractère se trahit non-seulement par 
la composition du terrain, mais ausssi par les formes et les 
accidents de la surface. L'œil exercé y reconnaît sans peine ce 
même cachet de paysage morainique, qui se reproduit sur une 
échelle plus grande au bord de la plaine lombarde, où il 
forme, entre le lac Majeur et le lac de Côme, l'une des zones 
les plus pittoresques de l'Italie. Les mêmes formes variées se, 
reproduisent, quoique moins accentuées, au nord de Schussen- 
ried. En examinant les cailloux qui se voient dans les déblais 
des routes et dans les tranchées de la rivière, nous ne tar- 
dâmes pas à y constater la présence d'un nombre considérable 
de cailloux striés, attestant d'une manière indubitable la pré- 
sence du glacier. 

C'est dans l'une des inégalités de ce terrain morainique que 
se trouve la dépression qui renferme les ossements en question. 
Or, pour que des hommes aient pu s'y installer et y laisser les 
débris de leurs repas, il fallait que le glacier se fût retiré. Ce 
serait par conséquent pendant la retraite du glacier, alors que 



— 153 — 

lé climat était cependant encore sous l'empire des grandes 
glaces, que les hommes de Tâge du renne se seraient établis au 
milieu du sol accidenté de la grande moraine frontale des gla- 
ciers du Rhin, Il s'ensuit que le renne, dans nos contrées, ne 
serait pas antéglaciaire, mais plutôt contemporain de la fin de 
cette grande époque, ainsi que le Rhinocéros Merkii et VEle- 
phas antiquus d'Utznach et de Dinnten, dans le canton de 
Zurich. 

La présence [des silex taillés, au milieu des ossements de 
renne, indique que les peuples de cette époque reculée, quoi- 
que très-primitifs, avaient cependant des relations assez éten- 
dues, attendu qu'il n'existe aucune trace de silex dans la con- 
trée et qu'ils ne pouvaient se le procurer que de régions assez 
éloignées (au moins cent kilomètres). 

La séance est levée à 10 heures et un quart. 

Lun des secrétaires : 

E. T. Hamy. 



15fi — 



SÉANCE DU JEUDI 22 AOUT. 

PRÉSIDENCE DE M. WORSAAE. 

L'un des vice-présidents. 

La séance est ouverte à deux heures : 

M. Hamy, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de 
la dernière séance, qui est mis aux voix et adopté. 

M. DE MoRTiLLET, secrétaire général, met sous les yeux 
de rassemblée un silex d'une forme singulière, rappelant 
celle d'une tête humaine, qui a été adressé d'Autriche par 
M. Ramsauer. 



Perforation de la cavité olécrânienne. 

M. Hamy, à l'occasion des observations que M. Broca a pré- 
sentées dans la séance du 21, sur la fréquence de la perfora- 
tion de la cavité olécrânienne dans les diverses races humaines, 
ajoute qu'il résulte des observations de M. Dupont dans les ca- 
vernes de la Belgique, que le nombre des squelettes de cette 
provenance qui offrent cette perforation, se trouve être dans 
la proportion de 30 pour 100, ce qui vient à l'appui des idées 
émises par M. Broca. 

M. Pruner-Bey. Je désire ajouter un mot à la communication 
faite à ce sujet hier par M. Broca et tout à l'heure par M. Hamy. 
J'affirme, avec le premier, que sur les squelettes de nègres 
déposés dans nos musées cette particularité n'existe point. Tou- 
tefois j'ai constaté une exception à cette règle. Voici l'humérus 
d'une négresse de ma collection, où la cavité olécrânienne est 
naturellement et largement perforée. 

En second lieu, mes savants collègues ont bien voulu nous 
soumettre les résultats de leurs observations, toujours au 
même sujet, concernant les humérus recueillis à Orrouy et à 



— 155 — 

Argenteuil. Il ne sera pas hors de propos de faire remarquer 
que, dans ces deux localités, la présence de deux races diverses 
est établie par les formes crâniennes ; et comme cette circon- 
stance pourra avoir quelque influence sur nos discussions à 
.venir, je pense qu'il faut la signaler. 

Enfin, par le même motif, j'ose ajouter aux races énumé- 
rées par M. Broca, qui présentent la particularité anatomique 
précitée, les Américains du Pérou, de la Bolivie et du Mexique. 
Je dis ceci d'après mes propres observations, et j'y joins les 
Galmouques suivant l'indication de quelques auteurs. 



Proposition concernant la taille du silex. 

M. Leguay offre au Congrès le Bulletin de la Société pa- 
risienne d'archéologie et d'histoire^ dont il est président, et 




Fig. 19. 

Grand polissoir en grès, avec cuvettes et rainures, trouvé par M. Leguay, 
à la Varenne-Saint-Maur, près Paris. 

rend up compte sommaire des travaux que renferme ce re- 
cueil. Il signale, en particulier, ceux de ces travaux qui se 



— 156 — 

rapportent aux recherches qu'il a eu occasion de faire lui- 
même dans les sépultures anciennes des environs de Paris, à la 
Varenne et à Argenteuil. Enfin, à propos de l'une des dernières 
communications de M. Roujou, M. Leguay propose au Congrès 
l'étude des questions suivantes : 

« Étudier dans tous ses détails l'industrie du travail des 
pierres taillées, leur nature, leur emploi, et conséquemment 
leur forme. 

« Rechercher les divers procédés de taille usités aux diffé- 
rentes époques ou âges, les outils servant à la taille et leur 
emploi, et distinguer, s'il est possible, l'origine des pro- 
cédés. 

« Faire connaître les moyens de distinguer les pierres véri- 
tables des .fausses dans les collections, et autant que possible 
établir les caractères d'authenticité. 

« Enfin, faire à ce sujet toutes les communications pouvant 
établir d'une manière certaine les propositions énoncées, et 
produire les preuves à l'appui. » 



Ossements humains de Colle del Vente. 



M. IssEL présente les pièces qui ont fait l'objet de sa com- 
munication du lundi 19, et il fait remarquer que les matières 
dont un bon nombre d'entre elles sont composées sont étran- 
gères au pays dans lequel elles ont été recueillies, et ont dû 
y être importées des contrées voisines. Le silex, entre autres, 
viendrait probablement des Alpes maritimes. 

M, Pruner-Bey. Il est, parmi les objets apportés par 
M. Issel, une série qui mérite notre attention. 11 ne s'agit 
ici, en effet, de rien moins que de fragments osseux humains 
trouvés dans un estuaire marin du pliocène, ainsi que le 
prouvent les coquilles auxquelles ils sont associés. Voici 
d'abord un petit fragment de mandibule contenant la dent de 
sagesse et le bord antérieur de l'apophyse coronoïde. Cette 
dent est petite, atrophiée, très-blanche et légèrement cariée 
au centre de la couronne. Plus importante que cette pièce est 
la seconde, à savoir une partie du bord alvéolaire de la ma- 



— 157 — 

choire supérieure. Ici on remarque d'abord la petitesse et la 
brièveté des alvéoles, et ensuite la double racine de la pre- 
mière prémolaire qui existe. Enfin, une portion d'un pariétal 
droit, peu épais, offre au bord antérieur presque un défaut 
complet de dentelures, et celles qui concourent à la forma- 
tion de la suture sagittaire sont simples et espacées. Tous 
ces caractères se font remarquer sur les crânes de la race 
ligure. Donc jusqu'ici tout est en règle. Reste à M. Issel, 
d'établir l'époque à laquelle appartiennent ces os, si cela se 
peut. 

M. Broca élève des doutes sur la correspondance exacte de 
la dent de sagesse de la mâchoire avec l'alvéole dans laquelle 
elle a été placée et collée. Il appelle l'attention sur la singula- 
rité des caractères de l'apophyse coronoïde de cette mâchoire 
qui lui paraît exceptionnellement aiguë. 

M. Issel affirme que la dent de sagesse dont il vient d'être 
question est dans sa véritable position. 

M. Pruner-Bey. Effectivement, dans ce fragment, l'apo- 
physe coronoïde est inclinée en bas et en arrière d'une façon 
que je n'ai observée nulle part ailleurs. Mais quant au carac- 
tère supposé postiche de la dent de sagesse, je ferai remar- 
quer d'abord que c'est bien ime dent de sagesse, et en- 
suite qu'elle est parfaitement adaptée à ce qui reste de son - 
alvéole. 

M. IssEL exprime les regrets qu'il a éprouvés en voyant 
atcueillir avec incrédulité les dates reculées qu'il a été conduit 
à assigner à ces ossements humains. À la vérité, il n'était point 
présent à leur découverte, et ne peut ainsi rien affirmer d'ab- 
solu. Mais il a toute confiance dans les trois personnes qui en 
furent les témoins, et qui ont vus ces ossements enfouis à une 
profondeur de 3 mètres dans un tuffeau rempli de coquilles 
marines, caractéristique du terrain pliocène, et qui ne parurent 
pas avoir été remaniées. Il pense que si les indices de cette 
nature se multipliaient, ils finuraient par acquérh: la valeur 
d'une preuve. 

M. VoGT, en acceptant tout ce qui vient d'être dit au sujet 
de cette mâchoire, croit qu'il n'y a pas lieu de s'étonner de voir 
accueillir cette découverte avec une certaine réserve. M. Issel 
pourrait citer à l'appui de ses idées la découverte faite par 



— 158 — 

xM. 'Gocchi, dans les marnes bleues des environs de Florence, 
d'un crâne humain que Ton peut voir à l'Exposition. Mais si 
M. Vogt, d'une part, met hors de doute que le crâne de Flo- 
rence aussi bien que la mâchoire découverte par M. Issel 
aient tous deux été trouvés enfouis dans les marnes pliocènes, 
de Tautre, il réserve la question de la date de leur introduction 
dans ces dépôts. 



Atelier de silex de l'Yonne. 

M. GoTTEAu présente au Congrès des silex taillés trouvés 
en très-grand noriibre et sur un espace très-restreint dansle. 
département de T Yonne. Le silex que Ton a dû aller chercher 
à 200 mètres de ce point, a été façonné dans le genre de ceux 
que Ton trouve dans la grotte d'Arcy. 

A 2 kilomètres de ce premier atelier, s'en trouve un autre 
qui se présente dans des conditions identiques, et qui fut dé- 
couvert il y a une dizaine d'années par M. Bazin. Il est situé 
près du château de Fumeraut, dans la commune de Saint- Au-- 
bin, arrondissement d'Auxerre. 

M. Bouvet saisit cette occasion pour rappeler qu'il a 
trouvé, dans le gisement dont vient de parler M. Cotteau, plus 
de trois mille éclats de silex, des marteaux portant des traces 
de percussion, des haches ébauchées, etc., tous objets qui se 
trouvent actuellement en la possession de M. de Yibraye, 11 fait 
remarquer en terminant que, tandis que les silex de la grotte 
d'Arcy sont empruntés aux terrains jurassiques, ceux de Saint- 
Aubin proviennent des terrains crétacés. 



Anthropophagie dans les temps préhistoriques. 

M. LE Président rappelle à l'assemblée que l'on est con- 
venu de débattre, dans cette séance, les questions relatives à 
l'existence de l'anthropophagie chez les peuples primitifs dont 
le Congrès a entrepris l'étude , et il donne la parole à 



— 159 — 

M. Hamy, qui présente un exposé sommaire de l'état de cette 
question. 

M. VoGT croit devoir ajouter à cet exposé Ténumération 
suivante de quelques faits qui lui paraissent propres à servir 
de base à la discussion. 

11 doit d* abord citer les recherches de M. Spring, doyen de 
la faculté de Liège, qui aurait reconnu des indices d'anthro- 
pophagie dans la grotte de Ghauveau. Ces indices consistent 
en ossements brisés et concassés comme ceux des animaux, et 
qui paraissent appartenir à de jeunes individus. Les animaux 
qui ont servi à Talimentation des habitants de cette caverne, 
se rapportaient à des espèces vivant encore dans la contrée et 
pour la plupart déjà domestiqués. Ces pratiques ne remonte- 
raient donc qu'à une époque comparativement récente. 

De son côté, M. Schaaiïausen, de Bonn, s'est livré à des 
recherches attentives sur les ossements humains provenant 
des sépultures alignées d'Ultz en Westphalie. Ces ossements 
qui paraissent appartenir à une race brachycéphale, sont cassés 
comme" dans la caverne de Chauveau. Ces sépultures sont d'une 
époque postérieure à l'âge du renne et peut-être contemporaine 
de l'âge du bronze. 

Enfin, il y a environ un an, M. Messikommer, qui a exploité 
avec tant de succès les palafittes de Robenhausen, a envoyé à 
M. Vogt un radius humain dont les fractures paraissaient avoir 
été faites intentionnellement, mais que l'on ne peut cepen- 
dant pas considérer comme une preuve décisive en faveur de 
l'idée que des habitants de cette station auraient pu être canni- 
bales. Quant aux causes elles-mêmes de l'anthropophagie, 
M. Vogt les divise en deux catégories, les unes résultant 
de la nécessité de se nourrir et de la famine, les autres faisant 
partie de cérémonies solennelles le plus souvent religieuses, ce 
qui le porterait volontiers à donner le nom d'anthropophagie 
liturgique à ce dernier genre de cannibalisme. 

M. Desor ajoute, aux indices d'anthropophagie que M. Vogt 
vient de rapporter, le fait de la découverte due à M. Clément, 
dans la station lacustre de Saint-Aubin qui appartient à l'âge 
delà pierre polie, d'ossements humains perforés et travaillés. 

M. Roujou signale quelques indices qui pourraient bien 
se rapporter à des pratiques du même genre, et dont il a été 



— 160 — 

assez heureux de faire la découverte à Villeneuve-Saint- 
Georges, dans des tas d'ordures ou débris de cuisine se rappor- 
tant à Tâge de la pierre polie. Des couches de cendres, au 
nombre de trois, recouvertes par un limon antérieur à l'usage 
des métaux et n'offrant aucune trace de remaniement, ren- 
ferment des poteries et des molettes de grès ainsi que des 
débris d'animaux (bœuf, cerf, chevreuil, sanglier, petit porc et 
chien). Mais ce que M. Roujou y a trouvé de plus curieux, ce 
sont des ossements humains brisés et dispersés, et notam- 
ment une mâchoire, un fémur, un frontal et une portion de 
crâne qui semblent s'être rompus sous l'effort d'un choc inten- 
tionnel. 

M. Bouvet signale l'existence, à la Guyane, d'un tumulus 
anthropophagique, d'où proviennent quelques objets qu'il a vus 
à l'Exposition. M. Bred y ayant découvert, il y a environ deux 
ans, quelques coquilles, le fouilla et le trouva entièrement 
composé de coquilles marines et fluviatiles, ainsi que d'osse- 
ments humains la plupart brisés, à l'exception de certains os 
des bras et des jambes qui avaient conservé leurs relations 
articulaires. Cette butte se trouve à 10 ou 12 lieues de la mer, 
et les naturels n'ont conservé aucun souvenir de ces pratiques 
d'anthropophagie. 

M. DE Lastic rappelle qu'il a trouvé dans la caverne de 
Bruniquel des ossements humains se rapportant à plus de vingt 
individus, et que parmi ces débris existait un crâne sur le- 
quel il a pu constater la présence de stries. Il ajoute que dans 
le sud-ouest, il y a une si grande analogie entre toutes les ca-? 
vernes du même âge,, que dès que l'on aura démontré que les 
pratiques d'anthropophagie ont existé dans l'une d'entre elles, 
cela sera démontré pour toutes. 

M. DE Mehedin lit un passage de son rapport relatif à la 
découverte de la nécropole de Xochicallo, au Mexique, dans le- 
quel il fait mention d'une série de mamelons de 30 mètres de 
diamètre à la base, remplis d'ossements humains disposés dans 
le plus grand désordre et pouvant avoir été le résultat de quel- 
que festin cannibalesque. 

. M. A. DE LoNGPÉRiER croit qu'il est bon de se mettre en garde 
contre les conclusions prématurées que l'on pourrait être tenté 
de tirer de certains indices de fractures et de calcination 



— 161 — 

offerts par des ossements humains. Il cite, à cette occasion, 
les jarres cylindriques trouvées en Corse, dans lesquelles on 
avait coutume d'entasser, avant la cuisson et en les brisant 
pour les y faire entrer, les ossements du défunt. Après quoi, 
la jarre étant fermée, on la faisait cuire, et dans cette opéra- 
tion les os subissaient un commencement de calcination. Quant 
aux renseignements fournis par les anciens au sujet de Texis- 
tence de l'anthropophagie chez certains peuples, il faudrait 
également s'en défier, car ces passages ont eu le plus souvent 
pour but de rehausser le mérite de quelque conquérant. 

Hérodote attribue l'usage de l'anthropophagie aux Scythes 
sur l'autorité d'un auteur qu'il ne cite qu'avec réserve. • 

Plutarque, en rendant compte des conquêtes d'Alexandre, 
lui fait honneur de la destruction de l'anthropophagie dans la 
Sogdiane. 

C'est encore ainsi qu'au Pérou où, avant la conquête des 
Incas, les Aïmara étaient arrivés à une si haute perfection dans 
les travaux publics, leurs vainqueurs prétendaient qu'avant 
leur arrivée ce peuple ne marchait qu'à quatre pattes. 

A l'égard de l'anthropophagie religieuse, M. A. de Longpérier 
fait remarquer que dans ce cas c'étaient des vieillards qui 
étaient mangés, et qu'au contraire il résulte des communica- 
tions précédentes, que les ossements fracturés appartenaient à 
des individus jeunes. 

M. Broca attribue à l'anthropophagie religieuse une plus 
grande importance. Les hécatombes de prisonniers suivies de 
festins cannibalesques, se trouvent fréquemment décrites dans 
les récits des voyageurs qui ont visité l'Océanie. Dans l'île de 
Tahiti, cet usage ayant disparu, il en restait le simulacre ; 
aussi, après avoir immolé les prisonniers, l'honneur de man- 
ger leur œil était-il réservé au roi, et le premier nom de la 
reine Pomaré (Aïmata, je mange Tœil), était-il un reflet du 
triste privilège auquel lui donnait droit sa naissance. 

Quant aux traces de cannibalisme observées sur des osse- 
ments des races préhistoriques, M. Broca a été longtemps 
avant de s'y rendre, car la plupart des ossements présentés 
par M. Garrigou à la Société d'anthropologie, offraient des 
exemples de cassure oblique, résultat naturel d'une fracture 
indirecte, bien que quelques-unes de ces pièces offrissent sur 



— 162 — 

le bord de ces cassures des dentelures que Ton pouvait attri- 
buer à la percussion à Taide d'un instrument de pierre. Mal- 
gré l'analogie que présentaient entre elles les fractures des 
ossements humains et celles des animaux, M. Broca doutait 
encore lorsqu'il a eu l'occasion de visiter à l'Exposition des 
objets trouvés dans les palafittes de la Suisse, et il a vu, dans 
la collection de M. Clément, un fémur humain brisé présen- 
tant, outre les incisions obliques dues à la drague, tous les 
détails de fractures qu'il avait observés dans les ossements pré- 
sentés par M. Garrigou. De plus, la cavité médullaire de ce 
fémur est agrandie et creusée d'une cannelure. 

Devant ces faits qui constituent pour lui une évidence, 
M. Broca n'hésite pas à se rendre et à considérer ce sillon 
comme ayant été produit par l'instrument destiné à reti- 
rer de cet os la moelle, dont les sauvages sont encore si 
friands. 

M. A. DE LoNGPÉRiER fait observer, à ce propos, que l'uti- 
lisation des os humains ne prouve pas que ceux auxquels ils 
ont appartenu aient été victimes de l'anthropophagie, et il cite 
à Vappui l'existence d'un os très-humain, très-antique, percé 
de trous pour en faire une flûte. 

M. WoRSAAE n'a pas constaté de traces positives d'anthro- 
pophagie dans le Danemark. 

Cependant il cite la découverte qu'il a eu l'occasion de 
faire dans un dolmen d'ossements humains, non brûlés, gisant 
non loin d'ossements de même nature, mais à demi brûlés et 
brisés. Ces derniers, parmi lesquels se trouvaient des crânes, 
étaient dispersés dans la chambre au fond de laquelle gisaient 
divers ossements brûlés d'animaux à côté de l'emplacement 
d'un foyer, toutes choses qui semblaient être les vestiges d'un 
repas funéraire. Par une coïncidence assez curieuse, M. Spring 
se trouvait au musée de Copenhague le jour où il y apportait 
lui-même le résultat de ces fouilles, et ce dernier n'hésita pas 
à reconnaître, dans ces os humains, le mode de cassure qu'il 
avait constaté dans ceux des cavernes de la Belgique. 

Cette nouvelle station se rapporte à la fin de l'âge de la 
pierre, comme toutes celles où l'on a cité des traces d'anthro- 
pophagie. 

M. Clément désire ajouter quelques détails à ceux qui ont 



— 163 — 

été donnés sur les ossements humains travaillés qu'il a décou- 
verts dans la station de Saint-Aubin. 

Dans son opinion, les sinuosités de la cassure résultent de 
ce qu'ils ont été mâchés par ceux qui mangeaient les corps 
auxquels ils appartenaient. Il voit de nouvelles traces d'an- 
thropophagie dans ce fait, que les ossements dépourvus de 
chair ont dû tomber seuls verticalement au fond du lac, tandis 
que les autres auront dû être entraînés par le courant. Or ces 
ossements humains travaillés ont justement été trouvés direc- 
tement au-dessous • des estrades des habitations lacustres, 
comme s'ils avaient été dans l'état où ils se trouvent aujour- 
d'hui quand ils sont tombés dans les eaux. 

La séance est levée à dix heures et demie. 

L'un des secréiairesy 
Louis Lartet. 



— 16i 



VENDREDI 23 AOUT. 

VISITE AU MONUMENT MÉGALITHIQUE 

D'ARGENTEUIL. 

Le matin, vers dix heures, une trentaine environ de mem- 
bres du Congrès se trouvaient réunis à Argenteuil, et guidés 
par M. Leguay, s'acheminaient vers l'intéressant monument 
4écouvert par lui au mois de janvier. 

Après avoir suivi le cours de la Seine pendant une demi- 
heure à peu près, on arrive en un lieu découvert appelé le 
Désert^ sorte d'éminence inculte placée sur la crête de la chaîne 
de coteaux qui domine le fleuve : c'est dans ce site agreste, 
exposé aux rayons du midi et distant de 100 mètres environ 
du rivage, que s'ouvre l'entrée du monument mégalithique 
d' Argenteuil. 

Ce monument, du genre de ceux appelés allées couvertes^ 
est en réalité un tronçon de souterrain formé de deux murs 
parallèles espacés de 2 mètres et supportant un plafond de 
grandes dalles brutes. Ce qui distingue cette allée de celles 
que l'on connaît, c'est le mode de construction des murs, qui 
ne sont point, comme d'ordinaire, formés de grandes pierres 
dressées, mais de petits matériaux sans préparation, posés à 
sec en parement droit vers l'intérieur de l'allée. Celle-ci se 
termine au nord par une grande pierre plate plantée sur son 
extrémité la moins large et s' appuyant fortement sur le mur 
de droite pour résister à la poussée des terres, précaution qui 
du reste se retrouve à peu près partout. A l'autre extrémité, 
au midi, l'éboulement des terres a emporté une partie de * 
l'allée, de sorte que l'on ne sait rien de son mode de ferme- 
ture : ce qu'il reste du souterrain a 9 mètres de longueur, 
mais le sol est encore pavé sur une longueur de 13 mètres au 
moyen de pierres plates de différentes grandeurs dont les joints 
sont remplis d'autres pierres plus petites. 



— 165 — 

La découverte du monument est due au hasard; l'existence 
des pierres qui en forment le plafond était connue depuis 
longtemps, mais 'on les prenait simplement pour des roches 
affleurantes, lorsque, le 19 janvier, un carrier voulant les dé- 
biter, trouva au-dessous une grande quantité d'ossements et 
des fragments de haches en silex polis; c'est alors que M. Le- 
guay en ayant eu connaissance accourut sur les lieux, reconnut 
l'importance du monument et fut assez heureux pour en arrê- 
ter la destruction ; de plus, il obtint de la direction du musée 
de Saint-Germain et de la [commission de la topographie des 
Gaules, la mission de procéder régulièrement aux fouilles et 
l'assurance de voir ses efforts secondés. 

On découvrit d'abord cinq têtes à peu près entières, du 
type dolychocéphale, puis des silex polis et taillés. Les fouilles 
ont donné depuis des haches de silex encore garnies de leurs 
emmanchures en bois de cerf, des pointes de flèches, des 
éclats de silex votifs, des couteaux de silex, des fragments de 
poteries, des rondelles de nacre, et, parmi nombre d'ossements 
d'animaux, d^s défenses de sangliers taillées, et une mâchoire 
de castor, animal dont on a plus d'une fois retrouvé les traces, 
soit dans des terrains, soit dans des sépultures et notamment 
à la Varenne; on peut voir maintenant tous ces objets dans les 
vitrines du musée de Saint-Germain. 

Bien que construit avec soin et habileté le monument d'Ar- 
genteuil ne s'était pas conservé intact : la pression des teiTes 
avait bombé le mur de droite, et celui de gauche basculant 
comme un seul bloc, était venu tomber sur l'autre, de manière 
à l'étayer à la façon d'un arc-boutant. Les pierres du plafond, 
obéissant à ce mouvement, s'étaient affaissées au-dessus du 
mur tombé. 

M. Leguay pense que les corps avaient été placés debout 
et la face tournée vers le mur; ainsi, contre la pierre du 
fond, il y avait plusieurs fémurs dressés; il s'en trouvait 
deux qui, encore articulés au bassin, supportaient un crâne 
bien conservé dont le front adhérait à la pierre. L'un de;5 murs, 
en basculant sur l'autre, avait divisé les corps adossés à ce 
dernier en deux parties; de telle sorte qu'une portion des 
vertèbres se trouvait au-dessus du sommet du mur tombé 
et l'autre au-dessous. 



— 166 — 

Cependant cette particularité ne s'étant pas retrouvée pour 
tous les corps, en ce sens que quelques-uns étaient réduits en 
monceaux de débris, il est à présumer que la chute du mur 
ne s'est pas effectuée brusquement dans toutes les parties du 
monument; l'affaissement a dû être plus lent là où les corps 
ne sont pas nettement divisés en deux parties. Du reste M. Le- 
guay pense que la ruine a dû suivre de près l'inhumation, 
laquelle ne remonte peut-être pas à un temps très-reculé; 
l'adjonction de nouvelles pierres au plafond, pour combler le 
vide produit par l'affaissement, semble l'indiquer d'une façon 
péremptoire. 

Aujourd'hui enfin l'allée d'Argenteuil, restaurée avec le 
soin le plus scrupuleux, fermée par une bonne clôture et 
acquise à l'État ainsi que le terrain qui l'environne, peut défier 
le temps et les hommes dont elle est un des plus lointains 
vestiges. 

Les limites de cet article ne nous permettent pas de rap- 
porter tous les détails curieux donnés en cette occasion par 
M. Leguay, mais nous renverrons le lecteur aux mémoires 
très -circonstanciés, accompagnés de nombreuses planches, 
qu'il a publiés peu de temps après la découverte de ce curieux 
monument. # 

Lun des secrétaires. 

A. Rhône. 



— 167 — 



SÉANCE DU VENDREDI 23 AOUT. 



PaBSIDENGE DE M. ED. LARTET. 

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté. 

Observations sur les entailles des ossements et sur le mode 
d'emmanchement des silex. 

M. Leguay, à propos du procès-verbal, fait remarquer 
que, sur le fémur présenté jeudi par M* le docteur Clément, 
il a reconnu non pas des traces de dents, mais les empreintes 
d'une arme de silex qui a fracturé Tos. Les premiers chocs ont 
été indécis; un coup plus énergique a cassé la tète du fémur. 
Quant au canal creusé à l'intérieur de l'os, il offre la plus 
grande analogie avec ceux que Ton peut voir dans les bois de 
cerf qui ont servi à l'emmanchement d'instruments en silex; 
on reconnaît les mêmes traces de frottement sur une corne 
*de Bas primigenius recueillie dans les fouilles de la cité. Dans 
nos contrées, où Ton n'avait pas de bitume pour tenir le silex 
fixé à la corne, on taillait le petit bout de l'instrument et on 
l'entrait en forçant dans le canal médullaire. M. Leguay pos- 
sède plusieurs exemples de ce mode d'emmanchement, tout à 
fait semblables, selon lui, à ce qui se voit sur le fémur présenté 
au Congrès par M. Clément. 



Propositions générales sur les monuments mégalithiques 

Le Président donne lecture de la troisième question du 
programme mise à l'ordre du jour de la séance : 

Les monuments mégalithiques sont-ils dus à une population 
qui aurait occupé successivement différents pays? 



— 168 — 

Dans ce cas, quelle a été la marche de cette population? 
Quels ont été ses progrès successifs dans les arts et dans l'in- 
dustrie ? 

Enfin quels rapports ont pu exister entre cette population 
et les habitations lacustres dont l'industrie est analogue? 

M. Alexandre Bertrand communique les résultats géné- 
raux obtenus sur le compte de ces monuments, car il pense 
qu'avant d'élever des théories, il faut s'assurer des faits, et son 
désir est de provoquer les observations des savants étrangers 
présents à la séance. 

1° Les dolmens, allées couvertes et hypogées mégalithiques 
sont des tombeaux. 

2* La grande majorité de ces monuments, en Allemagne, 
Danemark, Angleterre, Irlande et France, appartiennent à l'âge 
de la pierre polie. 

3<» En Allemagne, Danemark, Angleterre, Irlande et France, 
ces monuments sont distribués de façon à faire supposer que 
les populations qui les ont élevés habitaient les bords de la 
mer et les vallées des grands fleuves et de leurs affluents. Ce 
fait est au moins très-sensible pour la France. 

à® Les monuments mégalithiques de l'ordre des dolmens, 
• allées couvertes et hypogées ont été constatés jusqu'ici en 
nombre plus ou moins considérable sur les bords de la Bal- 
tique, en Esthonie, en Livonie et en Courlande, dans tout le 
nord de la Prusse, en Mecklembourg, en Hanovre, Oldenbourg* 
et Hollande, dans le Holstein et le Slesvig, en Danemark, 
dans la Suède méridionale, sur les côtes occidentales de 
rÉcosse et de l'Angleterre, sur quelques points des côtes orien- 
tales de l'Irlande, dans les îles de la mer d'Irlande et du canal 
Saint-Georges, dans les îles de la Manche, sur les côtes occi- 
dentales de la France, particulièrement en Armorique et sur 
tous les points où l'on peut pénétrer en suivant les grands 
cours d'eau qui se jettent dans l'Océan; enfin sur quelques 
points du Portugal, sur les côtes méridionales de la France, du 
côté de Perpignan ; dans les provinces d'Alger et de Constan- 
tine en Afrique. Ces monuments paraissent, au contraire, 
étrangers à toute l'Allemagne, au-dessous de Berlin, y compris 
le côté gauche de. la vallée du Rhin, les Vosges et le Jura, 
l'Espagne, l'Italie, la Grèce, les Provinces Danubiennes et 



— 169 — 

toute la Russie d'Europe, sauf les côtes de la mer Baltique que 
nous avons citées plus haut. 

5® Les points où la nature des monuments mégalithiques 
indique un. maximum de puissance dans les populations qui 
les ont élevés sont : 1° le Danemark; 2** TArmorique. 

6^ Dans les plus grands et les plus beaux monuments méga- 
lithiques du Danemark, de TAngleterre et de la France, on n'a 
trouvé que de la pierre^ point de bronze. 

Le bronze apparaît plus fréquemment dans les monuments 
des contrées sud- ouest de la France qui, toutefois, et par leurs 
dimensions relativement mesquines et par la nature de leur 
construction, indiquent, avec une civilisation plus avancée, un 
degré moindre de puissance chez ceux qui les ont construits. 

En Afrique, presque tous les monuments de cet or(^re appar- 
tiennent à rage du bronze, et même à Tâge du fer. 



Honuigents mégalithiques du Pérou. 



M. Maury expose brièvement le résultat des explorations 
de M. Squter dans les chulpas du Pérou. Un grand nombre de 
très-belles figures ont été exposées sur les murs de l'amphi- 
théâtre : elles représentent dans tous leurs détails les monu- 
ments de fonnes différentes observés par l'auteur aux environs 
du lac de Titicaca. Plusieurs de ces monuments ont une grande 
analogie avec nos monuments mégalithiques, niais on recon- 
naît que les plus remarquables de ces constructions se ratta- 
chent par une filiation successive aux sépultures les plus 
simples. Tous ces monuments sont .les produits d'un même art 
et d'une même civilisation. 



Monuments mégalithiques de la Corrëze et du Cantal. 



M. Philibert Lalande a envoyé la carte des monuments 
mégalithiques de la Corrèze, accompagnée du rapport suivant, 
qui contient aussi des détails sur le Cantal. 



— 170 — 

En présentant ce rapport au Congrès, je n'ai point la pré- 
tention de donner une nomenclature définitive des monuments 
mégalithiques du département que j'habite; je dois me borner 
à faire connaître le résultat de mes recherches. J'ai étudié 
moi-même la majeure partie de ceux dont je vais faire men- 
tion; les autres m'ont été signalés et décrits par des personnes 
dignes de foi. 

Le département de ,1a Corrèze possède dix-sept dolmens 
(dont trois sont en partie ruinés), deux cercles de pierres ou 
cromlechs, deux menhirs, une pierre à bassins, peut-être 
même deux ou trois, quelques fossés-enceintes et une quaran- 
taine de tumulus. Ces derniers sont indiqués sommairement, 
et simplement pour mémoire, sur la carte qui est jointe à 
l'appui de ce rapport, spécialement* consacré à l'étude des 
monuments mégalithiques. 

Les dolmens appartiennent presque tous à un même type; 
sauf deux ou trois exceptions, ils se composent d'un bloc en 
forme de table ovale, dont la longueur varie depuis 1™,50 jus- 
qu'à 3'", 50, disposé sur trois supports enfoncés en terre; les 
deux latéraux, légèrement inclinés l'un vers l'autre, sont pla- 
cés danB le sens de la longueur, et le troisième sert à former 
le fond d'une cella rectangulaire qui reste ouverte d'un côté, 
presque toujours à l'Orient. 

Ces monuments ne sont point distribués indifféremment ; 
les parties de la Corrèze où ils se montrent de préférence sont 
soumises à des conditions géographiques spéciales. Ainsi, sur 
17 dolmens répartis dans la Corrèze, on en trouve 8 sur les 
plateaux qui bordent la vallée ou les gorges de la Vézère, à 
l'ouest et au sud-ouest du département; six autres s'élèvent 
sur les montagnes qui s'étendent au sud entre le bassin de la 
Corrèze et celui de la Dordogne, formant ainsi la ligne de par- 
tage des eaux. 

Les trois derniers dolmens, situés dans l'arrondissement 
d'Dssel, diffèrent par leur mode de construction, du type com- 
mun à presque tous les autres. Un coup d'œil jeté sur la carte . 
les fera reconnaître aisément; le monument mégalithique de 
Combrossol, que j'ai inscrit avec un point de doute, consiste 
en un large bloc de granit posé horizontalement sur deux ro- 
chers naturellement placés et séparés l'un de l'autre par un 



— 171 — 

intervalle de 50 centimètres; celui de Feyt, communal de 
Brassey, est un demi-dolmen, et son voisin, connu sous le nom 
"de pierre Péconnière (commune de Lamazière-Haute), se 
compose d'une table de granit ayant l'",85 de longueur, 1™,75 
de largeur, dont la face externe est bombée, et qui est suppor- 
tée par quatre piliers bruts fichés peu profondément en terre 
dans le sens de la hauteur. Ces deux derniers dolmens et un 
cercle de huit larges pierres, couronnant un petit tumulus 
(commune de Monestier-Merlines), ne sont pas très-éloignés 
de la rive droite du Ghavanon (ou Chavanoux) aflluent de la 
Dordogne. 

Les monuments mégalithiques situés sur les plateaux qui 
séparent le bassin de cette rivière de celui de la Corrèze sont 
en marchant du nord au sud : 1° le dolmen de Clairfage, com- 
mune de Sainte-Fortunade, sur Tun des points culminants de 
la masse centrale; 2° le dolmen du bois Ayretié, commune 
d*Aubazine, dont la table a été renversée, et le 'cromlech du 
puy de Pauliac, formé de 45 peulvens, ayant un mètre de 
hauteur en moyenne (là d'entre eux gisent sur le sol), et 
décrivant un cercle de 35 mètres de diamètre autour d'un pilier 
central renversé sur la bruyère; ce dolmen et ce cromlech sont 
situés à l'extrémité d'un rameau secondaire, qui court vers 
l'ouest en s' avançant comme un promontoire dans les gorges 
où la Corrèze roule ses eaux ; 3* le dolmen voisin du hameau 
de Brugeille, commune de Beynat, situé, comme le précédent, 
sur un rameau secondaire mais peu éloigné de la masse cen- 
trale ; près du puy de Roche-Pica, voisin du beau dolmen dont 
il vient d'être fait mention ; les paysans désignent sous le nom 
de Peyro-Quillado (pierres fichées), deux dalles plates faisant 
hors du sol une saillie de 10 centimètres à peine, sur une lon- 
gueur de 2"',60, et séparées par un intervalle de 90 centi- 
mètres ; elles sont orientées du nord-est au sud-ouest, et s'en- 
foncent en terre jusqu'à une profondeur de 80. centimètres. 
Dne troisième pierre plate, non apparente, et disposée au 
nord-est, forme avec les deux autres une construction en tout 
semblable à la cella d'un dolmen. Il paraît cependant, d'après 
le rapport d'un habitant de ces montagnes» que cette cella n'a 
jamais été recouverte d'une table; s'il faut en croire cet 
homme, le quatrième côté était dominé par une pierre Ion- 



- 172 — 

gue brisée par la foudre depuis une quinzaine d'années^ 

h"" Le dolmen en partie détruit du puy de la Ramière, 
commune de Noailhac, au centre d'une chaîne de collines qui 
se détache de la masse principale et se dirige vers le sud- 
ouest; le puy de la Ramière est constitué par les grès bigarrés, 
et le dolmen, dont il ne reste que les trois parois de la cella, 
avait été construit avec des dalles de ce même grès, au centre 
d'un petit tumulus. Les dolmens susmentionnés reposent sur 
des assises de granit ou de gneiss, et les blocs qui ont servi à 
les ériger appartiennent aux roches locales. 

5° Les deux dolmens de la Borderie, commune d'Âltilhac, 
très-voisins Tun de l'autre; ils sont en revanche assez éloignés 
des précédents et situés sur la limite des plateaux, dont les 
pentes viennent aboutir à la vallée de la Dordogne. Ces dol- 
mens ont chacun une table qui repose sur trois grandes pierres 
plates, les deux latérales dans le sens de la longueur; mais au 
lieu d'être placées horizontalement, ces tables forment un 
angle avec le sol, et une de leurs extrémités se trouve même 
en contact avec lui. Tables et supports sont en gneiss, comme 
le sous-sol. 

J'ai fouillé le dolmen du bois Ayretié, en compagnie de 
M. Alphonse de Rochebrune; la cella ne contenait que des tes- 
sons d'une poterie épaisse, mais ne remontant certainement 
pas aux temps préhistoriques. M. Élie Massénat a fouillé avec 
moi le dolmen de Brugeille et la cella de Peyro-Quillado ; ces 
antiques sépultures ne renfermaient que de rares débris de 
charbon et quelques petits tessons de poterie grossière. Peut- 
être avions-nous été précédés par d'autres explorateurs, peut- 
être aussi les ossements ne peuvent-ils se conserver dans le 
terrain léger et essentiellement siliceux qui recouvre les pla- 
teaux gi'anitiques. 

Non loin des dolmens de Glairfage et de Brugeille, les som- 
mets des puys de Roc-de-Vic et de Châtellux (commune de 
Menoire), sont entourés de fossés elliptiques, qui pourraient 
bien être d'anciennes enceintes consacrées plutôt que des forti- 
fications. Telle est, du moins, l'opinion de M. Prosper Méri- 
mée, qui a décrit l'enceinte de Roc-de-Vic en 1838 {Notes d'un 
voyageur en Auvergne et dans le Limousin). Un tertre arti- 
ficiel, composé de pierres de moyenne grosseur et d'un peu de 



— 173 — 

terre, a été construit sur le sommet de Roc-dje-Vic, entouré 
presque entièrement par un fossé sur un développement de 
400 mètres ; il se trouve interrompu à l'ouest pai* des rochers 
à pic. J'ai recueilli dans ce fossé quatre éclats de silex, tron- 
çons de lame qui sont vraisemblablement des silex votifs. 
Le puy de Châtellux, moins en relief que celui de Roc-de-Vic, 
présente à son sommet deux fossés concentriques. 

Le sommet du puy du Tour (commune de Monceaux) est 
également environné d'un fossé. Cette haute colline se trouve 
presque isolée dans un coude que décrit le cours de la Dor- 
dogne. Près du confluent de cette rivière et de la Souvigne, on 
voit aux environs d'Argentat une pierre brute, fichée dans les 
alluvions de la vallée ; sa hauteur est de l'",70. Ce monolithe 
en granit, connu sous le nom de Grave de Roland, a toutes les 
apparences d'un menhir. Il a été transporté d'assez loin, car 
les roches voisines sont formées de micaschiste. 

J'ai déjà signalé sommairement l'existence de huit dolmens 
sur les plateaux qui bordent la vallée de la Vézère. Ceux qui se 
présentent les premiers, en remontant cette rivière, sont les 
trois dolmens de la commune de Saint-Cernin-de-Larche, tout 
près des limites du département de la Dordogne; ils ont été 
érigés sur les puys de la Païen, de Lachassagne et de Buffo- 
Vent. Les deux premiers se dressent chacun au centre d'un 
tumulus large et peu élevé ; le dolmen du puy de Buffo-Vent 
est en partie détruit, sa table ayant été renversée et sans doute 
brisée. Les larges pierres qui ont servi à la construction de ces 
trois monuments sont des blocs de lias, tandis que les roches 
sous-jacentes appartiennent à l'étage de Toolithe moyenne. 
Les assises du lias se trouvent à 2 ou 3 kilomètres des sépul- 
tures antéhistoriques. 

Le tumulus-dolmen du puy de Lachassagne renfermait des 
ossements humains, des tessons de poterie grossière, des ron- 
delles ou perles de collier percées au centre, une en pierre 
blanche de forme annulaire, et trois ressemblant à du jayet, 
mais dont la composition m'est inconnue. La terre qui rem- 
plissait la cella était mêlée de parcelles de charbon ; toutefois 
les ossements n'avaient point subi l'action du feu.. Les crânes 
étaient malheureusement brisés; les dents, même les incisives, 
usées pour la plupart. Des ossements brisés et dispersés sans 



— 17i — 

.ordre étaient mélangés à la terre et aux galets calcaires qui 
ont servi à construire le tumulus autour du dolmen. 

A cent mètres environ de. cette sépulture, on remarque 
deux petits tertres funéraires. L'un d'eux, fouillé par M. Mas- 
sénat et par moi, recouvrait les débris d'un squelette humain 
avec des tessons de poterie ; les ossements n'ont point été 
brûlés, quoique la terre qui les entourait fût mélangée de par- 
celles de charbon. 

Le tumulus-dolmen du puy de la Païen et le dolmen ruiné 
du puy de Buffo -Vent avaient peut-être été déjà fouillés; la 
cella du premier ne renfermait que de rares esquilles osseuses, 
du charbon et des fragments de vases dont quelques-uns ne 
remontent certainement pas à l'époque de la construction du 
dolmen. Un petit tumulus simple est à côté du large tertre sur 
lequel se dresse le monument mégalithique. 

Les mornes plateaux où se trouvent les sépultures dont la 
description vient d'être présentée sont limités à l'est par la 
vallée de la Couze, au nord par celle de la \ézëre. 

Les contrées fertiles que traverse cette rivière, de Larche 
au Sailhant, ne contiennent aucun monument préhistorique. 
Mais au-dessus du Sailhant, la Vézère roule ses eaux au fond 
de gorges profondes qui sont creusées dans de vastes plateaux 
formés par les terrains primitifs. Deux dolmens existent au lieu 
de Peyrelevade, commune d'Estivaux. L'un d'eux a été fouillé 
par un instituteur; j'ai pu recueillir une rondelle noire, sem- 
blable à celles du dolmen de Lachassagne, et un très-petit 
fragment de poterie rouge gallo-romaine, ce qui semblerait 
indiquer que le dolmen d'Estivaux a été fouillé à une époque 
déjà fort ancienne. La terre de la cella contenait aussi du char- 
bon, mais on n'a pas trouvé d'ossements. 

Le dolmen de la terre de Joujou, commune de Lagraulière, 
est assez éloigné des rives de la Vézère. Dans une commune 
voisine, celle de Seilhac, il existe un-menhir ou pierre-levée, 
la pierre Bouchère ; on a recueilli aux environs quatre haches 
en pierre polie. Mais c'est à tort qu'un monument analogue' a 
été signalé à Pierrefitte; s'il a jadis existé, le souvenir en est 
aujourd'hui perdu. 

Je n'ai pu m'assurer de l'authenticité du dolmen du Pré la 
Pierre, commune d'Dzerche, et je l'ai porté sur la carte avec 



— 175 — 

un point de doute, parce que je n'ai pu en obtenir une descrip- 
tion bien précise. 

Celui d'Espartignac, dit la Maison-du-loup, est situé pres- 
que au sommet d'un coteau escarpé dont la Vézère baigne la 
base. Au lieu d'être ouverte à l'orient, la cella de ce dolmen 
est tournée vers le nord ; cinq blocs de granit ont servi à sa 
construction : deux d'entre eux ont été disposés parallèlement 
à un rocher naturel, deux autres ont formé la table, et le cin- 
quième a été placé transversalement dans le fond de la cella. 
Une hache en pierre polie a été trouvée près de ce dolmen, qui 
par son orientation et son mode de construction s'éloigne sen- 
siblement du type le plus ordinaire des dolmens de la Cor- 
rèze. 

Il existe sur le puy Pontou, commune de Veix, près de 
Treignac, un monument mégalithique assez curieux que les 
habitants de cette petite ville désignent sous le nom d'autel 
des Druides et que les paysans de la montagne appellent la 
Pierre qui tourne ^ bien qu'elle soit parfaitement immobile. 
C'est une énorme dalle de granit, ayant trois mètres de lon- 
gueur, autant de largeur et soixante centimètres d'épaisseur, 
posée en équilibre dans le sens horizontal sur un rocher de 
même substance haut d'environ deux mètres. Deux bassins ont 
été creusés près de l'un des bords de cette table et sur la 
même parallèle; l'un d'eux est parfaitement circulaire, le 
second est légèrement ovale. Leur diamètre est d'environ qua- 
rante centimètres, leur profondeur de huit à dix centimètres. 
Ce bloc plat n'a point le caractère des pierres branlantes. 11 
incline légèrement de l'est vers l'ouest. 

Dans la commune de Peyrelevade, près des frontières de 
la Creuse, on voit un ou deux monuments de ce genre; d'après 
la description qui m'en a été envoyée, ce sont vraisemblable- 
m<?nt des pierres à bassins. 

J'ai vu en outre, dans le département de la Corrèze, plu- 
sieurs blocs de rochers qui sont l'objet des superstitions popu- 
laires, tels que la pierre de la Fée, près de Montelbouilhou, com- 
mune de Laroche-près-Feyt; les autels des Druides, commune 
de Viam, la table du Loup, au village de la Garedie, commune 
de Vignols; le rocher deMalecroix, près de Brive, bloc degrés 
bigarré, façonné par les agents atmosphériques d'une ma- 



— 176 — 

nière bizarre, mais adhérant au sol et qui n'a jamais été un 
dolmen. 

Les résultats peu satisfaisants des fouilles qui ont été pra- 
tiquées dans la cella de quelques-uns de nos dolmens ne peu- 
vent suffire à indiquer l'époque des temps préhistoriques à 
laquelle ces monuments appartiennent. Ils datent peut-être 
de l'âge de transition de la pierre au bronze; la forme qu'ils 
affectent presque tous, le volume relativement peu considé- 
rable des blocs qui ont servi à leur construction, rendent plau- 
sible cette hypothèse. Les rondelles recueillies dans la cella 
des dolmens de Lachassagne et d'Estivaux ressemblent beau- 
coup à celles que M. Cartailhac a trouvées sous quelques 
dolmens de l'Aveyron avec des armes en pierre et des objets en 
bronze. 

Enfin la distribution des dolmens sur le sol de la Gorrèze 
semble indiquer aussi que le peuple qui l'occupait à cette 
époque habitait de préférence les plateaux voisins des rivières 
principales. 

Le département du Cantal a été en partie habité dans les 
temps les plus reculés par les races anciennes. L'homme pri- 
mitif a laissé quelques vestiges de son industrie grossière dans 
les assises quaternaires de Brousac, commune d'Aurillac, où . 
M. Rames a trouvé des silex taillés en lame et en grattoir, 
sous des coulées fangeuses, dont l'origine, suivant cet habile 
géologue, doit être attribuée à la fonte subite de glaciers pen- 
dant une des dernières éruptions volcaniques. [Éludes sur les 
volcans^ par J.-B. Rames.) 

L'âge de la pierre polie est représenté par un certain 
nombre de haches en silex, en serpentine, en basalte, disper- 
sées dans plusieurs collections ; les paysans Cantaliens les dési- 
gnent sous le nom de peyre de veyre (pierres de venin), et 
leur attribuent les propriétés d'un topique lorsque leurs bes- 
tiaux sont malades. 

Les monuments mégalithiques sont assez rares. Les dol- 
mens qui présentent des caractères d'authenticité irrécusables 
sont distribués sur une ligne qui traverse l'arrondissement de 
Saint-Flour du nord au sud; on les trouve agglomérés sur le 
vaste plateau basaltique connu sous le nom de Planèze, entre 
les gorges de la Truyère et la vallée de l'Alagnon, affluent de 



— 177 — 

FAUier. Si le peuple à dolmens était réellement nomade et si 
Ton veut admettre qu'il a dirigé sa niarche du nord au sud, 
une de ses hordes a dû pénétrer dans le Cantal actuel, en 
remontant d'abord le cours de TAlagnon; puis, évitant les 
montagnes de la chaîne centrale, elle s'est établie sur la Pla- 
nèze ; peut -être a-t-elle ensuite continué sa marche vers les 
plateaux de la Lozère et de l'Aveyron. 

Le premier dolmen qui se présente, dès que l'on est sorti 
de la profonde vallée de l'Alagnon, est celui du village de 
Bardon, commune de Cottines; il se compose d'une table en 
basalte, placée sur trois supports, formant les trois côtés d'un 
carré de 2 mètres de profondeur sur 1"',10 de largeur. 
Cette cella est' ouverte au sud-est. La table qui la recouvre a 
3'",40 de longueur. Un second dolmen, moins bien conservé, 
existe également dans cette commune, près du village de Touls, 
d'après le Dictionnaire statistique et historique du Cantal, par 
M. Déribier du Châtelet. 

Sur un plateau, à 1000 mètres au-dessus du niveau de la 
mer, dominant le hameau de Frayssinet (commune de Saint- 
ïlour), on trouve, au lieu dit Peyrelevade, les ruines d'un dol- 
men sur tumulus; il n'en reste aujourd'hui que deux dalles de 
basalte formant cella, et un fragment de la table, qui a été bri- 
sée par un maçon il y a une vingtaine d'années. La cella est 
ouverte à l'orient. 

Les autres dolmens sont les suivants : commune de 
Roffiac, entre le village de ce nom et celui.de Vedemat, dol- 
men formé de trois blocs de basalte, une table et deux sup- 
ports longitudinaux alignés parallèlement de l'est à l'ouest; 
longueur de la table, l'»,90. 

Commune des Ternes : deux dolmens; celui du Bois-Grand, 
sur la déclivité d'un coteau couvert de taillis, se compose d'un 
bloc de gneiss ou de granit, long de 3 mètres et large de 
2 mètres, recouvrant une cella presque carrée, formée de trois 
dalles et ouverte au sud ; le second, appelé Pierre du Loup, 
est situé sur un plateau ; la table, bloc de basalte long de 3", 50 
et large de 2"»,â0, est placée sur deux supports alignés paral- 
lèlement de l'est à l'ouest, dans le sens de leur longueur. 

Commune de Lavastrie ou la Yastrie : dolmen désigné 
sous le nom de Caverne du Diable, près du hameau de Robis; 

12 



— 178 — 

table sur deux supports, cella exposée à l'orient. Les deux 
supports ont, Tun 3™, 10, Tautre 2'",30; la dalle qui les re- 
couvre est en partie brisée. Le Dictionnaire statistique signale 
un autre dolmen près du ruisseau de Bequet, construit avec 
quatre blocs, un pour la table, et trois pour les parois de la 
cella. 

Le dolmen de Frayssinet, détruit en partie par un maçon, 
a été fouillé ; on n'a pu me donner le moindre renseignement 
sur les résultats de cette fouille. 

Le Dictionnaire statistique de M. Déribier et le Guide du 
voyageur dans le Cantal, par M. Durif, mentionnent l'existence 
de quelques autres monuments mégalithiques dans la com- 
mune d'Anglards, arrondissement de Mauriac, et dans celles 
de Saint-Paul des Landes et de Nieudan, arrondissement d'Au- 
rillac. Mais ces prétendus dolmens n'ont pas à mes yeux un 
caractère d'authenticité qui permette de leur donner ce nom. 
Il paraît cependant positif qu'au lieu dit Peyrelevade, com- 
mune de Nieudan, on voyait un beau menhir, détruit depuis 
quelques années. On a encore qualifié du nom de monument 
druidique un rocher appelé Roc Cobolaïre, situé dans le bois 
de la Margide (commune de Saint-Gerons) ; c'est un bloc 
informe de granit, posé jadis sur deux saillies de roc, et au 
centre duquel on a gravé un cercle ayant 18 centimètres de 
diamètre (le bloc a été jeté dans le ravin). Un second cercle 
plus petit a également été gravé sur une des saillies du rocher 
à fleur de terre sur lequel le bloc mobile avait été placé dans 
l'origine. Le propriétaire du terrain, M. le docteur Taule, a 
trouvé, en 1817, 24 bracelets en- bronze, réunis en groupe par 
une tige de fer recourbée en forme d'anneau, et enfouis sim- 
plement dans le sol à quelques mètres du Roc Cobolaïre ; en 
1832, 5 autres bracelets en bronze furent encore découverts au 
même endroit. C'était évidemment une cachetiez et les anneaux 
gravés sur le rocher voisin étaient probablement de simples 
marques destinées à aider les posseseurs des bracelets à 
retrouver le lieu où ils les avaient confiés à la terre, sans 
doute dans un moment de danger. J'ai vu dans la collection 
de M, Durif, juge de paix à Aurillac, un de ces bijoux anti- 
ques ; il offre la plus grande analogie avec les anneaux-brace- 
lets des stations lacustreSé 



— 179 — 

Les menhirs dont j'ai pu constater l'existence sont les sui- 
vants : le menhir de Peyreficade, commune de Gartet, bloc de 
trachyte haut de l^^SO, dressé au milieu d'une lande stérile 
dont le sol est de gneiss; des conglomérats trachy tiques se 
trouvent à un kilomètre du monolithe. M. Rames, à Aurillac, 
possède une jolie pointe de flèche barbelée et munie d'un 
appendice médian (silex), trouvée non loin de Peyreficade. 

Le menhir de Laroussille, commune de Mauriac, sur un 
mamelon voisin de la ville ; c'est un énorme prisme basaltique 
ayant 1",60 de hauteur. Près du village d'Albo, à 2 kilomètres 
environ de Mauriac, on voit plusieurs tumulus. 

Le menhir appelé Pierre de la Pendule, à l'extrémité de la 
commune d'Arches, près du hameau d'Ortrigiers (commune 
de Sourniac), est un prisme hexagonal, ayant 1^,60 de hau- 
teur; sur le plateau qui lui fait facp, sont rangés en éventail 
12 tumulus dont les dimensions TOrient depuis 3'",60 jusqu'à 
10 mètres de diamètre; leur relief est peu considérable^ Le 
premier tertre est sur l'axe du menhir, séparé de lui par un 
intervalle d'environ 50 mètres. Tous paraissent intacts. 

Les tumulus sont nombreux dans l'arrondissement de 
Mauriac; M. Déribier a trouvé un poignard en bronze avec poi- 
gnée en potin dans le tertre appelé Suc des Demoiselles, près 
d'Ydes. M. Durif m'a montré de beaux bracelets en bronze et 
un torques de même métal, provenant des tumulus du puy 
Cantarel, commune de Saint-Gernin. Je n'ai pu savoir si ces 
divers objets d'industrie étaient associés à des ossements 
humains. 

Eq résumé : 

Les dolmens du Gantai forment un groupe situé à l'est de 
ce département; le peuple qui les a érigés, a évité de s'enga- 
ger dans les grandes montagnes et s'est établi de préférence 
sur les plateaux basaltiques de l'arrondissement de Saint- 
Flour. Les dimensions de ces monuments ne diffèrent pas 
d'une manière très-sensible ; leur mode de construction offre 
quelques variations, en ce que la table du dolmen repose tan»- 
tôt sur deux supports longitudinaux, tantôt sur trois dalles 
disposées carrément. L'orientation la plus ordinairement 
observée est celle de l'est à l'ouest. 

Les menhirs se rencontrent isolés ou voisins de tumulus» 



— 180 — . 

Les tertres funéraires ont des dimensions peu considérables ; 
les fouilles qui ont été faites dans quelques-uns d'entre eux 
semblent indiquer qu'ils appartiennent à l'époque du bronze et 
peut-être même à la première époque du fer. 

On ne trouve pas de véritables dolmens dans la région où 
les tumulus sont agglomérés, à l'ouest et au nord-ouest du 
département ; dans la région des dolmens, les tumulus sont 
très-rares, si môme ils ne font pas complètement défaut. 



Monuments mégalithiques du Portugal. 

M. Pereira da Costa, directeur de la Commission géologique 
portugaise, adresse un mémoire au Congrès, en lui envoyant 
des moulages et des dessins représentant divers objets en 
pierre, ep os, en bois de cerf, trouvés dans des grottes et 
autres stations habitées par l'homme aux temps préhisto- 
riques en Portugal*. Un des Secrétaires en donne lecture : 

Les recherches archéologiques pr^istoriques sont trop 
peu avancées en Portugal, pour nous mettre à même de 
répondre d'une manière tant soit peu satisfaisante aux ques- 
tions posées par le Congrès ; mais nous préférons avouer notre 
indigence et donner le peu que nous avons, que de rester 
muets devant l'invitation qui nous est faite. 



!'•. QUESTION. — Traces les plus anciennes de l'existence 
humaine. 

Jusqu'à présent, en Portugal, les vestiges les plus anciens 
de la vie humaine se réduisent à des silex taillés, que l'on 
rencontre dans les dépôts les plus inférieurs de notre terrain 
quaternaire. 

Aucun débris humain, d'autres animaux ou de végétaux, 
n*a encore été trouvé à ce niveau, de sorte que la faune 
et la flore de l'époque où se firent ces dépôts, nous sont 
actuellement tout à fait inconnues. 

4 . Voir pages 31 et 33 du présent volume. 



— 181 — 

Pour ce qui est des changements dans la distribution 'des 
terres et des mers, il faut penser qu il s'en est opéré de bien 
importants après cette époque, puisque, sur plusieurs points 
de la côte maritime, on voit les dépôts quaternaires qui en 
constituent la partie inférieure, taillés en escarpements, ainsi 
que ceux plus anciens sur lesquels ils reposent ; ceci prouve 
que la terre ferme se serait étendue au delà de la ligne 
actuelle de nos côtes, surtout là où Ton remarque ce fait. 
Malheureusement, aucune étude spéciale n'a été faite encore 
dans le but de déterminer quels ont été les changements ainsi 
opérés. 



2* QUESTION. — Habitation dans les cavernes ^ etc. y etc. 

Cette question est loin d'être résolue en Portugal : une 
seule grotte a fourni de nombreux fragments de mâchoires 
et un crâne dont nous avons déjà envoyé le moulage. A 
peine peut-on conclure que ce lieu a été occupé deux fois; 
mais on ne saurait, à mon avis, déterminer avec assurance 
ce qui, dans le contenu de cette grotte, appartient à une 
époque ou à l'autre : seulement on pourrait affirmer que 
l'une doit correspondre au bronze, et peut-être au com- 
mencement de cette époque. Les quelques mâchoires qu'on y a 
trouvées, et dont nous envoyons des moulages, font penser 
à l'existence d'une race prognathe. 



S*' QUESTION. — Monuments mégalithiques. 

Quoique plus nombreuses sur cette question, nos données 
ne sauraient contribuer encore que faiblement à sa solution 
dans les termes où elle est posée. 

Dans une conférence de l'Académie d'histoire portugaise, 
tenue le l**" avril 1734, le Directeur annonce que le père 
Alfonso da Madré de Deus Guerreiro, académicien, avait pré- 
senté un mémoire sur 315 antas (dolmens) du Portugal. Mais le 
seul écrit qui se trouve sur cette matière, dans la collection de 
cette même Académie, est celui de Mendonça de Pina, qui 



— 182 — 

signale quelques-uns de ces monuments en s' occupant princi- 
palement de leur destination et de Tétymologie de ce mot 
anta.' 

Dans la Bibliothèque d'Evora H existe aussi, dans la cor- 
respondance manuscrite de Farchevêque Genaculo, une lettre 
dans laquelle José Gaspar Simôes, prieur de Saint-Theotonio 
d'Odemira, donne la description de plusieurs antas. 

M'étant rendu en Alemtejo, dans la commune de Castello 
de Vide, pour visiter les dolmens qui s'y trouvent, j'en fis 
fouiller quatre. Dans deux seulement je trouvai quelques 
armes de pierre dont j'envoie les moulages. 

Tous mes efforts pour connaître ceux d.e ces monuments 
qui existent actuellement dans notre pays n'ont abouti qu'à 
ce qui suit : 

Province d' Alemtejo. — 1. Dolmen de Melriço, 3 kilomètres 
et demi au nord-ouest du village de Castello de Vide. 

2. Dolmen de Pombaes, 1 kilomètre au nord du même 
village. 

3. Dolmen de Gorleiros, à 2 kilomètres de Gastello de 
Vide. 

â, 5, 6, 7, 8. Dolmens de Goutada d'Alcogulo, parc situé à 
6 kilomètres à l'est du village de Gastello de Vide. 

9. Dolmen de Pedro Alvaro, 3 kilomètres au nord-est de 
Gastello de Vide. 

10. Un autre dolmen à 80 mètres au couchant de celui de 
Pedro Alvaro. 

11. Dolmen de Mpratâo. 

12. — — Villa de Galcines. 

13. — — Ameixieira. 

Ge sont là les dolmens que l'on nous a indiqués dans la 
commune de Gastello de Vide; nous n'en avons visité que huit, 
et, comme je l'ai dit, je n'ai pii en fouiller que quatre. 

11 en existe encore d'autres dans la province d' Alem- 
tejo. 

14. Dolmen d'Arrayolos, dont on trouve un dessin dans 
l'ouvrage de M. le baron A. de Bonstetten : Essais sur les dol- 
ynenSj 1865. 

Les dolmens que j'ai vus dans la commune de Gastello de 
Vide sont d'une construction semblable à ce dernier. 



— 183 — 

15. Dolmen du village de Niza. Signalé par Mendonça de 
Pina. V. Mon, celtiques qui existent en Portugal, 1733, 

16. Trilithe dans le voisinage de Melides, à 2 kilomètres 
au nord-est de ce lieu ; renseignements dus à M. Vasconcellos, 
ingénieur des mines. 

17. Cromlech sur la route qui va de Sierra da Gaveira au 
village de Barros, à 200 mètres de ce village. Neuf grosses 
pierres en cercle. M. Vasconcellos. 

18. Dolmen sur la droite de la route qui conduit de Ven- 
das do Duque à Evora. Le père Gaspar Simôes, manuscrit de 
la bibliothèque d'Evora, 1761. 

19. Un autre sur la route d'Evora au village d'Aguiar. Le 
père Simôes, loc. cit. 

20. Dolmen du mont d*Esguerra, entre Montforte et Bar- 
bacena, à 1 ou 2 kilomètres de ce village. Renseignements dus 
à M. Schiappa, ingénieur des mines. 

21. Alignement de menhirs. Douze pierres levées en ligne 
droite près de la mine de Portet. 

Province d'Estramadure. — 22. Dolmen du Mont de Adre- 
nunes, dans la Sierra de Gintra. Une lithographie de ce monu- 
ment a paru à l'Exposition de Paris, cette année. 

23. Anta coberta (dolmen couvert jusqu'à la table). Dans 
cette même Sierra, il existe un de ces antas dont les supports 
sont enfouis dans le sol et n'en dépassent la surface que de 
2 décimètres; c'est proprement un de ces monuments que l'on 
désigne dans le pays sous le nom de mamunhas, maniuaSy 
marrioas. 

Province de Beira. — 24. Dolmen de Guilhalfonso, à 
8 kilomètres au nord de Guarda. V. Mendonça de Pina. 

25. Dolmen du lieu dit Antas de Pénal va. V. Mendonça de 
Pina. 

26. Dolmen, en allant à Viseu, au lieu dit Sobral Pichorro 
vers Antas de Penalva, sur la droite de la route. Le Père' 
Gaspar Simôes, manuscrit de la bibliothèque d'Evora. 

27. Dolmen de Matança, près de Gelorico, V. Mendonça 
de Pina. 

28. Dolmen de Garapichana, près de Golorico. V. M. de 
Pina. 

. 29. Dolmen de Gampo d' Antas, à 11 kilomètres de Guarda, 



— 184 — 

en allant de ce village vers Pinhel, près de la route, à droite, 
entre le lieu dit Fera de Moço et Quinta do Garvalhal. 

30. Dolmen aux environs du lieu nommé Ruivoz, dans le 
district (terme) de Sabugal. Le Père Simôes. 

. 31. Dolmen couvert, désigné sous le nom de Mamunha 
de Mamaltar, à quelques kilomètres au nord de la mine de 
Braçal. M. Schiappa. 

32. Dolmen à la sierra du Caramulo, dans le Mont das 
Aras. M. Cabrai, ingénieur des mines. 

Province de Traz- os -Montes. — 33. Dolmen couvert, 
connu sous le nom de Mamunha de Carrazedo à Villa Pouca 
d'Àguiar. M. Schiappa. 

34. Dolmen près de Villa Velha de Rodâo, à Test du ruis- 
seau d'Açafalla. M. Schiappa. 

35 et 36. Dolmens de Fantel et Mont Fidalgo, lieux près, 
de Villa Velha de Rodào. M. Schiappa, d'après les renseigne- 
ments d'autres personnes. 

Province de Minho. — 37 et 38. Fumas (allées couvertes) 
au Mont de Polvoreira, dominant la route de Guimaràes à 
Virella et à â kilomètres au sud de Guimaràes. M. Schiappa, 
d'après les renseignements donnés par M. Pereira Galdas, de 
Braga. 

39. Une allée couverte et un menhir sur la route de Cepâes 
à Fafe. 



4^ question. — Apparition du bronze. 

Les seuls* objets en bronze que nous sachions avoir été 
trouvés en Portugal se réduisent au petit nombre que nous 
avons fait représenter : quelques-uns proviennent de la grotte 
de Beranda et d'autres se trouvaient dans une station humaine 
à Fonte da Ruptura, Setubal, station non encore décrite, puis 
enfin la hache dopt j'ai envoyé le moulage. 11 y a donc là 
trop peu de matériaux pour permettre d'asseoir une opinion, 
même hasardée, sur l'apparition du bronze dans le Por- 
tugal. 



— 185 — 



5* QUESTION. — Époque du fer. 

N'ayant pas trouvé nous-même, et ne sachant pas non 
plus que d'autres aient trouvé dans notre pays des objets de 
fer se rapportant à l'époque désignée sous le nom de ce métal, 
il nous est absolument impossible de rien dire sur le caractère 
de cette époque, qu'elle soit ou non antérieure aux temps 
historiques. 

6* QUESTION. -^ Baces humaines préhistoriques. 

Pour contribuer à la ^lution de cette question, nous 
n'avons que les crânes et les os dont nous avons communiqué 
les moulages, et ceux que nous enverrons encore. Nous sup- 
posons qu'on peut voir dans ces exemplaires l'existence de 
deux races, dont Tune était prognathe (? ). 



Carte préhistorique de la Vienne. 



Le Secrétaire général présente, au nom de M. de Longue- 
MAR, une magnifique carte archéologique du département de 
la Vienne : soixante et dix-sept monuments mégalithiques y 
sont marqués; les tumulus, les cavernes y sont indiqués éga- 
lement, ainsi que les ateliers de silex taillés. 



Distribution des dolmens dans le département de rAve3rron. 



M. E. Gartailhag communique au Congrès une série de des- 
sins représentant des dolmens, cromlechs et menhirs du midi 
de la France, accompagnés des considérations suivantes : 

Les monuments en pierre brute sont extrêmement nom- 
breux dans l'Aveyron et les départements voisins. On les 



_ 186 — 

retrouve sur les terrains incultes, dans les forêts, partout enfin 
où les agriculteurs et les maçons les ont jusqu'ici épargnés. 

Les dolmens apparents sont construits* sur le type ordi- 
naire : plusieurs supports dressés en longueur (quatre paral- 
lèles, deux à deux ou un plus grand nombre, placés rarement 
en rond) soutiennent une grande pierre plate au-dessus du 
sol. Quoiqu'il existe des dolmens enfouis dans un amas de terre, 
il est impossible de dire si tous les monuments apparents ont 
été jadis recouverts ; d'autant que le dolmen se dresse souvent 
au sommet même d'un tumulus, entouré quelquefois alors 
(dans une ou deux régions assez circonscrites) de cercles 
réguliers (jusqu'à 10) de petits blocs de pierre. 

En relation avec ces cromlechs, qui ressemblent plus encore 
aux monuments de l'Algérie, récemment décrits, qu'à ceux du 
Danemark, sont de singuliers tvilithes. Les deux grandes 
pierres plates qui servent de support à un bloc en forme de 
coin se touchent presque à la base. Nous ne savons encore si ce 
sont des tombeaux (extrémité orientale du plateau du Larzac) *. 

Les allées couvertes sont rares. 

Les menhirs sont réunis sur certains points, en dehors des- 
quels on ne les rencontre pour ainsi dire jamais. Ils y consti- 
tuent de véritables alignements (départements du Lot, du Can- 
tal). Rien n'indique dans nos pays qu'ils appartiennent à la 
race qui repose dans les tombeaux mégalithiques. 

Les dolmens ne sont pas travaillés et ne portent pas d'in- 
scriptions, ou du moins les agents atmosphériques qui ont 
altéré leurs surfaces en y creusant des trous profonds, des 
écuelles et des rigoles, comme sur tous les rochers calcaires, 
n'ont-ils rien laissé subsister de ce genre. D'un autre côté, 
notre granit me semble plus dur que celui des dolmens de 
Bretagne, puisque les haches en pierre dure ne peuvent l'en- 
tamer. 

L'orientation du plus grand axe des monuments affecte le 
plus souvent la direction approximative est-ouest; mais elle 
est quelquefois absolument contraire, nord-sud. 

La grande majorité des corps étaient simplement ensevelis 



1 . Mémoire sur les monuments celtiques de VAveyron, par M. Vala- 
dier. (Congrès archéologique de Rodez, 1863.) 



— 187 — 

assis ou allongés ; au reste, le plus grand désordre règne trop 
souvent dans Tossuaire. L'incinération était aussi en usage, 
peut-être en raison directe de l'abondance du métal. Ici, on ne 
peut plus parler de sépultures de chefs, de prêtres ou de guer- 
riers. Nos dolmens sont évidemment les cryptes funéraires de 
familles nombreuses ou de tribus ; ils contiennent souvent jus- 
qu'à vingt squelettes, hommes, femmes et enfants. 

Ces ossements, malheureusement trop dédaignés, sont de 
plus presque toujours en si mauvais état que l'anthropologie 
ne peut guère en tirer parti. 

De petites grottes naturelles étaient aussi employées comme 
sépultures more majorum. Nous citerons seulement celles de 
Saint-Jean d'Alcas et de Sorgues (Aveyron); de Sinsat (Ariége). 
On peut même retrouver, grâce à elles, la trace du peuple des 
mégalithes dans certaines régions du sud-ouest, où l'absence 
de pierre, de bonne pierre du moins, explique géologiquement» 
si je puis ainsi dire, l'absence de monuments. 

La hache en pierre polie, si commune dans nos champs, 
dans les alluvîons récentes des bords des rivières (station des 
bords du Tarn près Montauban), dans les grottes habitées au 
commencement du second âge de la pierre, ne se rencontre 
presque jamais dans les tombeaux. Le seul exemple constaté 
est dû à M. l'abbé Gères; le savant conservateur du musée de 
Rodez, qui eut la bonne fortune de fouiller, dans un beau tumu- 
lus, une chambre sépulcrale contenant quatre squelettes, dont 
un au moins visiblement assis sur une couche de terre glaise 
et adossé à la dalle du nord. Deux d'entre eux avaient à portée 
de la main, l'un une hache fort petite (75 centimètres), l'autre 
une sorte de marteau. 

Les objets que l'on rencontre communément sont : 

1® Des tessons de poterie grossière parsemée de grains cal- 
caires, non tournée lorsqu'il n'y a pas eu violation de la sépul- 
ture primitive, mal cuite, ornée de bourrelets, d'impressions 
digitales ou autres, de zigzags et pyramides rayées, de stries 
enchevêtrées. Rarement la surface extérieure a été plomba- 
ginée ; 

2® Des grains, perles et pendeloques de toutes formes, de 
toutes grandeurs, en calcaire (fig. 25), ardoise (fig. 22), gypse 
et autres roches ; en lignite compacte (fig. 21); en bois; en. 



— 188 — 



test de coquilles {Cardium (fig. 20), Dentale^ Ptérocêre, 
EratOy Patelle)'^ en os, dents de chien, de Sus^ et même 
d'homme; en terre cuite, et en bronze (fig. 23, 2à) ; 




Oi 




Fig. 20. Fig. 21. Fig. 22. 







Fig. 23. Fig. 24. Fig. 25. 

Grains, perles et pendeloques, grandeur naturelle. 

20» En coquille de cardium, grand dolmen de Tnians. 

21. En jayet, grand dolmen de Truans. 

22. En schiste ardoisier, id. 

23 et 24. En bronze, grand dolmen de Boussac . 
25. En calcaire grenu, grand dolmen de Truans. 

3<» Des pointes en silex (fig. 26 à 31) finement taillées 
et barbelées, triangulaires, en fer de lancé ou sous forme 
de feuilles de saule, semblables (sauf deux types, jusqu'à pré- 
sent uniques du dolmen de Boussac, fig. 32) à celles des cités 
lacustres de la Suisse, de l'Angleterre, de l'Italie, de l'île 
d'Elbe et du Mexique. Quelques bouts de lance (22 centi- 
mètres de long) rappellent les splendides armes du Danemark. 

Si nous n'avions que ce mobilier funéraire pour base de 
nos études, nous constaterions déjà que l'industrie qu'il repré- 
sente est nettement plus avancée dans l'Aveyron et les dépar- 
tements voisins que dans les dolmens et allées couvertes des 
environs de Paris ou du Poitou, plus avancée que celle des 
stations si nombreuses de l'âge de la pierre de tout le midi de 
la France, différente même à certains points de vue. Il en 
résulte d'abord, ce qu'on savait par d'autres indices (pierre 
polie, absence d'ossements d'espèces émigrées), que les tom- 
beaux primitifs, grossiers, mais tout à fait originaux, sont 



189 — 




Fig. 26. 





Fig. 27. 




Fig. 28. 



Fig. 29. 



Fig. 30, 




Fig. 31. 



• f 




Fig. 32. 



Pointes de flèche en silex, grandeur natuYelle. 



26, 27, 28, 31. Grand dolmen de Truans. 

29, 32. Grand dolmen de Boossac. 

30. Caverne de Saint-Jean d'Alca». 



/ 



^ 190 — 

Tœuvre d'une race nouvelle dans nos régions méridionales, et, 
en second lieu, que cette invasion est venue du nord de la 
France. 

Mais un grand fait nous guide mieux encore. Dans nos dol- 
mens, le métal constitue la matière de près d'un cinquième des 
objets. Ce métal est du bronze, cuivre et étain alliés. Encore 
assez rare et précieux, il n'est employé qu'en petites quantités, 
pour les bijoux à peu près exclusivement (sauf une pointe de 
lance, dolmen de Tarn-et-Garonne) *; et la plupart de ces 
pièces copient exactement les perles rondes et longues ou les 
pendeloques en pierre, à un point qui ne peut laisser planer 
aucun doute sur le fait que les hommes des dolmens, à l'apo- 
gée de l'industrie de la pierre polie, font pour la première fois 
usage du bronze, qu'ils n'avaient pas d'ailleurs inventé; si l'on 
veut tenir compte de l'impossibilité de trouver du premier coup 
l'alliage, si l'on remarque la perfection de certains anneaux, 
bracelets ornés de spirales et double hélice, de petites plaques 
rondes ou carrées percées de petits trous, pour être cousues 
sur des vêtements, on ne peut douter que la multitude rCail à 
ce moment reçu le bronze cTun peuple qui envoyait des lingots 
et ses propres produits, qui s'avançait lui-même, ou, au con- 
traire, dont se rapprochaient les hommes des dolmens. 

Les trouvailles exceptionnelles d'armes et torques en bronze, 
associés à des silex taillés, faites en Danemark ou en Bretagne, 
dans des cas où le remaniement est impossible à invoquer, 
indiqueraient seulement, elles aussi, que la civilisation était 
très-avancée chez une nation étrangère pendant que les incon- 
nus qui nous occupent étaient, dans ces pays, en plein âge de 
la pierre polie, et que des relations, dues au hasard sans doute, 
s'établirent entre eux et elle sans amener de grandes consé- 
quences. En effet, les sauvages occidentaux,, ou mieux leurs 
chefs, purent y gagner quelques beaux ornements ou bonnes 
armes en bronze qu'ils conservèrent tels quels; mais il devait 
s'écouler encore des siècles avant quç l'usage ordinaire du 
métal pût commencer à s'introduire. 

i . Je ne parle pas des épées et poignards que feu M. Delpon et autres 
antiquaires auraient trouvés dans les dolmens du Lot. Je n^ai pu recueil^r 
sur ces fouilles aucun renseignement précis, et je suis porté à croire que 
ces savants n'ont pas établi de distinction entre les dolmens elles tumuli. 



— 191 — 

Dans des temps peu éloignés de nous, n'était-il pas pos- 
sible de trouver entre les mains des Néo-Galédoniens ou des 
Esquimaux faisant exclusivement usage de la pierre, de Tos et 
du bois travaillés, des armes, des instruments d'optique 
recueillis à la suite d'un naufrage ou d'un pillage par ces peu- 
plades, qui ne devaient que bien plus tard entrer en relations 
suivies avec des pays civilisés, et abandonner lentement alors 
la pierre pour le fer. v 

Ce qui est certain, c'est qu'elle tombe devant les faits 
l'objection si souvent répétée, à savoir que s'il n'y a pas de 
bronze dans les tombeaux de pierre brute du nord de la 
France, c'est que des pratiques religieuses l'exigeaient. Dès 
qu'ils le connaissent, nos pauvres sauvages en parent leurs 
morts sans scrupule et sans préjugés. 

Tout semble attester la lenteur avec laquelle la pierre a fait 
place au métal. Ce n'est pas en peu d'années que les sauvages 
modifient leurs habitudes et leur industrie, alors même que la 
civilisation les presse de tous côtés! Tindastrie est presque 
partout sensiblement identique dans la vaste région dont je 
m'occupe. Si quelques monuments ne contiennent pas de mé- 
tal, d'autres en renferment au contraire beaucoup ; mais ces 
excès attestent moins un progrès accompli sur les lieux mêmes 
qu'une différence de richesse entre des tribus voisines, ou 
même entre proches parents. 

Une autre raison pour croire que les temps de transition 
n'ont pas été comme chez les lacustres de courtes époques 
de progrès, c'est qu'il est impossible de penser qu'un peuple 
innombrable ait, dans ces âges reculés, traversé rapidement ce 
vaste pays, où précisément le bronze est mêlé à la pierre. JLe 
nombre si considérable encore de ses cryptes funéraires atteste 
un séjour prolongé. Chaque pas en avant était fait par une 
génération nouvelle. 

Lorsque je me rappelle tout ce que l'on a raconté sur le 
soin que les sauvages, certains Indiens de l'Amérique par 
exemple, montrent pour leurs morts, je ne m'étonne plus des 
travaux que les hommes des mégalithes entreprenaient pour 
construire leurs tombeaux, travaux plus pénibles peut-être que 
ceux que réclamait le pain de tous les jours. J'y vois surtout 
leur préoccupation, naturelle à des gensjqui doivent quitter un 



— 192 — 

jour la contrée, de mettre pour jamais les dépouilles de ceux 
qui leur étaient chers à l'abri des violations des animaux, de 
rhomme et de la nature même. 

En effet, avant que la pierre ait été tout à fait abandonnée, 
les dolmens ne s'élèvent plus. La prépondérance d'une caste 
remplacée par une autre, Tavénement d'un esprit nouveau 
chez un peuple, rien, en un mot, ne peut rendre compte de la 
disparition du tombeau mégalithique que k destruction ou 
bien plutôt le départ du peuple qui avait les motifs, le secret 
et l'habitude de cette grandiose et originale architecture. 

11 me semble encore, mais ceci mérite confirmation, que 
le monument n'est pas seul changé; l'industrie n'est plus la 
même dans les sépultures immédiatement postérieures, elle 
est plus avancée et ne nous reporterait pas au delà de l'âge 
du fer. 

Quant à la question de savoir si l'histoire mentionne le 
nom du peuple qui éleva les dolmens, je dirai que le discours, 
postérieur au Congrès anthropologique , de notre historien 
national, M. Henri Martin, en faveur des Celtes, m'a prouvé 
seulement que les Aryens, qui connaissaient le bronze en arri- 
vant dans l'Occident, ont pu succéder sur notre sol aux con- 
structeurs des mégalithes, avec lesquels ils ont dû avoir quel- 
ques relations. 



Discussion générale sur les dolmens. 

M. WoRSAAE. La question dont s'occupe aujourd'hui le 
Congrès est des plus intéressantes, et je suis convaincu que la 
discussion qui va naître la fera beaucoup avancer. On recon- 
naît aujourd'hui presque unanimement que ces monuments 
dont on faisait autrefois des autels druidiques ne sont autre 
chose que des tombeaux ; c'est déjà un grand progrès. Vous 
venez d'entendre une série de communications très-intéres- 
santes, on vous a présenté de superbes cartes : la question est 
donc sérieusement à l'étude, et, en Portugal comme en France, 
nous connaîtrons bientôt parfaitement la distribution des dol- 
mens. 



- 193 — 

En ce qui concerne le nom de monuments mcgalithiques 
qu'on a imposé à toutes ces constructions, je crois qu'il s'est 
établi sous le couvert de cette dénomination une confusion 
regrettable entre des monuments de différents âges et de dif- 
férents peuples. Ces monuments sont loin d'avoir tous une ori- 
gine commune, et je serais heureux qu'il y eût un autre mot 
pour caractériser le groupe qui nous occupe. 

Quant à la distribution^ j'ajouterai aux renseignements 
que vous a fournis M. Bertrand, qu'on n'en rencontre jamais ^/-^^' 
ni en Norwége ni dans Te nbfîde la Suède. 11 n'y en a pas en 
Finlande; la Russie n'en possède que quelques-uns, situés dans 
l'Esthonie; enfin ils sont très-rares dans la Prusse orientale. 
M. Bertrand a dit qu'il ne s'en trouvait pas au sud de Berlin ; 
je ferai remarquer à ce sujet qu'on a découvert en Thuringe 
des chambres de pierre contenant des squelettes, des instru- 
ments en silex et des poteries offrant une grande analogie avec 
ceux du Danemark. 

En Danemark, on trouve quelquefois du bronze et de 
petits objets d'or : on avait émis des doutes sur le véritable 
gisement de ces pièces dans les fouilles faites dans le Jutland, 
les îles de Seeland et de Fionie; aujourd'hui, ce fait est très- 
bien établi; les dolmens appartiennent à la fois à l'âge de la 
pierre, et il s'y trouve quelques objets de transition. 

Quant aux crânes qu'on en exhume, ils appartiennent à * 
des types différents. Peut-être ces monuments sont-ils l'œuvre 
d'un peuple nouveau ; ce qui porterait à le croire, c'est que la 
Norwége et le nord de la Suède, qui n'ont pas de dolmens, ont 
eu un âge de pierre comme le Danemark. Avouons, messieurs, 
que nous n'en sommes encore qu'au début de ces études, et 
qu'il nous est impossible aujourd'hui de conclure. Quand tous 
les renseignements seront réunis, alors seulement nous pour- 
rons acquérir quelque certitude. 

M. Henri Martin. M. Alexandre Bertrand a rendu un 
service dont personne ne contestera l'importance, en dressant 
le premier un tableau des monuments mégalithiques de France, 
que compléteront le temps et les patientes recherches, et en 
essayant une première carte générale de la distribution des 
dolmens sur le globe. Il en a indiqué les groupes les plus con- 
sidérables, soit par le nombre, soit par les proportions des 

43 



— 194 — 

monuments, avec des vues hypothétiques sur leur construc- 
tion successive par un peuple qui se serait avancé le long des 
côtes et en remontant les grands fleuves. Je n'engagerai "pas 
de discussion à cet égard, quant à ce qui regarde l'Occident, 
et ne contesterai pas que, du nord au sud-ouest de l'Europe, 
les monuments mégalithiques puissent être l'œuvre d'une seule 
race. Mais je ne pense pas qu'il soit possible d'accepter . la 
qualification de préhistorique attribuée à ce peuple, ni que les 
monuments mégalithiques, aujourd'hui bien constatés dans 
l'Asie occidentale, puissent être attribués au même peuple que 
nos monuments d'Europe. Bien certainement deux peuples 
parfaitement historiques y ont élevé des monuments mégali- 
thiques, et on pourrait sans doute en citer d'autres encore : ces 
deux peuples sont les Hébreux et les Celtes. Quant aux pre- 
miers, le témoignage de la Bible ne laisse rien à désirer. 
Qu'est-ce que ces pierres élevées dans le lit du Jourdain, ces 
tables, ces monceaux, ces pierres du témoignage, ces autels 
formés de pierres que le métal n'a point taillées, sinon des mo- 
numents mégalithiques? Conformément à la prescription posi- 
tive de la loi de Moïse, les Hébreux n'ont jamais élevé d'autres 
monuments religieux depuis leur entrée dans la terre de Cha- 
naan jusqu'à ce que Salomon eût introduit dans Israël les 
mœurs et les arts des Phéniciens, et fait construire le temple 
par les architectes du roi de Tyr, son allié. 

Quant aux Celtes, sans aborder en ce moment la question, 
soluble ou non, de savoir si l'ensemble des monuments méga- 
lithiques de l'Occident leur appartient d'une manière exclusive, 
je crois qu'on peut du moins établir qu'ils en ont élevé en 
très-grand nombre, et qu'ils en ont élevé jusqu'à des époques 
qui n'appartiennent nullement à la haute antiquité ; je dirai 
même jusqu'à des époques relativement très- basses. Je pense 
qu'il y a bien des indices qui rattachent à la race celtique 
nos grands monuments de Bretagne ; mais je préfère choisir 
mes exemples sur le teriain où la question me paraît la 
plus claire, c'est-à-dire en Irlande, pays occupé précisé- 
ment par un rameau tout à fait primitif de la famille des 
Celtes. 

Les grands tumulus d'Irlande sont attribués par k tradi- 
tion aux Tuatha-de-Danann , tribu sacerdotale de grands 



— 195 — 

hommes blbods aux yeux bleus, qui dominait une autre popu- 
lation de moindre taille et de cheveux bruns, qualifiée de 
Aitheach-Tuatha, le peuple ancien, celte de langue, comme 
les Dananniens, quelle que fût son origine. Tuatha-de-Danann 
veut dire peuple ou race des dieux de Danann. Cette Danann 
est une déesse mère des dieux tout à fait analogue à la déesse 
primitive d*Égypte, d'Assyrie et de Phrygie. 

Ce qui semble bien confirmer la tradition, c'est que, dans 
les dolmens intérieurs de ces tumulus, se trouvent des signes 
ou figures symboliques qui sont véritablement le principe de 
Tomementisme en usage chez les peuples celtiques jusqu'en 
plein moyen âge : je veux parler des disques pointillés, des 
dents de scie ou dents de loup, des losanges, des stries, signes 
qui, isolés, n'auraient pas grand sens, parce qu'ils peuvent se 
trouver un peu partout, mais qui, par leur réunion, constituent 
un système d'ornementation habituel et caractéristique chez 
les Celtes. Il y a d'ailleurs en Irlande des preuves bien plus 
directes de l'attribution des monuments mégalithiques aux 
Celtes. C'est qu'on retrouve fréquemment, soit sur des men- 
hirs, soit dans l'intérieur des dolmens, des inscriptions en 
ogham, dont une partie a pu être déchiffrée, et qui sont le 
plus souvent des épitaphes en langue gaélique. Tout récem- 
ment, un éminent archéologue irlandais, M. Ferguson, à qui 
nous devons des découvertes intéressantes jusque dans notre 
Bretagne, a déchiffré une de ces inscriptions dans un dolmen à 
Rath-Croghau, l'antique forteresse des rois de Connaught. 
C'était l'épitaphe d'un fils de la reine Medf, amazone bien connue 
dans les traditions ossianiques, avant de devenir, dans la 
légende populaire, la reine Mab des contes de fées. Elle paraît 
avoir vécu dans le premier ou le second siècle de l'ère chré- 
tienne. 

L'inscription ne peut être postérieure à la construction du 
• dolmen, parce qu'elle est engagée dans la construction même, 
comme le sont, dans d'autres dolmens, les signes symboliques 
dont je parlais tout à l'heure, et qui continuent et se perdent 
dans les interstices et dans les contours des supports et des 
tables de pierre. 

Si des dolmens on passait aux menhirs, on descendrait à 
des époques bien plus modernes encore. Les nombreux men- 



— 196 — 

hirs figurés des Pietés, le peuple celtique qui nous a laissé de 
beaucoup le plus grand nombre de pierres sculptées, parais- 
sent avoir continué fort tard, car les espèces d'obélisques sur 
lesquels certains rois d'Ecosse ont fait sculpter leurs chasses 
et leurs combats semblent n'en être qu'une dernière 
forme. 

En tous cas, ce qui ne peut souffrir aucun doute, c'est la 
transformation immédiate des menhirs druidiques en pierres 
levées chrétiennes dans les vieux cimetières d'Irlande, et 
en moindre nombre dans les lech de Galles, d'Ecosse et de 
Bretagne. En Irlande, surtout, on voit bien souvent la croix 
sculptée au-dessus du vieil emblème solaire, du disque poin- 
tillé. Nous arrivons ainsi en plein moyen âge, jusqu'à l'époque 
des tours rondes^ monuments qui n'ont plus rien de druidique, 
et qui sont exculsivement chrétiens. 

Il me paraît donc qu'il y aurait une succession ininterrom- 
pue depuis les grands tumulus d'Irlande, et je croîs aussi ceux 
de Bretagne, qui leur sont liés par une très-étroite parenté de 
construction et par une grande affinité, qui n'est pas toutefois 
une absolue identité de figures et de symboles; qu'il y a, 
dis-je, une succession ininterrompue depuis ces antiques 
monuments jusqu'aux monuments des peuples celtiques du 
moyen âge. 

Ceci, en admettant comme réservée la question de savoir 
si Ton doit attribuer aux Celtes d'avoir été les premiers con- 
structeurs de monuments .mégalithiques en Occident, ou d'en 
avoir été les seuls constructeurs. 

M. H. Martin ajoute qu'on a cru à tort qu'il n'existait pas 
de monuments mégalithiques en Italie; que l'on commence à 
en trouver, comme peut nous le dire M. de Mortillet par sa 
propre expérience, et qu'on pourrait retrouver sans doute dans 
les montagnes de l'Italie les restes des busta Gallorum dont 
^t /^ /^ Ç^ parle Procope , et dans le voisinage desquels fut livrée une des • 
^^nch^ y^; ^///.batailles de Narsès contre Totila. Il y aauss] des dolmens en 
/*,tCji' Toscane./-. '■ '» -rx^^^j: Sc^,,.-, ^^^^i ^<^c^*^<^/'/i*'i>i^''''[2.''^//-' • 

M. DE Mortillet complète les détails donnés par M. H. Mar- //• ^ ^Ki 
tin sur les monuments de l'Italie : il n'a point observé dans ce 
pays de véritables dolmens, mais seulement des cromlechs ; les 
enceintes sont rondes ou carrées et affectent parfois la forme 



197 — 



d'allées découvertes, comme on peut en juger par le groupe 
représenté figure 33. 







NORD 



«=>oocO^'^ 



8 
OUEST o EST 



o 









o 

■ / 

o Q 

O 














s 



SUD 

Pig. 33. 

PUd (3 millimètres par mètre) des cromlechs du plateau de Mallevalle à Qolasecca, ^.^'^a 
près Sesto-Calende, Lombardie. """ ^ 

r, ' ' V 'J ^y / ■ / • T^ ■ / ■ 

' / #y A «V -*i. --^ / ^J * 

M. Dally fait remarquer que la côte occidentale d'Angle- 
terre a ses dolmens comme la côte orientale. On en a signalé 
dans les comtés de Norfolk, Nortbumberland, Kattness, Pertb, 
Sterling. En ce qui concerne l'existence simultanée du bronze 



— 198 — 

et de la pierre dans les dolmens, M. Daily rappelle que 
M. Huxley, en fouillant un dolmen à Kalthness y a rencontré, 
avec des objets de Tâge de la pierre, un bouton du régiment 
d*infanterie en garnison dans le voisinage. Il serait à désirer 
que les observations fussent toujours très-rigoureuses. 

M. Louis Lartet, à propos de la communication de 
M. Henri Martin, donne quelques détails sur les monuments 
mégalithiques, observés pendant l'expédition scientifique (ju il 
a faite avec M. le duc de Luynes dans divers districts de la 
Palestine. 

M. WoRSAAE. Pour ce qui concerne Tor trouvé avec le 
bronze dans les dolmens , j'aurais dû ajouter que ce métal 
ressemble à celui qu'on extrait des monts Ourals et que des 
découvertes analogues à celles du Danemark ont été faites 
dans le nord de l'Allemagne et de l'Irlande; il n'y a pas le 
moindre doute à ce sujet. 

Quant aux observations présentées par M. H. Martin, j*ai 
fait moi-même des recherches en Irlande et en Ecosse : je sais 
qu'un grand nombre de dolmens de ces contrées ont été fouillés, 
à diverses époques, et que quelques-uns ont pu servir une 
seconde fois. Ce fait est attesté par les chroniqueurs en ce qui 
concerne le séjour des Danois en Irlande : il explique l'intro- 
duction d'objets plus modernes dans les dolmens. A Maëshowe, 
dans les îles Orcades, une inscription runique atteste que des 
pirates, venus dans l'île, ont fouillé le dolmen et laissé ce rune 
en souvenir de leur séjour. On ne peut donc pas conclure des 
faits présentés par M. H. Martin que les monuments eux- 
mêmes ont une origine moderne. 

M. H. Martin. Un tumulus dont parle M. Fergusson, 
était bien le monument funéraire du personnage qu'il conte- 
nait. 

M. WoRSAAE. J'ai déjà fait remarquer que notre mot mé- 
galithique n'est pas heureux et que des monuments très-diffé- 
lents sont compris sous ce nom : beaucoup des monuments 
dont on parle ne sont pas de vrais dolmens. Cette confusion, 
qui est une suite des erreurs que nous a léguées le passé, du- 
rera encore longtemps malheureusement. 

M. Lagneau. Suivant M. H. Martin, les dolmens de notre 
Europe paraîtt;aient avoir été élevés par un peuple gallo-cel- 



— 199 — . 

tique. Je rappellerai qu'en effet quelques documents histori- 
ques pourraient porter à penser que très-anciennement la 
distribution géographique des peuples gaéliques aurait eu 
quelque rapport avec la distribution géographique des monu- 
ments mégalithiques. Ces sépultures qui, suivant les régions, 
contiennent des objets de pierre, de bronze, plus rarement 
d'or, voire même quelques pièces romaines, se trouvent, selon 
M. Alex. Bertrand, en grand nombre sur les côtes de la Baltique, 
en Russie, en Prusse, principalement dans la province de Dant- 
zig et sur les bords de l'Oder, dans le Danemark, dans les îles 
Britanniques, en Gaule, et dans le Portugal. Or Tacite, au 
nord de la Germanie, nous signale les OEslyi comme parlant 
la langue des Bretons*, et les Gothini comme parlant le 
gaélique *. 

Ces OEstyl paraissent s'être étendus vers le nord jus- 
qu'en Esthonie actuelle, à Test de la mer Baltique, et les 
Gothini avoir occupé la Silésie actuelle. Entre ces Golhini et 
ces OEstyij qui avaient le sanglier pour insigne religieux, 
comme la nation gauloise, habitaient les Lemorii dans la pro- 
vince actuelle de Dantzig^. 

MM. Alf.Maury* et Aurélien de CoursonS vu la conformité, 
ne semblent pas éloignés d'admettre des rapports ethniques 
entre ces trois peuplades et les Lemorices de notre Limousin, 
les Osiyœi et les Cossini du Pen-ar-Bed armoricain, dépar- 
tement actuel du Finistère. Ces tribus des bords de la Baltique 
seraient -elles les témoins d'une occupation gaélique antérieure 
plus étendue? On pourrait être disposé à le penser, lorsqu'on 
voit Diodore de Sicile, qui, ainsi que Julien l'Apostat®, Sulpice 

1. Ergo jam dextro Suevici maris liUore Œstyorum gentes adiuuutur: 
quibus ritus habitusque Suevorum, lingua Britannica) propior... insigne 
superstitionis, formas aprorum geslant (de Moribus Germanorunij xlv). 

2. GotbinosGallica... lingua coarguit non esse Germanos (l. c.,xlih). 

3. Protinus deinde ab Oceano Rugiiet Lemovii (L c, xun). 

4. Revue Germanique, t. VllI, 1859, p. 14, sur \es Études celtiques. 

5. Histoire des peuples bretons, 1. 1, p. 193, etc. Paris, 1846. 

6. rotXftT&v, ciy-âii, xai KcXtûv iî; tauTo «viuaàvTwv... Les Gaëls, je crois, et 
les Celtes conspirant ensemble... » 

KeXt&I xoi FocXocTou êôvr. xat rot; TraXatcl; çavivra S'uaavTflqcovia*. . . Les Celtes 
et les Gaëls, nations regardées par nos ancêtres comme invincibles... » 
IrpaTKdTriv KsXtôv, aTpaTiwnîv tx ToXaTia; ta vwra rotç TïoXeaîct; ^eiÇavra... 



— 200 — 

Sévère* et autres auteurs, a grand soin de distinguer les 
Gaëls des Celtes, dire d'une manière positive que les Gaëls 
habitant au delà des Celtes, occupent le littoral de l'Océan 
depuis les contrées méridionales (où les noms de Portugal et de 
Galice rappellent encore la présence de peuplades gaéliques, 
les KoLkloLiAOi, Callaici) jusqu'au pays des Scythes, c'est-à-dii*e 
la Russie *. 

M. Ad. de Longpkrier. Je n*ai malheureusement que des 
questions à poser à cette assemblée. Les monuments mégali- 
thiques me semblent l'œuvrç de laces essentiellement diffé- 
rentes : témoin les Hindous et les Hébreux : ceux de la Pales- 
tine ont été très-anciennement constatés déjà; il serait à 
désirer que quelqu'un de nos collègues voulût bien nous en 
donner la description : la question indienne a une très-grande 
importance dans cette discussion. 

M. Des^oyérs. La Société royale d'Edimbourg a publié 
dans son dernier volume un travail de M. Fraser sur les mo- 
numents mégalithiques de l'Inde méridionale : il résulte de 

La milice Celte, la niilioe des Gaëls ayant tourné le dos aux combat- 
lanls... » 

fexr.Ti TTjv roXariav, xal ttjv KeXTi^a... Pour la Gaule et la Celtique... » 
(Julien : 4'« harangue sur l'empereur Constance, p. 29, 34, 36, et 3* 
harangue, p. Mk de l'édition grecque latine de i6î)6). 

\. Volceltice, aut, si mavis, gallice loquere, dumraodb jam martinum 
loquaris.. Dial. I^ n*» 20. 

2. XpT.aiaov 5'iaTi ^topiofti to i7«pà iroXXoï; àpccuagvov, Tcù; "yôp ùirip Maa- 
oaXîa; xaTODcoûvTa; 6v tw (i.6ao"y6Î&) xal tcÙ; trapà rà; XXîrei;, en S'a tci>; èirt rà^E 
Twv Huprjvatwv ôpwv KeXtcÙ; ovcji.â^ouai* tcÙ; 5' UTrèp TauTTi; t^ç ReXtix*^; si; rà irpô; 
v'Jtov v£vovTa {^.s'pvi Trapa ts tôv Ô^ceavôv xal tô Èpxûviov dpo; xa6i^pi>p.^vcuç, xai 
TTOtvra; tcÙ; i\%^ P'^/.pi "^i Sxjôîaç TaXàra; Tcpcda^cpsusumv • ot ^È i>(ou.aîct iràXtv 
TTocvra TaGra rà Iôvyj auXXifi€^y,v f/.iot irpo(r/i-ycpia iwpiXau.êàvcuaiv, ovcaa^ovTf ; FaXàrotç 
àravTaç. 

11 faut faire une distinction que beaucoup de personnes n'ont pas faite. 
Le nom de Celtes appartient aux peuples qui habitent au-dessus de Mar- 
seille dans l'intérieur des terres, et qui vivent en-deça des monts Pyré- 
nées jusqu'aux Alpos; celui de Gaëls, aux peuples qui sont établis au-delà 
de la Celtique, soit dans les contrées inclinées vers le midi ou vers Tocéan, 
soit sur les monts Hercyniens, enfin qui occupent à la suite les uns des 
autres tout ce vaste espace jusqu'à la Scythie. Mais les romains ont con- 
fondu ces nations sous une môme dénomination et leur donnent à tous le 
nom de Gaëls (Diodore de Sicile. Histoire tmiverselle/]. V, ch. xxxu, 
trad.de Miot, 183V). 



— 201 — 

Texameo des planclies jointes à ce travail que tous nos monu- 
ments y ont leurs analogues. 

M. WoRSAAE. L'Inde a certainement eu un âge de la pierre 
identique au nôtre; on y a trouvé de véritables ateliers pour la 
fabrication des outils en silex et des amas de coquilles conte- 
nant des instruments grossiers en pierre et en os. Les dolmens 
sont comme ici des tombeaux de Tâge de la pierre. (Voy. le dern. 
vol. de la Soc. d*archéol. de Londres.) 

M. DuREAu. Je crois que la distribution géographique des 
monuments appelés mégalithiques est encore tout à fait 
incomplète. En ce qyi concerne la France, j'ai voulu, pour 
mon usage personnel, en dresser une carte, et je suis arrivé à 
une conclusion tout à fait opposée à celle de notre savant col- 
lègue M. Bertrand, c'est-à-dire que le nombre de ces monu- 
ments qui ne se trouvent pas près de l'Océan ou des grands 
fleuves est beaucoup plus considérable que le chiffre de ceux 
qui suivent l'eau. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples, 
je rappellerai le département d'Eure-et-Loir. Un archéologue, 
M. de Boisvillette y a compté plus de cent dolmens, et l'Eure- 
et-Loir, loin de l'Océan, n'est pas traversé par de grands 
fleuves. M. Valadier, pour l'Aveyron, a déjà signalé plus de 
soixante monuments, il n'y a pas d'océan ni de grands fleuves 
dans TAveyron. Enfin je citerai les Vosges, l'est de la France, 
dont M. Bertrand a déjà parlé. 

Maintenant, que les monuments mégalithiques soient recon- 
nus un jour, placés en plus grande quantité le long de l'Océan 
et des grands fleuves, cela ne saurait, à mon avis, rien pré- 
juger, quant à l'origine de la race qui les a élevés. Plusieurs 
races ont pu, l'une après l'autre, refouler dans l'intérieur, à 
droite ou à gauche, une partie de population déjà établie au 
bord d'un grand cours d'eau, de sorte que la race la dernière 
arrivée à l'extrémité du fleuve n'est pas la même que celle qui 
a fait son apparition à l'autre extrémité. 

Je ne donne cette raison que pour valoir ce que de droit. 

M. VoGT. En ce qui concerne les Vosges, je crois qu'il 
faut user d'une grande circonspection : ou y a fait des confu- 
sions très-regrettables : dans certains points, le granit perce à 
la surface et peut simuler des cercles, des menhirs ou des dol- 
mens. D'ailleurs, M. Dureau ne parle pas de dolmens fouillés. 



— 202 - 

M. DoBEAU. Je partage l'opinion de notre savant collègue, 
M. Vogt, mais je crois son application générale, et non res- 
treinte aux Vosges. Il y a des archéologues enthousiastes par- 
tout. En Bretagne, par exemple, j'ai trouvé de faux menhirs, 
placés par de bons paysans dans un intérêt qui n'a rien à faire 
avec Tarcbéologie, et que cependant des archéologues non 
l)révenus et de très-bonne foi considèrent comme des monu- 
ments mégalithiques. 

M. DE ViBRAYE. J*ai obscrvé en Bretagne des roches schis- 
teuses érôdées qui simulaient parfaitement des monuments 
mégalithiques, ce qui n'empêche pas qu'il n'y ait en Bre- 
tagne des dolmens en très-grand nombre : un bon nombre ont 
déjà été fouillés et ont même servi de refuges au moment delà 
révolution. 

M. Desor annonce que M. de Saussure a découvert quatre 
dolmens qu'il va décrire, dans la Suisse occidentale, et pré- 
sente au Congrès, de la part de M. le D' Clément, la réduction 
d'une pierre à écuelles en gneiss, reconnue dans le Jura ; elle 
présente un tatouage et des lignes analogues à celles des pa- 
rois des allées de dolmens. Les lignes sont, du reste, perpen- 
diculaires à la direction de schistosité. 

M. Henri Martin. J'ai dit tout à l'heure que j'acceptais la 
distinction posée par M. Bertrand, non pas comme absolue, 
mais en tant que prédominance. Ceci demande quelque expli- 
cation. Les dolmens, en effet, sont assez communs dans le 
centre de la France, très-nombreux dans certaines contrées du 
midi (le Rouergue par exemple), pas très-rares dans le nord, 
où la culture, poussée si loin, a dû détruire tant de monuments, 
et Test n'en est pas entièrement dépourvu. Par contre, les petits 
tumulus, caractéristiques, suivant M. Bertrand, d'un âge pos- 
térieur, sont en nombre dans diverses régions du centre, de 
Test et surtout du sud-est. D'une autre part, il est prouvé 
que, dans l'âge héroïque qui a succédé à l'âge sacerdotal, on 
a. continué de construire des dolmens en Irlande et dans 
diverses parties de la Grande-Bretagne. On n'a pas les mêmes 
témoignages positifs pour la France ; mais il est probable qu il 
en a été de même; cela expliquerait l'absence ou la rareté de 
petits tumulus de l'âge postérieur dans certaines contrées, 
relies apparemment où l'ancien esprit religieux avait conservé 



— 203 — 

le plus (le force, comme rArmoriqueî d*autaïit plus qu*ou 
trouve en divers pays, et entre autres dans cette même Armo- 
rique, des sépultures d'un autre genre, de véritables aderrv- 
nteais ou sépultures souicrraim's, sans tuniulus d'aucune sorte, 
qui peuvent avoir été les cimetières de la partie inférieure de 
la population, celle qui n'avait pas les honneuJS du dolmen ou 
du menhir. 

Cette sorte de sépulture, qu'on ne découvre que par ha- 
sard, puisqu'elle n'a point de signe extérieur, mérite aLten« 
tioii, et il en faut tenir coxpte dans la question dont nous 
nous occupons. 



Notice sur un crâîîe trouvé dans un hypogée de Vâge 
de la pierre. 

M. Carro, bibliothécaire de la ville de Meaux, fait la com- 
munication suivante en présentant un crâne humain, 

Eu présentant à votre examen le crune d'un des habitants 
de nos contrées occidentales, aux temps préhistoriques, je dois 
vous donner quelques explications sur sa découverte et quel- 
ques notions sur le lieu qui Ta si longten^p^ recelé, ainsi que 
sur divers objets de Tàge de la pierre, trouvés dans la même 
sépulture. 

Au mois de novembre ISâ'i, le propriétaire d'une pièce de 
terre toute voisine de la ville de Crécy-en-Brie (Seine-et- 
Marne), voulut débarrasser son champ d'un bloc de pierre qui 
gênait la culture; il chargea un ouvrier de Fexploiter en moel- 
lons. Ce bloc avait environ b mètres de longueur sur près de 
4 mètres de largeur. L'ouvrier, pour s'assurer s'il était isolé 
ou s'il n' ad lierait point il un banc, commença par le dégager 
au moyen d'une tranchée, et môme à pénétrer un peu sous la 
masse. Or, cet homuie s'aperçut alorn, avec une extrême sur- 
prise, qu'il remuait une terre toute remplie d' ossements 
humains. La Jmyeur le saisit, il laissa !a ses outils et s'enfuit 
tout effaié à Crécy, où il raconta aux autorités qu'il venait de 
découvrir sans doute la trace de quelque grand crime. 

S'il y avait eu crime, il y avait aussi, bien certainement, 



— 204 — 

prescription, car les ossements étaient là depuis plusieurs mil- 
liers d'années. ' 

M. le maire et M. le juge de paix ne pensèrent pas qu'il 
y eût un crime à rechercher et à punir, mais qu'il pouvait 
bien y avoir une curieuse recherche archéologique à faire. Il 
en fut référé à M. le préfet de Seine-et-Marne, lequel répondit 
qu'il y avait lieu d'opérer des fouilles; elles seraient faites au 
compte du département, mais il était nécessaire qu'elles fussent 
surveillées. 

M. Boselli, sous-préfet de Meaux alors, maintenant préfet 
de Versailles, voulut bien me charger de cette surveillaBce. 

Je reconnus que la pierre en question était un bloc erra- 
tique, calcaire fortement siliceux; il avait l'",20 d'épaisseur 
moyenne et reposait par ses bords sur le tuf. Cette sépulture 
n'était point un dolmen, dans l'acception usitée de ce mot, mais 
tout simplement une excavation, l'homme étant peut-être alors 
inhabile encore aux grands efforts collectifs nécessaires pour 
élever les larges masses de pierre sur les supports verticaux 
des dolmens. 

L'excavation n'embrassait pas tout le périmètre du bloc qui 
la recouvrait ; elle était de forme à peu près circulaire, sans 
orientation par conséquent ; elle était garnie d'un petit revête- 
ment en pierres sèches et n'avait que l'",30 de profondeur ver- 
ticale ; il ne s'y trouvait pas de traces d'un dallage quelconque. 
Malheureusement, lorsque je me rendis à Crécy, le bruit 
de cette singulière découverte s'était déjà fort répandu ; de la 
ville et des environs, une foule curieuse était accourue auprès 
du bloc, les ossements avaient été bouleversés, brisés ou en 
partie dispersés. 

Il put résulter, néanmoins, de mes informations, que le 
nombre des corps inhumés ^n cet endroit était d'environ une 
cinquantaine, divisés en trois couches superposées et sépa- 
rées par des pijjrres plates. Les squelettes étaient séparés 
aussi les uns des autres par des pierres posées verticalement; 
il y avait des hommes dans la force de l'âge, il y en avait 
d'un âge avancé, il y avait deux enfants. Mes recherches 
n'ont pu parvenir à constater s'il s'y trouvait des squelettes de 
femmes. 

Si l'excavation n'était pas orientée, les squelettes l'étaient, 



— 205 — 

couchés sur le dos, la tête à roccident et par conséquent le 
visage vers l'orient; il faut en excepter les deux squelettes 
d'enfants, placés dans la direction opposée. 

Quant à la stature moyenne, elle ne différait aucunement 
de celle des races actuelles. Je tenais à me procurer une tête ; 
ici, une petite déception m'attendait. 

On m'indiqua bien un particulier de Crécy qui en avait 
recueilli une, et je me préparais à aller la réclamer, lorsque 
j'appris que notre homme, s'étant réveillé la nuit, s'était avisé 
de craindre que le squelette dépossédé ne vînt, irrité, lui rede- 
mander sa tête. Tremblant d'effroi, il s'était levé, s'était hâté 
d'aller la jeter dans la rivière; puis, rassuré et l'esprit en paix, 
il était revenu reprendre place dans son lit. 

Je fus plus heureux dans une seconde tentative; une autre 
tête bien conservée avait échappé au gaspillage trop ordinaire 
en pareil cas, et cette tête, qui me fut indiquée par M. Adrien, 
médecin de Crécy, témoin de son extraction de l'hypogée, est 
celle que j'ai l'honneur de vous soumettre. Elle fut alors exa- 
minée sur le lieu même par M. Serres, de l'Institut, qui, pré- 
venu des fouilles, avait tenu à venir les visiter. Elle a pris 
place ensuite dans les vitrines de la salle des séances de la 
Société d'Agriculture, Sciences et Arts de Meaux. 

L'hypogée contenait, parmi les ossements, quelques objets, 
en petit nombre toutefois, mais d'un haut intérêt. Ce sont des 
haches en silex; une d'elles est insérée à l'extrémité d'un mor-r 
ceau de corne de cerf, lequel est percé d'une mortaise qui a dû 
recevoir un manche en bois; cette hache figure à l'Exposition 
universelle. Il y avait aussi un poinçon fiibriqué avec un tibia 
de chèvre ou de chevreuil ; il y avait surtout une sorte de 
petit couteau formé d'une lame de silex enchâssée dans la 
tranche d'un morceau de côte de bœuf; des deux extrémités 
arrondies de cette côte, l'une est percée d'un trou, dans lequel, 
sans nul doute, passait une courroie destinée à poçter le cou- 
teau suspendu. Ce petit instrument, d'une grande délicatesse 
de travail, est notablement curieux. D'un assez grand nom- 
bre de musées que j'ai visités et dans lesquels j'ai spécia- 
lement recherché les armes et instruments en usage chez les 
peuples primitifs, je ne connais que le musée de Lausanne 
qui possède un objet semblable et précisément de la même 



— 206 — 

dimension. Le nôtre a été envoyé pour l'Exposition avec la 
hache dont je viens de parler; je ne m'explique pas com- 
ment ce petit instrument, extrêmement remarqué par M. de 
Saulcy dans un voyage à Meaux, n'a pas été exposé. 

L'hypogée contenait encore des amulettes en serpentine ou 
ornements percés pour être portés suspendus au cou. Cette 
serpentine ne pouvait venir que des Vosges ou de ce qui est 
aujourd'hui le midi de la France ; de sa présence dans les 
sépultures du nord on doit inférer parmi les peuplades de ces 
contrées quelques relations d'une sorte de commerce et quel- 
ques habitudes de voyage. Nul indice, au reste, de métal 
dans la sépulture' de Grécy, mais seulement quelques débris 
de poterie grossière, que j'ai l'honneur de mettre également 
sous vos yeux avec la serpentine. 

Aucune trace de combustion n'a été remarquée sur ces 
ossements, bien que la couche supérieure de la terre qui les 
contenait eût conservé d'assez' nombreux indices de l'action 
du feu et que beaucoup de morceaux de charbon s'y soient 
trouvés, petits morceaux toutefois, indiquant un feu de menu 
bois ou de broussailles. Cette couche contenait des ossements 
d'animaux tels que chien, bœuf et mouton, et enfin les quel- 
ques fragments de grossière poterie mentionnés ci-dessus. 

La séance est levée à 10 heures 15 minutes. 

L'un des secrétaires^ 

Arthur Rhoné. 



207 — 



Note complémentaire de la discussion sur les dolmens. 



M. Henri Martin a envoyé après la séance la note sui- 
vante : 

M. ïe Président, veuillez me permettre, je voua prie, de 
yous adresser quelques observations complémentaires sur un 
sujet qui n'a pu être épuisé dans les discussions si intéres- 
santes du Congrès, où se sont pressées tant et de si diverses 
questions. Il s'agit de l'origine des monuments mégalithiques 
en Occident, et particulièrement de ce qu'on a nommé Yâge 
des dolmens. 

J'ai attribué les monuments mégalithiques d'Occident, et 
spécialement les dolmens, aux Celtes, aux Gaulois. 

M. Alexandre Bertrand combat cette attribution en distin- 
guant deux classes de nionuments funéraires, qui dilTèrent 
entre elles et par leur construction et par les objets qu'elles 
renferment; deux classes de monuments qui prédominent. 
Tune dans l'ouest, l'autre dans l'est de la France. La seconde, 
et la plus récente, qui n'est pas celle des dolmens, appartient 
seule, suivant lui, aux Gaulois. 

Cette distinction, que je ne pourrais admettre si l'on en 
faisait un caractère exclusif de chacune des deux régions de 
l'ouest et de l'est, je la reconnais comme incontestable en tant 
que prédominance. 

M. Bertrand, dans ses observations qu'a publiées le dernier 
Bulletin de la Société d'Anthropologie, a conclu, de la diffé- 
rence entre ces deux classes de monuments, qu'il y a deux 
séries de faits parfaitement distincts, entre lesquels il ne peut 
apercevoir aucune corrélation. Il ne peut concevoir que ces 
différents champs mortuaires soient contemporains, ni que 
la même race^ à une même période de son existence^ ait con- 
struit les dolmens de Carnac et les tumulus d'Alaise. Ces monu- 
ments, archéologiquement, sont pour lui d^âge différent. 



- 208 -- 

Je ne prétends poiat le contraire. Je ne prétends point du 
tout que les grands monuments de la Bretagne et de l'Irlande 
et les innombrables petits tumulus de la Franche-Comté soient 
V œuvre d'une même race^ à une même période de son existence^ 
je pense qu'ils sont l'œuvre d'une même race, mais à des périodes 
différentes de son existence, et, quand je dis une même race, 
je ne dis pas un même peuple, car la race gauloise a compté 
bien des peuples différents, qui se sont combattus, superposés, 
fusionnés. Il est possible que la succession de deux espèces 
différentes de monuments indique l'invasion d'un nouveau 
peuple celtique, comme il est possible aussi qu'elle indique 
seulement une révolution religieuse et politique dans un môme 
peuple. 

Une chose me frappe singulièrement dans ces deux catégo- 
ries de monuments dont la différence est si évidente, mais 
entre lesquelles j'aperçois cependant un lien, sur lequel je 
reviendrai tout à l'heure. C'est que la classe de monuments la 
plus ancienne et la plus imposante présente, à ce qu'il me 
semble, tous les indices de ce que j'appellerai une époque 
sacerdotale, du moins une époque où dominait l'idée reli- 
gieuse; tels sont le dépôt, dans ces monuments, d'objets 
évidemment à la fois archaïques et sacrés, d'objets qui n'étaient 
pas des instruments destinés aux usages de la vie habituelle; 
les figures symboliques qui apparaissent à l'intérieur des plus 
importants de ces monuments, soit en Bretagne, soit en 
Irlande, et qui offrent, sinon une entière similitude, du moins 
la plus étroite affinité, la même physionomie dans les deux 
pays; enfin l'accumulation des grands tumulus à dolmens 
autour de vastes et mystérieux monuments, tels que les aligne- 
ments de Carnac et les cercles de Stone-Henge, où il n'est 
guère possible de méconnaître une destination religieuse. 
, Les ornements d'or et surtout les armes de bronze sont 
rares dans les dolmens; fait certain, sur l'interprétation duquel 
nous différons. J'ajouterai même qu'on ne trouve pas du tout 
de bronze dans la grande agglomération monumentale du Mor- 
bihan. Carnouët, que j'ai cité, appartient à la Cornouaille armo- 
ricaine. 

Dans l'autre espèce de monuments, les armes, les orne- 
ments militaires, et tout ce qui indique la prédominance de 



— 200 — 

ridée guerrière et de l'âge liéroïque forment le caractère 
essentiel, quoiqu'on y reconnaisse encore les vestiges incontes- 
tables des rites funéraires et de l'ancien symbolisme. 

Cette idée, sur le caractère sacerdotal de Tâge des dolmens, 
que fait naître la seule étude des monuments, augmente de 
vraisemblance quand on recherche les traditions historiques. 
. Où se trouvent placés les trois principaux groupes de 
monuments mégalithiques ; les principaux, au moins par leurs 
majestueuses proportions ? 1*^ Dans la Bretagne armoricaine, la 
province celtique par excellence de la France; 2<» en Irlande, 
patrie de la plus ancienne branche de la race celtique; en 
Irlande, où la tradition attribue formellement ces construc- 
tions à une tribu sacerdotale, essentiellement celtique, et qui 
perdit plus tard l'empire, que lui enleva une race de héros, 
une caste guerrière d'autres Celtes, qui passent pour mêlés 
d'Ibères, ou au moins venus d'Espagne. Enfin, S"* dans le 
milieu de l'Angleterre méridionale (Stone-Henge, Abury), dans 
cette Bretagne insulaire, où César nous apprend qu'était le 
centre religieux du druidisme de son temps. 

Ici, messieurs, j'irai plus loin que M. Bertrand lui-même. 11 
distingue les monuments mégalithiques d'avec les petits tumu- 
lus plus récents. Je distinguerai, pour mon compte, entre les 
monuments mégalithiques eux-mêmes, et l'étude directe des 
monuments et l'étude des traditions historiques me conduiront, 
toutes deux au même résultat : c'est que les deux groupes de 
Bretagne et d'Irlande (je veux dire, bien entendu, les grands 
monuments) sont l'œuvre d'un même âge et d'un même 
peuple, les Gaëls ou Celtes primitifs ; et que le monument de 
Stone-Henge, d'une construction toute particulière et qui pré- 
sente des caractères évidemment beaucoup moins anciens, est 
l'ouvrage d'un autre peuple celtique, de ces druides bretons 
qu'a connus César, et qui appartiennent, par conséquent, aux 
derniers siècles de l'indépendance celtique. La modernité rela- 
tive de ce monument expliquerait comment son plan grandiose, 
qui perfectionne magnifiquement les vieux cromlechs, ne s'est 
pas propagé en Gaule, où la conquête romaine vint sur ces 
entrefaites introduire d'autres idées et d'autres arts. 

J'ajouterai, pour ce qui regarde la succession des deux 
époques, l'une à prépondérance religieuse, l'autre à prépon- 



— 210 — 

dérance militaire, succession bien constatée en Irlande, (jue 
M. Amédée Thierry en a reconnu la trace historique dans notre 
Gaule avec beaucoup de savoir et de sagacité. 

La tradition irlandaise relative à la première de ces deux 
époque , vient à l'appui de mon opinion sur la connaissance 
qu'on avait des métaux dans Tâge des dolmens. Les Tuatha- 
de-Danann, ces druides primitifs des Gaëls, bien antérieurs aux 
druides bretons, et constructeurs, suivant la tradition, des 
grands tumulus d'Irlande, avaient dans leur mythologie un 
dieu forgeron, un Héphaistos, un Vulcain, et le fameux tumu- 
lus de Newgrange s'appelle précisément, dans les légendes 
populaires, le tombeau de la femme de Gobha, le. forgeron 
divin. 

Si ces constructeurs de dolmens connaissaient certains 
métaux, et n'introduisaient que la pierre dans leurs tom- 
beaux, ils se reportaient du moins par là au souvenir d'un 
âge où la pierre seule avait régné. Cette remarque de M. Ber- 
trand est juste, mais les vieux pontifes celtes n'avaient pas 
besoin d'emprunter ces souvenirs à des races qu'ils considé- 
raient comme leurs inférieures et dont ils n'avaient certaine- 
ment pas reçu leur religion. L'âge antique de la pierre a existé 
partout, et les Celtes en avaient apporté avec eux les souvenhrs 
du fond de l'Arie, leur berceau asiatique. 

Je disais tout à l'heure que, malgré l'extrême différence des 
deux classes de monuments signalés par M. Bertrand, il y avait 
entre elles quelques liens. Ainsi, les figures ornementales ou 
symboliques sculptées à l'intérieur des dolmens se retrouvent 
sans cesse sur les armes et sur la plupart des objets que l'on 
rencontre dans les sépultures plus récentes, et ceci va parfois 
plus loin que les signes les plus ordinaires et les plus simples, 
comme le disque pointillé, les dents de scie, les lozanges et 
les stries. J'ai vu, sur des auges de pierre, d'époque probable- 
ment mérovingienne, la reproduction des signes les plus com- 
pliqués de Gawr-Ynyz. On peut les examiner dans les musées 
de Poitiers et de Nantes, sans parler de ce qu'on trouve en 
Bretagne du même genre. 

L'ornementation incontestablement celtique se rencontre 
tout aussi bien sur les vases recueillis dans les dolmens du 
Morbihan que sur les divers objets fournis pan les moins 



— 211 — 

anciens des tumulus, et ces vases sont fréquemment d'une 
pât^ fine et légère, et nullement impure. 

Le magnifique album de M. de Gussé nous a édifiés suffi- 
samment à cet égard. 

Rien n'établit aussi clairement le lien dont je parle que la 
conservation du symbole fondamental du cercle dans toutes 
les branches de la famille gauloise depuis le commencement 
jusqu'à la fin. Le cercle de pierres consacrées entoure et pro- 
tège les dolmens les plus anciens et commence et termine les 
alignements. Un foyer circulaire dans lequel on a allumé un 
feu de consécration se retrouve dans les tumulus les plus ré- 
cents, et les peuples celtiques de toutes les branches, Gaëls et 
Kimris, ont tenu leurs assemblées religieuses, judiciaires, poli- 
tiques et militaires dans les cercles de pierres. Aujourd'hui 
encore, dans les assemblées populaires galloises, on trace le 
cercle, et le président monte sur une pierre placée au milieu 
du cercle, pour déclarer l'assemblée ouverte. 

De ces diverses considérations, je conclus que l'on peut, 
avec une vraisemblance telle qu'il serait peut-être permis de 
l'appeler une certitude morale, que Ton peut, dis-je, attribuer 
à la race celtique les grands groupes de monuments mégalithi- 
ques de l'Occident. J'ai la même opinion pour le Nord; mais 
je ne veux pas prolonger outre mesure des observations déjà 
trop longues. 

Permettez-moi cependant de poser à mon tour une ques- 
tion. Si, malgré tant d'indices en sa faveur, on persistait à 
refuser ces monuments à la race celtique, à qui les attribue- 
rait-on? Est-ce à la race ibérienne? L'Espagne n'en est pas 
dépourvue ; mais ils sont beaucoup moins nombreux et moins 
considérables sur son sol que sur celui des Gaules, ce qui 
paraît indiquer que le mouvement de construction n'est pas 
venu d'Espagne, mais est venu s'affaiblir et mourir en Espagne 
où lés Celtes l'avaient porté. 11 est, en outre, une observation 
importante à faire sur ce point : c'est que les Basques n'ont, 
dans leur langue et dans leurs traditions, absolument rien qui 
se rapporte aux monuments mégalithiques, tandis que les tra- 
ditions, les légendes, les poésies celtiques fourmillent d'allu- 
sions à ces mêmes monuments. 

Si ce n'est pas aux Basques, sera-ce aux Finnois, dont le 



— 212 — 

rôle devient aujourd'hui si important dans les âges antéhisto- 
riques ? 

Il n'y a point de monuments mégalithiques dans les con- 
trées dont les branches finnoises qui ont été en contact avec 
nos aïeux ont gardé la possession. C'est dans les contrées plus 
au sud et à l'est que se trouvent les tumulus appelés kourgansj 
qui appartiennent à d'autres branches de la famille toura- 
nienne, et qui s'appellent traditionnellement en Asie les monu- 
ments des Tschoudes , comme nos monuments mégalithiques 
s'appellent traditionnellement en Occident les monuments cel- 
tiques. Les kourgans ont leur caractère à part et ne doivent 
pas être confondus avec nos monuments. 

Ajoutons que les considérations morales sont ici d'accord 
avec les considérations archéologiques , et que le caractère , 
soit des Ibères, soit des Finnois, et leur organisation sociale, 
paraissent incompatibles avec l'érection de pareils monuments, 
qui suppose un peuple habitué à agir par grandes masses, 
disposé aux grandes œuvres collectives et gouverné ou forte- 
ment et durablement excité par un puissant sacerdoce, condi- 
tions absolument étrangères aux Ibères et aux Finnois, et, au 
contraire, tout à fait propres aux Gaulois. 

Si Ton ne peut attribuer nos monuments mégalithiques ni 
à l'un ni à l'autre de ces deux peuples historiques, Finnois 
et Ibères (je ne veux pas toucher à l'opinion nouvelle et hardie 
qui fait des Ibères et des Finnois une même race), il faudra 
donc créer, trouver, si l'on aime mieux, un peuple inconnu et 
perdu pour l'opposer aux Gaulois? Un peuple venu on ne sait 
d'où, évanoui on ne sait où ni comment? 

Hypothèse pour hypothèse, si l'on veut qu'il n'y ait encore 
là que des hypothèses, n'est-il pas convenable de préférer 
celle qui s'appuie sur tant d'inductions archéologiques et his- 
toriques, à celle qui se trouverait ainsi en quelque sorte sus- 
pendue dans le vide, sans point d'appui dans les faits obser- 
vables, sans racine dans la mémoire des hommes? 

Publié avec V autorisatioyi 
du Comité. 



— 213 



SÉANCE DU SAMEDI 24 AOUT. 

PRESIDENCE DE M. VOGT, 

Un des vice-présidents. 



La séance est ouverte à 2 heures. 

Le Secrétaire donne lecture du procès- verbal qui est adopté 
après quelques rectifications. 

Le Secrétaire général communique les questions suivantes 
adressées au Congrès par M. Dmitry Sontzoff, président de la 
Société des amis de la nature, de Moscou. 

J'ai rhonneur de proposer aux savants, membres du Con- 
grès international, les questions suivantes : 

Vu l'analogie et la parfaite ressemblance dans la forme des 
objets de l'âge de pierre, trouvés dans des contrées différentes, 
très-distantes les unes des autres et habitées par des races 
diverses, 

{a) Faut- il attribuer cette identité au même degré de déve- 
loppement intellectuel des hommes de l'âge de pierre, dans 
ses diverses périodes? 

(b) Faut-il l'attribuer aux relations que les divers peu- 
ples préhistoriques avaient entre eux à l'époque des armes en 
pierre, relations d'échange, de commerce, d'alliance, ou de 
parenté de races? 

{c) Ou bien cette identité dans les formes et le travail de 
beaucoup d'armes et d'ustensiles de l'âge de pierre, doit-elle 
faire admettre une seule et même race d'hommes, dans les 
habitants primitifs, ou les aborigènes de l'Europe? 

Le Président annonce que ces questions seront mises à 
Tordre du jour d'une séance libre, si les travaux déjà inscrits 
le permettent; mais il craint fort qu'elles ne soient arrivées 
trop tard. 



2\!i 



Continuation de la discussion sur les monuments 
mégalithiques. 

M. Desnoyers demande la parole à Toccasion du procès- 
verbal, pour compléter quelques indications qu'il avait don- 
nées, dans la dernière séance, au sujet des monuments méga- 
lithiques de rinde. Trompé par ses souvenirs, il avait indiqué 
le recueil de TAcadémie d'Edimbourg comme renfermant un 
important travail sur ces monuments. Ce grand mémoire, qui 
est dû au capitaine Medodows Taylor, a été imprimé en 1865 
dans le vol. xxiv des Transactions de l'Académie irlandaise, 
et se rapporte aux cairns, cromlechs et autres monuments 
celtiques ou scithiques du Dekhau *. 

M. Desnoyers fait ressortir l'importance de ce mémoire, où 
il est question de monuments aussi considérables que ceux de 
Karnak, de dolmens percés de trous sur une de leurs tables 
verticales, et de tumuii, ainsi que des poteries, armes et osse- 
ments humains que l'on y a rencontrés. Il termine en disant 
combien il serait à désirer qu'on publiât des extraits et une 
partie des figures de cet intéressant mémoire. 

M.^A. DE LoNGPÉRiER, revcuaut sur ce qui a été dit dans la 
dernière séance, au sujet des dolmens de la Palestine et de la 
coutume qu'avaient les Hébreux d'élever des autels de pierre 
non taillée, exprime l'idée que ces derniers ont dû adopter une 
habitude antérieure, et qu'ils avaient pu trouver cet usage déjà 
établi chez un peuple plus ancien et peut-être congénère. 

M. Louis Lartet fait remarquer, à l'appui de ce que vient de 
dire M. de Longpérier, que les districts à dolmens de la Pales- 
tine, aujourd'hui connus, sont exclusivement cantonnés sur 
la rive orientale du Jourdain, au pied ou au milieu des mon- 
tagnes que les traditions bibliques nous montrent occupées, 

1 . Transact. of the Irish Academy , v. XXIV, Antiquiltes, part. Y. Du- 
blin, 1865, in-4". Gapt. Medodows Taylor: Descripl. of Cairns Cromlechs, 
and olher Cellic, Druidical or ScUhyan Monuments in the Dekhau, p. 329 
à 362. — Ce même recueil renferme d'autres mémoires du même auteur 
sur des monuments semblables dans le Northumberland. 



— 215 — 

à Tarrivée des Hébreux, par des hommes de haute stature, 
tels que les Anakims, les Anims,les Zauzoumirms, les Rephaïms, 
et dont le géant Og, roi de Basan, aurait été le dernier repré- 
sentant, peuples devant lesquels les espions de Moïse se trou- 
vaient si petits, qu'ils se comparaient eux-mêmes à des sau- 
terelles. Tels sont au moins le^ souvenirs qu'il conserve de 
notes qu'aurait bien voulu lui communiquer M. le duc de 
Luynes, et desquelles il résulterait encore, d'après les mêmes 
textes sacrés, que le pays d'Ammon, si riche en dolmens, 
était occupé par les Rephaïms avant l'arrivée des Ammonites 
qui les dépossédèrent. De telle sorte que l'on aurait au moins 
autant de raison pour attribuer l'érection de ces monuments 
à ces premiers peuples fort peu connus, que l'on en possède 
pour en faire honneur aux Hébreux. 

M. Bouvet rappelle, à propos des monument? mégalithiques 
du Dekhau, qu'il en existe un compte rendu dans le journal 
YAthenaeum de 1866. Il exprime, de plus, le regret que l'on 
n'ait pas fait mention, dans la séance affectée à l'étude de ces 
monuments, de ceux que M. Lejean a rencontrés dans ses 
voyages dans le Cachemire. 

M. Desnoyers fait remarquer que ces découvertes ne sont 
pas encore bien définies, et qu'elles n'ont pas été livrées en- 
core à la publicité. 

M. Girard de Rialle. J'ajouterai à la très-exacte commu- 
nication de M. Louis Lartet, sur les dolmens de la rive gauche 
du Jourdain, qu'il a eu parfaitement raison d'attribuer à une 
race antérieure aux Hébreux, à une race même inconnue, les 
Rephaïms (les géants) peut-être, ces monuments si curieux. 

Dans un pays appelé aujourd'hui Djeddour^ Ledja et Hau- 
rauy et autrefois le pays de Basan, dont le roi était un géant, 
Og, on rencontre une foule d'habitations mégalithiques. Je 
regrette ici l'absence de M. de Vogue, qui pourrait nous don- 
ner des détails plus complets que les miens sur les étranges 
maisons du Ledja et du Haurau. Ces constructions, dont on 
ignore les architectes, remontent à une antiquité des plus re- 
culées. Elles sont faites en blocs de basalte déjà taillés. J'en ai 
vu des masses, et toutes semblaient aussi solides qu'à l'époque 
inconnue où on les éleva. J'ai ouvert et fermé leurs portes 
d'une seule pierre, que je n'oserais dire plates, tant elles sont 



— 216 — 

massives, et qui pivotent sur une entaille pratiquée dans le sol 
et sur une autre entaille faite dans la travée de la porte. Les 
toits sont composés de blocs à peine équarris, et en petit 
nombre. Néanmoins, tous ces monuments quasi éternels por- 
tent déjà les traces d'une taille assez parfaite. Ajoutons que 
les habitants actuels du Ledja sont considérés comme ido- 
lâtres, qu'ils sont accusés de cultes obscènes comme celui des 
Ismaéliens, l'ancien culte de l' Ashtoreth ou Astarté chananéenne, 
et méprisés à cause de cela et de leurs brigandages, par les 
Druses et les Musulmans. 

Dansl'Hermon, à un endroit appelé Baklehy petit village 
druse actuellement, et autrefois importante localité de l'em- 
pire des Séleucides, selon certaine inscription relevée par moi, 
on trouve, à peu de distance de l'ancienne ville gréco-syrienne, 
les restes d'une ville de troglodytes. Mais en outre des nom- 
breuses cavernes, des innombrables débris de maisons en blocs 
grossiers, j'ai rencontré deux temples, je les ai crus tels du 
moins, composés de deux enceintes rectangulaires en énormes 
rochers à peine assemblés et présentant les caractères d'un 
édifice sacré, car un tiers de leur enceinte était surélevée et 
dirigée vers le sommet de l'Hermon qui était un lieu saint par 
excellence, Baul-Hermoriy et où j'ai trouvé les traces du 
fameux temple, insigne templum^ dont parlent Eusèbe et saint 
Jérôme, et qu'on nomme à présent Kasr-Autar. 

Enfin le type des habitations troglodytiques de Syrie peut 
se rencontrer à Baalbeck, où, quoi qu'en ait dit M. Maury, les 
habitations coudoient les sépulcres. On a appelé le tout nécro- 
pole; mais à côté de cavernes funéraires on rencontre, dans 
la partie qui est au nord de l'ensemble des temples, un grand 
nombre de grottes divisées en plusieurs chambres, dans les 
parois rocheuses desquelles on a pratiqué, à une époque igno- 
rée, des bancs, des lits ou divansy des niches à sommet ogival. 
Je finirai en indiquant, comme exemple de cette sorte d'habi- 
tation , la grotte spacieuse qu'on trouve dans les carrières de 
Baalbeck, non loin de la grande pierre non détachée du sol. 

M. Franks, afin d'ajouter encore un document à ce qui a 
été dit sur les monuments mégalithiques de l'Inde, signale 
l'existence de monuments de ce genre au centre de l'Inde , à 
Neherbul-Mermul- Jungle, entre Hyderabad et Nagpoor. Ces 



— 217 — 

monuments affectent la forme d'une croix et ils paraissent 
avoir servi de tombeau. 

M. Leguay constate que, d'après la carte des dolmens de 
M. Bertrand , qui doit être considérée comme le résumé le 
plus positif que Ton possède sur la répartition de ces mo- 
numents, en Europe, il semble que le mouvement des peuples 
qui les ont construits a dû se propager du nord au sud. Pour- 
quoi ces peuples se seraient-ils rendus d'abord dans le nord, 
alors qu'il eût été plus naturel, pour des émigrants, de préfé- 
rer les contrées du midi de l'Europe? Comment concevoir, 
d'autre part, qu'un peuple parti de l'Asie aurait traversé, dans sa 
course incessante, des contrées inhabitées, en y laissant comme 
traces de son passage des monuments dont l'érection exige le 
concours d'un grand nombre d'hommes, et cela sans s'arrêter, 
car on ne peut expliquer autrement l'absence de progrès mani- 
festée par l'uniformité de ces dolmens? Ce sont pour M. Leguay 
des questions fort difficiles à résoudre, et il préfère croire que 
ce système si simple d'architecture a pris naissance un peu 
partout et constitue pour tous les peuples les premiers pas d'un 
art architectural, commandé par les mêmes nécessités. Si ces 
monuments paraissent ne pas exister dans des contrées méri- 
dionales telles que l'Egypte, c'est que le progrès des arts y a 
été plus rapide et qu'ils y ont été plutôt remplacés par une 
architecture nationale. 

M. Henri Martin exprime ses doutes sur l'exactitude de 
l'identification de l'âge de la pierre polie avec celui des monu- 
ments mégalithiques que Ton se permet souvent de faire. Il 
ne pense pas que l'absence ou la présence des métaux tels que 
l'or et le bronze dans les monuments mégalithiques puisse 
suffire pour en autoriser la classification suivant deux époques 
distinctes. 11 se demande si ce ne serait pas plutôt pour satis- 
faire à un système religieux que, dans ces tombes, les mé- 
taux auraient été exclus et remplacés parfois, comme en Bre- 
tagne par exemple,- par des couteaux de silex, substance qui 
manque entièrement dans le pays et devait avoir une signifi- 
cation dans les rites funéraires de cette époque. 

M. de Bossi n'a-t-il pas prouvé que les citoyens de la répu- 
blique romaine n'employaient que le bronze dans leurs céré- 
monies religieuses, alors qu'ils se servaient du fer pour tous 



— 218 — 

les autres usages? D'autre part, quand on trouve dans un dol- 
men des objets d'or et de bronze, ce sont toujours des armes 
ou des colliers d'un travail exceptionnel et qui n'ont pu appar- 
tenir qu'à des chefs, tandis que les armes que l'on rencontre 
dans les sépultures de l'âge du bronze sont toutes différentes 
et n'offrent pas des traces d'un travail aussi recherché. Quant 
à la distribution géographique des dolmens, M. Henri Martin 
signale la découverte, faite par un voyageur anglais dans la 
Tartarie orientale, d'un groupe de menhirs gigantesques, plus 
hauts que celui de Lokmariaker. Ce sont, sans doute, des 
traces des populations aryennes dont il paraît exister des ves- 
tiges dans presque toutes les régions septentrionales du centre 
de l'Asie. 

M. Desor éprouve quelques scrupules à admettre les con- 
clusions du travail de M. Bertrand , qui tendraient à faire 
remonter les dolmens jusqu'à l'âge de la pierre. 

Il a étudié les âges de la pierre et du bronze dans les pala- 
fittes de la Suisse, où ils offrent chacun un cachet spécial. 
Pendant la longue durée de l'âge de la pierre, il s'est réalisé 
un certain progrès chez la race qui habitait alors les palaûttes; 
elle s'est, en quelque sorte, élevée jusqu'au bien-être, et 
quand elle a été remplacée par les populations de l'âge du 
bronze, elle cultivait déjà presque toutes nos céréales. Mais si, 
dans l'ensemble de ces efforts, on est obligé de reconnaître là 
l'empreinte d'une patience à toute épreuve et d'une persévé- 
rance sans bornes, on ne peut y trouver le caractère de gran- 
deur qu'implique, chez la race qui les a construits, l'érection 
des monuments mégalithiques. Que l'on parcoure les récits des 
navigateurs, nulle part on ne trouvera, chez les sauvages de 
nos temps, des monuments attestant une énergie pareille. Les 
hommes qui ont construit les dolmens avaient en outre l'idée 
de se mettre en communication avec l'avenir, car M. Desor ne 
peut se résoudre à croire que les hiéroglyphes et les dessins 
que l'on a trouvés sur les monuments mégalithiques n'aient 
aucune signification. On a d'ailleurs trouvé le bronze dans cer- 
tains dolmens du midi de la France, et ce fait exceptionnel en 
France devient la règle en Algérie, où l'on y a même rencon- 
tré du fer ainsi qu'une monnaie romaine. 

De plus, on tient aujourd'hui à rapporter les dolmens. 



— 210 — 

sinon à deux peuples, au moins à deux âges, et M. de Bon- 
stetten en est arrivé à croire que les peuples qui avaient con- 
struit les petits dolmens du Midi étaient les lîls dégénérés de 
ceux auxquels on doit les grandioses monuments de la Bre- 
tagne. Comment donc expliquerait-on la contradiction qui 
résulte du rapprochement de ce fait de dégénérescence de la 
race des dolmens et celui de progrès continu qui se manifeste 
dans les palafittes, chez les hommes de l'âge de la pierre? 

Quant aux arts céramiques, dans lesquels s'effectue le 
mieux la transmission du progrès, ils se montrent si perfec- 
tionnés dans les dolmens, que Ton en rapprocherait volontiers 
les poteries de celles de l'âge du bronze. 

Les haches de pierre que l'on trouve dans les dolmens ne 
paraissent pas avoir servi à des usages ordinaires : ce sont 
des objets de luxe et de parade, qui étaient seuls admis dan9 
le tombeau, sans doute par un motif religieux, comme l'a pensé 
M. Henri Martin. 

M. Umbrozo signale l'existence de monuments mégali- 
thiques dans la ville de Tortona (Étrurie). Dans un dolmen des 
environs, on a trouvé des haches de pierre qui sont conservées 
au musée de cette ville. 

M. WoRSAAE croit que c'est en accumulant des faits que 
l'on pourra parvenir à résoudre ces questions. L'âge du bronze 
est pauvrement représenté en France, tandis qu'il l'est très- 
richement en Danemark, où l'on trouve la transition entre cet 
âge et celui de la pierre. 

Quant à ce dernier âge, on a trouvé, dans les tourbières et 
dans les vallées du Danemark, des centaines et des milliers de 
pierres polies qui se rapportent incontestablement aux temps 
où on en déposait dans les dolmens. Dans quelques-uns de ces 
derniers, on trouve néanmoins du bronze, dont l'introduction 
s'est effectuée pendant l'époque de transition. Mais, malgré 
cela, les deux âges conservent des caractères bien distincts, 
car tandis qu'aux haches de pierre sont associés dans les dol- 
mens des ossements brûlés, dans les tumuli on jie trouve 
avec les armes de bronze que des ossements intacts; ce qui 
est l'indice d'une différence radicale dans les rites funéraires. 

M. Bertrand s'élève tout d'abord contre l'abus que l'on a 
fait, dès le commencement de la discussion, de l'élasticité du 



— 220 — 

terme mégalithique. Quand il a posé sa question, il n'a parlé 
que des dolmens et des allées couvertes, et il exprime Tespoir 
que Ton voudra bien se borner dorénavant à ne considérer 
comme monuments mégalithiques que les tombeaux élevés avec 
de grandes pierres brutes. 

Quant aux observations de MM. Henri Martin et Desor, 
M. Bertrand pense que, à l'époque où Ton ne connaissait que 
la pierre, on ne pouvait déposer dans les dolmens que des cou- 
teaux en pierre, et que si plus tard on a commencé à connaître 
le bronze, les hommes qui l'ont introduit dans ces tombeaux 
se rattachaient au moins par des traditions à ceux de l'âge de 
la pierre. 

M. Henri Martin rappelle que la question était dans l'unité 
de la race qui a construit les dolmens, et il constate que 
M. Bertrand paraît admettre deux époques, pendant lesquelles 
on aurait élevé de ces monuments : l'une où les hommes ne 
connaissaient pas les métaux, l'autre où ils lès connaissaient, 
mais où ils ne les déposaient pas par un motif d'archaïsme 
sacré. 

Pour lui, M. Henri Martin croit que les dolmens, au moins 
ceux de la Bretagne, ont été élevés par les Celtes. 

M. DE MoRTiLLET n'admet pas l'argument invoqué par 
M. Desor au sujet du développement des arts céramiques chez 
les hommes qui ont construit les dolmens ; dans ces derniers 
on ne trouve généralement que des poteries grossières qui se 
rapprochent beaucoup plus de celles de l'âge de la pierre que 
de celles de l'âge du bronze. A l'appui de cette idée, il cite les 
poteries des dolmens d'Argenteuil , de Bougon et autres dol- 
mens qui se trouvent au musée de Saint-Germain, et celles que 
M. de Vibraye a exposées dans la galerie de l'Histoire du 
travail, provenant de deux monuments différents. 

M. Henri Mart[n n'est pas de cet avis, et dit qu'en Bre- 
tagne les potei ies des dolmens sont parfois très-élégantes. 

M. DE CussÉ signale à l'attention de M. de Mortillet les 
poteries du musée de Vannes, qui proviennent des dolmens, 
et dont la vue modifierait sans doute ses idées. 

M. Leguay fait la même observation au sujet de celles de 
la sépulture de la Varenne-Saint-Ililaire. 

M. A. DE Lon(;pérïer rappelle que M. Costa de Beauregard 



221 

possède, provenant d*un dolmen de Ploubarnel, un collier d'or 
national, c'est-à-dire de cet or particulier qui a servi pour les 
monnaies gauloises et mérovingiennes. Ce collier, ainsi qu un 
autre semblable appartenant à M'"® Lebail, étaient enfouis 
dans un vase de terre non tourné et grossier. Or, d'après M. de 
Gussé, on fabriquait à la même époque des vases très-élé- 
gants. Il en faut donc conclure qu'à cette époque, comme à la 
nôtre, il a pu y avoir des ouvriers habiles à côté de gens mala- 
droits, et il faut éviter le danger de se baser sur des différences 
de cet ordre. 

M. DE QuATREFAGE, à Fappui de ce que vient de dire M. A. de 
Longpérier, fait remarquer que les Polynésiens actuels n'arri- 
vent à faire que des poteries très-grossières, bien qu'ils fassent 
néanmoins les ornements les plus délicats; tandis que, au 
contraire, les Mélanaisiens ont des poteries solides et élé- 
gantes. 

M. Durand fait remarquer que dans le département de 
l'Hérault on fait encore des poteries très- grossières et sans 
l'aide du tour. 

M. DE GussÉ signale la différence des dolmens avec ou sans 
allées, au point de vue de la céramique : les premiers con- 
tiennent beaucoup de poteries, généralement brisées; les se- 
conds en renferment très-peu ou point du tout. 

M. Desor n'éprouve aucune difficulté à admettre que dans 
les dolmens il y a des poteries grossières ainsi que des pote- 
ries fines. Ge fait ne prouve rien. 

M. Leguay appuie cette dernière idée en tirant ses exem- 
ples des environs de Paris, où il a découvert des monuments 
du même ordre. 

Il attribue, de plus, une intention votive aux silex cassés et 
aux poteries brisées mélangées à des ossements dans la terre 
recouvrant certaines sépultures à crémation^ au nombre de 
80 ou 100, qu'il a découvertes à Issy, Villeneuve Saint-Georges, 
la Varenne, etc. 

M. Roujou considère la station de Villeneuve -Saint- 
Georges, qu'il avait découverte, puis fouillée en commun avec 
M. Leguay, non pas comme une sépulture, mais plutôt comme 
une accumulation de débris de cuisine. 

11 y a néanmoins trouvé, avec M. de Mortillet, un squelette. 



— 222 — 

mais il ne portait la trace d'aucune crémation. Les poteries 
paraissent correspondre à l'âge de la pierre polie, et sont de 
deux sortes; certaines sont grossièrement ornées. 

M. WoRSAAE déclare qu'en Danemark il est impossible de 
se tromper sur Tâge des vases trouvés dans les dolmens, parce 
que l'on n'en a jamais trouvé de pareils dans l'âge du bronze. 

M. Bertrand regrette que la question de la dégénérescence 
de la race des dolmens ait été mal comprise. Cette race, puis- 
sante dans le Nord, aurait élevé là ses monuments les plus 
grandioses. Dans le Midi, au contraire, elle aurait pu être con- 
quise et se mélanger à ses conquérants, qui lui auraient fait 
connaître le bronze en lui laissant conserver T usage de la 
pierre, qu'il a dû être difficile de faire disparaître complè- 
tement. 

M. NouLET croit que dans les Pyrénées on a cessé, à un 
certain moment, de construire des dolmens, et que l'on enter- 
rait alors dans les cavernes. Dans le pays de Foix, on trouve 
fréquemment des haches souvent en fragments, et des cailloux 
roulés ayant à peine acquis la forme d'une hache, et qu'il 
considère comme objets votifs. 

M. Noulet croit que l'on doit tenir compte d'indices tels 
que ces instruments et les poteries qui leur sont associées, 
alors même qu'on ne trouve pas de dolmens dans la contrée. 

La séaince est levée à quatre heures et demie. 

Vun des secrétaires^ 
Louis Lartet. 



~ 223 



DIMANCHE 25 AOUT. 



EXCURSION A SAINT-ACHEUL. 



A midi, heure désignée pour le commencement des excur- 
sions, les niembres du Congrès se sont retrouvés sur le grand 
boulevard d'Amiens ; quelques-uns d'entre eux, bien inspirés, 
étaient arrivés depuis la veille et avaient utilement employé la 
matinée à visiter, sous la conduite de M. G. de Mortillet, les 
carrières de Mon tiers, où des haches en silex quaternaires et 
des haches en pierre polie, ces dernières provenant de la sur- 
face, leur avaient été cédées par les ouvriers. 

Les membres du Congrès se sont d'abord dirigés vers le 
musée de la ville, élégant édifice dont l'existence est due, 
comme on le sait , au concours énergique et persistant de la 
Société des antiquaires de Picardie. L'intérieur de l'édifice, 
disposé avec un goût parfait, contient déjà un ensemble très- 
complet de séries d'objets appartenant à tous les temps et 
aux diverses branches de l'art. 

L'attention du Congrès, comme c'était naturel, s'est portée 
plus spécialement sur les objets relatifs aux temps préhisto- 
riques, sur les beaux échantillons de silex taillés trouvés à 
Saint-Acheul et sur ceux de l'époque du bronze : le bronze est 
ici magnifiquement représenté par un atelier de fondeur trouvé 
dans une tourbière sur le territoire même de la commune 
d'Amiens; c'est une des trouvailles les plus curieuses que Ton 
ait faites en ce genre : on y voit une réunion complète des 
objets les plus variés : haches, pointes de lance, bracelets, ra- 
soirs, épées, serpes, etc. 11 s'y trouve, entre autres choses, un 
éperon, le plus ancien que l'on connaisse ; la tige en est courte, 
pointue, dépourvue de mollette comme dans l'éperon romain; 
les branches sont munies de boutons qui servaient à y fixer les 



— 22/t — 

courroies d'attache. Voici donc désormais Téperon rangé au 
nombre des créations préhistoriques. 

Du musée on s'est rendu aux sablières classiques de Saint- 
Acheul qui formaient Je but principal de Texcursion. 

Ces sablières sont situées non loin des portes de la ville, sur 
un plateau sec et nu , auprès de rétablissement des jésuites, 
qui possèdent, dit-on, les plus beaux échantillons que Ton ait 
encore retirés. Ces sablières sont de profondes tranchées que 
Ton a pratiquées verticalement dans le sol pour en extraire le 
sable, le gravier et le caillou nécessaires aux travaux de con- 
struction, à Tentretien du chemin de fer et à Tempierrement 
des routes ; de là l'existence de coupes géologiques très-belles 
et très-productives en débris animaux et en silex taUlés. 

M. N. DE Mercey, qui s'est occupé tout particulièrement de 
la géologie du bassin de la Somme, a bien voulu donner des 





Fig. 34. Face. Fig. 35. Profil. 

Hache, type de Saint-Aclieul, taiUée de toute part. 



explications sur place. Il a fait remarquer que le terrain se 
compose, en partant de bas en haut : 

1*^ D'une assise de cailloux roulés, plus ou moins épaisse, 
qui repose sur la craie. 

2** De sable très-pur auquel les ouvriers ont donné le nom 
caractéristique de sable aigre. 



— 225 — 

3** De sable plus ou moins mêlé d*argile blanche, désigné 
sous le nom de sable gras. 

h!" D'une assise assez puissante tranchant nettement sur les 
précédentes par sa couleur plus ou moins rouge et par la pré- 
sence de débris de pierre anguleux. 

M. de Mercey considère les trois couches inférieures, carac- 
térisées par les cailloux roulés et les ossements fossiles, comme 
un seul tout qu'il désigne sous le nom dediluvium gris et qu'il 
regarde comme préglaciaire. C'est là que se rencontrent exclu- 
sivement le mammouth, le rhinocéros, l'hippopotame, etc. C'est 
là, suivant lui, que gisent aussi spécialement les haches, types 
dits de Saint-Acheul, et les autres silex taillés. 




Fig. 36. Face. 



Fig. 37. Profil. 



Hache, type de Saint-Acheul , grossièrement tiillée et moutrant encore en a a l'enveloppe 
primitive du nodule de silex . 



Pour lui, la quatrième assise, d'une formation tout à fait 
distincte, et caractérisée par ses cailloux anguleux, serait en- 
tièrement privée de débris fossiles et de silex taillés; c'est ce 
qu'il appelle le diluvium rougCy qu'il fait remonter à l'époque 

45 



— 226 — 

glaciaire. Ce diluvium ravine le terrain inférieur, ce qui l'en 
distingue, très-nettement. 

M. de Mercey a fait remarquer en terminant que la coupe 
géologique si nette et si caractérisée à Saint-Acheul , n'est 
pas un fait exceptionnel, mais qu'elle se retrouve, avec les 
mêmes assises, non-seulement dans toute la vallée de la 
Somme, mais encore dans celle de la Seine ; partout où le qua- 
ternaire n'a pas subi d'altération, elle peut être étudiée dans 
son ensemble. 

M. DE MoRTiLLET, tout Qu recounaissaut que la coupe donnée 
par M. de Mercey est exacte, croit pourtant que l'assise supé- 
rieure contient des silex taillés ; il y a recueilli des échantil- 
lons d'une forme toute particulière, bien distincts de ceux 
de la couche inférieure à mammouth, et cependant n'apparte- 
nant pas encore à la pierre polie. 

M. L. Lartet, pendant l'exploration des sablières, a retiré 
d'un terrain parfaitement intact et vierge, un silex taillé bien 
authentique. 

Nous ne quitterons pas Amiens sans rappeler le voyage 
aérien que plusieurs de nos collègues firent ensemble, à travers 
les flèches et les galeries de la cathédrale , merveilleux chef- 
d'œuvre dont la vue fait du bien au sortir des régions quelque 
peu arides et désolées des sablières de Saint-Acheul. 

L'un des Secrétaires^ 
A. Rhoné. 



— 227 



LUNDI 26 AOUT. 



VISITE AU MUSEE D'ARTILLERIE. 



Cette visite n'a pas été seulement pour le Congrès une 
simple revue des questions préhistoriques : M. le colonel Pen- 
guilly-L'Haridon a fait de son beau musée un exposé si neuf 
et si animé, et cela avec une grâce si parfaite, qu'au sortir des 
temps primitifs on l'a suivi encore à travers l'antiquité, le 
moyen âge, la renaissance et même l'époque moderne avec le 
regret de voir le temps marcher si vite. 

C'est qu'en effet cette immense succession d'engins, qui 
commence aux premiers âges de l'humanité, c'est notre histoire 
en raccourci : histoire un peu rude et cruelle, il est vrai, mais 
conforme à notre destinée de fer, qui est de lutter et de souffrir 
pour créer. L'arme fut le premier organe d'expansion, elle a 
fait au progrès sa trouée ; elle en porte le reflet et marque tous 
ses pas : pardonnons-lui ses écarts passés... Nous aimerions à 
rappeler ici quelques-uns des faits curieux recueillis pendant le 
cours de cette promenade, mais notre tâche étant de nous bor- 
ner aux temps préhistoriques, nous parlerons seulement de la 
salle des antiquités primitives. 

Cette salle, organisée depuis peu de temps, se trouve au 
rez-^de-chaussée, à l'extrémité de celle qui renferme les petits 
modèles de l'artillerie. Là, au milieu d'un entourage splendide 
de panoplies et d'armes du xvi« siècle, figurent les pauvres et 
vénérables essais de nos premiers ancêtres ; ce contraste est 
saisissant et ne fait que mieux ressortir l'intérêt mystérieux 
et captivant, inhérent aux choses qui commencent. Quelques 
vitrines suffisent à renfermer tout ce que l'on connaît de l'his- 
toire primitive de l'arme. C'est qu'ici la constatation d'une arme 
par la confrontation des types est tout; i suffit donc de pré- 



— 228 — 

ciser chacun d'eux par quelques échantillons bien caractéris- 
tiques établissant leur homogénéité. 

L'ordre chronologique a été, comme à Saint-Germain, 
scrupuleusement établi : d'abord, six haches taillées des terrains 
quaternaires de la Somme, accompagnées de restes contem- 
porains de l'éléphant et du rhinocéros, présentent déjà bien 
marquées les deux formes en amande et en pointe de lance. 

La première vitrine contient encore des moulages de haches 
trouvées en Espagne avec des ossements d'éléphants ; des objets 
en os et en silex, des dents d'hyène, d'aurochs et de rhi- 
nocéros provenant de la caverne d'Aurignac; enfin, des silex 
taillés et des débris de défense d'éléphant de la caverne du 
Moustier. C'est ce qui constitue le premier âge de la pierre à 
éclats. 

Les deuxième et troisième vitrines sont consacrées au 
second âge de, la pierre à éclats ou âge du renne. Elles con- 
tiennent des fragments de la brèche osseuse qui pave les 
cavernes de la Dordogne fouillées par MM. Lartet et Ghristy 
et par M. de Vibraye. On y voit de nombreux silex taillés de 
différentes formes, des os de renne travaillés et sculptés, repré- 
sentant des figures d'animaux tels que chevaux, rennes, aurochs. 

La quatrième et la cinquième vitrine sont consacrées à 
Tâge de la pierre polie. 

Parmi les haches provenant des tourbières de la Somme, il 
en est une encore pourvue d'une emmanchure complète en 
andouiller de cerf. La faune des tourbières y est bien repré- 
sentée par des mâchoires de chevaux, des cornes de petit 
bœuf, des bois de cerf, etc. 

On voit ensuite quelques haches encore emmanchées pro- 
venant des établissements lacustres de la Suisse, avec un fac- 
stmile de la hache si bien conservée, trouvée avec son emman- 
chure à Moosséedorf, près Berne. 

Puis viennent quelques jolies séries de pointes de flèches 
trouvées au lac Varèse en Italie, et enfin quelques-unes de ces 
lames finement travaillées qui sont particulières au Dane- 
mark. 

Parmi les haches attribuées à l'époque des dolmens, il en 
est une très-curieuse et très-étrange : la hache et son manche 
sont taillés dans un même fragment de diorite ; le marteau de 



— 229 — 

la hache est sculpté et figure une tête de lion assez bien tra- 
vaUlée. Cette arme fut trouvée, dit-on, dans le Rhône. 

 la suite des objets de pierre anciens sont exposées des 
armes de pierre encore en usage dans plusieurs pays, tels que 
l'Australie, l'Amérique du Nord, le Mexique, et l'Afrique cen- 
trale. C'est là une contre-partie curieuse, un complément in- 
dispensable de toute collection préhistorique destinée au public. 

On y voit des silex polis de toutes formes et de toutes gran- 
deurs, maintenus sur leurs emmanchures par des systèmes de 
hgatures très-ingénieuses, et qui ont dû être employées dès les 
temps les plus reculés. Le génie des sauvages, très-limité dans 
ses moyens, semble s'être réfugié dans le domaine de Tingé- 
niosité où il excelle. 

A la septième vitrine, commence l'histoire du bronze. On y 
voit des essais intéressants de restitutions d'emmanchure pour 
toutes les formes de haches. 

L'emmanchure de la hache à anneau qui était contestée 
s'est trouvée affirmée depuis par la découverte d'une hache de 
cette forme encore emmanchée. 

Viennent ensuite des armes de la deuxième époque du 
bronze : épées, pointes de lances, etc. 

La même salle contient des armes grecques d'une beauté 
admirable, des armes gauloises, étrusques, romaines et 
franques. Enfin, c'est presque un résumé du musée même; 
résumé qui embrasse en quelques traits toute la période 
humaine. 

Vun des Secrétaires^ 
A. Rhoné. 



— 230 



LUNDI 26 AOUT. 



VISITE A L'EXPOSITION MEXICAINE. 



En quittant le musée d'artillerie, un grand nombre de 
membres du Congrès se sont rendus au ministère de Tin- 
struction publique, afin d'y examiner les collections d'antiqui- 
tés mexicaines, que M. le ministre a fait exposer dans une salle 
spéciale, avec les collections de minéralogie, d'histoire natu- 
relle et d'ethnographie qui ont été rapportées par les savants 
attachés à la commission scientifique du Mexique, instituée par 
un décret de l'empereur en date du 27 février 1864. Quatre 
des membres de cette commission, MM. de Quatrefages, A. de 
Longpérier, A. Maury, et G. Daly font partie du Congrès. 

M. DuRUY, informé de la visite faite à la galerie créée 
par ses soins, y est venu accompagné de M. Charles Robert, 
secrétaire général du ministère, et a adressé aux membres du 
Congrès les paroles les plus sympathiques et les plus encoura- 
geantes, montrant toute l'importance qu'en sa qualité d'histo- 
rien éprouvé, il attache à dès études qui doivent reculer de 
tant de siècles les bornes assignées jusqu'ici aux annales des 
peuples. 

M.. A. DE Longpérier, qui a classé la partie archéologique 
des collections mexicaines, donne à ses collègues du Congrès 
des explications détaillées au sujet des monuments qu'ils ont 
sous les yeux. 

Ces monuments proviennent de trois sources différentes. La 
majorité, dont l'envoi est dû à l'infatigable zèle de M. le géné- 
ral d'Outrelaine, appartient à M. Boban, Français résidant à 
Mexico. One belle série de terres cuites est la propriété d'un 
savant voyageur, M. Lucien Biart ; quelques objets précieux ont 
été rapportés par M. Ed. Guillemin, ingénieur des mines. 

On remarque tout d'abord les armes et ustensiles de pierre 



— 231 — 

qui offrent tant d'analogie avec ceux qui ont été recueillis en 
Europe ; les haches, couteaux et flèches d'obsidienne et de sar- 
doine opaque blanche ou brune, exécutés par les procédés en 
usage chez les Scandinaves, attirent particulièrement l'atten- 
tion. Les Mexicains se sont servis fort tard de ces armes, alors 
que depuis longtemps ils employaient les métaux. Mais, outre 
que des raisons d'économie ont dû, comme cela a encore lieu 
aujourd'hui au Japon, les porter à utiliser la pierre, les rites 
de leur religion étaient pour eux un motif déterminant. C'était 
en effet, à Taide d'un tecpatl^ ou couteau de pierre, que, dans 
les grands sacrifices humains, les prêtres ouvraient la poitrine 
des victimes. C'est ainsi que, chez les Égyptiens, les gens 
chargés d'embaumer les morts pratiquaient au flanc du ca- 
davre, à l'aide d'une pierre tranchante, une incision par 
laquelle étaient extraits les entrailles et les viscères, et que, 
chez les Juifs, on procédait à la circoncision au moyen d'un 
couteau de pierre, conformément à l'ordre donné par le Sei- 
gneur à Josué [Jos. V, 2 ). 

Les grattoirs et les couteaux d'obsidienne (fig. 39) si sem- 
blables, pour la forme, à ceux de silex que nous recueillons en 
Europe, les nuclei (fig. 38) dont ils ont été détachés, sont de 
nature à nous intéresser vivement. 11 faut dire, toutefois, que 
parmi les pièces d'obsidienne qui offrent un rapport marqué 
avec nos grattoirs de l'âge de la pierre, il en est qtii ont été em- 
ployées pour former l'arme redoutable nommée micuahuitly qui 
se composait d'une tige de bois, dans laquelle étaient incrustées 
deux rangées latérales de pierres coupantes. Les peintures des 
manuscrits nous fournissent de fréquentes représentations de 
cette arme, dont M. Boban a envoyé un modèle restitué. Les 
marteaux-haches ressemblent surtout à ceux qu'on retrouve 
en grand nombie dans les contrées Scandinaves. 

Les fuseaux {malacatl) ont une forme identique à celle de 
ces mêmes ustensiles qui ont été découverts soit dans les 
tombes étrusques, soit dans les stations lacustres. 

La collection de M. Boban est fort riche en images reli- 
gieuses; vingt-quatre figures de pierre de grandes dimensions, 
un nombre considérable de terres cuites peuvent nous donner 
une idée assez complète du panthéon de l'Anahuac. On recon- 
naît parmi elles la représentation du dieu Quetzalcohuatl , sous 



— 232 — 

la forme d'un serpent à plumes, roulé en spirale; celle de 
Tocozintli ou déesse de Tabondance, caractérisée par des vases 
remplis de maïs, qu'elle porte dans chacune de ses mains. Au 
sommet d'un téocalli^ on voit Huitzilopotchlli, ce dieu de la 
guerre dont le nom est devenu célèbre en Europe môme sous 
la forme corrompue de \izlipuzli. Les téocalli [teotly dieu — 
calli^ demeure) sont de grandes pyramides tronquées avec des 
degrés disposés en perron, sur une seule de leurs faces. Au 
sommet était un temple, devant lequel se trouvait le techcail^ 
pierrcrautel des sacrifices, sur laquelle étaient immolées les 




il 

li'ï'lilf 



I 



Fig. 38. Nucléus. Fig. 39. Lame. 

Nucléus en obsidienne, et lame ou couteau détaché d'un nucléus analogue. Mexique. 



victimes humaines. De petits modèles antiques de terre cuite 
nous font voir tous ces détails. Les téocalli mexicains diffèrent 
des grandes pyramides funéraires égyptiennes autant par la 
forme que par leur destination. Ceux qui ont voulu assimiler 
ces monuments ont prouvé qu'ils n'avaient étudié ni les uns ni 
les autres. 

La collection Boban, outre le tecpatl ixquamac ou couteau 



— 233 — 

de sacrifice, dont il a déjà été parlé, renferme encore un léma^ 
lacatl ou collier de basalte vert en forme de fer à cheval qu'on 
plaçait sur le cou de la victime pour prévenir ses mouvements 
au moment où on lui donnait la mort, en lui arrachant le 
cœur. On doit probablement encore rattacher aux objets du 
culte, un immense simulacre de hache taillé dans un bloc 
d'obsidienne (50 cent., de long) et trouvé aux environs de San 
Juan de Téotibuacan. 

Au sujet d'un autre grand morceau d'obsidienne de forme 
quadrilatérale, sur lequel est finement sculpté un roseau muni 




Fig. 40. 
Acatl, roseau chronographique ; bas-relief d'obsidienne. 



de ses feuilles et accqmpagné de neuf petits disques, les 
membres du Congrès ayant exprimé le désir de connaître le 
système de notation chronologique auquel se rattache ce bas- 
relief, M. A. de Longpérier fait l'exposé sommaire qui suit. 

Les anciens Mexicains avaient une année de trois cent 
soixante-cinq jours, divisée en dix-huit mois de vingt jours. 
Le temps chez eux était réparti en grandes périodes de cin- 
quante-deux ans [xinhmolpilli)^ qui elles-mêmes étaient 
subdivisées en quatre périodes de treize années {tlalpilli), 



ayant chacune pour symboles quatre figures accompagnées 
d*un à treize points ou petits disques. Ces figures étaient, dans 
Tordre donné par les Toitèques, le couteau de pierre {tecpatt)^ 
la n^aison [calli), le lapin {tochtli) et le roseau [acatl). Les Aztè- 
ques commeriçaient par Tannée du lapin, sans changer pour 
cela Tordre relatif des signes. Ils comptaient ainsi : 1 tochtli, 
2 acatl, 3 tecpatl, 4 calli, 5 tochtli, 6 acatl, 7 tecpatl, etc., jus- 
qu'à treize. 

On voit que ce système de notation offrait la plus grande 
analogie avec celui de nos* indictions. Lorsqu'on trouve une 
combinaison comme celle du 9 acatl, qui est sculptée sur l'ob- 
sidienne de la collection Boban, et isolée de toute autre indica- 
tion, il est fort difficile de savoir à quel siècle de notre ère il 
faut la rapporter. Les manuscrits mexicains nous montrant, par 
exemple, qu'une année 9 acatl correspond à Tannée 1267 de 
J.-C, on peut avoir à opter entre une série de dates distantes 
de celle-ci de cinquante-deux en cinquante-deux années, telles 
que 1319; 1371, 1423, 1475, 1527; c'est-à-dire s'étendant 
depuis la fondation de Ténochtitlan (Mexico), jusqu'à Tarrivée 
des Espagnols. 

Les Mexicains n'ont pas été de très-habiles artistes; l'idée 
du beau, telle qu'elle a existé dans TOccident, paraît être 
demeurée étrangère à leur conception , cependant Tobserva- 
tion de la nature les a parfois amenés à reproduire le visage 
humain avec une grande réalité et une perfection relative qui 
autorise à se servir de leurs œuvres pour l'étude des races. A 
cet égard, on trouve dans les collections exposées au ministère 
de Tinstruction publique, et c'est par là que se recommande 
principalement l'envoi de M. Lucien Biart, quelques spécimens 
bien caractérisés et dignes de l'attention que le Congrès anthro- 
pologique a apportée à leur examen. 

Une autre série très-abondante excite au plus haut point la 
curiosité. Les Mexicains, comme les Romains, ont fait usage de 
sceaux-estampilles en relief. Eux aussi ont touché de bien près 
à Tart de Timprimerie qu'ils n'ont cependant pas connu. 

Leurs sceaux offrent un très-grand nombre de variétés qui 
jusqu'à présent n'ont pas été classées et interprétées. 

Les colliers de pierres dures [cuzcail) ou grands chapelets 
avec un pendant central en forme de cœur ou de hache, 



— 235 — 

peuvent être comparés à ceux que fabriquaient les Assyriens. 

La céramique de l'Anabuac offre plus d'un point de rappro- 
chement avec celle de Tancien monde, tant pour les formes 
que pour les motifs de décoration. Quelques vases à couvertes 
d'un jaune pâle et portant des ornements violets et noirs, rap- 
pellent la poterie de Corinthe. D'autres, d'un travail plus gros- 
sier, semés de figures d'oiseaux d'un galbe tout à fait primitif, 
pourraient être confondus avec ceux qui ont été récemment 
recueillis à Santorin par M. Fouqué, et que M. le ministre de 
l'instruction publique a fait porter à l'Exposition universelle. 

Au nombre des objets de terre cuite, on doit citer les brûle- 
parfums composés d'un récipient et d'un tube plus ou moins 
long. Cette espèce d'encensoir a beaucoup d'analogie avec 
Vamschir des anciens Égyptiens. Les Mexicains étaient dans 
l'usage de brûler de la gomme-copal pendant les cérémonies 
de leur religion. Dans le manuscrit de la collection Men- 
doza, reproduit par les soins de lord Kingsborough, on voit un 
prêtre tenant un encensoir à long manche; un ustensile pareil 
est placé dans la main de la déesse Sutchiquécal, peinte sur 
un des manuscrits mexicains du Vatican. 

Les flageolets à large pavillon, et les sifflets décorés de 
figures d'hommes ou d'animaux en relief, sont aussi de terre 
cuite. On assure que les intervalles que produit leur son s'ac- 
cordent avec des modes observées dans l'Inde. 

La peinture mexicaine est représentée dans la collection 
Boban par un grand tableau manuscrit offrant diverses figures 
accompagnées d'hiéroglyphes, et chargé de notes en langues 
nahuatl et espagnole. La date 7 tochtli, si ces notes étaient 
contemporaines des peintures, forcerait à placer l'exécution du 
manuscrit en l'année 1538. Mais ces notes pouvant être des 
gloses explicatives ajoutées après coup, l'œuvre principale 
remonte peut-être à 1486, lâ3â, etc. C'est ce qu'une élude 
plus approfondie du document fera reconnaître. 

Mais, dit en terminant M. A. de Longpérier, les doutes qui 
peuvent résulter de l'examen d'un monument isolé cessent 
lorsqu'il s'agit de ces longues chroniques dans lesquelles tous les 
événements qui se sont accomplis pendant une série de plu- 
sieurs siècles sont soigneusement datés d'une manière conti- 
nue, et où l'on trouve des mentions d'éclipsés qui fournissent 



— 236 — 

des éléments certains de contrôle. Il est donc à désirer que la 
critique européenne dirige de plus en plus ses efforts sur de 
pareils documents, et en tire enfin une histoire du Mexique qui 
sera comparable à l'histoire d'Egypte qu'édifient avec tant 
d'ardeur les dignes successeurs de ChampoUion. 

Lun des Secrétaires-adjoints y 
Henri de Longperier. 



— 237 — 



SÉANCE DU LUNDI 26 AOUT. 



PRESIDENCE DE M. ED LARTBT. 



Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

M. le D' E. Dally, vu l'importance de la dernière question 
du progran)me, sur Thomme des temps préhistoriques; vu 
que la discussion de cette question est indiquée pour la séance 
de vendredi, dernier jour du Congrès, demande que cette dis- 
cussion soit engagée dès le jeudi. La soirée du mercredi lui 
paraît bien suffisante pour épuiser tout ce qui concerne l'avant- 
dernière question concernant le premier âge du fer. 

M. de Quatrefages et plusieurs autres membres appuient 
fortement cette proposition, qui est adoptée. 

Le Président dépose sur le bureau des prospectus et pro- 
grammes d'un Congrès celtique qui doit se réunir prochaine- 
ment à Saint-Brieux (Gôtes-du-Nord). 



Importance des études ethnographiques. 



M. DE Quatrefages, à propos de la lecture du procès-ver- 
bal, complète ce qu'il a dit dans la précédente séance sur 
Timportance des données fournies par l'ethnographie. Il fait 
observer que les faits constatés chez les peuplades actuelle- 
ment vivantes peuvent trouver une application très-utile dans 
les études d'archéologie préhistorique, et que pour nous éclai- 
rer sur les mœurs et l'industrie des peuples primitifs, nous 
devons toujours nous reporter à l'état actuel des sauvages. 

Ainsi Ton peut reconnaître qu'il existe très-souvent des 



— 2^38 — 

différences notables, une alternative de supériorité et d'infé- 
riorité au point de vue industriel entre des populations assez 
proches. Les Mélanésiens, savent tous fabriquer des vases de 
formes variées faits avec soin et assez solides, tandis que cet 
art est inconnu aux Polynésiens qui leur sont supérieurs sous 
d'autres rapports. Un fait essentiel encore : chez ceux-ci la 
sculpture et les arts du dessin sont tout à fait dans l'enfance, 
excepté pour tout ce qui touche à rornementation. Ici ils ont 
acquis une perfection remarquable, comme le Congrès a pu s'en 
convaincre en examinant les pagaies ou les manches de haches 
conservés au musée d'artillerie. 

C'est en ne tenant aucun compte de ces différences consi- 
dérables que peut présenter l'industrie de proches parents 
même, que l'on a cherché, bien à tort, à séparer des objets de 
perfection différente dans des cas de trouvaille unique. 

Ainsi le célèbre archéologue Evans était dans l'erreur 
en considérant la présence de poteries comme un argument 
sérieux pouvant infirmer les conclusions tirées de l'examen des 
ossements d'animaux, quand il s'agissait de déterminer l'âge 
relatif de la station humaine d'Aurignac."^ " - . "J.'r-^' . 



Ordre du jour. 



Le Président donne lecture de la quatrième question mise 
à l'ordre du jour de la présente séance. 

« L'apparition du bronze dans l'Occident est-elle le produit 
de l'industrie indigène, le résultat d'une conquête violente ou 
le fait de nouvelles relations commerciales ? » 



Age du bronze dans l'Europe «iKcidentale et septentrionale. 



M. HÉBERT lit au nom de M. le professeur Nilsson la note 
suivante : 

L'âge du bronze a été pour moi l'objet de longues études. 
J'ai publié le résultat de mes recherches en langue suédoise 



— 239 — 

dans un livre dont je vais chercher, si le Congrès veut bien me 
le permettre, à donner un court aperçu*. 

Deux questions principales se présentent t 

1*» Le bronze, dans TOcciderit, est-il un produit de l'indus- 
trie indigène, ou bien a-t-il été importé du dehors ? 

2*» S'il vient du dehors, de quelle contrée et de quelle ma- 
nière a-t-il été introduit? 

Examinons d'abord la première question. 

On sait que le bronze a été le premier métal en usage dans 
l'Europe occidentale et septentrionale. Avant le bronze on 
n'avait pour armes et pour outils que des pierres, des os ou 
du bois. L'homme était donc alors barbare, ou au moins demi- 
sauvage. 

Mais lorsque nous portons nos regards sur une collection 
plus ou moins nombreuse d'objets de l'âge du bronze, et je ne 
veux ici parler que de notre bronze du Nord, que je connais le 
mieux, nous reconnaissons à première vue de grandes diffé- 
rences sous le rapport de l'exécution, de la forme et des orne- 
ments. 

Parmi ces pièces, les unes sont mal faites, d'un travail 
grossier; d'autres, au contraire, présentent une exécution telle- 
ment parfaite qu'elles peuvent égaler et même surpasser les 
plus beaux.produits de l'art moderne. 

Or, on a constaté que les objets les plus parfaits se trouvent 
ensemble, jamais mêlés avec le fer, et annoncent par consé- 
quent une époque distincte antérieure. 

Dans les autres contrées où le bronze a été trouvé mêlé 
avec le fer, ce qui indique la fin prochaine de l'âge du bronze, 
la main-d'œuvre perd singulièrement de sa qualité, et cette 
industrie n'est plus alors représentée que par des produits com- 
parables aux échantillons les plus imparfaits de nos collections 
du Nord. 

N'est-ce pas une preuve de l'importation du bronze? Com- 
ment les sauvages indigènes de l'âge de la pierre auraient-ils 
pu s'élever tout d'un coup à une perfection si éclatante en mé- 
tallurgie ? 

1. Une traduction allemande de cet ouvrage a paru en 1866 sous ce 
titre : Die Ureinwohner des Scandinavischen Nordeiis, Hambourg, OUo 
Meinner. 



— 2/jO — 

Il y a plus, on peut acquérir la preuve que l'âge du bronze 
a continué dans le Nord pendant un long espace de temps, et 
que la fabrication s'est de plus en plus détériorée jusqu'à ce 
quelle ait cessé; ce qui confirme l'idée d'une importation 
étrangère. 

Dans les contrées du Nord où le bronze abonde le plus, les 
tombeaux dans lesquels on le trouve sont toujours situés par 
groupes, ce qui prouve que le bronze a été introduit, non pas, 
comme on l'a quelquefois pensé, par des individus isolés, mar- 
chands ou voyageurs, ne faisant dans le pays qu'un séjour de 
courte durée, mais bien par des familles ou des colonies plus 
ou moins nombreuses ayant occupé d'une façon persistante les 
différentes parties du pays. Cette conclusion ressort encore, 
comme nous le verrons plus loin, de l'étude des monuments. 

Alors on s'explique facilement un fait sur lequel on s'est 
souvent mépris, savoir, que partout où se trouve le bronze, on 
rencontre aussi des moules destinés à le fondre. Chaque colo- 
nie, en se fixant dans un pays étranger, devant nécessairement, 
en apportant ses outils, avoir les moyens d'en fabriquer de 
nouveaux. C'est ainsi qu'on trouve des moules destinés à pro- 
duire les haches dites celtiques, les ciseaux qui ont reçu le nom 
de paalstab, etc. 

Non-seulement l'âge du bronze a duré dans le Nord un 
temps assez long, mais l'époque où il comipence remonte à une 
antiquité très-reculée. Nos plus anciens bronzes et l'or qui les 
accompagne sont, en effet, toujours ornés de spirales doubles*, 
tout à fait semblables à celles qu'on voit dans les plus anciennes 
constructions d'origine orientale, par exemple dans les ruines 
du monument d'Atreus à Mycènes, et dans celles de l'ancien 
temple d'Aphrodite à Paphos, dont parle déjà Homère; ces con- 
structions et plusieurs autres ornées des mêmes figures sont 
d'origine phénicienne et toutes datent de plus de mille ans 
avant J. -G. 

Dans les ruines du temple Giganteja et Hagiar-Cham, dans 
les îles de Gozzo et de Malte, les spirales ont une autre forme; 
elles sont tout à fait semblables à celles qu'on voit dans les 
ruines de Nèwgrange, en Irlande. 

^. Voyez éd. allemandi», fig. ; Nachtrag, p. 4o. 



— m — 

Il est extrêmement probable que les hommes qui ont intro- 
duit le bronze dans le Nord ont su, dans un temps très-re- 
culé, aller chercher l'étain en Angleterre, et l'ambre sur les 
côtes du Danemark et de la Scanie. 

La similitude des ornements dans nos plus anciens bronzes 
et dans les constructions orientales anciennes sont un indice, 
mais non une preuve positive, qu'ils ont appartenu à la même 
époque et qu'ils ont eu la même origine. Je pourrais le prouver 
par des faits nombreux si le temps me permettait d'entrer dans 
quelques explications. Je ne citerai que quelques-uns de ces 
faits. 

La fin de l'âge du bronze est aussi chez nous très-reculée« 
Notre histoire et même nos légendes ne font pas mention une 
seule fois d'armes en bronze. L'histoire des autres pays de 
l'Europe occidentale n'en parle pas non plus. J'ai parcouru les 
ouvrages des auteurs romains sur les armes; ils disent que le 
bronze a précédé le fer, mais ils ne donnent pas d'autres expli- 
cations. Les auteurs grecs ne parlent pas d'armes de bronze 
avant Homère et Hésiode, ce qui nous conduit à une époque 
antérieure au x* siècle avant J.-C. 

Il me serait impossible de déterminer la fin de l'âge du 
bronze dans l'Europe occidentale. César dit que de son temps 
le bronze fut importé en Angleterre, mais ce fut pour en faire 
de la monnaie et non des armes. On a dit que la framée de 
Tacite était de bronze, mais les figures qu'on a données ne re- 
présentent pas la framée telle que la décrit Tacite, mais plutôt 
un ciseau semblable à ceux qu'on trouve dans toutes les collec- 
tions de l'âge du bronze, et appartenant à une époque beau- 
coup plus ancienne que le temps de Tacite. 

11 me semble avoir prouvé que le bronze a été introduit 
dans le Nord par un peuple étranger qui arrivait par familles ou 
plutôt par colonies S il me reste maintenant à dire quel était 



I. Il est à remarquer que dans (ouïes les épées ù doubles spirales les 
poignées sont beaucoup plus courtes que dans les autres, de telle sorte 
qu'il est impossible à une main de nos races Scandinaves ou germaniques 
de s'y adapter. 

]1 en est de même des bracelets : ceux qui sont ornés de ces spirales 
sont toujours plus étroits. 

16 



— 212 — 

ce peuple et quels monuments il a laissés dans les contrées où 
il s*est établi. 

J'ai déjà essayé de répondre à cette question par la mé- 
thode comparative que j'ai apprise d'un des plus grands gé- 
nies de notVe siècle, l'illustre Georges Guvier, qui, en jetant de 
nouvelles lumières sur presque toutes les sciences, a ainsi aug- 
menté la gloire de sa patrie. 

J'ai donc comparé entre eux les monuments de rEurop.e 
occidentale qui m'ont paru appartenir à l'âge du bronze, et je 
les ai trouvés d'origine phénicienne. 

Je crois que la cause pour laquelle on n'a pas jusqu'ici 
attribué l'introduction du bronze au peuple sémitique, c'est 
qu'on n'a pas su reconnaître les monuments; on les a nommés 
druidiques et celtiques^ quoique personne ne puisse dire ce 
que signifie le mot Celte. Ce mot me semble avoir chez les dif- 
férents auteurs des significations bien distinctes. 

Nous allons essayer maintenant de déterminer la véritable 
origine de quelques-uns de ces monuments de l'âge du bronze, 
en commençant par ceux de Gozzo et de Malte, que nous con- 
naissons d'une manière certaine par l'histoire phénicienne. Nous 
savons que les Phéniciens demeuraient déjà dans ces îles dès 
le XV* siècle avant J.-C. et les ruines de leurs temples prou- 
vent par le cône de pierre qu'on trouve dans chacun d'eux et 
par leurs nombreuses spirales, qu'ils ont appartenu au culte 
deBaal. - 

Comparons maintenant en détail les ruines de Newgrange 
et de Douth en Irlande, dont nous ne connaissons pas encore 
l'origine, avec les premières (celles de Malte). 

1** Le plan des unes et des autres est le même (loc. cit. 
Nachtrag, p. 106 et 107). 

2° Les murs sont construits en pierres brutes et sans mor- 
tier à la manière cyclopéenne. 

3** On trouve de part et d'autre des vases exactement de 
la même forme (loc. cit. p. 17, fig. 8), appartenant au service 
du temple et annonçant un même culte. 

4° Dans les ruines du temple de Malte, on voit une pierre 
en forme de cône (loc. cit. Nachtrag, p. 111, fig 8), qui est le 
symbole de Baal, et qu'on trouve dans tous les temples de ce 
dieu et dans ceux d'Astarté. Une pierre de cette forme fut aussi 



— 243 — 

trouvée à New grange, mais perdue par ignorance. Il y en avait 
une dans le tenîple de Baal à Émèse, selon Hérodianus, dans 
celui d'Aphrodite à Paphos, etc. On voit aussi un cône dans 
le monument de Kivik, où il est placé entre deux haches 
de bronze d'une forme toute particulière. Nous avons deux 
haches de la même forme à Stockholm et deux à Copenhague 
(loc. cit. p. 9, fig. 6). 

5*^ Les spirales se trouvent aussi bien développées à New- 
grange (loc. cit. p. 15) qu'à Gozzo et à Malte (loc. cit., Nach- 
trag, p. 45 et 117). On a trouvé du bronze sous forme de belles 
spirales à Wilfara auprès de Kivik (p. 45) ainsi qu'aux envi- 
rons de Newgrange. 

Il y a encore un point de comparaison qui est très-intéres- 
sant; c'est la tige d'un palmier qu'on trouve représentée dans 
tous les endroits où s'est fixé un peuple sémitique. Elle ne se 
trouve pas seulement dans les temples phéniciens de Malte 
(Nachtrag, p. IIS, fig. 9), mais on la voit sculptée sur les murs 
des ruines du temple de Newgrange en Irlande (loc. cit., Nach- 
trag, p. 114, fig. 2). On a prétendu que c'était une fougère 
parce qu'on ne pouvait se rendre compte de la figure d'un 
palmier dans un temple d'Irlande. Un botaniste ne saurait s'y 
tromper; il reconnaît facilement que ce n'est pas une fougère, 
mais une tige de palmier. 

On nié toujours que les Phéniciens aient introduit le bronze 
dans l'Europe occidentale^ sous prétexte qu'on n'a pas encore 
trouvé de bronze qui fût incontestablement phénicien. Il me 
semble très-singulier qu'on laisse complètement sous silence 
l'ouvrage de M. Nicolucci sur une nécropole trouvée en Sar- 
daigne près de Tarros, ville dont l'origine est certainement phé- 
nicienne. On y a découvert auprès d'un squelette d'homme une 
épée et un poignard en bronze et aussi quelques plaques rondes 
de bouclier ; et auprès des squelettes de femmes beaucoup de 
bijoux et de parures : diadèmes, bracelets, croissants, etc. Il 
faut ajouter à cela quelques urnes j exactement comme en 
Scandinavie. 

Près de l'entrée du tombeau était un pilier avec une inscrip- 
tion phénicienne annonçant le nom du défunt et le nom de ses 
pères jusqu'à la troisième ou quatrième génération, selon la 
coutume des peuples sémitiques. 



- 2hh - 

J*aurais encore beaucoup d'autres preuves à citer de Tiden- 
tité des monuments phéniciens des côtes de la Méditerranée 
et de ceux de l'Europe occidentale, mais je ne veux pas fati- 
guer davantage les savants membres du Congrès. L'ouvrage 
que j'ai écrit sur ce sujet et qui sera, je l'espère, bientôt im- 
primé en français, leur donnera de plus amples développe- 
ments. 



Discussion sur Tépoque du bronze dans l'Europe 
occidentale. 

M. Desor, api'ès la lecture du ménâoire précédent, dit que 
M. Nilsson peut bien avoir raison pour ce qui concerne le 
bronze dans le Nord. Mais il a étudié avec soin la question 
pour ce qui concerne la Suisse, et en comparant les résultats 
qu'il a obtenus, on verra qu'il est loin d'arriver aux mêmes 
conclusions que le célèbre professeur suédois. 

Les études de M. Desor ont porté surtout sur les stations 





Fi-. 41. 

Épingle en os. Concise. Domi-gxa:ideur. 
Musée de Neuchatel. 



Fig. Al. 

Épingle eu brouze. Cortaillod. Domi-granduur. 
CoUection Dosor. 



lacustres. Ces stations peuvent être des époques de la pierre, 
du bronze ou du fer pures de tout mélange ; parfois aussi elles 



— i>/|5 — 

sont des temps de transition d'une époque aune autre. On peut 
très-bien alors reconnaître, par exemple, que les premiers ob- 
jets en bronze ont été de simples imitations des objets analogues 
en pierre ou en os d'un usage antérieur. L'épingle en bronze 
est d'abord identique à celle en os (fig. 41 et 42) ; un certain 
nombre de celts ou haches en bronze sont la reproduction exacte 
des haches en pierre ; les pointes de flèches en bronze sont imi- 





Flg. 43. Fig. 44. 

Pointes de fltVhes en silex, Greng, lac de Morat. Grandeur naturelle. Collection Desor. 

tées de celles en silex (fig. 43 à 46). Le passage de l'emploi ex- 
clusif de la pierre à la généralisation de celui du bronze s'est 





Fig. 45. Fig. 40. 

Pointes de flèches en bronze. Font. Grandeur naturelle. Collection Desor. 



fait d'une manière tout à fait insensible. En archéologie, comme 
en géologie, on ne peut plus faire intervenir les changements 



— 246 — 

subits, imprévus, les catastrophes, les coups de théâtre. On ne 
peut plus dire, par exemple, que des populations originaires 
de rOrient sont venues à plusieurs reprises envahir la Suisse 
et détruire complètement les villages et les habitants qu'elles 
rencontraient. 

Pourtant si ce n'est pas un flot nouveau d'immigrants étran- 
gers qui a apporté le bronze, comment se fait-il qu'un peuple 





Fig. 47. 



Fig. 48. 



Poignée d'une épée en bronzô, ornée d'en- Anneau avec pendeloque à enroulemente, 

roulements en spirale. Sommering, bronze. Palafitte de la Suisse. 

Autriche. 1/2 grandetur. Musée de Berne. Grand, naturelle. Collection Desor. 




Fig. 49. 
Umbo de bouclier en bronze orné d'ornements en spirale. Caucase. 1/4 grandeur. 



à Tétat presque barbare ait fabriqué tout à coup des objets 
avec un alliage aussi compliqué et de fabrication aussi difficile? 



— 247 — 

Évidemment cette fabrication a été introduite du dehors, pour- 
tant moins directement, peut-être, que sur les côtes du Dane- 
mark. 

Quand on compare une collection de l'âge du bronze suisse 
avec une série d'objets en bronze du Nord, on est frappé de là 
différence. Ceux-ci sont faits avec plus de soin et de perfection. 

Cette double hélice ou enroulement spiral (fig. 47 à 49), sur 
laquelle a tant insisté M. le professeur Nilsson et qui a sa signi- 
fication puisqu'elle est si répandue, car elle se trouve dans lé 
Nord comme ornement et comme chose principale, c'est-à-dire 
comme forme même de l'objet; le rond avec un point au centre 
et les cercles concentriques (fig. 50), ne se rencontrent que bien 



o @ 




Fig. 50. 
Rond avec point central et ronds concentriques. 

rarement en Suisse et seulement dans les stations de transition 
du bronze au fer. 

Dans une station devenue célèbre, à Hallstatt, on a re- 
cueilli les mêmes faits qu'en Scandinavie, et avec des objets 
en bronze semblables à ceux de la Suède; la double hélice s'est 
encore présentée comme ornement et sous forme matérielle. 
Mais à Hallstatt il y avait du fer et, chose curieuse, les épées 
et les poignards, bien qu'en fer, avaient la petite poignée et 
quelque fois la lame à forme caractéristique de l'âge du 
bronze. 

Cette station serait donc un trait d'union fort important, 
et peut-être un jour on démontrera que les voyageurs qui ont 
fourni aux Scandinaves les matières premières et les objets de 
bronze possédaient aussi le fer. 

M. DE MoRTiLLET sc range à l'opinion de M. Desor. Le 
bronze est arrivé dans l'Occident avec lenteur. A Varèse (Ita- 
lie), les stations lacustres, qui sont de l'époque de transition 
entre la pierre et le métal, contiennent encore en abondance 
des pointes de flèches, des scies, des polissoirs en pierre et 
des rondelles en grès; seules les haches en pierre font à peu près 



défaut; elles sont déjà remplacées sinon par la hache en 
bronze, du moins par des instruments tranchants en métal. 

La station de Mercurago, près du lac Majeur, présente le 
même assemblage de couteaux et d'ornements en bronze avec 
des scies et des pointes de flèches en silex. De cette même 
station on a retiré des pieux ou" pilotis qu'on reconnaît avoir 
été taillés avec un outil de bronze. La pierre avec son tran- 
chant arqué et peu vif n'enlève que de petits éclats et laisse 
sur le bois des traces concoïdales, tandis que le bronze entame 
le bois d'une façon plus nette et plus franche produisant des 
coupures plates et droites. 

Dans le midi de la France, le métal est aussi arrivé par pe- 
tites quantités. Les objets de bronze trouvés dans les dolmens 
sont tout petits. Ce sont des bijoux comme dans la collection 
de M. E. Cartailhac, ou des pointes de lances fort minces comme 
celle que M. Brun a trouvée dans un dolmen des environs de 
Montauban. On voit que le métal importé par le commerce était 
encore très-rare et fort économisé. 

M. de Mortillet a été frappé de la ressemblance des objets 
danois avec ceux d'Hallstatt. En Italie, à l'époque du bronze, 
on ne trouve jamais de représentations animales; dans le Nord 
elles ne manquent pas absolument, on en voit sur des rasoirs 
et des poignées de divers couteaux. Les têtes de chevaux gra- 
vées sur quelques objets du Nord sont semblables à celles du 
premier âge du fer de Hallstatt. N'en doit-on pas conclure que 
la belle époque du bronze Scandinave correspond à la première 
époque du fer? 

M. NiLSSoN fait remarquer que Paris ne possède rien 
actuellement qui puisse représenter l'époque du bronze en 
Suède, que d'ailleurs il est parfaitement certain que les beaux 
échantillons de bronze ont été suivis par d'autres bien moins 
parfaits. Après la pierre, l'os et le bois exclusivement employés 
dans l'industrie, le beau bronze apparaît brusquement et quand 
le fei* arrive les objets en bronze deviennent plus grossiers. 

M. DE QuATREFAGEs rapporte qu'il a assisté à quelques 
fouilles faites par M. de Ring, près de Strasbourg. Le gisement 
était de la fin de l'âge du bronze. La masse des objets était en 
bronze et le fer apparaissait sous forme d'objets d'ornement 
comme un métal précieux. 



La substitution du bronze à la pierre s'est lentement effec- 
tuée. Deux opinions se trouvent en présence pour expliquer ce 
phénomène; suivant M. Nilsson, dans le Nord le bronze appa- 
raît à l'état de perfection après l'âge de la pierre, et quand le 
fer se montre, la décadence pour l'âge du bronze avait com- 
mencé. Suivant MM. Desor et de Mortillet, après l'âge de la 
pierre le bronze apparaît sous les formes les plus simples, co- 
piant les formes des objets en pierre. Ces deux opinions nulle- 
ment contradictoires peuvent être vraies l'une pour le Nord, 
l'autre pour le Midi. 

Pour éclairer la question reportons-nous encore aux temps 
actuels. L'humanité marche progressivement, mais non pas de 
la même manière et dans le même temps. Dans un coin, elle 
progresse avec rapidité et fait sentir alors son influence sur les 
autres de ses parties qui sont restées stationnaires. Quand l'an- 
cien monde s'est trouvé en face du nouveau, les populations 
européennes qui avaient avancé dans la civilisation mirent bien 
vite à leur niveau les peuplades arriérées de l'Amérique; elles 
leur donnèrent par exemple, et tout d'un coup la poudre, le fer, 
le cheval... Maisexaminée dans son ensemble on peut dire que 
l'humanité ne fait jamais de saut, la marche de sa civilisation 
est lente et naturelle. 

M. Carl Vogt insiste sur la grande différence qui existe 
entre les objets du Nord et ceux du Midi. Toutes les formes sur 
lesquelles on s'est appuyé pour démontrer l'influence sémi- 
tique, les chars de sacrifice, les trompes, la pyramide de Baal, 
ne se sont jamais rencontrés en Suisse. Gomme on dit en géo- 
logie, nous sommes ici sur un terrain entièrement différent. On 
est parti des déductions de M. Nilsson pour attribuer aux Sé- 
mites l'introduction du bronze dans tout l'Occident. C'est une 
erreur : sauf la spirale et la ligne brisée que l'on retrouve par- 
tout, jusque dans l'Océanie, il n'y a pas un seul signe phéni- 
cien dans la Suisse ! Les haches ne ressemblent pas à celles du 
Nord. On devrait donc dire que le bronze vient en Suisse et en 
Scandinavie de deux sources différentes. Quoique l'influence 
sémitique ait pu se faire sentir dans le Nord, on est loin d'avoir 
le dernier mot sur cette question. 

On peut douter de l'apparition soudaine dans le Nord des 
formes phéniciennes et tout à fait parfaites, à l'aurore même 



— 250 — 

de rage du bronze. En Irlande, on a trouvé des transitions et 
elles sont nécessaires. 

M. Leguay, rappelle que les dragues de la Seine ont souvent 
amené des objets anciens, malheureusement presque tous éga- 
rés ou disséminés aujourd'hui. Il citera seulement un glaive en 
bronze avec poignée plate en bois fixée par trois rivets en 
fer» et deux autres glaives de types tout différents, l'un d'eux 
avait un large tranchant et deux rivets au côté droit de la 
garde. Dans la patine, on voyait distinctement la trace de la 
corde qui avait uni la poignée au manche. 

M. Henri Martin, sans nier l'importance de la question du 
bronze dans le Nord veut seulement présenter quelques obser- 
vations sur le monument de Newgrange (Irlande). Sur le seuil 
sont sculptées les spirales dont a tant parlé M. le professeur 
NilssoUi Cet ornement se voit aussi sur les parois. Les autres 
figures associées à celle-là sont au nombre de trois seulement. 
Deux pourraient s'expliquer par l'influence égyptienne : le rond 
avec le point au centre et le zigzag dit dent de loup. Quant à 
la troisième, signalée par M. Nilsson comme la figure d'une 
branche de palmier oriental, ce n'est positivement que la repré- 
sentation de la fougère qui se retrouve sur les monnaies gau- 
loises. 

Newgrange est un monument bien connu ; celui de Gozzo 
Test beaucoup moins. Peut-on affirmer qu'il ait un système de 
grands supports, de grandes pierres brutes, en un mot le ca- 
ractère des tumuli de la Bretagne et de l'Irlande? 

M. A. DE LoNGPÉRiER répoud qu'il existe une description 
parfaite du monument de Gozzo due à M. de la Marmora, dans 
le premier volume des Annales de l'Institut archéologique et 
accompagné d'un atlas grand in-folio. Le monument n'a pas de 
couverture en terre et les pierres sont taillées. 

Autrefois on supposait que les Phéniciens avaient élevé tous 
les monuments que l'on trouve dans les îles qu'ils habitèrent, 
mais qui n'existent pas en Phénicie ! 

Est-il admissible qu'ils aient élevé ailleurs des monuments 
que Ton ne retrouve pas chez eux ? 

Un autre fait grave est que la spirale ne se voit pas sur les 
monuments de la Phénicie; c'est peut-être le seul ornement 
que l'on n'y rencontre pa«. Inconnue dans le sud de l'Italie, 



— 251 — 

on la trouve en Étrurie et si^r les vases à bec relevé que Ton 
a recueillis en Gaule; un à Bourges, un autre à Point, qui 
est au musée de Troyes, le troisième à Aubernac, qui est au 
Louvre. 

M. Franks. Ce ne sont pas les Phé;iiciens qui ont élevé le 
monument de Gozzo, mais les Berbères. Les Phéniciens habi- 
taient un petit territoire et ils ont toujours emprunté le style 
des autres pays, de TÉgypte, quand TÉgypte était dans tout 
l'éclat de sa civilisation. Ainsi les vases en bronze de Ninive 
paraissent être une imitation phénicienne de Tart égyptien. — 
Pendant les beaux siècles de la Grèce, les Phéniciens avaient 
subi l'influence de l'art grec, comme on le voit par leurs mé- 
dailles. Si la Phénicie avait survécu, elle aurait pris le style ro- 
main; et même elle Ta fait un peu; en un mot l'art phénicien 
n'existe pas. 

Pourquoi les Phéniciens auraient-ils envoyé du bronze aux 
autres nations et non du fer qu'ils connaissaient ? Rien ne nous 
prouve qu'ils aient employé le bronze dans l'époque histo- 
rique. 



Chariots en bronze trouvés en Allemagne et en Suède. 



M. ViRCHOw, à propos des chariots en bronze cités pj^r 
M. Vogt, ftiit la communication suivante. 

11 y a plus de vingt ans qu'on a trouvé dans différentes ré- 
gions du Nord des chariots en bronze évidemment d'une haute 
antiquité. M. Lisch de Schwerin a eu le premier la bonne chance / ^' U/rr^ 



de faire (en 1843) la découverte d'un tel chariot, dans un de ces \<^*iA ; ^ ' 
tumuli à forme conique qu'on appelle en Allemagne kegelgràber. ^ ^x/'J/ 
Près du village de Peccatel, dans le Mecklembourg, il y avait un / ' ^ ^ 
groupe de plusieurs tumùïl dont deux se distinguaient par leur w^ x; / ^ 
grandeur. L'un avaitun diamètre de 13 mètres sur 3 mètres de ^^^'^ ^>pu 
hauteur, l'autre le même diamètre sur à peu près 2 mètres de 
hauteur. On découvrit dans ce dernier quatre différentes cham- 
bres sépulcrales construites en pierres; deux d'entre elles, situées 
au centre, contenaient des ossements humains brûlés avec des 
objets de bronze et les débris d'une cuirasse en cuir ornée de 



--. 252 — 

boutons de bronze. Dans la chambre du sud on trouva des 
armes et des couteaux en bronze, un bracelet d'or et un petit 
chariot en bronze, portant un large vase aussi en bronze. 

Ce chariot a quatre roues, chacune à quatre rayons, pla- 
cées sur deux essieux, qui sont unis entre eux par des tiges 
courbées et se terminant en crochets pointus. Il n'y a pas de 
flèche. 

Lorsque M. Lisch en 1858 présenta cette pièce au Congrès 
des antiquaires et historiens réunis à Berlin, M. Piper, profes- 
seur à la faculté de théologie dans cette ville, attira l'attention 
du Congrès sur la grande analogie que présente le chariot de 
Peccatel avec les vases du temple de Sion, construits sur 
l'ordre du roi Salomon par le Phénicien Hiram et décrits au pre- 
mier livre des Rois et au deuxième des Chroniques. Plusieurs 
autres savants allemands ont approuvé cette observation. 

Je dois ajouter que M. Lisch fit aussi ouvrir l'autre tumulus 
mentionné plus haut, et que Ton trouva là, outre une chambre 
sépulcrale située au centre, un autel construit en sable argi- 
leux et en petites pierres erratiques. Cet autel avait trois 
compartiments : 1** une chaudière ronde ; 2** un plateau ou une 
table; 3** une excavation oblongue dans laquelle le squelette 
d'un homme non brûlé était placé. M. Lisch en conclut qu'il 
s'agissait d'un autel pour sacrifice. 

Je remarque en passant que, dans la même année, un autre 
chariot fut trouvé aussi dans le Mecklembourg, contenu dans un 
vase sépulcral, mais qui malheureusement fut brisé et jeté par 
mégarde, et qu'en 1846 près de Friesack, en Brandebourg, 
deux roues en bronze à quatre rayons ont été recueillies. 

Une autre découverte beaucoup plus importante fut celle 
d'un chariot tout à fait semblable à celui de Peccatel, faite en 
1855, près d'Ystadt, en Suède. Ce chariot, qui fut plus tard dé- 
crit et figuré par notre honorable vice-président M. Nilsson 
dans ^son livre sur la période du bronze, a aussi 4 roues à 
4 rayons; mais il lui manque le vase. M. Nilsson en rappro- 
chant cette trouvaille des dessins du fameux monument de 
Kivik en Schonen, a soutenu, comme l'on sait, l'opinion que 
c'étaient des Phéniciens qui auraient laissé dans le Nord les 
vestiges de leur séjour. ' ' , ^^ \ 

Outre les chariots de Peccatel et d'Ystadt, il y en a encore 



t^ 



yV'cUîflriic.^ l^A X^^. f^^^^./éqù^(^^m'M.J^^,.auy^ 



un troisième trouvé en Transylvanie, qui a 4 roues à 4 rayons 



et qui porte un petit vase sur unpîëî. En Styrie, au contraire, ^/^ . . : -^ 



il fut découvert un petit chariot , dont les 4 roues ont chacune 
8 rayons et qui est garni de figures d'hommes et d'animaux, 
indiquant, par leur ex écution parfaite, une origine bien plus ^ 

Si nous laissons de côté cette observaudn, nous pouvons, à 
ce qu'il me parait, considérer toutes Jes autres comme appar- 
tenant à la même catégorie, marquée par les caractères sui- 
vants : 

1** Quatre rou es. ^ 

2** Quatre rayons à chaque roue. 

3<» Pas de timon. 

Je réunis dans une seconde catégorie quelques autres trou- 
vailles faites toutes dans les régions limitrophes. 

La première fut faite, en 1848, à la suite d'une construc- 
tion de chaussée près de ^Fran cfort^ur l'Oder, et déposée dans ' ' . ^ 
la collection du lycée de Neu-Ruppin. C'est un cliariot à 3 roues, > -, i. 34^ />,, 2 ^ '\ 
munies chacune de 4 rayons; roues combinées avec ime four- 
chette à deux branches sur lesquelles sont placés quatre oiseaux 
à long col, ressemblant à des cygnes, sur des tiges un peu 
grossières. Les branches se terminent en crochets tricornes 
analogues à des têtes de bœufs. Le cylindre de la chappe est 
creusé pour introduire un bâton. 

Douze ans plus tard, en 1860, un chariot absolument sem- 
blable fut trouvée à Ober- Keth, en Silésie. M. Wattenbach, qui Kj2y^Cé - 
en a donné la description, soupçonne qu'il était placé dans un 
vase sépulcral, car il fut découvert au milieu de fragments de 
poterie dans un champ par un cultivateur dont la charrue se 
heurta à cet objet. 

Très-semblable à ces deux pièces, cependant en différant 
par ie détail, est le chariot dont je présente le dessin réduit à 
trois dixièmes de la grandeur naturelle (fig. 51). Je l'ai acquis 
cet été à Bourg-sur-Sprée, un des endroits les plus curieux de 
la Lusace inférieure. C'est un de ces villages à maisons presque 
insulaires qui se trouvent dispersées dans le grand marais fo- 
restier, nommé bois de la Sprée (Spreewald). Il est habité encore 
aujourd'hui par une race particulière , connue ordinairement 
sous le nom de Wenden, mais qui s'appelle dans son langage 



— 254 ' 

Serbes. Les historiens du moyen âge racontent que dans cette 
région, les batailles les plus sanglantes ont été livrées entre les 
Allemands et les Serbes (ou Sorbes) qui ont été assujettis dès le 
X® siècle. Un grand nombre d'antiquités, des sépultures en lignes 
et une large forteresse de terre attestent l'importance andenne 
de ce lieu. Le chariot, couvert d'une patine des plus belles, fut 
trouvé par un cultivateur qui retournait la terre de son champ, 
jusqu'à une profondeur de quelques pieds. Immédiatement à son 
côté était une masse composée de marne sablonneuse et d'ar- 
gile, pesant 25 kilogrammes; elle fut enterrée sans qu'on eût 




^:^S2^ij^?:;^isîS^^ 



Fig. 51. 
Chariot en bronze, de Bourg-sur-Sprée. 3/10 grandeur. Collection Virchow. 



déterminé sa forme , ce qui est d'autant plus regrettable qu'il 
y a beaucoup d'analogie entre ce fait et la trouvaille de Pec- 
catel. Probablement c'était aussi un autel. Des fragments de 
poterie rude et grossière et des ossements d'animaux furent 
en partie empâtés dans cette masse. 

Ce chariot n'a que deux roues à quatre rayons, placées sur 
un essieu très-long. Il est aussi en combinaison avec une four- 
chette qui se termine dun côté dans une chappe creuse 
et percée latéralement par un trou. Il est évident que cette 
chappe était destinée à recevoir un bâton. Sur la chappe et la 



— 255 — 

fourchette on voit trois oiseaux comme sur les chariots de 
Francfort et d'Ober-Keth. De Tessieu partent en arrière ^^j^j^^î^ 
trois tiges qui se dirigent en haut et sç terminent en crochets 
tricornes ressemblant à des têtes de bœufs. Peut-être ils de- 
vaient porter le vase coipme il est dit du vase du temple de 
Salomon. Su^ S.^^^uyr^^^X ^ ^'A^t^H^^^/^^^uùJ^^T^P* 

Composition des bronzes anciens. 



M. Broga demande que la question de la composition chi- 
mique des bronzes intervienne dans le débat ; là où il y aura 
ressemblance entre les alliages il y aura relation et identité 
d'origine. L'alliage des bronzes du Nord n'est pas égal à celui 
du Sud; c'est ce qui résulte, paraît-il, des expériences de 
M. Damour. 

M. A. DE LoNGPÉRiER répoud que M. de Fellenberg étudie 
en ce moment même la question. Cet éminent chimiste a 
trouvé que dans les objets d'un même pays les alliages varient 
beaucoup. Les auteurs anciens ne nous ont jamais parlé de la 
composition de leurs bronzes, car ils étaient réellement igno- 
rants sur ce sujet ; au point que ne pouvant expliquer la na- 
ture et la beauté des statues et objets de bronze de Gorinthe, 
ils racontaient, comme si c'était chose possible, que pendant 
l'incendie de la ville tous les métaux s'étaient réunis en lingots 
pour former un remarquable alliage. 

Il en était de même pour l'or que l'on trouve à une époque 
fort reculée à tous les états, à tous les degrés de pureté; on 
choisissait la matière à l'œil, empiriquement. Mais les anciens, 
ceci soit dit en passant, ont connu la trempe : le Louvre pos- 
sède neuf saumons d'ader de Khorsabad. 

M. Desor fait remarquer que les travaux de M. de Fellen- 
berg sont de la plus haute importance. Il est positivement ar- 
rivé à des conclusions. Ainsi la plupart des bronzes lacustres 
sont formés, pour cent, de 90 parties de cuivre et 10 d'étain en 
moyenne. 

Les bronzes du Nord, du Mecklembourg et de Hallstatt ont 
donné des résultats identiques ; les Étrusques, les Grecs et les 
Rouiains ont au contraire fabriqué du bronze impur, du bronze 



— 25G — 

marchand, dans lequel il y a du plomb et du zinc. M. de Fel- 
lenberg n'a pu analyser du bronze phénicien, car on n'en con- 
naît pas, sauf les bronzes de Ninive, dont Torigine phénicienne 
n'est pas prouvée. 

M. A. DE LoNGPÉRiER. Parmi les coupes du British Muséum, 
il en est qui sont de véritables imitations mal comprises de 
l'art égyptien. Celles-ci ont une inscription qui ne veut rien 
dire. Or jamais les Égyptiens n'ont eu d'écriture secrète. Leurs 
hiéroglyphes se lisent toujours et se retrouvent partout sur les 
objets même les plus usuels. 

Les coupes recueillies dans le palais de Nemrod , dans l'île 
de Chypre, à Ceri près de Civita-Vecchia, en Étrurie sont tel- 
lement semblables qu'on les croirait sorties du même atelier. 
Elles sont en argent, sauf celles du British Muséum qui sont en 
bronze. Les Phéniciens les ont évidemment disséminées dans 
les divers lieux où on les a trouvées. 

M. Franrs ajoute que l'une d'elles porte même une inscrip- 
tion phénicienne. 

M. VoGT dit que M. Wiebel a reconnu que les bronzes anciens 
sont faits par l'alliage non des métaux, mais des mmerais. Les 
anciens fondeurs ne savaient pas élaguer les impuretés natu- 
relles. S' appuyant sur les analyses de M. de Fellenberg princi- 
palement, ce savant a reconnu qu'il est impossible de donner 
en chiffres exacts la composition très-variée des bronzes an- 
ciens. 

M. ScHAAFFHAUSEN (de Boun) fait la remarque qu'un chimiste 
allemand très-distingué, M. Gôben, de Dorpat, a publié depuis 
plus de vingt ans l'analyse de divers objets antiques en bronze. 
Le résultat d'une centaipe d'obsefy^itions était que la proportion 
du cuivre et de l'étain dans la composition du bronze varie 
beaucoup, et il paraît que les différences dépendaient des 
divers usages auxquels les objets étaient destinés. Le fait le plus 
intéressant de ces recherches est qu'il n'y a pas de bronze des 
peuples anciens qui contienne du zinc, sauf le bronze romain. 
Si l'on trouve du zinc dans un alliage, il est bien certain que ce 
bronze n'est pas antérieur à l'époque romaine. 

M.' A. DE LoNGPÉRiER ajoute qu'il ne faut pas, en effet, né- 
gliger l'usage auquel étaient destinés les objets pour expliquer 
les variations des alliages. 



— 257 — 

Pour faire le bronze, les fondeurs prenaient empiriquement 
à Testime les quantités d'étain et de cuivre. Pour une lame, ils 
recherchaient un métal dur et qui pût recevoir aisément la 
trempe et le fil. Mais pour les bijoux estampés, repoussés ou 
faits en filigranes, il fallait un métal malléable et ductile. De là 
une différence dans la composition. Il faut aussi faire attention 
au désir qu'avaient les anciens d'imiter Tor. 

Enfin le fer était préféré au bronze pour les fibules, par 
exemple, et sa présence n'indique rien sinon que l'on avait re- 
cherché avant tout la solidité dans l'objet. 

La séance est levée à dix heures et un quart. 

Jjun des Secrétaires-ad joints^ 
Emile Cabtailhac. 



— 258 — 



SÉANCE DU MARDI 27 AOUT. 



PRKSIDENCE DE M. ED. LARTET. 



La séance est ouverte à 2 heures dix minutes. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Secrétaire général communique une lettre de M. Hou- 
zEAu DE Lehaie, Secrétaire de la Société des Sciences, des Arts 
et des Lettres du Hainaut, qui exprime au Congrès le vœu 
formulé par cette Compagnie dans sa séance du 8 août 
dernier « que la prochaine réunion du Congrès international 
d'Anthropologie et d'Archéologie préhistoriques ait lieu en 
Belgique. » 

Parmi les villes de Belgique, dit M. Houzeau, il n'en est 
peut-être aucune dont les environs conservent plus de traces 
des âges préhistoriques que la ville de Mons. Sur son terri- 
toire même, la petite colline appelée Bois de Mons ou Mont 
Paniselle était habitée à l'époque néolithique. A Spiennes, <fe 
vastes ateliers, où l'on taillait et polissait le silex de la craie, 
fournissent encore tous les jours, à nos collections, des cen- 
taines de pièces. Sous 250 hectares couverts de débris de 
fabrication, les trous des Sarrasins^ anciennes exploitations 
dans la craie, anciennes demeures souterraines peut-être, 
contiennent des ossements travaillés et des outils de pierre 
analogues à ceux des cités lacustres. Un chemin de fer en 
construction coupe une partie de ces champs et permet de dé- 
terminer avec certitude le gisement de ces débris relativement 
aux limons qui recouvrent nos plaines. En dessous de ces 
limons, on vient de découvrir, mélangés à des os die Shinoteros 
tichorrhinusy d^Elephas primigemuSyd'EquuSy deBos^ deMegor 
ceros^ de Sm^ etc., des silex façonnés de la main de l'homme^ 
Les principaux types de la vallée de la Som^tne y ont été re^ 



— 2S9 — 

trouvés. Enfin la ville de Mons est à peu de distance de Dinant, 
où M. Dupont poursuit avec tant de bonheur l'exploration des 
cavernes. 

Cette proposition sera discutée lorsqu'il s'agira de déter- 
miner le lieu de la prochaine réunion. 

M « DE QuATREFAGEs appelle toutes les sympathies des sa- 
vants français et étrangers qui suivent les séances du Congrès 
sur le projet qu'a formé M. Lambert de tenter l'exploration 
des régions polaires par le détroit de Behring, et dépose sur 
le bureau plusieurs exemplaires de la dernière lettre qu'a pu- 
bliée la commission de patronage de l'expédition. 

Pointe de flèche américaine. 

M. Napoléon Nicklès adresse au Congrès le dessin d'une 
pointe de flèche en obsidienne, trouvée dans un champ aux 
environs de Cincinnati. On rencontrerait souvent, au même 
endroit, des haches de même matière grossièrement taillées. 
M. Nicklès est disposé à voir dans ce fait une nouvelle preuve 
de Texistence d'une race d'hommes primitive et préhistorique, 
répandue dans les deux hémisphères. 

M. DE MoRTiLLET fait obsorver que contrairement à l'opinion 
de l'auteur de cette lettre, la pointe de flèche de Cincinnati 
difière de celles que l'on trouve dans les habitations lacustres 
de la Suisse, principalement par la forme des encoches qu'elle 
présente de chaque côté, encoches destinées à maintenir le fil 
qui lie la pointe de flèche à la hampe. 

Stations dê« bordt de la Saône et du Poncin. 

M. Akgelin, ancien élève de l'École des Chartes, à Mâcon, 
adresse les détails suivants sur les fouilles qu'il a exécutées 
dans le département de l'Ain. 

Mes i^berches ont porté, dit-il, sur les rives de la Saône, 
entre Gbalon et Lyon, et sur une caverne oii plutôt un abri 
sous roche, à Poncin, en Bugey, sur les bords de l'Ain. 

Au commencement de la période quaternaire, la Saône, ou 



- 260 — 

plutôt le vaste cours d'eau qui correspondait à la Saône 
actuelle, dut sillonner la grande plaine tertiaire comprise entre 
les Vosges, les Gévennes, le Jura et les Alpes. Les graviers à 
Elephas primigenius qu'on retrouve par lambeaux soit au 
fond de la vallée actuelle de la rivière, soit sur les bords à une 
certaine hauteur au-dessus du niveau actuel des eaux, sont, 
sans doute, les restes de ce lit primitif. Le débit des eaux di- 
minuant de puissance, l'ancien lit fut comblé en partie par des 
dépôts tranquilles et réguliers de limon ou lehm argilo-mar- 
neux, qui s'accroissent constamment encore par Teffet des 
inondations périodiques, et au milieu desquelles la Saône a 
creusé son lit actuel. 

La vague, en battant la berge, la ronge constamment et 
produit dans le lehm d'ail uvion moderne, des escarpements 
atteignant souvent 4 ou 5 mètres d'élévation verticale, ce qui 
permet d'étudier dans de bonnes coupes naturelles, ces vastes 
dépôts. Des stations humaines plus ou moins profondément 
enfouies, suivant leur âge, sous l'apport des inondations 
annuelles, apparaissent dans la tranche des berges, et j'en ai 
fait, de concert avep un membre de la société géologique, 
M. de Ferry, une étude minutieuse en suivant pas à pas les 
rives de la Saône. 

J'ignore si M. de Ferry S que je n'ai pas vu depuis quelque 
temps, vous a transmis ses observations. Dans tous les cas, elles 
concordent, je crois, sauf sur quelques points insignifiants, 
avec les miennes^ dont voici le résultat. 

Ces stations humaines, généralement situées sur la rive 
bressanne, très-rares sur la rive droite, paraissent concentrées 
en face des gisements naturels d'argile à silex du Maçonnais, 
c'est-à-dire entre Mâcon et Tournus. 

Elles deviennent rares en amont et en aval de ces points 
extrêmes. 

Sans entrer dans l'étude détaillée de ces stations, voici 
la moyenne des observations fournies par une coupe théorique 
de la berge. 

A une profondeur moyenne d'un mètre au-dessous du 
niveau actuel des prairies, apparaît la couche romaine bien 

I. M. de Ferry doit publier prochainement un travail sur ce sujet.. 



— 261 — 

caractérisée par ses briques, ses poteries et ses monnaies. 
G'est-à-dire que, pendant une durée d'environ 1,600 ou 
1,800 ans, il s* est déposé une épaisseur de lehm de 1 mètre. 
A une profondeur moyenne de 2 mètres se rencontrent les sta- 
tions de Tâge néolithique bien caractérisées (haches polies, 
flèches présentant tous les types des palafittes de la Suisse, 
couteaux, grattoirs en silex du Maçonnais, poteries grossières, 
os calcinés et brisés appartenant à des espèces vivantes, cerf, 
bœuf, cheval, cochon). Entre la couche romaine et la couche 
néolithique, il existe des stations intermédiaires, qui /^aram^/, 
d'après le caractère des poteries, représenter le bronze et le 
fer. Les traces de l'âge de pierre se rencontrent jusqu'à une 
profondeur de trois mètres. Au delà, plus rien absolument. 

Il est facile de s'expliquer l'absence de vestiges humains 
antérieurs à l'époque néolithique. En effet, à une profondeur 
de trois mètres environ, le lehm change de nature : d'ar- 
gileux qu'il est à sa partie supérieure, il devient, et parfois 
très-brusquement, marneux. Tandis que les couches supé- 
rieures ne renferment guère que des coquilles terrestres et 
fluviatiles, la partie inférieure est pétrie de coquilles de marais 
et de végétaux aquatiques. C'est-à-dire que le régime- des 
eaux était différent : la rivière, ne s'étant pas encore cana- 
lisée, errait dans le fond de la vallée où elle formait et ali- 
mentait des marais tourbeux, parfaitement inhabitables. Une 
seule dent de cochon (peut-être le Sus palustris?) a été 
retrouvée dans ces marnes inférieures. 

Oserai-je me permettre quelques évaluations approximatives 
pour fixer l'esprit? 

Un mètre de lehm s'étant déposé depuis l'époque romaine, 
c'est-à-dire depuis 1,500 ou 1,800 ans, il aurait fallu environ 
3,000 ou 3,600 ans pour recouvrir la couche néolithique, dont 
les dernières traces pourraient avoir une antiquité de 5,400 à 
6,000 ans. 

Enfin il aurait fallu une durée de 9,000 à 10,000 ans pour 
former l'ensemble des dépôts modernes d'alluvions compris 
dans notre étude ^ 

4 . Nous négligeons dans ce calcul un facteur important, mais impos- 
sible à mettre en équation. Je veux parler du tassement du lehm. Mon 
approximation est donc nécessairement un minimum. 



— 262 — 

Mon avia est qu'on né peut, en auci^ne façon assimiler ces 
stations fluviatiles de la Saône aux habitations lacustres sur 
pilotis. En effet, les inondations de la rivière, d'autant plus fré- 
quentes que son lit était moins profond, devaient rendre im- 
possible un séjour constant sur ses bords. Il est plus probable 
que les tribus des plateaux supérieurs de la Bresse, descen- 
daient, pendant la belle saison, vers les bords du fleuve pour 
s'y livrer à la chasse, à la pêche, et peut-être aussi à la pré- 
paration des peaux, comme semblerait l'indiquer la présence 
de nombreux grattoirs. 

Des stations synchroniques, que je me propose d'étudier en 
détail, ont été déjà reconnues sur les hauts plateaux bressans. 

Aucune de mes fouilles n'a fourni de débris humains. 

Quant à l'abri sous roche de Poncin, il n'a pour moi 
d'autre intérêt que d'être la première station préhistorique 
explorée dans le grand massif jurassique du Bugey, compris 
entre le Rhône et l'Ain, et de donner la preuve de la présence 
de l'homme dans ces montagnes dès l'époque néolithique. 

L'état des lieux est le même que partout ailleurs et ne m'a 
fourni aucune observation nouvelle. 

t'abri est formé par une vaste saillie de la roche supérieure 
formant corniche au-dessus d'une assez large esplanade. Son 
exposition est en plein midi, sur le flanc d'une belle vallée, à 
dix ou quinze mètres au-dessus de l'Ain, dont les sables an- 
ciens forment le sol primitif de l'abri sous roche. , 

Les conditions d'exploration étaient d'ailleurs défavora- 
bles : la plus grande partie de la couche archéologique avait 
été enlevée et répandue sur les champs voisins. Nos fouilles 
ont donc porté sur un espace très-restreint. 

J'en ai extrait^ en présence de M. Sérulaz, membre de la 
Société d'émulation de l'Ain, de nombreux éclats de silex, des 
os brûlés et fragmentés, mais indéterminables, des débris de 
poteries. Ces objets forment sur certains points un conglomé- 
rat calcaire très-dur. Je m'appuie, pour rapporter cette station 
à l'âge néolithique, sur l'examen des débris de poterie, ramas- 
sés en place, dans la couche ancienne, parfaitement analogues 
à ceux des stations de la Saône, et sur un objet en pierre polie, 
et dont je n'ai pas eu encore l'occasion de rencontrer l'ana- 
logue. Il n'est pas en silejç, mais en pierre oiçfodien^e qu 



— 263 — 

corallienne, parfaitement travaillée et polie, malheureusement 
brisée à ses deux extrémités. 

D'assez nombreux petits fragments d'os paraissent ayoir 
été appointés pour servir de flèches. 

Les silex employés sont des silex de la crafe ; ils se pré- 
sentent à l'état de très-petits fragments ou éclats. Cette ma- 
tière ne devait pas être abondante pour les gens de Poncin, 
car je ne crois pas qu'il en existe de gisement dans le voisi- 
nage. Il m'a semblé qu'ils avaient dû la recueillir parmi les 
graviers et galets de l'Ain. Quelques éclats, en effet, présentent 
des surfaces polies qui doivent provenir de galets. 

M. Adrien Arçelin a joint à cette communication une coupe 
de l'abri sous roche de Poncin et la coupe théorique d'une 
berge de la Saône, d'après la moyenne des observations re- 
cueillies, avec les niveaux reportés à l'échelle du pont de 
MâcoD. 

M. SÉRULA8 confirme les résultats présentés par M. Arcelin 
dans sa note, en ce qui concerne l'abri de Poncin dont il a 
suivi les fouilles. 



Exploration du Pas de Grigny. 

M. Campagne, inspecteur de la navigation à Corbeil, a 
exploré, au Pas de Grigny, en face la commune de ce nom, 
dans le département de Seine^et-Oise, un gué de 160 mètres 
de longueur qui fut en usage pendant les âges de la pierre et 
du bronze. M. de Mortillet présente au Congrès les collections 
d'instruments de ces deux époques recueillis par M. Campagne 
pendant le draguage. On y remarque des instruments en silex 
qui proviennent certainement du Grand Pressîgny, des mar- 
teaux en pierre avec trou d'emmanchure, des haches de silex 
poli, une hache de bronze qui reproduit la forme de la hache 
de pierre, une autre à bords droits sur les côtés et talon mé- 
dian, d'autres enfin qui sont munies d'ailerons assez volumi- 
neux. M. Campagne a aussi recueilli un très-gros hameçon, 
des faucilles, des lames d'épées ou de poignards, des pointes 
de lances et un certain nombre d'épingles en bronze d'un 
type qui 9e reqcontrç ftssez fréqqerftment dans le lit de )^ 



— 264 — 

Seine. Parmi les ossements se trouve une corne de Bas pri- 
migeniûs et un fragment de bois de cerf avec unandôuiller 
formant pic. 

M. A. DE LoNGPÉRiER fait remarquer que parmi les épées 
tuouvées par M. Campagne, il en est une dont la lame est de ce 
type rare que lés armuriers désignent sous le nom de goutte 
de suif y vers Textrémité, la lame se rétrécit et semble avoir été 
coulée. La hache plate en bronze qui figure sur un des cartons 
présentés au Congrès et qui rappelle la forme des haches de 
pierre, se rapproche beaucoup de la hache américaine en 
bronze ou en cuivre, dont M. de Longpérier produit un échan- 
tillon provenant du Mexique. 

M. Desor. Cette hache de métal qui reproduit si bien le 
type des haches de pierre, me fournit un nouvel argument en 
faveur de? idées que j*ai précédemment émises. Les haches qui 
nous sont ici présentées sont rares en France et en Angle- 
terre, tandis que la hache à douille qui est commune dans 
ces deux pays, ne se retrouve pas dans cette collection, lien 
est de même pour les lances. Quant aux faucilles, elles portent 
un lalon qa*on ne trouve pas sur celles des habitations lacustres 
et qui ue se reti contre que sur celles des tombeaux.. 

M. DK MofiTiLLET fait observer que le pic en bois de cerf du 
^ Pas de Griguy, dont Tandouiller est usé par le service, res- 
semble à celui que possède M. le D"" Clément, provenant de la 
station lacustre de Saint-Aubin (fig. 52). 

M. Roujou possède un instrument du même genre qu'il a 
découvert dans une station de F âge de la pierre polie, près 
Choisy-le-Roi. Il ne s'étonne pas que des objets tels que ceux 
qui sont mis sous les yeux du Congrès se rencontrent dans un 
gué de la Seine, les stations de Tépoque néolithique étant très- 
communes le long de ce fleuve. Pour sa part, il en connaît six 
aux environs de Paris, parmi lesquelles il cite celle de la 
Folie, à Choisy, et celle de la sablière Baron, sur la commune 
d'Orly. 

M. DE RouGEMONT, revouaut sur la transition signalée à 
propos de la collection Campagne entre la pierre et le bronze, 
rappelle qu'en Irlande, pjius que partout ailleurs, les phéno- 
mènes de cet ordre sont extrêmement remarquables. Dans les 
trois classes de Cclts établies par les antiquaires du pays et 



- 265 — 

dont le musée de Dublin renferme de nombreux échantillons, 
on trouve encore des transitions qui Font beaucoup frappé. 



Fîg. 52. 




Tronçon de buis Je carf an îorm^ *le pk- 
1/2 grandeur. Lac de NeuchateL; LnilsiliQU CJ^- 
ment. Extrait des Paiafîttfs de M: Deior, 



Gela ne prouverait pas cependant que le bronze n'ait pas été 
introduit par le commerce ; mais il a été façonné par les indi- 
gènes sur des modèles qui leur étaient familiers. 



— . 266 — 



Habitations lacustres du lac dn Bonrget. 

M. Costa db Beauregard présente aux membres du Con- 
grès les objets qu'il a recueillis dans les draguages qu'il a feit 
exécuter cette année dans le lac du Bourget. Parmi les cu- 
rieuses pièces qu'il a tirées du fond des eaux, il faut citer des 
faucilles à talon , un couteau qui fait la transition entre le 
couteau proprement dit et la faucille, et un marteau à anneau 
latéral, le tout en bronze. 11 a exploré plusieurs stations dans 
le lac du Bourget: celles deGrésine, du Saut et de Ghâtillon sont 
les plus riches. Le fer se rencontre à Grésine ; parmi les pièces 
les plus curieuses de sa collection, M. Costa de Beauregard signale 
un couteau dont la lame est en fer et la poignée en bronze, 
et un bracelet en bois semblable à ceux des tumulus de l'âge 
du fer. Une seule pièce trouvée au Saiît permettrait de sup- 
poser que cette station remonterait à un âge plus ancien, c'est 
une corne de Bos primigenius. M. Costa de Beauregard croit 
qu'il ne faut pourtant pas conclure, d'après ce seul témoi- 
gnage, à l'existence de cette station pendant la période néo- 
lithique. 

M. Desor est très-heureux de voir cette collection, la pre- 
mière un peu complète que l'on ait réunie en France. Elle 
renferme des pièces uniques, une hache à douille carrée, par 
exemple, d'un type qui n'a pas encore été trouvé dans les lacs, 
mais qui abonde dans l'ouest de la France. Au Congrès de 
Neuchatel, l'année dernière, on a.traité cette question de savoir 
quels sont les analogues terrestres des peuples lacustres. On 
supposait que les habitants des pilotis devaient avoir à terre 
des dépendances telles que magasins, etc., où tout au moins 
qu'ils avaient dû déposer à peu de distance de leurs stations, 
les restes de leurs parents. M. le D' Clément (de Saint-Aubin) a, 
le premier, soulevé le voile qui nous dérobait la vérité. Il a dé- 
couvert aux abords des stations les plus riches du lac de Neu- 
chatel, de petits amas de cailloux d'un mètre de haut ^ur 
deux ou trois de diamètre. Ces petits monticules qu'on avait 
pris longtemps pour des murgier^^ entassema^t de pierres ep- 



— 267 — 

levées des champs, se rencontraient précisénaent loin des lieux 
cultivés, dans une forêt. L'hypothèse dont il vient d'être ques- 
tion n'était donc pas fondée. M. Clément fouilla, et sous les 
pierres il découvrit des cendres et du charbon. Dans ces pe- 
tits cairnsy notre savant compatriote a trouvé cinq faucilles de 
bronze à talon, des bracelets de bronze analogues à ceux des ha- 
bitations lacustres, etc. Aujourd'hui, M. Costa de Beauregard re- 
tire du lac du Bourget la faucille à talon qui manquait dans les 
lacs et se trouvait au contraire dans les murgiers. Cela lève les 
doutes qui pouvaient persister sur l'âge de ces derniers qui 
représentent par conséquent les cimetières par incinération des 
habitants de l'âge du bronze. 



Discussion sur le verre lacustre. 

M. Steudel résume rapidement quelques découvertes ré- 
centes, faites dans le lac de Constance. Le fait le plus intéres- 
sant qu'il ait à signaler se rapporte à l'existence de fragments 
de verre translucides et filigranes qu'il a déposés au Musée de 
Saint-Germain. 

M. VoGT. La présence du verre dans les lacs ne doit pas 
nous étonner. Il n'y a pas de réduction de métaux qui ne 
donne naissance à des silicates combinés avec diverses bases et 
colorés par des oxydes métalliques. La présence du verre est 
ici liée à celle du bronze, l'un remonte aussi haut que l'autre 
dans l'histoire. 

M. DE MoRTiLLET fait remarquer que ce verre est coulé, 
et qu'il a l'apparence du verre dit verre Gaulois^ des bords 
du Rhin. 

M. Steudel. Les fragments dont je parle sont évidemment 
des débris de divers vases apportés peut-être aux habitants du 
lac par le comnierce. Il me semble impossible que ces peuples 
qui étaient à peine sortis de l'âge de pierre aient fabriqué, 
pour ainsi dire du premier coup, des produits si parfaits d'une 
industrie supérieure. Je crois que le verre leur est venu du 
sud, peut-être des Phéniciens. 

M. A. de Longpkrier. Les Phéniciens ont, en effet, apporté 
à rit^lie m verre très-coloré, d'une pâte opaque, analogue k 



— 268 — 

celle des grains que divers archéologues, M. le D' Clément en 
particulier, ont trouvés dans les lacs, mais jamais ils n'ont fait 
de verre transparent comme celui du lac de Constance, 

M. Leguay. J*ai trouvé à la Varenne-Saint-Hilaire huit à dix 
fragments de scories ; un de ces fragments était taillé de la 
même façon que les éclats de silex enlevés sur les haches. 11 y 
a trois ans, j'ai recueilli un fragment de poterie celtique bien 
caractérisée, recouvert d'une patine de verre. Le verre peut 
avoir été, comme dit M. Vogt, le résultat de la fusion des mi- 
nerais qui ont fourni le bronze. Il est vrai qu'il n'y a pas de 
bronze à la Varenne, mais je n'en considère pas moins cette 
station comme Gauloise. 

M. Roujou croit qu'on doit se tenir en garde contre des dé- 
terminations du genre de celles qu'on vient de hasarder. Jamais 
il ne s'est rencontré de scories dans les stations de l'âge de la 
pierre qu'il a étudiées, à Choisy-le-Roi et à Villeneuve-Saint- 
Georges, ce qui vient à l'appui de l'idée précédemment émise 
que le verre est contemporain du bronze. 

M. Desor. Le verre a pris un développement extraordinadre 
à l'époque gauloise, les bracelets de cette matière sont même 
un des caractères des stations de cette époque. Â l'âge du 
bronze, on ne trouve le verre que très-rarement sous forme de 
petites perles bleues. 

M. CÉSAR Daly rappelle qu'il faut distinguer avec soin le 
verre produit d'une industrie, de celui que fournissent naturel- 
lement certaines contrées. Il a visité en Amérique la vieille cité 
des Quichéz ; dans toute l'étendue qu'elle a occupé, le sol est 
couvert de débris d'armes et d'instruments d'une matière 
vitreuse, d'origine volcanique, l'obsidienne. - 

M. Vogt. Toute fusion de métaux donne naissance à un 
verre; ce verre de production accidentelle n'a été que fort 
rarement utilisé ' à l'époque du bronze. La fabrication n'est 
venue que plus tard ; elle a créé le verre translucide. Dès lôrs 
qu'un verre est transparent, on doit le considérer comme rela- 
tivement moderne. Les pièces apportées en France par M. Steu- 
del sont transparentes et filigranées ; je crois qu'elles ont dû 
tomber dans le lac à une époque postérieure aux habitations 
lacustres de la pierre et même du bron^ize. 



'- 260 — 



Grotte de Saint- Jean-d*Alcas. 

M. Cartailhac lit une courte notice sur la grotte sépulcrale 
de Saint' Jean-d'Alcas, dans l'Aveyron. Parmi les objets décou- 
verts dans cette grotte, il signale surtout une petite statuette 
en jais, qu'il met sous les yeux des membres du Congrès et 
dont il distribue le dessin lithographie. 

Plusieurs membres élèvent des doutes sur la haujte anti- 
quité de cette statuette, et depuis M. Cartailhac lui-même a 
reconnu qu elle datait tout au plus du moyen âge. 

Les poteries et les ossements de la grotte de Baume (Jura). 

M. Emile Benoit fait sur une autre grotte la communication 
suivante : 

La grotte de Baume , près Lons-le-Saulnier, a été fouillée 
en 1865 par la Société d'émulation du Jura, sous la direction 
de l'un de ses membres, M. Cloz (Mémoires de la Soc, 1865, 
p. 398). Elle offre des particularités qui peuvent servir à la so- 
lution de questions importantes, parmi lesquelles je ne veux 
envisager maintenant que celle de la première apparition de 
rhomme sur le Jura et celle de la séparation du terrain ter- 
tiaire d'avec le quaternaire. 

Voici d'abord quelle est la position de la grotte : 

Elle est au fond de l'étroite vallée de Baume, entre un 
abrupt rocheux et un talus d'éboulis, l'un et l'autre d'une hau- 
teur de 65 mètres environ. Elle est à 447 mètres d'altitude et 
à 220 mètres au-dessus du niveau moyen de la plaine de la 
Bresse, dans laquelle la vallée de Baume débouche après s'être 
coudée. La grotte a 20 mètres de profondeur et 15 mètres de 
largeur. Elle a la forme d'un four à voûte surbaissée. Au fond 
est une petite excavation ascendante, ogivale, sans issue appa- 
rente, mais que des dépôts stalactitiques ont pu obstruer. Il 
importe peu, d'ailleurs, de savoir si le remplissage s'est fait par 
le fond ou par l'ouverture; il est dû évidemment à une action 
torrentielle. 



— 270 — 

J*ai établi ailleurs (BulL de la Soc. géoL de France ^ 4866, 
t. XXIII, p. 581) que cette action torrentielle date du com- 
mencement de Tépoque quaternaire, c'est-à-dire du débirt du 
phénomène glaciaire, l'existence d'anciens glaciers sur le Jura, 
et jtisque sur la preuHer plateau qui nous occupe, étant un fait 
désormais acquis à la science, quoique encore difficflement 
accepté. 

Voici maintenant des détails précis sur le remplissage de 
la grotte : 

i° Sur le roc inégal repose une couche d'argile jaune, ar- 
gilo-sableuse, très-homogène, un peu stratifiée, que l'analyse 
chimique et physique a démontré être formée des résidus inso- 
lubles de la décomposition spontanée de la roche jurassique; 
elle a 1 mètre d'épaisseur moyenne, mais cette épaisseur est 
plus grande vers les parois qu'au milieu de la grotte. Aucun 
débris fossile n'a été trouvé dans cette couche, qui peut s'être 
disposée avant et pendant l'époque tertiaire. 

2® Des couches de graviers usés et de sables lavés, en lits 
enchevétl'és, nivellent le plancher et ont jusqu'à 2 mètres d'é- 
paisseur au centre de la grotte. Aucun élément étranger aux 
roches jurassiques du plateau n'existe dans ces graviers et sa- 
bles. C'est surtout dans la base que se trouvent les ossements, 
représentés par quelques gros os friables et de nombreuses 
dents. Les tranchées ouvertes dans cette masse montrent qu'il 
s'agit ici d'un dépôt unique, non interrompu, tumultueux, tor- 
rentiel. La faune se compose de représentants des genres Vr- 
sHSy Hyenûy Sm, EquuSy Ekphas^ Rhinocéros^ Cervusy Bosy etc. 
Les espèces déterminées sont YUrsus spelœùs^ le Rhinocéros 
tichorrhinus et le MaeAaircdus laiidem^ Owen, qui était un 
grand chat de la taillé du lion. On y distingue deux bœufs, 
deux ours et au moins deuit cerfs. Quelques fragments d'ivoire, 
seuls représentants du genre éléphant, appartiennent proba- 
blemeilt à VElèphas primigemm^ dont les débris se trouvent 
fréquemment sur les premiers gradins du Jura. 

Or cette faune est celle que l'on rencontre habituellem^t 
dans les terrains quaternaires. C'est donc ici que se trouve- 
raient les débris humains, si le massif du Jura iie paraissait 
devoir rester à jamais stérile à l'égard des témoignages de 
l'homme quaternaire* 



— 271 — 

Mais qu'est cette faune étrange d*animaux antagonistes 
enfouis dans un seul et même dépôt torrentiel? Est-elle tertiaire 
ou quaternaire ? Les faits géologiques de la contrée, dont la 
description ne peut trouver place ici, démontrent que cette faune 
vivait au commencement de l'extension des glaciers; c'est-à- 
dire que c'est la dernière faune tertiaire enfouie dans un dépôt 
quaternaire. Sur ce point du Jura elle a donc été détruite par 
l'invasion lente des intempéries et du froid ; c'est par consé- 
quent une faune limite entre la fin de l'époque tertiaire et le 
commencement de l'époque quaternaire ; c'est un type pré- 
cieux. 

S'il n'y a eu, comme je le crois^ qu'une seule époque gla- 
ciaire, il est évident que son début marque le début de l'époque 
quaternaire; que ce début a été torrentiel ; qu'il faut en tenir 
compte dans la chronologie des terrains ; qu'il faut en poursui- 
vre de proche en proche les manifestations jusque dans les 
vallées et régions lointaines où l'influence du voisinage des 
glaciers ne se faisait même plus sentir, mais où l'action tor- 
rentielle^ caractéristique de l'époque, s'est encore grandement 
manifestée. On reconnaîtra alors que la similitude de succession 
des dépôts fait cesser l'incertitude sur la ligne de séparation 
de ce qui est quaternaire d'avec ce qui est tertiaire. 

Les phases successives du phénomène glaciaire montrent 
que les animaux ont été progressivement refoulés loin des 
montagnes placées sous l'influence de la cause qui a produit 
les anciens glaciers; de même ils ont pu revenir après le 
retrait de ces glaciers. Par exemple, quand les glaciers avaient 
tout détruit sur le Jura, le renne habitait le midi de la France 
et a pu revenir sur le Jura après les glaciers, ce qui cadre bien 
avec les gisements connus du renne. 11 y a eu très-naturelle- 
ment des migrations semblables pour les autres animaux, même 
pour l'homme. Ce ne serait donc pas une proposition absurde 
de dire que la première faune quaternaire est encore tertiaire, 
puisqu'elle a été détruite presque brusquement sur certains 
pcHuts du globe. 

Entre l'époque tertiaire et l'époque tempérée actuelle, il y 
a l'époque glaciaire. Je ne crois pas au grand froid dont on a 
parlé pour l'expliquer. J'ai déjà dit ailleurs {Bull, de la So(\ 
géoL de France, 1863, t, XX, p. 323) que de nombreuses con- 



— 272 — 

sidùiations; tirées de la paléontologie des animaux et des végé- 
taux me portent à penser qu'il n'y a pas eu d'interruption 
dans les conditions cosmiques, mais seulement un abaissement 
passager des divers niveaux des lignes isothermes de l'atmo- 
sphère ; que la chaleur solaire a eu sans interruption la même 
action sur la surface terrestre ; qu'il ne £aut pas chercher la 
cause des glaciers dans quelques perturbations des lois de la 
nature. 

3° Le plancher de la grotte de Baume est formé, sur 20 à 
.30 centimètres d'épaisseur, d'une accumulation indéfinissable de 
terres diverses, poussières, débris ou résidus de feuilles et de 
végétaux, fragments de calcaire tombés de la voûte ou rema- 
niés sur place. C'est là que se trouvent, dans lin ordre de su- 
perposition visible, des poteries très-grossières à la base, des 
poteries déjà ornées et d'autres objets archéologiques au mi- 
lieu, et enfin, vers la surface, des poteries encore plus parfaites, 
mêlées avec d'autres poteries certainement celtiques et même 
gallo-romaines. 

Les traces de la première apparition de l'homme sur ce 
point du Jura sont dans cej;te couche tout à fait superficielle 
de la grotte, c'est-à^jaTré^viennent après l'époque glaciaire. 

J'ai examiné par analyse chimique et physique lès poteries, 
qui sont toutes brisées. Je ne parlerai ici que des plus infé- 
rieures, c'est-à-dire des plus anciennes. Celles-ci sont gros- 
sières, épaisses, non tournées, quelquefois avec des impressions 
digitales ; elles ne sont pas cuites, mais il y en a qui ont été au 
feu à en juger par la matière noire organique qui pénètre plus 
ou moins la paroi interne et par la rubéfaction de la paroi 
externe. La terre employée à la fabrication provient de trois 
gisements, qui sont : les argiles du sol de la Bresse, puis les 
argiles ferrugineuses du plateau jurassique, ayant encore des 
parcelles calcaires et même des débris d'encrines, enfin une 
terre étrangère au pays, que l'on ne retrouve identique que 
sur le col de Montchanin, Blanzy, Montceau-les-Mines, où 
existe un granit très-ancien, altéré et décomposé sur de gran- 
des profondeurs. C'est un granit à grandes paillettes de mica, 
à feldspath rose et quartz amorphe, éléments constitutifs de la 
terre végétale sur ce col ; les tuiles qu'on y fabrique aujour- 
d'hui ont une pâte identique à celle de la poterie de la grotte 



— 273 — 

de Baume. Or cette poterie étant la plus ancienne, j'en conclus 
pour le moment, et sans préjudice des découvertes à venir, que 
l'homme est arrivé sur le Jura après l'époque glaciaire ; qu'il 
est venu du bassin de la Loire dans le bassin de la Saône, et 
déjà muni de poteries prises sur le col en question ; que cette 
marche est conforme à sa migration de l'ouest à l'est, déjà ob- 
servée par les monuments mégalithiques, remontant les vallées 
de la Garonne, de la Loire et de la Seine ;' qu'ainsi il ne serait 
pas arrivé sur le premier plateau du Jura en remontant le 
Rhône. De plus, je crois pouvoir dire que la comparaison des 
faunes, tant à l'Exposition universelle que dans les collections 
publiques et particulières, conduit à fixer la première appari- 
tion de l'homme sur le Jura au commencement de l'époque de 
la pierre polie dans cette contrée de l'Europe. 11 est bien en- 
tendu qu'il s'agit ici de l'homme préhistorique et non de 
l'homme quaternaire, bien qu'entre les deux la chaîne semble 
ne devoir pas être interrompue. 

M. Ed. Lartet fait remarquer que l'exploration de la grotte 
de Baume, dirigée avec beaucoup de méthode , a fourni des 
résultats d'un haut intérêt. Les animaux qu'on y a rencontrés 
sont un proboscidieriy dont il est impossible de déterminer 
l'espèce (éléphant ou mastodonte); un rhinocéros qui n'est pas 
le tichorrhinus^ mais qui est plus ancien ; un bœuf d'une autre 
espèce que le primigenius^ deux ours, dont l'un est peut-étref 
le grand ours des cavernes; le Machairodus latidens qui est 
pliocène, un cheval et un cerf qui sont tertiaires. Tous ces ani- 
maux, détruits, a-t-on dit, pendant la période glaciaire, ont 
vécu avant, pendant et après cette époque, qui d'ailleurs a 
commencé longtemps avant l'extension des glaciers, puisque 
le crag de Norwich renferme des coquilles arctiques. M. Desor 
et M. Vogt pourront à ce sujet exposer à l'assemblée des con- 
clusions inattendues sans doute de la plupart de ceux qui la 
composent. 



Théorie de Tépoque glaciaire. 

M. Ed. Lartet, président, invite M. Desor et M. Vogt à 
faille connaître leur opinion sur les conditions climatériques de 

48 



— 271 — 

l'époque glaciaire et le caractère de sa faune et de sa flore. 

M. Desor. La formation quaternaire présente un intérêt 
tout particulier en Suisse, par la raison que l'on y est plus près 
du foyer de l'action glaciaire, et que les dépôts correspondant 
aux différentes phases de cette remarquable période y sont 
beaucoup plus nets et susceptibles d'un classement plus rigou- 
reux qu'ailleurs. 

Au point de vue anthropologique, il n'est pas indifférent de 
savoir si ces différents dépôts renferment des traces de l'homme 
primitif, de manière à faire supposer qu'il a été contemporain 
des grandes glaces ou qu'il les a même précédées. 

En d'autres termes, l'homme a-t-il vu les glaciers descen- 
dre du sommet des Alpes et envahir successivement les gradins 
inférieurs, puis la plaine suisse tout entière, en même temps 
que de l'autre côté de la chaîne alpine les glaces s'avançaient 
jusqu'à l'extrémité des lacs Majeur et de Gôme? Les dépôts de 
Schussenried, avec leurs silex taillés et leur faune boréale, dont 
on vous a entretenus dans une précédente séance, proclament 
assez haut que le climat du Wurtemberg, à l'époque où l'homme 
cherchait un abri dans les creux de la grande moraine du gla- 
cier du Rhin, devait être sensiblement plus froid que de nos 
jours, ce qui autorise la supposition qu'à cette époque les en- 
virons du lac de Constance étaient sous l'influence de quelque 
grand glacier. 11 devait en être de même lorsque le renne et 
l'homme vivaient ensemble près de Genève, dans les cavernes 
du SalèveS ou lorsque le mammouth et le rhinocéros aux na- 
rines cloisonnées se promenaient dans la plaine suisse. 

Ceci devait se passer à la fin de la période glaciaire, alors 
que les glaciers s'étaient définitivement retirés 'de la plaine 
et que la végétation avait eu le temps de se développer avec 
assez d'abondance pour servir de pâture à ces grands her- 
bivores. 

Mais nous possédons en Suisse des indices d'une autre faune 
glaciaire, qui paraît remonter plus loin dans la période quater- 
naire. Ce sont les débris de VElephas antiquuSyFa\c.,ei du Ithi- 
noceros Merkii^ Jacq. {Rh. leptorhinus^ Owen) qu'on trouva au 
milieu des lignites de Dûrnten, dans le canton de Zurich^ et 

1. Voy. Troyotij V Homme fossile j p. 95 i 



— 275 — 

qui ailleurs sont les contemporains de Thomme, de même que 
l'ours des cavernes des lignites d'Utznach. 

Il n'y a pas longtemps que l'on était porté à envisager ces 
dépôts des cantons de Zurich et de Saint-Gall comme amé- 
glaciaires ; mais il résulte d'observations récentes qu'ils repo- 
sent sur une couche de glaise renfermant des galets qui ne 
peuvent être qu'erratiques. On a voulu les rapporter dès lors à 
une seconde époque glaciaire, opinion qui avait sa raison d'être 
' aussi longtemps qu'on se représentait le phénomène glaciaire 
comme une catastrophe de courte durée qui serait survenue 
subitement, enveloppant toute la création dans un vaste lin- 
ceul. Aujourd'hui que tout concourt à nous faire admettre que 
le phénomène des glaces embrasse une longue période, riche 
en péripéties diverses, on ne saurait guère voir dans cette soi- 
disant seconde époque glaciaire qu'une phase, une épisode 
de la grande période que nous étudions. Pour nous, cette pé- 
riode est une, mais pendant sa longue durée les glaciers ont 
dû subir des oscillations proportionnelles à leur étendue, don- 
nant lieu tantôt à un avancement, tantôt à un retrait. C'est 
pendant un de ces retraits séculaires * que les bords des lacs 
de [Zurich et de Pfaefikon ont dû se couvrir d'une abondante 
végétation marécageuse qui a fourni la substance du lignite, 
en même temps qu'elle servait de pâture aux grands pachy- 
dermes de l'époque. Plus tard, le glacier de la Linth aura de 
nouveau envahi ces régions en recouvrant les pelouses et les 
tourbières d'un amas de graviers et de blocs erratiques. 

Ailleurs, c'est Tours des cavernes, cet autre contemporain 
de l'homme, qui nous a laissé ses débris en grand nombre, non 
plus dans les lignites et les graviers, mais dans les cavernes du 
Jura. Il est une de ces cavernes, celle de Cotencher, dans le Val 
de Travers, qui présente un intérêt spécial, par sa situation au 
milieu de la zone des blocs erratiques et à une hauteur de 
150 mètres au-dessus du niveau de la rivière. Les ossements 
et dents d'ours qui en ont été retirés en grand nombre par les 
soins de MM. les ingénieurs Knab et Otz, sont empâtés dans 



I . M. Heer a calculé que la couche de lignite de DUrnten exigeait 
2,400 ans, en admettant une croissance de la tourbe d'un pied par siècle» 
Voy. Urwelt der Schweiz, p. 486. 



— 276 — 

une espèce de béton composé de limon et de cailloux roulés. 
Parmi ces derniers se trouvent des galets des Alpes. Ce fait est 
significatif. En effet, les galets alpins n'ayant pu être amenés 
dans le Val de Travers que par les glaciers, il s'ensuit qu'ils 
n'ont pu s'entasser dans une caverne à 150 mètres au-dessus 
du fond de la vallée et s'y mélanger aux débris des ours qui 
y trouvaient un refuge, qu'à la condition que cette caverne 
existât, car les glaciers n'auraient pas été capables de la 
creuser. Or, du moment que la caverne est antérieure aux gla- 
ciers, il faut bien que les animaux qu'elle abritait, et spé- 
cialement l'ours des cavernes, aient précédé, dans le Jura, le 
phénomène glaciaire. L'ours des cavernes remonterait ainsi à 
une époque plus reculée que l'éléphant et le rhinocéros des 
lignites de Zurich. Il serait à la fois glaciaire et antéglaciaire. 

La présence de l'ours des cavernes au milieu de la zone 
glaciaire soulève une autre question qui mérite également 
d'être examinée. Nous avons dit que la grotte de Cotencher est 
creusée dans une voûte ou pli du Jura. Il en est de même de 
la grotte de Baume, sur le flanc nord du Jura, qui, d'après 
M. Benoît, renferme, outre l'ours des cavernes, des débris 
d'éléphant, de rhinocéros et d'un grand chat. Le Jura devait 
donc avoir, à l'époque où ses cavernes étaient habitées, son 
relief actuel, qui n'a pas changé pendant l'époque glaciaire, 
ce qui est du reste confirmé par la distribution des blocs et 
des matériaux erratiques sur le flanc des montagnes. 

Mais de quelle époque date ce relief? Nous n'en sommes 
plus au temps où l'on prétendait déterminer l'âge des mon- 
tagnes par leur direction. 

Nous ne croyons pas nous tromper en posant en fait qu'il 
est démontré aujourd'hui que les Alpes et le Jura sont contem- 
porains, ou du moins que le même soulèvement leur a donné 
leur relief actuel, l'un n'étant en quelque sorte que l'écho ou 
le contre-coup de l'autre. Si donc les cavernes creusées dans 
ce relief ont existé et ont été habitées avant que les galets des 
Alpes y- fussent introduits, il faut qu'il se soit écoulé un cer- 
tain espace de temps entre le soulèvement des Alpes et du 
Jura et l'extension des glaciers. Ce temps aurait même été 
assez long, si l'on en juge par la profondeur et l'étendue des 
cavernes, qui, chez nous, sont le résultat de l'érosion atmo- 



— 277 — 

sphérique, c'est-à-dire d'une action très-lente. Et s'il en est 
ainsi, le phénomène glaciaire ne serait pas la conséquence du 
soulèvement des Alpes, comme beaucoup de géologues sont 
enclins à l'admettre. 

Resterait à déterminer dans quelle époque géologique la 
phase de l'histoire de notre sol, comprise entre le soulèvement 
des Alpes et l'extension des glaciers, doit rentrer. Est-elle ter- 
tiaire ou quaternaire? Nous n'ignorons pas que plusieurs des 
ossements des cavernes en question ont été qualifiés de plio- 
cènes. Mais cela même ne saurait résoudre la question à nos 
yeux, par la raison que rien n'est plus vague et plus indécis 
que les limites de cette formation. Qu'il nous suffise de con- 
stater que l'homme primitif et ses contemporains, spéciale- 
ment l'ours des cavernes, n'ont pas seulement été témoins des 
péripéties diverses de l'époque glaciaire, mais qu'ils existaient 
déjà dans les vallées suisses avant ce grand événement. 

Ceci nous conduit à aborder une autre question qui se pose 
naturellement à la suite de tant de résultats inattendus dans 
l'étude de notre race, c'est de savoir si l'homme primitif a 
existé avant le soulèvement de nos montagnes, s'il est anté- 
alpin ou post-alpin. Il est vrai, que ceux qui ne veulent voir 
dans le soulèvement des Alpes qu'un phénomène exclusivement 
lent, pourraient récuser cette question, en prétendant que rien 
n'empêche que l'homme primitif, et les animaux dont les 
débris sont mêlés aux siens, n'aient fait leur apparition pendant 
que le soulèvement s'opérait, si bien que l'homme antéhisto- 
rique, aurait vu non-seulement les glaciers se développer, mais 
aussi les Alpes surgir. 

Nous ne voudrions cependant pas aller trop loin dans cette 
direction. Non-seulement aucun fait n'est venu jusqu'ici ap- 
puyer la présence de l'homme avant les Alpes ; mais il nous 
semble que s'il est un événement qui soit de nature à expli- 
quer un remaniement de la création et à servir de point de 
départ pour un ordre de choses nouveau, c'est bien le grand 
phénomène du soulèvement des Alpes et du Jura, auquel se 
rattache sans doute la formation de la Méditerranée. Jusqu'à 
preuve du contraire, nous inclinons à envisager l'homme ' 
comme postérieur à cette grande crise, comme post-alpin. 

M. Ed. Lartet. Paléontologiquement, les climats de France 



— 278 — 

et d'Angleterre devaient présenter de moindres écarts à cette 
époque. Le renne vivait en plaine Tété comme l'hiver, ainsi 
que le bouquetin, le bœuf musqué, le chamois. Par suite des 
changements dont on vient de parler, ces animaux ont émigré 
les uns en altitude, les autres en latitude. Il est certain que les 
mers aussi étaient plus froides alors ; la Méditerranée conte- 
nait des animaux arctiques, le narval et le morse ont été 
découverts dans le forest bed, 10 à 15° au sud des lieux qu'ils 
fréquentent aujourd'hui. Le Gulf-stream n'exerçait pas alors 
son influence. Les relations des terres et des mers ont beau- 
coup changé. J'ajouterai qu'il est vraisemblable que l'Egypte, 
la Lybie et la Grèce étaient alors submergées. 

M. A. DE LoNGPÉRiER. L'Egypte n'existait pas alors, a dit 
M. Lartet, et cependant, plus de quarante siècles avant l'ère 
chrétienne, elle produisait des œuvres tellement parfaites, tel- 
lement supérieures à celles qu'elle a faites depuis, qu'il faut 
presque considérer toutes les époques qui suivent comme une 
décadence. Il faut qu'elle ait reçu une très-longue éducation 
pour arriver à produire des statues en pierre dure et en 
bois, dénotant un immense talent et une observation profonde 
des formes anatomiques, comme celles qu'on peut voir à 
l'Exposition universelle. C'est un argument très-puissant en 
faveur de l'antiquité de cette terre. J'ajouterai que l'usage des 
métaux y est extrêmement ancien, et l'on pourrait presque dire 
que l'emploi du fer est antéhistorique en Egypte, si ces époques 
lointaines n'étaient pas rattachées à la nôtre par une littérature. 

M. DE QuATREFAGES. M. Lartet disait tout à l'heure qu'il 
n'y avait peut-être ni Libye, ni Egypte pendant la période 
glaciaire. Ceci donnerait l'explication d'un fait dont on a vai- 
nement cherché à se rendre compte. Au nord d'une ligne par- 
tant du Sénégal, passant par > le lac Tchad et redescendant 
ensuite vers l'équateur, on ne rencontre pas de populations 
nègres ; toute la partie septentrionale de l'Afrique a reçu 
d'autres races, qui auraient ainsi peuplé des régions qui ne 
sont devenues habitables que plus tard. 

M. VoGT. Je demande à ajouter quelques mots à la commu- 
nication de M, Desor. Nous avons maintenant la preuve que la 
même faune et la même flore ont existé avant, pendant et 
après la période glaciaire. Ce qui auraitb esoin d'explications 



— 279 — 

c'est surtout le climat d'exception sous lequel nous vivons, le 
méridien de la Norvège est en moyenne le plus chaud de la 
terre. Nous trouvons une explication de ce qui a dû se 
passer chez nous à l'époque glaciaire dans ce que l'on voit 
aujourd'hui encore à la Nouvelle-Zélande, où les glaciers des- 
cendent presque au bord de la mer, et qui néanmoins est cou- 
verte d'une végétation méridionale, qui représente la zone des 
palmiers. En Norvège, il n'y a qu'un seul glacier qui soit 
presque au bord de la mer, c'est celui de l'Isefiord. On peut 
expliquer les changements qui se sont produits depuis cette 
époque lointaine en se reportant aux modifications qu'a subies 
la configuration de l'Europe. Notre climat est aujourd'hui con- 
tinental, il était autrefois plutôt insulaire. La moyenne a peu 
changé, mais les étés étaient moins chauds, les hivers plus 
doux, et la végétation se rapprochait de celle des pays plus 
voisins de l'équateur. A Paris, il fait bien plus froid l'hi- 
ver qu'à Hammerfest (Nordland); les registres météorologiques 
de cette ville compulsés avec soin n'ont permis de constater 
qu'une seule fois une température de — 11" Réaumur dans 
l'espace de douze ans. Ceci accepté, on comprend la possibilité 
pour les grands animaux éteints de vivre à côté des glaciers, 
à une époque où le Sahara était une mer, où la Finlande était 
une île, où le Danemark était uni à la Scandinavie, la Grande- 
Bretagne à la France, où sans doute aussi la plus grande partie 
de la Sibérie, d'où nous viennent aujourd'hui les vents glacés 
du N. E., était sous les eaux. 

De nos jours, le Gulf-stream nous amène un vaste courant 
d'eau chaude, le vent du Sahara fond les glaces et les neiges 
des Alpes, etc. L'Europe est sortie des conditions normales du 
globe entier dans lesquelles elle était jadis. 

La séance a été levée à 5 heures. 

L'un des secrétaires^ 
E. T. Hamy. 



— 280 — 



MERCREDI 28 AODT. 



VISITE DES COLLECTIONS 



LA SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE. 



A neuf heures du matin, une partie des membres du Con- 
grès international se sont trouvés réunis au local des séances 
de la Société d'Antropologie de Paris, rue de l'Abbaye, 3. 

Ils ont visité, sous la direction de M. le D"" Paul Broca, 
secrétaire général de cette Société, les collections qui ont été 
recueillies depuis sa fondation en 1859. Ces collections com- 
prennent un petit musée ethnographique et paléontologique 
qui a quelques mois à peine de date et une collection considé- 
rable de crânes et autres ossements humains. Les antiquités 
américaines adressées à la Société par MM. Lucien Biart, Des- 
truges et Moreno Maïz ont surtout fixé l'attention des visiteurs 
dans la première salle ; dans la seconde, où sont disposées les 
pièces anatomiques, ils ont plus spécialement étudié la belle 
série de crânes préhistoriques que possède la Société. A côté 
des moulages des principales pièces quaternaires connues, se 
trouvent en originaux les crânes de Lombrives, de Maintenon, 
de Chamants, d'Argenteuil, de Quiberon, etc., tous de la 
période néolithique, ceux d'Orrouy qui appartiennent à l'âge 
de bronze, ceux de Méloisy qui sont de l'âge de fer, enfin 
la belle collection rapportée des dolmens de Roknia, en Algé- 
rie, par M. Bourguignat. 

Les membres du Congrès ont aussi donné une attention 
particulière aux crânes basques de MM. Broca et Velasco, aux 
crânes parisiens de M. Broca, aux crânes toulousains de 
M. Filhol, enfin aux remarquables séries exotiques (syriens, 
égyptiens, nouveaux-calédoniens, etc.) que possède la Société. 



— 281 — 

Dans la même salle se trouvent les moulages adressés par 
M. Vogt comme pièces justificatives de son mémoire Sur les 
Microcéphales j couronné par la Société en 1867. M. Vogt est 
entré à leur sujet dans quelques détails sur les conclusions de 
ce célèbre travail. M. Pruner-Bey, répondant à M. Vogt, a 
maintenu les objections qu'il a précédemment posées à notre 
collègue de Genève. 

On s'est séparé à dix heures et demie. 

Plusieurs membres du Congrès qui la veille n'avaient pu 
aller visiter l'exposition mexicaine s'y sont rendus sous la con- 
duite de M. Adrien de Longpérier, qui a bien voulu faire une 
seconde fois les honneurs de cette remarquable exposition dont 
il est un des plus actifs organisateurs. 

Lun des secrétaires y 

E. T. Hamy. 



— 282 — 



SÉANCE DU MERCREDI 28 AOUT. 

PRÉSIDENCE DE M. AUG. W. FRANKS. 

L'un des vice-présidents. 



La séance est ouverte à sept heures trente minutes du soir. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Président annonce qu'on votera demain sur les proposi- 
tions relatives au Congrès de 1868. Plusieurs membres de- 
mandent qu'on ajoute Heidelberg, à l'Angleterre et à la Bel- 
gique, pays déjà proposés pour la réunion du Congrès de Tan 
prochain. 

Le secrétaire général donne rendez-vous pour après- 
demain, à dix heures du matin, à la station de la porte de 
Courcelles, aux membres du Congrès qui voudront visiter les 
carrières quaternaires de Levallois et de Grenelle. 



Discussion sur les animaux mythologiques. 

M. Albert Gaudry remet une note imprimée intitulée : 
des Lumières que la géologie peut jeter sur quelques points de 
l'histoire ancienne des Athéniens. 11 donne à ce sujet les expli- 
cations suivantes : 

Dans la note que j'ai l'honneur d'offrir au Congrès, j'ai 
exprimé l'opinion que les légendes des anciens Grecs sur les 
êtres gigantesques ou monstrueux, ont été principalement ba- 
sées, non pas sur la découverte des débris d'animaux pétrifiés, 
mais plutôt sur la tradition d'animaux qui ont été connus à 
l'état vivant, soit pendant l'époque quaternaire, soit dans le 
commencement des temps historiques. Ainsi il serait naturel de 
penser que le gisement de Pikermi, situé entre Athènes et Ma- 
rathon, c'est-à-dire près d'une route autrefois fréquentée, a 



— 283 — 

frappé les yeux si perspicaces des Grecs; les os des masto- 
dontes, des dinothériums, des rhinocéros, de rancylothérium, 
de rhelladothérium, de la girafe auraient dû attirer l'attention, 
sinon par leur forme spéciale, au moins par leur grandeur 
extraordinaire. Cependant rien ne m'a fait soupçonner que les 
fossiles de Pikermi aient été observés dans l'antiquité et qu'ils 
aient été les originaux auxquels les artistes ont dû leur inspira- 
tion lorsqu'ils ont représenté les animaux de la mythologie. 
On ne saurait prétendre que le sanglier d'Érymanthe, la chèvre 
Amalthée, le taureau de Marathon, le lion de Némée, Pégase 
ou l'hydre de Lerne aient été des représentations d'espèces de 
Pikermi. Dans mon ouvrage sur les an|maux fossiles de l' Attique, 
j'ai cherché à montrer que le sanglier, nommé par Wagner 
sanglier d'Érymanthe était |distinct du sanglier de la fable, 
que l'animal appelé chèvre Amalthée par le même naturaliste 
n'était pas une chèvre, que le fossile inscrit par Wagner sous 
la désignation de bœuf de Marathon, était du groupe des che- 
vaux. On ne trouve pas à Pikermi de lion parent du lion de 
Némée, mais un machairodus, puissant carnassier que les 
artistes n'auraient pas manqué de re^Nrésenter s'ils eussent 
connu ses étranges canines en forme de lame de poignard; 
le cheval fossile nommé hipparion qui est si commun dans 
r Attique, n'a aucun rapport avec Pégase; quant à l'hydre de 
Lerne, c'est un produit encore plus fantastique que Pégase. 

M. Henri de Longpkrier. Il ne parait pas qu'on puisse 
ranger dans la même catégorie tous les animaux que nous 
voyons figurer dans la mythologie hellénique. Il y en a de pu- 
• rement symboliques, et Pégase est incontestablement de ce 
nombre. La forme plus ou moins fantastique de ceux-ci, leur 
corps composé d'éléments empruntés à des animaux d'espèces 
différentes et soudés les uns aux autres, étaient aux yeux des 
anciens instruits, l'expression matérielle de conceptions reli- 
gieuses, une sorte de rébus destiné à figurer un dogme aux 
yeux du peuple, à lui faire entrer dans la mémoire une abs- 
traction au moyen d'une image sensible. La foule ignorante 
seule a pu, dans la suite, être tentée de crohre à l'existence 
réelle de ces monstres. Il n'en est pas de même pour Jes ani- 
maux de grandes dimensions que les héros grecs ont à com- 
battre et finissent par dompter. Ces fables sont probablement 



— 284 — 

nées d'un souvenir éloigné des luttes terribles que Thomme 
des premiers temps dut soutenir contre les carnassiers et les 
sauriens de grande taille. Je n'oserais donc pas accepter le 
rapprochement que propose M. Gaudry, entre l'hydre de 
Lerne et Pégase, puisque leur apparition dans l'antiquité figu- 
rée est due à deux sources différentes. L'idée de l'hydre de 
Lerne est vraisemblablement, comme celle des oiseaux de 
Stymphale, du lion de Némée, des sangliers d'Érymanthe, de 
Cromnion et de Calydon, des taureaux de Crète et de Marathon, 
le résultat de traditions qui ont leur source dans des faits véri- 
tables ; c'est seulement la forme multiple du serpent hécaton- 
tacéphale qu'il faut regarder comme une modification due à 
l'imagination fertile et capricieuse des Grecs. Elle put être 
inspirée en cette occasion par la vue des innombrables bras 
du poulpe, si commun sur les côtes de la Méditerranée. On 
sait que, comme eux, les têtes de l'hydre avaient la faculté de 
repousser, dès qu'on les coupait. 

M. A. DE LoNGPÉRiER fait observer qu'il ne reste, parmi les 
fragments de bas-reliefs recueillis à Olympie, qu'une bien 
petite partie du sanglier d'Érymanthe, à savoir la portion an- 
térieure du groin munie de défenses, toutes deux dirigées dans 
le même sens ; la dent supérieure, que les veneurs nomment 
grèsy étant retroussée, ce qui indique un individu vieux ou miré 
pour employer le terme de chasse*. Il est donc impossible à 
l'aide d'un si minime fragment, de se faire une idée exacte de 
ce que pouvait être le corps de la bête. Évidemment ce débris 
n'a pu être d'une grande utilité pour les recherches de Geof- 
froy-Saint-Hilaire. M. Gaudry n'a mentionné que le sanglier 
d'Olympie; mais nous possédons de nombreuses images du 
monstre érymanthien, sur les vases peints tant à figures noires 
qu'à figures rouges; et des animaux de la même espèce sont 
souvent représentés sur les vases à fond pâle, de fabrique 
corinthienne très-antique, ou reproduisant le style de cette 
fabrique. 

— Un membre du Congrès dit qu'il serait intéressant d'étu- 
dier, à l'aide de l'histoire et de la géologie, les traditions re- 
latives aux combats des héros contre les animaux fabuleux, et 

\. Voir dansClarac, Musée de sculpture, t. II, pi. 195 his^ n° 2H H. 



— 285 — 

particulièrement contre les dragons: il invite M. de Longpé- 
rier à examiner cette question. 

M. A. DE LoNGPÉRiER répond : 

D'abord^ en ce qui concerne les dragons, il ne faut pas 
perdre de vue que, pour les anciens, les mots Apaxcov, DracOy 
ne représentent que des serpents de forme naturelle. Les Dra- 
cônes figurés sur les monuments grecs et romains ne sont pas 
ailés. C'est seulement dans l'Apocalypse que nous voyons appa- 
raître un Draco combattant, dans le ciel, contre saint Michel et 
ses anges, ce qui a conduit à représenter ce Draco ailé comme 
ses antagonistes Mine conception des bas temps ne saurait être 
rattachée à la connaissance des êtres antédiluviens. Ensuite, 
quant aux animaux ailés, comme les Pégase, les sphinx, les 
taureaux et les sangliers qui se voient sur les médailles de 
TAsie Mineure, leurs figures proviennent de l'Asie occidentale, 
(Babylonie, Assyrie, Phénicie, Perse). On sait que les artistes 
de ces contrées donnaient des ailes aux animaux et à la figure 
humaine prise dans un sens symbolique ou religieux. Ces attri- 
buts exprimaient une nature céleste, parfois aussi une idée 
de rapidité et de mouvement : Ta Se Turepà r/)v Tajç^u-r/jTa t^ç 
xivvÎGeox; SriXot, dit Suidas, en parlant de Priape. Les Grecs ont 
reproduit les images asiatiques sans en avoir toujours bien com- 
plètement pénétré le sens. Puis vinrent les légendes basées 
sur les représentations mal comprises qu'elles entreprenaient 
d'expliquer. Par exemple la monnaie de Glazomène a pour 
type un sanglier ailé, évidemment symbolique ; Mlien nous 
apprend qu'on avait bâti là-dessus une fable : un sanglier ailé 
avait ravagé les terres de Glazomène*. G'est un bon fonds de 
légende qui implique toujours un héros libérateur. Depuis Bel- 
lérophon jusqu'à Dieudonné.de Gozon qui tue le dragon ailé 
de Rhodes, le roman se présente toujours de la même ma- 



4. Apocalyps. xii, 7, 9. Et faclum est prœlium magnum in cœlo, 
Michael et angeli ejus praeliabantur cum Dracone, et Draco pugnabat et 
angeli ejus... Et projectus est Draco ille magnus, serpens antiquus, qui 
vocatur diabolus et satanas, qui seducit universum orbem. — Le mot anti- 
quus fait allusion au rôle que le serpent joue dans le troisième chapitre 
de la Genèse. Là il est nommé oçi; par les Septante. 

2. De animalium natura, lib. XIÏ, cap. xxxviii. 



— 286 — 

nière. Une anomalie apparente, résultant de conceptions philo- 
sophiques, engendre une histoire fantastique. 

M. de Longpérier regrette l'absence de son savant ami 
M. Maury, si compétent en cette matière qui, dans un livre re- 
marquable, a étudié tout particulièrement l'influence des re- 
présentations de l'art sur les légendes du moyen âge. Ce qui 
s'est produit dans l'antiquité au sujet des héros s'est répété 
au moyen âge au sujet des saints, ces héros d'une nouvelle 
croyance. Au sanglier ailé de Glazomène, il faut assimiler le 
dragon que réduisent et enchaînent tant de saints personnages, 
saint Romain à Rouen, sainte Marthe à Tarascon, etc. De pieux 
artistes les avaient peints traînant enchaîné le dragon de l'er- 
reur, le paganisme vaincu. C'était une idée toute morale, ingé- 
nieusement symbolisée. Mais, plus tard, des gens ignorants qui 
ne pouvaient élever leur esprit jusqu'à la conception primi- 
tive, ont cherché à ces compositions une cause matérielle, et 
les récits de monstres dévastant les environs d'une ville ont été 
remis en honneur. Ainsi naissent dans tous les temps ces lé- 
gendes toujours postérieures aux représentations de l'art, et 
qu'on ne rencontre pas dans les écrits contemporains des per- 
sonnages auxquels on les rattache. La question des légendes 
constitue un sujet immense qui ne saurait être exposé ici, dit 
l'orateur, qui s'excuse de l'avoir même effleurée en passant. 
Mais il lui a semblé utile de dégager l'étude des temps pré- 
historiques d'une recherche dans laquelle la connaissance des 
animaux antédiluviens ne lui paraît devoir apporter aucun 
éclaircissement. 



Discussion sur la première époque du fer. 

A l'ordre du jour se trouve la discussion de la cinquième 
question du programme. 

« Quels sonti dans les différents pays de l'Europe, les prin- 
cipaux caractères de la première époque du fer? — Cette 
époque y est-elle antérieure aux temps historiques ? » 

M. DE MoRTiLLET. 11 existo dans l'Emilie, surtout dans les 
anciens duchés de Parme et de Modène, des accumulations de 
rejets d*habitations et de débris de cuisine, désignés sous le 



— 287 — 

nom de terramares, dont l'étude peut être d'un grand secours 
pour bien poser et pour résoudre la question qui nous occupe. 
Ces rejets d'habitations, parfois très-abondants, forment des 
espèces de mamelons. Le plus habituellement les terramares 
appartiennent exclusivement à l'époque du bronze. Parfois 
pourtant, elles sont composées de couches successives, réguliè- 
rement superposées, appartenant à des civilisations différentes. 




Fis. 53. 




Fig. 54. Fig. 55. 

Vases en terre des terramares de l'époque du bronze. Emilie. 



A une puissante assise ne contenant en fait de métal que des 
objets en bronze, en fait de poterie, que des vases mal cuits et 
faits à la main (fig. 53 à 55), on voit succéder une autre assise 
renfermant du fer ainsi que des vases faits au tour et cuits au 
four. Il y a grand progrès, une civilisation toute nouvelle se 
révèle. Pourtant il n'y a point encore de statuettes, si quelques 
petites figures grossières d'hommes ou d'animaux se montrent» 



— 288 — 

et cela tout à fait à la fin de la période, c'est tout simplement 
comme dessins en creux (fîg. 56 et 57) produits avec des poin- 
çons ou molettes importées évidemment par le commerce. A 
plus forte raison, il n'y a ni écriture, ni monnaies. Sur quelques 
points, cette assise que nous attribuons à la première époque 
du fer, se trouve recouverte d'un troisième dépôt dans lequel 
commence à se montrer les produits de la civilisation étrusque. 
Là commence, avec les peintures, les statuettes, l'écriture, ce 
qu'on peut appeler l'histoire. II est évident que même en Italie, 





Fig. 56. 



Fig. 57. 



Vases en terre de la fin de la première époque du fer. 
Cimetière de Villanova. Emilie. 



dans la vallée du Pô, la population précédente, qui ne nous a 
laissé aucun monument artistique, aucun document épigra- 
phique, doit rentrer dans ce que nous appelons les temps 
préhistoriques. La succession de ces diverses époques, de ces 
diverses civilisations ne peut pas être contestée, ne peut pas 
être mise en doute, puisqu'on les trouve régulièrement super- 
posées sur de nombreux points de l'Emilie, sans qu'il y ait 
jamais interversion. 

Les terramares qui ne sont que des amas de rejets et de re- 
buts, si précieuses pour bien préciser l'ordre de succession, ne 



— 289 — 

peuvent nous fournir que des données bien incomplètes sur 
cliaque civilisation. Heureusement, des cimetières sont venus 
compléter les renseignements qui nous manquaient sur la pre- 
mière époque du fer. Le plus important de tous a été fouillé 
par M. le comte Gozzadini, avec un soin tout particulier. Il a 
exploré à Villanova, près de Bologne, cent quatre-vingt-neuf 
tombes, appartenant toutes à la fin de la première époque 
du fer. Les représentations animales y font leur première 
apparition (fig. 56 et 57). Le même archéologue a exploré un 
autre cimetière à Marzabotto, station du chemin de fer de 
Bologne à Florence, dans F Apennin. Sur ce point, la civilisation 
étrusque se trouve largement représentée, mais encore asso- 
ciée à des restes très-sensibles de la civilisation précédente. 
Ces deux cimetières sont comme le développement, la para- 
phrase, le commentaire des deux assises avec débris de fer, 
qu'on trouve superposées Tune à l'autre dans les terramares 
de là plaine du Pô. 

La civilisation de la première époque du fer, parfois un peu 
influencée par l'art étrusque, peut s'étudier dans les cimetières 
de Golasecca, en Lombardie (fig. 58 à 60), et de Vadéna, en 
Tyrol. De l'autre côté des Alpes, en Autriche, Hallstatt, en ofire 
un splendide spécimen exploré par M. Ramsauer et qu'on 
peut apprécier dans l'ouvrage que M. de Sacken a offert au 
Congrès. Grâce aux fouilles de MM, de Bonstetten et Clément, 
on l'a reconnue en Suisse. Elle est très-développée en Alsace, 
en Franche-Comté et en Bourgogne, dans les tumulus. C'est 
à cette civilisation qu'appartiennent les cimetières des Alpes 
françaises. M. le comte Josselin Costa de Beauregard vous don- 
nera tout à l'heure de fort intéressants détails sur l'un de ceux 
de Savoie. Si nous revenons en Italie, qui a été notre point 
de départ, nous retrouverons aussi cette civilisation aux envi- 
rons de Rome même. C'est à elle qu'appartiennent les sépul- 
tures d'Albano, enfouies sous les produits volcaniques du 
Latium et contenant les cendres d'un peuple sans nom, qui a 
assisté à des phénomènes volcaniques dont l'histoire n'a pas 
conservé le souvenir. 11 est donc tout naturel qu'on fasse ren- 
trer dans les temps préhistoriques la première époque du fer, 
tout aussi bien que l'époque du bronze et l'âge de la pierre. 

M. Franks pense qu'il est difficile de traiter la question du 

49 



— 290 



fer sans entrer dans Tépoque historique. On a douté en Angle- 
terre que l'industrie du fer ait existé avant les Romains, et la 




Fig. 58. 





Fig. 59. Fig^ 60. 

Vases en terre de la première époque du fer. Cimetière de Golasecca. 



preuve n'en a été donnée que par des découvertes assez récen- 
tes ; l'âge du fer, en Angleterre, ne remonte pas à plus de 
200 ans av. J.-G.,et il est possible que l'emploi de ce métal se 



— 291 — 

soit introduit avec l'usage de la monnaie. Les objets de fer qui, 
généralement, ont été conservés dans les rivières se distinguent 
par Tétrangeté du dessin et la grande variété dans les petits 
détails. On a trouvé des miroirs de bronze décorés d'un côté, 
comme les miroirs étrusques, dont ils se rapprochent bien plus 
que des miroirs roumains, des fibules à ressort à boudin, sem- 
blables à celles des stations lacustres de la Suisse, des poteries, 
des bracelets / mais peu d'objets de fer. Ces monuments doi- 
vent être publiés dans V^rchœologia. 

Les objets les plus importants sont de grands boucliers 
longs, faits avec un soin extrême. Le plus grand était orné d'un 
bas-relief qui a disparu, mais dont la trace permet de distin- 
guer une figure de sanglier. L'umbo du bouclier est décoré 
d'ornements de corail : Pline parle de cette coutume. Sur d'au- 
tres boucliers, le corail est remplacé par de l'émail. On pos- 
sède encore un casque émaillé, ressemblant au capuchon de 
fou du moyen âge. Les grandes cornes qui le surmontent rap- 
pellent le passage où Diodore de Sicile parle du casque des 
Gaulois, avec de grandes cornes, de la même matière que le 
casque. On a trouvé des épées de fer dans leur fourreau de 
bronze, des mors et pièces de harnachement, et des roues de 
char. Des épées, pliées dans leur fourreau, font penser que le 
fer devait être très-mou. M. l'abbé Cochet en a trouvé deux, il 
en existe quatre au musée de Saint-Germain, une au musée de 
Ciemiont, lit deux au musée de Berlin. — Mais,cequiestantéhis- 
torique pourrAn^letL^rre, ne le seraitpas pour les autres pays*. 

M. Desor fait la communication suivante sur l'âge du fer 
dans le canton de Neuchatel. 



4. Polybe dit que les épées celtiques n'étaient propres qu'à couper, non 
à percer et qu'elles se pliaient souvent au premier coup, ce qui forçait le 
guerrier de les redresseren les mettant sous son pied (///s/., l.II, c. xxxiii). 
Il dit aussi que ces épées n'avaient pas de pointe ()ciÛTYip.a), ce qui établit 
deux caractères différentiels remarquables entre celles-ci et les épées 
romaines de la même époque (1. XIII, c. ccx-ccxxviii). Il ajoute que les 
épées celtiques sont de oî^ïjpc;. Diodore de Sicile mentionne des épées atta- 
chées à l'aide d'une ou deux chaînes. Polyen (Slrat VIlï, c. vu, Camille), 
assure que Camille ordonna à ses soldats de recevoir les épées gauloises 
sur leurs lances, afin de les rompre : 5 tc 7àp oî^npoç twv KeXtwv piaXaxôç ôv 
*at iTGvr.pwç èXviXaaasvo; woéy-irreTo. Suivant Pomponius Mêla, les Bretons 
étaient armés comme les Gaulois. 



— 292 — 

L'âge du fer correspond à Tune des trois subdivisions de la 
période préhistorique, dans la classification des antiquaires du 
Nord. On ne devait pas hésiter à l'admettre en Suisse, du mo- 
ment que l'on constatait la présence d'armes et d'ustensiles en 
fer dans nos palafittes et nos tumùli. Cependant il ne faut pas 
avoir pratiqué bien des fouilles ni comparé beaucoup de tom- 
beaux pour demeurer convaincu que, parmi les objets que l'on 
groupe sous la dénomination d'antiquités de l'âge du fer, il y 
en a de plusieurs types et de plusieurs époques. 

Indiquons d'abord ce qui se trouve dans les limites du can- 
ton de Neuchatel. Nous avons : 

1° Les antiquités lacustres de la Tène, près de Marin , bien 
caractérisées par leurs grandes épées à deux tranchants, leurs 
fibules à ressort à boudin et leurs monnaies gauloises (fig. 61). 




Fig. 61. 
Monnaie gauloise trouvée dans la station lacustre de la Tène. Suisse. 

2" Les sépultures non apparentes qu'on trouve éparses sur 
nos coteaux, àSerrières, Colombier, Saint-Aubin, et qui sont 
caractérisées par des agrafes de ceinture souvent richement in- 
crustées, ainsi que par la courte épée à un seul tranchant (le 
scramasax). 

3° Les tumuli ou tertres funéraires qui couronnent certains 
crêts et éminences aux environs de Saint-Aubin et spécialement 
à Vauroux, et qui renferment, à côté de quelques ustensiles en 
fer, des parures d'un travail remarquable en bronze battu, 
avec des dessins très-caractéristiques, rappelant tout à fait les 
dépouilles des tombeaux d'Anet et de certains tombeaux du 
canton de Vaud (Boflens, près La Sarraz). 

On ne tarda pas à s'assurer que les tombes avec agrafes et 
scramasax étaient relativement récentes ; elles sont identiques 
avec celles que l'on rapporte en Allemagne à l'époque franque 



— 293 — 

qui, chez nous, est désignée sous le nom d'époque helvéto- 
burgonde. 

Les antiquités de la Tène sont incontestablement plus an- 
ciennes, ainsi que les dépouilles de nos tumuli; elles remontent 
les unes et les autres au delà du commencement de notre ère, et 
sont comprises dans la période que nos antiquaires désignent sous 
le nom de premier âge du fer, en opposition à la période fran- 
que et helvéto-burgonde, qui représente le second âge du fer. 

Mais de ce que les armes de la Tène et les objets funéraires 
des tumuli sont les uns et les autres antérieurs à notre ère, 
s'ensuit-il qu'ils soient nécessairement contemporains ? Nous 
Tavons cru un instant avec M. Troyon. Comme lui, nous ne 
pouvions admettre que les lacustres de la Tène n'eussent pas 
eu quelque coin pour y enterrer leurs morts, car il n'est pas 
naturel de supposer qu'il les aient jetés à l'eau. Les tumuli furent 
donc envisagés comme les cimetières de ce premier âge du fer. 
On s'y croyait d'autant plus autorisé, qu'il existe des équiva- 
lents terrestres de la Tène dans un gîte bien connu des envi- 
rons de Berne, la Tiefenau, qui a fourni les mêmes armes et les 
mêmes ustensiles, mais dans un état de conservation bien 
moins parfait. 

Un examen attentif des objets renfermés dans les sépultures 
de Vauroux, devait cependant nous apprendre qu'il s'agit ici 
de quelque chose de particulier, n'ayant rien de commun , ni 
avec la Tène ni avec la Tiefenau, et encore moins avec les sé- 
pultures helvéto-burgondes. Ce sont essentiellement des objets 
de parure en bronze, le fer n'y jouant qu'un rôle très-subor- 
donné, tandis que c'est précisément l'inverse à la Tène et à la 
Tiefenau, où le fer l'emporte de beaucoup sur le bronze. De 
plus, nous nous trouvons à la Tène et à la Tiefenau en pleine 
époque gauloise, comme l'attestent les monnaies et le caractère 
des armes (fig. 62 et 63), tandis qu'aucun indice pareil ne 
nous a encore été fourni par les tumuli. 

Ce n'est pas à dire qu'il n'existe rien dans les palafittes qui 
rappelle les antiquités des tumuli. M. le D*^ Clément a recueilli 
à la station d'Estavayer un joli couteau en fer avec manche 
en bronze, qui pourrait bien appartenir à cette époque. Il en 
est, sans doute, de même de ces poteries très-perfectionnées, 
quoique faites sans l'aide du tour et parfois ornées de couleurs 



— 29i — 

ou même d'incrustations métalliques, qu'on a trouvées dans 
plusieurs stations, spécialement à Mœringen et à Gletterens. 

S'il en est ainsi, nous aurions, dans ce que l'on a qualifié de 
premier âge du fer^ deux époques distinctes : V époque gauloise. 



* Il 




Fig. 62. Fig. 63. 

Bpée en fer gauloise, avec son fourreau, de la station lacustre de la Tène. 



qui remonterait au commencement de notre ère, et une autre 
époque plus ancienne, qui ferait suite à l'âge du bronze et 
n'en serait que le complément, si même elle n'en est l'une 
des phases essentielles. 



— 295 — 

Si jusqu'ici Ton n'a pas insisté sur cette distinction, c'est 
que, d'une part, les matériaux à comparer n'étaient pas très- 
nombreux, et que, d'aytre part, on éprouvait une espèce de 
satisfaction à retrouver les équivalents terrestres des différents 
âges lacustres. 

Il était naturel, d'ailleurs, que les antiquités de la Tène 
occupassent le premier rang dans l'esprit des antiquaires suis- 
ses, à cause de leur i>él\e conservation, de l'authenticité de 
leur gisement et de l'époque précise qu'elles représentent. 

Les antiquités terrestres, à l'exception de celles de la Tie- 
fenau, étaient ainsi restées à l'arrière-plan. Elles ne devaient 
cependant pas tarder à conquérir de l'importance, à mesure 
que l'on constatait qu'elles jouent le principal rôle dans les 
pays qui nous avoisinent, tandis que les antiquités gauloises 
proprement dites y sont bien moins nombreuses *. 

Nous aurions ainsi, dans les limites étroites du canton de 
Neuchatel, indépendamment des âges de la pierre et du bronze, 
des souvenirs des trois phases de l'âge du fer : d'une première 
et très-ancienne, fort antérieure à notre ère et peut-être à la 
fondation de Rome; d'une seconde, remontant à peu près au 



1. Cest C6 quo nous avons pu cniistLiler dans une visite rëconte que 
nous fîmes, îl. k* D^ Clément H inot^ m\ muséo de Besançon. Nous avons 
pu nous convaincrp qiip h inttjîniflquo mllcction de cette ville et spécia- 
lemeot leâ antiquités de^ tomholli^sfrAhn^.qui.en constituent la principale 
richesse, sont identiques à celles du tumulus de Vauroux et des tombelles 
d'Ant^t, mais n'ont ritm â\s commun avec- les armes et les ustensiles de la 
Tène* Ce sont Ifs m^moït cêinUiron^^, l*'s mêmes disques de chasteté, les 
mêmes brcissards on hrony.e birtu et *^m jriis^, les mômes pendeloques. Les 
quelques épéps qu'un y nMKVjnlm sont ;:ïr!'']es et à poignée petite en forme 
d'antenne, bien difîi ironies lUy cnilîes do h Tène et de la Tiefenau. 

Kn revanche, fis dernièrus^ iiinsî que les javelines, les fers de lance, 
tpiï OtMilr^^ ou- - ■ ..Jrn,!. .,*.. ■v^ffiiiif'ment identiques dans les fossés 
d'Alise-Sainte-Reine, en Bourgogne. 

Sans prétendre entrer dans la longue et vive discussion qui est engagée 
depuis si longtemps entre les archéologues français sur la véritable Alesia 
de César, et qui dure encore, il nous a paru ( pour autant qu'on ne consi- 
dère que les armes et ustensiles) que les antiquités d'Alise-Sainte-Reine 
sont franchement gauloises, tandis que celles des tombelles d'Alaise, près 
de Besançon, présentent un caractère bien différent et sont probablement 
d'importation étrusque. C'est à cette dernière époque que remontent aussi 
les tombeaux d'Hallslatt. 



— 296 — 

commencement de notre ère (l'époque gauloise ou helvétienne), 
et d'une troisième, l'époque helvéto-burgonde. 

M. Carl Vogt fait observer qu'à Hallstatt on a découvert, 
sur un terrain de quatre-vingt-douze toises carrées, près de 
mille tombes. Or Hallstatt ayant été une petite localité, et les 
riches seulement étant enterrés sur le point fouillé, on doit 
supposer que l'emploi de ce cimetière a duré fort longtemps, 
certainement plus de cent années. 

M. DE MoRTiLLET dit qu'cu effet ces objets paraissent appar- 
tenir à différentes époques. 

M. Franks remarque que les corps ont été différemment 
traités : il y en a de brûlés, d'autres qui ne sont pas brûlés, 
d'autres à moitié brûlés. 

M. Henri Martin demande si le bronze et le fer se trou- 
vaient séparés à Hallstatt. 

M. DE MoRTiLLET répoud que les armes de bronze et de fer 
se sont trouvées mêlées dans les tombes. 

M. A. DE LoNGPÉRiER. Il faut se féliciter de ce qu'en Europe 
quelques localités nous ont conservé parfaitement des armes 
ou des ustensiles de fer. Elles doivent ce privilège à la nature 
de leur sol. Mais il ne serait pas prudent de croire que ce 
métal n'a pas été employé du tout dans les contrées où Ton 
n'a pas constaté sa présence d'une manière aussi satisfaisante. 
l\ en est un peu du fer comme des manuscrits ; les sables secs 
de l'Egypte ont préservé les papyrus de la destruction ; la 
carbonisation a sauvé un grand nombre de jnanuscrits à Her- 
culanum. S'ensuit-il que tous les livres étaient accumulés en ces 
pays, (jue le reste du monde n'en ait pas possédé en quantité 
considérable? Nous savons le contraire. Le fer se détruit très- 
rapidement ; en certains terrains, il ne peut pas résister pen- 
dant un demi-siècle; presque partout il perd son aspect métal- 
lique. Lorsqu'il est oxydé, il n'a pas de valeur, et tandis qu'on 
recueille des parcelles de bronze pour les vendre, on rejette 
les résidus ferrugineux. Longtemps le fer a été repoussé des 
collections d'antiques. Cependant quelques antiquaires assez 
courageux, assez intelligents pour faire cas de débris généra- 
lement méprisés (on peut citer comme un des premiers Grivaud 
de la Vincelle), ont réuni des ustensiles, des armes de fer 
malgré leur état de détérioration. Parmi ces objets, il en est 



— 297 — 

qui sont de beaucoup antérieurs à ce qu'on est convenu d'ap- 
peler l'âge du fer; et il est fort important de localiser l'appli- 
cation de ce terme* qui ne saurait convenir de la même façon à 
toutes les contrées. On a, par exemple, retrouvé en Egypte 
des lames de couteau d'excellent fer, peut-être d'acier, et le 
style des manches auxquels elles sont fixées, manches d'os 
sculpté, dénote une antiquité très-respectable, certainement un 
âge pharaonique. Les fouilles que M. Victor Place a entreprises 
à Khorsabad, près Ninive, lui ont fait découvrir dans le palais 
du roi Sargon un magasin au fer^ une pièce contenant plu- 
sieurs mètres cubes d'outils, d'ustensiles, de lingots de ce mé- 
tal. Neuf saumons apportés à Paris, et exposés dans la galerie 
des antiquités assyriennes du Louvre, permettent d'apprécier 
la belle qualité de ce fer, qui, lorsqu'on le frappe, rend un son 
semblable à celui de nos aciers. La date du palais de Khorsa- 
bad est bien connue, et les outils de construction qui ont servi 
à le bâtir appartiennent incontestablement au viii* siècle avant 
notre ère. Voilà donc pour l'Assyrie un âge du fer dont un 
point constaté (il ne s'agit pas du commencement) est de mille 
ans antérieur à l'âge du fer en Danemark ^ 

Ce magasin au fer du roi Sargon nous aide à comprendre 
un passage de V Iliade qui n'avait pas été suffisamnient remar- 
qué. Lorsque l'Asiatique Adraste, fils de Mérops, se voit sur le 
point d'être tué par Ménélas, il supplie son vainqueur de lui 
/laisser la vie : « Accepte, dit-il, une juste rançon, 

noXXà î' h dtçveicû irarpo; xeip.'ifiXix xeltat, 
XoiXxo; T8 1.9^96^ Te TvoXûxtAYiTo; Ti (xi^Tpoç. 

mon père est riche ; il possède un abondant magasin de bronze, 
d'or et de fer travaillé *. » 

Les Grecs, il est vrai, ne paraissent pas avoir fait grand 
cas du fer; non pas qu'ils ne le connussent point; mais 
Hésiode trahit leur sentiment lorsqu'il appelle ce métal [jt-sla; 
GtXvipo;'. 

1. Worsaae, The anliquilies of South Julland, 1867. Part. II, p. 1. 

2. lliad, VI, V. 47, 48. 

3. Hesiod. Opéra et dies, v. 150. 



— 298 — 

Les Grecs aimaient le bronze dont la couleur brillante se 
rapprochait tant de celle de l'or. Ils laissaient volontiers aux 
barbares le métal sombre. Ceux-ci savaiebt bien F utiliser. 
Aussi Ouseley avait-il pu recueillir près de Persépolis une 
collection de pointes de flèches et de traits formées de fer, et 
dont il nous a donné les dessins S trop peu observés par les 
archéologues. 

Les guerriers grecs de F âge héroïque se servaient d'épées, 
de haches, de lances de bronze. Il suffit de lire V Iliade pour 
s'en assurer. Et Pausanias qui en a fait la remarque, citait 
encore à T appui la lance d'Achille conservée dans le temple de 
Minerve à Phasélis, l'épée et la lance de Memnon que Ton 
montrait dans le temple d'Esculape à Nicomédie*. Mais au 
temps de Grésus, iï existait en Grèce des forges de fer, témoin 
celle de Tégée d'Arcadiè, dans le sol de laquelle on crut re- 
trouver les ossements d'Oreste. 11 est bon de relire le passage 
d'Hérodote relatif à cette forge de la première moitié du 
vi^ siècle avant notre ère % et par conséquent aussi ancienne 
que les plus anciennes armes d'Hallstatt. Dans Timpossibilité 
où l'on est de déterminer pour le monde oriçntal la chronolo- 
gie relative du fer et du bronze, il importe de ne pas em- 
ployer, lorsîju'on parle de ces contrées, une terminologie 
exclusive, qui pourrait entraver l'essor de saines idées sur 
l'histoire de l'industrie humaine. 

M. JossELiN Costa de Beauregard lit le mémoire suivant 
sur les fouilles faites en Savoie dans un cimetière, du premien-' 
âge du fer. 

Permettez-moi, messieurs, d'attirer pendant quelques in- 
stants votre attention sur des fouilles faites en Savoie dans un 
cimetière du premier âge du fer, fouilles dont je vais en peu 
de mots vous dire les résultats. 

La nécropole de Saint-Jean de Belleville est située dans 
une riche et importante commune de la Tarentaise, à trois 
lieues de Moutiers, chef-lieu de cette petite province. Son 



1. Travels in varions countries of the East, 1821, t. II, pi. xxxix, 
p. 185 et 486. 

2. Pausan. lib. III, cap. m, 6, 8. 

3. Herodot. Histor,, lib. I, cap. lxyii, lxvhi. 



- 299 — 

étendue est considérable, à en juger par les différents points où 
des tombes ont été découvertes, et la surface du champ qui la 
renferme est fortement inclinée au levant. 

Sans parler des fouilles précédentes auxquelles je n'ai pas 
assisté et qui ont fourni d'importants résultats, si j*en crois des 
témoins occulaires, les travaux que j'ai surveillés et dirigés 
personnellement m'ont fait jusqu'ici découvrir dix tombes. 
Leur construction est très-primitive : autour d'un fond grossiè- 
rement pavé se dressent des pierres sur champ assez mal 
assemblées, et recouvertes de blocs plus volumineux qui forment 
couverture. Elles sont en outre entourées d'un amas de cailloux 
roulés, qui semblent avoir été entassés à dessein. 

Nulle part n'apparaît la moindre trace de ciment ; il est ré- 
sulté de ce mode très-imparfait de construction, que la terre 
détrempée a pénétré de tous côtés dans les tombes, et que les 
pierres de couverture s' affaissant- entre les parois latérales 
mal rapprochées, ont écrasé les squelettes qu'elles recou- 
vraient. 

Les corps sont simplement inhumés : un seul m'a paru 
présenter quelques traces d'ustion. Ils sont étendus horizonta- 
lement, les bras allongés auprès du corps ou repliés sur le 
bassin. Les jambes se trouvent dans leur position naturelle. 

La profondeur à laquelle se rencontrent les tombeaux varie 
entre 1 mètre 60 et 1 mètre 80 centimètres. Ils sont quelque- 
fois superposés les uns aux autres, mais leur construction 
grossière et les ornements qu'ils renferment montrent assez 
qu'ils datent de la même époque. 

Neuf tombes sur dix renferment un mobilier funéraire 
plus ou moins riche ; une seule en est complètement dépour- 
vue. L'ambre et les bijoux en bronze sont très-nombreux ; ils se 
composent de bracelets et de fibules dont les formes et l'orne- 
mentation varient à l'infini. Ces dernières, placées généralement 
sur le haut de la poitrine, font croire qu'à cette époque on 
enterrait les corps dans un manteau ou un linceul fixé au cou. 
Le fer y est relativement moins commun. La poterie est rare 
et ne se trouve représentée dans mes fouilles que par deux 
petits fragments; l'un est orné de dépressions régulières pra- 
tiquées au moyen d'un instrument cunéiforme, l'autre est uni 
et porte les traces incontestables du tour à potier. Jusqu'ici je 



— 300 — 

n'ai encore trouvé aucune arme offensive ni défensive, et il n'y 
a pas trace de monnaies. 

Quelle est maintenant l'époque approximative à laquelle 
remontent ces sépultures? Cette date, messieurs, me semble 
suffisamment indiquée par la nature et la matière des objets 
renfermés dans les tombeaux. Si l'on observe, en effet, que je 
n'ai encore rencontré ni monnaie, ni écriture, ni représentation 
d'animaux ou de personnages, que le verre n'existe pas (au 
moins jusqu'à présent) et que le fer ne se trouve qu'en très- 
petite quantité relativement au bronze, on verra que le cime- 
tière de Saint-Jean de Belleville non-seulement est antérieur 
à l'occupation romaine, mais qu'il se trouve tout à fait dans 
les conditions qui caractérisent le premier âge du fer. 

Enfin, pour laisser aux hypothèses un chsimp moins vaste 
et circonscrire un peu la date qui nous occupe, permettez- 
moi, messieurs, de prendre pour base celle que M. le comte 
Gozzadini assigne à une nécropole de la même époque fouillée 
sous ses yeux à Villanova, près de Bologne, Emilie, date mini- 
mum que ce savant archéologue précise au moyen de Xœs 
rude qu'il y a découvert. 

En admettant avec lui que cette monnaie eût cours sous le 
règne de Numa, son cimetière aurait été fréquenté de 714 à 
671 ans avant J.-G. De plus, à Villanova, non-seulement on a 
découvert Vœs rude^ mais outre une prodigieuse richesse 
dans l'ornementation des bijoux et une grande variété dans 
leurs formes, on remarque des ossuaires ornés de représenta- 
tions animales (fig. 56, page 288) dont le dessin indique une 
tendance visible aux beaux-arts et un degré déjà fort avancé 
dans l'art céramique. A Saint-Jean de Belleville rien de sem- 
blable ne s'est encore rencontré jusqu'ici. Non-seulement il y 
a absence complète de monnaies, mais des combinaisons de 
lignes et de cercles sont les seules figures qui ornent les bijoux. 
Quant aux poteries, je n'en possède que deux fragments, 
encore ne voit- on sur l'un d'eux que des ornementations 
grossières et primitives. 

Je crois donc, messieurs, qu'en prenant pour base, comme 
je l'ai déjà dit, la date minimum assignée au cimetière de 
Villanova par son savant explorateur, et tenant jcompte aussi 
des différences très-notables observées dans l'industrie et la 



— 301 — 

civilisation des deux tribus dont nous étudions les traces, je 
suis fondé à faire remonter les sépultures de Saint-Jean de 
Belleville à mille ou quinze cents ans avant notre ère. 

Les mœurs et les usages de cette tribu des Alpes nous sont 
complètement inconnus, cependant l'absence très-significative 
de toute espèce d*arme dans les tombeaux semblerait indiquer 
qu'elle était d'humeur pacifique et qu'elle se livrait aux tra- 
vaux de l'agriculture. L'ambre trouvé en grande abondance 
témoigne de rapports fréquents avec les peuples du nord de 
l'Europe, et les bijoux dentelle parait ses morts, à une époque 
où le bronze devait avoir encore une grande valeur, nous 
donnent une idée de son luxe et de ses richesses. 

Peut-être le rite funèbre qu'elle observait dans les enseve- 
lissements se ressentait-il déjà de la barbarie gauloise, car au 
milieu des monceaux de pierres entassées sur les tombeaux, 
j'ai retrouvé des débris de mâchoires et d'autres ossements 
mêlés à des fragments de bracelets et de fibules. Ces restes ne 
montrent-ils pas qu'à cette époque l'usage de sacrifier des 
victimes humaines sur la tombe des chefs était en pleine vi- 
gueur? 

Telles sont en peu de mots, messieurs, les hypothèses que 
m'ont suggérées les faits révélés par ces premières fouilles, lise 
peut qu'un jour elles soient renversées par quelque découverte 
importante. Quoi qu'il en soit, je les émets sous toute réserve. 
Le seul but que je me sois proposé est d'attirer sur les décou- 
vertes faites à Saint-Jean de Belleville l'attention du Congrès, 
et de lui faire entrevoir cette bien minime partie^ des trésors 
archéologiques que renferme la Savoie. 

M. Desor se refuse à voir les Gaulois dans le premier âge 
du fer. 

M. Henri Martin a la parole : 

Notre savant collègue, M. le professeur Desor, parlait 
tout à l'heure des Gaulois en termes qui semblaient indiquer 
qu'il les regardait comme peu anciens. Il importe de bien s'en- 
tendre sur ces noms de Gaulois et de Celtes, et de ne pas con- 
sidérer les peuples auxquels on donne ces noms comme arrivés 
en un seul corps et à une seule époque en Occident. 

Ces Gaulois de la dernière période d'avant l'invasion ro- 
maine, auxquels faisait allusion M. Desor, avaient été précé- 



— 302 — 

dés par d'autres. Il y a eu bien des immigrations successives 
de peuples celtiques. 

Pour ne parler d* abord que du grand rameau cimmérien de 
la race celtique, je crois qu*on peut établir trois immigrations 
cimmériennes dans les Gaules : la plus récente , celle des Bel- 
ges, ne paraît pas antérieure à la fm du iv*' ou au commence- 
ment du III** siècle avant J.-G. Elle avait été précédée par une 
immigration qui semble avoir été la conséquence de l'invasion 
des Scythes sur le Pont-Euxin. Les Scythes déplacèrent et re- 
foulèrent alors une masse considérable de populations cimmé- 
riennes, vers 600 av. J.-G. 

Mais avant ces deux immigrations, sur lesquelles M. Amé- 
dée Thierry a fondé le système de sa belle Hi^oire des Gaulois y 
c'est-à-dire le système du partage des pays celtiques entre les 
Gaëls et les Kimris; avant, dis-je, l'arrivée de ces deux colonies 
cimmériennes, Strabon nous en indique une autre plus an- 
cienne. Il rapporte une tradition d'après laquelle les Cimmé- 
riens auraient quitté les bords du Pont-Euxin, d'accord et en 
commun avec les Vénètes, leurs alliés. 

Cette tradition est confirmée par des faits qui subsistent 
encore. Les Vénètes sont encore aujom-d'hui mêlés aux. Kimris, 
c'est-à-dire aux Gimmériens, en Bretagne et en Galles. Il y a 
une Vénétie armoricaine, le pays de Vannes , et une Vénétie 
galloise, le Gwyneddy qui forme la partie septentrionale du 
pays de Galles. Ce nom a laissé aussi une trace dans la basse 
Ecosse. On peut ajouter, à ceci les Vénètes d'Italie, les Véni- 
tiens, qui, au temps de Polybe, avaient, dit- il, les mœurs des 
Gaulois, leurs voisins, avec un langage différent. 

Les Vénètes de Bretagne et de Galles ont pris, de temps 
immémorial, les mœurs et la langue celtiques ; d'autres Vénè- 
tes, au lieu de se celtiser, ont tourné au nord, se sont établis 
sur la Baltique et sont devenus les ancêtres des Slaves. Les 
Vénètes étaient, du reste, un peuple aryen comme les Celtes. 

Cette première arrivée connue des Gimmériens en Occident 
est antérieure à l'invasion des Scythes ; car, à l'époque de cette 
invasion, les Vénètes n'habitaient plus la côte nord de l'Asie 
Mineure, d'où Strabon les fait partir. 

Et, d'une autre part, l'exode des Vénètes, et par conséquent 
de ceux des Gimmériens qui les accompagnèrent, est postérieure 



— 303 — 

à Homère, car Y Iliade mentionne les Vénèles, ou Hénëtes, 
comme habitant encore l'Asie Mineure. 

La plus ancienne immigration cimmérienne connue a donc 
eu lieu à une époque intermédiaire entre le ix« ou le x^ siècle 
et le VI* avant notre ère, probablement plus près de la première 
date que de la seconde. 

Maintenant, quels étaient, avant les Cimmériens, les peu- 
ples qui dominaient en Occident, ou dans la plus grande partie 
de rOccident? C'étaient incontestablement d'autres Gaulois, 
d'autres hommes de langue celtique. C'étaient les vieux Gaëls, 
étaJblis de temps immémorial dans les Gaules continentale et 
insulaire, conquérants de l'Espagne et, une première fois 
déjà, conquérants de l'Italie, d'où ils avaient été ensuite in- 
complètement refoulés par les Étrusques. 

D'après la date fixée par Fréret pour l'établissement des Si- 
cules en Sicile, date qui entraîne avec elle plusieurs dates ap- 
proximatives importantes, la conquête de l'Espagne par les 
Celtes doit avoir eu lieu une quinzaine de siècles avant notre 
ère; mais rien absolument n'indique que les Celtes fussent 
alors nouvellement établis dans les Gaules. Leur tradition, 
rapportée par les historiens classiques, est tout à fait contraire 
à cette idée, et aucune présomption d'aucun genre n'infirme 
cette tradition. 

Des indices fournis par ce qu'on aperçoit de l'histoire des 
religions asiatiques viennent à l'appui de l'ancienneté des 
Celtes en Europe, et rendent probable leur départ de leur ber- 
ceau aryen avant la révolution religieuse de Zoroastre. L'opi- 
nion la plus modérée quant aux hautes dates n'admet pas , je 
pense, aujourd'hui que l'époque dite de Zoroastre puisse être 
postérieure au xx® siècle environ avant J.-C, et une autre opi- 
nion, qui revendique l'appui de témoignages notables dans l'an- 
tiquité classique, voudrait reporter beaucoup plus haut cette 
époque. 

En tous cas, voulût-on s'attacher aux dates approximatives 
les moins élevées, l'âge celtique en Occident serait encore assez 
vaste pour donner place à une longue succession de révolutions 
et de transformations allant depuis et y compris l'âge des dol- 
mens jusqu'à la conquête romaine. 

M. Garl Yogt revient sur la question des petites poignées 



— 304 — 

dont M. Desor a parlé précédemment. Tout, à ses yeux, bra- 
celets, anses de vase, dénote une main fine, dans Tâge du 
bronze ; les hommes de Tâge du fer, si Ton s*en rapporte à la 
dimension des poignées d'épée, auraient eu de très-fortes 
mains. Il y a là une difficulté : car dans les palafittes et en di- 
verses localités de la Suisse on trouve des crânes d'une seule 
et même race associés à des armes dont les unes ont la poi- 
gnée grande et les autres se font remarquer par une toute pe- 
tite poignée. La race des Helvètes qui existe encore est grande, 
forte, et a particulièrement un grand développen^ent des extré- 
mités. 

M. LÉON GuiLLARD, à propos des armes à petites poignées, 
fait remarquer que ce fait, singulier au premier abord, Test 
peut-être moins si Ton observe qu'aujourd'hui encore les 
montagnards du Caucase fabriquent des kandjars à grandes 
poignées et d'autres à petites poignées. Je n'ai pas voulu, dit- 
il, jeter dans la savante discussion de ces messieurs ma voix 
dénuée d'autorité, mais je puis affirmer qu'on vend dans les 
bazars de Noukha, entre Tiflis et Bakou,' des armes de dimen- 
sions redoutables et dont la poignée est insuffisante pour une 
main de moyenne grandeur* J'en ai manié pendant un séjour 
que j'ai fait au Caucase en 1857, et, sans avoir ta main formi- 
dable que M. Vogt attribue aux descendants de Guillaunae Tell, 
je n'aurais pu en aucune façon loger mes cinq doigts entre le 
pommeau et la garde. Je prends la liberté de signaler ce fait 
parce que peut-être il est de nature à diminuer la surprise 
qu'excitent les armes antéhistoriques à poignées grandes et 
petites, et aussi parce que j'y vois une confirmation de cette 
remarque que faisait M. de Quatrefages dans une précédente 
séance, qu'il est utile, pour étudier les temps passés, de se 
reporter quelquefois aux temps modernes. 

M. Henri de Longpérier, appuyant l'intéressante commu- 
nication de M. Guillard, demande si l'on n'est pas trop souvent 
porté à regarder les monuments antiques avec des yeux faits 
aux objets modernes? Nous sommes habitués à voir des sabres 
et des épées ayant des poignées beaucoup plus longues qu'il 
n'est nécessaire pour y placer la main ; cette mode date du 
moyen âge, où pendant longtemps on a même fabriqué des 
épées qu'on devait tenir à deux mains. Les poignées des épées 



— 305 — 

antiques n'ont jamais des dimensions très-considérables ; 
cependant, il est facile de s'en convaincre, la main s'y pose 
très-commodément et elles sont en réalité bien suffisantes pour 
manier l'arme. Chacun peut s'assurer que les épées dites à 
petites poignées se mesurent exactement sur la largeur de 
quatre doigts, et, en se reportant véritablement aux coutumes 
antiques, qu'elles ont pu être en usage chez des populations 
qui n'avaient pas les extrémités plus petites que nous. 

M. Henri Martin ajoute qu'en Irlande des épées de bronze 
ont aussi de fort petites poignées ; les Indiens de la caste guer- 
rière font également usage d'armes dont les poignées présen- 
tent des dimensions fort exiguës. 

M. Valdemar Schmidt donne quelques détails sur les anti- 
quités de l'âge du fer en Scandinavie. (Ces détails ont été, 
depuis la clôture du Congrès, consignés d'une manière très- 
complète dans l'intéressant ouvrage qu'a publié ce savant : 
le Danemark à F Exposition universelle de i867y étudié prin- 
cipalement au point de vue de Varchéologie^ Paris, Reinwald, 
1868, in.8% pages 90-146). M. Valdemar Schmidt divise l'âge 
du fer Scandinave en trois époques : la première du commen- 
cement de notre ère à Tan 450; la seconde, dite bizantino- 
barbare, de l'an 450 à l'an 650 environ; la troisième, époque 
normande, de l'an 650 à l'an 1,000. 



Considérations sur les Monnaies dans la haute antiquité. 

M. A. DE LoNGPÉRiER demande à l'assemblée la permission 
de lui soumettre quelques remarques au sujet des communi- 
cations qui viennent d'être faites et qu'il a écoutées avec un 
si vif intérêt. 

En parlant des cimetières antiques de la Savoie, de celui 
d'Hallstatt, on a constaté que les sépultures ne renfermaient 
pas de monnaies. Il ne faudrait pas tirer de cette utile obser- 
vation la conséquence rigoureuse, absolue, que les sépultures 
et par suite les objets qu'elles renfermaient sont antérieurs à 
l'invention de la monnaie; même, ce qui est encore différent, à 
l'usage de la monnaie , soit dans les contrées voisines du Da- 
nube, soit dans la région des Alpes. En Italie, dans la Gaule, 

20 



— 306 — 

en Grèce, on a souvent ouvert, sans y rencontrer une seule 
monnaie, des tombes appartenant notoirement à des époques 
où le numéraire était abondant. D'autre part, les grands dépôts 
d'as très-antiques, à'œsrudcy auxquels il a été fait allusion, ont 
été trouvés, non dans des tombes, mais dans des sources, des 
fontaines, comme à la Falterona et à Vicarello. On les y avait 
jetés pour se rendre propices les divinités des eaux. 

Vœs rude n'a pas circulé en dehors de l'Italie ; comment 
aurait-on pu trouver des pièces appartenant à ce système dans 
les tombes de la Savoie et de Hallstatt ? 

D'ailleurs, la monnaie est le résultat d'une invention peu an- 
cienne. Son introduction n'a pas été partout également rapide ou 
facile. Quoique le goût des richesses soit assez général, il ne s'est 
pas toujours traduit par une sympathie bien vive^pour les métaux 
marqués d'une empreinte officielle. De très-grandes monar- 
chies, comme celles de l'Egypte, de la Babylohie, de l'Assyrie, 
ont occupé dans le monde une place éminente sans avoir eu 
recours à la monnaie. Ce signe d'échange est né chez des pe- 
tits princes, comme les rois de Lydie, de Samos, de Macédoine 
et dans certaines petites républiques de l'Italie méridionale. 
Longtemps encore après l'invention de la monnaie, l'Egypte né- 
gligeait d'en faire usage. De nos jours même, il est en Asie, en 
Afrique, de vastes contrées où le signe d'échange n'est pas mé- 
tallique, où l'on se sert de coquilles, de sel, en guise de mon- 
naie. En Chine, on préfère les lingots aux espèces monnayées. 

Quant à la Germanie, où se sont retrouvés les grands dépôts 
d'armes et d'ustensiles d'Hallstatt, la monnaie n'y a été connue 
que fort tard. Celle dont on a fait usage, d'abord près du bas 
Danube, puis successiyement jusque vers les sources de ce 
fleuve, était une imitation plus ou moins dégénérée de la mon- 
naie macédonienne du iv® siècle ; et ce n'est guère qu'au 
m® siècle avant notre ère qu'on en fabriqua dans les pays oc- 
cidentaux qui représentent l'Allemagne et la Gaule. On aurait 
donc tort de s'attendre à recueillir des monnaies dans les sé- 
pultures germaniques antérieures au règne d'Alexandre, épo- 
que assurément très-historique. L'observation du savant M. Cari 
Vogtrelativementaulapsde temps pendant lequel on a continué 
à pratiquer des inhumations dans le cimetière d'Hallstatt est 
très-juste et très-importante. Il est possible qu'on retrouve 



— 307 — 

plus tard quelques indices concernant Tâge des divers monu- 
ments qu'on y a recueillis. En attendant, on pourrait déjà si- 
gnaler un élément chronologique qui il'a pas encore été mis en 
œuvre. Dans quelques tombes d'Hallstatt ont été recueillies des 
épées à poignée d'ivoire d'une forte dimension. C'est là un fait 
nouveau. Or les peintures de vases à figures noires, apparte- 
nant au v* siècle avant notre ère, nous montrent des épées dont 
la lourde poignée à gros pommeau est peinte en blanc *. Cette 
couleur n'est employée par les artistes de cette époque que 
suivant certaines règles et avec un grand discernement. Le 
blanc sert à exprimer l'ivoire quand il est appliqué aux lyres. 
Il en doit être de même pour les poignées d'épée dont la 
forme rappelle celle des armes d'Hallstatt. Sans trop de témé- 
rité, on peut en conclure que ces armes sont, en partie du 
moins, contemporaines des vases. Cependant, dès le vu* siè- 
cle, on a frappé à l'extrémité méridionale de l'Italie, à Siris, à 
Sybaris, par exemple, de très- belles monnaies d'argent dont 
la circulation paraît avoir été fort active, mais dans un rayon 
peu étendu. L'Étrurie, la Germanie, la Gaule, n'en ont point fait 
usage. 

Notre savant collègue, M. Desor, dit en terminant M. de 
Longpérier, me fait observer qu'il a émis, relativement à l'âge 
des sépultures d'Hallstatt, une opinion conforme à celle que 
j'expose. Je m'empresse de le reconnaître, de le proclamer, et 
j'en suis très-heureux, tant pour mon compte personnel que 
pour la science, puisque nous sommes arrivés à des résultats 
identiques par des voies différentes, en appliquant ce que nos 
études particulières nous ont enseigné. Nous avons fait comme 
les ingénieurs qui, en ce moment même, percent le mont Cenis, 
attaquant la montagne par ses deux faces opposées pour venir 
se rencontrer au centre et donner ainsi la preuve de la justesse 
de leurs calculs. Dans nos études, peu importe de quel côté on 
entame la difficulté, pourvu qu'on parvienne aussi à ce centre 
que nous cherchons tous à atteindre, à ce but commun qui est 
la vérité. 

4, Voir par exemple E. Gerhard^ Au^erléséne grkch.Va^mbild.^ t. [\, 
pi. 108^ no. 



308 



Mammifères préhistoriques associés à l'homme 
. dans la Grande-Bretagne. 

M. W. BoYD Dawkins, comme complément à son travail sur 
les mammifères pléistocènes de la Grande-Bretagne, lu à la 
séance du 19 août (page 89), a envoyé le mémoire suivant : 

Le groupe des mammifères associés à l'homme postglaciaire 
dans la Grande-Bretagne était, comme nous l'avons vu, entiè- 
rement différent de celui des mêmes animaux qui vivent ac- 
tuellement dans le pays. Ces anciens mammifères sont en par- 
tie éteints, en partie éftiigrés. Parmi ces derniers, les uns sont 
allés rechercher dans les régions du nord ou sur les hautes 
montagnes un climat plus froid que celui qui règne maintenant 
dans la Grande-Bretagne ; les autres, au contraire, tels que le 
lion et l'hyène, se sont retirés vers le sud, dans des régions plus 
chaudes. 

Nous allons, dans ce nouveau travail, étudier les animaux 
qui dans la Grande-Bretagne ont succédé à la faune caracté- 
ristique postglaciaire ou pléistocène. Nous poursuivrons cette 
étude jusqu'aux commencements des temps historiques. Les 
débris de ces animaux proviennent d'anciennes habitations, 
des tumulus ayant servi de sépulture, des rejets de repas et enfin 
de certaines cavernes qui ont servi d'asile soit aux vivants, soit 
aux morts. J'ai donné à ce groupe d'animaux, en y joignant ceux 
des alluvions et des tourbières, le nom de faune préhistorique 
pour le distinguer de la faune postglaciaire ou pléistocène 
d'une part, et de la faune historique de l'autre. Malheureuse- 
ment ces débris ont été jusqu'à présent fort négligés par les 
archéologues anglais. 

Les restes des animaux trouvés enfouis dans les tumulus et 
les anciennes habitations sont les premiers que je vais étudier. 

En 1862, j'ai eu occasion d'examiner des restes d'animaux 
préhistoriques à StanlakeS petit hameau du Berkshire. Ils fu- 
rent trouvés dans des dépressions circulaires et des fossés, ves- 

4 . Archœologia, vol. XXXVII, p. 363. — Proceed. Soc. Antiq., vol IV, 
p. 93. 



— 309 — 

tiges très-probablement d'un ancien village celtique. Us for- 
maient des accumulations d*os, de dents, de crânes d'animaux 
ayant servi de nourriture, tels que le Bos longifrons en grande 
abondance, le mouton ou la chèvre, le cheval, le cerf; il y 
avait aussi le chien, le chat et la martre. Le métacarpe d'un 
cerf était poli et portait une impression produite par le frotte- 
ment d'une corde. Avec ces os il y avait des couteaux de silex 
et autres éclats mal taillés, de la poterie grossière et des cen- 
dres. Rien autre ne datait ces habitations qui étaient peut-être 
encora occupées du temps de l'invasion romaine. 

Dans les tumulus du Wiltshire, le D' Thurnam a, dit-on, 
trouvé le même groupe d'animaux, à l'exception du chat et de 
la martre. 

Dne grande quantité d'ossements a été extraite du lit de la 
Tamise, près du pont de Kew, avec des haches de pierre polie 
et des épées de bronze, dont quelques-unes ont encore l'extré- 
mité métallique du fourreau lixé à la lame. En examinant ces 
os, on reconnaît que ce sont les débris d'animaux mar\gés par 
l'homme. Ce sont des restes de cheval, Bos longifrom^ cochon, 
mouton, chèvre, cerf et chevreuil. On a trouvé aussi plusieurs 
crânes humains fendus et coupés, ainsi que des pièces de har- 
nachement de chevaux romains. Le fleuve est peu profond à 
Kew. Cette circonstance, jointe au grand nombre d' épées de 
bronze, aux crânes humains fendus et aux phalerœ^ porte à 
penser qu'il y a eu là une bataille entre les Celtes et les légions 
romaines. En tout cas, les ossements paraissent bien antérieurs 
à la domination romaine. 

Au commencement de l'année 1867, on découvrit, égale- 
ment dans la Tamise, mais plus loin, près de la nouvelle place 
où se trouve la machine à eau potable ou New ivatenvorks, un 
dépôt semblable d'ossements. En examinant ce gisement, j'ai 
observé des pieux en chêne, enfoncés dans le gravier ancien 
de la Tamise. Pressés entre eux existent de nombreux fagots, 
surtout de saule. De nombreux os reposaient sur ces fagots, 
presque tous appartenant au Bos longifrons. Ils étaient cassés 
par suite de leur emploi comme aliments. Le tout était couvert 
d'alluvion d'une épaisseur de 4 à 5 pieds. Très-probablement, 
ces pieux appartiennent à des habitations lacustres semblables 
à celles de la Suisse, pourtant on n'y a rencontré ni fragments 



— 310 — 

de poterie ni instruments. Les débris humains se bornaient à 
quelques os longs. 

Examinons maintenant les cavernes de la Grande-Bretagne 
qui ont fourni des traces de l'habitation de Thomme préhisto- 
rique. En 1859, j'ai exploré une petite caverne à la tête de 
Gheddar Pafs, en Somersetshire. Les mammifères trouvés sont : 
le loup, le renard, le blaireau, le sanglier, la chèvre, le che- 
vreuil, le Bos longifrom et le cheval. Un crâne humain de cette 
caverne est conservé dans le Musée d'Oxford. Ge crâne est 
très-bien développé et a pu appartenir à un homme assez in- 
telligent. 

En 1863 * je fis, avec M. Sanford, l'exploration de plusieurs 
cavernes en Somersetshire; nous trouvâmes aussi une seconde 
caverne des temps préhistoriques, dans les montagnes calcai- 
res de Mendip, à Burrington Goombe, à environ 12 kilomètres 
de Bristol. Elle était située très-haut sur les parois d'un ravin, 
et presque bouchée par de la terre mêlée à du charbon da bois. 
L'intérieur contenait une grande quantité de débris anciens de 
Bos lonyîfrons^ de cerf, de chèvre, de loup, de renard, de blai- 
reau, de lapin et de lièvre. Dans la partie inférieure de la ca- 
verne, nous avons déterré les fragments d'une urne de terre 
noire très-grossière, mal fabriquée, sans ornements, et dont le 
bord était replié à angle droit. Auprès de ce vase, il y avait un 
morceau de fer fendu, qui ressemble à ceux attachés aux an- 
gles des caisses de bois dans les tombes romaines des rives de 
la Somme. 

L'accumulation d'os et de charbon de bois prouve que 
l'homme a habité cette caverne pendant un certain temps. 
L'enterrement a eu lieu à une époque postérieure, puisqu'il 
est fait dans l'amas de terre, d'os et de charbon de bois, ré- 
sultat de l'habitation. L'intervalle qui s'est écoulé entre deux 
reste incertain. 

La même année, nous explorâmes une autre caverne dans 
le même ravin. Elle consiste en deux grandes chambres, unies 
par deux passages qui n'ont que quelques pouces de hauteur. 
L'entrée naturelle, un peu plus large que le trou d'un renard, 
était dans le toit de la première chambre, c'est par là que nous 

I. Proceed. Somerset archœological and nat. hist. Soc. 4864. 



— 311 — 

descendîmes dans la caverne. Plus tard, nous y flraes une se- 
conde entrée. La. première chambre était à moitié pleine de 
débris de rochers, couverts d'un amas de stalagmite décom- 
posée, ressemblant à du mortier. Sous les débris de rochers 
étaient groupés quatre crânes. L'un appartenait au Bas longi- 
frons. Deux autres à une espèce de chèvre ressemblant plus à 
YjEgoceros Cancasica de l'Asie qu'à toute autre espèce, surtout 
sous le rapport de l'ovale du noyau osseux des cornes et sa 
légère courbure en arrière. Nous avons rencontré une forme 
semblable dans des rejets d'habitations, à Richmond *, en 
Yorkshire, et dans la terre remaniée sur laquelle Londres est 
bâtie. M. Lartet m'écrit qu'il l'a découverte aussi dans une ca- 
verne des Pyrénées. Pourtant je ne me crois pas autorisé à 
présenter un nom spécifique nouveau, les musées de Londres, 
d'Oxford et de Paris n'offrent pas suffisamment de termes de 
comparaison. Le quatrième crâne appartenait à un cochon; 
dans le front était percé d'un trou rond, plus grand qu'une pièce 
de cinq centimes, et paraissant être fait par les mains de 
l'homme. La présence des mâchoires inférieures avec les crânes 
indique que les têtes sont parvenues dans la caverne encore ar- 
ticulées. La première chambre, sauf au-dessous de l'ouverture 
où il y en avait un peu , était entièrement dépourvue de terre. 
La chambre inférieure, sur la même pente, avait la partie basse 
entièrement bloquée par une terre rouge et fine, déposée par 
un courant d'eau qui coule lors des fortes pluies. Sur le sol, 
parmi les pierres, étaient en grand nombre des os et des dents 
de loup, de renard, de taupe, d'arvicola, de blaireau, de 
chauve-souris, avec un métacarpien de cerf et des débris d'oi- 
seaux. De quelle manière ces animaux se sont-ils introduits 
dans la caverne? Nous ne pouvons faire que des conjectures, 
car on n'aperçoit pas la moindre trace de rongement, il n'y a 
pas de fragments de charbon ni d'autres indices de l'homme. 
Pourtant, ayant trouvé les crânes groupés et celui du cochon 
percé, nous croyons que c'est l'homme qui les a apportés. 
L'entrée à peine assez grande pour permettre à une chèvre et 
à un cerf de passer, était trop petite pour qu'un bœuf pût tom- 
ber accidentellement dans la caverne. Si les animaux découverts 

1 . Quart, geol. journal, novembre \ 865. 



— 312 — 

avaient été la proie du loup ou du renard, on aurait reconnu 
des traces de dents sur leurs os. 

En 1863, M. James Parker explora une caverne dans les 
rochers d'Uphill, près de Weston-super-Mare, en Somerset- 
shire. Il obtint des crânes humains, des ossements, de la pote- 
rie grossière et du charbon de bois. Parmi les ossements, j'ai 
déterminé : le chat sauvage, le loup , le renard, le blaireau, 
le Bos longifrom^ le cochon, le cerf, le chien et le rat d'eau. 
La plupart des restes appartiennent à des animaux encore jeu- 
nes et quelques-uns sont rongés par les chiens, les loups ou 
les renards. 

La caverne de Heatheryburn, en Yorkshire, explorée par 
M. John EUiot, en 1862 \ a produit, outre des débris humains, 
des ossements de loutre, blaireau, chèvre, renne, cochon et rat 
d'eau. 

J'ai choisi ces cavernes comme représentant la faune pré- 
historique de la Grande-Bretagne, mais j'aurais pu encore en 
citer d'autres, telles que KèntsHole,qui ayant été ouverte pen- 
dant les temps pléistocènes aussi bien que pendant les temps 
préhistoriques, contenait les débris des animaux de ces deux 
époques à des niveaux différents, ceux du pléistocène étant à 
la partie inférieure du dépôt. J'aurais pu citer aussi la ca- 
verne du Paviland, décrite par le docteur Buckland, dans la- 
quelle les fossiles des deux époques ont été mêlés. 

Voici assez d'exemples pour montrer combien la faune pré- 
historique diffère de la faune postglaciaire. 

Les ossements des animaux çréhistoriques, associés aux 
restes de l'homme, ont aussi été trouvés avec d'autres dans les 
tourbières. Ainsi, en réunissant les animaux des tourbières 
avec ceux des cavernes, nous pouvons nous former une idée 
juste de la faune qui occupait la Grande-Bretagne depuis la 
disparition des mammifères postglaciaires jusqu'à l'époque de 
l'invasion romaine. Dans le tableau ci-joint , j'ai indiqué les 
animaux trouvés associés à l'homme dans les cavernes, ceux 
provenant des tourbières les plus modernes et des alluvions, 
en y ajoutant toutes les espèces encore vivantes dans le pays, 
découvertes fossiles dans le pléistocène, et qui, par conséquent, 

1. Geologistmag. 1862. 



-- 313 — 

Tableau des mammifères préhistoriques 
de la Grande-Bretagne. 



Homo sapiens, L 

Rhinolophus ferrum equinum, Leaeh. 

Vespertilio noctula, Sclir 

Talpa EuTopœa, L 

Sorex vulgaris, L 

Felis catus férus, L 

Canis familiaris. A 

Canis vulpes , L 

Canis lupus, L 

Mustela erminea, L 

Mastela martes. L 

Mustela putorius, /. 

Lutra vulgaris. Erxl 

Mêles taxus, L 

Ursus arctos, L 

Mus musculus, L 

Castor fiber, L,. 

Arricola ampbibia, Desm 

Arvicola pratensis, Bell 

Arvicola agrestis, Flem 

Lepus timidus, Erx! 

Lepus cuniculus, Pal! 

Equus caballus, L 

Alces malchis, Gray 

Megaceros hibemicus, Owen. ....... 

Cervus tarandus, L 

Cervus elaphus, L 

Cervus capreolus, L , . 

Ovis aries, L 

Capra segagrus, L 

Capra hircus, L 

Bos longifrons, L 

Bos urus, L 

Sus scrofa, L 






— 3U — 

ont dû traverser l'époque préhistorique. J'ai aussi dans une 
colonne donné la liste des animaux qui vivaient lorsque la Bre- 
tagne était sous le joug romain; enfin j'ai donné la liste de 
tous les mammifères qui vivent actuellement dans le pays. 

L'ours, le lion et l'hyène des cavernes avaient disparu ainsi 
que tout le groupe des grands pachydermes. De tous les ani- 
maux éteints il n'eti restait qu'un , le Megaceros hibemicm ou 
cerf d'Irlande. Cet animal est bien plus rare en Angleterre 
qu'en Irlande où il vivait encore après son extinction complète 
dans nos parages. D'après quelques savants irlandais, il fut dé- 
truit par la main de l'homme. 

Le renne vivait encore, ce qui prouve que dans la Grande- 
Bretagne le climat de l'époque préhistorique était plus sévère 
que celui de nos jours. 

L'époque préhistorique, remarquable par la disparition de 
beaucoup d'animaux qui vivaient pendant l'époque précédente, 
est caractérisée par la présence de nouvelles espèces bien diffé- 
rentes. Le mouton, la chèvre et le Bos longifrons * apparaissent 
pour la première fois, et sont largement répandus dans tous les 
dépôts. A propos du dernier de ces animaux, je diffère d'opinion 
avec le professeur Owen qui le croit contemporain aussi des 
temps postglaciaires. J'ai examiné avec soin tous les docu- 
ments et les faits que nous possédons sur ce sujet, et j'ai ac- 
quis la conviction que cet* animal ne vivait pas à cette époque 
dans la Grande-Bretagne. Le Bos longifrons vivait en grands 
troupeaux avec les hommes préhistoriques qui ont précédé 
l'invasion romaine. On trouve ses restes fossiles dans les tu- 
mulus et les lieux d'habitations préhistoriques. Pendant l'oc- 
cupation romaine, il ne fut supplanté par aucune autre espèce 
ou race, ainsi que le pense le professeur Owen *. En effet, ses 
ossements cassés,*ses dents et le fût osseux de ses cornes ren- 
contrés dans les rejets des villes et stations romaines de la 
Grande-Bretagne, prouvent qu'il était le seul bœuf servant 
alors à la nourriture. Lorsque les Saxons débarquèrent dans la 
Grande-Bretagne, cet animal disparut de la contrée conquise 
par eux. Il ne vit plus que dans le pays de Galles et en Ecosse 



1. Quart. geoLjoum. vol. XXIII, p. 176. 
% Brit. foss, mam. p. 508. 



— 315 — 

OÙ les Gelto-Romains se réfugièrent. Dans le reste du pays, il 
fut supplanté par une race plus grande, que les Saxons enva- 
hisseurs amenèrent sans doute de la Frise. Je n'oserais dire 
d'où vinrent le mouton, la chèvre et le Bos longifrom; ce qu*il 
y a de certain , c'est qu'ils apparurent tous en même temps 
dans la Grande-Bretagne, et que tous sont associés aux débris 
de l'homme. Il est très-probable que c'est l'homme lui-même 
qui les a introduits dans notre île. 

L'urus était très-rare, et il est étrange que le bison si abon- 
dant en France ei en Allemagne * sous Gharlemagne, fasse 
complètement défaut dans la Grande-Bretagne. 

Le vrai élan était très-rare et n'a laissé de débris fossiles 
qu'à Newcastle, dans un dépôt recouvert de tourbe. 

Le cerf a beaucoup augmenté en nombre après l'égoque 
postglaciaire ; il a pr^que remplacé le renne. Les débris fos- 
siles montrent l'influence produite sur le développement de ses 
andouillers, par la diminution de son aire d'habitation. Dans 
les temps postglaciaires, lorsque l'Angleterre se trouvait réu- 
nie au continent, les andouillers étaient très-grands. Ils devin- 
rent moins volumineux dans les temps préhistoriques, lorsque 
la Grande-Bretagne devint une île. On remarque aussi qu'ils 
ont diminué de grandeur dans les individus qui ont servi de 
nourriture aux Romains. Enfin les cerfs qui vivent encore main- 
tenant dans certains endroits retirés de l'Angleterre et de 
l'Ecosse, sont plus petits que tous les autres. 

Le loup et le renard étaient très-abondants, mais l'ours 
brun était peu répandu. 

Faisons maintenant la comparaison des animaux préhistori- 
ques avec ceux qui vivaient dans la Grande-Bretagne sous la 
domination romaine, et avec ceux qui existent encore aujour- 
d'hui. 

Le cerf d'Irlande, le renne et l'élan avaient disparu de la 
Grande-Bretagne avant l'invasion des légions romaines, mais 
tous les autres animaux préhistoriques vivaient encore. Nous 
devons probablement aux Romains l'introduction d'une nou- 
velle espèce de cerf, le daim. Il n'a jamais été trouvé dans les 
dépôts postglaciaires ou préhistoriques, mais seulement dans 

1 . Monachi Sangallensis, de Rébus, Caroli Magni, lib. II, cap. xi. 



— 316 — 

les accumulations de rejets de Tépocpie romaine où il est assei 
commun. Sa présence en Grande-Bretagne date donc de Tar- 
rivée des Romains. 

Quant aux bêtes fauves, comme depuis l'époque romaine 
le domaine de Fhomme s'étendit de plus en plus, elles dispa- 
rurent l'une après l'autre. 

La dernière observation historique que nous ayons concer- 
nant le castor, est celle rapportée par Geraldus Cambrensis S 
en 1188. Cet auteur dit avoir rencontré des castors dans la 
Seivy, rivière du Cardiganshire , lorsqu'il parcourait ce pays 
dans l'intention de réunir des volontaires pour la première 
croisade. 

S'il faut en croire la légende de la famille Gordon, en Ecosse, 
Tours brun fut définitivement détruit Tan 1075. 

Le loup, qui était assez abondant en-Sussex pour dévorer les 
^ corps des Saxons laissés sur le champ de bataille de Hastings 
par le duc Guillaume : 



Vermibusatque lupis canibusque voranda, 
Dexerit Anglorum corpora strata solo *. 



vécut en Angleterre jusqu'en 1306, en Ecosse jusqu'en 1680, et 
en Irlande, protégé par les terres non cultivées et les mauvais 
règlements, jusqu'en 1710. 

Dans cet essai sur les animaux préhistoriques associés à 
rhomme, j'ai essayé de prouver que dans la Grande-Bretagne 
les animaux de l'époque du bronze et de l'époque néolithique 
sont les mêmes que ceux trouvés dans les tourbières et les al- 
luvions. Ce groupe diffère essentiellement de celui des animaux 
de l'époque postglaciaire. J'ai tâché aussi de montrer les rela- 
tions qui existent entre le groupe préhistorique et celui des 
animaux vivant actuellement dans la Grande-Bretagne. Quant 
à la comparaison de notre faune préhistorique avec celle des 
lacs suisses ou celles de la Scandinavie, de l'Allemagne, de la 



1 . Hinerarium Cambriœ. 

2. De Bello Haslingensi carmen, par Gui, évêque d'Amiens, qui 
mourut en 1075. 



— 317 — 

France et de F Italie, je laisse aux savants de ces divers pays 
le soin de rétablir. 

J'ai prouvé que la modification de notre faune préhistorique 
est le résultat de l'action de l'homme, et je ne puis m'empêcher 
de croire que cette action s'est jointe au changement de climat 
et de géographie, pour occasionner la disparition des grands 
animaux associés à l'homme pendant l'époque postglaciaire. 
L'homme sans doute fit une guerre d'extermination aux grands 
carnivores; quant aux grands ruminants dont il se nourrissait, 
leur taille les mettait moins à même d'échapper à ses recher- 
ches. 

11 y a probablement une vaste période de transition, repré- 
sentant un énorme espace de temps, entre les époques post- 
glaciaires et préhistoriques d'où date la faune d'Europe, telle 
que nous la possédons. 

Beaucoup d'animaux, probablement introduits en Europe 
après que la Grande-Bretagne fut devenue une île, n'ont pas 
été trouvés dans le pays : tels sont le chamois et le bouquetin. 
Si la Grande-Bretagne eût été unie à la France pendant l'épo- 
que du renne, nous aurions pu trouver les restes fossiles de ces 
animaux. 

La séance est levée à 10 heures. 

L'un des secrétaires -adjoints^ 
Henri de Longpérier. 



318 — 



SÉANCE DU JEUDI 29 AOUT. 

PKÉSIDENCË DE Al. DE QUATBEFAGES. 

L'un des vice-présidents. 



La séance est ouverte à deux heures. 

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. 

Le Président, en vertu de l'art, iv du règlement général, 
propose de déterminer le pays où se tiendra la prochaine ses- 
sion du Congrès. Trois demandes ont été faites, concernant 
l'Angleterre, la Belgique et Heidelberg. Goiftme le prescrit 
Tart. XI du règlement, le Conseil a discuté les trois demandes, 
et, après mûr examen, il propose de choisir l'Angleterre. 
Désignant comme président : 

Sir RoDERiCK MuRCHisoN, bart; 
Et comme membres du Comité d'organisation : 

Carter Blake, esq. 

George Busk, esq. 

John Evans, esq. 

AuGUSTUs W. Franks, esq. 

Sir John Lubbock, bart. 

Sir Charles Lyell, bart. 

Prestwich, esq. 

Ces propositions ont été adoptées par acclamation. 



Pôuplô des tumulus du gouvernement de Moscou. 

M. Anatole Bogdanow, professeur à l'Université impériale 
de Moscou, a adressé au secrétaire général la lettre suivante : 

J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien présenter au 
Congrès mon ouvrage « sur le peuple des tumulus du gourer- 



— 319 — 

nemeni de Moscou. » Ce peuple, préhistorique en ce sens qu'il 
habitait la Russie centrale aux siècles antérieurs à l'histoire 
de la population du gouvernement de Moscou, mérite quelque 
intérêt par ses caractères anthropologiques et même par ses 
caractères archéologiques, quoique ces derniers annoncent que 
sa civilisation était assez médiocre. Dans ma collection, qui a 
servi de base à mon ouvrage, se trouve le produit des fouilles 
de deux cent seize tumulus du gouvernement de Moscou, qui 
est très-riche en monuments de ce genre. De retour à Moscou, 
je me ferai un plaisir de présenter quelques crânes et quelques 
objets des tumulus à la Société anthropologique de Paris, et 
alors messieurs les membres pourront se faire une meilleure idée 
des caractères de la race des tumulus, décrite dans mon ou- 
vrage. Pour le moment, je crois qu'il n'est pas sans intérêt de 
vous annoncer que la race des tumulus est une race dolichocé- 
phalique (la moyenne de l'indice céphalique est 74), d'une 
stature haute, ayant le crâne très-fort et très-spacieux, avec 
un grand développement de la partie occipitale. Dans ces 
tumulus, j'ai trouvé une flèche en silex, des objets en bronze, 
en argent et en fer. J'ai des faits pour croire que cette race 
des tumulus n'appartenait pas à la race finnoise proprement 
dite; mais la question sera résolue bientôt, car M. Fedschenko 
fait, pour le moment, un voyage en Suède et en Finlande 
pour étudier spécialement les caractères crâniologiques de 
la race finnoise. 



Atelier de fabrication de Tâge de la pierre polie 
à Alpreok. 

M. Emile Sauvage présente une collection de silex taillés, 
recueillis par M. Hamy et par lui dans un gisement superficiel 
de l'âge de la pierre polie, à Alpreck, commune du Portel 
(Pas-de-Calais), •et donne les détails suivants : 

Les silex qui sont devant vous proviennent d'une station 
que nous avons exploitée, M. Hamy et moi, à diverses reprises 
depuis le mois de septembre 1865, à Alpreck, près de Boulo- 
gne-sur-Mer. Nous avons affaire ici à un atelier de fabrica- 
tion : les débris de toute espèce, depuis le silex brut et le 



— 320 — 

nucléus jusqu'aux plus petits éclats de taille, jonchent le sol ; 
ils sont surtout très-abondants dans un endroit où la culture 
ne les a pas dispersés, sur le bord des falaises ; en ce point, les 
éclats se ramassent par centaines, et lorsque le vent ou la 
pluie ont emporté le sable qui les recouvre, on trouve de 
nouveaux débris là où Ton n'avait plus rien laissé quelques' 
jours auparavant. L'éboulement de nos falaises a dû enlever 
une grande partie de cet atelier des habitants primitifs des 
rivages de notre détroit. 

La matière première mise en œuvre a été le silex crétacé 
que l'on allait chercher à 12 kilomètres de là, et que l'on tra- 
vaillait à Alpreck, comme le montrent, d'un côté, des silex non 
utilisés, et, de l'autre, de nombreux éclats et nucléus. Des 
silex ayant servi de marteau se retrouvent en cet endroit ; un 
marteau surtout est très-intéressant : l'ouvrier a utilisé un silex 
globuleux présentant un appendice en forme de manche ; cet 
instrument a servi longtemps, car à la partie globuleuse ou 
tête on remarque de nombreuses traces de percussion. 

Les couteaux sont très-communs à Alpreck, malheureuse- 
ment ils sont rarement entiers. A côté des couteaux, on doit 
placer des lames de silex pointues et triangulaires , et un cer- 
tain nombre de couteaux-scies et de scies; sur ces derniers outils 
on a conservé l'écorce du silex dans la partie non coupante qui 
devait être emmanchée. Un couteau est fortement ébréché et a 
dû servir à lisser des substances dures. 

Nous avons aussi trouvé le J3oinçon, la hachette semi- 
circulaire, le grattoir simple et le grattoir doublé pouvant en 
même temps être utilisé comme scie. M. A. Bétencourt possède 
deux petits disques en silex, d'un diamètre de âO millimètres 
environ, taillés à petits coups sur tout leur pourtour, et d'un 
usage inconnu. 

Une forme caractéristique du nord et surtout des rejets de 
cuisine, c'est le ciseau ; on le retrouve à Alpreck, avec les mo- 
difications que l'ouvrier a fait subir à son . caillou pour le 
transformer en instrument. 

On retrouve aussi la flèche, depuis le rejet de fabrication 
et l'ébauche jusqu'à la belle flèche en forme de feuille, la flè- 
che triangulaire et la flèche à deux appendices latéraux aussi 
longs que l'appendice médian. 



— 321 — 

Les petits instruments en silex sont très-abondants. Il est 
possible que certains d'entre eux aient pu servir d'hameçons 
droits. 

Nous avons dit que cet atelier appartenait à l'époque de la 
pierre polie. Gomme confirmation, outre ces formes de flèches 
qui n'appartiennent qu'aux stations de cette époque, on a 
trouvé à Alpreck quelques fragments de haches polies. 

La plupart de nos silex présentent une épaisse patine blan- 
che. Plusieurs ont été brûlés. On a objecté que l'action du feu 
avait pu être accidentelle et bien postérieure ; cela peut être 
vrai, mais il est remarquable qu'à Alpreck toutes les pierres 
brûlées sont des silex bruts, non travaillés, et que les outils ne 
présentent pas de traces du feu. 



Aperçu sur Tétude des temps préhistoriques en Hongrie. 

M. Florian Rômer, professeur à l'Université de Pesth, 
donne d'intéressants détails sur les temps préhistoriques de 
la Hongrie. 

Le monde savant, dit-il, n'est que très-peu au courant du 
mouvement scientifique de ma patrie, parce que nous faisons 
toutes nos publications dans une langue très-différente des 
autres langues de l'Europe, et par conséquent fort difficile à 
comprendre. Mais comme cette langue est le seul moyen de 
garantir notre existence nationale et d'atteindre le but de l'Aca- 
démie des sciences hongroise, fondée spécialement à cet effet 
par la nation, il faut que notre littérature soit aussi hongroise, 
et que nous travaillions, malgré notre isolement, de toutes 
nos forces et employions tous les moyens à notre disposition, 
non-seulement pour suivre, mais aussi, s'il est possible, pour 
marcher sut- le terrain que nous avons choisi de pair avec les 
savants les plus avancés. 

Malheureusement ces études sont très-difficiles dans un 
pays comme le nôtre , qui fut longtemps couvert de vastes 
marais et d'immenses forêts, et qui, pour ces motifs, ne reçut 
probablement que fort tard une population stable et indus- 
trielle ; dans un pays qui n'a joui que pendant quelques siècles 
des bienfaits delà civilisation des Romains, et qui enfin, après 

24 



— 322 — 

avoir été le théâtre des migrations continuelles de tous les 
peuples barbares, fut dévasté par les Tartares et subjugué 
pendant un siècle et demi par les Turcs, dont le gouverne- 
ment, on le sait, n'était pas très-enclin à la conservation des 
monuments historiques. 

Messieurs, nous connaissons très-bien en Hongrie les résul- 
tats importants de toutes les études faites par des savants dont 
la renommée est européenne, et depuis quelques années nous 
avons aussi commencé à chercher des objets d'industrie appar- 
tenant à l'époque préhistorique, à faire des fouilles et à publier 
les fruits tirés de ces travaux, en les illustrant par de nom- 
breuses planches. 

Quant aux monuments préhistoriques, ce sont les parche- 
mins les plus anciens, les premiers documents fournis peu de 
temps après que les Magyares eurent embrassé la religion 
chrétienne, qui nous les font connaître. Us font souvent men- 
tion des sépultures des païens^ c'est-à-dire des tumulus^ et 
des idoles (bàlvàny) des païens^ c'est-à-dire des pierres mo- 
numentales, aujourd'hui complètement inconnues, par suite 
sans doute de la destruction ordonnée par les prêtres après 
plusieurs révoltes contre le christianisme. On trouve les der- 
nières mentions de ces monuments dans une loi du roi Ladislas 
qui défendait de faire des sacrifices sur les roches situées près 
des sources. — Dans la légende de sainte Marguerite, à la fin 
du XIII® siècle, on parle de la bonne pierre que la sainte a fait 
apporter pour en guérir l'une de ses sœurs religieuses; mais ce 
sont là des indications très-insuffisantes, parce que pendant 
longtemps notre littérature s'est tue sur ces objets , et s'est 
contentée d'écrire, aux \yv et \yiv siècles, de curieux rapports 
sur des fils d'or faisant alors partie de la bijouterie ancienne, 
et qui croissaient — selon la croyance du temps — dans les 
vignes de la Hongrie supérieure, où on les trouvait en tra- 
vaillant ; ainsi que sur les grandes découvertes de trésors de 
monnaies en or faites dans les différentes parties du pays. 

Ignorant la réunion de cet illustre Congrès, avant mon 
arrivée à Paris ; éloigné depuis plusieurs mois de mon domi- 
cile, privé de mes livres et de mes notes, résultats d'études 
commencées il y a quelques années à peine ; écrivant en con- 
séquence de mémoire, je vous prie, messieurs, de ne voir 



— 323 — 

dans le modeste exposé que je vous soumets, qu'un simple 
croquis, que le premier jalon de l'histoire du développement 
de cette science si importante, et la preuve de notre sérieuse 
résolution de vous suivre d'aussi près que nous le permet- 
tront nos relations. 

Si j'ai bonne souvenance, le riche et zélé patriote Nicolas 
de Jankovich fut le premier qui recueillit la plupart des objets 
formant à présent le noyau de notre Musée national, musée 
maintes fois visité et apprécié par des savants étrangers. 
M, Jankovich a écrit sur des objets d'or appartenant à l'époque 
du bronze, trouvés au nord de la Hongrie. Jean Luczenbacher 
(Erdy) le suivit dans cette voie, faisant des fouilles, publiant 
tout ce qu'il connaissait de tous ces objets si remarquables' au/ 
point de vue de l'histoire de l'homme préhistorique, ou pour 
mieux dire des peuples dont l'histoire ne parle pas. Il faut 
leur adjoindre M. François de Knbimji Taîné, qui, à l'aide 
de beaucoup de dépenses, avec une application extraor- 
dinau*e et une persévérance qui lui est propre, a formé une 
collection riche et instructive comme on n'en avait jamais 
vu chez nous, mais qui, en 18&9, durant le fatal incendie 
et le pillage de la malheureuse ville de Losonez fut entière- 
ment anéantie. Aussi ne la connaissons-nous que par les 
dessins du collectionneur, publiés dans le second volume de 
notre Archoologiai Kozlemenyek (comptes rendus archéologi- 
ques). Mais l'infatigable collectionneur a fait depuis ce temps 
bien des excursions, bien des fouilles, et a offert au Musée na- 
tional tout ce qu'il a trouvé ou acheté. 

Ici il faut encore mentionner mon prédécesseur à la chaire 
d'archéologie à l'université de Pesth, M. François Kiss, mon 
collègue M. Joseph Szabô^ professeur de géologie, et enfin 
l'académicien ^M. Jules SchwartZy qui, quant à l'époque de la 
pierre et du bronze, ont suivi tous les efforts et tous les tra- 
vaux des étrangers et les ont mentionnés, soit dans les séances 
de l'Académie hongroise, soit dans nos journaux scientifiques. 

Depuis quelques années, on a formé, au sein de l'Académie, 
une Commission archéologique s'occupant exclusivement de 
tout ce qui se rattache à cette science, et aussi tout spéciale- 
ment de ce qui nous occupe dans ce Congrès. Un des premiers 
soins de la Commission archéologique a été la rédaction d'un 



— 524 — 

guide comme moyen d'instruction. Plusieurs seigneurs illus- 
tres : les comtes Emmanuel Andrdssy et Maurice Sandor^ les 
barons Bêla Wenckheim^ Bêla Orczy et Frédéric Podmaniczky 
ont fait les frais de la première publication de ce guide d'ar- 
chéologie, dont j*ai eu Thonneur de vous présenter le premier 
volume, contenant brièvement non-seulement des aperçus pour 
les objets de l'époque antérieure au christianisme, mais don- 
nant aussi des renseignements sur les fouilles , une notice qui 
peut guider les commençants dans la littérature de cette 
époque, et le catalogue de tous les lieux, connus jusqu'à pré- 
sent, où Ton a trouvé des objets se rapportant à cette période. 

Le livre, vendu le meilleur marché possible, a été suivi 
d'un appel aux paysans, distribué gratis à 4,000 exemplaires. 
Cet appel contient, dans une seule feuille, tout ce qui est 
nécessaire pour donner aux hommes qui travaillent dans les 
champs, dans les prairies, dans les vignes et les forêts les pre- 
miers avis indispensables. 

Voici le résultat de tous ces efforts : 



I. 
Époque de la pierre. 

Du silex taillé on n'a jusqu'à aujourd'hui que très-peu de 
traces. M. Bubics en a trouvé, il y a plusieurs années, un mor- 
ceau parmi les caillons des bords du Danube, près Gonyo 
(comté de Raab). A Presbourg, la Société impériale géologique 
de Vienne a exposé quelques échantillons des outils de silex 
trouvés à Moravan^ vallée du Waag. Les membres de la même 
Société ont trouvé à Waitzen (comté de Pesth), sous une 
couche de terre cultivée de 2 à 5 pieds, d'autres pièces de 
silex travaillé. Mon ami, le doyen de Koronczô, M. François 
Ebenhôchy a trouvé aux environs de sa paroisse deux pointes 
de flèche en silex. Le géologue et professeur de l'Université 
de Pesth, Joseph Szabôy m'a raconté qu'à Erdobêrye (comté 
de Zemplény) il a reçu deux pointes de flèche en obsidienne 
qu'on a trouvées dans les environs, bien ressemblantes à celles 
qu'on apporte du Mexique ; il a ajouté que dans la montagne 
de Mdtra^ k Egyek, on a fabriqué des objets en silex. 



— 325 — 

Il y a quelques jours on m'a envoyé de Transylvanie un 
beau nucléus d'obsidienne, en m'informant qu'il en existait un 
autre semblable dans le pays. 

Si Ton n'a pas trouvé jusqu'à présent un plus grand nombre 
de silex taillés, c'est moins à cause de leur rareté réelle que 
parce qu'ils ont passé inaperçus, n'ont pas été cherchés et 
conservés; toutefois nous espérons que par la suite nos trou- 
vailles, excitées par les découvertes admirables de la France 
et d'autres pays, seront aussi instructives qu'intéressantes 
pour le développement de l'histoire de l'homme préhistorique. 

Quant à notre exposition des objets de l'âge de la pierre 
poliey les savants étrangers ne doivent pas croire que les quel- 
ques pièces que j'ai apportées comme par hasard, augmen- 
tées récemment par quelques autres du Musée national de 
Pesth, sont les uniques spécimens de nos collections. La Com- 
mission de l'Exposition universelle viennoise, chargée de faire 
le choix des objets destinés à Paris pour représenter notre 
histoire du travail, ne voulait pas donner un tableau achevé 
des époques les plus anciennes, mais désirait que notre Musée 
fût représenté seulement par des pièces remarquables appar- 
tenant à la bijouterie et au service de table de notre aristocra- 
tie. — Outre ce que possède le Musée national, il y a une 
quantité considérable d'objets de pierre polie au musée du 
gymnase des Bénédictins, à Raab. Les collections de MM. Fran- 
çois deKubinyi l'alné, Jean Schieffner, Jean Bakics, à Pesth, 
sont dignes d'être mentionnées comme contenant un grand 
nombre de ces objets. Le doyen François Ebenhôch, à Koronczo, 
sur mes excitations, a trouvé, dans l'espace de deux ou trois 
ans, aux environs de sa paroisse, 120 pièces diverses de cette 
même époque; cette collection contient trois marteaux avec des 
essais de perforation fort intéressants. Enfin la collection de 
M. Jean Kelecsényi à Csalàd (comté de Nyitra) et la mienne 
contiennent des pièces d'un grand intérêt. 

A l'exposition archéologique, arrangée par mes soins, 
en 1865, pendant le Congrès des médecins, naturalistes et ar- 
chéologues à Presbourg, quelques particuliers avaient exposé 
48 pièces, la plupart en serpentine ; mais il y avait aussi des 
pièces en basalte, en porphyre, en schiste argileux, etc., une 
pièce pour chaque genre. Le groupe des pièces si nombreuses 



■ — 326 — 

du Musée national n'est pas encore classé, mais, avec le temps, 
nous l'espérons, le catalogue raisonné jettera de la lumière 
sur les lieux de provenance, et fournira par conséquent de 
précieux renseignements sur les relations commerciales de 
notre pays dans l'âge le plus reculé. 

La forme des objets de pierre n'est pas différente de celle 
des autres pays. Tous ces objets ont été trouvés sans manches. 
Il y a des haches ordinaires, -des marteaux et des pierres à 
moudre de basalte, roche qui se trouve en grande quantité 
en Hongrie. — Certains outils ont letrartchant courbé et d'au- 
tres semblent avoir servi de rabot; je ne me souviens pas 
d'avoir remarqué cette forme dans d'autres musées. La gran- 
deur des marteaux, soit en serpentine, soit en grès, varie de 
8 pouces 1/2 de longueur et â pouces de largeur jusqu'à la 
mesure ordinaire dans les autres pays. 

On a trouvé à Felso-Vadasz (comté d'Abanj) et à Magyarad 
(comté de Hont) des instruments en bois de cerf et en ossements 
d'oiseau, en forme de marteaux et d'outils pointus et per- 
forés. Ils étaient associés à de nombreuses poteries et à des 
restes de repas contenant des ossements de neuf espèces dif- 
férentes : des mammifères , des tortues, des coquillages. Les 
coquilles d^uniOy que le peuple mange chez nous, même au- 
jourd'hui, dans quelques localités, sont toujours rompues à la 
partie antérieure, signe certain de l'emploi d'un outil pour 
les ouvrir. Les poteries trouvées, d'une forme très-lourde, sont, 
comme ailleurs, grossières, mêlées avec de petits cailloux, tra- 
vaillées à la main seule et cuites à feu libre ; leurs ornements, 
tout à fait primitifs, consistent en lignes irrégulières, tracées 
çà et là sans aucune apparence d'artifice. Quant à la couleur, 
elles sont rouges à l'intérieur et noires en dehors. Les anses 
représentent quelquefois des têtes d'animaux, quelquefoisdes 
oreilles perforées à la base. — Les pyramides ^ supposées être 
des poids servant à tendre les fils des tisserands, sont d'une 
argile grossière, mêlée avec quantité de morceaux de diffé- 
rentes roches; elles sont très-nombreuses et de couleur rouge 
pour la plupart. 

En général, on ne trouve chez nous aucun de ces monu- 
ments gigantesques de pierre assez fréquents en France, en 
Angleterre et dans le Nwd ; on n'y trouve que rarement des 



— 327 — 

objets de pierre taillée, même dans les cavernes à Ursus spe- 
lœusy ou dans les restes de repas. Les haches et les marteaux 
de pierre polie n'ont encore été trouvés que chez les paysans, 
dispersés çà et là, sous le nom de foudre plate (lapos men- 
nyko) de foudre enchaînée (lanczos mennyko), de flêc/ie de 
Dieu (Iften mjila) ; ce sont les mêmes expressions dont se sert 
encore aujourd'hui très-souvent le peuple en jurant. On ren- 
contre encore plus abondamment ces objets, dans tous les 
villages, chez les vieilles commères et sages- femmes, comme des 
amulettes, qu'elles font frauduleusement et plusieurs fois de 
suite bénir par les curés, principalement en les plaçant sous le 
coussin de l'enfant pendant le baptême; puis elles s'en servent 
pour guérh- différentes maladies, et font avec elles de nom- 
breuses sorcelleries. Les traditions sur la production des 
haches par la foudre et leurs prétendues vertus prodigieuses 
sont les mêmes chez les paysans magyares, allemands et 
slaves en Hongrie, ainsi que chez les Bohèmes ; elles décou- 
lent encore du paganisme. 

IL 

Époque du bronze. 

Les monuments de l'âge du bronze peuvent inspirer un in- 
térêt plus vif, eu égard à la quantité des objets trouvés, dont 
la plus grande partie malheureusement a été vendue pour la 
fonte, et dont seulement les restes ont été recueillis dans nos 
musées ou collections, ou exportés en masse à l'étranger; mais 
aussi eu égard à la forme presque toujours différente de celle 
des objets trouvés dans les autres pays, et enfin à cause de la 
richesse des trouvailles en or ; aucune contrée en Europe n'a 
été aussi bien partagée que la nôtre sous ce rapport. 

Il n'y a pas lieu de douter si ces objets de bronze ont été 
fabriqués dans le pays même, parce que les lingots^ souvent 
sans aucune forme, souvent ayant presque celle des Spatangusy 
trouvés en différents endroits, comme à Kis-Terenye (comté 
de Nôgrâd), dans la montagne de Matra (comté de Heves), à 
Csongrâd (comté du même nom) et à Duna-Pentele (comté 
d'Alba) ; les moules en pierre et en argile, trouvés à Nôgrâd, 



— 328 — 

par François de Kubinyi Taîné, aux environs de Pécs (comté 
de Baranya ) trouvés par Antoine Horvat, et au bout méridional 
de nie de Sz. Endre (comté de Pestb) que j'ai trouvés moi- 
même; les fonderies à Nôgrâd et Duna-Pentele, et enfin les 
lames (fig. 64) réunies jusqu'au nombre de quatre, et les fokoi 




Fig. 64. 
Lames de Bronze. Hongrie/ 

(marteaux guerriers) tout bruts, sortant des moules sans être 
achevés (fig. 65), démontrent suffisamment qu'ils n'étaient pas 
importés. 




Fig. 65. 
Fokos hongrois en bronze sortant du moule. 



Il me semble que c'est ici qu'il convient de faire mention 
des objets qui, après des études sérieuses, me paraissent être 



— 329 — 

propres au sol de ma patrie ; c'est ainsi que, comme en Dane- 
mark, on trouve des glaives très-longs, c'est-à-dire de trois 
pieds, comme celui, du comte de Waldstein trouvé à Sztara 
(comté de Zeraplin) et un autre recourbé, figurant au musée de 
Clausembourg ; nous avons également plusieurs pioches et 
hoyaux (fig. 66) de cuivre pur très-grands et très-lourds ; des 
marteaux guerriers à branches égales, cylindriques (fig. 67) 




Fig. 66. 
Hoyau ou marteau en cuivre. 



ou, ce qui est très-rare, avec deux tranchants; les haches guer- 
rières d'une forme gracieuse, modèles incontestablement de 
nos csdkdny's. Ces dernières armes sont encore en usage en 




Fig. 67. 

Marteau guerrier à branches cylindriques. 

Hongrie, même aujourd'hui, principalement parmi les gardes 
champêtres. J'y ajoute les plaques spirales en gros fil de bronze 
quadrangulaire (fig. 68), les cylindres à spirales de toutes 
dimensions, souvent très-longs et fermés aux deux extrémités 
avec des plaques spirales du même fil (fig. 69) : les spirales des 
lames avec arête au milieu; les ceintures en larges lames de 
bronze, comme les paysans slaves et roumains les portent 
encore de nos jours, mais en cuir orné de plaques et de bou- 
tons en métal ; des plaques-breloques rondes avec une proé- 



— 330 — 

minence au milieu, et un oreillon au bord ; les écailles creu- 
sées à deux ou quatre trous sur les bords, qui, en raison de la 
grande quantité trouvée, devaient vraisemblablement être 
appliquées sur des vêtements d'hommes, ou sur des harna- 
chements de chevaux ; les clous ayant deux trous à la tête ; 




Fig. 68. 
Plaqae spirale en fil de bronze quadrangulaire. 

les épingles en forme de fuseau, ayant jusqu'à une longueur 
de deux pieds, et d'autres avec une plaque ronde et sous la 
plaque une oreille, commençant à la moitié d'être tordues et 
portant à leur extrémité des espèces d'éteignoirs en lames de 
bronze; une grande quantité de faulx, des formes les plus 




Fig. 69. 
Cylindre à spirale fermé par des enroulements. 

variées; les fibules en grandes spirales de fil de ^bronze 
(fig. 70, 71, 72); les nœuds de massues (buzogâny) ou casse- 
tête en nombres et variétés admirables, dont les habitants du 
pays aiment à se servir même aujourd'hui; les hausse-cols 
(fig. 73) ou, comme d'autres disent, les couronnes de lames de 
bronze ; les anneaux sillonnés et les plaques en or en nombre 



— 331 — 

remarquable ; les plaques en or de différents diamètres avec 
trois proéminences sphériques et des trous aux deux côtés; les 




Fig. 70. 

Fibule à quatre spirales. 



csakany's (haches) en or massif d'un grand poids; les chaînes 
pesantes avec des anneaux de différentes formes; les bracelets 




Fig. 71. 
Très-grande fibule en bronze. 

(fig. 74) quelquefois sont simples, quelquefois très-ornemen- 
tés, etc.; enfin des quantités de petits cylindres perforés, fa- 



— 332 — 

briqués en coquilles de Tridacna gigas^ servant de grains de 
colliers ; les bracelets de verre coloriés, etc. 

La plupart de ces objets de bronze se rencontrent simple- 
ment dans la terre, ou bien dans de grands pots. Dans ce cas, 
ils sont ou brisés ou recourbés, afin de pouvoir entrer dans 
le récipient. On y trouve aussi presque toujours de petits pots 
élégamment ornés, ayant les ornements remplis d'une matière 
blanche. Souvent les objets de bronze dans les grands pots 
montent jusqu'au poids de dix kilogr., et consistent en diffé- 
rentes armes et ornements; les objets ont souvent la même 




Fig. 72. 
Fibule à spirale gravée. 

forme et la même destination, comme par exemple les soixante 
faulx à Gtins, les nombreux glaives à Bôszormény, les fokos 
trouvés à Rimaszombat, etc. Tous ces objets sont à l'ordinaire 
travaillés avec goût et adresse, comme on peut en juger par les 
échantillons exposés. Certaines poteries sont splendidement 
graphitées et bien ornées. 11 y a des poteries quadrangulaires, 
parfois entourées de proéminences, quelquefois en forme de 
lavoirs, quelquefois trouées et servant de passoires. 

Outre les simples sépultures, il y a quantité de tumulus qui 
se rencontrent dispersés dans tout le royaume, ou réunis par 
centaines ou isolés à travers les prairies, les collines et les plus 
grandes montagnes. On a découvert des tumulus d'une hauteur 



— 333 — 



de dix à vingt mètres au milieu, avec une ceinture quadrangu- 
laire de grands pieux, dans laquelle se trouvaient les corps 
d'hommes et de chevaux avec les objets funéraires ; tels sont 
ceux rencontrés à Csargô (comté d'Alba) au nombre de neuf. 




Fig. 73. 
Hausse-col en bronze. 



D'autres présentent différentes couches de pierres sous les- 
quelles gisent les corps et les poteries. 

Il est peut-être bon de faire remarquer que nos tumulus 
ne contiennent que des pierres de médiocre grandeur, 




Fig. 74. 
Braoelet en bronze. 



même aux endroits où les roches sont très-près; qu'autour des 
tumulus les plus hauts on n'observe pas d'excavations où l'on 
ait pris la terre pour les former, comme on le voit, par 
exemple, autour des remparts primitifs ; et enfin, quant aux 



— 334 — 

couches de pierres dans les tumulus, il faut rappeler que les 
Székely's et les Magyares ont conservé la coutume de mettre des 
pierres sur les tombeaux situés près de la route ou dans une 
forêt, chaque fois qu'ils passent. 

Quant aux immenses remparts qui traversent tout le royaume 
en deux ou trois lignes, dans différentes directions, désignés 
sous le nom de fossés du diable, ainsi que les forts des payem 
{poganwyvax)^ parmi lesquels je n'ai jamais remarqué de 
remparts vitrifiés comme en France et en Bohême, ils sont 
d'une forme différente de celle des camps et vallums romains. 
Il y a absence d* objets d'art. Ils se composent de deux à cinq 
fossés très-profonds, et de remparts très-hauts, se terminant 
en faîte, c'est-à-dire sans aucun plateau au sommet. 

Il faut encore faire beaucoup d'études pour pouvoir les 
classer avec quelque assurance. Je me réserve, à la fin de mes 
recherches sur le système dès fortifications des siècles les plus 
reculés, commencées depuis quelques années, de publier mon 
opinion à ce sujet. 

IIL 
Époque du fer. 

Pour le premier âge du fer, il n'y a que très-peu d'objets 
qui puissent être avec certitude attribués à cette époque dans 




Fig. 75. . 
Épée en fer ployée avec poignée en bronze. 



notre pays. Les spécimens les plus intéressants sans doute sont 
le glaive de fer avec manche en bronze (fig. 75) trouvé à 
Szendrô (comté de Borfod) et un autre à manche de fer trouvé 



-- 335 — 

au même endroit. Ajoutons-y la fibule et le bracelet de fer 
de Tar (même comté) et la trouvaille intéressante de Szob 
(comté de Hont), et nous aurons presque tout ce que Ton 
connaît de cet âge. Les résultats sont assez souvent négatifs, 
mais cela tient à l'insuffisance et à l'inexactitude des rapports 
faits jusqu'à ce jour. J'aime à croire que les années à venir 
nous fourniront plus de matériaux pour des études ultérieures. 
Jusqu'ici, selon les indications de mes cartes, nous connais- 
sons : six endroits pour le silex taillé , cinquante-neuf pour 
la pierre polie, trois cent soixante-cinq pour les objets de 
bronze ; en outre, les remparts, les fortifications barbares éten- 
dues dans tout le royaume et les nombreux tumulus qui se 
trouvent presque partout. 

D'après ce simple exposé, il ne peut y avoir aucun doute que 
la Hongrie ne soit, quoique notre exposition à propos des âges 
dont j'ai parlé soit très-incomplète, l'un des plus riches pays 
en ce genre. Mais il faut avouer aussi qu'il n'existe pas une 
contrée où il se perde tant d'objets. Malgré les efibrts de laCom- 
mission archéologique, qui fait de son mieux pour l'encoura- 
gement et l'enseignement du peuple, et bien que mes collègues 
ne manquent jamais d'inspirer une estime sérieuse pour les 
antiquités, quelle que soit leur époque, néanmoins une quantité 
incroyable des objets trouvés, pendant les travaux publics et 
ruraux, est tous les jours gâtée, écrasée, abîmée, fondue, ex- 
portée. En général, nous avons la notice de la trouvaille, seu- 
lement lorsqu'il est impossible d'étudier ou de sauver les anti- 
quités elles-mêmes. 

L'unique remède contre ce vandalisme serait l'association, 
non-seulement pour empêcher les dévastations inutiles, mais 
aussi pour protéger les lieux historiques qui offrent un intérêt 
national et scientifique. Enfin, je crois qu'avant tout il convient 
d'appeler sur ce sujet l'attention et l'intervention des géo- 
logues, des curés, dos employés des campagnes, et surtout 
des maîtres d'école, qui toujours se trouvent au milieu des 
ouvriers occupés de ces travaux, et donnent le plus souvent 
des renseignements de la plus grande importance pour nos 
recherches. 

Ces moyens, il est vrai, ne dépendent pas immédiatement 
de nous, et demandent peut-être encore du temps pour être 



— 336 — 

généralisés ; mais il en existe un, messieurs, que nous avons 
entre nos mains : pour nous éclairer, nous stimuler récipro- 
quement par la communication de tous les progrès de notre 
science, il faut propager avec la libéralité la plus étendue, 
non-seulement les publications des sociétés existantes aujour- 
d'hui, sans tenir compte de la langue, mais aussi celles de tous 
les savants qui publient souvent de petites brochures, des 
feuilles volantes contenant parfois des renseignements non 
moins intéressants que ceux renfermés dans des ouvrages plus 
volumineux et plus séiîeux. 

Là où resplendit le soleil, il n'est pas besoin de faire parve- 
nir autant de lumière que sur les points où il commence seu- 
lement à se lever. La science, qui ne connaît ni la différence 
du sol ni celle de la langue, doit être également cultivée par- 
tout où se trouvent les traces de l'homme et de son industrie. 
C'est le devoir des riches en science de partager généreu- 
sement leurs trésors avec les moins fortunés, et de tendre 
fraternellement une main intelligente à ceux qui, sans que ce 
soit de leur faute, n'ont pas pu jusqu'ici arriver à la même 
position, mais qui aspirent incessamment à atteindre le même 
but vers lequel nous courons tous, la vérité! 



Présentations de collections de silex. 

M™* DE Cardenal montre une très-nombreuse suite de silex 
taillés, fort variés de forme, parmi lesquels il y a de très- 
beaux échantillons, provenant de Cardenal (Lot-et-Garonne). 
Quoique tous recueillis à la surface du sol, ils présentent des 
formes appartenant à des époques bien diverses. On y voit le 
type très-net de Saint-Acheul et celui du Mpustier à côté d'in- 
struments évidemment de l'époque de la pierre polie, ébauches 
de haches longues, haches polies, pointes de flèches. 

Parmi tous ces échantillons divers, il y a beaucoup de 
petits grattoirs circulaires. M™* de Cardenal pense qu'ils ont 
pu servir de monnaie. 

M. Victor Chatel annonce qu'il a exposé divers échantil- 
lons de silex taillés, dans une salle voisine, et qu'on pourra 
les examiner au sortir de la séance. Us proviennent tous de ses 



337 



domaines de Valcongrain (Calvados), région complètement dé- 
pourvue de silex naturels. A côté des silex de forme connue ei 
bien caractérisée, M. Châtel en place d'autres dans lesquels il 
croît voir des représentations animales. 



Instruments en pierre d'Espagne et d'Allemagne. 

M. ViLANo VA, professeur de géologie à la Faculté des sciences 
de Madrid, expose brièvement les découvertes préhistoriques 
faites en Espagne ces dernières années. Il signale surtout les 
silex taillés recueillis dans les assises quaternaires et en parti- 
culier dans le célèbre gisement de San-Isidro, près de Madrid. 
Des haches du type de Saint-Acheul, identiques à celles de la 
Somme, ont été retirées d'un gravier qui gît au-dessous d'une 
couche marneuse dans laquelle étaient ensevelis des squelettes 
entiers d'éléphants. 

M. DE LucjE fait connaître les résultats de quelques re- 
cherches faites en Allemagne. Il montre deux haches en pierre 
trouvées en Westphalie, près Ham-sur-Lippe. 

La caverne de Balas, qu'il décrit rapidement, contenait des 
silex travaillés associés à des ossements d' Vrsus spelœus. 

Des instruments en pierre ont également été découverts 
dans le Harz, à là surface du sol, et en Poméranie. 



Os humains d'une sablière quaternaire de Grenelle. 

M. Emile Martin fait la communication suivante : 
Je me propose, dans cette note succincte, de donner l'histo- 
rique de la découverte que j'ai faite de fossiles humains, en y 
ajoutant une appréciation de la nature du terrain où cette dé- 
couverte a été faite et quelques observations sur son impor- 
tance au point de vue géologique et anthropologique. 

Occupé, depuis plusieurs années, à recueillir dans les car- 
rières de sable de la plaine de Grenelle des fossiles animaux 
et des silex taillés, j'ai pris l'habitude de consigner chaque 
jour les objets trouvés et les lieux précis d'où ils proviennent; 
il me suffira donc, pour l'historique des découvertes concernant 



— 338 — 

la race humaine, d'analyser les articles de mon agenda qui s'y 
rapportent. 

L'ouverture de la carrière Éiie, c'est ainsi qu'on la nomme 
du nom de son propriétaire, a eu lieu pendant l'automne de 
1866 ; elle est située avenue Saint-Charles, quartier de Javel. 

C'est le 12 janvier 1867 que j'y ai fait la première décou- 
verte; elle consistait en un morceau de crâne fort épais re- 
cueilli au bas d'une tranchée de trois mètres et demi. J'y trou- 
vai aussi deux os qui n'ont pas été déterminés. Le tout a été 
remis par moi, le 14 janvier, à M. de Quatrefages à la séance 
de l'Académie des sciences. L'épaisseur du crâne me faisait 
douter qu'il fût humain. 

Je recommandai aux ouvriers de faire attention aux osse- 
ments qu'ils pourraient rencontrer, sans autre explication, 
puisque je doutais moi-même de la nature de nia découverte; 
et quand je me présentai le 18 janvier à la carrière, on y avait 
trouvé un crâne mutilé sur le devant, une belle mâchoire infé- 
rieure et divers os humains à la profondeur de deux mètres en- 
viron, dans la troisième couche de sable et de gravier, les 
• deux couches supérieures qui surplombaient la cavité d'où les 
ossements avaient été extraits, paraissaient intactes dans leur 
composition et leur épaisseur, ce qui n'aurait pas eu lieu si 
l'objet avait été enterré après la formation du sol. 

Le 23 janvier, je recueillis un os du bassin et une tête de 
fémur, plus un os blanc qui fut reconnu pour tm os de renne. 

Le 4 février, j'arrivai à la carrière au moment où l'on venait 
de trouver divers os humains, et, poursuivant moi-même la 
recherche, je déterrai à la même profondeur dans la tranchée 
trois phalanges d'une main, pouce et doigts. 

Le 5 février, je recueillais à deux mètres cinquante un os 
iliaque de cerf, et en plusieurs endroits de la carrière des 
silex taillés. Je constatais aussi un grand nombre de silex dits 
ébauchés^ et dont les formes rappellent le pied humain ou 
des pieds d'animaux, et différents instruments, tels que mar- 
teaux, coins, etc. 

Le 7 février, visite à la carrière avec MM. Gaudry et le doc- 
teur Fischer, et les ouvriers nous remettent deux petits os qui 
sont reconnus pour humains. 

Le 15 mars, lacarrière donnait une tête humaine, sans face. 



— 339 — 

mais avec front et mâchoire inférieure, à 2'», 50 de la surface 
du sol, plus des os brisés. C'est à cette tête que j'ai attribué le 
n* 1 dans la collection. 

Trois fragments d*os d'un grand animal ont été trouvés un 
peu plus bas. 

Même jour, 15 mars, au moment où j'allais quitter la car- 
rière, le nommé Toussaint trouvait en ma présence un fémur 
humain complet, en deux morceaux, à 2'",50 de profondeur, 
plus des silex taillés et du bois pétrifié. 

Le mardi 19 mars, 1<* un tibia de bœuf fossile et un os 
iliaque; 2** cinq phalanges de doigts de pied humain, le tout 
à 4 mètres de profondeur; 3° même tranchée, à 3 mètres, une 
mâchoire de carnassier (renard). 

Le 23 mars, j'ai recueilli une tête humaine brisée, avec mâ- 
choire inférieure et portion de la mâchoire supérieure en deux 
. morceaux (c'est le n* 2), plus divers os trouvés à toutes les 
hauteurs tle la tranchée. « 

Dans les silex recueillis se trouvait une hache grossière et 
des pierres imitant les bijoux. 

Le dimanche SI mars au matin, une tête fut encore trou- 
vée dans le sable du troisième banc. Remarque : l'ouvrier 
Brochet ayant donné le coup de pic sur la tête, celle-ci fut bri- 
sée et les morceaux tombèrent dans la tranchée, mais en même 
temps il découvrit une série d'os placés perpendiculairement 
au-dessus de la tête et formant l'ossature d'un homme jus- 
qu'aux reins, de sorte que cette moitié d'homme était placée la 
tête en bas. Déjà cette position de la tête, par rapport aux 
autres os du tronc, avait été observée, et cela témoigne de la 
réalité de la théorie de M. Belgrand qui admet que les animaux 
ou hommes, dont nous recueillons les os, ont été entraînés par 
les grandes eaux du fleuve, et que leurs membres ne se sont 
ensablés qu'après dislocation partielle. Dans notre cas, on 
conçoit que la tête étant la partie la plus lourde, se soit ensa- 
blée la première. 

Cette tête brisée a pu être raccommodée en partie (elle porte 
le n* 8), type à front bas et étroit comme le n** 2. Une portion 
de la mâchoire supérieure existe avec pommettes saillantes, 
dents sales un peu arquées ; mâchoire inférieure à pqu près 
entière en trois morceaux. Même tranchée, mais à 3", 50 de 



— 340 — 

profondeur, fémur brisé, tibia et divers os humains, nfêlés à 
des os d'animaux, bois de petit cerf et divers silex taillés. 

Le 3 avril, à 2 mètres, phalanges des doigts d'une main ; à 
& mètres, fémur et tibia de forte taille, phalange de doigts de 
pied. 

Le samedi 6 avril, visite à la carrière Élie avec neuf mem- 
bres de la Société géologique, plus M. de Quatrefages et le 
docteur Fischer. 

La veille, un ouvrier avait reconnu la présence d'une tête, 
et, suivant ma recommandation, il l'avait laissée en place afin 
que je pusse la recueillir moi- même ; mais,' lors de notre arri- 
vée, un petit èboulement de sable s'étant produit, l'ouvrier 
Brochet a dû la renfermer dans un tas de sable avec les osse- 
ments qui l'accompagnaient, soit trois vertèbres cervicales, un 
humérus, etc. La tête était entière moins deux dents, la 
mâchoire inférieure était intacte. Les os des tempes étaient un 
peu disloqués, mais il m*a été facile de les consolider. C'est 
le n^ 4. 

Cette tête entière est, je crois, un objet rare. L'ouvrier qui 
l'a trouvée avait observé que les alentours des débris fossiles 
étaient généralement d'une teinte légèrement brunâtre; cette 
observation a sauvé celle-ci du coup de pic habituel. 

Le 12 avril, dans une tranchée de la carrière Élie atteignant 
5 rflètres de profondeur sur 4 mètres de longueur, il a été trouvé 
quinze os humains, petits et gros, qui m'ont été remis. 

Le 23 avril, os divers humains, une dent d'aurochs, divers 
silex taillés. 

Le 19 mai, os de cheval cassé, couteaux en silex et dents. 

Le 1" juin, un fragment de denl d'éléphant que j'ai 
découvert moi-même, une dent incisive de cheval, deux dents 
d'aurochs. Objets analogues les 4 et 5 juin. 

Le 8 juin (1867) un lot d*os humains, recueillis parle 
contre-maître et son frère, contenant plusieurs débris de crânes, 
dont quatre frontaux. 

Le contre-maître m'a déclaré qu'il avait craint que la re- 
mise de ces os ne le compromît et ne lui fit perdre sa place; 
aussi les avait-il cachés au moment où il les avait trouvés; 
ils étaient enfouis dans le terrain, et j'ai assisté à la fouille 
pour les retrouver. Les ouvriers en général croient que la 



— 341 — 

trouva lie d'os humains doit être déclarée au commissaire de 
police. 

Depuis cette époque, Texploitation a été fort réduite dans 
cette carrière et n'a donné que des silex taillés ; on n'a d'ail- 
leurs exploité que le côté droit, et c'est le côté gauche qui 
fournit les débris humains. 

L'examen du terrain dans lequel ont été faites ces décou- 
vertes était nécessaire pour en déterminer l'ancienneté; aussi 
c'est une des premières questions que se sont adressées les 
savants qui se sont rendus sur les lieux. On s'est demandé : le 
sol qui constitue cette carrière dans toute la hauteur exploitée 
est-jl d'origine quaternaire? J'ai donc besoin de dire sur qugi 
je m'appuie pour l'affirmer. 

Les graviers sableux de la plaine de Grenelle ont été exa- 
minés depuis longtemps par les géologues, qui les ont déclarés 
quaternaires et reconnus comme faisant partie du diluvium 
gris. Cuvier a décrit, dans son grand ouvrage sur les fossiles, 
unedéfense d'hippopotame trouvée justement près du cimetière 
de Grenelle (non loin de la carrière Élie), et depuis, M. Gosse, 
de Genève, ayant fait des découvertes d'ossements d'animaux 
fossiles dans plusieurs carrières de Grenelle, ainsi que de silex 
taillés, a fait constater par x\I. Hébert que le sol de ces car- 
rières était bien le gravier quaternaire. 

Depuis deux an?, j'ai recueilli dans les carrières de Gre- 
nelle, aussi bien dans celles qui se rapprochent du fleuve que 
dans les autres , des fossiles nombreux, dont la Société géolo- 
gique a eu connaissance par une présentation de M. Gaudry, 
et le sol de ces carrières, souvent examiné, a toujours été con- 
sidéré comme appartenant incontestablement au quaternaire. 

Toutes ces carrières sont en effet constituées par des cou- 
ches alternatives de graviers et de sables à gros grains. Parmi ^ 
les silex qui forment presque exclusivement l'élément des di- 
verses couches, on en trouve de taillés, beaucoup d'autres dits 
ébauchés, où la main de l'homme se révèle d'une manière 
moins apparente. Enfln toutes les carrières offrent à quelques 
mètres de profondeur des blocs erratiques, en meulières, en 
grès et quelquefois en quartz ou granit. La constance de ces 
blocs erratiques, à la profondeur de 3 à & mètres, fait même 
présumer qu'il y a eu un phénomène qui les a tous amenés 



— 342 — 

dans le sol à la même époque, au moins dans la plaine de Gre- 
nelle. 

Les blocs erratiques sont considérés par les géologues 
comme le résultat d'un phénomène quaternaire; toutes les 
carrières qui les contiennent en certain nombre , en même 
temps que les graviers et les sables disposés en bancs régu- 
liers, doivent alors être réputés de Tépoque quaternaire. 

Or la carrière Élie est à cet égard la plus caractérisée des 
huit carrières de la plaine; son sable est à gros grains, les lits 
des différents graviers sont distincts, horizontaux et de grande 
étendue, et ses blocs erratiques sont nombreux et variés; l'un 
fl'eux, qui est à l'entrée de la carrière, a été trouvé à la naême 
profondeur que les crânes n°* i et 2, et il était supérieur de 
plusieurs mètres à d'autres ossements trouvés plus tard. La 
carrière a donné ainsi plus de douze blocs, et à certains mo- 
ments on les voyait pointer sur les talus comme une ceinture. 

La carrière Élie et deux autres qui l'avoisinent sont situées 
à 31 mètres d'altitude. Celles des environs de l'église sont à 33 
ou 34 mètres, et diffèrent en un point des premières ; elles of- 
frent dans leur partie supérieure deux mètres et demi environ 
de sable jaune, très-fin, véritable leuss dans lequel on ne 
trouve pas d'os de races éteintes ; ce n'est qu'en dessous de 
ce sable que commencent les graviers sableux en couches dis- 
tinctes qui constituent les carrières du quartier Saint-Charles. 
Si donc on fait abstraction des dépôts de sables gras de la sur- 
face, on voit que toute la plaine de Grenelle possède la même 
constitution, soit 8 à 9 mètres de graviers quaternaires. On 
constate même que l'épaisseur du gravier augmente à mesure 
qu'on se rapproche du bas de la vallée, où elle atteint 13 à 14 
mètres. M. Belgrand a très-bien observé ces dépôts sableux à 
l'altitude supérieure, et raisonnant théoriquement, il a conclu 
en disant : que ces dépôts des carrières les plus élevées étaient 
plus anciens que ceux des autres carrières plus basses. Mais 
l'observation nous montre que dans les carrières de l'altitude 
31, les dépôts de sables gros supérieurs manquent totalement, 
que les graviers anciens commencent immédiatement dès la 
surface, et qu'alors la théorie des ensablements successifs n'est 
point applicable. D'ailleurs la présence des blocs erratiques à 
3 ou 4 mètres de profondeur, au milieu d'un gravier qui est 



— 343 — 

toujours le même jusqu'au fond de la carrière, ne permet pas» 
suivit moi, de le comparer à un ensablement des rives du 
fleuve qui aurait eu lieu à une époque postérieure à Fépoque 
quaternaire. 

Les sables fins des carrières supérieures , qui certainement 
sont moins anciens que les graviers de la plaine à blocs errati- 
ques, sont probablement aussi d'une époque très-ancienne, 
car ils m'ont donné de beaux ossements fossiles, et, d'ailleurs, 
cet ensablement n'a pu avoir lieu qu'à l'époque où le fleuve 
avait encore l kilomètre de largeur au moins; l'éléphant, 
rhippopotame et le renne ne se montrent cependant que dans 
les graviers inférieurs à ces sables fins ; YElephas anliquus ne 
se trouve même qu'à 7 à 8 mètres de profondeur. 

L'état des ossements humains qui ont été trouvés pendant 
l'espace de cinq mois dans la carrière Élie et que nous avons 
décrits, mérite un examen au point de vue de la fossilisation 
et de la conservation ; comment ont-ils pu se conserver pen- 
dant tant de siècles sans se décomposer ? 

La conservation dépend, on le sait, de la nature des terrains. 
Dans celui dont il s'agit on remarque une coloration rougeâtre 
qui annonce un peu de fer, et certaines pièces portent une 
légère croûte calcaire incrustante ; ces deux éléments ont sans 
doute concouru à la conservation. Les os d'animaux trouvés 
en même temps sont d'une conservation remarquable, exem- 
ple : un tibia de Bo^ primigeniusy des os et dents de YEquiis 
fossilis, etc., plus une demi -mâchoire de carnassier dont 
toutes les dents sont restées adhérentes et brillantes, ce qui 
est évidemment dû à la qualité du terrain sous le rapport de 
la fossilisation. 

Examinés chimiquement, les os humains recueillis présen- 
tent d'ailleurs tous les caractères d'une fossilisation parfaite et 
très- ancienne. Ils sont très-légers, se brisent sous le choc en 
un grand nombre de fragments à cassure blanche ; beaucoup de 
ces fragments se laissent entamer à Tongle; traités par l'acide 
cblorhydrique ils ne laissent pas de gélatine, mis sur des char- 
bons ardents ils passent au rouge sans noircir, et sans donner 
ni fumée ni trace d'ammoniaque. Nous constatons d'ailleurs 
parmi les débris d'animaux avec lesquels on les rencontre, 
un échantillon de renne et un d'éléphant, ce qui en indique 



— 3W - 

l'âge* Il est vrai qu'avec le système des alluvions plus récentes 
on nous répond que ces restes, comme le terrain, peuvent 
avoir été remaniés. Mais les silex taillés et les blocs erratiques 
si nombreux, sont- ils donc aussi remaniés ? ces graviers et ces 
sables alternant en lits horizontaux et absolument semblables 
à ceux de toutes les autres carrières de la plaine, peuvent-ils 
avoir été transportés par le fleuve dans le même ordre et sur 
la même profondeur ? La vérité, c'est qu'il n'y a pas trace de 
remaniement, le sol est vierge depuis l'époque quaternaire, la 
croûte brune supérieure en est intacte, et après avoir visité 
toutes les autres carrières de la plaine, qui sont reconnues de 
l'âge de Téléphant et du renne, on est forcé de reconnaître en 
voyant celle-là, que c'est ïe sol type de l'époque ancienne. 

Les ossements recueillis dans cette carrière méritent sur- 
tout un examen au point de vue anthropologique. 

Sur les huit crânes recueillis, deux seulement ont le front 
d'une élévation moyenne, les six autres ont des fronts fuyants 
très- déprimés ; ces fronts sont d'ailleurs étroits, tandis que la 
tête est très-grosse en arrière. Les arcades sourcilières sont 
proéminentes et se relèvent un peu comme dans la race chi- 
noise, les sinus frontaux sont très-développés, la face est gé- 
néralement orthognate, les pommettes saillantes; les mâchoires 
inférieures, trouvées avec quatre des têtes, ont les incisives 
usées carrément, au lieu d'être en biseau comme dans les 
races modernes dont la mâchoire supérieure recouvre en partie 
l'inférieure. Les os des membres, comme on peut le voir sur 
les pièces exposées, ont aussi leurs caractères d'ancienneté, 
les tibias sont tranchants, les humérus souvent percés dans 
la cavité olécrânienne. Les dimensions de ces os, fémurs, 
tibias, etc., annoncent d'ailleurs la taille moyenne des hommes 
actuels. 

M. le docteur Pruner-Bey, auquel j'ai fait voir ces têtes 
plus ou moins entières, ainsi que les silex taillés et les osse- 
ments de renne et autres qui les accompagnaient dans les 
graviers de la carrière Élie, a déclaré positivement les recon- 
naître comme appartenant à la race mongoloïde, qui habitait 
les Gaules avant les Celtes et les Kîmris. 



-- 345 — 



Ordre du jour. 

Le Président rappelle qu'on a mis à Tordre du jour le com- 
mencement de la discussion sur la sixième et dernière ques- 
tion. 

« Quelles sont les notions acquises sur les caractères ana- 
tonàiques de Thomme dans les temps préhistoriques, depuis 
les époques les plus reculées jusqu'à Tappafition du fer? 

« Peut-on constater la succession, surtout dans l'Europe 
occidentale, de plusieurs races, et caractériser ces races?» 

Discours de M. Pruner-Bey sur la question anthropologique. 

La parole est donnée à M. le D** Pruner-Bey : 

Messieurs , c'est par ses œuvres que l'existence de l'homme 
préhistorique de nos régions nous fut révélée; c'est dans ses 
œuvres que vous l'avez contemplé jusqu'à présent. Partant, 
vous avez tout d'abord fait reculer la date de son origine. 
Appuyée déjà d'une double série de ^preuves, cette donnée 
d'une incalculable valeur est désormais acquise à la science. 
De plus, les produits de son industrie vous ont amenés à éta- 
blir la loi du progrès relativement à cet homme préhistorique ; 
et par conséquent vous avez fixé sa place dans la nature. 

Et en effet, c'est avec l'outil façonné de sa main, quelque 
grossier qu'il puisse être à son début, que commence à percer 
un ordre visible de choses qui sépare l'homme du reste de la 
création et l'élève du même coup au-dessus des organismes 
qui lui ressemblent àd' autres égards. Car, aidé de sa main, qui 
elle-même est dirigée par son intelligence, il se cr^e à son tour 
un monde à lui; et si d'une part il exploite et façonne la ma- 
tière brute à sa guise, il étale de l'autre ses prétentions à 
l'empire sur les règnes animal et végétal. 

Envisagée même exclusivement du côté matériel, le seul 
que nous ayons pris en considération ici, la vocation de 
l'homme en face de la nature ambiante se résume par consé- 
quent ainsi : 



— 346 — 

Dominer par Vintellect. 

Ce n'est donc point par une vaniteuse curiosité, non, c'est 
par un désir bien légitime qu*à la fin de nos recherches sur 9t& 
œuvres nous voulons connaître Thoaune qui, avec cfâ frr- 
midables haches en silex, dépeçait les grands pachydermes, as- 
sommait peut-être son semblable, etc.; qui, avec cette pointe en 
os, en silex fixée à la flèche, au javelot, etc., chassait le renne, 
et qui traçait, avec ces instruments primitifs, les contours des 
animaux, sa proie, avec une exactitude surprenante ; qui, avec ce 
sifflet, donnait le signe de ralliement; qui érigea ces monuments 
gigantesques pour garantir les morts de la profanation; qui 
dressa ces fiers piliers pour honorer leur mémoire, ces cercles 
imposants pour adorer ses dieux, pour donner et exécuter ses 
lois ; qui, dans nos contrées, le premier, polit Toutil en pierre 
et asservit à la fois les animaux, ensemença la terre, etc. ; qui 
introduisit la métallurgie, etc. 

Loin de moi, messieurs, la prétention de vouloir traiter 
dans toute leur étendue ces questions. D'autres, plus autorisés 
que moi, se sont mis à la tâche ; d'autres, plus riches en docu- 
ments et plus habiles que moi, l'achèveront. Je n'y prendrai 
mon humble part qu'en servant d'interprète à divers collè- 
gues qui m'ont confié leurs pièces anatomiques. CeHes-ci pou- 
vant éclaircir la question vous seront soumises tout à l'heure. 

De la sorte, vous serez à même de juger par vos propres 
yeux. Enfin c'est grâce aux recommandations bienveillantes 
de notre honorable Président que déjà précédemment M. Du- 
pont me communiqua ses pièces provenant des cavernes de la 
Lesse, que MM. Brun et de Ferry firent la même chose en ce qui 
concerne Bruniquel et le Maçonnais, MM. Filhol et Trutat pour 
les cavernes de Lombrive et de Bruniquel, etc. Je les remercie 
pour ma part, et je prie l'illustre et savante assemblée de leur 
décerner un vote de remercîments. 

Abordons maintenant la question posée dans notre programme 
relativement aux races humaines préhistoriques de l'Europe 
occidentale, en écartant de la discussion tout d'abord l'homme 
tertiaire dont nous n'avons pas encore un seul os. Il en est au- 
trement de l'homme quaternaire dont vous voyez ici toute une 
série de crânes accompagnés d'ossements appartenant à. son 
squelette. Mais avant de les passer en revue, un mot d'expli- 



— 347 — 

cation. Il est un point sur lequel tout le monde est d'accord, à 
savoir que, dans nos régions, il existait aux époques préhisto- 
riques deux races diverses. Tune à crâne raccourci ou brachy- 
cépliale, Tautre à crâne allongé et dolichocéphale. Toutefois, 
nous verrons par la suite que ces termes sont insuffisants, puis- 
qu'il est en Europe des peuples brachycéphales appartenant à 
des races diff'érentes , ce qui se produit aussi pour les doli- 
chocéphales. De . plus, rappelons qu'à nos yeux ces deux 
termes n'ont qu'une valeur relative, c'est-à-dire que la race 
que nous appellerons la brachycéphale pourra ofl'rir un indice 
crânien au-dessous de 80, la longueur du crâne étant égale 
à 100. 

En jetant un coup d'œil sur la première série de crânes 
originaires de la Belgique (trou du Frontal près Furfooz) nous 
constatons tout d'abord que l'un est mâle et l'autre féminin. 
Chez le premier, l'occiput est arrondi et légèrement saillant, 
tandis que chez l'autre il est aplati et presque vertical, diffé- 
rence individuelle qui se rencontre chez la plupart des races 
humaines. De plus, le prognathisme du crâne féminin est plus 
prononcé que celui du mâle, et le premier offre une asymétrie 
latérale posthume, circonstance qui a dû diminuer la largeur 
primitive de ce crâne. 

Caractères typiques de ces crânes : ils sont peu volumineux, 
brachycéphales, et leur partie faciale offre dans ses contours 
la forme du losange ; elle est en outre aplatie et les traits sont 
émoussés ou peu saillanis. Signalons enfin la double forme du 
prognathisme ; et, en effet, ou les alvéoles sont courtes et 
brusquement tournées en dehors à leur bord inférieur, comme 
chez le mâle sous nos yeux ; ou les alvéoles sont allongées et 
inclinées depuis l'ouverture nasale comme chez la femme. Dans 
le dernier cas, les narines sont en même temps évasées, et Tare 
dentaire est aplati à la région incisive. En résumé, c'est un 
type crânien, que j'appelle mongoloïde. 

Pour plus amples détails à ce sujet, on peut consulter les 
Bulletins de la Société d'anthropologie et Texcellente Mono- 
graphie de M. Dupont sur l'homme de l'âge du renne. Car 
c'estàcette époque qu'appartiennent ces crânes, et leur authen- 
ticité est établie d'une façon incontestable par notre savant ami. 
Ajoutons qu'ils proviennent d'une sépulture qui contenait des 



restes osseux d'au moins treize personnes d*âge et de sexe 
différents. Cette sépulture ressemble d'ailleurs à celle d'Auri- 
gnac illustrée par M. E. Lartet ; comme celle-ci, elle était fer- 
mée par une dalle en pierre. 

D'autres cavernes aux environs de Dinant ont également 
fourni des ossements humains de la même époque, qui furent * 
mis à Tétude. Partant, nos observations se sont étendues à des 
crânes fragmentaires dont le nombre surpasse une douzaine. Or, 
sur aucune de ces pièces nous n'avons constaté une déviation 
du type fondamental tel que nous venons de le signaler, si ce 
n'est pour le volume et le degré de brachycéphalie. Car sous 
ce double rapport un crâne recomposé de la caverne de Rosette 
surpasse de beaucoup ceux qui proviennent du trou du Fron- 
tal. Mais tout en conservant ïe même type, ces crânes offrent 
néanmoins des différences individuelles assez remarquables. 
Voici, par exemple, un nez osseux, provenant de la dernière sé- 
pulture, dont la forme nous fait supposer que l'individu auquel 
il appartenait avait un visage de Galmouck. J'ai déjà fait pa- 
reille remarque sur une autre série de crânes du même type 
fondamental, bien que datant d'une époque plus récente : là le 
Finnois se trouvait à côté du Lapon. 

Quant aux autres ossements du squelette recueillis par 
M. Dupont, je me limite à mettre sous vos yeux ces deux hu- 
mérus. On y remarque la perforation de la cavité olécrânien ne 
qui, sans être générale, est très-commune chez THomme de 
l'époque du renne ainsi que chez ses descendants présomptifs. 
A juger d'après les os des extrémités, la taille de cet homme 
était plutôt au-dessous qu'au-dessus de la moyenne. Le même 
résultat a été obtenu par M. Brun, de Montauban. 

Ce modeste savant exploita deux abris à Bruniquel, où il 
parvint à découvrir l'époque du renne. Dans un travail con- 
sciencieux, il expose tous les détails concernant ces fouille?, 
qui ne laissent rien à désirer. De l'un de ces deux abris (Lafayt ) 
proviennent les deux crânes que voici. Le premier appartenait à 
un squelette entier dont M. Brun put sauver au moins une grande 
partie. Ainsi que vous le voyez, ce crâne est d'abord incomplet 
et puis déformé parla compression posthume qu'il a subie dans 
le sens de sa longueur. Impossible par conséquent d'en établir 
avec précision l'indice céphalique. Toutefois, en examinant la 



— 3i9 — 

base de ce crâne, on y remarque d'abord la position très-reculée 
du trou occipital, ensuite la grande distance des cavités glé- 
noïdes et enfin la direction excentrique de Tapophyse zygoma- 
tique de Técaille temporale. Partant, ce crâne devait être ori- 
^nairement bracbycépliale.De son côté, ce qui reste de la face 
nous permet d'établir que sa largeur était considérable à la ré- 
gion des pommettes. Enfin la mâchoire inférieure et la denti- 
tion offrent quelques détails qui sont caractéristiques chez 
l'homme de Furfooz. Et en effet, pas la moindre saillie menton- 
nière sur cette mandibule massive; toutes les dents, d'ailleurs 
d'un bel émail, sont rasées à plat, les incisives supérieures vo- 
lumineuses et arrondies. Enfin la deuxième grosse molaire de 
la mandibule est en largeur au moins égale à la première, 
D'un autre côté, même l'état farineux de ces os témoigne de 
leur haute antiquité, et pour ma part je ne doute point de leur 
authenticité. 

Par contre, il n'en est pas ainsi du crâne n<» 2 de la même 
provenance. Ce beau crâne féminin, encore rempli de sa gan- 
gue, est d'une conservation parfaite. Il est ovale et dolichocé- 
phale, et doit probablement son état d'intégrité à la sclérose 
dont il est affecté. Toutes ses sutures sont d'ailleurs complète- 
ment oblitérées, de même que les alvéoles des dents molaires, 
tandis que les incisives et la canine qui restent sont usées très- 
obliquement. En dehors de ses caractères, un mot sur les cir- 
constances dans lesquelles il fut trouvé. C'est au fond de l'abri 
et couvert d'une légère couche stalagmitique que M. Brun le 
recueillit, tout à fait isolé, c'est-à-dire sans trace d'un reste de 
squelette. Si d'une part des ossements de renne se rencon- 
traient au même niveau, il est de l'autre également avéré que 
le seul tesson de poterie qu'a fourni cet abri se trouvait adossé 
à ce deuxième crâne, et que les silex qui l'environnaient sont 
blanchis. Voilà par conséquent une double série de faits qui 
nous laissent douter de son authenticité. 

Faisons enfin remarquer qu'en dehors, de leur longueur qui 
indique une taille moyenne, les os des extrémités du n* 1, y 
compris les phalanges des orteils, sont plus épais que d'ordi- 
naire chez les individus du second type. 

Avant de nous séparer de Bruniquel, signalons un autre fait 
qui confirme la présence de l'homme de l'époque du renne 



— 350 — 

dâDS cette localité. Voici deux mandibules incomplètes et un 
fragment d'un frontal recueillis par M. Trutatdans une caverne. 
Les premières reproduisent exactement la forme la plus com- 
mune de cet os dans les cavernes de la Belgique. La largeur et 
l'aplatissement de la racine nasale qu'on remarque sur le fron- 
tal accusent le même type : jamais nez pareil ne s'accomoderait 
au deuxième type crânien dont il sera question ensuite. 

Enfin voici deux autres crânes dont Tun est d'homme et 
l'autre de femme. Vous serez de mon avis, messieurs, que la 
conformation générale de ces deux crânes correspond parfaite- 
ment à celle des deux crânes belges qui m'ont servi de point 
de départ dans mes éludes, quoique l'indice du crâne fé- 
minin descende à 793, tandis que celui du crâne mâle s'élève 
* à 831. D'ailleurs, le menton carré et saillant du crâne féminin, 
la saillie légère de son occiput arrondi, la réduction du grand 
diamètre iransverse, et enfin le développement et le progna- 
thisme alvéolaire de la mâchoire supérieure nous autorisent à 
rapprocher ce crâne plutôt du type finnois, tandis que celui 
du mâle s'accorde de très-près avec celui du Lapon. Ce der- 
nier crâne est en outre d'une légèreté qui fait supposer que de 
son tissu organique il ne reste plus que la trame calcaire. 

Ces deux pièces furent découvertes tout dernièrement à 
Solutré (Saône-et-Loire) par M. de Ferry, l'infatigable explo- 
rateur du Maçonnais, qui, dans ses recherches, joint à une 
grande sagacité la plus prudente réserve. Les conditions dans 
lesquelles se trouvaient ces crânes, présentent* d'ailleurs un 
problème très-intéressant à résoudre. En effet, c'est dans une 
vigne que M. de Ferry rencontra, de 50 à 100 centimètres au- 
dessous du sol, cinq tombes en pierres brutes formant dalles, 
contenant encore des restes de squelettes avec la tête au cou- 
chant et les pieds au levant. La terre contenue dans ces tombes 
est mêlée de silex blanc, type de Lnugerie-Haute^ et d'os de 
renne. Au-dessous des tombes et surtout dans leur voisinage, 
ainsi que par toute la vigne, se rencontre un magma terreux 
mêlé d'os de cheval broyés et en partie brûlés, qui sont plus 
nombreux que les pierres. 11 y existe également des foyers avec 
renne en magma^kivi^ de silex, tandis que le magma à cheval 
n'en contient point. D'ordinaire ce dernier se trouve à un ni- 
veau supérieur à celui du renne ; néanmoins, par- ci par-là il 



- 351 — 

s'y enfonce comme si Ton avait creusé le sol avec rintention 
de confondre les deux couches. Du reste les os longs du cheval 
sont cassés de la même façon que ceux du renne. Enfin, à un 
mètre de profondeur la couche du renne est généralement 
intacte; par contre elle est mélangée de débris de chevaux, 
d'autant plus qu'elle s'approche davantage de la surface du 
sol. Le cheval, le renne et quelques débris d'éléphant sont les 
seuls animaux que M. de Ferry rencontre dans ce terrain. 

A quelle époque appartiennent ces crânes humains? L'ho- 
norable savant auquel nous devons leur découverte paraît hé- 
siter à les attribuer franchement à T époque du renne par les 
motifs suivant^. A quatre lieues de Solutré il a trouvé quelques 
autres tombes construites de la même façon que les cinq pré- 
citées, et dans l'une les restes humains, qui sont perdus, étaient 
associés à une hache polie, dans une autre à une gourde en 
terre qui, par ses caractères, appartient au premier âge du fer. 
Mais ici point de traces de la faune quaternaire. Resterait, par 
conséquent, comme seul caractère commun à ces tombes, leur 
architecture qui est très-primitive et n'exclut point la possibi- 
lité de la continuité durant une longue série de siècles. 

Dans la perplexité où je me trouve relativement à la déter- 
mination de l'époque à laquelle appartiendraient les premières 
tombes et leur contenu, j'en appellerai aux lumières de notre 
savant Président en le priant de vouloir donner son avis à ce 
sujet, puisqu'il a bien voulu s'occuper de cette importante 
question. 

Voilà, messieurs, en deux mots, ce que j'avais à vous sou- 
mettre relativement au crâne, etc., de Thomme de l'époque 
du renne dans nos contrées. Si je le considère comme mongo- 
loïde, c'est qu'il n'y a dans ses caractères physiques rien qui ne 
se retrouve actuellement chez l'homme dont le renne est à la 
fois la proie et le compagnon. 

Mais, n'avons-nous point d'autres restes humains du qua- 
ternaire plus anciens que ceux que nous venons d'examiner? A 
juger d'après les études stratigraphiques faites par M. Dupont 
dans les cavernes de la Belgique, la réponse n'est pas douteuse. 
Je regrette que cette partie des mémorables travaux de notre 
savant collègue n'ait point été discutée dans cette enceinte. 
Car, indépendamment de l'intérêt géologique, ces études nous 



— 352 — 

offrent une garantie incontestable de certitude par la contre- 
épreuve que nous fournit la faune. Et en effet, bien au-dessous 
de la couche du renne proprement dite et associée à plusieurs 
autres espèces animales, parmi lesquelles l'éléphant, le rhino- ' 
céros, etc., M. Dupont trouva dans la caverne de la Naulette, 
avec un cubitus de petites dimensions, une mandibule hu- 
maine qui a déjà acquis une certaine célébrité et que voici. 
Les particularités qu'on y remarque concernent l'épaisseur, la 
région mentonnière et la dentition. Je n'ai plus à y revenir, 
, quant aux détails, puisque mes observations à ce sujet sont déjà 
publiées. Qu'il me suffise pour le moment de vous soumettre 
cette mâchoire garnie de sa dent canine que M.^ Dupont trouva 
plus tard et d'autres dents postiches qui appartenaient àPhomme 
de l'époque du renne. Vous y constaterez aisément, messieurs, 
que les dents originaires devaient être très-petites, sauf la dent 
de sagesse dont l'hypertrophie ainsi que l'atrophie n'exprime 
rien de sériai. De plus, ainsi que vous le voyez, le progna- 
thisme excessif que laissait présumer l'inclinaison en avant de 
lasymphise, disparaît par la courbure de la surface externe de 
toutes les dents appartenant à cette région. Bref, cette pièce, 
intéressante à tant d'égards, et j'y insiste, n'offre rien qui nous 
autorise à rabaisser l'être humain dont elle faisait partie au- 
dessous de l'Australien, du Boshisman, etc. C'est tout à fait le 
contraire, comme l'a démontré si catégoriquement M. Duhous- 
set par les calques pris sur le maxillaire de ces différentes 
races, etc. 

Voici maintenant le moule d'une seconde mandibule appar- 
tenant à la même époque paléontologique. L'original fut décou- 
vert dans la grotte d'Arcy, par M. de Vibraye, dans la couche 
la plus profonde où se trouvaient le renne, l'éléphant, le rhino- 
céros, etc. Comme la précédente, elle est épaisse et petite; 
pour le reste, elle n'en diffère que par de légères nuances à la 
région mentonnière. Les alvéoles de la dent de sagesse y 
manquent: mais en ce qui touche les deux premières molaires 
et les autres dents, elle ressemble à la mandibule de la Nau- 
lette. C'est donc le même type avec des modifications très- 
peu accusées. 

Une troisième mâchoire inférieure de la même époque pro- 
vient des fouilles faites par M. E. Lartet dans Ja grotte d'Auri- 



— 353 — 

goâc. Vous Tavez certaioement vue dans le musée de Saint- 
Germain. Celle-ci est encore plus petite que la mandibule 
â*Arcy. Â la voir» (m la prendrait tout d'abord pour enfantine. 
Mais les deots permanentes y sont même déjà usées à leur 
couronne. Vous jugerez d'ailleurs par vos yeux de la taille 
diminutive de quelques individus qui vivaient & cette époque 
reculée. Voici, par exemple, les bouts carpiens des deux os de 
Tavant-bras provenant également d'Aurignac. Vous avouerez 
que de pareils individus n'atteignaient pas même la taille des 
Bosbismans actuels. Enfîn le radius humain trouvé par M. Chris- 
toi, en compagnie d'animaux fossiles, ne mesure en longueur 
que 17 1/2 centimètres. 

Je passe sous silence la mâchoire de Moulin-Quignon trou- 
vée dans le quaternaire d'Abbeville par notre illustre doyen, 
M. Boucher de Perthes. Il suffit de rappeler que ses carac- 
tères exceptionnels se rencontrent sur une autre mandibule 
plus moderne, recueillie à Hyères par M. le duc de Luynes, avec 
son crâne qui est féminin et de race ligure. 

Arrivés au terme de notre excursion dans le domaine de 
l'époque du renne, etc., nous devons nous demander si la race 
humaine d'alors s'est éteinte? Une double série de preuves 
nous autorise à répondre par la négative. La première 
s'appuie sur le type crânien. Nous avons trouvé par centaines 
ce type parmi les crânes qui ont été le sujet de nos études. Et 
en effet, cette race préhistorique a laissé ses débris osseux 
pendant toute la suite des époques postérieures jusqu'à nos 
jours. Vous pouvez voir bon nombre de ces crânes datant de 
l'âge de la pierre polie, du bronze, etc., au Muséum du Jardin 
des Plantes, y compris toute une série plus moderne qui fut 
recueillie par M. E. Rousseau dans les catacombes de la capi- 
tale. 11 en existe un certain nombre également au Musée de la 
Société d'anthropologie. 

Comme pièces à l'appui de cette assertion, je mets sous vos 
yeux deux spécimens, dont l'un, de l'époque romaine, provient 
d'Amiens ; l'autre, ligure, est de nosjours. Vous trouverez dans 
le premier, comme un moulage du crâne mâle belge datant 
de l'époque du renne. De même le second est calqué sur le 
crâne féminin provenant du trou du Frontal, sauf les carac- 
tères qui y indiquent le sexe masculin. EnOn des séries de 

23 



— 35i — 

crânes pareils remontant aux temps préromains furent recueil- 
lies dans le département du Var par M. le duc de Luynes, et 
d'autres, d'une date beaucoup plus récente, en Savoie par M. de 
Mortillet. Elles ont été soumises à la Société d'anthropologie 
accompagnées du résultat de mes études. 

Mais, qui plus est» nous trouvons parmi les vivants, ou 
massés en groupes ou isolés et dispersés parmi d'autres races, 
les descendants de l'homme de l'époque du renne. Ainsi, pour 
commencer par l'est de nos régions, quoi de plus frappant que 
de rencontrer dans les Alpes tyroliennes, au milieu de la race 
allemande, les vallées de Grœden et d'Enneberg. occupées par 
une population à petite taille, à teint jaunâtre et bistré, à 
chevelure lisse et noire, à crâne arrondi, etc. Des individus 
isolés du même type se voient aux environs de Genève et dans 
le canton de Vaud, sans parler de la Savoie, etc. Mais entrons 
en France : ici tout le Midi offre de nombreux exemples de ce 
type, et il en existe jusqu'en Bretagne. Écoutons ce que dit 
M. de Ferry relativement aux habitants de Solutré, où il re- 
cueillit les anciens crânes sous vos yeux : « Il y existe de petits 
individus trapus, à teint basané, sans embonpoint, cheveux 
et yeux du plus beau noir, et parmi eux certaines têtes qu'à coup 
sûr revendiqueraient quelques Calmouks, » — Enfin la Li- 
gurie tout entière est occupée par cette race, et dans l'Es- 
pagne, le Portugal et les Pyrénées, les descendants des anciens 
Ibères appartiennent au même type. Bref, sans aller plus loin 
et sans exagérer, on peut compter la progéniture de cette an- 
çienne race par centaines de mille, sinon par millions. 

Une dernière question se présente ici à notre esprit. Si 
cette ancienne race persiste, n'a-t-elle subi aucun change- 
ment dans son type physique, du moins dans son crâne et dans 
son squelette, les seules parties qu'il nous soit loisible de com- 
parer. Une chose paraît d'abord certaine : c'est que la partie 
frontale du crâne a gagné en hauteur et en largeur dans sa 
partie supérieure, ce qui résulte évidemment de la comparaison 
des crânes deFurfooz avec les deux plus modernes mis sous vos 
yeux. Déplus, le mode de mastication a changé et la dentition 
s'est plus rapprochée du type humain le plus élevé à cet égard. 
Tous ces changements sont probablement le résultat de la ci- 
vilisation, et, bien que par l'élargissement du front l'angle su- 



— 355 — 

pérîeur du losange soit émoussé, la forme du type primitif y 
reste toujours reconnaissable, et dans son ensemble le crâne 
n'a pas gagné en volume. 

Quant à la taille, elle paraît avoir légèrement augmenté, 
surtout si nous tenons compte de ce que j'ai exposé relati- 
vement aux restes humains les plus anciens. J*ai néanmoins vu 
encore, dernièrement, des femmes tenant à cette souche qui 
sont de véritables naines à côté de la femme allemande. 

Après cette esquisse rapide sur les caractères anatomiques 
et la répartition dans Tespace de la race préhistorique que 
j'appelle mongoloïde, examinons brièvement ces mêmes ca- 
ractères chez Tautre race préhistorique que Ton a comprise 
sous le nom de dolichocéphale ^ terme également insuffisant, 
comme nous allons le voir par la suite. 

Cette dernière race apparaît, du moins en France, depuis 
l'époque de la pierre polie. Et en effet, en commençant par les 
tourbières et les brèches osseuses des cavernes datant de cette 
époque, cette race se rencontre également, ou seule ou en ma- 
jorité comparativement à la mongoloïde, dans les monu- 
ments mégalithiques, dans les tumulus, dans les tombes en 
pierre, etc., etc. 

Mais l'association pure et simple de la pierre polie est tout 
aussi insuffisante pour caractériser cette époque que le terme 
dolichocéphale Test pour déterminer la race. Pour nous en- 
* tendre à cet égard, remontons encore une fois aux époques 
antérieures et voyons ce qu'on entend par l'âge du renne. 
Géologiquement c'est le quaternaire; archéologiquement c'est 
la présence exclusive de la pierre taillée, des outils en os, etc.; 
zoologiquement c'est la présence d'animaux ou éteints ou émi- 
grés et l'absence des animaux domestiqués. Enfin point de 
traces d'agriculture. Envisagée au même point de vue, l'époque 
de la pierre polie est post-quaternaire. Les animaux éteints et 
émigrés sont ici remplacés par les bêtes domestiques; enfin 
l'agriculture est fondée. Voilà donc un état de cboâes bien des- 
siné, bien différent du précédent : de chasseur et probablement 
de nomade qu'il était auparavant, l'homme devient sédentaire 
et il se crée toutes les conditions pour marcher dans la voie 
de la civilisation. 

Certes, il y a progrès pour la main-d'œuvre dans le polis- 



— 356 — 

sage, etc., mais il est, sinon plus, au moins tout aussi impor- 
tant de tenir ici compte de tous les éléments nouveaux mis en 
jeu par Thomme pour remplacer à son avantage les anciens. 

Même contraste dans le type humain comparativement au 
précédent. Nous sommes ici en face d'une race humaine de 
grande taille, qui dans ses branches diverses ne descend point 
au-dessous de la moyenne. Aussi son crâne est-il plus volumi- 
neux, franchement dolichocéphale, et ses contours présentent 
la forme ovale ou elliptique en tous sens. L'orthognathisme est 
ici la règle, et là où le prognathisme existe, il diffère par sa 
forme de celui que nous avons signalé dans la race mongoloïde : 
en effet, c'est en pointe que dans le dernier cas les alvéoles et 
les incisives font saillie. Enfin par la saillie du nez et du menton 
et par la dépression de la fosse canine, les traits sont ici bien 
accusés ; et déjà à cette époque lointaine, le crâne du sexe 
féminin présente un ensemble harmonieux où les traits de l'en- 
fance se marient à ceux delà beauté. En. un mot, nous sommes 
ici en présence de la race aryenne. 

Les échantillons de ces crânes sont nombreux, messieurs, 
et leur type vous est d'ailleurs familier. Partant, je ne vous en 
soumets ici que trois spécimens. Les deux premiers nous sont 
envoyés par MM. Filhol et Trutat. Ils sont de l'âge du bronze et 
proviennent d'une brèche osseuse extraite de la caverne de 
Lombrive. Ces crânes appartenaient à de jeunes individus. 
Originairement couverts d'une couche stalagmitique qui est en- 
levée pour mettre à découvert tout le profil, ils peuvent servir 
comme termes de comparaison avec le type mongoloïde. Voici 
enfin une troisième pièce du même type. C'est un beau crâne 
féminin de l'âge de la pierre polie, qui provient d'une tombe 
mégalithique de Vauréal, près Pontoise (Seine-et-Oise), ancien 
domaine des Parisii. M. de Caix de Saint-Aymour a retiré de 
ce monument grand nombre de crânes et d'ossements humains. 
Mais je vous soumets de préférence ce crâne, parce que notre 
savant collègue a pu constater que cette dame parisienne portait 
un collier assez primitif et parfaitement bien conservé. Lé voici. 
Il est composé de rondelles plates et très-serrées, faites en 
coquille. Comme pour varier la couleur, on a intercalé par-ci 
par-là entre ces rondelles d'un blanc mat, d'autres foncées en 
ardoise. Au centre se'troiive une petite hache polie. Des colliers 



— 357 — 

semblables ne sont pas rares dans les monuments mégalithi- 
ques de l'âge de la pierre polie. 

La persistance de ce type humain dans toutes les époques 
successives jusqu'à nos jours est un fait trop bien établi pour y 
insister. De même que le premier, et sans perdre ses carac- 
tères typiques, il a subi des modifications durant les phases 
qu'il a traversées. Car si le crâne moderne appartenant à ce type 
est en général moins volumineux que les anciens, son front par 
contre, souvent très-fuyant dans l'antiquité, est maintenant 
pliïs élevé et plus rempli. Quelques formes anguleuses et saillies 
exagérées dans les traits ont disparu. L'usure des dents, de 
circulaire qu'elle était jadis, est devenue oblique, etc. Ainsi 
que le volume du crâne, la taille a également baissé, sinon en 
moyenne pourtant dans son exagération telle que la présen- 
taient certains individus de l'antiquité. Toutefois l'action de 
l'atavisme reproduit encore au milieu de nous sur des indivi- 
dus des traits de leurs ancêtres qu'on croirait à jamais effacés 
par l'effet de la civilisation progressive. 

En résumé, voilà, messieurs, les deux races préhistoriques 
dont nous avons connaissance. Pas n'est besoin de faire remar- 
quer qu'il existe des ciânes anciens intermédiaires entre ces 
deux types. Mais pour les classer il faut d'abord satisfaire à 
deux conditions, savoir : connaître les effets du mélange des 
deux races précitées relativement au crâne et fixer les limites 
de variation propres à chacun des deux types. Or à ce double 
point de vue nos études sont encore loin d'avoir abouti. 

En dernier lieu, quel est l'ordre de succession des deux 
races humaines précitées? Quant à la France, sauf plus ample 
informé, il est nettement précisé. Ici le type aryen ne remonte 
qu'à l'époque de la pierre polie. Mais ne pourrait-il être plus 
ancien ailleurs 7 Une petite série de faits concernant la région 
du Rhin paraîtrait témoigner en ce sens, et, bien que ces don- 
nées soient incomplètes et susceptibles de discussion, il est de 
mon devoir de les signaler brièvement. 

En 1823, M. Ami Boue retira, aux environs de Lahr, du loess 
du Rhin des ossements associés à des coquilles encore exis- 
tantes. Il ne pensa pas que ces os, fossiles à ses yeux, fussent 
humains, et les apporta à Cuvier. « Quel fut mon étonnement, 
dit-il, quand le grand naturaliste y reconnut des ossements 



— 558 — 

humains qui devaient avoir appartenu à d'anciens cimetières.» 
Ainsi la conviction de Guvier sur la non-existence de rhomme à 
Tétat fossile ne fut pas ébranlée par ce fait. D'ailleurs, j'ai vu 
. ces ossements et j'ai contemplé avec une attention particulière 
le crâne. C'est un crâne dolichocéphiale et féminin, très-sem- 
blable à celui-ci qui provient de Vauréal, et à cet égard le grand 
homme avait raison : c'est, en effet, un crâne comme on en 
rencontre journellement. 

Le second fait concerne le crâne d'Enghis trouvé par 
Schmerling dans une caverne, avec des dents d'animaux 
éteints. Mais on discute encore son authenticité. D'autre part, 
à en juger par le moule déposé au Jardin des Plantes, c'est 
également un crâne de femme et assez semblable au précé- 
dent. Qui plus est, presque à côté de ce moule se trouve le 
squelette d'une femme celtique de très-haute taille dont le 
crâne correspond à celui d'Enghis. Le dernier est seulement 
plus volumineux et, comme à celui trouvé par M. Boue, il lui 
manque la face. 

Que dire en troisième lieu du crâne de Néanderthal, qui a 
acquis une célébrité à mes yeux peu méritée. D'abord l'époque 
à laquelle il appartient ne peut être déterminée. On l'a trouvé 
avec son squelette presque entier dans une petite caverne, enfoui / 
K^ sous trois pi eds d'un limon diluvial, suivant M. Fuhlrodt. 
Absence complète d'ossements d'animaux et d'objets travaillés 
par l'homme. La plus simple réflexion suffit pour démontrer 
l'impossibilité de faire amener le cadavre de cet individu par 
un courant d'eau. Que d'évolutions il eût fallu pour le faire 
parvenir au dernier lieu du repos par une entrée aussi étroite 
que celle de la eaveme précitée I -Il ne doit par conséquent 
sa présence ici qu'à un enterrement, fait qui sait à quelle 
époque. Me dira-t-on que la conformation de ce crâne porte le 
cachet d'une haute antiquité, je répondrai : Je ne vois rien de 
particulier sur ce crâne comparativement à d'autres de la race 
aryenne, si ce n'est une saillie excessive des arcssourciliers dé- 
pendant d'un grand développement des sinus frontaux. Or cette 
disposition est Tinverse de ce qu'on observe sur les singes et 
n'implique par conséquent rien de sériai. D'autre part, on la 
retrouve, bien qu'un peu moins prononcée, sur toute une sérid 
de frontaux appartenant à des époques très-diverses. Enfin 



— 359 — 

parmi nos contemporains un haut dignitaire militaire, fils d'un 
illustre maréchal,, et en Italie une haute célébrité médicale 
offrent la même particularité, preuve qu'elle n'indique égale- 
ment aucune infériorité de race. 

Enfin, Tannée dernière, M. Faudel reçut un frontal et un 
pariétal humains, tous deux presque complets, qu'un ouvrier 
avait, près de Colmar, retirés du loess du Rhin. Nous devons à 
MM, Faudel et Kestner-Scheurer un savant travail concernant 
l'authenticité de ces pièces. Quant à leurs caractères anato- 
miques, leur frontal paraîtrait rivaliser avec le Néanderthalois 
par la saillie des arcs sourciliers. Quant à l'âge de ces os, rap- 
pelons que des restes d'animaux éteints furent trouvés à peu 
de distance, c'est vrai, mais cependant à un niveau différent» 
c'est-à-dire en contact avec le gravier, et par conséquent au- 
dessous du limon qui, à la profondeur de 2 mètres 50, rece- 
lait les os humains. Toutefois M. Kestner-Scheurer démontra 
l'identité de la modification subie par Tosséine chez l'homme et 
le rhinocéros. Cette épreuve, qui est incontestablement d'un 
haut intérêt scientifique, est-elle concluante ? 

Voilà, messieurs, tous les faits de cet ordre dont j'ai pu 
prendre connaissance. Bien que leur partie anatomique soit in- 
complète puisque la face manque à tous ces crânes, j'incline 
cependant à les classer avec les dolichocéphales aryens, ce qui 
résulte d'ailleurs des comparaisons que j'ai établies plus haut. 
Quant à leur âge présomptif, nous ne pourrions le fixer avec la 
certitude que nos recherches ont établie pour la race mongoloïde. 
Par conséquent sachons attendre. 

Toutefois, rien ne s'oppose à admettre la présence des^ 
Aryas en Europe depuis une haute antiquité. Je vous soumet- 
trai même un document dont l'interprétation, appuyée qu'elle 
est d'un ordre différent de faits, paraît militer en faveur de cette 
hypothèse. 11 est dit au début du Zendavesta, là où l'auteur 
énumëre les étapes parcourues par les Iraniens pour atteindre 
leur habitat actuel, que leur patrie primitive, jouissant d'abord 
d*un printemps étemel, fut atteinte par la main malfaisante 
d'Ahriman. Par la suite, Thiver y établit son domaine pendant 
dix mois de l'année.' D'autre part, couronné de neiges éter- 
nelles, le mont Mérou est pour l'Hindou le siège des dieux, 
autre réminiscence de l'état dans lequel à l'époque de leur 



— 360 — 

émigration se trouvait la'contrée habitée tout d'abord par ces 
Aryas, 

Or nous savons quels furent les changements climatéri- 
ques subis, après l'époque tertiaire, par le nord de T Europe et 
de l'Asie. De plus, les travaux de M. Ed. Lartet et de H. Brandt 
sur les migrations des animaux constituant notre faune qua- 
ternaire viennent à l'appui de tout ce qui concerne les rapports 
géographiques de cette faune avec l'époque glaciaire. 11 est de 
fait qu'elle avançait graduellement du nord-est de la Sibérie 
vers le sud-ouest de l'Europe, etc. Par conséquent, rien 
d'étonnant que l'Aryen, expulsé de son berceau par la même 
cause, ait suivi la même voie que les animaux. Établi d'abord 
au nord de la grande chaîne de T Himalaya, il se serait retiré 
peu à peu vers le Midi, à mesure que le froid et ses eifets le 
repoussaient. L'Hindou chercha au midi de ces remparts un 
climat plus doux dans le Pendjab ; l'Iranien se fixa dans une 
région un peu moins favorisée, tandis que les autres branches 
de la grande famille, et à leur avant-garde les Celtes ne s'ar- 
rêtèrent qu'après avoir atteint l'extrême Occident. 



Discussion sur la question anthropologique. 

M. Ed. Lartet. M. Pruner-Bey vous a fourni des renseigne- 
ments très-circonstanciés sur la découverte de M. de Ferry. Je 
n'ai que peu de chose à y ajouter. Les silex dont je vous sou- 
mets les dessins faits avec beaucoup de som, ont été trouvés 
avec les ossements dont M. Pruner-Bey vient de vous entrete- 
nir. Les ossements de renne et de cheval ont le même aspect 
de vétusté. Le tout est de l'époque de Laugerie- Haute, époque 
qui peut-être a été faite trop ancienne dans les vitrines de 
l'Exposition. Nous considérions cette époque comme antérieure 
à celle où commencent les premières manifestations artistiques. 
Avec le renne, en effet, se sont rencontrés l'éléphant et le grand 
cerf d'Irlande. Mais nous nous sommes depuis lors demandé, 
M. Franks et moi-même, si cette statiqn n'appartiendrait pas 
à une époque de décadence artistique et de progrès industriel, 
peut-être à la transition du premier âge de pierre au second. 
Les têtes de flèches qui sont ici représentées ont beaucoup de 



— 361 — 

ressemblance avec celles de la pierre polie. M. de Ferry a eu des 
scrupules, trop de scrupules peut-être: il s*est demandé si les 
ossements qu'il avait découverts n'auraient pas été ensevelis à 
une époque plus récente. L*âge du renne n'est peut-être pas 
aussi ancien qu'on le croyait d'abord. César parle du renne 
qui habitait le forêt Hercynienne. L'on trouve de plus dans 
certains textes que quelques peuples se couvraient veslibus re- 
nonum. 11 s'agissait peut-être ici du renne. A cela on peut 
répondre que le renon, dont il est ici question, était un vête- 
ment de peau de mouton propre aux Germains, et vous avez pu 
remarquer, à l'Exposition, des mannequins représentant des 
habitants du nord de l'Europe, vêtus encore aujourd'hui de ce 
gilet de peau. En ce qui concerne César, il n'est pas vraisem- 
blable que s'il eût vu lui-même le renne, il l'eût désigné par 
ces expressions bas cervi figura. Je vois dans les instruments 
figurés par M. de Ferry une grande analogie avec certaines 
pièces du Danemark. Nous assistons peut-être ici à la fin de 
l'âge de la pierre simplement taillée. Il n'y a rien dans ces 
sépultures qui puisse rappeler une date récente. 

M. VoGT. Je remercie sincèrement M. Pruner-Bey de la 
communication qu'il vient de faire. Les matériaux qu'il nous 
soumet ne sont pas nombreux ; mais leur nombre est considé- 
rable par rapport à ce que nous connaissons de ces âges recu- 
lés. 11 y a des réserves à faire encore sur la parenté établie 
par l'auteur entre ces crânes et les crânes touraniens. Mais 
trois points ressortent incontestablement dos études de M. Pru- 
ner-Bey. Le premier, c'est que deux races d'un type crânien 
différent habitaient primitivement l'Europe. Â côté des bracby- 
céphales, vivaient dans la vallée du Rhin des dolichocéphales ; 
le crâne d'Enghis est tout aussi authentique que ceux des 
autres cavernes étudiées depuis ; cette race dolichocéphale a 
au moins la même ancienneté que la race brachycéphale de 
l'âge du renne. On a eu absolument tort de prétendre que les 
premiers habitants de l'Europe appartenaient à un type unique; 
il y avait deux types : l'un à tête large, l'autre à tête étroite. 
On pourrait en tirer bien des déductions dans un ordre d'idées 
que je ne veux pas aborder ici. 

Le second point important de la communication de M. Pru- 
ner-Bey a trait à ces phénomènes de retour de certains carac- 



— 362 — 

tères sur lesquels il a tant insisté ; ces phénomènes, plus 
communs autrefois, reviennent de temps en temp»» Je pourrais 
vous citer up de mes amis, le D' Emmayer, médecin-aliéniste 
allemand, dont le crâne est véritablement du type de Néander- 
thal; j'ajouterai que la vue de ces proéminences sourciliètes 
énormes, au-dessous desquelles brillent deux yeux flamboyants, 
contribuent à lui donner une grande influence sur ses malades. 
Ces faits viennent à Tappui de la théorie de Tatavisme de 
Darwin; certains caractères reviennent ainsi au bout d'un très- 
long espace de temps, sans que les générations intermédiaires 
en aient présenté trace. 

Le troisième point sur lequel je veux attirer votre attention, 
c'est qu'il ressort du discours que nous venons d'entendre, que 
nous possédons aujourd'hui les preuves les plus convaincantes 
de la transformation de plusieurs types. Ainsi, comme l'a dit 
M. Pruner-Bey, le front peut se développer dans la suite des 
temps. Nous avons une preuve éclatante d'une transformation 
chez l'homme comme chez l'animal, probablement par le 
même procédé, c'est-à-dire par une sélection plus ou moins 
involontaire. Si dans un temps reculé la sélection a pu s'exer- 
cer au point de. vue du développement musculaire, aujourd'hui, 
et c'est ce qui fait la supériorité de notre siècle, elle s'exerce 
en faveur du développement intellectuel. 

M. DE QuATREFAGES. Je suis heureux de voir que la science 
marche vers un accord complet, quant aux faits ; s'il y a encore 
du désaccord, ce n'est que sur quelques appréciations. Je ne 
sais pourtant pas si M. Pruner-Bey est allé aussi loin que 
M. Vogt le suppose, en ce qui concerne les crânes de deux 
races primitives en Europe. Je crois devoir faire mes réserves 
à cet égard, les raisons qu'on nous expose ne me semblent 
pas suffisantes pour modifier les conclusions que j'ai récem- 
ment publiées. Les crânes d'Enghis et d'Eguisheim sont de 
nature à donner naissance à de sérieuses difficultés. Mais de 
l'examen des faits j'ai été conduit à penser que la zone occi- 
dentale de l'Europe avait été primitivement habitée par une 
race modérément braçhycéphale se rapprochant de la mésa- 
licéphalie, 11 y a en faveur de cette race un grand avantage 
numérique ; depuis la population basque dont j'évite à dessein 
de parler, les brachycéphales sont étages le long des côtes 



— 363 — 

jusqu'en Esthonie et en Laponie, comme des témoins encore 
existant de la race primitive. Je pourrais vous citer les faits 
observés en Belgique et en Picardie, ceux de M. de Sam- 
bucy, etc. 11 semble qu'une population brachycéphale com- 
pacte ait habité dans tout cet espace. Les quatre exemples de 
dolichocéphalie qu'on a cités sont au contraire isolés. J'ajou- 
terai qu'il en est un dont je n'ai pas pu tirer parti. Le crâne 
de Néanderthal est celtique, mais est-il contemporain de l'âge 
de l'éléphant et du renne? Je crois devoir maintenir les ré- 
serves que j'ai faites. On croit généralement que la population 
celtique n'est arrivée que plus tard en Europe. Quant à l'ata- 
visme, quelques déductions qu'on puisse en tirer, nous l'accep- 
tons tous comme bien établi. C'est à l'aide de cette loi que j'ai 
cherché à me rendre compte des variations de l'individu et de 
la race. En ce qui concerne les animaux, ces phénomènes ont 
été observés après deux cents générations. Quand on parle de 
notre science, on se fait un argument contre elle de nos incer- 
titudes. Nous sommes d'accord sur les faits généraux, nous 
différons seulement dans leur interprétation. C'est la meilleure 
preuve que notre science se forme. 

La séance est levée à 5 heures 15 minutes. 

Uun des Secrétaires^ 

E. T. Hamy. 



— 364 — 



VENDRIiDI 30 AOUT. 

EXCURSION AUX SABLIÈRES 

DE LEVALLOIS ET DE GRENELLE. 



A la demande de plusieurs membres , le Congrès avait dé- 
cidé que Ton ferait une excursion dans les sablières des envi- 
rons de Paris, afin d'y étudier sur place les dépôts quatemsûres 
sur lesquels l'attention avait été si souvent portée à propos des 
silex taillés qu'ils renferment. On avait pu voir déjà, lors de la 
visite faite au Muséum, une belle série d'ossements et de silex 
taillés provenant de ces sablières, et dont la conservation est 
due au zèle de deux infatigables explorateurs, MM. Reboux et 
Martin. Presque tous ces ossements ont été extraits des sabliè- 
res de Levallois, au N.-O. de Paris et en dehors des fortifica- 
tions, et de celles de Grenelle, au S.-O. de cette ville et en 
dedans de cette même ligne de défense. Cette richesse en dé- 
bris d'animaux des deux plaines dans lesquelles sont ouverte» 
ces sablières n'est point surprenante, et ce n'est point par un 
pur hasard qu'ils s'y trouvent réunis. 

Dans une excursion faite peu de temps auparavant sur les 
mêmes lieux par les membres de la Société géologique de 
France, M. Belgrand avait très-judicieusement rattaché ce fait 
aux lois d'hydraulique qui régissaient le cours de l'ancien 
fleuve, alors que s'effectuait sur ses bords le dépôt de ces sédi- 
ments. C'est en efiet, ainsi que l'a si bien rappelé ce savant in- 
génieur, sur les rives convexes des fleuves que le courant, 
réfléchi par les rives concaves, apporte les alluvîons et les corps 
flottants. C'est ce qui explique l'accumulation des uns et des 
autres dans les plaines de Grenelle et de Levallois, à une épo- 
que où elles se trouvaient au pied des rives convexes de l'an- 
cienne Seine. 



— 365 — 

On comprendra aisément, d'après tout ce qui précède, que 
ces deux localités avaient particulièrement dû exciter l'intérêt 
des membres du Congrès. Aussi se sont-ils réunis au nombre 
d'une vingtaine, à 10 heures du matin, sur la place Périer, près 
de la station de Gourcelles, afin de visiter successivement les 
principales sablières ouvertes dans ces deux plaines. 

On s'est d'abord dirigé, sous la conduite de M. Reboux, 
vers les sablières de Levallois, où ce persévérant explorateur a 
pu recueillir, en quantité considérable, des ossements d'élé- 
phant, de rhinocéros, de cerf, de bison, de bœuf, de cheval, 
d'hippopotame, etc., et en outre un très-grand nombre d'éclats 
de sâéx pouvant être considérés avec plus ou moins de pro- 
babilité comme des haches, des têtes de lances ou de flèches, 
des couteaux ou racloirs. Quelques-unes des pièces trou- 
vées par M. Reboux offrent des évidences de travail qui ne 
laissent prise à aucune critique et suffiraient à elles seulçs à 
prouver la contemporanéité de l'homme avec les animaux éteints 
dont nous venons d'énumérer les genres. 

Le Congrès a visité d'abord une sablière appartenant à 
M. Préault et située à gauche de la route de la Révolte. On a 
pu y observer au-dessus des graviers du fond, où se trouvent 
en général les ossements et les silex taillés, une couche épaisse 
de limon gris jaunâtre, dépôt accidentel, dont H. Reboux a pu 
suivre la continuité jusqu'à Saint-Gloud, et que M. Belgrand 
considère comme analogue aux limons qui se déposent dans 
les anses ou dans les tournants des fleuves. 

Les deux autres sablières que le Congrès a visitées à Levai- 
lois sont situées à droite de la route de la Révolte et appar- 
tiennent à MM. Préault et Dehaynin. Au-dessous des sables 
impurs qui constituent l'alluvion, elles offrent, de même que la 
précédente, une couche de gros graviers dont certains lits sont 
noircis par une imprégnation manganésifère, ainsi que cela 
s'observe souvent dans des dépôts du même genre, notamment 
à Montiers, près d'Amiens. 

En sortant de ces dernières carrières, quelques membres se 
sont essayés à tailler le silex tfu moyen des cailloux siliceux 
épars dans la sablière, et ils ont pu ébaucher de la sorte quel- 
,ques haches avec plus de facilité qu'on ne s'y attendait. Après 
avoir déjeuné dans le voisinage de la station de Courcelles, les 



^ 366 — 

membres du Congrès se sont rendus, en chemin de fer, à Gre- 
nelle, où ils ont visité les sablières dans lesquelles M. Tingénieur 
Martin poursuit si assidûment ses investigations et d'où il a 
pu déjà extraire de nombreux débris de mammouth, SElephas 
antiquusy de Rhinocéros tickorrhinuSy de cheval, d'hippopo- 
tame,de bison, de Bos primigeniusy de cerf, etc. 

La sablière que Ton a visitée d'abord est celle de M. Élie, 
située rue Saint-Charles et à une si faible altitude (30™ 90) 
que le sol dans lequel elle a été ouverte a plusieurs fois été sub- 
mergé, notamment dans la crue de 1858, la plus haute qu'ait 
éprouvée la Seine et qui s'éleva jusqu à l'altitude de35" A7. 

M. Martin (voir page 337 des présents Comptes rendus) a 
trouvé dans cette sablière des ossements et des crânes humains 
enfouis à 1 "* 40 de profondeur dans les sables. Les conditions 
de leur gisement excluent, pour ces ossements, toute idée de 
sépulture et d'intrusion postérieure au dépôt qui les ren- 
ferment. Tout porte à croire au contraire que ces cadavres 
ont été flottés et amenés par les eaux mêmes qui charriaient 
les sables. Mais ces sables eux-mêmes sont-ils d'une date 
aussi reculée que ceux des sablières d'un niveau supérieur 
et qui sont restées à l'abri des invasions de la Seine actuelle? 
C'est ce que l'on ne saurait guère décider. L'avis des hommes 
les plus compétents sur cette question paraît attribuer la forma- 
tion de ces dépôts et l'ensevelissement des ossements humains 
de Grenelle à l'époque du passage de la pierre taillée à la 
pierre polie. 

On a recueilli dans le même dépôt des ossements de renne, 
quelques silex taillés, mais pas le moindre indice de pierre 
polie. 

Le Congrès a terminé cette excursion par la visite des sa- 
blières dé Croix-Nivert et de la rue de Javel, situées à une al- 
titude plus élevée et qui offrent en certains points de curieux 
exemples d'affouillements fluviatiles. 

On s'est séparé vers 3 heures du soir. 

L*un des secrétaires^ 
Louis Lartet. 



— 367 — 



SÉANCE DU VENDREDI 30 AOUT. 



PRESIDENCE DE M. ED. LARTET. 



La séance est ouverte à 7 heures 30 minutes précises. 

Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance qui 
est adopté, le Président annonce qu'on va continuer la discus- 
sion sur la dernière question posée au Congrès. 

« Quelles sont les notions acquises sur les caractères ana- 
tomiques de Thomme dans les temps préhistoriques depuis les 
époques les plus reculées jusqu'à Tapparition du fer? 

« Peut-on constater la succession, surtout dans l'Europe 
occidentale, de plusieurs races et caractériser ces races ? » 



Discours de H. Broca sur rensemble de la question. 

M. Paul Broca a la parole : 

Messieurs, avant d'aborder directement l'importante ques- 
tion qui a été mise à Tordre du jour de la séance, il n'est pas 
inutile de rappeler les phases que cette question d'etbnogénie 
primitive a déjà parcourues. 

Lorsque les admirables travaux des linguistes eurent établi 
la parenté et la filiation des langues indo-européennes, on fut 
naturellement conduit à supposer que tous les peuples qui par- 
laient ces langues devaient être de même souche et appartenir 
à la même race ; et, comme tout paraissait indiquer que l'Asie 
avait été le point de départ de leur irradiation^ comme en outre 
on ignorait encore la haute antiquité de l'homme , on se laissa 
aller à croire que l'Europe avait été peuplée pour la première 
fois, quelques siècles à peine avant le début de la période his- 
torique, par des immigrants asiatiques. Trouvant devant eux 



— 368 — 

la terre libre, les nouveaux venus n'avaient qu'à s'y établir ; 
ils y avaient bientôt pullulé, et avaient pu, en peu de siècles, 
constituer les nombreuses nations dont les noms et les résiden- 
ces ont été indiqués par les plus anciens historiens. Si une voix 
s'élevait de temps en temps pour objecter, contre cette opinion, 
la grande diversité des races qui parlent les langues indo-eu- 
ropéennes, et la difficulté d'expliquer comment une souche 
unique avait pu, en si peu de temps, pousser des rameaux 
aussi multiples et aussi divergents, on répondait aussitôt que 
les modifications du type originel s'étaient produites sous l'in- 
fluence des changements de climats et de genre de vie ; et les 
monogénistes acceptaient cette explication avec d'autant plus 
d'empressement qu'ils croyaient y trouver la démonstration 
expérimentale de leur doctrine. 

Mais les découvertes d'archéologie préhistorique inaugurées 
avec tant de talent et de sûreté par les savants du Danemark, 
et bientôt confirmées en Scandinavie, en Grande-Bretagne, en 
Suisse, en France, engagèrent la question sous une nouvelle 
phase. L'étude des anciennes sépultures permit d'établir la 
succession des industries, de constater l'existence d'une 
longue période pendant laquelle l'usage des métaux était in- 
connu, et qui reçut le nom d'âge de pierre^ et d'une période 
ultérieure, où les instruments de bronze prirent place à côté * 
des instruments de silex. Une modification complète du mode 
de sépulture coïncidait avec l'introduction des métaux, et il 
était naturel d'em conclure que ce double changement avait été 
la conséquence d'un mouvement ethnique. D'une autre part, 
la linguistique, qui avait déjà constaté l'origine asiatique de la 
plupart des langues de l'Europe, démontrait en outre que les 
peuples indo-européens connaissaient déjà l'usage du bronze 
lorsqu'ils effectuèrent leurs migrations vers l'Occident. Il deve- 
nait par là très-probable, pour ne pas dire certain, que l'âge 
du bronze avait été inauguré par les Asiatiques, et qu'avant eux, 
pendant toute la durée de l'âge de la pierre, le sol de l'Europe 
avait été occupé par des populations d'origine inconnue, c'est- 
à-dire autochthones, — car on sait que le nom d'autochthones 
désigne, dans chaque pays, les peuples dont l'origine étrangère 
ne peut être démontrée. 

L'existence de ces populations autochthones pouvait d'ail- 



— 360 — 

leurs être prouvée directement par la linguistique. 11 y avait en 
effet en Europe, sans parler des Turcs et des Madjiars dont 
Tarrivée était presque récente, et des Lapons dont l'origine 
pouvait être contestée, deux peuples, les Finnois et les Bas- 
ques, qui parlaient des langues entièrement étrangères au 
groupe indo-européen. Tout permettait donc de penser que ces 
deux langues étaient les derniers débris des idiomes qui floris- 
saient en Europe, avant l'arrivée des peuples dits-aryens. 

Jusque-là, la question était restée dans le domaine de l'ar- 
chéologie et de la linguistique. Ce fut l'illustre anatomiste sué- 
dois Retziusqui, le premier, en fit une question d'anthropologie. 
Le fait de la succession de deux couches ethniques étant établi, 
il se demanda, comme nous le faisons aujourd'hui, quels étaient 
les caractères respectifs de ces deux populations superposées. 
Comparant les Finnois, que leur langue permettait de considé- 
rer comme les descendants des autochthones, avec les Suédois, 
dont l'idiome indo-germanique paraissait démontrer suffisam- 
ment l'origine étrangère, il reconnut entre eux une différence 
crâniologique remarquable ; les premiers avaient le crâne court, 
c'est-à-dire brachycéphale ; les autres avaient .au contraire le 
crâne allongé, c'est-à-dire dolichocéphale. Étudiant ensuite les 
crânes que l'on avait pu extraire jusqu'alors des anciennes sé- 
pultures de la Scandinavie, il retrouva dans ces débris des 
populations préhistoriques, malheureusement trop peu nom- 
breux encore , les deux types brachycéphale et dolichocéphale 
dont il avait le premier signalé l'existence, et dont il tendait 
même — qui pourrait s'en étonner? — à exagérer l'importance. 
Les donjiées archéologiques qui permettent aujourd'hui de dé- 
terminer le degré d'ancienneté relative des monuments de l'âge 
de la pierre et de l'âge du bronze étaient loin d'avoir alors le 
degré de précision qu'elles ont acquis depuis. Retzius put donc 
croire que la race de l'âge de la pierre, c'est-à-dire la race 
autochthone, était brachycéphale, et que le type dolichocé- 
phale avait été introduit par les indo-européens, inaugurateurs 
de l'âgé du bronze. 

Cette doctrine ethnogénique, née de l'exploration, d'ailleurs 
incomplète et infidèle, de la seule région de la Baltique, Retzius 
n'hésita pas à l'appliquer à la plus grande partie de l'Europe. 
11 croyait, comme l'enseignait alors la science officielle, et 

u 



— 370 ~ 

comme Fadmettaient la plupart de ses contemporains, que 
l'homme était presque récent sur la terre ; c'était à peine si 
l'on se permettait de faire écouler une vingtaine de siècles 
entre ce qu'on appelait la dernière révolution du globe — 
correspondant plus ou moins au déluge biblique — et les 
premières migrations indo-européennes, et il ne paraissait 
pas probable qu'en une aussi courte période, il eût pu se 
produire en Europe de grands mouvements de peuples. C'était 
bien assez d'attribuer la première occupation à une migratioû 
préalable et entièrement hypothétique ; et puisqu'il fallait, de 
par la linguistique et de par l'archéologie, reconnaître l'exis- 
tence des autochthones, on supposait du moins que toute cette 
population primitive avait dû appartenir à une seule et même 
race. 

Dès lors, Retzius se crut autorisé à appliquer sa théorie à 
toute l'Europe centrale, méridionale et occidentale, et l'ethno- 
génie européenne fut ramenée à la simplicité la plus sédui- 
sante. Le problème de nos origines semblait enfin résolu. Nous 
n'avions à compter parmi nos prédécesseurs ou nos ancêtres 
que deux couches ethniques superposées : 1° la race autoch- 
thone, brachycéphale, ignorant l'usage des métaux et parlant 
des langues qui n'avaient absolument rien de commun avec 
les nôtres ; 2° la race indo-européenne, qui avait introduit en 
Europe la dolichocéphalie, les métaux et les langues à flexion. 

Telle fut la célèbre théorie de Retzius. Il en découlait une 
conséquence toute naturelle : c'est que les peuples qui avaient 
échappé à l'influence indo-européenne et qui avaient conservé 
leurs langues autochthones, avaient dû conserver aussi le type 
brachycéphale de leurs ancêtres préaryens. Dans le fait, Ret- 
zius avait déjà constaté que les Finnois étaient brachycépha- 
les. Et il crut pouvoir admettre a priori que les Basques l'étaient 
également. On conçoit qu'il lui fût bien difficile, à la distance 
où il était, de se procurer des crânes basques. Il finit cepen- 
dant par en recevoir trois, qu'il accepta avec empressement, 
sans se préoccuper beaucoup de leur authenticité, parce qu'ils 
étaient brachycéphales. L'un de ces crânes venait, disait-on^ 
du musée de Clamart (amphithéâtre des hôpitaux de Paris). 
C'était une pure fable, car il n'y a jamais eu de crâne basque 
dans ce musée. 



— 371 — 

Quoi qu'il en soit, la brachycépbalie des Basques fut accep- 
tée sans vérification comme une conséquence nécessaire de la 
doctrine de Retzius. Bientôt M. de Baer crut découvrir un autre 
fait confirmatif de cette doctrine. Il trouva aux environs de 
Coire, dans les Alpes rhétiques, une population brachycéphale, 
qu*il n'hésita pas à considérer comme issue en droite ligne des 
brachycéphales autochthones. On eut ainsi une histoire fort 
simple de la race primitive de l'Europe. Subjuguée et détruite 
presque partout par les conquérants asiatiques, elle n'avait 
laissé après elle que de rares témoins de son antique existence. 
Les Finnois, peut-être aussi les Lapons, avaient échappé à 
l'extermination en se retirant vers le nord; les Basques et les 
Romans rhétiques en se ^^éfugiant dans les montagnes; — et 
la race indo-européenne avait occupé à elle seule le reste de 
l'Europe. 

Le mémoire de M. de Baer sur les Romans rhétiques 
parut en 1859, l'année même où fut fondée la Société d'an- 
thropologie de Paris. La doctrine de Retzius était parvenue à 
son apogée, mais elle touchait déjà à son déclin. La nouvelle 
Société était loin cependant de lui être opposée ; elle l'avait 
au contraire acceptée sans contestation, heureuse de trouver, 
dans le vaste champ de la science qu'elle se proposait d'étu- 
dier, au milieu de tant de problèmes obscurs et de tant d& sujets 
en litige, une question déjà résolue. Ce fut donc sans le vouloir, 
presque sans le savoir qu'elle prépara la chute de cette doc- 
trine. Dès les premiers mois de son existence, elle avait abordé 
hardiment la question alors si malfamée de l'homme fossile. 
C'était la première fois qu'une assemblée scientifique osait 
^ soumettre à un examen sérieux et complet des faits déjà nom- 
breux et concluants, mais que la science classique avait jus- 
qu'alors repoussés avec un dédain systématique. La vérité ne 
triomphe qu'à la condition de se faire entendre librement, et 
la Société d'anthropologie peut s'enorgueillir d'avoir rendu un 
grand service à la cause du progrès en ouvrant sa tribune à la 
discussion publique des faits d'où devait se dégager irrésisti- 
blement la démonstration de l'antiquité de l'homme. 

Mais lorsque cette grande vérité fut enfin acceptée, lors- 
qu'on eut la certitude que l'homme avait vécu en Europe pen- 
dant toute la période quaternaire, et que l'humanité devait 



— 372 — 

compter son existence par milliers de siècles et non plus seule- 
ment par milliers d'années, il devint évident que toutes les 
théories ethnogéniques étaient sujettes à révision. La doctrii^e. 
de Retzius, qui avait paru si bien assise, n'était plus que la for- 
mule attardée d'un ordre de choses reconnu contraire à la réa- 
lité. Elle était inséparable de l'idée que l'homme était récent 
sur la terre et que la race autochthone n'avait devancé en Eu- 
rope que de quelque mille ans la race asiatique. Si celle-ci, 
après avoir presque partout exterminé l'autre, avait pu, de- 
puis le début des temps historiques, subir, comme on le croyait, 
sous l'influence des changements de milieu, des modifications 
assez profondes pour faire sortir d'un type commun les types 
si divers des peuples actuels de l'Eurçpe, les Scandinaves et les 
Italiens, les Irlandais et les Slaves, les uns bfuns, les autres 
blonds, les uns grands, lesautres petits, — n'était-il pas proba- 
ble que la race autochthone qui l'avait précédée, avait dû, elle 
aussi, de la Baltique à la Méditerranée, du Niémen à l'Atlanti- 
que, subir l'influence modificatrice des mêmes milieux ? Et si 
néanmoins cette race était partout restée la même, si, en d'au- 
tres termes, comme l'avait supposé Retzius, il n'y avait eu 
qu'une seule race autochthone, il fallait nécessairement en 
conclure qu'elle n'avait été exposée que pendant un petit nom- 
bre de siècles à ces causes d'altération. 

La découverte de l'homme quaternaire rendait donc la 
théorie de Retzius tout à fait invraisemblable. Les darwiniens 
et les monogénistes ne pouvaient admettre, sans proclamer la 
permanence des types et sans renoncer par conséquent à 
leurs doctrines, qu'une race humaine eût pu, depuis le com- 
mencement de la période quaternaire, conserver son uniformité 
dans toute l'Europe et s'y maintenir sans changement pendant 
que tout changeait autour d'elle , pendant que les modifica- 
tions graduelles du climat amenaient l'extinction ou l'émigra- 
tion d'un grand nombre d'espèces animales, et que la disparition 
de ces espèces soumettait la vie et l'alimentation de l'homme 
à des conditions toutes nouvelles. Cette objection capitale était 
sans valeur aux yeux des polygénistes de l'ancienne école, par- 
tisans de la permanence absolue et de la multiplicité primitive 
des races, et habitués à attribuer tous les changements ethni- 
ques aux migrations et aux croisements; mais ils ne pouvaient 



— 373 — 

admettre cependant que le sol de l'Europe, alors même qu'il 
eût été dans l'origine l'apanage d'une seule race, fût resté 
inaccessible à toutes les autres races pendant des milliers de 
siècles, jusqu'à l'époque presque récente où commencèrent les 
migrations historiques. Quant à ceux, et je suis du nombre, 
qui acceptent comme réelle l'influence modificatrice du temps 
et des milieux, sans croire toutefois, faute de preuves, qu'elle 
puisse aller jusqu'à transformer entièrement les types humains, 
et jusqu'à faire naître d'une même souche les blancs, les nè- 
gres et les mongols, — ils pouvaient invoquer à la fois, contre 
la théorie de Retzius, les deux objections qui précèdent. 

Cette théorie ne pouvait donc plus satisfaire personne, à 
partir du jour où l'antiquité de l'homme fut démontrée, et si 
elle a conservé des partisans, c'est parce qu'il est dans la na- 
ture de l'esprit humain de se séparer plus aisément d'une 
grande erreur générale que des erreurs secondaires qu'elle a 
enfantées. Au surplus, la découverte de l'homme fossile ren- 
dait invraisemblable la théorie ethnogénique de Retzius , mais 
ne la rendait pas impossible. 11 était clair toutefois qu'il y avait 
lieu de vérifier l'exactitude des faits sur lesquels elle s'appuyait. 
Ces faits pouvaient se diviser en deux groupes : les anciens et 
les modernes. 11 s'agissait de savoir : d'une part, si les Basques, 
considérés comme les descendants des autochthones, étaient 
brachycéphales, et si les brachycéphales des Alpes rhétiques 
descendaient réellement des autochthones ; — d'une autre part, 
si les populations de l'âge de la pierre, antérieures à l'ère indo- 
européenne, n'avaient laissé dans le sol que des crânes brachy- 
céphales. 

Pour ce qui concerne les Basques, la collection de soixante 
crânes que j'ai extraits, avec le concours de mon ami Velasco, 
d'un cimetière du Guipuzcoa, et que vous avez examinés il y a 
quelques jours dans le musée de la Société d'anthropologie, a 
résolu la question négativement. La très-grande majorité de 
ces crânes sont dolichocéphales. S'il y a dans ce nombre 
deux crânes à peu près brachycéphales, et dix sous-brachycé- 
phales ; ce résultat s'explique naturellement parle mélange des 
races, car c'est en vain qu'on chercherait une race absolument 
pure parmi les populations tant de fois remuées de la vieille 
Europe. Une autre série de dix-huit crânes, de même prove- 



— 374 — 

nance, que nous avons depuis reçue de M. Velasco, a fourni les 
mêmes résultats que la première. La race qui prédomine dans 
cette localité du Guipuzcoa est donc dolichocéphale, M. Pruner- 
Bey a soutenu, il est vrai, que cette localité, où Ton ne parle 
et où Ton n'a jamais parlé que la langue basque, avait dû être 
colonisée par des Celtes, hypothèse toute gratuite, qui repose 
exclusivement sur cette idée préconçue, que tout ce qui n'est 
pas brachycéphale doit descendre des conquérants indo-euro- 
péens. J'ai prouvé d'ailleurs que les dolichocéphales du Gui- 
puzcoa diffèrent de tous les autres dolichocéphales de l'Eu- 
rope par plusieurs caractères, tirés de la conformation de la 
face, et du développement relatif des diverses régions du 
crâne. Mais M. Virchow nous apporte aujourd'hui une preuve 
plus décisive. Il a reçu de la Biscaye six crânes provenant de 
trois localités différentes, et ces six crânes, ainsi qu'il l'a con- 
staté directement, sont exactement pareils à ceux qui pro- 
viennent du Guipuzcoa. Il nous donnera lui-même tout à l'heure 
de plus amples détails sur ce sujet. Nous pouvons donc tenir 
pour certain que les Basques espagnols du Guipuzcoa ou de la 
Biscaye, les seuls dont on ait pu, jusqu'ici, étudier les crânes, 
sont nettement dolichocéphales. 

D'un autre côté, l'ethnologie des Alpes rhétiques a été étu- 
diée par MM. His et Bûtimeyer, dans leur grand ouvrage inti- 
tulé Crama Helvetica^ et depuis lors, M. His en a fait le sujet 
d'un mémoire spécial. L'existence de la population brachycé- 
phale signalée par M. de Baera été pleinement confirmée, mais 
M. His a démontré que ces brachycéphales, loin d'être issus des 
anciens peuples rhétiques, sont les descendants des Alemam\ 
derniers envahisseurs du pays. 

Des trois faits modernes invoqués à Pappui de la théorie de 
Betzius, il n'en reste donc qu'un seul, celui que Betzius avait 
constaté lui-même. Il est incontestable, en effet, que les Finnois 
proprements dits, sont brachycéphales. Mais s'il est à peu près 
certain que les Finnois descendaient autrefois jusqu'au Niémen, 
peut-être même jusqu'à la "Vistule, rien ne prouve qu'ils aient 
jamais occupé les pays situés en deçà de ce fleuve, ni qu'ils 
aient jamais pénétré dans la Scandinavie méridionale. Ils sont 
en continuité géographique avec les peuples de l'Asie centrale 
et septentrionale, auxquels ils se rattachent par le type cépha- 



— 375 ^ 

lîque aussi bien que par le langage, et on peut se demander si 
leur présence en Europe est bien antérieure aux temps histo- 
riques ; mais quand même ils seraient réellement les autoch- 
thones de la Russie du Nord, on n'en saurait conclure qu'ils aient 
été les autochthones du reste de l'Europe. 

Voyons maintenant si les faits anciens sont plus conformesr 
que les modernes à la théorie de Retzius. Jusqu'à 1862, j'ai 
cru sur parole que tous les crânes de l'âge de pierre devaient 
être brachycép haies; les premiers doutes me vinrent en étudiant 
les deux crânes que M. Robert a extraits en 1846 du dolmen 
deMeudon. L'un de ces crânes estbrachycéphale, mais l'autre, 
provenant d'une femme, est très-dolichocéphale (indice cépha- 
lique 70, 7). Je m'imaginai volontiers que ce n'était là qu'une 
exception ; je supposai qu'à l'époque où les autochthones bra- 
chycéphales luttaient contre les conquérants dolichocéphales, 
une femme asiatique avait pu devenir prisonnière de l'un des 
chefs indigènes, et être ensuite enterrée dans sa sépulture. 
J'éprouvai néanmoins le besoin de chercher de nouveaux faits. 
Les archéologues qui jusqu'alors, en France, avaient fouillé les 
anciennes sépultures, avaient le plus souvent laissé perdre les 
ossements qu'ils y trouvaient. 11 n'existait donc, dans la gale- 
rie du Muséum qu'un très-petit nombre de crânes préhisto- 
riques; mais dès que l'importance de ces crânes eut été signa- 
lée, les fouilles furent faites avec plus de soin ; j'en dirigeai 
moi-même quelques-unes, et la question ne tarda pas à être 
résolue. Nous savons aujourd'hui qu'à l'époque de la pierre 
polie, la grande majorité des crânes étaient dolichocéphales; 
les mésaticéphales étaient beaucoup moins nombreux, et les 
brachycéphales enfin, étaient tout à fait exceptionnels. Je ne 
parle ici que de la région septentrionale de la France : la ré- 
gion du centre a été peu explorée; quand à la zone méditer- 
ranéenne, elle se rattache à l'ancienne Ligurie, où, suivant 
M. Nicolucci, le type brachycéphale a précédé le type dolicho- 
céphale. Ce dernier fait n'est peut-être pas établi d'une ma- 
nière suffisamment positive, mais il ne me contrarie nullement ; 
loin de là, car j'ai été Tun des premiers, peut-être le premier, 
à soutenir la multiplicité et la diversité des races préhistoriques. 
Qu'il y ait eu, à l'époque de la pierre polie, une ou plusieurs 
races brachycéphales, c'est ce que j'ai toujours admis, et il faut 



— 376 — 

bien qu'il en soit ainsi, puisque quelques crânes brachycéphales 
ont été trouvés dans beaucoup de dolmens où prédominaient 
cependant les dolichocéphales. La présence de ces brachycé- 
phales ne peut s'expliquer que par un mélange de races, con- 
sécutif à des migrations ou des conquêtes comparables à celles 
qui se sont effectuées depuis, pendant les temps historiques ; 
il devait donc y avoir quelque part, dans telle ou telle région 
de l'Europe, des populations brachycéphales. La Ligurie était 
probablement une de ces régions, probablement aussi 1er Jut- 
land, et il y en avait d'autres sans doute. Si l'on songe en effet 
que la brachycéphalie est aujourd'hui très-répandue en Eu- 
rope, qu'elle prédomine même chez plusieurs peuples mo- 
dernes, dans des pays où, depuis l'origine de l'histoire, aucun 
peuple étranger à l'Europe ne s'est établi, on est autorisé à 
penser que, nos brachycéphales actuels descendent des brachy- 
céphales préhistoriques, que ceux-ci étaient certainement 
très-nombreux, et qu'ils devaient probablement occuper des 
régions assez étendues. 

Au surplus, ce n'est pas ce point qui est en litige. Personne 
n'a nié l'existence des brachycéphales de l'âge delapierre : il 
s'agit simplement de savoir s'il est vrai que tous les autoch- 
thones de l'Europe, c'est-à-dire tous les peuples antérieurs à 
l'ère indo-européenne, aient été brachycéphales. Or, je viens 
de prouver que, dans une grande partie de la France, la doli- 
chocéphalie était tout à fait prédominante à l'époque de la 
-pierre polie. 

Est-ce là un fait exceptionnel, propre à une seule région ? 
Nullement, car la dolichocéphalie prédominait tout autant, ou 
même plus encore, dans presque toutes les parties de l'Europe 
où l'on a trouvé des crânes de l'âge de lapierre. Ainsi, les crânes 
des cavernes de Gibraltar, explorées par M. Busk, sont dolicho- 
céphales. Dans la Campagne de Rome, où les indices de la pré- 
sence de l'homme, remontent jusqu'à l'époque quaternaire*, 
M. Ponzi a trouvé quatre crânes préhistoriques, dont nous avons 
pu voir les dessins à l'exposition du Champ de Mars. Trois sont 
dolichocéphales; un seul, qui paraît moins ancien, est brachy- 
céphale. M. Ponzi pense qu'ils datent de l'époque du renne ; 

4. Voy. plus haut, p. 109, l'analyse du travail de M. de Rossi. 



— 377 — 

cette opinion a été combattue par M. Pruner-Bey. Mais alors 
même qu'elle serait inexacte, et que les os de ruminant que 
M. Ponzi considère comme des os de renne proviendraient d'un 
autre animal moins ancien, il est hors de doute que les crânes 
humains datent au moins de l'époque de la pierre polie, ce qui 
nous suffit pour le moment. 

Voilà donc déjà une grande partie de l'Europe occidentale 
et de l'Europe méridionale qui échappe à la prétendue loi 
de Retzius. Il faut y joindre la Grande-Bretagne, où les mo- 
numents mégalithiques ne renferment pour ainsi dire que des 
crânes dolichocéphales, et bien plus dolichocéphales même 
que ne le sont ceux des dolmens de la France. Je me borne à 
signaler ici les conclusions du remarquable travail que M. Thur- 
nam a communiqué, il y a trois ans, à la Société d'anthropo- 
logie de Paris, et qui a paru in extenso dans les Mémoires de la 
Société d'anthropologie de Londres. Il est superflu de rappeler 
que M. Thurnam partage avec M. Rarnard Davis l'honneur 
d'avoir publié le magnifique ouvrage intitulé Cranta britan- 
nica. Sa double compétence d'anthropologiste et d'archéologue 
est connue de tous les savants. Il a fouillé lui-même un grand 
nombre de monuments préhistoriques ; il a étudié en outre, 
soit en Angleterre, soit en France, la plupart des crânes qui 
ont été extraits de ces monuments, et voici pour ce qui con- 
cerne spécialement l'Angleterre, les faits qui se dégagent de 
ses recherches : il y a dans ce pays deux espèces bien dis- 
tinctes de sépultures préhistoriques, les long-barroivsy et les 
round'barroivs. Les long-barrowsy semblables à nos grands 
dolmens, ne renferment aucune trace de métal ; on n'y trouve 
que des objets en os ou en silex; ils correspondent incontesta- 
blement à l'époque de lapien'e polie. Les roiind-barroivs^ 
dont la forme, les dimensions et l'architecture sont toutes 
différentes, et dont le type s'observe rarement en France, ren- 
ferment des objets en bronze; il est complètement démontré 
qu'ils sont postérieurs aux précédents et qu'ils ont été con- 
struits par le peuple immigrant, et probablement conquérant, 
qui introduisit dans la Grande-Bretagne l'usage des métaux. 
Or, les crânes des /o/i^r-ô^rroiïw sont presque tous très-dolicho- 
céphales : l'indice céphalique moyen des nombreux crânes de 
cette époque que M. Thurnam a mesurés, ne dépasse pas le 



— 378 — 

chiffre de 70 0/0. Il a bien voulu me charger de présenter au 
Congrès quatre de ces crânes (fi g. 76 à 78) ; vous pouvez voir 
qu'ils sont à la fois très-grands et très-dolichocéphales; leur 
indice céphalique varie de 6Zi à 69,5 0/0. La tace qui a élevé 
les long-barrowsy et qui a précédé l'introduction du bronze, 
était donc caractérisée par une dolichocéphalie excessive. Mais 
ce qu'il y a de plus curieux, c'est que la brachycéphalie a été 
importée dans cette région par les étrangers qui construisirent 
les round-barrows, qui apportèrent le bronze avec eux, et qui, 
selon toute probabilité, introduisirent en même temps l'usage 
d'une langue indo-européenne. Comme cette langue, dont plu- 
sieurs dialectes subsistent encore, fait partie du groupe des 
langues dites celtiques, on a cru pouvoir désigner sous le nom 
de Celtes les Indo-Européens qui construisirent les round- 
barrowsy mais de ce que les linguistes ont choisi le nom célèbre 
des Celtes pour caractériser le groupe des plus anciennes '(lan- 
gues indo-européennes de l'Europe, il n'en résulte nullement 
que les peuples qui ont parlé les langues de. ce groupe aient 
été des Celtes, ni qu'ils aient tous appartenu à une même race, 
ni qu'il y ait une autre affiïiité que celle du langage entré les 
brachycéphales des round-barrows et les vraisCeltes de la Gaule. 

Quoi qu'il en soit, la brachycéphalie, et une brachycépha- 
lie très-prononcée, se rencontre pour la première fois dans les 
round-barrowsi elle y est partout prédominante, mais presque 
partout cependant, à côté d'une grande majorité de crânes 
brachycéphales, on trouve quelques dolichocéphales exac- 
tement semblables à ceux des long-barrows^ et quelques mé- 
saticéphales, issus manifestement du mélange de la race de 
l'âge de la pierre polie et de la race de l'âge du bronze. Somme 
toute, et malgré l'influence qu'a exercée sur la moyenne la 
présence de ces crânes mésaticéphales et dolichocéphales, 
l'indice céphalique des crânes des round-barrows est encore 
supérieur à 80 0/0. 

Ces faits donnent le démenti le plus saisissant à la théorie 
de Retzius. Loin que les conquérants indo-européens^ aient in- 
troduit la dolichocéphalie en Angleterre, au milieu d'une popu- 
lation jusqu'alors exclusivement brachycéphale, ce sont eux 
au contraire qui y ont introduit la brachycéphalie au milieu 
d'une population jusqu'alors exclusivement dolichocéphale. 



— 379 — 




Fig. 7t). 
Crâne da long^barrow de Norton. 




^^J?^f A'.r-jï tS.: 



Fig. 77. 
Crâne du long-barrow de Fyfield. 




Fig. 78. 
Crâne du long-barrow de Thilshead. 



— 380 — 

Que devons-nous en conclure ? 11 y a trois ans, lorsque les 
faits recueillis en France et en Angleterre furent assez nom- 
breux pour qu'il ne fût plus possible de les considérer comme 
exceptionnels, je m'étais borné à dire que la loi ethnogénique 
de Retzius n'était pas applicable à l'Europe occidentale; mais, 
ne pouvant croire cependant qu'elle fût entièremeirt fausse, 
j'avais émis, dans la discussion de la Société d'anthropologie, 
la pensée que la seule erreur de Retzius avait été de générali- 
ser cette loi, et je ne doutais pas qu'elle ne fût vraie au moins 
pour la Scandinavie. Déjà convaincu de la multiplicité et de la 
variété des races de l'âge de la pierre, je trouvais tout naturel 
que l'ordre de superposition des couches ethniques ne fût pas 
le même dans toute l'Europe, et que les populations dolicho- 
céphales de nos régions de l'Ouest eussent été contemporaines 
des populations brachycéphales qui avaient construit, au dire 
de Retzius, les monuments mégahthiques de la Suède. Je con- 
tinue à croire encore à la contemporanéité des deux types cé- 
phaliques à cette époque, qui est celle de la pierre polie; j'ai 
déjà dit pourquoi, et je n'y reviendrai pas; mais devons-nous 
ranger la Suède au nombre des pays où les brachycéphales 
ont précédé les dolichocéphales? C'est une dernière illusion à 
laquelle, après tant d'autres, il a fallu renoncer. Le professeur 
van Duben, de Stockholm, qui a succédé à Retzius dans sa 
chaire d'anatomie, a communiqué en 1865 à la Société d'an- 
thropologie les résultats des fouilles qu'il a exécutées avec 
M. Retzius fils dans le grand monument mégalithique de Lut- 
tra,prèsFahlkôping, en Westrogothie. Ce vaste dolmen, où l'on 
a trouvé des couteaux et des flèches en silex taillé, des haches 
en pierre polie et des colliers d'ambre, avec des os de mouton, 
de bœuf et de chat sauvage, — sans aucune trace de poterie 
ni de métaux, — renfermait les restes de cent quarante-cinq 
individus au moins. On n'a pu en retirer que treize crânes 
complets ; mais sept autres, quoique plus ou moins mutilés, ont 
pu se prêter à la détermination du type céphalique. Or ces 
vingt crânes sont tous dolichocéphales, à l'exception d'un seul. 
L'indice céphalique moyen des treize crânes complets n'est 
que de 73,14 0/0. Par conséquent la population préaryenne 
de cette partie de la Suède était tout à fait comparable à celle 
de l'Angleterre et du nord de la France. 



— 381 — 

La note publiée par M. van Duben a porté le coup de grâce 
à la doctrine de Retzius. Comment se fait-îl donc cependant 
que mon savant collègue, M. Pruner-Bey, ait encore soutenu, 
aujourd'hui même, que la population primitive de TEurope 
était partout brachycéphale, et que tous les crânes dolichocé- 
phales préhistoriques provenaient de la race aryenne ou indo- 
européenne? C'est parce qu'une conviction bien arrêtée lui a 
donné la force de plier à la fois les faits et les principes aux 
besoins d'une cause qui est vraiment devenue la sienne. Sa 
théorique ethnogénique lui a paru assez solide pour pouvoir se 
passer du concours de l'archéologie et de la linguistique et pour 
résister même aux témoignages de ces deux sciences. Ce qui 
caractérise en réalité Tépoque indo-européenne, c'est l'intro- 
duction dans tel ou tel pays des langues affiliées au sanscrit. 
On n'a aXicun moyen de savoir directement quelle langue par- 
laient les populations qui élevèrent les monuments préhisto- 
riques, car on ne trouve -sur ces monuments aucun vestige 
d'écriture ; mais l'archéologie a emprunté à la linguistique une 
notion qui lui a permis de distinguer les sépultures antérieures 
à l'arrivée des conquérants indo-européens. 

On sait avec quel talent et avec quel succès, en reconsti- 
tuant la langue aryaque, mère commune du sanscrit, du zend 
et de nos langues d'Europe, les linguistes ont déterminé l'état 
des connaissances et de l'industrie du peuple asiatique primi- 
tif dont les nombreux rameaux se répandirent d'une part jus- 
qu'au fond de l'Inde, et d'une autre part jusqu'à l'Atlantique. 
C'est ainsi qu'ils ont établi que les conquérants indo-européens 
connaissaient l'usage du bronze. La présence de ce métal est 
donc devenue pour les archéologues le signe caractéristique 
de l'influence indo-européenne, et par là même les monu- 
ments où Ton ne trouve aucune trace de métal ont été attri- 
bués aux populations autochthones. C'est sur cette base que 
nous avons assis nos recherches, lorsque nous avons été appe- 
lés, en qualité, d'an thropologistes, à déterminer les caractères 
cràniologiques des races préhistoriques. Nous avons considéré 
comme antérieurs à l'ère indo-européenne, comme appartenant 
aux peuples primitifs de l'Europe, les crânes déposés dans les 
monuments de l'âge de la pierre polie. Et c'est ainsi que nous 
avons constaté que la dolichocéphalie existait et même prédo- 



— 382 — 

minait dans la plus grande partie de l'Europe avant que TAsie 
y eût envoyé ses essaims migrateurs. 

Mais M. Pruner-Bey a adopté un tout autre critérium. Pour 
lui, la distinction de l'âge de la pierre et de T âge du bronze 
n'est qu'un fait secondaire. Le fait essentiel, fondamental, c'est 
la conformation crânienne. Partant de cette idée que tous les 
dolichocéphales préhistoriques de l'Europe sont aryens, c'est- 
à-dire indo-européens, qu'avant eux, par conséquent, il n'y a 
eu que des brachycéphales, il considère comme aryennes toutes 
les sépultures où l'on trouve des Crânes dolichocéphales; et 
comme l'existence des dolichocéphales pendant toute la période 
de la pierre polie est aujourd'hui prouvée par une masse 
énorme de faits irrécusables, mon savant collègue a été conduit 
à reculer la date de l'arrivée des Indo-Européens jusqu'au 
commencement de cette période ; mais il n'a pu raisonner ainsi 
sans faire un cercle vicieux, sans supposer d'abord démontré 
qu'il n'y avait pas de dolichocéphales en Europe avant l'époque 
des migrations asiatiques; or, c'était là précisément ce qui était 
en question. 

Ainsi modifiée, la doctrine de Retzius n'a plus rien à crain- 
dre des recherches qui pourront être faites dans les sépultures 
de l'époque de la pierre polie. Il a fallu pour cela, il est vrai, 
par une hypothèse toute gratuite , remanier profondément la 
chronologie préhistorique, et faire remonter le début de l'ère 
indo-européenne jusqu'au voisinage ,des temps paléontologi- 
ques ; — car on ne connaît jusqu'ici aucune époque intermé- 
diaire entre celle que caractérise la présence du renne et 
des silex taillés , et celle que caractérisent la pierre polie et 
les animaux domestiques. C'est peut-être aller bien loin que 
d'accorder une antiquité aussi immense à un fait que l'ar- 
chéologie, la linguistique et l'histoire elle-même tendent à 
nous présenter comme relativement moderne. Mais il est clair 
en tous cas que le début de l'époque de la pierre polie est la 
dernière limite à laquelle il soit raisonnablement possible de 
reporteries migrations aryennes. Par conséquent, si l'assertion 
de Retzius est exacte, s'il est vrai que tous les autochthones 
de l'Europe aient été brachycéphales, nous ne devons plus 
trouver un seul crâne dolichocéphale dans les gisements de 
l'époque quaternaire. C'est ce que M. Pruner-Bey a parfaitement 



— 383 — 

senti ; aussi s'est-il efforcé de se défaire par des fins de non- 
recevoir de la plupart des faits relatifs à rhomme paléontolo- 
gique. Son procédé est très-simple. Il consiste à nier l'authen- 
ticité des gisements de tous les crânes dolichocéphales, et 
comme ils le sont presque tous, et qu'après cette élimination 
il ne restait que deux oa trois faits, mon savant collègue, pour 
suppléer à la pénurie des observations, a érigé en crânes bra- 
chycéphales des crânes incomplets dont l'indice céphalique ne 
peut être apprécié, et même des crânes dont il ne reste que 
de minimes fragments. Je suis donc obligé de passer à mon 
tour les faits en revue, et cela me sera d'ailleurs facile, car ils 
sont peu nombreux jusqu'ici. On conçoit en effet que la rareté 
des débris humains, de ceux surtout qui sont bien conservés, 
doit s'accroître en raison de leur antiquité; mais plus ces 
faits sont rares, plus il importe de ne pas les laisser déna- 
turer. — Je les diviserai en deux séries : la première est rela- 
tive à l'existence] des brachycéphales à l'époque de la pierre 
taillée ; la seconde, à l'existence des dolichocéphales à la même 
époque. 

La première série est très-courte. Je consens volontiers à 
y faire figurer les deux crânes que notre savant et laborieux 
collègue M. Dupont a extraits d'une caverne sépulcrale de 
l'âge du renne, dite Trou du Frontal (vallée de la Meuse, pro- 
vince de Namur, près Furfooz ; voy. plus haut, p. 63). Je n'ai 
pas eu le temps d'étudier ces crânes, que je viens de toucher 
pour la première fois. Si je pouvais m'en rapporter à une 
mensuration, rendue trop rapide, que je viens de faire à l'in- 
stant même, pendant la séance, je dirais qu'ils sont plutôt mé- 
saticéphales que brachycéphales, car leurs indices céphaliques 
m'ont paru n'être que de 79,6 pour l'un et 80,4 pour l'autre. La 
moyenne donnerait le chiffre de 80qui établit la limite inférieure 
de la brachycéphalie. Si je rappelle que l'indice céphalique 
moyen des crânes anciens et modernes de la population pari- 
sienne est de 79, â5, on reconnaît que la brachycéphalie relative 
aux deux crânes du Trou du FronUil n'a aucune signification. Il 
me paraît très-probable toutefois que la race qui a fourni ces 
deux crânes devait présenter, dans son indice céphalique, 
comme dans toutes les autres races connues, des variations 
assez étendues, et qu'à côté des crânes mésaticéphales qu'on 



— 384 — 

a pu extraire du Trou du Frontal^ il devait y en avoir d'autres 
dont l'indice céphafique était notablement supérieur à 80. 
Il paraît d'ailleurs que M. Dupont a trouvé dans une autre 
caverne de la même époque et de la même région un autre 
crâne franchement brachycéphale, qui ne nous a pas été pré- 
senté. J'admets donc qu'il y avait des brachycéphales en 
Belgique à l'époque du renne. 

A ce premier fait il faut joindre probablement celui que 
M. de Ferry nous a fait connaître aujourd'hui par l'intermé- 
diaire de M. Pruner-Bey. L'un des deux crânes que M. de 
Ferry a extraits des tombes en pierres brutes de Solutré (Saône- 
et-Loire) n'est que mésaticéphale ; mais le second est réelle- 
ment brachycéphale, et cela suffît; ou plutôt cela suffirait s'il 
était vraiment démontré que ces crânes fussent contemporains 
du renne. M. de Ferry n'ose pas l'affirmer, et il- faut bien 
reconnaître que la construction de tombes en pierre à l'époque 
du renne serait un fait sans précédents connus jusqu'ici. Mais 
si cette considération doit nous imposer quelque réserve, elle 
ne détruit pas les probabilités qui peuvent résulter des autres 
circonstances de la fouille. En tous cas je suis trop peu ren- 
seigné sur ce fait pour me croire autorisé à le nier. J'admets 
donc qu'à l'époque du renne il y avait des brachycéphales à 
Furfooz en Belgique, à Solutré en France, et je pense qu'on ea 
découvrira encore dans d'autres stations humaines de la même 
époque; mais il n'en résulte nullement que le type brachycé- 
phale fût alors général, ni même qu'il pût prédominer, et je 
ne saurais accepter comme valables les autres faits invoqués 
par M. Pruner-Bey, 

Ainsi, d'après l'inspection de deux mâchoires incomplètes 
et d'un fragment d'os frontal extraits par M, Trutat de la 
caverne de Bruniquel, M. Pruner-Bey reconnaît ou croit 
reconnaître que ces mâchoires appartenaient à des crânes 
brachycéphales; il diagnostique de même la brachycéphalie 
des crânes dont on a trouvé quelques fragments très-incom- 
plets dans une caverne des environs de Dinant. Ce sont là 
des appréciations arbitraires, des conjectures qui échappent 
à la discussion. Je ferai remarquer seulement que la brachy- 
céphalie et la dolichocéphalie résultent du rapport des deux 
principaux diamètres du crâne, qu'elles ne peuvent être con- 



- 385 — 

statées par conséquent que lorsque les pièces que Ton a sous 
les yeux donnent une idée exacte, ou du moins approximative, 
de ces deux diamètres. Un crâne large et même très-large peut 
être dolichocéphale, s'il est en outre très-long ; de même un 
crâne long peut être brachycéphale, un crâne court peut être 
dolichocéphale, et un crâne étroit enfin peut être brachycé- 
phale. Ce n'est donc pas avec un fragment de mâchoire, ni 
même avec une mâchoire entière, qui donne tout au plus une 
idée approximative de la largeur, qu'on peut avoir la préten- 
tion de déterminer le type céphalique. Je reconnais d'ailleurs 
que dans beaucoup de cas ce type peut être constaté à la sim- 
ple vue, quoique le crâne soit gravement mutilé, et quoique 
les diamètres maxima ne puissent être mesurés au compas. 
Je pourrais donc accepter le jugement de M. Pruner-Bey sur 
celui des deux crânes de Bruniquel qui est incomplet, si notre 
collègue n'ajoutait pas qu'il a été rétréci par une déformation 
posthume, et qu'avant d'être déformé^ il devait être brachycé- 
phale. Je ne puis avoir aucune opinion sur ce fragment de 
crâne que je n'ai point vu, mais j'avoue que ce que nous en 
a dit M. Pruner-Bey ne me paraît nullement concluant. 

Je ne vois donc jusqu'ici pour établir l'existence des bra- 
chycéphales à l'époque du renne que les faits de MM. Dupont 
et de Ferry. Il faut y joindre peut-être l'un des deux crânes 
du Portugal dont M. Pereira da Costa a envoyé les moules 
au Congrès. La date de ces deux crânes ne peut être déter- 
minée, parce que la couche profonde d'où ils ont été extraits 
ne renfermait pas de fossiles caractéristiques. Tout annonce 
néanmoins qu'ils remontent à une très-haute antiquité. L'un 
est brachycéphale, l'autre dolichocéphale. Je le répète, ce fait 
manque de précision ; mais il ne manque cependant pas d'im- 
portance, puisqu'il démontre, conformément à ma manière de 
voir, la coexistence des deux types céphaliques dans la pé- 
ninsule ibérique à une époque extrêmement reculée et proba- 
blement paléontologique. 

Je passe maintenant aux crânes dolichocéphales de la pé- 
riode quaternaire. Ils sont jusqu'ici bien rares sans doute, 
mais ils le sont beaucoup -moins que les brachycéphales, et s'ils 
n'ont pas tous le même degré d'authenticité, quelques-uns du 
moins ne peuvent laisser place à aucun doute. Tel n'est point 

• 25 



— 386 — 

l'avis de M. Pruner-Bey, qui a repoussé systématiquement tous 
ces faits. 

Je parlerai en premier lieu de ceux qui peuvent réellement 
donner prise aux objections. Ce sont d'abord les crânes dolicho- 
céphales, déjà mentionnés, que M. Ponzi a extraits des îiiches 
sépulcrales de Cantalupo dans la Campagne de Rome. Auprès 
d'eux se trouvaient divers ossements, entre autres une mâchoire 
que M. Ponzi considère comme une mâchoire de renne. Mais il 
paraît que d'autres ossements appartenaient à des espèces do- 
mestiquées , et la coexistence du renne et des animaux domes- 
tiques constituerait un fait tellement insolite, tellement contraire 
à ce qu'on sait jusqu'ici, qu'avant de l'admettre, il est prudent 
d'attendre une démonstration plus complète. La mâchoire en 
question est-elle vraiment celle d'un renne? Les autres os pré- 
sentent-ils vraiment les caractères de ceux des animaux modifiés 
par la domestication ? Il faudra que ces deux questions, dont 
la seconde est assez délicate, soient soumises à un contrôle sé- 
rieux, avant qu'on soit en droit de fixer la date des crânes de 
Cantalupo. M. Ponzi, dont la compétence n'est pas douteuse et 
dont l'habileté et la sagacité sont bien connues, ne s'offensera 
pas si j'hésite à admettre, sur le témoignage d'un seul savant, 
un fait qui viendrait contredire une des notions les plus impor- 
tantes de l'archéologie préhistorique. 

Un autre fait beaucoup plus concluant , mais sur lequel 
cependant il est permis de faire encore quelques réserves, 
est celui du crâne dolichocéphale que M. Brun a extrait de la 
caverne-abri de Lafaye, à Bruniquel (Tarn-et-Garonne). Ici, 
l'époque du renne est nettement caractérisée. Deux crânes ont 
été trouvés dans le sol de cette caverne; run,.dont j'ai déjà 
parlé et qui est malheureusement incomplet, a été accepté 
comme parfaitement légitime par M. Pruner-Bey, qui croit il est 
vrai pouvoir le considérer comme brachycéphale ; je me suis 
déjà expliqué sur ce diagnostic, et je n'y reviendrai pas. L'autre 
crâne est dolichocéphale, et il est extrêmement probable qu'il 
est contemporain du premier, car il était comme lui empâté 
dans la gangue ossifère du sol de la caverne. Rien absolument 
ne permettait de croire que ce sol eûrt été remanié. Toutefois, 
comme ce crâne dolichocéphale se trouvait très-rapproché de 
la paroi latérale du rocher, je fis remarquer, en communiquant 



— 387 — 

à la Société d'anthropologie la note et les photographies en- 
voyées par M. Brun, qu'il était à la rigueur possible qu'un 
écartement se fût produit à une époque quelconque entre le 
Sol et la paroi latérale de la caverne, qu'un crâne déposé plus 
ou moins longtemps après la formation du sol ossifère eût glissé 
dans cette fissure et qu'il se fût confondu ensuite avec la cou- 
che de l'époque du renne. Ce qui me suggérait cette remarque, 
c'était le souvenir d'une fouille que j'avais pratiquée quelque 
temps auparavant, près de Sainte-Foy (Gironde), dans une grotte 
où un fragment de tuile du xviii® siècle avait ainsi glissé le 
long de la paroi du rocher, jusqu'à une profondeur de près 
d'un mètre ; mais d'ailleurs je n'avais point vu la caverne-abri 
de Lafaye ; je n'avais connaissance d'aucun indice qui fût de 
nature à y révéler l'existence d'une ancienne fissure.* C'était 
donc une observation générale que je faisais, et non une ob- 
jection que je formulais; et si cela me suffisait pour hésiter à 
considérer comme tout à fait certaine la date du crâne en ques- 
tion, il n'en restait pas moins extrêmement probable pour moi 
que ce crâne était contemporain du sol de la caverne et de l'é- 
poque du renne. Ce que j'ai dit alors, je le répète aujourd'hui; 
mais M. Pruner-Bey ne s'en est pas tenu là. Il nie résolument 
l'authenticité du crâne de Bruniquel ; il conteste toute valeur 
à ce fait, et je me figure, à tort peut-être, qu'il ne pousserait 
pas aussi loin le scepticisme s'il s'agissait d'un crâne brachy- 
céphale. 




Fig. 79. 
Crâne de Néanderthal, vue de profil. 



Je ferai une remarque analogue sur le crâne de Néander- 
thaï. Notre savant collègue le professeur Schaaffhausen vous 
a exposé les raisons qui démontrent la très-haute antiquité 



de ce crâne dolichocéphale ; je me borne* donc à dire que si 
l'absence de débris paléontologiques directement associés aux 
restes de Thomme de Néanderthal laisse planer un léger doute 




Fig. 80. 
Crâne de Néanderthal, face supérieure. 



sur sa date, toutes les probabilités sont en faveur de l'opinion 
de M. Schaaffhausen. C'est donc procéder un peu sommaire- 
ment que de déclarer que ce crâne est simplement celui d'un 
Celte qui aurait été enterré dans la caverne de Néanderthal 
avant l'époque où des mouvements de terrain en ont obstrué 
l'entrée. Et sj je demande ce qui, dans cette prétendue sépul- 
ture, caractérise l'époque celtique, on me répond que le crâne 
est dolichocéphale ; c'est-à-dire qu'on résout toujours la ques- 
tion par la question. 

Au surplus, le caractère spécial qui a donné tant de célé- 
brité au crâne de Néanderthal , c'est-à-dire la forme simienne 
due à la dépression de la base du front et à l'énorme saillie 
des arcs sourciliers, ce caractère s'est retrouvé depuis sur un 
autre crâne dolichocéphale dont la date paléontologique est 
nettement établie. Je veux parler du crâne d'Eguisheim, près 
Colmar (voir plus loin, p. 395, fig. 84). Le travail communi- 



— 389 — 

que au mois de janvier dernier à la Société géologique par 
M. Faudel renferme des détails précis d'où il résulte, avec la 
certitude la plus complète, que ce crâne a été extrait du lehm 
de la vallée du Rhin, que dans le même dépôt on a trouvé une 
molaire à'Elephas primigenius et un métatarsien de Bos pris- 
cusy que tous ces ossements, humains ou autres, présentaient 
exactement la même couleur, qu'ils avaient subi des altérations 
identiques de couleur et de composition, qu'ils dataient par 
conséquent les uns et les autres de la même époque, et que 
celle-ci, caractérisée par le mammouth, était l'époque quater- 
naire. Jamais démonstration ne fut plus rigoureuse, jamais 
fait ne fut plus incontestable. Ce n'est donc pas sans étonne- 
ment que j'ai entendu M. Pruner-Bey soutenir, sans invoquer 
du reste la moindre preuve, que l'authenticité du gisement, 
ou du moins de la date du crâne d'Eguisheim était incertaine. 
Après cela, je me demande quel est le degré d'évidence qui 
pourra échapper à ses négations'systématiques. 

A ce fait décisif on peut en joindredeux autres plus anciens, 
dont la signification a sans doute été longtemps méconnue, à 
l'époque où la science n'admettait pas l'antiquité de l'homme, 
mais qui ont recouvré toute leur valeur depuis que l'existence 
de l'homme paléontologique est définitivement démontrée. 

En 1823, un géologue estimable, M. Ami Boue, vint présenter 
à Guvier divers ossements fossiles extraits du lehm des environs 
de Lahr. Parmi ces ossements il y avait un crâne qui paraissait 
humain, et qui l'était en- effet ; mais la science de ce temps-là 
repoussait si catégoriquement la possibilité d'un pareil fait, 
que M. Ami Boue, hésitant entre Tanatomie et la géologie, se de- 
mandait et demandait à Guvier si ce crâne était bien celui d'un 
être humain. Guvier n'hésita pas un seul instant à répondre 
par l'affirmative; mais, ne pouvant croire pourtant que l'homme 
eut vécu dans les temps paléontologiques, il ajouta qu'il s'a- 
gissait sans doute de quelque crâne provenant d'un ancien 
cimetière; et, dans le fait, puisqu'il ne devait pas venir du 
lehm, il fallaitbien qu'il vînt d'ailleurs. M. Pruner-Bey, qui a vu 
le crâne de Lahr, et constaté que c'est celui d'une femme doli- 
chocéphale, en nie tout naturellement l'authenticité en invo- 
quant l'autorité de Guvier. Le grand homme, s'écrie-t-il, avait 
raison ! Or Guvier n'a nié qu'une chose : l'antiquité de l'homme; 



— 390 — 

il Ta niée d'une manière générale, en cette circonstance comme 
en toute autre ; il n'a nullement constaté que le crâne de Lahr 
fût étranger à la couche de lelim d'où on l'avait extrait; il n'a 
pas pris la peine de chercher si son hypothèse était exacte. Il 
a purement et simplement écarté le fait comme contraire à la 
science. Est-ce le cas de lui donner raison, lorsqu'il est reconnu 
aujourd'hui qu'il partait d'un principe entièrement faux ? Si 
l'on songe maintenant, d'après M. Pruner-Bey, que l'auteur de 
la découverte du crâne de Lahr poussait aussi loin que possible 
la croyance à ce faux principe, jusqu'au point de douter qu'un 
crâne humain eût appartenu à un homme véritable, on recon- 
naîtra qu'il n'en était pas venu là sans avoir acquis préalable- 
ment la certitude que le gisement de ce crâne était bien authen- 
tique. L'analyse des circonstances qui précèdent nous permet 
donc aujourd'hui d'accorder une grande confiance à la décou- 
verte de M. Ami Boue, et d'ajouter le crâne de Lahr à la liste 
des crânes dolichocéphales paléontologiques. 

Reste enfin le célèbre crâne d'Engis (fig. 81 et 82), dont le 




Fig. 81. 
Crâne d'Engis, profil. 



moule est dans tous les musées et dont le dessin a été publié, 
en 1834, par Schmerling dans son grand ouvrage sur les Os- 
sements fossiles des cavernes de la province de Liège. Schmer- 
ling n'était pas un chercheur, ordinaire ; c'était un paléonto- 
logiste de premier ordre, un investigateur persévérant et 



— 391 — 

courageux, qui mérite une place d'honneur dans F histoire de 
la découverte de l'homme fossile. Lorsqu'on lit dans son ou- 
vrage la relation des fouilles d'Engis, on ne peut conserver 
le moindre doute sur la contemporariéité du squelette humain 
et des ossements d'animaux quaternaires trouvés dansla même 
caverne. Aussi l'authenticité du crâne d'Engis a-t-elle été 
admise sans aucune contestation par tous les paléontolo- 




Fig. 82. 

Crâne d'Engis, face supérieure. 

gistes et par tous les anthropologistes, depuis que les décou- 
vertes faites par M. Boucher de Perthes dans le diluvium ont 
mis à néant les dernières résistances qui s'élevaient encore 
contre l'existence de l'homme quaternaire. Mais ce crâne, par 
malheur, est dolichocéphale ; et M. Pruner-Bey cherche à s'en 
débarrasser en disant que le cas est obscur puisqu'il a été con- 
testé. Il oublie d'ajouter quand, comment et p(5urquoi la décou- 
verte de Schmerling aétémiseendoute. Lorsqu'elle fut publiée, 
il y a trente-trois ans, elle heurtait de front la science officielle; 
elle eut donc le sort de la découverte de M. Ami Boue; on ne la 
discuta pas, on la dédaigna, on l' écarta par une objection gé- 
nérale, sous le prétexte que des hommes avaient pu à toutes 



— 392 — 

les époques pénétrer dans les cavernes, que par conséquent 
les faits recueillis dans les cavernes ne signifiaient absolument 
rien, et que ce n'était pas là, mais dans les terrains quaternai- 
res proprement dits, dans le diluvium par exemple, qu'il fallait 
chercher les preuves de l'antiquité de l'homme. Est-ce là ce 
que veut dire aujourd'hui M. Pruner-Bey ? Non, puisqu'il ac- 
cepte comme valables les crânes extraits par M. Dupont de la 
caverne appelée Trou-du-Frontal. Il est vrai que ceux-ci sont 
presque brachycéphales» tandis que le crâne d'Engis a le tort 
d'être dolichocéphale ; mais cela ne me semble pas suffisant 
pour le faire déclarer apocryphe. 

Après ce long examen critique, rendu nécessaire par les 
assertions de mon savant collègue, je dois résumer les faits 
relatifs au type céphalique des races humaines paléontologi- 
ques de l'Europe occidentale. L'existence des brachycéphales 
est démontrée par l'un des deux crânes du Trou-du-Frontal, 
à Furfooz et peut-être aussi par l'un des deux crânes de So- 
lutré. Celle des dolichocéphales est démontrée par les trois crâ- 
nes d'Engis, de Lahr et d'Eguisheim, auxquels il faut joindre 
très-probablement celui de Néanderthal, plus probablement 
encore celui de Lafaye, à Bruniquel, et peut-être enfin ceux de 
Gantalupo dans la Campagne romaine. Les deux principaux 
types crâniens existaient donc avant l'époque de la pierre po- 
lie, avant les derniers changements de climat qui ont modifié 
la faune et amené l'extinction ou l'émigration d'un grand nom- 
bre d'espèces animales. 

Maintenant, les deux types ont-ils coexisté dès l'origine dans 
cette région de l'Europe? On ne saurait déclarer que cela soit 
impossible; toutefois cela semble peu probable, et il y a lieu 
de chercher si les faits connus jusqu'ici ne tendraient pas à 
établir l'antériorité de l'un ou l'autre type. La période paléon- 
tologique que l'homme a traversée (sans compter l'époque ter- 
tiaire encore en litige) se divise en deux époques qui se succé- 
dèrent graduellement sans doute, mais qui sont cependant bien 
distinctes : l'époque du mammouth et des espèces éteintes, 
l'époque du renne et des espèces émigrées ; et la durée de la 
première a été probablement beaucoup plus longue que celle 
de la seconde. Or les plus anciens crânes brachycéphales que 
Ton connaisse jusqu'ici, ceux du Trou-du-Frontal, ne datent 



— 393 — 

que de l'époque du renne, tandis que trois au moins de nos 
crânes dolichocéphales, ceux d*Eguisheim, de Lahr et d'En gis 
remontent à l'époque du mammouth. On n'en saurait tirer 
encore une conclusion positive, mais on peut du moins consi- 
dérer comme très-probable que le type dolichocéphale est le 
plus ancien. 

La question du type céphalique devait me préoccuper ici 
plus que toute autre, puisque l'examen de la théorie ethnogé- 
nique de Retzius est le sujet principal de la discussion ac- 
tuelle. Il s'agissait de savoir avant tout jusqu'à quelle époque 
remontait dans le passé l'origine des types crâniens qui s'ob- 
servent parmi les races actuelles ; et si, dans cette recherche, 
nous pouvions regretter de n'avoir à notre disposition qu'un 
bien petit nombre de crânes paléontologiques, nous avions du 
moins l'avantage de pouvoir faire reposer nos comparaisons 
sur de nombreuses séries de crânes moins anciens, échelon- 
nées d'âge en âge depuis l'époque de la pierre polie jusqu'à 
nos jours. Mais il se présente maintenant une autre question 
beaucoup plus épineuse ; après avoir cherché ce qu'était 
l'homme quaternaire par rapport à ceux qui l'ont suivi, il s'agit 
de se demander ce qu'il était par rapport à ses prédécesseurs 
inconnus. Les caractères morphologiques qu'il présentait alors 
étaient-ils en voie d'évolution progressive ? Conservaient-ils 
l'empreinte et comme la réminiscence de quelque phase anté- 
rieure ? Ou constituaient-ils enfin, à un degré quelconque, une 
transition entre les caractères des singes anthropomorphes et 
ceux que nous sommes habitués à considérer comme propres à 
l'homme? La forme que l'on donne à cette question varie selon 
le point de vue où l'on se place ; mais au fond les phénomènes 
que l'on veut étudier sont toujours les mêmes, et le problème 
à résoudre se réduit à ces termes : trouve-t-on, chez l'homme 
paléontologique quelques caractères simiens qui se seraient 
effacés depuis ? 

Quelques mots d'abord sur un caractère peu important dont 
il a déjà été question dans l'une des précédentes séances du 
Congrès (voy. plus haut, p. 145 et 154). J'ai le premier signalé 
la fréquence de la perforation de la fosse olécrânienne de l'hu- 
mérus chez les races préhistoriques de l'Europe. Ce caractère 
est commun chez les Hottentots ; il l'était aussi chez les anciens 



— 394 — 

Guanches ; mais il paraît n'avoir jamais été constant dans au- 
cune race, et il ne se présente aujourd'hui en France que 
comme une anomalie assez rare, puisque deux statistiques faites 
à Paris, Tune par M. Bataillard et moi, l'autre par MM. Hamy 
et Saussey, ont donné l'une et l'autre, pour la proportion des 
humérus perforés, un rapport compris entre 4 et 5 %. Mais 
l'anomalie devient de moins en moins rare à mesure que 
l'on remonte à des époques plus anciennes ; et les relevés que 
vous a communiqués M. Hamy vous ont montré la proportion 
s' élevant à 8 sur 32 ou à 25 7o dans une sépulture de l'âge 
du bronze , à 25 et 26 Vo à l'époque des dolmens, à 28 7o à 
la fin de la période de la pierre taillée, à 30 7o enfin dans les 
cavernes belges de l'âge du renne. D'un autre côté, personne 
n'ignore que la même perforation est très-commune chez les 
sujets anthropomorphes, sans être constante toutefois dans au- 
cune espèce. Mais ce caractère, quelque frappant qu'il puisse 
paraître, n'a pourtant, selon toute probabilité, qu'une faible im- 




Fig. 83. 
Crâne d'un vieux Chimpanzé. 

portance morphologique, car il suffit pour qu'il se produise 
que le bec de l'olécrâne soit un peu plus saillant que de cou- 
tume. Je n'y insisterai donc pas davantage. 

On sait que les arcs sourciliers des singes supérieurs adultes 
font une saillie très-considérable en avant de la base du front 



395 — 



(fig. 83). La même saillie, atténuée sans doute, mais encore 
énorme, se retrouve sur le crâne de Néanderthal (fig. 79, p. 387); 




^EGUISHEIM ^-.-..NEANDERTHAL. 

Fig. 84. 
Suporposition des crânes d'Ëguisheim et de Néanderthal. 

elle est presque aussi forte sur le crâne d'Ëguisheim ; beau- 
coup moindre, mais pourtant très-manifeste sur le crâne d'En- 




Fig. 85. 
Crâne do Borreby. 



gis et sur celui du tumulus de Borreby (Danemark) (fig. 85); 
enfin elle se rencontre aujourd'hui sur certains crânes d'Aus- 



— 396 — 

traliens et de Néo-Calédoniens. 11 y a donc là, même en laissant 
de côté, si Ton veut, le crâne discuté de Néanderthal, une série 
presque continue, qui nous montre la décroissance d'un carac- 
tère évidemment simien. 

On nous a dit aujourd'hui, il est vrai, que chez l'homme la 
saillie sourcilière était due au développement exagéré des 
sinus frontaux, tandis que chez les singes ces sinus étaient 
au contraire très-petits; mais je ne saurais admettre cette dif- 
férence, car j'ai constaté sur le crâne d'un gorille adulte que les 
sinus frontaux sont immenses, qu'ils occupent toute la région 
sourcilière et qu'ils s'étendent jusqu'à la fosse temporale dont 
ils ne sont séparés que par une lame transparente. 

Mais la pièce la plus curieuse, celle qui présente la réunion 
la plus remarquable de caractères simiens, c'est la mâchoire 
inférieure que M. Dupont a extraite l'année dernière de la ca- 
verne dite Trou-de-la-Naulette. Cette mâchoire, contemporaine 
dû mammouth, était-elle humaine? M. Dupont put en douter 
d'abord. Quelque3 naturalistes la prirent pour une mâchoire 
de singe ; M. Dupont vint alors à Paris et consulta M. Pruner- 
Bey, qui hésita à son tour. Yoici cette mâchoire; il est bien dé- 
montré aujourd'hui qu'elle provient d'un être humain. Mais il 
faut bien reconnaître que sa conformation se rapproche singu- 
lièrement de celle que l'on avait considérée jusqu'ici comme 
caractéristique des mâchoires de singe. 

Elle est malheureusement incomplète : il n'en reste qu'un 
fragment composé de la moitié gauche du corps et d'une partie 
de la droite. Elle est en outre édentée, mais la chute des dents 
a été posthume, et l'inspection des alvéoles peut donner une 
idée de la disposition et du volume des organes qui y étaient 
implantés. Les branches montantes, les condyles et les apo- 
physes coronoïdes faisant défaut, nous n'aurons à nous occuper 
que des caractères anatomiques du corps de la mâchoire. 

Le corps de la mâchoire des singes anthropomorphes se 
distingue de celui des mâchoires humaines par les caractères 
suivants : 1** absence totale de la saillie du menton ; la région 
mentonnière vue de profil, au lieu de se porter en avant, décrit 
une courbe qui fuit rapidement en arrière ; 2° absence totale 
des quatre apophyses géni; celles-ci ne sont pas seulement 
absentes, elles sont remplacées par un trou, au fond duquel 



— 397 — 

s'insèreût les muscles génio-glosses ; 3<» épaisseur très-consi- 
dérable du corps de la mâchoire, par rapport à sa hauteur; 
A** forme elliptique de l'arcade alvéolaire dont les deux bran- 
ches, au lieu d'être paraboliques, c'est-à-dire divergentes, comme 
chez l'homme, deviennent au contraire convergentes en arrière 
en manière de fer à cheval, de sorte que la dernière molaire 
eM plus rapprochée de la ligne médiane que la première ; 
5« volume et largeur considérables de la dent canine, eu égard 
aux dimensions des dents voisines ; 6° enfin, contrairement à 
ce qui existe chez l'homme, où le volume des grosses molaires 
décroît de la première à la seconde et de la seconde à la dent 
de sagesse , la première molaire des singes est moins grosse 
que la seconde, et la seconde moins grosse que la troisième. 

Tous ces caractères simiens se retrouvent sur la mâchoire 
de la Naulette. La saillie du menton est remplacée par une 
courbe fuyante ; à la place des apophyses géni existe un trou 
profond infundibuliforme ; le corps de la mâchoire est très- 
épais par rapport à sa hauteur; l'alvéole de la dent canine est 
très-large, très-profond; il fait saillie en avant, et ses dimen- 
sions considérables contrastent avec celles des alvéoles voisins. 
L'inspection des alvéoles des grosses molaires prouve que le 
volume de ces dents allait en croissant d'avant en arrière, et 
en outre on aperçoit dans l'alvéole de la dent de sagesse cinq 
sillons correspondant à cinq racines,, autre caractère moins im- 
portant, puisqu'il s'observe quelquefois chez l'homme, surtout 
dans les races inférieures, mais qui constitue cependant une 
nouvelle ressemblance avec les singes. Enfin, quoique l'arcade 
alvéolaire soit incomplète et qu'on ne puisse pas déterminer 
d'une manière absolument rigoureuse la situation de la ligne 
médiane, il est certain que les deux moitiés de la courbe alvéo- 
laire n'étaient pas divergentes ; c'est tout au plus si on peut 
admettre qu'elles fussent parallèles, et il est très-probable 
qu'elles étaient convergentes, c'est-à-dire qu'elles décrivaient 
une courbe elliptique, comme chez le singe. 

Il n'est donc pas étonnant que la réunion de tous ces carac- 
tères simiens ait donné lieu à quelque incertitude de diagnos- 
tic, et que M. Pruner-Bey lui-même ait pu hésiter à reconnaître 
ici une mâchoire humaine. Le diagnostic, je le répète, est au- 
jourd'hui tout à fait positif; il l'est devenu surtout depuis que 



— 398 — 

Ton a retrouvé sur d'autres mâchoires provenant des races an- 
ciennes, ou des races inférieures actuelles, quelques-uns des 
caractères de la mâchoire de la Naulette. 

M. Pruner-Bey lui-même a été frappé des analogies qui 
existent entre cette mâchoire et celle que M. le marquis de 
Vibray a extraite de la grotte d'Arcy, et qui date également 
de l'époque du mammouth. Plusieurs autres mâchoires trou- 
vées dans les dolmens de l'époque de la pierre polie servent 
de transition entre le type'dela Naulette et celui de» Européens 
modernes. Enfin, les sauvages actuels de la Mélanésie se rap- 
prochent beaucoup sous ce rapport des sauvages primitifs de 
l'Europe. On peut ainsi établir pour chacun des caractères 
simiens de la mâchoire de la Naulette une série décroissante 
dont le type d'aujourd'hui constitue le dernier terme. 

Considérons par exemple la conformation du menton, étu- 
dié sur le profil. Je place sous vos yeux (fig. 86) six mâchoires 
sur lesquelles vous suivrez aisément la gradation de ce carac- 
tère. La première n^ 1, est celle d'un chimpanzé. Troglodytes 
Aubryi. La seconde, n** 2, est la mâchoire de la Naulette. La 
troisième, n** 3, fait partie d'une tête de Mélanésien des' Nou- 
velles-Hébrides, donné par M. de Rochos au Musée de la Société 
d'anthropologie. La quatrième, n° â, est la mâchoire d'Arcy. La 
cinquième, n** 5, provient du dolmen de Chamans (Oise) et date 
de l'époque de la pierre polie. La dernière enfin, n^ 6, est celle 
d'un Parisien moderne (Musée de la Société d'anthropologie, 
série du xix® siècle, n** 1). 11 suffit de jeter un coup d'oeil sur 
les figures pour voir que de la dernière mâchoire à celle de la 
Naulette, la distance est bien plus grande que de celle-ci à la 
mâchoire du chimpanzé ; mais la continuité de la série est 
établie par la conformation intermédiaire de la troisième, de 
la quatrième et de la cinquième mâchoire. 

Sur ces pièces vous pourrez voir encore l'épaisseur relative 
du corps des mâchoires s'accroître à mesure que s'efface la 
saillie du menton. 

Le volume des dents canines suit à peu près la même pro- 
gression. Il est au maximum chez le singe; la mâchoire de la 
Naulettei vient encore en seconde ligne ; et c'est encore celle 
du Mélanésien qui occupe le troisième rang. 

Nous ne pouvons pas suivre sur cette même série la pro- 



309 — 




Vri(o 



— 400 — 

gression des autres caractères. Pour ce qui concerne en effet le 
volume relatif .des trois dents molaires, toutes ces mâchoires, à 
l'exception de celle de la Naulette, présentent la disposition 
qui est ordinaire chez Thomme d'Europe. Mais voici une ma- 
gnifique tête d'Australien qui a été donnée par M. Charles 
Martins à la Société d'anthropobgie, et sur laquelle la seconde 
grosse molaire est exactement égale à la première. J'ai trouvé 
la même égalité sur une tête deNéo-Calédonien. M. Pruner-Bey 
a constaté en outre que sur l'un des deux crânes de Lafaye (près 
Bruniquel) la seconde grosse molaire est a au moins égale à la 
première. » Nous pouvons donc suivre ainsi la disparition de 
ce caractère simien, qui est au maximum chez le singe anthro- 
pomorphe, moins prononcé, mais toujours bien évident sur la 
mâchoire de la Naulette (âge du mammouth), moins accusé en- 
core sur celle de Bruniquel (âge du renne), et dont il ne reste 
plus d'autre trace aujourd'hui que l'égalité des deux premières 
molaires, observée chez quelques individus des races les plus 
inférieures. 

Sur la tête d'Australien dont les deux premières molaires 
sont égales, l'arcade alvéolaire décrit une courbe qui n'est ni 
elliptique ou convergente comme dans le type simien, ni pa- 
rabolique ou divergente comme dans le type humain, mais in- 
termédiaire entre ces deux formes. Dans toute la région des 
dents molaires la branche droite et la branche gauche de cette 
courbe deviennent rectilignes et parallèles, de sorte que la dis- 
tance des deux premières molaires est égale à celle qui existe 
entre les deux dents de sagesse. Cette forme se rapproche beau- 
coup de la mâchoire de la Naulette, dont la courbe, comme je 
viens de le montrer, n'est certainement pas divergente et est, 
au contraire, très-probablement convergente. Ici encore, par 
conséquent, la transition du type de l'homme à celui du singe 
se trouve établie par la mâchoire de la Naulette, dont la con- 
formation ne s'observe aujourd'hui que dans les races infé- 
rieures. 

Quant au trou qui chez les singes occupe la place des apo- 
physes géni, je ne l'ai vu jusqu'ici que sur une seule mâchoire 
humaine, sur celle de la Naulette. 

Ainsi tous les caractères simiens de cette mâchoire se re- 
trouvent, à l'exception d'un seul, sur d'autres mâchoires 



— m — 

humaines. Mais ils s'y retrouvent à l'état sporadique ; telle mâ- 
choire en présente deux, telle autre n'en présente qu'un seul, 
tandis qu'ils sont réunis sur la seule mâchoire de la Naulette. 
Remarquons en outre que nous avons dû chercher ces carac- 
tères tantôt sur des mâchoires préhistoriques ou même paléon- 
tologiques, tantôt sur celle des Australiens ou des Mélané- 
siens, qui 0(îcupent les degrés inférieurs de la série humaine 
actuelle; ajoutons encore que dans les gradations que nous 
avons établies pour chaque caractère, en partant du singe pour 
arriver à l'Européen moderne, nous avons toujours vu la mâ- 
choire de la Naulette prendre place immédiatement après celle 
du chimpanzé ; rappelons enfin que le caractère important du 
trou génien n'a été observé que sur la mâchoire de la Naulette; 
— et nous serons autorisés à conclure que cette mâchoire, dont 
l'antiquité prodigieuse remonte au temps du mammouth, est 
de tous les restes humains que l'on connaît jusqu'ici, celui qui 
se rapproche le plus du type des singes. 

Ces faits répondent aux vœux des partisans de l'hypothèse 
transformiste dite darwinienne (quoique Darwin n'ait pas parlé 
de l'origine de l'homme); ils ne prouvent pourtant qu'une seule 
chose, une chose, il est vrai, sans laquelle cette hypothèse ne 
saurait vivre, savoir : que la disposition sériaire et le dévelop- 
pement graduel des caractères organiques, depuis longtemps 
constatés dans le reste de l'échelle animale, s'observent aussi 
dans les échelons supérieurs; qu'en d'autres termes la chaîne 
des êtres, partout ailleurs plus ou moins continue, n'est pas 
brusquement rompue à ce niveau. Les faits paléontologiques 
ont déjà diminué le vaste intervalle qui paraissait exister entre 
les caractères de l'homme et ceux des singes. 11 est à croire 
que cet intervalle se rétrécira davantage encore lorsqu'on con- 
naîtra d'autres races humaines de l'époque quaternaire, et sur- 
tout lorsqu'on découvrira, comme il est permis de le supposer 
dès aujourd'hui avec d'assez grandes probabilités, les débris de 
l'homme tertiaire. Mais la continuité de la série n'explique nul- 
lement à mes yeux l'idée de la transformation des espèces. Le 
transformisme est une hypothèse hardie à l'aide de laquelle on 
tente d'expliquer le phénomène de la disposition sériaire des 
caractères morphologiques ; cette hypothèse exerce sur les es- 
prits une attraction d'autant plus forte qu'on ne lui en a opposé 

26 



— ./i02 — 

aucune autre ; mais ceux qui F envisagent froidement, avec la 
rigueur de la méthode scientifique doivent reconnaître qu'elle 
ne repose jusqu'ici sur aucune preuve directe. 

Quant à moi, je ne suis pas de ceux qui nient l'influence 
modificatrice que Faction combinée du temps et des milieux 
peut exercer sur certains caractères organiques ; mais rien ne 
me prouve que ces modifications puissent aller jusqu'à trans- 
former les espèces , ni même jusqu'à produire de véritables 
races. Si je me borne à considérer en particulier les races hu- 
maines, je trouve que toutes celles dont on peut suivre la 
continuité dans l'histoire et dont les croisements n'ont pas trop 
altéré la pureté, n'ont pas changé depuis Fantiquité d'une ma- 
nière appréciable. Les nègres des États-Unis ne sont-ils pas 
semblables à ceux qui sont représentés sur les vieux monu- 
ments de FÉgypte ? Je sais que cette expérience n'embrasse 
qu'une période de quatre à cinq mille ans, période bien courte 
auprès des siècles sans nombre que l'humanité avait déjà tra- 
versés. Mais s'il m'était démontré que les agents modificateurs 
ont pu en un laps quelconque de temps faire sortir d'une com- 
oiune origine tous les types humains que nous connaissons 
aujourd'hui, je ne pourrais me refuser à admettre du même 
€Oup que ces mêmes agents ont pu en un laps de temps plus 
long opérer la transformation plus complète que proclament 
les darwinistes. Cette démonstration viendra peut-être un jour, 
je ne la crains ni ne la désire, la vérité quelle qu'elle soit doit 
toujours être la bienvenue. Mais dans Fétat actuel des choses 
je ne vois aucune raison qui puisse me faire renoncer à Fopi- 
nion des polygénistes. 



Sur les anciens crânes du nord-est de FAUemagne et sur la 
méthode pour juger leurs particularités. 

M. ViRCHow fait la lecture suivante : 

En étudiant les anciens crânes trouvés dans le nord-est de 
FAUemagne, j'ai remarqué, quant à Fnterprétation de leurs 
particularités, deux principales sources d'erreurs sur lesquelles 
je désire attirer l'attention du Congrès. 



— m — 

D'abord je signalerai les altérations lentes qui sont pro- 
duites par l'action du sol et de Thumidité dans beaucoup de 
crânes. Elles peuvent être observées dans tous les cas où 
les crânes ont été en contact immédiat avec la terre, soit que 
les corps soient ensevelis directement dans la terre sans être 
brûlés, soit qu'ils soient tombés par hasard dans un terrain 
humide, par exemple dans des tourbières. Alors on voit fré- 
quemment un épaississetnent des os dû à un gonflement lent 
ou peut-être à une imbibition par l'humidité du sol. Cet épais- 
sissement se combine à une espèce de porosité du tissu; par 
cela les os, après être desséchés, paraissent avoir un poids 
moindre. Cependant il faut distinguer ce gonflement cadavé- 
rique d'un vrai épaississement (ostéose ou ostéorose) des os 
qui s'est formé pendant la vie de l'individu ; celui-ci est dès 
le principe combiné à une densité plus grande, partant à un 
poids plus grand. Mais il peut s'être aussi associé à une espèce 
de raréfaction secondaire produite par l'extraction des substan- 
ces organiques ou calcaires des os selon la nature du terrain. 
Dans le premier cas, c'est-à-dire dans le gonflement par l'hu- 
midité du sol, il y a très-fréquemment une autre altération 
simultanée, la déformation des os par la pression du terrain 
ambiant. J'ai vu dans de telles circonstances des crânes apla- 
tis ou allongés ou devenus obliques à un degré extrême. La 
forme tout à fait insolite des divers os indique une cause exté- 
rieure agissant après la mort. 

Ces altérations se trouvent particulièrement là où l'état de 
l'humidité du sol subit des variations. Si les os sont placés 
dans un terrain continuellement humide, comme dans la tourbe 
ou dans le fond d'une station lacustre, alors ils se conservent 
parfaitement. Au contraire ils s'altèrent de^plus en plus quand 
l'air atmosphérique pénètre jusqu'à des couches qui étaient 
auparavant remplies d'eau. Alors l'oxygène produit une dé- 
composition des matières organiques des os. Cette décomposi- 
tion s'accélère encore quand les racines des végétaux atteignent 
les os. Bientôt elles s'engagent dans l'intérieur des tissus 
osseux, elles en divisent les couches et quelquefois elles y font 
une véritable dissection. Elles agissent comme un coin intro- 
duit entre les lames du tissu. J'ai tiré moi-même du sol des- 
séché des stations lacustres de la Poméranie et du Brandebourgs 



- m — 

dont l'eau était écoulée, des os fendus et divisés de la façon 
décrite. 

Je ne doute pas que des observations pareilles n'aient été 
faites aussi par d'autres membres du Congrès. Cependant j'ai 
voulu les signaler expressément, parce que j'ai vu des méprises à 
l'occasion des os gonQés et déformés dans le terrain où ils 
étaient déposés. 

Une autre cause d'erreurs beaucoup plus graves consiste en 
des altérations pathologiques. J'ai fait antérieurement, d'une 
partie de ces altérations, l'objet de recherches et de publica- 
tions spéciales. Une observation prolongée m'a donné la con- 
viction qu'elles sont très-fréquentes aussi dans les crânes an- 
ciens. Il faut les connaître et les juger soigneusement pour ne 
pas prendre des caractères tout à fait individuels pour des 
caractères typiques d'une race ou d'une tribu. 

La plus ordinaire et la plus importante de ces altérations 
est sans doute l'ossification précoce des sutures, La substance 
cartilagineuse des sutures prête aux os crâniens et particu- 
lièrement aux os delà voûte crânienne les matériaux pour leur 
croissance marginale qui produit l'agrandissement de la voûte. 
Chaque fois que cette substance est consommée trop tôt par 
une ossification précoce, il s'ensuit une diminution de la crois- 
sance en surface. Le crâne ne peut pas accomplir dans la ré- 
gion ossifiée son évolution typique. 

J'ai formulé la loi suivante : la croissance des os crâniens 
soudés entre eux par une ossification précoce s arrête dans une 
direction perpendiculaire à la suture ossifiée. Donc l'ossifi- 
cation des sutures antéro-postérieures ou longitudinales pro- 
duit l'étroitesse latérale du crâne, tandis que la spudure des 
sutures transversales (par exemple de la front©pariétale, de la 
lambdoïde) donne une espèce de brachycéphalie. Il n'est pas 
rare de trouver l'ossification simultanée de sutures longitudi- 
nales et transversales voisines, ce qui donne un effet com- 
pliqué. 

Je cite comme exemple de cette complication, deux crânes 
basques de la collection de la Société anthropologique, qui 
ont attiré spécialement l'attention de M. Pruner-Bey, et qui 
ont été l'objet d'une discussion sur la nature typique des 
crânes basques en général. Gomme je possède, par l'obligeance 



— 405 — 

de M. Jagor, sept crânes basques dont la majeure partie est 
tirée du cimetière du village de Villaro, près de Bilbao, c'est- 
à-dire d'une localité bien certaine, et comme tous ces crânes 
sont des dolichocéphales très-prononcés, il était très-important 
pour moi de comparer ces crânes avec ceux de la collection 
de la Société anthropologique. M. Hamy eut la bonté de me 
conduire et de me présenter les crânes indiqués par M. Pru- 
ner-Bey. Alors j'ai remarqué que justement ces deux crânes se 
distinguaient de tous les autres par des ossifications complètes 
des régions temporales, spécialement par l'ossification de la 
suture sphénofrontale, sphénopariétale, frontopariétale, sphé- 
notemporale. Les os frontal et pariétal étaient unis par synos- 
tose avec l'apophyse temporale de l'os sphénoïde et en partie 
avec l'écaillé temporale. C'est donc une brachycéphalie patho- 
logique qui ne peut pas altérer le type général basque qui est 
dolichocéphale y et cela d'autant moins que ces deux crânes 
brachycéphaliques sont dans toutes leurs autres parties par- 
faitement semblables aux autres crânes basques. 

En passant, je remarque que l'ossification pathologique des 
sutures crâniennes* n'est pas nécessairement morbide. Au- 
trefois on supposait que chaque difformité crânienne donnait 
une prédisposition à une aliénation mentale. Mais cette pré- 
somption, réfutée déjà par l'expérience journalière, est aussi 
erronée dans le sens scientifique. J'ai prouvé que le cerveau 
s'accroissant, quoique empêché par une ossification précoce 
dans une région déterminée, peut se développer vers une 
autre région et que cela se fait d'ordinaire dans une direction 
contraire à Vaxe du rétrécissement. Donc quand il y a ossifi- 
cation précoce de la suture sagittale, il s'ensuit d'abord un 
rétrécissement transversal de la région pariétale, mais plus 
tard le cerveau croissant produit un allongement de la cavité 
crânienne en avant et en arrière, c'est-à-dire une dolichocé- 
phalie parfaite avec étroitesse latérale. Cette dolichocéphalie 
est pathologique, mais pas morbide. Au contraire, elle est 
la preuve nécessaire de la régularisation physiologique. C'est 
ce que j'ai nommé la loi de compensation. Elle explique pour- 
quoi l'aliénation mentale se trouve beaucoup plus fréquem- 
ment combinée aux degrés moindres des difformités crâ- 
niennes qu'aux degrés les plus forts. Car les degrés moindres 



— 406 — 

indiquent la lésion, les degrés plus forts la régularisation. 

Mais, messieurs, F ossification des sutures et des cartilages 
du crâne ne produit ses effets que quand elle est précoce, 
c'est-à-dire que quand elle s'opère avant le temps. Il y a cer- 
taines places, par exemple à la base du crâne, où elle com- 
mence physiologiquement de bonne heure et où elle est com- 
plète au moment de la puberté. Chez les animaux vertébrés, on 
trouve beaucoup de différences quant au temps de cette ossi- 
fication. Dès lors on pourrait croire qu'une semblable diffé- 
rence serait typique aussi dans les diverses races d'hommes. 

Déjà au Congrès des naturalistes allemands à Carlsruhe 
(1858) c'était là un objet en litige. Le célèbre anthropologiste de 
Saint-Pétersbourg, M. de Baer, avait tiré quelques crânes doli- 
chocéphaliques des tumulus de la Russie méridionale , chez 
lesquels je remarquai l'existence d'une synostose . sagittale. 
D'autres crânes dolichocéphaliques, désignés dans la littérature, 
par exemple par Henschke, comme celtiques, montraient la 
même particularité. M. Barnard-Davis a fait dernièrement la 
même observation à l'égard du fameux crâne du Néanderthal. 
Par conséquent la question se pose désorniais dans les termes 
suivants : 

Doit-on supposer que tous ces crânes dolichocéphaliques à 
suture sagittale ossifiée prématurément représentent une 
preuve typique des peuples auxquels les individus apparte- 
naient ? ou sont-ils tous pathologiques? 

M. de Baer s'est prononcé pour la première alternative. Il 
pense qu'il faut admettre la possibilité que dans une race ou 
une tribu déterminée au lieu de deux points d'ossification il 
n'y en ait qu'un seul de formé, et que par cela une particula- 
rité typique s'établisse. Voilà une question très-grave pour 
l'anthropologie qui doit être résolue, vu la fréquence avec 
laquelle certaines sutures sont trouvées dans l'état de synos- 
tose. 

Moi, je suis convaincu que toutes ces altérations sont patho- 
logiques et individuelles. Je ne nie pas qu'elles aussi, comme 
maintes autres altérations pathologiques, ne peuvent être 
transmises par voie de l'hérédité. J'ai observé dans mon ser- 
vice de la Charité de Berlin, une femme portant une singu- 
lière difformité du sinciput, particulièrement une expansion 



— 407 ^ 

presque bombée d'une moitié du front. Cette femme avait un 
enfant nouveau-né dont le front était déformé de la même 
manière ; l'autopsie démontra qu'il y avait synostose fronto- 
pariétale latérale, et que le tuber frontal était soudé avec le 
tuber pariétal du même côté en un seul point d'ossification d'où 
rayonnaient les tranches osseuses dans tous les sens. 

Or, il y a transmission héréditaire de ces anomalies j et on 
peut supposer que par une transmission répétée, une famille, 
une tribu, une race avec déformation originairement indivi- 
duelle et personnelle pourrait se former. Cela est vrai a priori. 
Mais il n'y a jusqu'ici aucune observation probante que chez 
l'homme une telle répétition eût jamais eu lieu, et par cela je 
ne crains pas de dire que, pour l'espèce humaine, l'assertion 
d'une synostose typique des os crâniens, quoique a priori 
admissible, soit a posteriori non admissible. 

Si nous excluons de nos considérations ultérieures tous 
les crâne& déformés, il nous reste pour les trouvailles an- 
ciennes du nord-est de l'Allemagne quelques types qui, jus- 
qu'ici, ne peuvent pas être.rapportésà des races bien connues. 
Je ne parle pas de ces crânes dont on possède seulement un 
ou deux spécimens. En revanche, je mentionnerai en première 
ligne un certain nombre de crânes bien caractérisés dolicho- 
céphales, qui se trouvent dispersés dans toutes les plus riches 
collections du Mecklembourg et de la Prusse au delà de l'Elbe. 
La majeure partie fut découverte dans les tumulus les plus 
anciens ou dans des couches profondes du sol. J'ai ici les des- 
sins d'un d'entre eux qui a été trouvé dans une grande tout- 
bière au nord de Berlin (New-Luppois), qui s'est formée dans 
le bassin d'un ancien lac. Le crâne était placé sur l'ancien fond 
du lac sous la tourbe qui atteignait une hauteur de 2 à 
â mètres. Certainement il présente, comme les autres doli- 
chocéphales anciens de nos collections, la plus grande ana- 
logie avec les crânes basques, tandis que dans la population 
actuelle de notre pays on ne trouve rien de semblable. 

Si ce type dolichocéphalique pouvait être considéré comme 
celui caractérisant la plus' ancienne population, qui habitait 
notre territoire après la formation du sol actuel, on aurait 
une belle distinction d'une autre forme qui se trouve dans des 
conditions très-différentes. Je parle de ces crânes attribués 



— i08 — 

ordinairement à la plus ancienne population slave et particu- 
lièrement aux Vendes (Wenden). Ils se trouvent dans des sé- 
pultures en lignes (leitengraeber), dont le grand nombre a 
fait qu'on appelle ces localités cimetières vendiques (Wenden- 
Kirchnof ). Au surplus il y a dans leur voisinage les grandes 
forteresses de terre, qui portent le nom de Burgvihe (dans 
les langues slaves Grodiser ou Hrodiser ), et qui sont regar- . 
dées par tous les écrivains comme d'origine slave. Aussi il y 
a dans quelques endroits de mon pays, particulièrement au delà 
de rOder, des stations lacustres qui ont des relations bien re- 
connaissables avec les remparts en terre. Dans les sépultures 
comme dans nos stations lacustres, on découvre des poteries 
grossières, des objets de fer, et dans les palafittes d'immenses 
quantités d'ossements, parmi lesquelles ceux du porc des tour- 
bières et ceux d'une race bovine voisine des Bos primigenius 
et brachyceros prédominent. Mais dans nos stations lacustres on 
n'a jamais trouvé un crâne complet. Ce n'est que des tombes, 
dans lesquelles les corps sont ensevelis directement dans la 
terre, qu'on retire des crânes bien conservés. Jamais ils ne 
portent le caractère brachycépbale, attribué généralement aux 
races slaves ; ils appartiennent plutôt à un type dolichocé- 
phale, quoique moins développé que dans ceux qui nous ont 
occupés antérieurement. 

On pourrait en déduire la conclusion que ce ne sont pas des 
crânes slaves. Cependant je ferai remarquer que la position 
ethnographique des anciens Slaves est encore très-douteuse. 
M. Henri Martin a rappelé dans une de nos séances précédentes ' 
l'existence des Veneti dans la Bretagne et dans les Galles. 
D'après le témoignage de Tacite, ils habitaient les régions 
entre la Vistule et l'Elbe, bien avant l'immigration prétendue 
des Slaves en Europe. Doit-on alors supposer que c'était une 
population slave originaire qui a persisté à habiter les mêmes 
régions pendant toute la période des grandes migrations? D'un 
autre côté, un fait très-remarquable paraît indiquer qu'il y a là 
une méprise. Parmi les tribus slaves qui habitaient depuis le 
VIII** siècle ou encore dans un temps plus reculé les pays entre 
l'Oder et l'Elbe, pas une ne porte le nom de Veneti ou W^en- 
den; toujours citait une signification générique^ qui fut 
appliquée par les Allemands et les peuples limitrophes, mais 



— 409 — 

pas par les Slaves eux-mêmes. Encore aujourd'hui les restes 
des Vendes en Brandebourg, qui sont réduits à quelques cent 
milliers d'hommes, n'ont pas dans leur langage un mot ana- 
logue ; eux-mêmes, ils s'appellent Serbes. 

Donc ce sera un problème à résoudre ultérieuremerit, si les 
Veneti ou Wenden se rapprochent dans leur origine des peu- 
ples germaniques ou s'ils en diffèrent essentiellement. Jusqu'ici 
je puis seulement rapporter que les crânes des cimetières ven- 
diques sont beaucoup plus semblables à ceux qu'on trouve 
dans les tumulus celtiques qui sont considérés comme germa- 
niques. 

Mais dans les tumulus du nord on trouve aussi, dans des 
conditions très-analogues, des crânes très-différents par leur 
grandeur et par leur forme. Par exemple je possède des tu- 
mulus du Jutland, des crânes dont l'un est entièrement doli- 
chocéphale, tandis que l'autre se rapproche des formes bra- 
chycéphales. Ce sont peut-être* des différences individuelles. 
Seulement d'une tombe finnoise je possède un crâne typique 
brachycéphale, qui ressemble dans tous ses rapports à des 
crânes modernes hongrois. 

Messieurs, je me borne à ces considérations générales, ne 
pouvant donner aucune conclusion définitive. Je me propose 
de continuer mes travaux, et j'ai déjà commencé de tirer dans 
le domaine de mes observations la preuve de l'existence des 
Vendes. Ce que j'ai communiqué servira peut-être pour dimi- 
nuer les difficultés que nous trouvons si nous croyons devoir 
séparer les caractères individuels des crânes des caractères 
typiques de la tribu et de la race. 

Sur la forme primitive du crâne humain. 

M. ScHAàFFHAUSEN fait la communication suivante : 
Si l'homme ne fait pas une exception à la grande loi na- 
turelle qui nous offre non-seulement la variation accidentelle 
des espèces, effectuée par l'adaptation aux milieux, mais qui 
nous montre aussi une évolution progressive du mollusque à 
l'animal vertébré, du poisson à l'amphibie, de celui-ci à l'oi- 
seau ou au mammifère, il est évident que la forme humaine a 



— 410 — 

dû provenir d'une organisation inférieure, d'une organisation 
pareille ou semblable à celle du mammifère le plus élevé, à celle 
du singe anthropoïde. 11 s'agit de savoir si les débris les plus 
anciens de l'homme préhistorique nous présentent des carac- 
tères d^une telle organisation inférieure. Dans ce ca&, le fait 
devrait être une base nouvelle et importante à l'affirmation 
d'une origine naturelle de l'homme. Dans l'autre cas, à savoir 
si ces caractères ne s'observent pas, l'origine naturelle de 
l'homme n'est pas encore réfutée ; car nous pouvons soupçon- 
ner que les débris que nous avons trouvés jusqu'ici ne touchent 
pas à l'époque éloignée où il existait une différence considé- 
rable dans l'organisation actuelle de l'homme. En réfléchis- 
sant que les fouilles n'ont fourni que de rares débris humaiiis, 
il est déjà bien remarquable que nous trouvions dans les pays 
qui sont.habités actuellement par les peuples les plus civilisés, 
des os fossiles de races humaines qui, relativement à leur 
constitution anatomique, présentent au moins le même degré 
d'organisation que les sauvages les plus brutes qui vivent encore 
sur notre globe. Car il faut le proclamer hautement, la preuve 
que l'organisation de l'homme fossile était, dans quelques dé- 
tails du squelette, au-dessous de celle de nos sauvages, est déjà 
entre nos mains. La conformation de la partie frontale du 
crâne de Néanderthal, la dentition et la forme de la mandibule 
de la Naulette, le prognathisme excessif de quelques mâchoires 
enfantines de l'âge de la pierre de l'Europe occidentale, sur- 
passent en fait de conformation animale tout ce que nous pré- 
sentent les sauvages actuels dans les parties correspondantes 
de leur organisation. 

On doit essayer de combiner de tels caractères, comme nous 
les avons trouvés par-ci par-là, pour reconstituer la figure de 
l'homme primitif. L'opinion que de pareils caractères soient 
des exceptions accidentelles, comme elles se trouvent aujour- 
d'hui, ne peut plus être soutenue, parce que ces différences 
caractéristiques dans l'organisation de l'homme préhistorique 
ne se rencontrent plus comme exception, mais comme règle; ces 
différences s'expliquent physiologiquement, elles ont le carac- 
tère fœtal , elles apparaissent comme un arrêt de développe- 
ment, elles se relient et s'expliquent mutuellement suivant la 
loi de coexistence qui domine toute l'organisation animale. 



— 411 — 

Avec un front très-fuyant se trouve ordinairement un progna- 
thisme considérable, de grandes dents, des lignes temporales 
s'étendant plus en haut qu'à Tordinaire, des sutures simples, 
une cavité crânienne restreinte, etc. 

Parmi un grand nombre de crânes primitifs, je me limite à 
réunir les caractères frappants pour reconstruire, pour ainsi 
dire, le crâne de Thomme primitif, tel que nous ne l'avons pas 
encore trouvé, mais tel qu'on le trouvera un jour. 11 ne serait 
pas difficile de signaler également quelques caractères relati- 
vement aux autres parties du squelette, concernant les relations 
des grands os des deux extrémités, la forme du thorax et du 
pelvis, la perforation de la cavité olécrânienne, la moindre ro- 
tation du bras sur son axe longitudinal, la direction du col 
du fémur, l'aplatissement du tibia, la conformation du calca- 
néum, etc. 

En premier lieu je signale que les crânes humains les plus 
anciens ont une grande épaisseur, qui dépend peut-être d'une 
plus grande force des muscles qui couvrent le crâne, ou bien 
c'est la manière de vivre qui donnait abondamment la matière 
calcaire pour la nutrition des os. C'est un fait connu que le 
crâne des peuples les plus sauvages qui ont une forte constitu- 
tion sont très-épais, comme lea crânes des Esquimaux, de quel- 
ques tribus de nègres, des Australiens. Ils ont aussi une grande 
densité de la texture de l'os, qualité qui manque aux crânes des 
peuples mongols, comme le savait déjà Hérodote. Je cite ici le 
fait singulier qu'il y a des crânes d'un peuple brachycéphale 
préhistorique qu'on a trouvés en Westphalie, crânes qui ont quel- 
que ressemblance de forme avec les crânes humains du temps du 
renne trouvés en Belgique. L'épaisseur de leurs os tient à un 
développement excessif de la partie diploctique. Ces os épais 
n'ont qu'une faible consistance et confirment peut-être par cette 
singularité leur origine asiatique. Le rétrécissement de la ca- 
vité crânienne sera la conséquence nécessaire d'un arrêt de 
développement du cerveau , dont les circonvolutions sont plus 
rares, plus simples et plus saillantes. Le cerveau de l'homme 
de Néanderthal montre cette particularité au même degré que 
celui du nègre et de l'Australien. Pour la plupart, les crânes 
anciens de l'Europe boréale et occidentale et du nord de l'Afri- 
que ont la forme allongée, une dolichocéphalie frappante. Je 



— 412 — 

reconnais la probabilité que dans l'Europe occidentale, comme 
dans la Scandinavie, la race la plus ancienne était brachycé- 
phale, mais il n'y a pas de doute que la race dolichocépale 
était inférieure relativement aux caractères anatomiques du 
crâne, bien que dans ces pays elle soit arrivée après la brachy- 
céphale. Le crâne de Néanderthal, qui paraît être plus ancien 
que la première race brachycéphale, a la forme allongée. Il y 
a des raisons bien fondées qui prouvent que la dolichocé- 
phalie excessive est une fonrie primitive du crâne. Nqus la 
voyons décroître avec le progrès de la civilisation, comme 
M. Broca Ta démontré pour la population de la France ; la 
même observation est faite en Allemagne, où les anciens Ger- 
mains à Tépoque romaine étaient dolichocéphales. Je ne con- 
nais pas une différence entre cet ancien type germain et le type 
celtique, preuve de Tancienne parenté de ces deux peuples. 
Mais aujourd'hui, selon les observations de M. Welcker, il faut 
dire que la plupart des Allemands sont brachycéphales. 
M. Ecker a trouvé le même résultat pour les anciens Swabes 
comparativement au peuple actuel de ce pays. Moi-même 
j'ai observé que le crâne humain en croissant continue à se 
développer le plus longtemps dans sa largeur. C'est pour 
cela que le diamètre transverse indique le mieux les facultés 
intellectuelles du cerveau. Si nous comparons le cerveau d'un 
nègre ou d'un Australien avec celui d'un Européen civilisé, 
ou même d'un homme d'un talent éminent, les cerveaux 
diffèrent le moins dans leur diamètre de longueur et le plus 
dans leur diamètre transverse. Ces observations suffisent pour 
fonder l'affirmation que la forme allongée mais étroite, quelque- 
fois presque cylindrique, est une forme primitive qui dispa- 
raîtra à mesure que le cerveau se développera. Ces crânes doli- 
chocéphales ont le front étroit, bas et fuys^nt, la région de la 
suture sagittale et même de la suture frontale un peu saillante, 
l'écaillé temporale basse mais allongée, tellement qu'elle at- 
teint quelquefois l'os frontal, comme chez quelques singes 
anthropoïdes; le bord supérieur de l'écaillé temporale présente 
une ligne droite. L'écaillé occipitale est raccourcie, la courbure 
de la suture lambdoïde est plus arrondie. Si l'occiput est sail- 
lant en dehors comme dans le crâne celte, cette conformation 
peut également être considérée comme un arrêt du développe-* 



— il3 — 

ment , parce que cette saillie est fœtale. Les bosses pariétales 
du crâne primitif et dolichocéphale sont quelquefois peu déve- 
loppées ou à peine visibles; dans d'autres cas, elles sont proémi- 
nentes comme chez le nouveau-né. La plus grande largeur du 
crâne se trouve chez celui-ci entre les bosses pariétales, de 
même que chez la femme qui conserve dans la forme du crâne 
plusieurs caractères enfantins. Aussi les crânes des sauvages, 
par exemple des Australiens, qui ont les bosses proéminentes, 
ont la plus grande largeur du crâne entre les bosses mêmes. 
La même observation se fait sur quelques crânes primitifs 
comme sur le crâne d'Enghis. Cette largeur interpariétale ne 
prouve rien pour le développement du cerveau, c'est au con- 
traire un caractère enfantin. Même chez les Malays avec la 
forme arrondie du crâne, la plus grande largeur est interparié- 
tale, et le défaut d'une certaine largeur dans les parties au- 
dessous des bosses désigne dans ces cas la forme primitive du 
crâne brachycéphale. La largeur du crâne dans la partie in- 
termastoïde est considérée aussi par d'autres observateurs 
comme la mesure la plus sûre d'un bon développement du cer- 
veau. Un signe important pour le degré du développement d'un 
crâne sont les sutures des os de la voûte. Chez le nouveau-né, 
chez l'enfant, dans beaucoup de crânes des peuples sauvages, 
elles ont une direction plus droite, presque linéaire, même les 
dentelures de la suture lambdoïde sont plus simples, moins 
compliquées. La complication des dentelures indique, si elle 
n'est pas pathologique, une croissance plus lente et plus longue 
du crâne et du cerveau, elle correspond à un plus haut degré 
de l'intelligence. Comparativement aux animaux, l'homme a les 
sutures les plus compliquées et la synostose la plus lente du 
crâne. La direcûon droite des sutures est un signe de la synos- 
tose plus facile. Ainsi nous trouvons que quelques sutures du 
crâne se ferment tout d'abord dans la partie où les sutures 
sont 'simples, fait qu'on observe dans les sutures frontales et 
sagittales. Le crâne de Néanderthal a des sutures très-simples, 
même la suture lambdoïde est peu compliquée, et j'ai observé 
ce caractère chez la plupart des crânes vraiment anciens. La 
valeur de ce caractère des sutures est d'autant plus grande, 
qu'il est la conséquence des lois qui se révèlent dans le déve- 
loppement du crâne. 



- 4U - 

Le caractère, le mieux connu d'une organisation inférieure 
du crâne est le prognathisme des mâchoires. Chez les crânes 
de rage de la pierre, il se trouve quelquefois un prognathisme 
excessif. Gomme le prognathisme des singes anthropoïdes et 
des peuples sauvages augmente avec la croissance de's mâchoi- 
res, il est moindre dans la jeunesse. Le fait d'un prognathisme 
considérable sur une mâchoire enfantine très-ancienne, que 
M. Pruner-Bey a observé le premier, est donc d'une grande 
importance. Moi-même j'ai trouvé plusieurs mâchoires d'en- 
fants avec un semblable degré de prognathisme, provenant de 
la sépulture d'Ulde en Westphalie, qui appartient à une haute 
antiquité. La mandibule de la Naulette nous montre un pro- 
gnathisme tout à fait bestial, le menton manque et la surface 
de l'os derrière les incisives participe au prognathisme, comme 
chez les singes.. Cette mandibule n'est pas moins remarquable 
par un autre caractère animal ; les dents molaires sont très- 
grandes, et leur grandeur augmente de l'avant en arrière, 
également comme dans les singes. 

La base plus étroite du crâne primitif et le prognathisme 
de la mâchoire supérieure, ont ppur effet que l'arc dentaire 
est une ellipse et pas une parabole comme dans le crâne normal 
et bien développé de l'homme. Entre les peuples sauvages ce 
senties Australiens et surtout les Malays qui offrent dans beau- 
coup de cas cette forme elliptique et singiforme de l'arc den- 
taire , dont les dents molaires sont rangées suivant une ligne 
droite et parallèle de deux côtés. Chez l'enfant, la distance 
des dernières dents molaires est aussi moindre que plus tard, 
bien que la longueur de l'arc dentaire n'augmente plus après la 
seconde dentition. 

Une mandibule fossile, trouvée à Greœnbroïch en Westpha- 
lie, montre cette singularité d'une forme elliptique de l'arc 
dentaire, et outre cela une conformation enfantine de l'os en- 
tier. Nous connaissons déjà plusieurs mâchoires inférieures fos- 
siles, dont le peu de hauteur de la branche horizontale, la 
brièveté de l'apophyse condylaire, l'angle obtus entre la bran- 
che horizontale et ascendante sont autant de caractères primi- 
tifs, puisque c'est la forme qui se retrouve chez l'enfant. 

C'est Mé R. Croen, qui a déclaré comme un privilège de 
l'homme, que les prémolaires de la mâchoire supérieure n'ont 



— 415 — 

jamais les trois racines séparées, séparation qui est la confor- 
mation normale des singes. Jusqu'ici j'ai cherché vainement ce 
caractère sur le crâne du nègre et de l'Australien; mais un 
crâne du temps du bronze, trouvé à Olmiitz, avait conservé 
comme un souvenir de la plus haute antiquité de notre genre, 
cette particularité, j'ai observé à la seconde des prémolaires 
trois racines bien séparées comme chez le singe. 

Le nez du crâne primitif doit être aplati, et l'ouverture pi- 
riforme petite. et arrondie,, parce que les crânes des nègres ont 
encore conservé ce caractère enfantin qui produit le plus frap- 
pant rapprochement avec le visage du singe. 

C'est ainsi que l'on peut dessiner les traits de l'organisation 
primitive du crâne humain , mais je dois faire remarquer que 
la plupart des caractères signalés sont trouvés dans des crânes 
de l'Europe occidentale, et il reste la question de savoir si 
l'homme primitif des autres continents aura porté un pareil 
cachet d'organisation animale. Cette question doit être décidée 
dans le sens affirmatif, quoique l'identité ne soit pas assez par- 
faite pour qu'elle puisse servir comme preuve d'une souche 
unique de notre genre. Il existe toujours comme types incon- 
ciliables, le type brachycéphale des peuples de la haute Asie 
et le type dolichocépale, le plus commun en Europe et en 
Afrique. Mais la loi du développement du crâne humain est 
générale, le sauvage porte beaucoup de caractères dans son 
crâne qui sont identiques dans tous les pays : il y a des res- 
semblances incontestables entre le crâne de l'ancien Breton et 
de l'Australien de notre temps. Ces traits qui se ressemblent 
chez tous les peuples sont ceux de l'arrêt du développement du 
cerveau et qui correspondent à un état inférieur de l'intelli- 
gence, se manifestant de la même manière dans toutes les con- 
trées de la terre. 

Il y a deux influences qui forment les caractères des races 
humaines, c'est le climat et la civilisation. Du climat dépendent 
la taille et la constitution générale du corps, la couleur de la 
peau, la chevelure ; c'est la civilisation qui développe le cer- 
veau et qui forme le crâne, elle agit aussi d'une manière 
indirecte sur tous les caractères d'une race, parce qu'elle peut 
amoindrir les effets du climat. Et d'autre part c'est souvent le 
climat qui favorise ou qui retarde la civilisation. Je me résume : 



— 416 — 

un crâne qui ne porte pas des traits d'une organisation infé- 
rieure, ne peut pas être considéré comme provenant de Thorarae 
primitif, quoiqu'il soit trouvé parmi les os fossiles d'espèces 
éteintes. Et il est bien certain que l'homme primitif doit être 
rangé à un degré plus bas que l'homme le plus sauvage du 
monde actuel. Le crâne du Néanderthal, la mâchoire de la 
Naulette présentent des caractères d'une organisation inférieure 
qui ne se trouve plus chez aucune race humaine ! Il est 
fâcheux pour la science, que du temps le plus reculé nous 
n'ayons trouvé que des débris de l'organisation humaine ;<;' est 
l'imagination appuyée sur les lois de la science qui doit tenter 
de réunir ces membres dispersés de l'homme primitif, jusqu'au 
moment où le hasard d'une fouille heureuse nous mettra sous 
les yeux la confirmation de nos idées sur une question qui 
est la plus importante de toutes celles de l'anthropologie. 



Discussion anthropologique. 

M. le professeur Schaaffhausen. — Messieurs, je prends 
encore la parole pour répondre quelques mots aux savants 
discours que nous avons entendu hier à l'égard du crâne de 
Néanderthal. Ma faible connaissance de la langue française 
m'a empêché d'entrer dans une discussion sur cet objet. Mais 
comme ce crâne, depuis le temps où il a été trouvé et où j'ai 
donné la première communication sur la fouille, est resté 
toujours l'objet de mon étude spéciale, je ne dois pas me taire, 
parce que je ne suis pas d'accord avec l'opinion de mes amis, 
MM. Pruner-Bey et Vogt. Je proteste contre l'avis, que la forme 
toute particulière de ce crâne se retrouve encore aujourd'hui 
ou qu'elle ait été retrouvée ailleurs. Ce crâne est unique. La 
proéminence colossale delà région frontale n'est pas une chose 
accidentelle, elle est en accord avec les autres caractères du 
crâne et avec la formation des autres os du squelette. Après 
toutes les communications faites sur ce crâne, je ne sais pas 
dire autre chose que ce que j'ai écrit dans mon premier mé- 
moire. Je le regarde comme le crâne d'un sauvage brute, et 
comme le plus ancien monument de la population de l'Europe. 

M. Schaaffhausen profite de ce qu'il a la parole pour pré- 



— 417 — 

senter aux membres du Congrès un remarquable collier fait 
en dents de chien percées, qui a été trouvé en Westphalie. 

x\I. DE QuATREFAGEs uo s'était poiut préparé à parler sur ces 
théories difficiles; il répond à Timproviste pour combattre 
M. Broca sur certains points, et la tâche est grande ; mais il 
essayera. 

Gomme naturaliste, il proteste contre l'idée de la série. La 
création ne se manifeste pas seulement en ligne droite, mais 
dans tous les sens, dans les trois dimensions. Cette idée de la 
série est aujourd'hui abandonnée par les naturalistes. M. de 
Blain ville a été le dernier à la soutenir. 

M. Broca regarde le nègre comme le type le plus rapproché 
de rhomme primitif. Pour M. de Quatrefages, le nègre fait au 
contraire partie d'une race modifiée. Cette opinion est fondée 
sur des raisons de diverses natures. En voici une empruntée à 
Tordre des faits physiologiques. Une foule de voyageurs ont 
montré que Ton voit apparaître erratiquement chez les nègres 
des individus qui ont une teinte plus pâle et claire ; tandis qu'on 
ne voit pas naître erratiquement des nègres soit parmi nous, 
soit parmi les populations jaunes. Il est difficile d'expliquer ce 
fait autrement que par un phénomène d'atavisme, et cela même 
suppose que des races à teint clair ont précédé les races noires. 

M. de Quatrefages proteste contre les idées de linguistique 
exagérées. Le langage n'est certainement pas tout ; mais on ne 
saurait méconnaître l'importance des indications qu'il fournit. 
Or toutes les populations nègres, sans exception, parlent des 
langues agglutinatives, langues du deuxième degré. C'est un 
fait capital, car une population qui occupe une grande étendue 
et qui parle le langage intermédiaire de l'humanité, ne peut 
pas être regardée comme représentant la souche première de 
l'humanité. 

M. Broca est persuadé que l'homme primitif est dolichocé- 
phale. Mais il n'a pas pu multiplier les faits et ils se réduisent 
à quatre. Il adirme que les crânes dont il argue sont les plus 
anciens de tous. Mais je n'ai pas besoin de rappeler ici que cette 
opinion a été bien vivement contestée et par de très-sérieuses 
raisons. En revanche, parmi les têtes dont l'ancienneté ne peut 
être mise en doute, il en est de brachycéphales et de mésati- 
céphales. Or il ne s'agit pas de caractères absolus. 

n 



— 418 — 

Cette race, dont le crâne s'écarte au moins de la dolicho- 
céphalie, est encore représentée sur plusieurs points de TEu- 
rope. M. de Quatrefages cite en particulier les populations es- 
thoniennes. Il a pu examiner trois crânes esthoniens, l'un est 
franchement brachycéphale, un autre est mésaticéphale , le 
troisième mongolique. M. Dupont en les examinant croyait voir 
les têtes retirées par lui des fouilles qui ont rendu son nom 
célèbre. Dans une de ces têtes, la mâchoire inférieure est 
semblable à celle de Moulin-Quignon à tous égards; elle 
présente seulement un peu plus de gracilité des os; à la mâ- 
choire supérieure on constate un prognatisme qui égale, s'il 
ne dépasse, celui de la mâchoire du Larzac, trouvée par M. de 
Sambucy. 

En Suisse, il résulte du beau travail de MM. His etRûtimeyer 
qu'il y a quatre types principaux. Les têtes dolichocéphales et 
brachycéphales sont ici juxtaposées. En s' appuyant sur des 
données historiques, les auteurs rattachent ce dernier type 
(Dissentis) aux Allemands. Mais ceux-ci n'ont pas transmis à 
leurs descendants seulement la forme crânienne, ils leur ont 
légué aussi leurs cheveux blonds, leur teint blanc, etc.. 

D^où peut donc venir le type des populations mêlées aux 
précédentes, et que caractérisent sa petite taille, ses cheveux 
noirs et à coupe circulaire, son teint brun? Un cinquième élé- 
ment a dû se mêler aux autres, et pour M. de Quatrefages cet 
élément n'est autre que celui qui se retrouve encore en Estho- 
nie à l'état presque de pureté. 

M. de Quatrefages ne veut pas réveiller la grande discussion 
relative aux Basques ; le temps ne le permet pçus. Pourtant il 
faut bien en dire un mot. Ici les chiffres recueillis par MM. Broca 
et d'Abbadie ne concordent pas. Cette différence tient sans 
doute aux localités explorées par les deux observateurs. Qu'il 
y ait mélange des types, c'est ce qui est incontestable. Mais 
l'histoire rend compte de la présence dans les Pyrénées de 
toutes les populations dolichocéphales. L'élément celtique y 
est incontestablement parvenu. Les Sarrasins n'ont pas besoin 
d'être nommés. Plus anciennement, les Phéniciens ont eu avec 
ces contrées des rapports que tout le monde connaît. Or le 
genre de dolichocéphalie signalée par M. Broca appartient 
précisément aux races sémitiques. M. de Quatrefages se sert 



— 419 — 

depuis longtemps dans ses cours du peu de développement de 
la protubérance occipitale externe, comme d'un caractère pour 
ces mêmes races, depuis les temps les plus reculés, et M. Broca 
Ta signalé chez les Basques dolichocéphales. Il est donc très- 
probable que d*une manière ou d'une autre la race sémitique 
s'est naturalisée dans les Pyrénées. 

Mais rien dans ces renseignements ne montre d'où serait 
venu l'élément brachycéphale; il est donc bien probable qu'il 
préexistait. 

Ainsi tout nous conduit, selon M. de Quatrefages, à regarder 
comme ayant la première peuplé l'occident de l'Europe, des 
Pyrénées à la Laponie, une race petite, à teint brun, à cheveux 
noirs, à crâne plus ou moins brachycépbale. Toutefois M. de 
Quatrefages croit devoir renouveler les réserves qu'il a faites à 
propos des crânes d'Engis et d'Eguisheim {Rapport sur les 
progrès de V anthropologie)^ la contemporanéité des races bra- 
chycéphales et dolichocéphales en Europe n'est nullement im- 
possible, et là se trouverait la conciliation des idées contraires 
soutenues par MM. Broca et Pjuner-Bey. 

M. le D*" Dally pense que M. de Quatrefages est le seul à 
ne pas admettre la série comme l'entendent les naturalistes en 
général, c'est-à-dire divergente comme les branches d'un 
arbre. 

M. Carl Vogt. Il est certes bien instructif d'avoir sous les 
yeux la série complète des crânes de l'âge du renne trouvés 
jusqu'ici. Mais il ne faut pas mettre à l'arrière-plan les autres 
crânes encore plus anciens en les qualifiant à tort de crânes 
épars. Les crânes de l'âge du renne ont été trouvés depuis la 
Belgique jusqu'au midi de la France. L'aire des crânes plus 
anciens s'étend de la Belgique en Italie. On nous présente six 
crânes de l'âge du renne. Nous en connaissions jusqu'à présent 
quatre de l'âge du mammouth, et M. Gocchi, de Florence, 
vient d'y en ajouter un cinquième trouvé dans le val d'Arno, 
dans la couche à éléphants. Parmi ces crânes, nous en avons 
provenant des cavernes (ceux d'Engis, de Néanderthal et de 
Gailenreuth) et d'autres provenant du diluvium stratifié (ceux 
d'Eguisheim et du val d'Arno). Jusqu'à preuve du contraire, 
nous devons envisager ces crânes comme les plus anciens 
connus. Le niveau géologique auquel ils appartiennent est au 



— 420 — 

moins aussi bien établi que celui des crânes de F âge du renne, 
qui sont évidemment plus récents. 

Or, ces anciens crânes de l'époque du mammouth sont do- 
lichocéphales, et ceux d'entre eux qui permettent des mesures 
rigoureuses, montrent la dolichocéphalie la plus prononcée. Le 
crâne de Néanderthal en est un exemple. Le crâne d'Engis n'a 
pas une grande proéminence des arcades sourcilières ; il est 
semblable à des crânes celtiques, mais avec une nuance qui le 
rapproche des Esquimaux. 

Parmi les crânes anciens on trouve donc deux types bien 
prononcés, des brachycéphales et des dolichocéphales; mais la 
brachycéphalie ancienne est loin d'égaler la brachycéphalie 
actuelle. Les brachycéphales anciens sont plutôt mésaticéphales, 
tandis que les dolichocéphales anciens sont des.plus prononcés. 
M. Vogt n'ajoute pas un trop grand poids aux mesures; il 
faut de la rigueur dans les déterminations, mais la forme gé- 
nérale, les rapports entre les différentes parties et régions de 
la tête sont d'une très-haute importance, et sous ce rapport, 
deux dolichocéphales peuvent différer plus entre eux qu'un 
dolichocéphale et un brachycéphale. 

M. Pruner-Bey a parlé de faces en losange et ovalaire, 
termes qui sont connus depuis la création de l'anthropologie. 
La forme en losange de la figure n'est pas exclusive pour une 
seule souche. Les autres petits caractères, comme le nez de 
Calmouck, etc., sont des faits isolés, qui ne sont pas communs 
à tous les crânes présentés. Tous ces caractères, renouvelés 
en partie dans les crânes actuels, sont une preuve qu'il existe 
des passages, des formes intermédiaires. Les anciennes races 
avaient des caractères qui ne se retrouvent pas entièrement 
sur nos crânes, par suite même du développement progressif 
qui se manifeste surtout sur la partie crânienne et cérébrale. 
Une race ne meurt pas, elle se fond avec d'autres, se mélange, 
se perfectionne ; de là des phénomènes en apparence inexpli- 
cables. Toutes les races qui se sont donné rendez-vous sur le 
sol de l'Europe ont laissé des traces parmi nous, et les carac- 
tères primitifs, même les plus sauvages, réapparaissent de 
temps à autre au milieu de ce chaos mélangé de l'Europe, dans 
lequel nous cherchons à démêler les souches primitives. Il 
existe même des descendants de l'homme de Néanderthal. 



— 421 — 

M. Vogt n'est pas pour la série unique et parallèle. Mais il 
est transformiste, il croit à l'évolution permanente des types. 
L'histoire de l'embryon et du jeune individu dans son déve- 
loppement répète les documents de l'histoire du type du 
genre. Plus cette histoire devient longue, plus les documents 
s'effacent, les caractères rappelant les anciennes formes appa- 
raissent de moins en moins. Si nous trouvons des cas de ce 
genre, des réapparitions de caractère qui ont existé jadis, mais 
qui ont disparu pendant le développement du type, ce sont des 
cas d'atavisme. 

Mais une peau un peu plus claire qu'une autre ne peut pas 
être considérée comme un exemple d'atavisme. M. Vogt y' 
verrait plutôt un des jalons posés pour l'avenir de la race 
nègre, un des indices de sa marche vers la race blanche, donc 
vers le progrès. 

Le centre de la dolichocéphalie est l'Afrique, celui de la 
brachycéphalie l'Asie et, chose remarquable, les singes an- 
thropomorphes présentent les mêmes différences que les 
hommes. L'orang est brachycéphale, les deux singes africains 
sont dolichocéphales. Les deux types de forme crânienne oïl 
rayonné sur l'Europe au temps où le détroit de Gibraltar 
n'existait pas, où hommes et animaux passaient d'un continent à 
l'autre. Il se tiendra biei? des Congrès avant que nous ayons 
une solution précise et bien évidente de ces questions. 

Quoi qu'il en soit, ce n'est pas avec quelques. mâchoires et 
six crânes, dont deux déformés et deux incertains que l'on 
peut tirer des conclusions solidement établies. Nos documents 
ne sont pas assez nombreux pour reconstituer ces anciens 
types. On ne peut employer que les mots vraisemblable y 
peut-être^ et de là à dire le chemin que des peuplades au- 
raient suivi du nord ou du midi, il y a loin ! Sur ce point là les 
théories reposent encore sur du sable. 

Ce qui paraît surtout douteux à M. Vogt, dans les rappro- 
chements établis par M. Pruner-Bey, c'est la conformité ou la 
descendance des crânes du type ligure avec les crânes de 
l'époque du renne. M. Vogt avoue qu'il lui faudrait des 
preuves bien autrement concluantes pour qu'il acceptât cette 
conformité ou descendance. 

M. Vogt est du reste enchanté de voir que M. Pruner-Bey 



— 422 — 

admet des transformations, des évolutions d'une race humaine, 
et à ce propos il croit devoir résumer brièvement sa propre 
pensée. • 

Il ne croit pas à la réalité de l'espèce. C'est un type qui a 
une existence passagère, qui n est que le résultat de transfor- 
mations antérieures, le résumé d'une histoire dont la route est 
marquée par des jalons disparus. Mais il ne voit pas les jalons 
qui pourraient conduire aujourd'hui du singe le plus élevé 
jusqu'à l'homme. L'orang, le chimpanzé, le gorille diffèrent 
de l'homme par plusieurs caractères particuliers à chacun 
d'eux. 

Il faudrait fondre ensemble les caractères anthropoïdes des 
trois anthropomorphes et même de plusieurs autres singes 
pour en former un composé duquel l'homme pourrait des- 
cendre. Il est donc impossible de trouver un passage direct, 
tandis qu'une souche commune a pu parfaitement donner 
naissance à plusieurs branches dont l'une serait l'homme. 

Le développement cérébral et surtout des parties voûtées 
du cerveau, des hémisphères est le caractère le plus dominant 
de l'homme. Les mesures de Welcker à Halle prouvent que le 
nouveau-né ajoute à son cerveau pendant les 365 premiers 
jours, un poids de 500 centimètres cubes, c'est-à-dire plus 
d'un centigramme par jour; cette augmentation de la pre- 
mière année égale toute celle qui aura lieu de un an jusqu'à la 
fin du développement cérébral. Si nous tenons devant nos yeux 
ce fait, que le développement de l'individu répète le dévelop- 
pement de l'espèce, qu'il en représente les phases dans le même 
ordre de succession, il faut en conclure que c'est par le déve- 
loppement du cerveau que l'homme s'est séparé de la souche 
commune et que le développement du cerveau, et par consé- 
quent du crâne, sera aussi le caractère dominant de son évo- 
lution future. L'homme primitif devait avoir un crâne plus 
petit que celui de l'homme d'aujourd'hui. Or, il résulte des 
observations de M. Broca que les Parisiens ont actuellement 
un cerveau plus considérable qu'autrefois. 

En résumé, la forme des races anciennes et leur domaine 
sont encore des problèmes. D'un autre côté, tout ce que nous 
trouvons de caractères inférieurs dans nos races civilisées 
nous donne des jalons et nous indique la route pour remonter 



— 423 — 

à la souche commune des hommes et des singes, c'est-à-dire 
des Primates, en général. 

M. Marcelin Lalande avait annoncé par lettre qu'il se pro- 
posait de poser au Congrès la question suivante : « L'homme 
peut-il avoir apparu sur la terre? » Les discussions auxquelles 
on s'est livré indiquent suffisamment que l'on ne peut dire encore 
avec certitude d'où vient l'homme. Sur cette origine, les ora- 
teurs paraissent en désaccord. A propos de l'atavisme, ils ont 
paru admettre un type primitif, mais d'où venait ce type? 
M. Lalande après quelques considérations embryogéniques et 
autres, conclut en disant que la vie matérielle est étemelle, 
et que l'homme n'a jamais commencé. 

M. GiRALDÈs fait observer que le professeur Virchow a in- 
troduit dans l'étude de l'anthropologie un facteur très-impor- 
tant dont on ne saurait désormais tenir trop de compte. En 
effet, ceux qui ont pu suivre les développements morbides 
auxquels un crâne peut être soumis, voient souvent des formes 
dites caractéristiques de races n'être que le résultat d'une 
synostose prématurée. M. Broca a longuenient parlé des mâ- 
choires inférieures, mais leur étude doit être forcément négli- 
gée. L'élément morbide atténue l'épaisseur des os, diminue le 
corps de la mâchoire, etc.; en somme M. Giraldès constate 
que dans les crânes ou dans les débris de crânes que l'on a 
exhumés des couches un peu anciennes on n'a pas cherché à 
noter les anomalies. 

M. G. Lagneau. a supposer que les Finnois, Fenniy Finniy 
SxpiÔtçivoi de Tacites Jornandès S etProcopeS aient ancienne- 
ment occupé des pays plus méridionaux que la Finlande, qui 

4. Peucinorum, Venedorumque, et Fennorum nationes Germanis an 
Sarmatis adscribam, dubito... Fennis mira feritas, f3e(Ja paupertas... 
(Tacite, de Moribus Germanorum, eh. xlvi). 

2. Sunt ex his exteriores Ostrogothae, Raumaricae, Raugnaricii, Finni 
mitissirai Scaniae cultoribus omnibus mitiores. (Jornandès, de Getarum 
sive Gothorum origine et rébus gestis, c. m, du texte et trad. de Nisard, 
1849). 

3. Tûv ^è i^oupivcov èv OouXy) ^apSapcov tv {xovov lOvs;, ot Sxptdt^tvoi tmxa* 
XoûvTai, ôtjpiw^Ti Tivà pioTTiv Ixoudiv. (Procope, de Bello Gothico, I. Il, § 45, 
t. II, p. 207 du Corpus scriptorum Historiœ, Byzantinœjed, deMehuhr, 
^ Les barbares habitant dans Thulé sont d'une seule race, ils s'appellent 
Scrithiônes, ils mènent la vie sauvage. 



- k2k - 

porte encore leur nom, et le Finnmark, où se trouvent actuel- 
lement relégués ces Skridfmnar, je ne pense pas. néanmoins, 
qu'on doive rapprocher des peuples touraniens, que M. Pruner- 
Bey nous dit lui-même avoir le crâne pyramidal et la face 
losangique, nos brachycéphales, au crâne plus ou moins glo- 
buleux, à la face arrondie de l'Europe occidentale. Si, dans 
nos pays, notre collègue reconnaît les descendants des anciens 
brachycéphales de l'âge du renne dans certains individus, au 
teint basané et aux cheveux noirs, présentant le type toura- 
nien, il faut alors distinguer complètement ces rares individus 
de la plupart de nos brachycéphales actuels. En effet, en 
France, aussi bien dans le département de la Creuse que dans 
la Lorraine, MM. les docteurs Vincent*, Godron^, et Ancelon^ 
s'accordent à reconnaître qu'une grande partie de notre popu- 
lation est encore actuellement caractérisée par un crâne plus 
ou moins brachycéphale, se rapprochant de la forme sphérique 
par un front bombé, un visage large et arrondi, des yeux et 
des cheveux de couleur foncée, le système pileux abondant, 
et une taille peu élevée : mais ces caractères diffèrent notable- 
ment de ceux attribués aux peuples touraniens et mongo- 
liques. 

Quant à l'influence que M. Schaaffhausen a cru incidem- 
ment pouvoir attribuer à la diversité des climats sur la taille 
plus ou moins élevée des différentes races humaines, elle me 
paraît inadmissii)le. Si la taille est généralement élevée chez les 
Scandinaves, qui habitent sous un climat relativement froid, 
elle l'est également chez les Touaregs etLinohaghs des déserts 
brûlants du Sahara, récemment visités par M. H. Duveyrier*. 
Si la taille est peu élevée chez les Lapons des régions hyper- 
boréennes de notre Europe, elle est aussi fort petite chez les 
Mincopies habitant, dans la mer des Indes, les îles Andaman, 
sous un climat tropical^. 

1. Études anthropologiques sur le département de la Creuse. Bulletin 
de la Société des sciences 7iatur elles et archéologiques de la Crème, 
t. IV, p. U et 20, Gueret 1865. 

2. Étude ethnologique sur les origines des populations lotraines, 
p. 18, 31, 33, etc. Nancy, 1862. 

3. Mémoire sur l'origine des populations lorraines y p. 20 et 22. 

4. Exploration du Sahara: les Touaregs du nord, p. 384 . Paris, 1864. 
ù. Bulletin de la Société d'anthropologie, t. III, p. 59. Rapport de 



- /»25 - 

M. RocHET regrette que le Congrès se sépare sans avoir 
essayé de résoudre bien des questions, sans avoir touché même 
à certains points d'anthropologie. Il aurait désiré que la figure 
de l'homme fût l'objet de quelques discussions. 11 constate que 
Ton va toujours à la poursuite du singe et qu'on songe d'au- 
tant moins à l'homme. 

Un Membre fait observer qu'il est fâcheux de laisser passer 
sans la discuter la fin du discours de M. Cari Vogt. 

Le Président répond que cette question n'a pas été posée 
dans le programme et qu'elle n'a été effleurée qu'incidem- 
ment. 

M. le D^ Halleguen réplique en disant que puisque le 
temps manque pour la discussion, la question devait être soi- 
gneusement écartée; il proteste contre la clôture du Congrès. 

Discours de clôture. 

Le Président prononce la clôture du Congrès en ces 
termes : 

Messieurs, nos travaux sont terminés; toutes les questions 
inscrites dans notre programme ont été abordées et discutées 
par les hommes les plus compétents. Si, sur plusieurs points, 
des solutions définitives ne sont pas encore acquises, vous 
avez du moins pu remarquer que des opinions très-divergentes 
se sont sensiblement rapprochées. C'est le résultat que l'on 
peut toujours attendre ^e débats contradictoires, les questions 
s'y posent mieux ; elles y sont envisagées à des points de vue 
plus divers ; des objections imprévues viennent souvent modi- 
fier nos impressions premières. Elles préviennent surtout ces 
entraînements inévitables de convictions puisées dans des 
études solitaires ou déduites d'observations non contrôlées. 

Nous pouvons maintenant constater que ce projet de réu- 
nions périodiques internationales si heureusement conçu à la 
Spezzia, si largement compris et inauguré à Neuchâtel, n'a pas 
été sans porter quelques fruits à Paris dans nos séances si va- 

M. Pihan-Dufeillay sur les îles Andaman, et t IV, p. 501 . Rapport de 
M. Broca sur les caractères physiques et psychiques des habitants des 
îles Andaman, par M. Richard Owen, etc. 



— 426 — 

riées d'intérêt. L'avepir sans nul doute nous réserve plus 
encore. 

Promettez-nous donc, messieurs, de rester constamment unis 
par le lien de confraternité qui s'est établi entre nous. Comme 
nos études et nos discussions se maintiendront nécessairement 
dans un horizon placé bien au-dessus des agitations politiques et 
des dissentiments possibles entre gouvernements, nous devons, 
dès à présent et quoi qu'il arrive, considérer notre Congrès 
comme essentiellement neutralisé. Il ne saurait, en effet, y 
avoir de frontières, pour ceux qui, comme nous, étudient 
l'histoire et les progrès de la grande famille humaine envisa- 
gée dans la solidarité la plus absolue. 

Aussi, messieurs, ce n'est pas adieu que je viens vous dire, 
mais simplement : au revoir ! et cela avec la ferme confiance 
que, soit Tannée prochaine en Angleterre, soit ailleurs, dans 
les années qui suivront, nos mains se rejoindront dans une 
étreinte aussi cordiale que celle que je vous offre maintenant à 
tous de cœur et d'intention ! 

(Applaudissements prolongés.) 

Les membres du Congrès se séparent à H heures trente 
minutes. 

Vun des Secrétaires adjoints. 
Emile Gartailhac^ 



427 



LISTE DES DONS FAITS AU CONGRÈS. 



Archœologiai Kozlemenyek. — Pesth, 4859, in -8", 246 pages, 
\t planches; 4864, in-8° avec atlas, grand in-4°; 4862-66, 44 fascicules, 
textes et planches, grand in-4°. — Offert par M. Florian Romer. 

Société des Amis de la Nature de Moscou, une grande pholographie 
représentant neuf instruments en pierre polie, de formes très-diverses. 

Société parisienne (Varchéologie et d'histoire. — Statuts et règle- 
ment intérieur. —Paris, 4866, in-S*», 40 pages. 

Bulletin de la Société parisienne d' archéologie et d'histoire, — 
Tome I", année 4865. — Paris, 4867, in-8*>, 448 pages, 42 figures. 

La Pensée Nouvelle, sciences, lettres, arts, histoire et philosophie, 
journal hebdomadaire. — Paris, 8 pages in-4°. Numéro du 25 août 4867, 
contenant le Discours d'ouverture de M. C, Vogt, distribué à tous les 
membres du Congrès. 

Revue des cours scientifiques de la France et de l'étranger, journal 
hebdomadaire. — Paris, in-4", 46 pages. Numéro du 24 août 4867, conte- 
nant l'Histoire des travaux; de la Société d'anthropologie de Paris 
depuis 1865, par Paul Broca, distribué à tous les membres du Congrès. 

BoGDANOw, Anatole. — Sur le peuple des tumulus du gouverne- 
ment de Moscou, publié en langue et caractères russes. — Moscou, 4867, 
in-4*>, 476 pages. 

Brun. — Quatre photographies de Bruniquel : 4 *> Vue de l'abri du roc 
dePlantade, côté occidental; V vue de Tabri du roc de Plantade, côté 



— 428 — • 

oriental ; 3» vue de l'abri du roc de Lafaye, côté oriental ; 4*» vue du châ- 
teau et du roc de Roland. 

Brun. — Trois photographies d'un crâne de Bruniquel représenté 
sous trois aspects différents (plusieurs exemplaires). 

Costa de Beauregard, comte. — Les Sépultures de Saint-Jean de 
Belleville. — Grenoble, 1867, in-fol., 16 pages, 8 planches. 

De Rossi, Michele-Step wo.—Rapporto sugli studi e sulle scoperle 
paleoetnologiche nel bacino delta Campagna Romana. — Rome, 4 867, 
in-8°, 72 pages, 1 planche in-fol. (extrait des Annali delV Instituto di cor- 
rispondenza archeologica), 

DusAN, Bruno, -t- Revue archéologique du midi de la France. — 
Toulouse, in-4^ l*' volume. Janvier 1866 à juillet 1867, 264 pages, 
planches et nombreuses figures. 

FoRESi, Rafpaelo. — Sopra una collezione composta di oggetti 
antistorici trovati nelle isole delV arcipelago Toscano e inviata alla 
mostra universale di Parigi.^ Florence, 1867, grand in-8°, 44 pages. 

FoRESi, Rafpaelo. — Photographies de onze pointes de flèche en silex 
provenant de l'île d'Elbe. 

Gaudry, âlrert. — Des lumières que la géologie peut jeter sur quel- 
ques points de l'histoire ancienne des Athéniens. — Paris, 1867, in-8", 
32 pages (Extrait des Animaux fossiles et géologie de VAttique), 

Gozzadini, Giovanni. — Di un sepolcreto etrusco scoperlo pressa 
Bologna. — Bologne, in- 4°, 1854, 51 pages, 8 planches. 

Gozzadini, Giovanni.— Intomo ad altre settantuna tombe del sepol- 
oreto etrusco scoperto presso Bologna, — Bologne, in-4<», 1856 , 
15 pages, 1 planche. 

Gozzadini, Giovanni. — Di un' antica necropoli a Marzabotto nel 
. Bo^o^nese. — Bologne, 1 volume grand in-4°, 1865, 98 pages, 19 planches. 

HÉRERT. — Des oscillations de l'écorce terrestre pendant les pé- 
riodes quaternaires et modernes. — Auxerre, 1866, in-8°, 31 pages, 
4 figures. 

HenrVv Joseph. — Photograph spécimen of ducient mailing, — 
Offert par M. Ferd. de Lasteyrie. 

IssEL, Ar.— Lithographie d'un fragment de maxillaire inférieur humain 



— i29 — 

trouvé à 3 mètres de profondeur dans la marne pliocène de Savone 
(Ligurie). Plusieurs exemplaires. 

IssEL, Ar. —Délie conchiglie raccolte nelle breccie e nelle caverne 
ossifere délia Liguria occidentale. — Turin, 1867, in-4°, 14 pages 
(extrait des Atti delV Accademia Reale délie scienze di Torino). 

Lagneau, Gustave.— Des Gaëls et des Celtes. —Paris, 1861, in-S», 
pages 237 à 249 (extrait des Mémoires de la Société d'anthropologie de 
Paris) . 

Leguay, Louis. — Note sur une sépulture à incinération découverte 
à la Varenne-Saint-Hilaire, — Paris, 1867, in-8°, 6 pages. 

Leguay, Louis. — Note sur une pierre à polir les silex, trouvée en 
septembre iSôOàla Varenne-Saint-Hilaire [Seine), au lieu dit laPierre- 
au-Prêtre, — Paris, 1 866, in-8<», 4 pages. 

Leguay, Louis. — Notice sur un cameillon ou cimetière de l'âge 
archéologique découvert à la Varenne-Saint-Hilaire en janvier 1860, — 
Paris, in-8°, 1866, 20 pages, 1 grande planche (extrait des Mémoires lus 
à la Sorbonne en 1 865 ) . 

Leguay, Louis. — Des sépultures de l'âge archéologique de la pierre, 
chez les Parisii. — Meaux. 1865, grand in-8°, 23 pages (extrait du Bul- 
letin de la Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine-et- 
Marne) . 

Leguay, Louis. — Note sur les silex taillés de l'âge archéologique 
de la pierre. — Sentis, 1864, 8 pages (extrait du Bulletin du Comité 
archéologique de Senlis). 

Leguay, Louis. — Fouilles de Vallée couverte d'Argenteuil. Rapport 
fait à la Commission topographique des Gaules [avril 1867). — Paris, 
1867, in-8°, 15 pages, 4 planches (extrait de la Revue archéologique). 

LuYNEs (duc de). — Notice sur des fouilles exécutées à la Butte- 
Ronde, près Dampierre (Seine-et-Oise). — Paris, 1867, in-4°, 23 pages, 
19 planches. 

Marion, k."¥.— Premières observations sur l'ancienneté de l'homme 
dans les Bouches-dU-Rhône. — Aix, 1867, in-8°, 20 pages, 1 planche 
Jn-4o (extrait du Congrès scientifique de France, session d' Aix) . 

MoRTiLLET (de) Gabriel. — Matériaux pour l'histoire primitive de 
l'homme. — 1864 à 1867, in-8o, 2 volumes et 6 numéros de la troisième 
année, nombreuses figures. 



— /|30 — 

MoRTiLLET (de) Gabriel. — Promenade pré historicité à l'Exposi- 
tion universelle. — Paris, 1867, in-8°, 488 pages, 62 figures. 

NicKLÈs, Napoléon. — Helvetus et ses environs [Ehl, près Benfeld], 
au v* siècle. — Strasbourg, petit in-4*>, 50 pages et \ carte (extrait du 
Bulletin de la Société des monuments historiques d'Alsace), 

NiGKLÈs, Napoléon. — Dos rômische Ehl, Hohenhurg u. Hohenge- 
roldseck, nebst den Sagen dieser Gegend, — Muihouse, 1866, in-8°, 
57 pages. 

NicoLUcci, G. — Sopra altre armi ed utensili in pietra dura rinve- 
nuti nelV Italia méridionale. — Naples, 1867, in-4°, 7 pages, 4 planche 
(extrait des Rendiconto deWAccademia reale délie scienze^di Napoli], 

Peigné-Delacourt. — Notice raisonnée sur deux instruments iné- 
dits de l'âge de la pierre^ un tranche-téte et une lancette. — Paris, 

1866, in-4% 16 pages, 13 figures. Nombreux exemplaires. 

Quatrefages (de) a. — Rapport sur les progrès de l'anthropologie. 
— Paris, grand in-8-, 570 pages. 

Robert. — Découverte d'une fonderie celtique de l'âge de bronze, 
dans le village de Lamaud, près de Lons-le-Saunier (Jura). — 4 867, 
in-8°, 24 pages. Plusieurs exemplaires. 

Rômer, Floris. — M'ùrégeszetikalauz Kûlônôs tekintettel magyar- 
orszâgra. — 1«' fascicule, Oskori mûrégészet. — Pesth, 1866, petit 
in-4°, 136 pages, 156 figures. 

Roujou, Anatole. — Recherches sur l'âge de la pierre quater- 
naire dans les environs de Paris, suivies de quelques ohservatiofis sur 
l'ancienneté de l'homme. — Paris, 1865, in-S", 46 pages. 

Sacken (von) Éd. Freib.— Das Grabfeld von Halls tatt in Oberôs- 
terreich und dessen Aller thûmèr. — Vienne, 1868, in-4°, 158 pages, 
26 planches. 

Sauvage, Ém. et Hamy, É.-T. — Étude sur lès terrains quater- 
naires du Boulonnais et sur les débris de Vindustrie humaine qu'ils 
renferment. — Paris, 1866, 64 pages. 

ScHAAFFHAusEN. — Bcricht ûbcr die neuesten Untemehmungen und 
Arbeilen aufdem Gebiete der anthropologischen Forschung,—- Cologne, 

1867, in-8°, 8 pages» 

Stbudel, Albert. — Ao^ice sur le phénomène erratique au nord du 



— /i31 — 

lac de Cmislance, — In-8*', pages 209 à 224, \ carte (extrait ^e^ Archives 
des sciences de la Bibliothèque universelle). 

Strobel, Pellegrino. — Paraderas preislorici in Patagonia. — 
Milan, 1867, in-S», 5 pages, i planche (extrait des AUi délia Sociela 
Ualia7ia di Scienze naturali). 

Thaurin, L-M, — Rapport de la commission d'archéologie nommée 
par le Congrès scientifique de France sur le Musée spécial des anti- 
quités de Rouenj avec introduction et notes finales,— Rouen, 1866, 
in-8o, 5 pages. 

Thaurin, J.-M. — Pétrifications antédiluviennes et fossiles dilur 
viens des carrières de Quatre-Mares^ de Sotteville et de Saint-Étienne, 
— Rouen, in-8«, 3 



Truttat, Eugène. —Étude sur la forme générale du crâne chez 
l'ours des cavernes. — Toulouse, in-8°, 18 pages, 1 grand tableau et 
deux grandes planches. 

WoRSAAE, J.-J.-A.— The antiquities of South Jutland or Sleswick, 

— In-8o, 3 fascicules, 46 et 9 pages, 24 figures. 

WïLiE, W.-M. ^- On the discovery of sepulchral remains at Veii 
and Preneste, hy padre Raffaele Gamccci. — Londres, 4867, in-4°, 
20 pages, i 2 planches et 4 figures dans le texte (extrait de VArchaeologia). 

— Offert par M. A. Franks. 



— 633 



TABLE DES MATIERES. 



INTRODUCTION. 

Acte de fondation du Congrès préhistorique international 1 

Règlement général 4 

Comité d'organisation pour la session de 4867 6 

Bureau définitif de la session de 1 867 8 

Programme détaillé du Congrès de 4867 9 

Liste des membres 43 

Résumé statistique ?5 

SÉANCE DU SAMEDI 17 AOUT. 

Président, A. de Longpérier; secrétaire, G. de Mortillbt. 

Discours d'ouverture : A. de Longpérier 27 

Délégations. . .* 29 

Don de M. Dollfus-Ausset ; 30 

Nomination du bureau et du conseil : A. de Longpérier, Peigné- 

Delacourt: 30 

Lecture du programme 34 

Observations sur le mot mégalithique : Schuernums, A. de Long- 
périer 34 

Objets préhistoriques de Portugal : Pereira da Costa, G. de Mor- 

tillet 34 

Débris humains de Portugal : Pereira da Costa, Pruner-Bey ... 33 

Tranche-tête en pierre : Peigné-Delacourt, G. de Mortillet 35 

Culte delà hache : A. de Longpérier. 37 

28 



— 434 - 

Allées couvertes des environs de Paris : A. Bertrand, Hébert, C. Vogt, 

de Limur, Peigné-Delacourt 40 

Utilisation des unies : G. de Mortillet 42 

Tumulus limites : A. Bertrand, de Limur, de Mortillet, A. de Long- 

périer 42 

Saint-Acheul : Hébert, Vilanova, Vogt, Gaudry. 43 

Proclamation du Bureau définitif 44 



DIMANCHE 18 AOUT. 
VISITE A L'EXPOSITION UNIVERSELLE. 

Galerie de l'histoire du travail : L. Lartet, secrétaire 45 

France : de Mortillet, A. de Longpérier 45 

Grande-Bretagne : Frank* 47 

Italie et Russie 47 

Danemark : Worsaae, V. Schmidt, de Quatrefages 48 

Espagne. . . . .' 49 

Suisse. 49 

Ouverture d'une momie égyptienne de la XXII« dynastie : Hamy, 

secrétaire; Broca, A. de Longpérier, Chabas 49 

LUNDI 19 AOUT. 

VISITE AU MUSÉUM. 

Galeries d'anthropologie : Hamy, secrétaire; Pruner-Bey, de Quatre- 
fages, A. de Longpérier. » 52 

Laboratoire de paléontologie : L. Lartet, secrétaire; A. Gaudry. . . 53 

SÉANCE DU LUNDI 19 AOUT. 

Président, A. de Loncpérier; secrétaii'e, Hamy. 

Discours d'installation du bureau : G. Vogt 55 

Première question : Géologie des temps préhistoriques 60 

La période quaternaire dans la province de Namur : E. Dupont. . . 61 
Discussion sur les animaux émigrés : G. Pouchet, G. de Mortillet, 
Hébert, Nilsson, A. de Longpérier, E. Dupont, C. Vogt, de Qua- 
trefages 64 

Étude sur des silex travaillés trouvés dans les dépôts tertiaires de 

Thenay : Bourgeois 67 

Résumé des recherches concernant l'ancienneté de l'homme en Ligu- 



— /i35 — 

rie : A , Issel 75 

Mammifères pléistocènes trouvés associés à l'homme dans la Grande- 
Bretagne : Boyd Dawkrns , 89 

Note sur la faune quaternaire en Provence : Marion 96 

Débris d'éléphants et d'industrie humaine dans les alluvions de la 

Louisiane : Desnoyers 98 

Instruments en pierre de la Californie : W. P. Biake 104 



SÉANCE DU ]VÏARDI 20 AOUT. 

Président, Ed. Lartet; secrétaire, Rhoné. 

Silex taillés associés à des ossements fossiles dans les terrains qua- 
ternaires des environs de Paris : Reboux 103 

Discussion sur les silex éclatés et taillés, et sur la faune quaternaire : 
Reboux, Roujou, Leguay, Wor?aae, de Mortillet, Ed. Lartet, 

Martin 106 

Paléoethnologie delà Campagne Romaine : E. de Rossi 109 

Silex taillés de Syrie ; de Vogué, Chabas, A. de Longpérier. ... 113 
Sur les découvertes relatives aux temps préhistoriques faites en ^ 
Palestine : L. Lartet, Ed. Lartet, A. de Longpérier, Worsaae, de 

Mortillet 115 

Priorité de l'homme dans la caverne de Bruniquel : de Lastic. ... 119 
Remarques sur les races aborigènes de l'Inde. — Sur les carrières de 
jade ou néphrite oriental dans KunlUn. — Limites inférieures des 
glaciers les plus bas dans la haute Asie : Schlagintweit-Sakun- 
lunski • 122 



MERCREDI 21 AOUT. 

VISITE AU MUSÉE DE SAINT-GERMAIN. 

Rapport : A. Rhoné, secrétaire ; Al. Bertrand, G. de Mortillet. . . 125 

SÉANCE DU MERCREDI 21 AOÛT. 

Président, Ed. Lartet; secrétaire, Hamy. 

Deuxième question : les Cavernes 132 

Aperçu général sur les cavernes : Ed. Lartet, Desnoyers 132 

Étude anatomique des os découverts dans une des grottes de la 

Buisse : Charvet Iâ5 

Discussion sur les cavernes, et la perforation de la fosse olécrâ- 



— /i36 — 

nienne : A. Maury, C. Vogt, de Mortillet, Broca, Hamy, Franks, 

de Lastic, Worsaae 143 

Notice sur les débris de renne trouvés avec des instruments, près de 
Schussenried : A. Steudel, Desor 147 



SÉANCE DU JEUDI 22 AOUT. 
Président, Worsaae; secrétaire, L. L art et. 

Perforation de la cavité olécrânienne : Hamy, Pruner-Bey 154 

Proposition concernant la taille du silex : Leguay 155 

Ossements humains de Colle del Vento : Issel, Pruner-Bey, Broca, 

C. Vogt • 156 

Atelier de silex de rVonne : Cotteau, Bouvet 158 

Anthropophagie dans les temps préhistoriques : Hamy, C. Vogt, 
Desor, Roujou, Bouvet, de Lastic, de Méhédin, A. de Longpérier, 
Broca, Worsaae, Clément 158 

VENDREDI 23 AOUT. 

VISITE AU MONUMENT MÉGALITHIQUE D'ARGENTEUIL. 

Rapport : A. Rhoné, secrétaire; Leguay t64 

SÉANCE DU VENDREDI 23 AOUT. 
Président, Ed. Lartet; secrétaire, A. Rhoné. 

Observations sur les entailles des ossements et sur le mode d'em- 
manchement des silex : Leguay 4 67 

Troisième question : Monuments mégalithiques 1 67 

Propositions générale? sur les monuments mégalithiques : Al. Ber- 
trand 4 68 

Monuments mégalithiques du Pérou: A. Maury, Squier. • . . . . i69 
Monuments mégalithiques de la Cçrrèze et du Cantal : Ph. Lalande. 169 
Monuments mégalithiques du Portugal : Pereira da Costa. .,. . 180 

Carte préhistorique de la Vienne : de Longuemar >I85 

Distribution des dolmens dans le département de TAveyron : E. Car- 

tailhac 185 

Discussion générale sur les dolmens : Worsaae, Henri Martin, de 
Mortillet, Daily, L. Lartet, Lagneau, A. de Longpérier, Desnbyers 
Bureau, C. Vogt, de Vibraye, Desor 192 



— /i37 — 

Notice sur un crâne trouvé dans un hypogée de l'âge de la pierre : 
Carro 203 

Note complémentaire de la discussion sur les dolmens : Henri Mar- 
tin 207 



SEANCE DU SAMEDI 24 AOUT. 

Président, C. Voct; secrétaire, L. Lartet. 

Questions adressées au Congrès : Dmitry Sontzoff 243 

Continuation de la discussion sur les monuments mégalithiques :* 
Desnoyers, A. de Longpérier, L. Lartet, Bouvet, Girard de Rialle, 
Franks, Leguay, Henri Martin, Desor, Umbrozo, Worsaae, A. Ber- 
trand, de Mortillet, de Cussé, de Quatrefages, Durand, Roujou, 
Noulet ^ 2U 

DIMANCHE 25 AOUT. 

EXCURSION A SAINT-ACHEUL. 

Rapport : A. Rhoné, secrétaire ; de Mortillet, de Mercey, L. Lartet. 223 

LUNDI 26 AOUT. 
VISITE AU MUSÉE D'ARTILLERIE. 

Rapport : A. Rhoné, secrétaire; Penguilly l'Haridon 227 

VISITE A L'EXPOSITION MEXICAINE. 

Rapport : Henri de Longpérier, secrétaire ; A. de Longpérier. . . . 230 

SÉANCE DU LUNDI 26 AOUT. 
Président, Ed. Lartet; s*^crétaîre, E. Cartailhac. 

Importance des études ethnographiques : de Quatrefages 237 

Quatrième question : Époque du bronze 238 

Age du bronze dans l'Europe occidentale et septentrionale : Hébert, 

Nilsson 238 

Discussion sur l'époque du bronze dans l'Europe occidentale : Desor, 

de Mortillet, Nilsson, de Quatrefages, G. Vogt, Leguay, Henri 



— Z|38 — 

Martin, A. de Longpérier, Franks. 244 

Chariots en bronze trouvés en Allemagne et en Suède : Virchow. . Soi 
Composition des bronzes anciens : Broca, A. de Longpérier, Desor, 

Franks, Vogf, Schaaffhausen 255 

SÉANCE DU MARDI 27 AOUT. 

Président, Ed. Lartet; secrétaire, Hamy. 

Richesse? préhistoriques des environs de Mons ; Houzeau de Lehaye. 258 

Pointé de flèche américaine : Nicklès, de Mortillet :259 

Stations des bords de la Saône et du Poncin : Arcelin, Sérulas. . . 259 
Exploration du PasdeGrigny : Campagne, A. de Longpérier, Desor, 

de Mortillet, Roujou, de Rougemont 263 

Habitations lacustres du lac du Bourget : Costa de Beau regard, 

Desor . 266 

Discussion sur le verre lacustre : Steudel, Vogt, de Mortillet, A. de 

Longpérier, Leguay, Roujou, Desor, César Daly 267 

Grotte de Saint-Jean d'Alcas : Cartailhac . 269 

Les poteries et les ossements de la grotte de Baume, Jura : E. Benoit, 

Ed. Lartet 269 

Théorie de Tépoque glaciaire : Desor, Ed. Lartet, A. de Longpérier, 

de Quatrefages, C. Vogt 273 

• MEUCUKDI 28 AOUT. 

VISITE 

DES COLLECTIONS DE LA SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE. 

Rapport : Hamy, secrétaire; Broca, Vogt, Pruner-Bey 280 

SÉANCE DU MERCREDI 28 AOUT. 
Président, W. A. Franks; secrétaire, H. de Longpéribr. 

Discussion sur les animaux mythologiques : Gaudry, Henri de Long- 
périer, A. de Longpérier 282 

Cinquième question : Époque du fer 286 

Discussion sur la première époque du fer ': de Mortillet, Franks, • 
Desor, C. Vogt, Henri Martin, A. de Longpérier, Costa de Beau* 
regard. Gaillard, Henri de Longpérier, V. Schmidt . 286 

Considérations sur les monnaies dans la haute antiquité : A. de 
Longpérier 305 



— 439 — 

Mammifères préhistoriques associés à l'homme dans la Grande-Bre- 
tagne : Boyd Dawkins. 308 

SEANCE DU JEUDI 20 AOUT. * 

Président, de Quatrrfages; secrétaire, HASfv. 

Désignations pour le Congrès de 1868 318 

Peuple des tumulus du gouvernement de Moscou : A. Bogdanow. . 318 

Atelier de fabrication de l'âge de la pierre polie à Alpreck: Sauvage. 319 
Aperçu sur les études des temps préhistoriques en Hongrie : F. Ro- 

mer 321 

Présentation de collections de silex : M™« de Cardenal, V. Châtel. . 336 

Instruments en pierre d'Espagne et d'Allemagne : Vilanova, de Lucae 337 

Os humains d'une sablière quaternaire de Grenelle : Emile Martin. 337 

Sixième question : Notions anthropologiques 345 

Discours sur l'ensemble de la question : Pruner-Bey 345 

Discussion de la question anthropologique : Ed. Larlet, G. Vogt, de 

Quatrefages 360 

VENDREDI 30 AOUT. 

EXCURSION 
AUX SABLIÈRES DE LEVALLOIS ET DE GKE^ELLE. 

Kapport : L. Lartet, secrétaire; Reboux, E. Marlin 364 

SÉANCE DU VENDREDI 30 AOUT. 

Président, Ed. Lautet; secrétaire, Gartailhac. 

Sixième question : suite 367 

Discours sur l'ensemble de la question : Broca 367 

Anciens crânes du nord-est de l'Allemagne, méthode pour juger 

leurs particularités : Virchow 402 

Forme primitive du crâne humain : Schaaffhausen 409 

Discussion anthropologique : Schaaffhausen, de Quatrefages, Daily, 
C. Vogt, Marcelin Lalande, Giraldès, Lagneau, Rochet, Ed. Lartet, 

Halleguen 416 

Discours de clôture : Ed. Larlet 425 

Liste des dons faits au Congrès 427 



• - 441 - 



TABLE ALPHABETIQUE 

DES AUTEURS. 



Arcelin : 259. 

Benoit (Emile) : 269. 

Bertrand (Alexandre) : 40, 42, 125, 

168, 219, 222. 
Blake (William p.) : 101. 
BoGDANow (Anatole): 318. 
Bourgeois (abbé) : 67. 
Bouvet (Francisque) : 158, 160, 215. 
Broca (Paul): 50, 51, 144, 157, 

160, 255, 280, 367. 
Brunet de presle : 42. 
Campagne : 263. 
Cardenal (M"'* de) : 336. 
Carro: 203. 
Cartailhac (Emile) : 185, 257, 269, 

426. 
Chabas: 51, 115, 443. 
Charvet, docteur : 1 35. 
Chatel (Victor) : 336. 
Clément, docteur: 162. 
Costa de Bkauregard (Josselin) : 

266, 298. 
Cotteau : 158. 
CussÉ (de): 220,221. 
Dally (E.): 197, 237, 419. 
Daly (César) : 268. 
Dawkins (W. Boyd) : 80, 308. 
Desnoyers (J.) : 98, 134, 200, 214, 

215. 
Desor (E.) : 152, 159, 202, 218, 



221, 244, 255, 264, 266, 268, 274, 
291, 301. 
DOLLFUS-AUSSET : 30. 

Dupont (Edouard) : 61, 66. 

Durand : 221. 

DuREAU: 201,202. 

Duruy: 230. 

Franks (Augustus W.) : 47, 147, 

216, 251, 256, 282, 289,296. 
Gaudry (Albert; : 43, 53, 282. 
GiRALDÈs : 423. 
Girard de Uialle : 215. 
GuiLLARD (Léon) : 304. 
Halleguen: 425. 
Hamy (E. t.): 51, 53, 102,146, 153, 

154, 159, 279, 281, 363. 
Hébert : 40, 42, 43, 64, 238. 
HouzEAu DE Lehaie : 258. 
IssEL (Arthur) : 75, 156, 157. 
Lagneau: 198, 423. 
Lalande (Marcelin) : 423. 
Lalande (Philibert): 169. 
Lartet (Edouard): 103, 108, 118, 

132,167, 237,258,273, 277,360, 

367, 425. 
Lartet (Louis) : 49, 54, 115, 163, 

198, 214, 222, 226, 366. 
Lastic (de): 119, 147, 160. 
Leguay (Lou#s) : 108, 109,155, 164, 

167, 217, 220, 221, 250. 268. 



M2 



LiMUR (de) : 42, 43. 

LoNGPÉRiER (Adrien de) : 27, 30, 

31, 37, 43, 47, 50, 53, 55, 65, 

115,118,460, 162,200, 214, 220, 

230, 250, 255, 256, 264, 267, 278, 

284, 285, 296, 305. 
LoxGPÉRiER (Henri de) : 236, 283, 

304, 317. i 

LoNGUEMAR (de) : 185. 
LucE (de) : 337. 
Marion (A. F.) : 96. 
Martin (Emile) : 109, 337, 3 66 . H 
Martin (HenriJ: 193, 198, 202, 207, 

217, 220, 250, 296, 301, 305. 
Maury (Alfred): 143, 169. 
MÉHÉpiN (de) : 160. 
Mercqy (Napoléon de) : 224. 
Mortillet (Gabriel de) : 31, 36, 

42, 4i, 44, 45,64, 108,119, 125, 

144, 196, 220, 223, 226, 247, 

259, 264, 267, 286, 296. 
NiGKL^s (Napoléon) : 259. 
NiLSSON : 65, 67, 238, 248. 
Noulkt : 222. 

Peigné-Delacourt : 30, 35, 37, 42. 
Penguilly l'Haridon: 227. 
Pereira da Costa : 31, 33, 180. 
Pouchet (Georges) : 64, 66. 
Pruner-Bey : 33, 34, 52, 154, 156, 

157,281, 345. 
Quatrefages (de) : 42, 48, 53, 66, 



221, 237, 248, 259, 278, 348, 36», 

417. 
Riîroux : 103, 108, .365. 
Rhoné (Arthur): 124, 131, 166, 

206, 226, 229. 
ïlocHET : 425. 
Romer (Florian) : 321. 
Los SI (Etienne de): 109. 
RouGEMONT (de) : 264. 
Roujou (Anatole): 107, 159, 221, 

264, 268. 
Sauvage (Emile) : 319. 
ScHAAFFUAUSEN : 256, 409, 416. 
Schlagintweit-Sakunlunski : 122. 
ScHMiDT (Valdemar) : 48, 305. 
Scuerman?: 31. 
SÉRULAS : 263. 
Soxtzoff (Dmitry): 213. 
Squier:169. 

Steudel (Albert) : 147, 267. 
Umbroso: 219. 
ViBRAYE (de) : 202- 
ViLANOYA : 43, 337. 
ViRCHOW : 251 , 402. 
VoGT (Cari) : 40, 42, 43, 55, 66, 67, 

144, 147, 157, 159, 201, 213, 

249, 256, 267, 268,278, 281, 296, 

303, 361, 419. 
Vogué (de) : 113. 
WoRSAAE : 33, 48, 108, 119, 147, 

154, 162, 19:», 198,201, 219, 222. 



U3 - 



ERR4TA. 



Page 68, à la légende des figures, au lieu de : 

9 Alluvion quaternaire avec silex polis et silex du type de Saint- 
Acheul. 

Lisez : 

9 Alluvions et quaternaire avec silex polis et silex du type de Saint- 
Acheul, 

Les silex polis et les silex du type de Saint-Acheul sont ici mêlés parce 
qu'il y a mélange des alluvions modernes et du quaternaire, qui ne 
forment qu'une seule et même couche peu épaisse. M. l'abbé Bourgeois 
u'a jamais placé de silex polis dans le quaternaire. 



Page 115. La communication de M. Chabasa été mal interprétée, l'au- 
teur la résume ainsi : 

M. Chabâs dit que l'usage des couteaux de pierre pour pratiquer 
l'ouverture de l'abdomen sur les corps soumis à l'embaumement est prouvé r 
parla circonstance que le Musée Égyptien de Leide possède deux couteaux \^ 
de cette espèce. Ils sont en silex ; leur forme est celle d'un couperet ; / ^i 
leurs dimensions sont assez considérables (25 centimètres de longueur sur l :^ 
5 1/2 centimètres de largeur). Ils sont taillés à éclats et ne portent nulle 
trace de polissage. 



Page 119 dans la communication de M. A. de Longpérier on a imprimé 
le roi Sargou au lieu du roi Sargon, roi d'Assyrie dont il est aussi ques- 
tion page 297. 



TARIS. — J. CLAYE, IMPRIMEUR, RUE S A INT-BKNOIT, 7. — [1702J 




3 2044 041 977 026 



This book is not to be 
taken from the Library 



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or